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MERCURE
DE FRANCE ›
DÉDIÉ AU ROI.
JANVIER . 1748 .
LIGIT
||
UT
SPARGAT
Cepiller's
1
Chés
A PARIS ,
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la deſcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S. André.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Frivilege di Ro
THE NLISTE
DES LIBRAIRES
PUBLIC LIFqui debitent le Mercure dans les
S85252
Provinces du Royaume.
ASTOR, ABordeaux , chés Raimond Labottiere , & chés
TILDEN FOUChappuis l'aîné , Libraires , Place du Palais , a
190côté de la Bourſe.
Nantes , chés Nicolas Verger & Joſeph Vatar.
Rennes , chés Jouanet Vatar , & Vatar le fils , rue
Dauphine .
Blois , chés Mallon .
Tours , chés Gripon .
Rouen , chés François-Eustache Herault , & chés
Cailloüeft.
Châlons -fur -Marne , chés Seneuze.
Amiens, chés la veuve François , & la veuve Godart,
Arras , chés C. Duchamp , & chés Barbier.
Orleans , chés Rouzeaux .
Angers , à la Pofte , & chés Boffard ,
Dijon , à la Pofte , & chés Mailly.
Verfailles , chés Monnier.
Befançon , chés Briffaut , à la Pofte .
Saint Germain , chés Chavepeyre
Lyon , à la Pofte..
Libraire
Marſeille , chés Sibié , Libraire , fur le Port.
Beauvais , chés De Saint .
Troyes , chés Michelin , Imprimeur- Libraire,
Charleville , chés Pierre Thefin
Moulins , chés Faure.
Mâcon , chés De Saint , fils,
Auxerre , chés Fournier.
Nancy , chés Nicolas.
Toulouſe ; chés Robert .
Aire , chés Corbevile.
PRIT XXX . SOLS,
MERCURE
DE FRANCE :
1
DÉDIÉ AU ROI.
1748 . JANVIER
PIECES FUGITIVES,
en Vers & en Profe.
4
LETTRE à l'Auteur de l'abregé de la
vie des Peintres , an fujet d'un tablean
appartenant au Roi , dont ilparle dans
fon ouvrage,
J
'Ai craint , Monfieur , qu'en
vous adreffant cette lettre plutôt
que je ne fais , vous ne fuffiez
à la campagne à jouir du
tems que les vacances ordinaires des Cours
Supérieures permettent d'y paffer ; & que
A ij
4 MERCURE
DE FRANCE
.
par cette raifon vous ne fuffiez point à
portée de la voir auffi-tôt après fa publi- cation , puifque
je prends
la liberté
de vous l'écrire
par l'entremiſe
du Mercure
. J'ai crû devoir
differer
jufqu'à
un tems où vrai-femblablement
votre retour paroît
affûré.
La Galerie d'Apollon , conjointement
avec les tableaux qui y ont été expofés en
concours au jugement du public aux mois
d'Août & de Septembre derniers , à offert
aux yeux les anciennes richeffes dont elle
eft décorée prefqu'en tous les
genres de
Peinture . N'y eût-il eu que les fuperbes
batailles d'Alexandre peintes par le célé
bre le Brun , ces morceaux méritoient
feuls de partager les regards , mais entre
les autres tableaux , un en quarré , d'environ
trois pieds de hauteur fur,quatre de lar--
geur , a fixé particulierement
la plupart
des fpectateurs par la délicateffe de fon
travail étonnant , à caufe de la quantité de
figures innombrables
dont il eft chargé.
Il repréfente une bataille , ou plûtôt la
déroute & la défaite entiere d'une armée
prodigieufe. Ce tableau porte pour nom
de Peintre Breugel. 1602. En effet il eft
aifé de le reconnoître à la maniere de fa
peinture pour l'ouvrage de celui que l'on
fur-nommé de Velours entre les habiles
JANVIER.
S 1748:
Peintres de fon nom. La plus grande partie
a crû y trouver la premiere bataille
d'Alexandre contre Darius. Cependant
plufieurs fpectateurs, même éclairés , en ont
douté , & vouloient y rencontrer un tour
autre fujet. Il faut à la vérité convenir
qu'en fuppofant que ce tableau repréfente
véritablement la premiere défaite de Da--
rias par Alexandre , il faut , dis -je`, convenir
, ou que le Peintre étoit un franc
ignorant , ou qu'il a voulu fe divertir du
public aux dépens de la vérité de l'hiftoire..
Chacune de ces idées m'eft également
odieufe par rapport à la mémoire d'un
Peintre du nom & de la réputation des
Breugels. Dans cette incertitude j'ai été "
piqué de curiofité de confulter ce que vous
pouviez dire de ce tableau , dont j'étois
perfuadé que vous aviez eu connoiffance ,
à l'article des Breugels dans votre grand
ouvrage de la vie des Peintres . * Voici
Monfieur , en quels termes j'ai trouve que
vous en pärliez. " Le Roi a fept tableaux
» de la main du Breugel , une femme qui
» careffe un chien , la bataille d'Alexandre
&
contre Darius , tous deux fur bois . La!
»bataille de Prague , Orphée aux enfers', '
* Elle eft imprimée en 2. vol . -4 . avec les
portraits en taille douce , & fe vend chés de Bure
Faîné, Libraire , Quai des Auguſtins.
A iij,
6 MERCURE DE FRANCE.
une.tem-
»une riviere couverte de bâteaux ,
pête , une alte de chaffe à la porte d'une
hôtellerie. Ces cinq derniers tableaux
"font peints fur cuivre. « Je ne doute
point que le tableau en queftion ne foir
celui que vous ayez eu en vûë ici , puifqu'il
eft effectivement peint fur bois . Mais
que j'aimerois bien mieux que ce fut la
bataille de Prague , que vous ajoutez immédiatement
après être peinte fur cuivre ,
peut-être y trouveroit- t'on tout à coup la
folution de la difficulté , encore nous faudroit-
il d'autres peuples que ceux qui font
peints ici ..
Il faut avouer en effet que toutes les
circonftances rapportées par Quint-Cur
ce dans la relation de cette bataille , fe
trouvent tellement conformes à l'idée de
ce tableau , qu'il femble ne laiffer aucun
doute que ce ne foit cette bataille que J.
Breugel ait eu deffein de repréfenter. La
fitration du lieu où elle fe donne,qui étoit :
un terrain très refferré entre des montagnes
, c'est-à- dire , un valon très - étroit
l'action de Darius qui fe voyant fur le
point d'être pris abandonne fon charior
monte fur un cheval qu'on lui tenoit préparé
& trouve fon falut dans la fuite , laiffant
fa famille défolée à la difcrétion du
-vainqueur ; autre circonftance dont le ta
•
"
JANVIER. 1748.
7
.
bleau enrichit fa fcéne au côté oppofé à
celui où la fuite de Darius eft placée. Il ne
faut que lire Quinte-Curce pour en être
convaincu . J'avois deffein , Monfieur , de
Eapporter ici fes paroles , par le defir d'épargner
aux lecteurs la peine d'y recourir.
Je les aurois très-volontiers citées dans leur
langue originale , mais comme j'avois
choifi le canal du Mercure pour vous tranf
mettre cette lettre , je penfois qu'il feroit
fans doute mieux d'employer la traduction
en faveur de ceux d'entre les lecteurs qui
ne font point obligés d'entendre la Langue
Latine ; je me ferois fervi de celle de
M. de Vaugelas , mais il y auroit cu trop
copier , & la longueur de cette relation
excédant de beaucoup les bornes d'une
lettre , j'ai abandonné ce deffein , & je
me contente de confeiller aux lecteurs de
recourir eux-mêmes aux fources. Après
que l'on aura fait cette lecture , qui net
trouvera pas que c'eſt avec raiſon que vous
F'avez appellé la bataille d'Alexandre contre
Darius ? J'en conviendrois auffi de très--
bonne foi , fi je ne croyois point avoir des
motifs affés fuffifans pour en douter , ainſi
qu'il eft arrivé à plufieurs des fpectateurs ,
comme j'ai eu l'honneur de vous le dire.
"
à
Mais avant que de vous propofer mes
doutes , je vais examiner fur quoi fe fon
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
dent ceux qui croyent ce tableau la défaite
de Darius. J'avoue qu'ils paroiffent appuyés
fur des caracteres frappans & décififs
en apparence . Les voici . Le Soleil
qui eft fur les étendards de Darius ,fur fon
chariot & fur fa cuiraffe ; le feu facré, que
l'on porte devant Darius , & qui fert comme
d'enſeignes dans les differens corps de
fes troupes ; deux marques non équivoques
du culte & de la Religion des Perfes ; les
habillemens & les armes propres à l'ufage
de ces peuples ; la reffemblance du char
que
de Darius avec celui du tableau de M. le
Brun , enfin la fcéne de la famille compofée
principalement de femmes de differens
âges , & d'enfans qui fe jettent hors
de leurs tentes au pied d'un vainqueur qui
eft à cheval entouré de fes troupes. Mais
ce qui paroît fans réplique , eft le ferpent
l'on voit fur les drapeaux des troupes
du vainqueur , & qu'ils expliquent en
l'honneur du ferpent que la fable dit avoir
engendré Alexandre , & que fa mere fit
paller pour Jupiter métamorphofé fous la
forme de cet animal. Ce ferpent tient en
effet entre fes dents un enfant qui fort à
demi- corps. On ne fçait s'il le dévore ou
s'il le produit. Tout le monde fçait qu'Alexandre
enyvré de cette fable fe fit rendre
les honneurs qu'il croyoit dûs au fils.
•
JANVIER . 1748 .
de Jupiter , & les défenfeurs de ce tableau
fuppofent qu'Alexandre , par veneration ¹
pour la métamorphofe de ce Dieu , arbora
la figure de ce ferpent für fes étendards.
Malgré la force apparente de ces rai--
fons , elfes ne me paroiffent cependant
point difficiles à détruire. Du moins eft-il
aifé d'en oppofer d'affes fortes pour faire
douter. Voici donc celles fur lefquelles je
m'appuyé à mon tour.
Cependant , M. je paſſe d'abord condamnation
fur le Soleil & le feu facré , car il
faut être de bonne foi en tout , même dans
les plus petites chofes. A ces deux caractéres
il n'eft pas poffible de méconnoître les
Perfes , ou d'autres peuples Afiatiques qui
profeffent le même culte . Je veux bien ,,
fi'on le veut ainfi , que ce foient les Perfes
mêmes. Je veux feulement qu'ils foient dé
faits par tout autre qu'Alexandre . Je tacherai
d'en expliquer la poffibilité, en propofant
inon doute fur le fujet de ce tableauty,
aptès que j'aurai détruit , ou du moins”
combattu le fentiment oppofé. C'eſt ce
que je vais entreprendre .
写
La reffemblance du char dans les deux *
tableaux n'eft rien moins que concluante, ·
Le Breugel fit fon tableau en 1662. M. le
Brun peignit fa bataille d'Arbelles environ
foixante ans après , puifque felon vottes
Any
to MERCURE DE FRANCE.
Livre ce ne fut que vers 1662. En quel
tems le tableau de Breugel eft - il venu en-
France ? Quand eft- il paffé en la poffeffion
du Roi ? C'est ce qu'il faudroit déterminer
pour établir quelque fondement fur cette
reffemblance . Alors on pourroit conjecturerfi
M. le Brun a eu connoiffance ou non de
ce tableau , & s'il l'a regardé comme l'action
d'Alexandre fur Darius . J'ai peine à
croire qu'un auffi grand homme fe foit abbaiffe
jufqu'à copier. On me dira fans :
doute que fur la defcription du char faite
par Quint- Curce , M.le Brun a pû fe former
une idée femblable à celle qu'avoit
conçue le Breugel. Ne voit- on pas tous
les jours qu'il arrive aux efprits d'un ordre
fupérieur de fe rencontrer fans s'être com-.
muniqué . J'en conviens. Cependant j'obferverai
là- deffus que le char du Breugel
porte l'image du Soleil qui n'eft point du:
tout fur celui de M. le Brun , qui au contraire
eft terminé par une caffollette fumante
, & que ni l'un ni l'autre char ne ref
femblent à la defcription qu'en fait Quint
Curce. Le Breugel repréfente la premiere
défaite de Darius , c'eft- à- dire , la batailledonnée
près la ville d'Iffe , & M. le Bruņ
celle donnée près d'Arbelles , & bien poſté--
rieure di la premiere. Dès la premiere
bataille ce char fifuperbe de Darius étoit
JANVIER: 1748. FI
devenu la proye du foldat vainqueur ,
puifqu'il s'étoit fauvé fur fon cheval. Il eft
vrai qu'à la bataille d'Arbelles Darius étoit
pareillement fur un char , & que cet in--
fortuné Roi fe fauva après cette défaite:
dans fon char , ce qui penfa le faire pren--
dre dans fa fuite , puifque ceux que le
vainqueur avoit détachés à fa pourſuite
le fuivoient à la pifte au bruit du fouet de
fes cochers ; & qu'il ne dût fon falut qu'à
l'extrême diligence qu'ils firent. Entre la
bataille d'Iffe & celle d'Arbelles la vie:
de Darius n'ayant été qu'un tiffu continue
de difgraces , il y a peu d'apparence que
la magnificence de ce fecond char ait pût
égaler celle du premier. Mais pourra
t'on dire encore , il reftera roujours malgré
ces raifons une chofe en faveur du fènetiment
qui m'eft contraire. C'eft qu'il n'en
Tera pas moins vrai que voilà deux tableaux
qui repréfentent chacun une ba
taille , où l'on voit dans l'un & dans l'au
tre un perfonnage placé dans fon char ,
qui fe trouve le même ou à peu près danss
Fun & l'autre tableau , ce qui démontre
au moins un grand rapport entre la même
hiſtoire fi cela ne prouve point le mê
me fujet. A quoi , Monfieur , je répondrai
qu'il eft faux qu'elle foit le même
fujet , puifqu'en croyant cette bataille der
>
་ ་
Asvij
T2 MERCURE DE FRANCE..
l'hiftoire d'Alexandre & de Darius , celle
de Breugel feroit la bataille d'Iffe
comme il feroit démontré par la fcéne de
la famille , & celle de M. le Brun eft inconteſtablement
, de l'aveu de tout le mon---
de , la bataille d'Arbelles ; que le rapport
ne fe trouveroit en ce cas qu'en ce que ces..
deux morceaux feroient de . la fuite de-
T'hiftoire d'Alexandre , & dans le tems de
fes démêlés avec Darius ; & qu'à l'égard
d'un char la figure en eft par tout àpen
près la même , dans telle circonftance que
ce foit. Ce ne feroit tout au plus que la
hauteur qui feroit en leur faveur , puifqu'au
rapport de Quint- Curce le premier
char de Darius étoit déterminé à une hauteur
à laquelle le Peintre a été néceffité :
de s'affujettir , mais dont M. le Brun étoit :
difpenfé dans fon tableau, puifque Quint-
Curce ne parle nullement de la forme de
celui de Darius lors de la feconde actions
Voilà , Monfieur , bien dur difcours pour
un char ; mais en falloit- il moins pour faire
voir que rien n'eft moins concluant que .
leur reflemblance ? Paffons à des circonf
tances fur lesquelles il y aura moins à dire ,
& qui font cependant plus importantes .
Alexandre , fi c'eft lui étoit trèsacLes
armes , les bouchers & les habilemens .
das Perfes ainsi que les asmures des guerriersss
JANVIER 17483
jeune lors de l'une & l'autre hiftoire , il eft
repréfenté par le Breugel , barbon , & même
très âgé, en un mot en guerrier qui a
blanchi fous le harnois , comme on dit en
proverbe..
13
i
Ce ne fur point au moment de la défaite
même que la famille de Darius fe jetta
aux pieds d'Alexandre . Ce Prince ne la
vifita que le lendemain après avoir fair
enfévelir les morts , & après avoir permis
à la mere de Darius de donner la fépulture -
à ceux qu'il lui plairoit d'entre les Perfes.
Le foir du jour de la bataille il y avoit feulement
envoyé Leonatus un des principaux
de fa Cour , pour confoler cette famille
affligée , & qui pleuroit la mort de Darius
qu'elle croyoit tué. Alexandre lors de fa
vifite n'étoit point à cheval , mais à pied ,
& il entra dans la tente n'étant accom→
pagné que du feul Epheftion fon favori .
Ainfi ce ne fut point au -dehors , comme il
eft fur ce tableau , mais dans l'intérieur
même de la tente que fe paffa cette action ,
une de celles qui ayent fait le plus d'honneur
à Alexandre. Toutes ces circonstances
font rapportées par Quint - Curce dans le
plus grand détail , il ne faut que l'ouvrir
pour s'en convaincre , je confeille volonvainqueurs
, ont quelque chofe de trop moderne
pour le tems d'Alexandre ...
14 MERCURE DE FRANCE.
2
tiers aux lecteurs de s'en donner la peine
tout ce morceau y eft très-curieux .
་
Mais venons aux drapeaux chargés de
ferpens. Ce qui paroît un argument victorieux
, eft ce qui me coutera le moins de
peine à détruire. La prévention n'a laiffé
voir que le ferpent fabuleux qu'Alexandre
, dit- on , devoit honorer à caufe de fa
naiffance , & elle a fermé les yeux fur un
autre emblême , dont tous les mêmes drapeaux
font chargés conjointement avec ce
ferpent. Er je vous prie , Monfieur , de
bien faire attention à ce que j'en vais dire
ici , & de bien pefer ce moyen , qui eft le
principal , fur lequel j'établis le doute trèsbien
fondé , qu'il me paroît qu'on peut
jetter fur le fujet de ce tableau. Je ne vois
d'abord dans ce ferpent que les Armes en
naturel , & telles que les porte encore actuellement
une des plus illuftres Maiſons
d'Italie . En un mot , je n'y vois que la Givre
à un iffant des Armoiries de la Maifon
des Vifcomti des Princes & Ducs de Milan.
Je vois enfuite dans l'emblême qui eft
au deffus de cette Givre , mais de côté dans
le fond du drapeau , au canton de la partie
fuperieure près du fer de la Hampe , & qui
confifte dans un bras armé dè fes braffarts
iffant d'une nuée , tenant une épée haute
couronnée de lauriers., j'y vois , dis-je ,
4
JANVIER.. 1748 ·Hier
un emblême dont les Ducs de Lorraine fe
font décorés & fe décoroient encore , il n'y
a point fort long-tems. Elle étoit même ac--
compagnée deces mots pour ame. Et adhuc·
Spes durat Avorum , qui ne font point fur
ces drapeaux. Quel rapport me dira- t-on
trouvez vous ici entre la Maifon de Lorraine
, celle de Vifcomti & cette bataille:
telle qu'elle foit ; c'eft ce qui refte à ex
pliquer ..
P
La plupart de ceux qui ne vouloient:
point reconnoître dans ce tableau là vic--
toire d'Alexandre fur Darius , penfoient :
que ce pouvoit être quelque fujet tiré
de l'hiftoire des Croifades . Pour moi , dé--
tourné toute ma vie par des occupations
multipliées & toujours differentes , je vous
avoue de bonne foi que je n'ai point eu le
tems de faire affés de lectures pour entrer
dans le détail des hiftoires particulieres , je
ne peux m'arrêter qu'à ce qu'une partie de
mes travaux m'a mis à portée de connoître,
& fans rejetter l'idée des Croifades , je ne
peux que me renfermer dans l'Hiftoire
Univerfelle . J'ai remarqué entr'autres que
celle de Lorraine nous préfente en général
fes Ducs , tantôt liés d'intérêts avec:
les Empereu contre les Infidéles & les
fuivant dans leurs guerres en Hongrie
&c. tantôt marchans fous les étendards des
18 MERCURE DE FRANCE.
Princes confederés & croilés , paffer les
mers , conduire dans l'Afie , en Egypte ,
en la Palekine , en Syrie , & c. de nombreuſes
troupes , & s'y diftinguer par leur
valeur . En Hongrie , à la fuite des Empe
reurs , ce ne feroit que contre les Turcs
qu'ils auroient en à combattre , & l'image
du Soleil &le fea facré déterminentici des
Perfes abfolument , mais contre quels peu
ples avoient- ils à combattre dans les Croi
fades ? Des Sarrazins , des Maures , & c. &
autres peuples , dont le culte & la Religion
pouvoient être les mêmes que ceux des Perfés.
Et dans ce tableau, c'eft un mélange de
differens peuples & de differentes nations .
Mais je vous prie , Monfieur , de bien remarquer
cette autre circonftance ; une
branche de la Maifon de Vifcomti s'eft at
tachée aux Ducs de Lorraine , & eft venue
s'établir dans ce Pays. Comment , pour
quoi , & en quel tems ? C'eft ce que j'ignore
, tout ce que je fçais , c'eft qu'actuel
lement il y a encore à Nancy un Hôtel ,
portant cette infcription , Hotel dé Lunati
Vicomti , réellement occupé , je crois', par
M. le Marquis de Lunati Visconti . Dans
les lettres patentes de la donation & érection
de la Terre & Seigneurie de Frouart
en Marquifat , faite en faveur de ce Sei
gheur par le Duc Leopold de Lorraine il
JANVIER. 1748. 17
*
eft dit dans le préambule , que c'eft en
confidération de ce qu'il eft d'une des plus
illuftres Maifons d'Italie , & qu'il a fervi
l'Empereur dans un Régiment du Duc de
Lorraine dans fes campagnes de Hongrie ,
&c. Ce Seigneur a fans doute marché fur
' les traces de fes - ancêtres. Qui empêche
que les Viſcomti n'ayent fuivi les Ducs de
Lorraine dans les Croifades ou autres expéditions
contre les Infidéles ?
L'Auteur des génealogies hiftoriques ,
.. &c. M. Chazot dans fes Maifons fouveraines
d'Italie à l'article des Princes & Ducs
de Milan de la Maiſon des Viſcomti , dit
qu'Othon I du nom , fils de celui de qui
defcend la Maiſon Viſcomti , fuivit felon
quelques Auteurs , Godefroy de Bouillon
dans la Terre Sainte , ou ces mêmes Auteurs
attribuent l'origine de leurs Armoiries
à une rencontre particuliere. Ils difent
que cet Othon ayant tué un Sarrazin , nommé
Volux, il lui arracha un heaume , fur
lequel on voyoit en cizelure un ferpent
qui devoroir un enfant , un peu plus loin
dans le même article , il eft dit que Grégoire
X , quand il fut élû Pape , étoit alors
en Syrie. Or voilà donc des Viſcomtr dans
la Terre Sainte & du tems de Godefroy de
Bouillon , & beaucoup après. Ce tav
IS, MERCURE DE FRANCE
bleau eft peut-être même une des victoires
, & un trait de l'hiftoire de Godefroy
de Bouillon. Qui en empêche , & qui
pourroit le nier abfolument ?
Si je voulois , Monfieur , vous faire unet
énumeration de toutes les actions que les
hiftoires générales de Lorraine rapportent
où le font trouvés leurs Ducs depuis l'origine
de leur hiftoire , contre les Infidéles ,
foit en Hongrie , foit dans la Paleſtine ,
&c . aux Croifades ou autrement , je ne finirois
point , & cette énumeration devien--
droit plus longue que ma lettre. Ainfi
Monfieur , de ce que je vous dis ici des
Ducs de Lorraine , de ce qu'il y a des Vifcomti
, qui font encore actuellement attachés
à leur Maiſon , j'en conclus qu'il peut
fort bien être que ce tableau nous repréfente
quelqu'événement de l'hiſtoire
moderne contre les Infidéles , où les Vifcomti
fe foient trouvés avec les Ducs de
Lorraine , & que Breugel qui paroît avoir
connu particulierement cette Maiſon , qui
en aura peut- être reçû des faveurs , où des
fervices affés diftingués dans fon voyage
d'Italie & pendant fon féjour à Milan , en
aura voulu témoigner fa reconnoiffance , en
donnant à la postérité l'image d'un événement
qui peut être particulier à cette Mai-
: for
ea
12
Genera
2
dire
alde
lecture
s les a
nadiers
de
que
dans c
peat
rencon
tailléesd'as
JANVIER. 1748. Leg
fon , dont le fouvenir peut s'y confer
ver héréditairement , & qu'il aura fçu
d'original Son voyage en Italie & fon
féjour à Milan ne font point une choſe
priſe au hazard. Dans l'énumeration ™,
Monfieur , que vous faites de fes ouvrages
vous dites yous -même , fes autres ouvrages
Jont ceux qu'ilfit ....à Milan dans la Bibliotheque
Ambrofienne , &c . Qui empêche
encore une fois que l'Hiftoire moderne
n'offre un fujet à peu près ſemblable à celui
de la défaite de Darius ? Ne peut- il pas
-être arrivé qu'un Général Perfan , Sarrazin
, Maure , Turc , & c. ou autre , ait perdu.
une bataille , que fon camp ait été
-pris , que fa famille s'y foit trouvée &
ait imploré la clemence du Vainqueur ;
que ce Général fût mené fur un char:
plûtôt que fur un cheval , & que voyant
La défaite , ilsait eu recours à un cheval
pour fe fauver avec plus de précipitation
ainsi que fit Darius ? J'ai déja eu l'honneur
de vous le dire , mes occupations ne me
permettent pas. de defcendre dans-un grand.
détail de lecture , fans cela je chercherois
dans tous les mémoires , & les faitsparticuliers
de l'histoire moderne ,
n'eft que dans ces fortes d'ouvrages où
l'on peut rencontrer toutes les circonftances
détaillées d'une action qu'une hiſtoire:
ce
20 MERCURE DE FRANCE.
A
générale n'offre ordinairement qu'en grost ;
peut- être que quelqu'un plus heureux que
moi trouvera quelque jour cet événement
dans des lectures particulieres , ou l'a même
déja rencontré. Si j'avois la mémoire affés
préfente , je vous citerois le livre ou j'ai
déja lûr un événement prefque femblable ,
où un Général Afiatique laiffa fon camp
fes richeffes & fa famille à la difcretion du
vainqueur , mais c'est tout ce que je puis
m'en rappeller. On fçait affés qu'encore
même actuellement il eft d'ufage chés les
Orientaux de fe faire fuivre de leurs femmes
, enfans , &c. à l'armée , & que les
chars y étoient employés , il n'y a encore
que fort peu de tems par les Officiers, plûr-
τότ
tôt que des chevaux .
Je fçais , Monfieur , que d'un feul mot vous
pouvez répondre à toutes ces difficultés
que je vous ai faites . Que vous pouvez dire
que l'on fçait affés que les Peintres Flamands
n'avoient guéres étudié l'hiftoire, &
qu'ils s'embarraffoient peu duCostume qu'ils
ignoroient ; qu'il fuffit que les principaux
traits du fujet qu'ils ont imaginé de traiter,
s'y rencontrent pour qu'on puiffe le reconnoître.
It eft aifé de réfoudre ainfi bien des
difficultés , & peut-être auffi que cela eſt
vrai , dans le fond à l'égard de Breugel , &
de fon tableau en queftion. Mais auffi s'il
JAN VIE R. 1748 . ༡༥ ་ ་
arrivoit
que
l'hiftoire moderne fournît un
trait qui pût expliquer ce tableau , cela
ne fatisferait-il point davantage les amateurs
de la Peinture & .de l'Hiſtoire ? Or
c'eſt ce qui reste à examiner , & ce que je
n'ai pas le tems de faire , mais ce que le
hazard fera peut-être découvrir au moment
que l'on s'y attendra le moins,
Voilà , Monfieur , fur quoi j'établis mon
doute , je m'en rapporte à votre déciſion.
Peſez bien , je vous en prie ; les refléxions
que j'ai l'honneur de vous propofer , je ne
doute point que dans l'examen que vous
avez fait en détail de ce tableau pour en
porter votre jugement , vos connoiffances
très - étendues dans toutes les fciences qui
orgent l'efprit autant qu'elles l'éclairent
ne vous ayent préfenté ces difficultés
avant que d'établir le jugement où vous
vous êtes arrêté fur ce tableau . Or je lerois
jaloux de fçavoir fi dans ces differentes
opinions j'aurois eu le bonheur de me
rencontrer avec vous dans cette difcuffion,
Quand vous aurez tout bien confidéré ,
fi vous trouvez , Monfieur , qu'il faille:
s'arrêter à la défaite de Darius , je ne doute
point que vous ne conveniez en même
tems , ou que le Peintrea voulu en impofer
, ou qu'il a traité fon fujer en homme
L
22 MERCURE DE FRANCE .
贾
à qui la lecture de l'hiſtoire étoit entierement
inconnue. Or je ne crois point qu'on
me blame d'avoir entrepris de fauver fon
honneur de ce double reproche également
fondé qu'on peut lui faire , de fon
ignorance craffe , & du peu de refpect
qu'il a eu pour les lumieres du public :
c'étoit là mon deffein & je ne ferois pas
peu flaté d'y avoir réuffi , tant il eft vrai
qu'un Peintre d'hiftoire doit fçavoir autre
chofe que peindre ; & que fur- tout il doit
être bien inftruit du Coftume , & de toutes
les circonstances en un mot d'où dépend
la vérité du fujet qu'il traite.
Je ne me permettrai feulement encore
ici qu'une fimple remarque en paffant , au
fujet des Eftampes gravées d'après les tableaux
des batailles d'Alexandre de M. le
Brun , c'eft de donner l'ordre chronologique
où elles doivent être rangées, en faveur
des jeunes amateurs de ces belles curiofités
, afin d'éviter l'inconvenient que j'ai
remarqué dans un grand volume où l'on
avoit relié ces Eftampes avec d'autres de
même grandeur & auffi importantes , &
cela dans un des plus célébres cabinets
d'Estampes que l'on connoiffe aujourd'hui ,
dans l'Univers , où je les ai eu en communication
. 1°. Le paffage du Granique ; 2º.
JANVIE R. 1748 . 23
la famille de Darius aux pieds d'Alexandre
3 °. la bataille d'Arbelles ; 4° . l'entrée
triomphante d'Alexandre dans Babyloney
5º . la défaite de Porus.
Q
INVITATION
A Mefdemoifelles ***
STANCES.
Uittez vos demeures fauvages ,
Nimphes qui pouvez tout charmer,
Et fixez-vous fur nos rivages ;
On s'y fait un devoir d'aimer,
Parmi nous , Beautés boccageres,
Repetez vos champêtres airs ;
Meſurez vos danſes légeres
Aux doux'accords de vos Concerts.
Dites dans vos chanſons naïves ,
Comme vous connoiſſez l'Amour ,
Et par les danfes les plus vives
Celebrez- le dans cette Cour.
Les jeux , les ris fuivent vos traces ,
24 MERCURE DE FRANCE .
Et tâchent d'imiter vos pas ;
Ils vous prennent pour les trois Graces ;
Vous en avez tous les appas.
L'incarnat de votre vilage
Efface la rofe en couleur ,
Et vous avez cet avantage
Sans les fecours d'un art trompeur.
D'une magnifiq parure
Négligeant l'éclat emprunté ,
Vous ne devez qu'à la Nature
Les agrémens & la beauté.
Quittez pour jamais les retraites ·
Qui vous déroboient à nos yeux ;
Nimphes , vous avez été faites
Exprès pour embellir ces lieux. "
D'Angers le 28 Octobre 1747 :
Quoique
JANVIER. 1748. 25
Q
•
Uoique nous ayons déja annoncé la
découverte de l'ancienne ville d'Heraclée
, faite à Portici auprès de Naples ,
nous ne craignons point d'ennuier nos
Lecteurs en publiant encore une rélation de
cette découverte fi intérellante les
pour
curieux. Chacun a fa maniere de voir &
d'obſerver ; telle , chofe qui échape à un
voyageur,même intelligent, eft ce qui attire
l'attention d'un autre , ainfi plufieurs
defcriptions d'une même ville , fur-tout,
quand il y a beaucoup de chofes à y obferver
, peuvent être fort differentes fans fe.
contredire. C'est ce qui nous a fait efperer
qu'on verroit encore avec plaifir le
morceau que nous publions.
EXTRAITS de lettres d'un François
qui voyage en Italie . A Naples le g
Mai 1747.
Quel dout re à Paris la découverte de la ville
d'Herculanne ou Ercolano , comme on la
nomme ici , ce que je vais vous en dire
n'en eft pas moins conforme à la plus exaċte
vérité .
B
Mul
26 MERCURE DE FRANCE.
Avant-hier j'allai à Portici ; c'eft un
bourg qui eft à environ 5 milles deNaples .
Le Roi des deux Siciles y a fon Château
de Plaifance qui n'a rien de bien remarquable
; ce qu'on y voit digne d'attention ,
c'eft une grande quantité de vafes & d'inf
trumens antiques qu'on a trouvés dans les
mines d'Herculanne où l'on fouille actuellement
& où l'on découvre chaque jour
quelque morceau curieux , mais ce que l'on
en a tiré de plus précieux , ce font des
peintures très- bien confervées. Il y a entr'autres
un jugement de Virginie qui eft
admirable , on a auffi trouvé dans les foû
terrains du bled & du pain qui quoique
brulés , ont confervé l'un & l'autre parfaitement
leurs formes. J'ai pris quelques
grains du bled &un petit morceau de pain .
J'ai vû à Portici, chés M.Bardet de Villeneuve
, Ingenieur en Chef de Sa Majesté S.
le plan d'une portion d'Herculanne que cet
Officier qui eft François a fair fouiller par
ordre de S. Majefté S. On tient que cet
ville , de même que celle de Pompiano
ont été fondées par Hercule à fon retour
d'Efpagne. La premiere eft diftante d'environ
deux milles de Naples fur le penchant
du Véfuve du côté de la mer qui y formoit
un Port , & la feconde deux lieues plus
loin. L'une & l'autre de ces deux villes fuJANVIER.
1748. 27
rent prefque entierement renversées par le
tremblement de terre de l'année 6; de N.
S. J. C. & furent totalement ensevelies
fous les cendres du Véluve , & le bitume
pierreux qu'il jetta il y a 1666 ans , le 9
des Kalendes de Septembre , l'année Si de
N. S. la premiere de Titus & de Vefpafien .
Cette ville eft aujourd'hui partie de Portici
& de Réfina ; elle s'étend jufqu'à la
tour du Grec , elle , avoit deux milles.de
long. Ce qui a été creufé mérite d'être vû ,
& fur-tout le Théatre qui eft prefque entier.
A Rome le 30 Septembre 1747 .
"
Ayant lû ici dans un imprimé maintes
merveilles que l'on débite avoir été déterrées
à Herculanne,jufqu'à dire qu'il y a du
pain , du vin , du bled frais , du fromage .
de la viande fraîche , & tout ce qui étoit
prêt à manger lors de l'éruption du Véfu
ve , je me fuis mis à tranſcrire au net mes
obfervations , & à faire une rélation véri
dique & la plus circonftanciée qu'il m'a
été poffible de ce que j'y ai vû & examiné
avec mes compagnons de voyage à Portici ,
dont deux font penfionnaires du Roi à l'Académie
de Peinture de Rome. Comme
cette rélation eft plus détaillée que ce que
je vous ai marqué en vousrendant compte
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
de mon voyage de Rome à Naples , & de
la pénible & périlleufe vifite que je fis au
Mont Vefuve , je penfe que vous la verrez
avec plaifir ; la voici :
•
Herculanne fut enfevelie fous les cendres
& le bitume que le Mont Véfuve vomit
l'an 81 de N. S. le des Kalendes de
Septembre; on laiffe aux Sçavans à éclaircir
le doute qu'il peut y avoir fur le tems précis
de fa fondation & celui de fa ruine. Je
me contenterai d'expofer ce que j'ai vû des
reftes de cette ville , dont divers Auteurs
parlent avec éloge : elle a préfentement
au deffus d'elle environ 40 pieds de terre
au plus ; une partie de Portici où le Roi
des deux Siciles à fon Château de plaifance
, & tout le village de Réfina font bâtis
deffus , enforte qu'elle pouvoit avoir deux
milles de long. Il paroît par le plan qu'en
dreffe M. Bårdet de Villeneuve , qu'elle
étoit très-bien percée & qu'elle renfermoit
plufieurs édifices confidérables ; toutes les
ruës étoient droites & avoient de chaque
côté un trottoir de deux pieds de hauteur ;
il y avoit au bout de chaque ruë une fontaine
; on y remarquoit plufieurs beaux Palais
, quatre Temples & un Théatre d'une
beauté merveilleuſe , on en voit encore
affés pour juger de fa magnificence.
Il feroit à fouhaiter que des chofes fi cuJANVIER.
29 1748 .
rienfes ne reſtaffent point pour toujours
enfevelies dans le fein de la terre , ce qui
n'eut pas été , fi on eut pris le foin , difpendieux
à la vérité, d'enlever tous les dé
combres dont cette ville eft couverte , ce
qui auroit été facilité par le voifinage de
la mer , & de la rendre aux Amateurs de
P'Antiquité. On s'eft contenté de faire
fouiller en differens endroits & de faire
combler tous les édifices qui fubfiftoient
encore , après en avoir enlevé les marbres
& ce qu'ils renfermoient de plus confidé→
rable , afin d'affurer les fondemens du Châ
teau du Roi bâti fur les ruines d'Herc
tanne.
Nous avons cependant eu la fatisfaction
d'en voir encore quelques reftes dans les
fpacieux foûterrains où l'on a été obligé
de laiffer des paffages pour fouiller ce qui
n'a pas été touché. Nous fîmes en dehors
tout le tour du Théatre. On voit qu'il
étoit par tout orné de ftatues & de peintures
; les galeries en étoient foutenues par
des colonnes de marbre le plus précieux
dont la plus grande partie a été enlevée
pour orner le Palais du Roi de Naples ; il
en refte encore 3 ou 4 qui défignent la façon
dont cet édifice étoit conftruit, on voit
encore les efcaliers par lefquels on defcendoit
des galeries fuperieures : ils font bâtis
ช
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
de pierre de Piperne , qui eft polie & dure
comme le marbre : ils font parfaitement
bien confervés.
. On voit aufli dans les paffages plufieurs
reftes de, maifons , fur les murailles def
quelles on remarque quantité d'ornemens
peints fur un fond rouge ; dans plufieurs
endroits le pavé étoit de mofaïque , & de
sems en tems l'on apperçoit dans les plan
chers à demi affaiffés , des folives preſque
confumées par les torrens de feu ; des por
tes avec leurs ferrures & des gonds d'ai
rain ; des cadenats & autres choſes ſembla
Mes .
On avoit eu foin de porter dans les
ape
partemens du Roi de Naples les chofes
Les plus curieuſes , & comme l'on n'avoit
pas encore jugé à propos de les mettre en
ordre , elles étoient entaffées les unes fur
les autres , ce qui fair que l'on n'a pû examiner
le tout . Voici à peu-près ce que l'on
a remarqué de plus conſidérable ..
Une table de marbre à 3 pieds , d'un
goût admirable ; des chandeliers de bronze
, d'environ 4 pieds de hauteur , au haut
defquels on plaçoit une lampe ; un pannier
dans lequel font des filets à demi finis
avec les aiguilles dont on fe fervoit pour
les travailler , ils font à peu près fabriqués.
comme les nôtres , à la forme près dont
on ne peut juger , parce qu'ils font telleJANVIER.
1748 | ZI
ment gâtés qu'ils tomberoient en pouffiere
fi l'on vouloit les étendre . Un étui de Chirurgie
avec tous les inftrumens , qui tiennent
enſemble par une rouille qui s'eft attachée
tout au tour & qui eft brillante
comme des diamans ; l'étui eft de bronze.
Il y a une petite conteftation fur la matiere:
des inftrumens , mais cette rouille & la
couleur qu'ils ont , fait juger qu'ils font
d'acier , ils confiftent en deux fpatules ,
quelques fondes & un biftouri . Il y a même
dans l'étui un refte d'emplâtre étendu
fur une espece de linge effilé des lampes
de toutes les façons , parmi lesquelles on
en voit de fort fingulieres , entr'autres une
de forme lozangée , entourée ( de grelots ;
on nous a dit qu'elle fervoit pour les femmes
en travail.
Une tête de cheval , quantité de mords ,
& beaucoup de ftatues brifées , le tout de
bronze ; force marmites de même métail ;
des bouteilles quarrées de verre blanc ,
toute forted'uftenciles de terre en grande
quantité & tout neufs ; on les a trouvés
vraisemblablement dans la boutique d'un
potier fans que pas un fut endommagé.
Deux émines environ de bled calciné , qui
cependant conferve encore fa premiére for--
me; un pain tout entier que le feu a brulé a
demi & rendu noir ; il eft dur comme de la
Bij
32 MERCURE DE FRANCE.
pierre & de forme ronde avec des marques
en façon d'étoiles.
Mais ce que l'on voit de plus curieux
ce font des tableaux , il y en a environ
200 , tant grands que petits , encore lè
nombre en augmente- t'il tous les jours ,
car on en trouva trois dans le tems que j'é
tois à Portici : ces peintures font à frefque
& fe font trouvées fous les murs des mai
fons , du Théatre & des Temples .
Les deux premiers que nous vîmes , repréfentoient
, l'un un fcéne de Théatre &
l'autre le jugement de Virginie par Clau
dius le Decemvir. Dans le premier on voit
deux files d'Acteurs , au milieu defquels
on en remarque un parlant avec véhémence
, il paroit tenir un mafque devant
le vifage , dans le fond du tableau il y a
3 figures placées fur un endroit affés élevé
; il peut avoir 3 pieds de hauteur , le
jugement de Virginie n'eft pas moins curieux
: on y voit quantité de figures fur le
devant dans des attitudes foft vives ; la
plus remarquable eft vêtue en blanc , on
conjecture que c'eft celle de Claudius. Il y
a quantité de tableaux d'Architecture mife
en perfpective , des colonades , des Temples
& autres édifices ; elle y eft par-tout
bien obfervée .
On voit d'autres tableaux en travers qui
Ces
Leacx
Chinois
salers
ferens
23 , lan de
la
forme
COVERSACA
macht.Mais:
Sax qui te
22.00yenvo
four
comme
Con
lede
Texa
evaier
repetiens
Teperle
Centaure
topar
lespresion
dros
devant
for
erfes
accens
;
dela
demi
couch
Ire.
e.Il
n'eft
pas
cox
l'attention
de
intede
l'autre
d
JANVIER 1748. 37
peuvent avoir 4 pieds de largeur , ils répréfentent
des grotefques ; la compofition
en eft fort bizarre , ce font des chars tirés
par des Oiseaux ou par des Dragons & autres
chofes femblables,dans le goût des ornemens
Chinois qu'on voit aujourd'hui .
Il y a plufieurs petites figures de demi
pied avec differens attributs peints fur um
fond rouge. Il y a encore plufieurs ta
bleaux en mofaïque dont la couleur eft
charmante , l'un defquels repréfente trois
pains dont la forme eft abfolument feur
blable à celui qu'on a trouvé; d'autres repréfentent
divers animaux , le tout, d'un
excellent goût. Mais rien n'égale la beauté
des tableaux qui font dans la derniére
chambre , on y en voit 4 qui font admirables
, ils font comme tous les autres peints
à frefque fur des pieces de murs qu'on 2
détachés ; on n'y fouhaite rien pour ไป
compofition , le deffein & le coloris..
Le premier repréfente l'éducation d'A
chille par le Centaure Chiron , il eft fur
prenant pour l'expreffion : ce jeune Prince
eft tout droit devant fon maître & s'effor
ce d'imiter fes accens ; le Centaure eft:
côté de lui à demi couché & tient d'une
main fa lyre. Il n'eft pas poffible d'expri
nier mieux l'attention de l'un à reprendre
& la crainte de l'autre d'être repris par fom
By
t
34 MERCURE DE FRANCE..
maître ; ce tableau peut avoir 6 pieds de
haut ; la figure d'Achille en a environ 3 ,
il eft fans aucune draperie.
4
Il y a enfuite un jugement de Pâris , qut
peut avoir été fort beau , il eft à préfent :
gâté , les figures font drapées & peuvent
avoir deux pieds & demi. Le troifiéme eft
d'une beauté finguliere ; il repréfente un
jeune homme vu de face , dont le corps a
toutes les graces de l'antique , il foule aux
pieds un monftre qui aune tête deTaureaus
deux enfans qui font à côté de lui s'empreffent
de lui baifer la main ; il paroît
que cela a quelque rapport à l'Histoire de
Théfée , les figures font toutes de grandeur
naturelle & le tableau n'a guére moins de
7 pieds & demi.
a
Le quatriéme qui fait pendant à celui- là,
paroît être de la même main , je ne m'en
rappelle pas trop le fujet , la principale fi--
gure eft un homme qui tourne le dos & eft.
groupé avec plufieurs petites figures ; il eft .
étonnant pour la force du deffein , le coloris
n'en eft pas moins beau que dans les
autres , & l'on ne voit rien à frefque des
modernes qui foit au deffus de celles là.
Ces 4 tableaux ont été trouvés dans le 4.
San &uaire du grand Temple . Voilà à peu .
près ce qu'on remarque de. plus confidé
rable pour
pour la Peinture.
3
·
35
JANVIER. 1748.
६
Il me reste à préfent à parler des ftatues ,
on en a trouvé un beau nombre , parmi
lefquelles on en voit d'une grande beauté ;
le Roi de Naples les a fait placer dans une
petite falle à côté du jardin en attendant. -
Il y en a 7 de bronze plus grandes que
Nature & quantité d'autres de marbre
blanc qui font des meilleures fiécles. En--
tr'autres trois figures de femmes peuvent
paffer pour des merveilles , elles font de
marbre blanc & n'ont guéres plus d'un pied
& demi chacune , on en a trouvé quantité
d'autres de métail , mais elles étoient telle--
ment brifées qu'on n'en a pûr tirer aucun¹
parti . Parmi toutes celles-là il n'y en a att
cune qui puiffe être comparée à la ftatue
équeftre d'un certain Balbus , que le Roi
de Naples a fait placer dans le périftile de
fon Palais , c'est une des plus belles chofes
qu'on puiffe voir , elle eft de marbre blanc ,,
le cheval eft au- deffus de tout ce que nous
avons des anciens , on voit für le pied d'é
tal cette infcription .
Marco, Nonio, Marci. fil. Balbo , praf. proconf].
Heronlanenfis.
3
On fera vraisemblablement tous less
jours dans cet endroit de très -belles décou--
vertes ; on avoir encore à fouiller tout un
B- vj
36 MERCURE DE FRANCE.
quartier de la ville , lorfque nous fommes:
partis on compte quand cela fera fini de
faire graver les chofes les plus remarqua
bles, & S. Majefté S. à fait venir de Rome
dans cette intention un Graveur , mais il
ne pourra donner de toutes ces chofes
qu'une idée fort imparfaite.
C'eft -là tout ce que j'ai remarqué à
Herculanne ; bien des chofes fans doute
me font échappées dont on ne fera pas fur
pris , quand on fçaura que je n'ai eu pour
les examiner que le tems du dîner du Roi
de Naples , au refte l'on peut- être affûré
que tout ce que je viens de rapporter eft.
exactement vrai
$350660650652660050 : 30 : 306806506 500 500 500
DECLARATION D'AMOUR.
S
Ansdire
que Phébus m'infpire ;
Sans vous comparer à Pfiché ,
Sans dire qu'amour eft caché
Sousvos traits que chacun admire ;:
/Sans tous ces contes fabuleux
Et fans vous parler de martyre ,
95
Je puis dans mon coeur amoureux,
Trouver mille chofes à dire
Qui Silvies un rendie.délire
JANVIER. 37 1748:
Eft cent mille fois plus charmant
Que tout l'efprit & l'agrément
De celui qui monte få lyre
Sans les accords du fentiment .
Secondez l'ardeur qui m'infpire ;
Tendre coeur , dont l'émotion
Va peut-être paroître un crime.
A l'objet de ma paffion.
Que votre tendreffe ingénuë
Lui retrace fes fentimens ,
Feignez- lui tous les mouvemens-
Que vous reffentez à ſa vûë.
Dites- lui bien ce que je ſens .
Si cette belle , trop févéré ,
Refuſe une vive amitié ,
Vous pouvez la foncer à faire
Quelques démarches de pitié.
Ecoutez , aimable Silvie ,
Ce coeur charmé de vos appas ,
Il vous dit qu'une fimpathie
Que l'efprit ne peut exprimer ,
Par un charme inconnu le lie
A tout ce qui peut vous charmer ,
Et qu'il eft fait pour vous aimer
Autant que durera ſa vie.
Il fçait fouffrir dans les foupirs ,
Sans murmure il porte vos chaînes 3 .
38 MERCURE DE FRANCE.
Et préfere ces douces peines
'A tout ce qu'on nomme plaifirs
Si- tôt que je vous vis paroître
Je formai de tendres défits ,.
Et vous aimai fans vous connoître:
Je vous cherche toujours abfente ,
Je defire & crains de vous voir ;
Voilà de l'amour qui n'enchante
Le jufte & fidéle miroir:
Puis- je eſpérer , jeune Silvie ,
D'obtenir un peu de retour ?
La tranquillité de ma vie
Dépend du fort de mon amour.
Par le Chevalier des de Languedos.
PAS
JANVIER 1748.
ANনাSস:্ত নাও নাও নিতে
RELATION hiftorique d'un groffeffe
finguliere en ce qu'elle contenoit un enfant
qui a fejourné trente & un an & quelques
mois dans le corps d'une pauvre femme
nommée Marie de Breffe , laquelle mourut
en l'Hôtel-Dieu de Joigny d'une fluxion de
poitrine , & qui fut ouverte pour connoître
ce qui avoit caufe une groffeffe d'un auſſi
grand nombre d'années . Cette relation a été
envoyée par M. Cagnat , Chirurgien en
chef de l'Hôtel-Dieu de Joigny , qui a fait
l'ouverture de cette femme en préfence des
Médecins & Chirurgiens de la Ville de
Joigny.
Arie de Breffe , née à Saint Julien
le Senfoy le 12 Octobre 1686 ,
femme d'EdmeCapel Manoeuvrier, natifde
Troyes , cuten 1712 qui étoit la premiére
année de fon mariage une perte de fang
confidérable , fuivie d'une fauffe couche
dont elle fût en peu de tems rétablies
Au mois de Mars 1716 elle eût des fi
gnes affés fenfibles d'une nouvelle groffeffe
pour lui faire croire qu'elle étoit enceinte...
Ayant fénti remuer vers le troifiéme
mois , les mammelles fe gonflerent & le laie
qui y parut ne lui permit plus d'en doutera
40 MERCURE DE FRANCE.
Au mois de Novembre fuivant elle füre
travaillée de douleurs très vives dans le
ventre , qui paroiffoient être des difpofitions
à un accouchement prochain , on fut
en conféquence chercher une Sage-femme
qui pendant deux jours qu'elle reftà auprès
d'elle , n'attendoit que le moment favorable
pour aider la Nature , un écoulement
d'eau affés ſemblable à celui qui a coûtume
de précéder & accompagner les accouchemens
ordinaires , fembloit au deuxième
jour d'un travail annoncer une prompte.
délivrance ; la Sage-femme avertie par cet'
avant coureur , le difpofoit à travailler
lorfque cet écoulement s'arrêta tout- àcoup
; fa furprife nè fut pas moins grande
quand après l'avoir touchée de nouveau
elle s'apperçut que l'Uterus n'étoit nulle .
ment chargé & nes préfentoit aucune di-
Latation .
La fâcheufe fituation de cette femme
engagea fon mari à la faire voir par les
Médecins & Chirurgiens de Troyes où ces
pauvres gens faifoient pour lors leur réfidence
; après l'avoir interrogée & exactement
vifitée ils déciderent unanimement
qu'elle étoit réellement groffe , & qu'il
n'y avoit point d'autre parti à prendre
qua celur, ou de l'opérationC મા éfarienne ,
ou de laiffer le cours des chofes au gré de
JANVIER. 1745. 41
la Nature ; ce dernier parti parut plus fage ,
en effet à l'exception de quelques douleurs
paffageres qu'elle reffentit de tems en
tems , principalement lorfque l'enfant fai-
-foit quelque mouvement , elle étoit peu
tourmentée .
Les mouvemens de l'enfant cefferent
après le dixième mois ; il ne lui refta qu'un
grand épuiſement , qui joint à la peine de
-porter un fardeau auquel elle n'étoit pas
encore trop accoûtumée , l'empêcha de
travailler pendant l'efpace d'un an &
demi.
;
*
Après ce tems les forces commençant
à revenir , elle repritfes anciens & pénibles
exercices , tels que de couler , laver
les leffives , tourner la rouë chés les Potiers
d'étain ; malgré la violence de fes travaux
il fe formon du lait dans fes mammelles,
& elle s'en eft apperçue jufqu'à l'âge
de foixante ans ; on fut même témoin
qu'à l'âge de cinquante-neuf ans étant à
travailler dans une maifon bourgeoife elle
en fit rayer comme auroit pu faire la meil
leur nourrice .
Cette femme étoit grande , puiffante ,
laborieufe & d'un fort bon tempérament.
Elle mourut enfin d'une fluxion de poitrine
le 22 Juillet 1747 , à l'Hôtel - Dieu
de Joigny , ville qu'elle habitoit depuis fix
ans ou environ .
42 MERCURE DE FRANCE.
J'en fis l'ouverture en préfence de Meffieurs
les Médecins & Chirurgiens du lieu ;
nous trouvâmes une tumeur de la groffeur
& figure d'une boëte à perruque , nommée
melon, fituée à la région umbilicale &
hypogaftrique, tirant beaucoup plus du cô
té droit que du gauche , elle nous parut
partir de la trompe droite du même côté ,
parce que ce conduit étoit extrêmement
dilaté& même rompu dans fa partie fupérieure.
Cette tumeur étoit adherente par fa
furface antérieure à l'épiploon , parfa
moyenne & anterieure au péritoine , par
fon inferieure & antérieure au fond de la
veffie , par fa partie fuperieure & poſtérieure
au jejunum , par fa partiemoyenne
&-poftérieure au mefanter & à l'ileum , par
fa partie inferieure & poftérieure au fond
de l'uterus.
Cette maffe qui feparée de fon tout ,
péfoit huit livres , étoit partie offeufe &
partie cartilagineufe, & contenoit fans ancune
ferofité , un enfant mâle , plus grand
& plus fort qu'un enfant à terme & bien
formé; quatre dents incifives étoient prêtes
à percer , il n'avoit nulle odeur & avoir
confervé toutes lesparties en aflésbon état.
Je donnai un coup de Scapel à la partie
fuperieure de l'humerus qui étoit dépouilJANVIER.
1748. 43
lé de fon periofte , les muſcles nous en parurent
auffi rouges que le feroit une chair
qui auroit été falée .
Les parties de cet enfant qui touchoient
contre la furface internede fon enveloppe
à laquelle elles étoient extrêmement adherentes
, y avoient fait des empreintes à
peu-près pareilles à celles que les vaiffeaux
qui rampent fur la duremere , en font dans
la furface interne du crane.
La couleur de fa peau reffembloit affés
à celle d'un veau nouvellement tanné.
Le cordon umbilical qui eft refté de la
longueur de cinq a fix pouces étoit deffeché
à un travers de doigt de l'umbilic
comme s'il eût été par quelque ligature ,
& fon extrémité , épanouie en forme de
patte d'oye , tapiffoit l'interieur d'une ou--
verture exactement ronde qui avoit deux
lignes de diametre, cette ouverture étoit fi
tuée à la partie laterale interne du côté
droit de cette enveloppe que nous avons
trouvé compofée de deux lames offeuffes ,
diftinctement féparées par une espece de
diplóé.
Nous avons remarqué que l'enveloppe
commune de l'enfant avoit quatre lignes
d'épaiffeur à l'endroit du trou où alloit fe
perdre le cordon umbilical , pendant
qu'elle n'avoit que deux lignes par-touts
44 MERCURE DE FRANCE .
ailleurs , ce qui nous a fait penfer que cela
ne venoit que de l'addition du placenta
qui pouvoit s'y être également offifié .
Toutes les parties du bas ventre étoient
en bon état , à l'exception des adherences
qu'elles avoient contractées avec cette tumeur.
-
Nous examinâmes plus particulierement
T'uterus , il étoit très bien conditionné &
propre à contenir un enfant , fi celui- ci eûr
pû y parvenir.
Cagnat. A Joigny le 8 Août 1747.
´CACICICOCA✅AYIYAYA YUCO
CAPRICE.
Cift de l de la boëte de Pandore
Que fortirent les maux où tout le genre humain
En naiffant fut plongé , dont il gémit encore .
Victime d'un cruel deftin
Pâris , le beau Pâris voit Heléne , l'adore :
Ah trop fatal Amour ! l'infortuné Troyen ,
Sans toi vivait heureux , paifible Citoyen ;
Vagabond maintenant , il'erre au gré de l'onde ,
Et regarde de loin fes Lares embrafés.
Les femmes font l'écueil où nombre d'infenfés
Echouant tous les jours,font la fable du monde.
;
JANVIER 45 . 1748 .
Sans elles on verroit dans une paix profonde
Renaître les vertus , les biens de l'âge d'or.
Mais que dis - je ? Rêvé -je ? Eft- ce miſantropie ¿
Sexe charmant , pardonnez ma folic.
Et pourquoi contre vous ce frénetique effor
Quand mon coeur idolâtre encor
L'ingrate qui me fuit , l'adorable Sylvie?
A Lyon 1747.
Boyer
LETTRE fur la maniere dont Baron déclamoit
quelques vers d'Iphigenie.
J'Eu
"Eus hier au foir , Monfieur , une difpute
dont je veux vous rendre compte,
afin que vous me difiez ce que vous en
penfez . Le ſujet n'eſt pas fort important ,
mais comme il s'agit d'une matiere de goût,
je ferois flaté de pouvoir m'autorifer de
votre fuffrage. Voici le fait ;
Achille dans la feptiéme fcéne d'Iphigenie
, frappé de quelque circonftance finguliere
, & ne fçachant que penfer des démarches
de Calchas & d'Ulyffe , s'écrie :
Quelle entrepriſe ici pourroit être formée
Suis -je ,fans le fçavoir ,la fable de l'armée ?
Entrons. C'eft un fecret qu'il leur faut arracher;
46 MERCURE DE FRANCE.
Baron , cet Acteur inimitable & fi natu
rel , qui a fait pendant tant d'années l'ad
miration de tout Paris , ne déclamoit ja
mais ces vers qu'avec une joie mêlée de
furprife & d'indignation ; on étoit étonne
de le voir rire dans un endroit où les autres
Acteurs ne mettent que du feu & de la
colére. Peut-on dire que cette déclamation
fut vraie & conforme à la fituation du
Héros qu'il repréfentoit ? Voilà ce qui me
fut conteſté par des perfonnes qui rendent
juftice aux talens de Baron , mais qui
croyent que le ris qu'il employoit dans
cette occafion étoit déplacé. Pour moi ,
j'avoue que je ne puis me réfoudre à condamner
un Acteur qui poflédoit fi bien les
principes de fon Art , & qui manquoit rarement
le ton de laNature.
En effet on peut raiſonner par oppofition
du ris comme on raifonne des pleurs ,
Les pleurs ont été établis par l'Auteur de
la Nature pour exprimer les differens états
de malheur où l'on fe trouve , & pour inviter
les autres hommes à nous fecourir.
C'est l'expreffion des malheurs & la priere
des malheureux
. De même le ris eft deſtiné
à exprimer la joie , à la communiquer
& à
la répandre. C'eſt une invitation
flateuſe
par laquelle
nous engageons
les autres
hommes à prendre part au bien qui nous
arrive & à nous le conferver.
JANVIER. 1748. 47
Les complots des Grecs contre l'amour
d'Achille n'étoient pas
certainement
par
cax-mêmes un bien propre à exciter un
fentiment de joie. C'étoit un mal au contraire
, mais un mal fi fort au- deffous d'Achille
& fi peu capable de l'allarmer , qu'il
ne fert qu'à lui fournir un témoignage de
fa fupériorité , & à lui faire appercevoir
les reffources qu'il peut trouver en luimême
contre de pareils évenemens. Or
nous ne sçaurions nous rendre à nous-mêmes
un femblable témoignage , fans que
notre amour propre en foit flaté , fans que
ce foit un bien pour nous & un bien qui
doit naturellement exciter notre joie , &
c'eſt delà que naît le ris que notre Acteur
prêtoit à Achille.
