Fichier
Nom du fichier
1748, 04-05, 06, vol. 1-2
Taille
32.80 Mo
Format
Nombre de pages
881
Source
Lien vers la source
Année de téléchargement
Texte
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI,
AVRIL
2sh
1748.
UT SPARCAT
Repeller
S
MA
Chés
APARIS ,
ANDRE' CAILLEAU, rue Saint
Jacques , à'S. André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais ,
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Roi.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
ASTOR, LENOX AND
A.VI S.
TILDEN FODATIONDRES SE générale du Mercure eft
195Ja M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon, Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adxefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port ,pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages,
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deſſus
indiquée ; onfe conformera très- exactement à
leurs intentions,
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d Arnicount , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. Sois .
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROI.
AVRIL.
1748.
PIECES FUGITIVES,
en Vers & en Profe.
EXTRAIT D'UN MEMOIRE
de M. Puzos , Directeur de l'Académie
de Chirurgie , lû à la Séance publique de
- l'année 1747 , fur la Digeftion du Lait
aux enfans à la mammelle.
L
?
'Abondance du lait qui fe porte
aux mammelles des femmes quel-"
ques jours après qu'elles font accouchées
, les perfections qu'il y
acquiert, fes qualités prifes dans la quint
effence des alimens des meres , marquen
A ij
4 MERCURE DE FRANCE .
bien l'intention de la nature eft de
que
continuer aux enfans nouveaux nés le même
aliment dont ils vivoient avant leur
naiffance;que toute autre nourriture , moins
analogue à la délicateffe de leurs organes ,
peut leur être contraire, ou doit au moins
les élever plus difficilement .
Cependant il s'en faut bien que ce lait
de mere ou de nourrice, tout indiqué qu'il
eft par
la nature , tout préparé qu'il pa
roiffe pour nourrir l'enfant en l'état qu'il
eft , puiffe encore s'allier à la maffe des
liqueurs qui le font vivre & croître de moment
à autre ; il faut que ce lait fubiffe
dans l'enfant des changemens finguliers ,
il doit fe convertir en fromage ; ce fromafait
, doit être broyé , écrafé, détrempé
& remis en fufion pour la plus grande partie
, & c'eft de ce liquide fromageux que
fe tirent les fucs nourriciers dont vivent
les enfans à la mammelle.
ge
Ce lait effectivement contient des parties
qui feroient contraires aux fonctions
auxquelles elles paroiffent deſtinées , fi les
digeſtions ne trouvoient moyen de les
écarter pour les employer enfuite à d'autres
ufages . Ce font ces premieres digeftions
du lait qui nous font connoître que
quoiqu'il nous paroiffe doux , crêmeux ,
léger ; il contient des principes fufcepti- '
AVRIL.
17:48. 5:
bles d'un fi grand épaiffiffement & d'une
diffolution fi difficile , que le travail de la
digeftion eft autant occupé à les rejetter
comme inutiles , qu'à s'approprier ceux
qui lui conviennent.
Ce qui eft de fingulier c'eft que ce font
les parties du lait les plus fuaves , celles
qu'on prend avec plus de plaifir , c'eft la
pure crême que rejettent les premieres digeftions
, & qu'elles deftinent à former la
plus grande partie des excrémens .
Deux parties vont remplir le fujet de ce
Mémoire. L'Auteur , qui auroit bien voulu
les abreger , avoue fincérement qu'unes
matiere , auffi neuve & auffi intéreffante
auroit pû dans de meilleures mains compofer
un traité qui paroît manquer à la
Médecine pratique.
On verra dans la premiere partie la
tranfmiffion du lait des mammelles dans la
bouche de l'enfant , au moyen d'une méchanique
à laquelle fourniffent toutes les
parties de la bouche ;& qui toutes enfemble
compofent une espece de pompe afpirante-
& foulante, tant pour la fución du fait
pour fa déglutition ; on parlera de fes diverfes
préparations , des differences fenfibles .
qu'on remarque dans l'eftomach entre le
lait des mammelles fucé par le nourriffon ,,
& le lait étranger bû par des enfans privés.
que
A' iij
6 MERCURE DE FRANCE.
de leurs nourrices ; de l'eftomach où fe fait.
la premiere digeftion , l'Auteur paffe au
lieu où fe fait la feconde. , il en démontre
le méchanifme , en fuivant toujours la
comparaifon du lait naturel avec le lait
étranger.
La feconde partie traitera du réfidu des
digeftions laiteufes , nommé Faces nutritionis
ou excrémens ; l'Auteur prétend dédommager
le lecteur du dégoût de fon fujet
par une application utile aux maladies
des enfans , il en fait un abregé pathologique
, & il le met à la portée de tout le
monde.
11 eft furprenant , dit M. Puzos , que de
tant d'Auteurs qui ont écrit fur la nature
du lait , fur la façon de l'analifer , de le
décompofer & d'en tirer des fecours relatifs
aux maladies , pas un n'ait parlé de la
digeftion du lait , pas un n'ait remarqué
les differences du lait fucé au lait bû ,
qu'aucun d'eux n'ait diftingué dans la dé- '
compofition du lait les parties propres à
la nutrition & celles que la digeftion porte
au rebut .
Baricellus de lactis facultatibus & ufu.
PallierusMedicus Genev, de vera lactis genefi
&ufu.
Tractatus de laite Hyeronimi Acorambini ,
Medic. Patavi.
AVRIL. 1748. 1
Lattis Phyfica analifis Autore Nardio.
Les Livres de ces Sçavans ne difant
rien fur la digeftion du lait , j'ai paffé , dit
l'Auteur , aux modernes les plus en réputation.
Je n'ai pas plus gagné à parcourir
Verbeyen , Boerhave , Heifter , même fon
fçavant Commentateur M. Senac. Tous
apprennent à décomposer le lait
par differens
agens , à apprécier fes vertus , mais
rien de fa digeftion , de fes changemens
de forme , non plus que de la connoiffance
de fes excretions .
Trois parties . conftituent la matiere du
lait , la crême , le fromage & le ferum
ou petit lait.
On fçait que ces trois parties ne fe diftinguent
qu'après leur défunion , qu'elles
fe defuniffent par le chaud, par le froid ou
par le mêlange de quelque acide .
L'expérience faite par le goût fur la
douceur du fromage trouvé dans l'eftomach
à la fuite du lait fucé , fait juger que
le chaud & le repos feuls ont produit fa
coagulation.
Les grumeaux moins liés, moins blancs &
fentans un peu l'aigre , produits par le lait
étranger bu , prouvent que quelque acide
a eu part à leur formation : delà on doit
conclure que le lait des meres ou des nourrices
doit avoir des qualités bien fupé-
A iiij
& MERCURE DE FRANCE.
rieures au lait de quelque animal que cefoit
, fur-tout quand ce dernier fera pris
après avoir été refroidi , gardé & prefque
décompofé.
Le lait tiré des mammelles par fúcion
reçoit dans la bouche de l'enfant une préparation
très -favorable à la premiere digeftion
qui doit le faire dans l'eftomach: il
y eft coupé par une abondante falive que-
Faction de la pompe afpirante & foulante
fait couler de toutes les parties de la bouche
, il eft rendu plus fluide , & il trouve
dans ce liquide auxiliaire un fecours contre
les aigres au moment de fa coagulation .
Au contraire du lait d'animal étranger .
qui fouvent eft déja déſuni par fon repos
& par l'impreffion de l'air , avant que d'être
pris ; qui avalé plus rapidement & plus
abondament à chaque deglutition , n'a pasi
le tems de fe couper dans la bouche par
la falive , & qui privé de ce fecours eft
plus expofé à fe grumeler & à s'aigrir dans
la premiere digeftion .
Difference effentielle pour leur fuccès
dans la nutrition.
•
Quelques minutes après que le lair fucé
eft parvenu dans l'eftomach de quelque
animal que ce foit , il devient trouble ,
il fe tourne , fans s'aigrir , & il prend la
confiſtance d'une crême épaiffie fur le feu;
AVRIL. 1748.
d'une eſpèce de crême veloutée à laquelle
il reffemble ; il prend la forme de fromage ,,
dont la blancheur , la faveur , & la folidité
, reſſemblent affés bien aux qualités .
qu'ont nos bons fromages à la crême.-
Le lait étranger bû & dépofé comme:
l'autre dans l'eftomach , fe convertit en
grumeaux , d'un blanc fale, tirans un peu fur
l'aigre & reffemblans à des alimens mâchés
Cette difference n'eft point imaginaire :
l'ouverture de nombre de petits chiens .
ou chats , les uns nourris par leur mere ,.
les autres élevés avec du lait de vaches , a
fourni.des preuves inconteftables à l'Au
teur fur la difference de ces deux dige
ftions : Il a même pouffé plus loin leurs
comparaiſon : il a tiré de l'eftomach de ces
petits animaux le produit de l'une & l'au
tte digeftion , il les a gardés dans differentes
foucoupes qu'il a expofées à l'air pendant
deux jours le fromage crêmeux du lait
facé s'eft durci , deffeché , & a compofe
une espéce de fromage de griers les gru
meaux du lait étranger bû, font reftés mol--
laffes , un peu aigres , & d'une odeur def
agréable..
Quand l'auteur n'auroit pas prouvé par
fes expériences le changement du lait en
fromage dans l'eftomach de tout animal
qni tette & qui ne vit que du lait de fa .
A.VI
10 MERCURE DE FRANCE.
"
mere ; les fufées de lait que les enfans re
jettent tout grumelé dans leur meilleure
fanté , font connoître la néceffité de la coagulation
du lait dans la premiere digeftion ;
c'eft effectivement par le moyen de cette
coagulation que l'eftomach & les inteſtins
grêles font le choix & la féparation de ce
qui convient pour nourrir l'enfant , & de
ce qui doit être rejetté d'une maffe qui
contient le bon & le mauvais , l'utile & le
fuperflu.
On a fi mauvaife opinion dans certains
Pays du lait étranger pour la nourriture
des enfans , dit M. Pazos , qu'on lui préfere
une eau blanche faite avec la mic de
pain de froment imbibée d'eau tiede , preffée
& paflée à travers la chauffe ou le lin
ge fin : ou bien on compofe cette nourriture
avec le ris , l'orge où le froment battu ,
bouilli dans une eau de veau ou de poulet,
qu'on paffe de même. Cette façon de nourir
les enfans privés du lait de mere , eft
la plus convenable à leur délicateffe . On
multiplie cette nourriture tant qu'on veut ,
on a de quoi fatisfaire à leurs befoins , elle
coute peu de travail à l'eftomach , & on
eft à l'abri des principes vicieux qui peuvent
fe rencontrer dans les nourrices , de
Faltération du lait par la groffeffe , de fa
diminution ou de fon trop d'épaiffiffement
à mefure qu'il veillit.
AVRIL. 1748. II
La pâte laiteule plus ou moins parfaite ,
felon la diverfité des laits dont on nourrit
les enfans , eft pouffée de l'eftomach dans
le premier des inteftins grêles. Quoique ce
foit une même fuite de parties , la pâte fromageufe
y acquiert encore quelques qualités
: le calibre de l'inteftin , plus étroit
que celui de l'eftomach & plus exactement
rempli , la preffe , la pétrit & mêle plus
intimement fes differentes parties.
A un pouce ou deux de chemin dans ce
premier cilindre mouvant , la pâte change
un peu fa couleur , fansperdre fes qualités
fuaves ; un confluent formé par les fucs
biliaires & pancréatiques vient la détremper
; on fçait que ce font deux petits courans
, dont les fources éloignées l'une de
l'autre cherchent à s'unir ; qu'elles y parviennent
, qu'elles fe confondent dans le
même lit & qu'elles entrent enfemble dans
Finteftin * . La pâte , après ce mêlange , un
peu citronée , n'en eft pas moins douce
pour deux raifons , lapremiere parce qu'étant
en bien plus grande quantité que
n'eft la bile , elle en adoucit l'amertume ou
la lui fait perdre tout-à-fait . Secondement
l'Auteur a remarqué que dans les animaux
qui ne vivent que de lait , la bile eft plus
Verheyen tabula undecima.
A vj
12 MERCURE DE FRANCE
verte que jaune & qu'elle n'a prefque pas:
d'amertume.
La feconde digeftion du lait devenu
fromage ou pâte crêmo fromageule , com-.
mence au confluent biliaire & pancréatique
, & finit au cacum premier des gros .
inteftins ; ce qui fe tire de chile par delà
eft en trop petite quantité pour le comprendre
dans cette digeftion. Le travail,
de cette opération chileufe eft l'ouvrage.
des inteftins grêles ; c'eft aux trous dont
ils font cribles , & à leur mouvement pé
riftaltique qu'eft dûë la parfaite élabora❤.
tion de la matiere , la féparation des fucs ,
nourriciers d'avec les excremens , & l'in
troduction de ces fucs dans des bouches ,
analogues à leur affinement..
Trois opérations exécutent l'oeuvre de
la chilification , la malaxation , l'élixation.
& la filtration ..
La.malaxation retourne , divife & fair;
marcher la maffe fromageufe par le moyen,
des fibres longitudinales des inteftins.
L'élixation la preffe , l'exprime & fépare
les parties les plus fluides de celles,
qu'elle ne peut mettre en fufion , c'eſt le:
travail des fibres circulaires..
La filtration conduit dans les bouches
affamées, des veines, lactées le liquide :
gréparépar les deux premieres opérations ,,
AVRIL. 1749% 13
mais des trois parties dont le lait eft compofé
, il n'y a que le fromage détrempé.
par le petit lait ou ferum , qui puiffe for
mer un chile auffi leger & auffi affiné que
celui qui doit nourrir l'enfant , la crême .
n'y eft prefque pour rien. On fçait qu'elle :
ne gagne pas à être battue , preffée & ma-.
laxée du côté de la divifibilité , qu'elle.
devient au contraire plus compacte , plus
butireufe , qu'elle gliffe par deffus les embouchures
des veines lactées , & que ſe,
trouvant abandonnée des fucs nourriciers
qui s'en féparent à chaque inftant , elle
n'eft plus bonne qu'à former le corps des
excremens.
La certitude qu'on a du peu d'utilité de
la crême du lait pour nourrir l'enfant , du
tort qu'elle fait à la partie du lait dont il
doit vivre, quand elle y eft en trop grande,
abondance , détermine l'Auteur à préférer.
les nouveaux laits à ceux qui font déja
vieux , pour commencer la nourriture des
enfans nouveaux nés, parce qu'ils font plus
clairs & plus proportionnés à la délicateffe.
des organes qu'ils doivent parcourir.
Plus la pâre fromageufe ou chileufe
marche du côté des gros inteftins, plus elle
jaunit. Le cours perpetué de la bile & la;
diminution de la partie fromageufe , à chaque
pas qu'elle fait produit un jaune plus
14 MERCURE DE FRANCE.
foncé , cependant on y diftingue toujours
quelques molecules fromageufes qui ont
échapé à la chilification.
Ces molecules blanchâtres , confonduesavec
les parties butireufes , jaunies par la
bile qui domine alors fur la matiere , compofent
enſemble la maffe des excremens
qui reffemble beaucoup à des oeufs broüillés.
Ce font ces petits grumeaux fromageux
échapés à l'exactitude de la digeftion ,
que les nourrices appellent germes de dents.
C'eft à ces germes qu'elles attribuent toures
les maladies qui furviennent aux enfans
dans le cours de leur dentification .
Pour n'être point abufé par des propos
de nourrices & de gouvernantes , auffi
faux qu'ils font à craindre pour ces petites
victimes , on prie le lecteur de fe reffouvenir
que M. Puzos dans un Mémoire
qu'il lût il y a deux ans dans la féance publique
de l'Académie de Chirurgie , fit
voir que les vingt premieres dents des enfans
étoient germées dès qu'ils venoient
au monde , & que plus de douze de ces
dents étoient déja offifiées à leur naiffance.
Il en donna la preuve par un nombre
confidérable de dents qu'il apporta , &
qu'il avoit nouvellement tirées des alveoles
d'enfans morts en venant au monde .
L'Auteur outre cela défire encore que les
AVRIL. 1749. 15
gens destinés à prendre foin des enfans
ayent une connoiffance exacte des excremens
qu'ils rendent . Il prétend que les
maladies qui leur arrivent dans le cours de
leur nourriture influent beaucoup fur les
excremens , en changeant leur couleur , leur
confiftence , leur odeur & leur plus ou
moins de folidité ; que c'eft une étude fi
néceffaire qu'on peut par fon moyen démêler
les maux qui affectent les enfans
& qu'ils ne défignent que par des cris , des
infomnies & des tourmens dont on ignore
les cauſes ; c'eft ce qui va faire la feconde
partie de ce Mémoire & la plus inftructive
pour le fujet dont il eft queſtion .
Seconde Partie.
Les excremens que rendent les enfans à
la mammelle dans leur meilleure fanté ſont
d'un affés beau jaune , d'une confiſtence
d'oeufs brouillés , & d'une odeur qui n'a
rien de défagreable.
Ces déjections fe font trois ou quatre
fois en vingt- quatre heures dans le général
; car il y a des enfans , & ce font ceux
qui ne vivent que du lait de leurs nourrices
& quifont réglés dans leurs petits repas,
qui ne vont qu'une fois en vingt quatre
heures , & qui font des matieres auffi dures
que s'ils vivoient d'alimens folides .
16. MERCURE DE FRANCE
L'Auteur attribue la fréquence des felles
, & le peu de folidité des excremens
que les enfans rendent , même dans la meilleure
fanté , a des efpéces d'indigeſtions.
caufées par le fuplément d'une abondante.-
bouillie qu'on mêle au lait des nourrices ,
& qui devient un corps d'aliment trop .
lourd pour des eftomachs , qui repugnent
même au trop de lait , puifque fouvent ils
le rejettent en fufées , de plus la voracité.
avec laquelle les enfans tettent , le retour
trop fréquent à cette nourriture , leurs ca
prices & leurs cris qu'on ne peut appaiſeri
que par le téton , peuvent encore cauferen
eux de, foibles indigeftions qui les me
nent à la fréquence des felles . Si par exem
ple dans le tems que lè lait commence à fetourner
& à fe grumeler dans l'eftomach ,
il en arrive du nouveau qui trouble le tra
vail de la digeftion , que le dernier venu
liquéfie le précédent , ou qu'il retarde.fa
coagulation , que la quantité de l'un & de
Fautre en précipite la fortie , la maffe
moins travaillée & moins folide paffe plus
vîte , elle donne moins de fucs nourriciers
chemin faifant , & fournit plus d'excre❤.
mens , enfin l'eftomach trop fouvent rem→
pli & trop tôt vuidé , marque, fes . befoins
par les cris de l'enfant ; on le fait tetter fun
nouveau frais , on expofe fes digeftions
·
7
AVRIL 1748. 17
aux mêmes inconvéniens , les enfans auroient
enfin des indigeftions perpétuelles
fi la nature attentive à leur fanté ne procuroit
de tems en tems des heures de fommeil
, qui remettent l'ordre dans les digeſ
tions en reculant les befoins de tetter , &
qui donnent au lait avalé le tems de recevoir
toutes les préparations.
La fanté des enfans nouveaux nés ne
paroît pas fouffrir d'un changement qui
furvient tout à coup dans la couleur naturelle
de leurs excremens ; ce changement
récidive fouvent jufqu'à ce qu'ils ayent attrapé
le troifiéme mois.
Des restes de meconium , dont les parois
des inteftins font pendant long-tems englués
, rendent les excremens d'un verd
foncé , fi des tranchées font fermentes
avec le lait ces reftes de maconium à mefure
qu'il s'en détache , mais ce changement
de jaune en verd palle fi vite , que
fouvent du foir au matin on voit naître la
mauvaiſe couleur & revenir la bonne..
: Ces excremens verds qui font fréquens
aux enfans nouveaux nés , dont les caufes
font naturelles & dont le rétabliſſement
n'exige d'autre foin que le repos & l'ufago
de l'huile , furviennent encore aux enfans
plus avancés en âge , foit par indigeftion ,
Loit dans les tems où les dents groffies &
"
18 MERCURE DE FRANCE.
allongées écartent avec quelque efpéce de
violence leurs alvéoles , ou cherchent à
entâmer la gencive qui les recouvre ; l'une
& l'autre de ces caufes excitent des douleurs
fur les nerfs , les digeftions en font troublées
, la fiévre & la mauvaiſe humeur de
l'enfant s'en mêlent , les excremens verdiffent
; un pareil étar demande des foins
& quelques remédes . Comme il y a lieu de
foupçonner quelque acide développé agiffant
fur la matiere des digeftions & fur les
parties qui la travaillent , il faut chercher
à affoiblir cet acide en le noyant , pour
ainfi dire , par une large boiffon & en
émouffant fes petits aiguillons par des remédes
onctueux .
*
Dans ces cas M. Puzos commence par
établir un regime , par lequel il fait dininuer
la fucion du lait des trois quarts ; il
fubftitue à ce retranchement des liquides
difficiles à s'aigrir , comme l'eau de ris ,
l'eau de poulet , émulfionnée , une eau
blanchie avec les yeux d'écreviffes & le
riş battu , un peu d'eau de rhubarbe par
cullierée ; il lave les inteftins avec des lavemens
de fon & de graine de lin , & il
ne fait tetter l'enfant que pour foulager la
nourrice & pour empêcher le grumellement
de fon lait , parce qu'il prétend qu'un
enfant malade a plus befoin d'être temperé
que nourri.
& lavé
AVRIL . 1748. 19
par
Ces maladies caufe d'indigeftion
ou du travail des dents , faifant prefque
toujours verdir les excremens , ont engagé
l'Auteur à chercher fi fon préjugé
fur la caufe de ce changement de couleur
répondoit à ce qui fe paffoit réellement
dans l'enfant, & fi fes moyens convenoient
pour ramener les excremens à leur couleur
naturelle .
Pour parvenir à cette découverte il a
pratiqué des effais d'opérations chymiques
fur le lait de vache non écremé , & converti
en fromage par un acide quelconque
; il en a fait autant fur le fromage
écremé , nommé fromage à la pie.
Il a mis des portions de ces differens
fromages dans des terrines multipliées ; il
a fait broyer fur les cendres chaudes chacune
de ces portions , en les imbibant
d'un tiers ou environ de fiel de veau ;
chacune d'elles eft devenue jaune dans
la trituration , & d'une confiſtence affés
pareille à celle des excremens des enfans.
Il a fait ajouter à la portion de l'une des
terrines de l'efprit de nitre qu'on a malaxé
& trituré exactement ; la matiere eft reftée
jaune comme elle étoit avant le mêlange
de l'efprit de nitre.
;
On a mis du fel de tartre à la matiere
20 MERCURE DE FRANCE.
d'une autre terrine , la couleur jaune n'a
point changé.
Des fels alkalis fixes mêlés de même à
d'autres portions ont rendu le jaune un
peu plus foncé.
Enfin l'efprit de vitriol & l'efprit de fél
ajoutés & mêlés à de pareilles portions
ont produit le parfait changement de
jaune en verd , mais plus verd foncé par
l'efprit de fel , & plus fenfiblement marqué
fur le fromage crémeux que fur le fromage
à la pie ou écremé.
pas Ces expériences qu'il ne donne
pour infaillibles; ni faites par un Chymifte
de profeffion , l'ont cependant perfuade
que ce devoit être un acide plus ou moins
fort , qui agiffoit fur les premieres ou fur
les dernieres digeftions , lorfque les excremensparoiffent
verds ; qu'on étoit autorisé
à le combattre par des contraires , ou à l'af
foiblir peu à peu par des délayans largement
pris.
Les moyens contraires font les alkalis
terreux , ceux qu'on tire des animaux &
ceux que fourniffent les calcinations . Les
délayans font les huiles , les boiffons d'eau
de veau , de poulet , de ris , l'eau de rhu
barbe , les lavemens & autres. Ces excre
mens verds que j'ai dit ci- devant être les
moins orageux , & les moins à redouter
AVRIL. 1748. 28
de ceux que rendent les enfans dans leurs
maladies ,font aux gens faits d'une trèsmauvaiſe
efpece & fufpectes de danger , &
ils font prefque toujours des fignes mortels
dans les maladies des femmes nouvellement
accouchées.
Paffons à de plus mauvais excremens
que les verds dans les enfans , ce font des
matieres grifes , argilleufes , d'une odeur
aigre ; ils marquent que la bile ne coule
pas ; fi on examine ces petits malades on
leur voit le vifage d'un pâle citroné ; le
ventre eft gros & dur , il y a boufiffure en
quelques parties , ils boivent volontiers ,
ils ont le poulx lent & foible, que fi malgré
ces accidens les urines marchent , il y
a lieu d'efperer que les amers apéritifs, des
purgatifs doux , des délayans, peu d'ufage
du lait , des petites eaux de forge rétabliront
les dérangemens dans les digeftions
& dans les excrétions; que fi les urines font
rares l'état du malade approche du danger
& menace d'hydropyfie.
Quand ces excremens grisâtres s'échappent
en devoyement clair & fréquent ,
que l'altération de l'enfant & fes befoins
voraces marquent que le lait paffe fans
s'arrêter , que la fiévre lente , la boufiffure,
la maigreur & la rareté des urines donnent
tout lieu de craindre , l'Auteur
22 MERCURE DE FRANCE.
foupçonnant un vice dans l'eftomach , eftime
qu'on doit le corriger par l'ufage de
quelques grains d'hypequequana , fans
priver abfolument l'enfant de fon tetton ,
mais qu'il faut couper le lait qu'il fuce
avec les petites eaux de forge , l'eau de ris,
de poulet, émulfionnée avec le ris , le froment
ou l'orge perlée ; on peut y joindre
quelques poudres abforbantes & le fyrop
de quinquina , ou bien les bouillons antifcorbutiques
, ou le fyrop du même nom ;
on a très-fouvent vû les antifcorbutiques
réuffir dans des maladies croniques , dans
des maladies vermineufes & dans l'appauvriffement
du fang par la longueur de
la maladie fans aucuns fignes de fcorbut
à l'extérieur.
De plus mauvais excrémens que ceux
dont on vient de parler font des grumeaux
bruns , reffemblans à des pommes cuites
écrasées , renfermans une partie des remedes
ou des alimens non digerés , d'une
odeur cadavéreufe & fi corrofifs , que les
taches qu'ils font aux linges ne s'effacent
pas
à la lefcive & brûlent les endroits tachés
; elles font ordinairement les fignes &
les effets d'une maladie cronique , comme
de nouage' , du maraſme , du ſcorbut ; quoique
ces excremens menacent d'une mort
prochaine ou éloignée , il ne faut pas abAVRIL.
1748. 23
folument défefperer de la vie des enfans
au point de les abandonner. La nature a
des reffources pour des tempéramens naiffans
, qu'elle refufe à ceux qui ont fubi
tous leurs progrès.
On voit encore rendre à des enfans au
retton ou fevrés , des matieres noires comme
du marc de caffé ; fi c'eft à la fuite d'une
grande exténuation , d'un dévoyement
de longue durée , il y a lieu de croire qu'u
ne ulcération dans les boyaux fournit des
portions de fang qui noirciffent les excrémens
; dans ces deux derniers cas on aura
recours au vomiffement , qui fait une évacuation
plus facile aux enfans qu'aux gens
formés on fufpendra l'afage du lait
pour faire vivre le malade de crême de
ris , de lentilles étendues dans du bouillon
& donné en trés - petite quantité par
chaque fois ; les boiffons légerement ferrugineufes
, coupées avec un peu d'eau de
pavot , les lavemens de lait , de bouillon
& de graine de lin , pourront produire de
bons effets ; que fi l'on voit les chofes
tourner du bon côté , on tentera le lait
d'aneffe coupé d'abord & en petite quantité
; on l'augmentera felon le fuccès , &
on fera enforte d'y affujettir le malade
pour toute nourriture . Pour conclufion
4 MERCURE DE FRANCE.
M. Puzos affûre qu'il ne faut jamais déſet
pérer des enfans , fi mal qu'ils foient , &
que comme la nature en enleve preſque
fubitement dans la meilleure ſanté par de
convulfions , elle nous en rend fur lefquel
nous ne comptions plus.
**
SUR LA MORT D'UN AMI ,
ELEGIE.
P Leurez,pleurez mes yeux & fondez-vous en
larmes ;
J'éprouve enfin les maux qui caufoient mes allarmes.
Eclatez mes foupirs , & faites déformais
Retentir en tous lieux mes funebres regrets.
La mort, cette, cruelle , à qui tout rend hommage,
A moiffonné Daphnis à la fleur de fon âge ;
Cercher ami n'eft plus , & cet affreux malheur
Me met au défeſpoir , m'accable de douleur ,
Je l'avois bien prévû cet accident funefte ,
Mais je comptois encor ſur la bonté célefte ,
J'efperois que par elle un falutaire effort
Déroberoit Daphnis aux fureurs de lå mort ;
Qu'en faveur des vertus de cet homme admirable
Qui
TIONS
A VRIL. 174 . 2 *
Qui fouffroit fans fe plaindre un mal inſupportable,
Et que touchés des voeux offerts pour ſa fanté ,
Les Cieux remedieroient à fon infirmité
Mais le fort a voulu que la Parque inhumaine ,
En tranchant fes beaux jours , mit le comble à má
peine ,
Et que mon ame apprit par cet évenement
An'avoir fur la terre aucun attachement,
Mais quel furcroît de pleurs , lorfque je me rap
pelle
Les derniers fentimens de cet ami fidéle !
Daphnis s'appercevant qu'un fort injurieux
Va fermer pour jamais & fa bouche & ſes yeux ,
Met fa main dans la mienne & tendrement s'écrie ;
C'en eft fait , cher Armand , je vais perdre la vie ,
Mais j'ofe t'affûrer que la févére loi
Qui peut tout fur mes jours, ne peut rien fur ma foi.
Que mon nom foit toujours gravé dans ta mé→
moire !
Le tien après ma mort paffera l'onde noire ,
Et de nos tendres noeuds le fouvenir charmant
Fera tout mon plaifir & mon contentement.
Touché de ce difcours fi rempli de tendreffe ,
Ma raifon m'abandonne & je tombe en foibleffe.
Si je reprends mes lens , c'eft pour crier , gémir,
Et par des coups fanglans effayer de mourir.
Ah ! plus j'y penfe encore & plus je me défole ;
B
26 MERCURE DE FRANCE.
1
Tout aigrit ma trifteffe & rien ne me confole.
Non , le tems qui s'enfuit , cet heureux médecin .
Qui fçait nous délivrer du plus cuifant chagrin ,
Lui de qui tant de gens ont fenti le remede ,
Ne peut jamais guérir le mal qui me poffede.
J'ai beau pour m'en diftraire écouter la raiſon ,
Tous les confeils pour moi ne font plus de faifon. "
Enfin mon deüil me plaît , & je trouve des charmes
A pouffer des foupirs , à répandre des larmes .
Mais , jufte Ciel , que dis - je ! & quelle eft mon
erreur !
Dois- je exprimer ainfi la plus vive douleur ?
Ah ! craignons d'offenfer la majeſté ſuprême.
Il eſtpeu de chemin du murmure au blafphême.
Se plaindre par excès eſt un cruel abus ;
Ceffons , il en eft tems , des regrets fuperflus.
Si les Cieux ne mêloient nos jours d'inquiétude ,
Du bonheur de ce monde une douce habitude
Seroit fouvent pour nous un préfent dangereux.
Nous oublirions bientôt qu'un deftin plus heureux
Qui rendra l'ame un jour parfaitement contente
Doit être en ce bas lieu l'objet de notre attente.
Ainfi puifque les Cieux permettent nos malheurs,
Pourquoi s'en affliger jufqu'à verfer des pleurs
Il eft de la fageffe & de notre prudence
D'opposer à leurs coups une humble obéiffance ,
De refpecter en tout- leurs fouverains decrets ,
L
AVRIL. 27. 1748 .
Et nous rendre par- là de fidéles fujets.
Que fert de me livrer à d'éternelles plaintes
Daphnis ne m'entend plus ; fes cendres font
éteintes.
"
Affranchi des dangers d'un monde féducteur ,
Débaraffé d'un corps fujet à la douleur ,
Il goûte les plaifirs du célefte héritage ,
Et ce fidéle ami , fi prudent & fi fage
Qui fans doute pour moi défire un pareil fort ,
Me défend de le plaindre & de pleurer fa mort.
Par M. Cottereau , Curé de Donnemarie.
DISCOURS HISTORIQUE
fur l'origine des Huns & des Turks , adreffé
& M. Tanevot, par M. Deguignes.
E fuis
reffenti , Monfieur
, de
Fintime
amitié qui vous lioir avec feu
M. Fourmont
l'aîné , & du vifintérêt
que
vous preniez
au progrès des études que je
faifois fous un fi grand Maître , pour ne
pas vous faire part d'un morceau
de Litté
rature que vous avez eu fur tout en confidération
, & qui vous a d'autant plus flaté,
qu'il tient davantage
aux connoiffances
particulieres
que j'ai reçûes de votre illuf
B ij
28 MERCURE DE FRANCE.
tre ami fur la Langue Chinoife , que vous
m'exhortez plus que perfonne à cultiver ,
perfuadé comme vous l'êtes & avec raiſon ,
qu'on peut tirer de la lecture des livres
Chinois de grandes lumieres fur l'origine ,
les migrations & les révolutions des peuples
qui ont le plus figuré dans la haute
Afie & même en Europe. Trouvez donc
bon , M. que je vous adreffe fur ces recherches
un effai qui pourra être fuivi de
plufieurs autres , fi je m'apperçois que le
public veüille bien fe prêter à ces décou
vertes.
Parmi les differens peuples qui porterent
le dernier coup à l'Empire Romain
& qui contribuerent le plus à fa ruine
les Huns ne lui firent pas moins de mal
que les Goths & les Vandales qui les
avoient précédés. Cette Nation cruelle
& féroce qui jufqu'au régne de l'Empereur
Valens avoit été renfermée dans des Montagnes
inacceffibles , abandonna ſes déſerts
& les rochers , traverfa les Palus Meotides
& fe repandit dans les Terres dont les
Goths étoient alors en poffeffion. Ceuxci
autrefois redoutables dans toute l'Europc
, à la vûë de cette Nation étrangere &
inconnue , demeurerent quelque tems fans
avoir la force de prendre les armes pour
Le défendre.Envain fe rappellerent-ils dans
AVRIL. 1748. 29
la mémoire leurs anciens exploits , afin de
s'animer d'avantage à combattre des ennemis
qui leur paroiffoient fi terribles ; leurs
efforts réunis furent inutiles. A demi vaincus
par l'effroyable figure des Huns , ils ne
s'oppoferent que foiblement à leur paffage
, les Huns après avoir remporté für eux
une Victoire confidérable penetrerent à
leur gré dans l'Empire Romain , ravage-.
rent tout ce qui fe rencontra fur leur route
, brûlerent les Villes & maffacrerent les
habitans. Les Romains même furent contraints
de leur payer un tribut. Tout cédoit
à la puiffance des Huns , mais la difcorde
vint les défunir & leur fit perdre le fruit
de toutes leurs conquêtes. Ils furent défaits
à leur tour , & les Goths rétablis de nouveau
dans leur Pays , qui tomba peu de
tems après fous la domination des Lombards
. Sous le régne de Juftin les Huns s'en
emparerent une feconde fois , & après
avoir continué pendant quelque tems leurs
brigandages , après avoir gagné plufieurs
batailles , en avoir perdu plufieurs , ils furent
enfin obligés de repaifer dans la Pannonie,
où confondus avec d'autres peuples
ils ont fixé pour toujours leurs demeures.
Tel eft le peuple que j'entreprends de
faire connoîtredans ce difcours.Nous ignorons
l'origine & l'antiquité de ces Huns ,
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
& de quel pays ils font fortis . Les Ecrivains
du bas Empire qui en ont fouvent fait mention
, ne nous ont rapporté que des fables
aufquelles nous ne pouvons ajouter foi.
Ici avec le fecours des Hiftoriens Orientaux
& furtout des Chinois , je ferai voir que
ces Huns étoient une Nation confidérable
dans la grande Tartarie , que leur domination
y précédoit l'époque du Chriftianifme
de plus de 200 ans, je rapporterai ce
qui a occafionné leur irruption dans l'Europe
, & je donnerai l'origine des Turks
qui avec ces Huns ne font qu'une même
Nation .
J'ai eu foin de retrancher de ce diſcours
toutes les difcuffions qui pourroient être
ennuyeufes , foit par leur longueur , foit
par le grand nombre de paffages que je
ferois
obligé de rapporter , & qui m'ont
fervi de confirmation à ce que j'avance .
Je renvoye ces détails à des mémoires par
ticuliers , ici je me contente d'expofer fim
plement & hiftoriquement l'origine de ces
Huns.
Quelques Hiftoriens latins ( a ) les tirent
du fond de la Scandinavie. Ils rapportent
que lorfque les Goths vinrent s'établir aux
Palus Mootides, leur Roi , nomméPhilimer,
chaffa certaines femmes adonnées à la ma
< * (a) Jornandes , Ammien , S. Jerôme , Procope.
AVRIL. 1748 .
&
gie, qui fe trouvoient alors parmi eux ,
les contraignit à fe tetirer dans les déferts
de la Scythie . Ces femmes eurent commerce
avec des Efprits impurs & mirent au
monde des enfans , qui font à ce que l'on
prétend les Ancêtres des Huns. Dans la
fuite ces nouveaux peuples s'approcherent
des Frontieres des Goths & fe camperent
aux environs des Palus Mootides où ils
s'adonnoient à la chaffe. Quelques-uns
d'entr'eux , fuivant le récit de ces Hiftoriens
, rencontrerent un jour une Biche
& la pourfuivirent avec tant d'opiniâtre
té, que cet animal contraint pour les éviter
de fe jetter à la Mer , parvint juſqu'à l'extrémité
oppofée . Les Chaffeurs, non moins
hardis , ne s'arrêterent point au rivage , ils
fe jetterent à la nage & pafferent ainfi des
Marais , que jufqu'alors ils avoient regar.
dés comme impraticables. De retour vers
leur nation ils ne manquerent pas de ra
conter leur avanture & l'engagèrent à s'y
tranfporter. Elle fe mit donc en marche
pour paffer, & paffa effectivement.
C'eft ainfi que l'on rapporte l'origine
des Huns . D'autres Hiftoriens les font ve
nir du fond de la Scythie. ( a ) Les Chinois
beaucoup plus à portée de connoître la-
-- ( a) Ven hien tun xao . Kam mo . Ye tum chỉ
Van fan tur pau. Soui xu.
Bij
32 MERCURE DE FRANCE.
Tartarie , nous apprennent qu'aux environs
du grand défert de la Chine entre la
Corée à l'Orient & le Pays des Getes à
l'Occident , habitoit autrefois la Nation
dont je recherche ici l'origine. Ils lui donnent
deux noms différens Hiongnou & Tonkious
c'est-à- dire, Huns &Turks, le premier
eft celui qu'ils portoient dès avant le Chriftianifme
, & le fecond celui qu'un reſte
de ces Huns rétablis dans la Tartarie a porté
dans la fuite .
Ces Huns ou Turks ( a) habitoient fous
des tentes pofées fur des chariots , & leg
conduifoient dans les endroits où les pâturages
étoient plus abondans , à cauſe de leurs
troupeaux qui leur fourniffoient de quoi
vivre & s'habiller. Ils avoient beaucoup
de mépris pour les vieillards & n'eftimoient
que les jeunes gens , comme plus propres
à la guerre, leur unique occupation . Leurs
richeffes confiftoient en troupeaux , maist
fur tour dans le grand nombre d'efclaves
pris en guerre. Les crânes de leurs ennemis
leur fervoient comme de vafes à boire
dans les grandes cérémonies. Tous les ans
ils fe rendoient au Camp impérial & fa.
crifioient à leurs Ancêtres , au Ciel , à la
Terre & aux Efprits. De plus , tous les
matins l'Empereur adoroit le Soleil le-
( a ) Ye tum chi. Ven hien tum tạo
AVRIL 1748. 33
vant & le foir la Lune. La gauche chés
ces peuples , de même qu'aujourd'hui.
chés les Turks de Conftantinople , étoit le
côté honorable , & dans tous leurs campemens
la tente de l'Empereur étoit toujours
de ce côté & en face du Nord .
"
mes ,
A la mort de leur Empereur leur coûtume
étoit de le mettre dans un cerceuil
avec fes plus beaux habits , après quoi accompagné
de toute fa famille , de les femde
fes enfans , de fes officiers , ils
le tranfportoient au lieu defa fépulture. Là
pendant un mois ils le fervoient de la même
façon que quand il étoit vivant , les braves
faifoient entre eux des joutes, & fe battoient
, comme autrefois nos Chevaliers
dans nos tournois.
Ainfi vivoient les Huns dans les premiers
tems , c'eſt à-dire fous leurs Tanjou
ou Empereurs. (a) Ces moeurs ont changé
dans la fuite. Lorfqu'ils ont été rétablis
dans le Turkeftan , ils ont introduit une
coûtume affez finguliere & même barbare
à l'égard de leurs Rois. D'abord que leur
grand K'han étoit mort , fon fils ou fon plus
proche parent, qui devoit lui fuccéder étoit
déclaré Empereur , & pour connoître d'avance
fi fon régne feroit heureux & long
on lui paffoit au col un cordon de foye ,
(a) Suixu . Ta xu . Ven hien tum sao.
BY
34 MERCURE DE FRANCE.
& on le ferroit jufqu'à lui faire perdre la
refpiration , enfuite on le relâchoir , & les
premiers mots qu'il prononçoit dans font
étourdiffement étoient comme les préfages
de ce qui devoit arriver fous fon régne .
Ces Huns (a) dans le Turkeftan y font
de toute antiquité. Dans la fuite des tems
il paroît que plufieurs Chinois fe font auffr
tranfportés dans cette partie de la Tartarie .
Après la deftruction de la Dynaſtie de Hia ,
un Prince de certe famille , fils du dernier
Empereur , s'y retira avec tout fon monde ,
& fuivant le témoignage des ( 6 ) Hiftoriens
Chinois & Perfans les Empereurs ou Tanjou
des Huns font fes defcendans . Dibba-
Kawi dont il eft fait mention dans Mirkhond
n'eft autre que l'Empereur Yu Fondateur
de la Dynaftie Chinoiſe nommé
Hia , & un de fes defcendans appellé Ogouz
khan eft le premier Empereur des Huns.
(c) Dans toute la Tartarie cer Ogouzkhan
of Maotun Tanjou eft regardé comme le
Fondateur de l'Empire des Huns. Il eut dé
grandes guerres à foutenir contre les Chinois.
Sa poftérité régna long - tems fur
tous les Huns, portant le titre de Tanjou ,
abregé d'un autre mot qui fignifie dans la
(a) Ven hien tum kao . Kam mo.
(6) Beidawi. Mirxhond .
( c) Kam mo. Ven hien tum rao . Han xu
3On
Ard
ne
*Son
ama
4K
AVRIL : 1745. 35
Langue de ces peuples Fils du Ciel. Souvent
ces Huns ont été en guerre avec les Chinois,
malgré les traités de paix & les alliances
qu'ils ont contractées avec eux .
Sous un de ces Empereurs (a ) nommé
Pounou Tanjou , l'Empire des Huns commença
à s'affoiblir confidérablement . Une
grande famine qui fe fit fentir chés ces peuples
fut comme l'annonce de plufieurs autres
malheurs. On craignoit que les Chinois ne
profitaffent de ces fâcheufes circonftances
pour entrer dans le pays , & achever de
détruire par les armes ce que la famine.
avoit épargné. Ces Huns autrefois fi fiers
s'humilierent alors & demanderent la paix .
Les Chinois ne la leur refuferent pas , inais
ils n'en furent pas plus tranquilles. La foibleffe
où les Huns fe trouvoient , leur fit
naître des ennemis de toutes parts; des Tartares
Orientaux les vinrent attaquer & les
contraignirent à fe retirer plus avant dans
le Nord, mais ce qui acheva de détruire cet
Empire qui avoit fouvent fait trembler la
Chine , fut la diffenfion qui fe mit dans
⚫la Famille Royale . Pounou Tanjou fit périr
un frere qu'il avoit & qui devoit être
fon Succeffeur , afin de mettre fur le Thrône
fon propre fils. Delà la fource de tous
fes malheurs & la ruine totale des Huns
(4) Kam mo. Ven hien tum zao.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
en Tartarie. Un Prince de la même famil
le qui étoit fils d'Empereur , voyant que
Pounou Tanjou avoit tué fon frere , cruc
que le Throne devoit lui appartenir. If
s'en fallut peu que fes prétentions ne lui
fiffent perdre la vie , mais averti à tems
il trouva le moyen de s'échapper des mains
de Pounou Tanjou & fe mit à la tête d'un
certain nombre de Hordes ou Tribus qui le
déclarerent Empereur . Il régna fur lesHuns
du Midi , pendant que Pounou Tanjou régnoit
fur ceux du Nord. C'eft de cette
divifion dont il eft fait mention dans les
Hiftoriens Perfans Mikhond & Beidawi.
Ils ont donné aux uns le nom de Mogols
& aux autres celui de Tatárs ou comme
nous le prononçons Tartares.
Après ce démembrement (a) les Huns Septentrionaux
trouverent les Chinois moins
difpofés qu'auparavant à les fecourir dans
leurs calamités. Ceux du Midi s'y oppofoient
continuellement. Après plufieurs
inftances ils obtinrent enfin la paix . Ils
fongerent alors à porter la guerre dans le
Maouarennahar ou Tranfoxiane. Victo- *
rieux dans ce pais ils crurent l'être dans
la Chine. N'ayant aucun égard pour la foi
des traités, ils y vinrent faire des incurfions,
mais ils y rencontrerent les Huns du midi
(4) Han xu. Kam mo. Ven hien tum kao….
AVRIL. 1748 .
qui les repoufferent vivement. Après plu
fieurs batailles , les Chinois, toujours aidés
& encouragés par ces derniers, prirent la réfolution
de détruire entierement les Huns
du Nord , ce qui fut exécuté par le Général
Teouhien qui fous le régne de Hiao Hoti
Empereur de la Dynaftie des Han à la Chine
défit les Huns Septentrionaux dans la
Tartarie . Pour tranfmettre à la postérité
l'Hiftoire de cet événement il fit graver
fur un Montagne du Turkeftan une inf
cription qui indiquoit le tems dans lequel
il étoit arrivé.
Les Hiftoriens Perfans ( a) attribuent certe
défaite des Huns ou Turks à Tour, fils de
Pheridoua. Mais il eft aifé de voir qu'ils
me font tombés dans cette erreur qu'à
cauſe de la reffemblance des noms de Teor
& de Tour. D'ailleurs entêtés de leurs anciens
Héros , ils ont faift cette occafion
pour en relever la gloire.
De ces Huns ( b ) ainfi vaincus quelqu'uns
refterent en Tartarie & fe mêlerent
avec des peuples que l'on avoit fair
venir des extrémités de l'Orient pour repeupler
leur pays. D'autres, qui font le plus
grand nombre s'avancerent, de plus en plus
vers l'Occident au Nord de Samarcand ,
(a ) Mirxhond. Dherbelot.
(6) Ven hien tum xao . Kam mo.
38. MERCURE DE FRANCE.
& vinrent, fuivant les Hiftoriens Chinois,,
an deffus de la Mer Cafpienne & aux environs
d'Aftracan. Ici les Chinois les per
dent de vûe , mais par nos Hiftoriens nous
apprenons que delà ils fe font approchés.
vers les Palus Mootides , & qu'enfuite ils
ont paffé dans l'Europe , où après avoir
tenté la fortune en plufieurs endroits , ils
fe font fixés en Pannonie.
Les Huns (a ) du Midi qui étoient reftés
dans leur ancien pays , y ont confervé leur
puiffance jufqu'à ce qu'une Horde de Tar
tares Orientaux, nommés Jouigen, les fub
jugua entierement & s'empara de prefque
toute la Tartarie. Le titre que leurs Rois
portoient étoit celui de Khan ou Khacan
qui fut fubftitué à la place de Tanjou . Les
Huns Meridionaux , chaffés à leur tour, vinrent
établir dans la Chine feptentrionale,
plufieurs petites Principautés qui furent,
détruites les unes après les autres. Une
d'entre elles , dont les Princes deſcendoient
des Empereurs des Huns , fut défaite
par
Tai-vou-ti Empereur de la Chine Septentrionale.
( b ) Toute cette famille & les
Huns avec elle fe retirerent dans une montagne
de Tartarie nommé Erkené Kom ,
là plus connu alors fous le nom de Turks,
(a) Heu han xu. Kam mo. Cin xu . U tai xu. )
(6) Kam mosSui xu. Beidawi . Mirxhond. Tam xu.
AVRIL 1748.
3.9.
•
ils étoient occupés , fuivant les Hiftoriens,
Chinois & Mahométans à travailler aux
forges pour le fervice des K'hans des Tartares
Jouigen dont je viens de parler . Ils
fubfifterent ainfi pendant quelque tems ,
c'est-à-dire jufqu'à ce que des peuples Oc+
cidentaux vinrent attaquer les Jonigen.
Toumuen chef de ces Turks dans la
Erkené-kom marcha contre les
montagne
ennemis & les défit. Après cette expédition
Toumuen fe crut en droit de demander au
Khacan ou Empereur de Jouigen fa fille
en mariage. On la lui refufa avec hauteur ,
en difant qu'il ne convenoit pas qu'un efclave
afpirât à la fille de fon Souverain.
(a) Toumuen irrité d'une femblable réponfe
fe révolta contre , fon Prince , il tua
l'envoyé des Jouigen & fit alliance avec
Venti Empereur de la Chine Septentrionale.
L'année fuivante il marcha contre les
Jouigen , les battit & tua leur Khan, après
quoi il prit lui-même ce titre & fe fit nommer
Toumuen Ilkhan. (b) Ainfi fut établi
un Puiffant Empire dans la Tartarie ,
que l'on appella alors l'Empire des Turks
Pour conferver la mémoire de l'origine de
cette famille , on avoit coûtume de s'af
fembler tous les ans & de battre avec beau
(a) Kam mo.
( b ) Sui xu . Tam zu . Ven hien tum ba
40 MERCURE DE FRANCE.
coup de cérémonie un fer chaud. (4) Cette
coûtume s'eft obfervée jufqu'à Genghizkhan
qui defcendoit de ce Toumuen , &
c'eft pour cela que quelques- uns de nos
Hiftoriens mal inftruits ont avancé que ce
Prince étoit fils d'un forgeron .
Les Jouigen ( 6 ) chaffés de leur pays par
les Turks ont paffé fuivant toutes les apparences
en Europe , où ils ont été connus
fous le nom de faux Avares ou Abares.
Ils fe font mêlés avec les Huns du Nord
qui y étoient depuis long-tems , & ces
deux peuples réunis ont formé la Nation
des Hongrois , c'est-à- dire les Huns- ikoréens
, ce dernier nom eft celui que les
Jouigen portoient en Tartarie . ·
Ce que je viens de rapporter de l'origine
des feconds Huns ou Turks dans le
Turkeftan eft le récit fidéle des Hiftoriens
Chinois. Mais ils ne fe font point
contentés d'une origine qui ne tenoit pas
du prodige . On a voulu du merveilleux .
(c) On a avancé avec confiance & on a
cru de même qu'un peuple Scythe avoit
été entierement défait par fes ennemis , de
maniere qu'il n'avoit échappé du carnage
qu'un feul enfant , auquel encore on avoit
(a) Hift. de Genghiz .
(b) Kam mo . Nicephore.
(c) Ven hien tum kao.
AVRIL: 1748.
coupé les bras & les jambes & que l'on'
avoit jetté enfuite au milieu d'un Lac.
Ici paroît une fable femblable à celle que'
les Romains ont débité au fujet de Romulus.
On prétend qu'une Louve fut touchée
des malheurs de cet enfant , qu'elle
le retira du danger & qu'elle lui procura
de quoi vivre. La fuite de la fable ne nous
permet pas de douter que par cette Louve
on n'ait voulu défigner une femme qui portoit
ce nom. L'enfant par reconnoiffance
époufa cette femme & elle devint groffe .
L'un & l'autre fe retirerent dans des Montagnes
fituées au Nord- oueft du pays des
Igours , & là elle mitan monde dix enfans
dont les defcendans prirent le nom d'Affe
na. Ce que je vais rapporter de Toumuenil-
khan fondateur de l'Empire Turk fervira
d'explication à cette fable.
Ce Prince appellé Toumana (a) par les
Ecrivains Perfans étoit fils de Bifficar fils
de Kaidou defcendant de Bouzengir fils
de la Reine Alancawa. Cette Reine des
Mogols ou Turks dans les Montagnes de
Tartarie & avant le rétabliſſement de leur
Empire étoit restée veuve avec deux enfans.
Les Mahometans & les Chinois racontent
(a) Hift . général. des Tatars. Mirkhond . Hift.
de Genghizxhan. Hift. des Mongous . Yuen xu
Kam mo.
42 MERCURE DE FRANCE.
"
qu'elle prit le gouvernement de fon petit.
Etat pendant la minorité de fes fils , &
qu'elle refufa conftainment de fe remarier .
Elle ne laiffa pas cependant d'être mere
de trois autres enfans , dont un fut nommé
Bouzengir. Le petit fils de le dernier appellé
Dutumin , de neuf enfans qu'il eut , huit
périrent dans une occafion , & c'eſt certai- ·
nement ce maffacre que l'on a en vûë dans
la fable que je viens d'expofer. Mais il eſt
évident qu'au lieu d'en faire un maſſacre
général , il le faut reftreindre à la feule
Famille Royale . Celui qui s'échappa eft
Kaidou pere de Bifficar , & d'un autre
nommé Hurmalancum , dont les enfans por
toient le nom de Loups & de Louves ,' &
d'où tire fon origine la Horde des Turks
Zenas ou Affenas , comme prononcent les
Chinois .
Delà a pris naiffance la fable que j'ai
rapportée ci- deffus.Elle n'eft appuyée, com
me on le voit , que fur ce que ces Princes
& apparemment leur mere étoient appelés
Loups & Louve. Tout le refte n'eſt
qu'un ornement. Mais il faut remarquer
ici que cette Hiftoire ne regarde pas tant
la Nation des Turks en général que la Hor
de des Zenas.
Toumuen- il -kan defcendant de Bouzen
gir fils d'Alancawa après avoir foumis les
AVRIL. 1748.
443
Jouigen , attaqua & défit plufieurs autres
peuples de Tartarie. Ses enfans imitans
fon exemple fe firent un Empire qui s'é
tendoit depuis la mer Cafpienne jufqu'à la
Corée. Cet immenfe terrein ne put refter
long- tems fous la domination d'un ſeul
Khan . Ces Turks ( a) ſe diviſerent en deux
branches , & alors un Khan régna fur les
Turks Orientaux & un autre fur ceux de
l'Occident . L'Empire de ces derniers s'étendoit
jufqu'au Sihon . (b) Ils te rendirent
plus d'une fois redoutables aux Rois de
Perfe ; Hormouzd fils de Kofrou Anoufchirouan
eut des guerres confidérables
avec ces Turks Occidentaux. (c) D'autres
Turks de la Horde de Hoeike s'emparerent
enfuite de leur pays & fonderent
un nouvel Empire en détruifant celui des
Tuks Occidentaux . De ces Turks Hoeike
font fortis , comme je le penfe , quatre
Dynafties fameufes qui ont régné dans
l'empire des Mufulmans .
La premiere (d) eft celle des Seljoukides
de l'Iran dont la domination s'éten
doit depuis Antioche jufqu'au Turkeftan .
Togrulbegh , que nos Hiſtoriens appellent
(a) Tam xu . Kam mo.
(b) Ferdoufi.
( c ) Ven hien tum xao . Kam mo.
(d) Aboulfaraj. El- Maxin. Cotbeddinelhane .
44 MERCURE DE FRANCE.
Tangrolipix, qui en eft le premier Sulthan ,
étoit fils de Mengeli , fils de Seljouk fils
de Decak. Il demeuroit dans le Maouarennahar
, & avoit fous lui un grand nom
bre de Turks , lorfque Mahmoud fils de
Sebeghteghin lui donna le titre de Sulthan .
On conte quatorze Princes qui ont régné
fucceffivement ; ils ont commencé l'an de
J. C. 1038. & ont été détruits par Tacafch
Sulthan de Kharizme qui tua Roeneddincaffem-
togtul le dernier Sulthan de cette
famille l'an 1193 .
La feconde Dynaftie régnoit dans le
Kerman & quelques autres Provinces de
Perfe voifines des Indes. On l'appelloit la
Dynaftie des Cadherdiens ou Seljoukides
du Kerman. Elle a été fondée l'an de J.
C. 1041 par Cadherd fils de Giafar Begh ,
& détroite en la perfonne de Mohammed
fchah l'an 1187 par Malek Dinar.
Les Seljoukides de Roum ou de l'Afie
Mineure forment la troifiéme branche .
Leur Cour étoit à Iconium ; 14 Princes
dont Soliman , fils de Coutoulmiſch eft
le premier , ont régné depuis l'an de J. C.
1087 jufqu'en 1300 , que les Mogols les
dépouillerent de leurs Etats.
Une quatriéme branche des Seljoukides ,
mais peu confidérable , s'étoit auffi établie
à Alep & à Damas , elle finit l'an 117.
AVRIL, 1748 .
45
Pour revenir aux Turks (a) qui habitoient
dans le fond du Turkeftan la branche des
Turks Orientaux fur détruite par des peuples
nommés Khitans , qui firoient leur
origine de la Tartarie Orientale , & lorfque
les Tartares de Niuche (b) qui font
fes Altounkhans des Ecrivains Mahométans
, & que nous appellons aujourd'hui
Mancheous , eurent détruit l'Empire des
Khitans & qu'ils les eurent chaffés , quelques-
uns pafferent en Perfe , où ils établi
tent une Dynaftie , connue des Mahome.
tans fous le nom de Cara-Khatayens.
A l'égard des Turks ils ne poffedoient
plus que de petites Principautés, & chaque
Horde avoit fon Khan particulier . (c) Les
Keraïtes , une de ces Hordes Turques dans
le XII fiécle de J.C. étoient gouvernés par
un Prince nommé Toulikan , autrement dit
Onk-Kan , (d) que les Ecrivains Arabes
nomment le Roi Jean , & nos Voyageurs le
Prêtre Jean.
La Poftérité de Toumuen Ilkan fe diffipoit
infenfiblement & étoit fur le point
d'être éteinte , ou au moins de n'avoir plus
d'Empire confiderable dans la Tartario ,
(a ) Sum xu . Kam mo . Ven hien tum xao ,
(b) Aboulfaraj , Beidawi,
( ) Yuen xu.
(d) Aboulfaraj
46 MERCURE DE FRANCE.
lorfque le fameux (a ) Gengizkhan parut.
Il étoit fils de Yefoucai Bahadour qui defcendoit
de Toumuen. Il étoit le Chef &
le Souverain de plufieurs Hordes Mogoles
. Sa mere, qui fe nommoit Olon- Ayké,
le mit au monde au bord du fleuve Huonan.
Par des victoires continuelles il rédui
fit fous fa puiffance les Khans Tartares les
voifins & plufieurs Sulthans Mufulmans.
Ses enfans, héritiers de fes vertus & de fon
courage , acheverent de fubjuguer le refte
de l'Afie , & l'on vi: OctaiKan , Gaïouk-
Kan & Mangou Kan fes fucceffeurs , maîtres
de l'Empire le plus étenduqu'il y eût eu
jufqu'alors. Après la mort de ce dernier ,
les Princes de cette famille s'emparerent
des pays dont ils n'étoient que les Gouver
neurs , & le grand Khan ne fe réſerva
que
la Tartarie & la Chine. Cublai- Khan , fre -
re de Mangoukan (b) & fon fucceffeur ,
eft le premier de la branche qui régna à la
Chine . Sa postérité s'y maintint pendant
93 ans (c) jufqu'à ce que Hong Vou, Chef
d'une nouvelle Dynaftie Chinoife , en eur
chaffé Tocatmour Kan. Le fils de ce der
(a) Beidawi. Mirxhond. Aboulfaraj . Yuen xu.
Kam mo. Yerumchi. Hiftoire de Genghis . Hift.
des Mongous. D'Herbelot,
(b ) Yuen xu
( c) Tum xien che κiat.
AVRIL. 1748. 47
sier , nommé Bifourdar Kan , repaffa en
Tattarie & au -delà du grand Defert , où il
établit une nouvelle Dynaftie , ou plutôt
il continua la branche Mogole , pendant
qu'une autre branche qui deſcendoit
d'Houla-Kou- Khan regnoit dans la Perſe. ·
Toufchi Khan (a) & Zagatai Khan tous
tous deux fils de Genghiskan , avoient eu
en partage , l'un les vaftes plaines du Capfchaq
& le pays des Getes, où une longué
fuite de Princes non interrompuë eft ré
duite maintenant à la feule Crimée. L'au
tre poffeda le Maouarennahar & les pays
eirconvoisins. Ses defcendans y ont resté
jufqu'au tems que Tamerlan ( 6) s'empara
de leurs pays & les détruifit. Uzbek- Khan
defcendant de Touschi- Khan , le reprit enfuite
& y établit l'Empire des Khans
Ufbeks.
Dans ( c) les premieres années de Genghiskan
& lorfqu'il eut défait le Sulthan de
Kharifme, nommé Gelaleddin Mankberni ,
einquante mille familles de Turks qui
avoient à leur tête un Khan , appellé Soli
man Schah , qui fe difoit defcendre de la
C (a) Hift, des Genghis. Aboulfarai.
(b) Scherfeddin Ahmed ben Arabfchah.
(c) Aboulfarai. Mohammed el Neffawi. Cotbeddin
el Hanefi . Nifchandgi Tarikhi . Rabbi
Zacout.
43 MERCURE DE FRANCE.
famille Ogouzienne , c'est-à-dire du premier
Empereur des Huns , quitterent le
pays de Mahan , proche Balkh , dans le
Maouarennahar , pafferent dans le Khorafan
, où ils refterent quelque tems . Obligés
de reculer , ils s'approcherent davantage
des bords de l'Euphrate , dans le deffein
de pénétrer dans l'Afie Mineure .
Soliman- Schah fe noya en voulant paffer
le fleuve. Il avoit avec lui fes quatre
enfans ; les deux premiers après ce malheur
retournerent en Perfe , & les deux
autres Orthogrul & Goundougdi , accompagnés
des Turks , continuerent leur route
& vinrent s'établir fur les terres des Seljoukides
de Roum . Orthogrul y mourut
après avoir rendu de grands fervices au
Sulthan.Othman fon fils lui fucceda l'an de
J.C. 1299 , & du confentement d'Alaeddin
Kaicobad , Sulthan d'Iconium , ou des Seljoukides
de Roum , il prit le titre de Sulthan
& fonda la Dynaſtie des Turks Ottomans
qui regnent à préfent à Conftantinople.
Pendant (a) que ces Turks étoient occupés
à foumettre la partie Occidentale de
l'Afie , l'Orient étoit rempli de troubles .
Un autre Turk , qui defcendoit par fem-
(a) Cotbeddin el Hanefi. Ahmed ben Arabſchal
Scherfeddin.
mes
AVRIL. 1748. 49
par
"
mes de Genghizkhan , Timourlenk ou Tamerlan
de la Horde de Perlas , après quel-,
ques victoires remportées dans la Tartarie,
vint à bout de réduire fous fa puiffance
prefque toute la poftérité de Genghizkhan
& fe fit de toute l'Afie un feul Empire.
Dans la fuite fes defcendans , reftreints au
feul Maouarennahar , en ayant été chaffés
Schaïbek-Kan de la famille de Genghizkhan,
fe retirerent dans l'Inde , & fonderent
l'Empire des Babourides ou des
grands Mogols , qui fubfifte encore de nos
jours. Ainfi de toute cette grande poſtérité
de Genghizkhan & de Timourlenk, il
ne reſte du premier que les Khans de Crimée
& ceux des Kalcas en Tartarie ; du ſecond
les Mogols dans l'Inde , & les Eleuthes
auffi en Tartarie.
Ce ne font pas-là les feuls qui parmi les
Turks ont quitté leur pays & ont établi
ailleurs de puiffantes Monarchies. (a)
Plufieurs d'une origine plus obfcure , &
qui chés les Princes Mufulmans parvenus
à de grandes charges , Généraux d'armées
ou Gouverneurs des Provinces , ont
fouvent profité des occafions avantageufes
qui leur mettoientle commandement entre
les mains & n'ont plus voulu s'en défifter.
Leurs enfans après leur mort , en conti-
(a) Aboulfaraj el Maxin. Cotbeddin el Hanefi.
C
50
MERCURE DE FRANCE.
nuant, la rebellion , ont augmenté leur
puiffance . Ainfi fe font établies les Dy- nafties des Thoulounides
, des Axhſchidites
& des Mamluks
en Egypte , des Il-
Khaniens en Perfe ; des Gaznevides
& des
Efclaves des Gaurides aux Indes ; des Kharezmiens
dans le Kharizme
, & un grand
nombre d'autres dans les Provinces
Septentrionales
de la Chine , comme les Cien
Chao ( a ) ou les Han , les Hia , les Peleam ,
qui étoient de petites Souverainetés
.
Quelques - unes de ces Dynafties ont même
porté le titre d'Empereur
de la Chine , tels
font les Princes des Heou tam , des Heouhan
, &c. Voilà en peu de mots un précis
de toute l'Hiftoire du Turkeftan , fur la
quelle jufqu'à préfent nous n'avions que de très- foibles connoiffances
.
Je me fuis borné dans ce difcours à ne
parler que des Turks proprement dits . J'ai
obmis les incurfions que quelques autres
peuples de Tartarie ont faites dans des
pays éloignés. Les bornes que je me fuis
prefcrites ne m'ont ne m'ont pas permis d'entrer en
de fi grands détails . Je n'ai prétendu faire
ici qu'un Extrait de quelques Differtations
particulieres que j'ai faites fur ces matieres
, dans lesquelles j'ai rapporté tous les
( a ) Kam mo . Ven hien tum tạo . Van fm .
tum pou.
AVRIL. 1748. 5.c.
témoignages des differens Auteurs , mais
principalement des Ecrivains Chinois, qui
m'ont le plus fervi à éclaircir & à applanir
toutes ces difficultés & fans lefquels je
n'aurois jamais ofé entreprendre de traiter
ce morceau d'Histoire.
KATAIDEDEDEDEDEDEDEDenta
JUVENIS præproperè belli cupidus
exercitationi Philofophica preludit.
Ente avidâ Martem volvebam nuper, &
M¹ arma ,
Arma manu noſtrâ nondum tractanda fremebam.
Pallas , ut audirem , ridens : ô transfuga noftræ
Partis , ait , quid te fpretâ celebrare Minervâ
Martem, ingrate, juvat ? Vis bello quærere nomen?
Et mihi bella placent , & me non irrita dextrâ
Spicula torquentem trepidus fæpè horruit hoftis ;
Et mihi funt , qui militiæ formantur ad artes ,
Sed variâ prorsùs ratione docentur alumni.
Ufque cruore madens , fitiens tamen ufque cruo
ris ,
Perfurit infanâ Mavors virtute ; fuofque
Confilii expertes in prælia fervidus urget.
Ipfe docet lætis gemitus haurire cadentum
Auribus , & fparfo per membra horrentia tabo
Crudeles explere oculos , & fanguine palci.
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
Tunc plaudens fibi , cùm ferro graffatus & igne
Funera denfavit , cum mifcuit omnia vaftis
Cædibus , occumbant focii fecurus , an hoftes.
Aft ego bella , malum non evitabile , peſtes
Terrarum reputo , & victorum infignia , lauros ,
Magnum at trifte decus , ftillant ubi cæde fuorum
:
Quâque licet , tantos conor mollire furores,
Nec temerè in campum bellator , Palladis artes
Doctus , profiliet , nec verfo funditus hofti
Infultabit atrox victor. Non ille cruorem ,
Projiciet-ve fuum , aut alienum fundere amabit.
Sed medios inter ftrepitus bellique fragores ,
Compos mentis adhuc , fuadente dieque locoque ,
Ibit in adverfos audax , obftantia rumpet
Pectora ; verum eadem tumidum quæ ftraverit
hoftem
Dextera ,fubjectum hæc eadem miferata levabit.
Singula quid conferre juvat Tentamus uter◄
que ,
Mars formare manus ; ego mentein : militis ille
Eft Deus , ipfa ducum : fed qualis Scipio ; qualis
Europamque , Afiamque fimul , Lybiamque pererrans
Cæfar ; & elufos inter Turennius hoftes :
Qualis & Auftriadum domitor , Batavi atque Britanni
Terror , Mauritius ; vel , cujus diruta nuper
AVRIL 1748.
53
.
Fulmine , victorem non ante experta , cadebat
Berga , fuas nondum fatis adinirata ruinas.
Tu quoque mox , ubi mens firmata , manuſque
gerendo
Apta magis gladio , & patientia membra laboris
Bella fequi poterunt , optata in caftra volabis ,
Et noftro Heroum releges veftigia ductu .
Intereà mentem eximias formare per artes
Cura fit . Ecce tibi , quo non acceptior ullus
Eft nobis , tradit Sophiæ præcepta Magifter.
Arte Syracufas, Romanis fortior armis ,
Unius mens eft hominis tutata ; docendum
Ecce Mathematicus te fufcipit alter ab illo ,
Et fecreta libens Artis myfteria pandit.
Ergo fanguinei paulùm oblivifcere Martis :
Aut , fi tantus amor belli , quà promere poffis
Hos animos , dabimus ; vanâ illudentia cæde
Prælia , & affimiles veris , duce Pallade , pugnas.
Dixit , & in coetus duxit me Diva Sophorum.
Stabant compofiti , obnizi non cedere ; quædam
Hic placita aftruere , hic contrà fubvertere certus .
Hinc atque hinc numerofa acies , non vefte nec
armis
Par fibi ; verum habitu variæ ingenioque catervæ
:
Enthymema citum ; vultu Dilemma biformi ;
Sorites nexis gradibus qui furgit ; & ille ,
}
Sponte fuum Heroem quem cætera turba falutat ,
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
Quem verfu non eft hodiè fas dicere ; at olim
Dixiffes , Enni , facilè ; Syl nempè Logifinum.
" Obliqua hic tacitâ meditatus vulnera mente
Procedit lento paffu , gravitate timendus
Trefque manus præfert , horrendum ! tres rotag
enfes ;
Non æquè nocuos : præacutâ cufpide fævit
Unus ; at incertum , dextrâ micet , an ne finiftra
Tu nifi promptus eris vulnus lethale ferentem
Dignoviffe manum , atque prior refecate , ruina
Labentem afpicies , pro quâ pugnaveris , arcem .
Has ille infidias tendit : dum fulminis inftar
Proruit Enthymema . Queas vix dicere , telum ,
An miles veniat ; tanto volat , ocyor Euris ,
Impete ; tam præceps nec opinum confodit hof
tem .
Tu , five eft jaculum , jaculum truncare memento
A capite ; innocuum veniet fine acumine lignum
Seu Bellator adeft , cervicem abfcinde ruentis
Protinus , & reliquum tuto pede volve cadaver.
Mox anceps Dilemma venit , duo lata corufcans
Spicula , terribili oftentans duo cornua fronte :
Ambiguum , fimul hinc , fimul inde minatur ; &
haftâ
Quâ feriat dubium , feriturum utrâque videtur .
At prior infilit huic hoftis , manibufque revellit
Tela ferox , inque autorem converfa retorquet.
AVRIL. 55 1748.
Agmine de medio , numerofi ipfe agminis inftar
Progreditar , furto melior , nec viribus audax
Fidere , Sorites ; clypeorum & fornice tectus ,
.Tendit ad obfeffos factà teftudine muros ,
Ordinibufque fuos difponit : protinus illi
Infiliunt aliis alii , confcendere juffis
fque aliis ; furgit turris clypeata virorum.
Ah cave , follicitis qui ftas pro nonibus ; arci
Imminet illa tuæ moles ; evecta fub auras
Imminet , horribilem jamjam illatura ruinam.
Advolat impavidus ductor , ftrictoque priorum
Crura metit gladio ; collapfis machina primis
Tota ruit ; bis dena ruunt tabulata , ( tot hoftes ! )
Et propriis pereunt confixi turpiter armis.
Vidi , cùm totas jam contraxiffet in unum
Obfeffor vires , rabiem ftimulante pudore ,
Et circumfufum premeret jam certius agmen ,
Jamque fuæ propugnator vix fideret arci.
Intered adverfas acies Diſtinctio luſtrat
Sedula : tum quà tela videt rariffima ; facto
Perrumpit cuneo non expectata ; catervas
Dividit hoftiles ; divifas pellit & urget ;
Dux licet indignans fremat incaffumque minetur.
Nititur ille quidem , fi quà disjecta licebit
Agmina colligere , & fugientem fiftere turbam ;
Sed fruftrà : multos præceps fuga gurgite merfit ;
Atque aliquâ femper decrefcunt parte caterva.
Cij
56 MERCURE DE FRANCE.
Cætera quid referam ? Quantis certaret uterque
Viribus , aftutum queis luderet artibus hoftem .
Hæc mentem pugnæ cupidam , nec vera pigebit
Dicere , permovit fpecies. Dum feria poffint
Bella fitin hanc explere , lubens fub imagine belli
Pugnacem calamo conabor fallere dextram ,
Ergo adfint quicumque manum conferre parati
Non horrent me cum hoc campo decernere.Verùm
Quos video , tanti - ne Duces accingere pugnæ
Se properant Piget ah ! tam fortia verba locutum,
Parcite non paribus mecum concurritur armis :
Tironem petitis. Sed tu , Diftinctio folers ,
Pulfus ubi jam defiero fperare falutem ,
Diva veni ; & trepidis fer opem invictiſſima rebus;
Unus è quatuor Præfectis Nobiliumfuvenum
in Collegio Mazarineo.
N
Ous rendîmes juftice il y a deux ans
au mérite du livre où eft expofé le
fyftême dont il eft queftion dans la lettre
fuivante ; nous donnâmes aux connoiffances
de l'Auteur les juftes éloges qu'il méritoit
; à l'égard du fond du fyftême , nous
ne prenons point de parti dans ces difcuffions
philofophiques. On peut appliquer
aux Phyficiens ce qu'Horace a dit des Poë
tes & des Peintres :
AVRIL. 57 1748.
Pictoribus atque Poëtis
Quidlibet audendifemper fuit aqua poteftas .
Pour nous, fpectateurs tranquilles de ces
combats , nous faifons des voeux pour le
progrès des Sciences , fans en faire pour
aucun des partis. Le Mercure eft une lice
ouverte à tout le monde , où chacun peut
venir à fes rifques & périls faire montre
de fes forces ; hous ouvrons la barriere ,
fans nous engager à rien de plus , ainfi fi
ce nouveau fyftême trouvoit des contradicteurs
, nous ne prétendons point en être
les garans
.
V
Lettre de M. L. à Mad, ***.
Otre afcendant , Madame , fur mon
efprit & mon coeur pouvoit feul
m'engager à me mettre en voie de revenir
du préjugé que j'avois conçu fur le feul
titre , contre le fyftême moderne de Colmographie
& de Phyfique , dont Jombert
Quai des Auguftins débite l'Analyſe raifonnée
; mon indolence m'infpiroit à me
dire m'amuferois-je à lire des principes
qui doivent être contradictoires à ceux
qui ont été fucceffivement à la mode ?
Quoi donc , fi l'envie de fe diftinguer par
des contradictions a fait produire plufieurs
fyftêmes , dont les Auteurs & les Żélateurs
Cv
58 MERCURE DE FRANCE .
fe font reprochés mutuellement une multitude
de bévûës qui ne font que trop averées
, feroit-il permis à un contemporain
de s'ériger en Créateur d'un nouveau
monde matériel & Phyfique , malgré l'émulation
des nations qui peuvent s'inté
reffer à maintenir la doctrine qu'elles femblent
avoir adoptée ? Faut-il fe déterminer
à voir toutes les chofes naturelles fous une
nouvelle face , en prenant un point de vûë
fort different de celui de Copernic , de
Defcartes , de Newton , & des autres
grands hommes qui ont commcaré &
changé leurs principes, pour les rendre plus
vrai -femblables ou moins défectueux ?
-Vos ordres étoient trop puiffans contre
mon indifference , & en me faifant furmonter
toute repugnance ils m'ont conduir
jufqu'à rechercher la connoiffance de
tout ce qui a paru , & même de ce qui
doit paroître de relatif au nouveau corps
de doctrine phyfique.Si j'avois pû y réuffir ,.
tout mon zéle pour vous en rendre compte
étoit animé. Enfin par mes lectures ,
après avoir confidéré en combien d'opinions
erronées les génies les plus diftingués
font tombés fur une multitude de
phénoménes généraux & particuliers , de
l'avis & de l'aveu des Phyficiens de different
parti & de diverfe Nation , j'ai reAVRIL.
319 1748.
connu qu'il falloit être comme le nouveau
Cofmographe , plus ami de la vérité que
de l'autorité des Sçavans ; qu'il ne falloit
pas plus fe laiffer ébloüir par l'appareil de
leurs calculs d'Algêbre & de leurs formyles
de Géométrie , que fe prévenir pour
un Motet par la vue des notes muficales
avant que d'en avoir entendu l'exécution ;
qu'il a été facile à quelques efprits fublimes
& exercés dans la plus haute Géométrie
de calculer tout ce qu'ils ont voulu ,
mais qu'ils n'en ont pas moins avoué qu'ils
ne pouvoient indiquer la caufe primitive
de la péfanteur , & par conféquent des
phénoménes qui en dépendent , & qu'un
fyftême de Phyfique qui commence par
l'expliquer doit infpirer une légitime confidération
.
Il m'a paru d'ailleurs que tous ces grands
homines ont dû fe tromper par le choix
de leur point de vûë , & que l'Auteur moderne
pouvoit fans être plus ingénieux
avoir été plus heureux dans ce choix , précifement
parce qu'il fe compare à un aveugle
, qui fçait mieux difcerner le chemin
qu'il doit fuivre fur plufieurs qu'il rencontre
, en confultant moins fa propre expérience
par le tatonnement avec fon bâton
, que les paffans qui font à fa portée
pour être interrogés : fon bonheur dans
" Cvj
60 MERCURE DE FRANCE:
·
fon fuccès peut venir de ce qu'il n'a pas la
même facilité , ni conféquemment la même
confiance pour s'orienter , que ceux qui
fe confient trop fur la bonté de leur vûë ,
& s'il fuffit d'avoir pris la bonne voie , quel
avantage ne doit- il pas avoir contre fes
précurfeurs , puifqu'il a pû profiter de leurs
erreurs comme de leurs découvertes pour
ne pas s'égarer dans ſon chemin ?
,
Pourroit-on contester , que fi l'explication
exacte de quelques phénoménes fuppoſe
tout ce qu'il faut , pour expliquer
tous ceux qui en dépendent dans leur rapport
ou dans leur caufe , la prévention
tourne en fa faveur , & fi ce n'eft pas faute
d'écrire exactement les notes musicales
qu'on réuffit ou non à donner une bonne
& agréable mufique , ce n'eft pas auffi faute
de faire des calculs d'Algébre & de Géométrie
fort exacts , qu'on fe fait illufion
à foi-même & aux autres , & que Descartes
& Newton , qui ont été meilleurs Mathématiciens
que Logiciens , n'ont fait qu'un
Roman chacun à leur façon ? C'eft parce
que la fcience & le génie ne fervent qu'à
faire orner davantage fous un faux mafque
l'erreur qu'on a le malheur de prendre
& de foûtenir pour une vérité , & qu'à.
éloigner beaucoup plus de celle qui échap
pe par quelque préjugé capable d'empêcher
de la reconnoître.
AVRIL 174861
Un voyageur qui entreprend le dernier
le même voyage , a un grand avantage dès
qu'il peut profiter des relations de tous
ceux qui l'ont fait avant lui , ainfi le préjugé
paroît d'abord décifif pour l'heureux
choix du Phyficien moderne dans fon
point de vûë,afin de reconnoître l'arrange
ment de l'univers. Cette décifion peut
elle n'être pas confirmée , & l'on confidére
premierement qu'elle l'a conduit à remon
ter à la plus ancienne hypothèſe aftronomique
que les premiers Aftronomes parmi
les Chaldéens &les Egyptiens fuivoient par
tradition;fecondement qu'elle n'a ceffé d'être
foûtenue dans les Cantons où elle a été
connue , & en particulier dans la Grèce où
Thalès un des fept Sages l'avoit fait enfeigner
àfon retour d'Egypte , moins à caufe
du fuccès de la contradictoire que Pytagore
affecta pour le diftinguer , d'établir dans
l'Ecole, & la Secte Italique qui lui doit fon
origine ,, que parce que Zenon d'Elée &
Xenophane répandirent trop de préjugés
en faveur de l'immobilité de la terre ,
pour qu'il ait été permis en aucune.Nation
pendant plufieurs fiécles de la contefter &
d'adopter toute hypothèſe contraire..
,
Le Cardinal de Cufa fut le premier qui
dans fon livre d'une docte ignorance , ofa
s'élever contre cette opinion invéterée de
62 MERCURE DE FRANCE.
fon repos & de l'impoffibilité de fon mouvement.
Nicolas Copernic enhardi par
cette levée de bouclier , paffa d'une extrémité
à l'autre , & voulant enchérir en fyftêmatifant
l'hypothèſe de Pytagore , il
ofa dépouiller non -feulement le Soleil du
mouvement annuel qui lui avoit été réconnu
dans la fecte Ionique & Eleatique ,
pour l'attribuer à la terre , malgré le repos
qui lui étoit fuppofé effentiel depuis tant
de fiécles , mais encore foûtenir que le
Soleil étoit ftable & fixe , & la terre fimobile
que par fon cours elle étoit la caufe
de l'apparence de tout le mouvement que
le Soleil paroît avoir autour d'elle en un
an , & de celui que les Planettes ont en
retrogradation , & de toutes les viciffitudes
qui arrivent dans les rapports des fignes
de l'écliptique & du firmament , des points
cardinaux , folfticiaux & équinoxiaux.
Afin de produire une fi grande révolu
tion dans l'opinion des hommes fur la caufe
des apparences céleftes , falloit- il recourir
à des fuppofitions les plus contraires à
ces apparences même , & à tous les réſultats
qu'on en avoit jufqu'alors inféré ? Rien n'a
coûté pour les faire imaginer & adopter ,
! parce qu'il a fait fentir avec fes partifans
tant d'abfurdités dans les fyftêmes de PtoAVRIL
1748. 635
lomée & de Ticobrahé , qu'on n'a plus fair
d'attention à celles que ce nouveau fyftême
préfentoit , & qu'on n'a fongé qu'à les
maſquer par toutes les fuppofitions imagi
nables.
La terre qui avoit été jugée mobile feulement
fur fon axe , jufqu'à Pytagore , qui
avoit affecté de la fuppofer, pour fe diftinguer
de fes précurfeurs , capable de parcourir
en un an avec la Lune autour du
Soleil & en fa place un orbe fort vafte , &
qui depuis n'avoit été reconnue,fous peine
d'anathême , dans toutes les Nations , que
comme ftable & fixe , n'ayant pas changé
de condition , d'état & de difpofition plus
que le Soleil par toutes ces fuppofitions
hypotétiques ; l'ordre naturel & phyfique
auroit- il pû être développé par Defcartes ,
qui malgré l'étendue de fon genie fyftematique
n'a fait qu'étendre & éclaircir les
principes de Leucipe & de Democrite pour
les appliquer à l'explication du fyftême de
Copernic , qui paroît contraire aux principes
primitifs de la fphére , encore plus
que ceux de Protomée & de Ticobrahé 2
Newton qui l'a pareillement admis , pourroit-
il donc avoir un fuccès ftable & plus
que paffager , malgré tous les efforts de fes
partifans pour lui faire éprouver une efpéce
de triomphe contre fon rival , qu'il a fi
64 MERCURE DE FRANCE.
fort affecté de contredire , qu'il fenible n'avoir
imaginéfon fyftême que par émulation
ou contradiction , en prenant fur chaque
article le contrepied? C'eft ainfi qu'il a fuppofé
entre les Aftres un milieu tel que le
vuide , qui eft contraire aux lumieres de la
Philofophie , & pour caufe de tous les
mouvemens des corps céleftes, une qualité
occulte fous le nom d'attraction , dont il
ne fait que calculer les effets, fans s'embarraffer
d'en établir l'existence , plus que les
Anciens de leur Antiperiftafe , laquelle
pour fon infortune ils n'ont pas eû la penfée
ou l'efprit d'appliquer des formules &
des calculs d'Algébre & de Géométrie.
>
A cette derniere difference près cette attraction
équipolente àl'horreur du vuide &
à l'Antipériftafe,bien loin d'affigner un centre
&une direction aux impreffions de la péfanteur
univerfelle dont elle laiffe ignorer
la caufe , fuppofe que les graves ne font
péfans qu'à proportion qu'ils s'attirent ,
quoique tous les corps céleftes devroient
en conféquence fe troubler dans leur mouvement
, s'arracher même réciproquement
dans leurs tendances centrales , & ſe nuire
du moins dans les configurations de leur
cours, bien loin de conferver une harmonie
parfaite dans leurs influences pour leur arrangement
confécutif
AVRIL. 1748. 65
Si les principes de ces deux rivaux devroient
tomber naturellement , non-feument
avec l'hypothèfe du cours annuel de
la terre qui en eft la bafe , & qui ne peut
enfin éviter d'être caduque , mais encore
par tous les inconvéniens,les défauts & les
contradictions , que leurs Zélateurs y ont
fait reconnoître réciproquement , à l'envi
les uns des autres , il femble dans une telle
fituation que tout homme d'un efprit jufte
& laborieux pouvoit fe croire en droit
de fe former un nouveau point de vûë en
voulant contempler les cieux , afin de
concevoir le méchanifme matériel & phyfique
de l'univers , qui paroît entierement
oppofé dans l'opinion de Copernic , de
Prolomée & de Ticobrahé, de Descartes &
de Newton ; ce point de vue filégitime
c'est celui d'un Obfervateur , d'un Phyficien
, & d'un Aftronome , qui fans aucun
préjugé pour tout fyftême antérieur , cherche
à connoître la caufe de ce qu'il voit
dans ce qu'il obferve , dans la combinaifon
de tout ce qui a été obfervé durant le cours
des fiécles , fans s'embarraffer qu'on lui dife;
ces grands hommes que je viens de citer
prétendent ou fuppofent ceci ou cela.
Le réſultat précipité du concours de
tant d'obfervations raffemblées fous fon
point de vûë , c'est d'être porté à croire que
66MERCURE DE FRANCE.
tout mouvement apparent dans les Aftres
tire fon apparence de fa réalité , mais it
reforme bientôt ce jugement , non -feule
ment dès qu'il réfléchit qu'en regardant les
rivages d'un vaiffeau qui fait voile , ils
paroiffent s'enfuir avec une viteffe propor
tionnelle , & qu'une tour femble changer de
figure , de largeur & de hauteur , à meſure
qu'on s'en approche ou qu'on s'en éloigne
mais encore dès - qu'en jugeant des Planertes
par la terre & de la terre par les Pla
nettes , & venant à les confidérer dans le
fluide qui remplit leur intervalle , il augure
que puifqu'elle eft pareillement fujette
à être illuminée par le Soleil dans une
moitié de fa furface & de fon atmosphére,
& à caufer également par fon noyau une
ombre qui eft plus ou moins étendue, com
me le cone de leur lumiere réfléchie , fe
lon une certaine proportion de leur maffe
& de leur diftance variable à l'égard du
Soleil , elle peut avoir comme ces Planettes
une révolution autour d'elle même
qui foit feulement d'une période & d'une
viteffe differente. C'en eft affés pour revenir
à la plus ancienne hypothèſe , en admettant
la rotation de la terre , puifque fi
tous les Aftres femblent devoir tourner en
apparence autour de Mars & de Venus , à
caufe de leur rotation qui eft fenfible &
AVRIL. 1748 67
prefque ifochrone , il eft bien plus proba
ble qu'ils n'ont une apparence de circula
tion commune autour de la terre , qu'à
caufe également de fa propre rotation , &
par la même raison que les objets,même terreftres,
paroiffent mobiles, étant confidérés
d'un point de vûë ambulant , tel que celui
d'un vaiffeau en pleine mer.
Mais de ce que la terre doit avoir une
rotation comme ces Planettes , est- ce une
conféquence qu'elle ait auffi le cours annuel
qui eft manifefte dans le Soleil , &
qu'on ne regarde le mouvement qui eft
apparent dans cet Aftre & dans ces Planettes
durant la plus grande étendue de leur
cours , que comme une apparence qui feroit
comme une fuite de celui qu'elle auroit
Ce feroit juger qu'un moulin à vent ne
femble à un marin tourner fur une coline,
ou un cheval marcher , que par la même
raifon que le rivage lui femble s'appro
cher à mesure que le vaiffeau revient dans
un Port ; à plus forte raiſon on doit être
en garde d'attribuer à la terre un mouvement
qui ne lui peut convenir qu'en l'o
tant au Soleil , qu'il faudroit fuppofer ftable
& fixe , tandis que de tous les autres
points de vue de l'Aftronomie comparative
il n'eft pas moins reconnu mobile , &
changer de diſtance à l'égard de toutes les
38 MERCURE DE FRANCE.
autres Planettes qu'à l'égard de la terre
par fon mouvement particulier , comme
ces Planettes à fon égard par
le leur propre.
Il eft donc naturel de penfer que les
Aftres femblent tourner en commun autour
de la terre d'Orient en Occident en
vingt- quatre heures , parce que la terre
fait une révolution fur fon axe d'Occident
en Orient dans le même efpace de tems ,
& que le Soleil , comme les Planettes , ne
paroît décrire un orbe , où fon cours n'eſt
pas moins apparent , de l'aveu de tout obfervateur
, que celui de ces Planettes dans
le leur,que parce qu'il n'eft pas moins réel .
A plus forte raifon on doit le croire , fi
l'on peut repréfenter fur des Cartes , comme
dans des éphemerides en figures , toutes
les configurations fucceffives des Planettes
, du Soleil & de la terre , de la maniere
qu'elles font annoncées dans les
éphemerides en nombres , & dans toutes
les proportions géométriques de leur dif
tances refpectives & réciproques , avec le
même détail & la même exactitude qu'on
repréfente les villes d'une Province , d'un
Royaume , d'un continent entier par une
Carte de Géographie.
Il eft inepte & fuperflu de répondre ,
que dans le fyftême de Copernic toutes
AVRIL. 1748. 69
ces configurations peuvent être prévûës ,
calculées & annoncées , puifque du moins
elles ne peuvent être repréfentées par des
éphemerides en figures , & puifqu'on ne
les calcule que d'après les régles & les
principes qu'on luivoit , avant même que
ce fyftême fût connu , fes partifans n'ont
pû encore dreffer de pareilles Cartes , tant
pour les tems paffés que pour l'avenir , au
lieu que celles qu'on a publiées felon le
fyftême folaire peuvent être dreffées
pour
tous les tems dont on voudra figurer l'état
du Ciel.
De ce que les éclipfes folaires & lunaires
peuvent être prévûës & calculées dans
le fyftême de Ptolomée , comme dans le
fyftême de Copernic , s'enfuit-il que l'un
ne fut pas moins exact & étendu que l'au
tre ? Et à plus forte raiſon l'induction ne
doit-elle pasêtre pour la vérité du fystéme
folaire , dès qu'il explique plus exactement
les mêmes phénoménes , & un grand nombre
d'inexplicables en tout autre ; dèsqu'on
y peut repréfenter géométriquement
pour tous les tems les configurations
mutuelles de tous les Aftres mobiles ,
conformement aux éphemerides en nombres
, & dès que les Cartes dreffées conféquemment
font des éphemerides en figures
, plus inftructives & plus curieufes , &
70 MERCURE DE FRANCE.
auffi démonftratives du cours réel & apparent
de ces Planettes que de celui du
Soleil ?
Pourroit- on encore diffimuler que les
Coperniciens dans toutes les figures qu'ils
ont imaginées pour expliquer l'apparence
des ftations & des retrogradations des Pla→
nettes , fe font bien gardé d'indiquer le
tems & le lieu , ni encore moins les degrés
des fignes de l'écliptique & du firmament,
vis-à-vis lefquels elles doivent paroître
retrogrades ou ftationnaires , au lieu que
dans le fyftême folaire non -feulement on
le peut dans la plus grande préciſion , mais
encore on l'a exécuté dans plufieurs Car
tes qui ont l'avantage d'avoir eû pour modéles
celles qui ont été préfentées à l'Académie
en 1709 par le célébre Caffini
pour toutes les Planettes majeures , & dans
celle que Kepler a donnée pour le cours
de Mars depuis 1580 jufqu'en 1590 ?
Peut- on citer de plus illuftres Précurseurs
dans l'art de repréſenter les mouvemens
apparens & réels des Aftres mobiles , &
de rendre la Cofmographie pour fa méthode
& fes plans auffi exacte que la Géographie
? Ces fortes de Cartes auroient
fans doute reçu plutôt un favorable accueil
, fi le préjugé de la mode pour le
fyftême de Copernic n'y mettoit un obſtaAVRIL.
1748. 74
cle , parce qu'elles démontrent qu'il eft infoûtenable,
puifque la ftabilité du Soleil &
le cours annuel de la terre font incompati
bles avec le cours réel des Planettes dans
les orbes où il eſt apparent.
La fuite pour le Mercure de Mai,
La Roffignol & les Grenouilles,
FABLE,
Sur les bords d'un marais entouré d'arbriffeaux
La
trop fenfible Philomelle
Chantoit fa douleur immortelle ,
Et par les tendres airs rendoit legers les maux.
Dans le vafte contour de ce manoir huinide
Vivoit un peuple importun , infipide ,
Digne en un mot d'habiter les marais.
>
Ce peuple peu courtois, vil troupeau de caufeufes,
( Grenouilles que Dieu fit ) au chantre des forêts
Chercha querelle , & leurs voix odieufes
A tout propos , par de bizarres fans ,
Interrompoient les aimables chanfons.
Il effuya leur caquet , fans fe plaindre ;
Les plus léfés fe plaignent rarement,
Le bruit redouble ; on prétend le contraindre
A déloger inceffamment.
Des députés du peuple croaffant
72 MERCURE DE FRANCE .
Le fomment à grands cris de chercher ailleure .
gîte :
L'oifeau berna leur courroux impuiffant.
Qüi , leur dit- il , tout est prêt pour ma fuite ;
Prenez des aîles cependant
Pour m'y réfoudre ; en attendant ,
J'opine à féjourner , malgré votre pourſuite.
;
Tout apologue en foi doit renfermer un fens
Ne nous étonnons du bruit des fottes gens. pas
Par Mlle du Qeyrel , de S. Etienne en
Forex
CACƏVAYƏCƏ¤Ð¤ICAVA VECDED
LETTRE écrite à M. Polluche de la
Société Littéraire d'Orleans au fujet defon
Mémoirefur Cymgiacum , par M. ****.
J
E ne crois pas , Monfieur , qu'après le
Mémoire que vous avez publié dans le
Mercure de Décembre , touchant le lieu
écrit Cymgiacum à la fin d'une Charte de
Philippe le Bel de l'an 1313 , perfonne
doute que ce ne foit Chaingy , village de
votre Diocéfe d'Orleans. J'avois compté
trouver dans differentes tablettes de cire
des voyages du même Prince , qui m'ont
paffé par les mains , le nom du même village
, mais il ne paroît dans aucune , quoiqu'on
1
1
AVRIL
73 1748.
qu'on y voye le nom de quelques autres
lieux qui en font bien proches.
Au lieu de cela, en parcourant les Tables
Géographiques des volumes du Tréfor des
Chartes , dont M. de Lauriere n'a extrait
que les Chartes &. Diplômes qui étoient
de fon reffort , j'y ai trouvé deux fois le
nom du lieu en queftion. Il y a des Lettres
de Philippes le Bel du mois de Juillet
1305 , données apud Clungiacum. M.
Rouffeau de la Chambre des Comptes :
qui en faifoit les extraits , a lû Chirigiacum;
mais ni l'une ni l'autre leçon ne font recevables.
La faute de ceux qui lifent les
écritures anciennes ou gothiques , vient
fouvent de ce qu'ils diftribuent mal les
jambages des lettres. Entre la lettre c &
la lettre g il y a cinq jambages, lefquels ne
doivent former nilun , ri biri , mais hin ;
de cette maniere on trouvera le mot Chin
giacum , qui veut dire Chingy. Ce qui
acheve de faire voir qu'il s'agit de Chingy
ou Chaingy proche Orleans , c'eſt que
dans le même mois on voit par l'expédition
d'autres Lettres du même Roi , qu'il
étoit tantôt à Château-neuf-fur- Loire ,
tantôt à Courcy- aux- loges , ou à la Neuville-
aux-loges , en un mot dans le voifinage
d'Orleans,
J'ai encore trouvé deux Chartes du
.D
74 MERCURE
DE FRANCE
.
même Philippe le Bel données au mois de
Juillet de l'an 1309 , l'une à Chingy , l'au
,
tre à Changy , que je crois être le même
lieu , diverfement
écrit , & être en même
tems votre Chaingy
Orleanois
. Les au tres Chartes ou Lettres du même mois font
données
au Vivier , à Château-Neuf-fur
Loire , à Villiers-au-Bois & à Fontainebleau.
Comme les jours du mois n'y font
pas fpécifiés , on ne peut pas indiquer
an jufte l'ordre felon lequel il faudroit dif
pofer la route de ce Prince , mais comme vous voyez , le voilà encore cette année-là
dans le voifinage
d'Orleans
& pendant le
inois de Juillet.
Combien ne pourrions- nous pas recevoir
d'éclairciffemens fur les Itineraires de
nos Rois , fi le malheur de l'incendie n'étoit
arrivé à la Chambre des Comptes
pas
de Paris l'an 1737 ! Heureufes les Tabletres
de cire des voyages & dépenfes des
Rois Philippes le Hardi , & de fon fils
Philippes le Bel , de s'être trouvées alors
dans des Bibliothéques d'Abbayes & autres
Communautés , dans les Archives du Parlement
, dans celles de la ville de Genéve
& dans la ville de Florence en Italie , fans
quoi peut-être elles euffent fubi le mê
me fort , & nous n'aurions pas l'avantage
d'en tirer des lumieres pour l'Hiftoire,
AVRIL
. 1748 75
1
Vous aurez fans doute vû l'imprimé de
celles de Florence qui a paru en 1745., &
qui a été annoncée dans les Journaux.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Paris ce 25
Janvier 1748 .
VERS à Mlle le *** pour lejour deſafête,
par M. Yg***.
JEDE n'offre à ta délicateffe
Qu'un bouquet fans art ajufté ;
C
Mon coeur ne l'a point apprêté
Sur les bords fleuris du Permeffe ;
Je n'ai point la brillante yvreffe
Que donne ce fleuve enchanté,
Le Dieu d'Amour , ce Dieu vanté ,
Qui dans tes yeux caché me bleſſe ,
Lui feul richement m'a dôté
De fentimens & de tendreffe.
Toi que Minerve avec largefle
.
Combla de talens , de beauté ,
De goût , d'efprit & de fageffe,
Tu pourras rire en liberté
De ces méchans vers que t'adreffe
Une tendre naïveté ;
Mais fouviens-toi qu'avec hardieffe ,
Dij
76 MERCURE DE FRANCE
Sans Apollon j'aurois chantée
Tes graces & ta gentilleffe ,
Si mortel fans témérité
Pouvoit chanter une Déeffe .
J
MADRIGA L.
Imite de l'Anglois.
Eune Iris , voyez - vous l'Abeille
S'enrichir du fuc de nos fleurs
La rofe n'eft pas moins vermeille ,
Le lys n'en perd point fes odeurs :
Un baifer pris fur votre bouche
N'altére point votre beauté ;
Pourquoi le regretter, farouche ;
Puifqu'il ne vous a rien coûté ?
•
Par M. *** , de Rouen
२
AVRIL 1749. 77
Séance publique de l'Académie.
'Académie choifi
L'Ateliers & Abbé Girard & Danchet,
pour remplir
M. le Marquis de Paulmy & M. Greffet ,
les deux nouveaux Académiciens vinrent
prendre place le 4 de ce mois , & prononcerent
leurs Difcours de remerciment .
M. le Marquis de Paulmy parla le premier
; une éloquence noble & fage , ornée
fans affectation , un ftyle élegant & naturel
, la jufteffe des idées , la précifion & la
force des expreffions caractérisent le Dif
cours qu'il prononça .
Après avoir marqué fa reconnoiffance
du choix de l'Académie : » L'Académie ,
» dit-il , offre des Maîtres dans tous les
genres de Littérature , des Hiftoriens
élégans fans affectation , méthodiques
»fans féchereffe , exacts , mais toujours
» intéreffans , capables , même en fe ren-
» fermant dans les bornes les plus étroites
» de l'abregé , de ne négliger (rien de ce
qui caractériſe les fiécles & les hom-
» mes qu'ils ont à peindre , des Poëtes
dignes des beaux jours d'Athénes & de
Rome , des Orateurs dont la gloire durera
autant que les vérités qu'ils nous
99
Diij
8 MERCURE DE FRANCE.
pont annoncées , des Traducteurs égaux
» à leurs modéles , des Sçavans enfin à qui
» l'étude des Sciences les plus difficiles &
les plus abftraites n'ote rien de la facilité
du ſtyle & des graces de l'imagina-
>> tion.
<
» A côté de ces grands Maîtres on voit
» affis des Juges éclairés, dignes d'être affo-
"ciés à la gloire de ceux qu'ils aident de
» leurs confeils , & que même quelquefois
ils inftruifent , non qu'il fuffife pour
» être reçu à ce feul titre , d'admirer les
chefs-d'oeuvre de l'Eloquence & de la
» Poëfie , d'eftimer & de rechercher ceux
qui les produifent. Cet honneur , pourfuit
M. de P. n'eft dût qu'à celui qui
pofféde ce goût judicieux , capable d'un
examen également prompt & folide ,
que le faux brillant ne peut jamais fé-
» duire , qui non content de connoître les
» effets de l'Art , fçait en pénétrer tous les
fecrets , qui peut rendre compte du fentiment
qu'il éprouve & développer les
caufes qui l'ont fait naître , enfin qui par
l'habitude contractée avec les grands
» modéles , s'eft rendue propre une por-
» tion de l'Eloquence dont vous êtes les
» dépofitaires , de cette Eloquence égale-
»ment utile à l'homme de Lettres ,
»
l'homme du monde & à l'homme d'Etat
AVRIL
79* 1748.
Après cette définition du goût élégante
& judicieuſe , » L'homme du monde ,
continue M. de P. fait plus fouvent
» qu'on ne croit ufage de l'Eloquence , il
» y en a une qui lui appartient finguliere-
» ment , mais qui dans le fond fuit les mê-
» mes régles que celle de l'homme de Lettres.
Expliquer
fes idées avec netteté ,
« les enchaîner
avec ordre , obferver toujours
une méthode exacte , dont on ca-
» che le principe & dont on ne laiffe voir
que les effets , plaifanter
avec grace , cri- » tiquer avec délicateffe
, parler des cho-
» ſes ſérieuſes & importantes
avec dignité
là
& des autres fans baffeffe , n'eft- ce pas
ce qui caractériſe
l'Eloquence
de l'homme
du monde ? Elle eft un de fes principaux
agrémens
; elle devient dans
l'homme d'état un mérite du premier
ordre. Soutenir par fes difcours la Ma-
» jefté de fon Prince , rendre avec clarté ,
force & nobleffe , les ordres dont on eſt
» honoré , mettre en oeuvre le grand art
» de la perfuafion
, pour refferrer des noeuds
déja formés & en former de nouveaux
,
pour échauffer
les amis , gagner les in- >>differens , ramener les ennemis , telle eſt
» l'Eloquence
employée
par l'homme d'E-
33
tat. «
Nous ferions obligés de tranfcrire le
Diiij
So MERCURE DE FRANCE!
Difcours entier , fi nous voulions órner ce
livre de tous les traits brillans & judi.
cieux dont il eft rempli, Ainfi pour ne pas
paffer les bornes d'un extrait, nous ne pous
arrêterons pas fur l'éloge de M. l'Abbé
Girard . C'eft dans le Difcours même qu'il
faut le voir , ainfi que ce que dit M. de P
'de Louis XIV. & du Cardinal de Richelicu..
•
כ
*. » Le titre de Protecteur de l'Académie,
pourfuit-il , eft devenu comme un appanage
de la Couronne. La fortune des
Lettres dans un grand Empire fait pref
»que toujours la deftinée de l'Etat politique.
Si l'Académie fe maintient dans
» cet état de fplendeur qu'elle acquit fous
Louis XIV. c'eſt que l'héritier de fon
» nom & de fes vertus nous ramene les
plus belles années du regne précédent.
» Police exacte maintenue dans l'Etat ,
»établiffemens utiles , perfectionnés ou
formés , foumiffion entiere fondée fur
l'amour des peuples,bien plus que fur la
» crainte , tranquillité profonde confer-
» vée dans l'intérieur du Royaume ,malgré
»la guerre la plus vive foutenuë au- de-
»hors ; Provinces conquifes avec rapidité ,
Places forcées qui jufqu'ici étoient eftimées
imprenables ; batailles gagnées en
perfonne , où la valeur des François a
"
AVRIL. 1748. SI
» été redoublée par la préfence de leur
" Maître , tels font les évenemens du regne
» fous lequel nous vivons ; la France s'en
"glorifie , les autres Nations font forcées
» d'y applaudir.
»
*
Oferois-je , Meffieurs , ajouter quelques
traits des qualités perfonnelles aux-
» quelles nous devons de fi grands avantages.
C'eft ce que j'ai recueilli de ceux à qui
»je tiens de plus près , & qui pénétrés de
> reconnoiffance & d'admiration , m'ont
» tant de fois infpiré les mêmes fentimens
و د
dont je les voyois animés ; grandeur dans
» les projets , fageffe dans les réfolutions ,
» Majefté foutenue dans tout ce que ce
grand Prince entreprend & exécute ,
» tendreffe extrême pour fafamille , amour
» vraiment paternel pour fes peuples ,
» douceur pour tous ceux qui ont le bonheur
de l'approcher , pere tendre , maî-
» tre aimable, Grand Roi , puiffe -t'il bien
» tôt donner la paix avec autant de gloire
» qu'il fait la guerre , & recevoir de l'Eu-
»rope entiere le même titre qu'il doit à
» l'amour de fes fujets ! «
Nous ne pouvons mieux louer ce Difcours
de M. de P. qu'en répétant ce que
dit M. Greffet, qui parla après lui. » Je me
plaindrois , dit il , de l'infuffifance de
»l'artà rendre d'auffi brillantes images ,
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
& furtout à peindre dignement les traits
» des deux premiers Protecteurs de l'Aca-
» démie , ſi leur jufte éloge ne venoit d'être
tracé en ce moment , par un homme
» né pour parler des hommes d'Etat &
»pour
leur reffembler , pour leur apparte-
» nir par les talens comme par la naiffance,
& né également pour appartenir aux
» Lettres & aux Arts par un goût hérédi-
» taire : «<
g
L'éloge de M. Danchet fait lå principale
partie du Difcours de M. Greffet . Toute
fa vie fut appliquée , remplie & digne de
fes modéles. Né avec un efprit facile &
fécond , un talent heureux pour la Poëfie
une ame faite pour faifir & peindre les
idées élevées & les fentimens nobles , un
jugement toujours maître du talent , M.
Danchet avoit joint à ces dons de la nature
tous les fecours de l'Art , toute la culture
de l'étude & de la réfléxion , les richeffes
des Mufes d'Athénes & de Rome , & tous
les nouveaux réfors dont le Parnaffe de
P'Europe eft enrichi depuis la fin des fiécles:
barbares & la renaiffance des Lettres. Inftruit
, formé par les oracles de la Poëfie ,
rempli de leurs beautés , animé de leur
efprit , i mérita de parler leur langue &
de partager leurs lauriers.
Je ne m'arrêterai poinr , dit M. G. à
A VRIL. 1748.
caractériſer fes differens écrits , ni à rap-
» peller le fuccès des Tindarides , de Cy-
» rus , de Nitetis , couronnés plufieurs fois
fur la fcéne tragique , & le rang diftin
» gué qu'Héfione , Tancréde & les Fêtes
Vénitiennes tiendront toujours fur la
fcéne Lyrique , c'eft aux ouvrages à par-
>> ler de leur Auteur , tout autre témoigna-
» ge eft fufpect ou fuperflu. Mais il eft un
» tribut plus cher que je puis payer à la
» mémoire de M. D. avec toute l'autorité
» du témoignage public , & avec cette fa-
» tisfaction du coeur , qui accompagne la
» vérité , un tribut dont je ne dois rien
» omettre pour fa gloire , & celle des talens
même , un titre plus honorable que les
fuccès & que le frivole mérite de n'avoir
» que de l'efprit , un éloge fait
pour inté-.
» reffer également & celui qui le donne &
ceux qui l'écoutent. Avantage bien rare
> pour la loüange !
Ce n'eft pas feulement , pourfuit M
» G. à l'idée générale d'une franchife ref-
» pectable , d'une probité fans nuages , &
» d'une conduite fans variations que je
viens rappeller votre fouvenir » pour
peindre tout le mérite de fon ame. Je
» n'ai nommé là que les vertus & les dé-
» voirs qu'il partageoit avec tous les véri
tables honnêtes gens ; il n'avoit d'amis
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
» qu'eux , il ne pouvoit reffembler à d'au-
»tres , mais pour y joindre des traits pluts
»perfonnels , un mérite dont il faur lui
» tenir compte , un avantage qu'il empor-
» te dans le tombeau , c'eft de n'avoir ja-
» mais deshonoré l'ufage de fon efprit par
aucun abus de la l'oëfie , caractère fi rare
dans l'art dangereux qu'il cultivoit , &
où le talent ne doit pas être plus efti-
» mable par les chofes même qu'il pro-
» duit, que par celles qu'il a le courage de
jos
fe refufer. Inftruir dès fa jeuneffe &
» convaincu toute fa vie que la Poëſie ne
» doit être que l'interprête de la vérité &
» de l'honneur , la langue de la fageffe &
de l'amitié , & le charme de la fociété ,
il ne partagea ni le délire ni l'ignominie
de ceux qui la profanent ; au- deffus de
cette lâche envie , qui eft toujours une
>>preuve humiliante d'infériorité , ennemi
du genre fatyrique dont l'art eft fi facile
» & fi bas , ennemi de l'obfcénité dont le
ور
fuccès même eft fi honteux , inacceffible
» à cette aveugle licence qui ofe attaquer
» le refpect du aux Loix , au Trône , à la
» Religion , audace dont tout le mérite eft
» en même tems fi coupable & fi digne de
» mépris , incapable enfin de tout ce que
» doivent interdire l'efprit fociable , la
façon noble de penfer , l'ordre , la dé-'
AVRIL. 83 1745.
porterer
cence & le devoir , fes écrits
> toujours l'empreinte de fon coeur . «
Tous ceux qui ont connu M. Danchet
conviendront que jamais éloge ne fut
mieux mérité , & tous ceux qui fe connoî
tront en louanges , ne pourront nier qu'il
eft difficile d'en trouver de plus flateufess
& exprimées avec plus de force & d'élé
gance;à qui convenoit-il mieux qu'à M.G.
de jetter ces fleurs fur le tombeau de M.
D. lui qui à des talens couronnés par les
fuccès les plus brillans joint les moeurs
les plus pures confacrées par l'eftime publi
que , en un mot les mêmes vertas qu'il
Ioue dans fon prédécefleur , & qui ne font
pas aux Lettres & à lui un moindre hon
neur que fes talens diftingués .
Après avoir ajouté à l'éloge de M. Dans
chet quelques traits qui ne font pas moins
brillans que ceux que nous avons tranferits.
» C'eft votre ouvrage , Meffieurs , continuë
M. G. cefont vvooss biens que je viens
» d'expofer à vos yeux , en parlant de font
coeur & de fes vertus. C'eft par les principes
invariables de cette illuftre Com
pagnie qu'il avoit cultivé , enrichi , per-
» fectionné un naturel fi heureux , & fur-
» tout l'efprit d'anion , de déférence & de
» fociété , ce caractére fi effentiel à la Ré♣
" publique Littéraire , & dont vous don
»
86 MERCURE DE FRANCE.
nerez toujours le modéle. Caractére de
nobleffe & de vérité , de force & de lu-
» miere , qui ne connoiffant ni les hon-
» teufes inquiétudes de la jaloufie , ni les
>
intrigues de la vanité , ni le tourment
» de la haine , ni la baffeffe de nuire , reçoit
& donne avec droiture tous les fe-
»cours de la confiance , tous les confeils
du goût , tous les jugemens de l'impar-
» tialité ; ne voit point un ennemi dans un
concurrent , applaudit tout haut aux vrais
fuccès , fans . fe réferver à les déprimer
» tout bas , & ne cherche que le bien , le
progrès & l'embelliffement des Arts. «<
Tels font en effet l'efprit , les loix &
T'appui , ainfi que les premiers fondemens
de l'Académie . En ouvrant fes annales
monument de la vertu , ainfi que de la
gloire Littéraire , on voit avec un fentiment
de plaifir qui n'échappe point aux
ames généreufes , on voit que l'amitié
éclaira la naiffance de l'Académie . C'eft
fur une Societé choifie de fages qui s'ai
moient & qui s'inftruifoient réciproquement
, que le Cardinal de Richelieu , ce
vafte & profond génie à qui rien n'échap
poit de tous les moyens d'illuftrer un Em
pire , conçut le plan de cet établiſſement fi
honorable à fa mémoire , & fi utile aux
Lettres & à la France,
AVRIL. 1748 .
$
"
J'avouerai , dit M. G. que toujours
indigné des inimitiés baffes & des divis
»fions indécentes dont l'Empire des Lettres
eft quelquefois agité , pénetré de
» vénération pour les exemples contraires
que préfente l'Académie , j'ai cru ne
pouvoir mieux fatisfaire au tribut que je
» lùi dois , qu'en m'attachant à faire remarquer
& refpecter cette heureufe amitié,
partie fans doute la plus intéreffante
» de vos faftes , puifqu'elle eft l'hiftoire de
»la vertu , & que la vertu dans l'ordre du
bonheur public marche avant les talens .
On ne peut douter que le fentiment généreux
de la confiance & ce concours de
forces & de clartés toujours réunies par l'a
mour del'intérêt commun , n'ayent heureufement
contribué aux progrès particuliers
de tant de grands hommes qui ont illuftré
le dernier regne & la Nation.
Differens dans leur genre , mais placés
dans la même carriere , rivaux fans divifions
, concurrens dignes de s'eftimer , fimples
& modeftes , parce qu'ils étoient vraiment
grands , les Corneille , les Boffuet ,
les Racine , les Fénelon , les la Fontaine ,
les Defpreaux , les Flechier , les la Bruiere ,
furent toujours les exemples de ce caracté
re d'égalité & d'union qu'ils ont tranfmis
à leurs fucceffeurs. Pourrois-je , ajoûte
38 MERCURE DE FRANCE!
%
1
» M. Greffer , ne point leur afföcier dans
cet éloge leur contemporain , leur ami
leur rival , que nous avons la douceur
» de voir ici , cet homme adoré de leur
» fiécle & du nôtre , nroděle , comme eux ,
>> d'une vie rendue conftamment heureuſe
par la raifon , les graces & la vertu , d'une
» vie qui ne peut être trop longue au- gré
de nos défirs & pour notre gloire.
Nous ne finirons point notre extrait fans
citer l'Eloge du Roi , qui termine cet excellent
Difcours. » Que pourrois-je ajoûter
, M M. à la force & à la vérité des
traits fous lefquels on vient de yous offrir
l'image de votre , augufte Protecteur ?
» Vous y avez admiré la valeur & la victoire
unies à la modération & à l'amour
» de la paix ; la Royauté parée de tous les
caractéres qui font le pere de la Patric ;
» l'humanité enfin avec tous les titres du
Sage & de l'homme adoré. Après ce ta-
»bleau fi reffemblant où ma foibleffe n'au-
» roit pû s'élever , qu'il me foit feulement
permis pour l'honneur des Beaux Arts ,
de rappeller & d'éternifer ici les bien-
» faits dont le Sophocle de notre âge vient
» d'être honoré. *
* Le Roi a accordé à M.de Crébillon une penfon
de 1500 livres fur la caflette,
AVRIL. 3 . 1748.
»Puiffent nos travaux immortalifer les
»fentimens d'admiration , de refpect &
» d'amour , dont nous fommes pénetrés.
»pour notre Monarque augufte ! La poftés
rité célebrera comme nous fes vertus , &
dans les fiécles fuivans tous ceux qui dans
»un jour ſemblable rendront ici , comme
> moi, leur premier hommage à l'Académie,
>en nommant fes protecteurs , s'arrêteront
avec complaiſance fur l'éloge d'un Sou
» verain qui n'aura jamais été loué que par
»la vérité.
Ce Difcours digne de M. Greffet , a plû
généralement , & l'on a trouvé qu'il ne
faifoit pas moins l'éloge de fon coeur que
de fon efprit , louange la plus flatcufe de
toutes.
: M. de Boze , Directeur de l'Académie ,
commença par féliciter les deux Récipiendaires
fur l'unanimité de leur élection ,
mais , dit M. de Boze , les élections feront
toujours unanimes quand elles fe trouveront
de même guidées ou prévenues par la
voix publique.
» Elle nous a dit , M. pourfuivit - il en
» s'adreffant à M. le Marquis de Paulmy,
»foit pour écarter l'idée de votre jeuneffe,
ל כ
foit pour vous en faire un mérite , que
» dès le moment de votre naiflance vous
navez appartenu autant aux Lettres qu'à
90 MERCURE DE FRANCE
» l'Etats que dans le fein d'une famille
» fouverainement amie des Mufes , & fin
»gulierement dévouée au bien de la Patrie
, l'envie de fçavoir & le défir d'être
utile , furent les premiers fentimens qui
fe développerent en vous , & qu'ils hâterent
tellement vos progrès , qu'à un
âge où le commun des hommes finit à
peine de légeres études , vous exerciez
déja un Miniftere public dans le Tribu
ñal où fe portent , s'inftruiſent & le ju-
» gent les premieres conteftations de nos
Citoyens. Que de- là paffant en differentes
Cours de l'Europe pour les connoître
par vous même , la réputation qui vous
» y avoit devancé , s'étoit accruë de tour
ce que les graces , la politeffe , la douceur
& la facilité des moeurs ajoûtent
aux qualités du coeur & de l'eſprit ;
que dans le cours de ces voyages plu-
» fieurs Académies s'emprefferent d'infcri-
» re votre nom dans leurs Faltes , & que
» celle de Berlin vous ayant adopté par
9 voye d'acclamation , vous y prononçâtes
dans une affemblée publique que la Fa-
» mille Royale honora de fa préfence , un
Difcours fur l'utilité des adoptions litté
raires , qui fut extrêmement applandi &
» loüé , furtout par ce fage & vaillant Monarque,
qui à la fleur de fon âge eft delas
AVRIL 1748 .
91
6 puis long - tems le Mars & P’Apollon dư
» Nord.
Nous fouhaiterions que les bornes de
cet extrait nous permiffent de citer encore
quelques traits éloquens & judicieux dont
eft rempli le Difcours de M. de Boze , écrit
avec nobleffe , élégance & exactitude,
ODE
ANACREONTIQUE
N
E peut- on vivre fans aimer,
S'écrioit la jeune Glycere ?
Que gagnerai- je à tout charmer 3
L'amour n'engendre que mifere,
Quelqu'un qui l'oüit déclamer
Lui dit : écoutez- moi, bergere ;
C'eft un crime de blafphemer
Contre Cupidon & fa mere.
***
Que vous fervira de blâmer
Les amuſemens de Cithere ?
L'homme peut-il fe reformer
Pouvez-vous empêcher de plaire
92 MERGURE DE FRANCE.
Laiffez donc chacun s'enflammer ;
L'amour eft un mal néceffaire ;
A quoi bon tant fe gendarmer
Contre une chofe qu'il faut faire e
A Chaalons-fur- Marne,
BEREREREIRERIEN淡菜
A M. DE LA BRUERE.
LE
L &peu me laien
de tems , M. que me laiffent
"
des affaires d'une longue difcuffion
qui trop fouvent me mettent dans le cas
de m'écrier avec Horace , Beatus ille qui
procul negotiis , & c. ne m'a pas permis plutôt
de remercier l'anonyme qui a bien voulu
me propofer fes doutes fur le paffage de
la Satyre VI , où Horace dit ,
Quidve ad amicitias ufus , rectum ne trahat
nos , que j'avois expliqué ainfi ; ſi c'eſt
l'honneur ou l'intérêt qui fait les vrais amis ?
Je crois , comme ce judicieux critique ,
qu'il n'eft point néceffaire de lier ce vers
avec celui - ci qui le précede , Utrum divitiis
homines , an fint virtute beati ?
Pour juftifier la fignification d'intérêt que
j'ai donnée à ufus , comme ont fait J. Bond
& Dacier , je crois encore que ces deux
vers font totalement indépendans l'un de
AVRIL 1748, 9
l'autre ; Horace nous fait ici la peinture de
ces foupers philofophiques qu'il faifoit
avec les amis & où l'on traitoit à fond ce
qu'il importe le plus à l'homme de fçavoir;
teles étoient leurs differtations fur les plus
fûrs moyens de fe rendre heureux , fur la
nature du vrai bien , fur les motifs qui
forment les liaifons entre les hommes , &
fur tout ce qui appartient à la morale la
plus épurée.
L'anonyme propofe deux façons d'entendre
Quidve ad amicitias ufus , rectum ne
trabat nos ? L'une eft interprétant ufus par
fréquentation , commerce , habitude ; il rap
porte un exemple d'Ovide , où ce mot eft
pris dans une acception femblable ; il cite
I'Utor familiariter , fi fréquent dans Cicé
ron , enfin il dit que trabat joint à ufus ,
femble juftifier cette interprétation . Tout
femble en effet l'autorifer , mais de ce
qu'un mot latin a fouvent été pris
par les bons Auteurs & même par celu
que l'on traduit , dans telle ou telle acception
, il ne s'enfuit pas qu'on doiye s'en
faire une regle indéfinie & qu'on ne puiffe
pas prendre ce mot dans une acception
differente , lorfque le fens n'en eft point
altéré. C'est ce que j'ai ofé avancer dans
mes réponses au Critique qui a bien voulų
facrifier quelques momens de fon loifir à
94 MERCURE DE FRANCE.
examiner ma traduction da Poëme Sécut
laire. Les exemples d'un mot latin pris ou
par l'Auteur ou par d'autres, dans un fens,
prouvent d'autant moins qu'on doive s'en
faire une regle , que fouvent cet Auteur
ou d'autres l'employent dans un fens different.
Tel eft ufus qu'Horace lui - même a
employé ailleurs , ainfi que Plaute , Térence
, & c . dans le fens de profit , utilité
avantage, intérêt, dont le dernier , je crois,
eft le vrai fens de ce paffage . Il paroît même
que le fçavant Anonyme panche pour
ce dernier , en difant j'avoue qu'Horace
ayant mis AMICITIAS au pluriel , mê.
paroît avoir voulu parler en général de toute
forte de Liaifons , plutôt que de la vraie amitié
qui a fon principe dans la vertu , mais
dans ce cas , ajoute-t'il avec raifon , il vaudroit
mieux étendre le fens du mot AMICITIAS
, en le rendant par celui de LIAI
SONS , quepar celui de VRAIS A MIS ,
raduire ainfi le vers en question , SI C'EST
L'HONNEUR OU L'INTEREST QUI
FORME NOS LIAISONS.
*
ن م
Cette feconde façon de l'entendre , que
propofe le judicieux Critique , femble devoir
être préférée à la premiere , & c'eft
celle que j'ai fuivie , avec d'autant plus de
raifon , qu'en général T'intérêt a de tout
tems formé plus de liaiſons entre les hom
AVRIL.
1748
mes ,que leur fréquentation , le commerce
qu'ils ont entre eux ou l'habitude de
fe voir.
Ne pouvant faire mes remerciemens
à l'Anonyme de l'obfervation qu'il m'a
communiquée & dont j'ai profité , que par
la voye de votre Mercure , je vous prie ,
M. de vouloir bien inférer ma lettre,
y
Je fuis , & c.
Les mots des Logogryphes du Mercure
de Mars font bucheron , mortier , éventail
Château & Campane. On trouve dans le
premier Logogryphe buche , bucher & on,
Dans le troifiéme E, vent , évent & ail,
Dans le quatrième eau , chat , chate & Cha,
Titre des Souverains de Perfe. Dans
cinquiéme Campan , campa , troifiéme perfonne
du paffé défini du verbe camper ,
camp & Cam , Titre du Souverain des
Tartares,
$6 MERCURE DE FRANCE.
阀口
ENIGM E.
Par Madame des Forges Maillard,
DvU haut de la voûte des Cieux
Je brûle les mortels , moi qu'on dit en tous lieux
Etre leur gardien ſur la terre .
Je fuis pourtant forcé par un fort malheureux ,
Pour en défendre un à la guerre ,
D'envoyer fouvent l'autre aux manoirs tenebreux
AUTRE.
Nous fommes de légeres foeurs ,
Qu'avec beaucoup de foin l'on forma pour le
monde ;
Nous y paffons auffi pour la caufe féconde
Qui fçait mieux de l'ennui diffiper les langueurs.
Aidé des jeux riants , le plaifir , notre pere ,
Inftitua les loix de tous nos mouvemens ;
De chacune de nous il a reglé les rangs ;
La fortune prend foin du reste de l'affaire ;
D'inconftance on nous taxe , & ce n'eft pas
L'on nous voit toutefois égales & polies,
Et chacun à fon tour de nous reçoit la main.
Mais vous, homime prudent, qui craignez à la fin
Quelque
en vain
AVRIL. 97 1748.
1
Quelque retour fâcheux de toutes nos folies ,
Contentez-vous d'en faire un ufage badin.
AUTRE.
Comme la Déeffe des fleurs ;
Les plus riantes couleurs ,
Entrent dans mon apanage ,
Et fervent à me parer ;
Ou fiparfois on me voit arborer
Un plus lugubre équipage ,
On ne me voit point changer
Mon jeu ni mon badinage ,
Et fous mes loix le Zéphire léger
Ne ceffe point de ſe ranger.
JAF
AUTRE,
'Arrive du Midi , tout exprès pour vous plaire
Mais j'en reçois un étrange ſalaire,
La torture des fcelérats
Et le traitement ordinaire
Que j'éprouve dans vos climats ,
Le feu comme le fer fervent à mon fupplice ,
Mais ce n'eft pas encore affés pour mes bourreaux
Ils jettent avec foin mes cendres dans les eaux ;
Vous penferiez qu'alors finit le facrifice ;
Non ; après un repos léger ,
F
98 MERCURE DE FRANCE ,
Dans des gouffres profonds l'on vient me res
plonger.
Enfin de ce fombre dédale
Parcourant les fentiers divers ,
Je me transforme , je m'exhale ,
Jem'anéantis , je me perds.
Și ce récit tout feûl vous trouble & vous étonne,
Que penferez-vous donc , judicieux lecteur ,
Quand vous fçaurez que la plus fimple None
A le réaliſer trouve de la douceur ,
Et croit par là le mettre en bonne odeurs
܀܀
こ
LOGOG RYPHE.
J
E fuis de l'Office divin ,
Et mon nom forti du Latin ,
Offre à quiconque le combine ,
1 Celui d'un Empereur Romain,
Qui fut cruel , dur , inhumain ,
Un vénérable Auteur de l'Eglife Latine
Et ce délicieux Jardin ,
Où le pere du genre humain
Paffa la premiere journée ;
Une des faifons de l'année .
Cherchez encor , vous trouverez en moi
Un article de notre Foi ;
AVRIL. 1748. 99
Une ville de Bithynie ,
Où l'on tint deux Conciles Généraux ;
Ine autre en France , une autre en Italie
Enfin le nom de ce Heros
Qui fe fauva d'un incendie ,
Portant fon pere fur fon dos ;
Le nom d'un bois & d'une. Comédie ;
Petit membre utile aux oiſeaux ;
Ce qu'ils pofent dans les rofeaux ;
17
Un cheval ; la fille d'un frère ;
Le Souverain de Tunis & d'Alger ;
Ce qu'à la mort d'un & d'une mere
pere
Tous les enfans ont ſoin de
partager.
Par Mile D. G. de Chaalons-fur- Marne."
રાક
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX - ARTS ; &c.
ECUEIL de differens Traités de Phy-
Rfique & d'Hiftoire Naturelle , propres
à perfectionner ces deux fciences ,
par
M. Deflandes. Paris , 1748 , in - 12 . chés
Quillan , feconde édition , corrigée & augmentée
de plufieurs nouveaux Traités .
Le nom de M. Deflandes , avantageufement
connu du public par des ouvrages
eftimables , doit prévenir très-favorable-.
ment pour ce Recueil. Les Traités qui y
font contenus font , 1º . fur la maniere de
conferver les grains & de faire des greniers
publics , avec des obfervations qui déve
loppent la ftructure intérieure & le caractére
de ces grains ; 2 ° . fur la prompte végétation
des plantes ; 3 ° . fur la pêche du
Saumon ; 4°. fur les fympathies & les antipathies
, avec quelques remarques de
Phyfique & d'Anatomie ,pour expliquer ce
qu'elles font ; 5. fur diverfes particularités
d'hiftoire naturelle,qui regardent l'Angleterre
, l'Ecoffe & l'iflande ; 6° . fur la
meilleure maniere de faire des expériences
, fur les précautions qu'elles demanAVRIL:
1748. 101
dent & fur le peu d'eftime
que méritent
la plupart
de celles
qui ont été faites
jufqu'i- ci ; 7 ° . fur les difgraces
qu'effuya
Galilée
,
pour
avoir
foutenu
que le Soleil
eft placé
dans
le centre
ou foyer
commun
de notre
monde
planétaire
, & que
la terre
tourne
autour
de lui.
On voit dans ce dernier morceau une
anecdote curieufe . Ce fut un Jéfuite, nommé
le P. Scheiner, qui le premier en 1611
obferva à Ingolftadt les taches du Soleil .
Le P. Bufée , fon Provincial , à qui il fic
part de cette obfervation , lui répondit
qu'il avoit lû deux fois tous les ouvrages
d'Ariftote , qu'il n'y avoit rien trouvé fur
ces prétendues taches , & que c'étoit fans
doute une vaine imagination . Cependant
le P. Bufée en parla , mais avec mépris , à
Marc Weller , qui fentant le prix de cette
découverte la publia ſous fon nom . Il n'en
fallur pas davantage pour engager le P.
Scheiner à fe déclarer & à revendiquer fon
bien , mais dans le même tems Galilée fe
vanta d'avoir obfervé le premier les taches
du Soleil en 1610 , tant à Padouë qu'à
Vénife, il prodigua fans ménagement à fon
adverfaire les épithetes les plus injurieufes
& les plus méprifantes , & celui - ci crat
ne pouvoir mieux s'en venger qu'en déférant
le Livre de Galilée à l'Inquifition ,
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
qui, comme tout le monde fçait , condam
na le Livre & l'Auteur. C'eft ainfi , dit M.
Deflandes , que Cléante fe vengea autrefois
d'Ariftarque de Samos , & l'accufa
d'impiété & de facrilege envers les Dieux,
d'autant que cet homme tâchant à fauver les
apparences , fuppofoit que le Soleil demeuroit
immobile, & que c'étoit la terre qui fe mouvoir
par le cercle immobile du Zodiaque , tournant
à l'entour de fon aiffieu.
Les differens Traités que renferme ce
volume font remplis d'obfervations curieufes
& de refléxions judicieuſes .
SERMON prêché à l'ouverture des
Etats de Languedoc , affemblés à Montpellier
le 26 Novembre 1747 par Dom
Emmanuel Hermand , Feuillant , Prédica
teur du Roi. Montpellier , 1747-
Ce Difcours a mérité les fuffrages de
l'Affemblée devant laquelle il a été prononcé
, & il fait honneur à l'éloquence de
l'Orateur. Il a choifi pour texte , Regem
honorificate , fraternitatem diligite. Honorez
le Roi , ayez à coeur les intérêts de
l'amitié fraternelle. Quelle eft l'étendue
de ce tribut d'honneur que la Religion
exige de nous à l'égard de la Majesté
Royale , par quels motifs devons-nous le
lui rendre ? C'est ce que l'Orateur examine
dans la premiere partie de fon Difcours.
AVRILI 1748 # 10 ;
Comment & par quels actes devons- nous
fignaler notre zéle pour les intérêts de la
Patrie , c'eft le fujet de la feconde partie.
Dans l'une le Prince trouvera le Sujet
plus fidéle , dans l'autre , l'Etat reconnoîtra
le Citoyen le plus zelé . Le caractére du
parfait Citoyen dans le Citoyen Chrétien;
c'eſt l'idée générale de ce Difcours.
LES Amours d'Abrocome & d'Anthia ,
Hiftoire Ephefienne, traduite deXenophon.
1. M. l'Abbé Salvini eft le premier qui ait
fait connoître cet Aateur Grec par une tra
duction Italienne qu'il en fit fur un manufcrit
qui lui fut donné par M. Davenant,
Envoyé du Roi d'Angleterre auprès du
Grand Duc de Tofcane. Depuis M.Cocchi
l'a traduit en Latin. Plufieurs anciens
Philologues ont parlé avec éloge du ſtyle
de ce Xenophon , qu'il ne faut pas confondre
avec l'Hiftorien qui a écrit la
retraite des dix mille & l'Histoire de Cy.
rus. On ignore dans quel tems vivoit l'Au
teur de ce Roman. Cependant par l'élégance
& la pureté de fon ftyle , on con
jecture qu'il eft beaucoup plus ancien que
Longus, Héliodore , Achille Tatius, & les
autres Auteurs des Romans Grecs qui nous
font connus . D. Bernard de Montfaucon
en a fait une mention avantageufe dans
fon Diarium Italicum , en parlant des ma
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE:
nufcrits Grecs de l'Abbaye des Benedictins
de Florence . M. Salvini croit que ce Xenophon
flexifoit fous Céfar. Mais fon
ftyle de tems en tems femé de pointes
fines & délicates fait pancher le Traduc
teur François à le croire contemporain ,
ou même poftérieur à Seneque.
A l'égard de la traduction le ftyle en
eft clair & facile , elle fe fait lire avec plaifir.
L'Auteur y a joint des notes inftructives.
Ajoutons à ces éloges que le livre eft
fort bien imprimé , fur de beau papier ,
& orné de jolies vignettes & d'eftampes . ›
Nous avons parlé avec éloge au mois
de Juin 1746 ( fecond volume ) de la Differtation
de M. Bruhier fur l'Incertitude
des fignes de la mort. On nous prie d'annoncer
aujourd'hui que de Bure Libraire
eft devenu Propriétaire du Privilége.
L'Auteur a fait une addition à fon projet
de reglement , & on la donnera gratis à
ceux qui feront remettre fans frais à l'Auteur
le frontifpice entier du Mémoire.
Cette addition contient 49 hiftoires atteftées
par des perfonnes dignes de foi ,
hiftoires de refurrections fingulieres , &
qui prouvent combien il eft important de
ne pas précipiter les enterremens ; l'ouvrage
de M. Bruhier en contient un bien
plus grand nombre & des raifonnemens
AVRIL. 1748. 105
fort folides fur cette matiere fi intéreffante
pour la fociété. La lecture de fon ouvrage
ne peut qu'être fort utile , puifqu'en imprimant
dans les efprits une terreur falutaire
des accidens qui y font décrits , elle
engagera les particuliers à prendre d'euxmêmes
les précautions néceffaires pour s'en
garantir eux & leurs proches , & fera ainfi
l'effet du reglement qu'a propofé M. Bruhier.
Indépendamment des hiftoires qui
fervent de preuves aux réfléxions de M.
B. & dont la variété rend la lecture de
fon livre intéreffante , il y a joint des remarques
curieufes fur l'hiftoire naturelle ,
relativement à fon fujet , & des recherches
fur les cérémonies funébres des anciens ,
qui feront nouvelles pour la meilleure partie
des lecteurs , & defquelles il réfulte que
les Juifs , les Grecs & les Romains , & les
premiers . Chrétiens étoient beaucoup plus
circonfpects que nous fur la précipitation
des fépultures.
Et pour ne parler que des modernes,
il est défendu à Londres d'enterrer avant
trois jours révolus , & fans une vifite des
perfonnes commiſes à l'inſpection des
corps , conftatée par un certificat . L'ufage
de Génes eft de n'enterrer qu'au bout de
trois jours. Les Hollandois pouffent encore
ce terme plus loin . A Calais on n'enterre
E v
166 MERCURE DE FRANCE.
aucun corps qui n'ait été préalablement vi--
fité par un Chirurgien prépofé à cette fonc
tion , lequel en délivre un certificat .
ASSEMBLE E PUBLIQUE de la
Société Royale des Sciences tenue dans la
grande fale de l'Hôtel- de - Ville de Montpellier
, en préfence des Etats de la Province
de Languedoc le 23 Décembre 1746.
Montpellier 1747 , in-quarto.
M. de Ratte Secretaire perpétuel , lût
l'éloge de M. Duquetin. M. l'Abbé de
Sauvages lût un Mémoire fur le vitriol
d'Alais. La fabrique de vitriol des environs
d'Alais , que l'on connoît à peine aujourd'hui
, même dans le pays , eût une
grande réputation dans le Royaume pendant
prefque tout le dernier frécle ; fes
mines abondantes donnoient une couperofe
très- eftimée par les Artiftes , & on en
faifoit dans les Provinces voifines un commerce
confidérable .
Le vitriol , principalement la couperofe
, eft d'un ufage plus étendu dans la
teinture que dans aucun autre métier ; les
Teinturiers en laine & en foye , du grand
& du petit teint , ne peuvent fe paffer de la
couperofe pour les noirs & pour les grifailles
, cependant avec cette difference ,
comme on l'affûre , que la couperofe ferrugineufe
eft meilleure pour les laines , &
AVRIL 1745 107
la cuivreufe pour la foye. Cette drogue eſt
une efpéce de mordant ; les Teinturiers
la mettent au nombre de celles qu'ils appellent
colorantes , quoiqu'elle ne foit
point telle par elle-même , puifqu'elle ne
donne aucune couleur , fi elle n'eſt jointe
à la noix de Galle . La plus grande partie de
celle qui fe confomme dans le Royaume,
nous vient aujourd'hui d'Angleterre ..
M. Arlet lûr enfuite un Mémoire où il
donne les differences du volume , du poids,
de la confiftence & de l'arrangement du
cerveau de l'homme, & de celui de plufieurs
efpéces d'animaux , avec le rapport qui fe
trouve entre ces differences & la diverfité
de leurs exercices.
M. Haguenot en lût un autre far le
danger des inhumations dans les Eglifes .
LE CATALOGUE de la célébre Bibliothéque
de feu M. Burette Doyen des
Médecins de Paris , & de l'Académie des
Belles Lettres , s'imprime en trois volumes
in- 12 . chés Gabriël Martin , Libraire à
Paris. La vente de cette Bibliothèque fe
fera en détail au mois de Juin prochain ...
HISTOIRE des anciens Empires de
l'Afie jufqu'à la mort de Cyrus , précédée
de l'Hiftoire du monde depuis la création
jufqu'à la difperfion des peuples , fervant
d'introduction , par M. Plumyoen » Cha-
E vi
108 MERCURE DE FRANCE.
noine Gradué & Doyen de l'Eglife Cathé.
drale d'Ypres , à Ypres , chés Pierre-Jacques
de Rave , Imprimeur de M. l'Evêque ,
fur la petite Place , in- 12 . de 425 pages.
MEMOIRE hiftorique & critique fur
la ville fouterraine découverte au pied du
Mont-Véfuve , & c. à Avignon , chés Alexandre
Giroud , feul Imprimeur de fa Sainteté
, 1748 , in- octavo de 74 pages.
TRADUCTION du Télemaque en
vers Italiens , à Rome , ouvrage divifé en
deux parties , qui peuvent fe relier en un
ou deux volumes , d'une très- belle exécu
tion pour le papier & les caractéres , & enrichi
d'un frontifpice dont le deffein eft de
M. de Troy , Directeur de l'Académie de
France à Rome.
GUIDONIS Grandi Abbatis Camaldu-
·lenfis & Mathematici praftantiffimi elogium
Ang. Maria Bandinio Florentino Autore ,
Florent. in- octavo , de 4 pages.
TROISIE ME volume de l'Edition
des Lettres du Cardinal Polus , dédié par
M. le Cardinal Querini au Cardinal Duc
d'Yorck , à Breffe.
HITOIRE du Concile de Trente de
Palavicin. Nouvelle édition en trois volumes
, in-octavo , à Milan , chés Jofeph
Marelli , à la Fortune.
LA POETICA ò Reglas de la Poëſia ›
AVRIL. 1748.109
en general , y de fus principales efpecies , por
Don Ignacio de Luzan , Claramunt , de
Suelves , y Gurrea , entre los Academicos
Ereinos de Palermo , Llamado Egidio
Menalippo , en Zaragoza , por Francifco
Revilla , 1747 , petit in -folio de 305 pages
.
& Latin
DICTIONNAIRE Caftillan , Bafque
par le B. de Larramendi , Jéfuite ,
deux volumes in -folio 1745 , à Saint Sbaftien.
L'ouvrage eft en Italien .
GRAMMAIRE de la Langue Bafque
imprimée à Salamanque, in- 1 2. par le même
Auteur.
DISCURSO Hiftorico Sobre la antigua
famofa Cantabria , à Madrid , chés Jean de
Zuniga , in- 12.
TEMPLUM Belſuncaum . Carmen , Autore
Francifco Para è Societate Jefu , à Marfeille.
CONFERENCES Eccléfiaftiques du
'Diocèfe d'Angers fur les cas refervés . Tome
fecond , à Angers , chés Pierre- Louis Dubés
& c. & à Paris , chés Guerin tue S. Jacques,
-in- 12 . 1748 .
PENSE'ES Evangéliques pour chaque
jour de l'année , à Paris , chés Defaint &
Saillant , rue S. Jean de Beauvais. Deux
volumes in- 12 .
LE DROIT PUBLIC de l'Europe ,
110 MERCURE DE FRANCE.
fondé fur les Traités , par M. l'Abbé de
Mably. Nouvelle édition corrigée & augmentée
à Genéve & à Paris , 1748 .
Deux volumes in- 1 2.
M. le Febvre , Organifte de S. Louisen-
l'Ifle vient de mettre au jour une Cantatille
nouvelle , qui a pour titre les Regrets
, à voix feule avec fymphonie , à
Paris , chés l'Auteur , rue des deux Boules,
chés un Limonadier ; Madame Boivin , rue
du Roule , à la Régle d'or , &c. Le prix
eft de 1 liv. 16 f. I
HISTOIRE de l'Académie Royale
des Sciences , année 1743 , avec les Mémoires
de Phyfique & de Mathématique
pour la même année , tirés des Regiftres
de cette Académie , 208 pages pour
l'Hiftoire & 428 pour les Mémoires , avec.
onze planches détachées , à Paris de l'Imprimerie
Royale , 1746 & fe débite chés
Durand , rue S. Jacques.
LETTRES contenant des Effais fur
l'Hiftoire des eaux minérales du Bearn , &
de quelques-unes des Provinces voisines ,
fur leur nature , difference & propriété
fur les maladies auxquelles elles conviennent
, & fur la façon dont on doit s'en
fervir adreffées à Madame de Sorberio
à Pau en Bearn , par M. Théophile de Bordeu
, le fils , Médecin Chirurgien , Doc-
و
"
AVRIL 17488 TIT
.
teur de Montpellier , à Amfterdam , chés
les Freres Poppé , Libraires , & à Montpel
lier , chés le Sieur Gontier , Libraire , à la
Loge , 1746 , volume in- 12 . de 221 pages.
LA THEORIE de la pratique du Jardinage
, où l'on traite à fond des beaux
Jardins , appellés communément les Jardins
de plaifance & de propreté , avec les
pratiques de Géométrie néceffaires pour
tracer fur le terrain toutes fortes de figures
, & un Traité. d'hydraulique convenable
aux Jardins , par M. ***. de la Société
Royale des Sciences de Montpellier. Quátriéme
édition , revûë , corrigée , augmentée
confidérablement , & enrichie de nouvelles
planches , de 466 pages ,
à Paris
chés Pierre-Jean Mariette , rue S. Jacques,
aux Colonnes d'Hercule , 1747.
CAROLI Noceti è Societate Jefu de
Iride & Aurora Boreali Carmina cum notis
Jofephi Bofcovich , ex eadem Societate.
Romæ , excudebant Nicolaus Marcus
Palearini , 1747 , in - quarto , à Rome.
BENEDETTI Colluccii Piftorienfis.de
Difcordiis Florentinorum liber , &c . Florentiæ
, 1747 , in-octavo .
TRADUCTION Italienne de la vie de
S. Jean de Dieu , écrite en François par
M. Girard de Villethierry , Prêtre de Paris,
12 MERCURE DE FRANCE.
1
dédiée au Cardinal Annibal Albani parte
Docteur Pierre Cianfogni , Chanoine de la
Bafilique Impériale de S. Laurent , & de
l'Académie de Florence , à Florence , inquarto
, de 332200 pages , 1747.
CATALOGUS plantarum nonnullarum
horti Academia Phyfico Botanica Florentina,
quarumfemina hoc anno 1747 ad publicam
utilitatem collecta , exteris Botanica cultoribus
in commercium exponuntur , ut totidem
novis ac exofticis permutentur , à Xavero
Manetti , Medicine & Botanices Profeffore ,
ejufdemque horti cuftode , 1748 , à Florence .
L'Auteur a mis auffi ce Catalogue en François
en faveur des amateurs de la Botanique
, qui n'entendent pas le Latin , & il
promet d'en donner tous les ans un femblable
dans l'une & l'autre Langue.
DIVI THOM Æ AQUINATIS ,
Doctoris Angelici , Ord. Predic: Catena in
quatuor Evangelia ad plurima exempla comparata
& emendata. Accedunt Jo. Fr. Bern.
Maria de Rubeis admonitio pravia in idem
opus , & Differtatio contra Benedictinum D.
Thoma Manachatum antequam ad Dominicanum
Predicatorum Ordinem fe conferret ,
Venetiis . Deux volumes in- quarto ,.1746 .
RECURTI , Imprimeur Libraire à Venife
, a publié un ouvrage fur l'électricité
des corps & fur les machines électriques ,
AVRIL 1748. 117
de plus de 400 pages d'impreffion , écrit
en ftyle de Roman & d'Hiftoire galante ,
dont l'Auteur ne s'eft pas fait connoître.
L'OUVRAGE de M. l'Abbé Nollet fur
l'électricité des corps , traduit du François
en Italien , à Venife , 1747 , in-octavo.
TRADUCTION Italienne des Tables
Chronologiques de l'Hiftoire Univerſelle,
Sacrée & Prophane , par M.l'Abbé Lenglet
du Frefnoy. Deux volumes in- octavo
1748 , à Venife , chés Simon Occhi , Libraire..
T
LES ELEMENS de l'Hiftoire par M.
de Vallemont traduits en Italien , dans la
même ville.
LE PREMIER TOME d'une nouvelle
édition de ces Elemens , plus augmentée
que les précédentes , chés J.B. Alberrizzi,
Imprimeur Libraire dans la même ville .
BIBLIA SACRA Vulgate Editionis
cum Selectiffimis litteralibus commentariis.
Tomus IV. complectens libros Jofue , Judicum
Ruth. Venetiis , 1747 , in--quarto.
DE EPOCHIS Conciliorum Sardicenfis
Sirmienfium , caterorumque in caufa Arianorum
, qua occafione rerum potiffimarum
fancti Athanafii Chronologia reftituitur ,
Autore Joanne Dominico Manfi , è Congrega
tione Matris Dei Luccenfi , Lucca , 1746
in-octavo.
114 MERCURE DE FRANCE.
CASTI Innocentis Anfaldi, Ordinis Predicatorum
de authenticis facrarum fcripturarum,
apud SS. Patres lectionibus libri duo, ad
S.D.N. Benedi&tum XIV. Pontificem Maximum
, Verona , 1747 , in quarto.
DELLA formazione de Fulmini Trattato
del Signor Marchefe Scipione Maffei , &c .
in Verona preffo Giannalberto Tamermanni ,
1747 , in-quarto.
PETRIDE EBULO Carmen de motibus
ficulis rebus inter Henricum VI. Imp.
Rom. & Tancredum feculo XII. geftis , nunc
primum ex codice manufcripto Bibliotheca
publica Bernenfis erutum , notifque cum criticis
, tum hiftoricis illuftratum , cum figuris
edidit Samuel Engel , &c. Bafileæ , typis
Emmanuelis Thurneffi , 1746 , in-quarto.
OPUSCULUM de Miffione & Miffiona
riis tractans , fcriptum per R. P. Fr. F. Dom.
Brullaugham S. Ord. Præd . antiquum Miffionarium
edit. 2. Metis , typis Francifci
Antoine , 1747 , in- oƐtavo.
pro- TRACTATUS de Miffionibus ad
pagandam fidem & converfionem Infidelium
Hareticorum inftituendis , Autore Rev.
Ill. D. Ph . Rovenio , Archiepifcopo Philippenfi
, Vicario Apoftolico , Metis , typis
Francifci Antoine , 1747 , in-octavo.
LES TOMES XI . & XII. de la Bibliothéque
Françoife ou Hiftoire de la LittéAVRIL.
1745. ITS
rature Françoife , par M. l'Abbé Goujet
Chanoine de Saint Jacques l'Hôpital , à
Paris , chés P. J. Mariette , & H. L. Guerin,
Libraires , rue Saint Jacques , 1747 &
1748 , in-12.
REFLEXION'S CHRETIENNES ,
fur les grandes vérités de la Foi , & fur les ·
principaux myftéres de la Paffion de Notre-
Seigneur , à Paris , chés Debure l'aîné ,
Quai des Auguftins , près le Pont Saint
Michel , à Saint Paul ›, 11774488 ;, volume
in- 12.
HISTOIRE de l'Académie Royale des
Sciences de Berlin. Volume in-quarto avec
figures , 1747 , à Paris , chés Briaſſon ,
Libraire , rue Saint Jacques. On aura inceffamment
le fecond volume de cet ou
vrage.
ESSAI de Differtation Medico - Phyfique
fur les expériences de l'électricité ,
pour répondre à l'empreffement de toute
l'Europe à en découvrir la véritable caufe ,
par M. Olivier de Villeneuve , Docteur de
la Faculté de Médecine de Montpellier ,
Médecin de la ville & de l'Hôpital de
Boulogne-fur-Mer , à Paris , chés la veuve
David , rue de la Huchette .
LE BOUQUET de l'Amour , Cantatille
avec fymphonie , dédiée à Mlle de
Moras par M. le Febvre , Organite de l'E16
MERCURE DE FRANCE.
glife Royale de S. Louis en- l'Ifle ( les pa
roles font de M. Heurtaux ) gravée par M.
de Mon Gautier , le prix eft de 36 fols , à
Paris , chés l'Auteur , au coin de la rue des
deux Boulles , & chés le Clerc rue du
Roule , à la Croix d'or.
, 2
FABLES nouvelles , mifes en vers
avec la vie d'Efope , tirée de Plutarque &
d'autres Autears , par M. Richer. Nouvelle
édition corrigée & augmentée , à Paris ,
chés Barrois , Quai des Auguftins.
STEPHANI FABRETTI Urbanitatis
è Societate Jefu Prefbyteri Lyrica & Epiftola,
Lugduni , fumptibus Fratrum Duplain ,
1748 .
LETTRES d'un Seigneur Hollandois
à un de fes amis , avec des réfléxions politiques
fur les évenemens les plus intéreffans
de la guerre préfente. 3 vol. à la Haye ,
$ 747.
LE NOUVEAU NEW KASTLE , QU
nouvean Traité de Cavalerie , à Paris ,
au Palais , chés Grangé , dans la Galerie
des prifonniers , à la fainte Famille ,
1747.
DISSERTAT 10 N de M. Gerard Frid.
Muller, Académicien de Pétersbourg & de
la Société Royale de Londres , fur les
écrits en Langue Tangutane , trouvés dans
la Sibéric , où l'on décrit avec foin les enAVRIL.
1748. 117
droits dans lesquels fe trouvent ces écrits ,
& l'on rend raifon des écrits mêmes , brochure
in-quarto de so pages, avec des plan
ches gravées en cuivre , à Pétersbourg, aux
frais de l'Académie , 1747.
L'Académie des Sciences & Beaux Arts.
établie à Pau diſtribuera le premier Jeudi
du mois de Février 1749 , un prix d'une
Médaille d'or empreinte de fes armes ,
l'ouvrage en profe qu'elle jugera le mériter,
lequel ne pourra être de plus d'une demie
heure de lecture. Elle propofe pour fujet ;
De toutes lespaffions que les hommes oppofent
à la vérité , lajaloufie eft la plus dangereuse.
C
Ceux qui fouhaiteront que leurs ouvrages
entrent en concours pour le prix ,
les adrefferont à M. de Blair , Confeiller
au Parlement de Navarre , Sécretaire de
l'Académie , mais il n'en fera reçû aucun'
après le mois de Novembre prochain , &
les paquets refteront au rebut , s'ils ne font
affranchis des frais du port.
Chaque Auteur mettra au pied de fon
ouvrage la Sentence ou Dévife qu'il voudra
; il la répétera au- deffus d'un billet cacheté
, & il écrira fon nom au-dedans du
billet.
LISMERCURE DE FRANCE.
On vient d'imprimer à Nancy chés
Antoine le Seur un Traité hiftorique des
Eaux & Bains de Plombieres , en 350 pages
in-octavo , bon papier & belle impreffion
accompagné de figures en taille douce,
de tables des matieres , & c.
Plombieres eft un bourg en Lorraine ,
fitué à deux bonnes lieues de Remiremont
vers le Midi , dans un vallon très - étroit ,
environné de hautes montagnes , il eft aujourd'hui
en fi grande réputation pour les
caux chaudes , pour fes eaux minerales &
pour les eaux favoncufes , qu'on y vient
de toutes les Provinces de la France , du
fond de l'Allemagne , & qu'il eft peu de
perfonnes qui n'y reçoivent ou leur entiere
guérifon , ou un foulagement fenfible dans.
leurs incommodités.
Ce Traité des eaux de Plombieres fut
ébauché en 1709 , & continué en 1736
par D. Léopold Durand Benedictin de la
Congrégation de S. Vanne , qui étoit alors
à la fuite de M. le Prince de Vaudemont
en qualité de fon Architecte , & qui mettant
à profit fes momens de loifir , s'applià
deffiner Plombieres & fes environs ,
qua
fes bains , fes fontaines , fes étuves , à étu
dier tout ce qu'on raconte des antiquités
de Plombieres , & les reftes des travaux
des Romains qui s'y remarquent encore
AVRIL. 1748. 119
aujourd'hui , il y joignit fes réfléxions &
en compofa un Traité affés fuccinct .
En 1743 Dóm Calmet Abbé de
Senones s'étant trouvé à Plombieres , &
ayant eu communication de cet ouvrage ,
y joignit quelques réflexions & quelques
traits d'hiftoire & d'érudition , il rechercha
les Auteurs anciens & modernes qui
ont traité des eaux thermales & minérales,
il étudia leurs fyftêmes fur la caufe de la
chaleur de ces eaux , fur leurs principaux
effets ; il ramaffa les analyfes faites de ces
eaux en differentes occafions ,
t Enfin pour donner une plus grande perfection
à fon ouvrage , & le rendre plus
inftructif & plus , agréable au public , il a
fait graver en plufieurs planches les environs
de Plombieres , fes bains , fes fontaines
, fes étuves , & tout ce qui peut contribuer
à illuftrer cette matiere ; il y a joint
le plan des bains de Luxcüil , avec d'amples
explications , il y a parlé dans une
jufte étendue des eaux de Bourbonne-les-
Bains du village de Bains à trois lieues de
Plombieres ; il a expofé les divers ſyſtêmes
des Auteurs qui ont écrits fur les eaux ,
il a rapporté ce que Meffieurs de l'Acad
mie des Sciences ont dit des eaux thermales
qui fe trouvent en divers endroits,
du Royaume , il a marqué les maladies
126 MERCURE DE FRANCE.
auxquelles ces eaux font utiles & celles
auxquelles elles font contraires , il a mis
à la fin un fort beau traité compofé par M,
le Maire Médecin de Remiremont ,fur la
nature des eaux en général & fur celles de
Plombieres en particulier , enfin il y a
Joint
gun
Mémoire
de
M.
de
Querlond
Ingénieur
en chefà Marfal , où il donne les
moyens de remédier à certains inconvé→
hiens qui fe rencontrent dans les bains &
dans les étuves de Plombieres,
Ce livre fe vend 4 liv. en blanc
chés Nicolas Marchand , proche la Place
Ville- Neuve , à Nancy , chés lequel on
trouve plufieurs fuites des médailles du
célébre Ferdinand de S. Urbain dont
nous avons donné la lifte & le prix dans
notre Mercure de Décembre 1745 .
2
M. Lemaire , Maître de Mufique à Paris , vient
de donner au public pour l'année 1748 , trois
Cantatilles nouvelles pour les deffus ou tailles ,
avec accompagnement de violons , flute , hautbois,
baffons & violoncelles , fous les titres: La Cafcade
de S. Cloud , dédiée à S. A. S. M. le Duc de Chartres
; le Dédommagement ou l'infidélité reparée ;
PHymen 'Amour , deuxième épithalame ; &
des années dernieres font la Victoire , deflus &
baffe - taille la Reconnoiffance , deffus , le Triomphe
des yeux , deflus ; les Fêtes champêtres , ballesaille.
On
AVRIL: 1748. 121
On vend féparement tous les oeuvres de M. le
Maire qui font fort eftimées , fçavoir cinquantehuit
Cantatilles , dont fix pour les baffes - tailles &
cinquante-deux pour les deffus , ou tailles , au
prix ordinaire de 24 f. piéce , 6 livres de Motets à
30 f. piéce, deux recueils d'airs choifis , le tout de
fa compofition , 3 liv. piéce , chés . M. le Maire
demeurant rue de Seine , fauxbourg Saint Germain
vis -à- vis la rue du Colombier , chés la
reuve Neneu , Marchande de vin , Ballard pere &
fils , Mad, Boivin à la Régle d'or , rue S. Honoré ,
le Clerc , à la Croix d'or , rue du Roule & le Sr de
Bretonne à Lyon .
>
: M. Fabio , dont les talens pour l'Archiluth & la
compofition font connus , vient de faire graver fon
cinquiéme oeuvre contenant fix Trios pour deux
violons & la baffe , qu'il a eu l'honneur de dédier
à Madame la Marquise de Pompadour , & qui ont
été goûtés par les connoiffeurs dans plufieurs
Concerts .
On en trouvera les exemplaires chés M. le
Clerc , rue du Roule à la Croix d'or , & chés Mlle.
Caftagneri rue des Prouvaires , quartier S. Euftache.
On trouvera chés les mêmes Marchands fes
ouvrages antérieurs, Le premier fix Sonates pour
la flute dédiées à M. le Grand Prieur. Le fecond ,
fix Trios à Madame la Princefle d'Orange . Le
troifiéme , fix Trios à M. de Bentink . Le quatrième,
fix Sonates pour la flute à M. l'Evêque de Tournay.
Méthode pour apprendre facilement à jouer du
par -deffus de viole à cinq & à fix cordes , avec
des leçons à une & deux parties , compofée
par M. Michel Corvette , Auteur d'ouvrages eftimés.
Prix 4 liv . en blanc. A Paris , chés l'Auteur ,
F
122 MERCURE DE FRANCE.
Mad, Boivin rue S. Honoré à la Régle d'or, M. ls
Clerc rue du Roule à la Croix d'or.
Le Sieur le Rouge , Ingénieur Géographe du
Roi , à Paris rue des Auguftins , vient de publier
le Théatre de la guerre en Hollande , en 12 grandes
feuilles fur une même échelle , à raifon de 2 pou
ces 2 lignes pour lieue cetteCarte eft prefque topographique
, fort détaillée , très-bien gravée & eſt .
unique dans fon efpéce . On en fait deux Cartes.
de fix feuilles chacune , l'une repréſente la Hollande
Méridionale , l'autre la Septentrionale , on
en peut faire un volume de 48 feuilles in- 8°. pour
la poche .
'On trouve auffi chés l'Auteur le Théatre de la
guerre en Italie , plus un nouveau plan très - exact
de Bergopfoom , levé depuis le fiége.
Le Sieur Gautier Graveur du Roi pour les planches
anatomiques , diftribue actuellement les cinq
dernieres planches qui contiennent les extrêmités
fupérieures & inférieures , de couleur & grandeur
naturelles, lefquelles jointes à celles du tronc & de.
la tête qu'il a déja diftribuées font un corps de
Myologie complette; toutes ces piéces font accompagnées
de leurs tables avec une explication exacte
des attaches de chaque mufcle , on y a joint une
récapitulation Françoife & Latine , où il y a quel-,.
que étymologie des noms des muſcles & des parties
qui y ont rapport ; on trouve à la derniere
table une comparaifon de proportion où l'on donne
raifon de même de toutes les parties du corps
humain qui font démontrées dans cette Myologie,
& de celles de l'antique de l'Ecorché de l'Académie
Royale de Peinture & de Sculpture , & des
autres Auteurs ; par ce moyen les piéces de cet
AVRIL. 1748. 123*
ouvrage fe trouvent liées enſemble , comme on
avoit projecté,
Ce n'eft point fans peine qu'un fi grand ouvrage
que celui-ci a été fini & mis au jour ; on l'avoit
cependant donné fous le titre d'eflai , mais comme
le public a donné des marques indubitables de fon
approbation , ayant continué à foufcrire juſqu'à
la fin des dernieres diftributions , ce qui a fourni
la dépense de ce travail , on pourra donner un fupplement
de Myologie après les autres cours d'Anatomie
que l'on va continuer , où les figures feront
en entier & réduites en demi nature fur pied en
diverfes attitudes. Ce dernier morceau ne paroîtra
que quand on aura recueilli toutes les differentes
critiques des Sçavans ; celles qui fe trouveront
juftes feront citées dans le fupplément avec le
nom de leurs Auteurs , mais on ne parlera pas de
celles qui feront mal - placées.
On fait la diftribution de ces dernieres planches
anatomiques rue de l'Arbre-fec , au coin de la rue
des Prêtres S. Germain , chés le Sieur Gautier , jufqu'à
la fin de Juin , dans lequel tems on avertit
les Soufcripteurs qu'il faudra qu'ils attendent juſ
qu'au commencement de l'année prochaine pour
avoir les figures qui leur manqueront. Ceux qui
ont payé d'avance feront toujours à tems à les retirer
, parce qu'on les leur mettra à part , & les per
fonnes qui voudront avoir l'ouvrage complet &
qui n'ont pas foufcrit , payeront les vingt planches
& leurs tables 90 l.brochées & 4 Louis d'or reliées .
On va inceffamment annoncer la continuation
de cet ouvrage , & la nouvelle demeure de l'Au
teur , qui fera plus conmode pour le public.
Fij
# 24 MERCURE DE FRANCE.
SPECTACLES,
'Académie Royale de Mufique a con-
Ltinue jufqu'à la clôture du Théatre les
repréſentations de Zaïs , Ballet héroique.
Elle a donné le Samedi 23 , le Mercredi
27 & le Samedi 31 Mars la belle Tragédie
d'Armide pour la Capitation des Acteurs,
Le fuccès a répondu à l'attente . La derniere
de ces trois repréſentations a été égayée
par une charmante Pantomine , exécutée
avec fineffe , précifion & légereté, par Mlle
Mimi Dalmand & M. le Voir , qui a compofé
avec génie les Ballets de l'Opera Comique
Pantomine ; M. Poirier , Ordinaite
de la Mufique du Roi , a joué le rôle de
Renaud dans Armide avec applaudiffement,
Le Concert Spirituel , exécuté au Louvre
, a ouvert le Lundi 25 Mars , jour de
la fête de l'Annonciation , par Quemadmodum
, Moter à grand choeur de M. de
la Lande , qui a été fuivi d'un Concerto
du gracieux M. Blavet. Exaltabo te , Motet
à grand choeur & Dominus regnavit , du même
ont fini le Concert , coupés par M.
l'Abbé , le fils , qui a joüé feul & obtenu
AVRIL. 1748 . 125
les fuffrages éclairés de l'affemblée.
Le Dimanche de la Paffion , 31 Mars , le
même Concert a commencé par Dixit Dominus
, Moter à grand choeur de M. de la
Lande ; Diligam te Domine , Motet à grand
choeur de M. Gille , a été exécuté le fecond.
Confitemini Domino , Motet à grand
choeur de M. de la Lande , a terminé le
Concert. Les intervalles de ces trois Motets
ont été bien remplis , l'un par la flute
de M. Blavet , & l'autre par le violon de
M. l'Abbé , le fils .
Le Dimanche des Rameaux 7 Avril , on
a chanté Magnus Dominus , Motet à grand
choeur de M. Mondonville. M. l'Abbé
le fils a joué feul ; l'excellent Miferere de
M. de la Lande a terminé le Concert.
Le Mercredi to , Exultate juſti , Moter
à grand choeur de M.de la Lande , a ouvert
le Concert. M. Gavinies a joüé feul . Mlle
Gautier a chanté Quemadmodum , petit Motet
de M. Mouret. M. l'Abbé le fils a joué
un concerto , & on a fini par le De profun
dis , Motet nouveau à grand choeur de M.
Mondonville , qui eft rempli de beautés
fublimes , ainsi que tous les autres ouvrages
; le premier choeur furtout eſt un
des plus beaux morceaux d'harmonie qu'il
ait jamais compofés , car on ne le peut
comparer qu'à lui-même.
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
Le Jeudi Saint 11 , Lauda Jerufalem ,
Motet à grand choeur de M. dela Lande ,
a fait le début du Concert . On a entendu
& applaudi M. l'Abbé le fils. Mlle Gondrée
a chanté Quare fremuerunt gentes , petit
Motet de M. le Vaffeur. On a applaudi
la piéce & l'Actrice . Enfuite M. Gavinies
a paru & contenté les Auditeurs . Bonum
eft , Motet à grand choeur de M. Mondonville
a très- bien terminé le Concert .
Le 12 , jour du Vendredi Saint , le De
profundis clamavi a foutenu fa réputation ;
Mlle Gondrée a repeté le Quare fremuerunt
gentes de M. le Vaffeur. Le Miferere de M.
de la Lande a fini le Concert , qui a été
coupé par les concerto de M. l'Abbé le fils
& de M. Gavinies.
Le Samedi Saint 13 , on a chanté O filii
filia de M. de la Lande, & Confitebor tibi
Domine du même. Mlle Gautier a chanté
Regina coeli de M. Mouret , fuivi de Jubilate
Deo omnis terra , Motet à grand choeur
de M. Mondonville. Ces Motets ont été
coupés par les violons de M. l'Abbé le fils
& de M. Gavinies .
Le Dimanche 14 , jour de Pâques , on
a chanté Dominus regnavit & Cantate Do
mino , Motets à grand choeur de M. de la
Lande ; Cantemus Domino , petit Motet de
M. Mouret , & le Venite exultemus , Moter
"
AVRIL: 1748. 127
•
*
à grand choeur de M. Mondonville , mêlés
des fymphonies de M. Gavinies & de
M. Labbé le fils .
Le Lundi 15 , on a fort applaudi
Lauda Jerufalem , Motet à grand choeur
de M. Corrette ; M. l'Abbé le fils &
M. Gavinies ont joué feuls. Mlle Gautier
a exécuté Regina cali de M. Mouret , &
enfin on a entendu Bonum eft de M. Mondonville.
Le Mardi , Quare fremuerunt gentes , Motet
à grand choeur de M. de la Lande; Dominus
Regnavit , Motet à grand chaur de
M. Fanton , Maître de Mufique de la Sainte
Chapelle ; Cantemus Domino de M. Mouret,
chanté par Mlle Gondrée ; Nifi Dominus
de M. Mondonville , & le Concerto
de M. l'Abbé le fils & de M. Gavinies.
Le Vendredi 19 , M. Martin , Violoncelle
habile de l'Académie Royale de
Mufique, connu par la fineffe de fon jeu
& par des fymphonies eftimées , a fait exécuter
In Exitu , Motet à grand choeur , &
a fort réüffi. M. l'Abbé le fils & M. Gavinies
ont donné leurs Concerto . Benedictus
Dominus & Ufquequo , petits Moters de
M. Mouret ont répondu à fa réputation
& le Concert a fini par le Motet admirable
Dominus regnavit de M. Mondonville
,
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
Le Dimanche de Quafi modo 21 , clôture
des Concerts Spirituels , Magnus Dominus
& Venite exultemus , deux beaux Motets à
grand choeur de M. Mondonville , ont
commencé & fini le Concert. On y a exéya
cuté Cantate Domino, Motet à grand choeur
de M. de la Lande , & Cantemus Domino ,
petit Motet de M. Mouret . M. l'Abbé le
fils & M. Gavinies ont joué feuls .
COMPLIMENTprononcé à la clôture
du Théatre François.
MESSIEURS
Il est bien flateur pour nous de n'avoir ,
en vous rappellant nos travaux & vos plaifirs,
aucune difgrace à diffimuler , ni , fi je
fije
l'ofe dire , aucun reproche à nous faire..
Vous nous avez tenu compte de notre
zéle , il s'eft accrû par la reconnoiffance.
"
Mais qu'auroient produit nos efforts fans
l'émulation des jeunes Auteurs qui ont
concouru avec nous à vos amuſemens &
dont les effais ont mérité vos fuffrages ?
La Rivale. Suivante , le Plaifir , Aphos
I'Ecole Amoureufe & les Tragédies de
Vanda , Ameftris & Coriolan, ont annoncé
des talens précieux à tous ceux qui s'intéreffent
au progrès des Lettres & à la gloire
AVRIL.
129 <
1748.
du Théatre François . Avec quels applaudiffemens
les partifans du grand Comique
n'ont-ils pas vû paroître la Comédie du
Méchant Ils ont admiré dans ce tableau
du fiécle cette profonde étude du monde ,
cette vérité dans les moeurs & ces belles
touches qui diftinguoient le pinceau de
Moliere , enfin cette élégance de ftyle qui
caractériſe le Poëte , & qui feule peut fuppléer
à l'illufion du Théatre dans la folitude
du cabinet .
L'Auteur de Denys le Tyran vient de
recueillir les fruits des veilles qu'il a employées
à cette Tragédie , & ne l'a retirée
du Théatre qu'afin de profiter de vos critiques,
& de la rendre ainfi plus digne de
vos applaudiffemens.
L'indulgence , Meffieurs , avec laquelle
vous avez accueilli cet Auteur naiffant ,
s'eft étenduë fur nous.Ce public , fi terrible,
devant qui trembloient Corneille & Baron,
préfere aujourd'hui une bonté éclairée qui
nous encourage fans nous aveugler , à cette
délicateffe intraitable qui étouffe les talens
par le mépris. Ce n'est plus un Juge
qui nous condamne fans retour , ni un
Maître qui fe plaît à nous humilier , c'eft
un Protecteur qui nous confeille . Ne vous
en repentez point, Meffieurs ; dans vos regards
& dans votre filence nous avons pui-
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
fé des leçons moins dures , mais plus utiles
que ces murmures tumultueux qui révoltent
l'amour propre, fans le corriger .
En remettant au Théatre la Comédie du
Glorieux , nous avions craint d'exciter vos
regrets , & vous n'avez fait entendre que
des applaudiffemens . Ne penfez pas , Meffieurs
,que nous nous y foyons mépris ; nous
avions befoin d'être raffûrés , & vous avez
applaudi autant à l'entrepriſe qu'à l'exécution;
c'eft ainfi que vous animez nos talens.
Et qui fçait mieux que moi , Meffieurs , ce
que peuvent vos bontés fur une ame ſenſible
à l'émulation & à la reconnoiffance 2
Après m'être long-tems exercé fur ces
Théatres où le goût ne peut être qu'ébauché
, j'ai paru en tremblant fur la fcéne la
plus refpectable du monde ; vous avez récompenfé
mes efforts , & vous m'avez même
fouffert dans un rôle pour lequel je
n'étois pas fait , mais que les circonftances
& le defir de vous plaire ne me permettoient
pas de refufer.
J'ofe implorer , Meffieurs , pour ceux au
nom defquels j'ai l'honneur de vous parler,
& particulierement pour moi , cette indulgence
qui nous a foutenu ; nous n'en abuferons
point , & ce tems qui femble deftiné
au repos , nous ne l'employerons qu'à
vous préparer de nouveaux plaifirs . & à
AVRIL. 1748. 731
nous rendre plus dignes de vos fuffrages.
On a extrêmement applaudi le ftyle noble
, judicieux & naturel de ce Compliment
, & la déclamation affortiffante de
M. Ribou , qui l'a prononcé.
COMPLIMENT pour la clôture du
Théatre Italien , prononcé le Samedi
Mars par M. Rochard.
Udicieux Aréopage ,
Azile du difcernement ,
Chés vous tout état & tout âge
Opine & juge fainement ;
Vous voulez qu'un Sexe charmant
Qui toujours eut pour appanage
La fineſſe du fentiment ,
Avec vous ait droit de fuffrages:
Tous les ans un nouveau ferment
Nous lie à vous & nous engage
Au foin de votre amufement ,
Aujourd'hui j'ajoûte à l'hommage
L'excufe & le remerciment .
Heureux , que fans impatience
Vous laiffiez à l'expérience
Le tems de mûrir les talens
30
132 MERCURE DE FRANCE.
Heureux , fi nos foins vigilans
Peuvent payer votre indulgence !
Je fçais tout ce que je lui doi ;
L'art étoit tout nouveau pour moi ;
Il faut s'y former dès l'enfance ;
Vous avez adouci la loi
Et raflûré ma défiance .
Vous favorifez des Acteurs ,
Dès long-tems inftruits à vous plaire.
Loin que de leurs progrès flateurs
S'éleve un espoir téméraire ,
D'eux- mêmes rigoureux Cenfeurs ,
L'étude leur devient plus chere .
Pour réparer ce que les ans
Peuvent nous ôter d'agrémens ,
C'eft la reffource néceffaire .
Je fuis député près de vous
D'un peuple plus libre que nous u
D'un peuple amoureux de la gloire
Que vous feuls pouvez difpenfer.
Eh ! quel titre vaut la victoire
careffer
D'un Auteur que peut
L'acceuil d'un fi bel auditoire ?
Voilà le Temple de Mémoire ;
yous feuls avez droit d'y placer
AVRIL. 1748. 175
Nous fçavons quel péril menace
L'épreuve des jeunes Auteurs ;
Faut -il redoubler leurs frayeurs ,
Leur demander avec audace
'S'ils ont quelque nom au Parnaffe ,
Ou quelques bruyans protecteurs
N'aurions-nous pas mauvaiſe grace
D'étouffer les germes des fleurs ?
Que les Mufes font journalieres
On voit profperer tels eflais ,
Er du fiécle on voit les lumieres
S'éteindre après bien des fuccès.
Pour la gloire de nos Spectacles
Nous fouhaitons votre équité
Autant que de tous vos oracles
Nous refpectons l'autorité .
Rivaux fans envie & fans haine
Des jeux qu'offrent à vos loifirs
Et Terpficore & Melpomene ,
Nous avons regler nos défirs.
Puiffe la fcéne plus féconde
Rendre tous les talens du monde
Tributaires de vos plaifirs
134 MERCURE DE FRANCE.
薪洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
NOUVELLES ETRANGERES ,
SUEDE.
1 Es lettres de Stockholm portent que le 21 Février
M. Franck , Gentilhomme de la Chambre
de S. M. Suedoife s'étoit rendu par ordre de
ce Prince chés tous les Miniftres étrangers , & leur
avoit remis un Mémoire qui porte que M. de Guydickens
, depuis qu'il exerce l'emploi de Miniſtre ,
doit être trop bien inftruit des ufages , pour ignorer
qu'il ne pouvoit donner retraite à un homme
accufé de haute trahifon , & que le Gouvernement
a de la peine à croire que l'écrit qui paroît fous le
nom de cet Envoyé , foit forti de fa plume ; quer
cette piéce contient une infinité d'allégations dont
la faufleté eft manifefte ; qu'il y a dans le récit des
converfations du Baron de Nolken avec M. de
Guydickens un grand nombre de détails fupprimés
ou altérés , & qu'on y prête au Chancelier de
la Cour des difcours également abfurdes & indécens
; que la circonftance des gens armés , qui ont
fuivi le caroffe de M. de Guydickens , eft de pure
invention , auffi- bien que celle des tentatives pour
fouiller les domeftiques de ce Miniftre ; qu'il eſt
extrêmement furprenant qu'on veuille faire envifager
, comme une trahifon , le zéle qui a porté
quelques- uns à découvrir la retraite du Négociant
Springer & qu'on prétende qu'en étant au fervi
ce d'un Envoyé ils ceffent d'être Sujets du Roi ;
enfin que c'eft mettre le comble à l'abus du caractére
d'homme public , que de s'ériger en Juge d'u
ne affaire dévolué à la connoiffance des Etats du
AVRIL.
1748. 339
Royaume , d'accufer de fauffeté une Déclaration
faite de la part de fa Majefté & de pouffer la témérité
jufqu'au point de traiter de Comédie des
Actes de Juſtice exercés par des ordres émanés du
Gouvernement.
Les lettres de Stockholm marquent que le Baron
de Korff, Envoyé extraordinaire de l'impératrice
de Ruffie auprès du Roi de Suede , étant rappellé
par cette Princeffe , il a eu fes audiences de congé
de fa Majefté Suédoife & du Prince Royal . Il fera
remplacé par le Comte de Panin , qui réside à Coppenhague
de la part de la Cour de Pétersbourg.
Ces lettres confirment que M, de Guydickens a
reçu auffi les lettres de rappel du Roi de la Grande
Bretagne.
9
Suivant les lettres de Pologne la tête de l'avantgarde
du Corps de troupes Ruffiennes que fa Majefté
Britannique & les Etats Généraux des Provinces
Unies ont pris à leur fervice , entra le 16
Février dans la Samogitie , & le 28 la derniere divifion
y étoit arrivée. Les nouvelles de Péterf
bourg contiennent les particularités fuivantes.
L'échange des Ratifications du Traité de fubfide ,
conclu par le Roi de la Grande Bretagne & par la
République de Hollande avec l'Impératrice de
Rufic , ayant été fait le 8 Février , le Baron de
Breitlach , le Comte de Hindford & M. Zwart ,
errent le 11 à cette occafion une audience
de cette Princeffe , qui en donna une auffi le
même jour à M. de Wolfenftierna , Envoyé extraordinaire
du Roi de Suede. Le lendemain l'Impératrice
de Ruffie partit pour aller paffer quel,
ques jours à Czarska-Zelo.
Deux Régimens des troupes Ruffiennes qui font
au fervice du Roi de la Grande Bretagne & de la
République des Provinces Unies , arriverent à
136 MERCURE DE FRANCE.
Grodno le 4 Mars , & ils y ont été joints les trois
jours fuivans par le refte de la premiere divifion
de ces troupes. Elles ont rencontré plufieurs obftacles
dans leur marche , & il leur a fallu faire de
grands détours pour éviter les marais dont la Lithuanie
eft remplie. Pour remédier à la difficulté
des vivres , on a établi divers magafins fur la route
, & on a défendu aux Juifs de vendre aucunes
denrées au- delà du prix qu'elles ont dans les principales
villes du Royaume. On mande de Péterfbourg
que l'Impératrice de Ruffie foupa le 28
Février chés le Comte de Beftuchef , Grand
Chancelier , auquel elle a fait préfent de quarante
mille roubles. Ĉette Princeffe a envoyé ordre aux
Gouverneurs des Places voifines de la Crimée de
garnir de troupes tous les poftes fitués le long du
Daiefter , afin de s'oppofer aux courfes que les
Tartares pourroient faire de ce côté . Elle a auffi
ordonné de vifiter exactement les vaiffeaux étran
gers qui entreront dans les Ports de la mer Baltique.
Les mêmes nouvelles portent que la fan: é
du Knéés Repnin étant rétablie , il a pris la route
de Pologne , pour aller joindre les troupes Ruf
fiennes dont il a le commandement.
Les avis reçûs de Péterfbourg portent que leCom-*
te de Hindford , Ambaſſadeur du Roi de la Grande
Bretagne , & M. Zwart , Miniftre Plénipotentiaire
des Etats Généraux des Provinces Unies ,
ont eu le 2 Mars une audience de l'Impératrice de
Ruffie & qu'ils lui ont demandé de la part de fa
Majefté Britannique & de la République de Hollande
un nouveau fecours de dix ou douze mille
hommes.
Les lettres de Stockolm du 25 Mars portent
que la maladie duRoi de Suede n'a point eu de fuites
fachenfes,& que l'on efpere que le retour de la
AVRIL. 1748. 137
belle faifon pourra rétablir entierement la ſanté de
fa Majefté. Le 16 le Prince Royal s'étant rendu á
l'Académie des Sciences , y prononça un Difcours,
auquel le Baron d'Ehrenpreus répondit pour cette
Compagnie, ony fit en préfence de ce Prince plufieurs
nouvelles expériences , entre autres une de
Chymie , dont il parut fort fatisfait . Ce Prince ,
qui n'a point quitté le Roi tant que l'état de fa
Majefté a donné de l'inquiétude , eſt allé le 22 d
fa Maiſon de plaifance. On a publié par ordre du
Roi que toutes les perfonnes aufquelles il eft du
quelque fomme pour des fournitures faites pendant
la derniere guerre , n'avoient qu'à s'adreffer
pour recevoir leur payement , à la Commiffion
établie à ce fujet. Sa Majeſté a accordé au Baron
Axel de Lowen , Sénateur , le Gouvernement Gé
néral de la Pomeranie.
On écrit de Warfovie du 27 du même mois que
depuis que les troupes Ruffiennes font arrivées à
Grodno , elles fe font réunies en deux colonnes ,
dont chacune eft d'environ quinze mille hommes.
Leur route a été changée , &il a été reglé que ces
Troupes marcheroient par Odetsk , Kinky , Grodeck
, Tupolani, Zobludow , Plofny , Orla , Klef
cele , Wyfokielitt , Krinky , Conftantinovie,
Miedrzyce , Radzin , Kock ; Meichow , Kuroff ,
Pulawi , Zwolen , Oftrowiecz , Zienow , Opatoff,
Paconiow , Nowemiafto , Ranow , Kiuskin , Ty
Koczin, Wylecky, Czinewow , Brock , Branfczyck
& Gera. Elles pafferont la Viftule en ce dernier
endroit , où il s'eft déja rendu un détachement de
leur premiere colonne . Les magafins deftinés
pour leur fubfiftance fur le chemin de Grodno a
Gera , ont été établis à Tupolani , à Wyfoxiellitt ,
à Miedrzyce , à Zwolen , à Zieno , à Nowemiafto ,
à Wylecky & à Branfcyck. Une partie de la Caiffe
138 MERCURE DE FRANCE.
militaire de ces troupes eft déja arrivée à Warfo
vie fous une eſcorte de Dragons. La Cour de Ruffie
a fait remettre au Gouvernement les fommes
dues pour le payement des fourages qu'on a jufqu'à
préſent fournis aufdites troupes. Divers
Ecrits anonymes ont été répandus depuis quelque
tems ; celui qui fait le plus de bruit , eft intitulé ,
Exhortation fraternelle à la noble & vaillante Na
tion Polonoife ; l'Auteur entreprend de prouver
qu'il eft de la gloire & de l'intérêt des Polonois
de former une Confédération , On a appris de Pétersbourg
que l'Impératrice de Ruffie fe propofoit
d'en partir le 12 pour Czarfa Zelo , & que
Grand Duc & la Grande Ducheffe devoient l'ac
compagner dant ce voyage. Les mêmes lettres
marquent que le 10 le Lord Hindford , Ambaffadeur
du Roi de la Grande Bretagne , avoit reçû de
Londres un courier , dont il étoit allé fur le champ
communiquer les dépêches au Grand Chancelier
de Ruffie.
ALLEMAGNE.
le
ON mande deBerlin du 6Mars que plufieurs
irrégularités s'étant trouvées dans les comp
tes du Major Général Walrave , S. M. Pruff, lui a
ôté le Régiment dont il étoit Colonel & qu'elle en
a difpofé en faveur de M. de Sers qui en étoit Colonel
Commandant.
On écrit de Francfort du 10 Mars que les Dépu
tés des Cercles Anterieurs , dans une affemblée
qu'ils tinrent le premier , ont dreffé à la pluralité
des voix un Conclufum , par lequel il eft dit que vu
l'union qui depuis un tems immémorial fubfifte
entre ces Cercles , & par le défir qu'ils ont de contribuer
au maintien de la tranquillité & de la
AVRIL. 1748 . 739
fareté de l'Empire , ils font déterminés à reconnoître
leur affociation , comme ayant pour baſe
les loix fondamentales du Corps Germanique ,
qu'au refte dans cette démarche ils n'ont point in
tention d'offenfer aucune Puiffance , & qu'ils fe
conforment à la teneur des anciens Actes , qui
n'ont pour objet que des meſures de défenſe ; que
leur deffein eft en même tems de mettre cette af
fociation à l'abri de toute atteinte , qu'ils le prête-
Font en conféquence les fecours mutuels , preferits
par les Traités,& qu'ils obferveront à cet égard ce
qui a été reglé le 17 Décembre 1745 par la Diette
générale de l'Empire. Une copie de ce Conclufum
a été remife au Comte de Cobentzel , Minif
tre Plénipotentiaire de la Cour de Vienne , avec
un Mémoire qui porte que les Cercles le remer
cient de ce qu'il a bien voulu par fes lettres du 19
Décembre 1746 & du 19 Février de cette année ,
leur faire fçavoir que l'intention du Grand Duc de
Tofcane étoit qu'on pourvût au plutôt & de la
maniere la plus efficace à tout ce qui pour
roit affermir la tranquillité & la fûreté de l'Allemagne
, & qu'on procédât à continuer fur un
pied folide l'affociation des Cercles ; que comme
les foins de ce Prince n'ont pour but que le bien
commun , les Cercles fentent la néceflité de fe
conformer à fes défirs , en tant qu'il ne s'agira
que de la défenfe de l'Empire , que conféquem
ment ils ont pris la réfolution de fe fecourir mutuellement
contre tout agreffeur , & qu'ils priens
le Comte de Cobentzel d'affûrer le Grand Duc de
Tolcane de leur parfait dévouement , & de lui făire
agréer leurs difpofitions. Non- feulement le Duc
de Wittemberg n'eft point entré dans cette Affociation
, mais il a déclaré par un écrit public qu'il
ne fe croyoit point obligé de foufcrire aux déci
fions du Cercle de Suabe.
140 MERCURE DE FRANCË.
On écrit de la même ville du 26 que deux mille
Efclavons & un pareil nombre de Croates destinés
à joindre l'armée des Alliés dans les Païs Bas font
arrivés dans les environs de cette ville & qu'ils
doivent s'embarquer fur le Mein , tant à Francfort
qu'à Mi'denberg & à Wertheim , pour continuer
leur route. 11 paffe tous les jours un grand nom
bre de recrues pour les troupes de la Reine de
Hongrie & pour celles des Etats Généraux des
Provinces Unies . M. Onflow Burish , Miniſtre du
Roi de la Grande Bretagne , eft allé à Nuremberg
pour préfenter aux Etats de ce Cercle les Lettres
Réquifitoriales de fa Majeſté Britannique , au fujet
du paffage des troupes Ruffiennes. Selon les
lettres de Duffeldorp , la plupart des troupes de fa
Majefté Hongroife , qui ont paffé l'hyver dans
PElectorat de Cologne , fe font mifes en marche
vers la Meufe. Les avis reçûs de Heydesheima
portent que le Prince Georges de Heffe Darmstadt
a épousé le 15 la Comteffe Marie Louife Albertine
, fille aînée du Comte de Linange.
Les lettres de Weymar du 20 Mars marquent
que par un courier arrivé dernierement de Vienne
on a appris que l'adminiftration de ce Duché appartenant
au Duc de Saxe Meynungen pendant la
minorité du Duc Souverain de ce Duché , dont il
eft le plus proche Agnat , le Grand Duc de Tofcane
avoit écrit au Duc de Saxe Gotha , pour l'engager
à fe défifter de cette adminiftration . Le
Grand Duc de Tofcane a mandé en même tems
au Duc de Saxe Meynungen , que comme il étoit
abfent & trop occupé de les propres affaires , pour
veiller à celles de ce Duché , le Confeil Aulique
avoit jugé à propos de déferer la Régence au Dão
de Saxe Coetbourg Saalsfeld , en attendant que le
Duc de Saxe Meynungen pût s'en charger. Le
AVRI L. 1748. 141
Duc de Saxe Coetbourg Saalsfeld a reçû auffi une
lettre , par laquelle le Grand Duc de Toſcane lui
fait fçavoir qu'il peut prendre poffeffion de la
Régence , après qu'il fera convenu avec les Etats
de ce Duche & de celui d'Eyfenach de la maniere
dont il exercera fa Tutelle ,
Les lettres de Dreſde du 30 Mars portent qu'un
courier dépêché par le Grand Général de la Cou
ronne de Pologne , a rapporté que la premiere divifion
des troupes Ruffiennes qui font au ſervice
de la Grande Bretagne & de la République des
Provinces Unies , étoit partie de Grodno le 6 pour
fe rendre à Cracovie par Tyckoczin , Nur , Dumbincky
, Mordzice & Pinczow . Le mauvais tems
qu'on a eu pendant ce mois a retardé leur marche
de plufieurs jours . M. Poniensky , Colonel
d'un des Régimens dont ce Corps de troupes eft
compofé , eft arrivé le 26 à Drefde . Le Roi a fixé
au 3 du mois de Juin fon départ pour Warfovie.
On mande de Berlin que le Roi de Pruffe y eft
revenu de Potſdam le 25. Suivant les mêmes avis
Je Major Général Walrave , ayant été convaincu
de diverfes malverfations , a été condamné à une
prifon perpétuelle & fes biens ont été confifqués.
Les lettres de Vienne marquent que la Reine de
Hongrie paroît perfifter dans la réfolution de faire
aflembler une armée fur la Mofelle & d'en donner
le commandement au Prince Charles de Lorraine
. Le bruit court que ce Prince aura fous lui
le Feldt -Maréchal Comte de Browne , à la place
duquel le Prince Vinceflas de Lichtenſtein ira commander
les troupes en Italie .
Les nouvelles de Vienne du 30 Mars portent
qu'on vient d'apprendre que l'Ambaſſadeur du
Grand Seigneur étoit arrivé le 18 de ce mois
Peter Waradin, Le Baron de Kettler que la Reine
142 MERCURE DE FRANCE.
avoit envoyé en Moravie pour y donner quelques
ordres concernant les troupes Ruffiennes , ayant
rapporté que la grande quantité de neige qui eft
tombée dans la Curlande & dans la Lithuanie ,
avoit retardé la marche de ces troupes & qu'elles
ne pourroient arriver en Allemagne auffi tôt qu'on
Pefperoit , fa Majefté a differé fon départ pour
Olmutz. Il s'eft tenu le 27 un grand Confeil, dans
lequel on a déliberé fur les lettres d'un courier dépêché
par le Feldt - Maréchal Comte de Bathiany.
Le 29 les Etats de Boheme firent l'ouverture de
leur affemblée. Milie Efclavons ,commandés par le
Colonel Butey,font en marche pour ſe rendre dans
les Païs Bas , & un pareil nombre de Carlftatiens
ont pris la même route fous les ordres du Comte
de Herberstein . Le Prince de Stolberg a été déclaré
Major Général.
L
GRANDE BRETAGNE .
Es nouvelles de Londres du 8 Mars nous ap
prennent que l'Abbé Groffa Tefta , Minif
tre du Duc de Modéne , eut le 6 fa premiere audience
du Roi. Le 29 du mois précédent S. M.
s'eſt renduë à la Chambre des Pairs avec les cérémonies
accoûtumées , & ayant mandé la Chambre
des Communes , a donné fon confentement à plufreurs
Bills , tant publics que particuliers. Lorsque
le Roi fe fut retiré, les Seigneurs firent la premiere
lecture du Bill qui défend les affûrances fur les
vailleaux François , & d'un autre Bill concernant
les moyens de retenir plus fermement dans l'obéiffance
les Montagnards du Royaume d'Ecoffe.
Les Seigneurs ont paffé le 8 le premier de ces Bills,
& ils ont réfolu de préfenter une Adreſſe à ſa Majesté
pour demander qu'on leur remette un étaði
AVRIL. 1748.
143
des fommes aufquelles les dettes de la Marine
montoient à la fin de l'année derniere . La Cham
bre des Communes ordonna le 29 Février de por
ter un Bill , afin de regler les procédures des Con-
Leils de guerre , qui fe tiendront au fujet des délits
conimis dans la Marine. Le premier Mars la
Chambre lût pour la premiere fois le Bill contre
les foldats mutins & les déferteurs . Elle examina
enfuite divers Etats , & la copie du Traité par lequel
le Duc de Brunſwick Wolfenbuttel s'engage
fournir à la Grande Bretagne & à la République
des Provinces unies depuis le 24 Mars jufqu'au 24.
Décembre , un Corps de quatre mille huit cent
hommes. Le 4 la Chambre accorda au Roi trois
cent quinze mille huit cent foixante-feize livres
fterlings pour les dépenses extraordinaires que les
troupes de terre dans les Païs Bas ont occafionnées
pendant l'année 1747 ; cinquante- trois mille huit
cent foixante & une pour la paye du Général &
des Officiers Généraux , pour celle des Officiers
de l'Etat Major & pour l'entretien des Hôpitaux
pendant l'année courante ; cinquante- fept mille
fept cent quatre-vingt- douze pour les troupes de
Wolfenbutte!; vingt- fept mille deux cent . vingtquatre
à compte des fommes allouées pour les Ŏfficiers
de terre & de Marine à la demi paye ; trois
mille huit cent pour les penfions de leurs veuves ,
& huit mille huit cent cinquante pour les penfions.
des Officiers des deux Compagnies des Gardes du
Corps qui ont été réformées. Cette Chambre a
fufpendu les féances jufqu'au 12 , à caufe de l'indifpofition
de M. Arthur Onflow , fon Orateur.
Le Duc de Cumberland , dont les équipages
avoient pris les devans le 28 Février , s'embarqua
de 6 Mars à Harwich pour retourner en Hollande.
Les Yachts destinés à l'y tranſporter font eſcortés
144 MERCURE DE FRANCE.
par deux vaiffeaux de guerre , l'un de cinquante
canons , & l'autre de vingt . Ce Prince a été déclaré
Généraliffime des troupes de la Grande Bretagne,
Le Baron de Wafner ,Miniftre de la Reine de H.
a dépêché un courier à cette Princeffe , pour lui
annoncer que le Roi de la G. B. avoit accordé cent
mille livres fterlings , tant pour les quatre mille
hommes de Cavalerie qu'elle a promis de joindre
aux troupes auxiliaires de Ruffie , que pour les.
magafins qu'elle doit faire établir en Moravie pour
ces troupes. On affûre que fa Majefté fera ' à la
Reine de Hongrie l'avance d'une pareille fomme ,
à condition que cet argent foit employé au fiége
de la ville de Génes , & que la Cour de Vienne
s'engage à reftituer cette fomme en cas qu'on fe
rende maître de cette Place .
La fanté de M. Artur Onflow , Orateur de
la Chambre des Communes , étant rétablie , cette
Chambre a repris fes féances. Le 13 Mars elle dé
cida qu'on leveroit encore cette année la taxe de
quatre fchelings par livre fterling fur le revenu
des terres & des autres biens fonds. Elle approuva
le 14 cette réfolution & ordonna de porter un Bill
en conféquence. Dans la même féance elle fit la
premiere lecture de celui qui concerne les Confeils
de guerre tenus au fujet des délits commis
dans la Marire . Le 1s elle a lû pour la premiere
fois le Bill de la taxe fur les biens fonds , & elle
s'eft féparée enfuite , pour ne fe raffembler que
le 18.
L'appel des Membres de la Chambre des Communes
a été renvoyé au 15 du mois de Mai . Il a
été préfenté par le Commun Confeil de Londres
une Requête au Parlement pour demander lafuppreffion
de l'Acte qui permet de colporter des
marchandifes
AVRIL. 1748. 145
marchandiſes dans les rues & dans les maifons,
Par cette Requête le Lord Maire & les Aldermans
repréfentent que les Marchands qui tiennent des
boutiques , offrent de payer chacun vingt fchelings
par an , fi l'on veut révoquer cet Acte. On parle
d'un nouveau Reglement , propofé pour arrêter le
progrès de la maladie épidémique , qui continuë
d'enlever un grand nombre de beftiaux dans plu
heurs Provinces,
On écrit du 29 Mars que l'état des dettes de la
Marine fut remis le 25 de ce mois aux Seigneurs.
On examina le 22 dans la Chambre des Communes
le rapport des Commiffaires des Taxes au fujet des
difficultés qui fe rencontrent dans la perception de
la taxe fur les maifons. La Chambre fit enfuite la
premiere lecture d'un autre Bill , qui explique
deux Actes du Parlement , concernant les affemblées
des Epifcopaux & les habillemens des Montagnards
d'Ecoffe. Le 25 elle approuva la réfolution
d'impofer un droit de fix fchelings fur chaque
voiture de charbon , & d'en appliquer les deniers
au fecours des pauvres orphelins de cette ville.
Elle paffa le lendemain après de longs débats ,
à la pluralité de cent cinquante- cinq voix contre
cent huit , le Bill pour tenir les Affifes d'Eté à Buckingham.
Le 27 elle lût pour la premiere fois les
nouvelles claufes ajoûtées à l'Acte portant défenſe
d'introduire des toiles du Cambrefis & du Linon
des Manufactures de France dans la Grande Bretagne
. Un train d'artillerie , compofé de cent cinquante
piéces de canon & de quarante mortiers ,
a été embarqué à Wolwich , pour être transporté
en Hollande . Les détachemens des Gardes à che
val & quatre mille trois cent hommes d'autres
troupes ayant fait voile de Gravefend le 17 , fix
bâtimens de tranſport de ce convoi ont été féparés:
G
146 MERCURE
DE FRANCE
.
par la tempête
, des vaiffeaux
de guerre qui les ef- cortoient
, & ils font revenus
à Harwich
, après avoir couru plufieurs
fois rifque d'être enlevés par
des Corfaires
François
qui les ont pourfuivis
. Le
Corfaire
le Tigre , de Bristol , y a conduit
un vaif- feau de Registre
Eſpagnol
, à bord duquel on affûre
qu'il y a quatre- vingt mille piéces de huit. Les Commiffaires
de l'Amirauté
ont reçû avis que
l'efcadre
de l'Amiral
Hawke
s'étoit rendue de- yant Cadix , afin de tâcher d'intercepter
les gallions
qu'on attend de l'Amérique
. Le vaiffeau
le Heatchote
, appartenant
à la Compagnie
des Indes Orientales
, a fait naufrage
en allant à Mocha , & dix-huit perfonnes
de l'équipage
ont été noyées.
Les Négocians
intéreffés
au commerce
d'Afrique ont fait des repréſentations
au Gouvernement
far le danger où l'on le trouve de perdre ce commer- ce , & fur la néceflité
de pourvoir
à la conferva- tion. Le Feldt - Maréchal
Wade , Commandant
en chef de l'artillerie
de la Grande Bretagne
, mourut le 25. Le Comte de Powis , Vicomte
de Mont- gommery
, eft mort aufli en cette ville. On écrit de Londres
dus de ce mois qu'il fe
tint le 29 du mois dernier un Confeil extraordinaire
, à l'occafion
des dépêches
apportées
par un
courier du Comte de Sandwich
, Miniftre
Pléni- potentiaire
du Roi aux conférences
d'Aix- la- Cha- pelle. M. d'Andrada
, Envoyé du Roi de Portugal,
eut le lendemain
fa premiere
audience
de fa Ma- jefté , étant préfenté
par le Duc de Bedford Secre- taire d'Etat , & conduit par le Chevalier
Clement Cotterel , Maître des Cérémonies
. Les le Roi s'eft rendu à la Chambre
des Pairs , & fa Majefté après avoir mandé la Chambre
des Communes
, a
donné fon confentement
à plufieurs
Bills. Les Sei- gneurs pafferent
le 29 du mois dernier celui par
AVRIL: 1748. 147
lequel il eft accordé un délai aux perſonnes , qui
étant pourvûës de charges ou d'emplois n'ont pas
encore prêté les fermens requis . On remit le même
jour devant la Chambre des Communes le Réſultat
des conférences tenues à la Haye en 1745 ,
entre le Comte de Chefterfield & quelques Députés
de la République des Provinces-Unies ; une
copie de la convention conclue les Mai de la
même année avec cette République , & plufieurs
comptes concernant les établiffemens des Anglois
dans l'Amérique. Le premier de ce mois la
Chambre paffa le Bill de la taxe fur les terres : elle
fit enfuite la premiere lecture de celui qui expli
que l'acte de la taxe fur lesmaifons , & l'on propola
d'examiner ce Bill en Committé , mais il y
eut pour la négative cent quatorze voix contre
cinquante- cinq. La Chambre délibéra le jour ſuivant
fut le Bill qui regarde les montagnards d'Ecoffe.
Les Colonies de New Hampshire , de Connectitute
& de Marfachafers Bey , ont préfenté
des Requêtes à la Chambre , pour demander d'être
indemnifées des dépenfes que leur a occafionnées
P'expédition contre le Cap Beton. Le Gouvernement
a reçu de la part de l'Impératrice de Ruffie la
Ratification de la Convention fignée le 30 du
mois de Novembre de l'année derniere à Péterf
bourg, par les Miniftres de cette Princeffe & par
ceux de la Grande Bretagne & des Etats Généraux
des Provinces Unies. Le courier que le Comte de
Sandwich a dépêché au Roi , a été renvoyé à Aix
Ja-Chapelle avec de nouvelles inftructions pour
ce Miniftre. On efpére qu'elles tendront à favo
rifer le faccès des conférences pour la paix . Le
bruit court que le Comte Charles de Bentinck
qui fe prépare à retourner en Hollande , a réuſſi
dans la négociation. Il paroît décidé que fa Majefté
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
accordera à la Reine de Hongrie un nouveau fe
cours de cent mille livres fterlings , afin de mettre
cette Princeffe en état de foûtenir la guerre avec
plus d'avantage en Italie . Le Roi a nommé le Gépéral
Ligonier Commandant de l'Artillerie de la
Grande Bretagne à la place du feu Maréchal Wade.
Sa Majefté a accordé à M. Robert Elifon la place
de Lieutenant de Roi du Cap Breton , & elle a
difpofé de quelques- uns des Régimens vacans.
L'efcadre que l'Amiral Moftyn doit commander,&
qui eft compofée de huit vaiffeaux,devoit être prête
le 20 à mettre à la voile. On a ordonné d'équiper
quatre vaiffeaux de guerre qui font deſtinés à aller
croifer dans la mer Baltique.
Stion
PROVINCES - UNIES .
›
Elon des copies qui paroiffent de la Convention
conclue à la Haye le 26 du mois de Janvier
dernier entre la Reine de Hongrie , le Roi
de la Grande Bretagne , le Roi de Sardaigne & la
République , il a été ftipulé que les troupes de la
Reine de Hongrie dans les Pays- Bas feroient
de foixante mille hommes , celles du Roi de la
Grande Bretagne de foixante- fix mille & celles
de la République d'un pareil nombre ; que cinquante
mille hommes des troupes de fa Majefté
Hongroife feroient prêts à s'affembler le premier
Mats , & qu'elle fourniroit le refte dans le cours
du mois d'Avril ; que pour ce qui regarde les
troupes de Ruffie , quand même elles n'arriveroient
pas auffi promptement qu'on le defiroit , fa
Majefté Britannique & les Etats Généraux ne
pourroient être accufés d'avoir manqué à leurs
fur cet
engagemens
articlee ; que la Reine de Hongrie
& les Etats Généraux , outre leurs contingens,
AVRIL 1748. 149
qui doivent faire partie de l'armée des Alliés
feroient tenus d'avoir des garnisons fuffifantes
dans diverfes Places , & que s'il étoit néceffaire de
renforcer ces garnifons , cela fe feroit avec des
troupes de la Puiffance , à laquelle les Places appartiennent
; qu'on fe conforineroit pour les dépenfes
de l'artillerie & de fon tranſport , pour la
Jivraiſon de la paille & du bois aux troupes , pour
les voitures & les chevaux qu'on tireroit du plar
pays , aux arrangemens pris l'année derniere entre
le Roi de la Grande Bretagne & les Etats Généraux
; que la République armeroit dix ou douze
vaiffeaux de guerre pour les joindre à la flotte de
fa Majefté Britannique ; qu'outre les troupes deftinées
pour l'armée des Pays-Bas , la Reine de Hon
grie auroit en Italie foixante autres mille hommes,
indépendamment des garnifons des Places de
Lombardie ; qu'elle aflembleroit ces troupes le plu
tôt qu'il feroit poffible , & que le premier Mars
elle feroit remettre aux Puiffances contractantes
une liste des bataillons & des efcadrons dont ce
contingent feroit compofé , que les troupes du Roi
de Sardaigne , de même fans y comprendre les
garnifons de fes Places , montéroient à trente
mille hommes ; que ce dernier contingent , ainfi
que celui de fa Majefté Hongroife , feroit prêt au
plus tard le premier Mai à fe mettre en campagne
; que le Roi de ia Grande Bretagne fourniroit,
comme l'année derniere , trente vaiffeaux de ligne ,
ou au lieu de quelques- uns de ces vaiffeaux un
certain nombre de petits bâtimens propres à feconder
les opérations fur les côtes de France &
d'Italie , & à empêcher les tranſports des troupes
& des convois des ennemis , que pour aider
la Reine de Hongrie à fubvenir aux dépenſes
pour les troupes , la Majefté Britannique lui paye.
Giij
50 MERCURE DE FRANCE.
roit un fubfide de quatre cent mille livres fterlings,
fçavoir cent cinquante mille immédiatement après
lä fignature de la Convention ; cent mille peu
après l'échange des Ratifications ; cinquante mille
un mois après ,& les cent mille reftantes , lorfque
les Officiers de cette Princeffe auroient donné des
preuves certaines que chacun de fes contingens ,
tant aux Pays-Bas qu'en Italie , auroit été porté à
foixante mille hommes effectifs ; que fi le nombre
des cent vingt mille hommes ne fe trouvoit pas
complet , on diminueroit la fomme du dernier
payement à proportion du nombre de foldats qui
manqueroit dans lefdits contingens ; que le Roi de
Sardaigne recevroit auffi du Roi de la Grande Bre
tagne un fubfide de trois cent mille livres sterlings ;
moyennant les mêmes conditions réglées par rap
port à la Reine de Hongrie ; que les Puiffances
Contractantes , afin d'être plus affûrées de leur fi
délité réciproque à remplir leurs engagemens , ordonneroient
à leurs Généraux de fe communiquer
respectivement de tems en tems les liftes des trou
pes qu'ils commanderoient ; que le Duc de Cum
berland & le Prince Stathouder décidéroient , de
concert & avec l'approbation des Puiſſances Alliées
, de tout ce qui concerneroit le commandement
des armées dans les Pays Bas ' ,
& que toute
l'armée en Italie feroit fous les ordres du Roi de
Sardaigne.
Le 9 Mars le Duc de Cumberland arriva de
Londres , & le Prince Stathouder alla le même
jour lui rendre vifite.
Les Commiffaires de l'Amirauté d'Amſterdam
ont fait publier que les vaiffeaux de guerre , qui
doivent escorter les navires Marchands destinés
pour la Méditerranée , feroient prêts à mettre à
la voile le 15 Mai prochain. Deux navires HolAVRIL.
1748. 151
landois commandés par les Capitaines Jean Hilkes
& Jean Lomt , qui revenoient , l'un de Carthagene
, l'autre de Smirne , ont été enlevés par un Corfaire
François , qui les a conduits à Marseille . Le
même Corfaire s'eft auffi emparé d'un bâtiment
Anglois. M. Everard Jacob de Wackendorff
Recteur de l'Univerfité d'Utrecht , a prononcé le
jour de la fin de fon Rectorat un Diſcours Latin ,
dans lequel il s'eft propofé de prouver qu'un Médecin
, habile Chymifte , cft fort fupérieur à celui
qui n'a pas cet avantage. Les nouvelles de Liége
portent que le Comte de Saint Severin d'Arragon ,
Miniftre Plénipotentiaire du Roi Très- Chrétien
aux conférences qui doivent fe tenir pour la paix ,
y étoit arrivé le 26 Mars dernier avec la Comteffe
fon époufe , fous l'efcorte d'un détachement de
cinquante Huffards des troupes de la Reine de
Hongrie , & que le lendemain il avoit continué fa
route vers Aix-la- Chapelle. On a fçû par les mêmes
lettres que le Baron de Wanfoule , Prévôt de
l'Eglife Cathédrale de Liége , étoit mort dans un
âge fort avancé.
On écrit de la Haye dus Avril qu'on travaille
à amafler dans la Mairie de Bois- le-Duc une gran
de quantité de vivres & de fourages pour les troupes
des Alliés . Le principal magafin fera à Eyndhoven
, & il ne tardera pas à être rempli. Le
Prince Stathouder a gardé la chambre à caufe
d'une indifpofition , mais fa fanté étant rétablie il
alla le premier de ce mois chés le Duc de Cumberland
, & il eut avec ce Prince une longue conférence
, à laquelle affifterent le Prince Frederic de
Heffe & le Prince Louis de Brunſwick Wolfenbuttel.
Il fe rendit l'après - midi avec ces Princes
chés le Feldt- Maréchal Comte de Bathiani , qui
continue d'être incommodé , & l'on y tint un CónĠ
iiij
752
MERCURE DE FRANCE.
Teil de guerre. Conféquemment aux réfolutions
qui y ont été priſes , toutes les troupes des Alliés
font en mouvement , pour aller fe pofter dans les
environs de Maeftricht & de Bréda . Près de quarante
mille hommes font déja à portée de ſe raf
fembler fous cette derniere Place. On a ordonné
aux Officiers Généraux de fe rendre avant le 15
à leurs divifions. Le Prince Louis de Brunſwinck
Wolfenbuttel partit le 3 pour retourner à Bréda
où eft fon quartier , & depuis la reception des dernieres
lettres de Londres le bruit fe répand que le
Duc de Cumberland fe mettra inceffamment à la
tête de l'armée. On a renforcé les troupes qui font
à Wow, à Nifpen , à Rofendaal & à Ruckween .
La cérémonie du Bâtême du Comte de Buren eft
fixée au 10 de ce mois. Quelques rougeurs ayanť
paru fur le vifage de la Princeffe Caroline , on a
reconnu qu'elle étoit attaquée de la rougeole.
Cette Princeffe fe porte beaucoup mieux , & elle
n'a en la fiévre que pendant vingt - quatre heures.
Les Députés des Etats de Hollande & de Weftfrife
ont repris le z leurs déliberations. Ceux de la
Compagnie des Indes Orientales ont proposé à
l'affemblée des Etats Généraux un projet fur les
mefures qu'il convient de prendre pour la fûreté
des établiemens de cette Compagnie . La Diette
des Etats de Frife s'eft féparée le 29 du mois dernier
. Elle a donné fa réponſe fur le Mémoire que
les Etats Généraux lui avoient adreffé , & les Députés
qu'ils avoient chargés de préfenter ce Mémoire
, font allés exécuter une commiffion auprès
des Etats de la Province de Groningue .
2
AVRIL.
153 1748 .
L
ITALIE .
De Malte le 28 Février.
A galére Turque deftinée à tranfporter à Rhodes
Ofman Pacha , ci- devant Grand Vifir
étant arrivée à Magri de Natolie , & Ofman Pacha
y étant débarqué , les efclaves Chrétiens dont la
Chiourme étoit compofée & qui étoient la plupart
Maltois , ont trouvé le moyen de récouvrer leur
liberté. A un fignal dont ils étoient convenus &
qui étoit le cri , Vive Saint Jean , ils fe font faifis
des armes qui fe font préfentées , & ayant attaqué
les Turcs qui étoient à bord , ils les ont tous tués
ou jettés à la mer , à l'exception de vingt - deux qui
ont été chargés de fers. Ayant enfuite mis à la
voile , ils ont conduit heureufement le bâtiment
dans ce Port . Ils ont trouvé en chemin une barque
Turque dont ils fe font auffi emparés. Muftapha
, Pacha de Rhodes & le Major de la galére ,
font du nombre des efclaves qui ont été conduits
ici .
L
DE GENES le 2 Mars.
E Comte Nadafti ayant reçû ordre du Feldt-
Maréchal Comte de Browne de tâcher de
s'emparer de Voltri , il fit fortir de leurs quartiers
le 17 du mois dernier les troupes de la Reine de
Hongrie qui étoient à Novi , à Ottagio , à Ovada
& à Campofredo , & il en forma un Corps de
quatre mille hommes , avec lefquels il fe mit en
marche à l'entrée de la nuit fur trois Colonnes.
Celle de la droite , commandée par le Comte de
Sorre , fe porta de Campofredo à la Chapelle de
Mazone , d'où , en longeant les fomnités des
6.1
154 MERCURE DE FRANCE.
montagnes , elle s'avança vers le pofte retranch
des Capucins , fitué entre les vallons de l'Aqua
Santa & de la Cerule. Le Comte Nadafti à la tête
de la Colonne du centre fuivit un chemin pratiqué
dans la montagne' , & fe rendit à l'Oratoire de
Mello. La Colonne de la gauche fous les ordres
du Général Petrazzi , après être defcendue dans
le vallon de l'Aqua Santa , remonta fur les plans
de Négroni , dans le deffein de s'étendre fur les
hauteurs qui dominent ce vallon jufqu'à la mer
& d'intercepter ainfi la communication de cette
ville & de Voltri . Le 18 à neuf heures du matin
les ennemis attaquerent en même tenis le pofte de
Mello & celui des Capucins . Comme leurs mouvemens
avoient été exécutés en un feul jour , le
Marquis Monti qui commandoit dans Voltri ,
dont la garnifon étoit compofée du Régiment
Royal Comtois & des trois bataillons du Régi-'
ment Royal Baviere , n'avoit eu que des avis géné
raux de leurs préparatifs. Auffi - tôt il dépêcha un
Officier au Duc de Richelieu , & il manda au
Comte de Carcado qui étoit à Peggi avec le Régiment
de Breffe , de venir le joindre & de laiffer au
Col du Loup un détachement fuffifant pour défendre
ce pofte. Cent cinquante hommes , lefquels
Occupoient le village de Mello , ne pouvant réfifter
à la grande fupériorité des Allemands , fe replierent
le long de la rive gauche de l'Aqua Santa jufqu'à
la hauteur de Voltri , & le Marquis Monti fir
protéger leur retraite par deux Compagnies de
Grenadiers . M. de Stockart Capitaine de Royal
Baviere , & déja connu par plufieurs actions d'éclat
, fe diftingua fort en cette occafion , ainfi que
M. de Tiniat Capitaine de Grénadiers de Royal
Comtois Les ennemis ayant pris poffeffion du
village de Mello , la Colonne que commandoit le
AVRIL. 1748. 155 .
Général Petrazzi , fe prolongea fur le Colletto &
delà fur les hauteurs de la Mandola , d'où elle dominoit
le rivage de la mer , & par conféquent le
grand chemin qui conduit d'ici à Voltri . Pendant
ce tems la Colonne de la droite s'empara d'une
maiſon où étoit la garde avancée du pofte des Ca- ´
pucins. Le Marquis Monti qui connoiffoit l'importance
de ce pofte , de la défenfe duquel la confervation
de Voltri dépend principalement , s'y tranf
porta & y foûtint tous les efforts des Allemands.
La nouvelle de leur attaque arriva ici à midi , & le
Duc de Richelieu ayant fait fur le champ battre la
générale , raffembla les troupes , envoya à Voltri
fe Chevalier Chauvelin & le Marquis de Roquepine
, fit avancer les Efpagnols à Saint Pierre d'Arena
pour garder la Polfevera , & marcha luimême
avec huit bataillons François & un bataillon
Suiffe au fervice d'Efpagne. Le Chevalier Chauvelin
en arrivant à Voltri , jugea par la diminution
du feu des ennemis , que rebutés d'attaquer
depuis plus de fix heures fans fuccès le pofte des
Capucins , ils ne differeroient pas d'abandonner
cette attaque . Cela le détermina à retirer de ce
pofte le Régiment de Breffe qui y avoit joint le
Marquis Monti , & à envoyer ce Régiment à
Palmara couvrir la communication avec Gépour
nes , & pour affûrer la jonction du Duc de Richelieu
. La Colonne des ennemis , qui étoit fur les
hauteurs de la Mandola , pouvant tenter de s'emparer
du Palais Durazzo , & de forcer Voltri dans
cette partie , le Chevalier Chauvelin tourna de ce
côté la plus grande attention. Il renforça de deux
cent hommes les troupes qui occupoient le Palais
Durazzo & les maifons voifines ; il pofta divers
détachemens dans celles de la rive droite de l'Aqua
Santa , & il chargea deux Compagnies de Gréna
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
diers de la garde des paliffades qui barrent le lit de
ce torrent. Cependant le Duc de Richelieu s'étoit
avancé avec fon Corps de troupes , & avoit garni
par échelons les hauteurs depuis Génes jufqu'à
Voltri . Il avoit placé cent hommes à la Chapelle
de Saint Albert & à la Madonna del Gazo ; il avoit
fait marcher deux bataillons au Col du Loup , &
un autre à Prato ; il avoit détaché cinq Compagnies
de Grénadiers en avant de Palmara , & s'étoit
rendu avec le refte de fes troupes à Peggi . Ces
differentes difpofitions ôtant aux ennemis l'efpérance
de réuffir dans leur entreprife , ils cefferent
totalement leur feu , & le Comte Nadafti craignant
que la Colonne , qui s'étoit prolongée fur les hauteurs
de la Mandola , ne fut tournée par le Col du
Loup , la fit retirer à Mello où il la fuivit pendant
la nuit avec toutes les troupes. Dès qu'on fut affûré
de fa retraite , le Chevalier Chauvelin , & le
Marquis de Cruffol , que le Duc de Richelieu après
fon arrivée à Peggi , avoit envoyé à Voltri pour
examiner les manoeuvres des Allemands & pour
lui en rendre compte , allerent le rejoindre . En
paffant à Palmara le Marquis de Cruffol fit eccuper
les hauteurs de la Mandoia par le Régiment de
Breffe , & donna ordre au Comte de Carcado de
pouffer des détachemens jufqu'aux plans de Négroni.
Sur les informations que le Duc de Riche
lieu reçut du Chevalier Chauvelin & du Marquis
de Cruffol , il fit partir les deux bataillons du Régiment
Royal Italien pour foûtenir le Régiment de
Breffe , & il renvoya à Voltri le Chevalier Chauvelin
avec des inftructions pour le Marquis de
Roquepine Le 19 le Comte Nadafti , qui fe trouvoit
en danger de voir la retraite coupée , fi un
détachement des troupes Françoifes arrivoit avant
lui à la Chapelle de Mazone , reprit avec précipi
AVRIL. 1748. 157
tation le chemin de cette Chapelle , & delà il eft
retourné à Campofredo , d'où il a renvoyé les troupes
dans leurs quartiers . On ne l'a pas pourſuivi ,
parce qu'il n'auro t pas été prudent d'engager les
troupes pendant la nuit dans les défilés des montagnes
, & à la pointe du jour les ennemis avoient
déja trop d'avance pour qu'on pût fe flater de les
atteindre. Tous les déferteurs confirment que la
perte des ennemis monte à plus de cinq cent hom
mes. Il n'y a eu de notre côté que cent vingt-fept
hommes tués ou bleffés . Le Marquis Monti fuc
qui la défenſe de Voltri a roulé juſqu'à denx heu
res après -midi , a donné des marques d'une valeur,
& d'une intelligence dignes des plus grands éloges.
On ne peut non plus trop louer l'intrépidité,
& la fage conduite de M. de Magnac , Major du
Régiment Royal Comtois , & de M. d'Ancillon ,
Capitaine de Grénadiers de Royal Baviere . Le
Duc de Richelieu après avoir reconnu tous les
poftes des environs de Voltri , & après avoir pris
les mesures convenables pour s'opposer aux nou
velles tentatives des troupes de la Reine de Hongrie,
revint en cette ville le 19 aufoir. Les troupes ,
Espagnoles qui s'étoient avancées dans la vallée de
Polfevera , font auffi de retour dans leur quartier
de Bifagno , & tout eft actuellement dans une parfaite
tranquillité . Il n'y a point même eu depuis
long-tems ici de carnaval plus brillant que celui de
cette année. On y a eu Comédie , Opéra , Maſca- ¡
rades , & le Duc de Richelieu a donné quatre Bals
d'une extrême magnificence. Cependant les Allemands
continuent de ménacer d'attaquer les Etats
de la République par Novi , par Seftri di Levante
& par Sarzane , & il est arrivé à leur armée un
Commiffaire du Roi de la Grande Bretagne avec ,
une forme confidérable , pour fubvenir à la dé158
MERCURE DE FRANCE.
penfe de l'entrepriſe qu'ils méditent contre la Spé
cie. Le 19 le chabec le Duc d'Agenois entra dans ce
Port venant de Nice , d'où il a amené un détachement
de cent quatre-vingt hommes . Il a été fuivi
la nuit du 25 au 26 de vingt gondoles de Caprara ,
qui avoient à bord neuf cent autres foldats embar
qués à Monaco , & avant-hier d'une barque fur la
quelle il y avoit trois cent dix Grenadiers . Malgré
la vigilance des Anglois , il ne fe paffe point de
jour qu'on ne reçoive ici des provifions de toute
efpéce . M. Guymont Envoyé Extraordinaire du
Roi de France auprès de cette République , arrivade
Paris le 21. Il a effuyé dans fa traversée un trèsmauvais
tems , & divers bâtimens Anglois ont
donné la chaffe à fa felouque .
L
DE GENES le 9.
E Marquis Jean François Brignolé , Dôge de
cette République , ayant terminé les deux
années , on a élû pour lui fuccéder M. Cefar Cattaneo
, frere du dernier Dôge de ce nom , & cidevant
Envoyé Extraordinaire à Vienne. Auffitôt
que le Marquis Brignolé , après avoir remis fa
Dignité , fe fut retiré à fon Palais , le Duc de Richelieu
fuivi des principaux Officiers François ,
alla lui rendre viſite . On a reçû tous les nouveaux
fecours qu'on attendoit , & en y comprenant lesquatorze
cent hommes qui font débarqués ici le
19 , le 26 & le 29 du mois dernier , il y eft artivé
depuis trois femaines quatre bataillons . Celles de
ces troupes qui font parties les dernieres de Monaco
, ont couru un grand rifque dans leur traverfée
, & les bâtimens à bord defquels elles étoient,
ont eu continuellement la chafle de deux vaiffeaux
de guerre Anglois , qui s'en font approchés prefA
V RIL.
1748. 159
que à la portée du canon . Peu s'en eft fallu même
qu'ane barque du convoi n'ait été prife ; elle s'eft
fauvée à la faveur de la nuit , & elle a relâché à
Portofino. Les ennemis ayant renforcé de plufieurs
bataillons les troupes qui font à Campofiédo
& dans les environs fous les ordres du Comte
Nadafti , & leurs déferteurs rapportant que le
Feldt -Maréchal Comte de Browne perfifte dans la
réfolution de s'emparer de Voltri , de Peggi , de
Seftri di Ponente & d'Arenzano , le Duc de Richelieu
eft retourné vifiter ces poftes . Le Marquis
d'Ahumada , Commandant des troupes Efpagnoles
, s'eft rendu de ſọn côté à Chiavari , afin d'obferver
les mouvemens que les Allemands font vers
la montagne des Cent Croix, On travaille dans
l'Arſenal de cette ville à un grand nombre de chevaux
de frife & à plufieurs autres préparatifs pour
la campagne , & l'on a tiré ces jours -ci des maga
fins fix cent barils de poudre . Un navire Hollandois
ayant été jetté par le gros tems dans le Golfe
de la Spécie , la fortereffe de Sainte Marie a pointé
contre lui le canon pour l'empêcher d'en fortir.
En attendant les ordres du Sénat on fait garder
par trente foldats ce bâtiment qui eft chargé de
plomb , de cire & de legumes. Les feloucons armés
ont conduit ici une tartane , fur laquelle il y
avoit des munitions de guerre deftinées pour Savone
. Il est entré dans ce Port plus de huit mille
mines de bled pendant le cours de cette femaine.
DE GENES le 30,
Ur la nouvelle les ennemis faifoient défiler
que
S de nouvelles troupes à Fornovo , à Borgo Val
de Taro , & du côté de la montagne de Cento
Croci , le Duc de Richelieu fe rendit le 20 de ce
160 MERCURE DE FRANCE.
L
mois à Seftri di Levante , afin d'obferver leurs
mouvemens. Pendant qu'il rempliffoit cet objet ,
il ne perdoit point de vue une entreprife dont il
avoit conçu le deffein , & en conféquence des ordres
qu'il avoit donnés avant fon départ , on raffembla
le 23 & le 24 dans le Port de cette ville
tous les bâtimens qui fe trouverent le long des
deux rivieres. Le 25 au foir on y fit embarquer
deux mille cinq cent hommes des troupes de France
& huit cent de celles d'Efpagne. En même tems
toutes les troupes qui étoient à Saint Pierre d'Arena
fe mirent en marche , les Eſpagnols vers la
Bochetta & les François vers Voltri , où le Duc de
Richelieu alla joindre ces derniers par mer. On
fit partir auffi plufieurs piéces de canon & tous
les Officiers d'artillerie. Le projet étoit d'arriver
avant le jour à Savone , de furprendre la Place ,
& après qu'on y feroit entré , de jetter plufieurs
Compagnies de Grenadiers dans les paliffades dela
Citadelle, pour empêchet la garnifon de la ville de
fe retirer dans cette fortereffe.Comme il auroit été
à craindre que les quatre mille Allemands qui font
à Campofiédo ne tentaffent de fecourir Savone
le Duc de Richelieu en renforçant confidérablement
le détachement que le Marquis de Roquepine
nécemande à Voltri , les avoit mis dans la
de ne s'occuper que du foin de leur propre
défenfe . Le mauvais tems & l'agitation de la
mer qui durerent jufqu'au 26 au foir, fe font oppofés
à la réuffite d'une expédition fi prudemment
concertée , & les troupes n'ayant pú faire affés de
diligence , le Commandant de Savone , qui a été
informé de leur approche , a eu le tems de prendre
fes précautions. Le Duc d'Agenois n'a pas laiffe
de s'avancer près des murailles de la ville jufqu'à la
portée du fyfil , & il y a brûlé quelques magafins
AVRIL. 1748. 161
& fait deux cent prifonniers. Hier le Duc de Ri
chelieu revint ici avec toutes les troupes ; un de
fes feloucons a pris dans le trajet un pinque & uti
autre petit bâtiment , mais ces deux navires feront
relâchés , ayant été reconnus pour être d'un des
Ports de l'État Eccléfiaftique , & n'étant chargés
d'aucune marchandiſe prohibée. A la requifition
du Marquis de Roquepine , on a conduit à Voltri
trois piéces de canon de trente - fix livres de balle
pour éloigner de la côte les vaiffeaux Anglois, 11
eft venu de Marfeille deux Compagnies de Grena
diers fur deux pinques , qui ont apporté quatre
mille fufils & un pareil nombre de bayonettes.
Un autre convoi de neuf cent vingt hommes eft
arrivé ici la femaine derniere . On étoit inquiet
d'un chabec , à bord duquel il y avoit trois cent
vingt foldats , mais il parut le 27 avec une tartane
qui en a tranſporté cent trente.
P
DE MILAN le 20 Mars.
Lufieurs difpofitions des ennemis pouvant
pofrédo , le Général Nadafti a demandé un renfort
de troupes , & en conféquence le Feldt- Maréchal
Comte de Browne lui a envoyé deux bataillons &
une Compagnie de Grenadiers du Régiment du
Grand Maître de l'Ordre Teutonique. Le 15 de
ce mois le Comte de Colloredo , Major Général ,
partit pour Vienne chargé d'une commiffion par
ce Feldt Maréchal . Le Baron de Tilliers eft re-.
venu de Génes , où il étoit allé pour régler l'échange
des prifonniers que les Génois ont faits fur
les troupes de la Reine. Cer Officier n'a point
zéuffi dans fa négociation , la République de Gé
nes voulant
que fa Majefté traite avec elle comme
162 MERCURE DE FRANCE.
avec un Etat libre , & qu'on établiffe un Cartel de
la même maniere que cela fe pratique entre les
Puiflances . On a appris de Florence que le Grand
Duc de Tofcane y avoit envoyé ordre de tranfporter
à Vienne tous les ornemens précieux qui
font dans la Chapelle du Palais Ducal. Suivant les
nouvelles de Rome le Cardinal de la Rochefoucault
, ci-devant Ambaffadeur du Roi Très Chrétien
auprès du Saint Siége , en eft parti le 13 pour
retourner en France . Ces avis ajoutent que le Car .
dinal d'Yorck ayant été incommodé le Pape étoit
allé lui rendre vifite.
I
DE TURIN le 23 Mars.
Left arrivé à Savone trois cent des prifonniers
Piémontois , qui viennent d'être échangés contre
ceux des troupes Françoifes & Efpagnoles. Les
ennemis ont renforcé confidérablement les poftes
de Voltri & d'Arenzano , & ils y font conftruire
quelques nouveaux ouvrages . Trois vaiffeaux de
guerre Anglois , qui croifoient à la hauteur de
San Remo & de Bordighera , ayant découvert plufieurs
des bâtimens de tranfport qui ont conduit
depuis peu des troupes à Génes & qui retournoient
à Monaco , ils leur ont donné la chaffe &
en ont pris neuf , à bord defquels il ne s'eft trouvé
que vingt-quatre matelots , le refte des équipages
s'étant lauvé à terre . On a été inſtruit par ces matelots
qu'on travailloit à Génes à la conſtruction
d'un grand nombre de chariots & d'autres attirails
de guerre. Ces prifonniers ont ajouté qu'il regnoit
beaucoup de méfintelligence parmi les Chefs des
Rebelles de l'Ile de Corfe ; que deux de ces
Chefs , nommés Matra & Gafforio s'étoient retirés
dans leurs habitations ; que le Colonel Rivarola
AVRIL. 1748. 163
要
en avoit fait arquebufer un troifiéme nommé Lapidi
qui commandoit leur Cavalerie , & qu'il y
avoit eu à San Fiorenzo une émeute , dans laquelle
il étoit resté feize perfonnes fur la place.
On écrit de Naples du 4 Mars qu'il s'eft tenu
au Palais un Confeil extraordinaire , à l'occafion
de quelques dépêches que le Roi a reçues de Madrid.
Les préfens que le Roi de Pologne Electeur
de Saxe a envoyés à leurs Majeftés , confiftent en
huit chevaux d'une grande beauté , un magnifique
caroffe , une caléche doublée de velours cramoify
avec une riche broderie d'or , fix caiffes de porcelaine
de Saxe , & plufieurs miroirs dont les cadres
font auth de porcelaine. Une frégate du Roi la
quelle étoit allée à Smirne , étant revenue le 26 du
mois dernier , les Magiftrats de la Santé ont voulu
l'obliger de faire la quarantaine , mais comme elle
Pavoit déja faite à Malte , le Roi en a difpenfé l'équipage
. Sa Majefté a difpofé de l'Evêché de
Castanea en faveur de M. Tefta , qu'elle avoit
nommé à l'Evêché de Siracufe. Le dernier des
Chars de Triomphe , qu'on a coûtume de promener
dans les rues de cette ville pendant le Carnaval,
fut conduit dans la Place vis - à - vis du Palais ,
& on l'y abandonna au peuple , dont la foule fut
fi grande que trois perfonnes y furent étouffées,
L'Evêque d'Ariano eft mort depuis peu dans ſon
Diocèle .
Les lettres de Rome du 12 portent que toutes
les difficultés concernant la nomination du
Comte de Schaffgotfch à l'Evêché de Breslau ayant
éré levées , le Pape tint le 4 de ce mois un Confiftoire
dans lequel il préconifa ce Prélat . Le 3 le
Cardinal de la Rochefoucault fe rendit en grand
cortége au Palais du Quirinal , & il eut fon audience
de congé de Sa Sainteté . Une Congréga164
MERCURE DE FRANCE.
tion compofée de huit Cardinaux & de quelques
Evêques , a été établie pour examiner les moyens
de fubvenir aux befoins de divers Colléges & Séminaires
, dont les revenus font diminués confidérablement.
La Reine de Hongrie a fait demander
au Pape la permiffion de tirer des beftiaux & des
grains de l'Etat Eccléfiaftique pour la fubfiftance
de fes troupes de Lombardie. Le Duc de Medina
Cali , ci- devant Ambaffadeur Extraordinaire de
fa Majefté Catholique auprès du Roi des Deux
Siciles , paffa le 4 par cette ville en retournant à
Madrid. N'ayant point voulu s'arrêter , il laiffa à
la pofte une lettre pour le Cardinal Portocarrero ,
qui immédiatement après l'avoir reçue , partit
pour Monte Rofa où il eût un entretien avec ce
Seigneur. Sa Sainteté a nommé le Cardinal Cavalchini
, Préfet de la Congrégation des Evêques
& des Réguliers. L'Evêque de Montalto vient de
donner fa démillion de fon Evêché. Le Cardinal
Girolami eft mort le 21 du mois dernier âgé de
foixante -dix fept ans , cinq mois & onze jours
étant né le 10 Septembre 1670. Il avoit été créé
Cardinal en 1743 par le Pape regnant.
AVRIL. 1748. 169
Du Camp devant Maeftrick le 9. Avril.
M
R le Maréchal Comte de Saxe
étant parti le 18 Mars de Paris pour
Bruxelles , chacun a cherché à pénétrer le
véritable objet d'une arrivée auffi prématurée
dans les Pays Bas , mais perfonne ne
l'a deviné , & l'ennemi y a été trompé le
premier.
Les troupes des Evêchés ayant leurs or
drés pour le Hainaut & le Brabant , & cel,
les qui avoient hyverné dans la Flandre
ou dans le Pays conquis, ayant leur rendezvous
fur la Dille & fur la Nethe , tout
concluoit au fiége de Bréda ou de Stelmbergue
; cette idée étoit confirmée par un
difpofitif fait à Anvers de piéces d'artillerie
pour fiége & par un amas confidérable
de tout ce qui y eft relatif.
Pour y donner plus de vrai-femblance ,
M. le Maréchal Général s'eft rendu en
perfonne à Anvers le 30 Mars fuivi de
fon Etat Major , avec ordre au refte du
quartier général de venir l'y joindre dans
deux jours. Il avoit fait courir le bruit que
M. le Maréchal de Lowendalh y alloit auffi,
mais ce Général eft parti ce même jour 30
pour Namur.
Indépendamment de ces moyens propres
W
166 MERCURE DE FRANCE.
t
à donner le change à l'ennemi , M. le Maréchal
Général a envoyé le 31 M. le Comte
d'Eftrées de l'autre côté de la Nethe
' dans les bruieres , & s'eft mis le 3 au matin
à la tête des troupes qui devoient protéger
un convoi deftiné pour Bergoploom ,
& ce fur l'avis que les ennemis fe difpofoient
à l'attaquer avec un corps de vingtcinq
à trente mille hommes raſſemblés
dans les environs de Bréda & de Rofendal ,
mais ceux-ci n'ayant point paru , M. le Maréchal
Général a vifité Bergopfoom , s'eft
embarqué au Fort Frederic Henri & eft revenu
ce même jour coucher à Anvers , d'où
il s'eft rendu le lendemain à Tirlemont . ?
Selon fes combinaifons , la premiere dis
vifion de ſes troupes y étoit déja , aux ordres
de M. de Maubourg ; elle a été fuivie
le 4 & le s de deux autres , conduites par
Mrs de Lautrec & de Graville.
M. le Maréchal Général eſt arrivé le 5 à
Saint Tron & le 6 à Tongres, fans avoir vu
fur la route que des Huffards & des troupes
légères , qui par les fourages qu'elles
ont abandonnés , ont fait connoître qu'el
lés ne s'attendoient pas à une vifite auffi
prompte.
La feconde divifion ayant joint le 7
Tongres M. le Maréchal Général , il en eft
parti le S au jour , à la tête de l'avant-garAVRIL.
1748. 167
•
de , & il s'eft rendu à Smermaar fur la baffe
Meufe , qu'il a fait paffer fur le champ à
quelques Compagnies de Grénadiers, pour
occuper le Château d'Ophaaren , où elles
font entrées fans oppofition ; ce Château
protege la tête d'un pont qu'on a établi
dans la nuit. On a apperçû les troupes des
Alliés qui défiloient vers la Gewle , mais
on n'a pû les inquiéter , faute de bâteaux
pour paffer la Cavalerie.
Les deux divifions qui font venues avec
M. le Maréchal Général ont été campées
derriere le ruiffeau de Lonacken , elles ont
été jointes aujourd'hui par la troiſième &
le feront demain par la quatrième , qui
vient le long du Demer , aux ordres de M.
le Comte de Fitz - James .
Vavre ,
M. de Brezé qui a paffé la Dille le 4 à
fe pour porter fur Liége & proteger
un convoi deftiné pour le Corps de
M. le Maréchal de Lowendalh , doit s'awancer
demain fur la montagne Saint
Pierre , tant pour en mafquer le fort , que
pour favorifer la conftruction d'un pont
qu'on doit jetter fur la haute Meufe , au-
'deffous de Vifet.
M. le Maréchal de Lowendalh arrivera
demain de l'autre côté de la Meufe à notre
hauteur , & M. le Comte d'Eftrées à
Ghélick.
168 MERCURE DE FRANCE.
M. de Contades commande fur le Demer
, & M. le Vicomte du Chayla dans le
Baffin de Malinęs .
Notre pont fini , M. le Maréchal Général
a fait paffer un gros détachement pour
aller fur la Gewle à Fauquemont , & donner
, s'il eft poffible , fur l'arriere- garde
des ennemis .
Comme Maeftricht ne pouvoit être invefti
tant qu'il y auroit une armée derriere
cette Place , voici les moyens que M. le MaréchalGénéral
a employéspour cette grande
& finguliere opération , qui a été conduite.
dans le plus grand fecret. Toutes les troupes
de la Flandre & Pays conquis , à l'exception
de la garnifon de Namur , ont été
poftées dans le Baffin de Malines , dans les
mêmes cantonnemens de l'année derniere;
on en a même pouffé dans de nouveaux
cantonnemens fur la Nethe & entre Malines
& Anvers. Toutes ces troupes , à la réferve
de celles qui étoient deſtinées pour
la garde de la Dille & du Demer , devoient
à trois jours de diftance arriver für la baffe
Meuſe , par la chauffée de Liége & par
Tongres. Pendant que les troupes des Evêchés
ayant trouvé des contr'ordres à
Longvy , Montmedy , Carignan , Sedan &
Givet
, pour déboucher par le pays de Luxembourg
& par le Limbourg , devoient
conjointement
AVRI L. 1748 . 169
conjointement avec la garnifon de Namur¸
arriver fous Maeftricht par la rive droite
de la Meufe. L'objet de ce Corps - ci , commandé
par M. le Maréchal de Lowendalh ,
étoit de prendre de revers le Corps des ennemis
, s'ils reftoient campés derriere
Maeftricht, ou d'attirer leur attention vers
la haute Meuſe , afin de nous faciliter les
moyens de jetter un pont au- deffous.
M. le Comte d'Eftrées , après avoir d'a- ~
bord menacé Bréda , devoit cependant longer
les bruyeres & fe porter fur Peer &
Brey , pour tenir l'ennemi en refpect , au
cas qu'il voulût defcendre en droiture de
Bréda ou Bois - le-Duc fur Maeftricht.
Du 16 Avril.
Les troupes aux ordres de M. le Maréchal
de Lowendalh ayant achevé de joindre
le 13 , on a fini l'inveftiffement de
Maeftricht du côté de la rive droite de la
Meufe ,
M. de la Valette , Brigadier , qui avoit
été envoyé le 9 au foir à Faucquemont pour
s'emparer des magafins que les ennemis y
avoient laiffés , en eft parti le 11 à l'arrivée
de M. de Saint Germain , & s'eft rendu
à Beck fur le grand chemin de Maeftricht
, à Sittard , pour foüiller tous les environs
de ce pays- là , où l'on a trouvé plu .
H
170 MERCURE DE FRANCE.
fieurs magafins de fourages des ennemis,
dont partie a été enlevée avec des chariots,
& le reste a été pris par la Cavalerie , qui ,
y a fait le 13 un fourage en regle. On
évalue les fourages que les ennemis nous
ont abandonnés , tant fur la Meufe que dans
le plat Pays , à fix cent mille rations. M.
de la Valette eft rentré le 14 avec fon déta
chement , mais on a envoyé de ces côtés- là
des partis d'Infanterie pour ténir les Huf.
fards en refpect .
Les ennemis s'affemblent derriere la
Roer , & le quartier de M. le Duc de Cumberland
eft à Hellenrouck.
$
M. le Maréchal Général fait travailler à
vingt grandes redoutes de fon invention
pour couvrir le front du camp de la tive
gauche de la Meufe . Il a ordonné avant
hier le mouvement de differens Régimens
pour la formation des brigades , fuivant
l'ordre de bataille .
M. le Comte d'Eftrées , qui a obligé les
ennemis de brûler leurs magafins de Péer &
de Brey, & qui leur a pris , chemin faiſant,
dans les bruyeres , plufieurs Huffards , s'eſt
rabattu fur Haffelt , pour donner quelques
jours de repos à fes troupes qui ont extrê
mement fatigué.
La tranchée a été ouverte hier au foir
devant Maestricht , le long des deux rives.
AVRIL.
171 1748 .
de la baffe Meuſe , M. le Maréchal Général
& M. le Maréchal de Lowendalh fe font
trouvés à l'ouverture de la tranchée de la´
rive gauche.
Tranchée de Maeftricht.
La tranchée a été ouverte la nuit du IS
au 16 devant Maeftricht par fix mille travailleurs
, dont quatre mille à la tive gau-.
che de la Meufe & deux mille à la rive
droite. On a fait d'un côté dix- fept cent
toifes d'ouvrage , & de l'autre neuf cent,
toiſes. L'ennemi ne s'eft point apperçû de
notre travail , & n'a tiré que ce matin entre
quatre & cinq heures.
Nous n'avons perdu que trois hommes,
tués tous les trois par le canon.
La tranchée de la droite ou de la rive
gauche de la Meufe appuye à la Meufe &
va gagner la hauteur vers la porte de Tongres.
La tranchée de la gauche appuye fa droite
à la Meuſe, & fa gauche s'allonge vers le
chemin de Maeftricht à Ruremonde.
Tranchée du 15 au 16.
Tranchée de la gauche.
M. de Relingue , Maréchal de Camp.
Un Brigadier.
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Royal Vaiffeau , 3 Bataillons.
Premier de laCour au Chantre I
4
Grenadiers auxiliaires , 4 Compagnies.
Tranchée de la droite.
M. de Maubourg , Lieutenant Général .
M. de Montmorency Maréchal de Camp,
Deux Brigadiers.
Picardie ,
Vilmer ,
Grenadiers auxiliaires ,
5 Bataillons.
3
8
8 Compagnies,
Tranchée du 16 au 17 .
M. de Laigle , Maréchal de Camp.
Un Brigadier.
La Couronne ,
Deuxième de la Mark ,
Grenadiers auxiliaires ,
3 Bataillons,
4
4 Compagnies .
Tranchée de la droite.
M. de Monteffon , Lieutenant Général.
M. de Beaufremont , Maréchal de Camp.
Deux Brigadiers .
Navarre ,
Deuxième & troifiéme de la
Cour au Chantre
Premier de la Mark ,
5 Bataillons.
AVRIL. 173 1748 .
Grenadiers auxiliaires
8 Compagnies.
Tranchée du 16 au 17 .
Attaque de la droite.
On a ouvert cette nuit une parallele à la
droite du fecond ouvrage à corne de la
gauche par rapport à nous , qui a été prolongée
jufqu'à la Meufe ; elle refferre la
Place de 200 toifes par la gauche de plus
que celle que l'on avoit faite la nuit précédente
; elle n'eft éloignée du chemin couvert
que d'environ 100 toifes.
On travaille au bas du rideau & dans la
premiere parallele à la conftruction d'une
batterie de fix obuts & de huit mortiers .
Le feu de la moufqueterie a été confidérable
cette nuit & plus vif à la gauche
qu'à la droite.
Nous avons eu à cette attaque M. de
Charancai Capitaine des Grenadiers
Royaux de la Trefne , tué.
M. de Morfingue , Ingénieur , tué.
M. de Beauregard, Capitaine des Grenadiers
au Régiment de la Cour-aa- Chantre,
bleffé ,
M. de Jaffau , Capitaine du même Régiment
, bleffé
Soldats tués ,
Soldats bleffés , 29
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE .
Attaque de la gauche.
On a commencé hier à 9༡ heures du foir
une communication jufqu'à la Meuſe , qui
eft achevée & perfectionnée .
On a fait trois crochets fur la droite &
180 toifes d'une feconde parallele , & fur
la gauche 260 ; cette parallele n'eft pas encore
jointe, elle le fera aujourd'hui , il manque
environ 115500 toifes pour faire la jonction
de cette feconde parallele .
L'emplacement pour établir une batterie
, qui prendra des ricochets fur tous les
ouvrages de l'attaque de la baffe Meufe
a été reconnu ; l'épaulement du village de
Vick eft perfectionné. Le feu a été trèsvif
pendant la nuit ; nous avons dans la
journée d'hier & pendant la nuit dix foldats
bleffés , dont fix à mort.
Tranchée du 17 an 18 .
.
Attaque de la droite .
M. de Lautrec', Lieutenant Général.
M. le Comte de Maillebois , Maréchal de
Camp.
Deux Brigadiers.
Champagne , 5
Bataillons.
Troifiéme de la Marck, I
Hainault २
AVRIL. 1748. 171
S'Compagnies. Grenadiers auxiliaires ,
Attaque de la gauche.
M. le Chevalier de Nicolay , Maréchal de
Camp.
Un Brigadier.
Rohan ,
Angoumois ,
z Bataillons.
1
La Marche ,
Grenadiers auxiliaires ,
I
4
4 Compagnies.
On a fait cette nuit 22 zigzagues , dirigés
fur le faillant de la demi-lune qui eft à
droite de l'ouvrage à corne par rapport à
nous ; au bout de ces zigzagues on a commencé
à gauche une troifiéme parallele
pour fe joindre à la deuxième , ce travail
eft de 160 toifes ; on conftruit quatre batteries
, dont l'une de fix piéces de canon
eft placée à la gauche de la communication
du centre , les trois autres font placées dans
la deuxième parallele ; on travaillera cette
nuit à une cinquième batterie à la gauche
de la deuxième parallele.
Les 6 mortiers & les 6 obuts ont été conduits
cette nuit à la batterie au bas de la
rampe vis- à- vis la feconde demi - lune à
droite de l'ouvrage à corne.
Les affiégés ont fait à une heure après
minuit une fortie de Soo hommes fur la
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
gauche de l'attaque de la droite ; les Grenadiers
qui étoient placés pour foutenir
les travailleurs , ont fauté fur le revers de
la tranchée , ont chaffé l'ennemi avec perte
& ont fait deux Officiers & quelques
foldats prifonniers. Les ennemis ont con
blé environ 30 toifes d'un boyau que l'on
avoit commencé , & ont retardé le travail
de la cinquiéme batterie. Le feu de la
moufqueterie a été très-vif pendant la nuit.
Nous avons eu M. de Marancy , Capitaine
au Régiment de Navarre , bleffé . M.
de Brevol , Ingénieur , bleffé dangereufe
ment. Soldats tués , 3. bleffés , 45 .
Attaque de la gauche .
On a travaillé à la jonction de la feconde
parallele , ce travail eft de 230 toifes ;
il fera perfectionné aujourd'hui à la gauche
de la feconde parallele qui fera finie
aujourd'hui. On travaille à trois batteries
dans le centre de la feconde parallele , à
une d'obuts dans la communication qui va
à la feconde parallele , & à une autre de canon
fur la gauche de cette même parallele .
Le feu a été très - vif pendant la nuit ; nours
avons eu M. de Ribonnel , Capitaine au
Régiment de Chartres , bleffé. Soldats bleffés
, 19 ,
dont plufieurs très légerement.
AVRIL 1748 . 177
Tranchée du 18 au 19 .
Attaque de la droite. "
M. d'Armentieres , Lieutenant Général.
M. de Montmorin , Maréchal de Camp.
Deux Brigadiers.
Normandie ,
Bataillons,
I
Baffigny ,
Ponthieu ,
Grenadiers auxiliaires ,
8
8 Compagnies.
Attaque de la gauche.
M. du Mefnil , Maréchal de Camp.
Un Brigadier.
La Fere ,
Fleury ,
2 Bataillons.
Premier de Diefback ,
Grenadiers auxiliaires ,
4
4 Compagnies,
Attaque de la droite .
On a travaillé cette nuit à la droite , à
l'emplacement d'une nouvelle batterie ,
en avant de la premiere parallele fur la
gauche du baftion de la porte de Tongres
; cet ouvrage a cinquante toifes , &
fait un demi cercle.
La troifiéme parallele a été jointe à la
feconde, ce travail a quarante-neuf toiles.
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
On a prolongé à la gauche la feconde
parallele de deux cent toifes , en traverfant
la communication de la premiere parallele
à la feconde ; on n'a pû la pouffer
jufqu'à la riviere , il faut encore environ
vingt toiles pour y arriver.
La batterie d'obuts & de mortiers eft en
état de tirer depuis ce matin. Les autres
batteries de canon & de bombes feront en
état de recevoir leurs piéces cette nuit.
Les affiégés ont fait un feu très- vif pendant
la nuit .
Nous avons eu M. de S. Romain , Capitaine
au Régiment de Normandie
bleffé ; M. Dautrat , Capitaine au Régiment
de la Couronne , bleffé ; M. Morin ›
Lieutenant au même Régiment , bleffé ;
M.de Paillon , Lieutenant au Régiment de
Baffigny , bleffé ; M. Gaillard , Lieutenant
au Régiment de Picardie , bleffé . Soldats
tués , 7 .
Attaque de la gauche.
Nous avons achevé les batteries de canon
, & celle d'obuts le fera avant cinq
heures du foir ; la redoute de la gauche eſt
entierement finie. Les ennemis ont été
tranquilles en cette partie.
Un Lieutenant des Grenadiers du Régiment
de Rohan a eu la cuiffe caffée.
Soldats bleffés
AVRIL. 1748. 179
Tranchée du 19 au 20.
Attaque de la droite .
M. de Graville , Lieutenant Général ,
M. de Montbarey , Maréchal de Camp..
Deux Brigadiers.
La Tour Dupin ,
Deuxième & troifiéme de
Dieſbak ,
Premier & deuxième de Royal
Suedois •
Grenadiers auxiliaires ,
4Bataillons
S
$ Compagnies
Attaque de la gauche.
M. de Lorges , Maréchal de Camp.
Un Brigadier .
Alface
Grenadiers auxiliaires ,
4 Bataillons.
4 Compagnies
Attaque de la droite.
On a communiqué cette, fuit à deux
batteries , en prolongeant la feconde parallele
de cent cinquante toifes.
On a prolongé un zigzague au débouché
de la droite , & au bout de ce zigzague
on a fait de droite & de gauche un
boyau parallele de foixante - une toifes ; on
a auffi perfectionné les anciens débouchés ,
ainsi que la communication de la droite..
3
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
Toutes les batteries ont reçû leurs
piéces ; demain il y aura cent cinq bouches
à feu qui tireront .
vif.
Les affiégés font toujours un feu très-
Nous avons eu M. le Grand , Lieutenant
de la Tour du Pin , bleffé ; M. de Meziere,
bleffé . Soldats tués , 4.
Attaque de la gauche.
On a achevé & perfectionné la redoute,
ainfi la feconde parallele. que
On a commencé une communication
vers le village de Laumel qui eft au bord
de la Meufe ; elle fera achevée demain 9
toutes les batteries à cette attaque font en
état de tirer.
Le feu de moufqueterie des ennemis a
été très -vif pendant la nuit , ainfi que le
nôtre. .9110
Noussavons
eû M. de Jouffelle , Lieutenant
au Régiment de Navarre , bleffé ;
M. Galot , Lieutenant au Régiment d'Alface
, bleffé. Soldats tués , 1 , bleffés 10 .
Tranchée du 20 au 21 .
Attaque de la gauche.
M. de la Vauguion , Maréchal de Camp :
Un Brigadier.
AVRIL.
174S. 18
Bourbon , 2 Bataillons.
Châtillon , I
3
Grenadiers auxiliaires , 4 Compagnies.
Attaque de la droite.
M. le Duc de Chevreuſe , Lieutenant Général
.
M. de Guerchy , Maréchal de Camp .
Deux Brigadiers.
Monaco ,
Troifiéme & quatrième de
Royal Suedois ,
Chartres ,
4Bataillons
2
S
Grenadiers auxiliaires ,
9. Compagnies.
Attaque de la droite.
On a fait cette nuit quatre grands zigzagues
à droite & à gauche de la batterie.
de la droite ; ce travail eft de foixante - dix
toifes. On a perfectionné toutes les communications
.
Nous en avons impofé un peu à l'ennemi
par la fupériorité de notre feu .
M. de Caftello , Capitaine dans le Ré
giment de la Tour du Pin , bleffé ; M. de
Vaillant , Capitaine dans le Régiment
182 MERCURE DE FRANCE.
Hainaut , bleffé ; M. le Cerf , Capitaine aur
Régiment d'Artillerie , bleffé ; MM.Loige
& Lerigel,Lieutenans dans le Régiment de
Picardie , bleffés ; M.Roiqueur, Lieutenant
dans le Régiment de la Tour du Pin ,
bleffé; Mrs Lafme & de Rofny, Lieutenansdans
le Régiment des Vaiffeaux , bleſſés .
Soldats tués trois.
Attaque de la gauche.
On a travaillé cette nuit à l'épaulement
qui mene au village de Lumel , & il fera
achevé aujourd'hui .
Soldats bleffés , huit ; foldats tués , un.
M. le Maréchal Général eft allé avanthier
vifiter les bords de la Gwelle , depuis
fon embouchure jufqu'à fa fource . On
continue de travailler à force aux redoutes
du front du camp , & elles feront en état
dans deux jours.
M. le Maréchal Général a reconnu fon
champ de bataille , au cas que l'ennemi
veüille marcher à lui , & il a travaillé à
mettre en ordre les difpofitions qui y font
relatives.
Une partie de la Cavalerie qui étoit vers
Bruxelles a été rapprochée, de façon à pou
voir être ici dans vingt- quatre heures.
La brigade des Gardes , celles de Pié
mont & d'Auvergne , & les recrues des
AVRIL 1748. 183
Régimens d'Infanterie qui font ici , qu'on
avoit laiffées derriere pour les exercer , arri
veront au camp du 21 au 23 de ce mois.
دوب
Un de nos partis d'Infanterie s'étant
porté trop avant du côté de la Roër , &
s'étant amufé à rafraichir à Sittart a été
furpris par l'ennemi & fait prifonnier de
guerre ; un autre de nos partis qui avoit
été du même côté , a. ramené plufieurs
Huffards montés .
Les Compagnies Franches Autrichiennes
, conduites par le Capitaine Bethune
ont voulu s'approcher du Démer avec trois
pontons , mais fur la nouvelle du gros
Corps de troupes qui le garde aux ordres
de M. de Contades , elles fe font retirées
bien vîte , de crainte d'être coupées.
2
Cent cinq bouches à feu ont tiré ce matin
à la fois fur la ville ; M. le Maréchal
s'eft trouvé à huit heures du matin à la
tranchée avec M. le Maréchal de Lowendal
, pour être fpectateurs de ce premier
falut de notre artillerie qui n'avoit pas
encore tiré.
...
184 MERCURE DE FRANCE.
REBERG DEG DE BBC
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
E 31 du mois dernier , Dimanche de
tent dans la Chapelle du Château la Meſſe
chantée par la Mufique . Leurs Majeftés
accompagnées de Monfeigneur le Dauphin
& de Mefdames de France affiftererit
l'après-midi à la Prédication du Pere Tainturier
, de la Compagnie de Jefus .
La Reine entendit le 29 le Sermon du
même Prédicateur.
Le 24 les Députés des Etats de la Province
d'Artois eurent audience du Roi
étant préfentés par le Prince Charles de
Lorraine , Gouverneur de la Province , en
furvivance du Duc d'Elboeuf , & par le
Comte d'Argenfon , Miniftre & Secretaire
d'Etat , & conduits par le Marquis de
Dreux , Grand Maître , & M. Defgranges,
Maître des Cérémonies. La Députation
étoit compofée , pour le Clergé , de l'Abbé
de Roquelaure , Vicaire Général de l'Evêché
d'Arras ; de M. de Briois d'Hulluch ,
pour la Nobleffe , & de M. Harduin , pour
Tiers- Etat.
AVRIL. 1748.
155
Le 29 après midi le Roi accompagné de
Monfeigneur le Dauphin fit dans la Plaine
des Sablons la revue du Régiment des
Gardes Françoifes & de celui des Gardés
Suiffes , lefquels , après avoir fait l'exercice
, défilerent en préfence de Sa Majesté .
Mefdames de France fe trouverent à cette
revûë.
1
Le 7 de ce mois Dimanche des Rameaux
le Roi & la Reine accompagnés de Monfeigneur
le Dauphin & de Mefdames de
France , affifterent dans la Chapelle du
Château à la Benediction des Palmes , qui
fut faite par l'Abbé Broffeau , Chapelain
ordinaire de la Chapelle de Mufique , lequel
en préfenta une au Roi & à la Reine ;
leurs Majeftés allerent à la Proceffion , &
adorerent la Croix. Le Roi & la Reine
entendirent enfuite la grande Meffe célé
brée
par le même Chapelain .
L'après-midi leurs Majeftés , accompagnées
comme le matin , affifterent à la
prédication du Pere Tainturier de la Compagnie
de Jefus.
La Reine communia le s dans l'Eglife de
ta Paroiffe du Château par les mains de
l'Evêque de Chartres fon Premier Aumô
nier.
Le to Mercredi Saint le Roi & la Reine
entendirent dans la Chapelle l'Office des
Térébres.
156 MERCURE DE FRANCE.
?
Le Jeudi Saint le Roi affifta au Sermon
de la Céne du Pere le Fraire , Religieux
de l'Obfervance , & l'Evêque de
Saint Brieux fit l'Abfoute , après laquelle
Sa Majesté lava les pieds à douze pauvres ,
& les fervit à table. Le Comte de Charolois
, faifant les fonctions de Grand Maître
de la Maifon du Roi , étoit à la tête
des Maîtres d'Hôtel , & il précédoit - le
fervice , dont les plats étoient portés par
Monſeigneur le Dauphin , le Duc de Chartres
, le Prince de Condé , le Comte de
Clermont , le Prince de Conty , le Prince
de Dombes , le Comte d'Eu , le Duc de
Penthiévre , & par les principaux Officiers
de Sa Majefté. Après cette cérémonie le
Roi & la Reine fe rendirent à la Chapelle,
où leurs Majeftés entendirent la grande
Meffe , & affifterent à la Proceffion.
Le même jour après-midi la Reine entendit
le Sermon de la Céne de l'Abbé de Boifmont
, Chanoine de l'Eglife Cathédrale de
Rouen, & après l'Abfoute qui fut faite par
l'Evêque de S. Brieux , Sa Majefté lava les
pieds à douze pauvres filles qu'elle fervit
à table. Le Marquis de Chalmazel , Premier
Maître d'Hôtel de la Reine , précé
doit le fervice , dont les plats furent porrés
par
Madame Henriette , Madame Adelaide
& Madame Victoire , par la DuAVRIL
1748. 187
cheffe de Chartres & par les Dames du
Palais.
Le Roi & la Reine affifterent le même
jour dans la Chapelle du Château à l'Office
des Ténébres.
Le 12 Vendredi Saint le Roi & la Reine
, accompagnés de Monfeigneur le Dauphin
& de Mefdames de France , entendi-
Fent le Sermon de la Paffion du Pere Tainturier
, de la Compagnie de Jefus, Leurs
Majeftés affifterent enfuite à l'Office , &
allerent à l'adoration de la Croix . L'aprèsmidi
elles entendirent les Ténébres.
La Reine affifta le Samedi Saint aux
Complies & au Salut , pendant lequel l'O
Filii fut chanté
par lá Mufique.
Le 14 Fête de Paques le Roi & la Reine,
accompagnés de Monfeigneur le Dauphin ,
de Madame la Dauphine & de Mefdames
de France , entendirent la grande Meſſe
célébrée pontificalement par l'Evêque de
Saint Brieux & chantée par la Mufique.
L'après-midi leurs Majeftés affifterent à la
prédication du Pere Tainturier , & enfuite
aux Vêpres auxquelles le même Prélat
officia.
Le Roi a accordé au Marquis de Coigny
le Gouvernement du Château de Choify .
Sa Majesté a difpofé de la Capitainerie
-des Chaffes de la Varenne du Louvre en
188 MERCURE DE FRANCE.
faveur du Duc de la Valliere .
Le 23 M. Tron , Ambaffadeur ordinaire
de la République de Vénife , eût fon audience
publique de congé du Roi , étant
accompagné par le Prince Camille , &
conduit par le Marquis de Verneuil , Introducteur
des Ambaffadeurs qui étoient
allés le prendre en fon Hôtel à Paris dans
les caroffes de leurs Majeftés . Il trouva à
fon arrivée dans l'avant-cour du Château
les Compagnies des Gardes Françoifes &
Suiffes fous les armes , les tambours appellant
; dans la cour les Gardes de la Porte
& ceux de la Prévôté de l'Hôtel , auffi
fous les armes à leurs poftes ordinaires ,
& fur l'efcalier les Cent Suiffes en habits
de cérémonie & la hallebarde à la main .
Le Duc de Villeroi , Capitaine des Gardes,
le reçût à la porte en dedans de la falle ,
où les Gardes du Corps étoient en haye
fous les armes . A la fin de l'audience le
Roi fit Chevalier M. Tron , felon Fufage
pratiqué à l'égard des Ambaffadeurs de la
République de Vénife . Le même jour
l'Ambaffadeur fut conduit à l'audience de
la Reine , & à celles de Monfeigneur le
Dauphin , de Madame la Dauphine , de
Madame & de Mefdames de France , &
après avoir été traité par les Officiers du
Roi , il fut reconduit à Paris dans les caAVRIL.
1748. 189
roffes de leurs Majeftés , avec les cérémonies
accoûtumées .
Le Roi a difpofé de la place de Confeiller
d'Etat , vacante par la mort de M.
de Caumartin , en faveur de M. le Nain
Intendant de la Province de Languedoc .
L
BENEFICES DONNE'S.
E Roi a accordé l'Evêché de Montpellier
à l'Evêque de Viviers.
L'Evêché de Viviers à l'Abbé de Mons,
Vicaire Général de ce Diocèfe.
L'Evêché d'Autun à l'Abbé de Montazet
, Aumônier de Sa Majefté.
L'Evêché de Lavaur à l'Abbé de la
Baftie , ancien Agent Général du Clergé.
L'Abbaye de Moreilles , Ordre de Citeaux
, Diocèſe de la Rochelle , à l'Evêque
de Clermont,
Celle de Monftier en Argonne , même
Ordre , Diocèle de Châlons - fur- Marne ,
l'Abbé de Montazet , nommé à l'Evêché
d'Autun.
Celle de Bolbone , même Ordre , Dio
cèſe de Mirepoix , à l'Abbé d'Ormeffon.
Celle de Saint Quentin , Ordre de
Saint Auguſtin , Diocèfe de Beauvais , à
l'Abbé de la Ville , Miniftre du Roi auprès
190 MERCURE DE FRANCE
des Etats Généraux des Provinces -Unies ,
& Premier Commis au Département des
Affaires Etrangeres.
Celle de la Pelice , Ordre de S. Benoît ,
Diocèfe du Mans , à l'Abbé de Ronffecy
Vicaire Général de ce Diocèfe .
L'Abbaye Reguliere de Saint Aubert
de Cambray , Ordre de Saint Auguſtin ,
à Dom le Goul , Religieux de la même
Abbaye.
Celle de la Joye , Ordre de Citeaux
Diocéfe de Sens , à la Dame de Château-
Renaud , Religieufe de l'Ordre de Saint
Auguftin.
Le Prieuré de Vieuxpont , Ordre de
Grandmont , même Diocèfe , à l'Abbé
Hocart , Vicaire Général de l'Evêché de
Châlons - fur- Marne.
D'Anvers le 22 Mars.
Le 14 de ce mois le Marquis de Rougé
Brigadier , partit d'ici avec fix Compagnies
de Grénadiers , un pareil nombre de piquets
d'Infanterie , & trois cent hommes
de Cavalerie des Régimens de la Reine' ,
de Graffin & de la Morliere , pour eſcorter
un convoi de deux cent foixante cha
riots qu'on envoyoit à Bergopfoom. Il
›
AVRIL. 1748. 191
>
trouva à Santvliet une nouvelle eſcortè
d'Infanterie , à peu près de même force
que la fienne , & qui étoit fortie de Bergopfoom
fous les ordres de M. de Piat ,
auffi Brigadier. Ayant joint à cette nouvelle
eſcorte cent Cavaliers du Régiment
de la Reine , & ayant remis le convoi à
M. de Plat , il continua le 15 fa marche
afin de couvrir celle du convoi . A fon arrivée
au moulin d'Hoguereide , M. de
Bourgmarie , Lieutenant Colonel du Ré
giment de la Morliere , qui l'y attendoit
avec fix Compagnies de Grénadiers , fix
piquets d'Infanterie , trois cent chevaux
& quatre piéces de canon , lui annonça
qu'on avoit apperçu plufieurs troupes de
Huffards formées derriere les Dunes. Le
Marquis de Rougé difpofa auffi-tôt fon
Infanterie fur trois colonnes , compofées.
chacune de quatre Compagnies de Grénadiers
& de quatre piquets , fon artillerie
de droite & de gauche de la colonne du
centre , & il ordonna à M. de Bourgmarie,
de mettre trois cent Cavaliers en bataille
à portée de l'Infanterie du côté d'Huberguene
, & d'en placer deux cent autres
par échelons jufqu'à la Cenfe du Paſteur.
A peine cette difpofition étoit faite qu'on
entendit à une lieuë en avant quelques
coups de fufil , qui un inftant après furent
192 MERCURE DE FRANCE .
fuivis d'un feu très- confidérable de moufqueterie.
La tête du convoi venoit
alors de paffer le moulin d'Hoguereide ,
& il parut en même tems de l'Infanterie
ennemie qui dirigeoit fa marche vers la
Cenfe du Pafteur. Dans cette circonftance
le Marquis de Rougé y fit avancer deux
Compagnies de Grenadiers & deux piquets
du Régiment de Piémont , & poufla
en avant avec deux cent chevaux M. de
Grandmaifon , Capitaine au Régiment de
Graffin , avec commiffion de Lieutenant
Colonel , auquel il donna ordre de fe porter
où le feu s'étoit fait entendre , & de
lui envoyer des nouvelles. M. de Grandmaifon
ne tarda pas à l'informer qu'on
voyoit des détachemens nombreux d'ennemis
qui emmenoient quelque troupes
de notre Infanterie , & que le convoi
felon les apparences alloit être attaqué.
Sur cet avis le Marquis de Rougé ayant retiré
l'Infanterie qu'il avoit poſté à la Cenſe
du Paſteur & au Moulin d'Hoguereide ,
ordonna à M. de Bourgmarie de marcher
droit aux ennemis , & il le fuivit avec le
refte de l'eſcorte. On découvrit bientôt
fur la droite plufieurs troupes des Huffards
fuivies d'Infanterie , & le feu commença
à la tête du convoi . Alors , par
ordre du Marquis de Rougé, M. de Ponfo
net
A VRIL. 1748 . 193
net , Commandant du bataillon de Milice
de Blois , fe rapprocha du convoi avec une
divifion d'Infanterie afin d'en protéger la
queue . Le Marquis de Rougé fe difpofoit
a marcher où fe paffoit le combat , mais le
feu , qui s'étoit fait entendre à l'avantgarde
, ayant ceffé , il ſe détermina à faire
face aux troupes qu'il avoit fur fon flanc .
La tête du convoi entroit déja dans Bergopfoom
, lorfqu'on vint rapporter au
Marquis de Rougé qu'il étoit refté dans le
chemin foixante chariots fans attelage. Il
écrivit fur le champ au Comte de Vaux.
pour lui en donner avis, & pour le prier de
renvoyer les premiers attelages qui étoient
arrivés dans la Place , mais il apprit que le
- Comte de Vaux , étant forti à la tête d'un
détachement, dans le deffein de favorifer le
convoi , avoit été enveloppé par des troupes
fupérieures & obligé de fe rendre prifonnier
, ce qui avoit caufé le bruit des
premieres décharges de moufqueterie
qu'on avoit entendues . Par ce contre-tems
M. de Grandmaifon n'avoit point trouvé
d'Infanterie pour le protéger , & fes troupes
avoient été diffipées par le nombre
prodigieux de Cavalerie dont il avoit été
accablé. M. de Bourgmarie qui avoit été
détaché afin de le foûtenir,n'avoit pû faire
affés de diligence pour remplir cet objet ,
I
194 MERCURE DE FRANCE.
›
mais du moins il étoit arrivé affés -tôt pour
raffûrer le convoi & pour en impofer aux
ennemis , qui avertis de fa marche ſe perfuaderent
que le Marquis de Rougé le fuivoit
de fort près. Dès que M. de la Buharaye
, Commandant du bataillon de Milice
de Dinan , & qui commandoit l'avantgarde
du convoi , avoit vû que les ennemis
fe préparoient à l'attaquer , il avoit
fait doubler les chariots les uns fur les autres
, & s'étoit formé un parc . Il s'y dé--
fendit jufqu'à ce que M. de Bourgmarie le
joignit avec deux cent Cavaliers , qui
ayant été placés de façon qu'ils pouvoient
être protégés par le feu de l'Infanterie
contraignirent les ennemis de renoncer à
cette attaque. Ne perdant point l'efpérance
de réuffir dans une autre partie , ils porterent
leurs principales forces à l'endroit où
étoit le Corps de troupes auquel le Marquis
de Rougé faifoit face . Lorfqu'ils reconnurent
qu'il n'avoit point marché en
avant , & qu'ainfi ils ne pouvoient fe flater,
de trouver la queue du convoi dégarnie ,
ils n'oferent plus rien entreprendre. Le
Marquis de Rougé ne fe retira que lorfqu'il
fut certain que tout le convoi étoit
entré dans Bergopfoom , à l'exception de
les ennemis ont
quelques beftiaux que
emmenés , & de huit ou dix-chariots bri
AVRIL. 1748
195.
fés dont même ils n'ont pas profité.
De Maeftricht le premier Avril.
Par ordre du Duc de Cumberland on
a enlevé la plupart des voitures , des chevaux
& des boeufs de la partie de la rive
droite de la Meufe , entre Namur & le
Duché de Limbourg , afin d'empêcher les
François d'en profiter . Plufieurs Régimens
d'Infanterie & de Cavalerie des troupes
de la Reine de Hongrie font venus prendre
des quartiers de cantonnement dans
les environs de cette ville . On fortifie la
hauteur de Berg , & l'on dreffe des batteries
, afin de couvrir l'efpace de terrain
qui eft depuis cette hauteur jufqu'au fauxbourg
de Wyck . Selon les lettres de la
Haye le Duc de Cumberland établira fon
Quartier général à Eyndhoven dans la
Mairie de Bois- le-Duc. Les mêmes nouvelles
affûrent que le Feldt- Maréchal
Comte de Naffau commandera cette année
les troupes de la République fous les or
dres du Prince Stathouder.
D'Aix-la-Chapelle le 30 Mars.
Le Comte de Saint Severin d'Arragon ,
que le Roi de France a nommé pour affifter
en qualité de fon Miniftre Plénipotentiaire
aux conferences , dans lefquelles on
Iij
196 MERCURE DE FRANCE.
doit travailler au rétabliffement de la paix ,
arriva ici le 26 de ce mois au foir , étant
efcorté par cinquante Maîtres d'un Régiment
de Cavalerie de l'Electeur Palatin .
Le lendemain au matin le Comte de Sandwich
alla rendre vifite à ce Miniftre , &
le Comte de Kaunitz Rittberg en fit autant
l'après-midi. Le Comte de Saint Severin
leur rendit auffi vifite le même jour. On
écrit de Francfort que l'Evêque Prince de
Wurtzbourg , dont deux Régimens font
au fervice de la Grande Bretagne & de la
République des Provinces Unies , s'eft engagé
d'y en joindre un troifiéme qui fera
pret le 20 du mois prochain à fe mettre en
marche,
PRISES DE VAISSEAUX.
- Le Chevalier des Roches , Enfeigne de
vaiffeau , commandant la fregate du Roi
ta Mutine , a fait conduire à la Rochelle
le navire Hollandois la Sainte Croix Galére
, chargé de peaux de maroquin
& d'au
tres marchandifes.
La corvette du Roi l'Amarante , de
douze canons , commandée par M. Foucault
, Lieutenant de vaiffeau , s'eft emparée
du corfaire ennemi le Prince de Galles , de
huit canons.
AVRIL. 1748. 197
On a reçû avis que le navire Anglois
le Clarendon , de cent quarante tonneaux
chargé de fucre & de taffia , avoit été pris
par le Capitaine Jofeph-François Hugon ,
qui monte le corſaire l'Aimable Grenot , de
Granville .
Le même Capitaine s'eft auffi rendu maître
des bâtimens Hollandois la Marie- Elizabeth,
de Fleffingue, de cent quatre- vingt
tonneaux , armée de fix canons ; la Louife-
Elizabeth , de trois cent cinquante tonneaux
& de vingt canons ; le Vryffet , de
deux cent cinquante tonneaux & de quatorze
canons . Ces trois navires venoient
de Surinam , avec chacun une cargaifon
de fucre , de caffé, de cacao & de dents d'éléphant
, & il s'eft trouvé fur l'un de ces
bâtimens un baril de poudre d'or , péfant
cent marcs.
Le corfaire le Conquerant , de Granville ,
que commande le Capitaine Hautmenil
Hugon , a enlevé les navires Anglois le
Triton , de cent quatre-vingt tonneaux ,
fur lequel il y avoit du tabac ; le Telouther,
de quatre cent tonneaux , & un bâtiment
Hollandois , appellé le Marcellus , de trois
cent cinquante tonneaux ,lequel rapportoit
de Meffine diverfes marchandifes.
Le Capitaine Blaile Fery , qui monte le
corfaire le Duc de Penthiévre , s'eft emparé
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
d'un navire Anglois , de cent trente tonneaux
, chargé de fruits , & il l'a envoyé à
Dieppe , où il eft arrivé auſſi un bâtiment
Hollandois , appellé les quatre Bons Amis ,
de 120 tonneaux , chargé de vin , lequel a
été pris par le Capitaine Burel de la Fontaine,
qui commande le corfaire la Marie-
Anne , de Saint Malo.
Le corfaire le Charron , de Calais , commandé
par le Capitaine Louis Marelle , a
conduit à Bayonne le navire Anglois le
Lion , de Londres , de cent foixante tonneaux
, à bord duquel il y avoit du fucre
& d'autres marchandiſes .
Selon les lettres de Bayonne les Capitaines
Saubat , Balanqué & Dominique
Lauga , qui montent les corfaires la Victoire
& la funon , ſe ſont emparés , le premier
des navires Anglois le Carteret , de vingt
canons , chargé de fucre & d'autres marchandifes
, & le Centurion , dont la cargaifon
eft compofée de falaifons ; le fecond
du navire Hollandois le Lieffd'Adegbed ,
venant de Surinam avec un chargement de
caffé & de cacao .
Le Tigre , autre corfaire de Bayonne ,
dont eft Capitaine M. André la Ruë , a pris
deux navires Hollandois , l'un de cent foixante
tonneaux , armé de huit canons ,
chargé de fruits ; l'autre nommé la Gertrude
&
T
AVRIL. 1748. 199
Marie, de fix canons , dont la cargaiſon
confifte en cordages , legumes & ballots de
differentes marchandiſes .
Le Capitaine Samfon du Fourq , commandant
le corfaire la Bafquoiſe de Saint
Jean de Luz , a fait conduire au Socoa un
navire Hollandois , de fix canons , venant
de la côte de Guinée avec un chargement
confidérable , dans lequel il s'eft trouvé un
fac rempli de poudre d'or.
On mande de Marſeille que le Capitaine
Barthelemi le Blanc , qui commande
le Corfaire le Victorieux , de Saint Malo ,
eft entré dans le premier de ces deux Ports
avec deux bâtimens Hollandois , allans ,
l'un de Smyrne à Amfterdam , & l'autre
d'Efpagne au Levant , avec chacun une
riche cargaifon , & d'un navire Anglois
qui a relâché à Alicante.
Suite du Siége de Maestricht.
Tranchée du 21 au 22.
Attaque de la droite.
M. du Châtelet , Lieutenant Général .
M. de Torcy , Maréchal de Camp ; deux
Brigadiers .
Du Roi ,
Solar ,
4 Bataillons .
S
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
8 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
On à travaillé cette nuit à une parallele
de cinquante toifes , au bout de l'ancien
débouché de la droite en l'allongeant
par la gauche ; on a perfectionné le débouché
de la batterie de la droite ; cet ouvrage
eft de trente toifes ; on a ouvert un
fecond débouché à la droite de la troifiéme
batterie de la gauche . Nos batteries , malgré
le mauvais tems qu'il fait , tirent avec
vivacité & grand fuccès.
Nous avons eu M. Coupean , Capitaine
au Régiment du Roi , tué ; M. Mandelot ,
Capitaine au Régiment de Picardie , bleffé
; M. Rouillier , Capitaine de la Brigade
de Solar , bleffé ; M. Deville , Lieutenant
de Grenadiers de ladite Brigade , bleffé.
Soldats bleffés , quarante - un.
Attaque de la gauche.
M. le Duc d'Havré , Maréchal de Camp.
Un Brigadier.
Royal Marine ,
2 Bataillons.
Royal Corfe ,
3
3 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
Nos batteries qui battent à ricochet les
deux ouvrages à corne & le chemin couvert
font un grand effet. Soldats tués ,
deux ; foldats bleffés , 3 .
AVRIL.- 201
W
1748.
Tranchée du 22 au 23 .
Attaque de la droite.
M. de Senneterre , Lieutenant Général.
M. de la Saone, Maréchal de Camp ; deux
Brigadiers:
Royal ,
Premier de Lowendalh
Royal Vallon ,
Ferfen ,
3 Bataillons.
2
I
Naffau Sarbruk ,
A
I
$
T
S Compagnies de Grenadiers auxiliaires.
On a débouché cette nuit par quatre
zigzagues fur la capitale de la branche
gauche de l'ouvrage à corne , on a auffi
débouché par huit zigzagues fur la capitale
de la demi- lune du même ouvrage ; ce
travail est très-bien fait & fera perfectionné
aujourd'hui . On a prolongé de deux
zigzagues le débouché qui a été fait il y a
deux jours , & dirigé fur la capitale de la
branche droite de l'ouvrage à corne. Ces
trois.débouchés embraffent entièrement les
trois capitales de l'ouvrage à corne.
Nous ne fommes éloignés que d'environ
dix toifes des fléches que les affiégés
ont faites.
M. de Barville , Enfeigne de Grenadiers
I v
202 MERCURE DE FRANCE .
"
au Régiment des Gardes Françoiſes , tué ;
M. de la Vieuville , Lieutenant au même
Régiment , bleffé . Soldats tués , huit ;
foldats bleffés , 33 .
Attaque de la gauche.
M. d'Affry , Maréchal de Camp ; un
Brigadier.
3 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
Nous avons démonté plufieurs piéces
aux ennemis dans les ouvrages de l'autre
côté de la Meufe ; une de leurs bombes a
brifé un affut de la batterie de la droite &
dérangé le madrier de cette batterie .
Les affiégés ont fait un feu très- vif ; M.
Licautier , Lieutenant en fecond des Grenadiers
au Régiment de Normandie , bleffé
; M. Cazot , Lieutenant des Grenadiers
de Touraine , bleffé . Soldats bleffés , 5 .
>
Tranchée du 23 au 24.
Attaque de la droite.
M. de Maubourg , Lieutenant Général ;
M. de Berville , Maréchal de Camp ; deux
Brigadiers.
Gardes Françoifes ,
Rouergue ,
Saxe ,
4 Bataillons.
I
3
&
8 Compagnies de Grenadiers auxiliaires.
AVRIL. 1748. 203
On a approvifionné pendant la nuit les
débouchés de fappe de gabions & réparé les
batteries que le mauvais tems avoit un peu
dérangées ; on a commencé à conſtruire
une batterie de quatre mortiers , elle eſt
tout-à-fait à la droite.
Nous avons eu M. de Flamarin , Capitaine
de Grenadiers au Régiment de Chartué
; M. de Pingonau , Capitaine au
›
Régiment d'Alface , bleffé ; M. de Changeac
, Capitaine au Régiment de Ponthieu,
bleffé ; M. de Lefcrime , Lieutenant au
Régiment de Monaco , bleffé . Soldats tués,
cinq ; foldats bleffés , 22 .
Attaque de la gauche.
Mylord Tirconel , Maréchal de Camp ,
un Brigadier.
Touraine , 3 Bataillons.
3 Compagnies de Grenadiers auxiliaires.
Les affiégés ont ceffé de tirer à dix heures
du foir ; le feu n'a pas été fi vif. Soldat
tué , un ; foldats bleffés , 4 .
Tranchée du 24 an 25.
Attaque de la droite.
M. de Monteffon , Lieutenant Général ;
M. de Janus , Maréchal de Camp ; deux
Brigadiers.
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
Gardes Suiffes ,
Deuxième de Rouergue ,
2 Bataillons .
I
2 Rochefort ,
Angoumois ,
Vexin ,
La Marche ,
I
8
8 Compagnies de Grenadiers auxiliaires.
On a prolongé cette nuit de quatre petits
zigzagues le débouché de la droite ,
on a auffi prolongé celui qui eft dirigé ſur
la capitale de la demi-lune ; la tête de ces
fappes n'eft éloignée que de quatorze toifes
de la fléche . On a fait auffi au troifiéme
débouché , dirigé fur la capitale de la branche
gauche de l'ouvrage à corne , cinq
zigzagues. On a ouvert un quatriéme débouché
de neuf zigzagues , dirigé fur la
capitale de l'ouvrage qui eft au bord de la
riviere; on n'eft éloigné des paliffades du
chemin couvert de cet ouvrage que de fix
toifes. Tout le travail fera perfectionné
aujourd'hui.
Les ennemis à la faveur du brouillard
ont tenté de faire une fortie pour arracher
les gabions du troifiéme débouché , dirigé
fur la branche gauche de l'ouvragé à corne.
Nos Grenadiers les ont obligés de rentrer
fans avoir rien fait,
AVRIL 1748. 200
Les affrégés ont fait un feu très - vif , &
ont jetté une grande quantité de gre
nades.
Nous avons eu M. de Letoille , Capitaine
des Grenadiers au Régiment de Piémont
, bleffé , ainfi que Meffieurs de Garnier
& de Carrere , Lieutenans au même
Régiment. Soldats tués , dix- huit ; foldats
bleffés , 98.
Attaque de la gauche,
M. le Chevalier d'Ailly , Maréchal
de Camp ; un Brigadier..
Cuftine , 3 Bataillons.
3 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
On a travaillé pendant la nuit à la conftruction
de deux nouvelles batteries de
canon dans la feconde parallele ; elles battront
de ricochet l'ouvrage à corne du
fauxbourg de Wik.
Nous avons eu M. de la Mirande , Capitaine
au Régiment de Normandie , blef- .
fé. Soldat tué , un ; foldats bleſſés , 16 .
Tranchée du 25 aŭ 26.
Attaque de la droite.
M. de Lautrec , Lieutenant Général ; M..
de Montmorency , Maréchal de Camp ;
deux Brigadiers.
206 MERCURE DE FRANCE.
Picardie ,
Montmorin ,
Ss Bataillons.
3
8
8 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
On a travaillé cette nuit dans quatre
débouchés du front de l'attaque ; on a fait
au troifiéme zigzague du débouché de la
gauche une parallele de trente toifes par
la droite ; on a prolongé de cinq zigzagues
le débouché qui eft fur le rentrant de la
lunette , & on a fait au bout de ces zigzagues
, de droite & de gauche , trente-cinq
toifes de parallele ; on a prolongé de deux
zigzagues celui qui eft fur la capitale de
la demi lune de l'ouvrage à corne.
7
Les affiégés ont fait une fortie à une
heure du matin fur les deux débouchés , &
ont arraché quelques gabions.
Nous avons eu M. de Blangis , Lieute
nant au Régiment des Gardes Françoiſes ,
bleffé , ainfi que M. de Carbonel , Enfei
gne au même Régiment , & Meffieurs de
Bovillard & de Fourcroy..
Attaque de la gauche.
M. de Relingue , Maréchal de Camp ;
um Brigadier.
Sedorff , 3 Bataillons.
3 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
AVRIL. 1748. 207
Les deux batteries de canon placées dans
la deuxième parallele feront achevées aujourd'hui
, & tireront demain à la pointe
du jour ; nos batteries à ricochet font un
grand effet & ont démonté plufieurs piéces.
Soldats bleffés , 4.
NAISSANCE , MARIAGES
Morts.
E 26 Mars a été baptiſé en la Paroiffe de S.
Roch Armand Louis Jofeph , né le jour précédent
, fils de M. Jean Paris de Montmartel , Comte
de Sampigny , Baron de Dagouville , Seigneur
de Brunoy, de Villers- les - Dureaux , de Foucy , de
Fontaines , de Château Neuf, &c . Confeiller d'Etat
, Garde du Tréfor Royal , & de Dame Marie
Armande de Bethune Selles , mariés le 17 Février
1746. La Maraine a été Dame Louife Defmarets
-de Maillebois , femme de Louis Maximilien Pierre
de Bethune , aujourd'hui Duc de Sully , Pair de
France , Chevalier de l'Ordre de la Toifon d'or ,
Chefde la Maifon de Bethune , l'une des plus grandes
& des plus illuftres du Royaume , de laquelle
la feconde branche eft celle des Comtes de Selles,
qui a pour Chef Armand de Bethune , Marquis de
Bethune Selles , Brigadier des Armées du Roi ,
Commiffaire Général de la Cavalerie de France,
feul frere de Mad. de Montmartel.
Le 27 a été célebré à Paris dans la Chapelle de
P'Hôtel de Madame la Comteffe de Bethune & fur
la Paroiffe de S. Nicolas des Champs par M.PAr208
MERGURE DE FRANCE.
1
chevêque d'Embrun , le mariage de Louis Armand
de Seigliere de Belleforiere de Soyecourt , Chevalier,
Marquis de Soyecourt & de Maifons , Comte de Tilloloy
, Seigneur de Roye , &c . Meftre de Camp du
Régiment Dauphin Etranger , Cavalerie , du 9
Août 1742 , & Brigadier des Armées du Roi du
premier Janvier 1748 , veuf depuis le 24 Janvier
1743 de Dame Marie Anne Pauline Antoinette de
Beauvillier de S. Aignan , morte fans enfans à l'âge
de zi ans , fille de M. le Duc de Saint Aignan ,
Pair de France , Chevalier des Ordres du Roi , cidevant
Ambaffadeur Extraordinaire à Rome , & de
feue Dame Marie Geneviève de Montlezun de
Befmaux , avec Damoiselle Marie Eleonore Augufte
de Bethune , née le 30 Janvier 1727 , fille de
feu Louis Marie Victoire Comte de Bethune , Ma-
-réchal des Camps & Armées du Roi, Grand Chambellan
du Roi de Pologne , Duc de Lorraine, mort
le 19 Décembre 1744 , & de Dame Marie Françoife
Potier de Gefvres , fa deuxième femme, four
de M. le Duc de Gefvres , aujourd'hui Premier
Gentilhomme de la Chambre , Chevalier des Ordres
du Roi & Gouverneur de Paris , &c, & petite
fille de François Galton de Bethune , Marquis
de Bethune , Comte de Selles , Chevalier des Ogdres
du Roi , & c . & de Dame Marie Louiſe de
la Grange d'Arquien , foeur de Marie Cafimire de
la Grange d'Arquien , Reine de Pologne , Mado de
Soyecourt , qui donne lieu à cet article , eft for
de pere de Dame Marie Cafimire Thereſe Génevieve
Emanuelle de Bethune , femme de
Louis Augufte Foucquet de Belle- ble , Duc & Maréchal
de France , Prince de l'Empire , Chevalier
des Ordres du Roi & de l'Ordre de la Toifon d'Or,
& c. M. le Marquis de Soyecourt eft né le 29 Janvier
1722, fils de M. Joachim Adolphe de SeiglieAVRIL.
1748. 205
re de Belleforiere de Soyecourt , Marquis de Soye
court , Brigadier des Armées du Roi , Colonel du
Régiment de Bourgogne , mort le 25 Mars 1738 ,
& de Dame Pauline Corifante de Pas de Feuquieres
, morte le 3 Juin 1742 , fille & héritiere d'Antoine
de Pas , Marquis de Feuquieres , Lieutenant
Général des Armées du Roi , Gouverneur des Ville
& Château de Verdun & Pays Verdunois, & de
Dame Marie Magdeleine- Geneviève- Therefe de
Monchy , d'Hocquincourt , fille du Maréchal de ce
nom . Il a été fubftitué aux noms & armes de Belleforiere
& de Soyecourt par la donation qui lui
fut faite par le Contrat de fon premier mariage
avec Mlle de Beauvillier S. Aignan , par Dame Marie
Renée de Belleforiere , fon ayeule paternelle ,
Marquise de Soyecourt & de Maifons , Comteffe
de Tilloloy & de Trepigny , Baronne d'Iron , d'Iftres
, & c. devenue héritiere des biens des Maifons
de Belleforiere & de Soyecourt , & c'est en conféquence
de cette fubftitution qu'il porte pour ar
mes écartelé au premier de fable femé de fleurs de
lys d'or , qui eft de Belleforiere , partie d'argent
fretté de gueules , qui eft de Soyecourt ; au deux
de gueules à un Lion d'argent , qui eft de Pas Feuquieres
; au 3 de gueules à 3 maillets d'or , pofés
deux & un , qui eft de Monchy; au 4 d'azur à 3
rofes d'argent & un chef d'or , chargé de trois ro
fes de gueules , qui eft de Longueil Maifons , &
fur le tout d'azur à trois épis de feigle , pofés deux
& un , qui eft de Seigliere.
Le 2 Avril a été célebré à Paris dans la Chapelle
domeftique de M. Thomas de Pange , fur la
Paroiffe de S. Paul , par M. l'Archevêque d'Alby
( Dominique de la Rochefoucault ) le mariage de
Jean Jofeph de la Rochefoucault , Marquis de la
Rochefoucault , Comte de Saint Elpice, Brigadier des
210 MERCURE DE FRANCE.
Armées du Roi , Colonel d'un Régiment de Cavalerie
de fon nom , Chevalier de l'Ordre de
Saint Louis , fils de feu Jean Antoine de la
Rochefoucault , Comte de Saint Elpice , & de
Dame Marie Magdeleine de Michel , Dame de
Lachant , avec Damoiſelle Marie Anne Thomas
, fille de Jean- Baptifte Louis Benoît Thomas
, Chevalier , Seigneur de Pange , Tréforier
Général de l'Extraordinaire des guerres , &
de Dame Françoife de Thumery. M. le Marquis
de la Rochefoucault eft le chef de la branche des
Marquis de la Rochefoucault Langheac, cadets
de l'illuftre Maiſon de la Rochefoucault , dont la
Généalogie eft rapportée dans l'Hiftoire des
Grands Officiers de la Couronne , vol. 4. fol. 440.
Pour Mile de Pange , elle fort du côté de M. ſon
pere , d'une famille diftinguée de Lorraine , marquée
depuis long- tems par fon attachement aux
Ducs de Lorraine, & du côté de Madame fa mere,
de la famille de Thumery , l'une des plus anciennes
& des plus marquées dans la Robe , établie à
Paris & en Normandie.
Le 14 Février Dame Marie-Chriftine de Noailles ,
veuve depuis le 16 Septembre 1725 d'Antoine de
Gramont , Duc de Gramont , Pair & Maréchal de
France , Gouverneur & Lieutenant Général pour
le Roi en Navarre & Bearn , Gouverneur des Villes
& Châteaux de Bayonne & de Pau , & de la
Citadelle de Saint Jean Piédeport & Colonel du
Régiment des Gardes Françoiſes , avec lequel elle
avoit été mariée le 13 Mars 1687 , mourut à Paris
dans la 77 année de fon âge , étant née le 4 Août
1672 du mariage d'Anne -Jules Duc de Noailles
Pair & Maréchal de France , Chevalier des Ordres
du Roi , Gouverneur de Rouffillon , Viceroi de
Catalogne , Capitaine de la premiere Compagnie
4
AVRIL. 1748. 211
des Gardes du Corps , mort le 2 Octobre 1708 ,
& de Dame Marie Françoiſe de Bournonville aujourd'hui
la veuve mariée le 13 Août 1671. Elle
avoit eu de fon mariage 1º.Louis- Antoine - Armand
Duc de Gramont , Pair de France , Souverain de
Bidache , Sire de Leſparre , Chevalier des Ordres
du Roi , Lieutenant Général de fes armées , Colonel
du Régiment des Gardes Françoiles , Gouverneur
& Lieutenant Général pour Sa Majefté en fes
Royaume de Navarre & Province de Bearn , morr
le 16 Mai 1741 , laiffant de fon mariage avec
Dame Louiſe Françoife d'Aumont de Crevant
d'Humieres , aujourd'hui fa veuve , Louiſe Marie
Victoire de Gramont , mariée le 2 Mars 1739.
avec Antoine Antonin , Duc de Gramont , fon
coufin germain , & Louife Charlotte de Gramont ,
femme de Louis Charles de Lorraine , Comte de
Brionne , morte le 2 Févr. 1742 ; 2°. Louis Comte
puis Duc de Gramont , Pair de France , Chevalier
des Ordres du Roi , Lieutenant Général de fes Armées
, Colonel du Régiment des Gardes Françoi
fes , tué à Fontenoy le 11 Mai 1745 , laiffant de
fon mariage avec Dame Geneviève de Gontault
Biton , Antoine Antonin , à préſent Duc de Gramont
, Pair de France , Colonel du Régiment de
Bourbonnois & Brigadier d'armée , & marié avec
Dame Louiſe Marie Victoire de Gramont fa coufine
germaine , de laquelle il a des enfans , Antoine
Adrien Charles de Gramont , dit le Comte deˇ
Gramont , Colonel du Régiment de Hainault , &
Brigadier des Armées du Roi , & Madame la Comteffe
de Rupelmonde . Madame la Maréchale Ducheffe
de Graniont , qui donne lieu à cet article ,
outre les deux fils nommés ci-deffus , avoit pour
filles Madame la Ducheffe de Gontault Biron &
Madame la Princefle de Bournonville, aujourd'hui
112 MERCURE DE FRANCE.
Duchefle de Ruffec Saint Simon. Voyez les Gé
néalogies des Maifons de Gramont & de Noailles ,
toutes deux des plus grandes & des plus illuftres
du Royaume , dans l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne , vol . 4. fol . 610 & 782 .
Le 24 Dame Catherine Henriette Hardouin
Manfart , veuve depuis le 26 Mars 1741 de M.
Claude Lebas de Montargis , Marquis du Bouchet,
Confeiller d'Etat ancien Garde du Tréfor Royal
& ci- devant Commandeur & Secretaire des Ordres
du Roi , avec lequel elle avoit été mariée le 22
Février 1693 , mourut à Paris , âgée de 73 ans & 6
mois , n'ayant eu de fon mariage que Catherine
Henriette le Bas de Montargis , morte le 17 Janvier
1728 fans laiffer d'enfans de M. Jean François
Henault, aujourd'hui Préfident honoraire aux
Enquêtes du Parlement , & l'un des quarante de
l'Académie Françoife , & Anne Charlotte Lebas
de Montargis , Dame du Palais de feue Madame
la Ducheffe de Berry , & veuve depuis le 21 Août
1735 de Louis Marquis d'Arpajon , Lieutenant Général
des Armées du Roi , Grand Baillif & Gouverneur
de la Province & Duché de Bery ,Chevalier
de la Toifon d'or , duquel elle n'a que Mad . la
Comteffe de Noailles , femme de M. le Comte de
Noailles , Grand d'Efpagne de la premiere Claffe ,
Chevalier de la Toifon d'Or & de Ma'te , Maréchal
de Camp , fecond fils de M. le Maréchal Duc
de Noailles. Mad , de Montargis étoit fille aînée
de Jules Hardouin Manfart , Comte de Sagonne
Chevalier de l'Ordre de S. Michel , Confeiller du
Roi en tous fes Confeils , Sur- Intendant & Ordonnateur
général des Bâtimens , Jardins , Arts , Ma
hufactures de Sa Majefté , mort le 11 Mai 1708 ,
& de Dame Anne Bodin , fa veuve , morte le 30
Août 1738.
AVRIL. 1748. 213
$
Le 23 Alexandre de Saint Quintin , Comte de
Blet , Maréchal des Camps & Armées du Roi , &
Commandant pour le Roi à Bergopfoom , y mou.
rut dans la quarante- fixième année de fon âge. Il
étoit en 1727 Sous- Lieutenant de la Compagnie
des Chevau- Legers d'Anjou , Capitaine- Lieutenant
de la même Compagnie le 20 Mai 1734 , puis
Capitaine de la Compagnie des Gendarmes Anglois
le 15 Mars 1740 , fut fait Brigadier d'armée
le 20 Février 1743 , & enfin Maréchal de Camp
le premier Mai 1745. Il étoit marié depuis le 9
Novembre 1724 avec Dame Marie Peyrenc , niece
& coufine germaine de Mrs Peyrenc de Moras,
Maîtres des Requêtes , pere & fils ; il étoit fils d'Alexandre
de Saint Quintin, Comte de Blet en Bourbonnois
, & de Dame Louife- Françoiſe Hurauit
de Saint Denis , mariés le 4 Octobre 1700. Voyez
la Généalogie de Saint Quintin , Nobleffe marquée
par fon ancienneté & par fes alliances , dans le vol.
9 de l'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne
, & dont les armes font d'or à une fleur de lys
de gueules.
Le 2 Mars Marc- Antoine Turgot de Saint Clair
ancien Maître des Requêtes Ordinaire de l'Hôtel
du Roi , pourvu le 2 Septembre 1703 , & fucceffivement
Intendant des Généralités d'Auvergne , de
Moulins & de Bourbonnois , mourut à Paris dans
la quatre- vingtiéme année de fon âge , étant né le
16 Décembre 1668 , & laiffant de fon mariage
avec Dame Louife le Gouz - Maillard , morte le
16 Avril 1721 , Benoît- Antoine Turgot de Saint
Clair , Seigneur de Congy , Confeiller au Parle
ment , reçu le 9 Août 1726 , lequel a plufieurs
enfans de Dame Agnès Langlois de Rezy , fon
époufe . M. de Saint Clair qui vient de mourir
étoit fils d'Antoine Turgot , Seigneur de Saint
214 MERCURE DE FRANCE .
Clair , premierement reçû Chevalier de Malte de
minorité en 1631 , & depuis Confeiller au Parlement
en 1660 , puis Maître des Requêtes en 1667 ,
mort fous-Doyen de fa Compagnie le 15 Février
1713 , & de Dame Jeanne du Tillet de la Buffiere
morte le 12 Mai 1728 , & petit - fils de Jacques
Turgot , Seigneur de Saint Clair , Maître des Requêtes
, reçû en 1630 , mort Confeiller d'Etat ordinaire
en 1659 , & de Dame Anne Favier du Bou-'
lay. Feu M. de Saint Clair étoit oncle à la mode'
de Bretagne de M. Turgot de Soufmont , Confeiller
d'Etat ordinaire , ci - devant Prévôt des Marchands
, pere de M. Turgot d'Ufly , Préfident à
Mortier du Parlement depuis le 9 Mai 1747. La
Famille de Turgot , tranfplantée de Bretagne en
Normandie , Généralité de Caën , où le nom en
eft connu depuis plus de trois cent ans , porte pour
armes d'hermines fretté de gueules.
Le 4 Jean Antoine François de Franquetot, Comte
de Coigny , Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant
Général des armées de Sa Majeſté , Colonel
Général des Dragons , Gouverneur & Grand-
Baillif des Ville & Château de Caën , & du Châ
reau & Maifon Royale de Choifi , & Capitaine des
Chaffes de la Varenne du Louvre , mourut dans la
quarante-fixiéme année de fon âge , étant né le 27
Septembre 1702 ; il étoit fils de François de Franquetot
, Duc de Coigny , Maréchal de France ,
Chevalier des Ordres du Roi & de la Toifon d'or,
Gouverneur Général & Commandant en chefpour
le Roi dans les Provinces de Haute & Baſſe Alface
, ci-devant Colonel Général des Dragons de
France , Gouverneur & Grand- Baillif des Ville &
Château de Caën , & de Dame Henriette de Montbourcher
du Bordage ; il avoit été marié en Novembre
1729 avec Dame Marie-Théréfe-Jofephe
...
AVRIL. 1748. 215
Corantine de Nevet , d'une noble & ancienne Maifon
de Bretagne , & il laiffe de ce mariage , 1 °.
Marie François Henri de Franquetot de Coigny , né
le 28 Mars 1737 ; 2. Auguftin-Gabriel de Franquetot,
né le 23 Août 1740 , & 3 °. Jean - Philippes
de Franquetot , né le 14 Décembre 1743. Le
Comte de Coigay qui vient de mourir avoit pour
foeur Dame Charlotte- HenrietteBibiene de Fran
quetot mariée depuis le ... Février 1726 avec
Jean- Baptifte-Joachim Colbert , Marquis de Croiffy
, Capitaine des Gardes de la Porte , & Lieute
nant Général des armées du Roi .
Le fieur Briart, qui demeure cour & ruë Abbad
tiale de S. Germain des Prés , a une fuite de Mercures
à vendre , bien complette , à commencer à
l'année 1720 , jufques & compris le mois d'Avril
1748 , qui font 398 volumes , qu'il donnera à 15
fols le volume.
J
APPROBATION.
' Ai lû par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois d'Avril
1748. A Paris le premier Mai 1748.
BONAMY.