Que l'on juge maintenant laquelle des
deux déclamations , ou de celle de Baron
ou de celle des autres Acteurs , fait paroître
Achille plus grand. Ce héros repréfenté
par Baron ne trouve dans l'entrepriſe
des Grecs qu'un projet infenfé plus digne
de fon mépris que de fa colére. Il eft furpris
& indigné de voir que lui étant fiinférieurs
ils ofent entreprendre de traverſer
fon amour. Il femble en même tems s'applaudir
d'avoir une occafion de leur faire
fentir fa fupériorité , & de donner par-là
un nouvel éclat à fa valeur & à fon courage.
48 MERCURE DE FRANCE.
Une déclamation au contraire où l'Acteur
fe livre à la colére & à l'emportement
fait bien fentir qu'Achille eft vivement
piqué de le voir joué par les Grecs. Mais
elle ne lui donne qu'un fentiment.commun,
& que tout autre que lui éprouveroit
en pareil cas. C'eft ôter quelque chofe
à fa grandeur que de le faire paroître ſi
affecté des complots qu'il foupçonne qu'on
trame contre lui.
Au refte , Monfieur , en cherchant à
jaftifier la maniere dont Baron rendoit les
trois vers que je vous ai rapportés , je n'ai
pas prétendu rejetter abfolument la déclamation
des autres Acteurs . Je fuis perfuadé
au contraire qu'elle peut être défendue
par de très-bonnes raifons ; mais peut- être
ne trouverez - vous pas qu'une pareille
queftion mérite la peine d'être difcutée.
RONDEAV
JANVIER. 1748 .
49
A
RONDE AU
Sur le nouvel an.
U nouvel an , fans fortir de nos trous ,
Faiſons des voeux pour le falut de tous ;
Qu'eft- il befoin d'aller de porte en porte ,
Pour demander comment chacun fe porte ,
Et le heurter comme vrais loups- gatoux ?,
Vous qui venez avec zéle chés nous ,
Pour fouhaiter les deftins les plus doux
Ne croyez pas que déformais je forte
Au nouvel an,
En moi toujours vous trouverez pour vous
Des fentimens , qui des vôtres jaloux ,
Font que mon coeur fur le vôtre l'emporte ;
C'eft dire affés que parler de la forte ;
Ceffons enfin de paffer pour des fous
Au nouvel an .
G. D. M.
50 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. G. à M ***.
C'E
' Eft toujours une vraie fatisfaction
Et une vraie,
pour moi de vous écrire, M. mais aujourd'hui
mes difpofitions à cet égard font
bien differentes ; ce n'eft plus le tems où
nous nous entretenions d'Apollon , des
Mufes & du Parnaffe. Je dois vous mander
l'état déplorable d'une de mes bonnes
amies qui eft moribonde , & par- là je fens
augmenter ma douleur ; je la connus lorfqu'elle
ne faifoit que de naître , je l'ai vû
croître de jour en jour, & à mesure qu'elle
croiffoit en âge , acquerir de nouveaux
charmes qui me la faifoient véritablement
aimer. Mais enfin je fuis à la veille de la
perdre ; ma douleur eft extrême parce
qu'elle eft fans reméde. Cette trifte mort
diminuera infailliblement le nombre de
mes jours ; l'état de langueur où elle eſt
depuis plus de deux mois , au lieu de me
difpofer infenfiblement à notre féparation,
me pénétre chaque jour de nouveaux traits
de la trifteffe la plus amére. Hélas ! mon
chet Monfieur , notre amie eft condamnée
de tous les Médecins , je dis notre amie
car elle eft auffi la vôtre , & fi je ne la
nomme point encore , c'eft pour ménager
JANVIER. 1748 .
la tendreffe de votre bon coeur ; notre amie
eft donc attaquée d'un mal intérieur qui
la mine peu à peu , & la conduit pas à pas
au tombeau ; on croit que c'eft l'éthyfie
ou la confomption . Quoi qu'il en ſoit ,
( car qu'importe le nom que l'on donne
aux maux ? ) elle eſt à préſent aux abois ; on
ne lui donne plus fept jours à vivre ; fes
foeurs font mortes de la même maladie fans
qu'on ait jamais pû y apporter de reméde ;
je ne puis plus me flater du contraire ; tout
m'annonce fa fin prochaine : jugez de ma
douleur ; je vous en fais part pour recevoir
de vous quelque confolation ; je vous ai
caché jufqu'à préfent le nom de celle que
je pleure , parce que je ne puis le prononcer
fans augmenter la plaie qui faigne dans
mon coeur , mais enfin je vais vous le dire,
cette amie fidelle que nous allons perdre ,
cette compagne inféparable que nous regretterons
long- tems & que nous ne reverrons
jamais plus , c'eft l'année 1747
à
la fin de laquelle je fuis , comme j'étois à
fon commencement & comme je ferai pendant
l'année 1748 , que je vous ſouhaite
très-heureuſe , votre , & c.
C ij
52 MERCURE DE FRANCE .
:
EPISTOLA I. Το
AD MECENATE M.
PRima dicte mitri , fummâ dicende Camoena .
Spectatum fatis , & donatum jam rude , quæris
Mecoenas , iterum antiquo me includere ludo .
Non eadem eft ætas , non mens . Vejanius , armis
Herculis ad poftem fixis , latet abditus agro ;
Ne populum extremâ toties exoret arenâ .
Eft mihi purgatam crebrò qui perfonet aurem ;
Solve fenefcentem maturè fanus equum , ne
Peccet ad extremum ridendus , & ilia ducat .
Nunc itaque & verfus & cætera ludicra pono :
Quid verum atque decens , curo & fogo , & omnis
in hoc fum :
Condo & compono , quæ mox depromere poffim,
Ac ne fortè roges , quo me duce , quo
laré
tuter ;
Nullius addictus jurare in verba magiftri ,
Quo me cumque rapit tempeftas, deferor hofpes;
JANVIER. 1748. 53
TRADUCTION de la premiere Epitre
d'Horace à Mécane .
M Econe,ma Mufe t'a confacré les
premiers écrits ; elle te doit l'hommage
des derniers ; envain tu m'invites à
rentrer dans une lice , où j'ai affés longtems
parû , pour jouir du droit de m'en
retirer. Je n'ai plus le même âge , je n'ai
plus le même génie . Véjanius , las d'avoir
tant de fois demandé grace , ( 1 ) au bout
de l'aréne , vient d'attacher fes armes à
l'entrée du Temple d'Hercule ; il vit inconnu
dans fon champ ; fouvent une voix
me dit à l'oreille , fois affés fage pour ne
plus expofer dans la carriere un courfier
qui commence à vieillir ; bien - tôt il batteroit
du flanc , bien -tôt il deviendroit l'objet
de la rifée publique ; c'eft pourquoi je
renonce aux frivoles amuſemens de la
Poëfie , je ne veux m'attacher deformais
qu'à la recherche de la vertu & de la vérité;
j'en fais mon unique étude, mon unique
travail , j'entaffe , je mets en réſerve tout
ce qui peut me fervir au befoin . Peut-être
me demanderas- tu quel Maître j'ai choiſi ,
ou quelle fecte j'embraffe ? Je ne fuis engagé
dans aucune ; étranger dans toutes ,
Cij
54 MERCURE DE FRANCE. ,
Nunc agilis fio , & merfor civilibus undis ,
Virtutis veræ cuftos , rigiduſque ſatelles ;
Nunc in Ariftippi furtim præcepta relabor ,
Et mihi res, non me rebus , Subjungere conor.
Ut nox longa , quibus mentitur amica , dieſque
Lenta videtur opus debentibus ; ut piger annus
Pupillis ,, quos dura premit cuſtodia matrum :
Sic mihi tarda fluunt ingrataque tempora , qua
fpem
Confiliumque morantur agendi gnaviter id , quod
Aquè pauperibus prodeft , locupletibus æquè ;
Æquè neglectum pueris fenibufque nocebit .
Reftat , ut his ego me ipfe regam folerque ele
mentis.
Non poffis oculo quantum contendere Lynceus ,
Non tainen id circo contemnas lippus inungi :
Nec , quia defperes invicti membra Glyconis ,
Nodosâ corpus nolis prohibere Chiragrâ,
Eft quodam prodire tenus ,fi non datur ultră.
Fervet avaritiâ, miferoque cupidine pectus ?
Sunt verba ac voces, quibus hunc lenire dolorem
JANVIER . 1748 . 55
•
je me laiffe aller au gré de la tempête.
Tantôt plongé dans l'intrigue du monde ,
je deviens actif & vigilant , mais toujours
rigide défenſeur de la vraie vertu ; tantôt,
felon l'occafion , retombant dans les préceptes
d'Ariftipe , ( 2 ) je cherche à ne m'affujettir
à rien , à tout faire dépendre de
moi. Autant la nuit paroît longue aux
amans quand leur maîtreffe manque au
rendez-vous promis ; le jour ( 3 ) lent aux
gens de journée , les années tardives aux
mineurs qui font fous la tutelle d'une mere
avare , autant me paroiffent infructueux
& longs les momens qui retardent mes
efpérances , & le projet que j'ai formé de
m'occuper foigneufement des chofes qu'il
eſt également utile aux pauvres comme
aux riches , aux jeunes gens comme aux
vieillards , de ne point négliger. Il ne me
refte qu'à me regler moi- même fur ces
principes pour me confoler du tems perdu.
Tu n'as pas la vûë auffi perçante que
Lyncée ; dédaigneras - tu de traiter ton
mal (4 ) aux yeux ? Tu ne peux prétendre
à la force de l'invincible Glycon; voudrastu
ne rien faire pour te préferver de la
goutte ? (5 ) Il eft un point auquel on peut
atteindre , fi l'on ne peut aller au de-là .
Etes-vous tyrannifé par
l'avarice , par
cruelle foif des richeffes ? Il eft des maxila
C iiij
56 MERCURE DE FRANCE.
Poffis , & magnam morbi depromere partem ..
Ļaudis amore tumes ? Sunt certa piacala , quæ të
Ter purè lecto poterunt recreare libello .
Invidus , iracundus , iners , vinofus , amator ,
Nemo adeò ferus eft , ut non mitefcere poffit
Si modò culturæ patientem commodet aurem .
Virtus eft vitium fugere , & fapientia prima
Stultitiâ caruiffe . Vides , quæ maxima credis
Effe mala , exiguum cenfum , turpemque repulfam
>
Quanto devites animi ċapitifque labore ?
Impiger extremos curris mercator ad Indos ,
Per mare pauperiem fugiens , per faxa , per
ignes :
Ne cures ea quæ ftultè miraris & optas ,
Difcere, & audire , & meliori credere non vis
Quis circum pagos & circum compita pugnax
Magna coronati contemnat Olympia , cui fpes ,
Cui fit conditio dulcis fine pulvere palmæ ?
Vilius
argentum
eft auro , virtutibus aurum .
O cives , cives , quærenda pecunia primùm eft,
JANVIER. 1748. 57
mes ; des préceptes propres à calmer & diminuer
votre mal. Etes-vous bouffi du défir
d'être loué ? Méditez plus d'une fois
certaines vérités ; elles pourront adoucir
vos ennuis. (6 ) Il n'eft point d'homme fujet
à l'envie , à la colere , à la pareffe , au
vin ou à la débauche , quelque féroce
qu'il foit , qu'on ne ramène à des moeurs
plus douces , s'il a la patience de fe faiffer
inftruire. Fuir le vice , eft le premier degré
de la vertu ; ceffer d'être fou , eſt le
premier degré de la fageffe . Que de peines
de corps & d'efprit ne fe donne- t'on
pas pour éviter , comme le plus grand des
maux, de n'avoir qu'un bien médiocre , &
d'effuyer la honte d'un refus ? Infatigable
Marchand , tu cours jufqu'aux extrémités
de l'Inde , fuyant au milieu des tempêtes ,
des écueils (7 ) & des feux la dure pauvreté
; tu n'écouterois
point les avis de gens
plus fages que toi ; tu ne voudrois point
apprendre d'eux à méprifer ce que tu admires
auffi follement que tu l'envies . L'Athlete
qui ne combat que dans les bourgs ,
les villages , refuferoit- il de fe faire couronner
aux jeux Olympiques
, (8 ) s'il pou
voit fans rifque efpérer d'en remporter le
prix ? ( 9) L'argent eft plus vil que l'or; l'or
eft plus vil que la vertu. Romains , avant
toutes chofes, il faut acquérir des richetles,
Cy
58 MERCURE DE FRANCE.
Virtus poft nummos : hæc Janus fummus ab imo
Prodocet , hæc recinunt juvenes dictata ſeneſque .
Eft animus tibi , funt mores , eft lingua fideſque =
Si quadringentis fex feptem millia defint ,
Plebs eris. At pueri ludentes , Rex eris , aiunt ,
Si rectè facies. Hic murus aeneus efto ,
Nil confcire fibi , nullâ pallefcere culpâ.
Rofcia , dic fodes , melior lex , an puerorum eft
Nænia , quæ regnum rectè facientibus offert ,
Et maribus Curiis , & decantata Camillis
Ifne tibi melius fuadet , qui , ut rem facias ,
Si poffis rectè , fi non , quocumque modo rein ;.
Ut propiùs fpectes lacrymofa poemata Puppîs :
'An qui fortunæ te refponfare ſuperbæ
rem
Liberum & erectum præfens hortatur & optat
Quod fi me populus Romanus fortè roget , cur
Non , ut porticibus , fic judiciis fruar iifdem ,
Nec fequar aut fugiam , quæ diligit ipfe vel odit =
Olim quod vulpes ægroto cauta Leoni
Refpondit , referam : quia me veftigia terrent,
Omnia te adversum fpectantia , nulla retrorsum.
JANVIER . 1748. 59
après l'argent la vertu ; voilà ce qu'on ( 10)
enfeigne d'un bout à l'autre de la place de
Janus , voilà ce que récitent les vieillards
& les jeunes gens ( 11 ) qui portent fufpenduës
au bras gauche leurs tablettes & leurs
bourfes de jettons.Tu as de la probité , des
moeurs , de l'éloquence , de la bonne foi ;
te manque- t'il fix ou fept mille fefterces ?
Tu ( 12) feras au rang du peuple. Faites
bien , difent les enfans , dans leurs
jeux , vous ferez Roi . Fais- toi de cette maxime
un rempart tel que jamais aucune de
tes actions ne te caufe des remords ou ne
te faſſe pâlir de honte. Quelle Loi crois-tu
qu'on doive préférer , la Loi Rofcia ou
celle des enfans , qui n'accordent les dignités
qu'à ceux qui s'en rendent dignes ,
loi qu'ont pratiquée les Curius & les Camilles
? Qui des deux te donne un meilleur
confeil ; celui qui t'exhorte à ne t'enrichir,
fi tu peux, que par des moyens honnêtes
, finon à quelque prix que ce foit ,
pour pouvoir entendre de plus près les
touchantes Tragédies de ( 14) Pupius , ou
celui qui par fa préfence t'encourage , t'anime
à faire ufage de ta force & de ta liberté
pour braver les revers de la fortune?
Si le peuple Romain me demande pourquoi
, me trouvant avec lui tous les jours
fous le Portique , ( 15 ) je n'adopte pas ce
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
Bellua multorum es capitum ; nam quid fequar
aut quem ?
Pars hominum geftit conducere publica : funt qui
Cruftis ac pomis viduas venentur avaras ,
Excipiantque fenes , quos in vivaria mittant :
Multis occulto crefcit res foenore ; Verùm
Efto aliis alios rebus ftudiifque teneri :
Iidem eadem poffunt horam durare probantes ?
Nullus in orbe finus Baiis prælucet amænis ,
Si dixit dives , lacus & mare fentit amorem
Feftinantis heri ; cui fr vitiofa libido
Fecerit aufpicium ; cras ferramenta Teanum,
Tolletis , fabri . Lectus genialis in aulâ eſt ?
Nil ait effe prius , melius nil cælibe vitâ :
Si non eft , jurat bene folis effe maritis.
Quo teneam vultus mutantem Protea nodo ?
Quid pauper ? Ride : mutat cænacula , lectos
Balnea , tonfores ; conducto navigio æquè
Naufeat ac locuples , quem ducit priva triremis .
Si curtatus inæquali tonfore capillos
Occurro , rides : fi fortè fubucula pexe
JANVIER. 65
1748.
qu'il aime , je ne haïs pas ce qu'il fuit ? Je
répondrai , comme le rufé Renard répondit
au Lion malade ; les pás de ceux qui
vont vers toi m'effrayent, aucun de ces paà
ne marque qu'ils en reviennent ..
Monftre à plufieurs têtes , quel parti , quel
guide prendrai-je ? Les uns afpirent à devenir
fermiers des impôts ; les autres à féduire
par leurs flateries , à faire tomber
dans le piége qu'ils leurs tendent , les
veuves avares & les vieillards fans enfans ;
la plûpart augmentent leur bien par une
ufure honteufe. A la bonne heure ; que
chacun d'eux foit affecté d'inclinations diverſes
; en eft- il un qui conftamment une
heure de fuite approuve la même chofe ? IL
n'eft point fur la terre de fituation comparable
à celle de Bayes , s'écrie le riche ; le
Lac Lucrin , la Mer , déja ſe voyent refferrés
par l'empreffement qu'il a de bâtir ;
bien-tôt quelque autre caprice lui paroît
un augure. Ouvriers , dit- il , tranfportezvous
demain à Théanum avec vos outils.
Le lit nuptial eft-il prêt Le célibat lui
femble préférable à tout autre genre de
vie ; eft- il dans le célibat ? Il n'y a de bonheur
, dit- il , que dans le mariage . Quelles
chaînes pourroient fixer ce Protée : A tour
inftant il change. Et le pauvre ? ( 16 ) Rionsen
de même , en le voyant changer de lit,
62 MERCURE DE FRANCE.
Trita fubeft tunicæ , vel fi toga diffidet impar ,
Rides. Quid mea quum pugnat fententia fecum ?
Quodpetiit , fpernit; repetit quod nuper omifit;
Aftuat , ac vita difconvenit ordine toto ;
Diruit , ædificat , mutat quadrata rotundis :
Infanire putas folennia me , neque rides ,
Nec Medici credis , neque curatoris egere
A Prætore dati ? Rerum tutela mearum
Quum fis, & pravè fectum ftomacheris ob unguen
De te pendentis , te refpicientis amici.
Adfummam, fapiens uno minor eft Jove, dives
Liber , honoratus , pulcher , Rex denique Regum ;
Præcipuè fanus , nifi quum pituita molefta eft.
JANVIER. 1748. 63
de falle , de bains , de Barbier , & dans le
bâteau qu'il loue , bâiller d'ennui , autant
que le riche dans fa galere à trois rames.
Tu te moques de moi , fi devant toi je parois
avec des cheveux mal faits , du linge
afé fous une tunique neuve , ou fi ma robe
pend d'un côté plus que de l'autre , &
quand , peu d'accord avec moi- même , je
méprife ce que j'ai le plus envié , je recherche
ce que j'ai rejetté ; quand par une fuite
continuelle d'incertitudes & de contra.
dictions , je démolis , je rebâtis , d'un
quarré je fais un rond , d'un rond je fais
un quarré , tu crois que j'extravague , mais
tu n'en ris , ni ne penfes que j'aye befoin
du Médecin , ou que le Magiftrat doive
me nommer un tuteur. Cependant tout ce
qui me concerne t'eft cher , ( 17 ) tu me
regardes comme ton ami & tu t'emportes
contre moi , s'il m'arrive d'avoir un 'ongle
mal coupé. Tout réfumé , le fage ne reconnoît
que Jupiter au-deffus de lui , il
eft riche , il eſt libre , il eft refpecté , il eſt
le Roi des Rois , il a tous les agrémens du
corps & de l'efprit , ( 18 ) & furtout une
fanté parfaite,pourvû qu'elle ne foit point
troublée par la pituite.
64 MERCURE DE FRANCE.
REMARQUES.
EPITRE I.
( 1 ) Acier dit dans fa verſion , après
avoir vaincu fon ennemi ; il paroîtroit
plutôt que ce feroit après avoir été
vaincu , que le Gladiateur , couvert de
bleffures , & voulant fauver fa vie , vis- àvis
d'un ennemi qui avoit eu l'avantage fur
lui , demandoit au peuple la permiffion de
fortir de l'Aréne. Il paroît de même que
le P. Sanadon n'a pas pris le vrai fens de
Ne populum extrema toties exoret "arenâ , en
le traduifant ainfi pour n'être plus obligé
de folliciter les fpectateurs au bout de l'Aréne,
de leur demander fon renvoi , comme il l'a
fait plufieurs fois ( 2 ) . Le P. Sanadon trouve
dans ces 4 vers , 16 17 , 18 & 19 .
Nunc agilis fio , merfor civilibus undis ,
Virtutis vera cuftos , rigidufque fatelles ;
Nunc in Ariftippi furtim pracepta relabor ,
Et mihi res , non me rebus , fubjungere conor.
Une contradiction qui , felon lui auroit
dû fauter aux yeux de tous les Interprêtes.
» Comment allier , dit - il , cette
» fléxibilité d'efprit néceffaire , pour bien
JANVIER. 1748. 65
» manier les affaires , avec cette roideur
» d'une vertu rude & auftére ? Quoi de
plus oppofé au caractére d'Ariftippe , fouple
& pliant quelquefois jufqu'à la baf-
" feffe , que cette indépendance d'un efprit
imperieux , qui maîtrife & gour
» mande , pour ainfi dire , les affaires ? >>
De -là ce fçavant Jefuite fe croit fondé à
changer ainfi l'ordre de ces vers ,
Nunc agilis fio, & merfor civilibus undis ,
Nunc mihi res , non me rebus , fubjungere conor
Virtutis vera cuftos , rigidufque fatelles ;
Nunc in Ariftippi fartim pracepta relabor
Mais il ne s'y trouve de contradiction
qu'autant qu'il en fait naître, par l'explica
tion qu'il donne à ce paffage , en lui donnant
un fens qu'il n'a point. M. Cofte
qu'il blame avec raifon , comme les autres
Intreprêtes, ne l'explique pas mieux , dans
fes notes fur la traduction du P. Tarteron ;
il y a , dit-il , une oppofition marquée
entre les deux differentes façons de fe conduire
d'Horace ; l'une , lorfqu'il s'attache
aux dogmes d'Ariftippe , furtim , à la dé
robée , ce qui prouve qu'Horace vouloit en
effet en dérober la connoiffance au public
, la doctrine d'Ariftippe étant differente
de celle que preferit une vertu rigide ,
66 MERCURE DE FRANCE .
comme on le voit dans l'Ep. XVII , vers
23 & 24 , où le Poëte dit en parlant d'A—
riftippe ,
Omnis Ariftippum decuit color , & ftatus , & res ;
Tentantem majora , ferè præfentibus aquum.
L'autre eft celle de l'homme le plus vertueux
;
Et mihi res ,
Virtutis vera cuftos , rigidufque fatelles ,
Conduite entiérement oppofée à celle - ci,
non me rebus , fubjungere conor ,
C'est-à -dire , « comme l'explique M.
Cofte , n'être pas fi fort content de fa
» condition , qu'on n'afpire à quelque
chofe de meilleur , ne pas s'accommoder
purement & franchement de l'état où
» Dieu nous a placés , mais travailler à fe
> mettre dans des circonftances plus avantageufes
,& pour en venir là , perdre , s'il
eft néceffaire , un peu de fa vertu , ram-
» per devant les grands , les flater , leur
faire lâchement la cour. » C'est là l'état
où fe trouvoit Horace , felon M. Coſte
lorfque renonçant aux maximes d'une vertu
rigide , il donnoit à la dérobée dans la
doctrine d'Ariftippe. Il est bien vrai qu'il
fe trouve ici une oppofition dans le portrait
qu'Horace fait de lui -même , mais ce
"
JANVIER. 1745. 67
n'eft point celle que prétend M. Cofte.
Horace dans differens endroits de fes ou
vrages , s'eft donné pour aimer cette douce
oifiveté , qui fait que l'on eft avec foi-même
, Quando licebit.... inertibus horis , ducere
follicita jucunda oblivia vita ; on le tiroir
fouvent malgré lui de cette oifiveté , & le
mot agilis qui fignifie , actif , vigilant , eft
mis ici en oppofition avec ce caractère de
pareffe ; merfor civilibus undis , défigne les
momens où on l'en tiroit ; virtutis vera cuf
sos , rigidufque fatelles , marque qu'il confervoit
au milieu de l'intrigue où il étoit
entraîné , merfor , toute la vertu , que
pour m'exprimer comme lui , il avoit amaffée
au befoin , ainfi qu'on le voit quatre
vers plus haut , Quid verum , atque decens ,
curo & rogo , & omnis in hocfum ; condo &
compono , que mox depromere poffim.
Et mihi res , non me rebus , fubmittere conor ,
fait de même un contrafte avec agilis
fio & merfor civilibus undis , car en ne s'affujettiffant
à rien , en faisant tout dépendre
de lui , en s'accommodant de tout , à l'exemple
d'Ariftippe , Omnis Ariftippum de
cuit color , & ftatus , & res , il rentroit dans
cet état de tranquillité , qu'il trouvoit.fi
doux .
M. Cofte & le P. Sanadon , à la faveur
88 MERCURE DE FRANCE.
de ce trait , qu'Horáce ajoute au portrait
d'Ariftippe ,
Tentantem majora , ferè prafentibus aquum ,
imputent à notre Poëte un caractére
fouple & pliant , quelquefois jufqu'à la
baffeffe , un mécontentement de ſa condition
, tel que pour fe mettre dans des
circonftances plus avantageufes , il étoit
capable non- feulement de perdre de fa
verta , cherchant à en dérober la connoiffance
au public , mais encore de ramper
devant les grands , de les flater , & de leur
faire lâchement fa cour , ce qui s'accorderoit
mal avec virtutis vera cuftos , rigidus
que fatelles , comme le dit le P. Sanadon ,
mais nunc in Ariftippi furtim præcepta relabor
, ne fignifie point qu'il adoptât tous les
préceptes d'Ariftippe. fans exception :
qu'on prenne la peine de remonter 4 vers
plus haut , on y trouvera , Nullius addictus
(fubauditur ,fum ) jurare in verba migiftri ;
l'expreffion jurave in verba , prouve bien
clairement qu'il ne prenoit de chaque
fecte que ce qu'il y trouvoit de meilleur ,
comme je l'ai dit dans fa vie , & que tout
ce qu'il avoit choifi de celle d'Ariftippe ,'
étoit de s'accommoder de tout , & de ne
s'affujettir à rien , ce qui s'accorde avec cet
efprit Philofophique , ce caractére parel-
"
JANVIER. i748. 69.
feux & indépendant avec lequel il étoit
né , & qui ne forme point de contradiction
avec virtutis vere cuftos , rigidufque
fatelles , puifque dans quelque circonftance
qu'il fe trouvât il étoit un rigide défenſeur
de la vertu , omnis in hoc fum , dit-il , cætera
Indicra pono.
>
C'est donc mal à propos que M. Cofte
& le P. Sanadon , ont attaqué auffi injurieufement
la mémoire d'Horace , l'un en
fuppofant qu'il s'eft contredit groffiérement
, l'autre en lui imputant un caractére
flateur , rampant , & affés intéreffé pour
facrifier la vertu dont il faifoit profeffion
à l'envie de s'élever au- deflus de fon état ,
& d'acquerir des richeffes aux dépens de
fon honneur , tandis qu'on ne trouve dans
Les Poëfies que des maximes contraires
fatis contentus unicis Sabinis, nec fi plura velim
, tu dare deneges , fi celeres ( fortuna )
quatit pennas , refigno que dedit , & mea
virtute me involvo probamque pauperiem
fine dote quero , & mille autres traits de
cette efpece , qui prouvent combien il étoit
éloigné de penfer , comme M. Cofte le fuppofe.
J'ajouterai que l'injurieufe interprétation
qu'il donne à furtim , en difant
qu'Horace cherchoit à dérober au public
la connoiflance du mal qu'il faifoit , en fe
relâchant de ſa vertu , eft évidemment
>
70 MERCURE DE FRANCE.
par
fauffe , non-feulement les raifons que
je viens d'alléguer , mais encore parce que
ce mot fignifie quelquefois par occafion &
en paffant, & que c'eft ici fon vrai fens .
Il faut laiffer les vers 16 , 17 , 18 &
19 ,comme ils font dans toutes les éditions ,
autres que celle du P. Sanadon , & mettre
v. 19 Subjungere & non pas Submittere
comme l'écrit le P. Tarteron.
( 3 ) Lenta v . 21 , & non pas longa.
· ( 4 ) Oculo v. 28 , & non pas oculos.
Cependant dit le P. Sanadon , quand tu
as mal auxyeux , tu fçais bien recourir aux
remedes. Cette traduction n'eft pas exacte.
Nec quia v. 30 , & non pas neu , quia.
Chiragrâ v. 31 , & non pas Cheragrâ.
Et quadam v. 32 , & non pas eft quodam.
( 5 ) Horace ne dit point , comme l'explique
le P. Tarteron , c'est toujours beaucoup
de parvenir à un certain dégré de fageffe
& c.
Fervet v . 33 , & non pas fèrvit.
Dolorem v. 34 , & non pas Laborem.
Magnam merkiv. 35 , & non pas morbi
magnam
( 6 ) M. de Rozel Baumon , Hift. Crit.
de la Rep. des Lettres , t . X , p. 120 , prétend
avec raifon que mal à propos on fépare
invidus , iracundus , iners , vinofus ,
amator , de ferus , comme ont fait les Peres
JANVIER.
1748. 71
1
Tarteron & Sanadón , & d'autres Interprétes
; il faut donc écrire ainfi :
Amator , v . 38 , & non pas amator :
Poffit , v.
, v. 39 , & non pas poffit.
( 7 ) Ignes v. 46 , & nos pas ignis
( 8 ) Cui fit v . 51 , & non pas quoi fit. II
eft difficile de comprendre quelle a été la
manie de Cuningam , de changer l'ortographe
naturelle de cui en quoi , d'autant
plus que dans le vers qui précéde celui - ci ,
il écrit cuifpes.
(9 ) Vilius argentum eft auro v. 52 , &
non pas , vilius eft argentum auro , ni vilius.
eft auro argentum. Primum eft 53 , & non pas
primurn
( 10 ) Prodocet ,v . 55 , & non pas perdocet.
( 11 ) Le P. Sanadon fupprime de fon autorité
ce vers entier , ainfi qu'a fait Cuningam
; il ne fçauroit , dit le premier
avoir place ici , où il s'agit de marchands
» & de banquiers , qui font dans leur bou-
» tique ou leur comptoir. » Mais il fe
trompe , car Horace repete ici ce qu'il a
dit dans fa Sat. non quia Mecoenas , où il
parle en général des jeunes gens qui alloient
apprendre la fcience des calculs
fans défigner particulierement ni les marchands
ni les banquiers. Il eft certain
comme le remarque avec plus de raifon ce
fçavant Jefuite , que le texte des vers 57
72 MERCURE DE FRANCE .
& 58 , a été tranfpofé & alteré , voici
comme on les doit lire d'après les manuf
crits que cite Bentley dans fes notes.
Eft animus tibi , funt mores , eft lingua , fidefque :
Sed quadringentisfexſeptem millia defint ;
Et non pas ,
Siquadragentisfex feptem millia defunt ,
Eft animus tibi , funt mores & lingua , fideſque;
( 12 ) Vous n'êtes qu'un Coquin , dit le P.
Tarteron , dans fa verfion ; ce n'eft pas là
le fens de Plebs aris , qui eft ici en oppofition
avec les dignités que l'on acqueroit
par les richeffes .
( 13 ) Puerorum eft v. 62 , & non pas
puerorum.La loiRofcia ne permettoit qu'aux
gens riches d'occuper les premieres places ; '
c'eft à ce fujet qu'Horace dit quelques vers
plus haut , s'il vous manque fix à ſept
mille fefterces , quand vous feriez le plus
honnête homme du monde , vous ne feriez
qu'au rang du peuple :
( 14 ) Pupî v. 67 , & non pas Puppi
Aptat v. 69 , & non pas optat, correction
faite par le P. Sanadon , fur plus de 10
Manufcrits , voyez fa note .
(( 15 ) Aut fugiam v . 72 , & non pas ne
fugiam.
Vulpes v.73 , & non pas Volpes
Adverfum
JANVIER. 73 1748.
Adverfum v. 75 , & non pas advorfum.
Eft capitum v. 76 , & non pas es capitum.
( 16 ) Bentley fait un grand étalage d'érudition
, pour prouver , faute d'entendre
le fens fimple de ce paffage , ta néceffité
de le corriger , & de fubftituer viden ut ,
àride ; fans autre autorité que la fienne,
Vous allez rire , Mécénas dit le P. Tarteron
; cela va vousfaire rire , dit Dacier ,
qui ne l'entend pas mieux ; ride ne fignific
autre chofe , finon , mocquez vous en
comme du riche. Il faut écrite ride v. 91 ,
& non pas rides : ni viden , ut
Quem ducit priva triremis v. 93 , & non
pas ducit quem priva triremis.
Curatus V. 94 , & non pas curtatus.
Occurro v. 95. & non pas occurri.
( 17 ) Refpicientis v. 105 , & non pas
fufpicientis.
( 18 ) M. Cofte , d'après une perfonne
de confidération , qu'il ne nomme pas , &
qui lui a , dit-il , fourni fa note fur ces
mots , & mihi res , &c . prétend que par le
dernier vers , Præcipuè fanus , nifi cum pituita
molefta eft , Horace veut faire fa cour
à Mécane. » Comme les maximes de ce fa
vori d'Augufte , dit- il , étoient directe-
> ment oppofées à une doctrine fi pure & fi
»fublime , Horace s'avife enfin , pour ne
» pas l'éfaroucher en heurtant trop ouver-
Ꭰ
74 MERCURE DE FRANCE.
ל כ
» tement fes opinions , de plaifanter fur le
fage des Stoïciens ; & par ce moyen il
» lui laiffe croire qu'au fond il n'étoit pas
pénétré des fentimens auftéres qu'il ve-
» noit de prêcher d'un ton fi ferme & fi
» ferieux , »
>>
J'avoue que je ne découvre point ici cet
artifice da Poëte , qui ne dit autre chofe
par ce vers , finon que quelque heureux
que foit en tout le fage , il ne l'eft cependant
pas, s'il eft incommodé, comme l'étoit
Horace , d'un pituite qui tombe fur fes
yeux.
YAGAIAIATARBEDKARDEDEDEA
ETRENNE S
A Mademoiſelle B..... T.... Sur l'airs
Quand on n'ajamais combattu .
O Bjet aimable & vertueux
,
Dont je porte la chaîne ,
Que la fageffe & deux beaux yeux
Ont fait ma fouveraine ;
Des foupirs , des refpects , des voeux ,
C'est mon étrenne ,
JANVIER.
1748. 75
Je ne refpire que par toi ,
Et ton ame eft la mienne ;
Si le hazard m'avoit fait Roi ,
Je t'aurois faite Reine ,
Je n'ai qu'un coeur qui ſoit àmoi ,
Je t'en étrenne.
**
Jadis une fiere beauté
.Me caufoit peu de gêne ;
Mon coeur las de fa cruauté,
Changeoit bientôt de chaîne ;
Iris , de ma fidélité
Reçois l'étrenne.
****
Mais n'aurai - je point de retour
Pour le prix de ma peine ?
'Amour fe paye par amour,
La maxime eft certaine ;
On veut une étrenne à fon tour
Quand on étrenne.
B... A..
Dij
7.
6 MERCURE DE FRANCE .
淡淡送送送送送送送送送送送送送濃
EXTRAIT
d'une lettre d'un Medecin
d'Orleans à un Médecin de Paris , fur
l'ergot qui croît dans les épis de feigle , le
6 Décembre 1747.
P
coq
Armi les graines que j'envoye vous
trouverez de l'ergot qui eft peu conņu
à Paris , & je vous avouerai qu'il n'y a
pas long- tems que je fçais ce que c'eft
que cet ergot , qu'on prononce dans les
campagnes argot. C'eſt un grain allongé
en forme d'ergot de de couleur noire
ou tannée, qui croît dans les épis de feigle .
Pour m'en affûrer j'ai parcouru une partie
de la Sologne qu'on pourroit appeller
triftefolum , terra damnata , les habitans n'y
vivant la plupart que de pain de feigle tout
pur, & les autres que de farrazin qu'ils appellent
du carabin : ils ne boivent jamais
de vin , mais feulement d'une piquette
faite de pommes fauvages qu'ils nomment
graux ou craz . Dans l'efpace de plus de
dix lieuës je n'ai vu que du feigle ergoté s
vû
à la vérité il y avoit des champs moins
chargés d'ergot , mais il n'y en avoit aucun
fans ergot . Certains épis en portoient jufqu'à
fix ou fept. J'ai demandé à plufieurs
habitans de la Sologne que je rencontrois
JANVIER. 1748. 77
tre
dans mon chemin ce qu'ils penfoient de ce
mauvais grain , & je n'en ai pû tirer d'auéclairciffement
, finon que le feigle
ergoté vient des pluies trop fréquentes dans
le tems de la fleur , qui fe corrompt & produit
un ergot ou grain allongé , furtout
dans les terres naturellement humides , &
où les eaux croupiffent durant l'hyver ,
principalement encore fi l'on a fait les
couvrailles , c'eft - à- dire , enfemencé les ter
res trop tard à caufe du mauvais tems ou
par négligence. Quant à l'effet qu'il eft,
capable de produire dans le pain , j'appris,
d'eux que quand il s'y en trouvoit une
certaine quantité , il leur caufoit une efpéce
de fcorbut : ils ajoutoient que de tous
les grains , il n'y a que le feigle qui foit
fujet à s'ergoter , de forte que le froment
l'orge & l'avoine qui font fi fujets à la boffe ,
c'eſt-à - dire à la nielle , ou à être foudrés
comme difent quelques- uns , n'ont jamais.
d'ergot. Une autre remarque qu'ils faifoient
, c'eft qu'il en eft de l'ergot comme
de l'yvraie qui enyvre d'autant plus qu'elle ,
eft plus récente , au lieu que quand elle a
fué dans la grange parmi le bled , elle n'a
plus le même feu ni la même qualité affoupiffante.
Ils le comparoient encore à leur
carabin nouvellement coupé ou à de l'a- ,
voine fraichement cueillie , qui caufent
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
Fun & l'autre des tranchées rouges aux
chevaux , capables de leur caufer la mort.
De même , difoient- ils , le feigle ergoré
fait beaucoup plus de mal dans le corps de
l'homme quand il eft récent que quand il
eft vieux. Voilà tout ce que j'ai pû apprendre
des Solognots au fujet de l'ergot depuis
*Orleansjufqu'à Blois.L'ergot a été cette année
plus commun que de coûtume à cauſe
des pluies prefque continuelles du printems
& d'une partie de l'été . Un Gentilhomme
de Sologne m'a dit que l'ergot tombe
communement avant la moiffon quand la
faifon eft chaude , car alors ce mauvais
grain fe defféche & fort de fon enveloppe
où de fa balle , au lieu que fi la faiſon eft
humide il refte gonflé & ne tombepoint.
Il m'a affûré qu'en 1709 qui fut l'année
du grand hyver , il vit un grand nombre
de payfans à qui l'on coupa les bras & les
jambes gangrenés. J'ai douté affés longtems
que l'ergot pûr caufer la gangréne ,
mais je n'en doute plus depuis que j'ai vû
des exemples. Ut vidi , ut fremui ! Un Mécin
d'Aubigny en Sologne a laiffé parmi
fes papiers un Mémoire détaillé dans lequel
il prouve que l'ergot fait tomber les
membres par pieces. Il paroît que cette
forte de gangrene eft connue en Bretagne,
car un Eccléfiaftique que j'ai lieu de croire
JANVIER. 1748. 79
véridique , m'a appris qu'il en a vû des
exemples à l'Hôtel- Dieu de Vannes , &
que le Chirurgien- Major de cet Hôtel-
Dieu guériffoit par les remédes ordinaires.
& par le changement de nourriture. La
maladie de l'ergot eft connue auffi dans
quelques cantons du Gâtinois & du Berry.
Vous obferverez auffi que le même Eccléfiaftique
m'a affûüré qu'en Bretagne pour
empêcher la production de l'ergot on mêle
un dixiéme environ de fel commun avec
le feigle qu'on veut fémer ou qu'on l'échaude
comme le froment. Ce mal au
refte n'eſt pas nouveau : M. Lemery en fait
mention au mot fecale dans fon Dictionnaire
des Drogues fimples , & cite les
Journaux des Sçavans qui en ont parlé
d'après feu M. Dodart . J'ai été furpris de
trouver une bonne Differtation fur cette
matiere dans le fecond tome de la Cynofura
materia medicaHermanni de la continuation
de Bæcler qui cite Nicolas Langius Médecin
de Lucerne en Suiffe. L'ergot y eft
nommé clavi filiginis , fecale temulentum ,
fecalis mater , en François feigle corrompu ,
bled cornu , ergot ; on l'appelle encore
bled fourchu , bled havé. Il y eft dit
volaille n'en veut point , & que ce grain
ne germe jamais , ce qui m'a été confirmé
par un Meunier de Sologne qui en avoit
Ď iiij
que
la
80 MERCURE DE FRANCE.
donné , non -feulement à fes poules , mais
encore à fes chevaux au lieu d'avoine , fans
qu'ils en ayent voulu manger malgré leur
grande faim. Mais fans aller chercher chés
les Etrangers des exemples des effets pernicieux
de l'ergot , il me fuffira de vous
expofer ce qui s'eft paffe fous mes yeux
tout nouvellement dans notre Hôtel - Dieu
d'Orleans. J'y ai vû le 27 Octobre dernier
, horrefco referens , douze pauvres miférables
Solognots ergotés , c'est-à-dire , attaqués
d'une gangrene caufée par Pergot
il y avoit de jeunes gens de 12 , de 18 , de
20 , de 30 ans , quelques-uns plus âgés
natifs de Sully , de Marcilly , de Satebery ,
d'Ivoy , de Ligny. Le Chirurgien -Major
amputa fur le champ deux jambes au-delfous
du genou fans avoir befoin de tourniquet
: ces jambes étoient tellement fphacelées
& difféquées par la pourriture , qu'il
en exhaloit une odeur qui penfa nous fuffoquer.
Je puis vous affûrer qu'il n'eſt
point de fpectacle plus affreux , & il me
femble que de laiffer périr ces malheureux
fans fecours , c'eft renouveller en quelque.
façon le fupplice que faifoit fouffrir Mezence
dont parle Virgile : Jungere mortua
vivis corpora. Quelques jours auparavant
on avoit coupé une jambe qui fourmilloir
d'un tas de vers ; je ne finirois pas fije
JANVIER. 1748. 81
vous expofois les maux dont j'ai été témoin.
Que d'hommes eftropiés pour le
refte de leurs jours ! Il eft étonnant qu'on
n'y apporte pas de reméde . Je voudrois
qu'on défendit fous de griéves peines aux
Meuniers de moudre de l'ergot. On pourroit
avoir des cribles faits exprès dont les
trous feroient en long & non en rond
comme pour l'avoine , lefquels laifferoient
paffer le bon feigle & retiendroient l'ergot
qui eft plus gros , fur- tout fi on avoit la
précaution de battre le feigle à la poignée
fur le tonneau , & jamais avec le fleau qui
réduit l'ergot en petits morceaux & même
en farine . M. Barentin notre nouvel Intendant
& digne fucceffeur de M. Pajot ,
jaloux de faire éclater fon zéle en tout ce
qui concerne le bien public, avoit formé le
deffein de préfenter au Confeil unMémoire
tendant à obtenir un Réglement pour arrê
ter les pernicieux effets de l'ergot qui mériteroient
bien l'attention du miniſtére , mais
je ne fçais où en est cette affaire . On ne
connoît point cette mifére en Beauce , en
Normandie & en Picardie ; peut-être la
connoît-on en Champagne , fur - tout dans
la partie qu'on nomme pouilleufe où il
n'y a que des terres à feigle. F'en ai parlé
à M. de Reaumur lorfqu'il paffa par Orleans
, il voudroit qu'on fit des expérien
Dv
S2 MERCURE DE FRANCE.
ces fur divers animaux en les forçant de
manger de l'ergot. M. Duhamel à qui j'en
ai auffi écrit eft dans le même fentiment
& confeille l'ufage du quinquina pour
guérir à la maniere des Anglois la gangréne
qu'on pourroit procurer à des animaux
foumis à de pareilles épreuves ; il y a toute
apparence qu'on y réuffiroit.
IMITATION de l'Ode de Sapho traduite
par Catulle : Ille mi par effe Deo ,
&c. A Mademoiſelle S ** .
Ui , celui- là dans fon bonheur extrême,
Chere Hméne , égale les Dieux ,
Qui toujours près de tes beaux yeux
Contemple à loifir ce qu'il aime ;
Dès que tu me reçois avec un doux fouris,
Je ne me connois plus moi-même ,
Et tous mes fens font interdits ;
Je ne fçais quel plaifir fe gliffe dans mon ame ,
Mais je me trouve tout en flâme ;
Mes yeux éblouis , abbattus ,
Ne voyent plus que des objets confus.
Ma langue eft immobile ; elle n'a rien à dire ,
J'entends mille fons differens ,
Et dans ces fortunés momens
JANVIER. 1748.
Au lieu de parler je Toupire ,
Mais bientôt un friffon s'empare de mon corps ;
Je tremble , je pâlis dans un moment fi tendre ,
Et déja je crois defcendre
Aux fombres demeures des morts .
LETTRE à M. Pluche fur quelques articles
defon Hiftoire du Ciel.
Ai lû en fon tems , Monfieur , votre
J'raité de Cofmogonie ; il a fait furmot
les mêmes impreffions que vos autres ouvrages
, il m'a inftruit & édifié ; c'eft avec
plaifir que j'y ai reconnu l'homme fçavant,
l'homme Religieux & le bon Citoyen .
Quelques articles cependant m'ont jetté
dans l'erreur , & j'en dois accufer l'autorité
que vous fçavez prendre fur l'efprit de
vos lecteurs ; elle feule m'a trompé , & je
vois avec regret qu'elle a produit le même
effet fur la plus grande partie de ceux qui
ont lû votre ouvrage. Souffrez que je tâche
de les détromper , Monfieur , & permettez
-moi de vous adreffer les réflexions
que j'ai faites depuis fur ce que vous objectez
contre la Philofophie de l'immortel
Newton ; j'oſe me flater que vous les trouverez
juftes ou qu'elles mériteront du
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
*
moins une réponſe de votre part , fi elles
ne le font
pas. Newton , comme vous en
convenez , n'a point prétendu conftruire
un monde ; bien éloigné de penfer que
Dieu ait d'abord formé un cahos pour avoir
enfuite le plaifir de le débrouiller , il rappelle
à autant de commandemens ou de
volontés du Créateur la production des
differens élemens & l'organifation du tour.
Ce n'est donc point à former un aftre ,
une planette , une mouche , que ce fage
Philofophe s'occupe dans fa Phyfique ; tout
cela lui paroît au-deffus de fes forces & de
celles du méchanifme; il n'ambitionne que
de fçavoir par quelle loi l'univers une fois
conftruit perfévere. Il n'imagine point
certains principes pour en déduire les phénoménes
que nous admirons , ce ne feroit
faire tout au plus qu'un joli Roman ; il
examine , il compare ces phénoménes , &
l'analyfe qu'il en fait lui donne les vraies
forces qui animent le monde. Voilà ,
Monfieur , qu'elle eft fa mérhode , & vous
lui rendez juftice , vous convenez qu'elle
eft feule digne d'être pratiquée en Phyfique
vous avouez que Newton étoit dans
la bonne voie , mais vous prétendez qu'il
s'eft égaré en chemin faifant. » Examinons
» un moment , dites-vous , ce qui doit
» arriver felon les loix de l'attration à une
f
JANVIER . 1748. $ 5
y
barque au moment qu'elle paffe à Paris
» entre le quai des Théatins & la galerie
» du Louvre. L'extrême difference qu'il
» y a entre bâtiment & bâtiment , entre
» maffe & maffe , devroit fe faire fentir à
» cette barque , & altérer fans ceffe fa direction
en l'attirant vers le Louvre ,
Mais il eft d'expérience qu'elle ne mon-
» tre ni affectation ni tendance , & qu'elle
» fuit là comme ailleurs , la loi du vent &
» du courant. « Se peut- il donc , Mónheur
, que vous ayez crû cette difficulté
démonftrative ou même embaraffante
Ne fçavez - vous pas que Newton même
a répondu , & qu'il a fait voir que l'attraction
du bâtiment le plus maſſif n'eft
rien en comparaison de celle de la terre ?
Or fi vous avez fçû cette réponſe , comme
on la lit en effet à la page 309 du fecond
tome de votre ouvrage , comment avez-
Vous pû faire reparoître cette difficulté
depuis fi long- tems pulvérisée à Le Louvre
attire la barque horisontalement fans doute
, mais attirée verticalement par la terre ,
elle doit obéir à ces deux forces & prendre
la diagonale ; or puifque la force du
Louvre eft comme nulle par rapport à celle
de la terre , ne voyez- vous pas que certe
diagonale ne differe pas
ne differe pas fenfiblement de la
verticale , & qu'on ne peut par conféquent
86 MERCURE DE FRANCE.
appercevoir aucune déviation de la part
de cette barque ? Rappellez- vous , Monfieur
, une objection qu'on faifoit à Copernic
& jugez de la vôtre par celle -là : fi
votre fyftême eft vrai , lui difoit-on , on
doit voir des phaſes fur le difque de Ve
nus & de Mercure ; voilà votre difficulté .
Or que répondit Copernic ? Trouvez l'Art
d'étendre votre vûë , difoit-il , & vous appercevrez
les phaſes que vous m'objectez
qu'on ne voit pas ; c'eft en effet ce que
l'on a découvert depuis l'invention des
Teleſcopes , & l'Aftronomie de Copernic
a reçû un nouveau degré de certitude par
cette forte de prédiction . Or il eft arrivé
la même chofe à M. Newton : vous ne
voyez point , dires- vous , qu'une barque
voguant fur la Seine fe porte vers le Palais
de nos Rois ; c'eſt que votre vûë eſt trop
courte , & que la maffe de la terre eft trop eſt
grande par rapport à celle du Louvre's
mais trouvez une montagne fphérique
d'environ trois lieues de large fur une de
hauteur , & vous verrez qu'un pendule
attiré par cette montagne s'écartera alors
de la verticale affés fenfiblement & fe portera
vers la montagne ; voilà la réponſe
de Newton , & vous fçavez que Meffieurs
Bouguer & de la Condamine l'ont vérifiée au
Perou au pied de la montagne Chimboraço .
JANVIER . $7 1748 .
Votre difficulté ne renverfe donc point
les principes de Newton , elle n'en fait
que mieux fentir la vérité.
> >
B
» Mais , dites-vous , fi le Louvre n'a
» plus d'attraction en préfence de la terre,
» pourquoi deux plaques de verre auroient-
elles plus de privilége ? Comment
peuvent- elles faire monter une goûte
» d'huile par leur attraction , & exercer
» librement leurs droits en préfence de la
groffe planette « Allons plus doucement
, Monfieur , & ne confondons rien
diftinguons le livre des Principes Mathé
matiques des queftions que M. Newton a
mifes à la fin de fon traité d'optique : or
quel eft le réfultat du livre des Principes
Qu'il y a entre toutes les parties de la
matiere une attraction réciproque qui diminuë
autant que le quarré de la diſtance
augmente , & ce principe fuffit abfolument
pour rendre raifon de tous les phénomé
nes aftronomiques. Or Newton a dé
montré que cette efpéce d'attraction ne
peut en aucune forte être fenfible entre les
petits corps qui font à la furface des planettes
, je viens de vous le faire voir , &
vous en êtes même convenu dans votre
ouvrage , les principes aftronomiques de
Newton reftent donc dans leur entier &
vous ne leur avez porté aucune atteinte,
J
88 MERCURE DE FRANCE.
-
Il eft vrai que dans fon Optique M. New
ton rapporte à l'attraction la plus grande
partie des opérations chymiques , il y fuppofe
par conféquent que l'attraction des
petits corpufcules eft fenfible , nonobſtant
l'attraction de la terre , & c'eft-là que vous
dites qu'il y a une contradiction . A la
bonne heure ; qu'en conclurez -vous ? Que
Newton fe fera contredit , & qu'il aura
dans fon Optique affûré une chofe infoûtenable
& qu'il avoit refutée par avance ?
Mais fon Aftronomie phyfique en fera - telle
moins fûre , moins admirable ? Le
livre des Principes en fera- t- il moins un
chef- d'oeuvre ? Non fans doute , & vous
en conviendrez avec moi.
Mais eft - il donc bien fûr qu'il y ait là
une contradiction , & fommes- nous dans
la néceffité de paffer condamnation fur les
queftions que Newton a mifes à la fin de
fon optique ? Je fuis bien éloigné de le
penfer. Cet induftrieux obfervateur s'étant
convaincu par une infinité d'expériences
que les petites parcelles de matiere ont une
tendance mutuelle les unes vers les autres
, fe convainquît auffi qu'elle ne peut
venir de l'impulfion ; il fallut pat conféquent
l'attribuer à l'attraction , mais à une
attraction differente de celle qui régle
dans les Cieux le cours des aftres , c'est - àJANVIER.
1748. 8 °
dire , à une attraction qui fuivît une autre
loi que celle du quarré des diſtances réci
proques ; elle ne pourroit fans cela exer
cer librement fes droits en préfence de la
groffe planette , comme nous l'avons vu
plus haut. Or Newton démontra qu'afin
que cette attraction fe fit fentir dans les
petites maffes nonobftant l'attraction de la
terre , il fuffifoit qu'elle faivit le rapport
inverfe des cubes des diftances , & voici
pourquoi . L'attraction qui produit la péfanteur
eft comme la maſſe attirante divifée
par le quarré de la diftance , au lieu
que l'attraction dont il s'agit ici & que
nous pouvons appeller l'attraction de Co
béfion , eft comme la maffe attirante divifée
par le cube des diſtances ; or quoique
la maffe de la terre foit incomparablement
plus grande que celle des très- petits corpufcules
& donne à cet égard une attrac
tion plus forte , cependant cette attraction
augmente infiniment moins à raifon de la
diminution de la diftance , puifqu'il eft certain
que les cubes diminuent infiniment
plus vite que les quarrés . D'où il fuit que
l'attraction de cohéfion peut dans les trèspetites
maffes l'emporter fur la péfanteur
ou fur l'attraction de la terre . Je dis dans
les très-petites maffes , parce que cette at
traction diminuant trop fubitement par
人
90 MERCURE DE FRANCE.
l'augmentation de la diſtance , elle ne s'é—
tend jamais guéres au -delà du point de
contact , & fon effet eft par conféquent
d'autant plus retardé que le corps attiré eft
plus gros ou a plus de parties hors de ce
point de contact. Voilà donc deux eſpèces
d'attraction démontrées par Newton ; l'une
fuit le rapport du quarré de la diftance inverfe
, & ne fçauroit fe faire fentir entre
les petits corps pofés fur la ſurface de la
terre ; l'autre augmente comme le cube de
la diſtance diminuë , & par cela même elle
a malgré l'attraction de la terre des effets
fenfibles fur les très-petites maffes , & fur
elles feulement. Or , où eft , je vous prie ,
la contradiction que vous objectez ? Peuton
même objecter ici autre chofe , finon
qu'il paroît que M. Newton multiplie les
loix ? Mais pour que cette objection fûr
recevable , il faudroit montrer, & qu'il y a
effectivement ici une multiplication
de
loix, & que ces loix ne font pas néceſſaires ;
car fans doute vous admettrez vingt loix
pour une , fi comme Newton on vous en
fait voir l'existence & la néceffité. Or il
n'y a pas même ici une multiplicité de loix.
Selon les Newtoniens , l'attraction primitive
n'eft ni comme le cube , ni comme le
quarré de la diftance inverſe , elle eſt tout
à la fois & dans chaque partie de matiere
JANVIER. 1748. 91
b
comme le quarré plus le cube de cette
diſtance , c'est-à- dire , comme la quantité
algébrique + Ils n'admettent qu'u
ne loi générale comme vous voyez , la
quelle fe fubdivife en fes eſpéces felon la
difference des cas & des circonftances , &
ce font les phénoménes qui la leur ont ap
priſe , comme ce font les expériences qui
nous ont fait connoître les differentes loix
du choc , & la loi générale dont elles dérivent
toutes. J'ofe me flater que cette ré
ponſe , toute refferrée qu'elle eft , vous
éclairera
, Monfieur , ou que du moins
elle procurera à la Philofophie Newtoniene
l'avantage de vous faire connoître
qu'elle renferme des idées que vous n'aviez
peut-être point affés combinées .
Vous faites encore une objection , &
vous dites que , » s'il y avoit de l'attraction
, les corps qui font fur la furface de
» la terre & qui n'y font point cramponés,
devroient s'en féparer au lever du Soleil ,
» de même que les eaux de l'Ocean qui
» ont beaucoup plus de fubftance que
» nous , font dans le fyftême Newtonien
» entraînées deux fois par jour & attirées
"
en monceaux par l'action de la Lune. «
Mais en vérité ceux dont vous dites que
vous tenez cette objection n'y ont point
penfé , & je ferois fort tenté de croire
1 MERCURE DEFRANCE.
qu'ils n'ont jamais ouvert le livre des
Principes. Quelqu'attirés que nous foyons
par le Soleil , nous le fommes toujours
davantage par la terre à caufe de la proximité
, & c'est ce qui fait que nous reftons
collés à fa furface , mais il n'en eft pas de
même des eaux de la mer. Gelles qui font
en quadrature avec la Lune , en font attirées
obliquement & reçoivent par-là une
augmentation de poids , celles qui font au
contraire en fizigie perdent un peu
un peu de leur
péfanteur par l'attraction directe de la
Lune , donc il faut qu'elles s'élevent pour
faire équilibre avec les eaux des quadratures
avec lesquelles elles communiquent,
& cette communication eft la feule caufe
de leur élevation. Rompez - la cette communication
, & dès- lors il n'y aura plus de
flux , parce qu'une diminution de poids
ne produit point par elle-même d'élevation.
Attachez au contraire deux hommes
à un levier ; faites que l'un foit en quadrature
, l'autre en conjonction par rapport
à la Lune , & vous verrez celui - ci fe porter
vers cet aftre , mais puifque le cas n'exifte
point , l'effet qui en dépend n'exiſte
point non plus , & c'eft ce qui ruine abfolument
la difficulté.
Vous voyez maintenant , Monfieur ,
que des objections que vous croyiez trèsJANVIER.
1748. 93
*
fortes , ne contiennent cependant rien,
d'embarraffant. Cela doit apprendre aux
Phyficiens à ne juger jamais fi précipitamment
, & il me femble que la réputation
que Newton s'eft acquife doit au moins
tenir en fufpend ceux qui croyent voir
quelques contradictions dans fon fyftême,
fur-tour lorsqu'ils fe rendent à eux-mêmes
témoignage qu'ils ne l'ont jamais
bien étudié. J'ai l'honneur d'être , &c,
Le Chevalier de S. Pelarge,
A Rouen 26 Août 1747 .
I
Portrait de Madame B ***,
Ris veut qu'aujourd'hui je faſſe ſon portrait ;
Obéiflons , & commençons l'ouvrage ;
Le teint , les yeux , tout en elle eft parfait.
Quelle - douceur fur fon vifage !
De Venus elle a les appas ;
Elle a la voix de Melpomene ;;
Par fon efprit , c'eft un autre Pallas .
Elle mettroit les neufSoeurs hors d'haleine :
Je lui connois cependant un défaut. Wee
Eh ! quel défaut ? défaut notable ;
Je ne fçais point flater , je le dirai tout haut ;
C'est qu'en amour Iris eft intraitable.
Par P. Li
94 MERCURE DE FRANCE.
A Madame N... en lui renvoyant la chercheufe
d'efprit , Opera Comique.
DE
E cette pauvre enfant je ne me moque pas ;
Philis, la raiſon en eſt claire ;
C'eft qu'à peu près je fuis dans un même embar
ras ;
Pour avoir de l'efprit j'invoque Ciel & terre ,
Il ne m'en vient de nulle part.....
Damon , qu'en voudriez vous faire
Philis je vous réponds fans fard ,
Je n'en voudrois que pour vous plaire.
JA
EPIGRAM ME.
Aime les tendres fentimens ,
Difoit à Lycidas une aimable Bergere ,
Donc ceux que j'ai pour vous ont le droit de vous
plaire ?
Répond- il auffi - tôt , eh , eh , tout doucement ,
Reprit- elle , Berger , vous ne m'entendez guére ;
Je les aime , il eft vrai , mais c'eft dans les Romans,
JANVIER. 1748. 95
* ERUEREIRERERERE
LETTRE dun Chirurgien de Province
à un Médecin de Paris,
J
E vous trouve trop zélé , Monfieur ,
pour l'honneur de votre Faculté , pour
n'être pas perfuadé que vous recevrez avec
plaifir le petit avis que j'ai crû pouvoir
vous donner à l'occafion de ce que je lifois
dernierement dans l'ouvrage nouveau d'un
de vos confreres.
Le refpect que j'ai pour tout ce qui eft
émané de l'Académie Royale des Sciences,
& la vénération particuliere que m'infpire
le mérite de M. Duhamel l'un de fes membres
, m'ont empêché jufqu'ici de faire
connoître que la découverte qui nous apprend
que les racines de la garance rougiffent
les os des animaux , eft d'une bien
plus ancienne date que celle que lui donne
cet Académicien. Ce que j'ai lû dans les
Obfervations fur les Plantes de M. Guettard
Docteur Regent de la Faculté de
Médecine à Paris , & membre de la même
Académie , me force de rompre le filencé
dans la crainte que cette erreur ne ſe
perpetue;&
je crois devoir vous avertir que cette
proprieté que l'on donne comme recemment
découverte , eft au contraire connue
depuis très long- tems.
96 MERCURE DE FRANCE.
M. Duhamel dans le Mémoire qu'il a
publié fur la Garance , & qui eft inſeré
dans ceux de l'Académie Royale des Sciences
année 1739 page premiere , rapporte
que M. Belchier Chirurgien de Londres ,
découvrit le premier que la racine de la Gaz
rance avoit la proprieté de rougir les os des
animaux. On lit encore dans le même volume
page 26 de l'Hiftoire en parlant de la
Garance : Il fort affés fouvent d'Angle-
» terre des obfervations que les autres na-
» tions fe font un plaifir d'adopter, « T
Ainfi fuivant le célébre M. Duhamel
c'eft de l'Angleterre que nous tenons cette
découverte , c'eft M. Belchier que le hazard
a conduit chés un Teinturier qui le premier
a parlé de cette propriété ; c'eft à lui
que nous en devons la connoiffance.
M. Guettard adoptant le fentiment de
fon confrere , dit , en parlant de la Garance
, ( * ) que » depuis quelques années les
racines de cette plante font devenues par
» leur proprieté de rougir les os , encore
» plus célébres qu'elles ne l'étoient par cel-
»le de teindre les étoffes en rouge. Le premier
effet a été d'abord obſervé en An-
»gleterre. M. Duhamel a enfuite par fes
»expériences pouffé cette découverte beau-
(* ) Obfervations fur les Plantes , tome 2 :
P. 54
coup
JANVIER. 1748. 97
coup plus loin , & eft entré dans un détail
d'obſervations très-carieufes qui la
lui ont, pour ainfi dire , rendue propre .«
Il faut convenir que les obfervations
que M. Duhamel a données fur ces racines ,
& celles de M. Belchier font très- curieufes
, & qu'elles peuvent même conduire à
des découvertes utiles , mais que M. Guettard
avance que ces Meffieurs ont les premiers
découvert que la Garance rougiffoit
les os des animaux , c'eft leur approprier
une découverte faite il y a plus de deux
fiécles .
La preuve que cette propriété eft anciennement
connue , je la tire de la Maifon
ruftique de Charles Etienne & Jean Liebault
Médecins de la Faculté de Paris ,
dans l'édition de 1598 , liv. 2. page 174 ,
où on lit ces mots. » La Garance eft en ce
" fort à admirer , qu'elle teint l'arine à
» celui qui la tient & la manie entre fes
»mains : qui plus eft , elle rend la chair &
" les os rouges des bêtes qui en ont été
» nourries quelque tems. «<
N'eft-il pas clair comme le jour que
Charles Etienne & Jean Liebault connoiffoient
cet effet des racines de la Garance
? On ne peut même douter que quelqu'un
avant eux n'ait fait cette découverte ,
car je me fouviens d'avoir lû dans un an-
E
•
98 MERCURE DE FRANCE .
cien Aureur Latin : Erythrodanum offa ani .
malium rubefacit .
Qu'on ne diſe donc plus que cette découverte
nous vient d'Angleterre , que
Meffieurs Duhamel & Guettard avouent
qu'ils n'avoient pas lû la Maiſon ruftique ,
car fi l'endroit que j'en rapporte leur eût :
tombé fous les yeux , ils fe feroient bien
gardé d'annoncer cette propriété comme
un nouveau phénoméne.
Il faut par conféquent rendre aux Fran…….
çois une découverte qu'on a donnée aux
Anglois , puifque deux Médecins de la..
Faculté de Paris en avoient connoiffance
avant 1598.
Je ne doute pas que M. James dans fon
Dictionnaire de Médecine au mot Rubia
n'attribue cette découverte à M. Belchier.
Le cinquiéme volume de la traduction de
çe Dictionnaire n'étant pas encore livré
au public , après cet avis Meffieurs les tra- ..
ducteurs font trop judicieux pour enrichir
une Nation étrangere d'un bien , qui à fi «
jufte titre appartient aux François .
L'ouvrage que M. Guettard vient de
mettre au jour , malgré cette erreur n'eft >
pas fans mérite . Sa nouvelle méthode de
diftinguer les Plantes par leurs glandes ,
leurs vaiffeaux excrétoires , pores ou poils
peu connue aux Gefners , aux TourneJANVIER.
99 1748.
forts , aux Rais , aux Linnæus , &e. nous
promet de grandes lumieres en Botanique ;
mais pour en profiter il faut herborifer
avec une loupe à la main.
J'ai l'honneur , d'être , &c.
A ** le 5 Décembre 1747.
REPONSE à une Demoiselle qui avoit
fait préfent à l'Auteur d'un livre,
intitulé l'art d'aimer.
IL femble que le Ciel vous fit pour nous chatmer
;
L'efprit & la beauté font en votre partage ,
Et vos yeux enchanteurs ont un divin langage
Qui mieux que votre livre enſeigne l'art d'aimer.
338053
Eij
100 MERCURE DE FRANCE.
MERALD LORDTO GARALDEDÇIKA
VERS
P
De Madame du B. à Madame L. D.
1
Ar tes foins aimable D * **
J'efpére attirer le lecteur ;
Ton burin me pare , & j'admire)
Combien il paffe l'art d'écrire..
D'un feul trait de tes vifs crayons
Tu fçais peindre des paffions ,
Que vingt vers auroient peine à rendre ;
Une ombre , un clair te font entendre.
L'efprit diftrait & curieux
Au feul afpect voit tes merveilles ;
Pour ton art tout homme a des yeux ,
Peu pourle mien ont des oreilles.
PLAINTE des Poëtes
à Madamedu B....
"
Par cebrillant effai , qu'on vient de publier ;
Vous nous obligez tous à vous rendre les armes ;
Continuez , Iris , à nous humilier ,
On vous pardonne tout , en faveur de vos charmes,
JANVIER 1748.
LETTRE de M.Mangin Maître Maçon,
à M. B... aufujet de la découverte infe
rée dans une lettre écrite d'Aumale à M. de
la Bruere, & qui fe trouve dans le Mer
cure de France du mois de Novembre der
mierpage 28.
JE
E me fuis enfin rendu , Monfieur , d
vos follicitations ; vous m'avez deman
dé par écrit mon fentiment fur une nou
velle découverte qui regarde ina profef
fion , & que l'Auteur a fait annoncer dans
le Mercure de Novembre 1747. Le voict
& je pense que c'eft celui de tous les gens
de l'Art.
Cette découverte que l'Auteur prétend
avoir été faite pour pouffer les moulures
des pierres par le moyen des outils des
menuifièrs, n'eft point une nouvelle épreu
ve ; il y a long-tems que l'on en a fait
ufage pour la premiere fois , ce qui arrive
même encore quelquefois lorfquè l'ou
vrage le permet , mais il ne faut point s'i
maginer que l'avantage de s'en fervir foit
auffi confidérable que l'Auteur l'avance:
Je fçais,qu'il eft aifé de pouffer des moulus
res dans la pierre tendre, telle que celles de
Saint Leu , de Conflans ; de Tonnerre &
Eviij .
102 MERCURE DE FRANCE.
t
autres , mais non pas dans la pierre dure,
telle que celle d'Arcueil où les outils des
Quvriers ont fouvent peine à mordre.
Mais en convenant de cette poffibilité je
ne conviendrai pas que l'on trouve en
cette partie 55 foixantiémes de benefice ,
& pour le faire fentir au public & à l'Auteur
de la découverte , que l'on imagine
un bloc de pierre à tailler , & qui foit deftiné
à porter une partie de plinte ou d'entablement
; il faut d'abord le mettre en
chantier , enfuite en faire le lit de deffus
pour tracer , celui de deffous pour retourner
le tracé , en faire les deux paremens ,
en équarir les joints , dégroffir la faillie
& échaufriner tous les membres ; cet ou
vrage étant inévitable aux pouffeurs de
moulures au rabot comme aux tailleursde-
pierre , la feule difference confifte done
pour finir ces moulures ( ce qui n'eft plus.
qu'un petit objet ) à les pouffer enfuite
toutes enfemble avec une eſpèce de calibre
compofé de plufieurs outilsde menuifiers ,
ou à les faire l'une après l'autre avec ceux
des tailleurs-de-pierre ; ajoutons à cela
qu'il faut aux pouffeurs de moulures , des
chemins pour conduire leur calibre , &
qu'il n'en faut point aux tailleurs- depierre.
J'avouerai que la pierre étant en cet état
JANVIER. 1748. T03
an pouffeur de moulures en pourra faire
autant en une heure que le tailleur-depierre
en deux. A de tels avantages que
je repréſente avec juftice comme bien
moindres que ceux de l'Auteur de la lettre,
un particulier qui voudra faire bâtir ne
laiffera pas de dire , que pour ménager fa
bourfe il prétend avoir des rabotteurs de
pierre;effayons de le défabufer fur un avan→
tage apparent qui fe réduit à rien , lorfque
Fon confidére les inconveniens qui s'y rencontrent.
Quoi qu'il y en ait plufieurs ,
je me contenterai d'en rapporter deux qui
Haiffent naturellement dans l'efprit des
gens de l'Art.
Le premier que j'apperçois eft que dans
les faces que l'on veut décorer , il fe rencontre
fort fouvent que les plintes & entablemens
font interrompus par des pilaftres
ou avant- corps & quelquefois par
les bandeaux des croifées , & que dans une
face, que je fuppofe de cinquante pieds de
long , les plintes & partie de l'entablement
fe trouvent interrompus à dix ou douze
endroits , ce qui ne laiffe plus pour lors
que de très-petites parties à pouffer au
rabot , & dont il faut toujours couper à la
main les retours , & furtout les parties des
angles renfoncées en la longueur de la fail
Le du profil & de la moitié du rabot.
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE:
Le fecond inconvénient eft au fujer des
outils , & je dis que quand même ces ouvriers
auroient vingt fois autant d'outils
que le plus fort Menuifier , ils fe trouveroient
très-fouvent dans l'obligation d'en
faire faire de nouveaux pour exécuter
avec exactitude les differens profils que
donnent les Architectes , lefquels profits.
ont des membres plus ou moins forts , foir
pour les aftragales , plintes , architraves ,
entablemens, foit pour les impoftes, archivoltes
, chambranles de portes ou de croifées
, tables faillantes ou renfoncées ; ces
outils étant multipliés à l'infini jetteroient
les ouvriers en de grandes dépenfes & les
obligeroient néceffairement à exiger un
prix plus fort..
I
Ne vous imaginez pas , Monfieur ,
qu'un efprit de parti ou des raifons d'interêt
m'ayent forcé à contrarier l'Auteur de
la prétendue découverte. Perfuadez-vous
au contraire que je penfe bien differemment.
Comme Auteur de cette lettre je
fçaurai me taire , lorfque l'on me préfentera
une découverte dont on aura éprouvé
& furmonté les difficultés qui s'y rencontrent.
Comme Entrepreneur je m'y conformerai
d'autant plus volontiers quemon
interêt y eft attaché , puifque malgré tous
les foins qu'un Entrepreneur fe donne
JANVIER. 1748. 105
pour veiller fur les ouvriers , il ne laiſſe
point par rapport à la rareté de ceux
la tareté
font bons & fidéles , de confommer des
frais confidérables dont on ne lui tient
aucun compte. Je ſuis , & c.
V
Oici une nouveauté d'un écrivaint
dont nous avons déja publié plufieurs
ouvrages eftimables. Celui-ci pourra trouver
des contradicteurs comme des protec
teurs ,mais il fera au moins utile en ce quet
les queftions de la nature de celles qu'on
a élevées au fujet de la rime , fe décidents
bien mieux par les exemples que par les
raifonnemens. *
EDEDÏDEDEDEDEDEDEDEDEDİR
EPITRE
En vers blancs de M. de la Soriniere
à M. l'Abbé G ....
Puifque la rime ,cher ami ,
A captiver & difficile ,
4
Në veat point entendre raiſon g-
Je renonce à me fervir d'elle
It fans gêner tant mon efprit ,
100 MERCURE DE FRANCH
Pour chatouiller un peu Poreille ,
J'emprunterai du fentiment
Les chofes que je vais t'écrite.
Quand le coeur parle , cher Abbe
Vefprit dit toujours affés bien ;
Le vrai-beau naît, de la nature,.
Et l'efprit n'eft qu'un charlatan .
Qui pour vouloir tout embellir ,.
A force d'ourrer la parure ,
Défigure tout bien fouvent .
Si Philis eft jeune & charmante ,
De quoi lui fervent les ponponse
Toi qui fçus joindre élégamment
A la nobleffe de Buff
La fineffe de Pavillon ,.
Tu n'employas jamais la rima
Dans ces admirables Epitres ,
Ou tout eft tenire effufion
Et de coeur & de fentiments.
Sur les bords fortunés du Tibe
L'heureux Chantre de Tivoli .
Nerima jamais fes´ Chanfors,,
Et.Tibulle dans fes beaux vers
JANVIER. 1743.
N'appaifa jamais la Délie
En répétant les mêmes fons
Virgile par les longs récits
Qu'il met dans la bouche d'Enéé
Eût peut-être endormi Didon ,
Si rimant les malheurs de Troye
A l'amoureufe Tyrienne
Le Héros eût exactement
Rappelle le bout de fes vers
Par des fons toujours redoublés.
C'en étoit déja trop , je penſe ,
En racontant- d'auffi grands mauxy
D'avoir cadencé fa harangue .
Dans un état fi violent ,
L'ame d'un Héros qui s'échauffé ,
Enviſage bien plús les chofes
Que l'art d'apparier des mots-
Anacreon & Callimaque
Chantoient les Dieux & les Hérong
Anacreon par fes Chanfons
Invitait un convive à boire ;,
Et Phillis à faire l'amour ;
Leurs vers tendres & délicats
Sembloient infpirés par les Dieux ;
E mi
198 MERCURE DE FRANCE
Il ne leur manquoit que la rime ;
Hélas ! qui la leur eût appriſe ?-
'Apollon étoit jeune encore ,
Et n'avoit pas dans fes domaines
Les nombreux troupeaux de Rimeurss
Qui paiffent du bas d'Hélicon ;
Il ignoroit cet att fublime ,
Dont la contrainte fi fouvent t
Donnant l'eftrapade aux penfées ;
Du fein fécond de ces Docteurs
Tire tant de monftres nouveaux
Qui refteroient dans le néant..
Rime , Déêfle fugitive ,
Que le bon fens & la raifon
Tiennent firarement captive ,
Protége encor un nourriffon
Qui reclame ton bon office ;
Pardonne à ce léger caprice
Qui m'a fait médire de toi ;
Si tu voulois m'être propice ;
Je fuis prêt à rentrer en lice's
E me rengager fous ta loi
* La Rime eft une esclave , & ne doit qu'obésr
Boileau , Art Poëtique..
JANVIER, 17480 " he
LETTRE à l'Auteur de la Traduction "
d'une Satyre d'Horace , inférée dans le
Mercure de Novembre. -
J
E crois , Monfieur , fuivre votre inten
Ecrois, confuuniquant
tion en vous communiquant par la st
voye du Mercure une difficulté fur un paf
fage de la Satyre d'Horace dont vous avez
fait inferer la traduction dans le Mercure
de ce mois. Il s'agit de ce vers :
Qaidve adamicitias ufus , rectumve trahat nos ,
J
que vous expliquez ainſi : Si c'est l'hona
neur où l'intérêt qui fait les vrais amis.
J. Bond & Dacier ont entendu comme
vous le mot ufus, & ils l'ont expliqué par
intérêt, fans doute pour lier le vers où il fe
trouve avec le précedent. >
Virum divitiis homines, anfint virtute beati."
Mais cette liaiſon n'étoit point nécef
faire , au moins l'ai-je toujours penſé , &,
en regardant ces 2 vers comme indépendans
l'un de l'autre , je crois qu'il faut expliquer
ufus par fréquentation , commerce
babitude. C'eft dans ce fens qu'Ovide l'em
ploye lorsqu'il dit:
Tutamen à nobis uſujunétiſſime longo
MERCUREDE FRANCE
Pars defiderii maxima pænè mei..
L'utor familiariter fi fréquent dans les
lettres de Ciceron a auffi le même fense
ainfi
Quidve amicitias ufus , restumne trakat nose ·
Signifieroit , fi c'est lafréquentation on la
vertu qui nous décide dans le choix de nas
amis.
Le trabat joint à ufus ſemble même juf
rifier cette interprétation ; il marque plû
tôt un goût dont nous ne fommes pas les
maîtres, qu'une liaiſon réfléchie , telle que
celles qui ne font fondées que fur des vites
d'intérêt. J'avoue qu'Horace ayant mis
amicitias au pluriel , me paroît avoir vou
lu parler en général de toute forte de liaifons,
plûtôt que de la vraie amitié qui a fon
principe dans la vertu , mais dans ce cas il
vaudroit mieux étendre le fens du mor ami
citias en le rendant par celui de liaifons y»
que de le reftraindre par celui de vrais amis..
Ainfi , Monfieur , dans le fens que vous
avez fuivi , je ne fçais s'il ne feroit pas plus
exact de traduire ainfi le vers en queftion :
fic'eft l'honneur on l'intérêt qui forme nos
haifons.
Je foumets , Monfieur , ces doutes à votre.
décision , j'ai l'honneur d'être , &c.
:
JANVIER 1748 119
On a du expliquer les Enigmes & le Los
gogryphe du premier volume de Décem →
Bre par Serrure , terre habit , Soleil
& Tableau. On trouve dans le Logogryphe
Abel , table ,ean , bateau , Bâle , bal& Albe..
On a dû expliquer ceux des Logogry--
phes du fecond volume par Bafilic , arro
foir & folea , qui fignifie foulier , fabbt &
fer à cheval. On trouve dans le premier
Báil , La , bas , Lac , Bac , bal , & Lia. On
trouve dans le fecond rafeir , ris , air ,
faro & foir , & dans le troifiéme Sol ; fal
Leo , olea ,fola , as , 8ceast
J
ENIGM E.
E fuis un Etre fans raiſon;
Mais je n'en fuis pas moins utile
Dans toute espece de maifon
Au village comme àla ville ,
Eatout tems , en toute ſaiſon .
Selon la forme qu'on me donne
Je fuis courte ou longue au - dehorsg.
Souvent je porte une couronne
Et fans changer de nom alors
Je ne fais que changer de corpsy.
111 MERCURE DE FRANCE
$
-
J'ai deux bras , & fous cette forme , "
Toujours d'une allûre uniforme ;'
Saas m'en trouver ni pis ni mieux
Je voyage en differens lieux ;
Lecteur , en ce moment peut- être ,
Tu m'apperçois , fans me connoître.
J
AUTRE
E ne fuis point un animal
Quoique j'exifte fur la terre ,
Je fuis parfois fait d'un métal ,
Utile en paix ainſi qu'en guerre ;
Parfois ce qu'offre une forêt
Eft employé pour mon corfage
'Aïñfi qu'à mon Artiſte il plaît.
Lecteur , fi tu me veux connoître ;
Songes-y bien ; tel que foit l'être
Qué je contienne dans mon fein
Il en eft de plus d'une efpece ) .
J'ai beau fatisfaire fa faim ","
Sa foif, il cherche avec adreffe
A recouvrer , s'il peut , ce bien fi précieux ;
Qu'à tout être en naiffant ont accordé les Dieux,
JANVIER 1748.
J
AUTRE..
Efais un compofé qui ſert dans tout ménage,
Dans tous les tems , dans tous les lieux ;
Je fuis utile aux jeunes comme aux vieux ,
Du plus bas juſqu'au plus grand âge.
Si l'on me joint à l'Elément
Dont à nos yeux fe forme l'onde,
A l'aide d'un frêle inftrument ,
De moi l'on fait une machine ronde,
Qui par les loix du mouvement
Ainfi que le Globe du monde ,
Devient ſujet au changement.
C'est par moi que le plusfouvent
De noire qu'étoit une chofe ,
Elle prend la couleur du blanc ,
Lorfque je la métamorphofe ;
Lecteur, veux-tu fçavoir mon nom ?
Je rime à la particule on.
AUTRE.
S Ans employer nibras ni mains ,. ,
Ni plumes, ni pinceaux, je peins
Tous les objets de la Nature ;
Je fers tout le monde au befoin
Je fais un être qui ne dure
114 MERCURE DE FRANCE
Qu'autant que de moi l'on prend foin
Souvent à qui me confidére ,
J'ai l'art de plaire ou de déplaire
Lorfque fa curiofité
Lui montre à nud la vérité;
Tantôt mâle & tantôt fémelle,
Effet d'un art ingénieux ,
Selon le nom dont on m'appelley
Souvent au jaloux je décelle
Ce qu'un amour mistérieux
Voudroit dérober à fes yeux;
Dès que je fuis , je ne puis croître
Et je refléchis fans penfer ;
Mais c'eft affés t'embaraffer ,
Regarde-moi pour me connoître.
LOGOGRYPHE.
De fix membres de l'alphaber
e fais un compofé, fi j'entre en un ménage,
De moi l'on fait un grand uſage ;
Aini Lecteur , pour mieux te mettre au fait
De liens entouré, de liens j'environne
Le plus petit comme le plus grand-corps
Et l'on me fait fervir alors
A tenir loin de la perfona
*
JANVIER. 1748
·Ce qui devroit en être près.
Je fais un Dieu qui préfide aux forêts ;
Si de mes deux moitiés l'on retient la premiere
Et fi l'on joint à la derniere
Le membre qui fe trouve avant ,
Je fuis l'infinitif du verbe
Qui toute vérité dément.
Uh, quatre & trois , un Etre végétanti
Aidé de ma tige füperbe ,
On brave les fureurs de l'humide Elément ;
Six, quatre , cinq & trois , je marque le néant
Un & deux , quatre & trois , je fers de nourritur
Auplus grand nombre des mortels ;
Si de quatre on allonge un peu plus la figure ;
En y joignant cinq; deux & trois , avec céfures
Je fuis un Saint à qui l'on dreffe des Autels ;
Trois , deux , un , cinq , meuble de table ;
`Uñ , quatre , fix & cinq , plus que mauvais
Six , deux, un, cinq , à peu de frais
Je fers à mettre en poudre une plante agréable
Quatre , fix , cinq , capable de tout mal ;
Six. &c.cinq , quatre & trois , un membre d'anima
116 MERCURE DE FRANCE.
50
NOUVELLES LITTER AIRES ,
DES BEAUX- ARTS, ¿e:
LOGES des Académiciens de l'Académie
Royale des Sciences,morts dans
les années 1741 , 1742 & 1743. Par M.
Dorfous de Mairan , Secrétaire de cette
Académie pendant lefdites années , l'un
des quarante de l'Académie Françoiſe , &c.
Paris , 1747 , chés Durand.
Les talens propres à la Litterature ferencontrent
fi rarement avec ceux qu'exigent
les Sciences exactes, que bien des gens ont
conclu qu'ils s'excluoient réciproquement..
Cependant de grands exemples ont prouvé
invinciblement le contraire , & M. de
Mairan ajoute à ces exemples une nouvelle
preuve , qui n'eft pas moins victorieufe.
Compté depuis long-tems au rang des plus
grands Phyficiens de l'Europe , il a paru
avec le même éclat , lorfque devenu Sécrétaire
de l'Académie des Sciences , il a
et befoin pour remplir cet emploi , nonfeulement
des connoiffances qui avoient
déja élevé fi haut fa réputation ; mais enJANVIER.
1748. 117
core des mêmes talens fur lefquels font
fondés les fuccès des ouvrages des Belles-
Lettres. Les differens éloges qui rempliffent
ce volume ne font pas fufceptibles d'un
extrait , nous dirons feulement que nous
avons vû tous les lecteurs fenfés leur donner
leur approbation . On les a trouvés
même encore meilleurs à la lecture ,
& c'eft-là le caractere diftinctif des excellens
ouvrages. Le ftyle eft élégant &
facile , la narration claire , remplie de
chofes , fans être trop femée de traits , qui
dans ce fiécle prennent feuvent la place du
fens ; on y trouve un choix éclairé dans les
matériaux dont l'Auteur fe fert , beaucoup
d'habileté dans la maniere d'employer
ceux qui peuvent être brillans , un art qui
n'eft pas moindre à tirer parti de ceux qui
paroiffent moins favorables , & partout
cet efprit de lumiere & philofophique, abfolument
indépendant de ce qu'on appelle
l'efprit Géométre , & que l'étude de la
Phyfique & de la Géométrie ne donne nj
ne fupplée.
ESSAIS fur les paffions & leur carac
teres , la Haye , 1748 , 2. vol. in- 12 . fe
vendent à Paris , chés Cloufier.!
Ce livre contient des réflexions déta118
MERCURE DE FRANCE.
chées , femées quelquefois de portraits à
la façon de la Bruyere; on ne fçauroit trop
avoir de livres de cette efpece ; ne fit-on
que repeter toujours les mêmes choſes , on
ne laifferoit pas d'être utile aux gens qui
négligent les ouvrages anciens , parce
qu'ils font anciens , & lifent tous les nouveaux,
parce qu'ils font nouveaux . Malgré
L'efprit de frivolité qui regne en ce fiécle
nous ne laiffons pas de faire un accueil
très-favorable à ces ouvrages quand ils let
méritent.On a lûavec plaifir il y a quelques
années le livre de M. l'Abbé Trublet , dont
il a eu plufieurs éditions .
Pour donner une idée de ce nouvel ouvrage
, nous allons en citer quelques morceaux.
Voici une réflexion fort jufte , &
qui pourroit s'appliquer à tous ces demi
connoiffeurs , fléaux de la Litterature , qui
jugent fans examen & décidant fans appel ,
croyent, fous prétexte qu'ils n'ont point de
talens , être arbitres impartiaux dans l'appréciation
de ces mêmes talens ; ces gens-
Là raifonnent , diftinguent , divifent au hazard
, fans s'entendre & fans être entendus
, & donnent quelquefois le ton à des
gens affés bons pour fe fier moins à leur
propre impreffion qu'à de prétendus conmoiffeurs
qui citent fans ceffe les préceptes
JANVIER . 1748. 719
de l'art qu'ils ne connoiffent pas. Venone
à la réflexion de l'Auteur.
» En examinant certains efprits , je dirois
volontiers qu'il vaudroit mieux
"pour eux qu'ils fuffent entierement faux
» que de l'être à demi ; affés juftes pour
penfer bien quelquefois , affés faux pour
" croire qu'ils penfent toujours jufte , ils
ne fçauroient fortir de leur état ; la va
» nité & l'apparence du vrai les fixent à
jamais. »
25
"
Voici une autre penſée rendue avec précifion
& avec force.
» Vouloir qu'un homme d'efprit en ait
» toujours , injuftice ; chercher toujours
» de l'efprit, petiteffe , il faut être homme.
Ce livre eft plein de réflexions femblables
écrites d'un ſtyle clair & aifé , & fera
lû avec plaifir & avec fruit par tous les
gens fenfés qui aimeront à s'occuper de
tout ce qui rappelle les idées de la vertu
& de la raiſon,
SYSTEME général de Cofmographie
& de Phyfique générale, à Paris , 1748 , 1
chés Charles-Antoine Jombert.
Cet ouvrage eft une analyſe raifonnée
du fyftême de Cofmographie & de Phyfide
l'Auteur. Le traité du Méchanifme
du monde par demandes & par réponſes ,
que
$
120 MERCURE DE FRANCE.
qu'il doit publier inceffamment , le fera
connoître d'une maniere plus détaillée .
L'un , comme il eft dit dans la préface , eft
proprement un plan de l'Univers , dreffé
pour ainfi dire, d'après Nature , ou d'après
la dépofition des apparences obfervées
avec le plus grand foin , & prévûes par
les calculs Aftronomiques les plus exacts
& l'autre un réſultat de principes qui ne
peuvent être conteſtés par les Phyficiens
d'aucun parti ,
>
L'Auteur favorifele fyftême de l'immobilité
de la terre , cette hypothéfe de Thalés
la plus ancienne des hypothéfes Aftronomiques
, mais qui étoit tombée dans le difcredit.
Nous ne pouvons nous étendre affés
fur cette matiere pour rendre raifon des.
argumens dont il appuye fon ſyſtême , ainſi
nous nous contenterons de rendre juſtice
aux connoiffances très- étendues qui brillent
dans fon livre.
LES CAMPAGNES DU Ror ;
Epitre , par M. Bazin , Ingénieur , à Paris,
1747 , chés de Lefpine.
L'Auteur rappelle & décrit les glorieufes
Campagnes du Roi ; tel eft le plan de
cet ouvrage , dont nous ne pouvons mieux
donner l'idée qu'en citant quelques vers
fur le fiége de Bergoploom,
Tel
JANVIER .
I 21 1748 .
Tels que du Mont Gibel le fouffre & le bitume
font rouler les torrens de leur brûlante écume ,
Tels on voit le falpêtre & le fer en fureur
S'enflammer & répandre une nouvelle horreur:,
Déja de tous fes forts les indomptables cîmes
Se fendent en éclats ; s'enfoncent aux abîmes ;
Le peuple à cet orage interdit & confus ,
Abandonne fes tours qu'il ne reconnoît plus ,
Mais tous les défenfeurs animés par la rage
Montrent fur les remparts un féroce courage ,
´Et bien loin de céder au coup qui les abat ,
薯
Ils refpirent le fang , le meurtre & le combat.
Le brave Lowendalh attaque leur enceinte ,
Embrafe leurs palais , & les frappe de crainte ,
Jufques fur les glacis poſte ſes légions ,
Et va porter fes coups contre leurs baſtions.
Au fond d'un fouterrain la foudre renfermée
Par une main adroite eft bien -tôt allumée ,
Son bruit affreux remplit le vafte champ des airs ,
Il étonne les Dieux , fait trembler l'univers.
Ainfique l'Aquilon franchit la plaine aride ,
Ainfi de fon tonnerre on voit l'effort rapide.
Cependant le Batave au milieu de ces feux ,
S'apprête à s'oppoſer aux affauts périlleux.
Quand fous les yeux d'abord mille globes funeftes
Brûlent de les remparts les redoutables reftes ;
F
122 MERCURE DE FRANCE.
Sur leurs débris fumans s'élancent tes foldats ,
La frayeur & la mort qui partent de leurs bras ,
Du fuperbe affiégé forcent la réfiftance ,
Et le grand Lowendalh fignale ta puiffance.
DESCRIPTION du Gouvernement
de Bourgogne. Par M. Michault , Avocat
au Parlement de Dijon .
Le plan de l'ouvrage que je me propo
fe , dit l'Auteur dans le Profpectus de fon
ouvrage s'eft formé fur le livre queM. Garreau
publia pour la premiere fois en1717 ,
& qu'il augmenta confidérablement en
1734.L'Auteur flatté de l'accueil favorable
que le public avoit fait à fon travail, préparoit
une troifiéme édition , lorfque la mort
le furprit.Peu de tems après un exemplaire.
de ce même livre , chargé de les notes , &
quelques matériaux féparés qu'il avoit ramaffés
, étant tombés entre mes mains , je
forinai fur la même matiere un projet d'au
tant plus étendu , que j'avois déja fait
quelques recherches fur la Bourgogne , &
que j'avois recouvré un affés grand nom
bre de manufcrits fur l'Hiftoire de cette
Province. Mais quelques fecours que j'aye .
reçûs jufqu'à préfent , je ne me crois pas
difpenfé d'inviter les Sçavans & les Ĉurieux
à me faire part de leurs découvertes
fur les differentes parties de mon ouvrage.
1
*
1748. 123:
JANVIER.
pre- Il fera divifé en deux vol . in-4°. Le
mier aura en quelque forte la forme d'un
Dictionnaire , qui offrira par ordre alpha
bétique, & fous d'autres arrangemens également
commodes , le détail des Pays ,
Villes , Bourgs , Villages , &c. qui compofent
le Gouvernement du Duché de
Bourgogne.
Le fecond tome renfermera plufieurs
piéces qui ferviront d'éclairciffemens ou
de preuves aux articles qu'on n'aura pas
voulu allonger par de longues differtations.
1 Le premier volume contiendra : Les Villes
Bourgs , Villages , Paroiffes , Communautés
, Hameaux , Châteaux , Fiefs , Métairies
& toutes leurs dépendances , .rapportés
par ordre alphabétique fous chaque
Bailliage, dans le reffort duquel ils font fitués
, avec leur diſtance du Siége principal
du Bailliage. En donnant le nom latin &
fon étymologie , on ne manquera pas de
citer les titres où on l'aura vû. On indiquera
le Diocèfe ; quelle eft la Juftice du
lieu & fa mouvance ; fi le Pays eft de Droit
Ecrit , ou Coutumier ; s'il eft Mainmortable
; le nom & les qualités du Seigneur.
Malgré les changemens qui arrivent tous
les jours à cet égard , on aura néanmoins
par ce moyen une partie du Nobiliaire de
Fij
122 MERCURE DE FRANCE.
Sur leurs débris fumans s'élancent tes foldats ,
La frayeur & la mort qui partent de leurs bras ,
Du fuperbe affiégé forcent la réfiftance ,
Et le grand Lowendalh ſignale ta puiſſance.
DESCRIPTION du Gouvernement
de Bourgogne. Pat M. Michault , Avocat
au Parlement de Dijon.
Le plan de l'ouvrage que je me propo
fe , dit l'Auteur dans le Profpectus de fon
ouvrage s'eft formé fur le livre queM. Garreau
publia pour la premiere fois en 1717,
& qu'il augmenta confidérablement en
1734.L'Auteur flatté de l'accueil favorable
que le public avoit fait à fon travail, préparoit
une troifiéme édition , lorſque la mort
le furprit.Peu de tems après un exemplaire
de ce même livre , chargé de les notes , &
quelques matériaux féparés qu'il avoit ramaffés
, étant tombés entre mes mains , je
formai fur la même matiere un projet d'au
tant plus étendu , que j'avois déja fait
quelques recherches fur la Bourgogne , &
que j'avois recouvré un affés grand nombre
de manufcrits fur l'Hiftoire de cette
Province . Mais quelques fecours que j'aye
reçûs jufqu'à préfent , je ne me crois pas
difpenfé d'inviter les Sçavans & les Ĉurieux
à me faire part de leurs découvertes
fur les differentes parties de mon ou-
Viage.
" JANVIER
. 1748. 123:
Il fera divifé en deux vol . in-4°. Le premier
aura en quelque forte la forme d'un
Dictionnaire , qui offrira par ordre alpha→
bérique, & fous d'autres arrangemens également
commodes , le détail des Pays ,
Villes , Bourgs , Villages , &c. qui compofent
le Gouvernement du Duché de
Bourgogne.
Le fecond tome renfermera plufieurs
piéces qui ferviront d'éclairciffemens ou
de preuves aux articles qu'on n'aura pas
voulu allonger par de longues differtations.
1 Le premier volume contiendra : Les Villes
Bourgs , Villages , Paroiffes , Communautés
, Hameaux , Châteaux , Fiefs , Métairies
& toutes leurs dépendances , .rapportés
par ordre alphabétique fous chaque
Bailliage, dans le reffort duquel ils font fitués
, avec leur diſtance du Siége principal
du Bailliage. En donnant le nom latin &
fon étymologie , on ne manquera pas de
citer les titres où on l'aura vû. On indiquera
le Diocèfe ; quelle eft la Juftice du
lieu & fa mouvance ; file Pays eft de Droit
Ecrit , ou Coutumier ; s'il eft Mainmortable
; le nom & les qualités du Seigneur.
Malgré les changemens qui arrivent tous
les jours à cet égard , on aura néanmoins
par ce moyen une partie du Nobiliaire de
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
1
la Bourgogne . L'Auteur fera fouvent obligé
d'entrer dans des difcuffions hiftoriques
.
On décrira la fituation & l'étenduë de
chaque Paroiffe , telle qu'elle eft aujourd'hui
, & fa pofition dans l'ancienne Gaule
; les revenus de la Cure ; les lieux qui
en dépendent , commes les Hôpitaux , Leproferies
, Hermitages , Moulins , Enclos ,
Parcs , Jardins , &c .
On marquera exactement la datte des
lettres d'érection en Marquifat , Comté ou
Baronie , & celle de l'enrégiftrement au
Parlement & à la Chambre des Comptes.
On indiquera le Vocable de chaque
Eglife Paroifliale;les Reliques authentiques
qu'elle poffede ; les Fondations , les Confrairies
, les Rits particuliers dans la Liturgie
; les Monaftéres , Abbayes , Prieurés
, Chapitres , Eglifes , Chapelles ,
Commanderies , &c . les autres Bénéfices
& les titres qui en font mention ; le Patron
enfin tout ce qui regarde le Gouvernement
Eccléfiaftique de la Bourgogne,
Cet article fera terminé par le Pouillé de
l'Evêché de Dijon.
· Les Villages mêmes & autres lieux
qu'on ne voit plus en Bourgogne , mais
dont il reste encore quelques veftiges , tels
qu'Ogne , Chandelans , Satenay , &c. les
JANVIER 1748.
125
Pays qui n'étant point du Gouvernement
de cette Province , ne laiffent pas cependant
d'y avoir quelque rapport.
A l'égard des Villes , leur Antiquité ,
leurs Armoiries , les Fortifications , les
Portes , les Rues , les Hôtels , Places ,
Eglifes , Portails ,
Portails , Convens , Maifons
Royales , Edifices anciens & modernes ; les
differentes Jurifdictions , les Charges particulieres
, les Prééminences , Priviléges ;
Exemptions & autres Droits y attachés ;
les Jeux royaux , les événemens mémorables
, les Entrées , Pompes funebres
Fêtes publiques , Proceffions & autres céré
monies ; les Bibliothéques , les Cabinets
d'Hiſtoire naturelle ; les Sçavans qui y vivent
, les Jardins , les Promenades , les
Avenues & les plus belles Maifons des environs.
, Les Rivieres , les Lacs Ruiffeaux
Fontaines , Etangs , &c . Les Poiffons , les
Teftacées & autres Animaux aquatiques
qui s'y nourriffent.
Les Fontaines falées , les Eaux minérales
on tachera de rendre cet article inté
reffant.
Les Forges , les Foulons , les Verreries
les Papéteries , les Poudreries , les Rafineries
de Salpêtre , les Thuilleries , les Fayanceries
& les differentes Manufactures .
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
Les Carrieres de Jafpes , Marbres , Albâtres
, Pierres , & c. les Ardoifiéres ; les
Cailloux , Criftaux , &c..
Les Mines , Miniéres , Marcaffites , Pyrites
, Métaux , & c.
Les Foffiles , Sels , Aluns & Vitriols
Souffres , Bitumes , & c.
Les Curiofités naturelles , comme Pétrifications
, Criſtaliſations , Criftalifations , Coquillages ,
Dendrites.
Les Abîmes , Goufres , Cavernes , Grotes
, Puits & autres Soûterrains .
Les Forêts , les Montagnes , les Rothers
, les plus beaux Vallons , les Plaines
les plus fpacieuſes .
Les Chemins anciens , furtout ceux des
Romains , dont on voit encore quelques
reftes , les nouvelles Routes , les Ponts &
Chauffées confidérables .
"
>
Les Monumens anciens & modernes
tant facrés que prophanes ; les Temples ,
Panthéons , Cirques , Amphithéatres
Bains , Aqueducs , Ruines , Pyramides
Obélifques , Colomnes , Urnes , Figures
antiques , & les Médailles qu'on a trouvées
en cette Province : tout ce qui a rapport
aux Arts , comme les Tableaux , les
Bas-Reliefs , les Statues , les Portiques ,
& c .
Les Jardins de Botanique , les Serres ,
les Pepinieres.
JANVIER . 1748. 127
Les Animaux quadrupédes ; les Oiſeaux
qui naiffent , vivent ou ne font que paffer
en Bourgogne.
Les Reptiles , Serpens , &c. les Infeces ,
Mouches , Chenilles , Papillons , Scarabées
, &c . les Monftres : enfin tous les Phénoménes
qui ont paru en cette Province.
Les Climats & les Côteaux qui donnent
les bons & les meilleurs Vins , la difference
des Terroirs , le commerce & le
prix de ces Vins ; les Grains qui fe fément
en Bourgogne ; le produit des Terres &
leur nature ; les meilleurs fruits qui y viennent
; le trafic tant par terre que par eau ,
& les marchandifes qui en font l'objet.
Les Vents qui infeftent ou qui fertilifent
cette Province ; la température de l'air
& les maladies les plus communes ou particulieres
au climat ; l'efprit , les moeurs ,
les habillemens & les ufages des Habitans .
Les méfures de chaque Pays , les Foires
les Poftes , les Coches & les Meffageries .
On trouvera dans le fecond Volume :
1º. Un abregé de l'Hiftoire de Bourgogne.
t 2º . Une Deſcription topographique de
la même Province .
3°. Des Mémoires fur l'Hiftoire des Pays
de Breffe , Bugey & Gex. Outre ceux qu'à
fait imprimer M. Garreau , on donnera les
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
Differtations de Philibert Collet & du P.
Menetrier fur le même fujet , & quelques
autres manufcrites qui font tombées entre
les mains de l'Auteur. On tirera des Mémoires
de l'Académie des Infcriptions &
Belles- Lettres , & d'autres fources , les piéces
les plus intéreffantes concernant l'Hif
toire de Bourgogne & de Breffe , pour les
joindre à cette collection .
4° .QuelquesDiffertations fur divers points
d'Hiftoire Eccléfiaftique ou Prophane , qui
n'auront pû trouver place dans le premier
Volume : par exemple , fur les Celtes , fur
les Ambrons , fur les anciens & nouveaux
habillemens des Bourguignons , fur leur
patois , fur celui des Breffans ; fur une
Hymne en vers françois , qu'on chantoit
il y a quelques années dans l'Eglife de S.
Etienne de Dijon ; fur l'Aguilanneuf ,
coûtume dont on voit encore quelques
veftiges en Bourgogne & en Picardie ; des
Additions à la Fête des Foux ; un mémoire
fur les differens fyftêmes du Canal qu'on
á eu deffein de faire en Bourgogne ; un
abregé de la vie de quelques grands hommes
& de quelques fçavans qui ont vêcu
en Bourgogne , qui y ont occupé des places
diftinguées , ou qui y font morts ; des
remarques fur la Bibliothèque des Auteurs
de Bourgogne , par M. l'Abbé Papillon ;
JANVIER . 1748. 129
une Bibliothéque des Auteurs de Breffe ;
des additions au Parlement de Bourgogne.
de P. Palliot ; catalogue raiſonné des plus.
célébres Avocats de ce Parlement ; recherches
hiftoriques für l'Oriflame . Il feroit
trop long de pourfuivre ici la notice de
toutes les autres Differtations que prépare
le nouvel Editeur .
5°. Diverfes Piéces pour fervir de preuves
à quelques fujets d'hiftoire rapportés
dans le cours de l'ouvrage, commeChartes ,
Dosarions , Edits , Arrêts , Bulles , & c.
6°. Differtations fur les Vins de Bourgogne
, & fur leurs qualités . Sur les Eaux
Minérales.
7. Une Hiftoire particulière des Rivieres
qui coulent en Bourgogne , de leurs
fources , de leur cours , de la péfanteur &
de la qualité de leurs Eaux , de leurs Sables,
de leurs Coquillages .
So. Un Catalogue des Plantes qui viennent
en Bourgogne ; on y rapportera les
lieux où elles croiffent , leurs figures , leurs
variétés , leurs qualités , en indiquant feulement
les Auteurs qui en parlent , & furtout
les Mémoires de l'Académie des
Sciences ; les fauffes vertus qu'on leur attribuë.
On s'étendra davantage fur les fimples
dont on fe fert par infufion & en forme
de Thé. On diftinguera par differentes
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
marques les Plantes communes , les rares
& les ufuelles . On donnera auffi une idée
du Systême de M. Collet fur la Botanique.
Dans la divifion des Gouvernemens de
la Bourgogne , telle que M. Garreau l'a
faite , on parlera fort amplement des Etats
généraux & particuliers de cette Province.
Enfin on enrichira l'ouvrage de Cartes
Plans , Deffeins , Infcriptions & autres Figures
néceffaires à l'intelligence de chaque
partie de cette Hiftoire : on s'attachera
principalement à y donner de bonnes tables.
>
y
L'Auteur ne négligera rien pour perfectionner
l'exécution de fon projet. Plufieurs
Sçavans lui ont déja fourni d'excellens
Mémoires fur Dijon , Autun , Avallon
Montbard , Noyers , Nuys , Marcigny ,
Louhans , & c. Il recherchera avec foin les
Manufcrits & les Auteurs qui ont parlé en
général de la Bourgogne , & en particulier
de divers endroits de cette Province , & fe
tranfportera lui- même fur les lieux où il
croira fa préſence néceffaire pour la découverte
de quelques antiquités ou de
quelques curiofités naturelles. Il efpére fe
procurer d'utiles éclairciffemens dans fes
voyages , moins cependant par lui-même ,
que par les fecours d'un ami qui fe propoſe
de l'aider tant pour lever des Plans , que
JANVIER. 1748.. 131
pour faire l'analyfe chymique des Eaux ,
& travailler fur les Plantes , les Métaux
les Marbres , & c.
LE TABLEAU DES THEATRES ,
Almanach nouveau pour l'année 1748 ,
où l'on trouve leur origine , le nom des
Acteurs , Actrices , Danfeurs , Danſeuſes ,
& des perfonnes qui y font attachées , avec
les Pièces qui ont été repréſentées dans
l'année , & le nom des Auteurs , à Paris ,
chés la veuve Delormel & fils , rue du Foin
S. Jacques , à l'image Sainte Génévieve .
NOUVEAU CALENDRIER
de
Cabinet pour 22 années , à l'ufage de Paris
& de differens Diocèfes , enrichi de figu.
res allégoriques
, approuvé de Meffieurs de
l'Académie
Royale des Sciences , dédié &
préſenté à Madame la Dauphine , à Paris ,
chés l'Auteur , Chambre des Confultations
, Grand'Salle
du Palais Marchand.
HISTOIRE de l'Eglife Gallicane depuis
l'établiflement de la Réligion , dédiée
à Noffeigneurs du Clergé in-4° . tomes XV
& XVI , à Paris , chés J. B. Coignard , &
A. Boudet , rue S. Jacques.
DICTIONNAIRE Botanique & Pharmaceutique
, contenant les principales
propriétés des minéraux , des végétaux &
des animaux d'ufage , &c. nouvelle édi-
F vj ·
132 MERCURE DE FRANCE.
tion ; à Paris , chés Didot , Nyon , fils
Dammonneville , Quai des Auguftins , &
Savoye , ruë S. Jacques. .
-
:
•
L'ESPRIT DU COMMERCE , pour
l'année 1748 , rendu auffi curieux que
néceffaire , dans lequel on trouve les Fêtes
des mois , les Banquiers de Paris , du
Royaume & des Pays Etrangers , les prix
courans des Changes de toute l'Europe ,
les Manufactures de Paris , les noms & demeures
des perfonnes qui ont. des privilé
ges du Roi pour diverfes chofes utiles au
public , les noms & demeures des perfonnes
qui profeffent les Sciences & les Arts ,
plufieurs tarifs pour les Commerçans , les
prix courans des grains , des vins , & c. des
Livres nouvellement imprimés , les magafins
d'Eftampes & de Mufique , noms des
Bureaux , Edits du Roi , une combinaiſon
de la Loterie Royale de 1747 , par M.
Roflin , ancien Syndic des Experts Ecrivains
Jurés de Paris , rue S. Martin , près
celle de Vénife , à Paris , chés la veuve
Ganeau , ruë S. Jacques , & la veuve Lamefle
, rue de la vieille Bouclerie,
MORALE des Apôtres ou Concorde
des Epîtres Canoniques du nouveau Teftaà
Paris , chés les veuyes Rondet &
Laboffiere , rue S. Jacques & Defaint &
Saillant , ruë S. Jean de Beauvais ..
ment ,
JANVIER. 1748 . 1 }}
INSTRUCTIONS CHRETIENNES
pour fervir d'exhortation & de préparation
à la mort , à l'ufage des perfonnes qui fe
font un devoir de charité de vifiter les
malades , particulierement dans les Hôpitaux
, & de les difpofer à mourir fainte
à Paris , chés Savoye , Libraire , ruë ment ,
S. Jacques , à l'Eſpérance .
CONSULTATIONS choifies de
plufieurs Médecins célébres de l'Univerſité -
de Montpellier fur des maladies aiguës &
chroniques , à Paris , chés Durand , ruë S.
Jacques , au Griffon , & Piffot , Quai dés
Auguftins , à la Sageffe.
HISTOIRE)
D'ANGLETERRE
}
par M. Rapin de Thoyras , continuée juf
qu'à ce tems . Nouvelle édition , is volu
mes in 4º . propofée par foufcription . A
Londres , & fe trouve à Paris , chés la veuve
Ganeau rue S. Jacques ; le Gras ,
Grand'Salle du Palais ; Cavelier , pere , ruë
S. Jacques , au Lys d'or , Giffart , pere ,
rue S. Jacques ; Rolin , Quai des Auguftins
; Quillan , pere , rue Galande , près la
Place Maubert ; David , l'aîné , ruë S. Jacques
; Bauche , fils , Quai des Auguftins ,
du côté du Pont S. Michel ; Durand, rue
S. Jacques ; d'Houry , fils , ruë de la Bouclerie
; à Lyon , chés les freres Duplain ,
Henri de Clauftre & de la Roche .
134 MERCURE DE FRANCE.
HISTOIRE DES SACREMENS
ou, de la manière dont ils ont été célébrés
& adminiſtrés dans l'Eglife , & de l'ufage
qu'on en a fait depuis le tems des Apôtres
jufqu'à préfent , par le R. P. Dom C.
Chardon , Réligieux Bénedictin de la Congrégation
de Saint Vannes , à Paris , chés
Guillaume Defprez , Imprimeur & Libraire
ordinaire du Roi,& P. G. Cavelier fils
Libraire , rue S. Jacques , fix volumes
in- 12.
ruë
*
ESSAIS & obfervations de Médecine
de la Société d'Edimbourg. Ouvrage tra
duit de l'Anglois , tomes V , VI & VII ,
à Paris , chés H. L. Guerin & Jacques
Guerin , rue S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin
, 1747 , in- 12.
DISSERTATIONS préliminaires
fur l'Hiftoire Civile & Eccléfiaftique du
Diocèfe de Sais , par M. l'Abbé Efnault ,
fe trouvent à Paris , chés G. Defprez , Im→
primeur & Libraire ordinaire du Roi , &
P. G. Cavelier , Libraire , ruë S. Jacques ,
à S. Profper & aux trois Vertus , 1746 ,
in- 12.
COMPONIMENTO dramatico perle
feliciffime nozze di Luigi Delfino di Francia
con la Principeffa Maria Guiseppa di Saffo=
nia , da cantarfi per ordine d'ell' Eminentif
fimo Sig. Card. de la Rochefoucault , MiJANVIER.
1748. 135
niftro di Sua Maefta Criftianiffima preffo la
S. fede , 1747 , à Rome , par M. l'Abbé
Flamminio Scarfelli , Profeffeur en Humanités
dans l'Univerfité de Boulogne ,
connu dans la République des Lettres par
plufieurs autres ouvrages.
LE SECOND & le troifiéme tomes
delle Orazioni facre du P. Bernard Maria
Giacco , Capucin de Naples paroiffent de.
puis peu en cette ville.
DELLE Arti & Scienze tutte divifate
nella Giurifprudenza , opera di Antonio
d'Orimini , Napolitano , Patrizio Brindefino
, in tre parti diftinta . Nella prima delle
qualifi tratta delle Arti liberali ed ingegnafe
; nellafeconda delle Arti fabrili è meccaniche
; nella terza di tutte le Scienze nella legale
contenute , in Napoli , 1747 , in-4°.
DELLA natura de Moftri , Lettera del
Dottore Giambattista Sormani , all' illuft.
Seg. Ranieri Buonaparte , Publico Profeffore
di Medicina nell'Univerſita di Piſa , in Lucca
, per il Cappurri , 1747 , in- 4°.
Gabriel Martin , à l'Etoile , Coignard
& Boudet , à la Bible d'or ; Pierre- Jean
Mariette , aux Colonnes d'Hercule ; H, L.
Guerin , à S. Thomas d'Aquin , Libraires
à Paris , rue S. Jacques , ont publié le
Profpectus d'une Bible qu'ils fe propofent
d'imprimer par foufcription fous ce titre
136 MERCURE DE FRANCE.
LA SAINTE BIRLE en Latin &
en François avec des Préfaces , des Differtations
& des Notes litterales , critiques
& hiftoriques , pour faciliter l'intelligence
de l'Ecriture Sainte , le tout tiré du
Commentaire de Dom Aug. Calmet , Abbé
de Senones , & des Auteurs les plus célébres
, en 10 volumes in-4° . enrichis de
Cartes & de Figures. Le prix fera de 72
liv. en feuilles , & on confentira de ne
recevoir cette fomme que par partie. En
faifant la premiére avance , il fera fourni
une reconnoiffance fignée des Libraires ,
portant promeffe de livrer l'ouvrage entier.
dans l'efpace de 18 mois , à compter du
premier Janvier 1748. On payera en foufcrivant
24 liv. en recevant les trois premiers
volumes au mois de Juillet 1748 ,
18 liv. A la délivrance des trois fuivans
qui fe fera fix mois après , 18 liv . Enfin en
recevant les quatre derniers volumes , on
payera le reftant du prix , qui fera 1 2 liv .
LesSoufcripteurs feront retirer leurs exemplaires
dans les tems ci- deffus fpécifiés.
Ceux qui ne fouferiront point payeront le
Livre cent livres en feuilles .
HORLOGE PERPETUELLE Ou
Cadran Solaire , Lunaire & Stellaire pour
l'année Biffextile 1748 ; on y trouvera
plufieurs maniéres de connoître l'heure au
JANVIER. 1748. 137
Soleil , à la Lune & aux Etoiles ; la maniere
de s'orienter pendant la nuit , de connoître
les Etoiles , de méfuter les diftances
& les hauteurs , le tout fans avoir befoin
d'autres inftrumens que ce petit livre.
On y trouvera auffi un Almanach , où feront
toutes les Fêtes de l'année , les jours ,
les Phafes de la Lune. Prix une livre , chés
David le jeune , Libraire à Paris , Quai des
Auguftins ; on trouve chés le même Libraire
les illuftres Françoifes , nouvelle édition
augmentée in- 12 . 4 vol . prix 8 liv .
BREVE PARISIENSE pro anno
Domini Biffextili , 1748 , Pafcha occurrente
14 Aprilis. Conftitutum eft pretium. ad fex
affes. Parifiis , apud Claudium Heriffant ,
Capituli Ecclefia Parifienfis Typographum ,
via nova Beata Maria , fub Cruce Aurea &
tribus virtutibus .
I
NOUVELLES ETRENN ES utiles
& agréables , contenant un Recueil de
chanfons morales & d'emblêmes , fur de
petits airs connus , notés à la fin pour en
faciliter le chant , avec un Calendrier pour
l'année 1748 , à Paris , chés Ph . N. Lotin
& J. H. Butard , Imprimeurs Libraires ,
rue S. Jacques , à la Vérité .
RECEUIL de dix LettresItaliennes qui
avoient déja été imprimées féparement. A
Brefee , chésJean-Marie Rizzardi , 1746.
138 MERCURE DE FRANCE.
OBSERVATIONS nouvelles & extraoadinaires
fur la prédiction des Crifes
par le pouls , faites premierement par le
Docteur D. Francifco Solano de Luques ,
Efpagnol , & enfuite par differens autres
Médecins , enrichies de plufieurs cas nottveaux
& de remarques , par M. Nihell , M.
D. traduites de l'Anglois par M. Lavirotte
Docteur en Médecine de l'Univerfité de
Montpellier , à Paris , chés de Bure l'ainé
à l'entrée du Quai des Auguſtins , à Saint
Paul , 1748 , in 12.
>
THEORIE des fentimens agréables
où après avoir indiqué les regles que la
Nature fuit dans la diftribution du plaifir ,
on établit les principes de la Théologie na
turelle & ceux de la Philofophie morale ;
volume in- 12 . à Paris, chés David le jeune
, Quai des Auguſtins , au S. Eſprit ,
1748.
LES AMUSEMENS D'UNE HEURE.
Duos pour la Vielle & la Mufette , dédiés
au Compere & à la Commere par M. Bâton.
OEuvre IX. prix 3 liv. 12 f. gravés par
Mlle. Laymon , à Paris , chés l'Auteur ,
Quai des Orphévres , à la Renommée ,
Madame Boivin & Leclerc..
: PLANS en élévation de la ville de Soiffons
, dédiés à la Reine , fe vendent à
Paris , chés Poincellier , ruë Monceau S.
Gervais .
JANVIER. 1748. 139
DE SUPREM A unitione Liber hiftori
so dogmaticus , auctore Benedicto de Gaëtanis
Patricio & Sacerdote Pifano, Illuftr.ac Rever.
D. D. Franc, ex comitibus Guidis Patriar
the Pifana Ecclefie Archiprafuli dicatus.
Lucca , 1747 , in-8°.
CATALOGO di libri che fi poffono avere
in Milano a megliorprezzo che altrove
per mezzo di Guiseppe Bonacia Mercande de
libri vicino alla chiesa difan Matteo , ≤747
in-8°. à Milan."
* ISTORIA di un Sonnambule fcritta da
Gio Maria Pigatti Dottore di Filofofia , & di
Medicina à S. Excel , il Sig. Conte Antonio
Abate Conti , Patrizio Veneto , in Venezia ,
per Guiseppe Bettineilli , 1745 , in- 8 °.
L'EXPOSITION Anatomique de la
Aructure du corps humain de M. Winflow ,
traduite en Italien , 1747 , in- 12. quarre
volumes, à Venife.
LES XI , XII & XIII tomes de l'ouvrage
intitulé Eſpoſizioni letterali e morali
Sopra lafacra Scrittura , opera di F.orazio
da Parma della piu ftretta offervanza di S.
Francefco , in VeneZia , 1746 , in-40 .
DICTIONARI Theologici Epitome
, complectens indicem Hiftorico- Chro
nologicum Conciliorum generalium, Paparum ,
Antipaparum , Patrum & Scriptorum Eccle
fiafticorum, nec non Hereticorum , quorum
140 MERCURE DE FRANCE .
infcriptis Theologicis mentionem haberi non
raro contingit. Item & compendiofa juris
utriufque difpofitio , ad ufum Sacre Theologia
Candidatorum, Venetiis , 1747 , in-4° .
THEATRO ITALIANO , fia
Scelta di Tragedie per ufo della fcena , in Venezia
, 1747. Trois volumes in - 8°.
•
BIBLIOTHEQUE choifie de Médecinè
, tirée des ouvrages périodiques tant
François qu'Etrangers , avec plufieurs autres
piéces rares & des remarques utiles &
curieufes , par M. Planque , D. M. à Paris ,
chés d'Houry pere , Imprimeur Libraire de
M. le Duc d'Orleans , ruë de la Vieille
Bouclerie , 1747 , in -4° .