TABLE.
Pxtraitd'un Mémoire de M, Puzos , fur la di-
IECES FUGITIVES en Vers & én Profe.
geftion du Lait aux enfans à la mammelle ,
Elegie fur la mort d'un ami ,
3
24
Difcours hiftorique fur l'origine des Huns & des
Turks >
Vers Latins ,
Lettre de M. L. à Mad . ***·
Le Roffignol & les Grenouilles , Fable,
Lettre fur le Cymgiacum ,
Vers à Mlle le *** › par M. Yg ***
Séance publique de l'Académie , Extrait ,
Ode anacréontique ,
Lettre à M. de la Bruere ,
27
SI
57
-71
72
75
77
91
92
Mots des Logogryphes du Mercure de Mars , 95
Enigmes & Logogryphe ,
1 96
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c. ico
Prix proposé par l'Académie de Pau ,
Nouvelles Cantatilles ,
Cartes nouvelles ,
Planches anatomiques du fieur Gautier ,
Spectacles & Concert Spirituel ,
117
120
122
ibid.
125
Complimens des Théatres François & Italien , 128
Σ
Nouvelles Etrangeres , Suede ,
Allemagne ,
Grande Bretagne ,
Provinces Unies ,>
Italie , de Malte , Génes , &e,
134
138
142
148
153
165
Siége de Maeftricht ,
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 184
Bénéfices donnés ,
Prifes de Vaiffeaux ,
189
196
199
Naiflance , Mariages & Morts , 2.07
Suite du Siége de Maestricht ,
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
MERCURE
DE FRANCE ,
1
DÉDIÉ AU ROI.
AV
M A I. 1748.
LIGIT
UT
SPARGA
Chés
Papillon
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint DR
Jacques , à S. André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Roi
A VIS.
LA
'ADRESSE générale duMercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de Francede la premiere main , plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreſſes à M:
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS ,
V.LS
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROI.
MAI. 1748.
PIECES FUGITIVES,
en Vers & en Profe.
LETTRE fur le monde , à M. Ailhand ;
fils , Legifte.
'Eft avec raifon , Monfieur , que
vous vous plaignez du monde.
Il ne nous flate que pour nous
féduire. Auffi ne charme-t'il que
deux fortes de gens ; l'oifif étourdi, qui ne
réfléchit pas affés pour voir le but qu'on fe
propofe dans les politeffes qu'on lui fait ;
l'homme fourbe dont l'unique occupation
eft de chercher des dupes ; à l'imprudent
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
défoeuvré , au traître par ééttaatt ,, le monde ;
je l'avoue , eft adorable .
>th
Mais ceux qui penfent & qui ont des
fentimens , le confidérent fous une face
bien differente, Ils en décélent le ridicule,
ils en faififfent le méprifable. Ils trouvent
que l'interêt y eft le feul mobile.Ils le rencontrent
par tout ils le montrent au
doigt. Voilà , s'écrient- ils , l'ame de toutes
les liaifons , des complimens les plus
legers, des témoignages d'affections les plus
intimes. It fufcite les haines & devient
médiateur entre ceux qu'il avoit divifés,
Auteur des mariages comme des procès ,
pere du défintéreffement même, il fe reproduit
chaque jour fous des formes nouvelles.
Dangereux Protée , à l'aide de fes changemens
il abuſe encore celui qui venoit de le
démaſquer.
Par lui la franchiſe eft bannie de la fociété.
On la traite de rúdeffe , fi elle n'eft
pas concertée. La diffimulation fe pare du
nom de la prudence. La fincerité rebute, &
n'eft plus qu'un défaut. L'artifice déteftable
, mais flateur, paffe pour une vertu . Le
fage qui craint de choquer , eft réduit à fe',
montrer tel qu'il n'eft pas. Les autres rougiroient
de paroître avec les couleurs qui
leur font naturelles. Le fard eft néceffaire
au premier pour le rendre aimable , il eft
M A I. 1748 . $
encore plus utile aux feconds , il empêche
qu'on ne les mépriſe.
Voilà néanmoins , Monfieur , l'épineufé
carriere où nous allons entrer vous & moi.
Nous fommes à la veille de monter fur un
vafte théâtre , nous commencerons par y
être fpectateurs nous y deviendrons ac²
teurs enfuite.
Nous fiflerons aujourd'hui la mere furannée
, trifte des applaudiffemens qu'on
prodigue à fa fille , la précieufe au langage
& au maintien affecté , la jeune indolente
partagée entre fon éventail & fon miroir ,
la prude plus hargneufe que févére , la
dévote médifante , vindicative , orgueilleufe
, la coquette libre malgré fes enga
gemens , moins jaloufe d'infpirer de l'amour
que de paroître aimable.
Nous fiflerons ce petit-maître bruïant ,
occupé de ne rien faire , le partifan bel
efprit manqué , ce Magiftrat qui dans les
entretiens familiers conferve fa gravité ,
ou ne la quitte que pour la remplacer par
l'indécence du petit- maître ; cet Abbé ingénieux,
difeur de petites fadaifes , ce Directeur
pédant & importun , ce vifage glaçant
, caché fous une perruque immenfe &
qui traîne la trifteffe avec lui , ce mauvais
Auteur enfin . Nous les fiflerons , & tous
fe confoleront , par l'efpoir de nous don-
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
ner dans peu la même mortification .
Oui , Monfieur , quelque mérite que
vous puiffiez acquerir , vous n'échaperez.
point à la fureur des fiflets. C'eft la régle .
Elle eft confacrée par l'uſage . Il n'y aura
aucune exception en votre faveur ; net
vous en flatez pas. Les talens les plus
diftingués expofent à une critique plus
amére . Je les regarde comme les grands
bras dans un acteur , ils font encore mieux
remarquer les mauvais geftes.
La probité n'eft pas elle-même à l'abri
des reproches. Elle cenfure trop de conduites
pour n'être pas attaquée à fon tour .
Les vices à la vérité font ce qu'on décrie
le plus , mais ce qu'on déchire le moins .
Pourquoi ? C'est qu'on les juge au- deffous
de l'envie .
Tant de bizarreries & d'injuftices me révoltent.
Je ne puis les regarder de fang froid .
STANCE S.
D'Erreurs , d'emportemens , de maux fource
féconde ;
Quoi verrai-je ! toujours les trop foibles mortels ,
Yvres de faux appas , cruel , perfide monde ,
S'immoler fur tes Autels
Auteur de vains plaifirs que fuivent les allarmes ,
MA I. 1748. 7
Tu caches à nos yeux la rigueur de tes coups ;
A ceux que
tu féduis tu n'offres que tes charmes ,
J'ofe peindre tes dégoûts .
Le courtisan flateur , en cherchant la puiffance ;
Rampe dans l'esclavage & fe forge de fers ;
વ Le moment qu'il croyoit marquer la récompenfe,
Eft celui de fon revers.
'A des amis ingrats il trace ſa miſére ,
Mais celui qui jadis l'élevoit juſqu'aux Cieux ,
Qui lui doit fa fortune & le nommoit fon pere ;
Voit & détourne les yeux.
Ces fpectacles brillans , ces cercles qu'on nous
vante ,
Par leur confufion émouffent le defir ;
L'oeil voit fans être ému ; nul objet ne l'enchante ;
Trifte au milieu du plaifir.
Le fordide intérêt , l'ambition barbare ,
Pour prix de nos travaux nous laiffent des rea
mords ;
La foifde pofféder interdit à l'avare
L'ufage de fes tréfors .
Je veux me dérober au chagrin qui me preffe ,
Je veux bannir les foins qui déchirent mon coeur ;
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
Je cherche dans le jeu la fin de ma trifteffe ,
Et j'y trouve la fureur.
Le defir inquiet , l'affreuſe jalousie ,
Le foupçon , d'un ainant accompagnent les voeux,
Des fages , des Héros l'amour troublá la vie ;
Fit-il jamais un heureux ?
Celui qui du remords a franchi la barriere ,
Qui fuit la volupté dont fon coeur eft épris ,
Trouve épuisé , confus , au bout de la carriere
Le dégoût & le mépris.
Le monde fous nos pas n'offre qu'un précipice ;
Vous qu'il fatoit , quittez l'efpoir qui vous a lui ;
Ses faveurs font des maux , & le moindre fupplice
Qu'il vous réferve eft l'ennui.
,
Souffrez , Monfieur , que je m'arrête ,
car auffi-bien les derniers vers font trèsprofaiques
; d'ailleurs eft- ce être fage que
de médire du monde ? Il a tant d'occafions
de fe venger. N'eft- il pas plus prudent de
fe taire , fi non par refpect pour lui , da
moins par ménagement pour nous mêmes ?
Quand on n'ofe après tout fe Hlater de reformer
les hommes , on doit fe contenter
de les plaindre. Sont-ils enfin fi pervers
t
ZARY
.
TI
LENOX
AND WWCATION3
.
"
8
<
AND
CATICKS
5
MA I. 1748.
qu'ils ne rendent tôt ou tard juftice aux
talens & aux vertus ? Si quelquefois le
mérite révolte , c'eft toujours la faute de
celui en qui il refide . Dans un dévot ce
n'eft pas la fageffe qu'on méprife , mais
l'orgueil & l'humeur qu'il lui affocie. On
honore la bravoure & on s'ennuie d'entendre
un militaire toujours parler de fes
exploits. On aime l'efprit & on hait les
airs infultans de ceux qui à cet égard veulent
nous paroître fupérieurs. On eftime
la Poëfie , la Peinture , la Mufique , & on
ne peut fouffrir les caprices trop fréquens
à ceux qui exercent ces Arts .
Ainfi , Monfieur , je me retracte . Je
penfe que c'eft moins l'injuftice des hom
mes,qui nous choque ,que notre trop d'indulgence
pour nous- mêmes, qui nous flate,
L'amour propre nous aveugle. Chaque particulier
croit effacer fes défauts en les rejettant
fur le mauvais goût du public on fur
la corruption du fiécle . Foible reffource ,
qui heureufement n'abule perfonne ! On
ne fe plaint ordinairement du monde que
lorfqu'il n'a pas lieu de fe louer de nous
J'ai l'honneur d'être avec reſpect , &c..
J, Lacoste fils , Avocat,
A Dijon le premier Janvier 1748.
AY
10 MERCURE DE FRANCE.
ODE ANACREONTIQUE,
A Mademoiselle ***.
L Es vertus & les graces
Regnent dans votre Cour ;
Deux Dieux fuivent vos traces
La Sageffe & l'Amour.
Rivaux fans jalousie ,
Maîtres de l'univers ,
Vous leur devez la vie ,
Ils reçoivent vos fers.
Fiers de leur efclavage ,
On voit ces Souverains
Courbés devant l'ouvrage
Que formerent leurs mains:
Ces Dieux , ah ! quel myftére
Jufqu'alors ennemis ,
Ne fe font plus la guerre ,
Par vos loix réunis.
La févére Sageffe
Se prête à l'enjoüement ,
Et la délicateffe
Au tendre fentiment ₫
M A I. 1748.
L'Amour baiffant la vûë
Emprunte des appas
De cette retenuë ,
Qu'il ne connoiffoit pas
Par le même!
nanananana na
DISCOURS qui a remporté le Prix de
l'Académie de Dijon de l'année 1747 .
Argutos inter raucus ftrepit Anſer olores.
Imit.Virgil. Ecl. 9. v. 36
Les avantages que le mérite retire de l'envie:
hu-
'Envie eft la plus baffe , la plus honteufe
de toutes les paffions , elle fortit
une des premieres de cette boëte fatale
où étoit enfermé le malheur du
genre
main ; le premier meurtre fut fon ouvra
ge ; fille de l'orgueil , elle enchérit fur la
malignité de fon pere & des autres paffrons
fes fours. Celles- ci peuvent , pour
ainfi- dire , alléguer des raifons pour fe difculper.
La volupté en trouve dans les charmes
de fon objet ; l'ambition dans les at
traits de la grandeur ; l'avarice dans la
crainte d'une mifere future ; la colere dans
un mouvement naturel dont elle n'eft pas
maîtreffe l'une peut s'en prendre à la ne-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
ceffité , une autre à l'occafion , toutes à la
foibleffe humaine ; ce feroient des excufes
pour faire plaindre un homme qui en eft
poffedé , mais l'envie, fi, comme les autres,
elle ofoit entreprendre de fe juftifier , & fi
elle vouloit être fincére , ne pourroit don
ner pour objet que le mérite ou la fortune
d'autrui . Quelle honte ! quelle baſſeſſe !
Semblables à ces animaux à qui les odeurs
les plus exquifes font mortelles , renverfant
l'ordre des impreffions naturelles , le
bonheur des autres fait le malheur de l'envieux
; leur joye caufe fa trifteffe ; tout ce
qui excite le refpect & l'amour a fon mépris
& fa haine ; l'amitié , la parenté , le
voifinage , la profeffion , les vertus , les ralens
, le mérite , c'eſt à quoi s'attache la
rouille de l'envie , c'eft ce qui fait naître
les fentimens bas de l'envieux , c'est ce
qu'il voudroit obfcurcir , abaiffer & même
détruire , mais ce qui doit faire fon défefpoir
, c'eft que rarement il réüflit . Cette
paffion tourmente fûrement l'envieux &
nuit rarement à celui qui eft envié. C'eft
-un ver qui n'a qu'autant de force qu'il lui
en faut pour ronger le bois où il a pris naiffance
, mais qui ne peut rien fur les matiéres
étrangeres ; les traits impuiffans que
l'envieux lance , fe trouvent prefque toujours
relancés contre lui-même; l'envie
MA I. 1748 .
$ 14
tourne même plus fouvent au profit de ce
lui qui en eft l'objet . Si c'eſt un homme
vertueux qu'elle attaque , elle le fait connoître
, elle le fait croître en vertus . Si
c'est un homme à talens qu'elle critique ,
elle l'encourage , elle augmente & les fuccès
& fes talens ; l'un & l'autre profitent
des avertiffemens jaloux de leur ennemie ,
pour corriger leurs imperfections ou leurs
défauts & la faire taire , ainfi l'envie est
utile aux vertus , aux talens ou au mérite,
L'envie annonce les vertus & les rend
plus parfaites ; l'envie annonce les talens
& les rend plus finis ; voila les avantages
que le mérite retire de l'envie .
PREMIERE PARTIE.
Quoique la vertu foit une image de la
Divinité dont elle émane , que par cette
reffemblance elle mérite tous nos hommages
, que par les actions elle exige notre
reconnoiffance , que notre eftime , notre
vénération , notre amour paroiffent devoir
être pour elle des revenus certains
cependant telle eft la malignité du coeur
humain , que non- feulement il lui refufe
ce tribut fi jufte , mais qu'une baſſe jaloufie
le fouleve fourdement contre ceux que
l'équité devroit lui rendre plus confidéra
bles. Soit que les qualités d'un homme,
14 MERCURE DE FRANCE.
vertueux foient une efpéce de reproche
aux défauts de l'envieux , ou du moins
qu'elles effaçent les fiennes , foit perverfité
pure & amour du mal pour le mal
même , la vertu fait plus d'ennemis que
d'amis , plus de jaloux que d'admirateurs
ou plutôt admirateurs jaloux & forcés de
Ja vertu , par cette raifon feule l'amour
propre nous en rend les ennemis.
"
On s'aime feul , on s'aime mal , voilà
la fource de toutes les paffions & furtout
de l'envie ; elle ne peut fouffrir ce qu'elle
feroit obligée d'aimer dans les autres.
Agiffant en conféquence de ces principes
honteux , tâchant de fe diffimuler à luimême
les vertus enviées , l'envieux tâche
de les obfcurcir dans l'efprit des autres.
La prudence n'eft que fineffe , la valeur
que témérité , la douceur que foibleffe , la
piété qu'hypocrifie ou fanatifme , la libéralité
qu'orgueil , l'économie qu'avarice ;
toutes les vertus enfin que déguifement our
étalage fuperficiel . Vif à blâmer & à condamner
, lent à excufer & à pardonner ,
induftrieux à découvrir les plus petites taches
, à les faire obferver , à les groffir ,
ingénieux à railler , hardi à inventer & à
fuppofer , habile fur-tout à déguiſer & à
diffimuler. ( Car l'envie donnée comme
envie feroit un monftre qui révolteroit la
MA I. 1748.
TS
fociété. ) L'envieux a mille détours pour
parvenir à fes fins. Il commence fouvent
par louer , ce qu'il veut rabaiffer ; il croit
s'infinuer plus profondement , parce qu'il
s'infinue plus doucement ; fe procurer plus
d'autorité, parce qu'il en demande moins ;
paroître moins mordant , parce que fes
premieres paroles font plus douces , & fe
rendre plus croyable fur ce qu'il va dire
enfuite , parce qu'il eft plus vrai dans ce
qu'il dit d'abord. Telles font les voies
obliques, tels font les préparatifs groffiers ,
quoiqu'il les croie fort fins , dont le jaloux
fe fert pour attaquer la vertu & le
vertueux. S'il réuffiffoit ! Il réuffit en effet
quelquefois , mais rarement. Pour un
homme vertueux que l'envie a perdu , il
en eft mille à qui elle a fervi de degré pour
s'élever ; pour un homme jufte qu'elle a
découragé il en eft mille qu'elle a animés ,
& qui pour le venger , vengeance bien noble
& bien permife ! font devenus plus
juftes. L'envie loin de produire ce découragement
où fa malignité voudroit jetter
l'homme envié , fait naître au contraire
dans le vertueux ce fentiment volontaire ,
courageux & fincére , qui rend l'ame plus
féconde pour le bien & plus ftérile pour le
mal , qui le fait profiter des avertiffemens
defon ennemie pour corriger fes imperfec
+
io MERCURE DE FRANCE.
*
tions ; qui lui fait imiter les grands exemples
que cette jaloufe ne lui avoit propofés
que pour le décourager par la comparaifon
, & qui le porte fouvent au- deffus
de ces mêmes modéles qui ne lui étoient
préfentés que pour le défefperer . Quel
doit être le défefpoir de l'envieux lui-même
, quand il fe voit de pareils fuccès , &
que fes artifices n'ont fervi qu'à faire connoître
les vertus qu'il avoit voulu obfcur
cir , & qu'à augmenter celles qu'il avoit
voulu diminuer Car l'envie fuppofe toujours
la vertu. On eft même autorifé à en
croire & à en croire beaucoup à un homme
beaucoup envié. La faufferé perce à
travers du langage de l'envieux , & pour
peu qu'on s'y connoiffe , on voit bien que
tout le défaut de, la vertu enviée eft de
manquer à celui qui en eft jaloux , ou du
moins d'obfcurcir les fiennes. L'envie
eft une forte d'hommage , & le plus glorieux
de ceux qui font rendus à la vertu ,
du moins n'eft- il pas fufpect. On s'apperçoit
facilement que l'envieux ne refufe à
la vertu le tribut qu'il lui doit , que
parce qu'il voit qu'elle en eft trop payée
par les autres , & qu'elle le mérite bien *.
* Fertilior feges eft alienis femper in agris
Vicinumque pecus grandius uber habet ..
Ovid. de art, amandią
MA I. 17
1748 .
Ainfi l'envieux pour fon propre tourment
groffit encore dans fon efprit les vertus
qu'il envie. Cette paffion eft un microſcope
qui augmente les objets vertueux aux yeux
du jaloux .
Auffi-tôt chacun fe plaît à fuivre l'im
preffion qui lui eft donnée par l'envieux.
On honore davantage ceux qu'il envie
le plus. On fe plaît à donner à la vertu
ce que l'envie lui refufe . Les autres hommes
envieux à leur tour de l'envieux même
, parun motif méchant , fi l'on veut ,
mais qui n'en tourne pas moins au profit
de la vertu , contredifent le jaloux , moins
pour défendre la vertu que pour le plaifir
de mortifier l'envie. L'envie par - là fe
trouve avoir travaillé à rehauffer le mérite,
par les mêmes moyens par lefquels elle
avoit crû l'abaiffer.
Un Guerrier fait fon devoir , l'envie
voudroit le faire paffer pour lâche , en raifonnant
fur fon caractére & fur les actions
vantées par quelqu'autre qui aura pris fon
parti contre l'envieux ; cet homme qui au
commencement n'avoit été donné que
pour courageux , fe trouve à la fin de
la converfation un brave décidé.
Ce pere de famille eft econome , con
me il doit l'être ; l'envie voudroit le faire
paffer pour avare ; en examinant toutes fes
18 MERCURE DE FRANCE.
dépenfes , il eft arrêté en fa faveur que celles
qu'il fait dans toutes les occafions font
d'un homme libéral .
Un Juge eft intégre , l'envie voudroit le
faire paffer pour injufte ; l'événement de
la décifion eft qu'en s'entretenant fur ce
Magiftrat, on lui a reconnu d'autres vertus
encore , & qu'au mérite de rendre à
chacun la juſtice , on a ajoûté celui de la
rendre avec promptitude & difcernement.
Un homme eft fincére , l'envie voudroit
le faire paffer pour faux ; en rapportant des
exemples de fa fincérité, il fe trouve de plus
qu'il dit la vérité avec force & avec grace.
Ainfi les difcours jaloux que l'envie
tient publiquement contre un homme vertueux
, outre qu'ils le font connoître à ceux
à qui il étoit inconnu , augmentent encore
l'idée qu'en avoient déja ceux de qui il
étoit connu. Un étranger n'auroit peutêtre
point fçû qu'un homme en place étoit
auffi digne du pofte qu'il occupoit , fi l'envieux
dans un cercle n'avoit voulu prouver
qu'il en étoit indigne , parce qu'il s'y eft
trouvé quelque vertueux défintéreffé , qui
pour défendre celui qu'on attaquoit & répondre
à l'envie , aura révelé mille vertus
ignorées dans le Miniftre envié . C'eft créer,
du moins c'eft montrer la vertu que de
vouloir l'attaquer , elle trouve encore des
MA I. 1748.
partifans qui la défendent. C'eft un Soleil
qui fort plus brillant du nuage qu'il vient
de diffiper ; c'eft un Cigne qui ne garde
rien de la fange où on l'avoit plongé.
Qu'a fait contre Jofeph la jaloufie de fes
freres ? Sans elle il ne feroit point devenu
le Dieu de l'Egypte , le foutien de fa famille
& des envieux ; on n'eût point fçû
qu'il y avoit un Mardochée , & les vertus,
vertus particulieres , fuffent reftées inconnuës
, fi le jaloux Aman ne l'eût perfécuté..
L'envie ne fait à la vertu que ce que le Lapidaire
fait aux diamans , elle ôte ce qui en
empêchoit l'éclat , fans en diminuer le prix;
la vertu qui eft perfécutée eft , pour ainfi
dire , plus vertu que celle qui eft honorée.
Ce n'eft point toujours dans la profpérité
que la vertu frappe plus vivement ; elle eft
plus aimable dans l'adverfité ; c'eſt une
belle dont les pleurs augmentent les char
mes, ou du moins les rendent plus intéreffans.
En effet dans un état d'oppreffion elle
mérite plus notre eftime . Les vertus d'un
homme heureux font douces & faciles ,
celles d'un malheureux font dures & difficiles
, mais la difficulté augmente la gloires
tôt ou tard la perfécution ceffe , la vérité
perce ; tôt ou tard la fortune mife dans
fon tort , récompenfe le vertueux & le paye
avec ufure de ce qu'il a fouffert. La vertw
20 MERCURE DEFRANCE .
vengée,rentre dans le droit qu'elle a d'être
aimée & admirée ; d'ailleurs quand l'homme
vertueux feroit fruftré du tribut qu'il
mérite , n'eſt il pas , pour ainsi dire , payé
par fes mains , ou par ce fentiment intérieur
, premiere récompenfe du jufte & qui
ne lui manque jamais ?
*
Mais non , la vie civile eft un commerce
d'amour & de haine, d'eftime & de mépris
, de louange & de blâme , de juftice &
d'injuftice . Tous les hommes font des affociés
, qui tantôt y prennent , tantôt y donnent
, tantôt y mettent , tantôt y reçoivent ;
par une combinaifon qui rend tout égal ,
une partie aime ce que l'autre hair , eftime
ce que l'autre méprife , loue ce que l'autre
blâme , rend juſtice à qui on veut faire injuftice.
La vertu cependant dans ce commerce
, fouvent injufte , eft plus fouvent
payée d'une monnoye jufte , qui eft l'approbation
méritée . Quand quelques - uns.
l'en privent , d'autres la lui fourniffent
plus largement , l'équité enfin lui accorde
plus encore que l'injuftice ne lui refuſe.
C'estun arrangement de cette Providence
où la vraie vertu a la fource , & la Providence
eft intéreffée à récompenfer la vertu
& à punir l'envie par la récompenfe même
de la vertu. Jofeph , Mardochée , David ,
* Mensfibi confcia recti. Æneid . 1. 609.
M A I. 21 1748.
victimes à la fois & vainqueurs de l'envie,
font les exemples illuftres qu'elle avoit
donnés chés les Juifs & qu'elle répeta depuis
dans le Paganifme,pour prouver la fu
périorité de la vertu fur l'envie , ou l'utilité
de l'envie pour la vertu.
L'Oftracifme , cette invention de la politique
ombrageufe des Athéniens ou de
leur jaloufie contre leurs concitoyens les
plus illuftres & les plus gens de bien , fur
le fceau de la réputation des Miltiades
des Cimons , des Thémistocles , des Ariftides
; on eût dit qu'il eût manqué quelque
chofe à la vertu de ces Héros Républicains,
fi cette punition glorieufe ne fût venue la
perfectionner , & ce jugement ne fut aboli
que quand un homme méprifable & méprifé
en fut devenu la matiere. * Quelle
contradiction dans l'envie ! Quelle gloire
pour la vertu La vertu dans Rome fur fou
vent auffi l'objet de l'envie, & prefque toujours
elle en triompha glorieufement.
Scipion , quelle foule d'idées vertueufes
excite ce nom feul ! Scipion , le plus grand
des Romains , l'appui & le foutien de cet
Empire fameux , qui lui devoit la gloire &
fon agrandiffement ; ce Scipion que l'Afrique
, l'Afie , l'Europe admiroient comme
leur Conquérant , eftimoient & ai-
*
Hiperbolus,
22 MERCURE DE FRANCE .
moient comme le modéle de toutes les
vertus ; Scipion fe vit appellé en jugement
par de vils accufateurs, qui tâcherent de rendre
fa vertu odieufe & fa puiffance fufpecte .
Il avoit l'ame trop haute pour fe réfoudre
facilement à paroître comme fuppliant &
accufé;il parut néanmoins , mais avec cet air
de dignité que donnent la vertu & l'innocence
, & fans répondre un feul mot aux
chefs d'accufation & aux accufateurs qu'il
méprifoit, écoutons-le & que l'envie fe tai-
Le . » Ce fut à pareil jour que celui-ci , dit -il,
» en s'adreffant aux Romains , que je vain-
» quis Annibal & les Carthaginois ; allons de
» ce pas en rendre graces aux Dieux qui ha-
» bitent le Capitole . Toute l'affemblée l'y
fuivit , & ce jour fans doute fut plus glorieux
pour Scipion que ces journées fameufes
où il décida qui de Rome ou de
Carthage donneroit la loi aux Nations , &
où il entra dans Rome triomphant de Siphax
, d'Annibal & des Carthaginois . A
en juger par ce qui fait la véritable grandeur
, Scipion & les vertus enviées méritoient
plus de refpect dans fa retraite de
Literne , que Scipion & fes vertus admirées
dans l'Afrique & fur les autres Théatres
de fes conquêtes & de fes victoires.
L'envie enfin & fon impuiffance acheverent
la vertu & la gloire de Scipion , ainſi
M A I. 23 1748 .
l'envie de tout tems fit connoître & perfectionna
la vertu qu'elle voudroit obfcur
cir & même détruire ; c'eft le premier avantage
que le mérite , repréfenté par la vertu
, retire de l'envie.
SECONDE PARTIE.
Quelqu'éclatante que foit la gloire qui
revient de la vertu , il y a dans celle que
procurent les talens quelque chofe de plus
brillant. L'amour propre , cet esclave
affranchi qui eft devenu notre maître ,
ce Hateur domestique , ce Sophiſte à
nos gages , nous dit que les talens donnent
une fupériorité qui vient plus de
nous que celle que nous acquerons par
les vertus. Les vertus dépendent plus des
chofes qui font hors de nous & qui ne
font pas nous. La valeur a befoin des tems,
des circonftances & du fecours de mille
autres , qquuii ppaarrttaaggeenntt néceffairement notre
gloire ; il faut pour la libéralité des places
& des richeffes que nous devons fouvent
au hazard ; les talens au contraire font
plus notre propre bien , plus de nous & ,
pour ainfi-dire , plus nous -mêmes. L'éclat,
de ceux-ci fait plus fouffrir l'amour propre
des autres que la modeftie de celles-là ,
enfin nous mortifions plus leur vanité par
nos talens que par nos vertus. Auffi l'envie
14 MERCURE DE FRANCE .
voit les talens avec plus de jaloufie encore.
que les vertus , & comme ces talens plus
brillans font moins folides , exigeant plus
de parties , font plus fujets à manquer de
quelques unes , elle s'imagine avoir plus de
prife fur eux & gagner plus à les critiquer,
elle les critique en effet....
Ce bel efprit n'a point de jugement ; ce
fçavant manque d'efprit ; ce Mathématicien
ne connoît que des lignes ; ce Grammairien
n'a dans la tête que des mots , encore
n'en fçavent- ils pas faire une combinaifon
exacte.
Ainfi tous les talens perdent leur mérite
dans la bouche d'un critique, envieux . Je
me trompe , ou plutôt l'envieux fe trompe
& ne réüffit pas ; au contraire l'homme à
talens averti par l'envie , met à profit fa
critique, fe corrige, s'il le faut, & la défefpere
; l'envie eft pour lui une ennemie utile
quile tient en haleine ; la louange , fon
amie , ne lui rendroit pas les mêmes fervices.
Celle- ci eft une panégyrifte ftérile qui
laiffe les gens à talens dans l'état où elle
les trouve , qui les remplit encore plus
d'eux mêmes , qui les rend tranquiles ,
même aveugles fur leurs ouvrages , qui les
empêche d'y voir des défauts , qui les met
au-deffus de leurs rivaux , enfin qui les endort
dans leur propre réputation.
CelleM
A I. 1748. 25
Celle-là du moins les fait douter de leurs
fuccès ou de l'univerfalité des applaudiffeles
rend attentifs fur leurs productions
, y fait voir des imperfections , leur
donne de leurs rivaux une idée d'émulation
utile,leur dit qu'il eft encore d'autres
talens que les leurs , des talens mêmes fupérieurs
, & les réveille enfin du fommeil léthargique
où avoient pû les jetter leur
amour propre & celui de leurs amis .
Sans une critique envieufe les talens
refteroient dans une médiocrité qui n'eft
pas faite pour eux,
C'est l'envie qui faifoit defcendre Démofthêne
dans ce cabinet fouterrain où il
s'enfermoir des mois entiers , après s'être
fait rafer exprès la moitié de la tête , pour fe
mettre hors d'état de fortir, où plus éloigné
du bruit il compofoit ces harangues admirables
, dont les envieux difoient qu'elles
fentoient l'huile , mais qui ne fentoient
en effet que l'exactitude loüable avec la
quelle elles étoient travaillées .
C'est l'envie qui le matin l'éveilloit avant
tous lesArtifans de fon quartier,pour avoir
plus de tems à donner à fes difcours cette
force , cette jufteffe , cette préciſion , enfin
cette vraie éloquence qui fit trembler Philippe
, exiler Efchine , & taire tous les
jaloux...
B
16 MERCURE DE FRANCE.
C'eft l'envie qui fit fortir Ciceron de
Rome pour aller dans la Grece chercher à
l'école des Maîtres les plus habiles cette
perfection qu'il fembloit avoir déja ; qui
lui apprit à retrancher cette abondance ,
cette fuperfluité exceffive qu'on lui reprochoit
, peut-être juftement , & qui le
rendit la terreur de Verrès , de Catilina ,
d'Antoine , le défenfeur de tous les honnêtes
gens de Rome , le foutien de cet
Empire fameux auquel fon génie le fit égaler
, & le plus grand Orateur du monde. *
C'eft l'envie qui faifoit faire à Boileau fi
difficilement , fi durement même, ces vers
que leur aifance & leur naturel rendoient
Proverbes en naiſſant.
C'eft l'envie qui pour toute réponse d'un
Auteur critiqué , reçoit une piéce meilleu
re' , ou du moins la même piéce corrigée
des défauts dont on l'accufoit. L'oeil jaloux
, qui regarde un Auteur , l'empêche
non-feulement de tomber , mais même de
broncher ; du moins s'il eft furpris en défaut
, c'eft en fe relevant qu'il fe venge
de
fon ennemi . En vain quelques rivaux obfcurs
, tirant malignement l'horofcope d'un
bon ouvrage , prédifent fa chûte , parce
* Illud ingenium que folùm populus Romanus par
Imperiofuo habuit. Senec. Contr. lib. 1.
MAI. 1748 . 27
qu'ils la fouhaitent ; auffi peu croyables fur
les ouvrages de leurs concurrens , que les
femmes fur le mérite de leurs rivales en
beauté , le public ne répond aux envieux
qu'en continuant d'admirer l'ouvrage envié.
Quelquefois cependant * il faut l'avouer,
le public contemporain ne rend pas à un
bon Auteur toute la juftice qu'il mérite.
On ne pouvoit autrefois, fous peine d'être
réputé un efprit médiocre , louer les Operas
de Quinaut ; l'envie avoit fait accroire
au public que la douleur vertueuſe de Phédre,
criminelle malgré foi , fi bien renduë
par Racine , n'avoit pas dû l'émouvoir autant
que la paffion groffiere & ridicule que
Pradon avoit prêtée à fon Héroïne ; qu'il
avoit eu tort d'être touché aux belles repréfentations
de Théfée & d'Atys. En effet il
héfita quelque tems , mais enfin ſentant bien
que la premiere impreffion que lui avoient
fait naître Racine & Quinault étoit dans
le bon goût , affermi dans fon premier fentiment
par l'expérience qui lui faifoit voir
que chaque jour un bon ouvrage perd un
critique & gagne un partifan , il fortit de
l'efpece de contrainte où l'envie de quelques
particuliers l'avoit retenu ; il partai
l'eftime de Boileau en faveur de Raci
gea
* Pafcitur in vivis liver. Ovid. E, 15.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
ne , en défaprouvant fa partialité contre
Quinault.
Tous ces écrivains fameux , ces efprits
fublimes, ces génies,héros dans leur genre ,
qu'attaqua toujours la rivalité jaloufe des
envieux , profiterent moins fans doute des
applaudiffemens du public que des avertiffemens
de leurs ennemis ; nous devons
peut-être autant à leurs cenfeurs qu'à leurs
talens.
Au Cid perfécuté Cinna doit fa naiffance ;
>> Et peut- être Racine aux cenfeurs de Pyrrhus
» Doit les plus nobles traits dont il peignit Burthus.
Boileau:
Quels efforts en effet ne doit pas faire
un Auteur admiré & critiqué ! Il a fa répu
tation à faire ou à foutenir , fes admirateurs
à juftifier , fes critiques à confondre. Que
de motifs à la fois , & qu'ils font puiffans !
Que d'aiguillons , & qu'ils font perçans !
Ils vont produire leur effet pour les talens
& contre l'envie.
Je vois cet Orateur que les graces de
fon ftyle , le fublime de fes penfées , une
fage économie dans toutes les parties de
fes difcours , ont fait univerfellement admirer
, en laiffant cependant aux envieux
de quoi lui reprocher de n'être peut - être
MA I. 1748 .
29
pas affés fçavant , enfermé entre les Auguftins
, les Chryfoftômes , les Boffuets
les Bourdaloues , amaffer cette ſcience
évangélique & oratoire qui le rendra parfait
& déconcertera l'envie.
repro-
Je vois cet Avocat fçavant , qui familier
avec les plus habiles Jurifconfultes , a percé
toute la profondeur des Loix , qui dans
tous les plaidoyers , par l'enchaînement
de fes preuves , la folidité de fes raiſonnemens
, défait fes adverfaires , gagne fes
Juges , maîtriſe tous les auditeurs , en laiffant
cependant à l'envie de quoi lui
cher que fon éloquence eft quelquefois un
peu dure , & manque fouvent de cette infinuation
néceffaire dans certaines occafions
; feuilleter Demofthene , Ciceron ,
Patru , le Maître & Terraffon ; devenir
plus doux , plus délicat ; donner à fes matieres
, fans rien diminuer de la force
qu'elles demandent , toute la grace qu'elles
peuvent fouffrir , & confondre le jaloux
.
Je vois ce Philofophe profond , dont
le fyftême appuyé fur des principes démontrés
, fur des conféquences néceffaires
, fur des expériences naturelles , n'eft
cependant pas felon l'envieux , expofé avec
affés de clarté , rendu avec affés de précifion
, ni mis à la portée de tout le monde : .
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
aller chercher dans Malbranche , Paſcal
& Fontenelle de quoi rendre claires les
vérités les plus abftraites , de quoi orner
la raifon des graces de l'imagination , de
quoi rendre chacun de fes lecteurs philofophe
en l'amufant , & de quoi fermer la
bouche envieufe du critique.
Je vois dans chaque genre de Sciences ,
de Lettres & de talens les imperfections
& les défauts groffis par l'envie , & corrigés
par les Auteurs. Je vois Boffuet devenir
plus exact , Fléchier moins feuri ,
Corneille plus égal , Racine plus mâle ,
Moliere moins farceur , la Bruiere plus
clair , la Fontaine moins long , tous les talens
enfin & ceux qui les poffédent , perfectionnés
par les. remarques jaloufes de
l'envieux .
En effet que peut faire la cenfure la plus
jufte , fi l'on veut , & la difcuffion de
quelques fautes de détail , dans un ouvrage
plein d'ailleurs de mille beautés,que ne détruifent
auffi-tôt fon mérite réel & l'émotion
de tous ceux qui l'ont vû & lû avec
plaifir ? Ce fentiment naturel n'eft-il pas
en faveur de la piéce une démonſtration
plus que géométrique de fa bonté , & une
réponſe fans réplique à l'envieux , qui n'a
*
Verum ubi plura nitent in carmine , non ego
paucis
Offendar maculis. Horat. art. poet.
MAI
3r
1748
pas toujours tort ? Envain veut- il nous
perfuader qu'un ouvrage qui plaît, choque .
quelques régles établies pour plaire ; fi
nous ne fommes pas en état de lui répondre
, nous fommes du moins capables de
ne le pas croire , parce que nous naiffons
convaincus qu'on fait un fophifme intéreffé
, quand on veut nous prouver par la
voie du raifonnement le contraire de ce
que nous éprouvons par la voie du fentiment.
Le coeur dupe quelquefois l'efprit ,
mais l'efprit ne trompe jamais le coeur ,
& par le coeur autant que par l'efprit nous
jugeons du mérite d'un' Difcours , d'un
Poëme & de toutes fortes d'ouvrages.
Ainfi la beauté du Cid étoit paffée en
proverbe , malgré fes défauts & fa belle
critique ; ainfi toute la logique de la cabale
eft dérangée par les battemens de mains
'd'un parterre enlevé ou amufé , & par les
autres fignes démonftratifs du contentement
de tout auditeur , fpectateur , ou
lecteur , inftruits & touchés. Le peuple ,
tout peuple qu'il eft , n'applaudit qu'au
beau & au vrai beau . Le goût eft commun
au fçavant & à l'ignorant . La feule difference
entre eux , c'eft que le premier en
connoît les raifons , & que l'autre n'en juge
* Docti rationem , indocti voluptatem intelligunt.
Quintil.l. 9. ch. 4.
`
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
que par le fentiment . Mais le fentiment
ne vaut il pas au moins le raifonnement ?
Je crois celui- ci moins fûr que celui - là.
Le Sçavant envieux eft donc obligé de fuivre
les autres Sçavans équitables & le peuple,
qui applaudiffent. Si l'envieux perfifte
dans fa critique & qu'il la prouve , l'Auteur
en fera quitte pour reformer quelendroits
défectueux dans un ouvrage
qu'on ne cefferoit point d'admirer , quand
il ne feroit pas corrigé , & qu'on admirera
plus encore quand il le fera ; l'Auteur en
fera quitte pour devenir plus fini. Quelle
retraite honorable pour lui , & defefpérante
pour l'envieux ! Ainfi l'envie augmente
la perfection & la réputation des
talens qu'elle voudroit diminuer & faire
tomber.
ques
Faut-il donc que ce foit l'envie qui per
fectionne les Sciences & les Sçavans , les
Lettres & les Litterateurs , les talens &
ceux qui les póffédent ? Une émulation
vive , noble & fage , ne feroit- elle pas une
caufe plus glorieufe & plus fûre du progrès
des beaux Arts & du fuccès de ceux
qui les exercent ? Celle qui regnoit entre
Ciceron & Hortenfius eft un exemple
bien refpectable & bien digne d'être fuivi.
* Alter ab altero adjutus & communicando , &
monendo , & favendo . Brut. n. 23.
MAI. 1748. 33
Ces deux athlétes illuftres , émules fans envie
, concurrens fans jaloufie , s'entre-aidoient
dans la noble carriere du Barreau ,
fe
*
communiquoient mutuellement leurs
Inmieres , fe faifoient valoir l'un l'autre ,
& par une estime nutuelle chacun augmentoit
la gloire de fon ami en augmentant la
fienne. Mais , dit Ciceron , c'étoit la
coûtume de ce tems de rendre fans peine
juſtice au mérite d'autrui. Les fentimens
bas de l'envie étoient apparemment renvoyés
aux orateurs médiocres.
Bavius & Mævius pouvoient être enne
mis & jaloux l'un & l'autre , mais Virgile
& Horace étoient amis . ** La candeur de
Virgile , la droiture d'Horace , le goût fûr
& les talens égaux de tous deux leur faifoient
partager fansjaloufre les applaudiffemens
de Rome & les faveurs de Mecéne.
Auffi , dit Horace , *** il n'y eut jamais de
maiſon plus éloignée de ces bas fentimens
que celle de ce Protecteur généreux , ni
où l'on vêcut d'une maniere plus pure &
* Erat omnis tum mos ut faciles effent in unura
cuique tribuendo. De clar, or. n . 83.
* *
** Animæ dimidium ineæ . Horac. lib. x . Od. zi
Non ifto vivimus illic
Quo tu vere modo. Domus hâc nec purior ulla eft,
Nec magis his aliena malis, nil mihi officit unquam
Ditior hic aut eft quia doctior , eft locus uni
Cuique faus. Horat. Sat. 7. lib. 1.
By
34 MERCURE DE FRANCE.
plus noble. Le mérite de l'un ne faiſoit
point ombrage à l'autre , chacun avoit fa
place & en étoit content. Qu'auroit fait
T'envie contre ces hommes fûrs de leur
réputation & de leurs talens ? Ce qu'elle
fit de tous tems. Les vaincus ornent le
triomphe du vainqueur. Entre les talens
on n'en veut qu'à ceux dont les fuccès ont
confacré la fupériorité , & l'envie qui les
anime par fa critique , par fa critique auffi
les rend plus finis.
Vice honteux , baffe jaloufie , envie
méprifable , ton peu de fuccès contre le
mérite ne devroit-il pas diminuer ton opiniâtreté
à le pourfuivre , & les triomphes
glorieux de celui que tu attaques , prefque
toujours infructueufement , ne devroientils
pas t'empêcher de le combattre ? Non ,
l'envie exiftera tant qu'il y aura du mérite,
c'eſt ſon ombre , ou plutôt , comme dit ingénieufement
un Auteur moderne , c'eſt
Ja taxe qu'on paye au public pour le mérite
qu'on a . Mais l'envie fera toujours utile
au mérite . Sans l'envie les vertus refteroient
dans l'oubli & dans l'indolence ,
fans l'envie les talens refteroient dans la
pareffe & dans la médiocrité , fans l'envie
enfin les vertus feroient moins parfaites &
les talens moins finis . Ce font les avantages
que le mérite retire de l'envie.-
MAI, 35 1748.
Duris utilex tonfa bipennibus ,
Nigra feracifrondis in Algido ,
Per damnaper cades ab ipfo
Ducit opes , animumqueferro.
Horat. lib. 4. Od. 4:
J
၎င်း ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦးမြင့် မြင့်
RETRAITE involontaire du Parnaſſe
E ne l'ai plus ce talent de rimer
Que j'eus jadis ; le Dieu qui fait aimer
Me l'enſeigna ; j'étois dans le bel âge
• Lotfque fous lui j'en fis l'apprentiffage .
Les ris alors folâtres & legers
Pour moi du Pinde étoient les meffagers ;
Au moindre figne ils vôloient fur fa cime ,
Et revenoient les mains pleines de fleurs ,
Dont avec art inftruits par les neuf Soeurs ,
D'un air galant ils parfémoient ma rime ,
Ornoient mes vers & m'en diétoient le tour.
Cè tems fut beau , je m'en fouviens encore :
Soit que forti de fon affreux séjour
Le trifte hyver dans nos champs de retour
Leur enlevât le verd qui les décoré ,
Dans nos jardins foit que l'aimable Flore
Vint des Zéphirs favorifer l'Amour ,
Tous les matins la renaiſſante Aurore ;
En fe levant m'annonçoit un beau jour.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Sur fes Autels , plein de reconnoiffance ,
L'encens fumoit de ma main préſenté ;
Je béniffois l'inftant que fa préſence
Chaffant la nuit ramenoit la clarté ,
Lorfqu'aux mortels elle rend la lumiere.
Je fouhaitois qu'au bout de fa carriere
Elle trouvât un Céphale nouveau,
Qui d'un air doux , empreffé , vif & tendre ,
Séchât les pleurs que fon fils au tombeau
Tous les matins lui fait encor répandre.
Vain fouvenir ! Fidéle à fon emploi ,
L'Aurore fort chaque matin de l'onde ,
Pour annoncer l'aftre du jour au monde.
Elle n'eft plus ce qu'elle fut pour moi ;
De mon encens le parfum l'importune ;
Soumis au tems , j'en ai fubi la loi ,
A tout mortel également commune.
Ces jours fi beaux , filés par les amours
Et
par
Vers
& chanfons
n'ornent
plus
mon
pupitre
Laffes
de voir
mon
nom
fur
leurs
regiſtres
,
Les
doctes
Soeurs
l'ont
d'un
trait
effacé
,
Je me
tais
donc
, & mon
regne
eft paffé
.
les ris ont pris un autre cours' :
Par M. Verrieres de l'Académie des Belles
Lettres de Caën.
MAI. 3:7 1748 .
S
SUITE de la Lettre de M. L.
à Madame ****·
I c'eft un grand point d'avoir reconna
& démontré par des éplemérides en
figures comme en nombres , que tout autre .
mouvement dans le Soleit & dans les Planettes
, que celui qui leur paroît commun
d'Occident en Orient , n'a une apparence
qu'à raifon de fa réalité , c'eft encore un
plus grand avantage d'avoir établi la néceffité
de remonter aux premiers élemens
de la fphére armillaire , ou dans fon inftitution
le petit globe qui figure la terre ,
devoit être mobile fur for axe ; puifqu'il
eft indubitable que les folftices & les équinoxes
, comme tous les points cardinaux ,
degrés & fignes de l'écliptique , font déterminés
& en font autant dépendans dans
lear pofition, que tous les cercles & points
de la fphére celefte font relatifs à ceux de
la fphére terreftre , comme l'Equateur , les
Tropiques , les Polaires & les Pôles du
monde , qui repréfentent les points auxquels
aboutiroit l'axe de la terre s'il étoit
prolongé. Car de ce qu'on reconnoît un
changement infenfible , mais périodique
& bien réel dans la pofition des Pôles du
18 MERCURE DE FRANCE.
monde , qui font fucceffivement déterminés
par ceux de la terre & par fa rotation
fur fon axe propre , dont l'axe du monde
n'eft qu'une prolongation mentale , en
même tems qu'on apperçoit une retrogradation
réelle & commune aux points folfticiaux
, équinoxiaux , cardinaux & principaux
de toute l'écliptique , qui eft d'une
période & d'un mouvement ifochrone &
tautochrone même , comme celui dont eft
le mouvement en longitude des étoiles ,
& la préceffion des fignes du Firmament ;
il eft naturel d'inferer en raisonnant conféquemment
, que la terre doit avoir une
rotation comme les Planettes de Venus &
de Mars dans lesquelles elle eſt ſenſible
& outre fa rotation un mouvement conique
fur le centre de fon propre globe , par
lequel elle change contre l'ordre des
fignes la direction de fon axe & de fon
équateur de la quantité annuelle & féculaire
, dont on obferve la retrogradation
de tous les points & fignes de l'écliptique
& le changement de leurs rapports avec
ceux du zodiaque. Si de plus on apperçoit
une élongation dans les points de l'apogée
& du périgée du Soleil , c'eſt une raiſon
d'en induire que la terre a encore un troifiéme
mouvement de progreffion dans une
orbite autour du centre de l'orbe folaire ,
MAI. 1748.
39
qui eft d'un arc annuel , pareil à celui dont
eft l'élongation de l'apogée du Soleil fur
la préceffion des fignes du Firmament.
Il reste à déterminer quelle eft l'étendue
du rayon de l'orbite , que la terre doit décrire
par fa progreffion autour du centre de
l'écliptique ; & fi elle eft affés défignée par
l'étendue dont eft l'excentricité de cet
aftre , pouvoit-on mieux en faire la démonftration
qu'en réduifant en Carre géométrique
la table de la connoiffance des
tems , qui indique de dix en dix jours la
diftance géocentrique du Soleil en demidiamétres
terreftres , & qu'en faifant voir
que pour tous les tems on peut déterminer
par le point auquel le perigée du Soleil a
répondu dans le Firmament , l'arc que la
terre doit avoir occupé fucceffivement dans
fon orbite , & par la direction qu'y avoit
fon axe & fon équateur , l'intervalle inégal
des points cardinaux , la durée inégale &
refpective des quatre faifons , & l'étendue
variable des fignes de l'écliptique qui leur
font propres ?
Mais furtout pouvoit- on tirer un plus
grand avantage de l'explication détaillée
de tous ces phenoménes diffimulés avec
affectation , qu'en faifant connoître nonfeulement
en quelle proportion l'obliquité
de l'équateur a dû ou devra varier dans le
40 MERCURE DE FRANCE.
-
cours des fiécles , fuivant que les arcs par
courus par la terre dans fon orbite , ont
décliné moins du plan de l'écliptique dans
Phemifphére inférieure du monde jufqu'en
1734 , où elle a dû paffer par le noeud afcendant
de cette orbite , & depuis déclinent
plus dans l'hemifphére fupérieure ce...
qui fait augmenter cette obliquité dans la
même proportion qu'elle avoit diminué
jufqu'à cette époque ? Mais encore d'où pro
vient que relativement les degrés terreftres
changent d'étendue fur la terre en toifes &
en lieuës , de même que l'étendue des zones
qui eft déterminée par le nombre de de
grés & minutes dont eft l'obliquité de l'équateur
avec l'écliptique ? En enfeignant
comment & pourquoi la mefure de la terre
femble avoir diminué chaque fois qu'elle.
a été entrepriſe , & par quelle raifon , &
en quel rapport on trouvera une variation
dans la dimenfion des degrés terreftres
chaque fois qu'on y reviendra , dès qu'ils
font déterminés par comparaifon avec les
arcs céleftes verticaux ? Pourquoi toutes les
mefures itineraires des anciens & des modernes
ne peuvent être uniformes pour l'es
diverfes contrées ni pour la même dans
differens fiécles , quoiqu'elles ayent été
également déterminées aftronomiquement
& geodefiquement ? Comment toutes les
M A I. 41 1748.
dimenfions qui ont été données par des
membres de l'illuftre Académie des Sciences
de Paris ont été réellement exactes en
leur tems , & ont dû cependant être trouvées
diffemblables de la maniere dont elles
l'ont été ? Il reſteroit d'en induire la vraie
figure de la terre , & il femble que l'Auteur
par ménagement a voulu garder le
filence.
S'il eft naturel que la terre changeant
chaque jour fa pofition & la direction de
fon axe , & de fon équateur d'une partie
infenfible par fa modicité , nos rayons vifuels
doivent fucceffivement parvenir juf
qu'à des étoiles qui nous étoient cachées
par d'autres étoiles intermédiaires , ou
bien être interceptés par des étoiles antérieures
, il eft aifé de concevoir pourquoi
l'on découvre de nouvelles étoiles , pourquoi
l'on ceffe d'en appercevoir d'autres
qui difparoiffent ? Si l'on ajoute à cette
confidération qu'elles empruntent leut
éclat du Soleil , or concevra pourquoi plu
fieurs font changeantes dans leur difque ,
feur claffe & leur pofition même , & pourquoi
la réunion du difque de plufieurs
étoiles ne forme que l'image d'une étoile
fombre & nébuleufe . Au lieu que fi elles
étoient des foleils , elles devroient ou fe
rendre plus brillantes ou même s'effacer
42 MERCURE DE FRANCE .
réciproquement à la vûë.
On fentira developer la caufe naturelle
de l'apparence d'une aberration dans les
étoiles , pour peu principalement qu'on
confidére que la terre à raifon de fa rotation
& de fon inclinaiſon , fait varier dans
l'efpace de douze heures l'élevation ou
l'abaiffement de chacune de fes contrées
dans les zones temperées par rapport au
plan de l'écliptique , du double de l'arc
dont eft fon obliquité avec l'équateur ; &
qu'à plus forte raifon un obfervatoire mobile
, de la maniere dont la terre nous en
tient lieu , qui de plus dans le même efpace
de tems qu'elle accomplit fa rotation ,
avance dans fon orbite du feptiéme enviviron
d'une lieuë commune , ou de trois
dix -huitièmes , & change la direction de
fon axe & de fon équateur , & de tous fes
paralléles d'un arc de huit vingt-fixiémes
& demi , doit nous faire remarquer une
variation inſenſible dans la poſition refpective
de toutes les étoiles , tant par rapport
au plan de l'écliptique que par rapport
tous les cercles de la fphére célefte , bien
qu'elle en détermine la pofition , parce
que cette pofition comme la divifion des
fignes de l'écliptique eft déterminable chaque
fois qu'on fait une obfervation compofée
, & doit paroître conféquemment
à
M A I. 48 1748 .
variable par rapport à ces étoiles , tout autant
que celle de ces étoiles par rapport à
ees cercles , mais furtout fi les refractions
caufées dans l'air & dans l'éther , par les
rayons du Soleil relativement à fon cours
autour de l'écliptique , donnent une divergence
plus ou moins grande à nos rayons
vifuels dans les diverfes faifons , felon le
moment & le lieu d'où nous obfervons ,
fuivant qu'il fe trouve dans cet inftant plus
ou moins élevé par rapport au plan de l'écliptique
, & conféquemment plus ou
moins fujet à l'inégalité de la compreffion
de l'atmosphére par la couche d'éther environnante
dans fa partie actuellement
verticale ; d'où réfulte une multitude d'effets
naturels qui préfentent d'eux-mêmes
leur explication dans ce dévelopement de
leur caufe. C'eſt à
que
peu près ainfi le
mouvement d'un vaiffeau eft remarquable
dans tous les objets qui s'offrent à la vûe
fur les rivages de la mer , mais plus ou
moins à proportion que l'horifon eft diverfement
chargé de vapeurs.
L'examen de toutes les variations obfer.
vées durant le cours des fiécles dans l'état
du Ciel , confirme que les mouvemens
combinés de la terre en progreffion & en
regreffion , doivent être autant la caufe de
tous les changemens des cercles & points
44 MERCURE DE FRANCE.
principaux de la fphére célefte par rappor
aux mêmes étoiles fixes , que fa rotation
de l'apparence de leur circulation diurne
& commune avec les Planettes ; & il devient
inconteſtable , que puifque malgré
leur diſtance fuppofée les fignes de l'écliptique
ne font pas moins déterminés , n'en
font pas
moins comparables dans leurs rapports
à ceux du Firmament , la divifion de
l'écliptique en ces fignes affectés aux quatre
faifons , ou en fegmens conformes dans
leur étendue , à leur durée & à l'intervalle
des quatre points cardinaux , doit être dif
ferente chaque année & chaque jour même
, à mefure que la terre par fa progref
fion change fa pofition , ou feulement
fa regreffion la direction de fon axe & de
fon équateur ; & par conféquent qu'on
n'eft pas fondé dans le fyftême terreftre ,
en fuppofant même le parallenifme de la
terre & la diftance immenfe des étoiles , de
prétendre qu'en parcourant un auffi grand
orbe que l'annuel qu'on lui fuppofe , elle
doive donner toute l'année la même pof.
tion des cercles de la fphére & de l'équateur
, & la même divifion des fignes de
l'écliptique , puifque la difference de leurs
rapports avec ceux du Firmament n'en eft
pas moins reconnoiffable , & puifque fa
tranfpofition devroit du moins faire varier
par
MAI. 1748.1 45
la latitude boréale ou auftrale des Planettes
inférieures , & leurs configurations à
l'égard de la Lune qu'elle entraîneroit à fa
fuite , tout autant que leur distance , indépendamment
du mouvement qui leur eft
propre.
Si le fyftême folaire étoit néceſſaire afin
de manifefter tous les inconvéniens du
terreftre , il ne l'étoit pas moins pour découvrir
combien ce dernier a été un obftacle
à la perfection de l'Aftronomie & même
de la Phyfique générale , puifque fi
vous demandez la caufe phyfique de tous
les mouvemens des corps céleftes , dont le
nouveau plan de l'univers développe le
périodifme & la fucceffion , avec la véritable
figure des orbes où ils font accomplis, il
ne s'agit pour vous le faire concevoir avec
une exactitude digne de la fimplicité & de
l'évidence de leur cauſe , qu'à vous ramener
au même point de vue qu'a pris notre
Cofmographe pour découvrir l'ordre &
l'arrangement du monde matériel ; c'eſt le
même qu'il a confervé en voulant reconnoître
les refforts du monde phyſique ,
c'est-à-dire de ce monde matériel confideré
dans la caufe phyfique des mouvemens qui
font obfervés dans- les principaux corps
qu'il renferme en fa plénitude,
Eft-il difficile de s'appercevoir que le
I
46 MERCURE DE FRANCE.
>
Soleil par fes rayons illumine tous les
aftres ? Quoi de plus fimple donc que d'augurer
qu'il leur imprime une fplendeur
& fans doute du mouvement par une même
caufe ; en un mot que cet Aftre corriphée
les rend brillans & mobiles par fes
rayons ? Une infinité d'expériences qu'on
a faites dans le cours des fiécles , mais furtout
de nos jours , pour vérifier les effets
de l'augmentation de la quantité , ou feulement
de l'agitation de la matiere ſubtile
dans un volume d'air , ce qu'on peut appeller
une électricité active & artificielle ,
ou les effets de la diminution de fa quan
tité ou de fon agitation dans un même
volume , ce que l'Auteur appelle par analogie
une électricité reactive , lui donnent
lieu d'examiner les effets de l'une & l'autre
électricité qui eft produite naturellement
tant dans l'atmosphére de tous les aftres ,
que dans les couches d'éther intermédiaires
& circonvoisines par lleess rayons folaires
directs , ou par la réflexion qu'en font ces
aftres même dans l'étendue du cône de leur
lumiere réfléchie , ou par la fuppreffion
qu'ils en produifent dans l'étendue du cône
de leur ombre.
Vous demanderez fans doute , Madame,
fi l'électricité active produite naturellement
dans l'atmosphére d'une Planette ,
MAI. 1748. 47
& dans une partie de la couche d'éther
circonvoisine par l'action & la reaction
des rayons folaires , eft une force motrice
capable de caufer fon mouvement avec le
fecours même de l'électricité reactive qui
réfulte dans la partie oppofée de fon atmofphére
& de la couche d'éther environnante
, à caufe de la fuppreffion ou interruption
du cours de ces rayons dans l'éten
due de fon ombre.
Si l'on étoit embarraffé de vous le prouver
, on fe contenteroit de vous alléguer
qu'une telle force motrice , dont la caufe
eft fenfible par les phrafes du difque des
Planettes , par leur fphére de radiation &
par leur ombre , doit être bien plus efficace
que l'activité fuppofée de tourbillons
chimériques ; & furtout que la vague &
vaine qualité occulte de l'atraction mu
tuelle de toutes les parties de matiere qui
compofent le volume de ces aftres , par laquelle
les Newtoniens prétendent expliquer
leur mouvement , dans un vuide où
ils affectent avec oftentation de calculer
les effets prétendus de cette attraction ,
en raiſon inverſe du quarré de la diſtance
& en raifon directe & réciproque de la
furface , bien qu'ils affectent de douter
s'il y aun pied cubique de matiere dans le
le monde. Si un Atôme tombant fur une
48 MERCURE DE PRANCE.
"
Planette , he l'obligeroit pas de s'élancer
un peu à fon égard , afin de lui épargner
une partie du chemin & de la chutte ? Er
fi le faut d'une puce ne doit pas faire trembler
la terre , tandis que les éruptions les
plus impétueufes des Volcans , & les plus
violentes tempêtes font reconnues ne pou
voir déranger fon mouvement naturel , qui
n'eft
pas
moins
dans
fon principe
ou
dans les loix qu'il fuit , l'ouvrage de Dieu
que la formation de tous les aftres dont
l'univers eft l'affemblage.
On fe contenteroit , dis -je , de vous
prier d'admettre cette électricité , en affectant
par une multitude de calculs myftérieux
de vous perfuader que tout eft auffi
facilement expliqué par ce moyen que
calculé ; c'eft comme fi l'on vous prioit de
vous croire fort riche , parce qu'on vous
calculeroit combien vous méritez de l'être
& combien vous devriez avoir de revenu
pour vous croire telle. Vos finances en
feroient-elles augmentées à votre fatisfaction
? Suffit- il donc de fuppofer un vuide
entre tous les aftres & de calculer la gravitation
fuppofée des parties de leur volume,
afin que leur prétendue attraction puiffe
être efficace & active felon ce calcul ?
L'Auteur moderne bien éloigné de recourir
à des fuppofitions vagues pour tout
phénoméne
MA 1. 1748
phénoméne à expliquer , ne fait qu'établir
la certitude de cette électricité active &
réactive , qui eft fi facile à reconnoître par
fes effets dans les couches d'éther intermédiaires
, comme dans l'atmosphére des af
tres , en l'appliquant à l'explication des
principaux de la maniere la plus fimple ;
& il fait efperer que l'application de l'électricité
naturelle à tous les phénoménes céleftes
& terreftres ne fera pas moins dévélopée
,
s que celle de l'électricité artificielle
dans une multitude d'expériences qui
font à la mode depuis plufieurs années ,
puifque par provifion il donne une idée
de la caufe , de la péfanteur abfolue & fpécifique
des graves , de la lumiere , de la
fplendeur & du mouvement des aftres , du
flux & du reflux des mers , des vents généraux
, de la direction de la bouffole &
des vertus de l'Aiman .
Vous voudrez bien que je me réduiſe à
vous apprendre qu'il démontre fenfiblement
fur des Cartes , en même tems qu'il
en rend la raison par une fuite de fes principes
phyfiques. 1 °. Que le Soleil eft le
principe de tout le mouvement , comme
de toute la fplendeur des Planettes par l'é-
Jectricité active qui réfulte dans les couches
d'éther où elles font flotantes , de
l'action & reaction de fes rayons , ou par
C
fo MERCURE DE FRANCE.
Pélectricité reactive qui provient de leur
interruption dans l'étendue de leur om
bre.
2°. Qu'elles décrivent par cette raifon
des arcs proportionnels par leur étendue ,
leur direction & leur figure , dans une épi
cicloide où leur cours eft direct pendant
tout le tems que les arcs égaux que le So-
Teil parcourt en tems égaux dans fon orbe
immuable en tout fens , le préfentent à leur
égard en convexité , mais qu'auffi- tôt qu'il
y décrit des arcs qui fe préfentent au contraire
à leur égard en concavité , elles prennent
un cours retrograde dans des courbes
feuillées , dont l'étendue & la figure font
également proportionnelles , tant à leur
diftance de cet aftre unique en fon eſpéce ,
qu'à l'espace de tems qu'il met à parcourir
ces arcs en fens concave à leur égard , &
qu'ainfi leurs orbes font compofés alternativement
d'épicicloides & de courbes
feuillées où leurs cours eft apparent , parce
qu'il y eft réel , & où il paroît direct &
alternativement retrograde , quand il le
devient , & tant qu'il l'eft réellement ,
mais qu'il paroît ftationnaire avant & après
leur retrogradation , ou après & avant leur
direction , bien qu'il foit continuel , parce
qu'alors elles décrivent des arcs où elles
paroiffent en ftation , par la raifon que
MA I.
1743 .
durant la premiere elles s'avançent d'un
même degré de l'écliptique vers la terre ,
& durant la feconde de la terre vis- à- vis
un même degré de cet orbe folaire different
du précédent , & que leur mouvement
femble fufpendu & plus ou moins hâtif ou
tardif , fuivant que les arcs qu'elles parcourent
dans leurs orbes , fe préfentent
plus ou moins parallelement à l'égard des
Agnes de l'écliptique.
3 °: Que le cours de Saturne feroit de
vingt ans environ , ou de deux tiers de fa
période plus court ; celui de Jupiter de fix
ans ou de la moitié de fa durée ; celui de
Mars de cinq mois au moins ou d'un fixiéme,
de même que celui de Venus d'un
cinquième ou de quatre mois , & celui de
Mercure d'un quart de fa période à l'égard
de la terre , fi le cours de ces Planettes majeures
n'étoit pas réel dans leurs orbes apparens
, c'eft ce qui eft encore plus remarquable
fi l'on le rappelle les preuves données
par an célébre Affocié libre de l'Académie
de Paris , que fuivant les régles de
Kepler le cours de ces Planettes devroit
être beaucoup plus long qu'il n'eft trouvé.
4°. Que les Planettes fubalternes n'ont
leur révolution dans des ellipfes autour de
leur Planette principale , qu'à raifon de la
réflexion réciproque qu'elles fe font des
CH
32 MERCURE DE FRANCE.
rayons du Soleil , ce qui eft fenfible furtout
entre la terre & la Lune , & parce que la
Planette principale produifant une plus
grande électricité active & reactive , à proportion
de l'excès de fa maffe , & de l'étendue
du cône de fon ombre , ou de fa lumiere
réfléchie dans la couche d'éther intermédiaire
, oblige la fubalterne ou les
fatellites à fuivre fon cours commun , & à
en avoir un particulier dans une ellipfa
dont elle occupe un des foyers.
5°.Que le cours des Cométes eft fort
analogue à celui de Mars , qu'il eft réel
dans un orbe compofé d'un épicicloide qui
s'étend au-delà de Saturne pendant leur
direction , mais durant leur retrogradation
d'une courbe feüillée qui les fait rapprocher
du Soleil & de la terre , vingt fois
peut-être plus qu'elles ne s'en éloignent
dans le milieu de l'épicicloide où elles font
directes & invifibles ; la grande déclinaiſon
& la vafte étendue de leur orbe font cauſe
qu'elles ne fontvisibles que dans une partie :
de leur cours , lorfqu'elles approchent de
leur périhelie & de leur périgée , mais il
faut encore qu'elles y foient atteintes par
la lumiere zodiacale , pour paroître avec
nne chevelure où toute autre marque dif
tinctive des Planettes.
Il eft jufte que les Sçavans , en comM
A I. 1748.
S$
parant le fyftême moderne avec ceux de
ces grands hommes , affectent de ne faire
aucun parallele de leurs Auteurs.
Je ne vous parlerai point de toutes
les lectures & de toutes les réflexions qu'il
m'a fallu faire , pour vous dreffer ce rapport
fincére de mon jugement fur le nouveau
fyftême de Colmographie & de Phyfique
; je fouhaite feulement qu'en reconnoiffant
combien vos ordres font capables
de me faire furmonter ma pareffe , vous
jugiez du zéle & du refpect avec lesquels
je fuis , Madame , & c.
A Paris ce 15 Décembre 1747-
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
8
ODE XXIX. L. III. :
AD MECENATE M.
Yrrhena regum progenies , tibi
Non antè verfo lene merum cado
Cum flore , Mecenas , rofarum , &
Preffa tuis balanus capillis
Jamdudum apud me eft ; eripe te mora
Ne femper udum Tibur , & Efulæ
Declive contempleris arvum , &
Telegoni juga parricidæ.
Faftidiofam defére copiam , &
Molem propinquam nubibus arduis.
Omitte mirari beatæ
Fumum , & opes ftrepitumque Roma.
Plerumque gratæ divitibus vices ,
Mundæque parvo fub lare pauperum
Coenæ, fine aulæis & oftro ,
Sollicitam explicuere frontem .
Jam clarus occultum Andromedes pater
Oftendit ignem ; jam Procyon furit :
Et ftella vefani Leonis ;
Sole dies referente ficcos.
MAI 47485
5:92
❁ ཡུ གྱི ❁དགུ
TRADUCTION.
A MECENE.
2
Illuftre defcendant des Souverains de
l'Etrurie , Mécene , depuis long- tems
je te réſerve d'excellent vin qui n'est point
entamé ; je t'offre des couronnes de rofes
, des effences pour parfumer tes cheveux,
Seconde mon impatience , arrachetoi
aux vues charmantes des humides contrées
de Tybur , des côteaux d'Efola & des
monts du parricide Télégone. Quitte l'ennuyeufe
abondance ; quitte ce vafte édifice
qui s'éleve jufqu'aux nues ; néglige pour
quelques momens de contempler les ri
cheffes , les vain éclat & le tumulte de la
Superbe Rome, Les grands fe plaifent quel
quefois à perdre de vue l'appareil de la
puiffance ; fouvent fous un toît qui ne cou
vre ni riches tapis , ni lits de pourpre, ll a
propreté du pauvre déride un front chagrin.
Déja l'Aftre brillant de Cephée nous
découvre fes feux déja Favant- coureur
de la canicule & le Lion redoutable exercent
leurs fureurs , & le Soleil ramene les
brûlantes chaleurs de l'Eté. Déja le berger
fatigué cherche avec fon troupeau languifĊ
iiij
56 MERCURE DE FRANCE.
Jam paftor umbras cum grege languido ,
Rivumque feffus quærit , & horridi
Dumeta Sylvani : caretque
Ripa vagis taciturna ventis.
Tu civitatem quis deceat ftatus
Curas ; & usbi follicitus times ,
Quid Seres , & regnata Cyro
Bactra parent , Tanaiſque diſcors
Prudens futuri temporis exitum
Caliginosâ nocte premit Deus :
Riderque , fi mortalis ultrà
Fas trepidat. Quod adeft , mementa
Componere æquus . Cætera fluminis
Ritû feruntur , nunc medio alveo
Cum pace delabentis Etrufcum
In mare , nunc lapides adeſos ,
Stirpefque raptas , & pecus , & domos ,
Volventis una ; non fine montium
Clamore , vicinæque Sylvæ ;
Cum vera diluvies quietos
Irritat amnes. Ille potens fui
Lætufque deget , cui licet in diem
Dixiffe , vixi : cras vel atrâ
Nube polum pater occupato ,
Vel fole puro : non tamen irritum
Quodcunque retro eft , efficiet : neque
COMACI 151748.
57
•
fant , l'ombre des bois & la fraîcheur des
ruiffeaux. ( 1 ) Les Sylvains fe retirent au
au fond des bocages , Zéphire ne mêle
plus fon haleine au doux murmure de l'eau,
& toi toujours occupé de maintenir l'Etat
(2 ) dans fa fplendeur , toujours inquiet
pour Rome , tu crains jufqu'aux projets
que peuvent former contre elle les Séres ,
les Bactriens foumis autrefois à Cyrus &
les féditieux habitans des bords du Tanaïs.
La fageffe des Dieux couvre l'avenir d'épaiffes
ténébres, ils rient d'un mortel dont
l'efprit s'efforce de pénétrer au-delà de fes
bornes . En homme fage contente- toi d'ufer
du préfent ; que le refte foit entraîné
comme un fleuve , au gré des deftinées ;
tel le Tibre , tantôt lent & paisible, tombe
dans la mer d'Etrurie fans s'écarter de fes
rives , tantôt effrayant par fon bruit les forêts
& les montagnes voifines , roule pêle-.
mêle les rochers qu'il a minés , les arbres
qu'il déracine , les troupeaux qu'il englou
tit , les maifons qu'il renverfe quand un
affreux débordement irrite les fleuves tranquilles
qui fe mêlent à fes eaux . Celui- là
feul eft heureux & maître de lui-même , qui
chaque jour peut dire , ( 3 ) j'ai vêcu . Que
demain Jupiter couvre le Ciel d'épais nuages
ou qu'il l'éclaire de la lumiere la plus pare,
Jupiter, tout puiffant qu'il eft , ne peut
CY
58 MERCURE DE FRANCE!
Diffinget , infectumque redder , zsunt
Quod fugiens femel hora vexir.
Fortuna fævo læta negotio , &
Ludum infolentem ludere pertinax ,
Tranfmutat incertos honores :
Nunc mihi , nunc alii benigna.
Laudo manentem. Si celeres quatir 10
Pennas , refigno quæ dedit : & meas
Virtute me involvo , probamque
Pauperiem fine dote quæro.
Non eft meum , fi mugiat Africis
Malus procellis , ad miferas preces
Decurrère ; & votis pacifci ,
Ne Cypria Tyriæque merces
'Addant avaro divitias mari.
Tunc me biremis præfidio fcapha¿
Tutum per Ægæos tumultus
'Aura feret , geminuſque Pollu». -
M. A I.
59 1748.
anéantir le paffé ; Jupiter ne peut changer ,
ne peut rappeller ce que le tems emporte fur
fes rapides aîles . Conftante à fe jolier infolemment
des mortels , la fortune qui fe
plaît dans ce cruel emploi , tranfporte les
honneurs d'une tête fur une autre , tantôt
me comblant de fes dons , tantôt les faifant
paffer en d'autres mains. S'arrête-t'elle
fur moi ? Je lui fçais gré de ce caprice ; fe
hâte-t'elle de me fair ? Je lui rends fes bienfaits
fans regret ; fous l'abri de ma vertu
je brave fes difgraces , content dans le fein
de l'indigence d'avoir pour dot la probité.
Que mes antennes plient fous l'effort des
des vents , je n'aurai point recours à d'indignes
prieres ; je ne ferai point aux Dieux
de voeux indifcrets , pour qu'ils n'ajoûtent
pas aux richeffes de l'avide mer celles que
j'apporterai de Chypre ou de Tyr. (4) Protegé
de Caftor & de Pollux , à l'aide d'un
léger efquif, je traverſerai fans danger les
flots de la mer en courroux.
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
REMARQUES.
( 1 ) Le P. Sanadon critique fort judicieuſement
Dacier , d'avoir traduit ainfi ce
paffage , les bergers & les troupeaux cher
chent les bocages du Dieu Sylvain , c'eft faire
dire en effet deux fois la même chofe
à Horace. Tous les autres interprétes paroiffent
s'y être trompés de même & n'ont
pas apperçû , comme le P. Sanadon , que
Sylvani étoit ici au nominatif pluriel ; &
qu'il falloit fous- entendre quærunt.
(2) Les Commentateurs , & même le
P. Sanadon , qui écrit orbis , v . 26 , au lieu
d'urbes , n'ont pas fait la diftinction des
deux mots civitas & urbs , qui fouvent , à
la vérité , ont été employés par les bons
Auteurs comme fynonimes , mais qu'Horace
n'a point employés ici dans le même
fans. Le premier fignifie Refpublica , Reipublica
adminiftratio, Cives , &c. Le fecond
Edificia , fic Cic. de Rep. L. 1. urbem à
civitate claris verbis diftinxit.
(3 ) Le P. Tarteron n'a point traduit
avec exactitude vixi , en l'interprétant ainfi
, j'ai paffe gayement la journée , ni ludum
infolentem , par jeu bizare.
(4) Dacier , malgré ces mots , fans me
foucier du vaiffeau , qu'il ajoûte au texte ,
n'eft pas plus exact ni plus élégant dans fa
MA I. 1748. Gr
traduction de la fin de cette Ode , quorqu'il
fe vante d'être le feul des interprétes
qui en ait entendu le fens . Pour moi , ditil
, dans une pareille occafion , fans me foucier
du vaiffeau , je defcendrai dans l'efquif, &
au plus fort de la tempête je voguerai fur la
mer Egée avec autant d'affûrance & de tranquillité
quefi le vent m'étoit favorable, & que
fi Caftor & Pollux me conduifoient.
EPITRE
A M. de la Soriniere , au sujet de celle en
vers blancs ou non rimés , qu'il a donnée
dans le fecond volume du Mercure du mois
de Décembre dernier , par M. Des-Forges
Maillard , Affocié de l'Académie des Belles-
Lettres de la Rochelle.
Oriniére ,
Mes amours ,
La carriere
Singuliere ,
Où tu cours ,
Intrépide
Et fans guide ,
Me fait
peur.
Si l'on paffe
Cette audace
A l'Auteur ,
Qui d'Horace
Amateur ,
Suit fa trace ,
Et fans freia
62 MERCURE DE FRANCE
De refrein ,
Prend la forme
A fa
grace.
Sois certain ,
Cher Confrere ,
Qu'une fois
Téméraire
On peut plaire
'Au François
Qui s'enflâme
Et fe pâme
'Au nouveau
Qu'il reclâme:
Son chapeau
Devient large
'Aujourd'hui ,
Mais l'ennui
Du toquet
Court & fait
Én gondole ,
Qui badin
Capriole ,
Zefte vole ,
De la main
D'Arlequin ,
Sur la tête ,
Én goguette
De fa tête
Dans fa main.
Genre humain !
Foible atôme ,
Que renomme
Qui le charge , Un bruit vain >
Rabatra , Que confomme
Rognera
De fa marge ,
Si qu'enfin ,
Dès demain ,
Cette targe
Se profcrit ,
Et d'énorme
Qu'on la vit
Le chagrin !
Girouette ,
Qui toujours
Pirouette ,
Inquiette
Dans les tours !
Mer qui fotte ,
Que balotte
MAIN 1748. 63
L'Aquilon ! her Ta raiſon ,
Papillon Sans le fon
Quifolâtre 12 De la rime
Sur les fleurs ,
Mais ne va
Idolâtre Pour cela
Des couleurs ! Faire un livre, d
K L'exercice
Du caprice
Fait ta loi ,
Et volage
Ton uſage
En fait foi,
Caractére
De bonté ,
Du vulgaire
Excepté ,
Ami ftable ;
Véritable ,
Tu n'es pas
€
Dans ce cas
Variable ;
Ton efprit
Dans ta piéce
Intéreſſe ,
Plaît & rit,
Et j'ekime
Et poursuivre
Ce goût-là.
Car en fomme
Et Boileau
Et Rouffeau ,
Et tout homme
Echoûroit ,
Et n'auroit
Pas la pome
S'il formoit
Et limoit
A ta mode
Trop commode
Le divers
Répertoire
De fes vers.
Son mémoire
Lafferoit
Et rendroit
Fruftratoire
64 MERCURE DE FRANCE
Un talent
Que la rime
Des neuf Soeurs , " pla
Dont la Lire
Fit fublime
Et brillant.
Sile ſtyle
De Virgile
N'avoit pas
Du Dactile
Vif, agile ,
Les
appas
Délicats
,
Et la force
Quel divorce!,
Qu'auroit- il ,
Que l'écorce
Du fubtil
Et viril
'Avantage ,
Qui le mer ,
D'âge en âge ,
Au fommet ,
Où commande
'Apollon ,
Jeune & blond ,
A la bande
Révérende
Touche , attire
Tous les coeES
Et t'infpire 2.
Docte Sire ,
Selon toi
Et ta loi ,
On peut dire
Aux fçavans
Courtisans
De Mécéne
Potateurs
De l'eau faine
D'Hipocrêne ,
Nos Docteurs
En fineffe
D'agrémens ,
En jufteffe
D'ornemens ,
De bon fens ,
Et d'idée ,
Qu'un Spondée ,
Qui par tout
Vient fe mettre
Dans le bout
MAI. 65
1748.
De leur métre
Héxamétre ,
Loin qu'il alt
Du mérite ,
Art exquis ,
D'ordinaire :
Eft acquis :
Par la peine.
Nous déplaît , C'eft le fruit
Parafite , De la gêne
Satellite
Importuri
Et commun
Qui renvoye
Conftamment ,
Comme une Oye ;
Sotement ,
Qui produit
L'air facile
Qui reluir
Dans Virgile,
Ce Nafon ,
Si fécond ,
Ce Tibulle ;
A l'oreille ,
La pareille
Quantité ,
Sans beauté.
Qui s'oppoſe
Aux vieux us
Fut- ce abus
Il s'expofe
Au hazard
De la caufe
De Ronfard
Et d'Houdart.
L'art de plaire ;
Si mignon ,
Ce Catulle ,
Si fripon ,
Le Génie,
'Amoureux
Des beaux yeux
De
Cynthie ;
Tous ces fins
Bons Latins ,
Que révérent
Nos efprits
Bien appris ,
S'efcrimerent
MERCURE DE FRANCE.
Poliment ,
Et rimerent
Fréquemment
Par fyftême.
D'agrément ,
Au cinquiéme
De leurs piés ,
Les moitiés
De leurs carmes ,
Qui marchant
En clochant ,
Ont des charmes .
Du Très-Haut
Interpréte
Sans défaut ,
Maint Prophéte ;
Animé
Du fuprême
Souffle même
'A rimé ,
Et le gendre
De Raguel
Héroïque ,
Magnifique •
Quand aux flots
Refpectable
Ce Héros
Admirable ,
Eut avec
Tout fon monde ;
A pied fec ,
Paffé l'onde,
I
Dont tant but
L'autre armée j
Qu'elle y fut
Renfermée.
Du Soleil,
Qui t'éclaire ;
Le vermeil
Luminaire
Ne voit pas
Dans fa ronde
Sur ce monde ,
De climats ,
Fit entendre Où la rime
D'un goût tel ,
Ne foit point
Son Cantique De tout point
Solemnel , En eftime.
MAI. 67
1748.
Oui , mon cher ,
Les
Sauvages`,
Des rivages
D'outre- mer
D'Amérique
Et d'Afrique
Les Colons ,
Vagabonds ,
Quand ils chafflent
Sur les Monts
Se délaffent
En rimant.
Ils poliffent
Par ce gent
Rudiment ,
Et fléchiffent
7
Leurs humeurs ,
Et leurs moeurs.
Sans enfure
La rime eft
Et paraît
De nature
Toute purc
Un préfent
Séduifant.
Elle étaye
Le charmant
¡Sentiment ,
Elle eft gaye
Un enfant
La bégaye
Au maillot ,
Auffi -tôt
Qu'il effaye
Quelque mot
Si feulette ,
Fanchonnette
Ou Catin
S'en retourne
Du moulin ,
Elle tourne
En chemin
Et marmotte .
Pour Colin
Ou Jacquin
Une note.
Un Captif,
Morofif ,
Aux Galeres ,
Croit charmer
Ses miféres
A rimer.
68 MERCURE DE FRANCE
Puis chantonne
Et fredonne
Par inftant ;
Sa ferraille
Cadençant
Sa rimaille.
Tu vois donc ,
Qu'il n'eft one
De partie
De climat ,
Ni d'état
Dans la vie ;
Où rimer
Ne fe faffe
Eftimer.
Du Parnaffe
Le Seigneur
A jamais
Les bienfaits
De ce Maître,
Mais la nuit
Qui s'avance
Et s'enfuit ,
Reconduit
Le filence
Qui la fuit ,
Et le bruit
Recommence,
Du matin ,
Dans ma chambre ;
Déja l'ambre
Vif & fin
Par ma vître
S'introduit ,
Mon pupitre Eft l'Auteur
De la rime ; En reluit.
Il t'anime ,
Te chérit ,
Et t'apprit
Cette efcrime
Ma chandelle
Va finir ,
Parallele !
Trop fidelle
Et je crois
Que tu dois
Reconnoître
Souvenir !
O bougie !
O crayon
MA I. 69
. 1748.
Du
rayon
De la vie ,
Qui d'abord
Naft & fort ,
Clarté fombre ,
Et dans l'ombre
Se rendórt !
Sa durée
Mefurée
Par le fort,
Dont l'empire
Le vieillard
Sans égard
Se dépêche
D'achever
D'un coup d'afle
Trop cruelle .
Qu'esquiver
N'ont richelle
Ni vertu
Ni fineffe
Jamais på.
Prompt Eole Eft fi fort ,
C'eſt la cire. Porte au loin
Les inftans
Tout le foin
Qui défole. Que le tems
Accumule
C'eſt le feu
Qui la brûle
Peu à peu .
Sans atteinte
Du venin
Du chagrin
Et fans plainte
Prolongeons
Ménageons
Bien la méche
Que revêche
Et hagard
Soin frivole !
Le defir
De connaître ,
De paraître ,
Vient flétrir
Le plaifir
Qu'on a d'être
Doux loifir !
Badinage !
Le vrai fage
Sçait fentir
A tout âge
Et jouir,
70 MERCURE DE FRANCE.
2
Mais du frere
Salutaire
D'Icélos
La main lefte
Jette un refte
De pavots ,
Qui fe gliffent
Dans mes yeux
Qui languiffent
,
Gracieux
Soriniere
Sans lumiére
Ou n'ayant
Qu'un luifant
Qui s'agite ,
Et mourant
Reffufcite
Je ne puis
Que te dire
Et t'écrire
Quejefuis
Sans chandelle ,
Comme au jour ,
Plein d'amour
Et de zéle ,
Et fans fard ,
Ton fidelle
Paul Maillard .
Daté bic ,
Au Croific ,
Jour vingtième ,
Et d'un mois
Des plus froids
Dix- neuviéme
L'an d'après
Le fuccès
De nos armes;
Quand en larmeE
Bergoploom
Perdit fon
Redoutable
Et beau nom
D'imprenable.
Mes refpeas
Très - parfaits
A Madame ,
Avec ceux
De ma femme
A tous deux.
!
L
MAI. 1748. 78
གྱུ ; ༧ད❁ ཀྱི° @
EXTRAIT d'une lettre de M. Jallabere
à M. Cramer , du 30 Janvier 1748.
E me fuis fort occupé cet hyver des
effets de l'électricité fur les êtres animés
, & comme j'ai été obligé de faire des
expériences qui demandoient de la dextéj
rité , je recourus à M. Guiot , Chirurgien,
Le hazard a rendu mes recherches plus utiles
que je ne penfois , & m'a engagé à
tourner mes vûës du côté de la guérifon de
diverfes maladies. Curieux de comparer la
difference des effets de l'électricité fur les
animaux vivans & morts avec ceux qu'elle
produiroit fur les parties paralytiques , on
m'amena le 26 Décembre un nommé No
gués , Serrurier , paralycique du bras droit
depuis près de quinze ans. Outre la perte
du fentiment & du mouvement , le bras
& l'avant bras étoient extrêmement maigres.
Nous exposâmes d'abord cet homme
à l'épreuve de la commotion , la main pa-
Ealytique attachée au vafe ; la violence 'du
coup porta principalement au haut de l'épaule
, & nous ne pûmes dérromper cet
homme de l'idée où il étoit que M. Guior
L'avoit frappé , qu'en repetant l'expérience,
74 MERCURE DE FRANCE.
après avoir fait changer de place à M.
Guiot,
Je fis enfuite découvrir le bras paralyfique
, & l'homme étant placé fur de la
poix , & vivement électrifé , je fis fortir
de divers endroits du bras des étincelles.
Nous apperçûmes d'abord que les
mufcles d'où elles partoient , étoient agités
de mouvemens convulfifs très - vifs.
Bien-tôt après nous vêmes mouvoir fuceffivement
& en differens fens l'avant-bras ,
le carpe & les doigts , fuivant que nous
tirions l'étincelle de tel ou tel muſcle, Le
phénoméne étoit trop fingulier pour ne le
pas examiner avec attention . Je me mis à
la place du paralytique , & j'obfervai que
les muſcles & les parties auxquelles ils
aboutiffoient , fe mouvoient , quand on
en tiroit une étincelle , fans qu'il fût en
mon pouvoir de l'empêcher , & que fuivant
que l'on tiroit , par exemple , l'étincelle
des mufcles extenfeurs ou fléchiffeurs
du carpe ou des doigts , ils fe baiffoient
ou s'élevoient en fens oppofé. Cette obfervation
bien conftatée fur differentes
parties de mon corps , & enfuite fur le
bras paralytique , me donna quelque efpérance
qu'en fecouant vivement & fréquemment
les muſcles paralytiques , on
pourroit peut- être leur rendre leur jeu , &
Y faire
1
MA I. 1748.
73
y
faire circuler librement les divers fluides.
Je travaille en conféquence tous les
jours fur le paralytique , en dirigeant fucceffivement
mes opérations fur les divers
mufcles. L'abducteur du pouce m'a feul
occupé pendant le grand froid cinq à fix
jours.Il ne falloit pas moins que les changemens
notables que je voyois,pour foutenir
ma patience au milieu de plufieurs autres
Occupations. Vous jugerez des progrès de
la guérifon par la defcription de l'état du
malade , que M. Guiot a dreffé le dixième
& le vingt-quatriéme Janvier pour en
mieux connoître la fuite.
Le 10 fanvier.
» J'ai trouvé que le bras paralytique
» avoit repris beaucoup d'embonpoint. Le
» malade étendoit les doigts index , mé-
>> dius & annulaire , il pouvoit auffi éten-
» dre le carpe , mais le petit doigt & le
pouce ne pouvoient pas encore s'éten-
» dre. Cet état marque une grande dimi-
" nution du mal , puifque dix jours aupa-
» ravant , l'avant- bras étoit encore fort
maigre , & que le poignet , ni aucun des
doigts , ne pouvoient s'étendre.
Le
24.
Le carpe & tous les doigts , excepté le
D
74 MERCURE DE FRANCE .
» pouce , s'étendent parfaitement. Le pou
» ce a beaucoup gagné pour les mouve-
» mens d'abduction , d'adduction & de
» flexion. La derniere phalange de l'index
» & le pouce ne peuvent pas encore s'é-
» tendre parfaitement. Les mouvemens de
l'avant-bras & du bras fe font mieux . Il
» approche la main du chapeau.
Aujourd'hui le paralytique a tiré ſon
chapeau , & m'a remercié les larmes aux
yeux .L'avant-bras eft auffi rempli de chairs
que l'avant-bras fain , & le bras fur lequel
le grand froid m'avoit empêché d'opérer ,
augmente confidérablement. Le poignet
peut faire fes differens mouvemens , lors
même que la main eft chargée d'une bouteille
pleine d'eau tenant une pinte.
Je ne dois pas oublier de vous dire qu'à
cette façon d'opérer j'ai joint de tems en
tems la commotion . Je la lui ai même donnée
,fans le vouloir , d'une force extraor
dinaire , & qui m'a montré un phénoméne
bien propre à rendre les Phyficiens circonfpects
.
AUTRE Extrait d'une lettre du 28
Février 1748.
Le paralytique de notre ami va de mieux
en mieux. Il tire fon chapeau fans peine ,
il manie déja de gros marteaux , & il compΜΑΙ.
75 1748.
te pouvoir forger dans peu de jours . Sans
le grand froid on l'auroit électrifé hier à
nud fur les muſcles du bras , qui s'étendent
vers la poitrine , & qu'une inaction de
quinze ans a rendu un peu douloureux ,
lors des mouvemens du bras .
ASSEMBLEE publique de l'Académie
des Sciences le 24 Avril.
Ldrens compte eft celui de M.Maloitin ,
lequel contenoit l'analyse des eaux de
Plombieres.
E premier Mémoire dont nous ren
1
L'utilité de ces eaux eft affés connue de
tout le monde , mais les principes qui les
compofent ne peuvent l'être que des Chymiſtes.
Les premieres occupations de l'Académie
dans le commencement de fon établiffement
, furent de faire l'analyse des eaux
minérales de France les plus renommées ,
mais comme la Lorraine n'étoit point en-
"core au nombre des Provinces de ce
Royaume , il n'eft fait aucune mention des
eaux de Plombieres dans le Traité des eaux
minérales de France que M. Duclos publia
en 1675 au nom de l'Académie.
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
M. Maloüin a entrepris ce travail , d'autant
plus utile que ces eaux deviennent
chaque jour d'un plus grand ufage , & cet
examen ne pouvoit être fait plus fûrement
que par un homme tel que M, Malouin
qui joint à une pratique très affidue & à
des connoiffances très étendues en Médecine
, une habileté confommée en Chymie
, qui peut en tant de cas être fi utile
aux Médecins & venir au fecours & de
la théorie & de la pratique de la Médecine
.
·
On fait remonter l'ufage des eaux de
Plombieres jufqu'au tems des Romains , &
fi ce n'eftpas une preuve de leur excellence,
on ne peut nier du moins que ce ne foit
un préjugé en leur faveur . On affûre fur
une vieille tradition que ces bains étoient
confacrés à Diane , on veut même que la
niche qui fe voit encore aujourd'hui audeffus
de l'un des bains , appellé le Bain
des Dames , foit préciſement la même où
l'on avoit placée autrefois la ftatue de la
Deffe. La folidité des bâtimens , & la
nature du ciment employé à joindre les
pierres qui forment le baffin des bains , &
le lit de la petite riviere de Plombieres
font connoître que c'eft un ouvrage des
Romains. Les infcriptions qu'on y a dé
couvertes fourniffent de nouvelles preuyes
MA Í. 1748. 77
Four ce fentiment . Contentons-nous de
citer celle que M. de Rouvroi a tapportée
dans fon Traité des Eaux de Plombieres.
On voit par cette infcription que la Juftice
fait à Neptune une efpéce d'offrande ;
cette infcription qui eft Latine, montre que
l'établiffement des bains de Plombieres eft
antérieur à l'établiſſement du Chriftianif
me dans les Gaules , & poftérieur à Jules
Célar , qui le premier apporta dans ces
Provinces la Langue , les Arts & les Coûtumes
des Romains.
M. Malouin fit l'année derniere pluhieurs
expériences fur les eaux froides de
Plombieres, nommées favonnenfes, lefquelles
n'ont été découvertes qu'en 1660 , &
il en rendit compte à l'Académie. Il lui
reftoit à examiner les eaux chaudes , que
l'on nomme communément fulphureufes.
Les trois bains que l'on voit à Plombieres
contiennent des eaux parfaitement femblables
, ils font produits par une même
fource qui fe trouve dans une des monta→
gnes de Volge.
Les eaux chaudes font plus legéres que
les favonneuſes. Ayant été éprouvées avec
la noix de Galle , elles n'ont pris aucune
teinte , ce qui pouvoit d'abord faire penfer
qu'elles ne contenoient point de fer ,
mais M. M. ne s'étant pas contenté de
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
cette épreuve , a employé d'autres moyens
qui lui ont fait trouver dans ces eaux du
fer , lequel y étoit comme enveloppé par
d'autres principes.
Ceci prouve qu'on ne doit pas toujours
conclure , comme on afait jufqu'à préfent,
qu'une eau minérale n'eft pas ferugineufe
quand la noix de Galle ne lui fait prendre
aucune teinte .
Pour rendre plus fenfibles les principes
de ces eaux , M. M. les a en quelque forte
rapprochés les uns des autres , en faifant
évaporer l'eau lentement , & étant ainfr
réduite à un moindre volume par l'évaporation
, elle a précipité les diffolutions mé
talliques plus qu'elle ne l'avoit fait dans
fon état naturel .
Le précipité qui s'y eft fait de la diffolution
d'or par l'eau regale , a donné un
or fulminant , ce qui indique fûrement
un alkali fixe , qui s'eft encore manifefté
dans ces eaux par plufieurs expériences ,
& ces expériences ont en même tems fait
voir à M. M. que cet alkali eft de la nature
du natrum des anciens.
On trouve de ce natrum dans toutes
les eaux minérales de l'efpéce de celles de
Plombieres , ce qui a fait dire qu'elles contenoient
du nitre , d'autant plus qu'on
voyoit avec ce natrum du fel de glauber,qui
MAI. 79 1748 .
par fa criftalliſation a une reffemblance
fuperficielle avec le nitre.
Julqu'à préfent on n'avoit pas tiré de
la diftillation des eaux minérales plus de
connoiffances que d'une fimple évaporation
faite avec foin , cependant un Oblervateur
attentif peut par la diftillation découvrir
dans les eaux minérales un principe
qu'il eft impoffible d'y appercevoir
par aucun autre moyen ; c'eft une liqueur
ou un efprit volátil , qui en montant dans
l'alembic ne paroît fous aucune forme dans
le chapiteau, quoiqu'il diftile fenfiblement
dans le récipient. L'efprit que M. M. a tiré
des eaux chaudes eft fort different de celui
qu'il avoit tiré des eaux favonneufes.
Les premieres contiennent beaucoup de
bithume , & il paroit que c'eft en général
ce bithume qui leur donne leurs plus grandes
proprietés , & en particulier la qualité
qu'elles ont d'être ftomachales. Plufieurs
expériences donnent lieu de croire que
c'eft d'un bithume de la nature de l'huile
de petrole que la plupart des eaux minérales
tirent leurs principales vertus. L'eau
de godron qu'on a mife en ufage depuis
quelques années , n'eft qu'une imitation
des eaux minérales bithumineuses .
Plufieurs Auteurs ont attribué au fouffre
minéral les proprietés que le bithume
D iiij
So MERCURE DE FRANCE.
donne aux eaux , principalement aux chaudes
, & il étoit naturel de croire qu'elles
contenoient du fouffre lorfqu'on en tiroit.
Cependant le fouffre n'eft pas toujours ,
comme on le croit , un principe naturel
des eaux dont on le tire ; il eft fouvent le
produit du bithume combiné avec l'acide
vitriolique par l'évaporation que l'on fait
pour les tirer de l'eau minérale qu'on décompofe.
Il réfulte de l'analyfe des eaux minerales
de Plombieres qu'elles contiennent un peu
de fer & de fel de glauber, & un alkali de la
nature de la foude ; cet alkali tient en diffolution
dans l'eau beaucoup de bithume ,
& le tout y eft uni à une terre abſorbante,
très fine. Tous ces principes étendus dans
une eau chaude la rendent apéritive ,
adouciffante & réfolutive. C'est par ces
qualités que les eaux de Plombieres font
falutaires contre plufieurs maladies des
reins & de la veffie , dans les dérangemens
d'eftomach pour fondre les tumeurs lymphatiques
, & pour les maux qui viennent
de rhumatifme & de goutte.
Les mêmes raifons font que ces eaux
font contraires à ceux qui ont le fang dans
un trop grand mouvement , & qui ont des
hémorragies.
Après avoir connu les principes des
MA I. SI
1748.
-
eaux de Plombieres par la décompofition
M. M. en a fait d'artificielles qui lui ont
paru femblables , & qui ont foutenu les
mêmes épreuves.
Il a fait auffi des expériences fur les mines
de plomb que l'on trouve dans ce pays,
& il fe propofe de les continuer , il a auffi
fait l'analyfe de la terre que traverſent ces
eaux , lefquelles doivent vraisemblablement
participer de la nature des terres par
lefquelles elles paffent , mais M. M. a réfervé
ces détails pour les affemblées parti-
`culieres de l'Académie.
par
M. Bonguer dont le nom eft célébre
plufieurs excellens ouvrages , & par le
voyage qu'il a fait vers l'Equateur pour
déterminer la figure de la terre , lût un
Mémoire qui contient une découverte nouvelle
, & répond parfaitement à ce qu'on
devoit attendre de la réputation de ce
Sçavant. Le Mémoire a pour titre : Defcrip
tion d'un nouvel inftrument qu'on peut nommer
Héliométre , propre à mesurer avec beaucoup
plus d'exactitude,qu'on ne l'a faitjufqu'à préfent,
les diametres du Soleil, de même que ceux
de la Lune , avec quelques obfervationsfur le
premier de ces deux Aftres.
On doit regarder la détermination exacte
des diamètres des Planettes , comme une
des baſes de l'Aftronomie moderne. Rien
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
ne feroit auffi plus propre à perfectionner
la Théorie du Soleil & de la Lune , qu'une
mefure plus précife de la grandeur appa
rente de leur difque , rien ne pourroit
mieux nous apprendre le rapport felon
lequel ces Aftres s'éloignent de la terre ou
s'en approchent , & nous mettre en état
de comparer leur vîteffe apparente avec
leur diftance. M. Bouguer expliqua d'abord
les moyens dont on s'eft fervi jufqu'à
préfent pour parvenir à la connoiffance
de ces diamétres , qui fervent d'élemens
à tant d'autres déterminations. Il
crût même devoir defcendre fur cela jufqu'à
un certain détail , afin de répandre un
plus grand jour fur toute cette matiere &
de mettre un plus grand nombre de perfonnes
à portée d'entendre la conftruction
& l'ufage du nouvel inftrument qu'il vouloit
propofer.
Les lunettes dont on fe fert ordinairement
dans la pratique de l'Aftronomie ,
ne font formées que de deux verres convexes.
Il fe trace dans leur intérieur , au
foyer commun des deux verres , une image
diftincte de l'objet , qui eft femblable à
celle que
fournit l'expérience fi connue de
la chambre obfcure. Les régles du deffein
& de la perſpective ne font pas obfervées
avec moins de précision dans cette peinMA
I. 1748. 83
r3
celles
ture parfaite à l'égard des traits, que
du coloris & de la gradation le font à l'égard
des couleurs. On ne voit réellement
que cette image lorfqu'en appliquant l'oeil
à l'oculaire , on croit regarder l'objet , &
c'eft cette même image dont les Aftronômes
mefurent toutes les parties par leur
micrométre ; ils font par le moyen d'une
vis mouvoir une foye ou un fil , qui intercepte
par fon jeu tous les efpaces dont ils
veulent déterminer la grandeur. Mais
toutes les fois qu'il s'agit des diamètres du
Soleil & de la Lune , il faut qu'ils renoncent
à l'ufage des lunettes, longues de plus
de douze ou treize pieds . Il faut neceffairement
en employer de beaucoup plus
courtes , afin que le difque moins amplifié
puiffe être vû entierement , & néanmoins
on fe trouve toujours extrêmement gêné
dans differentes obfervations . Le mouvement
trop rapide de l'aftre dont la vîtefle
n'eft pas moins augmentée par la lunette
que les dimenfions même de l'image, forme
un des plus grands obftacles. On ne peut jamais
outre cela embraffer tout le difque
d'un feul coup d'oeil ,ou voir fes deux extrêmités
à la fois ; la vifion de fes bords oppofés
n'eft jamais parfaitement fimultanée.
Ces difficultés jointes à d'autres , dont il
n'eft pas neceffaire de parler , font caufe
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
qu'on trouve des differences très - confidérables
dans les réſultats publiés par les plus
habiles Aftronomes . Enfin ce qui a tour
l'air d'un paradoxe , mais ce qui eft rigoureufement
vrai , c'eft que malgré les obfervations
qu'on a faites en fi grand nombre
fur les deux Aftres qui attirent le plus
notre attention , on ne peut , comme le
remarque M. Bouguer , rien affirmer d'abfolument
pofitif touchant leur figure exacte
; il fe pourroit faire que ces deux Planettes
differaffent plus de la forme fphéri
que que n'en differe la terre , & que ce
pendant on ne s'en fut pas encore apperçir.
Preuve qui n'eft que trop évidente , que
les moyens & les inftrumens dont on s'eft
fervi jufques à préfent , n'approchent pas
de la précision qu'on exige & à laquelle on
parvient fans peine dans la plupart des au
tres parties de l'Aftronomie.
Il n'eftpas douteux que le nouvel inftrument
imaginé par M. Bouguer , ne foit
incomparablement plus exact . On en conviendra
fans difficulté , lorfqu'on fçaura
que quelque éloignées que paroiffent
l'une de l'autre les deux extrêmités du
diamétre d'une Planette ou de tout autre
efpace célefte qu'on fe propofera de mefurer
, l'Héliométre les fera voir du même
coup d'ail , & qu'on les verra avec toute
MA I. 1748 . $3
Ia diftinction ou l'amplification que four
nit une lunette qui fera fr on le veut , de
foixante ou quatre- vingt pieds. Le nouvel
inftrument eft le contraire d'un binocle ;
ce font, à proprement parler,deux lunettes
qui fe réduifent par en bas à une feule.
Deux verres objectifs d'un très long foyer
& d'un foyer égal font placés à côté l'un
de l'autre , & ils font combinés avec un
feul oculaire. Il faut que le tuyau de la
lunette ait une forme conique , & que ce
foit fon extrêmité fupérieure qui foit la
plus groffe , à caufe de la largeur des deux
objectifs qu'elle reçoit. Quant à l'extrê
mité inférieure , elle doit être munte com
me à l'ordinaire de fon oculaire & de fon
micrométre. Telle eft la conftruction bien
fimple du nouvel inftrument , & nous devons
ajouter que tout répondra dans l'ufaà
cette extrême fimplicité. ge
Lorfqu'on dirigera l'Héliomérre vers le
Soleil , il fera le même effer qu'un verre à
facettes , il fe formera à fon foyer deux
images à caufe des deux verres . Chacune
de ces images feroit entiere fi la lunette
étoit affés groffe par en bas , mais il n'y
aura réellement que deux efpéces de fegmens
ou comme deux croiffans adoffés ; ce
ne feront que deux portions d'images , &
on doit remarquer que les deux parties
86 MERCURE DE FRANCE.
qui feront voifines , & qui peut- être même
fe toucheront , répréfenteront les deux
bords oppofés de l'Aftre par la propriété
qu'ont les deux objectifs de renverser les
apparences. Ainfi au lieu de ne voir qu'un
des bords du difque , comme cela nous
arrive lorfque nous nous fervons d'une
lunette de quarante ou cinquante pieds
parce que le reste de l'image ne trouve
pas place dans le champ , on aura préfen
te & fous les yeux , & fi l'on veut préci
fement dans le même endroit du réticule ,
les deux extrémités du même diamêtre ,
malgré l'extrême intervalle qui les fépare
ou la grande augmentation apparente du
difque. Il pourra fe faire que les deux
images , au lieu de fe toucher , fe trouvent
éloignées , ou qu'au contraire elles paffent
un peu l'une fur l'autre. Il n'y aura tous
jours qu'à mefurer avec le micrométre
l'intervalle entre les deux bords , & lorfque
dans un autre tems , le diamètre de
l'Aftre plus ou moins éloigné de la terre
fe trouvera plus grand ou plus petit , lorfque
les deux images en augmentant ou en
diminuant fe feront approchées l'une de
l'autre , ou qu'elles fe feront un peu écar
tées , il n'y aura qu'à en remefurer la diſtance
, & on aura de cette forte l'augmentation
ou la diminution qu'aura fouffert le
MAI. 87 1748.
diamétre on aura fes differences. M.
Bouguer n'eut le tems d'infifter dans l'affemblée
publique que fur cette feule partie
de l'application de l'Héliométre , mais
il fit entrevoir qu'on pouvoit mefarer trèsaifément
les diamétres entiers par le même
moyen & par quelques opérations préalables
, ce qu'il réferva à expliquer dans les
féances particulieres de l'Académie .
que
le
Cet Académicien a fait conftruire un de
ces inftrumens , qui a dix- huit pieds de longueur.
Il avoit eu la précaution de faire
tailler par un Artifte adroit huit objectifs
dans un même baffin. Il choifit enfuite entre
ces huit verres les deux qui avoient le
foyer le plus exactement à la même diftance
, il les combina avec un oculaire convenable
, & il a eu le plaifir de voir
fuccès répondoit à tout ce qu'il s'étoit promis.
Il eft le maître en éloignant un peu
davantage les deux objectifs l'un de l'autre
pu en les rapprochant , de féparer ou de
faire prendre un peu l'un fur l'autre les
deux difques ou les deux croiffans adoffés.
La partie qui leur devient commune dans
le fecond cas ne peut pas manquer de fe
bien diftinguer , puifque l'intensité de fa
lumiere eft deux fois plus forte que celle
du refte. On peut en fe fervant de cet inf
trument mefurer tous les diamétres avec
$ 3 MERCURE DE FRANCE.
la même facilité , puifqu'en tournant l'H&
liométre , on voit toujours du même coup
d'oeil les deux bords oppofés du difque , à
côté l'un de l'autre ou l'un fur l'autre . Cet
avantage a déja procuré à M. Bouguer l'obfervation
d'un fait très fingulier , auquel
il n'y a pas lieu de croire qu'il s'attendît .
Il a pendant le mois d'Octobre dernier
trouvé conftamment vers le Midi le diamétre
vertical du Soleil un peu plus grand
que l'horisontal , quoique le premier de
ces diamètres fut diminué un peu , comme
il l'eft toujours par les réfractions aftronomiques.
Cette particularité ayant été conftatée
un grand nombre de fois & vérifiée avec
le foin le plus fcrupuleux , il étoit naturel,
ce femble , de fe rendre au témoignage que
fourniffoient toutes les obfervations qui
dépofoient la même chofe. Le Soleil paroiffoit
conftamment allongé dans le fens
de fon axe , & cette extenfion avoit lieu
malgré l'effet contraire des réfractions.
On devoit , ce femble , regarder ce fait
comme inconteftable & comme parfaitement
établi . Mais les Aftronomes font
bien plus réſervés dans leurs affertions , ils
pouffent le pyrrhonifme bien plus loin.
Sans cela ils courroient rifque d'être continuellement
trompés , ou par les apparen,
1
M A I. 1748 . 89
ces optiques , ou par l'effet des cauſes phyfiques
qu'on ne connoît pas affés. L'attention
avec laquelle M. Bouguer a voula
éclaircir ce phénoméne l'a conduit à la découverte
d'un autre , qui n'eft pas moins
digne de remarque & qui vrai-femblablement
feroit refté inconnu , fi l'on n'avoit
toujours employé pour obferver le Soleil
que les moyens défectueux qui font en
ufage. Il s'eft affuré que les deux bords de
l'Aftre , le fupérieur & l'inférieur, ne font
pas également fi bien terminés que le refte
du difque , il en résulte que l'image doit
être un peu plus étendue dans le fens vertical
, ce qui vient de la décompofition que
fouffre la lumiere en traverfant obliquement
notre atmoſphere ou la maffe d'air
qui nous environne.
Il ne s'agit pas ici de la réfraction aftronomique
à laquelle font fujets les rayons
de la même teinte , réfraction qui eft repréfentée
affés exactement par les tables
que nous en avons , & dont nous devons
même quelques-unes à M. Bouguer . Il eft
queftion de la lumiere , en tant qu'elle eft
formée de rayons de differentes refrangi
bilités ; les rayons bleus & violets qui partent
en même tems que les rayons des airtres
couleurs du haut du difque , font fujets
-à un peu plus de refraction que ces der
o MERCURE DE FRANCE .
niers. Ils fe courbent un peu davantage ;
ils nous paroiffent donc venir d'un peu
plus haut , en portant plus loin l'illusion
ordinaire des réfractions . C'est tout le
contraire , fi nous jettons la vûë far le bord
inférieur , nous devons le voir principalement
par des rayons rouges qui fouffrent
un peu moins de courbure dans leur trajet.
Ces rayons en fe courbant moins doivent
frapper nos yeux , comme s'ils partoient
d'un point plus bas , & doivent done faire
paroître un peu en deffous la partie infé→
rieure du difque qu'ils étendent , pendant
que les rayons bleus & violets contribuent
à étendre ce même difque par fa partie
fupérieure. C'eft de cette forte que M.
Bouguer explique l'extenfion du diamétre
vertical à laquelle on n'avoit nullement
penfé & dont on doit regarder la remarque,
comme un des premiers fruits de fes
nouvelles obfervations. Mais ce n'eſt que
la fuite & une plus longue application de
l'Héliométre qui pourront nous appren
dre fi c'eft uniquement à cette caufe qu'il
faut attribuer l'excès apparent dont il s'agit
, ou fi cet excès eft réel & doit être attribué
à l'Aftre. Notre Académicien n'a
pas eu le tems de pouffer fes recherches
plus loin , ou plutôt il acrû devoir fe hâter
de publier celles qu'il vient de communiM
A I of 1748.
quer. Il s'y eft déterminé par l'envie de
s'affocier un plus grand nombre d'Obfer
vateurs , & il fera pleinement fatisfait ,
ajoute-t'il , d'avoir contribué en quelque
chofe aux nouvelles obfervations qu'on
fera .
On a dû expliquer les Enigmes & le
Logogryphe du Mercure d'Avril par Le
chien , les cartes , l'éventail , le caffé & le
Benedicité. On trouve dans le Logogryphe
Dece , Bede , Eden , Eté , Cene , Nicée , Die,
Nice , ence , ebene , Cid , bec , nid , bidet ,
niéce , Dei & bien.
LOGOGRYPHE S.
Bien que mon tout ait été par hazard
Formé de terre & d'un fluide ,
L'un & l'autre n'ont point de part
A mon être dur & folide.
Ponr me donner ma forme on prend un végétal ;
: Sans que je fois tel , on me plante ;
Prends mes deux premiers pieds , je cours , & je
ferpente ,
Quelquefois j'enfle , alors je fuis fatal
Aux pays où jadis rima le fameux Dante ,
92 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
Mon art eftun art fort antique ;
Je contiens note de mufique ,
Le fiége de la vérité ,
Un Auteur de l'antiquité ,
Arme jadis fort en uſage ,
Et qui nous fauva du naufrage.
Je fuis d'un grand fecours pour captiver les coeurs,
Je faifois autrefois tout l'efpoir des vainqueurs ,
Un animal , un jeu très à la mode ,
Ce qui dans le poiflon très fouvent incommode ;
L'ordinaire & charmant féjour
De la Déeffe de l'Amour ,
Ce qu'illuftrerent par leurs veilles
Les Racines & les Corneilles ,
Enfin une conjonction .
Ami lecteur , fans plus paroître ,
Tu pourras aifément à ce trait me connoître.
Dix lettres compofent mon nom.
Par J. S. de Nifmes.
MAI. 93 1748.
J
AUTRE.
E fuis grand ou petit , felon l'occafion ;
Sans être un meuble de menage
Souvent de moi l'on fait uſage ;
Je renferme en mon fein l'utile invention
Qu'employent les mortels cent fois dans la journée ;
A maints & maints ufages differens ,
En ce je fuis utile aux petits comme aux grands.
Prends d'abord quatre pieds , ma tête eft deffinée
A préferver bêtes & gens
Des dangers les plus éminens ;
Ajoute encor un pied , je fuis une ouverture ;
Quant à ma queue , elle eft de fa nature ,
Si tu yeux en juger fans partialité ,
Un fymbole frappant de la légereté.
Que
AVTRE.
Ue je fois mâle ou que je fois femelle ;
l'Edipe nouveau trop envain je me céle ;
Quiconque eft ce que dit ma premiere moitié
MERCURE DE FRANCE.
Bien fouvent eft l'objet de la derniere ;
A l'amour comme à l'amitié
Egalement je puis plaire ou déplaire ,
Selon mon divers caractére ;
Si dans une autre acception
L'on veut me prendre , on trouve un être ,
Qui fans mauvaiſe intention
Souvent eft craint de qui le voit paroître,
LOGO GRYPHUS.
SEnis cum membris varias juvat ire figuras .
Hic niveo candore fluens , hic fæpe colore
Pendula purpureo; fum quod deglutit utrumque,
Cufpis acuta modò , modò quod virtute paratur.
Sum limofa palus , fterilis fimul herba paludum ,
Non mihi progenies , & avus jam nominor . Olim
Diis facrum nemus, & Chrifti facra dogmata pando,
Efcarum fapor , interdum pretiofa lygo
Amphora. * Quod mersâ petitur rate . Denique
coelum
Sedibus infernis jungo , maria omnia terris.
Juvenal.
L. C. D. S. Angers,
MA I. 1748 .
95
CACACACACDC)~I ~A ~AVICICA
NOUVELLES
LITTERAIRES
DES BEAUX - ARTS , &c.
A du Chrétien en forme de Ca
Léchifine , divifée en deux parties , la
premiere touchant l'adorable Sacrement de
Î'Euchariftie , prouvée par les oracles de
l'Ecriture Sainte , avec leurs objections &
leurs folutions ; la feconde touchant les
difpofitions & la maniere de prier Dieu,
Brochure in- octavo , 1748 , à Paris , chés
le Mercier , Libraire , rue S. Jacques.
EXPLANATIO in feptem Pfalmos poenitentiales
, cum verfione gallica & notis,
Brochure in-octavo , chés le même Libraire.
PHEDRI Augufti Liberti & Flavii
Aviani Fabula ad manufcriptos codices , &
optimam quamqueEditionem emendavit Steph.
And. Philippe. Accefferunt nota ad calcem,
cumfiguris elegantiffimis. Lutetia Parifiorum,
fumptibus Joannis Auguftini Grangé , 1748 ,
TITI LUCRETII CARI de rerum
natura libri fex, accurrante Steph.And. Philippe.
Acceffit Gloffarium ad calcem cum
Premio ubi de fcriptis Antilusretianis , cum
figuris elegantiffimis , chés le même Li
braire,
96 MERCURE DE FRANCE.
, оц MANUEL PHILOSOPHIQUE
Précis univerfel des Sciences , imprimé à
Lille , & fe vend à Paris , chés Etienne
Savoye , Libraire , ruë S. Jacques.
LA PRATIQUE UNIVERSELLE
pour la renovation des terriers & des
droits Seigneuriaux , tant utiles qu'hono
rifiques réels , perfonnels & mixtes , contenant
les queſtions les plus importantes
fur cette matiere , & leurs déciſions , tant
pour les Pays coûtumiers que ceux régis
par le Droit Ecrit , Ouvrage utile , nonfeulement
à tous les Seigneurs , tant Laïques
qu'Eccléfiaftiques , à leurs Intendans,
Gens d'affaires , Receveurs & Régiffeurs ,
Notaires , Commiffaires à terriers & autres
Officiers , mais encore à tous ceux qui
poffédent des biens fonds , dans lequel on
trouvera tout ce qui eft néceffaire pour
bien faire la renovation des cenfives &
des droits Seigneuriaux en tout genre ,
même des droits honorifiques dans les
Eglifes , & autres attachés à la Haute- Juftice
& aux dignités & qualités des Seigneurs
& des Seigneuries , par Edme de la
Paix de Freminville , Bailly des villes &
Marquifat de la Paliffe , Commiffaire aux
droits Seigneuriaux . Tome II . Ce livre
fe vend relié chés Giffey , Libraire , ruë dẹ
la vieille Bouclerie .
RETHORIQUE
MAI. 1748.
97
RETHORIQUE ou l'art de connoître
& de parler , qui eft un nouveau fyftême ,
pour apprendre folidement l'éloquence ,
dans lequel on en développe le fond des
principes, & qui eft accommodé aux moeurs
du fiècle , les principales connoiffances de
la Philofophie d'à-préfent y étant appliquées
à cet Art , avec un abregé de la maniere
d'écrire les lettres , & un fuplément
la premiere édition , par M. Claufier¸
Médecin de Paris , à Paris , chés Ganeau ,
Libraire , rue S. Jacques , vis - à- vis S. Yves ,
à S. Louis.
PRIERES & inftructions Chrétiennes
, pour bien commencer & finir la journée
, pour entendre faintement la Meſſe
haute & baffe , & pour approcher avec
fruit des Sacremens de Pénitence & d'Euchariftie
, par le Pere N. Sanadon , de la
Compagnie de Jefus . Nouvelle édition
augmentée , à Paris , chés Gabriël- Charles
Berton , Libraire , rue S. Victor , près
S. Nicolas du Chardonnet , au Bon Paſteur
& au Soleil levant .
NOUVELLE THEORIE Phyfique
de la voix , par M. Morel , Chanoine de
Montpellier , à Paris , chés Prault , pere ,
Quai de Gèvres , au Paradis. Brochure
in- 12. de 32 pages.
ESSAI PHYSIQUE fur l'économie
E
98 MERCURE DE FRANCE.
animale , par M. Quefnay . Seconde édition
, augmentée de deux volumes & de
tables fort amples , à Paris , chés G. Cave-
Lier , pere , rue S. Jacques , 1747. Trois
volumes in- 12 .
GEOGRAPHIE SACRE'E & hiftorique
de l'Ancien & du Nouveau Teftament
, à laquelle on a joint une Chronologie
& des principes & obfervations
pour
l'intelligence de l'Hiftoire Sainte. Tome
premier , contenant la Géographie Sacrée,
par M. Robert , Géographe ordinaire du
Roi , à Paris , chés Durand , Libraire , rue
S. Jacques , à S. Landry & au Griffon ,
1747 , in- 12 . de 5 So pages.
ESSAI SUR L'HONNEUR , en for
me de Lettres , à Londres , in- 12 .
ELOGE du Pere Gui Grandi , Abbé de
l'Ordre des Camaldules & célébre Mathématicien
, à Florence , par M. Bandini ,
Florentin , de 61 pages , 1745.
DISCOURS fur l'Anatomie , par M.
Antoine Cocchi , dans la même ville ,
1745 , in-quarto .
RECUEIL de Littérature . Ouvrage
périodique , à Angers , chés Boffard , Libraire
, in-octavo.
OBSERVATIONS Chirurgicales fur
les maladies de l'uretre , traitées fuivant
une nouvelle méthode » par Jacques
MA I. 1748. 99
Daran , Confeiller , Chirurgien ordinaire,
du Roi par quartier , Chirurgien de Paris
& ci-devant Chirurgien - Major des Hôpitaux
& armées de l'Empereur Charles VI .
Nouvelle édition in - 12 . à Paris , chés
Debure , l'aîné , Quai des Auguftins.
LA SAINTE BIBLE en Latin & en
François , traduite par le R. P. Carrieres
Prêtre de l'Oratoire , avec des notes littérales
, critiques & hiftoriques , pour faci
liter l'intelligence de l'Ecriture Sainte ;
des Préfaces & des Differtations fur les
points les plus importans , tirées tant du
Commentaire de D. Auguftin Calmet
Abbé de Senones , que de M. l'Abbé de
Vence , & des Auteurs les plus célébres
en dix volumes in- quarto , enrichis de Cartes
& de figures , propofée par foufcrip
tion , à Paris , rue S. Jacques , chés Gabriel
Martin , à l'Etoile , Coignard & Bou
det , à la Bible d'or , & Guerin à S. Thomas
d'Aquin , 1748 .
LE ONZIE ME & le douzième tomes
de la Bibliothéque Françoife , on Hiftoire
de la Littérature Françoife , par M. l'Abbé
Goujet , Chanoine de S. Jacques de l'Hôpital
, fe trouvent à Paris , rue S. Jacques ,
chés Pierre-Jean Mariette , aux Colonnes
d'Hercule , & Hyppolite-Louis Guerin , à
S. Thomas d'Aquin , 1748 .
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
METHODE nouvelle pour apprendre
parfaitement les régles du Plein- chant &
de la pfalmodie , ayec des Meffes & autres
ouvrages en plein- chant figuré & muſical ,
à l'ufage des Paroiffes & des Communautés
Religieufes , par M. de la Feillée , Eccléfiaftique
, à Poitiers , & fe vend à Paris ,
chés Jean-Thomas Heriffant , Libraire
rue S. Jacques , à S, Paul & à S. Hilaire ,
1748.
VOYAGE en Turquie & en Perfe ?
avec une Relation des expéditions de Thamas
Kouli -Kan , par M. Otter. Deux volumes
in- 12 . à Paris , chés les freres Guerin ,
rue S. Jacques , 1748.
LA VIE de Sainte Theréfe , tirée des
Auteurs originaux Eſpagnols , & des Hiftoriens
contemporains avec des lettres
choifies de la même Sainte , pour fervir
d'éclaircillement à l'Hiftoire de fa vie , par
M. de Villefore. Deux volumes in- 12 . à
Paris , chés la veuve Etienne , rue S. Jacques
, à la Vertu.
Six fymphonies pour deux violons ,
violoncelle quinte ou troifiéme violon ,
dediées à Madame Dupin , par M. Simon ,
oeuvre premier , gravées par Mlle Vandome.
Le prix eft de 9 liv. à Paris , chés
l'Auteur , rue Pavée , proche la Comédie
Italienne , chés Madame Boivin , rue Saint
དྷ་
M A I. 1748 . 101
Honoré , à la Régle d'or , & chés Leclerc ,
tue du Roule , à la Croix d'or.
PIECES de clavecin , avec accompagnement
de violon , hautbois , violoncelle
ou viole , divifées en fix fuites , dont les
deux dernieres font pour le clavecin feul ,
dediées à M. le Duc de Luynes , Pair de
France , par M. Marchand , ordinaire de
la Mufique , Chapelle & Chambre du Roi,
& Organifte ordinaire de la Chapelle de
Sa Majefté , oeuvre premier ; le prix eft de
9 liv . gravées par Mlle Bertin , à Paris ,
chés Madame Boivin , rue S. Honoré , &
Leclerc , rue du Roule.
LES SIX LIVRES des Annales de Nicolas
Cragius , dans lefquels on raconte
ce qui s'eft paffé de plus remarquable en
Dannemarck pendant le règne du trèsglorieux
Roi Chriftian III. c'eft- à dire ,
depuis la mort de Frideric I. jufqu'à l'année
isso . On y a ajouté les deux livres
de l'Hiftoire Danoife par Etienne , fils de
Jean Stephanius , qui a décrit le refte de
la vie du Roi Chriftian , avec une Préface,
des Tables & d'autres piéces , à Copenhague,
chés la veuve de Jerome Chriftian Paul ,
1737 , in-folio de 478 pages , fans la Préface
, les Additions & les Tables . L'ouvrage
eft en Latin.
HISTOIRE de l'Académie Royale des
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Sciences , année 1743 , avec les Mémoires
de Phyfique & de Mathématique pour la
même année , tirés des Regiffres de cette
Académie , 208 pages pour l'Hiftoire &
428 pour les Mémoires , avec onze plan,
ches détachées , à Paris , de l'Imprimerie
Royale , 1746 , fe débite chés Durand ,
rue S. Jacques.
HISTOIRE GENERALE d'Allemagne
par le Pere Barre , Chanoine Regu
lier de Sainte Geneviève & Chancelier de
l'Univerfité de Paris. Tome fecond , qui
comprend les regnes depuis l'an 516 jufqu'en
840 , in quarto de 65 3 pages , à Paris,
chés Charles Jean-Baptifte de l'Epine , &
Jean-Thomas Heriffant , 1748. Ces Libraires
délivrent gratuitement aux Souf
cripteurs , & à ceux qui font emplette de
cette Hiſtoire , deux Differtations qui ont
rapport au premier volume.
BREVIS veterum monumentorum ab
ampl. viro Gerh . Papenbrokio Academia Lugduno
Batava legatorum defcriptio in duas partes
divifa , quarum prima Gracos Latinofque
titulos aris, urnis , adiculis , buftis, arcis, laminifque
lapideis infcriptos , uti & anaglypha
continet ; fecunda , ftatuas , imagines ,
capita Deorum , illuftriumque virorum , &c.
complectitur. Studio opera Francifci Oudendorpii.
Lugd. Bat. apud Samuelem
MA I. 1748. 103
Luchtmans &filium. A Leyde , 1746 , inquarto.
TRATTE' hiftorique & politique du
Droit public de l'Empire d'Allemagne .
Ce livre paroîtra inceffamment , à Paris
chés Laurent d'Houry , Libraire , rue de la
vieille Bouclerie.
REMARQUES CRITIQUES fur le
Dictionnaire de Bayle ; à Paris , chés Hypolite-
Louis- Guerin , Libraire , rue S. Jacques
, à S. Thomas d'Aquin , & à Dijon ,
chés la Dlle Hermil- Andrea , vis - à- vis le
Palais des Etats, 1748 , en deux part . in-fol
Les trois premiers volumes du Dictionnaire
intitulé Novus Thefaurus Lingua Latina
à Joanne Matthia Gefnero ,font en vente
à Leipfick, chés la veuve Gafp. Fritsch , &
Bernh. Chrift. Breitkop . Quatre volumes infolio.
Jean Arn. Langerak , Libraire à Leyde ,
imprime le Recueil des oeuvres du Préfident
Briffon , intitulé Barnaba Briſſonii Iïti,
Regii Confiftorii Confiliarii Ampliffimique Se
natus Parifienfis Prafidis opera minora varii
argumenti , nimirum , Antiquitatum exjure civilifelectarum
libri xv. defolutionibus & liberationibus
libri 111. Ad. L. Jul . de Adulteriis
Liberfingularis.Commentarius ad. L.Dominico
de Spectaculis in Cod. Theod. & L. omnes dies
Cod. de Feriis. De ritu nuptiarum liber fin-
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE .
gularis. De jure connubiorum liberfingularis.
Parergon liberfingularis . De Regio Perfarum
apparatu , liber 111. que omnia recenfuit ,
emendavit , variis annotationibus , prafationibus
& indicibus inftruxit Albertus. Dietericus
Trekell Jurifconfultus.
GEOGRAPHIE moderne abregée ,
précédée d'un petit traité de la Sphère &
du Globe , ornée de plufieurs traits d'Hiftoire
, tant naturelle que politique , &
terminée par une Géographie Eccléfiaftique
, où l'on trouve tous les Archevêchés.
& Evêchés de l'Eglife Catholique , & les
principaux des Eglifes Schifmatiques ,
avec une table des longitudes & latitudes
des principales villes du monde , conformes
aux dernieres obfervations de Meffieurs
de l'Académie des Sciences , & une
autre de tous les noms de lieux contenus
dans cette Géographie , à Paris , chés
Jean Thomas Heriffant , Libraire , rue
S. Jacques ; chés la veuve Robinot ; Claude
Simon , pere , & Claude Simon , fils , Libraires.
On vend à Paris chés Prault , fils
Quai de Conty à la defcente du Pont- neuf,
à la Charité ; chés Grangé au Palais , Galerie
des Prifonniers , à la fainte Famille , &
chés de l'Ormel , rue du Foin , à ſainte Geneviève
, un Recueil varié de Poëfies di-
=
M - A I. 1748 . 1057
verſes , intitulé le Quart d'heure des honnê- é
tesgens. Le prix eft de 24 f.
PRIX propofe par l'Académie Royale de
Chirurgie pour l'année 1749 .
'Académie Royale de Chirurgie prole
>
déterminer ce que c'eft que les remédes déterfifs
, d'expliquer leur maniere d'agir , de
diftinguer leurs differentes efpeces , & de marquer
leur ufage dans les maladies Chirurgicales.
Quoique cette matiere ait été traitée amplement
& avec affés d'intelligence dans
plufieurs Mémoires , cependant l'Académie
n'a pas crû devoir adjuger le prix , parce
que les ouvrages qu'elle a reçus lui ont
paru manquer d'exactitude ou de folidité.
L'Académie qui connoît combien il fe
roit utile au public que la matiere des déterfifs
fût traitée auffi fçavamment que l'a
été celle des autres remédes qu'elle a propofée
les années précédentes , & que l'on
fit fur les remédes tant fimples que com
pofés toutes les recherches néceffaires pour
fatisfaire aux conditions portées par le
Programme , a crû devoir propofer le mê
me fujet pour l'année 1749 , ne doutant
point que les Auteurs qui ont déja travaillé
avec quelque fuccès , ne faffent de nou-
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
veaux efforts pour répondre à fes vûës. Ils
pourront faire à leurs Mémoires tels changemens
, ou les mettre fous telle forme
nouvelle qu'ils voudront , & les renverfont
écrits de nouveau . Ils font priés d'avoir
foin d'appuyer leurs fentimens & leur
doctrine fur l'expérience & fur les obſervations
des meilleurs Praticiens.
Le prix fera double , c'eft-à-dire , que
celui qui , au jugement de l'Académie
aura fait le meilleur ouvrage für le fujet
propofé, aura deux médailles d'or, chacune
de la valeur de deux cent livres , ou une
médaille , & la valeur de l'autre au choix
de l'Auteur.
Ceux qui enverront des Mémoires
font priés de les écrire en Latin ou en
François , & d'avoir attention qu'ils foient
fort lifibles.
Ils mettront à leurs Mémoires une mar
que diftinctive , comme fentence , déviſe ,
paraphe ou fignature , & cette marque fera
couverte d'un papier collé ou cacheté , qui
ne fera levé qu'en cas que la piéce ait rem
porté le prix.
Ils auront foin d'adreffer leurs ouvrages
francs de port à M. Quefnay , Secretaire de
l'Académie de Chirurgie , ou à M. Hevin
Secretaire pour les correfpondances , ou les
leur feront remettre entre les mains,
M A 1. 1748.
107
Toutes perfonnes de quelques qualité
& pays qu'elles foient , pourront afpirer
au prix ; on n'excepte que les membres de
l'Académie.
Le prix fera délivré à l'Auteur même ou
au porteur d'une procuration de fa part ,
P'un ou l'autre repréfentant la marque
diftinctive & une copie nette du Mémoire.
Les ouvrages feront reçus jufqu'au dernier
Février 1749 , inclufivement , & l'Acadé
mie à fon affemblée publique de la même
année , qui fe tiendra le Mardi d'après la
Fête de la Trinité , proclamera la piéce
qui aura remporté le prix.
ESTAMPES NOUVELLES.
ONtrouve chés le fieur Benoît Audran , Graveur
, une fuite de Têtes Turques , gravées
de fa main , d'après le deffein de M. Paroſſelle ,
Peintre des Conquêtes de Louis XV.
Cette fuite eft de fix feuilles ; chaque tête eft de
different âge , de differente pofture & fort bien
caractérisée. Ceux qui apprennent à deffiner y
trouveront de fort beaux modéles, capables tout- àla
fois de leur fortifier la main & de leur former
le goût. Chaque Eftampe eft de neuf pouces , trois
lignes de haut , fur fept pouces de large . Il demeure
rue S. Jacques , proche S. Yves , à la ville de Paris.
Le fieur de Larmeffin , Graveur ordinaire du
Roi , demeurant rue des Noyers , près S. Yves , a
mis au jour le Portrait de M. le Maréchal de Lø-
Wendalh
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.`
fer
M. Guillemain , Ordinaire de la Mufique ,
Chapelle & Chambre du Roi , fort connu par
talens pour le violon & par fes ouvrages de Mufique
, vient de faire graver fon quatorziéme OEuvre
qui a pour titre , deuxième Livre de fymphonies en
Trio dans le goût Italien ; il ofe efperer que le public
recevra cet ouvrage avec la même bonté
qu'il a bien voulu avoir pour tous les autres . Tous
les OEuvres de l'Auteur fe vendent à Paris , aux
adreffes ordinaires , chés Mad. Boivin , à la Regle
d'or , ruë S. Honoré ; chés M. Lectere , à la Croix
d'or , rue du Roule , & à Lyon , chés M. de Brettonne
, ruë Merciere , près la Banniere de France.
M. Mondonville vient de donner au public un
nouveau Livre de Piéces de Clavecin , qui fe vend
chés M. Leclerc, rue du Roule , & chés Mad. la
veuve Boivin, rue S. Honoré , à la Regle d'or. Bl
feroit très fuperflu de le préconifer ; l'Auteur eft
eftimé des connoiffeurs par bien d'autres ouvrages.
Le fieur Crepy , demeurant à Paris , rue S. Jacques
, près la rue de la Parcheminerie , à l'image
S. Pierre , vient de mettre en vente de nouvelles
Cartes portatives en 36 petites feuilles fur la même
échelle , & qui peuvent fe raffembler en une
feule , contenant les Comtés de Hollande , Zéelande ,
Seigneurie d'Utrecht Duché de Brabant , faites
fur les meilleurs Auteurs du Pays. Ces Cartes font
très-exactes , beaucoup plus détaillées que celles
qui ont paru jufqu'ici dans ce genre , & très- utiles
pour les marches & contre- marches des armées .
Pour l'utilité publique l'Onguent de Ricoux dé
Lyon, fe vend à Paris , dans la maifon de M. Colas,
Marchand Orfévre & Jouaillier , fur le Pont Saint
Michel , à l'image S. Nicolas , & à Lyon , place
Μ Α Ι. 1748. r༠༡
des Jacobins, chés le compofiteur. Il ſe vend trois
livres l'once , conformément aux Brévets de Sa
Majefté , & Arrêts du grand Confeil.
Les vertus de cet Onguent font pour les ulceres,
playes , tumeurs , notamment pour les inflamma
tions & maladies des yeux , & c .
SPECTACLES.
'Académie Royale de Mufique conti
nue les repréfentations de Zaïs , Bal →
let héroïque , & prépare le Carnaval & la
Folie , Opera , dont les paroles font de M.
de la Motte , & la Mufique de M. Deftouches
, Sur-Intendant de la Mufique de la
Chambre du Roi.
La Comédie Françoife a donné le Mer→
credi 8 Mai la premiere repréſentation de
Jeanne d'Angleterre , traduction d'une Tra
gédie Angloife, que l'Auteur a retirée ..
Compliment de la rentrée de la Comédie Fran
coife prononcé par M. Ribou . X
Mrs, il feroit trop avantageux pour nous
de travailler à vous plaire , fi nous étions
furs d'y réuffir , mais tel eft cet Art où nous
confumons nos veilles , que fes difficultés.
croiffent de jour en jour , & que le talent
le plus éprouvé n'eftjamais affuré de méri
# 10 MERCURE DE FRANCE.
ter vos fuffrages , & fans parler des rôles
nouveaux , où livrés à nous- mêmes , nous
n'avons d'autre modéle que la nature , &
que nous ne fçaurions repréfenter avec
fuccès , nous ne les faififfons avec la chaleur
de l'imagination qui les a conçûs,
quel travail n'exigent pas ces rôles mêmes
qui ont fait la réputation de nos prédéceffeurs
? Nous l'avoüions , Meffieurs , il feroit
à fouhaiter pour nous que vous pûfficz
oublier les pertes que nous avons faites.
Mais en rendant juftice aux talens dont le
fouvenir obfcurcit les nôtres , qu'il me
foir permis de dire un mot en notre faveur,
Quand les Poëtes ont trouvé dans un Acteur
un beau naturel , ils ont modélé fur
lui le perfonnage qui lui étoit deftiné ,
c'eft ainfi qu'ont été faits de nos jours , le
Glorieux , Lifimon , Orofmane , Lufignan
l'Homme dujour la Pupile . Quel avantage
n'a point alors l'Acteur original fur celui
qui lui fuccéde ? Mais ce n'eft pas le
feul que nos anciens ayent eu fur nous.
Ce n'est plus le tems d'éblouir le ſpectateur
par la pompe de la déclamation ; vous
voulez de la vérité dans ces endroits mêmes
, où l'Acteur à l'exemple du Poëte eft
fouvent tenté de fortir de la nature. Les
Auteurs autrefois pouvoient fe repofer fur
notre Art du foin de faire valoir les morMA
I. FIF 1748
ecaux négligés de leurs ouvrages ; aujour
d'hui une feinte émotion vous glaceroit ,
& l'emportement déplacé de l'Acteur ne
fçauroit vous dérober les défauts du carac
tére , en un mot les fecrets de notre Art
vous font familiers , & telle eft l'illufion
du Théâtre qu'on y devient moins ſenſi,
ble , à mesure qu'on en connoît mieux les
refforts. Ainfi , Meffieurs , nos craintes font
votre éloge : elles vous répondent de notre
application. On ne fe néglige que par
an excès de confiance ou de découragement
, nous ne donnerons jamais dans le
premier , daignez- nous garantir du fecond.
Nous vous avons promis d'employer
le tems de relâche qui vient de s'écouler
, à vous préparer de nouveaux plaifirs
; nous efperons , Meffieurs , vous en
donner bientôt une preuve dans la Tragé
die de Jeanne d'Angleterre , ouvrage d'un
Auteur , dont le premier effai vous a fait
concevoir de fr flateufes efperances.
C'eft en votre nom , Meffieurs , que
nous implorons vos bontés ; vos interêts
font inféparables des nôtres, & vos plaifirs
dépendent de nos progrès.
Le Jeudi 23 Avril les Comédiens Italiens
donnerent la premiere repréfentation
des Métarmorphofes ou les parfaits Amans
Comédie Italienne nouvelle en quatre acT12
MERCURE DE FRANCE.
tes , avec quatre intermédes ; cette pićće
qui a été très-fuivie , eft remplie de fituations
& de fazzis agréablement imaginés
& de traits plaifans , comiques , & qui ne
tombent point dans le bas. C'eft un canévas
pour amener des Scénes plaifantes entre
les Acteurs Comiques , & où d'ailleurs
on a recours , comme à l'Opéra , à la féérie
, à la magie , ou aux Dieux , pour
amener auffi des décorations , des machines
, des danfes , enfin tout ce qui peut
rendre ce nouveau genre de fpectacle
agréable. M. de Heffe fi connu par fon
génie & fon talent pour la compofition
des Ballets , a été extrêmement applaudi
dans ceux qu'il a faits pour cette piéce ,
dont nous donnerons l'extrait dans le
mois prochain .
COMPLIMENT pour l'ouverture du
Théâtre Italien en 1748 , prononcé par
M. Rechard.
MESSIEURS ,
U
N compliment eft un ouvrage
Qui n'eft pas facile à remplir ,
Mais l'honneur de vous rendre hommage
Nous procure un trop dòux plaiſir ,
MAI.
1748.
Pour ne pas aujourd'hui faifir
Un fi glorieux avantage.
Pour mériter vos applaudiffemen's ,
Et vous prouver notre reconnoiffancé ;
Nous allons tous d'intelligence
Redoubler nos empreffemens ,
Et nous n'épargnerons ni peines ni dépense ;
Heureux , fi nous pouvons à force de travaux ;
Balancer un peu nos rivaux !
Melpomene à fon gré , par vous eft applaudie ,
Pendant tout cet hyver vous fûtes fon foûtien ,
Et le cruel Denis , malgré fa tyrannie ,
N'a pas trouvé vos coeurs auffi durs que le fien ;
S'il vous a plû , Meffieurs , il le mérite bien ;
Vainement la critique , & l'attaque & le fronde ;
Jamais Tyran n'a fait tant de plaifir au monde.
Le public qui toujours par nous fut revere,
Jadis moins délicat , fe rendoit moins ſevére ,
Mais aujourd'hui qu'il eft pleinement éclairé ,
Nous tremblons devant le Parterre .
Les fujets d'Apollon , de Mars & de Themis
S'y trouvant réunis ,
Forment un tribunal où le bon goût préfide ;
Cenfeur équitable & rigide ,
De vos fages avis accordez nous toujours
L'utile & bon fecours ;
#14 MERCURE DE FRANCE.
De les fuivre & d'y fatisfaire
Nous aurons tous un égal ſoin :
Mais , j'ai fur ce fujet une demande à faire ,
Les confeils donnés de trop loin ,
Ne pourroient comme il faut nous fervir au be
foin ;
Voici donc quelle eft ma priere :
Pour nous faire de près entendre vos leçons ,
Placez -vous au Théâtre , à l'Orqueftre , aux Balcons.
Combien de Spectateurs dans la faifon nouvelle
Yont courir dans les champs où l'honneur les ap
pelle !
Beau Sexe , votre aſpect flateur
Pourra de notre fort adoucir la rigueur
Pendant cette cruelle abfence
Près de nous daignez accourir ;
Nous comptons fur votre préfence
Pour voir ici tout refleurir :
Sans une préfence fi chere
Rien ne peut contenter nos coeurs
Vous êtes à notre Parterre
Ce que le Soleil eft aux fleurs.
Dans vos bontés auffi je mets mon eſperance ;
Meffieurs , daignez répondre à nos defirs ;
Honorez-nous toujours de votre bienveillance
Elle fext aux Auteurs ,autant qu'à vos plaifirs
MA I ITS 1748.
Des lauriers immortels qu'au Parnaffe l'on donne
Vous fûtes de tous tems les Maîtres fouverains
Les Mufes forment la Couronne ,
Mais pour en difpofer elle eft mife en vos mains,
Voilà , Meffieurs , ce que j'avois à dire
En qualité d'Acteur ,
Je vais , pour peu qu'on le defire ,
Parler auffi comme chanteur ,
Dans l'un & l'autre cas le fentiment m'infpire ,
Et mon Apollon , c'eſt mon coeur.
·Il chante
CHANSON ,
Sur l'air : Au bord d'un clair ruiffe du.
Enfin je vous revois ;
Que mon ame eſt ravie !
Je reviens à la vie ,
Je retrouve ma voix ;
Abfent de vous , hélas !
Quelle étoit ma trifteffe !
Je foupirois fans ceffe ,
Et je ne vivois pas.
****
16MERCURE DE FRANCE.
L
Loin de fon cher Amant
La jeune tourterelle ,
Toujours tendre & fidelle ,
Gémit à tout moment.
Pour fon heureux vainqueur
On voit pleurer l'Aurore ;
Nous reffentons encore
Pour vous voir plus d'ardeur.
***
Dans les champs le Soleil
Reproduit la verdure
La riante nature
Sort des bras du fommeil.
Que nous ferons contens ,
Si l'honneur de vous plaire ,
Dans ces lieux nous fait faire
La moiffon au Printems !
MA I. 1748, 117
PRIX proposé par l'Académie Royale
des Sciences pour l'année 1750.
F
Eu M. Rouillé de Meflay , ancien Confeillet
au Parlement de Paris , ayant conçu le noble
deffein de contribuer au progrès des fciences & à
P'utilité que le public en pouvoit retirer , a legué à
P'Académie Royale des Sciences un fonds pour
deux Prix , qui feront diftribués à ceux , qui au ju
gement de cette Compagnie , auront le mieux
réuffi fur deux differentes fortes de fujets qu'il a
indiqués dans fon teftament & dont il a donné des
exemples.
Les fujets du premier Prix regardent le Systême
général du monde & l'Aftronomie phyfique.
Ce Prix devroit être de 2000 livres , aux termes
du teftament , & le diftribuer tous les ans , mais la
diminution des rentes a obligé de ne le donner
que tous les deux ans , afin de le rendre plus confidérable
, & il fera de 2500 livres . 9
Les fujets du fecond Prix regardent la Navigation
& le Commerce .
Il ne fe donnera que tous les deux ans , & fera
de 2000 livres.
Le fujet du Prix propofé par l'Académie pour l'année
1748 étoit une théorie de Saturne & de Jupiter,
par laquelle on puiffe expliquer les inégalités que ces
deux Planettes paroiffent fe caufer mutuellement ,
principalement vers le tems de leur conjonction.
L'Académie a adjugé ce Prix à la piéce nº. 31
qui a pour devife :
Ponderibus librata fuis per inane profundum
Sydera , que vis alma trabit retrabitque , fequuntur.
118 MERCURE DE FRANCE:
dont l'Auteur eft M, Euler , de l'Académie des
Sciences de Berlin .
La piéce qui a paru en approcher le plus eft celle
nº. 1 , dont la de viſe eſt :
Labor improbus omnia vincit.
Quoique ces deux ouvrages, & furtout celui qui
remporte le Prix , foient remplis des plus profon
des recherches & dignes des plus grands éloges ,
il a paru à l'Académie que les Auteurs auroient pu
tirer encore un plus grand parti de leur travail, foit
pour donner de nouveaux degrés de perfection
aux folutions des problêmes relatifs à la matiere
propofée , foit pour procurer au moyen de ces folutions
& d'un meilleur choix d'obfervations , de
nouveaux fecours à PAftronomie , ou jetter un
plus grand jour fur le méchanifme , des corps céleftes.
Il ne fuffit pas d'ailleurs dans une matiere
auffi épineufe , de fe rendre feulement intelligible
à fes juges ou à ceux qui ont déja réfolu les mêmes
queftions , il faut encore pour contribuer de
tout fon pouvoir à l'avancement des ſciences , fe
mettre à la portée du plus grand nombre de lec
teurs qu'il eft poffible , en énonçant au moins les
principaux raifonnemens & en indiquant les plus
difficiles opérations des calculs .
Ces motifs joints à l'importance & à l'étendue
de la matiere , ont engagé l'Académie à propofer
le même fujet une feconde fois pour le Prix de
1750, & elle croit devoir exiger des Auteurs qui
travailleront déformais pour les Prix , qu'ils en-
Trent dans un détail fuffifant fur la démonftration
des propofitions qui ferviront de bafe à leurs théo-
*ries.
Les Sçavans de toutes les Nations font invités à
travailler fur ce fujet , & même les Aflociés étrangers
de l'Académie. Elle s'eft fait la loi d'exclure
MAL 1748: 119
les Académiciens regnicoles de prétendre aux
Prix.
3
Ceux qui compoferont font invités à écrire en
François ou en Latin, mais fans aucune obligation,
Ils pourront écrire en telle Langue qu'ils voudront
, & l'Académie fera traduire leurs ouvrages.
On les prie que leurs écrits foient fort lifibles
furtout quand il y aura des calculs d'Algebre.
Ils ne mettront point leur nom à leurs ouvrages,
mais feulement une fentence ou devife . Is pour
ront , s'ils veulent , attacher à leur écrit un biller
féparé & cacheté par eux , où feront avec cette
même ſentence , leur nom , leurs qualités & leur
adreffe , & ce billet ne fera ouvert par l'Académie
qu'en cas que la piéce ait remporté le Prix.
Ceux qui travailleront pour le Prix , adrefferont
leurs ouvrages à Paris au Secretaire perpétuel de
l'Académie , ou les lui feront remettre entre les
mains. Dans ce fecond cas le Secretaire en donnera
en même tems à celui qui les lui aura remis ,ſon ré
cépiffé , où fera marquée la fentence de l'ouvrage
& fon numéro , felon l'ordre ou le tems dans le
quel il aura été reçû.
Les ouvrages ne feront reçûs que jufqu'au premier
Septembre 1749 exclufivement.
L'Académie à fon affemblée publique d'après
Pâques 1750 proclamera la piéce qui aura mérité
le Prix .
S'il y a un récépiffé du Secretaire pour la piéce
qui aura été couronnée , le Tréforier de l'Acadé
mie délivrera la fomme du Prix à celui qui lui rapportera
ce récépiffé . Il n'y aura à cela nulle autre
formalité.
S'il n'y a pas de récépiffé du Secretaire , le Tréforier
ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même, qui
fe fera connoître, ou au porteur d'une procuration
de fa part.
120 MERCURE DE FRANCE.
L'Académie des Jeux Floraux fera la diftribution
des Prix le troifiéme Mai 1749.
Ces Prix font une Amaranthe d'or de la valeur
de quatre cent livres , qui eft deſtinée à une Ode .
Une Eglantine d'or de la valeur de quatre cent
cinquante livres , deſtinée à une pièce d'Eloquence
d'un quart d'heure ou d'une petite demi-henre
de lecture , dont le fujet fera pour l'année 1749 :
Les richeffes font- elles un écueil plus dangereux
pour la vertu que la pauvreté ?
Une Violette d'argent de la valeur de deux cent
cinquante livres , deſtinée à un Poëme de foixante
vers au moins ou de cent vers au plus , qui doivent
être Alexandrins , & dont le fujet doit être héroïque
ou dans le genre noble.
Un Souci d'argent de la valeur de deux cent livres
, qui eft deftiné à une Elégie , à une Idyle ou
à une Eglogue. Ces trois genres d'ouvrages con-.
courent pour le même Prix. Les vers en doivent
être auffi Aléxandrins, fans mêlange de vers d'autre
meſure,
Un Lys d'argent de la valeur de foixante livres,
destiné à un Sonnet à l'honneur de la fainte Vierge,
Le fujet des differens genres d'ouvrages aufquels
l'Amaranthe , la Violette & le Souci font deftinés
eft au choix des Auteurs , qui font avertis , aufli
bien que les Auteurs du Sonnet , de ne pas le négliger
fur les rimes & fur toutes les regles de la
verfification .
Les ouvrages qui ne font que des traductions
ou des imitations , ceux qui traitent des ſujets
donnés par d'autres Académies , ceux qui ont
quelque chofe de burlefque , de fatyrique ou d'indécent
, font exclus des Prix . L'Académie a été
obligée de rejetter encore cette année une Ode
qui auroit pû mériter les fuffrages , fi l'Auteur n'y
avoit
MA I. 12r'
1748.
avoit laiflé gliffer des traits trop libres & qui pou
voient bleffer les moeurs.
Les ouvrages qui auront parû dans le public &
ceux dont les Auteurs fe feront fait connoître avant
le jugement , ou pour lefquels ils folliciteront ou
feront folliciter leurs Juges , font auffi exclus de
pouvoir prétendre aux Prix, l'Académie ayant pris
de plus fortes réfolutions que jamais d'exécuter ce
reglement à la rigueur .
Les Auteurs qui traitent des matieres Théologiques
doivent faire mettre au bas de leurs ouvra
ges l'approbation de deux Docteurs en Théologie
, ce qui fera obfervé même à l'égard du Sonnet
, fans quoi ces ouvrages ne feront pas mis au
concours.
Les Auteurs font avertis de faire remettre par
tout le mois de Janvier de l'année 1749 , par des
perfonnes domiciliées à Touloufe , trois copies
bien lifibles de chaque ouvrage à M. le Chevalier
d'Alliez , Secretaire perpétuel de l'Académie , logé
rue des Coûteliers , fon registre devant être
barré dès le premier jour de Février, & on ne fera
plus à tems de remettre des ouviages dès que lc
mois de Janvier fera expiré.
Les ouvrages feront défignés , non -feulement
par leur titre , mais encore par une devife ou fentence
, que M. le Secretaire écrira dans fon regiftre
, auffi bien que le nom la qualité ou la profeffion
& la demeure des perfonnes qui les lui auront
remis , lefquelles figneront la réception que M. le
Secretaire en aura écrite dans fon regiftre , après
quoi il leur en expédiera le récepiflé.
M. le Secretaire ne recevra point les paquets
qui lui feront adreffés par la pofte en droiture, s'ils
ne font affranchis de port , & il ne répondra point
aux lettres qu'on lui écrira fans avoir cette atten-
F
م س
122 MERCURE DE FRANCE.
l'Académie extion.
Les Auteurs font avertis que
clut même du concours tous les ouvrages qui n'ont
pas été remis à M. le Secretaire par une perfonne.
domiciliée à Toulouſe ,la voye de la pofte en droi
ture étant fujette à trop d'inconvéniens.
M. le Secretaire avertira les perfonnes qui auront
remis les ouvrages que l'Académie aura cou,
ronnés , afin que les Auteurs viennent eux mêmes
recevoir les Prix l'après-midi du troifiéme Mai , à
Paffemblée que l'Académie tient dans le grand.
Confiftoire de l'Hôtel de Ville , où ils ſont diſtribués.
Si les Auteurs font hors de portée de venir
les recevoir eux-mêmes , ils doivent envoyer à une
perfonne domiciliée à Touloufe une procuration.
en bonne forme , où ils fe déclarent affirmative
ment les Auteurs de l'ouvrage couronné , & cette
perfonne retirera le Prix des mains de M. le Secre
taire, fur la procuration de l'Auteur & fur le récé
piffé de l'ouvrage .
On ne peut remporter que trois fois chacun des
Prix que l'Académie diftribue ; les Auteurs des
ouvrages qu'elle découvrira avoir enfreint cette loi
en feront exclus , aùffi-bien que les ouvrages qu'on
pourra justement préfumer être préfentés fous des
noms d'Auteurs fuppofés.
Après que les Auteurs fe feront fait connoître ,
M. le Secretaire leur donnera des atteftations, portant
qu'un tel , une telle année , pour tel ouvrage
par lui compofé , a remporté un tel Prix , & Pou
vrage
original fera attaché à ces atteftations ,
fous le contre-fcel des Jeux.
Ceux qui auront remporté trois Prix , ( celui
du Sonnet excepté , ) & l'un defquels foit celui de
' Ode , pourront obtenir , felon l'ancien ufage ,
des lettres de Maître des Jeux,Floraux , qui leur
donneront droit d'opiner commeJuges & comme
MAI+
1749. 723
érant du Corps des Jeux , dans les affemblées générales
& particulieres des Jeux Floraux , & d'affifter
aux féances publiques .
Par les dernieres Lettres Patentes du Roi,qui autorifent
l'augmentation du Prix du Difcours , les
Auteurs qui auront remporté trois fois ce Prix pourront
auffi obtenir des Lettres de Maître des Jeux
Floraux , fans qu'il foit néceffaire qu'ils ayent
remporté des Prix de Pocfie.
L'Ode qui a pour titre le danger des Spectacles ,
& pour fentence Ille locus cafti damna pudoris habet,
a remporté le Prix de ce genre d'ouvrages.
I
Le Difcours qui a pour fentence In omni opere
erit abundantia , a remporté le Prix d'Eloquence
de cette année , & l'Académie a accordé un des
Prix réfervés de ce genre au Difcours qui a pour
fentence Omnia bona ex labore , &c.
"
Le Poëme qui a pour titre la fource des Héréfies
leurs fuites funeftes , & pour fentence N'en dou
tons point , la curiofité, c. a remporté le Prix , &
l'un des Prix réſervés de ce genre a été adjugé au
Poëme qui a pour titre le triomphe de la cafteté ,
& pour fentence Suo numquam caritura lan pas
ardet olivo.
Le Prix du genre Bucolique a été adjugé à l'Eglogue
héroïque qui a pour Interlocuteurs Palés,
Berger de la Flandre Autrichienne , & Licidas, Berger
de la Flandre Hollandoile , & pour fentence.
Sicelides Muja paulò majora canamuş.
L'Académie a réfervé un Prix de Difcours , un
Prix de Poeme & deux Prix de Sonner , qui l'avoient
déja été les années précédentes Ele a encore
réſervé le Prix du Sonnet de cette an en
forte que l'année prochaine elle eura
un Prix d'Ode , deux P ix de Difcours , deux
de Poëme , un Prix d'Eglogue , & quatre Prix de
Sonnet.
Fj
ibuer
Pix
I
124 MERCURE DE FRANCE.
Le fieur Lemaire , Maître de Mufique & Compofiteur,
vient de donner au public les nouvelles
Cantatilles fuivantes ; fçavoir ,
L'année merveilleufe , pour un Deffus , prix 36f.
La Paix , pour un Deffus , 24 fols .
La Victoire, pour un Deffus & Baffe- Taille, duo,
36 fols.
Le Dédommagement , pour un Deffus , 24 fols.
L'Hymen l'Amour , pour un Deffus , 24 fols.
La Cafcade de S. Cloud , pour un Deflus , 24 f
L'Entrée de la Campagne , pour une Baffle - Taille
, une livre 16 fols .
La Rofe de la veille & du jour , pour un Def
24 fols .
fus ,
Les paroles de l'Année merveilleufe & celles de
la Rofe font de M. Peffelier.
On trouvera cinquante- cinq Cantatilles pour
les Deffus ou Tailles , à 24 fols piéce , & fept en
Baffe Taille , fçavoir , trois à 36 fols préce, & qua◄
tre à 24 fols.
* La Cantatille de l'Année merveilleuſe eſt la fois
xante-deuxième .
Deux Recueils d'Airs choifis , à 3 livres piéce.
Six Livres de Motets à voix feule & en duo ,
avec fymphonie & fans fymphonie , à 30 fols piéce.
Le tout mis en mufique par M. Lemaire , & fe
trouve aux adreffes fuivantes ; à Paris , chés l'Au-,
teur , rue S. Jacques , chés Briaffon , Libraire
à la Science. Au Mont Parnaffe & à fainte Cecile ,
rue S. Jean de Beauvais ; à la Regle d'or , rue faint
Honoré , à la Croix d'or , rue du Roule , à la Mufique
Royale , rue des Prouvaires. A Lyon , chés le
fieur Debrotonne , & à Bruxelles, chés le fieur Vafe,
Libraire. Année 1748 .
MA I. 1748.
125
D གུ k༧ གུ : ད❁ ཥུ %
NOUVELLES ETRANGERES .
CONSTANTINOPLE.
N mande de Conftantinople du 18 Mars que
le Baron de Hochepied , Ambaffadeur de la,
République des Provinces Unies , eut le 29 Férier
fa premiere audience du Grand Vifir . Cet
Ambaſſadeur ayant été conduit le s de ce mois au
Sétail, vir de la Sale du Divan la cérémonie de la
paye des Janiffaires. Il dina enfuite avec le Grand
Vifir , & après le repas il fut admis à l'audience du
Grand Seigneur. Sa Hauteffe fit affûrer ce Minif
tre par le Grand Vifir qu'elle ne défiroit rien avec
plus d'ardeur que de conferver une parfaite intelligence
avec les Etats Généraux des Provinces ,
Unies , & que la Porte fe feroit une loi de l'obfervation
exacte des Traités conclus entre les deux ,
Puiffances. Le Roi de Suéde a nommé M. de Chelfing
fon Réfident à la Porte . Suivant les dernieres
nouvelles d'Egypte , l'Emir Aga , le Tefterdar &
quelques autres Beys , ayant formé le deffein d'y
exciter une révolte , le Pacha du Caire les a fair
maffacrer. Leurs principaux partifans ont été affiégés
dans un Palais , où ils s'étoient réfugiés , mais
ils ont trouvé le moyen de fe fauver après s'être
défendus pendant plus de douze heures. La maifon
qui leur avoit fervi d'afile a été pillée & brûlée.
On a appris le 11 que le Kan de Crimée étoit
mort à Biacca Saray , lieu de fa réfidence . Le
Grand Seigneur n'a pas déclaré le fucceffeur qu'il
fe propofe de donner à ce Prince . Sa Hauteffe a
paru fort fenfible à la perte de la galere qui a été
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
conduite à Malte. Les bâtimens venus de Livourne
fous le Pavillon du Grand Duc de Tofcane
n'ont point encore remis à la voile. Le Comte des
Alleurs ayant été informé qué plufieurs vaiffeaux
de guerre Anglois croifoient dans l'Archipel , a
défendu à tous les navires François qui font dans
ce Port , d'en fortir , & les Capitaines de plufieurs
de ces bâtimens ont fait débarquer les marchan
diſes qu'ils avoient à bord.
SUEDE.
Es lettres de Stockolm portent qu'il s'eft rés
ne s'arque
de Guydickens , Miniftre du Roi de la Grande Bre
tagne à remis aux Miniftres de la Majefté Suédoiſe .
Ce Mémoire porte que fa Majefté Britannique a
appris avec furprife ce qui s'eft paffé au ſujet de la
retraite du Négociant Springer chés M. de Guydickens
; que ce Miniftre , dans les repréſentations
qu'il a ordre de faire au Gouvernement ,
rêtera point à examiner fi la maifon d'un Miniftre
étranger peut fervir d'afile ; que cette queftion a
été décidée par de célebres Jurifconfultes & par
des ufages conftans ; qu'il s'agit feulement ici de
fçavoir fi l'on peut employer la violence contre la
maifon d'un Miniftre étranger , & que fuivant les
principes généralement reçus ce moyen eft interdit
, quand même le Miniftre refuferoit de livrer
un criminel ; que puifqu'il eft ainfi , le Roi de la
Grande Bretagne a droit de trouver fort irréguliere
la conduite qu'on a tenue à l'égard de M. de Guy.
dickens , d'autant que ce Miniftre n'avoit differé
Pextradition du Négociant Springer , qu'afin de
Fouvoir conferer fur cette affaire avec les autres
Miniftres étrangers , qu'il eft revenu à M. de GuyMA
I. 1748. 127
dickens , que pour pallier les procedés dont il fe
plaint , on débite que les troupes dont la maifon a
été environnée , n'étoient deftinées qu'à le défendre
contre la populace , & que d'ailleurs une des
loix du Royaume déclare un Miniftre étranger déchû
de fes priviléges , lorſqu'il s'oppoſe à l'exécution
des Ordonnances ; que par rapport au premier
article , il ne paroit pas qu'on ait pu raifonnablement
fuppofer que le peuple eût conçu quelque
mauvais deffein contre la maifon de M. de Guydickens
, que pour ce qui regarde le fecond , on
convient qu'un Souverain peut faire dans les Etats
telles Ordonnances qu'il lui plaît, mais que fi elles
contiennent quelque chofe qui foit contraire au
Droit des Gens , elles n'ont point d'effet contre les
Miniftres des autres Puiffances , à moins qu'il n'y
ait entre elles & cé Souverain quelques conventions
préalables . Dans le même Mémoire M. de
Guydickens renouvelle fes plaintes touchant une (
infulte qu'il prétend avoir été faite le 7 Juin de
l'année derniere à ſa maiſon par la Garde de nuit.
11 avance à ce fujet que ceux qui offenfent des
Miniftres publics font puniflables de mort ; que
cette maxiine a été reconnuë de tout tems en Suéde,
& que fous le regne de Charles XI . l'équipage
d'un Miniftre de l'Empereur ayant été infulté pat
un Gentilhomme , le coupable fut condamné à
avoir la tête tranchée. Les allégations contenues,
dans le Mémoire de M. de Guydickens ont été réfutées
par un Mémoire qui a été envoyé au Miniftre
du Roi à Londres , pour être communiqué au
Roi de la Grande Bretagne.
.
Selon les lettres de Stockholm la fanté du Roi
de Suéde eft établie. Ce Prince a décidé qu'à l'avenir
dans les affemblées des Etats de Suéde on ne
pourroit plus élite pour Maréchal de la Diette
Fiïij
125 MERCURE DE FRANCE.
quelqu'un qui fût ou qui eût été Sénateur. Sa Ma
jefté Suédoiſe a auffi reglé que les Vice- Amiraug
de Suéde auroient le rang de Lieutenans Géné–
raux , & les Chefs d'efcadre celui de Généraux Majors
Quelques fecouffes de tremblement de terre
fe font fait fentir le 23 Mars dans l'Ile de Hernofand
, fur la côte d'Angermanie .
M. de Guydickens , ci- devant Envoyé du Roi de
la Grande Bretagne auprès du Roi de Suéde ,fe dif
pofe à partir pour retourner à Londres ; fa Majefté
Suédoife a rappellé le Miniltre qui réfidoit de fa
part en Angleterre , & elle ne lui donnera point
de fucceffeur jufqu'à ce qu'elle foit inftruite que fa
Ma efté Britannique en a nommé un à M. de Guy
dickens. Le Roi de Suéde a diſpolé de la charge
de Grand Maréchal de fa Cour en faveur de M.
Charles de Broman , & de celle de Maître des Cérémonies
en faveur du Baron Guftave de Palmfeldt.
Ce Prince a accordé des Biévets de Colonels au
Baron de Leionhufwad , au Comte de Flemming,
& au Comte de Cronhielm , Exempt de la Compagnie
des Trabans de la Garde.
Les lettres de Warfovie du 12 Avril nous apprennent
que la tête de la premiere colonne des
troupes Ruffiennes , qui font au fervice de la Gran
de Bretagne & de la République des Provinces.
Unies , eft arrivée à Putaw . Quoique le dégel rende
les chemins fort mauvais , ces troupes continuent
leur route . On compte qu'elles ne pourront
fe rendre dans les environs de Cracovie qu'à la fin
du mois & qu'elles s'y arrêteront pendant plufieurs
jours , afin de fe remettre des fatigues de
leur marche. Le Baron de Lieven , qui les commande
en l'abſence du Knéés Repnin , a adreffé
des lettres circulaires aux Magiftrats des villes de
leur paffage , pour les prier de ne point permettre
M.A 1. 1748. 129
que les habitans des lieux de leurs Jurifdictions retirent
chés eux aucuns déferteurs Ruffiens . Par
les mêmes lettres ce Lieutenant Général promet
fix roubles de récompenfe pour chacun de ceux
dont on fe faifira , aux perfonnes qui en livreront
quelques-uns. La caiffe militaire de ces troupes
doit être inceffamment transferée de Warſovie à
Cracovie. Le Comte de Barck , après avoir fait
quelque féjour à Dantzick , en eft parti le 6 pour
fe rendre à Vienne en qualité d'Envoyé Extraor
dinaire du Roi de Suéde.Il a paffé par la premiere
de ces villes un courier qui alloit de Pétersbourg
à Londres , chargé de la Ratification de l'Impéra
trice de Ruffie , concernant la convention par làquelle
cette Princeffe s'engage à tenir en Livonie
un Corps de trente mille hommes.
On apprend du 23 Avril par les nouvelles de Craco .
vie qu'on a reçû avis que le S l'arriere - garde des
troupes Ruffiennes qui font au fervice du Roi de
la Grande Bretagne & de la République des Pro- :
vinces Unies , étoit arrivée à Grodno , & qu'elle
avoit eu le tems de paffer le Memel avant le dégel
. La feconde colonne de ces troupes s'eft rendue
fur les bords de la Viftule. Jufqu'au retour de
la belle faiſon , elles continueront de marcher trèslentement
, les chemins devenant de plus en plus
difficiles , & l'on ne croit pas qu'elles entrent en
Moravie avant le mois de Juin. Leur avant- garde
étoit attendue dans le courant de la femaine fuivante
, & le Gouvernement fait remplir avec toute
la diligence poffible les magafins deſtinés pour
leur fubfiftance . Suivant les lettres de Dantzick
le Comte d'Unruhe , qui y eft chargé des affaires
du Roi , remit le 17 un Refcript de fa Majefté &
une lettre du Comte de Bruhl aux Magiftrats pour .
qu'ils envoyaffent au Roi les papiers qu'on a trou
FY.
130MERCURE DE FRANCE.
vés chés M.de la Salle Les nouvelles de Pétersbourg
annoncent que
le 31
Mars dernier l'Impératrice
de Ruffie y eft revenue du Château de Goftilitz .
Le Baron de Breitlach , Ambaffadeur de la Cour
de Vienne , devoit avoir dans quelques jours fon
audience de congé de cette Princeffe. Le Corps
de trente mille hommes qu'elle s'eft engagée de
tenir en Livonie , eft complet , & elle fait avancer
encore quelques autres troupes dans cette Provin
ce On travaille fans relâche à l'armement des
vaiffeaux & des frégates que cette Princeffe a ordonné
d'équiper , & vers la fin du mois prochain
cette efcadre fera prête à mettre à la voile.
Les lettres de Warfovie marquent que la récompenfe
promife par le Général Lieven pour cha
que déferteur Ruffien qui lui feroit remis , a produit
l'effet qu'il en attendoit. Ces lettres ajoûtent
que le Réfident qui eft à Dantzick de la part de
Impératrice de Ruffie , a fait de fortes plaintes
aux Magiftrats de Dantzică au fujet de l'envoi des
papiers de M. de la Salle à Drefde . On mande de
Conftantinople qu'on y a arrêté plufieurs perfonnes
foupçonnées d'avoir voulu y exciter une ré
volte .
ALLEMAGNE.
ON écritde Vienne du 7 Avril que comme
Italie doivent être complettes , on deftine pour
celles qui font au Pays Bas , les recrues qui fe font
à préfent dans les Païs Héréditaires . On fe propofe
d'envoyer auffi à l'armée , commandée par
je Feldt-Maréchal Comte de Bathiany , les Régimens
des Cuiraffiers de Hohenems & de Charles
Palfy. M. Mordaunt , Major Général au fervice
M. A I. 11
1748.
>
du Roi de la Grande Bretagne , & le Baron Thuy!
de Seroorskerken , qui a le même grade dans les
troupes de la République des Provinces Unies
font arrivés à Vienne . Ces deux Officiers que fa
Majefté Britannique & cette République ont nommés
leurs Commiffaires pour recevoir les troupes
Ruffiennes fur la frontiere de la Moravie , ont eu
diverfes conférences avec les Miniftres de fa Majesté.
Le 15 la Reine fe rendit avec le Grand Duc ·
de Tofcane à Schonbrun , pour y demeurer
jufqu'à fon départ pour la Moravie . Il est arrivé
des Députés des Etats du Royaume de Boheme ,
pour faire des repréſentations au fujet des fubfides
extraordinaires demandés par la Reine à cette affemblée.
Le Général Saint Clair , Miniftre Plénipotentiaire
du Roi de la Grande Bretagne auprès
du Roi de Sardaigne pour les affaires militaires , eft
depuis quelques jours en cette ville , & il a eu une
longue conférence avec les Miniftres de fa Majefté,
ainfi que M. Mordaunt , Commiffaire de fa Ma
jefté Britannique pour la conduite des troupes auxiliaires
de l'Impératrice de Ruffre . On attend incellamment
le Comte de Beftuchef , Ambaffadeur
de cette Princeffe. L'Ambaffadeur que le Grand
Seigneur envoye au Grand Duc de Tofcane pour
le complimenter fur l'élection faite à Francfort en
faveur de ce Prince , & qui eft arrivé le 4 à Effeck,
a dû en partir le 6 ou le 7 pour continuer fa route.
La Reine a mandé au Comte de Chotes , fon Miniftre
auprès de l'Electeur de Baviere , d'engager
les Etats du Cercle de Suabe à achever de regler
tout ce qui concerne l'Affociation des Cercles an
térieurs. Quatre Régimens de Cavalerie qui devoient
attendre les troupes Ruffiennes pour fe rendre
avec elles dans les Pays bas , ont reçû orde
F vj
132 MERCURE DE FRANCE .
d'y marcher avec le plus de diligence qu'il leur
fera poffible. On a envoyé le même ordre aux
troupes levées dernierement en Esclavonie . Le
Comte de Colloredo eft retourné en Italie ; il y
porte au Feldt -Maréchal Comte de Browne denouvelles
inftructions au fujet des opérations que t
troupes de fa Majesté doivent exécuter contre
la République de Génes . Le bruit court qu'une
partie de ces troupes s'embarquera à Final pour
aller attaquer Seftri di Ponente. M. de Glandorff,
Secretaire du Confeil Aulique, eft mort le 11 d'u- ›
ne attaque d'apoplexie .
les
On a reçû avis de Schwerin que la Princeffe
époufe du Duc Chrétien Louis de Meckelboug
étoit morte le 13 Avril . Cette Princeffe qui fe
nommoit Guſtave Caroline , étoit âgée de cinquante-
trois ans , neuf mois & un jour , étant née
le 12 Juillet 1694. Elle étoit fille d'Adolphe Fre--
deric II. Duc de Meckelbourg Strelitz . De fon
mariage avec le Duc Chrétien Louis de Meckelbourg
, qu'elle avoit épousé le 13 Novembre 1714 ,
elle a eu les deux Princes Frederic & Louis de
Meckelbourg , nés , l'un le 9 Novembre 1717 ,
l'autre le 6 Août 1725 ; la Princeffe Ulrique Sophie
, née le premier Juillet 1723 , & une autre
Princeffe , née le 10 Fevrier 1730. Les nouvelles .
de Berlin portent que le Comte de Barck , Envoyé
Extraordinaire du Roi de Suéde auprès de la Reinede
Hongrie , y étoit arrivé le 14 & qu'il devoir y
pafler quelque tems avant que de fe rendre àVienne.
On a appris par les mêmes nouvelles que le
Baron de Gerfdorff , Gentilhomme de la Chambre
du Roi de Pologne Electeur de Saxe , avoit remis
au Roi de Pruffe les marques de l'Ordre de l'Aigle
Noir , dont le feu Baron fon pere avoit été revêtu .
On mande de Vienne du 25 Avril qu'une partie
Μ΄ ΑΙ. 1748. 153
des domeftiques & des équipages de l'Ambaffadeur
du Grand Seigneur eft arrivée le même jour en cet
te ville. La Cour a reçû le 17 de ce mois un courier
du Feldt Maréchal Comte de Bathiany. Il s'eft
tenu chés le Comte de Konigseg plufieurs confé →
rences , auxquelles a affifté le Lieutenant Général
Saint Clair, Miniftre Plénipotentiaire du Roi de
la Grande Bretagne auprès du Roi de Sardaigne
pour les affaires militaires . Le Régiment de Cavalerie
de Luchefi étant arrivé le 17 dans les en→
virons de cette ville , la Reine vint le lendemain à
Vienne de Schombrun , pour en faire la revûe . It
fera fuivi
par le Régiment de Cuiraffiers de Charles
Palfy & par deux autres Régimens . On a con
tracté avec divers Négocians de Moravie & de
Boheme, pour qu'ils fourniffent aux troupes Ruffiennes
quarante mille rations de pain & quinze
mille de fourage par jour.
>
Les lettres de Duffeldorp du 30 Avril portent
que l'Electeur a défendu fous des peines très- ri
goureufes l'exportation des grains hors de fes Etats:
Il doit paroître dans peu à Francfort des remarques
fur l'Ecrit anonyme, intitulé Reflexions patriotiques
fur le pallage des troupes Ruffiennes dans l'Empires
Les nouvelles du Duché de Cleves portent qu'on
y a publié une Déclaration , par laquelle le Roi de
Pruffe promet une protection particuliere aux fujets
de la République des Provinces Unies , qui
voudront fe retirer dans ce Duché pendant que la
République fera affligée du fleau de la guerre . Sa
Majefté Pruffienne les affûre par cette Déclaration
qu'il leur fera libre de ne demeurer dans fes Etats
qu'autant de tems qu'ils le jugeront à propos , &
elle ajoûte que lorsqu'ils voudront retourner dans
leur patrie , ils ne payeront aucun droit de Douan .
ne pour la fortie des effets deftinés à leur ufage,
134 MERCURE DE FRANCE.
On a reçu avis de Mayence que le Prince de la
Tour Taxis , principal Commiffaire du Grand Duc
de Tofcane à la Diette de l'Empire , y étoit depuis
quelques jours , & qu'il devoit le rendre de-là à
Stuttgard & enfuite à Ratisbonne,
On mande de Drefde du 7 de ce mois qu'il a
été réfolu que les Intereffés à la Steur Electorale
qui demeurent dans les Provinces Unies , toucheroient
les arrérages de leurs Capitaux à la Haye
& à Amfterdam , & qu'ils recevroient le payement
de la rente de chaque année en deux termes , fçavoir
les fix premiers mois dans le mois de Juin &
les fix autres dans le mois de Novembre . Le Miniftre
de l'Impératrice de Ruffie fe donne beaucoup
de mouvemens pour déterminer le Roi à
confentir que M. de la Salle foit conduit à Péterf
bourg. Un courier venu de Warfovie a rapporté
que le débordement de la Viftule avoit retardé la
marche des troupes Ruthiennes , mais que le 24
du mois dernier leur avant garde avoit commen →
cé à paffer cette riviere. On a reçû avis de Berlin
que M. de Legge, Miniftre Plénipotentiaire du Roi
de la Grande Bretagne auprès du Roi de Pruffe, y
étoit arrivé le 27, que le lendemain il avoit confere
avec le Comte de Podewils & le Baron de Mar
defeld , Miniftres du Cabinet , & qu'il avoit eu le
premier de ce mois une audience pariculiere de fai
Majefté Pruffienne. Les mêmes lettres annoncent
que M.de Klingraef fe difpofe à aller à Londres en
qualité de Miniftre de ce Prince.
On nous écrit de Wolfembuttel du 29 Avril ,
que la premiere divifion des troupes que le
Duc de Wolfenbuttel fournit au Roi de la Grande
Bretagne & à la République des Provinces Unies ,
s'eft miſe en marche le 26 de ce mois. Cette divisi
Lion, que commande le Lieutenant Général Bothe,
MA I. 1749. 135
eft compofée du Régiment de ce Général , du Régiment
de Tunderfeld & de celui d'Imhoff. Elle
fut fuivie le 27 de la feconde , qui eft aux ordres de
M. de Stammeren , Major Général , & qui confifte
dans les Régimens de Stammeren , de Weiche &
de Knieftadt. Chacun de ces Régimens eft de huit
cent hommes . Après avoir traversé l'Evêché
de Hildesheim & les Baillages de Peine & de Steurwald
, ils entreront dans le territoire de Coldingen
, où ils pafferont la Leine. Ils fe rendront enfuite
par les Baillages de Calemberg , de Blume
nau & de Hagenbourg , dans le Comté de Schaum
bourg de la dépendance du Landgraviat de Heffe
De là ils iront paffer le Wefer à Stoltzenau , &
continueront leur route par Ofnabruck , Diepenau
Hanover , Ippenhuren & par l'Evêché de Munf
ter , vers l'Ems qu'ils pafferont dans les environs
* de Rheene. En quittant les bords de cette dernie
re riviere , ils marcheront par le Comté de Ben
theim & par Enfchede , Oldenfeel & Deden. Lorf
qu'ils, auront paffé l'Iffel à Deventer ou à Doëf
bourg, ils fe porteront à Arnheim , pour y paffer
le Rhin. Ils pafferont le Wahal à Nimegue , &
joindront dans la Baronie de Bréda l'armée des
Alliés , commandée par le Duc de Cumberland.
Les nouvelles de Schwerin portent qu'il s'étoit
élevé entre le Duc de Meckelbourg & les habi
tans de la ville de Roftock des differends dont lé
Grand Duc de Tofcane s'efforçoit de prévenir les
fuites.
GRANDE - BRETAGNE.
N mande de Londres du 12 Avril le Mil
niftre qui y réfide de lapart du Roi de Suéde
a reçû de Stockholm la réfutation du dernier Més
136 MERCURE DE FRANCE .
moire de M.deGuydickens , & il l'a préfenté au Roi.
Il eft dit dans cette réfutation que la dignité de S. M.
Suéd. ne lui permettant pas d'entrer en difcuffion
avec un Miniftre dont la plume refpecte fi peu les
droits les plus facrés, elle a ordonné à fon Miniftre
de s'expliquer directement avec le Gouvernement
fur les principaux articles dont fe plaint M.Guydic
Kens ; que le récit de ce qui s'eft paffé à l'occaſion
du Négociant Springer a dû convaincre fuffifamment
S. M. de la fauffeté des expofés dont l'écrit de
M. de Guydickens eft rempli ; que le Roi de Suéde
eft inftruit des prérogatives des Miniftres étrangers
, mais qu'il en connoît auffi les bornes ; que
ce Prince étoit fondé à employer plus de rigueur
contre M. de Guydickens , & qu'il l'auroit fait , fi
fa confidération pour le Roi ne l'avoit retenu ;
qu'on n'auroit point eu de peine à trouver même
dans cette Cour des exemples pour montrer qu'il
eft des cas dans lefquels on peut faire violence à
un Miniftre étranger ; que fuppofé cependant que
malgré tous les ménagemens obfervés envers M.
de Guydickens , cette Cour croye avoir fuj t de ſe
plaindre , fa Majeſté Suédoife déclare qu'elle n'en
aufé que comme elle confent qu'on en ufe avec
fes Miniftres dans les Cours étrangeres , s'ils s'ou-2
blient jufqu'au point de retirer chés eux des perfonnes
accufées de haute trahiſon ; qu'à l'égard de
l'injurieufe diftinction que M. de Guydickens ofe
mettre entre le Roi de Suéde & fes Miniftres , bien
loin que fa Majefté Suédoife lui paffe de lui avoir
demandé juftice d'eux , elle demande que le Roi lui
faffe fatisfaction d'un outrage fait à fon autorité
& à fon Confeil. La feconde partie de cette réfutation
est destinée à l'éclairciffement des faits concernant
les plaintes portées par M. de Guydickens
contre les Gardes de nuit de la ville de Stockholm ,
る。
M A I. 1748. 137
On expofe dans cette feconde partie que ces Gar
des ayant prétendu avoir été eux - mêmes infultés
par les domeftiques de M. de Guydickens , le Roi
de Suéde avoit ordonné qu'on en informât ce Mi..
-niftre , & qu'on lui promît cependant qu'il obtien
droit la réparation convenable , pourvu qu'il vou-
Jût permettre que les domestiques fe préfentaffent
devant les Juges qui devoient examiner l'affaire ,
que M. de Guydickens avoit répondu qu'il fe conformeroit
aux défirs de fa Majefté Suédoiſe , auffitôt
qu'il auroit appris que les Gardes de nuit au
roient été conduits préalablement en prifon ;
qu'en même tems il n'avoit pas fait difficulté d'avouer
que c'étoit par fes ordres qu'ils avoient été
chaffés & maltraités ; que M. de Guydickens
avoit préſenté un fecond Mémoire , dans lequel il
infiftoit de nouveau fur leur emprisonnement , &
que le Roi de Suede lui avoit donné de nouvelles
affûrances de fes difpofitions à lui faire juſtice ,
de fa part il fe prêtoit à l'obſervation des Loix du
Royaume , qui ne permettent point d'ôter à perfonne
la liberté fans connoiffance de caufe ; que
non- feulement ce Miniftre n'avoit point eu cette
complaiſance , mais que ces deux premiers Mé
moires avoient été fuivis d'un troifiéme encore
plus preffant que les précédens , & dans lequel il
déclaroit qu'il parloit par ordre exprès de la Cours
que la réponse de S. M. Suédoife avoit été qu'el
le étoit étonnée qu'il eût fait paffer pour un deni
de juftice la conduite tenuë pår le Gouvernement
de Suéde au fujet de l'affaire en question ; que M.
de Guydickens , quoique les Miniftres de la Mar
jefté euffent déclaré qu'il pouvoit fatisfaire le Roi
de Suéde , a toûjours perfifté depuis dans le refus
de faire comparoître fes domeftiques ; que cepen
dant ſa Majeſté Suédoife , par un effet de les égards
38 MERCURE DE FRANCE.
Four le Roi , a donné ordre qu'on fit d'exactes
Perquifitions pour découvrir files Gardes de nuit
Stoient coupables ; qu'il a été prouvé que les do
meftiques de M. de Guydickens avoient été les
aggreffeurs; que ces informations ont été commu
niquées à ce Miniftre , & que le même Seigneur
qui les lui a portées de la part du Roi de Suéde ,
J'a affûré que ce Prince étoit toujours prêt à punir
les accufés , fi l'on pouvoit avoir des preuves qu'ils
n'euffent pas été attaqués. Ce Mémoire eft termi
miné par une proteftation du défir que le Roi de
Suéde a de conferver une parfaite intelligence avec
le Roi , & de voir à la Cour , à la place de M. de
Guydickens , un Miniftre qui puiffe y contribues.
La Chambre des Communes a confenti que les
payemens qui devoient être faits le 3 Mai & le
4 du mois de Jain par les Soufcripteurs des nouvelles
Annuités , fuffent differés jufqu'au 2 No
vembre & aus du mois fuivant. Depuis le 9 au
cun des fonds publics n'a de prix fixe.
•
Les Seigneurs pafferent le 15 Avril à la pluralité
de cinquante- neuf voix contre vingt- neuf le
Bill qui ordonne de tenir les Affifes d'Eté à Bucmingham.
Le 12 la Chambre des Communes ac
corda au Roi cinq cent mille livres fterhings pour
mettre fa Majefté en état de foutenir la guerre
avec fuccès & de remplir les engagemens qu'elle a
pris avec fes Alliés. Dans la même féance , la
Chambre réfolut d'indemnifer les Colonies de l'Amerique
de leurs dépenses à l'occafion de l'expé
dition contre Louifbourg . Elle délibéra le is en
grand Commité fur les moyens de lever le fubfide,
& elle regla qu'on y employeroit un million de
livres sterlings du Fond d'Amortiffement. Par un
état qui paroît des fommes payées fur les dettes de
la Marine , on en a acquitté onze cent trente cing
MA I. 1748. 139
ille quatre cent trente- quatre livres sterlings . La
Chambre ordonna le 18 de mettre au net le Bill
Pour exempter de toute impofition le thé qui fera
porté en Irlande. Deur mille hommes d'Infante
rie & mille de Cavalerie doivent s'embarquer pour
aller renforcer l'armée des Alliés dans les Païs Bas.
On équipe à Spithead une efcadre de quinze vaif
feaux de Ligne & de quelques frégates , dont l'Amiral
Waren aura le commandement . Les Com
miffaires de l'Amirauté ont reçu avis que les vaif
feaux de guerre l'Edimbourg ,de foixante- dix ca
hons ; l'Aigle , le Windfor & la Princeſſe Louiſe , de
foixante, & l'Inverneß , de vingt quatre , fe font ema
parés le 18 du mois dernier du vaiffeau d'Aviso la
Rofe & de deux petits navires , qui par des coups de
vent avoient été féparés de la flotte partie dernie
rement de Cadix . Les lettres de la Jamaïque mar
quentque des vaiffeaux de l'efcadre de M.Knowles
y ont conduit un navire François , à bord duquel
il y avoit quatre cent cinquante tonnes de fucre.
Les Actions de la Banque font à cent dix- huit &
demi , & celles de la Compagnie des Indes Orien
tales à cent cinquante-neuf, un quart . Celles de la
iner du Sud & les Annuités continuène de n'avoir
point de prix fixe.
Il y a apparence que fa Majefté fe rendra
cette année dans fes Etats d'Allemagne , ainf
qu'elle fe l'étoit propofée. Elle a eu une lon
gue conférence avec le Comte de Cheſterfield
ci-devant Secretaire d'Etat , qui auparavant en
avoit eu une de trois heures avec le Duc de Bedford.
L'efcadre dont le Roi a donné le comman
dement à l'Amiral Warren , & qui eft compofée
de dix-neuf vaiffeaux de Ligne , doit être jointe
par l'efcadre Hollandoife que commande le Vice
Amiral Schrywer. Après leur réunion elles iront
140 MERCURE DE FRANCE .
croifer en deux divifions à une certaine hauteur
Quatre Régimens d'Infanterie ont reçû ordre de
s'embarquer pour paffer dans les Païs Bas On travaille
à former le Régiment de Catholiques Romains
, que le Gouvernement a permis à la Repu
blique des Provinces Unies de lever en Irlande.
Les Actions de la mer du Sud font àă quatre vingtquatorze
& demi ; celles de la Banque à cent vingt,
un quart; celles de la Compagnie des Indes Orien .
tales à cent foixante & demi. Les Annuités n'ont
point de prix fixe.
Les nouvelles de Londres portent que le premier
Mai il y eut chés le Prince de Galles un Bal ,
qui tuc fuivi d'un fouper fervi a trois tables , chacune
de quarante couverts . Les Seigneurs pafferent
le 26 du mois dernier le Bill pour faciliter la
perception de la taxe fur les fenêtres. Le même
jour la Chambre des Communes lût pour la troifiéme
fois le Bill concernant les criminels d'Etat.
Elle a accordé au Roi cent cinquante deux mille
trente fept livres fterlings pour le rachat des Jurifdictions
héréditaires d'Ecofle. On écrit de Du
blin que le 20 du mois dernier le Comte de Harrington,
Viceroi d'Irlande , avoit mis fin aux féances
du Parlement de ce Royaume. Le Gouvernement
a ordonné aux Régimens de Wolf & de Howard
d'aller joindre l'armée des Alliés dans les
Païs Bas . On a tiré huit honmes de chaque Compagnie
des trois Régimens des Gardes à pied , pour
les envoyer à cette armée . Selon les nouvelles de
Plymouth l'efeadre commandée par l'AmiralWarren
y relâcha le 24 du mois dernier , ainfi que
cinq vaiffeaux de celle du Chef d'efcadre Moſtin ,
lefquels ont été fort endommagés par une tempê
te . L'équipage du paquebot le Hanover , à bord du
quel le Comte de Rolemberg , ci -devant Miniftre
MAI. 1748. 141
Plénipotentiaire de la Reine de Hongrie auprès
du Roi de Portugal , eft revenu de Lisbonne , a
rapporté que le Capitaine Coates avoit conduit
dans ce Port les trois navires Eſpagnols dont il
s'eft emparé , & qu'il y avoit été rejoint par les
vaiffeaux de guerte le vindfor & l'Aigle , qu'il
avoit envoyés à la pourfuite du refte du convoi
parti dernierement de Cadix . Ces deux vaiffeaux
non-feulement n'ont pu faire aucune prife , mais
ont couru rifque de tomber entre les mains des Ef
pagnols, On a reçû avis que l'Amiral Griffin avoit
remis à la voile du Fort de Saint David le 3 da
mois d'Octobre dernier , & que deux jours après
il avoit brûlé à la Rade de Madraff le vaiffeau
François le Neptune. Les mêmes lettres marquent
qu'un bâtiment de la même Nation a fait naufrage,
dans les environs . Celles de la Jamaïque annoncent
que M. Trelawney , Gouverneur de cette
Ile , s'eft embarqué avec fon Régiment & un
grand nombre d'Infulaires & de Negres fur l'efcadre
de l'Amiral Knowles , afin de feconder cet
Amiral dans une entrepriſe qu'on croit regarder
Pifle de Saint Domingue. Le navire l'Anfon , appartenant
à la Compagnie des Indes Orientales a
été pris à la vue de Bombay par les vaiffeaux François
l'Anglefea & l'Apollon. Les Actions de la
Compagnie de la mer du Sud font à quatre-vingtquinze
; celles de la Banque à cent dix fept & de-'
nii ; celles de la Compagie des Indes Orientales à
cent foixante & un, & les Annuités à
quatre-vingtquatorze
, un quart,
142 MERCURE DE FRANCE.
f
L
PROVINCES - UNIES.
E Comte de Buren fut baptifé le 11 Avril
dans la Grande Eglife . Il a eu pour pareins
les Etats Généraux , les Etats de Hollande & de
Weftfrife , ceux de Zélande , ceux de Frife , & les
villes de Dort , de Harlem , de Delft , de Leyde
& de Gouda , & il a été nommé Guillaume .
On écrit de Groningue du 29 Avril que les
Etats de cette Province réfolurent le 26 de ce mois
de reconnoître l'hérédité du Stathoudérat , tant
dans la ligue Feminine que dans la Mafculine de
la Maifon de Naffau Dieft , & d'y attacher les
mêmes prérogatives dont le Prince Stathouder
jouit dans les autres Provinces Unies . Il est parti
une Députation pour en porter le Diplôme à ce
Prince , & elle eft compofée de M. Henri Wychel
Bourguemeftre , & de Meffieurs Tiaden , de Marees
, Alberda de Renfema , Quintens & Rengers
de Formofum. On a reçû avis de Middelbourg
que l'efcadre Angloife qui croife fur la côte , a
été renforcée d'un vaiffeau de guerre. Les mêmes
nouvelles portent que la communication avec
l'Ile de Cadfant eft entierement rétablie . Ces lettres
ajoutent que le bataillon de Naflau Orange
qui étoit en garnifon à Fleffingue,s'eft mis en marche
, ainfi que le Régiment de Dragons de Schlippenback,
pour aller joindre l'armée des Alliés,
Le Prince Stathouder à la tête du Confeil d'Etat,
alla le 25 du mois dernier à Paflemblée des Etats
Généraux , à laquelle le Préfident de ce Confeil,
préfenta l'état des dépenfes pour l'entretien des
troupes de la République. Ce Prince retourna le
30 à la même affemblée pour prendre congé d'elle,
& il partit le premier pour l'aimée . Les Etats Généraux
ont nommé pour leur cinquième Miniſtre
MA I. 1748.
143
Plénipotentiaire aux conférences d'Aix-la- Cha→
pelle le Baron de Borffelen Vander Hooge , premier
Noble de la Province de Zélande . Selon les
nouvelles qu'on a de ce qui fe paffe dans ces conférences
, elles paroiflent promettre unfuccès favorable.
On a donné à M. Talmaan le commandement
de la flotte des côtes de Zélande . Il eſt
arrivé le 28 du mois dernier à Goerée vingt bâtimens
de tranfport chargés de troupes Angloi-
Les.
On écrit de la Haye qu'il arriva les de ce mois
un courier dépêché aux Etats Généraux par le
Prince Stathouder , pour les informer que le 30
du mois dernier il y avoit eu des articles prélimi
naires d'accommodement fignés à Aix - la - Chapelle
, que les Ratifications devoient être échangées
dans trois femaines , & qu'en attendant la
France étoit convenue avec la Grande Bretagne &
la République , d'une fufpenfion d'armes tant furmer
que fur terre . Le même jour le Comte de'
Bentinck , Premier Miniftre Plénipotentiaire des
Etats Généraux aux conférences pour la paix
revint d'Aix-la-Chapelle , & il leur a rendu comp
te de ce qui a été reglé dans ces conferences. Un
courier , par lequel le Comte de Sandwich envoye
au Roi de la Grande Bretagne le réſultat des mêmes
conferences , a paffé par cette ville en allant
à Londres. A Poccafion de la fignature des articles
préliminaires , les Etats Généraux le font affemblés
trois fois depuis lesક de ce mois , & les
Députés des Etats de Hollande & de Weftfriſe
qui ne devoient reprendre leurs féances que le 17 ,
les ont réprifes le 10 Les Députés que la Province
de Frife a chargés de remettre à la Princeffe de
Naffau un contrat de cinq mille livres de rente
viagere pour le Comte de Buren , s'acquitterent le
144 MERCURE DE FRANCE .
4 de cette commiffion . Le Marquis del Puerto ,
Ambafladeur du Roi d'Espagne , a préfenté aux
Etats Généraux un nouveau Mémoire , qui porte .
que le 3 du mois d'Avril de l'année derniere cet :
Amballadeur leur a demandé juftice au nom, de fa
Majefté Catholique contre le Gouverneur de Batavia
& contre les autres de leurs ſujets , qui par
une infraction manifefte du droit des Gens , & des
Traités les plus folemnels , ont formé des entre
prifes contre les Colonies Efpagnoles en Améri
que ; que cependant non-feulement on n'a point
puni les coupables , mais même on n'a commencé
contre eux aucune procédure ; que l'importance
de l'affaire , & l'équité dont les Etats Généraux .
font profeffion , donnent au Roi d'Eſpagne lieu :
d'efperer qu'ils auront égard à fes plaintes réitérées
; que la Majefté Catholique fe fate auffi qu'ils
feront payer par les freres Thomas & Adrien
Hoop , Négocians d'Amfterdam , les fommes dont
ils font redevables à l'armateur Don Joſeph Sevila.
Selon les lettres de Londres , la nouvelle
qu'on y a reçue le 7 de la fignature des préliminaires
, y a caulé une joie auffi vive que générale,
& a fait augmenter fur le champ de fix pour cent
les fonds publics.
Les lettres de Sittard du 6 portent que les
troupes de la République prennent pour la commodité
des fabfiftances , la même pofition qu'il
avoit été réfolu de leur faire prendre , avant
qu'on cût reçû la nouvelle du fuccès des
conferences d'Aix- la - Chapelle . Elles vont occuper
le camp de Weert , & elles s'étendront pardelà
Peelt & Hamon jufqu'à Geftel . Celles de la
Grande Bretagne camperont dans la Mairie de
Bois le Duc en attendant des ordres ultérieurs, La
marche des troupes Hefloifes , qui devoient s'avancer
7
MAI.
1748. 145
vancer vers la Meufe , eft fufpendue Le Lord
Sackville , qui a porté au Baron d'Aylva l'ordre de
remettre aux François la ville de Maeftricht,a paffé
à Sittard en retournant joindre le Duc de Cumberland.
On a appris que le Feldt-Maréchal Comte de
Bathiani a dépêché an de fes Adjudans à la Reine
de Hongrie , pour fçavoir les intentions de cette
Princeffe fur la conduite qu'il doit tenir dans la
conjoncture préfente.
pour
>
ITALIE .
N mande de Rome du 9 Avril que le Baillif
de Tencin , Ambaffadeur de la Religion de
Malte , dans une audience qu'il eut du Pape le 2
de ce mois a informé Sa Sainteté qu'il auroit
fucceffeur dans fon Ambaffade le Commandeur
Solar , ci- devant Ambaffadeur du Roi de Sardaigne
auprès de Sa Majefté Très Chrétienne. Le
Cardinal Mellini eft chargé des affaires de la Reine
de Hongrie , à la place du Cardinal Alexandre
Albani . Sa Sainteté a difpofé de l'Evêché de Potenza
en faveur du Pere Sarfala , de la Congrégation
des Clercs Réguliers de la Providence . La
quantité de grains qui fe trouve en cette ville , ne
pouvant fuffire à la ſubſtance des habitans juſqu'à
la récolte , le Gouvernement a obtenu du Roi des
Deux Siciles la permiffion de tirer des bleds des.
Etats de ce Prince. On écrit de Naples que fa
Majefté Sicilienne a ordonné d'établir des magafins
dans les principales Places . Les mêmes avis
portent que le Régiment Royal Sicile & celui
d'Oran , le font embarqués pour ſe rendre à Orbitello
. Ces avis ajoûtent que quelques bandits
s'étant fauvés à bord d'un navire de Livourne qui
étoit à la rade de Gaëtte , le Gouverneur de la
G
146 MERCURE DE FRANCE.
Place les y avoit fait enlever par cinquante Gre
nadiers . Selon les mêmes nouvelles la felouque
Napolitaine la Barque de Neige a fait naufrage à
la pointe du Château de l'uf, & de quarantetrois
perfonnes qui étoient fur ce bâtiment , il ne
s'en ett fauvé que dix -neuf. Le Roi des Deux Si--
ciles a accordé à Don Nicolas Miranda une place
de Confeiller d'Etat.
P
DE LIVOURNE le 28 Mars.
Ar un accident dont on n'a pu découvrir la
caufe , le feu prit le 17 de ce mois à un navire
Anglois qui avoit jetté l'ancre dans le Môle. Ce
ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'on l'éloigna
des autres bâtimens dont il étoit voifin , & ils auroient
couru un très- grand riſque , fi le vent n'en
efit détourné les flammes. Un vaiffeau de guerre
du Roi de la Grande Bretagne a conduit dans ce
Port deux barques , l'une de Malte , l'autre del
San Remo , fur le foupçon que les denrées dont
elles étoient chargées étoient deſtinées pout Génes
. Les lettres de cette derniere ville marquent
que le Marquis d'Ahumada , qui y commande les
troupes Efpagnoles , avoit appris de Madrid que le
Roi d'Efpagne l'avoit nommé Lieutenant Général.
On a été informé par les mêmes lettres que les
François ont perfectionné leur pont fur la Magra ,
& que le Duc de Richelieu devoit faire marcher
fix mille hommes à San Stephano . Selon les avis
reçûs du Plaifantin il a été ordonné dans la partie
de ce Duché appartenante à la Reine de Hongrie,
de préparer un nombre confidérable de chariots,
MA I.
147 1748.
U
DE GENES le 13 Avril.
Ne galiotte Génoife armée en courfe fous
pavillon de France , & commandée par le
Capitaine Romero , enleva le 6 de ce mois à la
portée du canon de Savone deux tartanes qui y
portoient , l'une mille mines de bled , l'autre cinq
cent avec de l'acier & un grand nombre de caifles
de vin de Florence . Deux vaiffeaux de guerre Anglois
, qui pourſuivoient en même tems des barques
parties de Monaco & chargéés de troupes
n'ayant pú , ni s'emparer de ces barques , ni s'op
pofer à la prife des deux tartanes , s'approcherent
de la Plage d'Arenzano où les barques s'étoient
refugiées , & ils tirerent plus de mille coups de ca→
non contre le bourg , dont plufieurs maiſons ont
été confidérablement endommagées & une prefque
rafée. Cinq cent foldats que ces barques
avoient à bord , defcendirent pendant ce tems
terre & arriverent ici le jour fuivant. On affûre
que les deux chabecs du Duc de Richelieu , lef
quels croifent actuellement vers le Golfe de la
Spécie , le font emparés de quatre gondoles de
Caprara , fur lesquelles il y avoit beaucoup de vin
& d'autres provifions que le Colonel Rivarola envoyoit
à Savone. Les deux navires pris il y a quel
que tems par ces chabecs , ont été relâchés depuis
qu'on a eu des preuves de leur véritable deſtination.
Sur l'avis que trois vaiffeaux ennemis ont établi
leur croifiere à la hauteur du Cap de Noli , deux
pinques François , qui avoient fait voile le 4 pour
Mónaco,font revenus ici.Quatre barques Catalanes
font entrées aujourd'hui dans ce Port, où elles ont
débarqué fept cent foldats Eſpagnols. Elles étoient
parties de Barcelonne avec une cinquiéme , qui
ayant perdu fon grand mât dans une tempête , &
Gij
14S MERCURE DE FRANCE.
été obligée de relâcher à Villefranche . On attend
encore un autre renfort de fix mille hommes des
troupes d'Espagne , pour lefquels on prépare des
logemens dans le fauxbourg de Biſagno. Afin d'épargner
de la fatigue aux troupes reglées , le Gouvernement
a ordonné que la bourgeoifie de cette
ville montât la garde aux Portes , à l'Arſenal &
aux endroits où l'on a renfermé les prisonniers de
guerre. Le Duc de Richelieu fait travailler à rendre
pratiquables pour les charois les chemins qui
conduisent à la Spécie. Selon les nouvelles qu'on
a reçûës de Savone le Roi de Sardaigne a renforcé
de deux bataillons la garniſon de la Citadelle
. Plufieurs des principaux habitans de la ville
ont été arrêtés , & ceux des villages des environs
ont été chargés de contributions exorbitantes ,
fur le foupçon qu'ils ont favorifé la derniere entrepriſe
tentée par le Duc de Richelieu . Ilfe tint le 6
une affemblée de la Banque de Saint Georges , &
l'on y élût de nouveaux Directeurs. On n'a pû encore
trouver de moyens efficaces pour rétablir le
crédit de cette Banque , dont les billets perdent
trente-fix pour cent. M. Pierre Antoine Paflano
eft parti pour aller exercer les fonctions de Commiflaire
Général de la République dans l'Ifle de
Corfe. On a fait embarquer fix cent foldats & une
grande quantité de munitions de guerre fur les
deux galéres qui le conduifent à la Baftie.
DE GENES le 16.
Onformement aux ordres donnés par le Duc
Cde Richelieu , pendant la vifite qu'il a faite
des hauteurs de Viareggio , on conftruit plufieurs
retranchemens fur ces hauteurs. On fortifie auffi
divers poftes le long de la Magra & dans les envi
MA 1. 1748. 149
fons de l'Ifle de Palmerie. Les ouvrages qu'on a
ajoutés à Sarzanello font entierement perfectionnés.
Il est entré dans ce Port un grand nombre de
bâtimens chargés de vivres. Par une felouque arrivée
de Barcelonne on a reçû avis qu'il en étoit
parti un convoi de feize bâtimens avec des troupes
pour se rendre en Italie . L'équipage de ce bâtiment
a rapporté que le Marquis de la Mina retournoit
joindre l'Infant Don Philippe , & que le
Comte de Carvajal , Lieutenant Général , devoit
venir prendre ici le commandement des troupes
Efpagnoles à la place du Marquis d'Ahumada. On
a été informé qu'il ſe faifoit à Livourne des achats
confidérables de grains pour le compte du Roi de
Sardaigne. Les lettres de plufieurs endroits confirment
que la plus grande partie de l'armée de la
Reine de Hongrie s'avance vers le Pavefan . Celles
de Naples marquent qu'un navire Napolitain
s'eft brifé contre les écueils de Gaette , & qu'on
n'a pu fauver perfonne de l'équipage . Un autre
bâtiment de la même Nation a été pris par deux
Corfaires Turcs à quatre milles d'Otrante. On
mande de Rome que la Princeffe , feconde fille du
feu Duc de Maffa , & qui doit époufer le Prince
Horace Albani , y eft arrivée le 10 de ce mois.
DE SAVONE le 18.
L
A nuit du 11 au 12 de ce mois un détachement
Piémontois , qui occupoit le pofte de San
Martino , fut attaqué par des Compagnies Franches
des troupes de Sa Majefté Très - Chrétienne ,
& après s'être défendu pendant quelques heures
il fut obligé de fe rendre prifonnier de guerre. Les
François ne fe font point établis dans ce pofte . Ils
fe renforcent confidérablement fur la riviere du
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
Levant. On affûre qu'ils ont dans les Ports de la
côte de Provence un convoi de foixante bâtimens
prêt à mettre à la voile. Les Anglois fe font emparés
le 15 d'une polaque Génoife , qui portoit des
boulets & d'autres munitions de guerre dans l'Iſle
de Corfe.
DE GENES le 27.
r
Nfit le 21 de ce mois la Proceffion générale
qu'on a coûtume de faire tous les ans à pareil
jour , & dans laquelle chaque Confrairie eft
précédée ordinairement par une troupe de jeunes
filles qui chantent des Cantiques. En paffant devant
la maifon du Chevalier Chauvelin , d'où le
Duc de Richelieu voyoit paffer la Proceffion
quelques unes de ces filles chanterent plufieurs
Stances à la louange du Roi Très- Chrétien. L
Actre que les ennemis deftinent à l'attaque de l'Iſle
de Corfe,& fur laquelle ils ont trois mille hommes
de troupes de débarquement , parut à la hauteur de
ce Port , mais le 22 elle fut obligée par un vent du
Sud de retourner à Vado . Comme on a appris
que le convoi , qui porte des ſecours d'hommes
& de munitions à la Baftie , & qui étoit retenu à
la Spécie par le mauvais tems , a remis à la voile
pour continuer fa route , on efpére qu'il ne fera
pas facile aux ennemis de réuffir dans leur entreprife.
Il eft arrivé ici de Monaco un nouveau renfort
de neuf cent trente hommes tant François
qu'Efpagnols , & l'on attend encore dans peu fix
cent Miquelets. Les fept cent foldats qui font arri
vés le 13 de Barcelonne , ont été tirés de la garnifon
d'Oran. Un bataillon du Régiment de la Marine
& deux de Royal Italien , firent le 21 l'exerice
dans la Place du fauxbourg de Saint Pierre
MAI. 1748. 151
d'Arena. Le 23 le Duc de Richelieu alla vifiter
les poftes le long de la riviere du Ponent . Il a envoyé
le Duc d'Agenois pour donner divers ordres
aux troupes qui ont leurs quartiers fur la côte
Orientale . Plus on approche de l'ouverture de la
campagne , plus les ennemis paroiffent perfifter
dans le deffein de former le fiége de la Spécie. On
affûre cependant que la Reine de Hongrie s'eft
réduite à récommander feulement au Comte de
Browne l'honneur de fes armes, Dans les premiers
jours de la femaine derniere les Anglois ont enlevé
à fix milles de Recco une barque Génoife ve
nant de Boniface , & chargée de munitions de
guerre qui appartenoient aux Efpagnols . Ce bâtiment
qu'ils ont pourfuivi depuis la Gorgone n'a
pû leur échaper , parce que l'antenue de fon grand
mât s'eft rompu en faiſant force de voiles . On ap
prit le 13 qu'un piquet des Compagnies Franches
a fait prifonniers du côté de Saffello trois Officiers
& quarante foldats des troupes du Roi de Sardai
gne. Le Gouvernement a ordonné à trois Eccléfiaftiques
& à trois Religieux Francifcains de fortir
des Etats de la République.
DE TURIN, le 27.
Es nouvelles de Livourne portent qu'on y a
୨
Génes. Selon les mêmes nouvelles un navire Danois
qui venoit de Cadix , coula à fond le 9 de ce
mois , fans qu'il ait été poffible de rien fauver
de fa cargaifon. Perfonne de l'équipage n'a péri ,
à l'exception du Pilote. Dans les premiers jours
de ce mois les Anglois ont conduit à Livourne
une polaque Françoife . Il eft arrivée de l'ffle de
Caprée dans le même Port quelques bâtimens ,
Gi
152 MERCURE DE FRANCE.
par lefquels on a fçû qu'un habile Ingénieur envoyé
à la Baftie par le Duc de Richelieu , en avoit
fait réparer & augmenter les fortifications , & que
la République de Génes avoit ordonné d'établir
dans cette Place des magafins confidérables de
toutes fortes de munitions . On a été inftruit par
les équipages des mêmes navires que trois pinques ,
à bord defquels étoient plufieurs foldats de recrues
pour le Régiment Corfe des troupes du
Roi , avoient été pris par les ennemis.
SUITE du fiége de Matftricht.
Tranchée du 26 au 27 Avril.
M
Attaque de la droite.
R. de Courtomer , Lieutenant Général
, M. de Baufremont , Maréchal
de Camp , deux Brigadiers , huit bataillons
, & huit Compagnies auxiliaires.
On a travaillé pendant la nuit à joindre
la quatriéme parallele , qui embraffe tous
les ouvrages , depuis la riviere jufqu'à la
branche droite de l'ouvrage à corne par rapport
à nous ; on fera pendant le jour cette
jonction à fappe pleine.
On a commencé à la gauche le débouché
de la quatrième parallele , on a auffi travaillé
dans la nuit à une communication ,
partant du dépôt de la droite jufqu'à la prémiere
parallèle ; elle fera achevée & perMA
I. 1748.
153
fectionnée aujourd'hui . Ce travail eſt de
340 toiſes.
Attaque de la gauche.
M. le Comte de Fitz -James , Maréchal
de Camp , un Brigadier , trois bataillons ,
trois Compagnies auxiliaires.
Les deux nouvelles batteries dans la feconde
parallele ont tiré aujourd'hui à fix
heures du matin .
Du Camp devant Maestricht le 27.
La Meufe ayant groffi confidérablement
, & nos pontons de la baffe Meufe
pouvant être endommagés par fon courant,
on les a repliés, & la communication
avec la rive droite de la riviere ne s'eft
foûtenue pendant quelques jours dans cette
partie là , qu'au moyen d'un pont volant
; on travaille actuellement à un pont
de bâteaux qui fera prêt aujourd'hui , &
auquel on joindra un fecond pont de pontons.
On a allongé les deux ponts de la
haute Meufe , mais on ne les a point repliés.
M. le Maréchal Général eft allé le 25
au matin voir jouer une mine fous la
vieille tour de Ghelik , dont la fituation
pouvoit donner à l'ennemi un emplacement
de batteries ; cette mine a eli tout
Gy
154 MERCURE DE FRANCE.
l'effet poffible & a formé un grand enton
noir , fur lequel il eft impoffible de rien
établir.
On a pouffé de l'Infanterie & des troupes
legéres dans le Limbourg & à Elduc
& deux Régimens de Dragons ont été renforcer
ce qui étoit à Gronsfeld.
Nos travaux du front du camp étant
en état & notre armée ayant reçû plufieurs
renforts , il eft vraifemblable que l'ennemi
fonge moins à nous attaquer qu'aux précautions
qu'exigent de lui les fuites de la
prife de Maestricht.
票
La pofition de Meffieurs du Chayla &
de Contades eft arrangée de façon , que
fans que le Demer ni la Dylle foient dégarnis
, les corps de troupes qu'ils commandent
peuvent en trente-fix heures être
rendus de droite ou de gauche là où M. le
Maréchal Général les jugera convenables.
Le mauvais tems qu'il a fait & qui con
tinue , retarde le progrès du fiége ; le mineur
eft cependant attaché à une des fléches
que les ennemis ont fait en avant de leur
premier chemin couvert ; on ne tardera
vraisemblablement pas à les attaquer.
MAL 1748. 255
Tranchée du 27 au 28 .
Attaque de la droite.
M. d'Armentieres , Lieutenant Général ,
M. de Nicolay , Maréchal de Canip , deux
Brigadiers , huit bataillons , & huit Compagnies
de Grenadiers auxiliaires.
On a employé la nuit à perfectionner le
travail de la nuit précédente.
Attaque de la gauche.
M. de Saulx , Maréchal de Camp , `un
Brigadier , trois bataillons , trois Compagnies
auxiliaires .
Les alliégés ont fait une fortie vers les
trois heures du matin d'environ mille hommes
d'Infanterie , de deux cent chevaux
& cent Huffards ; une partie s'eft coulée
le long de la Meufe , a percé par les embrafures
des batteries , & a encloue d'abord
quelques piéces de canon , mais nous
les avons chaffés & ils ont perdu plus de
trente hommes rués ou bleffés. Nous n'a
vons eû que deux foldats bleffés , les Huf
fards fe font difperfés en plufieurs troupes
du côté de la redoute & de l'épaulement
l'on a fait pour les fours ,d'où on leur
a tiré quelques coups de canon , ce qui les
a fait retirer avec précipitation.
M. de Beauchamp Commandant de
que
?
G vj
156 MERCURE DE FRANCE ,
bataillon du Régiment de Lowendalh , a
été bleffé ce matin très- dangereufement
d'un boulet de canon .
Les piéces ont été encloüées avec tant
de précipitation qu'elles ont été décloüées
fur le champ , & ont recommencé à tirer
à l'exception d'une feule qu'on travaille à
décloüer.
Tranchée du 28 au 29.
Attaque de la droite.
,
M. le Comte de Graville , Lieutenant
Général , M. de Maillebois , Maréchal de
Camp , deux Brigadiers , huit bataillons &
huit Compagnies auxiliaires.
L'attaque de la fléche ayant été,réfolue
pour le 28 au foir , les deux premieres
Compagnies des Grenadiers de la Tour du
Pin , foutenues de la troifiéme & quatrieme
de la Couronne , ont attaqué la fléche
par fa droite , & ont chaffé l'ennemi de
cette partie du chemin couvert , pendant
que la premiere Compagnie des Grenadiers
de la Couronne , foûtenue des Compagnies
de Rohan & d'Alface , a tourné la fléche
par la gauche. fa
L'attaque a commencé à neuf heures &
demie , & les ennemis nonobſtant leur feu
ont été chaffés de tout ce front- là , ce qui
M A I. 1748. 157
a donné à nos travailleurs la facilité de
faire leur logement , & de coëffer l'angle
faillant de la gauche du chemin couvert de
l'ouvrage à corne par rapport à nous ; la
fléche a été entourée par un boyau de communication
de droite & de gauche.
Cette attaque a donné l'allarme aux affiégés,
qui ont bordé fur le champ leur rempart
vers la droite d'où ils ont tiré toute
la nuit , ainfi que des ouvrages de la gau
che.
A quatre heures du matin les affiégés
font venus en force pour combler le travail,
mais ils ont été repouffés avec une perte
confidérable de leur part , & une très- médiocre
de la nôtre.
On a prolongé de neuf lignes tous les
débouchés qui avoient été commencés à la
droite de la troifiéme parallele.
On a conduit cette nuit quatre obuts
dans la nouvelle batterie .
Aitaque de lagauche.
M. le Duc de Fitz- James , Maréchal de
Camp , deux Brigadiers , trois bataillons
& trois Compagnies auxiliaires .
Toutes nos batteries ont été réparées &
tirent avec un grand fuccès.
Les ennemis ont démafqué deux piéces
de canon dirigées , fur la droite de notre
tranchée,
58 MERCURE DE FRANCE.
Tranchée du 29 au 30.
Attaque de la droite.
M. de Biffy , Lieutenant Général , M.
de Rooth , Maréchal de Camp , deux Brigadiers
, huit bataillons & huit Compagnies
de Grenadiers auxiliaires ,
Le fignal ayant été donné à neuf heures
& demie du foir pour l'attaque de la fléche
de la droite , les deux premieres Compagnies
des Grenadiers d'Auvergne ont
débouché par la droite , & les Compagnies
des Grenadiers de Rohan & de la Fere
par la gauche , le tout fuivi de travailleurs
qui malgré le grand feu de l'ennemi ont
couronné l'angle faillant du chemin, couvert
, & entouré la fléche par une communication
de droite & de gauche.
On a prolongé de droite & de gauche
le couronnement de l'angle faillant coëffe
la nuit précédente.
On a prolongé de deux zigzagues le débouché
de la droite de la troifiéme paral
lele , & au bout de ces zigzagues on a
commencé par la gauche une quatrième
parallele .
Les ennemis ont fait fauter vers minuit
une fougaffe qui a étouffé fix hommes .
Les trois nouvelles batteries de la deuriéme
& troifiéme parallele ont reçû cette
nuit leurs piéces.
MA I.
1748. 159
M. le Marquis de Biffy , Lieutenant
Général , a eu la jambe caffée d'un éclat de
bombe .
Attaque de la gauche.
M. Dumefnil , Maréchal de Camp , un
Brigadier , trois bataillons & trois Compagnies
de Grenadiers auxiliaires.
On a conftruit une nouvelle batterie de
quatre piéces de canon dans la feconde
parallele , tout-à- fait à la droite , & elle
fera achevée aujourd'hui .
Tranchée du 30 Avril au premier Mai,
Attaque de la droite.
M. le Duc de Chevreufe , Lieutenant
Général, M. le Comte de Lorges , Maréchal
de Camp , huit bataillons , huit Compagnies
de Grenadiers auxiliaires .
On a débouché cette nuit de la deuxié
me parallele à droite du débouché de la
fléche de la droite , pour aller fe joindre à
celle qui a été commencée hier par fa gau
che .
Certe quatriéme parallele embraffera
depuis la branche droite par rapport à nous
de l'ouvrage à corne , jufqu'à la hauteur
de la feconde lunette qui eft à droite dudię
ouvrage ; il manque encore environ qua
160 MERCURE DE FRANCE.
rante toifes au centre ; cette jonction eft
de deux cent toiſes ; on a fait vingt- cinq
toifes de droite & de gauche fur la crete du
chemin couvert qui protégeoit la fléche
droite.
On a fait auffi par notre droite quarante
toifes de fappe , y compris quatre traverſes
fur le chemin couvert , qui protégeoit la
fléche de la gauche .
Les ennemis ont fait fauter dans la jour
née de hier trois fougaffes , qui ont bleffé
plufieurs Grenadiers & Sapeurs.
Le feu des ennemis a été très vif pendant
la nuit ; ils ont démafqué ce matin à
la pointe du jour fur le front de notre gauche
quelques embraſures .
Attaque de la gauche.
La nouvelle batterie de quatre piéces de
canon recevra cette nuit fes piéces , & tirera
demain à la pointe du jour.
Tranchée du premier au fecond Mai.
Attaque de la droite .
, M. du Châtelet , Lieutenant Général
M. de Guerchy , Maréchal de Camp , deux
Brigadiers , huit bataillons & huit Compagnies
auxiliaires.
On a débouché cette nuit de la quaMAI.
1749. 161
triéme parallele de la droite , par un boyau
en ligne directe fur l'angle faillant de la
fléche droite , ce qui forme une communication
à une cinquiéme parallele pinçant
l'angle faillant de l'ouvrage à corne ,
& de la lunette à droite par rapport à nous ;
ce travail eft de deux cent toiſes. On a
continué à la fléche de la gauche par la
droite le couronnement du chemin couvert
de fept traverſes.
Attaque de la gauche.
La batterie de quatre piéces de canon a
commencé à tirer hier après midi , & elle
tire avec faccès.
On a perfectionné le boyau qui conduit
à cette nouvelle batterie.
M. de Montbourg , Maréchal de Camp ,
un Brigadier , trois bataillons & cent Dragons
à pied.
Tranchée du 2 au 3.
Attaque de la droite.
On a travaillé cette nuit à la prolongation
du couronnement du chemin couvert
de l'ouvrage à corne , & l'on a continué le
travail partant de la gauche de la fléche
droite , au moyen de quoi l'ennemi ne
fçauroit tenir dans la flèche du centre.
162 MERCURE DE FRANCE;
On a perfectionné la communication de
quatrième parallele , & travaillé à réparer
les débouchés.
Ja
M. le Comte d'Estaing , Colonel du
Régiment de Rouergue , bleffé.
Attaque de la gauche.
La nouvelle batterie tire avee fuccès.
Les ennemis ont fait un très - grand feu ,
mais nous n'y avons perdu perfonne.
Il y a depuis hier midi une fufpenfion
d'armes pour quarante-huit heures.
Du Camp devant Maestricht le s .
2
Les Compagnies Franches des ennemis
s'étant avancées jufqu'à Soutendal , &
quelques Huffards ayant pouffé jufqu'à
Ghelik , M. le Maréchal Général a fait
partir le z au foir M. le Duc de Fitz-James
avec quatre cent Maîtres , deux cent Huf
fards & quatre cent Grenadiers pour aller
à Soutendal & à Afche , & y enlever toutes
les troupes legéres qu'on affûroit s'y
être établies . M. de Beauffobre eft allé en
même tems avec quatre cent Huffards par
le côté de Stocken pour leur couper toute
retraite , & mafquer ce qui auroit pû
Venir par Mafeick.
Nos Volontaires à pied s'étant portés du
MA I. 1748.
163
côté de Stocken , y ont tué & pris quelques
Huffards
.
Un corps de trois mille Autrichiens
ayant pouffe jufqu'à Volduc la Compagnie
de Fifcher s'eft repliée fur Gulpen ; les
trois mille Autrichiens fe font retirés du
depuis.
Nos ponts fur la baffe Meufe font rétablis.
M. le Duc de Cumberland a envoyé
avant - hier au matin un Colonel Anglois
à M. le Maréchal Général , chargé d'une
dépêche pour lui & d'un ordre au Gouverneur
de Maestricht de rendre la place , fi
M.le Maréchal veut accorder les honneurs
de la guerre à la garnifon ; ce premier ne
voyant qu'un ordre fimple de M. le Duc
de Cumberland , a demandé une fuſpenfion
de quarante-huit heures pour pouvoir
envoyer un Officier à la Haye.
Il a été convenu qu'on ne fera cepen
dant de part ni d'autre aucun travail .
Le Colonel Anglois a affûré que les
préliminaires de la paix font fignés avec -
l'Angleterre & la Hollande.
Du S.
Le Général Major Comte Deffiet eft ar
rivé avant-hier de Bréda avec la réponſe
du Prince d'Orange au Gouverneur de
164 MERCURE DE FRANCE:
Maeſtricht , en vertu de laquelle la capiću.
lation a été fignée hier , & les troupes de
cette garnifon doivent l'évacuer le 10 &
fortir avec tous les honneurs de la guerre.
M. le Comte de Frife a été envoyé ce
matin à M. le Duc de Cumberland par M.
le Maréchal Général , avec une lettre de fa
part pour lui propofer le reglement des limites
pendant l'armiftice que M. le Maréchal
Général a eu ordre de publier & qui
ne regarde point les troupes Autrichiennes.
Dès que cet arrangement fera fait ,
les troupes entreront vrai-femblablement
en cantonnement .
Après la fortie de ces troupes le Maréchal
Comte de Saxe eft entré dans la ville ,
& eft defcendu à l'Eglife principale , où le
Te Deum a été chanté. Ce Général a dîné
enfuite chés le Maréchal de Lowendahl ,
qui s'eft établi dans la Place pour y commander.
La ceffation des actes d'hoftilité
a été publiée le 11 dans les deux armées ,
& l'on eft convenu d'envoyer des Officiers
Généraux de part & d'autre à Mafeick ,
pour y regler les limites d'un terrain neutre
qui féparera les troupes refpectives ,
& dans lequel elles ne pourront point entrer.
Le Maréchal Comte de Saxe fe difpofoit
à mettre en cantonnement des deux
côtés de la Meufe celles qui font fous fes
ordres.
་
MAI.
165 1748.
EXTRAIT de la Capitulation pour le
Gouverneur & les troupes des Etats Généraux
qui font dans Maestricht , fignée le
7 Mai 1748.
La ville de Maestricht & les Forts qui
en dépendent feront livrés en entier aux
troupes du Roi.
On fera fimplement un inventaire de
bonne foi des effets & munitions de guerre
qui font dans la Place.
Toute la garnifon fortira le 10 du cou.
rant avec les honneurs de la guerre, & par
confidération M. le Baron d'Aylva ,
pour
Gouverneur , il pourra emmener avec lui
deux mortiers& quatre piéces de canon ,
dont deux de 12 livres de balle & deux
de trois.
La garnifon Hollandoife fera conduite,
par le plus court chemin à Bois- le- Duc.
Les malades & bleffés de la garniſon
pourront refter dans la ville jufqu'à leur
entiere guérifon.
·
Les prifonniers faits pendant le fiége de
part & d'autre , feront rendus réciproquement.
Les Receveurs , Commis & Entrepreneurs
des Etats Généraux , ainfi que les familles
des Officiers , leurs effets & bagages
pourront refter trois mois dans la ville.
# 66 MERCURE DE FRANCE.
La garnifon ne pourra emmener avec
elle aucun chariot couvert.
On laiffera des ôtages pour le payement
des dettes .
Les pays , villages & dépendances des
Etats Généraux dans les environs de Maeftricht
feront traités comme le refte des
Pays-Bas conquis .
Le Clergé de chaque Religion établie
dans Maeftricht jouira des priviléges qui
lui ont été accordés par les Etats Généraux,
Les habitans qui voudront fe retirer de
la ville ou du plat pays , pourront le faire
dans trois mois. On promet de ne point
débaucher le foldat.
Les deux portes de Wick & de Bruxelles
feront livrées immédiatement après la
fignature de la capitulation , & il fera placé
dans l'intérieur de chacune de ces portes
une barriere qui fera gardée de part &
d'autre.
On remettra fans aucune réferve un état
de tous les effets qui font dans Maestricht
aux Commiffaires du Roi chargés de les
recevoir.
EXTRAIT de la Capitulation accordée
aux troupes de S. M. la Reine de Hongrie
quifont dans Maestricht ,fignée le 7 Mai.
Toutes les troupes de S. M. la Reing
MA I. 1748. 167
de Hongrie qui font dans Maeftricht en
fortiront le 10 avec les honneurs de la
guerre & les canons de campagne des Régimens
, au nombre de huit piéces , pour
aller joindre l'armée des Alliés vers Venlo,
ppaaſfſfaanntt par
Mafeick.
Les malades & bleffés de ces troupes
qui resteront dans Maeftricht , y feront
traités fuivant le Cartel , & on fournira
dans fon tems les paffeports , bâteaux &
I voitures néceffaires pour le tranfport defdits
bleffés , ainfi que pour ceux qui feront
reftés pour en avoir foin.
Tous les chariots appartenans à ces troupes
feront vifités en fortant de Maeftricht,
& ces troupes laifferont dans la ville des
ôtages pour répondre des dettes qu'elles
peuvent y avoir contractées .
On fournira à ces troupes en partant de
Maeftricht du pain & du fourage pour
quatre jours.
On ne débauchera perfonne defdites
troupes.
168 MERCURE DE FRANCE.
PROMOTION d'Officiers de Marine;
E Roi fait le premier Avril un rem-
Lplacement d'Officiers de Marine , par
lequel elle a nommé fix Chefs d'Eſcadre ,
vingt-cinq Capitaines de vaiffeaux , quarante
& un Lieutenans & cent feize
Enfeignes,
Chefs d'Efcadre.
Le Chevalier de Châteauneuf,Thomas',
M. de Ravenél , le Chevalier de Creſnay ,
M. de Macnemara , le Chevalier de Conflans
Brienne , & le Comte de Vaudreuil .
Capitaines de vaiffeaux.
Meffieurs de la Lardaye Begaffon , le
Gardeur de Tilly , Raguienne de Mareil ,
de Sanzay , Motheux , d'Orcife , Tremigon ,
de Maurville , Desherbiers , Chevalier de
Vienne , Sorel , Chevalier de Bellingant,
Chevalier de Caumont , Dannat de Montmaur
, Charmail , Chauvereau , Chevalier
de Thivas , Chevalier de Chavagnac
Kervforet , Chevalier d'Eaux de Raimondis
, de Sabran de Gramont , Mercier , de
Saint Allouarn , Bart , d'Urtubie Fagoffe.
Lieutenans.
,
M A I. 169 1748 .
Lieutenans,
• Meffieurs Terraffon de la Villaffe ›
Kermeno Gouzillon , de la Mothe , de
Flotte Seillans , de Marchainville , Cheva-
Tier des Gouttes , Huon de Kermadec , de
Saint Julien , Taulanne , de Beaujeu de
Quiqueran , Pourchereffe de Frayfans ,
Chevalier d'Abbadie Saint Germain ,
Chevalier de la Prevalaye , de Fontaine
Mervé , Blois de la Calende , Chevalier
de Ricoux , Kervafdoué , de Queux Saint
Hilaire , Chefnel Defcoyeux , Theon de
Châteaubardon , Roffel de Cercy , Greflier
de Concife , Flayol de Villeneuve , le
Roux , la Croix de Merargues , Brunolo ,
Lombard , de Chievres , de Rambures , le
Gentil de Rofmorduc , de Chabot , Chevalier
de Maillé Brezé , la Guarigue Savigny
, la Touche Treville , de la Jaille ,
Foucault , de Marniere de Caftelanne
Saint Jeurs , de Plas , de la Monneraye.
>
Enfeignes.
Meffieurs Keridec , Marencin de Chi
vrey , de Reals , du Chaffault , Beauffier
de Châteauvert , Chevalier de Montfiquet,
de Saint Prix , de Mufvillac , ' Lort de
Serignan , Deſtry de Secqueville , Maré-
H
170 MERCURE
DE FRANCE
.
chal des Logis pour prendre fon rang du
jour de la Promotion ; Chevalier Turpin
du Breuil , de Graffe , Chevalier de Longueville
, d'Harambures , Keroulas de Ro
mainville, de Coatudavel ,Chevalier Roul
fel de Preville , Kermadec Huon , de Refuges
, de Janvry , Chevalier de Kerno ,
du Houlbec , du Bois de la Mothe , du
Clefnieur , du Pignet Guelton , Chevalier
de Glandevez , Chef de Brigade de la
Compagnie des Gardes de la Marine a
Toulon ; Chabert de Cogolin , Dortigues
de Peyrolles , Chevalier de Courcy , Prévôt
de Traverſais , Vaixiere de la Rivaux ,
de Montazet , Belleville l'Etendart , du
Chatel Quilimadec , Chevalier d'Arcy
Chevalier de Tronjolly , de Treffemanes
Chateuil , Baron de Flotte , de l'Hôpital
des Cognées , Sigoyer , Guiran de la
Brillane , d'Audiffret , la Ville Hullin ,
Chevalier de Kermoifan , la Croix de
Gaujac , de Cohornes , Chevalier de Po
morio , de la Roche Saint André , Beauregard
de Telincourt , de Kerearney , Chef
de Brigade de la Compagnie des Gardes
de la Marine à Rochefort ; Chevalier de
Retz , Catelin , de la Garde , Baudrean de
Tredean , Soubez , Du Balay , d'Orves ,
Saint Legier de la Sauzaye , Chevalier de
Keranftret , Chevalier de Liniers , GotteM
A I. 1748. 171
1
·
›
ville Bellifle , Defmichels Champorcia ,
Chevalier de Remond de Modene , Chevalier
de Bafleroi , Montigny de la Violaine
, de Vaffan , Bofcal Reals , de Repentigny
, Chabert de Burgues , de Selve ,
d'Aubenton , Belleifle Erard , d'Hicard',
de Gabaret Chevalier de Tournon
Ogilvy de Boyn , de Suffren , de l'Epine
Grainville , Gaudion d'Ardilliere , Landré,
-de Kerfalun , Chevalier d'Albertas , de
Briqueville , Durand de Sauffe , la Biochais
, Caftelant , Chevalier de Piolenc ,
Saint Denis de Vieuxpont , Chevalier de
Muyn , du Bourguet , d'Albert de la Milliere
, de Marcreux , de la Martonie ,
Chevalier de Dampierre , de Châteaugué,
Mithon de Genouilly , de Guernelé , Chef
de Brigade de la Compagnie des Gardes
de la Marine à Breft ; Treondal , Dupleffis
Parfcault , Chevalier de Penvern , Cheva-
Hier de Bernets , Chevalier de Monteclair
d'Albert de Rions , des Touches , du Def
fais , Franffure de , Villers , de Saint Ce
Zaire , d'Aros d'Argelos , de Saint Leger ,
Perrier de Salvert , Boisjollan , Perrier
Chevalier de Chalmazel , du Guefclin ,
d'Heguerty , Huon de Kermadec.
Hij
772 MERCURE DE FRANCE .
PROMOTION d'Officiers dans la
Gendarmerie,
Le Roi ayant fait un remplacement
d'Officiers dans la Gendarmerie , Sa Majefté
a accordé la charge de Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
Anglois , vacante par la promotion
du Comte de Lignieres au grade de Maréchal
de Camp , au Comte Dauvet , Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des
Gendarmes d'Orleans ; cette derniere
Compagnie au Marquis d'Oify , Sous-
Lieutenant de celle des Gendarmes d'Anjou
; celle des Gendarmes Dauphins , dont
le Marquis de Dromefnil , nommé Maré
chal de Camp, étoit Capitaine- Lieutenant,
au Marquis du Coudray , Capitaine-Lieutenant
des Gendarmes d'Anjou ; celle des
Gendarmes d'Anjou au Marquis de Flavigny
, Sous Lieutenant des Chevau-Legers
d'Orleans ; celle des Gendarmes de
Berry au Comte de Houdetot , Sous - Lieutenant
des Gendarmes Dauphins ; la Sous-
Lieutenance des Gendarmes d'Anjou au
Comte d'Herbouville , Enfeigne des Gen,
darmes de Flandres ; la Sous - Lieutenance
des Chevau-Legers d'Orleans au Chevalier
M A I. 173 1748.
Harcourt , premier Cornette de la même
Compagnie ; celle des Gendarmes Dau→
phins au Marquis de Tracy , Enfeigne des
Gendarmes d'Anjou ; celle des Chevau-
Legers de la Reine , vacante par la promo
tion du Marquis de Vauban au grade de
Maréchal de Camp , au Marquis de Sebbeville,
Enfeigne des Gendarmes Dauphins ;
celle des Gendarmes de Berry qu'avoit le
Chevalier du Châtelet , nommé Maréchal
de Camp , au Comte de Biarnay , Enſeigne
des Gendarmes Bourguignons ; celle des
Gendarmes Anglois , qui vaquoit par la
mort du Marquis de Maulévrier , au Mar
quis de Bouville , premier Cornette des
Chevau-Legers Dauphins ; l'Enſeigne des
Gendarmes de Flandres au Comte de Fa
laru , Guidon de la même Compagnie
la premiere Cornette des Chevau- Legers
d'Orleans au Marquis de Lordat , fecond
Cornette des Chevau- Legers d'Anjou ;
FEnfeigne des Gendarmes d'Anjou au
Comte de Surgeres , fecond Cornette des
Chevau-Legers de la Reine ; l'Enfeigne
des Gendarmes Dauphins au Marquis de
Bretenil, Guidon de la même Compagnie ;
P'Enfeigne des Gendarmes Bourguignons
au Comte de Graville , Guidon des Gendarmes
de Berry ; la premiere Cornette des
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
Chevau-Legers Dauphins au Marquis dé
› Vignacourt
d'Anjou ; l'Enfeigne des Gendarmes Ecoffois
, vacante par la démiffion du Comte
de Ligny, au Marquis de Jaucourt , premier
Cornette des Chevau Legers de Bretagne ;
l'Enfeigne des Gendarmes de la Reine ,
dont le Marquis de Beauvais a donné auffy
fa démiffion, au Marquis de Raffetot , Guidon
des Gendarmes Bourguignons ; le
Guidon des Gendarmes de Flandres au
Marquis de Janfon , Capitaine dans le Régiment
de Cavalerie de Bretagne ; la feconde
Cornette des Chevau - Legers d'Anjou
au Marquis de Mutinais , Capitaine
dans le Régiment de Cavalerie de Maugiron
; la feconde Cornette des Chevau- Legers
de la Reine au Marquis de Simiane
Capitaine dans le Régiment de Cavalerie
de la Rochefoucault ; le Guidon des Gendarmes
Dauphins au Marquis de Canify ,
Page du Roi en la grande Ecurie ; le Guidon
des Gendarmes de Berry au Comte de
Chaftenay , Capitaine de Cavalerie dans
le Régiment de la Reine ; le Guidon des
Gendarmes d'Anjou au Comte d'Egreville,
Cornette dans le Régiment de Cavalerie
du Rumain ; le Guidon des Gendarmes
Bourguignons au Marquis de Raray
Guidon des Gendarmes
MA I.
175 1748,
Moufquetaire , & celui des Gendarmes
Ecoffois , vacant par la démiffion du Mar
quis de Bethune , qui paffe à la charge de
Commiffaire Général de la Cavalerie , au
Marquis de la Porte de Ryans , fecond
Cornette des Chevau- Legers de Bretagne.
Le Comte de Martel a été nommé Major
de la Gendarmerie , à la place du Marquis
de Caftellane qui a été fait Maréchal de
Camp , & l'emploi d'Aide Major qu'avoit
le Comte de Martel , a été donné au Vicomte
de Sabran , Capitaine avec rang
de
Meftre- de- Camp dans le Régintent de Ca
valerie de Talleyrand,
I:
7
1.2
3. 2 10
Hij
176 MERCURE DE FRANCE
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
E Roi a donné au Comte de Maulé
vrier Colbert , Lieutenant Général ,
Je Gouvernement de Saint Jean Pied-de-
Port , vacant par la mort de M. de Tertaye.
Sa Majefté a en même tems difpofé en
faveur du Marquis de Cernay , Maréchal
de Camp , auquel cite avoit accordé les
honneurs de Commandeur de l'Ordre
Royal & militaire de Saint Louis , la place
de
Commandeur & la penfion de quatre
mille livres dont M. de Terlaye jouiffoit
dans cet Ordre.
Le Roi a accordé trois Guidons qui va
quoient dans la Gendarmerie , au Marquis
de Vaudremont , Capitaine dans le Régiment
de Cavalerie de Foucquet ; au Comre
de Lavaux , Capitaine dans le Régiment
des Gardes Lorraines , & à M. de la Richardie
, Lieutenant dans le Régiment
d'Infanterie de Sa Majesté.
Le Comte de Guerchy , Maréchal de
Camp, & Colonel Lieutenant du Régiment
M. A 1. 1748. 177
du Roi , arriva le 8 de ce mois au matin du
Camp devant Maeſtricht , d'où il a été dé--
pêché par le Maréchal Comte de Saxe ,
pour informer Sa Majefté que le 6 au foir
le Gouverneur de Maeftricht avoit fair
arborer le Drapeau blanc.
Madame étant tombée malade le 26 du
mois dernier , & les remédes qu'on a em
ployés pour fa guérifon n'ayant eu aucun
fuccès , l'Abbé de Barail , Aumônier dw
Roi en quartier , lui a ſuppléé les cérémonies
du Baptême , & elle a été nommée
Marie -Théréfe . Le 27 à neuf heures du
foir cette Princeffe mourut âgée d'un an
neuf mois & huit jours , étant née le g
Juillet 1746. Elle étoit fille de Monfeigneur
le Dauphin , qui l'avoit eue de for
premier mariage avec Marie- Theréfe , In-
Tante d'Espagne..
Le Roi a nommé le Comte de Bafchr
fon Miniftre Plénipotentiaire auprès de
L'Electeur de Baviere...
Le corps de feue Madame fut apporté
e 28 du mois dernier au foir de Verfailles
au Palais des Thuilleries . Il y a été expofé
-à vifage découvert , & le lendemain il a
H. v
178 MERCURE DE FRANCE.
les
été ouvert , embaumé & mis dans le cer
cueil. Le 30 vers les fix heures du foir il
fut porté à l'Abbaye Royale de Saint
Denis , la marche s'étant faite dans l'ordre
fuivant. Deux caroffes du Roi , dans lef
quels étoient les Femmes de- Chambre de
la Princeffe ; un troifiéme caroffe de Sa
Majefté rempli par les huit Gentilshommies
ordinaires , deſtinés à porter le cercueil &
quatre coins du Poële qui le couvroit ;
un détachement de chacune des Compa
gnies des Moufquetaires ; un détachement
de celle des Chevau- Legers. Des Pages
de la Grande & de la Petite Ecurie du Roi ,
& des Pages de la Reine & de Madame la
Dauphine , étoient à cheval devant le caroffe
du Roi , où étoit le corps de Madame .
Plufieurs Valets- de pied de leurs Majeftés
entouroient le caroffe , après lequel marchoient
le détachement des Gardes du
Corps & le détachement des Gendarmes.
Le Prince Conftantin , Premier Aumônier .
du Roi , & qui à caufe de l'indifpofition
du Cardinal de Rohan faifoit la cérémo
nie , étoit dans le caroffe à la droite , &
il portoit le coeur de la Princeffe. La Ducheffe
de Chartres , choifie par le Roi
pour accompagner le corps , étoit à la gauche
, ayant avec elle la Princeffe de MonMA
I. 1748. 179
>
#auban. La Ducheffe de Tallard , Gouver
nante des Enfans de France , étoit vis-àvis
du corps. Madame de Butler , Sous-
Gouvernante , & l'Abbé de Sainte Alde,
gonde , Aumônier du Roi , étoient aux
portieres. Les caroffes de la Ducheffe de
Chartres & ceux du Prince Conftantin
& de la Ducheffe de Tallard fermoient la
marche. Le convoi étant arrivé à l'Abbaye
de Saint Denis vers les neuf heures du
foir , le Prince Conftantin préfenta le
corps au Prieur de l'Abbaye , & il fit l'inhumation.
Après cette cérémonie le coeur
fut porté dans le même caroffe à l'Abbaye
Royale du Val -de - Grace .
Le 23 , Fête de l'Afcenfion de Notre-
Seigneur , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château la Meffe
chantée par la Mufique. L'après- midi leurs
Majeftés affilterent aux Vêpres.
Le 16 la Reine entendit la Meffe dans
'Eglife des Recolets qui célébroient la
Fête de Saint Jean Nepomucene , & elle y
Communia par les mains de l'Archevêque
de Rouen , fon Grand Aumônier . Sa Majefté
, accompagnée de Mefdames de
France , retourna l'après midi à la même
Eglife où elle affifta au Sermon prononc
Hvj
So MERCURE DE FRANCE
par le Pere Renaud , Religieux Domini
cain .
Le 20 pendant la Meffe du Roi l'Evêque
de Rieux prêta ferment de fidélité entre
les mains de Sa Majesté. L'Evêque de
Glandeve le prêta le 22 .
Le Roi a accordé au Duc de la Valliere
la charge de Grand Fauconnier , vacante
par
la mort du Comte des Marets..
Sa Majefté a difpofé du Régiment d'Infanterie
de Languedoc , dont le feu Comter
de Duglas étoit Colonel , en faveur du
Comte de Morangies , Gendarme de la
Garde du Roi
De Bruxelles le 6 Mai.
En conféquence de ce qui a été convent
entre les Miniftres Plénipotentiaires affem
blés à Aix-la- Chapelle , les Généraux ref
pectifs des deux armées ont pris les arrangemens
néceffaires pour établir une fufpen
fion d'armes , conformément à celle qui a
été arrêtée tant far terre que fur mer par
lefdits Miniftres. On a appris du Camp
devant Maestricht , qu'avant la concluſion
de l'Armiftice , les Compagnies Franches
des ennemis s'étant avancées jufqu'à Sousendal
, & quelques uns de leurs Huffards
ayant ponffe jufqu'à Ghelick , le Maréchal
M -A I. 1748.
Comte de Saxe avoit fait marcher le 2 au
foir le Duc de Fitz - James avec quatre cent
Grenadiers , un pareil nombre de Cavaliers
& deux cent Huffards pour enlever ces
troupes , mais qu'elles s'étoient retirées à
l'approche de ce détachement. Plufieurs
Huffards ont été tués ou pris dans les envi
rons de Stockem. Un Corps de trois millet
hommes des troupes de la Reine de Hon
grie, lequel s'étoit porté à Rolduc, a abandonné
ce pofte..
De Breft le 2 Mai.. Mai.
Depuis le retour de quelques-uns des
Officiers , qui étoient fur le vaiffeau le
Magnanime, lorsqu'il a été pris par les Anglois
, on a été informé du détail du combat
que ce bâtiment a foûtena , & dont
voici les principales particularités . Le
Magnanime , après avoir été féparé des
vaiffeaux l'Alcide & l'Arc - en- Ciel , & de la
frégate le Cumberland par un vent violent
du Sud- Ouest , effuya depuis le premier
Février jufqu'au 9 fix tempêtes , par lefquelles
il eût fes mats de hunes- rompus &
fes voiles emportées. Menacé de perdre à
chaque inftant fes mats majeurs & la barre
du gouvernail , il n'avoit d'autre reffource
1S MERCURE DE FRANCE.
que de relâcher au Port de Breft , qui étoit
le feul où il pût trouver les fecours dont il
avoit befoin. Pendant une partie de la
route , la violence du vent fut telle qu'il
n'étoit pas poffible de tenir àla cape à la
Mifaine. Le 11 le Magnanime n'étoit plus
qu'à cent lieues de Breft , lorfqu'à la pointe
du jour il fe trouva au milieu de neuf vaiffeaux
ennemis . L'Amiral Hawke , Com
mandant de cette Efcadre , détacha le Not
tingham , de foixante canons , & le Port
land de cinquante, pour attaquer le Magnanime
, & le combat commença à neuf heures
du matin. Quoique le vaiffeau François
ne pût fe fervir que de fa feconde batterie
& des canons de fes gaillards , il fir
un feu très-vif contre les Anglois qui le
battoient , tantôt par la hanche tantôt par
l'arriere. A quatre heures après midi les
ennemis s'éloignerent afin de raccommoder
leurs manoeuvres. Ils revinrent une
heure après , & le Marquis d'Albert qui
commandoit le Magnanime , fe flatoit encore
de fe défendre. Malheureufement les
derniers palans qui lui reftoient furent
brifés. Comme dans cette conjecture ç'eût
été facrifier inutilement fon équipage que
de faire une plus longue réfiftance le
Marquis d'Albert ordonna d'amener un
>
MAI. 1748. 183
refte de flamme attachée aux haubans d'Artimon
qui fervoir de pavillon . Dans ce
combat qui a duré huit heures , le vaiffeau
le Magnanime a tiré près de mille coups de
canon , & ily a eu cent foixante bommes .
rués ou bleffés fur ce bâtiment. M. Beauf
fier d'Ayrand , Capitaine en fecond , eft dự
hombre des premiers.
D'Aix-la-Chapelle le 2x .
L'échange des ratifications des artieles
préliminaires que le Comte de Saint
Severin , le Comte de Sandwich , & les
Miniftres Plénipotentiares des Etats Géné➡
Faux des Provinces Unies , ont fignés aur
nom de leurs Souverains pour parvenir à
ane Pacification générale , s'eft fair aujour
d'hui dans une Conférence qui s'eft tenue
pour cet effet. Un courier que le Comte
de Kaunitz avoit dépêché à Vienne pour
donner part de la fignature de ces articles à
la Reine de Hongrie , en eft revenu ,
on n'eft pas encore informé de la réponſe
de cette Princeffe . On attend de fa part un
autre courier & on fe flate qu'il apportera
áu Comte de Kaunitz l'ordre de concourir
au grand ouvrage de la paix . Cette efpé.
rance femble d'autant mieux fondée qu'on
mais
84 MERCURE DE FRANCE.
a appris que fa Majefté Hongroife a fufpendu
la marche des nouvelles troupes qui
étoient en chemin vers les Païs Bas. Suivant
les lettres de l'armée des Alliés , le
Duc de Cumberland a transferé fon Quartier
de Saint Euderode à Erp , & les troupes
de la Grande Bretagne ont été cantonnées
dans les environs . Celles de la Reine
de Hongrie le font dans les bourgs & l'es
villages voifins du Château de Baxtel , où
eft le quartier du Feldt- Maréchal Comte
de Bathiany. On écrit de Bréda que le
Baron de Grovefteins , Grand-Ecuyer du
Prince Stathouder des Provinces Unies , y
a paſſé en allant exécuter une commiffion
de ce Prince auprès du Maréchal Conite
de Saxe. Les nouvelles de Maeftricht portent
que ce Général s'eft conten é de faire
décimer les foldats qui, lorfque la garniſon
eft fortie de la Place , ont été reconnus
pour avoir déferté des troupes de France .
On a reçû avis qu'il s'eft rendu le 16 à Haffelt
, le 18 à Malines & le 19 à Bruxelles .
*
Le Roi a nommé le Maréchal Duc de
Belle-Ifle Pair de France.
On a appris que l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme avoit atcedé aux
Articles Préliminaires de Paix , fignés à
MAI 1748: 185
Aix-la-Chapelle le 30 du mois d'Avril der
nier , & que cette acceffion alloit être fuivie
de celle du Roi de Sardaigne .
Le 29 de ce mois l'ouverture folemnelle
de l'Affemblée du Clergé de France fe fit
avec les cérémonies accoûtumées dans l'Eglife
des Grands Auguftins par la Meffe du
Saint Efprit , à laquelle les Prélats & autres
Députés qui compofent l'Affemblée
communierent ; l'Archevêque de Tours ,
Commandeur de l'Ordre du S. Efprit , y
officia pontificalement , & le Sermon fut
prononcé par l'Evêque de Troyes.
SUITE de la Séance publique de l'Acadé
mie Françoife du 4 Avril.
A
Près les Difcours de M. le Marquis
de Paulmi, de M. Greffet & de M. de
M. de Boze , dont nous avons rendu compte
dans le dernier Mercure , M. de Mari
vaux lat un morceau qui plûr beaucoup
fort ordinaires de tous les ouvrages de ce
célebre Académicien.
•
Il s'agit dans cet ouvrage d'un jeu d'imagination
, par le moyen duquel l'Auteur
fuppofe qu'il voit non-feulement comme
ane image de l'ame & de la penfée en gé
néral, mais encore tout ce qu'en fait d'ou
186 MERCURE DE FRANCE.
vrages l'efprit de l'homme a jufqu'ici, produit
ou rêvé.
C'eft à-dire , qu'il y voit depuis le plus
mauvais Conte des Fées jufqu'aux Syftêmes
anciens & modernes les plus ingénieufement
imaginés,depuis le plus plat Ecrivain
jufqu'à l'Auteur des mondes.
Il y voit l'obfcure Philofophie d'Ariftote
, & malgré fon obfcurité , il en admire
L'Auteur dont l'efprit n'a point eu d'autres
bornes que celles que l'efprit humain avoit
de fon tems.
Il y voit à fon tour le Syftême du fameux
Defcartes ; cet homme unique à qui tous
les hommes des ficcles à venir auront Pé
ternelle obligation de fçavoir penfer & de
penfer mieux que lui . Cet homme qui a
éclairé la terre , qui a détruit cet ancien
idole de notre ignorance , je veux dire ce
tiffu de puérilités refpectées depuis fi longtems
, qu'on appelloit Philofophie & ' qui
n'en étoit pas moins l'ouvrage des meil
leurs génies de l'antiquité ; cet homme enfin
qui même en s'écartant quelquefois de
la vérité , ne s'en écarte plus en enfant
comme on faifoit avant lui , mais en homme,
mais en Philofophe qui nous a appris
àremarquer quand il s'en écarte , qui nous
a laiffé le fecret de nous redreffer nous- mê
1
M. A 1. 1748. 187
mes , qui d'enfans que nous étions , nous .
a changés en hommes à notre tour , & qui
n'eût- t'il fait qu'un excellent Roman ,
comme quelques- uns le difent , nous a du
moins mis en état de n'en plus faire.
Le Système du célebre,du grand Newton,
peut- être plus grand que Defcartes même ,
s'il n'avoit pas été bien plus aifé d'être
Newton après Defcartes , que d'être Def
cartes fans le fecours de perfonne , & fi ce
n'étoit avec les forces que ce dernier à données
à l'efprit humain , qu'on peut aujour
d'hui furpaffer Defcartes même.
Auffi vois-je , ajoûte l'Auteur , qu'il y a
des génies admirables , pourvû qu'ils vien
nent après d'autres , & qu'il y en ade faits
pour y venir les premiers.
Les uns changent l'état de l'efprit humain
, ils cauſent une révolution dans les
idées.
Les autres pour être à leur place ont
befoin de trouver cette révolution tout
arrivée , ils en corrigent les Auteurs , &
cependant ils ne l'auroient pas faite , &c.
M. le Baron de Zurlauben , Chevalier
de l'Ordre militaire de Saint Louis & Capitaine
auau Régiment des Gardes Suiffes , a
remporté le Prix à l'Académie Royale des
99
MERCURE DE
FRANCE.
Belles- Lettres . Le fujet du Prix
propoſe
par
l'Académie
confiftoit à
examiner ,
quelles
étoient les
differentes accep-
• rions des Titres de
ΑΣΥΛΟΣ & ΙΕΡΑ
ΑΣΥΛΟΣ que
plufieurs villes
» fur les
Médailles ? Le droit
d'Aſyle de- prennent
voit-il
toujours fon
origine à la Reli-
» gion ? Son
étendue étoit-elle
partout la
» même ? A qui étoit confié le foin de le
maintenir ? Quel font les
Afyles qui
» ont
fubfifté fous la
domination des Ro
» mains , & quand ont- ils été abolis ?
La
maniere dont M. le Baron de Zur
Lauben
difcuté toutes ces
questions a fait
beaucoup
d'honneur à fon
érudition , &
nous
pourrons
donner un extrait de fa
Differtation dans le
Mercure du mois
prochain.
L'Amulette de la Chine ,
véritable ſpéci
fique contre les punaifes , fe vend chés le
Sieur Jeure ,
Marchand
Tapiffier , vieille.
rue du Temple , vis-à- vis le cul- de-fac
d'Argenfon , & chés la Dame Rouffin ,
Marchande
Merciere dans la cour du Luxembourg
fpécifi
du côté
de la ruë d'Enfer
. Ce
a été éprouvé avec fuccès , &
f'expérience en fera plus
perfuafive que
tous les éloges qu'on en pourra faire ,
MA 1, 159
1748.
*
Le prix en eft fuivant la grandeur , de
6 liv. les petites , de 9 liv . les moyennes ,
& de 5 liv. les plus grandes pour les voya
geurs.
စာ
MARIAGES ET MORTS,
R. le Comte d'Argenteuil , Lieutenant Géné
ral pour le Roi des Provinces de Champagne
& Brie , Gouverneur de la ville de Troyes
en furvivance du Marquis d'Argenteuil foh pere ,
époufa la nuit du premier au 2 Avril au Château
de Bailli- en- Riviere , en Normandie , Mademoi
felle le Veneur.
On a parlé de la Maiſon de Lebafcle , dont eſt le
Comte d'Argenteuil, dans plufieurs Mercures pré
cédens ; celle de le Veneur qui eft rapportée dans
' Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne
n'eft pas moins illuftrée par les grandes charges
& dignités qu'elle a poffédées , que par fes hautes
alliances , ayant produit un Cardinal Grand Aumônier
de France fous le regne de François I.
un Maréchal de France , deux Chevaliers du Saint
Esprit fous Henri III . & Henri IV. trois Lieute
nans Généraux de la Province de Normandie , &
plufieurs Evêques de Lifeux , de Coûtance &
d'Evreux , & elle a pris & donné des alliances immédiates
dans les Maifons de Baffompierre , Chabot
, Ponpadour , Rouhaut Gamache , Desparbes
d'Obterre , de Salme , de Fiefque , & autres
•
190 MERCURE DE FRANCE.
2
des plus confidérables de France & de l'Europe.
Marie Angelique- Philippine le Veneur , nouvelle
mariée , eft coufine iffue de germaine de Anne.
Gabrielle le Veneur , aujourd'hui Dacheffe de
Châtillon .
Le dernier Avril a été fait à Saint Euſtache le
mariage de Jean Louis Quentin de Richebourg ,
Marquis de Champcenetz , en Brié , Prèmier Valet
de- Chambre du Roi , Gouverneur de Meudon ,
& nommé par Sa Majefté à l'adminiſtration du
Gouvernement de Choify- le - Roi pendant le bas
âge du Marquis de Coigny , fils de Louis- Quentin
de Richebourg , Marquis de Champcenetz
Premier Valet- de-Chambre du Roi , Gouverneur
de Meudon , & de Dlle. Louife - Theréfe Frevilliont
avec Dame Marie-Rofe Teffer , fille de
Pierre-Chriſtophe Teffier , Seigneur de Steuil ,
Confeiller du Roi en fes Confeils , Secretaire de
Sa Majefté , Garde des Rolles des Offices de France
, & auffi Intendant & Contrôleur Général des
"Ecuries & Livrées de Sa Majefté , & de Dame
Marie-Theréfe Guiller fa feconde femme.
M. de Champcenetz qui donne lieu à cet article
eft neveu de feue Madame la Comteffe de Denonville
Brizay morte en 1742 , mere de M. le Marquis
de Brizay de Denonville , Maréchal de Camp
du premier Janvier 1740 , & il eft petit fils de
François Quentin Marquis de Champcenetz par
les Lettres d'érection qu'il en obtint , Premier
Valet-de Chambre du Roi , mort le 8 Août 1710.
La famille de Quentin Richebourg eft origi
naire de Touraine , elle s'eft alliée à plufieurs familles
confidérables dans la Robe , & fes armes
font d'azur à 3 pommes de pin d'or pofées deux
& une. Pour Madame de Champcencez elle eft
1
MA 1. 1748. 191
feur de Jean Baptifte -Pierre Teffier , aujourd'hui
Confeiller au Parlement & Commiffaire des
Requêtes du Palais , & de Dane Antoinette- Theréle
Tifher mariée depuis le 3 Mai 1745 , avec
François- Louis de Vienne , Comte de Vienne ,
Seigneur de Saint Brice , de Fontenay & de la
Tuillerie , Meftre de- Camp , Lieutenant du Régi-
*ment de Clermont Prince , Brigadier d'armée du
*6 Janvier 1748.
Le.... Mai Antoine- Adrien- Charles de Gramont
,Comte de Gramont , Colonel du Régiment
Dauphin Infanterie , Brigadier des armées du Roi
& Chevalier de l'Ordre de Saint Louis , né le
22 Juillet 1726 , frere de M. le Duc de Gramont,
& fils de feu Louis de Gramont , Duc de Gramont,
Pair de France , Chevalier des Ordres du Roi ,
Colonel du Régiment des Gardes Françoifes , &
Lieutenant Général des armées de Sa Majefté ,
tué à la bataille de Fontenoy le 11 Mai 1745 , &
de Dame Genevieve de Gontaut Biron , fa veuve ,
fut marié avec Dlle Marie- Louife - Sophie de
Faoucq, fille de Gui - Etienne - Alexandre de Faouce,
Marquis de Garnetot , Mestre de Camp de Cavalerie
, & Sous - Lieutenant de la Compagnie des
Chevau -Legers de Bretagne , mort à l'âge de 37
ans le 16 Mai 1734 , & de Dame Charlotte-
Sophie de Sonnyng mariés le 30 Juin 1711 , &
spetite- fille de Gui de Faoug Lieutenant Général
de l'Amirauté de Rouen , puis Confeiller au Parlement
en 1695 , & de Dame Marie- Louife du
Houlley. Voyez la Génealogie de la Maiſon de
Gramont, l'une des plus grandes du Royaume,dans
PHiftoire dés Grands Officiers de la Couronne vol.
4. fol. 610.
Pour le nom de Faouq en Normandie Généralité
de Caen , il eft marqué de la plus ancienne No92
MERCURE DE FRANCE.
.
<
bleffe de cette Province , & fes armes font d'azur
à trois faulx d'argent emmanchées d'or pofées
deux & une.
Le 7 Mars Dame Elifabeth de Lorraine l'Iflebonne,
veuve depuis le 24 Septembre 1704 de Louis de
Melun , Prince d'Epinoy , Baron d'Autoing, Connétable
& Sénéchal héréditaire de Flandres, Maréchal
des Camps & Armées du Roi , avec lequel
elle avoit été mariée le 7 Octobre 1691 , mourat
à Paris, âgée de 83 ans. Elle étoit fille de François-
Marie de Lorraine, Prince de l'lflebonne , & d'Anne
de Lorraine. Elle avoit eu de fon mariage Louis
de Melun , fecond du nom , Duc de Joyeuſe , Pair
de France , Prince d'Epinoy , Baron d'Autoing , &
Premier Pair & Connétable héréditaire de Flandres
, mort le 31 Juillet 1724 fans enfans de Dame
Armande de la Tour d'Auvergne , fa femme , &
'Anne Julie Adelaïde de Melun , mariée le 18 Septembre
1714 avec Louis- François-Jules de Rohan,
Prince de Soubife, & morte le 18 Mai 1724, mere
de M. le Prince de Soubife & de M. le Cardinal
de Soubife.
> mourut
Le 1s Louis François de Harcourt , Marquis
d'Harcourt, Meftre de Camp du Régiment de Cava
lerie de fon nom & Capitaine d'une des Compagnies
des Gardes du Corps en furvivance du Maréchal
Duc d'Harcourt fon pere ,
à Paris , âgé de 19 ans , étant né le 6 Octobre
1728. Il étoit fils unique de François de Harcourt,
Duc d'Harcourt , Pair & Maréchal de France ,
Capitaine d'une des Compagnies des Gardes du
Corps du Roi , Chevalier de fes Ordres , & c . & de
feue Dame Marie Magdelcine le Tellier de Barbefieux
, avec laquelle il avoit été marié le 31 Mai
1717 , & morte le to Mars 1735. Par la mort du
Marquis d'Harcourt il ne reste à M. le Maréchal
d'Harcourt
M A I.
193 1748.
Harcourt que deux filles ; fçavoir , Mad, la Mar-,
quife de Hautefort , & Mad. la Comteffe de Guerchy
,la feconde des filles nées de ce mariage & qui
étoit Mad. la Princeffe de Croy , étant morte depuis
quelques années. Voyez pour la Généalogie
de la Maifon d'Harcourt , l'une des plus grandes
& des plus illuftres du Royaume , l'Hiftoire qui en
a.été donnée au public par M. de la Roque en 4
volumes in-4°. & l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne , tome V. fol . 124.
Le 17 Gafpard Magdelon Hubert de V'intimille
des Comtes de Marfeille , Marquis du Luc & de Savigny
fur-Orge , Lieutenant Général des Armées
du Roi du 24 Février 1738 , Lieutenant de Sa Ma
jefté au Gouvernement de Provence , Gouverneur
des Ifles de Porquerolles & de Lingouſtier , mourut
à Paris dans la foixante-quatrième année de
fon âge , étant né le 9 Mars 1687 , & laiffant du
mariage qu'il avoit contracté le 18 Juin 1714 avec
Dame Marie Charlotte de Reffuge , fille de Pomponne
de Reffuge , Marquis dudit lieu , Lieutenant
Général des Armées du Roi , Gouverneur de
Charlemont & Commandant dans les trois Evêchés
de Metz, Toul & Verdun , & de Dame Anne Fran
çoife d'Elbene , Dame Magdeleine Charlotte Wi
lelmine Léontine de Vintimille , mariée le.16
Mars, 1733 avec Aymar Jean Nicolay , Marquis de
Gouffainville , Premier Président de la Chambre
des Comptes, duquel elle a plufieurs enfans , N...
de Vintimille du Luc , & Jean-Baptifte Félicité
Hubert de Vintimille des Comtes de Marfeille
,Comte du Luc , né le 23 Juillet 1720 , Mef
tre de Camp d'un Régiment de Cavalerie de fon
nom , & Brigadier des Armées du Roi du premier
Mai 1745 , à préfent veuf depuis le 9 Septembre
1741 de D.Pauline Félix de Mailly Neelle,avec la
194 MERCURE
DE FRANCE
.
-
+4
quelle il avoit été marié le 27 Septembre 1739 , feconde fille de M le Marquis de Néelle , Chevalier
des Ordres du Roi , & c . de laquelle il lui refte
un feul fils , né le 2 Septembre 1741. M. le Mar.
quis du Luc qui donne lieu à cet article étoit fils
de Charles François de Vintimille des Comtes
de Marfeille , Marquis du Luc , de la Marthe &
de Vins en Provence & de Savigny - Sur- Orge à 4
lieues de Paris , Chevalier des Ordres du Roi, Con.
feiller d'Etat ordinaire d'Epée , Lieutenant de Sa
Gouver-
Majefté au Gouvernement
de Prove ce ,
neur des lles de Porqueroles & de Lingouftier, mort le 19 Juillet 1740 , & de Dame Marie Louife
Charlotte de Forbin , Marquife de la Marthe ,
morte en 1700 , & neveu de Mre Charles Gafpard Guillaume de Vintimille des Comtes de Marſeille
du Lac , Archevêque de Paris , Commandeur
des
Ordres du Roi , mort le 13 Mars 1746. La Maiſon
de Vintimille , grande & illuftre , tire fon nom du
Comté de Vintimille , Principauté dans l'Etat de Génes & fur les Frontieres du Comté de Nice ; elle
eft divifée en plufieurs Branches , dont celle
dont il s'agit ici eft connue en France fous le nom des Comtes de Marfeille du Luc . Les ancêtres de
M. le Marquis du Luc firent une tranſaction avec
les Comtes de Provence , par laquelle is céderent
leurs droits fur la Principauté de Vintimille , & les
Comtes leur donnerent en échange des terres en
Provence , ce qui eft prouvé par l'Acte original
qui eft à la Chambre des Comptes de Provence, feus M , le Comte du Luc & M. l'Archevêque de
Paris, fón frere, produifirent leurs titres depuis l'é
abliffement de leur Maifon en Provence,lorfqu'ils
firent leurs preuves pour l'Ordre du S. Elprit , &
cet Acte eft dépofé à la Chambre des Comptes de
Paris , & ces Meffieurs prouverent alors 17 degrés
MAI. 195 1748.
de filiation par titres & par poffeffion de terres ;
on de leurs ancêtres époula l'héritiere du nom &
Armes de Marteille il y a près de 500 ans , à condition
de porter le nom & les armes de Marſeille ;
Mrs de Vintimille poffedent encore la terre d'Ol
lijoule Saint Narzaire , que leur porta l'alliance
avec la Maifon de Marfeille , dont il y a plus de
400 ans qu'ils ont hérité , & leur établiflement en
Provence eft prouvé par les titres confervés dans la
·Chambre des Comptes de Provence. La Maiſon
de Marſeille d'Ollioule étant fondue dans celle
de Vintimille , Mrs de Vintimille pendant plufieurs
générations ont pris fouvent le nom de Marſeille
feul , ou celui de Vintimille , de même alternativement
, & leurs Armes font de gueules à un chef
d'or, qu'ils écartelent de Marſeille , qui eft de
gueules à un Lion d'or.
Voyez la Généalogie de cette illuftre Maifon
dans l'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne
, vol. 2. fol. 285 , & celle qui en a été donnée
au public par M. l'Abbé Robert de Briançon , Auteur
du Nobiliaire de Provence & imprimé à Vil
lefranche en 168) , & c .
Le 21 Jean Ferdinand Comte de Poitiers & de
Wagné, Seigneur de Gouaix , Blunay , Maulny ,
&c. ci-devant Meftre de Camp d'un Régiment de
Dragons de fon nom , mourut dans fa terre de
Gouaix, âgé de 88 ans , 3 mois , 12 jours , étant né
le 9 Décembre 1659 , il laiffe pour tous enfans D.
Anne Eléonore Henriette de Poitiers , Conteſſe
'Helmitatt , fa fille unique . Il ne reste plus de
mâle de cette branche de la Maiſon de Poitiers
que Maximilien Comte de Poitiers , Grand Tréforier
de la Cathédrale de Liége, & Abbé de Cheminon.
Vers Pan 1316 N....de Poitiers , Capitaine
I ij
106 MERCURE DE FRANCE.
de cent hommes d'armes , s'alla établir dans le
pays de Liége , où fa pofterité s'eft foutenuë avec
dignité , & a donné en toutes occafions des marques
fignalées de fon attachement à la France , ce
qui détermina Charles Maximilien de Poitiers
Comte de Wagné , Seigneur de Faufre , Thiange
Haudeville & Neuvify , pere du décedé , à revenir
en France avec fa famille,
Le nommé Nicolas Delaifement , habitant de la
Paroiffe d'Arquency près d'Andely en Normandie
, eft mort dans la cent neuviéme année de fon
âge.. Il avoit été marié quatre fois & avoit eu un
grand nombre d'enfans ,dont le dernier n'a que
22 ans. .)
Le 12 Avril Antoine de la Font , Marquis de Savines
, Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant
Général des Armées de Sa Majeſté , Gouverneur
de la ville de Berg & de la Châtellenie de Bailleul ,
mourut à Paris dans la 8se année de fon age & fans
être marié. Il étoit fils de Jean- Baptifte de la Font,
Seigneur de Savines en Ambrunois , & de Lucrece
de Reynard d'Avanfon , fille de François de Reynard
, Seigneur d'Avanfon , & de Marguerite de
la Tour de Gouvernet ; il étoit neveu de Guillaume
de la Font , reçû Chevalier de Malte au Grand
Prieuré de S. Gilles , fur fes preuves du 25 Août
1634 , & defcendoit par plufieurs degrés de Raoul
de la Font , lequel fit hommage au Dauphin le 13
Juillet 1383 de la Terre de Savines en Dauphiné,
qu'il pofledoit du chef de Dame Geraude de
Savines , fa femme. Feu M. de Savines après
avoir été élevé Page du Roi Louis XIV , où il fur
reçû en 1,580 , fut fait Capitaine dans le Régiment
de Gefvres , Cavalerie , eut en 1701 l'agrément
d'un Régiment & le vendit la même année, fut fait
Enfeigne d'une Compagnie des Gardes du Corps ,
MA 1. 1748. 197
& fervit en cette qualité les campagnes de 1702 ,
1703 & 1704 , fut fait Brigadier d'armée cetre der
niere année , fe trouva à la bataille de Raniillie en
1706, au combat d'Oudenarde en : 1708 , & fut blef
fé à Malplaquet en 1709 , fut fait Maréchal de
Camp la même année , eut la Lieutenance de fa
Compagnie en 1710 , & fut fait Lieutenant Géné
ral des Armées du Roi le 1 Octobre 1718 , & ne fel
retira du fervice en 1727 qu'après avoir fervi dans
toutes les occafions où il avoit été employé , avec
toute la valeur poflible ; il fut alors gratifié d'une
penfion de 2000 écus , outre le Gouvernement
d'Ambrun qu'il avoit , il eut depuis ceux de Berg
& de Bailleul , & fut reçû Chevalier de l'Ordre du
S. Efprit le 17 Mai 1739. Les Armes de la Font
font d'azur à un Cor de chaffe d'or , lié de gueules :
& accompagné de trois étoiles auffi d'or , pofées
deux & une,
Le 14 Louis François le Fevre de Canmartin ,
Marquis de Saint Ange , Comte de Moret , Seigneur
de Caumartin , de Boiffy- le - Chaſtel , d'Ar- ,
gouges , &c. Confeiller d'Etat , mourut à Paris .
dans la 52e année de fon âge , étant né le Septembre
1696. Il avoit époufé le 18 Août 1722)
Dame Elizabeth de Fieubet , Dame de Sandré &
de Ligny , fille de Paul de Fieubet , Seigneur de
Sandré , Maître des Requêtes , & de Dame Angélique
Marguerite de Fourcy , petite fille dur
Chancelier Boucherat , & de ce nariage font nés
M. de Caumartin , Confeiller au Parlement , &
Madame de la Porte , femme du Maître des Requêtes
de ce nom . M. de Caumartin étoit fils de:
Louis-François le Fevre de Caumartin , Seigneur
de Boiffy-le- Chaftel , Maître des Requêtes honoraire
, mort le 13 Juillet 1722 , & de Dame Char
lotte Bernard , morte en 1708, petit - fils de Louis-
I iij.
198 MERCURE DE FRANCE.
François le Fevre , Seigneur de Caumartin , Con
feiller d'Etat ordinaire , mort en 1687 , & de Da
me Catherine- Magdeleine de Verthamon , ſa ſeconde
femme , arriere petit- fils de Louis le Fevre,
Seigneur de Caumartin & de Boiffy , Préfident aux
Requêtes du Palais , Ambaſſadeur à Veniſe & Con .
feiller d'Etat , mort en 1624 , & de Dame Magdeleine
de Choify , lequel Louis Seigneur de Caumartin
étoit fils de Louis le Fevre , Seigneur de
Caumartin & de Boiffy , Maître des Requêtes &
Confeiller d'Etat , honoré de la charge de Garde
des Sceaux de France par Lettres du 23 Septembre
1622 , mort le 21 Janvier 1623 , & de Dame Marie
Miron , morte le 4 Juin 1645. Voyez la Généalogie
de la famille de le Fevre Caumartin , Pu
ne des premieres de la Robe par fon illuftration &
par fes alliances , & originaire de Picardie , dans
I'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne ,
vol. 6. fol .
543.
Le même jour Claude Antoine Eugene de Vauldrey
Comte de Vauldrey , Lieutenant Général
des Armées du Roi , Infpecteur Général de la Cavalerie
, mourut en fon Château de Sautour , près
S. Florentin en Champagne, dans la 78e année de
fon âge , laiffant entre autres enfans de fon maria-`
ge avec Dame Marie Gabrielle Françoiſe de Bletterfwick
de Moncley , Dame Jeanne- Gabrielle-
Catherine de Vauldrey,mariée peu de jours avant
la mort de M. fon per avec Baltazar François
Wale , Seigneur des Mefnulz , Gouverneur des
ville & Château de Ham en Picardie & ancien
Lieutenant au Régiment de Gardes Françoiſes ,
forti des anciens Barons de Wale dans les Comtés
de Northampton & de Rutlan , connus dès le Re- ´
gne de Guillaume le Conquérant , Roi d'Angleterre
, mort le 9 Septembre 1087. Pour la Maifon
M A I. 1748. 199
de Vauldrey elle eft originaire du Comté de Bour
gogne , où eft fituée la Terre qui lui a donné le
nom , & connue dès l'an 100 par fes alliances &
Les fervices militaires , elles eft féparée en plufieurs
branches établies au Comté de Bourgogne , en
Champagne , & c. & fes armes font coupé emmanché
de gueules & d'argent . Voyez l'Hift. du Comté
de Bourgogne & le Nobiliaire de Champagne ,
dreffé par ordre de M. de Caumartin , Intendant
de cette Province.
Le 18 Dame Marie Magdeleine de Grimoard de
Beauvoir du Roure , femme d'Anne Gabriel Henri
Bernard , Seigneur de S. Saire , de Paffy - lès- Paris ,
&c. Président de la feconde Chambre des Enquê
tes du Parlement , & Lecteur ordinaire de la Chambre
du Roi , avec lequel elle avoit été mariée le
26 Avril 1746 , mourut à Paris âgée de 17 à 18
aus , laiffant un feul fils , Charles Armand Henri
Gabriel Bernard de S. Saire , né le 31 Mai 17478
Elle étoit fille de Louis Claude Scipion de Grimoard
de Beauvoir de Montlor, Comte du Roure,
Lieutenant Général des Armées du Roi & au Gouvernement
de Languedoc , & c. & de Dame Marie
VictoireAntonine de Gontaut Biron , fille du Maréchal
Duc de Biron ; M. le Comte du Roure , pere
de feuë Mad. de S. Saire , eft fils de Louis Scipion
de Grimoard de Beauvoir ,Marquis du Roure,Lieutenant
Général au Gouvernement de Languedoc ,
tué à la bataille de Fleurus le premier Juillet 1690,
& de Dame Marie Anne Louiſe Victoire de Cau
mont la Force , petit-fils de Louis Pierre Scipion
de Grimoard de Beauvoir , Comte du Roure, Lieutenant
Général des Armées du Roi & au Gouvernement
de Languedoc , mort le 24 Avril 1733 &
de Dame Claude Marie du Guaft d'Atigny , &
200 MERCURE DEFRANCE
arriere-petit- fils de Scipion de Grimoard de Beau
voir , Comte du Roure , Marquis de Grifae , fait
Chevalier de l'Ordre du S. Efprit à la promotion
du 31 Décembre 1661 , Lieutenant Général au
Gouvernement de Languedoc , & Corfeiller d'Eat
, mort le 18 Janvier 1669 , & de Dame Graf
fende de Baudan . Voyez pour la Généalogie de la
Maifon de M. le Comte du Roure , l'Hiftoire des
Grands Officiers de la Couronne vol . 9. fol. 202.
& le Dictionnaire Hiftorique de Morery. Pour
M. le Président de Saint Saire il eft fils de feu
Gabriel Bernard , Comte de Rieux , auffi Préfident
de la feconde Chambre des Enquêtes au Parlement
, mort le 13 Décembre 1745 , & de Daine
Suzanne Marie Henriette de Boulainvillier de
Saint Saire , à préſent fa veuve ; il eft neveu de
Samuel- Jacques Bernard , Maître des Requêtes.
Sur- Intendant de la Maiſon de la Reine , Grand
Croix , Prévôt & Maître des Cérémonies de l'Ordre
militaire de Saint Louis , & marié depuis le
12 Août 1715 avec Dame Elizabeth - Louife Olive
Frotier de la Cofte Meffeliere , de laquelle il aun
fils & pufieurs filles ,& petit- fils de Samuel Bernard
Comte de Coubert , Confeiller d'Etat , Chevalier
de l'Ordre du Roi , mort le 18 Janvier 1739.
Louis Hyacinte Caftel , Comte de Saint Pierre ',
Marquis de Crevecoeur & de Kerfilis , Premier
Ecuyer de fon Alteffe Royale Madame la Du
cheffe d'Orleans , ci - devant Capitaine de vaiffeau,
eft mort à Paris le 21 Avril âgé de 89 ans , étant
né en 1659 .
Il étoit fils de Charles Caftel , Marquis de Saint
Pierre , Seigneur de Courcy , Clitour , Varouville ,
Coqueville , la Motte , le Vaaft , Canteloup &
Morfalines, Grand Bailli du Cotentin , & de Mage
deleine , fille de Bernardin Gigault , Marquis de
MAT. 1748 . 201
Bellefonds , tante du Maréchal de Bellefonds , &
de Jeanne , fille de Henri Robert aux . Epaules
Marquis de Sainte Marie. Il avoit pour freres aînés
, 1 ° . Bon Thomas Caftel Marquis de Saint,
Pierre , Grand Bailli du Cotentin , qui de Marie,
des Hommets , fa femme , a eu pour fils unique
Bon Hervé Caftel Marquis de Saint Pierre , Capitaine
des Gendarmes d'Anjou , né en 1685 , lequel
eft veuf-fans postérité de Barbe - Catherine de
Turgis , Dame de Canteleu ; 2 ° . Charles Caftel
Abbé de Tiron , Premier Aumônier de feuë Ma
dame , de l'Académie Françoife ; 3 ° . François-
Antoine Caftel Chevalier de Malthe , Comman
deur du Pieton,
1
Il avoit épousé en 1688 Françoife-Jeanne , fille
de N....de Kerven Seigneur de Kerfilis , d'une
ancienne Nobleffe de Bretagne , & de N... Keri
conſtantin dont il a eu deux fils ; l'un étoit Gas
briël Abbé d'Evron , mort en 1745 l'autre eft
Louis-Sebaftien Caftel , Marquis de Crevecoeur &
de Kerfilis , Meftre- de-Camp de Cavalerie , Pres
mier Ecuyer de fon Alteffe Royale , né en 1691 ,
marié en 1720 à Charlotte - Catherine Farges dont
il a eu un fils unique , Louis- Tancrede Caftel
Comte de Crevecoeur , Mestre de Camp de Ca❤
valerie , Enfeigne des Gendarmes de Bretagne, né
le 25 Septembre 1722 , mort fans alliance au Siéga
de Charleroi en 1746 âgé de 24 ans , & trois filles,
dont l'aînée Françoife Caftel a été mariée en
1742 à Charles de Broffes Comte de Tournay ,
Baron de Montfalcon , Préfident à Mortier du
Parlement de Dijon , de l'Académie des Infcrip
tions & Belles - Lettres; les deux autres Aglaë & -
Henriette ne font pas mariées.
Le nom de Caftel eft fort anciennement connu
en Normandie entre les plus nobles & les plus
Livs
202 MERCURE DE FRANCE. ک
diftingués de la Province pár fes alliances & fes
fervices militaires ; fes armes font de gueules à un
chevron d'argent , accompagnées de trois rofes
d'or pofées deux en chef& une en pointe. Le nom.-
de Broffes eft originaire du Marquifat de Saluces
où il s'eft diftingué par fes fervices militaires dès
le tems des guerres de Charles VIII . & de Louis
XII . Il a paffé dans le pays de Gex lors de l'échange
du Marquifat de Saluces. Ses armoiries font
d'azur à trois trefles d'or.
Le 22 Dame Elizabeth Claire Eugenie Dreux
de Nancré , femme de Michel de Dieux , Marquis
de Brezé , Lieutenant Général des armées du Roi ,
& Grand Maître des Cérémonies de France , mou.
rut à Paris dans la quarante- cinquième année de
fon âge fans laiffer d'enfans . Elle avoit été mariée
le 2 Juin 1720 , & étoit fille de Claude - Edme de
Dreux , Comte de Nancré , Meftre - de-Camp de
Cavalerie mort le 12 Septembre 1729 , & de
Dame Marie- Theréfe de Montmorency de la
branche des Vicomtes de Rouvers , dits les Prin→
ces de Montmorency , & petite fille de Claude de
Dreux , Seigneur & Comte de Nancré , Lieutenant
Général des armées du Roi , Gouverneur de la
ville , cité & citadelle d'Arras , mort le 2 Avril
1689 , & de Dame Aimée- Theréſe de Montgommery
fa premiere femme. M. le Marquis de Brezé,
mari de la Dame qui donne lieu à cet article , eft
fils de M. le Marquis de Dreux , auffi Lieutenant
Général des armées du Roi , & Grand Maître des
Cérémonies de France , & de Dame Catherine-
Angélique de Chamillart , & fa branche eft cadette
de celle de Meffieurs de Nancré qui eft à préſent
éteinte . Ses armes font d'azur à un chevron
d'or , accompagné en chef de deux roſes d'argent,
& en pointe d'un ſoleil d'ar. '
MA I 1748. 203
ARRESTS NOTABLE S.
A
RREST du Confeil d'Etat du Roi , du 26
Décembre 1747 qui caffe une Sentence du
Grenier à fel de Saint- Valery en Caux , du 7 Novembre
1747 , pour avoir ordonné main - levée d'un
quarteron de faux fel faifi au domicile du nommé
Pierre Barthelemy , fous prétexte que la difference
trouvée par les Experts entre le fel de la maffe &
celui faifi , ne confiftoit qu'en ce que ce dernier
étoit plus fec & par conféquent plus blanc que ce-
Tui de la maffe ; condamne ledit Barthelemy en
deux cent livres d'amende & aux dépens faits audit
Grenier...
AUTRE du même jour qui ordonne l'exécution
de l'article L v 11 du titre XIV de l'Ordonmance
des Gabelles du mois de Mai 1680 ' , de l'article
IX de la Déclaration du Roi du 22 Août
1711 , & de l'article II de celle du 22 Février
1724 ; caffe une Sentence des Officiers du Grenier
à Sel de Saint Valery en Caux , du 31 Octobre
1747 , pour n'avoir pas prononcé d'amende contre
le nominé François Lecuyer , chés lequel if a
été faifi de l'eau de la mer , fous prétexte qu'étant
bourgeois de Saint- Valery , lieu de franchiſe , l'ufage
de cette eau n'y eft point défendu ; condamne
ledit Lecuyer en vingt livres d'amende , conformément
à la Déclaration de 1724 , & aux dépens
faits au Grenier de Saint -Valery.
AUTRE du 11 Janvier 1748 concernant les
Requêtes en caffation , préfentées contre les Jugemens
de compétence,
1 vj
204 MERCURE DE FRANCE
ORDONNANCE du Roi du 2 5 pour aug♣
menter de vingt- cinq hommes la Compagnie de
Mineurs , ci-devant de Turmel, -
AUTRE du même jour , portant augmenta
tion dans la Compagnie de Charpentiers & -Bâreliers
du corps des Volontaires- Royaux..
ARREST contradictoire de la Cour des Aides
du 26 , qui juge que le droit de trente-cinq fols de
Brouage eft du fur les Sels enlevés des marais falans
de Brouage pour la confommation des habi
tans de la ville du Havre de Grace , nonobftant
Les priviléges & exemptions des droits de Gabelle
dont jouiffent lefdits habitans.
ORDONNANCE de M. le Lieutenant
Général de Police du 27 , pour la levée de quarre
cent, foixante. quatorze hommes néceffaires pour
Compléter les trois bataillons de la Milice de
Racis ..
AUTRE du Roi du 28 , portant reglement
au fujet des Patentes de fanté que les Capitaines,,
Patrons & autres Mariniers qui naviguent d'un.
Port à l'autre de Provence , Languedoc & Rouf
Allon , doivent prendre , tant pour eux que pour
les pallagers qu'ils embarquent
LETTRES RATENTES du Roi , don
nées 2. Marly au mois de Janvier , qui nomment,
des Commiffaires du Confeil pour l'aliénation des.
Moisscent mille livres de rentes créées par Edit du
moiade Janvier, 1748.
DIT diu Roi , né à Marly au mois de
MAT 20 1745.
Fanvier , regiſtré en Parlement , portant création
de trois cent mille livres de rentes héréditaires au
denier vingt , fur le reftant du produit des deux
fols pour livre en fus du Dixiéme.
ORDONNANCE du Roi du 10 Février
pour empêcher qu'il ne fe commette à l'avenir au
cun abus dans les revûës des Commiffaires des
guerres , ſervant à la fubfiftance des Compagnies
d'Invalides..
AUTRE du 15 concernant les nouveaux Bas
taillons dont le Roi a ordonné la levée .
AUTRE da même jour pour proroger juf
qu'au premier Mai 1748 le Semeftreides Officiers
des troupes de fon armée d'Italie , & remettre lesi
décomptes defdites troupes , à la revue qui en fera
faite dans les huit premiers jours du mois de Mai, »
1
AUTRE du Bureau des Finances de la Géné→
talité de Paris , du 12 Mars , qui défend à peiner
de vingt livres d'amende , & en cas de récidive ,
de cinquante livres, à toutes perfonnes de quelque
rang ou condition qu'elles foient , de pofer aucu-i
ne chofe en faillie fur la voye publique , ni d'encombrer
& embarraffer les rues, & qui ordonne que :
tous les Marchands, Artiſans & Ouvriers y dénom- 1
més , feront tenus , chacun en droit foi , de fatisfaire
aux difpofitions de ladite Ordonnance, & ce
dans huitaine du jour de la publication ou affiche
L'icelle.
AUTRE du Roi , concernant les fubftitutions;
donnée au Camp de la Commanderie du vieux
Jonc , au mois d'Août 1747 , & regiſtrée en Parle
lement le 27 Márs 1748.
206 MERCURE DE FRANCE.
►
LOUIS par la grace de Dieu Roi de France &
de Navarre : A tous préfens & à venir , SALUT.
Dans la réfolution que nous avons prife de faire
ceffer l'incertitude & la diverfité des Jugemens
qui fe rendent dans les differens Tribunaux de notre
Royaume , quoique fur le fondement des mêmes
loix ; la matiere des donations entre-vifs &
celle des teftamens , nous ont paru par leur im
portance devoir être les premiers objets de notre
attention , & elles ont fait le fujet de nos Ordon
nances des mois de Février 1731 & d'Août 1735 .
Nous nous fommes propofés enfuite d'établir la
même uniformité de Jurifprudence à l'égard des
Subftitutions fidei- Commiffaires , qui peuvent fe
faire également par l'un & par l'autre genre de
difpofition , mais la matiere des fidei- Commis
fort fimple dans fon origine , eft devenue beau
coup plus compofée depuis que l'on a commence
à étendre les Subftitutions , non- feulement à plus
fieurs perfonnes appellées les unes après les autres,
mais à plufieurs degrés ou à une longue fuite de
générations. Il s'eft formé par-là comme un nou
veau genre de fucceffion , où la volonté de l'homme
prenant la place de la Loi , a donné lien d'établir
auffi un nouvel ordre de Jurifprudence , qui a
été reçû d'autant plus favorablement , qu'on l'a
regardé comme tendant à la confervation da patrimoine
des familles , & à donner aux Maiſons les
plus illuftres le moyen d'en foutenir l'éclat ; mais
le grand nombre de difficultés qui fe font élevées ,
foit fur l'interprétation de la volonté , ſouvent
équivoque, du donateur ou du teftateur , foit fur la
compofition de fon patrimoine & fur les differentes
détractions dont les Fidei- commis font fufceptibles
, foit au fujet du recours fubfidiaire des fem-'
mes fur les biens grévés de fubftitution , a fait
MAI. 1748. 207
naître une infinité de procès , qu'on a vu même ſe
renouveller plufieurs fois à chaque ouverture du
fidei-commis , enforte que par un évenement contraire
aux vues de l'auteur de la fubftitution , il eft
arrivé que ce qu'il avoit ordonné pour l'avantage
de fa famille , en a caufé quelquefois la ruine.
D'un autre côté , la néceffité d'affûrer & de favo
rifer la liberté du commerce ayant exigé de la fageffe
de la Loi qu'elle établit des formalités nécef
faires pour rendre les fubftitutions publiques , la
négligence de ceux qui étoient obligés de remplir
ces formalités , eft devenue une nouvelle fource
de conteftations , où les fuffrages des Juges ont été ·
fufpendus entre la faveur d'un créancier ou d'un
acquéreur de bonne- foi & celle d'un fubftitué qui
ne devoit pas être privé des biens fubftitués par la
faute de celui qui étoit chargé de les lui remettre.
C'eft par toutes ces confidérations , qu'après avoir
pris les avis des principaux Magiftrats de nos Par
Jemens & des Confeils Supérieurs de notre Royaume
, qui nous ont rendu un compte exact de leurs
Jurifprudences differentes , nous avons crû que les
deux principaux objets de la matiere des fidei - commis
demandoient qne nous partageaffions cette Loi
en deux titres differens. Le premier comprendra tout
ce qui concerne les fubftitutions fidei commiffai
res , confidérées en elles- mêmes , & les droits qui
peuvent être exercés fur les biens fubftitués . Le
fecond regardera les obligations impofées à ceux
qui font grevés de fubftitution , foit pour leur
donner le caractére de publicité qui leur eft néceffaire
, foit pour affûrer la confiftance & l'emploi
des effets qui en font partie , foit pour l'expédition
& le jugement des conteftations qui s'élevent dans
une matiere fi importante ; fi la multitude & la
fubtilité des queſtions abftraites dont elle eft tem208
MERCURE DE FRANCE.-
plie , l'oppofition qui regne à cet égard , non-fets
lement entre les opinions des plus célebres Jurif
confultes, mais entre les Jugemens des Tribunaux
les plus éclairés,& la néceflité de réfoudre des doutes
où le poids-prefque égaldes raifons qu'on oppo
fe de part & d'autre ,rend le choix fi difficile entre
les fentimens contraires , ont retardé plus longtems
que nous ne l'aurions défiré , la publication
de cette Ordonnance , nous efperons que nos peuples
en feront dédommagés par la grande atten →
tion que nous avons eu à la mettre dans l'état de
perfection dont elle pouvoit être fufceptible . Loin
de vouloir y donner la moindre atteinte à la liberté
de faire des fubftitutions , nous ne nous fommes
propofés que de les rendre plus utiles aux familles,
& notre application à prévenir toutes les interprétations
arbitraires par des réglés fixes & uniformes
, ne fervira qu'à faire refpecter encore plus la
volonté des donateurs & des teftateurs , en les
obligeant feulement à l'expliquer d'une maniere
plus expreffe. C'eft ainfi que nous donnerons à nos
Sujets une nouvelle preuve du foin que nous prenons
de maintenir le bon ordre au- dedans de notre
Royaume par l'autorité de nos Loix , dans le
tems même que nous fommes le plus occupés à le
défendre au dehors par la force de nos armes , dont
le principal objet eft de procurer le grand bien de
Ja paix à un peuple fi digne de notre affection par
fon attachement pour notre Perfonne & par le
zéle qu'il fait éclater tous les jours de plus en plus
pour notre ſervice. A ces cauſes , &c
ORDONNANCE du Roi du- 314, portant
défenfes à tous Sujets de Sa Majeſté , autres que
ceux qui fervent actuellement dans les troupes ,
de porter aucun habit uniforme deſdites, troupes ,
MA I. 203 1745.
atous Marchands Fripiers & autres d'en expofer
en vente & d'en gårder dans leurs boutiques ou
magafins.
J
AUTRE du premier Avril concernant le fera
vice des Milices Garde côtes dans les Provinces
de Poitou , Aunis & Saintonge , & Iſles adjacentes
pendant la campagne de la préfente année.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du même
jour , qui permet aux Paffementiers & Toi-
Tiers de la ville , fauxbourgs & Généralité de
Rouen , de faire les mouchoirs de fil , & de fil &
coton , dans les mêmes comptes & nombre de portées
& de fils prefcrits pour les toiles de mêmes
matieres par l'article premier du Reglement concernant
la fabrique de ces toiles, du 13 Mars 1731
I - AUTRE du même jour concernant la fabri
que des Toiles & Toileries brochées , qui le font
dans la Généralité de Rouen.
AUTRE du même jour qui , en réformant
* Article IV du Reglement du 13 Mars 1731 , concernant
la fabrique des toiles a& étoffes de fil , fil
& coton & tour coton , teints , qui fe font dans la
ville , fauxbourgs & Généralité de Rouen , or
donne ,fous les conditions y portées , que lefdites
toiles tout coton pourront être fabriquées dans les
mêmes comptes & nombre de fils preferits pour
les mouchoirs par l'article XI dudit Reglement.
M
AUTRE du 2 qui ordonne qu'il fera établi
un Auneur-Juré à Beaucamp- le vieil , & que les
Tiretaines qui fe trouveront marquées du plomb
d'aunage dudit Beaucamp , ne feront plus fujettes
aucun aynage dans-les lieux de leur deftination
210 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE du même jour qui fait défenfes aut
Officiers des Préfidiaux , Sénéchauffées & autres
Justices & Communautés , d'exiger de ceux qui fe
feront pourvoir d'offices tombés vacans aux Revenus
cafuels de Sa Majefté , après le tems de préférence
accordé par les reglemens , aucune fomme
d'argent , foit par forme de dédommagement
pour les veuves ou héritiers des Officiers décédés į,
foit au profit de leur bourfe commune .
AUTRE du même jour qui ordonne la conf
traction d'un nouveau Gautier far la riviere d'Yonne
, au Pertuis de Bailly , & par provifion permet
de faire l'ouverture néceffaire audit Pertuis , pour
le paffage des Sels pendant la préfente année , &c .
JORDONNANCE du Roi du premier Mái
concernant le fervice des Milices Garde-côtes en
Provence , en interprétation de l'Ordonnance &
du Reglement du 27 Avril 1746.
ARREST de la Cour du Parlement du 6 qui
ordonne qu'un livre intitulé les MoeURS , refpicere
ad Exemplar vita morumque.Hor. ad Pif. premiere,
feconde & troifiéme partie , fera laceré & brûlé
par l'Exécuteur de la Haute-Juftice . Ce jour les
Gens du Roi font entrés , & Maître Louis François
de Paule Lefevre d'Ormeffon , Avocat dudit Seigneur
Roi , portant la parole , ont dit : Meffieurs,
il eft de notre devoir de déférer à votre févérité
un ouvrage fcandaleux qui paroît depuis quelque
tems & qui porte pour titre les Maurs . Le but
qu'on s'y propofe eft d'établir la Religion natu
relle fur les ruines de tout culte extérieur & d'affranchir
l'homme des Loix Divines & humaines ,
pour lefoumettre uniquement à fes propres lumie
M A 1.
1748.
res. C'eft dans ce deffein que l'on commence par
flayer de faire paffer toutes les Loix pour des inftitutions
quelquefois contraires à la vertu , ou dont
au moins l'obſervation n'entre pour rien dans
ce qui conftitue les bonnes moeurs. C'eſt dans la
même idée , qu'attaquant ouvertement ce qu'il y
a de plus facré , on cenfure fans refpect les précep
tes & les cérémonies de l'ancienne Loi , les Rits &
les Sacremens de la nouvelle , qu'on affecte de ne
reconnoftre nulle part ni la miffion divine de Moy
fe ni celle de Jefus Chrift , qu'on met en doute fr
Je Juif & le Chrétien ne font pas également dans
Ferreur , fi de tous les cultes établis fur la terre if
en eft aucun qui puiffe fatisfaire la raifon , en mê
me tems quon met auffi en probléme , s'il en
eft aucun qui puiffe déplaire à Dieu. Après avoir
fortement foutenu qu'en matiere de Religion la
raifon humaine n'a ceffé d'èrre la dupe de l'igno
rance & de l'impofture , le jouet de l'intérêt & de
la politique , c'eft cette même raifon qu'on érige
en Juge Souverain de toutes les Religions ; elle eft
la feule Loi qu'on veuille reconnoître , quoiqu'elle
n'ait aucun des caractéres néceſſaires à une Loi ,'
quoique ni les plus grands Philofophes ni les plus
habiles de ceux qui fe livrent à leurs fens particu
liers , n'ayent på depuis tant de fiécles démêler
exactement ce qu'elle preferit , ni s'accorder fur ce
qu'il faut faire pour s'y conformer. Enfin comme f
on s'étoit piqué d'encherir fur les abfurdités & les'
impiétés ordinaires aux Deiftes , on abufe des pa
roles de Jefus- Chrift même pour abolir tout culte
exterieur , P'Auteur décréditant ainfi fa propre
Doctrine par les argumens qu'il employe pour l'é
tablir , & par les excès & les contradictions fréquentes
ou fon fyftême le condnit. Mais comme
incrédulité n'a pas feulement pour objet de flater '
212 MERCURE DE FRANCE
Fefprit par l'idée de l'indépendance , mais bier
plus encore de gagner le coeur par une morale qui
convienne au libertinage , l'Auteur de cet ouvrage
s'éleve principalement contre l'humilité, la
mortification , la pénitence , le célibat , l'indiffolubilité
du mariage , la défenſe da concubinage , &
contre toutes les vertus Chrétiennes. Il s'attache
furtout à nier les effets du peché & l'éternité des
peines de l'autre vie , dogmes fi redoutables aux
paffions & aux vices. Tandis qu'il affecte partout
un ton de probité , d'austérité , de réforme , il ne
peut fouffrir qne les méchans ayent des châtimens
à craindre , il s'emporte avec des blafphêmes que
nous n'oferions rappeller ici contre tout ce qui
annonce dans l'Ecriture Sainte & dans l'Evangile
la rigueur des Jugemens de Dieu , & il blâme mê
me les fupplices dont la Juftice humaine punit le
yol & l'homicide: Tel eft , Meffieurs , le caractére
d'un ouvrage qu'on a l'audace de présenter au public
comme l'école des moeurs & des vertus qui
forment le lien de la fociété. Il n'eft perfonne qui
ne foit révolté de l'irreligion qui y regne & même
du ftyle fatyrique par lequel on a cherché à intéreffer
la malignité des lecteurs. C'est à la Cour
à réprimer un tel fcandale en prononçant contre
cet écrit les condamnations qu'il mérite , & en ordonnant
une recherche prompte & exacte de ceux
qui ont la rémérité de mettre au jour de pareils
ouvrages. C'eft l'objet des conclufions par écrit
que nous laiffons à la Cour , avec un exemplaire
imprimé du Livre intitulé , les Maurs. Eux retirés ;
vú le Livre intitulé ,les MoURs, refpicere Exemplar.
vita morumque. Hor. ad Pif. premiere , feconde &
troifiéme partie , 1748 , enfemble les conclufions.
par écrit du Procureur Général du Roi. La matie-
Le fur ce miſe en délibération. La Cour a arrêté &
ΜΑΙ. 1748.