HISTOIRE GENERALE d'Allemagne
en 10 tomes , compofée par le P.
Barre , Chanoine Regulier de Sainte Généviéve
, & Chancelier de l'Univerfité de
Paris , à Paris , chés C. J. B. Delepine & J.
T. Heriffant , Libraires , ruë S. Jacques .
$ LES EPITRES & les Evangiles ,
avec les Oraifons Secrettes & Poftcommunions
qui fe difent à la Sainte Meffe pendant
toute l'année , par M. de Bonneval
Prêtre. Nouvelle Edition à l'ufage de Rome
& du nouveau Breviaire de Paris , en
deux parties , l'une pour l'hyver , l'autre
pour l'été , où l'on trouve l'Ordinaire de
la Meffe & les Préfaces pour toutes les
JANVIER . 14 1748,
Fêtes , à Paris , chés Guillaume Defprez &
Guillaume Cavelier , Libraires , rue S. Jacques
, 1748, deux volumes in- 12 .
LE JARDINIER FLEURISTE
& Hiftoriographe , ou la culture univerfelle
des fleurs , arbres , arbustes & arbriffeaux
, fervant à l'établiffement des Jardins
, enfemble la maniere de dreffer toutes
fortés de parterres , berceaux de vérdure
, des bofquets , des boulingrins , portiques
, pates d'oye , colomnes & autres
pieces qui pour l'ordinaire accompagnent
les Jardins des maifons de Campagne les
plus magnifiques , le tout enrichi de beaucoup
de figures , par M. Liger d'Auxerre
à Paris , chés Paulus du Mefnil , Libraire
au Palais , 1748 , 2 volumes in - 12 .
NOUVELLE EDITION des Oeuvres
de M. de la Foffe , revûë , corrigée & augmentée
de fes Poëfies diverfes , à Paris
chés la veuve de Pierre Gandouin ; J. L.
Nyon , pere , Quai de Conty ; J. C. Nyon ;
fils , Quai des Auguftins ; J. M. Huart ; J,
F. Quillan , fils ; M. Bordelet ; L. F. Prault ';
L. E. Ganeau : M. Damonneville , & L;
Durand , 1747 , in- 12 .
RECEUIL de Jurifprudence Canonique
& Bénéficiale , par ordre alphabétique
, avec les Pragmatiques , Concordats ,
Bulles & Indults des Papes, Ordonnances ,
142 MERCURE DE FRANCE.
Edits & Déclarations de nos Rois , Arrêts
& Reglemens intervenus fur cette matiere
dans les differens tribunaux du Royaume
jufqu'à préfent , par M.Gui du Rouffeaud de
la Combe, Avocat au Parlement,fur les Mémoires
de feu M. Fuet , auffi Avocat au
Parlement , à Paris chés Paulus - du-Mefnil ,
Mouchet , Huart , Guerin , l'aîné , de Nully,
Ganeau & Saugrain , Libraires , 1747 ►
in -fol.
ORAISON FUNEBRE de M..de
Merinville , Evêque de Chartres , prononcée
dans l'Eglife Cathédrale de Chartres le
15 Avril 1747 par M. de la Voiepierre .
Docteur de Sorbonne , Chanoine , Théologal
de cette Eglife , à Chartres , chés la
veuve J. Roux , Imprimeur de l'Evêché.
EXAMEN CRITIQUE des ouvrages
de Bayle , à Paris , chés Huart & Moreau
fils , rue S. Jacques. Nouvelle Edition.
HISTOIRE LITTERAIRE de
la France , &c. par des Religieux Bénédictins
de la Congrégation de S. Maur , tome
VIII. in-40. qui comprend le refte du onziéme
fiécle de l'Eglife , à Paris , chés
Chaubert , Huart , Moreau fils , la veuve
Brocas , Aumont , David , fils aîné , Durand
rue S. Jacques , & Piget , Quai des Auguf
tins .
NOUVELLE EDITION de Gilblas
JANVIER. 1748. 143
de Santillane , à Paris , chés Ganean , Libraire
, rue S. Jacques , vis-à- vis S, Yves ,
à S. Louis.
LES MEMOIRES de Maximilien de
Béthune , Duc de Sully , Miniftre de Henri
IV. Huit volumes in- 12 . chés le même
Libraire.
Le même va donner inceffamment Effai
fur la Marine des anciens ; & particulierement
fur les vaiffeaux de guerre , par M.
Deflandes volume in- 12 .
LA VIE de S. Charles Borromée , par.
M, Godean , Evêque de Vence. Nouvelle
Edition , à Paris , au Palais , chés Grangé,
LA DISSERTATION fur l'incer
titude des fignes de la mort , & fur l'abus
des enterremens & embaumemens précipi
tés , avec le Mémoire préfenté au Roi fur
la néceffité d'un Reglement général ſur ce
fujet , par M. Bruhier , Docteur en Médecine
, qui fe débitoient chés Prault pere &
fils , ſe trouveront à préſent chés Debure
l'aîné , Quai des Auguftins .
DIALOGUE fur l'expérience des rémedes
indiqués dans le mémoire fur la
goutte , imprimé à Nantes , 1746 , dans
lequel on explique les principales difficultés
que peuvent propofer les Gouteux ; les
effets des remedes fuivant les differentes
conjonctures ; leurs propriétés & la manic
144 MERCURE DE FRANCE.
re de les appliquer , avec le nom des drogues
qui entrent dans leur compofition ,
à Nanies , chés la veuve de Pierre Maref
chal , Imprimeur du Roi , vis- à - vis le
Puits Lory , à la Vertu , 1747. Brochure
in- 12 , de 30 pages.
REFLEXIONs fur la Poëfie , par
M. Racine de l'Académie des Belles Lettres.
Tome IV. à Paris , chés Defaint &
Saillant , Libraires rue S. Jean de Beauvais
, 1747.
SUITE des Elémens de la Médecine
Pratique avec des differtations & des re
marques de Théorie & de Pratique , pour
fervir de prodrome à une hiftoire générale
des maladies , par M. Bouillet , de la Société
Royale des Sciences , Correfpondant
de l'Académie Royale des Sciences de Pa
ris , Docteur en Médecine de la Faculté de
Montpellier , Profeffeur Royal des Mathématiques
, Membre de l'Académie
Royale de Bordeaux , Sécretaire de celle
de Béliers , & Médecin des Hôpitaux de
la même ville . Tome II . A Befiers , chés
François Barbut , Imprimeur du Roi & de
P'Académie Royale des Sciences & Belles-
Lettres , année 1746 , in- 40 , de 166 pages.
RECHERCHES HISTORIQUES fur l'origine
& les progrès de la conftruction des Navires
des anciens,par M, Saverien, Ingenieur de
Marine ,
JANVIER. 1748. 145
Marine , à Paris , chés Chaubert , Quai
des Auguftins , 1747 , Brochure in- 4" . de
35 pages.
DISSERTATION fur la parole, où
non-feulement on déduit de leur origine
la voix humaine & l'artifice de la parole ,
mais on donne des moyens avec lesquels
des Sourds & Muets de naiffance peuvent
acquérir la parole , & ceux qui ont de la
difficulté de parler , peuvent corriger leur
défauts naturels pát M. Jean Conrad
Amman , Docteur en Médecine , à Amſterdam
, chés Jean Volters , petit in - douze
imprimé pour la premiere fois en 1700 .
9
SOPRA una Medaglia di Attalo Filadelfo
, èfopra una parimente d' Annia Fauftina
altre due Differtazioni compofte dal P.
Gior. Luca Zuzzeri della Compania di
Gefu , à Vénife.
COMMENTARIUS in San&tum Jefu
Chrifti Evangelium fecundum Matthaum
etiam collatum cum Evangelio Marci , Luca
Joannis in iis que habent communia nec non
in Sanctum fefu- Chrifti Evangelium fecundum
Marcum, Lucam & Joannem , feligen
do potiffimùm ea que hi habent propria prafertim
defumptus ex mirabilibus S. Auguftini
libris de confenfu Evangeliftarum , Maldonato
à Lapide , Tirino , littera inherendo
cum quibufdam è re natâ animadverfionibus
,
G
146 MERCURE DE FRANCE.
in Hareticos , exhibendo concordiam , intermifcendo
fenfus myfticos in litterâ latentes ;
varias lectiones , feriem Hiftoria , per P. Jacobum
Pirès Societ. Jefu , Sacra fcriptura
Profefforem , Lovani , Typis Martini l'an
Overbeke, 1747, in- 8 ° . de 624 pages.
Nous rendimes compte l'année paffé
d'un Journal de la Campagne de l'armée
du Roi dans l'année 1746 , ouvrage d'un
Militaire également diftingué par fon courage
& par fes lumiéres. Nous prédîmes
l'accueil que le public lui feroit , & le fuccès
a juftifié notre conjecture; nous fouhaitâmes
alors pour le bien public que la même
perfonne continuât un travail qui peut
être fi utile à tous les Militaires , & Pon
vient de publier en effet la Campagne de.
1747. Quoi de plus capable de fervir
de leçons à ceux qui voudront s'inftruire
dans le grand art de la guerre , que
T'hiftoire de ces glorieufes Campagnes ,
que
l'on peut hardiment comparer aux plus
-brillantes qui ayent jamais été faites , &
quelle obligation ne doit on pas avoir à
celui qui employe les momens de loifir
que lui laiffent fes travaux militaires, à faire
à fa patrie un préfent auffi précieux .
JANVIER.
1748. 147
Voici un avis qui nous a été envoyé par
M. de Voltaire.
1
Je fuis obligé de renouveller mes juftes
plaintes au fujet de toutes les éditions
qu'on a faites jufqu'à préfent de mes auvrages
dans les pays Etrangers. Ce feroit à
la vérité un honneur pour la Litterature de
notre Patrie que ces fréquentes éditions
qu'on fait ailleurs des livres François , fi
elles étoient faites avec fidélité & avec
foin. Mais elles font d'ordinaire fi défigurées
, on y mêle fi fouvent ce qui n'eft pas
de nous avec ce qui nous appartient , on
altére fi barbarement le fens & le ſtyle, que
çet honneur devient en quelque maniere
honteux & ridicule ; je ne fuis pas affûrement
le feul qui s'en foit plaint & qui ait
prémuni le public contre ce brigandage ,
mais je fuis peut-être celui qui ai le plus de
raifons de me plaindre. L'edition des Ledet
d'Amfterdam & celles , d'Arkftée &
Merkus font fur-tout pleines à chaque
page de fautes & d'infidélités fi groffieres
qu elles doivent révolter tout lecteur ; on
a même pouffé l'abus de la preffe jufqu'à inferer
dans ces éditions des piéces fcandaleufes
, dignes de la plus vile canaille . Je
me flate que le public aura pour elles le
même mépris que moi ; on fçait allés à
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
quel excès puniffable plufieurs Libraires
de Hollande ont pouffé leur licence . Ces
Livres auffi odieux que malfaits, qu'ils débitent
, & qu'ils regardent uniquement
comme un objet de commerce, ne font tort
à perfonne , fi ce n'eft aux lecteurs crédules
qui achetent imprudemment ces malheureufes
éditions fur leurs titres. J'ai crû
qu'il étoit de mon devoir de renouveller
cet avertiffement.
Ce 20 Janvier 1748 .
Le Chevalier Duhan de Roflaing vient
de fe remettre à l'Hiftoire de Chartres ,
qu'il avoit interrompuë , & il ¡prie le pu
blic éclairé fur les Antiquités Gauloifes ,
de continuer à l'aider de fes lumiéres .
C'eft à la veuve d'Houry rue de la Harpe à
Paris , & aunommé le Tellier Libraire à
Chartres , qu'il faut adreffer les mémoires.
Cette vafte Hiftoire du Pays Chartrain
fera relevée d'une ample differtation fur
les Druides ou les Sages de la Gaule , dont
parle Jules - Céfar dans fes Commentaires ,
faquelle ne fçauroit être que très- intéref
fante pour tout le Royaume.
On trouve chés Prault , pere , le Tableau
des Opérations de la Loterie Royale .
Prix fix fols.
JANVIER 1748. F49
PRIX d'Eloquence de Poëfie pour
Fannée 1748 .
LE
E 25 Août prochain Fête de S. Louis ,l'Aca
démie Françoife donnera le prix d'Eloquence'
fondé par feu M. Gaudron. Le fujet qu'elle propofe
eft : Les hommes ne fentent point affés combien
il leur feroit avantageux de concourir au bonbeur
les uns des autres. Il faudra que le difcours ne
foit tout au plus que d'une demie heure de lecture .
On ne recevra aucun Difcours fans un approba
tion fignée de deux Docteurs de la Faculté de
Théologie de Paris , & y réfidens actuellement,
Le même jour elle donnera le Prix de Poelie
fondé par M. de Clermont Tonnerre , Evêque &
Comte de Noyon , Pair de France , & l'un des *
Quarante de l'Académie. Le fujet fera : Les progrès
de la Langue Françoife Jous le Regne de Louis le
Grand.La piéce n'excedera point le nonibre de cent
vers ,& on y ajoûtera une courte priere à Dieu pour
le Roi , féparée du corps de l'ouvrage , & de telle
mefuré de vers qu'on voudra, Toutes perfonnes
feront reçues à compofer pour ces deux prix , excep
té les Quarante de l'Académie qui doivent en être
les Juges . Les Auteurs ne mettront point leurs
noms à leurs ouvrages ,, mais une marque ou un
paraphe, avec un Paffage de l'Ecriture Sainte pour,
les Difcours de Prófe , & telle autre Sentence qu'il
lear p'aira pour les piéces de Poëfie . Ceux qui
prétendront aux Prix font avertis que les piéces des."
Auteurs qui fe feront fait connoître, foit par euxmêmes
, foit par leurs amis , feront rejettées & ne
Concourreront point,& que tous Meffieurs les Aca- "
démiciens ont promis de fe recufer eux- mêmes
:
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
& de ne point donner leurs fuffrages pour les piéces
dont les Auteurs leur feront connus. Les Auteurs
feront auffi obligés de remettre leurs ouvrages
dans le dernier jour du mois de Juin prochain,
entre les mains de M. Coignard , Imprimeur ordinaire
du Roi & de l'Académie Françoife , rue faint
Jacques , & d'en affranchir le port, autrement ils
ne feront point retirés.
ESTAMPES NOUVELLES.
A veuve Limofin , demeurant ruë de Gêvres ,
a
jour deux Eftampes , dont l'une repréſente la Bataille
de Raucoux, & l'autre la Bataille de Lawffelt,
gravées par Guélard fur les deffeins faits fur le
lieu par le fieur Broüard.
On trouve auffi chés la même veuve la Bataille
de Fontenoy:
Le Sr Feffard , Graveur , vient de mettre en
vente trois nouvelles Eftampes repréſentant Biſalts
, Leda & les Nayades , gravées par Mad. Louiſe
D***, d'après les célebres Bouchardon & Pierre.
Ces Eftampes prouvent que les Dames pourroient
exceller dans cet art.
Le Sr Feffard demeure ruë de la Harpe , vis - àvis
la rue Serpente.
On vend chés le Sr Royer & Mad . Chereau , un
plan de la Ville de Dunkerque a vue d'oi
feau , gravé d'après un tableau du cabinet de M.
Taverne de Senefeure , & dedié à S. A. S. M. le
Duc de Penthiévre . Ce plan eft très - exact , fort.
bien gravé & mérite les fuffrages des connoiffeurs.
JANVIER. 1748. ISI
Le Sr Lebas , Graveur du Cabinet du Roi , vient
de mettre en vente une Eftampe repréſentant Le
Paifible Ménage, d'après le Tableau peint par Lallement,
gravée par P.Chenu, chés lequel elle fe trouve
auffi. Ces vers de M. Moraine font au bas.
Les pompeux bâtimens , les meubles précieux ,
Qui font faits pour flater l'orgueilleufe opulence ,
Ne font point des objets fi charmans à mes yeux ,
Que ccee ruftique ttooiitt ooùù regne l'innocence.
Avec plaifir j'y vois la vertueufe Hortenfe
Travailler à nourrir fes enfans , fon époux.
Au prix de ce féjour fi tranquille & fi doux ,;
Grandeur , tu n'es pour moi qu'une vaine appa
rence.
Le Sr le Rouge , Ingénieur Géographie à Paris ,
rue des Auguftins , vient de publier une nouvelle
Carte de la Zeelande , en neuf grandes feuilles ,
laquelle eft en très-grand point & fort détaillée
on en peut faire un petit volume in 8º . de 36 petites
Cartes pour la poche .
;
Il vient de paroître une nouvelle Carte , dont le
titre eft , La France dans toute fon étenduë , diviféc
en fes Provinces , avec partie des Etats qui avoi
finent ce Royaume , dreffée fur les Mémoires du
feur N.de Fer, & affujettie aux dernieres obfervations
aftronomiques par le fieur Parmentier. Elle fet
vend à Paris , chés des Bois,fils pofthume da Sr N.
de Fer , Pont Notre - Dame , à la Sphere Royale.
Cette Carte eft faite avec grand foin , & accom
pagnée de beaucoup d'ornemens. Elle eft de la
grandeur de deux feuilles grand Aigle.
Giiij.
152 MERCURE DE FRANCE.
དགུ @: འ ⊕ེ་ ❁༧༧
+
LE
SPECTACLES.
E Samedi trente Décembre le Con
cert de la Reine a exécuté l'acte de la
Fête de Diane , du Ballet des Fêtes Grecques
& Romaines ; les paroles font de M.
FuZelier , Auteur da Mercure de France ,
& la Mufique eft de la compofition de M.
de Blamont , Sur- Intendant de la Mufique
de la.Chambre du Roi.
Le Mardi 2 , Janvier les Comédiens
François ont joué le Menteur du fameux
Corneille , & le Mari retrouvé de l'ingenieux
Dancourt.
Le Jeudi fuivant ils donnerent la
Tragédie de Britannicus du tendre Racine
& Crispin Rival de fon Maître , Cō♣
médie de M. le Sage qui a plus combattu
le ftyle néologique par des exemples que
par des Epigrammes. On regrettera longtems
la perte d'un Auteur fr châtié , quoi
que fin & léger.
Le Lundi 8 on exécuta chés la Reine lé
Prologue & le premier acte de la Paftorale
héroïque d'Iffe , premier ouvrage dramatique
de M. de la Motte & de M. Deftouches
, Sur-Intendant de la Mufique de la
Chambre du Roi.
JAN VIER. 1748. 155
Le Mardi 9 les Comédiens François ont
repréfenté le Muet
Comédie en cinq
actes, de M. Palaprat, & Colin maillard , de
M. Dancourt .
Le Mercredi 10 on donna la Dame invi--
fible , piéce Italienne.
Le Jeudi 11 la Tragédie d'Electre fut repréſentée
; elle eft de M. Crebillon le pere ,
avec la famille Extravagante de MaleGrand.
Mrs. Jeliotte , le Page , la Garde , Godonefche
, d'Aigremont , Bazin & Miles
Chevalier, Mattieu ,Fel , Canavas & Godo
nefche ſe ſont diftingués dans les Concers .
L'Académie-Royale de Mufique a quitté
le Ballet de l'Europe Galante , pour donner
les Talens Lyriques , de M. Rameau . Il ne
falloit pas moins pour dédommager le pu
blic de ce qu'on lui ôtoit. On conti
nue d'aller en foule aux repréfentations
comme s'il s'agiffoit d'une nouveauté. As
une de fes repréſentations, lorfque M.Ra
meau parut , le public lui fit le même ac--
eneil qu'à fes ouvrages , & l'honora de
nombreux applaudiffemens. On prépare
Médée , Tragédie de l'Abbé Pellegrin , &
de M. Salomon ordinaire de la Mufique du
Roi.:
La Comédie Françoiſe a donné une
Tragédie nouvelle , intitulée Coriolan .
Nous en donneronsincelfamment l'extrait,
GUYA
154 MERCURE DE FRANCE.
il
ya plufieurs anciennes piéces qui pora
tent auffi ce nom-là. -
La Comédie Italienne a donné une piéce
Françoiſe en trois actes avec des divertiffemens
, appellée la Fermiere .
CHANSON.
B Acchus par fa douce liqueur ,
Cupidon par fa tendre flame ,
Verfent tour- à- tour dans mon coeur
Un plaifir fecret qui l'enflâme ;
Je ne fonge jamais au vin
Quand je fuis avec ma Maîtreffe,
Et quand je bois ce jus divin ,
Il a feul toute ma tendreffe.
ULLI
LIENARY
ASTOT
, LENOX
AND
TILDAN
FOUNDATIONS
.
THE
NEW
YORK
VIELU
UPRARY
.
UNOX
AND DAN
FOUNDATIONS
.
JANVIER. 1748. 155
A XJ6 : 500 500500 500 500 500
NOUVELLES ETRANGERES .
Q
ALGER.
Uelques-uns des mortiers dont le Roi de
Dannemarck a fait préfent au Bey étant de
fer , & le Bey ayant ftipulé dans fon traité avec fa
Majefté Danoile qu'on ne lui en enverroit que de
bronze , il les a renvoyés au Conful Danois en
lai faisant déclarer qu'il s'aftendoit qu'on lui accorderoit
fatisfaction fur cet article , & que fi on
la lui refufoit , il ne fe croiroit pas obligé de remplir
les engagemens pris par le traité. En confidé
ration de ce traité , il a fait reftituer le navire
Danois le Woodtfort commandé par le Capi
taine Difintown , qui fut arrêté le 9 du mois der
mier par deux vaiffeaux Algeriens fous prétexte
que le tems de fon paffeport étoit expiré : Il a été
réglé à cette occafion que les bâtimens Danois
qui navigent dans la Mediterranée auroient pour
faire renouveller leurs paffeports , un délai de fix
femaines après le tems pour lequel ces paffeports
leur auroient été expédiés , mais que s'ils n'avoient
pas cette précaution dans le terme preferit ils fe
roient déclarés de bonne prife. On a conduit dans
ce Port un navire Napolitain nommé la Conception
Miraculeufe. Ce bâtiment que commande le Ca
pitaine Nicolas Binolazo venoit de Londres , & il
avoit à bord avec une grande quantité de draps
& d'autres marchandifes , plufieurs préfens que
Roi de Suéde deftinoit au Bey & à la Régence.
Quoique les cailles dans lefquelles étoient renfer
Piés cès préfens , fullent adreffées au Conful de la
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
Nation Suédoife avec une fufcription qui mar
quoit leur destination , la Régence garde à titre
de capture ce qu'on lui refervoit à titre de préfent.
On l'a annoncé à ce Conful , en ajoutant que
Ja Cour de Suéde auroit dû ne faire embarquer
ces effets que fur des vaiffeaux appartenans à des
Puiffances qui fuffent en bonne intelligence avec
Jes Algeriens. Il y avoit fur le vaiffeau la Concep
tion Miraculeuse , dont la charge eft eftimée plus
de vingt mille ducats , divers paffagers François ,
Anglois & Hollandois auxquels le Bey a laiffé la
liberté .
Les avis reçus de Conftantinople portent qu'on
ya appris que le nouveau Roi de Perfe n'étoit pas
encore bien affermi fur le Trône , & que malgrét
le's efforts qu'il a faits pour fe concilier l'amitié de
Ja Nobleffe & du Peuple , la plupart des Provincest
étoient divifées en deur factions , dont une foutenoit
le parti d'un jeune Prince qu'elle prétend def-s
cendre des Sophis . Suivant les mêmes avis la Porte
fans fe déclarer pour l'une ou pour l'autre des deux»
factions , fe contente de l'avantage de jouir paifi
blement de fes dernieres conquêtes.
L
SUE DE
Es lettres de Péterfbourg marquent que M
de Zwart Envoyé Extraordinaire & Plénipotentiaire
des Etats Généraux des Provinces Unies
auprès de l'Imperatrice de Ruffie , eut le 29.
Décembre fa premiere audience de cette Princeffe
. Ces lettres ajoûtent que le lendemain tours.
ce qui regarde la marche du Corps de troupes ,
demandé à cette Princeffe par le Roi de la Grande
Bretagne & par la République de Hollande , a été .
églé dans une conférence que le Lord Hindford
JANVIER. 1748. IT
Zwart
Ambaffadeur de fa Majefté Britannique & M. de
ont eue avec le Comte de Beftuchef
Grand Chancelier de Ruffie. On a été informé
par les mêmes lettres que l'Impératrice de Ruffie
avoit envoyé ordre au Baron.de Korff fon Envoyé
Extraordinaite auprès du Roi de Suéde , de re
nouveller à ce Prince les affûrances du defit qu'elle,
avoit de vivre avec la Suéde dans une parfaite in
telligence.
Les nouvelles de Stockholm contiennent
les particularités fuivantes. Le Clergé , les Députés
des Villes & l'Ordre des Payfans , ont fixé
au 21 de Décembre la féparation de la Diette ,
Cette réfolution n'a pas encore été., approuvée par
l'Ordre de la Nobleffe, mais on croit qu'il ne s'y
oppofera point. Selon les apparences la Commit
fion établie pour juger les quatre Sénateurs accu
fés fera revoquée , & l'on renverra au Committé
fecret la décifion de l'affaire qui les concerne . Le
Roi de Suéde difpofera dans peu de la Charge de
Piéfident du Collège de la. Chancellerie . Il a accordé
le Régiment d'Infanterie de Weftermanie
à M. Samuel de Stiernield qui en étoit Lieutenant
Colonel , & un Brevet de Colonel au Baron de
Kalling.
On mande de Coppenhágue du 22 Décembre
qu'il a péri fur les côtes de ce Royaume quatre,
galiotes pentant la tempête du 12 , & & que le
vaiffeau le Fubnen a échoué. ainfi que la fregate.
le Fa'fter. Suivant les avis reçûs de Stockholm plus
Geurs membres de la Nobleffe ont propofé de
prolonger de quelques jours la durée de la Diette,
mais l'Ordre des , Payfans a fait de fortes repréfentations
pour que cette affemblée ſe féparât au
jour qui a été prefcrit , & ils ont été fecondés par
le Clergé & par le plus grand nombre des Députés .
15 MERCURE DE FRANCE.
des Villes . Ces avis ajoutent que les préparatifs
pour l'armement de la flotte du Roi de Suéde fe
Continuent avec toute la diligence poffible , &
que comme on a été informé qu'il fe faifoit en differens
Ports de la mer Baltique des enrollemens
de matelots pour les Puiffances Etrangeres , le
Gouvernement avoit défendu à tout Suédois de
s'engager dans le fervice de mer d'aucune Puiffance.
On a fçu par les mêmes avis que M. de
Rhodt , Envoyé Extraordinaire du Roi de Prufle ,
avoit remis le portrait de fa Majesté Pruflienne ,
enrichi de diamans , à chacun des fix Commif
faires , qui ont figné au nom du Roi de Suéde le
traité d'alliance défenfive conclu entre la Suéde &
la Pruffe. Ce Miniftre a fait auffi diftribuer cinq
cent ducats dans les Bureaux de la Chancellerie
de Suéde. Le Baron d'Ackerhielm a donné fa démiffion
de la charge de Grand Maréchal de la
Cour.
Les lettres de Pétersbourg marquent que le traité
par lequel l'Imperatrice de Ruffie s'eft engagée
à la requifition du Roi de la Grande Bretagne de
tenir fur les frontieres de la Livonie & de la Cur
fande un Corps de trente mille hommes prêt à
marcher, vient d'être renouvellé pour un an,& que
fes deux Punfances font convenues de ne rien
changer aux difpofitions faites l'année derniere par
rapport à la diftribution des quartiers de ces troupes.
Selon les mêmes lettres les ratifications du
dernier traité conclu par fa Majefté Impériale de
Ruffie avec fa Majefté Britannique & avec les
Etats Généraux des Provinces Unies , ne doivent
être échangées que le 30 de ce mois. On attend
inceffamment à Pétersbourg une remife de douze
cent mille forins à compte du fubfiddee que ces deux
dernieres Puiffances ont promis de payer à la Kuf
fie.
JANVIER. 1748. 159
&.
On apprend par les nouvelles de Stockholm
du 26 Décembre que malgré les repréſentations
d'une grande partie de la Nobleffe , la durée de las
Diette n'a été prolongée que de quatre jours , &
que le 27 jour fixé pour la "féparation de cette affemblée
, les quatre Ordres du Royaume s'étant
réunis en Corps dans la grande la falle du Palais ,
Te Roi s'y rendit avec les cérémonies accoûtumées .
Après l'office divin fa Majefté fe plaça fur fon
Trône , ayant à côté de lui le Prince Royal , & le
Maréchal de la Diette prononça fa harangue , qui
fat fuivie de celles des Orateurs des quatre Ordres.
Lorsqu'on eut fait la lecture des réfolutions de ia
Diette, le Roi fe retira . Les quatre Ordres allerent
enfuite par députation prendre congé de ſa Majefté
, & les Députés qu'ils avoient nommés pour
S'acquitter de ce devoir étant retournés dans la
falle où les Etats étoient affemblés , la Diette fe.
fépara. Le Roi fit le même jour au Maréchal de
la Diette & à l'Archevêque d'Upfal l'honneur de
les admettre à fa table , & la plupart des autres.
principaux membres des Etats ainfi que les Orateurs
, furent invités à dîner chés le Grand Maréchal
de la Cour. Les Etats ayant fait de fortes inf
tances pour que le Comte de Teffin acceptât la
charge de Préfident de la Chancellerie & la place
de Premier Miniftre qui y eft attachée , ce Seigneur
s'y eft déterminé , & il a prêté ferment entre
les mains de fa Majefté pour ces deux importans .
emplois. Quelques jours avant que la Diette fefoit
féparée , le Maréchal de la Diette & les Orateurs
des quatre Ordres eurent une audience du
Roi , dans laquelle ils le fupplierent au nom des.
Etats de nommer un Gouverneur au Prince
Guftave , & fa Majefté difpofa de cette place en
faveur du Comte de Teffin. La place de Sénateur
<
MERCURE DE FRANCE.
vacante par la démiſſion du Baron d'Ackerhielm ;
a été donnée à M. de Seth Secretaire d'Etat, ayant
le Département de la guerre , & le Baron de
Tauben a obtenu la charge de Grand Maréchal de
la Cour. Il a été remis aux Miniftres Etrangers par
M. de Guydickens Miniftre du Roi de la Grande
Bretagne , un Mémoire fur ce qui s'eft paffé lorfque
le Négociant Springer s'eftrefugié dans l'Hôtel
de ce Miniftre. Le Gouvernement de fon côté
a envoyé ordre au Miniftre de Suéde qui réfide à
Londres , de déclarer aux Miniftres de la Majefté
Britannique qu'on n'a point prétendu en poſant
des gardes aux avenues de la maiſon de M. de
Guydickens , donner aucune atteinte au Droit des
Gens , mais feulement garantir M. de Guydickens
·des infultes de la populace & empêcher l'évasion
du prifonnier , auquel il avoit accordé un afile. La
Sentence qui a été prononcée le 12 contre M.
Springer ayant été confirmée par les Etats du
Royaume , a été exécutée le 21 , & M. Springer fur
expofé au piloris pendant deux heures avec un écriteau
, portant qu'il a tâché de détruire la liberté
de la Nation ; que de plus il a tramé plufieurs entreprises
criminelles contre la Patre , & qu'il a
diftribué de l'argent pour les faire réuffir ; que par
une pareille conduite il avoit mérité felon les Loix
d'êtrepuni de mort , mais que le Committé fecret
a bien voulu lui faire grace de la vie . Quelque
attention qu'apporte le Gouvernement à réprimor
la licence des écrits , un Auteur anonyme vient
de répandre un libelle , dont le but est de donner
aux réfolutions prifes dans la Diette les interprétations
les plus malignes. Il y a quelques années
qu'il parut un autre écrit non moins féditieux
intitulé Lettre d'un Gentilhomme de Province àun
Gentilhomme de Stockholm. Cette pièce etant un .
>
JANVIER. 161"
4
1748.
tiffu de calomnies , elle fut brûlée à Stockholm
publiquement par la main de l'Exécuteur de la
Haute Juftice. On a été informé que cet ouvrage
fcandaleux a été réimprimé dans les Pays Etran
gers , & que même il en a été inféré des extraits
dans plufieurs papiers publics.
On écrit de Warfovie du 28 Décembre que plufeurs
couriers ont paffé par cette ville , en allant
de Péterfbourg à Vienne & à Drefde , & qu'ils ont
Jaiffé diverfes dépêches au Commiffaire qui réfide
Warfovie de la part de l'Impératrice de Rutfie.
Ces dépêches regardent la marche des troupes
auxiliaires que cette Princeffe s'eft engagée dé
fournir à fa Majefté Britannique & aux Etats Généraux
des l'rovinces-Unies , & qu'on affûre toujours
devoir traverser une partie de la Lithuanie &
de la Pologne pour fe rendre par la Moravie &
par la Boheme à leur deftination . On attend dans
peu les Commiffaires que les trois Puiffances doivent
envoyer pour régler avec ceux de la Répu
blique tout ce qui concerne le paffage de ces
troupes , & le bruit court que les ordres vont être
expédiés pour leur faire préparer des fubfiftances.
Quelques lettres de Ruffie marquent que la pres
miere Colonne de ces troupes arrivera fur la frontiere
de la Lithuanie le 25 de ce mois , mais
on doute qu'elles fortent de leurs quartiers avant
ee tems,l'échange des ratifications du traité defubfide
en conféquence duquel elles doivent marcher;
ue devant le faire que le 30 de ce mois. Il y a que
quelque tems que le Sultan Galga frere du Kan de
Grimée , eft parti fecrettement fans prendre congé
du Grand Général de la Couronne qui lui avoit
procuré un afile dans ce Royaume . On prétend
que ce Sultan eft allé à Conftantinople , fur l'avis »>
qu'on vouloit dépofer fon frère,& dans l'efperance
de fe faire choifir pour le remplacer
162 MERCURE DE FRANCE.
On mande de Péterfbourg du 28 Décembre que
les ordres ont été expédiés aux troupes deftinées à
paffer au fervice du Roi de la Grande Bretagne &
des Etats Généraux des Provinces-Unies , de fortic
inceffamment de leurs quartiers , & l'on s'attend
à recevoir bientôt la nouvelle qu'elles fe fontmifes
en marche vers les frontieres de la Lithuanie.
Le 21 le Lord Hindford , Ambaffadeur de fa Majefté
Britannique , reçut de Londres un courier
dont il alla fur le champ communiquer les dépêches
au Grand Chancelier. Ce courier a fait lon
voyage en dix-fept jours , ce qui fait préfumer
que les lettres dont il etoit chargé font d'une extrême
importance. L'Impératrice a fait préfent
d'une épée d'or garnie de diamans au Comte de
Beftuchef Rumin , qu'elle a nommé pour compli
menter la Reine de Hongrie fur la naiflance de
PArchiduc Pierre Leopold , & qui vient de partir
pour aller s'acquitter de fa commiflion. Cette
Princeffe a témoigné par un ſemblable préfent an
Comte Rafomowsky, Préfident de l'Académie des
Sciences , fa fatisfaction des foins qu'il s'eſt don
nés , afin d'empêcher que le dernier incendie ne fe
communiquât au bâtiment dans lequel cette Aca
démie tient fes féances. On découvre tous les jours
diverfes raretés qui ont échappé aux flammes , de
forte que le dommage ne fera pas à beaucoup près
auffi confidérable qu'on l'avoir cru. Le Corps des
Cadets s'eft diftingué par fon ardeur à arrêter les
progrès du feu , & on doit principalement à ce
Corps la confervation des manufcrits & du Cabi
net des médailles . L'intention de l'Impératrice
étant de faire conftruire un nouvel édifice pour y
placer fa Bibliothéque , fa Majefté Impériale a or
donné au Comte Rafamowsky de lui remettre un
otat des dépenfes qu'exigera cette entreprife.
JANVIER. 1748. 163
ALLEMAGNE.
Nous apprenons par les lettres de Vienne du Décembre que la Reine tint le 14 un
Confeil d'Etat pour déliberer fur les dépêches
d'un courier arrivé le même jour de Londres , par
lefquelles elle a appris que le Parlement de la
Grande Bretagne étoit difpofé à continuer de la
mettre en état de foutenir la guerre avec fuccès
fl'on ne peut parvenir à une paix folide & honotable.
Le 13 le Baron de Franckenftein reçût dự
Grand Duc de Tofcane au nom de l'Evêque
d'Eichftedt , ' Inveftiture des Fiefs poffedés par cet:
Evêque dans l'Empire. Il a été expédié des ordres
à plufieurs Régimens de fe tenir prêts à marcher
pour le rendre dans les Pays-Bas. Le Régiment de
Molck eft venu de Tranfilvanie afin de remplacer
celui de Collowrath qui doit partir inceffamment
pour l'Italie.
On mande de Drefde que le Chevalier Hambury
Williams , Miniftre du Roi de la Grande-
Bretagne auprès du Roi de Pologue Electeur de
Saxe , a regi ordre de fa Majefté Britannique de
demander le paffage par la Pologne pour les trente-
cinq mille Ruffiens que la Grande Bretagne &
la République des Provinces - Unies doivent pren--
dre à leur ſervice . Les nouvelles de Vienne por
tent que le 13 la Reine de Hongrie fit l'honneur
au Feldt-Maréchal Comte de Konigleg qui eft
indifpofé , de fe rendre chés lui afin de le confulter
fur quelques affaires importantes . On affûre que
cette Princeffe a réfolu de faire affembler cette
année fur la Mofelle une armée dont le Prince
Charles de Lorraine aura le commandement . Les
nouveaux Corps de Croates & d'Efclavons defti
164 MERCURE DE FRANCE.
2
›
mar
nés à renforcer l'armée des Alliés dans les Pays-
Bas ont reça ordre de fe mettre en
che. Sa Majesté Hongroife a demandé à tous
les Commandans des différens Corps de fês troupes
un état exact de ce dont ces Corps peuvent
avoir befoin. Les Miniftres de cette Princeffe font
occupés à chercher les moyens d'augmenter confidérablement
fes revenus , & ils délibererent fur
un Mémoire que le Comte de Haugwitz a prés
fenté , & par lequel il paroît que les Provinces de
Stirie , de Carinthie & de Carniole , peuvent payer
quatre cent cinquante mille förins - au- delà des
fommes qui leur font impoféés. Suivant les mê
mes nouvelles on a reçu avis de Conftantinople
que le Pacha de Bagdad étoit mort , & que le
Reys Effendi avoit été obligé de fe demettre de fa
charge.
On écrit de Vienne du 36 Décembre qu'il le
tint le 28 de ce mois en préfence de la Reine &
du Grand Duc de Tofcane un Confeil extraordi
naire , après lequel on envoya de nouvelles inf
tructions aux Miniftres qui réfident de la part del
cette Cour auprès des Cercles . Le lendemain le
Cointe de la Roque , Lieutenant Général des ar
mées du Roi de Sardaigne , & qui eft venu à
Vienne pour exécuter une commiffion de ce
Prince, eut une audience particuliere de fa Majefté
Depuis il a conferé plufieurs fois avec le Comte
Uhlefeld au fujet des arrangemens à prendre
poir les opérations de la campagne prochaine
d'Italic . Suivant un état qui paroît de la réparti
tion des troupes de la Reine dans la Lombardie
ily a vingt- deux bataillons dans le Mantouan
vingt- trois entre Milan & Afti , dix-huit dans le
Modénois , feize aux environs de Novi , & huit
far le territoire de la République de Génes le long
gh?
JANVIER, 165 1748
de la riviere du Ponent , ce qui compofe enfemble
quatre-vingt-fept bataillons. On continue d'affûrer
que le Prince Charles de Lorraine comman
dera ɔɔɔ année une armée fur la Mofelle ou
fur le Rhin & il a effectivement donné ordre
de travailler à fes équipages. Sa Majeſté a nommé
les Officiers Généraux qui doivent fervit fous le
Comte de Browne , & l'on croit qu'il fera élevé
an grade de Feldt - Maréchal. Le Comte Leopold
de Kinsky , Grand Veneur de Boheme , doit fe
rendre à Drefde en qualité d'Envoyé Extraordi
naire de la Reine auprès du Roi de Pologne
Electeur de Saxe , le Grand Duc de Tofcane ayant
jugé convenable que le Comte de Sternberg qui
avoit été deftiné pour cette légation , demeurât
à Ratifbonne pour y exercer les fonctions de fon
Miniftre auprès de la Diette de l'Empire . Le bruit
Court que le Comte de Kaunitz Ritberg fera
Miniftre Plénipotentiaire de fa Majefté , non -feulement
au Congrès d'Aix -la Chapelle , mais encore
auprès des Etats Généraux des Provinces-
Unies . On attend inceffamment le Comte de
Barck Miniftre du Roi de Suéde , & M. de Geifdorff
qui doit venir réfider à Vienne en la même
qualité de la part du Roi de Pologne Electeur de
Saxe. Le Prince de la Tour Taxis , défigné Prin
cipal Commiſſaire du Grand Duc de Tolcane à la
Diette de l'Empire , s'eft rendu en cette ville le
25 ; il fur admis à l'audience de la Reine & à celle
de ce Prince . La femaine derniere le Prince de
Saxe Hildburfghaufen partit pour la Croatie , od
il va donner les ordres pour le départ des troupes
nouvellement levées dans cette Province Le
Corps de Croates qui revient d'Italie , & qui étoit
de trois mille hommes , fe trouve réduit à moins,
de douze cent. Le 28 on fit partir un grand nom
166 MERCURE DE FRANCE.
bre de foldats de recrues pour les Régimens d'Infanterie
qui font fous les ordres du Comte de
Browne.
Gundoacre , Comte d'Althan , Gonfalonier &
Baron de Goldburg , Chambellan , de la Reine
Feldt- Maréchal Général des armées de la Majefté,
Confeiller du Confeil d'Etat & du Confeil de
guerre , Gouverneur de Javarin dans le Royaume
de Hongrie & Colonel d'un Régiment de Dra
gons , mourut le 28 à Vienne , âgé de quatrevingt-
deux ans.
Les Députés des Cercles ont réglé les étapes
pour les nouvelles troupes que la Reine de Hongrie
envoye dans les Pays -Bas. On a appris que
plufieurs des Régimens de Cavalerie & de Dragons
de cette Princeffe qui étoient en quartiers
dans l'Electorat de Cologne , fe font mis en mar
che vers Maeftricht. Les lettres de Ratisbonne
marquent que les Etats du Cercle de Suabe dans
leur derniere affemblée , après de longs débats , ont
réſolu de nommer le Baron de Roth , pour affifter
aux conférences qui fe tiennent à Francfort entre
les Députés des Cercles antérieurs , mais que le
Duc de Wirtemberg & quelques autres Etats du
Cercle ont protefté contre cette réfolution . Ces
lettres ajoutent que le Miniftre Directorial de
Mayence a porté des plaintes à la Diette contre un
écrit qui a paru depuis peu , & qu'il prétend contenir
des réfléxions odieufes fur la conduite.de quelques
Cours d'Allemagne. Il a demandé que cet écrit
fut fupprimé & qu'on en punit l'Auteur.Suivant les
avis reçûs de Hambourg le Prince Frederic Augufte
de Holftein , Coadjuteur de l'Evêché de Lubeck
& Adminiftrateur du Duché de Holſtein ,
partir le 4 de ce mois pour Kiehl . On mande de
Drefde qu'il y efſt arrivé de Warſovie un courier
JANVIER. 1748. 167
avec des dépêches ,fur le contenu defquelles le
Roi de Pologne Electeur de Saxe a tenu un Confeil
auquel ont affifté les principaux Seigneurs Polonois
qui font à fa Cour. Le Comte de Befuchef,
ei-devant Envoyé de l'Impératrice de Ruffie auprès
de ce Prince , & qu'elle a nommé fon Mi,
niftre Plénipotentiaire auprès de la Reine de Hon
grie , a differé fon départ pour Vienne jufqu'à ce
qu'il foit informé qu'on a fait en Pologne les dif
pofitions néceffaires pour le paffage des troupes
Ruffiennes.
Les nouvelles de Berlin portent que.le 30 du
mois dernier fur les fept heures du foir la Princeffe
de Pruffe étoit accouchée d'un Prince , & qu'auffi
tôt on avoit annoncé cet heureux évenement au
peuple par une triple falve de l'artillerie des remparts
; que le lendemain leurs Majeftés Pruffiennes
avoient reçû , ainfi que le Prince de Pruffe , les
complimens des Seigneurs & des Dames de la
Cour , & quele Roi de Prufle avoit quitté ce jourlà
à l'occafion des rejouiffances publiques le deuil
qu'il a pris pour la mort de la Ducheffe Douairiere
de Brunſwick Wolfenbuttel ..
Les nouvelles de Vienne portent qu'il s'eft
tenu le 6 Janvier au matin en préſence de la Reine
& du Grand Duc un Confeil , auquel le Comte de
la Roque Lieutenant Général des arméesdu Koi de
Sardaigne , & qui eft venu exécuter une commiffion
de ce Prince , a affifté. Ce Comte a de fréquentes
conférences avec les Miniftres de faMajefté , &
les en fortant de chés le Comte d'Uhlefeld , il dé,
pêcha un courier à Turin. La Reine a accordé le
Régiment de Dragons dont le feu Comte Gundo
cre d'Althan étoit Colonel , à l'Archiduc Jofeph,,
qui porta le 31 du mois dernier l'uniforme de ce
Régiment. Sa Majesté a difpofé du Gouvernement
65 MERCURE DE FRANCE.
de Javarin , l'un des plus confidérables du Royau
me de Hongrie en faveur du Prince Charles de
Lorraine. Ce Prince continue de faire travailler
avec toute la diligence poffible à fes équipages ,
& le bruit court qu'il partira au commencement
d'Avril , pour aller prendre le commandement de
Parmée que la Reine fe propofe de faire aſſembler
fur le Rhin ou fur la Mofelle. Le Gouvernement
reçût le s un courier de Péterfbourg , avec avis
que l'Impératrice de Ruffie avoit envoyé aux
troupes , qu'elle s'eft engagée de fournir au Roi
de la Grande Bretagne & à la République des
Provinces -Unies , les derniers ordres de fe mettre
en marche. Auffi - tôt on donna part de cette nouvelle
au Miniftre de fa Majefté Britannique & à
celui des Etats Généraux , & après une conférence
qui fe tint le même jour , on fit partir des couriers
pour la Boheme & pour la Moravie , Les Etats de
la Baffe- Autriche ont confenti de payer tous les
fubfides extraordinaires qui leur ont été demandés .
On parle d'un emprunt de huit millions de florins
que fa Majefté a deffein de faire au Clergé & à la
Nobleffe des Pays Héréditaires , afin de fubvenir
aux frais de la guerre. La Nation Hongroife
ayant offert un nouveau don gratuit , fi la Reine
vouloit permettre le libre exercice de la Religion
Proteftante dans toute l'étendue de la Hongrie
& fi elle fupprimoit les droits établis fur les marchandifes
& les denrées qui fortent du pays , on a
déliberé fur cette propofition , & il y a apparence
qu'eu égard aux circonftances les Hongrois obtiendront
ce qu'ils défirent. Le départ du Comte
de Kaunitz- Ritberg pour Aix-la - Chapelle eft encore
differé . Ces jours derniers de Comte de
Fitzthum eft arrivé en cette ville , d'où il doit fe
rendre à Naples pour y réuider en qualité de Mfniftr
JANVIER. 1748. 169
iftre du Roi de Pologne Electeur de Saxe. Il eft
parti depuis peu de Prague mille hommes de recrues
pour l'Italie , & l'on écrit de Boheme que
le Régiment de Vieux Wolfenbuttel , qui eft à
Sokonitz , prendra bientôt la même route. Les
Officiers Généraux qui ferviront en Lombardie
pendant la campagne prochaine fous les ordres
du Comte de Browne , feront le Comte de Konigfeg
, le Marquis Piccolomini , M. Keil , le Comte
Novati , le Baron de Neuhaufen & M. de Barbon ,
Lieutenans Feldt -Maréchaux d'Infanterie , le
Comte Nadafti , le Baron, de Luchefe , le Marquis
Serbelloni & le Marquis Pertufati , Lieutenans
Feldt-Maréchaux de Cavalerie , Meffieurs
Harſch , Hinterer , Baron d'Andlau , Melichau
Comte de Colloredo , Andreafi , Sprecher , de
Lnzen , de Saint André , de Tzock , Chevalier
Marini , Marquis de Clerici , Prince Jofeph Efterhazi
& de Macquere , Majors Généraux d'Infanterie
; Koll , Rottern , O Donell & le Comte de
Daun , Majors Généraux de Cavalerie.
>
On croit que le Roi de Pologne Electeur de
Saxe a réfolu de former un camp fur la frontiere
de la Luface , & qu'on expédiera bientôt les ordres
pour la marche des troupes qui doivent s'y
aſſembler. Le 7 de ce mois le Gouvernement dépêcha
au Grand Général de Lithuanie un courier
dont on croit que les dépêches regardent la demande
du paffage des troupes Ruffiennes par la
Pologne, On affûre que le Roi fe rendra à Warfovie
dans le mois de Mai prochain , & que le
Prince Xavier fe difpofe à voyager dans divers
pays étrangers. Le Baron de Wedel eft attendu à
Drefde en qualité de Miniftre du Roi de la Grande
Bretagne comme Electeur de Hanover.
On écrit de Berlin que fur l'avis que les troupes
H
170 MERCURE DE FRANCE.
Ruffiennes , qui doivent entrer au fervice de fa
Majefté Britannique & de la République de Hollande
pafferont fur les confins de la Siléfie & par
la Moravie , le Roi a pris la réſolution de faire af
fembler trois Corps de troupes , l'un dans les environs
de cette Capitale , l'autre en Siléfie & le
troifiéme vers la frontiere du Conté de Glatze
En conféquence fa Majefté a mandé le Duc de
Wirtemberg Oels Gouverneur de Breslau , & le
Comte de Muncho Préfident du Confeil de
Régence de Silefie , afin de leur donner les ordres
fur les mesures qu'il convient de prendre pour
prévenit les inconvéniens qui pourroient naître
du paffage de troupes étrangeres dans le voifinage
de cette Province . Le Roi ayant été inftruit qu'il
croifoit fur la côte d'Ooft Frife un vaiffeau de
guerre Hollandois , lequel vifitoit les bâtimens
Pluffiens qu'il rencontroit , fa Majefté en a fair
porter des plaintes aux Etats Généraux des Pro
vinces- Unies par M. d'Ammon fon Miniſtre à la
Haye , & elle lui a envoyé ordre de leur déclarer
que s'ils ne faifoient retirer ce vaiffeau , elle feroit
obligée d'avoir recours à des moyens efficaces
pour procurer à fes Sujets la fûreté & la liberté de
la navigation.
AS WROTE A INT C
On apprend par les lettres de Hambourg que
M. de Deftinon Confeiller Privé du Roi de Pruffe ,
& fon Réfident en cette ville , a notifié aux Magiftrats
, ainfi qu'aux Miniftres Etrangers , la naiffance
du Prince dont la Princeffe de Pruffe eft accouchée.
Il a donné à cette occaſion une trèsbelle
fête à laquelle toutes les perfonnes de confi
dération ont été invitéés. On continuë de faire
avec fuccès dans cette ville & dans les environs
des levées de foldats pour les Etats Généraux des
Provinces- Unies. Les Princes de Schwarfbourg
W
20
JANVIER. 1748. 175
fe font engagés à fournir deux Régimens à cette
République. On écrit de Coppenhague quelle ,
de ce mois il y a eu un grand incendie , & que
l'Hôtel du Comte de Hoften Chancelier de Dan +
nemarck a été entierement . réduit en cendres .
Les lettres de Stockholm marquent que les Etats
du Royaume de Suéde , avant que de ſe ſéparer ,
ont fait préfent de vingt mille écus au Baron
Ungern de Sternberg qui a été Maréchal de la
Diette , & de huit mille à la Comteffe de Strom .
feld ci-devant Gouvernante du Prince Guftave.
On a fçu par les mêmes lettres qu'il avoit été pu.
blié un Edit contenant un Réglement fort étendu
au fujet des nouvelles impofitions établies par les
Etats pendant leur derniere affemblée,
On mande de Duffeldorp que l'Electeur a or
donné de faire des levées de foldats dans le Pala→
tinat & dans les autres terres de fa domination
tant pour completter fes troupes que pour former
quelques nouveaux Régimens qu'il a réfolu de
mettre fur pied. Divers Corps doivent aller fe
pofter fur les frontieres afin d'empêcher les trou
pes Ruffiennes qui font à la folde de la Grande
Bretagne & des Provinces- Unies , de traverser les
Etats de l'Electeur . Seize cent des Croates , Eſcla
voniens & Pandoures , qui font partie de l'armée
des Alliés dans les Pays-Bas , ont voulu paſſer par
le Palatinat en retournant dans leur pays , mais
ayant rencontré un cordon de deux mille hommes
que P'Electeur avoit formé pour s'opposer à leur
deffein , ils ont pris leur route par l'Oderwalt.
Suivant les nouvelles de Coblentz le Comte de
Cobenzel , Miniftre du Grand Duc de Tofcane
auprès des Cercles , y arriva le 7 de ce mois , & le
lendenvain il eut une audience particuliere de l'Electeur
de Trêves , qui il a demandé le paffage
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
pour quelques troupes de la Reine de Hongrie
Les mêmes avis portent que l'Electeur de Trêves a
défendu fous des peines très-rigoureufes de faire
fortir des grains de fon Electorat.
GRANDE BRETAGNE,
N écrit de Londres du 22 Décembre que la
Chambre des Communes décida le 15 de ce
mois qu'il feroit levé fix millions trois cent mille
livres sterlings par des Annuités , dont l'interêr
feroit payé fur le pied de quatre pour cent ; qu'à
chaque cent livres sterlings qui feroient foufcrites,
il feroit ajouté un capital de dix livres fterlings
lequel feroit employé en une Lotterie dont les
billets feroient de cette valeur , & porteroient le
même interêt que les Annuités ; que les interêts de
ces Annuités & de ces billets ne commenceroient
à courir qu'au 29 du mois de Septembre de l'année
prochaine , que les Soufcripteurs feroient tenus
de dépofer le 23 du mois préfent , dix pour cent
entre les mains des Caiffiers de la Banque ; que
ceux qui payeroient dès cette année les fommes
pour lesquelles ils auroient foufcrit , recevroient
cinq pour cent d'interêt , & que les fommes qui
feroient remifes aux Caiffiers de la Banque , feroient
portées au Bureau de l'Echiquier. Le même
jour la Chambre lut pour la premiere fois le Bill
pour naturalifer les Proteftans Etrangers. Elle approuva
le lendemain la réfolution prife d'établir
de nouvelles Annuités . Dans la même féance , elle
confirma la claufe inferée dans le Bill concernant
la continuation des droits fur les boiffons fortes ,
fçavoir que le Roi pourra emprunter fept cent
cinquante mille livres fterlings fur le fond d'amortiffement.
Le 22 elle pafla ce Bill , & elle fit
la lecture des Requêtes des Entrepreneurs de
JANVIER. 173 1748 .
diverfes manufactures. Le Roi doit fe rendre à la
Chambre des Pairs pour donner fon confentement
à plufieurs Bills tant publics que particuliers. On
affûre que le Parlement fe propofe de rembourfer.
les habitans de la nouvelle Angleterre de toutes
les dépenfes qu'ils ont faites , tant pour la prife du
Cap Breton que pour des levées de foldats , & même
d'accorder des gratifications à ceux qui ont
montré le plus de zéle en cette occafion , & que
cet objet coûtera plus de huit cent mille livres fterlings.
On reçoit de tons côtés des nouvelles des
naufrages & des dommages caufés par la tempête
du 12 de ce mois . Les lettres de la Jamaïque mar
quent que les Corfaires ennemis ont enlevé depuis
peu dans les Parages voifins plus de trente navires
Anglois qu'ils ont conduits à Saint Domingue.
On commence à croire que l'affaire du Capitaine
Fox prendra un tour favorable , & qu'il fera déchargé
de l'accufation intentée contre lui. Sa Majefté
a difpofé de la place de Député Lieutenant
de la Tour en faveur de M. Richard White , qui
eft remplacé par M. Richard Rainsford danstelle
de Major de cette Forterefle. M. Thomas Whithe
a obtenu la Lieutenance Colonelle du Régiment
de Tirawley , dont la Majorité a été donnée à
M. Edouard Monby. Le Feldt- Maréchal Wade eft
dangereufement malade.
Le 27 le Roi fe rendit à la Chambre des Pairs
avec les cérémonies accoûtumées , & ſa Majefté
ayant mandé la Chambre des Communes , douna
fon confentement au Bill concernant les droits fur
le Malt , & au Bill pour naturalifer Meffieurs
Céfar & Charles de Miffy. La Chambre des Communes
ordonna le 22 de porter un Bill , afin d'empêcher
qu'il ne fe fafle dans la Grande Bretagne
aucune affûrance fur les vaiffeaux appartenans aux
Hj
174 MERCURE DE FRANCE.
François . Le 25 la Chambre réfolut de pourvoir
plus efficacement aux moyens de foulager les pau
vres. Elle examina le lendemain les faits allégués
contre l'élection de Meffieurs Lafcelles Medcaffe .
& Guillaume Sloper , Membres du Parlement
pour le Bourg du Grand Bedwin dans le Comté
de Wiltz , & elle décida que cette élection avoit
été faite felon les loix . Cette Chambre reçut le
17 une Requête du Commun Confeil de cette
ville contre le Bill pour naturalifer les Proteftans
étrangers. On parle d'un nouveau Bill par lequel
il fera défendu , fous de rigoureufes peines , de
fournir à la France aucunes munitions de bouche
eu de guerre. Le Roi a accordé à M. Herbert le
Régiment d'Infanterie dont M. Price étoit Colonel
, & à M. Lafotay celui qu'avoit M. Herbert .
Sa Majefté a difpofé de la Lieutenance Colonelle
du Régiment de Dragons de Marcx Kerr en faveur
de M. Jonathan Driver , & elle a nommé
Meffieurs Alexandre Dury & Charles Ruffel Majors
du premier & du fecond Régiment des Gardes
pied. Le Lord Robert Manners & M. Jean
Moltyn ont été faits Adjudans du Roi . Le commandement
de la chaloupe de guerre l'Onflowe
de dix - huit canons , nouvellement conftruite a
Chatham , a été donné par les Commiffaires de
l'Amirauté au Capitaine Ainfcomb. Ces Com
miffaires ont ordonné de convertir en chaloupes de
guerre des brulots Eclair , l'Ethna, le Vefuve & le
Vulcan , ainfi que la galiotte à bombes la Comette.
Le vaiffeau de guerre l'Anglefen commandé par
le Capitaine Duff , conduifit le 8 à Kenſale un
Corfaire de Saint Sébastien , nommé l'Extravagant ,
de cent dix hommes d'équipage , dont il s'eft emparé
le 6 à quarante lieues au Sud Oueft du Cap
Clear. On a appris que le vaiffeau de guerre le
JANVIER 1748. 175
Hambourg en revenant de la mer Baltique , avoir
enlevé quatre Corfaires de Dunkerque , de Calais
& de Boulogne , avec lefquels il a relâché le 21
Newcaſtle. Il a effuyé le 7 une tempête qui a
duré deux jours & deux nuits , & qui l'a féparé
d'une flotte de cent trente navires de Marchands ,
à laquelle il fervoit d'eſcorté avec trois autres
vaiffeaux . La Capitaine O Hara Commandant dy
vaiffeau de guerre le Gofport qui eft arrivé le 27
d'Antigoa à Portsmouth , a rapporté qu'un fecond
Ouragan , auffi violent que le premier , s'étoit fait
fentir le 13 du mois d'Octobre dans toutes les Ifles
fous le vent , & que de tous les bâtimens qui s'y
étoient trouvés ſur les côtes , il ne s'en étoit ſauvé
que fept qui avoient fait voile de conferve avec
lui , mais dont il avoit été féparé depuis par divers
coups de vent, 11 eft entré dans le Port de Plymouth
une flotte marchande venant du Cap Breton
ſous l'eſcorte du vaiffeau la Panthere. Les
trois navires de la Compagnie des Indes Orientales
qui étoient à Limerick en Irlande , fe font
rendus aux Dunes d'où on les attend inceffam
ment dans la Tamife. On n'a aucunes nouvelles
des deux autres bâtimens qu'ils ont rencontrés au
Cap de Bonne-Efperance , & qui appartiennent à
la même Compagnie . Un Corfaire François s'eft
rendu maître de huit navires de Philadelphie , de
la Jamaïque & de la Virginie , & un pacquetbot
qui revenoit d'Amérique en Angleterre , a fait
naufragé dans la Rade de Nevis. Le 25 le Géné
ral Hawley fit dans la Commune de Croydon la
revue de fon Régiment de Dragons . Les lettres
d'Ecoffe marquent qu'on a pris les mesures nécef- ..
faires pour tenir la milice d'Edimbourg en état de
fervir utilement dans les circonftances. On doit
acheter par ordre du Gouvernement un grand
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
nombre de chevaux pour la remonte de la Cava
letie Angloife qui eft dans les Pays - Bas . On
a amené de Portfimouth cent cinquante déferteurs ,
dont la plupart font de nouvelles recrues . Le 22
le Margrave de. Bade Doutlach , le Baron de
Solenthal , Ambaſſadeur du Roi de Dannemarck &
le Comte de Lincoln , furent reçûs Membres de la
Societé Royale . En conféquence d'un Bill porté
par le dernier Parlement il a déja été payé plus de
cent mille livres fterlings pour indemnifer les Propriétaires
des bêtes à cornes mortes de la maladie
épidémique. Cette maladie commence à caufer
beaucoup moins de ravages dans la Grande Bretagne.
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud
font à cent , celles de la Banque à cent vingt , ſept
huitiémes ; celles de la Compagnie des Indes
Orientales à cent foixante - deux & demi , & les
Annuités à quatre -vingt quatorze & demi.
On écrit du 29 que ce jour la Chambre des
Communes fit la premiere lecture du Bill qui défend
aux fujets du Roi de faire pendant le cours
de la préfente guerre aucunes affûrances fur des
navires François & fur les effets dont ils feront
chargés. Cette Chambre s'étant enfuite formée
en grand Commirté , a réfolu d'accorder à fa Majefté
cinq cent mille livres fterlings , pour acquit
ter une pareille fomme levée par un acte du dernier
Parlement , & hypotéquée fur le fubade de
cette année . Il a été accordé en même tems cinq
cent foixante & onze mille huit cent vingt- fept
livres fterlings pour les non valeurs du fubfide
de l'année derniere. La Chambre a ordonné
que
les perfonnes qui ont foufcrit pour les nouvelles
Annuités , fourniroient chaque mois , à commençer
du premier du mois prochain jufqu'au premier
JANVIER . 1748. 177
1
Septembre , la huitième partie des fommes pour
lefquelles elles ont fouferit. La Requête préfentée
par le Commun Confeil de cette ville contre
le Bill pour naturalifer les Proteftans étrangers
, doit être examinée dans un Committé particulier
. Il eft dit dans cette Requête que ce Bill
cauferoit un préjudice confidérable aux Bourgeois
de Londres ; que par-là ils feroient privés en partie
des droits de paffage & des autres impofitions
qui fe levent fur les marchandifes appartenantes
à des étrangers ; que ces droits ont été accordés
par plufieurs Rois & confirmés par divers actes du
Parlement ; qu'un femblable Bill ayant été propofé
fous le Regne de Guillaume III , avoit été
rejetté fur le champ ; qu'à la vérité il avoit paffé
fous la Reine Anne , mais que peu après il avoit
été revoqué. Les Commiffaires de l'Amirauté ont'
envoyé ordre à l'Amiral Chambers de mettre inceffamment
à la voile avec l'efcadre qu'il commande.
On dit qu'il doit fe joindre à l'efcadre
Hollandoife commandée par le Vice- Amiral
Schryver , & agir conjointement avec ce Vice-
Amiral contre les François . Le Gouvernement fair
embarquer une grande quantité de munitions de
guerre pour les garnifons de Gibraltar & de Pore
Mahon . On a fçû par les équipages des navires
arrivés depuis peu de l'Amérique qu'un vaiffeau
du Roi s'eft emparé d'un bâtiment Hollandois
richement chargé , qui alloit de Cadix à la Vera
Crux & qui a été conduit a la Caroline. Le Ca
pitaine Maubreri a fait fur les Espagnols une prife
très- considerable , & l'on dit que chaque matelot
du vaiffeau de ce Capitaine aura pour fa part plus
de quarante livres fterlings. Le navire le Prince
Guillaume qui faifoit voile pour la Jamaïque , a été
enlevé par les ennemis & mené à la Havane.
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
"
PROVINCES - UNIES .
29 Décembre que
ON mande de la Haye duzy Deeroientles
conférences d'Aix- la Chapelle font entierement
levées, & que l'on efpére que celles concernant la
formule des paffeports des Miniftres Plénipotentiaires
des Puiffances refpectives le feront bientôt.
La médiation du Roi de Portugal proposée par la
Cour de Madrid , n'a pas encore eté acceptée par
le Roi de la Grande Bretagne , mais il y a apparence
que ce ne fera point un obftacle à l'ouverture
des conférences , & l'on ne doute prefque
plus que le Miniftre Plénipotentiaire de fa Majeſté
Britannique & ceux de la République ne fe rendent
à Aix- la- Chapelle avant la fin du mois prochain.
On a reçû avis que le Canton de Berne
avoit réfolu de fournir aux Etats Généraux un
Corps de deux mille cinq cent hommes , en conféquence
d'un traité conclu en 1712 avec ce
Canton. Il y a une négociation entamée auprès
du Duc de Brunfwick Wolfenbuttel pour l'enga
ger à prêter à l'Etat fix mille hommes de troupes
auxiliaires , & l'on parle d'un autre Corps qui fera
fourni par le Duc de Meckelbourg. Le Comte de
Sandwich , Miniftre Plénipotentiaire du Roi de la
Grande Bretagne , reçut de Péterfbourg le 25 de
ce mois un courier qu'il fit partir le lendemain
pour Londres. Ce courier eft chargé du traité qui
a été figné à Péterfbourg le 30 du mois dernier ,
& par lequel trente - cinq mille hommes de troupes
Ruffiennes doivent paffer à la folde du Roi de la
Grande Bretagne & des Provinces -Unies . On a
fçû par le même courier que l'Impératrice de
Ruffie paroiffoit déterminée à renouveller pour
un an le traité conclu au mois de Juin entre les
JANVIER . 1748. 179
Cours de Londres & de Pétersbourg , & fuivant
lequel cette Princeffe eft obligée de tenir fur les
frontieres de la Livonie & de la Curlande un Corps
de trente mille hommes toujours prêt à marcher.
Les Etats de Hollande & de Weftfrife ont pris la
réfolution d'établir une Lotterie qui fera compofée
de cinq mille billets , & dont chaque billet
fera de huit cent foixante florins . Il y aura trente
tirages & autant de lots que de billets . Le principal
lot fera de cent mille florins , le fecond de cinquante
mille & les moindres de mille . Selon les
lettres de Middelbourg les Etats de Zélande ont
ordonné de lever le cinquantiéme denier de lamême
maniere qu'il a été levé dans la Province
de Hollande. Le 23 le Prince Stathouder aſſiſta à
l'affemblée des Etats de Hollande & de Weftfrife ,
& il leur annonça que la Princeffe de Naffau étoit
dans le feptiéiné mois de fa groffeffe . Les Députés
de la Province d'Over- Iffel , ayant à leur tête le
Baron de Huffel Sénéchal de Zaalland , eurent le
même jour une audience de ce Prince , & ils lui
renirent le Diplôme , par lequel les Etats de leur
Province ont déclaré le Stathoudérat héréditaire
dans les lignes maſculine & feminine de la Maiſon
de Naffau Dieft.
Les Etats Généraux viennent de donner un
nouveau décret , qui défend à tous les fujets de la
République de tranfporter de ces Provinces ou
d'autres Etats & Royaumes , dans les Illes , Villos
ou Places appartenantes au Roi de France , en
Europe ou ailleurs , aucuns chevaux , aucunes armes
, foit offenfives foit défenfives , ni aucunes
autres marchandiſes prohibées , telles que falpêtre,
foufre raffiné & non raffiné , mats , vergues , core
dages , ancres , poix , goudron & toute forte de
bois propres à la conftruction des vaiffeaux , fous
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
peine d'être panis avec la dernière rigueur. Il est
ajouté dans le même décret que les Etats Généraux
fe croyent autorisés par le Droit commun &
par ce qui fe pratique entre les nations , à faifir &
à enlever comme de bonne prife tous les effets de
cette nature deftinés pour tes Ports de France ,
quoique chargés fur des navires étrangers ; que
cependant pour ce qui regarde les fujets des Puif
fances amies on neatres , on ne réputera pour
marchandifes de contrebande que celles qui auront
été déclarées telles dans les traités conclus
par la République avec ces Puiffances , mais que
perfonne ne pourra embarquer dans les pays de la
domination des Etats Généraux aucune defdites
marchandifes pour les porter dans les Etats des
Puiffances ci- devant indiquées , fans avoir pris les
précautions prefcrites par le décret du 31 du mois
d'Août dernier ; que les fujets de la République
& , ceux des Puiffances amies ou neutres , ainfi
que ceux des autres Fuiffances qui voudront aller
en quelque endroit que ce foit , ou qui en revien
dront , feront tenus de naviger en pleine mer , &
que tous les navires qu'on trouvera fur les côtes
des terres & des Ifles dépendantes de la Couronne
de France feront arrêtés , à moins qu'il ne foir
prouvé qu'ils y ont été jettés par la tempête , que
les Commandans des vaiffeaux de guerre de l'Etat
& les Corfaires feront amener tous les bâtimens
qu'ils rencontreront en mer , qu'ils les obligeront
de leur montrer leurs paffeports , lettres de mer
& connoiflemens , & que fi ces bâtimens ont à
bord des marchandifes de contrebande on les conduira
en Hollande , qu'au refte le Gouvernement
recommande aux Commandans de fes vaiffeaux
auffi- bien qu'aux Corfaires , de fe conformer
exactement aux traités , & de ne donner aux Pui
JANVIER. 1748. 181
fances amies ou neutres aucun fujer légitime de fé
plaindre de la République. On a publié un autrè
décret , qui porte que les Etats Généraux étant
obligés d'empêcher autant qu'il eft poffible , qué
les Corfaires François n'infeftent les côtes du ter
ritoire de l'Etat , & n'entrent dans les rivieres
pour piller ou détruire les navires ou effets des
fujets de la République , il eft ordonné de punir de
mort toutes les perfonnes des équipages de ces
Corfaires , qui n'y étant point contraints par la
tempête oferont paroître dans les rivieres ou fur
les côtes , & qui ne fe rendront point aux premiers
navires par lefquels ils feront rencontrés . Il a paru
un troifiéme décret , par lequel il eft dit que les
fujets de la République qui armeront en courſe ,
ne feront point tenus de fournir le troifiéme hom
me de leur équipage , ainfi que l'ordonne le décret
du 12 du mois de Juin dernier , ni de payer la
fomme qu'il eft dit par celui du 6 Octobre que
donneront les Proprietaires de navires qui voudront
être difpenfés de cette obligation ; que les
équipages des bâtimens qui conduiront dans un
des Ports ou Rades du Département d'un des Colléges
de l'Amirauté un vaiffeau de guerre ou un
Corfaire François , recevront une récompente de
cent cinquante florins pour chacun des hommes ,
qui au commencement du combat fe feront trouvés
à bord du vaiffeau ennemi , & une pareille
fomme pour chacune des livres de balle dont fera
le calibre de chaque canon dudit vaiffeau , de forte
que fi la prife eft de quarante piéces de canon
tirant enſemble trois cent cinquante livres de balle,
& fi fon équipage eft de deux cent vingt hommes,
le Gouvernement accordera pour cette prife qua
tre-vingt- cinq mille huit cent florins ; que les ré
compenfes promifes auront lieu , quand même l'e
182 MERCURE DE FRANCE.
le
vaiffeau de guerre ou le Corfaire François feroit
entierement détruit , foit qu'il ait été coulé à fond
ou brûlé dans le combat , foit qu'il périffe de
maniere ou d'autre , après qu'on s'en fera rendu
maître , pourvu qu'une partie de l'équipage foit
amenée dans un des Ports de la République ; que
une prife venant à échouer , l'équipage trouve
moyen de fe fauver , alors ceux qui auront fait
cette prife ne pourront jouir que de la moitié de la
récompenfe qu'ils auroient obtenue dans les circonftances
énoncées ci- deffus ; que les armateurs
ne toucheront les gratifications ftipulées , & ne
pourront même difpofer de leur butin , qu'après
avoir fait déclarer leur prife légitime par un des
Colléges de l'Amirauté ; que ces Colleges n'adjugeront
aucune gratification qu'après que le
Capitaine , le Lieutenant & le Pilote du Corfaire ,
ainfi que les perfonnes auxquelles il appartiendra ,
& leur teneur de livres , auront déclaré fous ferment
que la prife aura été faite , fans qu'il y ait eu
directement ni indirectement aucune collufion
avec les François , que les foldats qui auront été
bleffés dans les combats donnés par les Corfaires
feront traités aux dépens de l'Etat , & que ceux
qui feront eftropiés , feront gratifiés de la moitié
de la récompenfe accordée par la République à
ceux qui fervent à bord de fes vaiffeaux de guerre ,
que pour animer les équipages des vaiffeaux de
guerre à caufer aux bâtimens François tout le
préjudice poffible , on leur abandonnera en entier
le vaiffeau dont ils fe feront emparés , de quelque
nature ou dénomination qu'il puiffe être , mais
qu'ils ne pourront point prétendre d'autre récom
penfe ; que fuppofé qu'un Corfaire reprenne
un vaiffeau appartenant à des fujets de l'Etat , if
jouira de la cinquième partie de la valeur de ce
JANVIER. 1748. 183
vaiffeau & des effets qui feront à bord , s'il le re
prend dans l'intervalle de deux fois vingt- quatre
heures après que ce bâtiment fera tombé entre les
mains des ennemis , & de la moitié , fi ledit bâtiment
a demeuré plus long-tems en leur poffef
fion.
: Les nouvelles de la Haye du 12 de ce mois portent
que le Comte de Chavannes, Miniftre du Roi
de Sardaigne , eut le 10 une audience particuliere
du Prince Stathouder , & conféra enfuite avec le
Baron de Groveftein Préfident de l'affemblée des
Etats Généraux. Il fe tint le même jour une autre
conférence entre le Marquis del Puerto Ambaffadeur
du Roi d'Efpagne , & quelques Députés de
la même affemblée. Sur la propofition faite par
Je Prince Stathouder , le Confeil d'Etat a accordé
une gratification aux troupes qui ont fervi pendant
la derniere campagne , fçavoir huit cent florins
à chaque Compagnie d'Infanterie , & trois
cent cinquante à chaque Compagnie de Cavalerie
& de Dragons. Conformement à une réfolution
prife le 28 du mois dernier , il fera donné indépendamment
de ces fommes , fix cent cinquante
florins à chaque Capitaine de Cavalerie & de Dragons
, & huit cent à chaque Capitaine d'Infanterie,
dont les Compagnies feront complettes avant le
premier du mois de Mars. Les Députés des Etats
de Hollande & de Weftfrife ont repris le 10 leurs
déliberations. Le Prince Stathouder a difpofé en
faveur de M. Befner de la place de Colonel Commandant
du Régiment de Hoolwerf qui eft en
garnifon à Hellevoet-Slays , & cet Officier est allé
fe faire secevoir en cetre qualité à la tête de ce
Régiment Plufieurs Généraux , qui s'étoient rendus
à la Haye , ont reçû ordre de retourner à
leurs départemens. Les Régimens Hanovriens de
184 MERCURE DE FRANCE.
Soubiron , de Middagten , de Kroig , de Hugo ,
de Kielmanfegg , de Brunck & de Munchow
auxquels on avoit diftribué des quartiers dans la
Province d'Over Ifel , font en marche fous les
ordres du Baron Sporck Major Général , pour aller
renforcer le cordon qu'on a formé du côté d'Ou-.
denbosch & de Gertrudenberg. Un détachement
de troupes legéres à la tête duquel étoit le Général
Haddich , attaqua le 31 un convoi qui alloit à
Bergopfoom , mais il ne pût que faire vingt pri
fonniers & enlever quelques bestiaux . On affûre
que la Compagnie de Commerce établie à Middelbourg
armera une fregate de trente- fix canons
& de deux cent foixante & dix hommes d'équipage
, pour courir contre les Corſaires & autres
bâtimens François , & qu'elle fera conftruire deux.
autres vaiffeaux de quarante canons pour la même
deftination .
Les Etats de Gueldres ayant réfolu de déclarer :
le Stathoudérat héréditaire dans les lignes mafculine
& feminine de la Maifon de Naflau Dieft
& de difpenfer le Prince de Naflau du ferment
qu'il prêta l'an 1722 en acceptant le Stathoudérat
de cette Province ,ils ont envoyé à la Haye des Députés
pour en donner part à ce Prince. Il eft venu
auffi des Députés de la ville de Zutphen pour lemême
fujet, & le 19 de ce mois ils eurent audience du
Prince Stathouder. La députation étoit compofée :
de Meffieurs Gerard Jean Van Santbergen , Lam-.
bert Welmers , Jean- Albert Willinck , Gerard
Haefebroke , Herman Schomager & Arnold -Jufte .
Waegenaar. Le même jour. le Prince Stathouder
fe rendit à l'affemblée des Etats Généraux , & alfifta
enfuite au Confeil d'Etat. Le Comte de
Sandwich , Envoyé Extraordinaire & Plénipotentiaire
du Roi de la Grande Bretagne , eut le même
JANVIER 174S .. 185
jour une conférence avec quelques Députés de
l'affemblée des Etats Généraux , ainfi que le Baron
de Reifchach,Miniftre Plénipotentiaire de la Reine
de Hongrie. Les Députés des Collèges de l'Amirauté
s'affemblent regulierement tous les aprèsmidi
pour délibérer fur les affaires de la Marine.
On fit partir le 17 d'Utrecht un détachement de
trois cent hommes du Régiment Heffois de Mansbach
Infanterie , pour aller renforcer les poftes
voifins d'Oudenbosch & de Bréda . Il fut fuivi le
18 d'un pareil détachement du Régiment du
deux Prince Frederic , & il a dû l'être le 19 par
cent hommes du Régiment de Donep. Quelques
troupes ont marché du côté de Steenbergue afin
de couvrir cette place. Le Feldt - Maréchal Comte
de Naflau fe rendit le 10 à Tholen , & if examina
les diverfes difpofitions qui ont été faites dans les
environs. Il a paffé à la Haye un courier allant de
Pétersbourg à Londres, pour informer le Roi de la
Grande Bretagne que la premiere colonne du
Corps auxiliaire de troupes Ruffiennes étoit arrivée
le 26 du mois dernier fur la frontiere de la
Lithuanie . M. Tilfot de Patot , Major Général des
troupes de la République , & Colonel d'an Régiment
d'Infanterie fur la répartition de la Province
..de Hollande , eft mort le 15 de ce mois à Yffelftein
dans la foixante-neuvième année de fon
âge.
18 MERCURE DE FRANCE.
ITALIE.
DE GENES le 16 Décembre.
E to de ce mois jour de l'anniverfaire de la
>
fut expofé & l'on chanta le Te Deum dans toutes
les Eglifes.Le Doge & les Colléges de la Nobleffe
affifterent le même jour à la Meffe , aux Vêpres &
au Sermon dans l'Eglife de Notre - Dame de Lorette.
Il y eut le foir des illuminations & des réjouiffances
publiques , & l'on fit plufieurs falves
de l'artillerie des remparts . La Neuvaine de la fê➡
te de la Conception de la fainte Vierge ayant été
interrompue l'année derniere par la révolution arrivée
en ce pays, le Gouvernement a voulu qu'elle
fut célébrée cette année avec une folemnité extraordinaire.
Le Doge accompagné du Sénat a
entendu tous les jours l'Office dans l'Eglife Cathédrale
, & le 9 il affifta à une Proceffion générale
que fit le Clergé Séculier & Régulier , & qui alla
de cette Eglife à celle de Saint Pierre. Au retour
de cette Proceffion , on diftribua des dots à trente
jeunes filles , dont les peres ont été tués en défendant
la Patrie . Depuis quelques jours le Grand-
Confeil a repris les délibérations , & il a renou
vellé un ancien Décret , par lequel le Gouvernement
eft autorisé à acheter certains Fiefs qu'on
juge convenables d'ajoûter au Domaine de la Képublique.
Le 3le Duc de Richelieu revint du voyage
qu'il étoit allé faire le long de la côte. 11 a pris
toutes les méfures néceffaires pour s'opposer aux
entreprifes que pourroient former les ennemis.
Sur l'avis qu'il a eu qu'ils fe propofoient de faire
avancer un détachement du côté de Sarzane , il a
renforcé de quatre cent hommes la garnifon de
JANVIER. 1745. 187
Cette Place , & il a fait rafer toutes les maiſons de
campagne des environs . Par les confeils de ce Général
le Gouvernement s'eſt déterminé à faire
ajouter plufieurs ouvrages aux fortifications de
Seftri & de la Specie. Deux Bataillons du Régiment
Suiffe de Vigier au ſervice du Roi Très-
Chrétien , lefquels étoient attendus de France depuis
long- tems , font er fin arrivés. Le Convor
chargé du tranfport de ces tronpes avoit fait voile
de Villefranche il y a près de 3 nrois ,& il avoit été
réduit , tantôt par les vents contraires , tantôt par
la rencontre de divers vaiffeaux Anglois , à la néceffité
de relâcher plufieurs fois dans differens
Ports. En dernier lieu il avoit été difperfé par une
tempête , & plufieurs des bâtimens dont il étoit
composé avoient été jettés jufques fur la côte d'Ef
pagne. S'étant raffemblé à Toulon , il remit à la
voile le 15 du mois dernier , & malgré le grand
nombre de vaiffeaux ennemis qui croifoient pour
Fintercepter , il a gagné PIfle de Corfe , ou les
deux Bataillons du Régiment de Vigier font dé
barqués & d'on ils ont été conduits ici par les
gondoles de Caprara. On vient d'apprendre qu'un
autre Convoi de troupes étoit arrivé en Corfe. Il
eft entré dans ce Port & dans celui de Portofino
deux barques faifant partie de ce Convoi , & a
bord defquelles étoient deux cent hommes du Ré
giment de Flandres , des troupes de fa Majefté
Catholique. Le refte du train d'artillerie apparte
tenant aux Efpagnols , qui à la réquifition des
Anglois avoit été mis en dépôt dans l'ffle de Corfe,
a été ramené ici . Un navire Hollandois qui por
toit une grande quantité de grains & d'autres
provifions à Final , ayant été porté le 12 par un
vent de Súd vers Arenzano , le Comte de Carca
cado , Colonel du Régiment de Brelle des troupes
488 MERCURE DE FRANCE.
Françoifes & qui commande dans ce pofte , fir em
barquer auffi -tôt fur les bâteaux qu'il put raffenbler
un détachement qui s'eft rendu maître de ce
bâtiment. On y a trouvé huit cent mines de bled ,
plufieurs caiffes de fucre & de poivre , quelques
boucaux de tabac du Brefil , & outre l'artillerie
dont ce navire étoit armé , dix piéces de canon
deftinées pour le Roi de Sardaigne . La galiotte
le Saint Louis a enlevé une tartane Piémontoiſe
qui alloit à Oneille. Le prix auquel les denrées le
maintiennent dans cette ville , attire de toutes parts
un nombre prodigieux de bâtimens qui y entretiennent
l'abondance . Ces jours derniers il y avoit
en croifiere dans les environs de Vado huit vaiffeaux
de guerre Anglois , mais fix ont difparu fans
qu'on fçache quelle route ils ont prife . Les Corfaires
ennemis incommodent beaucoup moins depuis
un tems les côtes de cet Etat . On affûre que la République
de Lucques a fi bien garni de troupes &
d'artillerie la côte de Viareggio , que ces Corfaires
feront forcés dé refpecter la neutralité que les Lucquois
ont réfolu d'obferver. Le Roi de France fait
fever ici un nouveau Régiment qui fera nommé
Royal Génois. Celui dont le Chevalier de Beloy
eft Colonel , fera bientôt formé , & plufieurs Compagnies
de ce Corps font déja complettes. Un détachement
de Croates a fait une courfe du côté de
Pégli ,où il a fait quelque butin & tué une femme,
mais il a été chaffé & on l'a pourfuivi jufqu'à Novi.
Quoiqu'on ait rendu au Roi de Sardaigne tous
les prifonniers de guerre faits for fes troupes , il n'a
pas encore renvoyé ceux qu'il avoit à la République.
On prétend que ce Prince ne veut point les
remettre. en liberté avant qu'ils ayent payé les
dettes qu'ils ont contractées dans les lieux où ils
font retenus. M. Guymont , Envoyé Extraordi,
JANVIER . 1748 . 189
naire du Roi de France auprès de cette République
, s'embarqua le 22 du mois dernier fur un fé
foucon pour aller faire un voyage en France. Le 8
de ce mois le Prince Doria partit pour Naples , ou
il va folliciter un procès qu'il a intenté à la fille du
feu Duc de Turfis au fujet de la Principauté d'Avello.
Après deux mois du plus beau tems , il pleut
continuellement depuis huit jours , & la mer eft
devenue très - orageufe, Les billers de la Banque de
Saint Georges perdent vingt pour cent,
15
De Savone le 20 Décembre.
La paflé ces jours - ci à la vûë de ce Port un
pinque François , trois chabecs Catalans & quel
ques autres navires qui ont fait voile de Villefranche
pour la riviere de Levant , & qu'on fuppofe
être chargés de troupes & de munitions de guerre.
On mande de Livourne que plufieurs vaiffeaux'de
guerre & Corfaires Anglois font fortis du Port de
Livourne , afin d'aller à la pourſuite d'un Corſaire
François de cent cinquante hommes d'équipage
qui a pris dans le Canal de Piombino un navire
portant Pavillon de la Reine de Hongrie & qui l'a
Conduit à Civita Vecchia avec une barque chargée
de fel de Sardaigne , dont il s'eft auffi emparé.
Quelques chaloupes Augloifes ont donné la chaffe
à une félouque Génoiſe , mais elles n'ont pû la
joindre, Les lettres de Génes marquent qu'il y eft
arrivé d'Antibes une félouque par laquelle leMarquis
d'Ahumada , Commandant des troupes Efpa.
gnoles qui font employées à la défenſe des Génois,
a reçu des dépêches importantes. Ceslettres ajoûttent
que le Roi de Sardaigne avoit relâché une par
tie des Génois qui étoient prifonniers de guerre
dans les Etats.
190 MERCURE DE FRANCE.
De Dolce Acqua le 17 Décembre.
P Refque toutes les
troupes commandées par le
Baron de Leutrum fe font rendues dans les
quartiers de cantonnement qui leur ont été affignés
le longde la riviere entre cette ville & Port Maurice
, ou ce Général a transferé fon quartier. Il n'en
eft reſté dans les Lignes que le nombre fuffifant
pour les garder. Le 10 un Corps de troupes Fran-
Coifes & Efpagnoles s'avança fur le Mont Gigno
jufqu'à la Madonna delle Grazie , dans le deffein
de furprendre ce pofte , mais le Chevalier Maflel
en fut aflés tôt averti pour fe préparer à recevoir
les ennemis , qui s'étant apperçus qu'on étoit fur
fes gardes , prirent le parti de la retraite fans avoir
tenté aucune entrepriſe . On a été informé que les
Efpagnols avoient trois Bataillons à Nice , deux à
Villefranche , un à l'Efcarenne , un à Lucerame &
un à Caftellar. La garnifon de Monaco eft actuellement
composée de deux Bataillons François &
-d'un Eſpagnol , & il a marché à Menton dix Piquets
qui doivent s'embarquer pour paffer à Génes.
Les ennemis ont fait féparer les troupes qui
avoient formé un camp dans les environs de Laite,
Ils continuent d'exiger de fortes contributions ,
tant en vivres qu'en argent,
L
DE TURIN le 16 Décembre,
E Roi prendra demain le deuil pour la mort.
de la Ducheffe Douairiere de Brunfwick Wolfenbuttel,
Par les dernieres lettres de l'Etat Ecclé
fiaftique on apprend que les de ce mois le Cardinal
des Lances eft arrivé àBologne & qu'il comp.
te d'être de retour ici avant le 25. Celles de Sa-
A
JANVIER. 1748. 191
la
voye confirment qu'outre la Cavalerie Eſpagnole.
il viendra plufieurs Bataillons de la même Nation
dans ce Duché. On a reçû avis de Vienne que
Reine de Hongrie avoit confenti que les Miniftres
Plénipotentiaires de la République de Génes &
ceux du Duc de Modéne fuffent admis aux conférences
qui doivent fe tenir à Aix- la -Chapelle,.
Selon les nouvelles de l'Ile de Corfe le camp
volant qui eft aux ordres du Général Madraff fe
renforce tous les jours . Ce Général eft pofte prefque
fous les murs de la Baftie , & la garnifon de
la ville ayant fait une fortie , il l'a repouflée avec
quelque perte de la part des Génois,
De Genes le 30 Décembre.
que
Sur l'avis que la Reine de Hongrie a réſolu de
tenter , auffi tôt la faifon pourra le permettre
, une invafion dans la partie Orientale de cet,
Etat , & de faire attaquer particulierement Sarzane
& la Spécie , on prend les méfures néceffaires pour
s'opposer au deffein de cette Princeffe , qu'on aflu
te devoir faire paffer en Italie un renfort de douze
mille hommes. Le Général de la Majefté Hongroife
avoit demandé fept mille rations au Duché
de Mafla Carrera , mais il ne fera pas en état de ſe
faire fournir cette contribution , le Comte de Lannion
, qui commande à la Spécie , s'étant emparé,
le 19 de ce mois du Château de Lavenza , fitué an
bord de la Mayra, Depuis quelque tems on tra
vaille , même pendant les Fêtes , à préparer des
cartouches , des grenades , & beaucoup d'artifice
de differentes efpeces. On en fait conduire la plus
grande partie à la Spécie , apparemment pour mu
pir le nouveau pofte que les troupes Françoifes
viennent d'occuper. Le 18 les trois galeres de la
192 MERCURE DE FRANCE.
République , qui étoient allées à la Spécie , rentre
rent dans le Port de cette Capitale . Elles ont ef
corté un grand nombre de bâtimens de tranfport
chargés de bled , de farine , de vin , & de bois. Le
navire Hollandois , qui a été pris à la Plage d'A--
renzano par le Comte de Carcado , a été conduit
iti le 19 , & un Commiffaire des Guerres François
en a pris poffeffion par ordre du Duc de Richelieu
au nom de Sa Majefté Très Chrétienne, On a '
commencé le 25 à débarquer les marchandiſes &
les autres effets qui étoient à bord de ce bâtiment.
Le 26 le Duc de Richelieu fit dans le Fauxbourg de
S. Pierre d'Arena la revûe du nouveau Régiment
de Belloy . La principale Nobleffe étant allée le 24
au matin complimenter ce Général à l'occafion
des Fêtes , il fe rendit l'après-midi chés le. Doge
pour fatisfaire au même cérémonial. Nous conti
nuons de jouir ici d'une abondance d'autant plus
grande , qu'outre les denrées qui arrivent par mer
les Officiers des troupes ennemies , pour fe dédommager
du peu d'exactitude avec laquelle ils font
payés , laiffent paffer moyennant quelque rétribu-'
tion tout ce que les fujets de la République veulent
faire venir par terre. Il pleut prefque continuellement
depuis trois femaines dans ce Pays , & cela
dérange l'arrivée & le départ des couriers, Le Gouvernement
a établi une Commiffion , composée de
quatre nobles , pour examiner avec les principaux
négocians de cette ville les moyens de remettre
au pair de l'argent la valeur des billets de la Banque
de Saint Georges. On tira le 18 au fort felon
la coûtume les noms des cing nouveaux Sénateurs.'
Des ordres ont été envoyés dans tous les Ports
des deux Rivieres & de l'iffe de Corfe , pour être
en garde contre une barque Génoife , portant Pavillon
du Grand Duc de Tofcane , laquelle étant
partic
JANVIER . 1748. 193
partie de la Morée , a mouillé à Melafſo en Sicile
d'où elle a été chaffée , parce que fon équipage eft
attaqué de la peste.
DE TURIN le 3 fanvier.
.
Un détachement des troupes de fa Majefté
compofé de la Compagnie de Grénadiers du fecond
Bataillon du Régiment de Piémont , de deux autres
Compagnies du même Régiment , de deux Piquets
& de foixante Volontaires , s'avança il y a
quelques jours à Libri dans le territoire de Penna ,
pour détruire un Pont conftruit fur la Roya , mais
il ne put réuffir dans fon projet , les matériaux de
ce Pont s'étant trouvés fi durs & fi fortement cimentés
, que la mine pratiquée pour le faire fauter
ne produifit aucun effet. Dans le tems qu'on
mit le feu à cette mine , il furvint un corps ennemi
, qui obligea le détachement de fe retirer , cé
qu'il n'exécuta qu'avec beaucoup de peine & en
perdant plufieurs foldats & quelques Officiers . Le
19 du mois dernier quelques Milices Piémontoifes
intercepterent dans les environs d'Utelle un Convoi
de trente- fix mulets chargés de farines , & tuerent
le Commandant & quatre foldats de l'efcorte.
Auffi - tôt que les Officiers François , qui commandent
à Belvedére & à Roccabigliera en furent
informés , ils détacherent cent hommes du Régiment
Suiffe de Salis pour donner la chaffe à ces
Milices , qui ayant pris la précaution d'abandonner
les farines & de ne conferver que les mulets ,
fuirent avec tant de précipitation que les ennemis
ne purent les joindre . Ces derniers , s'étant portés
au haut du Col de Raus , y ont ruiné nos retranchemens.
Il est tombé le 23 une fi grande quantité
de neige , que la communication eft entiere-
I
194 MERCURE DE FRANCE.
ment rompue entre Saorgio & la Vallée de Lang
tofque. Les lettres d'Italie confirment que la Reine
de Hongrie perfifte dans la réfolution de faire at
taquer une feconde fois la ville de Génes , mais
que le Comte de Browne a fait de fortes repréſentations
fur les difficultés qui fe rencontrent dans
l'exécution de cette entreprife.
DE PAVIE , le 4.
Il fe tient ici chês le Comte de Browne de fré→
quentes conférences , qu'on prétend avoir pour
objet une nouvelle entrepriſe contre la ville de
Génes . On doute cependant que cette entrepriſe
s'exécute , la plupart des Officiers Généraux des
troupes de la Reine de Hongrie y trouvant de
trop grandes difficultés , vû fur-tout l'extrême repugnance
que marquent les troupes , & l'opinion
générale eft que fa Majefté Hongroife , cédant aux
repréſentations qui lui ont été faites à ce ſujet par
le Comte de Browne , conſentira qu'on ſe borne
à faire quelque tentative du côté de Sarzane & de
la Spécie . Suivant les apparences , nos principaux
efforts pour le préfent fe tourneront contre cette
derniere ville. Les ennemis eux-mêmes femblent
s'y attendre , & l'on a appris quele Duc de Richelieu
avoit renforcé la garnifon du Château , dont
les fortifications ont été confidérablement augmentées
, & qu'il avoit donné le commandement
de cette Fottereffe à M. Dieffenhaller , Commandant
d'un Bataillon du Régiment Suiffe de Vigier.
Toutes les lettres confirment que les differends furvenus
entre la République de Génes & celle de Lucques
font entierement terminés , & que le Miniftre
, qui avoit été envoyé à Génes par cette dernie
re République , a eu fon audience de congé ..
JANVIER.
1748
195
Dôge.Ileft venu ici de la part du Roi
deSardaigne
un Officier , qui , après avoir eu un long entretien
avec le Comte de Browne , eft retourné à Turin.
Le bruit court que le Roi de Sardaigne demande
que cette ville- ci lui foit remife par la Reine de
Hongrie.
DE TURIN , le S.
On a publié depuis peu un Edit par lequel il eft
ordonné aux sujets du Roi de ne fournir des fubfiftances
aux troupes de la Reine de Hongrie , qu'au
tant que ces troupes payeront argent comptant les
wivres & les fourages qui leur feront livrés. Il eft
dit dans cette Ordonnance que
filefdites troupes
employent la violence pour le faire donner ce
dont elles auront befoin , il faut avoir d'abord recours
à la voye des
repréſentations , mais que fi ce
moyen n'opére aucun effet , on pourra repouffer la
force par la force . Un Parti de Milices Piémontoifes
s'avança le 27 du mois dernier vers le Col de
Brois , dans le deffein d'enlever un Convoi que les
ennemis faifoient conduire de Sofpello à Penna
mais la fupériorité du nombre de l'eſcorte fut caufe
qu'il ne put exécuter fon projet , & il fe rétira
précipitamment , après avoir effuyé une décharge
qui lui tua douze foldats. Le 29 un détachement
des ennemis ayant paffé la Roya , fe porta à Ayroles
, où il attaqua quelques Compagnies d'Infanterie
des troupes du Roi. Elles fe maintinrent
dans leur pofte , & il n'y eut de part & d'autre
qu'un Officier tué & quelques foldats bleffés. Deux
cent Miquelets parurent le 31 fur la montagne de
Gigno ,d'où ils s'avancerent jufqu'à la Madonna
del Monte. Ils tirerent de- là plufieurs coups de fufil
fur nos grandes Gardes , mais le Chevalier de
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
Maffel ayant fait , marcher quelques troupes pour
leur donner la chaffe , ils fe déterminerent à la retraite
. Divers détachemens de troupes reglées ont
été envoyés à Bréglio , pour en renforcer la garnifon.
Nos partif.ns font des courfes continuelles
afin de tâcher d'intercepter les Convois des ennemis.
DE NICE le 12. ,
>
Le Marquis de Mirepoix , qui commande les
troupes Françoifes dans ce Comté , a ordonné que
toutes perfonnes , de quelque qualité qu'elles pûffent
être , portaffent fous peine de la vie , leurs armes
à feu chés le Commandant de la ville la plus
proche de leur habitation . En même tems ce Lieutenant
Général a reglé que les Communautés ſeroient
obligées d'avertir de tous les mouvemens
qui feroient faits fur leur territoire ou dans les environs
par les troupes de la Reine de Hongrie &
du Roi de Sardaigne , & que faute de s'acquitter
de ce devoir , elles feroient condamnées à payer
le double des dommages que ces troupes pourroient
caufer , foit aux Communautés voifines
foit aux troupes de France & d'Eſpagne. Il a défendu
auffi d'entretenir , fous quelque prétexte que
ce foit , aucune espece de correfpondance avec le
Piémont. Il est entré dans le Port de Villefranche
un navire , venant de Génes , par lequel on a été
informé qu'un détachement des troupes Françoifes
qui font fous les ordres du Duc de Richelieu , avoit
furpris le pofte deVoraggio, dans lequel il avoit fait
prifonniers quatre cent neuf hommes des troupes
de la Reine de Hongrie.L'équipage du même navire
a rapporté que deux Officiers du Régiment
Royal Italien au fervice de France , lefquels
étoient allés faire des recrues dans l'Etat EccléfiafJANVIER.
1748. 197
tique , avoient été arrêtés avec leurs recrues fur
la frontiere de la Tofcane , mais qu'enfuite ils
avoient été relâchés , & renvoyés au Duc de Richelieu
. On mande de Genéve que le Duc de
Modéne y eft arrivé de Grenoble les de ce mois
& qu'il a dû le même jour ou le lendemain continuer
fa route pour Vénife , où il fe propoſe
de paffer le Carnaval . Les nouvelles de Schaf
foufe portent que M. Van Haren a fait au
Canton de Zurich la propofition de fournir
deux Régimens à la République des Provinces-
Unies , & qu'on croit que ce Canton accorders
cette demande.
·
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
E premier jour de l'an les Princes &
Princeffes & les Seigneurs & Dames
de la Cour curent l'honneur de complimenter
le Roi fur la nouvelle année .
Le Corps de Ville a rendu à cette occafion
fes refpects à leurs Majeftés , à Monſeigneur
le Dauphin , à Madame la Dauphine
, à Madame & à Mefdames de France.
Le même jour le Roi tint un Chapitre
dans fon cabinet à Verſailles , dans lequel
il nomma Chevaliers de l'Ordre du S.
Efprit le Duc de Luynes , le Marquis de
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
Puyficulx , le Comte de S. Severin , le Com
te de Segur , le Marquis de la Tour Maubourg
& le Comte de Bulkeley.
A
M. le Duc de Luynes , Charles-Philippes
d'Albert , Duc de Luynes & de Chevreufe
Montfort, Pair de France , eft né le 30 Juillet
1695 du mariage de Honoré-Charles-
Edouard d'Albert , Duc de Montfort
Maréchal de Camp , Capitaine Lieutenant
des Chevau - Legers de la Garde du Roi ,
mort le 13 Septembre 1704 , & de D.
Marie-Anne - Jeanne de Courcillon de
Dangeau , morte le 28 Juin 1718 ; il a été
marié , 1. le 24 Fevrier 1710 avec D.
Louife-Leontine - Jacqueline de Bourbon
Soiffons , morte le 21 Janvier 1721 , 2 °.
le 15 Janvier 1732 avec D. Marie Brulart
de la Borde , aujourd'hui Dame d'honneur
de la Reine ; il a de fon premier mariage
Marie - Charles - Louis d'Albert , Duc de
Chevreufe Montfort , Meftre de Camp
général des Dragons , qui vient d'être fait
Lieutenant Général des armées du Roi àla
derniere promotion du 6 Janvier 1748 ,
& qui a des enfans de fon mariage avec D.
Henriette - Nicole d'Egmont Pignatelli fa
feconde femme. M. le Duc de Luynes eft
le huitième de fa maifon , Chevalier des
Ordres du Roi , comme on le peut voir
dans la généalogie qui en eft rapportée
JANVIER. 1748. 199
dans l'Hiftoire des Grands Officiers de la
Couronne , vol . 4 fol. 263 & dans le vol
9 ou eft le Catalogue des Chevaliers de
l'Ordre du Saint-Elprit.
M. le Marquis de Puyfieulx , Louis- Philogene
Brulart , Marquis de Puyfieulx & de
Sillery , Miniftre des affaires Etrangeres ,
Confeiller d'Etat d'épée , Lieutenant Général
des armées du Roi , ci-devant Ambaffadeur
en Hollande , & avant à Naples ,
né le 12 Mai 1701 , eft marié depuis le
19 Mai 1722 , avec D. Charlotte - Felicité
fe Tellier, fille de Louis- Nicolas le Tellier,
Marquis de Souvré , Maître de la Garderobe
du Roi , Chevalier de fes Ordres &
Lieutenant Général pour fa Majesté au
Gouvernement de Bearn & de Navarre , &
de D. Catherine- Charlotte de Pas de Feuquieres
, Dame de Rebenac , duquel mariage
eft née une fille unique, Adelaïde - Felicité
Brulart de Sillery , le 5 Novem
bre 1725 , & mariée le 26 Janvier 1744
avec Louis -Cefar d'Eftrées le Tellier , dit
le Comte d'Eftrées, fon coufin- germain ,depuis
Chevalier des Ordres du Roi , &
Lieutenant Général de fes armées , & c. M.
le Marquis de Payfieulx eft fils de Carloman
Philogene Brulart , Comte de Sillery
mort le 27 Novembre 1727 & de D. Marie-
Louiſe Bigot , morte le 8 Mai 1746 ,
I iiij
100 MERCURE DE FRANCE.
•
Petit fils de Louis Brulart , Marquis de Sillery
, Meftre de Camp d'un Régiment d'Infanterie
, & Gouverneur de Damvilliers
mort le 29 Mars 1691 , & de D. Marie-
Catherine de la Rochefoucault , morte le
7 Mars 1698. Voyez pour cette généalogie
le 6 volume des Grands Officiers de la
Couronne , fol. 525 & le 9 volume de la
même Hiftoire.
M. le Comte de Saint Severin , Alphonfe-
Marie -Louis de SaintSeverin d'Arragon ,
ci -devant Ambaffadeur de France en Suéde
puis en Pologne , & avant Gentilhomme
de la Chambre de S , A. R. l'Infant D. Carlos
, Duc de Parme , aujourd'hui Roi de
Naples & fon Miniftre à la Cour de France
, eft né en 170 ... fils du Comte D.
Ottavio de S. Severin d'Arragon , Gentilhomme
de la Chambre du Duc de
Parme & fon Envoyé Extraordinaire au
Congrés de paix à Utrecht en 1713 ,
mort en 172 ... & de D. Blanche Salva
tico ; il eft marié depuis le 14 Juillet 1733
avec D. Marie - Louife - Françoife Fillon
de Villemur , veuve de Louis- Pierre de
Houderot , Comte de Houdetot , Colonel
du Régiment d'Artois & Lieutenant
pour le Roi au Gouvernement de la Province
de Picardie , duquel mariage il n'a
qu'une fille encore jeune . Voyez cette gé-
+
JANVIER . 1748. 201
néalogie rapportée avec toutes fes branches
au nombre des maifons illuftres d'Italie
par M. Imhoff dans le volume imprimé à
Amfterdam en 1710 , & dans l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne , vol .
8 fol . 503 , où elle eft rapportée en partie à
l'occafion de Galeas de Severin des Comtes
de Gayaffe , Seigneur de Mehun fur
Yevre , Chevalier de l'Ordre de S. Michel
fous le Roi Charles VIII , depuis honoré
de la Charge de Grand Ecuyer de France
par Lettres du Roi Louis XII du 22 Septembre
150s , lequel enfin perdit la vie
au, fervice du Roi François I. à la journée
de Pavie au mois de Février 1524 ,
lequel Galeas étoit frere puiné de Antoine-
Marie de S. Severin , Seigneur de Gualfinace
du Marquifat de Saluces , l'un des
ayeux de M. le Comte de S. Severin qui
donne lieu à cet article.
M. le Comte de Segur , Henri- François
de Segur , Lieutenant Général des armées
du Roi , Gouverneur & Lieutenant Géné
ral , & Senechal du Pays & Comté de
Foix , Capitaine & Gouverneur particu
lier des Ville & Château de Foix , Lientenant
Général au Gouvernement de
Champagne & de Brie , eft né le premier
Juin 1689 ; après avoir été Page de
la Chambre du Roi en 1699 , il fut fair
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Colonel d'un Régiment d'Infanterie en
1706 , puis Guidon de la Compagnie des.
Gendarmes Anglois en 1709 , Meftre de
Camp de Cavalerie la même année , fur
Brigadier des armées du Roi le premier
Février 1719 , & Meftre de Camp , Lieutenant
du Régiment d'Orleans Cavalerie
le 6 Mars fuivant , fut nommé Maréchal
de Camp le 20 Février 1734 , & enfin
Lieutenant Général des armées du Roi
le premier Mars 1738 ; il eft marié depuis
le 12 Septembre 1718 avec Dame Phili
pe-Angelique de Froiffy , de laquelle il a:
des enfans , il eft fils de Henri-Jofeph de
Segur , Marquis de Segur , Seigneur de
Ponchat & de Fauguerolles , Gouverneur,.
Lieutenant Général & Sénéchal des Pays
& Comté de Foix , Capitaine & Gouver
neur particulier des Ville & Château de-
Foix , & Lieutenant Général au Gouver
nement de Champagne & de Brie , &
Grand Croix de l'Ordre Militaire de Saint
Louis , & avant Capitaine Lieutenant dela
Compagnie des Chevau-Legers d'Anjou
, mort le 10 Juin 1737 , & de Dame
Claude- Elifabeth Binet de S. Martin , mariés
le 6. Mai. 1688 ; le nom de Segur eft
marqué en Guyenne par for ancienneté ,
par fes alliances & par les fervices mili
taires
JANVIER 1748. 203
M. le Marquis de la Tour-Maubourg ,
Jean-Hector de Fay , Marquis de la Tour
Maubourg , Seigneur de Fay de Sainte Si
golaine de la Baftie , de Cleffy , de Chaffy ,
&e. Lieutenant Général des armées du Roi,
eft né en 167... ; il fut Colonel d'un Ré
giment de fon nom en 1702 , il eut le Régiment
de Ponthieu en 1706 , fut fait Inf
pecteur Général d'Infanterie en 1718
ayant eu permiffion de fe défaire de fon
Régiment , il obtint fa réforme dans celuti
de la Marine , fut fait Brigadier d'armée
le premier Février 1719 , Maréchal de
Camp le 20 Février 1734 , & enfin Lieu
tenant Général le premier Mars 1738 ; ik
a été marié , 1º. le 17 Juillet 1709 avec
Dame Marie-Anne- Lucie- Therefe de la
Vieuville , morte fans enfans le 19 Septembre
1714 , 20. le... Janvier 1716
avec Dame Marie-Suzanne Bazin de Be--
zons , morte le 20 Juin 1726 , fille de
feu M. le Maréchal de Bezons , dont il a
en N... marié avec N ..... de Fay ,
Comte de Gerlande de même maifon qu
elle , .& une autre fille non mariée , 30. le
13 Août 1731 avec Dame Agnès- Madelaine
Trudaine , morte le 4 Août 1737 .
duquel mariage il ne lui reste qu'une fille
encore jeune il a eu deux freres , tous
deux Chevaliers de Malte , dont l'ün a été
B vjj
204 MERCURE DE FRANCE.
Commandeur , & l'autre depuis Chanoine
& Comte de Lyon ; il eft fils de Jacques
de Fay , Comte de la Tour Maubourg ,
Baron de S. Maurice de Legnon , Seigneur
de la Garde en Forêt, &c. & de D.Eleonor
Palatine de Dyo de Montperoux . La Maifon
de Fay , originaire du Velai , & l'une
des plus anciennes & des plus illuftres ,
s'eft divifée en plufieurs branches , toutes
marquées par leurs alliances ; fes armes
font de Gueules à une bande d'or , chargée
d'une Fouine d'azur .
: M. de Bulkeley , Jacques Vicomte de
Bulkeley , Pair d'Irlande , Lieutenant Général
des armées du Roi, Colonel d'un Régiment
d'Infanterie Irlandois de fon nom
& Commandant à Bruges. Au mois de
Janvier 1706 , il eut un Brevêt de Colonel
; le 8 Mai 1707 ſa Majefté lui donna
un Régiment d'Infanterie de la création de
1702 , il fut reformé à la fuite de celui de
Berwick en 1714 , fut fait Brigadier d'armée
le premier Fevrier 1719 , puis Colonel
d'un Régiment d'Infanterie de fa Nazion
& de fon nom par commiffion du 16
Septembre 1733 , Maréchal de Camp le
20 Février 1734 , & enfin Lieutenant Général
le premier de Mars 1738. Il eſt fils de
Henri Bulkeley de Beaumarish , Pair d'Irlande
, Grand Maître de la Maifon des
JANVIER. 1748. 109
Rois d'Angleterre Charles II & Jacques
II , & de Dame Sophie Stuart , Dame
d'honneur de la Reine Marie Thereſe d'Eft
femme du même Roi Jacques II.M.de Bulkeley
eft frere de D.Charlotte de Bulkeley,
Dame d'honneur de la Reine d'Angleter
re, mariée en 1597 avec Charles O Brien
Lord Vicomte de Clare , Pair d'Irlande ,
Maréchal de Camp & Colonel d'un Régiment
Irlandois au fervice de France ,
tué à la bataille de Ramillies en 1706 , pere
de Charles O Brien , Milord Comte de
Thomond , Lord Vicomte de Clare , Pair
d'Irlande , Lieutenant Général, reçu Chevalier
des Ordres du Roi le premier Janvier
1747. M. Bulkeley eft auffi frere de
D. Anne- Bulkeley , aujourd'hui veuve de
M. le Maréchal Duc de Berwick ....
Les preuves de l'Archevêque de Paris ,
de l'Archevêque de Rouen & de l'Abbé
d'Harcourt , nommés Prélats Commandeurs
de l'Ordre le 21 Mai de l'année der
niere , furent admifes dans ceChapitre ,
après lequel le Roi fe rendit à la Chapelle,
étant précedé de Monfeigneur le Dauphin ,
du Duc de Chartres , du Comte de Clermont
, du Prince de Conty , du Prince de
-Dombes , du Comte d'Eu , du Duc de Penthiévre
& des Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre. S. M. devant la
TOG MERCURE DE FRANCE.
quelle les deux Huiffiers de la Chambre.
portoient leurs maffes , étoit en manteau
le collier de l'Ordre par deffus , ainſi que
celui de l'Ordre de la Toifon d'or. Le Roi
étant monté à fon Trône , reçût Comman
deurs l'Archevêque de Paris , l'Archevêque
de Rouen & l'Abbé d'Harcourt avec
les cérémonies accoûtumées. S. M. entendit
enfuite la grande Meffe célébrée par
l'Archevêque de Tours , Prélat Comman→
deur de l'Ordre du S. Efprit , & chantée
par la Mufique..
Le 2 le Roi accompagné comme le jour
précedent affifta au fervice qui fut célébré
dans la Chapelle pour le repos des ames
des Chevaliers morts dans le cours de l'année
derniere , & auquel le même Prélat
officia.
Le 3 les Députés des Etats de Bretagne
curent audience du Roi . Ils furent préfentés
par le Duc de Penthiévre , Gouverneur
de la Province & par le Comte de S. Flo
rentin , Sécrétaire d'Etat , & conduits en
la maniere accoûtumée par le Grand Maî
ure & le Maître des Cérémonies. La Dépu
tation étoit compofée , pour le Clergé , de
FEvêque de S. Brieux , qni porta la paro
le ; du Comte de la Vauguion pour la No.
bleffe ; de M. du Menez , Sénéchal d'Au-:
ray ,pour le tiers Etat; du Comte de QueJANVIER
1748. 207
Ien , Procureur Général & Syndic des
Etats , & de M. Boyer de la Boiffiere Tréforier
Général de la Province .
Le Marquis de Rouflille prêta le 24 di
mois dernier ferment de fidélité entre les
mains du Roi , en qualité de Lieutenant
de S. M. dans la Haute Auvergne.
Sa Majesté a nommé le Duc de Niver
mois pour aller réfider à Rome avec carac +
tére de fon Ambaffadeur Extraordinaire.
Le Roi a fait une Promotion par laquelle
S. M..a nommé vingt- huit Lieutenans Gé
néraux , cinquante-neuf Maréchaux de
Camp & quatre-vingt dix Brigadiers.
Sa Majefté ayant difpofé des Régimens
vacans a donné le Régiment Dauphin au
Comte de Gramont , Brigadier , Colonel
du Régiment de Haynault ; le Régiment
de Haynault au Marquis de Sablé , Capi
taine dans le Régiment de Cavalerie de
Berry ; celui de Royal Routfillon au Mar
quis de Cleron d'Hauffonville ,. Capitai
ne Lieutenant de la Compagnie Colonelle
de ce Régiment ; celui de Rouergue au
Comte d'Estaing , Capitaine dans le même
Régiment ; celui de Provence à M. de
Sarsfield , Lieutenant dans le Régiment
des Gardes Françoifes ; celui de Bearn au
Chevalier de Timbrune , Capitaine , Aide
Major dans ce Régiment ;, celui de Bou
208 MERCURE DE FRANCË.
lonnois au Comte de Choifeul , Lieute
nant dans le Régiment d'Infanterie du
Roi ; celui de Périgord au Marquis de
Molac Lieutenant dans le Régiment
d'Infanterie du Roi ; celui de Brie au Chevalier
de Polignac , Capitaine dans le Régiment
de Dragons de Septimanie ; celui
de l'Ile de France au Marquis de Morbecq
, Capitaine reformé à la fuite du Régiment
d'Infanterie de Limofin ; celui de
Vivarais à M. de Courcy , Capitaine dans
le Régiment d'Infanterie du Roi ; celui de
Blaifois an Marquis de Juigné , Capitaine
dans le Régiment de Cavalerie d'Egmont ;
le Régiment de Cuiraffiers au Marquis de
Loftanges , Capitaine dans le Régiment
de Cavalerie d'Anjou ; le Régiment de
Cavalerie de Bretagne au Comte d'Helmftatt
, Capitaine dans le Régiment de Cavalerie
de Barbanfon ; le Régiment de
Dragons de la Reine au Comte de Morant
, Capitaine dans le Régiment de Cavalerie
de Saint Jal ; le Régiment de Dragons
Dauphin à M. de Canify , Capitaine
dans le Régiment d'Infanterie du Roi , &
le Régiment de Dragons de Languedoc au
Comte de Scey Montbeillard , Capitaine
au Régiment de Cavalerie de Fouquet.
Le 14 la Reine entendit la Meffe dans la
Chapelle du Château , & S. M. communia
JANVIER . 1748. 209
par les mains de l'Archevêque de Rouen
fon Grand Aumônier.
Le même jour le Roi & la Reine partirent
de Verſailles pour aller coucher au Châ
teau de Marly.
Le Roi a accordé au Maréchal Comte
de Saxe le Commandement Général des
Pays conquis.
On a reçû avis d'Efpagne que les vaiffeaux
de Regiftre la Perle , la Begona , le
Salomon , le S. Michel , y las Animas , l'Alcyon
, l'Arenton & le Loreto у étoient arrivés
de la Havanne fous l'efcorte du vaiffeau
de guerre la Reine , commandé par
Don Alexandre Chatelein , & que ces bâtimens
, outre les marchandifes dont ils
étoient chargés , avoient apporté , en argent
monnoyé ou non monnoyé la valeur
de deux millions quatre cent quatre-vingt
fix mille fept cent trente-fept piaftres
dont deux cent cinquante mille font pour
le compte de Sa Majesté Catholique.
De Liége le 10 Janvier.
>
Ces jours derniers un détachement de
cent quatre-vingt Dragons de la garnifon
de Namur , foutenu de quelque Infanterie
, attaqua un Parti des Alliés , qui s'étoit
logé dans un village des environs , &
qui après s'être défendu pendant quelque
210 MERCURE DE FRANCE.
tems avec beaucoup de valeur , fut enfin
obligé de prendre le parti de la retraite .
Depuis un mois il s'eft répandu dans ce
Pais une troupe de voleurs , qui y ont com
mis divers excès & affaffiné plufieurs perfonnes
; on a expedié des ordres pour don
ner la chaffe à ces bandits , & pour procu
rer la fûreté des grands chemins . On écrit
de Hollande que les Etats Généraux n'ont
point fait de nouveaux Brigadiers dans la
derniere Promotion , parce qu'ils veulent
fupprimer ce grade militaire. Les mêmes
avis portent que le 6 les vaiffeaux de guerre
Hollandois le Burgt- Van- Leyden , l'Af-
Lendelft & le Leeuwenhorft ont mis à la voile
pour Fortfmouth , & que le lendemain les
vaiffeaux le Harlem , le Maarfen & Le
Middelbourg ont pris la même route.
EPITRE
AM. Titon du Tillet , par Madame des
Forges Maillard , pour le premier jour
de l'année 1748.
Mon
On mari, mesdeux fils ,Paulet, Evrard & mọi,
Evrard , votre filleul , qui déja fe démene ,
Vous fouhaitons chacun une dixaine ,
D'ans bel & bienfournis ; tout quoi
JANVIER. 1748 .
Si j'ai bien calculé , fait une quarantaine,
Vous voyez que je paſſe en générofité
Mon mari , qui s'eſt contenté
De vous fouhaiter la trentaine.
Que pendant tout ce tems , fuyant votre maifong,
L'importune & quinteuſe goure
Vous fafle prompte banqueroute ;
Et pour le dorloter , loin de vous , cher Titon
S'aille impatronifer ſur le duvet d'aiglon ,
Où repofe à longs traits rubiconde & fleurie
D'un Chanoine la Seigneurie ,
Qui fans doute y profitera ,
Sans quoi j'ai l'ame trop chrétienne
Pour vouloir qu'au prochain jamais mal il ad
vienne..
Je dis donc que profit à la goute il aura
En ce qu'elle l'exemptera:
De courir à la voix des cloches argentines,
A
Matines ,
Le noz de peur du froid dans fon chaud Domineau,
Empaqueté comme l'a dans fa plume
Le maritime & trifte oifeau 9
Dormant au bruit des flots qui roulent leur écume
Je voulois vous offrir quelque bon fac d'argent,
Mais j'en fuis empêchée , ami , pour le préſent.