215
ordonné que ledit Livre fera laceré & brûlé dans
la cour du Palais , au pied du grand efcalier d'icelai
, par l'Exécuteur de la Haute- Juſtice , comme
contraire aux bonnes moeurs , fcandaleux , impie
& blalphématoire ; fait très-expreffes inhibitions
& défenfes à tous Libraires , Imprimeurs , Colpor
teurs & à tous autres de l'imprimer , vendre & débiter,
ou autrement diftribuer en quelque maniere
que ce puiffe être , fous peine de punition corporelle
; enjoint à tous ceux qui en auroient des
exemplaires de les remettre inceffamment au Gref
fe Civil de la Cour , pour y être fupprimés ; permet
au Procureur Général du Roi de faire infor
mer contre ceux qui ont compofé , imprimé , vendu
, débité ou diftribué ledit Livre , pardevant
Maître Louis Charles Vincent de Salabery , Confeiller
, pour les témoins qui feroient dans cette
ville , & pardevant les Lieutenans Criminels des
Bailliages & Sénéchauffées & autres Juges des cas
Royaux, à la pourfuite des Subftituts du Procureur
Général du Roi èfdits Siéges, pour les témoins qui
ſe trouveroient efdits lieux ; permet à cet effet au
ProcureurGénéral du Roi d'obtenir & faire publier
Monitoires en forme de droit , pour les informations
faites , rapportées & communiquées au Procureur
Général , être par lui pris telles conclufions
& par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra ; ordonne
que copies collationnées du préfent Arrêt
feront envoyées auxBailliages & Sénéchauffées du
reflort , pour y être lû , publié & registré, Enjoint
aux Subſtituts du Procureur Général du Roi d'y´
tenir la main & d'en certifier la Cour dans le
mois.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 13 ;
qui permet à la Compagnie des Indes de créer
214 MERCURE DE FRANCE.
douze cent mille livres de rente viageres , à pren.
dre fur les neuf millions de rente à elle conftituée
Sa Majesté en exécution de l'Edit du mois de
Juin dernier.
par
Le Parlement d'Aix rendit un Arrêt le, 18 Mars
1740 contre M , de Seguiran , Premier Avocat Genéral
de ce même Parlement , accufé en crime de
faux par les propres Collégues, lequel s'étant pour
vú au Confeil du Roi en callation du jugement
dont il s'agit , obtint fa demande par Ariêt du 9
Mars 1744 , & le renvoi de l'inſtance de fon procès
au Parlement de Touloufe , où ce Magiftrat
vient d'être renvoyé de l'accufation & autorifé à
pourfuivre les dépens , dommages & intérêts contre
les Gens du Roi du Parlement d'Aix , & autres
, par Arrêt rendu les Chambres aſſemblées le
10 du mois de Mai.
J
lâu
APPROBATION.
'Ai la par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Mai
1748. A Paris le premier Juin 1748. }
BONAMY.
TABLE.
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe
Lettre fur le monde à M. Ailhaud ,
Stances fur le même fujet ,
Ode Anacreontique , 10
Difcours qui a remporté le Prix de l'Académie de
Dijon ,
Retraite involontaire du Parnaffe .
II
35
37
Suite de la lettre de M. L. à Madame * **
Ode XXXIX . L. III . ad Mecenatem , & la Traduction
, avec des remarques , 54
Epitre à M. de la Soriniere par M. Desforges
Maillard ,
= Extrait de lettre far l'électricité ,
61
71
Affemblée publique de l'Académie des Sciences ,
75
Mots des Enigines & du Logogryphe du Mercure
d'Avril
Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c.
Prix proposé par l'Académie Royale de Chirur
gie pour l'année 1749 ,
Estampes nouvelles ,
Nouvelles Cartes ,
Onguent de Ricoux ,
98
ibid.
95
-101 $
107
108
ibid.
Spectacles & Complimens des Théatres François
& Italien , 109
Prix proposé par l'Académie Royale des Sciences
pour l'année 1750,
117
Prix de l'Académie des Jeux Floraux de Toulouſe
pour l'année 1749 ,
Nouvelles Cantatilles ,
Nouvelles Etrangeres , Conftantinople ,
120
124
825
Suede ;
Allemagne , 138
Grande Bretagne 135
Provinces Unies ,
142
Italie , de Livourne , Génes , &
145
152
165
168
Suite du Siége de Maeftricht ,
Extrait de la Capitulation ,
Promotions , & c.
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 175
Suite de la Séance de l'Académie Françoiſe , 185
L'Amulette de la Chine pour les punaifes
Mariages & Morts ,
Arrêts potables
.
188
189
203
La Canfon notée doit regarder la page
Le Plan gravé , lapage
De l'Imprimerie de J. BULLOT,
109
35W
MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
AV
JUIN. 1748 .
PREMIER VOLUME.
LIGITUT
SPARGAN
Chés
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint NDR
Jacques , à S André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
'ADRESSE générale duMercure eft
LIAM. DE
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
ruë des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deſſus
indiquée ; on fe conformera très-exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JUIN
1748.
PIECES FUGITIVES,
en Vers & en Profe.
SEANCE publique de l'Académie des
Belles Lettres , le Mardi 23 Avril.
M
lã Onfieur l'Abbé Barthelemi a
un Mémoire fur le Pactole.
La célébrité que le Pactole a
euë autrefois , les allufions que
les Poëtes modernes ont faites à l'or qu'il
rouloit dans fes eaux , & le peu de
foin que les critiques ont pris d'éclaircir
ce qui concerne cette riviere , tous ces
anotifs- réunis ont engagé M l'Abbé Bar-
A ij
MERCURE DE FRANCE.
•
4
thelemi à recueillir ce qu'en ont dit les
anciens Auteurs , & à examiner ce qu'il
falloit en penfer.
Le Pactole ,.connu auffi fous le nom de
Chryforrhoas , eft une petite riviere , ou
plutôt un ruiffeau qui coule dans un des
plus beaux cantons de l'Afie mineure. Il
prend fa fource dans le mont Tmolus , à
peu de diftance de l'endroit où étoit fituée
ville de Sardes capitale de la Lydie , &
après s'être répandu dans la pleine voifine,
il va fe jetter dans l'Hermus , & fe perdre
avec ce fleuve dans le Golfe de Smyrne.
Son lit eft étroit & peu profond ; fon cours
n'a gueres que trois ou quatre lieuës .
Dans la montagne où il prend fes eaux
il y avoit autrefois des mines d'or , & c'eſt
de-là qu'il détachoit les parcelles de ce
métal que l'on trouvoit mêlées dans fon
fable. On n'a commencé à les ramaffer
que
fous le regne des derniers Rois de Lydie ,
foit qu'avant ce tems - là il n'en entraînât
point du tout , foit que jufqu'alors on eût
crû devoir les négliger. Dans la fuite , à
force de foüiller dans les mines du mont
Tmolus , on parvint à tarir la fource des
richeffes de cette riviere , & on la réduifit
à l'épuiſement où elle fe trouvoit du tems
de Strabon. Cet Auteur qui écrivoit au
commencement de l'Empire de Tibére
JUIN. 1748.
J
remarque dans un endroit de fa Géogra
phie qu'on ne retiroit que très rarement
de l'or des mines du mont Tmolus , & dans
un autre il dit en termes formels que le
Pactole n'en donnoit plus .
Après Strabon plufieurs Auteurs ont
obfervé en differens tems que le Pactole
ne fourniffoit plus d'or , & leur témoi
gnage eft conforme aux relations de ceux
des voyageurs modernes qui fe font arrê
tés fur les bords de cette riviere , & qui
après un mur examen n'ont trouvé dans
fon lit qu'un fable brillant de differentes
couleurs.
Si l'on s'en rapportoit à ce que les Orateurs
& les Poëtes ont dit des richelles du
Pactole , on feroit tenté de les comparer à
celles qu'on retire des mines les plus abondantes
, mais leurs paffages ne doivent pas
être pris littéralement , & prouvent tout
au plus la célébrité que le Pactole a euë
parmi les anciens. Pour en connoître l'ori
gine il faut obferver que fous Créfus , &
jufques vers le tems de Philippe de Macédoine
, l'or étoit extrêmement rare dans la
Gréce , & que les Grecs ne dûrent apprendre
qu'avec une furpriſe mêlée d'admiration
que ce métal que la nature leur avoit
refufé , elle le donnoit ailleurs avec une
efpéce de profufion , & qu'elle le faifoit
A iij
MERCURE DE FRANCE:
même rouler dans le fable d'une riviere.
Cette derniere circonftance dût les frapper
d'autant plus , que peut-être ne con
noiffoient-ils point de fleuve qui offrit une
pareille fingularité ; auffi la célébrerent- ils
à l'envi , & affûrerent- ils au Pactole une
réputation qui ne fut affoiblie dans la fuite,
ni par la découverte des mines de la Thrace
, ni par la quantité d'or qu'introduifirent
dans le commerce le pillage du Temple
de Delphes , & la conquête de l'Afie
par
Alexandre .
Mais fi ces cauſes ont pû contribuer à
étendre & à perpétuer la réputation du
Pactole , elles n'ont pas fuffi feules à la
former , & on fe tromperoit fi on réduifoit
les richeffes de cette riviere à quelques
legéres paillettes détachés par hazard des
mines qu'elle traverſoit. Strabon dit pofitivement
qu'elle en entraînoit beaucoup.
M. L. B. appuye ce paffage par quelques
autorités & quelques réflexions , & il en
conclut que le Pactole donnoit de l'or
beaucoup moins que certains fleuves du
nouveau monde , mais beaucoup plus que
le Rhône , l'Arriege & les autres rivieres
de ce Royaume , qui roulent des paillettes.
La plus grande partie de l'or du Pactole
confiftoit auffi en des paillettes , mais il
JUIN. 1748. 77
E_
entraînoit quelquefois des fragmens de
pierre qui en étoient chargés , & qui
étoient détachés de la mine par les courans
d'eau.
Le nom de Darique qu'un Auteur ancien
a donné à l'or du Pactole , a fait conjecturer
à M. L. B. que cet or , avant que
d'être mis en oeuvre , n'avoit qu'une vingt
quatrième partie de matiere hétérogène.
En effet , or Darique parmi les Grecs fignifioit
un or femblable pour le titre à celui
des Dariques , anciennes monnoyes des
Perfes , qu'on trouve encore dans quelques
cabinets & qui font à 23 carats .
Pour ne rien oublier de ce qui concerne
le Pactole , M. L. B. acrû devoir rapporter
en peu de mots les autres fingularités qu'on
y remarquoit . Les anciens ont parlé d'une
forte de cryftal qu'on y trouvoit & qu'on
recherchoit avec foin , des cygnes qui ne
fe plaifoient pas moins fur fes bords que
fur ceux du Cayftre & du Maandre , des
fleurs qui croiffoient fur fes rives , &
qui étoient autant renommées parmi les
Grees , que le font encore dans le Levant
les Tulippes de Magnefic , du Sypille , ville
fituée au voifinage du Pactole.
A iiij
3 MERCURE DE FRANCE.
M. le Beau , célébre Profeffeur de Rhétorique
dans l'Univerfité , & élû depuis
peu Académicien , termina la féance par la
lecture d'une fçavante Differtation fur les
médailles reftituées dont nous allons donner
l'extrait.
>
On appelle ainfi les médailles , foit Confulaires
, foit Impériales , fur lefquelles
outre la légende qui leur eft propre , on
voit encore le nom d'un de ces quatre Em
pereurs , Tite , Domitien , Nerva & Trafuivi
du mot reftituit . On croit communément
que ces quatre Empereurs ont
rétabli les monnoyes de leurs Prédéceffeurs
, & que le mot reftituit ſe le mot reftituit le rapporte à
la médaille même.
jan ,
Dans le Mémoire dont il s'agit M. le
Beau détruit ce fentiment par quatre raifons
; 10. Il n'eft appuyé d'aucun témoignage
hiftorique . On ne trouve nulle
part
qu'un Empereur fe foit avifé de rétablir
les monnoyes de fes Prédéceffeurs. 2 ° .
Une pareille reftitution étoit inutile ; les
monnoyes des Empereurs avoient cours
fous leurs Succeffeurs , M. le Beau le prouve
par plufieurs autorités ; d'ailleurs on
ne peut pas dire que les monnoyes des
Empereurs précédens fuffent déja épuifées
fous les quatre Empereurs à qui on attribue
JUIN. 1748 . 9
donner
cette reftitution . 3 ° . On ne peut
pour raifon que ces quatre Princes ayent
voulu fe faire honneur par cette nouvelle
fabrication. Quel honneur pour Tite &
pour Trajan d'affocier leur nom à ceux des
Tibére & de Claude , & de reffufciter les
monnoyes Confulaires de plufieurs familles
très-obfcures ? 4°. On a deux médailles
de confécration de Nerva reftituées par
Trajan , c'étoit donc Trajan qui les avoit
fait frapper dès la premiere fabrication ,
& dans la feconde il aura reftitué des médailles
déja frappées par lui-même , ce qui
implique contradiction. *
Par rapport à l'opinion du P. Hardoiiin ,
M. le Beau renvoie à la réfutation folide
qu'en a fait le Baron de la Baſtie dans fes
notes fur la fixiéme inftruction de la Sciençe
des médailles du P. Jobert. Après avoir
ainfi refuté l'opinion commune , l'Auteur
propofe une nouvelle conjecture fort
fimple. & fort naturelle ; il croit que le
mot reftituit fignifie que l'Empereur annoncé
comme Reftituteur a rétabli en tout
ou en partie quelque monument de l'autre
Empereur , ou du Magiftrat nommé fur la
même médaille. Par exemple on a une
médaille de Drufus , frere de Tibére , où
la tête de Drufus eft gravée avec cette
Av
to MERCURE DE FRANCE.
légende : NERO CLAUDIUS DRVSVS
GERMANICVS IMP . au revers eft l'arc
de ce même Drufus avec ces mots : T.
DIVI VESP F AVG PM TRP COS
VIII REST . Cette médaille fait connoître
que Tite a réparé l'arc de Drufus.
1° . Ce fentiment s'accorde fort bien
avec l'hiftoire & les infcriptions ; tout y
parle de réparation de monumens publics.
Les Romains étoient très - curieux de ces
ouvrages , & fe faifoient un honneur de
les rétablir quand ils étoient détruits ou
endommagés par le tems ou par les incendies
qui étoient très- fréquens à Rome ; &
le Réparateur n'oublioit pas d'y mettre fon
nom avec celui du Fondateur. On en cite
un grand nombre d'exemples , & on en
conclut qu'il eft naturel de croire que les
Empereurs fe font fair honneur de ces réparations
fur leurs monnoyés dépofitaires
de toute leur gloire.
2°. Ce qui fait la force de ce fentiment
c'eft qu'il rend raifon d'une fingularité
inexplicable dans le fyftême ordinaire ; il
eft remarquable que les médailles reftituées
ne commençent qu'à Tire , & qu'elles ne
vont pas au- delà de Trajan . Pourquoi cer
ufage a - t- il commencé fi tard & duré fr
peu , pourquoi ces quatre Empereurs fontJUI
N. 1748. II
ils les feuls dont nous ayons des médailles
reftituées ? L'opinion que l'on propofe
fatisfait à cette question . 1 °. L'incendie
arrivé fous Neron confuma un nombre infini
d'édifices & d'ouvrages publics des
quatorze quartiers de Rome , trois furent
entierement brûlés , & fept autres tellement
endommagés qu'il n'y refta qu'un
petit nombre d'édifices ; cela eft prouvé
par tous les Hiftoriens & par une infcrip
tion . Neron ne rétablit aucun ouvrage pu
blic. Il fe fervit , dit Tacite , des ruines
pour élever ce prodigieux Palais qu'il appella
la maifon dorée. Vefpafien travailla
à rendre à la ville de Rome fa premiere
fplendeur ; il répara plufieurs monumens ,
mais Zonaras nous apprend que ce Prince
ne voulut pas qu'on y mit fon nom avec
celui des Fondateurs. Le regne de Tite
vit un autre incendie qui ne fut guéres
moins ruineux que celui de Neron . Tite
s'empreffa de réparer le dommage ; il vou
lut , dit Suetone , en porter tous les frais
& il y confacra tous les ornemens de fes
maifons de campagne. Ce fut alors que la
reconnoiffance publique éclatant de toutes
parts , dans le mouvement d'un nombre
fi confidérable de réparations qui fe
faifoient toutes à la fois , il vint naturelle-
A vj .
12 MERCURE DE FRANCE.
ment dans l'efprit d'en faire honneur au
Prince fur fes monnoyes. Domitien fuccéda
à fon frere Tite . Il eft remarquable que
fon regne qui fut de quinze ans fournit
beaucoup moins de médailles reftituées ,
que Je regne de Tite qui ne fut que d'un
peu plus de deux ans ; & que toutes fes
médailles reftituées ne font que des copies
fidelles des médailles reftituées de Tite .
Cependant Suetone dit expreffement qu'il
répara un grand nombre d'ouvrages confumés
par l'incendie ; mais il ajoute auffitôt
que ce Prince fier & jaloux ne voulut
pas qu'on gravât fur ces ouvrages le nom
des Fondateurs , mais feulement le fien .
C'est pour cette raison qu'on n'a point de
médailles reftituées qui ayent été frappées
à l'occafion des monumens dont il fut feul
Réparateur , parce que ces médailles préfentoient
le nom des Fondateurs avec celui
du Reftituteur ; & quant aux médailles de
Domitien qui ne font qu'une copie des
reftitutions de Tite , il les aura fait frapper
à l'occafion des ouvrages que Tite avoit
commencé à réparer , & que Domitien
avoit ou achevés , ou augmentés , ou dédiés.
Ce Prince jaloux de la gloire de fon
frere , n'avoit garde de lui laiffer celle de
porter feul fur ces monnoyes le titre de
JUIN. 1748. 13
à
Réparateur. Ainfi l'incendie de Neron &
celui de Tite , ayant donné lieu à un f
grand nombre de réparations , ont en même
tems fait naître l'idée de les marquer
fur les monnoyes. 2° . Les médailles reftituées
ne vont pas jufque fous Hadrien.
Dans ce nouveau fentiment il eft aifé d'en
rendre raifon , Spartien nous la donne
dans la vie d'Hadrien . Ce Prince , dit- il ,
n'aimoit pas mettre fon nom fur les ourages
qu'il faifoitfaire ; & ailleurs , ayant
fait faire grand nombre d'ouvrages , il ne
mit fon nom que fur le Temple de fon
pere Trajan. Cette retenuë d'Hadrien lui
fit fans doute , interrompre l'ufage de fes
quatre Prédéceffeurs. Son fils & fon petitfils
adoptifs , Antonin & Marc Auréle ,
Princes d'ailleurs vraiment Philofophes
fuivirent en cela fon exemple , & le mot
reftituit ne parut plus fur les médailles.
,
Ce n'eft pas qu'on ait ceffé après Trajan
de frapper des médailles à l'occafion des
réparations faites par les Empereurs. Nous
en avons plufieurs exemples, mais la forme
qui avoit conftamment fubfifté depuis Tite
jufqu'à Trajan , une fois interrompuë par
Hadrien , changea entierement & devint
arbitraire.
Ainfi cette nouvelle opinion eft con14
MERCURE DE FRANCE .
forme à l'Hiftoire & aux infcriptions , &
de plus elle a cet avantage fingulier de
fixer les deux époques du commencement
& de la fin des médailles reftituées ; elle
rend même raifon pourquoi on ne trouve
fous Domitien que les reftitutions qui lui
font communes avec fon frere Tire , en
un mot elle explique tout ce qui concerne
en général les médailles reftituées.
M. le Beau promet d'expliquer en particulier
toutes ces médailles dans les Mé
moires fuivans , & de répondre à quelques
difficultés qui fe préfentent dans fon fentiment.
i Ce fentiment an refte écrit d'un ſtyle
noble & en même tems naturel fut écouté
avec grand plaifir du public , & quoique
cette matiere fut féche & peu fufceptible
d'agrément par elle-même , l'Auteur a
trouvé l'art de la rendre intéreffante par
la folidité des réfléxions , & par les traits
d'une érudition fage & menagée à propos
qu'il y a femés.
JUIN. 1748.
TRADUCTION du Cantique de
Moyfe après le paffage de la Mer Rouge
Cantemus Domino , gloriosè enim , &c.
DuSeigneurpar nos chants célébrons la vic
Il a fait éclater fa grandeur & fa gloire .
Dans les flors que bravoir leur folle vanité ,
Combattant & courfier tout eft précipité.
A mon Libérateur je dois tous mes Cantiques
Il m'a fauvé des mains d'oppreffeurs tyranniques
C'eft le Dieu de mon pere , & lui feul eft mon
Dieu .
Son nom va par ma voix retentir en tout lieu ;
( Dans ce nom tout -puiffant quelle force réfide !)
Tel & cent fois plus grand qu'un guerrier intré
pide ,
Il a paru . La mer, comme un vafte cercueil ,
Du tyran de l'Egypte a dévoré l'orgueil ,
La pierre dans fa chûte avec moins de vîreffe
[
Defcend au fond des eaux,fuyant l'air qui la preffe,
Tant d'ennemis livrés au glaive du trépas
Ont fignalé , Seigneur , la force de ton bras;
Tu les a foudroyés des traits de ta colére ;
Ainfi le feu confume une paille legére .
Au * vent de ta fureur l'onde égalant les monts
*Es in ſpiritu furoris tui.
16 MERCURE DE FRANCE
Découvre de la mer les abîmes profonds .
L'Egyptien enflé de fa vaine puiffance ,
Difoit , je vais encore affouvir ma vengeance ,
Et malgré leurs efforts mon glaive va frapper
Ces fuyards infenfés qui croyoient m'échapper,
Il dit , un foufle part de ta bouche enflaamée ,
Et la mer en coureux engloutit cette armée.
Objet de ma loüange , ô Dieu de fainteté ,
Qui pourroit , s'élevant à ta divinité ,
'Atteindre la hauteur de ton pouvoir fuprême ?
Non , Seigneur , nul ne peut t'égaler que toi
même.
Quels fecours merveilleux ne te devons- nous pas ?
Tout orgueil eft brifé quand tu leves ton bras ;
Ce peuple racheté par ta feule clémence
Viendra dans le lieu faint, conduit par ta puiffance.
Son retour foutenu par tes regards divins ,
Va porter la frayeur chés les peuples voifins.
Déja la Paleſtine , & les Chefs d'Idumée ,
Moab , & Chanaan en ont l'ame allarmée.
Répands fur eux encor l'épouvante & l'effroi ,
Et ton peuple en marchant craint & libre par toi ,
Verra fes ennemis fpectateurs immobiles ,
Par l'horreur de la crainte enfermés dans leurs
villes.
Long-tems perfécuté , tranquille déformais ,
C'est alors qu'Ifraël , comblé de tes bienfaits ,
JUIN.
17 1748.
Tranſporté par tes mains , te rendra fon hommage
Dans ce Temple tameux , qui fera ton ouvrage
.
Le * regne du très - haut eft dans l'éternité ,
Terme qui e confond dans fon immenfité.
Un inftant voit la mer dans fon cours fufpenduë
Nous ouvrant dans fon fein une route inconnuë ,
Et les Egyptiens , à nous fuivre obſtinés ,
Périflans dans les flots tout à Coup déchaînés.
LETTRE de M. de Paffe à M. ***
fur la converfation.
J'Ai
' Ai peine à croire , Monfieur , que vous
parliez férieufement , lorfque vous me
demandez quelles font les régles que l'on
doit fuivre pour plaire dans la converfation
. Pouvez - vous les ignorer , vous qui
les pratiquez avec tant de fuccès ; chés
vous la grace eft jointe à la fimplicité , la
douceur à la vivacité , la fcience à la modeftie
, l'érudition à la politeffe. Tout le
monde eft charmé de vous entendre , &
l'on remarque que vos difcours ont toujours
bien moins pour but de faire paroître votre
efprit que de relever celui des autres .
Vous pénétrez dans l'ame de ceux qui vous
* Dominus regnabit in aternum , & ultrà.
18 MERCURE DE FRANCE.
écoutent , vous y découvrez toutes les f
neffes de l'amour propre , & vous fçavez
les faire valoir ingénieufement à l'avantage
des autres. Auffi quand on fort d'a
vec vous , on en fort toujours content de
vous & de foi-même ; toujours varié , &
cependant toujours égal , jamais vous n'offenfez
, jamais vous n'ennuyez ; la raifon
eft aimable dans votre bouche , & vous
avez le talent de perfuader,parce que vous
avez celui de plaire.
En faifant votre portrait , Monfieur ,
j'ai exprimé tout ce qu'il faut pour réaffir
dans la converfation . Mais vous voulez
que j'approfondiffe un peu davantage ce
fujet ; j'entre dans vos vûes bien volontiers
pour ma propre inftruction , quoiqu'il me
paroiffe difficile de rien dire à cet égard
qui n'ait déja été dit plufieurs fois. Je raf
femblerai du moins les réflexions qui fe
trouvent répandues dans un grand nombre
d'ouvrages , & je tâcherai , en les rapprochant
& en les faifant naître les unes des
autres , de leur donner un nouveau jour .
La converſation doit fon origine au befoin
qu'ont eû les hommes de fe communiquer
leurs penfées . & leurs fentimens.
Elle s'eft perfectionnée à mesure qu'ils ont
dépouillé la groffiereté & la rudeffe de
leurs moeurs , & infenfiblement elle eſt
JUIN. 19 1748.
devenue un commerce qui eft le lien & le
charme de la fociété ; quoique le talent d'y
réuffir foit à bien des égards un don de la
nature , il eft cependant affujetti à des
régles ; il fuppofe le concours heureux des
qualités de l'efprit & du coeur. Nous ne
trouvons aimables que ceux que nous pou
vons réellement aimer & eftimer , ainfi
un homme infecté de quelqu'un de ces vices
honteux qui attaquent la probité , &
qui s'aviliroit jufqu'à être faux dans fes
paroles , ne nous paroîtroit point du tout
propre à faire les délices de la converfation.
Les honnêtes gens ne goûtent pas davan
rage ceux qui par des traits libertins ofent
attaquer ce que nous avons de plus refpectable.
On a dit bien des fois , & on l'a
dit avec juftice , qu'on ne chercheroit
point à décrier la Religion , fi l'on n'avoir
point intérêt de la décrier. L'Evangile
nous a tracé une route fûre pour arriver à
la vertu , & il eft certain que ceux qui propofent
d'autres régles, ou qui croyent pouvoir
fe paffer de celle-là ont toujours pour
but de mettre les paffions plus au large.
Quand on veut fe faire rechercher dans la
fociété & s'y rendre aimable , il faut encore
s'interdire ces difcours licencieux qui bleffent
la décence & qui font rougir la pu
deur. On n'en peut attendre que de la hon20
MERCURE DE FRANCE.
te & du mépris de la part de ceux même
qui ont paru y applaudir .
Il ne fuffit pas au refte pour plaire dans
la converfation d'avoir les vertus oppofées
aux défauts que je viens d'indiquer. Il
faut y joindre un grand fonds de douceur
& de complaifance , un efprit capable de
fe prêter à toutes fortes de fujets , une heureufe
facilité de s'énoncer , un enjoüement
naturel & une fécondité propre à orner les
matieres ftériles ; avec ces qualités on pra
tiquera fans peine & comme naturellement
les régles que je dois maintenant vous expoſer.
La premiere & la plus importante de
toutes , c'eft d'obferver les loix de la politeffe
à l'égard de ceux avec qui nous converfons
; ce n'eft qu'en ménageant l'amour
propre des hommes qu'on parvient à s'en
faire goûter. Ils jugent de nous bien plus
par les démonftrations extérieures que par
les qualités effentielles que nous pouvons
avoir ; nous les offenfons fi nous manquons
d'égards pour eux . Or ceux que nous leut
devons dans la converfation font 1 ° . de
tâcher d'avoir un air libre & aifé & de leut
montrer un viſage où éclatent la joie , la
douceur & la modeftie, fans pourtant qu'il
y paroiffe rien d'affecté.
2. De prendre un ton de voix qui ne
JUIN. 1748 .
Loit ni plus haut ni plus bas qu'il ne faut
pour être entendu , & de mettre entre ce
que nous difons & l'action qui l'accompagne
un rapport , & s'il m'eft permis de par
ler ainfi , une harmonie qui ne produife
qu'une feule & même idée dans l'efprit de
ceux qui nous voyent & qui nous écou
tent.
3. D'écouter attentivement ce qu'on
nous dit ; il eft contre la politeffe de faire
répéter une feconde fois ce qu'on a dû entendre
la premiere . Ceux qui nous parlent
font bleffés lorfqu'on leur refufe l'attention
qu'ils croyent mériter; ils prennent la
diftraction & les abfences d'efprit pour
des marques du peu de cas qu'on fait d'eux
& de ce qu'ils difent ; bien écouter & bien
répondre , dit M. de la Rochefoucault ,
eft une des grandes perfections qu'on puifle
avoir dans la converfation ,
4°. Nous devons de la déférence & de
la complaifance à ceux avec qui nous nous
entretenons ; il n'eft pas poffible que nous
ne leur déplaifions , s'ils apperçoivent en
nous quelque chofe qui marque de l'ennui
ou de l'impatience ; nous leur déplaifons
également s'ils trouvent en nous un carac
tére toujours prêt à contredire , & une
opiniâtreté infléxible à foûtenir nos opinions
, c'est un entêtement méprifable que
22 MERCURE DE FRANCE.
de vouloir toujours avoir raifon , même fut
les matieres les plus indifferentes. Si l'affaire
eft férieufe , nous pouvons expliquer
nos raifons avec tranquillité , mais fi l'on
nous fait connoître que nous avons tort ,
loin d'en rougir, faifons- nous au contraire
honneur de nous rendre à la vérité. C'eft
encore une attention qu'il faut avoir de
ne jamais propoſer fes fentimens que comme
des opinions vraiſemblables , & non
comme des décifions auxquelles on prétende
que tout le monde foit obligé de
céder ; les hommes ont naturellement le
droit de juger par eux-mêmes , & on les
révolte dès qu'il paroît qu'on veut les en
dépoüiller ; nous devons même examiner
quelles font les paffions principales & les
préjugés de ceux avec qui nous fommes en
focieté,afin de ne les pas choquer de front.
La contrariété des opinions , auffi-bien que
celle des humeurs , produit la haine & l'averfion
; il faut prendre garde cependant
que notre complaifance pour les autres ne
dégénére en baffeffe ou en flaterie. On
méprife ane foupleffe d'humeur qui va juſ
qu'à facrifier les goûts les plus raifonnables
fans néceffité , qui prodigue les éloges fans
difcernement & qui applaudit aux ridicu
les.
Une feconde régle qu'on peut regarder
JUIN. 1743.
es
bla
fand
dicu
der
C:
ent
onk
comme une fuite de la premiere , e'eft d'être
beaucoup plus occupé des autres que
de nous mêmes. Si vous avez envie de
plaire , cachez votre fupériorité, loin de la
faire fentir ; on ne fe fait point aimer de
ceux qu'il paroît qu'on veut rabailler. De
là je conclus
1º. Qu'il ne faut parler de foi-même
que le plus rarement qu'il eft poffible ;
ceux qui ont continuellement le moi dans
la bouche ont ordinairement beaucoup de
fatuité & ne paffent pas pour avoir beaucoup
d'efprit , auffi ne fe plaît on guéres à
les entendre. Je penſe néanmoins comme
Me. Lambert , qu'on pourroit écouter avec
le plaifir un homme qui joindroit la nobleffe
des fentimens à de grandes lumieres , &
qui parleroit naturellement & fincérement
de lui-même ; il y auroit à profiter dans
un pareil entretien ; une ame d'un certain
ordre qui fe montre à nud eft un fpectacle
intéreſſant & inſtructif.
dax
O
lese
ming
&la
esa
2º . Même en parlant des chofes qui
n'ont nul rapport à nous , il faut éviter de
trop parler ; celui qui s'empare d'abord de
la converſation , & qui plein de la bonne
opinion qu'il a de lui-même , s'imagine
qu'on doit toujours l'écouter , fans qu'il
foit obligé d'écouter les autres à fon tour
déplaît & ennuye. Si vous voulez qu'on
24 MERCURE DE FRANCE.
eftime votre esprit , n'eulevez pas aux autres
les moyens de faire paroître le leur ,
ramenez - les au contraire, autant que vous
le pourrez , à ce qui les intéreffe ; mettezles
fur des matieres qui foient à leur portée
, & donnez- leur occafion de parler &
d'être contens de vous & d'eux -mêmes ;
voilà le véritable fecret de leur plaire . Les
hommes aiment toujours mieux ceux qui
leur applaudiffent que ceux auxquels ils
font obligés d'applaudir,
J'ajoute une troifiéme régle qui regarde
particulierement ceux qui veulent écrire ,
mais qui peut auffi très- bien s'appliquer à
ceux qui défirent de réuffir dans la converfation
, c'eft qu'il faut que chacun fuive
fon talent & fe renferme dans les bornes
de ce qu'il fçait & de ce qu'il peut. Jamais
nous ne plairons que par les qualités que
nous avons reçuës de la nature .
Chacun , pris dans fon air , eſt agréable en foi ,
Ce n'eftque l'air d'autrui qui peut déplaire en moi;
Un efprit né chagrin plaît par fon chagrin même,
Si donc nous fommes nés chagrins, n'af
fectons point le ton plaifant,nous n'acque
rerions par-là qu'un faux air , qu'un air emprunté
, auquel le ridicule eft toujours attaché.
Quand même nous aurions le talent.
de réuffir dans la plaifanterie , il ne fau
droit
JUIN. 1748. 25
•
que
droit en ufer qu'avec beaucoup de circonfpection.
Ce feroit être trop févére que de
vouloir bannir de la fociété cette raillerie
innocente qui faifit le ridicule & qui répand
l'enjouement , fans bleffer perfonne
mais on ne doit jamais s'en fervir avec ceux
qui font fans efprit. Un trait vif & délicat
leur échappe , & la critique la plus légere
leur paroît toujours une infulte ; vous ne
devez pas non-plus vous permettre de railler
ceux qui vous font inférieurs ; votre
fupériorité les rend timides & les empêche
de vous répondre. Or c'eft une lâcheté
d'attaquer quelqu'un qui n'eft pas en état
de fe défendre ; fi cependant vous étiez
chargé de leur conduite , il y a des occafions
où vous pourriez employer la raillerie
pour les corriger. On redoute fouvent
plus le ridicule d'une action , que les autres
fuites qu'elle peut avoir. Pour que la
plaifanterie foit légitime , il faut qu'elle
n'ait pour objet que de légers défauts , fur
lefquels nous fouffririons fans peine qu'on
nous plaifantât nous-mêmes. Si vous touchez
à des défauts effentiels & fondés , la
perfonne raillée fe trouvera dans l'impuiffance
de répondre , & vous la piquerez
d'autant plus vivement qu'elle aura plus
d'efprit. Dès qu'unhomme poli apperçoit
quelque embarras dans ceux qu'il plaifan-
I, Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
te, il s'arrête & détourne le difcours adroi
ment ; il fçait qu'il n'y a qu'une fecrette.
malignité qui puiffe faire trouver du plaifir
à humilier l'amour propre des autres.
En général c'eft un métier peu honorable
que celui de plaifant de profeffion ou de
difeur de bons mots. Un homme dont
l'emploi eft de faire rire les autres , s'attire
ordinairement pen de confidération
; en
applaudiffant au talent , on méprife bien
fouvent celui qui le poffede.
Il y a quelquefois d'affés bonnes plaifanteries
qui ne réüffiffent pas , parce que
ceux qui les difent veulent donner le ton
aux autres en commençant par en rire les
premiers; ils paroiffent trop fatisfaits d'euxmêmes
, & de-là vient que perfonne n'en
eft fatisfait , car nous fommes naturellement
choqués d'un amour propre qui fe
montre trop à découvert ; c'eft là peut-être
la principale raifon pour laquelle on n'aime
point ceux qui font perpétuellement
nfage de leur mémoire dans la converſation
; ils croyent faire preuve d'un mérite
fupérieur , en appuyant tout ce qu'ils difent,
de quelque autorité , en récitant des vers à
rout propos , ou en rappellant tous les traits
d'hiftoire dont ils peuvent fe fouvenir ,
mais outre l'idée de pédanterie qu'on atta- ,
che communément à ce caractére , on y.
JUI N. 1748. 27
découvre une affectation trop marquée de
paroître & de briller . Or la converfation
ne nous plaît qu'avec ceux qui nous laiffént
croire que nous avons autant d'efprit
qu'eux .
Les converfations ne font pas des conférences
philofophiques , ainfi il feroit injufte
de vouloir qu'on n'y procédât que
par argumens & qu'on n'y traitât que
des matieres graves & férieufes , mais il ne
faudroit pas non-plus tomber dans l'excès -
oppofé , en ne leur donnant jamais pour
objet que des chofes frivoles. Ceux qui ne
fçavent s'entretenir que de Comédies ,
d'Operas , de modes & de chevaux , font à
plaindre ; je plains pourtant encore davan .
tage ceux qui cherchent à cultiver leur efprit,
& qui font obligés d'effuyer fouvent
de pareilles converſations .
Au refte il vaudroit encore mieux , fans
doute, ne parler que de bagatelles, que de
s'occuper , comme on le fait la plupart du
tems à décrier le prochain , car c'eſt- là ,
il faut l'avouer à notre honte , un des
fujets qui fournit le plus à nos entretiens.
Jamais l'efprit ne fe montre davantage ,
jamais les traits ne font plus vifs & plus
brillans , que lorfqu'il s'agit de cenfurer &
de publier les défauts d'autrui ; pourvû que
la médifance foit préſentée avec adreffe &
B ij
28 MERCURE DE FRANCE.
affaifonnée d'un certain fel qui la rende
piquante & agréable , on l'excufe & on ne
penfe pas qu'elle foit criminelle ; il faut
pour que nous en jugions bien , qu'elle
nous attaque perfonnellement.Le médifant
qui divertit le public à nos dépens , n'eſt
plus un homme amuſant & enjoüé ; c'eſt
un efprit dangereux qu'il faudroit bannir
de la fociété, Comment pouvons- nous
croire que ce qui eft une bleffure mortelle
pour nous , n'en foit pas une également
pour les autres ?
Voilà , M. quelles font mes idées fur la
converfation , ou plutôt celles de toutes
lés perfonnes qui en ont parlé avant moi ;
j'aurois pû traiter mon fujet avec plus d'étendue
& faire entrer dans ma lettre un
grand nombre de portraits qui en auroient
fait le principal ornement , mais je ne vous
ai point perdu de vûë en l'écrivant , & je
me fuis toujours fouvenu que je ne devois
pas prendre vis à- vis de vous le ton d'un
maître qui donne des leçons , mais que je
devois me borner à celui d'un difciple docile
qui cherche à s'inftruire & à s'éclairer
lui-même.
JUI N. 29 174S .
FABLE.
La poule aux oeufs d'argent.
PErronelle avoit chés elle
Une rente bonne & belle ;
Sa poule tous les jours pondoit exactement
Un oeufd'argent ;
Un homme raisonnable auroit été content ,
Mais où trouver une femelle
Qui mette un frein aux voeux de fa cervelle ?'
Celle - ci fit bientôt ces faux raiſonnemens
Que dicte l'avarice en dépit du bon fens :
Si , dit elle , du grain qui fait fa nourriture
Ma poule chaque jour avoit double mefure
J'aurois en un inftant doublé mon revenu ,
Et je verrois maint bon écu
En peu venir en ma puiffance ;
Elle dit , le grain pleut & la poule s'élance ;
Son jabot affamé fe gonfle avidement ,
Mais elle en mangea tant qu'elle ceffa de vivre.
Sa maîtreffe voulut la fuivre ,
Tant fa douleur fût grande ; étrange aveuglement !
Peut-on raffafier l'avarice béante ?
Si la poule en eût fait cinquante ,
Perronelle en eût voulu cent.
B iij
30 MERCURE DE FRANCE .
PENSE'ES DIVERSES ,
JE
Introduction.
ce
E lis moins ce qu'il faudroit que je
lûffe , que ce qui me fatisfait. Je ne
fais point mes lectures mes lectures pour d'autres que
pour moi ; l'immortalité n'eft point mon
idole , je n'ai d'autre but que de fuir l'ennui
. Si mes amis ont recours à mes foibles
lumieres , je ne les leur refufe pas , mais
comme je n'ai que des amis éclairés , j'ai
toujours befoin d'eux & je ne leur fuis
prefque jamais utile . J'aime la fociété &
je la fnis. Mon éloignement de fes plaifirs
n'eft fondé que fur le defir que j'ai de me
rendre plus digne d'en jouir. Ennemi par
temperament des recherches pénibles , &
par vanité d'une étude fuperficielle , je
veux être en état d'entendre les Sçavans
fans vouloir le paroître , & je veux feryir
l'ignorant fans pouvoir le méprifer . La
fcience me rendroit peut- être moins attentifà
plier mon caractére à celui des autres,
&l'ignorance pouroit m'avilir aux yeux des
habiles dont le commerce doit faire dans
un âge plus avancé tout l'agrément de ma
vie ; mes journées ne m'ont jamais paru ni
trop longues ni trop courtes. J'attends en
JUIN. 1748.
31
patience le lendemain & je le vois arriver
Tans frayeur. Les occupations du jour préfent
finiffent avec lui ; le jour fuivant m'en
offre de nouvelles que je ne réferve jamais
au jour qui lui fuccéde ; mes travaux font
courts, Je les mefure au tems dont je
joüis ; que ma vie finiffe , ils font complets
..... Ni la réputation d'un Ecrivain ,
ni fes bonnes qualités ne m'aveuglent ; il
eft homme & je le fuis ; fon titre & le
mien me donnent celui de cenfurer ce que
je penfe de défectueux dans les oeuvres. Je
couche mes réfléxions fur le papier , non
pour les publier , mais pour ne les point
oublier. Si je les communique , je ne fuis
pas moins content de reconnoître que j'ai
cenfuré mal-à- propos , que d'appercevoir
de la jufteffe dans mes cenfures. Si j'aime
ma réputation , j'adore celle des autres.
Je ne préfére pas aveuglément mon fentiment
au leur , ni leur fentiment au mien ,
mais je trouve plus de juftice à ce qu'ils
gagnent vis - à-vis de moi , & plus de plaifir
à ne point perdre vis- à- vis d'eux .
Voilà quelques découvertes que j'ai faites
dans mon intérieur. Si l'on trouve que
je m'attribue quelques bonnes qualités ,
que l'on ne décide pas fi c'eft la vanité qui
me les fuppofe , ou fi c'eft l'envie de les acquerir,
car moi-même je n'en fçais rien .
Bijij
32 MERCURE DE FRANCE.
**
1. Céſar étoit trop vieux , dit Paſcal ,
pour penfer à conquerit le monde , l'entreprife
convenoit à Aléxandre , il étoit
jeune. Aléxandre , dit la Bruyere ,
étoit trop jeune pour un deffein fi férieux,
il convenoit à Céfar , fon âge l'en rendoit
digne. Dans une fi grande oppofition de
penfées , quel moyen de les concilier ?
Le voici une folle entreprife meffied à
tout âge .
:
2. Le vice eft triomphant quand il perd
Les enfeignes.
3. Que Malbranche combatte l'imagination
, j'en aime les effets dans Bocace.
Féconde , variée , fage , folide , l'efprit
réunit- il tant de qualités ? Et s'il les réunit,
pourquoi ne les fait- il jamais paroître fans
le fecours de l'imagination ?
4. Nous pouvons dire que nous aimons
véritablement quelqu'un , quand ce n'eft
point l'amour propre qui nous perfuade
que nous en fommes aimés .
D. H. A.
A Dieppe ce 11 Mars 1748.
La fuite dans le Mercure prochain.
* Pafc. c. 31.
** Voyez la Bruy . du Jugement,
JUIN. 1748. 33
$
IMITATION de l'Ode d'Horace :
Quid bellicofus Cantaber , &c . à M ....
Pourquoi nous allarmer des projets inutiles
Que forment contre nous , en reffources fertiles
Le Hongrois , l'Anglois belliqueux ?
Le formidable champ où triomphe Bellonne ,
Eft fécond en lauriers que Louis y moiffonne;
La foudre ne ménace qu'eux.
**3 *+
Pour nous à qui le Dieu qui préfide à la guerre;
N'inſpire point l'ardeur d'enfanglanter la terre,
Craindrons-nous plus que nos guerriers ?
Ami , raffûrons- nous ; quelle étrange manie
Nous fait de trop de foins empoisonner la vie
La paix regne dans nos foyers.
XX
Tandis que du Deftin les loix irrévocables
Laiffent filer pour nous aux Soeurs inéxosables
Un nombre incertain de beaux jours ,
Joüiffons des plaifirs que leur main bienfaifante
Soumet à notre choix , en foule nous préfente ;
Puiffent- ils être d'un long cours !
Bv
34 MERCURE DE FRANCE..
La bizarre vieilleffe , infenfible à leurs charmes ,
Ne verfe , hélas ! trop tôt que de ftériles larmes ,
Qu'amour s'obſtine à dédaigner.
Si le fommeil alors exauce nos prieres ,
La crainte , la douleur entr'ouvrent des paupieres
Où la mort s'apprête à regner.
***
Rien n'eft ftable ici-bas ; tout périt d'age en âge ;
Les fleurs dont nous voyons fe couronner le fage,
Ne décorent que le printems :
De la foeur de Phébus la courfe eft inégale ,
Tantôt elle dérobe , & tantôt elle étalo
A nos yeux fes feux éclatans.
Pourquoi de l'avenir profanant les myſtéres ,
Dont les Dieux , malgré nous , font feuls dépofitaires
,
Vous forger de cruels tourmens ?
Du Myrthe aimé des cieux cherchez plutôt l'om
brage ;
Tout rit à vos défirs au printems du bel âge ;
Venus eft propice aux amans.
Si du Dieu de Paphos peu flaté des délices ,
Vous ofez-vous fouftraire à d'éternels caprices ;
JUIN.
35 1748.
Un autre Dieu vous tend les bras ;
De pampre couronné le pere de la treille
Ranime dans nos coeurs , par fa liqueur vermeille,
Le goût des plaifirs délicats.
***
Mais d'un plus noble objet votre ame pénétrée ,
Aux plaiſirs épurés de bonne heure eft livrée ,
Et fuit l'illufion des fens :
Partifan éclairé de Virgile & d'Horace ,
Vous aimez parmi nous ceux dont l'heureufe audace
Forme encor d'immortels accens.
Pour moi , berger par goût , d'une main témé
raire ,
Je transforme par fois ma Cloris en bergére ,
Cherchant la route de fon coeur :
Peu touché de mes vers , de leur foible harmonie ,
Son coeur du mien , peut-être , abjurant la manje ,
Eft le prix d'un heureux vainqueur .
Par M. S***. de Lyon.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
REFLEXIONS
Sur l'amitié,
J JfEonnetcermosispas cefutlove , que
E ne crois pas que ce fut avoir perdu
d'avoir employé la moitié
de fa vie pour trouver un véritable
ami . On auroit au moins la confolation
d'en joüir pendant l'autre moitié.
S'aimer foi -même & aimer les autres ,
font deux chofes differentes. On les confond
cependant tous les jours en fait d'amitié.
Les amis ne font nulle part fi rares que
dans les Cours des Princes , où chacun fe
flate cependant d'en avoir.
On fe plaint fouvent d'avoir été abandonné
de fes amis ; on devroit plutôt gémir
de n'en avoir jamais eû .
Pourquoi décorer du fi beau nom d'amis
des gens que l'on ne connoît prefque
pas , & que l'on n'a vûs que comme dans
un microfcope ?
pour
Un homme qui comptoit plufieurs amis,
n'a beſoin que d'un revers de fortune
appercevoir les erreurs de fon calcul .
L'adverfité eft la pierre de touche qui
JUIN. 1748. 37
*
fert à diftinguer les véritables amis de ceux
qui n'en ont que l'apparence.
Dire à quelqu'un qu'il n'a point d'amis,
ce feroit lui faire injure. Rien n'eft cependant
plus vrai à l'égard de prefque tous les
hommes.
Vouloir du bien à fon ami , c'eft à quoi
fe borne notre amitié ; nous paffons rarement
jufqu'à lui en faire.
On voudroit jouir des avantages de l'amitié
fans en foutenir les charges. C'eft
renverfer le droit naturel & civil : Qui
fentit commodum fentire debet onus.
Deux perfonnes s'aimoient , dit-on ,
éperdûment ; un leger intérêt les a divifées
tout d'un coup ; fe font- elles jamais aimées
? J'ai tout lieu d'en douter , puifque
la conftance eft l'appanage de l'amitié .
Les épanchemens de coeur ne font pas
une marque certaine d'amitié , elles fervent
fouvent de mafque pour couvrir les plus
noires trahifons.
Il ne faut pas foupçonner legérement
un ami d'infidélité , mais auffi il ne faut pas
être dupe de fa propre crédulité.
On punit celui qui viole le ferment qu'il
a prêté en Juftice. Que de coupables à punir
, fi la même loi avoit lieu contre les
amis parjures !
38 MERCURE DE FRANCE.
Excufer tout dans un ami , c'eft oublier
qu'on eft fon ami ; ne lui rien pardonner ,
c'eft oublier qu'il eft homme.
J. F. C. de Semur , en Auxois.
EPIGRAMMA.
Joannis Saugeneni.
THeftilis ereptum lugensfibi morte maritum ,
Ungue notata , genas , & laniata comas.
Collite mefuperi, dicebat , tollite terra ;
Jungite me caro fata fevera viro.
Audiit umbra viri bac , & tali territa voto ,
Se gravius dixit morte timere malum.
TRADUCTION.
THeftilis pleurant fon époux ,
Que la mort lui ravit au printems de fon âge ,
Arrachoit fes cheveux , déchiroit fon viſage';
Deftins , cruels deftins , lancez fur moi vos coups,
Difoit- t'elle , & rendez Theftilis éplorée
A l'ombre , au cher époux dont elle eſt ſéparée .
L'ombre entendit ces mots , & déplorant fon fort,
Je crains , dit- elle , un mal pluscruel que la most.
"
JUIN. 39 1748.
* * * txx3 for £ $250 fæt be fake fat f**
FABLE.
·Les Chiens & le Renard.
Tous les jours la coupable envie
Ofe attaquer après la mort
Des Héros dont même le fort ,
Sembloit avec reſpect favoriſer la vie.
Des animaux le puiffant Roi ,
1
Paya le grand tribut qu'on doit à la nature ;
Son corps , & j'ignore pourquoi ,
Fut privé de la fépulture ;
Il méritoit bien un tombeau ,
Car il fut dans fon tems hardi , plein de courage
Bon Prince , & quoique Lion , fage.
Des chiens rencontrerent fa peau ,
Et fans refpect pour la mémoire.
De fa puiffance & de fa gloire ,
Oferent la ronger. Animaux imprudens ,
Leur dit un vieux Renard ; vous verriez, je parie
Les griffes du Lion plus longues que vos dents
Si le Lion étoit en vie.
S
"
40 MERCURE DE FRANCE.
JA
LETTRE A M. De ....
'Ai compris , Monfieur , que vous n'étiez
gueres plus fatisfait que moi de
la converfation où nous nous trouvâmes
hier. Les diverfes Nations de l'Europe
y pafferent en revûë ; les unes y furent
ridiculifées , les autres déprimées , & la
plupart traitées hoftilement. Vous êtes
bien convaincu , fans doute , que la partialité
, l'amour propte , le défaut de refléxions
& de connoiffances font les fources
de ces jugemens fuperficiels & précipités.
Quand on veut traiter cette matiere avec
quelque jufteffe, il me femble qu'il faut établir
pour principe , que la nature partage fes
bienfaits & ne les accorde point tous enfemble
à une feule Nation . Il n'y en a aucune,
quelque difgraciée qu'elle foit, qui n'ait
des qualités capables de la confoler de quelques
autres qui lui manquent , & il n'y en
a aucune de fi favorablement traitée qui
n'ait des défauts capables de l'empêcher
de fe glorifier de fes avantages.
Nous jugeons mal des moeurs & des coûtumes
de nos voisins & même des Nations
éloignées , lorfque nous les comparons aux
nôtres ; nous nous prévenons fortement
pour les manieres auxquelles nous fom
JUIN. 41 1748.
mes accoûtumés , & nous condamnons celles
des autres , ou du moins nous les trouvons
bizarres & ridicules , & nous nous adjugeons
tout de fuite la préference , fans
confidérer que nous n'avons d'autre raifon
pour cela
que ce que nous avons toujours
vû pratiquer.
Chaque Nation a fes ufages ; ils fe font
établis fans aucun principe certain , ils ont
paffé à la postérité , & comme la coûtume
eft un des principaux motifs des actions
des hommes, qui lui donnent aifément les
caractéres de la nature , chaque peuple a ,
pour ainfi -dire , confacré fes ufages , les a
obfervés religieufement & s'eft accoûtumé
à en regarder les tranfgreffeurs commé de
mauvais citoyens ou comme des barbares .
Ce n'eft point par l'extérieur qu'il faut
juger d'une Nation . Cet extérieur ne dépend
fouvent que des tems , des lieux' ,
des climats. Pour porter unjugement équitable
, il faut examiner le fond du caractére
, s'attacher aux fentimens d'humanité,
de bonté & de droiture , car il ne fert de
rien de méprifer les coûtumes des étrangers.
Ne s'en vengent- ils pas bien en méprifant
les nôtres , & croirons - nous
que nous ne fommes pas nous-mêmes bar
bares à l'égard de ceux que nous qualifions
tels ?
1
41 MERCURE DE FRANCE .
Le beau eft de tous les peuples ; ils le
déguiſent à la vérité fous differentes idées
& fous plus ou moins de figures , felon le
génie qui les y détermine , & cette variété
n'eft pas un des moindres agrémens du
Spectacle de la nature ; elle n'a pas mis
moins de difference parmi les hommes que
parmi les differentes efpeces d'animaux.
Les blancs , les noirs , les bazannés , les
nez écrafés , les groffes levres , les petits
yeux , la differente qualité des cheveux ,
tout cela , dis-je , caractériſe la figure des
peuples de certaine partie de la terre.
Faut-il être furpris que des Nations polies
de l'Europe ou de l'Afie fe donnent
refpectivement la préférence & fe propafent
pour modéles , lorfque nous apprenons
* que les peuples qui habitent les Ifles
Marianes méprifent brutalement tous
les autres & fe croyent le peuple le plus
poli & le plus fpirituel de la terre ? Ce font
pourtant des fauvages qui mangent tout
ce que la terre produit , fans autre préparation
. Ils n'ont aucune notion des Arts
ni des Sciences ; ils vont tout nuds , & peu
s'en faut que les femmes ne foient de même
; en un mot on ne peut rien de plus
barbare que ce peuple.
* Hift. des Ifles Marianes , &c . par le P. le Gobien
, Jésuite,
JUI N. 43 1748.
Imputer les fautes perfonnelles à une
Nation entiere , c'eft oublier tout fentiment
d'équité.
Mais où eft la Nation à laquelle on ne
reproche rien ? L'abbattement , la timidité
font la fuite des mauvais fuccès ;; la bonne
fortune rend fier & infolent ; la groffiereté
, l'ignorance des Arts & des Sciences
font les compagnes de la pauvreté ; le luxe
& la dépravation des moeurs , font le partage
des Nations opulentes .
D. L. C. à Vauréas.
CPAPAGAYO EDGARDEscalo
LES DEUX VENU S.
Left deux Venus à Citbere ,
L'une eft la mere des plaifirs ,
Déeffe aimable , mais févére ,
Elle ne répond point aux coupables défirs ,
Dans le fommet heureux d'une montagne im
menfe
Les deftins éternels ont bâti fon palais ;
Le goût , le fentiment , l'ardeur & la conftance
En ouvrent feuls la porte , & c'eft- là qu'à jamais
On goûte les douceurs d'une volupté pure ,
Et qui n'eft point fujette à de fâcheux retours.
De l'aimable Vénus la main puiflante & fire,
44 MERCURE DE FRANCE.
A la table des Dieux fur l'aîle des Amours ,
Conduit fes nourriffons fidéles
Et les enyvre de nectar .
L'autre Vénus au rang des immortelles ,
Se trouve , je crois , par hazard.
On dit qu'elle naquit de la craffe écumante
Que fait l'ire du Dieu des mers .
Son palais eft ouvert , la luxure béante
De chants impurs remplit les airs ,
Pour appeller la jeuneſſe imprudente .
L'autel eft élevé fur des tapis de fleurs
Qui cachent d'affreux précipices ,
Où le fortilége des vices
Fait trébucher fes fectateurs .
NOUVEAU Mémoire fur les Afnes de
Bourges, adreffe aux Auteurs du Mercure.
Napercher pouvoit être venu
N a pris jufqu'ici beaucoup de peine
le proverbe des Afnes de Bourges. On a
propofé dans votre Journal differens fentimens
ou diverfes conjectures , mais perfonne
n'a infifté fur ce qu'il y a grande aply
parence que le nom de l'Afne a été porté
par quelque famille de Bourges , de-même
qu'il y en a à Nevers qui portent ce nom,
JUI N. 1748. 45
rons ,
le
comme aufli en d'autres lieux des envioù
l'on dit que quelques- uns -ont
commencé à le changer en l'Afné , par
moyen d'un accent aigu . C'eft une chofe
fi conftante qu'il y a eu des l'Afne à Bourges
, quoiqu'il n'y en ait peut- être pas aujourd'hui
, que l'on a vû dans l'avant dernier
fiécle une Chapelle de l'Eglife Métropolitaine
, défignée par leur nom . Feüilletant
de vieilles paperaffes de l'année 1590 ,
j'en ai trouvé une où j'ai lû : Certa fignatura
feu provifio Capella feu Capellania perpetua
vulgo de Lafne , nuncupate in Ecclefia
Bituricenfi deferviri folita , Prajecto ſeu Pregentio
Mathé, Clerico Parifienfi , & on renvoye
pour le refte au Regiftre du Secreta
riat de Paris de l'an 1590.
Voila certainement une preuve authentique
qu'il y avoit alors dans Saint Etienne
de Bourges une Chapelle de Lafne , qui
fut réfignée & permutée en 1590. Or je
ne vois pas pour quelle raifon une Chapelle
auroit porté le nom de Lafne dans
une fi refpectable Eglife , fi ce n'étoit que
le Fondateur a été un Lafne. J'efperois que
le Pouillé de Bourges , donné par le Pere
Labbe , viendroit à l'appui de mon ſentiment
, mais ce Pouillé ne contient aucu
nes Chapelles.
Quelques gens diront peut - être que la
46 MERCURE DE FRANCE:
Chapelle en queſtion pouvoit avoir été
défignée fous le nom de l'Afne , à caufe de
quelques figures afinines remarquables par
leur fingularité ; que les Sculpteurs & les
Peintres ne repréfentent jamais la Nativité
du Sauveur , ou la fuite de la Sainte
Vierge en Egypte , fans y mettre un Aſne;
qu'il en a dû être de même à plus forte.
raifon de l'entrée de N. S. dans Jérusalem .
Mais que voudroit- on qu'il y eût eu de remarquable
dans la figure de cet animal ,
pour qu'il eût donné fon nom à une Chapelle
? Seroit- ce qu'il y auroit été repréfenté
pofé fur fon féant & jouant de la ly
re , ainfi qu'on le voit encore à l'un des
portiques de la Cathédrale de Chartres
& autres Eglifes ? Il faut bien diftinguer
un portail extérieur , où les Sculpteurs figuroient
ce qu'ils vouloient , d'avec une
Chapelle .
J'en reviens donc à Meffieurs Laſne ,
dont le nom n'a pas dû être plus défendu
à Bourges qu'ailleurs , & qui ne doit pas
paroître plus extraordinaire que les noms
de le Bouc , le Boeuf, le Veau , le Chat ,
le Rat , Mouton , Cheval , Cochon , qui
font les noms de plufieurs familles en
France. Je fuis , &c .
Le premier Mai 1748.
J.U IN.
47 1748:
500 500 500 500 500 500 30-50% : 502 580 526 502 506 502
REPONSE de M. de la Soriniere à celle
que M. des Forges - Maillard a faite à
Jon Epitre en vers blancs du Mercure de
Janvier dernier.
Mon cher Maillard, vous vous emportez trop ,
Et fur Pégase en courant au galop ,
Vous pourfuivez un pauvre Solitaire ,
Qui par caprice une fois refractaire ,
Une fois , dis -je , auroit par grand malheur
'Abandonné les charmes de la rime ,
Pour adopter les loix d'un novateur,
Ah ! je le fens ; j'ai commis un grand crime ;
Et je le dis & de bouche & de coeur ;
Mais croyez -vous que lâche déferteur ,
Transfuge ingrat des rives du Permeffe
Mon Uranie auroit eu la foiblefle
De me laiffer rimer toujours en blanc ?
Ne le croyez ; une fois feulement
Pour exciter rixe & docte querelle
Entre fuppôts des bords Parnaffiens ,
Dont , grace à Dieu , la nombreuſe féquelle
N'a pas trop mal épluché les vers miens.
La Motte-Houdart.
43 MERCURE DE FRANCE.
Si comme vous Poëte par nature ,
Conciliant rime , raiſon , meſure ,
J'avais fçû Part de marquer au bon coin
Vers élégans , Apollon m'eft témoin
Que n'aurois pas abandonné la rime.
Mais cher ami , lorfque dans cette efcrime
Rime & raifon font toujours en procès ,
Et que ne puis les faire vivre en paix ,
Oh ! pour le coup , en telle conjoncture ,
Je les fépare & rime à l'aventure ,
Et j'aime mieux me borner au fuccès
De dix vers blancs où le bon fens domine ,
Que de forger & biftourner exprès
Profe baroque où la rime chemine.
Ainfi qu'on voit qu'entre mille Rhéteurs
On trouve à peine un Orateur paffable ,
Ainfi voit- on qu'entre mille Rimeurs
A peine on compte un Poëte eſtimable ,
Ici ce font fades déclamateurs ,
*
Qui d'Fumolpe ont pris l'étiquette ;
Ceux- là ne font que verfificateurs ,
Que l'on doit bien diftinguer du Poëte ,
Et ce font ceux qu'en mon oeuvre indifcrette
Troupeaux nombreux du Seigneur Apollon ,
J'envoyois paître au plus bas du vallon,
* Voyez la Satire de Pétrone.
EPIGRAMME
}
f
JUIN. 49
•
1748 .
$
EPIGRAM ME.
Par le même , contre un caustique anonyme ,
qui lui en a fait coûter 32 fols pour le port
d'une vive longue invective rimée , contre
l'ufage des vers blancs & ceux qui s'y
livrent.
AMi , quand de mes vers j'ai retranché la rime;
Tu dis que j'ai fait un grand crime ;
Eh ! qu'as- tu fait toi , Liſimon ,
En retranchant des tiens le fens & la raiſon
洗洗洗洗洗洗洗送送送送光光源
Sur
EXTRAIT d'une lettre à M. ***
des Coquillages foffites qui fe voyent dans
les environs de Beauvais.
V
Ous fçaurez , Monfieur , ( vous qui
ne croyez pas que c'eft tems perdu
de s'amufer à des coquilles , & qui voulez
fçavoir tous les pays où on en trouve de
foffiles ) vous fçaurez , dis-je , que nous
Ien avons dans nos environs & que nos
ruës en font pavées . L'hyperbole vous paroîtra
un peu forte , au moins eft- il vrai
que grand nombre de ces blocs de grais ,
qu'on appofe le long des maiſons pourles
I. Vol. C
so MERCURE DE FRANCE,
défendre des chocs des voitures , en con,
tiennent de pétrifiées & font voir les moules
de celles que l'inftrument de l'ouvriera
enlevées en les taillant.Je vous invite très
fort à venir ici nous faire un étalage de
votre érudition , en fpécifiant toutes ces.coquilles
, en nous difant de quelles mers elles
viennent , fi c'eft le déluge qui les a appor
tées , ou fi la mer qui couvroit autrefois ce
pays- ci les y a laiffées lorfqu'elle a pris le
parti de fe retirer. Dans ce dernier cas la
mer feroit une marâtre qui abandonne fes
enfans & les laiffe périr inhumainement .
Mais comme vous n'êtes point homme à
entreprendre un voyage , fans fçavoir de
quoi il s'agit , & que vous pourriez - vous
imaginer que je prends des limaçons pour
des coquillages marins , je m'engage à vous
faire voir des petoncles , des coeurs de boeuf,
des vis , des cames , des buccins que j'ai reconnû
par leurs moules. Vous en reconnoîtrez
encore d'autres quand vous ferez
fur les lieux , car j'avoue qu'il y en a dont
je ne fçais ni le nom ni la famille ; les plus
belles & les plus grandes fe voyent fur un
des grais qu'on a placés autour du Cimetiere
de S.Quentin ; elles y font rangées avec
affés de fymmétrie & ne font pas.
fondues que dans les grais qui ne font voir
que de petits coquillages . La piéce de grais
fi conU
IN. 1748.
ze
qui contient le plus de ces petites coquil
les , fe voit à une des portes des écuries
la ville a fait conftruire ; ces pierres
que
font tirées de Gremenvillers , Paroiffe de
ce Diocèfe , à quatre lieuës de la ville ; on
en tire encore de quelques villages voifins.
Ce pays eft affés élevé ; eu égard à la
ville.de Beauvais , il remonte vers la fource
de la riviere qui la baigne. C'eft plus
près de Forges que de Granvillers que cette
riviere prend fa fource ; plufieurs autres
petites rivieres partent des environs de
Forges comme d'un centre & prennent des
directions diamétralement oppofées ; l'une
fe jette dans la mer à Dieppe , l'autre dans
la Seine , en påffant par Pont S.Pierre , une
autre dans la Somme près d'Amiens. En un
mot , Forges peut être regardé comme
le fommet d'un Cone , en confidérant les
routes de quantité de ruiffeaux qui prennent
leur fource dans fes environs. Cela
n'a rien de commun , me direz -vous , avecvos
coquilles ; plus que vous ne penfez.
La mer inondoit autrefois tous ces païs- ci
qui faifoient partie de cet Océan immenſe,
ainfi que la plus grande portion de la furface
de notre globe . Un amas confidérable
de fouffre & de fer recelé dans les entrailles
de la terre , a fermenté & a élevé le lit
de la mer au-deffus du niveau des eaux ; le
Cij
32 MERCURE DE FRANCE.
centre de la mine étoit à Forges , & \
grande quantité de fouffre & de min ..
qui s'eft élevée dans cette opération c
mique & qui fans doute continue to
jours à s'élever , nous a procuré ces fources
falutaires d'eaux minérales , auxquelles
vous êtes redevable de la fanté dont
vous jouiffez. Quant aux coquillages &
autres poiffons , ils ne pouvoient manquer
de fe répandre fur les côtés du Cone , &
peut- être vous prouveroit-on par les loix
des fluides qu'ils ont dû être dépofés à
Gremenvillers. Vous pouvez voir à la
ge 25 du cinquiéme tome d'un recueil de
voyages aux Indes Orientales , au fujer d'un
tremblement de terre dans l'Ile de Néra ,
qu'il y eut une quantité prefque incroyable
de poiffons qui furent jettés fur la ter
te. Si vous ne me faites pas la grace de me
croire fur tout ceci , au moins ne me re
fufez pas celle d'être , & c.
J.T. D. Médecin,
A Beauvais le 16 Avril ,
paJUI
N. 1748. 5 .
*X*XX*X+3X+ 3X * X* X
VERS
A une aimable parente pour lejour de fa fête.
Danscejour ,où chacun s'apprête
´ A célébrer ta fête ,
Je voudrois pas des vers & pompeux & brillans
Chanter tes vertus , tes talens ;
Comme je crains d'entreprendre un ouvrage ,
Qui feroit peu digne de ton fuffrage ,
Au lieu d'un long & fade compliment ,
Qui t'ennuyeroit infiniment ,
D'une amitié pure & fidelle ,
Bienveillante & pleine de zéle ,
Daigne agréer les fentimens .
Si le Ciel nous protégé & conſerve nos ans
Souviens-toi de cette promeffe
Que je te fais fur mes fermens ;
Malgré les ravages du tems ,
Et les froideurs de la vieilleffe ,
Qui , pleine de foucis , traite ordinairement
D'extravagance & de foibleffe
Le plus loüable attachement,
Mon coeur qui fut toujours épris de ta ſageſſe ;
Et qui cherche à goûter un plaifir innocent ,
Sera plus tendre encor , plus zelé , plus conftant ,
Ciij
$4 MERCURE DE FRANCE.
Six luftres après ta jeuneffe ,
Qu'il ne l'eft à préfent .
Par M. Cottereau , de Beaune , Etudiant
au Collège de Tours.
SEANCE publique de l'Academie Roya
le des Belles Lettres de la Rochelle .
Extrait d'une Lettre du 28 Mai 1748.
' Académie tint fon affemblée publique
le premier de ce mois dans la grande
fale de l'Hôtel - de- Ville , où affifterent M.
l'Evêque , M. le Comte de Chabannes &
M. de Pleurre.
M. Gaſtumeau , Directeur , ouvrit la
féance par quelques réfléxions fur les mo
tifs qui doivent attirer le public éclairé
aux exercices publics des Académies , &
fur l'objet que les Académies fe propoſent
dans les féances folemnelles .
"
» Quand les Académies , ajouta t'il , veu-
>> lent fe flater fur l'utilité de leur l'établiffe
>> ment , elles n'oublient pas de mettre au
>rang de leurs fuccès ce defir même que le
»public fait paroître pour l'accroiffement
» de l'Empire littéraire ; elles fe félicitent
» de l'avoir infpiré,d'avoir étendu la fphére
» de la raiſon , d'avoir fait connoître à la
JUIN. 1748.
Nation toutesles reffources pour les Arts
» de génie , & furtout d'avoir affujetti aux
régles du beau & du vrai un peuple né
» fpirituel , mais dont le feu & la vivacité
» l'emportoient fouvent fur la préciſion &
la jufteffe .
Que les Académies nous ayent procu
ré ces avantages , ou qu'on n'en foit redevable
qu'à l'heureufe étoile du fiècle ,
» il eft certain qu'il n'y a jamais eu dans les
efprits plus de rectitude & de vérité
qu'aujourd'hui . On ne juge que d'après
des connoiffances fures. Cette droiture
de fentiment & de raifon , qui dans les
» Beaux Arts forme le goût, paffe juf- .
qu'aux objets qui nous environnent &
nous apprend à en fixer le prix . Ainfi
tous les genres de merite font connus ,
» & la vertu reçoit des hommages , d'au
tant plus dignes d'elle , qu'ils font plus
éclairés & plus libres .
» Combien ce retour doit-il être flateur
pour les perfonnes que leur naiffance &
» leurs dignités élevent au- deffus des autres
! Ils fçavent que la grandeur n'en
» impofe plus , & qu'à travers l'éclat done
elle brille on va chercher l'homme pour
ne lui tenir compte que de fes vertus ,
mais ils fçavent en même tems que
n'échape à notre admiration ; que leurs
rien
འ
C iiij
36 MERCURE DE FRANCE .
99
qualités perfonnelles , leurs actions , les
» vûës fupérieures qui les animent fe développent
toutes entieres à nos yeux , &
»leur procurent les refpects naïfs & touchans
que l'Art ne fçauroit feindre , &
» auxquels la feule autorité ou le rang n'a
»aucun droit d'aſpirer.
M. Gaſtumeau lût enfuite , un Difcours :
Sur le goût trop vif qui regne dans la
Littérature pour les chofes de
pur amuſe-
>>ment. «<
pur
Ce Difcours eft écrit de maniere à ne
pouvoir que perdre.beaucoup dans un extrait.
Après avoir dit que fon deffein n'eft pas
d'exagerer les défauts de la Nation , ni de
foufcrire au fentiment de ceux qui ofent
avancer qu'elle ne peut faire dans les fciences
que des progrès médiocres , fentiment
injufte dont elle eft vengée par les prèu
ves éclatantes qu'elle a données du contraire
dans tous les gentes d'érudition , &
par l'avantage qu'elle a de porter jufques
dans les matieres les plus abftraites ce goût
délicat & méthodique qui leur donne un
otdre , une clarté qu'on ne voit guéres
regner dans les écrits de fes voisins , il
avoue que de fi heureufes difpofitions demeurent
affés fouvent inutiles par une façon
de penfer devenue trop commune ,
JUIN. 1748. 57
qui tourne infenfiblement les efprits aux
objets frivoles & de pur agrément ; d'où il
arrive , que l'efprit s'amollit & perd le
» goût des chofes folides , & par une con-
» féquence néceffaire , que l'on tarit enfin
» la fource de ces agrémens pour lesquels
» on eft fi paffionné. "
Les fuites de ce nouveau goût lui paroiffent
d'autant plus à craindre que les charmes
en font plus féduifans & le fuccès plus
affûré.
» Quoi de plus flateur pour l'homme de
» Lettres qu'une érudition legére dont la
» variété l'amufe plus qu'elle ne l'occupe ,
ود
qui n'offrant au coeur que fes fentimens
» ou fes foibles , les lui peint encore avec
» les plus brillantes couleurs , & qui mal-
" gré le peu d'application qu'elle exige
orne l'efprit de connoiffances auxquelles
» la vogue donne du prix , le met au ton
» de la bonne compagnie , & lui affûre un
» riche fonds d'agrémens & de plaifirs ? ..
» Mais où conduit un préjugé fi dangereux
? Vous en voyez les effets dans les
» ouvrages frivoles qui depuis quelque
» tems inondent la République des Let-
» tres. Les Auteurs n'y cherchent point à
» nous rendre- meilleurs ; ils ne veulent
que nous plaire . Eh ! par quelle route
arrivent-ils ? Des Hiftoires fabuleufes ,
» Y
Cv
58 MERCURE DE FRANCE
» des ' anecdotes incertaines ou inutiles ;
« des Contes , des Romans , des Fééries ;
voilà le fond de ces écrits . Le ſtyle , les
» moeurs , les bienséances répondent à la
gravité des fujets. Les images les plus
» licencieufes y faififfent le coeur , tandis
que l'efprit oifify reçoit des mains de la
volupté des maximes qui allarment tou-
»tes les vertus.
99
»Cependant ces ouvrages , la mode veut
» qu'on les life , ils fourniffent au plaiſir ,
» c'en eft affés , le beau fexe les accrédi-
>>te. ...
» Peut-être que pour fournir une car-
» riere fi peu étendue , il fuffiroit de tra-
»vailler de génie fans recourir à aucun
» modéle. Mais non on peut dans ce
genre être aidé par les anciens ; ils ont
comme nous encenfé les graces & la vo
» lupté. Quelle Littérature ! Quelles connoiffances
! A la place de ces ouvrages
immortels où brille la plus pure raiſon ,
»on va puifer dans des fources qui font la
honte de l'antiquité...
Que faifons- nous en préférant les objets
de pur amufement aux connoiffances uti
les ? Nous éteignons infenfiblement en
nous l'activité de l'efprit ; nous le dégoûtons
de toutes les occupations férieufes
4
JUIN 59 ? . 1748.
Les progrès de l'efprit ne fe dévelop
pent que par des opérations fucceffives
& réitérées... L'analyſe donne les prin-
« cipes , le raifonnement mene aux conféquences
; tout cela n'eft qu'habitude ,
mais il faut la former. Si ces opérations
»font pénibles, fi la fcience, qui fait l'objet
de l'étude, eft appuyée fur des notions
» fines & difficiles à faifir , fi elle a de la
profondeur & de l'étendue , fi elle préfente
un fyftême bien lié dans toutes fes
» parties , qu'il faille embraffer d'une vûë
» gnérale , & appliquer à toutes les hypo-
ןכ
thèſes particulieres, fi fa marche mefurée
»&méthodique ne permetaucun écart, alors
l'efprit exercé par la méditation & le rai-
»fonnement , s'éleve , s'étend , fe fortifie ..
A l'exemple de l'Athléte...
» Des études frivoles ..... fourniffentelles
de pareils fecours ... On n'y acquiert
tout au plus que l'art de peindre des
fituations délicates , d'enflammer l'ima-
> gination & le coeur ouvrage dont la
» paffion fait la moitié des frais , & fi l'on
veut , un peu plus de fineffe & de liberté
» dans les penfées & dans le ftyle...
*
Eft-ce donc là de quoi perfectionner
la raifon & les talens ?... Aufli vit-on
jamais dans les goûts , dans les moeurs ,
» dans les caractéres plus de legéreté, plus
37
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
d'inconféquence ? Tout eft problême }
>>hors le plaifir & l'indépendance .... Et
» comment ramener au travail des
gens qui
» mettent la pareffe en fyftême ?...
Qu'on ne dife pas » que le fiécle eft au-
»jourd'hui plus éclairé que jamais... Que
» parut la Gréce aux yeux des autres peu-
» ples à mesure qu'elle en fut plus connuë ?
»Une Nation, à la vérité fpirituelle , délicate
, polie , qui feule gardoit le dépôt
» des beaux Arts , mais chés qui regnoient
»des vices révoltans , la raillerie , la fourberie
, le mépris des bonnes loix , une
recherche exquife dans tous les Arts fu-
» perflus , mille befoins inutiles que les fatyriques
Romains nous peignent avec
»indignation , & qu'on ne peut attribuer
qu'à la frivolité de ce peuple , qui , une
>> fois forti des bornes de la nature , couroit .
fe précipiter dans tous les excès ... Des
efprits amollis , & fans culture épuifent
»bien vite tout ce qu'ils ont de reffource
»pour amufer & pour plaire.
» Car enfin les plus heureux génies ont
leurs bornes , & quelque fécondité qu'ils
" ayent , leur fond s'altére par les pro
» ductions , fi des Lecours étrangers ne les
» renouvellent .... L'éloquence ne peut
» s'en paffer.... Il en eft de même de tous
» les Arts ....
JUIN. 1748. 68
Ceux même qui réuffiffent le mieux
dans ces ouvrages frivoles , ne doivent-
»ils pas à l'étude les traits brillans qui y
font répandus ? La jufteffe , la correction
» du deffein , la douceur du coloris , & je
»ne fçais quel air de maître , qui malgré
» lui décéle l'Auteur , & fait regretter les
» momens qu'il perd à des occupations de
ce genre...
» Mais le férieux des Sciences eft incom
patible avec les graces & l'enjoument
une application trop laborieufe deffeche
»l'efprit & lui fait perdre cette fleur , cette
vivacité , fi propres à enrelever le prix.a
Cela peut arriver felon M. G. » aux ef-
»prits médiocres & orgueilleux , mais il
» n'y a rien à craindre de pareil pour les
bons efprits , parce qu'ils fentent tout
» d'un coup jufqu'où ils peuvent atteindre.....
Et que toujours fupérieurs au
>> genre qu'ils ont choifi , leur application
»
»ne leur dérobe rien de la liberté & des
» graces du génie.
cc
Tout cela eft développé , bien nuancé ,
& mis en oppofition avec le goût dominant
d'aujourd'hui .
M. Gaſtumeau reconnoît néanmoins que
malgré cette eſpèce de confpiration pour
fe fouftraire à la raifon » on l'écoute
» encore affés pour appercevoir le défor
#2 MERCURE DE FRANCE .
dre , peut-être même pour en rougir.
»L'expérience fera le refte , dit-il en
finiffant ; malgré le penchant rapide qui
» entraîne la Nation au luxe & au plaifir ,
» elle verra enfin qu'on lui donne le chan
ge,& qu'il eft des amuſemens plus folides
» & plus dignes d'elle . Si la legéreté , la
»folie ont droit de tems en tems de domi
» ner fes goûts , ce n'eft qu'un empire paf
fager qui ne preferira jamais contre celui
» de la fageffe & de la raifon , «
M. Mercier Dupaty , Tréforier de Fran
ce , lût auffi enfuite un Mémoire fur les
caufes de la rareté du bois dans le
pays
d'Aunix , & fur les moyens de le multiplier.
» La rareté du bois dans cette Province,
» dit- il , eft un mal auffi négligé qu'il eft
»connu. Nous n'avons que la forêt de
Benon & quelques taillis dans les marais
; le bois qu'on en tire n'eft pas pro-
» portionné à nos befoins , & afin de pour
voir aux plus indifpenfables , nous fom-
» mes obligés d'avoir recours au Poitou ,
» à la Xaintonge & à la Bretagne . Cepen
dant nous ne fommes indigens que faute
» de foin ; fi l'amour du bien public ani-
»moit une fois notre induftrie , nous forti-
» rions bientôt de cet état d'indigence , &
nous parviendrions à faire une heureuſe
JUIN. 1743.
union de l'agréable & de l'utile , en éle-
» vant des arbres pour le plaifir des yeux
& pour nos ufages. «
Après ce court exorde l'Auteur entre en
matiere & prouve d'abord par plufieurs
autorités que le pays d'Aunis étoit autrefois
couvert de bois , & qu'on en voyoit
même dans les endroits où l'on juge aujour
d'hui qu'il eft impoffible d'en faire venir
comme fur les bords de la mer , dans un
terrain ſec , aride & découvert.... Pourquoi
donc le bois eft-il aujourd'hui fi rare
dans cette Province ? En voici les caufes
principales.
1. La deftruction du bois a commencé
par les befoins des habitans , dont le nombre
fe multiplioit par l'accroiffement de la
capitale , & par ceux de la marine devenue
plus confidérable à proportion que le commerce
s'étendoit . 2. Par les grandes plantations
de vignes , auxquelles on étoit
d'autant plus encouragé que les vins d'Aunis
eurent pendant quelque tems une affés
grande réputation . 3 ° . Par le décri où ces
vins tomberent enfuite , ce qui obligea
les habitans à les convertir en eau-de- vie..
Ce fut là le principe d'un nouveau commerce
qui mit le comble à la difette du
bois. On avoit dégradé les forêts pour
planter des vignes , il fallut en dégrader de
64 MERCURE DE FRANCE .
>
nouvelles pour les vignes déja plantées ;
c'est-à- dire , pour les chaudieres à eau-devie
qui font aujourd'hui une immenfe confommation
. Enfin les nouveaux habitans
trouvant le pays dénué d'arbres , le font
infenfiblement perfuadés que le terrain
n'étoit pas propre à en produire ; de-là le
préjugé contre le fuccès des plantations...
Cependant il y a des bois dans les endroits
de la Province qui y paroiffent le
moins propres. On voit de tous côtés des
arbres épars qui femblent prouver que
pour réuffir il fuffit prefque de tenter.
Nous fommes fourds à cette efpéce de
> voix de la nature ; le préjugé l'emporte ,
» & ce qui en eft une fuite naturelle , on
» néglige de planter... « Cette négligence
vient encore de la crainte qu'on a de ne
pas jouir : » mais fi l'incertitude infépara
ble de nos entreprifes étoit une raifon
fuffifante pour ne rien entreprendre , une
oifiveté pernicieufe s'empareroit de tous
» les hommes ; ils languiroient , victimes
»des befoins , & manqueroient de tout
» par pareffe , défefperant de recueillir les
» fruits de leur travail... «
Le pays d'Aunis , dit M. Dupaty dans
fa feconde partie , produit des arbres de
toute efpéce , quoiqu'en petite quantité.
Il en fait remarquer quelques unes des
JUIN. 1748. os
plus rares , telles que le chataigner , le
hétre , &c. Pour encourager à les multiplier
, il entre dans le détail des moyens
qui font les femis & les plantations. Les
femis font la voie la plus fûre pour élever
les chênes qui méritent à juste titre nos
premiers foins. Mais deux chofes femblent
rebuter d'entreprendre des femis ; d'un
côté la grande dépenfe qu'on s'imagine
qu'ils occafionnent , de l'autre les ravages
du vent de mer qui brûle tout. Pour refuter
ces deux objections , M. D. emprunte
quelques inftructions d'un Mémoire fur la
culture des forêts par M. de Buffon . Au
rapport de cet Académicien , rien n'eft plus
nuifible pour les jeunes plants que ces
foins qu'on en prend ordinairement & que
la coûtume autorife. Les obfervations de
M. de Buffon réitérées par celles de M. D.
confirment que les labours qu'on donne
anx jeunes chênes ne fervent qu'à les faire
périr.
Il faut donc imiter la nature & planter
des buiffons & des arbriffeaux qui puiffent
mettre les jeunes plants à l'abri des injures
de l'air & de l'intemperie des faifons. Des
expériences que la nature elle même femble
nous avoir fournies , prouvent com
bien cetre méthode peut être avantageufe
66 MERCURE DE FRANCE.
à la Province . Delà l'Auteur paffe à la fa
Con de fe procurer ce couvert fi utile , &
aux differens arbriffeaux qu'on peut y employer
avec plus de fuccès..
Pour fuppléer aux labours qu'on a coûtume
de donner aux jeunes plants, moyens
nuifibles & trop couteux , rien n'eft plus
capable de les fortifier que de les couper.
près de terre lorfqu'ils ne pouffent pas
avec vigueur , opération qu'il faudra réitérer
fi le cas l'exige.
Après avoir enfeigné la culture des femis,
l'Auteur parle des foins que demandent
les plantations qu'il décrit en peu de mots ,
& des differentes efpéces qui conviennent
mieux au terrain de la Province . Il exhor
te en même tems à ne pas négliger les arbres
qui y paroiffent étrangers , tels que
les meuriers blancs , les chataigniers , les
pins , &c. qu'on pourroit heureuſement
multiplier. Il y ajoute le cyprès , dont les
propriétés lui donnent occafion de conjecturer
que ce bois pourroit fe garantir de
Ja piquure des vers qui rongent les vaiffeaux
, & qu'on pourroit s'en fervir avec
fuccès pour les parcs ou bouchots à mou
les qui font particuliers au pays d'Aunis ,
fur quoi M. D. promet des expériences .
Pour employer les moyens de multiplier
JUIN 67 1748.
fe bois , on ne demande que les terres incultes
, & une partie de ces vieilles vignes
qui ne valent guéres mieux , & par un caleul
également fimple & vrai du nombre
de ces terres incultes dans chaque Paroiffe ,
on prouve qu'elles donneroient dans la
fuite une grande quantité de bois qui pourroit
encore être augmentée , fi.on s'appli
quoit à garnir de bonnes hayes les foffés
qui les entourent , & fi dans ces hayes on
femoit des glands ou d'autres graines.
M. Dupaty finit en ces termes. » Ce que
»j'ai dit doit fuffire pour nous convaincre
qu'il eft plus facile de faire réuffir le bois
» dans notre Province qu'on ne l'a penfe
»jufqu'à préfent. Nous ne devons attri
buer qu'à notre négligence & à nos pré-
»jugés la difette où nous fommes ; le remé
» de eft en nos mains ; ne balançons point
» à l'employer , puifqu'en travaillant pour
notre propre utilité , nous ferons en mê
» me tems utiles à la patrie.
.
Ce Mémoire fut fuivi d'une Differtation
de M. Jaillot , Supérieur de l'Oratoire,
contenant l'abregé de la vie de la Reine
Alienor , qu'on peut regarder comme
la Fondatrice de la Rochelle. Ce morceaur
trouvera fa place dans l'Histoire de cette
Ville.
6SMERCURE DE FRANCE.
La féance fut terminée par la lecture
d'une Ode de M. de Bologne , tirée du
Pleaume 17. Diligam te , Domine ; en voici
quelques ftrophes :
DEja-dans mon ame éperdue
La mort imprimoit les terreurs ,
Et n'offroit partout à ma vûë
Que les tourmens & fes horreurs ;'
Ma perte étoit inévitable ;
J'invoquai ton nom redoutable ,
Et tu fus fenfible à mes cris ;
Tu vis leurs trames facrileges ;
Etta pitié rompit le piége
Où leurs complots m'avoient furpris
+3x+
Tu dis , & ta voix déconcerte
L'ordre éternel des élemens ;
Sous tes pas la terre entr'ouverte
Voit chanceler fes fondemens ;
Dans la frayeur le Ciel s'abaiſſe ;
Devant ton Trône une ombre épaiffe
Te dérobe aux yeux des vivans ;
Des Chérubins dans le filence
De mes ennemis.
JUIN.
69
. 1748 .
L'aile s'étend ... Ton char s'élance
Au milieu des feux & des vents.
A l'afpect des pâles victimes
Que pourfuit ton glaive perçant ;-
Prête à fortir de les abîmes ,
La mer s'enfuit en mugiffant
Ate fervir dans a vengeance
Tous les fléaux d'intelligence
Signalent leur empreffement ;
Tout l'univers va fe diffoudre ;
La nature en proye à la foudre ;
N'eft plus qu'un vaite embraſement,
X
Dieu des batailles ! Dieu terrible !
Tu m'inftruis dans l'art des combats ;
Je te dois la force invincible
Qui foutient mon coeur & mon bras ;
. Ce bras armé pour leurs fupplices ,
Ne ceflera fous tes aufpices
De triompher & de punir,
Que dans le fang de tes victimes
De leur blafphême & de leurs crimes
Iln'ait éteint le fouvenir , & c .
o MERCURE DE FRANCE.
HA VARDEDEDEDEDEDEDEDEDED
LES vrais plaifirs de l'amour , fondis fur
le fentiment du coeur
A Fée prudente s'étoit chargée de l'éducation
de la jeune Myris & dujeune
Corylas ; ces deux enfans nés dans une
riche & heureufe contrée appartenoient à
des bergers , dont les meurs fimples &
agréables étoient entierement oppofés à la
corruption des nôtres ; ils habitoient deux
hameaux féparés par un grand fleuve ; l'union
des deux familles n'en étoit pas moins
forte ; la Fée qui les protégeoit l'une &
l'autre s'étoit fait un plaifir de former leurs
enfans à la vertu pour les unir un jour.
Dès que leur âge leur permit un peu
de réflexions , la Fée leur ordonna
expreffément
de ne fe rien cacher l'un à l'autre
de tout ce qu'ils penferoient
; jaloux leur
difoit- elle d'une eftime réciproque , vous
n'aurez , mes enfans , que des fentimens
.
vertueux à vous communiquer
; fongez
bien que l'effufion du coeur eft le fuprême
bien entre deux perfonnes liées par la fympathie.
Cependant cette fympathie , fi bien menagée
par les inftructions de la Fée , fit
bientôt naître l'amour entre Corylas &
Myris ; Prudente ne s'en effraya point ,
JUIN. 1748.
Touvent à la dérobée elle écoutoit leurs
entretiens innocens ; le mot d'amour s'
s'y
faifoit entendre , mais dans leur bouche
le fens qu'il renfermoit étoit fi pur que
leur innocence n'en étoit point alterée ;
tous deux beaux comme le jour , l'orgueil
n'entroit point dans leurs ames ; toute leur
félicité confiftoit à fe voir fans ceffe , & à
profiter des fages leçons de la Fée, dont ils
menageoient avec foin les bontés ; leurs
jours couloient rapidement lorfque les
traverſes inféparables de la vie de l'homme
vinrent interrompre leur bonheur &
éprouver leur conftance.
?
Leurs parens fe brouillerent & rompant
tout commerce entr'eux ils voulurent
auffi éloigner leurs enfans l'un de l'autre
chacun de fon côté envoya demander à la
Fée celui qui lui appartenoit. O Ciel
quelle fut l'amertume de leur féparation !
Si Corylas m'eft ôté , difoit la tendre
Myris en pleurant , à qui déformais confierai
- je mes chagrins , puis-je furvivre au
malheur de le perdre ? Privée encore de
vos généreux fecours, fage Prudente, il faut
que je meure à vos genoux. Les plaintes
de Corylas n'étoient pas moins touchantes
; tous deux .au pied de la Fée ils répandoient
des torrens de larmes . Prudente
7 MERCURE DE FRANCE:
extrêmément attendrie les releva.Ecoutez
moi , mes enfans , leur dit - elle ; je ne vous
abandonnerai point , fi vous fupportez vo .
tre malheur avec plus de tranquillité ; je
veillerai pour vous , mais écoutez maintenant
mes confeils falutaires ; vous allez ,
pourſuivit-elle , changer de façon de vivre
;foyez à l'avenir auffi refervés dans
vos difcours que mes leçons avoient exigé
de franchiſe entre vous ; l'ouverture du
coeur n'eft utile & agréable que pour les
perfonnes dont la fidélité nous eft connue ;
rarement trouve - t'on deux fois en fa vie
l'occafion d'en faire ufage fans danger ;
foyez conftans l'un pour l'autre , foutenez
vos peines avec fermeté & je prendrai ſoin
de vos interêts .
Hé quoi , reprit la déſolée Myris je
n'entendrai donc plus parler de Corylas ?
Ignorera-t'il toujours ce qui paffe dans
mon coeur ?... Non , ma chere Myris ,
s'écria Corylas tranfporté de douleur , le
fleuve ne fera pas capable de m'effrayer ,
tous les jours à la nage ... Arrêtez , mes
enfans , interrompit la Fée , vous devez
obéir à vos parens & fubir leurs loix fans
murmurer ; vous ne vous verrez point fans
leur confentement , je vous le défends , le
bonheur de votre vie dépend de votre
obéiffance.
JUIN. 1748. 73
obéiffance. Cependant nés l'un pour l'autre
, je veux adoucir vos maux & récompenfer
votre docilité .
Rara votre petit chien fuivra Myris ;
fon collier tous les jours renfermera les
lettres de la bergere ; je le doiie d'intelligence
pour les porter à Corylas & rapporter
fes réponſes ; contez fur ce fecours tant
que l'innocence guidera vos fentimens , &
travaillez tous deux par votre douceur à
calmer l'aigreur de vos parens ; c'est là ,
mes enfans , l'unique voie qui puiffe vous
réunir. La Fée les embraffa en les affûrant
encore de fa protection , enfuite elle les
remit , malgré leurs gemiffemens , aux perfonnes
chargées de les féparer fi cruellement.
Ces deux jeunes amans fi bien prévenus
par la fageffe de la Fée , fe laifferent enfin
conduire avec douceur ; leurs parens peu
furpris de la trifteffe de leur phyfionomie
& des foupirs qui leur échapoient,les trouverent
d'une beauté incomparable , mais
à leur arrivée leurs tendres coeurs penferent
fe revolter en recevant chacun les ordres
rigoureux de s'oublier pour jamais ; que
feroient-ils devenus , ô Ciel ! fi le fecours
de Rara leur eût manqué ?
Le foir même la jeune Myris exprima
fon amant fa douleur & fes regrets ; Co-
1. Vol. Ꭰ
74 MERCURE DE FRANCE.
rylas le lendemain lui traça les mêmes fentimens
qui ne s'affoiblirent jamais ; cette
reflource leur procura une efpéce de bonheur
, préférable peut- être à tout ce qui
s'appelle plaifir , cependant ils n'étoient
pas encore au comble des malheurs qui devoient
éprouver leur courage.
Myris fut chargée de la conduite d'un
troupeau qu'elle devoit mener paître tous
les jours fur le bord du fleuve avec une de
fes parentes un peu plus âgée qu'elle , nommée
Lipfa ; cette fille aimable & compatilfante
s'apperçut bientôt des chagrins qui
dévoroient Myris ; dans l'envie de les foulager
elle employa fes careffes & fes foins
afin de gagner la confiance de la tendre
Myris , elle l'obtint & l'aida à fupporter
les malheurs qui l'accabloient .
Au bout de huit ou dix jours Myris
conduifoit triftement fon troupeau , lorfqu'Iphis
, le plus beau des bergers après
Corylas , vint pour la premiere fois à fa
rencontre ; que vois- je , lui dit- il en l'abordant
galamment , comment tant d'attraits
m'étoient - ils inconnus ! Ah ! belle
bergére , je veux être votre ferviteur :
Non , berger , lui répondit Myris avec une
ingénuité charmante , je ne fuis point
faite pour être fervie , je ne veux point de
ferviteur ; Iphis voulut infifter en lui preJUIN.
1748 .
75
hant la main , mais la bergére accoûtumée
au refpect de Corylas & furprife de cette
action , s'enfuit en criant pour fe rapprocher
de Lipfa.
Tant de fierté piqua le berger qui né
vouloit d'abord que s'amufer , mais frappé
d'un violent dépit il la quitta pour aller-
Supplier Dorimant fon pere de la lui donner
en mariage ; c'eft ainfi que l'on en uſoit
dans ces tems heureux où la franchiſe n'é .
toit pas bannie.
Dorimant , ami de Clodore , pere de
Myris , trouva la propofition fi raiſonnable
qu'il ne tarda pas à fatisfaire fon fils .
Clodore charmé d'ôter toute efperance à
fa fille & d'éloigner pour jamais Corylas
de fon coeur , s'engagea volontiers avec
Dorimant. Hélas ! quel funefte coup pour
la pauvre Myris ! Dès qu'elle eût fait rentrer
fon troupeau dans la bergerie , fon
pere l'appella . Vous êtes mariée , lui dit - il
ma fille , au plus beau berger du canton :
Hé quoi , mon pere , reprit- elle , feroit ce
avec Corylas ? Il n'en eft point d'auffi beau
que lui ; Clodore enflammé de colére de
la défobéiffance de fa fille à qui il avoit
défendu de jamais nommer Corylas , lui
jetta un regard fevére. Vous épouferez
dès demain Iphis , lui dit-il , & la quitta.
La pauvre Myris eut befoin des foins
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
de Lipfa pour ne pas mourir de douleur ;
comment , difoit - elle en pouffant des fanglots
, apprendre ce malheur à Corylas par
Rara ? C'est lui donner le trépas ; Myris
ne voyoit nulle reffource à fa peine , cependant
elle s'avifa de tenter un expédient
innocent qui lui réuffit .
. Elle envoya Lipfa prier Iphis de la venit.
trouver ; elle fit à ce jeune berger l'aveu
de fa tendreffe pour Corylas . Vous ne
pofféderiez point mon coeur en m'époufant
, lui dit- elle. Iphis , auriez-vous une
ame affés peu délicate pour fouhaiter un
hymen dont les droits doivent être comptés
pour rien fans l'aveu du coeur ? Le berger
attendri & genereux céda aux larmes de la
défolée bergere , & perfuadé qu'il n'eft
de plaifir durable que dans l'union des
coeurs , il la délivra d'une contrainte dont
il fentit lui-même tout le dégoût. Grands
Dieux ! quel plus doux plaifir que celui
de la bergere , lorfqu'elle fit à fon amant
le récit de certe avanture, & quel triomphe
pour Corylas ! Ces tendres amans délivrés
d'un péril fi preffant pour leur amour , ne
furent-ils pas parfaitement heureux au
moins pour quelques inftans ?
Mais pendant que Corylas s'applaudiffoit
de la fidélité de fa Maîtreffe, il eût luimême
occafion de lui prouver la fienne ; dès
JUIN. 1748.
77
que Philimon fon pere eût appris que
Clodore au mépris de leur ancienne union
cherchoit à engager la main de fa fille , il
fongea de fon côté à lier fon fils par un
hymen qui effaçâr l'outrage qu'il croyoit.
avoir reçû de Clodore; il porta fes vûës fur
une des plus belles & des plus riches bergeres
de la contrée , pour effayer de tenter
Corylas : dès qu'il eût fait fon choix , mon
fils , lui dit- il , je fuis fifûr de votre obéiffance
, & mon choix eft fi beau que je
viens d'engager votre foi .
A cette nouvelle Corylas penfa mourir
de douleur , mais malgré tous fes efforts
pour attendrir fon pere , il lui déclara
qu'il falloit partir à l'heure même pour aller
à quelques milles de leur habitation
voir la belle bergere qu'il lui deftinoit .
Corylas ne pût fe défendre de fuivre fon
pere ; la plus vive douleur pénétra ce tendre
amant en prévoyant l'extrême embarras
que lui cauferoit fon abfence , qui in- `
terromproit les meffages du fidéle Rara ,
& plus encore les cruelles inquiétudes de
Myris en ne recevant plus de fes lettres ; il
n'avoit pas le tems de la prévenir ; ah !
quelle rigueur de fituation !
Myris écrivit à fon amant comme à l'ordinaire
, mais Rara ne parut point le lendemain
; Ciel ! qui pourroit exprimer les
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
atteintes que cet évenement porta à fon
tendre coeur ! Toujours foutenue par les
tendres foins de Lipfa , elle l'empêcha d'expirer
de douleur ; quatre jours fe pafferent
dans ces mortelles allarmes ; elle étoit
prête à fuccomber lorfqu'un matin étant
fur le bord du fleuve avec fon troupeau
& Lipfa , elle apperçût le petit chien qui
le traverſoit à la nage ; peut- on concevoir
un plaifir plus vif & plus touchant ? Elle fe
leva précipitamment & ouvrant le collier ,
elle y trouva ces mots :
Corylas à Myris.
Votre douleur a égalé la mienne , ma
chere Myris , je n'en doute point ; quels
maux n'avez- vous donc pas reffentie ? Ua
filence de quatre jours a dû vous cauſer
bien des allarmes ; M'auriez- vous foupçonné
, ma chere Myris ? Non , deux coeurs
comme les nôtres font à l'abri des foup-
Cons ; hélas ! qu'ils auroient été injuftes !
Mon père piqué contre le vôtre de l'affront
qu'il croit en avoir reçu dans l'affaire
d'Iphis , a voulu s'en venger ; dans
cette idée il m'entraîna chés une bergere ,
belle à la vérité , fi vous n'étiez pas la plus
belle des bergères ; Philemon fe flatoit
que fa vûe & fes richeffes tenteroient ma
conftance , dans le tems qu'il me défendoit
JUIN. 1748 . 79
mais
>
pour jamais l'efpoir d'être à vous ,
j'ai foûtenu cette attaque avec trop de fermeté
le fuccès de fes defirs. Myris , pour
dans nos hameaux on ne connoît point la
contrainte des coeurs ; la bergere peu contente
de ma ftoideur , m'a aidé elle - même
à me délivrer des empreffemens de mon
pere ; nous fommes revenus ici ce matin
j'y ai trouvé Rara qui m'avoit attendu ;
je fuis libre , ma chere Myris , & mon pere
trop convaincu de ma conftance ne ten+
tera plus rien pour l'ébranler ; nous fommes
menacés de n'être jamais unis par les
liens de l'hymen , mais qui fçauroit déſunir
nos coeurs ? Sûr du vôtre & vous confervant
le mien tout entier , manque- t'il
rien d'effentiel à notre bonheur ? C'eſt-là
le vrai bien , ma chere Myris ; j'attendrai
demain Rara avec la plus vive impatien-
Le tendre Corylas ,
Myris lût cette lettre avec des tranfports
de joie ; elle l'arrofoit de fes larmes ;
elle la baifa mille fois , & fans tarder un
moment elle fit repartir le petit chien avec
ce peu de paroles.
ce.
Myris à Corylas.
Vous vivez & vous m'aimez , mon cher
Corylas ; mes allarmes font ceffées & mes
voeux font comblés , votre fidelle Myris,
>
D iiij
Jo MERCURE DE FRANCE.
Cependant la Fée Prudente , attentive
aux interêts de deux amans fi fages , vou
lut les faire jouir d'un bonheur qu'ils ne
defiroient quepour ne fe plus féparer ; elle
fe rendit dans les deux hameaux , & par la
douceur de fes paroles elle fçut éteindre
une haine qui n'avoit que trop duré , &
qui étoit prefque fans exemple dans l'heu
reux climat qui en fut le témoin.
Clodore & Philemon , perfuadés par
la Fée , fe reconcilierent de bonne foi ; le
mariage de Corylas & de Myris en fut le
fruit ; ces deux tendres époux fe confirmerent
une foi mutuelle qu'ils s'étoient déja
jurée par mille fermens ; leur bonheur ne
pouvoit s'accroître , mais il ne diminua
jamais. Sains de corps & d'efprit ils parvinrent
jufqu'à une extrême vieilleffe , fans
remords & fans regrets ; toujours amis autant
qu'amans , leurs jours s'écoulerent
dans l'innocence & dans la paix , tant il
eft vrai que les véritables plaifirs de l'amour
réfident dans la tendreffe & dans l'union
des coeurs , bien plus que dans la volupté
des fens ; on peut trouver un bonheur fenfible
jufques dans la fimple amitié , mais
jamais le bonheur n'accompagnera deux
époux dont les coeurs ne font pas unis..
JUIN. 1748. SI
E PITRE
De M. de la Soriniere à fon Médecin.
Our diffiper les vapeurs de ma rate ,
Ne pourriez -vous , ampliffime Hyppocrate,
Imaginer un reméde nouveau
Qui temperât la chaleur du cerveau ?
J'en ai bien pris , mais il m'en faut encore
Et dûffiez - vous quatre grains d'ellébore
Incorporer au reméde ſuſdit ,
Ne craignez point que Melpoméne en glofe ;
Je m'en fouviens , je vous l'ai déja dit ,
Nos plus grands maux procédent de l'efprit ,
Et tout rimeur peut porter double doſe.
Mon fang petille , & ne fçais pas pourquoi ,
Malgré mon eau , mon lait & ma tifane ,
Séditieux , il veut donner la loi ,
Et rarement le navire eft en panne.
De l'anarchie il eſt le vrai tableau ;
Chaque liqueur fur l'autre prend empire,
Tantôt le fang , tantôt la bile ou l'eau ,
Et tour à tour en voulant fe détruire ,
De la difcorde allument le flambeau ,
Et c'eſt ainfi qu'après mille fupplices ,
Notre machine , en proye à leurs caprices,
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
*
Chancele , & croule enfin dans le fond du tom
beau.
Voyez , Docteur , à quoi votre prudence
Doit fe porter dans ce rude conflit :
Si vous m'aimez , épargnez - moi du lit
La trop fâcheufe réfidence .
Dans mon fommeil mille fonges affreux
Viennent s'offrir à mon ame inquiette ,
Et c'eft envain que mon efprit rejette
De ces erreurs les effets vaporeux.
Ah ! quel concert ! quelle force fecrette
Soumet ainfi mon ame au pouvoir de mes fens ?
Expliquez- moi par quelle fympathie
Cette union eft fi bien affortie :
Je connois les effets ; montrez-moi les agens :
Mais , non ; quittons plutôt ces effais téméraires.
Qui veut percer de fi profonds myſtéres
Eft bien peu fage , & par trop curieux
Ce font des traits , d'auguftes caractéres ,
Que Dieu n'a pas tracés pour paroître à nos yeux.
A la Soriniere, 1748.
JUIN 1748 . 83
LETTRE à M. de la Bruere.
' Ai l'honneur , Monfieur , de vous faire
part de la mort de M. Henri Richer ,
Avocat au Parlement de Rouen , natif de
Longueil près Dieppe , décedé à Paris le
12 Mars 1748 dans la foixante - troifiéme
année de fon âge.
C'eft une perte pour la République des
Lettres , qu'il avoit enrichie de plufieurs
ouvrages de Poëfie & de Profe , qui ont
mérité les fuffrages des Sçavans.
Il joignoit à une grande fimplicité de
mours la Littérature la plus variée . Sous
l'extérieur le plus uni , il cachoit l'érudition
la plus profonde & une connoiffance
parfaite de l'Hiftoire. Dès fa jeuneſſe il
s'étoit appliqué à l'étude du Droit Romain
& de la Coûtume de Normandie , qu'il
poffédoit parfaitement , mais les charmes
de la Poefie l'attirerent à Paris pour y
perfectionner les talens qu'il avoit reçus
de la nature.
Il débuta en 1717 par une Traduction
des Eglogues de Virgile , qu'il eût l'honneur
de dédier au Roi , & qu'il fit imprimer
avec le Latin à côté. Il y joignit quelques
Eglogues & autres Poëfies , dont la
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
douceur peint bien, le caractére de leur
Auteur. Cette Traduction que l'Univerfité
fembloit avoir adoptée pour l'inftruction
de fes éleves , & qui a rendu complette
celle de Virgile en vers , a été réimprimée
en 1736 avec une vie de Virgile très fçavante
& de nouvelles Poëlies de l'Auteur.
En 1723 il donna une Traduction en
vers des huit premieres Epitres Héroides
d'Ovide , avec les réponfes d'Hippolyte à
Phédre & de Protéfilas à Laodamie , quelques
Eglogues & huit Cantates, dont quelques-
unes ont été mifes en mufique. Cet
ouvrage fut dédié à feu M. Doby , lors
Avocat Général du grand Confeil , homme
connoiffeur en tout genre de Litterature.
En 1729 il donna un Recueil de Fables
qui , après celles de l'inimitable la Fonraine
, fe font lire avec plaifir . La naïveté
& la douceur en font le principal caractére
, fuivant la remarque de feu M. Camufat
qui en fut l'Approbateur . M. le
Prince de Conty voulut bien en accepter
la dédicace . Il en fit paroître un nouveau
Recueil en 1744 , précédé d'une vie d'Efope
, tirée de Plutarque & purgée des puérilités
du Moine Planude. Il en offrit le
tribut à M. le Comte de la Marche,
JUIN. ss 1748.
En 1734 il voulut chauffer le Cothurne
; il donna au Théatre François fa Tragédie
de Sabinus. Cette pièce où brille la
tendreffe conjugale & l'amour paternel
eût, malgré les efforts de la critique la plus.
aveugle , fept repréſentations à Paris ;
elle a été traduite en Hollandois & a été
long- tems repréfentée fur le Théatre
d'Amfterdam. Il a traité depuis le fujet
de Coriolan & l'a fait imprimer , dans le
tems qu'une jeune Mufe venoit de s'exercer
fur le même fujet. Votre impartialité
connue vous fera juger qui des deux Auteurs
a mérité le mieux les fuffrages du
public.
En 1746 il fit imprimer la vie de Mécénas
avec des notes hiftoriques & critiques
, & la dédia à M. le Duc de Valentinois
, qui honore les Lettres de la protection
la plus marquée. Il travailloit à la
fe de Scipion l'Afriquain & venoit de
revoir la nouvelle édition de toutes fes .
Fables, qui étoient fon ouvrage favori , depuis
que Monfeigneur le Dauphin avoit
fait écrire & placer dans fon appartement
celles du Solitaire & de l'Importun , lorfque
la Parque l'a rayé du nombre des humains .
Voilà , Monfieur , une legére efquiffe
de la vie de M. Richer , ou plutôt un abregé
de fes ouvrages dont vos Journaux ont
$6 MERCURE DE FRANCE .
parlé tant de fois avec éloge ; j'eſpére que
vous ne refuferez pas de jetter quelques
fleurs fur le tombeau de cet ami des Mufes .
On eft für de l'immortalité lorfque l'on eft
parvenu à tenir une place honorable dans
vos Mémoires. J'ai l'honneur d'être , & c.
Duruiffeau , Avocat au Parlement,
Bean -frere de M. Richer.
道
BOUQUET.
IL eftdes fentimens qu'on ne peut exprimer ,
Un coeur vraiment épris fort fouvent en murmure ;
Son trouble feul le laifle deviner |
De l'objet qui l'a fçû charmer .
Quelle bizarrerie , Aminte , en la nature !
Jugez de mon ardeur à mon air interdit ;
Si je vous aimois moins , je vous l'aurois mieux
dit.
JUI N. 1748. 87
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
LE manége du navire , ou l'art de faire
mouvoir le navire en tous fens , par
M. Saverien,
L'anillance ,l'a déja annoncé au pu-
'Auteur de ce nouvel Art, qui lui doit
blic dans un ouvrage publié depuis peu &
dont nous avons rendu compte dans un de
nos Journaux . Les principes fur lefquels
il fe fonde font très- mathématiques , métaphyfiques
même & par- là très- abftraits.
C'eft par cette raifon qu'il les expofe d'avance
au public , pour éviter dans la fuite
toute conteftation . L'importance de la matiere
& les avantages que la Marine peut
retirer d'un traité pareil à celui-ci , doivent
engager les fçavans à examiner avec -
foin fes principes & à lui faire part de
leurs refléxions. Nous fommes perfuadés
que M. Saverien y aura égard avec reconnoiffance
, & nous offrons avec plaifir la
voye du Mercure de France ; au refte nous
devons avertir que l'objet de notre Auteur
eft de donner des moyens fûrs pour faire vi
rerpreftement un navire en tous fens , com
me le titre de fon futur ouvrage l'indique
affés , ce qui dépend des voiles & du gouSS
MERCURE DE FRANCE.
·
vernail , pour les efforts communs & ref
pectifs qu'ils font fur le navire. Ces mouvemens
connus & foumis à des loix des
par
méthodes ailées , feront appliqués à la
tactique des efcadres & des armées navales,
afin de former par la fuite un Art de ſe
battre fur mer; nous difons par des méthodes
aifees , car c'eft principalement ce que M.
Saverien a en vûë. La folution du Problême
fuivant , qui eft auffi curieux que compliqué
, fera voir que l'Auteur a été obligé
de fe replier fur lui -même pour le rendre
fenfible , lumineux & praticable.
PROBLEME.
Déterminer la résistance qu'oppose une regle
à l'action d'une puiffance qui tend à la fairetourner,
lepoint fur lequel elle fe meut
lorfquefa refiftance eft vaincuë.
Je fuppofe une regle foutenue par un
fluide infiniment fluide , infiniment diviſible
, non réſiſtant. Une puiffance vient la
tirer ou la pouffer par une de fes extrémités.
De l'état de repos elle paffe dans celui
de mouvement , mais comment y paffet'elle
, & quel eft le centre de ce mouvement
? C'est là le noeud de la queftion.
Solution,
Quoique le Probléme foit compliqué
JUIN. 1748. So
1
par lui- même , écartons néanmoins tout ce
qui pourroit avoir l'air trop fpécieux , &
fans nous tendre l'efprit par avance , voyons
fans contention quel eft l'obftacle que
la
puiffance a à furmonter. Après nous tâcherons
de découvrir , fuivant l'obftacle ,
le mouvement que telle ou telle puiffance
peur donner à la regle , en furmontant cet
obftacle avec plus ou moins de facilité .
A
A l'extrémité A d'une regle A B , une
puiffance P eft appliquée ; le point GG
en eft le centre de gravité , & on de- C
mande d'abord qu'on détermine la réfiftance
qu'oppofe la regle à la puiffance
indéterminée P. Pour parvenir à cette
connoiffance , je prends , à l'exemple de
M.Bernoulli,la puiffance P appliquée en
A pour l'Hypomoclion , à l'égard de quel,
qu'autre puiffance égale à celle- ci , & qui
doit agir au centre de rotation de la regle .
Or quel peut être l'effort que fait la regle
pour rester dans l'état de repos , effort que
j'ai déja nommé effort de permanence ? ( voyez
la Mature difcutée , & c . § . VI. ) C'eſt d'abord
celui de la maffe, & cet effort eft d'au
tant plus grand que le centre de gravité G
de la regle fera plus diftant du point A ,
centre actuel de rotation , car on fçair
que ce centre agit toujours , comme fi le
Jo MERCURE DE FRANCE.
poids total de la régle y étoit réuni . Sa
diftance multipliée par le poids de la régle
exprimera donc l'effort de permanence .
y aura
Voilà l'obftacle à furmonter de la part
de la puiffance qui eft connu. Delà il
fuit , que fi elle ( la puiffance ) eft égale au
produit de la maffe de la régle confidérée
en fon centre de gravité , par la diſtance
de ce centre à celui de rotation , il
équilibre , & par une conféquence forcée
aucun mouvement. En fuppofant que la
puiffance excéde ce produit , cet excès fera
celui qui follicitera la régle à fe mouvoir
& qui la mourra en effet felon les loix
ordinaires du choc ( De motu corporum ex
percuffione.Prop. X. V. Chr . Hugenii Opera .
T. II . )
ย
Tout cela pofé , nous aurons pour la
vraie force motirce , P - M × AG , en
hommant Mla maffe ou le poids de la
régle.
II. Il femble, s'il m'eft permis de le dire ,
qu'on ne peut fuivre des voies & plus fimples
& plus naturelles. Suppofons maintenant
que la force motrice P- Mx AG ,
que je nomme a , pour abreger , agiffe :
elle mettra la régle en mouvement ; une
de fes extrémités levera , l'autre baiffera ;
en un mot elle tournera fur un point que
nous cherchons & qu'il faut connoître.
JUIN. 1748 91
par-
Ce qui fe préfente d'abord avant le mou
vement ou dès le mouvement initial de
la régle , c'est que la force a étant prife
pour puiffance , & non pour point d'ap
pui tend à enlever le plus de parties
qu'elle peut . Ceci est bien aiſé à concevoir.
Toute caufe produit le plus grand effet
dont elle eft capable . L'effet de la force a
eft le mouvement de la régle felon la direction
de fon effort . Mais ce mouvement
eft partagé . Celui que reçoivent les
ties fupérieures au centre de rotation eft
pofuif ou réel , an lien que le mouvement
des parties inférieures à ce centre eft néga
tif ou contraire . Ainfi le premier ne peut
pas être un maximum que le dernier ne foit
un minimum ; fur le tout le mouvement
pofitif l'emporte toujours fur le négatif.
Autrement celui-ci détruiroit l'autre , ce
qui eft impoffible , puifque la force a doit
mettre la régle en mouvement. Cela nous
fait voir , que le centre de rotation de la
régle doit être de l'autre côté du centre
de gravité par rapport à la puiffance . Mettons
cette connoiffance à profit. Dans elle
font renfermées deux vérités , qu'il eft à
propos de diftinguer.
1º. Le centre de rotation de la régle eſt
l'autant plus diftant de fon centre de gravité
de l'autre côté de la puiffance,que la for2
MERCURE DE FRANCE.
cea, que nous connoiffons eft plus grande.
2. L'excès des parties fupérieures à ce
centre fur les inférieures équivaut & abforbe
la force a.
Pour peu qu'on y falſe , attention on
verra que ce fecond principe n'eft qu'un
colloraire du premier. Par - là il acquiert
le même degré de certitude & même d'évidence
. Cependant fi l'on veut fè le rendre
& plus fenfible & plus familier , qu'on
ne perde pas le mouvement de la régle de
vûë. Je le demande au lecteur : le mouvement
pofitif ou réel de la régle peut-il
être repréfenté par autre chofe ; que par
l'excès des parties fupérieures au centre de
rotation fur les inférieures à ce même centre
? N'est-ce pas cet excès qui exprime la
vîteffe du centre de gravité de cette régle ,
& peut- il l'exprimer fans être tout l'effet
de la force motrice ? Il ne refte qu'à tirer
la conféquence , donc l'excès des &c.
C'eft fans doute ici le lien d'en venir à
un principe général qui doit réfulter des.
deux précédens . Avant que de l'établir , je
ne dois cependant pas ometire une réflé
xion importante , qui fervira comme de
fceau à la folidité de ces derniers . Tout
centre libre ou fpontané doit partager tellement
un corps ou une régle en mouvement
, qu'il foit le centre d'équilibre de
JU IN. 1748. 93
fes parties ( Bernoulli Opera , Tom. IV. art.
$77 . ) Or fuivant notre théorie , les parties
Supérieures de la régle réfiftent autant au
mouvement que les parties inférieures .
L'excès de ces premieres fur les dernieres
détruit la force a , & le mouvement communiqué
fe trouve ainfi diftribué proportionnellement
aux parties , ou pour mieux
dire , aux réfiftances des parties de la régle.
Voici donc le principe auquel nous conduifent
ceux que j'ai établis ci-devant .
La diftance du centre de gravité de la régle
au centre de rotation eft toujours proportionelle
à l'excès de la puiffance fur la maſſe du
corps réunie à fon centre de gravité , multipliée
parfa diftance au point de la régle où eft
appliquée la puiffance.
Tout eft fait.Sur ce principe il eft très-aifé
de déterminer le centre de rotation d'une
régle ou d'un corps en faifant cette opération
: divife la réſiſtance abſoluë de la régle
( Mx AG) en deux parties , telles que leur
difference foit égale à l'excès de la puiffance
fur cette réfiftance. Cette difference exprimera
la viteffe du centre de gravité de la
régle. Si l'on divife enfuite la longueur de
la régle ( en la fuppofant également péfante
) en deux parties proportionnelles
24 MERCURE DE FRANCE.
celles qu'on aura trouvées en partageant la
réſiſtance abfoluë de la régle, comme nous
avons vû , on aura la diftance du centre de
rotation à la puiffance connue en pieds ou
en pouces. Un exemple va rendre ceci &
plus lumineux & plus fenfible ; car les
exemples parlent aux yeux , & quand on
parle aux yeux, on n'eft pas loin de l'efprit.
III. Une régle ou un corps A B (voyez la
figure ) eft donné ; fon centre de gravité eft
G,fon poids ou fa maffe eft de 100 livres ; la
distance de fon centre de gravité au point
où la puiffance eft appliquée , eft de 10
pieds , ainfi AB eft de 20 pieds. Sur tour
cela je fuppofe que la puiffance vaut 1500 .
On demande qu'on détermine , 1 ° . le centre
de rotation , 2 °. la diſtance de ce cen
tre à la puiffance , 3 ° . l'intervalle de ce
centre à celui de gravité.
Faifons ufage de nos principes . Je multiplie
100 par 10 , & le produit 1000 ( expreffion
de l'effort de permanence de la régle
, ) je le fouftrais de 1500. Le reſte 500
fera la valeur de la force motrice. Il n'y
a plus qu'à divifer 1000 , de façon que la
difference de l'effort des parties fupérieures
au centre de rotation , aux inférieures
ce du moins ce même centre , foit
500 :
font nos principes qui le difent , & comJUI
N. 1748.
91
me je les crois vrais , il faut les fuivre .
A cette fin je nomme z une partie de
1000 & l'autre.. Il s'agit de divifer ce
nombre 1000 en deux parties , telles que
la difference de z à x foit 500.
Puifque 500 eft la difference de zàx,
2 + 500 = x : or x +2= 1000 , c'est -àdire
les parties égalent le touts Qu'on ſubftitue
à la place de xfa valeur 2 + 500 , on
aura 2 ++ 500 ou 2 2 + 500 = 1000.
Je chaffe 500 dans l'autre membre de l'équation
avec le figne- & j'ai-2 z = 1000
-500 500. Enfin après avoir divifé
soo par 2 , on aura z 250 ; x = ~ +
500 , fera donc égal à 750 .
Voila la difference connuë ; je veux dire
que l'effort des parties fupérieures eft à celui
des inférieures comme 750 eft à 250 ,
ou comme 3 eft à 1 .
IV. Nous n'avons encore rien dans le
fond , quoique nous touchions au moment
d'avoir tout. Pour connoître la diftance
du centre de rotation à la puiffance , il ne
refte qu'à divifer , ainfi qu'on l'a vû , A B
20 en des parties proportionnelles
750 & 250 , lefquelles parties font com
ine 3 à 1.
Je nomme encore z & x les deux parties
de 20 , & celle-ci doit être à celle- là
96 MERCURE DE FRANCE .
comme 3 eft à 1. Je forme la proportion ,
2:31; le produit des extrêmes
étant égal à celui des moyens, j'ai zzx;
mais x 20 ; donc 3 * +x ou 4x
= 20' ; donc x = 2 = 5•
20
Par-là on a la diftance du centre de rotation
à la puiffance égale 15 , & comme
celle du centre de gravité à cette puiffance
eft de 10 , celle de ce centre à celui de rotation
fera de 5 .
Dans cette folution j'ai fuppofé la régle
divifée en deux également par fon centre
de gravité. Lorfque cette condition n'exiftera
pas , comment faudra- t'il s'y prendre
? Lorfque deux , trois , quatre puiffances
agiront , nos principes auront-ils lieu ?
&c. En voilà trop à la fois. Dans la fuite
je m'engage à le faire voir. Il fuffit à préfent
que la queftion foit réfoluë , & c'eft
beaucoup. Ces colloraires ne font pas les
feuls. D'autres d'une autre efpece fe prefentent
encore & en plus grand nombre ,
& plus variés .
Adhuc fuperfunt multa , que poffim loqui
Et copiofa abundat rerum varietas. Phæd . L. V.
BOUJUIN.
97 1748.
BOUQUET.
V Os traits , Iris , vont former mon bouquet ;
Acceptez-le de grace ; Amour même l'a fait.
Etre belle fans vanité ,
Bien faite fans maigreur , jeune fans indolence
Bien mife fans air affecté ,
Et vive fans extravagance.
Parler avec facilité ,
Et qui plus eft , garder , s'il le faut , le filence ;
Dire cela de vous ; ce n'eft point médifance ;
C'eſt la puré vérité.
JE
Par M. l'Abbé D......
AUTRE.
¿
E cherchois un bouquet dans le Palais de Flore
Sous unMyrthe en berceau j'y rencontrail'Amourg
Que fais-tu m'a t'il dit , en ce brillant féjour ? '
J'y viens cueillir des fleurs pour l'objet que j'adore;
Des fleurs ! le beau préfent ! tu dois offrir ton coeur
Amour , fi tu voulois attendrir ma bergere ,
L'embrafer de mes feux , la rendre moins févere ,
Si tu ... Fais ton devoir , je ferai ton bonheur.
Affûré par la voix du Dieu qui fçait tout faire ,⚫
Je vous offre mon coeur , Philis , il eft fincere ;
Oui,j'efpere être heureux , ou l'Amour eft menteur,
Par M. L. C. D. B. D. R.
1. Vol.
E
98 MERCURE DE FRANCE.
7
**X*X+3X++3X++3XXXX
Hor.
Lyd.
O DE IX . L. III.
Horatii Lydia Dialogus..
Donec gratus eram tibi ,
Nec quicquam potior brachia candide
Cervici juvenis dabat ,
Perfarum vigui Rege beatior.
Donec non aliâ magis
Arfifti , neque erat Lydia poft Chloën ,
Multi Lydia nominis
Romanâ vigui clarior Iliâ.
7
Hor. Me nunc Creffa Chloë regit ,
Dulces docta modos , & citharæ fciens ;
Pro quâ non metuam mori ,
Lyd.
Hor.
Lyd.
Si parcent animæ Fata fuperftiti.
Me torret face mutua
Thurini Calaïs filius Ornythi ,
Pro quo bis patiar mori ,
Si parcent Puero Fata ſuperſtiti. '
Quid fi priſca redit venus ,
Diductofque jugo cogft aheneo :
Si flava excutitur Chloë ?
Rejectæque patet janua- Lydia ?
Quanquam fidere pulcrior
Ille . eft , tu levior cortice , & improbo
Iracundior Adriâ ,
Tecum vivere amem , tecum obeam libens.
JUIN. 1748. 99
O DE IX. L. FÌI.
Dialogue entre Horace & Lydie.
Hor. Uand j'étois für de te plaire ,
quand à fes rivaux préféré Horace
étoit feul l'objet de ta tendreffe , le
bonheur des plus grands Rois n'égaloit
pas le fien.
Lyd. Tant que Lydie , à Chloé préferée ,
( 1 ) feule raviffoit ton coeur , Lydie au
comble de la gloire , n'eût pas envié le fort
brillant d'Ilie.
Hor. Chloé , à qui la Thrace a donné le
jour , me tient aujourd'hui fous fa loi ;
Chloé fçait mêler aux plus doux accens les
accords de la lyre ; pour prolonger fes
jours , je perdrois fans regret la vie.
Lyd. Le fils d'Ornithe Thurien , Calaïs
m'embrafe ; il brûle des mêmes feux ; deux
fois je donnerois ma vie , fi les Deſtins
épargnoient Calais à ce prix .
Hor. Lydie , fi mon amour fe rallumoit
pour toi , fi de nouveau il enchaînoit nos
coeurs dans fes fers , fi ma porte fermée
pour toujours à Chloé , fe rouvroit
recevoit Lydie ?
Lyd. Quoique Calais foit plus beau
le jour, ( 2 ) toi plus léger que la feuille qui
pour
que
E ij
roo MERCURE DE FRANCE .
vole, plus colere que l'onde en courroux, je
ne voudrois vivre & mourir qu'avec toi .
REMARQUE S.
(1 ) Bentley & Cunimgam ont changé
fans raifon , comme fans néceffité , alia ,
pour écrire dans le texte aliam, v . 5. Le premier
convient même qu'Horace dit ailleurs.
arfit Virgine .... arfiffe Batyllo. Le fecond
change encore parcent en parcant , V. 12.
auffi inutilement. Il n'en eft pas de même
d'Ornythi au lieu d'Ornifi , v. 14.
( 2 ) M. de Rozel Baumon , Hift . Crit.
de la Rep. des Lettres , T. X. p. 137 , fait
une grande differtation pour prouver que
mal-à- propos les Interprétes ont entendu
levior cortice , par inconftant , & qu'en l'expliquant
ainsi , tecum vivere amem , tecum
obeam libens , formeroit un fens également
abfurde & ridicule , cependant rien n'eft
plus fimple ni moins abfurde. Lydie , flatée
de voir Horace rentrer dans fes fers
efpere de pouvoir le fixer , malgré fon inconftance
; effet de l'amour propre , dont
on ne peut pas croire que les femmes
Loient plus exemptes que les hommes .
JUIN. 1748. 101
''
Les mots des Logogryphes du Mercure
de Mar font poteau , architecte , porte-feuille,
fouris & clavus. On trouve dans le premier
po. Dans le fecond re, chaire , Tacite , arc ,
arche art , char , chat carte , arête
Cythere , Théatre & car. Dans le troifiéme
fe rencontrent port , porte & feuille. Dans
le quatriéme fou & ris. On trouve dans le
Logogryphe Latin lac , uva ,
alvus , acus ,
laus lacus , ulva , avus , Lúcus , lucas , fal ,
Das, as , dć.
U
ENIGME.
N pied de ma longueur eft la jufte mefure ,
Il l'eft auffi de ma largeur.
Du quarré cependant je n'ai point la figure ,
Ceci vous géne , ami lecteur ,
Mais ne perdez pas patience ,
Songez qu'il faut fouvent un peu de violenc
Pour m'approfondir en entier ;
Ne me faites point de quartier ,
Cherchez bien , mais je vous confeille
Que se ne foit point à l'oreille.
Eij
102 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
Sans le commerce des hommes
Notre mérite enfqüi ,
Seroit refté dans l'oubli ;
Ils nous font ce que nous fommes ;
C'estpar leurs foins prévenans
Que notre taille eft fi belle ,
Et nos riches logemens
S.nt un effet de leur zéle .
Pour mieux nous mettre en état
De paroître avec cet éclat ,
Que nulle beauté n'efface ,
Ils corrigent face à face
Jufqu'à nos moindres défauts.
Mais nous payons bien leurs travaux ,
Non par une tendreffe vaine ,
Car nous ne brillons pas par cette qualité ; i
On fait gloire pourtant de porter notre chaîne;
Nous avons la docilité
De prendre au gré d'autrui cent formes differen-
ICS ;
Tantôt nos qualités brillantes
Nous plaçent avec majeſté
Sur le Trône, & tantôt un pied plat nous entraîne,
Mais c'est trop vous donner la gêne ,
Deux mots vont terminer ce jeu ,
Nous fçavons avec l'eau concilier le feu.
JUI N. 1748. 103
LOGOGRYPHE ENIGMATIQUE.
S 1 par I par fois vous jouez aux quilles ,
Comptez combien vous en voyez ;
Ou fi des vers vous effayez ,
Du Parnaffe comptez les filles ;
J'ai fans aucune addition
"
Autant de lettres dans mon nom .
Dans le ſtyle du haut étage
Je ne fuis jamais en uſage ,
Mais quand on parle ſans façon ,
A la ville ainfi qu'au village ,
Je fuis un terme poliçon
Que l'on admet dans le langage.
Or fi de mon commencement ,
Cher Lecteur , vous voulez abbattre,
Le nom d'un jeu , qui fréquemment
Sert à quelques gens à s'ébattre ,
Quand ils font un peu moins que quatre,
Soudain je change entierement.
Je fuis lors un mâle estimable ,
Reçu par tout avec honneur
Chés le Bourgeois & le Seigneur .
Admis le premier à la table ,
Et pour lors je fuis tout femblable
A ce qu'on peut nommer ma foeur,
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
•
Machere fecur , bonne femelle ,
Qui m'eft plus qu'une foeur jumelle !
Car je puis dire en bonne foi ,
Qu'elle eft même chofe que moi ;
Souvent on me nomme comme elle ,
Comme moi fouvent on l'appelle.
Retranchez une lettre encor ;
Sans être bijou ni tréfor ,.
Alors pour gage on me voit prendre ,
Non par l'ufurier , s'il vous plaît ;
L'affaire faire on doit me rendre
Noblement & fans intérêt.
Supprimez encore une lettre ,
( Toujours la premiere , nota )
Je fuis un grand fleuve.... al te là :
Cher Lecteur , fi je voulois mettre
Les qualités que ce fleuve a ,
Ses attributs , catera ,
Le plaifir que peut fe promettre
Celui qui me dévinera ,
Sur le champ ferois à quia.
Du fleuve enfin ôtez la tête
Tout auffi-tôt je vous apprête
Des objets & des noms nouveaux
Au pluriel lorfque nous fommes ,
Des geus
Nous font de differens métaux ;
à fublimes cerveaux
JUIN. 1748. TOS
1
Mais four ce nom , parmi les hommes
Au fingulier fije fuis pris ,
Alors humains , grands ou petits
Vous avez tous chacun le vôtre ;;
J'augmente d'un moment à l'autre.
Plus je fuis grand & moins je fuis priſé ', ›
Et l'on ne peut m'avoir que quand je fuis paffè:-
Par M. F...
NOUVELLES LITTERAIRES
... DES BEAUX-ARTS, &c.-
Ables nouvelles. par M. Richer , nòuvelle
édition . Paris , in- 12, chés Ba
rois. 1748:
Les fables de M. Richer parurent pour
la premiere fois en 1729 , il en donna une
feconde édition en 1744 , & le fuccès
Pavoit engagé vers la fin de l'année derniere
à en préparer une nouvelle augmen
tée d'environ cinquante fables qui n'a--
voient point encore paru . C'eft cette édi--
tion qui a été faite fous les yeux de l'Auteur
& corrigée par lui-même,que l'on pré--
fente aujourd'hui au public. M. Richer
s'eft affuré un rang parmi les Fabuliſtes
FW
16 MERCURE DE FRANCE.
fans avoir l'élegance de la Fontaine , fom
ftyle a une fimplicité plus propre à ce
genre d'écrire qu'un ftyle plus fleuri &
plus rempli d'efprit . Ses Fables dont bien
des fujets font inventés par lui , font ingénieufes
par le fond & agréables par
le ftyle ; en un mot leur réputation plus
folide brillante s'eft accrue chaque
jour depuis qu'elles ont paru , & on peut
prédire qu'au moins elle ne diminuera pas.
Nous allons , fuivant notre ufage , citer
ici ,pour donner une idée de fon ftyle deux
Fables de cet Auteur. Nous prenons la
troifiéme du quatrième Livre.
que
Le cheval , te obien , le bouf& lélephant.
JAAdis quand les bêtes parloient
Divers animaux s'affembloient ,
Four babiller & conter des nouvellos ;
Ils en débitoient des plus belles ,
Chacun fuivant fon goût , & felon fon état. -
Un vieux cheval de retour de la guerre ,
Parloit de maint & maint combat ,
Et de maint ennemi qu'il avoit mis par terre;
Détaillant au long fes exploits ,
Ilen auroit eu pour un mois
Quand un chien impoli, ne penfant qu'à la chaffe,
L'arrête , & dig moilà le tems de la becaflega sa
JUIN.
1748 . 107
Hier j'en fis lever plufieurs dans un taillis ;
Quand je fens du gibier jamais je ne me laffe ;
Je brille dans la plaine en quêtant des perdrix ;
Medor alloit donner la lifte
Des liévres , des lapins qu'il fuivit à la piffe ,
Mais le boeufs'ennuyoit , quoiqu'animal groſſier ;
Il vouloit dire auffi deux mots de fon mêtier .
Ses poumons étoient forts ; avec cet avantage
Il fe fit écouter : mes amis , la ſaiſon
Eft favorable au labourage ,
menage:
Et Cerès nous promet abondante moiffon,
Vous vous fouciez peu , vous autres , du
Et je puis affurer fans paroître trop vain ,
Quefans - moi vous mourriez de faim.
Il en auroit dit davantage ;
Un élephant l'interrompit ,
Et les regardant tous du baut de fon efprit ,
Il étale en docteur un grave verbiage.
Comme ces animaux , Phomme aime à fe vanter.
Beu de gens veulent écouter.
Citons encore la Fable XXI, du cinquiéme
Livre.
Les autours.
Sortis du même hid deux bons amis Vautours,
Amis tels qu'on en voit parmi l'espéce humaine,
Chaffoient enſemble tous les jours ,
Evj
108 MERCURE DE FRANCE:
Et de l'air infeftoient la plaine ;
Bientôt leur amitié fe convertit en haine ;
A coups de bec on les vit difputer ;"
Grand fujet de querelle ; une taupe étoit morte §.
Tous deux prétendoient l'emporter ;
1
Ils fe plumoient d'étrange forte.
Certain Oifon voulut accorder leurs débats ;
Allumons plutôt leur quérelle ,
Dit un Merle plus fin ; cette race cruelle
A nos dépens prend fes repas.
Les oifeaux font en paix dans l'air & fur la terre ,.
Quand les Vautours fe font la guerre:
GEOGRAPHIE Moderne abregée ,
précédée d'un petit Traité de la fphére &
du globe , ornée de plufieurs traits d'Hif
toire tant naturelle que politique , & terminée
par une Géographie Eccléfiaftique ,
où l'on trouve tous les Archevêchés &
Evêchés de l'Eglife Catholique , & les
principaux des Eglifes Schifmatiques , avec
une Table des Latitudes & Longitudes des
principales villes du monde , conforme
aux dernieres obfervations de Meffieurs.
de l'Académie des Sciences , & une autre
de tous les noms, de lieux contenus dans
cette Géographie. Paris , 1748.
Quoique cet ouvrage foit principale
ment deftiné à l'inftruction de lajeunelle ,
JUIN
1748 rog
l'Auteur a cependant donné allés d'étendue
aux matieres pour fatisfaire les perfonnes
d'un âge plus mûr , qui voudroient
fans étudier à fond la Géographie , acque
rir quelques lumieres fur cette partie . Pour
foulager la mémoire des lecteurs qui oublient
facilement des noms de lieux , des
nombres qui expriment des diſtances , on
a cherché à fixer ces idées, en y joignant la
peinture des meurs & des Coutumes des
peuples dont on rapporte le nom , le récit
des évenemens remarquables arrivés dans
les lieux dont il eft queftion , les révolu
tions des differens Etats . Il eſt certain
que
fans avoir recours à tous les Traités
de Géographie , la meilleure méthode eft
de lire l'Hiftoire la Carte à la main . A
quoi fervent tous ces Traités élémentaires
qu'à charger inutilementla mémoire des enfans
de mots qui font vuides de fens pour
eux ? Quand l'Auteur parle deVilles confi
dérables, telles que Paris , Rome, Londres,
Amfterdam il'en fait une defcription abregée.
Il ne perd pas l'occafion de s'étendre
fur quelques traits d'Hiftoire naturelle.
Sa Géographie Ecclefiaftique donne une
idée de l'état ancien & actuel de tous les
Evêchés de l'Eglife Catholique & des
principaux Siéges Schifmatiques. Cette
partie de l'ouvrage ne fera pas inutile aux
1
110MERCURE DE FRANCE.
perfonnes qui lifent l'Hiftoire Eccléfiaſti,
que, & peut même indiquer quelques
notions legéres de la Géographie Ancien
ne que l'Auteur n'a point traitée. On a eu
foin de marquer la pofition des villes , de
façon qu'on puiffe fans peine les trouver
fur la Carte ; on a décrit le cours des prin
cipales rivieres , en faifant remarquer les
villes & les lieux confidérables qui font
fur leurs bords . Un Traité de la ſphere &
du globe forme le préliminaire de cet ou
vrage. L'Auteur y a fait entrer tout ce
qu'il eft néceffaire de fçavoir fur ces deux
parties qui fervent d'introduction à la
Géographie. Il a joint à tout cela une relation
abregée de la ville d'Heraclée.
LETTRE au P. B. J. touchant un endroit
du Traité de M. Vernet , fur la vérité
de la Religion Chrétienne .
ENTRETIENs fur les vérités fondamentales
de la Religion , pour l'inftruction
des Officiers & des gens de mer , par le P.
Yves de Valois , de la Compagnie de Jefus,.
de l'Académie Royale des Belles- Lettres ,
& Profeffeur d'Hydrographie à la Rochelle.
Premiere partie , chés René-Jacob
Desbordes , Imprimeur des Fermes Généra»
les , du Collège & de la Ville , au Canton
des Flamands , 1747. Seconde partie , chés
Pierre Mefnier , Imprimeur de M. l'Inten-
}
JUI N. 748
IIL
dant & de la Ville , rue du Temple , à la
Rochelle , 1747. Volume in- 12.
Durand , Libraire , rue Saint Jacques,
au Griffon , & Piffor , fils , Libraire , Quai
des Auguftins , à la Sageffe , publieront
dans le courant de ce mois deux Ouvrages
nouveaux fur la Géographie. Le premier
fera intitulé : Atlas portatif, univerfel &
militaire , compofé d'après les meilleures,
Cartes , tant gravées que manufcrites des
plus célebres Géographes & Ingénieurs
par M. Robert , Géographe du Roi. Le fecond
paroîtra fous le titre de Grammaire
Géographique , on Analyse exacte
*
courte
du Corps entier de la Géographie moderne
comprenant fous une méthode finguliere
& nouvelle , 1 ° . Un examen général du
Globe , précédé d'un abrégé des vrais fondemens
de la Géographie , réduits en défi
nitions , problêmes & théorêmes . 2° . Unexamen
particulier du Globe , dans lequel
on indique les noms , la fituation , l'étendue
, la divifion , les fous - divifions ,
les
Capitales , les Villes principales , les Archevêchés
, les Evêchés , la nature de l'air
& du fol, les marchandifes & denrées , le
commerce , les chofes rares , les moeurs , le
caractére de la langue & des habitans , la
Religion , le Gouvernement & les Armes
des principales contrées répandues fur la
FIZ MERCURE DE FRANCE.
face de la terre, d'après les Auteurs les plus
eftimés. Cet Ouvrage eft traduit de l'An
gloisde M. Par Gordon , fur la feizième édirion
, & revûr , corrigé & augmenté par M.
Robert , Géographe du Roi. H fe vendra 3
Fivres iz fols broché , & 4 livres 4 fols re
lié. Le prix de l'Atlas portatif fera de 24
livres relié, & de 22 livres 4 fols broché en
carton. Il contiendra environ 1 40° Cartes
in-4° . qui pliées en deux , formeront un
volume de forme in- 8o , qui aura l'avantage
de préfenter ouvert , tout petit qu'il fera ,.
les Cartes dans leur entier , à Fexception
feulement de quelques- unes générales qui
feront pliées , mais qui en fouffriront peu ,
étant d'un uſage moins fréquent que les
autres. Un projet pour cet Ouvrage qu'on
trouvera chés ces deux Libraires , inftruira
plus en détail du plan qu'on a fuivi , & de
l'utilité dont on efpere que pourra être
pour le Public ce genre de travail. Les Car--
tes font très-proprement & très-nettement
gravées.
On trouve chés les mêmesLibraires qua
Tre volumes de Confultations choifies de plus
fieurs Medecins célebres de l'Univerfité de
Montpellier,fur des maladies aigues & chro
niques , 1748. in-12 & trois volumes dè
Panegyriques , Mysteres & autres Sermons
prêchés par M. l'Abbé Charaud , Prédica
teur du Roi , in - 12. 1748.
JUIN. 1743. 115
Debure , fils , l'aîné , Quai des Auguftins
, à Saint Paul , a mis en vente l'édi
tion Grecque- Latine par les Bénédictins
des Oeuvres de Saint Juftin , imprimée chés
Charles Ofmont en deux volumes in-folio .
Le même Libraire débite le tome premier
du mois de Septembre des Alta
Sanctorum des Bollandiftes in-folio. Volume
imprimé à Anvers in-folio. Prix 30 livres en
feuilles.
DISSERTATION's fur l'origine des
Francs , fur leur établiffement dans la Gaule,
fur le tombeau de Chilpéric I. fur la milice
des anciens Francs , fur les dons gratuits
de l'ancienne nobleffe , fur une lettre
de Saint Remi à Clovis ; réfutation du
fyftême de M. Eccard, fur l'autorité de nos
premiers Rois. Ce recueil forme avec une
Hiftoire abrégée des Rois de France , un volume
in- 8°. à Paris , chés Chaubert , Libraire
, rue du Hurepoix.
IL PAROIT un Programme contenant
be plan de foufcription pour le voyage d'E
gypte , par feu M. Norden , en deux volu
mes in-folio , enrichis d'environ deux cent
planches. Frédéric- Louis Norden , Danois ,
Capitaine de Marine , entreprit il y a environ
dix ans le voyage d'Egypte , par ordre
du feu Roi de Dannemarck Chriſtian VI
ilalla au Grand Caire. Dans le cours de fon
114 MERCURE DE FRANCE.
voyage , il examina avec la plus fcrupu
leufe attention tout ce qui fe préſente de
rare & de curieux dans la Baffe Egypte , &
le compara piéce par piéce avec les Rela
tions déja connues. De-là il pénétra dans la
Haute Egypte jufqu'à Syenne & jufqu'aux
Cataractes , & par-tout il vit & il deffina
tout ce qui lui parut de plus remarquable
parmi les reftes précieux de l'antiquité la
plus reculée . De retour il fut invité par un
grand nombre de Sçavans , & en particu
lier par la Société de Londres , à donner au
public la Relation de fon Voyage , il y met
toit la derniere main , & il étoit prêt à le
faire imprimer , forfqu'une mort prématu¬
•
tée l'enleva. Le Roi de Dannemarck ordonna
que ce travail , qui étoit déja commencé
à Londres , feroit achevé à Coppenhague
, & que tous les deffeins de l'Auteur
feroient gravés par le Sieur Marc Tufcher ,
dont il s'étoit fervi pendant fon féjour à
Londres , & qui étoit le mieux inftruit de
fes intentions . C'est en conféquence de ces
ordres & de ceux de fon facceffeur Frédéric
que la Société des Sciences & des Arts,
établie à Coppenhague , prend foin de la
conduite de cet Ouvrage . Ce travail eft
déja fort avancé ; les deux tiers de planches
fort gravés & tirés. Dans la defcription de
se Voyage , qui fera en François , on fuit
V.
JUIN. 1748. TIS
exactement les Journaux de l'Auteur . Tout .
l'Ouvrage formera deux volumes in-folio ,
papier Royal , enrichis d'environ deux
cent Eftampes , y compris la planche du titre
, les lettres initiales & quelques grandes
vignettes. Le prix de la foufcription ,
fixé fur le calcul des frais néceffaires pour
l'exécution de cette entreprise , eft de huit
ducats d'or , 90 livres monnoye de France,
payables , la moitié en foufcrivant , l'autre
moitié en recevant le livre. Ceux qui vou
dront prendre des foufcriptions en France ,
pourront s'adreffer à Paris , chés P. J. Mariette,
& A.C.Briaffen, Libraires , rue Saint
Jacques.
ASSEMBLEE publique de la Société
Royale des Sciences , tenue dans la grande
fale de l'Hôtel- de- Ville de Montpellier ,
en préfence des Etats de la Province de
Languedoc le 23 Décembre 1746. 4
Montpellier , de l'Imprimerie de Jean Mar
tel , Impriment du Roi , des Etats Gét
néraux de Languedoc , & de la Société
Royale des Sciences , 1747. Brochure ix-
4°. de 116 pages.
ORIGIN.E dell' ufo di falutare , quando
fiftarnuta. Difcorfo fatto pergli Excell . Pring
ripi . Don Urbana è Don Carlo Barberini , da
Simone Ballerini , Donar di Legge & Cuftode
116 MERCURE DE FRANCE.
della Libreria dell'Excellentiffima cafa. In
Roma , 1747. in- quarto.
GUIDONIS Ferrari Societatis Jeſu, dė
rebus geftis Eugenii Principis à Sabaudia Bel
lo Pannonico libri 111. Roma. 1747. inquarto.
Pierre-Cajetan Veviani , Imprimeur- Li
braire à Florence , a publié un Programme
en date du premier Septembre 1747 , pour
annoncer qu'il va donner en pluſieurs volumes
, une addition confidérable aux Ecri
vains de l'Hiftoire d'Italie , publiés par M.
Muratori. Il a mis en même tems au jour le
premier volume de cette addition , dont
voici le titre : Rerum Italicarum Scriptores
anno are Chriftiana, millefimo ad millefi
mum fexcentefimum , quorum potiffima pars
nunc primum in lucem prodit ex Florentinarum
Bibliothecarum codicibus . Tomus I. Flo
rentia. 1747. infolio.
Le fecond tome paroît depuis peu . Voici
les titres des pieces qui ont été employées
dans l'un & dans l'autre. Tom . 1. 1 °. Excerpta
ex Hiftoria Sozameni Piftorienfis ab
anno 1001. ad annum 1294 , nunc primum è
tenebris eruta ex MS. cod.... 2. Excerpta
ex Matthai Palmerii Florentini libro de temporibus
ab anno 1294. ad annum 1448. ex
M. cod. Matthia Palmerii Pifani opus de
JUIN. 1748. 117
... ·
....
emporibus fuis ab anno 1449. ad annum
1482. ex M. cod.... 4° . Sancti Gregorii
Papa V11. Epiftola aliquot hiftorica ex M.
cod.... 5 ° . Chroniche della Citta di Pifa
dal an. della fua edificazione al 1406, dell
Dottore Bern. Marangone Pifano mandato.
per la prima volta in luce 6º. Frage
menta Fulginatis Hiftoria ab anno 1198 usquo
ad annum 1440. Auctoribus Bonav . Benevenuti
, ac Petruccio de unctis 7°.
Hiftoria della Citta di Chiufi in Tofcana dal
anno 936. ad annum 1595. di Meffer Giacomo
Gori de Sinalonga , per la prima volta
venuta in luce. Tome II. 1 °. Cronica della
Citta di Firenze di Paolino di Piero dal an.
1080.fine al 1205. non piu ſtampata , con
annotazioni. 2 ° . F. Francifci Ciaccheri Ord.
Min. Chronicon. Geminianenfe, anni 1340
ex MS, cod, ... 3 ° . Cronica de fuoi tempi di
Piero di Giovanni Minenbetti fcritta da D.
Luca dalla Scarperia , Monaco di Vallombrofa
dal 1385 , al 1408. meffa fuori per la
prima volta da un cod. M. S. originale ….…..
4°. Iftoria di Firenze di Giovanni del Nero
Cambi. 5. Cronica della Citta di Padova di
M. Franc. da Carrara il vecchio , che fi da
ora in luce la prima volta con note .
Jo.Marii Philelphi Annales in Hiftoriam Ferrarienfis
belli ab anno 1447 , ufque ad annum
1453, qui nunc primum luce donantur exM.
....
6º.
118 MERCURE DE FRANCE.
• $. cod.. 7°. Ricordi di Firenze in tera
rima non piu publicati. 8 ° . Roberti Urfi Ariminenfis
liber de obfidione Tifernatum cum notis
D. Dominici Maria Manui.
Ces deux volumes fe débitent pour 27
Jules chacun ( 14 livres environ monnoye
de France ) en faveur de ceux qui ont foulcrit
, & 36 Jules pour les autres.
EDUARDI Corfini Cl. Reg. Scholarum
piarum Philofophia Profefforis Differtationes
quatuor Agonistica , quibus Olympicorum ,
Pythiorum , Nemeorum , atque Ihmiorum
tempus inquiritur ac demonftratur. Accedit
Hyeronicarum catalogus , editis longe uberior
accuratior, Florentiæ , 1747 , in-quarto.
BIBLIA SACRA vulgate editionis,..:
cumfelectiffimis litteralibus Commentariis ...
accedunt Romana correctiones , & c . Tomus V,
complectens duos Priores libros Regum . Venetiis
, 1747 , in-quarto.
L'ARCHITETTURA generale di Vi
truvio , ridotta in compendio dal Sig. Perrault
.... ed arrichita di tavole in rame
Opera tradotta dal Franceze , &c. In Venezia
, 174. in-quarto , chés Jean - Baptifte
Albrizzi , Imprimeur - Libraire. Les planches
ont été fidelement deffinées fur cel
les de l'édition de Paris , & gravées par
d'habiles Maîtres . On y ajoute toutes les
Tables néceffaires . Le prix eft de 6 live
JUIN. 1748 . 119
Veneziane , 3 livres environ monnoye de
France .
ANNALES ECCLESIASTICI ab anno 1 198 ,
ubi definit Cardinalis Baronius Auctore
Odorico Raynaldo , Congregationis Oratorii
Presbytero ; accedunt in hac editione nota
chronologica , critica , hiftorica , quibus Raynaldi
Annales illuftrantur, fupplentur, emendantur.
Autore Joan. Dominico Manfi Lu
cenfi , Congreg. Matris Dei. Tomus 111.
Luca , 1748 , in -folio. Ce volume va de
puis 1257 , jufqu'en 1285 inclufivement .
On a mis à la fin les Actes du Concile
de Bude , tenu l'an 1279. On y trouve
encore un fragment fur l'origine des guerres
entre les Guelfes & les Gibellins à Florence.
Le Directeur de l'Imprimerie nouvellement
établie à Milan , pour la Bibliothéque
Ambrofienne , a publié un Programme
en date du premier Octobre de l'année
derniere , par lequel il donne avis qu'on
travaille en cette Ville à raffembler les
Sermons & les autres Inftructions de Saint
Charles Borromée , pour les mettre inceffamment
fous les preffes de la nouvelle
Imprimerie ; que ce premier recueil devoit
faire quatre volumes , dont les deux premiers
étoient fur le point de voir le jour ;
qu'on imprimeroit enfuite les Difcours fy120
MERCURE DE FRANCE.
nodaux de Saint Charles , auxquels on
joindroit les Sermons qu'il a prêchés aux
Religieufes de Saint Paul de Milan , ce qui
devoit former un cinquiéme volume ; de
plus , qu'on imprimeroit pareillement ce
que ce Saint appelloit fes nuits Vaticanes ,
c'eft-à-dire , les Difcours qu'il avoit prononcés
aux Affemblées de l'Académie de
Rome , qu'il tenoit au Vatican , lorfqu'il
étoit chés le Pape Pie IV . fon oncle , &
les Difcours des Affociés de la même Académie
; enfin deux autres Ouvrages défignés
, l'un fous le nom de Sylva Paftoralis
pou-
Clericalis ,feu de Officio Epifcopi & Sacerdotum
: l'autre , de Arte meditandi ; qu'on
ne pouvoit pas encore marquer au jufte le
nombre de volumes que formeroit toute
cette collection , mais que le Public
voit également compter & fur l'exactitude
& le foin des Editeurs , & fur leur diligence.
Le même Programme porte encore
qu'on a jugé à propos de publier cet avis ,
faire connoître aux Sçavans de quels
Ouvrages on occupe actuellement les preffes
de la nouvelle Imprimerie , & pour les
avertir en même tems qu'on les occupera
dans la fuite de ce qui refte de plus précieux
monumens anciens de la Bibliotheque
Ambrofienne.
pour
Jo. DIETERICI WINCKLERI S.
Theol.
JUIN. 1748 . tr
Theol. D. Hypomnemata Philologica & critica
in diverfa Scriptura facra ., tam veteris ,
quam novi Teftamenti loca . Accedit Mantiffa
gemina fimilis argumenti Differtationes exhibens.
Hamburgi , apud Chr . With. Brandt ,
1746 , in octavo. Deux volumes M. Winckler
tire des Auteurs profanes la plûpart
des explications qu'il donne dans
fon livre aux paffages de l'Ecriture fainte
qu ' entreprend d'éclaircir. L'addition
qu'il a mife à la fin , fous le nom de
Mantiffa , comprend deux Differtations
fort étendues ; la premiere a pour titre :
de Luca Evangelifta Medico ; la feconde :
de Philofophia Platonico Pythagorea fraudibus
, feu placitis erroneis , à Paulo atque Petro
improbatis , ac vitari juffis.
AVIS AU PUBLIC.
Dans l'intention où eft l'Académie Royale de
Chirurgie de faire imprimer inceffamment les Mémoires
qui ont gagné les Prix qu'elle a propofés
depuis fon établiffement & ceux qui ont eu des
Acceffit , on prie l'Auteur du Mémoire n°. 19 dont
la devife étoit , Sic vos non vobis mellificatis apes,
qui a concouru en 1734 pour le Prix fur la queftion
, Quels font , felon les differens cas , les avantages
les inconvéniens de l'usage des tentes & autres.
dilatans; & l'Auteur du Mémoire no. 14 , dont la
devife étoit , Un feul l'aura , qui a concouru c
I. Vol.
122 MERCURE DE FRANCE.
1735 , pour le prix fur le fujet : Déterminer dans
chaque genre de maladie Chirurgicale les cas où il
convient de panfer fréquemment & ceux où il convient
de panjer rarement , de vouloir bien envoyer
une copie nette de leurs Mémoires à M. Quefnay ,
Sécretaire de l'Académie , ou à M. Hévin , Sécretaire
pour les correfpondances , pour être inferés
dans le Recueil qu'on va donner au public.
L
ESTAMPES NOUVELLE S.
E fieur Moyreau , Graveur du Roi , vient de
mettre au jour un Wouvermens nº . 58 , intitu
Je le Port au foin . Il demeure rue faint Jacques à
la vieille Pofte , vis- à- vis la ruë du Plâtre .
M. Avetine , Graveur très- eftimé , demeurant
rue du Fouarre , vient de mettre en vente deux
belles Eftampes , L'une repréfente l'Enlevement
d'Europe. L'autre la Naiffance de Bacchus. Toutes
deux font d'après M, Boucher, On lit ces vers au bas
de la feconde , de M. Moraine.
Adftat Mercurius ; pede prompto accurrite Nympha ,
Quem tradit puerum fubridentem ore venufto ,
Accipite , ac fummo cuftodite à Jove natum.
Adveniet tempus fua quo nutrimina large
Solvet , prabebitque albo pro lacte liquorem
Purpureum , cunctos qui homines , fuperofque beabit.
En voici la traduction .
Venez , Nymphes , venez recevoir de Mercure
Cet Enfant qui foûrit d'un air fi gracieux :
J UIN.
123 1748 .
Confervez bien le fils du Souverain des Cieux :
Quelque jour il fçaura payer fa nourriture ,
Et donner pour fon lait un nectar précieux ,
Qui fera le bonheur des hommes & des Dieux.
·
Le Sieur Rigaud vient de mettre au jour huit
Vues de Paris , gravées & deffinées fur les lieux
d'environ 9 pouces de hauteur , fur 19 de largeur,
toutes de même grandeur ; c'eft une fuite d'autres
Maifons Royales qu'il a déja gravées & deffinées
fur les lieux . Il continuera la même fuite d'ouvrage
& en donnera au moins fix toutes les années ,
ce qui fera un recueil très- confidérable . Il demeure
rue S. Jacques.
Le Réveil de Vénus , premiere Cantate à voix
feule avec fymphonie , dédiée à Mad . laVidame de
Vaffé par M. de Montgaultier , gravée par lui - même.
Prix 48 fols . A Paris , chés l'Auteur , ruë des
deux Ecus , chés M. Ranté , Brodeur ; Madame
Boivin , rue S. Honoré , à la Regle d'or ; M. le
Clerc , rue du Roule , à la Croix d'or ; Mademoifelle
Caftagnery , rue des Prouvaires , à la Mufique
Royale.
Mademoiſelle Caftagnery , Marchande Papetiere
du Roi, fuivant la Cour , tient magafin de toutes
fortes de Mufique, & vend toutes fortes de Papiers ,
Plumes & Encres , dans la rue des Prouvaires, près
la rue S. Honoré , à la Mufique Royale . Le tout à
jufte prix.
F
124 MERCURE DE FRANCE.
NOUVEAU Projet de Soufcription pour
la fuite des Planches Anatomiques.
L
E fieur Gautier, ayant fatisfait aux engagemens
qu'il avoit contractés avec le public ,
délivre actuellement les cing dernieres piéces de la
Myologie complette de grandeur & de couleur
naturelle . Cette partie de l'Anatomie contient vingt
Planches avec leurs Tables explicatives.
Quelques perfonnes qui avoient formé une pareille
entrepriſe en Angleterre & dans ce Royaume
, ont eu le défagrément de n'y pas réüfhir , &
elles devoient bien s'y attendre , puifqu'elles ignoroient
le véritable fecret dont le fieur Gautier eft
l'unique poffeffeur , & dont la production d'un
auffi grand ouvrage exécuté fi promptement &
par lui feul , eft une preuve inconteftable . Malgré
T'accident imprévu qui en avoit caufé l'interruption
, il a été repris & continué , & il vient d'être
heureufement terminé fous la protection de M. le
Chancelier.
Le nombre des Planches dont cetteMyologie eft
compofée , n'auroit pû fuffire fi le fieur Gautier
n'avoit pas eu la précaution de renfermer les extrémités
fupérieures & inférieures dans les cinq
dernieres. Cette difpofition a été approuvée par
M. Duverney ; elle ménage la bourfe du public ,
& par fon moyen le prix total eft réduit à 60 liv.
pour les Soufcripteurs & à 90 liv. pour ceux qui
n'auront pas foufcrit. Tel eft préfentement le prix
de cet ouvrage , lorfqu'il eft en feuilles verniffées ,
& il fe vend 96 liv . relié en parchemin verd ; les
Planches de la tête avec les Tables font en grand
in-folio , & on peut mettre en double in -folio & lé
JUI N. 1748. 125
parément le tronc & les extrémités , afin d'éviter
d'en plier les Planches , qui font deux fois at
grandes que les premieres.
Cette partie de l'Anatomie eft abfolument néceffaire
aux Chirurgiens , aux Peintres, aux Sculp
teurs & en un mot à tous ceux qui s'adonnent à
l'étude du corps humain.
On a recherché dans cet ouvrage la beauté du
papier pour les Tables explicatives & la fineffe des
couleurs pour l'impreffion des Planches , & pour
donner une jufte dimenfion de toutes les parties du
corps humain , on a ajoûté une Table de comparailón
, dans laquelle on rapporte les mesures
qu'on a obfervées pour fe conformer aux figures
de l'Antiqué. Cette Table eft compofée de quatre
colonnes, la premiere fait voir les proportions
de cette Myologie ; la feconde offre les proportions
des figures les plus connues & les plus belles
de l'Antique ; la troifiéme démontre celle de l'Ecorché
de l'Académie Royale de Peinture & de
Sculpture , & la quatrième est tirée d'Albertdure
Elles font toutes réduites à la hauteur d'un hom
mé de cinq pieds fix pouces , & il eft aisé par cei
moyen de les parcourir avec la meſure dont on a
jugé à propos de fe fervir , & d'en faire ufage dans
Poccafion.
On affûre non -feulement ici avec raiſon , que
cette Myologie repréfente les objets au naturel ,
ce qui la met bien au-deffus de toutes celles qui
ont paru jufqu'à ce jour , mais on a droit de l'annoncer
comme la mieux proportionnée dans le détail,
la plus fidelle , & celle où l'on peut fuivre avec,
moins de confufion la direction des fibres , cependant
rien n'étant parfait dans le monde , &
quelque défaut ayant på s'y glifler fans qu'on s'en.
Leit apperçu , on recevra avec reconnoiflance &
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
avec plaifir les avis des fçavans ; on donnera même
à la fin de l'ouvrage un fupplément orné de leurs
remarques judicieufes & des noms de leurs Auteurs
; quant à la mauvaife critique , on ne s'arrêtera
point à la relever.
Maintenant on propofe une nouvelle Soufcription
la continuation de cet ouvrage , laquelpour
le paroîtra fous le titre d'Anatomie de la tête ; on
la donnera de grandeur & de couleur naturelle
en huit Planches , & on y démontrera le cerveau
fous differrentes coupes , la diftribution des vaiffeaux
qui parcourent toutes les parties de la tête ,
les organes des fens & une partie de la Névrologie
.
Ce fera la premiere divifion de la fuite de l'Anatomie
que l'on a fait efperer.
Conditions propofées.
L'oeuvre contiendra huit Planches avec leurs
Tables explicatives, de la grandeur de celles qu'on
a données & qui ſe diſtribuent à préſent pour la
Myologie de la tête,
On payera douze livres en foufcrivant 12 liv.
En recevant les trois premieres Planches ,
on payera auffi
"
Total de la foufcription ,
12 liv.
Tiv
24
On diftribuera les trois premieres Planches dans
le courant de Septembre prochain , & les cinq dernieres
dans le courant de Janvier 1749 .
Ceux qui n'auront pas fouferit avant la fin
d'Août , payeront les huit Planches 36 liv.
Après ces huit Planches , on eft dans le deffein de
donner l'Anatomie de l'eftomach , celle du bas ventre
celle des parties de la génération des deux fexes ,
ſuivant le même ordre qui a été gardé dans la MỹoJUI
N. 1748 . 127
logie . A lafin on donnera l'Anatomie des extrémités
pour l'Angiologie & la Névrologie , ¿c.
On fouferit & on diftribue les piéces de cet ouvrage
chés le fieur Gautier , Graveur du Roi , feul
pour les Planches Anatomiques , rue de la Harpe,
à main droite en entrant après la rue Poupée , à la
deuxième maiſon neuve , au fecond étage, où fera
fon Tableau, Chés M. Duverney , Démonftrateur
Royal , prés le Jardin du Roi. Chés Quillan , pere ,
Imprimeur-Jaré - Libraire de l'Univerfité , rue Galande
, près la Place Maubert
Nota. Les perfonnes qui ont déja pris cet ouvrage
& qui voudroni avoir les 20 Planches vernies , pourvont
s'adreffer an fieur Gautier , le prix eft de 7 livres
10 fols pour le verniffage ; on peut les vernir en feuilles
ou reliées , mais il eft à propos de les faire vernir
avant que de les relier. A l'égard des perfonnes qui demeurent
dans les provinces ou dans les païs étrangers
elles pourront écrire au fieur Gautier en affranchiffant
Le port des lettres , il leur enverra par écrit la façon
de les accommoder.
•
La veuve de Simon Bailly renouvelle au public
fes affûrances qu'elle continue de fabriquer les véritables
Savonettes légeres de pure crême de Savon
dont elle feule a le fecret. Comme plufieurs fe
mêlent de les contrefaire & les marquent comme
elle , pour n'être point trompé , il faut s'adreffer
chés elle rue Pavée S Sauveur , au bout de celle
du petit Lyon , à l'image S. Nicolas à une porte
cochere prefque vis à vis la rue Françoife , quartier
de la Comédie Italienne.
L'Effence Balfamique , ftomachique & anti- verminenfe
de M. de Pafturel continue à produire des
effets furprenans dans les obftructions , indigef
E iiij.
812 MERCURE DE FRANCE
tions , apoplexies , fièvres malignes , péripneumo
nies & principalement dans les diffenteries qui ré
fiftent aux remedes ordinaires & que cette Effence
guérit dans peu de jours ; nous avons rapporté
dans les Mercures précédens des lettres très- curieufes
de plufieurs Médecins & Chirurgiens des
Hôpitaux du Roi , qui font l'éloge de ce remede .
M. de Pafturel avertit qu'il demeurera le & Juil
let rue & vis- à-vis la grille des Blanc -manceaux , à
côté d'un Serrurier , entre la rue du Puits & la ruë
desSinges; on peut y envoyer à toutes les heures du
jour , les bouteilles font de trois prix differens , de
6, 12 & 24 livres. Ce remede eft incorruptible ,
préſerve du mauvais air , & eft un excellent vul
néraire pour toutes fortes de bleffures .
OPIAT PHILOSOPHIQUE..
Le Sr Mutelé du Chevalier,Chymifte Privilegié du
Roi,continue à faire connoître les progrès & vertus
de fon Opiat, fruit de trente années de travail ſur la
Magnefie. Ce remede purifie la maffe du fang à
un fi haut degré , en expulfant tout le vice & lui
donnant la circulation naturelle , qu'aucune mala
die ne peut réfifter contre , jufqu'au mal caduc, &
même les maladies vénériennes , c'eft un fondang
& un purgatif fi.épuré de tout fon terreftre , que
ce remede fe gliffe dans toutes les parties du corps
humain les plus fecrettes , diffout & chaffe toutes
humeurs fans aucune violence ; il convient à tous
les tempéramens , & on peut en faire ufage pour
les enfans à la mamelle. Il ne faut point prendrede
caffé ni de laitage tant qu'on fera ufage de l'O
piat . Il faut prendre deux bouillons après que ce
remede aura commencé à faire effet ; il fe prend
enveloppé dans du pain à chanter ou pomme cai
Į
J. U IN: 1748 .
120.
1
té , & un demi verre d'eau ou du thé par deſſus
pour le précipiter.
2
Ilguérit les paralyfies , apopléxies, pâles- couleurs,
pertes de fang , lait répandu , y auroit- il vingt ans,
rétentions d'urine , vapeurs ; même convulfives
-bile épanchée, fable & glaire dans les reins , fiftules .
àl'anus', fans ferremens , hémoroïdes , l'asthme ,
courte haleine , obſtructions , opilations , fquirre
abfcès , coliques , fiévres , chaffe les vers , fi gros
foient-ils , purifie le fang fcorbutique , guérit les
rhumatifmes gouteux , & généralement toutes les
maladies abandonnées,& pour la facilité du public,
il aura des boëtes de 3 , 6 , 12 & 24 liv . Celle de 3
livres fait deux prifes , & les grandes à proportion ,?.
les prifesfe prennent tous les matins , fi l'on veut,
jufqu'à parfaite guérifon & fuivant les caufes -dest
maladies ; fi les évacuations font fréquentes , ili
faudra laiffer un ou même deux jours d'intervalle
d'une prife à l'autre , & fuivre le bon jugement de
fon tempérament. Toutes les guérifons de chaquet
maladie differente qui étoient abandonnées, (e ver
ront chés l'Auteur , fur une pancarte , les expé
riences le confirmeront en tout de maladie
genre
Le feul Auteur de ce remede fait des envois dans
zoute l'étendue du Royaume , en lui écrivant àſon !
adreffe & en affranchiffant les lettres. Les envois
fe font
par la pofte ou par les grandesvoitures pu
bliques , en donnant avis à l'Auteur.
Il demeure grande cour S. Martin des Champs,
la porte cochere en entrant à droite. On le trouve
chés lui àtoute heure..
FV
130 MERCURE DE FRANCE.
AVIS AU PUBLIC.
A veuve du Sieur Bunon , Dentiſte des
Enfans de France , donne avis qu'elle.
débite journellement chés elle , rue Sainte
Avoye , au coin de la rue de Braque , chés
M. Georget , fon frere , Chirurgien , les
remédes de feu fon mari , dont elle a la
compofition & qu'elle a toujours préparés
elle-même ; fçavoir ,
1. Um Elixir anti fcorbutique qui raffermit
les dents , diffipe le gonflement &
l'inflammation des gencives , les fortifie ,
les fait recroître, diffipe & prévient toutes
les affections fcorbutiques & appaiſe la
douleur de dents .
2º. Une eau appellée Touveraine qui affermit
auffi les dents , rétablit les gencives,
en diffipe toutes les tumeurs , chancres &
boutons qui viennent auffi à la langue , à
F'intérieur des lévres & des joues , en fe
rinçant la bouche de quelques gouttes dans
de l'eau tous les jours ; elle la rend fraîche
& fans odeur, & en éloigne les corruptions ;
elle calme la douleur des dents .
3°. Un Opiate pour affermir & blanchir
les dents , diffiper le fang épais & groffier
des gencives , qui les rend tendres & mollaffes
& caufe de l'odeur à la bouche..
JUIN. 1743. 131
. Une poudre de Corail pour blanchir
les dents & les entretenir ; elle empê
che le limon ne fe forme en tartre &
que
qu'il ne corrompe les gencives , & elle les
conferve fermes & bonnes , de forte qu'elle
peut fuffire pour les perfonnes qui ont foin
de leurs dents , fans qu'il foit néceffaire de
les faire nettoyer. Les plus petites bouteil
les d'Elixir font d'une livre dix fols.
Les plus petites bouteilles d'Eau fouveraine
font d'une livre quatre fols , mais plus
grandes que celles de l'Elixir.
Les pots d'Opiate les plus petits font
d'une livre quatre fols.
Les boëtes de poudre de Corail font
d'une livre quatre fols.
On trouve auffi chés elle des racines
préparées& des éponges fines .
La veuve Bungn ofe affûrer que le public
fera auffi fatisfait de la bonté defdits remé
des , qu'il l'étoit du vivant de fon mari.
Fillion avertit le public qu'il fabrique
Tontes fortes de Chocolats , le vanille a
plufieurs prix , à quatre francs , cent fols
& fix frans la livre ; Piftaches fines & Paftilles
vanillées , Chocolat ambrẻ , Chocol
lat à la fleur d'orange , Chocolat fans fu
cre , Chocolat de fanté à quarante fols , a
trois & quatre francs la livre ; Pistaches
F vi
132 MERCURE DE FRANCE
fines & Paftilles de fanté. Il va auffi
le faire en ville , quand on lui fait l'hon
neur de le demander. Il fait auffi un
Chocolat naturel pour les perfonnes qui
font incommodées de la poitrine . Il demeure
dans l'Abbaye S. Germain des Prés,.
cour & ruë Abbatiale , à la Croix de Che--
valier ; il y a un tableau à fa fenêtre & une
enfeigne au coin de la rue , au premier
étage , à la premiere allée en entrant par
la cour. Le Chocolat eft marqué d'une:
Croix de Chevalier..
SPECTACLES...
Lfalle duLouvre le Jeudi 23. Mai , jour
E Concert Spirituel , exécuté dans la
buté par
de la fête folemnelle de l'Afcenfion , a dé
Quemadmodum , Moter à grand
choeur de M. de la Lande ; un concerto de:
M..Blavetia fuccedé ; fan jeu léger & bril .
lant a flaté les auditeurs. Enfuite on chan,
ta Quare fremuerunt Gentes , Motet à grand
choeur de M. dela Landė.M . l'Abbé le fils a
joué feul du violon & a été fort applaudi .
Il'excellent Motet Dominus-Regnavit de M..
Mondonville a terminé le Concert.
Lle: Dimanche, deux Juin ,, fère , de la
AS
LEX
AND
SMUNDATIONS
.
THEN
PUBLICA
FUIN. 1748 133
Pentecôte , le Concert Spirituel a exécuté
le Cantate Domino , Motet à grand choeur
de M. de la Lande: M. Blavet a joué un
concerto , qui a été fuivi d'In Exitu , nous
veau Motet Italien à grand choeur del Signor
Adelphati , Maître de Chapelle de
L'Eglife des Incurables à Venife. La France
lui a confirmé la réputation acquife eir.
Italie. Un concerto de M. l'Abbé le fils a
précédé le Bonum eft , Motet à grand choeur
de M. Mondonville , qui a terminé lo
Concert à la fatisfaction des auditeurs.-
Les Comédiens François ont donné une
Comédie intitulée la Péruvienne qui n'a
pas eu le même bonheur qu'ont obtenu les
Lettres qui ont enchanté tout Paris fous
ce nom
,
Les Comédiens. Italiens ont repréſenté
Les Bohemiens Comédie Italienne en
cinq Actes. Le fpectacle en eft amufant ;;
Faimable Camille y brille comme Actrice
& comme Danfeufe , & la petite Aftroi y
joue une Scéne Pantomime , qui eft fort
applaudie..
Le Samedi 18 , le Lundi 20 & le Same .
die25 Mai ; on exécuta en Concert chés
la Reine le Prologue & les cinq Actes de:
Opera de Scanderberg. Mlles Cheva
lier , de Selle , Matthieu & Godonnefche
134 MERCURE DE FRANCE.
en ont chanté les rôles , ainfi que Mrs Je
liotte , Benoît , Poirier & Godonnefche.
Le Lundi 27 , on chanta le Prologue &
l'Acte de l'Odorai , du Ballet des Sens.
Le Mercredi 29 , l'Acte du Toucher , dû
même Ballet.
Le Mercredis Juin , on exécuta l'Acte
de l'Onie , du même Ballet.
Le Lundi 10 , l'Acte de la Vûë , du même
Ballet. Mlles Matthieu , de Selle
Defchants , Fel & Guédon ont chanté les
rôles de ce Ballet , ainfi que Mrs le Page 3
Poirier , Dubourg & Bazire .
Le Vendredi 7 & le Samedi 8 , on exécuta
pendant la Meffe de leurs Majeftés
le Pleaune Dominus Regnavit , &c. Moter
de la compofition de M. l'Abbé Fanton ,
Maître de Musique de la Sainte Chapelle
de Paris.
JUIN. 1748. 135
FRANCE.
Nouvelles de la Cour de Paris , &e.
L
E Roi a nomméte Maréchal Duc de
Belle-Ifle , Pair de France.
On a appris que l'Impératrice, Reine de
Hongrie & de Boheme , avoit accedé aux
Articles Préliminaires de Paix , fignés a
Aix-la- Chapelle le 30 Avril dernier , &
que cette acceffion alloir être fuivie de
celle du Roi-de Sardaigne.
Le 29 du mois dernier , l'ouverture folemnelle
de l'Affemblée du Clergé de France
fe fit avec les cérémonies ordinaires.
dans l'Eglife des Grands Auguftins par la
Meffe du Saint Efprit , à laquelle les Prélats
& autres Députés , qui compofent
l'Affemblée , communierent . L'Archevêque
de Tours , Commandeur de l'Ordre
du Saint Efprit , y officia pontificalement ,
& le fermon fut prononcé par l'Evêque de
Troyes.
Le premier de ce mois , veille de la Fête
de la Pentecôte , le Roi & la Reine accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin , de
Madame la Dauphine & de Mefdames de
France , affifterent dans la Chapelle du
36- MERCURE DE FRANCE
Château aux premieres Vêpres qui furent,
chantées par la Mufique."
Le 2 , jour de la Fête , les Chevaliers ,
fés Commandeurs &-les Officiers de l'Or
dre du Saint Esprit , s'étant affemblés vers
les onze heures du matin dans le cabinet du
Roi , Sa Majefté fe rendit à la Chapelle
étant précédée de Monfeigneur le Dau
phin , du Duc de Chartres , du Prince de
Conty , du Prince de Dombes , du Comte
d'Eu , du Duc de Penthievre , & des Chevaliers
, Commandeurs & Officiers de
l'Ordre. Le Roi , devant lequel les deux
Huiffiers de la Chambre portoient leurs
Maffes , étoit en Manteau , le Çolier de
L'Ordre par deffus . Sa Majefté entendit la
grande Meffe , qui fut célébrée par l'Abbé
d'Harcourt , Commandeur de l'Ordre du
Saint Efprit , & chantée par la Mufique . La
Reine, Madame la Dauphine & Mefdames
de France entendirent la même Meffe dans
la- tribune.
L'après -midi Leurs Majeftés accompa
gnées de Monfeigneur le Dauphin , de
Madame la Dauphine & de Mefdames ,
affifterent au fermon de l'Abbé de Rolland
de Beri , Vicaire Général du Diocèfe
deToul, & enfuite aux Vêpres.chantées par
la Mufique..
Le Comte de Saint Severin d'Arragon eft
JUIN. 1748. 137
>
arrivéàVerfailles le 5 , pour rendre compte
au Roi du fuccès de fes négociations
& pour recevoir les inftructions & les
ordres de Sa Majefté , relativement aa
Traité définitif ,, que doivent conclure les
Puiffances qui ont pris part à la guerre.
On appris par les dernieres nouvelles
d'Aix-la - Chapelle , que le Roi de Sardai
gne & le Duc de Modene avoient accedé
aux Articles Préliminaires , fignés le 30 du
mois d'Avril dernier.
L'Affemblée générale du Clergé a élà
pour Préfidens l'Archevêque de Tours ,
l'Archevêque de Toulouſe , l'Archevêque
d'Embrun , l'Archevêque de Paris , l'Evêque
de Viviers , nommé à l'Evêché de
Montpellier , l'Evêque de Beauvais & l'E
vêque de Caftres. L'Abbé de Breteuil rem
plira les fonctions de Promoteur, & l'Abbé
de Nicolay celles de Secrétaire.
4 , Le les Prélats & autres Députés , qui
compofent cette Affemblée , allerent àVerfailles
rendre leurs refpects au Roi. Ils
s'affemblerent dans l'appartement du Châ
teau , qui leur avoit été deſtiné, & le Comte
de Maurepas , Miniftre & Secrétaire
d'Etat , étant venu les prendre pour les
préfenter à Sa Majefté , ils furent con
duits à l'Audience du Roi le Marpar
quis de Dreux , Grand-Maître des Cé
.
138 MERCURE DE FRANCE.
rémonies , avec les honneurs qui fe ren
dent au Clergé , lorfqu'il eft en Corps ,
les Gardes du Corps étant en haye fous les
armes dans leur fale , & les deux battans
des portes étant ouverts . L'Archevêque de
Tours complimenta Sa Majesté.
Ces Députés eurent le même jour Audience
de la Reine, deMonfeigneur le Dauphin
& de Madame la Dauphine.
Le 28 du mois dernier, Dom de la Maifon
Rouge a été élû Général de l'Ordre de
Grandmont.
Le 3 Juin pendant la Meffe du Roi , le
Cardinal de la Rochefoucault prêta ferment
de fidélité entre les mains de Sa Majeſté
.
La Reine communia le 9 par les mains de
l'Abbé de Sainte Hermine , fon Aumônier
en quartier.
Le 13 Fête du Saint Sacrement , le Roi
accompagné de Monfeigneur le Dauphin
de Madame la Dauphine , de Mefdames
de France & de fes principaux Officiers ,
fe rendit à l'Eglife de la Paroiffe où Sa
Majefté entendit la grande Meffe , après
avoir affifté à la Proceffion qui alla , ſuivant
P'ufage , à la Chapelle du Château. La
Reine , ne s'étant point rendue en même
rems que le Roi à la Paroiffe , reçut la Bénédiction
du Saint Sacrement dans la ChaJUI
N.
139 1748 :
pelle du Château , lorfque la Proceffion y
arriva , & enfuite elle conduifit la Proceffion
à la Paroiffe.
M. de Cremille , Maréchal Général des
Logis de l'Armée commandée par le Maréchal
Comte de Saxe , & le Marquis de
Guerchy,Colonel -Lieutenant duRégiment
d'Infanterie du Roi , ont été nommés
Lieutenans Généraux des Armées de SaMajeſté.
Le Roi a difpofé de la Charge de Meftre
de Camp Général de la Cavalerie en faveur
du Comte de Bethune , qui en étoit
Commiffaire Général , & l'agrément de
la Charge de Commiffaire Général a été
accordé par Sa Majefté au Marquis de
Caftries , Brigadier & Meftre de Camp-
Lieutenant du Régiment de Cavalerie du
Roi.
Sa Majefté a donné l'agrément de ce Régiment
au Comte de Gacé , Moufquetaire
de la premiere Compagnie.
Le 6 le Comte de Maurepas , Miniftre &
Secrétaire d'Etat ; M. d'Ormeffon & M.
Feydeau de Brou , Confeillers d'Etat ordinaires
& au Confeil Royal des Finances , &
M. de Machault , Controlleur Général des
Finances , Commiffaires du Roi , ferendirent
à l'Affemblée générale du Clergé , où
ils furent reçus avec les cérémonies ordi
$40 MERCURE DE FRANCE.
aires . Le Comte de Maurepas ayant fait
un Difcours, auquel l'Archevêque deTours
répondit au nom de l'Affemblée , les Commiffaires
du Roi demanderent de la part de
Sa Majefté un fecours qui a été unas
nimement accordé.
Le Comte de Saint Severin , Miniftre
Plénipotentiaire du Roi aux Conférences
pour la Paix , eft parti le 15 pour retourner
à Aix-la-Chapelle.
Les Religieux Bénédictins de la Congrégation
de Saint Maur , dans le Chapitre
Général qu'ils ont , tenu à Marmoutiers,
ont élû une quatrième fois Dom René
Laneau , pour Supérieur Général de leur
Congrégation .
On a appris par les dernieres nouvelles
de l'Ifle de Corle , que
que les troupes Allemandes
& Piedmontoifés , qui fecondées
d'un Corps confidérable de Rebelles , commandé
par les nommés Gafforio & Matra
avoient formé le 15 du mois dernier l'inveſtiſſement
de la Baftie en ont levé le
Siége . Le 24 le Chevalier de Cumiana ,
fous les ordres duquel étoient ces troupes ,
avoit fait offrir à M. Jean -Ange Spinola ,.
qui commande dans la Ville , une Capitu
lation honorable ; & en cas de refus , il l'avoit
menacé de traiter la garnifon &les habicans
à la derniere rigueur , ne lui donJUIN.
1748. 141
nanr que trois heures pour fe déterminer
mais M. Spinola fit réponse à cette fommation
, qu'il ne pouvoit rendre la Place qu'à
la Puiffance qui la lui avoit confiée , &
qu'il le défendroit jufqu'à l'extrémité. Les
Affiégeans avoient établi plufieurs batteries
de mortiers , & trois autres batteries ,
chacune de quatre canons de dix -huit livres
de balle , & la Ville a effuyé plus de
trois cent bombes & de douze cent coups.
de canon. Il feroit difficile d'exprimer l'ardeur
avec laquelle les habitans ont contribué
à la défenfe de la Place . Les foldats de
la garniſon ont donné des marques d'une
valeur extraordinaire , & l'on doit les plus
grands éloges à l'infatigable activité que
les Officiers ont montrée pendant toute la
durée du Siége . Parmi ces derniers , M.
Pedemonte , Lieutenant-Colonel au fervice
de France , & que le Duc de Richelieu
avoit envoyé à la Baftie , pour lui ren
dre compte de l'état de la Ville, s'eft extré
mement diftingué. On ne peut furtout affés
louer la conduite & l'intrépidité de M. Spinola
, Commandant de la garnifon , lequel
s'étant trouvé preſque dépourvû de munitions
de bouche & de guerre , pendant
-les neuf premiers jours que la Capitale de
la Corfe a été affiégée , & ayant été réduir
à fe fervir de la vaiffelle d'étaim & du
142 MERCURE DE FRANCE.
plomb des canaux , pour faire des balles
, a cependant trouvé le moyen de conferver
à la République de Genes cette Place
importante.
BENEFICES DONNE'S.
E Roi a accordé l'Abbaye de Saint
LERona,accorde baint Benal
,
Diocefe de Poitiers , à l'Abbé de Saint
Severin , frere du Comte de Saint Severin,
Miniftre Plénipotentiaire du Roi aux Conférences
d'Aix - la Chapelle .
L'Abbaye Réguliere de Saint Sulpice ,
Ordre de Câteaux , Diocefe de Bellay ,
à Dom de Saint Auran , Religieux de cet
Ordre.
Celle de Saint Saens , même Ordre ,
Dioceſe de Rouen , à Madame de Limoges.
Čelle de la Blanche lez- Mortain , même
Ordre , Dioceſe d'Avranches , à Madame
Geraldin , Religieufe de l'Ordre de Saint
Benoît.
Le Prieuré de Laval , Dioceſe du Mans,
à l'Abbé de Marfangy.
D'Aix-la-Chapelle , le 31 May.
Quelques jours avant le départ du Comte
de Saint Severin pour Paris , il fe tint
chés ce Miniftre une conférence , dans laJUIN.
143 1748.
quelle on régla certaines difficultés qui regardoient
l'acceffion de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Boheme aux Articles
Préliminaires. Le 27 le Comte de Kau
nitz conféra encore long - tems avec le
Comte de Saint Severin , & le lendemain
il accéda de la part de fa Cour , à tout ce
dont font convenus les Miniftres Plénipotentiaires
de France , d'Angleterre & des
Provinces-Unies. M. d'Ammon s'eft rendu
ici , & l'on croit qu'il affiftera au Congrès
avec caractere de Miniftre Plénipotentiaire
du Roi de Pruffe.
Le 15 Mai les Penfionnaires du Col
lége de Louis le Grand donnerent avec
l'applaudiffement du public le fpectacle
de leur petite Tragédie. Le fujet de la piéce
, qu'on y a jouée , eft l'Ecole des jeunes
militaires , Comédie en cinq Actes & en
vers. Le P. Durivet, Jéfuite , en eft l'Auteur.
On n'a peut-être jamais repréſenté dans un
Collégé une piéce qui le fentit moins,
La guerre en a fourni le fujet , & ce Pere
l'a faifi avec cette jufteffe d'efprit qui lui
eft naturelle . Son but a été de donner une
leçon auffi agréable qu'utile aux jeunes
gens , deſtinés au militaire. On peut dire
que cette Comédie renferme une critique
fine , & une peinture fidelle des moeurs de
$ 44 MERCURE DE FRANCE.
›
ce fiècle . L'Auteur parcourt fucceffivement
les divers ridicules dans lefquels la jeuneffe
peut donner , & donne en effet quelquefois
au fervice.
Pourvû d'un Régiment qu'il vient d'obtenir
, le jeune Damis fe livre tout entier
aux foins de fon équipage.Il néglige les devoirs
les plus effentiels , facrifie les occupations
les plus importantes de fon état , pour
ne fonger qu'aux préparatifs de fa campagne
; fes tentes , fes chevaux , fes mulets ,fa
table , font les feuls objets qui attirent ſon
attention. Il ne veut point furtout être
dans le cas de manger jamais froid à l'armée
, & il imagine des fourgons d'une méchanique
finguliere , pour prévenir une fi
monftrueufe indécence. Il trouve fort fingulier
qu'un militaire veuille apprendre
fon métier par théorie. Notre arts
dit-il ,
Par l'ufage s'apprend ;
On fert à droite, à gauche, on s'inftruit en courant.
Il ne juge du mérite d'un Officier , que
par le plus ou le moins de dépense qu'il
peut faire au fervice . La bravoure & de
glorieufes bleffures , font auprès de lui des
titres fuperflus fi l'on n'y joint affés de
fortune , pour figurer encore avec avantage
: les affaires même de fon Régiment ,
qui
JUIN 1748. 145
rapport
(
qui demandent quelque application de fa
part , il les regarde comme étrangeres par
à lui . En un mot , il n'eft point fait
pour le détail ; c'eft au Major d'y pourvoir.
En récompenfe , il aura un équipage lefte
& galant , une table délicate; on y mangera
toujours chaud , & on fervira des glaces
en abondance à la tranchée.
Tels font à peu près les ridicules , qui occupent
la fcéne durant cinq Actes. L'Auteur
a fçû les enchaîner dans uneFable théa
trale , qui les amene avec vraiſemblance
en même tems qu'elle intéreffe le coeur par
des fituations attendriffantes .
*
On fent que l'Auteur connoît le monde,
qu'il nele voit que pour l'étudier , & qu'il
ne l'étudie que pour le peindre. Cette
piéce eft très-bien écrite , les caracteres
foutenus , le vers élégant & naturel , le
ftyle aifé , la plaifanterie noble , le dialogue
léger. Le Pere Durivet s'eft fait connoître
de bonne heure par des Ouvrages d'efprit
& de goût , entre autres par des Poëfies
latines & des Traductions françoifes ,
dont on peut voir l'éloge & le précis dans
les Obfervations du feu Abbé des Fontaines.
On fe rappelle avec plaifir le Diffipa
teur , Comédie en vers que notre Auteur
mit fur la fcéne , il y a deux ans,
L'Ecole des jeunes militaires juftifie fes
1. Vol G
146 MERCURE DE FRANCE.
fuccès paffés , & en promet de nouveaux.
Cette pièce a été fuivie d'un divertiffement
intitulé , le retour du Printems ou l'ouverture
de la Campagne ; les paroles font du
même Auteur que la piéce ; il a réuffi également
dans deux genres de Poëfie , tout-à
fait oppofés . La Mufique eft de M. Clérambault
pere ; cet homme célebre dans fon
art , dont les Cantates font au-deffus de
tous les éloges , & ne craignent aucune
comparaifon , a parfaitement rempli ce que
le Public attendoit de fon talent. On a admiré
dans fes récits une fimplicité noble &
majestueufe , dans fes choeurs une connoiffance
profonde , mais judicieuſe , de la
belle harmonie , dans fes airs tout le gra.
cieux , toute la légereté dont les paroles
étoient fufceptibles , par- tout un chant naturel
, & un caractere fenfible de vérité
dans l'expreffion , talent qui décide le
génie , & que le travail feul ne donne pas.
Le Courier d'Avignon , qui fe pique de
parler vrai , a reçû de faux Mémoires au
fujet de cette Comédie ; nous fommes fâchés
qu'il ait été mal fervi , & quelque
louable que foit fon empreffement , pour
en faire part au public , nous ne pouvons
lui fçavoir gré , de l'avoir ainfi défigurée , fi
mal analyfée , & d'avoir confondu le divertiffement
avec la pièce.
JUIN. 1748. 147
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
A M. Titon du Tillet , Auteur du Parnaffe
François , exécuté en bronze , Honoraireou
Affocié des neuf Académies Royales de
la Rochelle , de Marfeille , des Jeux Floraux
de Toulouse , de Lyan , de Bordeaux ,
de Caen , de Rouen , de Montauban &
d'Angers , par M. de Lalonde , de l'Académie
Royale des Belles-Lettres de Caën.
L'AMOUR DES BEAUX-ARTS ,
O DE.
Vous dont la ftupide indolence
Méprife toujours les Beaux - Arts ,
Sortez de votre indifference ,
"Jettez fur eux quelques regards ;
De la Mufe Françoiſe admirez l'harmonie ;
Admirez ces Sçavans , dont le vafte génie
Surprit , enchanta l'Univers.
Jaloux de célebrer leur mérite , leur gloire
Je vais au Temple de Mémoire
Confacrer leurs noms dans mes vers.
**
Pourrai -je vous revoir encore ,
Jours fortunés ,jours précieux ,
Gij
148 MERCURE DE FRANCE
Où Melpomene & Terpficore
Formoient des fons fi gracieux ?
Beaux-Arts,raflûrez vous; ces tems vont reparoître;
Lovis eft généreux , Louis fçait vous connoître ,
Louis feconde vos fouhaits .
Qu'à chanter ce Héros la gloire vous anime ;
Si vous méritez ſon eſtime ,
Vous mériterez fes bienfaits.
XXX
On m'entend , & fur le Parnaſſe
L'Amour vôle avec les plaifirs ;
On vient , on s'empreſſe , on s'y place ;
Louis répond à mes défirs
Couronné de lauriers le maître de la lyre ,
Apollon me fait part de fon divin délire ;
*
Quels fons , quels raviffans accords !
Arrête , Dieu puiffant ; ta docte frénéfie
Me charme , & mon ame ſaiſie
Ne peut retenir les tranſports,
**
D'Anteurs quel célébre cortége
Vient entourer le Mont facré !
* Sur le Parnaffe en bronze de M. Titon du Tillet
Apollon paroit au sommet , couronné de lauriers ,
souchant les cordes de fa lyre.
JUIN.
1748. 149
De la Mufe qui le protége
Chacun occupe le degré ;
Racan , Quinault , Segrais , Boileau , Rouffeau ;
Corneille ,
Efprits rares , divins , des fiécles la merveille ,
Qui ne vous reconnoîtroit pas ?
La Suze , Scuderi , vous tendre des Houlieres ,
Je vous vois marcher les premieres ;
Les Graces vous cedent le pas.
Ombres doctes & lumineuses ,
Votre éclat nous fert de flambeau ;
Vous bravez les loix rigoureufes
Et du Deftin & du tombeau.
Malherbe , Sarazin , la Fontaine , Moliere ,
Racine, Houdart , Chapelle , Huet , la Sabliere
Santeuil .... & tant d'autres encor ;
Ah ! fi votre mérite a frappé nos ancêtres ,
Vous êtes aujourd'hui nos maîtres ;
Sur vous nous regions notre effor.
Attachons-nous à ces modèles ,
Sans jamais nous en féparer ;
Soyons leurs difciples fidéles ,
Avec eux peut- on s'égarer ?
Ces grands imitateurs d'Homere & de Virgile ;
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
D'Horace , de Ménandre & de Plaute & d'Efchile;
Dans peu devinrent leurs rivaux .
'Affûrés du fuccès , que rien ne vous étonne ;
Songeons qu'une même couronne
x
Sera le prix de nos travaux.
***
Qu'on vante le fçavoir antique
De ces Auteurs Grecs & Romains ;
Le ſtyle orné , le fel attique
A paffé chés nos Ecrivains .
Partiſan du vrai beau , je rendrai mes hommages
A ces morceaux finis , ces précieux ouvrages
Que le tems ne peut effacer ,
Mais malgré le brillant de ces Aftres du monde ;
Je fçais qu'en miracles féconde
La France peut les furpaffer.
Ouvrez-vous , fuperbes portiques ;
Jadis le féjour de nos Rois ,
Et vous Temples Académiques ,
Parlez , répondez à ma voix.
Ici * * de l'Univers on connoît la ſtructure ;
* Le Louvre. Louis XIV. en a accordé pluſieurs
Salles aux Académies pour y tenir leurs féances fur
quoi a étéfrappée une Médaille avec cette Légende =
Apollo Palatinus.
** Académie des Sciences.
2
JUI N. 1748 .
ISI
Ces merveilleux refforts , fecret de la nature ,
Y font à l'inftant découverts ;
Là (a) du plus pur langage on fent la politeffe ;
De ce goût fin , plein de nobleffe ,
Tous les tréfors nous font ouverts .
De Caffini le Téleſcope , ( b )
Au Ciel n'apperçoit rien d'obfcur ,
Et le fidéle Microſcope (c)
Ne trompe jamais Réaumur.
Juffieu par les fecours d'une exacte Phyfique (d)
Diffecte chaque plante , & de la Botanique
Dépeint le méchanifme entier ;
L'ingénieux Nollet par fos expériences ( e )
Nous prépare pour les ſciences
Un für & facile fentier.
+3
De nos Zeuxis , de nos Apelles , (f)
Venez admirer les leçons ;
Les Phidias , les Praxitelles ,
›
Le cédent à nos Girardons .
(a ) L' Académie Françoife.
(b) L'Obfervatoire.
(c) La Phyfique expérimentale.
(d) La Botanique.
(e) Expériences de Phyfique.
(f) L'Académie de Peinture & de Sculpture.
Giiij
152 MERCURE DE FRANC .
Mais que vois je paroître , & par quelle merveil
Un Spectacle pompeux , qui ravit mon oreille ,
Vient enchanter tous mes fens ?
Lully,Campra, Rameau , Marais, Mouret, Collaffe,
Accourez remplir votre place ;
Tout céde à vos divins accents ,
***
J'entends la Mufe qui m'appelle ;
Peu contente de mon travail ,
Comment ofes- tu , me dit- elle ,
Tenter un fi noble détail
Epargne- toi le foin de nommer ces grands Hom→
mes ;
Eh quoi ! ne fçais- tu pas que le fiécle où nous
fommes ,
Lui-même a fçû te prévenir ;
Que leurs noms , leurs écrits , leurs ouvrages cé
lébres ,
Perçant les plus noires ténébres ,
Iront étonner l'avenir ?
Apprends que la France foigneufe
D'illuftrer ces fameux mortels ,
Fait à leur cendre précieuſe
Chaque jour dreffer des Autels.
* L'Opéra ou l'Académie de Muſiques
JUIN.
153 1748.
Promene tes regards fur ce riche porphyre ;
Vois ces nombreux tombeaux , ceft – là
peux lire *
Les éloges qui leur font dûs ;
que tu
C'eft-là que pour marquer fes foins & fon ef
time ,
Fume cet encens légitime "
Qu'elle fçait donner aux vertus,
Epoques fûres de l'Hiftoire , **
Monumens qui frappez nos yeux ,
Qui fervez à prouver la gloire
De nos fublimes demi- Dieux ,
Ce vieillard dont le vol nous femble ſi rapide ,
Le Tems dur & cruel , dont la faulx homicide
Moiffonne , abbat ce qu'il produit ,
Ce tems vous fauverà de la nuit la plus fombre
Sans vous mettre jamais du nombre
De tout ce que fon bras détruit.
Les Epitaphes & Inferiptions lapidaires.
** Les Médaillons des Sçavans que M. Titon du
Tillet afait exécuter en bronze,
Gy
154 MERCURE
DE FRANCE.
Refpectons ces nobles images ,
Titres de l'immortalité , *
Et que le registre des âges
Les montre à la pofterité.
Pour toi , cher du Tillet , favori de Minerve ,
Dont le bronze admirable à jamais nous conferve
Les traits divins de nos Sçavans ,
Comme un autre Thiton , puifle ta renommée
Dans le vaſte Univers femée ,
Vivre encore au-delà des tems !
Le Parnaffe François , exécuté en bronze , fur
lequel nos plus grands Poêtes & nos plus fameux
Muficiens paroiffent très- reſſemblans en figurés enpied
en Médaillons.
LETTRE à M. le Blanc , Démonftrateur
Royal à Orléans .
A
Dieu ne plaife , Monfieur , que j'accufe
M. Louis d'avoir copié ni mes
inftrumens ni ma méthode pour la taille des
femmes . Quoique je n'aye pas l'honneur de
le connoître , il fuffit que je le fçache
homme deLettres & diftingué dans fon Art,
pour le croire incapable d'un tel plagiat ;
mais j'ai foupçonné que M. Louis ayant fait
de fon côté cette découverte , il auroit crûJUIN.
1748. 155
pouvoir la publier , fans faire aucune mention
de la mienne , quoiqu'il en eut entendu
parler. J'avois lien de le croire, parce
que Mrs de l'Académie des Sciences en
étoient informés ; grand nombre d'étrangers
m'avoient vû opérer , ou en étoient inf
truits par mes correfpondances : je fus enco
re plus porté à croire que M. Louis n'ignoroit
pas ma découverte , quand je me fuis
fouvenu que dans une lettre adreffée à M.
Gunz , Profeffeur à Leypfic , & publiée
dans le Journal de Verdun , mois d'Août
1742 , j'avois annoncé , à l'occafion de
mon gorgeret pour les hommes , celui que
j'avois auffi imaginé pour tailler les femmes
à l'appareil latéral , comme les hommes
, c'eft-a- dire , par un débridement latéral
du cou de la veffie . Je n'avois pas de
peine à me perfuader que toutes ces notions
n'auroient pas mérité l'attention de
M. Louis , quelque délicat qu'il fut natu
rellement fur cet article ; c'eſt l'effet affés or
dinaire du malheur attaché aux productions
des Provinces.
Quoiqu'il en foit , Monfieur , vous penfez
que fon inftrument eft nouveau , fa mé
thode de taillerles femmes rectifiée
foins , préférable à la mienne.
chacun de ces points .
par vost
Examinons
AG
‚\Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
L'inftrument de M. Louis , foit tel qu'il
l'a d'abord imaginé , foit rectifié par vous,
Monfieur , eft compofé effentiellement
d'une fonde crenelée ou à languette , pour
diriger les tenettes dans la vellie , & d'une
lame qui ouvre ou débride le cou de ce vifccre
avant que de paffer les tenettes; & c'est
dans ces deux inftrumens réunis en un feul,
que vous faites confifter l'avantage de la
découverte de M. Louis , fur celle que je
vous ai communiquée , laquelle confifte
en un gorgeret , terminé par une fonde
crenelée , & un uretro- ciftitome féparé du
gorgeret.
J'ofe penfer , Monfieur , que cet avantage
de l'inftrument de M. Louis , n'eft pas
à beaucoup près tel que vous le préfumez ,
mais en le fuppofant réel , cet avantage ,
la découverte n'en appartiendroit pas encore
à M. Louis. Lifez , s'il vous plaît ,
Monfieur , la lettre du Journal de Verdun,
mois d'Août 1742 , que je viens de citer
tout-à-l'heure , vous y trouverez ce qui
fuit.
» Mon gorgeret pour les hommes ne
» differe du gorgeret ordinaire , qu'en ce
que la langueite eft plus courte & plus pe-.
tite. Je dis gorgeret pour les hommes ,
» parce que j'en ai inventé un particulier
pour tailler les femmes latéralement, mais
JUIN. 1748. * ST
il n'eft pas queftion ici de cette taille. Fai
> même imaginé depuis peu un autre gorge
ret qui a à fa partie convexe une lame mo
bile qui fait le débridement néceffaire &
dans les femmes & dans l'appareil latéral
des hommes,fans qu'on foit obligé de ſe ſer
vir d'autres inftrumens. Voilà, M. les deux
inftrumens pour la taille des femmes réunis
en un feul. Ya-t-il un feul avantage de l'inftrument
de M. Louis, même rectifié, qui ne
fe trouve dans celui- ci ; & même les avantages
fi connus du gorgeret fur toutes les autres
efpeces de conducteurs ne donnentils
pas encore la fupériorité à mon inftrument
fur celui de M. Louis : Vous obferverez
, Monfieur ; que ma lettre eft écrite
du 10 Juin 1742 , & que le Mémoire de
M. Louis a été lût à l'Académie le 7 Juini
1746 , c'est-à-dire , quatre ans après. Il eſt
un peu furprenant que dans une Académie
auffi nombreufe il ne fe foit trouvé perfonne
qui ait lû le Journal de Verdun du
mois d'Août 1742 , ou qui s'en foit fouvenu.
Cependant une fingularité n'eſt pas
une impoffibilité , & je croirai , dès que
vous me l'affûrerez , que cet endroit étoit
totalement inconnu à ces Meffieurs , &
même à M. Louis . Toujours demeureroitil
pour conftant que l'invention eft route à }
18 MERCURE DE FRANCE .
moi , & que je fuis en droit de la reven
diquer.
Mais me direz -vous , d'où vient ne
m'avez - vous pas envoyé ce dernier gorgeret
armé d'une lame tranchante , plutôt
que les deux inftrumens féparés que vous
m'avez adreffés ? Eft -ce que vous auriez
abandonné cet inftrument compofé ? Oui ,
Monfieur , je l'ai abandonné , & les raifons
que j'en ai eû , font les mêmes qui
me font penfer que l'inftrument de M.
Louis , tout perfectionné qu'il eft par vous,
c'est- à-dire ramené au méchanifme du
mien , eft moins avantageux que mes deux
inftrumens féparés .
,
Le principe fur lequel vous fondez l'a
vantage de l'inftrument perfectionné de M.
Louis , eft que .....
La multiplication des inftrumens allonge une
opération .
Prenez garde , Monfieur , que cet axiome
eft fouvent faux . Je conviens qu'une multiplication
d'inftrumens , qui allonge une
opération , eft un défaut , & qu'on doit
rejetter la méthode , à moins que ce défaut
même ne foir compenfé par d'autres
avantages , mais faites attention qu'on '
peut opérer avec deux inftrumens à la fois ,
dans le même inftant , & cela parce que
JUIN. 1748. 159
nous avons deux mains , & alors vous
yoyez bien que cette multiplication d'inftrumens
n'allonge point du tout l'opération.
Dans ma taille des femmes , je tiens
le gorgeret de la main gauche, & l'uretroçiftitome
de la droite , j'introduis d'une
main le bout crenelé du gorgeret, & de l'au
tre avec l'uretro- ciftitome pouffé fur cette
crenelure , je débride le cou de la veffie ;
tout cela fe fait dans les mêmes inftans ,
dans les mêmes mefures de tems que votre
opération. Refte à préfent à fçavoir
lequel des deux eft plus avantageux , de débrider
avec une lame attachée à un inftru
ment affés compofé , ou avec une lame
que la main même conduit. Je préfume ,
Monfieur , que les Praticiens préfereront
toujours ce dernier parti ; il y auroit bien
des raifons pour les appuyer , mais l'expérience
eft plus parlante ; les Praticiens
font plus sûrs des coups que leurs mains
dirigent immédiatement › que de ceux
que produifent des refforts ou des machines.
Pour emprunter quelques exemples des
autres Arts , y avoit-il rien de plus brillant
, de plus expéditif que cet inftrument
, qui d'un feul coup vous donnoit
une plume toute taillée , & très- régulie
160 MERCURE DE FRANCE.
rement taillée ? Néanmoins quelqu'un s'a
vife-t- il de s'en fervir ? Non , l'ancien &
fimple canif eft toujours refté en ufage .
L'invention eft tombée,par cela feul qu'elle
eft une machine & qu'un fimple petit
tranchant avec quelques fecondes de plus ,
fait la même chofe , & le fait au gré de celui
qui s'en fert. Que dirions- nous , Monfieur
, d'un Méchanicien qui nous donneroit
comme une invention extrémement
utile , un inftrument qui renfermeroit à la
fois les ufages de la fourchette & du coureau
, enforte que d'une feule main nous
pourrions couper notre viande & la porter
à la bouche ? Cet inftrument feroit ingénieux
, admirable , fi vous voulez , mais
à quoi bon , je vous prie ? A me donner la
facilité de manger d'une main & d'avoir
F'autre dans ma poche ? C'eft-là précifément
le ridicule du gorgeret uretro -ciftitome
que j'ai abandonné , & de la plupart
des machines qui réuniffent deux inftrumens
deftinés pour les deux mains . Les
machines peuvent fans doute être très utiles,
mais il faut , comme vous le dites fort
bien , Monfieur , ou qu'elles nous abrégent
le tems & les douleurs , ou qu'elles
faffent les chofes mieux que nos mains
fans quoi ce n'est qu'un pur étalage de
JUI N. 1748. 161
vanité. C'eft ce qu'Hyppocrate a fort bien
exprimé dans fon Traité des Luxations ,
où il fronde la manie d'inventer les machines
de fimple apparat, déja en vogue de fon
tems.
*
Vous avez fort bien fait , Monfieur
de fupprimer un des tranchans de l'inftrument
de M. Louis , & je ne doute pas
que par la fuite vous n'en faffiez autant
de la canule , inftrument totalement inutile
aux femmes , inftrument d'ailleurs nuifible
à tous égards , & très propre à exci
ter des fuppurations mortelles , ou au moins
des fiftules , des incontinences d'urine ;
vous l'avez déja éprouvé dans le cas de la
double incifion de M. Louis ; vous n'avez
fait que diminuer les inconvéniens , en ne
faifant plus qu'une incifion , comme dans
ma méthode la canule fera moins de dégåt
, mais elle en fera toujours , & qui
pourra jamais l'empêcher au moindre mouvement
de divaguer dans l'incifion & de
l'irriter Vous avez fenti les inconvéniens
de l'obturamentum vagina Virginum ;
Turpe autem eft , cum in omni Arte , tum verò
in Arte medendi vel maxime , poft multum exhibitum
negotium , multum apparatum , multamque de fe
excitare opinionem , tandemque nihil opis adferre,
Hippoc. Fali in-fol. p. 809.
162 MERCURE DEFRANCE .
vous avez déja été obligé d'abandonner
celui de M. Louis pour les autres femmes
; l'expérience vous dégoûtera auffi
bien-tôt du vôtre , comme parfaitement
inutile au but que vous vous propofez , fi
même il n'y eft pas nuifible. Les femmes
que j'ai taillées latéralement fans ce tampónement
, ont guéri en très-peu de jours . Je
tirai en 1738 à la nommée Magdeleine le
Marchand , âgée de vingt-deux ans , une
pierre des plus groffes ; elle fut parfaitement
guérie en dix jours ; celles qui ont
eû des pierres plus petites ont guéri en
moins de tems , mais en voici une dont la
prompte guérifon vous furprendra , parce
qu'en effet elle eft unique. Matiele Comte
Biepdai près de Rouen , eut une pierre
de moyenne groffeur , Au bout de trois
heures elle retint fon urine & ne la rendit
que volontairement. Je crus que c'étoit
l'effet affés ordinaire du gonflement
inflammatoire qui furvient fouvent après
l'opération , & que la fuppuration auroit
bien- tôt relâché ces parties & r'ouvert la
playe. Je me trompois ; il ne vint aucune
fuppuration . Marie le Comte fit à fon ordinaire
toutes les fonctions de cer organe,
& ennuyée au lit où on la retenoit malgré
elle en bonne fanté , elle fe leva le
JUI N. 1748. 163
troifiéme jour & n'eut aucun accident.
J'ofe vous répondre que fi cette taillée
avoit eû canaliculum in uretro & obturamentum
in vagina , ce bonheur ne lui feroit
arrivé.
pas
Cependant , Monfieur , quelque perfection
que nous ayons donnée à cette
opération , en y tranfportant les avantages
de la taille latérale des hommes , il ne
faut pas fe flater qu'elle foit , non plus
que celle- ci , abfolument exempte des incontinences
d'urine ni même de la mort ,
quoique ce dernier accident foit très - rare.
J'ai vu arriver l'un & l'autre, dans le cas de
pierres extrémement groffes , fituées dans
ades organes d'une grande petiteffe , comme
à un enfant de quatre ans , car notre débridement
, Monfieur , n'exclud pas l'allongement
des fibres , & dans le cas précédent
un grand déchirement. Que ne
faites-vous l'incifion grande affés , me direz-
vous ? je m'en garderai bien ; je n'ai
qu'un trop grand nombre d'expériences
qui prouvent que les grandes playes au
corps de la veffie font prefque toujours
mortelles , & que l'allongement de fes fibres
, leur déchirement même ménagé ,
eft préférable aux grandes incifions
peut-être même aux incifions tout court. Si
>
&
164 MERCURE DE FRANCE.
vous en doutiez, j'aurois affés de preuves de
faits & de raifonnemens pour en remplir
une lettre.
Toutes ces réflexions , Monfieur , n'empêchent
pas que je ne vous fois très - fincerement
obligé de l'élégante figure de votre
inftrument , que vous avez bien voulu
m'envoyer , auffi bien que de toutes les
chofes obligeantes que contient votre lettre.
Je ne laifferai échapper aucune occafion
de m'en revencher , & de mériter la
correfpondance d'un Chirurgien auffi zelé,
auffi ingénieux & auffi laborieux que vous
me paroiffez l'être .
N'avez-vous point vû , Monfieur , les
inftrumens que j'ai inventés pour la taille
au haut appareil , & avec lefquels j'ai fait
heureufement cette taille en 1742 , &
quelques autres les années fuivantes , dans
le cas de très-groffes pierres ? Par cette méthode
la pierre & les tenettes ne touchent
point du tout à la playe , mais elles paffent
entre des inftrumens qui en foutiennent &
écartent les lévres .
Vous connoiffez ceux avec lefquels je
raille latéralement les hommes , mais vous
ignorez peut-être une derniere perfection
que j'y ai ajoutée l'année derniere . Une
feule chofe dans ma méthode pouvoit emJUIN
1748. 165
barraffer ceux qui ne feroient pas fort exercés
avec mes inftrumens , c'eft que le ciftitome
après avoir débridé le cou de la veſſie,
& en revenant vers l'opérateur , échappoit
quelquefois de la crenelure ; quoique
ceci foit fans danger , il obligeoit à retrouver
cette crenelure , & redonnoit à
ma méthode les inconvéniens que j'ai fauvés
par les crenelures. Pour remédier à ce
défaut , j'ai fait ajouter à l'extrémité du
ciftitome qui entre dans la crenelure de la
fonde , une petite lame tranfverfale ou
en croix ; cette petite traverfe coule dans
deux efpeces de galeries creufées dans les
côtés de la crenelure de la fonde ; ces galeries
fe font en rabattant un peu en dedans
les lévres de cette crenelure , excepté
à l'endroit de la fonde , qui répond à l'incifion
où la crenelure évafée à l'ordinaire,
reçoit cette traverſe , qui de- là entre dans
les galeries , & ne permet plus à l'inftrument
de s'échapper de la crenelure , que
quand fon extrémité eft ramenée à la premiere
incifion.
... M. Guattani . ..Chirurgien de l'Hôpital
du Saint Efprit de Rome , & quelques
Freres de la Charité, venus à ma taille
du Printems de 1747 , ont vû chés moi ces
inftrumens , & M. Guattani en a fait faire
de pareils.
166 MERCURE DE FRANCE.
La rupture du perinée qui arrive quel
quefois dans certains accouchemens , m'a
paru mériter nos efforts pour en procurer
la réunion, lors même qu'elle eft ancienne,
& qu'elle exige le raffraîchiffement des lévres
;j'ai inventé à cet effet un inftrument
qui m'a paru réunir les avantages des futures
entortillées & enchevillées , mais cette
lettre eft déja trop longue ; gardons ces
matériaux & quelques autres pour une feconde
lettre , fi vous les jugez dignes de
votre curiofité. J'ai l'honneur d'être , & c.
LE CAT.
A Rouen ce 12 Mars 1748 .
རྒྱ :: ཕ
ODE SACREE ,
Tirée du Pfeaume L. Miferere mei, Deus,&c.
G Rand Dieu , j'ai peché contre toi ;
D'un penchant criminel eſclave volontaire ,
J'ai fait ce que j'ai pû pour attirer fur moi
Tous les fleaux de ta colere,
Fais donc éclater ta fureur ;
C'eſt à toi qu'appartient le droit de la vengeance ;
JUIN. 1748. 167,
Confonds , écraſe-moi ; l'excès de ta rigueur
N'égalera jamais l'offenfe,
*3*+
J'adore en périffant ta main ;
N'étois-je pas foüillé même avant que de naître.
Que dis-je ? Au même inſtant ma´ mere dans fon
fein ,
Me tranfmit le crime avec l'être.
***
Trop docile à ces premiers traits ,
J'ai couru fans remords dans la route du vice
En vain tu m'as inftruit de tes divins fecrets :
Je n'ai fuivi que mon caprice.
***
Qui pourroit fufpendre tes coups ?
Frappe , n'épargne point ; il y va de ta gloire ;
Mais que dis-je , Seigneur ? De ta bonté pour nous
Ai- je donc perdu la mémoire ?
***
N'es - tu pas un Dieu de douceur ,
Toujours prêt à pofer ta foudre vengereffe ,
que l'homme touché d'une utile douleur
Te fait l'aveu de fa foibleffe
Dès
****
168 MERCURE DE FRANCE.
Que ne puis-point eſpérer
Combien de fois au pied de tes Autels fublimes
Humblement profterné , m'a-t'on vû déclarer
Le nombre & l'horreur de mes crimes ?
1
De mes pleurs fois donc pénétré ;
Infcris- moi parmi ceux que ta bonté protége ;
Lave moi dans tes eaux ; parle, & j'en fortirai
Plus blanc & plus pur que la neige.
Defcends & viens créer en moi
Un efprit droit , un coeur qu'enflamme un noué
veau zéle ;
Pour foutenir mon ame & ranimer ma foi
Que ton efprit s'y renouvelle !
+4
Trop long-tems elle reffentit
Lesmaux que fouffre une ame où tu ceffes de luire;
O mon Dieu , fi je puis recouvrer cet efprit ,
Que jamais il ne fe retire !
C'eſt lui , c'eft lui dont la douceur
Peut feule de mon fort tempérer la trifteffe ;
Qu'il revienne ; mes os que brife la douleur ,
En treffailliront d'allegreffe .
Pour
JUIN.
169 1748.
Pour lors rentré dans tes fentiers ,
Aux pécheurs endurcis je les ferai reprendre ;
"
Inftruits par mon exemple, à toi plus volontiers
Seigneur , on les verra fe rendre.
*XX
Ah ! fi pour fléchir ton courroux
Il n'eût fallu , mon Dieu , t'offrir que des victi
mes
Que j'en euffe immolé ! mais quoi ! le fang des
boucs
Effaceroit-il tant de crimes ?
+ X+
Non , ta juftice , ô Dieu des Dieux ,
Veut un efprit brifé de peine & d'amertume ;
Oui , le feul facrifice à tes yeux précieux ,
C'est un coeur que l'amour confume;
Robert
1. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE.
❀❀❀❀❀❀❀❀❀❀sés és és és ès és és és és as ass
MEMOIRE fur la Baronie de Beaujolois,
appartenans à M. le Duc d'Orléans ,
Premier Prince du Sang. Par M. l'Avocat
Derbins , Prévôt de Puvigny en
Beaujolois.
Nciennement ceux qui poffedoient
A la Baronie de Beaujolois , s'appelloient
Sires de Beaujeu ; Philbert de Beaujeu
a été le dernier de ce nom.
Anne de France , Ducheffe Douairiere de
Bourbon , qui poffedoit déja la plus grande
partie de cette Seigneurie , en traita en
1516 avec lui , & il renonça à fon profit à
toutes fes prétentions.
Le nom de Beaujeu devint plus illuftre
que jamais , en la perfonne de Pierre de
Bourbon & de cette Princeffe Anne de
France fa femme , qui fut Gouvernante du
Royaume & du Roi Charles VIII , fon
frere.Suzanne, leur fille unique, fut mariée
au Connétable de Bourbon.
Le Beaujolois a paffé par la fuite dans la
Maifon de Gafton d'Orleans , frere de
Louis XIII , mais fans Souveraineté &
avec le feul titre de Baron de Beaujolois , &
Seigneur fuzerain des Fiefs y enclavés.
Par le décès de Mademoiſelle , fille de
TUIN. 1748. 171
Gafton , le Beaujolois fut dévolu à Monfieur
, frere du Roi Louis XIV , fon légataire
univerfel.
La petite ville de Beaujeu étoit anciennement
la Capitale de cette Province , & la
réfidence des . Seigneurs de ce nom ; leur
Château y fubfifte encore , & il eft habité
par des Chanoines, qui fervoient d'Aumô
niers aux Seigneurs de Beaujeu.
Aujourd'hui c'eft Villefranche , fituée
dans un très-bel emplacement , peu éloigné
de la Saone , & fertile en toutes choles.
Villefranche eft bien percée & affés bien
bâtie , elle a un Bailliage , une Election ,
un Chapitre & une Académie de Belles-
Lettres .
Dans le territoire qui eft aux environs
de cette ville , il y a un ancien ufage fort
fingulier ; quand les bleds font parvenus à
leur maturité , les payfans de chaque voiſinage
les vont moiffonner de leur propre
autorité , ils ont grand foin de bien ramaffer
les épis , ils les mettent en gerbes ,
lefquelles ils comptent avec le propriétaire
, qui eft obligé de leur en livrer une
certaine quantité pour leur travail .
On appelle cette coutume la Cherpille ;
on a quelquefois tenté de l'abolir , fans
pouvoir en venir à bout.
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Il y a dans le Beaujolois une grande fabrique
de toiles , dont le commerce. eft fort
confidérable .
******
MARIAGES ET MORTS.
E 2 Mai a été fait à Saint André - des - Arcs le
mariage de Laurent-François de la Rochelambert
, Comte de la Rochelambert , fils de Gilbert de
la Rochelambert , Seigneur de la Rochelambert ,
& de Dame Marie Françoile de la Tour , avec
Damoiselle Michelle- Anne Douart de Fleurance ,
fille de Mathieu Douart , Ecuyer- Seigneur de
Fleurance , Confeiller du Roi en fes Confeils
Président de la Cour des Monnoyes de Paris , &
Ecuyer ordinaire de feue Madame la Dauphine ,
mere du Roi , & de feue Dame Jeanne Maflon ,
le nom de la Rochelambert eft marqué entre les
Nobles de la Province d'Auvergne par fon ancienneté
, par fes alliances , & pour avoir donné plufieurs
Chanoines au Chapitre noble de Brioude &
des Chevaliers à l'Ordre de Malte. Ses armes font
d'argent à un chevron d'azur furmonté d'une
fafle ou trangle de gueules , à la difference de
Meffieurs de la Rochelambert , établi à Crefpy en
Valois & fortis d'une des plus anciennes Maifons
du Dauphiné , dont les armes font d'azur à une
croix d'argent.
Le 10 Juin a été fait dans la Chapelle de l'Hôtel
de Rohan , Paroiffe de Saint Paul , le mariage
de Charles-Marie Raymond de Ligne , par la
grace de Dieu , Prince d'Aremberg & du Saint
Empire , Duc d'Arfchot & de Croy , Général
JUIN 1748. 173
Major: au fervice de l'Impératrice la Reine de
Hongrie & de Boheme , âgé de 27 ans , représ
fenté par Louis Bretagne de Rohan Chabot , Dus
de Rohan , Pair de France , & fils de Léopold-
Philippes Charles-Jofeph de Ligne , par la grace
de Dieu , Duc & Prince Souverain d'Aremberg ,
Grand d'Efpagne de la premiere Claffe , Chevalier
de la Toifon d'or , Feldt-Maréchal & Général en
chef de la Cour de Vienne , & de Dame Marie-
Françoifer Pignatelli , née Ducheffe de Bifachia
avec Dlle Louife- Marguerite de la Marck , âgée
de 18 ans , fille de Louis Engelbert , Comte de lá
Marck & de Schleiden , & du S. Empire , Baron
de Lumay & de Seraing , Seigneur de Kerpen &
de Saffemburg , Lieutenant Général des armées
du Roi , Colonel d'un Régiment d'Infanterie Alé
lemande au fervice de France , Gouverneur des
Ville & Citadelle de Cambray, pays de Cambrefis ,
& de feue Dame Marie - Anne -Hyacinthe Visdelou
, Gomteffe de Bienafhs , fa premiere ferame
morte le 17 Octobre 1731 ; & petite-fille de Louis
Pierre de la Marck , Comte de la Marcx de
Schleiden & du Saint Empire , Grand-d'Efpagne
de la premiere Claffe , Chevalier des Ordres du
Roi & de la Toifon d'or , Lieutenant Général des
armées du Roi , Gouverneur de Cambray & du
Cambrefis , ci- devant Ambaffadeur Extraordinaire
& Miniftre Plénipotentiaire en Efpagne , & avant
en Suéde & de Dame Marie-Marguerite Françoiſe
de Rohan Chabot , morte dès le 28 Janvier
1706. Voyez pour les Génealogies des deux illuftres
Maifons de Ligne & de la Marck l'Hiftoiredes
Grands Officiers de la Couronne vol . 7. fol.
165. & vol. 8. fol. 30l & les Tables Génealogi
ques d'Hubners , & c.
Le 25 Avril François - Louis Dauvet , Comte des
Hij
174 MERCURE DE FRANCE .
Maretz , Baron de Bourfault , Grand Faucon
nier de France , charge dans laquelle il avoit été
seçû en ſurvivance de fon pere
le 13 Novembre
1717 , mourut à Paris dans la 36º année de fon
âge fans laiffer d'enfans de fon mariage avec Dame
Catherine Louife de Lamoignon , qu'il avoit
époufée le 23 Février 1734 , fille de Chrétien de
Lamoignon , Marquis de Bafville , Baron de Saint:
Yon & de Boiffy, Seigneur de Lamoignon , & c.
Préfident à Mortier au Parlement de Paris , Gref
fier Commandeur des Ordres du Roi , & de Dame
Marie Louiſe Gon de Bergonne ; il étoit fils de
François Dauvet , Comte des Maretz, Grand Fau-
Connier de France , Lieutenant Général au Gouvernement
de Beauvoifis & Gouverneur particu .
lier de la ville de Beauvais , mort le 24 Février
1718 à l'âge de 37 ans , & de Dame Marie Robert
de la Fortelle , petit-fils d'Alexis François Dauvet
Comté des Maretz , Grand Fauconnier de Franceen
1672 , Lieutenant pour le Roi en Beauvoifis ,
Gouverneur de la ville de Beauvais , mort le 25
Avril 1688 , & de Dame Jeanne de Bouexe de
Villemor. Il avoit pour bifayeul Nicolas Dauvet,
Comte des Maretz , Baron de Bourfault , Grand
Fauconnier de France , charge dont il fut pourvû
le 30 Mai 1650 ( fur la démiffion de Louis Charles
d'Albert Duc de Luynes,) mort au mois d'Octobre-
1672 , & de, Dame Chrétienne de Lantage , &
pour trifayeul Gafpard Dauvet , Chevalier Seigneur
des Maretz , Chevalier des Ordres du Roi ,
seçu à la promotion du 31 Décembre 1619 , Premier
Maître d'Hôtel du Roi , Confeiller en fes.
Confeils d'Etat & Privé , Maréchal de fes camps
& armées , Gouverneur de la ville de Beauvais ,
Lieutenant pour Sa Majefté en Beauvoifis , & fon
Ambaffadeur en Angleterie en 1617, mort le 23
JUIN 175 1748 .
Octobre 1632 , & de Dame Ifabelle Bruflart de
Sillery , fille du Chancelier de ce nom . Voyez la
Généalogie de Dauvet dans l'Hiftoire des Grands
Officiers de la Couronne , vol. 8. fol. 774 :
2
Anne Marie Bridou , veuve de Louis Lepredil
de Prefontaine , Avocat au Parlement eft
morte le 26 Avril daņs la centiéme année de fon
âge. Depuis le 25 Avril 1744 , reftée feule dans
la neuvième claffe de la premiere Tontine , établie
par Edit du mois de Novembre 1649 , elle
jouilloit de tout le revenu de cette claffe , & pour
une feule Action , dont le capital étoit de trois
cent livres , elle touchoit cinquante - fix mille fix
cent vingt-cinq livres de rente.
Le 29 Alain Magon de Terlage , Lieutenant Gé
néral des armées du Roi , Commandeur de l'Or
dre Royal & Militaire de S. Louis , Gouverneur
de S. Jean Pié- de- Port ; & ci- devant Lieutenant
Colonel du Régiment des Gardes Françoiles ,
mourut à Paris âgé de 75 ans & fans être marié ;
il commença de fervir dans les Moufquetaires du
Roi , puis fut reçû au mois de Février 1693 à une
Enfeigne dans le Régiment des Gardes Françoifes,
pafla à une Sous- Lieutenance le 11 Avril 1695 ,
une Lieutenance le 26 Février 1697; & enfin y fut:
reçû Capitaine le 20 Juin 1703 ; fut fait Brigadier
d'armée le premier Février 1719 , Commandeur
de l'Ordre Militaire de S. Louis en 1727 , Maré
chal de Camp le 20 Février 1734 , commanda en
1733 & en 1734 le Régiment des Gardes à l'armée
du Rhin , fervit au Siége de Philifbourg , &
monta en qualité de Maréchal de Camp plufieurs
gardes à la tranchée devant cette Place ; fut nommé
par le Roi à la Lieutenance Colonelle du Ré
giment des Gardes après la démiffion de M de
Contade au mois de Mars 1735 , & fut fait Licu-
Hij
176 MERCURE DE FRANCE.
tenant Général des armées du Roi le premier Mars
1738. Il étoit fils de Jean Magon , Sieur de la
Lande , & de Laurence Eon , & la famille , de laquelle
eft M. de la Gervafais, auffi Lieutenant Général
des armées de Roi du 20 Février 1743 , eft
originaire de la ville de S Malo , & porte pour
armes d'azur à un chevron d'or , accompagné en
chef de deux étoiles de même , & en pointe d'un
Lion auffi d'or armé , lampaffé & couronné de:
même.
Le 3 Mai Anne Henri de Thyard , Marquis de:
Billy , Lieutenant Général des armées de Sa Majefté
du 6 Janvier 1748 , Meftre de Camp Général
de la Cavalerie & Gouverneur de Pontarlier ,
mourut au Camp devant Maeftrich des fuites de
la bleffure qu'il avoit reçue la nuit du 29 au 30 du
mois d'Avril à la tranchée, dans la 34 année de fon
âge & fans être marié , il étoit fils unique de Claude
Anne Jacques de Thyard Marquis de Biffy
Lieutenant General des armées du Roi , Gouverneur
des ville & château d'Auxonne , & de Dame
Angélique Henriette Thérefe . Chauvelin ,
petit- fils de Jacques de Thyard Marquis de Biffy,.
Lieutenant Général des armées du Roi & Gouverneur
des ville & château d'Auxonne , mort le,
29 Janvier 1744 , âgé de y6 ans , & de Dame
Bonne Marguerite de Haraucourt, & arriere petit.
fils de Claude de Thyard , Comte de Bifly , Chevalier
des Ordres du Roi , nommé en 1688 & reçû
en 1692 , Lieutenant Général des armées de Sa
Majefté , & Commandant dans les trois Evêchés
de Metz , Toul & Verdun , mort à Metz
le 3 Novembre 1701 , âgé de 80 ans , & de Dame
Eleonor Angélique de Nuchefes. Voyez la Généalogie
de Mrs de Thyard de Biffy dans l'Hiftoi
re de Meaux par le Pere Touflaint du Pleffis
imprimée à Paris en 1730 , fol. 759%-
)
JUIN. 1748.177
Le 6 Pierre Céfar de Saint Georges , Comte de.
Férac , Brigadier des armées du Roi , & premier
Cornette des Chevau- Légers de la Garde du Rois
mourut à Paris âgé de 31 ans fans enfans de
Dame Anne Perrette Marguerite Efther Rivié .
qu'il avoit épousée le 13 Mars 1747. Hétoit frere
puiné de François Olivier de Saint Georges , Mar
quis de Vérac , Lieutenant Général au Gouverne→
ment de Poitou , veuf depuis le 6 Juillet 1745 do ·
Dame Marie Adelaide de Riencourt d'Orival ilai
étoit fils de Célar de Saint Georges , Marquis do
Coué Vérac , Chevalier des Ordres du Roi ;
Lieutenant Général de fes armées , & Lieutenant
Général pour Sa Majefté au Gouvernement de la
Province de Poitou , mort le 11 Février 1741 , &%
de Dame Catherine Marguerite Pioger , & petitfils
d'Olivier de Saint Georges, Marquis de Conés .
Vérac , Chevalier des Ordres du Roi , dont ili
reçut le Collier des mains de Sa Majefté dans lay
Chapelle de Verfailles le premier Janv . 1689;aufft
Lieutenant Général des armées du Roi , & Lieurenant
Général au Gouvernement. de la Province ·
de Poitou , mort au mois de Juin (1704 ,& de Dame :
Marguerite le Cocq . Voyez le Catalogue des Che
valiers de l'Ordre du S. Efprits dans le volume g
des Grands Officiers de la Couronne 125Grands Of fol 240 80:
279.5
4
Le 11 Henri de Lorraine , Duc d'Elbeuf , Pair
de France , Lieutenant Général des armées duri
Roi , Gouverneur des Provinces de Picardie, d'Ar
rois & de Haynauk , & des ville & citadelle de
Montreuil- fur- mer , mourut à Elbeuf dans la 8*
année de fon âge , étant né le 7 Août 1661 ; ibl
avoit fervi aux fiéges de Valenciennes & de Cams ·
brai en 1677 , à celui de Gand ; il fut bleffé àla
jambe à la priſe d'Ypres en 1678 , & accompagna
178 MERCURE DE FRANCE .
Monfeigneur le Dauphin , ayeul de Sa Majeſté, au
fiége de Philifbourg en 1688 ; ik fe trouva à la
prife de Mons en 1691 , il fervit en qualité , de
Maréchal de Camp dans l'armée de Piémont , au
fiége de la Ville & Château de Namur , au combat
de Stenkerque le 3 Août 1692 , à la bataille de
Nerwindes l'année fuivante , & fut fait Lieutenant
Général des armées du Roi le 3 Janvier 1696 ; il
étoit fils de Charles de Lorraine , Duc d'Elbeuf,
Pair de France ; Gouverneur des Provinces de Picardie
, d'Artois & de Haynaut ; & Gouverneurs
particulier des ville & citadelle de Montreuil ,.
mort le 4 Mai 1692 , & de Dame Elifabeth de la
Tour d'Auvergne , fa feconde femme , morte le
23 Octobre 1580 ; il avoit été marié le 28 Janvier .
1677 avec Dame Charlotte de Rochechouare-Vi
vonne , morte le 28 Avril1729 , & iken avoit eu z
Philippes de Lorraine , Prince d'Elbeuf, né en -
1678 , mort le 18 Juin 1705 ; étant Brigadier des
armées du Roi , & fans avoir été marié . M. le
Duc d'Elbeuf qui donne lieu à cet article , laiffe
pour: frere Emanuel Maurice de Lorraine , Prince
d'Elbeuf, né le 30 Décembre 1677, marié depuis
le mois de Juin 1747 avec Dame Innocente Catherine
Renée deRouge du Pleffis Beliere Princeſſe
du S: Empire.
Le nommé Alexandre Malard , né dans la Pa
roiffe de Saint Pierre de Chauvigny en Poitou, eft :
mort à Montmorillon dans l'Hôpital des Religieux
Auguftins , âgé de 103 ans & deux jours.
Les nommés Dominique Alfonfa & Diegue
Braz,font morts , l'un à Cardial en Portugal , âgé
de cent deux ans ; l'autre dans les environs ,
de cent dix-huita.
C
JUIN. 1748. 179
ARRESTS NOTABLES..
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , & Let
tres Patentes fur icelui , du 9 Février 1747 .
Concernant les procès , titres & papiers reftans
dans les Greffes du Grand Confeil , ci-devant éta
bli à Malines dans la Chambre fifcale , &c.
- DECLARATION du Roi , donnée à Ver
failles le 3 Mars 1747 , qui confirme l'Univerfité
de Louvain & la Faculté des Arts de ladite Uni
verfité dans la jourffance des droits & priviléges
à elle accordés par les bulles des Papes y énone
cées.
"
AUTRE du Roi , donnée à la Comman
derie du Vieux-Jonc le 16 Juillet 1747, con
cernant la difcipline intérieure du Parlement dec
Pay
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 133
Mai 1748 , qui permet à la Compagnie des Indes
de créer douze cent mille livres de rentes viage
ses , à prendre fur les neuf millions de rente à elle
conftituée par Sa Majefté en exécution de l'Edit
du mois de Juin dernier. Extrait des Regiftres du
Confeil d'Etat. Sur ce qui a été repréſenté au Roi i
par les Syndics & Directeurs de la Compagnie des s
Indes , que par la déliberation prife en Vaffemblée
générale des Actionnaires le 3 de ce mois , ils ontar
ré autorisés , pour fatisfaire aux dépenfes des expéditions
par eux projettées , à créer fur ladire
Compagnie dix-huit cent mille livres de rentes
Hv
180MERCURE DE FRANCE.
iagéres ou perpétuelles , qui devoient être acqui
fes au moyen de dix mille actions & fix millions
d'argent , & diftribuées par la voie d'une Loterie !
Que ladite déliberation a été homologuée & aus
torifée par Sa Majeſté par Arrêt du 4 de ce mois ,
mais que l'augmentation furvenue fur le prix des
actions ne permettant pas d'efpérer aujourd'hui le
fuccès de ladite Loterie , ils ont crû plus convenable
de faire un emprunt , pour lequel il feroit créé
douze cent mille livres de rentes viagéres , foit au
dernier dix fur une feule tête , fans distinction
d'âge , foit à raifon de fept & demi pour cent furdeux
têtes , à l'effet de quoi ils ont pris une déli
beration le 9 du préfent mois , qu'ils fupplienc
ès - humblement Sa Majefté de vouloir bien au
torifer & homologuer , à quoi voulant pourvoir.
Vu ladite déliberation ; oui le rapport du Steur
de Machault , Confeiller ordinaire, au Confeil }
Royal , Contrôleur Général des Finances , le Roi
étant en fon Confeil , en . homologuant & autori
fant ladite délibération , & conformement à icelle..
a.ordonné & ordonne ce qui fuit. Article Premiers
Permet Sa Majefté aux Syndics & Directeurs de :
la Compagnie des Indes , de créer & conftituer
au nom de fadite Compagnie juſqu'à concurrence
de douze cent mille livres de rentes viagéres , foir
à raifon de dix pour cent fur une feule tête , foir
à raifon de fept & demi pour cent fur les têtes de
deux perfonnes , & de la furvivance d'elles , lef
quelles rentes feront exemptes du dixiéme & ´des .
deux fols pour livre en fus , & d'affecter & hypothéquer
, à la garantie defdites rentes , les neuf
millions de livres de rentes , que Sa Majefte à fait
conftituer à ladite Compagnie , en exécution de
PEdit du mois de Juin dernier , fans préjudice des
sentes , tant perpétuelles que viageres , que ladits.
JUIN... 1748 18t
>
Compagnie a conftituées précédemment. II . Lest
fonds pour l'acquifition defdites rentes viagéres ,
qui ne pourront être moindres de mille livres ent
Principal pour chaque partie , feront portés au
Sieur Pechevin , Gaiffier de ladite Compagnie ,
qui en délivrera des reconnoiffances fignées de lui
& vifées par l'un des Directeurs , lefquelles reconnoiffances
feront datées en toutes lettres & fans
chiffres. IIL Les, Contrats defdites conftitutions.
feront paflés par un Syndic & deux Directeurs des
Ladite Compagnie , & reçus par tels Notaires que
les acquereurs voudront choifir , qui feront tenust.
de leur délivrer defdits Contrats aux frais de ladite .
Gompagnie , auxquels feront annexés les extrairs .
baptiftaires des perfonnes fur les têtes defquelles
lefdites rentes feront conftituées , ou actes équi
pollens , fuivant ce qui a été ci devant preferit en
pareil cas. IV. Lefdites rentes dont les fonds fe
ront portés avant le premier Juillet prochain , au
ront cours du premier Avril dernier , cēlies dant -
les fonds feront portés depuis ledit jour premier
Juillet, jufqu'au premier Octobre fuivant , au-i
ront cours du premier jour du mois dans lequel.
léfdits fonds feront portés , à condition que lefdits
Contrats en feront paffés dans les fix mois de la
date des reconnoillances , faute de quoi les por
teurs defdites reconnoiffances feront privés des
arrérages jufqu'au jour de la paffation defdits
Contrats. V. Les arrérages defdites rentes feronta
payés de fix en fix mois , aux premiers jours dep
Janvier & Juillet de chacune année dans le Bureau.
qui fera établità cet effet, en la même forme & maniere
que les autres rentes viagércs conftituées par
lad, Compagnie , en juſtifiant de la vie des perfon
nes fur les têtes defquelles les rentes feront conftituées
; & à l'égard de celles qui feront conftituéess
182 MERCURE DE FRANCE
für les têtes de deux perfonnes , il fuffira de jufti- -
fier de la vie de l'une d'elles. VI . Les Etrangers
non naturaliſés demeurans dans le Royaume , mê➡
me ceux demeurans hors du Royaume , Pays ,›
Terres & Seigneuries de l'obéiffance de Sa Majeſté
, pourront , ainfi que les propres Sujets de Sa
Majefté, acquerir lefdites rentes, encore bien qu'ils
fiffent Sujets des Princes & Etats avec lefquels
Sa Majesté eft ou pourroit être en guerre. Veut
en conféquence que lesdites rentes , & les artérages
qui en feront dûs au jour du décès des Rentiers
Ldient exemptes de toutes lettres de marque & de
repréfailles , droits d'aubaine , bâtardife , confifca---
tion , ou autres qui pourroient appartenir à Sa ‹
Majefté , auxquels Sa Majefté a renoncé & renonce.
Fait au Confeil d'Etat du Roi , Sa Majesté y
étant , tenu à Verſailles le 13 Mai 1748.
Signé , PHELY PEAUX
2
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 14.
Mai , qui agrée la foumiffion du Sieur Ou
trequin pour l'entrepriſe du nettoyement & enle+
wement des immondices de Paris
.0 ..
AUTRE da Confeil d'Etat du Roi du 4 Juin
7948. Qui ordonne que les droits de vingt livres
& descent livres , impofés par ceux des 11 Mais
1746 , 10 Juin & 2 Septembre 1747 fur les peaux
de lapin brutes , & fur le poil de lapin féparé de la
peau , auront lieu & fe percevront conformément
iceux fur les peaux de liévres brates & fur le
poil de liévre ſéparé de la pezu
TUIN. 174857 185
>
CacacacacƏCDƏCƏY{ ECDED CACACACACAC{ Wal
NOUVELLES ETRANGERES
SUE. D.EL.
N mande de Coppenhague du Mai que le
2 de ce mois le Roi fe rendit à Helfeneur ,
& y fit la revue du Régiment dont le Lieutenant
Général Dombrug eft Colonel. Sa Majefté vifita
enfuite le Château , & après avoir dîné chés le
Comte d'Often , Confeiller Privé elje retourna à
Frederichsbourg. Les lettres de Stockholin mar
quent qu'on y célébra le 28 du mois dernier l'An--
niverfaire de la naiffance du Roi de Suéde, quir
eftt entré dans la faixante- treizième année de fon
âge. Ce Prince tint le 25 ua Chapitre de l'Ordre
des Seraphins , dans lequel il donna les marques
de cet Ordre au Prince Royal & an Prince Guſta---
ve. La veillé fa Majefté Suédoiſe avoir reçu ces
Princes Chevaliers de l'Ordre de l'Epée & de cer
lui de l'Etoile du Nord. Un des Statuts du pr騨
mier de ces trois Ordres exigeant que les Cheva➡
Hers dont il eft compafé , foient aufli Chevaliers
des deux autres , les Comtes de Bande , Thure de
Bielcke , de Tauben & de Cronstedt , les Barons
de Lowen & de Rofen ; le Comte . de Poffe ; les
Baron d'Ehrenpreus & de Wrangel ; le Comte de
Teffin , & les Barons de Cederncreutz & der
· Tauben ont été reçûs en même tems que le Prince
Royal & le Prince Guſtave , Chevaliers de l'Ordres
de l'Epée & de celui de l'Etoile du Nord : ler
Grand Maréchal de la Cour , le Comte de Stieren--
fedt , les Barons de Wrede , de Hopken & d'Alm-
Aierna , le Comte d'Eczeblad , le Baron de Serb
7.
184 MERCURE DE FRANCE.
le Comte de Piper , les- Barons de Broman , de
During & d'Ungern Sternberg le furent le 25. Le
Roi de Suéde a nommé le Baron de Lowenhielm
Grand Tréforier , le Baron de Rudenschiold Secretaire
, & le Baron de Harleman Maître des
Gérémonies de l'Ordre des Séraphins . It's prête--
rent ferment en cette qualité dans le Chapitre
tenu le 25 aaimfi que le Comte de Teffin , Grand:
Chancelier des trois Ordres . On mande de Warfovie
que tout le Corps des troupes Ruffiennes ,
qui eft à la folle de la Grande Bretagne & de la
République des Provinces- Unies a paffé la Viftule,.
la premiere Colonne près de Gura , & la feconde
dans les environs de Gurawy. Depuis le retour de
la belle faifon , ces troupes marchent avec un peu
plus de diligence
}
Les lettres de Warſovie du s Mai portent qu'il
ne s'eft pas confirmé que toutes les troupes Ruffiennes
qui font au fervice de la Grande Bretagne,
& de la République des Provinces Unies foient,
arrivées en deçà de la Viftule. Les pluyes qui tombent
continuellement depuis plufieurs jours , ayant
fait déborder cetre riviere il n'y a eu jufqu'à préfent
qu'un petit nombre de Régimens de ces trou
pes qui ayent pú la paller. On travaille aux pré--
paratifs pour la reception du Roi , qu'on attend,).
on cette ville au commencement du mois prochain
. Sa Majesté immédiatement après fon arri
vée fignera les Univerfaux pour la convocation
de la Diette générale , afin que les Diettes parti
culieres des Palatinats puiffent tenir promptement
leurs féances , & procéder à l'élection des Députés
qu'elles doivent envoyer à cette affemblée . Le
bruit court que l'augmentation des troupes fera
Fun des principaux objets des déliberations. Plu--
feurs Sénateurs ont reçu des copies de huit Piéces
JUIN. 1748. 1855.
Concernant l'affaire de M. de la Salle. Ces Piéces
font la Lettre de Créance , par laquelle le Roit
Très- Chrétien charge ce Colonel de fes affaires
auprès de la Régence de Dantzice ; l'Extrait d'une
Relation envoyée à Péterfbourg par le Comte de!
Bestuchef -Rumin , Miniftre Plénipotentiaire de
1Impératrice de Ruffie à Drefde , au fujet d'une's
conférence qu'il a eue avec le Comte de Bruhl ,
Premier Miniftre de fa Majefté ; un Reſcrit de
Impératrice de Ruffie au même Comte de Beftu- :
chef; une lettre des Magiftrats de Danzicx à cettes
Princeffe ; une Relation de M. Scherer , fon Agent
à Dantzick ; un Mémoire de M. Pezold , Réfident :
du Roi à Pétersbourg ; la Réponſe de l'Impéra-t
trice de Ruffie à ce Mémoire , & une lettre écrite
aux Magiftrats de Dantzick par le Vice- Chancelier
de la Couronne. Le Prince Czartorinsky;
Evêque de Pofnanie , doit aller affifter au Sacre de:
L'Evêque de Brenlau . Le Primat de ce Royaume eft:
dangereufement malade à Lowitz. Selon les nouvelles
de Pétersbourg , l'impératrice de Ruffie
reçut le 22 du mois dernier les complimens des ›
Miniftres Etrangers , des Miniftres d'Etat & des :
principaux Seigneurs de fa Cour , à l'occafion des
Fêtes de Pâques. Une indifpofition oblige la
Grande Duchefle de garder la chambre. Le Gouvernement
Ruffien a envoyé ordre de faire partirde
Livonie les recrues néceffaires , pour rendre
complettes les troupes Ruffiennes que le Roi de la
Grande Bretagne & les Etats Généraux ont prises :
à leur folde , & dont il eft refté à Grodno plust
de fix cent foldats malades . On continue avec:
toute la diligence poflible l'armement des vaiffeaux
de guerre & des frégates que l'Impératrice .
de Ruffie fait équiper. Le Comte de Bernes eft at
rendu.le & ou le 9 de ce mois à Pétersbourg , où.ip.
186 MERCURE DE FRANCE.
va réfider en qualité d'Ambaffadeur de la Reine de
Hongrie à la place du Baron de Breitlach . Depuis
quelque tems on joüit d'une parfaite tranquillité en
Ukraine les Tartares de lá Crimée ayant fufpendu
les courfes qu'ils faifoient dans cette Province.
On écrit de Coppenhague du 14 Mai que le Roi
doit partir ce jour même pour le Holftein, & que la
plupart des Miniftres Etrangers qui font en cette
Cour fe difpofent à fuivre fa Majesté. Les quatre
frégates dont le Comte de Danneskiold-Laurwig
a le commandement ont mis le 9 de ce mois à la
voile. Elles font allées croiſer fur les côtes Septentrionales
de ce Royaume , afin de protéger la
navigation des navires Danois, Plufieurs Négocians
s'étant plaints de ce que les Corfaires Anglois
continuoient de troubler leur commerce , fas
Majefté a écrir à fon Miniftre à Londres de renouveller
fes repréſentations à ce fujet , & d'infifter
fortement auprès du Miniftere Britannique ,-
pour qu'on faffe ceffer des violences fi contraires
à la bonne intelligence qui doit regner entre les
deux Puiffances. On affûre que le Roi Très- Chré
tien a ordonné de relâcher un navire de Norwege
qui avoit été conduit à Morlaix en Bretagne par
un Corfaire François. Il paroît une Ordonnance
du Roi donnée au Château de Chriftianſbourg le
24 du mois dernier. Elle porte que les bâtimens
qui navigueront dans les Golfes de Drammen &
de Chriftiania , feront tenus de mouiller à Laur-
Kullen ou à Baftoën , afin que leurs carguaifons y
foiene enregistréés avant que d'être transportées
aux lieux de leur deſtination . On le propofe de
prévenir par ce moyen la contrebande qui fe fait
dans ces Golfes. Les Propriétaires des navires ,
dont les Capitaines ne fe conformeront pas à cette
Ordonnance , feront condamnés à une amendes
TUIN. 1748. 187
proportionnée à la valeur des chargemens. Say
Majefté a difpofé de la Charge de Président du Saprême
Tribunal de Juftice en faveur du Comite de
Reventlau , Confeiller Privé & Chevalier de POre .
dre de l'Eléphant . Elle a accordé une place dé
Chambellan à M de Rofencrantz , & un Bréverts
de Lieutenant Colonel de Cavalerie au Comte de
Danneskiold Sanfoë , Chef de la branche aînée der
la Maifon de Danneskiold . Il a été reglé que la
Prieure du Monaftére de Stoffringard jouiroit à la
Cour du même rang que les femmes des Confeillers
d'Etat , & que les autres Dames de ce Monaftére
feroient traitées comme les Confeillères
de Juftice. Le Roi figna le premier de ce mois .la
Diplôme , par lequel fa Majefté donne au Régi
ment du Prince Royal le titre de Régiment des
Gardes. Le 30 du mois dernier M. de Panin , cidevant
Envoyé Extraordinaire de l'impératrice de
Ruffie auprès du Roi , partit pour aller réfider avec
le même caractére auprès de fa Majefté Suédoiſe
M. de Guydickens , qui étoit Miniftre du Roi de la
Grande Bretagne à Stockholm en arriva le 6
Après s'être arrêté à Coppenhague pendant quel,
ques jours , il a continué fa route pour Londres..
On a transferé dans une Fortereffè de l'iflè de
Munnelzom M: d'Ahlefeld , Chambellan de laa
Reine Douairiere , lequel avoit été conduit le 7
Mars à la Citadelle de Frederichshaven .
On mande de Stockholm du 16 Mai qu'il vient ›
d'arriver deux couriers dépêchés l'un au Marquis
de Lanmary , Ambaffadeur du Roi de France ;
l'autre au Miniftre de la République des Provin
ces-Unies , pour les informer qu'il y a eu des Ar
ticles Préliminaires de paix , fignés à Aix la Cha
pelle entre la France , la Grande Bretagne & les
Bats Généraux. Le Roia été incommodé pendant :
188 MERCURE DE FRANCE.
quelques jours , mais fon indifpofition n'a point
eu de fuites. Sa Majefté fe propofe d'aller prendre
les eaux d'une fource minérale qui eft à quelques
lieuës de cette ville . M. de Panin , Envoyé Extraordinaire
de l'impératrice de Ruffie , arriva il y a
quelques jours de Coppenhague. Il remit le 15.
fes Lettres de Créance aux Miniftres du Roi , &
il aura dans pea fa premiere audience de fa Ma--
jefté . Le Baron de Korff , fon Prédéceffeur
, fe
prépare à quitter cette Cour . On a appris de Warfovie
que le 8 de ce mois la premiere colonne des troupes Ruffiennes , qui font à la folde de la
Grande Bretagne & des Etats Généraux des Provinces
- Unies , avoit enfin achevé de paffer la Viftule , & que la feconde étoit encore cantonnée
dans les environs de Gora. Le Comte de Stampa
Chambellan
de l'Impératrice
Reine de Hongrie
& de Boheme , & qu'elle a nonmé fon Gommif faire pour
la conduite de ces troupes , fe rendit le
да
à ce Château , afin de conférer avec le Knées
Repnin fur ce qui regarde leur marche. Depuis
qu'on a fçu que la France , la Grande Bretagne
& la République des Provinces Unies étoient
convenues des Articles Préliminaires d'un accommodement
, on s'attend à apprendre inceffamment
que ces troupes auront reçu ordre de faire halte.
La maladie du Primat de Pologne devenant de
plus en plus dangereufe , M. Tursky a été élű
Pour préfider au Tribunal du Royaume , & le
Chapitre de Gnefne a écrit au Pape , pour le prier
de charger quelqu'un des Capitulaires de l'adminiftration
de l'Archevêché . Selon les nouvelles
de Pétersbourg l'Impératrice de Ruffie y eft de
retour de Сzarska -Zelo , & M. Zwart , Envoyé
Extraordinaire des Etats Généraux des Provinces-
Unies, eut le 2 une audience de cette Princeffe. IL
JUI N. 1748 .
189
fut admis enfuite à l'audience du Grand Duc de
Ruffie,& ne pût Pêtre à celle de la Grande Ducheffe
parce qu'elle étoit indifpofée . Le 26 du mois dernier
le Comte de Hindford , Ambafladeur du Roi
He la Grande Bretagne auprès de fa Majefté Impé
riale de Ruffie , donna une fête à pluſieurs perfonnes
de diftinction .
ALLEMAGNE.
t
ONnous écrit de Vienne du 7 Mai qu'on a
remis à M. Mordaunt , Commiffaire nommé
par le Roi de la Grande Bretagne pour recevoir les
Troupes Ruffiennes , un état des arrangemens qui
ont été pris dans la Moravie & dans la Boheme
pour la fubfiftance de ces troupes . Cet Officier dépêcha
le 27 du mois dernier un courier à Bielitz ,
où il compte de fe rendre inceffamment. Il eft ar
rivé depuis peu deux couriers , Pun du Feldt- Maréchal
Comte de Bathiany , & l'autre du Comte
de Kaunitz , auquel la Reine a envoyé de nouvelles
inftructions . Deux colonnes des troupes levées
depuis peu en Croatie ont paffé dans les environs
de cette ville , & après avoir défilé devant ſa Majefté
, elles ont continué leur route vers les Pays-
Bas. On attend la troifiéme colonne qui , ainfi
que les deux premieres , eft compofée de fept cent
-hommes. Le Régiment du Comte de Herberstein,
destiné auffi pour l'armée des Alliés , eft arrivé
dans la Carniole , & il eft fuivi de quatre eſcadrons
de Huffards . Plufieurs avis reçûs de Conftantinople
confirment que la difette des vivres y a caufé
un fort grand tumulte , mais que le Gouverne-
-ment ayant fait étrangler quelques - uns des principaux
factieux , cer exemple de févérité a tellement
intinidé le refte des mutins , que la fédition n'a
90 MERCURE DE FRANCE.
point eu de fuites . Ces avis ajoutent que le 16 du
mois dernier le Baron de Hochepied , Ambaſſadeur
de la République des Provinces- Unies , euc
fa premiere audience du Capitan Pacha. L'Ambaffadeur
qui vient donner part au Grand Seigneur
-de l'avenement du nouveau Roi de Perfe auTrône,
s'étant rendu les à Scutari , il s'y eft embarqué le
lendemain à bord d'une galére qui l'a tranfporté à
Conftantinople. Ce Miniftre le nomme Aldul
Bahin , & il avoit accompagné en 1740 un Ambaſ
fadeur envoyé par Thamas Kouli Kan à fa Haureffe.
On a fçu par les mêmes lettres que deux
navires Hollandois étoient arrivés à Smirne fous
l'efcorte de deux vaiffeaux de guerre de leur nation
, lefquels étoient retournés enfuite à Malte
pour y attendre quelques autres bâtimens venans
du Levant , & pour les convoyer jufqu'en Hol-
Hande. "
Voici l'extrait d'une lettre de Leipfick du 8
Mai.
Le Roi arriva le 6 Mai de Drefde en cette ville,
où les Princes Xavier & Charles ont joint le même
jour la Majeſté. On a déja commencé à faire
prendre la route de la Pologne aux équipages du
Roi , dont le départ pour Warfovie demeure fixé
au 27 de ce mois. Le Gouvernement indiquera les
Bureaux dans lefquels les fujets des Provinces-
Unies , intéreffés à la Steur Electorale doivent recevoir
le payement de leurs rentes à la Haye & à
Amfterdam . Le dernier courier venu de Dantzick a
rapporté que le Réfident qui y eft chargé des affaires
de l'Impératrice de Ruffie , ayant réitéré ſes plaintes
de ce que les papiers de M. de la Salle ont été
envoyés à Drefde , les Magiftrats lui ont fait réponle
que puifque le Roi avoit pris connoillance
de l'affaire de ce Colonel , il n'avoit pas été polliJUIN.
1748 . Ig
ble de refufer à fa Majefté la remife de ces papiers,
& qu'ils borneroient leurs foins à garder le prilonsnier
, jufqu'à ce que les difcuffions qui le regardent
fuffent réglées . Le Comte de Henique, Minifstre
de Conference eft dangereufement malade. Le
Pere Guarini , Confeffeur du Roi , & l'un de fes
principaux Conſeillers , eft mort à Dreſde le 28 du
mois dernier d'une attaque d'apoplexie.
Nous apprenons par les lettres de Berlin du 10
Mai que fa Majefté affifta le premier de ce mois
à une repréſentation de la Comédie Françoife , intitulée
le Philofophe marié, & que le foir elle foupa
avec la Reine & la Famille Royale chés la Reine
Douairiere. Le même jour le Comte de Galowxin
, Chambellan de l'Impératrice de Ruffie , &
le Baron de Wallenftein , Seigneur du Royaume
de Boheme , furent préfentés au Roi , le premier
par le Comte de Keyferling , Miniftre de la Cour
de Ruffe , & le fecond par le Comte de Bees
Grand Maréchal . M. Jacob - Frederic de Bielefeld
Curateur des Univerfités de Pruffe & de Brandebourg,
a été créé Baron . Le Roi a fait préſent du
fiefde Portdeckel , fitué dans le Duché de Cléves,
au Baron Cocceji , Grand Chancelier & Miniftre
chargé du Département de la guerre . Le Comte
de Grondsfeldt , Conſeiller Privé du Prince Sta
thouder , & Miniftre Plénipotentiaire des Etats.
Généraux des Provinces -Unies , a renvoyé à la
Haye le courier qu'il en avoit reçû. Il n'y aaucun
fondement au bruit qui s'eft répandu que fa
Majefté avoir réfolu de changer l'administration
de l'Ooft-Frife , & de faire marcher des troupes
dans cette Principauté . Il n'eft pas vrai non plus
que le Baron d'Appel , Premier Député de la Nobleffe
à l'affemblée des Etats de la Province , aie .
été privé de fes emplois. On écrit de Stockholm.
192 MERCURE DE FRANCE.
que la groffeffe de la Princeffe , épouse du Prince
Royal de Suède, a été déclarée au Sénat, & que les
ordres ont été expédiés pour commencer dans tou
tes les Eglifes du Royaume les prieres ufitées en
pareille occañon. Selon les mêmes lettres M. de
Windt , Miniftre du Roi de Dannemarck , a affûré
le Roi de Suéde , dans une audience particuliere
qu'il a eue de ce Prince , du defir fincére qu'a
La Majeſté Danoiſe de conferver avec la Suéde une
parfaite intelligence .
>
On écrit de Vienne du 14 Mai qu'il arriva le y
de ce mois d'Aix - la -Chapelle un courier dépêché
par le Comte de Kaunitz , pour informer la Reine
que le 30 du mois dernier le Comte de Saint
Severin Miniftre Plénipotentiaire du Roi de
France , & les Plénipotentiaires de la Grande Bretagne
& de la République des Provinces- Unies ,
ont figné les Articles Préliminaires d'un accommodement
entre ces trois Puiffances. Sa Majefté
reçût le 9 un autre courier , par lequel le Feldt-
Maréchal Comte de Bathiany lui demande de
nouvelles inftructions fur la conduite qu'il doit
tenir en conféquence de cet évenement . On a
tenu à ce fujet plufieurs Confeils , dont les réfolutions
n'ont point tranfpiré. Le Comte de Beftuchef
, que l'Impératrice de Ruffie a envoyé à
Vienne pour complimenter la Reine fur la naiffance
de l'Archiduc Pierre Léopold , eut le 9 fa
premiere audiençe de fa Majefté à Schombrun ,
& il fut admis le même jour à l'audience du Grand
Duc de Tofcane , ainfi qu'à celle de l'Archiduc
Jofeph. Le 13 la Reine qui avance dans fa groffeffe
, fut faignée par précaution. L'Ambaffadeur
du Grand Seigneur doit s'arrêter à quelques lieues
de cette Capitale jufqu'au retour d'un courier que
le Gouvernement a envoyé à Conftantinople . La
troifiéme
JUIN. 193 1748 .
noifiéme & derniere colonne des troupes nouvellement
levées en Croatie a paffé à Vienne le 8 en
allant aux Pays- Bas .
Les nouvelles de Drefde du 15 Mai portent que
quelques jours après la publication du Décret , par
lequel il a été réglé que les Intéreffés à la Steur
Electorale , établis dans les pays de la domination
des Etats Généraux des Provinces- Unies , toucheroient
chaque année à la Haye & à Amfterdam
les arrérages de leurs capitaux en deux termes ,
fçavoir les fix premiers mois en Juin , & les fix
autres dans le mois de Novembre ; il a paru une
Déclaration qui avertit ces Rentiers qu'ils rece
vront leurs payemens à la Haye chés M. Jean
Wittert , Confeiller de cette Cour , & à Amfterdam
chés M. Bock , qui y eft Réſident de ſa Ma❤
jefté. Les lettres de Berlin marquent que M. de
Klingraff , Miniftre Plénipotentiaire du Roi de
Pruffe auprès du Roi de la Grande Bretagne , fe
rendit le 12 à Potſdam , afin d'y recevoir les der
niers ordres de fa Majefté Pruffienne , & qu'il doit
partir inceffamment pour Londres.
Voici ce que portent les lettres de Vienne du
22 Mai.
Dans un des derniers Confcils qui fe font
tenus à Schombrun , l'Impératrice Reine a pris la
réſolution d'accéder aux Articles Préliminaires de
Paix , qui ont été fignés à Aix - la- Chapelle par les
Miniftres Plénipotentiaires de Sa Majefté Très-
Chrétienne & par ceux du Roi de la Grande Bres
tagne & des Etats Généraux des Provinces -Unies;
On a fait en cor.féquence partir des couriers ,
pour porter ordre aux troupes de fa Majefté Impériale
de ne plus commettre aucun acte d'hoftilité
ni en Italie ni dans les Pays - Bas. Il a été ordonné
en même tems aux quatre Régimens de
I.Vol.
194 MERCURE DE FRANCE.
Cavalerie & aux nouvelles troupes de Croatie
qui devoient fe rendre à l'armée des Alliés commandée
par le Duc de Cumberland , de ne pas
continuer leur marche. Le 13 de ce mois on célébra
l'Anniverfaire de la naiffance de l'Impératrice
Reine , qui eft entrée dans la trente-deuxième année
de fon âge. Il y eut le foir à Schombrun un
Bal , après lequel la Cour foupa à deux tables
l'une de trente , l'autre de quatre-vingt couverts.
Le Miniftre qui eft venu de la part du Grand Seigneur
, fit le 17 fon entrée publique en cette ville.
Quelques difficultés fur le cérémonial , l'ayant
obligé de quitter le titre d'Ambaffadeur , il a pris
celui d'Envoyé Extraordinaire de fa Hauteffe. II
fut conduit le 18 à l'audience du Préfident du
Confeil de guerre , & l'on compte qu'il fera admis
le 28 à celle de l'Empereur . Le Comte de Beſtuchef,
que l'impératrice de Ruffie a envoyé pour
complimenter leurs Majeftés Impériales fur la naiffance
de l'Archiduc Pierre-Léopold,a eu audience
de l'Archiduc Jofeph , des Archiducheffes , du
Prince Charles & de la Princeffe Charlotte de
Lorraine . Le Comte de Barck , Envoyé Extraor
dinaire , du Roi de Suéde , eft arrivé le 11. M. de
Schees , Confeiller d'Ambaffade de l'Electeur Palatin
, & qui étoit chargé à Vienne des affaires de
ce Prince , a reçû les Lettres de rappel , & il doit
fe rendre à Ratisbonne pour y réfider en qualité
de Miniftre de la Cour de Manheim . Il fe tint le
17 chés le Vice- Chancelier de l'Empire une con
férence au fujet de la tutelle du jeune Duc de
Weymar , & du refus que le Duc de Saxe Gotha
fait de s'en démettre. L'Impératrice Reine a con
feré au Comte Georges d'Erdodi la Charge de
Grand Juge du Royaume de Hongrie , vacante
par la mort du Comte Jofeph Efterhafi . Les Dra
JUIN. 1748. 195
peaux du Régiment de Collowrath furent bénits
le 15 dans la Chapelle du Château de Schombrun.
Nous apprenons par Francfort du 19 Mai qu'on
mande de Mayence que le Baron d'Erthal , Grand
Maréchal de la Cour de l'Electeur de Mayence ,
& Préfident du Confeil des Finances de ce Prince ,
y eft mort depuis quelques jours. Ce Baron étoit
Miniftre Directorial du même Electeur auprès des
Cercles Antérieurs de l'Empire , & il avoit été cidevant
fon Envoyé Extraordinaire auprès du Roi
de la Grande Bretagne. Les lettres d'Amberg marquent
que le Régiment de Cuiraffiers de Luchefi ,
des troupes de l'Impératrice Reine de Hongrie &
de Boheme, lequel y étoit arrivé le 14 de ce mois
en allant aux Pays-Bas , avoit reçû ordre de retourner
en Boheme. Suivant les avis reçûs de Berlin ,
le Roi de Pruffe a fait le 23 à Potſdam la revûë
du Régiment de fes Gardes , & des Régimens de
Munchow , de Retzow & de Bila , & les Princes
freres de fa Majefté Pruffienne ont affifté à cette
revûe . Le lendemain le Roi de Pruffe fe rendit à
Charlottenbourg , & après y avoir dîné il alla voir
à Berlin la Reine Douairiere qui étoit malade. Le
Roi de Pologne Electeur de Saxe defirant de gardet
l'incognito à Breffau lorfqu'il y paffera pour
aller à Warfovie , a prié fa Majefté Pruffienne de
le difpenfer de recevoir les honneurs que la Régence
de Siléfie lui préparoit . Il y eut le 20 une
Longue conférence entre M. de Legge , Miniftre
Plénipotentiaire du Roi de la Grande Bretagne ,
& les Miniftres du Roi de Pruffe , à l'occafion de
quelques depêches importantes que M. de Legge
avoit reçues de Londres. M. de Klingraeff , Miniftre
du koi de Pruffe auprès du Roi de la Grande
Bretagne , doit fe rendre à Hannover & y at ,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
tendre fa Majefté Britannique. On a appris de
Drefde que le Roi de Pologne Electeur de Saxe .
accompagné des Princes Xavier & Charles, y étoit
revenu de Leipfick le 17. Sa Majefté Polonoife
dû partir le 28 pour Warfovie , à moins que l'indifpofition
de la Reine de Pologne , qui a eu quelques
accès de fiévre , n'ait fait retarder le voyage .
Les nouvelles du Comté de Glatz portent que la
Princeffe Louiſe Ulrique de Wirtemberg Oels y
eft morte le 17 , & que le Comte de Solms Tecklenbourg
eft mert le 6 à Oderberg.
V
GRANDE BRETAGNE.
Oici ce que portent les lettres de Londres de 10 Mai.
Il s'eft tenu aujourd'hui un Confeil d'Etat à l'oc
cafion des Articles Préliminaires d'accommodement,
conclus entre la France, la Grande Bretagne
& la République des Provinces Unies. LaRatification
de ces articles, fignée par le Roi , fera envoyée
le 11 à Aix la- Chapelle , & l'on compte qu'ils
feront communiqués le 13 aux deux Chambres
du Parlement. Les Seigneurs font occupés à juger
l'affaire du Comte de Dumfries , qui contefte à
Meffieurs Jean & Jacques Dalrymple la fucceffion
du feu Comte de Stairs. Le 6 la Chambre des
Communes approuva la refolution d'accorder une
Prime d'un demi fcheling fur chaque livre d'In
digo , qui fera apporté directement dans la Grande
Bretagne de l'endroit où il aura été fabriqué. Elle
paffa le même jour le Bill , dont l'objet eft de contenir
plus fermement les Montagnards d'Ecoffe
dans l'obéiffance . Le 10 elle a paflé le Bill du
fond d'Amortiffement , & a fait quelques changemens
à celui par lequel il eft défendu d'introduire
1
JUI N. 197 1748 .
des toiles du Cambrefis dans la Grande Bretagne!
On confirme que le Parlement terminera le 16
Tes féances. Le Baron de Wafner , Miniftre de la
Reine de Hongrie , a conferé plufieurs fois avec
le Duc de Newcastle, ainfi que le Chevalier Offorio
, Miniftre du Roi de Sardaigne , & M. Wale ,
Maréchal de Camp au fervice de la Majefté Catholique.
Le 8 M. Harriſon arriva de l'armée des
Alliés , d'où il a été dépêché par le Duc de Cumberland
, pour informer fa Majefté que ce Prince,
en conféquence de ce qui a été réglé à Aix - la-
Chapelle , étoit convenu avec le Maréchal Comte
de Saxe de faire ceffer les actes d'hoftilité dans
les Pays- Bas. Dès qu'on aura fait l'échange des
Ratifications des Articles Préliminaires , la communication
fera rétablie entre les Ports de Douvres
& de Calais. Le Comte de Harrington , Vicefoi
d'Irlande , lequel eft de retour de Dublin , a
eu l'honneur de faluer le Roi qui l'a reçû trèsfavorablement
, Le Contre- Amiral Mitchell a
rendu compte à fa Majefté de l'état où il a laiffé
l'efcadre avec laquelle il a croifé fur les côtes de
Zélande , & dont il a remis le commandement au
Chef d'efcadre Townshend . Les vaiffeaux du Roi
ont conduit dans divers Ports de la Grande Bretagne
plufieurs Corfaires & navires François , ainfi
que quelques autres bâtimens , chargés de marchandifes
qu'on croit appartenir à cette Nation .
Un navire de cinq cent tonneaux , armé de vingt
canons , lequel alloit au Canada avec des munitions
, a été pris par le Corfaire le London , que
monte le Capitaine Jean Barker. Le Corfaire
l'Alexandre eft arrivé à Briſtol avec deux bâtimens,
dont l'un avoit fait voile de Bordeaux pour la
Martinique , & l'autre venoit de Leogane à Nantes
avec quatre cent cinquante tonnes de fucre ,
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
vingt-huit facs de cacao , vingt - cinq caiffes d'Indigo
& quarante de caffé . On a été informé par la
chaloupe de guerre ↳ Hawki que l'efcadre commandée
par M. Pocock bloquoit le Port de Saint
Pierre de la Martinique , où il y avoit près de
trois cent navires prêts à mettre à la voile. Le
Comte de Traquair & le Chevalier Jean de Duglas,
qui font fortis de prifon , à condition de comparoître
dans certain tems à la Cour du Ranc du
Roi , s'y font préſentés le 9 , & on leur en a donné
acte. La maladie épidemique des beftiaux caufe
beaucoup de ravage dans le Comté de Stafford .
Le 6 le Lord Anſon , Amiral & l'un des Commiffaires
de l'Amirauté , époufa la fille aînée du Lord
Chancelier. On parle du mariage du Comte Car
teret de Grandville avec Mademoifelle de Gieuville
, Fille d'Honneur de la Princeſſe de Galles .
Depuis la fignature des Articles Préliminaires de
Paix , le Roi a décidé qu'il feroit un voyage dans
fes Etats d'Allemagne, & les Yachts , qui doivent
tranfporter fa Majefté en Hollande , ont ordre de
fe tenir prêts. Les Actions de la Compagnie de la
mer du Sud font à cent quatre ; celles de la Banque
à cent vingt & un ; celles de la Compagnie
des Indes Orientales à çent foixante & quinze
& les Annuités à quatre- vingt - feize & demi.
de
Les nouvelles du 17 Mai portent que le 13
ce mois le Roi reçût les complimens de la princi
pale Nobleffe fur la fignature des Articles Préliminaires
de Paix . Ces articles n'ont point été communiqués
le 16 au Parlement , ainfi que le bruit
avoit couru qu'ils devoient l'être , & l'on croit
qu'ils ne le feront qu'après l'échange des Ratifications.
En attendant fa Majefté , a figné une Proclamation
pour un Armiftice tant fur mer que fus
terre. Le départ du Roi pour les Etats d'AllemaJUIN
. 1748. 199
&
gne eft fixé au 28 ou au 29 de ce mois , & quel
ques jours auparavant fa Majefté fe rendra au Parlement
pour mettre fin aux féances de cette affemblée.
Le 17 les Seigneurs pafferent le Bill , qui
autorife le Roi à tirer un million de livres fterlings
du fond d'Amortiffement. Ils ont adjugé à
M. Jacques Dalrymple la fucceffion du feu Comte
de Stairs . La Chambre des Communes a fait la
troifiéme lecture du Bill concernant l'Indigo . Le
15 les vaiffeaux de guerre le Ruffel & le Jersey
arriverent de Lisbonne aux Dunes avec la flotte
Marchande à laquelle ils fervoient d'escorte ,
avec le vaiffeau Efpagnol le Glorieux , dont le
Ruffel s'eft emparé l'année derniere . Ón affûre
qu'ils ont à bord deux cent mille livres fterlings ,
foit du produit.des prifes , foit pour le compte des
Négocians . Il arriva le 13 une chaloupe de guerre
, par laquelle les Commiffaires de l'Amirauté
ont reçû les nouvelles fuivantes . L'efcadre , commandée
par l'Amiral Knowles , s'étant rendue le
18 du mois de Mars dernier devant le Port Louis ,
Situé fur la côte méridionale de l'Ile de Saint Domingue
, on canonna le lendemain avec beaucoup
de vivacité le Fort qui défend la rade , & la garnifon
fut contrainte de fe rendre . Il a été réglé
par la Capitulation que cette garniſon fortiroit
avec armes & bagages , mais qu'elle n'emmeneroit
ni canons ni mortiers , & qu'elle ne pourroit
fervir pendant un an contre la Grande Bretagne.
Auffi- tôt que la Capitulation a été fignée , l'Amiral
Knowles a fait prendre poffeffion du Fort par
le Major Scort , & un détachement du Régiment
de Trelawney y eft entré d'un côté , pendant que
la garnifon eft fortie de l'autre . On y a trouvé
foixante-dix-huit canons & cinq mortiers. Il y
avoit dans le Port trois navires Marchands &
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
deux chaloupes armées en courfe. Il n'y a eu dans
cette expédition que foixante hommes de bleflés
& dix- neufde tués , du nombre defquels font Meffieurs
Rentone & Cuft , Capitaines du Régiment
de Trelawney. L'Amiral Knowles mande aux
Commiffaires de l'Amirauté qu'après qu'il aura
fait fauter ce Fort , il remettra à la voile pour aller
exécuter une entrepriſe contre Sant Jago de Cuba.
On a appris que les navires le Kent & le Severn ,
qui appartiennent à la Compagnie des Indes
Örientales , font arrivés le 7 à Kenfale en Irlande.
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud .
font à cent fix ; celles de la Banque à cent vingtcinq
; celles de la Compagnie des Indes Orientales
à cent foixante- quatorze ,& les Annuités à quatrevingt-
dix- huit & demi.
Ön écrit du 24 Mai que ce jour même le Roi
s'eft rendu à la Chambre des Pairs avec les cérémonies
accoûtumées , & que fa Majefté , ayant
mandé la Chambre des Communes , a fait le difcours
fuivant , Mylords & Meffieurs : A l'ouverture
de cette Seffion du Parlement , je vous annonçai
que les Puiffances , engagées dans la guerre , avoient
donné leur confentement à la tenue d'un Congrès.
J'ai maintenant lafatisfaction de vous apprendre que
les Articles Préliminaires pour le rétabliſſement de la
Paix générale ont étéfignés par mon Miniftre & par
ceux du Roi Très - Chrétien & des Etats Géneraux
des Provinces-Unies , & qu'ils ont pour base la reftitution
réciproque des conquêtes faites de part & d'au
tre pendant la guerre. En conféquence de ces Préliminaires
, qui ont été ratifiés par les Parties Contractantes
, les hoftilités ont déja ceffé dans les Pays- Bas ,
ainfi que dans la Manche , & felon l'usage on a fixé
les termes dans lesquels elles doivent ceffer pour les
autres Parties du monde . Mon principal but dans
JÚ IN. 1748. 201
mes ,
Cette importante négociation a été de rendre la tranquillité
à l'Europe, d'affûrer le bonheur de mes Royaude
procurer à mes Alliés les conditions les
plus avantageufes que les évenemens de la guerre ,
qui en quelques endroits n'a pås eû lefuccès désiré,possvoient
leur permettre d'efpérer . Fendant tout le cours
de la même négociation , je n'ai caché à ces Buiffances
aucunes de mes vûës ni de mes démarches. Ainfije
meflate que lorsqu'elles auront réfléchi mûrement fur
la fituation des affaires , fur la néceffité de prendre le
parti auquelje me fuis déterminé , &fur l'attention
quej'ai cue à menager leurs interêts , non -feulement
elles ne differeront point d'accéder aux Articles Préliminaires
, mais encore elles concoureront à l'ouvrage
Jalutaire de la Paix. Les puiffansfecours que vous
m'avez donnés pour m'aider à foutenir la guerre ,
m'ont mis en état d'avancer ce grand ouvrage. Toutes
nos mesures ont tendu à cet objet , & l'on ne peut
reprocher à la Grande Bretagne de s'en étre jamais
écartée. Autant pour l'interêt de la caufe commune
que pour le fien propre , elle a fupporté les charges de
guerre , d'une maniere dont on n'a guéres vû d'exemples
dans les tems précédens .J'efpére de voir bientôt
avec le concours de mes Alliés mes efperances remplies,
la
j'ai résolu d'entretenir avec eux la plus parfaite
union , & de fortifier tellement les liens de notre amitié
, que la Paix en foit plus folide plus durable.
Meffieurs de la Chambre des Communes , Je vous
dois des remerciemens particuliers des fubfides par
lefquels vous avez pourvû aux befoins de cette année.
Rien ne pouvoit contribuer plus efficacement à mettre
fin aux calamités de la guerre , & à diminuer les dépenfes
futures. On fera ufage de cesfubfides avec la
plus prudente économie , & vous devez être perfuadés
que ce fera pour moi un plaifir réel de faifir l'occafion
de décharger mon Peuple d'une partie du fardean
I V
202 MERCURE DE FRANCE.
qu'ilporte. Mylords & Meffieurs , Il me feroit dif
ficile de vous exprimer combien je fuis fatisfait de la
conduite que vous avez tenue. Je vous recommande
d'affûrer les habitans de vos Provinces qu'on a pris de
juftes mesures pour leur foulagement & pour leur repos.
Comme mon plus ardent defir eft de voir la Gran
de Bretagne , foit dans la guerre , foit dans la paix
conferver l'éclat & la puissance qu'elle a droit de prétendre
, j'ai auffi le plus grand empreſſement de voir
mes bons Sujets jouir de tous les avantages d'une vie
paifible & d'une conftante prospérité . Le Lord Chan
celier a déclaré enfuite que le Parlement pouvoit
fe féparer jufqu'au 11 du mois de Juillet prochain,
L'après - midi le Roi eft parti pour Gravefend ,
ou fa Majefté a dû s'embarquer fur le Yacht la
Caroline , afin de paffer en Hollande & de ſe rendre
delà dans fes Etats d'Allemagne. Le Lord Anfon
commande l'efcadre deſtinée à fervir d'efcorte
à fa Majefté , & il a arboré fon Pavillon à
bord du vaiffeau de guerre le Hastings . Quelques
jours avant la féparation du Parlement , les Seigneurs
ont approuvé le Bill en faveur des débiteurs
infolvables , & le Bill concernant l'Indigo . La
Chambre des Communes a renvoyé à la prochai
ne Seffion l'examen de la plupart des affaires , fur
lefquelles il lui reftoit à déliberer. On publia le
18 de ce mois la Proclamation du Roi , au fujet
de l'Armistice dont on eft convenu à Aix -la- Chapelle.
Elle porte que les Articles Préliminaires de
l'accommodement entre la France , la Grande
Bretagne & la République des Provinces-Unies ,
étant réglés, il a été ftipulé qu'on cefferoit de part
& d'autre toutes hoftilités ; qu'afin de préve
nir les occafions de plainte & de difpute touchant
les navires & les effets qui pourroient être pris par
les vaiffeaux de guerre & par les Corfaires , on
JUIN. 1748. 203
fixeroit les tems après lefquels la reftitution des
prifes auroit lieu , felon le plus ou le moins d'éloignement
des endroits où elles auroient été faites ;
que les tems qui avoient été marqués étoient
douze jours pour la Manche & pour les mers du
Nord , à compter du 30 Avril dernier , fix femaines
pour la partie de la.mer au-delà de la Manche
jufqu'au Cap Saint Vincent ; trois mois depuis
ce Cap jufqu'à la Ligne , foit dans . l'Océan ,foit
dans la Méditerranée , & fix mois pour tout ce
qui eft au-delà de la Ligne. Cette Proclamation
ajoute que pour ce qui regarde la terre , les hoftilités
ont déja ceffé dans les Pays - Bas , conformé
ment à la convention conclue entre les Puiffances
Contractantes. Le Roi par la même Proclamation
ordonne à tous les Officiers , tant de terre que de
mer , d'empêcher qu'il ne foit caufé aucun préju
dice au Roi Très- Chrétien ni à fes fujets, après les
termes prefcrits ci- deffus , fous peine d'encourir
la haute indignation de fa Majefté . On a expédié
diverfes chaloupes de guerre pour porter cet ordre
aux Cemmandans des Ports & des efcadres du
Roi , auffi-bien qu'aux Gouverneurs des Colonies.
Les Amiraux Warren & Hawke ont été rappellés
avec leurs efcadres , lefquelles doivent être
défarmées immédiatement après leur retour. Ila
été réſolu auffi de faire revenir la moitié des vaiffeaux
de guerre qui font dans la Méditerranée &
les deux tiers de ceux qui font à l'Amérique, &
dans les Indes . Suivant les arrangemens qui ont
été pris , on congédiera les équipages de foixantedix
de ces bâtimens. L'ordre a déja été donné de
défarmer dans les Ports de Plymouth & de Chatham
les vaiffeaux la Britannia , le Barfleur &
l'Entreprise , & dans le Port de Portfmouth le
Bleinheim , le Chefer , le Royal Georges , le D
1 vi
204 MERCURE DE FRANCE.
le Prince Georges , le Chicefter & le Saint Georges.
En même tems on a renvoyé la plus grande partie
des ouvriers qui travailloient dans les chantiers de
fa Majesté. Le Gouvernement a fait déclarer aux
Patrons de la plupart des bâtimens de tranſport ,
qu'il avoit fretés depuis le commencement de la
guerre contre la France , qu'il n'a plus beſoin de
leurs navires . Il retirera auffi dans peu les Lettres
de marque accordées aux armateurs. Tous les
prifonniers de guerre François feront inceffamment
remis en liberté . Sa Majesté en partant a
laiffé aux Seigneurs Régens du Royaume des inftructions
, qui regardent les négociations de la
Paix, Plufieurs Commerçans ayant reçu des remifes
confidérables pour envoyer en France le plus
de bled qu'il leur feroit poffible , ils on ont acheté
en cette ville une très-grande quantité , ce qui en
a fait augmenter le prix de quatre fchelings par
quartier.
L
PROVINCES UNIES . -
Es nouvelles de la Haye du
Mai
17 portent
que le Prince Stathouder eft revenu de Bréda,
& que tous lesMembres des Hauts Colléges fe font
rendus chés lui pour le complimenter fur fon arrivée.
Les Députés , nommés par les Etats de la
Province de Groningue, pour remettre à ce Prince
le Diplôme concernant l'hérédité du Stathouderat
, furent admis le 11 de ce mois à fon audience.
Le 15 le Prince Stathouder affifta à l'affemblée
des Etats de Hollande & de Weftfrife , auxquels
il a communiqué les Articles Préliminaires qui
ont été fignés à Aix - la - Chapelle le 30 du mois
dernier . Il eût le même jour une longue conférence
avec le Baron de Reiſchach , Envoyé Ex,
JUIN. 1748. 205
traordinaire de la Reine de Hongrie . On affûre
que lorfque ce Prince retournera à Bréda , la Princeffe
fon époufe l'y accompagnerà avec le Comte
de Buren & la Princeffe Caroline. M. Keyt , Secrétaire
d'Ambaffade , chargé des affaires du Roi
de la Grande Bretagne , a conferé avec quelques
Députés de l'affemblée des Etats Généraux fur des
dépêches qu'il a reçûës du Comte de Sandwich . Il
ya apparence que le Baron d'Aylva fera nommé
Gouverneur de Maeſtricht , lorſque cette Place fera
rendue à la République. Le Prince Stathouder a
témoigné par de très-grands éloges combien il
étoit fatisfait de la maniere dont ce Lieutenant
Général a défendu la ville. La Lieutenance Colonelle
du Régiment de Dragons , dont le Baron
Lambert Henri d'Olne eft Colonel , a été donnée
au Baron de Woeftentath , & le Baron Henri
Cafimir d'Olne a été fait Major du même Régiment
. Le Comte d'Outremont de Warfufé, Lieute
nant Colonel du Régiment de Dragons Wallons
a prêté ferment en cette qualité devant le Confeil
d'Etat . Le Comte de Bentinck , Premier Miniftre
Plénipotentiaire de la République aux Conférences
d'Aix- la- Chapelle , eft parti pour y retourner.
On doit y envoyer inceffamment la Ratification
des Articles Préliminaires.
On marque par les lettres du 22 qu'on a envoyé
au Comte de Bentinck , Premier Miniftre Pléni
potentiaire de la République , la Ratification des
Articles Préliminaires de Paix fignée par les Etats
Généraux . Il a paffé à la Haye deux couriers
qui venoient de Londres , & qui alloient à Vienne
& à Turin avec des dépêches , dont l'objet eft d'ac-
' célerer l'acceffion de la Reine de Hongrie & du
Roi de Sardaigne à ces Articles Préliminaires . Le
Baron.de Reifchach , Envoyé Extraordinaire de fa
206 MERCURE DE FRANCE
Majefté Hongroife , & M. d'Ammon , Miniftre
du Roi de Pruffe , ont eu chacun une audience
du Prince Stathouder. Ce dernier Miniftre eft allé
à Aix-la-Chapelle , où l'on compte qu'il affiftera
aux conférences en qualité de Plénipotentiaire de
fa Majefté Pruffienne. Il y fera fuivi inceffam ,
ment du Baron de Borffele , cinquiéme Miniftre
Plénipotentiaire de la République. Le Baron
d'Aylva , ci-devant Commandant à Maeftricht ,
& qui en eft revenu le 20 , rendit compte le
même jour au Prince Stathouder de ce qui s'eft
paffé pendant le fiége. Les Députés des États de
Hollande & de Weftfrife fe font féparés le 18,
Les avis reçûs d'Oftende portent qu'un Corfaire
de Dunkerque s'eft rendu maître d'un navire Hol
landois , fur lequel il y avoit deux cent barils de
fucre & une grande quantité de caffé & de cacao.
>
On écrit du 29Mai qu'il arriva d'Aix-la -Chapelle
le 24 de ce mois un courier qui a apporté la Ratification
des Articles Préliminaires de Paix fignée
par le Roi de France. Le Prince Stathouder affifta
le même jour à l'affemblée des Etats Généraux ,
& il y demeura depuis onze heures du matin juf
qu'à quatre heures après-midi. Les Députés de la
ville de Groningue & des Bailliages qui en dépendent
furent admis le 27 à l'audience de ce
Prince , qu'ils complimenterent fur l'Hérédité du
Stathouderat , reconnue par les Etats de leur Province
dans les Lignes Mafculine & Féminine de
Ja Maiſon de Naffau Dieft. Le Baron de Reiſchach ,
Envoyé Extraordinaire de l'Impératrice , Reine
de Hongrie & de Boheme auprès des Etats Géné
raux , a préſenté au Prince Stathouder le Comte
de Rosemberg , ci- devant Miniftre Plénipotenjaire
de certe Princeffe auprès du Roi de PortuJUIN.
1748. 207
gal. Aufli-tôt qu'on fera informé de l'arrivée du
Roi de la Grande Bretagne à Utrecht , le Prince
Stathouder s'y rendra pour conférer avec fa Ma
jesté Britannique . On compte qu'il y fera accom
pagné par la Princeffe de Naffau. Les Gardes du
Corps qui doivent les efcorter font déja partis
air.fi qu'un détachement de foixante hommes des
Gardes Suiffes. On a fait partir auffi les détache
mens de Cavalerie , deftinés à fervir d'efcorte au
Roi de la Grande Bretagne. Plufieurs Miniftres
Etrangers font allés attendre ce Prince à Hellevoet
Sluys. Le Prince Stathouder a fait inférer
dans les Gazettes d'Amfterdam & d'Utrecht une
Déclaration ; par laquelle il défavoue plufieurs expreffions,
dont on fuppofoit qu'il s'étoit fervi , lorfqu'il
avoit pris congé du Confeil d'Etat avant fon
départ pour Bréda. 11 eft dit dans cette Déclaration
que ce Prince n'a jamais employé le terme
de Sujets en parlant de fes Concitoyens ; qu'il fait
gloire d'être né & d'avoir été élevé chés un Peuple
libre ; qu'il ne connoît point de prérogative
plus éminente que celle de mériter la confiance
de ce Peuple , & qu'il s'appliquera toujours à la
conferver. M. Jacques de la Baffecour , Penfionnaire
de la ville d'Amfterdam , y mourut le 27
dans la quatre-vingt quatrième année de fon âge,
ITALIE.
DE TURIN le 4 Mai.
Ar un courier venu hier de Savone on a ap
qu'ilyavoiteu Campoftédo une action
très-vive entre un détachement des troupes du
Roi Très -Chrétien & le Corps commandé par le
Comte de Nadafty. Le Roi a nomméle Prince de
208 MERCURE DE FRANCE.
Valguarnera , Viceroi & Capitaine Général de
P'Ile de Sardaigne , d'où l'on a reçû avis que le
Parti des mécontens augmentoit de plus en plus.
Un convoi de bâtimens , fur lesquels fa Majefté
avoit fait embarquer quatre bataillons de fes troupes
pour tenter une defcente en Corſe , a été obligé
de retourner à Vado . Selon les nouvelles de Nice ,
il y eft arrivé d'Espagne mille hommes de recruës
deftinés pour l'armée de l'Infant Don Philippe , &
ils doivent être fuivis de quatre mille autres.Quin.
ze navires ayant à bord des troupes de la même
Nation, font entrés dans le Port de Villefranche .Ils
ont été féparés de cinq autres bâtimens chargés
auffi de troupes , & qui ont relâché à Cete . On
affûre que le Corps de troupes qui s'eſt aſſemblé
en Catalogne , a paffé dans le Lampourdan pour
marcher au premier ordre vers le Comté de Nice .
Les lettres de Novi marquent que le feu ayant
pris le 23 du mois dernier dans une maifon de
Voltaggio , les trois quarts de ce bourg ont été
réduits en cendres. Le Général Petrazzi qui y
étoit avec un détachement , s'étant porté pendant
cet incendie vers la Bochetta , dans la crainte que
les Génois ne profitaffent de cette occafion pour
former quelque entreprife , trouva à ſon retour
tous les équipages brûlés . On a été informé par les
mêmes lettres que le 26 le Feldt- Maréchal Comte
de Browne s'eft rendu à Parme , & que toutes les
troupes de la Reine de Hongrie s'avançent vers
Fornuovo , d'où elles marcheront partie à Bercetto,
partie à Borgo Taro , afin de defcendre de ces
deux côtés dans les diſtries de la côte Orientale
de l'Etat de Génes.
JUI N. 1745. 200
DE PARME le 7..
Suivant les réfolutions Confeil de guerre tenu ppraifrelse dFaenlsdt-lMeadreércnhiaelr
Comte de Browne , les troupes de la Reine de
Hongrie formeront trois camps , l'un dans le Modénois
, l'autre près de Novi & le troifiéme à Borgo
Taro. Elles marchent en conféquence fur trois
colonnes , dont la premiere fous les ordres du
Feldt- Maréchal Comte de Browne s'avance vers
Girola. La feconde commandée par le Général
Litzen , s'eft portée de Fornuovo à Bercetto, d'où
elle fe rendra par Pontremoli à Brugnetto . Le Général
Keill à la tête de la derniere a pris la route
de Montecchio , & y paffera la Lenza . Déja l'avant-
garde de ces troupes , compoſée de Varadins
& d'autres troupes legeres , eft arrivée à peu de diftance
de la côte Orientale de l'Etat de Génes,
Plufieurs lettres affûrent que cinq mille hommes
de recruës font en chemin pour venir joindre cette
armée. Il s'eft confirmé que le 30 du mois dernier
le Convoi deftiné pour l'exécution du projet
contre la Corfe avoit remis à la voile de Vado .
On a reçû avis qu'un détachement des Milices
Génoifes avoit enlevé foixante mulets qui por
toient du pain à Stella & à San Martino . Les mêmes
nouvelles portent que le Roi de Sardaigne
fait ajoûter plufieurs ouvrages aux fortifications ,
tant de la ville que de la citadelle de Savone.
210 MERCURE DE FRANCE.
DE GENES le 12 Mai.
E bruit qui s'eft répandn qu'il y avoit eu une
troupes du
Roi Très-Chrétien & le Corps commandé par le
Comte de Nadafty , eft deftitué de tout fondement.
Sur l'avis que toutes les troupes de la Reine de
Hongrie font en mouvement , le Duc de Richelieu
a fait partir le 29 du mois dernier cinq bataillons
François avec douze piéces de campagne &
une grande quantité de munitions de guerre pour
Seftri di Levante. Ces cinq bataillons furent fuivis
le lendemain de trois bataillons Efpagnols , & l'on
compte qu'il y a actuellement depuis Seftri jufqu'à
la Spécie douze mille hommes de troupes reglées
& un pareil nombre de Païfans tous bien armés &
très- difpofés à faire leur devoir . On a pris les me
fures néceffaires pour mettre les poftes de la Scoffera
, de Coronato & de Polfevera , à l'abri de
toute infulte , & l'on a renforcé de plufieurs Compagnies
la garnifon du Fort de Sainte Thecle , fitué
dans les environs des Camaldules. Le Duc de
Richelieu alla le ‹ de ce mois vifiter tous ces differens
poftes. Il a établi le 7 fon quartier général à
Seftri , & le marquis d'Ahumada a pris le fien à
Chiavari. Jufqu'à préfent les ennemis n'ont pris
aucune pofition qui puiffe nous inquiéter , & les
montagnes étant encore couvertes de neige , il ne
fera pas facile au Feldt-Maréchal de Browne de
pénétrer dans les Diftricts vers lefquels il paroît
vouloir tourner fes principaux efforts. Dans un
Confeil de guerre qui s'eft tenu le premier de ce
mois , il a été réfolu , fi les renforts qu'on attend
encore de France n'arrivent pas bientôt , de retirer
1
<
JUIN. 1748. 211
de Voltri , d'Arenzano & des autres poftes avancés
de la riviere du Ponent , les troupes Françoifes
qui y font , & d'y mettre des troupes de la Répu
blique , le Duc de Richelieu voulant faire garder
au moins par deux mille François le paffage de la
Bochetta. Ce Général affifta le 28 du mois dernier
à la Bénédiction des Drapeaux du Régiment Royal
Italien , laquelle fut faite dans l'Eglife Cathédrale
par l'Archevêque de cette ville , & il tint enfuite
fur les Fonts de Baptême avec la Marquife Bri
gnolé un Turc qui a embraffé la Religion Chré
tienne. Il court un bruit que les dix -huit bâtimens
ennemis partis de Vado avec des troupes du Roi
de Sardaigne pour attaquer l'Ifede Corfe ,font entrés
dans le Golfe de San Fiorenzo , & qu'ils y ont
débarqué deux mille hommes . En même tems on
affûre que le premier des fecours envoyés par
République au Commiffaire Général de cette Ifle
eft arrivé à Calvi . Quoique ce fecours ne foit que
de huit cent hommes , il pourra déranger les deffeins
des Rebelles , qu'on dit d'ailleurs très- divifés
entre eux , furtout depuis la mort du Colonel Ri
varola. Le 6 il parut à la hauteur de ce Port plu
fieurs navires faiſant route au Couchant fous l'efcorte
de quelques vaiffeaux de guerre Anglois. On
crut d'abord que c'étoit le Convoi qui avoit tranf
porté des troupes ennemies en Corfe & qui retournoit
à Vado , mais depuis on a fçû que c'étoit un
autre Convoi qui venoit de Livourne avec des pro
vifions pour Savone. Une galiotte Génoife a con
duit ici deux tartanes du Roi de Sardaigne , chargées
de grains . Le Duc de Richelieu a acheté deux
nouveaux chabecs , qu'il a fait armer. Le 29 du
mois dernier le Marquis Brignolé de Sales , ci - devant
Dôge de cette République , épouſa une fille
212 MERCURE DE FRANCE.
du Marquis Durazzo . On prépare un Opéra dont
la premiere repréſentation fe donnera le 20 de
ce mois.
DE TURIN , le 11.
UN détachement des troupes Françoifes vint
le 4 de ce mois reconnoître les retranchemens
qui ont été conftruits par ordre du Roi dans
les Cols de Raus & de Villette. Afin de s'oppofet
aux entreprifes que les ennemis pourroient for
mer de ce côté, le Marquis d'Ormea , qui eft char
gé de la défenfe de cette partie de la frontiere , a
fait occuper en avant deux poftes très - avantageux
par plufieurs Compagnies de Grenadiers , que
commandent le Baron de Favié & le Chevalier de
de Leiny. Depuis le 4 les François fe renforcent
confidérablement à Boléna , & leurs divers mouvemens
paroiffent donner de l'inquiétude au Baron
de Leutrum . Hier le premier bataillon du Régiment
des Gardes & un bataillon du Régiment
de Bade fe mirent en marche pour aller joindre
l'armée commandée par ce Général. Sa Majefté
fait défiler plufieurs bataillons vers Saluces & vers
Coni M. de Sinclair , Lieutenant Général des ar.
mées du Roi de la Grande Bretagne & fon Minif
tre Plénipotentiaire auprès du Roi pour ce qui
concerne les opérations militaires , eft arrivé ici le
8. Selon les lettres de Savone les Génois ont fait
partir un nouveau fecours pour l'lfle de Corfe ,
mais les bâtimens qui le conduifent ont été obligés
par les vents contraires de relâcher dans le
Golfe de la Spécie .
JUIN.
213
1748 .
DE GENES le 18.
Unnouveau renfort de fept cent cinquante hommes des troupes France arriva de
Monaco le 11 de ce mois.On les fit rembarquer le
13 pour Seftri di Levante , mais le vent s'étant trouvé
contraire à leur navigation , on a pris le parti de
les y envoyer par terre. Le principal Corps des
troupes combinées de France & d'Eſpagne eft
toujours dans les environs de ceue Place , & vraifemblablement
il ne changera point fi-tôt de pofition
, le Feldt-Maréchal Comte de Browne donnant
lieu de juger par les " magafins confidérables
qu'il établit à Fornuovo & .à Borgo Taro , que
fon deffein eft de tourner de ce côté fes plus
grands efforts . Il y a un bataillon du Régiment
Royal Italien , campé à la Scoffera & un du Régiment
de Brie à la Marfiglia. On a fait occuper
par mille hommes , tant François que Génois , le
pofte de Torazza fitaé fur la droite de la vallée de
Polfévera. C'eft en cet endroit que le Comte de
Schullembourg avoit établi fon Quartier Général
lorfqu'il forma le fiége de Génes . Outre vingt &
une piéces de campagne qui ont été envoyées au
Camp du Duc de Richelieu , on a embarqué douze
canons de batterie , depuis douze jufqu'à feize
livres de balle , pour garnir les retranchemens faits
fur les hauteurs voifines de Seftri di Levante. Les
précautions qu'on prend pour la fûreté de ce pofte
, n'empêchent pas de penfer à celle de la Spécie
& la garnifon de cette derniere Place vient d'être
renforcée encore de deux bataillons . Quoique les
Allemands paroiffent perfifter dans la réfolution
d'attaquer la riviere du Levant par Sarzanello ,
Serravalle & Cento Croci , on ne peut fe perfuader
qu'ils tentent cette entreprife, Les fept cent
hommes qui ont été envoyés dans l'Ile de Corfe
214 MERCURE DE FRANCE.
ont été diftribués dans les Châteaux de Calvi , de
Boniface & d'Ajaccio , parce qu'ils n'ont pû entrer
à la Baftie , & cette derniere ville ayant peu
de troupes pour fa défenſe , on craint que les Rebelles
ne s'en foient rendus maîtres. Il regne tou
jours beaucoup de divifion parmi eux , & leur
parti eft diminué confidérablement depuis que le
Duc de Richelieu a fait répandre dans la plus
grande partie de l'Ile un placard , par lequel il
promet de la part du Roi Très- Chrétien toute forte
de protection aux Infulaires qui demeureront
fidéles à la République , & ménace au contraire
du châtiment le plus rigoureux ceux qui ne ſe
tiendront point dans l'obéiffance.
J
APPROBATION.
Ai lû par ordre de Monfeigneur le Chance
lier le premier volume du Mercure de France du
mois de Juin 1748.A Paris le premier Juillet 1748
BONAMY.
TABLE.
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe
Séance publique de l'Académie des Belles-
Lettres du Mardi 23 Avril ,
Traduction du Cantique de Moyfe , &c.