*Voyez les vers de M. des Farges dans le Mercure
de Janvier 1747, page 30.
412 MERCURE DE FRANCE.
Les infidéles Araignées
Ont percé dans mon coffre fort ;
Là ces friponnes rencognées
Ont fait butin ( voyez la rigueur de mon fort )
De mes finances épargnées .
'Ainfi l'un s'enrichit , l'autre perd quand il dort
Mais votre ame étant fatisfaite
D'avoir pour le befoin toujours quelque grain
d'or ,
Et la fanté durable étant le vrai tréfor ,
Sans aller vainement m'alambiquer la tête ,
C'eſt elle, cher ami , que mon coeur vous fouhaite.
MORT S.
PierreComte Bevis, Lieutenant Général des armées du Roi & Gouverneur
des Ville & Château de Saint Omer , mourut à
Paris le 29 Décembre dernier , âgé de 85 ans.
Pierre Bouchart d'Efparbes de Luffan , Comte
d'Aubeterre , Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant
Général des armées de Sa Majefté , Gouverneur
des Ville & Citadelle de Collioure & Port
Vendres , & Lieutenant Général des Provinces de
Xaintonge & d'Angoumois , mourut à Paris le 16
Janvier , âgé de 91 ans.
Dame Magdeleine Bonne , Comteffe d'Hamal ,
veuve de François , Marquis de Baffompierre ,
Meftre-de-Camp de Cavalerie , mourut à LunéJANVIER
. 1748. 213
ville le 20 dans la foixante- cinquième année de
fon âge.
Henri-François -René Edouard Colbert Marquis
de Maubeurier , Vidame de Châlons , Sous - Lieute
nant de la Compagnie des Gendarmes Anglois ,
mourut à Paris le 30 , âgé de 22 ans .
张洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
ARRESTS NOTABLES.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du ?
Septembre 1747 , qui ordonne que le droit
de vingt livres fixé par celui du 21 Mai 1746 fur
les peaux de lapin brutes , & celui de cent livres
impofé par l'Arrêt du 10 Juin 1747 , fur le poil de
lapin féparé de la peau fortant à l'étranger , auront
lieu & fe percevront à toutes les forties du Royaume
, tant des cinq groffes Fermes que des Provin
ces réputées étrangeres,
DECLARATION du Roi donnée à Fon
tainebleau le 14 Novembre,, concernant la Charge
de Confeiller , Avocat du Roi au Bailliage & Ca
pitainerie de la Varenne des Tuileries.
EDIT du Roi donné à Fontainebleau au
mois de Novembre , portant fuppreffion des Gardes
de la Capitainerie de la Varenne des Tuileries,
& création d'Officiers , inême Capitainerie .
SENTENCE de l'Election de Reims du 2
Décembre, qui confifque foixante livres, dix onces
de faux Tabac faifi chés les Capucins de Rethel-
Mazarin , & les condamne en mille livres d'amen
214 MERCURE DE FRANCE.
de ; leur enjoint de fe conformer aux Ordonnances
& Réglemens , & notamment aux Arrêt & Lettres
Patentes des 25 Janvier 1724 & 24 Mars 1727 ,
qui autgrifent les Capitaines Généraux des Fermes
a faire des vifites domiciliaires dans les maiſons des
Eccléfiaftiques , Nobles , Bourgeois & autres , fans
permiffion de Juges .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 12,
qui proroge pendant le courant de l'année 1748 ,
a commencer du premier Janvier audit an , la modération
des droits de marc d'or , d'enregistrement
chés les Gardes des rôles , ſceau & autres frais de
provifions des Offices vacans & autres réputés tels,
qui feront levés aux revenus cafuels .
ORDONNANCE du Roi du 31 , en interprétation
de celles des premier & 4 Novembre
1747 , pour les Décomptes des Troupes du pre
mier Novembre 1747 au dernier Avril 1748 .
AUTRE du premier Janvier 1748 , contre
les fugitifs & déferteurs de la Milice.
L
AVIS.
Es perfonnes qui n'ont point encore
payé ce qu'elles doivent des Mercures
de l'année 1747.,font priées d'en envoyer
inceffamment le montant au Bureau du
Mercure.
APPROBATION.
J
'Ai lu par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Janvier
1748. A Paris le premier Février 1748.
BONAMY.
TABLE.
Lite des Loraires,
Ifte des Libraires qui débitent le Mercure
Piéces fugitives en Vers & en Profe . Lettre
1'Auteur de l'abregé de la vie des Peintres fur
un Tableau appartenant au Roi ,
Invitation à Mlles , Stances ,
3
23
Extraits de lettres d'un François qui voyage en Italie,
fur la découverte de la ville d'Herculanne , 25
Déclaration d'Amour ,
Relation d'une groffeffe finguliere ,
Caprice ,
36
39
44
Lettre fur la maniere dont Baron déclamoir quelques
vers d'Iphigénie ,
Rondeau fur le nouvel an ,
Lettre de M. G. à M. ***
45
49
so
Epiftola prima ad Mecoenatem , & fa traduction , sz
Remarques fur cette Epitre ,
Etrennes à Mlle B .... T ....
64
74
Extrait de lettre fur l'ergot qui croft dans les épis
de feigle , 76
Imitation d'une Ode de Sapho , traduite par Catulle
Lettre à M. Pluche
Portrait de Mad . B ***
82
83
93
Vers à Mad. N. ****
94
Epigramme ,
ibid.
Lettre d'un Chirurgien de Province à un Médecin
de Paris , 95
Réponse en vers à une Dlle qui avoit fait préfent à
l'Auteur d'un Livre intitulé l'art d'aimer , 99
Vers de Mad, du B. à Mad . L. D. 100
Plainte des Poëtes à Mad. du B. ibid.
Lettre de M. Mangin , Maître Maçon à M. B. 101
Epitre en vers blancs de M. de la Soriniere à M.
l'Abbé G... , 105
Lettre à l'Auteur de la traduction d'une Satyre
d'Horace , 109
Mots des Enigmes & des Logogryphes des Mercures
de Décembre ,
Enigmes & Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , & c.
Prix d'Eloquence & de Poëfie pour 1748 ,
Estampes nouvelles
III
ibid.
116
149
150
ISI
1524
154
155
Cartes nouvelles ,
Spectacles ,
Chanfon notée ,
Nouvelles Etrangeres , Alger , &c.
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 197
Epitre à M. Titon du Tillet ,
Morts ,
Arrêts notables ,
Avis ,
210
212
-213
.214
La Chanfon notée doit regarder la page
De l'Imprimerie de J. BULLOL.
154
MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
FEVRIER..
ON
SPARGAT
LIGIT
UT
1748 .
Clés
Papillon
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S André . !
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers .
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A.VIS.
L'AM. DE CLEVES D'ARNICOURT,
'ADRESSE générale du Mercure eft
"
rue des Mauvais Garçons fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages,
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très-exactement à
leurs intentions.
"
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROI.
FEVRIER.
1748 .
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
SUITE de la Séance publique de
l'Académie des Sciences.
L nous refte à rendre compte
d'un Mémoire que lût M. de
Réaumur fur les moyens de faire
éclore des poulets & des oifeaux
domeftiques de toutes les autres efpéces en toute
faifon & en telle quantité qu'on voudra dans
des couches de fumier.
Perfonne n'ignore le grand nombre de
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
"
découvertes utiles & curieufes que M. de
R. a faites dans l'Hiftoire naturelle.. Son
admirable Hiftoire des Infectes a découvert
aux Phyficiens un nouvel Univers
qu'on ne connoiffoit pas , ou qu'on ne
connoiffoit que fort imparfaitement . Ses
travaux multipliés fur tant d'autres fujets
ont toujours été fuivis du fuccès , & de la
gloire qui en eft la jufte récompenfe , &
le nom de M. de R. eft placé depuis longtems
à la tête de tous ceux qui ont travaillé
fur ces matieres.
Les Egyptiens à qui les autres peuples
ont dû les premieres connoiffances des
Arts , poffedent depuis long- tems le fecret
de faire éclore des poulets fans le fecours
des poules , en mettant les oeufs dans des
fours où ils entretiennent une chaleur égale
à celle des couveufes.
Ce fecret , malgré l'utilité dont il peut
être , non -feulement ne leur a point été
enlevé par d'autres peuples , mais il n'eft
poffedé même en Egypte que par les habitans
d'un feul village , nommé Breme , fitué
dans le Delta , à vingt lienës du Caire,
Ils l'apprennent à leurs enfans & le cachent
aux étrangers. Les Breméens fe répandent
dans le Royaume quand la faiſon favorable
, c'est-à -dire le commencement de l'attsomne
eft arrivé. Eux feuls font au fait des
FEVRIER .
5 1748.
attentions que demandent les oeufs pendant
le tems où ils font dans le four.
Feu M. le Duc d'Orléans , Régent du
Royaume , avoit formé le deffein de nous.
faire connoître le fecret des Egyptiens . II
avoit envoyé à M. le Maire , alors Conful
au Caire , un Mémoire rempli des queftions
que M. de R. avoit faites fur ce fujet
, & M. le Maire offrit , ce qui valoit
mieux que de répondre , d'envoyer en
France un de ces Breméens , dont le métier
étoit de faire éclore les poulets. La mort
de ce Prince arrêta l'exécution de ce projet.
Mais il auroit été facile fans le fecours
des Breméens , de pénetrer leur fecret , il
ne doit confifter qu'à entretenir dans le
four la même chaleur que celle de la poule
qui couve ; le Thermometre en offroit un
moyen qui manque aux Breméens , & cette
chaleur eft à 32 degrés . De fages confidérations
ont empêché de faire des tenta-
↑ tives qui n'auroient été que curieufes, fans
pouvoir être utiles. Les frais d'une couvée
dans un four ne font pas un objet , quand
ils font répartis fur 45.a 50000 mille poulets
que les Egyptiens font éclore à la fois,
mais comment parvenir dans nos plus
grands villages à raffembler cette quantité
d'oeufs , comme on fait dans ceux du Delta,
où l'efpece eft beaucoup plus commune?
A 11
6 MERCURE DE FRANCE.
.
Il a donc fallu chercher un moyen moins
difpendieux , & où les frais fuffent affés
médiocres pour être abondamment compenfés
par le produit. Tous les Auteurs
qui traitent de l'economie de la campagne
, tous les Ornithologues , ont écrit
qu'il étoit aifé de faire élore des oeufs de
poules dans le fumier. A les entendre rien
n'eft plus fimple ; il ne s'agit que d'enterrer
un tas d'oeufs dans du fumier ordinaire ,
cependant aucun d'eux ne dit avoir mis ce
fecret en pratique , & on va voir qu'ils
l'auroient fait fans fuccès , & qu'il falloir*
des expériences fouvent repétées , des attentions
très délicates & très - fuivies ,
en un mot la main d'un très - habile Phyficien
pour employer avec fuccès ce moyen
qui leur paroît fi fimple.
Tous ceux qui aiment la culture des potagers
, fçavent que les couches de fumier
s'échauffent quelques jours après qu'elles
ont été dreffées, que leur chaleur augmente
tous les jours & devient enfin fi confi.
dérable , que fi on y enfonce la main à une
profondeur de quelques pouces , on eſt
bientôt obligé dela retirer précipitamment,
averti par la douleur, que pour peu qu'on
l'y laiffat plus long- tems on fentiroit une
impreffion pareille à celle d'une brûlure .
Cette chaleur eft bien fupérieure à celle qui
FEVRIER. 1748. 7
doit être employée pour couver des oeufs ;
elle a prefque cuit ceux que M. de R. avoit
mis dans une couche chaude , quoiqu'ils.
fuffent dans un pot. Comme cette chaleur
croît par dégrés & décroît de même dans
les differens endroits de la couche ; on
trouve foit en montant,foit en defcendant ,
ceux qui font propres à couver des oeufs
mais ces degrés ne fubfiftent pas affés long.
tenis à la même hauteur de la couche
leur durée n'eft peut- êtrejamais d'un jour,
à la même hauteur de la couche ; on doit
conclure de-là que c'eft fans l'avoir examiné
que l'on a avancé qu'il étoit facile
de faire éclore les poulets dans le fumier .
M. de R. a jugé que fi on pouvoit s'en
fervir utilement, c'étoit non en y enterrant
les oeufs , mais en en formant une espece de
four , c'est- à-dire en le difpofant de maniere
qu'il entourât une grande cavité
dont il échaufferoit l'air , & en fe ménageant
des moyens de connoître à toute
heure le degré de chaleur de cet air , & de
l'augmenter & de le diminuer , felon qu'il
feroit convenable.
Les premieres tentatives promirent un
fuccès heureux . Pendant les premiers jours
M. de R. voyoit,en caffant quelques oeufs,
le progrès que faifoient les embrioms
mais bien-tôt il les vit périr plus ou moins.
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
près du terme , fuivant les differentes cou
vées . Comme ces expériences n'ont pas
réuffi , nous ne nous y arrêtons pas .
les au-
Nous ne pouvons cependant paffer fous
filence une obfervation qui fe trouve dans
cet endroit . Parmi tant d'oeufs corrompus,
il s'en trouva qui n'étoient aucunement
altérés &. qui étoient en état d'être mangés
, quoiqu'ils fuffent depuis long - tems
dans le fumier qui avoit corrompu
tres , épreuve fans doute plus confidérable
que fi on les avoit gardés pendant une année
. Ces oeufs qui fe font confervés pendant
que d'autres fe corrompoient , étoient
ceux qui n'avoient point de germe. Ainfi
ceux qui veulent conferver des oeufs longtems
pour les manger ou les vendre lorf
que les poules ne pondent pas , n'ont qu'à
employer une précaution bien fimple, c'eft
de ne point donner de cocq à leurs poules.
Il y auroit peut-être encore mieux à faire ,
ce feroit de faire périr le germe en plongeant
feulement l'oeuf dans l'eau bouil
lante.
Après plufieurs expériences réitérées
avec autant de patience que peu de fuccès
, M. de R. obferva que les oeufs s'étoient
corrompus plus vite dans le four ,
lorfque les parois en avoient été plus humides
, & il ne douta plus que l'obitacle net
FEVRIER. 1748. 9.
› vint d'une vapeur qu'exhaloit le fumier
& qu'il falloit empêcher d'agir & de paffer
au travers de la coque dans l'intérieur
de l'oeuf, fi l'on vouloit fauver les poulets.
Cet obftacle étoit affés facile à vaincre ,
mais on ne l'avoit pû connoître qu'en re-
Aléchiffant attentivement fur bien des expériences
infructueuſes , dont un Naturalifte
moins éclairé n'auroit crû devoir attribuer
le peu de fuccès qu'au degré de
chaleur mal obfervé ; c'eft en effet la caufe
qui paroît d'abord la plus apparente & qui
pouvoit par là tromper ailement un ob
fervateur moins habile.
M. de R. fit donc enfoncer dans la couche
un demi muid ; les vuides qui refterent
autour de la circonférence furent remplis
de fumier ; il en fit tenir les bords élevés
de deux ou trois pouces au -deffus de la
couche , & il étoit furmonté d'un couvercle
fait exprès . Ce couvercle avoit un grand
trou quarré au milieu , dont chaque côté
avoit quatre pouces , & huit autres trous
qui pouvoient être bouchés par de gros
houchons de bouteilles . Ces trous étoient
les regiftres qui devoient fervir à modérer.
la chaleur. Il fit faire enfuite des paniers
ronds dont le diamétre étoit plus petic
d'environ deux pouces que celui da tonneau
; il y en avoit de plus creux & de
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
moins creux . On ne pouvoit mettre qu'u
ne couche d'oeufs dans ceux-ci , & on en
pouvoit mettre deux dans les autres . Trois .
de ces paniers contenoient 200 oeufs , &
furent mis à differentes hauteurs dans le
tonneau . Cette expérience réüffit pleinement
, & le vingtiéme jour le Jardinier
vint annoncer à M. de R. qu'il y avoit un
de fes oeufs bifché, c'est-à - dire, qu'il y avoit
de petites fractures dans un des endroits
de la coque , qu'on entendoit crier le poulet
& qu'on pouvoit fe promettre de le
voir éclos le lendemain .
Il parut en effet , & les autres ne tarderent
pas à le fuivre , & M. de R. joiit pleinement
du fuccès de fon travail , mais il
lui reftoit encore à être contrarié & arrêté
par un obftacle. Il apprit bien-tôt que ce
n'étoit pas affés d'empêcher la vapeur du
fumier d'entrer dans les fours , qu'il importoit
d'y entretenir une circulation d'air.
Les poulets à terme périrent dans un des
paniers. Il en devina la caufe ; on avoit
bouché tous les regiftres du couvercle , on
avoit même étendu des paillaffons , ainfi il
conclut qu'il faut toujours laiffer quelque
registre ouvert. Une autre précaution qu'il
ne jugea pas néceffaire , mais qui n'eft pas
inutile , c'eft d'enduire les parois du tonneau
de plâtre ou de les couvrir de papier ;
FEVRIER. 7748. Li
on empêchera par - là la vapeur de péné :
trer dans le tonneau dans le cas où les douves
laifferoient quelque vuide entre elles.
Les précautions qu'il faut prendre pour
faire éclore des poulets par ce moyen, n'exigent
point , comme on le voit , des attentions
qui paffent la portée des payfans
ni qui exigent trop de foin . Le Jardinier
de M. de R. a été chargé de tout ce détail,
fans que fon jardin , fes fleurs , ni fon potåger
en fouffriffent. Mais craignant que
la feule propofition de confulter le Thermometre
ordinaire ne les effrayât , il a
penfé à leur en procurer un plus analogue
aux idées qui leur font familieres. Il confifte
en deux parties de beure & une de fuif,
qui ont été fondues & mêlées enſemble
par la fufion ; un peu de cet alliage mis
dans un petit vafe & tenu dans le four ,
apprendra fi fa chaleur eft telle qu'elle doit
être. Dans ce cas la matiere fera mal fonduë
& aura la confiftance d'un firop trop
épais ; fi la matiere a une liquidité qui la
la rende tranfparente , il faut modérer la
chaleur du four , comme il faut l'augmenter
fi la matiere eft figée. On pourra même
leur apprendre , & ils l'apprendront euxmêmes
,à n'avoir befoin (que de leur
pre peau pour juger par l'impreffion
qu'y feront les oeufs , s'ils font trop ca
pro-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
trop peu chauds 3 par ces differens
moyens ils peuvent être fûrement conduits
à ouvrir ou fermer un ou plufieurs regiftres
du couvercle & à donner des rechauffes
au four. Ce n'eft gueres que tous les huit
jours en été qu'on a befoin de réchauffer
chaque four , ce qui fe fait avec une petite
quantité de fumier , telle qu'on la prend
en deux ou trois fois avec une fourche .
M. de R. prévient deux objections qu'on
lui auroit fûrement faites , & qu'il renver
fe abfolument. Que faire , auroit- on dit ,
de tous ces poulets fans meres qui les couvrent
& les rechauffent à differentes heures
du jour ? On répond que la même couche
qui leur a fervi de mere pour les faire
naître , leur en tiendra lieu pour les empêcher
de périr & pour les faire croître.
On difpofe des boëtes peu profondes de
differentes grandeurs & de differentes formes
pour les poulets des differens âges , &
ils trouvent dans chacune la température ,
d'air qui leur convient refpectivement. M.
de R. promet un autre Mémoire fur cette
matiere, mais fi on vouloit que ces poulets
fuffent élevés comme ceux que les poulesfont
éclore , on fçait affés dans les campagnes,
que les chapons inftruits à cela conduifent
les poulets auffi bien que les poules.
Un feul fuffit pour so ou 60 poulets.
FEVRIER 1748. **
Une autre objection naît de la crainter -
que Fon pourroit avoir que les animaux
domestiques en fe multipliant ne devinf-:
fent à charge , que la confommation des
grains n'en fut trop augmentée , & que les
poulets ne caufaffent ainfi une dépenfe
au- deffus de leur valeur . Mais cette crainte
eft fans fondement. Car ce qui coûre
n'eftpas d'élever , de faire vivre la volaille,
c'eft de l'engraiffer ; d'ailleurs M. de R.
promet de nous montrer qu'il y a dans
tous les pays une forte d'aliment que les
poulets aiment , qui ne coute rien à ramaffer
& dont on peut faire de fuffifantes
provifions , fans y employer beaucoup de
tems.
On fent affés que cette découverte peut
porter fon utilité fur les oeufs des oifeaux
de toutes les espèces , & multiplier plus
aifément dans les parcs les perdrix , les faifans
, & c .
10
Si les gens de la campagne veulent fe donner
la peine de mettre en ufage cette décou
verte utile , ils verront bien- tôt multiplier
les oeufs qui font d'un ufage figénéral , &
les poulets , & ils auront à M. de R. l'obligation
qu'un de nos plus grands Rois
avoit tant d'envie de leur procurer. On
fçait affés qu'un des voeux d'Henri IV.
étoit que chaque payfan pût tous les. Di14
MERCURE DE FRANCE.
manches mettre une poule dans ſon pot.
Ces vûës d'utilité rendent la gloire qui
réfulte de cette découverte bien flateuſe
pour M. de R.
VEGASACARA YA PAEA PAPAvata
Douce &
ODE.
Ouce chere folitude ,
Oùfuyant la volupté ,
Je faifois ma ſeule étude
Des biens de l'éternité ;
Champs fleuris , terre fertile ,
Qui dans cet heureux azile
Suffifiez à mes befoins ;
Arbres touffes , grotte obfcure ,
Où j'étudiois la nature
Libre de tous autres foins.
Je pars : mon ame féduite
Du vain éclat des grandeurs ,
Se remet à la pourfuite
Du monde & de ſes honneurs ;
Je quitte à jamais vos charmes ;
Puis-je fans verfer des larmes
Vous dire adieu pour toujours ?
FEVRIER. 1748.. IS
.
Non quelque bien qui m'attende ,
Quelques honneurs qu'on me rende ,
J'y viendrai finir mes jours.
+xxx+
Vous ferez , terre charmante
Seul témoin de mes foupirs ,
Peut-être la confidente
De mes mortels déplaifirs ;
Peut-être
que
d'une vie
De foins , de foucis remplie ,
Bientôt , hélas !' rebuté ,
Je viendrai ſous ce feuillage ,
Par le malheur rendu lage,
Eu pleurer la vanité.
**
Amis fâcheux dont le zéle
Trop jaloux de mon bonheur ,
Vers le monde me rappelle
D'un féjour plein de douceur ;
Pourquoi de ma folitude ,
Où fans nulle inquiétude
Je vivois loin du danger ,
Votre tendreffe onéreuſe
Sur une mer orageuſe
Yeut-elle me r'engager
7
16 MERCURE DE FRANCE.
Sans craindre les coups funeftes
Où font exposés les Grands ,
Pour inói les tréfors céleftes
Etoient ouverts en tout tems ;
J'y puifois l'horreur du crime ,
Et j'y prenois pour maxime
De n'aimer que la vertu ,
Et dans une paix profonde ,
Loin du commerce du monde,
J'en fuyois l'air corrompu .
****
De la noire & lâche envie
Je ne craignois point les traits ,
De ma demeure cherie
Elle n'approcha jamais ;
Je goûtois dans ma retraite
La félicité parfaite ,
Loin des profanes mortels ,
Et jamais de la fortune
Que le vulgaire importune ,
Je n'obfédois les autels.
**Bext
De l'or vil & périſſable
Méprisant l'éclat trompeur ,
Le foin d'un bien plus durable
Touchoit & charmoit mon coeur ;
FEVRIER. 17 1748 .
Content de peu , fans triſteffe ,
De cultiver la fageffe
Je faifois tout mon bonheur ,
Et je goûtois fans allarmes
D'un repos fi plein de charmes
L'inaltérable douceur.
*3X+
Dies vains lauriers de Bellonne
J'ambitionnois peu l'éclat ;
De l'offre d'une couronne
Je n'euffe pas fait d'état ;
Préférant mon indigence
A l'onéreufe opulence
Des riches & des mondains ,
Mon coeur heureux & tranquile ,
Déploroit dans cet azile
L'aveuglement des humains.
***
Infenfé , que vas- tu faire ș
Tu quittes de vrais plaifirs ,
Pour fuivre une ombre legére
Qui trahira tes defirs ;
Adieu paifible boccage ,
Qui fous votre aimable ombrage ,
Formez des lits de gazon ;
Adicu champs , adieu collines ,
IS MERCURE DE FRANCE.
D'où fur les plaines voifines
L'oeil fe perd dans l'horiſon.
Affis fur une herbe tendre ,
Clairs & paifibles ruiffeaux
Je ne pourrai plus entendre
Le murmure de vos eaux ;
Adieu campagnes fleuries ,
Qui faites de ces prairies
Un jardin délicieux ;
Lieux pour moi fi pleins de charmes ,
Je ne puis tenir mes larmes
En vous faisant mes adieux .
Par J. S. de Nifmes.
FEVRIER. 1748. 19
L.
LETTRE de M. le Marquis Scipion
Maffei à M. de la Condamine , traduite
de l'Italien par M. M...
.
Maniere d'expliquer comment les coquillages,
& les poiffons de mer qu'on voit petrifiés
dans les pierres , ont été tranſportésfur lesi
montagnes.
Ai J'ai reçu peu de lettres qui m'ayent fait
autant de plaifir que la vôtre . Je ne puis
Vous exprimer la joie & la fatisfaction que
j'ai eûës de vous fçavoir enfin de retour
en bonne fanté après tant d'accidens ,
d'apprendre avec combien de gloire vous
& vos collégues avez réuffi dans votre difficile
entreprife , & de voir qu'onze ans
d'abfence , & la diſtance de plufieurs milliers
de lieues n'ont pû vous faire oublier
notre amitié. Ajoutez à tout cela le préfent
précieux de votre livre , contenant la
Relation de votre voyage en defcendant
la grande riviere des Amazones ; je l'ai lữ
avec avidité .
Je vous ai porté envie juſques dans vos
traverſes & dans vos dangers. Vous fçavez
qu'il n'y a que mon âge avancé qui m'ait
empêché de demander d'être de votre
nombre , lorfque vous partîtes de Paris,
20 MERCURE DE FRANCE.
pour votre héroïque voyage. C'eſt à pré- .
fent que nous pouvons dire que nous connoiffons
réellement l'Amérique Méridionale
de l'un à l'autre Océan , & nous vous
en avons l'obligation . Outre les Obfervations
Géographiques & celles qui concernent
les moeurs des habitans , j'ai fait une
particuliere attention à ce que vous avez
remarqué fur l'inégalité de la péfanteur
fous differens paralléles , à votre propofition
d'une mefure univerfelle prife de la
longueur du pendule à fecondes fous l'é
quateur, à vos expériences pour déterminer
la viteffe du fon , & aux autres belles
obſervations que vous avez inferées dans
votre ouvrage fuivant l'occafion & comme.
en paffant. Je vous envoye une lettre fçavante
fur la differente vîteffe du fon , publiée
depuis peu , & qui m'a été envoyée
par M. Louis Bianconi mon confrere de
l'Académie des Sciences de Bologne , &
premier Médecin du Prince de Darmftatt
Evêque d'Aufbourg . A l'égard de la lon .
gitude du Para , que vous dites que vous
pourrez déterminer par lę moyen de l'éclipfe
de Lune que vous y. avez obfervée
le premier de Novembre 1743 , quand
vous en aurez reçû l'obfervation correfpondante
dans quelque lieu dont la longitude
foir connue ; cette obfervation :
"
FEVRIER i748. 21
n'ayant pû être faite à Paris , vous pouvez .
yous fervir de celle qui a été faite à Verone
dans mon obfervatoire par Meffieurs
Paul Guglienzi & François Seguier , dont
je vous envoye un exemplaire . Je n'ai pas
encote vû. les Mémoires de l'Académie
dans lesquels on trouve le réſultat de vos
travaux & de ceux de vos confreres fur
l'ouvrage principal . Mais je fçais qu'au
moyen des expéditions de l'Académie
Royale on connoît les diamètres de la terre
, & la meſure exacte des dégrés terreftres
fous l'équateur & fous le cercle polaire . Je
puis dire à préfent que le diamètre de l'équateur
eft plus grand que celui qui paffe
par les Pôles , & que la machine terreftre
eft un fphéroïde relevé fous l'équateur &
applati par les Pôles. Je crois que tout cela
feroit également vrai , quand même la péfauteur
fous l'équateur ne feroit pas diininuée
par la rotation diurne , mais par quelqu'autre
raifon probable qu'on pourroit
en apporter. Mais que dirai-je de ce
qu'au milieu de vos fublimes penfées &
méditations fur le Ciel & fur la terre , vous
vous êtes fouvenu de mon Sonnet , qu'avec
des expreffions fi polies vous m'affûrez
avoir rencontré des approbateurs intelligens,
même à Quito?On l'a imprimé ici
depuis peu à la fin d'une réponse que j'ai
22 MERCURE DE FRANCE.
faite à M. de Voltaire , qu'on a ajoutée
avec plufieurs petits ouvrages à une nou
velle édition de ma Tragédie , mais cette
petite piéce que je vous ai donnée à votre
départ , n'a certainement pas été une digne
compenfation des rares infcriptions que
vous avez copiées en Afrique & en Alie ,
& que vous m'avez communiquées avec
tant de politeffe , & dont je publiai dans
ce même tems quelques- unes à la fin du livre
Gallia antiquitates quædamfelecta. Quel
eft le fçavant qui pourra fe vanter, comme
vous , d'avoir parcouru les quatre parties
du monde , & d'avoir ramaffé dans toutes
des connoiffances utiles ' & fingulieres ?
Je remarque dans votre livre beaucoup
d'obfervations d'Hiftoire naturelle qut
m'apprennent combien elle eft de votre
goût , & qui me donnent occafion de vous
parler d'une chofe admirable en ce genre
au-deffus de tout. Que j'ai eu de regret
de ne vous avoir pas recommandé & à
M. Juffieu d'obferver exactement files
coquillages de mer que je ne doute pas
qu'on ne trouve auffi dans les hautes montagnes
de l'Amerique , font de la même
efpéce que ceux de nos montagnes , jufqu'à
quelle hauteur on les trouve , & plufeurs
autres particularités dont on ne
"
FEVRIER. 1748. 23
s'embaraffe pas ordinairement *2 Il n'y a
.peut- être pas de merveille naturelle plus
difficile à comprendre , & qui donne
champ à de plus belles fpéculations ; on a
vû des coquillages fur les montagnės du
tems d'Herodote, Les Grecs ont appellé
une certaine pierre conchite , parce qu'elle
étoit remplie de coquillages de mer. Ter
tulien difoit : Adhuc maris Concha & Buccine
peregrinantur in montibus. Je crois que
depuis ces premiers tems c'eft à Verone
qu'on a fait les premieres obfervations
exactes dans ce genre, parce qu'ayant commencé
en 1517 à mieux fortifier le Château
de Saint Felix , on trouva en plufieurs
endroirs , en taillånt la pierre du côté de la
ville , une grande quantité de teftacées
petrifiées , des ourfins , des huitres , des
cancres de mer ( paguri ) & plufieurs autres
efpéces de coquillages qui donnent
occafion à Fracaftorius de philofopher &
de raiſonner fubtilement fur cette matiere ,
comme on voit dans les livres de Saraina
& de Calceolari , & d'indiquer les diffe
M. de la Condamine n'a trouvé aucune coquille
foffile dans aucune des montagnes qu'il a
vûës en Amérique , dans les Provinces de Quito &
de Lima , ni dans aucune pierre , quoiqu'il en air
cherché avec une attention expreffe. On prétend
qu'il s'en trouve au Chili.
24 MERCURE DE FRANCE.
rentes opinions qui ont été depuis foutenues
par les Auteurs. Plufieurs Sçavans de
toutes les Nations ont écrit depuis fur
cette merveille , & ont cherché avec foin
comment des animaux privés de mouvement
local , auffi péfans , & dont pluſieurs
habitent le fond de la mer, ont pû monter ,
ou ont pû être tranfportés à des hauteurs
& à des diftances fi grandes de la mer .
Ceux qui ont écrit fur cette matiere ont
fait parade de leur efprit & de leûr ſçavoir
, mais en vérité il n'y a aucune opinion
fatisfaifante , & contre laquelle il n'y ait
des difficultés infurmontables. Jc vous dirai
de plus que ces Auteurs ne pouvoient
pas avoir une connoillance fuffifante du
fait , n'étant pas venus faire des recherches
dans le Veronois. L'Italie eft trèsabondante
en tout genre des plus rares curiofités
naturelles , & ceux qui croyent
qu'on la doit confulter feulement pour les
antiquités & pour les édifices, fe trompent ,
Mais notre territoire eft au-deffus de toutes
les parties de l'Italie en matiere de pe.
trifications ; ceux qui ne les ont pas vûës
auroient de la peine à s'en imaginer la
quantité & la qualité. Les cabinets les plus
célébres des autres régions de l'Europe'
font pauvres en ce genre en comparaifon
des nôtres , & je m'en fuis affûré dans
mon
FEVRIER.
1748. 25
mon grand voyage , je n'en excepte pas
même celui du célébre Rooduard à Cam
bridge qui eft le plus riche , comme étant
celui auquel Auguftin Scilla a envoyé
plufieurs beaux morceaux. Mais de combien
plus d'espéces en avons - nous ſur nos
montagnes ? Combien font- ils plus grands ,
mieux & plus merveilleufement confervés
Nous en avons d'admirables jufques
dans la ville même , c'est-à- dire dans cette
partie du côteau qui eftcompriſe dans nos
murs , j'efpére en publier une fuite avant
qu'il foit peu. M. Seguier , mon inféparable
camarade , que vous avez vû avec moi
il y quinze ans à Paris , les a tous parfaitement
deffinés de fa propre main , après une
recherche trés- exacte qu'il en a faite , &
particulierement à Bolco. Il a auffi deffiné
ce grand nombre de feuilles , & de differentes
plantes qu'on trouve en ouvrant le
tuf & la pierre , & qui ne font pas plantes
marines , tandis que les poiffons font tous
poiffons de mer , ce qu'on remarque avec
étonnement.
Je fuis für que par la négligence de vos
Libraires à faire venir les livres d'Italie ,
vous n'avez pas encore vû un livre publié
il y a quelques années par M. Antoine-
Lazare Moro , qui traite des crustacées &
des autres productions marines qu'on
B
26 MERCURE DE FRANCE.
>
trouve fur les montagnes. On n'en a pas
encore vû de plus ingénieux fur cette ma
tiere fi difficile ; il fait voir en premier lieu
la vanité & l'infaffifance , non-feulement
de ces opinions qui paroiffent telles au
premier abord , mais auffi de deux opinions
qui font moins déraisonnables que
les autres , fçavoir celles qui attribuent
tout au déluge , on au féjour que la mer a
fait autrefois naturellement dans les en
droits où l'on trouve actuellement les cruf
tacées , il en auroit dit encore davantage
s'il avoit vû de quelle grandeur , & jufqu'à
quelle hauteur nous trouvons ici les
coquillages. En effet nous en voyons fut
nos montagnes , dans nos cabinets , &
jufques dans nos rûes au milieu des pierres
qu'on a taillées pour fervir de pavé , nous
trouvons , dis-je , beaucoup de l'efpéce appellée
corne d'Hammon dont quelques- uns
ont jufqu'à deux pieds de diamètre , au
lieu que dans les autres pays il s'en trouve
rarement de forts petits pour l'ordinaire *.
On n'a pas encore vû de pareils animaux
vivans & dans l'état naturel , ni dans nos
Le grand chemin de Saverne à Strasbourg eft
pavé en grande partie de cette même espéce de
coquillages petrifiés , connus fous le nom de corne
d'Hammon , il y en a de la taille de ceux dont
parle l'Auteur .
FEVRIER. 1748. 27
mers ni dans celles du nouveau monde ;
il y adonc apparence , & il faut dire qu'ils
demeurent dans le plus profond de la mer.
Quand bien même le niveau de la mer eut
égalé la hauteur des montagnes , de forte
que la terre eut été l'habitation des poiffons
& non pas des hommes , ces coquillages
fi grands ne feroient pas venus au
haut , & de même dans le déluge quelle
qu'eut été la hauteur de l'eau au-deffus du'
lit de la mer , des teftacées fi grands &
auffi pefans ne ffeerrooiieenntt pas pour cela devenus
legers , mais au contraire auroient
été enfoncés de plus en plus ; or cet Auteur
a imaginé la maniere d'expliquer comment
ils ont pû être portés ailément à une
fi grande hauteur. Il croit que les montagnes
où l'on trouve des teftacées ont été
produites par les feux fouterrains , qui
ayant éclaté dans la mer en ont élevé le
fond avec tout ce qui s'y trouvoit de
de pierres , de minéraux & d'autres matieres
qui étoient dans le fein de la terre
& ont formé les collines & les montagnes.
Cette idée paroîtra d'abord extraordinaire,
mais on en rapporte de bonnes raifons.
Nous avons vû de nos jours fortir du fond
de l'Archipel , une Ifle qui , à ce qu'on
*
terre,
2
* La nouvelle Ifle de Santorin en 1708 ou 1710.
V. lett . edif. & cur.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
dit , a plus de dix milles de circuit , & on
a été affûré que ç'a été l'ouvrage du feu
fouterrain , par les flammes & la fumée
qu'on en vit fortir lorfqu'elle parût &
crût peu à peu , ce qu'on reconnut encore
par les matieres qu'on vit dans l'eau à plufeurs
milles à l'entour. On voit fur les
montagnes de cette Ifle des huitres beaucoup
plus grandes que celles qu'on connoît
ordinairement dans le pays , d'où l'on
conclut qu'elles étoient dans le plus profond
de la mer. Celles- ci fe petrifieront
& fe calcineront , & on ne manquera pas
de dire qu'elles y ont été apportées par let
déluge , mais fi quelqu'un de notre tems
& du pays l'entendoit , il riroit de cette
conjecture , les ayant vû lancer à cette
hauteur le feu fouterrain. Or notre
par
Auteur penfe qu'on doit croire que ce qui
eft arrivé dans cette Ifle eft arrivé auffi
dans les autres endroits , parce que la nature
eft uniforme , & les mêmes effets proviennent
de la même caufe. Cet exemple
n'eft pas le feul . Strabon , Seneque , Juf
tin certifient qu'il y a eu plufieurs Ifles
qui ont été formées de la même maniere ,
Pline a auffi parlé de celles qui naiffent
tout à coup du fein de la mer , ( repentè
in aliquo mari emergunt ) & parmi celles
qui ont été formées de cette mapiere il
FEVRIER. 1748. 29
compte Delos & Rhodes , qui a cent cinquante
milles de circuit. Paufanias dit que
Hiera fortit fubitement , & Pline remarque
qu'elle vomiffoit des flammes pendant
la nuit , c'eft pourquoi elle fut confacrée
à Vulcain. Je me fouviens d'avoir lû dans
la Chronique de Dandolo que dans la mer
Egée il fortit du fond de la mer une Inle
qui a trente ftades de grandeur. Auguftin
Scilla croit que l'Ifle de Malthe a été formée
de même à plufieurs reprifes & à divers
intervalles de tems , paroiffant être un
amas paîtri de fragmens de dents & d'os
d'animaux petrifiés . Nous fçavons par plufieurs
témoignages que dans le fiécle paffé
un feu violent a élevé en quinze jours dé
tems une lile de trois lieues de longueur
proche les Açores , non loin de l'Afrique ,
dans un lieu où l'Ocean eft très - profond.
M. Moro croit que nous aurions de femblables
notions des autres Ifles , quoique
très-vaftes , fi elles n'avoient pas ainfi été
formées dès le commencement du monde
ou an moins dans des fiécles antérieurs à
l'Histoire & aux monumens. Il penſe de
même des prefqu'Ifles dans lefquelles par
cette raifon on remarque que les parties
montagneufes ont en gros la figure du
tout , comme on voit dans la Sicile & le
long de l'Italie ; il conclut des lits ou cou-
>
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
ches qu'on trouve en fouillant dans les
plaines , qu'elles ont été formées de la.
matiere écroulée des montagnes adjacentes
; il trouve dans la maniere uniforme
de procéder de la nature pour produire
des effets femblables, de grandes raiſons de
croire que les montagnes , les continens
où l'on trouve les teftacées , ont été exhauffés
de la même maniere . Strabon a
écrit , en parlant des éruptions fubites
qu'on ne doit point croire que les petites
Iles puiffent être plutôt pouffées en haut
que les grandes & celles- ci plutôt que les
continens . Voici donc un des meilleurs &
de plus fçavans Ecrivains de l'antiquité
déclaré pour cette opinion . Nous fçavons
que la terre s'eft ouverte il y a deux cent
ans dans le territoire de Pouzzole , &
qu'elle jetta pendant une nuit une figrande
quantité de matiere qu'elle forma la montagne
appellée Monte- Nuovo qui exifte
encore aujourd'hui & a trois mille de circuit
. Nous voyons dans toutes les parties
du monde des montagnes qui vomiffent
*
Le volcan de Sangaï dans la Province de Macas
dépendante de celle de Quito dansl'Amérique
Méridionale , n'a pas ceffé depuis 1726 de lancer
des flammes , & de donner iffuë à un torrent de
matieres enflammées & liquides , indépendamment
des éruptions extraordinaires dont le bruit fe fait
entendre à plus de cinquante lieuës.
FEVRIER. 1748. 31
du feu , & des volcans qui font des éruptions
de tems en tems. Les cavernes , les
bouleverfemens , les écroulemens extraordinaires
qu'on trouve dans les montagnes,
femblent prouver qu'elles ont été violemment
élevées fur des débris..
"
Comment expliquer fans cela les differens
lits ou couches qu'on trouve en creufant
des puits , & particulierement dans
le Modénois ? Quelqu'une de ces couches
prouve que ce terrain a été habité & cultivé
, & on reconnoît qu'entre la formation
d'une couche & l'autre il s'eft paffé
plufieurs fiécles . On explique auffi de cette
maniere pourquoi on a trouvé à de fi
grandes profondeurs des animaux & des
plantes qu'on ne voit plus à préfent dans
le
pays & pourquoi on voit de gros
rochers au milieu des collines fertiles &
pleines d'herbes éloignées des montagnes.
Enfin ce fyftême ingénieux mérite d'être
examiné & difcuté par des hommes d'efprit
comme vous. On en conclut que
'Auteur penfe que la terre a été environnée
& couverte d'eaux. Dieu commanda
enfuite aux eaux de s'affembler : Congregentur
aqua , & elles fe ramafferent dans la
mer ; & à la terre qu'on ne voyoit point
auparavant, de paroître : Et appareat arida,
Bij
32 MERCURE DE FRANCE.
•
& après ce commandement elle commença
à fe montrer , pouffée en grande partie
par le feu & par la force de cette main
qui , fuivant ce que je remarque dans Job,
fit bouillir la mer comme l'huile : Fervefcere
fecit quafi oleum profundum mare. La
terre avoit une croute de pierre également
épaiffe ; & le feu qui étoit , & qui eft encore
en grande quantité dans les entrailles
de la terre fut le miniftre de la volonté
divine pour la rompre , pour élever les
montagnes & pour réduire cette maſſe à
fon état préfent. Le feu donc pouffa auffi
en haut ce nombre infini de coquillages
qui étoient d'abord fous l'eau , c'eft pour
cela que nous voyons encore aujourd'hui
des poiffons d'une grandeur & d'un poids
extraordinaire
, voyager , pour ainfi dire ,
dans l'air & fur le penchant des montagnes.
Mais nous avons dans le Véronois
une merveille qui eft encore plus digne de
vos réfléxions, & dont je ferois charmé que
vous fuffiez témoin oculaire. Eft il poffible
qu'une perfonne qui a parcouru l'Afrique
& l'Amérique ne fe fente pas de curiofité
de voir l'Italie ? La rareté dont je
parle ici mérite certainement qu'une perfonne
qui aime la contemplation & l'ob .
fervation de la nature faffe ce voyage.
Si vous vous y déterminez , je mettrai une
>
FEVRIER. 1748. 33
fou
Infcription dans l'appartement de ma maique
vous honorerez de votre féjour.
Je vous conduirai fur le fommet de nos
montagnes & je vous ferai voir une
grande pierre ifolée en forme d'écueil , laquelle
eft compofée , pour ainfi dire , de
lames , & qui étant taillée fe fend en plu-,
fieurs endroits ; vous y trouveriez quelquefois
non plus une coquille , mais un
poiffon qui a été mou & gliffant autrefois,
& qui maintenant eft pétrifié & dont une
moitié refte attachée à un morceau de la
pierre & l'autre moitié à l'autre morceau.
Il y a plus de trente ans que je paffai trois
jours avec grand plaifir dans cette foli
tude , & que j'y ramaffai une fuite de poiffons
que j'envoyai à mon ami Vallinieri
qui en a fait une mention obligeante dans
fon livre des cruftacées. Je trouvai peu de
tems après une partie de ces mêmes poiffons
dans un cabinet célébre , où ils por
toient le titre de pierres labienes . Il eſt
vrai qu'on trouve dans quelques autres pays
de femblables petrifications , & particu
lierement dans les montagnes d'iflebia en
Saxe, & dans quelques autres de la Paleftine.
Mais dans le peu de pays où on les
trouve , elles font rares ; il y en a de trèspeu
d'efpèces , & à peine y en voit-on
l'impreffion , au lieu qu'ici elles font gran-
B▾
34 MERCURE DE FRANCE .
des , entieres , très- variées , depuis deux
cent ans qu'on a commencé à en tirer en
grande quantité. Celles qui ont été fouillées
de mon tems feulement , font fans
nombre. Cependant il eft rare d'en trou
ver de bien confervées & unies ,,
parce
qu'en fendant la pierre plufieurs tombent
en pouffiere & laiffent fort peu de veſtiges.
Mais nous en avons en grand nombre
dans nos collections à qui il ne manque
rien. Voyez à Paris la petrification
que j'ai envoyée à la fçavante Madame la
Comteffe de Vertillac ; fi le tranfport n'y
pas fait de tort , vous verrez la chair même
de l'animal brunie & devenue momie.
á
On a beaucoup écrit fur les poiffons &
furles montagnes deBolca où on les trouve,
mais comme ceux qui en ont écrit n'ont
pas été fur les lieux , on n'en a pas une
connoiffance jufte & fuffifante . M. Seguier
en fera voir plus de trente espéces.
La premiere remarque que j'ai faite , c'eft
qu'ils font fûrement tous poiffons de mer,
& j'ai reconnu que ceux qu'on trouve dans
les autres pays le font auffi , de forte que
je fuis fort porté à croire que ceux qui
croyent qu'on en trouve auffi d'eau douce,
fe trompent. J'ai obfervé enfuite que par
mi ces efpéces il y en a qui font de differenFEVRIER
. 1748. 35.
tes natures & d'inclinations tout-à-fait ор-
pofées ; il y en a de ceux qui aiment l'eau
claire feulement , de ceux qui aiment la
trouble , de ceux qui demeurent fur le
fable , de ceux qui fe cachent dans la boue,
enfin de ceux au contraire qui fuyent
toute forte de limon & de dépôt . Nous
en trouvons de toutes les claffes dans ce
rocher , nous y voyons dans un petit efpace
un mêlange de diverfes nations peut
amies , qui naturellement n'habitent
jamais enfemble , & même de ces petits
poiffons qui font mangés par les grands
& qui les fuyent fans ceffe , d'où je conclus
que ces poiffons ne fe trouvent pas
raffemblés volontairement & n'y ont pas
été portés par la mer, venuë naturellement
jufques -là , car en ce cas les differentes efpéces
auroient pris & gardé , fuivant leur
ufage, des poftes differents. Ils n'y ont pas
été forcés non plus par les playes du déluge
,
, parce que l'élement qu'ils habitoient
& leur pays natal s'étendoient au - delà de
leurs bornes ordinaires , ils n'étoient pas
obligés pour cela de quitter leurs demeures
accoûtumées , & de venir fe renfermer en
foule dans un petit efpace , abandonnant
l'eau falée leur féjour naturel pour venir
habiter l'eau douce.
Infiftant donc dans l'idée rapportée ci
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
deffus , & confidérant qu'il faut qu'une fe
couffe ou un effort violent ait porté fur les
hautes montagnes ce qui étoit au fond de la
mer , on voit qu'il faut que cet effort ſoit
venu par-deffous & non par-deffus , de
bas en haut , & non pas de haut en bas ;
puifque nous fçavons certainement qu'il
eft arrivé la même choſe dans la mer par
le feu fouterrain , nous pouvons croire
avec plus de raifon qu'il en est arrivé autant
fur la terre , à quoi on peut ajouter
que de toutes les explications par lefquelles
on a tenté de rendre raifon de ce phénoméne
, celle- ci eft la feule qui n'ait pas
contre elle une impoffibilité abfoluë &
manifefte.
Je viens enfuite à confidérer comment
dans cette fubite révolution qui fit changer
lasterre & la mer de place , lorfque les
montagnes fe formerent de l'une & de
l'autre , les poiffons foulevés d'abord avec
un peu d'eau , ont dû chercher à fe fauver
dans les endroits où l'eau eft restée plus
long- tems ; il fera arrivé naturellement
que l'eau fe fera ramaffée dans un petit
eſpace , & y aura été retenue pendant quelque
tems par la conformation accidentelle
du lieu , comme dans un étang les poiffons
de toute espéce fe feront refugiés en foule
dans ces receptacles pour ne pas refter à
que
FEVRIER . 1748. 37
fec, la fituation de notre rocher aura fourni
une telle flaque d'eau , un tel réfervoir,
il n'eft donc pas étonnant qu'on y trouve
de grands & de petits poiffons de tant de
claffes & fi differentes , & même des efpéces
ennemies & incompatibles.
le
Il faut encore confidérer que la grande
quantité des poiffons petrifiés dans un G
petit efpace , prouve qu'ils ont été abandonnés
fubitement & tout à la fois. par
l'eau , & enfoncés tout à coup dans la boue
où dans cette extrêmité ils tâcherent de fe
fauver. Si la mer eût été naturellement en
ce lieu , & qu'elle fe fût abaiffée & retirée
peu-à- peu & par dégrés , les poiffons auroient
pû fuivre le fil de l'eau & fe retirer
avec elle . S'ils y avoient été portés par
déluge , les eaux ayant diminué de même
peu- à- peu , comme le texte facré le rapporte
: Coeperunt minui & decrefcebant aque
ufque ad decimum menfem , les poiffons au
roient pû retourner à leur demeure . Il pa
roit donc probable que la croupe de la
montagne dont nous parlons , a été foulevée
& enfuite retournée dans un inftant
par les dernieres fecouffes caufées par le
feu intérieur à la matiere dont les monta
gnes font formées , & que l'eau s'étant
écoulée , les poiffons font reftés à fec fans
avoir pû fe fauver . Là à l'abri des infultes
38 MERCURE DE FRANCE.
de tout infecte & de l'air même , leurs
corps font devenus comme des momies &
fe font confervés toujours dans le même
état ; ils fe font pétrifiés , lorfque la terre ,
le fable , le limon qui les environnoient
font au devenus pierre, ainſi qu'il arrive
aux autres petrifications . Le bois , par
exemple , fe pétrifie , & nous en avons ici
de fort beaux morceaux. J'ai appris il y a
long-tems comment cela fe fait , parce
qu'après plufieurs recherches on m'en apporta
un grand morceau attaché à fa matrice
, c'est-à-dire , environné par la pierre
dans laquelle il fe pétrifie. Je vis alors
que le bois & tous les autres corps fe pétrifient
lorfque la pierre même fe forme.
Si dans un liquide ou dans quelque matiere
molle , qui par la fuite du tems & par
le miniftére de la nature s'endurcit & devient
pierre , il fe trouve du bois ou
quelqu'autre corps , alors il fe pétrifie
auffi , & fans perdre aucunement fa figure
ni fon apparence , il acquiert une dureté
& un poids plus grand que la pierre dont .
il est environné & il jette quantité
d'étincelles lorsqu'on le frappe avec de
l'acier, ce que ne fait pas la pierre qui l'environne;
nos poiffons qui ont été des corps
mous & réduits en petit volume , n'ont acquis
qu'une dureté & une confiftance pro
め
FEVRIER. 1748. 399
portionnée à leur état mais fuffifante
pour les faire reconnoître , & particulierc
ment par l'arrête du dos & les écailles .
Quelle que foir , mon cher ami , l'opinion
qu'on ait de ces myfteres cachés de
la nature , qui m'ont toujours parû enveloppés
dans l'obfcurité & remplis d'incertitude
, j'ai jugé à propos de vous entretenir
au long de raretés fr belles , qui donnent
de l'émulation & répandent du jour
dans la recherche de l'hiftoire naturelle
du globe terreftre , que vous n'avez pas
craint de parcourir jufqu'aux Antipodes ,
où vous avez paffé dix ans pour en déterminer
la figure. Vous me ferez un plaiſir
fingulier fi vous voulez m'écrire avec votre
fincérité ordinaire ce que vous & vos
illuftres confreres penfez de nos poiffons
de Balca en particulier , & je ferai charmé
d'apprendre de vous ou d'eux fi on peut
trouver quelque raifon moins extraordinaire
, plus plaufible & plus naturelle que
que j'ai rapportées ci- deſſus.
celles
Je fuis , & c.
SZAL
40 MERCURE DE FRANCE.
Ö D. E
A M.le Maréchal Comte de Saxe.
DUHéros de nos jours je vais chanter la gloire,
Doctes foeurs prêtez- moi vos pinceaux délicats ,
Pour peindre à l'univers ce fils de la victoire,
Ce célebre Saxon , l'arbitre des combats.
Animé d'une ardeur magnanine & conſtante ,
Toujours ce demi- Dieu favorifé de Mars ,
Illuftra les projets que fon génie invente ;
Et la foudre à la main il brava les hazards.
Ses fublimes vertus , fa prompte vigilance ,
L'ont faittoujours courir de laurier en laurier ,
Et toujours ce grand coeur allia la prudence
A l'intrépidité d'un infigne guerrier.
****
Une troupe orgneilleufe ofe affronter la foudre
De nos braves François qu'anime la valeur ,
Mais Maurice paroît ; tout eft réduit en poudre ,"
De fes fiers ennemis il demeure vainqueur.
C
FEVRIER. · 1748. 41
Fontenoy retentit du bruit de nos conquêtes ;
Lawfelt de mon Héros fubit les mêmes loix ;
Le Chantre de Henri pour célébrer nos fêtes
Emprunte des neuf Soeurs la raviffante voix.
>
Quel éclat plus pompeux me préfentent vos faftes,
Redoutables vainqueurs de la mort & du tems
Fiers Romains,dont le coeur eut des défirs fi vaftes;
Vous , qui foumîtes tout par vos faits éclatans !
Renaiſſez en ce fiécle où la gloire ſuprême
Infpire chaque jour mille refforts nouveaux,
Et ne nous vantez plus votre pouvoir extrême ;
Vos exploits célebrés rehauffent mon Héros.
La Nature jamais ne parut plus propice
Que lorfqu'elle forma ce guerrier généreux ;
L'ennemi s'épouvante au feul nom de Maurice ;
Tout cede aux mouvemens de fon bras valeureux
Louis dont la valeur & la haute clémence
S'apprêtent chaque jour à rendre un peuple heu
reux ,
Fixa par fes vertus dans le fein de la France
Ce glorieux Saxon , digne objet de nos voeux..
42 MERCURE DE FRANCE.
•
Illuftres favoris de la troupe fçavante' ,
Héros du Mont Sacré, Gignalez vos tranſports ;
Prenez du Dieu des vers la Lyre raviffante ;
Au plus puiffant des Rois confacrez vos accords .
****
Quoique la Renommée ait déja dans fa courfe
Publié mille fois tant de fait inoüis ,
Portez vos doubles fons du Levant jufqu'à l'Ourfe ;
Annoncez noblement la grandeur de Louis.
*XX*
Quel autre mieux que toi peut ofer l'entreprendre,
Ingénieux Voltaire , enfant chéri des Dieux ?
Déja tout l'univers fe prépare à t'entendre ;
Célebre de Louis le fiécle glorieux.
JAUME , de Lyon.
LETTRE adreffée à M. de la Bruere au
fujet de la Defcription de Bourgogne , annoncée
dans le Mercure de Décembre.
Vd'inferer dans votre Journal le plan
Ous avez très -bien fait , Monfieur ,
de la defcription du Gouvernement de
Bourgogne , à laquelle travaille M. Michault
, Avocat au Parlement de Dijon .
FEVRIER.
1748. 41
Let
dre,
ere
an
e.
an.
fieur,
le plan
nent de
M. Mi-
Dijon .
On ne peut trop faire connoître un ouvrage
qui paroft devoir être plein de recherches
, comme le fera celui-là . Ce fera un répertoire
de tout ce que l'on pent défirer
de fçavoir touchant cette vafte Province ,
de laquelle nous avons à la vérité differentes
Hiftoires générales , mais qui ne pa
roiffent pas avoir encore fatisfait pleinement
l'attente da public.
Que nous ferrons heureux en France , fi
nous pouvions parvenir à avoir une defcription
de toutes les Provinces qui com
polent le Royaume , auffi détaillée que celle
que M. Michault la promet pour la
Bourgogne ! M M. les Intendans n'ont fait
qu'effleurer ce deffein dans les defcriptions
manufcrites faites par leurs ordres , que
P'on trouve en quelques Bibliothéques.
D'ailleurs ils n'ont pas toujours été bien
fervis. La plupart de ceux qui leur ont
fourni des mémoires, étant des gens de Bureau
, ont défiguré les noms des lieux lorfqu'ils
les ont mis par écrit ; on peut en
juger par quelques- unes de ces deferip
tions , imprimées depuis cinquante ou
foixante ans , par plufieurs Dictionnaires
Géographiques qui inondent la France .
Je croi au refte que M. Michault me
pourra gueres venir à bout d'exécuter parfaitement
la defcription qu'il a entreprife,
44 MERCURE DE FRANCE.
à moins qu'il ne faffe beaucoup de voyages
dans la Province . On s'apperçoit depuis
long-tems dans combien de fautes M. Hadrien
de Valois eft tombé en compofânt fa
Notice des Gaules , parce qu'il s'eft contenté
de voir les Auteurs dans fon cabinet,
fans aller vifiter les lieux , même les plus
proches de fa demeure , & qu'il s'eft repofé
fur des Cartes Géographiques , qui font:
pleines de fautes par la même raiſon .
Je fouhaiterois auffi que M. Michault
ne fe contentât point de donner dans fa
defcription le Pouillé du Diocèfe de Dijon
, mais qu'il y ajoûtât auffi celui des autres
Diocèfes, autant qu'ils s'étendent dans
la Bourgogne , principalement celui d'Autun,
qui eft un Diocèfe très nombreux . Il eſt
vrai qu'en promettant qu'outre le nom des
villages de la Province , il donnera auffi
le vocable du faint Patron , il entre dans
la pensée de la perfonne qui travaille à
publier tous les Pouillés des Evêchés
du Royaume , mais il faudroit encore ,
pour mieux faire , marquer quels font
les Nominateurs aux Bénéfices, par une raifon
que vous verrez dans un Mémoire ci
Joint.
Il a commencé à être répandu dans le
Royaume au mois de Juillet dernier , & a
produit de très-bons effets , jufques- là mêFEVRIER.
45 1748 .
Le
me que des Eccléfiaftiques zelés , auxquels
leurs Prélats l'ont remis , ont conçû le deffein
de compofer des Hiftoires de leur
Diocèfe , ou au moins de ramaffer des matériaux
par le moyen des lettres envoyées
à tous les Membres du Clergé.
MEMOIRE fur les avantages que l'on
peut retirer d'un nouveau Pouillé général
du Royaume,
"9
I Diocèfes de France , qui repréfentent
L n'y a prefque pas de Cartes des
» les noms des villages tels qu'ils font . La
plupart font mal écrits. Les dénombre-
» mens imprimés par les foins des Laïques
renferment des noms défigurés & pris
» de travers. Il eft de l'honneur du Royaume
qu'il y ait un dénombrement de lieux,
»fur lequel on puiffe compter où foient
» les vrais noms de ces lieux, & qui ferve à
« former des Cartes Géographiques où ces
» noms foient reconnoiffables. C'eſt à
» quoi peut contribuer un Poüillé général
» écrit nettement & diftinctement,
» 2 °. Il paroît convenable que dans un
Royaume où l'on fait profeffion d'éru-
» dition , on fçache en quel lieu de ce
» Royaume font arrivés tels & tels faits
» marqués dans les Hiftoriens originaux
» de la Nation , dont le local eft devenu
46 MERCURE DE FRANCE.
39
» obfcur à caufe de l'éloignement des
» tems , tels que Grégoire de Tours , Fredegaire
, Nithard , plufieurs Anonymes ,
» Aimoin , tous les Analiftes des VII.
« VIII. & IX. fiécles ; les Auteurs d'une
» infinité de Chroniques , les Actes des
Conciles de l'Eglife Gallicane , une multitude
infinie de Chartes , ceux des Af-
»femblées tenues pour les Plaits généraux
» de la Nation ; ceux auffi des Saints de
» France & des Tranflations de leurs Reliques.
Souvent ces lieux ne fe peuvent
» découvrir qu'à l'aide du nom du Saint
» Titulaire d'un Chapitre ou d'un Prieuré
» ou même d'une Eglife Paroiffiale de vil
D
lage. C'eft par ce moyen -là que je fuis
» parvenu à faire la découverte de quel-
» ques-uns. On eft à corriger plufieurs
méprifes des modernes qui avoient mal
» rendu les noms de lieu en notre Langue .
» H deviendra facile d'en découvrir bien
» d'autres par la même voye , lorfque les
» anciens Hiftoriens nomment le Saint
» Titulaire des Bafiliques , ainfi que cela
leur arrive fouvent.
» 3 °. La préſentation & nomination aux
» Bénéfices , Cures ou Chapelles , fouvent
> apartenant à un Chapitre ou à un Abbé,
»ou à un Prieur de Monaftere , voici
l'utilité qui revient aux amateurs de
FEVRIER . 1748. 47.
é
il.
is
al
ne.
en
les
int
cela
aux
ent
obé,
oici
de
l'antiquité de connoître ce qui eft de
» leur nomination. C'eft que , foit que,
l'on veuille fixer les lieux dont les an-
> ciens Itinéraires des Romains dans les
» Gaules ont parlé , foit faire la recherche.
» de ceux qui ont des origines Celtiques ,
» ou qu'on entreprenne de défigner ceux
de la tenue de quelques Conciles , foit
» qu'on veuille trouver où étoient placés
» certains Siéges Epifcopaux détruits ou
transferés depuis plufieurs fiécles , ou
éclaircir quelques actions des Saints ,
tels que leurs voyages & les Tranſports
» de leurs Reliques , découvrir la patrie ,
» la demeure où la fépulture de quelques
illuftres perfonnages de l'antiquité ; pour
» lors fur la reffemblance des noms de
» l'Hiftoire avec ceux des Pouillés
"peut écrire à ce Chapitre , à telle Abbaye
, tel Prieuré ou telle Communauté
» qui les repréfentent , pour les prier de
» voir quel eft le nom que les anciens ti-
» tres Latins ou François , confervés ordi-
» nairement dans leurs Archives , donnent
» à ces lieux , par le moyen de quoi l'on
' peut paffer de la conjecture à la certitude
& trouver la vérité.
93
L'Auteur de ce Mémoire m'a fait dire
qu'il auroit dû ajoûter au premier article
que nous n'avons pas même les Cartes de
48 MERCURE DE FRANCE.
plufieurs Diocèles du Royaume, & comine
ces Cartes manquent dans la République
Litteraire , on fe trouve arrêté lorsqu'en
lifant les Hiftoriens , comme les Bollandiftes
, les collections de Dom Dachery ,
de Dom Mabillon , Dom Martenne , Dom
Bouquet , de M. Baluze & autres , on veut
chercher la poſition des lieux qui y fone
nommés. Samfon a laiffé en manufcrit ungrand
nombre de ces Cartes qui n'ont jamais
été gravées & qui demanderoient de
l'être pour le fecours des gens de Lettres.
Elles attendent toujours quelqu'un qui les
tire de l'obfcurité,
CACACACÒCƏZAYACAnamamata
VERS à Mile ... pour le premier jour
de l'année 1747. ~
EN des lieux * au Ciel inconnus
J'ai vu l'égale de Vénus ,
Qu'à l'envi fuivent les trois Graces ;
Les ris badins & les vertus
Précedent conftamment les traces ,
Exigeant des coeurs les tributs ;
Des plaifirs la troupe légere ,
>
* La Demoiſelle a qui ces vers furent adreſſés ;
étoit dans un petit village.
Et
FEVRIER . 1748.
49
Er tous les enfans de l'Amour ,
·
Par ordre niême de fa mere ,
S'envolant ſouvent de Cythere ,
Viennent égayer le féjour
-De fa rivale & fon amie ,
Et fe partagent tour'a tour
**
Jés;
Entre elle & l'immortelle Cour.
La fageffe au goût réunie
Regne chés elle fans fierté ,
Et préférant la vérité
A la morgue de fantaiſie
Qu'affecte la févérité ,
Ou plutôt la cérémonie
Si fcrupuleufement fuivie
Par les plus belles de nos jours ,
Pour vaincre la cajolerie ,
Et qui n'eft que l'art des détours
De la paffion déguiſée;
Elle admet la maniere aiſée ,
Les innocentes libertés ,
Et cédant à la bienséance ,
Permet la petite licence
Et les tendres jeux écartés
Par la vertueufe apparence ;
Mais elle exclut avec rigueur
Tous les ftratagêmes du vice *
Et
jo MERCURE DE FRANCE.
Qui d'un criminel artifice
Emprunte fouvent la douceur
Pour féduire & gagner le coeur.
J'ai vu briller cette Déeffe ,
Mere de tous les agrémens ,
La main d'une belle jeuneffe
Lui file un gracieux printems ,
Et pare
des attraits charmans
De la fine délicateffe ,
De la douce légereté
Et du fouris plein de tendreffe ,
Sa majestueufe nobleffe ;
De la fouveraine beauté
Eft empreinte la vive image
Sur fon éblouiffant vilage
Que l'enjoûment feme de fleurs ,
Et que les rofes de l'autore
Ornent de leurs vives couleurs ;
Sa blancheur effaceroit Flore
Au milieu même de fes lys.
Le Ciel répand fur vous , Iris ,
Tout ce qu'à Paphos on adore ;
Ces dons fi rares , fi chéris ,
L'efprit les embellit encore ;
Formée à l'envi par les Dieux ,
FEVRIER. 1748.
SE
Vous poffedez , autre Pandore ,
Leurs préfens les plus précieux.
Dans ce jour où chacun implore
De Janus, les bienfaits puiſſants ,
Permettez que je fafle éclore
Mes voeux après mon jufte encens ;
Iris , agréez mon pur zéle.
Pour affortir le vrai modéle
De l'art fuprême de charmer ,
Que ce Dieu donne à la plus belle
Le coeur, qui fçait le mieux aimer.
J.J. S. Etudiant en Médecine.
KAROLASDEDEDEDEDEDEDEDEA
REFLEXIONS DIVERSES.
N blâme
communément les paffions
des hommes , fans examiner fielles
n'entrent point dans le fyftême moral ; il
me paroît encore qu'elles ne nuifent point
à notre bonheur particulier , un ambitieux ,
par exemple , paffe fa vie , à ce qu'on dit ,
dans l'agitation ; on le croit malheureux
Ta paffion l'entraîne ; il feroit moins content
& moins tranquille dans le répos.
L'amour propre , loin de nuire à la ſociété,
paroît en former le noeud.
T
i
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
Si notre ame n'étoit pas immortelle
nous n'aurions pas , ce femble , une crain
te fi vive de la mort.
Un bienfait eft trop payé par la fupériorité
qu'il nous donne fur celui qui le
¡reçoit.
I
Le defir de faire paffer,fon nom à la
postérité n'eft point frivole en ce fens , 1 °.
qu'il eft la fource d'une infinité de belles
actions ; 2° . qu'il entretient notre efprit
d'une idée flateufe ; 3 ° . qu'il a le pouvoir
d'affaiblir la crainte de la mort.
Le premier avantage de la converfation
eft de nous délivrer de la néceffité d'avoir
toujours affaire avec nous-mêmes.
Il vaut mieux s'ennuyer avec les autres
qu'avec foi-même.
Un coeur trop fenfible à l'intérêt eft peu
propre à l'amitié.
Le fecret doit être la vertu chérie des
Princes & des amans .
Se venger de quelqu'un , c'est vouloir
le forcer à fe repentir du tort qu'il nous a
fait ; quel moyen plus efficace que de lui
pardonner !
7
FEVRIER. 1748. 53
u
Hes
oir
isa
lui
La réputation eft comme l'avarice , elle
Veut toujours s'accroître.
Rien n'eft plus capable de nous abaiſſer
que l'orgueil
Le mariage eft un pays qui n'eft bon
que pour les étrangers:
La parfaite honnêteté demande qu'on ne
faffe & qu'on ne dife rien qui puiffe faire
ſoupçomer aux autres qu'on les méprife.
Quand on n'envifage la vie que comme
une fuite des mêmes chofes , la mort ne
paroît pas à beaucoup près fi rigoureuſe,
L'homme le plus eftimé devroit être celui
qui eft le plus utile à la fociété.» »
proprep
L'amour du centre & s'étend
par degrés à la circonférence ; nous
almons premierement nous- mêmes préférablement
à tous les autres , enfuite nas
proches , ceux de notre Pays , de notre
Province , de notre Royaume , &c .
Si le fyftême de la fociété veut de la
fubordination , afin que les hommes foient
liés par des befoins & des fecours mu--
tuels , il ne demande moins une forte
pas
d'égalité pour perfectionner ce rapport &
cette réciprocité..
€ üj
54 MERCURE DE FRANCE
Le plus grand avantage d'un Roi confifte
dans le pouvoir qu'il a de punir le vice
& de récompenfer la vertu
Quand on aime parfaitement un objet',
on ne peut pas s'imaginer qu'il y en ait un
autre dans l'univers que nous puiffions aimer
de-même.
L'objet le plus affligeant aux yeux du fa
ge , eft le mérite dans le malheur...
Le mérite a befoin du voile de la mo
deftie pour conſerver ſon éclat.
On doit s'écarrer quelquefois de la nature
pour agir fuivant l'opinion.
L'exiſtence des vertus eft prouvée par
les remords que caufent les vices.
La réputation eft comparable à un vaif
feau ; quand elle a fait naufrage , on n'en
peut plus recouvrer que des débris.
FEVRIER 1748.
£
LE PAUVRE VOYAGE,
EPITRE à M. le N ....
Du fond d'un antique fauteuil ,
Fort bon pour ces anciens peres ,'
Ces Anachoretes aufteres ,
Qui s'affeoient dans un cercueil.
Avec une plume qui crie
Contre une encre trop épaiffie ,
Et fur une table à trois pieds.
Qui fut prife à quelque Sibille
Et qui de vieilleffe vacille ;
De mes trois doigts eftropiés
Par certaine chûte incivile ,
Je vous écrirai bonnement
L'hiftoire de notre voyage.
De votre habitacle charmant:
Je partis en bon équipage ;
L'on auroit crû qu'affûrément
Je pourrois à mon hermitage
Arriver très-honnêtement ,
Mais Madame votre jument
Qui s'épouvante au moindre ombrage ;.
Une fois inopinément
& iiij
5 MERCURE DE FRANCE.
Dans la bourbe d'un marécage
M'a fait cheoir fort mefquinement.
yous m'allez demander comment.
De le dire , il n'eft néceffaire.
Si quelqu'un d'entre vous pourtant , .
Surtout l'Abbé que j'aime tant ,
Avoit défir d'en faire autant ,
Je pourrois lui conter l'affaire
De façon qu'il feroit content.
N'en parlons plus , mais feulement
Plaignez un peu le pauvre drille
Qui tout le long de fa mandille.
Eft tacheté vilainement ,
Et qui , s'il n'a pas la béquille ;
Affûrément , comme on peut voir ,
Fait tout ce qu'il faut pour l'avoir.
Lorsque je fus couché par bouë ,
Car par terre je ne dirai ,
Je fus furpris , je vous l'avonë ;
D'un autre mot me fervirai ,
Je fus fot. J'avois forte envie
De pefter contre l'animal ,
Mais hélas ! il n'en pouvoit mie ,
Et voici d'où venoit le mal,
Je fuis un animal moi - même.
En tout tems , tout bon cavalies
FEVRIER . 3748 57
Et ferme fur.fon étrier. pod
C
Oh ! fans doute quelque problême
Occupoit alors mon cerveau ,
Ou bien j'ajuftois au niveau
Les piéces de quelque Poëme q
Or ce n'étoit pas là le tems
A
L'animal en bête , de fens , alaman riasa web
Voulut me le faire comprendreihon be
Cependant trop impoliment.
Par un écart trop , brufquement
De la felle il me fit, defcendre
Mais c'eft affés fur ce fujet.
J'ai rencontré dans mon voyage :
George conduifant for mulet
Qui me faluant du bonner,,
M'a fait voir un fort bol quvrage
a3
Composé par Pierrot Dinet.
A juger par la couverture
C
Cet in-folio , je vous jure ,
Paroît un chef- d'oeuvre de l'art
J'aurois arrêté la monture
S'il n'eût été déja trop tard ,
Pour en faire un peu la lecture
Et pour vous parles fans figure,
Le Pâté loin , j'allai coucher
* Patiffiers
Cw
7
38 MERCURE DE FRANCE.
Chés le Curé , ce bon vieux here ,
Aux pieds goureux , au front lévére.
Si- tôt qu'il me vit approcher ,
De plaifir il fembla renaître ,
Et douta fi par la fenêtre .
Ou par la porte il pafferoit
Pour venir m'embraffer plus vite ; •
Et m'offrir un fort mauvais gfte.
Je l'acceptai tel qu'on l'offroit .
Des étoiles l'humide voûte
Auroit été pire fans doute.
Qui ne peut avoir ce qu'il veut ,
Doit au moins prendre ce qu'il peur,
I jugea que las de ma foute ,
J'aimois moins un fouper qu'un lit ,
Et devant moi fur table if mit
Vieux lard , vieux cocq & vieille croute.
Son vin , ou plutôr fon verjus ,
Batarde liqueur de Bacchus
M'a donné collque ferrée ,
Que dans fa poitrine facrée
Il vaudroit mieux qu'il eut ewj
Elle lui feroir falutaire ;
11 a , dit-on , de la vertu ;
Moi , fi j'en ai , je n'en ai guére;
Elle est pourtant bien néceffaire
A
FEVRIER. 1745.
59
Four qui fe trouve dans un lieu
Ou pour foulager fa mifere ,
Il faut , myftique involontaire ,
Se nourrir de l'amour de Dieu
J'avois fouvent entendu dire
Que fe mettre au lit fans fouper
Eft le moyen de n'attraper
Qu'un fommeil tenant du délire,
J'ai déliré toute la nuit.
Mon lit d'ailleurs étoit un lie
O n'eût pas couché Saint Antoine.
Sur un peu de paille d'avoine ,
Dans un recoin de galetas ,
Imaginez un matelas
Fait de lame de bête à coine.
Donnez de l'odeur aux deux draps ,
Mais de ces odeurs déteſtables ,
Telles que l'on en feat , dit-on ,
Sur les rives du Phlégéton ,
Ou les Dieux puniffent les diables
A propos de diables , les chats
Pendant long-remis contre les rats
Ont fait tempête & grande rage ;
Maffacre étoit dans leur ménage
De leurs pattes pour fe fauver
D'aucuns font venus me trouver
C vj
69 MERCURE DE FRANCE.
Dans mon lit cherchant une place..
Je les ai contraint poliment
De fe retirer promptement.
Ils font allés dans la paillaffe
De-là vous jugerez comment
J'ai pû dormir, tranquillement.
Auffi dès- que j'ai vu l'aurore
Je me fuis levé vîtement.
J'ai fait feller votre jument,
Le bon Curé ronfloit encorę ;
Point n'ai voulu qu'on l'éveillât ,
Et vite j'ai paffé la porte ,
Crainte qu'on ne me rappellât ;
J'ai fait chemin de telle forte
Qu'en très- peu d'heures , Dieu merci
L'animal m'a conduit ici ,
Où fous une couleur de metre-
Je vous barbouille cette lettre..
Si j'ai peut-être extravagué ,
Souvenez - vous que le Poëte
Etoit un homme fatigué ;
Et que je fors d'une tempête.
Ourtout au trayers de ma tête::
Madame la pluye a donné.
Envain: contre elle on a fonné
Dans mainte Parciffe yoifine ;
40
FEVRIER. 1748.-
Pendant une heure la mutine
S'eft divertie à mes dépens .
Je pourrois encor vous écrire
Une iliade d'accidens
Mais c'eft affés vous faire tire
De me fecher il eft bien tems .
Par l'Hermite du Mont Parnaffus:
ununu nünün
7
MEMOIRE hiftorique fur la Province de-
Fore Généralité de Lyon , par M.Derhins
Doyen des Avocats de cette Province.
LE Comté "de . Forez fut poffedé par
les defcendants du premier Comte
Guillaume jufqu'en l'année 1112 ; ils ont
prefque tous porté les noms de Guillaume
& d'Artaud...
fucceffeur Guy
Le dernier , nommé Guillaume , étant
mort fans enfans , eût
fon coufin germain .
pour
Dans cette feconde race le nom de Guy
fut le plus ordinaire.
Il y en eût onze Comtes jufqu'à Jean
II. qui en fut le dernier , & qui mourut
fans être marié à l'âge de trente ans , ayant
toujours été en curatelle à caufe de la foi
bteffe de fon éfprit ; cette infirmité lui vint
61 MER CURE DE FRANCE.
de la vive douleur dont il fut frappe
voyant périr à fes yeux fes plus proches
parens à la bataille de Brignais à deux licues
de Lyon , dont voici l'hiſtoire.
"
Après les guerres des Anglois qui dure
rent fi long-tems pendant le regne de Philippe
de Valois & du Roi Jean , un reſte
de troupes ramaffées de differentes nations,
courans par le Royaume fous le nom de
Tardvenus , s'affemblerent & fe cantonnerent
autour d'un bourg appellé Brignais à
deux lieues de Lyon .
Le Connérable de France Jacques de
Bourbon , Comte de la Marche , Tige de
la Maifon Royale de Bourbon Vendôme ,
vint à eux avec fon fils aîné Pierre de
Bourbon.
Louis Comte de Forez & Jean fon frere,
neveux du Connérable , fe rendirent près
de lui avec Renaud de Forez leur oncle &
deux jeunes Seigneurs de la Maifon de
Beaujeu.
Le Connétable conduifit fon armée
contre les Tardvenus , & parce qu'ils
avoient caché une partie de leurs gens dertiere
les montagnes , les voyant en petit
*
Jacques de Bourbon n'étoit plus alors Conne
table , il avoit donné la démiffion de cette dignité
en 1356 , & la bataille de Brignais alt de l'am
¥3620
FEVRIER. 17482
"
Hombre il les attaqua le 4 Mars 1362
imais avec tant de malheur & de defavantage
par l'inégalité des forces , que lui &
fon fils furent bleffés dangereufement &
moururent peu de jours après à Lyon.
Le Comte de Forez & un des Seigneurs
de Beaujeu furent tués fur la place , l'autre
& Renaud de Forez demeurerent prifon
niers...
Jean de Forez qui à l'âge de 19 ans af
fifta à cette malheureufe journée , devint
Comte de Forez par la mort de fon frere
mais il contracta un chagrin & un abatte
ment d'efprit dont il ne put revenir , &
mourut dix ans après en l'année 1 372.
Alors Louis de Bourbon recueillit le
Comté de Forez qui lui venoit de droit
premierement
par les droits de la Princeffe
fon époufe Anne , Dauphine d'Auvergne ,
dont le pere étoit defcenda des Comtes
de Forez , en fecond lieu comme repré
fentant fa mere Jeanne de Forez , foeur du
dernier Comte.
Le Forez demeura dans la Maifon de
Bourbon jufqu'en Pannée 1522 , il fat
poffedé fucceffivement
par fept Comtes de
ce nom , qui prirent auffi le nom de Ducs,
fi l'on met de ce nombre Charles de Bour
bon , Cardinal Archevêque de Lyon , qui
par la mort de Jean 11. Duc de Bourbon
64 MERCURE DE FRANCE.
mort fans enfans fe trouva l'aîné de fa
Maifon , mais il en remit bientôt tous les
droits à Pierre fon autre frere puîné , lequel
jufques-là avoit porté le nom de Sire
de Beaujeu
Ce Prince avoit époufé Anne de France,
& leur fille unique Sufanne de Bourbon
fur mariée à Charles Comte de Montpenfier
fon coufin iffu de germain , qui fut
enfuite Connétable de France.
Ce mariage réunit les biens de la Maifon
de Bourbon en une feule famille &
affoupit un grand procès , fondé fur ce
que le Connétable prétendoit fe prévaloir
d'une fubftitution mafculine , & d'un autre
côté la Comteffe Douairiere d'Angou--
lême , Louife de Savoye , mere du Roi
François I. demandoit les biens patrimo
niaux de la Maifon de Bourbon , comine
la plus proche & la plus habile à y fuccéder,
étant fille de Marguerite de Bourbon
foeur du dernier Duc Pierre.
Elle le les fit adjuger par Arrêt du Par--
lement de l'année 1526 , elle en conferva
la poffeffion jufqu'en 153 qu'elle en fit
don au Roi pour être unis à la Couronne ,
à la charge de l'ufufruit fa vie durant ; cette
union fut faite par Lettres Patentes de l'an
2531
Comme alors le Comté de Forez fe
FEVRIER. 1748 ..
•
trouvoit englobé dans le patrimoine de la
Maifon de Bourbon par les raifons qu'on
rapporter , il fe trouva compris vient de
dans cette réunion à la Couronne.
En l'année 1.566 le Forez : fut donné à
Henri III . pour lors Duc d'Anjou , pour
partie de fon appanage.
En 1973 la Reine Elizabeth d'Autri
che en eut la joiffance à titre de Doiaire,
& depuis toutes les Reines Douairieres en
ont joui de même , comme Louiſe de Lor
raine en 1592 , Marie de Médicis en 1611
& Anne d'Autriche en 1643 .
Pendant que ce Comté a été dans la
Maifon des Ducs de Bourbon , ils n'en ont
fait porter le nom qu'à un feul de leurs
enfans , qui fut Louis II. fils de Jean Duc
de Bourbon & de Marie de Berri , mais il
ne le porta pas long- tems , étant mort à l'â
d'environ dix ans. ge
Il y avoit dans le Forez quatre Baron
nies dont les Seigneurs étoient regardés
comme les premiers de la Cour du Comte,
&,pour ainfi dire, ſes quatre Affiſtans dans
les cérémonies , c'étoient les Barons de
Cofan , S. Prieft , Feugerolle & Ecotay.
Le Roanois fait partie du Comté de
Forez , c'étoit une Seigneurie particuliere,
compofée feulement de la ville de Roane,
& de trois Paroiffes aux environs , mais
66 MERCURE DE FRANCE
François d'Aubuffon , Maréchal de la
Feuillade , acquit du Roi Louis XIV. quatre
belles Châtellenies qui ont été unies
au Duché de Roanois , qu'il fit ériger en
Pairie , cette Seigneurie avoit appartenu
aux Seigneurs de Gouffier , fi connus dans
Hiftoire , & étoit parvenue au Maréchal de
la Feuillade , qui avoit épousé l'héritiere
de cette illuftre Maifon.
C'eft de leur tems que Roane fut érigée
en Duché.
Le Mont-Pila fitué dans la Province de'
Forez eft une montagne fort élevée & fort
étendue , on y trouve quantité de fleurs
& une infinité de fimples propres pour la
Médecine , ceux qui s'appliquent à la Boe
aniquey viennent herborifer de fort lain,
& tout ce que les Fleuriftes cultivent avec
tant de foin dans les parterres pour les
fleurs doubles , s'y trouve en fimples avec
des couleurs charmantes.
Quelques Auteursrapportent du Monte
Pila une Anecdote curieuſe. *
Ils difent que Pila tire fa dénomination:
de Pilate , le même qui condamna J. C.
qu'après la mort de Tibére , Caligula fon
fucceffeur , informé des concuffions & autres
malverfations; commifes par Pilate
* Conradus en fes Mémoires Latins , Derubie
efon Hiftoire de Lyon..
FEVRIER. 1748.
A
dans fon Gouvernement de la Judée , le
condamna à un exil perpétuel dans les
Gaules & que le Mont-Pila fut le lieu de
fon exil , ce qui eft encore attesté par
S. Adon Evêque de Vienne & ancien
Chronologifte des avantures remarquables
des Gaules , felon lequel Pilate fe tua après
y avoir refté quelque tems.
Duval dans fa Carte Géographique de la
France nomme ce territoire Mont-de-Pilate.
Le Sieur
Ce qui a encore donné lieu de conjecturer
l'exil de Pilate en cet endroit , c'eft
qu'au bas du Mont-Pila du côté du Rhôneon
voit un vieux Château appellé de
Ponce , où la tradition veut qu'il ait reſté
quelque tems en prifon , d'où l'on prẻ-
send qu'il s'échapa ayant appris qu'on le
devoit faire mourir ignominieufement ,
& qu'il le fauva fur le Mont- Pila , où ne
pouvant féjourner long-tems fans être
connu , il, fe donna lui-même la mort de
défefpoir.
Une autre chofe affés finguliere , c'eſt
qu'au fommet de cette montagne eft une
belle fontaine qui fert de fource à un affés:
gros ruiffeam appellé Gier , lequel va fe
jetter dans le Rhône à quelques lieuës
delà , après avoir arrofé un très-beau pays..
8 MERCURE DE FRANCE.
Obfervations curieufes.
Le Pays de Forez , felon les premieres
lumieres que nous en donnent les anciens
Auteurs , étoit le plus confidérable de ceux
qu'occupoient les Ségufiens , en Latin
Segufiani , peuple des plus renommés de lá
Gaule Celtique.
La preuve de cette dénomination ſe tire
encore de plufieurs infcriptions très-curieufés
, que l'on voit actuellement dans
l'enceinte de quelques anciens édifices de
la Province , dont M. de la Mure en fon
Hiftoire du Forez fait un ample détail .
Jules Céfar dans fes Commentaires, liv?
7. & Pline dans fon Hiftoire Naturelle
Iv. 4. font mention des Ségufiens dont le
pays de Forez faifoit partie.
Il y a eu deux opinions touchant l'ori
gine de la dénomination de Forez donnée
a cette partie de lå Province Ségufienne
après que les Romains en eurent fait la
conquête , quelques-uns ont voulu dire
qu'elle venoit des grandes forêts dont le
pays étoit prefque tout rempli , mais la
meilleure étymologie , felon les plus graves
Hiftoriens , vient de ce que lés Ségufiens
avoient établi leurs marchés dans l'emplacement
où eft bâtie la ville de Feurs qui
3
FEVRIER . 1748 .
69
1
la.
re
le
Ja
e's
TS
a été long- tems la capitale du pays fous le
nom de Forum Segufianorum , & par corruption
en François Gaulois Feurs , d'où
des Gaulois par la même raifon appellerent
route la Province Forez .
Ce Pays ayant demeuré avec le refte.
des Gaules fous la domination des Romains
pendant près de cinq fiécles , depuis
l'entrée de Jules Céfar dans les Gaules.
il tomba enfuite fous la domination des
Bourguignons , que les enfans du Grand
Clovis détruifirent , & le Forez fut alors
réuni à leurs autres Etats.
Le Forez a donné plufieurs grands hommes
à l'Eglife & à l'Etat. L'Archevêque
de Lyon Dépinac, fi fameux du tems de la
ligue , en étoit originaire , auffi-bien que
les Seigneurs Gouffier de Boizy, fi célébres
dans l'Hiftoire de France ; le beau Château
de Boizy fitué à deux lieues de Roane eft
un refte des monumens de cette illuftre
Maiſon . Le Maréchal de S. André étoit pareillement
de cette Province ; la Seignedrie
de S. André releve du Bailliage de
Forez à Montbrison fa capitale .
L'Hiftoire des hommes illuftres du Forez
excéderoit les bornes d'un fimple
Mémoire , nous nous contenterons pour
en faire la clôture de faire mention de
70 MERCURE DE FRANCE.
l'Auteur célébre du fameux Roman d'Aftrée.
Honoré d'Urfé étoit iffu d'une des plus
ancienne du pays de Forez.
Jacques d'Urfé pere d'Honoré
, voyant
dans fon voifinage
la belle Diane , fille da
Marquis
de Château - Morand , autre Seigneur
du Forez , en fit la recherche
pour
la marier avecfon fils aîné frere d'Honoré
; cette alliance reconcilia
les Maiſons d'Urfé
& de Château-Morand , qui étoient brouillées
.
Cette Diane eſt la véritable Aftrée &
l'héroïne du Roman ; l'Hiftoire en eſt trop
connue pour la répéter.
Le premier tome de l'Aftrée parût en
1610 & fut dédié à Henri IV ; le fecond
en 1620 , & le troifiéme cinq ans après.
Ces trois volumes furent reçus du public
avec un applaudiffement univerfel ; à
peine la quatrième partie étoit achevée que
l'Auteur finit auffi fa carriere , il mourut
dans la guerre de Savoye à Ville-Franche
dans le Comté de Nice âgé de cinquantehuit
ans.
La Province de Forez a beaucoup d'obligation
à cet excellent ouvrage , par
lequel elle a été rendue fort recommandable
& connue fous le plus beau point
*
FEVRIER. 1748 78 .
P
nt
4
de vûë du monde , non - feulement en
en France , mais dans toute l'Europe.
Auffi eft - elle réellement une des plus
belles & des plus fertiles du Royaume en
toutes les chofes utiles à la vie & délectables
à l'efprit ; fes grandes prairies , fes
boccages & fes magnifiques jardins en rendent
l'afpect très- agréable. Les terres de
la plaine de Forez produifent abondamment
toutes fortes de bons grains & de
beaux chanvres , même fans fumjer ; fes
côteaux font couverts de vignes dont les
vins font excellens ; le grand nombre de
Les étangs fournit prefque tout le poiffon
d'eau douce qui fe débite à Paris elle a
des bois fapins propres pour la marine ; la
riviere de Loire qui la traverfe d'un bouc
à l'autre & le Rhône qui la côtoye , la rendent
fort commerçante.
Le feul commerce de la ville de Saint
Etienne en foie & en quincaillerie s'étend
dans toutes les patties du monde ; elle a
quarante mille habitans , dont le tiers travaille
à la fabrique des armes , enforte
qu'elle peut aifément armer chaque femaine
de toutes piéces un bataillon & un
efcadron , & c'eft elle qui fournit, peu s'en
faut, toutes les armes à Sa Majeſté ; les minieres
de charbon- de- terre qui y font fort
72 MERCURE DE FRANCE.
abondantes favorifent cette fabrique &
tous les ouvrages qui fe font fur le fer.
Je fuis , & c.
t
A Saint Etienne ce 18 Janvier 1748.
O D E.
Sur la mort d'une mere:
DEs fragiles humains tyran impitoyable .,
O mort , il eft donc vrai , ta foif inſatiable
Ne cherche que leur fang pour te défaltérer. !
Et celui qui tira du ſein de la pouffiere ,
Et la terre & les Cieux , & la nature entiere ,
D'un feul de fes regards les y fera rentrer.
******
Quels nuages épais annonçent à la terre
Les finiftres horreurs d'une fanglante guerre ?
L'éclair frappe déja fes regards étonnés ;
La foudre fuit l'éclair. C'eft fans doute Alexandre,
L'univers en pâlit . Thebes eft miſe en cendre.
Cent peuples font vaincus. Cent Rois font détrô
nes.
***
D'un
FEVRIER. 1748. 73
Erro
סיג
D'un brafier allumé la flamme pétillante
'A répandu foudain une clarté brillante ;
L'éclat d'un feu fi prompt m'a d'abord ébloüi ; -
J'y cours ; je ne vois plus ni flamme ni fumée ;
Ce feu fi grand n'étoit qu'une paille allumée ;
Dont l'éclat en naiſſant s'étoit évanoüi.
**
Vainqueur de Darius, qui t'a réduit en poudre?
Tu meurs donc comme ceux qu'a dévoré ta
foudre !
Et pourquoi t'es- tu fait élever des Autels ?
Un hommie , quel qu'il foit , ne fut jamais qu'un
homme ;
En vain du nom de Dieu tu prétends qu'on te
nomme ,
La mort te vient ranger au nombre des mortels.
***
Aux larmes des humains tant de fois infenfible ;
Te pourrai- je fléchir , ô mort trop infléxible ?
Sufpends du moins tes coups , prends pitié de mes
pleurs ,
t
Mais hélas ! par mes cris j'irrite la cruelle ;
Sa fureur va plonger dans la nuit éternelle
L'objet, le trifte objet de mes vives douleurs.
Dans un torrent de pleurs ma trifteffe ſe noye ;
C'en eft fait , le cercueil vient demander la proye;
D
74 MERCURE DE FRANCE.
1
Jour cruel à jamais ! jour trois fois odieux !
Mes mains ferment déja fa paupiere mourante ,
Et ma bouche reçoit fur fa bouche expirante
Et les derniers foupirs & ſes derniers adieux.
**+
Qui me confolera de ma douleur amére ?
Je ne te verrai plus , aimable & tendre mere !
Mes larmes , mes fanglots n'ont pû te retenir ;
S'ils pouvoient t'arracher à ta demeure fombre !
Mais je me flate en vain , & tu n'es plus qu'une
ombre ,
Dont les jours font paffés pour ne plus revenir,
Ah ! fans ceffe en mon coeur ton image tracée,
Rappellant ta mémoire à ma trifte penſée ,
Va revenir fans çeffe irriter mes douleurs ;
Le tombeau pourra feul finir mon infortune ;
O jour , retire-toi ; ta clarté importune ;
De la nuit pour toujours emprunte les couleurs
1
L'homme eft donc une fleur que l'Aube voit
éclore ,
Une rofe qui naît fous les yeux de l'Aurore ,
Que le jour voit regner , que le foir voit Aétrir ;
A mourir condamnés , même avant que de naître ,
FEVRIER. 1748.
75-
-oit
[re
Infortunés mortels , ne recevons - nous l'être ,
Que pour apprendre hélas ! qu'il nous falloit périr
?
Un torrent débordé qui defcend des montagnes ,
A pas impétueux traverſe les campagnes ;
D'un vol agile & prompt un oifeau fend les airs ;
Dans les champs de Bellonne une mêche enflammée
+
Va réveiller la mort dans le bronze enfermée ;
Le plombpart auffi - tôt plus prompt que les éclairs.
Mais la courfe de l'homme eft plus rapide encore
;
Des bornes du Couchant aux portes de l'Aurore ;
L'oeil à peine peut- il le fuivre dans fon cours :
Otoi , Dieu tout puiffant , Auteur de la nature ,
Peux-tu voir fans pitié périr la créature ,
Toi qui pourrois d'un mot lui prolonger fes
jours !
Que dis-je ? de quel front, vermiffeau de la terre;
Ofai- je interroger le maître du tonnerre ?
S'il répond , ce fera par fon foudre grondeur ;
Mon orgueil au trépas veut- il donc fe fouftraire ?
Auroit- il prétendu , cet orgueil téméraire ,
Des décrets de mon Dieu fonder la profondeur ?
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
Adorons l'Eternel , admirons ſes ouvrages ;
Nous trouverons le port malgré tous les orages.
Celui qui fit nos nuits a fait auffi nos jours :
Ne foupirons donc plus après les biens du monde
Mépriſons cette vie où notre espoir ſe fonde ,
Et fongeons au réveil qui doit durer toujours.
Peloux , de Paris.
REPONSE d'un Médecin de Paris à
une lettre qui lui a été adreſſée par un
Chirurgien de Province , an fujet d'un
Mémoire de M. Duhamel fur la Garence ,
qui eft inferé dans ceux de l'Académie
Royale des Sciences , année 1739 .
D "
Ans la lettre que vous m'avez adreffée
, Monfieur vous revendiquez
pour la France , & particulierement pour
la Faculté de Médecine de Paris , une découverte
dont vous dites que Meffieurs
Duhamel & Guetard ont mal - à-propos fait
honneur aux Anglois. Vous faites en cela
vos preuves de bon Citoyen , & vous donnez
des marques de votre attachement à
la Faculté de Médecine , ce qui eft bien
louable , furtout pour une perfonne de votre
état , car rien n'eft plus jufte que
de
rendre à chacun ce qui lui appartient
FEVRIER. 1748. 77
u
O
Vod
39
mais il y a tout lieu de croire que c'eft ce
motif d'équité qui a engagé M. Duhamel
à faire inférer dans le même volume des
Mémoires de l'Académie que vous citez
la note fuivante qu'on lit à la page 139..
» M. Duhamel a publié d'inferer dans
» fon Mémoire fur la Garence la citation
» fuivante , qui prouve qu'on connoiſſoit
» il y a long- tems que cette plante ala
propriété de teindre en rouge les os des
» animaux vivans . Herytrodanum , vulge
rubia tinctorum dictum , offa pecudum ru-
»benti & fandycino colore imbuit , fi dies
aliquot illud depaftafint oves etiam intacta
» radice qua rutila exiftet. Myfaldus 1566,
» memorabilium jucundorum & utilium cen
"
» turia novem . «
Il me paroît , Monfieur , que par cette
citation l'Académicien fatisfait à vos defirs
en rendant à Mifaud , Médecin de la Faculté
de Paris , & Auteur plus ancien que
Liebaut , toute la juftice qui lui est dûë ;
pour moi je defirerois que M. Duhamel
eût vérifié fi les tiges de la Garence ont la
même propriété que les racines à l'égard
de la coloration des os , car les allégations
de ces anciens agriculteurs ont fouvent
befoin de vérification . J'ai , par exemple ,
peine à croire que les urines de ceux qui
manient cette plante foient teint es en
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
fouge , comme le dit Liebaut dans l'endroit
que vous avez cité , & les obfervations de
M. Duhamel ne s'accordent point du tout
avec ce que dit le même Auteur à l'égard
de la coloration des chairs. Suivant le
paffage que vous avez rapporté elles deviennent
rouges , lorfque les bêtes ont été
nourries quelque tems avec la Garence ,
au lieu que M. Duhamel affûre par tout
qu'il a toujours trouvé les chairs , les ten-
'dons & les cartilages dans leur couleur
naturelle ; & que la couleur des os ne
change qu'à mesure qu'ils s'endurciffent.
J'ai l'honneur d'être , &c .
٤٠
EPITRE
A Madame de la R..... qui revenoit de la
B...... en Touraine , accompagnée de
Mlle de V.... & d'une autre aimable
perfonne.
Sur les bords où le beau Tircis
Chantoit jadis fa tendre Annette ;
Où Ronfard poufloit la feurette
Près de l'amoureuſe Cloris ;
Où Rabelais conte fornette ,
Bûvoit frais avec les amis :
FEVRIER. 79
1748.
J'ai vu le grand Dieu de la Loire
Sortir du milieu de fes eaux ,
Le front couronné de roſeaux.
N'ayez point de peine à me croire ;
Ce que je conte eft une hiſtoire
Ma muſe ne dit rien de faux :
Ce fleuve à barbe venerable ,
Entouré d'une troupe aimable¿
Qui portoit des fruits précieux ,
Tels que Pomone en fert aux Cieux ,
M'approche d'un air agréable ,
D'un air que l'on ne voit qu'aux Dieux,
Je lui demandai fi Venus ,
Pour tout cortége ayant Bacchus ,
Sur les bords faifoit un voyage ;
Si ces préfens étoient l'hommage
Qu'il faifoit à ces immortels :
Grand Dieu , lui dis - je , ton rivage
Eft tout femé de leurs Autels !
Un foin plus cher ici m'améne ,
Répond ce refpectable Dieu ;
J'attends trois nymphes de la.Seine ,
Qui doivent paffer en ce lieu ,
Ces dons font deſtinés pour elles ,
S'il faut les donner aux plus belles
Quelle autre les mérite mieux ;
Même parmi les immortelles ?
Diiij
80 MERCURE DE FRANCE.
Qu'elles font dignes de ce foin ,
M'écriai- je d'une voix tendre !
Dès qu'on les voit il faut fe rendre ;
J'en fuis un malheureux témoin ;
Quoique Dieu, vous pourrez l'apprendre.
Pour elles le tendre Tircis
Auroit quitté fa shere Annette ,
Ronfard n'eût plus dit, de fleurette
A fon amoureuſe Cloris ,
Et Rabelais conte fornette ,
Laiffant fes pots & les amis
Fut devenu porte houlette ,
Et plus tendre amant que Pârist
Sur une fi belle matiere
Je n'étois pas prêt de finir ,
Et fans doute une heure entiere
J'aurois bien pû l'entretenir.
Il m'interrompit pour me dire
Qu'il vous connoiffoit dès long-tems ; .
Que fur les bords de fon empire
Vous paffâtes vos premiers ans ,
Et que dès- lors il fçut prédire ,
Qu'un jour chés la gent qui foupire
Vous allumeriez plus de feux ,
Que malgré Jeanne la Pucelle ,
N'en allumoit Agnés la Belle
Aux tems qu'elle a rendu fameux,
FEVRIER. 1748.
81
Elles ne font que trop aimables ,
Ajouta- t'il plein de fureur ,
C'eft ce qui caufe ma frayeur.
Apprend des projets exécrables
Qui te feront frémir d'horreur.
Les Dryades de la Touraine
Trop jaloufes de leurs amans ,
Qui pour une nouvelle chaîne
Oublioient leurs premiers fermens ,
Veulent pour affouvir leur haine ,
Jetter dans le fond de mes flots
Tes belles nymphes de la Seine ,
Mais j'arrêterai ces complots ,
Et fçaurai défendre leurs vies.
Que loin de ces rives fleuries
Les Dieux marquent plutôt mon cours
Dans le climat le plus fauvage >
Que je fouffre qu'on les outrage ;
Yas, ne crains plus rien pour leurs jours.
Dy
82 MERCURE DE FRANCE .
鉄洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗選
REMARQUES à l'occafion d'une plante
des environs de Beauvais par J. T. D.
Médecin.
C
Ette plante eft appellée par Gafpard .
Bauhin Caryophyllata aquatica mutante
flore pin. 3 21. On la trouve près de
Beauvais dans les marais du fauxbourg
Saint Jean.
L'Hiftoire des plantes des environs de
Paris : les obfervations fur les plantes qui ,
comme le remarque l'Auteur de cet excellent
livre , contiennent les plantes d'une
partie confidérable de la France ; le
Botanicon Monfpelienfe , & l'Hiftoire des
plantes des environs d'Aix , n'en font
aucune mention , mais elle eft citée dans
Synopfis methodica ftirpium britannicarum ,
flora lapponica , l'hortus alfaticus & autres.
Jean Bauhin rapporte qu'il la cultivoit à
Genéve , & qu'elle lui venoit des montagnes.
M. Ray dit auffi qu'elle vient dans
les montagnes les plus feptentrionales
d'Angleterre . M. Linnæus l'a trouvée dans
les forêts de Lapponie qui couvrent le
penchant des montagnes , comme il remarque
dans fes Prolégoménes . Il paroît
que Lobel la regardoit comme une plante
FEVRIER . 1748. $ 3
•
qui ne yenoit que dans les pays feptentrionaux
, puifqu'il l'appelle Caryophyl-
Lata feptentrionalium rotundifolia papporo
flore. On peut conjecturer que cette plante
fe retrouve fur quelques-unes des montagnes
, dont les eaux viennent fe perdre
dans notre riviere , car étant du nombre
de celles qui font indiquées par les Auteurs
dans les marais & fur les montagnes,
il y a lieu de préfumer que fes graines ont
été entraînées par le courant des eaux , &
déposées le long de la riviere où venant à
germer elles ont produit des enfans plus
grands que leurs peres , mais auffi moins
féconds.
On ne peut guéres expliquer autrement ce
phénomène des plantes des montagnes , de
ne fe retrouver que dans les marais ,à moins
de prétendre que certe affectation de lieux
fi differens, eft occafionnée par la température
du fol qui eft à peu près la même
pour la chaleur , les terres continuellement
mouillées étant toujours froides , ainſi
que celles qui font couvertes de neige ,
ou qui étant plus éloignées du centre , font
moins fufceptibles de l'action de la chaleur
fouterraine.
Ne peut- on pas inférer de là que ce
n'cft pas toujours par la fatitude du lieu
où vient une plante , que l'on peut juger,
D vj
$4 MERCURE DE FRANCE.
fi elle eft feptentrionale ou non .
De même que plufieurs plantes s'éclipfent
en allant du Midi au Nord , pareillement
plufieurs difparoiffent du Nord au
Midi. Les plantes aquatiques font celles
qui s'accommodent le mieux à toutes fortes
de climats. On en retrouve plufieurs
fous l'une & l'autre hémisphère.
La connoiffance des plantes d'un pays
peut fervir beaucoup à déterminer la nature
du fol & fes propriétés. On ne trouve
pas dans nos environs l'Heliotropium
· majus diofcoridis, qui eft affés commun dans
les environs de Paris , fans doute parce
que la terre y eft plus froide , plus humide,
moins fabloneuſe & moins propre à produire
des fruits qui parviennent à maturité.
Le vent & l'écoulement des eaux de
pluye font les deux moyens les plus généraux
, dont la nature fe fert pour envoyer
par tout des colonies de plantes , & ne laiffer
aucun terrein inutile. Que l'on creufe
des foffés autour d'un Château , les eaux
qui viendront les remplir ne manqueront
pas d'y amener des habitans pour les peu-.
pler; moins ces eaux auront d'écoulement,
& plus elles fe rempliront de nouveaux
hôtes , parce que les femences de plantes
qui y font apportées y reſtent en plus
FEVRIER. 1748. 85
grande quantité , & que celles qui s'y produifent
n'ont pas la liberté d'aller fe tranfplanter
ailleurs.
Nous avons des plantes qu'on pourroit
appeller plantes domestiques , comme
nous appellons certains animaux. La
grande joubarbe eft une plante qu'on ne
trouve que fur des ouvrages faits de main
d'homme , tellement qu'on diroit que fans
chaumieres & vieilles mazures nous n'aurions
pas cette plante.
M. Ray n'a pas ofé affûrer qu'elle fut
du nombre de celles que la nature produit
en Angleterre , quoiqu'on l'y trouve auffi
communément que dans ces pays- ci . On
pourroit comparer ces plantes aux nouveaux
habitans de quelques Ifles de l'Amérique
où on ne retrouve plus les naturels
du pays qui ont fait place à ces nouveaux
hôtes.
SUR la bonne année.
LA bonne année au fiécle de Marot
Du bel efprit ne tiroit pas un mot ,
Point on oyoit d'hommes une cohuë ,
Se fouhaiter au milieu de la ruë
La bonne année .
86 MERCURE DE FRANCE .
Mais depuis lui chaque état different ,
Au même jour armé d'un compliment .
S'entrepourfuit à perte de génie ,
Et fe fouhaite avec cérémonie
La bonne année .
-Celle qui fait le flux & le reflux ,
Pourroit de même avoir fait cet abus ,
Car tiens pour fûr qu'il faut être imbécile ,
Pour promener de concert par la ville
La bonne année.
Pourquoi cet autre à qui tout eft ouvert ,
Vient-il auffi , faifant l'homme difert ,
Alembiquer une phraſe équivoque ,
Et vous porter d'une façon qui choque
La bonne année ?
Tant de baifers par tant de
gens
donnés ,
Pour la plupart femblent defordonnés
Si droit avois fur ce gênant ufage ,
L'empêcherois d'annoncer d'avantage
La bonne année.
་ Oui , détruirois pour l'honneur de l'Etat ,
Tous ces baifers pris avec trop d'éclat ;
Ce ne feroit qu'à fa chere conquête
Que l'on pourroit fouhaiter tête à tête
La bonne année.
* La Lune..
M. de Blois,
FEVRIER. 1748 . 87
洗洗洗洗洗洗送送送送送淡淡說洗
LETTRE à M. de la Bruere.
Ermettez-moi ,
Pfeur ,de vous adreffer la réponſe que
, je vous prie , Monje
dois aux politeffes de l'élégant Auteur
des Effais d'une nouvelle traduction d'Horace
, que vous avez publiés dans le Mercure.
L'honneur qu'il me fait de fouhaiter
de me connoître eft très- flateur pour moi.
Des connoiffances telles que la vôtre ,
Monfieur , que j'aurois tâché de m'affûrer ,
& la fienne queje vous aurois prié de me
procurer , feroient toute mon ambition , fi
les devoirs d'un état pénible & affujettiffant
ne me faifoient craindre avec raifon
de ne pouvoir les cultiver. Ce font dé
ces plaifirs de la vie qui ne font plus faits
pour moi. Eh ! comment y pourrois - je
prétendre ? Comment pourrois-je être aux
autres pour un commerce fi doux , fi je ne
puis prefque jamais être à moi - même ? A
peine puis -je feulement trouver le moment
de vous en témoigner mes regrets . J'af
voulu plufieurs fois le faire , mais je ne l'ai
pû jufqu'à ce jour , où me voyant un peu
de
loifir , je le faifis pour fatisfaire à ce devoir,
& pour vous faire part de quelques re-'
marques fur la réponſe à ma Critique &
88 MERCURE DE FRANCE.
fur la traduction de la Satyre qui fuit cette
réponſe. Je vous prie de les communiquer
à l'Auteur , à qui je crois les devoir par
eftime & par reconnoiffance , & comme
je ne les fais que par l'intérêt que je prends
à la perfection de fon ouvrage, je vous
prie encore de l'en laiffer abfolument le
maître pour fon ufage particulier , s'il juge
qu'elles en vaillent la peine.
Le nouveau Traducteur défend d'une
maniere fi ingénieufe le fens qu'il a donné
aufine fraude , que je me fçais mauvais gré
de ne pouvoir encore être de fon avis.
Qu'il me permette de le rappeller au principe
indubitable qu'il admet , fçavoir que
la façon la plus fure d'expliquer les Auteurs
de l'antiquité eft de les expliquer par
eux-mêmes , & de lui faire obferver que
ce principe fi certain feroit abfolument
faux , s'il étoit vrai , comme il l'ajoûte ,
qu'il y a peu de mots latins que l'on ne
pût & que l'on ne dût même prendre dans
des acceptions differentes ; je fuis perfuadé
au contraire qu'il y a très-peu de mots (fi
même on peut dire qu'il y en ait ) dans les
Langues polies , telles que la Grecque , la
Latine , la Françoife , &c. qui ayent véri
tablement plus d'une fignification propre,
deforte que les acceptions differentes dans
lefquelles on peut prendre un mot , font 1
FEVRIER . 1748 . So
e
I
13
le
le
ar
e
t
S
que
toutes métaphoriques , excepté une feule.
Le peu d'attention que l'on fait à ce principe
, que je crois certain , me femble une
des principales caufes des fens faux
l'on donne aux Auteurs anciens , & c'eft
ce qu'ont fi bien compris certains Lexicographes
, qu'ils ont difpofé leurs Dictionnaires
par Racines. On ne peut même fentir
la fineffe de la métaphore , qu'on, ne
foit bien fûr de la fignification propre , &
comme un mot peut avoir plufieurs fens
métaphoriques , on ne démêlera encore le
véritable , que lorfqu'on connoîtra parfai
tement le propre. Mais comment s'affûrer
fi un mot doit être pris dans fon fens propre
ou dans le fens métaphorique ? Ĉ'eſt
ici où revient le grand principe , que la
meilleure maniere d'entendre les Auteurs
eft de les expliquer par eux-mêmes. Un
mot mis dans fon acception propre dans
telle penfée & avec de telles circonstances,
doit le retrouver dans la même acception ,
dans une penſée femblable & avec de pareilles
circonftances. Il en fera de-même
pour une acception métaphorique.Je ferai
bien fondé à prendre un mot en tel Tens
métaphorique , dans un endroit femblable
pour le fond de la penfée & des circonftances
, à un autre endroit où ce mot aura
manifeftement été pris dans le même fens.
96 MERCURE DE FRANCE.
<
Or c'est ce qui fe trouve dans les deux endroits
où on lit fine fraude. Dans l'Ode
19 du fecond Livre , Horace adreffant la
parole à Bacchus , s'exprime ainfi ; .
Tu feparatis uvidus injugis
Nodo coerces viperino
Biftonidum fine fraude crines.
Et dans le Poëme féculaire , parlant
d'une troupe de Troyens qui fe fauve de
l'embrafement- de leur ville :
Cui per ardentem fine fraude Trojam
Caftus Æneas patris fuperftes
Liberum munivit iter, daturus
Plura relictis.
Dans l'un & l'autre endroit n'eft- ce
pas le même fond de penfée , ne font - ce
pas les mêmes circonftances ? Ne s'agit -il
pas d'un très-grand danger , & dans l'Ode
où le Poëte nous peint les cheveux des
Prêtreffes de Bacchus noüés avec des viperes
, & dans le Poëme féculaire , où il
nous repréſente un refte de Troyens ſe fauvans
à travers l'embrafement d'une ville ?
Pourquoi donc n'entendroit- on pas fine
frande de la même maniere & dans le même
fens métaphorique dans l'un & dans
l'autre endroit Mais , dit le nouveau
FEVRIER. 1748. 91
lat
e a
t- c
Out
des
ipe
fat
Glle:
i
fin:!
milans
yeau
ef
Od
Traducteur , entendre fine fraude par fine
vita noxa, ce feroit faire dire à Horace
trois fois la même chofe en quatre vers.
-Sofpite curfu , fine fraude , & liberum iter.
Ce qui , comme il le remarqué judicieufement
, n'eft point le défaut d'Horace .
Qu'il me foit permis de lui faire obſerver
que cette refléxion , qui eft très-juſte , auroit
dû lui faire douter au moins que fofpite
curfu & liberum iter , fuffent des tours
fynonymes , car , fuppofé que cela fût ,
Horace tomberoit en effet dans le défaut
que nous reconnoiffons qu'il n'a pas , défaut
qui ne feroit aucun honneur ni à fon goût
-ni à fon difcernement , s'il difoit feulement
deux fois la même chofe dans quatre
petits vers. Auffi ces expreffions , jointes
aux penfées dont elles font des parties,
fignifient- elles des chofes fort differentes.
Les Troyens pour arriver en Italie eurent
à paffer par trois dangers principaux dont
ils fe tirerent heureufement ; circonftance
que le Poëte a peint pour chaque danger
par des expreffions propres & énergiques ,
danger de la navigation , fofpite curfu , de
l'embrafement de la ville , fine fraude , de
ja part des ennemis , liberum iter. Voila
les raifons qui me font douter qu'on puiffe
s'éloigner du fens qu'on donne ordinairement
à cet endroit d'Horace , raifons que
92 MERCURE DE FRANCE.
je foumets néanmoins au jugement dit
nouveau Traducteur. Je vais prendre la
liberté d'ajoûter quelques remarques fur
fa traduction de la fixiéme Satyre du fecond
Livre , que je n'ai pas lû avec moins
de plaifir que celle du Poëme féculaire .
v. 8. Si veneror ftultus nil horum . Il me femble
que c'eft ne pas rendre le fens de cet
endroit que de traduire , fi je ne fuis point
fol admirateur de ceux qui s'écrient . C'eſt de
lui-même que le Poëte parle ici . Le véritable
fens eft , je crois , celui-ci : Si je n'ai
pas été affes infenfé pour faire des voeux tels
que ceux-ci. Le tour latin eft très- élégant ;
plufieurs bons Auteurs fe font fervis de veneror
pour dire venerabundus à Diis peto..
Je doute encore que le fens que le nouveau
Traducteur a donné , quoique d'après
quelques autres , au vers 17. Quid
prius illuftrem Satyris , musaque pedeftri ,
foit le véritable , car premierement à n'examiner
que les expreffions , il me femble
qu'illuftrare Satyras & mufam pedeftrem
ne peut fignifier compofer des Satyres , mais
feulement éclaircir ce qu'il pourroit y avoir
d'obfcur , c'eſt le fens dans lequel l'a pris
Ciceron, lorsqu'il a dit , illuftrare obfcura ;
diftinguere & illuftrare orationem ; illuftrare
artes oratione , &c. En fecond lieu , la fuite
de la Satyre paroît incontestablement
FEVRIER. 1748. 93
d
la
ur
ens
Te.
mcet
in
de
ri.
བྱུ་ ;
pur
décider le fens de cet endroit . Horace retiré
dans fa maifon de campagne , ravi du
fpectacle de la nature & charmé des douceurs
d'une folitude où il refpire un air
& falutaire , fe demande ce qu'il prendra
pour fajet des vers qu'un loifir délicieux
lui donne lieu de compofer . La fituation
agréable où il fe trouve l'a bientôt
décidé . Pour fentir plus vivement les plaifirs
de la campagne , il fe plaît à leur comparer
les embarras fatiguans de la ville.
Horace après s'être donc demandé , Quid
'ai prius illuftrem Satyris , le repond bientôt
els après dans un tour ingénieux , vita labores,
fcilicet urbanos. La preuve que ces travaux
doivent s'entendre de ceux de la ville ,
c'eft que le Poëte ajoûte Rome me trahis
&c. L'apostrophe à Janus ne fera donc
qu'une transition par laquelle l'Auteur entre
en matiere , & non une invocation
comme le nouveau Traducteur l'a crû en
traduifant tu carminis efto principium , préfide
à mes vers. Voici , fi je ne me trompe,
la pensée d'Horace : Quid prius illuftrem
Satyris quam Te , o Jane , unde homines , &c?
Et tout de fuite il lui fait les reproches les
plus vifs de ce qu'il le retire du repos de la
campagne pour le jetter dans les embarras
de la ville , dont il fait une defcription à
laquelle il joint celle des plaifirs innocens
de la campagne.
ve- 1
2-
id
e-
Je
ir
·
is
94 MERCURE DE FRANCE.
V. 37. Orabant me femble devoir être
traduit par l'imparfait , & peut-être auffi
orabat du vers 35. Horace étoit à Rome ;
il n'étoit point queftion de le prier d'y
revenir , mais de le prier de s'employer à
des affaires pour leſquelles on fouhaitoit
fon retour.
Le nouveau Traducteur me permettrat'il
encore de lui marquer quelque peine
à goûter les plus ferviles devoirs , en parlant
de l'empreffement que le Rat de ville
montroit à bien recevoir ſon hôte & tombent
demi morts au fujet de la frayeur des
deux rats , lorfqu'ils entendirent aboyer
les dogues? Qu'un homme reçoive un ami ,
& que n'ayant point de domeftique , il
s'empreffe à y fuppléer par lui-même, je ne
crois pas qu'on puiffe traiter de ferviles les
devoirs qu'il lui rendroit ; & fi on fuppofe
que les rats tombent demi morts , il eft impoffible
qu'ils échappent , qu'en fuppofant
encore qu'on ne les a pas apperçûs , ce qui
n'eft pas trop vrai-femblable . Enfin comme
dans une traduction le langage doit
être conforme à nos moeurs & à nos ufages
,fil me femble qu'il feroit mieux de ne
point faire tutoyer Horace par ceux qui lui .
parlent dans la Satyre. Voila quelques.
doutes dont je vous prie , vous Monfieur ,
& notre élégant Traducteur , de ne faire
FEVRIER.
1748. 95.
que l'ufage que vous jugerez à propos.
J'ai l'honneur d'être , & c,
Ayant communiqué ces refléxions à
l'Auteur de la Traduction d'Horace , voici
la réponſe dont il nous a honorés .
J
A M. DE LA BRUERE.
E ne puis trop remercier encore , M.
l'Anonyme qui veut bien employer à
me faire remarquer mes fautes , le trop
peu de loifir que fes occupations lui laif-
Tent. J'en fuis d'autant plus flaté , que je
n'ai pû mériter que par de foibles effais ,
l'intérêt qu'il veut bien prendre à la perfection
de mon ouvrage. Il me fait fentir
tout ce que je perds en ne voulant point fe
faire connoître ; quelque court qu'eût été
le tems qu'il auroit pû me donner pour
profiter de fes lumieres , je l'aurois faifi
avec empreffement pour lui propofer quelques
doutes fur des paffages d'Horace
auffi difficiles par eux-mêmes , que mal interpretés,
à ce qu'il m'a paru , par le plus
grand nombre des Commentateurs , Je me
vois privé d'un fecours que j'aurois voulu
devoir à fon eftime , & plus je travaille à
limer ma traduction , plus je fens combien
il me feroit utile qu'un auffi judicieux Critique
voulût bien me guider par les avis.