Lettre fur la converſation ,
3
15
17
La Poule aux oeufs d'argent , Fable ,
Penfées diverfes ,
Imitation d'une Ode d'Horace ,
Refléxions fur l'amitié ,
Epigramma & la Traduction ,
Les Chiens & le Renard , Fable ,
Lettre à M. de ***
29
301
33
36
38
39
40º
Les deux Venus ; 43
Nouveau Mémoire fur les Afnes de Bourges , 44
Réponse en vers de M. de la Soriniere à M. Desforges-
Maillard ,
Epigramme ,
47
49
13
Extrait de lettre fur des coquillages foffiles , ibid.
Vers à une parente pour le jour de fa Fête ,
Séance publique de l'Académie Royale des Belles-
Lettres de la Rochelle , Extrait de lettre ,
Ode tirée du Pleaume Diligam te , Domine ,
Les vrais plaifirs de l'amour fondés fur le fentiment
du coeur , Conte
Epitre de M. de la Soriniere à ſon Médecin ,
Lettre à M. de la Bruere ,
Bouquet ,
Le manége du navire ,
54
68
70
81
83
86
87
97 Bouquets ,
Ode IX. L. III. Horatii & Lydia Dialogus , & la
traduction , 98
or
ibid.
124
Mots des Logogryphes du Mercure de Mai ,
Enigmes & Logogryphe ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c . 105
Eftampes nouvelles ,
Nouveau Projet de Soufcription pour la fuite des
Planches anatomiques ,
Opiat Philofophique du SrMutelé du Chevalier, 128
Elixir , Eau fouveraine & Opiat de la v. Bunon, 130
Spectacles ,
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 135
Bénéfices donnés ,
124
132
142
143
L'Ecole des jeunes militaires , Comédie repréſentée
au Collège de Lous le Grand ,
L'Amour des Beaux- Arts , Ode à M. Titon du
Tillet , 147
Lettre à M. le Blanc , Démonftrateur Royal à
Orléans ,
Ode Sacrée tirée du Pleaume Miferere ,
154
166
Mémoire fur la Baronie du Beaujolois ,
Mariages & Morts ,
Arrêts notables ,
Nouvelles Etrangeres , Suede , & c.
176
172
179
183
Errata d'Avril & de Mai.
D été inférée dans le Mer
Ans la feconde partie de la lettre de M. L. à
cure de Mai 1748 , il s'ett gliflé une erreur d'impreffion
, faute d'attention à quelques caractéres
Aftronomiques employés fur le manufcrit, qui feroit
trop de conféquence pour le quatriéme ſyſtême
du monde , fi elle n'étoit relevée .
On lit p. 42 que la terre dans le même eſpace
de tems qu'elle accomplit fa rotation , avance dans
fon orbite du feptiéme environ d'une lieuë commune
ou de trois dix -huitiémes , & change la direction
de fon axe & de fon Equateur & de tous fes
paralleles d'un arc de huit vingt -fixiémes & demi ,
ce texte inintelligible devient clair & exact , en
lifant conformément à l'original , après les mots
d'une lieuë commune ou d'un arc de trois tierces
dix huit quartes , & change la direction de fon axe
& de fon Equateur & de tous fes paralleles , d'un
arc de huit tierces vingt - fix quartes & demi .
Dans la premiere partie de cette lettre , qui a
été publiée dans le Mercure d'Avril , p 58 , lign . 20,
au lieu de tout mon zéle , il faut lire tant mon zépour
vous en rendre compte étoit animé. le
A la page 60 qui fuit où l'on trouve que Def
cartes & Newton , qui ont été meilleurs Mathématiciens
que Logiciens , il faut ajoûter , & Phy
ficiens , felon l'original manufcrit .
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
La Chanfon notée doit regarder lapage 132
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JUIN. 1748 .
SECOND VOLUME
UTI
LIGIT
UT
SPARCAS
Papillon
S
Ches
A PARIS ,
ANDRE CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Roi,
A VIS.
L
'ADRESSE générale duMercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure.
de France de la premiere main , & plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercurede
France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS.
1.
7
いい
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JUIN. 1748.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
ESSAI fur l'Aulæum qui fervoit au
Théatre des Anciens .
I
L femble qu'on n'a pas affés examiné
quel pouvoit être l'ufage
de l'Auleum dans les repréfentations
des piéces Dramatiques
des anciens , & que fur une prétendue con-
. formité de leur théatre avec le nôtre , on
n'a pas pris le véritable fens de cette expreffion
. Le but de ces remarques eft de
faire voir la fauffeté de l'explication qu'on
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
en donne ordinairement , & d'effayer de
lui en fubftituer une meilleure.
Les Commentateurs & les Interprétes
entendent par Aulaum une toile qui fer- *
moit tout le devant du théatre hors le tems
de la repréfentation , comme dans nos
théatres , avec cette difference néanmoins
qu'au lieu de lever toute la toile en haut
pour ouvrir le théatre , on la baiffoit alors
tout- à- fait , ce qui devoit produire un efe
fet bien fingulier , pour ne pas dire ridicule.
Ils n'ont donné ce fens à ce mot que
parce qu'ils ont jugé du théatre ancien fur
le nôtre , & parce que n'ayant pas
affés
refléchi fur la ftructure du théatre des
Grecs & des Romains , ils n'ont pas pris
garde que non-feulement il n'y avoit point
de toile comme aux nôtres , mais même
qu'il ne pouvoit y en avoir , car cette toile
ne pouvoit être qu'entre le lieu qu'on appelloit
Scena , la fcene & le Profcenium ,
ou entre le Profcenium & l'orchestre . Or
dans le premier cas elle étoit tout -à-fait
inutile & même très embarraffante , & dans
le fecond elle étoit impoffible, Si on fuppofe
cette toile entre là Scene & le Profcenium
, à quoi pouvoit- elle fervir , puifque
la Scene dans les théatres anciens , n'étoit
prefqu'autre chofe que ce qu'on appelle les
Foyers dans les nôtres ? C'étoit dans l'inté
¿
JUIN . 1748 .
rieur de la Scene que fe retiroient les Acteurs
, & le dehors etoit pour les décorations
, qu'on varioit fuivant les fujets. La
Scene étoit un endroit couvert & pouvoit
bien à la vérité foutenir une toile attachée
à fon mur extérieur , mais à quelle fin ?
Elle auroit été elle-même cachée derriere
les décorations qui étoient tout-à- fait endehors
de la Scene , proprement dite , &
n'auroit même pû que nuire au jeu des machines
, qui tantôt faifoient élever & comme
fortir de terre les décorations , ce qu'on
appelloit Scena verfatilis , & qui tantôt en
faifant difparoître une qui fembloit ſe retirer
d'elle-même de part & d'autre fur les
côtés de la Scene , en faifoit avancer une
autre qu'on avoit préparée derriere , ce
qu'on nommoit Scena ductilis . Ce double
jeu des décorations faifoit une des plus
agréables parties du fpectacle , & c'eft un
des plaifirs que Virgile fe promet dans la
belle defcription qu'il fait des fêtes magnifiques
qui devoient être confacrées à
la gloire d'Augufte.
Vel Scena ut verfis difcedat frontibus , utque
Purpurea intexti tol'ant aulaa Britanni .
Georg. lib. 3. v. 24.
Le premier vers regarde manifeftement
A iij
MERCURE DE FRANCE.
le fecond
39
genre de décorations , & l'autre
le premier genre , fçavoir la Scene verfatile.
C'est ce que paroît avoir fenti l'Auteur
d'une nouvelle traduction de Virgile , auffi
élégante que fidelle , en rendant ainfi ces
deux vers : » Déja je crois voir le théatre
» pour les jeux fcéniques changer tout-àcoup
de décorations & déployer aux
»yeux des Spectateurs les Efclaves Bretons
figurés en broderie fur les toiles , & paroiffant
s'élever avec elles. Ces mots du
premier vers verfis frontibus , qui joints à
difcedat , expriment fi bien le mouvement
de la Scene ductile , ne font pas tout- à-fait
rendus dans la traduction , mais on fent
qu'il n'étoit aifé de le faire fans paraphrafer
l'endroit qui l'eft déja affés dans le
fecond vers , qui a donné lieu à bien de ridicules
Commentaires. Rien n'étoit plus
naturel que de s'en tenir à l'explication
qu'en donne Turnebe , explication adop
tée par le nouveau Traducteur & autorisée
& éclaircie par cet endroit d'Ovide , tiré
du troifiéme livre des Métamorphoſes.
pas
Sic ubi tolluntur feftis aulaa theatris ,
Surgerefigna folent , primùmque oftendőre vultus.
Catera paulatim , placidoque educta tenore
Totapatent , imoque pedes in margine ponunt.
C'eſt une comparaiſon de la maniere
JUIN. 1748. 7
22
dont des hommes armés naiffoient des
dents du Dragon , femés par Cadmus . Voi
ci comment M. Bannier la rend . » Ainfi
fortent les figures d'une décoration qu'on
déploye fur un théatre , on en voit d'abord
paroître les têtes , enfuite le reſtę
» du corps , & enfin les pieds qui touchent
»à terre. Il eft impoffible de s'y mépren
dre. Voilà la Scene verfalite parfaitement
décrite & bien circonftanciée. C'eſt auffi
manifeftement l'explication naturelle de
l'endroit de Virgile , que l'Abbé D. F. traduit
ainfi . Les jeux fceniques s'apprétent , le
theatre change de décoration & les Captifs
Bretons levent la toile , qui offrent aux yeux-
Les victoires remportées fur leur Nation. Ce
Traducteur n'a pas pris garde que ces prétendus
Captifs Bretons , auxquels il fait
lever la toile , n'étoient autre chofe que
des figures repréſentées fur les tapifferies
qui fervoient aux décorations , & que follant
eft pour videantur tollere , ce qui eft
très- élégant & très- poétique. Cùm auleum
levatur , dit Turnebe , videtur levare illud
perfona que ei intexta eft . Rien de fi fimple ;
cet endroit eft traduit par l'Ab. D. F. de
maniere à faire entendre que cette toile ſe
levoit comme dans nos Spectacles quand
la piéce va commencer , mais en cela il
a une erreur & une puérilité ; une erreur
y
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
parce qu'il eft faux , en fuivant même l'opinion
de ceux qui admettent cette toile ,
qu'on la levât jamais ; elle ſe baiſſoit toujours
, felon eux , quand tout étoit prêt
pour le fpectacle ; une puerilité , en ce
que ce feroit une circonftance trop frivole
pour faire partie des voeux du Poëte.
N'eft-il pas fort plaifant en effet de lui
faire dire qu'il fe promet un grand plaifir
de voir lever la toile ? C'eft à peu près
comme un homme de fens qui défirant
d'aller à la Comédie , s'y promettroit un
grand plaifir de voir moucher les chan
delles .
S'il étoit inutile , s'il eût même été trèsembarraffant
qu'il y eût une grande toile
tendue entre la Scene & le Profcenium , il
étoit auffi impoffible qu'elle fût entre le
Profcenium & l'orcheftre . Le Proscenium
étoit le lieu où les Acteurs joüoient leur
rôle, & ce lieu étoit tout à découvert . Prof
cenium fuit locus patens & liber in fronte fcena
in , quem exibant Actores , & hiftrioniam
agebant . * A quoi pouvoit alors être fulpendue
cette prétendue toile , à quoi pouvoit-
elle être attachée ? Il ne pouvoit donc
y en avoir. Mais qu'étoit- ce que l'Auleum?
Quel en étoit l'ufage ? C'étoit précisément
'ce qu'on vient de voir dans l'endroit de
* Buleng. de Theatro , l . 1. c. 21.
JUIN. 1748 .
Virgile & dans celui d'Ovide , cités ci - deſfus
; c'étoient des tapifferies de prix qui
fervoient aux décorations qui changoient
ordinairement plufieurs fois dans la même
piéce, & qui étoient difpofées de maniere
qu'elles fervoient à cacher aux yeux des
Spectateurs ce que les loix du théatre ne
permettent pas de leur montrer, ou ce qui
devoit être fucceffivement donné en ſpectacle.
Les paroles d'Ifidore font formelles fur
cela : * Scena inter duo theatri cornua extenfa
erat , aulais & peripetafmatis hinc & indą
tella , ne ea quæ intus latebant oculis hominum
exponerentur , antequam in profcenium prodirent.
Les expreffions hinc & inde détrui,
fent entierement l'idée de la toile qu'on
pourroit encore s'imaginer avoir caché
tout le Profcenium. D'ailleurs cet endroit
d'Ifidore fait voir bien clairement que ces
tapifferies , foit les mêmes , foit d'autre
qui leur étoient fubftituées par le jeu de
décorations , étoient tendues pendant tou
le tems de la repréfentation , & nous yet
rons bientôt qu'elles ne l'étoient même ja
mais que durant la repréfentation de la pié
ce, à la fin de laquelle elles difparoiffoient
Le fçavant Jean Potter donne la même idée.
de l'ufage de l'Aulaum. D'abord , dit-il ,
* Ifid. 1. 18. citat. in lib. 1. Buleng, de Theat
eap. 21
A v
10 MERCURE DEFRANCE.
la fcene , conformément à lafimplicité des premierstems
, ne fut faite que d'arcades de feuillages
, mais dans la fuite le luxe ayant introduit
plus de magnificence , pretiofis admodum
aulais quibus machinarum directionem , aliafque
Altorum actiones , fpectatorum oculis fubducerent
exornari capit. On objectera peutêtre
que l'ufage de l'Aulaum dans les décorations
, qui eft marqué ici d'une maniere
fi pofitive , n'empêche pas qu'on ne doive
encore en reconnoître un autre dans
une grande toile qui fermoit tout le devant
du théatre , de quelque maniere qu'on conçoive
cette toile , & on appuyera l'objection
des témoignages d'Horace , de Ciceron
& de Phédre , qui paroiffent décider
la chofe , mais ce fera fans doute répondre
à l'objection & l'anéantir , que de faire
voir qu'on s'eft mépris dans l'intelligence
des endroits de ces Auteurs. Le preanier
qui fe préfente eft ce vers d'Horace
que tout le monde fçait par coeur , avec les
fuivans
Si plauforis eges aulaa manentis , &c.
Art. Poët. v. 154.
Et que M. Dacier traduit ainfi , fuivant
Je préjugé commun : Si vous voulez avoir
Archaol. gr. lib. I. c. 8,
•
JUI N.. 1748. II
des fpectateurs attentifs jufqu'à- ce qu'on leve
la toile; qu'on prenne bien garde à ce qu'on
fait dire à Horace ici avec ce qu'il dit dans
le vers fuivant , & on verra qu'on lui prête
une grande abfurdité. Et ufque feffuri ,
continue Horace , donec cantor vos plaudite,
dicat , & qui attendent pour fortir , felon M.
Dacier , que le Choeur vienne leur demander
les applaudiffemens accoûtumés . Mais fi cette
toile étoit déja levée & fi par conféquent
tout le théatre étoit fermé , où fe plaçoit
le Choeur pour demander les applaudiffemens
accoûtumés ? Eft- ce donc la coûtume
d'Horace de mettre fi peu d'ordre dans fes
penfées , & le bon fens ne vouloit- il pas
que la derniere précédât l'autre ? L'annonce
du fpectacle pour le lendemain tient ,
parmi nous la place du plaudite des anciens .
Que penferoit- on du jugement d'un homme
qui , pour faire compliment à un Poëre
Dramatique , lui diroit , Monfieur , quand
on joue une de vos pieces on reſte toujours an
parterre & dans les loges jufqu'à-ce qu'on
baiffe la toile & même jusqu'à ce qu'on ait annoncé
le spectacle du lendemain ? Ne feroitil
pas mieux de lui dire , Monfieur , quand
onjoue une de vos pièces , le Spectateur charmé,
foutient fon attention depuis le premier
vers jufqu'au dernier,& il ne fort encore qu'à
regret lorfqu'on a annoncé le ſpectacle du len-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
demain. C'eſt , fi je ne me trompe l'équivalent
de la penfée d'Horace. L'Auleum ne
fervant qu'aux décorations , & les décora
tions changeant ordinairement plufieursfois
dans la repréfentation d'une piéce ,
c'étoit foutenir avec plaifir fon attention
pour la pièce, que d'attendre le changement
de décorations qui fe faifoit furtout à chaque
nouvel Acte , & quand d'ailleurs c'eût
été une feule & même décoration pour
toute la pièce , ce feroit encore un plus
grand éloge pour le Poëme qui fe foutiendroit
fes feules beautés fans tout cet
par
appareil , qui n'eft que pour les yeux.
Dans le Théatre des anciens la décoration
ne paroiffoit qu'au moment que la piéce
commençoit , ou plûtôt elle en annonçoit
le commencement en fe déployant , comme
elle en marquoit la fin quand elle difparoiffoit.
Ainfi attendre qu'une même ou
que plufieurs décorations fucceffives euffent
difparu , c'étoit écouter la piéce avec
attention , c'étoit en attendre la fin , c'étoit
remplir le but que s'étoit propofé l'Auteur
qui l'avoit compofée , & c'eft vrai - femblablement
ce que veut dire Horace , dont il
femble qu'on pourroit rendre ainfi la penfée
: Si vous voulez attacher le Spectateur
&
l'arrêter
au théatre juſqu'à la fin de votre piéc.....
Il n'eft dont point ici quef
ge ,
JUI N.
13 1748.
tion de toile , non plus que dans cet autre
endroit du même Poëte , qu'il ne paroît
pas qu'on ait mieux entendu .
Quatuor aut plures aulaa premuntur in horas
Lamfugiunt equitum turma , &c . ...
Epift . 1. lib. 2. v. 189.
1
M. Dacier traduit ainfi , la Comédie ceffe
& la toile demeure baiffée quatre heures ou
davantage , pendant qu'on regarde fuir des
efcadrons , &c.... Se peut-il qu'un homme
de fens qui a ainfi traduit ces deux endroits
d'Horace , celui - ci & celui de l'Art
Poëtique , rapporté plus haut , l'air fait
fans s'appercevoir qu'il mettoit Horace en
contradiction avec lui-même Il n'a ' pas
pris garde qu'il fait dire ici à Horace que
quand la Comédie ceffe on, baiffe la toile,
& dans l'Art Poëtique qu'on la leve.Comme
il n'eft pas ici queftion de relever les
fautes de cette traduction , non- plus que
celles qui fe trouvent dans les notes, même
en admettant qu'il y ait eu au théatre des
anciens une toile connie au nôtre , ce qui
feroit trop long , il fuffit de faire obferver
que la principale erreur vient de n'avoir
pas connu levéritable ufage de l'auLeumi
Les Commentateurs & les Interpretes ont
jugé à propos de décider d'un commun ac
cord que dans le théatre des Romains on
9812
14 MERCURE DE FRANCE.
baiffoit une toile qui tomboit tout-à - fait
fur le théatre , qu'elle laiſſoit ainfi ouvert
lorfque la piéce alloit commencer, & qu'on
relevoit cette même toile pour le fermer
lorfque la piéce étoit finie ou même interrompuë.
Voici un endroit où il s'agit de
l'interruption d'une pièce pendant plufieurs
heures . Les Commentateurs s'imaginent y
voir comme ailleurs une toile qui ferme le
théatre,mais malheureufement il y a une expreffion
qui contredit formellement leur
opinion, felon laquelle il faudroit faire le
ver la toile, premere ne pouvant abfolument
fe prendre dans ce fens. One feront-ils
donc ? Ils diront fans façon qu'on la baiffe,
& les entendra alors , les conciliera qui
pourra , mais fi on regarde la prétendue
toile comme une chimere , fi on n'admet
l'ufage de l'Auleum que pour les décora
tions , fi on refléchit fur le jeu de la Scene
verfatile , il n'y a plus d'obfcurité , plus de
difficulté , plus de contradiction. * Si les m
* Turnebe a fenti la difficulté , mais pour éviter
la contradiction , il donne à cet endroit d'Horace
un fens tout-à-fait abfurde ; il prétend que premuntur
aulaa ne marque pas l'interruption du fpectacle
, máis an contraire que ces mots en marquent
une continuation très- foutenue , il appuye fon
explication fur un endroit de Donat , cité plus loin,
où il lit ,felon un texte corrompu, interra au lieu
de intexta, & en conféquence il fuppofe que pas
JUIN. 1748. 15
machines de la Scene verfatile faifoient élever
les décorations , comme fi elles fuffent
forties de terre , ainfi qu'on a pû le voir
dans les endroits de Virgile & d'Ovide ,
cités plus haut , il eft clair que le mouvement
contraire devoit les faire difparoître
en les abaiffant & en les faifant rentrer
dans l'endroit d'où elles étoient forties.
Quelle expreffion pouvoit mieux que premere
marquer le jeu des machines ? N'eftpas
plus naturel de l'entendre dans ce
fens ? Ainfi ce ſecond témoignage d'Horace
ne prouvera pas plus que le premier
que le théatre ancien ait été fermé d'une
grande toile hors le tems de la repréfentation
. Cet endroit de Cicéron qu'on pour
roit encore objecter , ne le prouvera pas
davantage. Mimi ergo eft jam exitus , non
ن ا
premuntur aulaa il faut entendre des tapis qu'on
étendoit fur tout le Profcenium, fur lefquels les Acteurs
marchoient, Premuntur aulaa , dit- il , cùm
bumi ftrata funt in Scena , dum aguntur fabula.
Tout ce qu'il dit pour juftifier cette explication eft
plein de bévues que ce n'eft pas ici le lieu de relever.
Il fuffit de faire remarquer la plus infigne ,
qui eft de fuppofer , comme il fait , que c'étoit fur
ces prétendus tapis que fe faifoient ces cavalcades,
ces courfes de chars , ces combats de bêtes , &c.
dont parle Horace. Dum fugiunt equitum turma ,
&c. .... n'étoient - ce pas - là des tapis bien employés
?
16 MERCURE DE FRANCE.
fabula ; in quo cum claufula non invenitur ,
fugit aliquis è manibus ; deinde fcabella concrepant
, aulanm tollitur. C'eft ainfi que
traduit M. de Villefore : » Ce n'est donc
» plus ici le dénouement d'une Comédie ,
» mais d'une farce où il n'y a point de con-
» clufion. Quelqu'un s'échappe des mains,
» les bancs craquent & on baiffe la toile.
Ce feroit trop s'écarter du fujet que de remarquer
tout ce qu'il y a d'irrégulier dans
cette traduction , il fuffira d'y montrer un
contrefens qui fera voir clairement qu'anlaum
tollitur eft-rendu encore par un autre .
M. de Villefore & ceux qu'il a fuivis , au-
"roient bien dû marquer ce que c'étoit que
ces bancs qu'ils font craquer G gratuitement
; où étoient ces bancs ? De quoi
étoient-ils faits ? Que devoit il y avoir de
commun entre l'embarras du mime & le
prétendu craquement de ces bancs ? La plus
légere attention à la forme du théatre ancien
démontre qu'il ne pouvoit y avoir aucun
craquement de bancs , d'où il fuit que
fcabella ou feabilla , comme on lit dans
l'excellente édit. de M. d'Olivet, ne fignifie
pas des bancs , mais des inftrumens de
mufique que Martinius ** foupçonne avoir
* Orat. pro Cælio , n. 65.
** Lexic, Mart. in voce fcabillus, Et Buleng. de
Theat , lib. 2. c. 19. 1.
JUI
17
N. 1748. IN.
eu quelque conformité avec nos Orgues.
Quelle qu'ait été la forme de ces inftru
mens de muſique, il eft certain qu'ils étoient
très-agréables & qu'ils fervoient dans les
grands Choeurs & dans les Concerts. On
le peut voir dans un bel endroit d'Arnobe
& dans un autre de S. Auguftin , cités
l'un & l'autre au long par Martinius Les
expreffions du premier font furtout remar
quables en ce qu'elles femblent faites exprès
pour expliquer Ciceron . Scabillorum
concrepationibus fonoris , & celles du fecond
femblent affés bien déterminer la forme de
l'inftrument ; en voici les principales : Ve
luti cum fymphoniaci fcabella & cymbala pe
dibus feriantur , certis quidem numeris , &
his , qui fibi cum aurium voluptate junguntur,
&c.... Il faut voir dans ce Lexicon Parti
cle entier , qui eft long & curieux. Il paroît
donc que par ces mots fcabella concre
pant , il faut entendre non des bancs qui
craquent , mais des inftrumens de l'Orcheftre
qui fe font entendre , ce qui marquoit
que le fpectateur avoit encore quelque
chofe à attendre , dont il étoit encore averti
par le changement de décorations , marqué
par les mots fuivans , aulaum tollitur ,
changement qui fe faifoit par les machines
de la feene verfatile , la plus ordinaire & la
plus agréable. La fymphonie annonçant
18 MERCURE DE FRANCE.
donc la fuite du fpectacle , le théatre ne
devoit point être fermé par une toile , &
par conféquent aulaum ne doit point être
entendu ici par cette prétendue toile , mais
par un changement de décoration . Nous
difons la fuite du fpectacle , car le mime
étoit une farce qu'on ne donnoit ordinairement
que dans les entr'actes d'une Tragédie
ou d'une Comédie réguliere . C'eſt
ce que remarque Bulinger * fur cet endroit
même de Ciceron : Mimi , dit- il , per inter-
India tantum prodibant in Orcheſtram , dum
intus actus fabula componerentur , où il faut
remarquer que par Orchestram , il faut entendre
cette partie de l'Orcheſtre qu'on
nommoit pulpitum , qui faifoit auffi partic
du profcenium , de forte que c'étoit fur le
pulpitrum plutôt que fur le profcenium que
les Acteurs joüoient leur rôle , Tragadi &
Comici , dit Bulinger , in pulpito profcenii
Roma agebant, ainfi le pulpitrum étoit occupé
en partie par les joueurs d'inftrumens
& par le Choeur & en partie par les Acteurs,
tout l'Orchestre, proprement dit,étant rempli
de Sénateurs , qui étoient placés là par
diftinction. Voila pourquoi le pulpitum
dans le théatre Romain étoit plus fpacieux
que celui du théatre Grec ; voila pourquoi
faifant partie de l'Orcheſtre auffi bien
* De Theat. lib. 1. c. 45,
que
JUIN. 1748. 12
du profcenium , il eft confondu tantôt avec
l'Orchestre & tantôt avec le proscenium ;
voila pourquoi enfin le profcenium , l'orcheftre
, le pulpitum & la fcene , font nommés
quelquefois indifferemment l'un pour
l'autre. Cette remarque détruit entierement
l'objection qu'on pourroit faire en
difant qu'il n'étoit pas néceffaire que la
piéce fût finie pour lever la toile qui fermoit
le théatre , & qu'on la relevoit même,
comme remarque M. Dacier , après chaque
Acte pour les changemens de décorations ,
mais fi cela étoit , où le mettoient les Mimes
qui amufoient le peuple dans les entr'-
actes , comme à peu près dans nos piéces
mêlées de divertiffemens ? C'eſt un ufage
que Rofin a rapporté auffi- bien que Bulin-
** Solebant mimi introduci inter actus
c....Ils étoient donc alors réduits à faire
rire les Muficiens , avec lefquels ils dévoient
fe trouver enfermés derriere la toi
le , & toutes leurs plaifanteries étoient
ger , "
* Extenditur autem fcena inter duo Theatri cornua,
cum orchestra interjectafit inter cuneos & fcenam, in
eaque pulpitum quinque pedes altum exftruatur in
quo & Citharadi & Tragedi & Chorus faltant. Eft
enim pulpitum pars orchestra : unde & ab Ifidoro
cum orchestra confunditur , quafi una & eadem thea
tri pars fit. Fuit idem cùm profcenio , &c. Bulinger
de Theatro , lib . 1. c . 14.
** Ant. Rom. 1. 5.c. 6.
20 MERCURE DE FRANCE.
perdues pour tous les Spectateurs.
{
Ce qui a fans doute induit en erreur
tous les partifans de la toile , a été cet en
droit de Donat mal entendu : Siparium .. . .
eft mimicum velum quod populo obfiftit dum
-fabularum actus commutantur. Bulinger
affûre que
*
que c'eft d'après un manufcrit qu'il a
rétabli ainfi cet endroit de Donat , qui
étoit inintelligible, mais il n'en tire pas la
conféquence que ce voile ait été une grande
toile qui ait fermé le théatre . Il fait
feulement remarquer que l'aulaum fervoit
ordinairement pour la Tragédie & le Siparium
pour la Comédie & les autres jeux
fcéniques , mais que cependant on les employoit
quelquefois indifferemment. Ce
qu'il y a de très- certain c'eft qu'on les chan
geoit fouvent dans la repréſentation d'une
même piéce. Bulinger , en jugeant fur les
expreffions de Donat , penfe que le Siparium
étoit,non une grande toile qui fermât
tout le théatre , mais feulement un rideau
qu'on tiroit & qu'on retiroit felon que les
Acteurs en avoient befoin pour montrer
leur jeu ou en cacher une partie.Cet Auteur.
trop judicieux pour admettre la grande
toile de nos Commentateurs & de nos Traducteurs
, fait une autre fuppofition qui
s'accorde mieux,à la vérité , avec l'idée des
* Citat, in lib. 1. c. 23. Bulin. de Theat.
JUI N. 1748 .
anciens fpectacles , mais qui confidérée de
près n'eft pas encore fans difficultés , car
outre qu'on ne voit pas à quoi pouvoit être
fufpendu ce rideau dans un lieu libre & découvert
, comme on l'a obfervé , on ne
peut le fuppofer fans dérober aux fpectateurs
la vue de la plus grande partie de la
fcéne & des décorations. Il paroît que Bulinger
n'a pas eu une autre idée de l'aulaum
pour lequel il fe ferr prefque des mêmes.
termes que pour le fiparium. Il dit de celui-
ci , obducebatur , de ducebaturque , & de
l'autre ducebatur , reducebatur, deponebatur,
d'où il fuit qu'il a penfé que l'ufage du
fiparium étoit le même que celui de l'an-
Laum. C'eft auffi ce qu'ont crû ceux qui en
ont fait une grande toile qui fermoit tout
le théatre , hors le tems de la repréfentation
, ce qui étant ridicule , puifque lefiparium
& l'aulaum n'étoient d'ufage que
dans le tems même de la repréfentation ,
Bulinger a imaginé d'en faire un rideau
ou voile qui durant la repréfentation fe
tiroit , fe retiroit , fe fermoit & s'ouvroit
à volonté , felon le befoin des Acteurs ,
mais cette derniere idée, quoique plus proche
de la vérité , paroiffant n'avoit pas dû
quadrer davantage avec la forme du théatre
ancien , que la grande toile dont on a
fait voir l'abfurdité , on peut dire que d'a
22 MERCURE DE FRANCE.
voir prouvé que l'aulaum ne fervoit qu'aux
décorations , c'eft avoir prouvé la même
chofe du fiparium , mais cependant , dirat'on
, comment entendre l'endroit de Donat
? Effayons de le faire clairement.
1º. On peut avancer fans témérité que
l'endroit de Donat , qui fait la difficulté
eft d'une très -mince autorité , parce qu'il
ne fait aucun fens dans les éditions communes
, & qu'il n'a ici celui qu'il préfente
que fur la foi d'un Auteur qui l'a , dit- il ,
corrigé fur un manuſcrit.
2º. En fuppofant que cet endroit eft exactement
rétabli , il n'a que l'apparence d'une
objection folide , car en l'examinant de
près on n'y trouve rien qui établiffe l'exiltence
d'une grande toile ni d'un rideau,&
qui contredile ce qu'on a avancé jufqu'ici
pour prouver que l'auleum & par conféquent
le fiparium ne fervoient qu'aux décorations.
3°. Donat n'ayant écrit que fur la fin du
quatriéme fiécle, il s'étoit fait des changemens
au théatre , avec lefquels pouvoit
peut-être s'accorder l'idée du rideau , mais
non encore de la toile , & cette fuppofition
pourroit avoir lieu fans qu'on en pût tirer
aucunes conféquences contre ce qu'on a
avancé jufqu'ici fur le véritable uſage de
L'anleum.
JUI N. 1748. 23
Cela pofé examinons préfentement les
expreffions de Donat . Il définit d'abord le
fiparium un voile derriere lequel font cachés
les chofes merveilleufes & furprenantes , ou
plutôt les Mimes qui devoient les repréſenter,
d'où ils ne fortoient que fucceffivement &
lorfqu'ils croyoient que leur jeu cauferoit
plus de furpriſe aux Spectateurs. Il ajoûte
qu'au lieu des tapifferies magnifiques dont
la fcene étoit autrefois ornée , on ne fe
fervoit de fon tems que du fiparium qui
étoit une espece de toile peinte. Suit l'en
droit rapporté plus haut & qui fait toute
la difficulté : Eft autem ( fcilicet fiparium )
Mimicum velum quod populo obfiftit dum fabularum
actus commutantur. On ne peut difconvenir
que le mot obfiftitne marque clai
rement qu'un des principaux ufages du
Siparium étoit d'empêcher les Spectateurs.
de voir les préparatifs d'une nouvelle décoration
, cependant nous avons déja vû
qu'on ne doit point entendre par fiparium
une grande toile qui fermât entierement
le theatre , puifqu'il eft certain que pendant
ces préparatifs on amufoit le peuple
par des farces , ce qui n'auroit pû être fi le
théatre eût été entierement fermé , & en
admettant le rideau de Bulinger , outre les
inconvéniens déja remarqués il
> y avoit
encore celui-ci , que ne cachant qu'unc
44 MERCURE DE FRANCE.
partie de la ſcene , il ne pouvoit produire
l'effet marqué par Donat , d'empêcher les
Spectateurs de voir les préparatifs d'un
changement de décoration pour un nouvel
Acte , car en ce dernier cas la plus grande
partie de la ſcene demeurant ouverte , on
auroit vû parmi les Mimes aller & venir
les ouvriers & les efclaves occupés au fervice
du théatre , ce qui n'auroit pû être que
très-ridicule. Donc par cet endroit de Donat
on ne peut entendre une grande toile
qui fermât tout le théatre , ni un rideau qui
ne le fermât qu'en partie.
Pour l'entendre donc fans aucune contradiction
, il ne faut que le confulter luimême
dans ce qu'il dit du fiparium , immédiatement
dans ce qui précéde l'endroit en
queftion , & fe rappeller le jeu de la fcene
ductile.
19. Les Parodoxes , ou les "Mimes qui
jouoient des tours furprenans fortoient de
derriere le fiparium , où ils étoient cachés.
Siparium eft velum fub quo latent Parodoxi ,
cùm exeunt.
*
2 °. Le Siparium étoit employé à orner
la fcene , comme l'Aulaum , auquel il fut
même entierement fubftitué dans la fuite.
Aulaa in fcena intexta fternuntur.
quibus atas pofterior fiparia accepit.
Bull, loco. Donat. cit . fuprà,
.....
pro
3°. Dans
JUIN. 1748. 25
3 °. Dans les beaux fiecles de la République
& de l'Empire , dans les tems
où la puiffance Romaine étoit au plus haut
dégré , les jeux fcéniques fe faifoient avec
une magnificence furprenante , dans laquelle
entroit l'ufage de l'aulaum , qui
étoit ce qu'il y avoit de plus riche en
tapifferies ; on ne le faifoit ordinairement
qu'aux Tragédies pour les décorations qui
étoient toujours fuperbes , d'où l'épithète
de Tragique devint prefque naturelle à
l'aulaum. "Aulaum dimoveto Tragicum , &
fiparium fcenicum complicato , * dit Apulée.
Le fiparium , comme on le voit dans
ce même paffage , ne fervoit ordinairement
qu'aux Comédies , aux Mimes , aux
Satyres , d'où l'épithete de mimicum , comme
on le voit dans Donat lui-même &
dans Paul Diacre , ** lui demeura lors
même que la décadence de l'Empire ne
permettant plus que l'on fit les mêmes dépenfes
pour le théatre , il fut tout - à - fait
fubftitué à l'aulaum , même dans la Tragédie.
Dans les fiecles brillans de l'Empire
Romain l'aulaum annonçoit uneTragédie
, & le fiparium une Comédie ou
une Farce. Le genre de décoration où
* Metam. lib. 1. fub init.
** Siparium genus vèli mimicum. Paul. Diac. in
Fefto.
11. Vol. B
26 MERCURE
DE FRANCE.
tions ,
s'employoit
l'aulaum , ſe faifoit ordinairement
par le jeu de la ſcene verfatile , &
celui où le fiparium étoit d'ufage , fe faifoit
par la feene ductile , genre qui dans la
fuite fut feud employé dans les décora
à peu près comme il l'eft encore
aujourd'hui
fur notre Théatre. Or en expliquant
l'endroit de Donat par une décoration
, dans le genre de la fcene ductile,
toutes les difficultés font levées . Tout ce
que cet Auteur dit du fiparium lui convient
parfaitement
, & Bullinger l'a défigné
lui-même fans y penfer , par ces expreffions
obducebatur
, deducebaturque
, dont
il fe fert pour marquer l'effet du ſiparium.
Par le moyen de cette décoration
qui fe faifoit devant celle qui fervoit à
la Tragédie , celle-ci demeuroit
parfaitement
cachée aux Spectateurs
, qui ne
pouvoient rien voir des préparatifs qu'on
faifoit
les décorations
d'un nouvel pour
Acte , & qui pendant ce tems-là rioient
des bouffonneries
des Mimes . Cette décoration
étoit difpofée de maniere , que
les Acteurs pouvoient fe cacher derriere ,
pour y préparer leurs tours , & dérober
aux yeux des Spectateurs
ce qu'ils ne youloient
leur montrer que fucceffivement
,
Comme les Mimes joüolent ordinairement
d'imagination
, il n'y avoit prefque
JUIN. 1748 .
27
jamais ni conduite , ni vraiſemblance , ni
dénouement dans leurs piéces. Pour fe tirer
d'embarras , forfque les préparatifs de
la nouvelle décoration étoient faits , quelqu'un
d'eux s'enfuyoit , les autres le pourfuivoient
, la fymphonie te faifoit entendre
, la premiere décoration où le fiparium
étoit employé , fe retiroit , & les
machines de la fcene verfatile déployoient
aux yeux des Spectateurs une autre magnifique
décoration où l'aulaum étoit employé.
On ne peut méconnoître en cela
le fens de l'endroit de Ciceron pour Ca
lius , & il n'y a rien qui ne quadre par
faitement avec les expreffions de Donat
Donc ce qu'on a pris dans le Théatre ancien
pour une grande toile qui fermoir
tout le Théatre ,ou pour un rideau qui
en cachoit une partie , n'étoit qu'une décoration
dans le genre de la fcene ductile
où l'on employoit le fiparium , efpece de
toile peinte , attachée fur de grands chaffis
de bois , qu'on avançoit & qu'on retiroit à
volonté .
,
On a pû remarquer que tous les témoignages
des anciens Auteurs , qu'on allegue
ordinairement en faveur de la toile
tournent contre elle , étant pris dans leur
véritable fens , & qu'ils fervent à en détruire
entierement l'idée . Celui qu'on cite en-
Bij
28 MERCURE DE FRANCE:
core de Phédre ne fera pas plus heureux :
Aulao miffo, devolutis tonitrubus ,
Diifunt locuti , more tranflatitio.
Fab. lib . 5. Fab. S.
1
On traduit aulao miffo par la tapifferie
étant tirée ou baiffée , en quoi les uns
paroiffent avoir eû en vue la grande toile,
& les autres le rideau. Mais mittere ar-
il jamais pû fignifier l'action de tirer un
rideau ? Et ne fignifie-t-il que tirer en bas
ou baiffer ? Ne fignifie- t'il pas auffi jetter
& pouffer en haut ? Les bons Auteurs en
fourniffent un grand nombre d'exemples .
Cette expreffion même eft très-énergique ,
pour marquer le jeu de la fcene verfatile ,
qui déployoit la tapifferie en l'élevant , &
paroiffoit la pouffer en haut , en la faifant
comme fortir de terre , ainfi qu'Ovide
l'a fi bien exprimé mais ce qui eft décifif
, c'est que quand les Auteurs des piéces
Dramatiques faifoient intervenir des
Dieux dans leurs piéces , leur arrivée fur
la fcene dans la repréfentation , étoit toujours
précédée d'une nouvelle décoration ,
comme il y en avoit pour un nouvel Acte
ou pour une autre piéce . Le témoignage
de Vitruve eft formel fur ce point. Il femble
fait exprès pour expliquer Phédre ,
& ce qui tranche abfolument toute diffi
JU IN. 1748. 29
culté , c'eft que Vitruve dans l'endroit même
parle de la fcene verfatile : voici fes expreflions
: tres fint fpecies ornationis ; que
cum aut Fabularum mutationes funt future ,
feu Deorum adventus cum tonitrubus repentinis
, verfentur , mutentque fpeciem mutationis
in frontes. Pourroit-on après cela
refufer à auleo miffo le fens qu'on propofe ,
& ne pas traduire ainfi ces mots , la décoration
étant déployée , &c.
Ce qui paroît enfin démontrer fans
laiffer lieu à aucune chicane , que l'anlaum
ni le fiparium ne doivent point être
entendus d'une toile ni d'un rideau , c'eſt
qu'il eft certain qu'on en changeoit plufieurs
fois durant la repréfentation d'une
même pièce , qu'il n'y en avoit même que
durant le tems de la repréfentation , &
que la piéce finie , il n'y avoit plus ni d'au-·
laum ni defiparium. C'eft ce que confirmet
cet endroit d'Ammien cité par Lacerda :
Dorus evanuit , & Veriffimus illicò tacuit
velut aulao depofito fcene , & ce que mar
que encore plus formellement Juvenal
quand il dit ,
Quoties aulaa recondita ceffant ,
Et vacuo claufoque fonant fora fold theatro.
Sat. 6. v. 66.
* De Archit . lib. 5. c. 7.
B iij
30 MERCURE DE FRANCE .
Ainfi l'aulaum & le fiparium étant ôtés ,
ferrés , cachés hors le tems de la repréfentation
, on ne peut fans abfurdité en
faire une toile femblable à celle de nos
Théatres, où elle n'a lieu au contraire que
hors le tems de la repréfentation. Si ce
n'eût été qu'une toile ou un rideau , à
quelle fin en auroit-on changé plufieurs
fois dans une même piéce ? Eût -il été néceffaire
qu'il y en eut d'une forte pour
la Tragédie , & d'une autre pour la Comédie
& pour les farces ? Les entr'actes
des grandes piéces étant toujours remplis
par des mimes ou farces , il eût donc
fallu attacher ou tendre neuf ou dix toiles
ou rideaux dans la repréſentation d'une
piéce . Mais encore un coup à quelle fin ?
Eft-il poffible qu'on puiffe rien imaginer
de raifonnable , pour en montrer le moindre
avantage , le moindre plaifir pour les
Spectateurs ? Qu'on prenne garde enfin
que dans tous les endroits cités dans cet
effai , le mot aulæum eſt toujours au fingulier
, quand il ne s'agit que d'une feule
décoration , & toujours au pluriel quand
il s'agit de plufieurs. Nouvelle preuve
qu'on ne peut l'entendre d'autre chofe , &
que fon véritable & unique ufage dans le
Théatre des anciens , étoit de fervir aux
décorations .
<
JUIN. 1748. 31
Mais ce qui femble entierement décider
la queftion , eft ce paffage de Julius Pol
lux , auquel il feroit fans doute difficile
d'oppofer rien de folide. Dans la defcription
qu'il fait de toutes les parties duThéatre
, il s'exprime ainfi , les catablemes
( naτalanμaтa , ce que tous les Lexicographes
traduifent par aulaa ) étoient des tapifferies
ou de grands tableaux qui repréfentoient
diverfes choses accommodées au sujet
des Piéces dramatiques qu'on jouoit. On ne
peut méconnoître- là les deux genres de
fcenes où fervoit l'aulaum pour les décorations.
Quand cette tapifferie formoit la
décoration par le moyen de lafcene ductile,
elle étoit attachée à de grands chaffis de
bois , qui étoient comme de grands tableaux
. Pollux continue & marque ainſi
en termes précis l'ufage de l'aulaum pour
les décorations dans le genre de la fcene
verfatile : ** cette tapifferie fe deployoit par le
moyen des machines de la feene verfatile , &
présentoit aux Spectateurs ou une montagne ,
ن م
* Kerabaμara A , ¿ pácuara , i mirants
ἦσαν , έχοντες γραφάς , τῇ χρία των δραμάτων
προσφορες.
** KareGamer, fi ( fcilicet raraganua ) iai
τὰς περιέκτες , ορος δεικνύν ή θάλασαν , ή του
ταυόν , ἢ ἀλλό τι ποιπτον Julii Pollucis Lib. 4.
4.19 1.2.
B iiij
$ 2 MERCURE DE FRANCE.
ou une mer , ou un fleuve , ou quelque chofe
de femblable. Pourroit-on après cela être
encore incertain fur le véritable ufage de
F'aulaum dans le Théatre des anciens , &
ne pas convenir qu'il ne fervoit qu'aux décorations
?
新洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
EPIGRAM ME.
CLidamis
mariant fon fils ,
Un de fes intimes amis
Crut que le bon hommé en démence
De cet Hymen qu'il preloit
Ne fentoit point la conféquence ;
Voifin dit-il , en confcience ,
Si pour toi prudence luifoit ,
Oferois-tu mettre en ménage
Ton fils Quatre luftres font l'âge
Qu'il commence à peine à compter :
L'étourderie eft fon partage :
i
Avant de le ferrer des noeuds du mariage ,
Crois-moi , fans rien précipiter
Attends qu'il devienne plus fage ."
Eh ' C'eft ce que je tâche d'éviter ,
Répondit Clidamis d'un ton vif & fincére ,
Mon fils eft jeune & fou , je le marie exprès ,
JUIN.
33 1748 .
S'il devenoit fage , compere ,
Il ne fe marieroit jamais.
Par M. Gaudet.
J
LETTRE fur les Coquillages.
1) ?
E viens , Monfieur , de lire dans le Mercure
de Février 1748 p. 19 , une lettre
de M. le Marquis Scipion Maffei à M. de la
Condamine , où l'on trouve l'expofition
du nouveau fyftême de M. Antoine- Lazare
Moro , pour expliquer comment les coquillages
& les poiffons de mer, qu'on voit pétrifiés
dans les pierres , ont été transportés fur les
montagnes. L'opinion de ce fçavant eft que
les montagnes où l'on trouve des teftacées
, ont été produites par des feux fouterrains
, qui ayant éclaté dans la mer
en ont élevé le fond avec tout ce qui s'y
trouvoit de terre , de pierres , de minéraux
, & d'autre matiere qui étoient dans
le fein de la terre , & ont formé les collines
& les montagnes. Il appuye ce fentiment
de l'Histoire de plufieurs Ifles formées
par de femblables irruptions. Il eft
croyable que les coquillages qu'on trouve
fur quelques montagnes de certaines ré
gions , comme en Italie , en Sicile ,, peut-
By
34 MERCURE DE FRANCE .
vent devoir leur origine à, une femblable
caufe . Mais il eft difficile de fe perfuader
que toute la Normandie , la Picardie ,
l'Ile de France , la Touraine , toute la
France , autant le plat pays que les montagnes
, lefquels font farcis de coquillages
de toute efpece , & de cornes d'ammon
, auffi belles que celles d'Italie
que tout ce continent, dis-je , foit forti de
la mer par un volcan , & fi l'on attribue
l'origine de notre continent à une pareille
éruption , il faudra que toute l'Europe
, le monde même entier ait une pareille
origine , car en quel pays
pas trouvé des coquillages ? Ou au moins ,
dans quel pays n'en trouvera-t-on pas ,
quand on voudra creufer la terre , ouvrir
des carrieres ?
n'a-t-on
Quoiqu'il en foit , Monfieur , mon deffein
dans cette lettre n'eft pas de critiquer
M. Moro , mais de vous faire part
d'un fyftême que je trouvai en 1741 fur
la formation des montagnes , & l'origine
* A Rouen vers l'année 1710 on fit tomber
des portions de la montagne de Sainte Catherine
; pour accommoder ce qu'on appelle le chemin
neuf , on trouva dans la pierre de cette
montagne quantité de coquillages , & entr'autres
des cornes d'ammon , de la grandeur des peti
tes roues de devant d'un carofle,
JUIN. 1748.
des coquillages & des animaux foffiles. Ce
fyftême fait partie d'un ouvrage que je
compofai dans ce tems- là fous le titre d'Ef
fai fur l'Hiftoire de la Terre. Depuis ( en
1744 ) je donnai à cet Effai la forme de
Mémoires Académiques , & je le lûs fous
ce titre à notre Académie de Rouen . C'eft
de la partie de cet ouvrage qui regarde
le fujet traité par M. Moro , que je vais
vous donner , Monfieur , un extrait fort
abregé.
Je fuppofe que dans le commencement
les matieres qui devoient former les métaux
, les pierres , la terre ferme , & c.
n'étoient que des pâtes molles ou des efpe .
ces de boues.
Tous les Phyficiens fçavent que les matieres
qui compofent la terre , & l'atmofphere
qui l'environne , font rangées dans
l'ordre de leur péfanteur fpécifique , les
plus péfantes plus près du centre de la terre,
& les plus légeres plus éloignées de ce centre
.
La terre ou la boue la plus légere eft
plus péfante que l'eau. C'eft donc une fuite
des loix de la nature que dans le commencement
la derniere couche de notre
globe , où la furface de la terre ait été
faite l'eau ou entierement couverte
par
'd'eau,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Toutes ces couches tant de boue que
d'eau auront été régulierement fphériques
ou fphéroïdes ; leur ſurface aura été
unie ; car c'est le fluide qui environne la
terre , qui a dû lui donner fa figure . Or
tout corps formé , figuré par un fuide environnant
› eft régulierement rond ou
fphéroïde ; telles font les
goutes d'huile
qui nagent dans l'eau , &c. La furface de
la terre dans fon origine étoit donc réguliere
, c'est-à-dire , fans montagnes , fans
vallées.
Tel étoit l'état de la terre naiffante ;
un globe ou un fphéroïde régulier &
couvert d'eau dans toute fa furface , puis
d'air , &c. Spiritus Domini ferebaturfuper
aguas.
Les mêmes loix qui avoient ainfi arrangé
les matériaux du monde , les y auroient
confervés éternellement , ou jufqu'à la
fin, fi la terre étoit toujours reftée ſeule dans
fon tourbillon , mais fon Auteur la deftinoit
à quelque chofe de mieux , qu'à porter
un lac immenfe ; la Lune & le Soleil
furent créés , & la Lune fut enfermée dans
ce tourbillon particulier de la terre . Dès
ce moment , cette couche immenfe de liquide
qui en couvroit la furface , fe trouva
agitée du mouvement violent de flux &
reflux ; la boue qui portoit ce liquide
JUIN. 1748.
37
naturellement paiſible , en fut bien -tôt portée
à fon rour ça - & - là , en monceaux
énormes, par cette impétuofité étrangere ,
comme on lui voit encore aujourd'hui for
mer des bancs de fable dans les tempê
tes ou les flux violens. Ces amas ou ces
montagnes de boue ont laiffé entr'elles des
vallées , dont la profondeur a fuffi à loger
affés d'eau , pour qu'une partie de ces
terres relevée reftât à fec , & formât un
continent qui s'eft augmenté pen à pen
par la même caufe : le Soleil a deffeché ,
affermi ce continent naiffant , & l'a enfin
rendu propre à devenir la demeure de
l'homme & des animaux terreftres.
Cette excavation de la terre par le flux
& reflux de la mer , & les jettées de terre
ferme qui en réfalterent ,fe continuant tou
jours , toutes les vaftes contrées de l'Eu
rope , de l'Aſie , de l'Affrique , & c . jadis
couvertes de mers , fe font découvertes
peu à peu , & ont laiffé dans ces terres les
débris des animaux que ces eaux nour
riffoient , & de ceux de la terre qui ont pû
périr dans ces flots , foit qu'ils ayent été
engloutis par des inondations , foit que
tous les accidens ordinaires , qui font trouver
des cadavres dans les fleuves , ayent
porté ces animaux morts dans ces mers
& dans leur fond , avant qu'elles fe ret
raffent.
38 MERCURE DE FRANCE .
Ce fyftême jufques- là fuffit pour rendre
raifon , tant de la formation des montagnes
, que de la fituation des coquillages
& des animaux pétrifiés dans nos terres :
mais quiconque a une fois admis cette caufe
, doit penfer qu'elle fubfifte encore , &
qu'ainfi fes effets doivent fe continuer.
Ce que le flux & reflux de la mer a fait
dès le commencement il le fait encore ,
quoique moins fenfiblement , parce que
les matériaux de la terre font plus folides.
La mer creufe fans ceffe fon lit , & jette
fur fes bords les pierres , les terres qu'elle
arrache à ce fond ; en un mot elle recule
fans ceffe ; ce font ces effets que je fuis dans
mon Mémoire: je prouve ce reculement &
l'aggrandiffement continuel du continent
par grand nombre de faits , & par des obfervations
faites dans prefque tous les pays.~
La mer baiffe , les fleuves deviennent plus
rapides & ainfi plus petits ; ce ne font plus
que des veftiges des grands fleuves , 'des
bras de mer qui occupoient les vaftes plaines
, dont ces reftes n'occupent plus qu'u
ne partie du fond. Plufieurs obfervations
prouvent encore cette derniere circonftance
, & je cite quelques endroits où l'on
voit encore des excavations , que ces bras
de mer ont vrai- femblablement faites dans
des falaiſes de rochers qui bordent les val-
1
JUIN. 1748. 39
*
tes plaines qu'ils occupoient ; je montre
des lits de carrieres qui couvrent les fommets
de ces falaifes , ou de ces montagnes
qui bordent les plaines , & je fais voir
que les eaux de ces anciens bras de mer
ont été jufques fous ces lits , qu'ils les ont
minés , deracinés , & je montre les morceaux
de ces carrieres qu'ils ont roulés dans
ces plaines où on les trouve en rochers
ifolés ; enfin ce reculement de la mer ,
& l'excavation de la terre continuant ,
ce globe doit à la fin fe trouver miné ; les
mers communiqueront d'une hémifphere
à l'autre ,j'en cite des exemples pris du monde
fouterrain de Kirker ; la terre deviendra
comme une orange creufe dont la figure ne
fera foutenue que par fa feule écorce , cette
écorce émincée à un certain dégré manquera,
& la furface de la terre qu'elle forme
s'écroulera ; il fe fera un nouveau cahos
un mélange de toutes fes parties & de toutes
fes productions ; la furface fera de nouveau
couverte d'eau ; il fe formera pour la
feconde fois un nouveau monde par le méchanifme
expofé d'abord, dans les entrailles
duquel on reconnoîtra les débris du premier
, enforte que la terre , dans cette opinion
, eft affujettie à tous les âges , à tous
les périodes qu'on obferve dans les ani
* Entr'autres à Fontainebleau
1
40 MERCURE DE FRANCE.
maux , les plantes & généralement dans
tous les êtres qu'elle porte.
Un bouleverſement & un renouvellement
périodique de la terre a d'abord l'air
d'une opinion hardie , mais je démontre
dans mon Mémoire que ce fentiment , tout
phyfique , tout fyftématique qu'il eft , n'a
rien qui ne puiffe être exactement ramené
aux vérités refpectables que la Religion
nous enfeigne fur cette matiere , rien
qui ne fatisfaffe en même tems le Phyficien
& le Théologien. Je fuis , Monfieur
, &c.
LE CAT.
A Rouen , ce 20 Mars 1748 .
* Initio tu Domine terram fundafti , & opera
nanuum tuarum funt coeli : ipfi peribunt , tu autem
permanes , & omnes ficut veftimentum veterafcent ,
ficut opertorium mutabis eos & mutabuntur. Pfal.
IOI. V. 26.
JUIN. 1748.
A MONSIEUR DE M**.
A Mi
cher,
De R **
Souviens-toi
Que chés foi
Enrhumé
Enfermé
'
Dans fon lit ,
A demi
N'eft point bon
Et le ton
Dont tu vis ,
Et compris
Qu'il parla ,
Ebranla
Ton bon coeur
11 te fit
L'autre jour,
En faveur
- Sans détour ,
D'un pauvret
En petit ,
Le récit
D'un maigret
Qui ne peut ,
1 Des travaux
Et des maux
Que depuis
Que je fuis
Homme né
Condamné
A louffrir
Sans mourir
Malgré moi ,
Je me voi.
Cet ami
Ni ne veut
S'enrichir ,
S'affranchir
Des rigueurs
Des malheurs
: De ce tems
Aux dépens
Des vertus
Qui n'ont plus
Feu ni lieu
Que chés peut
12 MERCURE DE FRANCE.
D'hommes vrais ,
Dont les faits
Innocens ,
Obligeans ,
fin ,
Ont pour
Mais en vain
D'engager
A changer
Les humains
Inhumains.
Entre ceux
Qui des voeux ,
Nuit & jour ,
Forment pour
Voir encor
L'âge d'or
Ton grand front
Rubicond.
Que Comus
De dodus ,
Tant faiſans ,
Qu'ortolans ,
Tant lapreaux
Que perdreaux ;
Tant pigeons
Que chapons,
Bien nourris
Et farcis ,
Bien lardés
Ou bardés #
Prenne foin
Au befoin
Parmi nous ,
Oui , de tous
Honoré ,
De garnir
Et remplir
Ton gigier
Révéré ,
Toujours as
Voire auras
Ét partout
Le haut bout.
Que Bacchus
De fon jus
A jamais
Tienne frais
Sans dangier !
C'eſt ainfi ,
Par des i ,
Qu'autrefois
Les Gaulois ,
Mêmement
Fréquemment
Prononçoient
Et fouloiens
JUIN. 47 1748.
Ferivant
Du vieux tems
De Rogier ,
'Allongier ,
( Pour Roger ,
Allonger , )
Bien des mots.
Au propos
Des voeux miens
Je reviens.
Que Momus
Tout ennui
Tout fouci !
Que Vénus ,
Tant & plus
De faveurs ,
De douceurs
Veuille bien ,
Comme fien
Favori
Très-chéri ,
Te combler
De rébus Et filer
Gai difeur ,
Fin railleur
Par fes dits
Et fes ris ,
Du plaifir
Faffe fuir
Loin d'ici
L'ennemi ,
Dire entends
Et prétends
De tes jours
L'heureux cours !
Dans l'ardeur
De mon coeur
Oui , je fais
Ces fouhaits
Mais de moi
Souviens-toi ,
Ami cher ,
De R **
NAU, Maitre de Grammaire des Pages
de la Mufique du Roi.
A Versailles ce 9 Mars 1748.
44 MERCURE DE FRANCE.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
REFLEXIONS.
ES meilleurs ufages dégenerent en
Labus , dès qu'une Buiffance fupérieure
ne peut les maintenir dans leur principe ?
c'eft ainfi que les vifites , confacrées d'abord
à entretenir l'union & l'intelligence dans
la fociété , font devenues au contraire ,
la fource des diffenfions : au lieu de les
rendre utiles par une honnête converfation
, elles font le centre de la médifance &
le berceau de la calomnie : on ne s'occupe
qu'à déchirer la réputation des abfens , à publier
les fecrets des familles , à chercher
de mauvais motifs aux meilleures actions ;
la moindre démarche , un mot dit au ha
zard , eft interprété de travers , & tel qui
paroît le moins s'inquiéter des affaires des
autres , eftfouvent celui qui en dit le plus
de mal . On s'imagineroit que les hommes
ont pour tâche de s'épier mutuellement ,
de fe croire tous incapables du bien , & de
paffer ainfi leur vie à faire le mal , & à en
foupçonner les autres . Peut-on faire un fi
mauvais ufage de la parole , qui a été donnée
à l'homme , pour lui procurer tous les
agrémens de la vie , par la facilité de communiquer
fes penfées à fon femblable ?
JUIN. 1748. 41
Cependant cette pente à médire eft fi générale
, que peu de perfonnes en font
exempres , & qu'on regarde comme des
gens
de mauvaife humeur , & des ennemis
même de la fociété ceux qui condam
nant un abus fi pernicieux , en veulent
faire fentir toutes les conféquences.
Les femmes furtout , moins occupées que
nous , font auffi les plus accufées de ce
vice : it femble qu'elles prennent plaifir à
s'appuyer du préjugé vulgaire , pour fe
renfermer dans la bagatelle : crainte d'ennui
, elles s'occupent des moindres objets ,
& leur tems fe paffe à ne rien faire ou à
faire des riens,
Je fuis bien éloigné de penfer que toutes
les femmes fe reffemblent : je les refpecte
beaucoup , & j'en connois dont
la délicateffe des fentimens s'offenferoit
d'un difcours défavantageux à la réputa
tion du prochain , mais qu'il y a de femmes
dont la bouche ne s'ouvre que pour
médire de tout le monde !
J'étois il y a quelque tems chés Arifte ,
où il y avoit nombreufe compagnie . Plus
férieux que d'ordinaire , je gardois un filence
obftiné , lorfqu'un cercle de femmes
fixant mon attention je m'approchai
d'elles affés près pour les entendre.
Leur langue mordante déchiroit impi-
›
46. MERCURE DE FRANCE.
toyablement ceux dont elles s'entrete
noient.
Eliante paroiffoit être la Préfidente de
ce petit Tribunal , où toutes les parties
perdoient leur procès, Les droits de fa dignité
étoient de parler la premiere & plus
Tong-tems que les autres ; c'eft le privi
lége des vieilles , & elle en joüiffoit fans
faire de jalouſes , cependant on jafoit tour
bas fur fon compte , & la jeune Elife di
foit à fa voifine qu'elle étoit une radot
teufe , qui feroit mieux de refter chés
elle, que de porter toujours l'ennui chés les
autres.
Philinte eft le premier dont j'entendis
l'apologie ; il vient d'époufer une riche
héritiere également favorisée de la vertų
& des graces, Il croit peut- être , dit Eliante
, cacher fa naiffance par la dorure de
fon caroffe , & faire oublier par fon train &
fon équipage ce qu'il étoit autrefois , mais
je le ferai connoître à tout le monde ..
je le connois très-bien , dit d'un ton ironique
Climene , qui faifoit femblant de
prendre le parti de Philinte , il eſt vraj
qu'il a peu de naiſſance , mais il a du mérite
, il eft protégé ; fes talens font utiles
, & fa faveur peut devenir un jour néceffaire.
Je vous avouerai pourtant qu'il
m'eft infupportable ; il a un certain air
JUIN. 1748 . 47
avec un
de fuffifance qui me déplaît ; à peine regarde
t-il ceux qui le faluent. On ne peut
pas être parfait dit une autre
ris mocqueur , il eſt ſi accablé d'affaires
qu'il n'eft jamais où on le voit ; toutes
celles de l'Etat font les fiennes peuton
ne pas être diftrait ? J'enrageois de
bon coeur de ne pouvoir défendre l'aimable
Philinte , dont la nobleffe des fentimens
efface la baffeffe de la naiffance.
Bien different de ceux qui ne doivent leur
élévation qu'au hazard , il ne rougit point
d'avouer ce qu'il a été , & cet aveu augmente
fon mérite : toujours affable , toujours
prévenant ; s'il eft quelquefois diftrait
, c'est par tempéramment & non par
vanité.
Après Philinte , l'orage tomba fur Do
rimene ; elle ne fut pas plus ménagée';
il y a de certaines femmes qui en veu
lent toujours aux plus aimables de leur
fexe ; dénuées d'appas , elles les trouvent
déplacés ailleurs . Eliante fidelle à cette
maxime , peignit Dorimene des plus vives
couleurs ; elle finit fon portrait en
difant : je confeille à fon mari de l'empêcher
de fréquenter les promenades &
les fpectacles , car .... mais reprit vivement
Elife , qui jufques- là n'avoit parlé
qu'à l'oreille , Eliante voudroit donc qu'à
MERCURE DE FRANCE.
notre âge on eût moins d'envie qu'elfe
de fe faire voir : je voudrois bien l'avoir
vû auffi jeune fa conduite étoit fûrement
plus repréhenfible que celle de Dorimene.
Auffi -tôt un certain bourdonnement annonça
une fédition contre la Préfidente :
Eliante vit fon tort & s'en tira adroitement
, en publiant le mariage clandeftin
de Damon & d'Araminte. Voilà donc enfin
le dénouement de leurs amours , dit Climene
; ont- ils honte de réjouir le public
à leurs dépens ? Les pauvres amans tranfis ,
dit Eucharis , qui a tout l'air d'une coquette
, leurs plaiſirs doivent être glacés :
après dix ans d'égards , de petits foins ,
d'attention , de préférence , après tant de
gêne , tous les fentimens font épuifés,
Enfuite on taxa d'avarice la fage économie
de Lucile , qui chargée d'une grande
famille , & n'ayant qu'un bien médiocre ,
épargne fes plaifirs pour procurer à fes
enfans une éducation convenable à ſes ſentimens.
On blama la libéralité de Philarque ,
parce que maître d'un bien confidérable , il
ne croit enjouir , qu'autant qu'il le partage
avec fes amis.
On appella hypocrifie la conduite auftére
d'Oronte , qui ennemi du plaifir , e
plaît
JUIN. 1745.
49
plaît à exercer la charité envers les miférables
, dont le coeur tendre & compâtiffant
ne peut voir un malheureux fans le
Lecourir.
Que ne dit-on pas de l'aimable Cla
rice ? On blâma fon enjouement & fa vivacité
: on la vouloit plus férieuſe & moins
badine : au contraire , on trouvoit trop de
timidité dans Alcinoé : elle eft déplacée
dans la bonne compagnie, dit Eliante; fon
air emprunté prévient beaucoup contre elle
: elle penfe à tout ce qu'elle dit , ne
parle qu'en hélitant , toujours avec bon
Lens , jamais avec efprit. Ignorant l'art des
complimens , elle ne fçait dire que des
vérités ,, && eellllee a fi peu de jugement ,
qu'elle les place toujours fort mal ; la converfation
s'épuife aifément avec elle , & ce
qu'elle dit en peu de mots , d'autres s'en'
Occuperoient une après-dînée . Qui reconnoîtroit
à ce bizarre portrait la femme
du monde la plus. accomplie , car qui ne
fait qu'Alcinoé a toutes les qualités d'une
femme aimable , jointes à tout ce qui peut
former le vrai mérite ?
Enfin il n'y eut pas jufqu'à la bonté
fi connue de Dorante , qui ne paffa pour
imbécillité ; Dorante l'ami de tout le monde
, qui a tant fait d'ingrats & qui en
fait encore tous les jours , fut traité com-
11. Vol. C
&
So MERCURE DE FRANCE.
me un homme fans jugement & fans
dence .
pru-
A ce difcours je tie pus tenir davantage
; mon indignation l'emporta fur ma
curiofité outré du mépris qu'on faifoit
de la vertu , je fortis brufquement & je
rentrai chés moi , bien réfolu de fuir pour
roujours les lieux où la vertu & le mérite
étoient fi maltraités.
?
Depuis ce tems plus fédentaire dans mon
cabinet , je goûte des plaifirs d'autant plus
réels , qu'ils m'avoient été inconnus jufqu'à
préfent.
Fermant les yeux fur les défauts des
hommes , je les ouvre fur les miracles journaliers
de la Providence : j'admire l'harmonie
merveilleule qui regne entre ces
corps céleftes fufpendus fur ma tête : jé
contemple toujours avec une nouvelle furprife
l'étonnante variété des chofes que
la terre produit , autant pour fatisfaire la
diverfité de mes caprices , que pour fubvenir
à mes befoins : tout ce qu'une agréable
campagne pouvoit offrir de charmant
à mes regards , me paroiffoit plutôt l'effet
d'un heureux hazard , qu'un ouvrage entrepris
à deffein & exécuté avec fageffe :
mon indifférence fur la caufe premiere me
rendoit étranger prefque par-tout. J'étois
fourd à la voix de la nature , aveugle fur
JUIN. 1748 .
Sx
que
fes merveilles. A préfent tout me dit quelchofe
; la lumiere brille à mes yeux ,
la plus petite fleur , un brin d'herbe confidéré
avec foin me remplit d'admiration ,
mais ces mouvemens d'admiration ne forment
point en moi des fentimens ſtériles
: fi je trouve par-tout un Etre. toutpuiffant
, tout m'annonce auffi un Dieu
bienfaiteur , & plein de reconnoiffance
envers le fouverain Etre , de la connoiſſance
de l'ouvrage je m'éleve à la connoiffance
de l'ouvrier , à qui j'offre un facrifice con
tinuel de mes adorations & de mes hom
mages.
Si quelquefois refléchiffant fut l'hom-
, je cherche à le connoître , c'eft tou
jours tel qu'il eft & fans partialité que
je me le repréfente : bien différent de ces
Mifantropes brouillés avec toute la fociété
, je n'ai jamais penfé que les hommes
fuffent tous injuftes ou cruels. Au contraire
plein d'indulgence pour leurs défauts
, je leur prête fouvent des vertus
qu'ils n'ont point ; j'aime mieux être leur
dupe que leur ennemi fi je jette les
yeux fur la fociété en général , c'eft tou
jours avec douleur que je la vois divifée
, & quoique bon citoyen , les Victoires
que ma Patrie remporte , me font toujoursverfer
des larmes fur le fang des vain-
Cij
12 MERCURE DE FRANCE .
eus ; c'eft un tribut que je dois à l'humanité,
& il eft plus ancien que l'amour de la
Patrie.
,
Quand je veux chercher à me connoître
, ce qui arrive rarement car mon
amour propre s'y oppofe fans ceffe , &
s'offenfe d'une recherche où il ne peut que
perdre ) je fuis fort étonné de n'avoir que
les apparences de la vertu ; cette connoiffance
m'humilie , mais ne me décou
rage pas , & faifant un effort généreux
fur moi-même , je profite toujours dans
cette étude ; fi je perds , ce n'eft qu'en
idée , au lieu que je gagne du côté de
la réalité ; je fuis plus convaincu de mon
néant , & plus perfuadé auffi que le vrai
bonheur confifte dans la vertu , & qu'elle
eft le feul bien dont nous fommes les maî
tres de nous rendre poffeffeurs.
Enfin les Hiftoriens & les Poëtes par
tagent auffi mon loifir : les uns m'amu
fent en m'inftruifant de tous les évene
mens qui ont occupé le théâtre du monde
depuis fon origine . Je vois avec une feerette
joye tous les grands hommes de l'antiquité
paffer en revue devant moi , me
rendre , pour ainfi dire , leurs hommages
& briguer mon fuffrage : plus leur Juge que
leur flatteur , lorfque je les examine de
près , ils perdent beaucoup de leur réfu
JUIN.
55 1748.
tation . Les autres m'inftruiſent en badinant
; j'aime à voir la Fontaine fe fervir
du langage des animaux , pour jetter fut
mes défauts un ridicule dont jeris le
premier je me fâcherois fi la maniere
dont il veut me corriger , ne rendoit pas
fa fupercherie innocente. Charmante des
Houlieres, vous Pavillon & Chaulieu, vous
avez part à mon eftime , mais Corneille ,
Racine & Moliere font mes favoris. L'un
fier , fublime & majestueux , éleve mon
efprit , & fait paffer tour à tour dans mon
ame les traits dont il caractériſe fes Héròs.
Son rival , plus tendre , plus poli
plus naturel parle mieux le langage du
coeur ; felon lui , que l'amour a d'attraits !
Ingénieux Moliere , je te pardonne tes licences
; fouvent tu me fais rite de mes défauts
, & toujours de ceux des autres.
Ce font-là mes occupations , c'eft-là mon
plan de vie ; je le crois bien plus conforme
à la dignité de l'ame , › que de s'oc
euper à cenfurer continuellement ſes femblables
, & puifqu'on a tant de peine à
vivre en paix avec les vivans , il faut bien
s'entretenir avec les morts , gens paifibles
de qui l'on apprend toujours.
Quelqu'un trouvera peut-être finguliere
ma façon de penfer : quoi ! toujours feul
dans un cabinet , à la promenade , à la
C iij
$4 MERCURE DE FRANCE.
campagne , éviter toute compagnie ! Il
y a là plus de ridicule que de fageffe , plus
d'orgueil que de prudence ; c'eſt une dé.
licateffe mal -placée de rompre avec toute
la fociété , l'homme eft né pour elle , comme
la fociété eft faite pour lui ; fi elle a des
défauts , c'est par ces défauts même qu'elle
fubfifte vouloir la réformer , ce feroit
folie n'eft-il pas plus convenable qu'un
particulier fe regle fur la fociété , que fi
elle étoit obligée de fe corriger pourfatisfaire
une fantaisie , qui augmente le nom
bre des ridicules ?
:
Il eft vrai que je fuis né pour la fociété
; que je dois travailler à fon bonheur
, & empêcher de tout mon pouvoir
ce qui pourroit lui nuire. Mais cette obligation
n'emporte pas la néceffité de me
rendre malheureux : je veux me borner
à quelques connoiffances , & je ne peux
pas être l'ami de tout le monde , parce
que le monde eft un affemblage confus d'une
foule de ridicules , dont je ne fçaurois
m'accommoder. Trois ou quatre amis
font ma fociété : nous travaillons de
concert à notre bonheur ; nous penfons
librement ; nous nous aimons fincerement ;
le plaifir nous unit ; l'ennui ne nous fépare
jamais nous avons toujours quel
que chofe à nous dire , car l'eftime &
4
JUIN 1748. 55
>
l'amitié ne font jamais muettes ; nous nous
difons fouvent que nous nous aimons
& nous le difons toujours avec le même
plaifir . Si le bonheur peut fe trouver ,
on ne doit pas le chercher dans la multitude
, mais on pourra le trouver dans
le choix de quelques amis toujours vrais ,
toujours finceres , toujours dignes de ce
nom .
Telle étoit ma façon de penfer , belle
& charmante .
avant que j'euffe
le bonheur de vous connoître : vous avez
défillé mes yeux ; vos vertus & vos charmes
ont également frappé mon coeur ; daignez
en accepter l'hommage. Heureux fi
je peux mériter votre approbation , & vous
perfuader de mon tendre & refpectueux attachement
!
T
O DE
AM. P. fur les dégoûts du Barreau.
Andis qu'au fein de l'indolence
Tu coule des jours fortunés ,
Que les foucis & la finance.
N'ont point encor empoisonnés.
Ci
36 MERCURE DE FRANCE .
Que ne puis-je , abjurant l'étude ,
Etre occupé d'un doux loifir ,
Libre de toute inquiétude ,
N'avoir de loi que le plaifir !
+XXX
Tantôt un gracieux délire
M'agiteroit de les tranſports ;
La volupté, montant ma lare
En regleroit tous les accords .
Tantôt élevant mon génie ,
J'irois fureter dans les Cieux ;
M'étonner de leur harmonie ,
Et percer les fecrets des Dieux
Sage difciple d'Epicure ,
On ne me verroit n'appliquer ,
( Toujours guidé par lá nature )
Qu'à la fentir , qu'à l'expliquer.
Loin de cette philofophie ,
Qui te fait méprifer la mort ,
Je vis fans jouir de la vie ;
Apprends , ami , quel eft mon fort.
JUIN.
57 1748.
A ma douleur prête l'oreille;
Chargé des fottifes d'autrui ,
Le matin un procès m'éveille
Et je me couche avec l'ennui..
**
A peine levé, je rumine
Sur des parchemins vermoulus
Je lis Cujas , où j'examine
Des rôles glaçans & diffus.
Je fors en lugubre équipage
D'une in menfe robe affublé ,
L'importance fur le vifage
L'efprit de chicanes troublé.
>
J'arrive au Palais ; quel tumulte !
Quels cris , que d'affreufes rumeurs !
Thémis , eft-ce done- là ton culte
T'honore- t'on par des clameurs
*AX.
Elles redoublent ; on ſe preffe ;
On fe menace de regards ;
Je ne vois partout que rudeffe ,
Des fronts ridés , des yeux hagards;
Су
$ 8 MERCURE DE FRANCE,
Le marteau frappe ; àl'audience
J'entre ; lieu faint , lieu de fureur ;
Non moins que la tendre innocence ,
Le crime y trouve un défenfeur.
****
Ciel ! Quel jargon , quel dur langage I
O termes accouplés fans choix !
Quel eft ce frivole étalage
D'écrits , de préjugés , de loix ?
**
Le fait feul décide l'affaire ;
L'autorité veut l'éclaircir ;
J'entends le texte ; un commentaire
M'eft- il cité pour l'obſcurcir´
*XX
L'effroi de mon ame s'empare §.
Dieux Je frémis épouvanté ...
Les fpectacles qu'offre la barre
Me font hair l'humanité.
Tout m'y retrace nos miſéres
Peres cruels , indignes fils ,
Epoux furieux , lâches freres,
Parents perfides , faux amis.
JUI N. 1748. 59
Affreux tableau qui m'humilie ;
Mon coeur en gémit abattu ;
De l'homme je vois la folię ,
Jamais témoin de ſa vertu .
Rempli de cette triſte image ;
En proye à de fombres vapeurs ,
Mon efprit devient dur , fauvage ,
Et je fens s'aigrir mes humeurs.
***
O toi , pour qui tient Uranie
Ses plus riches tréſors ouverts
Diffipe ma mifantropie
Par l'élégance de tes vers .
**
Peins- moi la folâtre ſageffe
Affe entre les jeux , les ris ;
Les doux écarts de la jeuneffe ,
Docile à la voix de Cypris.
J. Lacoffe fils.
A Dijon le 15 Mars 1748.
f
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE A M. *** fur les Coquillages
feffiles.
Left vrai , Monfieur , que de tous les
fentimens embraffés jufqu'aujourd'hui
par les Sçavans , fur l'origine des coquillages
foffiles , aucun n'eft pleinement fatisfaifant,
& que prefque tous font
tous font purement
fyftématiques. La décifion de cette belle
queftion répandroit unegrande lumiere fur
bien des points de phyfique. Mais comment
y parvenir ?
Nous fçavons que les plantes & les animaux
ne doivent pas habiter les entrailles
de la terre , & nous fommes furpris
avec raifon de les y rencontrer . Mais d'où
vient ne s'étonne-t- on pas de rencontrer
fur la furface de la terre des matieres minérales
, de l'or , du fer ? Pourquoi platôt
dans un lieu , que dans un autre ?
Si les fubftances métalliques doivent
par leur péfanteur ne fe trouver qu'à
des profondeurs confidérables , on peut
rechercher quelle eft la caufe qui les a
élevées & diftribuées inégalement fur la
furface & les regarder comme dépla
cées avec autant de raifon
quillages marins , les végétaux & animaux
>
» que
les coJUIN.
1748. 61
pétrifiés dans le fein de la terre , car fi
l'on dit que Dieu veut que tel pays ait
de l'or , tel da fer , tel de l'étain , on
peut dire auffi que Dieu vent que tel
pays ait des coquillages , que les minieres
de Fahlun dans la Touraine ont été créés
la commodité des Laboureurs. pour
Vous n'ignorez pas que fes coquilla
ges foffiles fe trouvent communément fur
les montagnes; pourquoi les fources d'eaux
minérales affectent- elles auffi les pays de
montagnes ? Combien n'en compte- t-on
pas dans l'Auvergne Cette Province en
contient feule prefqu'autant que toutes les
autres de cè Royaume.Ce pays, vous le fçavez
, eft des plus montueux, & on y trouve
beaucoup de coquillages.
La pofition de Bourbonne les Bains vers
fa fource de la Saone celle de Plom
bieres vers la fource de la Mofelle , méritent
attention . Elles font fituées vers le lieu
de la plus haute élévation, d'une longueur
de plus de deux cent lieues.
21 Of
Vous fçavez qu'aux portes de la ville de
Sées enNormandie il y a cinq à fixlieues de
coquillages marins. Examinez la pofition
de cette ville par rapport aux rivieres qur '
prennent leur fource dans fes environs.
Plus de douze rivieres indiquent qu'elle eft
vers le lieu le plus élevé du pays , qui peut
2
64 MERCURE DE FRANCE.
être ( à confulter la Carte de France de M.
de l'Ifle ) entre Mortagne & Moulins. A
quatre lieues de Mortagne , font les eaux
minérales de Bellême. A trois ou quatre
lieues de Bellême eft Nogent le Rotrou ,
oùse trouvent encore des coquillages. Sans
doute que la même Puiffance qui a élevé
le pays entre Sées & Nogent le Rotrou , a
répandu fur ces deux endroits les coquilla,
ges qu'on y voit.
Je pourrois vous citer encore les eaux
minérales de Néris en Bourbonnois , de Bagnieres
& de Barrége dans la Bigorre , &
quantité d'autres dont la pofition eft conforme
à celles des précédentes.
pas
A l'égard de celles dont la pofition n'eft
fi favorable , la qualité , la quantité , la
difpofition des matieres minérales dans
les entrailles de la terre , l'épaiffeur de
terre qu'elles ont à élever , peuvent varier
l'effet de ces mines , dont nous avons plu
feurs exemples,
Il peut le faire auffi que dans le grand
nombre defources d'eaux minérales , que
nous avons en France , les unes provien
nent de minéraux , qui ayant été enflammés
& continuant toujours à l'être , ont
produit des volcans telles font toutes.
les fources d'eaux minérales chaudes : d'autres
ont celle d'être volcans , la matiere,
JUIN. 1748.
63
3
; fulphureufe étant ou confumée ou éteinte
de ce nombre font les eaux minérales froides
, qui viennent des montagnes ou lieux
élevés ; d'autres enfin ne font point vol
cans , & ne l'ont jamais été ; leseaux miné-
Tales froides qu'on trouve en fouillant dans
Les lieux bas , qui ont été autrefois le lit de
la mer & n'ont jamais changé de po
fiation , font celles que je mets dans cette
troifiéme claffe. Telle , par exemple , l'eau
minérale qu'on trouva , lorfqu'on creufa
en 1745 dans la Place de Beauvais , pour
conftruire une Fontaine publique , car , à
vûe de pays , Fe lit de la mer à Dieppe
n'eft pas beaucoup plus bas que les lieux
les plus profonds de nos marais. Suivant
le témoignage de quelques perfonnes , il
y a des endroits dont on ne trouve point le
fond
Je ne doute pas , Monfieur , que la plû
part des mines ne pûffent fournir de nou
velles preuves de l'origine des montagnes ,
par l'action d'un feu fouterrain , foit par
leur pofition , foir par des corps dont
l'altération ne peut s'attribuer qu'à ce
feu.
L'or que les François rapportent du
Sénégal , & dont ils ont cherché le lieu
natal avec des peines & des fatigués incroyables
, en remontant plus de trois
64 MERCURE DE FRANCE.
cent lieues la riviere vers la fource , de
laquelle ils efpéroient le trouver ; cet or ,
l'idole des humains , & le plus péfant de
tous les métaux , doit être plus près du
centre par fa pofition naturelle , que tous
les autres. Il a fans doute fallu une puiffance
d'une grande énergie , pour l'élever à
la furface de la terre. Cette puiffance ne
pouvoit manquer d'élever une furieuſe
croute de terre au-deffus du niveau des
eaux. En un mot , les mines d'or ( fi les
montagnes font produites par le feu fou
terrain ) doivent fe trouver vers la partie
la plus élevée d'un pays extrémement
étendu. Et ce qu'on nous apprend de la
pofition de l'or du Sénégal , prouve affés
que les faits s'accordent avec les caufes
qu'on leur attribue. Vous comprenez bien
que je ne prétens parler ici que de mines
extrémement riches & abondantes ,
comme font celles de Tombuto en Affri
que , fuivant le récit des voyageurs. Je
n'ignore pas qu'en France grand nom
bre de rivieres font auriferes. Le célebre
M. de Reaumur en indique la plupart dans
un Mémoire qui fe voit parmi ceux de l'Académie
des Sciences. Ĉer or vient de la
fource de ces rivieres , & par conféquent
des
montagnes.
Je conviens avec vous que l'époque de
JUIN.
1748 ཙ
tous ces évenemens eft embarraſſante , mais
l'obfcurité des dattes ne détruit pas la réa
lité des faits. Si j'apperçois fur le rivage
d'un pays inconnu des traces d'hommes
d'éléphans , je peux conclure que des hom
mes ou des éléphans y ont paffé , quoique
j'ignore en quel tems .
La foi ne nous oblige point à croire que
Ja terre a été partagée dès le moment de la
création en continents , ifles , prefqu'ifles ,
comme elle eft aujourd'hui.Des faits, qui ne
font pas fort reculés , nous convainquent
u contraire , & prouvent qu'il a pû s'y
faire des changemens notables . Ces faits, à
la vérité font en petit nombre , & s'ils n'ont
pas été plus communs dans les fiécles les
plus reculés , que dans les derniers dont
T'hiftoire nous a tranfmis les évenemens , il
faudroit admettre dans le monde plus d'antiquité
que la foi ne le permet , pour con
ferver ce fyftême. Il eftdonc néceffaire que
la plupart des montagnes , des ifles , des
continents d'aujourd'hui , ayent pris la for
me qu'ils ont , par quelqu'évenement fine
gulier , à peu près dans le même tems .
Le déluge auquel grand nombre de Phy
ficiens attribue la caufe de la difperfion
des coquillages marins dans prefque tou
tes les parties du monde , ne peut- il pas
avoir occafionné le jeu des mines fou-
3
66 MERCURE DE FRANCE.
terraines , & changé tout-à-fait la carte ?
Suivant la Genefe , les eaux ont furpaſſé
de quinze coudées les plus hautes montagnes.
Quelque hauteur que vous donniez
à ces plus hautes montagnes , de quel
poids immenfe la terre n'a-t - elle pas été
chargée dans toute fa furface : Ces eaux ,
devant fe mettre néceffairement deniveau,
ont dû charger confidérablement davantage
le lit de la mer que le fommer
des montagnes . Le feu fouterrain a dŵ
recevoir une augmentation prodigieufe.
Sed feire eft , ( dit Boerhaave t. 1 , p. 256
Element. Chymia ) folo tritu denfati aeris ,
in imis telluris , fine alio aere , fine ullo
pabulo , ignem hunc parari confervari
poffe. Et plus bas certè in profundiffimis
infima ita premuntur ab immani incumbentium
pondere , ut attritus minimi faciant calores
maximos.
On á reconnu par des obfervations exactes
qu'en creufant la terre perpendiculairement
à l'horifon ; on parvient d'abord à
des lieux dont la chaleur eft telle en toutes
faifons , que l'eau ne s'y peut congéler ;
lorfqu'on continue toujours à foüir , on
parvient enfin à des profondeurs , dont la
chaleur eft fi exceffive , qu'il eft impoffible
de la
fupporter
.
Des obfervations précédentes on doit
sonclure
JAU IN. 1748. 87
=
10.Que le déluge a dû caufer en plufieurs
parties du monde des
volcans
par l'augmentation
du feu central , dont l'action a été
élevée au- delà de fes limites ordinaires , la
preffion réciproque des parties de notre
globe étant augmentée par le poids immenfe
les eaux du déluge.
20. Que ces volcans ont formé la plupart
de nos montagnes , & prefque toutes cel
les fur lesquelles , ou aux environs defquelles
on trouve des coquillages marins
ainfi que grand nombre de mines de différens
métaux.
3 °. Qu'avant & depuis le déluge , jufques
dans ces derniers fiécles , quelques
montagnes ou ifles ont pû être formées de
la même maniere , mais en petit nombre
, n'y ayant pas eû de caufe générale
& univerfelle , qui put faire naître à la
fois tant de bouleverfemens dans notre
globe.
Vous voyez , Monfieur , que je tâche
de me rapprocher de votre fentiment , le
plus qu'il m'eft poffible . Faites autant de
chemin vers le mien , & ne me refufez
grace de me mettre au nombre de vos
amis , étant très- parfaitement , &c.
la
J. F. D. Médecin
A Beauvais le 25 Avril,
pas
38 MERCURE DE FRANCE:
EPITRE
A M. Prieur fur mon départ de Blois.
R
İen n'eſt plus vrai ; mon ſiniſtre départ
Me plonge , ami , dans une létargie ,
Qui de ma verve étouffant l'énergie ,
Eteint le feu qu'Apollon me départ ;
Ma muſe eſt molle , & fes doigts , en écharpe }
Ne pincent plus les cordes de fa harpe.
Las ! tu le fçais ; quels fons mélodieux
N'enfantoit pas l'effor de mion génie
Sur le trépied , quand j'invoquois les Dieur
Qui me parloient par la voix de Junie !
Tu la connois , le tems paffe fa faulx
A peine encor fur fon quadruple luftre ;
Jà là voit-on des Daciers , des Saphos ,
Près des Beaux- Arts prendre la place illuftre ?
Ah ! que Pallas artiftement conduit
Sur fon papier ſa plume épiftolaire ;
Jamais Nafon d'une main plus légere
De fes rouleaux ne crayonnoit l'enduit.
Combien de fois ma Minerve flatée ,
A- t'elle , ami , tracé fous fa dictée
JUIN.
1748 .
Ces tendres vers où le fexe Blaifois
De Cupidon épuiſoit le carquois ,
Où je chantois les charmes d'une ville ;
Qui teinte encor des façons de la Cour ,
Qui fi long-tems y fixa fon féjour ;
Noble en fes airs , prévenante , civile ,
Aux étrangers offre un abord facile ?
Heureuſe enceinte , attirante Cité ,
Où la franchiſe a marqué fon azile ,
Où regne en tout la noble liberté ,
Qui fur les pas méne l'urbanité !
C'est dans ces lieux qu'en rimes libertines
Je décrivois ces fictions badines
Où jeune fils alloit fous le rideau
Çeindre aux époux le grotefque bandeau,
Mais à préfent qu'éloigné de leurs rives ,
Je ne fens plus ces exhalaifons vives ,
Qui bouillonnant au creufet de mes vers ,
Alloient former leur falpêtre divers,
Je ne puis plus égayer une ftrophe ,
Dans mon efprit devenu philofophe ;
Je vais chés Lox ,une fonde à la main ,
Du coeur de l'homme entamer l'examen ,
Et des mortels épluchant la conduite ,
Pleurer fur eux en moderne Héraclite ,
70
MERCURE
DE FRANCE
.
Mais fur ce ton pourquoi philofopher
On me remet un billet de Junie ,
Qui diffipant mon humeur rembrunie ,
Sçait de mon flegme à l'inftant triompher.
Adieu , Prieur , pour répondre à ſa lettre ,
J'y vais puifer l'efprit qu'elle y fçait mettre.
LETTRE à M………. H……… : Docteur en
Théologie à Angers, Par M. F ...
I les grands hommes , Monfieur , trouvent
une récompenfe mondaine de
leurs vertus dans les écrits de ceux qui
veulent bien fe donner la peine de confacrer
leurs hiftoires à la poftérité , ceux
qui fe font diftingués par des crimes fameux,
y trouvent le châtiment temporel de
leurs forfaits , dont ces mêmes Hiftoriens
ne font la peinture , que pour en infinuer
l'horreur qu'ils méritent.
C'est pour cette raifon que l'Hiſtoire
eft une leçon perpétuelle , non - feulement
pour les Princes , les grands Capitaines
& les principaux Miniftres d'Etat , mais
même pour les perfonnes les plus médiocres
, qui peuvent , chacun dans leur con
dition , y puifer des inftructions d'autant
JUIN. 1745. 71
par plus aifées , qu'elles s'y introduifent
des peintures touchantes & par des récits
agréables , mais le Lecteur en titeroit peu
de profit , fi l'Hiftorien ne s'attachoit à
décrire les motifs fecrets , & les raiſons
intérieures qui ont fait agir les grands
hommes.
C'est ce que Tacite a fait avec un art
admirable , & s'il avoit pû joindre à fes
pénétrations politiques le tour ailé de
Salufte & la politeffe de Thucidide , nous
aurions un modele achevé de la perfection
de l'Hiftoire , au lieu que nous trouvons
très- peu d'Ecrivains qui méritent véritablement
le nom de bons Hiftoriens , car
les uns font un récit tout fec & tout nud
des actions qui fervent de matiere à leurs
Hiftoires, les autres, comme la plupart des
Grecs ne s'attachent qu'à remplir leurs
volumes de paroles vaines & de périodes
figurées ; d'autres font toujours dans la
déclamation & dans le ftyle d'Orateur ;
d'autres , qui s'imaginent qu'un gros livre
fait un grand Auteur , prolongent & fur
chargent leurs ouvrages d'une infinité de
bagatelles mêlées , & d'inutiles pensées qui
rompent le fil effentiel de leur Hiftoire
& d'autres enfin quittent la vérité , qui
eft l'ame de ce genre d'écrire , dans l'efpérance
de fe rendre plus agréables par
•
72 MERCURE DEFRANCE.
des fictions qui augmentent la furpriſe &
l'admiration .
Il n'eft pas facile d'éviter tous ces défauts
, & de trouver le fecret d'être bref
fans obfcurité , familier fans baffeffe , élevé
fans affectation , exact fans inutilités , éloquent
fans figures , politique fans erreurs,
& peintre fans fictions , & avec toutes
ces qualités , de ne s'égarer jamais de la
vérité , qui eſt la baſe de l'Hiftoire ; c'eſt
par-là qu'on pourroit arriver au point de
parfait Hiftorien, & l'on y arriveroit, fans
doute , fi l'on raffembloit , comme je l'ai
dit , tout ce que Thucidide , Tacite & Sa
lufte ont eû de bon , & qu'on tâchât d'éviter
quelques fautes dans lefquelles ils font
tombés.
Cependant , quaique la vérité foit l'ame
& la propre effence de l'Hiftoire , il eft
extrêmement difficile que le portrait des
hommes qui fe font diftingués par leurs
vertus ou par leurs crimes , paffe à la
poftérité avec des traits entierement fi
déles , car fi leur Hiftoire eft compofée
par des contemporains , la flaterie de ceux
qui écrivent par intérêt , ou l'animofité des
autres, qui ont pris un parti contraire, apporte
toujours quelque déguiſement à la
vérité , dont le caractére eft d'être toujours
Gimple & pur.
Si
JUIN. 1748. 73
Si l'Hiftoire eft retracée par ceux qui
viyent dans les fiécles fuivans comme
ils n'y apportent rien d'eux- mêmes , que
leurs paroles , le tour qu'ils lui donnent
leurs réflexions toujours conformes à leurs
propres génies , & le difcernement de
ce qu'ils doivent prendre ou laiffer dans
les écrits de ceux qui les ont précédés ,
jamais ils ne peuvent atteindre ni prétendre
à la créance qu'on doit avoir pour
un témoin oculaire , & quoiqu'une flaterie
intéreffée ou une haine vangereffe ne
conduife pas leur plume , comme elle conduit
celle des contemporains , l'éloignement
des faits qu'ils écrivent fuffic
pour leur faire prendre le change dans les
traits de vice ou de vertu qu'ils veulent
donner aux tableaux de ceux dont ils
parlent
, & s'ils n'ont un jugement bien folide
, pour démêler entre le flateur adroit
& l'ennemi malin la pure vérité, ils ne font
plus que de mal-adroits copiſtes d'un tableau
qui n'a point reffemblé.
"
Combien d'Hiftoriens, qui ont écrit avec
beaucoup d'éloquence & d'érudition , fe
font laiffés emporter par la trop vive chaleur
qu'ils ont eûe pour l'un ou pour l'au
tre des partis qu'ils vouloient favorifer
& qu'elle fouvent écartés de la vérité ,
non pas dans la defcription des évenemens
11. Vol.
D -
( ..
74 MERCURE DE FRANCE,
principaux qu'ils n'ont pû déguifer , mais
dans les circonftances particulieres , & dans"
les motifs qui prefque toujours déterminent
la louange ou le blâme qu'on donne
aux actions !
Les véritables Ecrivains doivent faire
tous leurs efforts pour s'éloigner , autant '
qu'ils peuvent , des défauts qui les choquent
dans plufieurs ; ils doivent particulierement
s'attacher à deux chofes prin-'
cipales ; Tune à démêler entre tous ces
Auteurs qui ont eû des fentimens & des
intérêts oppofés ce qui , tant par leur
jugement , que par le fecours de plufieurs
Mémoires particuliers , leur paroît le plus
conforme à la vérité , dont aucune flaterie
ni aucune animofité ne les peut écarter
; & l'autre à pénétrer, autant qu'il leur
eft poffible, les motifs de ceux qui ont agr ,
pour donner aux circonftances particulieres
de leurs actions leurs véritables couleurs
, & former dans l'efprit du lecteur
une idée fincere des caracteres finguliers
de ceux dont ils parlent , puifqu'il n'y
a rien qui nous anime plus à la vertu
ou qui nous retire mieux du vice , que
de voir dans la peinture d'autrui , comme
dans un miroir, nos propres traits , & le bon
ou mauvais fuccès qu'ont eû des inclinations
pareilles aux nôtres.
JUIN. 1748.- 75
De-là n'avouerez- vous pas avec moi ,
Monfieur , qu'il n'eft rien qui puiffe contribuer
davantage à la perfection d'un
Hiftorien , que ces deux principes fidélement
obfervés , mais fouvent négligés .
C'eft votre profonde érudition , ce font
les belles connoiffances dont vous êtes
orné , qui m'ont déterminé à faire ces
remarques , & à vous les adreffer dans cette
lettre , qui doit vous convaincre de la fincere
amitié avec laquelle j'ai l'honneur d'être
, & c.
F. A Angers ce 28 Août 1747.
Dཀྱ :9 གུ
EPITRE
A M. le Thuillier , Docteur en Médecine
faite par un pauvre Diable in extremis.
C'Eft à toi , fameux Efculape ,
Qu'un fils d'Apollon a recours ,
Prêt à plonger fous cette trappe
Où l'on s'abîme pour toujours ,
Si lui créant de nouveaux jours
Ton art puiffant ne le réchappe.
Sur un grabat de maux jonché ,
Dij
76 MERCURE DE FRANCE:.
Le pauvre Poëte attaché ,
Travaille , fue & fe démene ,
En proye à ces monftres divers
Qu'on voit dans ce trifte Univers
Tourmentant notre efpece humaine ,
Et qui par toi font abattus
Tout auffi -tôt que combattus :
Car qui ne fçait qu'à ton approche ,
Il n'eft de poulx précipité ;
Battant mefure à triple croche ,
Quipar ta magie enchanté ,
Ne reprenne un pas de fanté ?
Quel mal a jamais réſiſté
Aux traits certains que lui décoche
Ton art par tout Paris vanté ?
J'ai fiévre étique , poulmonie ,
Afthme , fatiguante infomnie ,
Mais euflai-je pis que cela ,
N'eft mal ençuiraſſé qui tienne ,
Quand tu m'auras chanté l'antienne
Tollegrabatum ; ambula.
Viens donc prononcer tes oracles ,
Thuillier, fur mon état cruel ;
Il n'eft perfonne fous le Ciel
Qui croye plus à tes miracles.
Si dans mon fang demi diffous ,
JUIN. 1748. 77
Remettant un jufte équilibre ,
Pat toi ma fiévre a le deffous ,
C'est alors que ma veine libre ,
Mieux qu'en ce jour , à l'Univers
Dira ton utile ſcience ;
La fiévre me dicta ces vers
Ce fera la reconnoiffance .
***************
DISCOURS prononcé par M. de Pouilly,
Lieutenant des habitans de la ville de
Reims , à la rénovation des Officiers , le
6.Mars 1748.
V
vous
Ous touchez , Meffieurs , à l'éve
nement que j'ai eû l'honneur de
annoncer l'année derniere ; une eau falutaire
va couler dans vos places publiques
, & ce bien que vous étiez dans
l'impuiffance de vous procurer , que vous
aviez crû ne pouvoir obtenir que de la
magnificence de nos Rois , ce bien fi grand
& fi précieux , eft le préfent d'un de vos
citoyens , citoyen dont la patrie dans toute
la fuite des fiécles fera remplie d'autant
de Hérauts qui publieront fa gloire , qu'elle
contiendra d'habitans qui lui devront la
fanté.
Ce n'eft pas affés pour votre Sénat ,
D iij
78 MERCURE DE FRANCE:
Meffieurs , que par cet infigne bienfait ,
P'un de fes membres tariffe dans l'enceinte
de vos murs une fource fatale des maladies
les plus cruelles ; ce qui furpaffoit
votre efpérance ne borne point nos défirs
. Votre bonheur entier pourroit ſeul
les remplir , mais par quelles voyes pourrions-
nous parvenir à vous le procurer ;
quel deffein pourrions- nous former qui répondît
à l'étendue de nos voeux ?
Qfons cependant , Meffieurs , dans le
cercle étroit où nous fommes renfermés ,
ofons faire éclater un grand zèle à l'exemple
de la nature , qui dans les moindres
de fes ouvrages fait briller une attention
bienfaifante.
Qui , Meffieurs , malgré les bornes que
la fortune a mifes à votre pouvoir , vous
êtes les maîtres de vous ouvrir , par les
reffources de l'induftrie & du génie , des
routes à la richeffe , à la confidération ,
à la félicité ; vous le pouvez , & j'en
attefte les mânes du grand Colbert votre
illuftre compatriote , celui de tous nos
Miniftres qui auroit à plus jufte titre ob
tenu des Autels , fi la seconnoiffance des
peuples en érigeoit encore à la mémoire
de leurs bienfaiteurs. Ce grand homme ;
auffi ardent qu'ingénieux à travailler au
bonheur de la Nation , n'a point vê de
JUIN. 79 1748.
#
moyen plus für pour y réuffir, que d'y faire
fleurir les Arts les Manufactures
& les
Sciences.
J'ai déja eû l'honneur de vous tracer
ici une légere efquiffe de nos vûës ; elle
a paru obtenir vos fuffrages ; permetezmoi
d'y ajouter aujourd'hui de nouveaux
traits , & de faire enforte , s'il m'eft poflible
, que dans le concert Alateur que forment
les approbations dont vous voulez
bien honorer ce projet , il n'y ait pas même
une feule voix difcordante qui en trouble
l'harmonie.
la
Ne croyons pas ,
Meffieurs , que
fortune foit la feule difpenfatrice des richeffes
: l'induftrie partage cet honneur
avec elle. Tous les riches font fes tributaires
; ils femblent n'être que les dépofitaires
de les biens , toujours prêts à
des lui remettre , pour recevoir d'elle en
échange fes differentes
productions
; la
faire éclore , la favorifer , la mettre à portée
de prendre toutes fortes de formes ,
c'eft ouvrir une mine cent fois plus précieuſe
que celles du nouveau Monde ; mice
que le tems n'épuife point , dont les frais
n'abforbent
pas le produit , & dont les
fruits ne font point ternis par les larmes
d'une multitude de malheureux.
….. Or , Meffieurs , pour éclairer l'industrie,
D iiij .
80 MERCURE DE FRANCE.
les Mathématiques & l'art du Deffein , four
les deux flambeaux qu'il faut allumer ;
c'eft à la faveur de leur lumiere bienfaifante
qu'elle enfante tous fes miracles
foit qu'elle nous étonne par la difficulté
& par l'utilité des ouvrages qu'elle éxécute
, foit qu'elle nous charme par l'agré
ment & par la beauté des ſpectacles qu'elle
nous offre.
Chés des peuples groffiers un morceau
de toile & un bloc de pierre ne
font que des matieres viles & informes ;
ils deviendront dans les mains d'un grand
Artifte plus précieux que l'or même ; ils
embelliront les plus fuperbes. Palais , & feront
l'objet de la recherche empreffée des
Grands & des Souverains.
Ici une main guidée par la Géométrie
trace quelques lignes , & des maffes énor-.
mes de pierre fembleront fufpendues dans
les airs.
Là , des roues , des vis , des manivelles
mifes en oeuvre par la méchanique ou par
l'hydraulique , exécutent fans peine ce qui
auroit été impoffible à tous les efforts de
mille bras réunis.
Ailleurs , des Artifans groffiers font un
rableau charmant d'un titlu de laine ou
de foye , inftrumens aveugles de l'intel
ligence cachée du Machinifte & du Deflinateur.
JUIN. Sr
1748 .
A quel dégré de perfection , Meffieurs ,
votre Manufacture déja fi florillante , ne
pourra-t-elle point s'élever par l'établiffement
que nous vous propofons ? Quel
encouragement pour fes travaux , que la
perfpective flateufe de pouvoir devenir par
fes ouvrages mêlés de foye & de laine
rivale de cette Manufacture célebre , qui
doit à l'art du Deffein , l'avantage qu'elle a
d'effacer par fes étoffes de foye toutes les
Manufactures de l'Europe !
A quelle fortune ne pourront point
parvenir ceux de vos concitoyens , que
la voix de la nature , l'infpiration fecrette
de leurs talens , appellera à cultiver les
BeauxArts ! Ils n'auront point à lutter con-
Ire les obftacles que fait toujours naître le
manque d'encouragement ou d'inftruction,
& ils trouveront dans le fein de leur
patrie
des fecours favorables , qui dès lear
tendre jeuneffe développeront toute l'érendue
de leur intelligence & en animeront
tous les refforts .
De tous les ouvriers qui travaillent fur
le bois , fur la pierre , fur le gazon , fur
les métaux , en fera-t-il aucun qui joignant
à d'heureufes difpofitions une théorie fçavante
, ne rendra fes travaux plus utiles à la
fociété , & ne s'ouvrira un chemin plus facile
à la fortune ?
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
Enfin quel avantage pour votre ville ,
fi devenue comme un centre de lumiere
qui attire tous les jeunes Artiftes , ils vien
nent en foule des Provinces & des Nations
voifines lui payer par leur féjour une forte
de tribut !
La confidération he marche pas moins
que les richeffes à la fuite de l'induſtrie
& des talens ; c'eft un hommage que nous
rendons à ceux qui raffemblent dans leur
perfonne la puiffance & la volonté de
contribuer à la félicité publique ; ces deux
qualités réunies nous préfentent une image
de la Divinité- & s'attirent une forte d'adoration
; elles fe montrent avec éclat
dans la plupart de ceux qui difpenfent aux
autres hommes les tréfors des Sciences &
des beaux Arts .
Si de grands Capitaines défendent nos
Provinces , de grands Artiftes les embel
liffent ; ceux-là nous garantiffent des horreurs
de la guerre , ceux-ci nous font jouir
des agrémens de la paix . Jettez les yeux ,
Meffieurs , fur le Temple de la gloire ,
Vous y verrez à côté des Scipions & des
Turennes , les Phidias , les Archimedes
& les Raphaels ; on a vu des villes leur
préparer des entrées triomphantes , & céfebrer
leur préfence par des Fêtes publi
ques ; on a vû des Papes , des EmpeJUIN.
1748. 53
reurs , des Rois , les honorer d'une tendre
amitié , les combler de leurs faveurs >>
deur rendre dans la maladie tous les devoirs
qu'on rend aux perfonnes les plus
cheres , & recueillir en pleurant leurs
derniers foupirs. Eh . ! Comment ne refpecterions-
nous point ceux qui fe fignalent
dans les Sciences & dans les beaux
Arts ? Lå nature , fi elle avoit cette faculté
de fentir qu'une Philofophie fuperftitieuſe
lui a quelquefois attribuée , la nature entiere
les refpecteroit fans doute elle- même,
étonnée de fe voir pénétrée par leur recherche,
égalée par leur pinceau , maîtrisée par
leur induftric.
Tous les Artiftes illuftres qui fortiront
de vos Ecoles , feront rejaillir fur votre
patrie , Meffieurs , l'éclat dont ils lui feront
redevables ; ainfi brilloir Athenes de
toure la gloire des grands hommes qu'elle
avoit formés dans fon fein ; quel fruit
n'en recueilloit- elle point ! Les Princes les
plus puiffans s'empreffoient à l'envi de lui
donner des gages éclatans de leur eftime, ja.
loux de s'illuftrer par l'hommage qu'ils rendoient
aux beaux Arts .
Or ; Meffieurs , s'il eft une ville à
qui une grande confidération puiffe procurer
de grands avantages , c'eft fans doute
la vôtre, l'objet privilégié des premieres fayeurs
de nos Rois. D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
Je viens , Meffieurs , en vous montrant
Athenes , de vous préfenter le modéle le
plus brillant ; dois-je craindre qu'il vous
éblouiffe par fa fplendeur ? Mais pourquoi
renonceriez vous à l'efpoir d'en approcher
? Il ne faut fouvent pour exécuter
les plus grandes chofes , que les entrepren
dre avec un grand courage.
Ces peuples qui fe font rendus fi illuftres
par leurs progrès . dans les Arts &
dans les Sciences , reffemblent à ces Acuves
, qui prêts de porter leur tribur à l'Océan
, roulent majestueufement leurs flots ,
& qui dans la plus grande partie de leurs
cours , n'ont été que de foibles ruiffeaux ;
obfervons les moyens qu'ils ont employés
avec fuccès pour parvenir à cette illuftration
, & effayons de fuivre la route qu'ils
nous ont tracée :
Si nous n'avons pas l'avantage d'aller aufli
loin qu'eux , nous aurons du moins celui
de marcher fur un chemin femé de fleurs ,
& de pouvoir jouir de la félicité , autant
que le permet la foibleffe de notre condition.
Félicité Objet de nos voeux les plus
ardents , qui femblez nous fuir à mefure
que nous vous approchons , ne feriez-
vous qu'un phantôme brillant deſtiné
à enflâmer nos défirs , plutôt qu'à les faJUIN.
1748. 85
•
tisfaire ? Par quel art au milieu des maux
qui nous affiégent , pourrons-nous nous
former une chaîne continue de plaiſirs ,
affés variés pour ne point devenir infipides
, affés indépendans pour ne point
nous être enlevés , affés purs pour n'etre
point empoisonnés par des reproches
fecrets ? Adreffons- nous , Meffieurs , pour
former cet heureux titfu , adreffons - nous
principalement aux Sciences & aux Reaux
"Arts ; les plaifirs qu'ils nous offrent s'alfortiffent
avec toutes nos fituations , & fe
diverfifient au gré de nos défirs ; ils ne
fontpoint à la merci d'une puiflance étrangere
; ni l'injuftice de la fortune , ni le
caprice d'autrui ne peuvent nous les enlever
; ils naiffent dans le fein même de
nos propres facultés : enfin loin de dégrader
& d'avilir notre être , ils l'élevent
& l'aggrandiffent ; loin de porter le trouble
dans la fociété , ils en font le lien , le tréfor,
l'ornement & la gloire.
Telle eft la condition de la plupart des
hommes ; ceux qui font affranchis du travail
, languiffent dans l'inaction ; leur vie
eft furchargée d'ennui ; elle eût été une
fuite de fentimens agréables , fi les Sciences
& les Beaux Arts euffent développé en
eux tous les germes précieux , que le défaut
de culture y a laiffé périr .
86 MERCURE DE FRANCE.
Me feroit- il permis , Meffieurs , pour
exprimer cette vérité importante , d'emprunter
de nos anciens Romans une de
ces peintures frivoles , mais riantes , qui
faifoient les délices de nos ancêtres ? Des
Héros qu'un enchanteur ennemi avoit
plongés dans un fommeil léthargique , un
enchanteur favorable les en tire , leur
procure une fociété délicieufe , & raffemble
pour eux de toutes parts une foule
d'objets agréables ; ces chimeres brillantes
femblent être le fidéle tableau de la
vertu magique , que les Sciences & les
Beaux Arts exercent en notre faveur ; ils
nous arrachent à une forte de fommeil
où l'Univers étoit anéanti pour nous , ils .
font revivre les plus grands hommes de
l'antiquité , pour nous faire jouir des charmes
de leur commerce , ils nous font entrer
en poffeffion de tous les lieux, de tous
les tems , de toutes nos facultés , de toute la
nature .
De quel mérite ne doit pas être à vos
yeux un établiſſement qui deviendra pour
vos compatriotes une fource toujours ouverte
des plaifirs les plus purs, les plus précieux
& les plus nobles !
Mais pour réalifer le fpectacle que j'é
tale à votre imagination , il faudroit peutêtre
divertir une portion confidérable du
JUIN. 1748 . 87
patrimoine public , ou furcharger le peuple
de quelque impofition odieufe ; non ,
Meffieurs , votre Sénat trouvera des fonds.
fuffifans pour l'exécution de ce deffein dans
fon économie , dans la fage adminiſtration
de vos finances , dans les fecours gé
néreux de vos concitoyens ; enfin dans
la location des fanges de vos rues abandonnées
jufqu'à ce jour à un peuple de
jeunes fainéans que reclamoit en vain vo
tre Manufacture ; & par l'heureux ufage
de cette nouvelle portion de vos finances
, nous imiterons en quelque forte la
Chymie , qui des matieres les plus viles
fait fortir les phofphores les plus brillans.
C'eft à la faveur de ces differentes reffources,
Meffieurs,que nous ofons vous promettre
un établiſſement capable de faire Aleurir
parmi vous les Arts , les Manufactures
& les Sciences , & pour garant de cette
promeffe , nous vous préfentons ce Corps
illuftre , la demeure éternelle des Génies
qui ont animé les l'Hopitals, les Leibnits &
les Newtons .
Ces hommes de qui les Sciences & les
Arts empruntent la voix pour prononcer
leurs Oracles , applaudiffent à votre projet
, veulent bien fe l'approprier , en prendre
la direction , & s'affocier à votre Sé→
88 MERCURE DE FRANCE.
nat pour donner aux Ecoles, qui feront fous
leur dépendance , toute la perfection dont
elles feront fufceptibles.
•
Que ne devons-nous point efpérer d'une
affociation fi fateufe ? Ne marquons aucune
borne aux avantages qu'elle nous
promet. Si le partage de nos Rois eft
de triompher de l'injuſtice par la force de
leurs armes , ils vous autorifent , Meffieurs,
à triompher de l'ignorance par la fagelſe
de vos établiffemens. Pourfuivez dans tous
fes retranchemens cette ennemie redoutable
du genre humain ; qu'il n'y ait aucun
genre de connoiffance , qui n'ait ici
des Miniftres pour en dévoiler les myfteres
les plus fecrets ; & plus fages que
-ces peuples qui confacroient à des objets
de leur fuperftition , les lieux deftinés à leurs
affemblées ; faites de votre Hôtel de Ville ,
le Sanctuaire des Sciences & des Beaux
Arts.
JUIN. 1748. S
洗洗洗洗洗洗洗洗求求求求求求难
O D E.
Tirée du Pfeaume XXIV: Domine ad
te levavi animam meam , &c.
S Eigneur , vers toi mon ame éleve ſa penſée
Un espoir trop flateur m'auroit - il abufé
D'odieux ennemis fans ceffe méprifé ,
Quand verrai je, grand Dieu , leur fureur terraffée
Aux criminels complots de leur haine infenfée
Serai je toujours expoſé ?
**
Non , les humains pour toi remplis de confiance ; •
N'en éprouveront point un honteux, repentir ;
Leur espoir ne pourra jamais le démentir ;
Ils recevront le prix de leur perfévérance ,
Ét des piéges dreffés contre leur innocence
Ton bras fçaura les garantir.
+3x+
Toi- même guide- moi dans ce féjour propice ,
Où d'une faintejoye éclatent les tranſports ;
De ta grace divine ouvre- moi les tréfors ,
Et détournant mes pas des vils fentiers du vice ,
Dans un coeur, trop long- tems foumis à l'injuftice,
Entretien d'utiles remords,
༡༠
90 MERCURE DE FRANCE.
Souviens- toi des bontés que ta main paternelle
Répandit de tout tems fut les humbles pécheurs.
Accorde moi l'oubli de mes jeunes erreurs ;
Ah ! fi mon ame fut à tes loix infidelle ,
Par fon retour fincere aujourd'hui ne peut- elle
Défarmer tes juftes rigueurs ?
**
Oiii , l'Eternel fans doute écoutera mes plaintes
Des hommes pénitens il foulage l'ennui
Par de fréquens fécours il les rappelle à lui ,
De la compaffion il reffent les atteintes ,
Et n'inſpire à leurs coeurs de falutaires craintes,
Qu'afin d'en devenir Pappui.
炒菜
Les mortels dont l'efpoir réfide en ta fageffe ,
Vainement agités de malheurs paffagers ,
N'imploreront jamais des fecours étrangers.
Ton coeur ,GrandDieu, d'un pere éprouvant la tendreffe
,
Ecartera loin d'eux de l'humaine foibleffe
Les inévitables dangers..
***
Tes fentiers,Dieu Puiffant,font la clémence même;
Tu fçais à nos befoins méfurer, tes bienfaits ,
Eu j'en reffens déja les généreux effets .
Mon crime eft effacé par mon regret extrême ,
JUIN. 1748.
Et l'excès inoti de ta bonté fuprême
Paffe l'excès de mes forfaits .
**
I
Heureux qui du Seigneur reconnoiffant l'Empire,
Poffede un coeur docile à.pratiquer fes loix !
Du chemin qu'il doit fuivre il fçaura faire choix ;
Les folles voluptés ne pourront le féduire ;
Ami de la vertu , le jufte ne refpire
Que pour en défendre les droits,
+3
Ce Dieu prompt à punir l'ingrat qui l'abandonne,
Révele fes fecrets aux timides mortels ,
Qui d'une main tremblante encenſent ſes Autels;
Padoucit leurs foins par la paix qu'il leur donne,
En attendant qu'un four au Ciel il les couronne
Par des triomphes éternels.
***
Ainfi l'homme fidéle à marcher fur les traces ,
Vivra tranquillement juſqu'au jour bienheureux
Qui viendra le rejoindre à l'objet de ſes voeux.
De l'Ange impur alors dédaignant les menaces,
Au nombre des Elus il jouira des graces
Et des biens réſervés pour eux.
Benis donc déformais ma conduite nouvelle
91 MERCURE DE FRANCE :
Fais briller ta lumiere à mes voeux fatisfaits ; *
Daigne ajoûter , Seigneur , ce comble à mes fou
haits ,
Et dérobe mes jours à la foule rebelle
Des ennemis jaloux dont la rage cruelle
Me prépare de nouveaux traits .
***+
Ne laiffe pas furtout profpérer leur malice
Quel triomphe pour eux , fi ta févérité
D'une douce efpérance envain m'avoit flaté!
A mon ame contrite épargne ce fupplice ,
Et qu'Ifraël vainqueur de leur lâche artifice
Retrouve en toi fa fûreté.
Par M. D .... 1748 .
LETTRE à l'Auteur du Mémoire inferé
dans le Mercurede France du mois de Févriér
, fur les avantages que l'on peut
retirer d'un nouveau Pouillé général du
Royaume.
JE- vous dois bien de la reconnoiffance ,
Monfieur , au fujet du Mémoire que
vous avez fait inférer dans le Mercure de
France du mois de Février ; je l'ai lû avec
un double plaifir , relativement au double
JUIN. 1743. 93.
avantage qui peut m'en revenir . Vous démontrez
l'utilité d'un Pouillé général du
Royaume , & par là vous difpofez le public
à faire un'accueil favorable à un ouvrage
dans le même genre , qui eft quafi
prêt à voir le jour , quand je dis , dans le
même genre, je ne prétens pas mettre mon
ouvrage en parallele avec le vôtre ; ce leroit
en moi un excès de préfomption & un
orgueil infupportable ; je n'eferois pas
même le parer du titre d'efquiffe ou d'effai
, à peine oferois - je l'appeller une ombre
bien foible , ou fi yous voulez , un
fquelette du vôtre. Tel qu'il eft je voulois
l'annoncer au public pour le preffentir ; je
m'apperçois que votre Mémoire a fait en
ma faveur tout l'effet que j'aurois pû fouhaiter
; me voilà donc difpenfé d'argumenter
plus long- tems les gens intéreffés .
pour leur faire recevoir mon Pouillé , &
deft-là , Monfieur , le premier motif de
ma reconnoiffance.
*
Le fecond n'eft pas moins important ; je
ne fuis pas juge compétant des belles chofes
, mais j'ai bien du plaifir à les admirer;
c'eft l'avantage que vous me procurerez
dans le Pouillé dont vous allez enrichir la
République des Lettres. Vos fçavantes recherches
vont mettre au grand jour mille
chofes intéreffantes que nos plus célebres
94 MERCURE DE FRANCE.
Hiftoriens n'ont fait voir qu'à travers d'é
pais nuages. Les rayons lumineux que
vous allez répandre dans votre ouvrage ,
vont diffiper,mieux que n'ont pû le faire les
critiques les plus judicieux , les ténebres,
qui nous ont caché jufqu'ici la fixation des
lieux marqués dans les anciens Itinéraires ,
des Romains dans les Gaules ; ils vont nous ,
faire connoître les lieux qui ont des origines
Celtiques ; ceux où le font paffés tels
& tels faits , de même que ceux où le font
tenus certains Conciles ; les véritables lieux
de certains Siéges Epifcopaux , détruits ou
transférés ; les actions , les voyages des
Saints , les tranflations de leurs Reliques ;
la patrie , la demeure , la fépulture de quelques
illuftres perfonnages , &c. Un état
des Bénéfices du Royaume, tel que celui - là,
fera un tréfer d'érudition dont la République
des Lettres fe félicite d'avance ; l'Etat
même & le Clergé y trouveront également
des avantages. Mais , Monfieur , il n'appartient
qu'aux fçavans du premier ordre .
tels que vous , d'inftruire les autres.
Pour moi , Monfieur , craignant une
chute funefte , je ne vole que terre-à terre;
je donne tout fimplement un état des Bénéfices
Confiftoriaux & de ceux qui font à leur
collation ou à leur préfentation , mais auffi
je n'écris que pour les Eccléfiaftiques
JUIN. 1748 95
prefque feuls intéreffés à la connoiffance
de cette forte d'ouvrage, & pour me mettre
à la portée du plus grand nombre , j'ai crû
devoir leur épargner la dépenſe en évitant
de multiplier les volumes . L'ordre que je
garde a parû affés clair aux perfonnes intelligentes
que j'ai confultées ; le voici à
peu près.
14
1. Je divife le Royaume en dix-huit
provinces Eccléfiaftiques ou Archevêchés ,
en fuivant l'ordre de leur érection .
2º . Dans chaque province je place d'abord
le Siége Métropolitain , & je donne
l'état des Bénéfices qui en dépendent , par .
lettres alphabétiques.
3º. Chaque Evêché eft placé immédiatement
après l'Archevêché dont il eft fuffragant
, felon l'ancienneté de fon érection
, & à la fuite de chaque Evêché , je
place l'état des Bénéfices qui en dépendent,
toujours par lettres alphabétiques .
4° . Les Abbayes , Prieurés & autres Bénéfices
de nomination Royale , feront placés
fous le titre des Evêchés dans lesquels
ils font enclavés , & à la fuite des Bénéfices
dépendans defdits Evêchés .
Quant aux Bénéfices qui font à la collation
ou à la préſentation des Titulaires des
Abbayes , Prieurés , &c. de nomination
Royale , ils feront placés immédiatement
96 MERCURE DE FRANCE.
après lefd. Abbayes , Prieurés , &c, & toujours
par lettres alphabétiques,
5. Autant qu'on le pourra , on marquera
le nom du Titulaire & le revenu de chaque
Bénéfice , felon la taxe en Cour de
Rome , pour ceux qui font taxés , & pour
les autres , on eft obligé de s'en rapporter
aux mémoires des Titulaires ou autres.
puiſſe
fai-
6º. On mettra à la tête de chaque Diocèle
uneCarte de fon étendue, la plus exacte
& la plus correcte qu'on pourra l'avoir,
7°. Pour la commodité de ceux qui ne
voudroient pas ou qui ne feroient
pas en
état de fe procurer l'ouvrage tout entier ,
on fera en forte que chaque Diocèfe puiffe
être diftribué féparément.
Voilà , Monfieur , tout ce que je peux
re pour le public. Ce travail , tout fimple
qu'il eft , ne laiffe pas de me coûter bien
des efforts & de la dépenfe ; heureufement
me voila prêt à enfanter ; trop heureux ſi
je remplis bien mon deffein , je me réferve
de vous donner une idée plus jufte & plus
étendue de mon Pouillé dans le Profpectus
que j'aurai l'honneur de préfenter au Clergé
de France. Je ſuis , Monfieur , bien fincerement
votre , & c,
ΑΜ,
JUIN. 1748. 197
CA
CANECANICжФZCZCTCDva
PIECE aufujet des derniers vers de l'illuftre
M. de Fontenelle fur fa vieilleffe.
L'Anacréon de Paris ,
Dont la brillante vieilleffe
Sçait mêler à la fageffe
L'aimable enjouement des ris
Et l'élégante fineffe
Des graces en cheveux gris ,
Loin de cette terre ingrate ,
Défireroit que le fort
L'eût fait naître Spartiate.
Sparte autrefois , dit- il , étoit un heureux port
Pour tous ces gens portant vieille cravatte
Et perruque de travers ,
Pour tous ces gens comptant de vieille datte
Le premier de leurs hyvers.
Sparte , azile heureux d'une tête chenuë ;
O Sparte , Sparte, hélas ! qu'êtes- vous devenuë
De ce pays
hiyanté
Je connois très peu la Carte ,
Mais je crois en vérité
Qu'un vieillard de fa trempe eût été mal à Sparted
Qu'auroient- ils fait de l'amant de Cypris ,
1. Vol E
98 MERCURE DE FRANCE.
Ces gens fi durs , fi peu nés pour les ris ?
N'étant chés eux qu'un vieillard reſpectable ,
Il eût perdu la moitié de fon prix ;
Pour être Fontenelle , il devoit être aimable ,
Voilà pourquoi les Dieux l'ont placé dans Paris,
E. F. P. B.
LETTRE à un Curé , voisin de Versailles,
aufujet du nouveau Calendrier Hiftorique
de l'Eglife de Paris.
I left d'ordinaire ,Monfieur ,
lorf- , que
que l'on veut examiner un livre , on
commence par les premieres pages. Vous
me traiterez de bizarre ou d'hétéroclite ,
ou comme vous voudrez , en me voyant
commencer par la fin , l'examen de celui
dont j'ai deffein de vous entretenir.
Je veux parler du Calendrier Hiftorique &
Chronologique de l'Eglife de Paris , qui paroît
depuis le commencement
de cette an-'
née. Comme c'eft un ouvrage coupé &
dont les morceaux font tous difparates , je
crois que l'on peut également lire le mois
de Décembre avant celui d'Août, & celui de
Juin avant celui de Janvier.
En débutant donc par le 30 DecemJUIN.
1748.
99
bre , j'y ai trouvé marqué l'établiffement
de la Maifon Royale de Saint Louis à
Saint Cyr , pour l'éducation de trois cent
jeunes Demoiſelles nobles , fait l'an 1686.
L'article ne contient que fept lignes , &
immédiatement après l'Auteur met : Voyez
dans la Prélature Parifienne les Abbés de
Saint Cyr. Eft ce donc qu'il y a eû à Sainţ
Cyr une Abbaye d'hommes , & que cette
Abbaye eft du Diocèfe de Paris ? Mais non.
Cela eft faux dans les deux chefs.
>
L'Abbaye de Saint Cyr que M. le Fevre
à placée parmi celles du Diocèſe de
Paris , eft une Abbaye de Filles & non
d'Hommes. Au refte la faute n'eſt peutêtre
que d'impreffion , mais à l'égard du
Diocèfe , elle est très - certainement du
Dioceſe de Chartres & en a toujours été.
Quand il donne le catalogue des Abbeffes
qui l'ont gouvernée , il la place entre l'Abbaye
de Gif & celle d'Hierre . Le titre
général qui précede ces catalogues , dit
clairement qu'ils renferment les Abbés ,
Abbeffes, Prieurs , &c . des Abbayes du Diocèle
de Paris , & ne fait aucune mention
du Diocèfe de Chartres ; pourquoi
donc vouloir tromper ainfi le public , &
lui faire accroire que l'Abbaye de Saint
Cyr eft du Diocèfe de Paris ? L'Auteur
n'a pu faire imprimer ce catalogue com-
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
pofé de trente- trois Abbeffes , qu'en copiant
le tome du nouveau Gallia Chriftiana
où elles font , or en regardant jufqu'au
haut de la colonne 1296 du huitiéme
tome , où le catalogue commence , il auroit
lû Ecclefia Carnutenfis , & non pas Ecclefia
Parifienfis. Mais peut -être a- t-il eû ce catalogue
tranfcrit par quelqu'un qui avoit
oublié de remarquer qu'il eft pris de la
partie du Gallia Chriftiana , qui contient le
Diocèfe de Chartres.-
Auroit- il confondu l'ancienne Abbaye
avec la Maiſon Royale de Saint Louis ?
Et quand cela feroit , devoit- il la donner
, ni aucune Eglife du Bourg de Saint
Cyr , au Diocèfe de Paris , puifqu'elles
font toutes du Diocèfe de Chartres ? Vous
connoiffez fi parfaitement les limites des
deux Diocèfes , que je crains Monfieur ,
de vous avoir envoyé trop de verbiages ,
pour réfuter une faute qui faute aux yeux ,
Je ne chercherai point querelle à M.
le Fevre fur ce qu'il a paffé fous filence
l'Abbaye de Malnoue , mais devoit - il
Comettre celle de Gerfy ? A l'égard des
Abbayes d'hommes , fon deffein n'étoit
pas apparemment de les mettre toutes ,
mais il auroit dû en avertir dans le Titre
de la Prélature Parifienne , & ne pas
laiffer à entendre qu'il va donner un état
JUI N. 1748. ΙΟΥ
de toute cette Prélature. Que lui ont fait
certaines Abbayes de Bénédictins , de Chanoines
Réguliers , tant de la Congrégation
de France qu'autres , de l'Ordre de
Prémontré , de celui de Cîteaux , pour
qu'il les ait toutes laiffées en arriere Je
ne parle que de celles qui fubfiftent , comme
l'Abbaye de Lagny, celles des Vaux de
Cernay , d'Herivaux , de Livry, d'Hermicres
, d'Iverneau.
Ne méritoient-elles pas mieux de figurer
dans la Prélature Parifienne , que l'Ab .
baye au Bois & celle de Pentemont , Maifons
étrangeres , qui n'ont été tranfplantées
à Paris , comme dans un lieu de re
fuge , que depuis le milieu du dernier fiécle
, la première après avoir ſubſiſté quatre
cent cinquante ans au Diocèfe de Noyon,
& la feconde après avoir été autant de tems
proche ou dans la ville de Beauvais ?
Je ne doute pas que vous n'ayez lû
dans le Journal , de Verdun de Mars ou
d'Avril dernier les obfervations qui ont
été faites fur le commencement du Calendrier
Hiftorique en queftion . Je fuis ,
&c. J
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
ARTIS POETICÆ
HORT
Fragmentum. v. 119.
Ut famam fequere ,aut fibi convenientia finge,
Scriptor . Homereum fi fortè reponis Achillen ;
Impiger , iracundus , inexorabilis , acer ,
Jura neget fibi nata , nihil non arroget armis.
Sit Medea ferox , invictaque , flebilis Ino ,
Perfidus Ixion, Jo vaga , triftis Oreftes,
Si quid inexpertum fcenæ commitis , & audes
Perfonam formare novam ; fervetur ad imum
Qualis ab incepto procefferit , & fibi conftet.
Difficile eft propriè communia dicere : tuque
Rectius Iliacum çarmen deducis in actus ,
Quam fiproferres ignota indictaque primus,
Publica materies privati juris erit , fi
Nec circa vilem patulumque moraberis orbem ;
Nec verbo verbum curabis reddere fidus
Interpres; nec defilies imitator in arctum ,
Unde pedem referre pudor vetet , aut operis lex.
JUI N. 17481 ) 103
TRADUCTION d'un fragment de
l'Art Poëtique d'Horace.
Q
re
Uant aux caracteres , fuivez les idées
reçûes , ( 29 ) ou fi vous en imaginez
de nouveaux , qu'en tout avec euxmêmes
ils foient d'accords. Peignez - vous
( 30 ) cet Achille , fi vanté par Homere ?
Qu'il foit infatigable , colere , bouillant ,
inéxorable ; qu'il fe croye au-deffus des
Loix , qu'il n'attende rien que de fon bras.
Que Médée foit cruelle , inflexible , Ino
baignée de pleurs , Ixion perfide , Jo vagabonde
, Örefte furieux . Ofez - vous introduire
fur la fcene un caractere qui n'ait
point encore été traité , un perfonnage
inconnu jufqu'alors au Théatre ? Que du
commencement jufqu'à la fin il foit le
même , qu'il ne fe démente en rien . ( 31 )
1l eft difficile de rendre propre à ce nouveau
perſonnage un de ces caracteres dont
on n'a qu'une idée générale : on eft toujours
plus fûr de réuffir en les > prenant
dans l'Iliade , qu'en hazardant le premier
fur la fcene des fujets qui n'ayent point
encore été mis au jour . Ceux même qui
font connus vous deviendront propres ,
fi vous en écartez les idées triviales & re-
E iiij ..
104 MERCURE DE FRANCE.
batues ; fi trop fidéle interprete , vous (32 )
ne rendez point mot pour mot ce que d'autres
on dit ; enfin fi par une fervile imitation
, vous ne vous renfermez point dans
de fi étroites bornes , que vous ne puiflicz
prendre l'effor ; fans vous couvrir de honte
ou fans violer les regles de l'art.
REMARQUES.
( 29 ) C'eft avec raifon que M. Cofte
critique la façon dont le Pere Tarteron a
rendu ce paffage , en difant , que vos caractéres
foient convenables s'accordent
avec eux-mêmes ; qu'ils foient conformes à l'idée
qu'on en a le Pere Tarteron auroit
mieux fait , comme le remarque M. Cofte,
de laiffer fa verfion telle qu'elle étoit dans
la premiere édition , elle approchoit plas
du fens d'Horace ; dans les caractéres que
vous faites de vos Héros , attachez - vous à
l'Hiftoire & à ce qu'on dit d'eux ; on fi vous
faites une fiction , qu'ellefoit jufte & bien liée.
On pourroit cependant critiquer ici le peu
d'élégance du style ,faire des caractéres, fuire
desfictions.
( 30 ) Homereum v . 120 , & non pas
Honoratum . On doit cette reftitution à
Bentley je fçais que plufieurs critiques ,
défenfeurs outrés , même des fautes qui fe
JUIN.
105 1748 .
font introduites dans le texte des anciens.
Auteurs , par le défaut d'attention des copiftes
, ne manqueront pas de me blâmer
d'avoir adopté non-feulement cette correction
, mais quelques autres qui m'ont
paru néceffaires ; à cela je répondrai qu'ils
donnent un fens à Honoratum ; qu'ils le
faffent accorder avec ce que dit Ciceron .
Tufcul. III.9 , d'après Achille lui - même
dans Homere . v. 642 . }
Corque meum poenitus turgefcit triftibus iris ,
Cum decore , atque omni me orbatum laude recorder.
Enfin qu'ils lifent fans prévention les
exemples que rapporte Bentley de l'épithete
Homereus & Homericus , donnée par
differens Auteurs à Achille , Ulyffe & d'autres
Héros. Je ne difconviendrai pas que
Bentley , trop hardi critique , n'ait prefque
fait un nouvel Horace , mais fans
adopter toutes fes corrections , il eft des
cas, ou plutôt que de croire qu'un Poëte , tel
qu'Horace , ait été capable de mettre une
abfurdité auffi grande que l'épithete Honoratum,
en voulant qu'on peignit Achille,
comme Homere l'a peint ,il faut fuivre des
corrections appuyées d'autant d'exemples
que celle-ci.
(31 ) Ce paffage a beaucoup embarraffé
les Interpretes ; la plupart ont donné à
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
communia le fens de fujets communs , que
tout le monde peut tirer de fon fond , & à
propriè , celui de fe rendre propres les fujets
, par la façon dont on les traite ;
d'autres , tels que M. de Rozel Baumon ,
Hift. Crit. de la Rep. des Lettres. T. x . p .
101 , ont prétendu que ce qui a jetté les
Interpretes dans l'erreur , eft qu'ils ont crû
que rectius avoit la même fignification que
commodiùs , faciliùs , au lieu qu'Horace a
voula marquer par ce terme que celui
qui travaille fur un fujet que d'autres ont
traité , acquérera plus d'honneur & de
gloire , que s'il choififfoit un fujet fur lequel
on n'auroit point écrit , M. de Rozel
Beaumont, pour juftifier l'explication qu'il
donne ici à rectius , cite plufieurs paffages
d'Horace , où ce mot eft entendu & doit
l'être dans ce fens-là , mais ce n'eft pas ici
le cas de l'expliquer par la fignification
qu'il peut avoir ailleurs. J'ai trouvé dans
le Mercure de Janvier 1746 page 7 &
fuivantes , une fçavante Differtation de
M. du Marfais , connu dans la République
des Lettres pour un des plus judicieux.
Critiques de fon fiécle ; faDiffertation nous
donne la véritable explication du paffage
dont il s'agit .
M. du Marfais croit avec raifon que
les versfi quid inexpertum , &c. jufqu'à opeJUI
N. 1748. 107
•
ris Lex , ne forment qu'un fens total , une
feule & même période , dont les membres
font liés par des conjonctions fous entendues
, telles que verum , qu'il
qu'il faut fous
entendre avant difficile eft , &c . & tunc
illa avant publica materies , &c . il donne
enfuite l'explication de communia , qui felon
les Grammairiens , veut dire général
vague , indéterminé , les noms fubftantits
étant divifés par eux en noms communs
ou appellatifs , & en noms propres ; c'eſt
ainfi que Héros eft un nom commun , général
ou appellatif , c'est-à-dire , qui convient
à tous les grands hommes ; c'eſt ainſi
qu'on doit entendre communia & que
propriè fignifie l'application que l'on fait
de ce caractere de Héros à un Perfonnage
particulier , & inventé pour être le tableau
du caractere : les moeurs , le caractere
d'un hypocrite en général , communia ; les
moeurs le caractère de Tartuffe , propriè
; Tartuffe , de nom propre , eft devenu
un nom commun de forte l'on dit
que
aujourd'hui d'un hypocrite , d'un faux dévot
, un Tartuffe , parce que Moliere a fi
bien peint ce caractere , communia , dans la
perfonne de Tartuffe , & qu'il a rendu ce
caractere tellement propre , propriè , à Tartuffe
, que notre Langue s'eft trouvée enrichie
de ce mot. Aiufi comme le remar-
+ >
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
que fort judicieuſement M. du Marfais .
propriè communia dicere , c'eft adopter fi
bien un caractére à un perfonnage particulier,
que tout ce que l'on fait dire ou faire
à ce perfonnage , réponde parfaitement à
l'idée abftraite & générale que l'on a de ce
caractére.
M. du Marfais a la modeftie de convenir
qu'il doit le fond de fa remarque à
cette note que M. Piat a faite fur le pallage
en queſtion , dans le petit Horace que celui-
ci fit imprimer en 1730 chés Brocas .
Hic communia funt mores generatim & in
univerfum fpectati , nullâ ratione habitâ bujus
aut hujus hominis. Propriè dicere , eft mores
illos , five naturas alicui homini adfcribere
, & illius proprias facere. Cum perſona
aliqua ex Hiftoriaſumitur , habet jam mores
fuos , fuam indolem , naturam propriam ac
peculiarem : nec alius Poëta labor incumbit
nifi ut naturam eam , jam factam & cognitam
fequatur. At fi nova perfona effingitur , adiri
neceffe eft naturas illas generales & communes
; atque ex his hauriri undè hujufce perfona
indolem propriam conficias : quod effe
difficilè Horatius dicit : ideòquefuadet perfonas
jam cognitas adhiberi.
M. du Marfais appuye encore fon avis
fur deux paffages qu'il cite , l'un de Ciceron
, qui dit à la fin de fon Oraiſon pour
JUIN. 1748. 109
le Poëte Archias , que communiter de ipfius
ftudio locutusfum , ce quej'ai dit engénéral de
la Poëfie , talent & étude d'Archias ; l'autre
de Quintilien. Inftit. Orat . 1. VII . c. I.
lequel explique encore plus précifément
le fens dans lequel on doit entendre communia
& propriè . Non diffimile , ajoute t- il ,
buic eft illud præceptum , ut à communibus ad
propria veniamus ; ferè enim communia generalia
funt. Commune eft , Tyrannum occidit
; proprium , virum tamen Tyrannum ogcidit.
Dans Quintilien , commune eft un fait
général , qui ſpécifié par les circonftances ,
devient proprium. Ainfi difficile est propriè
communia dicere , appartient à ce qui précede
immédiatement , & c'eft par cette réflexion
fur la difficulté de l'entrepriſe de
celui qui andet perfonam formare novam ,
que le Poëte termine ce qu'il vient de dire
fur ce fujet : il paffe enfuite à celui qui
n'employe que publica materies ; il lui confeille
de la préférer à perfona nova , comme
une chofe plus aifée , rectius , quoiqu'elle
ait auffi fes difficultés à être rendue privatijuris
; on ne doit point expliquer communia
par indicta , qu'employe Horace
dans cet endroits indicta eft oppofé à perfona
nova. Communia ne veut donc dire ,
ni ce qui appartient au premier occupant ,
110 MERCURE DE FRANCE.
comme n'ayant été occupé par perfonne
auparavant , ni ce qui eft occupé par tout
le monde ; ce n'eft ni le commune ni le publicum
des Jurifconfultes . Communia , comme
le remarque M. du Marfais , défigne la
généralité du caractere , & propriè , l'application
qu'on en fait à perfona nova qua indicta
, ignota eft.
VIRARAPARATO EARDEDEAVOła
COMPLIMENT de M. de la Soriniere
à Madame des Forges- Maillard ,fur
les jolis vers qui ont paru d'elle endifferens
Mercures.
•MIeux que Sapho vous compofez les vers ;
Et qui les lit fent pénétrer fon ame
De certain feu qui brûle l'Univers.
Heureux Maillard ! j'admire dans ta femme
Cent traits charmans que Sapho n'avoit pas ;
Elle est belle , fage & conftante ,
Et qui plus eft , elle eſt vivante ;
La Grecque a fubi le trépas.
JUIN. 1748. IF
張光洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
SEANCE publique de la Societé Littéraire
d'Arras , tenue le Samedi 23 Mars 1748 .
Mc
Onfieur de Canchy, Directeur, & M.
Cornuel , Chancelier , ouvrirent la
féance des Difcours de remerciment ,
par
fur leur nomination à ces deux Emplois ;
& M. Cauwet , faifant les fonctions de
Secrétaire en l'abſence de M. Hardouin
Député des Etats d'Artois à la Cour , leur
répondit au nom de la Société. M. de
Canchy rapporta dans fon Difcours tout
ce que les Auteurs les plus anciens ont dit
de l'Artois , & après avoir prouvé par
l'analyfe qu'il en fit , que l'Hiftoire d'une
Province peut fournir quantité de traits intéreffans
,il exhorta les Affociés à exécuter
avec empreffement cette utile & importante
entrepriſe.
M. Briois , Avocat Général du Confeil
Provincial d'Artois , & M. Camp , Avocat
, qui avoient été nommés aux places
vacantes , vinrent prendre féance à la
Société , & prononcerent leurs Difcours de
reception.
M. le Chevalier de Coufturelle , Major
du Régiment de Rohan - Rochefort ,
& Chevalier de l'Ordre Militaire de Saint
ir2 MERCURE DE FRANCE.
Louis , devoit auffi prononcer le fien ce
jour-là , mais ayant été obligé de joindre
fon Régiment , il s'en acquitta dans
l'Affemblée du 24 Février , que la Société
rendit publique à cette occafion.
Il feroit à fouhaiter qu'on pût rendre
un compte détaillé de ces trois Difcours,
& des réponfes qu'y fit le Directeur ;
on fe contentera d'inférer ici le portrait
que fit M. Briois de l'Affocié auquel il fuccede
. *
ל כ
99
"
"
>> Permettez moi , Meffieurs , de vous
rappeller la mémoire de celui dont l'amitié
pour moi alloit jufqu'à la tendreffe
d'un pere de vous retracer la
» pénétration de fon efprit , la folidité
» de fon jugement , cette douceur , cette
politeffe , qui le faifoient défirer de tout
» le monde , cet enjouement , cette légereté
de converfation , cette droiture
» de coeur , ce fond de probité , qui infpiroient
pour lui autant de refpect que
d'attachement ; & pour mieux le ca-
» ractériſer encore , & peindre en par-
» ticulier ce qui le diftinguoit de la plûpart
» des autres hommes , rappellons cette ver-
» tu , qu'il poffédoit fi bien , d'être aufſi
» aveugle fur les défauts , que clairvoyant
"
M. Mullet du Petit-Rieux , Chevalier d'honneur
du Confeil d'Artois.
}
JUIN. 1748; 1f ,
fur les bonnes qualités d'autrui , cette
» fcience fi difficile à acquérir , de ne parler
jamais qu'après avoir mûrement ré-
» fléchi , ce choix prompt & judicieux ,
» qu'il fçavoit faire des mots & des expreffions
, dont il connoiffoit fi bien
» les fignifications & les nuances diffe-
» rentes , ces reparties pleines de feu &
toujours heureufes , cette délicateffe de
goût , qui ne lui permettoit pas de faire
» médiocrement , même les plus petites
» chofes , ces traits d'une générofité hé-
» roïque , que notre étroite liaifon ne
lui a pas permis de me cacher , mais
99
و و
qu'il étoit fi attentif à tenir fecrets ,
» même pour ceux qu'il obligeoit , à qui
» il vouloit épargner jufqu'au remerci-
» ment , & qu'il évitoit de mettre dans le
» cas d'une jufte reconnoiffance.
M. Cauwet lut un Mémoire pour fervir
à l'Hiftoire de Robert I. Comte
d'Artois .
Enfuite M. de Gouve fit la lecture d'un
Difcours fur le danger qu'il y auroit d'apprendre
les Sciences aux femmes. Il femble
avoir voulu dédommager les Dames ,
par cet ouvrage, de la féchereffe ordinaire
des Differtations hiftoriques , & payer leur
préfence par un morceau qui les intéreffat
directement. Son but a été de faire voir
114 MERCURE DE FRANCE.
ce que gagneroient les femmes , fi elles
devenoient fçavantes , & l'efclavage dans
lequel tomberoient les hommes . » Elles
» joindroient , dit- il , à tous les avantages
» qu'elles ont déja, le feul qui leur manque :
elles perdroient les imperfections qu'on
>>leur reproche.
M. D. avant que de prouver ces deux
propofitions , adreffa ainfi la parole aux
Dames qui affiftoient à l'Affemblée. » Vous
» me pardonnerez , Meſdames , fi je prens
» ici des précautions pour empêcher que
» vous ne portiez trop loin votre empire.
» Il eft de la bonne politique de fe ga-
» rantir des entreprifes d'un voifin trop
» redoutable : nos craintes font une preuve
de votre puiffance , qui eft déja affés
» étendue pour ne plus s'accroître : nous
faifons gloire d'être vos fujets , mais
» dans notre dépendance , nous voulons
» conferver l'apparence de la liberté , &
» ne point bleffer votre amour- propre ,
» en ne vous faifant régner que fur des ef-
> claves.
Les bornes d'un extrait ne permettent
point de fuivre l'Auteur dans toutes les
raifons qu'il employe pour établir fon
fystéme on citera feulement l'endroit où
il explique comment l'étude des Scienees
guériroit les femmes de la coquetterie.
JUIN. 1745. 175
»La coquetterie n'eft que l'art de trom,
per. Quand elles en feront convaincues
» elles rejetteront un amufement , qui fans
» les dédommager , couvre de ridicule l'idole
& fes adorateurs. Leur efprit s'exer
cera à démêler le vrai d'avec le faux
» & leur coeur , qui ne peut être vuide ,
» fe remplira de l'amour de la vérité. Com-
» me elles perdront le défir de plaire
« elles en négligeront les moyens : la toi
» lette abandonnée fera remplacée par une
Bibliotheque ; les bijoux n'auront plus
» d'éclat ; les billets doux feront changés
» en Differtations , les colifichets en inftru-
» mens de Mathématiques , &c.
ע
M. D. conclut ainfi fon ouvrage : » fi
» n'étant qu'aimables , elles obtiennent
» un culte idolâtre , que ne nous arracheroient-
ellespas , fi elles étoient aimables
» & fçavantes !
M. Binot lut une Differtation , dans
laquelle il examina plufieurs points hiftoriques
, relatifs à l'exhumation du Roi
Thierry I. fils de Clovis II. qui s'eft faite
l'année derniere dans l'Eglife de l'Abbaye
Royale de Saint Waaft d'Arras..
Le féance fut terminée par une Ode
de M. Maffon , intitulée l'Héroïfme. Après
avoir décrit les actions de quelques célebres
Capitaines , l'Auteur s'exprime
ainfi.
16 MERCURE DE FRANCE .
Ces traits frappans , ces coups terribles,
Ces inconcevables travaux ,
Font bien des hommes invincibles ,
guerre ,
Mais il ne font pas des Héros..
Tous ces brillans foudres de
Cesvainqueurs , l'effroi de la terre ,
Peuvent bien fe rendre immortels ,
Mais auffi dans les coeurs des fages
Trouveront- ils de vrais hommages ?
Mériteront-ils des Autels ?
+3x+
Ofons le dire, oui , c'est peu d'être
Ferme , habile , intrépide , heureux ;
De foi même il faut être maître ,
Toujours bón , toujours généreux.
En vain je cherche un coeur fublime ,
Un Prince vraiment magnanime
Dans le meurtrier de Clytus ;
Je veux qu'on foit fenfible & tendre ,
Et l'héroïlme d'Aléxandre
Ne vaut pas celui de Titus.
Pour être homme , l'homme doit tendre
Toujours vers la Divinité ;
JUIN. 1748.
Et cet effor , comment le prendre,
Si ce n'eft par l'humanité ?
Aimer , foulager les ſemblables ,
Secourir tous les miférables
En être le confervateur ,
C'eft toucher à l'Etre ſuprême ,
Et partager avec Dieu même
Les fonctions de Créateur,"
**
Voilà l'homme de qui la gloire
Brave le cifeau d'Atropos ,
L'homme au deffus de la victoire ,
Mon demi - Dieu , mon vrai héros,
D'une tête fi vertueufe
La préfence majestueuſe
Nous rend plus charmés qu'éblouis ;
Qui peut méconnoître à ces marques
Le plus accompli des Monarques ?
Sans y fonger j'ai peint Louis,
*3*+
Et vous , Ministres de Bellonne ,
Conty , Maurice , Lowendal ,
Vous , que la bravoure couronne
D'un laurier trop fouvent fatal ,
Ce n'eft point par des murs en flâmes
}
TIS MERCURE DE FRANCE
Que vos grands noms font dans nos ames
Bien mieux gravés que fur l'airain ,
C'eft par cet héroïfme aimable ,
Qui trouve un modéle adorable
Dans les vertus du Souverain.
Vous maniez avec fageffe
La foudre qu'il met dans vos mains
Lorſqu'elle part , votre tendreffe
Voudroit fauver tous les bumains,
Si la loi d'une jufte guerre
Vous force d'abreuver la terre
Du fang de nos fiers ennemis ,
Vous frappez , non pour les détruire
Vous ne voulez que les réduire ;
Sont-ils vaincus ? ils font amis.
32
JUIN 119 1748.
EXTRAIT de la Differtation de M. le
Baron de Zurlauben , Chevalier de l'Ordre
Militaire de S. Louis & Capitaine an
Régiment des Gardes Suiffes , qui a remporté
le Prix propofé par l'Académie Roya
le des Infcriptions & Belles - Lettres en
l'année 1748.
Lde determiner la vraye fignification
E fujet propofé par l'Académie étoit
des titres AZTAOZ afyle & IEPA , facrée ,
ou IEPA AɛTAO , que plufieurs villes
prennent fur les Médailles . L'Auteur ne
s'eft pas contenté de rechercher les differentes
acceptions de ces mots & d'en fixer
la fignification ; il a examiné , 2º . fi le
droit d'Afyle devoit toujours fon origine
à la Religion ; 3 ° . fi fon étenduë étoit par
tout la même ; 4. à qui étoit confié le
foin de le maintenir ; 5. quels font lesAfy ,
les qui ont fubfifté fous la domination des
Romains , & quand ils ont été abolis.
ART. I. On croiroit au premier coup
d'oeil , dit l'Auteur , que le titre AZTAOZ
employé fur les Médailles fignifioit ce
qu'on entend communément par le mot
d'Afyle ; c'est-à-dire un lieu de franchife .
où l'on n'ofe prendre un criminel qui s'y
120 MERCURE DE FRANCE:
eft réfugié. Mais quoi qu'aουλος & ασυλού
ayent la même racine , ils ont cependant
des fignifications differentes, Auxor étoit
chés les Anciens un Temple ou un endroit
où il n'étoit pas permis de prendre par
force ceux qui s'y étoient réfugiés , mais
aouxos adjectif étoit un titre confacré aux
feules villes & Nations ; il déclaroit celle
qui en étoit revêtuë , inviolable , d'une entiere
fûreté, exempte de guerre, de ravage
& de tout acte d'hoftilité , un endroit
neutre , jouiffant d'une paix perpétuelle,
Une ville pouvoit être aunos fans qu'elle
eût un Temple décoré du titre asunor ,
comme une ville pouvoit avoir un Temple
dafyle fans poffeder la qualité d'acuxos.
Le mot Grec IEPA fignifioit ce que les
Latins exprimoient parSacrum , facré, On
appelloit de ce nom tout ce qui étoit dédié
aux Dieux , non par des particuliers ,
mais par un Decret public d'un Souverain
ou d'un peuple. Les exemples de Smyrne ,
de Zéla , de Comane , de Morimene &
d'Olba , que l'Auteur rapporte , prouvent
que les villes qui avoient le titre de IEPA
étoient non - feulement confacrées & dévouées
par un Arrêt public du Souverain
au culte de leurs Divinités tutelaires , mais
que tout leur territoire , ou du moins une
partie étoit dédiée à l'ufage de leurs Tem-
TOLLAS A SIL
ples
JUIN. 1748. 121
ples , & que les Miniftres des Dieux en retiroient
le revenu . Comme le titre IEPA
étoit dû entierement à la Religion , il précédoit
celui d'aux dans tous les anciens
monumens , où ils fe trouvent tous deux .
Une ville pouvoit être aova fans qu'elle
fut confacrée avec fes habitans & fon territoire
à la Divinité tutelaife qu'on y adoroit.
Quand elle réüniffoit les deux titres ,
elle en devenoit d'autant plus refpectable .
Pour juftifier par des exemples cette acception
du mot IEPA , M. de Zurlauben a
fait ufage du fçavant Mémoire que M. l'Abbé
Belley a lû à l'Académie Royale des
Infcriptions & Belles- Lettres en 1747 fur
les Médailles des Grands Prêtres , Princes
d'Olba en Cilicie . Il dit, d'après ce fçavant
Académicien , que dans la plus haute antiquité
les Rois & les Princes étoient les
premiers Miniftres de la Religion , que cet
ufage fubfiftoit encore fous la domination
Romaine dans plufieurs Provinces de l'Afie,
que les Pontifes d'Olba faifoient battre
monnoye , qu'ils'exerçoient dans toute l'étendue
de leurs Etats tous les droits de la
Souveraineté , qu'il nous refte des Médail
les qui portent l'empreinte de deux Princes
d'Olba contemporains d'Augufte , & qui
décorent Olba du titre de Sacrée isegs. 1
Entre plusieurs autres exemples , M. de
11. Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE
Zurlauben cite encore celui de la ville de
Comane fur l'Iris en Cappadoce , où il y
avoit un Temple de Bellonne très- ancien
& fort illuftre. Elle étoit extrêmement
peuplée & particulierement par les Hierodules
, qui étoient des efclaves attachés au
fervice du Temple . Elle obéiffoit à un
Roi , mais elle exécutoit néanmoins les
ordres du Grand - Prêtre. Celui- ci étoit
maître de la plus grande partie de la ville ,
du Temple & de tous les Hierodules , dont
le nombre montoit au- de-là de fix mille
y compris les femmes . Il y avoit auffi
beaucoup de terres qui appartenoient au
Temple & dont le Pontife retiroit les revenus.
Strabon ajoûte que Pompée établit
Archelaus, Pontife de Comane & augmen
ta de foixante ftades le terrain facré.
L'Auteur obferve enfuite que lorfque
les villes portoient fur les Médailles les
deux titres IEPA ΑΣΥΛΟΣ joints enfemble
, elles joüiffoient non-feulement d'une
parfaite neutralité , d'une paix perpétuelle
& du droit d'être exemptes de guerre &
de tout acte d'hoftilité en vertu du titre
aux , mais comme ise leur terrain étoit
de plus confacré par la Religion au culte
de leurs Divinités tutélaires , qui en étoient
les véritables propriétaires , les villes décorées
de ces deux titres avoient grande
>
JUI N. 1748. 123
attention de les faire graver fur leurs monnoyes
, de les placer à la tête de leurs Decrets
& Traités , & les Princes qui les con
féroient en informoient les Rois , les Gouverneurs
des provinces , les villes & les
nations , afin que la piété des villes qui
étoient confacrées à une Divinité fût généralement
connue & infpirât aux peuples
éloignés une vénération particuliere pour
leurs Temples , & afin que s'il furvenoit
quelque guerre on refpectât le territoire
des villes auxquelles des Souverains
avoient donné le titre & la prérogative
d'arun . Seleucus Callinic ufa de cette
précaution en déclarant Smyrne facrée &
inviolable. Il dévoüa le terrain & les revenus
qu'il tiroit de cette ville au culte & à
l'ufage du Temple de Stratonice , & pour
furcroît de libéralité il déclara cette ville
inviolable , neutre , exempte de tout ra
vage & de tout acte d'hoftilité au milieu
de toutes les guerres qui pourroient furvenir
entre lui & fes voifins.
II . M.de Zurlauben montre que fi le titre
IEPA, tiroit fon origine de la Religion ,
celui d'aux la devoit uniquement à la
politique. Il en fut , dit- il , des villes qui
porterent le titre d'acuxos , comme des
premiers afyles que les Payens ouvrirent
aux malheureux. On ne niit ceux- ci en
Feij.
24 MERCURE DE FRANCE
ufage que pour peupler des villes en y ata
tirant une foule de vagabonds & de gens
obérés. Tels furent les commencemens de
Rome . La Religion n'eut d'abord aucune
part à l'afyle établi par Romulus. Un bois
fut déclaré le réfuge général de tous les
voifins , & ce ne fut qu'avec le tems qu'on
y bâtit un Temple à Jupiter Vejovis. De
même le privilege arv attaché à des
villes , étoit un trait de la politique des
Princes , qui en déclarant un endroit inviolable
, neutre , exempt de tout ravage ,
étoient certains d'y voir accourir une multitude
de nouveaux habitans pour joüir
d'une demeure tranquille. D'ailleurs ils
pouvoient y mettre à couvert leurs tréfors
& ce qu'ils avoient de plus précieux , mais
il ne faut pas penfer que le titre agurⒸ lifi
gnifiât,comme arvaov , une retraite pour les
criminels.Des gens de cette forte ne font pas
propres à conferver la paix dans un pays ,
objet principal de la prérogative ασυλος.
M. D. Z. appuye fon fentiment du témoignage
de divers Auteurs qui nous apprennent
que la ſeule libéralité des Princes
fouverains accordoit le plus fouvent
aux villes le titre d'afyle , fans que le culte
d'aucune Divinité y eût donné occafion .
Il prouve cette vérité par les exemples de
Lappa , de Sébaſte , d'Arade & de plufieurs
autres villes.
JUIN. 1749. 125.
III. Le droit d'afyle ou de réfuge attribué
aux Temples n'étoit pas toujours le
même pour l'étendue. Il étoit quelquefois
fort général , mais il fut auffi très- limité
en quelques endroits. Au contraire le titre
coves accordé aux villes , n'étoit ſujet à
aucune reſtriction ; toutes celles qui le poffedoient
étoient inviolables, d'une entiere
fureté , exemptes de guerres , de ravages &
de tout acte d'hoftilité , neutres , jouillant
d'une paix perpétuelle. Les paffages de divers
Auteurs que M. D. Z. rapporte , établiffent
clairement cette uniformité d'étendue
dans le titre d'afyle & affûrent toutes
les qualités qu'il lui attribue.
Ο
Elée ou Elis , Capitale de l'Elide dans le
Peloponnefe , eft une des villes de la Grece
où l'étendue du droit d'afyle eft le
mieux marquée. Polybe l'appelle ispar var
aaogontov, c'est-à- dire facrée & exempte de
tour ravage de guerre , & Strabon dit que les
Etoliens ayant enlevé l'Elide aux Epéens ,
refpecterent le Temple Olympien ; qu'ils
s'engagerent par ferment à regarder le pays
des Eléens comme confacré à Jupiter ;
qu'ils voulurent que celui qui y entreroit
à main armée feroit réputé criminel , auffibien
que celui qui ne vengeroit pas ce forfait
de toutes les forces. Le même Auteur
ajoûte que les grandes prérogatives de cet-
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
te ville engagerent fes fondateurs à ne pas
Pentourer de murailles , & que l'ufage a
toujours été que les troupes de gens de
guerre qui traverfoient le pays , livraffent
les armes aux Eléens & qu'on ne les leur
rendît qu'à la fortie de la frontiere . Ces
mêmes priviléges engagerent Iphytus à
inftituer les Jeux Olympiques à Elis , &
contribuerent beaucoup à en enrichir les
habitans , parce qu'ils étoient toujours en
paix , pendant que les autres peuples de la
Gréce fe faifoient continuellement la guer
re . L'affûrance d'une vie tranquille à la
faveur de la neutralité ; attira de tout tems
à Elis une grande multitude d'étrangers . Démofthene
en parle comme d'une ville trèsfloriffante
.
Délos que Callimaque appelle la plus
fainte de toutes les Ifles , étoit regardée
comme facrée & inviolable par tous les
peuples voifins. Les Perfes mêmes la refpecterent
dans le tems qu'ils portoient la
défolation & le carnage dans toutes les autres
villes de la Grece . Datis , leur Amiral,
y ayant abordé , engagea les Deliens qui
avoient pris la fuite, à retourner dans leurs
demeures. Il leur communiqua les ordres
qu'il avoit reçûs du Roi fon Maître de refpecter
le lieu de la naiffance d'Apollon &
de Diane . Il brûla trois cent livres d'encens
fur l'Autel d'Apollon.
JUIN. 1748. 1-27
des
On avoit une fi grande vénération pour
l'afyle de Délos , qu'après la guerre
Perfes , les Grecs y mirent en dépôt leur
commun tréfor , qui y refta jufqu'à ce que,
à la perfuafion de Périclés , les Athéniens
s'en emparerent & le tranfporterent à Athénes.
Cette action excita les clameurs de
toute la Grece & rendit les Athéniens
odieux à tous les peuples voisins .
Tite-Live rapporte que les Macédoniens
& les Alliés d'Euméne , quoi qu'ennemis ,
fe trouverent mêlés enfemble dans le Temple
de Délos , la fainteté du lieu empêchant
tout acte d'hoftilité & occafionnant
une tréve . Délos jouit de la prérogative
d'inviolable jufqu'au tems de Ménophane ,
l'un des Généraux de Mithridate , qui la
mit à feu & à fang & réduifit en efclavage
toutes les femmes & les enfans qu'il y trouva.
Depuis cette défolation , l'Iile de Délos
ne recouvra jamais fon ancien luftre .
C'est par ces exemples & d'autres femblables
que M. D. Z. détermine l'étenduë
& la qualité des prérogatives attachées au
titre d'afyle, que prenoient les villes Grecques
fur les Médailles . Il examine enfuite
à qui étoit confié le foin de le maintenir .
IV. Le privilége agunos accordé aux villes
trouvoit dans la protection des Rois &
dans l'autorité du Magiftrat un ferme ap-
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
pui contre tous ceux qui auroient voulu y
donner atteinte. Les Princes étoient intéreffés
à conferver les prérogatives données
par leurs prédéceffeurs , afin qu'on refpectât
de même après leur mort les graces
qu'ils faifoient à diverſes villes.
Le Magiftrat veilloit auffi à la confervation
de ces priviléges. Les Romains ,
quoique victorieux , n'oferent enlever de
Ifle de Samothrace Perfée Roi de Macedoine
qui s'y étoit réfugié : ce ne fut ,
au rapport de Tite-Live , que du confen- .
tement des habitans affemblés pour écouter
leurs repréſentations , qu'ils obtinrent
qu'on leur livrât ce Prince .
M. D. Z. rapporte plufieurs Infcriptions
& Médailles , fur lefquelles on trouve des
témoignages de l'attention des Princes &
du zéle des Magiftrats pour la confervation
des prérogatives de l'afyle.
V. La Differtation eft terminée par deux
recherches également intéreffantes ; l'Auteur
examine 1 °. quelles font les villes
qui ont joui du droit d'afyle fous la domination
des Romains . 2 °. Il fixe le tems
où les afyles ont été abolis . Les Romains ,
dit M. D. Z. par une fage politique , laiffoient
aux nations fubjuguées leurs Dieux,
leurs cérémonies de Religion , leurs loix ,
leurs ufages , & ils les gouvernoient le
JUIN. 1748 . 129
plus fouvent comme des alliés , plutôt que
comme des fujets. Ils augmentoient même
leurs priviléges , & ajoutoient de nouvelles
graces à celles que ces nations avoient
obtenues de divers autres Souverains en
differens fiécles. Pour peu qu'on foit verfé
dans l'Hiftoire Romaine , on y obfervera
une foule de traits de cette politique , qui
tant qu'elle fut fuivie , fortifia l'Empi
re , mais qui fur caufe de fa décadence.
dès qu'elle fut négligée. La Grece , la Syrie
, la Phénicie , conferverent les afyles
de la Religion , c'eft-à-dire , les Temples
décorés de cette immunité , & les villes
de ces provinces , qui avoient auparavant le✔
titre AZTAO , n'en furent pas dépouillées
en devenant fujettes des Romains.
» Si nous avions à fixer , continue M. D.
»Z.l'époque de l'abolition totale des aſyles
» de la Religion Payenne, nous ne ferions
pas embarraffés , & la vie de Conftantin
» le Grand écrite par Eufebe de Césarée
» nous en faciliteroit d'abord la connoif
» fance , mais il eft plus difficile de déter-
» minuer le tems auquel le titre Aduλes
» ceffa d'être en ufage . Il faut avoir recours
» aux Médailles & à l'Hiftoire particuliere
» des villes qui le portoient.
C'eft par le fecours de ces monumens ,
dont l'Auteur a acquis une très-grande
FY
130 MERCURE DE FRANCE.
que
connoiffance , qu'il eft parvenu à fixer le
commencement & la fin du privilége d'Afyle
dans chaque ville , avec autant de certitude
la matiere en eft fufceptible. Il
commence par Epheſe , dont le Temple
confacré à Diane , avoit obtenu tant de
priviléges de plufieurs Rois & Empereurs.
» Cette ville , dit-il , jouiffoit du titre
»asures fous Décius. Nous lifons fur une
» monnoye de Neron ασυλος ΑΡΤΕΜΙΔΟΣ.
» EPEZION ; une Médaille d'Herennia
» Etrufcilla femme de l'Empereur Décius ,
» eft en l'honneur de Diane d'Ephefe
» ΑAσrυuλnοeςs.. L'Hiftoire nous apprend que les
Goths pillerent en 262 fous l'Empire
« de Gallien , le fameux Temple de Diane
» à Epheſe , & depuis cette défolation
» cette ville ne nous offre plus de Médail-
» les avec le titre d'Afyle.
>
>
Il continue les mêmes recherches , en
faifant l'énumération de toutes les villes
qui ont joui du droit d'Afyle , il nomme
les villes de Céfarée de Phénicie, deThapfaque
, de Dora , de Thyane , Moka
Lappa , Capitoliade , Pergé , Paroctonium,
Amedere , Gaza , Nicopoli , Samofate , Sébaſte,
Séleucie , Antioche de Daphné , Apamée
, Laodicée , Tyr , & c.
Cette difcuffion eft fi étendue , qu'on
n'auroit pû y entrer fans paffer les bornes
JUIN
1748. 131
d'un extrait. M. D. Z. finit fa Differtation:
par cette obfervation générale : » Les
» défolations , dit- il , qu'effuyerent les
» villes qui portoient le titre Aguaos pen-
» dant les guerres civiles de l'Empire Ro-
» main , les priverent de la prérogative
» qui les rendoit inviolables ; des Effaims
» de Barbares ravageoient l'Empire . Ils n'a-
» voient point d'égard pour les Traités &
» encore moins pour des Priviléges accor
» dés aux villes par ceux qu'ils regardoient
» comme leurs ennemis. Auffi ne voyons-
» nous pas qu'au- delà du regne de Gal-
» lien , il y ait des Médailles où aus
» foit marqué. Ce titre devint inutile
❞ par les incurfions des Perfes , des Goths
» & autres Barbares , qui dévafterent la
» Grece , la Syrie & les Provinces de l'O-
» rient , dans lesquelles il avoit été en.
ufage. Les fréquentes féditions pour l'é-
» lection des Empereurs acheverent de l'é-
» teindre .
99
La décadence de la Religion payenne
fert d'époque à l'abolition de l'épithete
ipa , & au-delà de l'Empire de Carus , on
ne trouve aucun monument qui porte ce
titre. A mefure que les villes embrafferent
le Chriftianifme , elles prirent des Saints
& des Martyrs pour leurs Patrons , à la
place des faux Dieux. Elles confacrerent
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
& affignerent aux Eglifes bâties en leur
honneur les mêmes terres que le Paganifme
avoit dédiées au culte , à l'ufage & au
fervice des Temples.
Nous n'avons rien à dire en faveur de
cette Differtation , après le jugement que
l'Académie Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres en a porté. Nous avons retranché
dans cet extrait tous les détails d'érudition
dont elle eft remplie , pour ne pas
fatiguer l'attention de nos lecteurs. Cette
piéce fait honneur au jeune Militaire qui
l'a produite ; on y voit de la pénétration
d'efprit dans la maniere dont il a ſaiſi ſon
fujet , & de la jufteffe & de la préciſion
dans l'ordre dont il l'a traité. Enfin nous
avons lieu de croire que le public fera étonné
de voir qu'au milieu du tumulte des armes
, un jeune Militaire ait pû acquérir
tant de connoiffances , & faire un fi grand
progrès dans la Littérature. M. le Baron de
Zurlauben , Capitaine au Régiment des
Gardes Suiffes , eft âgé de vingt-fix ans. Il
eft neveu de M. de Zurlauben , Lieutenant-
Général des armées du Roi , & Commandeur
de l'Ordre Militaire de S. Louis ,
qui eft actuellement Colonel du même Régiment.
JUIN. 1745. 133
ENIGME
Tiré du fein de la nature
Je ne nais que pour l'imposture ,
Et dois le jour à de fçavantes mains ;
Sans que des eaux du Styx j'empêche d'aller boire,
J'immortalife les humains ,
Et de m'avoir chacun fe fait un point de gloire ;
L'aimable Iris par moi triomphe doublement ,
Quand je m'offre à ſes yeux avec un teint de rofe
Une gorge à peine écloſe ,
Un regard féducteur, un port noble & frappant :
Pour défefperer maint amant ,
>
Afa fierté je fçais fournir des armes :
Mais après un certain tems ,
Je fais affés couler fes larmes ,
Quand dans de critiques inftans
Elle cherche en elle les charmes
Que j'étalois dans fon printems :
Vains regrets ! vains efforts ! je n'ai plus le même
être ;
Sans me trouver le moindre changement ,
On ne peut plus me reconnoître ,
Parce que je deviens trop jeune en vieilliffant.
Par Madame Gaudet.
1
134 MERCURE DE FRANCE
S Ans
AUTRE.
Ans crainte, fans effroi , tout à coup j'obſcurcis
La chofe la plus claire & la moins inconnue ,
Mais en l'obscurciffant , toujours je l'éclaircis ,
Et l'augmente toujours quand je la diminiue.
J.
Flote , d'Angers.
LOGOGRYPHE ENIGMATIQUE.
E fuis né pour le bien , ainfi que pour le mal ;
Sans être cependant un féroce animal ,
Ma fureur eft fi violente , "
Que celui qui dompta le Monftre d'Erimante
Ne fçauroit m'arrêter dans mes affreux dégâts ;
Utile aux faints Autels , j'allume les combats ;
Une fimple confonne , enfuite deux voyelles ,
Sans beaucoup de recherche & de combinaiſon
Vous donnent de mon être une jufte raifon.
Ma nature eft des plus cruelles ,
Et dans le fort de ma fureur
Je ravage & réduis le monde à l'indigence ,
Mais lorsque Cupidon m'a donné la naiſſance ;
De Silvandre & d'Iris je confume le coeur ;
Tranchez ma tête , ami Lecteur ,
Je deviens à l'inftant ville & Comté de France.
P. Fallet.
JUIN. 1748.
135
LOGOG RTP HE.
M on
On tout utile aux uns , à d'autres eft funefte;
Si pour me mieux connoître on veut fçavoir le refte,
Ami Lecteur , en prenant à l'envers
De mes moitiés feulement la premiere ,
Je fuis craint de celui qui traverſe les mers ;
J'exifte dans ce qui fait la derniere ,
Si l'on me coupe un membre , & l'on ne craint pas
moins
Le mal qu'on me voit fouvent faire ;
Souvent auffi dans un de leurs befoins ,
A tous êtres vivans je deviens néceffaire .
C'eft dans mes premiers pieds qu'on trouve un inf
trument ,
Qui de plus d'un Monarque a fait l'amufement ,
Et dans le nom duquel ſe voit par avanture
Un métal qui jamais n'entra dans ſa ftructure .
AUTRE.
Mon Portrait n'a rien qui frappe ;
Mais dut- il paroître fou ,
A bon droit je ferois Pape ,
Si je n'avois pas un fou."
Par Madame Gaudet
136 MERCURE DE FRANCE:
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS , &c. •
HTraduction de quelques ouvrages de
l'Empereur Julien , par M. l'Abbé de la
Bletterie. Paris, 1748 , chés Prault , fils
deux volumes in- 12 .
de l'EmpereurJovien , &
Lorfque M. l'Abbé de la Bletterie donna
il y a plufieurs années fon excellente Hiſtoire
de Julien , il annonça une Traduction
des ouvrages de cet Empereur , & le plaifir
qu'on avoit eû à lire l'Hiftoire , faifoit
attendre avec impatience les Traductions
promifes par l'Hiftorien. M. L. de L. B.
a joint à ces Traductions une Hiftoire deJovien
fucceffeur de Julien . Comme l'Empire
fe trouva à la mort de Julien dans un état
de crife qui pique la curiofité du lecteur , la
vie de cePrince feroit reftée en quelque forte
imparfaite, fi l'on n'y eut joint l'Hiftoire
de Julien. L'armée étoit dans une fituation
étrange lorfque l'Empereur mourut ; victorieufe
, mais manquant de tout la Corduenne
fon unique reffource étoit encore
éloignée. Julien qui par fon imprudence
de bruler fes vaiffeaux& d'abandonner les 1
JUIN. 1748. 137
bords du Tybre , avoit engagé fon armée
dans l'embarras où elle fe voyoit , étoit le
feul qui eût pû trouver dans fon génie des
reffources équivalentes à la difficulté des
circonftances. La douleur que les troupes
reffentoient de la mort de leur Chef leur
exageroit le malheur de leur pofition , &
diminuoit leurs reffources en abattant leur
courage. C'eft dans ces circonstances que
Jovien fut élevé fur le Thrône Impérial ;
Prince vertueux , mais n'ayant que de médiocres
talens , qui peuvent quelquefois fuffire,
lorfque dans des tems heureux les affaires
vont , pour ainfi dire , toutes feules ,
mais qui étoient abfolument infuffifans
dans des circonftances fi difficiles . Auffi fitil
une paix honteuſe avec les Perſes.
La Religion Chrétienne fe vit délivrée par
la mort de Julien d'un ennemi dangereux.
Jovien la rétablit fur le Thrône , & depuis
il n'y monta que des Empereurs Chrétiens.
Ce Prince avoit confefféJeſus- Chriſt
avec courage fous Julien , & avoit déclaré
qu'il aimoit mieux quitter le fervice , que
de renoncer à ſa Religion , ce qui n'empêcha
pas Julien de le retenir auprès de
lui , & M. D. L. B. remarque judicieufement
qu'un Confeffeur de la foi , jugé digne
par un Monarque intolérant , de conferver
une place de confiance , n'étoit pas
affurément un fujet ordinaire.
3S MERCURE DE FRANCE.
19
M. D. L. B. n'a pas traduit tous les ou
vrages de Julien ; il ne donne au public
que le Mifopogon , les Céfars & la plûpart
des Lettres de ce Prince , le tout orné de
notes judicieuſes & fçavantes. M. Spanheim
avoit déja donné les Céfars , mais il
avoit noyé dans une mer d'érudition ce
morceau ingénieux , qui quoique fort court
par lui-même , étoit parvenu à l'honneur
de l'in-quarto , graces aux citations , refti
tutions & commentaires du docte & laborieux
Traducteur. Il y a peu d'ouvrages
auffi courts , où on trouve à la fois tant de
caracteres & de moeurs , tant de fineffe &
de folidité , tant d'inftruction , fans que
l'Auteur prenne jamais le ton dogmatique
; tant de fel & d'enjouement , fans
qu'il ceffe jamais d'inftruire. Cependant ,
comme le remarque M. D. L. B. l'ouvrage
n'eft pas fans défauts. Le Miſopogon mérite
le titre d'ouvrage fingulier , plus qu'aucun
ouvrage ne l'a jamais mérité. C'eſt un
fpectacle bien étonnant que de voir un
Prince abfolu & tout- puiffant aux prifes
avec un peuple dont les railleries l'ont
piqué , fe vanger en Auteur , rendre
trait pour trait , fatyre pour fatyre , avec
une amertume & un fiel qui prouvent que
fon coeur étoit profondément ulcéré . Il eſt
difficile de définir une telle conduite. C'eſt
JUI N.
1745. 139
le Prince qui pardonne , & le Philofophe
qui fe vange , en quoi il n'y a point affés
de Philofophie. A Fégard des Lettres , M.
D. L. B. a choifi celles de Julien qui faifoient
mieux connoître fon efprit , fon génie,
fes idées fur le gouvernement & fur la
Religion, ou qui peuvent fervir à l'Hiftoire
foit Eccléfiaftique , foit profane , & d'ailleurs
les lettres mêmes indifferentes des
hommes illuftres , ont un droit fur notre
curiofité. On aime à voir ces grands gé
nies par les côtés où ils reffemblent au
refte des hommes ; on croit s'élever jufqu'à
eux , lorfque ce font eux qui defcendentjuf
qu'à nous.
HISTOIRE des Sarrafins contenant leurs
premieres conquêtes , & ce qu'ils ont fait
de plus remarquable fous les onze premiers
Califes ou fucceffeurs de Mahomet
traduite de l'Anglois. Paris, 1748 , deux volumes
in- 12 , chés Nyon , fils.
Si l'on confidere l'importance ou la fin→
gularité des évenemens , la fréquence des
révolutions , il y a peu d'Hiftoires dont
l'objet foit auffi digne de la curiofité , que
celle des Sarrafins ou Arabes Mufulmans.
On y voit un fanatifme outré joint à l'ef
prit de conquête, fortifier ce dernier & être
quelquefois la caufe de fes fuccès. Un
Facteur Arabe ( Mahomet ) entreprend de
140 MERCURE DE FRANCE.
fonder de la même main une Religion &
un Empire. Il trouva des profélytes & des
fujets , & prouva par le fuccès qu'il eft
peut-être plus aifé de faire réuffir les projets
vaftes & extraordinaires , que de les
enfanter. Ses deſcendans , animés du même
efprit , fuivirent fon exemple & eurent les
mêmes fuccès, ils érendirent avec les armes
leur Religion & leur Empire , & ils changerent
la face de l'Afie:
Comme nous ne pouvons nous engager
à donner le détail de tous les évenemens
dont cette Hiſtoire eft pleine , citons un
trait d'Omar , qui montrera la vénération
que l'on avoit pour Omar , même avant
qu'il fut monté fur le Thrône.
Un Muſulman opiniâtre avoit un procès
contre un Juif au Tribunal de Mahomet.
Comme le bon droit étoit du côté
du Juif , Mahomet condamna le Mufulman
. Mais celui-ci déclara qu'il n'acquiefceroit
point à la condamnation , à moins
que fon affaire ne fut revûe & examinée
par Omar , qui n'étoit alors que fimple particulier.
Les deux plaideurs allerent donc
le trouver. Ils le rencontrerent à la
porte
de fa maiſon & lui
rapporterent le fujet &
la décision du procès , dont le Muſulman
demandoit la révision.
Omar après les avoir écouté , leur dit
JUIN. 1748. 141
en rentrant chés lui , d'attendre un moment
& qu'il les expédieroit bien-tôt. Il
revint en effet le fabre à la main , & abattit
d'un coup la tête au Mufulman qui
n'avoit pas voulu s'en tenir à la déciſion
de Mahomet. Voilà , s'écria- t- il en même
tems , ce que méritent ceux qui ne veulent
pas acquiefcer à la Sentence de leurs
Juges. Mahomet informé de cette action
d'Omar , lui donna à caufe de cela le furnom
de Farouk ou de Séparateur , voulant
dire ou faire entendre par-là , qu'il fçavoit
auffi -bien diftinguer le vrai d'avec le
faux & le jufte d'avec l'injufte , qu'il avoit
fçûféparer la tête du corps de ce chicaneur.
Cette allufion n'eft- elle pas un peu tirée ?
Rapportons encore deux Sentences remarquables
d'Aboubeker , le premier fuc
ceffeur de Mahomet : les bonnes actions font
une fauve -garde contre les coups de l'adverfité,
Voici la feconde la mort est la plus petite
chofe du monde quand elle eft arrivée ,
la plus fachenfe de toutes avant qu'elle ar
rive.
L'Auteur Anglois a beaucoup profité de
l'excellente Bibliothéque Orientale de M,
d'Herbelot,& il eft fouvent cité aux marges
de cet ouvrage.
MEMOIRE fur la ville fouterraine dé
couverte au pied du mont Véfuve , Paris ,
142 MERCURE DE FRANCE:
chés Claude Hériffant , rue neuve Notre
Dame , à la Croix d'or , & aux trois Vertus ,
1748 , in-octavo de ss pages.
HISTOIRE de l'Eglife Gallicane , dédiée
à Noffeigneurs du Clergé , continuée
par le Pere Guillaume -François Berthier
de la Compagnie de Jefus. Tome quinziéme
de 5 56pages.Tome feiziéme de 548 ,
y compris la Table desmatieres , in- quarto.
A Paris, chés F. Montalant , Quai des Auguftins
J. B. Coignard , Imprimeur du
Roi ; H. L. Guerin , rue Saint Jacques
& Jacques Rollin , fils , Quai des Auguftins,
1747 .
;
HISTOIRE de l'Académie Royale des
Sciences , année 1743 , avec les Mémoires
de Phyfique & de Mathématique pour la
même année , tirés des Regiftres de cette.
Académie , 208 pages pour l'Hiftoire , &
428 pour les Mémoires , avec 11 planches
détachées , à Paris , de l'Imprimerie
Royale. 1746 , fe débite chés Durand , rue
Saint Jacques.
"LES HOMELIES de Saint Grégoire
Pape fur Ezéchiel , à Paris , chés Ph . N.
Lottin , & J. H. Buttard , Imprimeur-Libraires
, rue Saint Jacques , à la Vérité ;
Jean Defaint & Charles Saillant , Libraires
,, rue Saint Jean de Beauvais , & la
Veuve Robinot , Quai des Auguftins, 1747,
JUIN. 1748. 143
in-douze de 570 pages , fans la Préface.
FASTES ATTIQUES , dans lefquels
la fuite des Archontes Athéniens , les tems.
où ont vécû les Philofophes & les autres :
grands hommes , & les principaux points
de l'hiftoire d'Athenes , fe trouvent rangés ,
} par les années Olympiques , & éclaircis à
l'aide de nouvelles Obfervations par M.
Edouard Corfini , Clerc Régulier des Ecoles
pieufes , Profeffeur de Philofophie dans
l'Univerfité de Pife . A Florence , chés .
J. Paul Giovanelli , à la Palme , Place
Sainte Elizabeth . Quatre volumes in-quar
to. Le premier 1744 de 387 pages , fans ;
l'Epître dédicatoire adreffée au Grand Duc
régnant , qui eft de 14 pages , & la Préface
qui eft d'un peu plus de 1 o . L'Ouvrage est en
latin.
= J.
CORPUS Juris Canonici Gregorii XIII.
Pont. Max. auctoritate poft emendationem abfolutam
editum , in duos Tomos divifum , &
Appendice nova auctum ; cum neceffariis indi-.
cibus. Juft . Hennengius Boehmer .... illud
recenfuit , cum codicibus M SS. aliis edi- ,
tionis contulit , variantes Lectiones adjecit , &
notis illuftravit pramiffa duplici Prafatione.
Hale Magdeburgica , impenfis Orphanotrophei
, 1747 , in-folio . 2. vol . Cette édition
du Corps de Droit Canonique a été faite
avec tout le foin & l'exactitude poffibles
#44 MERCURE DE FRANCE :
M. Boehmer a confulté les meilleurs manufcrits
& les éditions les plus eftimées , à
la tête defquelles on met celle de Meffieurs
Pithou , les plus célebres Commentateurs
& les plus fçavans Jurifconfultes François
& étrangers , en particulier M. de Marca ,
de concordia Sacerdotii & Imperii , le Pere
Thomaffin , vetus & nova Ecclefia difci
plina circà Beneficia & Beneficiarios ; van
Elpen , univerfum jus Ecclefiafticum , bodierna
difciplina , prafertim Belgii , Gallia ,
Germania & vicinarum Provinciarum accommodatum
& plufieurs autres ; cette édition
doit être préférée à toutes celles qui
ont paru jufqu'à préfent.
JACOBI PEIREII paraphrafis & nota
philologica atque exegetica in Epiftolam ad
Hebræos. Latinè vertit & fuas ubique obfervationes
addit Joannes David Michaelis
Phil. Profeff. Publ. in Academia Georgia
Augufta. Hala Magdeburgica ,fumptibus Bibliopolii
Luderwaldiani , 1747 , in-quarto.
MEMOIRE locale , géographique &
chronologique , accompagnée du calcul
Eccléfiaftique & du Calendrier de Jules
Céfar , pour l'intelligence des anciens Auteurs
, à Lille , chés André- Jofeph Panckoucke
, 1748 , in - 12 . Le même ouvrage
fe trouve à Paris , chés David , l'aîné ,
Libraire, tue Saint Jacques, à la Plume d'or,
NOTITIA
JUIN. 1748. 145
>
belli
NOTITIA Hungaria nova Hiftorico- Geographica
, divifa in partes quatuor , quarum
prima cis -Danubianam , altera trans-
Danubianam , tertià cis - Tibifcanam , quaria
trans - Tibifcanam univerfim XLVIII.
Comitatibus defignatam , expromit ; regionis
fitus , terminos , montes , campos , fluvios ,
lacus , thermas , foli coelique ingenium , natura
munera & prodigia , incolas variarum
gentium , atque horum mores , Provinciarum
Magiftratus , illuftres Familias , urbes , arces
, oppida & vicos propemodum omnes ,
fingulorum prætereà ortus &incrementa ,
pacifque converfiones , & prafentem habi
tum , fide optima , accuratione fummâ , explicat.
Opus hucufque defideratum , & in
commune utile , facratiffimis aufpiciis D.Caroli
VI. Cæfaris & Regis indulgentiffimi elaboravit
Manhias Bel. Accedunt Samuelis
Mikovini Mappa fingulorum Comitatuum
methods Aftronomico- Geometricâ concinnata.
Vienna Auftria , impenfis Pauli Straubii Bi-
Eliopola , typis Jo. Petri Van Ghelen , Typog.
Reg. 1742. Tom. IV. in-folio . Cette
Hiftoire fe continue : le quatrième volume ,
dont on vient de voir le titre , roule encore
fur la Hongrie cis-Danubiane ; il contient
la defcription de quatre Comtés.
HISTOIRE générale & particuliete de
Fourgogne , avec des notes , des Differta-
II. Pol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
4
tions , & les preuves juftificatives , compofée
fur les Auteurs , les Titres originaux ,
les Regiftres publics , les Cartulaires des
Eglifes Cathédrales & Collégiales , des
Abbayes , des Monafteres, & fur divers autres
anciens monumens , & enrichie de Vi
gnettes , de Cartes Géographiques, de divers
Plans, de plufieurs figures, portiques ,
tombeaux & fceaux , tant des Ducs que
des grandes Maifons , & c. Par un Religieux
Bénédictin de l'Abbaye de Saint
Benigne de Dijon , de la Congrégation
de Saint Maur , à Dijon , chés Antoine du
Fay Imprimeur des Etats, de la Ville & de
l'Univerfité , 1748. Tom . III . in-folio.
POETIQUE , ou Regles de la Poëfie en
général , & de fes principales efpeces, par
Don Ignace de Luzan Clermont d: Suelves
& Gurrea , imprimée à Sarragoffe chés
François Revilla , 1737 , petit in-folio ou
grand x-quarto, de 503 pages. L'ouvrage eft
en Espagnol.
集
HISTORIA Aftronomia , five de ortu
&progreffu Aftronomia , 2 Part. Pars prior
declarat un te orta primùm eft , quibufnam
deindè crevit augmentis , & quâ poftremò
laboris ingeniique mirà felicitate ad umbili
cum perducta tandem eft . Pars altera exbibet,
ium ingenium, tùm methodum olim Philofophantium
; & exactâ , uti par eft , boJUIN
1748. 147
rum philofophandi ratione , in Newtonia
nam aliquando concedit. Par M. Heath-.
cote, Profeffeur au College de Jefus , à Cam- :
bridge.
On foufcrit à Oxford moyennant douze
fchelings , dont fix font payés d'avance ,
pour un ouvrage in-quarto , qui a pour
titre : Abdolatiphi Hiftoria Ægypti Com-,
pendium , quod fexaginta abhinc annis ab
Edvardo Bocockio, ex Linguâ Arabicâ in Linguam
Latinam verfum, nunc primùm utrâque
edidit, notifque illuftravit Thomas Hunt S.T.
P. Lingua Arabica Profeffor.
TRAITE' desinftrumens de Mathématiques
renfermés d'ordinaire dans des étuis
portatifs , où l'on explique leurs ufages ,
&c. avec des figures en taille douce par
J. Robertſon , de la Société Royale à Londres.
..ABREGE ' fyftématique de Philofophie
naturelle , avec des notes qui contiennent
les démonftrations mathématiques ,
& quelques remarques additionnelles, par
J. Rowning , in octavo. Cet ouvrage eft
divifé en quatre parties qu'on débite féparément.
La premiere traite des proprié .
tés de la matiere , des loix du mouvement
, des principes de la Méchanique .
La feconde des corps fluides ; de l'air &
des Météores. La troifiéme de la lumiere &
Gij
14S MERCURE DE FRANCE.
des couleurs. La quatrième des principes de
l'Aftronomie . Cet ouvrage fe trouve dans la
même ville .
BERG A- ad- Zomam à Gallis expugnata.
Oratio habita Lugduni III. non. Febr. an.
1748 , in Collegio SS. Trinitatis Soc. Jeſu ,
à Georgio Vionnet , ejufdem Soc. Sacerdote ,
ex Typographia Henrici Declauftre, in Vico
novo , &c. à Lyon.
Debure , l'aîné , Libraire fur le Quai
des Auguftis , mettra en vente dans les
premiers jours du mois d'Août prochain
fa belle édition de tous les ouvrages de
Lucius - Coccilius -Firmianus Lactance , en
deux vol. in quarto , de plus de Soo pages.
MYOLOGIE Complette en couleur &
grandeur naturelle , compofée de l'Effai
& de la fuite de l'Eſſai d'Anatomie , en
tableaux imprimés , par Meffieurs Du
verney & Gautier, Ouvrage unique , néceffaire
aux étudians & aux amateurs
de cette Science , à Paris , chés le Sieur
Gautier , feul Graveur privilégié du Roi
pour les Planches Anatomiques , rue des
Prêtres Saint Germain , au coin de la rue
de l'Arbre-fec , & chés Quillau , fils , rue
Saint Jacques , aux Armes de l'Univerfité ,
vis-à-vis la rue des Mathurins.
L'ARITHMETIQUE rendue fenfible
par le développement de fes opérations ,
JUIN. 1748. 149
par M. Gafpard Fois de Valois , Employé
dans les Fermes du Roi , à Paris
, chés Brunet grand- Sale du Palais , à
l'Envie.
CATALOGUE des Livres de la Bibliotheque
de feu M. Burette , avec une Table
alphabétique des Auteurs . Trois volumes
in- 12 , brochés , fix livres , à Paris ,
chés Gabriel Martin , rue Saint Jacques ,
vis- à- vis la rue du Plâtre .
L'HOMME DE COUR , de Balthafar
Gracian , traduit par M. Amelot de la
Houffaye. Nouvelle édition , corrigée &
augmentée, à Paris au Palais , chés Paulusdu-
Mefail , Imprimeur-Libraire.
SONATE & violon feul & baffe continue
dédiée à M. le Prince de Grinberghen
, Prince du Saint Empire Romain
, &c. compofée par M. Pagin . Premiere
Euvre , gravée par le Sieur Hue.
Le prix eft de fix livres en blanc . A Paris
, chés l'Auteur , rue de Grenelle .; Madame
Boivin , rue Saint Honoré ; M. le
Clerc , rue du Roule.
OBSERVATIONS fur la pratique des
accouchemens naturels , contre nature &
monftrueux , avec une méthode très -facile
pour fecourir les femmes en toutes
fortes d'accouchemens , fans fe fervir de
crochets ni d'aucun autre inftrument que
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
, avec
de la main feule , & un Traité des principales
maladies qui arrivent ordinairement
aux femmes , in -octavo , par M. Cofme
Viardel , Chirurgien à Paris
des remarques qui fervent d'éclairciffemens
& de fupplément à l'ouvrage , or-
-nées de figures en taille douce , à Paris ,
chés d'Houry , pere , rue de la vieille Bouclerie.
LES AMUSEMENS du coeur & de l'ef
prit , pour l'année 1748. Tome premier ,
prix trente fols , à Paris , chés Jacques-
François Quillau , fils , rue Saint Jacques ,
aux Armes de l'Univerfité.
REMARQUES critiques fur le Dictionnaire
de Bayle , imprimé à Dijon , chés
la Demoifelle Hermil- Andrea , vis à- vis le
Palais des Etats , & à Paris , chés Hyppo-
-lite-Louis Guerin , rue Saint Jacques , à
Saint Thomas d'Aquin.
LE PARNASSE CHRETIEN . Ouvrage
divifé en deux parties , dont l'une
va jufqu'à Jeſus- Chrift , & l'autre juſqu'à
nous. Deux volumes in- 12 , à Paris , chés
Lottin , pere & fils , & J. H. Butard , Imprimeurs-
Libraires, rue Saint Jacques , à la
Vérité.
LETTRE de M. M. D. M. Etudiant en
Medecine , à un de fes amis , fur la lumiere
& la chaleur du Soleil , à Paris , chés les mêmes
Libraires .
JUI N. 1748. ISI
LETTRES PHILOSOPHIQUES , férieufes
, critiques & amufantes , traitant
de la pierre philofophale , de l'incertitude
de la Medecine , de la félicité temporelle
de l'homme , de la nature de l'ame ,
des prétendus efprits forts qui révoquent
en doute l'immortalité de l'ame ; fi les
efprits reviennent , des génies , de la magie
, du célibat , du mariage , de la comparaifon
des deux fexes , des ris , des
pleurs , de la mort , des richeffes , des
plaifirs , du monde , de la véritable nobleffe
, de l'erreur des fens , de l'excellence
de la raifon , des paniers des femmes , rondeaux
, cantates & autres fujets intéreſſans .
Deux volumes in-12 , à Paris , chés Charles
Robuftel , Quai des Auguftins.
in-
Ballard , fils , Imprimeur- Libraire , rue
Saint Jean de Beauvais , vient de mettre an
jour un imprimé de vingt-cinq pages
quarto , d'un très petit caractere , contenant
un Avertiffement aux Aftronomesfur l'éclipfe
annulaire du Soleil , que l'on attend le
25 Juillet 1748 , par M. de l'Ifle , de l'Académie
Royale des Sciences , avec une planche
qui repréfente l'éclipfe totale artificielle
du Soleil propofée en 1715 , pour
trouver la caufe de l'anneau lumineux qui
paroît autour de la Lune dans les écliples
totales du Soleil , par le même M. de l'lfle.
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
EUVRES de Saint Juſtin , Philofophe
& Martyr , avec ce qui refte de celles
de Tatien contre les Grecs , d'Athenagore ,
Philofophe Athénien , de Saint Théophile
d'Antioche , du Philofophe Hermias , &c.
avec des avertiffemens & des remarques ,
par les Bénédictins de la Congrégation de
Saint Maur , in -folio , à Paris , chés Debure
, l'aîné , Quai des Auguftins , à Saint
Paul.
LA RHETORIQUE ou l'Art de parler
, par M. Claufier , Medecin de Paris ,
chés Laurent d'Hury & Ganeau , Libraires
, à Paris , 1748 , in- 12 . Ce livre offre
un nouveau fyftême pour apprendre fo
lidement l'Eloquence. On y entreprend
de développer le fond des principes de
cet Art , & de les accommoder aux moeurs
de notre fiècle , en faifant ufage des prin
cipales connoiffances que la Philofophie
moderne nous a fournis. On y a joint un
abrégé de la maniere d'écrire les lettres ,
CONSIDERATIONS fur les caufes
de la grandeur des Romains & de leur
décadence 1748 , in- 12 . Nouvelle édition
revûe , corrigée & augmentée par
l'Auteur. On y a joint un Dialogue de Sylla
- & d'Eucrate. A Paris , chés Huart & Moreau
, fils , Imprimeurs- Libraires, rue Saint
Jacques.
JUIN.
153 1748.
Latini Sermonis exemplaria , &c. Solute
orationis excerptionum , Pars fecunda. Editio
altera.
L'Ouvrage que nous annonçons , eft la
feconde partie de profe latine , feconde
édition. C'est la fuite des Recueils des
modetes de latinité connus fous le titre de
Latini Sermonis, exemplaria è Scriptoribus
probatiffimis , &c. Lutetia- Parifiorum , apud
Fratres Guerin , viâ Jacobaâ , fub figno
·Sandi Thoma Aquinatis. Cette partie con-.
tient des morceaux de Quinte- Curce , de
Céfar , de Cicéron , de Sallufte , de Patercule
, de Valere Maxime , d'Aulugelle ,
de Florus & de Columelle . La Traduction
de ces extraits doit auffi paroître bientôt.
L'Auteur dans l'avertiffement fait une
critique fort judicieufe en apparence de
ces livres latins qu'on mer dans les mains
de la jeuneffe , comme les Catechifmus hifta-
-ricus & felecta Hiftoria , &c . Son but eft
de ramener à la lecture des bonnes fources
, pour apprendre fûrement la Langue
latine & fe former le goût , Cette matiere ,
dont on pourroit faire un très-gros livre ,
eft ici traitée fuccinctement , & cependant
avec beaucoup de clarté , en forme de préface.
Les morceaux des Auteurs paroiffent
choifis avec difcernement , & forment une
forte de liaifon. On voit qu'il a obfervé ,
G V
154 MERCURE DE FRANCE .
dans cette partie comme dans la premiere
une gradation raiſonnable pour faire paffer
infenfiblement aux Auteurs les plus difficiles
, car fuivant fon plan , il y aura une
fuite à cet Ouvrage. On trouve à la fin du
volume un précis de la vie de chaque Auteur
& quelques remarques. Ce recueil fe
fait lire avec plaifir , on eft fûr d'y trouver
toujours de beaux traits & un beau
langage c'eft le texte pur des bons Auteurs.
M. Chompré annonce pour la clôture
de fes recueils un vocabulaire portatif
qui fera un fecours prompt & facile pour
s'amufer agréablement & avec utilité dans
ces lectures.
PROJET du nouveau Traité de Diplomatique.
L'Ouvrage que nous annonçons au pu
blic fera diftribué en fix parties , dont chacune
fera fubdivifée en plufieurs fections .
Pour établir la Diplomatique fur des fondemens
folides , la premiere partie préfentera
l'art de juger des Diplomes , foutenu
de fa propre certitude , de la force de
fes de l'autorité de fes monumens
; autorité fupérieure à celle de l'Hif
toire , des Infcriptions & des Médailles.
On y remontera jufqu'à l'origine de nos
archives. On y mettra en parallele les chartriers
des anciennes Eglifes avec les dépreuves
,
JUIN. 1748. ·Iss
"
-
pour
pôts publics. On y marquera les tems auxquels
les chartes commencerent à parler les
Langues vulgaires . On y verra que la confervation
des titres de plus de mille ans
n'eft pas moins réelle que poffible ; que la
multiplicité , la diverfité , la reffemblance.
des originaux qui n'ont qu'un même objet
principal , ne fçauroient les rendre
fufpects ; qu'il eft des moyens fûrs
difcerner les originaux de leurs copies ,
même contemporaines. Leurs caracteres
diſtinctifs feront développés. Les queftions
concernant l'antiquité & l'authenticité des
titres , des vidimus , des copies collationnées
, des cartulaires , & la diſtinction de
leurs differentes efpeces , feront éclaircies .
Enfin les archives, de quelque nature qu'el
les foient , feront vengées des infultes
qu'elles effuyent fouvent de la part des
mauvais critiques . On traitera , mais avec
toute la briéveté .poffible , des differentes
fortes d'actes , de leur ufage & de leur nomenclature
infiniment variée. Là fe montreront
accompagnés d'une nombreuſe
fuite les titres connus fous le nom de lettres
, de chartes , de préceptes , d'actes judiciaires
& légiflatifs , de contrats politiques
& fynallagmatiques , de teftamens
de brevets , de cédules , de notices & d'une
nuée d'autres piéces ou monumens , qui
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
pour n'être point revêtus de certaines for
malités , n'en font pas moins du reffort des
archives.
La feconde partie renfermera les élémens
de la Diplomatique. On peut les réduire
aux caracteres inféparables des originaux
, & à ceux qui leur font communs
avec les copies. Du premier genre font la
matiere , l'encre , l'écriture , les fceaux &
les contre- fceaux avec toutes leurs dépendances.
Les matieres fur lefquelles on écrivit
d'abord les actes publics & particu
liers ; l'origine du parchemin & du papier
d'Egypte , quand commença , quand cellat-
on de s'en fervir ; comment diftinguet-
on le papier d'Egypte de celui d'écorce ;
ce dernier eft-il une chimere , qui n'exifta
jamais ; à quel fiécle faut il fixer la décou
verte & l'ufage du papier de coton & de
chiffe : ce font-là autant de queftions qu'on
difcutera avec foin , & fur lefquelles on
propofera plufieurs vûes nouvelles . Si la
matiere , fur laquelle on écrivit les chartes
, ouvre la porte à tant de recherches ;
les inftrumens & les encres dont on ufa ,
les écritures employées de fiécle en fiécle
par les divers peuples , qui s'établirent
fur les débris de l'Empire d'Occid nt ,
n'offrent ni moins de variétés ni des dif
cuffions moins intéreffantes . Mais on eft
JUI N. 1748. 157
refferré dans des bornes trop étroites , pour
pouvoir feulement indiquer ici les queftions
les plus importantes & les plus curieufes.
On fe voit forcé d'ufer de la même réferve
fur tous les autres fujets dont il
refte à parler. On fe contente donc d'obferver
, qu'on traitera dans une jufte éten
due du ftyle , des invocations , des fufcriptions
& des préambules qui caractérifent
les chartes des divers âges ; des claufes
dérogatoires ou comminatoires , des
peines pécuniaires & des malédictions
dont elles retentiffent ; des précautions
prifes & annoncées pour les rendre authentiques
; des inveftitures , du falur fi-
⚫nal , des dattes , des fignatures & des monogrames
dont elles font revêtues ; des
témoins , des Chanceliers & des Notaires
qui les foufcrivent ou qui les autoriſent.
En un mot on ne négligera rien de tout
ce qui appartient aux formules , de tout
ce qui fait le fond & l'effence de la Di
plomatique , de tout ce que Dom Mabil
lon a fait entrer dans la fienne , pour fer .
vir au difcernement des titres véritables &
fuppofés. Eh ! Quelle abondance de recherches
, quelle multiplicité d'objets, quelle
variété d'ufages cela ne renferme- t - il
pas ?
158 MERCURE DE FRANCE.
La fingularité de plufieurs d'entr'eux
n'eft pas moins frappante. Qu'on en juge
par les traits fuivans : antiquité des invocations
dont on n'a jufqu'à préfent fait remonter
le commencement dans les diplomes
de nos Rois , qu'à la feconde Race ,
prouvée égale à celle des plus anciens originaux
de la premiere : efpeces d'invocations
très - réelles , depuis le fixième ſiècle
jufqu'au douzième , inconnues à nos meilleurs
déchiffreurs , & néanmoins très-fréquentes
dans les chartes de ces tems reculés
: titres datés à diverfes repriſes , en des
années differentes & quelquefois affés
éloignées les unes des autres , fans que
leur authenticité en foit moins inconteftable
: omiffion totale des dattes , fouvent .
compatible avec la vérité des actes : faulleté
avérée d'une datte de quelques pièces ,
dont la fincérité ne laiffe d'être hors
pas
d'atteinte complication ou plutôt contrariété
d'uſages par rapport aux fignatures.
Combien d'anciens titres foufcrits par des
abfens ou par des perfonnes qui n'étoient
pas encore au monde , & dont la
vérité n'en eft pas moins au- deffus de toute
critique ? Combien de chartes originales
qui ne font pas fignées : combien qui le
paroiffent fans l'être : combien qui ne le
font qu'en partie : combien qui le font de
JUIN. 1745. 159
la même main , quoique les fignatures
femblent appartenir à differens témoins ?
Faut- il en venir à des faits particuliers ?
On verra des diplomes originaux , par
exemple , de Guillaume le Conquérant ,
où l'énumération des témoins tient lieu
de fignatures ; où des foufcriptions nonbreufes
atteftent feulement la préfence ,
fans montrer l'écriture de leurs prétendus
Auteurs où le Prince figne fans qu'il y
ait un mot , une fyllabe , une lettre de
fa façon . Que de monogrames regardés par
les plus habiles Antiquaires , comme l'ouvrage
, au moins en partie , des Rois &
des Empereurs , où tout eft fait par leur .
ordre & rien par eux- mêmes ? Que de
fceaux confondus avec les fignatures , avec
les monogrames , avec des figures qu'on
n'a fçû comment qualifier , où l'encre
fut fubftituée à la cire , & le cachet à la
plume !
La plupart de ces ufages font finguliers
& quelquefois bizarres , mais ils n'en font
pas moins indubitables . Les regles générales
précédées de définitions & d'axio.
mes , fuivies de démonftrations & de corolaires
le tout dirigé pour regler , par
rapport aux chartes , les limites du vrai ,
du faux & du fufpect , formeront un enchaînement
de principes & de conféquen160
MERCURE DE FRANCE.
ces , qui feront en même tems & le réfultat
des deux premieres parties , & les
principes fondamentaux de la Diplomatique
, & les prémices des fruits qu'on doit
attendre de cet Art.
lie-
Le fyftême des trois parties fuivantes
fera plus fimple & d'un ufage encore plus
commode . Ĉe feront comme autant d'hiftoires
Diplomatiques diftribuées 'par
cles. La troifiéme roulera fur les Refcrits
& les Bulles des Papes depuis Saint Pierre
jufqu'au fçavant Pontife qui occupe actuellement
le Saint Siége. La quatrième aura
pour objet les chartes des Evêques , des
Abbés & autres Eccléfiaftiques , & la cinquiéme
les diplomes des Empereurs , des
Rois , des Princes , des Seigneurs , des
Magiftrats & des particuliers. Chacune de
ces parties fera compofée d'obfervations
critiques fur les ufages , les caractéres , les
formalités propres à ces anciens titres.
Chacune fera terminée par des regles particulieres
, relatives aux fiécles , aux regnes
& quelquefois même aux perfonnes.
Toutes les trois feront abfolument neuves ,
& pour le fond , & pour la forme , & pour
la méthode.
Les queftions , qui demandent une dif
> cuffion un peu longue feront réfervées
pour la fixième partie . On y prouvera par
JUIN. 1748. 161
des faits , qu'en tous les tems les entre
prifes des Fauffaires furent féverement réprimées
que fouvent les Loix févirent
:
contre ceux qui accufoient de faux des
hommes innocens & des actes irréprochables
que bien des titres ont été décriés
par des critiques de nom , fur des prétextes
ou des argumens dont l'illufion fera
démontrée . Mais en relevant les infcriptions
en faux , hazardées trop légerement ,
on fera toujours en garde , pour ne pas prêter
des armes à l'imposture..
Il n'eft pas poffible de donner ici une
idée plus détaillée d'un deffein , qui comprend
une fi prodigieufe diverfité de matieres
, & qui ne fçauroit être exécuté
en moins de cinq volumes in-quarto. Nous
ajouterons feulement , que les pages ſeront
de tems en tems ornées de gravu
res & de planches en taille douce , au
nombre d'environ cent . , qui feront ré
parties fur les differens volumes. Par rapport
aux originaux qu'on fera graver , on
donnera la préférence à ceux qui n'ont
point encore paru , & qui font confervés
dans les dépôts publics. Les anciennes
Eglifes fuppléeront à leur indigence
pendant les onze à douze premiers fiécles.
Les Manufcrits des Bibliotheques du
Roi & de l'Abbaye de Saint Germain des
162 MERCURE DE FRANCE.
Prés , fourniront une faite curieufe d'é
critures de prefque tous les tems & de
toutes les Nations. On n'empruntera les
planches des livres imprimés , que quand
on n'aura rren pû trouver de mieux . Le
dernier volume fera terminé par une Table
alphabétique d'une étendue & d'une
exactitude , qui ne laifferont rien à déſirer.
On invite les gens deLettres de contribuer
par leurs avis ou par les Mémoires qu'ils ont
entre les mains , à la perfection de cet Ouvrage.
On ne manquera pas de leur faire
honneur de tout ce qu'ils auront bien voulu
communiquer.
Nous avons indiqué dans le Mercare de
Mars , les conditions propofées aux Soufcripteurs
.
LE NOUVEAU JEU de la Comere ,
avec la maniere de le jouer , à Paris , chés
Théodore le Gras , Grand -Salle du Palais ,
à l'L couronnée .
ESTAMPES NOUVELLES .
E fieur Duflos , Graveur , vient de mettre en
vente deux Eftampes parfaitement bien gravées
d'après les tableaux originaux de François
Boucher. L'une repréfente la Naiffance de Vénus.
On lit ces vers au bas de M. Panard.
Le liquide élément eft fécond en naufrages;
JUIN. 1748. 163
Les Aquilons fouvent y montrent leurs fureurs ,
Mais jamais fur les flots on ne voit tant d'orages ;
Que les yeux de Vénus en caufent dans les coeurs
Cette Divinité que la Mer mit au monde ,
Aux Dieux comme aux mortels fçait impofer des
fers
Elle a pris dans le fein de l'onde
De quoi mettre en feu l'univers.
L'autre repréſente la Toilette de l'énus. On lit
ces vers au bas de M. Sticoti.
Charmantes Soeurs , votre adreffe admirable
Ne fçauroit embellir la Mere des Amours ;
Le fimple à l'art fut toujours préférable ,
Et la beauté n'a pas beſoin d'atours.
Voulez- vous que l'Amour à vos voeux foit propice?
Belles , n'employez jamais l'art ;
Que votre beauté foit fans fard ,
Et votre coeur fans artifice.
Théatre de la guerre préfente d'Italie . Le petit
Atlas de poche de 24. Cartes , contenant le Brabant
& partie de la Hollande , préfenté au Roi en 1747,
ayant été du goût des Militaires , on a crâ qu'un
pareil Atlas de la guerre actuelle d'Italie feroit
également utile . C'est ce qui a engagé les fieurs
Dheulland & Julien à mettre au jour cet Atlas ,
compofé de 24 petites Cartes , dreffées fur les meil
leures Cartes nationales & plufieurs manufcrits
levés fur les lieux pendant la guerre préfente &
celle de 1734 , dont une Carte manufcrite , dreffée
fur les mémoires du Général Schullembourg par
164 MERCURE DE FRANCE.
+
M.deHontein, Capitaine & Ingénieur au ſervice de
la République deVenife . On a mis en tête une petite
Catte générale divifée en 24 quarreaux numérotés
des mêmes chiffres que les Cartes particulieres qui
y répondent , & une table alphabétique des villes ,
bourgs , châteaux , rivieres , cols & montagnes qui
y font nommés , afin de les y trouver plus facile
ment ; le tout affujetti aux obfervations aftronomiques
des Longitudes & Latitudes . Dédié & préfenté
au Roi. A Paris , chés Dheulland , ṛuë Ser
pente , quartier S. André des Arts ; chés M. Martin,
Officier du Roi , & chés Julian , ruë de Bràque
près l'Hôtel de Soubife , chés Groffeau , Tapiflier,
au premier fur la porte cochere. Ils vendent auffi
la nouvelle Carte Topographique des environs de
Maeftricht, & les Cartes des héritiers d'Homann ,
Géographes de S. M. Impériale , dont le nombre
augmente tous les jours depuis l'établiffement
qu'ils viennent de faire d'une Société Géographique
& Aftronomique dans leur Bureau à Nurem
berg. Les Atlas du Brabant & d'Italie fe vendent
auffi chés Mrs Bachelet à Lille , rue des Soeurs
noires; à Gand,chés P. de Goefin , dans le Veldftraete;
à Anvers , chés Martin Verduffen , fur le Marché
aux Souliers ; à Bruxelles , chés J. Leonard ; à
Liége , chés Bourguignon , au Livre d'or en Neuvice
; à Strasbourg , chés Schatz , Profeffeur , visà
- vis l'Intendance ; à Grenoble , chés Turbet Teinturier
, à la demi- lune des trois Cloîtres ; à Nu
remberg, chés les héritiers d'Homann , & à Berlin',
chés S. Paul , demeurant chés S. E. M. le Feldt-
Maréchal Comte de Schmettau . ·
JUIN. 1748. 165
薪洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗選
SPECTACLES.
'Académie Royale de Mufique a remis
Lfurion Theatre le ut Juin le Carnaval
& la Folie , Comédie-Ballet , repréſentée
pour la premiere fois le 3 Janvier 1704 ,
repriſe le 7 Mai 1719 , le 13 Juillet 1730
& le 7 Août 1738. Les paroles de cet ingénieux
ouvrage font de M. de la Motte ;
la Mufique eft de la compofition de M.
Deftouches , Sur-Intendant de la Muſique
du Roi. Ce Ballet , malgré la légereté de
la mufique & la fine métaphifique des Scénes
, n'a parfaitement rétiffi que quand le
rôle de la Folie a été rempli par Mlle Peliffier.
Le public eft à préfent très-fatisfait
de l'exécution de Mlle Chevalier .
Le Prologue fe paffe dans le Ciel , où les
Dieux font en feftin & fe font verfer le
nectar à longs traits . C'eft Hebé qui le fert
avec toutes les graces qu'on peut fouhaiter
à la Divinité de la jeuneffe , & cette Hebé
fi gracieufe fe trouve très bien figurée par
Mile Pavigné la fille.
Momus , qui eft de la fête , attaque tous
les Dieux par fes railleries. Il commence
par Jupiter, qui, laffé de fes cenfures éternelles
, le bannit de l'Olimpe .
166 MERCURE DE FRANCE.
Acte premier. Le Carnaval perfonifié eft
abordé par Momus exilé des Cieux, qui devient
le confident de l'Amour qui l'endans
les chaînes de la Folie. Il applaugage
dit & lui dit :
Que votre choix eft beau ! que vos liens font doux!
Vous ne pouviez trouver de maîtreffe plus belle ;
Elle feule eft digne de vous ,
Et vous feul êtes digne d'elle.
Le Carnaval .
Tel fe moque de mes ardeurs ,
Qui fuit fes loix fans la connoî: re ;
Par des charmes fecrets elle enchante les coeurs,
Et j'ai mille rivaux qui ne penfent pas l'être.
Voilà un échantillon du ftyle & des
penfées de la pièce , qui eft femée de traits
brillans & métaphifiques. La Folie fe
diftingue par des faillies inattendues &
des changemens comiques de volonté ; enfin
après avoir fatigué l'amant Carnaval
par fes irréfolutions , elle l'époufe ; Jupiter
lui-même les unit.
Mlle Duclos , qui a fait fi long- tems les
délices des amateurs de la Comédie Françoife
, eft morte, & fa penſion de 1000 l . a
été partagée également entre Mlle Gauffin
& Mlle Dangeville.
JUIN. 1748. 167
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
E 20 Juin , jour de l'Octave de la
Fête du Saint Sacrement , le Roi , accompagné
de Monfeigneur le Dauphin &
de Mefdames de France , alla à l'Eglife de
la Paroiffe du Château , où S. M. entendit
la grande Meffe , après avoir affiſte à
la Proceffion .
Pendant l'Octave du Saint Sacrement ,
le Roi , la Reine , Monfeigneur le Dauphin
, Madame la Dauphine & Mefdames
de France , ont aſſiſté àu Salut dans differentes
Eglifes.
Le Roi a nommé à l'Evêché de Lavaur
l'Abbé de Fontange , Doyen du Chapitre
d'Aurillac .
D'Aix-la-Chapelle , le 11 Juin.
Le Marquis Doria , Miniftre Plénipotentiaire
de la République de Génes aux
Conférences pour la Paix , a reçû les ordres
de cette République pour accéder
aux Articles Préliminaires. On attend ici
de Paris le Comte de Saint Severin ,
Avant qu'on cût reçû l'Acte d'acceffion
168 MERCURE DE FRANCE.
pure & fimple de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme , le Comte de Kaunitz
, fon Miniftre Plénipotentiaire , avoit
déclaré par un écrit qu'il avoit remis aux
Plénipotentiaires de France , d'Angleterre
& des Provinces Unies , que cette Princeffe
, dans la vûë de parvenir à la Paix &
pour faire ceffer les calamités que tant de
nations éprouvoient depuis fi long-tems ,
vouloit bien adopter fans reftriction les
Préliminaires , mais fans entrer dans des
engagemens , lefquels n'avoient rien de
commun avec les differends qui ont ſubſiſté
entre les Parties Belligerentes.
Le 23 le Vicomte de Bouzols a prêté
ferment de fidelité entre les mains du Roi
en qualité de Lieutenant Général pour Sa
Majefté dans la Province de la Baffe Auvergne,
Le Roi a accordé au Duc d'Aumont le
Gouvernement des Ville & Château de
Compiegne , vacant par la démiffion volontaire
du Duc d'Humieres.
L'Affemblée générale du Clergé ayant terminé
fes féances, les Prélats & autres Dépu
tés qui la compofent, fe rendirent à Verſailles
le 30 de ce mois, & its prirent congé du
Roi fuivant l'ufage établi à la fin de chaque
Affemblée. Ils furent conduits à l'audience
de Sa Majefté avec les honneurs
qu'on
JU IN. 1748. 169
du
qu'on rend au Clergé quand il eft en Corps
&.avec les cérémonies obfervées le 4
même mois , lorfque ces mêmes Députés
rendirent leurs refpects au Roi. L'Archevêque
de Toulouſe porta la parole.
Le Don gratuit de feize millions , accordé
par le Clergé , & dont l'emprunt a été
ouvert le premier Juillet , a été rempli en
entier le 4.
On apprend d'Aix-la - Chapelle que le
Marquis de Sotto Mayor , au nom du Roi
d'Efpagne & le Marquis Doria , au nom
de la République de Génes , ont accédé le
28 de ce mois aux Articles Préliminaires
fignés le 30 Avril , & que l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme ayant ratifié
l'acceffion donnée en fon nom le 25
Mai par le Comte de Kaunitz Rittberg ,
les Ratifications ont été échangées dans la
forme ordinaire.
Quoique les hoftilités par mer ne doi
vent ceffer en vertu des Préliminaires que
dans certains termes qui ont été reglés
proportionnellement aux diftances des
lieux , cependant dans la vûë de rétablir le
plutôt qu'il fera poffible & fans attendre
ces differentes époques , la liberté de la
navigation & du commerce , le Roi & fa
Majefté Britannique font convenus d'accorder
réciproquement & dès-à- préſent
11, Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE..
des Paffeports aux Sujets des deux Puiffances
, lefquels voudront faire voile vers les
Indes Orientales ou Occidentales. En conféquence
, ces Paffeports refpectifs ont été
échangés & délivrés de part & d'autre.
Le 22 Juin l'Académie Royale de Peinture
& Sculpture a tenu une affemblée extraordinaire
& publique , à laquelle M. de
Tournehem a préfidé . M. Coypel , Premier
Peintre du Roi & Directeur de cette Académie
, y a lû un Difcours fur l'année féculaire
de l'Académie ; enfuite il a lû une
Ode de M. des Portes * , fur l'honneur que
le Roi vient de faire à l'Académie de s'en
déclarer le Protecteur ; après quoi M. de
Tournehem a diftribué des Médailles d'or
& d'argent aux Eleves qui ont gagné les
Prix de Peinture , Sculpture & Deffein ,
fuivant l'ufage otdinaire.
* Fils du célébre M. des Portes.
JUIN . 1748. 17L
NOUVELLES ETRANGERES.
SUEDE.
Uivant les avis reçûs de Coppenhague , les
équipages du Baron de Koiff , Envoyé Extraordinaire
& Plénipotentiaire de l'Impératrice
de Ruffie y font arrivés le 25 Mai . Ce Miniftre y
eft attendu inceffamment , mais il ne s'y arrêtera
que peu de jours , ayant ordre de fe rendre en
d.ligence auprès du Roi. Tous les Miniftres
Etrangers , qui étoient reftés à Coppenhague , en
font partis pour venir joindre la Majesté . Les mêmes
avis portent que les Collecteurs des deniers
publics ont pris par ordre des Magiftrats une note
de tous les Catholiques domiciliés dans la ville.
Cette perquifition , à ce qu'on foupçonne , a été
faire parce que quelques enfans nés de peres Catholiques,
mais qui , ayant des meres Lutheriennes ,
devoient être élevés felon les Loix du Royaume
dans cette derniere Religion , ont déclaré qu'ils
vouloient vivre dans la Communion Romaine . Il
y eut le 18 à Coppenhague un orage très - violent
qui y a caufé des dommages confiderables .
Selon les nouvelles de Stockholm , le Prince
Royal de Suéde & la Princeffe fon épouſe y font
revenus de Drotnigholm , pour voir lancer à l'eau
deux Galéres qui ont été nommées l'Ordre desSéra- «
phins & l'Ordre de l'Epée. Ce Prince & cette Princeffe
fe font rendus le 25 du mois dernier à Upfal.
Divers navires marchands , deftinés pour les Ports
de France , ont fait voile de Stockholm & de Gottenbourg
pour leur deftitiation . Sa Majeſté Sué-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
doife ayant accordé des congés à une partie des
Officiers de Marine du Département de Carelfcroon
, on en infére que la flotte de ce Prince ne
fe mettra pas en mer auffi-tôt qu'on l'avoit crû."
On mande de Coppenhague du 11 Juin que le
Baron de Korff , Envoyé Extraordinaire & Plénipotentiaire
de l'Impératrice de Ruffie y arriva le
s de ce mois , & qu'il eft parti le 11 pour aller
joindre le Roi dans le Holſtein, Il eſt entré dans
le Port d'Elfeneur une flotte marchande de cent
cinquante navires Hollandois , fous l'escorte de
tois vaiffeaux de guerre & de deux frégates.
Cette flotte a remis à la voile pour la mer Baltique,
mais l'efcadre qui la convoyoit ne l'a point
accompagnée au- delà de Rochild . M. Ménadier ,
François , a préfenté une Requête au Collège du
Commerce , pour obtenir le privilége d'établir
dans cette ville une Manufacture de tabac d'Efpagne
, & les Magiftrats qui ont été confultés à ce
fujet , ayant approuvé la demande de ce Fabriquant
, on ne doute point qu'elle ne lui fort ace
cordée. Préfque aucun des muriers noirs qui ont
été plantés dans le Dannemarck , n'ayant pú té
fifter à la rigueur des hyvers , on avoit craint que
la culture des muriers blancs n'y eût pas plus de
fuccès. On a fait l'expérience du contraire. Ceux
qu'on cultive depuis neuf ans s'y font parfaitement
confervés. Actuellement on compte dans ce
Royaume plus de vingt mille de ces arbres , &
comme ils prennent de bouture , on eft en état
d'en porter le nombre à plufieurs centaines de
milliers . De l'aveu des Fabriquans , la foye que ces
arbres produifent , eft auffi forte & auffi luftrée
que celle d'aucun autre pays . S'il refte quelques dif
ficultés pour cet établiffement , elles feront caufées
par les pluyes , qui font ordinairement fréquences
JUIN 1748.
173
en Dannemarck pendant l'été. Cet obftacle ne
paroît pas cependant embarraffer les entrepreneurs,
& ils fe propofent de ne faire filer leurs vers qu'en
automne. Les lettres de Stockholm marquent que
le premier & le 2 de ce mois le Roi de Suéde a eu
de fortes attaques de gravelle , & qu'il a jetté une
Pierre qui lui a caufé une extrême douleur. On
mande de Warfovie que leurs Majeftés Polonoifes
y font arrivées de Drefde le 30 du mois dernier.
Elles y ont été reçues par le Grand Général de Pofogne
, par le Grand Chancelier du Royaume , &
par plufieurs autres Sénateurs qui les y avoient dé
vancées . Plufieurs Palatinats paroiffent détermi
nés à charger les Députés qu'ils enverront à la
Diette générale , d'y infifter fortement pour l'augmentation
des troupes de la Couronne. Suivant
les avis reçûs de Cracovie , les Majors Généraux
Mordaunt & Thuyl de Serooskerken , Commiffaires
du Roi de la Grande . Bretagne & des Etats
Généraux des Provinces- Unies , y eurent le 24
the longue conférence avec le Knéés Repnin' ,
Général en Chef des troupes auxiliaires de Ruffie ,
fur ce qui concerne la marche ultérieure de ces
troupes. Ils dépêch rent le même jour des couriers
à leurs Souverains refpectifs , pour les informer
du résultat de cette conference . En attendant le
retour de ces courters , les Ruffiens continuent
Jeur route. On a appris qu'il y avoit eu à Moscou
an incendie , par lequel plus de quatre mille maifons
avoient été réduites en cendres.
On mande de Hambourg du 14 , que le 12 à
huit heures du foir le Roi de Dannemarck arriva
à Alténa , & qu'il alla defcendre à l'Hôtel du
Comte de Rantzau , Préſident du Conſeil de Régence
. Sa Majefté Danoife donna le 13 audience
aux Députés qui y font allés pour la complimenter
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
de la part des Magiftrats. Ces Députés dîneren
enfuite à la table du Grand Maréchal . Les Repté
fentans de la Synagogue Allemande eurent auffi
l'honneur de rendre leurs refpects au Roi de Dannemarcx
, qui les reçût avec beaucoup de bonté ,
les affâca de fa protection . Le foir ce Prince le
promena à pied dans la ville pour voir les illumi
nations des principaux édifices , & particulierement
celle de l'Arc de Triomphe qu'on avoit élevé
pour fon entrée . Le 14 fa Majefté Danoife s'eft
rendue à Hambourg & elle y a été reçûë au bruit
de l'artillerie des remparts. Après avoir traverſé
à cheval plufieurs rues, elle eft retournée à Alténa ,
d'où elle devoit partir le 17 pour Altenbourg. La
plupart des Miniftres Etrangers qui réfident auprès
d'elle font actuellement à Hambourg.
DE DANTZIK du 26 Mai.
Es troupes Ruffiennes qui font à la folde dir
Roi Grande Bretagne & de la République
des Provinces-Unies , ont achevé de paffer la
Viftule. Il a été payé cent écus par Régiment aux
Payfans qui ont été employés à la construction
des ponts fur lefquels elles ont traverſé cette riviere.
Elles continuent leur marche avec une exrême
diligence ,& l'on vient d'apprendre que
leur avant garde eft arrivée à Cracovie . Le Comte
de Stampa , Chambellan de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Boheme , lequel s'étoit rendu il
y a quelque tems à Gora , afin de prendre avec
Je Knéés Repnin , Général en chef de ces troupes ,
quelques arrangemens qui les concernent , eft
retourné à Waifovie . Les lettres de cette derniere
ville marquent que les Grands Officiers de la Cou
ronne , ainsi que les Sénateurs , y arrivent fucceffi
1
JUIN. 1748. 175
vement pour y attendre fa Majefté. Ces lettres
ajoutent que l'Evêque de Luccovie , après avoir
paffé quelque tems à Lowitz auprès du Primat ,
en eft parti pour aller affifter à l'ouverture du
Tribunal de Radom dont il eft Préfident , On a ſçû
par les mêmes lettres que plufieurs bâteaux ont eu
le malheur de périr fur la Viftule pendant le dernier
débordement. Suivant les avis reçûs de Léopol
, le feu prir le 3 de ce mois dans le Convent
des Religieux de la Trinité , & ce bâtiment a été
entierement réduit en cendres , auffi bien que leur
Eglife & un grand nombre de maiſons voisines.
On mande de Pétersbourg que l'Anniverfaire du
Couronnement de l'Impératrice de Ruffie y a été
célébré avec beaucoup d'éclat . Il y eût le matin
une falve générale de l'artillerie de la Citadelle ,
de l'Arfenal & des galéres qui étoient fur la Nova,
L'Impératrice dîna en public avec le Grand Duc
de Ruffie , & Pon fervit dans la même fale une
table de deux cent couverts pour les Dames &
pour les Seigneurs de la Cour. Le foir le Palais
fut entierement illuminé , & il y eût un bal chés fa
Majefté Impériale. La fanté de la Grande Ducheffc
eft parfaitement rétablie.
DE STOCKHOLM du 22 Mai.
LE 14de cemoisle Baron deKorff,Confeiller
>
voyé Extraordinaire en cette Cour , eut fon áddience
de congé du Roi , & il préfenta à fa Majesté
M. de Panin qui eft venu à Stockholm pour
le remplacer. Ces deux Miniftres eurent l'honneur
de dîner avec le Roi , & le lendemain ils fe rendirent
à Drottnigholm , où ils furent admis à l'audience
du Prince Royal. On continue dans tou
Hij
176 MERCURE DE FRANCE :
tes les Eglifes les' Ptieres publiques , pour deman
der à Dieu que la Princeffe , épouse de ce Prince
accouche heureuſement. Le Roi a diſpoſé de la
charge de Grand Maréchal de la Cour en faveur
du Baron Suen de Cederftron. Celle de Grand
Sénéchal de la Province de Wermeland a été donnée
à M. Aleph Anrep . Sa Majefté a accordé un
brevet de Colonel à M. de Woltemat. M. Rudbeck
, Major du Régiment d'Infanterie d'Uplande , ´
en a été fait Lieutenant Colonel , & le Comte
Charles d'Eckeblad a été nommé Major de ce
Corps. Il paroît une Ordonnance , portant que les
perfonnes en tutelle, qui poffédent des terres propres
au labourage , pourront à l'avenir , avec la
permiffion des Magiftrats-, fe marier à dix- neuf
ans en Suéde , & à dix-huit dans les Bothnies
Orientale & Occidentale.
15
ALLEMAGNE.
De Vienne du 29 Maj.
IL fe tient à . Schombrun de fréquens Confeils ,
qui ont pour objet les négociations relatives à
la pacification générale. Le Confeil de guerre eft
occupé à déliberer fur les quartiers qu'on affignera
aux troupes lorsqu'elles reviendront d'Italie & des
Pays-Bas. Il a été réfołu de renvoyer dans leurs
Provinces toutes les troupes Hongroifes , tant réglées
qu'irrégulieres , & de former avec les Efclavons
& les Croates un cordon dans l'Illyrie &
dans la Tranfilvanie. Le Comte de Barck , Miniftre
Plénipotentiaire du Roi de Suéde , a eu fa
premiere audience de l'Impératrice Reine. L'Envoyé
Extraordinaire de fa Hauteffe a dû l'avoir
le premier Juin de l'Empereur. On ne parle plus
JUI N. 1748. 177
du départ de leurs Majeftés Impériales pour la
Moravie , & l'on ne doute point que les troupes
Kuffiennes , au fervice de fa Majefté Britannique
& des Etats Généraux des Provinces- Unies , ne
s'arrêtent fur la frontiere de Pologne. La Cour
attend avec impatience le retour du dernier cous
rier qui a porté à Aix-la-Chapelle l'Acte d'Accef
fion de l'impératrice . Le Comte de Choteck fe
difpofe à fe rendre à Berlin pour y réfider en qualité
de Miniftre de leurs Majeftés Impériales à la
place du Comte de Bernes:
On écrit de Berlin du 30 Maf que le 28 le Ron
vit faire l'exercice aux Gardes à cheval & à un
détachement des Gardes à pied. Plufieurs Régi
mens d'Infanterie , & celui de Cuiraffiers du Prin
ce de Pruffe , défilerent enfuite devant ſa Majefté
Elle dîna avec les Commandans de ces differens
Corps , & le foir elle foupa chés la Reine avec les
Princes & les Princeffes de la Famille Royale. Le'
29 , jour fixé pour la revue que le Roi avoit refolu
de faire d'une partie de fes troupes , fa Majefté ,
accompagnée des Princes & de la plupart des Seigneurs
de la Cour , fe rendit à cheval dans la plaine
voifine de cette ville . Lorfque le Roi fut arrivé
au lieu où les troupes étoient en bataille , & aprèsque
fa Majefté eut parcouru tous les rangs , P'Infanterie
& la Cavalerie firent feu par pelotons. Sa
Majefté a revêtu le 30 des marques de l'Ordre de
Aigle Noir le Comte de Haack, Lieutenant Feldt-
Maréchal de fes armées . Le Baron de Cocceji ,
Chancelier & Miniftre d'Etat , partit le 25 de ce
mois pour Cuftrin avec M. de Fruft , Confeiller
Privé de Juftice.
Les lettres dé Francfort du premier Juin portent
que fur les Lettres Réquifitoriales de l'Empereur ,
le Cercle de Franconie a confenti au paffage de
H ▼
178 MERCURE DE FRANCE.
mandé pour les troupes que l'Impératrice de Ruf
Le a fournies au Roi de la Grande Bretagne & à la
République des Provinces-Unies , mais comme
an a appris que toutes les Puiffances intéreffées
dans la guerre font dans la réfolution d'accéder
aux Articles Préliminaires fignés à Aix la Chapelle
, on s'attend d'apprendre que ces troupes.
auront repris la route de Ruffie. Celles de l'Impé
ratrice Reine de Hongrie & de Boheme , qui
étoient en marche pour le rendre dans les Pays-
Bas , & qui ont eu ordre de faire hake , ont été
mifes en quartiers dans divers villages voifins de
cette ville. Le Prince Héréditaire de Brandebourg
Anfpach , après avoir fait à Francfort quelque féjour
est allé à Mayence , d'où il doit fe rendre à
Utrecht. On a reçu avis de Drefde que la fanté de
Ta Reine de Pologne Electrice de Saxe étant réta
blie , leurs Majeftés Polonoifes étoient parties le
27 du mois dernier au matin pour Warfovie. Les
nouvelles d'Aufbourg portent qu'il y a paffé un
courier, allant de Vienne en Italie , pour porter de
la part de l'Impératrice Reine de Hongrie & de
Boheme un ordre au Feldt Maréchal Comte de
Browne d'y ceffer tous actes d'hoftilité.
On mande de Vienne du 3 de ce mois que quoi
que l'Impératrice Reine ait confenti d'accéder aux
Articles Préliminaires fignés à Aix - la- Chapelle
S. M. paroît déterminée à ne faire aucune reforme
dans les troupes avant la conclufion du traité défi
nitif, par lequella tranquillité générale ſera entierement
rétablie. On continue de travailler à la
répartition des quartiers , qui feront diftribués
aux Régimens qu'on fera revenir des Pays Bas
Le bruit court que tous ceux qui font en Ítalie y
demeureront , & qu'on n'en rappellera que les
troupes irrégulieres. Il s'est tenu une longue conJUIN.
179 1748.
férence au fujet de la marche des troupes Ruffiennes
que le Roi de la Grande Bretagne & les Etats
Généraux des Provinces Unies onr prifes à leur
fervice , & l'on affûre qu'il a été réfolu de prépa
rer des quartiers pour ces troupes dans la Moravie
& dans la Boheme . L'arrivée des couriers eft
toujours fort fréquente , & leurs dépêches donnent
lieu à divers Confeils , à l'un défquels le Baron de
Ramfchwang , Miniftre de l'Empereur auprès du
Cercle de Suabe a affifté. Le 30 du mois dernier
le Comte de Beftuchef , Chambellan de l'Impératice
de Ruffie , & qui eft venu pour complimenter
leurs Majeftés Impériales de la part de cette Princeffe
fur la naiffance de l'Archiduc Pierre Léopold,
prit congé de l'Empereur & de l'Impératrice.
L'Envoyé Extraordinaire du Grand Seigneur
devoit avoir inceflamment fon audience de
leurs Majeftés Impériales , & il a été conduit
à celle du Comte de Harrach , Préfident da
Confeil de guerre , à qui il a remis fes Lettres de
Créance . M. de Monmartz, Premier Interprête de
la Cour , lequel étoit allé dans les caroffès du
Comte de Harrach prendre cet Envoyé, l'a récom
duit avec les mêmes cérémonies. L'Archiduc
Jofeph & les Archiducheffes Marie- Anne & Marie-
Chriftine font de retour du voyage qu'ils ont fait
à Marie Zell.
$
Je 29 elles
On écrit de Drefde du premier Juin que leurs
Majeftés partirent le 27 du mois dernier pour fe
rendre à Warfovie , & l'on a appris que
étoient arrivées à Breflau. Le Roi avant fon départ
a difpofé d'une place de Confeiller Privé en
faveur de M. de Hering , & fa Majeſté a nommé
Major Général M. de Gerfdorff , Colonel Lieute
nánt du Régiment d'Infanterie du Prince Xavier.
Le Chevalier Williams , Miniftre du Roi de la
H vj
180 MERCURE DE FRANCE:
Grande Bretagne a reçû fes Lettres de Rappel
ainfi que M. de Harling qui réfide à Drefde en la
même qualité de la part du Roi de Dannemarck .
On attendoit vers le is de ce mois M. Kalkoën
Envoyé Extraordinaire des Etats Généraux des
Provinces-Unies. Le Nonce du Pape a été indifpofé
pendant quelques jours , mais il fe porte
beaucoup mieux , & il fe prépare à fuivre le Roi.
à Warfovie. On mande de Cracovie , que le 10
du mois dernier l'avant-garde de la premiere co-
Jonne des troupes Ruffiennes y étoit arrivée ,
qu'elle avoit pris des quartiers dans les fauxbourgs,
ainfi que dans les villages voifins. La feconde
colonne ne marchera à Cracovie qu'après que la
premiere fe fera renduë fur la frontiere de l'Alle
magne.
&
Nous apprenons par les nouvelles de Berlin dus
de ce mois , que le 31 du mois dernier le Roi
fit la revue particuliere des Régimens d'Lufanterie.
du Prince de Pruffe , du Prince Ferdinand , & du.
Prince Héréditaire de Heffe Darmſtadt , ainfi que
celle du Régiment d'Alt Schwerin. Sa Majesté
parut également fatisfaite , & de la beauté de ces
Corps , & de la manière dont ils firent l'exercice..
Elle dina après la revue avec les Princes de la Famille
Royale & avec plufieurs Officiers Généraux
Le foir elle le rendit au Théatre de la Cour ,
elle y affifta à la repréfentation d'une Comédie
Françoife. Le Régiment de Cuiraffiers du Prince
de Pruffe & celui de Dragons du Comte de Rothembourg
fe mirent le 30 en marche pour retourner
, le premier à Kyritz & le fecond à Kuftrin.
On a renvoyé dans leurs quartiers la plupart
des autres troupes dont le Roi a fait la revûë, &
le Régiment de Grénadiers , dont M. de Byla eft
Colonel , eft parti pour Treyenbrietzen ou il dois
&c.
JUI N. 181 3.748.
paffer en garnifon le refte de cette année. Le 30
P'Académie Royale des Sciences tint une affeine
blée publique , à laquelle fe trouverent quelques
Miniftres Errangers & pluffeurs Seigneurs . Le
Prince Regnant d'Anhalt Deffau , qui a refté à
Berlin pendant quelque tems , eft retourné à fa
réfidence.
Les lettres de Ratifbonue du 9 de ce mois por
tent que plufieurs Officiers des troupes de l'Impé-
Patrice Reine de Hongrie & de Boheme s'y font
rendus , afin d'y faire des levées de foldats pour
recrûter leurs Régimens. On a reçû avis que l'avant-
garde des troupes , fournies par l'impératrice
de Ruffie à fa Majefté Britannique & aux Etats:
Généraux des Provinces Unies , étoit déja fur la
frontiere de la Haute-Siléfie , & l'on continue
d'affûrer que ces troupes prendront des quartiers
jufqu'à nouvel ordre dans la Moravie & dans le
Royaume de Boheme. Les nouvelles de Ruffie
portent que le Comte de Bernes eft arrivé à Pé→
terbourg, afin d'y remplacer le Baron de Breitlach
en qualité d'Ambaffadeur de la Cour de Vienne ,
K que le 17 du mois dernier il a eû une conférence
avec le Comte de Beftuchef , Grand Chancelier..
On a été informé par les mêmes lettres que l'Impératrice
de Ruffle étoit partie le 18 pour aller
paffer quelques jours à la campagne.
Les lettres de Vienne du 10 Juin portent que
fur la nouvellé que la premiere colonne des troupes
Ruffiennes, qui font au fervice de fa Majefte
Britannique & de la République des Provinces-
Unies , eft entrée les de ce mois dans la Haute-
Silefie , leurs Majeftés Impériales ont pris de nouveau
la réfolution de fe rendre à Olmutz . Elles
partirent le avec le Prince & la Princeffe de
Lorraine , & elles coucherènt au château de Nico
*
181 MERCURE DE FRANCE.
fafbourg , où le Prince de Dietrichftein a fait de
grands préparatifs pour les recevoir. Le 14 elles
ont été à Aufterlitz , qui appartient au Comte de
Kaunitz Rittberg , Miniftre Plénipotentiaire
aux Conférences d'Aix- la Chapelle. Elles rencontrercnt
le lendemain à Kremfir la premiere
colonne des Ruffiens Le 17 elles arriverent à
Olmutz , où la feconde & la troifiéme colonne de
ees troupes pafferent le 18 & le 19. Shaddi Mufrapha
Effendi , Envoyé Extraordinaire de fa Hauteffe
, eût le 6 fa premiere audience publique de
Empereur , & il a été conduir le io à celle de
17mpératrice Reine . Leurs Majeftés Impériales
ont fait plufieurs magnifiques préfens au Comte de
Beftuchef, que l'Impératrice de Ruffie a envoyé
pour les complimenter fur la naifance de l'Archiduc
Pierre Leopold.
On écrit de Berlin du 13 , que pendant quelques
jours la Reine Douairiere a été fort incommodée ,
mais qu'elle fe porte beaucoup mieux , & qu'elle
recommence à parokre en public . Le tétabliffement
de la fanté de cette Princeffe caufe une joie"
générale. Il eft venu de Hanover un courier dont
M. Legge , Miniftre du Roi de la Grande Bretagne
, a communiqué les dépêches au Roi qui a
parû en être fort fatisfait . Sa Majefté , confervant
Toujours le fouvenir des marques extraordinaires
de valeur que le Régiment du Comte Criſtophe
de Dohna a données dans le combat de Sorr , a
accordé encore depuis peu une nouvelle gratifica
tion à ce Régiment , en lui faifant diftribuer le
prêt. Elle a difpofé du Gouvernement du Château
de Frederichfbourg en faveur de M. de Podewils ,
Colonel Commandant du Régiment d'Infanterie
du Feldt- Maréchal Kleift . M. de Katzler , Major
Général des armées du Roi , & Commandant des
JUIN. 18% 1748.
Gendarmes , a obtenu une penfion fur les revenus
de Munfter Eiffel . La Baronne de Blafpiel , veuve
du Miniftre d'Etat de ce nom , & Grande Maî
srefle de la Maiſon de la Princeffe Amelie , mourut
en cette ville le 9 dans la cinquante- neuviéme
année de fon âge.
N
GRANDE - BRETAGNE.
Ous apprenons par les lettres de Londres dur
31 Mai, que lorfque le Roi eft parti pour les
Etats d'Allemagne , fa Majefté , après avoir paflé
Ja Tamife , s'eft rendue à Gravefend où elle arrivar
le 24 de ce mois à huit heures du foir. Elle s'y
embarqua le même jour fur le Yacht la Caroline
& mit une heure après à la voile. Le 27 on far
informé que le Roi avoit été obligé le 26 par le
vent contraire,de relâcher à Harwich avec tous les
Yachts & les vaiffeaux de guerre qui lui fervoient
d'escorte. On apprit le 30 , que le même jour au
foir fa Majefté avoit remis à la voile , & comme
le vent a continué d'être favorable on ne doute
pas qu'elle ne foit actuellement débarquée en
Hollande. La veille du départ du Roi le Chevalier
Capello , Ambaffadeur de la République de Véwife
,eutfon audience de congé de S. M. Il devoit
Favoir inceffamment du Prince & de la Princeffe
de Galles , ainfi que des Princeffes Amélie & Cazoline.
Pendant Pabfence de fa Majefté le Prince
& la Princeffe de Galles tiendront appartement
tous les Jeudis au Palais de Leicefter , & les Prin-`
ceffes Amélie & Caroline feront leur réfidence aw
Château de Kenfington, Les Seigneurs que le Roi
a déclarés Régens du Royaume , font l'Archevêque
de Cantorbery , le Lord Chancelier , le Duc
de Dorfet , le. Comte Jean Gower ; les Ducs de
184 MERCURE DE FRANCE
Devonshire , de Grafton , de Richmond , de Bed
ford , de Montagu , d'Argyle & de Newcaſtle ; le
Comte de Pembroke , le Comte de Sandwich
Premier Commiffaire de l'Amirauté , & Miniftre
Plénipotentiaire de fa Majefté à Aix - la- Chapelle ;
le Comte de Harrington , le Vicomte de Cob
Ham , & M. Henri Pelham , Premier Commiffaire
de la Trésorerie. Ils ne doivent ouvrir leur Com
miffion qu'après qu'ils auront la nouvelle de l'àrrivée
du Roi à Hellevoet Sluys. Sa Majefté avantfon
départ a créé le Baron d'Herbert de Charbury,
Comte de la Grande Bretagne , & elle a accordé
à M. Ibberfon de Leeds le titre de Baron . Elle a
nommé le Chevalier Jean Norris Amiral de la
flotte ; le Chevalier Chaloner Ogle , Meffieurs
Stuard , Clinton & Rowley, Amiraux de l'éſcadre
Blanche ; Meffieurs Martin & de Thownshend , &
les Lords Vere Beauclerc & Anfon , Amiraux de
Fefcadre Bleue ; Meffieurs Mayne & Bing , & le
Chevalier Warren , Vice- Amiraux de l'efcadre
Rouge ; Mellieurs Ofborne , Smith & Lee , Vice-
Amiraux de l'efcadre Blanche ; le Chevalier
Hawke , Vice-Amiral de l'efcadre Bleue ; Meffeurs
Chambers & Knowles , Contre- Amiraux de
l'efcadre Rouge ; Meffieurs Forbes & Boscawen ,,
Contre-Amiraux de l'efcadre Blanche , & M. Wat
fon , Contre Amiral de l'éfcadre Bleue . M. Robert
Dandaff , un des Lords de la Seffion en
Ecofle , a obtenu la place de Préfident du Confeil
de ce Royaume , vacante par la mort de M. Dun
can Forbes. La charge de Sécretaire d'Etat du
même Royaume a été donnée à M. André Flef
cher , qui a M. Areskine pour fucceffeur dans
cellé de Greffier en chef de la Cour de Justice.
Le Roi a difpofé du Gouvernement de l'Acadie
de celui des Forts de Plaifance & de Newfoun
JUIN. 1748. 18¢
Tand , en faveur de M. Watfon , Commandant
des vaiffeaux de guerre qui ont leurs ftations fur
Ies côtes de l'Amérique Septentrionale. Il arriva
la nuit du 27 au 28 un courier,par lequel le Comte
de Sandwich , Miniftre Plénipotentiaire de la Ma
jefté à Aix-la- Chapelle , a envoyé la Ratification
des Articles Préliminaires fignée par le Roi Très-
Chrétien. On a publié une Déclaration du Roi ,
Taquelle porte que fa Majefté voulant prévenir les
inconvéniens que fes Sujets pourroient fouffrir ,
faute de bien entendre la Proclamation du 16 de
ce mois concernant la ceflation des actes d'hofti
lité , elle ordonne à tous Capitaines de navires de
ne point mettre en mer fans être munis de paffeports.
Par la même Déclaration le Roi leur en
joint de fe conformer exactement à la teneur des
actes du Parlement , pour tout ce qui regarde le
commerce avec le Royaume de France. Les
Commiffaires de l'Amirauté ont envoyé ordre au
Capitaine Lloyd , Commandant du vaiffeau de
guerre le Glasgow , de faire voile pour Terre
Neuve & pour l'Amérique Septentrionale , afin
d'avertir les vaiffeaux de guerre & les corfaires
qu'il rencontrera , de ceffer d'agir hoftilement
Contre les François. Il doit faire de la part des Sé
cretaires d'Etat la même notification aux Gouver
acurs & aux Commandans des Colonies . Les or
dres pour rétablir la communication avec la Fran
ce ont dû être expédiés le premier Juin , & il y a
déja dans le Port de Douvres un bâtiment prêt à
mettre à la voile pour Calais . Plufieurs Paffagers
aufquels on a diftribué des paffeports ,ont du s'emi
barquer fur ce navire. On a reçû avis que la Proclamation
du Roi pour la fufpenfion d'armes avoit
été lúe le 22 dans les places publiques à - Edimbourg
& à Dublin , & que les habitans n'avoient
186 MERCURE DE FRANCE.
pas fait de moindres rejoüiffances que ceux de
cette ville à l'occafion de la fignature des Articles
Préliminaires. Il y a apparence que les hoftilités
continueront contre les vaiffeaux Eſpagnols , jufqu'à
ce que fa Majefté Catholique ait accédé aux
arrangemens pris à Aix la - Chapelle . Le Prince de
Czernichew , Envoyé Extraordinaire de l'Impératrice
de Ruffie ; M. Hop , qui réfide à Londres en
la même qualité de la part des Etats Généraux des
Provinces Unies , & M. Alt , Miniftre du Roi de
Suéde , comme Landgrave de Heffe Caffel , fe
difpofent à fuivre le Roi à Hanover. Sa Majefté a
accordé la grace & une penfion de deux cent livres
fterlings à M. Murray , ci devant Secretaire du
Prince Edouard.
On écrit de Londres du 7 Juin qu'un courier
arrivé le z de ce mois , rapporta que le jour précé
dent après-midi , le bâtiment fur lequel il étoit
venu de Hollande avoit rencontré le Roi à
quatre
lieues de l'Ile de Gorée , & depuis on a fçu que
fa Majefté étoit débarquée heureufement à Helle
voet Sluys. Auffi tôt que les Seigneurs Régens du
Royaume ont été informés de cette nouvelle , ils
ont ouvert leur Commiffion . Ils ont choisi pour
leur premier Secretaire M. Ramfden , qui aura
fous lui Meffieurs Potter & Newille Aldworth .
Le Confeil de Régence fe tiendra les Mardis & les
Jeudis , & tous les jours l'Archevêque de Cantorbery
recevra les Placets . Le 2 le Chevalier Capello
, Ambaffadeur de la République de Vénife eut
fon audience de congé du Prince & de la Princeffe
de Galles , & le lendemain il fut conduit à celle
de la Princeffe Amelie. Le Frince de Galles fit
célébrer le 4 à fa Maifon de Campagne avec beau
coup de magnificence l'Anniverfaire de la naiffance
du Duc de Cornouaille qui eft entré dans lá
JUIN.
187 1748.
nzième année de fon âge. Plufieurs perfonnes
de diftinction furent invitées à cette fête , & l'on
fervit le matin trois tables , chacune de cinquante
Couverts. L'après midi le Prince de Galles fe
rendit dans une gondole fur la Tamile , pour voir
difputer par les bâteliers un prix de cinquante
guinées qu'il avoit promis aux deux meilleurs rámeurs.
Cette fête fut terminée par un bat qui
dura jufqu'au lendemain. Le premier , le Duc de
Newcattle reçût l'Acte d'Acceffion de l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme aux Articles
Préliminaires. Le 6 , M. Wale , Maréchal de
Camp au ſervice d'Efpagne , & chargé d'une com
miffion de fa Majefté Catholique en cette Court,
eut une longue conference avec le Duc de Bedford.
Le Duc de Newcastle devoit partir le 18
pour le rendre auprès du Roi à Hanover . Ce
Miniftre a fait fçavoir aux Directeurs de la Banque
, que le Roi de Pruffe avoit envoyé ordre de
leur payer les arrérages des fommes que la Ban
que , avoit prêtées à l'Empereur Charles VI , &
qui ont été hypothequées fur les revenus de la
Silésie . On recommence à prendre des matelats
par force , afin de rendre complets les équipages
des vaiffeaux de guerre qu'on doit conferver armés.
Quatre de ces vaiffeaux font allés croifer
au -delà du Cap de Saint Vincent , pour intercep
ter les navires marchands , tant François qu'Elpagnols
qui feront dans le cas d'être déclarés de
bonne prife. La libre communication avec la
France n'a pas encore été publiée , parce que pour
figner les ordres néceffaires à ce fujet , il a fallu
attendre la nouvelle de l'arrivée de fa Majesté en
Hollande. Cependant plufieurs navires chargés.
de grains ont déja fait voile de differents Ports &
ils feront faivis d'un grand nombre d'autres. Le
188 MERCURE DE FRANCE!
Gouvernement a fait équiper quelques bâtimens 3
deftinés à donner la chafle aux contrebandiers fur
les côtes d'Angleterre . M. Hop, Miniftre des Etats
Généraux des Provinces- Unies , s'embarqua le ri
pour aller paffer quelque tems à la Haye. Le
Lord Oliphant étant mort depuis peu en Ecoffe
fans laiffer d'enfans , fon titre & fes biens paffent
à M. Jacques Oliphant , Négociant établi à Batavia.
Les Actions de la Compagnie de la mer du
Sad font à cent fix ; celles de la Banque à cent
vingt- fix ; celles de la Compagnie des Indes Orien
tales à cent foixante-dix-fept , trois quarts , & les
Annuités à quatre-vingt- dix- fept , trois huitiémes.
Les nouvelles de Londres dur 14 nous appren
ment que l'affaire concernant la priſe & la détention
de divers navires Pruffiens a été terminée par
PAmirauté à la fatisfaction du Roi de Pruffe , &
que l'on parle de conclure avec ce Prince un Trai
té de Navigation & de Commerce. Plufieurs bây
timens Anglois , dont des Corfaires François s'é
toient emparés dans la Manche & dans les Mers
du Nord après le terme preferit par les Articles
Préliminaires, ont été reftitués par ordre du Roi de
France , conformément à ce dont on eft convenų
dans les Conférences d'Aix - la - Chapelle. Le Gou
vernement en ufera de même pour ceux apparte
nans aux sujets de Sa Majefté Très- Chrétienne
& l'on s'attend qu'il renverra inceffamment en
France un navire qui a été enlevé par le vaiffeau
de guerre le Renard en revenant de la Martinique.
La charge de ce navire confifte en fucre , en cacao
, en caffé & en indigo , & elle eft eftimée
près de dix mille livres fterlings. Suivant les avis
reçûs de la Nouvelle Angleterre , deux Corfaires
de Rhode-Inland y ont conduit un vaiffeau Fran
JUIN. 1748. 189
çois qui rapportoit de la mer du Sud foixante
mille piéces de huit . Trois corfaires François fe
font rendus maîtres de vingt bâtimens de nos
Colonies Angloifes & d'un navire de trois cent cmquante
tonneaux,qui avoit fait voile de Portſmouth
pour la Caroline Septentrionale. On a fçu par les
mêmes avis que les Eſpagnols ont pris une frégate
allant de Guinée à la Jamaïque , & fur laquelle
rl y avoit quatre cent Négres. Les lettres de divers
autres endroits de l'Amérique ne font pas plus favorables.
Elles marquent que les François , les
Efpagnols & les Indiens , continuent de faire des
courfes dans les Colonies Angloifes , & qu'ils y
ont pillé plufieurs bourgs. Auffi-tôt que les Ami
raux Warren & Hawke ont été informés qu'il y
avoit une fufpenfion d'armes entre la France & la
Grande Bretagne , ils ont ceflé la croifiere qu'ils
avoient établie dans les environs du Cap Clear ,
& l'on a appris qu'ils fe difpofoient à revenir avec
les efcadres qu'ils commandent. Le bâtiment de
Cartel le Roi Georges eft arrivé de Saint Malo à
Plymouth avec cent vingt-cinq des matelots An
glois qui ont été faits prifonniers , & il doit remettre
bientôt à la voile pour conduire en France
plufieurs matelots François. Son équipage a rapporté
que la plupart des corfaires de Saint Malo
défarmoient , & qu'on y équipoit plufieurs navires
pour la pêche de Terre Neuve. Il part chaque
jour divers bâtimens Anglois pour les Ports de
France , mais jufqu'à préfent ils prennent des Paffeports
, la communication libre avec ce Royaume
n'étant pas encore ouverte . Les nouvelles de Lif
banne confirment que la deftination dy vaiffeau
de guerre Portugais la Notre-Dame de Nazareth
qui en étoit parti le 31 du mois de Janvier & qui
y eft revenu le 6 du mois dernier , a été d'aller
190 MERCURE DE FRANCE.
à l'Ile de Ténérife afin d'y charger quinze cent
mille piaftres , refte du tréfor que le vaiffeau Efpagnol
le Hector y avoit débarqué à la fin de l'année
1747. On a déja congédié les équipages de quelques
vaiffeaux du Roi , & ceux de deux brûlots &
de trois alleges. Le Gouvernement le propofe
d'envoyer une grande quantité de mats & d'autres
agrès de navires à la Jamaïque. Le Duc de Newcaftle
doit s'embarquer pour la Hollande d'où il
paflera à Hannover . Le Comte de Flemming , Envoyé
Extraordinaire du Roi de Pologne Electeur
de Saxe , fe difpofe à prendre la même route , aina
qne le Baron de Wafner , Miniftre Plénipotentiaire
de l'impératrice Reine de Hongrie & de
Boheme , & M. de Champigny , Miniftre de l'Electeur
de Cologne . Il eft venu de Paris un courier
, par lequel l'Abbé de Groffa Tefta , Miniftre
du Duc de Modéne , a reçû ordre d'y aller join
dre ce Prince, En conféquence ce Miniftre a pris
congé des deux Secretaires d'Etat , & après avoir
diné chés l'Ambaffadeur de la République de Vénife
, il eft parti pour Douvres. On attend avec
impatience le retour d'un autre courier , que M.
Wale , Maréchal de Camp au ſervice du Roi d'Efpagne
, & chargé d'une commiffion de fa Majefté
Catholique , a dépêché à Madrid. Pendant l'abfence
du Baron de Wafner , M. de Sernés , fon
Secretaire de Légation , aura foin des affaires de
leurs Majeftés Impériales. Les Actions de la
Compagnie de la mer du Sud font à cent fix &
demi ; celles de la Banque à cent vingt- fix ; celles
de la Compagnie des Indes Orientales à cent foixante
& feize , trois quarts , & les Annuités à quatre-
vingt-dix-huit,
JUIN.
191 1748.
L
PROVINCES - UNIES.
Es lettres d'Utrecht du 2 Juin portent que l'efcadre
qui a conduit le Roi de la Grande Bresagne
en Hollande , ayant mouillé le premier vers
les dix heures du foir à la rade de Hellevoet-Sluys,
fa Majefté Britannique fut faluée d'une décharge
générale de l'artillerie des remparts , & de celle
de tous les vaiffeaux qui étoient dans le Port. Ce
Prince a paffé la nuit dans le Yacht , fur lequel il a
fait le trajet , & il eft parti le 2 au matin à fix heures
pour Maadlands- Sluys. Il y eft arrivé à fepr
heures , & il y a trouvé la Princeffe de Naffau , à laquelle
il a donné des démonftrations de la plus vive
tendretle. Après s'être entretenu pendant une heure
avec cette Princeffe , le Roi de la Grande Bretagne
a continué fa route , & s'étant rendu à Utrecht fur
le midi , il eft defcendu chés M. Pouchoud fon
Agent en cette ville. Le Prince Stathouder , qui
auffi tôt qu'il avoit été inftruit de l'arrivée de fa
Majefté Britannique à Hellevoet- Sluys , étoit venu
Pattendre à Utrecht , eft allé ſur le champ la faluer.
Sa Majefté Britannique s'eft remife en chemin
après- midi à deux heures & demie pour fe rendre
Hanover , & le foir le Prince Stathouder eft
retourné à la Haye.
On écrit de la Haye du 6 Juin que felon les
copies qui y paroiffent des Articles Préliminaires
fignés à Aix- la- Chapelle, les Traités de Weftphalie,
de Nimegue, de Ryfwick , d'Utrecht , de Bade & de
la Quadruple Alliance ,ferviront de baſe à la négo
ciation ; on reftituera de part & d'autre toutes les
conquêtes qui ont été faites depuis le commencement
de la guerre , tant en Europe qu'aux Indes
Orientales & Occidentales ; Dunkerque confervera
les fortifications du côté de la terre en l'é.
192 MERCURE DE FRANCE
retat
où elles font actuellement ; les Duchés de
Parme , de Plaiſance & de Guaſtalla , feront cedés
à l'Infant Don Philippe , avec une claufe de
reverfion aux préfens Poffeffeurs , en cas que ce
Prince pafle au Trône des Deux Siciles , ou qu'il
meure fans poftérité ; le Duc de Modéne fera
mis en poffeffion de tous les Etats , ou il lui fera
donné un dédommagement de ce qui ne pourra
lui être rendu ; on reftituera à la République de
Génes , fans aucune restriction , tout ce dont elle
jouiffoit avant la guerre ; le Roi de Sardaigne
continuera de poffeder le Vigevanafque , la partie
du Pavéfan & le Comté d'Anghera , dont il a fait
l'acquifition en 1743 ; fa Majefté Britannique
ayant , en qualité d'Electeur de Hanover , des
fommes à répéter de la Couronne d'Eſpagne , le
Roi Très-Chrétien & les Etats Généraux promettent
leurs bons offices pour procurer la liquidation
de ces fommes ; le Traité de l'Affiento pour la
Traite des Négres , figné à Madrid le 26 Mars
1713 , eft confirmé , uniquement pour les années
de non- joüiffance ; la difcuffion des prétentions
de l'Electeur Palatin fur le Fief de Pleftein ſera
renvoyée au Congrès général ; l'Empereur fera
reconnu par les Puiffances qui ne lui avoient pas
encore accordé ce titre ; les reftitutions énoncées
n'auront lieu qu'après que toutes les Puiffances intéreffées
aux Articles Préliminaires y auront accédé
, il en fera de même pour les ceffions faites
à l'Infant Don Philippe , on renouvellera , dans la
meilleure forme qu'il fera poffible , la garantie de
la Pragmatique Sanction en faveur de l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme , & de ſes
defcendans à perpétuité , à l'exception cependant
des ceflions déja faites par cette Princeffe , & de
selles ftipulées par les Articles Préliminaires ; le
Duché
JUI N. 1748. 193
Duché de Siléfie & le Comté de Glatz feront garantis
au Roi de Pruffe par ' toutes les parties contractantes.
A
Les nouvelles de la Haye du 13 Juin nous apprennent
qu'il eft venu une députation de la part
de la Province de Frife , pour annoncer au Prince
Stathouder , que par une Proclamation publiée à
Leuwarde le 4 de ce mois , les Etats de la Province
avoient déclaré le Stathoudérat héréditaire dans
les lignes mafculine & feminine de la Maiſon de
Naffau Dieft. Les Députés font Meffieurs Hobbo ,
Jarig de Burmania , Vegelin de Claabergen & le-
Baron de Groveftein. Ils furent admis le 8 & le
io à l'audience du Prince Stathouder , & l'un
d'eux eft retourné à Leuwarde pour s'acquitter
d'une commiffion de ce Prince. Les Etats Géné
raux ont réfolu de fufpendre l'exécution des placards
qu'ils avoient fait publier , tant par rapport
aux affûrances que pour ce qui regarde l'entrée
& la fortie des marchandiſes. Toutes chofes à cet
égard feront rétablies provifionnellement fur le
même pied où elles étoient ci devant . Le Gouvernement
a donné les ordres pour faire ceffer
par
mer tous les actes d'hoftilité contre la France , &
même on a déja ceffé d'exiger que les navires
marchands fourniffent le tiers de leurs équipages :
pour le fervice des vaiffeaux de guerre de la République.
Il a paru le une Déclaration , par la
quelle les Commiffaires de l'Amirauté permettent
de transporter des grains , tant en France que dans
d'autres pays . Les Députés des Etats de Hollande &
de. Weftfrife ont dû reprendre le 19 leurs féances ,
les Lettres de Convocation ayant été expédiées
pour cet effet. Le Baron de Boiffelen Vander
Hooge , Premier Noble de Zelande , & Miniftre
Plénipotentiaire des Etats Généraux partit le 12
II. Vol.
194 MERCURE DE FRANCE.
7
T
Four Aix- la- Chapelle , où l'on compte que Pouverture
du Congrès fe fera peu après le retour du
Comte de Saint Severin. Le Baron de Reiſchach ,
Envoyé Extraordinaire de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme , a reçû de Vienne un cou
rier qu'il a fait partir fur le champ pour Londres ,
avec des dépêches fur les arrangemens à prendre
entre cette Princeffe & le Roi de Sardaigne rela
tivement aux Articles Préliminaires. Don Manuel
Freire d'Andrade de Caftro eft arrivé à la
Haye , pour y réfider en qualité d'Envoyé du Roi
de Portugal. Le Lord Ancram , Adjudant Général
du Duc de Cumberland , a été chargé d'une commiffion
de ce Prince auprès du Stathouder. Les
Etats Généraux ont nommé M. Iddikinga , un
des Députés de leur affemblée , pour aller réfider
au Quartier général des troupes Hollandoifes en
qualité de Commiffaire du Gouvernement. Le
Prince Stathouder a difpofé de l'emploi de Major
du Régiment Suiffe de Budé en faveur de M. Jean-
Pierre de Bermond. On affûre que la République
accordera le pardon à tous les déferteurs , qui tetourneront
joindre leurs Corps dans un tems prefcrit.
Une fédition , qui avoit été excitée à Leuwarde,
a été entierement appaifée , & l'on y a publié une
amnistie générale pour tout ce qui s'y eft paffé
contre l'ordre. Les Etats de la Province de Gueldres
, dans une affemblée qu'ils tiendront le 9 du
mois prochain, délibéreront fur un préfent qu'ils fe
propolent de faire au Prince Stathouder , à qui le
Quartier de Weluwe a donné le Comté de Cuylembourg,
On écrit de Leuwarde du 16 que fur les repré-
Tentations faites par les Députés de quelques villes
, les Etats de la Province de Frife ont réfolu de
maintenir l'autorité de la Cour Provinciale par
JUIN. 1748. 195
1
rapport au libre exercice de la Juftice ; de fupprimer
les impôts fur les grains & fur diverſes autres
efpéces de confommation , & d'y fubftituer une
taxc par tête ; de nommer des Commiffaires
pour
examiner l'état des Finances ; de diminuer le nombre
des charges & des emplois , & d'en réduire
les émolumens ; de remédier aux abus qui ſe font
introduits dans les élections ; de remettre en vigueur
les anciennes loix concernant l'adminiftration
des affaires publiques ; de ne conférer les
dignités & les places de quelque autorité qu'à des
perfonnes nées dans la Province , ou qui par un
Téjour de huit ans ayent acquis le droit de naturalité
de rétablir fur l'ancien pied la liberté du
commerce des beftiaux , & de faire plufieurs changemens
qui avoient été propofés en 1712. Ces
Etats fe fout engagés en même tems à recevoir
toutes les Requêtes qui leur feront préſentées , &
il a été réglé que les habitans , dont les plaintes ne
feroient pas écoutées favorablement , auroient la
liberté de s'adreffer au Prince Stathouder.
On mande de la Haye du 21 qu'il paroît une
Déclaration , laquelle porte que les droits d'entrée
fur les denrées & fur les marchandiſes eft de
toutes les espéces d'impofitions la plus commode ,
parce que c'eft celle qu'on paye le plus impercep
tiblement ; que de plus elle ne fe leve pas feule
ment fur les Sujets de l'Etat , mais que les Etrangers
qui font quelque féjour dans le pays fupportent
une partie du fardeau ; qu'enfin par la précaution
que les Etats de Hollande & de Weftfrife
ont prife d'affermer les impofitions de cette nature
établies dans la Province , & d'exiger que les
Fermiers payaffent tous les quatre mois le tiers
des fommes qu'ils font obligés de fournir , ces
Etats trouvent la facilité d'acquitter dans le tems
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
requis les intérêts des obligations & les autres
dettes dont la Province eft chargée ; qu'on ne
pourroit fuppléer au défaut de ces droits qu'en
introduifant des taxes , dont la perception feroit
beaucoup plus onéreufe aux habitans ; que d'ailleurs
ils n'auroient plus l'avantage d'en partager
le poids avec les Etrangers , & que ces nouvelles
taxes devant fe lever plus difficilement que les
droits dont il s'agit , les Etats feroient fouvent ex-
Fofés au rifque de fufpendre le payement des
charges publiques , & peut- être même celui des
troupes , qu'il en réfulterait de très - grands inconvéniens
; que les Rentiers , étant privés d'une partie
de leurs revenus diminueroient une partie de
leurs dépenfes , & que le commerce en fouffriroir
un préjudice confidérable ; que la plupart des foldats
déferteroient ; qu'il pourroit même arriver
que certaines circonftances ne permettant pas de
remplir les magafins de la Province , elle manque.
Loit des munitions néceffaires pour la défenſe
que
fans doute les habitans bien intentionnés fentent
toute la fodilité de ces réfléxions , & qu'il n'y
a point d'apparence qu'aucun d'eux défire qu'on
change la nature des Impofitions & la maniere de
les percevoir , qu'il eft encore moins vraiſemblable
qu'ils vouluffent faire quelques mouvemens
contre le bon ordre pour obtenir de pareil chan
gemens , de fidéles Sujets étant obligés de ne point
troubler leurs Souverains ni leurs Magiftrats dans
l'adminiftration des affaires publiques , particulierement
dans ce qui regarde la direction des Fi
nances ; que cependant , afin de prévenir tout ce
qui pourroit donner atteinte à la tranquillité , le
Prince Stathouder & le Confeil Committé , étant
autorisés par les Etats de Hollande & Weſtfriſe,
TUIN. 1748. 197
avertiffent les habitans de la Province de ne s'op
pofer de fait ni de paroles , directement ni indi
rectement , à la perception des droits établis , fous
peine d'être punis corporellement , & même d'être
condamnés à mort , fuivant l'exigence des cas.
Par la même Déclaration , le Prince Stathouder &
Je Confeil Committé promettent d'apporter , au
fujet des abus qui fe commettent de la part des
Fermiers des revenus publics , les remédes qu'on
jugera les plus convenables ; & ils annonçent
qu'on a déja commencé cet important ouvrage.
Don Manuel Freire d'Andrade de Caftro , Envoyé
du Roi de Portugal , préfenta le 13 de ce mois
fes Lettres de Créance âu Préſident de l'aſſemblée
des Etats Généraux. Le 19 le Baron de Reifchach ,
Envoyé Extraordinaire de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme , & le Général de Debrofe
qui réfide à la Haye en la même qualité de la part
du Roi de Pologne Electeur de Saxe , confererent
chacun en particulier avec quelques Membres du
Gouvernement. Une indifpofition a obligé le
Prince Stathouder de garder la chambre pendant
quelques jours , mais fa fanté eft parfaitement rétablie
, & le 19 il affifta à l'affemblée des Etats de
Hollande & de Weftfrife qui ont repris ce jour- là
leurs féances. Le 15 M. Hop , Miniftre des Etats
Généraux à la Cour de Londres , & qui en étoit
arrivé la veille , fut admis à l'audience de ce Frinee.
Le Comte de Buren fut porté le même jour à
l'affemblée des Etats Généraux , & il fut permis
enfuite au peuple de le voir dans fon appartement.
Le lendemain la Princeffe Caroline , en habit d'Amazone
, vit les Compagnies de la Garde faite
l'exercice, Le Prince Héréditaire de Brandebourg.
Anfpach eft depuis le 14 à Utrecht , & il a envoyé
198 MERCURE DE FRANCE.
le Baron de Seckendorff , Chambellan du Mare
grave d'Anfpach , pour donner part de fon arrivée
au Prince Stathouder. La charge de Sénéchal du
Quartier de Twende a été donnée au Comte Charles
de Bentinck de Nyenhuys , Député de la Pro
vince d'Over Iffel à l'affemblée des Etats Géné
raux. Sa Majefté Très - Chrétienne , en confidération
des inftances qui lui ont été faites par la République
de Génes , a fait relâcher le navire Hollandois
le Harlem qui étoit retenu à la Spécie par
ordre du Duc de Richelieu . On attend de Londres
à tout moment le Duc de Newcaſtle. L'Amiral
Anfon , qui s'étoit rendu en cette ville , a fait un
voyage à Bréda & à Aix-la- Chapelle , & il fe
prépare à retourner en Angleterre. Il y eut le 19
à Amfterdam un ouragan des plus violens qu'on
y ait effuyés de mémoire d'homme. La grêle dont
il fut accompagné étoit d'une groffeur extraordi
naire , & la plupart des grains pefoient environ
une once.
On mande de la Haye du 28 Juin que la Dé
claration , par laquelle des Etats de Hollande &
de Weftfrile , en expofant les motifs qui les déterminoient
à ne rien changer dans la maniere de
percevoir les revenus publics , avoient menacé de
fevir contre ceux qui s'oppoferoient à la Regie
des Fermiers , n'a pas produit généralement l'effet
qu'on en attendoit Dans plufieurs villes le peuple
s'eft affemblé tumultueufement , & même les
Magiftrats de Haarlem , pour y rétablir le calme ,
ont été obligés de faire publier un Placard par lequel
ils ont affûré les habitans que la Déclaration
fufdite n'y feroit point mife en exécution ,
qu'au contraire la Régence apporteroit tous fes
foins , afin que les Fermes fuffent à jamais abolies.
&
JUIN. 1748. 199
Auffi-tôt que les Etats de Hollande & de Weftfrife
eurent connoiffance de ce Placard , ils donnerent
un Edit qui portoit qu'ils ne pouvoient
confidérer cette Piéce , que comme un écrit fauffement
imputé aux Magiftrats de Haarlem , ou ,
fi elle étoit effectivement émanée d'eux , comme
un acte qui leur avoit été extorqué par la violence
; que cette piéce étoit abſolument contraire aux
Conftitutions de la République , & à l'obéiffance
que des Magiftrats fidéles & foumis doivent à
leur Souverain ; que par conféquent elle étoit de
nulle valeur , & que fi les habitans de Haarlem fe
prévalant dudit placard , avoient déja joui , ou
jouiffoient par la fuite de quelques franchiſes dont
les autres habitans de la Province étoient privés ,
les Etats fçauroient bien trouver le moyen de les
faire rentrer dans l'ordre , & les contraindre de
fournir les fomines par lesquelles ils doivent con.
tribuer à la caule commune. Le Prince Stathouder
, craignant les fuites de la fermentation qu'a
cauſéé ce nouvel Edit , fe rendit le 25 de ĉe mois
à l'affemblée des Etats de Hollande & de Weftfrife
, & il leur repréfenta que plufieurs perfonnes
éclairées penfoient qu'on avoit des expédiens plus
propres que celui des Fermes pour lever les impofitions
, que quelque condamnables que fuflent
Jes excès aufquels le peuple s'étoit porté en divers
endroits , on remarquoit que le tumulte ne partoit
point d'un principe de défobéiffance , tel que feroit
ledeffein de fe fouftraire aux charges publiques ,
deftinées pour le foutien de l'Etat qu'il feroit à
craindre , que fi l'on n'avoit point égard aux remontrances
de Sujets bien affectionnés , il n'en réfultât
des fuites fâcheufes ; qu'ainfi il croyoit
qu'on ne pouvoit trop- tôt apporter un remède aux
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
dangers dont on étoit menacé , & qu'il prioit avee
inftance les Etats de vouloir abolir dès- à- préfent
les Fermes, Ce Prince ajouta qu'il exhortoit trèsférieufement
les Etats , à ôter aux habitans toutes
raifons légitimes de fe plaindre de la maniere dont
fe faifoit la diftribution des emplois. Les Etats de
Hollande & de Weftfrife , après avoir déliberé fur
la premiere propofition du Prince Stathouder ,
ont pris le 26 la réfolution de fupprimer toutes les
impofitions affermées.
ITALIE .
Nécritde Romedu 28 Mai qu'ilyarriva le
17 de ce mois un courier , dépêché au Cardinal
Secretaire d'Etat par le Nonce qui réfide à Cologne
, avec la nouvelle que des Articles Prélimi
naires de Paix avoient été fignés à Aix - la - Chapelle
entre la France , la Grande Bretagne & les Provinces-
Unies. Le Cardinal Portocarrero a reçû la
confirmation de cette nouvelle par un autre courier
, & fur le champ il en a fait partir un pour la
porter au Roi des Deux Siciles. Sa Sainteté a établi
une Congregation compofée des Cardinaux
Alexandre Albani , Riviéra , Paffionéï & Valenti
Conzaga , laquelle doit délibérer fur la formule
des Bulles qu'on enverra au nouvel Evêque de
Breflau. Le 19 le Cardinal Guadagni fit la cérémonie
de facrer M. de Dominis nommé à l'Evêché
de Voltera . Le Cardinal Cofcia s'eft démis , en
faveur d'un fils du Prince de Stigliano , d'une Ab.
baye confidérable qu'il poffédoit dans le Royau
me de Naples.
JU.IN. 1748. 201
N
DE LIVOURE le 29 Mai.
Onobftant la conclufion des Préliminaires
de Paix , les Corfaires Anglois continuent
de croifer dans la Méditerranée , la ceffation de
leurs courfes ne devant y avoir lieu que trois mois
après la fignature de ces articles . Deux de ces
Corfaires ont relâché à Livourne avec cinq prifes ,
du nombre defquelles eft une Polacre portant pa
villon Maltois . La charge de ce navire , confiftant
en grains , étoit deftinée , partie pour l'Etat de
Génes , partie pour la Provence. Quelques lettres
marquent qu'il a paffé à la vûë de San Remo une
Galiote , à bord de laquelle étoit un Officier François
, chargé de dépêches adreffées à l'Amiral
Bing . On découvre tous les jours d'Oneille & de
Savone des convois de troupes & de munitions
faifant route pour Génes , & le 18 au matin on en
apperçût un de plus de trente voiles , qui felon le
rapport des déferteurs tranſportoit pour cette
deftination le Régiment de Flandres , des troupes
du Roi Très- Chrétien .
DE. BREGLIO le 26 Mai.
{
Tout eft tranquille , tant de notre côté que de
d'Efpagne. On affûre que le Roi a écrit au Baron
de Leutrum de ne point permettre que les troupes
qu'il commande commiffent aucun acte d'hofti.
lité , & l'on ne doute point que le Maréchal Duc
de Belle-Ifle n'ait reçu le même ordre de Sa Majefté
Très - Chrétienne . Ainfi fuivant les apparences
on va fe borner de part & d'autre , en atten
dant la pacification générale , à prendre les pré-
Iy
202 MERCURE DE FRANCE.
cautions néceffaires pour éviter toute furpriſe . It
a été débarqué depuis peu à Villefranche des troupes
Efpagnoles , lefquelles conjointement avec
celles de France qui s'y raffemblent , doivent paffer
à Génes . Un Officier du Régiment de Sicile ,
des troupes du Roi , a été arrêté par un Parti Gé
nois , en allant s'embarquer à Savone pour la Sardaigne.
On écrit de Novi qu'auffi- tôt après avoir
reçu la nouvelle de la fignature des Préliminaires ,
le Comte de Nadafti a renvoyé fes équipages à
Crémone.
DE GENES le 8 Juin.
Na reçu par des lettres de Corfe dattées
du 30 du mois dernier , la nouvelle de la levée
du fiége de la Baftie. Cet événement fait
d'autant plus d'honneur à M. Jean Ange Spinola ,
Commandant de la garniſon , aux bataillons dont
elle étoit compofée & au zéle des habitans de la
ville , qu'ils ne doivent qu'à eux- mêmes la confervation
de cette Place. Avant l'arrivée des fecours
qu'on y a envoyés , les troupes Allemandes
& Piémontoifes , qui l'affiégeoient , ont été obligées
de fe retirer avec précipitation , & elles ont
eu à peine le tems de rembarquer leur artillerie.
Le Chevalier de Cumiana qui les commandoit eſt
fort mécontent des Rebelles , ceux - ci ne s'étant
occupés que du pillage. La plupart ont pris le parti
de retourner dans leurs montagnes , depuis la
Déclaration que le Duc de Richelieu a fait répandre
parmi eux. Ce Lieutenant Général ayant appris
le 4 de ce mois , que divers Régimens des
troupes de l'impératrice Reine de Hongrie & de
Boheme faifoient des mouventens pour s'avanJUIN
203 1748 .
cer vers nos retranchemens de Seftri di Levante ,
il y envoya un renfort de deux bataillons & dix
nouvelles piéces de canon de huit livres de balle .
On vient d'être informé qu'un Corps d'Allemands
attaque plufieurs poftes fur les hauteurs de Chiavari
, & que le Duc de Richelieu a marché dans
le deffein de couper la retraite à ces troupes. Les
Galéres de la République , qui ont conduit le ſecours
à la Baftie , ne font pas encore de retour.
Gelles , fous l'efcorte defquelles on a tranſporté
des munitions à l'armée , font rentrées le 3 dans
ce Port. Le même jour , il débarqua à Génes un
détachement de trois cens hommes , venant de
Monaco. Il arriva le s du même endroit une Tartane
ayant à bord deux cens foldats . En paſſant
à la hauteur d'Albingue , elle a rencontré un Feloucon
Piémontois , qui s'eft mis en devoir de
la reconnoître , & contre lequel on a fait une
décharge fi vive de noufquéterie , que l'équipage
de ce bâtiment en a été fort maltraité.
Les dernieres nouvelles de Génes portent que le
détachement des troupes de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Boheme , qui avoit tenté de
s'emparer de divers poftes fur les hauteurs de
Chiavari , n'a pas réiifli dans fon projet ; qu'il
y a eu une action très - vive entre ce détachement
& les troupes Françoifes & Efpagnoles ;
que ces dernieres commandées par le Marquis
J'Ahumada , qui avoit fous les ordres le Marquis
de Moya , s'y font comportées avec une valeur
digne de cette Nation ; que les Allemands ont
fait une perte affés confidérable , & que de notre
côté il n'y a eu que peu de foldats tués ou bleffés.
On ne doutoit pas que l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme n'envoyât inceffamment
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
"
ordre à fes troupes de ceffer tous actes d'hofti-
Lité en Italie.
DE PARME le 7.
Eux détachemens des troupes Françoifes &
Dde celles d'Espagne fortrent te z is 2
de la Spécie & de Sarzane , & ayant traversé pendant
la nuit les montagnes , pafferent la Magra
pourfe porter à Villafranca & à Feletto . Ils firent
prifonnieres les garnifons de ces deux poftes , détruifirent
tous les fours que le Feldt- Maréchal
Comte de Browne y avoit fait conftruire , & après
avoir donné aux habitans le tems de fe retirer avec
leurs effets, mitent le feu aux magaſins établis par
ce Général . Pendant cette expédition une partie
de ces détachemens mafqua le Fort d'Ulla afin
d'en contenir la garniſon , & l'Officier qui les
commandoit envoya fignifier aux villages voisins
de préparer des étapes & des logemens pour un
Corps de trois mille hommes . Ces deux détachemens
s'en retournerent enfuite la bayonette au
bout du fufil , fans avoir fait d'autre perte que
celle d'un foldat, Le 4, l'avant-garde de l'armée de
l'Impératrice Reine de Hongrie & de Boheme
s'avança de Cento Croci à Vareſe fous les ordres
du Comte de Konigleg . Les François & les Efpagnols
ayant fait replier à fon approche leurs poftes
avancés , elle entra dans Varefe , & le Comte de
Konigleg pouffa un détachement à San Pietro di
Vara. Peu après , le Feldt-Maréchal Comte de
Browne fe rendir à Varefe avec toute l'armée
y établit fon Quartier Général , & fit publier une
défenfe fous de rigoureufes peines d'infulter les
>
JUIN. 1748. 205
terres & les maifons qui étoient habitées. Let
les Allemands ont commencé à évacuer le château
de cette ville , d'où ils ont fait conduire à
-Mantoue quatre mortiers & dix piéces de canon.
Ils doivent faire partir inceflamment leurs munitions
& le refte de leur artillerie. La mortalité caufe
beaucoup de ravage parmi leurs troupes.
L
DE NICE le 22.
E Maréchal Duc de Belle-Ifle étant arrivé a
Nice le 28 du mois dernier , & ayant fait tou-
-tes fes difpofitions pour attaquer au plutôt l'armée
Piémontoife , le Baron de Leutrum , fur l'avis de ce
qui fe paffoit, écrivit le 8 de ce mois à ce Général,
que le Roi de Sardaigne avoit envoyé ordre att
Miniftre qui réfidoit de fa part à Aix- la- Chapelle
d'accéder aux Préliminaires. Il prioit en même
tems le Maréchal Duc de Belle- ifle de fufpendre
des hoftilités qu'il voyoit qu'on étoit prêt à commencer.
Comme les troupes Françoifes ne font
qu'auxiliaires d'Efpagne , le Maréchal Duc de
Belle-Ife voulut conferer avec le Marquis de la
Mina fur la réponſe à faire au Général Piemontois
, qui fans l'attendre récrivit que le Roi fou
Maître avoit terminé l'affaire de fon acceffion .
On convint en conféquence , que nos troupes occuperoient
les poftes où elles étoient en deçà de la
Roya , lefquels demeureroient in ftatu quo , &
qu'il en feroit de même des Piémontoifes de l'au
tre côté de cette riviere , fans que les unes ni les
autres pûffent la paffer. Le Maréchal Duc de Belle-
Ifle , depuis fon arrivée , n'avoit point ceffé d'envoyer
des troupes au Duc de Richelieu , qui marquoit
que le Comte de Browne continuoit de
206 MERCURE DE FRANCE.
marcher à lui avec toutes fes forces . Le Régiment
de Blafois alloit fortir du Port de Monaco pour
la troiféme fois , ayant été obligé d'y rentrer par
les vents contraires & par la rencontre des vaiffeaux
Anglois , lorfqu'on eut nouvelle que le iz
le Duc de Richelieu & le Comte de Browne
étoient convenus d'envoyer réciproquement un
Officier , pour régler les arrangemens concernant
la ceffation des hoftilités. Ces arrangemens n'étant
pas encore pris le 13 , les Efpagnols qui ſe
voyoient trop refferrés par quelques poftes des
Allemands , les attaquerent , tuerent ou blefferent
environ quatre cens hommes , & firent cent cinquante
prifonniers. Enfin l'Armistice fut publié
le 19 à la tête des armées du Duc de Richelieu &
du Général Comte de Browne , & depuis du côté
de Génes , il regne la même tranquillité dont on
jouit de ce côté- ci. La liberté du commerce vient
d'être auffi , publiée en Provence & en Dauphiné,
ainfi que dans le Piémont & dans les autres Etats
du Roi de Sardaigne , entre les Sujets du Roi &
ceux de ce Prince.
JUI N. 1748. 207
**X*X*XXXXXXX++ X+ XXX
MORTS.
LE Mai ,Christophe Mariore , Chevalier
Préfident Tréforier des Finances , & Grand
Voyer de France en la Généralité de Toulouſe
mourut à Paris. Il étoit fils de M. Mariote , more
revêtu de la même Charge.
Le premier Juin, Charles de Mafchac de Pompa
dour , Chevalier , Seigneur de la Cofte , mourut à
Paris. Le nom de Mafchac eft marqué entre les
Nobles du Limofin . Mrs de Mafchac de la Cofte
y joignent celui de Pompadour , l'un des plus ilfuftres
du Limofin , depuis l'alliance que Jean de
Mafchac , Seigneur de la Mectrauffie , l'un de leurs
ayeux, contracta vers 1538 avec Françoiſe de Pompadour
de Château- Bouchet .
Le s, Pierre Paul de Clere, Marquis de la Devexe,
Lieutenant Général des armées du Roi du premier
Janvier 1745 , Commandant en la Province de
Languedoc , mourut à Montpellier dans la 83 année
de fon âge.
Le même jour Charles de Houdetot , Marquis de
Houdetot en Caux , Seigneur de Grainbouville &
de S. Laurent , Lieutenant Général des armées du
Roi ; Lieutenant pour Sa Majefté dans les Provinces
de Picardie & de Boulonois ; ci -devant Lieutenant
Général de la Province de l'Ile de France , &
Commandant pour le Roi dans le Comté de Bourgogne
, mourut à Paris dans la 73 année de fon
age , étant né le 10 Septembre 1673. Il étoit
fils de Charles de Houdetot , Chevalier , Seigneur
de Grofmenil , Meftre de Camp du Régiment de
Bourgogne , Cavalerie , Brigadier & Infpecteur
Général de Cavalerie , mort au mois de Février
208 NERCURE DE FRANCE.
1692 , de Dame Catherine le Breton , Dame
d'Hectot & de S. Laurent de Brevedent en Caux ,
& il avoit été marié le 28 Octobre 1717 avec Dame
Catherine Magdeleine Thérefe Carrel , de laquelle
il laiffe , entre autres enfans , le Comte de
Houdetot, Capitaine Lieutenant de la Compagnie
des Gendarmes de Berry , dont le mariage avec
Dame Elizabeth Sophie Françoiſe de Lalive eft
rapporté dans le Mercure du mois de Mars dernier,
fol. 202. Voyez pour la Généalogie de cette Maifon
, l'une des plus anciennes de Normandie ,
1'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne ,
tome 8. fol. 16,
Le 8 , Dame Geneviève Gruyn , veuve de Charles
Louis Jofeph de la Vieuville , Comte de Vienne,
Marquis de S. Chamond , premier Baron du
Lyonnois , Brigadier des armées du Roi , avec lequel
elle avoit été mariée le premier Février 1724 ,
mourut dans la 45 année de fon âge , étant née le
9 Juin 1703 , laiffant , entre autres enfans , de fon
mariage Dame Catherine Charlotte Louiſe de la
Vieuville de S. Chamond , dont le mariage avec
le Marquis de Cuftine , Colonel d'un Régiment
d'Infanterie de fon nom & Brigadier des
armées du Roi , eft annoncé dans le Mercure de
Décembre 1747 , vol. 2. fol . 193. Elle étoit fille de
Pierre Gruyn , Confeiller d’Etat & Garde du Trẻ-
for Royal , mort le 26 Février 1722 , & de Dame
Catherine Nicole Benoife , & petite- fille de Pierre
Gruyn , Secretaire du Roi , Receveur Général des
Finances à Lyon , mort le 16 Août 1630 , & de
Dame Anne Doublet
Le 11 Georges Gougenot , Seigneur de Croiffy
& de l'Ife , Secretaire du Roi depuis 1724 , Tuteur
onéraire de S. A. S. M. le Prince de Condé , moufut
à Paris.
JUIN. 1748. 209
Le 14, Dame Bonne Judith de Lopriac de Coetma,
deuc , femme de Louis Hubert de Champagne de
Villaines , dit le Comte de Champagne, avec lequel
elle avoit été mariée le 27 Novembre 1737, mourut
à Paris. Elle étoit fille de Guy Marie de Lopriac ,
Comte de Donges, Marquis de Coetmadenc , Maréchal
de Camp, & de Dame Marie Louiſe de Roye
de la Rochefoucault de Blanzac , mariés en 1718 .
Elle étoit foeur de Guy Louis de Lopriac , Marquis
de Donges , Colonel du Régiment de Soiflonnois,
dont la mort eft rapportée dans le Mercure de
Septembre 1747. Pour la Maifon de Champagne ,
voyez le volume 9 de l'Hiftoire des Grands Offciers
de la Couronne , fol . 128.
Le 16 , Jean Philippes d'Orléans , Grand d'Efpa
gne de la premiere Claffe , Grand- Prieur de Fran
ce , Général des Galéres , & Abbé d'Hautvilliers ,
Diocèle de Rheims , mourut à Paris dans la 46 année
de fon âge ; il étoit fils naturel de feu M. le
Duc d'Orléans , Régent du Royaume , & de feue
Louiſe Victoire Marie Magdeleine le Bel de la
Boiffiere , Comteffe d'Argenton , morte le 4 Mars
dernier. Il avoit été légitimé par Lettres données
à Versailles au mois de Juillet 1706 , regiftrées en
la Chambre des Comptes le 18 Septembre fuivant,
& au Parlement le 27 du même mois ; il prêta ferment
pour la Charge de Général des Galéres le
29 Août 1716 , fit fes voeux de Religion à Malte
le 26 Septembre 1719 , y fut inftallé Grand - Prieur
de France le 28 du même mois , & prêta ferment
en cette qualité entre les mains du Roi à Paris le
11 Février 1720, & fut fait Grand d'Espagne le 28
Février 1723.
Le 20 , Meffire Gilles Bernard Raguet , Abbe
de l'Abbaye de l'Aumône ou le petit Citeaux , O.
de C. Diocèfe de Blois , & depuis 1722 Prieur
•
110 MERCURE DE FRANCE.
d'Argenteuil , mourut à Paris âgé de 81 ans. Il
étoit de Namur , & avoit été du nombre des perfonnes
employées à l'inftruction du Roi fous les
ordres de feu M. le Cardinal de Fleury , & il avoit
en cette qualité une penfion de 2000 livres.
Le 23 , Mre François Henri de la Briffe , Vicaire
Général de l'Evêché de Dijon & Abbé Commendataire
de l'Abbaye de Notre -Dame d'Obazine ,
Ordre de Câteaux , Diocèfe de Limoges , près de
Brives depuis 1731 , mourut à Dijon dans la 37
année de fon âge , il étoit fils de Pierre Arnaud
de la Briffe , Marquis de Ferriere , Confeiller d'Etat
ordinaire & avant Maître des Requêtes & Intendant
de Juftice à Dijon , mort le 7 Avril 1740,
& de Dame Françoife Marguerite Brunet de Ran
ry , morte le 12 Mai 1747 , & il avoit pour
frere
aîné Louis Arnaud de la Briffe , Maître des Requêtes
ordinaire de l'Hôtel du Roi & Intendant
de Juftice à Caen depuis 1740 , marié depuis le &
Août 1736 avec Dame Magdeleine Thoynard,foeur
de M. Thoynard de Jouy , auffi Maître des Requêtes
, de laquelle il a des enfans .
Le 30 , Mre Jean Louis du Bouschet de Sourches ,
Evêque de Dol , Abbé Commendataire de l'Abbaye
de S. Martin de Troarn , Docteur de Sorbonne
, ci devant Aumônier du Roi , mourut dans
fon Diocèfe , âgé d'environ 77 ans ; il avoit été
nommé à l'Abbaye de Troarn en 1690 après Jacques
du Bouschet de Sourches , fon oncle , & fut
nommé à l'Evêché de Dol en Bretagne le 12 Janvier
1715 , & facré le 12 Juillet 1716. Il étoit fils
de Louis-François du Bouschet , Marquis de Sourches
, Prévôt de l'Hôtel du Roi & Grand- Prévôt
de France , Gouverneur & Lieutenant Général
pour le Roi des Provinces du Mayne , Perche &
Comté de Laval , & Colonel d'un Régiment d'In.
<
JUI N. 1748. 211
Fantetie , mort le 4 Mars 1716 , & de Dane Geneviève
de Chambes , Comteffe de Montforeau ,
& petit - fils de Jean du Bouschet , Marquis de
Sourches au Mayne , dont il obtint l'érection en
Marquifat par Lettres du mois de Décembre 1652 ,
depuis Confeiller d'Etat & Privé , Prêvôt de l'Hôtel
du Roi & Grand Prévôt de France , reçû Ches
valier de l'Ordre du S. Efprit à la promotion du
31 Décembre 1661 , mort le premier Février 1677,
& de Dame Marie Nevelet , morte le 30 Décem
bre 1662. Feu M. l'Evêque de Dol avoit pour
frere aîné Louis du Bouschet , Marquis de Sour
ches & du Bellay , dit le Comte de Montforeau ,
Lieutenant Général des armées du Roi , Prévôr
de l'Hôtel du Roi & Grand- Prévôt de France ,
mort la nuit du 5 au 6 Mai 1746 , à l'occafion du
quel nous avons parlé de cette Maiſon , l'une des
plus confidérables de la Province du Mayne , dans
ie Mercure de Mai 1746 , &c.
nununununun
ARRESTS NOTABLES.
ARREST contradictoire de la Cour des A
des du 27 Mars 1748, confirmatif d'une Sentence
de la Jurifdiction des Traites d'Amiens , du
10Mars 1747,par laquelle le nomméCharlesMiné,
Négociant a été débouté de fa demande tendante
à ce que le Vifiteur au Bureau de la Douanne de
ladite ville , fût condamné à lui payer la valeur
d'un ballot de marchandiſes qui s'eft trouvé égaré
dans ledit Bureau.
Nota. Cet Arrêt juge conféquemment que le
Fermier , intervenu dans l'inftance d'appel , ainfi
12 MERCURE DE FRANCE.
que les Commis des Bureaux des Fermes , ne feat
point efponfables des ballots qui se trouvent éga
rés dans lefdits Bureaux.
AUTRE de la Cour des Monnoyes du 4 Mai ,
fervant de reglement pour les ouvrages de Coutellerie
en or & en argent.
> AUTRE du Confeil d'Etat du Roi du 7 qui caffe
une Sentence des Officiers du Grenier de Dieppe ,
pour avoir fait main- levée d'environ un minot de
fel de franchiſe , trouvé dans la maiſon du nommé
René Prévoft , matelot , habitant de ladite
ville , au- delà de la quantité néceffaire pour fa
provifion , fous prétexte que l'amas du fel de franchife
n'eft point défendu confifque le fel & condamne
ledit Prevoft en deux cent livres d'amende
& aux dépens , quoique le fel eût été levé au magafin
de franchife fous le nom de fils dudit Prevo
habitant privilégié demeurant avec fón pere , le.
quel n'avoit point encore acquis le droit de bour-
'gcoifie.
Il a été rendu un Arrêt notable au Parlement de
Paris , toutes les Chambres affemblées , le 14 Mai
1748 , entre M. Billard de Lorriere , Confeiller au
Grand Confeil , & Madame fon époufe , d'une part,
M. de Bercy , Maître des Requêtes & M. de la
Leu , Notaire au Châtelet, d'autre part, dont voici
l'efpece. M. & Madame de Lorriere avoient rendu
plainte au Châtelet en faux principal contre la co
pie collationnée d'un Acte de 160s , que M. de la
Lea , Noraire leur avoit délivrée , & en prévarication
dans les fonctions dudit M. de la Leu. Le
Lieutenant Criminel au Châtelet ayant ordonné
que les Parties fe pourvoiroient au Parlement , at
JUIN. 1748. 213
par cette
rendu que l'affaire regardoit M. de Bercy , M &
Madame de Lorriere fe font crû autorifés
Ordonnance de comprendre M. de Bercy dans une
nouvelle plainte qu'ils ont rendue au Parlement ,
qui par un premier Arrêt a renvoyé les parties à
Audience toutes les Chambres, affemblées , parce
que M. de Bercy, en qualité de Maître des Requêtes
, ne pouvoit être jugé que toutes les Cham- ,
bres affemblées ; les Parties ont plaidé pendant
cinq audiences , & par l'Arrêt dudit jour 14 Mai
rendu fur les conclufions de M. Joly de Fleury
Avocat Général, M. & Madame de Lorriere ont été
déclarés non recevables dans leurs plaintes ; il a
été ordonné que les mémoires imprimés dans cette
caufe pour M.& Madame de Lorriere feront fuppri
més comme injurieux , & que procès- verbal de la
radiation d'iceux fera dreffé au Greffe de la Cour
1'Arrêt fait itératives défenſes à M. & Mad, de Lor
riere de compofer & diftribuer à l'avenir de pareils
mémoires ; ils fout condamnés en 4000 livres de
dommages & intérêts envers M. de Bercy , &
en 1000 livres envers M. de la Leu , Notaire , lef
dites deux fommés applicables aux pauvres , da
confentement de M. de Bercy & dudit M. de la
Leu , & il eft permis à M. de Bercy & audit M. de
la Leu de faire imprimer & afficher ledit Arrêt ,
ce qui a été executé .
AUTRE du Confeil d'Etat du Roi du 4 Juin,
qui ordonne que les droits qui auront été perçûs
fur la Cire tirée de l'étranger pour être blanchie
& renvoyée blanche à l'étranger , feront reftitués
ORDONNANCE du Roi du 12 , concernant
la diftribution du Tabac de cantine av
troupes,
APPROBATION,
J
"Ai lú
par ordre de Monfeigneur
le Chance lier le fecond volume du Mercure de France du
mois de Juin 1748. A Paris le dixiéme Juillet
3748.
BONAMY.
TABLE .
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe,
Effai fur l'Aulaum , qui fervoit au Théatre
des anciens ,
Epigramme ,
Lettre fur les Coquillages ,
Vers à M. de M **
Refléxions ,
Ode fur les dégoûts du Barreau ;
Lettre fur les Coquillages foffiles ,
3
34
33
41
44
55
60
68
70
>
75
Epitre à M. Prieur ,
Lettre à un Docteur en Théologie ,
Epitre à M. le Thuillier , Docteur en Médecine
Difcours prononcé à Reims ,
Ode tirée du Pfeaume XXIV.
77
89
Lettre fur les avantages que l'on peut retirer d'un
nouveau Pouillé général du Royaume , 92
Vers au fujet de ceux de M. de Fontenelle fur
fa vieilleffe , 97
Lettre fur le nouveau Calendrier hiftorique de
PEglife de Paris , 28
Artis Poetica Horatii fragmentum , & la Traduc-
102
tion ,
Compliment de M. de la Soriniere à Mad, Desforges-
Maillard , 110
Séance publique de la Société Littéraire d'Arras
,
III
Extrait de la Differtation de M. le Baron de Zurlauben
, qui a remporté le Prix proposé par
l'Académie Royale des Inſcriptions Belles- Lettres
en 1748 ,
Enigmes & Logogryphes ,
112
135
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c. 136
Eftampes nouvelles , 162
Atlas de poche en 24 Cartes nouvelles
163
?
Spectacles , 165
France , nouvelles de la Cour , de Paris ,
&c.
167
Nouvelles Etrangeres , Suede , 171
Dantzik , 174
Stockholm ,
Allemagne ,
Grande Bretagne ,
Provinces Unies
175
176
183
191
Italie ,
De Livourne ?
De Breglio ,
De Génes ,
De Parme ,
?
200
201
De Nice ,
Morts 2
Arrêts notables ;
De l'Imprimerie de J. BULLO Ti
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI,
AVRIL
2sh
1748.
UT SPARCAT
Repeller
S
MA
Chés
APARIS ,
ANDRE' CAILLEAU, rue Saint
Jacques , à'S. André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais ,
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Roi.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
ASTOR, LENOX AND
A.VI S.
TILDEN FODATIONDRES SE générale du Mercure eft
195Ja M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon, Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adxefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port ,pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages,
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deſſus
indiquée ; onfe conformera très- exactement à
leurs intentions,
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d Arnicount , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. Sois .
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROI.
AVRIL.
1748.
PIECES FUGITIVES,
en Vers & en Profe.
EXTRAIT D'UN MEMOIRE
de M. Puzos , Directeur de l'Académie
de Chirurgie , lû à la Séance publique de
- l'année 1747 , fur la Digeftion du Lait
aux enfans à la mammelle.
L
?
'Abondance du lait qui fe porte
aux mammelles des femmes quel-"
ques jours après qu'elles font accouchées
, les perfections qu'il y
acquiert, fes qualités prifes dans la quint
effence des alimens des meres , marquen
A ij
4 MERCURE DE FRANCE .
bien l'intention de la nature eft de
que
continuer aux enfans nouveaux nés le même
aliment dont ils vivoient avant leur
naiffance;que toute autre nourriture , moins
analogue à la délicateffe de leurs organes ,
peut leur être contraire, ou doit au moins
les élever plus difficilement .
Cependant il s'en faut bien que ce lait
de mere ou de nourrice, tout indiqué qu'il
eft par
la nature , tout préparé qu'il pa
roiffe pour nourrir l'enfant en l'état qu'il
eft , puiffe encore s'allier à la maffe des
liqueurs qui le font vivre & croître de moment
à autre ; il faut que ce lait fubiffe
dans l'enfant des changemens finguliers ,
il doit fe convertir en fromage ; ce fromafait
, doit être broyé , écrafé, détrempé
& remis en fufion pour la plus grande partie
, & c'eft de ce liquide fromageux que
fe tirent les fucs nourriciers dont vivent
les enfans à la mammelle.
ge
Ce lait effectivement contient des parties
qui feroient contraires aux fonctions
auxquelles elles paroiffent deſtinées , fi les
digeſtions ne trouvoient moyen de les
écarter pour les employer enfuite à d'autres
ufages . Ce font ces premieres digeftions
du lait qui nous font connoître que
quoiqu'il nous paroiffe doux , crêmeux ,
léger ; il contient des principes fufcepti- '
AVRIL.
17:48. 5:
bles d'un fi grand épaiffiffement & d'une
diffolution fi difficile , que le travail de la
digeftion eft autant occupé à les rejetter
comme inutiles , qu'à s'approprier ceux
qui lui conviennent.
Ce qui eft de fingulier c'eft que ce font
les parties du lait les plus fuaves , celles
qu'on prend avec plus de plaifir , c'eft la
pure crême que rejettent les premieres digeftions
, & qu'elles deftinent à former la
plus grande partie des excrémens .
Deux parties vont remplir le fujet de ce
Mémoire. L'Auteur , qui auroit bien voulu
les abreger , avoue fincérement qu'unes
matiere , auffi neuve & auffi intéreffante
auroit pû dans de meilleures mains compofer
un traité qui paroît manquer à la
Médecine pratique.
On verra dans la premiere partie la
tranfmiffion du lait des mammelles dans la
bouche de l'enfant , au moyen d'une méchanique
à laquelle fourniffent toutes les
parties de la bouche ;& qui toutes enfemble
compofent une espece de pompe afpirante-
& foulante, tant pour la fución du fait
pour fa déglutition ; on parlera de fes diverfes
préparations , des differences fenfibles .
qu'on remarque dans l'eftomach entre le
lait des mammelles fucé par le nourriffon ,,
& le lait étranger bû par des enfans privés.
que
A' iij
6 MERCURE DE FRANCE.
de leurs nourrices ; de l'eftomach où fe fait.
la premiere digeftion , l'Auteur paffe au
lieu où fe fait la feconde. , il en démontre
le méchanifme , en fuivant toujours la
comparaifon du lait naturel avec le lait
étranger.
La feconde partie traitera du réfidu des
digeftions laiteufes , nommé Faces nutritionis
ou excrémens ; l'Auteur prétend dédommager
le lecteur du dégoût de fon fujet
par une application utile aux maladies
des enfans , il en fait un abregé pathologique
, & il le met à la portée de tout le
monde.
11 eft furprenant , dit M. Puzos , que de
tant d'Auteurs qui ont écrit fur la nature
du lait , fur la façon de l'analifer , de le
décompofer & d'en tirer des fecours relatifs
aux maladies , pas un n'ait parlé de la
digeftion du lait , pas un n'ait remarqué
les differences du lait fucé au lait bû ,
qu'aucun d'eux n'ait diftingué dans la dé- '
compofition du lait les parties propres à
la nutrition & celles que la digeftion porte
au rebut .
Baricellus de lactis facultatibus & ufu.
PallierusMedicus Genev, de vera lactis genefi
&ufu.
Tractatus de laite Hyeronimi Acorambini ,
Medic. Patavi.
AVRIL. 1748. 1
Lattis Phyfica analifis Autore Nardio.
Les Livres de ces Sçavans ne difant
rien fur la digeftion du lait , j'ai paffé , dit
l'Auteur , aux modernes les plus en réputation.
Je n'ai pas plus gagné à parcourir
Verbeyen , Boerhave , Heifter , même fon
fçavant Commentateur M. Senac. Tous
apprennent à décomposer le lait
par differens
agens , à apprécier fes vertus , mais
rien de fa digeftion , de fes changemens
de forme , non plus que de la connoiffance
de fes excretions .
Trois parties . conftituent la matiere du
lait , la crême , le fromage & le ferum
ou petit lait.
On fçait que ces trois parties ne fe diftinguent
qu'après leur défunion , qu'elles
fe defuniffent par le chaud, par le froid ou
par le mêlange de quelque acide .
L'expérience faite par le goût fur la
douceur du fromage trouvé dans l'eftomach
à la fuite du lait fucé , fait juger que
le chaud & le repos feuls ont produit fa
coagulation.
Les grumeaux moins liés, moins blancs &
fentans un peu l'aigre , produits par le lait
étranger bu , prouvent que quelque acide
a eu part à leur formation : delà on doit
conclure que le lait des meres ou des nourrices
doit avoir des qualités bien fupé-
A iiij
& MERCURE DE FRANCE.
rieures au lait de quelque animal que cefoit
, fur-tout quand ce dernier fera pris
après avoir été refroidi , gardé & prefque
décompofé.
Le lait tiré des mammelles par fúcion
reçoit dans la bouche de l'enfant une préparation
très -favorable à la premiere digeftion
qui doit le faire dans l'eftomach: il
y eft coupé par une abondante falive que-
Faction de la pompe afpirante & foulante
fait couler de toutes les parties de la bouche
, il eft rendu plus fluide , & il trouve
dans ce liquide auxiliaire un fecours contre
les aigres au moment de fa coagulation .
Au contraire du lait d'animal étranger .
qui fouvent eft déja déſuni par fon repos
& par l'impreffion de l'air , avant que d'être
pris ; qui avalé plus rapidement & plus
abondament à chaque deglutition , n'a pasi
le tems de fe couper dans la bouche par
la falive , & qui privé de ce fecours eft
plus expofé à fe grumeler & à s'aigrir dans
la premiere digeftion .
Difference effentielle pour leur fuccès
dans la nutrition.
•
Quelques minutes après que le lair fucé
eft parvenu dans l'eftomach de quelque
animal que ce foit , il devient trouble ,
il fe tourne , fans s'aigrir , & il prend la
confiſtance d'une crême épaiffie fur le feu;
AVRIL. 1748.
d'une eſpèce de crême veloutée à laquelle
il reffemble ; il prend la forme de fromage ,,
dont la blancheur , la faveur , & la folidité
, reſſemblent affés bien aux qualités .
qu'ont nos bons fromages à la crême.-
Le lait étranger bû & dépofé comme:
l'autre dans l'eftomach , fe convertit en
grumeaux , d'un blanc fale, tirans un peu fur
l'aigre & reffemblans à des alimens mâchés
Cette difference n'eft point imaginaire :
l'ouverture de nombre de petits chiens .
ou chats , les uns nourris par leur mere ,.
les autres élevés avec du lait de vaches , a
fourni.des preuves inconteftables à l'Au
teur fur la difference de ces deux dige
ftions : Il a même pouffé plus loin leurs
comparaiſon : il a tiré de l'eftomach de ces
petits animaux le produit de l'une & l'au
tte digeftion , il les a gardés dans differentes
foucoupes qu'il a expofées à l'air pendant
deux jours le fromage crêmeux du lait
facé s'eft durci , deffeché , & a compofe
une espéce de fromage de griers les gru
meaux du lait étranger bû, font reftés mol--
laffes , un peu aigres , & d'une odeur def
agréable..
Quand l'auteur n'auroit pas prouvé par
fes expériences le changement du lait en
fromage dans l'eftomach de tout animal
qni tette & qui ne vit que du lait de fa .
A.VI
10 MERCURE DE FRANCE.
"
mere ; les fufées de lait que les enfans re
jettent tout grumelé dans leur meilleure
fanté , font connoître la néceffité de la coagulation
du lait dans la premiere digeftion ;
c'eft effectivement par le moyen de cette
coagulation que l'eftomach & les inteſtins
grêles font le choix & la féparation de ce
qui convient pour nourrir l'enfant , & de
ce qui doit être rejetté d'une maffe qui
contient le bon & le mauvais , l'utile & le
fuperflu.
On a fi mauvaife opinion dans certains
Pays du lait étranger pour la nourriture
des enfans , dit M. Pazos , qu'on lui préfere
une eau blanche faite avec la mic de
pain de froment imbibée d'eau tiede , preffée
& paflée à travers la chauffe ou le lin
ge fin : ou bien on compofe cette nourriture
avec le ris , l'orge où le froment battu ,
bouilli dans une eau de veau ou de poulet,
qu'on paffe de même. Cette façon de nourir
les enfans privés du lait de mere , eft
la plus convenable à leur délicateffe . On
multiplie cette nourriture tant qu'on veut ,
on a de quoi fatisfaire à leurs befoins , elle
coute peu de travail à l'eftomach , & on
eft à l'abri des principes vicieux qui peuvent
fe rencontrer dans les nourrices , de
Faltération du lait par la groffeffe , de fa
diminution ou de fon trop d'épaiffiffement
à mefure qu'il veillit.
AVRIL. 1748. II
La pâte laiteule plus ou moins parfaite ,
felon la diverfité des laits dont on nourrit
les enfans , eft pouffée de l'eftomach dans
le premier des inteftins grêles. Quoique ce
foit une même fuite de parties , la pâte fromageufe
y acquiert encore quelques qualités
: le calibre de l'inteftin , plus étroit
que celui de l'eftomach & plus exactement
rempli , la preffe , la pétrit & mêle plus
intimement fes differentes parties.
A un pouce ou deux de chemin dans ce
premier cilindre mouvant , la pâte change
un peu fa couleur , fansperdre fes qualités
fuaves ; un confluent formé par les fucs
biliaires & pancréatiques vient la détremper
; on fçait que ce font deux petits courans
, dont les fources éloignées l'une de
l'autre cherchent à s'unir ; qu'elles y parviennent
, qu'elles fe confondent dans le
même lit & qu'elles entrent enfemble dans
Finteftin * . La pâte , après ce mêlange , un
peu citronée , n'en eft pas moins douce
pour deux raifons , lapremiere parce qu'étant
en bien plus grande quantité que
n'eft la bile , elle en adoucit l'amertume ou
la lui fait perdre tout-à-fait . Secondement
l'Auteur a remarqué que dans les animaux
qui ne vivent que de lait , la bile eft plus
Verheyen tabula undecima.
A vj
12 MERCURE DE FRANCE
verte que jaune & qu'elle n'a prefque pas:
d'amertume.
La feconde digeftion du lait devenu
fromage ou pâte crêmo fromageule , com-.
mence au confluent biliaire & pancréatique
, & finit au cacum premier des gros .
inteftins ; ce qui fe tire de chile par delà
eft en trop petite quantité pour le comprendre
dans cette digeftion. Le travail,
de cette opération chileufe eft l'ouvrage.
des inteftins grêles ; c'eft aux trous dont
ils font cribles , & à leur mouvement pé
riftaltique qu'eft dûë la parfaite élabora❤.
tion de la matiere , la féparation des fucs ,
nourriciers d'avec les excremens , & l'in
troduction de ces fucs dans des bouches ,
analogues à leur affinement..
Trois opérations exécutent l'oeuvre de
la chilification , la malaxation , l'élixation.
& la filtration ..
La.malaxation retourne , divife & fair;
marcher la maffe fromageufe par le moyen,
des fibres longitudinales des inteftins.
L'élixation la preffe , l'exprime & fépare
les parties les plus fluides de celles,
qu'elle ne peut mettre en fufion , c'eſt le:
travail des fibres circulaires..
La filtration conduit dans les bouches
affamées, des veines, lactées le liquide :
gréparépar les deux premieres opérations ,,
AVRIL. 1749% 13
mais des trois parties dont le lait eft compofé
, il n'y a que le fromage détrempé.
par le petit lait ou ferum , qui puiffe for
mer un chile auffi leger & auffi affiné que
celui qui doit nourrir l'enfant , la crême .
n'y eft prefque pour rien. On fçait qu'elle :
ne gagne pas à être battue , preffée & ma-.
laxée du côté de la divifibilité , qu'elle.
devient au contraire plus compacte , plus
butireufe , qu'elle gliffe par deffus les embouchures
des veines lactées , & que ſe,
trouvant abandonnée des fucs nourriciers
qui s'en féparent à chaque inftant , elle
n'eft plus bonne qu'à former le corps des
excremens.
La certitude qu'on a du peu d'utilité de
la crême du lait pour nourrir l'enfant , du
tort qu'elle fait à la partie du lait dont il
doit vivre, quand elle y eft en trop grande,
abondance , détermine l'Auteur à préférer.
les nouveaux laits à ceux qui font déja
vieux , pour commencer la nourriture des
enfans nouveaux nés, parce qu'ils font plus
clairs & plus proportionnés à la délicateffe.
des organes qu'ils doivent parcourir.
Plus la pâre fromageufe ou chileufe
marche du côté des gros inteftins, plus elle
jaunit. Le cours perpetué de la bile & la;
diminution de la partie fromageufe , à chaque
pas qu'elle fait produit un jaune plus
14 MERCURE DE FRANCE.
foncé , cependant on y diftingue toujours
quelques molecules fromageufes qui ont
échapé à la chilification.
Ces molecules blanchâtres , confonduesavec
les parties butireufes , jaunies par la
bile qui domine alors fur la matiere , compofent
enſemble la maffe des excremens
qui reffemble beaucoup à des oeufs broüillés.
Ce font ces petits grumeaux fromageux
échapés à l'exactitude de la digeftion ,
que les nourrices appellent germes de dents.
C'eft à ces germes qu'elles attribuent toures
les maladies qui furviennent aux enfans
dans le cours de leur dentification .
Pour n'être point abufé par des propos
de nourrices & de gouvernantes , auffi
faux qu'ils font à craindre pour ces petites
victimes , on prie le lecteur de fe reffouvenir
que M. Puzos dans un Mémoire
qu'il lût il y a deux ans dans la féance publique
de l'Académie de Chirurgie , fit
voir que les vingt premieres dents des enfans
étoient germées dès qu'ils venoient
au monde , & que plus de douze de ces
dents étoient déja offifiées à leur naiffance.
Il en donna la preuve par un nombre
confidérable de dents qu'il apporta , &
qu'il avoit nouvellement tirées des alveoles
d'enfans morts en venant au monde .
L'Auteur outre cela défire encore que les
AVRIL. 1749. 15
gens destinés à prendre foin des enfans
ayent une connoiffance exacte des excremens
qu'ils rendent . Il prétend que les
maladies qui leur arrivent dans le cours de
leur nourriture influent beaucoup fur les
excremens , en changeant leur couleur , leur
confiftence , leur odeur & leur plus ou
moins de folidité ; que c'eft une étude fi
néceffaire qu'on peut par fon moyen démêler
les maux qui affectent les enfans
& qu'ils ne défignent que par des cris , des
infomnies & des tourmens dont on ignore
les cauſes ; c'eft ce qui va faire la feconde
partie de ce Mémoire & la plus inftructive
pour le fujet dont il eft queſtion .
Seconde Partie.
Les excremens que rendent les enfans à
la mammelle dans leur meilleure fanté ſont
d'un affés beau jaune , d'une confiſtence
d'oeufs brouillés , & d'une odeur qui n'a
rien de défagreable.
Ces déjections fe font trois ou quatre
fois en vingt- quatre heures dans le général
; car il y a des enfans , & ce font ceux
qui ne vivent que du lait de leurs nourrices
& quifont réglés dans leurs petits repas,
qui ne vont qu'une fois en vingt quatre
heures , & qui font des matieres auffi dures
que s'ils vivoient d'alimens folides .
16. MERCURE DE FRANCE
L'Auteur attribue la fréquence des felles
, & le peu de folidité des excremens
que les enfans rendent , même dans la meilleure
fanté , a des efpéces d'indigeſtions.
caufées par le fuplément d'une abondante.-
bouillie qu'on mêle au lait des nourrices ,
& qui devient un corps d'aliment trop .
lourd pour des eftomachs , qui repugnent
même au trop de lait , puifque fouvent ils
le rejettent en fufées , de plus la voracité.
avec laquelle les enfans tettent , le retour
trop fréquent à cette nourriture , leurs ca
prices & leurs cris qu'on ne peut appaiſeri
que par le téton , peuvent encore cauferen
eux de, foibles indigeftions qui les me
nent à la fréquence des felles . Si par exem
ple dans le tems que lè lait commence à fetourner
& à fe grumeler dans l'eftomach ,
il en arrive du nouveau qui trouble le tra
vail de la digeftion , que le dernier venu
liquéfie le précédent , ou qu'il retarde.fa
coagulation , que la quantité de l'un & de
Fautre en précipite la fortie , la maffe
moins travaillée & moins folide paffe plus
vîte , elle donne moins de fucs nourriciers
chemin faifant , & fournit plus d'excre❤.
mens , enfin l'eftomach trop fouvent rem→
pli & trop tôt vuidé , marque, fes . befoins
par les cris de l'enfant ; on le fait tetter fun
nouveau frais , on expofe fes digeftions
·
7
AVRIL 1748. 17
aux mêmes inconvéniens , les enfans auroient
enfin des indigeftions perpétuelles
fi la nature attentive à leur fanté ne procuroit
de tems en tems des heures de fommeil
, qui remettent l'ordre dans les digeſ
tions en reculant les befoins de tetter , &
qui donnent au lait avalé le tems de recevoir
toutes les préparations.
La fanté des enfans nouveaux nés ne
paroît pas fouffrir d'un changement qui
furvient tout à coup dans la couleur naturelle
de leurs excremens ; ce changement
récidive fouvent jufqu'à ce qu'ils ayent attrapé
le troifiéme mois.
Des restes de meconium , dont les parois
des inteftins font pendant long-tems englués
, rendent les excremens d'un verd
foncé , fi des tranchées font fermentes
avec le lait ces reftes de maconium à mefure
qu'il s'en détache , mais ce changement
de jaune en verd palle fi vite , que
fouvent du foir au matin on voit naître la
mauvaiſe couleur & revenir la bonne..
: Ces excremens verds qui font fréquens
aux enfans nouveaux nés , dont les caufes
font naturelles & dont le rétabliſſement
n'exige d'autre foin que le repos & l'ufago
de l'huile , furviennent encore aux enfans
plus avancés en âge , foit par indigeftion ,
Loit dans les tems où les dents groffies &
"
18 MERCURE DE FRANCE.
allongées écartent avec quelque efpéce de
violence leurs alvéoles , ou cherchent à
entâmer la gencive qui les recouvre ; l'une
& l'autre de ces caufes excitent des douleurs
fur les nerfs , les digeftions en font troublées
, la fiévre & la mauvaiſe humeur de
l'enfant s'en mêlent , les excremens verdiffent
; un pareil étar demande des foins
& quelques remédes . Comme il y a lieu de
foupçonner quelque acide développé agiffant
fur la matiere des digeftions & fur les
parties qui la travaillent , il faut chercher
à affoiblir cet acide en le noyant , pour
ainfi dire , par une large boiffon & en
émouffant fes petits aiguillons par des remédes
onctueux .
*
Dans ces cas M. Puzos commence par
établir un regime , par lequel il fait dininuer
la fucion du lait des trois quarts ; il
fubftitue à ce retranchement des liquides
difficiles à s'aigrir , comme l'eau de ris ,
l'eau de poulet , émulfionnée , une eau
blanchie avec les yeux d'écreviffes & le
riş battu , un peu d'eau de rhubarbe par
cullierée ; il lave les inteftins avec des lavemens
de fon & de graine de lin , & il
ne fait tetter l'enfant que pour foulager la
nourrice & pour empêcher le grumellement
de fon lait , parce qu'il prétend qu'un
enfant malade a plus befoin d'être temperé
que nourri.
& lavé
AVRIL . 1748. 19
par
Ces maladies caufe d'indigeftion
ou du travail des dents , faifant prefque
toujours verdir les excremens , ont engagé
l'Auteur à chercher fi fon préjugé
fur la caufe de ce changement de couleur
répondoit à ce qui fe paffoit réellement
dans l'enfant, & fi fes moyens convenoient
pour ramener les excremens à leur couleur
naturelle .
Pour parvenir à cette découverte il a
pratiqué des effais d'opérations chymiques
fur le lait de vache non écremé , & converti
en fromage par un acide quelconque
; il en a fait autant fur le fromage
écremé , nommé fromage à la pie.
Il a mis des portions de ces differens
fromages dans des terrines multipliées ; il
a fait broyer fur les cendres chaudes chacune
de ces portions , en les imbibant
d'un tiers ou environ de fiel de veau ;
chacune d'elles eft devenue jaune dans
la trituration , & d'une confiſtence affés
pareille à celle des excremens des enfans.
Il a fait ajouter à la portion de l'une des
terrines de l'efprit de nitre qu'on a malaxé
& trituré exactement ; la matiere eft reftée
jaune comme elle étoit avant le mêlange
de l'efprit de nitre.
;
On a mis du fel de tartre à la matiere
20 MERCURE DE FRANCE.
d'une autre terrine , la couleur jaune n'a
point changé.
Des fels alkalis fixes mêlés de même à
d'autres portions ont rendu le jaune un
peu plus foncé.
Enfin l'efprit de vitriol & l'efprit de fél
ajoutés & mêlés à de pareilles portions
ont produit le parfait changement de
jaune en verd , mais plus verd foncé par
l'efprit de fel , & plus fenfiblement marqué
fur le fromage crémeux que fur le fromage
à la pie ou écremé.
pas Ces expériences qu'il ne donne
pour infaillibles; ni faites par un Chymifte
de profeffion , l'ont cependant perfuade
que ce devoit être un acide plus ou moins
fort , qui agiffoit fur les premieres ou fur
les dernieres digeftions , lorfque les excremensparoiffent
verds ; qu'on étoit autorisé
à le combattre par des contraires , ou à l'af
foiblir peu à peu par des délayans largement
pris.
Les moyens contraires font les alkalis
terreux , ceux qu'on tire des animaux &
ceux que fourniffent les calcinations . Les
délayans font les huiles , les boiffons d'eau
de veau , de poulet , de ris , l'eau de rhu
barbe , les lavemens & autres. Ces excre
mens verds que j'ai dit ci- devant être les
moins orageux , & les moins à redouter
AVRIL. 1748. 28
de ceux que rendent les enfans dans leurs
maladies ,font aux gens faits d'une trèsmauvaiſe
efpece & fufpectes de danger , &
ils font prefque toujours des fignes mortels
dans les maladies des femmes nouvellement
accouchées.
Paffons à de plus mauvais excremens
que les verds dans les enfans , ce font des
matieres grifes , argilleufes , d'une odeur
aigre ; ils marquent que la bile ne coule
pas ; fi on examine ces petits malades on
leur voit le vifage d'un pâle citroné ; le
ventre eft gros & dur , il y a boufiffure en
quelques parties , ils boivent volontiers ,
ils ont le poulx lent & foible, que fi malgré
ces accidens les urines marchent , il y
a lieu d'efperer que les amers apéritifs, des
purgatifs doux , des délayans, peu d'ufage
du lait , des petites eaux de forge rétabliront
les dérangemens dans les digeftions
& dans les excrétions; que fi les urines font
rares l'état du malade approche du danger
& menace d'hydropyfie.
Quand ces excremens grisâtres s'échappent
en devoyement clair & fréquent ,
que l'altération de l'enfant & fes befoins
voraces marquent que le lait paffe fans
s'arrêter , que la fiévre lente , la boufiffure,
la maigreur & la rareté des urines donnent
tout lieu de craindre , l'Auteur
22 MERCURE DE FRANCE.
foupçonnant un vice dans l'eftomach , eftime
qu'on doit le corriger par l'ufage de
quelques grains d'hypequequana , fans
priver abfolument l'enfant de fon tetton ,
mais qu'il faut couper le lait qu'il fuce
avec les petites eaux de forge , l'eau de ris,
de poulet, émulfionnée avec le ris , le froment
ou l'orge perlée ; on peut y joindre
quelques poudres abforbantes & le fyrop
de quinquina , ou bien les bouillons antifcorbutiques
, ou le fyrop du même nom ;
on a très-fouvent vû les antifcorbutiques
réuffir dans des maladies croniques , dans
des maladies vermineufes & dans l'appauvriffement
du fang par la longueur de
la maladie fans aucuns fignes de fcorbut
à l'extérieur.
De plus mauvais excrémens que ceux
dont on vient de parler font des grumeaux
bruns , reffemblans à des pommes cuites
écrasées , renfermans une partie des remedes
ou des alimens non digerés , d'une
odeur cadavéreufe & fi corrofifs , que les
taches qu'ils font aux linges ne s'effacent
pas
à la lefcive & brûlent les endroits tachés
; elles font ordinairement les fignes &
les effets d'une maladie cronique , comme
de nouage' , du maraſme , du ſcorbut ; quoique
ces excremens menacent d'une mort
prochaine ou éloignée , il ne faut pas abAVRIL.
1748. 23
folument défefperer de la vie des enfans
au point de les abandonner. La nature a
des reffources pour des tempéramens naiffans
, qu'elle refufe à ceux qui ont fubi
tous leurs progrès.
On voit encore rendre à des enfans au
retton ou fevrés , des matieres noires comme
du marc de caffé ; fi c'eft à la fuite d'une
grande exténuation , d'un dévoyement
de longue durée , il y a lieu de croire qu'u
ne ulcération dans les boyaux fournit des
portions de fang qui noirciffent les excrémens
; dans ces deux derniers cas on aura
recours au vomiffement , qui fait une évacuation
plus facile aux enfans qu'aux gens
formés on fufpendra l'afage du lait
pour faire vivre le malade de crême de
ris , de lentilles étendues dans du bouillon
& donné en trés - petite quantité par
chaque fois ; les boiffons légerement ferrugineufes
, coupées avec un peu d'eau de
pavot , les lavemens de lait , de bouillon
& de graine de lin , pourront produire de
bons effets ; que fi l'on voit les chofes
tourner du bon côté , on tentera le lait
d'aneffe coupé d'abord & en petite quantité
; on l'augmentera felon le fuccès , &
on fera enforte d'y affujettir le malade
pour toute nourriture . Pour conclufion
4 MERCURE DE FRANCE.
M. Puzos affûre qu'il ne faut jamais déſet
pérer des enfans , fi mal qu'ils foient , &
que comme la nature en enleve preſque
fubitement dans la meilleure ſanté par de
convulfions , elle nous en rend fur lefquel
nous ne comptions plus.
**
SUR LA MORT D'UN AMI ,
ELEGIE.
P Leurez,pleurez mes yeux & fondez-vous en
larmes ;
J'éprouve enfin les maux qui caufoient mes allarmes.
Eclatez mes foupirs , & faites déformais
Retentir en tous lieux mes funebres regrets.
La mort, cette, cruelle , à qui tout rend hommage,
A moiffonné Daphnis à la fleur de fon âge ;
Cercher ami n'eft plus , & cet affreux malheur
Me met au défeſpoir , m'accable de douleur ,
Je l'avois bien prévû cet accident funefte ,
Mais je comptois encor ſur la bonté célefte ,
J'efperois que par elle un falutaire effort
Déroberoit Daphnis aux fureurs de lå mort ;
Qu'en faveur des vertus de cet homme admirable
Qui
TIONS
A VRIL. 174 . 2 *
Qui fouffroit fans fe plaindre un mal inſupportable,
Et que touchés des voeux offerts pour ſa fanté ,
Les Cieux remedieroient à fon infirmité
Mais le fort a voulu que la Parque inhumaine ,
En tranchant fes beaux jours , mit le comble à má
peine ,
Et que mon ame apprit par cet évenement
An'avoir fur la terre aucun attachement,
Mais quel furcroît de pleurs , lorfque je me rap
pelle
Les derniers fentimens de cet ami fidéle !
Daphnis s'appercevant qu'un fort injurieux
Va fermer pour jamais & fa bouche & ſes yeux ,
Met fa main dans la mienne & tendrement s'écrie ;
C'en eft fait , cher Armand , je vais perdre la vie ,
Mais j'ofe t'affûrer que la févére loi
Qui peut tout fur mes jours, ne peut rien fur ma foi.
Que mon nom foit toujours gravé dans ta mé→
moire !
Le tien après ma mort paffera l'onde noire ,
Et de nos tendres noeuds le fouvenir charmant
Fera tout mon plaifir & mon contentement.
Touché de ce difcours fi rempli de tendreffe ,
Ma raifon m'abandonne & je tombe en foibleffe.
Si je reprends mes lens , c'eft pour crier , gémir,
Et par des coups fanglans effayer de mourir.
Ah ! plus j'y penfe encore & plus je me défole ;
B
26 MERCURE DE FRANCE.
1
Tout aigrit ma trifteffe & rien ne me confole.
Non , le tems qui s'enfuit , cet heureux médecin .
Qui fçait nous délivrer du plus cuifant chagrin ,
Lui de qui tant de gens ont fenti le remede ,
Ne peut jamais guérir le mal qui me poffede.
J'ai beau pour m'en diftraire écouter la raiſon ,
Tous les confeils pour moi ne font plus de faifon. "
Enfin mon deüil me plaît , & je trouve des charmes
A pouffer des foupirs , à répandre des larmes .
Mais , jufte Ciel , que dis - je ! & quelle eft mon
erreur !
Dois- je exprimer ainfi la plus vive douleur ?
Ah ! craignons d'offenfer la majeſté ſuprême.
Il eſtpeu de chemin du murmure au blafphême.
Se plaindre par excès eſt un cruel abus ;
Ceffons , il en eft tems , des regrets fuperflus.
Si les Cieux ne mêloient nos jours d'inquiétude ,
Du bonheur de ce monde une douce habitude
Seroit fouvent pour nous un préfent dangereux.
Nous oublirions bientôt qu'un deftin plus heureux
Qui rendra l'ame un jour parfaitement contente
Doit être en ce bas lieu l'objet de notre attente.
Ainfi puifque les Cieux permettent nos malheurs,
Pourquoi s'en affliger jufqu'à verfer des pleurs
Il eft de la fageffe & de notre prudence
D'opposer à leurs coups une humble obéiffance ,
De refpecter en tout- leurs fouverains decrets ,
L
AVRIL. 27. 1748 .
Et nous rendre par- là de fidéles fujets.
Que fert de me livrer à d'éternelles plaintes
Daphnis ne m'entend plus ; fes cendres font
éteintes.
"
Affranchi des dangers d'un monde féducteur ,
Débaraffé d'un corps fujet à la douleur ,
Il goûte les plaifirs du célefte héritage ,
Et ce fidéle ami , fi prudent & fi fage
Qui fans doute pour moi défire un pareil fort ,
Me défend de le plaindre & de pleurer fa mort.
Par M. Cottereau , Curé de Donnemarie.
DISCOURS HISTORIQUE
fur l'origine des Huns & des Turks , adreffé
& M. Tanevot, par M. Deguignes.
E fuis
reffenti , Monfieur
, de
Fintime
amitié qui vous lioir avec feu
M. Fourmont
l'aîné , & du vifintérêt
que
vous preniez
au progrès des études que je
faifois fous un fi grand Maître , pour ne
pas vous faire part d'un morceau
de Litté
rature que vous avez eu fur tout en confidération
, & qui vous a d'autant plus flaté,
qu'il tient davantage
aux connoiffances
particulieres
que j'ai reçûes de votre illuf
B ij
28 MERCURE DE FRANCE.
tre ami fur la Langue Chinoife , que vous
m'exhortez plus que perfonne à cultiver ,
perfuadé comme vous l'êtes & avec raiſon ,
qu'on peut tirer de la lecture des livres
Chinois de grandes lumieres fur l'origine ,
les migrations & les révolutions des peuples
qui ont le plus figuré dans la haute
Afie & même en Europe. Trouvez donc
bon , M. que je vous adreffe fur ces recherches
un effai qui pourra être fuivi de
plufieurs autres , fi je m'apperçois que le
public veüille bien fe prêter à ces décou
vertes.
Parmi les differens peuples qui porterent
le dernier coup à l'Empire Romain
& qui contribuerent le plus à fa ruine
les Huns ne lui firent pas moins de mal
que les Goths & les Vandales qui les
avoient précédés. Cette Nation cruelle
& féroce qui jufqu'au régne de l'Empereur
Valens avoit été renfermée dans des Montagnes
inacceffibles , abandonna ſes déſerts
& les rochers , traverfa les Palus Meotides
& fe repandit dans les Terres dont les
Goths étoient alors en poffeffion. Ceuxci
autrefois redoutables dans toute l'Europc
, à la vûë de cette Nation étrangere &
inconnue , demeurerent quelque tems fans
avoir la force de prendre les armes pour
Le défendre.Envain fe rappellerent-ils dans
AVRIL. 1748. 29
la mémoire leurs anciens exploits , afin de
s'animer d'avantage à combattre des ennemis
qui leur paroiffoient fi terribles ; leurs
efforts réunis furent inutiles. A demi vaincus
par l'effroyable figure des Huns , ils ne
s'oppoferent que foiblement à leur paffage
, les Huns après avoir remporté für eux
une Victoire confidérable penetrerent à
leur gré dans l'Empire Romain , ravage-.
rent tout ce qui fe rencontra fur leur route
, brûlerent les Villes & maffacrerent les
habitans. Les Romains même furent contraints
de leur payer un tribut. Tout cédoit
à la puiffance des Huns , mais la difcorde
vint les défunir & leur fit perdre le fruit
de toutes leurs conquêtes. Ils furent défaits
à leur tour , & les Goths rétablis de nouveau
dans leur Pays , qui tomba peu de
tems après fous la domination des Lombards
. Sous le régne de Juftin les Huns s'en
emparerent une feconde fois , & après
avoir continué pendant quelque tems leurs
brigandages , après avoir gagné plufieurs
batailles , en avoir perdu plufieurs , ils furent
enfin obligés de repaifer dans la Pannonie,
où confondus avec d'autres peuples
ils ont fixé pour toujours leurs demeures.
Tel eft le peuple que j'entreprends de
faire connoîtredans ce difcours.Nous ignorons
l'origine & l'antiquité de ces Huns ,
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
& de quel pays ils font fortis . Les Ecrivains
du bas Empire qui en ont fouvent fait mention
, ne nous ont rapporté que des fables
aufquelles nous ne pouvons ajouter foi.
Ici avec le fecours des Hiftoriens Orientaux
& furtout des Chinois , je ferai voir que
ces Huns étoient une Nation confidérable
dans la grande Tartarie , que leur domination
y précédoit l'époque du Chriftianifme
de plus de 200 ans, je rapporterai ce
qui a occafionné leur irruption dans l'Europe
, & je donnerai l'origine des Turks
qui avec ces Huns ne font qu'une même
Nation .
J'ai eu foin de retrancher de ce diſcours
toutes les difcuffions qui pourroient être
ennuyeufes , foit par leur longueur , foit
par le grand nombre de paffages que je
ferois
obligé de rapporter , & qui m'ont
fervi de confirmation à ce que j'avance .
Je renvoye ces détails à des mémoires par
ticuliers , ici je me contente d'expofer fim
plement & hiftoriquement l'origine de ces
Huns.
Quelques Hiftoriens latins ( a ) les tirent
du fond de la Scandinavie. Ils rapportent
que lorfque les Goths vinrent s'établir aux
Palus Mootides, leur Roi , nomméPhilimer,
chaffa certaines femmes adonnées à la ma
< * (a) Jornandes , Ammien , S. Jerôme , Procope.
AVRIL. 1748 .
&
gie, qui fe trouvoient alors parmi eux ,
les contraignit à fe tetirer dans les déferts
de la Scythie . Ces femmes eurent commerce
avec des Efprits impurs & mirent au
monde des enfans , qui font à ce que l'on
prétend les Ancêtres des Huns. Dans la
fuite ces nouveaux peuples s'approcherent
des Frontieres des Goths & fe camperent
aux environs des Palus Mootides où ils
s'adonnoient à la chaffe. Quelques-uns
d'entr'eux , fuivant le récit de ces Hiftoriens
, rencontrerent un jour une Biche
& la pourfuivirent avec tant d'opiniâtre
té, que cet animal contraint pour les éviter
de fe jetter à la Mer , parvint juſqu'à l'extrémité
oppofée . Les Chaffeurs, non moins
hardis , ne s'arrêterent point au rivage , ils
fe jetterent à la nage & pafferent ainfi des
Marais , que jufqu'alors ils avoient regar.
dés comme impraticables. De retour vers
leur nation ils ne manquerent pas de ra
conter leur avanture & l'engagèrent à s'y
tranfporter. Elle fe mit donc en marche
pour paffer, & paffa effectivement.
C'eft ainfi que l'on rapporte l'origine
des Huns . D'autres Hiftoriens les font ve
nir du fond de la Scythie. ( a ) Les Chinois
beaucoup plus à portée de connoître la-
-- ( a) Ven hien tun xao . Kam mo . Ye tum chỉ
Van fan tur pau. Soui xu.
Bij
32 MERCURE DE FRANCE.
Tartarie , nous apprennent qu'aux environs
du grand défert de la Chine entre la
Corée à l'Orient & le Pays des Getes à
l'Occident , habitoit autrefois la Nation
dont je recherche ici l'origine. Ils lui donnent
deux noms différens Hiongnou & Tonkious
c'est-à- dire, Huns &Turks, le premier
eft celui qu'ils portoient dès avant le Chriftianifme
, & le fecond celui qu'un reſte
de ces Huns rétablis dans la Tartarie a porté
dans la fuite .
Ces Huns ou Turks ( a) habitoient fous
des tentes pofées fur des chariots , & leg
conduifoient dans les endroits où les pâturages
étoient plus abondans , à cauſe de leurs
troupeaux qui leur fourniffoient de quoi
vivre & s'habiller. Ils avoient beaucoup
de mépris pour les vieillards & n'eftimoient
que les jeunes gens , comme plus propres
à la guerre, leur unique occupation . Leurs
richeffes confiftoient en troupeaux , maist
fur tour dans le grand nombre d'efclaves
pris en guerre. Les crânes de leurs ennemis
leur fervoient comme de vafes à boire
dans les grandes cérémonies. Tous les ans
ils fe rendoient au Camp impérial & fa.
crifioient à leurs Ancêtres , au Ciel , à la
Terre & aux Efprits. De plus , tous les
matins l'Empereur adoroit le Soleil le-
( a ) Ye tum chi. Ven hien tum tạo
AVRIL 1748. 33
vant & le foir la Lune. La gauche chés
ces peuples , de même qu'aujourd'hui.
chés les Turks de Conftantinople , étoit le
côté honorable , & dans tous leurs campemens
la tente de l'Empereur étoit toujours
de ce côté & en face du Nord .
"
mes ,
A la mort de leur Empereur leur coûtume
étoit de le mettre dans un cerceuil
avec fes plus beaux habits , après quoi accompagné
de toute fa famille , de les femde
fes enfans , de fes officiers , ils
le tranfportoient au lieu defa fépulture. Là
pendant un mois ils le fervoient de la même
façon que quand il étoit vivant , les braves
faifoient entre eux des joutes, & fe battoient
, comme autrefois nos Chevaliers
dans nos tournois.
Ainfi vivoient les Huns dans les premiers
tems , c'eſt à-dire fous leurs Tanjou
ou Empereurs. (a) Ces moeurs ont changé
dans la fuite. Lorfqu'ils ont été rétablis
dans le Turkeftan , ils ont introduit une
coûtume affez finguliere & même barbare
à l'égard de leurs Rois. D'abord que leur
grand K'han étoit mort , fon fils ou fon plus
proche parent, qui devoit lui fuccéder étoit
déclaré Empereur , & pour connoître d'avance
fi fon régne feroit heureux & long
on lui paffoit au col un cordon de foye ,
(a) Suixu . Ta xu . Ven hien tum sao.
BY
34 MERCURE DE FRANCE.
& on le ferroit jufqu'à lui faire perdre la
refpiration , enfuite on le relâchoir , & les
premiers mots qu'il prononçoit dans font
étourdiffement étoient comme les préfages
de ce qui devoit arriver fous fon régne .
Ces Huns (a) dans le Turkeftan y font
de toute antiquité. Dans la fuite des tems
il paroît que plufieurs Chinois fe font auffr
tranfportés dans cette partie de la Tartarie .
Après la deftruction de la Dynaſtie de Hia ,
un Prince de certe famille , fils du dernier
Empereur , s'y retira avec tout fon monde ,
& fuivant le témoignage des ( 6 ) Hiftoriens
Chinois & Perfans les Empereurs ou Tanjou
des Huns font fes defcendans . Dibba-
Kawi dont il eft fait mention dans Mirkhond
n'eft autre que l'Empereur Yu Fondateur
de la Dynaftie Chinoiſe nommé
Hia , & un de fes defcendans appellé Ogouz
khan eft le premier Empereur des Huns.
(c) Dans toute la Tartarie cer Ogouzkhan
of Maotun Tanjou eft regardé comme le
Fondateur de l'Empire des Huns. Il eut dé
grandes guerres à foutenir contre les Chinois.
Sa poftérité régna long - tems fur
tous les Huns, portant le titre de Tanjou ,
abregé d'un autre mot qui fignifie dans la
(a) Ven hien tum kao . Kam mo.
(6) Beidawi. Mirxhond .
( c) Kam mo. Ven hien tum rao . Han xu
3On
Ard
ne
*Son
ama
4K
AVRIL : 1745. 35
Langue de ces peuples Fils du Ciel. Souvent
ces Huns ont été en guerre avec les Chinois,
malgré les traités de paix & les alliances
qu'ils ont contractées avec eux .
Sous un de ces Empereurs (a ) nommé
Pounou Tanjou , l'Empire des Huns commença
à s'affoiblir confidérablement . Une
grande famine qui fe fit fentir chés ces peuples
fut comme l'annonce de plufieurs autres
malheurs. On craignoit que les Chinois ne
profitaffent de ces fâcheufes circonftances
pour entrer dans le pays , & achever de
détruire par les armes ce que la famine.
avoit épargné. Ces Huns autrefois fi fiers
s'humilierent alors & demanderent la paix .
Les Chinois ne la leur refuferent pas , inais
ils n'en furent pas plus tranquilles. La foibleffe
où les Huns fe trouvoient , leur fit
naître des ennemis de toutes parts; des Tartares
Orientaux les vinrent attaquer & les
contraignirent à fe retirer plus avant dans
le Nord, mais ce qui acheva de détruire cet
Empire qui avoit fouvent fait trembler la
Chine , fut la diffenfion qui fe mit dans
⚫la Famille Royale . Pounou Tanjou fit périr
un frere qu'il avoit & qui devoit être
fon Succeffeur , afin de mettre fur le Thrône
fon propre fils. Delà la fource de tous
fes malheurs & la ruine totale des Huns
(4) Kam mo. Ven hien tum zao.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
en Tartarie. Un Prince de la même famil
le qui étoit fils d'Empereur , voyant que
Pounou Tanjou avoit tué fon frere , cruc
que le Throne devoit lui appartenir. If
s'en fallut peu que fes prétentions ne lui
fiffent perdre la vie , mais averti à tems
il trouva le moyen de s'échapper des mains
de Pounou Tanjou & fe mit à la tête d'un
certain nombre de Hordes ou Tribus qui le
déclarerent Empereur . Il régna fur lesHuns
du Midi , pendant que Pounou Tanjou régnoit
fur ceux du Nord. C'eft de cette
divifion dont il eft fait mention dans les
Hiftoriens Perfans Mikhond & Beidawi.
Ils ont donné aux uns le nom de Mogols
& aux autres celui de Tatárs ou comme
nous le prononçons Tartares.
Après ce démembrement (a) les Huns Septentrionaux
trouverent les Chinois moins
difpofés qu'auparavant à les fecourir dans
leurs calamités. Ceux du Midi s'y oppofoient
continuellement. Après plufieurs
inftances ils obtinrent enfin la paix . Ils
fongerent alors à porter la guerre dans le
Maouarennahar ou Tranfoxiane. Victo- *
rieux dans ce pais ils crurent l'être dans
la Chine. N'ayant aucun égard pour la foi
des traités, ils y vinrent faire des incurfions,
mais ils y rencontrerent les Huns du midi
(4) Han xu. Kam mo. Ven hien tum kao….
AVRIL. 1748 .
qui les repoufferent vivement. Après plu
fieurs batailles , les Chinois, toujours aidés
& encouragés par ces derniers, prirent la réfolution
de détruire entierement les Huns
du Nord , ce qui fut exécuté par le Général
Teouhien qui fous le régne de Hiao Hoti
Empereur de la Dynaftie des Han à la Chine
défit les Huns Septentrionaux dans la
Tartarie . Pour tranfmettre à la postérité
l'Hiftoire de cet événement il fit graver
fur un Montagne du Turkeftan une inf
cription qui indiquoit le tems dans lequel
il étoit arrivé.
Les Hiftoriens Perfans ( a) attribuent certe
défaite des Huns ou Turks à Tour, fils de
Pheridoua. Mais il eft aifé de voir qu'ils
me font tombés dans cette erreur qu'à
cauſe de la reffemblance des noms de Teor
& de Tour. D'ailleurs entêtés de leurs anciens
Héros , ils ont faift cette occafion
pour en relever la gloire.
De ces Huns ( b ) ainfi vaincus quelqu'uns
refterent en Tartarie & fe mêlerent
avec des peuples que l'on avoit fair
venir des extrémités de l'Orient pour repeupler
leur pays. D'autres, qui font le plus
grand nombre s'avancerent, de plus en plus
vers l'Occident au Nord de Samarcand ,
(a ) Mirxhond. Dherbelot.
(6) Ven hien tum xao . Kam mo.
38. MERCURE DE FRANCE.
& vinrent, fuivant les Hiftoriens Chinois,,
an deffus de la Mer Cafpienne & aux environs
d'Aftracan. Ici les Chinois les per
dent de vûe , mais par nos Hiftoriens nous
apprenons que delà ils fe font approchés.
vers les Palus Mootides , & qu'enfuite ils
ont paffé dans l'Europe , où après avoir
tenté la fortune en plufieurs endroits , ils
fe font fixés en Pannonie.
Les Huns (a ) du Midi qui étoient reftés
dans leur ancien pays , y ont confervé leur
puiffance jufqu'à ce qu'une Horde de Tar
tares Orientaux, nommés Jouigen, les fub
jugua entierement & s'empara de prefque
toute la Tartarie. Le titre que leurs Rois
portoient étoit celui de Khan ou Khacan
qui fut fubftitué à la place de Tanjou . Les
Huns Meridionaux , chaffés à leur tour, vinrent
établir dans la Chine feptentrionale,
plufieurs petites Principautés qui furent,
détruites les unes après les autres. Une
d'entre elles , dont les Princes deſcendoient
des Empereurs des Huns , fut défaite
par
Tai-vou-ti Empereur de la Chine Septentrionale.
( b ) Toute cette famille & les
Huns avec elle fe retirerent dans une montagne
de Tartarie nommé Erkené Kom ,
là plus connu alors fous le nom de Turks,
(a) Heu han xu. Kam mo. Cin xu . U tai xu. )
(6) Kam mosSui xu. Beidawi . Mirxhond. Tam xu.
AVRIL 1748.
3.9.
•
ils étoient occupés , fuivant les Hiftoriens,
Chinois & Mahométans à travailler aux
forges pour le fervice des K'hans des Tartares
Jouigen dont je viens de parler . Ils
fubfifterent ainfi pendant quelque tems ,
c'est-à-dire jufqu'à ce que des peuples Oc+
cidentaux vinrent attaquer les Jonigen.
Toumuen chef de ces Turks dans la
Erkené-kom marcha contre les
montagne
ennemis & les défit. Après cette expédition
Toumuen fe crut en droit de demander au
Khacan ou Empereur de Jouigen fa fille
en mariage. On la lui refufa avec hauteur ,
en difant qu'il ne convenoit pas qu'un efclave
afpirât à la fille de fon Souverain.
(a) Toumuen irrité d'une femblable réponfe
fe révolta contre , fon Prince , il tua
l'envoyé des Jouigen & fit alliance avec
Venti Empereur de la Chine Septentrionale.
L'année fuivante il marcha contre les
Jouigen , les battit & tua leur Khan, après
quoi il prit lui-même ce titre & fe fit nommer
Toumuen Ilkhan. (b) Ainfi fut établi
un Puiffant Empire dans la Tartarie ,
que l'on appella alors l'Empire des Turks
Pour conferver la mémoire de l'origine de
cette famille , on avoit coûtume de s'af
fembler tous les ans & de battre avec beau
(a) Kam mo.
( b ) Sui xu . Tam zu . Ven hien tum ba
40 MERCURE DE FRANCE.
coup de cérémonie un fer chaud. (4) Cette
coûtume s'eft obfervée jufqu'à Genghizkhan
qui defcendoit de ce Toumuen , &
c'eft pour cela que quelques- uns de nos
Hiftoriens mal inftruits ont avancé que ce
Prince étoit fils d'un forgeron .
Les Jouigen ( 6 ) chaffés de leur pays par
les Turks ont paffé fuivant toutes les apparences
en Europe , où ils ont été connus
fous le nom de faux Avares ou Abares.
Ils fe font mêlés avec les Huns du Nord
qui y étoient depuis long-tems , & ces
deux peuples réunis ont formé la Nation
des Hongrois , c'est-à- dire les Huns- ikoréens
, ce dernier nom eft celui que les
Jouigen portoient en Tartarie . ·
Ce que je viens de rapporter de l'origine
des feconds Huns ou Turks dans le
Turkeftan eft le récit fidéle des Hiftoriens
Chinois. Mais ils ne fe font point
contentés d'une origine qui ne tenoit pas
du prodige . On a voulu du merveilleux .
(c) On a avancé avec confiance & on a
cru de même qu'un peuple Scythe avoit
été entierement défait par fes ennemis , de
maniere qu'il n'avoit échappé du carnage
qu'un feul enfant , auquel encore on avoit
(a) Hift. de Genghiz .
(b) Kam mo . Nicephore.
(c) Ven hien tum kao.
AVRIL: 1748.
coupé les bras & les jambes & que l'on'
avoit jetté enfuite au milieu d'un Lac.
Ici paroît une fable femblable à celle que'
les Romains ont débité au fujet de Romulus.
On prétend qu'une Louve fut touchée
des malheurs de cet enfant , qu'elle
le retira du danger & qu'elle lui procura
de quoi vivre. La fuite de la fable ne nous
permet pas de douter que par cette Louve
on n'ait voulu défigner une femme qui portoit
ce nom. L'enfant par reconnoiffance
époufa cette femme & elle devint groffe .
L'un & l'autre fe retirerent dans des Montagnes
fituées au Nord- oueft du pays des
Igours , & là elle mitan monde dix enfans
dont les defcendans prirent le nom d'Affe
na. Ce que je vais rapporter de Toumuenil-
khan fondateur de l'Empire Turk fervira
d'explication à cette fable.
Ce Prince appellé Toumana (a) par les
Ecrivains Perfans étoit fils de Bifficar fils
de Kaidou defcendant de Bouzengir fils
de la Reine Alancawa. Cette Reine des
Mogols ou Turks dans les Montagnes de
Tartarie & avant le rétabliſſement de leur
Empire étoit restée veuve avec deux enfans.
Les Mahometans & les Chinois racontent
(a) Hift . général. des Tatars. Mirkhond . Hift.
de Genghizxhan. Hift. des Mongous . Yuen xu
Kam mo.
42 MERCURE DE FRANCE.
"
qu'elle prit le gouvernement de fon petit.
Etat pendant la minorité de fes fils , &
qu'elle refufa conftainment de fe remarier .
Elle ne laiffa pas cependant d'être mere
de trois autres enfans , dont un fut nommé
Bouzengir. Le petit fils de le dernier appellé
Dutumin , de neuf enfans qu'il eut , huit
périrent dans une occafion , & c'eſt certai- ·
nement ce maffacre que l'on a en vûë dans
la fable que je viens d'expofer. Mais il eſt
évident qu'au lieu d'en faire un maſſacre
général , il le faut reftreindre à la feule
Famille Royale . Celui qui s'échappa eft
Kaidou pere de Bifficar , & d'un autre
nommé Hurmalancum , dont les enfans por
toient le nom de Loups & de Louves ,' &
d'où tire fon origine la Horde des Turks
Zenas ou Affenas , comme prononcent les
Chinois .
Delà a pris naiffance la fable que j'ai
rapportée ci- deffus.Elle n'eft appuyée, com
me on le voit , que fur ce que ces Princes
& apparemment leur mere étoient appelés
Loups & Louve. Tout le refte n'eſt
qu'un ornement. Mais il faut remarquer
ici que cette Hiftoire ne regarde pas tant
la Nation des Turks en général que la Hor
de des Zenas.
Toumuen- il -kan defcendant de Bouzen
gir fils d'Alancawa après avoir foumis les
AVRIL. 1748.
443
Jouigen , attaqua & défit plufieurs autres
peuples de Tartarie. Ses enfans imitans
fon exemple fe firent un Empire qui s'é
tendoit depuis la mer Cafpienne jufqu'à la
Corée. Cet immenfe terrein ne put refter
long- tems fous la domination d'un ſeul
Khan . Ces Turks ( a) ſe diviſerent en deux
branches , & alors un Khan régna fur les
Turks Orientaux & un autre fur ceux de
l'Occident . L'Empire de ces derniers s'étendoit
jufqu'au Sihon . (b) Ils te rendirent
plus d'une fois redoutables aux Rois de
Perfe ; Hormouzd fils de Kofrou Anoufchirouan
eut des guerres confidérables
avec ces Turks Occidentaux. (c) D'autres
Turks de la Horde de Hoeike s'emparerent
enfuite de leur pays & fonderent
un nouvel Empire en détruifant celui des
Tuks Occidentaux . De ces Turks Hoeike
font fortis , comme je le penfe , quatre
Dynafties fameufes qui ont régné dans
l'empire des Mufulmans .
La premiere (d) eft celle des Seljoukides
de l'Iran dont la domination s'éten
doit depuis Antioche jufqu'au Turkeftan .
Togrulbegh , que nos Hiſtoriens appellent
(a) Tam xu . Kam mo.
(b) Ferdoufi.
( c ) Ven hien tum xao . Kam mo.
(d) Aboulfaraj. El- Maxin. Cotbeddinelhane .
44 MERCURE DE FRANCE.
Tangrolipix, qui en eft le premier Sulthan ,
étoit fils de Mengeli , fils de Seljouk fils
de Decak. Il demeuroit dans le Maouarennahar
, & avoit fous lui un grand nom
bre de Turks , lorfque Mahmoud fils de
Sebeghteghin lui donna le titre de Sulthan .
On conte quatorze Princes qui ont régné
fucceffivement ; ils ont commencé l'an de
J. C. 1038. & ont été détruits par Tacafch
Sulthan de Kharizme qui tua Roeneddincaffem-
togtul le dernier Sulthan de cette
famille l'an 1193 .
La feconde Dynaftie régnoit dans le
Kerman & quelques autres Provinces de
Perfe voifines des Indes. On l'appelloit la
Dynaftie des Cadherdiens ou Seljoukides
du Kerman. Elle a été fondée l'an de J.
C. 1041 par Cadherd fils de Giafar Begh ,
& détroite en la perfonne de Mohammed
fchah l'an 1187 par Malek Dinar.
Les Seljoukides de Roum ou de l'Afie
Mineure forment la troifiéme branche .
Leur Cour étoit à Iconium ; 14 Princes
dont Soliman , fils de Coutoulmiſch eft
le premier , ont régné depuis l'an de J. C.
1087 jufqu'en 1300 , que les Mogols les
dépouillerent de leurs Etats.
Une quatriéme branche des Seljoukides ,
mais peu confidérable , s'étoit auffi établie
à Alep & à Damas , elle finit l'an 117.
AVRIL, 1748 .
45
Pour revenir aux Turks (a) qui habitoient
dans le fond du Turkeftan la branche des
Turks Orientaux fur détruite par des peuples
nommés Khitans , qui firoient leur
origine de la Tartarie Orientale , & lorfque
les Tartares de Niuche (b) qui font
fes Altounkhans des Ecrivains Mahométans
, & que nous appellons aujourd'hui
Mancheous , eurent détruit l'Empire des
Khitans & qu'ils les eurent chaffés , quelques-
uns pafferent en Perfe , où ils établi
tent une Dynaftie , connue des Mahome.
tans fous le nom de Cara-Khatayens.
A l'égard des Turks ils ne poffedoient
plus que de petites Principautés, & chaque
Horde avoit fon Khan particulier . (c) Les
Keraïtes , une de ces Hordes Turques dans
le XII fiécle de J.C. étoient gouvernés par
un Prince nommé Toulikan , autrement dit
Onk-Kan , (d) que les Ecrivains Arabes
nomment le Roi Jean , & nos Voyageurs le
Prêtre Jean.
La Poftérité de Toumuen Ilkan fe diffipoit
infenfiblement & étoit fur le point
d'être éteinte , ou au moins de n'avoir plus
d'Empire confiderable dans la Tartario ,
(a ) Sum xu . Kam mo . Ven hien tum xao ,
(b) Aboulfaraj , Beidawi,
( ) Yuen xu.
(d) Aboulfaraj
46 MERCURE DE FRANCE.
lorfque le fameux (a ) Gengizkhan parut.
Il étoit fils de Yefoucai Bahadour qui defcendoit
de Toumuen. Il étoit le Chef &
le Souverain de plufieurs Hordes Mogoles
. Sa mere, qui fe nommoit Olon- Ayké,
le mit au monde au bord du fleuve Huonan.
Par des victoires continuelles il rédui
fit fous fa puiffance les Khans Tartares les
voifins & plufieurs Sulthans Mufulmans.
Ses enfans, héritiers de fes vertus & de fon
courage , acheverent de fubjuguer le refte
de l'Afie , & l'on vi: OctaiKan , Gaïouk-
Kan & Mangou Kan fes fucceffeurs , maîtres
de l'Empire le plus étenduqu'il y eût eu
jufqu'alors. Après la mort de ce dernier ,
les Princes de cette famille s'emparerent
des pays dont ils n'étoient que les Gouver
neurs , & le grand Khan ne fe réſerva
que
la Tartarie & la Chine. Cublai- Khan , fre -
re de Mangoukan (b) & fon fucceffeur ,
eft le premier de la branche qui régna à la
Chine . Sa postérité s'y maintint pendant
93 ans (c) jufqu'à ce que Hong Vou, Chef
d'une nouvelle Dynaftie Chinoife , en eur
chaffé Tocatmour Kan. Le fils de ce der
(a) Beidawi. Mirxhond. Aboulfaraj . Yuen xu.
Kam mo. Yerumchi. Hiftoire de Genghis . Hift.
des Mongous. D'Herbelot,
(b ) Yuen xu
( c) Tum xien che κiat.
AVRIL. 1748. 47
sier , nommé Bifourdar Kan , repaffa en
Tattarie & au -delà du grand Defert , où il
établit une nouvelle Dynaftie , ou plutôt
il continua la branche Mogole , pendant
qu'une autre branche qui deſcendoit
d'Houla-Kou- Khan regnoit dans la Perſe. ·
Toufchi Khan (a) & Zagatai Khan tous
tous deux fils de Genghiskan , avoient eu
en partage , l'un les vaftes plaines du Capfchaq
& le pays des Getes, où une longué
fuite de Princes non interrompuë eft ré
duite maintenant à la feule Crimée. L'au
tre poffeda le Maouarennahar & les pays
eirconvoisins. Ses defcendans y ont resté
jufqu'au tems que Tamerlan ( 6) s'empara
de leurs pays & les détruifit. Uzbek- Khan
defcendant de Touschi- Khan , le reprit enfuite
& y établit l'Empire des Khans
Ufbeks.
Dans ( c) les premieres années de Genghiskan
& lorfqu'il eut défait le Sulthan de
Kharifme, nommé Gelaleddin Mankberni ,
einquante mille familles de Turks qui
avoient à leur tête un Khan , appellé Soli
man Schah , qui fe difoit defcendre de la
C (a) Hift, des Genghis. Aboulfarai.
(b) Scherfeddin Ahmed ben Arabfchah.
(c) Aboulfarai. Mohammed el Neffawi. Cotbeddin
el Hanefi . Nifchandgi Tarikhi . Rabbi
Zacout.
43 MERCURE DE FRANCE.
famille Ogouzienne , c'est-à-dire du premier
Empereur des Huns , quitterent le
pays de Mahan , proche Balkh , dans le
Maouarennahar , pafferent dans le Khorafan
, où ils refterent quelque tems . Obligés
de reculer , ils s'approcherent davantage
des bords de l'Euphrate , dans le deffein
de pénétrer dans l'Afie Mineure .
Soliman- Schah fe noya en voulant paffer
le fleuve. Il avoit avec lui fes quatre
enfans ; les deux premiers après ce malheur
retournerent en Perfe , & les deux
autres Orthogrul & Goundougdi , accompagnés
des Turks , continuerent leur route
& vinrent s'établir fur les terres des Seljoukides
de Roum . Orthogrul y mourut
après avoir rendu de grands fervices au
Sulthan.Othman fon fils lui fucceda l'an de
J.C. 1299 , & du confentement d'Alaeddin
Kaicobad , Sulthan d'Iconium , ou des Seljoukides
de Roum , il prit le titre de Sulthan
& fonda la Dynaſtie des Turks Ottomans
qui regnent à préfent à Conftantinople.
Pendant (a) que ces Turks étoient occupés
à foumettre la partie Occidentale de
l'Afie , l'Orient étoit rempli de troubles .
Un autre Turk , qui defcendoit par fem-
(a) Cotbeddin el Hanefi. Ahmed ben Arabſchal
Scherfeddin.
mes
AVRIL. 1748. 49
par
"
mes de Genghizkhan , Timourlenk ou Tamerlan
de la Horde de Perlas , après quel-,
ques victoires remportées dans la Tartarie,
vint à bout de réduire fous fa puiffance
prefque toute la poftérité de Genghizkhan
& fe fit de toute l'Afie un feul Empire.
Dans la fuite fes defcendans , reftreints au
feul Maouarennahar , en ayant été chaffés
Schaïbek-Kan de la famille de Genghizkhan,
fe retirerent dans l'Inde , & fonderent
l'Empire des Babourides ou des
grands Mogols , qui fubfifte encore de nos
jours. Ainfi de toute cette grande poſtérité
de Genghizkhan & de Timourlenk, il
ne reſte du premier que les Khans de Crimée
& ceux des Kalcas en Tartarie ; du ſecond
les Mogols dans l'Inde , & les Eleuthes
auffi en Tartarie.
Ce ne font pas-là les feuls qui parmi les
Turks ont quitté leur pays & ont établi
ailleurs de puiffantes Monarchies. (a)
Plufieurs d'une origine plus obfcure , &
qui chés les Princes Mufulmans parvenus
à de grandes charges , Généraux d'armées
ou Gouverneurs des Provinces , ont
fouvent profité des occafions avantageufes
qui leur mettoientle commandement entre
les mains & n'ont plus voulu s'en défifter.
Leurs enfans après leur mort , en conti-
(a) Aboulfaraj el Maxin. Cotbeddin el Hanefi.
C
50
MERCURE DE FRANCE.
nuant, la rebellion , ont augmenté leur
puiffance . Ainfi fe font établies les Dy- nafties des Thoulounides
, des Axhſchidites
& des Mamluks
en Egypte , des Il-
Khaniens en Perfe ; des Gaznevides
& des
Efclaves des Gaurides aux Indes ; des Kharezmiens
dans le Kharizme
, & un grand
nombre d'autres dans les Provinces
Septentrionales
de la Chine , comme les Cien
Chao ( a ) ou les Han , les Hia , les Peleam ,
qui étoient de petites Souverainetés
.
Quelques - unes de ces Dynafties ont même
porté le titre d'Empereur
de la Chine , tels
font les Princes des Heou tam , des Heouhan
, &c. Voilà en peu de mots un précis
de toute l'Hiftoire du Turkeftan , fur la
quelle jufqu'à préfent nous n'avions que de très- foibles connoiffances
.
Je me fuis borné dans ce difcours à ne
parler que des Turks proprement dits . J'ai
obmis les incurfions que quelques autres
peuples de Tartarie ont faites dans des
pays éloignés. Les bornes que je me fuis
prefcrites ne m'ont ne m'ont pas permis d'entrer en
de fi grands détails . Je n'ai prétendu faire
ici qu'un Extrait de quelques Differtations
particulieres que j'ai faites fur ces matieres
, dans lesquelles j'ai rapporté tous les
( a ) Kam mo . Ven hien tum tạo . Van fm .
tum pou.
AVRIL. 1748. 5.c.
témoignages des differens Auteurs , mais
principalement des Ecrivains Chinois, qui
m'ont le plus fervi à éclaircir & à applanir
toutes ces difficultés & fans lefquels je
n'aurois jamais ofé entreprendre de traiter
ce morceau d'Histoire.
KATAIDEDEDEDEDEDEDEDenta
JUVENIS præproperè belli cupidus
exercitationi Philofophica preludit.
Ente avidâ Martem volvebam nuper, &
M¹ arma ,
Arma manu noſtrâ nondum tractanda fremebam.
Pallas , ut audirem , ridens : ô transfuga noftræ
Partis , ait , quid te fpretâ celebrare Minervâ
Martem, ingrate, juvat ? Vis bello quærere nomen?
Et mihi bella placent , & me non irrita dextrâ
Spicula torquentem trepidus fæpè horruit hoftis ;
Et mihi funt , qui militiæ formantur ad artes ,
Sed variâ prorsùs ratione docentur alumni.
Ufque cruore madens , fitiens tamen ufque cruo
ris ,
Perfurit infanâ Mavors virtute ; fuofque
Confilii expertes in prælia fervidus urget.
Ipfe docet lætis gemitus haurire cadentum
Auribus , & fparfo per membra horrentia tabo
Crudeles explere oculos , & fanguine palci.
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
Tunc plaudens fibi , cùm ferro graffatus & igne
Funera denfavit , cum mifcuit omnia vaftis
Cædibus , occumbant focii fecurus , an hoftes.
Aft ego bella , malum non evitabile , peſtes
Terrarum reputo , & victorum infignia , lauros ,
Magnum at trifte decus , ftillant ubi cæde fuorum
:
Quâque licet , tantos conor mollire furores,
Nec temerè in campum bellator , Palladis artes
Doctus , profiliet , nec verfo funditus hofti
Infultabit atrox victor. Non ille cruorem ,
Projiciet-ve fuum , aut alienum fundere amabit.
Sed medios inter ftrepitus bellique fragores ,
Compos mentis adhuc , fuadente dieque locoque ,
Ibit in adverfos audax , obftantia rumpet
Pectora ; verum eadem tumidum quæ ftraverit
hoftem
Dextera ,fubjectum hæc eadem miferata levabit.
Singula quid conferre juvat Tentamus uter◄
que ,
Mars formare manus ; ego mentein : militis ille
Eft Deus , ipfa ducum : fed qualis Scipio ; qualis
Europamque , Afiamque fimul , Lybiamque pererrans
Cæfar ; & elufos inter Turennius hoftes :
Qualis & Auftriadum domitor , Batavi atque Britanni
Terror , Mauritius ; vel , cujus diruta nuper
AVRIL 1748.
53
.
Fulmine , victorem non ante experta , cadebat
Berga , fuas nondum fatis adinirata ruinas.
Tu quoque mox , ubi mens firmata , manuſque
gerendo
Apta magis gladio , & patientia membra laboris
Bella fequi poterunt , optata in caftra volabis ,
Et noftro Heroum releges veftigia ductu .
Intereà mentem eximias formare per artes
Cura fit . Ecce tibi , quo non acceptior ullus
Eft nobis , tradit Sophiæ præcepta Magifter.
Arte Syracufas, Romanis fortior armis ,
Unius mens eft hominis tutata ; docendum
Ecce Mathematicus te fufcipit alter ab illo ,
Et fecreta libens Artis myfteria pandit.
Ergo fanguinei paulùm oblivifcere Martis :
Aut , fi tantus amor belli , quà promere poffis
Hos animos , dabimus ; vanâ illudentia cæde
Prælia , & affimiles veris , duce Pallade , pugnas.
Dixit , & in coetus duxit me Diva Sophorum.
Stabant compofiti , obnizi non cedere ; quædam
Hic placita aftruere , hic contrà fubvertere certus .
Hinc atque hinc numerofa acies , non vefte nec
armis
Par fibi ; verum habitu variæ ingenioque catervæ
:
Enthymema citum ; vultu Dilemma biformi ;
Sorites nexis gradibus qui furgit ; & ille ,
}
Sponte fuum Heroem quem cætera turba falutat ,
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
Quem verfu non eft hodiè fas dicere ; at olim
Dixiffes , Enni , facilè ; Syl nempè Logifinum.
" Obliqua hic tacitâ meditatus vulnera mente
Procedit lento paffu , gravitate timendus
Trefque manus præfert , horrendum ! tres rotag
enfes ;
Non æquè nocuos : præacutâ cufpide fævit
Unus ; at incertum , dextrâ micet , an ne finiftra
Tu nifi promptus eris vulnus lethale ferentem
Dignoviffe manum , atque prior refecate , ruina
Labentem afpicies , pro quâ pugnaveris , arcem .
Has ille infidias tendit : dum fulminis inftar
Proruit Enthymema . Queas vix dicere , telum ,
An miles veniat ; tanto volat , ocyor Euris ,
Impete ; tam præceps nec opinum confodit hof
tem .
Tu , five eft jaculum , jaculum truncare memento
A capite ; innocuum veniet fine acumine lignum
Seu Bellator adeft , cervicem abfcinde ruentis
Protinus , & reliquum tuto pede volve cadaver.
Mox anceps Dilemma venit , duo lata corufcans
Spicula , terribili oftentans duo cornua fronte :
Ambiguum , fimul hinc , fimul inde minatur ; &
haftâ
Quâ feriat dubium , feriturum utrâque videtur .
At prior infilit huic hoftis , manibufque revellit
Tela ferox , inque autorem converfa retorquet.
AVRIL. 55 1748.
Agmine de medio , numerofi ipfe agminis inftar
Progreditar , furto melior , nec viribus audax
Fidere , Sorites ; clypeorum & fornice tectus ,
.Tendit ad obfeffos factà teftudine muros ,
Ordinibufque fuos difponit : protinus illi
Infiliunt aliis alii , confcendere juffis
fque aliis ; furgit turris clypeata virorum.
Ah cave , follicitis qui ftas pro nonibus ; arci
Imminet illa tuæ moles ; evecta fub auras
Imminet , horribilem jamjam illatura ruinam.
Advolat impavidus ductor , ftrictoque priorum
Crura metit gladio ; collapfis machina primis
Tota ruit ; bis dena ruunt tabulata , ( tot hoftes ! )
Et propriis pereunt confixi turpiter armis.
Vidi , cùm totas jam contraxiffet in unum
Obfeffor vires , rabiem ftimulante pudore ,
Et circumfufum premeret jam certius agmen ,
Jamque fuæ propugnator vix fideret arci.
Intered adverfas acies Diſtinctio luſtrat
Sedula : tum quà tela videt rariffima ; facto
Perrumpit cuneo non expectata ; catervas
Dividit hoftiles ; divifas pellit & urget ;
Dux licet indignans fremat incaffumque minetur.
Nititur ille quidem , fi quà disjecta licebit
Agmina colligere , & fugientem fiftere turbam ;
Sed fruftrà : multos præceps fuga gurgite merfit ;
Atque aliquâ femper decrefcunt parte caterva.
Cij
56 MERCURE DE FRANCE.
Cætera quid referam ? Quantis certaret uterque
Viribus , aftutum queis luderet artibus hoftem .
Hæc mentem pugnæ cupidam , nec vera pigebit
Dicere , permovit fpecies. Dum feria poffint
Bella fitin hanc explere , lubens fub imagine belli
Pugnacem calamo conabor fallere dextram ,
Ergo adfint quicumque manum conferre parati
Non horrent me cum hoc campo decernere.Verùm
Quos video , tanti - ne Duces accingere pugnæ
Se properant Piget ah ! tam fortia verba locutum,
Parcite non paribus mecum concurritur armis :
Tironem petitis. Sed tu , Diftinctio folers ,
Pulfus ubi jam defiero fperare falutem ,
Diva veni ; & trepidis fer opem invictiſſima rebus;
Unus è quatuor Præfectis Nobiliumfuvenum
in Collegio Mazarineo.
N
Ous rendîmes juftice il y a deux ans
au mérite du livre où eft expofé le
fyftême dont il eft queftion dans la lettre
fuivante ; nous donnâmes aux connoiffances
de l'Auteur les juftes éloges qu'il méritoit
; à l'égard du fond du fyftême , nous
ne prenons point de parti dans ces difcuffions
philofophiques. On peut appliquer
aux Phyficiens ce qu'Horace a dit des Poë
tes & des Peintres :
AVRIL. 57 1748.
Pictoribus atque Poëtis
Quidlibet audendifemper fuit aqua poteftas .
Pour nous, fpectateurs tranquilles de ces
combats , nous faifons des voeux pour le
progrès des Sciences , fans en faire pour
aucun des partis. Le Mercure eft une lice
ouverte à tout le monde , où chacun peut
venir à fes rifques & périls faire montre
de fes forces ; hous ouvrons la barriere ,
fans nous engager à rien de plus , ainfi fi
ce nouveau fyftême trouvoit des contradicteurs
, nous ne prétendons point en être
les garans
.
V
Lettre de M. L. à Mad, ***.
Otre afcendant , Madame , fur mon
efprit & mon coeur pouvoit feul
m'engager à me mettre en voie de revenir
du préjugé que j'avois conçu fur le feul
titre , contre le fyftême moderne de Colmographie
& de Phyfique , dont Jombert
Quai des Auguftins débite l'Analyſe raifonnée
; mon indolence m'infpiroit à me
dire m'amuferois-je à lire des principes
qui doivent être contradictoires à ceux
qui ont été fucceffivement à la mode ?
Quoi donc , fi l'envie de fe diftinguer par
des contradictions a fait produire plufieurs
fyftêmes , dont les Auteurs & les Żélateurs
Cv
58 MERCURE DE FRANCE .
fe font reprochés mutuellement une multitude
de bévûës qui ne font que trop averées
, feroit-il permis à un contemporain
de s'ériger en Créateur d'un nouveau
monde matériel & Phyfique , malgré l'émulation
des nations qui peuvent s'inté
reffer à maintenir la doctrine qu'elles femblent
avoir adoptée ? Faut-il fe déterminer
à voir toutes les chofes naturelles fous une
nouvelle face , en prenant un point de vûë
fort different de celui de Copernic , de
Defcartes , de Newton , & des autres
grands hommes qui ont commcaré &
changé leurs principes, pour les rendre plus
vrai -femblables ou moins défectueux ?
-Vos ordres étoient trop puiffans contre
mon indifference , & en me faifant furmonter
toute repugnance ils m'ont conduir
jufqu'à rechercher la connoiffance de
tout ce qui a paru , & même de ce qui
doit paroître de relatif au nouveau corps
de doctrine phyfique.Si j'avois pû y réuffir ,.
tout mon zéle pour vous en rendre compte
étoit animé. Enfin par mes lectures ,
après avoir confidéré en combien d'opinions
erronées les génies les plus diftingués
font tombés fur une multitude de
phénoménes généraux & particuliers , de
l'avis & de l'aveu des Phyficiens de different
parti & de diverfe Nation , j'ai reAVRIL.
319 1748.
connu qu'il falloit être comme le nouveau
Cofmographe , plus ami de la vérité que
de l'autorité des Sçavans ; qu'il ne falloit
pas plus fe laiffer ébloüir par l'appareil de
leurs calculs d'Algêbre & de leurs formyles
de Géométrie , que fe prévenir pour
un Motet par la vue des notes muficales
avant que d'en avoir entendu l'exécution ;
qu'il a été facile à quelques efprits fublimes
& exercés dans la plus haute Géométrie
de calculer tout ce qu'ils ont voulu ,
mais qu'ils n'en ont pas moins avoué qu'ils
ne pouvoient indiquer la caufe primitive
de la péfanteur , & par conféquent des
phénoménes qui en dépendent , & qu'un
fyftême de Phyfique qui commence par
l'expliquer doit infpirer une légitime confidération
.
Il m'a paru d'ailleurs que tous ces grands
homines ont dû fe tromper par le choix
de leur point de vûë , & que l'Auteur moderne
pouvoit fans être plus ingénieux
avoir été plus heureux dans ce choix , précifement
parce qu'il fe compare à un aveugle
, qui fçait mieux difcerner le chemin
qu'il doit fuivre fur plufieurs qu'il rencontre
, en confultant moins fa propre expérience
par le tatonnement avec fon bâton
, que les paffans qui font à fa portée
pour être interrogés : fon bonheur dans
" Cvj
60 MERCURE DE FRANCE:
·
fon fuccès peut venir de ce qu'il n'a pas la
même facilité , ni conféquemment la même
confiance pour s'orienter , que ceux qui
fe confient trop fur la bonté de leur vûë ,
& s'il fuffit d'avoir pris la bonne voie , quel
avantage ne doit- il pas avoir contre fes
précurfeurs , puifqu'il a pû profiter de leurs
erreurs comme de leurs découvertes pour
ne pas s'égarer dans ſon chemin ?
,
Pourroit-on contester , que fi l'explication
exacte de quelques phénoménes fuppoſe
tout ce qu'il faut , pour expliquer
tous ceux qui en dépendent dans leur rapport
ou dans leur caufe , la prévention
tourne en fa faveur , & fi ce n'eft pas faute
d'écrire exactement les notes musicales
qu'on réuffit ou non à donner une bonne
& agréable mufique , ce n'eft pas auffi faute
de faire des calculs d'Algébre & de Géométrie
fort exacts , qu'on fe fait illufion
à foi-même & aux autres , & que Descartes
& Newton , qui ont été meilleurs Mathématiciens
que Logiciens , n'ont fait qu'un
Roman chacun à leur façon ? C'eft parce
que la fcience & le génie ne fervent qu'à
faire orner davantage fous un faux mafque
l'erreur qu'on a le malheur de prendre
& de foûtenir pour une vérité , & qu'à.
éloigner beaucoup plus de celle qui échap
pe par quelque préjugé capable d'empêcher
de la reconnoître.
AVRIL 174861
Un voyageur qui entreprend le dernier
le même voyage , a un grand avantage dès
qu'il peut profiter des relations de tous
ceux qui l'ont fait avant lui , ainfi le préjugé
paroît d'abord décifif pour l'heureux
choix du Phyficien moderne dans fon
point de vûë,afin de reconnoître l'arrange
ment de l'univers. Cette décifion peut
elle n'être pas confirmée , & l'on confidére
premierement qu'elle l'a conduit à remon
ter à la plus ancienne hypothèſe aftronomique
que les premiers Aftronomes parmi
les Chaldéens &les Egyptiens fuivoient par
tradition;fecondement qu'elle n'a ceffé d'être
foûtenue dans les Cantons où elle a été
connue , & en particulier dans la Grèce où
Thalès un des fept Sages l'avoit fait enfeigner
àfon retour d'Egypte , moins à caufe
du fuccès de la contradictoire que Pytagore
affecta pour le diftinguer , d'établir dans
l'Ecole, & la Secte Italique qui lui doit fon
origine ,, que parce que Zenon d'Elée &
Xenophane répandirent trop de préjugés
en faveur de l'immobilité de la terre ,
pour qu'il ait été permis en aucune.Nation
pendant plufieurs fiécles de la contefter &
d'adopter toute hypothèſe contraire..
,
Le Cardinal de Cufa fut le premier qui
dans fon livre d'une docte ignorance , ofa
s'élever contre cette opinion invéterée de
62 MERCURE DE FRANCE.
fon repos & de l'impoffibilité de fon mouvement.
Nicolas Copernic enhardi par
cette levée de bouclier , paffa d'une extrémité
à l'autre , & voulant enchérir en fyftêmatifant
l'hypothèſe de Pytagore , il
ofa dépouiller non -feulement le Soleil du
mouvement annuel qui lui avoit été réconnu
dans la fecte Ionique & Eleatique ,
pour l'attribuer à la terre , malgré le repos
qui lui étoit fuppofé effentiel depuis tant
de fiécles , mais encore foûtenir que le
Soleil étoit ftable & fixe , & la terre fimobile
que par fon cours elle étoit la caufe
de l'apparence de tout le mouvement que
le Soleil paroît avoir autour d'elle en un
an , & de celui que les Planettes ont en
retrogradation , & de toutes les viciffitudes
qui arrivent dans les rapports des fignes
de l'écliptique & du firmament , des points
cardinaux , folfticiaux & équinoxiaux.
Afin de produire une fi grande révolu
tion dans l'opinion des hommes fur la caufe
des apparences céleftes , falloit- il recourir
à des fuppofitions les plus contraires à
ces apparences même , & à tous les réſultats
qu'on en avoit jufqu'alors inféré ? Rien n'a
coûté pour les faire imaginer & adopter ,
! parce qu'il a fait fentir avec fes partifans
tant d'abfurdités dans les fyftêmes de PtoAVRIL
1748. 635
lomée & de Ticobrahé , qu'on n'a plus fair
d'attention à celles que ce nouveau fyftême
préfentoit , & qu'on n'a fongé qu'à les
maſquer par toutes les fuppofitions imagi
nables.
La terre qui avoit été jugée mobile feulement
fur fon axe , jufqu'à Pytagore , qui
avoit affecté de la fuppofer, pour fe diftinguer
de fes précurfeurs , capable de parcourir
en un an avec la Lune autour du
Soleil & en fa place un orbe fort vafte , &
qui depuis n'avoit été reconnue,fous peine
d'anathême , dans toutes les Nations , que
comme ftable & fixe , n'ayant pas changé
de condition , d'état & de difpofition plus
que le Soleil par toutes ces fuppofitions
hypotétiques ; l'ordre naturel & phyfique
auroit- il pû être développé par Defcartes ,
qui malgré l'étendue de fon genie fyftematique
n'a fait qu'étendre & éclaircir les
principes de Leucipe & de Democrite pour
les appliquer à l'explication du fyftême de
Copernic , qui paroît contraire aux principes
primitifs de la fphére , encore plus
que ceux de Protomée & de Ticobrahé 2
Newton qui l'a pareillement admis , pourroit-
il donc avoir un fuccès ftable & plus
que paffager , malgré tous les efforts de fes
partifans pour lui faire éprouver une efpéce
de triomphe contre fon rival , qu'il a fi
64 MERCURE DE FRANCE.
fort affecté de contredire , qu'il fenible n'avoir
imaginéfon fyftême que par émulation
ou contradiction , en prenant fur chaque
article le contrepied? C'eft ainfi qu'il a fuppofé
entre les Aftres un milieu tel que le
vuide , qui eft contraire aux lumieres de la
Philofophie , & pour caufe de tous les
mouvemens des corps céleftes, une qualité
occulte fous le nom d'attraction , dont il
ne fait que calculer les effets, fans s'embarraffer
d'en établir l'existence , plus que les
Anciens de leur Antiperiftafe , laquelle
pour fon infortune ils n'ont pas eû la penfée
ou l'efprit d'appliquer des formules &
des calculs d'Algébre & de Géométrie.
>
A cette derniere difference près cette attraction
équipolente àl'horreur du vuide &
à l'Antipériftafe,bien loin d'affigner un centre
&une direction aux impreffions de la péfanteur
univerfelle dont elle laiffe ignorer
la caufe , fuppofe que les graves ne font
péfans qu'à proportion qu'ils s'attirent ,
quoique tous les corps céleftes devroient
en conféquence fe troubler dans leur mouvement
, s'arracher même réciproquement
dans leurs tendances centrales , & ſe nuire
du moins dans les configurations de leur
cours, bien loin de conferver une harmonie
parfaite dans leurs influences pour leur arrangement
confécutif
AVRIL. 1748. 65
Si les principes de ces deux rivaux devroient
tomber naturellement , non-feument
avec l'hypothèfe du cours annuel de
la terre qui en eft la bafe , & qui ne peut
enfin éviter d'être caduque , mais encore
par tous les inconvéniens,les défauts & les
contradictions , que leurs Zélateurs y ont
fait reconnoître réciproquement , à l'envi
les uns des autres , il femble dans une telle
fituation que tout homme d'un efprit jufte
& laborieux pouvoit fe croire en droit
de fe former un nouveau point de vûë en
voulant contempler les cieux , afin de
concevoir le méchanifme matériel & phyfique
de l'univers , qui paroît entierement
oppofé dans l'opinion de Copernic , de
Prolomée & de Ticobrahé, de Descartes &
de Newton ; ce point de vue filégitime
c'est celui d'un Obfervateur , d'un Phyficien
, & d'un Aftronome , qui fans aucun
préjugé pour tout fyftême antérieur , cherche
à connoître la caufe de ce qu'il voit
dans ce qu'il obferve , dans la combinaifon
de tout ce qui a été obfervé durant le cours
des fiécles , fans s'embarraffer qu'on lui dife;
ces grands hommes que je viens de citer
prétendent ou fuppofent ceci ou cela.
Le réſultat précipité du concours de
tant d'obfervations raffemblées fous fon
point de vûë , c'est d'être porté à croire que
66MERCURE DE FRANCE.
tout mouvement apparent dans les Aftres
tire fon apparence de fa réalité , mais it
reforme bientôt ce jugement , non -feule
ment dès qu'il réfléchit qu'en regardant les
rivages d'un vaiffeau qui fait voile , ils
paroiffent s'enfuir avec une viteffe propor
tionnelle , & qu'une tour femble changer de
figure , de largeur & de hauteur , à meſure
qu'on s'en approche ou qu'on s'en éloigne
mais encore dès - qu'en jugeant des Planertes
par la terre & de la terre par les Pla
nettes , & venant à les confidérer dans le
fluide qui remplit leur intervalle , il augure
que puifqu'elle eft pareillement fujette
à être illuminée par le Soleil dans une
moitié de fa furface & de fon atmosphére,
& à caufer également par fon noyau une
ombre qui eft plus ou moins étendue, com
me le cone de leur lumiere réfléchie , fe
lon une certaine proportion de leur maffe
& de leur diftance variable à l'égard du
Soleil , elle peut avoir comme ces Planettes
une révolution autour d'elle même
qui foit feulement d'une période & d'une
viteffe differente. C'en eft affés pour revenir
à la plus ancienne hypothèſe , en admettant
la rotation de la terre , puifque fi
tous les Aftres femblent devoir tourner en
apparence autour de Mars & de Venus , à
caufe de leur rotation qui eft fenfible &
AVRIL. 1748 67
prefque ifochrone , il eft bien plus proba
ble qu'ils n'ont une apparence de circula
tion commune autour de la terre , qu'à
caufe également de fa propre rotation , &
par la même raison que les objets,même terreftres,
paroiffent mobiles, étant confidérés
d'un point de vûë ambulant , tel que celui
d'un vaiffeau en pleine mer.
Mais de ce que la terre doit avoir une
rotation comme ces Planettes , est- ce une
conféquence qu'elle ait auffi le cours annuel
qui eft manifefte dans le Soleil , &
qu'on ne regarde le mouvement qui eft
apparent dans cet Aftre & dans ces Planettes
durant la plus grande étendue de leur
cours , que comme une apparence qui feroit
comme une fuite de celui qu'elle auroit
Ce feroit juger qu'un moulin à vent ne
femble à un marin tourner fur une coline,
ou un cheval marcher , que par la même
raifon que le rivage lui femble s'appro
cher à mesure que le vaiffeau revient dans
un Port ; à plus forte raiſon on doit être
en garde d'attribuer à la terre un mouvement
qui ne lui peut convenir qu'en l'o
tant au Soleil , qu'il faudroit fuppofer ftable
& fixe , tandis que de tous les autres
points de vue de l'Aftronomie comparative
il n'eft pas moins reconnu mobile , &
changer de diſtance à l'égard de toutes les
38 MERCURE DE FRANCE.
autres Planettes qu'à l'égard de la terre
par fon mouvement particulier , comme
ces Planettes à fon égard par
le leur propre.
Il eft donc naturel de penfer que les
Aftres femblent tourner en commun autour
de la terre d'Orient en Occident en
vingt- quatre heures , parce que la terre
fait une révolution fur fon axe d'Occident
en Orient dans le même efpace de tems ,
& que le Soleil , comme les Planettes , ne
paroît décrire un orbe , où fon cours n'eſt
pas moins apparent , de l'aveu de tout obfervateur
, que celui de ces Planettes dans
le leur,que parce qu'il n'eft pas moins réel .
A plus forte raifon on doit le croire , fi
l'on peut repréfenter fur des Cartes , comme
dans des éphemerides en figures , toutes
les configurations fucceffives des Planettes
, du Soleil & de la terre , de la maniere
qu'elles font annoncées dans les
éphemerides en nombres , & dans toutes
les proportions géométriques de leur dif
tances refpectives & réciproques , avec le
même détail & la même exactitude qu'on
repréfente les villes d'une Province , d'un
Royaume , d'un continent entier par une
Carte de Géographie.
Il eft inepte & fuperflu de répondre ,
que dans le fyftême de Copernic toutes
AVRIL. 1748. 69
ces configurations peuvent être prévûës ,
calculées & annoncées , puifque du moins
elles ne peuvent être repréfentées par des
éphemerides en figures , & puifqu'on ne
les calcule que d'après les régles & les
principes qu'on luivoit , avant même que
ce fyftême fût connu , fes partifans n'ont
pû encore dreffer de pareilles Cartes , tant
pour les tems paffés que pour l'avenir , au
lieu que celles qu'on a publiées felon le
fyftême folaire peuvent être dreffées
pour
tous les tems dont on voudra figurer l'état
du Ciel.
De ce que les éclipfes folaires & lunaires
peuvent être prévûës & calculées dans
le fyftême de Ptolomée , comme dans le
fyftême de Copernic , s'enfuit-il que l'un
ne fut pas moins exact & étendu que l'au
tre ? Et à plus forte raiſon l'induction ne
doit-elle pasêtre pour la vérité du fystéme
folaire , dès qu'il explique plus exactement
les mêmes phénoménes , & un grand nombre
d'inexplicables en tout autre ; dèsqu'on
y peut repréfenter géométriquement
pour tous les tems les configurations
mutuelles de tous les Aftres mobiles ,
conformement aux éphemerides en nombres
, & dès que les Cartes dreffées conféquemment
font des éphemerides en figures
, plus inftructives & plus curieufes , &
70 MERCURE DE FRANCE.
auffi démonftratives du cours réel & apparent
de ces Planettes que de celui du
Soleil ?
Pourroit- on encore diffimuler que les
Coperniciens dans toutes les figures qu'ils
ont imaginées pour expliquer l'apparence
des ftations & des retrogradations des Pla→
nettes , fe font bien gardé d'indiquer le
tems & le lieu , ni encore moins les degrés
des fignes de l'écliptique & du firmament,
vis-à-vis lefquels elles doivent paroître
retrogrades ou ftationnaires , au lieu que
dans le fyftême folaire non -feulement on
le peut dans la plus grande préciſion , mais
encore on l'a exécuté dans plufieurs Car
tes qui ont l'avantage d'avoir eû pour modéles
celles qui ont été préfentées à l'Académie
en 1709 par le célébre Caffini
pour toutes les Planettes majeures , & dans
celle que Kepler a donnée pour le cours
de Mars depuis 1580 jufqu'en 1590 ?
Peut- on citer de plus illuftres Précurseurs
dans l'art de repréſenter les mouvemens
apparens & réels des Aftres mobiles , &
de rendre la Cofmographie pour fa méthode
& fes plans auffi exacte que la Géographie
? Ces fortes de Cartes auroient
fans doute reçu plutôt un favorable accueil
, fi le préjugé de la mode pour le
fyftême de Copernic n'y mettoit un obſtaAVRIL.
1748. 74
cle , parce qu'elles démontrent qu'il eft infoûtenable,
puifque la ftabilité du Soleil &
le cours annuel de la terre font incompati
bles avec le cours réel des Planettes dans
les orbes où il eſt apparent.
La fuite pour le Mercure de Mai,
La Roffignol & les Grenouilles,
FABLE,
Sur les bords d'un marais entouré d'arbriffeaux
La
trop fenfible Philomelle
Chantoit fa douleur immortelle ,
Et par les tendres airs rendoit legers les maux.
Dans le vafte contour de ce manoir huinide
Vivoit un peuple importun , infipide ,
Digne en un mot d'habiter les marais.
>
Ce peuple peu courtois, vil troupeau de caufeufes,
( Grenouilles que Dieu fit ) au chantre des forêts
Chercha querelle , & leurs voix odieufes
A tout propos , par de bizarres fans ,
Interrompoient les aimables chanfons.
Il effuya leur caquet , fans fe plaindre ;
Les plus léfés fe plaignent rarement,
Le bruit redouble ; on prétend le contraindre
A déloger inceffamment.
Des députés du peuple croaffant
72 MERCURE DE FRANCE .
Le fomment à grands cris de chercher ailleure .
gîte :
L'oifeau berna leur courroux impuiffant.
Qüi , leur dit- il , tout est prêt pour ma fuite ;
Prenez des aîles cependant
Pour m'y réfoudre ; en attendant ,
J'opine à féjourner , malgré votre pourſuite.
;
Tout apologue en foi doit renfermer un fens
Ne nous étonnons du bruit des fottes gens. pas
Par Mlle du Qeyrel , de S. Etienne en
Forex
CACƏVAYƏCƏ¤Ð¤ICAVA VECDED
LETTRE écrite à M. Polluche de la
Société Littéraire d'Orleans au fujet defon
Mémoirefur Cymgiacum , par M. ****.
J
E ne crois pas , Monfieur , qu'après le
Mémoire que vous avez publié dans le
Mercure de Décembre , touchant le lieu
écrit Cymgiacum à la fin d'une Charte de
Philippe le Bel de l'an 1313 , perfonne
doute que ce ne foit Chaingy , village de
votre Diocéfe d'Orleans. J'avois compté
trouver dans differentes tablettes de cire
des voyages du même Prince , qui m'ont
paffé par les mains , le nom du même village
, mais il ne paroît dans aucune , quoiqu'on
1
1
AVRIL
73 1748.
qu'on y voye le nom de quelques autres
lieux qui en font bien proches.
Au lieu de cela, en parcourant les Tables
Géographiques des volumes du Tréfor des
Chartes , dont M. de Lauriere n'a extrait
que les Chartes &. Diplômes qui étoient
de fon reffort , j'y ai trouvé deux fois le
nom du lieu en queftion. Il y a des Lettres
de Philippes le Bel du mois de Juillet
1305 , données apud Clungiacum. M.
Rouffeau de la Chambre des Comptes :
qui en faifoit les extraits , a lû Chirigiacum;
mais ni l'une ni l'autre leçon ne font recevables.
La faute de ceux qui lifent les
écritures anciennes ou gothiques , vient
fouvent de ce qu'ils diftribuent mal les
jambages des lettres. Entre la lettre c &
la lettre g il y a cinq jambages, lefquels ne
doivent former nilun , ri biri , mais hin ;
de cette maniere on trouvera le mot Chin
giacum , qui veut dire Chingy. Ce qui
acheve de faire voir qu'il s'agit de Chingy
ou Chaingy proche Orleans , c'eſt que
dans le même mois on voit par l'expédition
d'autres Lettres du même Roi , qu'il
étoit tantôt à Château-neuf-fur- Loire ,
tantôt à Courcy- aux- loges , ou à la Neuville-
aux-loges , en un mot dans le voifinage
d'Orleans,
J'ai encore trouvé deux Chartes du
.D
74 MERCURE
DE FRANCE
.
même Philippe le Bel données au mois de
Juillet de l'an 1309 , l'une à Chingy , l'au
,
tre à Changy , que je crois être le même
lieu , diverfement
écrit , & être en même
tems votre Chaingy
Orleanois
. Les au tres Chartes ou Lettres du même mois font
données
au Vivier , à Château-Neuf-fur
Loire , à Villiers-au-Bois & à Fontainebleau.
Comme les jours du mois n'y font
pas fpécifiés , on ne peut pas indiquer
an jufte l'ordre felon lequel il faudroit dif
pofer la route de ce Prince , mais comme vous voyez , le voilà encore cette année-là
dans le voifinage
d'Orleans
& pendant le
inois de Juillet.
Combien ne pourrions- nous pas recevoir
d'éclairciffemens fur les Itineraires de
nos Rois , fi le malheur de l'incendie n'étoit
arrivé à la Chambre des Comptes
pas
de Paris l'an 1737 ! Heureufes les Tabletres
de cire des voyages & dépenfes des
Rois Philippes le Hardi , & de fon fils
Philippes le Bel , de s'être trouvées alors
dans des Bibliothéques d'Abbayes & autres
Communautés , dans les Archives du Parlement
, dans celles de la ville de Genéve
& dans la ville de Florence en Italie , fans
quoi peut-être elles euffent fubi le mê
me fort , & nous n'aurions pas l'avantage
d'en tirer des lumieres pour l'Hiftoire,
AVRIL
. 1748 75
1
Vous aurez fans doute vû l'imprimé de
celles de Florence qui a paru en 1745., &
qui a été annoncée dans les Journaux.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Paris ce 25
Janvier 1748 .
VERS à Mlle le *** pour lejour deſafête,
par M. Yg***.
JEDE n'offre à ta délicateffe
Qu'un bouquet fans art ajufté ;
C
Mon coeur ne l'a point apprêté
Sur les bords fleuris du Permeffe ;
Je n'ai point la brillante yvreffe
Que donne ce fleuve enchanté,
Le Dieu d'Amour , ce Dieu vanté ,
Qui dans tes yeux caché me bleſſe ,
Lui feul richement m'a dôté
De fentimens & de tendreffe.
Toi que Minerve avec largefle
.
Combla de talens , de beauté ,
De goût , d'efprit & de fageffe,
Tu pourras rire en liberté
De ces méchans vers que t'adreffe
Une tendre naïveté ;
Mais fouviens-toi qu'avec hardieffe ,
Dij
76 MERCURE DE FRANCE
Sans Apollon j'aurois chantée
Tes graces & ta gentilleffe ,
Si mortel fans témérité
Pouvoit chanter une Déeffe .
J
MADRIGA L.
Imite de l'Anglois.
Eune Iris , voyez - vous l'Abeille
S'enrichir du fuc de nos fleurs
La rofe n'eft pas moins vermeille ,
Le lys n'en perd point fes odeurs :
Un baifer pris fur votre bouche
N'altére point votre beauté ;
Pourquoi le regretter, farouche ;
Puifqu'il ne vous a rien coûté ?
•
Par M. *** , de Rouen
२
AVRIL 1749. 77
Séance publique de l'Académie.
'Académie choifi
L'Ateliers & Abbé Girard & Danchet,
pour remplir
M. le Marquis de Paulmy & M. Greffet ,
les deux nouveaux Académiciens vinrent
prendre place le 4 de ce mois , & prononcerent
leurs Difcours de remerciment .
M. le Marquis de Paulmy parla le premier
; une éloquence noble & fage , ornée
fans affectation , un ftyle élegant & naturel
, la jufteffe des idées , la précifion & la
force des expreffions caractérisent le Dif
cours qu'il prononça .
Après avoir marqué fa reconnoiffance
du choix de l'Académie : » L'Académie ,
» dit-il , offre des Maîtres dans tous les
genres de Littérature , des Hiftoriens
élégans fans affectation , méthodiques
»fans féchereffe , exacts , mais toujours
» intéreffans , capables , même en fe ren-
» fermant dans les bornes les plus étroites
» de l'abregé , de ne négliger (rien de ce
qui caractériſe les fiécles & les hom-
» mes qu'ils ont à peindre , des Poëtes
dignes des beaux jours d'Athénes & de
Rome , des Orateurs dont la gloire durera
autant que les vérités qu'ils nous
99
Diij
8 MERCURE DE FRANCE.
pont annoncées , des Traducteurs égaux
» à leurs modéles , des Sçavans enfin à qui
» l'étude des Sciences les plus difficiles &
les plus abftraites n'ote rien de la facilité
du ſtyle & des graces de l'imagina-
>> tion.
<
» A côté de ces grands Maîtres on voit
» affis des Juges éclairés, dignes d'être affo-
"ciés à la gloire de ceux qu'ils aident de
» leurs confeils , & que même quelquefois
ils inftruifent , non qu'il fuffife pour
» être reçu à ce feul titre , d'admirer les
chefs-d'oeuvre de l'Eloquence & de la
» Poëfie , d'eftimer & de rechercher ceux
qui les produifent. Cet honneur , pourfuit
M. de P. n'eft dût qu'à celui qui
pofféde ce goût judicieux , capable d'un
examen également prompt & folide ,
que le faux brillant ne peut jamais fé-
» duire , qui non content de connoître les
» effets de l'Art , fçait en pénétrer tous les
fecrets , qui peut rendre compte du fentiment
qu'il éprouve & développer les
caufes qui l'ont fait naître , enfin qui par
l'habitude contractée avec les grands
» modéles , s'eft rendue propre une por-
» tion de l'Eloquence dont vous êtes les
» dépofitaires , de cette Eloquence égale-
»ment utile à l'homme de Lettres ,
»
l'homme du monde & à l'homme d'Etat
AVRIL
79* 1748.
Après cette définition du goût élégante
& judicieuſe , » L'homme du monde ,
continue M. de P. fait plus fouvent
» qu'on ne croit ufage de l'Eloquence , il
» y en a une qui lui appartient finguliere-
» ment , mais qui dans le fond fuit les mê-
» mes régles que celle de l'homme de Lettres.
Expliquer
fes idées avec netteté ,
« les enchaîner
avec ordre , obferver toujours
une méthode exacte , dont on ca-
» che le principe & dont on ne laiffe voir
que les effets , plaifanter
avec grace , cri- » tiquer avec délicateffe
, parler des cho-
» ſes ſérieuſes & importantes
avec dignité
là
& des autres fans baffeffe , n'eft- ce pas
ce qui caractériſe
l'Eloquence
de l'homme
du monde ? Elle eft un de fes principaux
agrémens
; elle devient dans
l'homme d'état un mérite du premier
ordre. Soutenir par fes difcours la Ma-
» jefté de fon Prince , rendre avec clarté ,
force & nobleffe , les ordres dont on eſt
» honoré , mettre en oeuvre le grand art
» de la perfuafion
, pour refferrer des noeuds
déja formés & en former de nouveaux
,
pour échauffer
les amis , gagner les in- >>differens , ramener les ennemis , telle eſt
» l'Eloquence
employée
par l'homme d'E-
33
tat. «
Nous ferions obligés de tranfcrire le
Diiij
So MERCURE DE FRANCE!
Difcours entier , fi nous voulions órner ce
livre de tous les traits brillans & judi.
cieux dont il eft rempli, Ainfi pour ne pas
paffer les bornes d'un extrait, nous ne pous
arrêterons pas fur l'éloge de M. l'Abbé
Girard . C'eft dans le Difcours même qu'il
faut le voir , ainfi que ce que dit M. de P
'de Louis XIV. & du Cardinal de Richelicu..
•
כ
*. » Le titre de Protecteur de l'Académie,
pourfuit-il , eft devenu comme un appanage
de la Couronne. La fortune des
Lettres dans un grand Empire fait pref
»que toujours la deftinée de l'Etat politique.
Si l'Académie fe maintient dans
» cet état de fplendeur qu'elle acquit fous
Louis XIV. c'eſt que l'héritier de fon
» nom & de fes vertus nous ramene les
plus belles années du regne précédent.
» Police exacte maintenue dans l'Etat ,
»établiffemens utiles , perfectionnés ou
formés , foumiffion entiere fondée fur
l'amour des peuples,bien plus que fur la
» crainte , tranquillité profonde confer-
» vée dans l'intérieur du Royaume ,malgré
»la guerre la plus vive foutenuë au- de-
»hors ; Provinces conquifes avec rapidité ,
Places forcées qui jufqu'ici étoient eftimées
imprenables ; batailles gagnées en
perfonne , où la valeur des François a
"
AVRIL. 1748. SI
» été redoublée par la préfence de leur
" Maître , tels font les évenemens du regne
» fous lequel nous vivons ; la France s'en
"glorifie , les autres Nations font forcées
» d'y applaudir.
»
*
Oferois-je , Meffieurs , ajouter quelques
traits des qualités perfonnelles aux-
» quelles nous devons de fi grands avantages.
C'eft ce que j'ai recueilli de ceux à qui
»je tiens de plus près , & qui pénétrés de
> reconnoiffance & d'admiration , m'ont
» tant de fois infpiré les mêmes fentimens
و د
dont je les voyois animés ; grandeur dans
» les projets , fageffe dans les réfolutions ,
» Majefté foutenue dans tout ce que ce
grand Prince entreprend & exécute ,
» tendreffe extrême pour fafamille , amour
» vraiment paternel pour fes peuples ,
» douceur pour tous ceux qui ont le bonheur
de l'approcher , pere tendre , maî-
» tre aimable, Grand Roi , puiffe -t'il bien
» tôt donner la paix avec autant de gloire
» qu'il fait la guerre , & recevoir de l'Eu-
»rope entiere le même titre qu'il doit à
» l'amour de fes fujets ! «
Nous ne pouvons mieux louer ce Difcours
de M. de P. qu'en répétant ce que
dit M. Greffet, qui parla après lui. » Je me
plaindrois , dit il , de l'infuffifance de
»l'artà rendre d'auffi brillantes images ,
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
& furtout à peindre dignement les traits
» des deux premiers Protecteurs de l'Aca-
» démie , ſi leur jufte éloge ne venoit d'être
tracé en ce moment , par un homme
» né pour parler des hommes d'Etat &
»pour
leur reffembler , pour leur apparte-
» nir par les talens comme par la naiffance,
& né également pour appartenir aux
» Lettres & aux Arts par un goût hérédi-
» taire : «<
g
L'éloge de M. Danchet fait lå principale
partie du Difcours de M. Greffet . Toute
fa vie fut appliquée , remplie & digne de
fes modéles. Né avec un efprit facile &
fécond , un talent heureux pour la Poëfie
une ame faite pour faifir & peindre les
idées élevées & les fentimens nobles , un
jugement toujours maître du talent , M.
Danchet avoit joint à ces dons de la nature
tous les fecours de l'Art , toute la culture
de l'étude & de la réfléxion , les richeffes
des Mufes d'Athénes & de Rome , & tous
les nouveaux réfors dont le Parnaffe de
P'Europe eft enrichi depuis la fin des fiécles:
barbares & la renaiffance des Lettres. Inftruit
, formé par les oracles de la Poëfie ,
rempli de leurs beautés , animé de leur
efprit , i mérita de parler leur langue &
de partager leurs lauriers.
Je ne m'arrêterai poinr , dit M. G. à
A VRIL. 1748.
caractériſer fes differens écrits , ni à rap-
» peller le fuccès des Tindarides , de Cy-
» rus , de Nitetis , couronnés plufieurs fois
fur la fcéne tragique , & le rang diftin
» gué qu'Héfione , Tancréde & les Fêtes
Vénitiennes tiendront toujours fur la
fcéne Lyrique , c'eft aux ouvrages à par-
>> ler de leur Auteur , tout autre témoigna-
» ge eft fufpect ou fuperflu. Mais il eft un
» tribut plus cher que je puis payer à la
» mémoire de M. D. avec toute l'autorité
» du témoignage public , & avec cette fa-
» tisfaction du coeur , qui accompagne la
» vérité , un tribut dont je ne dois rien
» omettre pour fa gloire , & celle des talens
même , un titre plus honorable que les
fuccès & que le frivole mérite de n'avoir
» que de l'efprit , un éloge fait
pour inté-.
» reffer également & celui qui le donne &
ceux qui l'écoutent. Avantage bien rare
> pour la loüange !
Ce n'eft pas feulement , pourfuit M
» G. à l'idée générale d'une franchife ref-
» pectable , d'une probité fans nuages , &
» d'une conduite fans variations que je
viens rappeller votre fouvenir » pour
peindre tout le mérite de fon ame. Je
» n'ai nommé là que les vertus & les dé-
» voirs qu'il partageoit avec tous les véri
tables honnêtes gens ; il n'avoit d'amis
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
» qu'eux , il ne pouvoit reffembler à d'au-
»tres , mais pour y joindre des traits pluts
»perfonnels , un mérite dont il faur lui
» tenir compte , un avantage qu'il empor-
» te dans le tombeau , c'eft de n'avoir ja-
» mais deshonoré l'ufage de fon efprit par
aucun abus de la l'oëfie , caractère fi rare
dans l'art dangereux qu'il cultivoit , &
où le talent ne doit pas être plus efti-
» mable par les chofes même qu'il pro-
» duit, que par celles qu'il a le courage de
jos
fe refufer. Inftruir dès fa jeuneffe &
» convaincu toute fa vie que la Poëſie ne
» doit être que l'interprête de la vérité &
» de l'honneur , la langue de la fageffe &
de l'amitié , & le charme de la fociété ,
il ne partagea ni le délire ni l'ignominie
de ceux qui la profanent ; au- deffus de
cette lâche envie , qui eft toujours une
>>preuve humiliante d'infériorité , ennemi
du genre fatyrique dont l'art eft fi facile
» & fi bas , ennemi de l'obfcénité dont le
ور
fuccès même eft fi honteux , inacceffible
» à cette aveugle licence qui ofe attaquer
» le refpect du aux Loix , au Trône , à la
» Religion , audace dont tout le mérite eft
» en même tems fi coupable & fi digne de
» mépris , incapable enfin de tout ce que
» doivent interdire l'efprit fociable , la
façon noble de penfer , l'ordre , la dé-'
AVRIL. 83 1745.
porterer
cence & le devoir , fes écrits
> toujours l'empreinte de fon coeur . «
Tous ceux qui ont connu M. Danchet
conviendront que jamais éloge ne fut
mieux mérité , & tous ceux qui fe connoî
tront en louanges , ne pourront nier qu'il
eft difficile d'en trouver de plus flateufess
& exprimées avec plus de force & d'élé
gance;à qui convenoit-il mieux qu'à M.G.
de jetter ces fleurs fur le tombeau de M.
D. lui qui à des talens couronnés par les
fuccès les plus brillans joint les moeurs
les plus pures confacrées par l'eftime publi
que , en un mot les mêmes vertas qu'il
Ioue dans fon prédécefleur , & qui ne font
pas aux Lettres & à lui un moindre hon
neur que fes talens diftingués .
Après avoir ajouté à l'éloge de M. Dans
chet quelques traits qui ne font pas moins
brillans que ceux que nous avons tranferits.
» C'eft votre ouvrage , Meffieurs , continuë
M. G. cefont vvooss biens que je viens
» d'expofer à vos yeux , en parlant de font
coeur & de fes vertus. C'eft par les principes
invariables de cette illuftre Com
pagnie qu'il avoit cultivé , enrichi , per-
» fectionné un naturel fi heureux , & fur-
» tout l'efprit d'anion , de déférence & de
» fociété , ce caractére fi effentiel à la Ré♣
" publique Littéraire , & dont vous don
»
86 MERCURE DE FRANCE.
nerez toujours le modéle. Caractére de
nobleffe & de vérité , de force & de lu-
» miere , qui ne connoiffant ni les hon-
» teufes inquiétudes de la jaloufie , ni les
>
intrigues de la vanité , ni le tourment
» de la haine , ni la baffeffe de nuire , reçoit
& donne avec droiture tous les fe-
»cours de la confiance , tous les confeils
du goût , tous les jugemens de l'impar-
» tialité ; ne voit point un ennemi dans un
concurrent , applaudit tout haut aux vrais
fuccès , fans . fe réferver à les déprimer
» tout bas , & ne cherche que le bien , le
progrès & l'embelliffement des Arts. «<
Tels font en effet l'efprit , les loix &
T'appui , ainfi que les premiers fondemens
de l'Académie . En ouvrant fes annales
monument de la vertu , ainfi que de la
gloire Littéraire , on voit avec un fentiment
de plaifir qui n'échappe point aux
ames généreufes , on voit que l'amitié
éclaira la naiffance de l'Académie . C'eft
fur une Societé choifie de fages qui s'ai
moient & qui s'inftruifoient réciproquement
, que le Cardinal de Richelieu , ce
vafte & profond génie à qui rien n'échap
poit de tous les moyens d'illuftrer un Em
pire , conçut le plan de cet établiſſement fi
honorable à fa mémoire , & fi utile aux
Lettres & à la France,
AVRIL. 1748 .
$
"
J'avouerai , dit M. G. que toujours
indigné des inimitiés baffes & des divis
»fions indécentes dont l'Empire des Lettres
eft quelquefois agité , pénetré de
» vénération pour les exemples contraires
que préfente l'Académie , j'ai cru ne
pouvoir mieux fatisfaire au tribut que je
» lùi dois , qu'en m'attachant à faire remarquer
& refpecter cette heureufe amitié,
partie fans doute la plus intéreffante
» de vos faftes , puifqu'elle eft l'hiftoire de
»la vertu , & que la vertu dans l'ordre du
bonheur public marche avant les talens .
On ne peut douter que le fentiment généreux
de la confiance & ce concours de
forces & de clartés toujours réunies par l'a
mour del'intérêt commun , n'ayent heureufement
contribué aux progrès particuliers
de tant de grands hommes qui ont illuftré
le dernier regne & la Nation.
Differens dans leur genre , mais placés
dans la même carriere , rivaux fans divifions
, concurrens dignes de s'eftimer , fimples
& modeftes , parce qu'ils étoient vraiment
grands , les Corneille , les Boffuet ,
les Racine , les Fénelon , les la Fontaine ,
les Defpreaux , les Flechier , les la Bruiere ,
furent toujours les exemples de ce caracté
re d'égalité & d'union qu'ils ont tranfmis
à leurs fucceffeurs. Pourrois-je , ajoûte
38 MERCURE DE FRANCE!
%
1
» M. Greffer , ne point leur afföcier dans
cet éloge leur contemporain , leur ami
leur rival , que nous avons la douceur
» de voir ici , cet homme adoré de leur
» fiécle & du nôtre , nroděle , comme eux ,
>> d'une vie rendue conftamment heureuſe
par la raifon , les graces & la vertu , d'une
» vie qui ne peut être trop longue au- gré
de nos défirs & pour notre gloire.
Nous ne finirons point notre extrait fans
citer l'Eloge du Roi , qui termine cet excellent
Difcours. » Que pourrois-je ajoûter
, M M. à la force & à la vérité des
traits fous lefquels on vient de yous offrir
l'image de votre , augufte Protecteur ?
» Vous y avez admiré la valeur & la victoire
unies à la modération & à l'amour
» de la paix ; la Royauté parée de tous les
caractéres qui font le pere de la Patric ;
» l'humanité enfin avec tous les titres du
Sage & de l'homme adoré. Après ce ta-
»bleau fi reffemblant où ma foibleffe n'au-
» roit pû s'élever , qu'il me foit feulement
permis pour l'honneur des Beaux Arts ,
de rappeller & d'éternifer ici les bien-
» faits dont le Sophocle de notre âge vient
» d'être honoré. *
* Le Roi a accordé à M.de Crébillon une penfon
de 1500 livres fur la caflette,
AVRIL. 3 . 1748.
»Puiffent nos travaux immortalifer les
»fentimens d'admiration , de refpect &
» d'amour , dont nous fommes pénetrés.
»pour notre Monarque augufte ! La poftés
rité célebrera comme nous fes vertus , &
dans les fiécles fuivans tous ceux qui dans
»un jour ſemblable rendront ici , comme
> moi, leur premier hommage à l'Académie,
>en nommant fes protecteurs , s'arrêteront
avec complaiſance fur l'éloge d'un Sou
» verain qui n'aura jamais été loué que par
»la vérité.
Ce Difcours digne de M. Greffet , a plû
généralement , & l'on a trouvé qu'il ne
faifoit pas moins l'éloge de fon coeur que
de fon efprit , louange la plus flatcufe de
toutes.
: M. de Boze , Directeur de l'Académie ,
commença par féliciter les deux Récipiendaires
fur l'unanimité de leur élection ,
mais , dit M. de Boze , les élections feront
toujours unanimes quand elles fe trouveront
de même guidées ou prévenues par la
voix publique.
» Elle nous a dit , M. pourfuivit - il en
» s'adreffant à M. le Marquis de Paulmy,
»foit pour écarter l'idée de votre jeuneffe,
ל כ
foit pour vous en faire un mérite , que
» dès le moment de votre naiflance vous
navez appartenu autant aux Lettres qu'à
90 MERCURE DE FRANCE
» l'Etats que dans le fein d'une famille
» fouverainement amie des Mufes , & fin
»gulierement dévouée au bien de la Patrie
, l'envie de fçavoir & le défir d'être
utile , furent les premiers fentimens qui
fe développerent en vous , & qu'ils hâterent
tellement vos progrès , qu'à un
âge où le commun des hommes finit à
peine de légeres études , vous exerciez
déja un Miniftere public dans le Tribu
ñal où fe portent , s'inftruiſent & le ju-
» gent les premieres conteftations de nos
Citoyens. Que de- là paffant en differentes
Cours de l'Europe pour les connoître
par vous même , la réputation qui vous
» y avoit devancé , s'étoit accruë de tour
ce que les graces , la politeffe , la douceur
& la facilité des moeurs ajoûtent
aux qualités du coeur & de l'eſprit ;
que dans le cours de ces voyages plu-
» fieurs Académies s'emprefferent d'infcri-
» re votre nom dans leurs Faltes , & que
» celle de Berlin vous ayant adopté par
9 voye d'acclamation , vous y prononçâtes
dans une affemblée publique que la Fa-
» mille Royale honora de fa préfence , un
Difcours fur l'utilité des adoptions litté
raires , qui fut extrêmement applandi &
» loüé , furtout par ce fage & vaillant Monarque,
qui à la fleur de fon âge eft delas
AVRIL 1748 .
91
6 puis long - tems le Mars & P’Apollon dư
» Nord.
Nous fouhaiterions que les bornes de
cet extrait nous permiffent de citer encore
quelques traits éloquens & judicieux dont
eft rempli le Difcours de M. de Boze , écrit
avec nobleffe , élégance & exactitude,
ODE
ANACREONTIQUE
N
E peut- on vivre fans aimer,
S'écrioit la jeune Glycere ?
Que gagnerai- je à tout charmer 3
L'amour n'engendre que mifere,
Quelqu'un qui l'oüit déclamer
Lui dit : écoutez- moi, bergere ;
C'eft un crime de blafphemer
Contre Cupidon & fa mere.
***
Que vous fervira de blâmer
Les amuſemens de Cithere ?
L'homme peut-il fe reformer
Pouvez-vous empêcher de plaire
92 MERGURE DE FRANCE.
Laiffez donc chacun s'enflammer ;
L'amour eft un mal néceffaire ;
A quoi bon tant fe gendarmer
Contre une chofe qu'il faut faire e
A Chaalons-fur- Marne,
BEREREREIRERIEN淡菜
A M. DE LA BRUERE.
LE
L &peu me laien
de tems , M. que me laiffent
"
des affaires d'une longue difcuffion
qui trop fouvent me mettent dans le cas
de m'écrier avec Horace , Beatus ille qui
procul negotiis , & c. ne m'a pas permis plutôt
de remercier l'anonyme qui a bien voulu
me propofer fes doutes fur le paffage de
la Satyre VI , où Horace dit ,
Quidve ad amicitias ufus , rectum ne trahat
nos , que j'avois expliqué ainfi ; ſi c'eſt
l'honneur ou l'intérêt qui fait les vrais amis ?
Je crois , comme ce judicieux critique ,
qu'il n'eft point néceffaire de lier ce vers
avec celui - ci qui le précede , Utrum divitiis
homines , an fint virtute beati ?
Pour juftifier la fignification d'intérêt que
j'ai donnée à ufus , comme ont fait J. Bond
& Dacier , je crois encore que ces deux
vers font totalement indépendans l'un de
AVRIL 1748, 9
l'autre ; Horace nous fait ici la peinture de
ces foupers philofophiques qu'il faifoit
avec les amis & où l'on traitoit à fond ce
qu'il importe le plus à l'homme de fçavoir;
teles étoient leurs differtations fur les plus
fûrs moyens de fe rendre heureux , fur la
nature du vrai bien , fur les motifs qui
forment les liaifons entre les hommes , &
fur tout ce qui appartient à la morale la
plus épurée.
L'anonyme propofe deux façons d'entendre
Quidve ad amicitias ufus , rectum ne
trabat nos ? L'une eft interprétant ufus par
fréquentation , commerce , habitude ; il rap
porte un exemple d'Ovide , où ce mot eft
pris dans une acception femblable ; il cite
I'Utor familiariter , fi fréquent dans Cicé
ron , enfin il dit que trabat joint à ufus ,
femble juftifier cette interprétation . Tout
femble en effet l'autorifer , mais de ce
qu'un mot latin a fouvent été pris
par les bons Auteurs & même par celu
que l'on traduit , dans telle ou telle acception
, il ne s'enfuit pas qu'on doiye s'en
faire une regle indéfinie & qu'on ne puiffe
pas prendre ce mot dans une acception
differente , lorfque le fens n'en eft point
altéré. C'est ce que j'ai ofé avancer dans
mes réponses au Critique qui a bien voulų
facrifier quelques momens de fon loifir à
94 MERCURE DE FRANCE.
examiner ma traduction da Poëme Sécut
laire. Les exemples d'un mot latin pris ou
par l'Auteur ou par d'autres, dans un fens,
prouvent d'autant moins qu'on doive s'en
faire une regle , que fouvent cet Auteur
ou d'autres l'employent dans un fens different.
Tel eft ufus qu'Horace lui - même a
employé ailleurs , ainfi que Plaute , Térence
, & c . dans le fens de profit , utilité
avantage, intérêt, dont le dernier , je crois,
eft le vrai fens de ce paffage . Il paroît même
que le fçavant Anonyme panche pour
ce dernier , en difant j'avoue qu'Horace
ayant mis AMICITIAS au pluriel , mê.
paroît avoir voulu parler en général de toute
forte de Liaifons , plutôt que de la vraie amitié
qui a fon principe dans la vertu , mais
dans ce cas , ajoute-t'il avec raifon , il vaudroit
mieux étendre le fens du mot AMICITIAS
, en le rendant par celui de LIAI
SONS , quepar celui de VRAIS A MIS ,
raduire ainfi le vers en question , SI C'EST
L'HONNEUR OU L'INTEREST QUI
FORME NOS LIAISONS.
*
ن م
Cette feconde façon de l'entendre , que
propofe le judicieux Critique , femble devoir
être préférée à la premiere , & c'eft
celle que j'ai fuivie , avec d'autant plus de
raifon , qu'en général T'intérêt a de tout
tems formé plus de liaiſons entre les hom
AVRIL.
1748
mes ,que leur fréquentation , le commerce
qu'ils ont entre eux ou l'habitude de
fe voir.
Ne pouvant faire mes remerciemens
à l'Anonyme de l'obfervation qu'il m'a
communiquée & dont j'ai profité , que par
la voye de votre Mercure , je vous prie ,
M. de vouloir bien inférer ma lettre,
y
Je fuis , & c.
Les mots des Logogryphes du Mercure
de Mars font bucheron , mortier , éventail
Château & Campane. On trouve dans le
premier Logogryphe buche , bucher & on,
Dans le troifiéme E, vent , évent & ail,
Dans le quatrième eau , chat , chate & Cha,
Titre des Souverains de Perfe. Dans
cinquiéme Campan , campa , troifiéme perfonne
du paffé défini du verbe camper ,
camp & Cam , Titre du Souverain des
Tartares,
$6 MERCURE DE FRANCE.
阀口
ENIGM E.
Par Madame des Forges Maillard,
DvU haut de la voûte des Cieux
Je brûle les mortels , moi qu'on dit en tous lieux
Etre leur gardien ſur la terre .
Je fuis pourtant forcé par un fort malheureux ,
Pour en défendre un à la guerre ,
D'envoyer fouvent l'autre aux manoirs tenebreux
AUTRE.
Nous fommes de légeres foeurs ,
Qu'avec beaucoup de foin l'on forma pour le
monde ;
Nous y paffons auffi pour la caufe féconde
Qui fçait mieux de l'ennui diffiper les langueurs.
Aidé des jeux riants , le plaifir , notre pere ,
Inftitua les loix de tous nos mouvemens ;
De chacune de nous il a reglé les rangs ;
La fortune prend foin du reste de l'affaire ;
D'inconftance on nous taxe , & ce n'eft pas
L'on nous voit toutefois égales & polies,
Et chacun à fon tour de nous reçoit la main.
Mais vous, homime prudent, qui craignez à la fin
Quelque
en vain
AVRIL. 97 1748.
1
Quelque retour fâcheux de toutes nos folies ,
Contentez-vous d'en faire un ufage badin.
AUTRE.
Comme la Déeffe des fleurs ;
Les plus riantes couleurs ,
Entrent dans mon apanage ,
Et fervent à me parer ;
Ou fiparfois on me voit arborer
Un plus lugubre équipage ,
On ne me voit point changer
Mon jeu ni mon badinage ,
Et fous mes loix le Zéphire léger
Ne ceffe point de ſe ranger.
JAF
AUTRE,
'Arrive du Midi , tout exprès pour vous plaire
Mais j'en reçois un étrange ſalaire,
La torture des fcelérats
Et le traitement ordinaire
Que j'éprouve dans vos climats ,
Le feu comme le fer fervent à mon fupplice ,
Mais ce n'eft pas encore affés pour mes bourreaux
Ils jettent avec foin mes cendres dans les eaux ;
Vous penferiez qu'alors finit le facrifice ;
Non ; après un repos léger ,
F
98 MERCURE DE FRANCE ,
Dans des gouffres profonds l'on vient me res
plonger.
Enfin de ce fombre dédale
Parcourant les fentiers divers ,
Je me transforme , je m'exhale ,
Jem'anéantis , je me perds.
Și ce récit tout feûl vous trouble & vous étonne,
Que penferez-vous donc , judicieux lecteur ,
Quand vous fçaurez que la plus fimple None
A le réaliſer trouve de la douceur ,
Et croit par là le mettre en bonne odeurs
܀܀
こ
LOGOG RYPHE.
J
E fuis de l'Office divin ,
Et mon nom forti du Latin ,
Offre à quiconque le combine ,
1 Celui d'un Empereur Romain,
Qui fut cruel , dur , inhumain ,
Un vénérable Auteur de l'Eglife Latine
Et ce délicieux Jardin ,
Où le pere du genre humain
Paffa la premiere journée ;
Une des faifons de l'année .
Cherchez encor , vous trouverez en moi
Un article de notre Foi ;
AVRIL. 1748. 99
Une ville de Bithynie ,
Où l'on tint deux Conciles Généraux ;
Ine autre en France , une autre en Italie
Enfin le nom de ce Heros
Qui fe fauva d'un incendie ,
Portant fon pere fur fon dos ;
Le nom d'un bois & d'une. Comédie ;
Petit membre utile aux oiſeaux ;
Ce qu'ils pofent dans les rofeaux ;
17
Un cheval ; la fille d'un frère ;
Le Souverain de Tunis & d'Alger ;
Ce qu'à la mort d'un & d'une mere
pere
Tous les enfans ont ſoin de
partager.
Par Mile D. G. de Chaalons-fur- Marne."
રાક
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX - ARTS ; &c.
ECUEIL de differens Traités de Phy-
Rfique & d'Hiftoire Naturelle , propres
à perfectionner ces deux fciences ,
par
M. Deflandes. Paris , 1748 , in - 12 . chés
Quillan , feconde édition , corrigée & augmentée
de plufieurs nouveaux Traités .
Le nom de M. Deflandes , avantageufement
connu du public par des ouvrages
eftimables , doit prévenir très-favorable-.
ment pour ce Recueil. Les Traités qui y
font contenus font , 1º . fur la maniere de
conferver les grains & de faire des greniers
publics , avec des obfervations qui déve
loppent la ftructure intérieure & le caractére
de ces grains ; 2 ° . fur la prompte végétation
des plantes ; 3 ° . fur la pêche du
Saumon ; 4°. fur les fympathies & les antipathies
, avec quelques remarques de
Phyfique & d'Anatomie ,pour expliquer ce
qu'elles font ; 5. fur diverfes particularités
d'hiftoire naturelle,qui regardent l'Angleterre
, l'Ecoffe & l'iflande ; 6° . fur la
meilleure maniere de faire des expériences
, fur les précautions qu'elles demanAVRIL:
1748. 101
dent & fur le peu d'eftime
que méritent
la plupart
de celles
qui ont été faites
jufqu'i- ci ; 7 ° . fur les difgraces
qu'effuya
Galilée
,
pour
avoir
foutenu
que le Soleil
eft placé
dans
le centre
ou foyer
commun
de notre
monde
planétaire
, & que
la terre
tourne
autour
de lui.
On voit dans ce dernier morceau une
anecdote curieufe . Ce fut un Jéfuite, nommé
le P. Scheiner, qui le premier en 1611
obferva à Ingolftadt les taches du Soleil .
Le P. Bufée , fon Provincial , à qui il fic
part de cette obfervation , lui répondit
qu'il avoit lû deux fois tous les ouvrages
d'Ariftote , qu'il n'y avoit rien trouvé fur
ces prétendues taches , & que c'étoit fans
doute une vaine imagination . Cependant
le P. Bufée en parla , mais avec mépris , à
Marc Weller , qui fentant le prix de cette
découverte la publia ſous fon nom . Il n'en
fallur pas davantage pour engager le P.
Scheiner à fe déclarer & à revendiquer fon
bien , mais dans le même tems Galilée fe
vanta d'avoir obfervé le premier les taches
du Soleil en 1610 , tant à Padouë qu'à
Vénife, il prodigua fans ménagement à fon
adverfaire les épithetes les plus injurieufes
& les plus méprifantes , & celui - ci crat
ne pouvoir mieux s'en venger qu'en déférant
le Livre de Galilée à l'Inquifition ,
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
qui, comme tout le monde fçait , condam
na le Livre & l'Auteur. C'eft ainfi , dit M.
Deflandes , que Cléante fe vengea autrefois
d'Ariftarque de Samos , & l'accufa
d'impiété & de facrilege envers les Dieux,
d'autant que cet homme tâchant à fauver les
apparences , fuppofoit que le Soleil demeuroit
immobile, & que c'étoit la terre qui fe mouvoir
par le cercle immobile du Zodiaque , tournant
à l'entour de fon aiffieu.
Les differens Traités que renferme ce
volume font remplis d'obfervations curieufes
& de refléxions judicieuſes .
SERMON prêché à l'ouverture des
Etats de Languedoc , affemblés à Montpellier
le 26 Novembre 1747 par Dom
Emmanuel Hermand , Feuillant , Prédica
teur du Roi. Montpellier , 1747-
Ce Difcours a mérité les fuffrages de
l'Affemblée devant laquelle il a été prononcé
, & il fait honneur à l'éloquence de
l'Orateur. Il a choifi pour texte , Regem
honorificate , fraternitatem diligite. Honorez
le Roi , ayez à coeur les intérêts de
l'amitié fraternelle. Quelle eft l'étendue
de ce tribut d'honneur que la Religion
exige de nous à l'égard de la Majesté
Royale , par quels motifs devons-nous le
lui rendre ? C'est ce que l'Orateur examine
dans la premiere partie de fon Difcours.
AVRILI 1748 # 10 ;
Comment & par quels actes devons- nous
fignaler notre zéle pour les intérêts de la
Patrie , c'eft le fujet de la feconde partie.
Dans l'une le Prince trouvera le Sujet
plus fidéle , dans l'autre , l'Etat reconnoîtra
le Citoyen le plus zelé . Le caractére du
parfait Citoyen dans le Citoyen Chrétien;
c'eſt l'idée générale de ce Difcours.
LES Amours d'Abrocome & d'Anthia ,
Hiftoire Ephefienne, traduite deXenophon.
1. M. l'Abbé Salvini eft le premier qui ait
fait connoître cet Aateur Grec par une tra
duction Italienne qu'il en fit fur un manufcrit
qui lui fut donné par M. Davenant,
Envoyé du Roi d'Angleterre auprès du
Grand Duc de Tofcane. Depuis M.Cocchi
l'a traduit en Latin. Plufieurs anciens
Philologues ont parlé avec éloge du ſtyle
de ce Xenophon , qu'il ne faut pas confondre
avec l'Hiftorien qui a écrit la
retraite des dix mille & l'Histoire de Cy.
rus. On ignore dans quel tems vivoit l'Au
teur de ce Roman. Cependant par l'élégance
& la pureté de fon ftyle , on con
jecture qu'il eft beaucoup plus ancien que
Longus, Héliodore , Achille Tatius, & les
autres Auteurs des Romans Grecs qui nous
font connus . D. Bernard de Montfaucon
en a fait une mention avantageufe dans
fon Diarium Italicum , en parlant des ma
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE:
nufcrits Grecs de l'Abbaye des Benedictins
de Florence . M. Salvini croit que ce Xenophon
flexifoit fous Céfar. Mais fon
ftyle de tems en tems femé de pointes
fines & délicates fait pancher le Traduc
teur François à le croire contemporain ,
ou même poftérieur à Seneque.
A l'égard de la traduction le ftyle en
eft clair & facile , elle fe fait lire avec plaifir.
L'Auteur y a joint des notes inftructives.
Ajoutons à ces éloges que le livre eft
fort bien imprimé , fur de beau papier ,
& orné de jolies vignettes & d'eftampes . ›
Nous avons parlé avec éloge au mois
de Juin 1746 ( fecond volume ) de la Differtation
de M. Bruhier fur l'Incertitude
des fignes de la mort. On nous prie d'annoncer
aujourd'hui que de Bure Libraire
eft devenu Propriétaire du Privilége.
L'Auteur a fait une addition à fon projet
de reglement , & on la donnera gratis à
ceux qui feront remettre fans frais à l'Auteur
le frontifpice entier du Mémoire.
Cette addition contient 49 hiftoires atteftées
par des perfonnes dignes de foi ,
hiftoires de refurrections fingulieres , &
qui prouvent combien il eft important de
ne pas précipiter les enterremens ; l'ouvrage
de M. Bruhier en contient un bien
plus grand nombre & des raifonnemens
AVRIL. 1748. 105
fort folides fur cette matiere fi intéreffante
pour la fociété. La lecture de fon ouvrage
ne peut qu'être fort utile , puifqu'en imprimant
dans les efprits une terreur falutaire
des accidens qui y font décrits , elle
engagera les particuliers à prendre d'euxmêmes
les précautions néceffaires pour s'en
garantir eux & leurs proches , & fera ainfi
l'effet du reglement qu'a propofé M. Bruhier.
Indépendamment des hiftoires qui
fervent de preuves aux réfléxions de M.
B. & dont la variété rend la lecture de
fon livre intéreffante , il y a joint des remarques
curieufes fur l'hiftoire naturelle ,
relativement à fon fujet , & des recherches
fur les cérémonies funébres des anciens ,
qui feront nouvelles pour la meilleure partie
des lecteurs , & defquelles il réfulte que
les Juifs , les Grecs & les Romains , & les
premiers . Chrétiens étoient beaucoup plus
circonfpects que nous fur la précipitation
des fépultures.
Et pour ne parler que des modernes,
il est défendu à Londres d'enterrer avant
trois jours révolus , & fans une vifite des
perfonnes commiſes à l'inſpection des
corps , conftatée par un certificat . L'ufage
de Génes eft de n'enterrer qu'au bout de
trois jours. Les Hollandois pouffent encore
ce terme plus loin . A Calais on n'enterre
E v
166 MERCURE DE FRANCE.
aucun corps qui n'ait été préalablement vi--
fité par un Chirurgien prépofé à cette fonc
tion , lequel en délivre un certificat .
ASSEMBLE E PUBLIQUE de la
Société Royale des Sciences tenue dans la
grande fale de l'Hôtel- de - Ville de Montpellier
, en préfence des Etats de la Province
de Languedoc le 23 Décembre 1746.
Montpellier 1747 , in-quarto.
M. de Ratte Secretaire perpétuel , lût
l'éloge de M. Duquetin. M. l'Abbé de
Sauvages lût un Mémoire fur le vitriol
d'Alais. La fabrique de vitriol des environs
d'Alais , que l'on connoît à peine aujourd'hui
, même dans le pays , eût une
grande réputation dans le Royaume pendant
prefque tout le dernier frécle ; fes
mines abondantes donnoient une couperofe
très- eftimée par les Artiftes , & on en
faifoit dans les Provinces voifines un commerce
confidérable .
Le vitriol , principalement la couperofe
, eft d'un ufage plus étendu dans la
teinture que dans aucun autre métier ; les
Teinturiers en laine & en foye , du grand
& du petit teint , ne peuvent fe paffer de la
couperofe pour les noirs & pour les grifailles
, cependant avec cette difference ,
comme on l'affûre , que la couperofe ferrugineufe
eft meilleure pour les laines , &
AVRIL 1745 107
la cuivreufe pour la foye. Cette drogue eſt
une efpéce de mordant ; les Teinturiers
la mettent au nombre de celles qu'ils appellent
colorantes , quoiqu'elle ne foit
point telle par elle-même , puifqu'elle ne
donne aucune couleur , fi elle n'eſt jointe
à la noix de Galle . La plus grande partie de
celle qui fe confomme dans le Royaume,
nous vient aujourd'hui d'Angleterre ..
M. Arlet lûr enfuite un Mémoire où il
donne les differences du volume , du poids,
de la confiftence & de l'arrangement du
cerveau de l'homme, & de celui de plufieurs
efpéces d'animaux , avec le rapport qui fe
trouve entre ces differences & la diverfité
de leurs exercices.
M. Haguenot en lût un autre far le
danger des inhumations dans les Eglifes .
LE CATALOGUE de la célébre Bibliothéque
de feu M. Burette Doyen des
Médecins de Paris , & de l'Académie des
Belles Lettres , s'imprime en trois volumes
in- 12 . chés Gabriël Martin , Libraire à
Paris. La vente de cette Bibliothèque fe
fera en détail au mois de Juin prochain ...
HISTOIRE des anciens Empires de
l'Afie jufqu'à la mort de Cyrus , précédée
de l'Hiftoire du monde depuis la création
jufqu'à la difperfion des peuples , fervant
d'introduction , par M. Plumyoen » Cha-
E vi
108 MERCURE DE FRANCE.
noine Gradué & Doyen de l'Eglife Cathé.
drale d'Ypres , à Ypres , chés Pierre-Jacques
de Rave , Imprimeur de M. l'Evêque ,
fur la petite Place , in- 12 . de 425 pages.
MEMOIRE hiftorique & critique fur
la ville fouterraine découverte au pied du
Mont-Véfuve , & c. à Avignon , chés Alexandre
Giroud , feul Imprimeur de fa Sainteté
, 1748 , in- octavo de 74 pages.
TRADUCTION du Télemaque en
vers Italiens , à Rome , ouvrage divifé en
deux parties , qui peuvent fe relier en un
ou deux volumes , d'une très- belle exécu
tion pour le papier & les caractéres , & enrichi
d'un frontifpice dont le deffein eft de
M. de Troy , Directeur de l'Académie de
France à Rome.
GUIDONIS Grandi Abbatis Camaldu-
·lenfis & Mathematici praftantiffimi elogium
Ang. Maria Bandinio Florentino Autore ,
Florent. in- octavo , de 4 pages.
TROISIE ME volume de l'Edition
des Lettres du Cardinal Polus , dédié par
M. le Cardinal Querini au Cardinal Duc
d'Yorck , à Breffe.
HITOIRE du Concile de Trente de
Palavicin. Nouvelle édition en trois volumes
, in-octavo , à Milan , chés Jofeph
Marelli , à la Fortune.
LA POETICA ò Reglas de la Poëſia ›
AVRIL. 1748.109
en general , y de fus principales efpecies , por
Don Ignacio de Luzan , Claramunt , de
Suelves , y Gurrea , entre los Academicos
Ereinos de Palermo , Llamado Egidio
Menalippo , en Zaragoza , por Francifco
Revilla , 1747 , petit in -folio de 305 pages
.
& Latin
DICTIONNAIRE Caftillan , Bafque
par le B. de Larramendi , Jéfuite ,
deux volumes in -folio 1745 , à Saint Sbaftien.
L'ouvrage eft en Italien .
GRAMMAIRE de la Langue Bafque
imprimée à Salamanque, in- 1 2. par le même
Auteur.
DISCURSO Hiftorico Sobre la antigua
famofa Cantabria , à Madrid , chés Jean de
Zuniga , in- 12.
TEMPLUM Belſuncaum . Carmen , Autore
Francifco Para è Societate Jefu , à Marfeille.
CONFERENCES Eccléfiaftiques du
'Diocèfe d'Angers fur les cas refervés . Tome
fecond , à Angers , chés Pierre- Louis Dubés
& c. & à Paris , chés Guerin tue S. Jacques,
-in- 12 . 1748 .
PENSE'ES Evangéliques pour chaque
jour de l'année , à Paris , chés Defaint &
Saillant , rue S. Jean de Beauvais. Deux
volumes in- 12 .
LE DROIT PUBLIC de l'Europe ,
110 MERCURE DE FRANCE.
fondé fur les Traités , par M. l'Abbé de
Mably. Nouvelle édition corrigée & augmentée
à Genéve & à Paris , 1748 .
Deux volumes in- 1 2.
M. le Febvre , Organifte de S. Louisen-
l'Ifle vient de mettre au jour une Cantatille
nouvelle , qui a pour titre les Regrets
, à voix feule avec fymphonie , à
Paris , chés l'Auteur , rue des deux Boules,
chés un Limonadier ; Madame Boivin , rue
du Roule , à la Régle d'or , &c. Le prix
eft de 1 liv. 16 f. I
HISTOIRE de l'Académie Royale
des Sciences , année 1743 , avec les Mémoires
de Phyfique & de Mathématique
pour la même année , tirés des Regiftres
de cette Académie , 208 pages pour
l'Hiftoire & 428 pour les Mémoires , avec.
onze planches détachées , à Paris de l'Imprimerie
Royale , 1746 & fe débite chés
Durand , rue S. Jacques.
LETTRES contenant des Effais fur
l'Hiftoire des eaux minérales du Bearn , &
de quelques-unes des Provinces voisines ,
fur leur nature , difference & propriété
fur les maladies auxquelles elles conviennent
, & fur la façon dont on doit s'en
fervir adreffées à Madame de Sorberio
à Pau en Bearn , par M. Théophile de Bordeu
, le fils , Médecin Chirurgien , Doc-
و
"
AVRIL 17488 TIT
.
teur de Montpellier , à Amfterdam , chés
les Freres Poppé , Libraires , & à Montpel
lier , chés le Sieur Gontier , Libraire , à la
Loge , 1746 , volume in- 12 . de 221 pages.
LA THEORIE de la pratique du Jardinage
, où l'on traite à fond des beaux
Jardins , appellés communément les Jardins
de plaifance & de propreté , avec les
pratiques de Géométrie néceffaires pour
tracer fur le terrain toutes fortes de figures
, & un Traité. d'hydraulique convenable
aux Jardins , par M. ***. de la Société
Royale des Sciences de Montpellier. Quátriéme
édition , revûë , corrigée , augmentée
confidérablement , & enrichie de nouvelles
planches , de 466 pages ,
à Paris
chés Pierre-Jean Mariette , rue S. Jacques,
aux Colonnes d'Hercule , 1747.
CAROLI Noceti è Societate Jefu de
Iride & Aurora Boreali Carmina cum notis
Jofephi Bofcovich , ex eadem Societate.
Romæ , excudebant Nicolaus Marcus
Palearini , 1747 , in - quarto , à Rome.
BENEDETTI Colluccii Piftorienfis.de
Difcordiis Florentinorum liber , &c . Florentiæ
, 1747 , in-octavo .
TRADUCTION Italienne de la vie de
S. Jean de Dieu , écrite en François par
M. Girard de Villethierry , Prêtre de Paris,
12 MERCURE DE FRANCE.
1
dédiée au Cardinal Annibal Albani parte
Docteur Pierre Cianfogni , Chanoine de la
Bafilique Impériale de S. Laurent , & de
l'Académie de Florence , à Florence , inquarto
, de 332200 pages , 1747.
CATALOGUS plantarum nonnullarum
horti Academia Phyfico Botanica Florentina,
quarumfemina hoc anno 1747 ad publicam
utilitatem collecta , exteris Botanica cultoribus
in commercium exponuntur , ut totidem
novis ac exofticis permutentur , à Xavero
Manetti , Medicine & Botanices Profeffore ,
ejufdemque horti cuftode , 1748 , à Florence .
L'Auteur a mis auffi ce Catalogue en François
en faveur des amateurs de la Botanique
, qui n'entendent pas le Latin , & il
promet d'en donner tous les ans un femblable
dans l'une & l'autre Langue.
DIVI THOM Æ AQUINATIS ,
Doctoris Angelici , Ord. Predic: Catena in
quatuor Evangelia ad plurima exempla comparata
& emendata. Accedunt Jo. Fr. Bern.
Maria de Rubeis admonitio pravia in idem
opus , & Differtatio contra Benedictinum D.
Thoma Manachatum antequam ad Dominicanum
Predicatorum Ordinem fe conferret ,
Venetiis . Deux volumes in- quarto ,.1746 .
RECURTI , Imprimeur Libraire à Venife
, a publié un ouvrage fur l'électricité
des corps & fur les machines électriques ,
AVRIL 1748. 117
de plus de 400 pages d'impreffion , écrit
en ftyle de Roman & d'Hiftoire galante ,
dont l'Auteur ne s'eft pas fait connoître.
L'OUVRAGE de M. l'Abbé Nollet fur
l'électricité des corps , traduit du François
en Italien , à Venife , 1747 , in-octavo.
TRADUCTION Italienne des Tables
Chronologiques de l'Hiftoire Univerſelle,
Sacrée & Prophane , par M.l'Abbé Lenglet
du Frefnoy. Deux volumes in- octavo
1748 , à Venife , chés Simon Occhi , Libraire..
T
LES ELEMENS de l'Hiftoire par M.
de Vallemont traduits en Italien , dans la
même ville.
LE PREMIER TOME d'une nouvelle
édition de ces Elemens , plus augmentée
que les précédentes , chés J.B. Alberrizzi,
Imprimeur Libraire dans la même ville .
BIBLIA SACRA Vulgate Editionis
cum Selectiffimis litteralibus commentariis.
Tomus IV. complectens libros Jofue , Judicum
Ruth. Venetiis , 1747 , in--quarto.
DE EPOCHIS Conciliorum Sardicenfis
Sirmienfium , caterorumque in caufa Arianorum
, qua occafione rerum potiffimarum
fancti Athanafii Chronologia reftituitur ,
Autore Joanne Dominico Manfi , è Congrega
tione Matris Dei Luccenfi , Lucca , 1746
in-octavo.
114 MERCURE DE FRANCE.
CASTI Innocentis Anfaldi, Ordinis Predicatorum
de authenticis facrarum fcripturarum,
apud SS. Patres lectionibus libri duo, ad
S.D.N. Benedi&tum XIV. Pontificem Maximum
, Verona , 1747 , in quarto.
DELLA formazione de Fulmini Trattato
del Signor Marchefe Scipione Maffei , &c .
in Verona preffo Giannalberto Tamermanni ,
1747 , in-quarto.
PETRIDE EBULO Carmen de motibus
ficulis rebus inter Henricum VI. Imp.
Rom. & Tancredum feculo XII. geftis , nunc
primum ex codice manufcripto Bibliotheca
publica Bernenfis erutum , notifque cum criticis
, tum hiftoricis illuftratum , cum figuris
edidit Samuel Engel , &c. Bafileæ , typis
Emmanuelis Thurneffi , 1746 , in-quarto.
OPUSCULUM de Miffione & Miffiona
riis tractans , fcriptum per R. P. Fr. F. Dom.
Brullaugham S. Ord. Præd . antiquum Miffionarium
edit. 2. Metis , typis Francifci
Antoine , 1747 , in- oƐtavo.
pro- TRACTATUS de Miffionibus ad
pagandam fidem & converfionem Infidelium
Hareticorum inftituendis , Autore Rev.
Ill. D. Ph . Rovenio , Archiepifcopo Philippenfi
, Vicario Apoftolico , Metis , typis
Francifci Antoine , 1747 , in-octavo.
LES TOMES XI . & XII. de la Bibliothéque
Françoife ou Hiftoire de la LittéAVRIL.
1745. ITS
rature Françoife , par M. l'Abbé Goujet
Chanoine de Saint Jacques l'Hôpital , à
Paris , chés P. J. Mariette , & H. L. Guerin,
Libraires , rue Saint Jacques , 1747 &
1748 , in-12.
REFLEXION'S CHRETIENNES ,
fur les grandes vérités de la Foi , & fur les ·
principaux myftéres de la Paffion de Notre-
Seigneur , à Paris , chés Debure l'aîné ,
Quai des Auguftins , près le Pont Saint
Michel , à Saint Paul ›, 11774488 ;, volume
in- 12.
HISTOIRE de l'Académie Royale des
Sciences de Berlin. Volume in-quarto avec
figures , 1747 , à Paris , chés Briaſſon ,
Libraire , rue Saint Jacques. On aura inceffamment
le fecond volume de cet ou
vrage.
ESSAI de Differtation Medico - Phyfique
fur les expériences de l'électricité ,
pour répondre à l'empreffement de toute
l'Europe à en découvrir la véritable caufe ,
par M. Olivier de Villeneuve , Docteur de
la Faculté de Médecine de Montpellier ,
Médecin de la ville & de l'Hôpital de
Boulogne-fur-Mer , à Paris , chés la veuve
David , rue de la Huchette .
LE BOUQUET de l'Amour , Cantatille
avec fymphonie , dédiée à Mlle de
Moras par M. le Febvre , Organite de l'E16
MERCURE DE FRANCE.
glife Royale de S. Louis en- l'Ifle ( les pa
roles font de M. Heurtaux ) gravée par M.
de Mon Gautier , le prix eft de 36 fols , à
Paris , chés l'Auteur , au coin de la rue des
deux Boulles , & chés le Clerc rue du
Roule , à la Croix d'or.
, 2
FABLES nouvelles , mifes en vers
avec la vie d'Efope , tirée de Plutarque &
d'autres Autears , par M. Richer. Nouvelle
édition corrigée & augmentée , à Paris ,
chés Barrois , Quai des Auguftins.
STEPHANI FABRETTI Urbanitatis
è Societate Jefu Prefbyteri Lyrica & Epiftola,
Lugduni , fumptibus Fratrum Duplain ,
1748 .
LETTRES d'un Seigneur Hollandois
à un de fes amis , avec des réfléxions politiques
fur les évenemens les plus intéreffans
de la guerre préfente. 3 vol. à la Haye ,
$ 747.
LE NOUVEAU NEW KASTLE , QU
nouvean Traité de Cavalerie , à Paris ,
au Palais , chés Grangé , dans la Galerie
des prifonniers , à la fainte Famille ,
1747.
DISSERTAT 10 N de M. Gerard Frid.
Muller, Académicien de Pétersbourg & de
la Société Royale de Londres , fur les
écrits en Langue Tangutane , trouvés dans
la Sibéric , où l'on décrit avec foin les enAVRIL.
1748. 117
droits dans lesquels fe trouvent ces écrits ,
& l'on rend raifon des écrits mêmes , brochure
in-quarto de so pages, avec des plan
ches gravées en cuivre , à Pétersbourg, aux
frais de l'Académie , 1747.
L'Académie des Sciences & Beaux Arts.
établie à Pau diſtribuera le premier Jeudi
du mois de Février 1749 , un prix d'une
Médaille d'or empreinte de fes armes ,
l'ouvrage en profe qu'elle jugera le mériter,
lequel ne pourra être de plus d'une demie
heure de lecture. Elle propofe pour fujet ;
De toutes lespaffions que les hommes oppofent
à la vérité , lajaloufie eft la plus dangereuse.
C
Ceux qui fouhaiteront que leurs ouvrages
entrent en concours pour le prix ,
les adrefferont à M. de Blair , Confeiller
au Parlement de Navarre , Sécretaire de
l'Académie , mais il n'en fera reçû aucun'
après le mois de Novembre prochain , &
les paquets refteront au rebut , s'ils ne font
affranchis des frais du port.
Chaque Auteur mettra au pied de fon
ouvrage la Sentence ou Dévife qu'il voudra
; il la répétera au- deffus d'un billet cacheté
, & il écrira fon nom au-dedans du
billet.
LISMERCURE DE FRANCE.
On vient d'imprimer à Nancy chés
Antoine le Seur un Traité hiftorique des
Eaux & Bains de Plombieres , en 350 pages
in-octavo , bon papier & belle impreffion
accompagné de figures en taille douce,
de tables des matieres , & c.
Plombieres eft un bourg en Lorraine ,
fitué à deux bonnes lieues de Remiremont
vers le Midi , dans un vallon très - étroit ,
environné de hautes montagnes , il eft aujourd'hui
en fi grande réputation pour les
caux chaudes , pour fes eaux minerales &
pour les eaux favoncufes , qu'on y vient
de toutes les Provinces de la France , du
fond de l'Allemagne , & qu'il eft peu de
perfonnes qui n'y reçoivent ou leur entiere
guérifon , ou un foulagement fenfible dans.
leurs incommodités.
Ce Traité des eaux de Plombieres fut
ébauché en 1709 , & continué en 1736
par D. Léopold Durand Benedictin de la
Congrégation de S. Vanne , qui étoit alors
à la fuite de M. le Prince de Vaudemont
en qualité de fon Architecte , & qui mettant
à profit fes momens de loifir , s'applià
deffiner Plombieres & fes environs ,
qua
fes bains , fes fontaines , fes étuves , à étu
dier tout ce qu'on raconte des antiquités
de Plombieres , & les reftes des travaux
des Romains qui s'y remarquent encore
AVRIL. 1748. 119
aujourd'hui , il y joignit fes réfléxions &
en compofa un Traité affés fuccinct .
En 1743 Dóm Calmet Abbé de
Senones s'étant trouvé à Plombieres , &
ayant eu communication de cet ouvrage ,
y joignit quelques réflexions & quelques
traits d'hiftoire & d'érudition , il rechercha
les Auteurs anciens & modernes qui
ont traité des eaux thermales & minérales,
il étudia leurs fyftêmes fur la caufe de la
chaleur de ces eaux , fur leurs principaux
effets ; il ramaffa les analyfes faites de ces
eaux en differentes occafions ,
t Enfin pour donner une plus grande perfection
à fon ouvrage , & le rendre plus
inftructif & plus , agréable au public , il a
fait graver en plufieurs planches les environs
de Plombieres , fes bains , fes fontaines
, fes étuves , & tout ce qui peut contribuer
à illuftrer cette matiere ; il y a joint
le plan des bains de Luxcüil , avec d'amples
explications , il y a parlé dans une
jufte étendue des eaux de Bourbonne-les-
Bains du village de Bains à trois lieues de
Plombieres ; il a expofé les divers ſyſtêmes
des Auteurs qui ont écrits fur les eaux ,
il a rapporté ce que Meffieurs de l'Acad
mie des Sciences ont dit des eaux thermales
qui fe trouvent en divers endroits,
du Royaume , il a marqué les maladies
126 MERCURE DE FRANCE.
auxquelles ces eaux font utiles & celles
auxquelles elles font contraires , il a mis
à la fin un fort beau traité compofé par M,
le Maire Médecin de Remiremont ,fur la
nature des eaux en général & fur celles de
Plombieres en particulier , enfin il y a
Joint
gun
Mémoire
de
M.
de
Querlond
Ingénieur
en chefà Marfal , où il donne les
moyens de remédier à certains inconvé→
hiens qui fe rencontrent dans les bains &
dans les étuves de Plombieres,
Ce livre fe vend 4 liv. en blanc
chés Nicolas Marchand , proche la Place
Ville- Neuve , à Nancy , chés lequel on
trouve plufieurs fuites des médailles du
célébre Ferdinand de S. Urbain dont
nous avons donné la lifte & le prix dans
notre Mercure de Décembre 1745 .
2
M. Lemaire , Maître de Mufique à Paris , vient
de donner au public pour l'année 1748 , trois
Cantatilles nouvelles pour les deffus ou tailles ,
avec accompagnement de violons , flute , hautbois,
baffons & violoncelles , fous les titres: La Cafcade
de S. Cloud , dédiée à S. A. S. M. le Duc de Chartres
; le Dédommagement ou l'infidélité reparée ;
PHymen 'Amour , deuxième épithalame ; &
des années dernieres font la Victoire , deflus &
baffe - taille la Reconnoiffance , deffus , le Triomphe
des yeux , deflus ; les Fêtes champêtres , ballesaille.
On
AVRIL: 1748. 121
On vend féparement tous les oeuvres de M. le
Maire qui font fort eftimées , fçavoir cinquantehuit
Cantatilles , dont fix pour les baffes - tailles &
cinquante-deux pour les deffus , ou tailles , au
prix ordinaire de 24 f. piéce , 6 livres de Motets à
30 f. piéce, deux recueils d'airs choifis , le tout de
fa compofition , 3 liv. piéce , chés . M. le Maire
demeurant rue de Seine , fauxbourg Saint Germain
vis -à- vis la rue du Colombier , chés la
reuve Neneu , Marchande de vin , Ballard pere &
fils , Mad, Boivin à la Régle d'or , rue S. Honoré ,
le Clerc , à la Croix d'or , rue du Roule & le Sr de
Bretonne à Lyon .
>
: M. Fabio , dont les talens pour l'Archiluth & la
compofition font connus , vient de faire graver fon
cinquiéme oeuvre contenant fix Trios pour deux
violons & la baffe , qu'il a eu l'honneur de dédier
à Madame la Marquise de Pompadour , & qui ont
été goûtés par les connoiffeurs dans plufieurs
Concerts .
On en trouvera les exemplaires chés M. le
Clerc , rue du Roule à la Croix d'or , & chés Mlle.
Caftagneri rue des Prouvaires , quartier S. Euftache.
On trouvera chés les mêmes Marchands fes
ouvrages antérieurs, Le premier fix Sonates pour
la flute dédiées à M. le Grand Prieur. Le fecond ,
fix Trios à Madame la Princefle d'Orange . Le
troifiéme , fix Trios à M. de Bentink . Le quatrième,
fix Sonates pour la flute à M. l'Evêque de Tournay.
Méthode pour apprendre facilement à jouer du
par -deffus de viole à cinq & à fix cordes , avec
des leçons à une & deux parties , compofée
par M. Michel Corvette , Auteur d'ouvrages eftimés.
Prix 4 liv . en blanc. A Paris , chés l'Auteur ,
F
122 MERCURE DE FRANCE.
Mad, Boivin rue S. Honoré à la Régle d'or, M. ls
Clerc rue du Roule à la Croix d'or.
Le Sieur le Rouge , Ingénieur Géographe du
Roi , à Paris rue des Auguftins , vient de publier
le Théatre de la guerre en Hollande , en 12 grandes
feuilles fur une même échelle , à raifon de 2 pou
ces 2 lignes pour lieue cetteCarte eft prefque topographique
, fort détaillée , très-bien gravée & eſt .
unique dans fon efpéce . On en fait deux Cartes.
de fix feuilles chacune , l'une repréſente la Hollande
Méridionale , l'autre la Septentrionale , on
en peut faire un volume de 48 feuilles in- 8°. pour
la poche .
'On trouve auffi chés l'Auteur le Théatre de la
guerre en Italie , plus un nouveau plan très - exact
de Bergopfoom , levé depuis le fiége.
Le Sieur Gautier Graveur du Roi pour les planches
anatomiques , diftribue actuellement les cinq
dernieres planches qui contiennent les extrêmités
fupérieures & inférieures , de couleur & grandeur
naturelles, lefquelles jointes à celles du tronc & de.
la tête qu'il a déja diftribuées font un corps de
Myologie complette; toutes ces piéces font accompagnées
de leurs tables avec une explication exacte
des attaches de chaque mufcle , on y a joint une
récapitulation Françoife & Latine , où il y a quel-,.
que étymologie des noms des muſcles & des parties
qui y ont rapport ; on trouve à la derniere
table une comparaifon de proportion où l'on donne
raifon de même de toutes les parties du corps
humain qui font démontrées dans cette Myologie,
& de celles de l'antique de l'Ecorché de l'Académie
Royale de Peinture & de Sculpture , & des
autres Auteurs ; par ce moyen les piéces de cet
AVRIL. 1748. 123*
ouvrage fe trouvent liées enſemble , comme on
avoit projecté,
Ce n'eft point fans peine qu'un fi grand ouvrage
que celui-ci a été fini & mis au jour ; on l'avoit
cependant donné fous le titre d'eflai , mais comme
le public a donné des marques indubitables de fon
approbation , ayant continué à foufcrire juſqu'à
la fin des dernieres diftributions , ce qui a fourni
la dépense de ce travail , on pourra donner un fupplement
de Myologie après les autres cours d'Anatomie
que l'on va continuer , où les figures feront
en entier & réduites en demi nature fur pied en
diverfes attitudes. Ce dernier morceau ne paroîtra
que quand on aura recueilli toutes les differentes
critiques des Sçavans ; celles qui fe trouveront
juftes feront citées dans le fupplément avec le
nom de leurs Auteurs , mais on ne parlera pas de
celles qui feront mal - placées.
On fait la diftribution de ces dernieres planches
anatomiques rue de l'Arbre-fec , au coin de la rue
des Prêtres S. Germain , chés le Sieur Gautier , jufqu'à
la fin de Juin , dans lequel tems on avertit
les Soufcripteurs qu'il faudra qu'ils attendent juſ
qu'au commencement de l'année prochaine pour
avoir les figures qui leur manqueront. Ceux qui
ont payé d'avance feront toujours à tems à les retirer
, parce qu'on les leur mettra à part , & les per
fonnes qui voudront avoir l'ouvrage complet &
qui n'ont pas foufcrit , payeront les vingt planches
& leurs tables 90 l.brochées & 4 Louis d'or reliées .
On va inceffamment annoncer la continuation
de cet ouvrage , & la nouvelle demeure de l'Au
teur , qui fera plus conmode pour le public.
Fij
# 24 MERCURE DE FRANCE.
SPECTACLES,
'Académie Royale de Mufique a con-
Ltinue jufqu'à la clôture du Théatre les
repréſentations de Zaïs , Ballet héroique.
Elle a donné le Samedi 23 , le Mercredi
27 & le Samedi 31 Mars la belle Tragédie
d'Armide pour la Capitation des Acteurs,
Le fuccès a répondu à l'attente . La derniere
de ces trois repréſentations a été égayée
par une charmante Pantomine , exécutée
avec fineffe , précifion & légereté, par Mlle
Mimi Dalmand & M. le Voir , qui a compofé
avec génie les Ballets de l'Opera Comique
Pantomine ; M. Poirier , Ordinaite
de la Mufique du Roi , a joué le rôle de
Renaud dans Armide avec applaudiffement,
Le Concert Spirituel , exécuté au Louvre
, a ouvert le Lundi 25 Mars , jour de
la fête de l'Annonciation , par Quemadmodum
, Moter à grand choeur de M. de
la Lande , qui a été fuivi d'un Concerto
du gracieux M. Blavet. Exaltabo te , Motet
à grand choeur & Dominus regnavit , du même
ont fini le Concert , coupés par M.
l'Abbé , le fils , qui a joüé feul & obtenu
AVRIL. 1748 . 125
les fuffrages éclairés de l'affemblée.
Le Dimanche de la Paffion , 31 Mars , le
même Concert a commencé par Dixit Dominus
, Moter à grand choeur de M. de la
Lande ; Diligam te Domine , Motet à grand
choeur de M. Gille , a été exécuté le fecond.
Confitemini Domino , Motet à grand
choeur de M. de la Lande , a terminé le
Concert. Les intervalles de ces trois Motets
ont été bien remplis , l'un par la flute
de M. Blavet , & l'autre par le violon de
M. l'Abbé , le fils .
Le Dimanche des Rameaux 7 Avril , on
a chanté Magnus Dominus , Motet à grand
choeur de M. Mondonville. M. l'Abbé
le fils a joué feul ; l'excellent Miferere de
M. de la Lande a terminé le Concert.
Le Mercredi to , Exultate juſti , Moter
à grand choeur de M.de la Lande , a ouvert
le Concert. M. Gavinies a joüé feul . Mlle
Gautier a chanté Quemadmodum , petit Motet
de M. Mouret. M. l'Abbé le fils a joué
un concerto , & on a fini par le De profun
dis , Motet nouveau à grand choeur de M.
Mondonville , qui eft rempli de beautés
fublimes , ainsi que tous les autres ouvrages
; le premier choeur furtout eſt un
des plus beaux morceaux d'harmonie qu'il
ait jamais compofés , car on ne le peut
comparer qu'à lui-même.
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
Le Jeudi Saint 11 , Lauda Jerufalem ,
Motet à grand choeur de M. dela Lande ,
a fait le début du Concert . On a entendu
& applaudi M. l'Abbé le fils. Mlle Gondrée
a chanté Quare fremuerunt gentes , petit
Motet de M. le Vaffeur. On a applaudi
la piéce & l'Actrice . Enfuite M. Gavinies
a paru & contenté les Auditeurs . Bonum
eft , Motet à grand choeur de M. Mondonville
a très- bien terminé le Concert .
Le 12 , jour du Vendredi Saint , le De
profundis clamavi a foutenu fa réputation ;
Mlle Gondrée a repeté le Quare fremuerunt
gentes de M. le Vaffeur. Le Miferere de M.
de la Lande a fini le Concert , qui a été
coupé par les concerto de M. l'Abbé le fils
& de M. Gavinies.
Le Samedi Saint 13 , on a chanté O filii
filia de M. de la Lande, & Confitebor tibi
Domine du même. Mlle Gautier a chanté
Regina coeli de M. Mouret , fuivi de Jubilate
Deo omnis terra , Motet à grand choeur
de M. Mondonville. Ces Motets ont été
coupés par les violons de M. l'Abbé le fils
& de M. Gavinies .
Le Dimanche 14 , jour de Pâques , on
a chanté Dominus regnavit & Cantate Do
mino , Motets à grand choeur de M. de la
Lande ; Cantemus Domino , petit Motet de
M. Mouret , & le Venite exultemus , Moter
"
AVRIL: 1748. 127
•
*
à grand choeur de M. Mondonville , mêlés
des fymphonies de M. Gavinies & de
M. Labbé le fils .
Le Lundi 15 , on a fort applaudi
Lauda Jerufalem , Motet à grand choeur
de M. Corrette ; M. l'Abbé le fils &
M. Gavinies ont joué feuls. Mlle Gautier
a exécuté Regina cali de M. Mouret , &
enfin on a entendu Bonum eft de M. Mondonville.
Le Mardi , Quare fremuerunt gentes , Motet
à grand choeur de M. de la Lande; Dominus
Regnavit , Motet à grand chaur de
M. Fanton , Maître de Mufique de la Sainte
Chapelle ; Cantemus Domino de M. Mouret,
chanté par Mlle Gondrée ; Nifi Dominus
de M. Mondonville , & le Concerto
de M. l'Abbé le fils & de M. Gavinies.
Le Vendredi 19 , M. Martin , Violoncelle
habile de l'Académie Royale de
Mufique, connu par la fineffe de fon jeu
& par des fymphonies eftimées , a fait exécuter
In Exitu , Motet à grand choeur , &
a fort réüffi. M. l'Abbé le fils & M. Gavinies
ont donné leurs Concerto . Benedictus
Dominus & Ufquequo , petits Moters de
M. Mouret ont répondu à fa réputation
& le Concert a fini par le Motet admirable
Dominus regnavit de M. Mondonville
,
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
Le Dimanche de Quafi modo 21 , clôture
des Concerts Spirituels , Magnus Dominus
& Venite exultemus , deux beaux Motets à
grand choeur de M. Mondonville , ont
commencé & fini le Concert. On y a exéya
cuté Cantate Domino, Motet à grand choeur
de M. de la Lande , & Cantemus Domino ,
petit Motet de M. Mouret . M. l'Abbé le
fils & M. Gavinies ont joué feuls .
COMPLIMENTprononcé à la clôture
du Théatre François.
MESSIEURS
Il est bien flateur pour nous de n'avoir ,
en vous rappellant nos travaux & vos plaifirs,
aucune difgrace à diffimuler , ni , fi je
fije
l'ofe dire , aucun reproche à nous faire..
Vous nous avez tenu compte de notre
zéle , il s'eft accrû par la reconnoiffance.
"
Mais qu'auroient produit nos efforts fans
l'émulation des jeunes Auteurs qui ont
concouru avec nous à vos amuſemens &
dont les effais ont mérité vos fuffrages ?
La Rivale. Suivante , le Plaifir , Aphos
I'Ecole Amoureufe & les Tragédies de
Vanda , Ameftris & Coriolan, ont annoncé
des talens précieux à tous ceux qui s'intéreffent
au progrès des Lettres & à la gloire
AVRIL.
129 <
1748.
du Théatre François . Avec quels applaudiffemens
les partifans du grand Comique
n'ont-ils pas vû paroître la Comédie du
Méchant Ils ont admiré dans ce tableau
du fiécle cette profonde étude du monde ,
cette vérité dans les moeurs & ces belles
touches qui diftinguoient le pinceau de
Moliere , enfin cette élégance de ftyle qui
caractériſe le Poëte , & qui feule peut fuppléer
à l'illufion du Théatre dans la folitude
du cabinet .
L'Auteur de Denys le Tyran vient de
recueillir les fruits des veilles qu'il a employées
à cette Tragédie , & ne l'a retirée
du Théatre qu'afin de profiter de vos critiques,
& de la rendre ainfi plus digne de
vos applaudiffemens.
L'indulgence , Meffieurs , avec laquelle
vous avez accueilli cet Auteur naiffant ,
s'eft étenduë fur nous.Ce public , fi terrible,
devant qui trembloient Corneille & Baron,
préfere aujourd'hui une bonté éclairée qui
nous encourage fans nous aveugler , à cette
délicateffe intraitable qui étouffe les talens
par le mépris. Ce n'est plus un Juge
qui nous condamne fans retour , ni un
Maître qui fe plaît à nous humilier , c'eft
un Protecteur qui nous confeille . Ne vous
en repentez point, Meffieurs ; dans vos regards
& dans votre filence nous avons pui-
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
fé des leçons moins dures , mais plus utiles
que ces murmures tumultueux qui révoltent
l'amour propre, fans le corriger .
En remettant au Théatre la Comédie du
Glorieux , nous avions craint d'exciter vos
regrets , & vous n'avez fait entendre que
des applaudiffemens . Ne penfez pas , Meffieurs
,que nous nous y foyons mépris ; nous
avions befoin d'être raffûrés , & vous avez
applaudi autant à l'entrepriſe qu'à l'exécution;
c'eft ainfi que vous animez nos talens.
Et qui fçait mieux que moi , Meffieurs , ce
que peuvent vos bontés fur une ame ſenſible
à l'émulation & à la reconnoiffance 2
Après m'être long-tems exercé fur ces
Théatres où le goût ne peut être qu'ébauché
, j'ai paru en tremblant fur la fcéne la
plus refpectable du monde ; vous avez récompenfé
mes efforts , & vous m'avez même
fouffert dans un rôle pour lequel je
n'étois pas fait , mais que les circonftances
& le defir de vous plaire ne me permettoient
pas de refufer.
J'ofe implorer , Meffieurs , pour ceux au
nom defquels j'ai l'honneur de vous parler,
& particulierement pour moi , cette indulgence
qui nous a foutenu ; nous n'en abuferons
point , & ce tems qui femble deftiné
au repos , nous ne l'employerons qu'à
vous préparer de nouveaux plaifirs . & à
AVRIL. 1748. 731
nous rendre plus dignes de vos fuffrages.
On a extrêmement applaudi le ftyle noble
, judicieux & naturel de ce Compliment
, & la déclamation affortiffante de
M. Ribou , qui l'a prononcé.
COMPLIMENT pour la clôture du
Théatre Italien , prononcé le Samedi
Mars par M. Rochard.
Udicieux Aréopage ,
Azile du difcernement ,
Chés vous tout état & tout âge
Opine & juge fainement ;
Vous voulez qu'un Sexe charmant
Qui toujours eut pour appanage
La fineſſe du fentiment ,
Avec vous ait droit de fuffrages:
Tous les ans un nouveau ferment
Nous lie à vous & nous engage
Au foin de votre amufement ,
Aujourd'hui j'ajoûte à l'hommage
L'excufe & le remerciment .
Heureux , que fans impatience
Vous laiffiez à l'expérience
Le tems de mûrir les talens
30
132 MERCURE DE FRANCE.
Heureux , fi nos foins vigilans
Peuvent payer votre indulgence !
Je fçais tout ce que je lui doi ;
L'art étoit tout nouveau pour moi ;
Il faut s'y former dès l'enfance ;
Vous avez adouci la loi
Et raflûré ma défiance .
Vous favorifez des Acteurs ,
Dès long-tems inftruits à vous plaire.
Loin que de leurs progrès flateurs
S'éleve un espoir téméraire ,
D'eux- mêmes rigoureux Cenfeurs ,
L'étude leur devient plus chere .
Pour réparer ce que les ans
Peuvent nous ôter d'agrémens ,
C'eft la reffource néceffaire .
Je fuis député près de vous
D'un peuple plus libre que nous u
D'un peuple amoureux de la gloire
Que vous feuls pouvez difpenfer.
Eh ! quel titre vaut la victoire
careffer
D'un Auteur que peut
L'acceuil d'un fi bel auditoire ?
Voilà le Temple de Mémoire ;
yous feuls avez droit d'y placer
AVRIL. 1748. 175
Nous fçavons quel péril menace
L'épreuve des jeunes Auteurs ;
Faut -il redoubler leurs frayeurs ,
Leur demander avec audace
'S'ils ont quelque nom au Parnaffe ,
Ou quelques bruyans protecteurs
N'aurions-nous pas mauvaiſe grace
D'étouffer les germes des fleurs ?
Que les Mufes font journalieres
On voit profperer tels eflais ,
Er du fiécle on voit les lumieres
S'éteindre après bien des fuccès.
Pour la gloire de nos Spectacles
Nous fouhaitons votre équité
Autant que de tous vos oracles
Nous refpectons l'autorité .
Rivaux fans envie & fans haine
Des jeux qu'offrent à vos loifirs
Et Terpficore & Melpomene ,
Nous avons regler nos défirs.
Puiffe la fcéne plus féconde
Rendre tous les talens du monde
Tributaires de vos plaifirs
134 MERCURE DE FRANCE.
薪洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
NOUVELLES ETRANGERES ,
SUEDE.
1 Es lettres de Stockholm portent que le 21 Février
M. Franck , Gentilhomme de la Chambre
de S. M. Suedoife s'étoit rendu par ordre de
ce Prince chés tous les Miniftres étrangers , & leur
avoit remis un Mémoire qui porte que M. de Guydickens
, depuis qu'il exerce l'emploi de Miniſtre ,
doit être trop bien inftruit des ufages , pour ignorer
qu'il ne pouvoit donner retraite à un homme
accufé de haute trahifon , & que le Gouvernement
a de la peine à croire que l'écrit qui paroît fous le
nom de cet Envoyé , foit forti de fa plume ; quer
cette piéce contient une infinité d'allégations dont
la faufleté eft manifefte ; qu'il y a dans le récit des
converfations du Baron de Nolken avec M. de
Guydickens un grand nombre de détails fupprimés
ou altérés , & qu'on y prête au Chancelier de
la Cour des difcours également abfurdes & indécens
; que la circonftance des gens armés , qui ont
fuivi le caroffe de M. de Guydickens , eft de pure
invention , auffi- bien que celle des tentatives pour
fouiller les domeftiques de ce Miniftre ; qu'il eſt
extrêmement furprenant qu'on veuille faire envifager
, comme une trahifon , le zéle qui a porté
quelques- uns à découvrir la retraite du Négociant
Springer & qu'on prétende qu'en étant au fervi
ce d'un Envoyé ils ceffent d'être Sujets du Roi ;
enfin que c'eft mettre le comble à l'abus du caractére
d'homme public , que de s'ériger en Juge d'u
ne affaire dévolué à la connoiffance des Etats du
AVRIL.
1748. 339
Royaume , d'accufer de fauffeté une Déclaration
faite de la part de fa Majefté & de pouffer la témérité
jufqu'au point de traiter de Comédie des
Actes de Juſtice exercés par des ordres émanés du
Gouvernement.
Les lettres de Stockholm marquent que le Baron
de Korff, Envoyé extraordinaire de l'impératrice
de Ruffie auprès du Roi de Suede , étant rappellé
par cette Princeffe , il a eu fes audiences de congé
de fa Majefté Suédoife & du Prince Royal . Il fera
remplacé par le Comte de Panin , qui réside à Coppenhague
de la part de la Cour de Pétersbourg.
Ces lettres confirment que M, de Guydickens a
reçu auffi les lettres de rappel du Roi de la Grande
Bretagne.
9
Suivant les lettres de Pologne la tête de l'avantgarde
du Corps de troupes Ruffiennes que fa Majefté
Britannique & les Etats Généraux des Provinces
Unies ont pris à leur fervice , entra le 16
Février dans la Samogitie , & le 28 la derniere divifion
y étoit arrivée. Les nouvelles de Péterf
bourg contiennent les particularités fuivantes.
L'échange des Ratifications du Traité de fubfide ,
conclu par le Roi de la Grande Bretagne & par la
République de Hollande avec l'Impératrice de
Rufic , ayant été fait le 8 Février , le Baron de
Breitlach , le Comte de Hindford & M. Zwart ,
errent le 11 à cette occafion une audience
de cette Princeffe , qui en donna une auffi le
même jour à M. de Wolfenftierna , Envoyé extraordinaire
du Roi de Suede. Le lendemain l'Impératrice
de Ruffie partit pour aller paffer quel,
ques jours à Czarska-Zelo.
Deux Régimens des troupes Ruffiennes qui font
au fervice du Roi de la Grande Bretagne & de la
République des Provinces Unies , arriverent à
136 MERCURE DE FRANCE.
Grodno le 4 Mars , & ils y ont été joints les trois
jours fuivans par le refte de la premiere divifion
de ces troupes. Elles ont rencontré plufieurs obftacles
dans leur marche , & il leur a fallu faire de
grands détours pour éviter les marais dont la Lithuanie
eft remplie. Pour remédier à la difficulté
des vivres , on a établi divers magafins fur la route
, & on a défendu aux Juifs de vendre aucunes
denrées au- delà du prix qu'elles ont dans les principales
villes du Royaume. On mande de Péterfbourg
que l'Impératrice de Ruffie foupa le 28
Février chés le Comte de Beftuchef , Grand
Chancelier , auquel elle a fait préfent de quarante
mille roubles. Ĉette Princeffe a envoyé ordre aux
Gouverneurs des Places voifines de la Crimée de
garnir de troupes tous les poftes fitués le long du
Daiefter , afin de s'oppofer aux courfes que les
Tartares pourroient faire de ce côté . Elle a auffi
ordonné de vifiter exactement les vaiffeaux étran
gers qui entreront dans les Ports de la mer Baltique.
Les mêmes nouvelles portent que la fan: é
du Knéés Repnin étant rétablie , il a pris la route
de Pologne , pour aller joindre les troupes Ruf
fiennes dont il a le commandement.
Les avis reçûs de Péterfbourg portent que leCom-*
te de Hindford , Ambaſſadeur du Roi de la Grande
Bretagne , & M. Zwart , Miniftre Plénipotentiaire
des Etats Généraux des Provinces Unies ,
ont eu le 2 Mars une audience de l'Impératrice de
Ruffie & qu'ils lui ont demandé de la part de fa
Majefté Britannique & de la République de Hollande
un nouveau fecours de dix ou douze mille
hommes.
Les lettres de Stockolm du 25 Mars portent
que la maladie duRoi de Suede n'a point eu de fuites
fachenfes,& que l'on efpere que le retour de la
AVRIL. 1748. 137
belle faifon pourra rétablir entierement la ſanté de
fa Majefté. Le 16 le Prince Royal s'étant rendu á
l'Académie des Sciences , y prononça un Difcours,
auquel le Baron d'Ehrenpreus répondit pour cette
Compagnie, ony fit en préfence de ce Prince plufieurs
nouvelles expériences , entre autres une de
Chymie , dont il parut fort fatisfait . Ce Prince ,
qui n'a point quitté le Roi tant que l'état de fa
Majefté a donné de l'inquiétude , eſt allé le 22 d
fa Maiſon de plaifance. On a publié par ordre du
Roi que toutes les perfonnes aufquelles il eft du
quelque fomme pour des fournitures faites pendant
la derniere guerre , n'avoient qu'à s'adreffer
pour recevoir leur payement , à la Commiffion
établie à ce fujet. Sa Majeſté a accordé au Baron
Axel de Lowen , Sénateur , le Gouvernement Gé
néral de la Pomeranie.
On écrit de Warfovie du 27 du même mois que
depuis que les troupes Ruffiennes font arrivées à
Grodno , elles fe font réunies en deux colonnes ,
dont chacune eft d'environ quinze mille hommes.
Leur route a été changée , &il a été reglé que ces
Troupes marcheroient par Odetsk , Kinky , Grodeck
, Tupolani, Zobludow , Plofny , Orla , Klef
cele , Wyfokielitt , Krinky , Conftantinovie,
Miedrzyce , Radzin , Kock ; Meichow , Kuroff ,
Pulawi , Zwolen , Oftrowiecz , Zienow , Opatoff,
Paconiow , Nowemiafto , Ranow , Kiuskin , Ty
Koczin, Wylecky, Czinewow , Brock , Branfczyck
& Gera. Elles pafferont la Viftule en ce dernier
endroit , où il s'eft déja rendu un détachement de
leur premiere colonne . Les magafins deftinés
pour leur fubfiftance fur le chemin de Grodno a
Gera , ont été établis à Tupolani , à Wyfoxiellitt ,
à Miedrzyce , à Zwolen , à Zieno , à Nowemiafto ,
à Wylecky & à Branfcyck. Une partie de la Caiffe
138 MERCURE DE FRANCE.
militaire de ces troupes eft déja arrivée à Warfo
vie fous une eſcorte de Dragons. La Cour de Ruffie
a fait remettre au Gouvernement les fommes
dues pour le payement des fourages qu'on a jufqu'à
préſent fournis aufdites troupes. Divers
Ecrits anonymes ont été répandus depuis quelque
tems ; celui qui fait le plus de bruit , eft intitulé ,
Exhortation fraternelle à la noble & vaillante Na
tion Polonoife ; l'Auteur entreprend de prouver
qu'il eft de la gloire & de l'intérêt des Polonois
de former une Confédération , On a appris de Pétersbourg
que l'Impératrice de Ruffie fe propofoit
d'en partir le 12 pour Czarfa Zelo , & que
Grand Duc & la Grande Ducheffe devoient l'ac
compagner dant ce voyage. Les mêmes lettres
marquent que le 10 le Lord Hindford , Ambaffadeur
du Roi de la Grande Bretagne , avoit reçû de
Londres un courier , dont il étoit allé fur le champ
communiquer les dépêches au Grand Chancelier
de Ruffie.
ALLEMAGNE.
le
ON mande deBerlin du 6Mars que plufieurs
irrégularités s'étant trouvées dans les comp
tes du Major Général Walrave , S. M. Pruff, lui a
ôté le Régiment dont il étoit Colonel & qu'elle en
a difpofé en faveur de M. de Sers qui en étoit Colonel
Commandant.
On écrit de Francfort du 10 Mars que les Dépu
tés des Cercles Anterieurs , dans une affemblée
qu'ils tinrent le premier , ont dreffé à la pluralité
des voix un Conclufum , par lequel il eft dit que vu
l'union qui depuis un tems immémorial fubfifte
entre ces Cercles , & par le défir qu'ils ont de contribuer
au maintien de la tranquillité & de la
AVRIL. 1748 . 739
fareté de l'Empire , ils font déterminés à reconnoître
leur affociation , comme ayant pour baſe
les loix fondamentales du Corps Germanique ,
qu'au refte dans cette démarche ils n'ont point in
tention d'offenfer aucune Puiffance , & qu'ils fe
conforment à la teneur des anciens Actes , qui
n'ont pour objet que des meſures de défenſe ; que
leur deffein eft en même tems de mettre cette af
fociation à l'abri de toute atteinte , qu'ils le prête-
Font en conféquence les fecours mutuels , preferits
par les Traités,& qu'ils obferveront à cet égard ce
qui a été reglé le 17 Décembre 1745 par la Diette
générale de l'Empire. Une copie de ce Conclufum
a été remife au Comte de Cobentzel , Minif
tre Plénipotentiaire de la Cour de Vienne , avec
un Mémoire qui porte que les Cercles le remer
cient de ce qu'il a bien voulu par fes lettres du 19
Décembre 1746 & du 19 Février de cette année ,
leur faire fçavoir que l'intention du Grand Duc de
Tofcane étoit qu'on pourvût au plutôt & de la
maniere la plus efficace à tout ce qui pour
roit affermir la tranquillité & la fûreté de l'Allemagne
, & qu'on procédât à continuer fur un
pied folide l'affociation des Cercles ; que comme
les foins de ce Prince n'ont pour but que le bien
commun , les Cercles fentent la néceflité de fe
conformer à fes défirs , en tant qu'il ne s'agira
que de la défenfe de l'Empire , que conféquem
ment ils ont pris la réfolution de fe fecourir mutuellement
contre tout agreffeur , & qu'ils priens
le Comte de Cobentzel d'affûrer le Grand Duc de
Tolcane de leur parfait dévouement , & de lui făire
agréer leurs difpofitions. Non- feulement le Duc
de Wittemberg n'eft point entré dans cette Affociation
, mais il a déclaré par un écrit public qu'il
ne fe croyoit point obligé de foufcrire aux déci
fions du Cercle de Suabe.
140 MERCURE DE FRANCË.
On écrit de la même ville du 26 que deux mille
Efclavons & un pareil nombre de Croates destinés
à joindre l'armée des Alliés dans les Païs Bas font
arrivés dans les environs de cette ville & qu'ils
doivent s'embarquer fur le Mein , tant à Francfort
qu'à Mi'denberg & à Wertheim , pour continuer
leur route. 11 paffe tous les jours un grand nom
bre de recrues pour les troupes de la Reine de
Hongrie & pour celles des Etats Généraux des
Provinces Unies . M. Onflow Burish , Miniſtre du
Roi de la Grande Bretagne , eft allé à Nuremberg
pour préfenter aux Etats de ce Cercle les Lettres
Réquifitoriales de fa Majeſté Britannique , au fujet
du paffage des troupes Ruffiennes. Selon les
lettres de Duffeldorp , la plupart des troupes de fa
Majefté Hongroife , qui ont paffé l'hyver dans
PElectorat de Cologne , fe font mifes en marche
vers la Meufe. Les avis reçûs de Heydesheima
portent que le Prince Georges de Heffe Darmstadt
a épousé le 15 la Comteffe Marie Louife Albertine
, fille aînée du Comte de Linange.
Les lettres de Weymar du 20 Mars marquent
que par un courier arrivé dernierement de Vienne
on a appris que l'adminiftration de ce Duché appartenant
au Duc de Saxe Meynungen pendant la
minorité du Duc Souverain de ce Duché , dont il
eft le plus proche Agnat , le Grand Duc de Tofcane
avoit écrit au Duc de Saxe Gotha , pour l'engager
à fe défifter de cette adminiftration . Le
Grand Duc de Tofcane a mandé en même tems
au Duc de Saxe Meynungen , que comme il étoit
abfent & trop occupé de les propres affaires , pour
veiller à celles de ce Duché , le Confeil Aulique
avoit jugé à propos de déferer la Régence au Dão
de Saxe Coetbourg Saalsfeld , en attendant que le
Duc de Saxe Meynungen pût s'en charger. Le
AVRI L. 1748. 141
Duc de Saxe Coetbourg Saalsfeld a reçû auffi une
lettre , par laquelle le Grand Duc de Toſcane lui
fait fçavoir qu'il peut prendre poffeffion de la
Régence , après qu'il fera convenu avec les Etats
de ce Duche & de celui d'Eyfenach de la maniere
dont il exercera fa Tutelle ,
Les lettres de Dreſde du 30 Mars portent qu'un
courier dépêché par le Grand Général de la Cou
ronne de Pologne , a rapporté que la premiere divifion
des troupes Ruffiennes qui font au ſervice
de la Grande Bretagne & de la République des
Provinces Unies , étoit partie de Grodno le 6 pour
fe rendre à Cracovie par Tyckoczin , Nur , Dumbincky
, Mordzice & Pinczow . Le mauvais tems
qu'on a eu pendant ce mois a retardé leur marche
de plufieurs jours . M. Poniensky , Colonel
d'un des Régimens dont ce Corps de troupes eft
compofé , eft arrivé le 26 à Drefde . Le Roi a fixé
au 3 du mois de Juin fon départ pour Warfovie.
On mande de Berlin que le Roi de Pruffe y eft
revenu de Potſdam le 25. Suivant les mêmes avis
Je Major Général Walrave , ayant été convaincu
de diverfes malverfations , a été condamné à une
prifon perpétuelle & fes biens ont été confifqués.
Les lettres de Vienne marquent que la Reine de
Hongrie paroît perfifter dans la réfolution de faire
aflembler une armée fur la Mofelle & d'en donner
le commandement au Prince Charles de Lorraine
. Le bruit court que ce Prince aura fous lui
le Feldt -Maréchal Comte de Browne , à la place
duquel le Prince Vinceflas de Lichtenſtein ira commander
les troupes en Italie .
Les nouvelles de Vienne du 30 Mars portent
qu'on vient d'apprendre que l'Ambaſſadeur du
Grand Seigneur étoit arrivé le 18 de ce mois
Peter Waradin, Le Baron de Kettler que la Reine
142 MERCURE DE FRANCE.
avoit envoyé en Moravie pour y donner quelques
ordres concernant les troupes Ruffiennes , ayant
rapporté que la grande quantité de neige qui eft
tombée dans la Curlande & dans la Lithuanie ,
avoit retardé la marche de ces troupes & qu'elles
ne pourroient arriver en Allemagne auffi tôt qu'on
Pefperoit , fa Majefté a differé fon départ pour
Olmutz. Il s'eft tenu le 27 un grand Confeil, dans
lequel on a déliberé fur les lettres d'un courier dépêché
par le Feldt - Maréchal Comte de Bathiany.
Le 29 les Etats de Boheme firent l'ouverture de
leur affemblée. Milie Efclavons ,commandés par le
Colonel Butey,font en marche pour ſe rendre dans
les Païs Bas , & un pareil nombre de Carlftatiens
ont pris la même route fous les ordres du Comte
de Herberstein . Le Prince de Stolberg a été déclaré
Major Général.
L
GRANDE BRETAGNE .
Es nouvelles de Londres du 8 Mars nous ap
prennent que l'Abbé Groffa Tefta , Minif
tre du Duc de Modéne , eut le 6 fa premiere audience
du Roi. Le 29 du mois précédent S. M.
s'eſt renduë à la Chambre des Pairs avec les cérémonies
accoûtumées , & ayant mandé la Chambre
des Communes , a donné fon confentement à plufreurs
Bills , tant publics que particuliers. Lorsque
le Roi fe fut retiré, les Seigneurs firent la premiere
lecture du Bill qui défend les affûrances fur les
vailleaux François , & d'un autre Bill concernant
les moyens de retenir plus fermement dans l'obéiffance
les Montagnards du Royaume d'Ecoffe.
Les Seigneurs ont paffé le 8 le premier de ces Bills,
& ils ont réfolu de préfenter une Adreſſe à ſa Majesté
pour demander qu'on leur remette un étaði
AVRIL. 1748.
143
des fommes aufquelles les dettes de la Marine
montoient à la fin de l'année derniere . La Cham
bre des Communes ordonna le 29 Février de por
ter un Bill , afin de regler les procédures des Con-
Leils de guerre , qui fe tiendront au fujet des délits
conimis dans la Marine. Le premier Mars la
Chambre lût pour la premiere fois le Bill contre
les foldats mutins & les déferteurs . Elle examina
enfuite divers Etats , & la copie du Traité par lequel
le Duc de Brunſwick Wolfenbuttel s'engage
fournir à la Grande Bretagne & à la République
des Provinces unies depuis le 24 Mars jufqu'au 24.
Décembre , un Corps de quatre mille huit cent
hommes. Le 4 la Chambre accorda au Roi trois
cent quinze mille huit cent foixante-feize livres
fterlings pour les dépenses extraordinaires que les
troupes de terre dans les Païs Bas ont occafionnées
pendant l'année 1747 ; cinquante- trois mille huit
cent foixante & une pour la paye du Général &
des Officiers Généraux , pour celle des Officiers
de l'Etat Major & pour l'entretien des Hôpitaux
pendant l'année courante ; cinquante- fept mille
fept cent quatre-vingt- douze pour les troupes de
Wolfenbutte!; vingt- fept mille deux cent . vingtquatre
à compte des fommes allouées pour les Ŏfficiers
de terre & de Marine à la demi paye ; trois
mille huit cent pour les penfions de leurs veuves ,
& huit mille huit cent cinquante pour les penfions.
des Officiers des deux Compagnies des Gardes du
Corps qui ont été réformées. Cette Chambre a
fufpendu les féances jufqu'au 12 , à caufe de l'indifpofition
de M. Arthur Onflow , fon Orateur.
Le Duc de Cumberland , dont les équipages
avoient pris les devans le 28 Février , s'embarqua
de 6 Mars à Harwich pour retourner en Hollande.
Les Yachts destinés à l'y tranſporter font eſcortés
144 MERCURE DE FRANCE.
par deux vaiffeaux de guerre , l'un de cinquante
canons , & l'autre de vingt . Ce Prince a été déclaré
Généraliffime des troupes de la Grande Bretagne,
Le Baron de Wafner ,Miniftre de la Reine de H.
a dépêché un courier à cette Princeffe , pour lui
annoncer que le Roi de la G. B. avoit accordé cent
mille livres fterlings , tant pour les quatre mille
hommes de Cavalerie qu'elle a promis de joindre
aux troupes auxiliaires de Ruffie , que pour les.
magafins qu'elle doit faire établir en Moravie pour
ces troupes. On affûre que fa Majefté fera ' à la
Reine de Hongrie l'avance d'une pareille fomme ,
à condition que cet argent foit employé au fiége
de la ville de Génes , & que la Cour de Vienne
s'engage à reftituer cette fomme en cas qu'on fe
rende maître de cette Place .
La fanté de M. Artur Onflow , Orateur de
la Chambre des Communes , étant rétablie , cette
Chambre a repris fes féances. Le 13 Mars elle dé
cida qu'on leveroit encore cette année la taxe de
quatre fchelings par livre fterling fur le revenu
des terres & des autres biens fonds. Elle approuva
le 14 cette réfolution & ordonna de porter un Bill
en conféquence. Dans la même féance elle fit la
premiere lecture de celui qui concerne les Confeils
de guerre tenus au fujet des délits commis
dans la Marire . Le 1s elle a lû pour la premiere
fois le Bill de la taxe fur les biens fonds , & elle
s'eft féparée enfuite , pour ne fe raffembler que
le 18.
L'appel des Membres de la Chambre des Communes
a été renvoyé au 15 du mois de Mai . Il a
été préfenté par le Commun Confeil de Londres
une Requête au Parlement pour demander lafuppreffion
de l'Acte qui permet de colporter des
marchandifes
AVRIL. 1748. 145
marchandiſes dans les rues & dans les maifons,
Par cette Requête le Lord Maire & les Aldermans
repréfentent que les Marchands qui tiennent des
boutiques , offrent de payer chacun vingt fchelings
par an , fi l'on veut révoquer cet Acte. On parle
d'un nouveau Reglement , propofé pour arrêter le
progrès de la maladie épidémique , qui continuë
d'enlever un grand nombre de beftiaux dans plu
heurs Provinces,
On écrit du 29 Mars que l'état des dettes de la
Marine fut remis le 25 de ce mois aux Seigneurs.
On examina le 22 dans la Chambre des Communes
le rapport des Commiffaires des Taxes au fujet des
difficultés qui fe rencontrent dans la perception de
la taxe fur les maifons. La Chambre fit enfuite la
premiere lecture d'un autre Bill , qui explique
deux Actes du Parlement , concernant les affemblées
des Epifcopaux & les habillemens des Montagnards
d'Ecoffe. Le 25 elle approuva la réfolution
d'impofer un droit de fix fchelings fur chaque
voiture de charbon , & d'en appliquer les deniers
au fecours des pauvres orphelins de cette ville.
Elle paffa le lendemain après de longs débats ,
à la pluralité de cent cinquante- cinq voix contre
cent huit , le Bill pour tenir les Affifes d'Eté à Buckingham.
Le 27 elle lût pour la premiere fois les
nouvelles claufes ajoûtées à l'Acte portant défenſe
d'introduire des toiles du Cambrefis & du Linon
des Manufactures de France dans la Grande Bretagne
. Un train d'artillerie , compofé de cent cinquante
piéces de canon & de quarante mortiers ,
a été embarqué à Wolwich , pour être transporté
en Hollande . Les détachemens des Gardes à che
val & quatre mille trois cent hommes d'autres
troupes ayant fait voile de Gravefend le 17 , fix
bâtimens de tranſport de ce convoi ont été féparés:
G
146 MERCURE
DE FRANCE
.
par la tempête
, des vaiffeaux
de guerre qui les ef- cortoient
, & ils font revenus
à Harwich
, après avoir couru plufieurs
fois rifque d'être enlevés par
des Corfaires
François
qui les ont pourfuivis
. Le
Corfaire
le Tigre , de Bristol , y a conduit
un vaif- feau de Registre
Eſpagnol
, à bord duquel on affûre
qu'il y a quatre- vingt mille piéces de huit. Les Commiffaires
de l'Amirauté
ont reçû avis que
l'efcadre
de l'Amiral
Hawke
s'étoit rendue de- yant Cadix , afin de tâcher d'intercepter
les gallions
qu'on attend de l'Amérique
. Le vaiffeau
le Heatchote
, appartenant
à la Compagnie
des Indes Orientales
, a fait naufrage
en allant à Mocha , & dix-huit perfonnes
de l'équipage
ont été noyées.
Les Négocians
intéreffés
au commerce
d'Afrique ont fait des repréſentations
au Gouvernement
far le danger où l'on le trouve de perdre ce commer- ce , & fur la néceflité
de pourvoir
à la conferva- tion. Le Feldt - Maréchal
Wade , Commandant
en chef de l'artillerie
de la Grande Bretagne
, mourut le 25. Le Comte de Powis , Vicomte
de Mont- gommery
, eft mort aufli en cette ville. On écrit de Londres
dus de ce mois qu'il fe
tint le 29 du mois dernier un Confeil extraordinaire
, à l'occafion
des dépêches
apportées
par un
courier du Comte de Sandwich
, Miniftre
Pléni- potentiaire
du Roi aux conférences
d'Aix- la- Cha- pelle. M. d'Andrada
, Envoyé du Roi de Portugal,
eut le lendemain
fa premiere
audience
de fa Ma- jefté , étant préfenté
par le Duc de Bedford Secre- taire d'Etat , & conduit par le Chevalier
Clement Cotterel , Maître des Cérémonies
. Les le Roi s'eft rendu à la Chambre
des Pairs , & fa Majefté après avoir mandé la Chambre
des Communes
, a
donné fon confentement
à plufieurs
Bills. Les Sei- gneurs pafferent
le 29 du mois dernier celui par
AVRIL: 1748. 147
lequel il eft accordé un délai aux perſonnes , qui
étant pourvûës de charges ou d'emplois n'ont pas
encore prêté les fermens requis . On remit le même
jour devant la Chambre des Communes le Réſultat
des conférences tenues à la Haye en 1745 ,
entre le Comte de Chefterfield & quelques Députés
de la République des Provinces-Unies ; une
copie de la convention conclue les Mai de la
même année avec cette République , & plufieurs
comptes concernant les établiffemens des Anglois
dans l'Amérique. Le premier de ce mois la
Chambre paffa le Bill de la taxe fur les terres : elle
fit enfuite la premiere lecture de celui qui expli
que l'acte de la taxe fur lesmaifons , & l'on propola
d'examiner ce Bill en Committé , mais il y
eut pour la négative cent quatorze voix contre
cinquante- cinq. La Chambre délibéra le jour ſuivant
fut le Bill qui regarde les montagnards d'Ecoffe.
Les Colonies de New Hampshire , de Connectitute
& de Marfachafers Bey , ont préfenté
des Requêtes à la Chambre , pour demander d'être
indemnifées des dépenfes que leur a occafionnées
P'expédition contre le Cap Beton. Le Gouvernement
a reçu de la part de l'Impératrice de Ruffie la
Ratification de la Convention fignée le 30 du
mois de Novembre de l'année derniere à Péterf
bourg, par les Miniftres de cette Princeffe & par
ceux de la Grande Bretagne & des Etats Généraux
des Provinces Unies. Le courier que le Comte de
Sandwich a dépêché au Roi , a été renvoyé à Aix
Ja-Chapelle avec de nouvelles inftructions pour
ce Miniftre. On efpére qu'elles tendront à favo
rifer le faccès des conférences pour la paix . Le
bruit court que le Comte Charles de Bentinck
qui fe prépare à retourner en Hollande , a réuſſi
dans la négociation. Il paroît décidé que fa Majefté
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
accordera à la Reine de Hongrie un nouveau fe
cours de cent mille livres fterlings , afin de mettre
cette Princeffe en état de foûtenir la guerre avec
plus d'avantage en Italie . Le Roi a nommé le Gépéral
Ligonier Commandant de l'Artillerie de la
Grande Bretagne à la place du feu Maréchal Wade.
Sa Majefté a accordé à M. Robert Elifon la place
de Lieutenant de Roi du Cap Breton , & elle a
difpofé de quelques- uns des Régimens vacans.
L'efcadre que l'Amiral Moftyn doit commander,&
qui eft compofée de huit vaiffeaux,devoit être prête
le 20 à mettre à la voile. On a ordonné d'équiper
quatre vaiffeaux de guerre qui font deſtinés à aller
croifer dans la mer Baltique.
Stion
PROVINCES - UNIES .
›
Elon des copies qui paroiffent de la Convention
conclue à la Haye le 26 du mois de Janvier
dernier entre la Reine de Hongrie , le Roi
de la Grande Bretagne , le Roi de Sardaigne & la
République , il a été ftipulé que les troupes de la
Reine de Hongrie dans les Pays- Bas feroient
de foixante mille hommes , celles du Roi de la
Grande Bretagne de foixante- fix mille & celles
de la République d'un pareil nombre ; que cinquante
mille hommes des troupes de fa Majefté
Hongroife feroient prêts à s'affembler le premier
Mats , & qu'elle fourniroit le refte dans le cours
du mois d'Avril ; que pour ce qui regarde les
troupes de Ruffie , quand même elles n'arriveroient
pas auffi promptement qu'on le defiroit , fa
Majefté Britannique & les Etats Généraux ne
pourroient être accufés d'avoir manqué à leurs
fur cet
engagemens
articlee ; que la Reine de Hongrie
& les Etats Généraux , outre leurs contingens,
AVRIL 1748. 149
qui doivent faire partie de l'armée des Alliés
feroient tenus d'avoir des garnisons fuffifantes
dans diverfes Places , & que s'il étoit néceffaire de
renforcer ces garnifons , cela fe feroit avec des
troupes de la Puiffance , à laquelle les Places appartiennent
; qu'on fe conforineroit pour les dépenfes
de l'artillerie & de fon tranſport , pour la
Jivraiſon de la paille & du bois aux troupes , pour
les voitures & les chevaux qu'on tireroit du plar
pays , aux arrangemens pris l'année derniere entre
le Roi de la Grande Bretagne & les Etats Généraux
; que la République armeroit dix ou douze
vaiffeaux de guerre pour les joindre à la flotte de
fa Majefté Britannique ; qu'outre les troupes deftinées
pour l'armée des Pays-Bas , la Reine de Hon
grie auroit en Italie foixante autres mille hommes,
indépendamment des garnifons des Places de
Lombardie ; qu'elle aflembleroit ces troupes le plu
tôt qu'il feroit poffible , & que le premier Mars
elle feroit remettre aux Puiffances contractantes
une liste des bataillons & des efcadrons dont ce
contingent feroit compofé , que les troupes du Roi
de Sardaigne , de même fans y comprendre les
garnifons de fes Places , montéroient à trente
mille hommes ; que ce dernier contingent , ainfi
que celui de fa Majefté Hongroife , feroit prêt au
plus tard le premier Mai à fe mettre en campagne
; que le Roi de ia Grande Bretagne fourniroit,
comme l'année derniere , trente vaiffeaux de ligne ,
ou au lieu de quelques- uns de ces vaiffeaux un
certain nombre de petits bâtimens propres à feconder
les opérations fur les côtes de France &
d'Italie , & à empêcher les tranſports des troupes
& des convois des ennemis , que pour aider
la Reine de Hongrie à fubvenir aux dépenſes
pour les troupes , la Majefté Britannique lui paye.
Giij
50 MERCURE DE FRANCE.
roit un fubfide de quatre cent mille livres fterlings,
fçavoir cent cinquante mille immédiatement après
lä fignature de la Convention ; cent mille peu
après l'échange des Ratifications ; cinquante mille
un mois après ,& les cent mille reftantes , lorfque
les Officiers de cette Princeffe auroient donné des
preuves certaines que chacun de fes contingens ,
tant aux Pays-Bas qu'en Italie , auroit été porté à
foixante mille hommes effectifs ; que fi le nombre
des cent vingt mille hommes ne fe trouvoit pas
complet , on diminueroit la fomme du dernier
payement à proportion du nombre de foldats qui
manqueroit dans lefdits contingens ; que le Roi de
Sardaigne recevroit auffi du Roi de la Grande Bre
tagne un fubfide de trois cent mille livres sterlings ;
moyennant les mêmes conditions réglées par rap
port à la Reine de Hongrie ; que les Puiffances
Contractantes , afin d'être plus affûrées de leur fi
délité réciproque à remplir leurs engagemens , ordonneroient
à leurs Généraux de fe communiquer
respectivement de tems en tems les liftes des trou
pes qu'ils commanderoient ; que le Duc de Cum
berland & le Prince Stathouder décidéroient , de
concert & avec l'approbation des Puiſſances Alliées
, de tout ce qui concerneroit le commandement
des armées dans les Pays Bas ' ,
& que toute
l'armée en Italie feroit fous les ordres du Roi de
Sardaigne.
Le 9 Mars le Duc de Cumberland arriva de
Londres , & le Prince Stathouder alla le même
jour lui rendre vifite.
Les Commiffaires de l'Amirauté d'Amſterdam
ont fait publier que les vaiffeaux de guerre , qui
doivent escorter les navires Marchands destinés
pour la Méditerranée , feroient prêts à mettre à
la voile le 15 Mai prochain. Deux navires HolAVRIL.
1748. 151
landois commandés par les Capitaines Jean Hilkes
& Jean Lomt , qui revenoient , l'un de Carthagene
, l'autre de Smirne , ont été enlevés par un Corfaire
François , qui les a conduits à Marseille . Le
même Corfaire s'eft auffi emparé d'un bâtiment
Anglois. M. Everard Jacob de Wackendorff
Recteur de l'Univerfité d'Utrecht , a prononcé le
jour de la fin de fon Rectorat un Diſcours Latin ,
dans lequel il s'eft propofé de prouver qu'un Médecin
, habile Chymifte , cft fort fupérieur à celui
qui n'a pas cet avantage. Les nouvelles de Liége
portent que le Comte de Saint Severin d'Arragon ,
Miniftre Plénipotentiaire du Roi Très- Chrétien
aux conférences qui doivent fe tenir pour la paix ,
y étoit arrivé le 26 Mars dernier avec la Comteffe
fon époufe , fous l'efcorte d'un détachement de
cinquante Huffards des troupes de la Reine de
Hongrie , & que le lendemain il avoit continué fa
route vers Aix-la- Chapelle. On a fçû par les mêmes
lettres que le Baron de Wanfoule , Prévôt de
l'Eglife Cathédrale de Liége , étoit mort dans un
âge fort avancé.
On écrit de la Haye dus Avril qu'on travaille
à amafler dans la Mairie de Bois- le-Duc une gran
de quantité de vivres & de fourages pour les troupes
des Alliés . Le principal magafin fera à Eyndhoven
, & il ne tardera pas à être rempli. Le
Prince Stathouder a gardé la chambre à caufe
d'une indifpofition , mais fa fanté étant rétablie il
alla le premier de ce mois chés le Duc de Cumberland
, & il eut avec ce Prince une longue conférence
, à laquelle affifterent le Prince Frederic de
Heffe & le Prince Louis de Brunſwick Wolfenbuttel.
Il fe rendit l'après - midi avec ces Princes
chés le Feldt- Maréchal Comte de Bathiani , qui
continue d'être incommodé , & l'on y tint un CónĠ
iiij
752
MERCURE DE FRANCE.
Teil de guerre. Conféquemment aux réfolutions
qui y ont été priſes , toutes les troupes des Alliés
font en mouvement , pour aller fe pofter dans les
environs de Maeftricht & de Bréda . Près de quarante
mille hommes font déja à portée de ſe raf
fembler fous cette derniere Place. On a ordonné
aux Officiers Généraux de fe rendre avant le 15
à leurs divifions. Le Prince Louis de Brunſwinck
Wolfenbuttel partit le 3 pour retourner à Bréda
où eft fon quartier , & depuis la reception des dernieres
lettres de Londres le bruit fe répand que le
Duc de Cumberland fe mettra inceffamment à la
tête de l'armée. On a renforcé les troupes qui font
à Wow, à Nifpen , à Rofendaal & à Ruckween .
La cérémonie du Bâtême du Comte de Buren eft
fixée au 10 de ce mois. Quelques rougeurs ayanť
paru fur le vifage de la Princeffe Caroline , on a
reconnu qu'elle étoit attaquée de la rougeole.
Cette Princeffe fe porte beaucoup mieux , & elle
n'a en la fiévre que pendant vingt - quatre heures.
Les Députés des Etats de Hollande & de Weftfrife
ont repris le z leurs déliberations. Ceux de la
Compagnie des Indes Orientales ont proposé à
l'affemblée des Etats Généraux un projet fur les
mefures qu'il convient de prendre pour la fûreté
des établiemens de cette Compagnie . La Diette
des Etats de Frife s'eft féparée le 29 du mois dernier
. Elle a donné fa réponſe fur le Mémoire que
les Etats Généraux lui avoient adreffé , & les Députés
qu'ils avoient chargés de préfenter ce Mémoire
, font allés exécuter une commiffion auprès
des Etats de la Province de Groningue .
2
AVRIL.
153 1748 .
L
ITALIE .
De Malte le 28 Février.
A galére Turque deftinée à tranfporter à Rhodes
Ofman Pacha , ci- devant Grand Vifir
étant arrivée à Magri de Natolie , & Ofman Pacha
y étant débarqué , les efclaves Chrétiens dont la
Chiourme étoit compofée & qui étoient la plupart
Maltois , ont trouvé le moyen de récouvrer leur
liberté. A un fignal dont ils étoient convenus &
qui étoit le cri , Vive Saint Jean , ils fe font faifis
des armes qui fe font préfentées , & ayant attaqué
les Turcs qui étoient à bord , ils les ont tous tués
ou jettés à la mer , à l'exception de vingt - deux qui
ont été chargés de fers. Ayant enfuite mis à la
voile , ils ont conduit heureufement le bâtiment
dans ce Port . Ils ont trouvé en chemin une barque
Turque dont ils fe font auffi emparés. Muftapha
, Pacha de Rhodes & le Major de la galére ,
font du nombre des efclaves qui ont été conduits
ici .
L
DE GENES le 2 Mars.
E Comte Nadafti ayant reçû ordre du Feldt-
Maréchal Comte de Browne de tâcher de
s'emparer de Voltri , il fit fortir de leurs quartiers
le 17 du mois dernier les troupes de la Reine de
Hongrie qui étoient à Novi , à Ottagio , à Ovada
& à Campofredo , & il en forma un Corps de
quatre mille hommes , avec lefquels il fe mit en
marche à l'entrée de la nuit fur trois Colonnes.
Celle de la droite , commandée par le Comte de
Sorre , fe porta de Campofredo à la Chapelle de
Mazone , d'où , en longeant les fomnités des
6.1
154 MERCURE DE FRANCE.
montagnes , elle s'avança vers le pofte retranch
des Capucins , fitué entre les vallons de l'Aqua
Santa & de la Cerule. Le Comte Nadafti à la tête
de la Colonne du centre fuivit un chemin pratiqué
dans la montagne' , & fe rendit à l'Oratoire de
Mello. La Colonne de la gauche fous les ordres
du Général Petrazzi , après être defcendue dans
le vallon de l'Aqua Santa , remonta fur les plans
de Négroni , dans le deffein de s'étendre fur les
hauteurs qui dominent ce vallon jufqu'à la mer
& d'intercepter ainfi la communication de cette
ville & de Voltri . Le 18 à neuf heures du matin
les ennemis attaquerent en même tenis le pofte de
Mello & celui des Capucins . Comme leurs mouvemens
avoient été exécutés en un feul jour , le
Marquis Monti qui commandoit dans Voltri ,
dont la garnifon étoit compofée du Régiment
Royal Comtois & des trois bataillons du Régi-'
ment Royal Baviere , n'avoit eu que des avis géné
raux de leurs préparatifs. Auffi - tôt il dépêcha un
Officier au Duc de Richelieu , & il manda au
Comte de Carcado qui étoit à Peggi avec le Régiment
de Breffe , de venir le joindre & de laiffer au
Col du Loup un détachement fuffifant pour défendre
ce pofte. Cent cinquante hommes , lefquels
Occupoient le village de Mello , ne pouvant réfifter
à la grande fupériorité des Allemands , fe replierent
le long de la rive gauche de l'Aqua Santa jufqu'à
la hauteur de Voltri , & le Marquis Monti fir
protéger leur retraite par deux Compagnies de
Grenadiers . M. de Stockart Capitaine de Royal
Baviere , & déja connu par plufieurs actions d'éclat
, fe diftingua fort en cette occafion , ainfi que
M. de Tiniat Capitaine de Grénadiers de Royal
Comtois Les ennemis ayant pris poffeffion du
village de Mello , la Colonne que commandoit le
AVRIL. 1748. 155 .
Général Petrazzi , fe prolongea fur le Colletto &
delà fur les hauteurs de la Mandola , d'où elle dominoit
le rivage de la mer , & par conféquent le
grand chemin qui conduit d'ici à Voltri . Pendant
ce tems la Colonne de la droite s'empara d'une
maiſon où étoit la garde avancée du pofte des Ca- ´
pucins. Le Marquis Monti qui connoiffoit l'importance
de ce pofte , de la défenfe duquel la confervation
de Voltri dépend principalement , s'y tranf
porta & y foûtint tous les efforts des Allemands.
La nouvelle de leur attaque arriva ici à midi , & le
Duc de Richelieu ayant fait fur le champ battre la
générale , raffembla les troupes , envoya à Voltri
fe Chevalier Chauvelin & le Marquis de Roquepine
, fit avancer les Efpagnols à Saint Pierre d'Arena
pour garder la Polfevera , & marcha luimême
avec huit bataillons François & un bataillon
Suiffe au fervice d'Efpagne. Le Chevalier Chauvelin
en arrivant à Voltri , jugea par la diminution
du feu des ennemis , que rebutés d'attaquer
depuis plus de fix heures fans fuccès le pofte des
Capucins , ils ne differeroient pas d'abandonner
cette attaque . Cela le détermina à retirer de ce
pofte le Régiment de Breffe qui y avoit joint le
Marquis Monti , & à envoyer ce Régiment à
Palmara couvrir la communication avec Gépour
nes , & pour affûrer la jonction du Duc de Richelieu
. La Colonne des ennemis , qui étoit fur les
hauteurs de la Mandola , pouvant tenter de s'emparer
du Palais Durazzo , & de forcer Voltri dans
cette partie , le Chevalier Chauvelin tourna de ce
côté la plus grande attention. Il renforça de deux
cent hommes les troupes qui occupoient le Palais
Durazzo & les maifons voifines ; il pofta divers
détachemens dans celles de la rive droite de l'Aqua
Santa , & il chargea deux Compagnies de Gréna
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
diers de la garde des paliffades qui barrent le lit de
ce torrent. Cependant le Duc de Richelieu s'étoit
avancé avec fon Corps de troupes , & avoit garni
par échelons les hauteurs depuis Génes jufqu'à
Voltri . Il avoit placé cent hommes à la Chapelle
de Saint Albert & à la Madonna del Gazo ; il avoit
fait marcher deux bataillons au Col du Loup , &
un autre à Prato ; il avoit détaché cinq Compagnies
de Grénadiers en avant de Palmara , & s'étoit
rendu avec le refte de fes troupes à Peggi . Ces
differentes difpofitions ôtant aux ennemis l'efpérance
de réuffir dans leur entreprife , ils cefferent
totalement leur feu , & le Comte Nadafti craignant
que la Colonne , qui s'étoit prolongée fur les hauteurs
de la Mandola , ne fut tournée par le Col du
Loup , la fit retirer à Mello où il la fuivit pendant
la nuit avec toutes les troupes. Dès qu'on fut affûré
de fa retraite , le Chevalier Chauvelin , & le
Marquis de Cruffol , que le Duc de Richelieu après
fon arrivée à Peggi , avoit envoyé à Voltri pour
examiner les manoeuvres des Allemands & pour
lui en rendre compte , allerent le rejoindre . En
paffant à Palmara le Marquis de Cruffol fit eccuper
les hauteurs de la Mandoia par le Régiment de
Breffe , & donna ordre au Comte de Carcado de
pouffer des détachemens jufqu'aux plans de Négroni.
Sur les informations que le Duc de Riche
lieu reçut du Chevalier Chauvelin & du Marquis
de Cruffol , il fit partir les deux bataillons du Régiment
Royal Italien pour foûtenir le Régiment de
Breffe , & il renvoya à Voltri le Chevalier Chauvelin
avec des inftructions pour le Marquis de
Roquepine Le 19 le Comte Nadafti , qui fe trouvoit
en danger de voir la retraite coupée , fi un
détachement des troupes Françoifes arrivoit avant
lui à la Chapelle de Mazone , reprit avec précipi
AVRIL. 1748. 157
tation le chemin de cette Chapelle , & delà il eft
retourné à Campofredo , d'où il a renvoyé les troupes
dans leurs quartiers . On ne l'a pas pourſuivi ,
parce qu'il n'auro t pas été prudent d'engager les
troupes pendant la nuit dans les défilés des montagnes
, & à la pointe du jour les ennemis avoient
déja trop d'avance pour qu'on pût fe flater de les
atteindre. Tous les déferteurs confirment que la
perte des ennemis monte à plus de cinq cent hom
mes. Il n'y a eu de notre côté que cent vingt-fept
hommes tués ou bleffés . Le Marquis Monti fuc
qui la défenſe de Voltri a roulé juſqu'à denx heu
res après -midi , a donné des marques d'une valeur,
& d'une intelligence dignes des plus grands éloges.
On ne peut non plus trop louer l'intrépidité,
& la fage conduite de M. de Magnac , Major du
Régiment Royal Comtois , & de M. d'Ancillon ,
Capitaine de Grénadiers de Royal Baviere . Le
Duc de Richelieu après avoir reconnu tous les
poftes des environs de Voltri , & après avoir pris
les mesures convenables pour s'opposer aux nou
velles tentatives des troupes de la Reine de Hongrie,
revint en cette ville le 19 aufoir. Les troupes ,
Espagnoles qui s'étoient avancées dans la vallée de
Polfevera , font auffi de retour dans leur quartier
de Bifagno , & tout eft actuellement dans une parfaite
tranquillité . Il n'y a point même eu depuis
long-tems ici de carnaval plus brillant que celui de
cette année. On y a eu Comédie , Opéra , Maſca- ¡
rades , & le Duc de Richelieu a donné quatre Bals
d'une extrême magnificence. Cependant les Allemands
continuent de ménacer d'attaquer les Etats
de la République par Novi , par Seftri di Levante
& par Sarzane , & il est arrivé à leur armée un
Commiffaire du Roi de la Grande Bretagne avec ,
une forme confidérable , pour fubvenir à la dé158
MERCURE DE FRANCE.
penfe de l'entrepriſe qu'ils méditent contre la Spé
cie. Le 19 le chabec le Duc d'Agenois entra dans ce
Port venant de Nice , d'où il a amené un détachement
de cent quatre-vingt hommes . Il a été fuivi
la nuit du 25 au 26 de vingt gondoles de Caprara ,
qui avoient à bord neuf cent autres foldats embar
qués à Monaco , & avant-hier d'une barque fur la
quelle il y avoit trois cent dix Grenadiers . Malgré
la vigilance des Anglois , il ne fe paffe point de
jour qu'on ne reçoive ici des provifions de toute
efpéce . M. Guymont Envoyé Extraordinaire du
Roi de France auprès de cette République , arrivade
Paris le 21. Il a effuyé dans fa traversée un trèsmauvais
tems , & divers bâtimens Anglois ont
donné la chaffe à fa felouque .
L
DE GENES le 9.
E Marquis Jean François Brignolé , Dôge de
cette République , ayant terminé les deux
années , on a élû pour lui fuccéder M. Cefar Cattaneo
, frere du dernier Dôge de ce nom , & cidevant
Envoyé Extraordinaire à Vienne. Auffitôt
que le Marquis Brignolé , après avoir remis fa
Dignité , fe fut retiré à fon Palais , le Duc de Richelieu
fuivi des principaux Officiers François ,
alla lui rendre viſite . On a reçû tous les nouveaux
fecours qu'on attendoit , & en y comprenant lesquatorze
cent hommes qui font débarqués ici le
19 , le 26 & le 29 du mois dernier , il y eft artivé
depuis trois femaines quatre bataillons . Celles de
ces troupes qui font parties les dernieres de Monaco
, ont couru un grand rifque dans leur traverfée
, & les bâtimens à bord defquels elles étoient,
ont eu continuellement la chafle de deux vaiffeaux
de guerre Anglois , qui s'en font approchés prefA
V RIL.
1748. 159
que à la portée du canon . Peu s'en eft fallu même
qu'ane barque du convoi n'ait été prife ; elle s'eft
fauvée à la faveur de la nuit , & elle a relâché à
Portofino. Les ennemis ayant renforcé de plufieurs
bataillons les troupes qui font à Campofiédo
& dans les environs fous les ordres du Comte
Nadafti , & leurs déferteurs rapportant que le
Feldt -Maréchal Comte de Browne perfifte dans la
réfolution de s'emparer de Voltri , de Peggi , de
Seftri di Ponente & d'Arenzano , le Duc de Richelieu
eft retourné vifiter ces poftes . Le Marquis
d'Ahumada , Commandant des troupes Efpagnoles
, s'eft rendu de ſọn côté à Chiavari , afin d'obferver
les mouvemens que les Allemands font vers
la montagne des Cent Croix, On travaille dans
l'Arſenal de cette ville à un grand nombre de chevaux
de frife & à plufieurs autres préparatifs pour
la campagne , & l'on a tiré ces jours -ci des maga
fins fix cent barils de poudre . Un navire Hollandois
ayant été jetté par le gros tems dans le Golfe
de la Spécie , la fortereffe de Sainte Marie a pointé
contre lui le canon pour l'empêcher d'en fortir.
En attendant les ordres du Sénat on fait garder
par trente foldats ce bâtiment qui eft chargé de
plomb , de cire & de legumes. Les feloucons armés
ont conduit ici une tartane , fur laquelle il y
avoit des munitions de guerre deftinées pour Savone
. Il est entré dans ce Port plus de huit mille
mines de bled pendant le cours de cette femaine.
DE GENES le 30,
Ur la nouvelle les ennemis faifoient défiler
que
S de nouvelles troupes à Fornovo , à Borgo Val
de Taro , & du côté de la montagne de Cento
Croci , le Duc de Richelieu fe rendit le 20 de ce
160 MERCURE DE FRANCE.
L
mois à Seftri di Levante , afin d'obferver leurs
mouvemens. Pendant qu'il rempliffoit cet objet ,
il ne perdoit point de vue une entreprife dont il
avoit conçu le deffein , & en conféquence des ordres
qu'il avoit donnés avant fon départ , on raffembla
le 23 & le 24 dans le Port de cette ville
tous les bâtimens qui fe trouverent le long des
deux rivieres. Le 25 au foir on y fit embarquer
deux mille cinq cent hommes des troupes de France
& huit cent de celles d'Efpagne. En même tems
toutes les troupes qui étoient à Saint Pierre d'Arena
fe mirent en marche , les Eſpagnols vers la
Bochetta & les François vers Voltri , où le Duc de
Richelieu alla joindre ces derniers par mer. On
fit partir auffi plufieurs piéces de canon & tous
les Officiers d'artillerie. Le projet étoit d'arriver
avant le jour à Savone , de furprendre la Place ,
& après qu'on y feroit entré , de jetter plufieurs
Compagnies de Grenadiers dans les paliffades dela
Citadelle, pour empêchet la garnifon de la ville de
fe retirer dans cette fortereffe.Comme il auroit été
à craindre que les quatre mille Allemands qui font
à Campofiédo ne tentaffent de fecourir Savone
le Duc de Richelieu en renforçant confidérablement
le détachement que le Marquis de Roquepine
nécemande à Voltri , les avoit mis dans la
de ne s'occuper que du foin de leur propre
défenfe . Le mauvais tems & l'agitation de la
mer qui durerent jufqu'au 26 au foir, fe font oppofés
à la réuffite d'une expédition fi prudemment
concertée , & les troupes n'ayant pú faire affés de
diligence , le Commandant de Savone , qui a été
informé de leur approche , a eu le tems de prendre
fes précautions. Le Duc d'Agenois n'a pas laiffe
de s'avancer près des murailles de la ville jufqu'à la
portée du fyfil , & il y a brûlé quelques magafins
AVRIL. 1748. 161
& fait deux cent prifonniers. Hier le Duc de Ri
chelieu revint ici avec toutes les troupes ; un de
fes feloucons a pris dans le trajet un pinque & uti
autre petit bâtiment , mais ces deux navires feront
relâchés , ayant été reconnus pour être d'un des
Ports de l'État Eccléfiaftique , & n'étant chargés
d'aucune marchandiſe prohibée. A la requifition
du Marquis de Roquepine , on a conduit à Voltri
trois piéces de canon de trente - fix livres de balle
pour éloigner de la côte les vaiffeaux Anglois, 11
eft venu de Marfeille deux Compagnies de Grena
diers fur deux pinques , qui ont apporté quatre
mille fufils & un pareil nombre de bayonettes.
Un autre convoi de neuf cent vingt hommes eft
arrivé ici la femaine derniere . On étoit inquiet
d'un chabec , à bord duquel il y avoit trois cent
vingt foldats , mais il parut le 27 avec une tartane
qui en a tranſporté cent trente.
P
DE MILAN le 20 Mars.
Lufieurs difpofitions des ennemis pouvant
pofrédo , le Général Nadafti a demandé un renfort
de troupes , & en conféquence le Feldt- Maréchal
Comte de Browne lui a envoyé deux bataillons &
une Compagnie de Grenadiers du Régiment du
Grand Maître de l'Ordre Teutonique. Le 15 de
ce mois le Comte de Colloredo , Major Général ,
partit pour Vienne chargé d'une commiffion par
ce Feldt Maréchal . Le Baron de Tilliers eft re-.
venu de Génes , où il étoit allé pour régler l'échange
des prifonniers que les Génois ont faits fur
les troupes de la Reine. Cer Officier n'a point
zéuffi dans fa négociation , la République de Gé
nes voulant
que fa Majefté traite avec elle comme
162 MERCURE DE FRANCE.
avec un Etat libre , & qu'on établiffe un Cartel de
la même maniere que cela fe pratique entre les
Puiflances . On a appris de Florence que le Grand
Duc de Tofcane y avoit envoyé ordre de tranfporter
à Vienne tous les ornemens précieux qui
font dans la Chapelle du Palais Ducal. Suivant les
nouvelles de Rome le Cardinal de la Rochefoucault
, ci-devant Ambaffadeur du Roi Très Chrétien
auprès du Saint Siége , en eft parti le 13 pour
retourner en France . Ces avis ajoutent que le Car .
dinal d'Yorck ayant été incommodé le Pape étoit
allé lui rendre vifite.
I
DE TURIN le 23 Mars.
Left arrivé à Savone trois cent des prifonniers
Piémontois , qui viennent d'être échangés contre
ceux des troupes Françoifes & Efpagnoles. Les
ennemis ont renforcé confidérablement les poftes
de Voltri & d'Arenzano , & ils y font conftruire
quelques nouveaux ouvrages . Trois vaiffeaux de
guerre Anglois , qui croifoient à la hauteur de
San Remo & de Bordighera , ayant découvert plufieurs
des bâtimens de tranfport qui ont conduit
depuis peu des troupes à Génes & qui retournoient
à Monaco , ils leur ont donné la chaffe &
en ont pris neuf , à bord defquels il ne s'eft trouvé
que vingt-quatre matelots , le refte des équipages
s'étant lauvé à terre . On a été inſtruit par ces matelots
qu'on travailloit à Génes à la conſtruction
d'un grand nombre de chariots & d'autres attirails
de guerre. Ces prifonniers ont ajouté qu'il regnoit
beaucoup de méfintelligence parmi les Chefs des
Rebelles de l'Ile de Corfe ; que deux de ces
Chefs , nommés Matra & Gafforio s'étoient retirés
dans leurs habitations ; que le Colonel Rivarola
AVRIL. 1748. 163
要
en avoit fait arquebufer un troifiéme nommé Lapidi
qui commandoit leur Cavalerie , & qu'il y
avoit eu à San Fiorenzo une émeute , dans laquelle
il étoit resté feize perfonnes fur la place.
On écrit de Naples du 4 Mars qu'il s'eft tenu
au Palais un Confeil extraordinaire , à l'occafion
de quelques dépêches que le Roi a reçues de Madrid.
Les préfens que le Roi de Pologne Electeur
de Saxe a envoyés à leurs Majeftés , confiftent en
huit chevaux d'une grande beauté , un magnifique
caroffe , une caléche doublée de velours cramoify
avec une riche broderie d'or , fix caiffes de porcelaine
de Saxe , & plufieurs miroirs dont les cadres
font auth de porcelaine. Une frégate du Roi la
quelle étoit allée à Smirne , étant revenue le 26 du
mois dernier , les Magiftrats de la Santé ont voulu
l'obliger de faire la quarantaine , mais comme elle
Pavoit déja faite à Malte , le Roi en a difpenfé l'équipage
. Sa Majefté a difpofé de l'Evêché de
Castanea en faveur de M. Tefta , qu'elle avoit
nommé à l'Evêché de Siracufe. Le dernier des
Chars de Triomphe , qu'on a coûtume de promener
dans les rues de cette ville pendant le Carnaval,
fut conduit dans la Place vis - à - vis du Palais ,
& on l'y abandonna au peuple , dont la foule fut
fi grande que trois perfonnes y furent étouffées,
L'Evêque d'Ariano eft mort depuis peu dans ſon
Diocèle .
Les lettres de Rome du 12 portent que toutes
les difficultés concernant la nomination du
Comte de Schaffgotfch à l'Evêché de Breslau ayant
éré levées , le Pape tint le 4 de ce mois un Confiftoire
dans lequel il préconifa ce Prélat . Le 3 le
Cardinal de la Rochefoucault fe rendit en grand
cortége au Palais du Quirinal , & il eut fon audience
de congé de Sa Sainteté . Une Congréga164
MERCURE DE FRANCE.
tion compofée de huit Cardinaux & de quelques
Evêques , a été établie pour examiner les moyens
de fubvenir aux befoins de divers Colléges & Séminaires
, dont les revenus font diminués confidérablement.
La Reine de Hongrie a fait demander
au Pape la permiffion de tirer des beftiaux & des
grains de l'Etat Eccléfiaftique pour la fubfiftance
de fes troupes de Lombardie. Le Duc de Medina
Cali , ci- devant Ambaffadeur Extraordinaire de
fa Majefté Catholique auprès du Roi des Deux
Siciles , paffa le 4 par cette ville en retournant à
Madrid. N'ayant point voulu s'arrêter , il laiffa à
la pofte une lettre pour le Cardinal Portocarrero ,
qui immédiatement après l'avoir reçue , partit
pour Monte Rofa où il eût un entretien avec ce
Seigneur. Sa Sainteté a nommé le Cardinal Cavalchini
, Préfet de la Congrégation des Evêques
& des Réguliers. L'Evêque de Montalto vient de
donner fa démillion de fon Evêché. Le Cardinal
Girolami eft mort le 21 du mois dernier âgé de
foixante -dix fept ans , cinq mois & onze jours
étant né le 10 Septembre 1670. Il avoit été créé
Cardinal en 1743 par le Pape regnant.
AVRIL. 1748. 169
Du Camp devant Maeftrick le 9. Avril.
M
R le Maréchal Comte de Saxe
étant parti le 18 Mars de Paris pour
Bruxelles , chacun a cherché à pénétrer le
véritable objet d'une arrivée auffi prématurée
dans les Pays Bas , mais perfonne ne
l'a deviné , & l'ennemi y a été trompé le
premier.
Les troupes des Evêchés ayant leurs or
drés pour le Hainaut & le Brabant , & cel,
les qui avoient hyverné dans la Flandre
ou dans le Pays conquis, ayant leur rendezvous
fur la Dille & fur la Nethe , tout
concluoit au fiége de Bréda ou de Stelmbergue
; cette idée étoit confirmée par un
difpofitif fait à Anvers de piéces d'artillerie
pour fiége & par un amas confidérable
de tout ce qui y eft relatif.
Pour y donner plus de vrai-femblance ,
M. le Maréchal Général s'eft rendu en
perfonne à Anvers le 30 Mars fuivi de
fon Etat Major , avec ordre au refte du
quartier général de venir l'y joindre dans
deux jours. Il avoit fait courir le bruit que
M. le Maréchal de Lowendalh y alloit auffi,
mais ce Général eft parti ce même jour 30
pour Namur.
Indépendamment de ces moyens propres
W
166 MERCURE DE FRANCE.
t
à donner le change à l'ennemi , M. le Maréchal
Général a envoyé le 31 M. le Comte
d'Eftrées de l'autre côté de la Nethe
' dans les bruieres , & s'eft mis le 3 au matin
à la tête des troupes qui devoient protéger
un convoi deftiné pour Bergoploom ,
& ce fur l'avis que les ennemis fe difpofoient
à l'attaquer avec un corps de vingtcinq
à trente mille hommes raſſemblés
dans les environs de Bréda & de Rofendal ,
mais ceux-ci n'ayant point paru , M. le Maréchal
Général a vifité Bergopfoom , s'eft
embarqué au Fort Frederic Henri & eft revenu
ce même jour coucher à Anvers , d'où
il s'eft rendu le lendemain à Tirlemont . ?
Selon fes combinaifons , la premiere dis
vifion de ſes troupes y étoit déja , aux ordres
de M. de Maubourg ; elle a été fuivie
le 4 & le s de deux autres , conduites par
Mrs de Lautrec & de Graville.
M. le Maréchal Général eſt arrivé le 5 à
Saint Tron & le 6 à Tongres, fans avoir vu
fur la route que des Huffards & des troupes
légères , qui par les fourages qu'elles
ont abandonnés , ont fait connoître qu'el
lés ne s'attendoient pas à une vifite auffi
prompte.
La feconde divifion ayant joint le 7
Tongres M. le Maréchal Général , il en eft
parti le S au jour , à la tête de l'avant-garAVRIL.
1748. 167
•
de , & il s'eft rendu à Smermaar fur la baffe
Meufe , qu'il a fait paffer fur le champ à
quelques Compagnies de Grénadiers, pour
occuper le Château d'Ophaaren , où elles
font entrées fans oppofition ; ce Château
protege la tête d'un pont qu'on a établi
dans la nuit. On a apperçû les troupes des
Alliés qui défiloient vers la Gewle , mais
on n'a pû les inquiéter , faute de bâteaux
pour paffer la Cavalerie.
Les deux divifions qui font venues avec
M. le Maréchal Général ont été campées
derriere le ruiffeau de Lonacken , elles ont
été jointes aujourd'hui par la troiſième &
le feront demain par la quatrième , qui
vient le long du Demer , aux ordres de M.
le Comte de Fitz - James .
Vavre ,
M. de Brezé qui a paffé la Dille le 4 à
fe pour porter fur Liége & proteger
un convoi deftiné pour le Corps de
M. le Maréchal de Lowendalh , doit s'awancer
demain fur la montagne Saint
Pierre , tant pour en mafquer le fort , que
pour favorifer la conftruction d'un pont
qu'on doit jetter fur la haute Meufe , au-
'deffous de Vifet.
M. le Maréchal de Lowendalh arrivera
demain de l'autre côté de la Meufe à notre
hauteur , & M. le Comte d'Eftrées à
Ghélick.
168 MERCURE DE FRANCE.
M. de Contades commande fur le Demer
, & M. le Vicomte du Chayla dans le
Baffin de Malinęs .
Notre pont fini , M. le Maréchal Général
a fait paffer un gros détachement pour
aller fur la Gewle à Fauquemont , & donner
, s'il eft poffible , fur l'arriere- garde
des ennemis .
Comme Maeftricht ne pouvoit être invefti
tant qu'il y auroit une armée derriere
cette Place , voici les moyens que M. le MaréchalGénéral
a employéspour cette grande
& finguliere opération , qui a été conduite.
dans le plus grand fecret. Toutes les troupes
de la Flandre & Pays conquis , à l'exception
de la garnifon de Namur , ont été
poftées dans le Baffin de Malines , dans les
mêmes cantonnemens de l'année derniere;
on en a même pouffé dans de nouveaux
cantonnemens fur la Nethe & entre Malines
& Anvers. Toutes ces troupes , à la réferve
de celles qui étoient deſtinées pour
la garde de la Dille & du Demer , devoient
à trois jours de diftance arriver für la baffe
Meuſe , par la chauffée de Liége & par
Tongres. Pendant que les troupes des Evêchés
ayant trouvé des contr'ordres à
Longvy , Montmedy , Carignan , Sedan &
Givet
, pour déboucher par le pays de Luxembourg
& par le Limbourg , devoient
conjointement
AVRI L. 1748 . 169
conjointement avec la garnifon de Namur¸
arriver fous Maeftricht par la rive droite
de la Meufe. L'objet de ce Corps - ci , commandé
par M. le Maréchal de Lowendalh ,
étoit de prendre de revers le Corps des ennemis
, s'ils reftoient campés derriere
Maeftricht, ou d'attirer leur attention vers
la haute Meuſe , afin de nous faciliter les
moyens de jetter un pont au- deffous.
M. le Comte d'Eftrées , après avoir d'a- ~
bord menacé Bréda , devoit cependant longer
les bruyeres & fe porter fur Peer &
Brey , pour tenir l'ennemi en refpect , au
cas qu'il voulût defcendre en droiture de
Bréda ou Bois - le-Duc fur Maeftricht.
Du 16 Avril.
Les troupes aux ordres de M. le Maréchal
de Lowendalh ayant achevé de joindre
le 13 , on a fini l'inveftiffement de
Maeftricht du côté de la rive droite de la
Meufe ,
M. de la Valette , Brigadier , qui avoit
été envoyé le 9 au foir à Faucquemont pour
s'emparer des magafins que les ennemis y
avoient laiffés , en eft parti le 11 à l'arrivée
de M. de Saint Germain , & s'eft rendu
à Beck fur le grand chemin de Maeftricht
, à Sittard , pour foüiller tous les environs
de ce pays- là , où l'on a trouvé plu .
H
170 MERCURE DE FRANCE.
fieurs magafins de fourages des ennemis,
dont partie a été enlevée avec des chariots,
& le reste a été pris par la Cavalerie , qui ,
y a fait le 13 un fourage en regle. On
évalue les fourages que les ennemis nous
ont abandonnés , tant fur la Meufe que dans
le plat Pays , à fix cent mille rations. M.
de la Valette eft rentré le 14 avec fon déta
chement , mais on a envoyé de ces côtés- là
des partis d'Infanterie pour ténir les Huf.
fards en refpect .
Les ennemis s'affemblent derriere la
Roer , & le quartier de M. le Duc de Cumberland
eft à Hellenrouck.
$
M. le Maréchal Général fait travailler à
vingt grandes redoutes de fon invention
pour couvrir le front du camp de la tive
gauche de la Meufe . Il a ordonné avant
hier le mouvement de differens Régimens
pour la formation des brigades , fuivant
l'ordre de bataille .
M. le Comte d'Eftrées , qui a obligé les
ennemis de brûler leurs magafins de Péer &
de Brey, & qui leur a pris , chemin faiſant,
dans les bruyeres , plufieurs Huffards , s'eſt
rabattu fur Haffelt , pour donner quelques
jours de repos à fes troupes qui ont extrê
mement fatigué.
La tranchée a été ouverte hier au foir
devant Maestricht , le long des deux rives.
AVRIL.
171 1748 .
de la baffe Meuſe , M. le Maréchal Général
& M. le Maréchal de Lowendalh fe font
trouvés à l'ouverture de la tranchée de la´
rive gauche.
Tranchée de Maeftricht.
La tranchée a été ouverte la nuit du IS
au 16 devant Maeftricht par fix mille travailleurs
, dont quatre mille à la tive gau-.
che de la Meufe & deux mille à la rive
droite. On a fait d'un côté dix- fept cent
toifes d'ouvrage , & de l'autre neuf cent,
toiſes. L'ennemi ne s'eft point apperçû de
notre travail , & n'a tiré que ce matin entre
quatre & cinq heures.
Nous n'avons perdu que trois hommes,
tués tous les trois par le canon.
La tranchée de la droite ou de la rive
gauche de la Meufe appuye à la Meufe &
va gagner la hauteur vers la porte de Tongres.
La tranchée de la gauche appuye fa droite
à la Meuſe, & fa gauche s'allonge vers le
chemin de Maeftricht à Ruremonde.
Tranchée du 15 au 16.
Tranchée de la gauche.
M. de Relingue , Maréchal de Camp.
Un Brigadier.
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Royal Vaiffeau , 3 Bataillons.
Premier de laCour au Chantre I
4
Grenadiers auxiliaires , 4 Compagnies.
Tranchée de la droite.
M. de Maubourg , Lieutenant Général .
M. de Montmorency Maréchal de Camp,
Deux Brigadiers.
Picardie ,
Vilmer ,
Grenadiers auxiliaires ,
5 Bataillons.
3
8
8 Compagnies,
Tranchée du 16 au 17 .
M. de Laigle , Maréchal de Camp.
Un Brigadier.
La Couronne ,
Deuxième de la Mark ,
Grenadiers auxiliaires ,
3 Bataillons,
4
4 Compagnies .
Tranchée de la droite.
M. de Monteffon , Lieutenant Général.
M. de Beaufremont , Maréchal de Camp.
Deux Brigadiers .
Navarre ,
Deuxième & troifiéme de la
Cour au Chantre
Premier de la Mark ,
5 Bataillons.
AVRIL. 173 1748 .
Grenadiers auxiliaires
8 Compagnies.
Tranchée du 16 au 17 .
Attaque de la droite.
On a ouvert cette nuit une parallele à la
droite du fecond ouvrage à corne de la
gauche par rapport à nous , qui a été prolongée
jufqu'à la Meufe ; elle refferre la
Place de 200 toifes par la gauche de plus
que celle que l'on avoit faite la nuit précédente
; elle n'eft éloignée du chemin couvert
que d'environ 100 toifes.
On travaille au bas du rideau & dans la
premiere parallele à la conftruction d'une
batterie de fix obuts & de huit mortiers .
Le feu de la moufqueterie a été confidérable
cette nuit & plus vif à la gauche
qu'à la droite.
Nous avons eu à cette attaque M. de
Charancai Capitaine des Grenadiers
Royaux de la Trefne , tué.
M. de Morfingue , Ingénieur , tué.
M. de Beauregard, Capitaine des Grenadiers
au Régiment de la Cour-aa- Chantre,
bleffé ,
M. de Jaffau , Capitaine du même Régiment
, bleffé
Soldats tués ,
Soldats bleffés , 29
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE .
Attaque de la gauche.
On a commencé hier à 9༡ heures du foir
une communication jufqu'à la Meuſe , qui
eft achevée & perfectionnée .
On a fait trois crochets fur la droite &
180 toifes d'une feconde parallele , & fur
la gauche 260 ; cette parallele n'eft pas encore
jointe, elle le fera aujourd'hui , il manque
environ 115500 toifes pour faire la jonction
de cette feconde parallele .
L'emplacement pour établir une batterie
, qui prendra des ricochets fur tous les
ouvrages de l'attaque de la baffe Meufe
a été reconnu ; l'épaulement du village de
Vick eft perfectionné. Le feu a été trèsvif
pendant la nuit ; nous avons dans la
journée d'hier & pendant la nuit dix foldats
bleffés , dont fix à mort.
Tranchée du 17 an 18 .
.
Attaque de la droite .
M. de Lautrec', Lieutenant Général.
M. le Comte de Maillebois , Maréchal de
Camp.
Deux Brigadiers.
Champagne , 5
Bataillons.
Troifiéme de la Marck, I
Hainault २
AVRIL. 1748. 171
S'Compagnies. Grenadiers auxiliaires ,
Attaque de la gauche.
M. le Chevalier de Nicolay , Maréchal de
Camp.
Un Brigadier.
Rohan ,
Angoumois ,
z Bataillons.
1
La Marche ,
Grenadiers auxiliaires ,
I
4
4 Compagnies.
On a fait cette nuit 22 zigzagues , dirigés
fur le faillant de la demi-lune qui eft à
droite de l'ouvrage à corne par rapport à
nous ; au bout de ces zigzagues on a commencé
à gauche une troifiéme parallele
pour fe joindre à la deuxième , ce travail
eft de 160 toifes ; on conftruit quatre batteries
, dont l'une de fix piéces de canon
eft placée à la gauche de la communication
du centre , les trois autres font placées dans
la deuxième parallele ; on travaillera cette
nuit à une cinquième batterie à la gauche
de la deuxième parallele.
Les 6 mortiers & les 6 obuts ont été conduits
cette nuit à la batterie au bas de la
rampe vis- à- vis la feconde demi - lune à
droite de l'ouvrage à corne.
Les affiégés ont fait à une heure après
minuit une fortie de Soo hommes fur la
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
gauche de l'attaque de la droite ; les Grenadiers
qui étoient placés pour foutenir
les travailleurs , ont fauté fur le revers de
la tranchée , ont chaffé l'ennemi avec perte
& ont fait deux Officiers & quelques
foldats prifonniers. Les ennemis ont con
blé environ 30 toifes d'un boyau que l'on
avoit commencé , & ont retardé le travail
de la cinquiéme batterie. Le feu de la
moufqueterie a été très-vif pendant la nuit.
Nous avons eu M. de Marancy , Capitaine
au Régiment de Navarre , bleffé . M.
de Brevol , Ingénieur , bleffé dangereufe
ment. Soldats tués , 3. bleffés , 45 .
Attaque de la gauche .
On a travaillé à la jonction de la feconde
parallele , ce travail eft de 230 toifes ;
il fera perfectionné aujourd'hui à la gauche
de la feconde parallele qui fera finie
aujourd'hui. On travaille à trois batteries
dans le centre de la feconde parallele , à
une d'obuts dans la communication qui va
à la feconde parallele , & à une autre de canon
fur la gauche de cette même parallele .
Le feu a été très - vif pendant la nuit ; nours
avons eu M. de Ribonnel , Capitaine au
Régiment de Chartres , bleffé. Soldats bleffés
, 19 ,
dont plufieurs très légerement.
AVRIL 1748 . 177
Tranchée du 18 au 19 .
Attaque de la droite. "
M. d'Armentieres , Lieutenant Général.
M. de Montmorin , Maréchal de Camp.
Deux Brigadiers.
Normandie ,
Bataillons,
I
Baffigny ,
Ponthieu ,
Grenadiers auxiliaires ,
8
8 Compagnies.
Attaque de la gauche.
M. du Mefnil , Maréchal de Camp.
Un Brigadier.
La Fere ,
Fleury ,
2 Bataillons.
Premier de Diefback ,
Grenadiers auxiliaires ,
4
4 Compagnies,
Attaque de la droite .
On a travaillé cette nuit à la droite , à
l'emplacement d'une nouvelle batterie ,
en avant de la premiere parallele fur la
gauche du baftion de la porte de Tongres
; cet ouvrage a cinquante toifes , &
fait un demi cercle.
La troifiéme parallele a été jointe à la
feconde, ce travail a quarante-neuf toiles.
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
On a prolongé à la gauche la feconde
parallele de deux cent toifes , en traverfant
la communication de la premiere parallele
à la feconde ; on n'a pû la pouffer
jufqu'à la riviere , il faut encore environ
vingt toiles pour y arriver.
La batterie d'obuts & de mortiers eft en
état de tirer depuis ce matin. Les autres
batteries de canon & de bombes feront en
état de recevoir leurs piéces cette nuit.
Les affiégés ont fait un feu très- vif pendant
la nuit .
Nous avons eu M. de S. Romain , Capitaine
au Régiment de Normandie
bleffé ; M. Dautrat , Capitaine au Régiment
de la Couronne , bleffé ; M. Morin ›
Lieutenant au même Régiment , bleffé ;
M.de Paillon , Lieutenant au Régiment de
Baffigny , bleffé ; M. Gaillard , Lieutenant
au Régiment de Picardie , bleffé . Soldats
tués , 7 .
Attaque de la gauche.
Nous avons achevé les batteries de canon
, & celle d'obuts le fera avant cinq
heures du foir ; la redoute de la gauche eſt
entierement finie. Les ennemis ont été
tranquilles en cette partie.
Un Lieutenant des Grenadiers du Régiment
de Rohan a eu la cuiffe caffée.
Soldats bleffés
AVRIL. 1748. 179
Tranchée du 19 au 20.
Attaque de la droite .
M. de Graville , Lieutenant Général ,
M. de Montbarey , Maréchal de Camp..
Deux Brigadiers.
La Tour Dupin ,
Deuxième & troifiéme de
Dieſbak ,
Premier & deuxième de Royal
Suedois •
Grenadiers auxiliaires ,
4Bataillons
S
$ Compagnies
Attaque de la gauche.
M. de Lorges , Maréchal de Camp.
Un Brigadier .
Alface
Grenadiers auxiliaires ,
4 Bataillons.
4 Compagnies
Attaque de la droite.
On a communiqué cette, fuit à deux
batteries , en prolongeant la feconde parallele
de cent cinquante toifes.
On a prolongé un zigzague au débouché
de la droite , & au bout de ce zigzague
on a fait de droite & de gauche un
boyau parallele de foixante - une toifes ; on
a auffi perfectionné les anciens débouchés ,
ainsi que la communication de la droite..
3
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
Toutes les batteries ont reçû leurs
piéces ; demain il y aura cent cinq bouches
à feu qui tireront .
vif.
Les affiégés font toujours un feu très-
Nous avons eu M. le Grand , Lieutenant
de la Tour du Pin , bleffé ; M. de Meziere,
bleffé . Soldats tués , 4.
Attaque de la gauche.
On a achevé & perfectionné la redoute,
ainfi la feconde parallele. que
On a commencé une communication
vers le village de Laumel qui eft au bord
de la Meufe ; elle fera achevée demain 9
toutes les batteries à cette attaque font en
état de tirer.
Le feu de moufqueterie des ennemis a
été très -vif pendant la nuit , ainfi que le
nôtre. .9110
Noussavons
eû M. de Jouffelle , Lieutenant
au Régiment de Navarre , bleffé ;
M. Galot , Lieutenant au Régiment d'Alface
, bleffé. Soldats tués , 1 , bleffés 10 .
Tranchée du 20 au 21 .
Attaque de la gauche.
M. de la Vauguion , Maréchal de Camp :
Un Brigadier.
AVRIL.
174S. 18
Bourbon , 2 Bataillons.
Châtillon , I
3
Grenadiers auxiliaires , 4 Compagnies.
Attaque de la droite.
M. le Duc de Chevreuſe , Lieutenant Général
.
M. de Guerchy , Maréchal de Camp .
Deux Brigadiers.
Monaco ,
Troifiéme & quatrième de
Royal Suedois ,
Chartres ,
4Bataillons
2
S
Grenadiers auxiliaires ,
9. Compagnies.
Attaque de la droite.
On a fait cette nuit quatre grands zigzagues
à droite & à gauche de la batterie.
de la droite ; ce travail eft de foixante - dix
toifes. On a perfectionné toutes les communications
.
Nous en avons impofé un peu à l'ennemi
par la fupériorité de notre feu .
M. de Caftello , Capitaine dans le Ré
giment de la Tour du Pin , bleffé ; M. de
Vaillant , Capitaine dans le Régiment
182 MERCURE DE FRANCE.
Hainaut , bleffé ; M. le Cerf , Capitaine aur
Régiment d'Artillerie , bleffé ; MM.Loige
& Lerigel,Lieutenans dans le Régiment de
Picardie , bleffés ; M.Roiqueur, Lieutenant
dans le Régiment de la Tour du Pin ,
bleffé; Mrs Lafme & de Rofny, Lieutenansdans
le Régiment des Vaiffeaux , bleſſés .
Soldats tués trois.
Attaque de la gauche.
On a travaillé cette nuit à l'épaulement
qui mene au village de Lumel , & il fera
achevé aujourd'hui .
Soldats bleffés , huit ; foldats tués , un.
M. le Maréchal Général eft allé avanthier
vifiter les bords de la Gwelle , depuis
fon embouchure jufqu'à fa fource . On
continue de travailler à force aux redoutes
du front du camp , & elles feront en état
dans deux jours.
M. le Maréchal Général a reconnu fon
champ de bataille , au cas que l'ennemi
veüille marcher à lui , & il a travaillé à
mettre en ordre les difpofitions qui y font
relatives.
Une partie de la Cavalerie qui étoit vers
Bruxelles a été rapprochée, de façon à pou
voir être ici dans vingt- quatre heures.
La brigade des Gardes , celles de Pié
mont & d'Auvergne , & les recrues des
AVRIL 1748. 183
Régimens d'Infanterie qui font ici , qu'on
avoit laiffées derriere pour les exercer , arri
veront au camp du 21 au 23 de ce mois.
دوب
Un de nos partis d'Infanterie s'étant
porté trop avant du côté de la Roër , &
s'étant amufé à rafraichir à Sittart a été
furpris par l'ennemi & fait prifonnier de
guerre ; un autre de nos partis qui avoit
été du même côté , a. ramené plufieurs
Huffards montés .
Les Compagnies Franches Autrichiennes
, conduites par le Capitaine Bethune
ont voulu s'approcher du Démer avec trois
pontons , mais fur la nouvelle du gros
Corps de troupes qui le garde aux ordres
de M. de Contades , elles fe font retirées
bien vîte , de crainte d'être coupées.
2
Cent cinq bouches à feu ont tiré ce matin
à la fois fur la ville ; M. le Maréchal
s'eft trouvé à huit heures du matin à la
tranchée avec M. le Maréchal de Lowendal
, pour être fpectateurs de ce premier
falut de notre artillerie qui n'avoit pas
encore tiré.
...
184 MERCURE DE FRANCE.
REBERG DEG DE BBC
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
E 31 du mois dernier , Dimanche de
tent dans la Chapelle du Château la Meſſe
chantée par la Mufique . Leurs Majeftés
accompagnées de Monfeigneur le Dauphin
& de Mefdames de France affiftererit
l'après-midi à la Prédication du Pere Tainturier
, de la Compagnie de Jefus .
La Reine entendit le 29 le Sermon du
même Prédicateur.
Le 24 les Députés des Etats de la Province
d'Artois eurent audience du Roi
étant préfentés par le Prince Charles de
Lorraine , Gouverneur de la Province , en
furvivance du Duc d'Elboeuf , & par le
Comte d'Argenfon , Miniftre & Secretaire
d'Etat , & conduits par le Marquis de
Dreux , Grand Maître , & M. Defgranges,
Maître des Cérémonies. La Députation
étoit compofée , pour le Clergé , de l'Abbé
de Roquelaure , Vicaire Général de l'Evêché
d'Arras ; de M. de Briois d'Hulluch ,
pour la Nobleffe , & de M. Harduin , pour
Tiers- Etat.
AVRIL. 1748.
155
Le 29 après midi le Roi accompagné de
Monfeigneur le Dauphin fit dans la Plaine
des Sablons la revue du Régiment des
Gardes Françoifes & de celui des Gardés
Suiffes , lefquels , après avoir fait l'exercice
, défilerent en préfence de Sa Majesté .
Mefdames de France fe trouverent à cette
revûë.
1
Le 7 de ce mois Dimanche des Rameaux
le Roi & la Reine accompagnés de Monfeigneur
le Dauphin & de Mefdames de
France , affifterent dans la Chapelle du
Château à la Benediction des Palmes , qui
fut faite par l'Abbé Broffeau , Chapelain
ordinaire de la Chapelle de Mufique , lequel
en préfenta une au Roi & à la Reine ;
leurs Majeftés allerent à la Proceffion , &
adorerent la Croix. Le Roi & la Reine
entendirent enfuite la grande Meffe célé
brée
par le même Chapelain .
L'après-midi leurs Majeftés , accompagnées
comme le matin , affifterent à la
prédication du Pere Tainturier de la Compagnie
de Jefus.
La Reine communia le s dans l'Eglife de
ta Paroiffe du Château par les mains de
l'Evêque de Chartres fon Premier Aumô
nier.
Le to Mercredi Saint le Roi & la Reine
entendirent dans la Chapelle l'Office des
Térébres.
156 MERCURE DE FRANCE.
?
Le Jeudi Saint le Roi affifta au Sermon
de la Céne du Pere le Fraire , Religieux
de l'Obfervance , & l'Evêque de
Saint Brieux fit l'Abfoute , après laquelle
Sa Majesté lava les pieds à douze pauvres ,
& les fervit à table. Le Comte de Charolois
, faifant les fonctions de Grand Maître
de la Maifon du Roi , étoit à la tête
des Maîtres d'Hôtel , & il précédoit - le
fervice , dont les plats étoient portés par
Monſeigneur le Dauphin , le Duc de Chartres
, le Prince de Condé , le Comte de
Clermont , le Prince de Conty , le Prince
de Dombes , le Comte d'Eu , le Duc de
Penthiévre , & par les principaux Officiers
de Sa Majefté. Après cette cérémonie le
Roi & la Reine fe rendirent à la Chapelle,
où leurs Majeftés entendirent la grande
Meffe , & affifterent à la Proceffion.
Le même jour après-midi la Reine entendit
le Sermon de la Céne de l'Abbé de Boifmont
, Chanoine de l'Eglife Cathédrale de
Rouen, & après l'Abfoute qui fut faite par
l'Evêque de S. Brieux , Sa Majefté lava les
pieds à douze pauvres filles qu'elle fervit
à table. Le Marquis de Chalmazel , Premier
Maître d'Hôtel de la Reine , précé
doit le fervice , dont les plats furent porrés
par
Madame Henriette , Madame Adelaide
& Madame Victoire , par la DuAVRIL
1748. 187
cheffe de Chartres & par les Dames du
Palais.
Le Roi & la Reine affifterent le même
jour dans la Chapelle du Château à l'Office
des Ténébres.
Le 12 Vendredi Saint le Roi & la Reine
, accompagnés de Monfeigneur le Dauphin
& de Mefdames de France , entendi-
Fent le Sermon de la Paffion du Pere Tainturier
, de la Compagnie de Jefus, Leurs
Majeftés affifterent enfuite à l'Office , &
allerent à l'adoration de la Croix . L'aprèsmidi
elles entendirent les Ténébres.
La Reine affifta le Samedi Saint aux
Complies & au Salut , pendant lequel l'O
Filii fut chanté
par lá Mufique.
Le 14 Fête de Paques le Roi & la Reine,
accompagnés de Monfeigneur le Dauphin ,
de Madame la Dauphine & de Mefdames
de France , entendirent la grande Meſſe
célébrée pontificalement par l'Evêque de
Saint Brieux & chantée par la Mufique.
L'après-midi leurs Majeftés affifterent à la
prédication du Pere Tainturier , & enfuite
aux Vêpres auxquelles le même Prélat
officia.
Le Roi a accordé au Marquis de Coigny
le Gouvernement du Château de Choify .
Sa Majesté a difpofé de la Capitainerie
-des Chaffes de la Varenne du Louvre en
188 MERCURE DE FRANCE.
faveur du Duc de la Valliere .
Le 23 M. Tron , Ambaffadeur ordinaire
de la République de Vénife , eût fon audience
publique de congé du Roi , étant
accompagné par le Prince Camille , &
conduit par le Marquis de Verneuil , Introducteur
des Ambaffadeurs qui étoient
allés le prendre en fon Hôtel à Paris dans
les caroffes de leurs Majeftés . Il trouva à
fon arrivée dans l'avant-cour du Château
les Compagnies des Gardes Françoifes &
Suiffes fous les armes , les tambours appellant
; dans la cour les Gardes de la Porte
& ceux de la Prévôté de l'Hôtel , auffi
fous les armes à leurs poftes ordinaires ,
& fur l'efcalier les Cent Suiffes en habits
de cérémonie & la hallebarde à la main .
Le Duc de Villeroi , Capitaine des Gardes,
le reçût à la porte en dedans de la falle ,
où les Gardes du Corps étoient en haye
fous les armes . A la fin de l'audience le
Roi fit Chevalier M. Tron , felon Fufage
pratiqué à l'égard des Ambaffadeurs de la
République de Vénife . Le même jour
l'Ambaffadeur fut conduit à l'audience de
la Reine , & à celles de Monfeigneur le
Dauphin , de Madame la Dauphine , de
Madame & de Mefdames de France , &
après avoir été traité par les Officiers du
Roi , il fut reconduit à Paris dans les caAVRIL.
1748. 189
roffes de leurs Majeftés , avec les cérémonies
accoûtumées .
Le Roi a difpofé de la place de Confeiller
d'Etat , vacante par la mort de M.
de Caumartin , en faveur de M. le Nain
Intendant de la Province de Languedoc .
L
BENEFICES DONNE'S.
E Roi a accordé l'Evêché de Montpellier
à l'Evêque de Viviers.
L'Evêché de Viviers à l'Abbé de Mons,
Vicaire Général de ce Diocèfe.
L'Evêché d'Autun à l'Abbé de Montazet
, Aumônier de Sa Majefté.
L'Evêché de Lavaur à l'Abbé de la
Baftie , ancien Agent Général du Clergé.
L'Abbaye de Moreilles , Ordre de Citeaux
, Diocèſe de la Rochelle , à l'Evêque
de Clermont,
Celle de Monftier en Argonne , même
Ordre , Diocèle de Châlons - fur- Marne ,
l'Abbé de Montazet , nommé à l'Evêché
d'Autun.
Celle de Bolbone , même Ordre , Dio
cèſe de Mirepoix , à l'Abbé d'Ormeffon.
Celle de Saint Quentin , Ordre de
Saint Auguſtin , Diocèfe de Beauvais , à
l'Abbé de la Ville , Miniftre du Roi auprès
190 MERCURE DE FRANCE
des Etats Généraux des Provinces -Unies ,
& Premier Commis au Département des
Affaires Etrangeres.
Celle de la Pelice , Ordre de S. Benoît ,
Diocèfe du Mans , à l'Abbé de Ronffecy
Vicaire Général de ce Diocèfe .
L'Abbaye Reguliere de Saint Aubert
de Cambray , Ordre de Saint Auguſtin ,
à Dom le Goul , Religieux de la même
Abbaye.
Celle de la Joye , Ordre de Citeaux
Diocéfe de Sens , à la Dame de Château-
Renaud , Religieufe de l'Ordre de Saint
Auguftin.
Le Prieuré de Vieuxpont , Ordre de
Grandmont , même Diocèfe , à l'Abbé
Hocart , Vicaire Général de l'Evêché de
Châlons - fur- Marne.
D'Anvers le 22 Mars.
Le 14 de ce mois le Marquis de Rougé
Brigadier , partit d'ici avec fix Compagnies
de Grénadiers , un pareil nombre de piquets
d'Infanterie , & trois cent hommes
de Cavalerie des Régimens de la Reine' ,
de Graffin & de la Morliere , pour eſcorter
un convoi de deux cent foixante cha
riots qu'on envoyoit à Bergopfoom. Il
›
AVRIL. 1748. 191
>
trouva à Santvliet une nouvelle eſcortè
d'Infanterie , à peu près de même force
que la fienne , & qui étoit fortie de Bergopfoom
fous les ordres de M. de Piat ,
auffi Brigadier. Ayant joint à cette nouvelle
eſcorte cent Cavaliers du Régiment
de la Reine , & ayant remis le convoi à
M. de Plat , il continua le 15 fa marche
afin de couvrir celle du convoi . A fon arrivée
au moulin d'Hoguereide , M. de
Bourgmarie , Lieutenant Colonel du Ré
giment de la Morliere , qui l'y attendoit
avec fix Compagnies de Grénadiers , fix
piquets d'Infanterie , trois cent chevaux
& quatre piéces de canon , lui annonça
qu'on avoit apperçu plufieurs troupes de
Huffards formées derriere les Dunes. Le
Marquis de Rougé difpofa auffi-tôt fon
Infanterie fur trois colonnes , compofées.
chacune de quatre Compagnies de Grénadiers
& de quatre piquets , fon artillerie
de droite & de gauche de la colonne du
centre , & il ordonna à M. de Bourgmarie,
de mettre trois cent Cavaliers en bataille
à portée de l'Infanterie du côté d'Huberguene
, & d'en placer deux cent autres
par échelons jufqu'à la Cenfe du Paſteur.
A peine cette difpofition étoit faite qu'on
entendit à une lieuë en avant quelques
coups de fufil , qui un inftant après furent
192 MERCURE DE FRANCE .
fuivis d'un feu très- confidérable de moufqueterie.
La tête du convoi venoit
alors de paffer le moulin d'Hoguereide ,
& il parut en même tems de l'Infanterie
ennemie qui dirigeoit fa marche vers la
Cenfe du Pafteur. Dans cette circonftance
le Marquis de Rougé y fit avancer deux
Compagnies de Grenadiers & deux piquets
du Régiment de Piémont , & poufla
en avant avec deux cent chevaux M. de
Grandmaifon , Capitaine au Régiment de
Graffin , avec commiffion de Lieutenant
Colonel , auquel il donna ordre de fe porter
où le feu s'étoit fait entendre , & de
lui envoyer des nouvelles. M. de Grandmaifon
ne tarda pas à l'informer qu'on
voyoit des détachemens nombreux d'ennemis
qui emmenoient quelque troupes
de notre Infanterie , & que le convoi
felon les apparences alloit être attaqué.
Sur cet avis le Marquis de Rougé ayant retiré
l'Infanterie qu'il avoit poſté à la Cenſe
du Paſteur & au Moulin d'Hoguereide ,
ordonna à M. de Bourgmarie de marcher
droit aux ennemis , & il le fuivit avec le
refte de l'eſcorte. On découvrit bientôt
fur la droite plufieurs troupes des Huffards
fuivies d'Infanterie , & le feu commença
à la tête du convoi . Alors , par
ordre du Marquis de Rougé, M. de Ponfo
net
A VRIL. 1748 . 193
net , Commandant du bataillon de Milice
de Blois , fe rapprocha du convoi avec une
divifion d'Infanterie afin d'en protéger la
queue . Le Marquis de Rougé fe difpofoit
a marcher où fe paffoit le combat , mais le
feu , qui s'étoit fait entendre à l'avantgarde
, ayant ceffé , il ſe détermina à faire
face aux troupes qu'il avoit fur fon flanc .
La tête du convoi entroit déja dans Bergopfoom
, lorfqu'on vint rapporter au
Marquis de Rougé qu'il étoit refté dans le
chemin foixante chariots fans attelage. Il
écrivit fur le champ au Comte de Vaux.
pour lui en donner avis, & pour le prier de
renvoyer les premiers attelages qui étoient
arrivés dans la Place , mais il apprit que le
- Comte de Vaux , étant forti à la tête d'un
détachement, dans le deffein de favorifer le
convoi , avoit été enveloppé par des troupes
fupérieures & obligé de fe rendre prifonnier
, ce qui avoit caufé le bruit des
premieres décharges de moufqueterie
qu'on avoit entendues . Par ce contre-tems
M. de Grandmaifon n'avoit point trouvé
d'Infanterie pour le protéger , & fes troupes
avoient été diffipées par le nombre
prodigieux de Cavalerie dont il avoit été
accablé. M. de Bourgmarie qui avoit été
détaché afin de le foûtenir,n'avoit pû faire
affés de diligence pour remplir cet objet ,
I
194 MERCURE DE FRANCE.
›
mais du moins il étoit arrivé affés -tôt pour
raffûrer le convoi & pour en impofer aux
ennemis , qui avertis de fa marche ſe perfuaderent
que le Marquis de Rougé le fuivoit
de fort près. Dès que M. de la Buharaye
, Commandant du bataillon de Milice
de Dinan , & qui commandoit l'avantgarde
du convoi , avoit vû que les ennemis
fe préparoient à l'attaquer , il avoit
fait doubler les chariots les uns fur les autres
, & s'étoit formé un parc . Il s'y dé--
fendit jufqu'à ce que M. de Bourgmarie le
joignit avec deux cent Cavaliers , qui
ayant été placés de façon qu'ils pouvoient
être protégés par le feu de l'Infanterie
contraignirent les ennemis de renoncer à
cette attaque. Ne perdant point l'efpérance
de réuffir dans une autre partie , ils porterent
leurs principales forces à l'endroit où
étoit le Corps de troupes auquel le Marquis
de Rougé faifoit face . Lorfqu'ils reconnurent
qu'il n'avoit point marché en
avant , & qu'ainfi ils ne pouvoient fe flater,
de trouver la queue du convoi dégarnie ,
ils n'oferent plus rien entreprendre. Le
Marquis de Rougé ne fe retira que lorfqu'il
fut certain que tout le convoi étoit
entré dans Bergopfoom , à l'exception de
les ennemis ont
quelques beftiaux que
emmenés , & de huit ou dix-chariots bri
AVRIL. 1748
195.
fés dont même ils n'ont pas profité.
De Maeftricht le premier Avril.
Par ordre du Duc de Cumberland on
a enlevé la plupart des voitures , des chevaux
& des boeufs de la partie de la rive
droite de la Meufe , entre Namur & le
Duché de Limbourg , afin d'empêcher les
François d'en profiter . Plufieurs Régimens
d'Infanterie & de Cavalerie des troupes
de la Reine de Hongrie font venus prendre
des quartiers de cantonnement dans
les environs de cette ville . On fortifie la
hauteur de Berg , & l'on dreffe des batteries
, afin de couvrir l'efpace de terrain
qui eft depuis cette hauteur jufqu'au fauxbourg
de Wyck . Selon les lettres de la
Haye le Duc de Cumberland établira fon
Quartier général à Eyndhoven dans la
Mairie de Bois- le-Duc. Les mêmes nouvelles
affûrent que le Feldt- Maréchal
Comte de Naffau commandera cette année
les troupes de la République fous les or
dres du Prince Stathouder.
D'Aix-la-Chapelle le 30 Mars.
Le Comte de Saint Severin d'Arragon ,
que le Roi de France a nommé pour affifter
en qualité de fon Miniftre Plénipotentiaire
aux conferences , dans lefquelles on
Iij
196 MERCURE DE FRANCE.
doit travailler au rétabliffement de la paix ,
arriva ici le 26 de ce mois au foir , étant
efcorté par cinquante Maîtres d'un Régiment
de Cavalerie de l'Electeur Palatin .
Le lendemain au matin le Comte de Sandwich
alla rendre vifite à ce Miniftre , &
le Comte de Kaunitz Rittberg en fit autant
l'après-midi. Le Comte de Saint Severin
leur rendit auffi vifite le même jour. On
écrit de Francfort que l'Evêque Prince de
Wurtzbourg , dont deux Régimens font
au fervice de la Grande Bretagne & de la
République des Provinces Unies , s'eft engagé
d'y en joindre un troifiéme qui fera
pret le 20 du mois prochain à fe mettre en
marche,
PRISES DE VAISSEAUX.
- Le Chevalier des Roches , Enfeigne de
vaiffeau , commandant la fregate du Roi
ta Mutine , a fait conduire à la Rochelle
le navire Hollandois la Sainte Croix Galére
, chargé de peaux de maroquin
& d'au
tres marchandifes.
La corvette du Roi l'Amarante , de
douze canons , commandée par M. Foucault
, Lieutenant de vaiffeau , s'eft emparée
du corfaire ennemi le Prince de Galles , de
huit canons.
AVRIL. 1748. 197
On a reçû avis que le navire Anglois
le Clarendon , de cent quarante tonneaux
chargé de fucre & de taffia , avoit été pris
par le Capitaine Jofeph-François Hugon ,
qui monte le corſaire l'Aimable Grenot , de
Granville .
Le même Capitaine s'eft auffi rendu maître
des bâtimens Hollandois la Marie- Elizabeth,
de Fleffingue, de cent quatre- vingt
tonneaux , armée de fix canons ; la Louife-
Elizabeth , de trois cent cinquante tonneaux
& de vingt canons ; le Vryffet , de
deux cent cinquante tonneaux & de quatorze
canons . Ces trois navires venoient
de Surinam , avec chacun une cargaifon
de fucre , de caffé, de cacao & de dents d'éléphant
, & il s'eft trouvé fur l'un de ces
bâtimens un baril de poudre d'or , péfant
cent marcs.
Le corfaire le Conquerant , de Granville ,
que commande le Capitaine Hautmenil
Hugon , a enlevé les navires Anglois le
Triton , de cent quatre-vingt tonneaux ,
fur lequel il y avoit du tabac ; le Telouther,
de quatre cent tonneaux , & un bâtiment
Hollandois , appellé le Marcellus , de trois
cent cinquante tonneaux ,lequel rapportoit
de Meffine diverfes marchandifes.
Le Capitaine Blaile Fery , qui monte le
corfaire le Duc de Penthiévre , s'eft emparé
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
d'un navire Anglois , de cent trente tonneaux
, chargé de fruits , & il l'a envoyé à
Dieppe , où il eft arrivé auſſi un bâtiment
Hollandois , appellé les quatre Bons Amis ,
de 120 tonneaux , chargé de vin , lequel a
été pris par le Capitaine Burel de la Fontaine,
qui commande le corfaire la Marie-
Anne , de Saint Malo.
Le corfaire le Charron , de Calais , commandé
par le Capitaine Louis Marelle , a
conduit à Bayonne le navire Anglois le
Lion , de Londres , de cent foixante tonneaux
, à bord duquel il y avoit du fucre
& d'autres marchandiſes .
Selon les lettres de Bayonne les Capitaines
Saubat , Balanqué & Dominique
Lauga , qui montent les corfaires la Victoire
& la funon , ſe ſont emparés , le premier
des navires Anglois le Carteret , de vingt
canons , chargé de fucre & d'autres marchandifes
, & le Centurion , dont la cargaifon
eft compofée de falaifons ; le fecond
du navire Hollandois le Lieffd'Adegbed ,
venant de Surinam avec un chargement de
caffé & de cacao .
Le Tigre , autre corfaire de Bayonne ,
dont eft Capitaine M. André la Ruë , a pris
deux navires Hollandois , l'un de cent foixante
tonneaux , armé de huit canons ,
chargé de fruits ; l'autre nommé la Gertrude
&
T
AVRIL. 1748. 199
Marie, de fix canons , dont la cargaiſon
confifte en cordages , legumes & ballots de
differentes marchandiſes .
Le Capitaine Samfon du Fourq , commandant
le corfaire la Bafquoiſe de Saint
Jean de Luz , a fait conduire au Socoa un
navire Hollandois , de fix canons , venant
de la côte de Guinée avec un chargement
confidérable , dans lequel il s'eft trouvé un
fac rempli de poudre d'or.
On mande de Marſeille que le Capitaine
Barthelemi le Blanc , qui commande
le Corfaire le Victorieux , de Saint Malo ,
eft entré dans le premier de ces deux Ports
avec deux bâtimens Hollandois , allans ,
l'un de Smyrne à Amfterdam , & l'autre
d'Efpagne au Levant , avec chacun une
riche cargaifon , & d'un navire Anglois
qui a relâché à Alicante.
Suite du Siége de Maestricht.
Tranchée du 21 au 22.
Attaque de la droite.
M. du Châtelet , Lieutenant Général .
M. de Torcy , Maréchal de Camp ; deux
Brigadiers .
Du Roi ,
Solar ,
4 Bataillons .
S
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
8 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
On à travaillé cette nuit à une parallele
de cinquante toifes , au bout de l'ancien
débouché de la droite en l'allongeant
par la gauche ; on a perfectionné le débouché
de la batterie de la droite ; cet ouvrage
eft de trente toifes ; on a ouvert un
fecond débouché à la droite de la troifiéme
batterie de la gauche . Nos batteries , malgré
le mauvais tems qu'il fait , tirent avec
vivacité & grand fuccès.
Nous avons eu M. Coupean , Capitaine
au Régiment du Roi , tué ; M. Mandelot ,
Capitaine au Régiment de Picardie , bleffé
; M. Rouillier , Capitaine de la Brigade
de Solar , bleffé ; M. Deville , Lieutenant
de Grenadiers de ladite Brigade , bleffé.
Soldats bleffés , quarante - un.
Attaque de la gauche.
M. le Duc d'Havré , Maréchal de Camp.
Un Brigadier.
Royal Marine ,
2 Bataillons.
Royal Corfe ,
3
3 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
Nos batteries qui battent à ricochet les
deux ouvrages à corne & le chemin couvert
font un grand effet. Soldats tués ,
deux ; foldats bleffés , 3 .
AVRIL.- 201
W
1748.
Tranchée du 22 au 23 .
Attaque de la droite.
M. de Senneterre , Lieutenant Général.
M. de la Saone, Maréchal de Camp ; deux
Brigadiers:
Royal ,
Premier de Lowendalh
Royal Vallon ,
Ferfen ,
3 Bataillons.
2
I
Naffau Sarbruk ,
A
I
$
T
S Compagnies de Grenadiers auxiliaires.
On a débouché cette nuit par quatre
zigzagues fur la capitale de la branche
gauche de l'ouvrage à corne , on a auffi
débouché par huit zigzagues fur la capitale
de la demi- lune du même ouvrage ; ce
travail est très-bien fait & fera perfectionné
aujourd'hui . On a prolongé de deux
zigzagues le débouché qui a été fait il y a
deux jours , & dirigé fur la capitale de la
branche droite de l'ouvrage à corne. Ces
trois.débouchés embraffent entièrement les
trois capitales de l'ouvrage à corne.
Nous ne fommes éloignés que d'environ
dix toifes des fléches que les affiégés
ont faites.
M. de Barville , Enfeigne de Grenadiers
I v
202 MERCURE DE FRANCE .
"
au Régiment des Gardes Françoiſes , tué ;
M. de la Vieuville , Lieutenant au même
Régiment , bleffé . Soldats tués , huit ;
foldats bleffés , 33 .
Attaque de la gauche.
M. d'Affry , Maréchal de Camp ; un
Brigadier.
3 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
Nous avons démonté plufieurs piéces
aux ennemis dans les ouvrages de l'autre
côté de la Meufe ; une de leurs bombes a
brifé un affut de la batterie de la droite &
dérangé le madrier de cette batterie .
Les affiégés ont fait un feu très- vif ; M.
Licautier , Lieutenant en fecond des Grenadiers
au Régiment de Normandie , bleffé
; M. Cazot , Lieutenant des Grenadiers
de Touraine , bleffé . Soldats bleffés , 5 .
>
Tranchée du 23 au 24.
Attaque de la droite.
M. de Maubourg , Lieutenant Général ;
M. de Berville , Maréchal de Camp ; deux
Brigadiers.
Gardes Françoifes ,
Rouergue ,
Saxe ,
4 Bataillons.
I
3
&
8 Compagnies de Grenadiers auxiliaires.
AVRIL. 1748. 203
On a approvifionné pendant la nuit les
débouchés de fappe de gabions & réparé les
batteries que le mauvais tems avoit un peu
dérangées ; on a commencé à conſtruire
une batterie de quatre mortiers , elle eſt
tout-à-fait à la droite.
Nous avons eu M. de Flamarin , Capitaine
de Grenadiers au Régiment de Chartué
; M. de Pingonau , Capitaine au
›
Régiment d'Alface , bleffé ; M. de Changeac
, Capitaine au Régiment de Ponthieu,
bleffé ; M. de Lefcrime , Lieutenant au
Régiment de Monaco , bleffé . Soldats tués,
cinq ; foldats bleffés , 22 .
Attaque de la gauche.
Mylord Tirconel , Maréchal de Camp ,
un Brigadier.
Touraine , 3 Bataillons.
3 Compagnies de Grenadiers auxiliaires.
Les affiégés ont ceffé de tirer à dix heures
du foir ; le feu n'a pas été fi vif. Soldat
tué , un ; foldats bleffés , 4 .
Tranchée du 24 an 25.
Attaque de la droite.
M. de Monteffon , Lieutenant Général ;
M. de Janus , Maréchal de Camp ; deux
Brigadiers.
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
Gardes Suiffes ,
Deuxième de Rouergue ,
2 Bataillons .
I
2 Rochefort ,
Angoumois ,
Vexin ,
La Marche ,
I
8
8 Compagnies de Grenadiers auxiliaires.
On a prolongé cette nuit de quatre petits
zigzagues le débouché de la droite ,
on a auffi prolongé celui qui eft dirigé ſur
la capitale de la demi-lune ; la tête de ces
fappes n'eft éloignée que de quatorze toifes
de la fléche . On a fait auffi au troifiéme
débouché , dirigé fur la capitale de la branche
gauche de l'ouvrage à corne , cinq
zigzagues. On a ouvert un quatriéme débouché
de neuf zigzagues , dirigé fur la
capitale de l'ouvrage qui eft au bord de la
riviere; on n'eft éloigné des paliffades du
chemin couvert de cet ouvrage que de fix
toifes. Tout le travail fera perfectionné
aujourd'hui.
Les ennemis à la faveur du brouillard
ont tenté de faire une fortie pour arracher
les gabions du troifiéme débouché , dirigé
fur la branche gauche de l'ouvragé à corne.
Nos Grenadiers les ont obligés de rentrer
fans avoir rien fait,
AVRIL 1748. 200
Les affrégés ont fait un feu très - vif , &
ont jetté une grande quantité de gre
nades.
Nous avons eu M. de Letoille , Capitaine
des Grenadiers au Régiment de Piémont
, bleffé , ainfi que Meffieurs de Garnier
& de Carrere , Lieutenans au même
Régiment. Soldats tués , dix- huit ; foldats
bleffés , 98.
Attaque de la gauche,
M. le Chevalier d'Ailly , Maréchal
de Camp ; un Brigadier..
Cuftine , 3 Bataillons.
3 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
On a travaillé pendant la nuit à la conftruction
de deux nouvelles batteries de
canon dans la feconde parallele ; elles battront
de ricochet l'ouvrage à corne du
fauxbourg de Wik.
Nous avons eu M. de la Mirande , Capitaine
au Régiment de Normandie , blef- .
fé. Soldat tué , un ; foldats bleſſés , 16 .
Tranchée du 25 aŭ 26.
Attaque de la droite.
M. de Lautrec , Lieutenant Général ; M..
de Montmorency , Maréchal de Camp ;
deux Brigadiers.
206 MERCURE DE FRANCE.
Picardie ,
Montmorin ,
Ss Bataillons.
3
8
8 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
On a travaillé cette nuit dans quatre
débouchés du front de l'attaque ; on a fait
au troifiéme zigzague du débouché de la
gauche une parallele de trente toifes par
la droite ; on a prolongé de cinq zigzagues
le débouché qui eft fur le rentrant de la
lunette , & on a fait au bout de ces zigzagues
, de droite & de gauche , trente-cinq
toifes de parallele ; on a prolongé de deux
zigzagues celui qui eft fur la capitale de
la demi lune de l'ouvrage à corne.
7
Les affiégés ont fait une fortie à une
heure du matin fur les deux débouchés , &
ont arraché quelques gabions.
Nous avons eu M. de Blangis , Lieute
nant au Régiment des Gardes Françoiſes ,
bleffé , ainfi que M. de Carbonel , Enfei
gne au même Régiment , & Meffieurs de
Bovillard & de Fourcroy..
Attaque de la gauche.
M. de Relingue , Maréchal de Camp ;
um Brigadier.
Sedorff , 3 Bataillons.
3 Compagnies de Grenadiers auxiliaires .
AVRIL. 1748. 207
Les deux batteries de canon placées dans
la deuxième parallele feront achevées aujourd'hui
, & tireront demain à la pointe
du jour ; nos batteries à ricochet font un
grand effet & ont démonté plufieurs piéces.
Soldats bleffés , 4.
NAISSANCE , MARIAGES
Morts.
E 26 Mars a été baptiſé en la Paroiffe de S.
Roch Armand Louis Jofeph , né le jour précédent
, fils de M. Jean Paris de Montmartel , Comte
de Sampigny , Baron de Dagouville , Seigneur
de Brunoy, de Villers- les - Dureaux , de Foucy , de
Fontaines , de Château Neuf, &c . Confeiller d'Etat
, Garde du Tréfor Royal , & de Dame Marie
Armande de Bethune Selles , mariés le 17 Février
1746. La Maraine a été Dame Louife Defmarets
-de Maillebois , femme de Louis Maximilien Pierre
de Bethune , aujourd'hui Duc de Sully , Pair de
France , Chevalier de l'Ordre de la Toifon d'or ,
Chefde la Maifon de Bethune , l'une des plus grandes
& des plus illuftres du Royaume , de laquelle
la feconde branche eft celle des Comtes de Selles,
qui a pour Chef Armand de Bethune , Marquis de
Bethune Selles , Brigadier des Armées du Roi ,
Commiffaire Général de la Cavalerie de France,
feul frere de Mad. de Montmartel.
Le 27 a été célebré à Paris dans la Chapelle de
P'Hôtel de Madame la Comteffe de Bethune & fur
la Paroiffe de S. Nicolas des Champs par M.PAr208
MERGURE DE FRANCE.
1
chevêque d'Embrun , le mariage de Louis Armand
de Seigliere de Belleforiere de Soyecourt , Chevalier,
Marquis de Soyecourt & de Maifons , Comte de Tilloloy
, Seigneur de Roye , &c . Meftre de Camp du
Régiment Dauphin Etranger , Cavalerie , du 9
Août 1742 , & Brigadier des Armées du Roi du
premier Janvier 1748 , veuf depuis le 24 Janvier
1743 de Dame Marie Anne Pauline Antoinette de
Beauvillier de S. Aignan , morte fans enfans à l'âge
de zi ans , fille de M. le Duc de Saint Aignan ,
Pair de France , Chevalier des Ordres du Roi , cidevant
Ambaffadeur Extraordinaire à Rome , & de
feue Dame Marie Geneviève de Montlezun de
Befmaux , avec Damoiselle Marie Eleonore Augufte
de Bethune , née le 30 Janvier 1727 , fille de
feu Louis Marie Victoire Comte de Bethune , Ma-
-réchal des Camps & Armées du Roi, Grand Chambellan
du Roi de Pologne , Duc de Lorraine, mort
le 19 Décembre 1744 , & de Dame Marie Françoife
Potier de Gefvres , fa deuxième femme, four
de M. le Duc de Gefvres , aujourd'hui Premier
Gentilhomme de la Chambre , Chevalier des Ordres
du Roi & Gouverneur de Paris , &c, & petite
fille de François Galton de Bethune , Marquis
de Bethune , Comte de Selles , Chevalier des Ogdres
du Roi , & c . & de Dame Marie Louiſe de
la Grange d'Arquien , foeur de Marie Cafimire de
la Grange d'Arquien , Reine de Pologne , Mado de
Soyecourt , qui donne lieu à cet article , eft for
de pere de Dame Marie Cafimire Thereſe Génevieve
Emanuelle de Bethune , femme de
Louis Augufte Foucquet de Belle- ble , Duc & Maréchal
de France , Prince de l'Empire , Chevalier
des Ordres du Roi & de l'Ordre de la Toifon d'Or,
& c. M. le Marquis de Soyecourt eft né le 29 Janvier
1722, fils de M. Joachim Adolphe de SeiglieAVRIL.
1748. 205
re de Belleforiere de Soyecourt , Marquis de Soye
court , Brigadier des Armées du Roi , Colonel du
Régiment de Bourgogne , mort le 25 Mars 1738 ,
& de Dame Pauline Corifante de Pas de Feuquieres
, morte le 3 Juin 1742 , fille & héritiere d'Antoine
de Pas , Marquis de Feuquieres , Lieutenant
Général des Armées du Roi , Gouverneur des Ville
& Château de Verdun & Pays Verdunois, & de
Dame Marie Magdeleine- Geneviève- Therefe de
Monchy , d'Hocquincourt , fille du Maréchal de ce
nom . Il a été fubftitué aux noms & armes de Belleforiere
& de Soyecourt par la donation qui lui
fut faite par le Contrat de fon premier mariage
avec Mlle de Beauvillier S. Aignan , par Dame Marie
Renée de Belleforiere , fon ayeule paternelle ,
Marquise de Soyecourt & de Maifons , Comteffe
de Tilloloy & de Trepigny , Baronne d'Iron , d'Iftres
, & c. devenue héritiere des biens des Maifons
de Belleforiere & de Soyecourt , & c'est en conféquence
de cette fubftitution qu'il porte pour ar
mes écartelé au premier de fable femé de fleurs de
lys d'or , qui eft de Belleforiere , partie d'argent
fretté de gueules , qui eft de Soyecourt ; au deux
de gueules à un Lion d'argent , qui eft de Pas Feuquieres
; au 3 de gueules à 3 maillets d'or , pofés
deux & un , qui eft de Monchy; au 4 d'azur à 3
rofes d'argent & un chef d'or , chargé de trois ro
fes de gueules , qui eft de Longueil Maifons , &
fur le tout d'azur à trois épis de feigle , pofés deux
& un , qui eft de Seigliere.
Le 2 Avril a été célebré à Paris dans la Chapelle
domeftique de M. Thomas de Pange , fur la
Paroiffe de S. Paul , par M. l'Archevêque d'Alby
( Dominique de la Rochefoucault ) le mariage de
Jean Jofeph de la Rochefoucault , Marquis de la
Rochefoucault , Comte de Saint Elpice, Brigadier des
210 MERCURE DE FRANCE.
Armées du Roi , Colonel d'un Régiment de Cavalerie
de fon nom , Chevalier de l'Ordre de
Saint Louis , fils de feu Jean Antoine de la
Rochefoucault , Comte de Saint Elpice , & de
Dame Marie Magdeleine de Michel , Dame de
Lachant , avec Damoiſelle Marie Anne Thomas
, fille de Jean- Baptifte Louis Benoît Thomas
, Chevalier , Seigneur de Pange , Tréforier
Général de l'Extraordinaire des guerres , &
de Dame Françoife de Thumery. M. le Marquis
de la Rochefoucault eft le chef de la branche des
Marquis de la Rochefoucault Langheac, cadets
de l'illuftre Maiſon de la Rochefoucault , dont la
Généalogie eft rapportée dans l'Hiftoire des
Grands Officiers de la Couronne , vol. 4. fol. 440.
Pour Mile de Pange , elle fort du côté de M. ſon
pere , d'une famille diftinguée de Lorraine , marquée
depuis long- tems par fon attachement aux
Ducs de Lorraine, & du côté de Madame fa mere,
de la famille de Thumery , l'une des plus anciennes
& des plus marquées dans la Robe , établie à
Paris & en Normandie.
Le 14 Février Dame Marie-Chriftine de Noailles ,
veuve depuis le 16 Septembre 1725 d'Antoine de
Gramont , Duc de Gramont , Pair & Maréchal de
France , Gouverneur & Lieutenant Général pour
le Roi en Navarre & Bearn , Gouverneur des Villes
& Châteaux de Bayonne & de Pau , & de la
Citadelle de Saint Jean Piédeport & Colonel du
Régiment des Gardes Françoiſes , avec lequel elle
avoit été mariée le 13 Mars 1687 , mourut à Paris
dans la 77 année de fon âge , étant née le 4 Août
1672 du mariage d'Anne -Jules Duc de Noailles
Pair & Maréchal de France , Chevalier des Ordres
du Roi , Gouverneur de Rouffillon , Viceroi de
Catalogne , Capitaine de la premiere Compagnie
4
AVRIL. 1748. 211
des Gardes du Corps , mort le 2 Octobre 1708 ,
& de Dame Marie Françoiſe de Bournonville aujourd'hui
la veuve mariée le 13 Août 1671. Elle
avoit eu de fon mariage 1º.Louis- Antoine - Armand
Duc de Gramont , Pair de France , Souverain de
Bidache , Sire de Leſparre , Chevalier des Ordres
du Roi , Lieutenant Général de fes armées , Colonel
du Régiment des Gardes Françoiles , Gouverneur
& Lieutenant Général pour Sa Majefté en fes
Royaume de Navarre & Province de Bearn , morr
le 16 Mai 1741 , laiffant de fon mariage avec
Dame Louiſe Françoife d'Aumont de Crevant
d'Humieres , aujourd'hui fa veuve , Louiſe Marie
Victoire de Gramont , mariée le 2 Mars 1739.
avec Antoine Antonin , Duc de Gramont , fon
coufin germain , & Louife Charlotte de Gramont ,
femme de Louis Charles de Lorraine , Comte de
Brionne , morte le 2 Févr. 1742 ; 2°. Louis Comte
puis Duc de Gramont , Pair de France , Chevalier
des Ordres du Roi , Lieutenant Général de fes Armées
, Colonel du Régiment des Gardes Françoi
fes , tué à Fontenoy le 11 Mai 1745 , laiffant de
fon mariage avec Dame Geneviève de Gontault
Biton , Antoine Antonin , à préſent Duc de Gramont
, Pair de France , Colonel du Régiment de
Bourbonnois & Brigadier d'armée , & marié avec
Dame Louiſe Marie Victoire de Gramont fa coufine
germaine , de laquelle il a des enfans , Antoine
Adrien Charles de Gramont , dit le Comte deˇ
Gramont , Colonel du Régiment de Hainault , &
Brigadier des Armées du Roi , & Madame la Comteffe
de Rupelmonde . Madame la Maréchale Ducheffe
de Graniont , qui donne lieu à cet article ,
outre les deux fils nommés ci-deffus , avoit pour
filles Madame la Ducheffe de Gontault Biron &
Madame la Princefle de Bournonville, aujourd'hui
112 MERCURE DE FRANCE.
Duchefle de Ruffec Saint Simon. Voyez les Gé
néalogies des Maifons de Gramont & de Noailles ,
toutes deux des plus grandes & des plus illuftres
du Royaume , dans l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne , vol . 4. fol . 610 & 782 .
Le 24 Dame Catherine Henriette Hardouin
Manfart , veuve depuis le 26 Mars 1741 de M.
Claude Lebas de Montargis , Marquis du Bouchet,
Confeiller d'Etat ancien Garde du Tréfor Royal
& ci- devant Commandeur & Secretaire des Ordres
du Roi , avec lequel elle avoit été mariée le 22
Février 1693 , mourut à Paris , âgée de 73 ans & 6
mois , n'ayant eu de fon mariage que Catherine
Henriette le Bas de Montargis , morte le 17 Janvier
1728 fans laiffer d'enfans de M. Jean François
Henault, aujourd'hui Préfident honoraire aux
Enquêtes du Parlement , & l'un des quarante de
l'Académie Françoife , & Anne Charlotte Lebas
de Montargis , Dame du Palais de feue Madame
la Ducheffe de Berry , & veuve depuis le 21 Août
1735 de Louis Marquis d'Arpajon , Lieutenant Général
des Armées du Roi , Grand Baillif & Gouverneur
de la Province & Duché de Bery ,Chevalier
de la Toifon d'or , duquel elle n'a que Mad . la
Comteffe de Noailles , femme de M. le Comte de
Noailles , Grand d'Efpagne de la premiere Claffe ,
Chevalier de la Toifon d'Or & de Ma'te , Maréchal
de Camp , fecond fils de M. le Maréchal Duc
de Noailles. Mad , de Montargis étoit fille aînée
de Jules Hardouin Manfart , Comte de Sagonne
Chevalier de l'Ordre de S. Michel , Confeiller du
Roi en tous fes Confeils , Sur- Intendant & Ordonnateur
général des Bâtimens , Jardins , Arts , Ma
hufactures de Sa Majefté , mort le 11 Mai 1708 ,
& de Dame Anne Bodin , fa veuve , morte le 30
Août 1738.
AVRIL. 1748. 213
$
Le 23 Alexandre de Saint Quintin , Comte de
Blet , Maréchal des Camps & Armées du Roi , &
Commandant pour le Roi à Bergopfoom , y mou.
rut dans la quarante- fixième année de fon âge. Il
étoit en 1727 Sous- Lieutenant de la Compagnie
des Chevau- Legers d'Anjou , Capitaine- Lieutenant
de la même Compagnie le 20 Mai 1734 , puis
Capitaine de la Compagnie des Gendarmes Anglois
le 15 Mars 1740 , fut fait Brigadier d'armée
le 20 Février 1743 , & enfin Maréchal de Camp
le premier Mai 1745. Il étoit marié depuis le 9
Novembre 1724 avec Dame Marie Peyrenc , niece
& coufine germaine de Mrs Peyrenc de Moras,
Maîtres des Requêtes , pere & fils ; il étoit fils d'Alexandre
de Saint Quintin, Comte de Blet en Bourbonnois
, & de Dame Louife- Françoiſe Hurauit
de Saint Denis , mariés le 4 Octobre 1700. Voyez
la Généalogie de Saint Quintin , Nobleffe marquée
par fon ancienneté & par fes alliances , dans le vol.
9 de l'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne
, & dont les armes font d'or à une fleur de lys
de gueules.
Le 2 Mars Marc- Antoine Turgot de Saint Clair
ancien Maître des Requêtes Ordinaire de l'Hôtel
du Roi , pourvu le 2 Septembre 1703 , & fucceffivement
Intendant des Généralités d'Auvergne , de
Moulins & de Bourbonnois , mourut à Paris dans
la quatre- vingtiéme année de fon âge , étant né le
16 Décembre 1668 , & laiffant de fon mariage
avec Dame Louife le Gouz - Maillard , morte le
16 Avril 1721 , Benoît- Antoine Turgot de Saint
Clair , Seigneur de Congy , Confeiller au Parle
ment , reçu le 9 Août 1726 , lequel a plufieurs
enfans de Dame Agnès Langlois de Rezy , fon
époufe . M. de Saint Clair qui vient de mourir
étoit fils d'Antoine Turgot , Seigneur de Saint
214 MERCURE DE FRANCE .
Clair , premierement reçû Chevalier de Malte de
minorité en 1631 , & depuis Confeiller au Parlement
en 1660 , puis Maître des Requêtes en 1667 ,
mort fous-Doyen de fa Compagnie le 15 Février
1713 , & de Dame Jeanne du Tillet de la Buffiere
morte le 12 Mai 1728 , & petit - fils de Jacques
Turgot , Seigneur de Saint Clair , Maître des Requêtes
, reçû en 1630 , mort Confeiller d'Etat ordinaire
en 1659 , & de Dame Anne Favier du Bou-'
lay. Feu M. de Saint Clair étoit oncle à la mode'
de Bretagne de M. Turgot de Soufmont , Confeiller
d'Etat ordinaire , ci - devant Prévôt des Marchands
, pere de M. Turgot d'Ufly , Préfident à
Mortier du Parlement depuis le 9 Mai 1747. La
Famille de Turgot , tranfplantée de Bretagne en
Normandie , Généralité de Caën , où le nom en
eft connu depuis plus de trois cent ans , porte pour
armes d'hermines fretté de gueules.
Le 4 Jean Antoine François de Franquetot, Comte
de Coigny , Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant
Général des armées de Sa Majeſté , Colonel
Général des Dragons , Gouverneur & Grand-
Baillif des Ville & Château de Caën , & du Châ
reau & Maifon Royale de Choifi , & Capitaine des
Chaffes de la Varenne du Louvre , mourut dans la
quarante-fixiéme année de fon âge , étant né le 27
Septembre 1702 ; il étoit fils de François de Franquetot
, Duc de Coigny , Maréchal de France ,
Chevalier des Ordres du Roi & de la Toifon d'or,
Gouverneur Général & Commandant en chefpour
le Roi dans les Provinces de Haute & Baſſe Alface
, ci-devant Colonel Général des Dragons de
France , Gouverneur & Grand- Baillif des Ville &
Château de Caën , & de Dame Henriette de Montbourcher
du Bordage ; il avoit été marié en Novembre
1729 avec Dame Marie-Théréfe-Jofephe
...
AVRIL. 1748. 215
Corantine de Nevet , d'une noble & ancienne Maifon
de Bretagne , & il laiffe de ce mariage , 1 °.
Marie François Henri de Franquetot de Coigny , né
le 28 Mars 1737 ; 2. Auguftin-Gabriel de Franquetot,
né le 23 Août 1740 , & 3 °. Jean - Philippes
de Franquetot , né le 14 Décembre 1743. Le
Comte de Coigay qui vient de mourir avoit pour
foeur Dame Charlotte- HenrietteBibiene de Fran
quetot mariée depuis le ... Février 1726 avec
Jean- Baptifte-Joachim Colbert , Marquis de Croiffy
, Capitaine des Gardes de la Porte , & Lieute
nant Général des armées du Roi .
Le fieur Briart, qui demeure cour & ruë Abbad
tiale de S. Germain des Prés , a une fuite de Mercures
à vendre , bien complette , à commencer à
l'année 1720 , jufques & compris le mois d'Avril
1748 , qui font 398 volumes , qu'il donnera à 15
fols le volume.
J
APPROBATION.
' Ai lû par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois d'Avril
1748. A Paris le premier Mai 1748.
BONAMY.
TABLE.
Pxtraitd'un Mémoire de M, Puzos , fur la di-
IECES FUGITIVES en Vers & én Profe.
geftion du Lait aux enfans à la mammelle ,
Elegie fur la mort d'un ami ,
3
24
Difcours hiftorique fur l'origine des Huns & des
Turks >
Vers Latins ,
Lettre de M. L. à Mad . ***·
Le Roffignol & les Grenouilles , Fable,
Lettre fur le Cymgiacum ,
Vers à Mlle le *** › par M. Yg ***
Séance publique de l'Académie , Extrait ,
Ode anacréontique ,
Lettre à M. de la Bruere ,
27
SI
57
-71
72
75
77
91
92
Mots des Logogryphes du Mercure de Mars , 95
Enigmes & Logogryphe ,
1 96
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c. ico
Prix proposé par l'Académie de Pau ,
Nouvelles Cantatilles ,
Cartes nouvelles ,
Planches anatomiques du fieur Gautier ,
Spectacles & Concert Spirituel ,
117
120
122
ibid.
125
Complimens des Théatres François & Italien , 128
Σ
Nouvelles Etrangeres , Suede ,
Allemagne ,
Grande Bretagne ,
Provinces Unies ,>
Italie , de Malte , Génes , &e,
134
138
142
148
153
165
Siége de Maeftricht ,
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 184
Bénéfices donnés ,
Prifes de Vaiffeaux ,
189
196
199
Naiflance , Mariages & Morts , 2.07
Suite du Siége de Maestricht ,
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
MERCURE
DE FRANCE ,
1
DÉDIÉ AU ROI.
AV
M A I. 1748.
LIGIT
UT
SPARGA
Chés
Papillon
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint DR
Jacques , à S. André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Roi
A VIS.
LA
'ADRESSE générale duMercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de Francede la premiere main , plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreſſes à M:
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS ,
V.LS
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROI.
MAI. 1748.
PIECES FUGITIVES,
en Vers & en Profe.
LETTRE fur le monde , à M. Ailhand ;
fils , Legifte.
'Eft avec raifon , Monfieur , que
vous vous plaignez du monde.
Il ne nous flate que pour nous
féduire. Auffi ne charme-t'il que
deux fortes de gens ; l'oifif étourdi, qui ne
réfléchit pas affés pour voir le but qu'on fe
propofe dans les politeffes qu'on lui fait ;
l'homme fourbe dont l'unique occupation
eft de chercher des dupes ; à l'imprudent
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
défoeuvré , au traître par ééttaatt ,, le monde ;
je l'avoue , eft adorable .
>th
Mais ceux qui penfent & qui ont des
fentimens , le confidérent fous une face
bien differente, Ils en décélent le ridicule,
ils en faififfent le méprifable. Ils trouvent
que l'interêt y eft le feul mobile.Ils le rencontrent
par tout ils le montrent au
doigt. Voilà , s'écrient- ils , l'ame de toutes
les liaifons , des complimens les plus
legers, des témoignages d'affections les plus
intimes. It fufcite les haines & devient
médiateur entre ceux qu'il avoit divifés,
Auteur des mariages comme des procès ,
pere du défintéreffement même, il fe reproduit
chaque jour fous des formes nouvelles.
Dangereux Protée , à l'aide de fes changemens
il abuſe encore celui qui venoit de le
démaſquer.
Par lui la franchiſe eft bannie de la fociété.
On la traite de rúdeffe , fi elle n'eft
pas concertée. La diffimulation fe pare du
nom de la prudence. La fincerité rebute, &
n'eft plus qu'un défaut. L'artifice déteftable
, mais flateur, paffe pour une vertu . Le
fage qui craint de choquer , eft réduit à fe',
montrer tel qu'il n'eft pas. Les autres rougiroient
de paroître avec les couleurs qui
leur font naturelles. Le fard eft néceffaire
au premier pour le rendre aimable , il eft
M A I. 1748 . $
encore plus utile aux feconds , il empêche
qu'on ne les mépriſe.
Voilà néanmoins , Monfieur , l'épineufé
carriere où nous allons entrer vous & moi.
Nous fommes à la veille de monter fur un
vafte théâtre , nous commencerons par y
être fpectateurs nous y deviendrons ac²
teurs enfuite.
Nous fiflerons aujourd'hui la mere furannée
, trifte des applaudiffemens qu'on
prodigue à fa fille , la précieufe au langage
& au maintien affecté , la jeune indolente
partagée entre fon éventail & fon miroir ,
la prude plus hargneufe que févére , la
dévote médifante , vindicative , orgueilleufe
, la coquette libre malgré fes enga
gemens , moins jaloufe d'infpirer de l'amour
que de paroître aimable.
Nous fiflerons ce petit-maître bruïant ,
occupé de ne rien faire , le partifan bel
efprit manqué , ce Magiftrat qui dans les
entretiens familiers conferve fa gravité ,
ou ne la quitte que pour la remplacer par
l'indécence du petit- maître ; cet Abbé ingénieux,
difeur de petites fadaifes , ce Directeur
pédant & importun , ce vifage glaçant
, caché fous une perruque immenfe &
qui traîne la trifteffe avec lui , ce mauvais
Auteur enfin . Nous les fiflerons , & tous
fe confoleront , par l'efpoir de nous don-
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
ner dans peu la même mortification .
Oui , Monfieur , quelque mérite que
vous puiffiez acquerir , vous n'échaperez.
point à la fureur des fiflets. C'eft la régle .
Elle eft confacrée par l'uſage . Il n'y aura
aucune exception en votre faveur ; net
vous en flatez pas. Les talens les plus
diftingués expofent à une critique plus
amére . Je les regarde comme les grands
bras dans un acteur , ils font encore mieux
remarquer les mauvais geftes.
La probité n'eft pas elle-même à l'abri
des reproches. Elle cenfure trop de conduites
pour n'être pas attaquée à fon tour .
Les vices à la vérité font ce qu'on décrie
le plus , mais ce qu'on déchire le moins .
Pourquoi ? C'est qu'on les juge au- deffous
de l'envie .
Tant de bizarreries & d'injuftices me révoltent.
Je ne puis les regarder de fang froid .
STANCE S.
D'Erreurs , d'emportemens , de maux fource
féconde ;
Quoi verrai-je ! toujours les trop foibles mortels ,
Yvres de faux appas , cruel , perfide monde ,
S'immoler fur tes Autels
Auteur de vains plaifirs que fuivent les allarmes ,
MA I. 1748. 7
Tu caches à nos yeux la rigueur de tes coups ;
A ceux que
tu féduis tu n'offres que tes charmes ,
J'ofe peindre tes dégoûts .
Le courtisan flateur , en cherchant la puiffance ;
Rampe dans l'esclavage & fe forge de fers ;
વ Le moment qu'il croyoit marquer la récompenfe,
Eft celui de fon revers.
'A des amis ingrats il trace ſa miſére ,
Mais celui qui jadis l'élevoit juſqu'aux Cieux ,
Qui lui doit fa fortune & le nommoit fon pere ;
Voit & détourne les yeux.
Ces fpectacles brillans , ces cercles qu'on nous
vante ,
Par leur confufion émouffent le defir ;
L'oeil voit fans être ému ; nul objet ne l'enchante ;
Trifte au milieu du plaifir.
Le fordide intérêt , l'ambition barbare ,
Pour prix de nos travaux nous laiffent des rea
mords ;
La foifde pofféder interdit à l'avare
L'ufage de fes tréfors .
Je veux me dérober au chagrin qui me preffe ,
Je veux bannir les foins qui déchirent mon coeur ;
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
Je cherche dans le jeu la fin de ma trifteffe ,
Et j'y trouve la fureur.
Le defir inquiet , l'affreuſe jalousie ,
Le foupçon , d'un ainant accompagnent les voeux,
Des fages , des Héros l'amour troublá la vie ;
Fit-il jamais un heureux ?
Celui qui du remords a franchi la barriere ,
Qui fuit la volupté dont fon coeur eft épris ,
Trouve épuisé , confus , au bout de la carriere
Le dégoût & le mépris.
Le monde fous nos pas n'offre qu'un précipice ;
Vous qu'il fatoit , quittez l'efpoir qui vous a lui ;
Ses faveurs font des maux , & le moindre fupplice
Qu'il vous réferve eft l'ennui.
,
Souffrez , Monfieur , que je m'arrête ,
car auffi-bien les derniers vers font trèsprofaiques
; d'ailleurs eft- ce être fage que
de médire du monde ? Il a tant d'occafions
de fe venger. N'eft- il pas plus prudent de
fe taire , fi non par refpect pour lui , da
moins par ménagement pour nous mêmes ?
Quand on n'ofe après tout fe Hlater de reformer
les hommes , on doit fe contenter
de les plaindre. Sont-ils enfin fi pervers
t
ZARY
.
TI
LENOX
AND WWCATION3
.
"
8
<
AND
CATICKS
5
MA I. 1748.
qu'ils ne rendent tôt ou tard juftice aux
talens & aux vertus ? Si quelquefois le
mérite révolte , c'eft toujours la faute de
celui en qui il refide . Dans un dévot ce
n'eft pas la fageffe qu'on méprife , mais
l'orgueil & l'humeur qu'il lui affocie. On
honore la bravoure & on s'ennuie d'entendre
un militaire toujours parler de fes
exploits. On aime l'efprit & on hait les
airs infultans de ceux qui à cet égard veulent
nous paroître fupérieurs. On eftime
la Poëfie , la Peinture , la Mufique , & on
ne peut fouffrir les caprices trop fréquens
à ceux qui exercent ces Arts .
Ainfi , Monfieur , je me retracte . Je
penfe que c'eft moins l'injuftice des hom
mes,qui nous choque ,que notre trop d'indulgence
pour nous- mêmes, qui nous flate,
L'amour propre nous aveugle. Chaque particulier
croit effacer fes défauts en les rejettant
fur le mauvais goût du public on fur
la corruption du fiécle . Foible reffource ,
qui heureufement n'abule perfonne ! On
ne fe plaint ordinairement du monde que
lorfqu'il n'a pas lieu de fe louer de nous
J'ai l'honneur d'être avec reſpect , &c..
J, Lacoste fils , Avocat,
A Dijon le premier Janvier 1748.
AY
10 MERCURE DE FRANCE.
ODE ANACREONTIQUE,
A Mademoiselle ***.
L Es vertus & les graces
Regnent dans votre Cour ;
Deux Dieux fuivent vos traces
La Sageffe & l'Amour.
Rivaux fans jalousie ,
Maîtres de l'univers ,
Vous leur devez la vie ,
Ils reçoivent vos fers.
Fiers de leur efclavage ,
On voit ces Souverains
Courbés devant l'ouvrage
Que formerent leurs mains:
Ces Dieux , ah ! quel myftére
Jufqu'alors ennemis ,
Ne fe font plus la guerre ,
Par vos loix réunis.
La févére Sageffe
Se prête à l'enjoüement ,
Et la délicateffe
Au tendre fentiment ₫
M A I. 1748.
L'Amour baiffant la vûë
Emprunte des appas
De cette retenuë ,
Qu'il ne connoiffoit pas
Par le même!
nanananana na
DISCOURS qui a remporté le Prix de
l'Académie de Dijon de l'année 1747 .
Argutos inter raucus ftrepit Anſer olores.
Imit.Virgil. Ecl. 9. v. 36
Les avantages que le mérite retire de l'envie:
hu-
'Envie eft la plus baffe , la plus honteufe
de toutes les paffions , elle fortit
une des premieres de cette boëte fatale
où étoit enfermé le malheur du
genre
main ; le premier meurtre fut fon ouvra
ge ; fille de l'orgueil , elle enchérit fur la
malignité de fon pere & des autres paffrons
fes fours. Celles- ci peuvent , pour
ainfi- dire , alléguer des raifons pour fe difculper.
La volupté en trouve dans les charmes
de fon objet ; l'ambition dans les at
traits de la grandeur ; l'avarice dans la
crainte d'une mifere future ; la colere dans
un mouvement naturel dont elle n'eft pas
maîtreffe l'une peut s'en prendre à la ne-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
ceffité , une autre à l'occafion , toutes à la
foibleffe humaine ; ce feroient des excufes
pour faire plaindre un homme qui en eft
poffedé , mais l'envie, fi, comme les autres,
elle ofoit entreprendre de fe juftifier , & fi
elle vouloit être fincére , ne pourroit don
ner pour objet que le mérite ou la fortune
d'autrui . Quelle honte ! quelle baſſeſſe !
Semblables à ces animaux à qui les odeurs
les plus exquifes font mortelles , renverfant
l'ordre des impreffions naturelles , le
bonheur des autres fait le malheur de l'envieux
; leur joye caufe fa trifteffe ; tout ce
qui excite le refpect & l'amour a fon mépris
& fa haine ; l'amitié , la parenté , le
voifinage , la profeffion , les vertus , les ralens
, le mérite , c'eſt à quoi s'attache la
rouille de l'envie , c'eft ce qui fait naître
les fentimens bas de l'envieux , c'est ce
qu'il voudroit obfcurcir , abaiffer & même
détruire , mais ce qui doit faire fon défefpoir
, c'eft que rarement il réüflit . Cette
paffion tourmente fûrement l'envieux &
nuit rarement à celui qui eft envié. C'eft
-un ver qui n'a qu'autant de force qu'il lui
en faut pour ronger le bois où il a pris naiffance
, mais qui ne peut rien fur les matiéres
étrangeres ; les traits impuiffans que
l'envieux lance , fe trouvent prefque toujours
relancés contre lui-même; l'envie
MA I. 1748 .
$ 14
tourne même plus fouvent au profit de ce
lui qui en eft l'objet . Si c'eſt un homme
vertueux qu'elle attaque , elle le fait connoître
, elle le fait croître en vertus . Si
c'est un homme à talens qu'elle critique ,
elle l'encourage , elle augmente & les fuccès
& fes talens ; l'un & l'autre profitent
des avertiffemens jaloux de leur ennemie ,
pour corriger leurs imperfections ou leurs
défauts & la faire taire , ainfi l'envie est
utile aux vertus , aux talens ou au mérite,
L'envie annonce les vertus & les rend
plus parfaites ; l'envie annonce les talens
& les rend plus finis ; voila les avantages
que le mérite retire de l'envie .
PREMIERE PARTIE.
Quoique la vertu foit une image de la
Divinité dont elle émane , que par cette
reffemblance elle mérite tous nos hommages
, que par les actions elle exige notre
reconnoiffance , que notre eftime , notre
vénération , notre amour paroiffent devoir
être pour elle des revenus certains
cependant telle eft la malignité du coeur
humain , que non- feulement il lui refufe
ce tribut fi jufte , mais qu'une baſſe jaloufie
le fouleve fourdement contre ceux que
l'équité devroit lui rendre plus confidéra
bles. Soit que les qualités d'un homme,
14 MERCURE DE FRANCE.
vertueux foient une efpéce de reproche
aux défauts de l'envieux , ou du moins
qu'elles effaçent les fiennes , foit perverfité
pure & amour du mal pour le mal
même , la vertu fait plus d'ennemis que
d'amis , plus de jaloux que d'admirateurs
ou plutôt admirateurs jaloux & forcés de
Ja vertu , par cette raifon feule l'amour
propre nous en rend les ennemis.
"
On s'aime feul , on s'aime mal , voilà
la fource de toutes les paffions & furtout
de l'envie ; elle ne peut fouffrir ce qu'elle
feroit obligée d'aimer dans les autres.
Agiffant en conféquence de ces principes
honteux , tâchant de fe diffimuler à luimême
les vertus enviées , l'envieux tâche
de les obfcurcir dans l'efprit des autres.
La prudence n'eft que fineffe , la valeur
que témérité , la douceur que foibleffe , la
piété qu'hypocrifie ou fanatifme , la libéralité
qu'orgueil , l'économie qu'avarice ;
toutes les vertus enfin que déguifement our
étalage fuperficiel . Vif à blâmer & à condamner
, lent à excufer & à pardonner ,
induftrieux à découvrir les plus petites taches
, à les faire obferver , à les groffir ,
ingénieux à railler , hardi à inventer & à
fuppofer , habile fur-tout à déguiſer & à
diffimuler. ( Car l'envie donnée comme
envie feroit un monftre qui révolteroit la
MA I. 1748.
TS
fociété. ) L'envieux a mille détours pour
parvenir à fes fins. Il commence fouvent
par louer , ce qu'il veut rabaiffer ; il croit
s'infinuer plus profondement , parce qu'il
s'infinue plus doucement ; fe procurer plus
d'autorité, parce qu'il en demande moins ;
paroître moins mordant , parce que fes
premieres paroles font plus douces , & fe
rendre plus croyable fur ce qu'il va dire
enfuite , parce qu'il eft plus vrai dans ce
qu'il dit d'abord. Telles font les voies
obliques, tels font les préparatifs groffiers ,
quoiqu'il les croie fort fins , dont le jaloux
fe fert pour attaquer la vertu & le
vertueux. S'il réuffiffoit ! Il réuffit en effet
quelquefois , mais rarement. Pour un
homme vertueux que l'envie a perdu , il
en eft mille à qui elle a fervi de degré pour
s'élever ; pour un homme jufte qu'elle a
découragé il en eft mille qu'elle a animés ,
& qui pour le venger , vengeance bien noble
& bien permife ! font devenus plus
juftes. L'envie loin de produire ce découragement
où fa malignité voudroit jetter
l'homme envié , fait naître au contraire
dans le vertueux ce fentiment volontaire ,
courageux & fincére , qui rend l'ame plus
féconde pour le bien & plus ftérile pour le
mal , qui le fait profiter des avertiffemens
defon ennemie pour corriger fes imperfec
+
io MERCURE DE FRANCE.
*
tions ; qui lui fait imiter les grands exemples
que cette jaloufe ne lui avoit propofés
que pour le décourager par la comparaifon
, & qui le porte fouvent au- deffus
de ces mêmes modéles qui ne lui étoient
préfentés que pour le défefperer . Quel
doit être le défefpoir de l'envieux lui-même
, quand il fe voit de pareils fuccès , &
que fes artifices n'ont fervi qu'à faire connoître
les vertus qu'il avoit voulu obfcur
cir , & qu'à augmenter celles qu'il avoit
voulu diminuer Car l'envie fuppofe toujours
la vertu. On eft même autorifé à en
croire & à en croire beaucoup à un homme
beaucoup envié. La faufferé perce à
travers du langage de l'envieux , & pour
peu qu'on s'y connoiffe , on voit bien que
tout le défaut de, la vertu enviée eft de
manquer à celui qui en eft jaloux , ou du
moins d'obfcurcir les fiennes. L'envie
eft une forte d'hommage , & le plus glorieux
de ceux qui font rendus à la vertu ,
du moins n'eft- il pas fufpect. On s'apperçoit
facilement que l'envieux ne refufe à
la vertu le tribut qu'il lui doit , que
parce qu'il voit qu'elle en eft trop payée
par les autres , & qu'elle le mérite bien *.
* Fertilior feges eft alienis femper in agris
Vicinumque pecus grandius uber habet ..
Ovid. de art, amandią
MA I. 17
1748 .
Ainfi l'envieux pour fon propre tourment
groffit encore dans fon efprit les vertus
qu'il envie. Cette paffion eft un microſcope
qui augmente les objets vertueux aux yeux
du jaloux .
Auffi-tôt chacun fe plaît à fuivre l'im
preffion qui lui eft donnée par l'envieux.
On honore davantage ceux qu'il envie
le plus. On fe plaît à donner à la vertu
ce que l'envie lui refufe . Les autres hommes
envieux à leur tour de l'envieux même
, parun motif méchant , fi l'on veut ,
mais qui n'en tourne pas moins au profit
de la vertu , contredifent le jaloux , moins
pour défendre la vertu que pour le plaifir
de mortifier l'envie. L'envie par - là fe
trouve avoir travaillé à rehauffer le mérite,
par les mêmes moyens par lefquels elle
avoit crû l'abaiffer.
Un Guerrier fait fon devoir , l'envie
voudroit le faire paffer pour lâche , en raifonnant
fur fon caractére & fur les actions
vantées par quelqu'autre qui aura pris fon
parti contre l'envieux ; cet homme qui au
commencement n'avoit été donné que
pour courageux , fe trouve à la fin de
la converfation un brave décidé.
Ce pere de famille eft econome , con
me il doit l'être ; l'envie voudroit le faire
paffer pour avare ; en examinant toutes fes
18 MERCURE DE FRANCE.
dépenfes , il eft arrêté en fa faveur que celles
qu'il fait dans toutes les occafions font
d'un homme libéral .
Un Juge eft intégre , l'envie voudroit le
faire paffer pour injufte ; l'événement de
la décifion eft qu'en s'entretenant fur ce
Magiftrat, on lui a reconnu d'autres vertus
encore , & qu'au mérite de rendre à
chacun la juſtice , on a ajoûté celui de la
rendre avec promptitude & difcernement.
Un homme eft fincére , l'envie voudroit
le faire paffer pour faux ; en rapportant des
exemples de fa fincérité, il fe trouve de plus
qu'il dit la vérité avec force & avec grace.
Ainfi les difcours jaloux que l'envie
tient publiquement contre un homme vertueux
, outre qu'ils le font connoître à ceux
à qui il étoit inconnu , augmentent encore
l'idée qu'en avoient déja ceux de qui il
étoit connu. Un étranger n'auroit peutêtre
point fçû qu'un homme en place étoit
auffi digne du pofte qu'il occupoit , fi l'envieux
dans un cercle n'avoit voulu prouver
qu'il en étoit indigne , parce qu'il s'y eft
trouvé quelque vertueux défintéreffé , qui
pour défendre celui qu'on attaquoit & répondre
à l'envie , aura révelé mille vertus
ignorées dans le Miniftre envié . C'eft créer,
du moins c'eft montrer la vertu que de
vouloir l'attaquer , elle trouve encore des
MA I. 1748.
partifans qui la défendent. C'eft un Soleil
qui fort plus brillant du nuage qu'il vient
de diffiper ; c'eft un Cigne qui ne garde
rien de la fange où on l'avoit plongé.
Qu'a fait contre Jofeph la jaloufie de fes
freres ? Sans elle il ne feroit point devenu
le Dieu de l'Egypte , le foutien de fa famille
& des envieux ; on n'eût point fçû
qu'il y avoit un Mardochée , & les vertus,
vertus particulieres , fuffent reftées inconnuës
, fi le jaloux Aman ne l'eût perfécuté..
L'envie ne fait à la vertu que ce que le Lapidaire
fait aux diamans , elle ôte ce qui en
empêchoit l'éclat , fans en diminuer le prix;
la vertu qui eft perfécutée eft , pour ainfi
dire , plus vertu que celle qui eft honorée.
Ce n'eft point toujours dans la profpérité
que la vertu frappe plus vivement ; elle eft
plus aimable dans l'adverfité ; c'eſt une
belle dont les pleurs augmentent les char
mes, ou du moins les rendent plus intéreffans.
En effet dans un état d'oppreffion elle
mérite plus notre eftime . Les vertus d'un
homme heureux font douces & faciles ,
celles d'un malheureux font dures & difficiles
, mais la difficulté augmente la gloires
tôt ou tard la perfécution ceffe , la vérité
perce ; tôt ou tard la fortune mife dans
fon tort , récompenfe le vertueux & le paye
avec ufure de ce qu'il a fouffert. La vertw
20 MERCURE DEFRANCE .
vengée,rentre dans le droit qu'elle a d'être
aimée & admirée ; d'ailleurs quand l'homme
vertueux feroit fruftré du tribut qu'il
mérite , n'eſt il pas , pour ainsi dire , payé
par fes mains , ou par ce fentiment intérieur
, premiere récompenfe du jufte & qui
ne lui manque jamais ?
*
Mais non , la vie civile eft un commerce
d'amour & de haine, d'eftime & de mépris
, de louange & de blâme , de juftice &
d'injuftice . Tous les hommes font des affociés
, qui tantôt y prennent , tantôt y donnent
, tantôt y mettent , tantôt y reçoivent ;
par une combinaifon qui rend tout égal ,
une partie aime ce que l'autre hair , eftime
ce que l'autre méprife , loue ce que l'autre
blâme , rend juſtice à qui on veut faire injuftice.
La vertu cependant dans ce commerce
, fouvent injufte , eft plus fouvent
payée d'une monnoye jufte , qui eft l'approbation
méritée . Quand quelques - uns.
l'en privent , d'autres la lui fourniffent
plus largement , l'équité enfin lui accorde
plus encore que l'injuftice ne lui refuſe.
C'estun arrangement de cette Providence
où la vraie vertu a la fource , & la Providence
eft intéreffée à récompenfer la vertu
& à punir l'envie par la récompenfe même
de la vertu. Jofeph , Mardochée , David ,
* Mensfibi confcia recti. Æneid . 1. 609.
M A I. 21 1748.
victimes à la fois & vainqueurs de l'envie,
font les exemples illuftres qu'elle avoit
donnés chés les Juifs & qu'elle répeta depuis
dans le Paganifme,pour prouver la fu
périorité de la vertu fur l'envie , ou l'utilité
de l'envie pour la vertu.
L'Oftracifme , cette invention de la politique
ombrageufe des Athéniens ou de
leur jaloufie contre leurs concitoyens les
plus illuftres & les plus gens de bien , fur
le fceau de la réputation des Miltiades
des Cimons , des Thémistocles , des Ariftides
; on eût dit qu'il eût manqué quelque
chofe à la vertu de ces Héros Républicains,
fi cette punition glorieufe ne fût venue la
perfectionner , & ce jugement ne fut aboli
que quand un homme méprifable & méprifé
en fut devenu la matiere. * Quelle
contradiction dans l'envie ! Quelle gloire
pour la vertu La vertu dans Rome fur fou
vent auffi l'objet de l'envie, & prefque toujours
elle en triompha glorieufement.
Scipion , quelle foule d'idées vertueufes
excite ce nom feul ! Scipion , le plus grand
des Romains , l'appui & le foutien de cet
Empire fameux , qui lui devoit la gloire &
fon agrandiffement ; ce Scipion que l'Afrique
, l'Afie , l'Europe admiroient comme
leur Conquérant , eftimoient & ai-
*
Hiperbolus,
22 MERCURE DE FRANCE .
moient comme le modéle de toutes les
vertus ; Scipion fe vit appellé en jugement
par de vils accufateurs, qui tâcherent de rendre
fa vertu odieufe & fa puiffance fufpecte .
Il avoit l'ame trop haute pour fe réfoudre
facilement à paroître comme fuppliant &
accufé;il parut néanmoins , mais avec cet air
de dignité que donnent la vertu & l'innocence
, & fans répondre un feul mot aux
chefs d'accufation & aux accufateurs qu'il
méprifoit, écoutons-le & que l'envie fe tai-
Le . » Ce fut à pareil jour que celui-ci , dit -il,
» en s'adreffant aux Romains , que je vain-
» quis Annibal & les Carthaginois ; allons de
» ce pas en rendre graces aux Dieux qui ha-
» bitent le Capitole . Toute l'affemblée l'y
fuivit , & ce jour fans doute fut plus glorieux
pour Scipion que ces journées fameufes
où il décida qui de Rome ou de
Carthage donneroit la loi aux Nations , &
où il entra dans Rome triomphant de Siphax
, d'Annibal & des Carthaginois . A
en juger par ce qui fait la véritable grandeur
, Scipion & les vertus enviées méritoient
plus de refpect dans fa retraite de
Literne , que Scipion & fes vertus admirées
dans l'Afrique & fur les autres Théatres
de fes conquêtes & de fes victoires.
L'envie enfin & fon impuiffance acheverent
la vertu & la gloire de Scipion , ainſi
M A I. 23 1748 .
l'envie de tout tems fit connoître & perfectionna
la vertu qu'elle voudroit obfcur
cir & même détruire ; c'eft le premier avantage
que le mérite , repréfenté par la vertu
, retire de l'envie.
SECONDE PARTIE.
Quelqu'éclatante que foit la gloire qui
revient de la vertu , il y a dans celle que
procurent les talens quelque chofe de plus
brillant. L'amour propre , cet esclave
affranchi qui eft devenu notre maître ,
ce Hateur domestique , ce Sophiſte à
nos gages , nous dit que les talens donnent
une fupériorité qui vient plus de
nous que celle que nous acquerons par
les vertus. Les vertus dépendent plus des
chofes qui font hors de nous & qui ne
font pas nous. La valeur a befoin des tems,
des circonftances & du fecours de mille
autres , qquuii ppaarrttaaggeenntt néceffairement notre
gloire ; il faut pour la libéralité des places
& des richeffes que nous devons fouvent
au hazard ; les talens au contraire font
plus notre propre bien , plus de nous & ,
pour ainfi-dire , plus nous -mêmes. L'éclat,
de ceux-ci fait plus fouffrir l'amour propre
des autres que la modeftie de celles-là ,
enfin nous mortifions plus leur vanité par
nos talens que par nos vertus. Auffi l'envie
14 MERCURE DE FRANCE .
voit les talens avec plus de jaloufie encore.
que les vertus , & comme ces talens plus
brillans font moins folides , exigeant plus
de parties , font plus fujets à manquer de
quelques unes , elle s'imagine avoir plus de
prife fur eux & gagner plus à les critiquer,
elle les critique en effet....
Ce bel efprit n'a point de jugement ; ce
fçavant manque d'efprit ; ce Mathématicien
ne connoît que des lignes ; ce Grammairien
n'a dans la tête que des mots , encore
n'en fçavent- ils pas faire une combinaifon
exacte.
Ainfi tous les talens perdent leur mérite
dans la bouche d'un critique, envieux . Je
me trompe , ou plutôt l'envieux fe trompe
& ne réüffit pas ; au contraire l'homme à
talens averti par l'envie , met à profit fa
critique, fe corrige, s'il le faut, & la défefpere
; l'envie eft pour lui une ennemie utile
quile tient en haleine ; la louange , fon
amie , ne lui rendroit pas les mêmes fervices.
Celle- ci eft une panégyrifte ftérile qui
laiffe les gens à talens dans l'état où elle
les trouve , qui les remplit encore plus
d'eux mêmes , qui les rend tranquiles ,
même aveugles fur leurs ouvrages , qui les
empêche d'y voir des défauts , qui les met
au-deffus de leurs rivaux , enfin qui les endort
dans leur propre réputation.
CelleM
A I. 1748. 25
Celle-là du moins les fait douter de leurs
fuccès ou de l'univerfalité des applaudiffeles
rend attentifs fur leurs productions
, y fait voir des imperfections , leur
donne de leurs rivaux une idée d'émulation
utile,leur dit qu'il eft encore d'autres
talens que les leurs , des talens mêmes fupérieurs
, & les réveille enfin du fommeil léthargique
où avoient pû les jetter leur
amour propre & celui de leurs amis .
Sans une critique envieufe les talens
refteroient dans une médiocrité qui n'eft
pas faite pour eux,
C'est l'envie qui faifoit defcendre Démofthêne
dans ce cabinet fouterrain où il
s'enfermoir des mois entiers , après s'être
fait rafer exprès la moitié de la tête , pour fe
mettre hors d'état de fortir, où plus éloigné
du bruit il compofoit ces harangues admirables
, dont les envieux difoient qu'elles
fentoient l'huile , mais qui ne fentoient
en effet que l'exactitude loüable avec la
quelle elles étoient travaillées .
C'est l'envie qui le matin l'éveilloit avant
tous lesArtifans de fon quartier,pour avoir
plus de tems à donner à fes difcours cette
force , cette jufteffe , cette préciſion , enfin
cette vraie éloquence qui fit trembler Philippe
, exiler Efchine , & taire tous les
jaloux...
B
16 MERCURE DE FRANCE.
C'eft l'envie qui fit fortir Ciceron de
Rome pour aller dans la Grece chercher à
l'école des Maîtres les plus habiles cette
perfection qu'il fembloit avoir déja ; qui
lui apprit à retrancher cette abondance ,
cette fuperfluité exceffive qu'on lui reprochoit
, peut-être juftement , & qui le
rendit la terreur de Verrès , de Catilina ,
d'Antoine , le défenfeur de tous les honnêtes
gens de Rome , le foutien de cet
Empire fameux auquel fon génie le fit égaler
, & le plus grand Orateur du monde. *
C'eft l'envie qui faifoit faire à Boileau fi
difficilement , fi durement même, ces vers
que leur aifance & leur naturel rendoient
Proverbes en naiſſant.
C'eft l'envie qui pour toute réponse d'un
Auteur critiqué , reçoit une piéce meilleu
re' , ou du moins la même piéce corrigée
des défauts dont on l'accufoit. L'oeil jaloux
, qui regarde un Auteur , l'empêche
non-feulement de tomber , mais même de
broncher ; du moins s'il eft furpris en défaut
, c'eft en fe relevant qu'il fe venge
de
fon ennemi . En vain quelques rivaux obfcurs
, tirant malignement l'horofcope d'un
bon ouvrage , prédifent fa chûte , parce
* Illud ingenium que folùm populus Romanus par
Imperiofuo habuit. Senec. Contr. lib. 1.
MAI. 1748 . 27
qu'ils la fouhaitent ; auffi peu croyables fur
les ouvrages de leurs concurrens , que les
femmes fur le mérite de leurs rivales en
beauté , le public ne répond aux envieux
qu'en continuant d'admirer l'ouvrage envié.
Quelquefois cependant * il faut l'avouer,
le public contemporain ne rend pas à un
bon Auteur toute la juftice qu'il mérite.
On ne pouvoit autrefois, fous peine d'être
réputé un efprit médiocre , louer les Operas
de Quinaut ; l'envie avoit fait accroire
au public que la douleur vertueuſe de Phédre,
criminelle malgré foi , fi bien renduë
par Racine , n'avoit pas dû l'émouvoir autant
que la paffion groffiere & ridicule que
Pradon avoit prêtée à fon Héroïne ; qu'il
avoit eu tort d'être touché aux belles repréfentations
de Théfée & d'Atys. En effet il
héfita quelque tems , mais enfin ſentant bien
que la premiere impreffion que lui avoient
fait naître Racine & Quinault étoit dans
le bon goût , affermi dans fon premier fentiment
par l'expérience qui lui faifoit voir
que chaque jour un bon ouvrage perd un
critique & gagne un partifan , il fortit de
l'efpece de contrainte où l'envie de quelques
particuliers l'avoit retenu ; il partai
l'eftime de Boileau en faveur de Raci
gea
* Pafcitur in vivis liver. Ovid. E, 15.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
ne , en défaprouvant fa partialité contre
Quinault.
Tous ces écrivains fameux , ces efprits
fublimes, ces génies,héros dans leur genre ,
qu'attaqua toujours la rivalité jaloufe des
envieux , profiterent moins fans doute des
applaudiffemens du public que des avertiffemens
de leurs ennemis ; nous devons
peut-être autant à leurs cenfeurs qu'à leurs
talens.
Au Cid perfécuté Cinna doit fa naiffance ;
>> Et peut- être Racine aux cenfeurs de Pyrrhus
» Doit les plus nobles traits dont il peignit Burthus.
Boileau:
Quels efforts en effet ne doit pas faire
un Auteur admiré & critiqué ! Il a fa répu
tation à faire ou à foutenir , fes admirateurs
à juftifier , fes critiques à confondre. Que
de motifs à la fois , & qu'ils font puiffans !
Que d'aiguillons , & qu'ils font perçans !
Ils vont produire leur effet pour les talens
& contre l'envie.
Je vois cet Orateur que les graces de
fon ftyle , le fublime de fes penfées , une
fage économie dans toutes les parties de
fes difcours , ont fait univerfellement admirer
, en laiffant cependant aux envieux
de quoi lui reprocher de n'être peut - être
MA I. 1748 .
29
pas affés fçavant , enfermé entre les Auguftins
, les Chryfoftômes , les Boffuets
les Bourdaloues , amaffer cette ſcience
évangélique & oratoire qui le rendra parfait
& déconcertera l'envie.
repro-
Je vois cet Avocat fçavant , qui familier
avec les plus habiles Jurifconfultes , a percé
toute la profondeur des Loix , qui dans
tous les plaidoyers , par l'enchaînement
de fes preuves , la folidité de fes raiſonnemens
, défait fes adverfaires , gagne fes
Juges , maîtriſe tous les auditeurs , en laiffant
cependant à l'envie de quoi lui
cher que fon éloquence eft quelquefois un
peu dure , & manque fouvent de cette infinuation
néceffaire dans certaines occafions
; feuilleter Demofthene , Ciceron ,
Patru , le Maître & Terraffon ; devenir
plus doux , plus délicat ; donner à fes matieres
, fans rien diminuer de la force
qu'elles demandent , toute la grace qu'elles
peuvent fouffrir , & confondre le jaloux
.
Je vois ce Philofophe profond , dont
le fyftême appuyé fur des principes démontrés
, fur des conféquences néceffaires
, fur des expériences naturelles , n'eft
cependant pas felon l'envieux , expofé avec
affés de clarté , rendu avec affés de précifion
, ni mis à la portée de tout le monde : .
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
aller chercher dans Malbranche , Paſcal
& Fontenelle de quoi rendre claires les
vérités les plus abftraites , de quoi orner
la raifon des graces de l'imagination , de
quoi rendre chacun de fes lecteurs philofophe
en l'amufant , & de quoi fermer la
bouche envieufe du critique.
Je vois dans chaque genre de Sciences ,
de Lettres & de talens les imperfections
& les défauts groffis par l'envie , & corrigés
par les Auteurs. Je vois Boffuet devenir
plus exact , Fléchier moins feuri ,
Corneille plus égal , Racine plus mâle ,
Moliere moins farceur , la Bruiere plus
clair , la Fontaine moins long , tous les talens
enfin & ceux qui les poffédent , perfectionnés
par les. remarques jaloufes de
l'envieux .
En effet que peut faire la cenfure la plus
jufte , fi l'on veut , & la difcuffion de
quelques fautes de détail , dans un ouvrage
plein d'ailleurs de mille beautés,que ne détruifent
auffi-tôt fon mérite réel & l'émotion
de tous ceux qui l'ont vû & lû avec
plaifir ? Ce fentiment naturel n'eft-il pas
en faveur de la piéce une démonſtration
plus que géométrique de fa bonté , & une
réponſe fans réplique à l'envieux , qui n'a
*
Verum ubi plura nitent in carmine , non ego
paucis
Offendar maculis. Horat. art. poet.
MAI
3r
1748
pas toujours tort ? Envain veut- il nous
perfuader qu'un ouvrage qui plaît, choque .
quelques régles établies pour plaire ; fi
nous ne fommes pas en état de lui répondre
, nous fommes du moins capables de
ne le pas croire , parce que nous naiffons
convaincus qu'on fait un fophifme intéreffé
, quand on veut nous prouver par la
voie du raifonnement le contraire de ce
que nous éprouvons par la voie du fentiment.
Le coeur dupe quelquefois l'efprit ,
mais l'efprit ne trompe jamais le coeur ,
& par le coeur autant que par l'efprit nous
jugeons du mérite d'un' Difcours , d'un
Poëme & de toutes fortes d'ouvrages.
Ainfi la beauté du Cid étoit paffée en
proverbe , malgré fes défauts & fa belle
critique ; ainfi toute la logique de la cabale
eft dérangée par les battemens de mains
'd'un parterre enlevé ou amufé , & par les
autres fignes démonftratifs du contentement
de tout auditeur , fpectateur , ou
lecteur , inftruits & touchés. Le peuple ,
tout peuple qu'il eft , n'applaudit qu'au
beau & au vrai beau . Le goût eft commun
au fçavant & à l'ignorant . La feule difference
entre eux , c'eft que le premier en
connoît les raifons , & que l'autre n'en juge
* Docti rationem , indocti voluptatem intelligunt.
Quintil.l. 9. ch. 4.
`
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
que par le fentiment . Mais le fentiment
ne vaut il pas au moins le raifonnement ?
Je crois celui- ci moins fûr que celui - là.
Le Sçavant envieux eft donc obligé de fuivre
les autres Sçavans équitables & le peuple,
qui applaudiffent. Si l'envieux perfifte
dans fa critique & qu'il la prouve , l'Auteur
en fera quitte pour reformer quelendroits
défectueux dans un ouvrage
qu'on ne cefferoit point d'admirer , quand
il ne feroit pas corrigé , & qu'on admirera
plus encore quand il le fera ; l'Auteur en
fera quitte pour devenir plus fini. Quelle
retraite honorable pour lui , & defefpérante
pour l'envieux ! Ainfi l'envie augmente
la perfection & la réputation des
talens qu'elle voudroit diminuer & faire
tomber.
ques
Faut-il donc que ce foit l'envie qui per
fectionne les Sciences & les Sçavans , les
Lettres & les Litterateurs , les talens &
ceux qui les póffédent ? Une émulation
vive , noble & fage , ne feroit- elle pas une
caufe plus glorieufe & plus fûre du progrès
des beaux Arts & du fuccès de ceux
qui les exercent ? Celle qui regnoit entre
Ciceron & Hortenfius eft un exemple
bien refpectable & bien digne d'être fuivi.
* Alter ab altero adjutus & communicando , &
monendo , & favendo . Brut. n. 23.
MAI. 1748. 33
Ces deux athlétes illuftres , émules fans envie
, concurrens fans jaloufie , s'entre-aidoient
dans la noble carriere du Barreau ,
fe
*
communiquoient mutuellement leurs
Inmieres , fe faifoient valoir l'un l'autre ,
& par une estime nutuelle chacun augmentoit
la gloire de fon ami en augmentant la
fienne. Mais , dit Ciceron , c'étoit la
coûtume de ce tems de rendre fans peine
juſtice au mérite d'autrui. Les fentimens
bas de l'envie étoient apparemment renvoyés
aux orateurs médiocres.
Bavius & Mævius pouvoient être enne
mis & jaloux l'un & l'autre , mais Virgile
& Horace étoient amis . ** La candeur de
Virgile , la droiture d'Horace , le goût fûr
& les talens égaux de tous deux leur faifoient
partager fansjaloufre les applaudiffemens
de Rome & les faveurs de Mecéne.
Auffi , dit Horace , *** il n'y eut jamais de
maiſon plus éloignée de ces bas fentimens
que celle de ce Protecteur généreux , ni
où l'on vêcut d'une maniere plus pure &
* Erat omnis tum mos ut faciles effent in unura
cuique tribuendo. De clar, or. n . 83.
* *
** Animæ dimidium ineæ . Horac. lib. x . Od. zi
Non ifto vivimus illic
Quo tu vere modo. Domus hâc nec purior ulla eft,
Nec magis his aliena malis, nil mihi officit unquam
Ditior hic aut eft quia doctior , eft locus uni
Cuique faus. Horat. Sat. 7. lib. 1.
By
34 MERCURE DE FRANCE.
plus noble. Le mérite de l'un ne faiſoit
point ombrage à l'autre , chacun avoit fa
place & en étoit content. Qu'auroit fait
T'envie contre ces hommes fûrs de leur
réputation & de leurs talens ? Ce qu'elle
fit de tous tems. Les vaincus ornent le
triomphe du vainqueur. Entre les talens
on n'en veut qu'à ceux dont les fuccès ont
confacré la fupériorité , & l'envie qui les
anime par fa critique , par fa critique auffi
les rend plus finis.
Vice honteux , baffe jaloufie , envie
méprifable , ton peu de fuccès contre le
mérite ne devroit-il pas diminuer ton opiniâtreté
à le pourfuivre , & les triomphes
glorieux de celui que tu attaques , prefque
toujours infructueufement , ne devroientils
pas t'empêcher de le combattre ? Non ,
l'envie exiftera tant qu'il y aura du mérite,
c'eſt ſon ombre , ou plutôt , comme dit ingénieufement
un Auteur moderne , c'eſt
Ja taxe qu'on paye au public pour le mérite
qu'on a . Mais l'envie fera toujours utile
au mérite . Sans l'envie les vertus refteroient
dans l'oubli & dans l'indolence ,
fans l'envie les talens refteroient dans la
pareffe & dans la médiocrité , fans l'envie
enfin les vertus feroient moins parfaites &
les talens moins finis . Ce font les avantages
que le mérite retire de l'envie.-
MAI, 35 1748.
Duris utilex tonfa bipennibus ,
Nigra feracifrondis in Algido ,
Per damnaper cades ab ipfo
Ducit opes , animumqueferro.
Horat. lib. 4. Od. 4:
J
၎င်း ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦး ဦးမြင့် မြင့်
RETRAITE involontaire du Parnaſſe
E ne l'ai plus ce talent de rimer
Que j'eus jadis ; le Dieu qui fait aimer
Me l'enſeigna ; j'étois dans le bel âge
• Lotfque fous lui j'en fis l'apprentiffage .
Les ris alors folâtres & legers
Pour moi du Pinde étoient les meffagers ;
Au moindre figne ils vôloient fur fa cime ,
Et revenoient les mains pleines de fleurs ,
Dont avec art inftruits par les neuf Soeurs ,
D'un air galant ils parfémoient ma rime ,
Ornoient mes vers & m'en diétoient le tour.
Cè tems fut beau , je m'en fouviens encore :
Soit que forti de fon affreux séjour
Le trifte hyver dans nos champs de retour
Leur enlevât le verd qui les décoré ,
Dans nos jardins foit que l'aimable Flore
Vint des Zéphirs favorifer l'Amour ,
Tous les matins la renaiſſante Aurore ;
En fe levant m'annonçoit un beau jour.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Sur fes Autels , plein de reconnoiffance ,
L'encens fumoit de ma main préſenté ;
Je béniffois l'inftant que fa préſence
Chaffant la nuit ramenoit la clarté ,
Lorfqu'aux mortels elle rend la lumiere.
Je fouhaitois qu'au bout de fa carriere
Elle trouvât un Céphale nouveau,
Qui d'un air doux , empreffé , vif & tendre ,
Séchât les pleurs que fon fils au tombeau
Tous les matins lui fait encor répandre.
Vain fouvenir ! Fidéle à fon emploi ,
L'Aurore fort chaque matin de l'onde ,
Pour annoncer l'aftre du jour au monde.
Elle n'eft plus ce qu'elle fut pour moi ;
De mon encens le parfum l'importune ;
Soumis au tems , j'en ai fubi la loi ,
A tout mortel également commune.
Ces jours fi beaux , filés par les amours
Et
par
Vers
& chanfons
n'ornent
plus
mon
pupitre
Laffes
de voir
mon
nom
fur
leurs
regiſtres
,
Les
doctes
Soeurs
l'ont
d'un
trait
effacé
,
Je me
tais
donc
, & mon
regne
eft paffé
.
les ris ont pris un autre cours' :
Par M. Verrieres de l'Académie des Belles
Lettres de Caën.
MAI. 3:7 1748 .
S
SUITE de la Lettre de M. L.
à Madame ****·
I c'eft un grand point d'avoir reconna
& démontré par des éplemérides en
figures comme en nombres , que tout autre .
mouvement dans le Soleit & dans les Planettes
, que celui qui leur paroît commun
d'Occident en Orient , n'a une apparence
qu'à raifon de fa réalité , c'eft encore un
plus grand avantage d'avoir établi la néceffité
de remonter aux premiers élemens
de la fphére armillaire , ou dans fon inftitution
le petit globe qui figure la terre ,
devoit être mobile fur for axe ; puifqu'il
eft indubitable que les folftices & les équinoxes
, comme tous les points cardinaux ,
degrés & fignes de l'écliptique , font déterminés
& en font autant dépendans dans
lear pofition, que tous les cercles & points
de la fphére celefte font relatifs à ceux de
la fphére terreftre , comme l'Equateur , les
Tropiques , les Polaires & les Pôles du
monde , qui repréfentent les points auxquels
aboutiroit l'axe de la terre s'il étoit
prolongé. Car de ce qu'on reconnoît un
changement infenfible , mais périodique
& bien réel dans la pofition des Pôles du
18 MERCURE DE FRANCE.
monde , qui font fucceffivement déterminés
par ceux de la terre & par fa rotation
fur fon axe propre , dont l'axe du monde
n'eft qu'une prolongation mentale , en
même tems qu'on apperçoit une retrogradation
réelle & commune aux points folfticiaux
, équinoxiaux , cardinaux & principaux
de toute l'écliptique , qui eft d'une
période & d'un mouvement ifochrone &
tautochrone même , comme celui dont eft
le mouvement en longitude des étoiles ,
& la préceffion des fignes du Firmament ;
il eft naturel d'inferer en raisonnant conféquemment
, que la terre doit avoir une
rotation comme les Planettes de Venus &
de Mars dans lesquelles elle eſt ſenſible
& outre fa rotation un mouvement conique
fur le centre de fon propre globe , par
lequel elle change contre l'ordre des
fignes la direction de fon axe & de fon
équateur de la quantité annuelle & féculaire
, dont on obferve la retrogradation
de tous les points & fignes de l'écliptique
& le changement de leurs rapports avec
ceux du zodiaque. Si de plus on apperçoit
une élongation dans les points de l'apogée
& du périgée du Soleil , c'eſt une raiſon
d'en induire que la terre a encore un troifiéme
mouvement de progreffion dans une
orbite autour du centre de l'orbe folaire ,
MAI. 1748.
39
qui eft d'un arc annuel , pareil à celui dont
eft l'élongation de l'apogée du Soleil fur
la préceffion des fignes du Firmament.
Il reste à déterminer quelle eft l'étendue
du rayon de l'orbite , que la terre doit décrire
par fa progreffion autour du centre de
l'écliptique ; & fi elle eft affés défignée par
l'étendue dont eft l'excentricité de cet
aftre , pouvoit-on mieux en faire la démonftration
qu'en réduifant en Carre géométrique
la table de la connoiffance des
tems , qui indique de dix en dix jours la
diftance géocentrique du Soleil en demidiamétres
terreftres , & qu'en faifant voir
que pour tous les tems on peut déterminer
par le point auquel le perigée du Soleil a
répondu dans le Firmament , l'arc que la
terre doit avoir occupé fucceffivement dans
fon orbite , & par la direction qu'y avoit
fon axe & fon équateur , l'intervalle inégal
des points cardinaux , la durée inégale &
refpective des quatre faifons , & l'étendue
variable des fignes de l'écliptique qui leur
font propres ?
Mais furtout pouvoit- on tirer un plus
grand avantage de l'explication détaillée
de tous ces phenoménes diffimulés avec
affectation , qu'en faifant connoître nonfeulement
en quelle proportion l'obliquité
de l'équateur a dû ou devra varier dans le
40 MERCURE DE FRANCE.
-
cours des fiécles , fuivant que les arcs par
courus par la terre dans fon orbite , ont
décliné moins du plan de l'écliptique dans
Phemifphére inférieure du monde jufqu'en
1734 , où elle a dû paffer par le noeud afcendant
de cette orbite , & depuis déclinent
plus dans l'hemifphére fupérieure ce...
qui fait augmenter cette obliquité dans la
même proportion qu'elle avoit diminué
jufqu'à cette époque ? Mais encore d'où pro
vient que relativement les degrés terreftres
changent d'étendue fur la terre en toifes &
en lieuës , de même que l'étendue des zones
qui eft déterminée par le nombre de de
grés & minutes dont eft l'obliquité de l'équateur
avec l'écliptique ? En enfeignant
comment & pourquoi la mefure de la terre
femble avoir diminué chaque fois qu'elle.
a été entrepriſe , & par quelle raifon , &
en quel rapport on trouvera une variation
dans la dimenfion des degrés terreftres
chaque fois qu'on y reviendra , dès qu'ils
font déterminés par comparaifon avec les
arcs céleftes verticaux ? Pourquoi toutes les
mefures itineraires des anciens & des modernes
ne peuvent être uniformes pour l'es
diverfes contrées ni pour la même dans
differens fiécles , quoiqu'elles ayent été
également déterminées aftronomiquement
& geodefiquement ? Comment toutes les
M A I. 41 1748.
dimenfions qui ont été données par des
membres de l'illuftre Académie des Sciences
de Paris ont été réellement exactes en
leur tems , & ont dû cependant être trouvées
diffemblables de la maniere dont elles
l'ont été ? Il reſteroit d'en induire la vraie
figure de la terre , & il femble que l'Auteur
par ménagement a voulu garder le
filence.
S'il eft naturel que la terre changeant
chaque jour fa pofition & la direction de
fon axe , & de fon équateur d'une partie
infenfible par fa modicité , nos rayons vifuels
doivent fucceffivement parvenir juf
qu'à des étoiles qui nous étoient cachées
par d'autres étoiles intermédiaires , ou
bien être interceptés par des étoiles antérieures
, il eft aifé de concevoir pourquoi
l'on découvre de nouvelles étoiles , pourquoi
l'on ceffe d'en appercevoir d'autres
qui difparoiffent ? Si l'on ajoute à cette
confidération qu'elles empruntent leut
éclat du Soleil , or concevra pourquoi plu
fieurs font changeantes dans leur difque ,
feur claffe & leur pofition même , & pourquoi
la réunion du difque de plufieurs
étoiles ne forme que l'image d'une étoile
fombre & nébuleufe . Au lieu que fi elles
étoient des foleils , elles devroient ou fe
rendre plus brillantes ou même s'effacer
42 MERCURE DE FRANCE .
réciproquement à la vûë.
On fentira developer la caufe naturelle
de l'apparence d'une aberration dans les
étoiles , pour peu principalement qu'on
confidére que la terre à raifon de fa rotation
& de fon inclinaiſon , fait varier dans
l'efpace de douze heures l'élevation ou
l'abaiffement de chacune de fes contrées
dans les zones temperées par rapport au
plan de l'écliptique , du double de l'arc
dont eft fon obliquité avec l'équateur ; &
qu'à plus forte raifon un obfervatoire mobile
, de la maniere dont la terre nous en
tient lieu , qui de plus dans le même efpace
de tems qu'elle accomplit fa rotation ,
avance dans fon orbite du feptiéme enviviron
d'une lieuë commune , ou de trois
dix -huitièmes , & change la direction de
fon axe & de fon équateur , & de tous fes
paralléles d'un arc de huit vingt-fixiémes
& demi , doit nous faire remarquer une
variation inſenſible dans la poſition refpective
de toutes les étoiles , tant par rapport
au plan de l'écliptique que par rapport
tous les cercles de la fphére célefte , bien
qu'elle en détermine la pofition , parce
que cette pofition comme la divifion des
fignes de l'écliptique eft déterminable chaque
fois qu'on fait une obfervation compofée
, & doit paroître conféquemment
à
M A I. 48 1748 .
variable par rapport à ces étoiles , tout autant
que celle de ces étoiles par rapport à
ees cercles , mais furtout fi les refractions
caufées dans l'air & dans l'éther , par les
rayons du Soleil relativement à fon cours
autour de l'écliptique , donnent une divergence
plus ou moins grande à nos rayons
vifuels dans les diverfes faifons , felon le
moment & le lieu d'où nous obfervons ,
fuivant qu'il fe trouve dans cet inftant plus
ou moins élevé par rapport au plan de l'écliptique
, & conféquemment plus ou
moins fujet à l'inégalité de la compreffion
de l'atmosphére par la couche d'éther environnante
dans fa partie actuellement
verticale ; d'où réfulte une multitude d'effets
naturels qui préfentent d'eux-mêmes
leur explication dans ce dévelopement de
leur caufe. C'eſt à
que
peu près ainfi le
mouvement d'un vaiffeau eft remarquable
dans tous les objets qui s'offrent à la vûe
fur les rivages de la mer , mais plus ou
moins à proportion que l'horifon eft diverfement
chargé de vapeurs.
L'examen de toutes les variations obfer.
vées durant le cours des fiécles dans l'état
du Ciel , confirme que les mouvemens
combinés de la terre en progreffion & en
regreffion , doivent être autant la caufe de
tous les changemens des cercles & points
44 MERCURE DE FRANCE.
principaux de la fphére célefte par rappor
aux mêmes étoiles fixes , que fa rotation
de l'apparence de leur circulation diurne
& commune avec les Planettes ; & il devient
inconteſtable , que puifque malgré
leur diſtance fuppofée les fignes de l'écliptique
ne font pas moins déterminés , n'en
font pas
moins comparables dans leurs rapports
à ceux du Firmament , la divifion de
l'écliptique en ces fignes affectés aux quatre
faifons , ou en fegmens conformes dans
leur étendue , à leur durée & à l'intervalle
des quatre points cardinaux , doit être dif
ferente chaque année & chaque jour même
, à mefure que la terre par fa progref
fion change fa pofition , ou feulement
fa regreffion la direction de fon axe & de
fon équateur ; & par conféquent qu'on
n'eft pas fondé dans le fyftême terreftre ,
en fuppofant même le parallenifme de la
terre & la diftance immenfe des étoiles , de
prétendre qu'en parcourant un auffi grand
orbe que l'annuel qu'on lui fuppofe , elle
doive donner toute l'année la même pof.
tion des cercles de la fphére & de l'équateur
, & la même divifion des fignes de
l'écliptique , puifque la difference de leurs
rapports avec ceux du Firmament n'en eft
pas moins reconnoiffable , & puifque fa
tranfpofition devroit du moins faire varier
par
MAI. 1748.1 45
la latitude boréale ou auftrale des Planettes
inférieures , & leurs configurations à
l'égard de la Lune qu'elle entraîneroit à fa
fuite , tout autant que leur distance , indépendamment
du mouvement qui leur eft
propre.
Si le fyftême folaire étoit néceſſaire afin
de manifefter tous les inconvéniens du
terreftre , il ne l'étoit pas moins pour découvrir
combien ce dernier a été un obftacle
à la perfection de l'Aftronomie & même
de la Phyfique générale , puifque fi
vous demandez la caufe phyfique de tous
les mouvemens des corps céleftes , dont le
nouveau plan de l'univers développe le
périodifme & la fucceffion , avec la véritable
figure des orbes où ils font accomplis, il
ne s'agit pour vous le faire concevoir avec
une exactitude digne de la fimplicité & de
l'évidence de leur cauſe , qu'à vous ramener
au même point de vue qu'a pris notre
Cofmographe pour découvrir l'ordre &
l'arrangement du monde matériel ; c'eſt le
même qu'il a confervé en voulant reconnoître
les refforts du monde phyſique ,
c'est-à-dire de ce monde matériel confideré
dans la caufe phyfique des mouvemens qui
font obfervés dans- les principaux corps
qu'il renferme en fa plénitude,
Eft-il difficile de s'appercevoir que le
I
46 MERCURE DE FRANCE.
>
Soleil par fes rayons illumine tous les
aftres ? Quoi de plus fimple donc que d'augurer
qu'il leur imprime une fplendeur
& fans doute du mouvement par une même
caufe ; en un mot que cet Aftre corriphée
les rend brillans & mobiles par fes
rayons ? Une infinité d'expériences qu'on
a faites dans le cours des fiécles , mais furtout
de nos jours , pour vérifier les effets
de l'augmentation de la quantité , ou feulement
de l'agitation de la matiere ſubtile
dans un volume d'air , ce qu'on peut appeller
une électricité active & artificielle ,
ou les effets de la diminution de fa quan
tité ou de fon agitation dans un même
volume , ce que l'Auteur appelle par analogie
une électricité reactive , lui donnent
lieu d'examiner les effets de l'une & l'autre
électricité qui eft produite naturellement
tant dans l'atmosphére de tous les aftres ,
que dans les couches d'éther intermédiaires
& circonvoisines par lleess rayons folaires
directs , ou par la réflexion qu'en font ces
aftres même dans l'étendue du cône de leur
lumiere réfléchie , ou par la fuppreffion
qu'ils en produifent dans l'étendue du cône
de leur ombre.
Vous demanderez fans doute , Madame,
fi l'électricité active produite naturellement
dans l'atmosphére d'une Planette ,
MAI. 1748. 47
& dans une partie de la couche d'éther
circonvoisine par l'action & la reaction
des rayons folaires , eft une force motrice
capable de caufer fon mouvement avec le
fecours même de l'électricité reactive qui
réfulte dans la partie oppofée de fon atmofphére
& de la couche d'éther environnante
, à caufe de la fuppreffion ou interruption
du cours de ces rayons dans l'éten
due de fon ombre.
Si l'on étoit embarraffé de vous le prouver
, on fe contenteroit de vous alléguer
qu'une telle force motrice , dont la caufe
eft fenfible par les phrafes du difque des
Planettes , par leur fphére de radiation &
par leur ombre , doit être bien plus efficace
que l'activité fuppofée de tourbillons
chimériques ; & furtout que la vague &
vaine qualité occulte de l'atraction mu
tuelle de toutes les parties de matiere qui
compofent le volume de ces aftres , par laquelle
les Newtoniens prétendent expliquer
leur mouvement , dans un vuide où
ils affectent avec oftentation de calculer
les effets prétendus de cette attraction ,
en raiſon inverſe du quarré de la diſtance
& en raifon directe & réciproque de la
furface , bien qu'ils affectent de douter
s'il y aun pied cubique de matiere dans le
le monde. Si un Atôme tombant fur une
48 MERCURE DE PRANCE.
"
Planette , he l'obligeroit pas de s'élancer
un peu à fon égard , afin de lui épargner
une partie du chemin & de la chutte ? Er
fi le faut d'une puce ne doit pas faire trembler
la terre , tandis que les éruptions les
plus impétueufes des Volcans , & les plus
violentes tempêtes font reconnues ne pou
voir déranger fon mouvement naturel , qui
n'eft
pas
moins
dans
fon principe
ou
dans les loix qu'il fuit , l'ouvrage de Dieu
que la formation de tous les aftres dont
l'univers eft l'affemblage.
On fe contenteroit , dis -je , de vous
prier d'admettre cette électricité , en affectant
par une multitude de calculs myftérieux
de vous perfuader que tout eft auffi
facilement expliqué par ce moyen que
calculé ; c'eft comme fi l'on vous prioit de
vous croire fort riche , parce qu'on vous
calculeroit combien vous méritez de l'être
& combien vous devriez avoir de revenu
pour vous croire telle. Vos finances en
feroient-elles augmentées à votre fatisfaction
? Suffit- il donc de fuppofer un vuide
entre tous les aftres & de calculer la gravitation
fuppofée des parties de leur volume,
afin que leur prétendue attraction puiffe
être efficace & active felon ce calcul ?
L'Auteur moderne bien éloigné de recourir
à des fuppofitions vagues pour tout
phénoméne
MA 1. 1748
phénoméne à expliquer , ne fait qu'établir
la certitude de cette électricité active &
réactive , qui eft fi facile à reconnoître par
fes effets dans les couches d'éther intermédiaires
, comme dans l'atmosphére des af
tres , en l'appliquant à l'explication des
principaux de la maniere la plus fimple ;
& il fait efperer que l'application de l'électricité
naturelle à tous les phénoménes céleftes
& terreftres ne fera pas moins dévélopée
,
s que celle de l'électricité artificielle
dans une multitude d'expériences qui
font à la mode depuis plufieurs années ,
puifque par provifion il donne une idée
de la caufe , de la péfanteur abfolue & fpécifique
des graves , de la lumiere , de la
fplendeur & du mouvement des aftres , du
flux & du reflux des mers , des vents généraux
, de la direction de la bouffole &
des vertus de l'Aiman .
Vous voudrez bien que je me réduiſe à
vous apprendre qu'il démontre fenfiblement
fur des Cartes , en même tems qu'il
en rend la raison par une fuite de fes principes
phyfiques. 1 °. Que le Soleil eft le
principe de tout le mouvement , comme
de toute la fplendeur des Planettes par l'é-
Jectricité active qui réfulte dans les couches
d'éther où elles font flotantes , de
l'action & reaction de fes rayons , ou par
C
fo MERCURE DE FRANCE.
Pélectricité reactive qui provient de leur
interruption dans l'étendue de leur om
bre.
2°. Qu'elles décrivent par cette raifon
des arcs proportionnels par leur étendue ,
leur direction & leur figure , dans une épi
cicloide où leur cours eft direct pendant
tout le tems que les arcs égaux que le So-
Teil parcourt en tems égaux dans fon orbe
immuable en tout fens , le préfentent à leur
égard en convexité , mais qu'auffi- tôt qu'il
y décrit des arcs qui fe préfentent au contraire
à leur égard en concavité , elles prennent
un cours retrograde dans des courbes
feuillées , dont l'étendue & la figure font
également proportionnelles , tant à leur
diftance de cet aftre unique en fon eſpéce ,
qu'à l'espace de tems qu'il met à parcourir
ces arcs en fens concave à leur égard , &
qu'ainfi leurs orbes font compofés alternativement
d'épicicloides & de courbes
feuillées où leurs cours eft apparent , parce
qu'il y eft réel , & où il paroît direct &
alternativement retrograde , quand il le
devient , & tant qu'il l'eft réellement ,
mais qu'il paroît ftationnaire avant & après
leur retrogradation , ou après & avant leur
direction , bien qu'il foit continuel , parce
qu'alors elles décrivent des arcs où elles
paroiffent en ftation , par la raifon que
MA I.
1743 .
durant la premiere elles s'avançent d'un
même degré de l'écliptique vers la terre ,
& durant la feconde de la terre vis- à- vis
un même degré de cet orbe folaire different
du précédent , & que leur mouvement
femble fufpendu & plus ou moins hâtif ou
tardif , fuivant que les arcs qu'elles parcourent
dans leurs orbes , fe préfentent
plus ou moins parallelement à l'égard des
Agnes de l'écliptique.
3 °: Que le cours de Saturne feroit de
vingt ans environ , ou de deux tiers de fa
période plus court ; celui de Jupiter de fix
ans ou de la moitié de fa durée ; celui de
Mars de cinq mois au moins ou d'un fixiéme,
de même que celui de Venus d'un
cinquième ou de quatre mois , & celui de
Mercure d'un quart de fa période à l'égard
de la terre , fi le cours de ces Planettes majeures
n'étoit pas réel dans leurs orbes apparens
, c'eft ce qui eft encore plus remarquable
fi l'on le rappelle les preuves données
par an célébre Affocié libre de l'Académie
de Paris , que fuivant les régles de
Kepler le cours de ces Planettes devroit
être beaucoup plus long qu'il n'eft trouvé.
4°. Que les Planettes fubalternes n'ont
leur révolution dans des ellipfes autour de
leur Planette principale , qu'à raifon de la
réflexion réciproque qu'elles fe font des
CH
32 MERCURE DE FRANCE.
rayons du Soleil , ce qui eft fenfible furtout
entre la terre & la Lune , & parce que la
Planette principale produifant une plus
grande électricité active & reactive , à proportion
de l'excès de fa maffe , & de l'étendue
du cône de fon ombre , ou de fa lumiere
réfléchie dans la couche d'éther intermédiaire
, oblige la fubalterne ou les
fatellites à fuivre fon cours commun , & à
en avoir un particulier dans une ellipfa
dont elle occupe un des foyers.
5°.Que le cours des Cométes eft fort
analogue à celui de Mars , qu'il eft réel
dans un orbe compofé d'un épicicloide qui
s'étend au-delà de Saturne pendant leur
direction , mais durant leur retrogradation
d'une courbe feüillée qui les fait rapprocher
du Soleil & de la terre , vingt fois
peut-être plus qu'elles ne s'en éloignent
dans le milieu de l'épicicloide où elles font
directes & invifibles ; la grande déclinaiſon
& la vafte étendue de leur orbe font cauſe
qu'elles ne fontvisibles que dans une partie :
de leur cours , lorfqu'elles approchent de
leur périhelie & de leur périgée , mais il
faut encore qu'elles y foient atteintes par
la lumiere zodiacale , pour paroître avec
nne chevelure où toute autre marque dif
tinctive des Planettes.
Il eft jufte que les Sçavans , en comM
A I. 1748.
S$
parant le fyftême moderne avec ceux de
ces grands hommes , affectent de ne faire
aucun parallele de leurs Auteurs.
Je ne vous parlerai point de toutes
les lectures & de toutes les réflexions qu'il
m'a fallu faire , pour vous dreffer ce rapport
fincére de mon jugement fur le nouveau
fyftême de Colmographie & de Phyfique
; je fouhaite feulement qu'en reconnoiffant
combien vos ordres font capables
de me faire furmonter ma pareffe , vous
jugiez du zéle & du refpect avec lesquels
je fuis , Madame , & c.
A Paris ce 15 Décembre 1747-
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
8
ODE XXIX. L. III. :
AD MECENATE M.
Yrrhena regum progenies , tibi
Non antè verfo lene merum cado
Cum flore , Mecenas , rofarum , &
Preffa tuis balanus capillis
Jamdudum apud me eft ; eripe te mora
Ne femper udum Tibur , & Efulæ
Declive contempleris arvum , &
Telegoni juga parricidæ.
Faftidiofam defére copiam , &
Molem propinquam nubibus arduis.
Omitte mirari beatæ
Fumum , & opes ftrepitumque Roma.
Plerumque gratæ divitibus vices ,
Mundæque parvo fub lare pauperum
Coenæ, fine aulæis & oftro ,
Sollicitam explicuere frontem .
Jam clarus occultum Andromedes pater
Oftendit ignem ; jam Procyon furit :
Et ftella vefani Leonis ;
Sole dies referente ficcos.
MAI 47485
5:92
❁ ཡུ གྱི ❁དགུ
TRADUCTION.
A MECENE.
2
Illuftre defcendant des Souverains de
l'Etrurie , Mécene , depuis long- tems
je te réſerve d'excellent vin qui n'est point
entamé ; je t'offre des couronnes de rofes
, des effences pour parfumer tes cheveux,
Seconde mon impatience , arrachetoi
aux vues charmantes des humides contrées
de Tybur , des côteaux d'Efola & des
monts du parricide Télégone. Quitte l'ennuyeufe
abondance ; quitte ce vafte édifice
qui s'éleve jufqu'aux nues ; néglige pour
quelques momens de contempler les ri
cheffes , les vain éclat & le tumulte de la
Superbe Rome, Les grands fe plaifent quel
quefois à perdre de vue l'appareil de la
puiffance ; fouvent fous un toît qui ne cou
vre ni riches tapis , ni lits de pourpre, ll a
propreté du pauvre déride un front chagrin.
Déja l'Aftre brillant de Cephée nous
découvre fes feux déja Favant- coureur
de la canicule & le Lion redoutable exercent
leurs fureurs , & le Soleil ramene les
brûlantes chaleurs de l'Eté. Déja le berger
fatigué cherche avec fon troupeau languifĊ
iiij
56 MERCURE DE FRANCE.
Jam paftor umbras cum grege languido ,
Rivumque feffus quærit , & horridi
Dumeta Sylvani : caretque
Ripa vagis taciturna ventis.
Tu civitatem quis deceat ftatus
Curas ; & usbi follicitus times ,
Quid Seres , & regnata Cyro
Bactra parent , Tanaiſque diſcors
Prudens futuri temporis exitum
Caliginosâ nocte premit Deus :
Riderque , fi mortalis ultrà
Fas trepidat. Quod adeft , mementa
Componere æquus . Cætera fluminis
Ritû feruntur , nunc medio alveo
Cum pace delabentis Etrufcum
In mare , nunc lapides adeſos ,
Stirpefque raptas , & pecus , & domos ,
Volventis una ; non fine montium
Clamore , vicinæque Sylvæ ;
Cum vera diluvies quietos
Irritat amnes. Ille potens fui
Lætufque deget , cui licet in diem
Dixiffe , vixi : cras vel atrâ
Nube polum pater occupato ,
Vel fole puro : non tamen irritum
Quodcunque retro eft , efficiet : neque
COMACI 151748.
57
•
fant , l'ombre des bois & la fraîcheur des
ruiffeaux. ( 1 ) Les Sylvains fe retirent au
au fond des bocages , Zéphire ne mêle
plus fon haleine au doux murmure de l'eau,
& toi toujours occupé de maintenir l'Etat
(2 ) dans fa fplendeur , toujours inquiet
pour Rome , tu crains jufqu'aux projets
que peuvent former contre elle les Séres ,
les Bactriens foumis autrefois à Cyrus &
les féditieux habitans des bords du Tanaïs.
La fageffe des Dieux couvre l'avenir d'épaiffes
ténébres, ils rient d'un mortel dont
l'efprit s'efforce de pénétrer au-delà de fes
bornes . En homme fage contente- toi d'ufer
du préfent ; que le refte foit entraîné
comme un fleuve , au gré des deftinées ;
tel le Tibre , tantôt lent & paisible, tombe
dans la mer d'Etrurie fans s'écarter de fes
rives , tantôt effrayant par fon bruit les forêts
& les montagnes voifines , roule pêle-.
mêle les rochers qu'il a minés , les arbres
qu'il déracine , les troupeaux qu'il englou
tit , les maifons qu'il renverfe quand un
affreux débordement irrite les fleuves tranquilles
qui fe mêlent à fes eaux . Celui- là
feul eft heureux & maître de lui-même , qui
chaque jour peut dire , ( 3 ) j'ai vêcu . Que
demain Jupiter couvre le Ciel d'épais nuages
ou qu'il l'éclaire de la lumiere la plus pare,
Jupiter, tout puiffant qu'il eft , ne peut
CY
58 MERCURE DE FRANCE!
Diffinget , infectumque redder , zsunt
Quod fugiens femel hora vexir.
Fortuna fævo læta negotio , &
Ludum infolentem ludere pertinax ,
Tranfmutat incertos honores :
Nunc mihi , nunc alii benigna.
Laudo manentem. Si celeres quatir 10
Pennas , refigno quæ dedit : & meas
Virtute me involvo , probamque
Pauperiem fine dote quæro.
Non eft meum , fi mugiat Africis
Malus procellis , ad miferas preces
Decurrère ; & votis pacifci ,
Ne Cypria Tyriæque merces
'Addant avaro divitias mari.
Tunc me biremis præfidio fcapha¿
Tutum per Ægæos tumultus
'Aura feret , geminuſque Pollu». -
M. A I.
59 1748.
anéantir le paffé ; Jupiter ne peut changer ,
ne peut rappeller ce que le tems emporte fur
fes rapides aîles . Conftante à fe jolier infolemment
des mortels , la fortune qui fe
plaît dans ce cruel emploi , tranfporte les
honneurs d'une tête fur une autre , tantôt
me comblant de fes dons , tantôt les faifant
paffer en d'autres mains. S'arrête-t'elle
fur moi ? Je lui fçais gré de ce caprice ; fe
hâte-t'elle de me fair ? Je lui rends fes bienfaits
fans regret ; fous l'abri de ma vertu
je brave fes difgraces , content dans le fein
de l'indigence d'avoir pour dot la probité.
Que mes antennes plient fous l'effort des
des vents , je n'aurai point recours à d'indignes
prieres ; je ne ferai point aux Dieux
de voeux indifcrets , pour qu'ils n'ajoûtent
pas aux richeffes de l'avide mer celles que
j'apporterai de Chypre ou de Tyr. (4) Protegé
de Caftor & de Pollux , à l'aide d'un
léger efquif, je traverſerai fans danger les
flots de la mer en courroux.
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
REMARQUES.
( 1 ) Le P. Sanadon critique fort judicieuſement
Dacier , d'avoir traduit ainfi ce
paffage , les bergers & les troupeaux cher
chent les bocages du Dieu Sylvain , c'eft faire
dire en effet deux fois la même chofe
à Horace. Tous les autres interprétes paroiffent
s'y être trompés de même & n'ont
pas apperçû , comme le P. Sanadon , que
Sylvani étoit ici au nominatif pluriel ; &
qu'il falloit fous- entendre quærunt.
(2) Les Commentateurs , & même le
P. Sanadon , qui écrit orbis , v . 26 , au lieu
d'urbes , n'ont pas fait la diftinction des
deux mots civitas & urbs , qui fouvent , à
la vérité , ont été employés par les bons
Auteurs comme fynonimes , mais qu'Horace
n'a point employés ici dans le même
fans. Le premier fignifie Refpublica , Reipublica
adminiftratio, Cives , &c. Le fecond
Edificia , fic Cic. de Rep. L. 1. urbem à
civitate claris verbis diftinxit.
(3 ) Le P. Tarteron n'a point traduit
avec exactitude vixi , en l'interprétant ainfi
, j'ai paffe gayement la journée , ni ludum
infolentem , par jeu bizare.
(4) Dacier , malgré ces mots , fans me
foucier du vaiffeau , qu'il ajoûte au texte ,
n'eft pas plus exact ni plus élégant dans fa
MA I. 1748. Gr
traduction de la fin de cette Ode , quorqu'il
fe vante d'être le feul des interprétes
qui en ait entendu le fens . Pour moi , ditil
, dans une pareille occafion , fans me foucier
du vaiffeau , je defcendrai dans l'efquif, &
au plus fort de la tempête je voguerai fur la
mer Egée avec autant d'affûrance & de tranquillité
quefi le vent m'étoit favorable, & que
fi Caftor & Pollux me conduifoient.
EPITRE
A M. de la Soriniere , au sujet de celle en
vers blancs ou non rimés , qu'il a donnée
dans le fecond volume du Mercure du mois
de Décembre dernier , par M. Des-Forges
Maillard , Affocié de l'Académie des Belles-
Lettres de la Rochelle.
Oriniére ,
Mes amours ,
La carriere
Singuliere ,
Où tu cours ,
Intrépide
Et fans guide ,
Me fait
peur.
Si l'on paffe
Cette audace
A l'Auteur ,
Qui d'Horace
Amateur ,
Suit fa trace ,
Et fans freia
62 MERCURE DE FRANCE
De refrein ,
Prend la forme
A fa
grace.
Sois certain ,
Cher Confrere ,
Qu'une fois
Téméraire
On peut plaire
'Au François
Qui s'enflâme
Et fe pâme
'Au nouveau
Qu'il reclâme:
Son chapeau
Devient large
'Aujourd'hui ,
Mais l'ennui
Du toquet
Court & fait
Én gondole ,
Qui badin
Capriole ,
Zefte vole ,
De la main
D'Arlequin ,
Sur la tête ,
Én goguette
De fa tête
Dans fa main.
Genre humain !
Foible atôme ,
Que renomme
Qui le charge , Un bruit vain >
Rabatra , Que confomme
Rognera
De fa marge ,
Si qu'enfin ,
Dès demain ,
Cette targe
Se profcrit ,
Et d'énorme
Qu'on la vit
Le chagrin !
Girouette ,
Qui toujours
Pirouette ,
Inquiette
Dans les tours !
Mer qui fotte ,
Que balotte
MAIN 1748. 63
L'Aquilon ! her Ta raiſon ,
Papillon Sans le fon
Quifolâtre 12 De la rime
Sur les fleurs ,
Mais ne va
Idolâtre Pour cela
Des couleurs ! Faire un livre, d
K L'exercice
Du caprice
Fait ta loi ,
Et volage
Ton uſage
En fait foi,
Caractére
De bonté ,
Du vulgaire
Excepté ,
Ami ftable ;
Véritable ,
Tu n'es pas
€
Dans ce cas
Variable ;
Ton efprit
Dans ta piéce
Intéreſſe ,
Plaît & rit,
Et j'ekime
Et poursuivre
Ce goût-là.
Car en fomme
Et Boileau
Et Rouffeau ,
Et tout homme
Echoûroit ,
Et n'auroit
Pas la pome
S'il formoit
Et limoit
A ta mode
Trop commode
Le divers
Répertoire
De fes vers.
Son mémoire
Lafferoit
Et rendroit
Fruftratoire
64 MERCURE DE FRANCE
Un talent
Que la rime
Des neuf Soeurs , " pla
Dont la Lire
Fit fublime
Et brillant.
Sile ſtyle
De Virgile
N'avoit pas
Du Dactile
Vif, agile ,
Les
appas
Délicats
,
Et la force
Quel divorce!,
Qu'auroit- il ,
Que l'écorce
Du fubtil
Et viril
'Avantage ,
Qui le mer ,
D'âge en âge ,
Au fommet ,
Où commande
'Apollon ,
Jeune & blond ,
A la bande
Révérende
Touche , attire
Tous les coeES
Et t'infpire 2.
Docte Sire ,
Selon toi
Et ta loi ,
On peut dire
Aux fçavans
Courtisans
De Mécéne
Potateurs
De l'eau faine
D'Hipocrêne ,
Nos Docteurs
En fineffe
D'agrémens ,
En jufteffe
D'ornemens ,
De bon fens ,
Et d'idée ,
Qu'un Spondée ,
Qui par tout
Vient fe mettre
Dans le bout
MAI. 65
1748.
De leur métre
Héxamétre ,
Loin qu'il alt
Du mérite ,
Art exquis ,
D'ordinaire :
Eft acquis :
Par la peine.
Nous déplaît , C'eft le fruit
Parafite , De la gêne
Satellite
Importuri
Et commun
Qui renvoye
Conftamment ,
Comme une Oye ;
Sotement ,
Qui produit
L'air facile
Qui reluir
Dans Virgile,
Ce Nafon ,
Si fécond ,
Ce Tibulle ;
A l'oreille ,
La pareille
Quantité ,
Sans beauté.
Qui s'oppoſe
Aux vieux us
Fut- ce abus
Il s'expofe
Au hazard
De la caufe
De Ronfard
Et d'Houdart.
L'art de plaire ;
Si mignon ,
Ce Catulle ,
Si fripon ,
Le Génie,
'Amoureux
Des beaux yeux
De
Cynthie ;
Tous ces fins
Bons Latins ,
Que révérent
Nos efprits
Bien appris ,
S'efcrimerent
MERCURE DE FRANCE.
Poliment ,
Et rimerent
Fréquemment
Par fyftême.
D'agrément ,
Au cinquiéme
De leurs piés ,
Les moitiés
De leurs carmes ,
Qui marchant
En clochant ,
Ont des charmes .
Du Très-Haut
Interpréte
Sans défaut ,
Maint Prophéte ;
Animé
Du fuprême
Souffle même
'A rimé ,
Et le gendre
De Raguel
Héroïque ,
Magnifique •
Quand aux flots
Refpectable
Ce Héros
Admirable ,
Eut avec
Tout fon monde ;
A pied fec ,
Paffé l'onde,
I
Dont tant but
L'autre armée j
Qu'elle y fut
Renfermée.
Du Soleil,
Qui t'éclaire ;
Le vermeil
Luminaire
Ne voit pas
Dans fa ronde
Sur ce monde ,
De climats ,
Fit entendre Où la rime
D'un goût tel ,
Ne foit point
Son Cantique De tout point
Solemnel , En eftime.
MAI. 67
1748.
Oui , mon cher ,
Les
Sauvages`,
Des rivages
D'outre- mer
D'Amérique
Et d'Afrique
Les Colons ,
Vagabonds ,
Quand ils chafflent
Sur les Monts
Se délaffent
En rimant.
Ils poliffent
Par ce gent
Rudiment ,
Et fléchiffent
7
Leurs humeurs ,
Et leurs moeurs.
Sans enfure
La rime eft
Et paraît
De nature
Toute purc
Un préfent
Séduifant.
Elle étaye
Le charmant
¡Sentiment ,
Elle eft gaye
Un enfant
La bégaye
Au maillot ,
Auffi -tôt
Qu'il effaye
Quelque mot
Si feulette ,
Fanchonnette
Ou Catin
S'en retourne
Du moulin ,
Elle tourne
En chemin
Et marmotte .
Pour Colin
Ou Jacquin
Une note.
Un Captif,
Morofif ,
Aux Galeres ,
Croit charmer
Ses miféres
A rimer.
68 MERCURE DE FRANCE
Puis chantonne
Et fredonne
Par inftant ;
Sa ferraille
Cadençant
Sa rimaille.
Tu vois donc ,
Qu'il n'eft one
De partie
De climat ,
Ni d'état
Dans la vie ;
Où rimer
Ne fe faffe
Eftimer.
Du Parnaffe
Le Seigneur
A jamais
Les bienfaits
De ce Maître,
Mais la nuit
Qui s'avance
Et s'enfuit ,
Reconduit
Le filence
Qui la fuit ,
Et le bruit
Recommence,
Du matin ,
Dans ma chambre ;
Déja l'ambre
Vif & fin
Par ma vître
S'introduit ,
Mon pupitre Eft l'Auteur
De la rime ; En reluit.
Il t'anime ,
Te chérit ,
Et t'apprit
Cette efcrime
Ma chandelle
Va finir ,
Parallele !
Trop fidelle
Et je crois
Que tu dois
Reconnoître
Souvenir !
O bougie !
O crayon
MA I. 69
. 1748.
Du
rayon
De la vie ,
Qui d'abord
Naft & fort ,
Clarté fombre ,
Et dans l'ombre
Se rendórt !
Sa durée
Mefurée
Par le fort,
Dont l'empire
Le vieillard
Sans égard
Se dépêche
D'achever
D'un coup d'afle
Trop cruelle .
Qu'esquiver
N'ont richelle
Ni vertu
Ni fineffe
Jamais på.
Prompt Eole Eft fi fort ,
C'eſt la cire. Porte au loin
Les inftans
Tout le foin
Qui défole. Que le tems
Accumule
C'eſt le feu
Qui la brûle
Peu à peu .
Sans atteinte
Du venin
Du chagrin
Et fans plainte
Prolongeons
Ménageons
Bien la méche
Que revêche
Et hagard
Soin frivole !
Le defir
De connaître ,
De paraître ,
Vient flétrir
Le plaifir
Qu'on a d'être
Doux loifir !
Badinage !
Le vrai fage
Sçait fentir
A tout âge
Et jouir,
70 MERCURE DE FRANCE.
2
Mais du frere
Salutaire
D'Icélos
La main lefte
Jette un refte
De pavots ,
Qui fe gliffent
Dans mes yeux
Qui languiffent
,
Gracieux
Soriniere
Sans lumiére
Ou n'ayant
Qu'un luifant
Qui s'agite ,
Et mourant
Reffufcite
Je ne puis
Que te dire
Et t'écrire
Quejefuis
Sans chandelle ,
Comme au jour ,
Plein d'amour
Et de zéle ,
Et fans fard ,
Ton fidelle
Paul Maillard .
Daté bic ,
Au Croific ,
Jour vingtième ,
Et d'un mois
Des plus froids
Dix- neuviéme
L'an d'après
Le fuccès
De nos armes;
Quand en larmeE
Bergoploom
Perdit fon
Redoutable
Et beau nom
D'imprenable.
Mes refpeas
Très - parfaits
A Madame ,
Avec ceux
De ma femme
A tous deux.
!
L
MAI. 1748. 78
གྱུ ; ༧ད❁ ཀྱི° @
EXTRAIT d'une lettre de M. Jallabere
à M. Cramer , du 30 Janvier 1748.
E me fuis fort occupé cet hyver des
effets de l'électricité fur les êtres animés
, & comme j'ai été obligé de faire des
expériences qui demandoient de la dextéj
rité , je recourus à M. Guiot , Chirurgien,
Le hazard a rendu mes recherches plus utiles
que je ne penfois , & m'a engagé à
tourner mes vûës du côté de la guérifon de
diverfes maladies. Curieux de comparer la
difference des effets de l'électricité fur les
animaux vivans & morts avec ceux qu'elle
produiroit fur les parties paralytiques , on
m'amena le 26 Décembre un nommé No
gués , Serrurier , paralycique du bras droit
depuis près de quinze ans. Outre la perte
du fentiment & du mouvement , le bras
& l'avant bras étoient extrêmement maigres.
Nous exposâmes d'abord cet homme
à l'épreuve de la commotion , la main pa-
Ealytique attachée au vafe ; la violence 'du
coup porta principalement au haut de l'épaule
, & nous ne pûmes dérromper cet
homme de l'idée où il étoit que M. Guior
L'avoit frappé , qu'en repetant l'expérience,
74 MERCURE DE FRANCE.
après avoir fait changer de place à M.
Guiot,
Je fis enfuite découvrir le bras paralyfique
, & l'homme étant placé fur de la
poix , & vivement électrifé , je fis fortir
de divers endroits du bras des étincelles.
Nous apperçûmes d'abord que les
mufcles d'où elles partoient , étoient agités
de mouvemens convulfifs très - vifs.
Bien-tôt après nous vêmes mouvoir fuceffivement
& en differens fens l'avant-bras ,
le carpe & les doigts , fuivant que nous
tirions l'étincelle de tel ou tel muſcle, Le
phénoméne étoit trop fingulier pour ne le
pas examiner avec attention . Je me mis à
la place du paralytique , & j'obfervai que
les muſcles & les parties auxquelles ils
aboutiffoient , fe mouvoient , quand on
en tiroit une étincelle , fans qu'il fût en
mon pouvoir de l'empêcher , & que fuivant
que l'on tiroit , par exemple , l'étincelle
des mufcles extenfeurs ou fléchiffeurs
du carpe ou des doigts , ils fe baiffoient
ou s'élevoient en fens oppofé. Cette obfervation
bien conftatée fur differentes
parties de mon corps , & enfuite fur le
bras paralytique , me donna quelque efpérance
qu'en fecouant vivement & fréquemment
les muſcles paralytiques , on
pourroit peut- être leur rendre leur jeu , &
Y faire
1
MA I. 1748.
73
y
faire circuler librement les divers fluides.
Je travaille en conféquence tous les
jours fur le paralytique , en dirigeant fucceffivement
mes opérations fur les divers
mufcles. L'abducteur du pouce m'a feul
occupé pendant le grand froid cinq à fix
jours.Il ne falloit pas moins que les changemens
notables que je voyois,pour foutenir
ma patience au milieu de plufieurs autres
Occupations. Vous jugerez des progrès de
la guérifon par la defcription de l'état du
malade , que M. Guiot a dreffé le dixième
& le vingt-quatriéme Janvier pour en
mieux connoître la fuite.
Le 10 fanvier.
» J'ai trouvé que le bras paralytique
» avoit repris beaucoup d'embonpoint. Le
» malade étendoit les doigts index , mé-
>> dius & annulaire , il pouvoit auffi éten-
» dre le carpe , mais le petit doigt & le
pouce ne pouvoient pas encore s'éten-
» dre. Cet état marque une grande dimi-
" nution du mal , puifque dix jours aupa-
» ravant , l'avant- bras étoit encore fort
maigre , & que le poignet , ni aucun des
doigts , ne pouvoient s'étendre.
Le
24.
Le carpe & tous les doigts , excepté le
D
74 MERCURE DE FRANCE .
» pouce , s'étendent parfaitement. Le pou
» ce a beaucoup gagné pour les mouve-
» mens d'abduction , d'adduction & de
» flexion. La derniere phalange de l'index
» & le pouce ne peuvent pas encore s'é-
» tendre parfaitement. Les mouvemens de
l'avant-bras & du bras fe font mieux . Il
» approche la main du chapeau.
Aujourd'hui le paralytique a tiré ſon
chapeau , & m'a remercié les larmes aux
yeux .L'avant-bras eft auffi rempli de chairs
que l'avant-bras fain , & le bras fur lequel
le grand froid m'avoit empêché d'opérer ,
augmente confidérablement. Le poignet
peut faire fes differens mouvemens , lors
même que la main eft chargée d'une bouteille
pleine d'eau tenant une pinte.
Je ne dois pas oublier de vous dire qu'à
cette façon d'opérer j'ai joint de tems en
tems la commotion . Je la lui ai même donnée
,fans le vouloir , d'une force extraor
dinaire , & qui m'a montré un phénoméne
bien propre à rendre les Phyficiens circonfpects
.
AUTRE Extrait d'une lettre du 28
Février 1748.
Le paralytique de notre ami va de mieux
en mieux. Il tire fon chapeau fans peine ,
il manie déja de gros marteaux , & il compΜΑΙ.
75 1748.
te pouvoir forger dans peu de jours . Sans
le grand froid on l'auroit électrifé hier à
nud fur les muſcles du bras , qui s'étendent
vers la poitrine , & qu'une inaction de
quinze ans a rendu un peu douloureux ,
lors des mouvemens du bras .
ASSEMBLEE publique de l'Académie
des Sciences le 24 Avril.
Ldrens compte eft celui de M.Maloitin ,
lequel contenoit l'analyse des eaux de
Plombieres.
E premier Mémoire dont nous ren
1
L'utilité de ces eaux eft affés connue de
tout le monde , mais les principes qui les
compofent ne peuvent l'être que des Chymiſtes.
Les premieres occupations de l'Académie
dans le commencement de fon établiffement
, furent de faire l'analyse des eaux
minérales de France les plus renommées ,
mais comme la Lorraine n'étoit point en-
"core au nombre des Provinces de ce
Royaume , il n'eft fait aucune mention des
eaux de Plombieres dans le Traité des eaux
minérales de France que M. Duclos publia
en 1675 au nom de l'Académie.
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
M. Maloüin a entrepris ce travail , d'autant
plus utile que ces eaux deviennent
chaque jour d'un plus grand ufage , & cet
examen ne pouvoit être fait plus fûrement
que par un homme tel que M, Malouin
qui joint à une pratique très affidue & à
des connoiffances très étendues en Médecine
, une habileté confommée en Chymie
, qui peut en tant de cas être fi utile
aux Médecins & venir au fecours & de
la théorie & de la pratique de la Médecine
.
·
On fait remonter l'ufage des eaux de
Plombieres jufqu'au tems des Romains , &
fi ce n'eftpas une preuve de leur excellence,
on ne peut nier du moins que ce ne foit
un préjugé en leur faveur . On affûre fur
une vieille tradition que ces bains étoient
confacrés à Diane , on veut même que la
niche qui fe voit encore aujourd'hui audeffus
de l'un des bains , appellé le Bain
des Dames , foit préciſement la même où
l'on avoit placée autrefois la ftatue de la
Deffe. La folidité des bâtimens , & la
nature du ciment employé à joindre les
pierres qui forment le baffin des bains , &
le lit de la petite riviere de Plombieres
font connoître que c'eft un ouvrage des
Romains. Les infcriptions qu'on y a dé
couvertes fourniffent de nouvelles preuyes
MA Í. 1748. 77
Four ce fentiment . Contentons-nous de
citer celle que M. de Rouvroi a tapportée
dans fon Traité des Eaux de Plombieres.
On voit par cette infcription que la Juftice
fait à Neptune une efpéce d'offrande ;
cette infcription qui eft Latine, montre que
l'établiffement des bains de Plombieres eft
antérieur à l'établiſſement du Chriftianif
me dans les Gaules , & poftérieur à Jules
Célar , qui le premier apporta dans ces
Provinces la Langue , les Arts & les Coûtumes
des Romains.
M. Malouin fit l'année derniere pluhieurs
expériences fur les eaux froides de
Plombieres, nommées favonnenfes, lefquelles
n'ont été découvertes qu'en 1660 , &
il en rendit compte à l'Académie. Il lui
reftoit à examiner les eaux chaudes , que
l'on nomme communément fulphureufes.
Les trois bains que l'on voit à Plombieres
contiennent des eaux parfaitement femblables
, ils font produits par une même
fource qui fe trouve dans une des monta→
gnes de Volge.
Les eaux chaudes font plus legéres que
les favonneuſes. Ayant été éprouvées avec
la noix de Galle , elles n'ont pris aucune
teinte , ce qui pouvoit d'abord faire penfer
qu'elles ne contenoient point de fer ,
mais M. M. ne s'étant pas contenté de
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
cette épreuve , a employé d'autres moyens
qui lui ont fait trouver dans ces eaux du
fer , lequel y étoit comme enveloppé par
d'autres principes.
Ceci prouve qu'on ne doit pas toujours
conclure , comme on afait jufqu'à préfent,
qu'une eau minérale n'eft pas ferugineufe
quand la noix de Galle ne lui fait prendre
aucune teinte .
Pour rendre plus fenfibles les principes
de ces eaux , M. M. les a en quelque forte
rapprochés les uns des autres , en faifant
évaporer l'eau lentement , & étant ainfr
réduite à un moindre volume par l'évaporation
, elle a précipité les diffolutions mé
talliques plus qu'elle ne l'avoit fait dans
fon état naturel .
Le précipité qui s'y eft fait de la diffolution
d'or par l'eau regale , a donné un
or fulminant , ce qui indique fûrement
un alkali fixe , qui s'eft encore manifefté
dans ces eaux par plufieurs expériences ,
& ces expériences ont en même tems fait
voir à M. M. que cet alkali eft de la nature
du natrum des anciens.
On trouve de ce natrum dans toutes
les eaux minérales de l'efpéce de celles de
Plombieres , ce qui a fait dire qu'elles contenoient
du nitre , d'autant plus qu'on
voyoit avec ce natrum du fel de glauber,qui
MAI. 79 1748 .
par fa criftalliſation a une reffemblance
fuperficielle avec le nitre.
Julqu'à préfent on n'avoit pas tiré de
la diftillation des eaux minérales plus de
connoiffances que d'une fimple évaporation
faite avec foin , cependant un Oblervateur
attentif peut par la diftillation découvrir
dans les eaux minérales un principe
qu'il eft impoffible d'y appercevoir
par aucun autre moyen ; c'eft une liqueur
ou un efprit volátil , qui en montant dans
l'alembic ne paroît fous aucune forme dans
le chapiteau, quoiqu'il diftile fenfiblement
dans le récipient. L'efprit que M. M. a tiré
des eaux chaudes eft fort different de celui
qu'il avoit tiré des eaux favonneufes.
Les premieres contiennent beaucoup de
bithume , & il paroit que c'eft en général
ce bithume qui leur donne leurs plus grandes
proprietés , & en particulier la qualité
qu'elles ont d'être ftomachales. Plufieurs
expériences donnent lieu de croire que
c'eft d'un bithume de la nature de l'huile
de petrole que la plupart des eaux minérales
tirent leurs principales vertus. L'eau
de godron qu'on a mife en ufage depuis
quelques années , n'eft qu'une imitation
des eaux minérales bithumineuses .
Plufieurs Auteurs ont attribué au fouffre
minéral les proprietés que le bithume
D iiij
So MERCURE DE FRANCE.
donne aux eaux , principalement aux chaudes
, & il étoit naturel de croire qu'elles
contenoient du fouffre lorfqu'on en tiroit.
Cependant le fouffre n'eft pas toujours ,
comme on le croit , un principe naturel
des eaux dont on le tire ; il eft fouvent le
produit du bithume combiné avec l'acide
vitriolique par l'évaporation que l'on fait
pour les tirer de l'eau minérale qu'on décompofe.
Il réfulte de l'analyfe des eaux minerales
de Plombieres qu'elles contiennent un peu
de fer & de fel de glauber, & un alkali de la
nature de la foude ; cet alkali tient en diffolution
dans l'eau beaucoup de bithume ,
& le tout y eft uni à une terre abſorbante,
très fine. Tous ces principes étendus dans
une eau chaude la rendent apéritive ,
adouciffante & réfolutive. C'est par ces
qualités que les eaux de Plombieres font
falutaires contre plufieurs maladies des
reins & de la veffie , dans les dérangemens
d'eftomach pour fondre les tumeurs lymphatiques
, & pour les maux qui viennent
de rhumatifme & de goutte.
Les mêmes raifons font que ces eaux
font contraires à ceux qui ont le fang dans
un trop grand mouvement , & qui ont des
hémorragies.
Après avoir connu les principes des
MA I. SI
1748.
-
eaux de Plombieres par la décompofition
M. M. en a fait d'artificielles qui lui ont
paru femblables , & qui ont foutenu les
mêmes épreuves.
Il a fait auffi des expériences fur les mines
de plomb que l'on trouve dans ce pays,
& il fe propofe de les continuer , il a auffi
fait l'analyfe de la terre que traverſent ces
eaux , lefquelles doivent vraisemblablement
participer de la nature des terres par
lefquelles elles paffent , mais M. M. a réfervé
ces détails pour les affemblées parti-
`culieres de l'Académie.
par
M. Bonguer dont le nom eft célébre
plufieurs excellens ouvrages , & par le
voyage qu'il a fait vers l'Equateur pour
déterminer la figure de la terre , lût un
Mémoire qui contient une découverte nouvelle
, & répond parfaitement à ce qu'on
devoit attendre de la réputation de ce
Sçavant. Le Mémoire a pour titre : Defcrip
tion d'un nouvel inftrument qu'on peut nommer
Héliométre , propre à mesurer avec beaucoup
plus d'exactitude,qu'on ne l'a faitjufqu'à préfent,
les diametres du Soleil, de même que ceux
de la Lune , avec quelques obfervationsfur le
premier de ces deux Aftres.
On doit regarder la détermination exacte
des diamètres des Planettes , comme une
des baſes de l'Aftronomie moderne. Rien
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
ne feroit auffi plus propre à perfectionner
la Théorie du Soleil & de la Lune , qu'une
mefure plus précife de la grandeur appa
rente de leur difque , rien ne pourroit
mieux nous apprendre le rapport felon
lequel ces Aftres s'éloignent de la terre ou
s'en approchent , & nous mettre en état
de comparer leur vîteffe apparente avec
leur diftance. M. Bouguer expliqua d'abord
les moyens dont on s'eft fervi jufqu'à
préfent pour parvenir à la connoiffance
de ces diamétres , qui fervent d'élemens
à tant d'autres déterminations. Il
crût même devoir defcendre fur cela jufqu'à
un certain détail , afin de répandre un
plus grand jour fur toute cette matiere &
de mettre un plus grand nombre de perfonnes
à portée d'entendre la conftruction
& l'ufage du nouvel inftrument qu'il vouloit
propofer.
Les lunettes dont on fe fert ordinairement
dans la pratique de l'Aftronomie ,
ne font formées que de deux verres convexes.
Il fe trace dans leur intérieur , au
foyer commun des deux verres , une image
diftincte de l'objet , qui eft femblable à
celle que
fournit l'expérience fi connue de
la chambre obfcure. Les régles du deffein
& de la perſpective ne font pas obfervées
avec moins de précision dans cette peinMA
I. 1748. 83
r3
celles
ture parfaite à l'égard des traits, que
du coloris & de la gradation le font à l'égard
des couleurs. On ne voit réellement
que cette image lorfqu'en appliquant l'oeil
à l'oculaire , on croit regarder l'objet , &
c'eft cette même image dont les Aftronômes
mefurent toutes les parties par leur
micrométre ; ils font par le moyen d'une
vis mouvoir une foye ou un fil , qui intercepte
par fon jeu tous les efpaces dont ils
veulent déterminer la grandeur. Mais
toutes les fois qu'il s'agit des diamètres du
Soleil & de la Lune , il faut qu'ils renoncent
à l'ufage des lunettes, longues de plus
de douze ou treize pieds . Il faut neceffairement
en employer de beaucoup plus
courtes , afin que le difque moins amplifié
puiffe être vû entierement , & néanmoins
on fe trouve toujours extrêmement gêné
dans differentes obfervations . Le mouvement
trop rapide de l'aftre dont la vîtefle
n'eft pas moins augmentée par la lunette
que les dimenfions même de l'image, forme
un des plus grands obftacles. On ne peut jamais
outre cela embraffer tout le difque
d'un feul coup d'oeil ,ou voir fes deux extrêmités
à la fois ; la vifion de fes bords oppofés
n'eft jamais parfaitement fimultanée.
Ces difficultés jointes à d'autres , dont il
n'eft pas neceffaire de parler , font caufe
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
qu'on trouve des differences très - confidérables
dans les réſultats publiés par les plus
habiles Aftronomes . Enfin ce qui a tour
l'air d'un paradoxe , mais ce qui eft rigoureufement
vrai , c'eft que malgré les obfervations
qu'on a faites en fi grand nombre
fur les deux Aftres qui attirent le plus
notre attention , on ne peut , comme le
remarque M. Bouguer , rien affirmer d'abfolument
pofitif touchant leur figure exacte
; il fe pourroit faire que ces deux Planettes
differaffent plus de la forme fphéri
que que n'en differe la terre , & que ce
pendant on ne s'en fut pas encore apperçir.
Preuve qui n'eft que trop évidente , que
les moyens & les inftrumens dont on s'eft
fervi jufques à préfent , n'approchent pas
de la précision qu'on exige & à laquelle on
parvient fans peine dans la plupart des au
tres parties de l'Aftronomie.
Il n'eftpas douteux que le nouvel inftrument
imaginé par M. Bouguer , ne foit
incomparablement plus exact . On en conviendra
fans difficulté , lorfqu'on fçaura
que quelque éloignées que paroiffent
l'une de l'autre les deux extrêmités du
diamétre d'une Planette ou de tout autre
efpace célefte qu'on fe propofera de mefurer
, l'Héliométre les fera voir du même
coup d'ail , & qu'on les verra avec toute
MA I. 1748 . $3
Ia diftinction ou l'amplification que four
nit une lunette qui fera fr on le veut , de
foixante ou quatre- vingt pieds. Le nouvel
inftrument eft le contraire d'un binocle ;
ce font, à proprement parler,deux lunettes
qui fe réduifent par en bas à une feule.
Deux verres objectifs d'un très long foyer
& d'un foyer égal font placés à côté l'un
de l'autre , & ils font combinés avec un
feul oculaire. Il faut que le tuyau de la
lunette ait une forme conique , & que ce
foit fon extrêmité fupérieure qui foit la
plus groffe , à caufe de la largeur des deux
objectifs qu'elle reçoit. Quant à l'extrê
mité inférieure , elle doit être munte com
me à l'ordinaire de fon oculaire & de fon
micrométre. Telle eft la conftruction bien
fimple du nouvel inftrument , & nous devons
ajouter que tout répondra dans l'ufaà
cette extrême fimplicité. ge
Lorfqu'on dirigera l'Héliomérre vers le
Soleil , il fera le même effer qu'un verre à
facettes , il fe formera à fon foyer deux
images à caufe des deux verres . Chacune
de ces images feroit entiere fi la lunette
étoit affés groffe par en bas , mais il n'y
aura réellement que deux efpéces de fegmens
ou comme deux croiffans adoffés ; ce
ne feront que deux portions d'images , &
on doit remarquer que les deux parties
86 MERCURE DE FRANCE.
qui feront voifines , & qui peut- être même
fe toucheront , répréfenteront les deux
bords oppofés de l'Aftre par la propriété
qu'ont les deux objectifs de renverser les
apparences. Ainfi au lieu de ne voir qu'un
des bords du difque , comme cela nous
arrive lorfque nous nous fervons d'une
lunette de quarante ou cinquante pieds
parce que le reste de l'image ne trouve
pas place dans le champ , on aura préfen
te & fous les yeux , & fi l'on veut préci
fement dans le même endroit du réticule ,
les deux extrémités du même diamêtre ,
malgré l'extrême intervalle qui les fépare
ou la grande augmentation apparente du
difque. Il pourra fe faire que les deux
images , au lieu de fe toucher , fe trouvent
éloignées , ou qu'au contraire elles paffent
un peu l'une fur l'autre. Il n'y aura tous
jours qu'à mefurer avec le micrométre
l'intervalle entre les deux bords , & lorfque
dans un autre tems , le diamètre de
l'Aftre plus ou moins éloigné de la terre
fe trouvera plus grand ou plus petit , lorfque
les deux images en augmentant ou en
diminuant fe feront approchées l'une de
l'autre , ou qu'elles fe feront un peu écar
tées , il n'y aura qu'à en remefurer la diſtance
, & on aura de cette forte l'augmentation
ou la diminution qu'aura fouffert le
MAI. 87 1748.
diamétre on aura fes differences. M.
Bouguer n'eut le tems d'infifter dans l'affemblée
publique que fur cette feule partie
de l'application de l'Héliométre , mais
il fit entrevoir qu'on pouvoit mefarer trèsaifément
les diamétres entiers par le même
moyen & par quelques opérations préalables
, ce qu'il réferva à expliquer dans les
féances particulieres de l'Académie .
que
le
Cet Académicien a fait conftruire un de
ces inftrumens , qui a dix- huit pieds de longueur.
Il avoit eu la précaution de faire
tailler par un Artifte adroit huit objectifs
dans un même baffin. Il choifit enfuite entre
ces huit verres les deux qui avoient le
foyer le plus exactement à la même diftance
, il les combina avec un oculaire convenable
, & il a eu le plaifir de voir
fuccès répondoit à tout ce qu'il s'étoit promis.
Il eft le maître en éloignant un peu
davantage les deux objectifs l'un de l'autre
pu en les rapprochant , de féparer ou de
faire prendre un peu l'un fur l'autre les
deux difques ou les deux croiffans adoffés.
La partie qui leur devient commune dans
le fecond cas ne peut pas manquer de fe
bien diftinguer , puifque l'intensité de fa
lumiere eft deux fois plus forte que celle
du refte. On peut en fe fervant de cet inf
trument mefurer tous les diamétres avec
$ 3 MERCURE DE FRANCE.
la même facilité , puifqu'en tournant l'H&
liométre , on voit toujours du même coup
d'oeil les deux bords oppofés du difque , à
côté l'un de l'autre ou l'un fur l'autre . Cet
avantage a déja procuré à M. Bouguer l'obfervation
d'un fait très fingulier , auquel
il n'y a pas lieu de croire qu'il s'attendît .
Il a pendant le mois d'Octobre dernier
trouvé conftamment vers le Midi le diamétre
vertical du Soleil un peu plus grand
que l'horisontal , quoique le premier de
ces diamètres fut diminué un peu , comme
il l'eft toujours par les réfractions aftronomiques.
Cette particularité ayant été conftatée
un grand nombre de fois & vérifiée avec
le foin le plus fcrupuleux , il étoit naturel,
ce femble , de fe rendre au témoignage que
fourniffoient toutes les obfervations qui
dépofoient la même chofe. Le Soleil paroiffoit
conftamment allongé dans le fens
de fon axe , & cette extenfion avoit lieu
malgré l'effet contraire des réfractions.
On devoit , ce femble , regarder ce fait
comme inconteftable & comme parfaitement
établi . Mais les Aftronomes font
bien plus réſervés dans leurs affertions , ils
pouffent le pyrrhonifme bien plus loin.
Sans cela ils courroient rifque d'être continuellement
trompés , ou par les apparen,
1
M A I. 1748 . 89
ces optiques , ou par l'effet des cauſes phyfiques
qu'on ne connoît pas affés. L'attention
avec laquelle M. Bouguer a voula
éclaircir ce phénoméne l'a conduit à la découverte
d'un autre , qui n'eft pas moins
digne de remarque & qui vrai-femblablement
feroit refté inconnu , fi l'on n'avoit
toujours employé pour obferver le Soleil
que les moyens défectueux qui font en
ufage. Il s'eft affuré que les deux bords de
l'Aftre , le fupérieur & l'inférieur, ne font
pas également fi bien terminés que le refte
du difque , il en résulte que l'image doit
être un peu plus étendue dans le fens vertical
, ce qui vient de la décompofition que
fouffre la lumiere en traverfant obliquement
notre atmoſphere ou la maffe d'air
qui nous environne.
Il ne s'agit pas ici de la réfraction aftronomique
à laquelle font fujets les rayons
de la même teinte , réfraction qui eft repréfentée
affés exactement par les tables
que nous en avons , & dont nous devons
même quelques-unes à M. Bouguer . Il eft
queftion de la lumiere , en tant qu'elle eft
formée de rayons de differentes refrangi
bilités ; les rayons bleus & violets qui partent
en même tems que les rayons des airtres
couleurs du haut du difque , font fujets
-à un peu plus de refraction que ces der
o MERCURE DE FRANCE .
niers. Ils fe courbent un peu davantage ;
ils nous paroiffent donc venir d'un peu
plus haut , en portant plus loin l'illusion
ordinaire des réfractions . C'est tout le
contraire , fi nous jettons la vûë far le bord
inférieur , nous devons le voir principalement
par des rayons rouges qui fouffrent
un peu moins de courbure dans leur trajet.
Ces rayons en fe courbant moins doivent
frapper nos yeux , comme s'ils partoient
d'un point plus bas , & doivent done faire
paroître un peu en deffous la partie infé→
rieure du difque qu'ils étendent , pendant
que les rayons bleus & violets contribuent
à étendre ce même difque par fa partie
fupérieure. C'eft de cette forte que M.
Bouguer explique l'extenfion du diamétre
vertical à laquelle on n'avoit nullement
penfé & dont on doit regarder la remarque,
comme un des premiers fruits de fes
nouvelles obfervations. Mais ce n'eſt que
la fuite & une plus longue application de
l'Héliométre qui pourront nous appren
dre fi c'eft uniquement à cette caufe qu'il
faut attribuer l'excès apparent dont il s'agit
, ou fi cet excès eft réel & doit être attribué
à l'Aftre. Notre Académicien n'a
pas eu le tems de pouffer fes recherches
plus loin , ou plutôt il acrû devoir fe hâter
de publier celles qu'il vient de communiM
A I of 1748.
quer. Il s'y eft déterminé par l'envie de
s'affocier un plus grand nombre d'Obfer
vateurs , & il fera pleinement fatisfait ,
ajoute-t'il , d'avoir contribué en quelque
chofe aux nouvelles obfervations qu'on
fera .
On a dû expliquer les Enigmes & le
Logogryphe du Mercure d'Avril par Le
chien , les cartes , l'éventail , le caffé & le
Benedicité. On trouve dans le Logogryphe
Dece , Bede , Eden , Eté , Cene , Nicée , Die,
Nice , ence , ebene , Cid , bec , nid , bidet ,
niéce , Dei & bien.
LOGOGRYPHE S.
Bien que mon tout ait été par hazard
Formé de terre & d'un fluide ,
L'un & l'autre n'ont point de part
A mon être dur & folide.
Ponr me donner ma forme on prend un végétal ;
: Sans que je fois tel , on me plante ;
Prends mes deux premiers pieds , je cours , & je
ferpente ,
Quelquefois j'enfle , alors je fuis fatal
Aux pays où jadis rima le fameux Dante ,
92 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
Mon art eftun art fort antique ;
Je contiens note de mufique ,
Le fiége de la vérité ,
Un Auteur de l'antiquité ,
Arme jadis fort en uſage ,
Et qui nous fauva du naufrage.
Je fuis d'un grand fecours pour captiver les coeurs,
Je faifois autrefois tout l'efpoir des vainqueurs ,
Un animal , un jeu très à la mode ,
Ce qui dans le poiflon très fouvent incommode ;
L'ordinaire & charmant féjour
De la Déeffe de l'Amour ,
Ce qu'illuftrerent par leurs veilles
Les Racines & les Corneilles ,
Enfin une conjonction .
Ami lecteur , fans plus paroître ,
Tu pourras aifément à ce trait me connoître.
Dix lettres compofent mon nom.
Par J. S. de Nifmes.
MAI. 93 1748.
J
AUTRE.
E fuis grand ou petit , felon l'occafion ;
Sans être un meuble de menage
Souvent de moi l'on fait uſage ;
Je renferme en mon fein l'utile invention
Qu'employent les mortels cent fois dans la journée ;
A maints & maints ufages differens ,
En ce je fuis utile aux petits comme aux grands.
Prends d'abord quatre pieds , ma tête eft deffinée
A préferver bêtes & gens
Des dangers les plus éminens ;
Ajoute encor un pied , je fuis une ouverture ;
Quant à ma queue , elle eft de fa nature ,
Si tu yeux en juger fans partialité ,
Un fymbole frappant de la légereté.
Que
AVTRE.
Ue je fois mâle ou que je fois femelle ;
l'Edipe nouveau trop envain je me céle ;
Quiconque eft ce que dit ma premiere moitié
MERCURE DE FRANCE.
Bien fouvent eft l'objet de la derniere ;
A l'amour comme à l'amitié
Egalement je puis plaire ou déplaire ,
Selon mon divers caractére ;
Si dans une autre acception
L'on veut me prendre , on trouve un être ,
Qui fans mauvaiſe intention
Souvent eft craint de qui le voit paroître,
LOGO GRYPHUS.
SEnis cum membris varias juvat ire figuras .
Hic niveo candore fluens , hic fæpe colore
Pendula purpureo; fum quod deglutit utrumque,
Cufpis acuta modò , modò quod virtute paratur.
Sum limofa palus , fterilis fimul herba paludum ,
Non mihi progenies , & avus jam nominor . Olim
Diis facrum nemus, & Chrifti facra dogmata pando,
Efcarum fapor , interdum pretiofa lygo
Amphora. * Quod mersâ petitur rate . Denique
coelum
Sedibus infernis jungo , maria omnia terris.
Juvenal.
L. C. D. S. Angers,
MA I. 1748 .
95
CACACACACDC)~I ~A ~AVICICA
NOUVELLES
LITTERAIRES
DES BEAUX - ARTS , &c.
A du Chrétien en forme de Ca
Léchifine , divifée en deux parties , la
premiere touchant l'adorable Sacrement de
Î'Euchariftie , prouvée par les oracles de
l'Ecriture Sainte , avec leurs objections &
leurs folutions ; la feconde touchant les
difpofitions & la maniere de prier Dieu,
Brochure in- octavo , 1748 , à Paris , chés
le Mercier , Libraire , rue S. Jacques.
EXPLANATIO in feptem Pfalmos poenitentiales
, cum verfione gallica & notis,
Brochure in-octavo , chés le même Libraire.
PHEDRI Augufti Liberti & Flavii
Aviani Fabula ad manufcriptos codices , &
optimam quamqueEditionem emendavit Steph.
And. Philippe. Accefferunt nota ad calcem,
cumfiguris elegantiffimis. Lutetia Parifiorum,
fumptibus Joannis Auguftini Grangé , 1748 ,
TITI LUCRETII CARI de rerum
natura libri fex, accurrante Steph.And. Philippe.
Acceffit Gloffarium ad calcem cum
Premio ubi de fcriptis Antilusretianis , cum
figuris elegantiffimis , chés le même Li
braire,
96 MERCURE DE FRANCE.
, оц MANUEL PHILOSOPHIQUE
Précis univerfel des Sciences , imprimé à
Lille , & fe vend à Paris , chés Etienne
Savoye , Libraire , ruë S. Jacques.
LA PRATIQUE UNIVERSELLE
pour la renovation des terriers & des
droits Seigneuriaux , tant utiles qu'hono
rifiques réels , perfonnels & mixtes , contenant
les queſtions les plus importantes
fur cette matiere , & leurs déciſions , tant
pour les Pays coûtumiers que ceux régis
par le Droit Ecrit , Ouvrage utile , nonfeulement
à tous les Seigneurs , tant Laïques
qu'Eccléfiaftiques , à leurs Intendans,
Gens d'affaires , Receveurs & Régiffeurs ,
Notaires , Commiffaires à terriers & autres
Officiers , mais encore à tous ceux qui
poffédent des biens fonds , dans lequel on
trouvera tout ce qui eft néceffaire pour
bien faire la renovation des cenfives &
des droits Seigneuriaux en tout genre ,
même des droits honorifiques dans les
Eglifes , & autres attachés à la Haute- Juftice
& aux dignités & qualités des Seigneurs
& des Seigneuries , par Edme de la
Paix de Freminville , Bailly des villes &
Marquifat de la Paliffe , Commiffaire aux
droits Seigneuriaux . Tome II . Ce livre
fe vend relié chés Giffey , Libraire , ruë dẹ
la vieille Bouclerie .
RETHORIQUE
MAI. 1748.
97
RETHORIQUE ou l'art de connoître
& de parler , qui eft un nouveau fyftême ,
pour apprendre folidement l'éloquence ,
dans lequel on en développe le fond des
principes, & qui eft accommodé aux moeurs
du fiècle , les principales connoiffances de
la Philofophie d'à-préfent y étant appliquées
à cet Art , avec un abregé de la maniere
d'écrire les lettres , & un fuplément
la premiere édition , par M. Claufier¸
Médecin de Paris , à Paris , chés Ganeau ,
Libraire , rue S. Jacques , vis - à- vis S. Yves ,
à S. Louis.
PRIERES & inftructions Chrétiennes
, pour bien commencer & finir la journée
, pour entendre faintement la Meſſe
haute & baffe , & pour approcher avec
fruit des Sacremens de Pénitence & d'Euchariftie
, par le Pere N. Sanadon , de la
Compagnie de Jefus . Nouvelle édition
augmentée , à Paris , chés Gabriël- Charles
Berton , Libraire , rue S. Victor , près
S. Nicolas du Chardonnet , au Bon Paſteur
& au Soleil levant .
NOUVELLE THEORIE Phyfique
de la voix , par M. Morel , Chanoine de
Montpellier , à Paris , chés Prault , pere ,
Quai de Gèvres , au Paradis. Brochure
in- 12. de 32 pages.
ESSAI PHYSIQUE fur l'économie
E
98 MERCURE DE FRANCE.
animale , par M. Quefnay . Seconde édition
, augmentée de deux volumes & de
tables fort amples , à Paris , chés G. Cave-
Lier , pere , rue S. Jacques , 1747. Trois
volumes in- 12 .
GEOGRAPHIE SACRE'E & hiftorique
de l'Ancien & du Nouveau Teftament
, à laquelle on a joint une Chronologie
& des principes & obfervations
pour
l'intelligence de l'Hiftoire Sainte. Tome
premier , contenant la Géographie Sacrée,
par M. Robert , Géographe ordinaire du
Roi , à Paris , chés Durand , Libraire , rue
S. Jacques , à S. Landry & au Griffon ,
1747 , in- 12 . de 5 So pages.
ESSAI SUR L'HONNEUR , en for
me de Lettres , à Londres , in- 12 .
ELOGE du Pere Gui Grandi , Abbé de
l'Ordre des Camaldules & célébre Mathématicien
, à Florence , par M. Bandini ,
Florentin , de 61 pages , 1745.
DISCOURS fur l'Anatomie , par M.
Antoine Cocchi , dans la même ville ,
1745 , in-quarto .
RECUEIL de Littérature . Ouvrage
périodique , à Angers , chés Boffard , Libraire
, in-octavo.
OBSERVATIONS Chirurgicales fur
les maladies de l'uretre , traitées fuivant
une nouvelle méthode » par Jacques
MA I. 1748. 99
Daran , Confeiller , Chirurgien ordinaire,
du Roi par quartier , Chirurgien de Paris
& ci-devant Chirurgien - Major des Hôpitaux
& armées de l'Empereur Charles VI .
Nouvelle édition in - 12 . à Paris , chés
Debure , l'aîné , Quai des Auguftins.
LA SAINTE BIBLE en Latin & en
François , traduite par le R. P. Carrieres
Prêtre de l'Oratoire , avec des notes littérales
, critiques & hiftoriques , pour faci
liter l'intelligence de l'Ecriture Sainte ;
des Préfaces & des Differtations fur les
points les plus importans , tirées tant du
Commentaire de D. Auguftin Calmet
Abbé de Senones , que de M. l'Abbé de
Vence , & des Auteurs les plus célébres
en dix volumes in- quarto , enrichis de Cartes
& de figures , propofée par foufcrip
tion , à Paris , rue S. Jacques , chés Gabriel
Martin , à l'Etoile , Coignard & Bou
det , à la Bible d'or , & Guerin à S. Thomas
d'Aquin , 1748 .
LE ONZIE ME & le douzième tomes
de la Bibliothéque Françoife , on Hiftoire
de la Littérature Françoife , par M. l'Abbé
Goujet , Chanoine de S. Jacques de l'Hôpital
, fe trouvent à Paris , rue S. Jacques ,
chés Pierre-Jean Mariette , aux Colonnes
d'Hercule , & Hyppolite-Louis Guerin , à
S. Thomas d'Aquin , 1748 .
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
METHODE nouvelle pour apprendre
parfaitement les régles du Plein- chant &
de la pfalmodie , ayec des Meffes & autres
ouvrages en plein- chant figuré & muſical ,
à l'ufage des Paroiffes & des Communautés
Religieufes , par M. de la Feillée , Eccléfiaftique
, à Poitiers , & fe vend à Paris ,
chés Jean-Thomas Heriffant , Libraire
rue S. Jacques , à S, Paul & à S. Hilaire ,
1748.
VOYAGE en Turquie & en Perfe ?
avec une Relation des expéditions de Thamas
Kouli -Kan , par M. Otter. Deux volumes
in- 12 . à Paris , chés les freres Guerin ,
rue S. Jacques , 1748.
LA VIE de Sainte Theréfe , tirée des
Auteurs originaux Eſpagnols , & des Hiftoriens
contemporains avec des lettres
choifies de la même Sainte , pour fervir
d'éclaircillement à l'Hiftoire de fa vie , par
M. de Villefore. Deux volumes in- 12 . à
Paris , chés la veuve Etienne , rue S. Jacques
, à la Vertu.
Six fymphonies pour deux violons ,
violoncelle quinte ou troifiéme violon ,
dediées à Madame Dupin , par M. Simon ,
oeuvre premier , gravées par Mlle Vandome.
Le prix eft de 9 liv. à Paris , chés
l'Auteur , rue Pavée , proche la Comédie
Italienne , chés Madame Boivin , rue Saint
དྷ་
M A I. 1748 . 101
Honoré , à la Régle d'or , & chés Leclerc ,
tue du Roule , à la Croix d'or.
PIECES de clavecin , avec accompagnement
de violon , hautbois , violoncelle
ou viole , divifées en fix fuites , dont les
deux dernieres font pour le clavecin feul ,
dediées à M. le Duc de Luynes , Pair de
France , par M. Marchand , ordinaire de
la Mufique , Chapelle & Chambre du Roi,
& Organifte ordinaire de la Chapelle de
Sa Majefté , oeuvre premier ; le prix eft de
9 liv . gravées par Mlle Bertin , à Paris ,
chés Madame Boivin , rue S. Honoré , &
Leclerc , rue du Roule.
LES SIX LIVRES des Annales de Nicolas
Cragius , dans lefquels on raconte
ce qui s'eft paffé de plus remarquable en
Dannemarck pendant le règne du trèsglorieux
Roi Chriftian III. c'eft- à dire ,
depuis la mort de Frideric I. jufqu'à l'année
isso . On y a ajouté les deux livres
de l'Hiftoire Danoife par Etienne , fils de
Jean Stephanius , qui a décrit le refte de
la vie du Roi Chriftian , avec une Préface,
des Tables & d'autres piéces , à Copenhague,
chés la veuve de Jerome Chriftian Paul ,
1737 , in-folio de 478 pages , fans la Préface
, les Additions & les Tables . L'ouvrage
eft en Latin.
HISTOIRE de l'Académie Royale des
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Sciences , année 1743 , avec les Mémoires
de Phyfique & de Mathématique pour la
même année , tirés des Regiffres de cette
Académie , 208 pages pour l'Hiftoire &
428 pour les Mémoires , avec onze plan,
ches détachées , à Paris , de l'Imprimerie
Royale , 1746 , fe débite chés Durand ,
rue S. Jacques.
HISTOIRE GENERALE d'Allemagne
par le Pere Barre , Chanoine Regu
lier de Sainte Geneviève & Chancelier de
l'Univerfité de Paris. Tome fecond , qui
comprend les regnes depuis l'an 516 jufqu'en
840 , in quarto de 65 3 pages , à Paris,
chés Charles Jean-Baptifte de l'Epine , &
Jean-Thomas Heriffant , 1748. Ces Libraires
délivrent gratuitement aux Souf
cripteurs , & à ceux qui font emplette de
cette Hiſtoire , deux Differtations qui ont
rapport au premier volume.
BREVIS veterum monumentorum ab
ampl. viro Gerh . Papenbrokio Academia Lugduno
Batava legatorum defcriptio in duas partes
divifa , quarum prima Gracos Latinofque
titulos aris, urnis , adiculis , buftis, arcis, laminifque
lapideis infcriptos , uti & anaglypha
continet ; fecunda , ftatuas , imagines ,
capita Deorum , illuftriumque virorum , &c.
complectitur. Studio opera Francifci Oudendorpii.
Lugd. Bat. apud Samuelem
MA I. 1748. 103
Luchtmans &filium. A Leyde , 1746 , inquarto.
TRATTE' hiftorique & politique du
Droit public de l'Empire d'Allemagne .
Ce livre paroîtra inceffamment , à Paris
chés Laurent d'Houry , Libraire , rue de la
vieille Bouclerie.
REMARQUES CRITIQUES fur le
Dictionnaire de Bayle ; à Paris , chés Hypolite-
Louis- Guerin , Libraire , rue S. Jacques
, à S. Thomas d'Aquin , & à Dijon ,
chés la Dlle Hermil- Andrea , vis - à- vis le
Palais des Etats, 1748 , en deux part . in-fol
Les trois premiers volumes du Dictionnaire
intitulé Novus Thefaurus Lingua Latina
à Joanne Matthia Gefnero ,font en vente
à Leipfick, chés la veuve Gafp. Fritsch , &
Bernh. Chrift. Breitkop . Quatre volumes infolio.
Jean Arn. Langerak , Libraire à Leyde ,
imprime le Recueil des oeuvres du Préfident
Briffon , intitulé Barnaba Briſſonii Iïti,
Regii Confiftorii Confiliarii Ampliffimique Se
natus Parifienfis Prafidis opera minora varii
argumenti , nimirum , Antiquitatum exjure civilifelectarum
libri xv. defolutionibus & liberationibus
libri 111. Ad. L. Jul . de Adulteriis
Liberfingularis.Commentarius ad. L.Dominico
de Spectaculis in Cod. Theod. & L. omnes dies
Cod. de Feriis. De ritu nuptiarum liber fin-
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE .
gularis. De jure connubiorum liberfingularis.
Parergon liberfingularis . De Regio Perfarum
apparatu , liber 111. que omnia recenfuit ,
emendavit , variis annotationibus , prafationibus
& indicibus inftruxit Albertus. Dietericus
Trekell Jurifconfultus.
GEOGRAPHIE moderne abregée ,
précédée d'un petit traité de la Sphère &
du Globe , ornée de plufieurs traits d'Hiftoire
, tant naturelle que politique , &
terminée par une Géographie Eccléfiaftique
, où l'on trouve tous les Archevêchés.
& Evêchés de l'Eglife Catholique , & les
principaux des Eglifes Schifmatiques ,
avec une table des longitudes & latitudes
des principales villes du monde , conformes
aux dernieres obfervations de Meffieurs
de l'Académie des Sciences , & une
autre de tous les noms de lieux contenus
dans cette Géographie , à Paris , chés
Jean Thomas Heriffant , Libraire , rue
S. Jacques ; chés la veuve Robinot ; Claude
Simon , pere , & Claude Simon , fils , Libraires.
On vend à Paris chés Prault , fils
Quai de Conty à la defcente du Pont- neuf,
à la Charité ; chés Grangé au Palais , Galerie
des Prifonniers , à la fainte Famille , &
chés de l'Ormel , rue du Foin , à ſainte Geneviève
, un Recueil varié de Poëfies di-
=
M - A I. 1748 . 1057
verſes , intitulé le Quart d'heure des honnê- é
tesgens. Le prix eft de 24 f.
PRIX propofe par l'Académie Royale de
Chirurgie pour l'année 1749 .
'Académie Royale de Chirurgie prole
>
déterminer ce que c'eft que les remédes déterfifs
, d'expliquer leur maniere d'agir , de
diftinguer leurs differentes efpeces , & de marquer
leur ufage dans les maladies Chirurgicales.
Quoique cette matiere ait été traitée amplement
& avec affés d'intelligence dans
plufieurs Mémoires , cependant l'Académie
n'a pas crû devoir adjuger le prix , parce
que les ouvrages qu'elle a reçus lui ont
paru manquer d'exactitude ou de folidité.
L'Académie qui connoît combien il fe
roit utile au public que la matiere des déterfifs
fût traitée auffi fçavamment que l'a
été celle des autres remédes qu'elle a propofée
les années précédentes , & que l'on
fit fur les remédes tant fimples que com
pofés toutes les recherches néceffaires pour
fatisfaire aux conditions portées par le
Programme , a crû devoir propofer le mê
me fujet pour l'année 1749 , ne doutant
point que les Auteurs qui ont déja travaillé
avec quelque fuccès , ne faffent de nou-
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
veaux efforts pour répondre à fes vûës. Ils
pourront faire à leurs Mémoires tels changemens
, ou les mettre fous telle forme
nouvelle qu'ils voudront , & les renverfont
écrits de nouveau . Ils font priés d'avoir
foin d'appuyer leurs fentimens & leur
doctrine fur l'expérience & fur les obſervations
des meilleurs Praticiens.
Le prix fera double , c'eft-à-dire , que
celui qui , au jugement de l'Académie
aura fait le meilleur ouvrage für le fujet
propofé, aura deux médailles d'or, chacune
de la valeur de deux cent livres , ou une
médaille , & la valeur de l'autre au choix
de l'Auteur.
Ceux qui enverront des Mémoires
font priés de les écrire en Latin ou en
François , & d'avoir attention qu'ils foient
fort lifibles.
Ils mettront à leurs Mémoires une mar
que diftinctive , comme fentence , déviſe ,
paraphe ou fignature , & cette marque fera
couverte d'un papier collé ou cacheté , qui
ne fera levé qu'en cas que la piéce ait rem
porté le prix.
Ils auront foin d'adreffer leurs ouvrages
francs de port à M. Quefnay , Secretaire de
l'Académie de Chirurgie , ou à M. Hevin
Secretaire pour les correfpondances , ou les
leur feront remettre entre les mains,
M A 1. 1748.
107
Toutes perfonnes de quelques qualité
& pays qu'elles foient , pourront afpirer
au prix ; on n'excepte que les membres de
l'Académie.
Le prix fera délivré à l'Auteur même ou
au porteur d'une procuration de fa part ,
P'un ou l'autre repréfentant la marque
diftinctive & une copie nette du Mémoire.
Les ouvrages feront reçus jufqu'au dernier
Février 1749 , inclufivement , & l'Acadé
mie à fon affemblée publique de la même
année , qui fe tiendra le Mardi d'après la
Fête de la Trinité , proclamera la piéce
qui aura remporté le prix.
ESTAMPES NOUVELLES.
ONtrouve chés le fieur Benoît Audran , Graveur
, une fuite de Têtes Turques , gravées
de fa main , d'après le deffein de M. Paroſſelle ,
Peintre des Conquêtes de Louis XV.
Cette fuite eft de fix feuilles ; chaque tête eft de
different âge , de differente pofture & fort bien
caractérisée. Ceux qui apprennent à deffiner y
trouveront de fort beaux modéles, capables tout- àla
fois de leur fortifier la main & de leur former
le goût. Chaque Eftampe eft de neuf pouces , trois
lignes de haut , fur fept pouces de large . Il demeure
rue S. Jacques , proche S. Yves , à la ville de Paris.
Le fieur de Larmeffin , Graveur ordinaire du
Roi , demeurant rue des Noyers , près S. Yves , a
mis au jour le Portrait de M. le Maréchal de Lø-
Wendalh
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.`
fer
M. Guillemain , Ordinaire de la Mufique ,
Chapelle & Chambre du Roi , fort connu par
talens pour le violon & par fes ouvrages de Mufique
, vient de faire graver fon quatorziéme OEuvre
qui a pour titre , deuxième Livre de fymphonies en
Trio dans le goût Italien ; il ofe efperer que le public
recevra cet ouvrage avec la même bonté
qu'il a bien voulu avoir pour tous les autres . Tous
les OEuvres de l'Auteur fe vendent à Paris , aux
adreffes ordinaires , chés Mad. Boivin , à la Regle
d'or , ruë S. Honoré ; chés M. Lectere , à la Croix
d'or , rue du Roule , & à Lyon , chés M. de Brettonne
, ruë Merciere , près la Banniere de France.
M. Mondonville vient de donner au public un
nouveau Livre de Piéces de Clavecin , qui fe vend
chés M. Leclerc, rue du Roule , & chés Mad. la
veuve Boivin, rue S. Honoré , à la Regle d'or. Bl
feroit très fuperflu de le préconifer ; l'Auteur eft
eftimé des connoiffeurs par bien d'autres ouvrages.
Le fieur Crepy , demeurant à Paris , rue S. Jacques
, près la rue de la Parcheminerie , à l'image
S. Pierre , vient de mettre en vente de nouvelles
Cartes portatives en 36 petites feuilles fur la même
échelle , & qui peuvent fe raffembler en une
feule , contenant les Comtés de Hollande , Zéelande ,
Seigneurie d'Utrecht Duché de Brabant , faites
fur les meilleurs Auteurs du Pays. Ces Cartes font
très-exactes , beaucoup plus détaillées que celles
qui ont paru jufqu'ici dans ce genre , & très- utiles
pour les marches & contre- marches des armées .
Pour l'utilité publique l'Onguent de Ricoux dé
Lyon, fe vend à Paris , dans la maifon de M. Colas,
Marchand Orfévre & Jouaillier , fur le Pont Saint
Michel , à l'image S. Nicolas , & à Lyon , place
Μ Α Ι. 1748. r༠༡
des Jacobins, chés le compofiteur. Il ſe vend trois
livres l'once , conformément aux Brévets de Sa
Majefté , & Arrêts du grand Confeil.
Les vertus de cet Onguent font pour les ulceres,
playes , tumeurs , notamment pour les inflamma
tions & maladies des yeux , & c .
SPECTACLES.
'Académie Royale de Mufique conti
nue les repréfentations de Zaïs , Bal →
let héroïque , & prépare le Carnaval & la
Folie , Opera , dont les paroles font de M.
de la Motte , & la Mufique de M. Deftouches
, Sur-Intendant de la Mufique de la
Chambre du Roi.
La Comédie Françoife a donné le Mer→
credi 8 Mai la premiere repréſentation de
Jeanne d'Angleterre , traduction d'une Tra
gédie Angloife, que l'Auteur a retirée ..
Compliment de la rentrée de la Comédie Fran
coife prononcé par M. Ribou . X
Mrs, il feroit trop avantageux pour nous
de travailler à vous plaire , fi nous étions
furs d'y réuffir , mais tel eft cet Art où nous
confumons nos veilles , que fes difficultés.
croiffent de jour en jour , & que le talent
le plus éprouvé n'eftjamais affuré de méri
# 10 MERCURE DE FRANCE.
ter vos fuffrages , & fans parler des rôles
nouveaux , où livrés à nous- mêmes , nous
n'avons d'autre modéle que la nature , &
que nous ne fçaurions repréfenter avec
fuccès , nous ne les faififfons avec la chaleur
de l'imagination qui les a conçûs,
quel travail n'exigent pas ces rôles mêmes
qui ont fait la réputation de nos prédéceffeurs
? Nous l'avoüions , Meffieurs , il feroit
à fouhaiter pour nous que vous pûfficz
oublier les pertes que nous avons faites.
Mais en rendant juftice aux talens dont le
fouvenir obfcurcit les nôtres , qu'il me
foir permis de dire un mot en notre faveur,
Quand les Poëtes ont trouvé dans un Acteur
un beau naturel , ils ont modélé fur
lui le perfonnage qui lui étoit deftiné ,
c'eft ainfi qu'ont été faits de nos jours , le
Glorieux , Lifimon , Orofmane , Lufignan
l'Homme dujour la Pupile . Quel avantage
n'a point alors l'Acteur original fur celui
qui lui fuccéde ? Mais ce n'eft pas le
feul que nos anciens ayent eu fur nous.
Ce n'est plus le tems d'éblouir le ſpectateur
par la pompe de la déclamation ; vous
voulez de la vérité dans ces endroits mêmes
, où l'Acteur à l'exemple du Poëte eft
fouvent tenté de fortir de la nature. Les
Auteurs autrefois pouvoient fe repofer fur
notre Art du foin de faire valoir les morMA
I. FIF 1748
ecaux négligés de leurs ouvrages ; aujour
d'hui une feinte émotion vous glaceroit ,
& l'emportement déplacé de l'Acteur ne
fçauroit vous dérober les défauts du carac
tére , en un mot les fecrets de notre Art
vous font familiers , & telle eft l'illufion
du Théâtre qu'on y devient moins ſenſi,
ble , à mesure qu'on en connoît mieux les
refforts. Ainfi , Meffieurs , nos craintes font
votre éloge : elles vous répondent de notre
application. On ne fe néglige que par
an excès de confiance ou de découragement
, nous ne donnerons jamais dans le
premier , daignez- nous garantir du fecond.
Nous vous avons promis d'employer
le tems de relâche qui vient de s'écouler
, à vous préparer de nouveaux plaifirs
; nous efperons , Meffieurs , vous en
donner bientôt une preuve dans la Tragé
die de Jeanne d'Angleterre , ouvrage d'un
Auteur , dont le premier effai vous a fait
concevoir de fr flateufes efperances.
C'eft en votre nom , Meffieurs , que
nous implorons vos bontés ; vos interêts
font inféparables des nôtres, & vos plaifirs
dépendent de nos progrès.
Le Jeudi 23 Avril les Comédiens Italiens
donnerent la premiere repréfentation
des Métarmorphofes ou les parfaits Amans
Comédie Italienne nouvelle en quatre acT12
MERCURE DE FRANCE.
tes , avec quatre intermédes ; cette pićće
qui a été très-fuivie , eft remplie de fituations
& de fazzis agréablement imaginés
& de traits plaifans , comiques , & qui ne
tombent point dans le bas. C'eft un canévas
pour amener des Scénes plaifantes entre
les Acteurs Comiques , & où d'ailleurs
on a recours , comme à l'Opéra , à la féérie
, à la magie , ou aux Dieux , pour
amener auffi des décorations , des machines
, des danfes , enfin tout ce qui peut
rendre ce nouveau genre de fpectacle
agréable. M. de Heffe fi connu par fon
génie & fon talent pour la compofition
des Ballets , a été extrêmement applaudi
dans ceux qu'il a faits pour cette piéce ,
dont nous donnerons l'extrait dans le
mois prochain .
COMPLIMENT pour l'ouverture du
Théâtre Italien en 1748 , prononcé par
M. Rechard.
MESSIEURS ,
U
N compliment eft un ouvrage
Qui n'eft pas facile à remplir ,
Mais l'honneur de vous rendre hommage
Nous procure un trop dòux plaiſir ,
MAI.
1748.
Pour ne pas aujourd'hui faifir
Un fi glorieux avantage.
Pour mériter vos applaudiffemen's ,
Et vous prouver notre reconnoiffancé ;
Nous allons tous d'intelligence
Redoubler nos empreffemens ,
Et nous n'épargnerons ni peines ni dépense ;
Heureux , fi nous pouvons à force de travaux ;
Balancer un peu nos rivaux !
Melpomene à fon gré , par vous eft applaudie ,
Pendant tout cet hyver vous fûtes fon foûtien ,
Et le cruel Denis , malgré fa tyrannie ,
N'a pas trouvé vos coeurs auffi durs que le fien ;
S'il vous a plû , Meffieurs , il le mérite bien ;
Vainement la critique , & l'attaque & le fronde ;
Jamais Tyran n'a fait tant de plaifir au monde.
Le public qui toujours par nous fut revere,
Jadis moins délicat , fe rendoit moins ſevére ,
Mais aujourd'hui qu'il eft pleinement éclairé ,
Nous tremblons devant le Parterre .
Les fujets d'Apollon , de Mars & de Themis
S'y trouvant réunis ,
Forment un tribunal où le bon goût préfide ;
Cenfeur équitable & rigide ,
De vos fages avis accordez nous toujours
L'utile & bon fecours ;
#14 MERCURE DE FRANCE.
De les fuivre & d'y fatisfaire
Nous aurons tous un égal ſoin :
Mais , j'ai fur ce fujet une demande à faire ,
Les confeils donnés de trop loin ,
Ne pourroient comme il faut nous fervir au be
foin ;
Voici donc quelle eft ma priere :
Pour nous faire de près entendre vos leçons ,
Placez -vous au Théâtre , à l'Orqueftre , aux Balcons.
Combien de Spectateurs dans la faifon nouvelle
Yont courir dans les champs où l'honneur les ap
pelle !
Beau Sexe , votre aſpect flateur
Pourra de notre fort adoucir la rigueur
Pendant cette cruelle abfence
Près de nous daignez accourir ;
Nous comptons fur votre préfence
Pour voir ici tout refleurir :
Sans une préfence fi chere
Rien ne peut contenter nos coeurs
Vous êtes à notre Parterre
Ce que le Soleil eft aux fleurs.
Dans vos bontés auffi je mets mon eſperance ;
Meffieurs , daignez répondre à nos defirs ;
Honorez-nous toujours de votre bienveillance
Elle fext aux Auteurs ,autant qu'à vos plaifirs
MA I ITS 1748.
Des lauriers immortels qu'au Parnaffe l'on donne
Vous fûtes de tous tems les Maîtres fouverains
Les Mufes forment la Couronne ,
Mais pour en difpofer elle eft mife en vos mains,
Voilà , Meffieurs , ce que j'avois à dire
En qualité d'Acteur ,
Je vais , pour peu qu'on le defire ,
Parler auffi comme chanteur ,
Dans l'un & l'autre cas le fentiment m'infpire ,
Et mon Apollon , c'eſt mon coeur.
·Il chante
CHANSON ,
Sur l'air : Au bord d'un clair ruiffe du.
Enfin je vous revois ;
Que mon ame eſt ravie !
Je reviens à la vie ,
Je retrouve ma voix ;
Abfent de vous , hélas !
Quelle étoit ma trifteffe !
Je foupirois fans ceffe ,
Et je ne vivois pas.
****
16MERCURE DE FRANCE.
L
Loin de fon cher Amant
La jeune tourterelle ,
Toujours tendre & fidelle ,
Gémit à tout moment.
Pour fon heureux vainqueur
On voit pleurer l'Aurore ;
Nous reffentons encore
Pour vous voir plus d'ardeur.
***
Dans les champs le Soleil
Reproduit la verdure
La riante nature
Sort des bras du fommeil.
Que nous ferons contens ,
Si l'honneur de vous plaire ,
Dans ces lieux nous fait faire
La moiffon au Printems !
MA I. 1748, 117
PRIX proposé par l'Académie Royale
des Sciences pour l'année 1750.
F
Eu M. Rouillé de Meflay , ancien Confeillet
au Parlement de Paris , ayant conçu le noble
deffein de contribuer au progrès des fciences & à
P'utilité que le public en pouvoit retirer , a legué à
P'Académie Royale des Sciences un fonds pour
deux Prix , qui feront diftribués à ceux , qui au ju
gement de cette Compagnie , auront le mieux
réuffi fur deux differentes fortes de fujets qu'il a
indiqués dans fon teftament & dont il a donné des
exemples.
Les fujets du premier Prix regardent le Systême
général du monde & l'Aftronomie phyfique.
Ce Prix devroit être de 2000 livres , aux termes
du teftament , & le diftribuer tous les ans , mais la
diminution des rentes a obligé de ne le donner
que tous les deux ans , afin de le rendre plus confidérable
, & il fera de 2500 livres . 9
Les fujets du fecond Prix regardent la Navigation
& le Commerce .
Il ne fe donnera que tous les deux ans , & fera
de 2000 livres.
Le fujet du Prix propofé par l'Académie pour l'année
1748 étoit une théorie de Saturne & de Jupiter,
par laquelle on puiffe expliquer les inégalités que ces
deux Planettes paroiffent fe caufer mutuellement ,
principalement vers le tems de leur conjonction.
L'Académie a adjugé ce Prix à la piéce nº. 31
qui a pour devife :
Ponderibus librata fuis per inane profundum
Sydera , que vis alma trabit retrabitque , fequuntur.
118 MERCURE DE FRANCE:
dont l'Auteur eft M, Euler , de l'Académie des
Sciences de Berlin .
La piéce qui a paru en approcher le plus eft celle
nº. 1 , dont la de viſe eſt :
Labor improbus omnia vincit.
Quoique ces deux ouvrages, & furtout celui qui
remporte le Prix , foient remplis des plus profon
des recherches & dignes des plus grands éloges ,
il a paru à l'Académie que les Auteurs auroient pu
tirer encore un plus grand parti de leur travail, foit
pour donner de nouveaux degrés de perfection
aux folutions des problêmes relatifs à la matiere
propofée , foit pour procurer au moyen de ces folutions
& d'un meilleur choix d'obfervations , de
nouveaux fecours à PAftronomie , ou jetter un
plus grand jour fur le méchanifme , des corps céleftes.
Il ne fuffit pas d'ailleurs dans une matiere
auffi épineufe , de fe rendre feulement intelligible
à fes juges ou à ceux qui ont déja réfolu les mêmes
queftions , il faut encore pour contribuer de
tout fon pouvoir à l'avancement des ſciences , fe
mettre à la portée du plus grand nombre de lec
teurs qu'il eft poffible , en énonçant au moins les
principaux raifonnemens & en indiquant les plus
difficiles opérations des calculs .
Ces motifs joints à l'importance & à l'étendue
de la matiere , ont engagé l'Académie à propofer
le même fujet une feconde fois pour le Prix de
1750, & elle croit devoir exiger des Auteurs qui
travailleront déformais pour les Prix , qu'ils en-
Trent dans un détail fuffifant fur la démonftration
des propofitions qui ferviront de bafe à leurs théo-
*ries.
Les Sçavans de toutes les Nations font invités à
travailler fur ce fujet , & même les Aflociés étrangers
de l'Académie. Elle s'eft fait la loi d'exclure
MAL 1748: 119
les Académiciens regnicoles de prétendre aux
Prix.
3
Ceux qui compoferont font invités à écrire en
François ou en Latin, mais fans aucune obligation,
Ils pourront écrire en telle Langue qu'ils voudront
, & l'Académie fera traduire leurs ouvrages.
On les prie que leurs écrits foient fort lifibles
furtout quand il y aura des calculs d'Algebre.
Ils ne mettront point leur nom à leurs ouvrages,
mais feulement une fentence ou devife . Is pour
ront , s'ils veulent , attacher à leur écrit un biller
féparé & cacheté par eux , où feront avec cette
même ſentence , leur nom , leurs qualités & leur
adreffe , & ce billet ne fera ouvert par l'Académie
qu'en cas que la piéce ait remporté le Prix.
Ceux qui travailleront pour le Prix , adrefferont
leurs ouvrages à Paris au Secretaire perpétuel de
l'Académie , ou les lui feront remettre entre les
mains. Dans ce fecond cas le Secretaire en donnera
en même tems à celui qui les lui aura remis ,ſon ré
cépiffé , où fera marquée la fentence de l'ouvrage
& fon numéro , felon l'ordre ou le tems dans le
quel il aura été reçû.
Les ouvrages ne feront reçûs que jufqu'au premier
Septembre 1749 exclufivement.
L'Académie à fon affemblée publique d'après
Pâques 1750 proclamera la piéce qui aura mérité
le Prix .
S'il y a un récépiffé du Secretaire pour la piéce
qui aura été couronnée , le Tréforier de l'Acadé
mie délivrera la fomme du Prix à celui qui lui rapportera
ce récépiffé . Il n'y aura à cela nulle autre
formalité.
S'il n'y a pas de récépiffé du Secretaire , le Tréforier
ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même, qui
fe fera connoître, ou au porteur d'une procuration
de fa part.
120 MERCURE DE FRANCE.
L'Académie des Jeux Floraux fera la diftribution
des Prix le troifiéme Mai 1749.
Ces Prix font une Amaranthe d'or de la valeur
de quatre cent livres , qui eft deſtinée à une Ode .
Une Eglantine d'or de la valeur de quatre cent
cinquante livres , deſtinée à une pièce d'Eloquence
d'un quart d'heure ou d'une petite demi-henre
de lecture , dont le fujet fera pour l'année 1749 :
Les richeffes font- elles un écueil plus dangereux
pour la vertu que la pauvreté ?
Une Violette d'argent de la valeur de deux cent
cinquante livres , deſtinée à un Poëme de foixante
vers au moins ou de cent vers au plus , qui doivent
être Alexandrins , & dont le fujet doit être héroïque
ou dans le genre noble.
Un Souci d'argent de la valeur de deux cent livres
, qui eft deftiné à une Elégie , à une Idyle ou
à une Eglogue. Ces trois genres d'ouvrages con-.
courent pour le même Prix. Les vers en doivent
être auffi Aléxandrins, fans mêlange de vers d'autre
meſure,
Un Lys d'argent de la valeur de foixante livres,
destiné à un Sonnet à l'honneur de la fainte Vierge,
Le fujet des differens genres d'ouvrages aufquels
l'Amaranthe , la Violette & le Souci font deftinés
eft au choix des Auteurs , qui font avertis , aufli
bien que les Auteurs du Sonnet , de ne pas le négliger
fur les rimes & fur toutes les regles de la
verfification .
Les ouvrages qui ne font que des traductions
ou des imitations , ceux qui traitent des ſujets
donnés par d'autres Académies , ceux qui ont
quelque chofe de burlefque , de fatyrique ou d'indécent
, font exclus des Prix . L'Académie a été
obligée de rejetter encore cette année une Ode
qui auroit pû mériter les fuffrages , fi l'Auteur n'y
avoit
MA I. 12r'
1748.
avoit laiflé gliffer des traits trop libres & qui pou
voient bleffer les moeurs.
Les ouvrages qui auront parû dans le public &
ceux dont les Auteurs fe feront fait connoître avant
le jugement , ou pour lefquels ils folliciteront ou
feront folliciter leurs Juges , font auffi exclus de
pouvoir prétendre aux Prix, l'Académie ayant pris
de plus fortes réfolutions que jamais d'exécuter ce
reglement à la rigueur .
Les Auteurs qui traitent des matieres Théologiques
doivent faire mettre au bas de leurs ouvra
ges l'approbation de deux Docteurs en Théologie
, ce qui fera obfervé même à l'égard du Sonnet
, fans quoi ces ouvrages ne feront pas mis au
concours.
Les Auteurs font avertis de faire remettre par
tout le mois de Janvier de l'année 1749 , par des
perfonnes domiciliées à Touloufe , trois copies
bien lifibles de chaque ouvrage à M. le Chevalier
d'Alliez , Secretaire perpétuel de l'Académie , logé
rue des Coûteliers , fon registre devant être
barré dès le premier jour de Février, & on ne fera
plus à tems de remettre des ouviages dès que lc
mois de Janvier fera expiré.
Les ouvrages feront défignés , non -feulement
par leur titre , mais encore par une devife ou fentence
, que M. le Secretaire écrira dans fon regiftre
, auffi bien que le nom la qualité ou la profeffion
& la demeure des perfonnes qui les lui auront
remis , lefquelles figneront la réception que M. le
Secretaire en aura écrite dans fon regiftre , après
quoi il leur en expédiera le récepiflé.
M. le Secretaire ne recevra point les paquets
qui lui feront adreffés par la pofte en droiture, s'ils
ne font affranchis de port , & il ne répondra point
aux lettres qu'on lui écrira fans avoir cette atten-
F
م س
122 MERCURE DE FRANCE.
l'Académie extion.
Les Auteurs font avertis que
clut même du concours tous les ouvrages qui n'ont
pas été remis à M. le Secretaire par une perfonne.
domiciliée à Toulouſe ,la voye de la pofte en droi
ture étant fujette à trop d'inconvéniens.
M. le Secretaire avertira les perfonnes qui auront
remis les ouvrages que l'Académie aura cou,
ronnés , afin que les Auteurs viennent eux mêmes
recevoir les Prix l'après-midi du troifiéme Mai , à
Paffemblée que l'Académie tient dans le grand.
Confiftoire de l'Hôtel de Ville , où ils ſont diſtribués.
Si les Auteurs font hors de portée de venir
les recevoir eux-mêmes , ils doivent envoyer à une
perfonne domiciliée à Touloufe une procuration.
en bonne forme , où ils fe déclarent affirmative
ment les Auteurs de l'ouvrage couronné , & cette
perfonne retirera le Prix des mains de M. le Secre
taire, fur la procuration de l'Auteur & fur le récé
piffé de l'ouvrage .
On ne peut remporter que trois fois chacun des
Prix que l'Académie diftribue ; les Auteurs des
ouvrages qu'elle découvrira avoir enfreint cette loi
en feront exclus , aùffi-bien que les ouvrages qu'on
pourra justement préfumer être préfentés fous des
noms d'Auteurs fuppofés.
Après que les Auteurs fe feront fait connoître ,
M. le Secretaire leur donnera des atteftations, portant
qu'un tel , une telle année , pour tel ouvrage
par lui compofé , a remporté un tel Prix , & Pou
vrage
original fera attaché à ces atteftations ,
fous le contre-fcel des Jeux.
Ceux qui auront remporté trois Prix , ( celui
du Sonnet excepté , ) & l'un defquels foit celui de
' Ode , pourront obtenir , felon l'ancien ufage ,
des lettres de Maître des Jeux,Floraux , qui leur
donneront droit d'opiner commeJuges & comme
MAI+
1749. 723
érant du Corps des Jeux , dans les affemblées générales
& particulieres des Jeux Floraux , & d'affifter
aux féances publiques .
Par les dernieres Lettres Patentes du Roi,qui autorifent
l'augmentation du Prix du Difcours , les
Auteurs qui auront remporté trois fois ce Prix pourront
auffi obtenir des Lettres de Maître des Jeux
Floraux , fans qu'il foit néceffaire qu'ils ayent
remporté des Prix de Pocfie.
L'Ode qui a pour titre le danger des Spectacles ,
& pour fentence Ille locus cafti damna pudoris habet,
a remporté le Prix de ce genre d'ouvrages.
I
Le Difcours qui a pour fentence In omni opere
erit abundantia , a remporté le Prix d'Eloquence
de cette année , & l'Académie a accordé un des
Prix réfervés de ce genre au Difcours qui a pour
fentence Omnia bona ex labore , &c.
"
Le Poëme qui a pour titre la fource des Héréfies
leurs fuites funeftes , & pour fentence N'en dou
tons point , la curiofité, c. a remporté le Prix , &
l'un des Prix réſervés de ce genre a été adjugé au
Poëme qui a pour titre le triomphe de la cafteté ,
& pour fentence Suo numquam caritura lan pas
ardet olivo.
Le Prix du genre Bucolique a été adjugé à l'Eglogue
héroïque qui a pour Interlocuteurs Palés,
Berger de la Flandre Autrichienne , & Licidas, Berger
de la Flandre Hollandoile , & pour fentence.
Sicelides Muja paulò majora canamuş.
L'Académie a réfervé un Prix de Difcours , un
Prix de Poeme & deux Prix de Sonner , qui l'avoient
déja été les années précédentes Ele a encore
réſervé le Prix du Sonnet de cette an en
forte que l'année prochaine elle eura
un Prix d'Ode , deux P ix de Difcours , deux
de Poëme , un Prix d'Eglogue , & quatre Prix de
Sonnet.
Fj
ibuer
Pix
I
124 MERCURE DE FRANCE.
Le fieur Lemaire , Maître de Mufique & Compofiteur,
vient de donner au public les nouvelles
Cantatilles fuivantes ; fçavoir ,
L'année merveilleufe , pour un Deffus , prix 36f.
La Paix , pour un Deffus , 24 fols .
La Victoire, pour un Deffus & Baffe- Taille, duo,
36 fols.
Le Dédommagement , pour un Deffus , 24 fols.
L'Hymen l'Amour , pour un Deffus , 24 fols.
La Cafcade de S. Cloud , pour un Deflus , 24 f
L'Entrée de la Campagne , pour une Baffle - Taille
, une livre 16 fols .
La Rofe de la veille & du jour , pour un Def
24 fols .
fus ,
Les paroles de l'Année merveilleufe & celles de
la Rofe font de M. Peffelier.
On trouvera cinquante- cinq Cantatilles pour
les Deffus ou Tailles , à 24 fols piéce , & fept en
Baffe Taille , fçavoir , trois à 36 fols préce, & qua◄
tre à 24 fols.
* La Cantatille de l'Année merveilleuſe eſt la fois
xante-deuxième .
Deux Recueils d'Airs choifis , à 3 livres piéce.
Six Livres de Motets à voix feule & en duo ,
avec fymphonie & fans fymphonie , à 30 fols piéce.
Le tout mis en mufique par M. Lemaire , & fe
trouve aux adreffes fuivantes ; à Paris , chés l'Au-,
teur , rue S. Jacques , chés Briaffon , Libraire
à la Science. Au Mont Parnaffe & à fainte Cecile ,
rue S. Jean de Beauvais ; à la Regle d'or , rue faint
Honoré , à la Croix d'or , rue du Roule , à la Mufique
Royale , rue des Prouvaires. A Lyon , chés le
fieur Debrotonne , & à Bruxelles, chés le fieur Vafe,
Libraire. Année 1748 .
MA I. 1748.
125
D གུ k༧ གུ : ད❁ ཥུ %
NOUVELLES ETRANGERES .
CONSTANTINOPLE.
N mande de Conftantinople du 18 Mars que
le Baron de Hochepied , Ambaffadeur de la,
République des Provinces Unies , eut le 29 Férier
fa premiere audience du Grand Vifir . Cet
Ambaſſadeur ayant été conduit le s de ce mois au
Sétail, vir de la Sale du Divan la cérémonie de la
paye des Janiffaires. Il dina enfuite avec le Grand
Vifir , & après le repas il fut admis à l'audience du
Grand Seigneur. Sa Hauteffe fit affûrer ce Minif
tre par le Grand Vifir qu'elle ne défiroit rien avec
plus d'ardeur que de conferver une parfaite intelligence
avec les Etats Généraux des Provinces ,
Unies , & que la Porte fe feroit une loi de l'obfervation
exacte des Traités conclus entre les deux ,
Puiffances. Le Roi de Suéde a nommé M. de Chelfing
fon Réfident à la Porte . Suivant les dernieres
nouvelles d'Egypte , l'Emir Aga , le Tefterdar &
quelques autres Beys , ayant formé le deffein d'y
exciter une révolte , le Pacha du Caire les a fair
maffacrer. Leurs principaux partifans ont été affiégés
dans un Palais , où ils s'étoient réfugiés , mais
ils ont trouvé le moyen de fe fauver après s'être
défendus pendant plus de douze heures. La maifon
qui leur avoit fervi d'afile a été pillée & brûlée.
On a appris le 11 que le Kan de Crimée étoit
mort à Biacca Saray , lieu de fa réfidence . Le
Grand Seigneur n'a pas déclaré le fucceffeur qu'il
fe propofe de donner à ce Prince . Sa Hauteffe a
paru fort fenfible à la perte de la galere qui a été
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
conduite à Malte. Les bâtimens venus de Livourne
fous le Pavillon du Grand Duc de Tofcane
n'ont point encore remis à la voile. Le Comte des
Alleurs ayant été informé qué plufieurs vaiffeaux
de guerre Anglois croifoient dans l'Archipel , a
défendu à tous les navires François qui font dans
ce Port , d'en fortir , & les Capitaines de plufieurs
de ces bâtimens ont fait débarquer les marchan
diſes qu'ils avoient à bord.
SUEDE.
Es lettres de Stockolm portent qu'il s'eft rés
ne s'arque
de Guydickens , Miniftre du Roi de la Grande Bre
tagne à remis aux Miniftres de la Majefté Suédoiſe .
Ce Mémoire porte que fa Majefté Britannique a
appris avec furprife ce qui s'eft paffé au ſujet de la
retraite du Négociant Springer chés M. de Guydickens
; que ce Miniftre , dans les repréſentations
qu'il a ordre de faire au Gouvernement ,
rêtera point à examiner fi la maifon d'un Miniftre
étranger peut fervir d'afile ; que cette queftion a
été décidée par de célebres Jurifconfultes & par
des ufages conftans ; qu'il s'agit feulement ici de
fçavoir fi l'on peut employer la violence contre la
maifon d'un Miniftre étranger , & que fuivant les
principes généralement reçus ce moyen eft interdit
, quand même le Miniftre refuferoit de livrer
un criminel ; que puifqu'il eft ainfi , le Roi de la
Grande Bretagne a droit de trouver fort irréguliere
la conduite qu'on a tenue à l'égard de M. de Guy.
dickens , d'autant que ce Miniftre n'avoit differé
Pextradition du Négociant Springer , qu'afin de
Fouvoir conferer fur cette affaire avec les autres
Miniftres étrangers , qu'il eft revenu à M. de GuyMA
I. 1748. 127
dickens , que pour pallier les procedés dont il fe
plaint , on débite que les troupes dont la maifon a
été environnée , n'étoient deftinées qu'à le défendre
contre la populace , & que d'ailleurs une des
loix du Royaume déclare un Miniftre étranger déchû
de fes priviléges , lorſqu'il s'oppoſe à l'exécution
des Ordonnances ; que par rapport au premier
article , il ne paroit pas qu'on ait pu raifonnablement
fuppofer que le peuple eût conçu quelque
mauvais deffein contre la maifon de M. de Guydickens
, que pour ce qui regarde le fecond , on
convient qu'un Souverain peut faire dans les Etats
telles Ordonnances qu'il lui plaît, mais que fi elles
contiennent quelque chofe qui foit contraire au
Droit des Gens , elles n'ont point d'effet contre les
Miniftres des autres Puiffances , à moins qu'il n'y
ait entre elles & cé Souverain quelques conventions
préalables . Dans le même Mémoire M. de
Guydickens renouvelle fes plaintes touchant une (
infulte qu'il prétend avoir été faite le 7 Juin de
l'année derniere à ſa maiſon par la Garde de nuit.
11 avance à ce fujet que ceux qui offenfent des
Miniftres publics font puniflables de mort ; que
cette maxiine a été reconnuë de tout tems en Suéde,
& que fous le regne de Charles XI . l'équipage
d'un Miniftre de l'Empereur ayant été infulté pat
un Gentilhomme , le coupable fut condamné à
avoir la tête tranchée. Les allégations contenues,
dans le Mémoire de M. de Guydickens ont été réfutées
par un Mémoire qui a été envoyé au Miniftre
du Roi à Londres , pour être communiqué au
Roi de la Grande Bretagne.
.
Selon les lettres de Stockholm la fanté du Roi
de Suéde eft établie. Ce Prince a décidé qu'à l'avenir
dans les affemblées des Etats de Suéde on ne
pourroit plus élite pour Maréchal de la Diette
Fiïij
125 MERCURE DE FRANCE.
quelqu'un qui fût ou qui eût été Sénateur. Sa Ma
jefté Suédoiſe a auffi reglé que les Vice- Amiraug
de Suéde auroient le rang de Lieutenans Géné–
raux , & les Chefs d'efcadre celui de Généraux Majors
Quelques fecouffes de tremblement de terre
fe font fait fentir le 23 Mars dans l'Ile de Hernofand
, fur la côte d'Angermanie .
M. de Guydickens , ci- devant Envoyé du Roi de
la Grande Bretagne auprès du Roi de Suéde ,fe dif
pofe à partir pour retourner à Londres ; fa Majefté
Suédoife a rappellé le Miniltre qui réfidoit de fa
part en Angleterre , & elle ne lui donnera point
de fucceffeur jufqu'à ce qu'elle foit inftruite que fa
Ma efté Britannique en a nommé un à M. de Guy
dickens. Le Roi de Suéde a diſpolé de la charge
de Grand Maréchal de fa Cour en faveur de M.
Charles de Broman , & de celle de Maître des Cérémonies
en faveur du Baron Guftave de Palmfeldt.
Ce Prince a accordé des Biévets de Colonels au
Baron de Leionhufwad , au Comte de Flemming,
& au Comte de Cronhielm , Exempt de la Compagnie
des Trabans de la Garde.
Les lettres de Warfovie du 12 Avril nous apprennent
que la tête de la premiere colonne des
troupes Ruffiennes , qui font au fervice de la Gran
de Bretagne & de la République des Provinces.
Unies , eft arrivée à Putaw . Quoique le dégel rende
les chemins fort mauvais , ces troupes continuent
leur route . On compte qu'elles ne pourront
fe rendre dans les environs de Cracovie qu'à la fin
du mois & qu'elles s'y arrêteront pendant plufieurs
jours , afin de fe remettre des fatigues de
leur marche. Le Baron de Lieven , qui les commande
en l'abſence du Knéés Repnin , a adreffé
des lettres circulaires aux Magiftrats des villes de
leur paffage , pour les prier de ne point permettre
M.A 1. 1748. 129
que les habitans des lieux de leurs Jurifdictions retirent
chés eux aucuns déferteurs Ruffiens . Par
les mêmes lettres ce Lieutenant Général promet
fix roubles de récompenfe pour chacun de ceux
dont on fe faifira , aux perfonnes qui en livreront
quelques-uns. La caiffe militaire de ces troupes
doit être inceffamment transferée de Warſovie à
Cracovie. Le Comte de Barck , après avoir fait
quelque féjour à Dantzick , en eft parti le 6 pour
fe rendre à Vienne en qualité d'Envoyé Extraor
dinaire du Roi de Suéde.Il a paffé par la premiere
de ces villes un courier qui alloit de Pétersbourg
à Londres , chargé de la Ratification de l'Impéra
trice de Ruffie , concernant la convention par làquelle
cette Princeffe s'engage à tenir en Livonie
un Corps de trente mille hommes.
On apprend du 23 Avril par les nouvelles de Craco .
vie qu'on a reçû avis que le S l'arriere - garde des
troupes Ruffiennes qui font au fervice du Roi de
la Grande Bretagne & de la République des Pro- :
vinces Unies , étoit arrivée à Grodno , & qu'elle
avoit eu le tems de paffer le Memel avant le dégel
. La feconde colonne de ces troupes s'eft rendue
fur les bords de la Viftule. Jufqu'au retour de
la belle faiſon , elles continueront de marcher trèslentement
, les chemins devenant de plus en plus
difficiles , & l'on ne croit pas qu'elles entrent en
Moravie avant le mois de Juin. Leur avant- garde
étoit attendue dans le courant de la femaine fuivante
, & le Gouvernement fait remplir avec toute
la diligence poffible les magafins deſtinés pour
leur fubfiftance . Suivant les lettres de Dantzick
le Comte d'Unruhe , qui y eft chargé des affaires
du Roi , remit le 17 un Refcript de fa Majefté &
une lettre du Comte de Bruhl aux Magiftrats pour .
qu'ils envoyaffent au Roi les papiers qu'on a trou
FY.
130MERCURE DE FRANCE.
vés chés M.de la Salle Les nouvelles de Pétersbourg
annoncent que
le 31
Mars dernier l'Impératrice
de Ruffie y eft revenue du Château de Goftilitz .
Le Baron de Breitlach , Ambaffadeur de la Cour
de Vienne , devoit avoir dans quelques jours fon
audience de congé de cette Princeffe. Le Corps
de trente mille hommes qu'elle s'eft engagée de
tenir en Livonie , eft complet , & elle fait avancer
encore quelques autres troupes dans cette Provin
ce On travaille fans relâche à l'armement des
vaiffeaux & des frégates que cette Princeffe a ordonné
d'équiper , & vers la fin du mois prochain
cette efcadre fera prête à mettre à la voile.
Les lettres de Warfovie marquent que la récompenfe
promife par le Général Lieven pour cha
que déferteur Ruffien qui lui feroit remis , a produit
l'effet qu'il en attendoit. Ces lettres ajoûtent
que le Réfident qui eft à Dantzick de la part de
Impératrice de Ruffie , a fait de fortes plaintes
aux Magiftrats de Dantzică au fujet de l'envoi des
papiers de M. de la Salle à Drefde . On mande de
Conftantinople qu'on y a arrêté plufieurs perfonnes
foupçonnées d'avoir voulu y exciter une ré
volte .
ALLEMAGNE.
ON écritde Vienne du 7 Avril que comme
Italie doivent être complettes , on deftine pour
celles qui font au Pays Bas , les recrues qui fe font
à préfent dans les Païs Héréditaires . On fe propofe
d'envoyer auffi à l'armée , commandée par
je Feldt-Maréchal Comte de Bathiany , les Régimens
des Cuiraffiers de Hohenems & de Charles
Palfy. M. Mordaunt , Major Général au fervice
M. A I. 11
1748.
>
du Roi de la Grande Bretagne , & le Baron Thuy!
de Seroorskerken , qui a le même grade dans les
troupes de la République des Provinces Unies
font arrivés à Vienne . Ces deux Officiers que fa
Majefté Britannique & cette République ont nommés
leurs Commiffaires pour recevoir les troupes
Ruffiennes fur la frontiere de la Moravie , ont eu
diverfes conférences avec les Miniftres de fa Majesté.
Le 15 la Reine fe rendit avec le Grand Duc ·
de Tofcane à Schonbrun , pour y demeurer
jufqu'à fon départ pour la Moravie . Il est arrivé
des Députés des Etats du Royaume de Boheme ,
pour faire des repréſentations au fujet des fubfides
extraordinaires demandés par la Reine à cette affemblée.
Le Général Saint Clair , Miniftre Plénipotentiaire
du Roi de la Grande Bretagne auprès
du Roi de Sardaigne pour les affaires militaires , eft
depuis quelques jours en cette ville , & il a eu une
longue conférence avec les Miniftres de fa Majefté,
ainfi que M. Mordaunt , Commiffaire de fa Ma
jefté Britannique pour la conduite des troupes auxiliaires
de l'Impératrice de Ruffre . On attend incellamment
le Comte de Beftuchef , Ambaffadeur
de cette Princeffe. L'Ambaffadeur que le Grand
Seigneur envoye au Grand Duc de Tofcane pour
le complimenter fur l'élection faite à Francfort en
faveur de ce Prince , & qui eft arrivé le 4 à Effeck,
a dû en partir le 6 ou le 7 pour continuer fa route.
La Reine a mandé au Comte de Chotes , fon Miniftre
auprès de l'Electeur de Baviere , d'engager
les Etats du Cercle de Suabe à achever de regler
tout ce qui concerne l'Affociation des Cercles an
térieurs. Quatre Régimens de Cavalerie qui devoient
attendre les troupes Ruffiennes pour fe rendre
avec elles dans les Pays bas , ont reçû orde
F vj
132 MERCURE DE FRANCE .
d'y marcher avec le plus de diligence qu'il leur
fera poffible. On a envoyé le même ordre aux
troupes levées dernierement en Esclavonie . Le
Comte de Colloredo eft retourné en Italie ; il y
porte au Feldt -Maréchal Comte de Browne denouvelles
inftructions au fujet des opérations que t
troupes de fa Majesté doivent exécuter contre
la République de Génes . Le bruit court qu'une
partie de ces troupes s'embarquera à Final pour
aller attaquer Seftri di Ponente. M. de Glandorff,
Secretaire du Confeil Aulique, eft mort le 11 d'u- ›
ne attaque d'apoplexie .
les
On a reçû avis de Schwerin que la Princeffe
époufe du Duc Chrétien Louis de Meckelboug
étoit morte le 13 Avril . Cette Princeffe qui fe
nommoit Guſtave Caroline , étoit âgée de cinquante-
trois ans , neuf mois & un jour , étant née
le 12 Juillet 1694. Elle étoit fille d'Adolphe Fre--
deric II. Duc de Meckelbourg Strelitz . De fon
mariage avec le Duc Chrétien Louis de Meckelbourg
, qu'elle avoit épousé le 13 Novembre 1714 ,
elle a eu les deux Princes Frederic & Louis de
Meckelbourg , nés , l'un le 9 Novembre 1717 ,
l'autre le 6 Août 1725 ; la Princeffe Ulrique Sophie
, née le premier Juillet 1723 , & une autre
Princeffe , née le 10 Fevrier 1730. Les nouvelles .
de Berlin portent que le Comte de Barck , Envoyé
Extraordinaire du Roi de Suéde auprès de la Reinede
Hongrie , y étoit arrivé le 14 & qu'il devoir y
pafler quelque tems avant que de fe rendre àVienne.
On a appris par les mêmes nouvelles que le
Baron de Gerfdorff , Gentilhomme de la Chambre
du Roi de Pologne Electeur de Saxe , avoit remis
au Roi de Pruffe les marques de l'Ordre de l'Aigle
Noir , dont le feu Baron fon pere avoit été revêtu .
On mande de Vienne du 25 Avril qu'une partie
Μ΄ ΑΙ. 1748. 153
des domeftiques & des équipages de l'Ambaffadeur
du Grand Seigneur eft arrivée le même jour en cet
te ville. La Cour a reçû le 17 de ce mois un courier
du Feldt Maréchal Comte de Bathiany. Il s'eft
tenu chés le Comte de Konigseg plufieurs confé →
rences , auxquelles a affifté le Lieutenant Général
Saint Clair, Miniftre Plénipotentiaire du Roi de
la Grande Bretagne auprès du Roi de Sardaigne
pour les affaires militaires . Le Régiment de Cavalerie
de Luchefi étant arrivé le 17 dans les en→
virons de cette ville , la Reine vint le lendemain à
Vienne de Schombrun , pour en faire la revûe . It
fera fuivi
par le Régiment de Cuiraffiers de Charles
Palfy & par deux autres Régimens . On a con
tracté avec divers Négocians de Moravie & de
Boheme, pour qu'ils fourniffent aux troupes Ruffiennes
quarante mille rations de pain & quinze
mille de fourage par jour.
>
Les lettres de Duffeldorp du 30 Avril portent
que l'Electeur a défendu fous des peines très- ri
goureufes l'exportation des grains hors de fes Etats:
Il doit paroître dans peu à Francfort des remarques
fur l'Ecrit anonyme, intitulé Reflexions patriotiques
fur le pallage des troupes Ruffiennes dans l'Empires
Les nouvelles du Duché de Cleves portent qu'on
y a publié une Déclaration , par laquelle le Roi de
Pruffe promet une protection particuliere aux fujets
de la République des Provinces Unies , qui
voudront fe retirer dans ce Duché pendant que la
République fera affligée du fleau de la guerre . Sa
Majefté Pruffienne les affûre par cette Déclaration
qu'il leur fera libre de ne demeurer dans fes Etats
qu'autant de tems qu'ils le jugeront à propos , &
elle ajoûte que lorsqu'ils voudront retourner dans
leur patrie , ils ne payeront aucun droit de Douan .
ne pour la fortie des effets deftinés à leur ufage,
134 MERCURE DE FRANCE.
On a reçu avis de Mayence que le Prince de la
Tour Taxis , principal Commiffaire du Grand Duc
de Tofcane à la Diette de l'Empire , y étoit depuis
quelques jours , & qu'il devoit le rendre de-là à
Stuttgard & enfuite à Ratisbonne,
On mande de Drefde du 7 de ce mois qu'il a
été réfolu que les Intereffés à la Steur Electorale
qui demeurent dans les Provinces Unies , toucheroient
les arrérages de leurs Capitaux à la Haye
& à Amfterdam , & qu'ils recevroient le payement
de la rente de chaque année en deux termes , fçavoir
les fix premiers mois dans le mois de Juin &
les fix autres dans le mois de Novembre . Le Miniftre
de l'Impératrice de Ruffie fe donne beaucoup
de mouvemens pour déterminer le Roi à
confentir que M. de la Salle foit conduit à Péterf
bourg. Un courier venu de Warfovie a rapporté
que le débordement de la Viftule avoit retardé la
marche des troupes Ruthiennes , mais que le 24
du mois dernier leur avant garde avoit commen →
cé à paffer cette riviere. On a reçû avis de Berlin
que M. de Legge, Miniftre Plénipotentiaire du Roi
de la Grande Bretagne auprès du Roi de Pruffe, y
étoit arrivé le 27, que le lendemain il avoit confere
avec le Comte de Podewils & le Baron de Mar
defeld , Miniftres du Cabinet , & qu'il avoit eu le
premier de ce mois une audience pariculiere de fai
Majefté Pruffienne. Les mêmes lettres annoncent
que M.de Klingraef fe difpofe à aller à Londres en
qualité de Miniftre de ce Prince.
On nous écrit de Wolfembuttel du 29 Avril ,
que la premiere divifion des troupes que le
Duc de Wolfenbuttel fournit au Roi de la Grande
Bretagne & à la République des Provinces Unies ,
s'eft miſe en marche le 26 de ce mois. Cette divisi
Lion, que commande le Lieutenant Général Bothe,
MA I. 1749. 135
eft compofée du Régiment de ce Général , du Régiment
de Tunderfeld & de celui d'Imhoff. Elle
fut fuivie le 27 de la feconde , qui eft aux ordres de
M. de Stammeren , Major Général , & qui confifte
dans les Régimens de Stammeren , de Weiche &
de Knieftadt. Chacun de ces Régimens eft de huit
cent hommes . Après avoir traversé l'Evêché
de Hildesheim & les Baillages de Peine & de Steurwald
, ils entreront dans le territoire de Coldingen
, où ils pafferont la Leine. Ils fe rendront enfuite
par les Baillages de Calemberg , de Blume
nau & de Hagenbourg , dans le Comté de Schaum
bourg de la dépendance du Landgraviat de Heffe
De là ils iront paffer le Wefer à Stoltzenau , &
continueront leur route par Ofnabruck , Diepenau
Hanover , Ippenhuren & par l'Evêché de Munf
ter , vers l'Ems qu'ils pafferont dans les environs
* de Rheene. En quittant les bords de cette dernie
re riviere , ils marcheront par le Comté de Ben
theim & par Enfchede , Oldenfeel & Deden. Lorf
qu'ils, auront paffé l'Iffel à Deventer ou à Doëf
bourg, ils fe porteront à Arnheim , pour y paffer
le Rhin. Ils pafferont le Wahal à Nimegue , &
joindront dans la Baronie de Bréda l'armée des
Alliés , commandée par le Duc de Cumberland.
Les nouvelles de Schwerin portent qu'il s'étoit
élevé entre le Duc de Meckelbourg & les habi
tans de la ville de Roftock des differends dont lé
Grand Duc de Tofcane s'efforçoit de prévenir les
fuites.
GRANDE - BRETAGNE.
N mande de Londres du 12 Avril le Mil
niftre qui y réfide de lapart du Roi de Suéde
a reçû de Stockholm la réfutation du dernier Més
136 MERCURE DE FRANCE .
moire de M.deGuydickens , & il l'a préfenté au Roi.
Il eft dit dans cette réfutation que la dignité de S. M.
Suéd. ne lui permettant pas d'entrer en difcuffion
avec un Miniftre dont la plume refpecte fi peu les
droits les plus facrés, elle a ordonné à fon Miniftre
de s'expliquer directement avec le Gouvernement
fur les principaux articles dont fe plaint M.Guydic
Kens ; que le récit de ce qui s'eft paffé à l'occaſion
du Négociant Springer a dû convaincre fuffifamment
S. M. de la fauffeté des expofés dont l'écrit de
M. de Guydickens eft rempli ; que le Roi de Suéde
eft inftruit des prérogatives des Miniftres étrangers
, mais qu'il en connoît auffi les bornes ; que
ce Prince étoit fondé à employer plus de rigueur
contre M. de Guydickens , & qu'il l'auroit fait , fi
fa confidération pour le Roi ne l'avoit retenu ;
qu'on n'auroit point eu de peine à trouver même
dans cette Cour des exemples pour montrer qu'il
eft des cas dans lefquels on peut faire violence à
un Miniftre étranger ; que fuppofé cependant que
malgré tous les ménagemens obfervés envers M.
de Guydickens , cette Cour croye avoir fuj t de ſe
plaindre , fa Majeſté Suédoife déclare qu'elle n'en
aufé que comme elle confent qu'on en ufe avec
fes Miniftres dans les Cours étrangeres , s'ils s'ou-2
blient jufqu'au point de retirer chés eux des perfonnes
accufées de haute trahiſon ; qu'à l'égard de
l'injurieufe diftinction que M. de Guydickens ofe
mettre entre le Roi de Suéde & fes Miniftres , bien
loin que fa Majefté Suédoife lui paffe de lui avoir
demandé juftice d'eux , elle demande que le Roi lui
faffe fatisfaction d'un outrage fait à fon autorité
& à fon Confeil. La feconde partie de cette réfutation
est destinée à l'éclairciffement des faits concernant
les plaintes portées par M. de Guydickens
contre les Gardes de nuit de la ville de Stockholm ,
る。
M A I. 1748. 137
On expofe dans cette feconde partie que ces Gar
des ayant prétendu avoir été eux - mêmes infultés
par les domeftiques de M. de Guydickens , le Roi
de Suéde avoit ordonné qu'on en informât ce Mi..
-niftre , & qu'on lui promît cependant qu'il obtien
droit la réparation convenable , pourvu qu'il vou-
Jût permettre que les domestiques fe préfentaffent
devant les Juges qui devoient examiner l'affaire ,
que M. de Guydickens avoit répondu qu'il fe conformeroit
aux défirs de fa Majefté Suédoiſe , auffitôt
qu'il auroit appris que les Gardes de nuit au
roient été conduits préalablement en prifon ;
qu'en même tems il n'avoit pas fait difficulté d'avouer
que c'étoit par fes ordres qu'ils avoient été
chaffés & maltraités ; que M. de Guydickens
avoit préſenté un fecond Mémoire , dans lequel il
infiftoit de nouveau fur leur emprisonnement , &
que le Roi de Suede lui avoit donné de nouvelles
affûrances de fes difpofitions à lui faire juſtice ,
de fa part il fe prêtoit à l'obſervation des Loix du
Royaume , qui ne permettent point d'ôter à perfonne
la liberté fans connoiffance de caufe ; que
non- feulement ce Miniftre n'avoit point eu cette
complaiſance , mais que ces deux premiers Mé
moires avoient été fuivis d'un troifiéme encore
plus preffant que les précédens , & dans lequel il
déclaroit qu'il parloit par ordre exprès de la Cours
que la réponse de S. M. Suédoife avoit été qu'el
le étoit étonnée qu'il eût fait paffer pour un deni
de juftice la conduite tenuë pår le Gouvernement
de Suéde au fujet de l'affaire en question ; que M.
de Guydickens , quoique les Miniftres de la Mar
jefté euffent déclaré qu'il pouvoit fatisfaire le Roi
de Suéde , a toûjours perfifté depuis dans le refus
de faire comparoître fes domeftiques ; que cepen
dant ſa Majeſté Suédoife , par un effet de les égards
38 MERCURE DE FRANCE.
Four le Roi , a donné ordre qu'on fit d'exactes
Perquifitions pour découvrir files Gardes de nuit
Stoient coupables ; qu'il a été prouvé que les do
meftiques de M. de Guydickens avoient été les
aggreffeurs; que ces informations ont été commu
niquées à ce Miniftre , & que le même Seigneur
qui les lui a portées de la part du Roi de Suéde ,
J'a affûré que ce Prince étoit toujours prêt à punir
les accufés , fi l'on pouvoit avoir des preuves qu'ils
n'euffent pas été attaqués. Ce Mémoire eft termi
miné par une proteftation du défir que le Roi de
Suéde a de conferver une parfaite intelligence avec
le Roi , & de voir à la Cour , à la place de M. de
Guydickens , un Miniftre qui puiffe y contribues.
La Chambre des Communes a confenti que les
payemens qui devoient être faits le 3 Mai & le
4 du mois de Jain par les Soufcripteurs des nouvelles
Annuités , fuffent differés jufqu'au 2 No
vembre & aus du mois fuivant. Depuis le 9 au
cun des fonds publics n'a de prix fixe.
•
Les Seigneurs pafferent le 15 Avril à la pluralité
de cinquante- neuf voix contre vingt- neuf le
Bill qui ordonne de tenir les Affifes d'Eté à Bucmingham.
Le 12 la Chambre des Communes ac
corda au Roi cinq cent mille livres fterhings pour
mettre fa Majefté en état de foutenir la guerre
avec fuccès & de remplir les engagemens qu'elle a
pris avec fes Alliés. Dans la même féance , la
Chambre réfolut d'indemnifer les Colonies de l'Amerique
de leurs dépenses à l'occafion de l'expé
dition contre Louifbourg . Elle délibéra le is en
grand Commité fur les moyens de lever le fubfide,
& elle regla qu'on y employeroit un million de
livres sterlings du Fond d'Amortiffement. Par un
état qui paroît des fommes payées fur les dettes de
la Marine , on en a acquitté onze cent trente cing
MA I. 1748. 139
ille quatre cent trente- quatre livres sterlings . La
Chambre ordonna le 18 de mettre au net le Bill
Pour exempter de toute impofition le thé qui fera
porté en Irlande. Deur mille hommes d'Infante
rie & mille de Cavalerie doivent s'embarquer pour
aller renforcer l'armée des Alliés dans les Païs Bas.
On équipe à Spithead une efcadre de quinze vaif
feaux de Ligne & de quelques frégates , dont l'Amiral
Waren aura le commandement . Les Com
miffaires de l'Amirauté ont reçu avis que les vaif
feaux de guerre l'Edimbourg ,de foixante- dix ca
hons ; l'Aigle , le Windfor & la Princeſſe Louiſe , de
foixante, & l'Inverneß , de vingt quatre , fe font ema
parés le 18 du mois dernier du vaiffeau d'Aviso la
Rofe & de deux petits navires , qui par des coups de
vent avoient été féparés de la flotte partie dernie
rement de Cadix . Les lettres de la Jamaïque mar
quentque des vaiffeaux de l'efcadre de M.Knowles
y ont conduit un navire François , à bord duquel
il y avoit quatre cent cinquante tonnes de fucre.
Les Actions de la Banque font à cent dix- huit &
demi , & celles de la Compagnie des Indes Orien
tales à cent cinquante-neuf, un quart . Celles de la
iner du Sud & les Annuités continuène de n'avoir
point de prix fixe.
Il y a apparence que fa Majefté fe rendra
cette année dans fes Etats d'Allemagne , ainf
qu'elle fe l'étoit propofée. Elle a eu une lon
gue conférence avec le Comte de Cheſterfield
ci-devant Secretaire d'Etat , qui auparavant en
avoit eu une de trois heures avec le Duc de Bedford.
L'efcadre dont le Roi a donné le comman
dement à l'Amiral Warren , & qui eft compofée
de dix-neuf vaiffeaux de Ligne , doit être jointe
par l'efcadre Hollandoife que commande le Vice
Amiral Schrywer. Après leur réunion elles iront
140 MERCURE DE FRANCE .
croifer en deux divifions à une certaine hauteur
Quatre Régimens d'Infanterie ont reçû ordre de
s'embarquer pour paffer dans les Païs Bas On travaille
à former le Régiment de Catholiques Romains
, que le Gouvernement a permis à la Repu
blique des Provinces Unies de lever en Irlande.
Les Actions de la mer du Sud font àă quatre vingtquatorze
& demi ; celles de la Banque à cent vingt,
un quart; celles de la Compagnie des Indes Orien .
tales à cent foixante & demi. Les Annuités n'ont
point de prix fixe.
Les nouvelles de Londres portent que le premier
Mai il y eut chés le Prince de Galles un Bal ,
qui tuc fuivi d'un fouper fervi a trois tables , chacune
de quarante couverts . Les Seigneurs pafferent
le 26 du mois dernier le Bill pour faciliter la
perception de la taxe fur les fenêtres. Le même
jour la Chambre des Communes lût pour la troifiéme
fois le Bill concernant les criminels d'Etat.
Elle a accordé au Roi cent cinquante deux mille
trente fept livres fterlings pour le rachat des Jurifdictions
héréditaires d'Ecofle. On écrit de Du
blin que le 20 du mois dernier le Comte de Harrington,
Viceroi d'Irlande , avoit mis fin aux féances
du Parlement de ce Royaume. Le Gouvernement
a ordonné aux Régimens de Wolf & de Howard
d'aller joindre l'armée des Alliés dans les
Païs Bas . On a tiré huit honmes de chaque Compagnie
des trois Régimens des Gardes à pied , pour
les envoyer à cette armée . Selon les nouvelles de
Plymouth l'efeadre commandée par l'AmiralWarren
y relâcha le 24 du mois dernier , ainfi que
cinq vaiffeaux de celle du Chef d'efcadre Moſtin ,
lefquels ont été fort endommagés par une tempê
te . L'équipage du paquebot le Hanover , à bord du
quel le Comte de Rolemberg , ci -devant Miniftre
MAI. 1748. 141
Plénipotentiaire de la Reine de Hongrie auprès
du Roi de Portugal , eft revenu de Lisbonne , a
rapporté que le Capitaine Coates avoit conduit
dans ce Port les trois navires Eſpagnols dont il
s'eft emparé , & qu'il y avoit été rejoint par les
vaiffeaux de guerte le vindfor & l'Aigle , qu'il
avoit envoyés à la pourfuite du refte du convoi
parti dernierement de Cadix . Ces deux vaiffeaux
non-feulement n'ont pu faire aucune prife , mais
ont couru rifque de tomber entre les mains des Ef
pagnols, On a reçû avis que l'Amiral Griffin avoit
remis à la voile du Fort de Saint David le 3 da
mois d'Octobre dernier , & que deux jours après
il avoit brûlé à la Rade de Madraff le vaiffeau
François le Neptune. Les mêmes lettres marquent
qu'un bâtiment de la même Nation a fait naufrage,
dans les environs . Celles de la Jamaïque annoncent
que M. Trelawney , Gouverneur de cette
Ile , s'eft embarqué avec fon Régiment & un
grand nombre d'Infulaires & de Negres fur l'efcadre
de l'Amiral Knowles , afin de feconder cet
Amiral dans une entrepriſe qu'on croit regarder
Pifle de Saint Domingue. Le navire l'Anfon , appartenant
à la Compagnie des Indes Orientales a
été pris à la vue de Bombay par les vaiffeaux François
l'Anglefea & l'Apollon. Les Actions de la
Compagnie de la mer du Sud font à quatre-vingtquinze
; celles de la Banque à cent dix fept & de-'
nii ; celles de la Compagie des Indes Orientales à
cent foixante & un, & les Annuités à
quatre-vingtquatorze
, un quart,
142 MERCURE DE FRANCE.
f
L
PROVINCES - UNIES.
E Comte de Buren fut baptifé le 11 Avril
dans la Grande Eglife . Il a eu pour pareins
les Etats Généraux , les Etats de Hollande & de
Weftfrife , ceux de Zélande , ceux de Frife , & les
villes de Dort , de Harlem , de Delft , de Leyde
& de Gouda , & il a été nommé Guillaume .
On écrit de Groningue du 29 Avril que les
Etats de cette Province réfolurent le 26 de ce mois
de reconnoître l'hérédité du Stathoudérat , tant
dans la ligue Feminine que dans la Mafculine de
la Maifon de Naffau Dieft , & d'y attacher les
mêmes prérogatives dont le Prince Stathouder
jouit dans les autres Provinces Unies . Il est parti
une Députation pour en porter le Diplôme à ce
Prince , & elle eft compofée de M. Henri Wychel
Bourguemeftre , & de Meffieurs Tiaden , de Marees
, Alberda de Renfema , Quintens & Rengers
de Formofum. On a reçû avis de Middelbourg
que l'efcadre Angloife qui croife fur la côte , a
été renforcée d'un vaiffeau de guerre. Les mêmes
nouvelles portent que la communication avec
l'Ile de Cadfant eft entierement rétablie . Ces lettres
ajoutent que le bataillon de Naflau Orange
qui étoit en garnifon à Fleffingue,s'eft mis en marche
, ainfi que le Régiment de Dragons de Schlippenback,
pour aller joindre l'armée des Alliés,
Le Prince Stathouder à la tête du Confeil d'Etat,
alla le 25 du mois dernier à Paflemblée des Etats
Généraux , à laquelle le Préfident de ce Confeil,
préfenta l'état des dépenfes pour l'entretien des
troupes de la République. Ce Prince retourna le
30 à la même affemblée pour prendre congé d'elle,
& il partit le premier pour l'aimée . Les Etats Généraux
ont nommé pour leur cinquième Miniſtre
MA I. 1748.
143
Plénipotentiaire aux conférences d'Aix-la- Cha→
pelle le Baron de Borffelen Vander Hooge , premier
Noble de la Province de Zélande . Selon les
nouvelles qu'on a de ce qui fe paffe dans ces conférences
, elles paroiflent promettre unfuccès favorable.
On a donné à M. Talmaan le commandement
de la flotte des côtes de Zélande . Il eſt
arrivé le 28 du mois dernier à Goerée vingt bâtimens
de tranfport chargés de troupes Angloi-
Les.
On écrit de la Haye qu'il arriva les de ce mois
un courier dépêché aux Etats Généraux par le
Prince Stathouder , pour les informer que le 30
du mois dernier il y avoit eu des articles prélimi
naires d'accommodement fignés à Aix - la - Chapelle
, que les Ratifications devoient être échangées
dans trois femaines , & qu'en attendant la
France étoit convenue avec la Grande Bretagne &
la République , d'une fufpenfion d'armes tant furmer
que fur terre . Le même jour le Comte de'
Bentinck , Premier Miniftre Plénipotentiaire des
Etats Généraux aux conférences pour la paix
revint d'Aix-la-Chapelle , & il leur a rendu comp
te de ce qui a été reglé dans ces conferences. Un
courier , par lequel le Comte de Sandwich envoye
au Roi de la Grande Bretagne le réſultat des mêmes
conferences , a paffé par cette ville en allant
à Londres. A Poccafion de la fignature des articles
préliminaires , les Etats Généraux le font affemblés
trois fois depuis lesક de ce mois , & les
Députés des Etats de Hollande & de Weftfriſe
qui ne devoient reprendre leurs féances que le 17 ,
les ont réprifes le 10 Les Députés que la Province
de Frife a chargés de remettre à la Princeffe de
Naffau un contrat de cinq mille livres de rente
viagere pour le Comte de Buren , s'acquitterent le
144 MERCURE DE FRANCE .
4 de cette commiffion . Le Marquis del Puerto ,
Ambafladeur du Roi d'Espagne , a préfenté aux
Etats Généraux un nouveau Mémoire , qui porte .
que le 3 du mois d'Avril de l'année derniere cet :
Amballadeur leur a demandé juftice au nom, de fa
Majefté Catholique contre le Gouverneur de Batavia
& contre les autres de leurs ſujets , qui par
une infraction manifefte du droit des Gens , & des
Traités les plus folemnels , ont formé des entre
prifes contre les Colonies Efpagnoles en Améri
que ; que cependant non-feulement on n'a point
puni les coupables , mais même on n'a commencé
contre eux aucune procédure ; que l'importance
de l'affaire , & l'équité dont les Etats Généraux .
font profeffion , donnent au Roi d'Eſpagne lieu :
d'efperer qu'ils auront égard à fes plaintes réitérées
; que la Majefté Catholique fe fate auffi qu'ils
feront payer par les freres Thomas & Adrien
Hoop , Négocians d'Amfterdam , les fommes dont
ils font redevables à l'armateur Don Joſeph Sevila.
Selon les lettres de Londres , la nouvelle
qu'on y a reçue le 7 de la fignature des préliminaires
, y a caulé une joie auffi vive que générale,
& a fait augmenter fur le champ de fix pour cent
les fonds publics.
Les lettres de Sittard du 6 portent que les
troupes de la République prennent pour la commodité
des fabfiftances , la même pofition qu'il
avoit été réfolu de leur faire prendre , avant
qu'on cût reçû la nouvelle du fuccès des
conferences d'Aix- la - Chapelle . Elles vont occuper
le camp de Weert , & elles s'étendront pardelà
Peelt & Hamon jufqu'à Geftel . Celles de la
Grande Bretagne camperont dans la Mairie de
Bois le Duc en attendant des ordres ultérieurs, La
marche des troupes Hefloifes , qui devoient s'avancer
7
MAI.
1748. 145
vancer vers la Meufe , eft fufpendue Le Lord
Sackville , qui a porté au Baron d'Aylva l'ordre de
remettre aux François la ville de Maeftricht,a paffé
à Sittard en retournant joindre le Duc de Cumberland.
On a appris que le Feldt-Maréchal Comte de
Bathiani a dépêché an de fes Adjudans à la Reine
de Hongrie , pour fçavoir les intentions de cette
Princeffe fur la conduite qu'il doit tenir dans la
conjoncture préfente.
pour
>
ITALIE .
N mande de Rome du 9 Avril que le Baillif
de Tencin , Ambaffadeur de la Religion de
Malte , dans une audience qu'il eut du Pape le 2
de ce mois a informé Sa Sainteté qu'il auroit
fucceffeur dans fon Ambaffade le Commandeur
Solar , ci- devant Ambaffadeur du Roi de Sardaigne
auprès de Sa Majefté Très Chrétienne. Le
Cardinal Mellini eft chargé des affaires de la Reine
de Hongrie , à la place du Cardinal Alexandre
Albani . Sa Sainteté a difpofé de l'Evêché de Potenza
en faveur du Pere Sarfala , de la Congrégation
des Clercs Réguliers de la Providence . La
quantité de grains qui fe trouve en cette ville , ne
pouvant fuffire à la ſubſtance des habitans juſqu'à
la récolte , le Gouvernement a obtenu du Roi des
Deux Siciles la permiffion de tirer des bleds des.
Etats de ce Prince. On écrit de Naples que fa
Majefté Sicilienne a ordonné d'établir des magafins
dans les principales Places . Les mêmes avis
portent que le Régiment Royal Sicile & celui
d'Oran , le font embarqués pour ſe rendre à Orbitello
. Ces avis ajoûtent que quelques bandits
s'étant fauvés à bord d'un navire de Livourne qui
étoit à la rade de Gaëtte , le Gouverneur de la
G
146 MERCURE DE FRANCE.
Place les y avoit fait enlever par cinquante Gre
nadiers . Selon les mêmes nouvelles la felouque
Napolitaine la Barque de Neige a fait naufrage à
la pointe du Château de l'uf, & de quarantetrois
perfonnes qui étoient fur ce bâtiment , il ne
s'en ett fauvé que dix -neuf. Le Roi des Deux Si--
ciles a accordé à Don Nicolas Miranda une place
de Confeiller d'Etat.
P
DE LIVOURNE le 28 Mars.
Ar un accident dont on n'a pu découvrir la
caufe , le feu prit le 17 de ce mois à un navire
Anglois qui avoit jetté l'ancre dans le Môle. Ce
ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'on l'éloigna
des autres bâtimens dont il étoit voifin , & ils auroient
couru un très- grand riſque , fi le vent n'en
efit détourné les flammes. Un vaiffeau de guerre
du Roi de la Grande Bretagne a conduit dans ce
Port deux barques , l'une de Malte , l'autre del
San Remo , fur le foupçon que les denrées dont
elles étoient chargées étoient deſtinées pout Génes
. Les lettres de cette derniere ville marquent
que le Marquis d'Ahumada , qui y commande les
troupes Efpagnoles , avoit appris de Madrid que le
Roi d'Efpagne l'avoit nommé Lieutenant Général.
On a été informé par les mêmes lettres que les
François ont perfectionné leur pont fur la Magra ,
& que le Duc de Richelieu devoit faire marcher
fix mille hommes à San Stephano . Selon les avis
reçûs du Plaifantin il a été ordonné dans la partie
de ce Duché appartenante à la Reine de Hongrie,
de préparer un nombre confidérable de chariots,
MA I.
147 1748.
U
DE GENES le 13 Avril.
Ne galiotte Génoife armée en courfe fous
pavillon de France , & commandée par le
Capitaine Romero , enleva le 6 de ce mois à la
portée du canon de Savone deux tartanes qui y
portoient , l'une mille mines de bled , l'autre cinq
cent avec de l'acier & un grand nombre de caifles
de vin de Florence . Deux vaiffeaux de guerre Anglois
, qui pourſuivoient en même tems des barques
parties de Monaco & chargéés de troupes
n'ayant pú , ni s'emparer de ces barques , ni s'op
pofer à la prife des deux tartanes , s'approcherent
de la Plage d'Arenzano où les barques s'étoient
refugiées , & ils tirerent plus de mille coups de ca→
non contre le bourg , dont plufieurs maiſons ont
été confidérablement endommagées & une prefque
rafée. Cinq cent foldats que ces barques
avoient à bord , defcendirent pendant ce tems
terre & arriverent ici le jour fuivant. On affûre
que les deux chabecs du Duc de Richelieu , lef
quels croifent actuellement vers le Golfe de la
Spécie , le font emparés de quatre gondoles de
Caprara , fur lesquelles il y avoit beaucoup de vin
& d'autres provifions que le Colonel Rivarola envoyoit
à Savone. Les deux navires pris il y a quel
que tems par ces chabecs , ont été relâchés depuis
qu'on a eu des preuves de leur véritable deſtination.
Sur l'avis que trois vaiffeaux ennemis ont établi
leur croifiere à la hauteur du Cap de Noli , deux
pinques François , qui avoient fait voile le 4 pour
Mónaco,font revenus ici.Quatre barques Catalanes
font entrées aujourd'hui dans ce Port, où elles ont
débarqué fept cent foldats Eſpagnols. Elles étoient
parties de Barcelonne avec une cinquiéme , qui
ayant perdu fon grand mât dans une tempête , &
Gij
14S MERCURE DE FRANCE.
été obligée de relâcher à Villefranche . On attend
encore un autre renfort de fix mille hommes des
troupes d'Espagne , pour lefquels on prépare des
logemens dans le fauxbourg de Biſagno. Afin d'épargner
de la fatigue aux troupes reglées , le Gouvernement
a ordonné que la bourgeoifie de cette
ville montât la garde aux Portes , à l'Arſenal &
aux endroits où l'on a renfermé les prisonniers de
guerre. Le Duc de Richelieu fait travailler à rendre
pratiquables pour les charois les chemins qui
conduisent à la Spécie. Selon les nouvelles qu'on
a reçûës de Savone le Roi de Sardaigne a renforcé
de deux bataillons la garniſon de la Citadelle
. Plufieurs des principaux habitans de la ville
ont été arrêtés , & ceux des villages des environs
ont été chargés de contributions exorbitantes ,
fur le foupçon qu'ils ont favorifé la derniere entrepriſe
tentée par le Duc de Richelieu . Ilfe tint le 6
une affemblée de la Banque de Saint Georges , &
l'on y élût de nouveaux Directeurs. On n'a pû encore
trouver de moyens efficaces pour rétablir le
crédit de cette Banque , dont les billets perdent
trente-fix pour cent. M. Pierre Antoine Paflano
eft parti pour aller exercer les fonctions de Commiflaire
Général de la République dans l'Ifle de
Corfe. On a fait embarquer fix cent foldats & une
grande quantité de munitions de guerre fur les
deux galéres qui le conduifent à la Baftie.
DE GENES le 16.
Onformement aux ordres donnés par le Duc
Cde Richelieu , pendant la vifite qu'il a faite
des hauteurs de Viareggio , on conftruit plufieurs
retranchemens fur ces hauteurs. On fortifie auffi
divers poftes le long de la Magra & dans les envi
MA 1. 1748. 149
fons de l'Ifle de Palmerie. Les ouvrages qu'on a
ajoutés à Sarzanello font entierement perfectionnés.
Il est entré dans ce Port un grand nombre de
bâtimens chargés de vivres. Par une felouque arrivée
de Barcelonne on a reçû avis qu'il en étoit
parti un convoi de feize bâtimens avec des troupes
pour se rendre en Italie . L'équipage de ce bâtiment
a rapporté que le Marquis de la Mina retournoit
joindre l'Infant Don Philippe , & que le
Comte de Carvajal , Lieutenant Général , devoit
venir prendre ici le commandement des troupes
Efpagnoles à la place du Marquis d'Ahumada. On
a été informé qu'il ſe faifoit à Livourne des achats
confidérables de grains pour le compte du Roi de
Sardaigne. Les lettres de plufieurs endroits confirment
que la plus grande partie de l'armée de la
Reine de Hongrie s'avance vers le Pavefan . Celles
de Naples marquent qu'un navire Napolitain
s'eft brifé contre les écueils de Gaette , & qu'on
n'a pu fauver perfonne de l'équipage . Un autre
bâtiment de la même Nation a été pris par deux
Corfaires Turcs à quatre milles d'Otrante. On
mande de Rome que la Princeffe , feconde fille du
feu Duc de Maffa , & qui doit époufer le Prince
Horace Albani , y eft arrivée le 10 de ce mois.
DE SAVONE le 18.
L
A nuit du 11 au 12 de ce mois un détachement
Piémontois , qui occupoit le pofte de San
Martino , fut attaqué par des Compagnies Franches
des troupes de Sa Majefté Très - Chrétienne ,
& après s'être défendu pendant quelques heures
il fut obligé de fe rendre prifonnier de guerre. Les
François ne fe font point établis dans ce pofte . Ils
fe renforcent confidérablement fur la riviere du
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
Levant. On affûre qu'ils ont dans les Ports de la
côte de Provence un convoi de foixante bâtimens
prêt à mettre à la voile. Les Anglois fe font emparés
le 15 d'une polaque Génoife , qui portoit des
boulets & d'autres munitions de guerre dans l'Iſle
de Corfe.
DE GENES le 27.
r
Nfit le 21 de ce mois la Proceffion générale
qu'on a coûtume de faire tous les ans à pareil
jour , & dans laquelle chaque Confrairie eft
précédée ordinairement par une troupe de jeunes
filles qui chantent des Cantiques. En paffant devant
la maifon du Chevalier Chauvelin , d'où le
Duc de Richelieu voyoit paffer la Proceffion
quelques unes de ces filles chanterent plufieurs
Stances à la louange du Roi Très- Chrétien. L
Actre que les ennemis deftinent à l'attaque de l'Iſle
de Corfe,& fur laquelle ils ont trois mille hommes
de troupes de débarquement , parut à la hauteur de
ce Port , mais le 22 elle fut obligée par un vent du
Sud de retourner à Vado . Comme on a appris
que le convoi , qui porte des ſecours d'hommes
& de munitions à la Baftie , & qui étoit retenu à
la Spécie par le mauvais tems , a remis à la voile
pour continuer fa route , on efpére qu'il ne fera
pas facile aux ennemis de réuffir dans leur entreprife.
Il eft arrivé ici de Monaco un nouveau renfort
de neuf cent trente hommes tant François
qu'Efpagnols , & l'on attend encore dans peu fix
cent Miquelets. Les fept cent foldats qui font arri
vés le 13 de Barcelonne , ont été tirés de la garnifon
d'Oran. Un bataillon du Régiment de la Marine
& deux de Royal Italien , firent le 21 l'exerice
dans la Place du fauxbourg de Saint Pierre
MAI. 1748. 151
d'Arena. Le 23 le Duc de Richelieu alla vifiter
les poftes le long de la riviere du Ponent . Il a envoyé
le Duc d'Agenois pour donner divers ordres
aux troupes qui ont leurs quartiers fur la côte
Orientale . Plus on approche de l'ouverture de la
campagne , plus les ennemis paroiffent perfifter
dans le deffein de former le fiége de la Spécie. On
affûre cependant que la Reine de Hongrie s'eft
réduite à récommander feulement au Comte de
Browne l'honneur de fes armes, Dans les premiers
jours de la femaine derniere les Anglois ont enlevé
à fix milles de Recco une barque Génoife ve
nant de Boniface , & chargée de munitions de
guerre qui appartenoient aux Efpagnols . Ce bâtiment
qu'ils ont pourfuivi depuis la Gorgone n'a
pû leur échaper , parce que l'antenue de fon grand
mât s'eft rompu en faiſant force de voiles . On ap
prit le 13 qu'un piquet des Compagnies Franches
a fait prifonniers du côté de Saffello trois Officiers
& quarante foldats des troupes du Roi de Sardai
gne. Le Gouvernement a ordonné à trois Eccléfiaftiques
& à trois Religieux Francifcains de fortir
des Etats de la République.
DE TURIN, le 27.
Es nouvelles de Livourne portent qu'on y a
୨
Génes. Selon les mêmes nouvelles un navire Danois
qui venoit de Cadix , coula à fond le 9 de ce
mois , fans qu'il ait été poffible de rien fauver
de fa cargaifon. Perfonne de l'équipage n'a péri ,
à l'exception du Pilote. Dans les premiers jours
de ce mois les Anglois ont conduit à Livourne
une polaque Françoife . Il eft arrivée de l'ffle de
Caprée dans le même Port quelques bâtimens ,
Gi
152 MERCURE DE FRANCE.
par lefquels on a fçû qu'un habile Ingénieur envoyé
à la Baftie par le Duc de Richelieu , en avoit
fait réparer & augmenter les fortifications , & que
la République de Génes avoit ordonné d'établir
dans cette Place des magafins confidérables de
toutes fortes de munitions . On a été inftruit par
les équipages des mêmes navires que trois pinques ,
à bord defquels étoient plufieurs foldats de recrues
pour le Régiment Corfe des troupes du
Roi , avoient été pris par les ennemis.
SUITE du fiége de Matftricht.
Tranchée du 26 au 27 Avril.
M
Attaque de la droite.
R. de Courtomer , Lieutenant Général
, M. de Baufremont , Maréchal
de Camp , deux Brigadiers , huit bataillons
, & huit Compagnies auxiliaires.
On a travaillé pendant la nuit à joindre
la quatriéme parallele , qui embraffe tous
les ouvrages , depuis la riviere jufqu'à la
branche droite de l'ouvrage à corne par rapport
à nous ; on fera pendant le jour cette
jonction à fappe pleine.
On a commencé à la gauche le débouché
de la quatrième parallele , on a auffi travaillé
dans la nuit à une communication ,
partant du dépôt de la droite jufqu'à la prémiere
parallèle ; elle fera achevée & perMA
I. 1748.
153
fectionnée aujourd'hui . Ce travail eſt de
340 toiſes.
Attaque de la gauche.
M. le Comte de Fitz -James , Maréchal
de Camp , un Brigadier , trois bataillons ,
trois Compagnies auxiliaires.
Les deux nouvelles batteries dans la feconde
parallele ont tiré aujourd'hui à fix
heures du matin .
Du Camp devant Maestricht le 27.
La Meufe ayant groffi confidérablement
, & nos pontons de la baffe Meufe
pouvant être endommagés par fon courant,
on les a repliés, & la communication
avec la rive droite de la riviere ne s'eft
foûtenue pendant quelques jours dans cette
partie là , qu'au moyen d'un pont volant
; on travaille actuellement à un pont
de bâteaux qui fera prêt aujourd'hui , &
auquel on joindra un fecond pont de pontons.
On a allongé les deux ponts de la
haute Meufe , mais on ne les a point repliés.
M. le Maréchal Général eft allé le 25
au matin voir jouer une mine fous la
vieille tour de Ghelik , dont la fituation
pouvoit donner à l'ennemi un emplacement
de batteries ; cette mine a eli tout
Gy
154 MERCURE DE FRANCE.
l'effet poffible & a formé un grand enton
noir , fur lequel il eft impoffible de rien
établir.
On a pouffé de l'Infanterie & des troupes
legéres dans le Limbourg & à Elduc
& deux Régimens de Dragons ont été renforcer
ce qui étoit à Gronsfeld.
Nos travaux du front du camp étant
en état & notre armée ayant reçû plufieurs
renforts , il eft vraifemblable que l'ennemi
fonge moins à nous attaquer qu'aux précautions
qu'exigent de lui les fuites de la
prife de Maestricht.
票
La pofition de Meffieurs du Chayla &
de Contades eft arrangée de façon , que
fans que le Demer ni la Dylle foient dégarnis
, les corps de troupes qu'ils commandent
peuvent en trente-fix heures être
rendus de droite ou de gauche là où M. le
Maréchal Général les jugera convenables.
Le mauvais tems qu'il a fait & qui con
tinue , retarde le progrès du fiége ; le mineur
eft cependant attaché à une des fléches
que les ennemis ont fait en avant de leur
premier chemin couvert ; on ne tardera
vraisemblablement pas à les attaquer.
MAL 1748. 255
Tranchée du 27 au 28 .
Attaque de la droite.
M. d'Armentieres , Lieutenant Général ,
M. de Nicolay , Maréchal de Canip , deux
Brigadiers , huit bataillons , & huit Compagnies
de Grenadiers auxiliaires.
On a employé la nuit à perfectionner le
travail de la nuit précédente.
Attaque de la gauche.
M. de Saulx , Maréchal de Camp , `un
Brigadier , trois bataillons , trois Compagnies
auxiliaires .
Les alliégés ont fait une fortie vers les
trois heures du matin d'environ mille hommes
d'Infanterie , de deux cent chevaux
& cent Huffards ; une partie s'eft coulée
le long de la Meufe , a percé par les embrafures
des batteries , & a encloue d'abord
quelques piéces de canon , mais nous
les avons chaffés & ils ont perdu plus de
trente hommes rués ou bleffés. Nous n'a
vons eû que deux foldats bleffés , les Huf
fards fe font difperfés en plufieurs troupes
du côté de la redoute & de l'épaulement
l'on a fait pour les fours ,d'où on leur
a tiré quelques coups de canon , ce qui les
a fait retirer avec précipitation.
M. de Beauchamp Commandant de
que
?
G vj
156 MERCURE DE FRANCE ,
bataillon du Régiment de Lowendalh , a
été bleffé ce matin très- dangereufement
d'un boulet de canon .
Les piéces ont été encloüées avec tant
de précipitation qu'elles ont été décloüées
fur le champ , & ont recommencé à tirer
à l'exception d'une feule qu'on travaille à
décloüer.
Tranchée du 28 au 29.
Attaque de la droite.
,
M. le Comte de Graville , Lieutenant
Général , M. de Maillebois , Maréchal de
Camp , deux Brigadiers , huit bataillons &
huit Compagnies auxiliaires.
L'attaque de la fléche ayant été,réfolue
pour le 28 au foir , les deux premieres
Compagnies des Grenadiers de la Tour du
Pin , foutenues de la troifiéme & quatrieme
de la Couronne , ont attaqué la fléche
par fa droite , & ont chaffé l'ennemi de
cette partie du chemin couvert , pendant
que la premiere Compagnie des Grenadiers
de la Couronne , foûtenue des Compagnies
de Rohan & d'Alface , a tourné la fléche
par la gauche. fa
L'attaque a commencé à neuf heures &
demie , & les ennemis nonobſtant leur feu
ont été chaffés de tout ce front- là , ce qui
M A I. 1748. 157
a donné à nos travailleurs la facilité de
faire leur logement , & de coëffer l'angle
faillant de la gauche du chemin couvert de
l'ouvrage à corne par rapport à nous ; la
fléche a été entourée par un boyau de communication
de droite & de gauche.
Cette attaque a donné l'allarme aux affiégés,
qui ont bordé fur le champ leur rempart
vers la droite d'où ils ont tiré toute
la nuit , ainfi que des ouvrages de la gau
che.
A quatre heures du matin les affiégés
font venus en force pour combler le travail,
mais ils ont été repouffés avec une perte
confidérable de leur part , & une très- médiocre
de la nôtre.
On a prolongé de neuf lignes tous les
débouchés qui avoient été commencés à la
droite de la troifiéme parallele.
On a conduit cette nuit quatre obuts
dans la nouvelle batterie .
Aitaque de lagauche.
M. le Duc de Fitz- James , Maréchal de
Camp , deux Brigadiers , trois bataillons
& trois Compagnies auxiliaires .
Toutes nos batteries ont été réparées &
tirent avec un grand fuccès.
Les ennemis ont démafqué deux piéces
de canon dirigées , fur la droite de notre
tranchée,
58 MERCURE DE FRANCE.
Tranchée du 29 au 30.
Attaque de la droite.
M. de Biffy , Lieutenant Général , M.
de Rooth , Maréchal de Camp , deux Brigadiers
, huit bataillons & huit Compagnies
de Grenadiers auxiliaires ,
Le fignal ayant été donné à neuf heures
& demie du foir pour l'attaque de la fléche
de la droite , les deux premieres Compagnies
des Grenadiers d'Auvergne ont
débouché par la droite , & les Compagnies
des Grenadiers de Rohan & de la Fere
par la gauche , le tout fuivi de travailleurs
qui malgré le grand feu de l'ennemi ont
couronné l'angle faillant du chemin, couvert
, & entouré la fléche par une communication
de droite & de gauche.
On a prolongé de droite & de gauche
le couronnement de l'angle faillant coëffe
la nuit précédente.
On a prolongé de deux zigzagues le débouché
de la droite de la troifiéme paral
lele , & au bout de ces zigzagues on a
commencé par la gauche une quatrième
parallele .
Les ennemis ont fait fauter vers minuit
une fougaffe qui a étouffé fix hommes .
Les trois nouvelles batteries de la deuriéme
& troifiéme parallele ont reçû cette
nuit leurs piéces.
MA I.
1748. 159
M. le Marquis de Biffy , Lieutenant
Général , a eu la jambe caffée d'un éclat de
bombe .
Attaque de la gauche.
M. Dumefnil , Maréchal de Camp , un
Brigadier , trois bataillons & trois Compagnies
de Grenadiers auxiliaires.
On a conftruit une nouvelle batterie de
quatre piéces de canon dans la feconde
parallele , tout-à- fait à la droite , & elle
fera achevée aujourd'hui .
Tranchée du 30 Avril au premier Mai,
Attaque de la droite.
M. le Duc de Chevreufe , Lieutenant
Général, M. le Comte de Lorges , Maréchal
de Camp , huit bataillons , huit Compagnies
de Grenadiers auxiliaires .
On a débouché cette nuit de la deuxié
me parallele à droite du débouché de la
fléche de la droite , pour aller fe joindre à
celle qui a été commencée hier par fa gau
che .
Certe quatriéme parallele embraffera
depuis la branche droite par rapport à nous
de l'ouvrage à corne , jufqu'à la hauteur
de la feconde lunette qui eft à droite dudię
ouvrage ; il manque encore environ qua
160 MERCURE DE FRANCE.
rante toifes au centre ; cette jonction eft
de deux cent toiſes ; on a fait vingt- cinq
toifes de droite & de gauche fur la crete du
chemin couvert qui protégeoit la fléche
droite.
On a fait auffi par notre droite quarante
toifes de fappe , y compris quatre traverſes
fur le chemin couvert , qui protégeoit la
fléche de la gauche .
Les ennemis ont fait fauter dans la jour
née de hier trois fougaffes , qui ont bleffé
plufieurs Grenadiers & Sapeurs.
Le feu des ennemis a été très vif pendant
la nuit ; ils ont démafqué ce matin à
la pointe du jour fur le front de notre gauche
quelques embraſures .
Attaque de la gauche.
La nouvelle batterie de quatre piéces de
canon recevra cette nuit fes piéces , & tirera
demain à la pointe du jour.
Tranchée du premier au fecond Mai.
Attaque de la droite .
, M. du Châtelet , Lieutenant Général
M. de Guerchy , Maréchal de Camp , deux
Brigadiers , huit bataillons & huit Compagnies
auxiliaires.
On a débouché cette nuit de la quaMAI.
1749. 161
triéme parallele de la droite , par un boyau
en ligne directe fur l'angle faillant de la
fléche droite , ce qui forme une communication
à une cinquiéme parallele pinçant
l'angle faillant de l'ouvrage à corne ,
& de la lunette à droite par rapport à nous ;
ce travail eft de deux cent toiſes. On a
continué à la fléche de la gauche par la
droite le couronnement du chemin couvert
de fept traverſes.
Attaque de la gauche.
La batterie de quatre piéces de canon a
commencé à tirer hier après midi , & elle
tire avec faccès.
On a perfectionné le boyau qui conduit
à cette nouvelle batterie.
M. de Montbourg , Maréchal de Camp ,
un Brigadier , trois bataillons & cent Dragons
à pied.
Tranchée du 2 au 3.
Attaque de la droite.
On a travaillé cette nuit à la prolongation
du couronnement du chemin couvert
de l'ouvrage à corne , & l'on a continué le
travail partant de la gauche de la fléche
droite , au moyen de quoi l'ennemi ne
fçauroit tenir dans la flèche du centre.
162 MERCURE DE FRANCE;
On a perfectionné la communication de
quatrième parallele , & travaillé à réparer
les débouchés.
Ja
M. le Comte d'Estaing , Colonel du
Régiment de Rouergue , bleffé.
Attaque de la gauche.
La nouvelle batterie tire avee fuccès.
Les ennemis ont fait un très - grand feu ,
mais nous n'y avons perdu perfonne.
Il y a depuis hier midi une fufpenfion
d'armes pour quarante-huit heures.
Du Camp devant Maestricht le s .
2
Les Compagnies Franches des ennemis
s'étant avancées jufqu'à Soutendal , &
quelques Huffards ayant pouffé jufqu'à
Ghelik , M. le Maréchal Général a fait
partir le z au foir M. le Duc de Fitz-James
avec quatre cent Maîtres , deux cent Huf
fards & quatre cent Grenadiers pour aller
à Soutendal & à Afche , & y enlever toutes
les troupes legéres qu'on affûroit s'y
être établies . M. de Beauffobre eft allé en
même tems avec quatre cent Huffards par
le côté de Stocken pour leur couper toute
retraite , & mafquer ce qui auroit pû
Venir par Mafeick.
Nos Volontaires à pied s'étant portés du
MA I. 1748.
163
côté de Stocken , y ont tué & pris quelques
Huffards
.
Un corps de trois mille Autrichiens
ayant pouffe jufqu'à Volduc la Compagnie
de Fifcher s'eft repliée fur Gulpen ; les
trois mille Autrichiens fe font retirés du
depuis.
Nos ponts fur la baffe Meufe font rétablis.
M. le Duc de Cumberland a envoyé
avant - hier au matin un Colonel Anglois
à M. le Maréchal Général , chargé d'une
dépêche pour lui & d'un ordre au Gouverneur
de Maestricht de rendre la place , fi
M.le Maréchal veut accorder les honneurs
de la guerre à la garnifon ; ce premier ne
voyant qu'un ordre fimple de M. le Duc
de Cumberland , a demandé une fuſpenfion
de quarante-huit heures pour pouvoir
envoyer un Officier à la Haye.
Il a été convenu qu'on ne fera cepen
dant de part ni d'autre aucun travail .
Le Colonel Anglois a affûré que les
préliminaires de la paix font fignés avec -
l'Angleterre & la Hollande.
Du S.
Le Général Major Comte Deffiet eft ar
rivé avant-hier de Bréda avec la réponſe
du Prince d'Orange au Gouverneur de
164 MERCURE DE FRANCE:
Maeſtricht , en vertu de laquelle la capiću.
lation a été fignée hier , & les troupes de
cette garnifon doivent l'évacuer le 10 &
fortir avec tous les honneurs de la guerre.
M. le Comte de Frife a été envoyé ce
matin à M. le Duc de Cumberland par M.
le Maréchal Général , avec une lettre de fa
part pour lui propofer le reglement des limites
pendant l'armiftice que M. le Maréchal
Général a eu ordre de publier & qui
ne regarde point les troupes Autrichiennes.
Dès que cet arrangement fera fait ,
les troupes entreront vrai-femblablement
en cantonnement .
Après la fortie de ces troupes le Maréchal
Comte de Saxe eft entré dans la ville ,
& eft defcendu à l'Eglife principale , où le
Te Deum a été chanté. Ce Général a dîné
enfuite chés le Maréchal de Lowendahl ,
qui s'eft établi dans la Place pour y commander.
La ceffation des actes d'hoftilité
a été publiée le 11 dans les deux armées ,
& l'on eft convenu d'envoyer des Officiers
Généraux de part & d'autre à Mafeick ,
pour y regler les limites d'un terrain neutre
qui féparera les troupes refpectives ,
& dans lequel elles ne pourront point entrer.
Le Maréchal Comte de Saxe fe difpofoit
à mettre en cantonnement des deux
côtés de la Meufe celles qui font fous fes
ordres.
་
MAI.
165 1748.
EXTRAIT de la Capitulation pour le
Gouverneur & les troupes des Etats Généraux
qui font dans Maestricht , fignée le
7 Mai 1748.
La ville de Maestricht & les Forts qui
en dépendent feront livrés en entier aux
troupes du Roi.
On fera fimplement un inventaire de
bonne foi des effets & munitions de guerre
qui font dans la Place.
Toute la garnifon fortira le 10 du cou.
rant avec les honneurs de la guerre, & par
confidération M. le Baron d'Aylva ,
pour
Gouverneur , il pourra emmener avec lui
deux mortiers& quatre piéces de canon ,
dont deux de 12 livres de balle & deux
de trois.
La garnifon Hollandoife fera conduite,
par le plus court chemin à Bois- le- Duc.
Les malades & bleffés de la garniſon
pourront refter dans la ville jufqu'à leur
entiere guérifon.
·
Les prifonniers faits pendant le fiége de
part & d'autre , feront rendus réciproquement.
Les Receveurs , Commis & Entrepreneurs
des Etats Généraux , ainfi que les familles
des Officiers , leurs effets & bagages
pourront refter trois mois dans la ville.
# 66 MERCURE DE FRANCE.
La garnifon ne pourra emmener avec
elle aucun chariot couvert.
On laiffera des ôtages pour le payement
des dettes .
Les pays , villages & dépendances des
Etats Généraux dans les environs de Maeftricht
feront traités comme le refte des
Pays-Bas conquis .
Le Clergé de chaque Religion établie
dans Maeftricht jouira des priviléges qui
lui ont été accordés par les Etats Généraux,
Les habitans qui voudront fe retirer de
la ville ou du plat pays , pourront le faire
dans trois mois. On promet de ne point
débaucher le foldat.
Les deux portes de Wick & de Bruxelles
feront livrées immédiatement après la
fignature de la capitulation , & il fera placé
dans l'intérieur de chacune de ces portes
une barriere qui fera gardée de part &
d'autre.
On remettra fans aucune réferve un état
de tous les effets qui font dans Maestricht
aux Commiffaires du Roi chargés de les
recevoir.
EXTRAIT de la Capitulation accordée
aux troupes de S. M. la Reine de Hongrie
quifont dans Maestricht ,fignée le 7 Mai.
Toutes les troupes de S. M. la Reing
MA I. 1748. 167
de Hongrie qui font dans Maeftricht en
fortiront le 10 avec les honneurs de la
guerre & les canons de campagne des Régimens
, au nombre de huit piéces , pour
aller joindre l'armée des Alliés vers Venlo,
ppaaſfſfaanntt par
Mafeick.
Les malades & bleffés de ces troupes
qui resteront dans Maeftricht , y feront
traités fuivant le Cartel , & on fournira
dans fon tems les paffeports , bâteaux &
I voitures néceffaires pour le tranfport defdits
bleffés , ainfi que pour ceux qui feront
reftés pour en avoir foin.
Tous les chariots appartenans à ces troupes
feront vifités en fortant de Maeftricht,
& ces troupes laifferont dans la ville des
ôtages pour répondre des dettes qu'elles
peuvent y avoir contractées .
On fournira à ces troupes en partant de
Maeftricht du pain & du fourage pour
quatre jours.
On ne débauchera perfonne defdites
troupes.
168 MERCURE DE FRANCE.
PROMOTION d'Officiers de Marine;
E Roi fait le premier Avril un rem-
Lplacement d'Officiers de Marine , par
lequel elle a nommé fix Chefs d'Eſcadre ,
vingt-cinq Capitaines de vaiffeaux , quarante
& un Lieutenans & cent feize
Enfeignes,
Chefs d'Efcadre.
Le Chevalier de Châteauneuf,Thomas',
M. de Ravenél , le Chevalier de Creſnay ,
M. de Macnemara , le Chevalier de Conflans
Brienne , & le Comte de Vaudreuil .
Capitaines de vaiffeaux.
Meffieurs de la Lardaye Begaffon , le
Gardeur de Tilly , Raguienne de Mareil ,
de Sanzay , Motheux , d'Orcife , Tremigon ,
de Maurville , Desherbiers , Chevalier de
Vienne , Sorel , Chevalier de Bellingant,
Chevalier de Caumont , Dannat de Montmaur
, Charmail , Chauvereau , Chevalier
de Thivas , Chevalier de Chavagnac
Kervforet , Chevalier d'Eaux de Raimondis
, de Sabran de Gramont , Mercier , de
Saint Allouarn , Bart , d'Urtubie Fagoffe.
Lieutenans.
,
M A I. 169 1748 .
Lieutenans,
• Meffieurs Terraffon de la Villaffe ›
Kermeno Gouzillon , de la Mothe , de
Flotte Seillans , de Marchainville , Cheva-
Tier des Gouttes , Huon de Kermadec , de
Saint Julien , Taulanne , de Beaujeu de
Quiqueran , Pourchereffe de Frayfans ,
Chevalier d'Abbadie Saint Germain ,
Chevalier de la Prevalaye , de Fontaine
Mervé , Blois de la Calende , Chevalier
de Ricoux , Kervafdoué , de Queux Saint
Hilaire , Chefnel Defcoyeux , Theon de
Châteaubardon , Roffel de Cercy , Greflier
de Concife , Flayol de Villeneuve , le
Roux , la Croix de Merargues , Brunolo ,
Lombard , de Chievres , de Rambures , le
Gentil de Rofmorduc , de Chabot , Chevalier
de Maillé Brezé , la Guarigue Savigny
, la Touche Treville , de la Jaille ,
Foucault , de Marniere de Caftelanne
Saint Jeurs , de Plas , de la Monneraye.
>
Enfeignes.
Meffieurs Keridec , Marencin de Chi
vrey , de Reals , du Chaffault , Beauffier
de Châteauvert , Chevalier de Montfiquet,
de Saint Prix , de Mufvillac , ' Lort de
Serignan , Deſtry de Secqueville , Maré-
H
170 MERCURE
DE FRANCE
.
chal des Logis pour prendre fon rang du
jour de la Promotion ; Chevalier Turpin
du Breuil , de Graffe , Chevalier de Longueville
, d'Harambures , Keroulas de Ro
mainville, de Coatudavel ,Chevalier Roul
fel de Preville , Kermadec Huon , de Refuges
, de Janvry , Chevalier de Kerno ,
du Houlbec , du Bois de la Mothe , du
Clefnieur , du Pignet Guelton , Chevalier
de Glandevez , Chef de Brigade de la
Compagnie des Gardes de la Marine a
Toulon ; Chabert de Cogolin , Dortigues
de Peyrolles , Chevalier de Courcy , Prévôt
de Traverſais , Vaixiere de la Rivaux ,
de Montazet , Belleville l'Etendart , du
Chatel Quilimadec , Chevalier d'Arcy
Chevalier de Tronjolly , de Treffemanes
Chateuil , Baron de Flotte , de l'Hôpital
des Cognées , Sigoyer , Guiran de la
Brillane , d'Audiffret , la Ville Hullin ,
Chevalier de Kermoifan , la Croix de
Gaujac , de Cohornes , Chevalier de Po
morio , de la Roche Saint André , Beauregard
de Telincourt , de Kerearney , Chef
de Brigade de la Compagnie des Gardes
de la Marine à Rochefort ; Chevalier de
Retz , Catelin , de la Garde , Baudrean de
Tredean , Soubez , Du Balay , d'Orves ,
Saint Legier de la Sauzaye , Chevalier de
Keranftret , Chevalier de Liniers , GotteM
A I. 1748. 171
1
·
›
ville Bellifle , Defmichels Champorcia ,
Chevalier de Remond de Modene , Chevalier
de Bafleroi , Montigny de la Violaine
, de Vaffan , Bofcal Reals , de Repentigny
, Chabert de Burgues , de Selve ,
d'Aubenton , Belleifle Erard , d'Hicard',
de Gabaret Chevalier de Tournon
Ogilvy de Boyn , de Suffren , de l'Epine
Grainville , Gaudion d'Ardilliere , Landré,
-de Kerfalun , Chevalier d'Albertas , de
Briqueville , Durand de Sauffe , la Biochais
, Caftelant , Chevalier de Piolenc ,
Saint Denis de Vieuxpont , Chevalier de
Muyn , du Bourguet , d'Albert de la Milliere
, de Marcreux , de la Martonie ,
Chevalier de Dampierre , de Châteaugué,
Mithon de Genouilly , de Guernelé , Chef
de Brigade de la Compagnie des Gardes
de la Marine à Breft ; Treondal , Dupleffis
Parfcault , Chevalier de Penvern , Cheva-
Hier de Bernets , Chevalier de Monteclair
d'Albert de Rions , des Touches , du Def
fais , Franffure de , Villers , de Saint Ce
Zaire , d'Aros d'Argelos , de Saint Leger ,
Perrier de Salvert , Boisjollan , Perrier
Chevalier de Chalmazel , du Guefclin ,
d'Heguerty , Huon de Kermadec.
Hij
772 MERCURE DE FRANCE .
PROMOTION d'Officiers dans la
Gendarmerie,
Le Roi ayant fait un remplacement
d'Officiers dans la Gendarmerie , Sa Majefté
a accordé la charge de Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
Anglois , vacante par la promotion
du Comte de Lignieres au grade de Maréchal
de Camp , au Comte Dauvet , Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des
Gendarmes d'Orleans ; cette derniere
Compagnie au Marquis d'Oify , Sous-
Lieutenant de celle des Gendarmes d'Anjou
; celle des Gendarmes Dauphins , dont
le Marquis de Dromefnil , nommé Maré
chal de Camp, étoit Capitaine- Lieutenant,
au Marquis du Coudray , Capitaine-Lieutenant
des Gendarmes d'Anjou ; celle des
Gendarmes d'Anjou au Marquis de Flavigny
, Sous Lieutenant des Chevau-Legers
d'Orleans ; celle des Gendarmes de
Berry au Comte de Houdetot , Sous - Lieutenant
des Gendarmes Dauphins ; la Sous-
Lieutenance des Gendarmes d'Anjou au
Comte d'Herbouville , Enfeigne des Gen,
darmes de Flandres ; la Sous - Lieutenance
des Chevau-Legers d'Orleans au Chevalier
M A I. 173 1748.
Harcourt , premier Cornette de la même
Compagnie ; celle des Gendarmes Dau→
phins au Marquis de Tracy , Enfeigne des
Gendarmes d'Anjou ; celle des Chevau-
Legers de la Reine , vacante par la promo
tion du Marquis de Vauban au grade de
Maréchal de Camp , au Marquis de Sebbeville,
Enfeigne des Gendarmes Dauphins ;
celle des Gendarmes de Berry qu'avoit le
Chevalier du Châtelet , nommé Maréchal
de Camp , au Comte de Biarnay , Enſeigne
des Gendarmes Bourguignons ; celle des
Gendarmes Anglois , qui vaquoit par la
mort du Marquis de Maulévrier , au Mar
quis de Bouville , premier Cornette des
Chevau-Legers Dauphins ; l'Enſeigne des
Gendarmes de Flandres au Comte de Fa
laru , Guidon de la même Compagnie
la premiere Cornette des Chevau- Legers
d'Orleans au Marquis de Lordat , fecond
Cornette des Chevau- Legers d'Anjou ;
FEnfeigne des Gendarmes d'Anjou au
Comte de Surgeres , fecond Cornette des
Chevau-Legers de la Reine ; l'Enfeigne
des Gendarmes Dauphins au Marquis de
Bretenil, Guidon de la même Compagnie ;
P'Enfeigne des Gendarmes Bourguignons
au Comte de Graville , Guidon des Gendarmes
de Berry ; la premiere Cornette des
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
Chevau-Legers Dauphins au Marquis dé
› Vignacourt
d'Anjou ; l'Enfeigne des Gendarmes Ecoffois
, vacante par la démiffion du Comte
de Ligny, au Marquis de Jaucourt , premier
Cornette des Chevau Legers de Bretagne ;
l'Enfeigne des Gendarmes de la Reine ,
dont le Marquis de Beauvais a donné auffy
fa démiffion, au Marquis de Raffetot , Guidon
des Gendarmes Bourguignons ; le
Guidon des Gendarmes de Flandres au
Marquis de Janfon , Capitaine dans le Régiment
de Cavalerie de Bretagne ; la feconde
Cornette des Chevau - Legers d'Anjou
au Marquis de Mutinais , Capitaine
dans le Régiment de Cavalerie de Maugiron
; la feconde Cornette des Chevau- Legers
de la Reine au Marquis de Simiane
Capitaine dans le Régiment de Cavalerie
de la Rochefoucault ; le Guidon des Gendarmes
Dauphins au Marquis de Canify ,
Page du Roi en la grande Ecurie ; le Guidon
des Gendarmes de Berry au Comte de
Chaftenay , Capitaine de Cavalerie dans
le Régiment de la Reine ; le Guidon des
Gendarmes d'Anjou au Comte d'Egreville,
Cornette dans le Régiment de Cavalerie
du Rumain ; le Guidon des Gendarmes
Bourguignons au Marquis de Raray
Guidon des Gendarmes
MA I.
175 1748,
Moufquetaire , & celui des Gendarmes
Ecoffois , vacant par la démiffion du Mar
quis de Bethune , qui paffe à la charge de
Commiffaire Général de la Cavalerie , au
Marquis de la Porte de Ryans , fecond
Cornette des Chevau- Legers de Bretagne.
Le Comte de Martel a été nommé Major
de la Gendarmerie , à la place du Marquis
de Caftellane qui a été fait Maréchal de
Camp , & l'emploi d'Aide Major qu'avoit
le Comte de Martel , a été donné au Vicomte
de Sabran , Capitaine avec rang
de
Meftre- de- Camp dans le Régintent de Ca
valerie de Talleyrand,
I:
7
1.2
3. 2 10
Hij
176 MERCURE DE FRANCE
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
E Roi a donné au Comte de Maulé
vrier Colbert , Lieutenant Général ,
Je Gouvernement de Saint Jean Pied-de-
Port , vacant par la mort de M. de Tertaye.
Sa Majefté a en même tems difpofé en
faveur du Marquis de Cernay , Maréchal
de Camp , auquel cite avoit accordé les
honneurs de Commandeur de l'Ordre
Royal & militaire de Saint Louis , la place
de
Commandeur & la penfion de quatre
mille livres dont M. de Terlaye jouiffoit
dans cet Ordre.
Le Roi a accordé trois Guidons qui va
quoient dans la Gendarmerie , au Marquis
de Vaudremont , Capitaine dans le Régiment
de Cavalerie de Foucquet ; au Comre
de Lavaux , Capitaine dans le Régiment
des Gardes Lorraines , & à M. de la Richardie
, Lieutenant dans le Régiment
d'Infanterie de Sa Majesté.
Le Comte de Guerchy , Maréchal de
Camp, & Colonel Lieutenant du Régiment
M. A 1. 1748. 177
du Roi , arriva le 8 de ce mois au matin du
Camp devant Maeſtricht , d'où il a été dé--
pêché par le Maréchal Comte de Saxe ,
pour informer Sa Majefté que le 6 au foir
le Gouverneur de Maeftricht avoit fair
arborer le Drapeau blanc.
Madame étant tombée malade le 26 du
mois dernier , & les remédes qu'on a em
ployés pour fa guérifon n'ayant eu aucun
fuccès , l'Abbé de Barail , Aumônier dw
Roi en quartier , lui a ſuppléé les cérémonies
du Baptême , & elle a été nommée
Marie -Théréfe . Le 27 à neuf heures du
foir cette Princeffe mourut âgée d'un an
neuf mois & huit jours , étant née le g
Juillet 1746. Elle étoit fille de Monfeigneur
le Dauphin , qui l'avoit eue de for
premier mariage avec Marie- Theréfe , In-
Tante d'Espagne..
Le Roi a nommé le Comte de Bafchr
fon Miniftre Plénipotentiaire auprès de
L'Electeur de Baviere...
Le corps de feue Madame fut apporté
e 28 du mois dernier au foir de Verfailles
au Palais des Thuilleries . Il y a été expofé
-à vifage découvert , & le lendemain il a
H. v
178 MERCURE DE FRANCE.
les
été ouvert , embaumé & mis dans le cer
cueil. Le 30 vers les fix heures du foir il
fut porté à l'Abbaye Royale de Saint
Denis , la marche s'étant faite dans l'ordre
fuivant. Deux caroffes du Roi , dans lef
quels étoient les Femmes de- Chambre de
la Princeffe ; un troifiéme caroffe de Sa
Majefté rempli par les huit Gentilshommies
ordinaires , deſtinés à porter le cercueil &
quatre coins du Poële qui le couvroit ;
un détachement de chacune des Compa
gnies des Moufquetaires ; un détachement
de celle des Chevau- Legers. Des Pages
de la Grande & de la Petite Ecurie du Roi ,
& des Pages de la Reine & de Madame la
Dauphine , étoient à cheval devant le caroffe
du Roi , où étoit le corps de Madame .
Plufieurs Valets- de pied de leurs Majeftés
entouroient le caroffe , après lequel marchoient
le détachement des Gardes du
Corps & le détachement des Gendarmes.
Le Prince Conftantin , Premier Aumônier .
du Roi , & qui à caufe de l'indifpofition
du Cardinal de Rohan faifoit la cérémo
nie , étoit dans le caroffe à la droite , &
il portoit le coeur de la Princeffe. La Ducheffe
de Chartres , choifie par le Roi
pour accompagner le corps , étoit à la gauche
, ayant avec elle la Princeffe de MonMA
I. 1748. 179
>
#auban. La Ducheffe de Tallard , Gouver
nante des Enfans de France , étoit vis-àvis
du corps. Madame de Butler , Sous-
Gouvernante , & l'Abbé de Sainte Alde,
gonde , Aumônier du Roi , étoient aux
portieres. Les caroffes de la Ducheffe de
Chartres & ceux du Prince Conftantin
& de la Ducheffe de Tallard fermoient la
marche. Le convoi étant arrivé à l'Abbaye
de Saint Denis vers les neuf heures du
foir , le Prince Conftantin préfenta le
corps au Prieur de l'Abbaye , & il fit l'inhumation.
Après cette cérémonie le coeur
fut porté dans le même caroffe à l'Abbaye
Royale du Val -de - Grace .
Le 23 , Fête de l'Afcenfion de Notre-
Seigneur , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château la Meffe
chantée par la Mufique. L'après- midi leurs
Majeftés affilterent aux Vêpres.
Le 16 la Reine entendit la Meffe dans
'Eglife des Recolets qui célébroient la
Fête de Saint Jean Nepomucene , & elle y
Communia par les mains de l'Archevêque
de Rouen , fon Grand Aumônier . Sa Majefté
, accompagnée de Mefdames de
France , retourna l'après midi à la même
Eglife où elle affifta au Sermon prononc
Hvj
So MERCURE DE FRANCE
par le Pere Renaud , Religieux Domini
cain .
Le 20 pendant la Meffe du Roi l'Evêque
de Rieux prêta ferment de fidélité entre
les mains de Sa Majesté. L'Evêque de
Glandeve le prêta le 22 .
Le Roi a accordé au Duc de la Valliere
la charge de Grand Fauconnier , vacante
par
la mort du Comte des Marets..
Sa Majefté a difpofé du Régiment d'Infanterie
de Languedoc , dont le feu Comter
de Duglas étoit Colonel , en faveur du
Comte de Morangies , Gendarme de la
Garde du Roi
De Bruxelles le 6 Mai.
En conféquence de ce qui a été convent
entre les Miniftres Plénipotentiaires affem
blés à Aix-la- Chapelle , les Généraux ref
pectifs des deux armées ont pris les arrangemens
néceffaires pour établir une fufpen
fion d'armes , conformément à celle qui a
été arrêtée tant far terre que fur mer par
lefdits Miniftres. On a appris du Camp
devant Maestricht , qu'avant la concluſion
de l'Armiftice , les Compagnies Franches
des ennemis s'étant avancées jufqu'à Sousendal
, & quelques uns de leurs Huffards
ayant ponffe jufqu'à Ghelick , le Maréchal
M -A I. 1748.
Comte de Saxe avoit fait marcher le 2 au
foir le Duc de Fitz - James avec quatre cent
Grenadiers , un pareil nombre de Cavaliers
& deux cent Huffards pour enlever ces
troupes , mais qu'elles s'étoient retirées à
l'approche de ce détachement. Plufieurs
Huffards ont été tués ou pris dans les envi
rons de Stockem. Un Corps de trois millet
hommes des troupes de la Reine de Hon
grie, lequel s'étoit porté à Rolduc, a abandonné
ce pofte..
De Breft le 2 Mai.. Mai.
Depuis le retour de quelques-uns des
Officiers , qui étoient fur le vaiffeau le
Magnanime, lorsqu'il a été pris par les Anglois
, on a été informé du détail du combat
que ce bâtiment a foûtena , & dont
voici les principales particularités . Le
Magnanime , après avoir été féparé des
vaiffeaux l'Alcide & l'Arc - en- Ciel , & de la
frégate le Cumberland par un vent violent
du Sud- Ouest , effuya depuis le premier
Février jufqu'au 9 fix tempêtes , par lefquelles
il eût fes mats de hunes- rompus &
fes voiles emportées. Menacé de perdre à
chaque inftant fes mats majeurs & la barre
du gouvernail , il n'avoit d'autre reffource
1S MERCURE DE FRANCE.
que de relâcher au Port de Breft , qui étoit
le feul où il pût trouver les fecours dont il
avoit befoin. Pendant une partie de la
route , la violence du vent fut telle qu'il
n'étoit pas poffible de tenir àla cape à la
Mifaine. Le 11 le Magnanime n'étoit plus
qu'à cent lieues de Breft , lorfqu'à la pointe
du jour il fe trouva au milieu de neuf vaiffeaux
ennemis . L'Amiral Hawke , Com
mandant de cette Efcadre , détacha le Not
tingham , de foixante canons , & le Port
land de cinquante, pour attaquer le Magnanime
, & le combat commença à neuf heures
du matin. Quoique le vaiffeau François
ne pût fe fervir que de fa feconde batterie
& des canons de fes gaillards , il fir
un feu très-vif contre les Anglois qui le
battoient , tantôt par la hanche tantôt par
l'arriere. A quatre heures après midi les
ennemis s'éloignerent afin de raccommoder
leurs manoeuvres. Ils revinrent une
heure après , & le Marquis d'Albert qui
commandoit le Magnanime , fe flatoit encore
de fe défendre. Malheureufement les
derniers palans qui lui reftoient furent
brifés. Comme dans cette conjecture ç'eût
été facrifier inutilement fon équipage que
de faire une plus longue réfiftance le
Marquis d'Albert ordonna d'amener un
>
MAI. 1748. 183
refte de flamme attachée aux haubans d'Artimon
qui fervoir de pavillon . Dans ce
combat qui a duré huit heures , le vaiffeau
le Magnanime a tiré près de mille coups de
canon , & ily a eu cent foixante bommes .
rués ou bleffés fur ce bâtiment. M. Beauf
fier d'Ayrand , Capitaine en fecond , eft dự
hombre des premiers.
D'Aix-la-Chapelle le 2x .
L'échange des ratifications des artieles
préliminaires que le Comte de Saint
Severin , le Comte de Sandwich , & les
Miniftres Plénipotentiares des Etats Géné➡
Faux des Provinces Unies , ont fignés aur
nom de leurs Souverains pour parvenir à
ane Pacification générale , s'eft fair aujour
d'hui dans une Conférence qui s'eft tenue
pour cet effet. Un courier que le Comte
de Kaunitz avoit dépêché à Vienne pour
donner part de la fignature de ces articles à
la Reine de Hongrie , en eft revenu ,
on n'eft pas encore informé de la réponſe
de cette Princeffe . On attend de fa part un
autre courier & on fe flate qu'il apportera
áu Comte de Kaunitz l'ordre de concourir
au grand ouvrage de la paix . Cette efpé.
rance femble d'autant mieux fondée qu'on
mais
84 MERCURE DE FRANCE.
a appris que fa Majefté Hongroife a fufpendu
la marche des nouvelles troupes qui
étoient en chemin vers les Païs Bas. Suivant
les lettres de l'armée des Alliés , le
Duc de Cumberland a transferé fon Quartier
de Saint Euderode à Erp , & les troupes
de la Grande Bretagne ont été cantonnées
dans les environs . Celles de la Reine
de Hongrie le font dans les bourgs & l'es
villages voifins du Château de Baxtel , où
eft le quartier du Feldt- Maréchal Comte
de Bathiany. On écrit de Bréda que le
Baron de Grovefteins , Grand-Ecuyer du
Prince Stathouder des Provinces Unies , y
a paſſé en allant exécuter une commiffion
de ce Prince auprès du Maréchal Conite
de Saxe. Les nouvelles de Maeftricht portent
que ce Général s'eft conten é de faire
décimer les foldats qui, lorfque la garniſon
eft fortie de la Place , ont été reconnus
pour avoir déferté des troupes de France .
On a reçû avis qu'il s'eft rendu le 16 à Haffelt
, le 18 à Malines & le 19 à Bruxelles .
*
Le Roi a nommé le Maréchal Duc de
Belle-Ifle Pair de France.
On a appris que l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme avoit atcedé aux
Articles Préliminaires de Paix , fignés à
MAI 1748: 185
Aix-la-Chapelle le 30 du mois d'Avril der
nier , & que cette acceffion alloit être fuivie
de celle du Roi de Sardaigne .
Le 29 de ce mois l'ouverture folemnelle
de l'Affemblée du Clergé de France fe fit
avec les cérémonies accoûtumées dans l'Eglife
des Grands Auguftins par la Meffe du
Saint Efprit , à laquelle les Prélats & autres
Députés qui compofent l'Affemblée
communierent ; l'Archevêque de Tours ,
Commandeur de l'Ordre du S. Efprit , y
officia pontificalement , & le Sermon fut
prononcé par l'Evêque de Troyes.
SUITE de la Séance publique de l'Acadé
mie Françoife du 4 Avril.
A
Près les Difcours de M. le Marquis
de Paulmi, de M. Greffet & de M. de
M. de Boze , dont nous avons rendu compte
dans le dernier Mercure , M. de Mari
vaux lat un morceau qui plûr beaucoup
fort ordinaires de tous les ouvrages de ce
célebre Académicien.
•
Il s'agit dans cet ouvrage d'un jeu d'imagination
, par le moyen duquel l'Auteur
fuppofe qu'il voit non-feulement comme
ane image de l'ame & de la penfée en gé
néral, mais encore tout ce qu'en fait d'ou
186 MERCURE DE FRANCE.
vrages l'efprit de l'homme a jufqu'ici, produit
ou rêvé.
C'eft à-dire , qu'il y voit depuis le plus
mauvais Conte des Fées jufqu'aux Syftêmes
anciens & modernes les plus ingénieufement
imaginés,depuis le plus plat Ecrivain
jufqu'à l'Auteur des mondes.
Il y voit l'obfcure Philofophie d'Ariftote
, & malgré fon obfcurité , il en admire
L'Auteur dont l'efprit n'a point eu d'autres
bornes que celles que l'efprit humain avoit
de fon tems.
Il y voit à fon tour le Syftême du fameux
Defcartes ; cet homme unique à qui tous
les hommes des ficcles à venir auront Pé
ternelle obligation de fçavoir penfer & de
penfer mieux que lui . Cet homme qui a
éclairé la terre , qui a détruit cet ancien
idole de notre ignorance , je veux dire ce
tiffu de puérilités refpectées depuis fi longtems
, qu'on appelloit Philofophie & ' qui
n'en étoit pas moins l'ouvrage des meil
leurs génies de l'antiquité ; cet homme enfin
qui même en s'écartant quelquefois de
la vérité , ne s'en écarte plus en enfant
comme on faifoit avant lui , mais en homme,
mais en Philofophe qui nous a appris
àremarquer quand il s'en écarte , qui nous
a laiffé le fecret de nous redreffer nous- mê
1
M. A 1. 1748. 187
mes , qui d'enfans que nous étions , nous .
a changés en hommes à notre tour , & qui
n'eût- t'il fait qu'un excellent Roman ,
comme quelques- uns le difent , nous a du
moins mis en état de n'en plus faire.
Le Système du célebre,du grand Newton,
peut- être plus grand que Defcartes même ,
s'il n'avoit pas été bien plus aifé d'être
Newton après Defcartes , que d'être Def
cartes fans le fecours de perfonne , & fi ce
n'étoit avec les forces que ce dernier à données
à l'efprit humain , qu'on peut aujour
d'hui furpaffer Defcartes même.
Auffi vois-je , ajoûte l'Auteur , qu'il y a
des génies admirables , pourvû qu'ils vien
nent après d'autres , & qu'il y en ade faits
pour y venir les premiers.
Les uns changent l'état de l'efprit humain
, ils cauſent une révolution dans les
idées.
Les autres pour être à leur place ont
befoin de trouver cette révolution tout
arrivée , ils en corrigent les Auteurs , &
cependant ils ne l'auroient pas faite , &c.
M. le Baron de Zurlauben , Chevalier
de l'Ordre militaire de Saint Louis & Capitaine
auau Régiment des Gardes Suiffes , a
remporté le Prix à l'Académie Royale des
99
MERCURE DE
FRANCE.
Belles- Lettres . Le fujet du Prix
propoſe
par
l'Académie
confiftoit à
examiner ,
quelles
étoient les
differentes accep-
• rions des Titres de
ΑΣΥΛΟΣ & ΙΕΡΑ
ΑΣΥΛΟΣ que
plufieurs villes
» fur les
Médailles ? Le droit
d'Aſyle de- prennent
voit-il
toujours fon
origine à la Reli-
» gion ? Son
étendue étoit-elle
partout la
» même ? A qui étoit confié le foin de le
maintenir ? Quel font les
Afyles qui
» ont
fubfifté fous la
domination des Ro
» mains , & quand ont- ils été abolis ?
La
maniere dont M. le Baron de Zur
Lauben
difcuté toutes ces
questions a fait
beaucoup
d'honneur à fon
érudition , &
nous
pourrons
donner un extrait de fa
Differtation dans le
Mercure du mois
prochain.
L'Amulette de la Chine ,
véritable ſpéci
fique contre les punaifes , fe vend chés le
Sieur Jeure ,
Marchand
Tapiffier , vieille.
rue du Temple , vis-à- vis le cul- de-fac
d'Argenfon , & chés la Dame Rouffin ,
Marchande
Merciere dans la cour du Luxembourg
fpécifi
du côté
de la ruë d'Enfer
. Ce
a été éprouvé avec fuccès , &
f'expérience en fera plus
perfuafive que
tous les éloges qu'on en pourra faire ,
MA 1, 159
1748.
*
Le prix en eft fuivant la grandeur , de
6 liv. les petites , de 9 liv . les moyennes ,
& de 5 liv. les plus grandes pour les voya
geurs.
စာ
MARIAGES ET MORTS,
R. le Comte d'Argenteuil , Lieutenant Géné
ral pour le Roi des Provinces de Champagne
& Brie , Gouverneur de la ville de Troyes
en furvivance du Marquis d'Argenteuil foh pere ,
époufa la nuit du premier au 2 Avril au Château
de Bailli- en- Riviere , en Normandie , Mademoi
felle le Veneur.
On a parlé de la Maiſon de Lebafcle , dont eſt le
Comte d'Argenteuil, dans plufieurs Mercures pré
cédens ; celle de le Veneur qui eft rapportée dans
' Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne
n'eft pas moins illuftrée par les grandes charges
& dignités qu'elle a poffédées , que par fes hautes
alliances , ayant produit un Cardinal Grand Aumônier
de France fous le regne de François I.
un Maréchal de France , deux Chevaliers du Saint
Esprit fous Henri III . & Henri IV. trois Lieute
nans Généraux de la Province de Normandie , &
plufieurs Evêques de Lifeux , de Coûtance &
d'Evreux , & elle a pris & donné des alliances immédiates
dans les Maifons de Baffompierre , Chabot
, Ponpadour , Rouhaut Gamache , Desparbes
d'Obterre , de Salme , de Fiefque , & autres
•
190 MERCURE DE FRANCE.
2
des plus confidérables de France & de l'Europe.
Marie Angelique- Philippine le Veneur , nouvelle
mariée , eft coufine iffue de germaine de Anne.
Gabrielle le Veneur , aujourd'hui Dacheffe de
Châtillon .
Le dernier Avril a été fait à Saint Euſtache le
mariage de Jean Louis Quentin de Richebourg ,
Marquis de Champcenetz , en Brié , Prèmier Valet
de- Chambre du Roi , Gouverneur de Meudon ,
& nommé par Sa Majefté à l'adminiſtration du
Gouvernement de Choify- le - Roi pendant le bas
âge du Marquis de Coigny , fils de Louis- Quentin
de Richebourg , Marquis de Champcenetz
Premier Valet- de-Chambre du Roi , Gouverneur
de Meudon , & de Dlle. Louife - Theréfe Frevilliont
avec Dame Marie-Rofe Teffer , fille de
Pierre-Chriſtophe Teffier , Seigneur de Steuil ,
Confeiller du Roi en fes Confeils , Secretaire de
Sa Majefté , Garde des Rolles des Offices de France
, & auffi Intendant & Contrôleur Général des
"Ecuries & Livrées de Sa Majefté , & de Dame
Marie-Theréfe Guiller fa feconde femme.
M. de Champcenetz qui donne lieu à cet article
eft neveu de feue Madame la Comteffe de Denonville
Brizay morte en 1742 , mere de M. le Marquis
de Brizay de Denonville , Maréchal de Camp
du premier Janvier 1740 , & il eft petit fils de
François Quentin Marquis de Champcenetz par
les Lettres d'érection qu'il en obtint , Premier
Valet-de Chambre du Roi , mort le 8 Août 1710.
La famille de Quentin Richebourg eft origi
naire de Touraine , elle s'eft alliée à plufieurs familles
confidérables dans la Robe , & fes armes
font d'azur à 3 pommes de pin d'or pofées deux
& une. Pour Madame de Champcencez elle eft
1
MA 1. 1748. 191
feur de Jean Baptifte -Pierre Teffier , aujourd'hui
Confeiller au Parlement & Commiffaire des
Requêtes du Palais , & de Dane Antoinette- Theréle
Tifher mariée depuis le 3 Mai 1745 , avec
François- Louis de Vienne , Comte de Vienne ,
Seigneur de Saint Brice , de Fontenay & de la
Tuillerie , Meftre de- Camp , Lieutenant du Régi-
*ment de Clermont Prince , Brigadier d'armée du
*6 Janvier 1748.
Le.... Mai Antoine- Adrien- Charles de Gramont
,Comte de Gramont , Colonel du Régiment
Dauphin Infanterie , Brigadier des armées du Roi
& Chevalier de l'Ordre de Saint Louis , né le
22 Juillet 1726 , frere de M. le Duc de Gramont,
& fils de feu Louis de Gramont , Duc de Gramont,
Pair de France , Chevalier des Ordres du Roi ,
Colonel du Régiment des Gardes Françoifes , &
Lieutenant Général des armées de Sa Majefté ,
tué à la bataille de Fontenoy le 11 Mai 1745 , &
de Dame Genevieve de Gontaut Biron , fa veuve ,
fut marié avec Dlle Marie- Louife - Sophie de
Faoucq, fille de Gui - Etienne - Alexandre de Faouce,
Marquis de Garnetot , Mestre de Camp de Cavalerie
, & Sous - Lieutenant de la Compagnie des
Chevau -Legers de Bretagne , mort à l'âge de 37
ans le 16 Mai 1734 , & de Dame Charlotte-
Sophie de Sonnyng mariés le 30 Juin 1711 , &
spetite- fille de Gui de Faoug Lieutenant Général
de l'Amirauté de Rouen , puis Confeiller au Parlement
en 1695 , & de Dame Marie- Louife du
Houlley. Voyez la Génealogie de la Maiſon de
Gramont, l'une des plus grandes du Royaume,dans
PHiftoire dés Grands Officiers de la Couronne vol.
4. fol. 610.
Pour le nom de Faouq en Normandie Généralité
de Caen , il eft marqué de la plus ancienne No92
MERCURE DE FRANCE.
.
<
bleffe de cette Province , & fes armes font d'azur
à trois faulx d'argent emmanchées d'or pofées
deux & une.
Le 7 Mars Dame Elifabeth de Lorraine l'Iflebonne,
veuve depuis le 24 Septembre 1704 de Louis de
Melun , Prince d'Epinoy , Baron d'Autoing, Connétable
& Sénéchal héréditaire de Flandres, Maréchal
des Camps & Armées du Roi , avec lequel
elle avoit été mariée le 7 Octobre 1691 , mourat
à Paris, âgée de 83 ans. Elle étoit fille de François-
Marie de Lorraine, Prince de l'lflebonne , & d'Anne
de Lorraine. Elle avoit eu de fon mariage Louis
de Melun , fecond du nom , Duc de Joyeuſe , Pair
de France , Prince d'Epinoy , Baron d'Autoing , &
Premier Pair & Connétable héréditaire de Flandres
, mort le 31 Juillet 1724 fans enfans de Dame
Armande de la Tour d'Auvergne , fa femme , &
'Anne Julie Adelaïde de Melun , mariée le 18 Septembre
1714 avec Louis- François-Jules de Rohan,
Prince de Soubife, & morte le 18 Mai 1724, mere
de M. le Prince de Soubife & de M. le Cardinal
de Soubife.
> mourut
Le 1s Louis François de Harcourt , Marquis
d'Harcourt, Meftre de Camp du Régiment de Cava
lerie de fon nom & Capitaine d'une des Compagnies
des Gardes du Corps en furvivance du Maréchal
Duc d'Harcourt fon pere ,
à Paris , âgé de 19 ans , étant né le 6 Octobre
1728. Il étoit fils unique de François de Harcourt,
Duc d'Harcourt , Pair & Maréchal de France ,
Capitaine d'une des Compagnies des Gardes du
Corps du Roi , Chevalier de fes Ordres , & c . & de
feue Dame Marie Magdelcine le Tellier de Barbefieux
, avec laquelle il avoit été marié le 31 Mai
1717 , & morte le to Mars 1735. Par la mort du
Marquis d'Harcourt il ne reste à M. le Maréchal
d'Harcourt
M A I.
193 1748.
Harcourt que deux filles ; fçavoir , Mad, la Mar-,
quife de Hautefort , & Mad. la Comteffe de Guerchy
,la feconde des filles nées de ce mariage & qui
étoit Mad. la Princeffe de Croy , étant morte depuis
quelques années. Voyez pour la Généalogie
de la Maifon d'Harcourt , l'une des plus grandes
& des plus illuftres du Royaume , l'Hiftoire qui en
a.été donnée au public par M. de la Roque en 4
volumes in-4°. & l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne , tome V. fol . 124.
Le 17 Gafpard Magdelon Hubert de V'intimille
des Comtes de Marfeille , Marquis du Luc & de Savigny
fur-Orge , Lieutenant Général des Armées
du Roi du 24 Février 1738 , Lieutenant de Sa Ma
jefté au Gouvernement de Provence , Gouverneur
des Ifles de Porquerolles & de Lingouſtier , mourut
à Paris dans la foixante-quatrième année de
fon âge , étant né le 9 Mars 1687 , & laiffant du
mariage qu'il avoit contracté le 18 Juin 1714 avec
Dame Marie Charlotte de Reffuge , fille de Pomponne
de Reffuge , Marquis dudit lieu , Lieutenant
Général des Armées du Roi , Gouverneur de
Charlemont & Commandant dans les trois Evêchés
de Metz, Toul & Verdun , & de Dame Anne Fran
çoife d'Elbene , Dame Magdeleine Charlotte Wi
lelmine Léontine de Vintimille , mariée le.16
Mars, 1733 avec Aymar Jean Nicolay , Marquis de
Gouffainville , Premier Président de la Chambre
des Comptes, duquel elle a plufieurs enfans , N...
de Vintimille du Luc , & Jean-Baptifte Félicité
Hubert de Vintimille des Comtes de Marfeille
,Comte du Luc , né le 23 Juillet 1720 , Mef
tre de Camp d'un Régiment de Cavalerie de fon
nom , & Brigadier des Armées du Roi du premier
Mai 1745 , à préfent veuf depuis le 9 Septembre
1741 de D.Pauline Félix de Mailly Neelle,avec la
194 MERCURE
DE FRANCE
.
-
+4
quelle il avoit été marié le 27 Septembre 1739 , feconde fille de M le Marquis de Néelle , Chevalier
des Ordres du Roi , & c . de laquelle il lui refte
un feul fils , né le 2 Septembre 1741. M. le Mar.
quis du Luc qui donne lieu à cet article étoit fils
de Charles François de Vintimille des Comtes
de Marfeille , Marquis du Luc , de la Marthe &
de Vins en Provence & de Savigny - Sur- Orge à 4
lieues de Paris , Chevalier des Ordres du Roi, Con.
feiller d'Etat ordinaire d'Epée , Lieutenant de Sa
Gouver-
Majefté au Gouvernement
de Prove ce ,
neur des lles de Porqueroles & de Lingouftier, mort le 19 Juillet 1740 , & de Dame Marie Louife
Charlotte de Forbin , Marquife de la Marthe ,
morte en 1700 , & neveu de Mre Charles Gafpard Guillaume de Vintimille des Comtes de Marſeille
du Lac , Archevêque de Paris , Commandeur
des
Ordres du Roi , mort le 13 Mars 1746. La Maiſon
de Vintimille , grande & illuftre , tire fon nom du
Comté de Vintimille , Principauté dans l'Etat de Génes & fur les Frontieres du Comté de Nice ; elle
eft divifée en plufieurs Branches , dont celle
dont il s'agit ici eft connue en France fous le nom des Comtes de Marfeille du Luc . Les ancêtres de
M. le Marquis du Luc firent une tranſaction avec
les Comtes de Provence , par laquelle is céderent
leurs droits fur la Principauté de Vintimille , & les
Comtes leur donnerent en échange des terres en
Provence , ce qui eft prouvé par l'Acte original
qui eft à la Chambre des Comptes de Provence, feus M , le Comte du Luc & M. l'Archevêque de
Paris, fón frere, produifirent leurs titres depuis l'é
abliffement de leur Maifon en Provence,lorfqu'ils
firent leurs preuves pour l'Ordre du S. Elprit , &
cet Acte eft dépofé à la Chambre des Comptes de
Paris , & ces Meffieurs prouverent alors 17 degrés
MAI. 195 1748.
de filiation par titres & par poffeffion de terres ;
on de leurs ancêtres époula l'héritiere du nom &
Armes de Marteille il y a près de 500 ans , à condition
de porter le nom & les armes de Marſeille ;
Mrs de Vintimille poffedent encore la terre d'Ol
lijoule Saint Narzaire , que leur porta l'alliance
avec la Maifon de Marfeille , dont il y a plus de
400 ans qu'ils ont hérité , & leur établiflement en
Provence eft prouvé par les titres confervés dans la
·Chambre des Comptes de Provence. La Maiſon
de Marſeille d'Ollioule étant fondue dans celle
de Vintimille , Mrs de Vintimille pendant plufieurs
générations ont pris fouvent le nom de Marſeille
feul , ou celui de Vintimille , de même alternativement
, & leurs Armes font de gueules à un chef
d'or, qu'ils écartelent de Marſeille , qui eft de
gueules à un Lion d'or.
Voyez la Généalogie de cette illuftre Maifon
dans l'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne
, vol. 2. fol. 285 , & celle qui en a été donnée
au public par M. l'Abbé Robert de Briançon , Auteur
du Nobiliaire de Provence & imprimé à Vil
lefranche en 168) , & c .
Le 21 Jean Ferdinand Comte de Poitiers & de
Wagné, Seigneur de Gouaix , Blunay , Maulny ,
&c. ci-devant Meftre de Camp d'un Régiment de
Dragons de fon nom , mourut dans fa terre de
Gouaix, âgé de 88 ans , 3 mois , 12 jours , étant né
le 9 Décembre 1659 , il laiffe pour tous enfans D.
Anne Eléonore Henriette de Poitiers , Conteſſe
'Helmitatt , fa fille unique . Il ne reste plus de
mâle de cette branche de la Maiſon de Poitiers
que Maximilien Comte de Poitiers , Grand Tréforier
de la Cathédrale de Liége, & Abbé de Cheminon.
Vers Pan 1316 N....de Poitiers , Capitaine
I ij
106 MERCURE DE FRANCE.
de cent hommes d'armes , s'alla établir dans le
pays de Liége , où fa pofterité s'eft foutenuë avec
dignité , & a donné en toutes occafions des marques
fignalées de fon attachement à la France , ce
qui détermina Charles Maximilien de Poitiers
Comte de Wagné , Seigneur de Faufre , Thiange
Haudeville & Neuvify , pere du décedé , à revenir
en France avec fa famille,
Le nommé Nicolas Delaifement , habitant de la
Paroiffe d'Arquency près d'Andely en Normandie
, eft mort dans la cent neuviéme année de fon
âge.. Il avoit été marié quatre fois & avoit eu un
grand nombre d'enfans ,dont le dernier n'a que
22 ans. .)
Le 12 Avril Antoine de la Font , Marquis de Savines
, Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant
Général des Armées de Sa Majeſté , Gouverneur
de la ville de Berg & de la Châtellenie de Bailleul ,
mourut à Paris dans la 8se année de fon age & fans
être marié. Il étoit fils de Jean- Baptifte de la Font,
Seigneur de Savines en Ambrunois , & de Lucrece
de Reynard d'Avanfon , fille de François de Reynard
, Seigneur d'Avanfon , & de Marguerite de
la Tour de Gouvernet ; il étoit neveu de Guillaume
de la Font , reçû Chevalier de Malte au Grand
Prieuré de S. Gilles , fur fes preuves du 25 Août
1634 , & defcendoit par plufieurs degrés de Raoul
de la Font , lequel fit hommage au Dauphin le 13
Juillet 1383 de la Terre de Savines en Dauphiné,
qu'il pofledoit du chef de Dame Geraude de
Savines , fa femme. Feu M. de Savines après
avoir été élevé Page du Roi Louis XIV , où il fur
reçû en 1,580 , fut fait Capitaine dans le Régiment
de Gefvres , Cavalerie , eut en 1701 l'agrément
d'un Régiment & le vendit la même année, fut fait
Enfeigne d'une Compagnie des Gardes du Corps ,
MA 1. 1748. 197
& fervit en cette qualité les campagnes de 1702 ,
1703 & 1704 , fut fait Brigadier d'armée cetre der
niere année , fe trouva à la bataille de Raniillie en
1706, au combat d'Oudenarde en : 1708 , & fut blef
fé à Malplaquet en 1709 , fut fait Maréchal de
Camp la même année , eut la Lieutenance de fa
Compagnie en 1710 , & fut fait Lieutenant Géné
ral des Armées du Roi le 1 Octobre 1718 , & ne fel
retira du fervice en 1727 qu'après avoir fervi dans
toutes les occafions où il avoit été employé , avec
toute la valeur poflible ; il fut alors gratifié d'une
penfion de 2000 écus , outre le Gouvernement
d'Ambrun qu'il avoit , il eut depuis ceux de Berg
& de Bailleul , & fut reçû Chevalier de l'Ordre du
S. Efprit le 17 Mai 1739. Les Armes de la Font
font d'azur à un Cor de chaffe d'or , lié de gueules :
& accompagné de trois étoiles auffi d'or , pofées
deux & une,
Le 14 Louis François le Fevre de Canmartin ,
Marquis de Saint Ange , Comte de Moret , Seigneur
de Caumartin , de Boiffy- le - Chaſtel , d'Ar- ,
gouges , &c. Confeiller d'Etat , mourut à Paris .
dans la 52e année de fon âge , étant né le Septembre
1696. Il avoit époufé le 18 Août 1722)
Dame Elizabeth de Fieubet , Dame de Sandré &
de Ligny , fille de Paul de Fieubet , Seigneur de
Sandré , Maître des Requêtes , & de Dame Angélique
Marguerite de Fourcy , petite fille dur
Chancelier Boucherat , & de ce nariage font nés
M. de Caumartin , Confeiller au Parlement , &
Madame de la Porte , femme du Maître des Requêtes
de ce nom . M. de Caumartin étoit fils de:
Louis-François le Fevre de Caumartin , Seigneur
de Boiffy-le- Chaftel , Maître des Requêtes honoraire
, mort le 13 Juillet 1722 , & de Dame Char
lotte Bernard , morte en 1708, petit - fils de Louis-
I iij.
198 MERCURE DE FRANCE.
François le Fevre , Seigneur de Caumartin , Con
feiller d'Etat ordinaire , mort en 1687 , & de Da
me Catherine- Magdeleine de Verthamon , ſa ſeconde
femme , arriere petit- fils de Louis le Fevre,
Seigneur de Caumartin & de Boiffy , Préfident aux
Requêtes du Palais , Ambaſſadeur à Veniſe & Con .
feiller d'Etat , mort en 1624 , & de Dame Magdeleine
de Choify , lequel Louis Seigneur de Caumartin
étoit fils de Louis le Fevre , Seigneur de
Caumartin & de Boiffy , Maître des Requêtes &
Confeiller d'Etat , honoré de la charge de Garde
des Sceaux de France par Lettres du 23 Septembre
1622 , mort le 21 Janvier 1623 , & de Dame Marie
Miron , morte le 4 Juin 1645. Voyez la Généalogie
de la famille de le Fevre Caumartin , Pu
ne des premieres de la Robe par fon illuftration &
par fes alliances , & originaire de Picardie , dans
I'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne ,
vol. 6. fol .
543.
Le même jour Claude Antoine Eugene de Vauldrey
Comte de Vauldrey , Lieutenant Général
des Armées du Roi , Infpecteur Général de la Cavalerie
, mourut en fon Château de Sautour , près
S. Florentin en Champagne, dans la 78e année de
fon âge , laiffant entre autres enfans de fon maria-`
ge avec Dame Marie Gabrielle Françoiſe de Bletterfwick
de Moncley , Dame Jeanne- Gabrielle-
Catherine de Vauldrey,mariée peu de jours avant
la mort de M. fon per avec Baltazar François
Wale , Seigneur des Mefnulz , Gouverneur des
ville & Château de Ham en Picardie & ancien
Lieutenant au Régiment de Gardes Françoiſes ,
forti des anciens Barons de Wale dans les Comtés
de Northampton & de Rutlan , connus dès le Re- ´
gne de Guillaume le Conquérant , Roi d'Angleterre
, mort le 9 Septembre 1087. Pour la Maifon
M A I. 1748. 199
de Vauldrey elle eft originaire du Comté de Bour
gogne , où eft fituée la Terre qui lui a donné le
nom , & connue dès l'an 100 par fes alliances &
Les fervices militaires , elles eft féparée en plufieurs
branches établies au Comté de Bourgogne , en
Champagne , & c. & fes armes font coupé emmanché
de gueules & d'argent . Voyez l'Hift. du Comté
de Bourgogne & le Nobiliaire de Champagne ,
dreffé par ordre de M. de Caumartin , Intendant
de cette Province.
Le 18 Dame Marie Magdeleine de Grimoard de
Beauvoir du Roure , femme d'Anne Gabriel Henri
Bernard , Seigneur de S. Saire , de Paffy - lès- Paris ,
&c. Président de la feconde Chambre des Enquê
tes du Parlement , & Lecteur ordinaire de la Chambre
du Roi , avec lequel elle avoit été mariée le
26 Avril 1746 , mourut à Paris âgée de 17 à 18
aus , laiffant un feul fils , Charles Armand Henri
Gabriel Bernard de S. Saire , né le 31 Mai 17478
Elle étoit fille de Louis Claude Scipion de Grimoard
de Beauvoir de Montlor, Comte du Roure,
Lieutenant Général des Armées du Roi & au Gouvernement
de Languedoc , & c. & de Dame Marie
VictoireAntonine de Gontaut Biron , fille du Maréchal
Duc de Biron ; M. le Comte du Roure , pere
de feuë Mad. de S. Saire , eft fils de Louis Scipion
de Grimoard de Beauvoir ,Marquis du Roure,Lieutenant
Général au Gouvernement de Languedoc ,
tué à la bataille de Fleurus le premier Juillet 1690,
& de Dame Marie Anne Louiſe Victoire de Cau
mont la Force , petit-fils de Louis Pierre Scipion
de Grimoard de Beauvoir , Comte du Roure, Lieutenant
Général des Armées du Roi & au Gouvernement
de Languedoc , mort le 24 Avril 1733 &
de Dame Claude Marie du Guaft d'Atigny , &
200 MERCURE DEFRANCE
arriere-petit- fils de Scipion de Grimoard de Beau
voir , Comte du Roure , Marquis de Grifae , fait
Chevalier de l'Ordre du S. Efprit à la promotion
du 31 Décembre 1661 , Lieutenant Général au
Gouvernement de Languedoc , & Corfeiller d'Eat
, mort le 18 Janvier 1669 , & de Dame Graf
fende de Baudan . Voyez pour la Généalogie de la
Maifon de M. le Comte du Roure , l'Hiftoire des
Grands Officiers de la Couronne vol . 9. fol. 202.
& le Dictionnaire Hiftorique de Morery. Pour
M. le Président de Saint Saire il eft fils de feu
Gabriel Bernard , Comte de Rieux , auffi Préfident
de la feconde Chambre des Enquêtes au Parlement
, mort le 13 Décembre 1745 , & de Daine
Suzanne Marie Henriette de Boulainvillier de
Saint Saire , à préſent fa veuve ; il eft neveu de
Samuel- Jacques Bernard , Maître des Requêtes.
Sur- Intendant de la Maiſon de la Reine , Grand
Croix , Prévôt & Maître des Cérémonies de l'Ordre
militaire de Saint Louis , & marié depuis le
12 Août 1715 avec Dame Elizabeth - Louife Olive
Frotier de la Cofte Meffeliere , de laquelle il aun
fils & pufieurs filles ,& petit- fils de Samuel Bernard
Comte de Coubert , Confeiller d'Etat , Chevalier
de l'Ordre du Roi , mort le 18 Janvier 1739.
Louis Hyacinte Caftel , Comte de Saint Pierre ',
Marquis de Crevecoeur & de Kerfilis , Premier
Ecuyer de fon Alteffe Royale Madame la Du
cheffe d'Orleans , ci - devant Capitaine de vaiffeau,
eft mort à Paris le 21 Avril âgé de 89 ans , étant
né en 1659 .
Il étoit fils de Charles Caftel , Marquis de Saint
Pierre , Seigneur de Courcy , Clitour , Varouville ,
Coqueville , la Motte , le Vaaft , Canteloup &
Morfalines, Grand Bailli du Cotentin , & de Mage
deleine , fille de Bernardin Gigault , Marquis de
MAT. 1748 . 201
Bellefonds , tante du Maréchal de Bellefonds , &
de Jeanne , fille de Henri Robert aux . Epaules
Marquis de Sainte Marie. Il avoit pour freres aînés
, 1 ° . Bon Thomas Caftel Marquis de Saint,
Pierre , Grand Bailli du Cotentin , qui de Marie,
des Hommets , fa femme , a eu pour fils unique
Bon Hervé Caftel Marquis de Saint Pierre , Capitaine
des Gendarmes d'Anjou , né en 1685 , lequel
eft veuf-fans postérité de Barbe - Catherine de
Turgis , Dame de Canteleu ; 2 ° . Charles Caftel
Abbé de Tiron , Premier Aumônier de feuë Ma
dame , de l'Académie Françoife ; 3 ° . François-
Antoine Caftel Chevalier de Malthe , Comman
deur du Pieton,
1
Il avoit épousé en 1688 Françoife-Jeanne , fille
de N....de Kerven Seigneur de Kerfilis , d'une
ancienne Nobleffe de Bretagne , & de N... Keri
conſtantin dont il a eu deux fils ; l'un étoit Gas
briël Abbé d'Evron , mort en 1745 l'autre eft
Louis-Sebaftien Caftel , Marquis de Crevecoeur &
de Kerfilis , Meftre- de-Camp de Cavalerie , Pres
mier Ecuyer de fon Alteffe Royale , né en 1691 ,
marié en 1720 à Charlotte - Catherine Farges dont
il a eu un fils unique , Louis- Tancrede Caftel
Comte de Crevecoeur , Mestre de Camp de Ca❤
valerie , Enfeigne des Gendarmes de Bretagne, né
le 25 Septembre 1722 , mort fans alliance au Siéga
de Charleroi en 1746 âgé de 24 ans , & trois filles,
dont l'aînée Françoife Caftel a été mariée en
1742 à Charles de Broffes Comte de Tournay ,
Baron de Montfalcon , Préfident à Mortier du
Parlement de Dijon , de l'Académie des Infcrip
tions & Belles - Lettres; les deux autres Aglaë & -
Henriette ne font pas mariées.
Le nom de Caftel eft fort anciennement connu
en Normandie entre les plus nobles & les plus
Livs
202 MERCURE DE FRANCE. ک
diftingués de la Province pár fes alliances & fes
fervices militaires ; fes armes font de gueules à un
chevron d'argent , accompagnées de trois rofes
d'or pofées deux en chef& une en pointe. Le nom.-
de Broffes eft originaire du Marquifat de Saluces
où il s'eft diftingué par fes fervices militaires dès
le tems des guerres de Charles VIII . & de Louis
XII . Il a paffé dans le pays de Gex lors de l'échange
du Marquifat de Saluces. Ses armoiries font
d'azur à trois trefles d'or.
Le 22 Dame Elizabeth Claire Eugenie Dreux
de Nancré , femme de Michel de Dieux , Marquis
de Brezé , Lieutenant Général des armées du Roi ,
& Grand Maître des Cérémonies de France , mou.
rut à Paris dans la quarante- cinquième année de
fon âge fans laiffer d'enfans . Elle avoit été mariée
le 2 Juin 1720 , & étoit fille de Claude - Edme de
Dreux , Comte de Nancré , Meftre - de-Camp de
Cavalerie mort le 12 Septembre 1729 , & de
Dame Marie- Theréfe de Montmorency de la
branche des Vicomtes de Rouvers , dits les Prin→
ces de Montmorency , & petite fille de Claude de
Dreux , Seigneur & Comte de Nancré , Lieutenant
Général des armées du Roi , Gouverneur de la
ville , cité & citadelle d'Arras , mort le 2 Avril
1689 , & de Dame Aimée- Theréſe de Montgommery
fa premiere femme. M. le Marquis de Brezé,
mari de la Dame qui donne lieu à cet article , eft
fils de M. le Marquis de Dreux , auffi Lieutenant
Général des armées du Roi , & Grand Maître des
Cérémonies de France , & de Dame Catherine-
Angélique de Chamillart , & fa branche eft cadette
de celle de Meffieurs de Nancré qui eft à préſent
éteinte . Ses armes font d'azur à un chevron
d'or , accompagné en chef de deux roſes d'argent,
& en pointe d'un ſoleil d'ar. '
MA I 1748. 203
ARRESTS NOTABLE S.
A
RREST du Confeil d'Etat du Roi , du 26
Décembre 1747 qui caffe une Sentence du
Grenier à fel de Saint- Valery en Caux , du 7 Novembre
1747 , pour avoir ordonné main - levée d'un
quarteron de faux fel faifi au domicile du nommé
Pierre Barthelemy , fous prétexte que la difference
trouvée par les Experts entre le fel de la maffe &
celui faifi , ne confiftoit qu'en ce que ce dernier
étoit plus fec & par conféquent plus blanc que ce-
Tui de la maffe ; condamne ledit Barthelemy en
deux cent livres d'amende & aux dépens faits audit
Grenier...
AUTRE du même jour qui ordonne l'exécution
de l'article L v 11 du titre XIV de l'Ordonmance
des Gabelles du mois de Mai 1680 ' , de l'article
IX de la Déclaration du Roi du 22 Août
1711 , & de l'article II de celle du 22 Février
1724 ; caffe une Sentence des Officiers du Grenier
à Sel de Saint Valery en Caux , du 31 Octobre
1747 , pour n'avoir pas prononcé d'amende contre
le nominé François Lecuyer , chés lequel if a
été faifi de l'eau de la mer , fous prétexte qu'étant
bourgeois de Saint- Valery , lieu de franchiſe , l'ufage
de cette eau n'y eft point défendu ; condamne
ledit Lecuyer en vingt livres d'amende , conformément
à la Déclaration de 1724 , & aux dépens
faits au Grenier de Saint -Valery.
AUTRE du 11 Janvier 1748 concernant les
Requêtes en caffation , préfentées contre les Jugemens
de compétence,
1 vj
204 MERCURE DE FRANCE
ORDONNANCE du Roi du 2 5 pour aug♣
menter de vingt- cinq hommes la Compagnie de
Mineurs , ci-devant de Turmel, -
AUTRE du même jour , portant augmenta
tion dans la Compagnie de Charpentiers & -Bâreliers
du corps des Volontaires- Royaux..
ARREST contradictoire de la Cour des Aides
du 26 , qui juge que le droit de trente-cinq fols de
Brouage eft du fur les Sels enlevés des marais falans
de Brouage pour la confommation des habi
tans de la ville du Havre de Grace , nonobftant
Les priviléges & exemptions des droits de Gabelle
dont jouiffent lefdits habitans.
ORDONNANCE de M. le Lieutenant
Général de Police du 27 , pour la levée de quarre
cent, foixante. quatorze hommes néceffaires pour
Compléter les trois bataillons de la Milice de
Racis ..
AUTRE du Roi du 28 , portant reglement
au fujet des Patentes de fanté que les Capitaines,,
Patrons & autres Mariniers qui naviguent d'un.
Port à l'autre de Provence , Languedoc & Rouf
Allon , doivent prendre , tant pour eux que pour
les pallagers qu'ils embarquent
LETTRES RATENTES du Roi , don
nées 2. Marly au mois de Janvier , qui nomment,
des Commiffaires du Confeil pour l'aliénation des.
Moisscent mille livres de rentes créées par Edit du
moiade Janvier, 1748.
DIT diu Roi , né à Marly au mois de
MAT 20 1745.
Fanvier , regiſtré en Parlement , portant création
de trois cent mille livres de rentes héréditaires au
denier vingt , fur le reftant du produit des deux
fols pour livre en fus du Dixiéme.
ORDONNANCE du Roi du 10 Février
pour empêcher qu'il ne fe commette à l'avenir au
cun abus dans les revûës des Commiffaires des
guerres , ſervant à la fubfiftance des Compagnies
d'Invalides..
AUTRE du 15 concernant les nouveaux Bas
taillons dont le Roi a ordonné la levée .
AUTRE da même jour pour proroger juf
qu'au premier Mai 1748 le Semeftreides Officiers
des troupes de fon armée d'Italie , & remettre lesi
décomptes defdites troupes , à la revue qui en fera
faite dans les huit premiers jours du mois de Mai, »
1
AUTRE du Bureau des Finances de la Géné→
talité de Paris , du 12 Mars , qui défend à peiner
de vingt livres d'amende , & en cas de récidive ,
de cinquante livres, à toutes perfonnes de quelque
rang ou condition qu'elles foient , de pofer aucu-i
ne chofe en faillie fur la voye publique , ni d'encombrer
& embarraffer les rues, & qui ordonne que :
tous les Marchands, Artiſans & Ouvriers y dénom- 1
més , feront tenus , chacun en droit foi , de fatisfaire
aux difpofitions de ladite Ordonnance, & ce
dans huitaine du jour de la publication ou affiche
L'icelle.
AUTRE du Roi , concernant les fubftitutions;
donnée au Camp de la Commanderie du vieux
Jonc , au mois d'Août 1747 , & regiſtrée en Parle
lement le 27 Márs 1748.
206 MERCURE DE FRANCE.
►
LOUIS par la grace de Dieu Roi de France &
de Navarre : A tous préfens & à venir , SALUT.
Dans la réfolution que nous avons prife de faire
ceffer l'incertitude & la diverfité des Jugemens
qui fe rendent dans les differens Tribunaux de notre
Royaume , quoique fur le fondement des mêmes
loix ; la matiere des donations entre-vifs &
celle des teftamens , nous ont paru par leur im
portance devoir être les premiers objets de notre
attention , & elles ont fait le fujet de nos Ordon
nances des mois de Février 1731 & d'Août 1735 .
Nous nous fommes propofés enfuite d'établir la
même uniformité de Jurifprudence à l'égard des
Subftitutions fidei- Commiffaires , qui peuvent fe
faire également par l'un & par l'autre genre de
difpofition , mais la matiere des fidei- Commis
fort fimple dans fon origine , eft devenue beau
coup plus compofée depuis que l'on a commence
à étendre les Subftitutions , non- feulement à plus
fieurs perfonnes appellées les unes après les autres,
mais à plufieurs degrés ou à une longue fuite de
générations. Il s'eft formé par-là comme un nou
veau genre de fucceffion , où la volonté de l'homme
prenant la place de la Loi , a donné lien d'établir
auffi un nouvel ordre de Jurifprudence , qui a
été reçû d'autant plus favorablement , qu'on l'a
regardé comme tendant à la confervation da patrimoine
des familles , & à donner aux Maiſons les
plus illuftres le moyen d'en foutenir l'éclat ; mais
le grand nombre de difficultés qui fe font élevées ,
foit fur l'interprétation de la volonté , ſouvent
équivoque, du donateur ou du teftateur , foit fur la
compofition de fon patrimoine & fur les differentes
détractions dont les Fidei- commis font fufceptibles
, foit au fujet du recours fubfidiaire des fem-'
mes fur les biens grévés de fubftitution , a fait
MAI. 1748. 207
naître une infinité de procès , qu'on a vu même ſe
renouveller plufieurs fois à chaque ouverture du
fidei-commis , enforte que par un évenement contraire
aux vues de l'auteur de la fubftitution , il eft
arrivé que ce qu'il avoit ordonné pour l'avantage
de fa famille , en a caufé quelquefois la ruine.
D'un autre côté , la néceffité d'affûrer & de favo
rifer la liberté du commerce ayant exigé de la fageffe
de la Loi qu'elle établit des formalités nécef
faires pour rendre les fubftitutions publiques , la
négligence de ceux qui étoient obligés de remplir
ces formalités , eft devenue une nouvelle fource
de conteftations , où les fuffrages des Juges ont été ·
fufpendus entre la faveur d'un créancier ou d'un
acquéreur de bonne- foi & celle d'un fubftitué qui
ne devoit pas être privé des biens fubftitués par la
faute de celui qui étoit chargé de les lui remettre.
C'eft par toutes ces confidérations , qu'après avoir
pris les avis des principaux Magiftrats de nos Par
Jemens & des Confeils Supérieurs de notre Royaume
, qui nous ont rendu un compte exact de leurs
Jurifprudences differentes , nous avons crû que les
deux principaux objets de la matiere des fidei - commis
demandoient qne nous partageaffions cette Loi
en deux titres differens. Le premier comprendra tout
ce qui concerne les fubftitutions fidei commiffai
res , confidérées en elles- mêmes , & les droits qui
peuvent être exercés fur les biens fubftitués . Le
fecond regardera les obligations impofées à ceux
qui font grevés de fubftitution , foit pour leur
donner le caractére de publicité qui leur eft néceffaire
, foit pour affûrer la confiftance & l'emploi
des effets qui en font partie , foit pour l'expédition
& le jugement des conteftations qui s'élevent dans
une matiere fi importante ; fi la multitude & la
fubtilité des queſtions abftraites dont elle eft tem208
MERCURE DE FRANCE.-
plie , l'oppofition qui regne à cet égard , non-fets
lement entre les opinions des plus célebres Jurif
confultes, mais entre les Jugemens des Tribunaux
les plus éclairés,& la néceflité de réfoudre des doutes
où le poids-prefque égaldes raifons qu'on oppo
fe de part & d'autre ,rend le choix fi difficile entre
les fentimens contraires , ont retardé plus longtems
que nous ne l'aurions défiré , la publication
de cette Ordonnance , nous efperons que nos peuples
en feront dédommagés par la grande atten →
tion que nous avons eu à la mettre dans l'état de
perfection dont elle pouvoit être fufceptible . Loin
de vouloir y donner la moindre atteinte à la liberté
de faire des fubftitutions , nous ne nous fommes
propofés que de les rendre plus utiles aux familles,
& notre application à prévenir toutes les interprétations
arbitraires par des réglés fixes & uniformes
, ne fervira qu'à faire refpecter encore plus la
volonté des donateurs & des teftateurs , en les
obligeant feulement à l'expliquer d'une maniere
plus expreffe. C'eft ainfi que nous donnerons à nos
Sujets une nouvelle preuve du foin que nous prenons
de maintenir le bon ordre au- dedans de notre
Royaume par l'autorité de nos Loix , dans le
tems même que nous fommes le plus occupés à le
défendre au dehors par la force de nos armes , dont
le principal objet eft de procurer le grand bien de
Ja paix à un peuple fi digne de notre affection par
fon attachement pour notre Perfonne & par le
zéle qu'il fait éclater tous les jours de plus en plus
pour notre ſervice. A ces cauſes , &c
ORDONNANCE du Roi du- 314, portant
défenfes à tous Sujets de Sa Majeſté , autres que
ceux qui fervent actuellement dans les troupes ,
de porter aucun habit uniforme deſdites, troupes ,
MA I. 203 1745.
atous Marchands Fripiers & autres d'en expofer
en vente & d'en gårder dans leurs boutiques ou
magafins.
J
AUTRE du premier Avril concernant le fera
vice des Milices Garde côtes dans les Provinces
de Poitou , Aunis & Saintonge , & Iſles adjacentes
pendant la campagne de la préfente année.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du même
jour , qui permet aux Paffementiers & Toi-
Tiers de la ville , fauxbourgs & Généralité de
Rouen , de faire les mouchoirs de fil , & de fil &
coton , dans les mêmes comptes & nombre de portées
& de fils prefcrits pour les toiles de mêmes
matieres par l'article premier du Reglement concernant
la fabrique de ces toiles, du 13 Mars 1731
I - AUTRE du même jour concernant la fabri
que des Toiles & Toileries brochées , qui le font
dans la Généralité de Rouen.
AUTRE du même jour qui , en réformant
* Article IV du Reglement du 13 Mars 1731 , concernant
la fabrique des toiles a& étoffes de fil , fil
& coton & tour coton , teints , qui fe font dans la
ville , fauxbourgs & Généralité de Rouen , or
donne ,fous les conditions y portées , que lefdites
toiles tout coton pourront être fabriquées dans les
mêmes comptes & nombre de fils preferits pour
les mouchoirs par l'article XI dudit Reglement.
M
AUTRE du 2 qui ordonne qu'il fera établi
un Auneur-Juré à Beaucamp- le vieil , & que les
Tiretaines qui fe trouveront marquées du plomb
d'aunage dudit Beaucamp , ne feront plus fujettes
aucun aynage dans-les lieux de leur deftination
210 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE du même jour qui fait défenfes aut
Officiers des Préfidiaux , Sénéchauffées & autres
Justices & Communautés , d'exiger de ceux qui fe
feront pourvoir d'offices tombés vacans aux Revenus
cafuels de Sa Majefté , après le tems de préférence
accordé par les reglemens , aucune fomme
d'argent , foit par forme de dédommagement
pour les veuves ou héritiers des Officiers décédés į,
foit au profit de leur bourfe commune .
AUTRE du même jour qui ordonne la conf
traction d'un nouveau Gautier far la riviere d'Yonne
, au Pertuis de Bailly , & par provifion permet
de faire l'ouverture néceffaire audit Pertuis , pour
le paffage des Sels pendant la préfente année , &c .
JORDONNANCE du Roi du premier Mái
concernant le fervice des Milices Garde-côtes en
Provence , en interprétation de l'Ordonnance &
du Reglement du 27 Avril 1746.
ARREST de la Cour du Parlement du 6 qui
ordonne qu'un livre intitulé les MoeURS , refpicere
ad Exemplar vita morumque.Hor. ad Pif. premiere,
feconde & troifiéme partie , fera laceré & brûlé
par l'Exécuteur de la Haute-Juftice . Ce jour les
Gens du Roi font entrés , & Maître Louis François
de Paule Lefevre d'Ormeffon , Avocat dudit Seigneur
Roi , portant la parole , ont dit : Meffieurs,
il eft de notre devoir de déférer à votre févérité
un ouvrage fcandaleux qui paroît depuis quelque
tems & qui porte pour titre les Maurs . Le but
qu'on s'y propofe eft d'établir la Religion natu
relle fur les ruines de tout culte extérieur & d'affranchir
l'homme des Loix Divines & humaines ,
pour lefoumettre uniquement à fes propres lumie
M A 1.
1748.
res. C'eft dans ce deffein que l'on commence par
flayer de faire paffer toutes les Loix pour des inftitutions
quelquefois contraires à la vertu , ou dont
au moins l'obſervation n'entre pour rien dans
ce qui conftitue les bonnes moeurs. C'eſt dans la
même idée , qu'attaquant ouvertement ce qu'il y
a de plus facré , on cenfure fans refpect les précep
tes & les cérémonies de l'ancienne Loi , les Rits &
les Sacremens de la nouvelle , qu'on affecte de ne
reconnoftre nulle part ni la miffion divine de Moy
fe ni celle de Jefus Chrift , qu'on met en doute fr
Je Juif & le Chrétien ne font pas également dans
Ferreur , fi de tous les cultes établis fur la terre if
en eft aucun qui puiffe fatisfaire la raifon , en mê
me tems quon met auffi en probléme , s'il en
eft aucun qui puiffe déplaire à Dieu. Après avoir
fortement foutenu qu'en matiere de Religion la
raifon humaine n'a ceffé d'èrre la dupe de l'igno
rance & de l'impofture , le jouet de l'intérêt & de
la politique , c'eft cette même raifon qu'on érige
en Juge Souverain de toutes les Religions ; elle eft
la feule Loi qu'on veuille reconnoître , quoiqu'elle
n'ait aucun des caractéres néceſſaires à une Loi ,'
quoique ni les plus grands Philofophes ni les plus
habiles de ceux qui fe livrent à leurs fens particu
liers , n'ayent på depuis tant de fiécles démêler
exactement ce qu'elle preferit , ni s'accorder fur ce
qu'il faut faire pour s'y conformer. Enfin comme f
on s'étoit piqué d'encherir fur les abfurdités & les'
impiétés ordinaires aux Deiftes , on abufe des pa
roles de Jefus- Chrift même pour abolir tout culte
exterieur , P'Auteur décréditant ainfi fa propre
Doctrine par les argumens qu'il employe pour l'é
tablir , & par les excès & les contradictions fréquentes
ou fon fyftême le condnit. Mais comme
incrédulité n'a pas feulement pour objet de flater '
212 MERCURE DE FRANCE
Fefprit par l'idée de l'indépendance , mais bier
plus encore de gagner le coeur par une morale qui
convienne au libertinage , l'Auteur de cet ouvrage
s'éleve principalement contre l'humilité, la
mortification , la pénitence , le célibat , l'indiffolubilité
du mariage , la défenſe da concubinage , &
contre toutes les vertus Chrétiennes. Il s'attache
furtout à nier les effets du peché & l'éternité des
peines de l'autre vie , dogmes fi redoutables aux
paffions & aux vices. Tandis qu'il affecte partout
un ton de probité , d'austérité , de réforme , il ne
peut fouffrir qne les méchans ayent des châtimens
à craindre , il s'emporte avec des blafphêmes que
nous n'oferions rappeller ici contre tout ce qui
annonce dans l'Ecriture Sainte & dans l'Evangile
la rigueur des Jugemens de Dieu , & il blâme mê
me les fupplices dont la Juftice humaine punit le
yol & l'homicide: Tel eft , Meffieurs , le caractére
d'un ouvrage qu'on a l'audace de présenter au public
comme l'école des moeurs & des vertus qui
forment le lien de la fociété. Il n'eft perfonne qui
ne foit révolté de l'irreligion qui y regne & même
du ftyle fatyrique par lequel on a cherché à intéreffer
la malignité des lecteurs. C'est à la Cour
à réprimer un tel fcandale en prononçant contre
cet écrit les condamnations qu'il mérite , & en ordonnant
une recherche prompte & exacte de ceux
qui ont la rémérité de mettre au jour de pareils
ouvrages. C'eft l'objet des conclufions par écrit
que nous laiffons à la Cour , avec un exemplaire
imprimé du Livre intitulé , les Maurs. Eux retirés ;
vú le Livre intitulé ,les MoURs, refpicere Exemplar.
vita morumque. Hor. ad Pif. premiere , feconde &
troifiéme partie , 1748 , enfemble les conclufions.
par écrit du Procureur Général du Roi. La matie-
Le fur ce miſe en délibération. La Cour a arrêté &
ΜΑΙ. 1748.
215
ordonné que ledit Livre fera laceré & brûlé dans
la cour du Palais , au pied du grand efcalier d'icelai
, par l'Exécuteur de la Haute- Juſtice , comme
contraire aux bonnes moeurs , fcandaleux , impie
& blalphématoire ; fait très-expreffes inhibitions
& défenfes à tous Libraires , Imprimeurs , Colpor
teurs & à tous autres de l'imprimer , vendre & débiter,
ou autrement diftribuer en quelque maniere
que ce puiffe être , fous peine de punition corporelle
; enjoint à tous ceux qui en auroient des
exemplaires de les remettre inceffamment au Gref
fe Civil de la Cour , pour y être fupprimés ; permet
au Procureur Général du Roi de faire infor
mer contre ceux qui ont compofé , imprimé , vendu
, débité ou diftribué ledit Livre , pardevant
Maître Louis Charles Vincent de Salabery , Confeiller
, pour les témoins qui feroient dans cette
ville , & pardevant les Lieutenans Criminels des
Bailliages & Sénéchauffées & autres Juges des cas
Royaux, à la pourfuite des Subftituts du Procureur
Général du Roi èfdits Siéges, pour les témoins qui
ſe trouveroient efdits lieux ; permet à cet effet au
ProcureurGénéral du Roi d'obtenir & faire publier
Monitoires en forme de droit , pour les informations
faites , rapportées & communiquées au Procureur
Général , être par lui pris telles conclufions
& par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra ; ordonne
que copies collationnées du préfent Arrêt
feront envoyées auxBailliages & Sénéchauffées du
reflort , pour y être lû , publié & registré, Enjoint
aux Subſtituts du Procureur Général du Roi d'y´
tenir la main & d'en certifier la Cour dans le
mois.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 13 ;
qui permet à la Compagnie des Indes de créer
214 MERCURE DE FRANCE.
douze cent mille livres de rente viageres , à pren.
dre fur les neuf millions de rente à elle conftituée
Sa Majesté en exécution de l'Edit du mois de
Juin dernier.
par
Le Parlement d'Aix rendit un Arrêt le, 18 Mars
1740 contre M , de Seguiran , Premier Avocat Genéral
de ce même Parlement , accufé en crime de
faux par les propres Collégues, lequel s'étant pour
vú au Confeil du Roi en callation du jugement
dont il s'agit , obtint fa demande par Ariêt du 9
Mars 1744 , & le renvoi de l'inſtance de fon procès
au Parlement de Touloufe , où ce Magiftrat
vient d'être renvoyé de l'accufation & autorifé à
pourfuivre les dépens , dommages & intérêts contre
les Gens du Roi du Parlement d'Aix , & autres
, par Arrêt rendu les Chambres aſſemblées le
10 du mois de Mai.
J
lâu
APPROBATION.
'Ai la par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Mai
1748. A Paris le premier Juin 1748. }
BONAMY.
TABLE.
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe
Lettre fur le monde à M. Ailhaud ,
Stances fur le même fujet ,
Ode Anacreontique , 10
Difcours qui a remporté le Prix de l'Académie de
Dijon ,
Retraite involontaire du Parnaffe .
II
35
37
Suite de la lettre de M. L. à Madame * **
Ode XXXIX . L. III . ad Mecenatem , & la Traduction
, avec des remarques , 54
Epitre à M. de la Soriniere par M. Desforges
Maillard ,
= Extrait de lettre far l'électricité ,
61
71
Affemblée publique de l'Académie des Sciences ,
75
Mots des Enigines & du Logogryphe du Mercure
d'Avril
Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c.
Prix proposé par l'Académie Royale de Chirur
gie pour l'année 1749 ,
Estampes nouvelles ,
Nouvelles Cartes ,
Onguent de Ricoux ,
98
ibid.
95
-101 $
107
108
ibid.
Spectacles & Complimens des Théatres François
& Italien , 109
Prix proposé par l'Académie Royale des Sciences
pour l'année 1750,
117
Prix de l'Académie des Jeux Floraux de Toulouſe
pour l'année 1749 ,
Nouvelles Cantatilles ,
Nouvelles Etrangeres , Conftantinople ,
120
124
825
Suede ;
Allemagne , 138
Grande Bretagne 135
Provinces Unies ,
142
Italie , de Livourne , Génes , &
145
152
165
168
Suite du Siége de Maeftricht ,
Extrait de la Capitulation ,
Promotions , & c.
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 175
Suite de la Séance de l'Académie Françoiſe , 185
L'Amulette de la Chine pour les punaifes
Mariages & Morts ,
Arrêts potables
.
188
189
203
La Canfon notée doit regarder la page
Le Plan gravé , lapage
De l'Imprimerie de J. BULLOT,
109
35W
MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
AV
JUIN. 1748 .
PREMIER VOLUME.
LIGITUT
SPARGAN
Chés
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint NDR
Jacques , à S André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
'ADRESSE générale duMercure eft
LIAM. DE
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
ruë des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deſſus
indiquée ; on fe conformera très-exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JUIN
1748.
PIECES FUGITIVES,
en Vers & en Profe.
SEANCE publique de l'Académie des
Belles Lettres , le Mardi 23 Avril.
M
lã Onfieur l'Abbé Barthelemi a
un Mémoire fur le Pactole.
La célébrité que le Pactole a
euë autrefois , les allufions que
les Poëtes modernes ont faites à l'or qu'il
rouloit dans fes eaux , & le peu de
foin que les critiques ont pris d'éclaircir
ce qui concerne cette riviere , tous ces
anotifs- réunis ont engagé M l'Abbé Bar-
A ij
MERCURE DE FRANCE.
•
4
thelemi à recueillir ce qu'en ont dit les
anciens Auteurs , & à examiner ce qu'il
falloit en penfer.
Le Pactole ,.connu auffi fous le nom de
Chryforrhoas , eft une petite riviere , ou
plutôt un ruiffeau qui coule dans un des
plus beaux cantons de l'Afie mineure. Il
prend fa fource dans le mont Tmolus , à
peu de diftance de l'endroit où étoit fituée
ville de Sardes capitale de la Lydie , &
après s'être répandu dans la pleine voifine,
il va fe jetter dans l'Hermus , & fe perdre
avec ce fleuve dans le Golfe de Smyrne.
Son lit eft étroit & peu profond ; fon cours
n'a gueres que trois ou quatre lieuës .
Dans la montagne où il prend fes eaux
il y avoit autrefois des mines d'or , & c'eſt
de-là qu'il détachoit les parcelles de ce
métal que l'on trouvoit mêlées dans fon
fable. On n'a commencé à les ramaffer
que
fous le regne des derniers Rois de Lydie ,
foit qu'avant ce tems - là il n'en entraînât
point du tout , foit que jufqu'alors on eût
crû devoir les négliger. Dans la fuite , à
force de foüiller dans les mines du mont
Tmolus , on parvint à tarir la fource des
richeffes de cette riviere , & on la réduifit
à l'épuiſement où elle fe trouvoit du tems
de Strabon. Cet Auteur qui écrivoit au
commencement de l'Empire de Tibére
JUIN. 1748.
J
remarque dans un endroit de fa Géogra
phie qu'on ne retiroit que très rarement
de l'or des mines du mont Tmolus , & dans
un autre il dit en termes formels que le
Pactole n'en donnoit plus .
Après Strabon plufieurs Auteurs ont
obfervé en differens tems que le Pactole
ne fourniffoit plus d'or , & leur témoi
gnage eft conforme aux relations de ceux
des voyageurs modernes qui fe font arrê
tés fur les bords de cette riviere , & qui
après un mur examen n'ont trouvé dans
fon lit qu'un fable brillant de differentes
couleurs.
Si l'on s'en rapportoit à ce que les Orateurs
& les Poëtes ont dit des richelles du
Pactole , on feroit tenté de les comparer à
celles qu'on retire des mines les plus abondantes
, mais leurs paffages ne doivent pas
être pris littéralement , & prouvent tout
au plus la célébrité que le Pactole a euë
parmi les anciens. Pour en connoître l'ori
gine il faut obferver que fous Créfus , &
jufques vers le tems de Philippe de Macédoine
, l'or étoit extrêmement rare dans la
Gréce , & que les Grecs ne dûrent apprendre
qu'avec une furpriſe mêlée d'admiration
que ce métal que la nature leur avoit
refufé , elle le donnoit ailleurs avec une
efpéce de profufion , & qu'elle le faifoit
A iij
MERCURE DE FRANCE:
même rouler dans le fable d'une riviere.
Cette derniere circonftance dût les frapper
d'autant plus , que peut-être ne con
noiffoient-ils point de fleuve qui offrit une
pareille fingularité ; auffi la célébrerent- ils
à l'envi , & affûrerent- ils au Pactole une
réputation qui ne fut affoiblie dans la fuite,
ni par la découverte des mines de la Thrace
, ni par la quantité d'or qu'introduifirent
dans le commerce le pillage du Temple
de Delphes , & la conquête de l'Afie
par
Alexandre .
Mais fi ces cauſes ont pû contribuer à
étendre & à perpétuer la réputation du
Pactole , elles n'ont pas fuffi feules à la
former , & on fe tromperoit fi on réduifoit
les richeffes de cette riviere à quelques
legéres paillettes détachés par hazard des
mines qu'elle traverſoit. Strabon dit pofitivement
qu'elle en entraînoit beaucoup.
M. L. B. appuye ce paffage par quelques
autorités & quelques réflexions , & il en
conclut que le Pactole donnoit de l'or
beaucoup moins que certains fleuves du
nouveau monde , mais beaucoup plus que
le Rhône , l'Arriege & les autres rivieres
de ce Royaume , qui roulent des paillettes.
La plus grande partie de l'or du Pactole
confiftoit auffi en des paillettes , mais il
JUIN. 1748. 77
E_
entraînoit quelquefois des fragmens de
pierre qui en étoient chargés , & qui
étoient détachés de la mine par les courans
d'eau.
Le nom de Darique qu'un Auteur ancien
a donné à l'or du Pactole , a fait conjecturer
à M. L. B. que cet or , avant que
d'être mis en oeuvre , n'avoit qu'une vingt
quatrième partie de matiere hétérogène.
En effet , or Darique parmi les Grecs fignifioit
un or femblable pour le titre à celui
des Dariques , anciennes monnoyes des
Perfes , qu'on trouve encore dans quelques
cabinets & qui font à 23 carats .
Pour ne rien oublier de ce qui concerne
le Pactole , M. L. B. acrû devoir rapporter
en peu de mots les autres fingularités qu'on
y remarquoit . Les anciens ont parlé d'une
forte de cryftal qu'on y trouvoit & qu'on
recherchoit avec foin , des cygnes qui ne
fe plaifoient pas moins fur fes bords que
fur ceux du Cayftre & du Maandre , des
fleurs qui croiffoient fur fes rives , &
qui étoient autant renommées parmi les
Grees , que le font encore dans le Levant
les Tulippes de Magnefic , du Sypille , ville
fituée au voifinage du Pactole.
A iiij
3 MERCURE DE FRANCE.
M. le Beau , célébre Profeffeur de Rhétorique
dans l'Univerfité , & élû depuis
peu Académicien , termina la féance par la
lecture d'une fçavante Differtation fur les
médailles reftituées dont nous allons donner
l'extrait.
>
On appelle ainfi les médailles , foit Confulaires
, foit Impériales , fur lefquelles
outre la légende qui leur eft propre , on
voit encore le nom d'un de ces quatre Em
pereurs , Tite , Domitien , Nerva & Trafuivi
du mot reftituit . On croit communément
que ces quatre Empereurs ont
rétabli les monnoyes de leurs Prédéceffeurs
, & que le mot reftituit ſe le mot reftituit le rapporte à
la médaille même.
jan ,
Dans le Mémoire dont il s'agit M. le
Beau détruit ce fentiment par quatre raifons
; 10. Il n'eft appuyé d'aucun témoignage
hiftorique . On ne trouve nulle
part
qu'un Empereur fe foit avifé de rétablir
les monnoyes de fes Prédéceffeurs. 2 ° .
Une pareille reftitution étoit inutile ; les
monnoyes des Empereurs avoient cours
fous leurs Succeffeurs , M. le Beau le prouve
par plufieurs autorités ; d'ailleurs on
ne peut pas dire que les monnoyes des
Empereurs précédens fuffent déja épuifées
fous les quatre Empereurs à qui on attribue
JUIN. 1748 . 9
donner
cette reftitution . 3 ° . On ne peut
pour raifon que ces quatre Princes ayent
voulu fe faire honneur par cette nouvelle
fabrication. Quel honneur pour Tite &
pour Trajan d'affocier leur nom à ceux des
Tibére & de Claude , & de reffufciter les
monnoyes Confulaires de plufieurs familles
très-obfcures ? 4°. On a deux médailles
de confécration de Nerva reftituées par
Trajan , c'étoit donc Trajan qui les avoit
fait frapper dès la premiere fabrication ,
& dans la feconde il aura reftitué des médailles
déja frappées par lui-même , ce qui
implique contradiction. *
Par rapport à l'opinion du P. Hardoiiin ,
M. le Beau renvoie à la réfutation folide
qu'en a fait le Baron de la Baſtie dans fes
notes fur la fixiéme inftruction de la Sciençe
des médailles du P. Jobert. Après avoir
ainfi refuté l'opinion commune , l'Auteur
propofe une nouvelle conjecture fort
fimple. & fort naturelle ; il croit que le
mot reftituit fignifie que l'Empereur annoncé
comme Reftituteur a rétabli en tout
ou en partie quelque monument de l'autre
Empereur , ou du Magiftrat nommé fur la
même médaille. Par exemple on a une
médaille de Drufus , frere de Tibére , où
la tête de Drufus eft gravée avec cette
Av
to MERCURE DE FRANCE.
légende : NERO CLAUDIUS DRVSVS
GERMANICVS IMP . au revers eft l'arc
de ce même Drufus avec ces mots : T.
DIVI VESP F AVG PM TRP COS
VIII REST . Cette médaille fait connoître
que Tite a réparé l'arc de Drufus.
1° . Ce fentiment s'accorde fort bien
avec l'hiftoire & les infcriptions ; tout y
parle de réparation de monumens publics.
Les Romains étoient très - curieux de ces
ouvrages , & fe faifoient un honneur de
les rétablir quand ils étoient détruits ou
endommagés par le tems ou par les incendies
qui étoient très- fréquens à Rome ; &
le Réparateur n'oublioit pas d'y mettre fon
nom avec celui du Fondateur. On en cite
un grand nombre d'exemples , & on en
conclut qu'il eft naturel de croire que les
Empereurs fe font fair honneur de ces réparations
fur leurs monnoyés dépofitaires
de toute leur gloire.
2°. Ce qui fait la force de ce fentiment
c'eft qu'il rend raifon d'une fingularité
inexplicable dans le fyftême ordinaire ; il
eft remarquable que les médailles reftituées
ne commençent qu'à Tire , & qu'elles ne
vont pas au- delà de Trajan . Pourquoi cer
ufage a - t- il commencé fi tard & duré fr
peu , pourquoi ces quatre Empereurs fontJUI
N. 1748. II
ils les feuls dont nous ayons des médailles
reftituées ? L'opinion que l'on propofe
fatisfait à cette question . 1 °. L'incendie
arrivé fous Neron confuma un nombre infini
d'édifices & d'ouvrages publics des
quatorze quartiers de Rome , trois furent
entierement brûlés , & fept autres tellement
endommagés qu'il n'y refta qu'un
petit nombre d'édifices ; cela eft prouvé
par tous les Hiftoriens & par une infcrip
tion . Neron ne rétablit aucun ouvrage pu
blic. Il fe fervit , dit Tacite , des ruines
pour élever ce prodigieux Palais qu'il appella
la maifon dorée. Vefpafien travailla
à rendre à la ville de Rome fa premiere
fplendeur ; il répara plufieurs monumens ,
mais Zonaras nous apprend que ce Prince
ne voulut pas qu'on y mit fon nom avec
celui des Fondateurs. Le regne de Tite
vit un autre incendie qui ne fut guéres
moins ruineux que celui de Neron . Tite
s'empreffa de réparer le dommage ; il vou
lut , dit Suetone , en porter tous les frais
& il y confacra tous les ornemens de fes
maifons de campagne. Ce fut alors que la
reconnoiffance publique éclatant de toutes
parts , dans le mouvement d'un nombre
fi confidérable de réparations qui fe
faifoient toutes à la fois , il vint naturelle-
A vj .
12 MERCURE DE FRANCE.
ment dans l'efprit d'en faire honneur au
Prince fur fes monnoyes. Domitien fuccéda
à fon frere Tite . Il eft remarquable que
fon regne qui fut de quinze ans fournit
beaucoup moins de médailles reftituées ,
que Je regne de Tite qui ne fut que d'un
peu plus de deux ans ; & que toutes fes
médailles reftituées ne font que des copies
fidelles des médailles reftituées de Tite .
Cependant Suetone dit expreffement qu'il
répara un grand nombre d'ouvrages confumés
par l'incendie ; mais il ajoute auffitôt
que ce Prince fier & jaloux ne voulut
pas qu'on gravât fur ces ouvrages le nom
des Fondateurs , mais feulement le fien .
C'est pour cette raison qu'on n'a point de
médailles reftituées qui ayent été frappées
à l'occafion des monumens dont il fut feul
Réparateur , parce que ces médailles préfentoient
le nom des Fondateurs avec celui
du Reftituteur ; & quant aux médailles de
Domitien qui ne font qu'une copie des
reftitutions de Tite , il les aura fait frapper
à l'occafion des ouvrages que Tite avoit
commencé à réparer , & que Domitien
avoit ou achevés , ou augmentés , ou dédiés.
Ce Prince jaloux de la gloire de fon
frere , n'avoit garde de lui laiffer celle de
porter feul fur ces monnoyes le titre de
JUIN. 1748. 13
à
Réparateur. Ainfi l'incendie de Neron &
celui de Tite , ayant donné lieu à un f
grand nombre de réparations , ont en même
tems fait naître l'idée de les marquer
fur les monnoyes. 2° . Les médailles reftituées
ne vont pas jufque fous Hadrien.
Dans ce nouveau fentiment il eft aifé d'en
rendre raifon , Spartien nous la donne
dans la vie d'Hadrien . Ce Prince , dit- il ,
n'aimoit pas mettre fon nom fur les ourages
qu'il faifoitfaire ; & ailleurs , ayant
fait faire grand nombre d'ouvrages , il ne
mit fon nom que fur le Temple de fon
pere Trajan. Cette retenuë d'Hadrien lui
fit fans doute , interrompre l'ufage de fes
quatre Prédéceffeurs. Son fils & fon petitfils
adoptifs , Antonin & Marc Auréle ,
Princes d'ailleurs vraiment Philofophes
fuivirent en cela fon exemple , & le mot
reftituit ne parut plus fur les médailles.
,
Ce n'eft pas qu'on ait ceffé après Trajan
de frapper des médailles à l'occafion des
réparations faites par les Empereurs. Nous
en avons plufieurs exemples, mais la forme
qui avoit conftamment fubfifté depuis Tite
jufqu'à Trajan , une fois interrompuë par
Hadrien , changea entierement & devint
arbitraire.
Ainfi cette nouvelle opinion eft con14
MERCURE DE FRANCE .
forme à l'Hiftoire & aux infcriptions , &
de plus elle a cet avantage fingulier de
fixer les deux époques du commencement
& de la fin des médailles reftituées ; elle
rend même raifon pourquoi on ne trouve
fous Domitien que les reftitutions qui lui
font communes avec fon frere Tire , en
un mot elle explique tout ce qui concerne
en général les médailles reftituées.
M. le Beau promet d'expliquer en particulier
toutes ces médailles dans les Mé
moires fuivans , & de répondre à quelques
difficultés qui fe préfentent dans fon fentiment.
i Ce fentiment an refte écrit d'un ſtyle
noble & en même tems naturel fut écouté
avec grand plaifir du public , & quoique
cette matiere fut féche & peu fufceptible
d'agrément par elle-même , l'Auteur a
trouvé l'art de la rendre intéreffante par
la folidité des réfléxions , & par les traits
d'une érudition fage & menagée à propos
qu'il y a femés.
JUIN. 1748.
TRADUCTION du Cantique de
Moyfe après le paffage de la Mer Rouge
Cantemus Domino , gloriosè enim , &c.
DuSeigneurpar nos chants célébrons la vic
Il a fait éclater fa grandeur & fa gloire .
Dans les flors que bravoir leur folle vanité ,
Combattant & courfier tout eft précipité.
A mon Libérateur je dois tous mes Cantiques
Il m'a fauvé des mains d'oppreffeurs tyranniques
C'eft le Dieu de mon pere , & lui feul eft mon
Dieu .
Son nom va par ma voix retentir en tout lieu ;
( Dans ce nom tout -puiffant quelle force réfide !)
Tel & cent fois plus grand qu'un guerrier intré
pide ,
Il a paru . La mer, comme un vafte cercueil ,
Du tyran de l'Egypte a dévoré l'orgueil ,
La pierre dans fa chûte avec moins de vîreffe
[
Defcend au fond des eaux,fuyant l'air qui la preffe,
Tant d'ennemis livrés au glaive du trépas
Ont fignalé , Seigneur , la force de ton bras;
Tu les a foudroyés des traits de ta colére ;
Ainfi le feu confume une paille legére .
Au * vent de ta fureur l'onde égalant les monts
*Es in ſpiritu furoris tui.
16 MERCURE DE FRANCE
Découvre de la mer les abîmes profonds .
L'Egyptien enflé de fa vaine puiffance ,
Difoit , je vais encore affouvir ma vengeance ,
Et malgré leurs efforts mon glaive va frapper
Ces fuyards infenfés qui croyoient m'échapper,
Il dit , un foufle part de ta bouche enflaamée ,
Et la mer en coureux engloutit cette armée.
Objet de ma loüange , ô Dieu de fainteté ,
Qui pourroit , s'élevant à ta divinité ,
'Atteindre la hauteur de ton pouvoir fuprême ?
Non , Seigneur , nul ne peut t'égaler que toi
même.
Quels fecours merveilleux ne te devons- nous pas ?
Tout orgueil eft brifé quand tu leves ton bras ;
Ce peuple racheté par ta feule clémence
Viendra dans le lieu faint, conduit par ta puiffance.
Son retour foutenu par tes regards divins ,
Va porter la frayeur chés les peuples voifins.
Déja la Paleſtine , & les Chefs d'Idumée ,
Moab , & Chanaan en ont l'ame allarmée.
Répands fur eux encor l'épouvante & l'effroi ,
Et ton peuple en marchant craint & libre par toi ,
Verra fes ennemis fpectateurs immobiles ,
Par l'horreur de la crainte enfermés dans leurs
villes.
Long-tems perfécuté , tranquille déformais ,
C'est alors qu'Ifraël , comblé de tes bienfaits ,
JUIN.
17 1748.
Tranſporté par tes mains , te rendra fon hommage
Dans ce Temple tameux , qui fera ton ouvrage
.
Le * regne du très - haut eft dans l'éternité ,
Terme qui e confond dans fon immenfité.
Un inftant voit la mer dans fon cours fufpenduë
Nous ouvrant dans fon fein une route inconnuë ,
Et les Egyptiens , à nous fuivre obſtinés ,
Périflans dans les flots tout à Coup déchaînés.
LETTRE de M. de Paffe à M. ***
fur la converfation.
J'Ai
' Ai peine à croire , Monfieur , que vous
parliez férieufement , lorfque vous me
demandez quelles font les régles que l'on
doit fuivre pour plaire dans la converfation
. Pouvez - vous les ignorer , vous qui
les pratiquez avec tant de fuccès ; chés
vous la grace eft jointe à la fimplicité , la
douceur à la vivacité , la fcience à la modeftie
, l'érudition à la politeffe. Tout le
monde eft charmé de vous entendre , &
l'on remarque que vos difcours ont toujours
bien moins pour but de faire paroître votre
efprit que de relever celui des autres .
Vous pénétrez dans l'ame de ceux qui vous
* Dominus regnabit in aternum , & ultrà.
18 MERCURE DE FRANCE.
écoutent , vous y découvrez toutes les f
neffes de l'amour propre , & vous fçavez
les faire valoir ingénieufement à l'avantage
des autres. Auffi quand on fort d'a
vec vous , on en fort toujours content de
vous & de foi-même ; toujours varié , &
cependant toujours égal , jamais vous n'offenfez
, jamais vous n'ennuyez ; la raifon
eft aimable dans votre bouche , & vous
avez le talent de perfuader,parce que vous
avez celui de plaire.
En faifant votre portrait , Monfieur ,
j'ai exprimé tout ce qu'il faut pour réaffir
dans la converfation . Mais vous voulez
que j'approfondiffe un peu davantage ce
fujet ; j'entre dans vos vûes bien volontiers
pour ma propre inftruction , quoiqu'il me
paroiffe difficile de rien dire à cet égard
qui n'ait déja été dit plufieurs fois. Je raf
femblerai du moins les réflexions qui fe
trouvent répandues dans un grand nombre
d'ouvrages , & je tâcherai , en les rapprochant
& en les faifant naître les unes des
autres , de leur donner un nouveau jour .
La converſation doit fon origine au befoin
qu'ont eû les hommes de fe communiquer
leurs penfées . & leurs fentimens.
Elle s'eft perfectionnée à mesure qu'ils ont
dépouillé la groffiereté & la rudeffe de
leurs moeurs , & infenfiblement elle eſt
JUIN. 19 1748.
devenue un commerce qui eft le lien & le
charme de la fociété ; quoique le talent d'y
réuffir foit à bien des égards un don de la
nature , il eft cependant affujetti à des
régles ; il fuppofe le concours heureux des
qualités de l'efprit & du coeur. Nous ne
trouvons aimables que ceux que nous pou
vons réellement aimer & eftimer , ainfi
un homme infecté de quelqu'un de ces vices
honteux qui attaquent la probité , &
qui s'aviliroit jufqu'à être faux dans fes
paroles , ne nous paroîtroit point du tout
propre à faire les délices de la converfation.
Les honnêtes gens ne goûtent pas davan
rage ceux qui par des traits libertins ofent
attaquer ce que nous avons de plus refpectable.
On a dit bien des fois , & on l'a
dit avec juftice , qu'on ne chercheroit
point à décrier la Religion , fi l'on n'avoir
point intérêt de la décrier. L'Evangile
nous a tracé une route fûre pour arriver à
la vertu , & il eft certain que ceux qui propofent
d'autres régles, ou qui croyent pouvoir
fe paffer de celle-là ont toujours pour
but de mettre les paffions plus au large.
Quand on veut fe faire rechercher dans la
fociété & s'y rendre aimable , il faut encore
s'interdire ces difcours licencieux qui bleffent
la décence & qui font rougir la pu
deur. On n'en peut attendre que de la hon20
MERCURE DE FRANCE.
te & du mépris de la part de ceux même
qui ont paru y applaudir .
Il ne fuffit pas au refte pour plaire dans
la converfation d'avoir les vertus oppofées
aux défauts que je viens d'indiquer. Il
faut y joindre un grand fonds de douceur
& de complaifance , un efprit capable de
fe prêter à toutes fortes de fujets , une heureufe
facilité de s'énoncer , un enjoüement
naturel & une fécondité propre à orner les
matieres ftériles ; avec ces qualités on pra
tiquera fans peine & comme naturellement
les régles que je dois maintenant vous expoſer.
La premiere & la plus importante de
toutes , c'eft d'obferver les loix de la politeffe
à l'égard de ceux avec qui nous converfons
; ce n'eft qu'en ménageant l'amour
propre des hommes qu'on parvient à s'en
faire goûter. Ils jugent de nous bien plus
par les démonftrations extérieures que par
les qualités effentielles que nous pouvons
avoir ; nous les offenfons fi nous manquons
d'égards pour eux . Or ceux que nous leut
devons dans la converfation font 1 ° . de
tâcher d'avoir un air libre & aifé & de leut
montrer un viſage où éclatent la joie , la
douceur & la modeftie, fans pourtant qu'il
y paroiffe rien d'affecté.
2. De prendre un ton de voix qui ne
JUIN. 1748 .
Loit ni plus haut ni plus bas qu'il ne faut
pour être entendu , & de mettre entre ce
que nous difons & l'action qui l'accompagne
un rapport , & s'il m'eft permis de par
ler ainfi , une harmonie qui ne produife
qu'une feule & même idée dans l'efprit de
ceux qui nous voyent & qui nous écou
tent.
3. D'écouter attentivement ce qu'on
nous dit ; il eft contre la politeffe de faire
répéter une feconde fois ce qu'on a dû entendre
la premiere . Ceux qui nous parlent
font bleffés lorfqu'on leur refufe l'attention
qu'ils croyent mériter; ils prennent la
diftraction & les abfences d'efprit pour
des marques du peu de cas qu'on fait d'eux
& de ce qu'ils difent ; bien écouter & bien
répondre , dit M. de la Rochefoucault ,
eft une des grandes perfections qu'on puifle
avoir dans la converfation ,
4°. Nous devons de la déférence & de
la complaifance à ceux avec qui nous nous
entretenons ; il n'eft pas poffible que nous
ne leur déplaifions , s'ils apperçoivent en
nous quelque chofe qui marque de l'ennui
ou de l'impatience ; nous leur déplaifons
également s'ils trouvent en nous un carac
tére toujours prêt à contredire , & une
opiniâtreté infléxible à foûtenir nos opinions
, c'est un entêtement méprifable que
22 MERCURE DE FRANCE.
de vouloir toujours avoir raifon , même fut
les matieres les plus indifferentes. Si l'affaire
eft férieufe , nous pouvons expliquer
nos raifons avec tranquillité , mais fi l'on
nous fait connoître que nous avons tort ,
loin d'en rougir, faifons- nous au contraire
honneur de nous rendre à la vérité. C'eft
encore une attention qu'il faut avoir de
ne jamais propoſer fes fentimens que comme
des opinions vraiſemblables , & non
comme des décifions auxquelles on prétende
que tout le monde foit obligé de
céder ; les hommes ont naturellement le
droit de juger par eux-mêmes , & on les
révolte dès qu'il paroît qu'on veut les en
dépoüiller ; nous devons même examiner
quelles font les paffions principales & les
préjugés de ceux avec qui nous fommes en
focieté,afin de ne les pas choquer de front.
La contrariété des opinions , auffi-bien que
celle des humeurs , produit la haine & l'averfion
; il faut prendre garde cependant
que notre complaifance pour les autres ne
dégénére en baffeffe ou en flaterie. On
méprife ane foupleffe d'humeur qui va juſ
qu'à facrifier les goûts les plus raifonnables
fans néceffité , qui prodigue les éloges fans
difcernement & qui applaudit aux ridicu
les.
Une feconde régle qu'on peut regarder
JUIN. 1743.
es
bla
fand
dicu
der
C:
ent
onk
comme une fuite de la premiere , e'eft d'être
beaucoup plus occupé des autres que
de nous mêmes. Si vous avez envie de
plaire , cachez votre fupériorité, loin de la
faire fentir ; on ne fe fait point aimer de
ceux qu'il paroît qu'on veut rabailler. De
là je conclus
1º. Qu'il ne faut parler de foi-même
que le plus rarement qu'il eft poffible ;
ceux qui ont continuellement le moi dans
la bouche ont ordinairement beaucoup de
fatuité & ne paffent pas pour avoir beaucoup
d'efprit , auffi ne fe plaît on guéres à
les entendre. Je penſe néanmoins comme
Me. Lambert , qu'on pourroit écouter avec
le plaifir un homme qui joindroit la nobleffe
des fentimens à de grandes lumieres , &
qui parleroit naturellement & fincérement
de lui-même ; il y auroit à profiter dans
un pareil entretien ; une ame d'un certain
ordre qui fe montre à nud eft un fpectacle
intéreſſant & inſtructif.
dax
O
lese
ming
&la
esa
2º . Même en parlant des chofes qui
n'ont nul rapport à nous , il faut éviter de
trop parler ; celui qui s'empare d'abord de
la converſation , & qui plein de la bonne
opinion qu'il a de lui-même , s'imagine
qu'on doit toujours l'écouter , fans qu'il
foit obligé d'écouter les autres à fon tour
déplaît & ennuye. Si vous voulez qu'on
24 MERCURE DE FRANCE.
eftime votre esprit , n'eulevez pas aux autres
les moyens de faire paroître le leur ,
ramenez - les au contraire, autant que vous
le pourrez , à ce qui les intéreffe ; mettezles
fur des matieres qui foient à leur portée
, & donnez- leur occafion de parler &
d'être contens de vous & d'eux -mêmes ;
voilà le véritable fecret de leur plaire . Les
hommes aiment toujours mieux ceux qui
leur applaudiffent que ceux auxquels ils
font obligés d'applaudir,
J'ajoute une troifiéme régle qui regarde
particulierement ceux qui veulent écrire ,
mais qui peut auffi très- bien s'appliquer à
ceux qui défirent de réuffir dans la converfation
, c'eft qu'il faut que chacun fuive
fon talent & fe renferme dans les bornes
de ce qu'il fçait & de ce qu'il peut. Jamais
nous ne plairons que par les qualités que
nous avons reçuës de la nature .
Chacun , pris dans fon air , eſt agréable en foi ,
Ce n'eftque l'air d'autrui qui peut déplaire en moi;
Un efprit né chagrin plaît par fon chagrin même,
Si donc nous fommes nés chagrins, n'af
fectons point le ton plaifant,nous n'acque
rerions par-là qu'un faux air , qu'un air emprunté
, auquel le ridicule eft toujours attaché.
Quand même nous aurions le talent.
de réuffir dans la plaifanterie , il ne fau
droit
JUIN. 1748. 25
•
que
droit en ufer qu'avec beaucoup de circonfpection.
Ce feroit être trop févére que de
vouloir bannir de la fociété cette raillerie
innocente qui faifit le ridicule & qui répand
l'enjouement , fans bleffer perfonne
mais on ne doit jamais s'en fervir avec ceux
qui font fans efprit. Un trait vif & délicat
leur échappe , & la critique la plus légere
leur paroît toujours une infulte ; vous ne
devez pas non-plus vous permettre de railler
ceux qui vous font inférieurs ; votre
fupériorité les rend timides & les empêche
de vous répondre. Or c'eft une lâcheté
d'attaquer quelqu'un qui n'eft pas en état
de fe défendre ; fi cependant vous étiez
chargé de leur conduite , il y a des occafions
où vous pourriez employer la raillerie
pour les corriger. On redoute fouvent
plus le ridicule d'une action , que les autres
fuites qu'elle peut avoir. Pour que la
plaifanterie foit légitime , il faut qu'elle
n'ait pour objet que de légers défauts , fur
lefquels nous fouffririons fans peine qu'on
nous plaifantât nous-mêmes. Si vous touchez
à des défauts effentiels & fondés , la
perfonne raillée fe trouvera dans l'impuiffance
de répondre , & vous la piquerez
d'autant plus vivement qu'elle aura plus
d'efprit. Dès qu'unhomme poli apperçoit
quelque embarras dans ceux qu'il plaifan-
I, Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
te, il s'arrête & détourne le difcours adroi
ment ; il fçait qu'il n'y a qu'une fecrette.
malignité qui puiffe faire trouver du plaifir
à humilier l'amour propre des autres.
En général c'eft un métier peu honorable
que celui de plaifant de profeffion ou de
difeur de bons mots. Un homme dont
l'emploi eft de faire rire les autres , s'attire
ordinairement pen de confidération
; en
applaudiffant au talent , on méprife bien
fouvent celui qui le poffede.
Il y a quelquefois d'affés bonnes plaifanteries
qui ne réüffiffent pas , parce que
ceux qui les difent veulent donner le ton
aux autres en commençant par en rire les
premiers; ils paroiffent trop fatisfaits d'euxmêmes
, & de-là vient que perfonne n'en
eft fatisfait , car nous fommes naturellement
choqués d'un amour propre qui fe
montre trop à découvert ; c'eft là peut-être
la principale raifon pour laquelle on n'aime
point ceux qui font perpétuellement
nfage de leur mémoire dans la converſation
; ils croyent faire preuve d'un mérite
fupérieur , en appuyant tout ce qu'ils difent,
de quelque autorité , en récitant des vers à
rout propos , ou en rappellant tous les traits
d'hiftoire dont ils peuvent fe fouvenir ,
mais outre l'idée de pédanterie qu'on atta- ,
che communément à ce caractére , on y.
JUI N. 1748. 27
découvre une affectation trop marquée de
paroître & de briller . Or la converfation
ne nous plaît qu'avec ceux qui nous laiffént
croire que nous avons autant d'efprit
qu'eux .
Les converfations ne font pas des conférences
philofophiques , ainfi il feroit injufte
de vouloir qu'on n'y procédât que
par argumens & qu'on n'y traitât que
des matieres graves & férieufes , mais il ne
faudroit pas non-plus tomber dans l'excès -
oppofé , en ne leur donnant jamais pour
objet que des chofes frivoles. Ceux qui ne
fçavent s'entretenir que de Comédies ,
d'Operas , de modes & de chevaux , font à
plaindre ; je plains pourtant encore davan .
tage ceux qui cherchent à cultiver leur efprit,
& qui font obligés d'effuyer fouvent
de pareilles converſations .
Au refte il vaudroit encore mieux , fans
doute, ne parler que de bagatelles, que de
s'occuper , comme on le fait la plupart du
tems à décrier le prochain , car c'eſt- là ,
il faut l'avouer à notre honte , un des
fujets qui fournit le plus à nos entretiens.
Jamais l'efprit ne fe montre davantage ,
jamais les traits ne font plus vifs & plus
brillans , que lorfqu'il s'agit de cenfurer &
de publier les défauts d'autrui ; pourvû que
la médifance foit préſentée avec adreffe &
B ij
28 MERCURE DE FRANCE.
affaifonnée d'un certain fel qui la rende
piquante & agréable , on l'excufe & on ne
penfe pas qu'elle foit criminelle ; il faut
pour que nous en jugions bien , qu'elle
nous attaque perfonnellement.Le médifant
qui divertit le public à nos dépens , n'eſt
plus un homme amuſant & enjoüé ; c'eſt
un efprit dangereux qu'il faudroit bannir
de la fociété, Comment pouvons- nous
croire que ce qui eft une bleffure mortelle
pour nous , n'en foit pas une également
pour les autres ?
Voilà , M. quelles font mes idées fur la
converfation , ou plutôt celles de toutes
lés perfonnes qui en ont parlé avant moi ;
j'aurois pû traiter mon fujet avec plus d'étendue
& faire entrer dans ma lettre un
grand nombre de portraits qui en auroient
fait le principal ornement , mais je ne vous
ai point perdu de vûë en l'écrivant , & je
me fuis toujours fouvenu que je ne devois
pas prendre vis à- vis de vous le ton d'un
maître qui donne des leçons , mais que je
devois me borner à celui d'un difciple docile
qui cherche à s'inftruire & à s'éclairer
lui-même.
JUI N. 29 174S .
FABLE.
La poule aux oeufs d'argent.
PErronelle avoit chés elle
Une rente bonne & belle ;
Sa poule tous les jours pondoit exactement
Un oeufd'argent ;
Un homme raisonnable auroit été content ,
Mais où trouver une femelle
Qui mette un frein aux voeux de fa cervelle ?'
Celle - ci fit bientôt ces faux raiſonnemens
Que dicte l'avarice en dépit du bon fens :
Si , dit elle , du grain qui fait fa nourriture
Ma poule chaque jour avoit double mefure
J'aurois en un inftant doublé mon revenu ,
Et je verrois maint bon écu
En peu venir en ma puiffance ;
Elle dit , le grain pleut & la poule s'élance ;
Son jabot affamé fe gonfle avidement ,
Mais elle en mangea tant qu'elle ceffa de vivre.
Sa maîtreffe voulut la fuivre ,
Tant fa douleur fût grande ; étrange aveuglement !
Peut-on raffafier l'avarice béante ?
Si la poule en eût fait cinquante ,
Perronelle en eût voulu cent.
B iij
30 MERCURE DE FRANCE .
PENSE'ES DIVERSES ,
JE
Introduction.
ce
E lis moins ce qu'il faudroit que je
lûffe , que ce qui me fatisfait. Je ne
fais point mes lectures mes lectures pour d'autres que
pour moi ; l'immortalité n'eft point mon
idole , je n'ai d'autre but que de fuir l'ennui
. Si mes amis ont recours à mes foibles
lumieres , je ne les leur refufe pas , mais
comme je n'ai que des amis éclairés , j'ai
toujours befoin d'eux & je ne leur fuis
prefque jamais utile . J'aime la fociété &
je la fnis. Mon éloignement de fes plaifirs
n'eft fondé que fur le defir que j'ai de me
rendre plus digne d'en jouir. Ennemi par
temperament des recherches pénibles , &
par vanité d'une étude fuperficielle , je
veux être en état d'entendre les Sçavans
fans vouloir le paroître , & je veux feryir
l'ignorant fans pouvoir le méprifer . La
fcience me rendroit peut- être moins attentifà
plier mon caractére à celui des autres,
&l'ignorance pouroit m'avilir aux yeux des
habiles dont le commerce doit faire dans
un âge plus avancé tout l'agrément de ma
vie ; mes journées ne m'ont jamais paru ni
trop longues ni trop courtes. J'attends en
JUIN. 1748.
31
patience le lendemain & je le vois arriver
Tans frayeur. Les occupations du jour préfent
finiffent avec lui ; le jour fuivant m'en
offre de nouvelles que je ne réferve jamais
au jour qui lui fuccéde ; mes travaux font
courts, Je les mefure au tems dont je
joüis ; que ma vie finiffe , ils font complets
..... Ni la réputation d'un Ecrivain ,
ni fes bonnes qualités ne m'aveuglent ; il
eft homme & je le fuis ; fon titre & le
mien me donnent celui de cenfurer ce que
je penfe de défectueux dans les oeuvres. Je
couche mes réfléxions fur le papier , non
pour les publier , mais pour ne les point
oublier. Si je les communique , je ne fuis
pas moins content de reconnoître que j'ai
cenfuré mal-à- propos , que d'appercevoir
de la jufteffe dans mes cenfures. Si j'aime
ma réputation , j'adore celle des autres.
Je ne préfére pas aveuglément mon fentiment
au leur , ni leur fentiment au mien ,
mais je trouve plus de juftice à ce qu'ils
gagnent vis - à-vis de moi , & plus de plaifir
à ne point perdre vis- à- vis d'eux .
Voilà quelques découvertes que j'ai faites
dans mon intérieur. Si l'on trouve que
je m'attribue quelques bonnes qualités ,
que l'on ne décide pas fi c'eft la vanité qui
me les fuppofe , ou fi c'eft l'envie de les acquerir,
car moi-même je n'en fçais rien .
Bijij
32 MERCURE DE FRANCE.
**
1. Céſar étoit trop vieux , dit Paſcal ,
pour penfer à conquerit le monde , l'entreprife
convenoit à Aléxandre , il étoit
jeune. Aléxandre , dit la Bruyere ,
étoit trop jeune pour un deffein fi férieux,
il convenoit à Céfar , fon âge l'en rendoit
digne. Dans une fi grande oppofition de
penfées , quel moyen de les concilier ?
Le voici une folle entreprife meffied à
tout âge .
:
2. Le vice eft triomphant quand il perd
Les enfeignes.
3. Que Malbranche combatte l'imagination
, j'en aime les effets dans Bocace.
Féconde , variée , fage , folide , l'efprit
réunit- il tant de qualités ? Et s'il les réunit,
pourquoi ne les fait- il jamais paroître fans
le fecours de l'imagination ?
4. Nous pouvons dire que nous aimons
véritablement quelqu'un , quand ce n'eft
point l'amour propre qui nous perfuade
que nous en fommes aimés .
D. H. A.
A Dieppe ce 11 Mars 1748.
La fuite dans le Mercure prochain.
* Pafc. c. 31.
** Voyez la Bruy . du Jugement,
JUIN. 1748. 33
$
IMITATION de l'Ode d'Horace :
Quid bellicofus Cantaber , &c . à M ....
Pourquoi nous allarmer des projets inutiles
Que forment contre nous , en reffources fertiles
Le Hongrois , l'Anglois belliqueux ?
Le formidable champ où triomphe Bellonne ,
Eft fécond en lauriers que Louis y moiffonne;
La foudre ne ménace qu'eux.
**3 *+
Pour nous à qui le Dieu qui préfide à la guerre;
N'inſpire point l'ardeur d'enfanglanter la terre,
Craindrons-nous plus que nos guerriers ?
Ami , raffûrons- nous ; quelle étrange manie
Nous fait de trop de foins empoisonner la vie
La paix regne dans nos foyers.
XX
Tandis que du Deftin les loix irrévocables
Laiffent filer pour nous aux Soeurs inéxosables
Un nombre incertain de beaux jours ,
Joüiffons des plaifirs que leur main bienfaifante
Soumet à notre choix , en foule nous préfente ;
Puiffent- ils être d'un long cours !
Bv
34 MERCURE DE FRANCE..
La bizarre vieilleffe , infenfible à leurs charmes ,
Ne verfe , hélas ! trop tôt que de ftériles larmes ,
Qu'amour s'obſtine à dédaigner.
Si le fommeil alors exauce nos prieres ,
La crainte , la douleur entr'ouvrent des paupieres
Où la mort s'apprête à regner.
***
Rien n'eft ftable ici-bas ; tout périt d'age en âge ;
Les fleurs dont nous voyons fe couronner le fage,
Ne décorent que le printems :
De la foeur de Phébus la courfe eft inégale ,
Tantôt elle dérobe , & tantôt elle étalo
A nos yeux fes feux éclatans.
Pourquoi de l'avenir profanant les myſtéres ,
Dont les Dieux , malgré nous , font feuls dépofitaires
,
Vous forger de cruels tourmens ?
Du Myrthe aimé des cieux cherchez plutôt l'om
brage ;
Tout rit à vos défirs au printems du bel âge ;
Venus eft propice aux amans.
Si du Dieu de Paphos peu flaté des délices ,
Vous ofez-vous fouftraire à d'éternels caprices ;
JUIN.
35 1748.
Un autre Dieu vous tend les bras ;
De pampre couronné le pere de la treille
Ranime dans nos coeurs , par fa liqueur vermeille,
Le goût des plaifirs délicats.
***
Mais d'un plus noble objet votre ame pénétrée ,
Aux plaiſirs épurés de bonne heure eft livrée ,
Et fuit l'illufion des fens :
Partifan éclairé de Virgile & d'Horace ,
Vous aimez parmi nous ceux dont l'heureufe audace
Forme encor d'immortels accens.
Pour moi , berger par goût , d'une main témé
raire ,
Je transforme par fois ma Cloris en bergére ,
Cherchant la route de fon coeur :
Peu touché de mes vers , de leur foible harmonie ,
Son coeur du mien , peut-être , abjurant la manje ,
Eft le prix d'un heureux vainqueur .
Par M. S***. de Lyon.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
REFLEXIONS
Sur l'amitié,
J JfEonnetcermosispas cefutlove , que
E ne crois pas que ce fut avoir perdu
d'avoir employé la moitié
de fa vie pour trouver un véritable
ami . On auroit au moins la confolation
d'en joüir pendant l'autre moitié.
S'aimer foi -même & aimer les autres ,
font deux chofes differentes. On les confond
cependant tous les jours en fait d'amitié.
Les amis ne font nulle part fi rares que
dans les Cours des Princes , où chacun fe
flate cependant d'en avoir.
On fe plaint fouvent d'avoir été abandonné
de fes amis ; on devroit plutôt gémir
de n'en avoir jamais eû .
Pourquoi décorer du fi beau nom d'amis
des gens que l'on ne connoît prefque
pas , & que l'on n'a vûs que comme dans
un microfcope ?
pour
Un homme qui comptoit plufieurs amis,
n'a beſoin que d'un revers de fortune
appercevoir les erreurs de fon calcul .
L'adverfité eft la pierre de touche qui
JUIN. 1748. 37
*
fert à diftinguer les véritables amis de ceux
qui n'en ont que l'apparence.
Dire à quelqu'un qu'il n'a point d'amis,
ce feroit lui faire injure. Rien n'eft cependant
plus vrai à l'égard de prefque tous les
hommes.
Vouloir du bien à fon ami , c'eft à quoi
fe borne notre amitié ; nous paffons rarement
jufqu'à lui en faire.
On voudroit jouir des avantages de l'amitié
fans en foutenir les charges. C'eft
renverfer le droit naturel & civil : Qui
fentit commodum fentire debet onus.
Deux perfonnes s'aimoient , dit-on ,
éperdûment ; un leger intérêt les a divifées
tout d'un coup ; fe font- elles jamais aimées
? J'ai tout lieu d'en douter , puifque
la conftance eft l'appanage de l'amitié .
Les épanchemens de coeur ne font pas
une marque certaine d'amitié , elles fervent
fouvent de mafque pour couvrir les plus
noires trahifons.
Il ne faut pas foupçonner legérement
un ami d'infidélité , mais auffi il ne faut pas
être dupe de fa propre crédulité.
On punit celui qui viole le ferment qu'il
a prêté en Juftice. Que de coupables à punir
, fi la même loi avoit lieu contre les
amis parjures !
38 MERCURE DE FRANCE.
Excufer tout dans un ami , c'eft oublier
qu'on eft fon ami ; ne lui rien pardonner ,
c'eft oublier qu'il eft homme.
J. F. C. de Semur , en Auxois.
EPIGRAMMA.
Joannis Saugeneni.
THeftilis ereptum lugensfibi morte maritum ,
Ungue notata , genas , & laniata comas.
Collite mefuperi, dicebat , tollite terra ;
Jungite me caro fata fevera viro.
Audiit umbra viri bac , & tali territa voto ,
Se gravius dixit morte timere malum.
TRADUCTION.
THeftilis pleurant fon époux ,
Que la mort lui ravit au printems de fon âge ,
Arrachoit fes cheveux , déchiroit fon viſage';
Deftins , cruels deftins , lancez fur moi vos coups,
Difoit- t'elle , & rendez Theftilis éplorée
A l'ombre , au cher époux dont elle eſt ſéparée .
L'ombre entendit ces mots , & déplorant fon fort,
Je crains , dit- elle , un mal pluscruel que la most.
"
JUIN. 39 1748.
* * * txx3 for £ $250 fæt be fake fat f**
FABLE.
·Les Chiens & le Renard.
Tous les jours la coupable envie
Ofe attaquer après la mort
Des Héros dont même le fort ,
Sembloit avec reſpect favoriſer la vie.
Des animaux le puiffant Roi ,
1
Paya le grand tribut qu'on doit à la nature ;
Son corps , & j'ignore pourquoi ,
Fut privé de la fépulture ;
Il méritoit bien un tombeau ,
Car il fut dans fon tems hardi , plein de courage
Bon Prince , & quoique Lion , fage.
Des chiens rencontrerent fa peau ,
Et fans refpect pour la mémoire.
De fa puiffance & de fa gloire ,
Oferent la ronger. Animaux imprudens ,
Leur dit un vieux Renard ; vous verriez, je parie
Les griffes du Lion plus longues que vos dents
Si le Lion étoit en vie.
S
"
40 MERCURE DE FRANCE.
JA
LETTRE A M. De ....
'Ai compris , Monfieur , que vous n'étiez
gueres plus fatisfait que moi de
la converfation où nous nous trouvâmes
hier. Les diverfes Nations de l'Europe
y pafferent en revûë ; les unes y furent
ridiculifées , les autres déprimées , & la
plupart traitées hoftilement. Vous êtes
bien convaincu , fans doute , que la partialité
, l'amour propte , le défaut de refléxions
& de connoiffances font les fources
de ces jugemens fuperficiels & précipités.
Quand on veut traiter cette matiere avec
quelque jufteffe, il me femble qu'il faut établir
pour principe , que la nature partage fes
bienfaits & ne les accorde point tous enfemble
à une feule Nation . Il n'y en a aucune,
quelque difgraciée qu'elle foit, qui n'ait
des qualités capables de la confoler de quelques
autres qui lui manquent , & il n'y en
a aucune de fi favorablement traitée qui
n'ait des défauts capables de l'empêcher
de fe glorifier de fes avantages.
Nous jugeons mal des moeurs & des coûtumes
de nos voisins & même des Nations
éloignées , lorfque nous les comparons aux
nôtres ; nous nous prévenons fortement
pour les manieres auxquelles nous fom
JUIN. 41 1748.
mes accoûtumés , & nous condamnons celles
des autres , ou du moins nous les trouvons
bizarres & ridicules , & nous nous adjugeons
tout de fuite la préference , fans
confidérer que nous n'avons d'autre raifon
pour cela
que ce que nous avons toujours
vû pratiquer.
Chaque Nation a fes ufages ; ils fe font
établis fans aucun principe certain , ils ont
paffé à la postérité , & comme la coûtume
eft un des principaux motifs des actions
des hommes, qui lui donnent aifément les
caractéres de la nature , chaque peuple a ,
pour ainfi -dire , confacré fes ufages , les a
obfervés religieufement & s'eft accoûtumé
à en regarder les tranfgreffeurs commé de
mauvais citoyens ou comme des barbares .
Ce n'eft point par l'extérieur qu'il faut
juger d'une Nation . Cet extérieur ne dépend
fouvent que des tems , des lieux' ,
des climats. Pour porter unjugement équitable
, il faut examiner le fond du caractére
, s'attacher aux fentimens d'humanité,
de bonté & de droiture , car il ne fert de
rien de méprifer les coûtumes des étrangers.
Ne s'en vengent- ils pas bien en méprifant
les nôtres , & croirons - nous
que nous ne fommes pas nous-mêmes bar
bares à l'égard de ceux que nous qualifions
tels ?
1
41 MERCURE DE FRANCE .
Le beau eft de tous les peuples ; ils le
déguiſent à la vérité fous differentes idées
& fous plus ou moins de figures , felon le
génie qui les y détermine , & cette variété
n'eft pas un des moindres agrémens du
Spectacle de la nature ; elle n'a pas mis
moins de difference parmi les hommes que
parmi les differentes efpeces d'animaux.
Les blancs , les noirs , les bazannés , les
nez écrafés , les groffes levres , les petits
yeux , la differente qualité des cheveux ,
tout cela , dis-je , caractériſe la figure des
peuples de certaine partie de la terre.
Faut-il être furpris que des Nations polies
de l'Europe ou de l'Afie fe donnent
refpectivement la préférence & fe propafent
pour modéles , lorfque nous apprenons
* que les peuples qui habitent les Ifles
Marianes méprifent brutalement tous
les autres & fe croyent le peuple le plus
poli & le plus fpirituel de la terre ? Ce font
pourtant des fauvages qui mangent tout
ce que la terre produit , fans autre préparation
. Ils n'ont aucune notion des Arts
ni des Sciences ; ils vont tout nuds , & peu
s'en faut que les femmes ne foient de même
; en un mot on ne peut rien de plus
barbare que ce peuple.
* Hift. des Ifles Marianes , &c . par le P. le Gobien
, Jésuite,
JUI N. 43 1748.
Imputer les fautes perfonnelles à une
Nation entiere , c'eft oublier tout fentiment
d'équité.
Mais où eft la Nation à laquelle on ne
reproche rien ? L'abbattement , la timidité
font la fuite des mauvais fuccès ;; la bonne
fortune rend fier & infolent ; la groffiereté
, l'ignorance des Arts & des Sciences
font les compagnes de la pauvreté ; le luxe
& la dépravation des moeurs , font le partage
des Nations opulentes .
D. L. C. à Vauréas.
CPAPAGAYO EDGARDEscalo
LES DEUX VENU S.
Left deux Venus à Citbere ,
L'une eft la mere des plaifirs ,
Déeffe aimable , mais févére ,
Elle ne répond point aux coupables défirs ,
Dans le fommet heureux d'une montagne im
menfe
Les deftins éternels ont bâti fon palais ;
Le goût , le fentiment , l'ardeur & la conftance
En ouvrent feuls la porte , & c'eft- là qu'à jamais
On goûte les douceurs d'une volupté pure ,
Et qui n'eft point fujette à de fâcheux retours.
De l'aimable Vénus la main puiflante & fire,
44 MERCURE DE FRANCE.
A la table des Dieux fur l'aîle des Amours ,
Conduit fes nourriffons fidéles
Et les enyvre de nectar .
L'autre Vénus au rang des immortelles ,
Se trouve , je crois , par hazard.
On dit qu'elle naquit de la craffe écumante
Que fait l'ire du Dieu des mers .
Son palais eft ouvert , la luxure béante
De chants impurs remplit les airs ,
Pour appeller la jeuneſſe imprudente .
L'autel eft élevé fur des tapis de fleurs
Qui cachent d'affreux précipices ,
Où le fortilége des vices
Fait trébucher fes fectateurs .
NOUVEAU Mémoire fur les Afnes de
Bourges, adreffe aux Auteurs du Mercure.
Napercher pouvoit être venu
N a pris jufqu'ici beaucoup de peine
le proverbe des Afnes de Bourges. On a
propofé dans votre Journal differens fentimens
ou diverfes conjectures , mais perfonne
n'a infifté fur ce qu'il y a grande aply
parence que le nom de l'Afne a été porté
par quelque famille de Bourges , de-même
qu'il y en a à Nevers qui portent ce nom,
JUI N. 1748. 45
rons ,
le
comme aufli en d'autres lieux des envioù
l'on dit que quelques- uns -ont
commencé à le changer en l'Afné , par
moyen d'un accent aigu . C'eft une chofe
fi conftante qu'il y a eu des l'Afne à Bourges
, quoiqu'il n'y en ait peut- être pas aujourd'hui
, que l'on a vû dans l'avant dernier
fiécle une Chapelle de l'Eglife Métropolitaine
, défignée par leur nom . Feüilletant
de vieilles paperaffes de l'année 1590 ,
j'en ai trouvé une où j'ai lû : Certa fignatura
feu provifio Capella feu Capellania perpetua
vulgo de Lafne , nuncupate in Ecclefia
Bituricenfi deferviri folita , Prajecto ſeu Pregentio
Mathé, Clerico Parifienfi , & on renvoye
pour le refte au Regiftre du Secreta
riat de Paris de l'an 1590.
Voila certainement une preuve authentique
qu'il y avoit alors dans Saint Etienne
de Bourges une Chapelle de Lafne , qui
fut réfignée & permutée en 1590. Or je
ne vois pas pour quelle raifon une Chapelle
auroit porté le nom de Lafne dans
une fi refpectable Eglife , fi ce n'étoit que
le Fondateur a été un Lafne. J'efperois que
le Pouillé de Bourges , donné par le Pere
Labbe , viendroit à l'appui de mon ſentiment
, mais ce Pouillé ne contient aucu
nes Chapelles.
Quelques gens diront peut - être que la
46 MERCURE DE FRANCE:
Chapelle en queſtion pouvoit avoir été
défignée fous le nom de l'Afne , à caufe de
quelques figures afinines remarquables par
leur fingularité ; que les Sculpteurs & les
Peintres ne repréfentent jamais la Nativité
du Sauveur , ou la fuite de la Sainte
Vierge en Egypte , fans y mettre un Aſne;
qu'il en a dû être de même à plus forte.
raifon de l'entrée de N. S. dans Jérusalem .
Mais que voudroit- on qu'il y eût eu de remarquable
dans la figure de cet animal ,
pour qu'il eût donné fon nom à une Chapelle
? Seroit- ce qu'il y auroit été repréfenté
pofé fur fon féant & jouant de la ly
re , ainfi qu'on le voit encore à l'un des
portiques de la Cathédrale de Chartres
& autres Eglifes ? Il faut bien diftinguer
un portail extérieur , où les Sculpteurs figuroient
ce qu'ils vouloient , d'avec une
Chapelle .
J'en reviens donc à Meffieurs Laſne ,
dont le nom n'a pas dû être plus défendu
à Bourges qu'ailleurs , & qui ne doit pas
paroître plus extraordinaire que les noms
de le Bouc , le Boeuf, le Veau , le Chat ,
le Rat , Mouton , Cheval , Cochon , qui
font les noms de plufieurs familles en
France. Je fuis , &c .
Le premier Mai 1748.
J.U IN.
47 1748:
500 500 500 500 500 500 30-50% : 502 580 526 502 506 502
REPONSE de M. de la Soriniere à celle
que M. des Forges - Maillard a faite à
Jon Epitre en vers blancs du Mercure de
Janvier dernier.
Mon cher Maillard, vous vous emportez trop ,
Et fur Pégase en courant au galop ,
Vous pourfuivez un pauvre Solitaire ,
Qui par caprice une fois refractaire ,
Une fois , dis -je , auroit par grand malheur
'Abandonné les charmes de la rime ,
Pour adopter les loix d'un novateur,
Ah ! je le fens ; j'ai commis un grand crime ;
Et je le dis & de bouche & de coeur ;
Mais croyez -vous que lâche déferteur ,
Transfuge ingrat des rives du Permeffe
Mon Uranie auroit eu la foiblefle
De me laiffer rimer toujours en blanc ?
Ne le croyez ; une fois feulement
Pour exciter rixe & docte querelle
Entre fuppôts des bords Parnaffiens ,
Dont , grace à Dieu , la nombreuſe féquelle
N'a pas trop mal épluché les vers miens.
La Motte-Houdart.
43 MERCURE DE FRANCE.
Si comme vous Poëte par nature ,
Conciliant rime , raiſon , meſure ,
J'avais fçû Part de marquer au bon coin
Vers élégans , Apollon m'eft témoin
Que n'aurois pas abandonné la rime.
Mais cher ami , lorfque dans cette efcrime
Rime & raifon font toujours en procès ,
Et que ne puis les faire vivre en paix ,
Oh ! pour le coup , en telle conjoncture ,
Je les fépare & rime à l'aventure ,
Et j'aime mieux me borner au fuccès
De dix vers blancs où le bon fens domine ,
Que de forger & biftourner exprès
Profe baroque où la rime chemine.
Ainfi qu'on voit qu'entre mille Rhéteurs
On trouve à peine un Orateur paffable ,
Ainfi voit- on qu'entre mille Rimeurs
A peine on compte un Poëte eſtimable ,
Ici ce font fades déclamateurs ,
*
Qui d'Fumolpe ont pris l'étiquette ;
Ceux- là ne font que verfificateurs ,
Que l'on doit bien diftinguer du Poëte ,
Et ce font ceux qu'en mon oeuvre indifcrette
Troupeaux nombreux du Seigneur Apollon ,
J'envoyois paître au plus bas du vallon,
* Voyez la Satire de Pétrone.
EPIGRAMME
}
f
JUIN. 49
•
1748 .
$
EPIGRAM ME.
Par le même , contre un caustique anonyme ,
qui lui en a fait coûter 32 fols pour le port
d'une vive longue invective rimée , contre
l'ufage des vers blancs & ceux qui s'y
livrent.
AMi , quand de mes vers j'ai retranché la rime;
Tu dis que j'ai fait un grand crime ;
Eh ! qu'as- tu fait toi , Liſimon ,
En retranchant des tiens le fens & la raiſon
洗洗洗洗洗洗洗送送送送光光源
Sur
EXTRAIT d'une lettre à M. ***
des Coquillages foffites qui fe voyent dans
les environs de Beauvais.
V
Ous fçaurez , Monfieur , ( vous qui
ne croyez pas que c'eft tems perdu
de s'amufer à des coquilles , & qui voulez
fçavoir tous les pays où on en trouve de
foffiles ) vous fçaurez , dis-je , que nous
Ien avons dans nos environs & que nos
ruës en font pavées . L'hyperbole vous paroîtra
un peu forte , au moins eft- il vrai
que grand nombre de ces blocs de grais ,
qu'on appofe le long des maiſons pourles
I. Vol. C
so MERCURE DE FRANCE,
défendre des chocs des voitures , en con,
tiennent de pétrifiées & font voir les moules
de celles que l'inftrument de l'ouvriera
enlevées en les taillant.Je vous invite très
fort à venir ici nous faire un étalage de
votre érudition , en fpécifiant toutes ces.coquilles
, en nous difant de quelles mers elles
viennent , fi c'eft le déluge qui les a appor
tées , ou fi la mer qui couvroit autrefois ce
pays- ci les y a laiffées lorfqu'elle a pris le
parti de fe retirer. Dans ce dernier cas la
mer feroit une marâtre qui abandonne fes
enfans & les laiffe périr inhumainement .
Mais comme vous n'êtes point homme à
entreprendre un voyage , fans fçavoir de
quoi il s'agit , & que vous pourriez - vous
imaginer que je prends des limaçons pour
des coquillages marins , je m'engage à vous
faire voir des petoncles , des coeurs de boeuf,
des vis , des cames , des buccins que j'ai reconnû
par leurs moules. Vous en reconnoîtrez
encore d'autres quand vous ferez
fur les lieux , car j'avoue qu'il y en a dont
je ne fçais ni le nom ni la famille ; les plus
belles & les plus grandes fe voyent fur un
des grais qu'on a placés autour du Cimetiere
de S.Quentin ; elles y font rangées avec
affés de fymmétrie & ne font pas.
fondues que dans les grais qui ne font voir
que de petits coquillages . La piéce de grais
fi conU
IN. 1748.
ze
qui contient le plus de ces petites coquil
les , fe voit à une des portes des écuries
la ville a fait conftruire ; ces pierres
que
font tirées de Gremenvillers , Paroiffe de
ce Diocèfe , à quatre lieuës de la ville ; on
en tire encore de quelques villages voifins.
Ce pays eft affés élevé ; eu égard à la
ville.de Beauvais , il remonte vers la fource
de la riviere qui la baigne. C'eft plus
près de Forges que de Granvillers que cette
riviere prend fa fource ; plufieurs autres
petites rivieres partent des environs de
Forges comme d'un centre & prennent des
directions diamétralement oppofées ; l'une
fe jette dans la mer à Dieppe , l'autre dans
la Seine , en påffant par Pont S.Pierre , une
autre dans la Somme près d'Amiens. En un
mot , Forges peut être regardé comme
le fommet d'un Cone , en confidérant les
routes de quantité de ruiffeaux qui prennent
leur fource dans fes environs. Cela
n'a rien de commun , me direz -vous , avecvos
coquilles ; plus que vous ne penfez.
La mer inondoit autrefois tous ces païs- ci
qui faifoient partie de cet Océan immenſe,
ainfi que la plus grande portion de la furface
de notre globe . Un amas confidérable
de fouffre & de fer recelé dans les entrailles
de la terre , a fermenté & a élevé le lit
de la mer au-deffus du niveau des eaux ; le
Cij
32 MERCURE DE FRANCE.
centre de la mine étoit à Forges , & \
grande quantité de fouffre & de min ..
qui s'eft élevée dans cette opération c
mique & qui fans doute continue to
jours à s'élever , nous a procuré ces fources
falutaires d'eaux minérales , auxquelles
vous êtes redevable de la fanté dont
vous jouiffez. Quant aux coquillages &
autres poiffons , ils ne pouvoient manquer
de fe répandre fur les côtés du Cone , &
peut- être vous prouveroit-on par les loix
des fluides qu'ils ont dû être dépofés à
Gremenvillers. Vous pouvez voir à la
ge 25 du cinquiéme tome d'un recueil de
voyages aux Indes Orientales , au fujer d'un
tremblement de terre dans l'Ile de Néra ,
qu'il y eut une quantité prefque incroyable
de poiffons qui furent jettés fur la ter
te. Si vous ne me faites pas la grace de me
croire fur tout ceci , au moins ne me re
fufez pas celle d'être , & c.
J.T. D. Médecin,
A Beauvais le 16 Avril ,
paJUI
N. 1748. 5 .
*X*XX*X+3X+ 3X * X* X
VERS
A une aimable parente pour lejour de fa fête.
Danscejour ,où chacun s'apprête
´ A célébrer ta fête ,
Je voudrois pas des vers & pompeux & brillans
Chanter tes vertus , tes talens ;
Comme je crains d'entreprendre un ouvrage ,
Qui feroit peu digne de ton fuffrage ,
Au lieu d'un long & fade compliment ,
Qui t'ennuyeroit infiniment ,
D'une amitié pure & fidelle ,
Bienveillante & pleine de zéle ,
Daigne agréer les fentimens .
Si le Ciel nous protégé & conſerve nos ans
Souviens-toi de cette promeffe
Que je te fais fur mes fermens ;
Malgré les ravages du tems ,
Et les froideurs de la vieilleffe ,
Qui , pleine de foucis , traite ordinairement
D'extravagance & de foibleffe
Le plus loüable attachement,
Mon coeur qui fut toujours épris de ta ſageſſe ;
Et qui cherche à goûter un plaifir innocent ,
Sera plus tendre encor , plus zelé , plus conftant ,
Ciij
$4 MERCURE DE FRANCE.
Six luftres après ta jeuneffe ,
Qu'il ne l'eft à préfent .
Par M. Cottereau , de Beaune , Etudiant
au Collège de Tours.
SEANCE publique de l'Academie Roya
le des Belles Lettres de la Rochelle .
Extrait d'une Lettre du 28 Mai 1748.
' Académie tint fon affemblée publique
le premier de ce mois dans la grande
fale de l'Hôtel - de- Ville , où affifterent M.
l'Evêque , M. le Comte de Chabannes &
M. de Pleurre.
M. Gaſtumeau , Directeur , ouvrit la
féance par quelques réfléxions fur les mo
tifs qui doivent attirer le public éclairé
aux exercices publics des Académies , &
fur l'objet que les Académies fe propoſent
dans les féances folemnelles .
"
» Quand les Académies , ajouta t'il , veu-
>> lent fe flater fur l'utilité de leur l'établiffe
>> ment , elles n'oublient pas de mettre au
>rang de leurs fuccès ce defir même que le
»public fait paroître pour l'accroiffement
» de l'Empire littéraire ; elles fe félicitent
» de l'avoir infpiré,d'avoir étendu la fphére
» de la raiſon , d'avoir fait connoître à la
JUIN. 1748.
Nation toutesles reffources pour les Arts
» de génie , & furtout d'avoir affujetti aux
régles du beau & du vrai un peuple né
» fpirituel , mais dont le feu & la vivacité
» l'emportoient fouvent fur la préciſion &
la jufteffe .
Que les Académies nous ayent procu
ré ces avantages , ou qu'on n'en foit redevable
qu'à l'heureufe étoile du fiècle ,
» il eft certain qu'il n'y a jamais eu dans les
efprits plus de rectitude & de vérité
qu'aujourd'hui . On ne juge que d'après
des connoiffances fures. Cette droiture
de fentiment & de raifon , qui dans les
» Beaux Arts forme le goût, paffe juf- .
qu'aux objets qui nous environnent &
nous apprend à en fixer le prix . Ainfi
tous les genres de merite font connus ,
» & la vertu reçoit des hommages , d'au
tant plus dignes d'elle , qu'ils font plus
éclairés & plus libres .
» Combien ce retour doit-il être flateur
pour les perfonnes que leur naiffance &
» leurs dignités élevent au- deffus des autres
! Ils fçavent que la grandeur n'en
» impofe plus , & qu'à travers l'éclat done
elle brille on va chercher l'homme pour
ne lui tenir compte que de fes vertus ,
mais ils fçavent en même tems que
n'échape à notre admiration ; que leurs
rien
འ
C iiij
36 MERCURE DE FRANCE .
99
qualités perfonnelles , leurs actions , les
» vûës fupérieures qui les animent fe développent
toutes entieres à nos yeux , &
»leur procurent les refpects naïfs & touchans
que l'Art ne fçauroit feindre , &
» auxquels la feule autorité ou le rang n'a
»aucun droit d'aſpirer.
M. Gaſtumeau lût enfuite , un Difcours :
Sur le goût trop vif qui regne dans la
Littérature pour les chofes de
pur amuſe-
>>ment. «<
pur
Ce Difcours eft écrit de maniere à ne
pouvoir que perdre.beaucoup dans un extrait.
Après avoir dit que fon deffein n'eft pas
d'exagerer les défauts de la Nation , ni de
foufcrire au fentiment de ceux qui ofent
avancer qu'elle ne peut faire dans les fciences
que des progrès médiocres , fentiment
injufte dont elle eft vengée par les prèu
ves éclatantes qu'elle a données du contraire
dans tous les gentes d'érudition , &
par l'avantage qu'elle a de porter jufques
dans les matieres les plus abftraites ce goût
délicat & méthodique qui leur donne un
otdre , une clarté qu'on ne voit guéres
regner dans les écrits de fes voisins , il
avoue que de fi heureufes difpofitions demeurent
affés fouvent inutiles par une façon
de penfer devenue trop commune ,
JUIN. 1748. 57
qui tourne infenfiblement les efprits aux
objets frivoles & de pur agrément ; d'où il
arrive , que l'efprit s'amollit & perd le
» goût des chofes folides , & par une con-
» féquence néceffaire , que l'on tarit enfin
» la fource de ces agrémens pour lesquels
» on eft fi paffionné. "
Les fuites de ce nouveau goût lui paroiffent
d'autant plus à craindre que les charmes
en font plus féduifans & le fuccès plus
affûré.
» Quoi de plus flateur pour l'homme de
» Lettres qu'une érudition legére dont la
» variété l'amufe plus qu'elle ne l'occupe ,
ود
qui n'offrant au coeur que fes fentimens
» ou fes foibles , les lui peint encore avec
» les plus brillantes couleurs , & qui mal-
" gré le peu d'application qu'elle exige
orne l'efprit de connoiffances auxquelles
» la vogue donne du prix , le met au ton
» de la bonne compagnie , & lui affûre un
» riche fonds d'agrémens & de plaifirs ? ..
» Mais où conduit un préjugé fi dangereux
? Vous en voyez les effets dans les
» ouvrages frivoles qui depuis quelque
» tems inondent la République des Let-
» tres. Les Auteurs n'y cherchent point à
» nous rendre- meilleurs ; ils ne veulent
que nous plaire . Eh ! par quelle route
arrivent-ils ? Des Hiftoires fabuleufes ,
» Y
Cv
58 MERCURE DE FRANCE
» des ' anecdotes incertaines ou inutiles ;
« des Contes , des Romans , des Fééries ;
voilà le fond de ces écrits . Le ſtyle , les
» moeurs , les bienséances répondent à la
gravité des fujets. Les images les plus
» licencieufes y faififfent le coeur , tandis
que l'efprit oifify reçoit des mains de la
volupté des maximes qui allarment tou-
»tes les vertus.
99
»Cependant ces ouvrages , la mode veut
» qu'on les life , ils fourniffent au plaiſir ,
» c'en eft affés , le beau fexe les accrédi-
>>te. ...
» Peut-être que pour fournir une car-
» riere fi peu étendue , il fuffiroit de tra-
»vailler de génie fans recourir à aucun
» modéle. Mais non on peut dans ce
genre être aidé par les anciens ; ils ont
comme nous encenfé les graces & la vo
» lupté. Quelle Littérature ! Quelles connoiffances
! A la place de ces ouvrages
immortels où brille la plus pure raiſon ,
»on va puifer dans des fources qui font la
honte de l'antiquité...
Que faifons- nous en préférant les objets
de pur amufement aux connoiffances uti
les ? Nous éteignons infenfiblement en
nous l'activité de l'efprit ; nous le dégoûtons
de toutes les occupations férieufes
4
JUIN 59 ? . 1748.
Les progrès de l'efprit ne fe dévelop
pent que par des opérations fucceffives
& réitérées... L'analyſe donne les prin-
« cipes , le raifonnement mene aux conféquences
; tout cela n'eft qu'habitude ,
mais il faut la former. Si ces opérations
»font pénibles, fi la fcience, qui fait l'objet
de l'étude, eft appuyée fur des notions
» fines & difficiles à faifir , fi elle a de la
profondeur & de l'étendue , fi elle préfente
un fyftême bien lié dans toutes fes
» parties , qu'il faille embraffer d'une vûë
» gnérale , & appliquer à toutes les hypo-
ןכ
thèſes particulieres, fi fa marche mefurée
»&méthodique ne permetaucun écart, alors
l'efprit exercé par la méditation & le rai-
»fonnement , s'éleve , s'étend , fe fortifie ..
A l'exemple de l'Athléte...
» Des études frivoles ..... fourniffentelles
de pareils fecours ... On n'y acquiert
tout au plus que l'art de peindre des
fituations délicates , d'enflammer l'ima-
> gination & le coeur ouvrage dont la
» paffion fait la moitié des frais , & fi l'on
veut , un peu plus de fineffe & de liberté
» dans les penfées & dans le ftyle...
*
Eft-ce donc là de quoi perfectionner
la raifon & les talens ?... Aufli vit-on
jamais dans les goûts , dans les moeurs ,
» dans les caractéres plus de legéreté, plus
37
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
d'inconféquence ? Tout eft problême }
>>hors le plaifir & l'indépendance .... Et
» comment ramener au travail des
gens qui
» mettent la pareffe en fyftême ?...
Qu'on ne dife pas » que le fiécle eft au-
»jourd'hui plus éclairé que jamais... Que
» parut la Gréce aux yeux des autres peu-
» ples à mesure qu'elle en fut plus connuë ?
»Une Nation, à la vérité fpirituelle , délicate
, polie , qui feule gardoit le dépôt
» des beaux Arts , mais chés qui regnoient
»des vices révoltans , la raillerie , la fourberie
, le mépris des bonnes loix , une
recherche exquife dans tous les Arts fu-
» perflus , mille befoins inutiles que les fatyriques
Romains nous peignent avec
»indignation , & qu'on ne peut attribuer
qu'à la frivolité de ce peuple , qui , une
>> fois forti des bornes de la nature , couroit .
fe précipiter dans tous les excès ... Des
efprits amollis , & fans culture épuifent
»bien vite tout ce qu'ils ont de reffource
»pour amufer & pour plaire.
» Car enfin les plus heureux génies ont
leurs bornes , & quelque fécondité qu'ils
" ayent , leur fond s'altére par les pro
» ductions , fi des Lecours étrangers ne les
» renouvellent .... L'éloquence ne peut
» s'en paffer.... Il en eft de même de tous
» les Arts ....
JUIN. 1748. 68
Ceux même qui réuffiffent le mieux
dans ces ouvrages frivoles , ne doivent-
»ils pas à l'étude les traits brillans qui y
font répandus ? La jufteffe , la correction
» du deffein , la douceur du coloris , & je
»ne fçais quel air de maître , qui malgré
» lui décéle l'Auteur , & fait regretter les
» momens qu'il perd à des occupations de
ce genre...
» Mais le férieux des Sciences eft incom
patible avec les graces & l'enjoument
une application trop laborieufe deffeche
»l'efprit & lui fait perdre cette fleur , cette
vivacité , fi propres à enrelever le prix.a
Cela peut arriver felon M. G. » aux ef-
»prits médiocres & orgueilleux , mais il
» n'y a rien à craindre de pareil pour les
bons efprits , parce qu'ils fentent tout
» d'un coup jufqu'où ils peuvent atteindre.....
Et que toujours fupérieurs au
>> genre qu'ils ont choifi , leur application
»
»ne leur dérobe rien de la liberté & des
» graces du génie.
cc
Tout cela eft développé , bien nuancé ,
& mis en oppofition avec le goût dominant
d'aujourd'hui .
M. Gaſtumeau reconnoît néanmoins que
malgré cette eſpèce de confpiration pour
fe fouftraire à la raifon » on l'écoute
» encore affés pour appercevoir le défor
#2 MERCURE DE FRANCE .
dre , peut-être même pour en rougir.
»L'expérience fera le refte , dit-il en
finiffant ; malgré le penchant rapide qui
» entraîne la Nation au luxe & au plaifir ,
» elle verra enfin qu'on lui donne le chan
ge,& qu'il eft des amuſemens plus folides
» & plus dignes d'elle . Si la legéreté , la
»folie ont droit de tems en tems de domi
» ner fes goûts , ce n'eft qu'un empire paf
fager qui ne preferira jamais contre celui
» de la fageffe & de la raifon , «
M. Mercier Dupaty , Tréforier de Fran
ce , lût auffi enfuite un Mémoire fur les
caufes de la rareté du bois dans le
pays
d'Aunix , & fur les moyens de le multiplier.
» La rareté du bois dans cette Province,
» dit- il , eft un mal auffi négligé qu'il eft
»connu. Nous n'avons que la forêt de
Benon & quelques taillis dans les marais
; le bois qu'on en tire n'eft pas pro-
» portionné à nos befoins , & afin de pour
voir aux plus indifpenfables , nous fom-
» mes obligés d'avoir recours au Poitou ,
» à la Xaintonge & à la Bretagne . Cepen
dant nous ne fommes indigens que faute
» de foin ; fi l'amour du bien public ani-
»moit une fois notre induftrie , nous forti-
» rions bientôt de cet état d'indigence , &
nous parviendrions à faire une heureuſe
JUIN. 1743.
union de l'agréable & de l'utile , en éle-
» vant des arbres pour le plaifir des yeux
& pour nos ufages. «
Après ce court exorde l'Auteur entre en
matiere & prouve d'abord par plufieurs
autorités que le pays d'Aunis étoit autrefois
couvert de bois , & qu'on en voyoit
même dans les endroits où l'on juge aujour
d'hui qu'il eft impoffible d'en faire venir
comme fur les bords de la mer , dans un
terrain ſec , aride & découvert.... Pourquoi
donc le bois eft-il aujourd'hui fi rare
dans cette Province ? En voici les caufes
principales.
1. La deftruction du bois a commencé
par les befoins des habitans , dont le nombre
fe multiplioit par l'accroiffement de la
capitale , & par ceux de la marine devenue
plus confidérable à proportion que le commerce
s'étendoit . 2. Par les grandes plantations
de vignes , auxquelles on étoit
d'autant plus encouragé que les vins d'Aunis
eurent pendant quelque tems une affés
grande réputation . 3 ° . Par le décri où ces
vins tomberent enfuite , ce qui obligea
les habitans à les convertir en eau-de- vie..
Ce fut là le principe d'un nouveau commerce
qui mit le comble à la difette du
bois. On avoit dégradé les forêts pour
planter des vignes , il fallut en dégrader de
64 MERCURE DE FRANCE .
>
nouvelles pour les vignes déja plantées ;
c'est-à- dire , pour les chaudieres à eau-devie
qui font aujourd'hui une immenfe confommation
. Enfin les nouveaux habitans
trouvant le pays dénué d'arbres , le font
infenfiblement perfuadés que le terrain
n'étoit pas propre à en produire ; de-là le
préjugé contre le fuccès des plantations...
Cependant il y a des bois dans les endroits
de la Province qui y paroiffent le
moins propres. On voit de tous côtés des
arbres épars qui femblent prouver que
pour réuffir il fuffit prefque de tenter.
Nous fommes fourds à cette efpéce de
> voix de la nature ; le préjugé l'emporte ,
» & ce qui en eft une fuite naturelle , on
» néglige de planter... « Cette négligence
vient encore de la crainte qu'on a de ne
pas jouir : » mais fi l'incertitude infépara
ble de nos entreprifes étoit une raifon
fuffifante pour ne rien entreprendre , une
oifiveté pernicieufe s'empareroit de tous
» les hommes ; ils languiroient , victimes
»des befoins , & manqueroient de tout
» par pareffe , défefperant de recueillir les
» fruits de leur travail... «
Le pays d'Aunis , dit M. Dupaty dans
fa feconde partie , produit des arbres de
toute efpéce , quoiqu'en petite quantité.
Il en fait remarquer quelques unes des
JUIN. 1748. os
plus rares , telles que le chataigner , le
hétre , &c. Pour encourager à les multiplier
, il entre dans le détail des moyens
qui font les femis & les plantations. Les
femis font la voie la plus fûre pour élever
les chênes qui méritent à juste titre nos
premiers foins. Mais deux chofes femblent
rebuter d'entreprendre des femis ; d'un
côté la grande dépenfe qu'on s'imagine
qu'ils occafionnent , de l'autre les ravages
du vent de mer qui brûle tout. Pour refuter
ces deux objections , M. D. emprunte
quelques inftructions d'un Mémoire fur la
culture des forêts par M. de Buffon . Au
rapport de cet Académicien , rien n'eft plus
nuifible pour les jeunes plants que ces
foins qu'on en prend ordinairement & que
la coûtume autorife. Les obfervations de
M. de Buffon réitérées par celles de M. D.
confirment que les labours qu'on donne
anx jeunes chênes ne fervent qu'à les faire
périr.
Il faut donc imiter la nature & planter
des buiffons & des arbriffeaux qui puiffent
mettre les jeunes plants à l'abri des injures
de l'air & de l'intemperie des faifons. Des
expériences que la nature elle même femble
nous avoir fournies , prouvent com
bien cetre méthode peut être avantageufe
66 MERCURE DE FRANCE.
à la Province . Delà l'Auteur paffe à la fa
Con de fe procurer ce couvert fi utile , &
aux differens arbriffeaux qu'on peut y employer
avec plus de fuccès..
Pour fuppléer aux labours qu'on a coûtume
de donner aux jeunes plants, moyens
nuifibles & trop couteux , rien n'eft plus
capable de les fortifier que de les couper.
près de terre lorfqu'ils ne pouffent pas
avec vigueur , opération qu'il faudra réitérer
fi le cas l'exige.
Après avoir enfeigné la culture des femis,
l'Auteur parle des foins que demandent
les plantations qu'il décrit en peu de mots ,
& des differentes efpéces qui conviennent
mieux au terrain de la Province . Il exhor
te en même tems à ne pas négliger les arbres
qui y paroiffent étrangers , tels que
les meuriers blancs , les chataigniers , les
pins , &c. qu'on pourroit heureuſement
multiplier. Il y ajoute le cyprès , dont les
propriétés lui donnent occafion de conjecturer
que ce bois pourroit fe garantir de
Ja piquure des vers qui rongent les vaiffeaux
, & qu'on pourroit s'en fervir avec
fuccès pour les parcs ou bouchots à mou
les qui font particuliers au pays d'Aunis ,
fur quoi M. D. promet des expériences .
Pour employer les moyens de multiplier
JUIN 67 1748.
fe bois , on ne demande que les terres incultes
, & une partie de ces vieilles vignes
qui ne valent guéres mieux , & par un caleul
également fimple & vrai du nombre
de ces terres incultes dans chaque Paroiffe ,
on prouve qu'elles donneroient dans la
fuite une grande quantité de bois qui pourroit
encore être augmentée , fi.on s'appli
quoit à garnir de bonnes hayes les foffés
qui les entourent , & fi dans ces hayes on
femoit des glands ou d'autres graines.
M. Dupaty finit en ces termes. » Ce que
»j'ai dit doit fuffire pour nous convaincre
qu'il eft plus facile de faire réuffir le bois
» dans notre Province qu'on ne l'a penfe
»jufqu'à préfent. Nous ne devons attri
buer qu'à notre négligence & à nos pré-
»jugés la difette où nous fommes ; le remé
» de eft en nos mains ; ne balançons point
» à l'employer , puifqu'en travaillant pour
notre propre utilité , nous ferons en mê
» me tems utiles à la patrie.
.
Ce Mémoire fut fuivi d'une Differtation
de M. Jaillot , Supérieur de l'Oratoire,
contenant l'abregé de la vie de la Reine
Alienor , qu'on peut regarder comme
la Fondatrice de la Rochelle. Ce morceaur
trouvera fa place dans l'Histoire de cette
Ville.
6SMERCURE DE FRANCE.
La féance fut terminée par la lecture
d'une Ode de M. de Bologne , tirée du
Pleaume 17. Diligam te , Domine ; en voici
quelques ftrophes :
DEja-dans mon ame éperdue
La mort imprimoit les terreurs ,
Et n'offroit partout à ma vûë
Que les tourmens & fes horreurs ;'
Ma perte étoit inévitable ;
J'invoquai ton nom redoutable ,
Et tu fus fenfible à mes cris ;
Tu vis leurs trames facrileges ;
Etta pitié rompit le piége
Où leurs complots m'avoient furpris
+3x+
Tu dis , & ta voix déconcerte
L'ordre éternel des élemens ;
Sous tes pas la terre entr'ouverte
Voit chanceler fes fondemens ;
Dans la frayeur le Ciel s'abaiſſe ;
Devant ton Trône une ombre épaiffe
Te dérobe aux yeux des vivans ;
Des Chérubins dans le filence
De mes ennemis.
JUIN.
69
. 1748 .
L'aile s'étend ... Ton char s'élance
Au milieu des feux & des vents.
A l'afpect des pâles victimes
Que pourfuit ton glaive perçant ;-
Prête à fortir de les abîmes ,
La mer s'enfuit en mugiffant
Ate fervir dans a vengeance
Tous les fléaux d'intelligence
Signalent leur empreffement ;
Tout l'univers va fe diffoudre ;
La nature en proye à la foudre ;
N'eft plus qu'un vaite embraſement,
X
Dieu des batailles ! Dieu terrible !
Tu m'inftruis dans l'art des combats ;
Je te dois la force invincible
Qui foutient mon coeur & mon bras ;
. Ce bras armé pour leurs fupplices ,
Ne ceflera fous tes aufpices
De triompher & de punir,
Que dans le fang de tes victimes
De leur blafphême & de leurs crimes
Iln'ait éteint le fouvenir , & c .
o MERCURE DE FRANCE.
HA VARDEDEDEDEDEDEDEDEDED
LES vrais plaifirs de l'amour , fondis fur
le fentiment du coeur
A Fée prudente s'étoit chargée de l'éducation
de la jeune Myris & dujeune
Corylas ; ces deux enfans nés dans une
riche & heureufe contrée appartenoient à
des bergers , dont les meurs fimples &
agréables étoient entierement oppofés à la
corruption des nôtres ; ils habitoient deux
hameaux féparés par un grand fleuve ; l'union
des deux familles n'en étoit pas moins
forte ; la Fée qui les protégeoit l'une &
l'autre s'étoit fait un plaifir de former leurs
enfans à la vertu pour les unir un jour.
Dès que leur âge leur permit un peu
de réflexions , la Fée leur ordonna
expreffément
de ne fe rien cacher l'un à l'autre
de tout ce qu'ils penferoient
; jaloux leur
difoit- elle d'une eftime réciproque , vous
n'aurez , mes enfans , que des fentimens
.
vertueux à vous communiquer
; fongez
bien que l'effufion du coeur eft le fuprême
bien entre deux perfonnes liées par la fympathie.
Cependant cette fympathie , fi bien menagée
par les inftructions de la Fée , fit
bientôt naître l'amour entre Corylas &
Myris ; Prudente ne s'en effraya point ,
JUIN. 1748.
Touvent à la dérobée elle écoutoit leurs
entretiens innocens ; le mot d'amour s'
s'y
faifoit entendre , mais dans leur bouche
le fens qu'il renfermoit étoit fi pur que
leur innocence n'en étoit point alterée ;
tous deux beaux comme le jour , l'orgueil
n'entroit point dans leurs ames ; toute leur
félicité confiftoit à fe voir fans ceffe , & à
profiter des fages leçons de la Fée, dont ils
menageoient avec foin les bontés ; leurs
jours couloient rapidement lorfque les
traverſes inféparables de la vie de l'homme
vinrent interrompre leur bonheur &
éprouver leur conftance.
?
Leurs parens fe brouillerent & rompant
tout commerce entr'eux ils voulurent
auffi éloigner leurs enfans l'un de l'autre
chacun de fon côté envoya demander à la
Fée celui qui lui appartenoit. O Ciel
quelle fut l'amertume de leur féparation !
Si Corylas m'eft ôté , difoit la tendre
Myris en pleurant , à qui déformais confierai
- je mes chagrins , puis-je furvivre au
malheur de le perdre ? Privée encore de
vos généreux fecours, fage Prudente, il faut
que je meure à vos genoux. Les plaintes
de Corylas n'étoient pas moins touchantes
; tous deux .au pied de la Fée ils répandoient
des torrens de larmes . Prudente
7 MERCURE DE FRANCE:
extrêmément attendrie les releva.Ecoutez
moi , mes enfans , leur dit - elle ; je ne vous
abandonnerai point , fi vous fupportez vo .
tre malheur avec plus de tranquillité ; je
veillerai pour vous , mais écoutez maintenant
mes confeils falutaires ; vous allez ,
pourſuivit-elle , changer de façon de vivre
;foyez à l'avenir auffi refervés dans
vos difcours que mes leçons avoient exigé
de franchiſe entre vous ; l'ouverture du
coeur n'eft utile & agréable que pour les
perfonnes dont la fidélité nous eft connue ;
rarement trouve - t'on deux fois en fa vie
l'occafion d'en faire ufage fans danger ;
foyez conftans l'un pour l'autre , foutenez
vos peines avec fermeté & je prendrai ſoin
de vos interêts .
Hé quoi , reprit la déſolée Myris je
n'entendrai donc plus parler de Corylas ?
Ignorera-t'il toujours ce qui paffe dans
mon coeur ?... Non , ma chere Myris ,
s'écria Corylas tranfporté de douleur , le
fleuve ne fera pas capable de m'effrayer ,
tous les jours à la nage ... Arrêtez , mes
enfans , interrompit la Fée , vous devez
obéir à vos parens & fubir leurs loix fans
murmurer ; vous ne vous verrez point fans
leur confentement , je vous le défends , le
bonheur de votre vie dépend de votre
obéiffance.
JUIN. 1748. 73
obéiffance. Cependant nés l'un pour l'autre
, je veux adoucir vos maux & récompenfer
votre docilité .
Rara votre petit chien fuivra Myris ;
fon collier tous les jours renfermera les
lettres de la bergere ; je le doiie d'intelligence
pour les porter à Corylas & rapporter
fes réponſes ; contez fur ce fecours tant
que l'innocence guidera vos fentimens , &
travaillez tous deux par votre douceur à
calmer l'aigreur de vos parens ; c'est là ,
mes enfans , l'unique voie qui puiffe vous
réunir. La Fée les embraffa en les affûrant
encore de fa protection , enfuite elle les
remit , malgré leurs gemiffemens , aux perfonnes
chargées de les féparer fi cruellement.
Ces deux jeunes amans fi bien prévenus
par la fageffe de la Fée , fe laifferent enfin
conduire avec douceur ; leurs parens peu
furpris de la trifteffe de leur phyfionomie
& des foupirs qui leur échapoient,les trouverent
d'une beauté incomparable , mais
à leur arrivée leurs tendres coeurs penferent
fe revolter en recevant chacun les ordres
rigoureux de s'oublier pour jamais ; que
feroient-ils devenus , ô Ciel ! fi le fecours
de Rara leur eût manqué ?
Le foir même la jeune Myris exprima
fon amant fa douleur & fes regrets ; Co-
1. Vol. Ꭰ
74 MERCURE DE FRANCE.
rylas le lendemain lui traça les mêmes fentimens
qui ne s'affoiblirent jamais ; cette
reflource leur procura une efpéce de bonheur
, préférable peut- être à tout ce qui
s'appelle plaifir , cependant ils n'étoient
pas encore au comble des malheurs qui devoient
éprouver leur courage.
Myris fut chargée de la conduite d'un
troupeau qu'elle devoit mener paître tous
les jours fur le bord du fleuve avec une de
fes parentes un peu plus âgée qu'elle , nommée
Lipfa ; cette fille aimable & compatilfante
s'apperçut bientôt des chagrins qui
dévoroient Myris ; dans l'envie de les foulager
elle employa fes careffes & fes foins
afin de gagner la confiance de la tendre
Myris , elle l'obtint & l'aida à fupporter
les malheurs qui l'accabloient .
Au bout de huit ou dix jours Myris
conduifoit triftement fon troupeau , lorfqu'Iphis
, le plus beau des bergers après
Corylas , vint pour la premiere fois à fa
rencontre ; que vois- je , lui dit- il en l'abordant
galamment , comment tant d'attraits
m'étoient - ils inconnus ! Ah ! belle
bergére , je veux être votre ferviteur :
Non , berger , lui répondit Myris avec une
ingénuité charmante , je ne fuis point
faite pour être fervie , je ne veux point de
ferviteur ; Iphis voulut infifter en lui preJUIN.
1748 .
75
hant la main , mais la bergére accoûtumée
au refpect de Corylas & furprife de cette
action , s'enfuit en criant pour fe rapprocher
de Lipfa.
Tant de fierté piqua le berger qui né
vouloit d'abord que s'amufer , mais frappé
d'un violent dépit il la quitta pour aller-
Supplier Dorimant fon pere de la lui donner
en mariage ; c'eft ainfi que l'on en uſoit
dans ces tems heureux où la franchiſe n'é .
toit pas bannie.
Dorimant , ami de Clodore , pere de
Myris , trouva la propofition fi raiſonnable
qu'il ne tarda pas à fatisfaire fon fils .
Clodore charmé d'ôter toute efperance à
fa fille & d'éloigner pour jamais Corylas
de fon coeur , s'engagea volontiers avec
Dorimant. Hélas ! quel funefte coup pour
la pauvre Myris ! Dès qu'elle eût fait rentrer
fon troupeau dans la bergerie , fon
pere l'appella . Vous êtes mariée , lui dit - il
ma fille , au plus beau berger du canton :
Hé quoi , mon pere , reprit- elle , feroit ce
avec Corylas ? Il n'en eft point d'auffi beau
que lui ; Clodore enflammé de colére de
la défobéiffance de fa fille à qui il avoit
défendu de jamais nommer Corylas , lui
jetta un regard fevére. Vous épouferez
dès demain Iphis , lui dit-il , & la quitta.
La pauvre Myris eut befoin des foins
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
de Lipfa pour ne pas mourir de douleur ;
comment , difoit - elle en pouffant des fanglots
, apprendre ce malheur à Corylas par
Rara ? C'est lui donner le trépas ; Myris
ne voyoit nulle reffource à fa peine , cependant
elle s'avifa de tenter un expédient
innocent qui lui réuffit .
. Elle envoya Lipfa prier Iphis de la venit.
trouver ; elle fit à ce jeune berger l'aveu
de fa tendreffe pour Corylas . Vous ne
pofféderiez point mon coeur en m'époufant
, lui dit- elle. Iphis , auriez-vous une
ame affés peu délicate pour fouhaiter un
hymen dont les droits doivent être comptés
pour rien fans l'aveu du coeur ? Le berger
attendri & genereux céda aux larmes de la
défolée bergere , & perfuadé qu'il n'eft
de plaifir durable que dans l'union des
coeurs , il la délivra d'une contrainte dont
il fentit lui-même tout le dégoût. Grands
Dieux ! quel plus doux plaifir que celui
de la bergere , lorfqu'elle fit à fon amant
le récit de certe avanture, & quel triomphe
pour Corylas ! Ces tendres amans délivrés
d'un péril fi preffant pour leur amour , ne
furent-ils pas parfaitement heureux au
moins pour quelques inftans ?
Mais pendant que Corylas s'applaudiffoit
de la fidélité de fa Maîtreffe, il eût luimême
occafion de lui prouver la fienne ; dès
JUIN. 1748.
77
que Philimon fon pere eût appris que
Clodore au mépris de leur ancienne union
cherchoit à engager la main de fa fille , il
fongea de fon côté à lier fon fils par un
hymen qui effaçâr l'outrage qu'il croyoit.
avoir reçû de Clodore; il porta fes vûës fur
une des plus belles & des plus riches bergeres
de la contrée , pour effayer de tenter
Corylas : dès qu'il eût fait fon choix , mon
fils , lui dit- il , je fuis fifûr de votre obéiffance
, & mon choix eft fi beau que je
viens d'engager votre foi .
A cette nouvelle Corylas penfa mourir
de douleur , mais malgré tous fes efforts
pour attendrir fon pere , il lui déclara
qu'il falloit partir à l'heure même pour aller
à quelques milles de leur habitation
voir la belle bergere qu'il lui deftinoit .
Corylas ne pût fe défendre de fuivre fon
pere ; la plus vive douleur pénétra ce tendre
amant en prévoyant l'extrême embarras
que lui cauferoit fon abfence , qui in- `
terromproit les meffages du fidéle Rara ,
& plus encore les cruelles inquiétudes de
Myris en ne recevant plus de fes lettres ; il
n'avoit pas le tems de la prévenir ; ah !
quelle rigueur de fituation !
Myris écrivit à fon amant comme à l'ordinaire
, mais Rara ne parut point le lendemain
; Ciel ! qui pourroit exprimer les
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
atteintes que cet évenement porta à fon
tendre coeur ! Toujours foutenue par les
tendres foins de Lipfa , elle l'empêcha d'expirer
de douleur ; quatre jours fe pafferent
dans ces mortelles allarmes ; elle étoit
prête à fuccomber lorfqu'un matin étant
fur le bord du fleuve avec fon troupeau
& Lipfa , elle apperçût le petit chien qui
le traverſoit à la nage ; peut- on concevoir
un plaifir plus vif & plus touchant ? Elle fe
leva précipitamment & ouvrant le collier ,
elle y trouva ces mots :
Corylas à Myris.
Votre douleur a égalé la mienne , ma
chere Myris , je n'en doute point ; quels
maux n'avez- vous donc pas reffentie ? Ua
filence de quatre jours a dû vous cauſer
bien des allarmes ; M'auriez- vous foupçonné
, ma chere Myris ? Non , deux coeurs
comme les nôtres font à l'abri des foup-
Cons ; hélas ! qu'ils auroient été injuftes !
Mon père piqué contre le vôtre de l'affront
qu'il croit en avoir reçu dans l'affaire
d'Iphis , a voulu s'en venger ; dans
cette idée il m'entraîna chés une bergere ,
belle à la vérité , fi vous n'étiez pas la plus
belle des bergères ; Philemon fe flatoit
que fa vûe & fes richeffes tenteroient ma
conftance , dans le tems qu'il me défendoit
JUIN. 1748 . 79
mais
>
pour jamais l'efpoir d'être à vous ,
j'ai foûtenu cette attaque avec trop de fermeté
le fuccès de fes defirs. Myris , pour
dans nos hameaux on ne connoît point la
contrainte des coeurs ; la bergere peu contente
de ma ftoideur , m'a aidé elle - même
à me délivrer des empreffemens de mon
pere ; nous fommes revenus ici ce matin
j'y ai trouvé Rara qui m'avoit attendu ;
je fuis libre , ma chere Myris , & mon pere
trop convaincu de ma conftance ne ten+
tera plus rien pour l'ébranler ; nous fommes
menacés de n'être jamais unis par les
liens de l'hymen , mais qui fçauroit déſunir
nos coeurs ? Sûr du vôtre & vous confervant
le mien tout entier , manque- t'il
rien d'effentiel à notre bonheur ? C'eſt-là
le vrai bien , ma chere Myris ; j'attendrai
demain Rara avec la plus vive impatien-
Le tendre Corylas ,
Myris lût cette lettre avec des tranfports
de joie ; elle l'arrofoit de fes larmes ;
elle la baifa mille fois , & fans tarder un
moment elle fit repartir le petit chien avec
ce peu de paroles.
ce.
Myris à Corylas.
Vous vivez & vous m'aimez , mon cher
Corylas ; mes allarmes font ceffées & mes
voeux font comblés , votre fidelle Myris,
>
D iiij
Jo MERCURE DE FRANCE.
Cependant la Fée Prudente , attentive
aux interêts de deux amans fi fages , vou
lut les faire jouir d'un bonheur qu'ils ne
defiroient quepour ne fe plus féparer ; elle
fe rendit dans les deux hameaux , & par la
douceur de fes paroles elle fçut éteindre
une haine qui n'avoit que trop duré , &
qui étoit prefque fans exemple dans l'heu
reux climat qui en fut le témoin.
Clodore & Philemon , perfuadés par
la Fée , fe reconcilierent de bonne foi ; le
mariage de Corylas & de Myris en fut le
fruit ; ces deux tendres époux fe confirmerent
une foi mutuelle qu'ils s'étoient déja
jurée par mille fermens ; leur bonheur ne
pouvoit s'accroître , mais il ne diminua
jamais. Sains de corps & d'efprit ils parvinrent
jufqu'à une extrême vieilleffe , fans
remords & fans regrets ; toujours amis autant
qu'amans , leurs jours s'écoulerent
dans l'innocence & dans la paix , tant il
eft vrai que les véritables plaifirs de l'amour
réfident dans la tendreffe & dans l'union
des coeurs , bien plus que dans la volupté
des fens ; on peut trouver un bonheur fenfible
jufques dans la fimple amitié , mais
jamais le bonheur n'accompagnera deux
époux dont les coeurs ne font pas unis..
JUIN. 1748. SI
E PITRE
De M. de la Soriniere à fon Médecin.
Our diffiper les vapeurs de ma rate ,
Ne pourriez -vous , ampliffime Hyppocrate,
Imaginer un reméde nouveau
Qui temperât la chaleur du cerveau ?
J'en ai bien pris , mais il m'en faut encore
Et dûffiez - vous quatre grains d'ellébore
Incorporer au reméde ſuſdit ,
Ne craignez point que Melpoméne en glofe ;
Je m'en fouviens , je vous l'ai déja dit ,
Nos plus grands maux procédent de l'efprit ,
Et tout rimeur peut porter double doſe.
Mon fang petille , & ne fçais pas pourquoi ,
Malgré mon eau , mon lait & ma tifane ,
Séditieux , il veut donner la loi ,
Et rarement le navire eft en panne.
De l'anarchie il eſt le vrai tableau ;
Chaque liqueur fur l'autre prend empire,
Tantôt le fang , tantôt la bile ou l'eau ,
Et tour à tour en voulant fe détruire ,
De la difcorde allument le flambeau ,
Et c'eſt ainfi qu'après mille fupplices ,
Notre machine , en proye à leurs caprices,
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
*
Chancele , & croule enfin dans le fond du tom
beau.
Voyez , Docteur , à quoi votre prudence
Doit fe porter dans ce rude conflit :
Si vous m'aimez , épargnez - moi du lit
La trop fâcheufe réfidence .
Dans mon fommeil mille fonges affreux
Viennent s'offrir à mon ame inquiette ,
Et c'eft envain que mon efprit rejette
De ces erreurs les effets vaporeux.
Ah ! quel concert ! quelle force fecrette
Soumet ainfi mon ame au pouvoir de mes fens ?
Expliquez- moi par quelle fympathie
Cette union eft fi bien affortie :
Je connois les effets ; montrez-moi les agens :
Mais , non ; quittons plutôt ces effais téméraires.
Qui veut percer de fi profonds myſtéres
Eft bien peu fage , & par trop curieux
Ce font des traits , d'auguftes caractéres ,
Que Dieu n'a pas tracés pour paroître à nos yeux.
A la Soriniere, 1748.
JUIN 1748 . 83
LETTRE à M. de la Bruere.
' Ai l'honneur , Monfieur , de vous faire
part de la mort de M. Henri Richer ,
Avocat au Parlement de Rouen , natif de
Longueil près Dieppe , décedé à Paris le
12 Mars 1748 dans la foixante - troifiéme
année de fon âge.
C'eft une perte pour la République des
Lettres , qu'il avoit enrichie de plufieurs
ouvrages de Poëfie & de Profe , qui ont
mérité les fuffrages des Sçavans.
Il joignoit à une grande fimplicité de
mours la Littérature la plus variée . Sous
l'extérieur le plus uni , il cachoit l'érudition
la plus profonde & une connoiffance
parfaite de l'Hiftoire. Dès fa jeuneſſe il
s'étoit appliqué à l'étude du Droit Romain
& de la Coûtume de Normandie , qu'il
poffédoit parfaitement , mais les charmes
de la Poefie l'attirerent à Paris pour y
perfectionner les talens qu'il avoit reçus
de la nature.
Il débuta en 1717 par une Traduction
des Eglogues de Virgile , qu'il eût l'honneur
de dédier au Roi , & qu'il fit imprimer
avec le Latin à côté. Il y joignit quelques
Eglogues & autres Poëfies , dont la
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
douceur peint bien, le caractére de leur
Auteur. Cette Traduction que l'Univerfité
fembloit avoir adoptée pour l'inftruction
de fes éleves , & qui a rendu complette
celle de Virgile en vers , a été réimprimée
en 1736 avec une vie de Virgile très fçavante
& de nouvelles Poëlies de l'Auteur.
En 1723 il donna une Traduction en
vers des huit premieres Epitres Héroides
d'Ovide , avec les réponfes d'Hippolyte à
Phédre & de Protéfilas à Laodamie , quelques
Eglogues & huit Cantates, dont quelques-
unes ont été mifes en mufique. Cet
ouvrage fut dédié à feu M. Doby , lors
Avocat Général du grand Confeil , homme
connoiffeur en tout genre de Litterature.
En 1729 il donna un Recueil de Fables
qui , après celles de l'inimitable la Fonraine
, fe font lire avec plaifir . La naïveté
& la douceur en font le principal caractére
, fuivant la remarque de feu M. Camufat
qui en fut l'Approbateur . M. le
Prince de Conty voulut bien en accepter
la dédicace . Il en fit paroître un nouveau
Recueil en 1744 , précédé d'une vie d'Efope
, tirée de Plutarque & purgée des puérilités
du Moine Planude. Il en offrit le
tribut à M. le Comte de la Marche,
JUIN. ss 1748.
En 1734 il voulut chauffer le Cothurne
; il donna au Théatre François fa Tragédie
de Sabinus. Cette pièce où brille la
tendreffe conjugale & l'amour paternel
eût, malgré les efforts de la critique la plus.
aveugle , fept repréſentations à Paris ;
elle a été traduite en Hollandois & a été
long- tems repréfentée fur le Théatre
d'Amfterdam. Il a traité depuis le fujet
de Coriolan & l'a fait imprimer , dans le
tems qu'une jeune Mufe venoit de s'exercer
fur le même fujet. Votre impartialité
connue vous fera juger qui des deux Auteurs
a mérité le mieux les fuffrages du
public.
En 1746 il fit imprimer la vie de Mécénas
avec des notes hiftoriques & critiques
, & la dédia à M. le Duc de Valentinois
, qui honore les Lettres de la protection
la plus marquée. Il travailloit à la
fe de Scipion l'Afriquain & venoit de
revoir la nouvelle édition de toutes fes .
Fables, qui étoient fon ouvrage favori , depuis
que Monfeigneur le Dauphin avoit
fait écrire & placer dans fon appartement
celles du Solitaire & de l'Importun , lorfque
la Parque l'a rayé du nombre des humains .
Voilà , Monfieur , une legére efquiffe
de la vie de M. Richer , ou plutôt un abregé
de fes ouvrages dont vos Journaux ont
$6 MERCURE DE FRANCE .
parlé tant de fois avec éloge ; j'eſpére que
vous ne refuferez pas de jetter quelques
fleurs fur le tombeau de cet ami des Mufes .
On eft für de l'immortalité lorfque l'on eft
parvenu à tenir une place honorable dans
vos Mémoires. J'ai l'honneur d'être , & c.
Duruiffeau , Avocat au Parlement,
Bean -frere de M. Richer.
道
BOUQUET.
IL eftdes fentimens qu'on ne peut exprimer ,
Un coeur vraiment épris fort fouvent en murmure ;
Son trouble feul le laifle deviner |
De l'objet qui l'a fçû charmer .
Quelle bizarrerie , Aminte , en la nature !
Jugez de mon ardeur à mon air interdit ;
Si je vous aimois moins , je vous l'aurois mieux
dit.
JUI N. 1748. 87
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
LE manége du navire , ou l'art de faire
mouvoir le navire en tous fens , par
M. Saverien,
L'anillance ,l'a déja annoncé au pu-
'Auteur de ce nouvel Art, qui lui doit
blic dans un ouvrage publié depuis peu &
dont nous avons rendu compte dans un de
nos Journaux . Les principes fur lefquels
il fe fonde font très- mathématiques , métaphyfiques
même & par- là très- abftraits.
C'eft par cette raifon qu'il les expofe d'avance
au public , pour éviter dans la fuite
toute conteftation . L'importance de la matiere
& les avantages que la Marine peut
retirer d'un traité pareil à celui-ci , doivent
engager les fçavans à examiner avec -
foin fes principes & à lui faire part de
leurs refléxions. Nous fommes perfuadés
que M. Saverien y aura égard avec reconnoiffance
, & nous offrons avec plaifir la
voye du Mercure de France ; au refte nous
devons avertir que l'objet de notre Auteur
eft de donner des moyens fûrs pour faire vi
rerpreftement un navire en tous fens , com
me le titre de fon futur ouvrage l'indique
affés , ce qui dépend des voiles & du gouSS
MERCURE DE FRANCE.
·
vernail , pour les efforts communs & ref
pectifs qu'ils font fur le navire. Ces mouvemens
connus & foumis à des loix des
par
méthodes ailées , feront appliqués à la
tactique des efcadres & des armées navales,
afin de former par la fuite un Art de ſe
battre fur mer; nous difons par des méthodes
aifees , car c'eft principalement ce que M.
Saverien a en vûë. La folution du Problême
fuivant , qui eft auffi curieux que compliqué
, fera voir que l'Auteur a été obligé
de fe replier fur lui -même pour le rendre
fenfible , lumineux & praticable.
PROBLEME.
Déterminer la résistance qu'oppose une regle
à l'action d'une puiffance qui tend à la fairetourner,
lepoint fur lequel elle fe meut
lorfquefa refiftance eft vaincuë.
Je fuppofe une regle foutenue par un
fluide infiniment fluide , infiniment diviſible
, non réſiſtant. Une puiffance vient la
tirer ou la pouffer par une de fes extrémités.
De l'état de repos elle paffe dans celui
de mouvement , mais comment y paffet'elle
, & quel eft le centre de ce mouvement
? C'est là le noeud de la queftion.
Solution,
Quoique le Probléme foit compliqué
JUIN. 1748. So
1
par lui- même , écartons néanmoins tout ce
qui pourroit avoir l'air trop fpécieux , &
fans nous tendre l'efprit par avance , voyons
fans contention quel eft l'obftacle que
la
puiffance a à furmonter. Après nous tâcherons
de découvrir , fuivant l'obftacle ,
le mouvement que telle ou telle puiffance
peur donner à la regle , en furmontant cet
obftacle avec plus ou moins de facilité .
A
A l'extrémité A d'une regle A B , une
puiffance P eft appliquée ; le point GG
en eft le centre de gravité , & on de- C
mande d'abord qu'on détermine la réfiftance
qu'oppofe la regle à la puiffance
indéterminée P. Pour parvenir à cette
connoiffance , je prends , à l'exemple de
M.Bernoulli,la puiffance P appliquée en
A pour l'Hypomoclion , à l'égard de quel,
qu'autre puiffance égale à celle- ci , & qui
doit agir au centre de rotation de la regle .
Or quel peut être l'effort que fait la regle
pour rester dans l'état de repos , effort que
j'ai déja nommé effort de permanence ? ( voyez
la Mature difcutée , & c . § . VI. ) C'eſt d'abord
celui de la maffe, & cet effort eft d'au
tant plus grand que le centre de gravité G
de la regle fera plus diftant du point A ,
centre actuel de rotation , car on fçair
que ce centre agit toujours , comme fi le
Jo MERCURE DE FRANCE.
poids total de la régle y étoit réuni . Sa
diftance multipliée par le poids de la régle
exprimera donc l'effort de permanence .
y aura
Voilà l'obftacle à furmonter de la part
de la puiffance qui eft connu. Delà il
fuit , que fi elle ( la puiffance ) eft égale au
produit de la maffe de la régle confidérée
en fon centre de gravité , par la diſtance
de ce centre à celui de rotation , il
équilibre , & par une conféquence forcée
aucun mouvement. En fuppofant que la
puiffance excéde ce produit , cet excès fera
celui qui follicitera la régle à fe mouvoir
& qui la mourra en effet felon les loix
ordinaires du choc ( De motu corporum ex
percuffione.Prop. X. V. Chr . Hugenii Opera .
T. II . )
ย
Tout cela pofé , nous aurons pour la
vraie force motirce , P - M × AG , en
hommant Mla maffe ou le poids de la
régle.
II. Il femble, s'il m'eft permis de le dire ,
qu'on ne peut fuivre des voies & plus fimples
& plus naturelles. Suppofons maintenant
que la force motrice P- Mx AG ,
que je nomme a , pour abreger , agiffe :
elle mettra la régle en mouvement ; une
de fes extrémités levera , l'autre baiffera ;
en un mot elle tournera fur un point que
nous cherchons & qu'il faut connoître.
JUIN. 1748 91
par-
Ce qui fe préfente d'abord avant le mou
vement ou dès le mouvement initial de
la régle , c'est que la force a étant prife
pour puiffance , & non pour point d'ap
pui tend à enlever le plus de parties
qu'elle peut . Ceci est bien aiſé à concevoir.
Toute caufe produit le plus grand effet
dont elle eft capable . L'effet de la force a
eft le mouvement de la régle felon la direction
de fon effort . Mais ce mouvement
eft partagé . Celui que reçoivent les
ties fupérieures au centre de rotation eft
pofuif ou réel , an lien que le mouvement
des parties inférieures à ce centre eft néga
tif ou contraire . Ainfi le premier ne peut
pas être un maximum que le dernier ne foit
un minimum ; fur le tout le mouvement
pofitif l'emporte toujours fur le négatif.
Autrement celui-ci détruiroit l'autre , ce
qui eft impoffible , puifque la force a doit
mettre la régle en mouvement. Cela nous
fait voir , que le centre de rotation de la
régle doit être de l'autre côté du centre
de gravité par rapport à la puiffance . Mettons
cette connoiffance à profit. Dans elle
font renfermées deux vérités , qu'il eft à
propos de diftinguer.
1º. Le centre de rotation de la régle eſt
l'autant plus diftant de fon centre de gravité
de l'autre côté de la puiffance,que la for2
MERCURE DE FRANCE.
cea, que nous connoiffons eft plus grande.
2. L'excès des parties fupérieures à ce
centre fur les inférieures équivaut & abforbe
la force a.
Pour peu qu'on y falſe , attention on
verra que ce fecond principe n'eft qu'un
colloraire du premier. Par - là il acquiert
le même degré de certitude & même d'évidence
. Cependant fi l'on veut fè le rendre
& plus fenfible & plus familier , qu'on
ne perde pas le mouvement de la régle de
vûë. Je le demande au lecteur : le mouvement
pofitif ou réel de la régle peut-il
être repréfenté par autre chofe ; que par
l'excès des parties fupérieures au centre de
rotation fur les inférieures à ce même centre
? N'est-ce pas cet excès qui exprime la
vîteffe du centre de gravité de cette régle ,
& peut- il l'exprimer fans être tout l'effet
de la force motrice ? Il ne refte qu'à tirer
la conféquence , donc l'excès des &c.
C'eft fans doute ici le lien d'en venir à
un principe général qui doit réfulter des.
deux précédens . Avant que de l'établir , je
ne dois cependant pas ometire une réflé
xion importante , qui fervira comme de
fceau à la folidité de ces derniers . Tout
centre libre ou fpontané doit partager tellement
un corps ou une régle en mouvement
, qu'il foit le centre d'équilibre de
JU IN. 1748. 93
fes parties ( Bernoulli Opera , Tom. IV. art.
$77 . ) Or fuivant notre théorie , les parties
Supérieures de la régle réfiftent autant au
mouvement que les parties inférieures .
L'excès de ces premieres fur les dernieres
détruit la force a , & le mouvement communiqué
fe trouve ainfi diftribué proportionnellement
aux parties , ou pour mieux
dire , aux réfiftances des parties de la régle.
Voici donc le principe auquel nous conduifent
ceux que j'ai établis ci-devant .
La diftance du centre de gravité de la régle
au centre de rotation eft toujours proportionelle
à l'excès de la puiffance fur la maſſe du
corps réunie à fon centre de gravité , multipliée
parfa diftance au point de la régle où eft
appliquée la puiffance.
Tout eft fait.Sur ce principe il eft très-aifé
de déterminer le centre de rotation d'une
régle ou d'un corps en faifant cette opération
: divife la réſiſtance abſoluë de la régle
( Mx AG) en deux parties , telles que leur
difference foit égale à l'excès de la puiffance
fur cette réfiftance. Cette difference exprimera
la viteffe du centre de gravité de la
régle. Si l'on divife enfuite la longueur de
la régle ( en la fuppofant également péfante
) en deux parties proportionnelles
24 MERCURE DE FRANCE.
celles qu'on aura trouvées en partageant la
réſiſtance abfoluë de la régle, comme nous
avons vû , on aura la diftance du centre de
rotation à la puiffance connue en pieds ou
en pouces. Un exemple va rendre ceci &
plus lumineux & plus fenfible ; car les
exemples parlent aux yeux , & quand on
parle aux yeux, on n'eft pas loin de l'efprit.
III. Une régle ou un corps A B (voyez la
figure ) eft donné ; fon centre de gravité eft
G,fon poids ou fa maffe eft de 100 livres ; la
distance de fon centre de gravité au point
où la puiffance eft appliquée , eft de 10
pieds , ainfi AB eft de 20 pieds. Sur tour
cela je fuppofe que la puiffance vaut 1500 .
On demande qu'on détermine , 1 ° . le centre
de rotation , 2 °. la diſtance de ce cen
tre à la puiffance , 3 ° . l'intervalle de ce
centre à celui de gravité.
Faifons ufage de nos principes . Je multiplie
100 par 10 , & le produit 1000 ( expreffion
de l'effort de permanence de la régle
, ) je le fouftrais de 1500. Le reſte 500
fera la valeur de la force motrice. Il n'y
a plus qu'à divifer 1000 , de façon que la
difference de l'effort des parties fupérieures
au centre de rotation , aux inférieures
ce du moins ce même centre , foit
500 :
font nos principes qui le difent , & comJUI
N. 1748.
91
me je les crois vrais , il faut les fuivre .
A cette fin je nomme z une partie de
1000 & l'autre.. Il s'agit de divifer ce
nombre 1000 en deux parties , telles que
la difference de z à x foit 500.
Puifque 500 eft la difference de zàx,
2 + 500 = x : or x +2= 1000 , c'est -àdire
les parties égalent le touts Qu'on ſubftitue
à la place de xfa valeur 2 + 500 , on
aura 2 ++ 500 ou 2 2 + 500 = 1000.
Je chaffe 500 dans l'autre membre de l'équation
avec le figne- & j'ai-2 z = 1000
-500 500. Enfin après avoir divifé
soo par 2 , on aura z 250 ; x = ~ +
500 , fera donc égal à 750 .
Voila la difference connuë ; je veux dire
que l'effort des parties fupérieures eft à celui
des inférieures comme 750 eft à 250 ,
ou comme 3 eft à 1 .
IV. Nous n'avons encore rien dans le
fond , quoique nous touchions au moment
d'avoir tout. Pour connoître la diftance
du centre de rotation à la puiffance , il ne
refte qu'à divifer , ainfi qu'on l'a vû , A B
20 en des parties proportionnelles
750 & 250 , lefquelles parties font com
ine 3 à 1.
Je nomme encore z & x les deux parties
de 20 , & celle-ci doit être à celle- là
96 MERCURE DE FRANCE .
comme 3 eft à 1. Je forme la proportion ,
2:31; le produit des extrêmes
étant égal à celui des moyens, j'ai zzx;
mais x 20 ; donc 3 * +x ou 4x
= 20' ; donc x = 2 = 5•
20
Par-là on a la diftance du centre de rotation
à la puiffance égale 15 , & comme
celle du centre de gravité à cette puiffance
eft de 10 , celle de ce centre à celui de rotation
fera de 5 .
Dans cette folution j'ai fuppofé la régle
divifée en deux également par fon centre
de gravité. Lorfque cette condition n'exiftera
pas , comment faudra- t'il s'y prendre
? Lorfque deux , trois , quatre puiffances
agiront , nos principes auront-ils lieu ?
&c. En voilà trop à la fois. Dans la fuite
je m'engage à le faire voir. Il fuffit à préfent
que la queftion foit réfoluë , & c'eft
beaucoup. Ces colloraires ne font pas les
feuls. D'autres d'une autre efpece fe prefentent
encore & en plus grand nombre ,
& plus variés .
Adhuc fuperfunt multa , que poffim loqui
Et copiofa abundat rerum varietas. Phæd . L. V.
BOUJUIN.
97 1748.
BOUQUET.
V Os traits , Iris , vont former mon bouquet ;
Acceptez-le de grace ; Amour même l'a fait.
Etre belle fans vanité ,
Bien faite fans maigreur , jeune fans indolence
Bien mife fans air affecté ,
Et vive fans extravagance.
Parler avec facilité ,
Et qui plus eft , garder , s'il le faut , le filence ;
Dire cela de vous ; ce n'eft point médifance ;
C'eſt la puré vérité.
JE
Par M. l'Abbé D......
AUTRE.
¿
E cherchois un bouquet dans le Palais de Flore
Sous unMyrthe en berceau j'y rencontrail'Amourg
Que fais-tu m'a t'il dit , en ce brillant féjour ? '
J'y viens cueillir des fleurs pour l'objet que j'adore;
Des fleurs ! le beau préfent ! tu dois offrir ton coeur
Amour , fi tu voulois attendrir ma bergere ,
L'embrafer de mes feux , la rendre moins févere ,
Si tu ... Fais ton devoir , je ferai ton bonheur.
Affûré par la voix du Dieu qui fçait tout faire ,⚫
Je vous offre mon coeur , Philis , il eft fincere ;
Oui,j'efpere être heureux , ou l'Amour eft menteur,
Par M. L. C. D. B. D. R.
1. Vol.
E
98 MERCURE DE FRANCE.
7
**X*X+3X++3X++3XXXX
Hor.
Lyd.
O DE IX . L. III.
Horatii Lydia Dialogus..
Donec gratus eram tibi ,
Nec quicquam potior brachia candide
Cervici juvenis dabat ,
Perfarum vigui Rege beatior.
Donec non aliâ magis
Arfifti , neque erat Lydia poft Chloën ,
Multi Lydia nominis
Romanâ vigui clarior Iliâ.
7
Hor. Me nunc Creffa Chloë regit ,
Dulces docta modos , & citharæ fciens ;
Pro quâ non metuam mori ,
Lyd.
Hor.
Lyd.
Si parcent animæ Fata fuperftiti.
Me torret face mutua
Thurini Calaïs filius Ornythi ,
Pro quo bis patiar mori ,
Si parcent Puero Fata ſuperſtiti. '
Quid fi priſca redit venus ,
Diductofque jugo cogft aheneo :
Si flava excutitur Chloë ?
Rejectæque patet janua- Lydia ?
Quanquam fidere pulcrior
Ille . eft , tu levior cortice , & improbo
Iracundior Adriâ ,
Tecum vivere amem , tecum obeam libens.
JUIN. 1748. 99
O DE IX. L. FÌI.
Dialogue entre Horace & Lydie.
Hor. Uand j'étois für de te plaire ,
quand à fes rivaux préféré Horace
étoit feul l'objet de ta tendreffe , le
bonheur des plus grands Rois n'égaloit
pas le fien.
Lyd. Tant que Lydie , à Chloé préferée ,
( 1 ) feule raviffoit ton coeur , Lydie au
comble de la gloire , n'eût pas envié le fort
brillant d'Ilie.
Hor. Chloé , à qui la Thrace a donné le
jour , me tient aujourd'hui fous fa loi ;
Chloé fçait mêler aux plus doux accens les
accords de la lyre ; pour prolonger fes
jours , je perdrois fans regret la vie.
Lyd. Le fils d'Ornithe Thurien , Calaïs
m'embrafe ; il brûle des mêmes feux ; deux
fois je donnerois ma vie , fi les Deſtins
épargnoient Calais à ce prix .
Hor. Lydie , fi mon amour fe rallumoit
pour toi , fi de nouveau il enchaînoit nos
coeurs dans fes fers , fi ma porte fermée
pour toujours à Chloé , fe rouvroit
recevoit Lydie ?
Lyd. Quoique Calais foit plus beau
le jour, ( 2 ) toi plus léger que la feuille qui
pour
que
E ij
roo MERCURE DE FRANCE .
vole, plus colere que l'onde en courroux, je
ne voudrois vivre & mourir qu'avec toi .
REMARQUE S.
(1 ) Bentley & Cunimgam ont changé
fans raifon , comme fans néceffité , alia ,
pour écrire dans le texte aliam, v . 5. Le premier
convient même qu'Horace dit ailleurs.
arfit Virgine .... arfiffe Batyllo. Le fecond
change encore parcent en parcant , V. 12.
auffi inutilement. Il n'en eft pas de même
d'Ornythi au lieu d'Ornifi , v. 14.
( 2 ) M. de Rozel Baumon , Hift . Crit.
de la Rep. des Lettres , T. X. p. 137 , fait
une grande differtation pour prouver que
mal-à- propos les Interprétes ont entendu
levior cortice , par inconftant , & qu'en l'expliquant
ainsi , tecum vivere amem , tecum
obeam libens , formeroit un fens également
abfurde & ridicule , cependant rien n'eft
plus fimple ni moins abfurde. Lydie , flatée
de voir Horace rentrer dans fes fers
efpere de pouvoir le fixer , malgré fon inconftance
; effet de l'amour propre , dont
on ne peut pas croire que les femmes
Loient plus exemptes que les hommes .
JUIN. 1748. 101
''
Les mots des Logogryphes du Mercure
de Mar font poteau , architecte , porte-feuille,
fouris & clavus. On trouve dans le premier
po. Dans le fecond re, chaire , Tacite , arc ,
arche art , char , chat carte , arête
Cythere , Théatre & car. Dans le troifiéme
fe rencontrent port , porte & feuille. Dans
le quatriéme fou & ris. On trouve dans le
Logogryphe Latin lac , uva ,
alvus , acus ,
laus lacus , ulva , avus , Lúcus , lucas , fal ,
Das, as , dć.
U
ENIGME.
N pied de ma longueur eft la jufte mefure ,
Il l'eft auffi de ma largeur.
Du quarré cependant je n'ai point la figure ,
Ceci vous géne , ami lecteur ,
Mais ne perdez pas patience ,
Songez qu'il faut fouvent un peu de violenc
Pour m'approfondir en entier ;
Ne me faites point de quartier ,
Cherchez bien , mais je vous confeille
Que se ne foit point à l'oreille.
Eij
102 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
Sans le commerce des hommes
Notre mérite enfqüi ,
Seroit refté dans l'oubli ;
Ils nous font ce que nous fommes ;
C'estpar leurs foins prévenans
Que notre taille eft fi belle ,
Et nos riches logemens
S.nt un effet de leur zéle .
Pour mieux nous mettre en état
De paroître avec cet éclat ,
Que nulle beauté n'efface ,
Ils corrigent face à face
Jufqu'à nos moindres défauts.
Mais nous payons bien leurs travaux ,
Non par une tendreffe vaine ,
Car nous ne brillons pas par cette qualité ; i
On fait gloire pourtant de porter notre chaîne;
Nous avons la docilité
De prendre au gré d'autrui cent formes differen-
ICS ;
Tantôt nos qualités brillantes
Nous plaçent avec majeſté
Sur le Trône, & tantôt un pied plat nous entraîne,
Mais c'est trop vous donner la gêne ,
Deux mots vont terminer ce jeu ,
Nous fçavons avec l'eau concilier le feu.
JUI N. 1748. 103
LOGOGRYPHE ENIGMATIQUE.
S 1 par I par fois vous jouez aux quilles ,
Comptez combien vous en voyez ;
Ou fi des vers vous effayez ,
Du Parnaffe comptez les filles ;
J'ai fans aucune addition
"
Autant de lettres dans mon nom .
Dans le ſtyle du haut étage
Je ne fuis jamais en uſage ,
Mais quand on parle ſans façon ,
A la ville ainfi qu'au village ,
Je fuis un terme poliçon
Que l'on admet dans le langage.
Or fi de mon commencement ,
Cher Lecteur , vous voulez abbattre,
Le nom d'un jeu , qui fréquemment
Sert à quelques gens à s'ébattre ,
Quand ils font un peu moins que quatre,
Soudain je change entierement.
Je fuis lors un mâle estimable ,
Reçu par tout avec honneur
Chés le Bourgeois & le Seigneur .
Admis le premier à la table ,
Et pour lors je fuis tout femblable
A ce qu'on peut nommer ma foeur,
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
•
Machere fecur , bonne femelle ,
Qui m'eft plus qu'une foeur jumelle !
Car je puis dire en bonne foi ,
Qu'elle eft même chofe que moi ;
Souvent on me nomme comme elle ,
Comme moi fouvent on l'appelle.
Retranchez une lettre encor ;
Sans être bijou ni tréfor ,.
Alors pour gage on me voit prendre ,
Non par l'ufurier , s'il vous plaît ;
L'affaire faire on doit me rendre
Noblement & fans intérêt.
Supprimez encore une lettre ,
( Toujours la premiere , nota )
Je fuis un grand fleuve.... al te là :
Cher Lecteur , fi je voulois mettre
Les qualités que ce fleuve a ,
Ses attributs , catera ,
Le plaifir que peut fe promettre
Celui qui me dévinera ,
Sur le champ ferois à quia.
Du fleuve enfin ôtez la tête
Tout auffi-tôt je vous apprête
Des objets & des noms nouveaux
Au pluriel lorfque nous fommes ,
Des geus
Nous font de differens métaux ;
à fublimes cerveaux
JUIN. 1748. TOS
1
Mais four ce nom , parmi les hommes
Au fingulier fije fuis pris ,
Alors humains , grands ou petits
Vous avez tous chacun le vôtre ;;
J'augmente d'un moment à l'autre.
Plus je fuis grand & moins je fuis priſé ', ›
Et l'on ne peut m'avoir que quand je fuis paffè:-
Par M. F...
NOUVELLES LITTERAIRES
... DES BEAUX-ARTS, &c.-
Ables nouvelles. par M. Richer , nòuvelle
édition . Paris , in- 12, chés Ba
rois. 1748:
Les fables de M. Richer parurent pour
la premiere fois en 1729 , il en donna une
feconde édition en 1744 , & le fuccès
Pavoit engagé vers la fin de l'année derniere
à en préparer une nouvelle augmen
tée d'environ cinquante fables qui n'a--
voient point encore paru . C'eft cette édi--
tion qui a été faite fous les yeux de l'Auteur
& corrigée par lui-même,que l'on pré--
fente aujourd'hui au public. M. Richer
s'eft affuré un rang parmi les Fabuliſtes
FW
16 MERCURE DE FRANCE.
fans avoir l'élegance de la Fontaine , fom
ftyle a une fimplicité plus propre à ce
genre d'écrire qu'un ftyle plus fleuri &
plus rempli d'efprit . Ses Fables dont bien
des fujets font inventés par lui , font ingénieufes
par le fond & agréables par
le ftyle ; en un mot leur réputation plus
folide brillante s'eft accrue chaque
jour depuis qu'elles ont paru , & on peut
prédire qu'au moins elle ne diminuera pas.
Nous allons , fuivant notre ufage , citer
ici ,pour donner une idée de fon ftyle deux
Fables de cet Auteur. Nous prenons la
troifiéme du quatrième Livre.
que
Le cheval , te obien , le bouf& lélephant.
JAAdis quand les bêtes parloient
Divers animaux s'affembloient ,
Four babiller & conter des nouvellos ;
Ils en débitoient des plus belles ,
Chacun fuivant fon goût , & felon fon état. -
Un vieux cheval de retour de la guerre ,
Parloit de maint & maint combat ,
Et de maint ennemi qu'il avoit mis par terre;
Détaillant au long fes exploits ,
Ilen auroit eu pour un mois
Quand un chien impoli, ne penfant qu'à la chaffe,
L'arrête , & dig moilà le tems de la becaflega sa
JUIN.
1748 . 107
Hier j'en fis lever plufieurs dans un taillis ;
Quand je fens du gibier jamais je ne me laffe ;
Je brille dans la plaine en quêtant des perdrix ;
Medor alloit donner la lifte
Des liévres , des lapins qu'il fuivit à la piffe ,
Mais le boeufs'ennuyoit , quoiqu'animal groſſier ;
Il vouloit dire auffi deux mots de fon mêtier .
Ses poumons étoient forts ; avec cet avantage
Il fe fit écouter : mes amis , la ſaiſon
Eft favorable au labourage ,
menage:
Et Cerès nous promet abondante moiffon,
Vous vous fouciez peu , vous autres , du
Et je puis affurer fans paroître trop vain ,
Quefans - moi vous mourriez de faim.
Il en auroit dit davantage ;
Un élephant l'interrompit ,
Et les regardant tous du baut de fon efprit ,
Il étale en docteur un grave verbiage.
Comme ces animaux , Phomme aime à fe vanter.
Beu de gens veulent écouter.
Citons encore la Fable XXI, du cinquiéme
Livre.
Les autours.
Sortis du même hid deux bons amis Vautours,
Amis tels qu'on en voit parmi l'espéce humaine,
Chaffoient enſemble tous les jours ,
Evj
108 MERCURE DE FRANCE:
Et de l'air infeftoient la plaine ;
Bientôt leur amitié fe convertit en haine ;
A coups de bec on les vit difputer ;"
Grand fujet de querelle ; une taupe étoit morte §.
Tous deux prétendoient l'emporter ;
1
Ils fe plumoient d'étrange forte.
Certain Oifon voulut accorder leurs débats ;
Allumons plutôt leur quérelle ,
Dit un Merle plus fin ; cette race cruelle
A nos dépens prend fes repas.
Les oifeaux font en paix dans l'air & fur la terre ,.
Quand les Vautours fe font la guerre:
GEOGRAPHIE Moderne abregée ,
précédée d'un petit Traité de la fphére &
du globe , ornée de plufieurs traits d'Hif
toire tant naturelle que politique , & terminée
par une Géographie Eccléfiaftique ,
où l'on trouve tous les Archevêchés &
Evêchés de l'Eglife Catholique , & les
principaux des Eglifes Schifmatiques , avec
une Table des Latitudes & Longitudes des
principales villes du monde , conforme
aux dernieres obfervations de Meffieurs.
de l'Académie des Sciences , & une autre
de tous les noms, de lieux contenus dans
cette Géographie. Paris , 1748.
Quoique cet ouvrage foit principale
ment deftiné à l'inftruction de lajeunelle ,
JUIN
1748 rog
l'Auteur a cependant donné allés d'étendue
aux matieres pour fatisfaire les perfonnes
d'un âge plus mûr , qui voudroient
fans étudier à fond la Géographie , acque
rir quelques lumieres fur cette partie . Pour
foulager la mémoire des lecteurs qui oublient
facilement des noms de lieux , des
nombres qui expriment des diſtances , on
a cherché à fixer ces idées, en y joignant la
peinture des meurs & des Coutumes des
peuples dont on rapporte le nom , le récit
des évenemens remarquables arrivés dans
les lieux dont il eft queftion , les révolu
tions des differens Etats . Il eſt certain
que
fans avoir recours à tous les Traités
de Géographie , la meilleure méthode eft
de lire l'Hiftoire la Carte à la main . A
quoi fervent tous ces Traités élémentaires
qu'à charger inutilementla mémoire des enfans
de mots qui font vuides de fens pour
eux ? Quand l'Auteur parle deVilles confi
dérables, telles que Paris , Rome, Londres,
Amfterdam il'en fait une defcription abregée.
Il ne perd pas l'occafion de s'étendre
fur quelques traits d'Hiftoire naturelle.
Sa Géographie Ecclefiaftique donne une
idée de l'état ancien & actuel de tous les
Evêchés de l'Eglife Catholique & des
principaux Siéges Schifmatiques. Cette
partie de l'ouvrage ne fera pas inutile aux
1
110MERCURE DE FRANCE.
perfonnes qui lifent l'Hiftoire Eccléfiaſti,
que, & peut même indiquer quelques
notions legéres de la Géographie Ancien
ne que l'Auteur n'a point traitée. On a eu
foin de marquer la pofition des villes , de
façon qu'on puiffe fans peine les trouver
fur la Carte ; on a décrit le cours des prin
cipales rivieres , en faifant remarquer les
villes & les lieux confidérables qui font
fur leurs bords . Un Traité de la ſphere &
du globe forme le préliminaire de cet ou
vrage. L'Auteur y a fait entrer tout ce
qu'il eft néceffaire de fçavoir fur ces deux
parties qui fervent d'introduction à la
Géographie. Il a joint à tout cela une relation
abregée de la ville d'Heraclée.
LETTRE au P. B. J. touchant un endroit
du Traité de M. Vernet , fur la vérité
de la Religion Chrétienne .
ENTRETIENs fur les vérités fondamentales
de la Religion , pour l'inftruction
des Officiers & des gens de mer , par le P.
Yves de Valois , de la Compagnie de Jefus,.
de l'Académie Royale des Belles- Lettres ,
& Profeffeur d'Hydrographie à la Rochelle.
Premiere partie , chés René-Jacob
Desbordes , Imprimeur des Fermes Généra»
les , du Collège & de la Ville , au Canton
des Flamands , 1747. Seconde partie , chés
Pierre Mefnier , Imprimeur de M. l'Inten-
}
JUI N. 748
IIL
dant & de la Ville , rue du Temple , à la
Rochelle , 1747. Volume in- 12.
Durand , Libraire , rue Saint Jacques,
au Griffon , & Piffor , fils , Libraire , Quai
des Auguftins , à la Sageffe , publieront
dans le courant de ce mois deux Ouvrages
nouveaux fur la Géographie. Le premier
fera intitulé : Atlas portatif, univerfel &
militaire , compofé d'après les meilleures,
Cartes , tant gravées que manufcrites des
plus célebres Géographes & Ingénieurs
par M. Robert , Géographe du Roi. Le fecond
paroîtra fous le titre de Grammaire
Géographique , on Analyse exacte
*
courte
du Corps entier de la Géographie moderne
comprenant fous une méthode finguliere
& nouvelle , 1 ° . Un examen général du
Globe , précédé d'un abrégé des vrais fondemens
de la Géographie , réduits en défi
nitions , problêmes & théorêmes . 2° . Unexamen
particulier du Globe , dans lequel
on indique les noms , la fituation , l'étendue
, la divifion , les fous - divifions ,
les
Capitales , les Villes principales , les Archevêchés
, les Evêchés , la nature de l'air
& du fol, les marchandifes & denrées , le
commerce , les chofes rares , les moeurs , le
caractére de la langue & des habitans , la
Religion , le Gouvernement & les Armes
des principales contrées répandues fur la
FIZ MERCURE DE FRANCE.
face de la terre, d'après les Auteurs les plus
eftimés. Cet Ouvrage eft traduit de l'An
gloisde M. Par Gordon , fur la feizième édirion
, & revûr , corrigé & augmenté par M.
Robert , Géographe du Roi. H fe vendra 3
Fivres iz fols broché , & 4 livres 4 fols re
lié. Le prix de l'Atlas portatif fera de 24
livres relié, & de 22 livres 4 fols broché en
carton. Il contiendra environ 1 40° Cartes
in-4° . qui pliées en deux , formeront un
volume de forme in- 8o , qui aura l'avantage
de préfenter ouvert , tout petit qu'il fera ,.
les Cartes dans leur entier , à Fexception
feulement de quelques- unes générales qui
feront pliées , mais qui en fouffriront peu ,
étant d'un uſage moins fréquent que les
autres. Un projet pour cet Ouvrage qu'on
trouvera chés ces deux Libraires , inftruira
plus en détail du plan qu'on a fuivi , & de
l'utilité dont on efpere que pourra être
pour le Public ce genre de travail. Les Car--
tes font très-proprement & très-nettement
gravées.
On trouve chés les mêmesLibraires qua
Tre volumes de Confultations choifies de plus
fieurs Medecins célebres de l'Univerfité de
Montpellier,fur des maladies aigues & chro
niques , 1748. in-12 & trois volumes dè
Panegyriques , Mysteres & autres Sermons
prêchés par M. l'Abbé Charaud , Prédica
teur du Roi , in - 12. 1748.
JUIN. 1743. 115
Debure , fils , l'aîné , Quai des Auguftins
, à Saint Paul , a mis en vente l'édi
tion Grecque- Latine par les Bénédictins
des Oeuvres de Saint Juftin , imprimée chés
Charles Ofmont en deux volumes in-folio .
Le même Libraire débite le tome premier
du mois de Septembre des Alta
Sanctorum des Bollandiftes in-folio. Volume
imprimé à Anvers in-folio. Prix 30 livres en
feuilles.
DISSERTATION's fur l'origine des
Francs , fur leur établiffement dans la Gaule,
fur le tombeau de Chilpéric I. fur la milice
des anciens Francs , fur les dons gratuits
de l'ancienne nobleffe , fur une lettre
de Saint Remi à Clovis ; réfutation du
fyftême de M. Eccard, fur l'autorité de nos
premiers Rois. Ce recueil forme avec une
Hiftoire abrégée des Rois de France , un volume
in- 8°. à Paris , chés Chaubert , Libraire
, rue du Hurepoix.
IL PAROIT un Programme contenant
be plan de foufcription pour le voyage d'E
gypte , par feu M. Norden , en deux volu
mes in-folio , enrichis d'environ deux cent
planches. Frédéric- Louis Norden , Danois ,
Capitaine de Marine , entreprit il y a environ
dix ans le voyage d'Egypte , par ordre
du feu Roi de Dannemarck Chriſtian VI
ilalla au Grand Caire. Dans le cours de fon
114 MERCURE DE FRANCE.
voyage , il examina avec la plus fcrupu
leufe attention tout ce qui fe préſente de
rare & de curieux dans la Baffe Egypte , &
le compara piéce par piéce avec les Rela
tions déja connues. De-là il pénétra dans la
Haute Egypte jufqu'à Syenne & jufqu'aux
Cataractes , & par-tout il vit & il deffina
tout ce qui lui parut de plus remarquable
parmi les reftes précieux de l'antiquité la
plus reculée . De retour il fut invité par un
grand nombre de Sçavans , & en particu
lier par la Société de Londres , à donner au
public la Relation de fon Voyage , il y met
toit la derniere main , & il étoit prêt à le
faire imprimer , forfqu'une mort prématu¬
•
tée l'enleva. Le Roi de Dannemarck ordonna
que ce travail , qui étoit déja commencé
à Londres , feroit achevé à Coppenhague
, & que tous les deffeins de l'Auteur
feroient gravés par le Sieur Marc Tufcher ,
dont il s'étoit fervi pendant fon féjour à
Londres , & qui étoit le mieux inftruit de
fes intentions . C'est en conféquence de ces
ordres & de ceux de fon facceffeur Frédéric
que la Société des Sciences & des Arts,
établie à Coppenhague , prend foin de la
conduite de cet Ouvrage . Ce travail eft
déja fort avancé ; les deux tiers de planches
fort gravés & tirés. Dans la defcription de
se Voyage , qui fera en François , on fuit
V.
JUIN. 1748. TIS
exactement les Journaux de l'Auteur . Tout .
l'Ouvrage formera deux volumes in-folio ,
papier Royal , enrichis d'environ deux
cent Eftampes , y compris la planche du titre
, les lettres initiales & quelques grandes
vignettes. Le prix de la foufcription ,
fixé fur le calcul des frais néceffaires pour
l'exécution de cette entreprise , eft de huit
ducats d'or , 90 livres monnoye de France,
payables , la moitié en foufcrivant , l'autre
moitié en recevant le livre. Ceux qui vou
dront prendre des foufcriptions en France ,
pourront s'adreffer à Paris , chés P. J. Mariette,
& A.C.Briaffen, Libraires , rue Saint
Jacques.
ASSEMBLEE publique de la Société
Royale des Sciences , tenue dans la grande
fale de l'Hôtel- de- Ville de Montpellier ,
en préfence des Etats de la Province de
Languedoc le 23 Décembre 1746. 4
Montpellier , de l'Imprimerie de Jean Mar
tel , Impriment du Roi , des Etats Gét
néraux de Languedoc , & de la Société
Royale des Sciences , 1747. Brochure ix-
4°. de 116 pages.
ORIGIN.E dell' ufo di falutare , quando
fiftarnuta. Difcorfo fatto pergli Excell . Pring
ripi . Don Urbana è Don Carlo Barberini , da
Simone Ballerini , Donar di Legge & Cuftode
116 MERCURE DE FRANCE.
della Libreria dell'Excellentiffima cafa. In
Roma , 1747. in- quarto.
GUIDONIS Ferrari Societatis Jeſu, dė
rebus geftis Eugenii Principis à Sabaudia Bel
lo Pannonico libri 111. Roma. 1747. inquarto.
Pierre-Cajetan Veviani , Imprimeur- Li
braire à Florence , a publié un Programme
en date du premier Septembre 1747 , pour
annoncer qu'il va donner en pluſieurs volumes
, une addition confidérable aux Ecri
vains de l'Hiftoire d'Italie , publiés par M.
Muratori. Il a mis en même tems au jour le
premier volume de cette addition , dont
voici le titre : Rerum Italicarum Scriptores
anno are Chriftiana, millefimo ad millefi
mum fexcentefimum , quorum potiffima pars
nunc primum in lucem prodit ex Florentinarum
Bibliothecarum codicibus . Tomus I. Flo
rentia. 1747. infolio.
Le fecond tome paroît depuis peu . Voici
les titres des pieces qui ont été employées
dans l'un & dans l'autre. Tom . 1. 1 °. Excerpta
ex Hiftoria Sozameni Piftorienfis ab
anno 1001. ad annum 1294 , nunc primum è
tenebris eruta ex MS. cod.... 2. Excerpta
ex Matthai Palmerii Florentini libro de temporibus
ab anno 1294. ad annum 1448. ex
M. cod. Matthia Palmerii Pifani opus de
JUIN. 1748. 117
... ·
....
emporibus fuis ab anno 1449. ad annum
1482. ex M. cod.... 4° . Sancti Gregorii
Papa V11. Epiftola aliquot hiftorica ex M.
cod.... 5 ° . Chroniche della Citta di Pifa
dal an. della fua edificazione al 1406, dell
Dottore Bern. Marangone Pifano mandato.
per la prima volta in luce 6º. Frage
menta Fulginatis Hiftoria ab anno 1198 usquo
ad annum 1440. Auctoribus Bonav . Benevenuti
, ac Petruccio de unctis 7°.
Hiftoria della Citta di Chiufi in Tofcana dal
anno 936. ad annum 1595. di Meffer Giacomo
Gori de Sinalonga , per la prima volta
venuta in luce. Tome II. 1 °. Cronica della
Citta di Firenze di Paolino di Piero dal an.
1080.fine al 1205. non piu ſtampata , con
annotazioni. 2 ° . F. Francifci Ciaccheri Ord.
Min. Chronicon. Geminianenfe, anni 1340
ex MS, cod, ... 3 ° . Cronica de fuoi tempi di
Piero di Giovanni Minenbetti fcritta da D.
Luca dalla Scarperia , Monaco di Vallombrofa
dal 1385 , al 1408. meffa fuori per la
prima volta da un cod. M. S. originale ….…..
4°. Iftoria di Firenze di Giovanni del Nero
Cambi. 5. Cronica della Citta di Padova di
M. Franc. da Carrara il vecchio , che fi da
ora in luce la prima volta con note .
Jo.Marii Philelphi Annales in Hiftoriam Ferrarienfis
belli ab anno 1447 , ufque ad annum
1453, qui nunc primum luce donantur exM.
....
6º.
118 MERCURE DE FRANCE.
• $. cod.. 7°. Ricordi di Firenze in tera
rima non piu publicati. 8 ° . Roberti Urfi Ariminenfis
liber de obfidione Tifernatum cum notis
D. Dominici Maria Manui.
Ces deux volumes fe débitent pour 27
Jules chacun ( 14 livres environ monnoye
de France ) en faveur de ceux qui ont foulcrit
, & 36 Jules pour les autres.
EDUARDI Corfini Cl. Reg. Scholarum
piarum Philofophia Profefforis Differtationes
quatuor Agonistica , quibus Olympicorum ,
Pythiorum , Nemeorum , atque Ihmiorum
tempus inquiritur ac demonftratur. Accedit
Hyeronicarum catalogus , editis longe uberior
accuratior, Florentiæ , 1747 , in-quarto.
BIBLIA SACRA vulgate editionis,..:
cumfelectiffimis litteralibus Commentariis ...
accedunt Romana correctiones , & c . Tomus V,
complectens duos Priores libros Regum . Venetiis
, 1747 , in-quarto.
L'ARCHITETTURA generale di Vi
truvio , ridotta in compendio dal Sig. Perrault
.... ed arrichita di tavole in rame
Opera tradotta dal Franceze , &c. In Venezia
, 174. in-quarto , chés Jean - Baptifte
Albrizzi , Imprimeur - Libraire. Les planches
ont été fidelement deffinées fur cel
les de l'édition de Paris , & gravées par
d'habiles Maîtres . On y ajoute toutes les
Tables néceffaires . Le prix eft de 6 live
JUIN. 1748 . 119
Veneziane , 3 livres environ monnoye de
France .
ANNALES ECCLESIASTICI ab anno 1 198 ,
ubi definit Cardinalis Baronius Auctore
Odorico Raynaldo , Congregationis Oratorii
Presbytero ; accedunt in hac editione nota
chronologica , critica , hiftorica , quibus Raynaldi
Annales illuftrantur, fupplentur, emendantur.
Autore Joan. Dominico Manfi Lu
cenfi , Congreg. Matris Dei. Tomus 111.
Luca , 1748 , in -folio. Ce volume va de
puis 1257 , jufqu'en 1285 inclufivement .
On a mis à la fin les Actes du Concile
de Bude , tenu l'an 1279. On y trouve
encore un fragment fur l'origine des guerres
entre les Guelfes & les Gibellins à Florence.
Le Directeur de l'Imprimerie nouvellement
établie à Milan , pour la Bibliothéque
Ambrofienne , a publié un Programme
en date du premier Octobre de l'année
derniere , par lequel il donne avis qu'on
travaille en cette Ville à raffembler les
Sermons & les autres Inftructions de Saint
Charles Borromée , pour les mettre inceffamment
fous les preffes de la nouvelle
Imprimerie ; que ce premier recueil devoit
faire quatre volumes , dont les deux premiers
étoient fur le point de voir le jour ;
qu'on imprimeroit enfuite les Difcours fy120
MERCURE DE FRANCE.
nodaux de Saint Charles , auxquels on
joindroit les Sermons qu'il a prêchés aux
Religieufes de Saint Paul de Milan , ce qui
devoit former un cinquiéme volume ; de
plus , qu'on imprimeroit pareillement ce
que ce Saint appelloit fes nuits Vaticanes ,
c'eft-à-dire , les Difcours qu'il avoit prononcés
aux Affemblées de l'Académie de
Rome , qu'il tenoit au Vatican , lorfqu'il
étoit chés le Pape Pie IV . fon oncle , &
les Difcours des Affociés de la même Académie
; enfin deux autres Ouvrages défignés
, l'un fous le nom de Sylva Paftoralis
pou-
Clericalis ,feu de Officio Epifcopi & Sacerdotum
: l'autre , de Arte meditandi ; qu'on
ne pouvoit pas encore marquer au jufte le
nombre de volumes que formeroit toute
cette collection , mais que le Public
voit également compter & fur l'exactitude
& le foin des Editeurs , & fur leur diligence.
Le même Programme porte encore
qu'on a jugé à propos de publier cet avis ,
faire connoître aux Sçavans de quels
Ouvrages on occupe actuellement les preffes
de la nouvelle Imprimerie , & pour les
avertir en même tems qu'on les occupera
dans la fuite de ce qui refte de plus précieux
monumens anciens de la Bibliotheque
Ambrofienne.
pour
Jo. DIETERICI WINCKLERI S.
Theol.
JUIN. 1748 . tr
Theol. D. Hypomnemata Philologica & critica
in diverfa Scriptura facra ., tam veteris ,
quam novi Teftamenti loca . Accedit Mantiffa
gemina fimilis argumenti Differtationes exhibens.
Hamburgi , apud Chr . With. Brandt ,
1746 , in octavo. Deux volumes M. Winckler
tire des Auteurs profanes la plûpart
des explications qu'il donne dans
fon livre aux paffages de l'Ecriture fainte
qu ' entreprend d'éclaircir. L'addition
qu'il a mife à la fin , fous le nom de
Mantiffa , comprend deux Differtations
fort étendues ; la premiere a pour titre :
de Luca Evangelifta Medico ; la feconde :
de Philofophia Platonico Pythagorea fraudibus
, feu placitis erroneis , à Paulo atque Petro
improbatis , ac vitari juffis.
AVIS AU PUBLIC.
Dans l'intention où eft l'Académie Royale de
Chirurgie de faire imprimer inceffamment les Mémoires
qui ont gagné les Prix qu'elle a propofés
depuis fon établiffement & ceux qui ont eu des
Acceffit , on prie l'Auteur du Mémoire n°. 19 dont
la devife étoit , Sic vos non vobis mellificatis apes,
qui a concouru en 1734 pour le Prix fur la queftion
, Quels font , felon les differens cas , les avantages
les inconvéniens de l'usage des tentes & autres.
dilatans; & l'Auteur du Mémoire no. 14 , dont la
devife étoit , Un feul l'aura , qui a concouru c
I. Vol.
122 MERCURE DE FRANCE.
1735 , pour le prix fur le fujet : Déterminer dans
chaque genre de maladie Chirurgicale les cas où il
convient de panfer fréquemment & ceux où il convient
de panjer rarement , de vouloir bien envoyer
une copie nette de leurs Mémoires à M. Quefnay ,
Sécretaire de l'Académie , ou à M. Hévin , Sécretaire
pour les correfpondances , pour être inferés
dans le Recueil qu'on va donner au public.
L
ESTAMPES NOUVELLE S.
E fieur Moyreau , Graveur du Roi , vient de
mettre au jour un Wouvermens nº . 58 , intitu
Je le Port au foin . Il demeure rue faint Jacques à
la vieille Pofte , vis- à- vis la ruë du Plâtre .
M. Avetine , Graveur très- eftimé , demeurant
rue du Fouarre , vient de mettre en vente deux
belles Eftampes , L'une repréfente l'Enlevement
d'Europe. L'autre la Naiffance de Bacchus. Toutes
deux font d'après M, Boucher, On lit ces vers au bas
de la feconde , de M. Moraine.
Adftat Mercurius ; pede prompto accurrite Nympha ,
Quem tradit puerum fubridentem ore venufto ,
Accipite , ac fummo cuftodite à Jove natum.
Adveniet tempus fua quo nutrimina large
Solvet , prabebitque albo pro lacte liquorem
Purpureum , cunctos qui homines , fuperofque beabit.
En voici la traduction .
Venez , Nymphes , venez recevoir de Mercure
Cet Enfant qui foûrit d'un air fi gracieux :
J UIN.
123 1748 .
Confervez bien le fils du Souverain des Cieux :
Quelque jour il fçaura payer fa nourriture ,
Et donner pour fon lait un nectar précieux ,
Qui fera le bonheur des hommes & des Dieux.
·
Le Sieur Rigaud vient de mettre au jour huit
Vues de Paris , gravées & deffinées fur les lieux
d'environ 9 pouces de hauteur , fur 19 de largeur,
toutes de même grandeur ; c'eft une fuite d'autres
Maifons Royales qu'il a déja gravées & deffinées
fur les lieux . Il continuera la même fuite d'ouvrage
& en donnera au moins fix toutes les années ,
ce qui fera un recueil très- confidérable . Il demeure
rue S. Jacques.
Le Réveil de Vénus , premiere Cantate à voix
feule avec fymphonie , dédiée à Mad . laVidame de
Vaffé par M. de Montgaultier , gravée par lui - même.
Prix 48 fols . A Paris , chés l'Auteur , ruë des
deux Ecus , chés M. Ranté , Brodeur ; Madame
Boivin , rue S. Honoré , à la Regle d'or ; M. le
Clerc , rue du Roule , à la Croix d'or ; Mademoifelle
Caftagnery , rue des Prouvaires , à la Mufique
Royale.
Mademoiſelle Caftagnery , Marchande Papetiere
du Roi, fuivant la Cour , tient magafin de toutes
fortes de Mufique, & vend toutes fortes de Papiers ,
Plumes & Encres , dans la rue des Prouvaires, près
la rue S. Honoré , à la Mufique Royale . Le tout à
jufte prix.
F
124 MERCURE DE FRANCE.
NOUVEAU Projet de Soufcription pour
la fuite des Planches Anatomiques.
L
E fieur Gautier, ayant fatisfait aux engagemens
qu'il avoit contractés avec le public ,
délivre actuellement les cing dernieres piéces de la
Myologie complette de grandeur & de couleur
naturelle . Cette partie de l'Anatomie contient vingt
Planches avec leurs Tables explicatives.
Quelques perfonnes qui avoient formé une pareille
entrepriſe en Angleterre & dans ce Royaume
, ont eu le défagrément de n'y pas réüfhir , &
elles devoient bien s'y attendre , puifqu'elles ignoroient
le véritable fecret dont le fieur Gautier eft
l'unique poffeffeur , & dont la production d'un
auffi grand ouvrage exécuté fi promptement &
par lui feul , eft une preuve inconteftable . Malgré
T'accident imprévu qui en avoit caufé l'interruption
, il a été repris & continué , & il vient d'être
heureufement terminé fous la protection de M. le
Chancelier.
Le nombre des Planches dont cetteMyologie eft
compofée , n'auroit pû fuffire fi le fieur Gautier
n'avoit pas eu la précaution de renfermer les extrémités
fupérieures & inférieures dans les cinq
dernieres. Cette difpofition a été approuvée par
M. Duverney ; elle ménage la bourfe du public ,
& par fon moyen le prix total eft réduit à 60 liv.
pour les Soufcripteurs & à 90 liv. pour ceux qui
n'auront pas foufcrit. Tel eft préfentement le prix
de cet ouvrage , lorfqu'il eft en feuilles verniffées ,
& il fe vend 96 liv . relié en parchemin verd ; les
Planches de la tête avec les Tables font en grand
in-folio , & on peut mettre en double in -folio & lé
JUI N. 1748. 125
parément le tronc & les extrémités , afin d'éviter
d'en plier les Planches , qui font deux fois at
grandes que les premieres.
Cette partie de l'Anatomie eft abfolument néceffaire
aux Chirurgiens , aux Peintres, aux Sculp
teurs & en un mot à tous ceux qui s'adonnent à
l'étude du corps humain.
On a recherché dans cet ouvrage la beauté du
papier pour les Tables explicatives & la fineffe des
couleurs pour l'impreffion des Planches , & pour
donner une jufte dimenfion de toutes les parties du
corps humain , on a ajoûté une Table de comparailón
, dans laquelle on rapporte les mesures
qu'on a obfervées pour fe conformer aux figures
de l'Antiqué. Cette Table eft compofée de quatre
colonnes, la premiere fait voir les proportions
de cette Myologie ; la feconde offre les proportions
des figures les plus connues & les plus belles
de l'Antique ; la troifiéme démontre celle de l'Ecorché
de l'Académie Royale de Peinture & de
Sculpture , & la quatrième est tirée d'Albertdure
Elles font toutes réduites à la hauteur d'un hom
mé de cinq pieds fix pouces , & il eft aisé par cei
moyen de les parcourir avec la meſure dont on a
jugé à propos de fe fervir , & d'en faire ufage dans
Poccafion.
On affûre non -feulement ici avec raiſon , que
cette Myologie repréfente les objets au naturel ,
ce qui la met bien au-deffus de toutes celles qui
ont paru jufqu'à ce jour , mais on a droit de l'annoncer
comme la mieux proportionnée dans le détail,
la plus fidelle , & celle où l'on peut fuivre avec,
moins de confufion la direction des fibres , cependant
rien n'étant parfait dans le monde , &
quelque défaut ayant på s'y glifler fans qu'on s'en.
Leit apperçu , on recevra avec reconnoiflance &
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
avec plaifir les avis des fçavans ; on donnera même
à la fin de l'ouvrage un fupplément orné de leurs
remarques judicieufes & des noms de leurs Auteurs
; quant à la mauvaife critique , on ne s'arrêtera
point à la relever.
Maintenant on propofe une nouvelle Soufcription
la continuation de cet ouvrage , laquelpour
le paroîtra fous le titre d'Anatomie de la tête ; on
la donnera de grandeur & de couleur naturelle
en huit Planches , & on y démontrera le cerveau
fous differrentes coupes , la diftribution des vaiffeaux
qui parcourent toutes les parties de la tête ,
les organes des fens & une partie de la Névrologie
.
Ce fera la premiere divifion de la fuite de l'Anatomie
que l'on a fait efperer.
Conditions propofées.
L'oeuvre contiendra huit Planches avec leurs
Tables explicatives, de la grandeur de celles qu'on
a données & qui ſe diſtribuent à préſent pour la
Myologie de la tête,
On payera douze livres en foufcrivant 12 liv.
En recevant les trois premieres Planches ,
on payera auffi
"
Total de la foufcription ,
12 liv.
Tiv
24
On diftribuera les trois premieres Planches dans
le courant de Septembre prochain , & les cinq dernieres
dans le courant de Janvier 1749 .
Ceux qui n'auront pas fouferit avant la fin
d'Août , payeront les huit Planches 36 liv.
Après ces huit Planches , on eft dans le deffein de
donner l'Anatomie de l'eftomach , celle du bas ventre
celle des parties de la génération des deux fexes ,
ſuivant le même ordre qui a été gardé dans la MỹoJUI
N. 1748 . 127
logie . A lafin on donnera l'Anatomie des extrémités
pour l'Angiologie & la Névrologie , ¿c.
On fouferit & on diftribue les piéces de cet ouvrage
chés le fieur Gautier , Graveur du Roi , feul
pour les Planches Anatomiques , rue de la Harpe,
à main droite en entrant après la rue Poupée , à la
deuxième maiſon neuve , au fecond étage, où fera
fon Tableau, Chés M. Duverney , Démonftrateur
Royal , prés le Jardin du Roi. Chés Quillan , pere ,
Imprimeur-Jaré - Libraire de l'Univerfité , rue Galande
, près la Place Maubert
Nota. Les perfonnes qui ont déja pris cet ouvrage
& qui voudroni avoir les 20 Planches vernies , pourvont
s'adreffer an fieur Gautier , le prix eft de 7 livres
10 fols pour le verniffage ; on peut les vernir en feuilles
ou reliées , mais il eft à propos de les faire vernir
avant que de les relier. A l'égard des perfonnes qui demeurent
dans les provinces ou dans les païs étrangers
elles pourront écrire au fieur Gautier en affranchiffant
Le port des lettres , il leur enverra par écrit la façon
de les accommoder.
•
La veuve de Simon Bailly renouvelle au public
fes affûrances qu'elle continue de fabriquer les véritables
Savonettes légeres de pure crême de Savon
dont elle feule a le fecret. Comme plufieurs fe
mêlent de les contrefaire & les marquent comme
elle , pour n'être point trompé , il faut s'adreffer
chés elle rue Pavée S Sauveur , au bout de celle
du petit Lyon , à l'image S. Nicolas à une porte
cochere prefque vis à vis la rue Françoife , quartier
de la Comédie Italienne.
L'Effence Balfamique , ftomachique & anti- verminenfe
de M. de Pafturel continue à produire des
effets furprenans dans les obftructions , indigef
E iiij.
812 MERCURE DE FRANCE
tions , apoplexies , fièvres malignes , péripneumo
nies & principalement dans les diffenteries qui ré
fiftent aux remedes ordinaires & que cette Effence
guérit dans peu de jours ; nous avons rapporté
dans les Mercures précédens des lettres très- curieufes
de plufieurs Médecins & Chirurgiens des
Hôpitaux du Roi , qui font l'éloge de ce remede .
M. de Pafturel avertit qu'il demeurera le & Juil
let rue & vis- à-vis la grille des Blanc -manceaux , à
côté d'un Serrurier , entre la rue du Puits & la ruë
desSinges; on peut y envoyer à toutes les heures du
jour , les bouteilles font de trois prix differens , de
6, 12 & 24 livres. Ce remede eft incorruptible ,
préſerve du mauvais air , & eft un excellent vul
néraire pour toutes fortes de bleffures .
OPIAT PHILOSOPHIQUE..
Le Sr Mutelé du Chevalier,Chymifte Privilegié du
Roi,continue à faire connoître les progrès & vertus
de fon Opiat, fruit de trente années de travail ſur la
Magnefie. Ce remede purifie la maffe du fang à
un fi haut degré , en expulfant tout le vice & lui
donnant la circulation naturelle , qu'aucune mala
die ne peut réfifter contre , jufqu'au mal caduc, &
même les maladies vénériennes , c'eft un fondang
& un purgatif fi.épuré de tout fon terreftre , que
ce remede fe gliffe dans toutes les parties du corps
humain les plus fecrettes , diffout & chaffe toutes
humeurs fans aucune violence ; il convient à tous
les tempéramens , & on peut en faire ufage pour
les enfans à la mamelle. Il ne faut point prendrede
caffé ni de laitage tant qu'on fera ufage de l'O
piat . Il faut prendre deux bouillons après que ce
remede aura commencé à faire effet ; il fe prend
enveloppé dans du pain à chanter ou pomme cai
Į
J. U IN: 1748 .
120.
1
té , & un demi verre d'eau ou du thé par deſſus
pour le précipiter.
2
Ilguérit les paralyfies , apopléxies, pâles- couleurs,
pertes de fang , lait répandu , y auroit- il vingt ans,
rétentions d'urine , vapeurs ; même convulfives
-bile épanchée, fable & glaire dans les reins , fiftules .
àl'anus', fans ferremens , hémoroïdes , l'asthme ,
courte haleine , obſtructions , opilations , fquirre
abfcès , coliques , fiévres , chaffe les vers , fi gros
foient-ils , purifie le fang fcorbutique , guérit les
rhumatifmes gouteux , & généralement toutes les
maladies abandonnées,& pour la facilité du public,
il aura des boëtes de 3 , 6 , 12 & 24 liv . Celle de 3
livres fait deux prifes , & les grandes à proportion ,?.
les prifesfe prennent tous les matins , fi l'on veut,
jufqu'à parfaite guérifon & fuivant les caufes -dest
maladies ; fi les évacuations font fréquentes , ili
faudra laiffer un ou même deux jours d'intervalle
d'une prife à l'autre , & fuivre le bon jugement de
fon tempérament. Toutes les guérifons de chaquet
maladie differente qui étoient abandonnées, (e ver
ront chés l'Auteur , fur une pancarte , les expé
riences le confirmeront en tout de maladie
genre
Le feul Auteur de ce remede fait des envois dans
zoute l'étendue du Royaume , en lui écrivant àſon !
adreffe & en affranchiffant les lettres. Les envois
fe font
par la pofte ou par les grandesvoitures pu
bliques , en donnant avis à l'Auteur.
Il demeure grande cour S. Martin des Champs,
la porte cochere en entrant à droite. On le trouve
chés lui àtoute heure..
FV
130 MERCURE DE FRANCE.
AVIS AU PUBLIC.
A veuve du Sieur Bunon , Dentiſte des
Enfans de France , donne avis qu'elle.
débite journellement chés elle , rue Sainte
Avoye , au coin de la rue de Braque , chés
M. Georget , fon frere , Chirurgien , les
remédes de feu fon mari , dont elle a la
compofition & qu'elle a toujours préparés
elle-même ; fçavoir ,
1. Um Elixir anti fcorbutique qui raffermit
les dents , diffipe le gonflement &
l'inflammation des gencives , les fortifie ,
les fait recroître, diffipe & prévient toutes
les affections fcorbutiques & appaiſe la
douleur de dents .
2º. Une eau appellée Touveraine qui affermit
auffi les dents , rétablit les gencives,
en diffipe toutes les tumeurs , chancres &
boutons qui viennent auffi à la langue , à
F'intérieur des lévres & des joues , en fe
rinçant la bouche de quelques gouttes dans
de l'eau tous les jours ; elle la rend fraîche
& fans odeur, & en éloigne les corruptions ;
elle calme la douleur des dents .
3°. Un Opiate pour affermir & blanchir
les dents , diffiper le fang épais & groffier
des gencives , qui les rend tendres & mollaffes
& caufe de l'odeur à la bouche..
JUIN. 1743. 131
. Une poudre de Corail pour blanchir
les dents & les entretenir ; elle empê
che le limon ne fe forme en tartre &
que
qu'il ne corrompe les gencives , & elle les
conferve fermes & bonnes , de forte qu'elle
peut fuffire pour les perfonnes qui ont foin
de leurs dents , fans qu'il foit néceffaire de
les faire nettoyer. Les plus petites bouteil
les d'Elixir font d'une livre dix fols.
Les plus petites bouteilles d'Eau fouveraine
font d'une livre quatre fols , mais plus
grandes que celles de l'Elixir.
Les pots d'Opiate les plus petits font
d'une livre quatre fols.
Les boëtes de poudre de Corail font
d'une livre quatre fols.
On trouve auffi chés elle des racines
préparées& des éponges fines .
La veuve Bungn ofe affûrer que le public
fera auffi fatisfait de la bonté defdits remé
des , qu'il l'étoit du vivant de fon mari.
Fillion avertit le public qu'il fabrique
Tontes fortes de Chocolats , le vanille a
plufieurs prix , à quatre francs , cent fols
& fix frans la livre ; Piftaches fines & Paftilles
vanillées , Chocolat ambrẻ , Chocol
lat à la fleur d'orange , Chocolat fans fu
cre , Chocolat de fanté à quarante fols , a
trois & quatre francs la livre ; Pistaches
F vi
132 MERCURE DE FRANCE
fines & Paftilles de fanté. Il va auffi
le faire en ville , quand on lui fait l'hon
neur de le demander. Il fait auffi un
Chocolat naturel pour les perfonnes qui
font incommodées de la poitrine . Il demeure
dans l'Abbaye S. Germain des Prés,.
cour & ruë Abbatiale , à la Croix de Che--
valier ; il y a un tableau à fa fenêtre & une
enfeigne au coin de la rue , au premier
étage , à la premiere allée en entrant par
la cour. Le Chocolat eft marqué d'une:
Croix de Chevalier..
SPECTACLES...
Lfalle duLouvre le Jeudi 23. Mai , jour
E Concert Spirituel , exécuté dans la
buté par
de la fête folemnelle de l'Afcenfion , a dé
Quemadmodum , Moter à grand
choeur de M. de la Lande ; un concerto de:
M..Blavetia fuccedé ; fan jeu léger & bril .
lant a flaté les auditeurs. Enfuite on chan,
ta Quare fremuerunt Gentes , Motet à grand
choeur de M. dela Landė.M . l'Abbé le fils a
joué feul du violon & a été fort applaudi .
Il'excellent Motet Dominus-Regnavit de M..
Mondonville a terminé le Concert.
Lle: Dimanche, deux Juin ,, fère , de la
AS
LEX
AND
SMUNDATIONS
.
THEN
PUBLICA
FUIN. 1748 133
Pentecôte , le Concert Spirituel a exécuté
le Cantate Domino , Motet à grand choeur
de M. de la Lande: M. Blavet a joué un
concerto , qui a été fuivi d'In Exitu , nous
veau Motet Italien à grand choeur del Signor
Adelphati , Maître de Chapelle de
L'Eglife des Incurables à Venife. La France
lui a confirmé la réputation acquife eir.
Italie. Un concerto de M. l'Abbé le fils a
précédé le Bonum eft , Motet à grand choeur
de M. Mondonville , qui a terminé lo
Concert à la fatisfaction des auditeurs.-
Les Comédiens François ont donné une
Comédie intitulée la Péruvienne qui n'a
pas eu le même bonheur qu'ont obtenu les
Lettres qui ont enchanté tout Paris fous
ce nom
,
Les Comédiens. Italiens ont repréſenté
Les Bohemiens Comédie Italienne en
cinq Actes. Le fpectacle en eft amufant ;;
Faimable Camille y brille comme Actrice
& comme Danfeufe , & la petite Aftroi y
joue une Scéne Pantomime , qui eft fort
applaudie..
Le Samedi 18 , le Lundi 20 & le Same .
die25 Mai ; on exécuta en Concert chés
la Reine le Prologue & les cinq Actes de:
Opera de Scanderberg. Mlles Cheva
lier , de Selle , Matthieu & Godonnefche
134 MERCURE DE FRANCE.
en ont chanté les rôles , ainfi que Mrs Je
liotte , Benoît , Poirier & Godonnefche.
Le Lundi 27 , on chanta le Prologue &
l'Acte de l'Odorai , du Ballet des Sens.
Le Mercredi 29 , l'Acte du Toucher , dû
même Ballet.
Le Mercredis Juin , on exécuta l'Acte
de l'Onie , du même Ballet.
Le Lundi 10 , l'Acte de la Vûë , du même
Ballet. Mlles Matthieu , de Selle
Defchants , Fel & Guédon ont chanté les
rôles de ce Ballet , ainfi que Mrs le Page 3
Poirier , Dubourg & Bazire .
Le Vendredi 7 & le Samedi 8 , on exécuta
pendant la Meffe de leurs Majeftés
le Pleaune Dominus Regnavit , &c. Moter
de la compofition de M. l'Abbé Fanton ,
Maître de Musique de la Sainte Chapelle
de Paris.
JUIN. 1748. 135
FRANCE.
Nouvelles de la Cour de Paris , &e.
L
E Roi a nomméte Maréchal Duc de
Belle-Ifle , Pair de France.
On a appris que l'Impératrice, Reine de
Hongrie & de Boheme , avoit accedé aux
Articles Préliminaires de Paix , fignés a
Aix-la- Chapelle le 30 Avril dernier , &
que cette acceffion alloir être fuivie de
celle du Roi-de Sardaigne.
Le 29 du mois dernier , l'ouverture folemnelle
de l'Affemblée du Clergé de France
fe fit avec les cérémonies ordinaires.
dans l'Eglife des Grands Auguftins par la
Meffe du Saint Efprit , à laquelle les Prélats
& autres Députés , qui compofent
l'Affemblée , communierent . L'Archevêque
de Tours , Commandeur de l'Ordre
du Saint Efprit , y officia pontificalement ,
& le fermon fut prononcé par l'Evêque de
Troyes.
Le premier de ce mois , veille de la Fête
de la Pentecôte , le Roi & la Reine accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin , de
Madame la Dauphine & de Mefdames de
France , affifterent dans la Chapelle du
36- MERCURE DE FRANCE
Château aux premieres Vêpres qui furent,
chantées par la Mufique."
Le 2 , jour de la Fête , les Chevaliers ,
fés Commandeurs &-les Officiers de l'Or
dre du Saint Esprit , s'étant affemblés vers
les onze heures du matin dans le cabinet du
Roi , Sa Majefté fe rendit à la Chapelle
étant précédée de Monfeigneur le Dau
phin , du Duc de Chartres , du Prince de
Conty , du Prince de Dombes , du Comte
d'Eu , du Duc de Penthievre , & des Chevaliers
, Commandeurs & Officiers de
l'Ordre. Le Roi , devant lequel les deux
Huiffiers de la Chambre portoient leurs
Maffes , étoit en Manteau , le Çolier de
L'Ordre par deffus . Sa Majefté entendit la
grande Meffe , qui fut célébrée par l'Abbé
d'Harcourt , Commandeur de l'Ordre du
Saint Efprit , & chantée par la Mufique . La
Reine, Madame la Dauphine & Mefdames
de France entendirent la même Meffe dans
la- tribune.
L'après -midi Leurs Majeftés accompa
gnées de Monfeigneur le Dauphin , de
Madame la Dauphine & de Mefdames ,
affifterent au fermon de l'Abbé de Rolland
de Beri , Vicaire Général du Diocèfe
deToul, & enfuite aux Vêpres.chantées par
la Mufique..
Le Comte de Saint Severin d'Arragon eft
JUIN. 1748. 137
>
arrivéàVerfailles le 5 , pour rendre compte
au Roi du fuccès de fes négociations
& pour recevoir les inftructions & les
ordres de Sa Majefté , relativement aa
Traité définitif ,, que doivent conclure les
Puiffances qui ont pris part à la guerre.
On appris par les dernieres nouvelles
d'Aix-la - Chapelle , que le Roi de Sardai
gne & le Duc de Modene avoient accedé
aux Articles Préliminaires , fignés le 30 du
mois d'Avril dernier.
L'Affemblée générale du Clergé a élà
pour Préfidens l'Archevêque de Tours ,
l'Archevêque de Toulouſe , l'Archevêque
d'Embrun , l'Archevêque de Paris , l'Evêque
de Viviers , nommé à l'Evêché de
Montpellier , l'Evêque de Beauvais & l'E
vêque de Caftres. L'Abbé de Breteuil rem
plira les fonctions de Promoteur, & l'Abbé
de Nicolay celles de Secrétaire.
4 , Le les Prélats & autres Députés , qui
compofent cette Affemblée , allerent àVerfailles
rendre leurs refpects au Roi. Ils
s'affemblerent dans l'appartement du Châ
teau , qui leur avoit été deſtiné, & le Comte
de Maurepas , Miniftre & Secrétaire
d'Etat , étant venu les prendre pour les
préfenter à Sa Majefté , ils furent con
duits à l'Audience du Roi le Marpar
quis de Dreux , Grand-Maître des Cé
.
138 MERCURE DE FRANCE.
rémonies , avec les honneurs qui fe ren
dent au Clergé , lorfqu'il eft en Corps ,
les Gardes du Corps étant en haye fous les
armes dans leur fale , & les deux battans
des portes étant ouverts . L'Archevêque de
Tours complimenta Sa Majesté.
Ces Députés eurent le même jour Audience
de la Reine, deMonfeigneur le Dauphin
& de Madame la Dauphine.
Le 28 du mois dernier, Dom de la Maifon
Rouge a été élû Général de l'Ordre de
Grandmont.
Le 3 Juin pendant la Meffe du Roi , le
Cardinal de la Rochefoucault prêta ferment
de fidélité entre les mains de Sa Majeſté
.
La Reine communia le 9 par les mains de
l'Abbé de Sainte Hermine , fon Aumônier
en quartier.
Le 13 Fête du Saint Sacrement , le Roi
accompagné de Monfeigneur le Dauphin
de Madame la Dauphine , de Mefdames
de France & de fes principaux Officiers ,
fe rendit à l'Eglife de la Paroiffe où Sa
Majefté entendit la grande Meffe , après
avoir affifté à la Proceffion qui alla , ſuivant
P'ufage , à la Chapelle du Château. La
Reine , ne s'étant point rendue en même
rems que le Roi à la Paroiffe , reçut la Bénédiction
du Saint Sacrement dans la ChaJUI
N.
139 1748 :
pelle du Château , lorfque la Proceffion y
arriva , & enfuite elle conduifit la Proceffion
à la Paroiffe.
M. de Cremille , Maréchal Général des
Logis de l'Armée commandée par le Maréchal
Comte de Saxe , & le Marquis de
Guerchy,Colonel -Lieutenant duRégiment
d'Infanterie du Roi , ont été nommés
Lieutenans Généraux des Armées de SaMajeſté.
Le Roi a difpofé de la Charge de Meftre
de Camp Général de la Cavalerie en faveur
du Comte de Bethune , qui en étoit
Commiffaire Général , & l'agrément de
la Charge de Commiffaire Général a été
accordé par Sa Majefté au Marquis de
Caftries , Brigadier & Meftre de Camp-
Lieutenant du Régiment de Cavalerie du
Roi.
Sa Majefté a donné l'agrément de ce Régiment
au Comte de Gacé , Moufquetaire
de la premiere Compagnie.
Le 6 le Comte de Maurepas , Miniftre &
Secrétaire d'Etat ; M. d'Ormeffon & M.
Feydeau de Brou , Confeillers d'Etat ordinaires
& au Confeil Royal des Finances , &
M. de Machault , Controlleur Général des
Finances , Commiffaires du Roi , ferendirent
à l'Affemblée générale du Clergé , où
ils furent reçus avec les cérémonies ordi
$40 MERCURE DE FRANCE.
aires . Le Comte de Maurepas ayant fait
un Difcours, auquel l'Archevêque deTours
répondit au nom de l'Affemblée , les Commiffaires
du Roi demanderent de la part de
Sa Majefté un fecours qui a été unas
nimement accordé.
Le Comte de Saint Severin , Miniftre
Plénipotentiaire du Roi aux Conférences
pour la Paix , eft parti le 15 pour retourner
à Aix-la-Chapelle.
Les Religieux Bénédictins de la Congrégation
de Saint Maur , dans le Chapitre
Général qu'ils ont , tenu à Marmoutiers,
ont élû une quatrième fois Dom René
Laneau , pour Supérieur Général de leur
Congrégation .
On a appris par les dernieres nouvelles
de l'Ifle de Corle , que
que les troupes Allemandes
& Piedmontoifés , qui fecondées
d'un Corps confidérable de Rebelles , commandé
par les nommés Gafforio & Matra
avoient formé le 15 du mois dernier l'inveſtiſſement
de la Baftie en ont levé le
Siége . Le 24 le Chevalier de Cumiana ,
fous les ordres duquel étoient ces troupes ,
avoit fait offrir à M. Jean -Ange Spinola ,.
qui commande dans la Ville , une Capitu
lation honorable ; & en cas de refus , il l'avoit
menacé de traiter la garnifon &les habicans
à la derniere rigueur , ne lui donJUIN.
1748. 141
nanr que trois heures pour fe déterminer
mais M. Spinola fit réponse à cette fommation
, qu'il ne pouvoit rendre la Place qu'à
la Puiffance qui la lui avoit confiée , &
qu'il le défendroit jufqu'à l'extrémité. Les
Affiégeans avoient établi plufieurs batteries
de mortiers , & trois autres batteries ,
chacune de quatre canons de dix -huit livres
de balle , & la Ville a effuyé plus de
trois cent bombes & de douze cent coups.
de canon. Il feroit difficile d'exprimer l'ardeur
avec laquelle les habitans ont contribué
à la défenfe de la Place . Les foldats de
la garniſon ont donné des marques d'une
valeur extraordinaire , & l'on doit les plus
grands éloges à l'infatigable activité que
les Officiers ont montrée pendant toute la
durée du Siége . Parmi ces derniers , M.
Pedemonte , Lieutenant-Colonel au fervice
de France , & que le Duc de Richelieu
avoit envoyé à la Baftie , pour lui ren
dre compte de l'état de la Ville, s'eft extré
mement diftingué. On ne peut furtout affés
louer la conduite & l'intrépidité de M. Spinola
, Commandant de la garnifon , lequel
s'étant trouvé preſque dépourvû de munitions
de bouche & de guerre , pendant
-les neuf premiers jours que la Capitale de
la Corfe a été affiégée , & ayant été réduir
à fe fervir de la vaiffelle d'étaim & du
142 MERCURE DE FRANCE.
plomb des canaux , pour faire des balles
, a cependant trouvé le moyen de conferver
à la République de Genes cette Place
importante.
BENEFICES DONNE'S.
E Roi a accordé l'Abbaye de Saint
LERona,accorde baint Benal
,
Diocefe de Poitiers , à l'Abbé de Saint
Severin , frere du Comte de Saint Severin,
Miniftre Plénipotentiaire du Roi aux Conférences
d'Aix - la Chapelle .
L'Abbaye Réguliere de Saint Sulpice ,
Ordre de Câteaux , Diocefe de Bellay ,
à Dom de Saint Auran , Religieux de cet
Ordre.
Celle de Saint Saens , même Ordre ,
Dioceſe de Rouen , à Madame de Limoges.
Čelle de la Blanche lez- Mortain , même
Ordre , Dioceſe d'Avranches , à Madame
Geraldin , Religieufe de l'Ordre de Saint
Benoît.
Le Prieuré de Laval , Dioceſe du Mans,
à l'Abbé de Marfangy.
D'Aix-la-Chapelle , le 31 May.
Quelques jours avant le départ du Comte
de Saint Severin pour Paris , il fe tint
chés ce Miniftre une conférence , dans laJUIN.
143 1748.
quelle on régla certaines difficultés qui regardoient
l'acceffion de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Boheme aux Articles
Préliminaires. Le 27 le Comte de Kau
nitz conféra encore long - tems avec le
Comte de Saint Severin , & le lendemain
il accéda de la part de fa Cour , à tout ce
dont font convenus les Miniftres Plénipotentiaires
de France , d'Angleterre & des
Provinces-Unies. M. d'Ammon s'eft rendu
ici , & l'on croit qu'il affiftera au Congrès
avec caractere de Miniftre Plénipotentiaire
du Roi de Pruffe.
Le 15 Mai les Penfionnaires du Col
lége de Louis le Grand donnerent avec
l'applaudiffement du public le fpectacle
de leur petite Tragédie. Le fujet de la piéce
, qu'on y a jouée , eft l'Ecole des jeunes
militaires , Comédie en cinq Actes & en
vers. Le P. Durivet, Jéfuite , en eft l'Auteur.
On n'a peut-être jamais repréſenté dans un
Collégé une piéce qui le fentit moins,
La guerre en a fourni le fujet , & ce Pere
l'a faifi avec cette jufteffe d'efprit qui lui
eft naturelle . Son but a été de donner une
leçon auffi agréable qu'utile aux jeunes
gens , deſtinés au militaire. On peut dire
que cette Comédie renferme une critique
fine , & une peinture fidelle des moeurs de
$ 44 MERCURE DE FRANCE.
›
ce fiècle . L'Auteur parcourt fucceffivement
les divers ridicules dans lefquels la jeuneffe
peut donner , & donne en effet quelquefois
au fervice.
Pourvû d'un Régiment qu'il vient d'obtenir
, le jeune Damis fe livre tout entier
aux foins de fon équipage.Il néglige les devoirs
les plus effentiels , facrifie les occupations
les plus importantes de fon état , pour
ne fonger qu'aux préparatifs de fa campagne
; fes tentes , fes chevaux , fes mulets ,fa
table , font les feuls objets qui attirent ſon
attention. Il ne veut point furtout être
dans le cas de manger jamais froid à l'armée
, & il imagine des fourgons d'une méchanique
finguliere , pour prévenir une fi
monftrueufe indécence. Il trouve fort fingulier
qu'un militaire veuille apprendre
fon métier par théorie. Notre arts
dit-il ,
Par l'ufage s'apprend ;
On fert à droite, à gauche, on s'inftruit en courant.
Il ne juge du mérite d'un Officier , que
par le plus ou le moins de dépense qu'il
peut faire au fervice . La bravoure & de
glorieufes bleffures , font auprès de lui des
titres fuperflus fi l'on n'y joint affés de
fortune , pour figurer encore avec avantage
: les affaires même de fon Régiment ,
qui
JUIN 1748. 145
rapport
(
qui demandent quelque application de fa
part , il les regarde comme étrangeres par
à lui . En un mot , il n'eft point fait
pour le détail ; c'eft au Major d'y pourvoir.
En récompenfe , il aura un équipage lefte
& galant , une table délicate; on y mangera
toujours chaud , & on fervira des glaces
en abondance à la tranchée.
Tels font à peu près les ridicules , qui occupent
la fcéne durant cinq Actes. L'Auteur
a fçû les enchaîner dans uneFable théa
trale , qui les amene avec vraiſemblance
en même tems qu'elle intéreffe le coeur par
des fituations attendriffantes .
*
On fent que l'Auteur connoît le monde,
qu'il nele voit que pour l'étudier , & qu'il
ne l'étudie que pour le peindre. Cette
piéce eft très-bien écrite , les caracteres
foutenus , le vers élégant & naturel , le
ftyle aifé , la plaifanterie noble , le dialogue
léger. Le Pere Durivet s'eft fait connoître
de bonne heure par des Ouvrages d'efprit
& de goût , entre autres par des Poëfies
latines & des Traductions françoifes ,
dont on peut voir l'éloge & le précis dans
les Obfervations du feu Abbé des Fontaines.
On fe rappelle avec plaifir le Diffipa
teur , Comédie en vers que notre Auteur
mit fur la fcéne , il y a deux ans,
L'Ecole des jeunes militaires juftifie fes
1. Vol G
146 MERCURE DE FRANCE.
fuccès paffés , & en promet de nouveaux.
Cette pièce a été fuivie d'un divertiffement
intitulé , le retour du Printems ou l'ouverture
de la Campagne ; les paroles font du
même Auteur que la piéce ; il a réuffi également
dans deux genres de Poëfie , tout-à
fait oppofés . La Mufique eft de M. Clérambault
pere ; cet homme célebre dans fon
art , dont les Cantates font au-deffus de
tous les éloges , & ne craignent aucune
comparaifon , a parfaitement rempli ce que
le Public attendoit de fon talent. On a admiré
dans fes récits une fimplicité noble &
majestueufe , dans fes choeurs une connoiffance
profonde , mais judicieuſe , de la
belle harmonie , dans fes airs tout le gra.
cieux , toute la légereté dont les paroles
étoient fufceptibles , par- tout un chant naturel
, & un caractere fenfible de vérité
dans l'expreffion , talent qui décide le
génie , & que le travail feul ne donne pas.
Le Courier d'Avignon , qui fe pique de
parler vrai , a reçû de faux Mémoires au
fujet de cette Comédie ; nous fommes fâchés
qu'il ait été mal fervi , & quelque
louable que foit fon empreffement , pour
en faire part au public , nous ne pouvons
lui fçavoir gré , de l'avoir ainfi défigurée , fi
mal analyfée , & d'avoir confondu le divertiffement
avec la pièce.
JUIN. 1748. 147
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
A M. Titon du Tillet , Auteur du Parnaffe
François , exécuté en bronze , Honoraireou
Affocié des neuf Académies Royales de
la Rochelle , de Marfeille , des Jeux Floraux
de Toulouse , de Lyan , de Bordeaux ,
de Caen , de Rouen , de Montauban &
d'Angers , par M. de Lalonde , de l'Académie
Royale des Belles-Lettres de Caën.
L'AMOUR DES BEAUX-ARTS ,
O DE.
Vous dont la ftupide indolence
Méprife toujours les Beaux - Arts ,
Sortez de votre indifference ,
"Jettez fur eux quelques regards ;
De la Mufe Françoiſe admirez l'harmonie ;
Admirez ces Sçavans , dont le vafte génie
Surprit , enchanta l'Univers.
Jaloux de célebrer leur mérite , leur gloire
Je vais au Temple de Mémoire
Confacrer leurs noms dans mes vers.
**
Pourrai -je vous revoir encore ,
Jours fortunés ,jours précieux ,
Gij
148 MERCURE DE FRANCE
Où Melpomene & Terpficore
Formoient des fons fi gracieux ?
Beaux-Arts,raflûrez vous; ces tems vont reparoître;
Lovis eft généreux , Louis fçait vous connoître ,
Louis feconde vos fouhaits .
Qu'à chanter ce Héros la gloire vous anime ;
Si vous méritez ſon eſtime ,
Vous mériterez fes bienfaits.
XXX
On m'entend , & fur le Parnaſſe
L'Amour vôle avec les plaifirs ;
On vient , on s'empreſſe , on s'y place ;
Louis répond à mes défirs
Couronné de lauriers le maître de la lyre ,
Apollon me fait part de fon divin délire ;
*
Quels fons , quels raviffans accords !
Arrête , Dieu puiffant ; ta docte frénéfie
Me charme , & mon ame ſaiſie
Ne peut retenir les tranſports,
**
D'Anteurs quel célébre cortége
Vient entourer le Mont facré !
* Sur le Parnaffe en bronze de M. Titon du Tillet
Apollon paroit au sommet , couronné de lauriers ,
souchant les cordes de fa lyre.
JUIN.
1748. 149
De la Mufe qui le protége
Chacun occupe le degré ;
Racan , Quinault , Segrais , Boileau , Rouffeau ;
Corneille ,
Efprits rares , divins , des fiécles la merveille ,
Qui ne vous reconnoîtroit pas ?
La Suze , Scuderi , vous tendre des Houlieres ,
Je vous vois marcher les premieres ;
Les Graces vous cedent le pas.
Ombres doctes & lumineuses ,
Votre éclat nous fert de flambeau ;
Vous bravez les loix rigoureufes
Et du Deftin & du tombeau.
Malherbe , Sarazin , la Fontaine , Moliere ,
Racine, Houdart , Chapelle , Huet , la Sabliere
Santeuil .... & tant d'autres encor ;
Ah ! fi votre mérite a frappé nos ancêtres ,
Vous êtes aujourd'hui nos maîtres ;
Sur vous nous regions notre effor.
Attachons-nous à ces modèles ,
Sans jamais nous en féparer ;
Soyons leurs difciples fidéles ,
Avec eux peut- on s'égarer ?
Ces grands imitateurs d'Homere & de Virgile ;
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
D'Horace , de Ménandre & de Plaute & d'Efchile;
Dans peu devinrent leurs rivaux .
'Affûrés du fuccès , que rien ne vous étonne ;
Songeons qu'une même couronne
x
Sera le prix de nos travaux.
***
Qu'on vante le fçavoir antique
De ces Auteurs Grecs & Romains ;
Le ſtyle orné , le fel attique
A paffé chés nos Ecrivains .
Partiſan du vrai beau , je rendrai mes hommages
A ces morceaux finis , ces précieux ouvrages
Que le tems ne peut effacer ,
Mais malgré le brillant de ces Aftres du monde ;
Je fçais qu'en miracles féconde
La France peut les furpaffer.
Ouvrez-vous , fuperbes portiques ;
Jadis le féjour de nos Rois ,
Et vous Temples Académiques ,
Parlez , répondez à ma voix.
Ici * * de l'Univers on connoît la ſtructure ;
* Le Louvre. Louis XIV. en a accordé pluſieurs
Salles aux Académies pour y tenir leurs féances fur
quoi a étéfrappée une Médaille avec cette Légende =
Apollo Palatinus.
** Académie des Sciences.
2
JUI N. 1748 .
ISI
Ces merveilleux refforts , fecret de la nature ,
Y font à l'inftant découverts ;
Là (a) du plus pur langage on fent la politeffe ;
De ce goût fin , plein de nobleffe ,
Tous les tréfors nous font ouverts .
De Caffini le Téleſcope , ( b )
Au Ciel n'apperçoit rien d'obfcur ,
Et le fidéle Microſcope (c)
Ne trompe jamais Réaumur.
Juffieu par les fecours d'une exacte Phyfique (d)
Diffecte chaque plante , & de la Botanique
Dépeint le méchanifme entier ;
L'ingénieux Nollet par fos expériences ( e )
Nous prépare pour les ſciences
Un für & facile fentier.
+3
De nos Zeuxis , de nos Apelles , (f)
Venez admirer les leçons ;
Les Phidias , les Praxitelles ,
›
Le cédent à nos Girardons .
(a ) L' Académie Françoife.
(b) L'Obfervatoire.
(c) La Phyfique expérimentale.
(d) La Botanique.
(e) Expériences de Phyfique.
(f) L'Académie de Peinture & de Sculpture.
Giiij
152 MERCURE DE FRANC .
Mais que vois je paroître , & par quelle merveil
Un Spectacle pompeux , qui ravit mon oreille ,
Vient enchanter tous mes fens ?
Lully,Campra, Rameau , Marais, Mouret, Collaffe,
Accourez remplir votre place ;
Tout céde à vos divins accents ,
***
J'entends la Mufe qui m'appelle ;
Peu contente de mon travail ,
Comment ofes- tu , me dit- elle ,
Tenter un fi noble détail
Epargne- toi le foin de nommer ces grands Hom→
mes ;
Eh quoi ! ne fçais- tu pas que le fiécle où nous
fommes ,
Lui-même a fçû te prévenir ;
Que leurs noms , leurs écrits , leurs ouvrages cé
lébres ,
Perçant les plus noires ténébres ,
Iront étonner l'avenir ?
Apprends que la France foigneufe
D'illuftrer ces fameux mortels ,
Fait à leur cendre précieuſe
Chaque jour dreffer des Autels.
* L'Opéra ou l'Académie de Muſiques
JUIN.
153 1748.
Promene tes regards fur ce riche porphyre ;
Vois ces nombreux tombeaux , ceft – là
peux lire *
Les éloges qui leur font dûs ;
que tu
C'eft-là que pour marquer fes foins & fon ef
time ,
Fume cet encens légitime "
Qu'elle fçait donner aux vertus,
Epoques fûres de l'Hiftoire , **
Monumens qui frappez nos yeux ,
Qui fervez à prouver la gloire
De nos fublimes demi- Dieux ,
Ce vieillard dont le vol nous femble ſi rapide ,
Le Tems dur & cruel , dont la faulx homicide
Moiffonne , abbat ce qu'il produit ,
Ce tems vous fauverà de la nuit la plus fombre
Sans vous mettre jamais du nombre
De tout ce que fon bras détruit.
Les Epitaphes & Inferiptions lapidaires.
** Les Médaillons des Sçavans que M. Titon du
Tillet afait exécuter en bronze,
Gy
154 MERCURE
DE FRANCE.
Refpectons ces nobles images ,
Titres de l'immortalité , *
Et que le registre des âges
Les montre à la pofterité.
Pour toi , cher du Tillet , favori de Minerve ,
Dont le bronze admirable à jamais nous conferve
Les traits divins de nos Sçavans ,
Comme un autre Thiton , puifle ta renommée
Dans le vaſte Univers femée ,
Vivre encore au-delà des tems !
Le Parnaffe François , exécuté en bronze , fur
lequel nos plus grands Poêtes & nos plus fameux
Muficiens paroiffent très- reſſemblans en figurés enpied
en Médaillons.
LETTRE à M. le Blanc , Démonftrateur
Royal à Orléans .
A
Dieu ne plaife , Monfieur , que j'accufe
M. Louis d'avoir copié ni mes
inftrumens ni ma méthode pour la taille des
femmes . Quoique je n'aye pas l'honneur de
le connoître , il fuffit que je le fçache
homme deLettres & diftingué dans fon Art,
pour le croire incapable d'un tel plagiat ;
mais j'ai foupçonné que M. Louis ayant fait
de fon côté cette découverte , il auroit crûJUIN.
1748. 155
pouvoir la publier , fans faire aucune mention
de la mienne , quoiqu'il en eut entendu
parler. J'avois lien de le croire, parce
que Mrs de l'Académie des Sciences en
étoient informés ; grand nombre d'étrangers
m'avoient vû opérer , ou en étoient inf
truits par mes correfpondances : je fus enco
re plus porté à croire que M. Louis n'ignoroit
pas ma découverte , quand je me fuis
fouvenu que dans une lettre adreffée à M.
Gunz , Profeffeur à Leypfic , & publiée
dans le Journal de Verdun , mois d'Août
1742 , j'avois annoncé , à l'occafion de
mon gorgeret pour les hommes , celui que
j'avois auffi imaginé pour tailler les femmes
à l'appareil latéral , comme les hommes
, c'eft-a- dire , par un débridement latéral
du cou de la veffie . Je n'avois pas de
peine à me perfuader que toutes ces notions
n'auroient pas mérité l'attention de
M. Louis , quelque délicat qu'il fut natu
rellement fur cet article ; c'eſt l'effet affés or
dinaire du malheur attaché aux productions
des Provinces.
Quoiqu'il en foit , Monfieur , vous penfez
que fon inftrument eft nouveau , fa mé
thode de taillerles femmes rectifiée
foins , préférable à la mienne.
chacun de ces points .
par vost
Examinons
AG
‚\Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
L'inftrument de M. Louis , foit tel qu'il
l'a d'abord imaginé , foit rectifié par vous,
Monfieur , eft compofé effentiellement
d'une fonde crenelée ou à languette , pour
diriger les tenettes dans la vellie , & d'une
lame qui ouvre ou débride le cou de ce vifccre
avant que de paffer les tenettes; & c'est
dans ces deux inftrumens réunis en un feul,
que vous faites confifter l'avantage de la
découverte de M. Louis , fur celle que je
vous ai communiquée , laquelle confifte
en un gorgeret , terminé par une fonde
crenelée , & un uretro- ciftitome féparé du
gorgeret.
J'ofe penfer , Monfieur , que cet avantage
de l'inftrument de M. Louis , n'eft pas
à beaucoup près tel que vous le préfumez ,
mais en le fuppofant réel , cet avantage ,
la découverte n'en appartiendroit pas encore
à M. Louis. Lifez , s'il vous plaît ,
Monfieur , la lettre du Journal de Verdun,
mois d'Août 1742 , que je viens de citer
tout-à-l'heure , vous y trouverez ce qui
fuit.
» Mon gorgeret pour les hommes ne
» differe du gorgeret ordinaire , qu'en ce
que la langueite eft plus courte & plus pe-.
tite. Je dis gorgeret pour les hommes ,
» parce que j'en ai inventé un particulier
pour tailler les femmes latéralement, mais
JUIN. 1748. * ST
il n'eft pas queftion ici de cette taille. Fai
> même imaginé depuis peu un autre gorge
ret qui a à fa partie convexe une lame mo
bile qui fait le débridement néceffaire &
dans les femmes & dans l'appareil latéral
des hommes,fans qu'on foit obligé de ſe ſer
vir d'autres inftrumens. Voilà, M. les deux
inftrumens pour la taille des femmes réunis
en un feul. Ya-t-il un feul avantage de l'inftrument
de M. Louis, même rectifié, qui ne
fe trouve dans celui- ci ; & même les avantages
fi connus du gorgeret fur toutes les autres
efpeces de conducteurs ne donnentils
pas encore la fupériorité à mon inftrument
fur celui de M. Louis : Vous obferverez
, Monfieur ; que ma lettre eft écrite
du 10 Juin 1742 , & que le Mémoire de
M. Louis a été lût à l'Académie le 7 Juini
1746 , c'est-à-dire , quatre ans après. Il eſt
un peu furprenant que dans une Académie
auffi nombreufe il ne fe foit trouvé perfonne
qui ait lû le Journal de Verdun du
mois d'Août 1742 , ou qui s'en foit fouvenu.
Cependant une fingularité n'eſt pas
une impoffibilité , & je croirai , dès que
vous me l'affûrerez , que cet endroit étoit
totalement inconnu à ces Meffieurs , &
même à M. Louis . Toujours demeureroitil
pour conftant que l'invention eft route à }
18 MERCURE DE FRANCE .
moi , & que je fuis en droit de la reven
diquer.
Mais me direz -vous , d'où vient ne
m'avez - vous pas envoyé ce dernier gorgeret
armé d'une lame tranchante , plutôt
que les deux inftrumens féparés que vous
m'avez adreffés ? Eft -ce que vous auriez
abandonné cet inftrument compofé ? Oui ,
Monfieur , je l'ai abandonné , & les raifons
que j'en ai eû , font les mêmes qui
me font penfer que l'inftrument de M.
Louis , tout perfectionné qu'il eft par vous,
c'est- à-dire ramené au méchanifme du
mien , eft moins avantageux que mes deux
inftrumens féparés .
,
Le principe fur lequel vous fondez l'a
vantage de l'inftrument perfectionné de M.
Louis , eft que .....
La multiplication des inftrumens allonge une
opération .
Prenez garde , Monfieur , que cet axiome
eft fouvent faux . Je conviens qu'une multiplication
d'inftrumens , qui allonge une
opération , eft un défaut , & qu'on doit
rejetter la méthode , à moins que ce défaut
même ne foir compenfé par d'autres
avantages , mais faites attention qu'on '
peut opérer avec deux inftrumens à la fois ,
dans le même inftant , & cela parce que
JUIN. 1748. 159
nous avons deux mains , & alors vous
yoyez bien que cette multiplication d'inftrumens
n'allonge point du tout l'opération.
Dans ma taille des femmes , je tiens
le gorgeret de la main gauche, & l'uretroçiftitome
de la droite , j'introduis d'une
main le bout crenelé du gorgeret, & de l'au
tre avec l'uretro- ciftitome pouffé fur cette
crenelure , je débride le cou de la veffie ;
tout cela fe fait dans les mêmes inftans ,
dans les mêmes mefures de tems que votre
opération. Refte à préfent à fçavoir
lequel des deux eft plus avantageux , de débrider
avec une lame attachée à un inftru
ment affés compofé , ou avec une lame
que la main même conduit. Je préfume ,
Monfieur , que les Praticiens préfereront
toujours ce dernier parti ; il y auroit bien
des raifons pour les appuyer , mais l'expérience
eft plus parlante ; les Praticiens
font plus sûrs des coups que leurs mains
dirigent immédiatement › que de ceux
que produifent des refforts ou des machines.
Pour emprunter quelques exemples des
autres Arts , y avoit-il rien de plus brillant
, de plus expéditif que cet inftrument
, qui d'un feul coup vous donnoit
une plume toute taillée , & très- régulie
160 MERCURE DE FRANCE.
rement taillée ? Néanmoins quelqu'un s'a
vife-t- il de s'en fervir ? Non , l'ancien &
fimple canif eft toujours refté en ufage .
L'invention eft tombée,par cela feul qu'elle
eft une machine & qu'un fimple petit
tranchant avec quelques fecondes de plus ,
fait la même chofe , & le fait au gré de celui
qui s'en fert. Que dirions- nous , Monfieur
, d'un Méchanicien qui nous donneroit
comme une invention extrémement
utile , un inftrument qui renfermeroit à la
fois les ufages de la fourchette & du coureau
, enforte que d'une feule main nous
pourrions couper notre viande & la porter
à la bouche ? Cet inftrument feroit ingénieux
, admirable , fi vous voulez , mais
à quoi bon , je vous prie ? A me donner la
facilité de manger d'une main & d'avoir
F'autre dans ma poche ? C'eft-là précifément
le ridicule du gorgeret uretro -ciftitome
que j'ai abandonné , & de la plupart
des machines qui réuniffent deux inftrumens
deftinés pour les deux mains . Les
machines peuvent fans doute être très utiles,
mais il faut , comme vous le dites fort
bien , Monfieur , ou qu'elles nous abrégent
le tems & les douleurs , ou qu'elles
faffent les chofes mieux que nos mains
fans quoi ce n'est qu'un pur étalage de
JUI N. 1748. 161
vanité. C'eft ce qu'Hyppocrate a fort bien
exprimé dans fon Traité des Luxations ,
où il fronde la manie d'inventer les machines
de fimple apparat, déja en vogue de fon
tems.
*
Vous avez fort bien fait , Monfieur
de fupprimer un des tranchans de l'inftrument
de M. Louis , & je ne doute pas
que par la fuite vous n'en faffiez autant
de la canule , inftrument totalement inutile
aux femmes , inftrument d'ailleurs nuifible
à tous égards , & très propre à exci
ter des fuppurations mortelles , ou au moins
des fiftules , des incontinences d'urine ;
vous l'avez déja éprouvé dans le cas de la
double incifion de M. Louis ; vous n'avez
fait que diminuer les inconvéniens , en ne
faifant plus qu'une incifion , comme dans
ma méthode la canule fera moins de dégåt
, mais elle en fera toujours , & qui
pourra jamais l'empêcher au moindre mouvement
de divaguer dans l'incifion & de
l'irriter Vous avez fenti les inconvéniens
de l'obturamentum vagina Virginum ;
Turpe autem eft , cum in omni Arte , tum verò
in Arte medendi vel maxime , poft multum exhibitum
negotium , multum apparatum , multamque de fe
excitare opinionem , tandemque nihil opis adferre,
Hippoc. Fali in-fol. p. 809.
162 MERCURE DEFRANCE .
vous avez déja été obligé d'abandonner
celui de M. Louis pour les autres femmes
; l'expérience vous dégoûtera auffi
bien-tôt du vôtre , comme parfaitement
inutile au but que vous vous propofez , fi
même il n'y eft pas nuifible. Les femmes
que j'ai taillées latéralement fans ce tampónement
, ont guéri en très-peu de jours . Je
tirai en 1738 à la nommée Magdeleine le
Marchand , âgée de vingt-deux ans , une
pierre des plus groffes ; elle fut parfaitement
guérie en dix jours ; celles qui ont
eû des pierres plus petites ont guéri en
moins de tems , mais en voici une dont la
prompte guérifon vous furprendra , parce
qu'en effet elle eft unique. Matiele Comte
Biepdai près de Rouen , eut une pierre
de moyenne groffeur , Au bout de trois
heures elle retint fon urine & ne la rendit
que volontairement. Je crus que c'étoit
l'effet affés ordinaire du gonflement
inflammatoire qui furvient fouvent après
l'opération , & que la fuppuration auroit
bien- tôt relâché ces parties & r'ouvert la
playe. Je me trompois ; il ne vint aucune
fuppuration . Marie le Comte fit à fon ordinaire
toutes les fonctions de cer organe,
& ennuyée au lit où on la retenoit malgré
elle en bonne fanté , elle fe leva le
JUI N. 1748. 163
troifiéme jour & n'eut aucun accident.
J'ofe vous répondre que fi cette taillée
avoit eû canaliculum in uretro & obturamentum
in vagina , ce bonheur ne lui feroit
arrivé.
pas
Cependant , Monfieur , quelque perfection
que nous ayons donnée à cette
opération , en y tranfportant les avantages
de la taille latérale des hommes , il ne
faut pas fe flater qu'elle foit , non plus
que celle- ci , abfolument exempte des incontinences
d'urine ni même de la mort ,
quoique ce dernier accident foit très - rare.
J'ai vu arriver l'un & l'autre, dans le cas de
pierres extrémement groffes , fituées dans
ades organes d'une grande petiteffe , comme
à un enfant de quatre ans , car notre débridement
, Monfieur , n'exclud pas l'allongement
des fibres , & dans le cas précédent
un grand déchirement. Que ne
faites-vous l'incifion grande affés , me direz-
vous ? je m'en garderai bien ; je n'ai
qu'un trop grand nombre d'expériences
qui prouvent que les grandes playes au
corps de la veffie font prefque toujours
mortelles , & que l'allongement de fes fibres
, leur déchirement même ménagé ,
eft préférable aux grandes incifions
peut-être même aux incifions tout court. Si
>
&
164 MERCURE DE FRANCE.
vous en doutiez, j'aurois affés de preuves de
faits & de raifonnemens pour en remplir
une lettre.
Toutes ces réflexions , Monfieur , n'empêchent
pas que je ne vous fois très - fincerement
obligé de l'élégante figure de votre
inftrument , que vous avez bien voulu
m'envoyer , auffi bien que de toutes les
chofes obligeantes que contient votre lettre.
Je ne laifferai échapper aucune occafion
de m'en revencher , & de mériter la
correfpondance d'un Chirurgien auffi zelé,
auffi ingénieux & auffi laborieux que vous
me paroiffez l'être .
N'avez-vous point vû , Monfieur , les
inftrumens que j'ai inventés pour la taille
au haut appareil , & avec lefquels j'ai fait
heureufement cette taille en 1742 , &
quelques autres les années fuivantes , dans
le cas de très-groffes pierres ? Par cette méthode
la pierre & les tenettes ne touchent
point du tout à la playe , mais elles paffent
entre des inftrumens qui en foutiennent &
écartent les lévres .
Vous connoiffez ceux avec lefquels je
raille latéralement les hommes , mais vous
ignorez peut-être une derniere perfection
que j'y ai ajoutée l'année derniere . Une
feule chofe dans ma méthode pouvoit emJUIN
1748. 165
barraffer ceux qui ne feroient pas fort exercés
avec mes inftrumens , c'eft que le ciftitome
après avoir débridé le cou de la veſſie,
& en revenant vers l'opérateur , échappoit
quelquefois de la crenelure ; quoique
ceci foit fans danger , il obligeoit à retrouver
cette crenelure , & redonnoit à
ma méthode les inconvéniens que j'ai fauvés
par les crenelures. Pour remédier à ce
défaut , j'ai fait ajouter à l'extrémité du
ciftitome qui entre dans la crenelure de la
fonde , une petite lame tranfverfale ou
en croix ; cette petite traverfe coule dans
deux efpeces de galeries creufées dans les
côtés de la crenelure de la fonde ; ces galeries
fe font en rabattant un peu en dedans
les lévres de cette crenelure , excepté
à l'endroit de la fonde , qui répond à l'incifion
où la crenelure évafée à l'ordinaire,
reçoit cette traverſe , qui de- là entre dans
les galeries , & ne permet plus à l'inftrument
de s'échapper de la crenelure , que
quand fon extrémité eft ramenée à la premiere
incifion.
... M. Guattani . ..Chirurgien de l'Hôpital
du Saint Efprit de Rome , & quelques
Freres de la Charité, venus à ma taille
du Printems de 1747 , ont vû chés moi ces
inftrumens , & M. Guattani en a fait faire
de pareils.
166 MERCURE DE FRANCE.
La rupture du perinée qui arrive quel
quefois dans certains accouchemens , m'a
paru mériter nos efforts pour en procurer
la réunion, lors même qu'elle eft ancienne,
& qu'elle exige le raffraîchiffement des lévres
;j'ai inventé à cet effet un inftrument
qui m'a paru réunir les avantages des futures
entortillées & enchevillées , mais cette
lettre eft déja trop longue ; gardons ces
matériaux & quelques autres pour une feconde
lettre , fi vous les jugez dignes de
votre curiofité. J'ai l'honneur d'être , & c.
LE CAT.
A Rouen ce 12 Mars 1748 .
རྒྱ :: ཕ
ODE SACREE ,
Tirée du Pfeaume L. Miferere mei, Deus,&c.
G Rand Dieu , j'ai peché contre toi ;
D'un penchant criminel eſclave volontaire ,
J'ai fait ce que j'ai pû pour attirer fur moi
Tous les fleaux de ta colere,
Fais donc éclater ta fureur ;
C'eſt à toi qu'appartient le droit de la vengeance ;
JUIN. 1748. 167,
Confonds , écraſe-moi ; l'excès de ta rigueur
N'égalera jamais l'offenfe,
*3*+
J'adore en périffant ta main ;
N'étois-je pas foüillé même avant que de naître.
Que dis-je ? Au même inſtant ma´ mere dans fon
fein ,
Me tranfmit le crime avec l'être.
***
Trop docile à ces premiers traits ,
J'ai couru fans remords dans la route du vice
En vain tu m'as inftruit de tes divins fecrets :
Je n'ai fuivi que mon caprice.
***
Qui pourroit fufpendre tes coups ?
Frappe , n'épargne point ; il y va de ta gloire ;
Mais que dis-je , Seigneur ? De ta bonté pour nous
Ai- je donc perdu la mémoire ?
***
N'es - tu pas un Dieu de douceur ,
Toujours prêt à pofer ta foudre vengereffe ,
que l'homme touché d'une utile douleur
Te fait l'aveu de fa foibleffe
Dès
****
168 MERCURE DE FRANCE.
Que ne puis-point eſpérer
Combien de fois au pied de tes Autels fublimes
Humblement profterné , m'a-t'on vû déclarer
Le nombre & l'horreur de mes crimes ?
1
De mes pleurs fois donc pénétré ;
Infcris- moi parmi ceux que ta bonté protége ;
Lave moi dans tes eaux ; parle, & j'en fortirai
Plus blanc & plus pur que la neige.
Defcends & viens créer en moi
Un efprit droit , un coeur qu'enflamme un noué
veau zéle ;
Pour foutenir mon ame & ranimer ma foi
Que ton efprit s'y renouvelle !
+4
Trop long-tems elle reffentit
Lesmaux que fouffre une ame où tu ceffes de luire;
O mon Dieu , fi je puis recouvrer cet efprit ,
Que jamais il ne fe retire !
C'eſt lui , c'eft lui dont la douceur
Peut feule de mon fort tempérer la trifteffe ;
Qu'il revienne ; mes os que brife la douleur ,
En treffailliront d'allegreffe .
Pour
JUIN.
169 1748.
Pour lors rentré dans tes fentiers ,
Aux pécheurs endurcis je les ferai reprendre ;
"
Inftruits par mon exemple, à toi plus volontiers
Seigneur , on les verra fe rendre.
*XX
Ah ! fi pour fléchir ton courroux
Il n'eût fallu , mon Dieu , t'offrir que des victi
mes
Que j'en euffe immolé ! mais quoi ! le fang des
boucs
Effaceroit-il tant de crimes ?
+ X+
Non , ta juftice , ô Dieu des Dieux ,
Veut un efprit brifé de peine & d'amertume ;
Oui , le feul facrifice à tes yeux précieux ,
C'est un coeur que l'amour confume;
Robert
1. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE.
❀❀❀❀❀❀❀❀❀❀sés és és és ès és és és és as ass
MEMOIRE fur la Baronie de Beaujolois,
appartenans à M. le Duc d'Orléans ,
Premier Prince du Sang. Par M. l'Avocat
Derbins , Prévôt de Puvigny en
Beaujolois.
Nciennement ceux qui poffedoient
A la Baronie de Beaujolois , s'appelloient
Sires de Beaujeu ; Philbert de Beaujeu
a été le dernier de ce nom.
Anne de France , Ducheffe Douairiere de
Bourbon , qui poffedoit déja la plus grande
partie de cette Seigneurie , en traita en
1516 avec lui , & il renonça à fon profit à
toutes fes prétentions.
Le nom de Beaujeu devint plus illuftre
que jamais , en la perfonne de Pierre de
Bourbon & de cette Princeffe Anne de
France fa femme , qui fut Gouvernante du
Royaume & du Roi Charles VIII , fon
frere.Suzanne, leur fille unique, fut mariée
au Connétable de Bourbon.
Le Beaujolois a paffé par la fuite dans la
Maifon de Gafton d'Orleans , frere de
Louis XIII , mais fans Souveraineté &
avec le feul titre de Baron de Beaujolois , &
Seigneur fuzerain des Fiefs y enclavés.
Par le décès de Mademoiſelle , fille de
TUIN. 1748. 171
Gafton , le Beaujolois fut dévolu à Monfieur
, frere du Roi Louis XIV , fon légataire
univerfel.
La petite ville de Beaujeu étoit anciennement
la Capitale de cette Province , & la
réfidence des . Seigneurs de ce nom ; leur
Château y fubfifte encore , & il eft habité
par des Chanoines, qui fervoient d'Aumô
niers aux Seigneurs de Beaujeu.
Aujourd'hui c'eft Villefranche , fituée
dans un très-bel emplacement , peu éloigné
de la Saone , & fertile en toutes choles.
Villefranche eft bien percée & affés bien
bâtie , elle a un Bailliage , une Election ,
un Chapitre & une Académie de Belles-
Lettres .
Dans le territoire qui eft aux environs
de cette ville , il y a un ancien ufage fort
fingulier ; quand les bleds font parvenus à
leur maturité , les payfans de chaque voiſinage
les vont moiffonner de leur propre
autorité , ils ont grand foin de bien ramaffer
les épis , ils les mettent en gerbes ,
lefquelles ils comptent avec le propriétaire
, qui eft obligé de leur en livrer une
certaine quantité pour leur travail .
On appelle cette coutume la Cherpille ;
on a quelquefois tenté de l'abolir , fans
pouvoir en venir à bout.
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Il y a dans le Beaujolois une grande fabrique
de toiles , dont le commerce. eft fort
confidérable .
******
MARIAGES ET MORTS.
E 2 Mai a été fait à Saint André - des - Arcs le
mariage de Laurent-François de la Rochelambert
, Comte de la Rochelambert , fils de Gilbert de
la Rochelambert , Seigneur de la Rochelambert ,
& de Dame Marie Françoile de la Tour , avec
Damoiselle Michelle- Anne Douart de Fleurance ,
fille de Mathieu Douart , Ecuyer- Seigneur de
Fleurance , Confeiller du Roi en fes Confeils
Président de la Cour des Monnoyes de Paris , &
Ecuyer ordinaire de feue Madame la Dauphine ,
mere du Roi , & de feue Dame Jeanne Maflon ,
le nom de la Rochelambert eft marqué entre les
Nobles de la Province d'Auvergne par fon ancienneté
, par fes alliances , & pour avoir donné plufieurs
Chanoines au Chapitre noble de Brioude &
des Chevaliers à l'Ordre de Malte. Ses armes font
d'argent à un chevron d'azur furmonté d'une
fafle ou trangle de gueules , à la difference de
Meffieurs de la Rochelambert , établi à Crefpy en
Valois & fortis d'une des plus anciennes Maifons
du Dauphiné , dont les armes font d'azur à une
croix d'argent.
Le 10 Juin a été fait dans la Chapelle de l'Hôtel
de Rohan , Paroiffe de Saint Paul , le mariage
de Charles-Marie Raymond de Ligne , par la
grace de Dieu , Prince d'Aremberg & du Saint
Empire , Duc d'Arfchot & de Croy , Général
JUIN 1748. 173
Major: au fervice de l'Impératrice la Reine de
Hongrie & de Boheme , âgé de 27 ans , représ
fenté par Louis Bretagne de Rohan Chabot , Dus
de Rohan , Pair de France , & fils de Léopold-
Philippes Charles-Jofeph de Ligne , par la grace
de Dieu , Duc & Prince Souverain d'Aremberg ,
Grand d'Efpagne de la premiere Claffe , Chevalier
de la Toifon d'or , Feldt-Maréchal & Général en
chef de la Cour de Vienne , & de Dame Marie-
Françoifer Pignatelli , née Ducheffe de Bifachia
avec Dlle Louife- Marguerite de la Marck , âgée
de 18 ans , fille de Louis Engelbert , Comte de lá
Marck & de Schleiden , & du S. Empire , Baron
de Lumay & de Seraing , Seigneur de Kerpen &
de Saffemburg , Lieutenant Général des armées
du Roi , Colonel d'un Régiment d'Infanterie Alé
lemande au fervice de France , Gouverneur des
Ville & Citadelle de Cambray, pays de Cambrefis ,
& de feue Dame Marie - Anne -Hyacinthe Visdelou
, Gomteffe de Bienafhs , fa premiere ferame
morte le 17 Octobre 1731 ; & petite-fille de Louis
Pierre de la Marck , Comte de la Marcx de
Schleiden & du Saint Empire , Grand-d'Efpagne
de la premiere Claffe , Chevalier des Ordres du
Roi & de la Toifon d'or , Lieutenant Général des
armées du Roi , Gouverneur de Cambray & du
Cambrefis , ci- devant Ambaffadeur Extraordinaire
& Miniftre Plénipotentiaire en Efpagne , & avant
en Suéde & de Dame Marie-Marguerite Françoiſe
de Rohan Chabot , morte dès le 28 Janvier
1706. Voyez pour les Génealogies des deux illuftres
Maifons de Ligne & de la Marck l'Hiftoiredes
Grands Officiers de la Couronne vol . 7. fol.
165. & vol. 8. fol. 30l & les Tables Génealogi
ques d'Hubners , & c.
Le 25 Avril François - Louis Dauvet , Comte des
Hij
174 MERCURE DE FRANCE .
Maretz , Baron de Bourfault , Grand Faucon
nier de France , charge dans laquelle il avoit été
seçû en ſurvivance de fon pere
le 13 Novembre
1717 , mourut à Paris dans la 36º année de fon
âge fans laiffer d'enfans de fon mariage avec Dame
Catherine Louife de Lamoignon , qu'il avoit
époufée le 23 Février 1734 , fille de Chrétien de
Lamoignon , Marquis de Bafville , Baron de Saint:
Yon & de Boiffy, Seigneur de Lamoignon , & c.
Préfident à Mortier au Parlement de Paris , Gref
fier Commandeur des Ordres du Roi , & de Dame
Marie Louiſe Gon de Bergonne ; il étoit fils de
François Dauvet , Comte des Maretz, Grand Fau-
Connier de France , Lieutenant Général au Gouvernement
de Beauvoifis & Gouverneur particu .
lier de la ville de Beauvais , mort le 24 Février
1718 à l'âge de 37 ans , & de Dame Marie Robert
de la Fortelle , petit-fils d'Alexis François Dauvet
Comté des Maretz , Grand Fauconnier de Franceen
1672 , Lieutenant pour le Roi en Beauvoifis ,
Gouverneur de la ville de Beauvais , mort le 25
Avril 1688 , & de Dame Jeanne de Bouexe de
Villemor. Il avoit pour bifayeul Nicolas Dauvet,
Comte des Maretz , Baron de Bourfault , Grand
Fauconnier de France , charge dont il fut pourvû
le 30 Mai 1650 ( fur la démiffion de Louis Charles
d'Albert Duc de Luynes,) mort au mois d'Octobre-
1672 , & de, Dame Chrétienne de Lantage , &
pour trifayeul Gafpard Dauvet , Chevalier Seigneur
des Maretz , Chevalier des Ordres du Roi ,
seçu à la promotion du 31 Décembre 1619 , Premier
Maître d'Hôtel du Roi , Confeiller en fes.
Confeils d'Etat & Privé , Maréchal de fes camps
& armées , Gouverneur de la ville de Beauvais ,
Lieutenant pour Sa Majefté en Beauvoifis , & fon
Ambaffadeur en Angleterie en 1617, mort le 23
JUIN 175 1748 .
Octobre 1632 , & de Dame Ifabelle Bruflart de
Sillery , fille du Chancelier de ce nom . Voyez la
Généalogie de Dauvet dans l'Hiftoire des Grands
Officiers de la Couronne , vol. 8. fol. 774 :
2
Anne Marie Bridou , veuve de Louis Lepredil
de Prefontaine , Avocat au Parlement eft
morte le 26 Avril daņs la centiéme année de fon
âge. Depuis le 25 Avril 1744 , reftée feule dans
la neuvième claffe de la premiere Tontine , établie
par Edit du mois de Novembre 1649 , elle
jouilloit de tout le revenu de cette claffe , & pour
une feule Action , dont le capital étoit de trois
cent livres , elle touchoit cinquante - fix mille fix
cent vingt-cinq livres de rente.
Le 29 Alain Magon de Terlage , Lieutenant Gé
néral des armées du Roi , Commandeur de l'Or
dre Royal & Militaire de S. Louis , Gouverneur
de S. Jean Pié- de- Port ; & ci- devant Lieutenant
Colonel du Régiment des Gardes Françoiles ,
mourut à Paris âgé de 75 ans & fans être marié ;
il commença de fervir dans les Moufquetaires du
Roi , puis fut reçû au mois de Février 1693 à une
Enfeigne dans le Régiment des Gardes Françoifes,
pafla à une Sous- Lieutenance le 11 Avril 1695 ,
une Lieutenance le 26 Février 1697; & enfin y fut:
reçû Capitaine le 20 Juin 1703 ; fut fait Brigadier
d'armée le premier Février 1719 , Commandeur
de l'Ordre Militaire de S. Louis en 1727 , Maré
chal de Camp le 20 Février 1734 , commanda en
1733 & en 1734 le Régiment des Gardes à l'armée
du Rhin , fervit au Siége de Philifbourg , &
monta en qualité de Maréchal de Camp plufieurs
gardes à la tranchée devant cette Place ; fut nommé
par le Roi à la Lieutenance Colonelle du Ré
giment des Gardes après la démiffion de M de
Contade au mois de Mars 1735 , & fut fait Licu-
Hij
176 MERCURE DE FRANCE.
tenant Général des armées du Roi le premier Mars
1738. Il étoit fils de Jean Magon , Sieur de la
Lande , & de Laurence Eon , & la famille , de laquelle
eft M. de la Gervafais, auffi Lieutenant Général
des armées de Roi du 20 Février 1743 , eft
originaire de la ville de S Malo , & porte pour
armes d'azur à un chevron d'or , accompagné en
chef de deux étoiles de même , & en pointe d'un
Lion auffi d'or armé , lampaffé & couronné de:
même.
Le 3 Mai Anne Henri de Thyard , Marquis de:
Billy , Lieutenant Général des armées de Sa Majefté
du 6 Janvier 1748 , Meftre de Camp Général
de la Cavalerie & Gouverneur de Pontarlier ,
mourut au Camp devant Maeftrich des fuites de
la bleffure qu'il avoit reçue la nuit du 29 au 30 du
mois d'Avril à la tranchée, dans la 34 année de fon
âge & fans être marié , il étoit fils unique de Claude
Anne Jacques de Thyard Marquis de Biffy
Lieutenant General des armées du Roi , Gouverneur
des ville & château d'Auxonne , & de Dame
Angélique Henriette Thérefe . Chauvelin ,
petit- fils de Jacques de Thyard Marquis de Biffy,.
Lieutenant Général des armées du Roi & Gouverneur
des ville & château d'Auxonne , mort le,
29 Janvier 1744 , âgé de y6 ans , & de Dame
Bonne Marguerite de Haraucourt, & arriere petit.
fils de Claude de Thyard , Comte de Bifly , Chevalier
des Ordres du Roi , nommé en 1688 & reçû
en 1692 , Lieutenant Général des armées de Sa
Majefté , & Commandant dans les trois Evêchés
de Metz , Toul & Verdun , mort à Metz
le 3 Novembre 1701 , âgé de 80 ans , & de Dame
Eleonor Angélique de Nuchefes. Voyez la Généalogie
de Mrs de Thyard de Biffy dans l'Hiftoi
re de Meaux par le Pere Touflaint du Pleffis
imprimée à Paris en 1730 , fol. 759%-
)
JUIN. 1748.177
Le 6 Pierre Céfar de Saint Georges , Comte de.
Férac , Brigadier des armées du Roi , & premier
Cornette des Chevau- Légers de la Garde du Rois
mourut à Paris âgé de 31 ans fans enfans de
Dame Anne Perrette Marguerite Efther Rivié .
qu'il avoit épousée le 13 Mars 1747. Hétoit frere
puiné de François Olivier de Saint Georges , Mar
quis de Vérac , Lieutenant Général au Gouverne→
ment de Poitou , veuf depuis le 6 Juillet 1745 do ·
Dame Marie Adelaide de Riencourt d'Orival ilai
étoit fils de Célar de Saint Georges , Marquis do
Coué Vérac , Chevalier des Ordres du Roi ;
Lieutenant Général de fes armées , & Lieutenant
Général pour Sa Majefté au Gouvernement de la
Province de Poitou , mort le 11 Février 1741 , &%
de Dame Catherine Marguerite Pioger , & petitfils
d'Olivier de Saint Georges, Marquis de Conés .
Vérac , Chevalier des Ordres du Roi , dont ili
reçut le Collier des mains de Sa Majefté dans lay
Chapelle de Verfailles le premier Janv . 1689;aufft
Lieutenant Général des armées du Roi , & Lieurenant
Général au Gouvernement. de la Province ·
de Poitou , mort au mois de Juin (1704 ,& de Dame :
Marguerite le Cocq . Voyez le Catalogue des Che
valiers de l'Ordre du S. Efprits dans le volume g
des Grands Officiers de la Couronne 125Grands Of fol 240 80:
279.5
4
Le 11 Henri de Lorraine , Duc d'Elbeuf , Pair
de France , Lieutenant Général des armées duri
Roi , Gouverneur des Provinces de Picardie, d'Ar
rois & de Haynauk , & des ville & citadelle de
Montreuil- fur- mer , mourut à Elbeuf dans la 8*
année de fon âge , étant né le 7 Août 1661 ; ibl
avoit fervi aux fiéges de Valenciennes & de Cams ·
brai en 1677 , à celui de Gand ; il fut bleffé àla
jambe à la priſe d'Ypres en 1678 , & accompagna
178 MERCURE DE FRANCE .
Monfeigneur le Dauphin , ayeul de Sa Majeſté, au
fiége de Philifbourg en 1688 ; ik fe trouva à la
prife de Mons en 1691 , il fervit en qualité , de
Maréchal de Camp dans l'armée de Piémont , au
fiége de la Ville & Château de Namur , au combat
de Stenkerque le 3 Août 1692 , à la bataille de
Nerwindes l'année fuivante , & fut fait Lieutenant
Général des armées du Roi le 3 Janvier 1696 ; il
étoit fils de Charles de Lorraine , Duc d'Elbeuf,
Pair de France ; Gouverneur des Provinces de Picardie
, d'Artois & de Haynaut ; & Gouverneurs
particulier des ville & citadelle de Montreuil ,.
mort le 4 Mai 1692 , & de Dame Elifabeth de la
Tour d'Auvergne , fa feconde femme , morte le
23 Octobre 1580 ; il avoit été marié le 28 Janvier .
1677 avec Dame Charlotte de Rochechouare-Vi
vonne , morte le 28 Avril1729 , & iken avoit eu z
Philippes de Lorraine , Prince d'Elbeuf, né en -
1678 , mort le 18 Juin 1705 ; étant Brigadier des
armées du Roi , & fans avoir été marié . M. le
Duc d'Elbeuf qui donne lieu à cet article , laiffe
pour: frere Emanuel Maurice de Lorraine , Prince
d'Elbeuf, né le 30 Décembre 1677, marié depuis
le mois de Juin 1747 avec Dame Innocente Catherine
Renée deRouge du Pleffis Beliere Princeſſe
du S: Empire.
Le nommé Alexandre Malard , né dans la Pa
roiffe de Saint Pierre de Chauvigny en Poitou, eft :
mort à Montmorillon dans l'Hôpital des Religieux
Auguftins , âgé de 103 ans & deux jours.
Les nommés Dominique Alfonfa & Diegue
Braz,font morts , l'un à Cardial en Portugal , âgé
de cent deux ans ; l'autre dans les environs ,
de cent dix-huita.
C
JUIN. 1748. 179
ARRESTS NOTABLES..
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , & Let
tres Patentes fur icelui , du 9 Février 1747 .
Concernant les procès , titres & papiers reftans
dans les Greffes du Grand Confeil , ci-devant éta
bli à Malines dans la Chambre fifcale , &c.
- DECLARATION du Roi , donnée à Ver
failles le 3 Mars 1747 , qui confirme l'Univerfité
de Louvain & la Faculté des Arts de ladite Uni
verfité dans la jourffance des droits & priviléges
à elle accordés par les bulles des Papes y énone
cées.
"
AUTRE du Roi , donnée à la Comman
derie du Vieux-Jonc le 16 Juillet 1747, con
cernant la difcipline intérieure du Parlement dec
Pay
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 133
Mai 1748 , qui permet à la Compagnie des Indes
de créer douze cent mille livres de rentes viage
ses , à prendre fur les neuf millions de rente à elle
conftituée par Sa Majefté en exécution de l'Edit
du mois de Juin dernier. Extrait des Regiftres du
Confeil d'Etat. Sur ce qui a été repréſenté au Roi i
par les Syndics & Directeurs de la Compagnie des s
Indes , que par la déliberation prife en Vaffemblée
générale des Actionnaires le 3 de ce mois , ils ontar
ré autorisés , pour fatisfaire aux dépenfes des expéditions
par eux projettées , à créer fur ladire
Compagnie dix-huit cent mille livres de rentes
Hv
180MERCURE DE FRANCE.
iagéres ou perpétuelles , qui devoient être acqui
fes au moyen de dix mille actions & fix millions
d'argent , & diftribuées par la voie d'une Loterie !
Que ladite déliberation a été homologuée & aus
torifée par Sa Majeſté par Arrêt du 4 de ce mois ,
mais que l'augmentation furvenue fur le prix des
actions ne permettant pas d'efpérer aujourd'hui le
fuccès de ladite Loterie , ils ont crû plus convenable
de faire un emprunt , pour lequel il feroit créé
douze cent mille livres de rentes viagéres , foit au
dernier dix fur une feule tête , fans distinction
d'âge , foit à raifon de fept & demi pour cent furdeux
têtes , à l'effet de quoi ils ont pris une déli
beration le 9 du préfent mois , qu'ils fupplienc
ès - humblement Sa Majefté de vouloir bien au
torifer & homologuer , à quoi voulant pourvoir.
Vu ladite déliberation ; oui le rapport du Steur
de Machault , Confeiller ordinaire, au Confeil }
Royal , Contrôleur Général des Finances , le Roi
étant en fon Confeil , en . homologuant & autori
fant ladite délibération , & conformement à icelle..
a.ordonné & ordonne ce qui fuit. Article Premiers
Permet Sa Majefté aux Syndics & Directeurs de :
la Compagnie des Indes , de créer & conftituer
au nom de fadite Compagnie juſqu'à concurrence
de douze cent mille livres de rentes viagéres , foir
à raifon de dix pour cent fur une feule tête , foir
à raifon de fept & demi pour cent fur les têtes de
deux perfonnes , & de la furvivance d'elles , lef
quelles rentes feront exemptes du dixiéme & ´des .
deux fols pour livre en fus , & d'affecter & hypothéquer
, à la garantie defdites rentes , les neuf
millions de livres de rentes , que Sa Majefte à fait
conftituer à ladite Compagnie , en exécution de
PEdit du mois de Juin dernier , fans préjudice des
sentes , tant perpétuelles que viageres , que ladits.
JUIN... 1748 18t
>
Compagnie a conftituées précédemment. II . Lest
fonds pour l'acquifition defdites rentes viagéres ,
qui ne pourront être moindres de mille livres ent
Principal pour chaque partie , feront portés au
Sieur Pechevin , Gaiffier de ladite Compagnie ,
qui en délivrera des reconnoiffances fignées de lui
& vifées par l'un des Directeurs , lefquelles reconnoiffances
feront datées en toutes lettres & fans
chiffres. IIL Les, Contrats defdites conftitutions.
feront paflés par un Syndic & deux Directeurs des
Ladite Compagnie , & reçus par tels Notaires que
les acquereurs voudront choifir , qui feront tenust.
de leur délivrer defdits Contrats aux frais de ladite .
Gompagnie , auxquels feront annexés les extrairs .
baptiftaires des perfonnes fur les têtes defquelles
lefdites rentes feront conftituées , ou actes équi
pollens , fuivant ce qui a été ci devant preferit en
pareil cas. IV. Lefdites rentes dont les fonds fe
ront portés avant le premier Juillet prochain , au
ront cours du premier Avril dernier , cēlies dant -
les fonds feront portés depuis ledit jour premier
Juillet, jufqu'au premier Octobre fuivant , au-i
ront cours du premier jour du mois dans lequel.
léfdits fonds feront portés , à condition que lefdits
Contrats en feront paffés dans les fix mois de la
date des reconnoillances , faute de quoi les por
teurs defdites reconnoiffances feront privés des
arrérages jufqu'au jour de la paffation defdits
Contrats. V. Les arrérages defdites rentes feronta
payés de fix en fix mois , aux premiers jours dep
Janvier & Juillet de chacune année dans le Bureau.
qui fera établità cet effet, en la même forme & maniere
que les autres rentes viagércs conftituées par
lad, Compagnie , en juſtifiant de la vie des perfon
nes fur les têtes defquelles les rentes feront conftituées
; & à l'égard de celles qui feront conftituéess
182 MERCURE DE FRANCE
für les têtes de deux perfonnes , il fuffira de jufti- -
fier de la vie de l'une d'elles. VI . Les Etrangers
non naturaliſés demeurans dans le Royaume , mê➡
me ceux demeurans hors du Royaume , Pays ,›
Terres & Seigneuries de l'obéiffance de Sa Majeſté
, pourront , ainfi que les propres Sujets de Sa
Majefté, acquerir lefdites rentes, encore bien qu'ils
fiffent Sujets des Princes & Etats avec lefquels
Sa Majesté eft ou pourroit être en guerre. Veut
en conféquence que lesdites rentes , & les artérages
qui en feront dûs au jour du décès des Rentiers
Ldient exemptes de toutes lettres de marque & de
repréfailles , droits d'aubaine , bâtardife , confifca---
tion , ou autres qui pourroient appartenir à Sa ‹
Majefté , auxquels Sa Majefté a renoncé & renonce.
Fait au Confeil d'Etat du Roi , Sa Majesté y
étant , tenu à Verſailles le 13 Mai 1748.
Signé , PHELY PEAUX
2
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 14.
Mai , qui agrée la foumiffion du Sieur Ou
trequin pour l'entrepriſe du nettoyement & enle+
wement des immondices de Paris
.0 ..
AUTRE da Confeil d'Etat du Roi du 4 Juin
7948. Qui ordonne que les droits de vingt livres
& descent livres , impofés par ceux des 11 Mais
1746 , 10 Juin & 2 Septembre 1747 fur les peaux
de lapin brutes , & fur le poil de lapin féparé de la
peau , auront lieu & fe percevront conformément
iceux fur les peaux de liévres brates & fur le
poil de liévre ſéparé de la pezu
TUIN. 174857 185
>
CacacacacƏCDƏCƏY{ ECDED CACACACACAC{ Wal
NOUVELLES ETRANGERES
SUE. D.EL.
N mande de Coppenhague du Mai que le
2 de ce mois le Roi fe rendit à Helfeneur ,
& y fit la revue du Régiment dont le Lieutenant
Général Dombrug eft Colonel. Sa Majefté vifita
enfuite le Château , & après avoir dîné chés le
Comte d'Often , Confeiller Privé elje retourna à
Frederichsbourg. Les lettres de Stockholin mar
quent qu'on y célébra le 28 du mois dernier l'An--
niverfaire de la naiffance du Roi de Suéde, quir
eftt entré dans la faixante- treizième année de fon
âge. Ce Prince tint le 25 ua Chapitre de l'Ordre
des Seraphins , dans lequel il donna les marques
de cet Ordre au Prince Royal & an Prince Guſta---
ve. La veillé fa Majefté Suédoiſe avoir reçu ces
Princes Chevaliers de l'Ordre de l'Epée & de cer
lui de l'Etoile du Nord. Un des Statuts du pr騨
mier de ces trois Ordres exigeant que les Cheva➡
Hers dont il eft compafé , foient aufli Chevaliers
des deux autres , les Comtes de Bande , Thure de
Bielcke , de Tauben & de Cronstedt , les Barons
de Lowen & de Rofen ; le Comte . de Poffe ; les
Baron d'Ehrenpreus & de Wrangel ; le Comte de
Teffin , & les Barons de Cederncreutz & der
· Tauben ont été reçûs en même tems que le Prince
Royal & le Prince Guſtave , Chevaliers de l'Ordres
de l'Epée & de celui de l'Etoile du Nord : ler
Grand Maréchal de la Cour , le Comte de Stieren--
fedt , les Barons de Wrede , de Hopken & d'Alm-
Aierna , le Comte d'Eczeblad , le Baron de Serb
7.
184 MERCURE DE FRANCE.
le Comte de Piper , les- Barons de Broman , de
During & d'Ungern Sternberg le furent le 25. Le
Roi de Suéde a nommé le Baron de Lowenhielm
Grand Tréforier , le Baron de Rudenschiold Secretaire
, & le Baron de Harleman Maître des
Gérémonies de l'Ordre des Séraphins . It's prête--
rent ferment en cette qualité dans le Chapitre
tenu le 25 aaimfi que le Comte de Teffin , Grand:
Chancelier des trois Ordres . On mande de Warfovie
que tout le Corps des troupes Ruffiennes ,
qui eft à la folle de la Grande Bretagne & de la
République des Provinces- Unies a paffé la Viftule,.
la premiere Colonne près de Gura , & la feconde
dans les environs de Gurawy. Depuis le retour de
la belle faifon , ces troupes marchent avec un peu
plus de diligence
}
Les lettres de Warſovie du s Mai portent qu'il
ne s'eft pas confirmé que toutes les troupes Ruffiennes
qui font au fervice de la Grande Bretagne,
& de la République des Provinces Unies foient,
arrivées en deçà de la Viftule. Les pluyes qui tombent
continuellement depuis plufieurs jours , ayant
fait déborder cetre riviere il n'y a eu jufqu'à préfent
qu'un petit nombre de Régimens de ces trou
pes qui ayent pú la paller. On travaille aux pré--
paratifs pour la reception du Roi , qu'on attend,).
on cette ville au commencement du mois prochain
. Sa Majesté immédiatement après fon arri
vée fignera les Univerfaux pour la convocation
de la Diette générale , afin que les Diettes parti
culieres des Palatinats puiffent tenir promptement
leurs féances , & procéder à l'élection des Députés
qu'elles doivent envoyer à cette affemblée . Le
bruit court que l'augmentation des troupes fera
Fun des principaux objets des déliberations. Plu--
feurs Sénateurs ont reçu des copies de huit Piéces
JUIN. 1748. 1855.
Concernant l'affaire de M. de la Salle. Ces Piéces
font la Lettre de Créance , par laquelle le Roit
Très- Chrétien charge ce Colonel de fes affaires
auprès de la Régence de Dantzice ; l'Extrait d'une
Relation envoyée à Péterfbourg par le Comte de!
Bestuchef -Rumin , Miniftre Plénipotentiaire de
1Impératrice de Ruffie à Drefde , au fujet d'une's
conférence qu'il a eue avec le Comte de Bruhl ,
Premier Miniftre de fa Majefté ; un Reſcrit de
Impératrice de Ruffie au même Comte de Beftu- :
chef; une lettre des Magiftrats de Danzicx à cettes
Princeffe ; une Relation de M. Scherer , fon Agent
à Dantzick ; un Mémoire de M. Pezold , Réfident :
du Roi à Pétersbourg ; la Réponſe de l'Impéra-t
trice de Ruffie à ce Mémoire , & une lettre écrite
aux Magiftrats de Dantzick par le Vice- Chancelier
de la Couronne. Le Prince Czartorinsky;
Evêque de Pofnanie , doit aller affifter au Sacre de:
L'Evêque de Brenlau . Le Primat de ce Royaume eft:
dangereufement malade à Lowitz. Selon les nouvelles
de Pétersbourg , l'impératrice de Ruffie
reçut le 22 du mois dernier les complimens des ›
Miniftres Etrangers , des Miniftres d'Etat & des :
principaux Seigneurs de fa Cour , à l'occafion des
Fêtes de Pâques. Une indifpofition oblige la
Grande Duchefle de garder la chambre. Le Gouvernement
Ruffien a envoyé ordre de faire partirde
Livonie les recrues néceffaires , pour rendre
complettes les troupes Ruffiennes que le Roi de la
Grande Bretagne & les Etats Généraux ont prises :
à leur folde , & dont il eft refté à Grodno plust
de fix cent foldats malades . On continue avec:
toute la diligence poflible l'armement des vaiffeaux
de guerre & des frégates que l'Impératrice .
de Ruffie fait équiper. Le Comte de Bernes eft at
rendu.le & ou le 9 de ce mois à Pétersbourg , où.ip.
186 MERCURE DE FRANCE.
va réfider en qualité d'Ambaffadeur de la Reine de
Hongrie à la place du Baron de Breitlach . Depuis
quelque tems on joüit d'une parfaite tranquillité en
Ukraine les Tartares de lá Crimée ayant fufpendu
les courfes qu'ils faifoient dans cette Province.
On écrit de Coppenhague du 14 Mai que le Roi
doit partir ce jour même pour le Holftein, & que la
plupart des Miniftres Etrangers qui font en cette
Cour fe difpofent à fuivre fa Majesté. Les quatre
frégates dont le Comte de Danneskiold-Laurwig
a le commandement ont mis le 9 de ce mois à la
voile. Elles font allées croiſer fur les côtes Septentrionales
de ce Royaume , afin de protéger la
navigation des navires Danois, Plufieurs Négocians
s'étant plaints de ce que les Corfaires Anglois
continuoient de troubler leur commerce , fas
Majefté a écrir à fon Miniftre à Londres de renouveller
fes repréſentations à ce fujet , & d'infifter
fortement auprès du Miniftere Britannique ,-
pour qu'on faffe ceffer des violences fi contraires
à la bonne intelligence qui doit regner entre les
deux Puiffances. On affûre que le Roi Très- Chré
tien a ordonné de relâcher un navire de Norwege
qui avoit été conduit à Morlaix en Bretagne par
un Corfaire François. Il paroît une Ordonnance
du Roi donnée au Château de Chriftianſbourg le
24 du mois dernier. Elle porte que les bâtimens
qui navigueront dans les Golfes de Drammen &
de Chriftiania , feront tenus de mouiller à Laur-
Kullen ou à Baftoën , afin que leurs carguaifons y
foiene enregistréés avant que d'être transportées
aux lieux de leur deſtination . On le propofe de
prévenir par ce moyen la contrebande qui fe fait
dans ces Golfes. Les Propriétaires des navires ,
dont les Capitaines ne fe conformeront pas à cette
Ordonnance , feront condamnés à une amendes
TUIN. 1748. 187
proportionnée à la valeur des chargemens. Say
Majefté a difpofé de la Charge de Président du Saprême
Tribunal de Juftice en faveur du Comite de
Reventlau , Confeiller Privé & Chevalier de POre .
dre de l'Eléphant . Elle a accordé une place dé
Chambellan à M de Rofencrantz , & un Bréverts
de Lieutenant Colonel de Cavalerie au Comte de
Danneskiold Sanfoë , Chef de la branche aînée der
la Maifon de Danneskiold . Il a été reglé que la
Prieure du Monaftére de Stoffringard jouiroit à la
Cour du même rang que les femmes des Confeillers
d'Etat , & que les autres Dames de ce Monaftére
feroient traitées comme les Confeillères
de Juftice. Le Roi figna le premier de ce mois .la
Diplôme , par lequel fa Majefté donne au Régi
ment du Prince Royal le titre de Régiment des
Gardes. Le 30 du mois dernier M. de Panin , cidevant
Envoyé Extraordinaire de l'impératrice de
Ruffie auprès du Roi , partit pour aller réfider avec
le même caractére auprès de fa Majefté Suédoiſe
M. de Guydickens , qui étoit Miniftre du Roi de la
Grande Bretagne à Stockholm en arriva le 6
Après s'être arrêté à Coppenhague pendant quel,
ques jours , il a continué fa route pour Londres..
On a transferé dans une Fortereffè de l'iflè de
Munnelzom M: d'Ahlefeld , Chambellan de laa
Reine Douairiere , lequel avoit été conduit le 7
Mars à la Citadelle de Frederichshaven .
On mande de Stockholm du 16 Mai qu'il vient ›
d'arriver deux couriers dépêchés l'un au Marquis
de Lanmary , Ambaffadeur du Roi de France ;
l'autre au Miniftre de la République des Provin
ces-Unies , pour les informer qu'il y a eu des Ar
ticles Préliminaires de paix , fignés à Aix la Cha
pelle entre la France , la Grande Bretagne & les
Bats Généraux. Le Roia été incommodé pendant :
188 MERCURE DE FRANCE.
quelques jours , mais fon indifpofition n'a point
eu de fuites. Sa Majefté fe propofe d'aller prendre
les eaux d'une fource minérale qui eft à quelques
lieuës de cette ville . M. de Panin , Envoyé Extraordinaire
de l'impératrice de Ruffie , arriva il y a
quelques jours de Coppenhague. Il remit le 15.
fes Lettres de Créance aux Miniftres du Roi , &
il aura dans pea fa premiere audience de fa Ma--
jefté . Le Baron de Korff , fon Prédéceffeur
, fe
prépare à quitter cette Cour . On a appris de Warfovie
que le 8 de ce mois la premiere colonne des troupes Ruffiennes , qui font à la folde de la
Grande Bretagne & des Etats Généraux des Provinces
- Unies , avoit enfin achevé de paffer la Viftule , & que la feconde étoit encore cantonnée
dans les environs de Gora. Le Comte de Stampa
Chambellan
de l'Impératrice
Reine de Hongrie
& de Boheme , & qu'elle a nonmé fon Gommif faire pour
la conduite de ces troupes , fe rendit le
да
à ce Château , afin de conférer avec le Knées
Repnin fur ce qui regarde leur marche. Depuis
qu'on a fçu que la France , la Grande Bretagne
& la République des Provinces Unies étoient
convenues des Articles Préliminaires d'un accommodement
, on s'attend à apprendre inceffamment
que ces troupes auront reçu ordre de faire halte.
La maladie du Primat de Pologne devenant de
plus en plus dangereufe , M. Tursky a été élű
Pour préfider au Tribunal du Royaume , & le
Chapitre de Gnefne a écrit au Pape , pour le prier
de charger quelqu'un des Capitulaires de l'adminiftration
de l'Archevêché . Selon les nouvelles
de Pétersbourg l'Impératrice de Ruffie y eft de
retour de Сzarska -Zelo , & M. Zwart , Envoyé
Extraordinaire des Etats Généraux des Provinces-
Unies, eut le 2 une audience de cette Princeffe. IL
JUI N. 1748 .
189
fut admis enfuite à l'audience du Grand Duc de
Ruffie,& ne pût Pêtre à celle de la Grande Ducheffe
parce qu'elle étoit indifpofée . Le 26 du mois dernier
le Comte de Hindford , Ambafladeur du Roi
He la Grande Bretagne auprès de fa Majefté Impé
riale de Ruffie , donna une fête à pluſieurs perfonnes
de diftinction .
ALLEMAGNE.
t
ONnous écrit de Vienne du 7 Mai qu'on a
remis à M. Mordaunt , Commiffaire nommé
par le Roi de la Grande Bretagne pour recevoir les
Troupes Ruffiennes , un état des arrangemens qui
ont été pris dans la Moravie & dans la Boheme
pour la fubfiftance de ces troupes . Cet Officier dépêcha
le 27 du mois dernier un courier à Bielitz ,
où il compte de fe rendre inceffamment. Il eft ar
rivé depuis peu deux couriers , Pun du Feldt- Maréchal
Comte de Bathiany , & l'autre du Comte
de Kaunitz , auquel la Reine a envoyé de nouvelles
inftructions . Deux colonnes des troupes levées
depuis peu en Croatie ont paffé dans les environs
de cette ville , & après avoir défilé devant ſa Majefté
, elles ont continué leur route vers les Pays-
Bas. On attend la troifiéme colonne qui , ainfi
que les deux premieres , eft compofée de fept cent
-hommes. Le Régiment du Comte de Herberstein,
destiné auffi pour l'armée des Alliés , eft arrivé
dans la Carniole , & il eft fuivi de quatre eſcadrons
de Huffards . Plufieurs avis reçûs de Conftantinople
confirment que la difette des vivres y a caufé
un fort grand tumulte , mais que le Gouverne-
-ment ayant fait étrangler quelques - uns des principaux
factieux , cer exemple de févérité a tellement
intinidé le refte des mutins , que la fédition n'a
90 MERCURE DE FRANCE.
point eu de fuites . Ces avis ajoutent que le 16 du
mois dernier le Baron de Hochepied , Ambaſſadeur
de la République des Provinces- Unies , euc
fa premiere audience du Capitan Pacha. L'Ambaffadeur
qui vient donner part au Grand Seigneur
-de l'avenement du nouveau Roi de Perfe auTrône,
s'étant rendu les à Scutari , il s'y eft embarqué le
lendemain à bord d'une galére qui l'a tranfporté à
Conftantinople. Ce Miniftre le nomme Aldul
Bahin , & il avoit accompagné en 1740 un Ambaſ
fadeur envoyé par Thamas Kouli Kan à fa Haureffe.
On a fçu par les mêmes lettres que deux
navires Hollandois étoient arrivés à Smirne fous
l'efcorte de deux vaiffeaux de guerre de leur nation
, lefquels étoient retournés enfuite à Malte
pour y attendre quelques autres bâtimens venans
du Levant , & pour les convoyer jufqu'en Hol-
Hande. "
Voici l'extrait d'une lettre de Leipfick du 8
Mai.
Le Roi arriva le 6 Mai de Drefde en cette ville,
où les Princes Xavier & Charles ont joint le même
jour la Majeſté. On a déja commencé à faire
prendre la route de la Pologne aux équipages du
Roi , dont le départ pour Warfovie demeure fixé
au 27 de ce mois. Le Gouvernement indiquera les
Bureaux dans lefquels les fujets des Provinces-
Unies , intéreffés à la Steur Electorale doivent recevoir
le payement de leurs rentes à la Haye & à
Amfterdam . Le dernier courier venu de Dantzick a
rapporté que le Réfident qui y eft chargé des affaires
de l'Impératrice de Ruffie , ayant réitéré ſes plaintes
de ce que les papiers de M. de la Salle ont été
envoyés à Drefde , les Magiftrats lui ont fait réponle
que puifque le Roi avoit pris connoillance
de l'affaire de ce Colonel , il n'avoit pas été polliJUIN.
1748 . Ig
ble de refufer à fa Majefté la remife de ces papiers,
& qu'ils borneroient leurs foins à garder le prilonsnier
, jufqu'à ce que les difcuffions qui le regardent
fuffent réglées . Le Comte de Henique, Minifstre
de Conference eft dangereufement malade. Le
Pere Guarini , Confeffeur du Roi , & l'un de fes
principaux Conſeillers , eft mort à Dreſde le 28 du
mois dernier d'une attaque d'apoplexie.
Nous apprenons par les lettres de Berlin du 10
Mai que fa Majefté affifta le premier de ce mois
à une repréſentation de la Comédie Françoife , intitulée
le Philofophe marié, & que le foir elle foupa
avec la Reine & la Famille Royale chés la Reine
Douairiere. Le même jour le Comte de Galowxin
, Chambellan de l'Impératrice de Ruffie , &
le Baron de Wallenftein , Seigneur du Royaume
de Boheme , furent préfentés au Roi , le premier
par le Comte de Keyferling , Miniftre de la Cour
de Ruffe , & le fecond par le Comte de Bees
Grand Maréchal . M. Jacob - Frederic de Bielefeld
Curateur des Univerfités de Pruffe & de Brandebourg,
a été créé Baron . Le Roi a fait préſent du
fiefde Portdeckel , fitué dans le Duché de Cléves,
au Baron Cocceji , Grand Chancelier & Miniftre
chargé du Département de la guerre . Le Comte
de Grondsfeldt , Conſeiller Privé du Prince Sta
thouder , & Miniftre Plénipotentiaire des Etats.
Généraux des Provinces -Unies , a renvoyé à la
Haye le courier qu'il en avoit reçû. Il n'y aaucun
fondement au bruit qui s'eft répandu que fa
Majefté avoir réfolu de changer l'administration
de l'Ooft-Frife , & de faire marcher des troupes
dans cette Principauté . Il n'eft pas vrai non plus
que le Baron d'Appel , Premier Député de la Nobleffe
à l'affemblée des Etats de la Province , aie .
été privé de fes emplois. On écrit de Stockholm.
192 MERCURE DE FRANCE.
que la groffeffe de la Princeffe , épouse du Prince
Royal de Suède, a été déclarée au Sénat, & que les
ordres ont été expédiés pour commencer dans tou
tes les Eglifes du Royaume les prieres ufitées en
pareille occañon. Selon les mêmes lettres M. de
Windt , Miniftre du Roi de Dannemarck , a affûré
le Roi de Suéde , dans une audience particuliere
qu'il a eue de ce Prince , du defir fincére qu'a
La Majeſté Danoiſe de conferver avec la Suéde une
parfaite intelligence .
>
On écrit de Vienne du 14 Mai qu'il arriva le y
de ce mois d'Aix - la -Chapelle un courier dépêché
par le Comte de Kaunitz , pour informer la Reine
que le 30 du mois dernier le Comte de Saint
Severin Miniftre Plénipotentiaire du Roi de
France , & les Plénipotentiaires de la Grande Bretagne
& de la République des Provinces- Unies ,
ont figné les Articles Préliminaires d'un accommodement
entre ces trois Puiffances. Sa Majefté
reçût le 9 un autre courier , par lequel le Feldt-
Maréchal Comte de Bathiany lui demande de
nouvelles inftructions fur la conduite qu'il doit
tenir en conféquence de cet évenement . On a
tenu à ce fujet plufieurs Confeils , dont les réfolutions
n'ont point tranfpiré. Le Comte de Beftuchef
, que l'Impératrice de Ruffie a envoyé à
Vienne pour complimenter la Reine fur la naiffance
de l'Archiduc Pierre Léopold , eut le 9 fa
premiere audiençe de fa Majefté à Schombrun ,
& il fut admis le même jour à l'audience du Grand
Duc de Tofcane , ainfi qu'à celle de l'Archiduc
Jofeph. Le 13 la Reine qui avance dans fa groffeffe
, fut faignée par précaution. L'Ambaffadeur
du Grand Seigneur doit s'arrêter à quelques lieues
de cette Capitale jufqu'au retour d'un courier que
le Gouvernement a envoyé à Conftantinople . La
troifiéme
JUIN. 193 1748 .
noifiéme & derniere colonne des troupes nouvellement
levées en Croatie a paffé à Vienne le 8 en
allant aux Pays- Bas .
Les nouvelles de Drefde du 15 Mai portent que
quelques jours après la publication du Décret , par
lequel il a été réglé que les Intéreffés à la Steur
Electorale , établis dans les pays de la domination
des Etats Généraux des Provinces- Unies , toucheroient
chaque année à la Haye & à Amfterdam
les arrérages de leurs capitaux en deux termes ,
fçavoir les fix premiers mois en Juin , & les fix
autres dans le mois de Novembre ; il a paru une
Déclaration qui avertit ces Rentiers qu'ils rece
vront leurs payemens à la Haye chés M. Jean
Wittert , Confeiller de cette Cour , & à Amfterdam
chés M. Bock , qui y eft Réſident de ſa Ma❤
jefté. Les lettres de Berlin marquent que M. de
Klingraff , Miniftre Plénipotentiaire du Roi de
Pruffe auprès du Roi de la Grande Bretagne , fe
rendit le 12 à Potſdam , afin d'y recevoir les der
niers ordres de fa Majefté Pruffienne , & qu'il doit
partir inceffamment pour Londres.
Voici ce que portent les lettres de Vienne du
22 Mai.
Dans un des derniers Confcils qui fe font
tenus à Schombrun , l'Impératrice Reine a pris la
réſolution d'accéder aux Articles Préliminaires de
Paix , qui ont été fignés à Aix - la- Chapelle par les
Miniftres Plénipotentiaires de Sa Majefté Très-
Chrétienne & par ceux du Roi de la Grande Bres
tagne & des Etats Généraux des Provinces -Unies;
On a fait en cor.féquence partir des couriers ,
pour porter ordre aux troupes de fa Majefté Impériale
de ne plus commettre aucun acte d'hoftilité
ni en Italie ni dans les Pays - Bas. Il a été ordonné
en même tems aux quatre Régimens de
I.Vol.
194 MERCURE DE FRANCE.
Cavalerie & aux nouvelles troupes de Croatie
qui devoient fe rendre à l'armée des Alliés commandée
par le Duc de Cumberland , de ne pas
continuer leur marche. Le 13 de ce mois on célébra
l'Anniverfaire de la naiffance de l'Impératrice
Reine , qui eft entrée dans la trente-deuxième année
de fon âge. Il y eut le foir à Schombrun un
Bal , après lequel la Cour foupa à deux tables
l'une de trente , l'autre de quatre-vingt couverts.
Le Miniftre qui eft venu de la part du Grand Seigneur
, fit le 17 fon entrée publique en cette ville.
Quelques difficultés fur le cérémonial , l'ayant
obligé de quitter le titre d'Ambaffadeur , il a pris
celui d'Envoyé Extraordinaire de fa Hauteffe. II
fut conduit le 18 à l'audience du Préfident du
Confeil de guerre , & l'on compte qu'il fera admis
le 28 à celle de l'Empereur . Le Comte de Beſtuchef,
que l'impératrice de Ruffie a envoyé pour
complimenter leurs Majeftés Impériales fur la naiffance
de l'Archiduc Pierre-Léopold,a eu audience
de l'Archiduc Jofeph , des Archiducheffes , du
Prince Charles & de la Princeffe Charlotte de
Lorraine . Le Comte de Barck , Envoyé Extraor
dinaire , du Roi de Suéde , eft arrivé le 11. M. de
Schees , Confeiller d'Ambaffade de l'Electeur Palatin
, & qui étoit chargé à Vienne des affaires de
ce Prince , a reçû les Lettres de rappel , & il doit
fe rendre à Ratisbonne pour y réfider en qualité
de Miniftre de la Cour de Manheim . Il fe tint le
17 chés le Vice- Chancelier de l'Empire une con
férence au fujet de la tutelle du jeune Duc de
Weymar , & du refus que le Duc de Saxe Gotha
fait de s'en démettre. L'Impératrice Reine a con
feré au Comte Georges d'Erdodi la Charge de
Grand Juge du Royaume de Hongrie , vacante
par la mort du Comte Jofeph Efterhafi . Les Dra
JUIN. 1748. 195
peaux du Régiment de Collowrath furent bénits
le 15 dans la Chapelle du Château de Schombrun.
Nous apprenons par Francfort du 19 Mai qu'on
mande de Mayence que le Baron d'Erthal , Grand
Maréchal de la Cour de l'Electeur de Mayence ,
& Préfident du Confeil des Finances de ce Prince ,
y eft mort depuis quelques jours. Ce Baron étoit
Miniftre Directorial du même Electeur auprès des
Cercles Antérieurs de l'Empire , & il avoit été cidevant
fon Envoyé Extraordinaire auprès du Roi
de la Grande Bretagne. Les lettres d'Amberg marquent
que le Régiment de Cuiraffiers de Luchefi ,
des troupes de l'Impératrice Reine de Hongrie &
de Boheme, lequel y étoit arrivé le 14 de ce mois
en allant aux Pays-Bas , avoit reçû ordre de retourner
en Boheme. Suivant les avis reçûs de Berlin ,
le Roi de Pruffe a fait le 23 à Potſdam la revûë
du Régiment de fes Gardes , & des Régimens de
Munchow , de Retzow & de Bila , & les Princes
freres de fa Majefté Pruffienne ont affifté à cette
revûe . Le lendemain le Roi de Pruffe fe rendit à
Charlottenbourg , & après y avoir dîné il alla voir
à Berlin la Reine Douairiere qui étoit malade. Le
Roi de Pologne Electeur de Saxe defirant de gardet
l'incognito à Breffau lorfqu'il y paffera pour
aller à Warfovie , a prié fa Majefté Pruffienne de
le difpenfer de recevoir les honneurs que la Régence
de Siléfie lui préparoit . Il y eut le 20 une
Longue conférence entre M. de Legge , Miniftre
Plénipotentiaire du Roi de la Grande Bretagne ,
& les Miniftres du Roi de Pruffe , à l'occafion de
quelques depêches importantes que M. de Legge
avoit reçues de Londres. M. de Klingraeff , Miniftre
du koi de Pruffe auprès du Roi de la Grande
Bretagne , doit fe rendre à Hannover & y at ,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
tendre fa Majefté Britannique. On a appris de
Drefde que le Roi de Pologne Electeur de Saxe .
accompagné des Princes Xavier & Charles, y étoit
revenu de Leipfick le 17. Sa Majefté Polonoife
dû partir le 28 pour Warfovie , à moins que l'indifpofition
de la Reine de Pologne , qui a eu quelques
accès de fiévre , n'ait fait retarder le voyage .
Les nouvelles du Comté de Glatz portent que la
Princeffe Louiſe Ulrique de Wirtemberg Oels y
eft morte le 17 , & que le Comte de Solms Tecklenbourg
eft mert le 6 à Oderberg.
V
GRANDE BRETAGNE.
Oici ce que portent les lettres de Londres de 10 Mai.
Il s'eft tenu aujourd'hui un Confeil d'Etat à l'oc
cafion des Articles Préliminaires d'accommodement,
conclus entre la France, la Grande Bretagne
& la République des Provinces Unies. LaRatification
de ces articles, fignée par le Roi , fera envoyée
le 11 à Aix la- Chapelle , & l'on compte qu'ils
feront communiqués le 13 aux deux Chambres
du Parlement. Les Seigneurs font occupés à juger
l'affaire du Comte de Dumfries , qui contefte à
Meffieurs Jean & Jacques Dalrymple la fucceffion
du feu Comte de Stairs. Le 6 la Chambre des
Communes approuva la refolution d'accorder une
Prime d'un demi fcheling fur chaque livre d'In
digo , qui fera apporté directement dans la Grande
Bretagne de l'endroit où il aura été fabriqué. Elle
paffa le même jour le Bill , dont l'objet eft de contenir
plus fermement les Montagnards d'Ecoffe
dans l'obéiffance . Le 10 elle a paflé le Bill du
fond d'Amortiffement , & a fait quelques changemens
à celui par lequel il eft défendu d'introduire
1
JUI N. 197 1748 .
des toiles du Cambrefis dans la Grande Bretagne!
On confirme que le Parlement terminera le 16
Tes féances. Le Baron de Wafner , Miniftre de la
Reine de Hongrie , a conferé plufieurs fois avec
le Duc de Newcastle, ainfi que le Chevalier Offorio
, Miniftre du Roi de Sardaigne , & M. Wale ,
Maréchal de Camp au fervice de la Majefté Catholique.
Le 8 M. Harriſon arriva de l'armée des
Alliés , d'où il a été dépêché par le Duc de Cumberland
, pour informer fa Majefté que ce Prince,
en conféquence de ce qui a été réglé à Aix - la-
Chapelle , étoit convenu avec le Maréchal Comte
de Saxe de faire ceffer les actes d'hoftilité dans
les Pays- Bas. Dès qu'on aura fait l'échange des
Ratifications des Articles Préliminaires , la communication
fera rétablie entre les Ports de Douvres
& de Calais. Le Comte de Harrington , Vicefoi
d'Irlande , lequel eft de retour de Dublin , a
eu l'honneur de faluer le Roi qui l'a reçû trèsfavorablement
, Le Contre- Amiral Mitchell a
rendu compte à fa Majefté de l'état où il a laiffé
l'efcadre avec laquelle il a croifé fur les côtes de
Zélande , & dont il a remis le commandement au
Chef d'efcadre Townshend . Les vaiffeaux du Roi
ont conduit dans divers Ports de la Grande Bretagne
plufieurs Corfaires & navires François , ainfi
que quelques autres bâtimens , chargés de marchandifes
qu'on croit appartenir à cette Nation .
Un navire de cinq cent tonneaux , armé de vingt
canons , lequel alloit au Canada avec des munitions
, a été pris par le Corfaire le London , que
monte le Capitaine Jean Barker. Le Corfaire
l'Alexandre eft arrivé à Briſtol avec deux bâtimens,
dont l'un avoit fait voile de Bordeaux pour la
Martinique , & l'autre venoit de Leogane à Nantes
avec quatre cent cinquante tonnes de fucre ,
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
vingt-huit facs de cacao , vingt - cinq caiffes d'Indigo
& quarante de caffé . On a été informé par la
chaloupe de guerre ↳ Hawki que l'efcadre commandée
par M. Pocock bloquoit le Port de Saint
Pierre de la Martinique , où il y avoit près de
trois cent navires prêts à mettre à la voile. Le
Comte de Traquair & le Chevalier Jean de Duglas,
qui font fortis de prifon , à condition de comparoître
dans certain tems à la Cour du Ranc du
Roi , s'y font préſentés le 9 , & on leur en a donné
acte. La maladie épidemique des beftiaux caufe
beaucoup de ravage dans le Comté de Stafford .
Le 6 le Lord Anſon , Amiral & l'un des Commiffaires
de l'Amirauté , époufa la fille aînée du Lord
Chancelier. On parle du mariage du Comte Car
teret de Grandville avec Mademoifelle de Gieuville
, Fille d'Honneur de la Princeſſe de Galles .
Depuis la fignature des Articles Préliminaires de
Paix , le Roi a décidé qu'il feroit un voyage dans
fes Etats d'Allemagne, & les Yachts , qui doivent
tranfporter fa Majefté en Hollande , ont ordre de
fe tenir prêts. Les Actions de la Compagnie de la
mer du Sud font à cent quatre ; celles de la Banque
à cent vingt & un ; celles de la Compagnie
des Indes Orientales à çent foixante & quinze
& les Annuités à quatre- vingt - feize & demi.
de
Les nouvelles du 17 Mai portent que le 13
ce mois le Roi reçût les complimens de la princi
pale Nobleffe fur la fignature des Articles Préliminaires
de Paix . Ces articles n'ont point été communiqués
le 16 au Parlement , ainfi que le bruit
avoit couru qu'ils devoient l'être , & l'on croit
qu'ils ne le feront qu'après l'échange des Ratifications.
En attendant fa Majefté , a figné une Proclamation
pour un Armiftice tant fur mer que fus
terre. Le départ du Roi pour les Etats d'AllemaJUIN
. 1748. 199
&
gne eft fixé au 28 ou au 29 de ce mois , & quel
ques jours auparavant fa Majefté fe rendra au Parlement
pour mettre fin aux féances de cette affemblée.
Le 17 les Seigneurs pafferent le Bill , qui
autorife le Roi à tirer un million de livres fterlings
du fond d'Amortiffement. Ils ont adjugé à
M. Jacques Dalrymple la fucceffion du feu Comte
de Stairs . La Chambre des Communes a fait la
troifiéme lecture du Bill concernant l'Indigo . Le
15 les vaiffeaux de guerre le Ruffel & le Jersey
arriverent de Lisbonne aux Dunes avec la flotte
Marchande à laquelle ils fervoient d'escorte ,
avec le vaiffeau Efpagnol le Glorieux , dont le
Ruffel s'eft emparé l'année derniere . Ón affûre
qu'ils ont à bord deux cent mille livres fterlings ,
foit du produit.des prifes , foit pour le compte des
Négocians . Il arriva le 13 une chaloupe de guerre
, par laquelle les Commiffaires de l'Amirauté
ont reçû les nouvelles fuivantes . L'efcadre , commandée
par l'Amiral Knowles , s'étant rendue le
18 du mois de Mars dernier devant le Port Louis ,
Situé fur la côte méridionale de l'Ile de Saint Domingue
, on canonna le lendemain avec beaucoup
de vivacité le Fort qui défend la rade , & la garnifon
fut contrainte de fe rendre . Il a été réglé
par la Capitulation que cette garniſon fortiroit
avec armes & bagages , mais qu'elle n'emmeneroit
ni canons ni mortiers , & qu'elle ne pourroit
fervir pendant un an contre la Grande Bretagne.
Auffi- tôt que la Capitulation a été fignée , l'Amiral
Knowles a fait prendre poffeffion du Fort par
le Major Scort , & un détachement du Régiment
de Trelawney y eft entré d'un côté , pendant que
la garnifon eft fortie de l'autre . On y a trouvé
foixante-dix-huit canons & cinq mortiers. Il y
avoit dans le Port trois navires Marchands &
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
deux chaloupes armées en courfe. Il n'y a eu dans
cette expédition que foixante hommes de bleflés
& dix- neufde tués , du nombre defquels font Meffieurs
Rentone & Cuft , Capitaines du Régiment
de Trelawney. L'Amiral Knowles mande aux
Commiffaires de l'Amirauté qu'après qu'il aura
fait fauter ce Fort , il remettra à la voile pour aller
exécuter une entrepriſe contre Sant Jago de Cuba.
On a appris que les navires le Kent & le Severn ,
qui appartiennent à la Compagnie des Indes
Örientales , font arrivés le 7 à Kenfale en Irlande.
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud .
font à cent fix ; celles de la Banque à cent vingtcinq
; celles de la Compagnie des Indes Orientales
à cent foixante- quatorze ,& les Annuités à quatrevingt-
dix- huit & demi.
Ön écrit du 24 Mai que ce jour même le Roi
s'eft rendu à la Chambre des Pairs avec les cérémonies
accoûtumées , & que fa Majefté , ayant
mandé la Chambre des Communes , a fait le difcours
fuivant , Mylords & Meffieurs : A l'ouverture
de cette Seffion du Parlement , je vous annonçai
que les Puiffances , engagées dans la guerre , avoient
donné leur confentement à la tenue d'un Congrès.
J'ai maintenant lafatisfaction de vous apprendre que
les Articles Préliminaires pour le rétabliſſement de la
Paix générale ont étéfignés par mon Miniftre & par
ceux du Roi Très - Chrétien & des Etats Géneraux
des Provinces-Unies , & qu'ils ont pour base la reftitution
réciproque des conquêtes faites de part & d'au
tre pendant la guerre. En conféquence de ces Préliminaires
, qui ont été ratifiés par les Parties Contractantes
, les hoftilités ont déja ceffé dans les Pays- Bas ,
ainfi que dans la Manche , & felon l'usage on a fixé
les termes dans lesquels elles doivent ceffer pour les
autres Parties du monde . Mon principal but dans
JÚ IN. 1748. 201
mes ,
Cette importante négociation a été de rendre la tranquillité
à l'Europe, d'affûrer le bonheur de mes Royaude
procurer à mes Alliés les conditions les
plus avantageufes que les évenemens de la guerre ,
qui en quelques endroits n'a pås eû lefuccès désiré,possvoient
leur permettre d'efpérer . Fendant tout le cours
de la même négociation , je n'ai caché à ces Buiffances
aucunes de mes vûës ni de mes démarches. Ainfije
meflate que lorsqu'elles auront réfléchi mûrement fur
la fituation des affaires , fur la néceffité de prendre le
parti auquelje me fuis déterminé , &fur l'attention
quej'ai cue à menager leurs interêts , non -feulement
elles ne differeront point d'accéder aux Articles Préliminaires
, mais encore elles concoureront à l'ouvrage
Jalutaire de la Paix. Les puiffansfecours que vous
m'avez donnés pour m'aider à foutenir la guerre ,
m'ont mis en état d'avancer ce grand ouvrage. Toutes
nos mesures ont tendu à cet objet , & l'on ne peut
reprocher à la Grande Bretagne de s'en étre jamais
écartée. Autant pour l'interêt de la caufe commune
que pour le fien propre , elle a fupporté les charges de
guerre , d'une maniere dont on n'a guéres vû d'exemples
dans les tems précédens .J'efpére de voir bientôt
avec le concours de mes Alliés mes efperances remplies,
la
j'ai résolu d'entretenir avec eux la plus parfaite
union , & de fortifier tellement les liens de notre amitié
, que la Paix en foit plus folide plus durable.
Meffieurs de la Chambre des Communes , Je vous
dois des remerciemens particuliers des fubfides par
lefquels vous avez pourvû aux befoins de cette année.
Rien ne pouvoit contribuer plus efficacement à mettre
fin aux calamités de la guerre , & à diminuer les dépenfes
futures. On fera ufage de cesfubfides avec la
plus prudente économie , & vous devez être perfuadés
que ce fera pour moi un plaifir réel de faifir l'occafion
de décharger mon Peuple d'une partie du fardean
I V
202 MERCURE DE FRANCE.
qu'ilporte. Mylords & Meffieurs , Il me feroit dif
ficile de vous exprimer combien je fuis fatisfait de la
conduite que vous avez tenue. Je vous recommande
d'affûrer les habitans de vos Provinces qu'on a pris de
juftes mesures pour leur foulagement & pour leur repos.
Comme mon plus ardent defir eft de voir la Gran
de Bretagne , foit dans la guerre , foit dans la paix
conferver l'éclat & la puissance qu'elle a droit de prétendre
, j'ai auffi le plus grand empreſſement de voir
mes bons Sujets jouir de tous les avantages d'une vie
paifible & d'une conftante prospérité . Le Lord Chan
celier a déclaré enfuite que le Parlement pouvoit
fe féparer jufqu'au 11 du mois de Juillet prochain,
L'après - midi le Roi eft parti pour Gravefend ,
ou fa Majefté a dû s'embarquer fur le Yacht la
Caroline , afin de paffer en Hollande & de ſe rendre
delà dans fes Etats d'Allemagne. Le Lord Anfon
commande l'efcadre deſtinée à fervir d'efcorte
à fa Majefté , & il a arboré fon Pavillon à
bord du vaiffeau de guerre le Hastings . Quelques
jours avant la féparation du Parlement , les Seigneurs
ont approuvé le Bill en faveur des débiteurs
infolvables , & le Bill concernant l'Indigo . La
Chambre des Communes a renvoyé à la prochai
ne Seffion l'examen de la plupart des affaires , fur
lefquelles il lui reftoit à déliberer. On publia le
18 de ce mois la Proclamation du Roi , au fujet
de l'Armistice dont on eft convenu à Aix -la- Chapelle.
Elle porte que les Articles Préliminaires de
l'accommodement entre la France , la Grande
Bretagne & la République des Provinces-Unies ,
étant réglés, il a été ftipulé qu'on cefferoit de part
& d'autre toutes hoftilités ; qu'afin de préve
nir les occafions de plainte & de difpute touchant
les navires & les effets qui pourroient être pris par
les vaiffeaux de guerre & par les Corfaires , on
JUIN. 1748. 203
fixeroit les tems après lefquels la reftitution des
prifes auroit lieu , felon le plus ou le moins d'éloignement
des endroits où elles auroient été faites ;
que les tems qui avoient été marqués étoient
douze jours pour la Manche & pour les mers du
Nord , à compter du 30 Avril dernier , fix femaines
pour la partie de la.mer au-delà de la Manche
jufqu'au Cap Saint Vincent ; trois mois depuis
ce Cap jufqu'à la Ligne , foit dans . l'Océan ,foit
dans la Méditerranée , & fix mois pour tout ce
qui eft au-delà de la Ligne. Cette Proclamation
ajoute que pour ce qui regarde la terre , les hoftilités
ont déja ceffé dans les Pays - Bas , conformé
ment à la convention conclue entre les Puiffances
Contractantes. Le Roi par la même Proclamation
ordonne à tous les Officiers , tant de terre que de
mer , d'empêcher qu'il ne foit caufé aucun préju
dice au Roi Très- Chrétien ni à fes fujets, après les
termes prefcrits ci- deffus , fous peine d'encourir
la haute indignation de fa Majefté . On a expédié
diverfes chaloupes de guerre pour porter cet ordre
aux Cemmandans des Ports & des efcadres du
Roi , auffi-bien qu'aux Gouverneurs des Colonies.
Les Amiraux Warren & Hawke ont été rappellés
avec leurs efcadres , lefquelles doivent être
défarmées immédiatement après leur retour. Ila
été réſolu auffi de faire revenir la moitié des vaiffeaux
de guerre qui font dans la Méditerranée &
les deux tiers de ceux qui font à l'Amérique, &
dans les Indes . Suivant les arrangemens qui ont
été pris , on congédiera les équipages de foixantedix
de ces bâtimens. L'ordre a déja été donné de
défarmer dans les Ports de Plymouth & de Chatham
les vaiffeaux la Britannia , le Barfleur &
l'Entreprise , & dans le Port de Portfmouth le
Bleinheim , le Chefer , le Royal Georges , le D
1 vi
204 MERCURE DE FRANCE.
le Prince Georges , le Chicefter & le Saint Georges.
En même tems on a renvoyé la plus grande partie
des ouvriers qui travailloient dans les chantiers de
fa Majesté. Le Gouvernement a fait déclarer aux
Patrons de la plupart des bâtimens de tranſport ,
qu'il avoit fretés depuis le commencement de la
guerre contre la France , qu'il n'a plus beſoin de
leurs navires . Il retirera auffi dans peu les Lettres
de marque accordées aux armateurs. Tous les
prifonniers de guerre François feront inceffamment
remis en liberté . Sa Majesté en partant a
laiffé aux Seigneurs Régens du Royaume des inftructions
, qui regardent les négociations de la
Paix, Plufieurs Commerçans ayant reçu des remifes
confidérables pour envoyer en France le plus
de bled qu'il leur feroit poffible , ils on ont acheté
en cette ville une très-grande quantité , ce qui en
a fait augmenter le prix de quatre fchelings par
quartier.
L
PROVINCES UNIES . -
Es nouvelles de la Haye du
Mai
17 portent
que le Prince Stathouder eft revenu de Bréda,
& que tous lesMembres des Hauts Colléges fe font
rendus chés lui pour le complimenter fur fon arrivée.
Les Députés , nommés par les Etats de la
Province de Groningue, pour remettre à ce Prince
le Diplôme concernant l'hérédité du Stathouderat
, furent admis le 11 de ce mois à fon audience.
Le 15 le Prince Stathouder affifta à l'affemblée
des Etats de Hollande & de Weftfrife , auxquels
il a communiqué les Articles Préliminaires qui
ont été fignés à Aix - la - Chapelle le 30 du mois
dernier . Il eût le même jour une longue conférence
avec le Baron de Reiſchach , Envoyé Ex,
JUIN. 1748. 205
traordinaire de la Reine de Hongrie . On affûre
que lorfque ce Prince retournera à Bréda , la Princeffe
fon époufe l'y accompagnerà avec le Comte
de Buren & la Princeffe Caroline. M. Keyt , Secrétaire
d'Ambaffade , chargé des affaires du Roi
de la Grande Bretagne , a conferé avec quelques
Députés de l'affemblée des Etats Généraux fur des
dépêches qu'il a reçûës du Comte de Sandwich . Il
ya apparence que le Baron d'Aylva fera nommé
Gouverneur de Maeſtricht , lorſque cette Place fera
rendue à la République. Le Prince Stathouder a
témoigné par de très-grands éloges combien il
étoit fatisfait de la maniere dont ce Lieutenant
Général a défendu la ville. La Lieutenance Colonelle
du Régiment de Dragons , dont le Baron
Lambert Henri d'Olne eft Colonel , a été donnée
au Baron de Woeftentath , & le Baron Henri
Cafimir d'Olne a été fait Major du même Régiment
. Le Comte d'Outremont de Warfufé, Lieute
nant Colonel du Régiment de Dragons Wallons
a prêté ferment en cette qualité devant le Confeil
d'Etat . Le Comte de Bentinck , Premier Miniftre
Plénipotentiaire de la République aux Conférences
d'Aix- la- Chapelle , eft parti pour y retourner.
On doit y envoyer inceffamment la Ratification
des Articles Préliminaires.
On marque par les lettres du 22 qu'on a envoyé
au Comte de Bentinck , Premier Miniftre Pléni
potentiaire de la République , la Ratification des
Articles Préliminaires de Paix fignée par les Etats
Généraux . Il a paffé à la Haye deux couriers
qui venoient de Londres , & qui alloient à Vienne
& à Turin avec des dépêches , dont l'objet eft d'ac-
' célerer l'acceffion de la Reine de Hongrie & du
Roi de Sardaigne à ces Articles Préliminaires . Le
Baron.de Reifchach , Envoyé Extraordinaire de fa
206 MERCURE DE FRANCE
Majefté Hongroife , & M. d'Ammon , Miniftre
du Roi de Pruffe , ont eu chacun une audience
du Prince Stathouder. Ce dernier Miniftre eft allé
à Aix-la-Chapelle , où l'on compte qu'il affiftera
aux conférences en qualité de Plénipotentiaire de
fa Majefté Pruffienne. Il y fera fuivi inceffam ,
ment du Baron de Borffele , cinquiéme Miniftre
Plénipotentiaire de la République. Le Baron
d'Aylva , ci-devant Commandant à Maeftricht ,
& qui en eft revenu le 20 , rendit compte le
même jour au Prince Stathouder de ce qui s'eft
paffé pendant le fiége. Les Députés des États de
Hollande & de Weftfrife fe font féparés le 18,
Les avis reçûs d'Oftende portent qu'un Corfaire
de Dunkerque s'eft rendu maître d'un navire Hol
landois , fur lequel il y avoit deux cent barils de
fucre & une grande quantité de caffé & de cacao.
>
On écrit du 29Mai qu'il arriva d'Aix-la -Chapelle
le 24 de ce mois un courier qui a apporté la Ratification
des Articles Préliminaires de Paix fignée
par le Roi de France. Le Prince Stathouder affifta
le même jour à l'affemblée des Etats Généraux ,
& il y demeura depuis onze heures du matin juf
qu'à quatre heures après-midi. Les Députés de la
ville de Groningue & des Bailliages qui en dépendent
furent admis le 27 à l'audience de ce
Prince , qu'ils complimenterent fur l'Hérédité du
Stathouderat , reconnue par les Etats de leur Province
dans les Lignes Mafculine & Féminine de
Ja Maiſon de Naffau Dieft. Le Baron de Reiſchach ,
Envoyé Extraordinaire de l'Impératrice , Reine
de Hongrie & de Boheme auprès des Etats Géné
raux , a préſenté au Prince Stathouder le Comte
de Rosemberg , ci- devant Miniftre Plénipotenjaire
de certe Princeffe auprès du Roi de PortuJUIN.
1748. 207
gal. Aufli-tôt qu'on fera informé de l'arrivée du
Roi de la Grande Bretagne à Utrecht , le Prince
Stathouder s'y rendra pour conférer avec fa Ma
jesté Britannique . On compte qu'il y fera accom
pagné par la Princeffe de Naffau. Les Gardes du
Corps qui doivent les efcorter font déja partis
air.fi qu'un détachement de foixante hommes des
Gardes Suiffes. On a fait partir auffi les détache
mens de Cavalerie , deftinés à fervir d'efcorte au
Roi de la Grande Bretagne. Plufieurs Miniftres
Etrangers font allés attendre ce Prince à Hellevoet
Sluys. Le Prince Stathouder a fait inférer
dans les Gazettes d'Amfterdam & d'Utrecht une
Déclaration ; par laquelle il défavoue plufieurs expreffions,
dont on fuppofoit qu'il s'étoit fervi , lorfqu'il
avoit pris congé du Confeil d'Etat avant fon
départ pour Bréda. 11 eft dit dans cette Déclaration
que ce Prince n'a jamais employé le terme
de Sujets en parlant de fes Concitoyens ; qu'il fait
gloire d'être né & d'avoir été élevé chés un Peuple
libre ; qu'il ne connoît point de prérogative
plus éminente que celle de mériter la confiance
de ce Peuple , & qu'il s'appliquera toujours à la
conferver. M. Jacques de la Baffecour , Penfionnaire
de la ville d'Amfterdam , y mourut le 27
dans la quatre-vingt quatrième année de fon âge,
ITALIE.
DE TURIN le 4 Mai.
Ar un courier venu hier de Savone on a ap
qu'ilyavoiteu Campoftédo une action
très-vive entre un détachement des troupes du
Roi Très -Chrétien & le Corps commandé par le
Comte de Nadafty. Le Roi a nomméle Prince de
208 MERCURE DE FRANCE.
Valguarnera , Viceroi & Capitaine Général de
P'Ile de Sardaigne , d'où l'on a reçû avis que le
Parti des mécontens augmentoit de plus en plus.
Un convoi de bâtimens , fur lesquels fa Majefté
avoit fait embarquer quatre bataillons de fes troupes
pour tenter une defcente en Corſe , a été obligé
de retourner à Vado . Selon les nouvelles de Nice ,
il y eft arrivé d'Espagne mille hommes de recruës
deftinés pour l'armée de l'Infant Don Philippe , &
ils doivent être fuivis de quatre mille autres.Quin.
ze navires ayant à bord des troupes de la même
Nation, font entrés dans le Port de Villefranche .Ils
ont été féparés de cinq autres bâtimens chargés
auffi de troupes , & qui ont relâché à Cete . On
affûre que le Corps de troupes qui s'eſt aſſemblé
en Catalogne , a paffé dans le Lampourdan pour
marcher au premier ordre vers le Comté de Nice .
Les lettres de Novi marquent que le feu ayant
pris le 23 du mois dernier dans une maifon de
Voltaggio , les trois quarts de ce bourg ont été
réduits en cendres. Le Général Petrazzi qui y
étoit avec un détachement , s'étant porté pendant
cet incendie vers la Bochetta , dans la crainte que
les Génois ne profitaffent de cette occafion pour
former quelque entreprife , trouva à ſon retour
tous les équipages brûlés . On a été informé par les
mêmes lettres que le 26 le Feldt- Maréchal Comte
de Browne s'eft rendu à Parme , & que toutes les
troupes de la Reine de Hongrie s'avançent vers
Fornuovo , d'où elles marcheront partie à Bercetto,
partie à Borgo Taro , afin de defcendre de ces
deux côtés dans les diſtries de la côte Orientale
de l'Etat de Génes.
JUI N. 1745. 200
DE PARME le 7..
Suivant les réfolutions Confeil de guerre tenu ppraifrelse dFaenlsdt-lMeadreércnhiaelr
Comte de Browne , les troupes de la Reine de
Hongrie formeront trois camps , l'un dans le Modénois
, l'autre près de Novi & le troifiéme à Borgo
Taro. Elles marchent en conféquence fur trois
colonnes , dont la premiere fous les ordres du
Feldt- Maréchal Comte de Browne s'avance vers
Girola. La feconde commandée par le Général
Litzen , s'eft portée de Fornuovo à Bercetto, d'où
elle fe rendra par Pontremoli à Brugnetto . Le Général
Keill à la tête de la derniere a pris la route
de Montecchio , & y paffera la Lenza . Déja l'avant-
garde de ces troupes , compoſée de Varadins
& d'autres troupes legeres , eft arrivée à peu de diftance
de la côte Orientale de l'Etat de Génes,
Plufieurs lettres affûrent que cinq mille hommes
de recruës font en chemin pour venir joindre cette
armée. Il s'eft confirmé que le 30 du mois dernier
le Convoi deftiné pour l'exécution du projet
contre la Corfe avoit remis à la voile de Vado .
On a reçû avis qu'un détachement des Milices
Génoifes avoit enlevé foixante mulets qui por
toient du pain à Stella & à San Martino . Les mêmes
nouvelles portent que le Roi de Sardaigne
fait ajoûter plufieurs ouvrages aux fortifications ,
tant de la ville que de la citadelle de Savone.
210 MERCURE DE FRANCE.
DE GENES le 12 Mai.
E bruit qui s'eft répandn qu'il y avoit eu une
troupes du
Roi Très-Chrétien & le Corps commandé par le
Comte de Nadafty , eft deftitué de tout fondement.
Sur l'avis que toutes les troupes de la Reine de
Hongrie font en mouvement , le Duc de Richelieu
a fait partir le 29 du mois dernier cinq bataillons
François avec douze piéces de campagne &
une grande quantité de munitions de guerre pour
Seftri di Levante. Ces cinq bataillons furent fuivis
le lendemain de trois bataillons Efpagnols , & l'on
compte qu'il y a actuellement depuis Seftri jufqu'à
la Spécie douze mille hommes de troupes reglées
& un pareil nombre de Païfans tous bien armés &
très- difpofés à faire leur devoir . On a pris les me
fures néceffaires pour mettre les poftes de la Scoffera
, de Coronato & de Polfevera , à l'abri de
toute infulte , & l'on a renforcé de plufieurs Compagnies
la garnifon du Fort de Sainte Thecle , fitué
dans les environs des Camaldules. Le Duc de
Richelieu alla le ‹ de ce mois vifiter tous ces differens
poftes. Il a établi le 7 fon quartier général à
Seftri , & le marquis d'Ahumada a pris le fien à
Chiavari. Jufqu'à préfent les ennemis n'ont pris
aucune pofition qui puiffe nous inquiéter , & les
montagnes étant encore couvertes de neige , il ne
fera pas facile au Feldt-Maréchal de Browne de
pénétrer dans les Diftricts vers lefquels il paroît
vouloir tourner fes principaux efforts. Dans un
Confeil de guerre qui s'eft tenu le premier de ce
mois , il a été réfolu , fi les renforts qu'on attend
encore de France n'arrivent pas bientôt , de retirer
1
<
JUIN. 1748. 211
de Voltri , d'Arenzano & des autres poftes avancés
de la riviere du Ponent , les troupes Françoifes
qui y font , & d'y mettre des troupes de la Répu
blique , le Duc de Richelieu voulant faire garder
au moins par deux mille François le paffage de la
Bochetta. Ce Général affifta le 28 du mois dernier
à la Bénédiction des Drapeaux du Régiment Royal
Italien , laquelle fut faite dans l'Eglife Cathédrale
par l'Archevêque de cette ville , & il tint enfuite
fur les Fonts de Baptême avec la Marquife Bri
gnolé un Turc qui a embraffé la Religion Chré
tienne. Il court un bruit que les dix -huit bâtimens
ennemis partis de Vado avec des troupes du Roi
de Sardaigne pour attaquer l'Ifede Corfe ,font entrés
dans le Golfe de San Fiorenzo , & qu'ils y ont
débarqué deux mille hommes . En même tems on
affûre que le premier des fecours envoyés par
République au Commiffaire Général de cette Ifle
eft arrivé à Calvi . Quoique ce fecours ne foit que
de huit cent hommes , il pourra déranger les deffeins
des Rebelles , qu'on dit d'ailleurs très- divifés
entre eux , furtout depuis la mort du Colonel Ri
varola. Le 6 il parut à la hauteur de ce Port plu
fieurs navires faiſant route au Couchant fous l'efcorte
de quelques vaiffeaux de guerre Anglois. On
crut d'abord que c'étoit le Convoi qui avoit tranf
porté des troupes ennemies en Corfe & qui retournoit
à Vado , mais depuis on a fçû que c'étoit un
autre Convoi qui venoit de Livourne avec des pro
vifions pour Savone. Une galiotte Génoife a con
duit ici deux tartanes du Roi de Sardaigne , chargées
de grains . Le Duc de Richelieu a acheté deux
nouveaux chabecs , qu'il a fait armer. Le 29 du
mois dernier le Marquis Brignolé de Sales , ci - devant
Dôge de cette République , épouſa une fille
212 MERCURE DE FRANCE.
du Marquis Durazzo . On prépare un Opéra dont
la premiere repréſentation fe donnera le 20 de
ce mois.
DE TURIN , le 11.
UN détachement des troupes Françoifes vint
le 4 de ce mois reconnoître les retranchemens
qui ont été conftruits par ordre du Roi dans
les Cols de Raus & de Villette. Afin de s'oppofet
aux entreprifes que les ennemis pourroient for
mer de ce côté, le Marquis d'Ormea , qui eft char
gé de la défenfe de cette partie de la frontiere , a
fait occuper en avant deux poftes très - avantageux
par plufieurs Compagnies de Grenadiers , que
commandent le Baron de Favié & le Chevalier de
de Leiny. Depuis le 4 les François fe renforcent
confidérablement à Boléna , & leurs divers mouvemens
paroiffent donner de l'inquiétude au Baron
de Leutrum . Hier le premier bataillon du Régiment
des Gardes & un bataillon du Régiment
de Bade fe mirent en marche pour aller joindre
l'armée commandée par ce Général. Sa Majefté
fait défiler plufieurs bataillons vers Saluces & vers
Coni M. de Sinclair , Lieutenant Général des ar.
mées du Roi de la Grande Bretagne & fon Minif
tre Plénipotentiaire auprès du Roi pour ce qui
concerne les opérations militaires , eft arrivé ici le
8. Selon les lettres de Savone les Génois ont fait
partir un nouveau fecours pour l'lfle de Corfe ,
mais les bâtimens qui le conduifent ont été obligés
par les vents contraires de relâcher dans le
Golfe de la Spécie .
JUIN.
213
1748 .
DE GENES le 18.
Unnouveau renfort de fept cent cinquante hommes des troupes France arriva de
Monaco le 11 de ce mois.On les fit rembarquer le
13 pour Seftri di Levante , mais le vent s'étant trouvé
contraire à leur navigation , on a pris le parti de
les y envoyer par terre. Le principal Corps des
troupes combinées de France & d'Eſpagne eft
toujours dans les environs de ceue Place , & vraifemblablement
il ne changera point fi-tôt de pofition
, le Feldt-Maréchal Comte de Browne donnant
lieu de juger par les " magafins confidérables
qu'il établit à Fornuovo & .à Borgo Taro , que
fon deffein eft de tourner de ce côté fes plus
grands efforts . Il y a un bataillon du Régiment
Royal Italien , campé à la Scoffera & un du Régiment
de Brie à la Marfiglia. On a fait occuper
par mille hommes , tant François que Génois , le
pofte de Torazza fitaé fur la droite de la vallée de
Polfévera. C'eft en cet endroit que le Comte de
Schullembourg avoit établi fon Quartier Général
lorfqu'il forma le fiége de Génes . Outre vingt &
une piéces de campagne qui ont été envoyées au
Camp du Duc de Richelieu , on a embarqué douze
canons de batterie , depuis douze jufqu'à feize
livres de balle , pour garnir les retranchemens faits
fur les hauteurs voifines de Seftri di Levante. Les
précautions qu'on prend pour la fûreté de ce pofte
, n'empêchent pas de penfer à celle de la Spécie
& la garnifon de cette derniere Place vient d'être
renforcée encore de deux bataillons . Quoique les
Allemands paroiffent perfifter dans la réfolution
d'attaquer la riviere du Levant par Sarzanello ,
Serravalle & Cento Croci , on ne peut fe perfuader
qu'ils tentent cette entreprife, Les fept cent
hommes qui ont été envoyés dans l'Ile de Corfe
214 MERCURE DE FRANCE.
ont été diftribués dans les Châteaux de Calvi , de
Boniface & d'Ajaccio , parce qu'ils n'ont pû entrer
à la Baftie , & cette derniere ville ayant peu
de troupes pour fa défenſe , on craint que les Rebelles
ne s'en foient rendus maîtres. Il regne tou
jours beaucoup de divifion parmi eux , & leur
parti eft diminué confidérablement depuis que le
Duc de Richelieu a fait répandre dans la plus
grande partie de l'Ile un placard , par lequel il
promet de la part du Roi Très- Chrétien toute forte
de protection aux Infulaires qui demeureront
fidéles à la République , & ménace au contraire
du châtiment le plus rigoureux ceux qui ne ſe
tiendront point dans l'obéiffance.
J
APPROBATION.
Ai lû par ordre de Monfeigneur le Chance
lier le premier volume du Mercure de France du
mois de Juin 1748.A Paris le premier Juillet 1748
BONAMY.
TABLE.
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe
Séance publique de l'Académie des Belles-
Lettres du Mardi 23 Avril ,
Traduction du Cantique de Moyfe , &c.
Lettre fur la converſation ,
3
15
17
La Poule aux oeufs d'argent , Fable ,
Penfées diverfes ,
Imitation d'une Ode d'Horace ,
Refléxions fur l'amitié ,
Epigramma & la Traduction ,
Les Chiens & le Renard , Fable ,
Lettre à M. de ***
29
301
33
36
38
39
40º
Les deux Venus ; 43
Nouveau Mémoire fur les Afnes de Bourges , 44
Réponse en vers de M. de la Soriniere à M. Desforges-
Maillard ,
Epigramme ,
47
49
13
Extrait de lettre fur des coquillages foffiles , ibid.
Vers à une parente pour le jour de fa Fête ,
Séance publique de l'Académie Royale des Belles-
Lettres de la Rochelle , Extrait de lettre ,
Ode tirée du Pleaume Diligam te , Domine ,
Les vrais plaifirs de l'amour fondés fur le fentiment
du coeur , Conte
Epitre de M. de la Soriniere à ſon Médecin ,
Lettre à M. de la Bruere ,
Bouquet ,
Le manége du navire ,
54
68
70
81
83
86
87
97 Bouquets ,
Ode IX. L. III. Horatii & Lydia Dialogus , & la
traduction , 98
or
ibid.
124
Mots des Logogryphes du Mercure de Mai ,
Enigmes & Logogryphe ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c . 105
Eftampes nouvelles ,
Nouveau Projet de Soufcription pour la fuite des
Planches anatomiques ,
Opiat Philofophique du SrMutelé du Chevalier, 128
Elixir , Eau fouveraine & Opiat de la v. Bunon, 130
Spectacles ,
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 135
Bénéfices donnés ,
124
132
142
143
L'Ecole des jeunes militaires , Comédie repréſentée
au Collège de Lous le Grand ,
L'Amour des Beaux- Arts , Ode à M. Titon du
Tillet , 147
Lettre à M. le Blanc , Démonftrateur Royal à
Orléans ,
Ode Sacrée tirée du Pleaume Miferere ,
154
166
Mémoire fur la Baronie du Beaujolois ,
Mariages & Morts ,
Arrêts notables ,
Nouvelles Etrangeres , Suede , & c.
176
172
179
183
Errata d'Avril & de Mai.
D été inférée dans le Mer
Ans la feconde partie de la lettre de M. L. à
cure de Mai 1748 , il s'ett gliflé une erreur d'impreffion
, faute d'attention à quelques caractéres
Aftronomiques employés fur le manufcrit, qui feroit
trop de conféquence pour le quatriéme ſyſtême
du monde , fi elle n'étoit relevée .
On lit p. 42 que la terre dans le même eſpace
de tems qu'elle accomplit fa rotation , avance dans
fon orbite du feptiéme environ d'une lieuë commune
ou de trois dix -huitiémes , & change la direction
de fon axe & de fon Equateur & de tous fes
paralleles d'un arc de huit vingt -fixiémes & demi ,
ce texte inintelligible devient clair & exact , en
lifant conformément à l'original , après les mots
d'une lieuë commune ou d'un arc de trois tierces
dix huit quartes , & change la direction de fon axe
& de fon Equateur & de tous fes paralleles , d'un
arc de huit tierces vingt - fix quartes & demi .
Dans la premiere partie de cette lettre , qui a
été publiée dans le Mercure d'Avril , p 58 , lign . 20,
au lieu de tout mon zéle , il faut lire tant mon zépour
vous en rendre compte étoit animé. le
A la page 60 qui fuit où l'on trouve que Def
cartes & Newton , qui ont été meilleurs Mathématiciens
que Logiciens , il faut ajoûter , & Phy
ficiens , felon l'original manufcrit .
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
La Chanfon notée doit regarder lapage 132
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JUIN. 1748 .
SECOND VOLUME
UTI
LIGIT
UT
SPARCAS
Papillon
S
Ches
A PARIS ,
ANDRE CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Roi,
A VIS.
L
'ADRESSE générale duMercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure.
de France de la premiere main , & plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercurede
France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS.
1.
7
いい
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JUIN. 1748.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
ESSAI fur l'Aulæum qui fervoit au
Théatre des Anciens .
I
L femble qu'on n'a pas affés examiné
quel pouvoit être l'ufage
de l'Auleum dans les repréfentations
des piéces Dramatiques
des anciens , & que fur une prétendue con-
. formité de leur théatre avec le nôtre , on
n'a pas pris le véritable fens de cette expreffion
. Le but de ces remarques eft de
faire voir la fauffeté de l'explication qu'on
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
en donne ordinairement , & d'effayer de
lui en fubftituer une meilleure.
Les Commentateurs & les Interprétes
entendent par Aulaum une toile qui fer- *
moit tout le devant du théatre hors le tems
de la repréfentation , comme dans nos
théatres , avec cette difference néanmoins
qu'au lieu de lever toute la toile en haut
pour ouvrir le théatre , on la baiffoit alors
tout- à- fait , ce qui devoit produire un efe
fet bien fingulier , pour ne pas dire ridicule.
Ils n'ont donné ce fens à ce mot que
parce qu'ils ont jugé du théatre ancien fur
le nôtre , & parce que n'ayant pas
affés
refléchi fur la ftructure du théatre des
Grecs & des Romains , ils n'ont pas pris
garde que non-feulement il n'y avoit point
de toile comme aux nôtres , mais même
qu'il ne pouvoit y en avoir , car cette toile
ne pouvoit être qu'entre le lieu qu'on appelloit
Scena , la fcene & le Profcenium ,
ou entre le Profcenium & l'orchestre . Or
dans le premier cas elle étoit tout -à-fait
inutile & même très embarraffante , & dans
le fecond elle étoit impoffible, Si on fuppofe
cette toile entre là Scene & le Profcenium
, à quoi pouvoit- elle fervir , puifque
la Scene dans les théatres anciens , n'étoit
prefqu'autre chofe que ce qu'on appelle les
Foyers dans les nôtres ? C'étoit dans l'inté
¿
JUIN . 1748 .
rieur de la Scene que fe retiroient les Acteurs
, & le dehors etoit pour les décorations
, qu'on varioit fuivant les fujets. La
Scene étoit un endroit couvert & pouvoit
bien à la vérité foutenir une toile attachée
à fon mur extérieur , mais à quelle fin ?
Elle auroit été elle-même cachée derriere
les décorations qui étoient tout-à- fait endehors
de la Scene , proprement dite , &
n'auroit même pû que nuire au jeu des machines
, qui tantôt faifoient élever & comme
fortir de terre les décorations , ce qu'on
appelloit Scena verfatilis , & qui tantôt en
faifant difparoître une qui fembloit ſe retirer
d'elle-même de part & d'autre fur les
côtés de la Scene , en faifoit avancer une
autre qu'on avoit préparée derriere , ce
qu'on nommoit Scena ductilis . Ce double
jeu des décorations faifoit une des plus
agréables parties du fpectacle , & c'eft un
des plaifirs que Virgile fe promet dans la
belle defcription qu'il fait des fêtes magnifiques
qui devoient être confacrées à
la gloire d'Augufte.
Vel Scena ut verfis difcedat frontibus , utque
Purpurea intexti tol'ant aulaa Britanni .
Georg. lib. 3. v. 24.
Le premier vers regarde manifeftement
A iij
MERCURE DE FRANCE.
le fecond
39
genre de décorations , & l'autre
le premier genre , fçavoir la Scene verfatile.
C'est ce que paroît avoir fenti l'Auteur
d'une nouvelle traduction de Virgile , auffi
élégante que fidelle , en rendant ainfi ces
deux vers : » Déja je crois voir le théatre
» pour les jeux fcéniques changer tout-àcoup
de décorations & déployer aux
»yeux des Spectateurs les Efclaves Bretons
figurés en broderie fur les toiles , & paroiffant
s'élever avec elles. Ces mots du
premier vers verfis frontibus , qui joints à
difcedat , expriment fi bien le mouvement
de la Scene ductile , ne font pas tout- à-fait
rendus dans la traduction , mais on fent
qu'il n'étoit aifé de le faire fans paraphrafer
l'endroit qui l'eft déja affés dans le
fecond vers , qui a donné lieu à bien de ridicules
Commentaires. Rien n'étoit plus
naturel que de s'en tenir à l'explication
qu'en donne Turnebe , explication adop
tée par le nouveau Traducteur & autorisée
& éclaircie par cet endroit d'Ovide , tiré
du troifiéme livre des Métamorphoſes.
pas
Sic ubi tolluntur feftis aulaa theatris ,
Surgerefigna folent , primùmque oftendőre vultus.
Catera paulatim , placidoque educta tenore
Totapatent , imoque pedes in margine ponunt.
C'eſt une comparaiſon de la maniere
JUIN. 1748. 7
22
dont des hommes armés naiffoient des
dents du Dragon , femés par Cadmus . Voi
ci comment M. Bannier la rend . » Ainfi
fortent les figures d'une décoration qu'on
déploye fur un théatre , on en voit d'abord
paroître les têtes , enfuite le reſtę
» du corps , & enfin les pieds qui touchent
»à terre. Il eft impoffible de s'y mépren
dre. Voilà la Scene verfalite parfaitement
décrite & bien circonftanciée. C'eſt auffi
manifeftement l'explication naturelle de
l'endroit de Virgile , que l'Abbé D. F. traduit
ainfi . Les jeux fceniques s'apprétent , le
theatre change de décoration & les Captifs
Bretons levent la toile , qui offrent aux yeux-
Les victoires remportées fur leur Nation. Ce
Traducteur n'a pas pris garde que ces prétendus
Captifs Bretons , auxquels il fait
lever la toile , n'étoient autre chofe que
des figures repréſentées fur les tapifferies
qui fervoient aux décorations , & que follant
eft pour videantur tollere , ce qui eft
très- élégant & très- poétique. Cùm auleum
levatur , dit Turnebe , videtur levare illud
perfona que ei intexta eft . Rien de fi fimple ;
cet endroit eft traduit par l'Ab. D. F. de
maniere à faire entendre que cette toile ſe
levoit comme dans nos Spectacles quand
la piéce va commencer , mais en cela il
a une erreur & une puérilité ; une erreur
y
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
parce qu'il eft faux , en fuivant même l'opinion
de ceux qui admettent cette toile ,
qu'on la levât jamais ; elle ſe baiſſoit toujours
, felon eux , quand tout étoit prêt
pour le fpectacle ; une puerilité , en ce
que ce feroit une circonftance trop frivole
pour faire partie des voeux du Poëte.
N'eft-il pas fort plaifant en effet de lui
faire dire qu'il fe promet un grand plaifir
de voir lever la toile ? C'eft à peu près
comme un homme de fens qui défirant
d'aller à la Comédie , s'y promettroit un
grand plaifir de voir moucher les chan
delles .
S'il étoit inutile , s'il eût même été trèsembarraffant
qu'il y eût une grande toile
tendue entre la Scene & le Profcenium , il
étoit auffi impoffible qu'elle fût entre le
Profcenium & l'orcheftre . Le Proscenium
étoit le lieu où les Acteurs joüoient leur
rôle, & ce lieu étoit tout à découvert . Prof
cenium fuit locus patens & liber in fronte fcena
in , quem exibant Actores , & hiftrioniam
agebant . * A quoi pouvoit alors être fulpendue
cette prétendue toile , à quoi pouvoit-
elle être attachée ? Il ne pouvoit donc
y en avoir. Mais qu'étoit- ce que l'Auleum?
Quel en étoit l'ufage ? C'étoit précisément
'ce qu'on vient de voir dans l'endroit de
* Buleng. de Theatro , l . 1. c. 21.
JUIN. 1748 .
Virgile & dans celui d'Ovide , cités ci - deſfus
; c'étoient des tapifferies de prix qui
fervoient aux décorations qui changoient
ordinairement plufieurs fois dans la même
piéce, & qui étoient difpofées de maniere
qu'elles fervoient à cacher aux yeux des
Spectateurs ce que les loix du théatre ne
permettent pas de leur montrer, ou ce qui
devoit être fucceffivement donné en ſpectacle.
Les paroles d'Ifidore font formelles fur
cela : * Scena inter duo theatri cornua extenfa
erat , aulais & peripetafmatis hinc & indą
tella , ne ea quæ intus latebant oculis hominum
exponerentur , antequam in profcenium prodirent.
Les expreffions hinc & inde détrui,
fent entierement l'idée de la toile qu'on
pourroit encore s'imaginer avoir caché
tout le Profcenium. D'ailleurs cet endroit
d'Ifidore fait voir bien clairement que ces
tapifferies , foit les mêmes , foit d'autre
qui leur étoient fubftituées par le jeu de
décorations , étoient tendues pendant tou
le tems de la repréfentation , & nous yet
rons bientôt qu'elles ne l'étoient même ja
mais que durant la repréfentation de la pié
ce, à la fin de laquelle elles difparoiffoient
Le fçavant Jean Potter donne la même idée.
de l'ufage de l'Aulaum. D'abord , dit-il ,
* Ifid. 1. 18. citat. in lib. 1. Buleng, de Theat
eap. 21
A v
10 MERCURE DEFRANCE.
la fcene , conformément à lafimplicité des premierstems
, ne fut faite que d'arcades de feuillages
, mais dans la fuite le luxe ayant introduit
plus de magnificence , pretiofis admodum
aulais quibus machinarum directionem , aliafque
Altorum actiones , fpectatorum oculis fubducerent
exornari capit. On objectera peutêtre
que l'ufage de l'Aulaum dans les décorations
, qui eft marqué ici d'une maniere
fi pofitive , n'empêche pas qu'on ne doive
encore en reconnoître un autre dans
une grande toile qui fermoit tout le devant
du théatre , de quelque maniere qu'on conçoive
cette toile , & on appuyera l'objection
des témoignages d'Horace , de Ciceron
& de Phédre , qui paroiffent décider
la chofe , mais ce fera fans doute répondre
à l'objection & l'anéantir , que de faire
voir qu'on s'eft mépris dans l'intelligence
des endroits de ces Auteurs. Le preanier
qui fe préfente eft ce vers d'Horace
que tout le monde fçait par coeur , avec les
fuivans
Si plauforis eges aulaa manentis , &c.
Art. Poët. v. 154.
Et que M. Dacier traduit ainfi , fuivant
Je préjugé commun : Si vous voulez avoir
Archaol. gr. lib. I. c. 8,
•
JUI N.. 1748. II
des fpectateurs attentifs jufqu'à- ce qu'on leve
la toile; qu'on prenne bien garde à ce qu'on
fait dire à Horace ici avec ce qu'il dit dans
le vers fuivant , & on verra qu'on lui prête
une grande abfurdité. Et ufque feffuri ,
continue Horace , donec cantor vos plaudite,
dicat , & qui attendent pour fortir , felon M.
Dacier , que le Choeur vienne leur demander
les applaudiffemens accoûtumés . Mais fi cette
toile étoit déja levée & fi par conféquent
tout le théatre étoit fermé , où fe plaçoit
le Choeur pour demander les applaudiffemens
accoûtumés ? Eft- ce donc la coûtume
d'Horace de mettre fi peu d'ordre dans fes
penfées , & le bon fens ne vouloit- il pas
que la derniere précédât l'autre ? L'annonce
du fpectacle pour le lendemain tient ,
parmi nous la place du plaudite des anciens .
Que penferoit- on du jugement d'un homme
qui , pour faire compliment à un Poëre
Dramatique , lui diroit , Monfieur , quand
on joue une de vos pieces on reſte toujours an
parterre & dans les loges jufqu'à-ce qu'on
baiffe la toile & même jusqu'à ce qu'on ait annoncé
le spectacle du lendemain ? Ne feroitil
pas mieux de lui dire , Monfieur , quand
onjoue une de vos pièces , le Spectateur charmé,
foutient fon attention depuis le premier
vers jufqu'au dernier,& il ne fort encore qu'à
regret lorfqu'on a annoncé le ſpectacle du len-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
demain. C'eſt , fi je ne me trompe l'équivalent
de la penfée d'Horace. L'Auleum ne
fervant qu'aux décorations , & les décora
tions changeant ordinairement plufieursfois
dans la repréfentation d'une piéce ,
c'étoit foutenir avec plaifir fon attention
pour la pièce, que d'attendre le changement
de décorations qui fe faifoit furtout à chaque
nouvel Acte , & quand d'ailleurs c'eût
été une feule & même décoration pour
toute la pièce , ce feroit encore un plus
grand éloge pour le Poëme qui fe foutiendroit
fes feules beautés fans tout cet
par
appareil , qui n'eft que pour les yeux.
Dans le Théatre des anciens la décoration
ne paroiffoit qu'au moment que la piéce
commençoit , ou plûtôt elle en annonçoit
le commencement en fe déployant , comme
elle en marquoit la fin quand elle difparoiffoit.
Ainfi attendre qu'une même ou
que plufieurs décorations fucceffives euffent
difparu , c'étoit écouter la piéce avec
attention , c'étoit en attendre la fin , c'étoit
remplir le but que s'étoit propofé l'Auteur
qui l'avoit compofée , & c'eft vrai - femblablement
ce que veut dire Horace , dont il
femble qu'on pourroit rendre ainfi la penfée
: Si vous voulez attacher le Spectateur
&
l'arrêter
au théatre juſqu'à la fin de votre piéc.....
Il n'eft dont point ici quef
ge ,
JUI N.
13 1748.
tion de toile , non plus que dans cet autre
endroit du même Poëte , qu'il ne paroît
pas qu'on ait mieux entendu .
Quatuor aut plures aulaa premuntur in horas
Lamfugiunt equitum turma , &c . ...
Epift . 1. lib. 2. v. 189.
1
M. Dacier traduit ainfi , la Comédie ceffe
& la toile demeure baiffée quatre heures ou
davantage , pendant qu'on regarde fuir des
efcadrons , &c.... Se peut-il qu'un homme
de fens qui a ainfi traduit ces deux endroits
d'Horace , celui - ci & celui de l'Art
Poëtique , rapporté plus haut , l'air fait
fans s'appercevoir qu'il mettoit Horace en
contradiction avec lui-même Il n'a ' pas
pris garde qu'il fait dire ici à Horace que
quand la Comédie ceffe on, baiffe la toile,
& dans l'Art Poëtique qu'on la leve.Comme
il n'eft pas ici queftion de relever les
fautes de cette traduction , non- plus que
celles qui fe trouvent dans les notes, même
en admettant qu'il y ait eu au théatre des
anciens une toile connie au nôtre , ce qui
feroit trop long , il fuffit de faire obferver
que la principale erreur vient de n'avoir
pas connu levéritable ufage de l'auLeumi
Les Commentateurs & les Interpretes ont
jugé à propos de décider d'un commun ac
cord que dans le théatre des Romains on
9812
14 MERCURE DE FRANCE.
baiffoit une toile qui tomboit tout-à - fait
fur le théatre , qu'elle laiſſoit ainfi ouvert
lorfque la piéce alloit commencer, & qu'on
relevoit cette même toile pour le fermer
lorfque la piéce étoit finie ou même interrompuë.
Voici un endroit où il s'agit de
l'interruption d'une pièce pendant plufieurs
heures . Les Commentateurs s'imaginent y
voir comme ailleurs une toile qui ferme le
théatre,mais malheureufement il y a une expreffion
qui contredit formellement leur
opinion, felon laquelle il faudroit faire le
ver la toile, premere ne pouvant abfolument
fe prendre dans ce fens. One feront-ils
donc ? Ils diront fans façon qu'on la baiffe,
& les entendra alors , les conciliera qui
pourra , mais fi on regarde la prétendue
toile comme une chimere , fi on n'admet
l'ufage de l'Auleum que pour les décora
tions , fi on refléchit fur le jeu de la Scene
verfatile , il n'y a plus d'obfcurité , plus de
difficulté , plus de contradiction. * Si les m
* Turnebe a fenti la difficulté , mais pour éviter
la contradiction , il donne à cet endroit d'Horace
un fens tout-à-fait abfurde ; il prétend que premuntur
aulaa ne marque pas l'interruption du fpectacle
, máis an contraire que ces mots en marquent
une continuation très- foutenue , il appuye fon
explication fur un endroit de Donat , cité plus loin,
où il lit ,felon un texte corrompu, interra au lieu
de intexta, & en conféquence il fuppofe que pas
JUIN. 1748. 15
machines de la Scene verfatile faifoient élever
les décorations , comme fi elles fuffent
forties de terre , ainfi qu'on a pû le voir
dans les endroits de Virgile & d'Ovide ,
cités plus haut , il eft clair que le mouvement
contraire devoit les faire difparoître
en les abaiffant & en les faifant rentrer
dans l'endroit d'où elles étoient forties.
Quelle expreffion pouvoit mieux que premere
marquer le jeu des machines ? N'eftpas
plus naturel de l'entendre dans ce
fens ? Ainfi ce ſecond témoignage d'Horace
ne prouvera pas plus que le premier
que le théatre ancien ait été fermé d'une
grande toile hors le tems de la repréfentation
. Cet endroit de Cicéron qu'on pour
roit encore objecter , ne le prouvera pas
davantage. Mimi ergo eft jam exitus , non
ن ا
premuntur aulaa il faut entendre des tapis qu'on
étendoit fur tout le Profcenium, fur lefquels les Acteurs
marchoient, Premuntur aulaa , dit- il , cùm
bumi ftrata funt in Scena , dum aguntur fabula.
Tout ce qu'il dit pour juftifier cette explication eft
plein de bévues que ce n'eft pas ici le lieu de relever.
Il fuffit de faire remarquer la plus infigne ,
qui eft de fuppofer , comme il fait , que c'étoit fur
ces prétendus tapis que fe faifoient ces cavalcades,
ces courfes de chars , ces combats de bêtes , &c.
dont parle Horace. Dum fugiunt equitum turma ,
&c. .... n'étoient - ce pas - là des tapis bien employés
?
16 MERCURE DE FRANCE.
fabula ; in quo cum claufula non invenitur ,
fugit aliquis è manibus ; deinde fcabella concrepant
, aulanm tollitur. C'eft ainfi que
traduit M. de Villefore : » Ce n'est donc
» plus ici le dénouement d'une Comédie ,
» mais d'une farce où il n'y a point de con-
» clufion. Quelqu'un s'échappe des mains,
» les bancs craquent & on baiffe la toile.
Ce feroit trop s'écarter du fujet que de remarquer
tout ce qu'il y a d'irrégulier dans
cette traduction , il fuffira d'y montrer un
contrefens qui fera voir clairement qu'anlaum
tollitur eft-rendu encore par un autre .
M. de Villefore & ceux qu'il a fuivis , au-
"roient bien dû marquer ce que c'étoit que
ces bancs qu'ils font craquer G gratuitement
; où étoient ces bancs ? De quoi
étoient-ils faits ? Que devoit il y avoir de
commun entre l'embarras du mime & le
prétendu craquement de ces bancs ? La plus
légere attention à la forme du théatre ancien
démontre qu'il ne pouvoit y avoir aucun
craquement de bancs , d'où il fuit que
fcabella ou feabilla , comme on lit dans
l'excellente édit. de M. d'Olivet, ne fignifie
pas des bancs , mais des inftrumens de
mufique que Martinius ** foupçonne avoir
* Orat. pro Cælio , n. 65.
** Lexic, Mart. in voce fcabillus, Et Buleng. de
Theat , lib. 2. c. 19. 1.
JUI
17
N. 1748. IN.
eu quelque conformité avec nos Orgues.
Quelle qu'ait été la forme de ces inftru
mens de muſique, il eft certain qu'ils étoient
très-agréables & qu'ils fervoient dans les
grands Choeurs & dans les Concerts. On
le peut voir dans un bel endroit d'Arnobe
& dans un autre de S. Auguftin , cités
l'un & l'autre au long par Martinius Les
expreffions du premier font furtout remar
quables en ce qu'elles femblent faites exprès
pour expliquer Ciceron . Scabillorum
concrepationibus fonoris , & celles du fecond
femblent affés bien déterminer la forme de
l'inftrument ; en voici les principales : Ve
luti cum fymphoniaci fcabella & cymbala pe
dibus feriantur , certis quidem numeris , &
his , qui fibi cum aurium voluptate junguntur,
&c.... Il faut voir dans ce Lexicon Parti
cle entier , qui eft long & curieux. Il paroît
donc que par ces mots fcabella concre
pant , il faut entendre non des bancs qui
craquent , mais des inftrumens de l'Orcheftre
qui fe font entendre , ce qui marquoit
que le fpectateur avoit encore quelque
chofe à attendre , dont il étoit encore averti
par le changement de décorations , marqué
par les mots fuivans , aulaum tollitur ,
changement qui fe faifoit par les machines
de la feene verfatile , la plus ordinaire & la
plus agréable. La fymphonie annonçant
18 MERCURE DE FRANCE.
donc la fuite du fpectacle , le théatre ne
devoit point être fermé par une toile , &
par conféquent aulaum ne doit point être
entendu ici par cette prétendue toile , mais
par un changement de décoration . Nous
difons la fuite du fpectacle , car le mime
étoit une farce qu'on ne donnoit ordinairement
que dans les entr'actes d'une Tragédie
ou d'une Comédie réguliere . C'eſt
ce que remarque Bulinger * fur cet endroit
même de Ciceron : Mimi , dit- il , per inter-
India tantum prodibant in Orcheſtram , dum
intus actus fabula componerentur , où il faut
remarquer que par Orchestram , il faut entendre
cette partie de l'Orcheſtre qu'on
nommoit pulpitum , qui faifoit auffi partic
du profcenium , de forte que c'étoit fur le
pulpitrum plutôt que fur le profcenium que
les Acteurs joüoient leur rôle , Tragadi &
Comici , dit Bulinger , in pulpito profcenii
Roma agebant, ainfi le pulpitrum étoit occupé
en partie par les joueurs d'inftrumens
& par le Choeur & en partie par les Acteurs,
tout l'Orchestre, proprement dit,étant rempli
de Sénateurs , qui étoient placés là par
diftinction. Voila pourquoi le pulpitum
dans le théatre Romain étoit plus fpacieux
que celui du théatre Grec ; voila pourquoi
faifant partie de l'Orcheſtre auffi bien
* De Theat. lib. 1. c. 45,
que
JUIN. 1748. 12
du profcenium , il eft confondu tantôt avec
l'Orchestre & tantôt avec le proscenium ;
voila pourquoi enfin le profcenium , l'orcheftre
, le pulpitum & la fcene , font nommés
quelquefois indifferemment l'un pour
l'autre. Cette remarque détruit entierement
l'objection qu'on pourroit faire en
difant qu'il n'étoit pas néceffaire que la
piéce fût finie pour lever la toile qui fermoit
le théatre , & qu'on la relevoit même,
comme remarque M. Dacier , après chaque
Acte pour les changemens de décorations ,
mais fi cela étoit , où le mettoient les Mimes
qui amufoient le peuple dans les entr'-
actes , comme à peu près dans nos piéces
mêlées de divertiffemens ? C'eſt un ufage
que Rofin a rapporté auffi- bien que Bulin-
** Solebant mimi introduci inter actus
c....Ils étoient donc alors réduits à faire
rire les Muficiens , avec lefquels ils dévoient
fe trouver enfermés derriere la toi
le , & toutes leurs plaifanteries étoient
ger , "
* Extenditur autem fcena inter duo Theatri cornua,
cum orchestra interjectafit inter cuneos & fcenam, in
eaque pulpitum quinque pedes altum exftruatur in
quo & Citharadi & Tragedi & Chorus faltant. Eft
enim pulpitum pars orchestra : unde & ab Ifidoro
cum orchestra confunditur , quafi una & eadem thea
tri pars fit. Fuit idem cùm profcenio , &c. Bulinger
de Theatro , lib . 1. c . 14.
** Ant. Rom. 1. 5.c. 6.
20 MERCURE DE FRANCE.
perdues pour tous les Spectateurs.
{
Ce qui a fans doute induit en erreur
tous les partifans de la toile , a été cet en
droit de Donat mal entendu : Siparium .. . .
eft mimicum velum quod populo obfiftit dum
-fabularum actus commutantur. Bulinger
affûre que
*
que c'eft d'après un manufcrit qu'il a
rétabli ainfi cet endroit de Donat , qui
étoit inintelligible, mais il n'en tire pas la
conféquence que ce voile ait été une grande
toile qui ait fermé le théatre . Il fait
feulement remarquer que l'aulaum fervoit
ordinairement pour la Tragédie & le Siparium
pour la Comédie & les autres jeux
fcéniques , mais que cependant on les employoit
quelquefois indifferemment. Ce
qu'il y a de très- certain c'eft qu'on les chan
geoit fouvent dans la repréſentation d'une
même piéce. Bulinger , en jugeant fur les
expreffions de Donat , penfe que le Siparium
étoit,non une grande toile qui fermât
tout le théatre , mais feulement un rideau
qu'on tiroit & qu'on retiroit felon que les
Acteurs en avoient befoin pour montrer
leur jeu ou en cacher une partie.Cet Auteur.
trop judicieux pour admettre la grande
toile de nos Commentateurs & de nos Traducteurs
, fait une autre fuppofition qui
s'accorde mieux,à la vérité , avec l'idée des
* Citat, in lib. 1. c. 23. Bulin. de Theat.
JUI N. 1748 .
anciens fpectacles , mais qui confidérée de
près n'eft pas encore fans difficultés , car
outre qu'on ne voit pas à quoi pouvoit être
fufpendu ce rideau dans un lieu libre & découvert
, comme on l'a obfervé , on ne
peut le fuppofer fans dérober aux fpectateurs
la vue de la plus grande partie de la
fcéne & des décorations. Il paroît que Bulinger
n'a pas eu une autre idée de l'aulaum
pour lequel il fe ferr prefque des mêmes.
termes que pour le fiparium. Il dit de celui-
ci , obducebatur , de ducebaturque , & de
l'autre ducebatur , reducebatur, deponebatur,
d'où il fuit qu'il a penfé que l'ufage du
fiparium étoit le même que celui de l'an-
Laum. C'eft auffi ce qu'ont crû ceux qui en
ont fait une grande toile qui fermoit tout
le théatre , hors le tems de la repréfentation
, ce qui étant ridicule , puifque lefiparium
& l'aulaum n'étoient d'ufage que
dans le tems même de la repréfentation ,
Bulinger a imaginé d'en faire un rideau
ou voile qui durant la repréfentation fe
tiroit , fe retiroit , fe fermoit & s'ouvroit
à volonté , felon le befoin des Acteurs ,
mais cette derniere idée, quoique plus proche
de la vérité , paroiffant n'avoit pas dû
quadrer davantage avec la forme du théatre
ancien , que la grande toile dont on a
fait voir l'abfurdité , on peut dire que d'a
22 MERCURE DE FRANCE.
voir prouvé que l'aulaum ne fervoit qu'aux
décorations , c'eft avoir prouvé la même
chofe du fiparium , mais cependant , dirat'on
, comment entendre l'endroit de Donat
? Effayons de le faire clairement.
1º. On peut avancer fans témérité que
l'endroit de Donat , qui fait la difficulté
eft d'une très -mince autorité , parce qu'il
ne fait aucun fens dans les éditions communes
, & qu'il n'a ici celui qu'il préfente
que fur la foi d'un Auteur qui l'a , dit- il ,
corrigé fur un manuſcrit.
2º. En fuppofant que cet endroit eft exactement
rétabli , il n'a que l'apparence d'une
objection folide , car en l'examinant de
près on n'y trouve rien qui établiffe l'exiltence
d'une grande toile ni d'un rideau,&
qui contredile ce qu'on a avancé jufqu'ici
pour prouver que l'auleum & par conféquent
le fiparium ne fervoient qu'aux décorations.
3°. Donat n'ayant écrit que fur la fin du
quatriéme fiécle, il s'étoit fait des changemens
au théatre , avec lefquels pouvoit
peut-être s'accorder l'idée du rideau , mais
non encore de la toile , & cette fuppofition
pourroit avoir lieu fans qu'on en pût tirer
aucunes conféquences contre ce qu'on a
avancé jufqu'ici fur le véritable uſage de
L'anleum.
JUI N. 1748. 23
Cela pofé examinons préfentement les
expreffions de Donat . Il définit d'abord le
fiparium un voile derriere lequel font cachés
les chofes merveilleufes & furprenantes , ou
plutôt les Mimes qui devoient les repréſenter,
d'où ils ne fortoient que fucceffivement &
lorfqu'ils croyoient que leur jeu cauferoit
plus de furpriſe aux Spectateurs. Il ajoûte
qu'au lieu des tapifferies magnifiques dont
la fcene étoit autrefois ornée , on ne fe
fervoit de fon tems que du fiparium qui
étoit une espece de toile peinte. Suit l'en
droit rapporté plus haut & qui fait toute
la difficulté : Eft autem ( fcilicet fiparium )
Mimicum velum quod populo obfiftit dum fabularum
actus commutantur. On ne peut difconvenir
que le mot obfiftitne marque clai
rement qu'un des principaux ufages du
Siparium étoit d'empêcher les Spectateurs.
de voir les préparatifs d'une nouvelle décoration
, cependant nous avons déja vû
qu'on ne doit point entendre par fiparium
une grande toile qui fermât entierement
le theatre , puifqu'il eft certain que pendant
ces préparatifs on amufoit le peuple
par des farces , ce qui n'auroit pû être fi le
théatre eût été entierement fermé , & en
admettant le rideau de Bulinger , outre les
inconvéniens déja remarqués il
> y avoit
encore celui-ci , que ne cachant qu'unc
44 MERCURE DE FRANCE.
partie de la ſcene , il ne pouvoit produire
l'effet marqué par Donat , d'empêcher les
Spectateurs de voir les préparatifs d'un
changement de décoration pour un nouvel
Acte , car en ce dernier cas la plus grande
partie de la ſcene demeurant ouverte , on
auroit vû parmi les Mimes aller & venir
les ouvriers & les efclaves occupés au fervice
du théatre , ce qui n'auroit pû être que
très-ridicule. Donc par cet endroit de Donat
on ne peut entendre une grande toile
qui fermât tout le théatre , ni un rideau qui
ne le fermât qu'en partie.
Pour l'entendre donc fans aucune contradiction
, il ne faut que le confulter luimême
dans ce qu'il dit du fiparium , immédiatement
dans ce qui précéde l'endroit en
queftion , & fe rappeller le jeu de la fcene
ductile.
19. Les Parodoxes , ou les "Mimes qui
jouoient des tours furprenans fortoient de
derriere le fiparium , où ils étoient cachés.
Siparium eft velum fub quo latent Parodoxi ,
cùm exeunt.
*
2 °. Le Siparium étoit employé à orner
la fcene , comme l'Aulaum , auquel il fut
même entierement fubftitué dans la fuite.
Aulaa in fcena intexta fternuntur.
quibus atas pofterior fiparia accepit.
Bull, loco. Donat. cit . fuprà,
.....
pro
3°. Dans
JUIN. 1748. 25
3 °. Dans les beaux fiecles de la République
& de l'Empire , dans les tems
où la puiffance Romaine étoit au plus haut
dégré , les jeux fcéniques fe faifoient avec
une magnificence furprenante , dans laquelle
entroit l'ufage de l'aulaum , qui
étoit ce qu'il y avoit de plus riche en
tapifferies ; on ne le faifoit ordinairement
qu'aux Tragédies pour les décorations qui
étoient toujours fuperbes , d'où l'épithète
de Tragique devint prefque naturelle à
l'aulaum. "Aulaum dimoveto Tragicum , &
fiparium fcenicum complicato , * dit Apulée.
Le fiparium , comme on le voit dans
ce même paffage , ne fervoit ordinairement
qu'aux Comédies , aux Mimes , aux
Satyres , d'où l'épithete de mimicum , comme
on le voit dans Donat lui-même &
dans Paul Diacre , ** lui demeura lors
même que la décadence de l'Empire ne
permettant plus que l'on fit les mêmes dépenfes
pour le théatre , il fut tout - à - fait
fubftitué à l'aulaum , même dans la Tragédie.
Dans les fiecles brillans de l'Empire
Romain l'aulaum annonçoit uneTragédie
, & le fiparium une Comédie ou
une Farce. Le genre de décoration où
* Metam. lib. 1. fub init.
** Siparium genus vèli mimicum. Paul. Diac. in
Fefto.
11. Vol. B
26 MERCURE
DE FRANCE.
tions ,
s'employoit
l'aulaum , ſe faifoit ordinairement
par le jeu de la ſcene verfatile , &
celui où le fiparium étoit d'ufage , fe faifoit
par la feene ductile , genre qui dans la
fuite fut feud employé dans les décora
à peu près comme il l'eft encore
aujourd'hui
fur notre Théatre. Or en expliquant
l'endroit de Donat par une décoration
, dans le genre de la fcene ductile,
toutes les difficultés font levées . Tout ce
que cet Auteur dit du fiparium lui convient
parfaitement
, & Bullinger l'a défigné
lui-même fans y penfer , par ces expreffions
obducebatur
, deducebaturque
, dont
il fe fert pour marquer l'effet du ſiparium.
Par le moyen de cette décoration
qui fe faifoit devant celle qui fervoit à
la Tragédie , celle-ci demeuroit
parfaitement
cachée aux Spectateurs
, qui ne
pouvoient rien voir des préparatifs qu'on
faifoit
les décorations
d'un nouvel pour
Acte , & qui pendant ce tems-là rioient
des bouffonneries
des Mimes . Cette décoration
étoit difpofée de maniere , que
les Acteurs pouvoient fe cacher derriere ,
pour y préparer leurs tours , & dérober
aux yeux des Spectateurs
ce qu'ils ne youloient
leur montrer que fucceffivement
,
Comme les Mimes joüolent ordinairement
d'imagination
, il n'y avoit prefque
JUIN. 1748 .
27
jamais ni conduite , ni vraiſemblance , ni
dénouement dans leurs piéces. Pour fe tirer
d'embarras , forfque les préparatifs de
la nouvelle décoration étoient faits , quelqu'un
d'eux s'enfuyoit , les autres le pourfuivoient
, la fymphonie te faifoit entendre
, la premiere décoration où le fiparium
étoit employé , fe retiroit , & les
machines de la fcene verfatile déployoient
aux yeux des Spectateurs une autre magnifique
décoration où l'aulaum étoit employé.
On ne peut méconnoître en cela
le fens de l'endroit de Ciceron pour Ca
lius , & il n'y a rien qui ne quadre par
faitement avec les expreffions de Donat
Donc ce qu'on a pris dans le Théatre ancien
pour une grande toile qui fermoir
tout le Théatre ,ou pour un rideau qui
en cachoit une partie , n'étoit qu'une décoration
dans le genre de la fcene ductile
où l'on employoit le fiparium , efpece de
toile peinte , attachée fur de grands chaffis
de bois , qu'on avançoit & qu'on retiroit à
volonté .
,
On a pû remarquer que tous les témoignages
des anciens Auteurs , qu'on allegue
ordinairement en faveur de la toile
tournent contre elle , étant pris dans leur
véritable fens , & qu'ils fervent à en détruire
entierement l'idée . Celui qu'on cite en-
Bij
28 MERCURE DE FRANCE:
core de Phédre ne fera pas plus heureux :
Aulao miffo, devolutis tonitrubus ,
Diifunt locuti , more tranflatitio.
Fab. lib . 5. Fab. S.
1
On traduit aulao miffo par la tapifferie
étant tirée ou baiffée , en quoi les uns
paroiffent avoir eû en vue la grande toile,
& les autres le rideau. Mais mittere ar-
il jamais pû fignifier l'action de tirer un
rideau ? Et ne fignifie-t-il que tirer en bas
ou baiffer ? Ne fignifie- t'il pas auffi jetter
& pouffer en haut ? Les bons Auteurs en
fourniffent un grand nombre d'exemples .
Cette expreffion même eft très-énergique ,
pour marquer le jeu de la fcene verfatile ,
qui déployoit la tapifferie en l'élevant , &
paroiffoit la pouffer en haut , en la faifant
comme fortir de terre , ainfi qu'Ovide
l'a fi bien exprimé mais ce qui eft décifif
, c'est que quand les Auteurs des piéces
Dramatiques faifoient intervenir des
Dieux dans leurs piéces , leur arrivée fur
la fcene dans la repréfentation , étoit toujours
précédée d'une nouvelle décoration ,
comme il y en avoit pour un nouvel Acte
ou pour une autre piéce . Le témoignage
de Vitruve eft formel fur ce point. Il femble
fait exprès pour expliquer Phédre ,
& ce qui tranche abfolument toute diffi
JU IN. 1748. 29
culté , c'eft que Vitruve dans l'endroit même
parle de la fcene verfatile : voici fes expreflions
: tres fint fpecies ornationis ; que
cum aut Fabularum mutationes funt future ,
feu Deorum adventus cum tonitrubus repentinis
, verfentur , mutentque fpeciem mutationis
in frontes. Pourroit-on après cela
refufer à auleo miffo le fens qu'on propofe ,
& ne pas traduire ainfi ces mots , la décoration
étant déployée , &c.
Ce qui paroît enfin démontrer fans
laiffer lieu à aucune chicane , que l'anlaum
ni le fiparium ne doivent point être
entendus d'une toile ni d'un rideau , c'eſt
qu'il eft certain qu'on en changeoit plufieurs
fois durant la repréfentation d'une
même pièce , qu'il n'y en avoit même que
durant le tems de la repréfentation , &
que la piéce finie , il n'y avoit plus ni d'au-·
laum ni defiparium. C'eft ce que confirmet
cet endroit d'Ammien cité par Lacerda :
Dorus evanuit , & Veriffimus illicò tacuit
velut aulao depofito fcene , & ce que mar
que encore plus formellement Juvenal
quand il dit ,
Quoties aulaa recondita ceffant ,
Et vacuo claufoque fonant fora fold theatro.
Sat. 6. v. 66.
* De Archit . lib. 5. c. 7.
B iij
30 MERCURE DE FRANCE .
Ainfi l'aulaum & le fiparium étant ôtés ,
ferrés , cachés hors le tems de la repréfentation
, on ne peut fans abfurdité en
faire une toile femblable à celle de nos
Théatres, où elle n'a lieu au contraire que
hors le tems de la repréfentation. Si ce
n'eût été qu'une toile ou un rideau , à
quelle fin en auroit-on changé plufieurs
fois dans une même piéce ? Eût -il été néceffaire
qu'il y en eut d'une forte pour
la Tragédie , & d'une autre pour la Comédie
& pour les farces ? Les entr'actes
des grandes piéces étant toujours remplis
par des mimes ou farces , il eût donc
fallu attacher ou tendre neuf ou dix toiles
ou rideaux dans la repréſentation d'une
piéce . Mais encore un coup à quelle fin ?
Eft-il poffible qu'on puiffe rien imaginer
de raifonnable , pour en montrer le moindre
avantage , le moindre plaifir pour les
Spectateurs ? Qu'on prenne garde enfin
que dans tous les endroits cités dans cet
effai , le mot aulæum eſt toujours au fingulier
, quand il ne s'agit que d'une feule
décoration , & toujours au pluriel quand
il s'agit de plufieurs. Nouvelle preuve
qu'on ne peut l'entendre d'autre chofe , &
que fon véritable & unique ufage dans le
Théatre des anciens , étoit de fervir aux
décorations .
<
JUIN. 1748. 31
Mais ce qui femble entierement décider
la queftion , eft ce paffage de Julius Pol
lux , auquel il feroit fans doute difficile
d'oppofer rien de folide. Dans la defcription
qu'il fait de toutes les parties duThéatre
, il s'exprime ainfi , les catablemes
( naτalanμaтa , ce que tous les Lexicographes
traduifent par aulaa ) étoient des tapifferies
ou de grands tableaux qui repréfentoient
diverfes choses accommodées au sujet
des Piéces dramatiques qu'on jouoit. On ne
peut méconnoître- là les deux genres de
fcenes où fervoit l'aulaum pour les décorations.
Quand cette tapifferie formoit la
décoration par le moyen de lafcene ductile,
elle étoit attachée à de grands chaffis de
bois , qui étoient comme de grands tableaux
. Pollux continue & marque ainſi
en termes précis l'ufage de l'aulaum pour
les décorations dans le genre de la fcene
verfatile : ** cette tapifferie fe deployoit par le
moyen des machines de la feene verfatile , &
présentoit aux Spectateurs ou une montagne ,
ن م
* Kerabaμara A , ¿ pácuara , i mirants
ἦσαν , έχοντες γραφάς , τῇ χρία των δραμάτων
προσφορες.
** KareGamer, fi ( fcilicet raraganua ) iai
τὰς περιέκτες , ορος δεικνύν ή θάλασαν , ή του
ταυόν , ἢ ἀλλό τι ποιπτον Julii Pollucis Lib. 4.
4.19 1.2.
B iiij
$ 2 MERCURE DE FRANCE.
ou une mer , ou un fleuve , ou quelque chofe
de femblable. Pourroit-on après cela être
encore incertain fur le véritable ufage de
F'aulaum dans le Théatre des anciens , &
ne pas convenir qu'il ne fervoit qu'aux décorations
?
新洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
EPIGRAM ME.
CLidamis
mariant fon fils ,
Un de fes intimes amis
Crut que le bon hommé en démence
De cet Hymen qu'il preloit
Ne fentoit point la conféquence ;
Voifin dit-il , en confcience ,
Si pour toi prudence luifoit ,
Oferois-tu mettre en ménage
Ton fils Quatre luftres font l'âge
Qu'il commence à peine à compter :
L'étourderie eft fon partage :
i
Avant de le ferrer des noeuds du mariage ,
Crois-moi , fans rien précipiter
Attends qu'il devienne plus fage ."
Eh ' C'eft ce que je tâche d'éviter ,
Répondit Clidamis d'un ton vif & fincére ,
Mon fils eft jeune & fou , je le marie exprès ,
JUIN.
33 1748 .
S'il devenoit fage , compere ,
Il ne fe marieroit jamais.
Par M. Gaudet.
J
LETTRE fur les Coquillages.
1) ?
E viens , Monfieur , de lire dans le Mercure
de Février 1748 p. 19 , une lettre
de M. le Marquis Scipion Maffei à M. de la
Condamine , où l'on trouve l'expofition
du nouveau fyftême de M. Antoine- Lazare
Moro , pour expliquer comment les coquillages
& les poiffons de mer, qu'on voit pétrifiés
dans les pierres , ont été transportés fur les
montagnes. L'opinion de ce fçavant eft que
les montagnes où l'on trouve des teftacées
, ont été produites par des feux fouterrains
, qui ayant éclaté dans la mer
en ont élevé le fond avec tout ce qui s'y
trouvoit de terre , de pierres , de minéraux
, & d'autre matiere qui étoient dans
le fein de la terre , & ont formé les collines
& les montagnes. Il appuye ce fentiment
de l'Histoire de plufieurs Ifles formées
par de femblables irruptions. Il eft
croyable que les coquillages qu'on trouve
fur quelques montagnes de certaines ré
gions , comme en Italie , en Sicile ,, peut-
By
34 MERCURE DE FRANCE .
vent devoir leur origine à, une femblable
caufe . Mais il eft difficile de fe perfuader
que toute la Normandie , la Picardie ,
l'Ile de France , la Touraine , toute la
France , autant le plat pays que les montagnes
, lefquels font farcis de coquillages
de toute efpece , & de cornes d'ammon
, auffi belles que celles d'Italie
que tout ce continent, dis-je , foit forti de
la mer par un volcan , & fi l'on attribue
l'origine de notre continent à une pareille
éruption , il faudra que toute l'Europe
, le monde même entier ait une pareille
origine , car en quel pays
pas trouvé des coquillages ? Ou au moins ,
dans quel pays n'en trouvera-t-on pas ,
quand on voudra creufer la terre , ouvrir
des carrieres ?
n'a-t-on
Quoiqu'il en foit , Monfieur , mon deffein
dans cette lettre n'eft pas de critiquer
M. Moro , mais de vous faire part
d'un fyftême que je trouvai en 1741 fur
la formation des montagnes , & l'origine
* A Rouen vers l'année 1710 on fit tomber
des portions de la montagne de Sainte Catherine
; pour accommoder ce qu'on appelle le chemin
neuf , on trouva dans la pierre de cette
montagne quantité de coquillages , & entr'autres
des cornes d'ammon , de la grandeur des peti
tes roues de devant d'un carofle,
JUIN. 1748.
des coquillages & des animaux foffiles. Ce
fyftême fait partie d'un ouvrage que je
compofai dans ce tems- là fous le titre d'Ef
fai fur l'Hiftoire de la Terre. Depuis ( en
1744 ) je donnai à cet Effai la forme de
Mémoires Académiques , & je le lûs fous
ce titre à notre Académie de Rouen . C'eft
de la partie de cet ouvrage qui regarde
le fujet traité par M. Moro , que je vais
vous donner , Monfieur , un extrait fort
abregé.
Je fuppofe que dans le commencement
les matieres qui devoient former les métaux
, les pierres , la terre ferme , & c.
n'étoient que des pâtes molles ou des efpe .
ces de boues.
Tous les Phyficiens fçavent que les matieres
qui compofent la terre , & l'atmofphere
qui l'environne , font rangées dans
l'ordre de leur péfanteur fpécifique , les
plus péfantes plus près du centre de la terre,
& les plus légeres plus éloignées de ce centre
.
La terre ou la boue la plus légere eft
plus péfante que l'eau. C'eft donc une fuite
des loix de la nature que dans le commencement
la derniere couche de notre
globe , où la furface de la terre ait été
faite l'eau ou entierement couverte
par
'd'eau,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Toutes ces couches tant de boue que
d'eau auront été régulierement fphériques
ou fphéroïdes ; leur ſurface aura été
unie ; car c'est le fluide qui environne la
terre , qui a dû lui donner fa figure . Or
tout corps formé , figuré par un fuide environnant
› eft régulierement rond ou
fphéroïde ; telles font les
goutes d'huile
qui nagent dans l'eau , &c. La furface de
la terre dans fon origine étoit donc réguliere
, c'est-à-dire , fans montagnes , fans
vallées.
Tel étoit l'état de la terre naiffante ;
un globe ou un fphéroïde régulier &
couvert d'eau dans toute fa furface , puis
d'air , &c. Spiritus Domini ferebaturfuper
aguas.
Les mêmes loix qui avoient ainfi arrangé
les matériaux du monde , les y auroient
confervés éternellement , ou jufqu'à la
fin, fi la terre étoit toujours reftée ſeule dans
fon tourbillon , mais fon Auteur la deftinoit
à quelque chofe de mieux , qu'à porter
un lac immenfe ; la Lune & le Soleil
furent créés , & la Lune fut enfermée dans
ce tourbillon particulier de la terre . Dès
ce moment , cette couche immenfe de liquide
qui en couvroit la furface , fe trouva
agitée du mouvement violent de flux &
reflux ; la boue qui portoit ce liquide
JUIN. 1748.
37
naturellement paiſible , en fut bien -tôt portée
à fon rour ça - & - là , en monceaux
énormes, par cette impétuofité étrangere ,
comme on lui voit encore aujourd'hui for
mer des bancs de fable dans les tempê
tes ou les flux violens. Ces amas ou ces
montagnes de boue ont laiffé entr'elles des
vallées , dont la profondeur a fuffi à loger
affés d'eau , pour qu'une partie de ces
terres relevée reftât à fec , & formât un
continent qui s'eft augmenté pen à pen
par la même caufe : le Soleil a deffeché ,
affermi ce continent naiffant , & l'a enfin
rendu propre à devenir la demeure de
l'homme & des animaux terreftres.
Cette excavation de la terre par le flux
& reflux de la mer , & les jettées de terre
ferme qui en réfalterent ,fe continuant tou
jours , toutes les vaftes contrées de l'Eu
rope , de l'Aſie , de l'Affrique , & c . jadis
couvertes de mers , fe font découvertes
peu à peu , & ont laiffé dans ces terres les
débris des animaux que ces eaux nour
riffoient , & de ceux de la terre qui ont pû
périr dans ces flots , foit qu'ils ayent été
engloutis par des inondations , foit que
tous les accidens ordinaires , qui font trouver
des cadavres dans les fleuves , ayent
porté ces animaux morts dans ces mers
& dans leur fond , avant qu'elles fe ret
raffent.
38 MERCURE DE FRANCE .
Ce fyftême jufques- là fuffit pour rendre
raifon , tant de la formation des montagnes
, que de la fituation des coquillages
& des animaux pétrifiés dans nos terres :
mais quiconque a une fois admis cette caufe
, doit penfer qu'elle fubfifte encore , &
qu'ainfi fes effets doivent fe continuer.
Ce que le flux & reflux de la mer a fait
dès le commencement il le fait encore ,
quoique moins fenfiblement , parce que
les matériaux de la terre font plus folides.
La mer creufe fans ceffe fon lit , & jette
fur fes bords les pierres , les terres qu'elle
arrache à ce fond ; en un mot elle recule
fans ceffe ; ce font ces effets que je fuis dans
mon Mémoire: je prouve ce reculement &
l'aggrandiffement continuel du continent
par grand nombre de faits , & par des obfervations
faites dans prefque tous les pays.~
La mer baiffe , les fleuves deviennent plus
rapides & ainfi plus petits ; ce ne font plus
que des veftiges des grands fleuves , 'des
bras de mer qui occupoient les vaftes plaines
, dont ces reftes n'occupent plus qu'u
ne partie du fond. Plufieurs obfervations
prouvent encore cette derniere circonftance
, & je cite quelques endroits où l'on
voit encore des excavations , que ces bras
de mer ont vrai- femblablement faites dans
des falaiſes de rochers qui bordent les val-
1
JUIN. 1748. 39
*
tes plaines qu'ils occupoient ; je montre
des lits de carrieres qui couvrent les fommets
de ces falaifes , ou de ces montagnes
qui bordent les plaines , & je fais voir
que les eaux de ces anciens bras de mer
ont été jufques fous ces lits , qu'ils les ont
minés , deracinés , & je montre les morceaux
de ces carrieres qu'ils ont roulés dans
ces plaines où on les trouve en rochers
ifolés ; enfin ce reculement de la mer ,
& l'excavation de la terre continuant ,
ce globe doit à la fin fe trouver miné ; les
mers communiqueront d'une hémifphere
à l'autre ,j'en cite des exemples pris du monde
fouterrain de Kirker ; la terre deviendra
comme une orange creufe dont la figure ne
fera foutenue que par fa feule écorce , cette
écorce émincée à un certain dégré manquera,
& la furface de la terre qu'elle forme
s'écroulera ; il fe fera un nouveau cahos
un mélange de toutes fes parties & de toutes
fes productions ; la furface fera de nouveau
couverte d'eau ; il fe formera pour la
feconde fois un nouveau monde par le méchanifme
expofé d'abord, dans les entrailles
duquel on reconnoîtra les débris du premier
, enforte que la terre , dans cette opinion
, eft affujettie à tous les âges , à tous
les périodes qu'on obferve dans les ani
* Entr'autres à Fontainebleau
1
40 MERCURE DE FRANCE.
maux , les plantes & généralement dans
tous les êtres qu'elle porte.
Un bouleverſement & un renouvellement
périodique de la terre a d'abord l'air
d'une opinion hardie , mais je démontre
dans mon Mémoire que ce fentiment , tout
phyfique , tout fyftématique qu'il eft , n'a
rien qui ne puiffe être exactement ramené
aux vérités refpectables que la Religion
nous enfeigne fur cette matiere , rien
qui ne fatisfaffe en même tems le Phyficien
& le Théologien. Je fuis , Monfieur
, &c.
LE CAT.
A Rouen , ce 20 Mars 1748 .
* Initio tu Domine terram fundafti , & opera
nanuum tuarum funt coeli : ipfi peribunt , tu autem
permanes , & omnes ficut veftimentum veterafcent ,
ficut opertorium mutabis eos & mutabuntur. Pfal.
IOI. V. 26.
JUIN. 1748.
A MONSIEUR DE M**.
A Mi
cher,
De R **
Souviens-toi
Que chés foi
Enrhumé
Enfermé
'
Dans fon lit ,
A demi
N'eft point bon
Et le ton
Dont tu vis ,
Et compris
Qu'il parla ,
Ebranla
Ton bon coeur
11 te fit
L'autre jour,
En faveur
- Sans détour ,
D'un pauvret
En petit ,
Le récit
D'un maigret
Qui ne peut ,
1 Des travaux
Et des maux
Que depuis
Que je fuis
Homme né
Condamné
A louffrir
Sans mourir
Malgré moi ,
Je me voi.
Cet ami
Ni ne veut
S'enrichir ,
S'affranchir
Des rigueurs
Des malheurs
: De ce tems
Aux dépens
Des vertus
Qui n'ont plus
Feu ni lieu
Que chés peut
12 MERCURE DE FRANCE.
D'hommes vrais ,
Dont les faits
Innocens ,
Obligeans ,
fin ,
Ont pour
Mais en vain
D'engager
A changer
Les humains
Inhumains.
Entre ceux
Qui des voeux ,
Nuit & jour ,
Forment pour
Voir encor
L'âge d'or
Ton grand front
Rubicond.
Que Comus
De dodus ,
Tant faiſans ,
Qu'ortolans ,
Tant lapreaux
Que perdreaux ;
Tant pigeons
Que chapons,
Bien nourris
Et farcis ,
Bien lardés
Ou bardés #
Prenne foin
Au befoin
Parmi nous ,
Oui , de tous
Honoré ,
De garnir
Et remplir
Ton gigier
Révéré ,
Toujours as
Voire auras
Ét partout
Le haut bout.
Que Bacchus
De fon jus
A jamais
Tienne frais
Sans dangier !
C'eſt ainfi ,
Par des i ,
Qu'autrefois
Les Gaulois ,
Mêmement
Fréquemment
Prononçoient
Et fouloiens
JUIN. 47 1748.
Ferivant
Du vieux tems
De Rogier ,
'Allongier ,
( Pour Roger ,
Allonger , )
Bien des mots.
Au propos
Des voeux miens
Je reviens.
Que Momus
Tout ennui
Tout fouci !
Que Vénus ,
Tant & plus
De faveurs ,
De douceurs
Veuille bien ,
Comme fien
Favori
Très-chéri ,
Te combler
De rébus Et filer
Gai difeur ,
Fin railleur
Par fes dits
Et fes ris ,
Du plaifir
Faffe fuir
Loin d'ici
L'ennemi ,
Dire entends
Et prétends
De tes jours
L'heureux cours !
Dans l'ardeur
De mon coeur
Oui , je fais
Ces fouhaits
Mais de moi
Souviens-toi ,
Ami cher ,
De R **
NAU, Maitre de Grammaire des Pages
de la Mufique du Roi.
A Versailles ce 9 Mars 1748.
44 MERCURE DE FRANCE.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
REFLEXIONS.
ES meilleurs ufages dégenerent en
Labus , dès qu'une Buiffance fupérieure
ne peut les maintenir dans leur principe ?
c'eft ainfi que les vifites , confacrées d'abord
à entretenir l'union & l'intelligence dans
la fociété , font devenues au contraire ,
la fource des diffenfions : au lieu de les
rendre utiles par une honnête converfation
, elles font le centre de la médifance &
le berceau de la calomnie : on ne s'occupe
qu'à déchirer la réputation des abfens , à publier
les fecrets des familles , à chercher
de mauvais motifs aux meilleures actions ;
la moindre démarche , un mot dit au ha
zard , eft interprété de travers , & tel qui
paroît le moins s'inquiéter des affaires des
autres , eftfouvent celui qui en dit le plus
de mal . On s'imagineroit que les hommes
ont pour tâche de s'épier mutuellement ,
de fe croire tous incapables du bien , & de
paffer ainfi leur vie à faire le mal , & à en
foupçonner les autres . Peut-on faire un fi
mauvais ufage de la parole , qui a été donnée
à l'homme , pour lui procurer tous les
agrémens de la vie , par la facilité de communiquer
fes penfées à fon femblable ?
JUIN. 1748. 41
Cependant cette pente à médire eft fi générale
, que peu de perfonnes en font
exempres , & qu'on regarde comme des
gens
de mauvaife humeur , & des ennemis
même de la fociété ceux qui condam
nant un abus fi pernicieux , en veulent
faire fentir toutes les conféquences.
Les femmes furtout , moins occupées que
nous , font auffi les plus accufées de ce
vice : it femble qu'elles prennent plaifir à
s'appuyer du préjugé vulgaire , pour fe
renfermer dans la bagatelle : crainte d'ennui
, elles s'occupent des moindres objets ,
& leur tems fe paffe à ne rien faire ou à
faire des riens,
Je fuis bien éloigné de penfer que toutes
les femmes fe reffemblent : je les refpecte
beaucoup , & j'en connois dont
la délicateffe des fentimens s'offenferoit
d'un difcours défavantageux à la réputa
tion du prochain , mais qu'il y a de femmes
dont la bouche ne s'ouvre que pour
médire de tout le monde !
J'étois il y a quelque tems chés Arifte ,
où il y avoit nombreufe compagnie . Plus
férieux que d'ordinaire , je gardois un filence
obftiné , lorfqu'un cercle de femmes
fixant mon attention je m'approchai
d'elles affés près pour les entendre.
Leur langue mordante déchiroit impi-
›
46. MERCURE DE FRANCE.
toyablement ceux dont elles s'entrete
noient.
Eliante paroiffoit être la Préfidente de
ce petit Tribunal , où toutes les parties
perdoient leur procès, Les droits de fa dignité
étoient de parler la premiere & plus
Tong-tems que les autres ; c'eft le privi
lége des vieilles , & elle en joüiffoit fans
faire de jalouſes , cependant on jafoit tour
bas fur fon compte , & la jeune Elife di
foit à fa voifine qu'elle étoit une radot
teufe , qui feroit mieux de refter chés
elle, que de porter toujours l'ennui chés les
autres.
Philinte eft le premier dont j'entendis
l'apologie ; il vient d'époufer une riche
héritiere également favorisée de la vertų
& des graces, Il croit peut- être , dit Eliante
, cacher fa naiffance par la dorure de
fon caroffe , & faire oublier par fon train &
fon équipage ce qu'il étoit autrefois , mais
je le ferai connoître à tout le monde ..
je le connois très-bien , dit d'un ton ironique
Climene , qui faifoit femblant de
prendre le parti de Philinte , il eſt vraj
qu'il a peu de naiſſance , mais il a du mérite
, il eft protégé ; fes talens font utiles
, & fa faveur peut devenir un jour néceffaire.
Je vous avouerai pourtant qu'il
m'eft infupportable ; il a un certain air
JUIN. 1748 . 47
avec un
de fuffifance qui me déplaît ; à peine regarde
t-il ceux qui le faluent. On ne peut
pas être parfait dit une autre
ris mocqueur , il eſt ſi accablé d'affaires
qu'il n'eft jamais où on le voit ; toutes
celles de l'Etat font les fiennes peuton
ne pas être diftrait ? J'enrageois de
bon coeur de ne pouvoir défendre l'aimable
Philinte , dont la nobleffe des fentimens
efface la baffeffe de la naiffance.
Bien different de ceux qui ne doivent leur
élévation qu'au hazard , il ne rougit point
d'avouer ce qu'il a été , & cet aveu augmente
fon mérite : toujours affable , toujours
prévenant ; s'il eft quelquefois diftrait
, c'est par tempéramment & non par
vanité.
Après Philinte , l'orage tomba fur Do
rimene ; elle ne fut pas plus ménagée';
il y a de certaines femmes qui en veu
lent toujours aux plus aimables de leur
fexe ; dénuées d'appas , elles les trouvent
déplacés ailleurs . Eliante fidelle à cette
maxime , peignit Dorimene des plus vives
couleurs ; elle finit fon portrait en
difant : je confeille à fon mari de l'empêcher
de fréquenter les promenades &
les fpectacles , car .... mais reprit vivement
Elife , qui jufques- là n'avoit parlé
qu'à l'oreille , Eliante voudroit donc qu'à
MERCURE DE FRANCE.
notre âge on eût moins d'envie qu'elfe
de fe faire voir : je voudrois bien l'avoir
vû auffi jeune fa conduite étoit fûrement
plus repréhenfible que celle de Dorimene.
Auffi -tôt un certain bourdonnement annonça
une fédition contre la Préfidente :
Eliante vit fon tort & s'en tira adroitement
, en publiant le mariage clandeftin
de Damon & d'Araminte. Voilà donc enfin
le dénouement de leurs amours , dit Climene
; ont- ils honte de réjouir le public
à leurs dépens ? Les pauvres amans tranfis ,
dit Eucharis , qui a tout l'air d'une coquette
, leurs plaiſirs doivent être glacés :
après dix ans d'égards , de petits foins ,
d'attention , de préférence , après tant de
gêne , tous les fentimens font épuifés,
Enfuite on taxa d'avarice la fage économie
de Lucile , qui chargée d'une grande
famille , & n'ayant qu'un bien médiocre ,
épargne fes plaifirs pour procurer à fes
enfans une éducation convenable à ſes ſentimens.
On blama la libéralité de Philarque ,
parce que maître d'un bien confidérable , il
ne croit enjouir , qu'autant qu'il le partage
avec fes amis.
On appella hypocrifie la conduite auftére
d'Oronte , qui ennemi du plaifir , e
plaît
JUIN. 1745.
49
plaît à exercer la charité envers les miférables
, dont le coeur tendre & compâtiffant
ne peut voir un malheureux fans le
Lecourir.
Que ne dit-on pas de l'aimable Cla
rice ? On blâma fon enjouement & fa vivacité
: on la vouloit plus férieuſe & moins
badine : au contraire , on trouvoit trop de
timidité dans Alcinoé : elle eft déplacée
dans la bonne compagnie, dit Eliante; fon
air emprunté prévient beaucoup contre elle
: elle penfe à tout ce qu'elle dit , ne
parle qu'en hélitant , toujours avec bon
Lens , jamais avec efprit. Ignorant l'art des
complimens , elle ne fçait dire que des
vérités ,, && eellllee a fi peu de jugement ,
qu'elle les place toujours fort mal ; la converfation
s'épuife aifément avec elle , & ce
qu'elle dit en peu de mots , d'autres s'en'
Occuperoient une après-dînée . Qui reconnoîtroit
à ce bizarre portrait la femme
du monde la plus. accomplie , car qui ne
fait qu'Alcinoé a toutes les qualités d'une
femme aimable , jointes à tout ce qui peut
former le vrai mérite ?
Enfin il n'y eut pas jufqu'à la bonté
fi connue de Dorante , qui ne paffa pour
imbécillité ; Dorante l'ami de tout le monde
, qui a tant fait d'ingrats & qui en
fait encore tous les jours , fut traité com-
11. Vol. C
&
So MERCURE DE FRANCE.
me un homme fans jugement & fans
dence .
pru-
A ce difcours je tie pus tenir davantage
; mon indignation l'emporta fur ma
curiofité outré du mépris qu'on faifoit
de la vertu , je fortis brufquement & je
rentrai chés moi , bien réfolu de fuir pour
roujours les lieux où la vertu & le mérite
étoient fi maltraités.
?
Depuis ce tems plus fédentaire dans mon
cabinet , je goûte des plaifirs d'autant plus
réels , qu'ils m'avoient été inconnus jufqu'à
préfent.
Fermant les yeux fur les défauts des
hommes , je les ouvre fur les miracles journaliers
de la Providence : j'admire l'harmonie
merveilleule qui regne entre ces
corps céleftes fufpendus fur ma tête : jé
contemple toujours avec une nouvelle furprife
l'étonnante variété des chofes que
la terre produit , autant pour fatisfaire la
diverfité de mes caprices , que pour fubvenir
à mes befoins : tout ce qu'une agréable
campagne pouvoit offrir de charmant
à mes regards , me paroiffoit plutôt l'effet
d'un heureux hazard , qu'un ouvrage entrepris
à deffein & exécuté avec fageffe :
mon indifférence fur la caufe premiere me
rendoit étranger prefque par-tout. J'étois
fourd à la voix de la nature , aveugle fur
JUIN. 1748 .
Sx
que
fes merveilles. A préfent tout me dit quelchofe
; la lumiere brille à mes yeux ,
la plus petite fleur , un brin d'herbe confidéré
avec foin me remplit d'admiration ,
mais ces mouvemens d'admiration ne forment
point en moi des fentimens ſtériles
: fi je trouve par-tout un Etre. toutpuiffant
, tout m'annonce auffi un Dieu
bienfaiteur , & plein de reconnoiffance
envers le fouverain Etre , de la connoiſſance
de l'ouvrage je m'éleve à la connoiffance
de l'ouvrier , à qui j'offre un facrifice con
tinuel de mes adorations & de mes hom
mages.
Si quelquefois refléchiffant fut l'hom-
, je cherche à le connoître , c'eft tou
jours tel qu'il eft & fans partialité que
je me le repréfente : bien différent de ces
Mifantropes brouillés avec toute la fociété
, je n'ai jamais penfé que les hommes
fuffent tous injuftes ou cruels. Au contraire
plein d'indulgence pour leurs défauts
, je leur prête fouvent des vertus
qu'ils n'ont point ; j'aime mieux être leur
dupe que leur ennemi fi je jette les
yeux fur la fociété en général , c'eft tou
jours avec douleur que je la vois divifée
, & quoique bon citoyen , les Victoires
que ma Patrie remporte , me font toujoursverfer
des larmes fur le fang des vain-
Cij
12 MERCURE DE FRANCE .
eus ; c'eft un tribut que je dois à l'humanité,
& il eft plus ancien que l'amour de la
Patrie.
,
Quand je veux chercher à me connoître
, ce qui arrive rarement car mon
amour propre s'y oppofe fans ceffe , &
s'offenfe d'une recherche où il ne peut que
perdre ) je fuis fort étonné de n'avoir que
les apparences de la vertu ; cette connoiffance
m'humilie , mais ne me décou
rage pas , & faifant un effort généreux
fur moi-même , je profite toujours dans
cette étude ; fi je perds , ce n'eft qu'en
idée , au lieu que je gagne du côté de
la réalité ; je fuis plus convaincu de mon
néant , & plus perfuadé auffi que le vrai
bonheur confifte dans la vertu , & qu'elle
eft le feul bien dont nous fommes les maî
tres de nous rendre poffeffeurs.
Enfin les Hiftoriens & les Poëtes par
tagent auffi mon loifir : les uns m'amu
fent en m'inftruifant de tous les évene
mens qui ont occupé le théâtre du monde
depuis fon origine . Je vois avec une feerette
joye tous les grands hommes de l'antiquité
paffer en revue devant moi , me
rendre , pour ainfi dire , leurs hommages
& briguer mon fuffrage : plus leur Juge que
leur flatteur , lorfque je les examine de
près , ils perdent beaucoup de leur réfu
JUIN.
55 1748.
tation . Les autres m'inftruiſent en badinant
; j'aime à voir la Fontaine fe fervir
du langage des animaux , pour jetter fut
mes défauts un ridicule dont jeris le
premier je me fâcherois fi la maniere
dont il veut me corriger , ne rendoit pas
fa fupercherie innocente. Charmante des
Houlieres, vous Pavillon & Chaulieu, vous
avez part à mon eftime , mais Corneille ,
Racine & Moliere font mes favoris. L'un
fier , fublime & majestueux , éleve mon
efprit , & fait paffer tour à tour dans mon
ame les traits dont il caractériſe fes Héròs.
Son rival , plus tendre , plus poli
plus naturel parle mieux le langage du
coeur ; felon lui , que l'amour a d'attraits !
Ingénieux Moliere , je te pardonne tes licences
; fouvent tu me fais rite de mes défauts
, & toujours de ceux des autres.
Ce font-là mes occupations , c'eft-là mon
plan de vie ; je le crois bien plus conforme
à la dignité de l'ame , › que de s'oc
euper à cenfurer continuellement ſes femblables
, & puifqu'on a tant de peine à
vivre en paix avec les vivans , il faut bien
s'entretenir avec les morts , gens paifibles
de qui l'on apprend toujours.
Quelqu'un trouvera peut-être finguliere
ma façon de penfer : quoi ! toujours feul
dans un cabinet , à la promenade , à la
C iij
$4 MERCURE DE FRANCE.
campagne , éviter toute compagnie ! Il
y a là plus de ridicule que de fageffe , plus
d'orgueil que de prudence ; c'eſt une dé.
licateffe mal -placée de rompre avec toute
la fociété , l'homme eft né pour elle , comme
la fociété eft faite pour lui ; fi elle a des
défauts , c'est par ces défauts même qu'elle
fubfifte vouloir la réformer , ce feroit
folie n'eft-il pas plus convenable qu'un
particulier fe regle fur la fociété , que fi
elle étoit obligée de fe corriger pourfatisfaire
une fantaisie , qui augmente le nom
bre des ridicules ?
:
Il eft vrai que je fuis né pour la fociété
; que je dois travailler à fon bonheur
, & empêcher de tout mon pouvoir
ce qui pourroit lui nuire. Mais cette obligation
n'emporte pas la néceffité de me
rendre malheureux : je veux me borner
à quelques connoiffances , & je ne peux
pas être l'ami de tout le monde , parce
que le monde eft un affemblage confus d'une
foule de ridicules , dont je ne fçaurois
m'accommoder. Trois ou quatre amis
font ma fociété : nous travaillons de
concert à notre bonheur ; nous penfons
librement ; nous nous aimons fincerement ;
le plaifir nous unit ; l'ennui ne nous fépare
jamais nous avons toujours quel
que chofe à nous dire , car l'eftime &
4
JUIN 1748. 55
>
l'amitié ne font jamais muettes ; nous nous
difons fouvent que nous nous aimons
& nous le difons toujours avec le même
plaifir . Si le bonheur peut fe trouver ,
on ne doit pas le chercher dans la multitude
, mais on pourra le trouver dans
le choix de quelques amis toujours vrais ,
toujours finceres , toujours dignes de ce
nom .
Telle étoit ma façon de penfer , belle
& charmante .
avant que j'euffe
le bonheur de vous connoître : vous avez
défillé mes yeux ; vos vertus & vos charmes
ont également frappé mon coeur ; daignez
en accepter l'hommage. Heureux fi
je peux mériter votre approbation , & vous
perfuader de mon tendre & refpectueux attachement
!
T
O DE
AM. P. fur les dégoûts du Barreau.
Andis qu'au fein de l'indolence
Tu coule des jours fortunés ,
Que les foucis & la finance.
N'ont point encor empoisonnés.
Ci
36 MERCURE DE FRANCE .
Que ne puis-je , abjurant l'étude ,
Etre occupé d'un doux loifir ,
Libre de toute inquiétude ,
N'avoir de loi que le plaifir !
+XXX
Tantôt un gracieux délire
M'agiteroit de les tranſports ;
La volupté, montant ma lare
En regleroit tous les accords .
Tantôt élevant mon génie ,
J'irois fureter dans les Cieux ;
M'étonner de leur harmonie ,
Et percer les fecrets des Dieux
Sage difciple d'Epicure ,
On ne me verroit n'appliquer ,
( Toujours guidé par lá nature )
Qu'à la fentir , qu'à l'expliquer.
Loin de cette philofophie ,
Qui te fait méprifer la mort ,
Je vis fans jouir de la vie ;
Apprends , ami , quel eft mon fort.
JUIN.
57 1748.
A ma douleur prête l'oreille;
Chargé des fottifes d'autrui ,
Le matin un procès m'éveille
Et je me couche avec l'ennui..
**
A peine levé, je rumine
Sur des parchemins vermoulus
Je lis Cujas , où j'examine
Des rôles glaçans & diffus.
Je fors en lugubre équipage
D'une in menfe robe affublé ,
L'importance fur le vifage
L'efprit de chicanes troublé.
>
J'arrive au Palais ; quel tumulte !
Quels cris , que d'affreufes rumeurs !
Thémis , eft-ce done- là ton culte
T'honore- t'on par des clameurs
*AX.
Elles redoublent ; on ſe preffe ;
On fe menace de regards ;
Je ne vois partout que rudeffe ,
Des fronts ridés , des yeux hagards;
Су
$ 8 MERCURE DE FRANCE,
Le marteau frappe ; àl'audience
J'entre ; lieu faint , lieu de fureur ;
Non moins que la tendre innocence ,
Le crime y trouve un défenfeur.
****
Ciel ! Quel jargon , quel dur langage I
O termes accouplés fans choix !
Quel eft ce frivole étalage
D'écrits , de préjugés , de loix ?
**
Le fait feul décide l'affaire ;
L'autorité veut l'éclaircir ;
J'entends le texte ; un commentaire
M'eft- il cité pour l'obſcurcir´
*XX
L'effroi de mon ame s'empare §.
Dieux Je frémis épouvanté ...
Les fpectacles qu'offre la barre
Me font hair l'humanité.
Tout m'y retrace nos miſéres
Peres cruels , indignes fils ,
Epoux furieux , lâches freres,
Parents perfides , faux amis.
JUI N. 1748. 59
Affreux tableau qui m'humilie ;
Mon coeur en gémit abattu ;
De l'homme je vois la folię ,
Jamais témoin de ſa vertu .
Rempli de cette triſte image ;
En proye à de fombres vapeurs ,
Mon efprit devient dur , fauvage ,
Et je fens s'aigrir mes humeurs.
***
O toi , pour qui tient Uranie
Ses plus riches tréſors ouverts
Diffipe ma mifantropie
Par l'élégance de tes vers .
**
Peins- moi la folâtre ſageffe
Affe entre les jeux , les ris ;
Les doux écarts de la jeuneffe ,
Docile à la voix de Cypris.
J. Lacoffe fils.
A Dijon le 15 Mars 1748.
f
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE A M. *** fur les Coquillages
feffiles.
Left vrai , Monfieur , que de tous les
fentimens embraffés jufqu'aujourd'hui
par les Sçavans , fur l'origine des coquillages
foffiles , aucun n'eft pleinement fatisfaifant,
& que prefque tous font
tous font purement
fyftématiques. La décifion de cette belle
queftion répandroit unegrande lumiere fur
bien des points de phyfique. Mais comment
y parvenir ?
Nous fçavons que les plantes & les animaux
ne doivent pas habiter les entrailles
de la terre , & nous fommes furpris
avec raifon de les y rencontrer . Mais d'où
vient ne s'étonne-t- on pas de rencontrer
fur la furface de la terre des matieres minérales
, de l'or , du fer ? Pourquoi platôt
dans un lieu , que dans un autre ?
Si les fubftances métalliques doivent
par leur péfanteur ne fe trouver qu'à
des profondeurs confidérables , on peut
rechercher quelle eft la caufe qui les a
élevées & diftribuées inégalement fur la
furface & les regarder comme dépla
cées avec autant de raifon
quillages marins , les végétaux & animaux
>
» que
les coJUIN.
1748. 61
pétrifiés dans le fein de la terre , car fi
l'on dit que Dieu veut que tel pays ait
de l'or , tel da fer , tel de l'étain , on
peut dire auffi que Dieu vent que tel
pays ait des coquillages , que les minieres
de Fahlun dans la Touraine ont été créés
la commodité des Laboureurs. pour
Vous n'ignorez pas que fes coquilla
ges foffiles fe trouvent communément fur
les montagnes; pourquoi les fources d'eaux
minérales affectent- elles auffi les pays de
montagnes ? Combien n'en compte- t-on
pas dans l'Auvergne Cette Province en
contient feule prefqu'autant que toutes les
autres de cè Royaume.Ce pays, vous le fçavez
, eft des plus montueux, & on y trouve
beaucoup de coquillages.
La pofition de Bourbonne les Bains vers
fa fource de la Saone celle de Plom
bieres vers la fource de la Mofelle , méritent
attention . Elles font fituées vers le lieu
de la plus haute élévation, d'une longueur
de plus de deux cent lieues.
21 Of
Vous fçavez qu'aux portes de la ville de
Sées enNormandie il y a cinq à fixlieues de
coquillages marins. Examinez la pofition
de cette ville par rapport aux rivieres qur '
prennent leur fource dans fes environs.
Plus de douze rivieres indiquent qu'elle eft
vers le lieu le plus élevé du pays , qui peut
2
64 MERCURE DE FRANCE.
être ( à confulter la Carte de France de M.
de l'Ifle ) entre Mortagne & Moulins. A
quatre lieues de Mortagne , font les eaux
minérales de Bellême. A trois ou quatre
lieues de Bellême eft Nogent le Rotrou ,
oùse trouvent encore des coquillages. Sans
doute que la même Puiffance qui a élevé
le pays entre Sées & Nogent le Rotrou , a
répandu fur ces deux endroits les coquilla,
ges qu'on y voit.
Je pourrois vous citer encore les eaux
minérales de Néris en Bourbonnois , de Bagnieres
& de Barrége dans la Bigorre , &
quantité d'autres dont la pofition eft conforme
à celles des précédentes.
pas
A l'égard de celles dont la pofition n'eft
fi favorable , la qualité , la quantité , la
difpofition des matieres minérales dans
les entrailles de la terre , l'épaiffeur de
terre qu'elles ont à élever , peuvent varier
l'effet de ces mines , dont nous avons plu
feurs exemples,
Il peut le faire auffi que dans le grand
nombre defources d'eaux minérales , que
nous avons en France , les unes provien
nent de minéraux , qui ayant été enflammés
& continuant toujours à l'être , ont
produit des volcans telles font toutes.
les fources d'eaux minérales chaudes : d'autres
ont celle d'être volcans , la matiere,
JUIN. 1748.
63
3
; fulphureufe étant ou confumée ou éteinte
de ce nombre font les eaux minérales froides
, qui viennent des montagnes ou lieux
élevés ; d'autres enfin ne font point vol
cans , & ne l'ont jamais été ; leseaux miné-
Tales froides qu'on trouve en fouillant dans
Les lieux bas , qui ont été autrefois le lit de
la mer & n'ont jamais changé de po
fiation , font celles que je mets dans cette
troifiéme claffe. Telle , par exemple , l'eau
minérale qu'on trouva , lorfqu'on creufa
en 1745 dans la Place de Beauvais , pour
conftruire une Fontaine publique , car , à
vûe de pays , Fe lit de la mer à Dieppe
n'eft pas beaucoup plus bas que les lieux
les plus profonds de nos marais. Suivant
le témoignage de quelques perfonnes , il
y a des endroits dont on ne trouve point le
fond
Je ne doute pas , Monfieur , que la plû
part des mines ne pûffent fournir de nou
velles preuves de l'origine des montagnes ,
par l'action d'un feu fouterrain , foit par
leur pofition , foir par des corps dont
l'altération ne peut s'attribuer qu'à ce
feu.
L'or que les François rapportent du
Sénégal , & dont ils ont cherché le lieu
natal avec des peines & des fatigués incroyables
, en remontant plus de trois
64 MERCURE DE FRANCE.
cent lieues la riviere vers la fource , de
laquelle ils efpéroient le trouver ; cet or ,
l'idole des humains , & le plus péfant de
tous les métaux , doit être plus près du
centre par fa pofition naturelle , que tous
les autres. Il a fans doute fallu une puiffance
d'une grande énergie , pour l'élever à
la furface de la terre. Cette puiffance ne
pouvoit manquer d'élever une furieuſe
croute de terre au-deffus du niveau des
eaux. En un mot , les mines d'or ( fi les
montagnes font produites par le feu fou
terrain ) doivent fe trouver vers la partie
la plus élevée d'un pays extrémement
étendu. Et ce qu'on nous apprend de la
pofition de l'or du Sénégal , prouve affés
que les faits s'accordent avec les caufes
qu'on leur attribue. Vous comprenez bien
que je ne prétens parler ici que de mines
extrémement riches & abondantes ,
comme font celles de Tombuto en Affri
que , fuivant le récit des voyageurs. Je
n'ignore pas qu'en France grand nom
bre de rivieres font auriferes. Le célebre
M. de Reaumur en indique la plupart dans
un Mémoire qui fe voit parmi ceux de l'Académie
des Sciences. Ĉer or vient de la
fource de ces rivieres , & par conféquent
des
montagnes.
Je conviens avec vous que l'époque de
JUIN.
1748 ཙ
tous ces évenemens eft embarraſſante , mais
l'obfcurité des dattes ne détruit pas la réa
lité des faits. Si j'apperçois fur le rivage
d'un pays inconnu des traces d'hommes
d'éléphans , je peux conclure que des hom
mes ou des éléphans y ont paffé , quoique
j'ignore en quel tems .
La foi ne nous oblige point à croire que
Ja terre a été partagée dès le moment de la
création en continents , ifles , prefqu'ifles ,
comme elle eft aujourd'hui.Des faits, qui ne
font pas fort reculés , nous convainquent
u contraire , & prouvent qu'il a pû s'y
faire des changemens notables . Ces faits, à
la vérité font en petit nombre , & s'ils n'ont
pas été plus communs dans les fiécles les
plus reculés , que dans les derniers dont
T'hiftoire nous a tranfmis les évenemens , il
faudroit admettre dans le monde plus d'antiquité
que la foi ne le permet , pour con
ferver ce fyftême. Il eftdonc néceffaire que
la plupart des montagnes , des ifles , des
continents d'aujourd'hui , ayent pris la for
me qu'ils ont , par quelqu'évenement fine
gulier , à peu près dans le même tems .
Le déluge auquel grand nombre de Phy
ficiens attribue la caufe de la difperfion
des coquillages marins dans prefque tou
tes les parties du monde , ne peut- il pas
avoir occafionné le jeu des mines fou-
3
66 MERCURE DE FRANCE.
terraines , & changé tout-à-fait la carte ?
Suivant la Genefe , les eaux ont furpaſſé
de quinze coudées les plus hautes montagnes.
Quelque hauteur que vous donniez
à ces plus hautes montagnes , de quel
poids immenfe la terre n'a-t - elle pas été
chargée dans toute fa furface : Ces eaux ,
devant fe mettre néceffairement deniveau,
ont dû charger confidérablement davantage
le lit de la mer que le fommer
des montagnes . Le feu fouterrain a dŵ
recevoir une augmentation prodigieufe.
Sed feire eft , ( dit Boerhaave t. 1 , p. 256
Element. Chymia ) folo tritu denfati aeris ,
in imis telluris , fine alio aere , fine ullo
pabulo , ignem hunc parari confervari
poffe. Et plus bas certè in profundiffimis
infima ita premuntur ab immani incumbentium
pondere , ut attritus minimi faciant calores
maximos.
On á reconnu par des obfervations exactes
qu'en creufant la terre perpendiculairement
à l'horifon ; on parvient d'abord à
des lieux dont la chaleur eft telle en toutes
faifons , que l'eau ne s'y peut congéler ;
lorfqu'on continue toujours à foüir , on
parvient enfin à des profondeurs , dont la
chaleur eft fi exceffive , qu'il eft impoffible
de la
fupporter
.
Des obfervations précédentes on doit
sonclure
JAU IN. 1748. 87
=
10.Que le déluge a dû caufer en plufieurs
parties du monde des
volcans
par l'augmentation
du feu central , dont l'action a été
élevée au- delà de fes limites ordinaires , la
preffion réciproque des parties de notre
globe étant augmentée par le poids immenfe
les eaux du déluge.
20. Que ces volcans ont formé la plupart
de nos montagnes , & prefque toutes cel
les fur lesquelles , ou aux environs defquelles
on trouve des coquillages marins
ainfi que grand nombre de mines de différens
métaux.
3 °. Qu'avant & depuis le déluge , jufques
dans ces derniers fiécles , quelques
montagnes ou ifles ont pû être formées de
la même maniere , mais en petit nombre
, n'y ayant pas eû de caufe générale
& univerfelle , qui put faire naître à la
fois tant de bouleverfemens dans notre
globe.
Vous voyez , Monfieur , que je tâche
de me rapprocher de votre fentiment , le
plus qu'il m'eft poffible . Faites autant de
chemin vers le mien , & ne me refufez
grace de me mettre au nombre de vos
amis , étant très- parfaitement , &c.
la
J. F. D. Médecin
A Beauvais le 25 Avril,
pas
38 MERCURE DE FRANCE:
EPITRE
A M. Prieur fur mon départ de Blois.
R
İen n'eſt plus vrai ; mon ſiniſtre départ
Me plonge , ami , dans une létargie ,
Qui de ma verve étouffant l'énergie ,
Eteint le feu qu'Apollon me départ ;
Ma muſe eſt molle , & fes doigts , en écharpe }
Ne pincent plus les cordes de fa harpe.
Las ! tu le fçais ; quels fons mélodieux
N'enfantoit pas l'effor de mion génie
Sur le trépied , quand j'invoquois les Dieur
Qui me parloient par la voix de Junie !
Tu la connois , le tems paffe fa faulx
A peine encor fur fon quadruple luftre ;
Jà là voit-on des Daciers , des Saphos ,
Près des Beaux- Arts prendre la place illuftre ?
Ah ! que Pallas artiftement conduit
Sur fon papier ſa plume épiftolaire ;
Jamais Nafon d'une main plus légere
De fes rouleaux ne crayonnoit l'enduit.
Combien de fois ma Minerve flatée ,
A- t'elle , ami , tracé fous fa dictée
JUIN.
1748 .
Ces tendres vers où le fexe Blaifois
De Cupidon épuiſoit le carquois ,
Où je chantois les charmes d'une ville ;
Qui teinte encor des façons de la Cour ,
Qui fi long-tems y fixa fon féjour ;
Noble en fes airs , prévenante , civile ,
Aux étrangers offre un abord facile ?
Heureuſe enceinte , attirante Cité ,
Où la franchiſe a marqué fon azile ,
Où regne en tout la noble liberté ,
Qui fur les pas méne l'urbanité !
C'est dans ces lieux qu'en rimes libertines
Je décrivois ces fictions badines
Où jeune fils alloit fous le rideau
Çeindre aux époux le grotefque bandeau,
Mais à préfent qu'éloigné de leurs rives ,
Je ne fens plus ces exhalaifons vives ,
Qui bouillonnant au creufet de mes vers ,
Alloient former leur falpêtre divers,
Je ne puis plus égayer une ftrophe ,
Dans mon efprit devenu philofophe ;
Je vais chés Lox ,une fonde à la main ,
Du coeur de l'homme entamer l'examen ,
Et des mortels épluchant la conduite ,
Pleurer fur eux en moderne Héraclite ,
70
MERCURE
DE FRANCE
.
Mais fur ce ton pourquoi philofopher
On me remet un billet de Junie ,
Qui diffipant mon humeur rembrunie ,
Sçait de mon flegme à l'inftant triompher.
Adieu , Prieur , pour répondre à ſa lettre ,
J'y vais puifer l'efprit qu'elle y fçait mettre.
LETTRE à M………. H……… : Docteur en
Théologie à Angers, Par M. F ...
I les grands hommes , Monfieur , trouvent
une récompenfe mondaine de
leurs vertus dans les écrits de ceux qui
veulent bien fe donner la peine de confacrer
leurs hiftoires à la poftérité , ceux
qui fe font diftingués par des crimes fameux,
y trouvent le châtiment temporel de
leurs forfaits , dont ces mêmes Hiftoriens
ne font la peinture , que pour en infinuer
l'horreur qu'ils méritent.
C'est pour cette raifon que l'Hiſtoire
eft une leçon perpétuelle , non - feulement
pour les Princes , les grands Capitaines
& les principaux Miniftres d'Etat , mais
même pour les perfonnes les plus médiocres
, qui peuvent , chacun dans leur con
dition , y puifer des inftructions d'autant
JUIN. 1745. 71
par plus aifées , qu'elles s'y introduifent
des peintures touchantes & par des récits
agréables , mais le Lecteur en titeroit peu
de profit , fi l'Hiftorien ne s'attachoit à
décrire les motifs fecrets , & les raiſons
intérieures qui ont fait agir les grands
hommes.
C'est ce que Tacite a fait avec un art
admirable , & s'il avoit pû joindre à fes
pénétrations politiques le tour ailé de
Salufte & la politeffe de Thucidide , nous
aurions un modele achevé de la perfection
de l'Hiftoire , au lieu que nous trouvons
très- peu d'Ecrivains qui méritent véritablement
le nom de bons Hiftoriens , car
les uns font un récit tout fec & tout nud
des actions qui fervent de matiere à leurs
Hiftoires, les autres, comme la plupart des
Grecs ne s'attachent qu'à remplir leurs
volumes de paroles vaines & de périodes
figurées ; d'autres font toujours dans la
déclamation & dans le ftyle d'Orateur ;
d'autres , qui s'imaginent qu'un gros livre
fait un grand Auteur , prolongent & fur
chargent leurs ouvrages d'une infinité de
bagatelles mêlées , & d'inutiles pensées qui
rompent le fil effentiel de leur Hiftoire
& d'autres enfin quittent la vérité , qui
eft l'ame de ce genre d'écrire , dans l'efpérance
de fe rendre plus agréables par
•
72 MERCURE DEFRANCE.
des fictions qui augmentent la furpriſe &
l'admiration .
Il n'eft pas facile d'éviter tous ces défauts
, & de trouver le fecret d'être bref
fans obfcurité , familier fans baffeffe , élevé
fans affectation , exact fans inutilités , éloquent
fans figures , politique fans erreurs,
& peintre fans fictions , & avec toutes
ces qualités , de ne s'égarer jamais de la
vérité , qui eſt la baſe de l'Hiftoire ; c'eſt
par-là qu'on pourroit arriver au point de
parfait Hiftorien, & l'on y arriveroit, fans
doute , fi l'on raffembloit , comme je l'ai
dit , tout ce que Thucidide , Tacite & Sa
lufte ont eû de bon , & qu'on tâchât d'éviter
quelques fautes dans lefquelles ils font
tombés.
Cependant , quaique la vérité foit l'ame
& la propre effence de l'Hiftoire , il eft
extrêmement difficile que le portrait des
hommes qui fe font diftingués par leurs
vertus ou par leurs crimes , paffe à la
poftérité avec des traits entierement fi
déles , car fi leur Hiftoire eft compofée
par des contemporains , la flaterie de ceux
qui écrivent par intérêt , ou l'animofité des
autres, qui ont pris un parti contraire, apporte
toujours quelque déguiſement à la
vérité , dont le caractére eft d'être toujours
Gimple & pur.
Si
JUIN. 1748. 73
Si l'Hiftoire eft retracée par ceux qui
viyent dans les fiécles fuivans comme
ils n'y apportent rien d'eux- mêmes , que
leurs paroles , le tour qu'ils lui donnent
leurs réflexions toujours conformes à leurs
propres génies , & le difcernement de
ce qu'ils doivent prendre ou laiffer dans
les écrits de ceux qui les ont précédés ,
jamais ils ne peuvent atteindre ni prétendre
à la créance qu'on doit avoir pour
un témoin oculaire , & quoiqu'une flaterie
intéreffée ou une haine vangereffe ne
conduife pas leur plume , comme elle conduit
celle des contemporains , l'éloignement
des faits qu'ils écrivent fuffic
pour leur faire prendre le change dans les
traits de vice ou de vertu qu'ils veulent
donner aux tableaux de ceux dont ils
parlent
, & s'ils n'ont un jugement bien folide
, pour démêler entre le flateur adroit
& l'ennemi malin la pure vérité, ils ne font
plus que de mal-adroits copiſtes d'un tableau
qui n'a point reffemblé.
"
Combien d'Hiftoriens, qui ont écrit avec
beaucoup d'éloquence & d'érudition , fe
font laiffés emporter par la trop vive chaleur
qu'ils ont eûe pour l'un ou pour l'au
tre des partis qu'ils vouloient favorifer
& qu'elle fouvent écartés de la vérité ,
non pas dans la defcription des évenemens
11. Vol.
D -
( ..
74 MERCURE DE FRANCE,
principaux qu'ils n'ont pû déguifer , mais
dans les circonftances particulieres , & dans"
les motifs qui prefque toujours déterminent
la louange ou le blâme qu'on donne
aux actions !
Les véritables Ecrivains doivent faire
tous leurs efforts pour s'éloigner , autant '
qu'ils peuvent , des défauts qui les choquent
dans plufieurs ; ils doivent particulierement
s'attacher à deux chofes prin-'
cipales ; Tune à démêler entre tous ces
Auteurs qui ont eû des fentimens & des
intérêts oppofés ce qui , tant par leur
jugement , que par le fecours de plufieurs
Mémoires particuliers , leur paroît le plus
conforme à la vérité , dont aucune flaterie
ni aucune animofité ne les peut écarter
; & l'autre à pénétrer, autant qu'il leur
eft poffible, les motifs de ceux qui ont agr ,
pour donner aux circonftances particulieres
de leurs actions leurs véritables couleurs
, & former dans l'efprit du lecteur
une idée fincere des caracteres finguliers
de ceux dont ils parlent , puifqu'il n'y
a rien qui nous anime plus à la vertu
ou qui nous retire mieux du vice , que
de voir dans la peinture d'autrui , comme
dans un miroir, nos propres traits , & le bon
ou mauvais fuccès qu'ont eû des inclinations
pareilles aux nôtres.
JUIN. 1748.- 75
De-là n'avouerez- vous pas avec moi ,
Monfieur , qu'il n'eft rien qui puiffe contribuer
davantage à la perfection d'un
Hiftorien , que ces deux principes fidélement
obfervés , mais fouvent négligés .
C'eft votre profonde érudition , ce font
les belles connoiffances dont vous êtes
orné , qui m'ont déterminé à faire ces
remarques , & à vous les adreffer dans cette
lettre , qui doit vous convaincre de la fincere
amitié avec laquelle j'ai l'honneur d'être
, & c.
F. A Angers ce 28 Août 1747.
Dཀྱ :9 གུ
EPITRE
A M. le Thuillier , Docteur en Médecine
faite par un pauvre Diable in extremis.
C'Eft à toi , fameux Efculape ,
Qu'un fils d'Apollon a recours ,
Prêt à plonger fous cette trappe
Où l'on s'abîme pour toujours ,
Si lui créant de nouveaux jours
Ton art puiffant ne le réchappe.
Sur un grabat de maux jonché ,
Dij
76 MERCURE DE FRANCE:.
Le pauvre Poëte attaché ,
Travaille , fue & fe démene ,
En proye à ces monftres divers
Qu'on voit dans ce trifte Univers
Tourmentant notre efpece humaine ,
Et qui par toi font abattus
Tout auffi -tôt que combattus :
Car qui ne fçait qu'à ton approche ,
Il n'eft de poulx précipité ;
Battant mefure à triple croche ,
Quipar ta magie enchanté ,
Ne reprenne un pas de fanté ?
Quel mal a jamais réſiſté
Aux traits certains que lui décoche
Ton art par tout Paris vanté ?
J'ai fiévre étique , poulmonie ,
Afthme , fatiguante infomnie ,
Mais euflai-je pis que cela ,
N'eft mal ençuiraſſé qui tienne ,
Quand tu m'auras chanté l'antienne
Tollegrabatum ; ambula.
Viens donc prononcer tes oracles ,
Thuillier, fur mon état cruel ;
Il n'eft perfonne fous le Ciel
Qui croye plus à tes miracles.
Si dans mon fang demi diffous ,
JUIN. 1748. 77
Remettant un jufte équilibre ,
Pat toi ma fiévre a le deffous ,
C'est alors que ma veine libre ,
Mieux qu'en ce jour , à l'Univers
Dira ton utile ſcience ;
La fiévre me dicta ces vers
Ce fera la reconnoiffance .
***************
DISCOURS prononcé par M. de Pouilly,
Lieutenant des habitans de la ville de
Reims , à la rénovation des Officiers , le
6.Mars 1748.
V
vous
Ous touchez , Meffieurs , à l'éve
nement que j'ai eû l'honneur de
annoncer l'année derniere ; une eau falutaire
va couler dans vos places publiques
, & ce bien que vous étiez dans
l'impuiffance de vous procurer , que vous
aviez crû ne pouvoir obtenir que de la
magnificence de nos Rois , ce bien fi grand
& fi précieux , eft le préfent d'un de vos
citoyens , citoyen dont la patrie dans toute
la fuite des fiécles fera remplie d'autant
de Hérauts qui publieront fa gloire , qu'elle
contiendra d'habitans qui lui devront la
fanté.
Ce n'eft pas affés pour votre Sénat ,
D iij
78 MERCURE DE FRANCE:
Meffieurs , que par cet infigne bienfait ,
P'un de fes membres tariffe dans l'enceinte
de vos murs une fource fatale des maladies
les plus cruelles ; ce qui furpaffoit
votre efpérance ne borne point nos défirs
. Votre bonheur entier pourroit ſeul
les remplir , mais par quelles voyes pourrions-
nous parvenir à vous le procurer ;
quel deffein pourrions- nous former qui répondît
à l'étendue de nos voeux ?
Qfons cependant , Meffieurs , dans le
cercle étroit où nous fommes renfermés ,
ofons faire éclater un grand zèle à l'exemple
de la nature , qui dans les moindres
de fes ouvrages fait briller une attention
bienfaifante.
Qui , Meffieurs , malgré les bornes que
la fortune a mifes à votre pouvoir , vous
êtes les maîtres de vous ouvrir , par les
reffources de l'induftrie & du génie , des
routes à la richeffe , à la confidération ,
à la félicité ; vous le pouvez , & j'en
attefte les mânes du grand Colbert votre
illuftre compatriote , celui de tous nos
Miniftres qui auroit à plus jufte titre ob
tenu des Autels , fi la seconnoiffance des
peuples en érigeoit encore à la mémoire
de leurs bienfaiteurs. Ce grand homme ;
auffi ardent qu'ingénieux à travailler au
bonheur de la Nation , n'a point vê de
JUIN. 79 1748.
#
moyen plus für pour y réuffir, que d'y faire
fleurir les Arts les Manufactures
& les
Sciences.
J'ai déja eû l'honneur de vous tracer
ici une légere efquiffe de nos vûës ; elle
a paru obtenir vos fuffrages ; permetezmoi
d'y ajouter aujourd'hui de nouveaux
traits , & de faire enforte , s'il m'eft poflible
, que dans le concert Alateur que forment
les approbations dont vous voulez
bien honorer ce projet , il n'y ait pas même
une feule voix difcordante qui en trouble
l'harmonie.
la
Ne croyons pas ,
Meffieurs , que
fortune foit la feule difpenfatrice des richeffes
: l'induftrie partage cet honneur
avec elle. Tous les riches font fes tributaires
; ils femblent n'être que les dépofitaires
de les biens , toujours prêts à
des lui remettre , pour recevoir d'elle en
échange fes differentes
productions
; la
faire éclore , la favorifer , la mettre à portée
de prendre toutes fortes de formes ,
c'eft ouvrir une mine cent fois plus précieuſe
que celles du nouveau Monde ; mice
que le tems n'épuife point , dont les frais
n'abforbent
pas le produit , & dont les
fruits ne font point ternis par les larmes
d'une multitude de malheureux.
….. Or , Meffieurs , pour éclairer l'industrie,
D iiij .
80 MERCURE DE FRANCE.
les Mathématiques & l'art du Deffein , four
les deux flambeaux qu'il faut allumer ;
c'eft à la faveur de leur lumiere bienfaifante
qu'elle enfante tous fes miracles
foit qu'elle nous étonne par la difficulté
& par l'utilité des ouvrages qu'elle éxécute
, foit qu'elle nous charme par l'agré
ment & par la beauté des ſpectacles qu'elle
nous offre.
Chés des peuples groffiers un morceau
de toile & un bloc de pierre ne
font que des matieres viles & informes ;
ils deviendront dans les mains d'un grand
Artifte plus précieux que l'or même ; ils
embelliront les plus fuperbes. Palais , & feront
l'objet de la recherche empreffée des
Grands & des Souverains.
Ici une main guidée par la Géométrie
trace quelques lignes , & des maffes énor-.
mes de pierre fembleront fufpendues dans
les airs.
Là , des roues , des vis , des manivelles
mifes en oeuvre par la méchanique ou par
l'hydraulique , exécutent fans peine ce qui
auroit été impoffible à tous les efforts de
mille bras réunis.
Ailleurs , des Artifans groffiers font un
rableau charmant d'un titlu de laine ou
de foye , inftrumens aveugles de l'intel
ligence cachée du Machinifte & du Deflinateur.
JUIN. Sr
1748 .
A quel dégré de perfection , Meffieurs ,
votre Manufacture déja fi florillante , ne
pourra-t-elle point s'élever par l'établiffement
que nous vous propofons ? Quel
encouragement pour fes travaux , que la
perfpective flateufe de pouvoir devenir par
fes ouvrages mêlés de foye & de laine
rivale de cette Manufacture célebre , qui
doit à l'art du Deffein , l'avantage qu'elle a
d'effacer par fes étoffes de foye toutes les
Manufactures de l'Europe !
A quelle fortune ne pourront point
parvenir ceux de vos concitoyens , que
la voix de la nature , l'infpiration fecrette
de leurs talens , appellera à cultiver les
BeauxArts ! Ils n'auront point à lutter con-
Ire les obftacles que fait toujours naître le
manque d'encouragement ou d'inftruction,
& ils trouveront dans le fein de leur
patrie
des fecours favorables , qui dès lear
tendre jeuneffe développeront toute l'érendue
de leur intelligence & en animeront
tous les refforts .
De tous les ouvriers qui travaillent fur
le bois , fur la pierre , fur le gazon , fur
les métaux , en fera-t-il aucun qui joignant
à d'heureufes difpofitions une théorie fçavante
, ne rendra fes travaux plus utiles à la
fociété , & ne s'ouvrira un chemin plus facile
à la fortune ?
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
Enfin quel avantage pour votre ville ,
fi devenue comme un centre de lumiere
qui attire tous les jeunes Artiftes , ils vien
nent en foule des Provinces & des Nations
voifines lui payer par leur féjour une forte
de tribut !
La confidération he marche pas moins
que les richeffes à la fuite de l'induſtrie
& des talens ; c'eft un hommage que nous
rendons à ceux qui raffemblent dans leur
perfonne la puiffance & la volonté de
contribuer à la félicité publique ; ces deux
qualités réunies nous préfentent une image
de la Divinité- & s'attirent une forte d'adoration
; elles fe montrent avec éclat
dans la plupart de ceux qui difpenfent aux
autres hommes les tréfors des Sciences &
des beaux Arts .
Si de grands Capitaines défendent nos
Provinces , de grands Artiftes les embel
liffent ; ceux-là nous garantiffent des horreurs
de la guerre , ceux-ci nous font jouir
des agrémens de la paix . Jettez les yeux ,
Meffieurs , fur le Temple de la gloire ,
Vous y verrez à côté des Scipions & des
Turennes , les Phidias , les Archimedes
& les Raphaels ; on a vu des villes leur
préparer des entrées triomphantes , & céfebrer
leur préfence par des Fêtes publi
ques ; on a vû des Papes , des EmpeJUIN.
1748. 53
reurs , des Rois , les honorer d'une tendre
amitié , les combler de leurs faveurs >>
deur rendre dans la maladie tous les devoirs
qu'on rend aux perfonnes les plus
cheres , & recueillir en pleurant leurs
derniers foupirs. Eh . ! Comment ne refpecterions-
nous point ceux qui fe fignalent
dans les Sciences & dans les beaux
Arts ? Lå nature , fi elle avoit cette faculté
de fentir qu'une Philofophie fuperftitieuſe
lui a quelquefois attribuée , la nature entiere
les refpecteroit fans doute elle- même,
étonnée de fe voir pénétrée par leur recherche,
égalée par leur pinceau , maîtrisée par
leur induftric.
Tous les Artiftes illuftres qui fortiront
de vos Ecoles , feront rejaillir fur votre
patrie , Meffieurs , l'éclat dont ils lui feront
redevables ; ainfi brilloir Athenes de
toure la gloire des grands hommes qu'elle
avoit formés dans fon fein ; quel fruit
n'en recueilloit- elle point ! Les Princes les
plus puiffans s'empreffoient à l'envi de lui
donner des gages éclatans de leur eftime, ja.
loux de s'illuftrer par l'hommage qu'ils rendoient
aux beaux Arts .
Or ; Meffieurs , s'il eft une ville à
qui une grande confidération puiffe procurer
de grands avantages , c'eft fans doute
la vôtre, l'objet privilégié des premieres fayeurs
de nos Rois. D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
Je viens , Meffieurs , en vous montrant
Athenes , de vous préfenter le modéle le
plus brillant ; dois-je craindre qu'il vous
éblouiffe par fa fplendeur ? Mais pourquoi
renonceriez vous à l'efpoir d'en approcher
? Il ne faut fouvent pour exécuter
les plus grandes chofes , que les entrepren
dre avec un grand courage.
Ces peuples qui fe font rendus fi illuftres
par leurs progrès . dans les Arts &
dans les Sciences , reffemblent à ces Acuves
, qui prêts de porter leur tribur à l'Océan
, roulent majestueufement leurs flots ,
& qui dans la plus grande partie de leurs
cours , n'ont été que de foibles ruiffeaux ;
obfervons les moyens qu'ils ont employés
avec fuccès pour parvenir à cette illuftration
, & effayons de fuivre la route qu'ils
nous ont tracée :
Si nous n'avons pas l'avantage d'aller aufli
loin qu'eux , nous aurons du moins celui
de marcher fur un chemin femé de fleurs ,
& de pouvoir jouir de la félicité , autant
que le permet la foibleffe de notre condition.
Félicité Objet de nos voeux les plus
ardents , qui femblez nous fuir à mefure
que nous vous approchons , ne feriez-
vous qu'un phantôme brillant deſtiné
à enflâmer nos défirs , plutôt qu'à les faJUIN.
1748. 85
•
tisfaire ? Par quel art au milieu des maux
qui nous affiégent , pourrons-nous nous
former une chaîne continue de plaiſirs ,
affés variés pour ne point devenir infipides
, affés indépendans pour ne point
nous être enlevés , affés purs pour n'etre
point empoisonnés par des reproches
fecrets ? Adreffons- nous , Meffieurs , pour
former cet heureux titfu , adreffons - nous
principalement aux Sciences & aux Reaux
"Arts ; les plaifirs qu'ils nous offrent s'alfortiffent
avec toutes nos fituations , & fe
diverfifient au gré de nos défirs ; ils ne
fontpoint à la merci d'une puiflance étrangere
; ni l'injuftice de la fortune , ni le
caprice d'autrui ne peuvent nous les enlever
; ils naiffent dans le fein même de
nos propres facultés : enfin loin de dégrader
& d'avilir notre être , ils l'élevent
& l'aggrandiffent ; loin de porter le trouble
dans la fociété , ils en font le lien , le tréfor,
l'ornement & la gloire.
Telle eft la condition de la plupart des
hommes ; ceux qui font affranchis du travail
, languiffent dans l'inaction ; leur vie
eft furchargée d'ennui ; elle eût été une
fuite de fentimens agréables , fi les Sciences
& les Beaux Arts euffent développé en
eux tous les germes précieux , que le défaut
de culture y a laiffé périr .
86 MERCURE DE FRANCE.
Me feroit- il permis , Meffieurs , pour
exprimer cette vérité importante , d'emprunter
de nos anciens Romans une de
ces peintures frivoles , mais riantes , qui
faifoient les délices de nos ancêtres ? Des
Héros qu'un enchanteur ennemi avoit
plongés dans un fommeil léthargique , un
enchanteur favorable les en tire , leur
procure une fociété délicieufe , & raffemble
pour eux de toutes parts une foule
d'objets agréables ; ces chimeres brillantes
femblent être le fidéle tableau de la
vertu magique , que les Sciences & les
Beaux Arts exercent en notre faveur ; ils
nous arrachent à une forte de fommeil
où l'Univers étoit anéanti pour nous , ils .
font revivre les plus grands hommes de
l'antiquité , pour nous faire jouir des charmes
de leur commerce , ils nous font entrer
en poffeffion de tous les lieux, de tous
les tems , de toutes nos facultés , de toute la
nature .
De quel mérite ne doit pas être à vos
yeux un établiſſement qui deviendra pour
vos compatriotes une fource toujours ouverte
des plaifirs les plus purs, les plus précieux
& les plus nobles !
Mais pour réalifer le fpectacle que j'é
tale à votre imagination , il faudroit peutêtre
divertir une portion confidérable du
JUIN. 1748 . 87
patrimoine public , ou furcharger le peuple
de quelque impofition odieufe ; non ,
Meffieurs , votre Sénat trouvera des fonds.
fuffifans pour l'exécution de ce deffein dans
fon économie , dans la fage adminiſtration
de vos finances , dans les fecours gé
néreux de vos concitoyens ; enfin dans
la location des fanges de vos rues abandonnées
jufqu'à ce jour à un peuple de
jeunes fainéans que reclamoit en vain vo
tre Manufacture ; & par l'heureux ufage
de cette nouvelle portion de vos finances
, nous imiterons en quelque forte la
Chymie , qui des matieres les plus viles
fait fortir les phofphores les plus brillans.
C'eft à la faveur de ces differentes reffources,
Meffieurs,que nous ofons vous promettre
un établiſſement capable de faire Aleurir
parmi vous les Arts , les Manufactures
& les Sciences , & pour garant de cette
promeffe , nous vous préfentons ce Corps
illuftre , la demeure éternelle des Génies
qui ont animé les l'Hopitals, les Leibnits &
les Newtons .
Ces hommes de qui les Sciences & les
Arts empruntent la voix pour prononcer
leurs Oracles , applaudiffent à votre projet
, veulent bien fe l'approprier , en prendre
la direction , & s'affocier à votre Sé→
88 MERCURE DE FRANCE.
nat pour donner aux Ecoles, qui feront fous
leur dépendance , toute la perfection dont
elles feront fufceptibles.
•
Que ne devons-nous point efpérer d'une
affociation fi fateufe ? Ne marquons aucune
borne aux avantages qu'elle nous
promet. Si le partage de nos Rois eft
de triompher de l'injuſtice par la force de
leurs armes , ils vous autorifent , Meffieurs,
à triompher de l'ignorance par la fagelſe
de vos établiffemens. Pourfuivez dans tous
fes retranchemens cette ennemie redoutable
du genre humain ; qu'il n'y ait aucun
genre de connoiffance , qui n'ait ici
des Miniftres pour en dévoiler les myfteres
les plus fecrets ; & plus fages que
-ces peuples qui confacroient à des objets
de leur fuperftition , les lieux deftinés à leurs
affemblées ; faites de votre Hôtel de Ville ,
le Sanctuaire des Sciences & des Beaux
Arts.
JUIN. 1748. S
洗洗洗洗洗洗洗洗求求求求求求难
O D E.
Tirée du Pfeaume XXIV: Domine ad
te levavi animam meam , &c.
S Eigneur , vers toi mon ame éleve ſa penſée
Un espoir trop flateur m'auroit - il abufé
D'odieux ennemis fans ceffe méprifé ,
Quand verrai je, grand Dieu , leur fureur terraffée
Aux criminels complots de leur haine infenfée
Serai je toujours expoſé ?
**
Non , les humains pour toi remplis de confiance ; •
N'en éprouveront point un honteux, repentir ;
Leur espoir ne pourra jamais le démentir ;
Ils recevront le prix de leur perfévérance ,
Ét des piéges dreffés contre leur innocence
Ton bras fçaura les garantir.
+3x+
Toi- même guide- moi dans ce féjour propice ,
Où d'une faintejoye éclatent les tranſports ;
De ta grace divine ouvre- moi les tréfors ,
Et détournant mes pas des vils fentiers du vice ,
Dans un coeur, trop long- tems foumis à l'injuftice,
Entretien d'utiles remords,
༡༠
90 MERCURE DE FRANCE.
Souviens- toi des bontés que ta main paternelle
Répandit de tout tems fut les humbles pécheurs.
Accorde moi l'oubli de mes jeunes erreurs ;
Ah ! fi mon ame fut à tes loix infidelle ,
Par fon retour fincere aujourd'hui ne peut- elle
Défarmer tes juftes rigueurs ?
**
Oiii , l'Eternel fans doute écoutera mes plaintes
Des hommes pénitens il foulage l'ennui
Par de fréquens fécours il les rappelle à lui ,
De la compaffion il reffent les atteintes ,
Et n'inſpire à leurs coeurs de falutaires craintes,
Qu'afin d'en devenir Pappui.
炒菜
Les mortels dont l'efpoir réfide en ta fageffe ,
Vainement agités de malheurs paffagers ,
N'imploreront jamais des fecours étrangers.
Ton coeur ,GrandDieu, d'un pere éprouvant la tendreffe
,
Ecartera loin d'eux de l'humaine foibleffe
Les inévitables dangers..
***
Tes fentiers,Dieu Puiffant,font la clémence même;
Tu fçais à nos befoins méfurer, tes bienfaits ,
Eu j'en reffens déja les généreux effets .
Mon crime eft effacé par mon regret extrême ,
JUIN. 1748.
Et l'excès inoti de ta bonté fuprême
Paffe l'excès de mes forfaits .
**
I
Heureux qui du Seigneur reconnoiffant l'Empire,
Poffede un coeur docile à.pratiquer fes loix !
Du chemin qu'il doit fuivre il fçaura faire choix ;
Les folles voluptés ne pourront le féduire ;
Ami de la vertu , le jufte ne refpire
Que pour en défendre les droits,
+3
Ce Dieu prompt à punir l'ingrat qui l'abandonne,
Révele fes fecrets aux timides mortels ,
Qui d'une main tremblante encenſent ſes Autels;
Padoucit leurs foins par la paix qu'il leur donne,
En attendant qu'un four au Ciel il les couronne
Par des triomphes éternels.
***
Ainfi l'homme fidéle à marcher fur les traces ,
Vivra tranquillement juſqu'au jour bienheureux
Qui viendra le rejoindre à l'objet de ſes voeux.
De l'Ange impur alors dédaignant les menaces,
Au nombre des Elus il jouira des graces
Et des biens réſervés pour eux.
Benis donc déformais ma conduite nouvelle
91 MERCURE DE FRANCE :
Fais briller ta lumiere à mes voeux fatisfaits ; *
Daigne ajoûter , Seigneur , ce comble à mes fou
haits ,
Et dérobe mes jours à la foule rebelle
Des ennemis jaloux dont la rage cruelle
Me prépare de nouveaux traits .
***+
Ne laiffe pas furtout profpérer leur malice
Quel triomphe pour eux , fi ta févérité
D'une douce efpérance envain m'avoit flaté!
A mon ame contrite épargne ce fupplice ,
Et qu'Ifraël vainqueur de leur lâche artifice
Retrouve en toi fa fûreté.
Par M. D .... 1748 .
LETTRE à l'Auteur du Mémoire inferé
dans le Mercurede France du mois de Févriér
, fur les avantages que l'on peut
retirer d'un nouveau Pouillé général du
Royaume.
JE- vous dois bien de la reconnoiffance ,
Monfieur , au fujet du Mémoire que
vous avez fait inférer dans le Mercure de
France du mois de Février ; je l'ai lû avec
un double plaifir , relativement au double
JUIN. 1743. 93.
avantage qui peut m'en revenir . Vous démontrez
l'utilité d'un Pouillé général du
Royaume , & par là vous difpofez le public
à faire un'accueil favorable à un ouvrage
dans le même genre , qui eft quafi
prêt à voir le jour , quand je dis , dans le
même genre, je ne prétens pas mettre mon
ouvrage en parallele avec le vôtre ; ce leroit
en moi un excès de préfomption & un
orgueil infupportable ; je n'eferois pas
même le parer du titre d'efquiffe ou d'effai
, à peine oferois - je l'appeller une ombre
bien foible , ou fi yous voulez , un
fquelette du vôtre. Tel qu'il eft je voulois
l'annoncer au public pour le preffentir ; je
m'apperçois que votre Mémoire a fait en
ma faveur tout l'effet que j'aurois pû fouhaiter
; me voilà donc difpenfé d'argumenter
plus long- tems les gens intéreffés .
pour leur faire recevoir mon Pouillé , &
deft-là , Monfieur , le premier motif de
ma reconnoiffance.
*
Le fecond n'eft pas moins important ; je
ne fuis pas juge compétant des belles chofes
, mais j'ai bien du plaifir à les admirer;
c'eft l'avantage que vous me procurerez
dans le Pouillé dont vous allez enrichir la
République des Lettres. Vos fçavantes recherches
vont mettre au grand jour mille
chofes intéreffantes que nos plus célebres
94 MERCURE DE FRANCE.
Hiftoriens n'ont fait voir qu'à travers d'é
pais nuages. Les rayons lumineux que
vous allez répandre dans votre ouvrage ,
vont diffiper,mieux que n'ont pû le faire les
critiques les plus judicieux , les ténebres,
qui nous ont caché jufqu'ici la fixation des
lieux marqués dans les anciens Itinéraires ,
des Romains dans les Gaules ; ils vont nous ,
faire connoître les lieux qui ont des origines
Celtiques ; ceux où le font paffés tels
& tels faits , de même que ceux où le font
tenus certains Conciles ; les véritables lieux
de certains Siéges Epifcopaux , détruits ou
transférés ; les actions , les voyages des
Saints , les tranflations de leurs Reliques ;
la patrie , la demeure , la fépulture de quelques
illuftres perfonnages , &c. Un état
des Bénéfices du Royaume, tel que celui - là,
fera un tréfer d'érudition dont la République
des Lettres fe félicite d'avance ; l'Etat
même & le Clergé y trouveront également
des avantages. Mais , Monfieur , il n'appartient
qu'aux fçavans du premier ordre .
tels que vous , d'inftruire les autres.
Pour moi , Monfieur , craignant une
chute funefte , je ne vole que terre-à terre;
je donne tout fimplement un état des Bénéfices
Confiftoriaux & de ceux qui font à leur
collation ou à leur préfentation , mais auffi
je n'écris que pour les Eccléfiaftiques
JUIN. 1748 95
prefque feuls intéreffés à la connoiffance
de cette forte d'ouvrage, & pour me mettre
à la portée du plus grand nombre , j'ai crû
devoir leur épargner la dépenſe en évitant
de multiplier les volumes . L'ordre que je
garde a parû affés clair aux perfonnes intelligentes
que j'ai confultées ; le voici à
peu près.
14
1. Je divife le Royaume en dix-huit
provinces Eccléfiaftiques ou Archevêchés ,
en fuivant l'ordre de leur érection .
2º . Dans chaque province je place d'abord
le Siége Métropolitain , & je donne
l'état des Bénéfices qui en dépendent , par .
lettres alphabétiques.
3º. Chaque Evêché eft placé immédiatement
après l'Archevêché dont il eft fuffragant
, felon l'ancienneté de fon érection
, & à la fuite de chaque Evêché , je
place l'état des Bénéfices qui en dépendent,
toujours par lettres alphabétiques .
4° . Les Abbayes , Prieurés & autres Bénéfices
de nomination Royale , feront placés
fous le titre des Evêchés dans lesquels
ils font enclavés , & à la fuite des Bénéfices
dépendans defdits Evêchés .
Quant aux Bénéfices qui font à la collation
ou à la préſentation des Titulaires des
Abbayes , Prieurés , &c. de nomination
Royale , ils feront placés immédiatement
96 MERCURE DE FRANCE.
après lefd. Abbayes , Prieurés , &c, & toujours
par lettres alphabétiques,
5. Autant qu'on le pourra , on marquera
le nom du Titulaire & le revenu de chaque
Bénéfice , felon la taxe en Cour de
Rome , pour ceux qui font taxés , & pour
les autres , on eft obligé de s'en rapporter
aux mémoires des Titulaires ou autres.
puiſſe
fai-
6º. On mettra à la tête de chaque Diocèle
uneCarte de fon étendue, la plus exacte
& la plus correcte qu'on pourra l'avoir,
7°. Pour la commodité de ceux qui ne
voudroient pas ou qui ne feroient
pas en
état de fe procurer l'ouvrage tout entier ,
on fera en forte que chaque Diocèfe puiffe
être diftribué féparément.
Voilà , Monfieur , tout ce que je peux
re pour le public. Ce travail , tout fimple
qu'il eft , ne laiffe pas de me coûter bien
des efforts & de la dépenfe ; heureufement
me voila prêt à enfanter ; trop heureux ſi
je remplis bien mon deffein , je me réferve
de vous donner une idée plus jufte & plus
étendue de mon Pouillé dans le Profpectus
que j'aurai l'honneur de préfenter au Clergé
de France. Je ſuis , Monfieur , bien fincerement
votre , & c,
ΑΜ,
JUIN. 1748. 197
CA
CANECANICжФZCZCTCDva
PIECE aufujet des derniers vers de l'illuftre
M. de Fontenelle fur fa vieilleffe.
L'Anacréon de Paris ,
Dont la brillante vieilleffe
Sçait mêler à la fageffe
L'aimable enjouement des ris
Et l'élégante fineffe
Des graces en cheveux gris ,
Loin de cette terre ingrate ,
Défireroit que le fort
L'eût fait naître Spartiate.
Sparte autrefois , dit- il , étoit un heureux port
Pour tous ces gens portant vieille cravatte
Et perruque de travers ,
Pour tous ces gens comptant de vieille datte
Le premier de leurs hyvers.
Sparte , azile heureux d'une tête chenuë ;
O Sparte , Sparte, hélas ! qu'êtes- vous devenuë
De ce pays
hiyanté
Je connois très peu la Carte ,
Mais je crois en vérité
Qu'un vieillard de fa trempe eût été mal à Sparted
Qu'auroient- ils fait de l'amant de Cypris ,
1. Vol E
98 MERCURE DE FRANCE.
Ces gens fi durs , fi peu nés pour les ris ?
N'étant chés eux qu'un vieillard reſpectable ,
Il eût perdu la moitié de fon prix ;
Pour être Fontenelle , il devoit être aimable ,
Voilà pourquoi les Dieux l'ont placé dans Paris,
E. F. P. B.
LETTRE à un Curé , voisin de Versailles,
aufujet du nouveau Calendrier Hiftorique
de l'Eglife de Paris.
I left d'ordinaire ,Monfieur ,
lorf- , que
que l'on veut examiner un livre , on
commence par les premieres pages. Vous
me traiterez de bizarre ou d'hétéroclite ,
ou comme vous voudrez , en me voyant
commencer par la fin , l'examen de celui
dont j'ai deffein de vous entretenir.
Je veux parler du Calendrier Hiftorique &
Chronologique de l'Eglife de Paris , qui paroît
depuis le commencement
de cette an-'
née. Comme c'eft un ouvrage coupé &
dont les morceaux font tous difparates , je
crois que l'on peut également lire le mois
de Décembre avant celui d'Août, & celui de
Juin avant celui de Janvier.
En débutant donc par le 30 DecemJUIN.
1748.
99
bre , j'y ai trouvé marqué l'établiffement
de la Maifon Royale de Saint Louis à
Saint Cyr , pour l'éducation de trois cent
jeunes Demoiſelles nobles , fait l'an 1686.
L'article ne contient que fept lignes , &
immédiatement après l'Auteur met : Voyez
dans la Prélature Parifienne les Abbés de
Saint Cyr. Eft ce donc qu'il y a eû à Sainţ
Cyr une Abbaye d'hommes , & que cette
Abbaye eft du Diocèfe de Paris ? Mais non.
Cela eft faux dans les deux chefs.
>
L'Abbaye de Saint Cyr que M. le Fevre
à placée parmi celles du Diocèſe de
Paris , eft une Abbaye de Filles & non
d'Hommes. Au refte la faute n'eſt peutêtre
que d'impreffion , mais à l'égard du
Diocèfe , elle est très - certainement du
Dioceſe de Chartres & en a toujours été.
Quand il donne le catalogue des Abbeffes
qui l'ont gouvernée , il la place entre l'Abbaye
de Gif & celle d'Hierre . Le titre
général qui précede ces catalogues , dit
clairement qu'ils renferment les Abbés ,
Abbeffes, Prieurs , &c . des Abbayes du Diocèle
de Paris , & ne fait aucune mention
du Diocèfe de Chartres ; pourquoi
donc vouloir tromper ainfi le public , &
lui faire accroire que l'Abbaye de Saint
Cyr eft du Diocèfe de Paris ? L'Auteur
n'a pu faire imprimer ce catalogue com-
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
pofé de trente- trois Abbeffes , qu'en copiant
le tome du nouveau Gallia Chriftiana
où elles font , or en regardant jufqu'au
haut de la colonne 1296 du huitiéme
tome , où le catalogue commence , il auroit
lû Ecclefia Carnutenfis , & non pas Ecclefia
Parifienfis. Mais peut -être a- t-il eû ce catalogue
tranfcrit par quelqu'un qui avoit
oublié de remarquer qu'il eft pris de la
partie du Gallia Chriftiana , qui contient le
Diocèfe de Chartres.-
Auroit- il confondu l'ancienne Abbaye
avec la Maiſon Royale de Saint Louis ?
Et quand cela feroit , devoit- il la donner
, ni aucune Eglife du Bourg de Saint
Cyr , au Diocèfe de Paris , puifqu'elles
font toutes du Diocèfe de Chartres ? Vous
connoiffez fi parfaitement les limites des
deux Diocèfes , que je crains Monfieur ,
de vous avoir envoyé trop de verbiages ,
pour réfuter une faute qui faute aux yeux ,
Je ne chercherai point querelle à M.
le Fevre fur ce qu'il a paffé fous filence
l'Abbaye de Malnoue , mais devoit - il
Comettre celle de Gerfy ? A l'égard des
Abbayes d'hommes , fon deffein n'étoit
pas apparemment de les mettre toutes ,
mais il auroit dû en avertir dans le Titre
de la Prélature Parifienne , & ne pas
laiffer à entendre qu'il va donner un état
JUI N. 1748. ΙΟΥ
de toute cette Prélature. Que lui ont fait
certaines Abbayes de Bénédictins , de Chanoines
Réguliers , tant de la Congrégation
de France qu'autres , de l'Ordre de
Prémontré , de celui de Cîteaux , pour
qu'il les ait toutes laiffées en arriere Je
ne parle que de celles qui fubfiftent , comme
l'Abbaye de Lagny, celles des Vaux de
Cernay , d'Herivaux , de Livry, d'Hermicres
, d'Iverneau.
Ne méritoient-elles pas mieux de figurer
dans la Prélature Parifienne , que l'Ab .
baye au Bois & celle de Pentemont , Maifons
étrangeres , qui n'ont été tranfplantées
à Paris , comme dans un lieu de re
fuge , que depuis le milieu du dernier fiécle
, la première après avoir ſubſiſté quatre
cent cinquante ans au Diocèfe de Noyon,
& la feconde après avoir été autant de tems
proche ou dans la ville de Beauvais ?
Je ne doute pas que vous n'ayez lû
dans le Journal , de Verdun de Mars ou
d'Avril dernier les obfervations qui ont
été faites fur le commencement du Calendrier
Hiftorique en queftion . Je fuis ,
&c. J
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
ARTIS POETICÆ
HORT
Fragmentum. v. 119.
Ut famam fequere ,aut fibi convenientia finge,
Scriptor . Homereum fi fortè reponis Achillen ;
Impiger , iracundus , inexorabilis , acer ,
Jura neget fibi nata , nihil non arroget armis.
Sit Medea ferox , invictaque , flebilis Ino ,
Perfidus Ixion, Jo vaga , triftis Oreftes,
Si quid inexpertum fcenæ commitis , & audes
Perfonam formare novam ; fervetur ad imum
Qualis ab incepto procefferit , & fibi conftet.
Difficile eft propriè communia dicere : tuque
Rectius Iliacum çarmen deducis in actus ,
Quam fiproferres ignota indictaque primus,
Publica materies privati juris erit , fi
Nec circa vilem patulumque moraberis orbem ;
Nec verbo verbum curabis reddere fidus
Interpres; nec defilies imitator in arctum ,
Unde pedem referre pudor vetet , aut operis lex.
JUI N. 17481 ) 103
TRADUCTION d'un fragment de
l'Art Poëtique d'Horace.
Q
re
Uant aux caracteres , fuivez les idées
reçûes , ( 29 ) ou fi vous en imaginez
de nouveaux , qu'en tout avec euxmêmes
ils foient d'accords. Peignez - vous
( 30 ) cet Achille , fi vanté par Homere ?
Qu'il foit infatigable , colere , bouillant ,
inéxorable ; qu'il fe croye au-deffus des
Loix , qu'il n'attende rien que de fon bras.
Que Médée foit cruelle , inflexible , Ino
baignée de pleurs , Ixion perfide , Jo vagabonde
, Örefte furieux . Ofez - vous introduire
fur la fcene un caractere qui n'ait
point encore été traité , un perfonnage
inconnu jufqu'alors au Théatre ? Que du
commencement jufqu'à la fin il foit le
même , qu'il ne fe démente en rien . ( 31 )
1l eft difficile de rendre propre à ce nouveau
perſonnage un de ces caracteres dont
on n'a qu'une idée générale : on eft toujours
plus fûr de réuffir en les > prenant
dans l'Iliade , qu'en hazardant le premier
fur la fcene des fujets qui n'ayent point
encore été mis au jour . Ceux même qui
font connus vous deviendront propres ,
fi vous en écartez les idées triviales & re-
E iiij ..
104 MERCURE DE FRANCE.
batues ; fi trop fidéle interprete , vous (32 )
ne rendez point mot pour mot ce que d'autres
on dit ; enfin fi par une fervile imitation
, vous ne vous renfermez point dans
de fi étroites bornes , que vous ne puiflicz
prendre l'effor ; fans vous couvrir de honte
ou fans violer les regles de l'art.
REMARQUES.
( 29 ) C'eft avec raifon que M. Cofte
critique la façon dont le Pere Tarteron a
rendu ce paffage , en difant , que vos caractéres
foient convenables s'accordent
avec eux-mêmes ; qu'ils foient conformes à l'idée
qu'on en a le Pere Tarteron auroit
mieux fait , comme le remarque M. Cofte,
de laiffer fa verfion telle qu'elle étoit dans
la premiere édition , elle approchoit plas
du fens d'Horace ; dans les caractéres que
vous faites de vos Héros , attachez - vous à
l'Hiftoire & à ce qu'on dit d'eux ; on fi vous
faites une fiction , qu'ellefoit jufte & bien liée.
On pourroit cependant critiquer ici le peu
d'élégance du style ,faire des caractéres, fuire
desfictions.
( 30 ) Homereum v . 120 , & non pas
Honoratum . On doit cette reftitution à
Bentley je fçais que plufieurs critiques ,
défenfeurs outrés , même des fautes qui fe
JUIN.
105 1748 .
font introduites dans le texte des anciens.
Auteurs , par le défaut d'attention des copiftes
, ne manqueront pas de me blâmer
d'avoir adopté non-feulement cette correction
, mais quelques autres qui m'ont
paru néceffaires ; à cela je répondrai qu'ils
donnent un fens à Honoratum ; qu'ils le
faffent accorder avec ce que dit Ciceron .
Tufcul. III.9 , d'après Achille lui - même
dans Homere . v. 642 . }
Corque meum poenitus turgefcit triftibus iris ,
Cum decore , atque omni me orbatum laude recorder.
Enfin qu'ils lifent fans prévention les
exemples que rapporte Bentley de l'épithete
Homereus & Homericus , donnée par
differens Auteurs à Achille , Ulyffe & d'autres
Héros. Je ne difconviendrai pas que
Bentley , trop hardi critique , n'ait prefque
fait un nouvel Horace , mais fans
adopter toutes fes corrections , il eft des
cas, ou plutôt que de croire qu'un Poëte , tel
qu'Horace , ait été capable de mettre une
abfurdité auffi grande que l'épithete Honoratum,
en voulant qu'on peignit Achille,
comme Homere l'a peint ,il faut fuivre des
corrections appuyées d'autant d'exemples
que celle-ci.
(31 ) Ce paffage a beaucoup embarraffé
les Interpretes ; la plupart ont donné à
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
communia le fens de fujets communs , que
tout le monde peut tirer de fon fond , & à
propriè , celui de fe rendre propres les fujets
, par la façon dont on les traite ;
d'autres , tels que M. de Rozel Baumon ,
Hift. Crit. de la Rep. des Lettres. T. x . p .
101 , ont prétendu que ce qui a jetté les
Interpretes dans l'erreur , eft qu'ils ont crû
que rectius avoit la même fignification que
commodiùs , faciliùs , au lieu qu'Horace a
voula marquer par ce terme que celui
qui travaille fur un fujet que d'autres ont
traité , acquérera plus d'honneur & de
gloire , que s'il choififfoit un fujet fur lequel
on n'auroit point écrit , M. de Rozel
Beaumont, pour juftifier l'explication qu'il
donne ici à rectius , cite plufieurs paffages
d'Horace , où ce mot eft entendu & doit
l'être dans ce fens-là , mais ce n'eft pas ici
le cas de l'expliquer par la fignification
qu'il peut avoir ailleurs. J'ai trouvé dans
le Mercure de Janvier 1746 page 7 &
fuivantes , une fçavante Differtation de
M. du Marfais , connu dans la République
des Lettres pour un des plus judicieux.
Critiques de fon fiécle ; faDiffertation nous
donne la véritable explication du paffage
dont il s'agit .
M. du Marfais croit avec raifon que
les versfi quid inexpertum , &c. jufqu'à opeJUI
N. 1748. 107
•
ris Lex , ne forment qu'un fens total , une
feule & même période , dont les membres
font liés par des conjonctions fous entendues
, telles que verum , qu'il
qu'il faut fous
entendre avant difficile eft , &c . & tunc
illa avant publica materies , &c . il donne
enfuite l'explication de communia , qui felon
les Grammairiens , veut dire général
vague , indéterminé , les noms fubftantits
étant divifés par eux en noms communs
ou appellatifs , & en noms propres ; c'eſt
ainfi que Héros eft un nom commun , général
ou appellatif , c'est-à-dire , qui convient
à tous les grands hommes ; c'eſt ainſi
qu'on doit entendre communia & que
propriè fignifie l'application que l'on fait
de ce caractere de Héros à un Perfonnage
particulier , & inventé pour être le tableau
du caractere : les moeurs , le caractere
d'un hypocrite en général , communia ; les
moeurs le caractère de Tartuffe , propriè
; Tartuffe , de nom propre , eft devenu
un nom commun de forte l'on dit
que
aujourd'hui d'un hypocrite , d'un faux dévot
, un Tartuffe , parce que Moliere a fi
bien peint ce caractere , communia , dans la
perfonne de Tartuffe , & qu'il a rendu ce
caractere tellement propre , propriè , à Tartuffe
, que notre Langue s'eft trouvée enrichie
de ce mot. Aiufi comme le remar-
+ >
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
que fort judicieuſement M. du Marfais .
propriè communia dicere , c'eft adopter fi
bien un caractére à un perfonnage particulier,
que tout ce que l'on fait dire ou faire
à ce perfonnage , réponde parfaitement à
l'idée abftraite & générale que l'on a de ce
caractére.
M. du Marfais a la modeftie de convenir
qu'il doit le fond de fa remarque à
cette note que M. Piat a faite fur le pallage
en queſtion , dans le petit Horace que celui-
ci fit imprimer en 1730 chés Brocas .
Hic communia funt mores generatim & in
univerfum fpectati , nullâ ratione habitâ bujus
aut hujus hominis. Propriè dicere , eft mores
illos , five naturas alicui homini adfcribere
, & illius proprias facere. Cum perſona
aliqua ex Hiftoriaſumitur , habet jam mores
fuos , fuam indolem , naturam propriam ac
peculiarem : nec alius Poëta labor incumbit
nifi ut naturam eam , jam factam & cognitam
fequatur. At fi nova perfona effingitur , adiri
neceffe eft naturas illas generales & communes
; atque ex his hauriri undè hujufce perfona
indolem propriam conficias : quod effe
difficilè Horatius dicit : ideòquefuadet perfonas
jam cognitas adhiberi.
M. du Marfais appuye encore fon avis
fur deux paffages qu'il cite , l'un de Ciceron
, qui dit à la fin de fon Oraiſon pour
JUIN. 1748. 109
le Poëte Archias , que communiter de ipfius
ftudio locutusfum , ce quej'ai dit engénéral de
la Poëfie , talent & étude d'Archias ; l'autre
de Quintilien. Inftit. Orat . 1. VII . c. I.
lequel explique encore plus précifément
le fens dans lequel on doit entendre communia
& propriè . Non diffimile , ajoute t- il ,
buic eft illud præceptum , ut à communibus ad
propria veniamus ; ferè enim communia generalia
funt. Commune eft , Tyrannum occidit
; proprium , virum tamen Tyrannum ogcidit.
Dans Quintilien , commune eft un fait
général , qui ſpécifié par les circonftances ,
devient proprium. Ainfi difficile est propriè
communia dicere , appartient à ce qui précede
immédiatement , & c'eft par cette réflexion
fur la difficulté de l'entrepriſe de
celui qui andet perfonam formare novam ,
que le Poëte termine ce qu'il vient de dire
fur ce fujet : il paffe enfuite à celui qui
n'employe que publica materies ; il lui confeille
de la préférer à perfona nova , comme
une chofe plus aifée , rectius , quoiqu'elle
ait auffi fes difficultés à être rendue privatijuris
; on ne doit point expliquer communia
par indicta , qu'employe Horace
dans cet endroits indicta eft oppofé à perfona
nova. Communia ne veut donc dire ,
ni ce qui appartient au premier occupant ,
110 MERCURE DE FRANCE.
comme n'ayant été occupé par perfonne
auparavant , ni ce qui eft occupé par tout
le monde ; ce n'eft ni le commune ni le publicum
des Jurifconfultes . Communia , comme
le remarque M. du Marfais , défigne la
généralité du caractere , & propriè , l'application
qu'on en fait à perfona nova qua indicta
, ignota eft.
VIRARAPARATO EARDEDEAVOła
COMPLIMENT de M. de la Soriniere
à Madame des Forges- Maillard ,fur
les jolis vers qui ont paru d'elle endifferens
Mercures.
•MIeux que Sapho vous compofez les vers ;
Et qui les lit fent pénétrer fon ame
De certain feu qui brûle l'Univers.
Heureux Maillard ! j'admire dans ta femme
Cent traits charmans que Sapho n'avoit pas ;
Elle est belle , fage & conftante ,
Et qui plus eft , elle eſt vivante ;
La Grecque a fubi le trépas.
JUIN. 1748. IF
張光洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
SEANCE publique de la Societé Littéraire
d'Arras , tenue le Samedi 23 Mars 1748 .
Mc
Onfieur de Canchy, Directeur, & M.
Cornuel , Chancelier , ouvrirent la
féance des Difcours de remerciment ,
par
fur leur nomination à ces deux Emplois ;
& M. Cauwet , faifant les fonctions de
Secrétaire en l'abſence de M. Hardouin
Député des Etats d'Artois à la Cour , leur
répondit au nom de la Société. M. de
Canchy rapporta dans fon Difcours tout
ce que les Auteurs les plus anciens ont dit
de l'Artois , & après avoir prouvé par
l'analyfe qu'il en fit , que l'Hiftoire d'une
Province peut fournir quantité de traits intéreffans
,il exhorta les Affociés à exécuter
avec empreffement cette utile & importante
entrepriſe.
M. Briois , Avocat Général du Confeil
Provincial d'Artois , & M. Camp , Avocat
, qui avoient été nommés aux places
vacantes , vinrent prendre féance à la
Société , & prononcerent leurs Difcours de
reception.
M. le Chevalier de Coufturelle , Major
du Régiment de Rohan - Rochefort ,
& Chevalier de l'Ordre Militaire de Saint
ir2 MERCURE DE FRANCE.
Louis , devoit auffi prononcer le fien ce
jour-là , mais ayant été obligé de joindre
fon Régiment , il s'en acquitta dans
l'Affemblée du 24 Février , que la Société
rendit publique à cette occafion.
Il feroit à fouhaiter qu'on pût rendre
un compte détaillé de ces trois Difcours,
& des réponfes qu'y fit le Directeur ;
on fe contentera d'inférer ici le portrait
que fit M. Briois de l'Affocié auquel il fuccede
. *
ל כ
99
"
"
>> Permettez moi , Meffieurs , de vous
rappeller la mémoire de celui dont l'amitié
pour moi alloit jufqu'à la tendreffe
d'un pere de vous retracer la
» pénétration de fon efprit , la folidité
» de fon jugement , cette douceur , cette
politeffe , qui le faifoient défirer de tout
» le monde , cet enjouement , cette légereté
de converfation , cette droiture
» de coeur , ce fond de probité , qui infpiroient
pour lui autant de refpect que
d'attachement ; & pour mieux le ca-
» ractériſer encore , & peindre en par-
» ticulier ce qui le diftinguoit de la plûpart
» des autres hommes , rappellons cette ver-
» tu , qu'il poffédoit fi bien , d'être aufſi
» aveugle fur les défauts , que clairvoyant
"
M. Mullet du Petit-Rieux , Chevalier d'honneur
du Confeil d'Artois.
}
JUIN. 1748; 1f ,
fur les bonnes qualités d'autrui , cette
» fcience fi difficile à acquérir , de ne parler
jamais qu'après avoir mûrement ré-
» fléchi , ce choix prompt & judicieux ,
» qu'il fçavoit faire des mots & des expreffions
, dont il connoiffoit fi bien
» les fignifications & les nuances diffe-
» rentes , ces reparties pleines de feu &
toujours heureufes , cette délicateffe de
goût , qui ne lui permettoit pas de faire
» médiocrement , même les plus petites
» chofes , ces traits d'une générofité hé-
» roïque , que notre étroite liaifon ne
lui a pas permis de me cacher , mais
99
و و
qu'il étoit fi attentif à tenir fecrets ,
» même pour ceux qu'il obligeoit , à qui
» il vouloit épargner jufqu'au remerci-
» ment , & qu'il évitoit de mettre dans le
» cas d'une jufte reconnoiffance.
M. Cauwet lut un Mémoire pour fervir
à l'Hiftoire de Robert I. Comte
d'Artois .
Enfuite M. de Gouve fit la lecture d'un
Difcours fur le danger qu'il y auroit d'apprendre
les Sciences aux femmes. Il femble
avoir voulu dédommager les Dames ,
par cet ouvrage, de la féchereffe ordinaire
des Differtations hiftoriques , & payer leur
préfence par un morceau qui les intéreffat
directement. Son but a été de faire voir
114 MERCURE DE FRANCE.
ce que gagneroient les femmes , fi elles
devenoient fçavantes , & l'efclavage dans
lequel tomberoient les hommes . » Elles
» joindroient , dit- il , à tous les avantages
» qu'elles ont déja, le feul qui leur manque :
elles perdroient les imperfections qu'on
>>leur reproche.
M. D. avant que de prouver ces deux
propofitions , adreffa ainfi la parole aux
Dames qui affiftoient à l'Affemblée. » Vous
» me pardonnerez , Meſdames , fi je prens
» ici des précautions pour empêcher que
» vous ne portiez trop loin votre empire.
» Il eft de la bonne politique de fe ga-
» rantir des entreprifes d'un voifin trop
» redoutable : nos craintes font une preuve
de votre puiffance , qui eft déja affés
» étendue pour ne plus s'accroître : nous
faifons gloire d'être vos fujets , mais
» dans notre dépendance , nous voulons
» conferver l'apparence de la liberté , &
» ne point bleffer votre amour- propre ,
» en ne vous faifant régner que fur des ef-
> claves.
Les bornes d'un extrait ne permettent
point de fuivre l'Auteur dans toutes les
raifons qu'il employe pour établir fon
fystéme on citera feulement l'endroit où
il explique comment l'étude des Scienees
guériroit les femmes de la coquetterie.
JUIN. 1745. 175
»La coquetterie n'eft que l'art de trom,
per. Quand elles en feront convaincues
» elles rejetteront un amufement , qui fans
» les dédommager , couvre de ridicule l'idole
& fes adorateurs. Leur efprit s'exer
cera à démêler le vrai d'avec le faux
» & leur coeur , qui ne peut être vuide ,
» fe remplira de l'amour de la vérité. Com-
» me elles perdront le défir de plaire
« elles en négligeront les moyens : la toi
» lette abandonnée fera remplacée par une
Bibliotheque ; les bijoux n'auront plus
» d'éclat ; les billets doux feront changés
» en Differtations , les colifichets en inftru-
» mens de Mathématiques , &c.
ע
M. D. conclut ainfi fon ouvrage : » fi
» n'étant qu'aimables , elles obtiennent
» un culte idolâtre , que ne nous arracheroient-
ellespas , fi elles étoient aimables
» & fçavantes !
M. Binot lut une Differtation , dans
laquelle il examina plufieurs points hiftoriques
, relatifs à l'exhumation du Roi
Thierry I. fils de Clovis II. qui s'eft faite
l'année derniere dans l'Eglife de l'Abbaye
Royale de Saint Waaft d'Arras..
Le féance fut terminée par une Ode
de M. Maffon , intitulée l'Héroïfme. Après
avoir décrit les actions de quelques célebres
Capitaines , l'Auteur s'exprime
ainfi.
16 MERCURE DE FRANCE .
Ces traits frappans , ces coups terribles,
Ces inconcevables travaux ,
Font bien des hommes invincibles ,
guerre ,
Mais il ne font pas des Héros..
Tous ces brillans foudres de
Cesvainqueurs , l'effroi de la terre ,
Peuvent bien fe rendre immortels ,
Mais auffi dans les coeurs des fages
Trouveront- ils de vrais hommages ?
Mériteront-ils des Autels ?
+3x+
Ofons le dire, oui , c'est peu d'être
Ferme , habile , intrépide , heureux ;
De foi même il faut être maître ,
Toujours bón , toujours généreux.
En vain je cherche un coeur fublime ,
Un Prince vraiment magnanime
Dans le meurtrier de Clytus ;
Je veux qu'on foit fenfible & tendre ,
Et l'héroïlme d'Aléxandre
Ne vaut pas celui de Titus.
Pour être homme , l'homme doit tendre
Toujours vers la Divinité ;
JUIN. 1748.
Et cet effor , comment le prendre,
Si ce n'eft par l'humanité ?
Aimer , foulager les ſemblables ,
Secourir tous les miférables
En être le confervateur ,
C'eft toucher à l'Etre ſuprême ,
Et partager avec Dieu même
Les fonctions de Créateur,"
**
Voilà l'homme de qui la gloire
Brave le cifeau d'Atropos ,
L'homme au deffus de la victoire ,
Mon demi - Dieu , mon vrai héros,
D'une tête fi vertueufe
La préfence majestueuſe
Nous rend plus charmés qu'éblouis ;
Qui peut méconnoître à ces marques
Le plus accompli des Monarques ?
Sans y fonger j'ai peint Louis,
*3*+
Et vous , Ministres de Bellonne ,
Conty , Maurice , Lowendal ,
Vous , que la bravoure couronne
D'un laurier trop fouvent fatal ,
Ce n'eft point par des murs en flâmes
}
TIS MERCURE DE FRANCE
Que vos grands noms font dans nos ames
Bien mieux gravés que fur l'airain ,
C'eft par cet héroïfme aimable ,
Qui trouve un modéle adorable
Dans les vertus du Souverain.
Vous maniez avec fageffe
La foudre qu'il met dans vos mains
Lorſqu'elle part , votre tendreffe
Voudroit fauver tous les bumains,
Si la loi d'une jufte guerre
Vous force d'abreuver la terre
Du fang de nos fiers ennemis ,
Vous frappez , non pour les détruire
Vous ne voulez que les réduire ;
Sont-ils vaincus ? ils font amis.
32
JUIN 119 1748.
EXTRAIT de la Differtation de M. le
Baron de Zurlauben , Chevalier de l'Ordre
Militaire de S. Louis & Capitaine an
Régiment des Gardes Suiffes , qui a remporté
le Prix propofé par l'Académie Roya
le des Infcriptions & Belles - Lettres en
l'année 1748.
Lde determiner la vraye fignification
E fujet propofé par l'Académie étoit
des titres AZTAOZ afyle & IEPA , facrée ,
ou IEPA AɛTAO , que plufieurs villes
prennent fur les Médailles . L'Auteur ne
s'eft pas contenté de rechercher les differentes
acceptions de ces mots & d'en fixer
la fignification ; il a examiné , 2º . fi le
droit d'Afyle devoit toujours fon origine
à la Religion ; 3 ° . fi fon étenduë étoit par
tout la même ; 4. à qui étoit confié le
foin de le maintenir ; 5. quels font lesAfy ,
les qui ont fubfifté fous la domination des
Romains , & quand ils ont été abolis.
ART. I. On croiroit au premier coup
d'oeil , dit l'Auteur , que le titre AZTAOZ
employé fur les Médailles fignifioit ce
qu'on entend communément par le mot
d'Afyle ; c'est-à-dire un lieu de franchife .
où l'on n'ofe prendre un criminel qui s'y
120 MERCURE DE FRANCE:
eft réfugié. Mais quoi qu'aουλος & ασυλού
ayent la même racine , ils ont cependant
des fignifications differentes, Auxor étoit
chés les Anciens un Temple ou un endroit
où il n'étoit pas permis de prendre par
force ceux qui s'y étoient réfugiés , mais
aouxos adjectif étoit un titre confacré aux
feules villes & Nations ; il déclaroit celle
qui en étoit revêtuë , inviolable , d'une entiere
fûreté, exempte de guerre, de ravage
& de tout acte d'hoftilité , un endroit
neutre , jouiffant d'une paix perpétuelle,
Une ville pouvoit être aunos fans qu'elle
eût un Temple décoré du titre asunor ,
comme une ville pouvoit avoir un Temple
dafyle fans poffeder la qualité d'acuxos.
Le mot Grec IEPA fignifioit ce que les
Latins exprimoient parSacrum , facré, On
appelloit de ce nom tout ce qui étoit dédié
aux Dieux , non par des particuliers ,
mais par un Decret public d'un Souverain
ou d'un peuple. Les exemples de Smyrne ,
de Zéla , de Comane , de Morimene &
d'Olba , que l'Auteur rapporte , prouvent
que les villes qui avoient le titre de IEPA
étoient non - feulement confacrées & dévouées
par un Arrêt public du Souverain
au culte de leurs Divinités tutelaires , mais
que tout leur territoire , ou du moins une
partie étoit dédiée à l'ufage de leurs Tem-
TOLLAS A SIL
ples
JUIN. 1748. 121
ples , & que les Miniftres des Dieux en retiroient
le revenu . Comme le titre IEPA
étoit dû entierement à la Religion , il précédoit
celui d'aux dans tous les anciens
monumens , où ils fe trouvent tous deux .
Une ville pouvoit être aova fans qu'elle
fut confacrée avec fes habitans & fon territoire
à la Divinité tutelaife qu'on y adoroit.
Quand elle réüniffoit les deux titres ,
elle en devenoit d'autant plus refpectable .
Pour juftifier par des exemples cette acception
du mot IEPA , M. de Zurlauben a
fait ufage du fçavant Mémoire que M. l'Abbé
Belley a lû à l'Académie Royale des
Infcriptions & Belles- Lettres en 1747 fur
les Médailles des Grands Prêtres , Princes
d'Olba en Cilicie . Il dit, d'après ce fçavant
Académicien , que dans la plus haute antiquité
les Rois & les Princes étoient les
premiers Miniftres de la Religion , que cet
ufage fubfiftoit encore fous la domination
Romaine dans plufieurs Provinces de l'Afie,
que les Pontifes d'Olba faifoient battre
monnoye , qu'ils'exerçoient dans toute l'étendue
de leurs Etats tous les droits de la
Souveraineté , qu'il nous refte des Médail
les qui portent l'empreinte de deux Princes
d'Olba contemporains d'Augufte , & qui
décorent Olba du titre de Sacrée isegs. 1
Entre plusieurs autres exemples , M. de
11. Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE
Zurlauben cite encore celui de la ville de
Comane fur l'Iris en Cappadoce , où il y
avoit un Temple de Bellonne très- ancien
& fort illuftre. Elle étoit extrêmement
peuplée & particulierement par les Hierodules
, qui étoient des efclaves attachés au
fervice du Temple . Elle obéiffoit à un
Roi , mais elle exécutoit néanmoins les
ordres du Grand - Prêtre. Celui- ci étoit
maître de la plus grande partie de la ville ,
du Temple & de tous les Hierodules , dont
le nombre montoit au- de-là de fix mille
y compris les femmes . Il y avoit auffi
beaucoup de terres qui appartenoient au
Temple & dont le Pontife retiroit les revenus.
Strabon ajoûte que Pompée établit
Archelaus, Pontife de Comane & augmen
ta de foixante ftades le terrain facré.
L'Auteur obferve enfuite que lorfque
les villes portoient fur les Médailles les
deux titres IEPA ΑΣΥΛΟΣ joints enfemble
, elles joüiffoient non-feulement d'une
parfaite neutralité , d'une paix perpétuelle
& du droit d'être exemptes de guerre &
de tout acte d'hoftilité en vertu du titre
aux , mais comme ise leur terrain étoit
de plus confacré par la Religion au culte
de leurs Divinités tutélaires , qui en étoient
les véritables propriétaires , les villes décorées
de ces deux titres avoient grande
>
JUI N. 1748. 123
attention de les faire graver fur leurs monnoyes
, de les placer à la tête de leurs Decrets
& Traités , & les Princes qui les con
féroient en informoient les Rois , les Gouverneurs
des provinces , les villes & les
nations , afin que la piété des villes qui
étoient confacrées à une Divinité fût généralement
connue & infpirât aux peuples
éloignés une vénération particuliere pour
leurs Temples , & afin que s'il furvenoit
quelque guerre on refpectât le territoire
des villes auxquelles des Souverains
avoient donné le titre & la prérogative
d'arun . Seleucus Callinic ufa de cette
précaution en déclarant Smyrne facrée &
inviolable. Il dévoüa le terrain & les revenus
qu'il tiroit de cette ville au culte & à
l'ufage du Temple de Stratonice , & pour
furcroît de libéralité il déclara cette ville
inviolable , neutre , exempte de tout ra
vage & de tout acte d'hoftilité au milieu
de toutes les guerres qui pourroient furvenir
entre lui & fes voifins.
II . M.de Zurlauben montre que fi le titre
IEPA, tiroit fon origine de la Religion ,
celui d'aux la devoit uniquement à la
politique. Il en fut , dit- il , des villes qui
porterent le titre d'acuxos , comme des
premiers afyles que les Payens ouvrirent
aux malheureux. On ne niit ceux- ci en
Feij.
24 MERCURE DE FRANCE
ufage que pour peupler des villes en y ata
tirant une foule de vagabonds & de gens
obérés. Tels furent les commencemens de
Rome . La Religion n'eut d'abord aucune
part à l'afyle établi par Romulus. Un bois
fut déclaré le réfuge général de tous les
voifins , & ce ne fut qu'avec le tems qu'on
y bâtit un Temple à Jupiter Vejovis. De
même le privilege arv attaché à des
villes , étoit un trait de la politique des
Princes , qui en déclarant un endroit inviolable
, neutre , exempt de tout ravage ,
étoient certains d'y voir accourir une multitude
de nouveaux habitans pour joüir
d'une demeure tranquille. D'ailleurs ils
pouvoient y mettre à couvert leurs tréfors
& ce qu'ils avoient de plus précieux , mais
il ne faut pas penfer que le titre agurⒸ lifi
gnifiât,comme arvaov , une retraite pour les
criminels.Des gens de cette forte ne font pas
propres à conferver la paix dans un pays ,
objet principal de la prérogative ασυλος.
M. D. Z. appuye fon fentiment du témoignage
de divers Auteurs qui nous apprennent
que la ſeule libéralité des Princes
fouverains accordoit le plus fouvent
aux villes le titre d'afyle , fans que le culte
d'aucune Divinité y eût donné occafion .
Il prouve cette vérité par les exemples de
Lappa , de Sébaſte , d'Arade & de plufieurs
autres villes.
JUIN. 1749. 125.
III. Le droit d'afyle ou de réfuge attribué
aux Temples n'étoit pas toujours le
même pour l'étendue. Il étoit quelquefois
fort général , mais il fut auffi très- limité
en quelques endroits. Au contraire le titre
coves accordé aux villes , n'étoit ſujet à
aucune reſtriction ; toutes celles qui le poffedoient
étoient inviolables, d'une entiere
fureté , exemptes de guerres , de ravages &
de tout acte d'hoftilité , neutres , jouillant
d'une paix perpétuelle. Les paffages de divers
Auteurs que M. D. Z. rapporte , établiffent
clairement cette uniformité d'étendue
dans le titre d'afyle & affûrent toutes
les qualités qu'il lui attribue.
Ο
Elée ou Elis , Capitale de l'Elide dans le
Peloponnefe , eft une des villes de la Grece
où l'étendue du droit d'afyle eft le
mieux marquée. Polybe l'appelle ispar var
aaogontov, c'est-à- dire facrée & exempte de
tour ravage de guerre , & Strabon dit que les
Etoliens ayant enlevé l'Elide aux Epéens ,
refpecterent le Temple Olympien ; qu'ils
s'engagerent par ferment à regarder le pays
des Eléens comme confacré à Jupiter ;
qu'ils voulurent que celui qui y entreroit
à main armée feroit réputé criminel , auffibien
que celui qui ne vengeroit pas ce forfait
de toutes les forces. Le même Auteur
ajoûte que les grandes prérogatives de cet-
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
te ville engagerent fes fondateurs à ne pas
Pentourer de murailles , & que l'ufage a
toujours été que les troupes de gens de
guerre qui traverfoient le pays , livraffent
les armes aux Eléens & qu'on ne les leur
rendît qu'à la fortie de la frontiere . Ces
mêmes priviléges engagerent Iphytus à
inftituer les Jeux Olympiques à Elis , &
contribuerent beaucoup à en enrichir les
habitans , parce qu'ils étoient toujours en
paix , pendant que les autres peuples de la
Gréce fe faifoient continuellement la guer
re . L'affûrance d'une vie tranquille à la
faveur de la neutralité ; attira de tout tems
à Elis une grande multitude d'étrangers . Démofthene
en parle comme d'une ville trèsfloriffante
.
Délos que Callimaque appelle la plus
fainte de toutes les Ifles , étoit regardée
comme facrée & inviolable par tous les
peuples voifins. Les Perfes mêmes la refpecterent
dans le tems qu'ils portoient la
défolation & le carnage dans toutes les autres
villes de la Grece . Datis , leur Amiral,
y ayant abordé , engagea les Deliens qui
avoient pris la fuite, à retourner dans leurs
demeures. Il leur communiqua les ordres
qu'il avoit reçûs du Roi fon Maître de refpecter
le lieu de la naiffance d'Apollon &
de Diane . Il brûla trois cent livres d'encens
fur l'Autel d'Apollon.
JUIN. 1748. 1-27
des
On avoit une fi grande vénération pour
l'afyle de Délos , qu'après la guerre
Perfes , les Grecs y mirent en dépôt leur
commun tréfor , qui y refta jufqu'à ce que,
à la perfuafion de Périclés , les Athéniens
s'en emparerent & le tranfporterent à Athénes.
Cette action excita les clameurs de
toute la Grece & rendit les Athéniens
odieux à tous les peuples voisins .
Tite-Live rapporte que les Macédoniens
& les Alliés d'Euméne , quoi qu'ennemis ,
fe trouverent mêlés enfemble dans le Temple
de Délos , la fainteté du lieu empêchant
tout acte d'hoftilité & occafionnant
une tréve . Délos jouit de la prérogative
d'inviolable jufqu'au tems de Ménophane ,
l'un des Généraux de Mithridate , qui la
mit à feu & à fang & réduifit en efclavage
toutes les femmes & les enfans qu'il y trouva.
Depuis cette défolation , l'Iile de Délos
ne recouvra jamais fon ancien luftre .
C'est par ces exemples & d'autres femblables
que M. D. Z. détermine l'étenduë
& la qualité des prérogatives attachées au
titre d'afyle, que prenoient les villes Grecques
fur les Médailles . Il examine enfuite
à qui étoit confié le foin de le maintenir .
IV. Le privilége agunos accordé aux villes
trouvoit dans la protection des Rois &
dans l'autorité du Magiftrat un ferme ap-
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
pui contre tous ceux qui auroient voulu y
donner atteinte. Les Princes étoient intéreffés
à conferver les prérogatives données
par leurs prédéceffeurs , afin qu'on refpectât
de même après leur mort les graces
qu'ils faifoient à diverſes villes.
Le Magiftrat veilloit auffi à la confervation
de ces priviléges. Les Romains ,
quoique victorieux , n'oferent enlever de
Ifle de Samothrace Perfée Roi de Macedoine
qui s'y étoit réfugié : ce ne fut ,
au rapport de Tite-Live , que du confen- .
tement des habitans affemblés pour écouter
leurs repréſentations , qu'ils obtinrent
qu'on leur livrât ce Prince .
M. D. Z. rapporte plufieurs Infcriptions
& Médailles , fur lefquelles on trouve des
témoignages de l'attention des Princes &
du zéle des Magiftrats pour la confervation
des prérogatives de l'afyle.
V. La Differtation eft terminée par deux
recherches également intéreffantes ; l'Auteur
examine 1 °. quelles font les villes
qui ont joui du droit d'afyle fous la domination
des Romains . 2 °. Il fixe le tems
où les afyles ont été abolis . Les Romains ,
dit M. D. Z. par une fage politique , laiffoient
aux nations fubjuguées leurs Dieux,
leurs cérémonies de Religion , leurs loix ,
leurs ufages , & ils les gouvernoient le
JUIN. 1748 . 129
plus fouvent comme des alliés , plutôt que
comme des fujets. Ils augmentoient même
leurs priviléges , & ajoutoient de nouvelles
graces à celles que ces nations avoient
obtenues de divers autres Souverains en
differens fiécles. Pour peu qu'on foit verfé
dans l'Hiftoire Romaine , on y obfervera
une foule de traits de cette politique , qui
tant qu'elle fut fuivie , fortifia l'Empi
re , mais qui fur caufe de fa décadence.
dès qu'elle fut négligée. La Grece , la Syrie
, la Phénicie , conferverent les afyles
de la Religion , c'eft-à-dire , les Temples
décorés de cette immunité , & les villes
de ces provinces , qui avoient auparavant le✔
titre AZTAO , n'en furent pas dépouillées
en devenant fujettes des Romains.
» Si nous avions à fixer , continue M. D.
»Z.l'époque de l'abolition totale des aſyles
» de la Religion Payenne, nous ne ferions
pas embarraffés , & la vie de Conftantin
» le Grand écrite par Eufebe de Césarée
» nous en faciliteroit d'abord la connoif
» fance , mais il eft plus difficile de déter-
» minuer le tems auquel le titre Aduλes
» ceffa d'être en ufage . Il faut avoir recours
» aux Médailles & à l'Hiftoire particuliere
» des villes qui le portoient.
C'eft par le fecours de ces monumens ,
dont l'Auteur a acquis une très-grande
FY
130 MERCURE DE FRANCE.
que
connoiffance , qu'il eft parvenu à fixer le
commencement & la fin du privilége d'Afyle
dans chaque ville , avec autant de certitude
la matiere en eft fufceptible. Il
commence par Epheſe , dont le Temple
confacré à Diane , avoit obtenu tant de
priviléges de plufieurs Rois & Empereurs.
» Cette ville , dit-il , jouiffoit du titre
»asures fous Décius. Nous lifons fur une
» monnoye de Neron ασυλος ΑΡΤΕΜΙΔΟΣ.
» EPEZION ; une Médaille d'Herennia
» Etrufcilla femme de l'Empereur Décius ,
» eft en l'honneur de Diane d'Ephefe
» ΑAσrυuλnοeςs.. L'Hiftoire nous apprend que les
Goths pillerent en 262 fous l'Empire
« de Gallien , le fameux Temple de Diane
» à Epheſe , & depuis cette défolation
» cette ville ne nous offre plus de Médail-
» les avec le titre d'Afyle.
>
>
Il continue les mêmes recherches , en
faifant l'énumération de toutes les villes
qui ont joui du droit d'Afyle , il nomme
les villes de Céfarée de Phénicie, deThapfaque
, de Dora , de Thyane , Moka
Lappa , Capitoliade , Pergé , Paroctonium,
Amedere , Gaza , Nicopoli , Samofate , Sébaſte,
Séleucie , Antioche de Daphné , Apamée
, Laodicée , Tyr , & c.
Cette difcuffion eft fi étendue , qu'on
n'auroit pû y entrer fans paffer les bornes
JUIN
1748. 131
d'un extrait. M. D. Z. finit fa Differtation:
par cette obfervation générale : » Les
» défolations , dit- il , qu'effuyerent les
» villes qui portoient le titre Aguaos pen-
» dant les guerres civiles de l'Empire Ro-
» main , les priverent de la prérogative
» qui les rendoit inviolables ; des Effaims
» de Barbares ravageoient l'Empire . Ils n'a-
» voient point d'égard pour les Traités &
» encore moins pour des Priviléges accor
» dés aux villes par ceux qu'ils regardoient
» comme leurs ennemis. Auffi ne voyons-
» nous pas qu'au- delà du regne de Gal-
» lien , il y ait des Médailles où aus
» foit marqué. Ce titre devint inutile
❞ par les incurfions des Perfes , des Goths
» & autres Barbares , qui dévafterent la
» Grece , la Syrie & les Provinces de l'O-
» rient , dans lesquelles il avoit été en.
ufage. Les fréquentes féditions pour l'é-
» lection des Empereurs acheverent de l'é-
» teindre .
99
La décadence de la Religion payenne
fert d'époque à l'abolition de l'épithete
ipa , & au-delà de l'Empire de Carus , on
ne trouve aucun monument qui porte ce
titre. A mefure que les villes embrafferent
le Chriftianifme , elles prirent des Saints
& des Martyrs pour leurs Patrons , à la
place des faux Dieux. Elles confacrerent
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
& affignerent aux Eglifes bâties en leur
honneur les mêmes terres que le Paganifme
avoit dédiées au culte , à l'ufage & au
fervice des Temples.
Nous n'avons rien à dire en faveur de
cette Differtation , après le jugement que
l'Académie Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres en a porté. Nous avons retranché
dans cet extrait tous les détails d'érudition
dont elle eft remplie , pour ne pas
fatiguer l'attention de nos lecteurs. Cette
piéce fait honneur au jeune Militaire qui
l'a produite ; on y voit de la pénétration
d'efprit dans la maniere dont il a ſaiſi ſon
fujet , & de la jufteffe & de la préciſion
dans l'ordre dont il l'a traité. Enfin nous
avons lieu de croire que le public fera étonné
de voir qu'au milieu du tumulte des armes
, un jeune Militaire ait pû acquérir
tant de connoiffances , & faire un fi grand
progrès dans la Littérature. M. le Baron de
Zurlauben , Capitaine au Régiment des
Gardes Suiffes , eft âgé de vingt-fix ans. Il
eft neveu de M. de Zurlauben , Lieutenant-
Général des armées du Roi , & Commandeur
de l'Ordre Militaire de S. Louis ,
qui eft actuellement Colonel du même Régiment.
JUIN. 1745. 133
ENIGME
Tiré du fein de la nature
Je ne nais que pour l'imposture ,
Et dois le jour à de fçavantes mains ;
Sans que des eaux du Styx j'empêche d'aller boire,
J'immortalife les humains ,
Et de m'avoir chacun fe fait un point de gloire ;
L'aimable Iris par moi triomphe doublement ,
Quand je m'offre à ſes yeux avec un teint de rofe
Une gorge à peine écloſe ,
Un regard féducteur, un port noble & frappant :
Pour défefperer maint amant ,
>
Afa fierté je fçais fournir des armes :
Mais après un certain tems ,
Je fais affés couler fes larmes ,
Quand dans de critiques inftans
Elle cherche en elle les charmes
Que j'étalois dans fon printems :
Vains regrets ! vains efforts ! je n'ai plus le même
être ;
Sans me trouver le moindre changement ,
On ne peut plus me reconnoître ,
Parce que je deviens trop jeune en vieilliffant.
Par Madame Gaudet.
1
134 MERCURE DE FRANCE
S Ans
AUTRE.
Ans crainte, fans effroi , tout à coup j'obſcurcis
La chofe la plus claire & la moins inconnue ,
Mais en l'obscurciffant , toujours je l'éclaircis ,
Et l'augmente toujours quand je la diminiue.
J.
Flote , d'Angers.
LOGOGRYPHE ENIGMATIQUE.
E fuis né pour le bien , ainfi que pour le mal ;
Sans être cependant un féroce animal ,
Ma fureur eft fi violente , "
Que celui qui dompta le Monftre d'Erimante
Ne fçauroit m'arrêter dans mes affreux dégâts ;
Utile aux faints Autels , j'allume les combats ;
Une fimple confonne , enfuite deux voyelles ,
Sans beaucoup de recherche & de combinaiſon
Vous donnent de mon être une jufte raifon.
Ma nature eft des plus cruelles ,
Et dans le fort de ma fureur
Je ravage & réduis le monde à l'indigence ,
Mais lorsque Cupidon m'a donné la naiſſance ;
De Silvandre & d'Iris je confume le coeur ;
Tranchez ma tête , ami Lecteur ,
Je deviens à l'inftant ville & Comté de France.
P. Fallet.
JUIN. 1748.
135
LOGOG RTP HE.
M on
On tout utile aux uns , à d'autres eft funefte;
Si pour me mieux connoître on veut fçavoir le refte,
Ami Lecteur , en prenant à l'envers
De mes moitiés feulement la premiere ,
Je fuis craint de celui qui traverſe les mers ;
J'exifte dans ce qui fait la derniere ,
Si l'on me coupe un membre , & l'on ne craint pas
moins
Le mal qu'on me voit fouvent faire ;
Souvent auffi dans un de leurs befoins ,
A tous êtres vivans je deviens néceffaire .
C'eft dans mes premiers pieds qu'on trouve un inf
trument ,
Qui de plus d'un Monarque a fait l'amufement ,
Et dans le nom duquel ſe voit par avanture
Un métal qui jamais n'entra dans ſa ftructure .
AUTRE.
Mon Portrait n'a rien qui frappe ;
Mais dut- il paroître fou ,
A bon droit je ferois Pape ,
Si je n'avois pas un fou."
Par Madame Gaudet
136 MERCURE DE FRANCE:
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS , &c. •
HTraduction de quelques ouvrages de
l'Empereur Julien , par M. l'Abbé de la
Bletterie. Paris, 1748 , chés Prault , fils
deux volumes in- 12 .
de l'EmpereurJovien , &
Lorfque M. l'Abbé de la Bletterie donna
il y a plufieurs années fon excellente Hiſtoire
de Julien , il annonça une Traduction
des ouvrages de cet Empereur , & le plaifir
qu'on avoit eû à lire l'Hiftoire , faifoit
attendre avec impatience les Traductions
promifes par l'Hiftorien. M. L. de L. B.
a joint à ces Traductions une Hiftoire deJovien
fucceffeur de Julien . Comme l'Empire
fe trouva à la mort de Julien dans un état
de crife qui pique la curiofité du lecteur , la
vie de cePrince feroit reftée en quelque forte
imparfaite, fi l'on n'y eut joint l'Hiftoire
de Julien. L'armée étoit dans une fituation
étrange lorfque l'Empereur mourut ; victorieufe
, mais manquant de tout la Corduenne
fon unique reffource étoit encore
éloignée. Julien qui par fon imprudence
de bruler fes vaiffeaux& d'abandonner les 1
JUIN. 1748. 137
bords du Tybre , avoit engagé fon armée
dans l'embarras où elle fe voyoit , étoit le
feul qui eût pû trouver dans fon génie des
reffources équivalentes à la difficulté des
circonftances. La douleur que les troupes
reffentoient de la mort de leur Chef leur
exageroit le malheur de leur pofition , &
diminuoit leurs reffources en abattant leur
courage. C'eft dans ces circonstances que
Jovien fut élevé fur le Thrône Impérial ;
Prince vertueux , mais n'ayant que de médiocres
talens , qui peuvent quelquefois fuffire,
lorfque dans des tems heureux les affaires
vont , pour ainfi dire , toutes feules ,
mais qui étoient abfolument infuffifans
dans des circonftances fi difficiles . Auffi fitil
une paix honteuſe avec les Perſes.
La Religion Chrétienne fe vit délivrée par
la mort de Julien d'un ennemi dangereux.
Jovien la rétablit fur le Thrône , & depuis
il n'y monta que des Empereurs Chrétiens.
Ce Prince avoit confefféJeſus- Chriſt
avec courage fous Julien , & avoit déclaré
qu'il aimoit mieux quitter le fervice , que
de renoncer à ſa Religion , ce qui n'empêcha
pas Julien de le retenir auprès de
lui , & M. D. L. B. remarque judicieufement
qu'un Confeffeur de la foi , jugé digne
par un Monarque intolérant , de conferver
une place de confiance , n'étoit pas
affurément un fujet ordinaire.
3S MERCURE DE FRANCE.
19
M. D. L. B. n'a pas traduit tous les ou
vrages de Julien ; il ne donne au public
que le Mifopogon , les Céfars & la plûpart
des Lettres de ce Prince , le tout orné de
notes judicieuſes & fçavantes. M. Spanheim
avoit déja donné les Céfars , mais il
avoit noyé dans une mer d'érudition ce
morceau ingénieux , qui quoique fort court
par lui-même , étoit parvenu à l'honneur
de l'in-quarto , graces aux citations , refti
tutions & commentaires du docte & laborieux
Traducteur. Il y a peu d'ouvrages
auffi courts , où on trouve à la fois tant de
caracteres & de moeurs , tant de fineffe &
de folidité , tant d'inftruction , fans que
l'Auteur prenne jamais le ton dogmatique
; tant de fel & d'enjouement , fans
qu'il ceffe jamais d'inftruire. Cependant ,
comme le remarque M. D. L. B. l'ouvrage
n'eft pas fans défauts. Le Miſopogon mérite
le titre d'ouvrage fingulier , plus qu'aucun
ouvrage ne l'a jamais mérité. C'eſt un
fpectacle bien étonnant que de voir un
Prince abfolu & tout- puiffant aux prifes
avec un peuple dont les railleries l'ont
piqué , fe vanger en Auteur , rendre
trait pour trait , fatyre pour fatyre , avec
une amertume & un fiel qui prouvent que
fon coeur étoit profondément ulcéré . Il eſt
difficile de définir une telle conduite. C'eſt
JUI N.
1745. 139
le Prince qui pardonne , & le Philofophe
qui fe vange , en quoi il n'y a point affés
de Philofophie. A Fégard des Lettres , M.
D. L. B. a choifi celles de Julien qui faifoient
mieux connoître fon efprit , fon génie,
fes idées fur le gouvernement & fur la
Religion, ou qui peuvent fervir à l'Hiftoire
foit Eccléfiaftique , foit profane , & d'ailleurs
les lettres mêmes indifferentes des
hommes illuftres , ont un droit fur notre
curiofité. On aime à voir ces grands gé
nies par les côtés où ils reffemblent au
refte des hommes ; on croit s'élever jufqu'à
eux , lorfque ce font eux qui defcendentjuf
qu'à nous.
HISTOIRE des Sarrafins contenant leurs
premieres conquêtes , & ce qu'ils ont fait
de plus remarquable fous les onze premiers
Califes ou fucceffeurs de Mahomet
traduite de l'Anglois. Paris, 1748 , deux volumes
in- 12 , chés Nyon , fils.
Si l'on confidere l'importance ou la fin→
gularité des évenemens , la fréquence des
révolutions , il y a peu d'Hiftoires dont
l'objet foit auffi digne de la curiofité , que
celle des Sarrafins ou Arabes Mufulmans.
On y voit un fanatifme outré joint à l'ef
prit de conquête, fortifier ce dernier & être
quelquefois la caufe de fes fuccès. Un
Facteur Arabe ( Mahomet ) entreprend de
140 MERCURE DE FRANCE.
fonder de la même main une Religion &
un Empire. Il trouva des profélytes & des
fujets , & prouva par le fuccès qu'il eft
peut-être plus aifé de faire réuffir les projets
vaftes & extraordinaires , que de les
enfanter. Ses deſcendans , animés du même
efprit , fuivirent fon exemple & eurent les
mêmes fuccès, ils érendirent avec les armes
leur Religion & leur Empire , & ils changerent
la face de l'Afie:
Comme nous ne pouvons nous engager
à donner le détail de tous les évenemens
dont cette Hiſtoire eft pleine , citons un
trait d'Omar , qui montrera la vénération
que l'on avoit pour Omar , même avant
qu'il fut monté fur le Thrône.
Un Muſulman opiniâtre avoit un procès
contre un Juif au Tribunal de Mahomet.
Comme le bon droit étoit du côté
du Juif , Mahomet condamna le Mufulman
. Mais celui-ci déclara qu'il n'acquiefceroit
point à la condamnation , à moins
que fon affaire ne fut revûe & examinée
par Omar , qui n'étoit alors que fimple particulier.
Les deux plaideurs allerent donc
le trouver. Ils le rencontrerent à la
porte
de fa maiſon & lui
rapporterent le fujet &
la décision du procès , dont le Muſulman
demandoit la révision.
Omar après les avoir écouté , leur dit
JUIN. 1748. 141
en rentrant chés lui , d'attendre un moment
& qu'il les expédieroit bien-tôt. Il
revint en effet le fabre à la main , & abattit
d'un coup la tête au Mufulman qui
n'avoit pas voulu s'en tenir à la déciſion
de Mahomet. Voilà , s'écria- t- il en même
tems , ce que méritent ceux qui ne veulent
pas acquiefcer à la Sentence de leurs
Juges. Mahomet informé de cette action
d'Omar , lui donna à caufe de cela le furnom
de Farouk ou de Séparateur , voulant
dire ou faire entendre par-là , qu'il fçavoit
auffi -bien diftinguer le vrai d'avec le
faux & le jufte d'avec l'injufte , qu'il avoit
fçûféparer la tête du corps de ce chicaneur.
Cette allufion n'eft- elle pas un peu tirée ?
Rapportons encore deux Sentences remarquables
d'Aboubeker , le premier fuc
ceffeur de Mahomet : les bonnes actions font
une fauve -garde contre les coups de l'adverfité,
Voici la feconde la mort est la plus petite
chofe du monde quand elle eft arrivée ,
la plus fachenfe de toutes avant qu'elle ar
rive.
L'Auteur Anglois a beaucoup profité de
l'excellente Bibliothéque Orientale de M,
d'Herbelot,& il eft fouvent cité aux marges
de cet ouvrage.
MEMOIRE fur la ville fouterraine dé
couverte au pied du mont Véfuve , Paris ,
142 MERCURE DE FRANCE:
chés Claude Hériffant , rue neuve Notre
Dame , à la Croix d'or , & aux trois Vertus ,
1748 , in-octavo de ss pages.
HISTOIRE de l'Eglife Gallicane , dédiée
à Noffeigneurs du Clergé , continuée
par le Pere Guillaume -François Berthier
de la Compagnie de Jefus. Tome quinziéme
de 5 56pages.Tome feiziéme de 548 ,
y compris la Table desmatieres , in- quarto.
A Paris, chés F. Montalant , Quai des Auguftins
J. B. Coignard , Imprimeur du
Roi ; H. L. Guerin , rue Saint Jacques
& Jacques Rollin , fils , Quai des Auguftins,
1747 .
;
HISTOIRE de l'Académie Royale des
Sciences , année 1743 , avec les Mémoires
de Phyfique & de Mathématique pour la
même année , tirés des Regiftres de cette.
Académie , 208 pages pour l'Hiftoire , &
428 pour les Mémoires , avec 11 planches
détachées , à Paris , de l'Imprimerie
Royale. 1746 , fe débite chés Durand , rue
Saint Jacques.
"LES HOMELIES de Saint Grégoire
Pape fur Ezéchiel , à Paris , chés Ph . N.
Lottin , & J. H. Buttard , Imprimeur-Libraires
, rue Saint Jacques , à la Vérité ;
Jean Defaint & Charles Saillant , Libraires
,, rue Saint Jean de Beauvais , & la
Veuve Robinot , Quai des Auguftins, 1747,
JUIN. 1748. 143
in-douze de 570 pages , fans la Préface.
FASTES ATTIQUES , dans lefquels
la fuite des Archontes Athéniens , les tems.
où ont vécû les Philofophes & les autres :
grands hommes , & les principaux points
de l'hiftoire d'Athenes , fe trouvent rangés ,
} par les années Olympiques , & éclaircis à
l'aide de nouvelles Obfervations par M.
Edouard Corfini , Clerc Régulier des Ecoles
pieufes , Profeffeur de Philofophie dans
l'Univerfité de Pife . A Florence , chés .
J. Paul Giovanelli , à la Palme , Place
Sainte Elizabeth . Quatre volumes in-quar
to. Le premier 1744 de 387 pages , fans ;
l'Epître dédicatoire adreffée au Grand Duc
régnant , qui eft de 14 pages , & la Préface
qui eft d'un peu plus de 1 o . L'Ouvrage est en
latin.
= J.
CORPUS Juris Canonici Gregorii XIII.
Pont. Max. auctoritate poft emendationem abfolutam
editum , in duos Tomos divifum , &
Appendice nova auctum ; cum neceffariis indi-.
cibus. Juft . Hennengius Boehmer .... illud
recenfuit , cum codicibus M SS. aliis edi- ,
tionis contulit , variantes Lectiones adjecit , &
notis illuftravit pramiffa duplici Prafatione.
Hale Magdeburgica , impenfis Orphanotrophei
, 1747 , in-folio . 2. vol . Cette édition
du Corps de Droit Canonique a été faite
avec tout le foin & l'exactitude poffibles
#44 MERCURE DE FRANCE :
M. Boehmer a confulté les meilleurs manufcrits
& les éditions les plus eftimées , à
la tête defquelles on met celle de Meffieurs
Pithou , les plus célebres Commentateurs
& les plus fçavans Jurifconfultes François
& étrangers , en particulier M. de Marca ,
de concordia Sacerdotii & Imperii , le Pere
Thomaffin , vetus & nova Ecclefia difci
plina circà Beneficia & Beneficiarios ; van
Elpen , univerfum jus Ecclefiafticum , bodierna
difciplina , prafertim Belgii , Gallia ,
Germania & vicinarum Provinciarum accommodatum
& plufieurs autres ; cette édition
doit être préférée à toutes celles qui
ont paru jufqu'à préfent.
JACOBI PEIREII paraphrafis & nota
philologica atque exegetica in Epiftolam ad
Hebræos. Latinè vertit & fuas ubique obfervationes
addit Joannes David Michaelis
Phil. Profeff. Publ. in Academia Georgia
Augufta. Hala Magdeburgica ,fumptibus Bibliopolii
Luderwaldiani , 1747 , in-quarto.
MEMOIRE locale , géographique &
chronologique , accompagnée du calcul
Eccléfiaftique & du Calendrier de Jules
Céfar , pour l'intelligence des anciens Auteurs
, à Lille , chés André- Jofeph Panckoucke
, 1748 , in - 12 . Le même ouvrage
fe trouve à Paris , chés David , l'aîné ,
Libraire, tue Saint Jacques, à la Plume d'or,
NOTITIA
JUIN. 1748. 145
>
belli
NOTITIA Hungaria nova Hiftorico- Geographica
, divifa in partes quatuor , quarum
prima cis -Danubianam , altera trans-
Danubianam , tertià cis - Tibifcanam , quaria
trans - Tibifcanam univerfim XLVIII.
Comitatibus defignatam , expromit ; regionis
fitus , terminos , montes , campos , fluvios ,
lacus , thermas , foli coelique ingenium , natura
munera & prodigia , incolas variarum
gentium , atque horum mores , Provinciarum
Magiftratus , illuftres Familias , urbes , arces
, oppida & vicos propemodum omnes ,
fingulorum prætereà ortus &incrementa ,
pacifque converfiones , & prafentem habi
tum , fide optima , accuratione fummâ , explicat.
Opus hucufque defideratum , & in
commune utile , facratiffimis aufpiciis D.Caroli
VI. Cæfaris & Regis indulgentiffimi elaboravit
Manhias Bel. Accedunt Samuelis
Mikovini Mappa fingulorum Comitatuum
methods Aftronomico- Geometricâ concinnata.
Vienna Auftria , impenfis Pauli Straubii Bi-
Eliopola , typis Jo. Petri Van Ghelen , Typog.
Reg. 1742. Tom. IV. in-folio . Cette
Hiftoire fe continue : le quatrième volume ,
dont on vient de voir le titre , roule encore
fur la Hongrie cis-Danubiane ; il contient
la defcription de quatre Comtés.
HISTOIRE générale & particuliete de
Fourgogne , avec des notes , des Differta-
II. Pol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
4
tions , & les preuves juftificatives , compofée
fur les Auteurs , les Titres originaux ,
les Regiftres publics , les Cartulaires des
Eglifes Cathédrales & Collégiales , des
Abbayes , des Monafteres, & fur divers autres
anciens monumens , & enrichie de Vi
gnettes , de Cartes Géographiques, de divers
Plans, de plufieurs figures, portiques ,
tombeaux & fceaux , tant des Ducs que
des grandes Maifons , & c. Par un Religieux
Bénédictin de l'Abbaye de Saint
Benigne de Dijon , de la Congrégation
de Saint Maur , à Dijon , chés Antoine du
Fay Imprimeur des Etats, de la Ville & de
l'Univerfité , 1748. Tom . III . in-folio.
POETIQUE , ou Regles de la Poëfie en
général , & de fes principales efpeces, par
Don Ignace de Luzan Clermont d: Suelves
& Gurrea , imprimée à Sarragoffe chés
François Revilla , 1737 , petit in-folio ou
grand x-quarto, de 503 pages. L'ouvrage eft
en Espagnol.
集
HISTORIA Aftronomia , five de ortu
&progreffu Aftronomia , 2 Part. Pars prior
declarat un te orta primùm eft , quibufnam
deindè crevit augmentis , & quâ poftremò
laboris ingeniique mirà felicitate ad umbili
cum perducta tandem eft . Pars altera exbibet,
ium ingenium, tùm methodum olim Philofophantium
; & exactâ , uti par eft , boJUIN
1748. 147
rum philofophandi ratione , in Newtonia
nam aliquando concedit. Par M. Heath-.
cote, Profeffeur au College de Jefus , à Cam- :
bridge.
On foufcrit à Oxford moyennant douze
fchelings , dont fix font payés d'avance ,
pour un ouvrage in-quarto , qui a pour
titre : Abdolatiphi Hiftoria Ægypti Com-,
pendium , quod fexaginta abhinc annis ab
Edvardo Bocockio, ex Linguâ Arabicâ in Linguam
Latinam verfum, nunc primùm utrâque
edidit, notifque illuftravit Thomas Hunt S.T.
P. Lingua Arabica Profeffor.
TRAITE' desinftrumens de Mathématiques
renfermés d'ordinaire dans des étuis
portatifs , où l'on explique leurs ufages ,
&c. avec des figures en taille douce par
J. Robertſon , de la Société Royale à Londres.
..ABREGE ' fyftématique de Philofophie
naturelle , avec des notes qui contiennent
les démonftrations mathématiques ,
& quelques remarques additionnelles, par
J. Rowning , in octavo. Cet ouvrage eft
divifé en quatre parties qu'on débite féparément.
La premiere traite des proprié .
tés de la matiere , des loix du mouvement
, des principes de la Méchanique .
La feconde des corps fluides ; de l'air &
des Météores. La troifiéme de la lumiere &
Gij
14S MERCURE DE FRANCE.
des couleurs. La quatrième des principes de
l'Aftronomie . Cet ouvrage fe trouve dans la
même ville .
BERG A- ad- Zomam à Gallis expugnata.
Oratio habita Lugduni III. non. Febr. an.
1748 , in Collegio SS. Trinitatis Soc. Jeſu ,
à Georgio Vionnet , ejufdem Soc. Sacerdote ,
ex Typographia Henrici Declauftre, in Vico
novo , &c. à Lyon.
Debure , l'aîné , Libraire fur le Quai
des Auguftis , mettra en vente dans les
premiers jours du mois d'Août prochain
fa belle édition de tous les ouvrages de
Lucius - Coccilius -Firmianus Lactance , en
deux vol. in quarto , de plus de Soo pages.
MYOLOGIE Complette en couleur &
grandeur naturelle , compofée de l'Effai
& de la fuite de l'Eſſai d'Anatomie , en
tableaux imprimés , par Meffieurs Du
verney & Gautier, Ouvrage unique , néceffaire
aux étudians & aux amateurs
de cette Science , à Paris , chés le Sieur
Gautier , feul Graveur privilégié du Roi
pour les Planches Anatomiques , rue des
Prêtres Saint Germain , au coin de la rue
de l'Arbre-fec , & chés Quillau , fils , rue
Saint Jacques , aux Armes de l'Univerfité ,
vis-à-vis la rue des Mathurins.
L'ARITHMETIQUE rendue fenfible
par le développement de fes opérations ,
JUIN. 1748. 149
par M. Gafpard Fois de Valois , Employé
dans les Fermes du Roi , à Paris
, chés Brunet grand- Sale du Palais , à
l'Envie.
CATALOGUE des Livres de la Bibliotheque
de feu M. Burette , avec une Table
alphabétique des Auteurs . Trois volumes
in- 12 , brochés , fix livres , à Paris ,
chés Gabriel Martin , rue Saint Jacques ,
vis- à- vis la rue du Plâtre .
L'HOMME DE COUR , de Balthafar
Gracian , traduit par M. Amelot de la
Houffaye. Nouvelle édition , corrigée &
augmentée, à Paris au Palais , chés Paulusdu-
Mefail , Imprimeur-Libraire.
SONATE & violon feul & baffe continue
dédiée à M. le Prince de Grinberghen
, Prince du Saint Empire Romain
, &c. compofée par M. Pagin . Premiere
Euvre , gravée par le Sieur Hue.
Le prix eft de fix livres en blanc . A Paris
, chés l'Auteur , rue de Grenelle .; Madame
Boivin , rue Saint Honoré ; M. le
Clerc , rue du Roule.
OBSERVATIONS fur la pratique des
accouchemens naturels , contre nature &
monftrueux , avec une méthode très -facile
pour fecourir les femmes en toutes
fortes d'accouchemens , fans fe fervir de
crochets ni d'aucun autre inftrument que
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
, avec
de la main feule , & un Traité des principales
maladies qui arrivent ordinairement
aux femmes , in -octavo , par M. Cofme
Viardel , Chirurgien à Paris
des remarques qui fervent d'éclairciffemens
& de fupplément à l'ouvrage , or-
-nées de figures en taille douce , à Paris ,
chés d'Houry , pere , rue de la vieille Bouclerie.
LES AMUSEMENS du coeur & de l'ef
prit , pour l'année 1748. Tome premier ,
prix trente fols , à Paris , chés Jacques-
François Quillau , fils , rue Saint Jacques ,
aux Armes de l'Univerfité.
REMARQUES critiques fur le Dictionnaire
de Bayle , imprimé à Dijon , chés
la Demoifelle Hermil- Andrea , vis à- vis le
Palais des Etats , & à Paris , chés Hyppo-
-lite-Louis Guerin , rue Saint Jacques , à
Saint Thomas d'Aquin.
LE PARNASSE CHRETIEN . Ouvrage
divifé en deux parties , dont l'une
va jufqu'à Jeſus- Chrift , & l'autre juſqu'à
nous. Deux volumes in- 12 , à Paris , chés
Lottin , pere & fils , & J. H. Butard , Imprimeurs-
Libraires, rue Saint Jacques , à la
Vérité.
LETTRE de M. M. D. M. Etudiant en
Medecine , à un de fes amis , fur la lumiere
& la chaleur du Soleil , à Paris , chés les mêmes
Libraires .
JUI N. 1748. ISI
LETTRES PHILOSOPHIQUES , férieufes
, critiques & amufantes , traitant
de la pierre philofophale , de l'incertitude
de la Medecine , de la félicité temporelle
de l'homme , de la nature de l'ame ,
des prétendus efprits forts qui révoquent
en doute l'immortalité de l'ame ; fi les
efprits reviennent , des génies , de la magie
, du célibat , du mariage , de la comparaifon
des deux fexes , des ris , des
pleurs , de la mort , des richeffes , des
plaifirs , du monde , de la véritable nobleffe
, de l'erreur des fens , de l'excellence
de la raifon , des paniers des femmes , rondeaux
, cantates & autres fujets intéreſſans .
Deux volumes in-12 , à Paris , chés Charles
Robuftel , Quai des Auguftins.
in-
Ballard , fils , Imprimeur- Libraire , rue
Saint Jean de Beauvais , vient de mettre an
jour un imprimé de vingt-cinq pages
quarto , d'un très petit caractere , contenant
un Avertiffement aux Aftronomesfur l'éclipfe
annulaire du Soleil , que l'on attend le
25 Juillet 1748 , par M. de l'Ifle , de l'Académie
Royale des Sciences , avec une planche
qui repréfente l'éclipfe totale artificielle
du Soleil propofée en 1715 , pour
trouver la caufe de l'anneau lumineux qui
paroît autour de la Lune dans les écliples
totales du Soleil , par le même M. de l'lfle.
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
EUVRES de Saint Juſtin , Philofophe
& Martyr , avec ce qui refte de celles
de Tatien contre les Grecs , d'Athenagore ,
Philofophe Athénien , de Saint Théophile
d'Antioche , du Philofophe Hermias , &c.
avec des avertiffemens & des remarques ,
par les Bénédictins de la Congrégation de
Saint Maur , in -folio , à Paris , chés Debure
, l'aîné , Quai des Auguftins , à Saint
Paul.
LA RHETORIQUE ou l'Art de parler
, par M. Claufier , Medecin de Paris ,
chés Laurent d'Hury & Ganeau , Libraires
, à Paris , 1748 , in- 12 . Ce livre offre
un nouveau fyftême pour apprendre fo
lidement l'Eloquence. On y entreprend
de développer le fond des principes de
cet Art , & de les accommoder aux moeurs
de notre fiècle , en faifant ufage des prin
cipales connoiffances que la Philofophie
moderne nous a fournis. On y a joint un
abrégé de la maniere d'écrire les lettres ,
CONSIDERATIONS fur les caufes
de la grandeur des Romains & de leur
décadence 1748 , in- 12 . Nouvelle édition
revûe , corrigée & augmentée par
l'Auteur. On y a joint un Dialogue de Sylla
- & d'Eucrate. A Paris , chés Huart & Moreau
, fils , Imprimeurs- Libraires, rue Saint
Jacques.
JUIN.
153 1748.
Latini Sermonis exemplaria , &c. Solute
orationis excerptionum , Pars fecunda. Editio
altera.
L'Ouvrage que nous annonçons , eft la
feconde partie de profe latine , feconde
édition. C'est la fuite des Recueils des
modetes de latinité connus fous le titre de
Latini Sermonis, exemplaria è Scriptoribus
probatiffimis , &c. Lutetia- Parifiorum , apud
Fratres Guerin , viâ Jacobaâ , fub figno
·Sandi Thoma Aquinatis. Cette partie con-.
tient des morceaux de Quinte- Curce , de
Céfar , de Cicéron , de Sallufte , de Patercule
, de Valere Maxime , d'Aulugelle ,
de Florus & de Columelle . La Traduction
de ces extraits doit auffi paroître bientôt.
L'Auteur dans l'avertiffement fait une
critique fort judicieufe en apparence de
ces livres latins qu'on mer dans les mains
de la jeuneffe , comme les Catechifmus hifta-
-ricus & felecta Hiftoria , &c . Son but eft
de ramener à la lecture des bonnes fources
, pour apprendre fûrement la Langue
latine & fe former le goût , Cette matiere ,
dont on pourroit faire un très-gros livre ,
eft ici traitée fuccinctement , & cependant
avec beaucoup de clarté , en forme de préface.
Les morceaux des Auteurs paroiffent
choifis avec difcernement , & forment une
forte de liaifon. On voit qu'il a obfervé ,
G V
154 MERCURE DE FRANCE .
dans cette partie comme dans la premiere
une gradation raiſonnable pour faire paffer
infenfiblement aux Auteurs les plus difficiles
, car fuivant fon plan , il y aura une
fuite à cet Ouvrage. On trouve à la fin du
volume un précis de la vie de chaque Auteur
& quelques remarques. Ce recueil fe
fait lire avec plaifir , on eft fûr d'y trouver
toujours de beaux traits & un beau
langage c'eft le texte pur des bons Auteurs.
M. Chompré annonce pour la clôture
de fes recueils un vocabulaire portatif
qui fera un fecours prompt & facile pour
s'amufer agréablement & avec utilité dans
ces lectures.
PROJET du nouveau Traité de Diplomatique.
L'Ouvrage que nous annonçons au pu
blic fera diftribué en fix parties , dont chacune
fera fubdivifée en plufieurs fections .
Pour établir la Diplomatique fur des fondemens
folides , la premiere partie préfentera
l'art de juger des Diplomes , foutenu
de fa propre certitude , de la force de
fes de l'autorité de fes monumens
; autorité fupérieure à celle de l'Hif
toire , des Infcriptions & des Médailles.
On y remontera jufqu'à l'origine de nos
archives. On y mettra en parallele les chartriers
des anciennes Eglifes avec les dépreuves
,
JUIN. 1748. ·Iss
"
-
pour
pôts publics. On y marquera les tems auxquels
les chartes commencerent à parler les
Langues vulgaires . On y verra que la confervation
des titres de plus de mille ans
n'eft pas moins réelle que poffible ; que la
multiplicité , la diverfité , la reffemblance.
des originaux qui n'ont qu'un même objet
principal , ne fçauroient les rendre
fufpects ; qu'il eft des moyens fûrs
difcerner les originaux de leurs copies ,
même contemporaines. Leurs caracteres
diſtinctifs feront développés. Les queftions
concernant l'antiquité & l'authenticité des
titres , des vidimus , des copies collationnées
, des cartulaires , & la diſtinction de
leurs differentes efpeces , feront éclaircies .
Enfin les archives, de quelque nature qu'el
les foient , feront vengées des infultes
qu'elles effuyent fouvent de la part des
mauvais critiques . On traitera , mais avec
toute la briéveté .poffible , des differentes
fortes d'actes , de leur ufage & de leur nomenclature
infiniment variée. Là fe montreront
accompagnés d'une nombreuſe
fuite les titres connus fous le nom de lettres
, de chartes , de préceptes , d'actes judiciaires
& légiflatifs , de contrats politiques
& fynallagmatiques , de teftamens
de brevets , de cédules , de notices & d'une
nuée d'autres piéces ou monumens , qui
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
pour n'être point revêtus de certaines for
malités , n'en font pas moins du reffort des
archives.
La feconde partie renfermera les élémens
de la Diplomatique. On peut les réduire
aux caracteres inféparables des originaux
, & à ceux qui leur font communs
avec les copies. Du premier genre font la
matiere , l'encre , l'écriture , les fceaux &
les contre- fceaux avec toutes leurs dépendances.
Les matieres fur lefquelles on écrivit
d'abord les actes publics & particu
liers ; l'origine du parchemin & du papier
d'Egypte , quand commença , quand cellat-
on de s'en fervir ; comment diftinguet-
on le papier d'Egypte de celui d'écorce ;
ce dernier eft-il une chimere , qui n'exifta
jamais ; à quel fiécle faut il fixer la décou
verte & l'ufage du papier de coton & de
chiffe : ce font-là autant de queftions qu'on
difcutera avec foin , & fur lefquelles on
propofera plufieurs vûes nouvelles . Si la
matiere , fur laquelle on écrivit les chartes
, ouvre la porte à tant de recherches ;
les inftrumens & les encres dont on ufa ,
les écritures employées de fiécle en fiécle
par les divers peuples , qui s'établirent
fur les débris de l'Empire d'Occid nt ,
n'offrent ni moins de variétés ni des dif
cuffions moins intéreffantes . Mais on eft
JUI N. 1748. 157
refferré dans des bornes trop étroites , pour
pouvoir feulement indiquer ici les queftions
les plus importantes & les plus curieufes.
On fe voit forcé d'ufer de la même réferve
fur tous les autres fujets dont il
refte à parler. On fe contente donc d'obferver
, qu'on traitera dans une jufte éten
due du ftyle , des invocations , des fufcriptions
& des préambules qui caractérifent
les chartes des divers âges ; des claufes
dérogatoires ou comminatoires , des
peines pécuniaires & des malédictions
dont elles retentiffent ; des précautions
prifes & annoncées pour les rendre authentiques
; des inveftitures , du falur fi-
⚫nal , des dattes , des fignatures & des monogrames
dont elles font revêtues ; des
témoins , des Chanceliers & des Notaires
qui les foufcrivent ou qui les autoriſent.
En un mot on ne négligera rien de tout
ce qui appartient aux formules , de tout
ce qui fait le fond & l'effence de la Di
plomatique , de tout ce que Dom Mabil
lon a fait entrer dans la fienne , pour fer .
vir au difcernement des titres véritables &
fuppofés. Eh ! Quelle abondance de recherches
, quelle multiplicité d'objets, quelle
variété d'ufages cela ne renferme- t - il
pas ?
158 MERCURE DE FRANCE.
La fingularité de plufieurs d'entr'eux
n'eft pas moins frappante. Qu'on en juge
par les traits fuivans : antiquité des invocations
dont on n'a jufqu'à préfent fait remonter
le commencement dans les diplomes
de nos Rois , qu'à la feconde Race ,
prouvée égale à celle des plus anciens originaux
de la premiere : efpeces d'invocations
très - réelles , depuis le fixième ſiècle
jufqu'au douzième , inconnues à nos meilleurs
déchiffreurs , & néanmoins très-fréquentes
dans les chartes de ces tems reculés
: titres datés à diverfes repriſes , en des
années differentes & quelquefois affés
éloignées les unes des autres , fans que
leur authenticité en foit moins inconteftable
: omiffion totale des dattes , fouvent .
compatible avec la vérité des actes : faulleté
avérée d'une datte de quelques pièces ,
dont la fincérité ne laiffe d'être hors
pas
d'atteinte complication ou plutôt contrariété
d'uſages par rapport aux fignatures.
Combien d'anciens titres foufcrits par des
abfens ou par des perfonnes qui n'étoient
pas encore au monde , & dont la
vérité n'en eft pas moins au- deffus de toute
critique ? Combien de chartes originales
qui ne font pas fignées : combien qui le
paroiffent fans l'être : combien qui ne le
font qu'en partie : combien qui le font de
JUIN. 1745. 159
la même main , quoique les fignatures
femblent appartenir à differens témoins ?
Faut- il en venir à des faits particuliers ?
On verra des diplomes originaux , par
exemple , de Guillaume le Conquérant ,
où l'énumération des témoins tient lieu
de fignatures ; où des foufcriptions nonbreufes
atteftent feulement la préfence ,
fans montrer l'écriture de leurs prétendus
Auteurs où le Prince figne fans qu'il y
ait un mot , une fyllabe , une lettre de
fa façon . Que de monogrames regardés par
les plus habiles Antiquaires , comme l'ouvrage
, au moins en partie , des Rois &
des Empereurs , où tout eft fait par leur .
ordre & rien par eux- mêmes ? Que de
fceaux confondus avec les fignatures , avec
les monogrames , avec des figures qu'on
n'a fçû comment qualifier , où l'encre
fut fubftituée à la cire , & le cachet à la
plume !
La plupart de ces ufages font finguliers
& quelquefois bizarres , mais ils n'en font
pas moins indubitables . Les regles générales
précédées de définitions & d'axio.
mes , fuivies de démonftrations & de corolaires
le tout dirigé pour regler , par
rapport aux chartes , les limites du vrai ,
du faux & du fufpect , formeront un enchaînement
de principes & de conféquen160
MERCURE DE FRANCE.
ces , qui feront en même tems & le réfultat
des deux premieres parties , & les
principes fondamentaux de la Diplomatique
, & les prémices des fruits qu'on doit
attendre de cet Art.
lie-
Le fyftême des trois parties fuivantes
fera plus fimple & d'un ufage encore plus
commode . Ĉe feront comme autant d'hiftoires
Diplomatiques diftribuées 'par
cles. La troifiéme roulera fur les Refcrits
& les Bulles des Papes depuis Saint Pierre
jufqu'au fçavant Pontife qui occupe actuellement
le Saint Siége. La quatrième aura
pour objet les chartes des Evêques , des
Abbés & autres Eccléfiaftiques , & la cinquiéme
les diplomes des Empereurs , des
Rois , des Princes , des Seigneurs , des
Magiftrats & des particuliers. Chacune de
ces parties fera compofée d'obfervations
critiques fur les ufages , les caractéres , les
formalités propres à ces anciens titres.
Chacune fera terminée par des regles particulieres
, relatives aux fiécles , aux regnes
& quelquefois même aux perfonnes.
Toutes les trois feront abfolument neuves ,
& pour le fond , & pour la forme , & pour
la méthode.
Les queftions , qui demandent une dif
> cuffion un peu longue feront réfervées
pour la fixième partie . On y prouvera par
JUIN. 1748. 161
des faits , qu'en tous les tems les entre
prifes des Fauffaires furent féverement réprimées
que fouvent les Loix févirent
:
contre ceux qui accufoient de faux des
hommes innocens & des actes irréprochables
que bien des titres ont été décriés
par des critiques de nom , fur des prétextes
ou des argumens dont l'illufion fera
démontrée . Mais en relevant les infcriptions
en faux , hazardées trop légerement ,
on fera toujours en garde , pour ne pas prêter
des armes à l'imposture..
Il n'eft pas poffible de donner ici une
idée plus détaillée d'un deffein , qui comprend
une fi prodigieufe diverfité de matieres
, & qui ne fçauroit être exécuté
en moins de cinq volumes in-quarto. Nous
ajouterons feulement , que les pages ſeront
de tems en tems ornées de gravu
res & de planches en taille douce , au
nombre d'environ cent . , qui feront ré
parties fur les differens volumes. Par rapport
aux originaux qu'on fera graver , on
donnera la préférence à ceux qui n'ont
point encore paru , & qui font confervés
dans les dépôts publics. Les anciennes
Eglifes fuppléeront à leur indigence
pendant les onze à douze premiers fiécles.
Les Manufcrits des Bibliotheques du
Roi & de l'Abbaye de Saint Germain des
162 MERCURE DE FRANCE.
Prés , fourniront une faite curieufe d'é
critures de prefque tous les tems & de
toutes les Nations. On n'empruntera les
planches des livres imprimés , que quand
on n'aura rren pû trouver de mieux . Le
dernier volume fera terminé par une Table
alphabétique d'une étendue & d'une
exactitude , qui ne laifferont rien à déſirer.
On invite les gens deLettres de contribuer
par leurs avis ou par les Mémoires qu'ils ont
entre les mains , à la perfection de cet Ouvrage.
On ne manquera pas de leur faire
honneur de tout ce qu'ils auront bien voulu
communiquer.
Nous avons indiqué dans le Mercare de
Mars , les conditions propofées aux Soufcripteurs
.
LE NOUVEAU JEU de la Comere ,
avec la maniere de le jouer , à Paris , chés
Théodore le Gras , Grand -Salle du Palais ,
à l'L couronnée .
ESTAMPES NOUVELLES .
E fieur Duflos , Graveur , vient de mettre en
vente deux Eftampes parfaitement bien gravées
d'après les tableaux originaux de François
Boucher. L'une repréfente la Naiffance de Vénus.
On lit ces vers au bas de M. Panard.
Le liquide élément eft fécond en naufrages;
JUIN. 1748. 163
Les Aquilons fouvent y montrent leurs fureurs ,
Mais jamais fur les flots on ne voit tant d'orages ;
Que les yeux de Vénus en caufent dans les coeurs
Cette Divinité que la Mer mit au monde ,
Aux Dieux comme aux mortels fçait impofer des
fers
Elle a pris dans le fein de l'onde
De quoi mettre en feu l'univers.
L'autre repréſente la Toilette de l'énus. On lit
ces vers au bas de M. Sticoti.
Charmantes Soeurs , votre adreffe admirable
Ne fçauroit embellir la Mere des Amours ;
Le fimple à l'art fut toujours préférable ,
Et la beauté n'a pas beſoin d'atours.
Voulez- vous que l'Amour à vos voeux foit propice?
Belles , n'employez jamais l'art ;
Que votre beauté foit fans fard ,
Et votre coeur fans artifice.
Théatre de la guerre préfente d'Italie . Le petit
Atlas de poche de 24. Cartes , contenant le Brabant
& partie de la Hollande , préfenté au Roi en 1747,
ayant été du goût des Militaires , on a crâ qu'un
pareil Atlas de la guerre actuelle d'Italie feroit
également utile . C'est ce qui a engagé les fieurs
Dheulland & Julien à mettre au jour cet Atlas ,
compofé de 24 petites Cartes , dreffées fur les meil
leures Cartes nationales & plufieurs manufcrits
levés fur les lieux pendant la guerre préfente &
celle de 1734 , dont une Carte manufcrite , dreffée
fur les mémoires du Général Schullembourg par
164 MERCURE DE FRANCE.
+
M.deHontein, Capitaine & Ingénieur au ſervice de
la République deVenife . On a mis en tête une petite
Catte générale divifée en 24 quarreaux numérotés
des mêmes chiffres que les Cartes particulieres qui
y répondent , & une table alphabétique des villes ,
bourgs , châteaux , rivieres , cols & montagnes qui
y font nommés , afin de les y trouver plus facile
ment ; le tout affujetti aux obfervations aftronomiques
des Longitudes & Latitudes . Dédié & préfenté
au Roi. A Paris , chés Dheulland , ṛuë Ser
pente , quartier S. André des Arts ; chés M. Martin,
Officier du Roi , & chés Julian , ruë de Bràque
près l'Hôtel de Soubife , chés Groffeau , Tapiflier,
au premier fur la porte cochere. Ils vendent auffi
la nouvelle Carte Topographique des environs de
Maeftricht, & les Cartes des héritiers d'Homann ,
Géographes de S. M. Impériale , dont le nombre
augmente tous les jours depuis l'établiffement
qu'ils viennent de faire d'une Société Géographique
& Aftronomique dans leur Bureau à Nurem
berg. Les Atlas du Brabant & d'Italie fe vendent
auffi chés Mrs Bachelet à Lille , rue des Soeurs
noires; à Gand,chés P. de Goefin , dans le Veldftraete;
à Anvers , chés Martin Verduffen , fur le Marché
aux Souliers ; à Bruxelles , chés J. Leonard ; à
Liége , chés Bourguignon , au Livre d'or en Neuvice
; à Strasbourg , chés Schatz , Profeffeur , visà
- vis l'Intendance ; à Grenoble , chés Turbet Teinturier
, à la demi- lune des trois Cloîtres ; à Nu
remberg, chés les héritiers d'Homann , & à Berlin',
chés S. Paul , demeurant chés S. E. M. le Feldt-
Maréchal Comte de Schmettau . ·
JUIN. 1748. 165
薪洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗選
SPECTACLES.
'Académie Royale de Mufique a remis
Lfurion Theatre le ut Juin le Carnaval
& la Folie , Comédie-Ballet , repréſentée
pour la premiere fois le 3 Janvier 1704 ,
repriſe le 7 Mai 1719 , le 13 Juillet 1730
& le 7 Août 1738. Les paroles de cet ingénieux
ouvrage font de M. de la Motte ;
la Mufique eft de la compofition de M.
Deftouches , Sur-Intendant de la Muſique
du Roi. Ce Ballet , malgré la légereté de
la mufique & la fine métaphifique des Scénes
, n'a parfaitement rétiffi que quand le
rôle de la Folie a été rempli par Mlle Peliffier.
Le public eft à préfent très-fatisfait
de l'exécution de Mlle Chevalier .
Le Prologue fe paffe dans le Ciel , où les
Dieux font en feftin & fe font verfer le
nectar à longs traits . C'eft Hebé qui le fert
avec toutes les graces qu'on peut fouhaiter
à la Divinité de la jeuneffe , & cette Hebé
fi gracieufe fe trouve très bien figurée par
Mile Pavigné la fille.
Momus , qui eft de la fête , attaque tous
les Dieux par fes railleries. Il commence
par Jupiter, qui, laffé de fes cenfures éternelles
, le bannit de l'Olimpe .
166 MERCURE DE FRANCE.
Acte premier. Le Carnaval perfonifié eft
abordé par Momus exilé des Cieux, qui devient
le confident de l'Amour qui l'endans
les chaînes de la Folie. Il applaugage
dit & lui dit :
Que votre choix eft beau ! que vos liens font doux!
Vous ne pouviez trouver de maîtreffe plus belle ;
Elle feule eft digne de vous ,
Et vous feul êtes digne d'elle.
Le Carnaval .
Tel fe moque de mes ardeurs ,
Qui fuit fes loix fans la connoî: re ;
Par des charmes fecrets elle enchante les coeurs,
Et j'ai mille rivaux qui ne penfent pas l'être.
Voilà un échantillon du ftyle & des
penfées de la pièce , qui eft femée de traits
brillans & métaphifiques. La Folie fe
diftingue par des faillies inattendues &
des changemens comiques de volonté ; enfin
après avoir fatigué l'amant Carnaval
par fes irréfolutions , elle l'époufe ; Jupiter
lui-même les unit.
Mlle Duclos , qui a fait fi long- tems les
délices des amateurs de la Comédie Françoife
, eft morte, & fa penſion de 1000 l . a
été partagée également entre Mlle Gauffin
& Mlle Dangeville.
JUIN. 1748. 167
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
E 20 Juin , jour de l'Octave de la
Fête du Saint Sacrement , le Roi , accompagné
de Monfeigneur le Dauphin &
de Mefdames de France , alla à l'Eglife de
la Paroiffe du Château , où S. M. entendit
la grande Meffe , après avoir affiſte à
la Proceffion .
Pendant l'Octave du Saint Sacrement ,
le Roi , la Reine , Monfeigneur le Dauphin
, Madame la Dauphine & Mefdames
de France , ont aſſiſté àu Salut dans differentes
Eglifes.
Le Roi a nommé à l'Evêché de Lavaur
l'Abbé de Fontange , Doyen du Chapitre
d'Aurillac .
D'Aix-la-Chapelle , le 11 Juin.
Le Marquis Doria , Miniftre Plénipotentiaire
de la République de Génes aux
Conférences pour la Paix , a reçû les ordres
de cette République pour accéder
aux Articles Préliminaires. On attend ici
de Paris le Comte de Saint Severin ,
Avant qu'on cût reçû l'Acte d'acceffion
168 MERCURE DE FRANCE.
pure & fimple de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme , le Comte de Kaunitz
, fon Miniftre Plénipotentiaire , avoit
déclaré par un écrit qu'il avoit remis aux
Plénipotentiaires de France , d'Angleterre
& des Provinces Unies , que cette Princeffe
, dans la vûë de parvenir à la Paix &
pour faire ceffer les calamités que tant de
nations éprouvoient depuis fi long-tems ,
vouloit bien adopter fans reftriction les
Préliminaires , mais fans entrer dans des
engagemens , lefquels n'avoient rien de
commun avec les differends qui ont ſubſiſté
entre les Parties Belligerentes.
Le 23 le Vicomte de Bouzols a prêté
ferment de fidelité entre les mains du Roi
en qualité de Lieutenant Général pour Sa
Majefté dans la Province de la Baffe Auvergne,
Le Roi a accordé au Duc d'Aumont le
Gouvernement des Ville & Château de
Compiegne , vacant par la démiffion volontaire
du Duc d'Humieres.
L'Affemblée générale du Clergé ayant terminé
fes féances, les Prélats & autres Dépu
tés qui la compofent, fe rendirent à Verſailles
le 30 de ce mois, & its prirent congé du
Roi fuivant l'ufage établi à la fin de chaque
Affemblée. Ils furent conduits à l'audience
de Sa Majefté avec les honneurs
qu'on
JU IN. 1748. 169
du
qu'on rend au Clergé quand il eft en Corps
&.avec les cérémonies obfervées le 4
même mois , lorfque ces mêmes Députés
rendirent leurs refpects au Roi. L'Archevêque
de Toulouſe porta la parole.
Le Don gratuit de feize millions , accordé
par le Clergé , & dont l'emprunt a été
ouvert le premier Juillet , a été rempli en
entier le 4.
On apprend d'Aix-la - Chapelle que le
Marquis de Sotto Mayor , au nom du Roi
d'Efpagne & le Marquis Doria , au nom
de la République de Génes , ont accédé le
28 de ce mois aux Articles Préliminaires
fignés le 30 Avril , & que l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme ayant ratifié
l'acceffion donnée en fon nom le 25
Mai par le Comte de Kaunitz Rittberg ,
les Ratifications ont été échangées dans la
forme ordinaire.
Quoique les hoftilités par mer ne doi
vent ceffer en vertu des Préliminaires que
dans certains termes qui ont été reglés
proportionnellement aux diftances des
lieux , cependant dans la vûë de rétablir le
plutôt qu'il fera poffible & fans attendre
ces differentes époques , la liberté de la
navigation & du commerce , le Roi & fa
Majefté Britannique font convenus d'accorder
réciproquement & dès-à- préſent
11, Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE..
des Paffeports aux Sujets des deux Puiffances
, lefquels voudront faire voile vers les
Indes Orientales ou Occidentales. En conféquence
, ces Paffeports refpectifs ont été
échangés & délivrés de part & d'autre.
Le 22 Juin l'Académie Royale de Peinture
& Sculpture a tenu une affemblée extraordinaire
& publique , à laquelle M. de
Tournehem a préfidé . M. Coypel , Premier
Peintre du Roi & Directeur de cette Académie
, y a lû un Difcours fur l'année féculaire
de l'Académie ; enfuite il a lû une
Ode de M. des Portes * , fur l'honneur que
le Roi vient de faire à l'Académie de s'en
déclarer le Protecteur ; après quoi M. de
Tournehem a diftribué des Médailles d'or
& d'argent aux Eleves qui ont gagné les
Prix de Peinture , Sculpture & Deffein ,
fuivant l'ufage otdinaire.
* Fils du célébre M. des Portes.
JUIN . 1748. 17L
NOUVELLES ETRANGERES.
SUEDE.
Uivant les avis reçûs de Coppenhague , les
équipages du Baron de Koiff , Envoyé Extraordinaire
& Plénipotentiaire de l'Impératrice
de Ruffie y font arrivés le 25 Mai . Ce Miniftre y
eft attendu inceffamment , mais il ne s'y arrêtera
que peu de jours , ayant ordre de fe rendre en
d.ligence auprès du Roi. Tous les Miniftres
Etrangers , qui étoient reftés à Coppenhague , en
font partis pour venir joindre la Majesté . Les mêmes
avis portent que les Collecteurs des deniers
publics ont pris par ordre des Magiftrats une note
de tous les Catholiques domiciliés dans la ville.
Cette perquifition , à ce qu'on foupçonne , a été
faire parce que quelques enfans nés de peres Catholiques,
mais qui , ayant des meres Lutheriennes ,
devoient être élevés felon les Loix du Royaume
dans cette derniere Religion , ont déclaré qu'ils
vouloient vivre dans la Communion Romaine . Il
y eut le 18 à Coppenhague un orage très - violent
qui y a caufé des dommages confiderables .
Selon les nouvelles de Stockholm , le Prince
Royal de Suéde & la Princeffe fon épouſe y font
revenus de Drotnigholm , pour voir lancer à l'eau
deux Galéres qui ont été nommées l'Ordre desSéra- «
phins & l'Ordre de l'Epée. Ce Prince & cette Princeffe
fe font rendus le 25 du mois dernier à Upfal.
Divers navires marchands , deftinés pour les Ports
de France , ont fait voile de Stockholm & de Gottenbourg
pour leur deftitiation . Sa Majeſté Sué-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
doife ayant accordé des congés à une partie des
Officiers de Marine du Département de Carelfcroon
, on en infére que la flotte de ce Prince ne
fe mettra pas en mer auffi-tôt qu'on l'avoit crû."
On mande de Coppenhague du 11 Juin que le
Baron de Korff , Envoyé Extraordinaire & Plénipotentiaire
de l'Impératrice de Ruffie y arriva le
s de ce mois , & qu'il eft parti le 11 pour aller
joindre le Roi dans le Holſtein, Il eſt entré dans
le Port d'Elfeneur une flotte marchande de cent
cinquante navires Hollandois , fous l'escorte de
tois vaiffeaux de guerre & de deux frégates.
Cette flotte a remis à la voile pour la mer Baltique,
mais l'efcadre qui la convoyoit ne l'a point
accompagnée au- delà de Rochild . M. Ménadier ,
François , a préfenté une Requête au Collège du
Commerce , pour obtenir le privilége d'établir
dans cette ville une Manufacture de tabac d'Efpagne
, & les Magiftrats qui ont été confultés à ce
fujet , ayant approuvé la demande de ce Fabriquant
, on ne doute point qu'elle ne lui fort ace
cordée. Préfque aucun des muriers noirs qui ont
été plantés dans le Dannemarck , n'ayant pú té
fifter à la rigueur des hyvers , on avoit craint que
la culture des muriers blancs n'y eût pas plus de
fuccès. On a fait l'expérience du contraire. Ceux
qu'on cultive depuis neuf ans s'y font parfaitement
confervés. Actuellement on compte dans ce
Royaume plus de vingt mille de ces arbres , &
comme ils prennent de bouture , on eft en état
d'en porter le nombre à plufieurs centaines de
milliers . De l'aveu des Fabriquans , la foye que ces
arbres produifent , eft auffi forte & auffi luftrée
que celle d'aucun autre pays . S'il refte quelques dif
ficultés pour cet établiffement , elles feront caufées
par les pluyes , qui font ordinairement fréquences
JUIN 1748.
173
en Dannemarck pendant l'été. Cet obftacle ne
paroît pas cependant embarraffer les entrepreneurs,
& ils fe propofent de ne faire filer leurs vers qu'en
automne. Les lettres de Stockholm marquent que
le premier & le 2 de ce mois le Roi de Suéde a eu
de fortes attaques de gravelle , & qu'il a jetté une
Pierre qui lui a caufé une extrême douleur. On
mande de Warfovie que leurs Majeftés Polonoifes
y font arrivées de Drefde le 30 du mois dernier.
Elles y ont été reçues par le Grand Général de Pofogne
, par le Grand Chancelier du Royaume , &
par plufieurs autres Sénateurs qui les y avoient dé
vancées . Plufieurs Palatinats paroiffent détermi
nés à charger les Députés qu'ils enverront à la
Diette générale , d'y infifter fortement pour l'augmentation
des troupes de la Couronne. Suivant
les avis reçûs de Cracovie , les Majors Généraux
Mordaunt & Thuyl de Serooskerken , Commiffaires
du Roi de la Grande . Bretagne & des Etats
Généraux des Provinces- Unies , y eurent le 24
the longue conférence avec le Knéés Repnin' ,
Général en Chef des troupes auxiliaires de Ruffie ,
fur ce qui concerne la marche ultérieure de ces
troupes. Ils dépêch rent le même jour des couriers
à leurs Souverains refpectifs , pour les informer
du résultat de cette conference . En attendant le
retour de ces courters , les Ruffiens continuent
Jeur route. On a appris qu'il y avoit eu à Moscou
an incendie , par lequel plus de quatre mille maifons
avoient été réduites en cendres.
On mande de Hambourg du 14 , que le 12 à
huit heures du foir le Roi de Dannemarck arriva
à Alténa , & qu'il alla defcendre à l'Hôtel du
Comte de Rantzau , Préſident du Conſeil de Régence
. Sa Majefté Danoife donna le 13 audience
aux Députés qui y font allés pour la complimenter
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
de la part des Magiftrats. Ces Députés dîneren
enfuite à la table du Grand Maréchal . Les Repté
fentans de la Synagogue Allemande eurent auffi
l'honneur de rendre leurs refpects au Roi de Dannemarcx
, qui les reçût avec beaucoup de bonté ,
les affâca de fa protection . Le foir ce Prince le
promena à pied dans la ville pour voir les illumi
nations des principaux édifices , & particulierement
celle de l'Arc de Triomphe qu'on avoit élevé
pour fon entrée . Le 14 fa Majefté Danoife s'eft
rendue à Hambourg & elle y a été reçûë au bruit
de l'artillerie des remparts. Après avoir traverſé
à cheval plufieurs rues, elle eft retournée à Alténa ,
d'où elle devoit partir le 17 pour Altenbourg. La
plupart des Miniftres Etrangers qui réfident auprès
d'elle font actuellement à Hambourg.
DE DANTZIK du 26 Mai.
Es troupes Ruffiennes qui font à la folde dir
Roi Grande Bretagne & de la République
des Provinces-Unies , ont achevé de paffer la
Viftule. Il a été payé cent écus par Régiment aux
Payfans qui ont été employés à la construction
des ponts fur lefquels elles ont traverſé cette riviere.
Elles continuent leur marche avec une exrême
diligence ,& l'on vient d'apprendre que
leur avant garde eft arrivée à Cracovie . Le Comte
de Stampa , Chambellan de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Boheme , lequel s'étoit rendu il
y a quelque tems à Gora , afin de prendre avec
Je Knéés Repnin , Général en chef de ces troupes ,
quelques arrangemens qui les concernent , eft
retourné à Waifovie . Les lettres de cette derniere
ville marquent que les Grands Officiers de la Cou
ronne , ainsi que les Sénateurs , y arrivent fucceffi
1
JUIN. 1748. 175
vement pour y attendre fa Majefté. Ces lettres
ajoutent que l'Evêque de Luccovie , après avoir
paffé quelque tems à Lowitz auprès du Primat ,
en eft parti pour aller affifter à l'ouverture du
Tribunal de Radom dont il eft Préfident , On a ſçû
par les mêmes lettres que plufieurs bâteaux ont eu
le malheur de périr fur la Viftule pendant le dernier
débordement. Suivant les avis reçûs de Léopol
, le feu prir le 3 de ce mois dans le Convent
des Religieux de la Trinité , & ce bâtiment a été
entierement réduit en cendres , auffi bien que leur
Eglife & un grand nombre de maiſons voisines.
On mande de Pétersbourg que l'Anniverfaire du
Couronnement de l'Impératrice de Ruffie y a été
célébré avec beaucoup d'éclat . Il y eût le matin
une falve générale de l'artillerie de la Citadelle ,
de l'Arfenal & des galéres qui étoient fur la Nova,
L'Impératrice dîna en public avec le Grand Duc
de Ruffie , & Pon fervit dans la même fale une
table de deux cent couverts pour les Dames &
pour les Seigneurs de la Cour. Le foir le Palais
fut entierement illuminé , & il y eût un bal chés fa
Majefté Impériale. La fanté de la Grande Ducheffc
eft parfaitement rétablie.
DE STOCKHOLM du 22 Mai.
LE 14de cemoisle Baron deKorff,Confeiller
>
voyé Extraordinaire en cette Cour , eut fon áddience
de congé du Roi , & il préfenta à fa Majesté
M. de Panin qui eft venu à Stockholm pour
le remplacer. Ces deux Miniftres eurent l'honneur
de dîner avec le Roi , & le lendemain ils fe rendirent
à Drottnigholm , où ils furent admis à l'audience
du Prince Royal. On continue dans tou
Hij
176 MERCURE DE FRANCE :
tes les Eglifes les' Ptieres publiques , pour deman
der à Dieu que la Princeffe , épouse de ce Prince
accouche heureuſement. Le Roi a diſpoſé de la
charge de Grand Maréchal de la Cour en faveur
du Baron Suen de Cederftron. Celle de Grand
Sénéchal de la Province de Wermeland a été donnée
à M. Aleph Anrep . Sa Majefté a accordé un
brevet de Colonel à M. de Woltemat. M. Rudbeck
, Major du Régiment d'Infanterie d'Uplande , ´
en a été fait Lieutenant Colonel , & le Comte
Charles d'Eckeblad a été nommé Major de ce
Corps. Il paroît une Ordonnance , portant que les
perfonnes en tutelle, qui poffédent des terres propres
au labourage , pourront à l'avenir , avec la
permiffion des Magiftrats-, fe marier à dix- neuf
ans en Suéde , & à dix-huit dans les Bothnies
Orientale & Occidentale.
15
ALLEMAGNE.
De Vienne du 29 Maj.
IL fe tient à . Schombrun de fréquens Confeils ,
qui ont pour objet les négociations relatives à
la pacification générale. Le Confeil de guerre eft
occupé à déliberer fur les quartiers qu'on affignera
aux troupes lorsqu'elles reviendront d'Italie & des
Pays-Bas. Il a été réfołu de renvoyer dans leurs
Provinces toutes les troupes Hongroifes , tant réglées
qu'irrégulieres , & de former avec les Efclavons
& les Croates un cordon dans l'Illyrie &
dans la Tranfilvanie. Le Comte de Barck , Miniftre
Plénipotentiaire du Roi de Suéde , a eu fa
premiere audience de l'Impératrice Reine. L'Envoyé
Extraordinaire de fa Hauteffe a dû l'avoir
le premier Juin de l'Empereur. On ne parle plus
JUI N. 1748. 177
du départ de leurs Majeftés Impériales pour la
Moravie , & l'on ne doute point que les troupes
Kuffiennes , au fervice de fa Majefté Britannique
& des Etats Généraux des Provinces- Unies , ne
s'arrêtent fur la frontiere de Pologne. La Cour
attend avec impatience le retour du dernier cous
rier qui a porté à Aix-la-Chapelle l'Acte d'Accef
fion de l'impératrice . Le Comte de Choteck fe
difpofe à fe rendre à Berlin pour y réfider en qualité
de Miniftre de leurs Majeftés Impériales à la
place du Comte de Bernes:
On écrit de Berlin du 30 Maf que le 28 le Ron
vit faire l'exercice aux Gardes à cheval & à un
détachement des Gardes à pied. Plufieurs Régi
mens d'Infanterie , & celui de Cuiraffiers du Prin
ce de Pruffe , défilerent enfuite devant ſa Majefté
Elle dîna avec les Commandans de ces differens
Corps , & le foir elle foupa chés la Reine avec les
Princes & les Princeffes de la Famille Royale. Le'
29 , jour fixé pour la revue que le Roi avoit refolu
de faire d'une partie de fes troupes , fa Majefté ,
accompagnée des Princes & de la plupart des Seigneurs
de la Cour , fe rendit à cheval dans la plaine
voifine de cette ville . Lorfque le Roi fut arrivé
au lieu où les troupes étoient en bataille , & aprèsque
fa Majefté eut parcouru tous les rangs , P'Infanterie
& la Cavalerie firent feu par pelotons. Sa
Majefté a revêtu le 30 des marques de l'Ordre de
Aigle Noir le Comte de Haack, Lieutenant Feldt-
Maréchal de fes armées . Le Baron de Cocceji ,
Chancelier & Miniftre d'Etat , partit le 25 de ce
mois pour Cuftrin avec M. de Fruft , Confeiller
Privé de Juftice.
Les lettres dé Francfort du premier Juin portent
que fur les Lettres Réquifitoriales de l'Empereur ,
le Cercle de Franconie a confenti au paffage de
H ▼
178 MERCURE DE FRANCE.
mandé pour les troupes que l'Impératrice de Ruf
Le a fournies au Roi de la Grande Bretagne & à la
République des Provinces-Unies , mais comme
an a appris que toutes les Puiffances intéreffées
dans la guerre font dans la réfolution d'accéder
aux Articles Préliminaires fignés à Aix la Chapelle
, on s'attend d'apprendre que ces troupes.
auront repris la route de Ruffie. Celles de l'Impé
ratrice Reine de Hongrie & de Boheme , qui
étoient en marche pour le rendre dans les Pays-
Bas , & qui ont eu ordre de faire hake , ont été
mifes en quartiers dans divers villages voifins de
cette ville. Le Prince Héréditaire de Brandebourg
Anfpach , après avoir fait à Francfort quelque féjour
est allé à Mayence , d'où il doit fe rendre à
Utrecht. On a reçu avis de Drefde que la fanté de
Ta Reine de Pologne Electrice de Saxe étant réta
blie , leurs Majeftés Polonoifes étoient parties le
27 du mois dernier au matin pour Warfovie. Les
nouvelles d'Aufbourg portent qu'il y a paffé un
courier, allant de Vienne en Italie , pour porter de
la part de l'Impératrice Reine de Hongrie & de
Boheme un ordre au Feldt Maréchal Comte de
Browne d'y ceffer tous actes d'hoftilité.
On mande de Vienne du 3 de ce mois que quoi
que l'Impératrice Reine ait confenti d'accéder aux
Articles Préliminaires fignés à Aix - la- Chapelle
S. M. paroît déterminée à ne faire aucune reforme
dans les troupes avant la conclufion du traité défi
nitif, par lequella tranquillité générale ſera entierement
rétablie. On continue de travailler à la
répartition des quartiers , qui feront diftribués
aux Régimens qu'on fera revenir des Pays Bas
Le bruit court que tous ceux qui font en Ítalie y
demeureront , & qu'on n'en rappellera que les
troupes irrégulieres. Il s'est tenu une longue conJUIN.
179 1748.
férence au fujet de la marche des troupes Ruffiennes
que le Roi de la Grande Bretagne & les Etats
Généraux des Provinces Unies onr prifes à leur
fervice , & l'on affûre qu'il a été réfolu de prépa
rer des quartiers pour ces troupes dans la Moravie
& dans la Boheme . L'arrivée des couriers eft
toujours fort fréquente , & leurs dépêches donnent
lieu à divers Confeils , à l'un défquels le Baron de
Ramfchwang , Miniftre de l'Empereur auprès du
Cercle de Suabe a affifté. Le 30 du mois dernier
le Comte de Beftuchef , Chambellan de l'Impératice
de Ruffie , & qui eft venu pour complimenter
leurs Majeftés Impériales de la part de cette Princeffe
fur la naiffance de l'Archiduc Pierre Léopold,
prit congé de l'Empereur & de l'Impératrice.
L'Envoyé Extraordinaire du Grand Seigneur
devoit avoir inceflamment fon audience de
leurs Majeftés Impériales , & il a été conduit
à celle du Comte de Harrach , Préfident da
Confeil de guerre , à qui il a remis fes Lettres de
Créance . M. de Monmartz, Premier Interprête de
la Cour , lequel étoit allé dans les caroffès du
Comte de Harrach prendre cet Envoyé, l'a récom
duit avec les mêmes cérémonies. L'Archiduc
Jofeph & les Archiducheffes Marie- Anne & Marie-
Chriftine font de retour du voyage qu'ils ont fait
à Marie Zell.
$
Je 29 elles
On écrit de Drefde du premier Juin que leurs
Majeftés partirent le 27 du mois dernier pour fe
rendre à Warfovie , & l'on a appris que
étoient arrivées à Breflau. Le Roi avant fon départ
a difpofé d'une place de Confeiller Privé en
faveur de M. de Hering , & fa Majeſté a nommé
Major Général M. de Gerfdorff , Colonel Lieute
nánt du Régiment d'Infanterie du Prince Xavier.
Le Chevalier Williams , Miniftre du Roi de la
H vj
180 MERCURE DE FRANCE:
Grande Bretagne a reçû fes Lettres de Rappel
ainfi que M. de Harling qui réfide à Drefde en la
même qualité de la part du Roi de Dannemarck .
On attendoit vers le is de ce mois M. Kalkoën
Envoyé Extraordinaire des Etats Généraux des
Provinces-Unies. Le Nonce du Pape a été indifpofé
pendant quelques jours , mais il fe porte
beaucoup mieux , & il fe prépare à fuivre le Roi.
à Warfovie. On mande de Cracovie , que le 10
du mois dernier l'avant-garde de la premiere co-
Jonne des troupes Ruffiennes y étoit arrivée ,
qu'elle avoit pris des quartiers dans les fauxbourgs,
ainfi que dans les villages voifins. La feconde
colonne ne marchera à Cracovie qu'après que la
premiere fe fera renduë fur la frontiere de l'Alle
magne.
&
Nous apprenons par les nouvelles de Berlin dus
de ce mois , que le 31 du mois dernier le Roi
fit la revue particuliere des Régimens d'Lufanterie.
du Prince de Pruffe , du Prince Ferdinand , & du.
Prince Héréditaire de Heffe Darmſtadt , ainfi que
celle du Régiment d'Alt Schwerin. Sa Majesté
parut également fatisfaite , & de la beauté de ces
Corps , & de la manière dont ils firent l'exercice..
Elle dina après la revue avec les Princes de la Famille
Royale & avec plufieurs Officiers Généraux
Le foir elle le rendit au Théatre de la Cour ,
elle y affifta à la repréfentation d'une Comédie
Françoife. Le Régiment de Cuiraffiers du Prince
de Pruffe & celui de Dragons du Comte de Rothembourg
fe mirent le 30 en marche pour retourner
, le premier à Kyritz & le fecond à Kuftrin.
On a renvoyé dans leurs quartiers la plupart
des autres troupes dont le Roi a fait la revûë, &
le Régiment de Grénadiers , dont M. de Byla eft
Colonel , eft parti pour Treyenbrietzen ou il dois
&c.
JUI N. 181 3.748.
paffer en garnifon le refte de cette année. Le 30
P'Académie Royale des Sciences tint une affeine
blée publique , à laquelle fe trouverent quelques
Miniftres Errangers & pluffeurs Seigneurs . Le
Prince Regnant d'Anhalt Deffau , qui a refté à
Berlin pendant quelque tems , eft retourné à fa
réfidence.
Les lettres de Ratifbonue du 9 de ce mois por
tent que plufieurs Officiers des troupes de l'Impé-
Patrice Reine de Hongrie & de Boheme s'y font
rendus , afin d'y faire des levées de foldats pour
recrûter leurs Régimens. On a reçû avis que l'avant-
garde des troupes , fournies par l'impératrice
de Ruffie à fa Majefté Britannique & aux Etats:
Généraux des Provinces Unies , étoit déja fur la
frontiere de la Haute-Siléfie , & l'on continue
d'affûrer que ces troupes prendront des quartiers
jufqu'à nouvel ordre dans la Moravie & dans le
Royaume de Boheme. Les nouvelles de Ruffie
portent que le Comte de Bernes eft arrivé à Pé→
terbourg, afin d'y remplacer le Baron de Breitlach
en qualité d'Ambaffadeur de la Cour de Vienne ,
K que le 17 du mois dernier il a eû une conférence
avec le Comte de Beftuchef , Grand Chancelier..
On a été informé par les mêmes lettres que l'Impératrice
de Ruffle étoit partie le 18 pour aller
paffer quelques jours à la campagne.
Les lettres de Vienne du 10 Juin portent que
fur la nouvellé que la premiere colonne des troupes
Ruffiennes, qui font au fervice de fa Majefte
Britannique & de la République des Provinces-
Unies , eft entrée les de ce mois dans la Haute-
Silefie , leurs Majeftés Impériales ont pris de nouveau
la réfolution de fe rendre à Olmutz . Elles
partirent le avec le Prince & la Princeffe de
Lorraine , & elles coucherènt au château de Nico
*
181 MERCURE DE FRANCE.
fafbourg , où le Prince de Dietrichftein a fait de
grands préparatifs pour les recevoir. Le 14 elles
ont été à Aufterlitz , qui appartient au Comte de
Kaunitz Rittberg , Miniftre Plénipotentiaire
aux Conférences d'Aix- la Chapelle. Elles rencontrercnt
le lendemain à Kremfir la premiere
colonne des Ruffiens Le 17 elles arriverent à
Olmutz , où la feconde & la troifiéme colonne de
ees troupes pafferent le 18 & le 19. Shaddi Mufrapha
Effendi , Envoyé Extraordinaire de fa Hauteffe
, eût le 6 fa premiere audience publique de
Empereur , & il a été conduir le io à celle de
17mpératrice Reine . Leurs Majeftés Impériales
ont fait plufieurs magnifiques préfens au Comte de
Beftuchef, que l'Impératrice de Ruffie a envoyé
pour les complimenter fur la naifance de l'Archiduc
Pierre Leopold.
On écrit de Berlin du 13 , que pendant quelques
jours la Reine Douairiere a été fort incommodée ,
mais qu'elle fe porte beaucoup mieux , & qu'elle
recommence à parokre en public . Le tétabliffement
de la fanté de cette Princeffe caufe une joie"
générale. Il eft venu de Hanover un courier dont
M. Legge , Miniftre du Roi de la Grande Bretagne
, a communiqué les dépêches au Roi qui a
parû en être fort fatisfait . Sa Majefté , confervant
Toujours le fouvenir des marques extraordinaires
de valeur que le Régiment du Comte Criſtophe
de Dohna a données dans le combat de Sorr , a
accordé encore depuis peu une nouvelle gratifica
tion à ce Régiment , en lui faifant diftribuer le
prêt. Elle a difpofé du Gouvernement du Château
de Frederichfbourg en faveur de M. de Podewils ,
Colonel Commandant du Régiment d'Infanterie
du Feldt- Maréchal Kleift . M. de Katzler , Major
Général des armées du Roi , & Commandant des
JUIN. 18% 1748.
Gendarmes , a obtenu une penfion fur les revenus
de Munfter Eiffel . La Baronne de Blafpiel , veuve
du Miniftre d'Etat de ce nom , & Grande Maî
srefle de la Maiſon de la Princeffe Amelie , mourut
en cette ville le 9 dans la cinquante- neuviéme
année de fon âge.
N
GRANDE - BRETAGNE.
Ous apprenons par les lettres de Londres dur
31 Mai, que lorfque le Roi eft parti pour les
Etats d'Allemagne , fa Majefté , après avoir paflé
Ja Tamife , s'eft rendue à Gravefend où elle arrivar
le 24 de ce mois à huit heures du foir. Elle s'y
embarqua le même jour fur le Yacht la Caroline
& mit une heure après à la voile. Le 27 on far
informé que le Roi avoit été obligé le 26 par le
vent contraire,de relâcher à Harwich avec tous les
Yachts & les vaiffeaux de guerre qui lui fervoient
d'escorte. On apprit le 30 , que le même jour au
foir fa Majefté avoit remis à la voile , & comme
le vent a continué d'être favorable on ne doute
pas qu'elle ne foit actuellement débarquée en
Hollande. La veille du départ du Roi le Chevalier
Capello , Ambaffadeur de la République de Véwife
,eutfon audience de congé de S. M. Il devoit
Favoir inceffamment du Prince & de la Princeffe
de Galles , ainfi que des Princeffes Amélie & Cazoline.
Pendant Pabfence de fa Majefté le Prince
& la Princeffe de Galles tiendront appartement
tous les Jeudis au Palais de Leicefter , & les Prin-`
ceffes Amélie & Caroline feront leur réfidence aw
Château de Kenfington, Les Seigneurs que le Roi
a déclarés Régens du Royaume , font l'Archevêque
de Cantorbery , le Lord Chancelier , le Duc
de Dorfet , le. Comte Jean Gower ; les Ducs de
184 MERCURE DE FRANCE
Devonshire , de Grafton , de Richmond , de Bed
ford , de Montagu , d'Argyle & de Newcaſtle ; le
Comte de Pembroke , le Comte de Sandwich
Premier Commiffaire de l'Amirauté , & Miniftre
Plénipotentiaire de fa Majefté à Aix - la- Chapelle ;
le Comte de Harrington , le Vicomte de Cob
Ham , & M. Henri Pelham , Premier Commiffaire
de la Trésorerie. Ils ne doivent ouvrir leur Com
miffion qu'après qu'ils auront la nouvelle de l'àrrivée
du Roi à Hellevoet Sluys. Sa Majefté avantfon
départ a créé le Baron d'Herbert de Charbury,
Comte de la Grande Bretagne , & elle a accordé
à M. Ibberfon de Leeds le titre de Baron . Elle a
nommé le Chevalier Jean Norris Amiral de la
flotte ; le Chevalier Chaloner Ogle , Meffieurs
Stuard , Clinton & Rowley, Amiraux de l'éſcadre
Blanche ; Meffieurs Martin & de Thownshend , &
les Lords Vere Beauclerc & Anfon , Amiraux de
Fefcadre Bleue ; Meffieurs Mayne & Bing , & le
Chevalier Warren , Vice- Amiraux de l'efcadre
Rouge ; Mellieurs Ofborne , Smith & Lee , Vice-
Amiraux de l'efcadre Blanche ; le Chevalier
Hawke , Vice-Amiral de l'efcadre Bleue ; Meffeurs
Chambers & Knowles , Contre- Amiraux de
l'efcadre Rouge ; Meffieurs Forbes & Boscawen ,,
Contre-Amiraux de l'efcadre Blanche , & M. Wat
fon , Contre Amiral de l'éfcadre Bleue . M. Robert
Dandaff , un des Lords de la Seffion en
Ecofle , a obtenu la place de Préfident du Confeil
de ce Royaume , vacante par la mort de M. Dun
can Forbes. La charge de Sécretaire d'Etat du
même Royaume a été donnée à M. André Flef
cher , qui a M. Areskine pour fucceffeur dans
cellé de Greffier en chef de la Cour de Justice.
Le Roi a difpofé du Gouvernement de l'Acadie
de celui des Forts de Plaifance & de Newfoun
JUIN. 1748. 18¢
Tand , en faveur de M. Watfon , Commandant
des vaiffeaux de guerre qui ont leurs ftations fur
Ies côtes de l'Amérique Septentrionale. Il arriva
la nuit du 27 au 28 un courier,par lequel le Comte
de Sandwich , Miniftre Plénipotentiaire de la Ma
jefté à Aix-la- Chapelle , a envoyé la Ratification
des Articles Préliminaires fignée par le Roi Très-
Chrétien. On a publié une Déclaration du Roi ,
Taquelle porte que fa Majefté voulant prévenir les
inconvéniens que fes Sujets pourroient fouffrir ,
faute de bien entendre la Proclamation du 16 de
ce mois concernant la ceflation des actes d'hofti
lité , elle ordonne à tous Capitaines de navires de
ne point mettre en mer fans être munis de paffeports.
Par la même Déclaration le Roi leur en
joint de fe conformer exactement à la teneur des
actes du Parlement , pour tout ce qui regarde le
commerce avec le Royaume de France. Les
Commiffaires de l'Amirauté ont envoyé ordre au
Capitaine Lloyd , Commandant du vaiffeau de
guerre le Glasgow , de faire voile pour Terre
Neuve & pour l'Amérique Septentrionale , afin
d'avertir les vaiffeaux de guerre & les corfaires
qu'il rencontrera , de ceffer d'agir hoftilement
Contre les François. Il doit faire de la part des Sé
cretaires d'Etat la même notification aux Gouver
acurs & aux Commandans des Colonies . Les or
dres pour rétablir la communication avec la Fran
ce ont dû être expédiés le premier Juin , & il y a
déja dans le Port de Douvres un bâtiment prêt à
mettre à la voile pour Calais . Plufieurs Paffagers
aufquels on a diftribué des paffeports ,ont du s'emi
barquer fur ce navire. On a reçû avis que la Proclamation
du Roi pour la fufpenfion d'armes avoit
été lúe le 22 dans les places publiques à - Edimbourg
& à Dublin , & que les habitans n'avoient
186 MERCURE DE FRANCE.
pas fait de moindres rejoüiffances que ceux de
cette ville à l'occafion de la fignature des Articles
Préliminaires. Il y a apparence que les hoftilités
continueront contre les vaiffeaux Eſpagnols , jufqu'à
ce que fa Majefté Catholique ait accédé aux
arrangemens pris à Aix la - Chapelle . Le Prince de
Czernichew , Envoyé Extraordinaire de l'Impératrice
de Ruffie ; M. Hop , qui réfide à Londres en
la même qualité de la part des Etats Généraux des
Provinces Unies , & M. Alt , Miniftre du Roi de
Suéde , comme Landgrave de Heffe Caffel , fe
difpofent à fuivre le Roi à Hanover. Sa Majefté a
accordé la grace & une penfion de deux cent livres
fterlings à M. Murray , ci devant Secretaire du
Prince Edouard.
On écrit de Londres du 7 Juin qu'un courier
arrivé le z de ce mois , rapporta que le jour précé
dent après-midi , le bâtiment fur lequel il étoit
venu de Hollande avoit rencontré le Roi à
quatre
lieues de l'Ile de Gorée , & depuis on a fçu que
fa Majefté étoit débarquée heureufement à Helle
voet Sluys. Auffi tôt que les Seigneurs Régens du
Royaume ont été informés de cette nouvelle , ils
ont ouvert leur Commiffion . Ils ont choisi pour
leur premier Secretaire M. Ramfden , qui aura
fous lui Meffieurs Potter & Newille Aldworth .
Le Confeil de Régence fe tiendra les Mardis & les
Jeudis , & tous les jours l'Archevêque de Cantorbery
recevra les Placets . Le 2 le Chevalier Capello
, Ambaffadeur de la République de Vénife eut
fon audience de congé du Prince & de la Princeffe
de Galles , & le lendemain il fut conduit à celle
de la Princeffe Amelie. Le Frince de Galles fit
célébrer le 4 à fa Maifon de Campagne avec beau
coup de magnificence l'Anniverfaire de la naiffance
du Duc de Cornouaille qui eft entré dans lá
JUIN.
187 1748.
nzième année de fon âge. Plufieurs perfonnes
de diftinction furent invitées à cette fête , & l'on
fervit le matin trois tables , chacune de cinquante
Couverts. L'après midi le Prince de Galles fe
rendit dans une gondole fur la Tamile , pour voir
difputer par les bâteliers un prix de cinquante
guinées qu'il avoit promis aux deux meilleurs rámeurs.
Cette fête fut terminée par un bat qui
dura jufqu'au lendemain. Le premier , le Duc de
Newcattle reçût l'Acte d'Acceffion de l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme aux Articles
Préliminaires. Le 6 , M. Wale , Maréchal de
Camp au ſervice d'Efpagne , & chargé d'une com
miffion de fa Majefté Catholique en cette Court,
eut une longue conference avec le Duc de Bedford.
Le Duc de Newcastle devoit partir le 18
pour le rendre auprès du Roi à Hanover . Ce
Miniftre a fait fçavoir aux Directeurs de la Banque
, que le Roi de Pruffe avoit envoyé ordre de
leur payer les arrérages des fommes que la Ban
que , avoit prêtées à l'Empereur Charles VI , &
qui ont été hypothequées fur les revenus de la
Silésie . On recommence à prendre des matelats
par force , afin de rendre complets les équipages
des vaiffeaux de guerre qu'on doit conferver armés.
Quatre de ces vaiffeaux font allés croifer
au -delà du Cap de Saint Vincent , pour intercep
ter les navires marchands , tant François qu'Elpagnols
qui feront dans le cas d'être déclarés de
bonne prife. La libre communication avec la
France n'a pas encore été publiée , parce que pour
figner les ordres néceffaires à ce fujet , il a fallu
attendre la nouvelle de l'arrivée de fa Majesté en
Hollande. Cependant plufieurs navires chargés.
de grains ont déja fait voile de differents Ports &
ils feront faivis d'un grand nombre d'autres. Le
188 MERCURE DE FRANCE!
Gouvernement a fait équiper quelques bâtimens 3
deftinés à donner la chafle aux contrebandiers fur
les côtes d'Angleterre . M. Hop, Miniftre des Etats
Généraux des Provinces- Unies , s'embarqua le ri
pour aller paffer quelque tems à la Haye. Le
Lord Oliphant étant mort depuis peu en Ecoffe
fans laiffer d'enfans , fon titre & fes biens paffent
à M. Jacques Oliphant , Négociant établi à Batavia.
Les Actions de la Compagnie de la mer du
Sad font à cent fix ; celles de la Banque à cent
vingt- fix ; celles de la Compagnie des Indes Orien
tales à cent foixante-dix-fept , trois quarts , & les
Annuités à quatre-vingt- dix- fept , trois huitiémes.
Les nouvelles de Londres dur 14 nous appren
ment que l'affaire concernant la priſe & la détention
de divers navires Pruffiens a été terminée par
PAmirauté à la fatisfaction du Roi de Pruffe , &
que l'on parle de conclure avec ce Prince un Trai
té de Navigation & de Commerce. Plufieurs bây
timens Anglois , dont des Corfaires François s'é
toient emparés dans la Manche & dans les Mers
du Nord après le terme preferit par les Articles
Préliminaires, ont été reftitués par ordre du Roi de
France , conformément à ce dont on eft convenų
dans les Conférences d'Aix - la - Chapelle. Le Gou
vernement en ufera de même pour ceux apparte
nans aux sujets de Sa Majefté Très- Chrétienne
& l'on s'attend qu'il renverra inceffamment en
France un navire qui a été enlevé par le vaiffeau
de guerre le Renard en revenant de la Martinique.
La charge de ce navire confifte en fucre , en cacao
, en caffé & en indigo , & elle eft eftimée
près de dix mille livres fterlings. Suivant les avis
reçûs de la Nouvelle Angleterre , deux Corfaires
de Rhode-Inland y ont conduit un vaiffeau Fran
JUIN. 1748. 189
çois qui rapportoit de la mer du Sud foixante
mille piéces de huit . Trois corfaires François fe
font rendus maîtres de vingt bâtimens de nos
Colonies Angloifes & d'un navire de trois cent cmquante
tonneaux,qui avoit fait voile de Portſmouth
pour la Caroline Septentrionale. On a fçu par les
mêmes avis que les Eſpagnols ont pris une frégate
allant de Guinée à la Jamaïque , & fur laquelle
rl y avoit quatre cent Négres. Les lettres de divers
autres endroits de l'Amérique ne font pas plus favorables.
Elles marquent que les François , les
Efpagnols & les Indiens , continuent de faire des
courfes dans les Colonies Angloifes , & qu'ils y
ont pillé plufieurs bourgs. Auffi-tôt que les Ami
raux Warren & Hawke ont été informés qu'il y
avoit une fufpenfion d'armes entre la France & la
Grande Bretagne , ils ont ceflé la croifiere qu'ils
avoient établie dans les environs du Cap Clear ,
& l'on a appris qu'ils fe difpofoient à revenir avec
les efcadres qu'ils commandent. Le bâtiment de
Cartel le Roi Georges eft arrivé de Saint Malo à
Plymouth avec cent vingt-cinq des matelots An
glois qui ont été faits prifonniers , & il doit remettre
bientôt à la voile pour conduire en France
plufieurs matelots François. Son équipage a rapporté
que la plupart des corfaires de Saint Malo
défarmoient , & qu'on y équipoit plufieurs navires
pour la pêche de Terre Neuve. Il part chaque
jour divers bâtimens Anglois pour les Ports de
France , mais jufqu'à préfent ils prennent des Paffeports
, la communication libre avec ce Royaume
n'étant pas encore ouverte . Les nouvelles de Lif
banne confirment que la deftination dy vaiffeau
de guerre Portugais la Notre-Dame de Nazareth
qui en étoit parti le 31 du mois de Janvier & qui
y eft revenu le 6 du mois dernier , a été d'aller
190 MERCURE DE FRANCE.
à l'Ile de Ténérife afin d'y charger quinze cent
mille piaftres , refte du tréfor que le vaiffeau Efpagnol
le Hector y avoit débarqué à la fin de l'année
1747. On a déja congédié les équipages de quelques
vaiffeaux du Roi , & ceux de deux brûlots &
de trois alleges. Le Gouvernement le propofe
d'envoyer une grande quantité de mats & d'autres
agrès de navires à la Jamaïque. Le Duc de Newcaftle
doit s'embarquer pour la Hollande d'où il
paflera à Hannover . Le Comte de Flemming , Envoyé
Extraordinaire du Roi de Pologne Electeur
de Saxe , fe difpofe à prendre la même route , aina
qne le Baron de Wafner , Miniftre Plénipotentiaire
de l'impératrice Reine de Hongrie & de
Boheme , & M. de Champigny , Miniftre de l'Electeur
de Cologne . Il eft venu de Paris un courier
, par lequel l'Abbé de Groffa Tefta , Miniftre
du Duc de Modéne , a reçû ordre d'y aller join
dre ce Prince, En conféquence ce Miniftre a pris
congé des deux Secretaires d'Etat , & après avoir
diné chés l'Ambaffadeur de la République de Vénife
, il eft parti pour Douvres. On attend avec
impatience le retour d'un autre courier , que M.
Wale , Maréchal de Camp au ſervice du Roi d'Efpagne
, & chargé d'une commiffion de fa Majefté
Catholique , a dépêché à Madrid. Pendant l'abfence
du Baron de Wafner , M. de Sernés , fon
Secretaire de Légation , aura foin des affaires de
leurs Majeftés Impériales. Les Actions de la
Compagnie de la mer du Sud font à cent fix &
demi ; celles de la Banque à cent vingt- fix ; celles
de la Compagnie des Indes Orientales à cent foixante
& feize , trois quarts , & les Annuités à quatre-
vingt-dix-huit,
JUIN.
191 1748.
L
PROVINCES - UNIES.
Es lettres d'Utrecht du 2 Juin portent que l'efcadre
qui a conduit le Roi de la Grande Bresagne
en Hollande , ayant mouillé le premier vers
les dix heures du foir à la rade de Hellevoet-Sluys,
fa Majefté Britannique fut faluée d'une décharge
générale de l'artillerie des remparts , & de celle
de tous les vaiffeaux qui étoient dans le Port. Ce
Prince a paffé la nuit dans le Yacht , fur lequel il a
fait le trajet , & il eft parti le 2 au matin à fix heures
pour Maadlands- Sluys. Il y eft arrivé à fepr
heures , & il y a trouvé la Princeffe de Naffau , à laquelle
il a donné des démonftrations de la plus vive
tendretle. Après s'être entretenu pendant une heure
avec cette Princeffe , le Roi de la Grande Bretagne
a continué fa route , & s'étant rendu à Utrecht fur
le midi , il eft defcendu chés M. Pouchoud fon
Agent en cette ville. Le Prince Stathouder , qui
auffi tôt qu'il avoit été inftruit de l'arrivée de fa
Majefté Britannique à Hellevoet- Sluys , étoit venu
Pattendre à Utrecht , eft allé ſur le champ la faluer.
Sa Majefté Britannique s'eft remife en chemin
après- midi à deux heures & demie pour fe rendre
Hanover , & le foir le Prince Stathouder eft
retourné à la Haye.
On écrit de la Haye du 6 Juin que felon les
copies qui y paroiffent des Articles Préliminaires
fignés à Aix- la- Chapelle, les Traités de Weftphalie,
de Nimegue, de Ryfwick , d'Utrecht , de Bade & de
la Quadruple Alliance ,ferviront de baſe à la négo
ciation ; on reftituera de part & d'autre toutes les
conquêtes qui ont été faites depuis le commencement
de la guerre , tant en Europe qu'aux Indes
Orientales & Occidentales ; Dunkerque confervera
les fortifications du côté de la terre en l'é.
192 MERCURE DE FRANCE
retat
où elles font actuellement ; les Duchés de
Parme , de Plaiſance & de Guaſtalla , feront cedés
à l'Infant Don Philippe , avec une claufe de
reverfion aux préfens Poffeffeurs , en cas que ce
Prince pafle au Trône des Deux Siciles , ou qu'il
meure fans poftérité ; le Duc de Modéne fera
mis en poffeffion de tous les Etats , ou il lui fera
donné un dédommagement de ce qui ne pourra
lui être rendu ; on reftituera à la République de
Génes , fans aucune restriction , tout ce dont elle
jouiffoit avant la guerre ; le Roi de Sardaigne
continuera de poffeder le Vigevanafque , la partie
du Pavéfan & le Comté d'Anghera , dont il a fait
l'acquifition en 1743 ; fa Majefté Britannique
ayant , en qualité d'Electeur de Hanover , des
fommes à répéter de la Couronne d'Eſpagne , le
Roi Très-Chrétien & les Etats Généraux promettent
leurs bons offices pour procurer la liquidation
de ces fommes ; le Traité de l'Affiento pour la
Traite des Négres , figné à Madrid le 26 Mars
1713 , eft confirmé , uniquement pour les années
de non- joüiffance ; la difcuffion des prétentions
de l'Electeur Palatin fur le Fief de Pleftein ſera
renvoyée au Congrès général ; l'Empereur fera
reconnu par les Puiffances qui ne lui avoient pas
encore accordé ce titre ; les reftitutions énoncées
n'auront lieu qu'après que toutes les Puiffances intéreffées
aux Articles Préliminaires y auront accédé
, il en fera de même pour les ceffions faites
à l'Infant Don Philippe , on renouvellera , dans la
meilleure forme qu'il fera poffible , la garantie de
la Pragmatique Sanction en faveur de l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme , & de ſes
defcendans à perpétuité , à l'exception cependant
des ceflions déja faites par cette Princeffe , & de
selles ftipulées par les Articles Préliminaires ; le
Duché
JUI N. 1748. 193
Duché de Siléfie & le Comté de Glatz feront garantis
au Roi de Pruffe par ' toutes les parties contractantes.
A
Les nouvelles de la Haye du 13 Juin nous apprennent
qu'il eft venu une députation de la part
de la Province de Frife , pour annoncer au Prince
Stathouder , que par une Proclamation publiée à
Leuwarde le 4 de ce mois , les Etats de la Province
avoient déclaré le Stathoudérat héréditaire dans
les lignes mafculine & feminine de la Maiſon de
Naffau Dieft. Les Députés font Meffieurs Hobbo ,
Jarig de Burmania , Vegelin de Claabergen & le-
Baron de Groveftein. Ils furent admis le 8 & le
io à l'audience du Prince Stathouder , & l'un
d'eux eft retourné à Leuwarde pour s'acquitter
d'une commiffion de ce Prince. Les Etats Géné
raux ont réfolu de fufpendre l'exécution des placards
qu'ils avoient fait publier , tant par rapport
aux affûrances que pour ce qui regarde l'entrée
& la fortie des marchandiſes. Toutes chofes à cet
égard feront rétablies provifionnellement fur le
même pied où elles étoient ci devant . Le Gouvernement
a donné les ordres pour faire ceffer
par
mer tous les actes d'hoftilité contre la France , &
même on a déja ceffé d'exiger que les navires
marchands fourniffent le tiers de leurs équipages :
pour le fervice des vaiffeaux de guerre de la République.
Il a paru le une Déclaration , par la
quelle les Commiffaires de l'Amirauté permettent
de transporter des grains , tant en France que dans
d'autres pays . Les Députés des Etats de Hollande &
de. Weftfrife ont dû reprendre le 19 leurs féances ,
les Lettres de Convocation ayant été expédiées
pour cet effet. Le Baron de Boiffelen Vander
Hooge , Premier Noble de Zelande , & Miniftre
Plénipotentiaire des Etats Généraux partit le 12
II. Vol.
194 MERCURE DE FRANCE.
7
T
Four Aix- la- Chapelle , où l'on compte que Pouverture
du Congrès fe fera peu après le retour du
Comte de Saint Severin. Le Baron de Reiſchach ,
Envoyé Extraordinaire de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme , a reçû de Vienne un cou
rier qu'il a fait partir fur le champ pour Londres ,
avec des dépêches fur les arrangemens à prendre
entre cette Princeffe & le Roi de Sardaigne rela
tivement aux Articles Préliminaires. Don Manuel
Freire d'Andrade de Caftro eft arrivé à la
Haye , pour y réfider en qualité d'Envoyé du Roi
de Portugal. Le Lord Ancram , Adjudant Général
du Duc de Cumberland , a été chargé d'une commiffion
de ce Prince auprès du Stathouder. Les
Etats Généraux ont nommé M. Iddikinga , un
des Députés de leur affemblée , pour aller réfider
au Quartier général des troupes Hollandoifes en
qualité de Commiffaire du Gouvernement. Le
Prince Stathouder a difpofé de l'emploi de Major
du Régiment Suiffe de Budé en faveur de M. Jean-
Pierre de Bermond. On affûre que la République
accordera le pardon à tous les déferteurs , qui tetourneront
joindre leurs Corps dans un tems prefcrit.
Une fédition , qui avoit été excitée à Leuwarde,
a été entierement appaifée , & l'on y a publié une
amnistie générale pour tout ce qui s'y eft paffé
contre l'ordre. Les Etats de la Province de Gueldres
, dans une affemblée qu'ils tiendront le 9 du
mois prochain, délibéreront fur un préfent qu'ils fe
propolent de faire au Prince Stathouder , à qui le
Quartier de Weluwe a donné le Comté de Cuylembourg,
On écrit de Leuwarde du 16 que fur les repré-
Tentations faites par les Députés de quelques villes
, les Etats de la Province de Frife ont réfolu de
maintenir l'autorité de la Cour Provinciale par
JUIN. 1748. 195
1
rapport au libre exercice de la Juftice ; de fupprimer
les impôts fur les grains & fur diverſes autres
efpéces de confommation , & d'y fubftituer une
taxc par tête ; de nommer des Commiffaires
pour
examiner l'état des Finances ; de diminuer le nombre
des charges & des emplois , & d'en réduire
les émolumens ; de remédier aux abus qui ſe font
introduits dans les élections ; de remettre en vigueur
les anciennes loix concernant l'adminiftration
des affaires publiques ; de ne conférer les
dignités & les places de quelque autorité qu'à des
perfonnes nées dans la Province , ou qui par un
Téjour de huit ans ayent acquis le droit de naturalité
de rétablir fur l'ancien pied la liberté du
commerce des beftiaux , & de faire plufieurs changemens
qui avoient été propofés en 1712. Ces
Etats fe fout engagés en même tems à recevoir
toutes les Requêtes qui leur feront préſentées , &
il a été réglé que les habitans , dont les plaintes ne
feroient pas écoutées favorablement , auroient la
liberté de s'adreffer au Prince Stathouder.
On mande de la Haye du 21 qu'il paroît une
Déclaration , laquelle porte que les droits d'entrée
fur les denrées & fur les marchandiſes eft de
toutes les espéces d'impofitions la plus commode ,
parce que c'eft celle qu'on paye le plus impercep
tiblement ; que de plus elle ne fe leve pas feule
ment fur les Sujets de l'Etat , mais que les Etrangers
qui font quelque féjour dans le pays fupportent
une partie du fardeau ; qu'enfin par la précaution
que les Etats de Hollande & de Weftfrife
ont prife d'affermer les impofitions de cette nature
établies dans la Province , & d'exiger que les
Fermiers payaffent tous les quatre mois le tiers
des fommes qu'ils font obligés de fournir , ces
Etats trouvent la facilité d'acquitter dans le tems
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
requis les intérêts des obligations & les autres
dettes dont la Province eft chargée ; qu'on ne
pourroit fuppléer au défaut de ces droits qu'en
introduifant des taxes , dont la perception feroit
beaucoup plus onéreufe aux habitans ; que d'ailleurs
ils n'auroient plus l'avantage d'en partager
le poids avec les Etrangers , & que ces nouvelles
taxes devant fe lever plus difficilement que les
droits dont il s'agit , les Etats feroient fouvent ex-
Fofés au rifque de fufpendre le payement des
charges publiques , & peut- être même celui des
troupes , qu'il en réfulterait de très - grands inconvéniens
; que les Rentiers , étant privés d'une partie
de leurs revenus diminueroient une partie de
leurs dépenfes , & que le commerce en fouffriroir
un préjudice confidérable ; que la plupart des foldats
déferteroient ; qu'il pourroit même arriver
que certaines circonftances ne permettant pas de
remplir les magafins de la Province , elle manque.
Loit des munitions néceffaires pour la défenſe
que
fans doute les habitans bien intentionnés fentent
toute la fodilité de ces réfléxions , & qu'il n'y
a point d'apparence qu'aucun d'eux défire qu'on
change la nature des Impofitions & la maniere de
les percevoir , qu'il eft encore moins vraiſemblable
qu'ils vouluffent faire quelques mouvemens
contre le bon ordre pour obtenir de pareil chan
gemens , de fidéles Sujets étant obligés de ne point
troubler leurs Souverains ni leurs Magiftrats dans
l'adminiftration des affaires publiques , particulierement
dans ce qui regarde la direction des Fi
nances ; que cependant , afin de prévenir tout ce
qui pourroit donner atteinte à la tranquillité , le
Prince Stathouder & le Confeil Committé , étant
autorisés par les Etats de Hollande & Weſtfriſe,
TUIN. 1748. 197
avertiffent les habitans de la Province de ne s'op
pofer de fait ni de paroles , directement ni indi
rectement , à la perception des droits établis , fous
peine d'être punis corporellement , & même d'être
condamnés à mort , fuivant l'exigence des cas.
Par la même Déclaration , le Prince Stathouder &
Je Confeil Committé promettent d'apporter , au
fujet des abus qui fe commettent de la part des
Fermiers des revenus publics , les remédes qu'on
jugera les plus convenables ; & ils annonçent
qu'on a déja commencé cet important ouvrage.
Don Manuel Freire d'Andrade de Caftro , Envoyé
du Roi de Portugal , préfenta le 13 de ce mois
fes Lettres de Créance âu Préſident de l'aſſemblée
des Etats Généraux. Le 19 le Baron de Reifchach ,
Envoyé Extraordinaire de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme , & le Général de Debrofe
qui réfide à la Haye en la même qualité de la part
du Roi de Pologne Electeur de Saxe , confererent
chacun en particulier avec quelques Membres du
Gouvernement. Une indifpofition a obligé le
Prince Stathouder de garder la chambre pendant
quelques jours , mais fa fanté eft parfaitement rétablie
, & le 19 il affifta à l'affemblée des Etats de
Hollande & de Weftfrife qui ont repris ce jour- là
leurs féances. Le 15 M. Hop , Miniftre des Etats
Généraux à la Cour de Londres , & qui en étoit
arrivé la veille , fut admis à l'audience de ce Frinee.
Le Comte de Buren fut porté le même jour à
l'affemblée des Etats Généraux , & il fut permis
enfuite au peuple de le voir dans fon appartement.
Le lendemain la Princeffe Caroline , en habit d'Amazone
, vit les Compagnies de la Garde faite
l'exercice, Le Prince Héréditaire de Brandebourg.
Anfpach eft depuis le 14 à Utrecht , & il a envoyé
198 MERCURE DE FRANCE.
le Baron de Seckendorff , Chambellan du Mare
grave d'Anfpach , pour donner part de fon arrivée
au Prince Stathouder. La charge de Sénéchal du
Quartier de Twende a été donnée au Comte Charles
de Bentinck de Nyenhuys , Député de la Pro
vince d'Over Iffel à l'affemblée des Etats Géné
raux. Sa Majefté Très - Chrétienne , en confidération
des inftances qui lui ont été faites par la République
de Génes , a fait relâcher le navire Hollandois
le Harlem qui étoit retenu à la Spécie par
ordre du Duc de Richelieu . On attend de Londres
à tout moment le Duc de Newcaſtle. L'Amiral
Anfon , qui s'étoit rendu en cette ville , a fait un
voyage à Bréda & à Aix-la- Chapelle , & il fe
prépare à retourner en Angleterre. Il y eut le 19
à Amfterdam un ouragan des plus violens qu'on
y ait effuyés de mémoire d'homme. La grêle dont
il fut accompagné étoit d'une groffeur extraordi
naire , & la plupart des grains pefoient environ
une once.
On mande de la Haye du 28 Juin que la Dé
claration , par laquelle des Etats de Hollande &
de Weftfrile , en expofant les motifs qui les déterminoient
à ne rien changer dans la maniere de
percevoir les revenus publics , avoient menacé de
fevir contre ceux qui s'oppoferoient à la Regie
des Fermiers , n'a pas produit généralement l'effet
qu'on en attendoit Dans plufieurs villes le peuple
s'eft affemblé tumultueufement , & même les
Magiftrats de Haarlem , pour y rétablir le calme ,
ont été obligés de faire publier un Placard par lequel
ils ont affûré les habitans que la Déclaration
fufdite n'y feroit point mife en exécution ,
qu'au contraire la Régence apporteroit tous fes
foins , afin que les Fermes fuffent à jamais abolies.
&
JUIN. 1748. 199
Auffi-tôt que les Etats de Hollande & de Weftfrife
eurent connoiffance de ce Placard , ils donnerent
un Edit qui portoit qu'ils ne pouvoient
confidérer cette Piéce , que comme un écrit fauffement
imputé aux Magiftrats de Haarlem , ou ,
fi elle étoit effectivement émanée d'eux , comme
un acte qui leur avoit été extorqué par la violence
; que cette piéce étoit abſolument contraire aux
Conftitutions de la République , & à l'obéiffance
que des Magiftrats fidéles & foumis doivent à
leur Souverain ; que par conféquent elle étoit de
nulle valeur , & que fi les habitans de Haarlem fe
prévalant dudit placard , avoient déja joui , ou
jouiffoient par la fuite de quelques franchiſes dont
les autres habitans de la Province étoient privés ,
les Etats fçauroient bien trouver le moyen de les
faire rentrer dans l'ordre , & les contraindre de
fournir les fomines par lesquelles ils doivent con.
tribuer à la caule commune. Le Prince Stathouder
, craignant les fuites de la fermentation qu'a
cauſéé ce nouvel Edit , fe rendit le 25 de ĉe mois
à l'affemblée des Etats de Hollande & de Weftfrife
, & il leur repréfenta que plufieurs perfonnes
éclairées penfoient qu'on avoit des expédiens plus
propres que celui des Fermes pour lever les impofitions
, que quelque condamnables que fuflent
Jes excès aufquels le peuple s'étoit porté en divers
endroits , on remarquoit que le tumulte ne partoit
point d'un principe de défobéiffance , tel que feroit
ledeffein de fe fouftraire aux charges publiques ,
deftinées pour le foutien de l'Etat qu'il feroit à
craindre , que fi l'on n'avoit point égard aux remontrances
de Sujets bien affectionnés , il n'en réfultât
des fuites fâcheufes ; qu'ainfi il croyoit
qu'on ne pouvoit trop- tôt apporter un remède aux
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
dangers dont on étoit menacé , & qu'il prioit avee
inftance les Etats de vouloir abolir dès- à- préfent
les Fermes, Ce Prince ajouta qu'il exhortoit trèsférieufement
les Etats , à ôter aux habitans toutes
raifons légitimes de fe plaindre de la maniere dont
fe faifoit la diftribution des emplois. Les Etats de
Hollande & de Weftfrife , après avoir déliberé fur
la premiere propofition du Prince Stathouder ,
ont pris le 26 la réfolution de fupprimer toutes les
impofitions affermées.
ITALIE .
Nécritde Romedu 28 Mai qu'ilyarriva le
17 de ce mois un courier , dépêché au Cardinal
Secretaire d'Etat par le Nonce qui réfide à Cologne
, avec la nouvelle que des Articles Prélimi
naires de Paix avoient été fignés à Aix - la - Chapelle
entre la France , la Grande Bretagne & les Provinces-
Unies. Le Cardinal Portocarrero a reçû la
confirmation de cette nouvelle par un autre courier
, & fur le champ il en a fait partir un pour la
porter au Roi des Deux Siciles. Sa Sainteté a établi
une Congregation compofée des Cardinaux
Alexandre Albani , Riviéra , Paffionéï & Valenti
Conzaga , laquelle doit délibérer fur la formule
des Bulles qu'on enverra au nouvel Evêque de
Breflau. Le 19 le Cardinal Guadagni fit la cérémonie
de facrer M. de Dominis nommé à l'Evêché
de Voltera . Le Cardinal Cofcia s'eft démis , en
faveur d'un fils du Prince de Stigliano , d'une Ab.
baye confidérable qu'il poffédoit dans le Royau
me de Naples.
JU.IN. 1748. 201
N
DE LIVOURE le 29 Mai.
Onobftant la conclufion des Préliminaires
de Paix , les Corfaires Anglois continuent
de croifer dans la Méditerranée , la ceffation de
leurs courfes ne devant y avoir lieu que trois mois
après la fignature de ces articles . Deux de ces
Corfaires ont relâché à Livourne avec cinq prifes ,
du nombre defquelles eft une Polacre portant pa
villon Maltois . La charge de ce navire , confiftant
en grains , étoit deftinée , partie pour l'Etat de
Génes , partie pour la Provence. Quelques lettres
marquent qu'il a paffé à la vûë de San Remo une
Galiote , à bord de laquelle étoit un Officier François
, chargé de dépêches adreffées à l'Amiral
Bing . On découvre tous les jours d'Oneille & de
Savone des convois de troupes & de munitions
faifant route pour Génes , & le 18 au matin on en
apperçût un de plus de trente voiles , qui felon le
rapport des déferteurs tranſportoit pour cette
deftination le Régiment de Flandres , des troupes
du Roi Très- Chrétien .
DE. BREGLIO le 26 Mai.
{
Tout eft tranquille , tant de notre côté que de
d'Efpagne. On affûre que le Roi a écrit au Baron
de Leutrum de ne point permettre que les troupes
qu'il commande commiffent aucun acte d'hofti.
lité , & l'on ne doute point que le Maréchal Duc
de Belle-Ifle n'ait reçu le même ordre de Sa Majefté
Très - Chrétienne . Ainfi fuivant les apparences
on va fe borner de part & d'autre , en atten
dant la pacification générale , à prendre les pré-
Iy
202 MERCURE DE FRANCE.
cautions néceffaires pour éviter toute furpriſe . It
a été débarqué depuis peu à Villefranche des troupes
Efpagnoles , lefquelles conjointement avec
celles de France qui s'y raffemblent , doivent paffer
à Génes . Un Officier du Régiment de Sicile ,
des troupes du Roi , a été arrêté par un Parti Gé
nois , en allant s'embarquer à Savone pour la Sardaigne.
On écrit de Novi qu'auffi- tôt après avoir
reçu la nouvelle de la fignature des Préliminaires ,
le Comte de Nadafti a renvoyé fes équipages à
Crémone.
DE GENES le 8 Juin.
Na reçu par des lettres de Corfe dattées
du 30 du mois dernier , la nouvelle de la levée
du fiége de la Baftie. Cet événement fait
d'autant plus d'honneur à M. Jean Ange Spinola ,
Commandant de la garniſon , aux bataillons dont
elle étoit compofée & au zéle des habitans de la
ville , qu'ils ne doivent qu'à eux- mêmes la confervation
de cette Place. Avant l'arrivée des fecours
qu'on y a envoyés , les troupes Allemandes
& Piémontoifes , qui l'affiégeoient , ont été obligées
de fe retirer avec précipitation , & elles ont
eu à peine le tems de rembarquer leur artillerie.
Le Chevalier de Cumiana qui les commandoit eſt
fort mécontent des Rebelles , ceux - ci ne s'étant
occupés que du pillage. La plupart ont pris le parti
de retourner dans leurs montagnes , depuis la
Déclaration que le Duc de Richelieu a fait répandre
parmi eux. Ce Lieutenant Général ayant appris
le 4 de ce mois , que divers Régimens des
troupes de l'impératrice Reine de Hongrie & de
Boheme faifoient des mouventens pour s'avanJUIN
203 1748 .
cer vers nos retranchemens de Seftri di Levante ,
il y envoya un renfort de deux bataillons & dix
nouvelles piéces de canon de huit livres de balle .
On vient d'être informé qu'un Corps d'Allemands
attaque plufieurs poftes fur les hauteurs de Chiavari
, & que le Duc de Richelieu a marché dans
le deffein de couper la retraite à ces troupes. Les
Galéres de la République , qui ont conduit le ſecours
à la Baftie , ne font pas encore de retour.
Gelles , fous l'efcorte defquelles on a tranſporté
des munitions à l'armée , font rentrées le 3 dans
ce Port. Le même jour , il débarqua à Génes un
détachement de trois cens hommes , venant de
Monaco. Il arriva le s du même endroit une Tartane
ayant à bord deux cens foldats . En paſſant
à la hauteur d'Albingue , elle a rencontré un Feloucon
Piémontois , qui s'eft mis en devoir de
la reconnoître , & contre lequel on a fait une
décharge fi vive de noufquéterie , que l'équipage
de ce bâtiment en a été fort maltraité.
Les dernieres nouvelles de Génes portent que le
détachement des troupes de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Boheme , qui avoit tenté de
s'emparer de divers poftes fur les hauteurs de
Chiavari , n'a pas réiifli dans fon projet ; qu'il
y a eu une action très - vive entre ce détachement
& les troupes Françoifes & Efpagnoles ;
que ces dernieres commandées par le Marquis
J'Ahumada , qui avoit fous les ordres le Marquis
de Moya , s'y font comportées avec une valeur
digne de cette Nation ; que les Allemands ont
fait une perte affés confidérable , & que de notre
côté il n'y a eu que peu de foldats tués ou bleffés.
On ne doutoit pas que l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme n'envoyât inceffamment
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
"
ordre à fes troupes de ceffer tous actes d'hofti-
Lité en Italie.
DE PARME le 7.
Eux détachemens des troupes Françoifes &
Dde celles d'Espagne fortrent te z is 2
de la Spécie & de Sarzane , & ayant traversé pendant
la nuit les montagnes , pafferent la Magra
pourfe porter à Villafranca & à Feletto . Ils firent
prifonnieres les garnifons de ces deux poftes , détruifirent
tous les fours que le Feldt- Maréchal
Comte de Browne y avoit fait conftruire , & après
avoir donné aux habitans le tems de fe retirer avec
leurs effets, mitent le feu aux magaſins établis par
ce Général . Pendant cette expédition une partie
de ces détachemens mafqua le Fort d'Ulla afin
d'en contenir la garniſon , & l'Officier qui les
commandoit envoya fignifier aux villages voisins
de préparer des étapes & des logemens pour un
Corps de trois mille hommes . Ces deux détachemens
s'en retournerent enfuite la bayonette au
bout du fufil , fans avoir fait d'autre perte que
celle d'un foldat, Le 4, l'avant-garde de l'armée de
l'Impératrice Reine de Hongrie & de Boheme
s'avança de Cento Croci à Vareſe fous les ordres
du Comte de Konigleg . Les François & les Efpagnols
ayant fait replier à fon approche leurs poftes
avancés , elle entra dans Varefe , & le Comte de
Konigleg pouffa un détachement à San Pietro di
Vara. Peu après , le Feldt-Maréchal Comte de
Browne fe rendir à Varefe avec toute l'armée
y établit fon Quartier Général , & fit publier une
défenfe fous de rigoureufes peines d'infulter les
>
JUIN. 1748. 205
terres & les maifons qui étoient habitées. Let
les Allemands ont commencé à évacuer le château
de cette ville , d'où ils ont fait conduire à
-Mantoue quatre mortiers & dix piéces de canon.
Ils doivent faire partir inceflamment leurs munitions
& le refte de leur artillerie. La mortalité caufe
beaucoup de ravage parmi leurs troupes.
L
DE NICE le 22.
E Maréchal Duc de Belle-Ifle étant arrivé a
Nice le 28 du mois dernier , & ayant fait tou-
-tes fes difpofitions pour attaquer au plutôt l'armée
Piémontoife , le Baron de Leutrum , fur l'avis de ce
qui fe paffoit, écrivit le 8 de ce mois à ce Général,
que le Roi de Sardaigne avoit envoyé ordre att
Miniftre qui réfidoit de fa part à Aix- la- Chapelle
d'accéder aux Préliminaires. Il prioit en même
tems le Maréchal Duc de Belle- ifle de fufpendre
des hoftilités qu'il voyoit qu'on étoit prêt à commencer.
Comme les troupes Françoifes ne font
qu'auxiliaires d'Efpagne , le Maréchal Duc de
Belle-Ife voulut conferer avec le Marquis de la
Mina fur la réponſe à faire au Général Piemontois
, qui fans l'attendre récrivit que le Roi fou
Maître avoit terminé l'affaire de fon acceffion .
On convint en conféquence , que nos troupes occuperoient
les poftes où elles étoient en deçà de la
Roya , lefquels demeureroient in ftatu quo , &
qu'il en feroit de même des Piémontoifes de l'au
tre côté de cette riviere , fans que les unes ni les
autres pûffent la paffer. Le Maréchal Duc de Belle-
Ifle , depuis fon arrivée , n'avoit point ceffé d'envoyer
des troupes au Duc de Richelieu , qui marquoit
que le Comte de Browne continuoit de
206 MERCURE DE FRANCE.
marcher à lui avec toutes fes forces . Le Régiment
de Blafois alloit fortir du Port de Monaco pour
la troiféme fois , ayant été obligé d'y rentrer par
les vents contraires & par la rencontre des vaiffeaux
Anglois , lorfqu'on eut nouvelle que le iz
le Duc de Richelieu & le Comte de Browne
étoient convenus d'envoyer réciproquement un
Officier , pour régler les arrangemens concernant
la ceffation des hoftilités. Ces arrangemens n'étant
pas encore pris le 13 , les Efpagnols qui ſe
voyoient trop refferrés par quelques poftes des
Allemands , les attaquerent , tuerent ou blefferent
environ quatre cens hommes , & firent cent cinquante
prifonniers. Enfin l'Armistice fut publié
le 19 à la tête des armées du Duc de Richelieu &
du Général Comte de Browne , & depuis du côté
de Génes , il regne la même tranquillité dont on
jouit de ce côté- ci. La liberté du commerce vient
d'être auffi , publiée en Provence & en Dauphiné,
ainfi que dans le Piémont & dans les autres Etats
du Roi de Sardaigne , entre les Sujets du Roi &
ceux de ce Prince.
JUI N. 1748. 207
**X*X*XXXXXXX++ X+ XXX
MORTS.
LE Mai ,Christophe Mariore , Chevalier
Préfident Tréforier des Finances , & Grand
Voyer de France en la Généralité de Toulouſe
mourut à Paris. Il étoit fils de M. Mariote , more
revêtu de la même Charge.
Le premier Juin, Charles de Mafchac de Pompa
dour , Chevalier , Seigneur de la Cofte , mourut à
Paris. Le nom de Mafchac eft marqué entre les
Nobles du Limofin . Mrs de Mafchac de la Cofte
y joignent celui de Pompadour , l'un des plus ilfuftres
du Limofin , depuis l'alliance que Jean de
Mafchac , Seigneur de la Mectrauffie , l'un de leurs
ayeux, contracta vers 1538 avec Françoiſe de Pompadour
de Château- Bouchet .
Le s, Pierre Paul de Clere, Marquis de la Devexe,
Lieutenant Général des armées du Roi du premier
Janvier 1745 , Commandant en la Province de
Languedoc , mourut à Montpellier dans la 83 année
de fon âge.
Le même jour Charles de Houdetot , Marquis de
Houdetot en Caux , Seigneur de Grainbouville &
de S. Laurent , Lieutenant Général des armées du
Roi ; Lieutenant pour Sa Majefté dans les Provinces
de Picardie & de Boulonois ; ci -devant Lieutenant
Général de la Province de l'Ile de France , &
Commandant pour le Roi dans le Comté de Bourgogne
, mourut à Paris dans la 73 année de fon
age , étant né le 10 Septembre 1673. Il étoit
fils de Charles de Houdetot , Chevalier , Seigneur
de Grofmenil , Meftre de Camp du Régiment de
Bourgogne , Cavalerie , Brigadier & Infpecteur
Général de Cavalerie , mort au mois de Février
208 NERCURE DE FRANCE.
1692 , de Dame Catherine le Breton , Dame
d'Hectot & de S. Laurent de Brevedent en Caux ,
& il avoit été marié le 28 Octobre 1717 avec Dame
Catherine Magdeleine Thérefe Carrel , de laquelle
il laiffe , entre autres enfans , le Comte de
Houdetot, Capitaine Lieutenant de la Compagnie
des Gendarmes de Berry , dont le mariage avec
Dame Elizabeth Sophie Françoiſe de Lalive eft
rapporté dans le Mercure du mois de Mars dernier,
fol. 202. Voyez pour la Généalogie de cette Maifon
, l'une des plus anciennes de Normandie ,
1'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne ,
tome 8. fol. 16,
Le 8 , Dame Geneviève Gruyn , veuve de Charles
Louis Jofeph de la Vieuville , Comte de Vienne,
Marquis de S. Chamond , premier Baron du
Lyonnois , Brigadier des armées du Roi , avec lequel
elle avoit été mariée le premier Février 1724 ,
mourut dans la 45 année de fon âge , étant née le
9 Juin 1703 , laiffant , entre autres enfans , de fon
mariage Dame Catherine Charlotte Louiſe de la
Vieuville de S. Chamond , dont le mariage avec
le Marquis de Cuftine , Colonel d'un Régiment
d'Infanterie de fon nom & Brigadier des
armées du Roi , eft annoncé dans le Mercure de
Décembre 1747 , vol. 2. fol . 193. Elle étoit fille de
Pierre Gruyn , Confeiller d’Etat & Garde du Trẻ-
for Royal , mort le 26 Février 1722 , & de Dame
Catherine Nicole Benoife , & petite- fille de Pierre
Gruyn , Secretaire du Roi , Receveur Général des
Finances à Lyon , mort le 16 Août 1630 , & de
Dame Anne Doublet
Le 11 Georges Gougenot , Seigneur de Croiffy
& de l'Ife , Secretaire du Roi depuis 1724 , Tuteur
onéraire de S. A. S. M. le Prince de Condé , moufut
à Paris.
JUIN. 1748. 209
Le 14, Dame Bonne Judith de Lopriac de Coetma,
deuc , femme de Louis Hubert de Champagne de
Villaines , dit le Comte de Champagne, avec lequel
elle avoit été mariée le 27 Novembre 1737, mourut
à Paris. Elle étoit fille de Guy Marie de Lopriac ,
Comte de Donges, Marquis de Coetmadenc , Maréchal
de Camp, & de Dame Marie Louiſe de Roye
de la Rochefoucault de Blanzac , mariés en 1718 .
Elle étoit foeur de Guy Louis de Lopriac , Marquis
de Donges , Colonel du Régiment de Soiflonnois,
dont la mort eft rapportée dans le Mercure de
Septembre 1747. Pour la Maifon de Champagne ,
voyez le volume 9 de l'Hiftoire des Grands Offciers
de la Couronne , fol . 128.
Le 16 , Jean Philippes d'Orléans , Grand d'Efpa
gne de la premiere Claffe , Grand- Prieur de Fran
ce , Général des Galéres , & Abbé d'Hautvilliers ,
Diocèle de Rheims , mourut à Paris dans la 46 année
de fon âge ; il étoit fils naturel de feu M. le
Duc d'Orléans , Régent du Royaume , & de feue
Louiſe Victoire Marie Magdeleine le Bel de la
Boiffiere , Comteffe d'Argenton , morte le 4 Mars
dernier. Il avoit été légitimé par Lettres données
à Versailles au mois de Juillet 1706 , regiftrées en
la Chambre des Comptes le 18 Septembre fuivant,
& au Parlement le 27 du même mois ; il prêta ferment
pour la Charge de Général des Galéres le
29 Août 1716 , fit fes voeux de Religion à Malte
le 26 Septembre 1719 , y fut inftallé Grand - Prieur
de France le 28 du même mois , & prêta ferment
en cette qualité entre les mains du Roi à Paris le
11 Février 1720, & fut fait Grand d'Espagne le 28
Février 1723.
Le 20 , Meffire Gilles Bernard Raguet , Abbe
de l'Abbaye de l'Aumône ou le petit Citeaux , O.
de C. Diocèfe de Blois , & depuis 1722 Prieur
•
110 MERCURE DE FRANCE.
d'Argenteuil , mourut à Paris âgé de 81 ans. Il
étoit de Namur , & avoit été du nombre des perfonnes
employées à l'inftruction du Roi fous les
ordres de feu M. le Cardinal de Fleury , & il avoit
en cette qualité une penfion de 2000 livres.
Le 23 , Mre François Henri de la Briffe , Vicaire
Général de l'Evêché de Dijon & Abbé Commendataire
de l'Abbaye de Notre -Dame d'Obazine ,
Ordre de Câteaux , Diocèfe de Limoges , près de
Brives depuis 1731 , mourut à Dijon dans la 37
année de fon âge , il étoit fils de Pierre Arnaud
de la Briffe , Marquis de Ferriere , Confeiller d'Etat
ordinaire & avant Maître des Requêtes & Intendant
de Juftice à Dijon , mort le 7 Avril 1740,
& de Dame Françoife Marguerite Brunet de Ran
ry , morte le 12 Mai 1747 , & il avoit pour
frere
aîné Louis Arnaud de la Briffe , Maître des Requêtes
ordinaire de l'Hôtel du Roi & Intendant
de Juftice à Caen depuis 1740 , marié depuis le &
Août 1736 avec Dame Magdeleine Thoynard,foeur
de M. Thoynard de Jouy , auffi Maître des Requêtes
, de laquelle il a des enfans .
Le 30 , Mre Jean Louis du Bouschet de Sourches ,
Evêque de Dol , Abbé Commendataire de l'Abbaye
de S. Martin de Troarn , Docteur de Sorbonne
, ci devant Aumônier du Roi , mourut dans
fon Diocèfe , âgé d'environ 77 ans ; il avoit été
nommé à l'Abbaye de Troarn en 1690 après Jacques
du Bouschet de Sourches , fon oncle , & fut
nommé à l'Evêché de Dol en Bretagne le 12 Janvier
1715 , & facré le 12 Juillet 1716. Il étoit fils
de Louis-François du Bouschet , Marquis de Sourches
, Prévôt de l'Hôtel du Roi & Grand- Prévôt
de France , Gouverneur & Lieutenant Général
pour le Roi des Provinces du Mayne , Perche &
Comté de Laval , & Colonel d'un Régiment d'In.
<
JUI N. 1748. 211
Fantetie , mort le 4 Mars 1716 , & de Dane Geneviève
de Chambes , Comteffe de Montforeau ,
& petit - fils de Jean du Bouschet , Marquis de
Sourches au Mayne , dont il obtint l'érection en
Marquifat par Lettres du mois de Décembre 1652 ,
depuis Confeiller d'Etat & Privé , Prêvôt de l'Hôtel
du Roi & Grand Prévôt de France , reçû Ches
valier de l'Ordre du S. Efprit à la promotion du
31 Décembre 1661 , mort le premier Février 1677,
& de Dame Marie Nevelet , morte le 30 Décem
bre 1662. Feu M. l'Evêque de Dol avoit pour
frere aîné Louis du Bouschet , Marquis de Sour
ches & du Bellay , dit le Comte de Montforeau ,
Lieutenant Général des armées du Roi , Prévôr
de l'Hôtel du Roi & Grand- Prévôt de France ,
mort la nuit du 5 au 6 Mai 1746 , à l'occafion du
quel nous avons parlé de cette Maiſon , l'une des
plus confidérables de la Province du Mayne , dans
ie Mercure de Mai 1746 , &c.
nununununun
ARRESTS NOTABLES.
ARREST contradictoire de la Cour des A
des du 27 Mars 1748, confirmatif d'une Sentence
de la Jurifdiction des Traites d'Amiens , du
10Mars 1747,par laquelle le nomméCharlesMiné,
Négociant a été débouté de fa demande tendante
à ce que le Vifiteur au Bureau de la Douanne de
ladite ville , fût condamné à lui payer la valeur
d'un ballot de marchandiſes qui s'eft trouvé égaré
dans ledit Bureau.
Nota. Cet Arrêt juge conféquemment que le
Fermier , intervenu dans l'inftance d'appel , ainfi
12 MERCURE DE FRANCE.
que les Commis des Bureaux des Fermes , ne feat
point efponfables des ballots qui se trouvent éga
rés dans lefdits Bureaux.
AUTRE de la Cour des Monnoyes du 4 Mai ,
fervant de reglement pour les ouvrages de Coutellerie
en or & en argent.
> AUTRE du Confeil d'Etat du Roi du 7 qui caffe
une Sentence des Officiers du Grenier de Dieppe ,
pour avoir fait main- levée d'environ un minot de
fel de franchiſe , trouvé dans la maiſon du nommé
René Prévoft , matelot , habitant de ladite
ville , au- delà de la quantité néceffaire pour fa
provifion , fous prétexte que l'amas du fel de franchife
n'eft point défendu confifque le fel & condamne
ledit Prevoft en deux cent livres d'amende
& aux dépens , quoique le fel eût été levé au magafin
de franchife fous le nom de fils dudit Prevo
habitant privilégié demeurant avec fón pere , le.
quel n'avoit point encore acquis le droit de bour-
'gcoifie.
Il a été rendu un Arrêt notable au Parlement de
Paris , toutes les Chambres affemblées , le 14 Mai
1748 , entre M. Billard de Lorriere , Confeiller au
Grand Confeil , & Madame fon époufe , d'une part,
M. de Bercy , Maître des Requêtes & M. de la
Leu , Notaire au Châtelet, d'autre part, dont voici
l'efpece. M. & Madame de Lorriere avoient rendu
plainte au Châtelet en faux principal contre la co
pie collationnée d'un Acte de 160s , que M. de la
Lea , Noraire leur avoit délivrée , & en prévarication
dans les fonctions dudit M. de la Leu. Le
Lieutenant Criminel au Châtelet ayant ordonné
que les Parties fe pourvoiroient au Parlement , at
JUIN. 1748. 213
par cette
rendu que l'affaire regardoit M. de Bercy , M &
Madame de Lorriere fe font crû autorifés
Ordonnance de comprendre M. de Bercy dans une
nouvelle plainte qu'ils ont rendue au Parlement ,
qui par un premier Arrêt a renvoyé les parties à
Audience toutes les Chambres, affemblées , parce
que M. de Bercy, en qualité de Maître des Requêtes
, ne pouvoit être jugé que toutes les Cham- ,
bres affemblées ; les Parties ont plaidé pendant
cinq audiences , & par l'Arrêt dudit jour 14 Mai
rendu fur les conclufions de M. Joly de Fleury
Avocat Général, M. & Madame de Lorriere ont été
déclarés non recevables dans leurs plaintes ; il a
été ordonné que les mémoires imprimés dans cette
caufe pour M.& Madame de Lorriere feront fuppri
més comme injurieux , & que procès- verbal de la
radiation d'iceux fera dreffé au Greffe de la Cour
1'Arrêt fait itératives défenſes à M. & Mad, de Lor
riere de compofer & diftribuer à l'avenir de pareils
mémoires ; ils fout condamnés en 4000 livres de
dommages & intérêts envers M. de Bercy , &
en 1000 livres envers M. de la Leu , Notaire , lef
dites deux fommés applicables aux pauvres , da
confentement de M. de Bercy & dudit M. de la
Leu , & il eft permis à M. de Bercy & audit M. de
la Leu de faire imprimer & afficher ledit Arrêt ,
ce qui a été executé .
AUTRE du Confeil d'Etat du Roi du 4 Juin,
qui ordonne que les droits qui auront été perçûs
fur la Cire tirée de l'étranger pour être blanchie
& renvoyée blanche à l'étranger , feront reftitués
ORDONNANCE du Roi du 12 , concernant
la diftribution du Tabac de cantine av
troupes,
APPROBATION,
J
"Ai lú
par ordre de Monfeigneur
le Chance lier le fecond volume du Mercure de France du
mois de Juin 1748. A Paris le dixiéme Juillet
3748.
BONAMY.
TABLE .
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe,
Effai fur l'Aulaum , qui fervoit au Théatre
des anciens ,
Epigramme ,
Lettre fur les Coquillages ,
Vers à M. de M **
Refléxions ,
Ode fur les dégoûts du Barreau ;
Lettre fur les Coquillages foffiles ,
3
34
33
41
44
55
60
68
70
>
75
Epitre à M. Prieur ,
Lettre à un Docteur en Théologie ,
Epitre à M. le Thuillier , Docteur en Médecine
Difcours prononcé à Reims ,
Ode tirée du Pfeaume XXIV.
77
89
Lettre fur les avantages que l'on peut retirer d'un
nouveau Pouillé général du Royaume , 92
Vers au fujet de ceux de M. de Fontenelle fur
fa vieilleffe , 97
Lettre fur le nouveau Calendrier hiftorique de
PEglife de Paris , 28
Artis Poetica Horatii fragmentum , & la Traduc-
102
tion ,
Compliment de M. de la Soriniere à Mad, Desforges-
Maillard , 110
Séance publique de la Société Littéraire d'Arras
,
III
Extrait de la Differtation de M. le Baron de Zurlauben
, qui a remporté le Prix proposé par
l'Académie Royale des Inſcriptions Belles- Lettres
en 1748 ,
Enigmes & Logogryphes ,
112
135
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c. 136
Eftampes nouvelles , 162
Atlas de poche en 24 Cartes nouvelles
163
?
Spectacles , 165
France , nouvelles de la Cour , de Paris ,
&c.
167
Nouvelles Etrangeres , Suede , 171
Dantzik , 174
Stockholm ,
Allemagne ,
Grande Bretagne ,
Provinces Unies
175
176
183
191
Italie ,
De Livourne ?
De Breglio ,
De Génes ,
De Parme ,
?
200
201
De Nice ,
Morts 2
Arrêts notables ;
De l'Imprimerie de J. BULLO Ti
Qualité de la reconnaissance optique de caractères