96 MERCURE DE FRANCE.
En lifant fes nouvelles obfervations fur
le paffage du Poëme féculaire , où le trouve
fine fraude , j'ai d'abord été frappé de
la force & de la folidité des raifons qu'il
donne pour fonder fon fentiment . Le
principe , que la façon la plus fùre d'expliquer
les Auteurs de l'antiquité , eft de les
expliquer par eux- mêmes , feroit évidemment
faux, comme le dit le fçavant Anonyme,
fi l'on en inféroit , ainſi qu'il a crû que
je faifois , qu'il y a peu de mots latins
qu'on ne puiffe & qu'on ne doive même
prendre dans differentes acceptions qui leur
font propres. Je ne lui aurois pas donné
lieu de me foupçonner d'une pareille erreur
, fi lorfque ai avancé le principe général
, j'avois diftingué l'acception propre
de l'acception métaphorique , mais quoique
je ne me fois point exprimé à cet
égard auffi pofitivement que j'aurois dû
faire , je le fupplie de croire que cette diftination
ne m'a point échappé. Je conviens
que l'on ne peut
bien entendre le
fens métaphorique d'un mot , fi l'on ne
connoît le fens propre ; je conviens demême
que l'on peut donner au fine fraude
du Poëme féculaire, le fens que l'Anonyme
veut qu'on donne à ce paffage , mais toutes
les fois que l'on peut prendre un mot ,
tel qu'il foit dans fon acception propre , 3
fans
FEVRIER. 1748. 97
cet
sdi
dil
On
ele
de
me
ot,
e,
ns
que
fans que le fens en foit alteré , je crois
qu'on doit le préférer à l'acception métaphorique
, & que l'on ne doit choisir celle-
ci dans les cas où la premiere ne
s'accorderoit point avec le fens de l'Auteur.
Or fine fraude , qu'Horace a employé pour
fine noxa , fine vita periculo , dans l'Ode a
Bacchus , lorfqu'il a dit :
Tufeparatis uvidus in Jugis ,
Nodo coërces viperino
Biftonidum fine fraude crines ,
Se trouve précisément , à ce qu'il me
femble , dans le dernier de ces deux cas.
Horace n'auroit pû employer ici ce mot
dans fa fignification propre ; il n'en eft pas
de même dans ce paffage du Poëme fécu
laire ,
Cuiper ardentem fine fraude Trojam,
Caftus Eneas , Patria fuperftes ,
Liberum munivit iter , daturus
Plura relictis ,
Où non-feulement Horace n'étoit point
forcé , comme dans l'Ode ci -deffus , d'employer
fine fraude dans le fens métaphorique
, mais même où , fans altérer le fens
on peut le prendre dans l'acception qui lui
eft propre , foit en l'appliquant à daturus
E
>
98 MERCURE DE FRANCE.
plura relictis ; en effet Enée fonda dans
l'Aufonie un Empire qui dans la fuite
devint plus grand , plus floriffant , plus
puiffant que celui qu'avoient quitté les
Troyens ; foit encore en prenant , comme
je l'ai propofé dans ma réponſe , fine fraude
pour la juftification d'Enée , des foupçons
qu'on avoit formés contre lui, d'avoir
livré Troye aux Grecs , de concert avec
Antenor.
d'a-
Je conviendrai encore avec le fçavant
anonyme , que le danger de paffer à travers
les feux , étoit auffi grand que
voir fes cheveux renoüés avec des viperes
& que dans les deux cas on peut expliquer
fine fraude , par fine vite periculo ;
mais pour l'expliquer ainfi dans le premier
, on n'eft point obligé , quoique le
danger foit égal pour la vie,d'avoir recours
au fens métaphorique , puifque liberum
iter munivit dit la même chofe que fi l'on
entendoit fine fraude dans le fens de fine
vite periculo , & qu'il faut malgré foi dans
le fecond , qui peint un danger auffi évident
, avoir recours au fens métaphorique ,
parce qu'on ne peut l'entendre dans le fens
propre. De- là j'ai commencé à douter que
l'on dût entendre fine fraude dans le fens
métaphorique , quoique les raifons qu'apporte
le fçavant anonyme m'euffent d'aFEVRIER.
1748. 99
évi
que,
ders
que
fens
'ap
d'al
•
bord prévenu en faveur de cette opinion
& m'euffent fait abandonner la mienne . Je
fouhaite qu'il veuille bien employer encore
quelques momens de fon loiſir à lever mon
doute. L'intérêt qu'il prend à la perfection
de mon ouvrage , fans que je l'aye mérité,
me fait efpérer , Monfieur , qu'il vous
adteffera fes refléxions , puifque je ne puis
me flater d'avoir avec lui un commerce
plus direct , que j'aurois infiniment défiré.
J'ai vu avec plaifir qu'il trouvoit. peu de
corrections à faire dans ma verfion de la
Satyre , hoc erat in votis , &c . J'ar profité
des avis qu'il a bien voulu me donner &
de la jufteffe de fes obfervations critiques ,
Quant à ce qu'Horace dans ma verſion
eft tutoyé & tutoye, façon de s'exprimer que
la politefle de nos moeurs & de nos ufages
femble condamner , le fçavant anonyme
me permettra de lui faire obſerver que le
terme vous , que nous employons en Fran
çois également au pluriel comme au fingulier
, ne répond point au tu du Latin , &
comme la façon la plus fûre d'expliquer les
anciens Auteurs , eft de les expliquer par
eux-mêmes , ( qu'il trouve bon que je lui
rappelle ce principe ) je crois qu'on doit
les rendre tels qu'ils font , lorfqu'on entreprend
de les traduire ; je crois de-même
qu'on doit alors fe tranfporter dans le fié-
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
>
cle où ils ont écrit , affujettir fa verfion d
leurs ufages & ne point les habiller à la
Françoife , fi c'est en François qu'on les
traduit , comme ont fait certains Traducteurs,
en fe fervant des termes de Laquais,
de Monfieur , & d'autres qui étoient inconnus
dans ces tems éloignés & qui ne
font point dans notre Langue des équivalens
aux mots , puer , here & c. Je crois
encore qu'il faut , autant qu'il eft poffible,
mettre le lecteur dans le cas de croire qu'il
lit un Auteur ancien dans l'original , lorfqu'il
le lit dans une Langue étrangere à
cet Auteur; c'est ce que la plupart des Traducteurs
d'Horace n'ont pas plus obfervé
que la difference des ftyles qu'il a employés
dans fes Poëfies. J'ai évité , autant
qu'il étoit en moi , que l'on eût ce reproche
à me faire ; le public en jugera par
les effais que j'ai donnés de ces differens
ftyles dans le Poëme féculaire , dans une
Satyre & dans la premiere Epitre d'Horace
, que vous avez bien voulu inférer dans
votre Mercure de Janvier. Je vous prierai
, Monfieur , d'y inférer encore , fi vous
.jugez qu'elles méritent d'y trouver place ,
une Ode galante & une Ode morale ou
philofophique , avec un fragment de l'Art
Poëtique ; ce font à peu près les differens
genres de ftyle dans lefquels Horace s'eft
FEVRIER. 1748. 101
exercé. Heureux fi pour le prix d'un ouvrage
qui m'a déja coûté dix ans de travail
, je puis mériter l'approbation de ceux
qui daigneront en lire les foibles effais !
Je fuis , & c.
VERS à M. Remond de Sainte Albine.
Sur fon ouvrage intitulé le Comédien .
EN nous peignant d'une plume hardie
Les mouvemens fecrets , & l'effet qu'au dehors
Doivent caufer les differens refforts ,
Que chaque paffion en un instant varie ,
Cher Sainte Albine , apprends moi quel Génie
Te dévoila du coeur humain
Les plus obfcurs replis , & vint guider ta main.
Qui trace une route auffi fûre ,
Pour plaire & plaire par le vrai ,
Doit avoir bien long - tems fouillé dans la nature ;
Trente ans feroient payés avec un tel effai,
Connoître l'homme eft l'unique fcience
Où tendent tous mes vains efforts ,
Mais féduit tous les jours par de trompeurs de
hors ,
Je bronche à chaque pas , & fens níon ignorance.
Au théatre du monde , où l'on voit tant de gens
Jouer prefque toujours leur rôle à contre- fens ,
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Ami , fi l'on t'avoit pour guide ,
Scroit- on dupe auffi ſouvent
Des faux fermens d'une perfide ,
Du ton flateur que dicte un interêt fordide,
De ces promeffes qu'en paffant
Vous lâche un inoëleux Courtiſan ,
De cet ami du jour , qui court , dès qu'il nous
Sur nous
quitte ,
quatre pas
lâcher un trait mordant ,
Ou du mafque odieux que porte l'hypocrite ?
Tu nous fais fentir clairement
Qu'il eft un vrai dans tout , qui feul affecte & tou
che ,
Que quand le coeur n'eft pas d'accord avec la bous
che ,
On devroit fur le front le connoître aiſément.
Mais ce vrai , qui pourroit m'apprendre à le con
noître ,
A diftinguer le jeu vrai du jeu faux ',
De celui qui m'impofe en geftes , en, propos ,
Qui tout autre qu'il eft s'efforce à me paroître ?
Vains defirs ! O voeux indifcrets !
Ma- raifon étoit égarée.
Pour fe jouer entre eux , oui , les hommes font
faits ;
Le fujet L'interêt le créé ,
Et de la chaumine au Palais
Ce n'est que la fcéne changée .
FEVRIER . 1748. 103
Puifque tout homme eft donc Comédien ici bas ,
Qu'il joue à chaque inftant tout ce qu'il ne tent
pas ,
Aux champs , à la Cour , à la ville ,
Ton livre à tous doit être utile ;
Que chacun pour fon rôle y prenne des leçons ,
Etudie avec art fes geftes & fes tons ;
D'être trompé s'il eft inévitable ,
Malgré nos travaux & nos foins ,
L'amour propre en fouffrira moins ,
Quand l'erreur fera vraiſemblable .
Cher Sainte Albine , adieu , mais ne fois pas futpris
De voir une Muſe anonyme
T'offrir un encens légitime ;
Que cet effai lui foit permis .
Elle veut voir, fi nous parlant en maître
Sur tant de paffions , & les fçachant connoître ,
Tu fçauras auffi- bien te connoître en amis.
Ce 13 Février
.
Eij
104 MERCURE DE FRANCE.
Les mots des Enigmes & du Logogryplte
du Mercure de Janvier font chaife ,
cage , favon , miroir & panier . On trouve
dans le Logogryphe Pan , nier , Pin , rien
Pain , Jean , nape , pire , rape , ire & rein.
WRTERET****
ENIG ME.
P Etit chés l'artifan , fimple chés le bourgeois
Je fuis grand , je fuis haut dans le Palais des Rois.
La beauté de mon teint fait mon premier mérite ;
( Le nom de beau m'eft affecté )
Et cependant on me voit fans fierté
Recevoir tout le monde , à moins qu'on ne m'é
vite .
Je n'ai jamais d'égards , quand je ſuis viſité ,
Pour la richeffe , ou pour la qualitė ;
Souvent une fimple foubrette
Sort d'avec moi plus fatisfaite
Que la maîtreffe n'eut été .
Je n'ai point cependant d'humeur, ni d'arrogance›
Et rien n'eft plus uni que moi ni plus poli ;
De fages Directeurs prennent dès mon enfance
Le foin de me rendre accompli ,
Et quand je fuis parfait dès ma naiffance ,
Rien ne me fait jamais prendre de mauvais pli .
FEVRIER . 1748.
105
LOGOGRYPHE.
A ssés communément je plais,
Et fuis joli , quoique jamais
Chés la beauté je ne me place ,
Mais de l'agrément , de la grace
J'aime à recevoir mes attraits ;
Deux fois trois pieds font ma ftructure ,
Les deux premiers tout fimplement
Pris tout de fuite & fans figure ,
Ne fervent point en tablature ,
Mais en mufique très fouvent ,
Et les deux derniers , je vous jure ,
Retournés très- facilement ,
Des deux premiers dans le moment
Seront la quinte toute'pure .
Si de mes fix pieds eſt ôté
Uniquement le pénultiéme ,
Soudain par ce nouveau ſyſtême
Un nouvel être eft préſenté ;
Alors équitable & ſévére ,
Roi fortuné , malheureux pere ;
Tout enſemble à la fois je ſuis
Comblé de vertus & d'ennuis.
Je n'ai plus qu'un mot à vous dire ,
Lecteur , mes quatre derniers pieds
E v
10G MERCURE DE FRANGE.
Pour le former doivent fuffire ,
Entr'eux comme il faut tranfpofés.
Ce mot fur la Carte de tendre
Ne fe peut trouver qu'en petit ,
En grand , fi vous voulez entendre
Ce qu'il préfente à notre efprit ,
C'eft des Rois qu'il le faut apprendre.
Ce mot eft choſe bonne à tout ,
Bonne à tout , même néceffaire ,
Et fans quoi l'on ne vient à bout
De la plus miférable affaire.
Vous en aurez befoin ici
Pour expliquer mon verbiage ,
Et qui pis eft , moi -même auffi ,
Je n'ai pu me paffer de lui , ' .
Pour compofer ce bel ouvrage.
J
AUTRE.
E me préſente également
Sur fept pieds ou fur fix , mais fur fix feulement
Pour ma commodité , Lecteur , je vous en prie.
Mes trois premiers font un mot qui ſouvent
Fait prendre en amitié juſques à la mânie
La chofe qui le fuit immédiatement.
Mes trois derniers font une bête
Dont le jeu plaît à peu de gens ;
J'ai vu pourtant dans fes amufemens , vû
FEVRIER. 1748. 107
Le Roi même lui faire fête.
Vous ne verrez jamais que ma totalité
Soit fans valeur & fans utilité.
L'âge de fer m'a , dit- on , inventé ,
Je n'emprunte pourtant jamais ma façon d'être
Que des trois autres feulement .
Autrefois fans pitié , fans crainte, à tout moment,
Mille gens me battoient ; mais je n'ai plus qu'un
maître ,
Encor ce n'eft que rarement
Qu'il ofe me toucher , & c'eft pour lui peut-être
Un dangereux évenement.
AUTRE..
MA tête eft blanche comme lait ;
Ma queue eft d'uſage à l'armée ,
Et le poltron fur tout la hait ,
Lorfque deux fois elle eft nommée.
Mon tout fe mange en plus d'une façon ,
Mais jamais avec du poiffon.
J
AUTRE.
'Habite dans les Cieux , & je fuis ici bas
Juge équitable , utile en bien des cas.
De mes trois premiers pieds vous formez une
chofe
Très- agréable aux jeunes gens ,
E vj
08 MERCURE DE FRANCE.
Qui l'acceptent toujours dès qu'on la leur propofe.
Mes cinq derniers font bien moins obligeans ;
C'eft au fiécle de fer qu'on trouva leur ftructure.
Otez mon chef , dans ce dernier état ,
Alors je change de nature ,
J
Et les pots feuls de moi font quelqu'état.
AUTRE.
E fuis affreux pour l'un, & pour l'autre agréable,
Ce n'eft point la laideur , ce n'eft point la beauté
Qui me rend-plus ou moins aimable .
Sans mon fecours indiſpenſable
Ma premiere moitié n'a jamais exifté ;
Quoique je fois fort refpectable ,
Cet ouvrage eft fouvent affés peu respecté .
Laiffez cette moitié pour prendre ce qui refte ,
Alors en avançant je montre mes défauts ,
Et tel eft mon deftin funefte ,
Que ce dont je m'accrois détruit ce que je vaux,
FEVRIER. 1748. 109
::
NOUVELLES LITTERAIRES ,
E
DES BEAUX- ARTS , &c.
SSAI fur la Marine des Anciens
&c. par M. Deflandes , in-1 2. A Páris,
1748 , chés David , l'aîné & Ganeau .
qu
La connoiffance de la Marine des Anciens
eft une des chofes les plus curienfes
que l'antiquité offre aux recherches des
Sçavans , mais malheureufement c'est uni
point des plus obfcurs. Les recherches la
borienfes d'un grand nombre de Commen
tateurs ont eu jufqu'à préfent un fuccès
médiocre , & n'ont répandu fur les ténébres
, dont cette matiere étoit enveloppée ,
qu'une lumiere fort incertaine. Le peu
'exactitude & de précision des Auteurs
qui ont parlé de la Marine , qu'ils ne connoiffoient
point , a été la caufe de l'obfcu
rité qui réfulte de leurs écrits , & la même
ignorance de la Marine dans ceux qui ont
entrepris de percer ce labyrinthe , a été
caufe qu'ils fe font égarés . M. Deflandes ,
qui joint à une étude profonde de l'antiquité
, une connoiffance refléchie de la
Marine , qui a fait depuis long- tems fa
principale occupation , étoit plus en état
To MERCURE DE FRANCE.
que perfonne de débroüiller ce cahos , &
il l'a fait avec fuccès .
Trois fyftêmes avoient jufqu'à préfent
partagé les Sçavans fur la forme des Biremes,
des Triremes , des Quadriremes, &c.
tous fort ingénieux , mais tous infoutenables
& démentis par l'impoffibilité phyfique
de leur exécution . M. Deflandes nous
apprend qu'en n'admettant que les Triremes
on expliquera tous les auteurs . Elles
avoient trois ponts ou trois étages. Le premier
s'étendoit depuis la prouë jufqu'au
mât , le ſecond alloit depuis le mât jufqu'au
château d'arriere ; le troifiéme enfin
comprenoit ce château d'arriere & toute la
poupe où étoient les chambres de réſerve
& les logemens des Officiers . Le premier
pont étoit le moins élevé & contenoit les
thalamites , qui avoient les rames les plus
légeres & les plus faciles à manier ; fur le
fecond étage étoient les Zygites , efpece
de Rameurs qui avoient encore foin de la
manoeuvre , & fur le troifiéme étoient les
Thranites ; c'étoit ceux qui fatiguoient davantage
, qui avoient les rames les plus
longues , & qui felon Thucydide , rece
voient la plus forte paye. On voulut en
fuite procurer à ces Triremes un nouveau
mérite , foit en élevant chaque étage &
en y plaçant des châteaux & des tours ,
FEVRIER . 1748.
foit en les fortifiant par des machines de
guerre , & on les appella alors Quadriremes
, &c. Et ce qui prouve que ces noms
numéraux n'indiquoient point un plus
grand nombre d'étages ou d'efpeces de Rameurs
, c'eft que les Anciens ayant affigné
des noms aux trois differentes efpeces de
Rameurs de Triremes, n'en ont point cher
ché d'autres pour les Quadriremes , &c,
ce qui eût été indifpenfable , fi le nombre
des étages eût été augmenté . Les limites
de ce Recueil ne nous permettent pas de
fuivre M. Deflandes plus loin dans fes
doctes recherches , & nous nous hâtons de
finir en lui rendant la juftice que lui rend
le public fur l'étendue de fes connoiffanla
fagacité & la pénétration qu'il
employe à pénétrer des matieres fi obfcures.
Plufieurs ouvrages eftimables oonntt déja
rendu célebre le nom de l'Auteur.
ces ,
THEATRE ANGLOIS , fixiéme volume.
Trois Tragédies de differens Auteurs
rempliffent ce fixiéme volume. Aurengzeb
, de M. Dryden : l'Epoufe en deuil ,
de M. Congreve, & Tamerlan, de M. Rowe,
Dans toutes on voit toujours & les beautés
& les défauts de la Scéne Angloife. Le caractére
d'Aurengzeb eft le modéle de la
112 MERCURE DE FRANCE.
vertu la plus pure : celui de l'Empereur
fon pere : vieillard foible , que l'amour
force à abandonner le feul de fes enfans qui
lui foit fidéle , qui connoît le ridicule de
fon amour & l'injuftice de fes procedés avec
un fils auffi vertueux , fes remords qu'il ne
peut ni vaincre ni étouffer , font peints
avec vérité &avec force. Ne pouvant entrer
dans le détail des differentes beautés de
cette pièce , nous ne citerons qu'un feul
trait du caractère d'Indamora , Princeffe
aimée à la fois par Aurengzeb , par l'Empereur
fon pere, & par Morat , frere d'Aurengzeb.
Arimant , Gouverneur d'Agra ,
eft à fon tour féduit par des charmes fi dangereux.
Indámora lui repréfente d'abord
le tort qu'il fe fait en tentant inutilement
d'être l'amant d'une Princeffe dont il auroit
pû être l'ami , mais bien -tôt elle prend
un autre ton ; » puifque j'ai fçû vous plaire
» dit - elle , je connois tout le pouvoir que
»ma conquête vient de m'acquérir fur
»vous , & je prétends en ufer. Un pareil
>> ami m'eft maintenant trop néceffaire , il
faut déformais que vous faffiez pour
" moi , non pas tout ce qui pourra vous
»plaire,mais tout ce qui pourra m'être uti-
"
le;vous m'aimez ; obéïffez.C'eft à peu près
ce que toutes les femmes penfent , mais
aucune ne le prononce . Indamora fe conFEVRIE
R. 1748 .
duit en conféquence de ce fentiment dans
le cours de la piéce , obligeant Arimant à
rendre des billets au Prince qlle aime ,
fans que celui-ci ofe la refufer. Ces traits
font forts & hardis , & il y a lieu de croire
qu'un Auteur qui oferoit rifquer un pareil
caractére fur notre théatre , ne nous trouveroit
pas plus difficiles que les Anglois ,
furtout s'il employoit affés d'art.
La catastrophe terrible & fanglante de
l'Epouſe en deüil eft conduite avec une
intelligence du Théatre qui n'eft pas ordinaire
aux Anglois. Nous voudrions pouvoir
nous étendre davantage fur Tamerlan
, mais nous fommes forcés de mettre
fin à cet article ; nous nous contenterons
de dire qu'il y aun très-grand nombre de
belles chofes. Le Traducteur a foutenu la
premiere réputation de fon ouvrage par
l'élégance & la force qu'il continue à mettre
dans fa traduction .
VENISE SAU V E'E , feconde édition,
1747 , chés Jacques Cloufier. Nous avons
rendu compte du fuccès de cette Tragédie
dans le Mercure de Janvier 1747. Cette
feconde édition prouvé le fuccès de la premiere.
HISTOIRE GENERALE des Voya
ges , &c. tomes 9 , 10 , 11 & 12. 1747 »
114 MERCURE DE FRANCE.
& pour
chés Didot. Ces quatre volumes répondent
au troifiéme volume de l'édition in -quarto,
dont le quatriéme tome eft auffi en vente .
L'empreffement avec lequel le public a
acheté les premiers volumes , eft une preu
ve du mérite de cet ouvrage. Le troifiéme
tome offre une variété extrême de chofes
utiles & curieuſes. Il n'eft plus néceffaire
de plaider ici pour le défordre des récits
la fechereffe des defcriptions. Le
plan de l'ouvrage , dont l'exécution n'a pû
commencer proprement qu'au quatrième
Livre , parce que les premieres découvertes
des Portugais & les relations Angloifes
n'étoient pas fufceptibles de l'ordre
qu'on s'étoit propofé , fe trouve déformais
rempli avec une fidélité qui ne fera plus
fujette à fe démentir . Les Journaux des
voyages deviennent plus intéreffans dans
leurs extraits. Les réductions forment des
corps réguliers qui portent le double carac
tére de l'agrément & de l'inftruction . Les
moeurs , les ufagés , la Géographie , l'Hi(-
toire civile & naturelle , & c . font traités
méthodiquement,
Les Hollandois , fuivant leur louable
coûtume , ont entrepris de faire à cet ouvrage
l'honneur dangereux de le réimprimer
, mais cette édition fera fort inférieure
à celle de France. 1 °. Dans les deux to
FEVRIER . 1748. 115
mes ils n'ont mis que quarante Cartes , &
l'édition de France en donne environ 80 ?
choſe bien importante dans un ouvrage
qu'on ne peut lire faus confulter les Cartes
à tous momens. 2 ° . Ils promettent deux
volumes de plus , fous prétexte de donner
ce que M. l'Abbé Prévost a retranché. Il eft
cependant certain que fes retranchemens
ne montent pas à plus de deux feüilles ,
ainfi ces deux volumes groffiront l'édition ,
fans utilité pour les Lecteurs. Nous reviendrons
encore au détail de cet ouvrage
autant que nous le permettront les bornes
que nous nous prefcrivons.
CORIOLAN , Tragédie, par M. Richer,
1748 , chés Barois . M. Richer, Auteur efti
mé de la Tragédie de Sabinus , où il y
avoit de grandes beautés ; d'un recueil de
Fables qui a mérité les fuffrages conftans
du public depuis plufieurs années qu'il eft
imprimé ; de la vie de Mécénas , ouvrage
qui a fait honneur à fon Auteur & a reçû
un favorable accueil , vient de publier fa
Tragédie de Coriolan , qu'il n'a pas voulu
rifquer à la repréſentation . Si le fuccès
d'une pièce de Théatre eft moins brillant
dans le cabinet,du moins on a cet avantage
qu'on ne dépend que de foi - même &
qu'on n'a à effuyer aucun des hazards qui
116 MERCURE DE FRANCE.
font quelquefois tomber un bon ouvrage.
Il y a de fort belles chofes dans celui -ci ,
mais il faut lire la piéce même.
APOLOGIE DES DAMES , appuyée
fur l'Hiftoire , par M. de *** , à Paris ,
chés Didot , ruë du Hufepoix , à la Bible
d'or , 1748 , in- 12.
ou
ETRENNES DU PARNASSE ,
Recueil de Piéces fugitives , tant en profe
qu'en vers , préfentées à Madame la Comreffe
d'Eftrées par M. de la Motte Conflans,
à Mons , chés Pierre J. Plon , Imprimeur du
Roi , ruë de Nimy , 1748.
ANECDOTES de la Cour de François
I. par Mlle de Luffan , à Londres , chés J.
Nours , Libraire dans le Strand , 1748 ,
3 vol. in- 12.
LETTRE de S. E. Monfeigneur le
Cardinal Querini à l'Illuftriffime & Reverendiffime
Seigneur Bernard de Franchenberg,
Abbé de Difentis , & Prince du Saint
Empire , in-quartá , de 24 pages , datée de
Breffe du 21 Octobre 1747 , fans nom
d'Imprimeur.
DICTIONNAIRE GEOGRAPHIQUE
portatif , ou defcription de tous les
Royaumes , Provinces , Villes & autres
lieux conſidérables des quatre parties du
monde , &c. Ouvrage très- utile pour l'intelligence
de l'Hiftoire moderne & des
AS
FEVRIER. 1748. 117
1
affaires préfentés , traduit de l'Anglois fur
sa la treizième édition de Laurent Echard ,
avec des additions & des corrections confidérables
, par M. Vofgien , Chanoine de
Vaucouleurs , feconde édition , revûë, augmentée
& corrigée , à Paris , chés Didot ,
Libraire , Quai des Auguſtins , à la Bible
d'or , 1747.
On diftribue préfentement à Rome aux
foufcripteurs les deux premiers volumes
de l'Hiftoire Eccléfiaftique du P. M. Jofeph
Auguftin Orfi , de l'Ordre de Saint
Dominique. Le troifiéme volume eft actuellement
fous preffe. Cette Hiftoire qui
s'imprime in- quarto en Italien chés Nicolas
& Marc Pagliani , Imprimeurs Libraires
de cette ville , & qui comprendra un
grand nombre de volumes , fe débite
foufcription à raifon de dix Jules par vo
lume , environ fix livres , monnoye de
France , pour ceux qui payeront d'avance ,
& de 15 Jules pour ceux qui ne jugeront
pas à propos de prendre des affûrances.
par
DESCRIPTION abregée , géographique
& hiftorique du Brabant Hollandois
& de la Flandre Hollandoife , contenant
un détail précis de la diftribution de
ces Pays de leur fituation , climat , Gouvernement
, forces , nombre & moeurs des
IIS MERCURE DE FRANCE .
habitans , & c. tiré du Hollandois , avec
des plans exacts des Places fortes . à Paris,
chés Claude- Jean- Baptifte Bauche , fils ,
Quai des-Auguftins , à l'Image de Sainte.
Geneviève & Laurent d'Houri fils ,
Libraire ruë de la vieille bouclerie , 1748,
in- 1 2 .
, >
THEATRE de M. de Boiffy . Tomes
VIII. & IX. in- octavo , quatre livres broché
, à Paris , chés J. Clonfier , ruë Saint
Jacques , à l'Ecu de France.
ESSAI fur les paffions & fur leurs
caractéres. Deux volumes in- 12. cinq livres
broché , chés le même.
APOLLON MENTOR ou le Telemaque
moderne. Deux volumes in- octavo ,
enrichis de figures en taille douce , 3 liv .
broché chés le même.
LE DROIT PUBLIC de l'Europe
fondé fur les traités , par M. l'Abbé de
Mably. Nouvelle édition corrigée & augmentée.
Deux volumes in 12. à Paris ,
chés Nyon , fils , Quai des Auguftins.
EXERCICE de piété pour la Communion
, par le R. P. Griffet de la Compagnie
de Jefus , à Paris , chés J. B. Coignard
, A. Boudet , & chés Guerin , ruë
Saint Jacques.
LES ILLUSTRES FRANÇOISES ,
FEVRIER.. 1748. 119
in- 12. Quatre volumes. Nouvelle édition'
à Paris , chés David le jeune . Prix 4 liv.
ARITHMETIQUE de Barrême. Nou
velle édition , chés le même.
HISTOIRE UNIVERSELLE de
M. Boffuet. Nouvelle édition , chés le même.
Deux volumes.
LE BONHEUR de la mort Chrétienne .
I. volume , chés le même.
HORLOGE PERPETUELLE ON
Cadran Solaire , in- 12 . chés le même .
ESSAI PHYSIQUE fur l'économie
animale , par M. Quefnay , feconde édition
augmentée de deux volumes & de tables
fort amples . Trois volumes in- 12.
chés Guillaume Cavelier , pere , rue Saint
Jacques , près la Fontaine Saint Severin ,
au Lys d'or.
B PRATIQUE DE CHIRURGIE OU
Hiftoire des playes en général & en parti
culier , & c. Troifiéme édition , enrichie
d'obfervations curieufes & confidérable
ment augmentée , par M. Guifard , Doc
teur en Médecine de l'Univerfité de Montpellier
, avec un Recueil de Théfes du
même Auteur. Deux volumes in- 12, Cinq
livres relié, chés le même.
GERARDI van Swieten Dot. Med.
Commentaria in Hermanni Boerhaave
20 MERCURE DE FRANCE.
t
Aphorifmos de cognofcendis & curandis morbis.
Deux volumes in-quarto , chés le
même.
BIBLIOTHEQUE choifie de Méde
cine , tirée des ouvrages périodiques , tant
François qu'étrangers , avec plufieurs autres
piéces rares & des remarques utiles &
curieuſes , par M. Planque , Doct. Med . 1 .
vol. in-quarto , fig. & 3. vol. in- 12 . fig.
'chés d'Houry , pere , rue de la vieille Bouclerie.
. LE GOÛT ET LE CAPRICE , à
Madame du B ***. par M. Fontaine , de
l'Académie des Sciences de Rouen , à Pares
, chés Quillau , fils , rue Saint Jacques ,
vis-à-vis les Mathurins , aux Armes de
l'Univerfité ; Delormel , rue du Foin , à
Sainte Geneviève , & la veuve Mazuel ,
fur les degrés de la Sainte Chapelle , au
Palais.
COURS de Belles Lettres , diſtribué
par exercices , 2 vol. in- 12 . chés Defaint &
Saillant , rue Saint Jean de Beauvais .
LES REGRETS , Cantatille à voix
feule , avec fymphonie , par M. Lefebvre ,
Organiſte de l'Eglife Royale de S. Louisen-
l'Ifle , gravée par M. Mongaultier.
Prix 36 fols , chés l'Auteur , au coin de la
rue des deux Boules dans la maifon d'un
Limonadier
FEVRIER. 121 3 1748 .
Limonadier , & aux adreffes ordinaires
chés Mlle Caftagnery , rue des Prouvaires ,
Madame Boivin & M. Leclerc , ruë du
Roulle.
SIX SONATES à deux flûtes , fans
baffe , composées par M. le Clerc. Euvre
premiere. Prix en blanc 6 liv. gravées par
Mlle Vendofme aux adfeffes , ordinaires de
la Mufique , & chés le Sieur Maupetit ,
l'Editeur , Cloître Saint Germain l'Auxerrois
, & à Lyon , chés M. Bretonne , ruë
Merciere , au Saint Efprit.
SONATES à violon feul , compofées
par M. Labbé , le fils , de l'Académie
Royale de Mufique , gravées par Madame
Leclair. Prix en blanc 6 liv . Euvre
premiere
, à Paris , chés l'Auteur , rue des
Boucheries , Fauxbourg Saint Germain
dans la maifon du Sieur Pinault , Marchand
Confifeur , & aux adreffes ordinaires.
LE RECUEIL delle Lettere famigliari
di Alcuni Bolognesi del noftro fecolo , 1745 ,
in- octavo. Deux volumes. Ces Lettres qui
Sont été données au public par M. Dominique
Fabri , Profeffeur d'Eloquence dans
l'Univerfité de Bologne , font de M. E.
·Manfredi , de M. G. P. Zanotti , de M. F.
A. Ghedini , de M. A. Fabri , de M. F.
Scarfelli & de M. D. Fabri , connus dans
F
122 MERCURE DE FRANCE.
la République des Lettres par 'differens
ouvrages.
"
'D'ELE' INSIGNE Abbaziale Baſilica
di S. Stefano di Bologna libri due al
nobil, vomo Giuseppe Nicolo Spada Patrizio
Ferrarefe , &c. in Bologna , 1747 , inquarto.
DE BONONIENSI fcientiarum &
artium Inftituto atque Academia Commenta
rii. Tomi fecundi pars tertia. Bononiæ ,
1747 , in-quarto .
MEMORIE di varia erudizione del in
focicta Colombaria Fiorentina , Firenze , nella
Stamperia d'Apollo , alla piazza di S. M.
Imperiale , 1747 , in-octavo .
+
FASTI ATTICI , in quibus Archontum
Athenienfium Series , Philofophorum ,
aliorumque illuftrium virorum atas atque pracipua
Antica hiftoria capita per olympicos
annos difpofita deferibumur novifque obfervationibus
illuftrantur. Auctore Eduardo
Corfino Cler. Reg. Scholarum Pian, in Pifana
Academia Philophie Profeffore. Tomus fecundusfex
reliquas Differtationes complectens.
Florentiæ ex Typographia Joannis Pauli
Giovanelli , 1747 , in-quarto.
>
HERODIANI Infanticidii Vindicia
Auctore F. Cafto Innocente Anfaldo , Ordinis
Predicatorum , accedit ejufdem Differtatio
de loco Johannis aliter atque habet vulFEVRIER.
1748 . 123
*
gata , à nonnullis Patribus lecto. Brixiæ ,
excudebat Joannes Maria Rizzardi , 1747 ,
in-quarto. Cet ouvrage eft dédié au
Pape.
.
LETTERA all' E. Cardinale Pozzobonelli
Arcivescovo di Milano , II . Marz.
1747 , Brixia. Cette lettre regarde la
diminution du nombre des Fêtes chomées.
LETTERA all' E. Bernardo di Franchenberg
, Abbate del Monaftero Defertinenfe
in Retia , e Principe del facro Rom:
Impero. 26. Maggio , 1747. Cette Lettre
contient une Relation de la vifite que ce
Cardinal a faite dans la partie de fon Diocèfe
qui eft dans la Valteline & dans la
Retie.
ALTERA LETTERA all Illu. Di
Bern.de Franchenberg , &c. in- 12 . Luglio,
1747. Cette Lettre regarde un ouvrage
de M. Muratori , qui a pour titre Della
regolata divozion de Chriftiani , & particulierement
le Chapitre XXI . où l'Auteur
traite de la réduction des Fêtes chomées .
MISCELLANEA LIPSIENSIA
nova ad incrementum fcientiarum ab his qui
funt in colligendis Eruditorum novis Actis occupati
, per partes publicata , Lipfiæ , in
Officina hæredum Lanekifianorum , in -octavo.
VEL DIDENA , urbs antiquiffima ,
Fij
124
MERCURE
DE FRANCE.
Augufti Colonia , & totius Rhatia princeps in
tractu precipue Vilihinenfi & Oenipontano ;
è tenebris eruta & vindicata , infertis compluribus
adhuc ineditis , qua per Tyrolimfuperfunt
monumentis Romanis , ab Ant . Rofchmanno.....
Illuft . Provincia Hiftoriographo.
Ulmæ proftat , apud Danielem Bartholomæi
, & filium , 1745 , in-quarto.
DESCRIPTI0 vita fancti Valentini
utriufque Rhetiæ Apoftoli cum animadverfionibus
Chronologico - Hiftorico- Geographicis
adornata , &c. 1746 , in quarto , par le
même Auteur , qui travaille actuellement
à recueillir & à éclaircir les antiquités du
Tyrol.
C. PLINII SECUNDI Panegyricus
Cafari Imperatori Nerva Trajano Augusto
dictus , quem ex duodecim codicibus manufcriptis
, librifque collatis recenfuit , ac notis
obfervationibufque item & nummis are exfcriptis
illuftravit , fimulque adjectis integris pariter
atque excerptis virorum eruditorum commentariis
inftruxit Chrift. Gottlieb Schwarzius.
Norimbergæ , apud Jo . Georg . Lochnerum
, 1746 , in-quarto . Cette édition
eft plus ample que toutes celles qui ont
paru jufqu'à préfent.
LES LETTRES du Baron de Bufbeç,
Ambaffadeur de Ferdinand I. auprès de
Soliman II. & enfuite auprès du Roi de
FEVRIER . 1748 . 125
France , traduites du Latin en François ,
& enrichies de Remarques Hiftoriques &
Géographiques par M. l'Abbé de Foy ,
Chanoine de l'Eglife de Meaux , 1748
in- 12 . Trois volumes , à Paris , chés Laurent
d'Houry , fils , Libraire , ruë de la
Bouclerie.
>
LES TOMES VI. & VII. de l'Abregé
de l'Hiftoire de l'Ancien Teftament,
avec des éclairciffemens & des réfléxions ,
à Paris , chés Defaint & Saillant , Libraires ,
rue Saint Jean de Beauvais , 1748 , in-
12 .
CINQUIE' ME TOME du Dictionnaire
Univerfel de Médecine , traduit de
l'Anglois de M. James , par Meffieurs Diderot
, Eidous , & Touſſaint , revû , corrigé
& augmenté par M. Julien Buffon , Docteur
Régent de la Faculté de Médecine de
Paris , à Paris, chés Briaffon , David l'ainé,
& Durand , Libraires , rue Saint Jacques ,
1748 , in-folio.
PETIT DICTIONNAIRE du tems.
pour l'intelligence des nouvelles de la
Guerre . Troifiéme édition à Paris , ches
J. B. C. Bauche , Libraire , Quai des Auguftins
, & Ph . N. Lottin & J. H. Butard,
rue Saint Jacques , 1748 , in- 12 .
+
LES TOMES XV. & XV I. de l'Hif
toire de l'Eglife Gallicane , continuée par
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
le P. G. F. Berthier de la Compagnie de
Jefus , à Paris , chés Fr. Montallant & J.
Rollin , fils , Quai des Auguftins , & chés
J.B. Coignard , & H. L. Guerin , rue Saint
Jacques , 1747.
FABLES NOUVELLES par M. P *** .
à Paris , chés Prault , perc , Quai de Gêvres
, 1748 , in-octavo,
REFLEXIONS CHRETIENNES
fur les grandes vérités de la Foi & fur les
principaux myftéres de la Paffion de Notre-
Seigneur. Volume in- 12 . Prix.2 liv . relié ,
à Paris , chés Dehure , l'aîné , Libraire
Quai des Auguftins , à Saint Paul .
AMUSEMENT de la Raifon , à Paris,
chés Durand & Piffot , fils , 1747 , in- 12.
DISSERTATION , découverte &
démonftration de la Quadrature Mathé
matique du Cercle , pour fervir d'introduction
à la connoiffance exacte de cette
vérité , par M. de Fauré Géométre . Abfcondifti
hac à fapientibus & prudentibus , &
revelafti ea parvulis. Luc. c. 10. v. 2.1 . aux
dépens de l'Auteur , 1747. Brochure in-
12 .
LA VIE de M. Paté Curé de Cherbourg
; décédé en odeur de Sainteté , où fe
trouve recueillie l'hiftoire abregée de plufieurs
autres perfonnages recommandables
en piété , tant avant lui que de fon tems ,
FEVRIER 1748. 127
à Coutances , chés J. Fauvel , Imprimeur
de M. l'Evêque , in-octavo , par M. Trigan,
Curé de Digôville.
PANEGYRIQUE des Saints Jofeph
de Leoniffa & Fidel de Sigmareng , dédié à
M. l'ancien Evêque de Mirepoix , à Paris,
chés P. G. le Mercier , ruë S. Jacques .
LE DROIT COMMUN de la France,
& la Coûtume de Paris réduits en principes
, tirés dés Ordonnances , des Arrêts ,
des Loix Civiles & des Auteurs , & mis
dans l'ordre d'un Commentaire complet
& méthodique fur cette Coûtume , contenant
dans cet ordre les ufages du Châtelet
far les liquidations , les comptes & les
partages , & fur toutes autres matieres
par M. Bourjon , ancien Avocat au Parlement
, à Paris , chés Grangé & Rouy , Libraires
, au Palais . Deux volumes in -folio
Prix 36 liv . reliés.
7
M
R. de Laitre vient de publier des
Cartes d'une nouvelle invention ,
qui peuvent être fort utiles aux enfans &
même à tout le monde . Ces Cartes contiennent
des détails de Géographie , que
par ce moyen on apprendra en s'amufant .
Les figures de Roi , de Dame , de Valet
font deffinées au haut de la Carte , & le
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
refte eft rempli par une defcription géographique
; les autres Cartes font fimplement
diftinguées par leur numero 1 , 2 ,
3 , 4 , & c. A l'égard des couleurs on les
nomme par les noms des pays auxquels le
jeu eſt deſtiné , ainfi , par exemple dans le
jeu des quatre parties du monde , au lieu
de jouer en coeur ou en caro , on dira je
joue en Afie , en Amérique , &c. On doit
donner beaucoup d'éloges à l'Auteur de
cette ingénieufe invention . vi
La veuve du Sieur Durand continue
à vendre avec fuccès l'Opiat dit des Sultanes
, elle demeure rue Saint Honoré , visà-
vis la Croix du Trahoir.
M 1
. Il paroît une nouvelle Eftampe gravée
par J. Moyreau's Graveur du Roi , d'après
le tableau original de Philippe Wouvermens
, nº. 57. fous le titre de la Fontaine
de Neptune. Elle fe vend chés l'Auteur , ruë
Saint Jacques , à la vieille Pofte , vis- à- vis
la rue du Plâtre.
YORK
PUBLIC
ANERY
.
**TOP PANOX AND
IN STATIONS.
ULL
ASTOP
TILDEN
FOO
FEVRIER. 129 1
1748 .
*
SAPAPAEDED48 PARAIDEDEDED
ETRENNES à Madame D.... par
M.7. la Cofte, fils , Avocat au Parlement
de Bourgogne , à Dijon.
D
MADRIGAL.
Ans ce grand jour où l'an fe renouvelle ,
J'aurois voulu vous faire don d'un coeur ;
C'est tout mon bien : au tendre Amour rebelle ,
Toujours il en fut le vainqueur..
Digne de vous jamais , il ne rendit les armes ,
Oui , nul objet n'a pû me le ravir.
Mais hélas ! j'ai vu vos charmes ,
Je n'ai plus rien à vous offrir.
PAMAMAPATATATATATATA:1374:P7A0S3A3
SPECTACLES.
Chateau
2
E Concert Spirituel qui s'exécute au
Château des Tuilleries , a ouvert le z
Février Fête de la Chandeleur par Dominus
regnavit , motet à grand choeur de M. de la
Lande ; Mrs. Blavet , Greff & l'Abbé ont.
joué un trio qui a obtenu des applaudiffemens
mérités. Ce trio très-bien rendu a été
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
fuivi de Lauda Jerufalem , autre motet a
grand choeur de M. de la Lande. M. Pagin
a joué feul au gré des connoiffeurs , & le
Concert a été très- bien terminé par Nifi
Dominus , motet à grand choeur de M.
Mondonville .
L'Académie Royale de mufique continue
les repréſentations du ballet des
Talens Lyriques ; elle prépare un Opéra :
de M. Rameau, qui doit paroître inceffamment
.
Les les Comédiens François donnerent
la premiere repréſentation d'une.
Tragédie , intitulée Denis le Tyran , dont
l'Auteur eft M. de Marmonte , jeune
Poëte âgé de vingt- quatre ans , déja couronné
deux fois par l'Académie Françoife,
& dont cette Tragédie eft le premier
ouvrage dramatique. Elle a été reçue avec
beaucoup d'applaudiffemens , & donne de
grandes efpérances de l'Auteur , ainfi que
nous allons le prouver en détail , en rendant
compte de la pièce.
Ce fujet n'avoit point encore été mis
au Théatre. C'eſt la mort du vieux Denys,
Tyran de Syracufe , homme célébre par de
grands crimes & de grands talens. La diverfité
des opinions des Hiftoriens fur le
genre de fa mort , jointe à la liberté qu'on
ne peut refufer aux Poëtes Dramatiques
FEVRIER. 1748. 131
de changer ou d'ajouter à l'Hiftoire , fans
la contredire trop ouvertement , a mis
M. de Marmontel en droit d'imaginer la
cataſtrophe de fa Tragédie . En effet Plutarque
rapporte que quelques - uns difoient
qu'il étoit mort empoisonné. Ecoutons le
même Plutarque dans la Traduction
d'Amiot , lorfqu'il parle des frayeurs de
Denys & des précautions qu'il prenoit
pour s'affûrer contre les trahisons.
39
» Or fes cruautés & fes tyranniques dé-
» portemens le rendirent déteftable à tout
» le monde , au moyen de quoi il entra
» en telle défiance de chacun , qu'il fit
foffoyer le logis où il couchoit , & vou-
» lant repofer , il hauffoit le pont - levis
» & s'enfermoit dedans en grande crainte,
» ayant force gardes dehors de tous côtés.
» Ses femmes n'ofoient entrer dans fa
» chambre qu'elles n'euffent fecoüé & dé-
» poüillé leurs robes , tant il avoit peur
» qu'elles ne portaffent quelque dague
» deffous. Tous autres , voire fon frere &
»fon propre fils étoient contraints de
» pofer bas leurs habillemens , & falloit
» que les Gardes de la chambre viffent
tout nud quiconque y mettoit le pied ,
puis on lui bailloit une autre robe que
» la frenne . Il redoutoit fon propre
autant que nul autre , &
"
& ,
fils
craignant s'ik
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
» venoit à fentir fon coeur , ou qu'il hantất
quelques gens de bon entendement
93
"
2
qu'il ne fit complots , & ne le déboutât
» enfin de fa Seigneurie ; il le tenoit en-
» fermé en une chambre , & c.... Mais
» c'étoit la coûtume de Denys de dire mer-
» veilles & faire peu , étant fi miférable-
» ment craintif, fur- tout après l'exécution
» de fon barbier , & que fes filles furent
» devenues grandes , qu'il n'eut pas ſouf-
» fert qu'on lui eut rogné les cheveux avec
» des cifeaux , ains faifoit venir un de
» ceux qui font des images de terre , lequel
» avec un charbon ardent lui brûloit la
perruque tout à l'entour .
C'eft principalement de ce côté que M.
de M. a envifagé le caractére de fon Tyran ,
qu'il annonce dès la premiere Scéne par un
monologue de Denys , qui rend les idées
de Plutarque.
Aveugle ambition , cruelle politique ,
Invincibles attraits d'un pouvoir tyrannique ,
Dans quels gouffres de maux m'avez vous entraî
né !
Déchiré de remords , d'horreurs environné
Chargé du poids affreux de la haine commune
Le vice m'eft fufpect , la vertu m'importune.
Loin de moi fuit l'honneur , la foi , la vérité ,
Et dans le crime feul je vois ma fûreté ;
>
FEVRIER . 1748 133
Je ne puis m'attacher que des coeurs mercenaires,
De mes cruels deffeins inftrumens néceffaires ;
C'eſt dans leurs mains , ô Ciel , que mon fort eſt
remis ;
Quelle honte , ô tyrans , ce font là vos amis.
Malgré les vives inquiétudes de Denys ,
il est bien éloigné de vouloir renoncer à
la Tyrannie; la guerre lui paroît le meilleur
moyen pour diftraire les Syracufains des
complots qu'ils pourroient former contre
lui pendant la paix. Il eft prêt à la porter
en Epire , c'eft ce qu'on apprend par l'entretien
qu'il a avec Damoclés fon Miniftre
& fon confident. Denys le jeune arrive;
ce Prince , dont le Tyran eftime & craint
les vertus , eft fufpect à fon pere, parce qu'il
ne lui reffemble pas . Il demande de le
fuivre à Epire , & de ne pas refter oifif pendant
qu'on tentera cette glorieufe conquête.
Denys accorde fa demande avec d'au
tant plus de facilité qu'il en eft plus irrité,
L'amour paternel n'a pas balancé un moment
dans fon coeur la jaloufie de l'au- ·
torité , & s'il met fon fils à la tête de l'armée
d'Epire , c'eft dans l'efpérance que les
dangers de la guerre le délivreront d'un
rival qu'il commence à craindre , ou que
Damocles qu'il envoye à fa fuite , pourra
134 MERCURE DE FRANCE.
fur le moindre foupçon lui dreffer des
piéges dont la guerre fournira affés d'occafions.
Pour éloigner du jeune Prince Dion
Citoyen vertueux , qui l'a élevé , & que le
Tyran cherche à tromper par un faux dehors
de vertu , n'efperant pas de le corrompre
,Denys doit le mener contre les Carthaginois
à qui il fe propoſe aufli de faire la
guerre. Il aime la fille de Dion qui avoit
été promiſe à fon fils . Celui- ci fait de vaines
remontrances au Tyran fur cette
union. Celles qu'il fait fur la guerre éternelle
que Denys entretient avec les voifins
, fur l'oppreffion du peuple dont il fe
fait juftement détefter , font écoutées avec
encore plus d'impatience. Peu fatisfait
d'entendre ces dures vérités, Denys lui impofe
filence , & le quitte. L'acte finit
par un monologue où Dion exprime fa
haine contre le Tyran , & le defir qu'il a
de délivrer fa Patrie , & par une courte
Scéne où il annonce au jeune Prince que
fon pere eft fon rival , & qu'il doit étouffer
un amour fans efperance.
Cependant les Chefs du peuple fe font
affemblés par ordre de Denys . Il leur ex
pofe & le regret qu'il a eu d'avoir été forcé
à punir des rebelles , & la néceffité de la
guerre que la gloire feule de fa Patrie
•
FEVRIER. 1748. 159
l'engage à déclarer aux habitans du refte
de la Sicile; il fçait fe parer avec tant d'arr
du prétexte fpécieux du bonheur public
que lorfqu'il fes a laiffés en liberté de déliberer
fur fes propofitions , un d'eux féduit
par l'artifice de fon difcours , eft
étonné qu'un Prince fi jufte foit détesté
comme un tyran , mais Dion fçait aiſément
le démafquer & détromper fon
ami.
Denys vous a féduit , je n'en fuis pas furpris ;
Il fçait , quand il lui plaît , fubjuguer les efprits ,
Mais dans ce coeur profond apprenez mieux à lire
Il déguiſe à vos yeux la fureur qui l'inſpire ;
C'eſt tout l'art d'un tyran. Sa fourde cruauté
Se couvre adroitement des traits de l'équité ;
A la juftice au moins il fçait rendre l'hommage
De n'ofer la trahir qu'en parlant fon langage ;
Le Tyran , continue Dion , ne cherche
qu'à faire périr par les dangers de la guerre
tous les Citoyens de Syracufe , c'eft
pour cela qu'il vous entraîne aux combats,
afin le peupler après fon état d'étrangers
& dafranchis qui ne fe foient point vûs
fes égaux , & n'ayent point à lui reprocher
d'avoir ufurpé la Tyrannie . Ce difcours
de Dion eft bientôt fuivi du projet de
détrôner le Tyran , & de mettre la Cou
136 MERCURE DE FRANCE.
ronne fur la tête de fon fils , Prince vertueux
, qui eft l'amour du peuple . Dans
ces circonftances Dion doit moins que
jamais irriter Denys en lui refufant ſa fille ,
& rifquer de le porter à des violences
qui pourroient déconcerter les projets des
conjurés. Ainfi il annonce avec peine à
Aretie , c'eft le nom de fa fille , qu'elle
doit époufer le Tyran .
Cette Aretie , dont le caractére eft le
plus brillant de la pièce , & eft abſolument
neuf , aime le jeune Prince , & abhorre
le Tyran , mais ces deux fentimens
ne font que des fuites de fon amour pour
la vertu & de fa haine pour le crime , qui
font les principaux refforts de fon ame.
Amante fans foibleffe , tous fes fentimens
font fubordonnés à l'amour de la gloire
& de la vertu. Aflés vertueufe pour les
fuivre toujours par préference à tout , elle
a affés de fermeté & de courage pour les
voir par tout où ils font. Ainfi elle feroit
prêté à facrifier fon amour & fa haine , ſi en
époufant le Tyran elle pouvoit efperer de
le rendre vertueux , fi elle pouvoit fe flater
d'adoucir par-là le joug fous lequel fes
concitoyens gemiffent , mais ne pouvant
efperer un figrand changement , elle voit
avec horreur cet hymen qui la doit placer
fur un trône fouillé du fang des innocens ;
FEVRIER. 1748. 137
fon pere enchanté de fa fermeté & de fa
vertu , l'emmene pour lui découvrir les
projets qui doivent la fauver de cet hymen
fi redouté .
C'eft Aretie & Denys qui ouvrent le
troifiéme Acte. Le Tyran n'eft pas médiocrement
étonné , lorfque la fille de
Dion lui déclare que ce n'eft pas l'amour
qu'elle reffent pour le jeune Denys , qui
l'empêche de fe foumettre aux ordres de
fon
pere , mais que fa gloire feule l'engage
à refufer la main & le Trône qu'un Tyran
lui préfente.
"}
Ces dures vérités étonnent votre oreille ;
Au fond de votre coeur le remords fe reveille ,
Mais la voix des fateurs l'avoit trop endormi ,
Et je veux une fois vous tenir lieu d'ami :
Vous regnez; on vous craint ; muet dans fes allar
mes
Vous forcez votre peuple à dévorer fes larmes ,
Et dans ces murs, témoins de fon foible pouvoir ,
Le doigt de la vengeance a tracé fon devoir.
Mais vous qui l'accablez du poids de l'efclavage ,
Au faite des grandeurs quel eft votre partage ?
Puiffant , mais malheureux , de remords combattu
,
Car on n'étouffe point la voix de la vertu ;
Entouré d'ennemis payés pour vous féduire ,
138 MERCURE DE FRANCE.
Attentifs à vous plaite , & prêts à vous détruire ,
Vous tenez en tremblant un fceptre déteſté ,
D'autant plus dangereux qu'il vous a plus coûté.
C'eft au pere du peuple à porter la Couronne
Un Trône eft glorieux quand l'amour l'envi
ronne ,
Mais c'est un précipice , un théatre d'horreur
Quand il a pour appui la force & laterreur.
>
Pour mieux convaincre le Tytan que
ces motifs feuls , & non l'amour de fon
fils , lui font refufer fa main , elle lui offre
de l'époufer à condition qu'il deviendra
vertueux , qu'il préférera la gloire à lạ
Couronne ; Denys , n'hésite point à accepter
cette propofition , & il charge
Aretie d'annoncer au jeune Prince qu'il
va regner' , mais il inftruit le fpectateur
avant de que fortir , en difant s'ill'accepio,
il est mort.
Cette Scéne eft très -belle , pleine dé
force, quant à l'idée & quant au ftyle, elle
a encore un mérite qui ajoute à la gloire
de l'Auteur , c'est qu'elle eft abfolument
neuve , & qu'on n'en trouve point le modéle
dans nos autres Tragédies. M. de M. a
travaillé d'après fes propres idées , & il n'a
été l'imitateur de perfonne. Qu'on nous
pardonne cette courte interruption que
nous ne pouvions refufer au mérite de
FEVRIER. 1748. 139
cette belle Scéne , & poursuivons notre
extrait.
le Aretie reftée feule , & attendant que
Tyran lui envoye fon fils , peut à peine
croire ce qu'elle vient d'entendre .
Pour l'ame des tyrans l'amour a- t'il des traits
Vous que je méprifois , périffables attraits ,
Auriez -vous de ce tigre adouci la furie ?
Pourriez-vous me ſervir à ſauver ma Patrie ?
Ainfi donc la beauté , ce funefte ornement ,
Ecueil de nos vertus en devient l'inftrumenty
>
Cependant le facrifice qu'elle va faire
lui coûte quelques regrets qu'arrache la
violence de l'amour , malgré la fermeté de
fon courage. Mais ils font bientôt étouffés
par le defir de délivrer fa Patrie , fans expofer
fon pere & fes amis dont la confpiration
peut ne pas réuffir .
On fent affés quel intérêt doit regner
dans la Scéne qui fe paffe entre le jeune
Denys & Aretie. Le premier fentiment
qui occupe celui-ci eft la douleur de le voir
abandonné par une Maîtreffe qu'il adore.
Lorfqu'elle lui apprend qu'elle s'eft facrifiée
pour le bonheur de fa Patrie , pour lui
mettre la Couronne fur la tête , il rejette
bien loin l'offre du Trône ; mais Aretie le
frappe d'un nouvel étonnement, en lui ap
140MERCURE DE FRANCE.
}
>
prenant que fi fon pere regne encore un
jour, il eft perdu , qu'il y a une confpiration
formée contre lui , que Dion en eft le Chef,
qu'elle en eft la complice , que la haine du
peuple eft prête à accabler le Tyran , que
fon fils feul peut le fauver en acceptant le
Trône ; un extrait ne peut faire connoître
les divers mouvemens qui agitent le Prince
; Aretie cherche à le déterminer par tous
les motifs qui peuvent exciter un coeur
vertueux. Les voeux du peuple qui l'appellent
au Trône , le plaifir inexprimable
de faire le bonheur de fa Patrie . Le
Prince encore indécis eft dans l'agitation
des differens mouvemens dont il eft rempli;
allarmé du danger de fon pere , ardent à le
prévenir , retenu par le nom des conjurés,
par les larmes d'une Maîtrefle qu'il adore ;
le Tyran arrive far ces entrefaites , impatient
de fçavoir fa réponſe . Après un diſcours
modefte & convenable , le jeune
Denys finit en difant qu'il accepte plus
par refpect pour fon pere que par empref
fement pour regner. Ce confentement
fatal
n'eft pas plutôt prononcé que le Tyran
ordonne qu'on l'arrête , & l'Acte finit fur
le champ fans autre explication , ce que
nous remarquons
pour relever l'art de
l'Auteur , car il étoit aifé de s'y méprendre,
& de vouloir continuer la Scéne entre
FEVRIER. 1748.27 148
Aretie & le Tyran , ce qui fûrement auroit
affoibli l'effet de cette fituation qui a paru
frappante à tout le monde. Elle mérite les
mêmes éloges que la Scéne entre Aretie &
le Tyran. M. de M, a marché par un chemin
qu'il a frayé lui-même, ce qui eft trèseftimable
, & malheureufement n'eft guéres
moins rare .
Denys le jeune , dans les fers , ignorant
quel eft fon crime & quel fort on lui deftine
, s'occupe plus du danger de fon pere
que du fien , il demande à le voir pour lui révéler
un fecret important, & il lui apprend
en effet que l'on confpire contre lui , mais
la reconnoiffance du Tyran fe change en
fureur , lorfque fon fils lui déclare qu'il
fouffrira les plus affreux fupplices plutôt
que de révéler le nom des conjurés . Denys
fait appeller Dion & Aretie ; il donne
au premier quelques ordres pour prévenir
les complots des conjurés , & laiffe Aretic
avec fon fils , pour lui arracher fon fecret,
Je veux de ce complot qu'il me nomme l'Auteur ;
Je lui cede à ce prix votre main , votre coeur.
Le jeune Denys ne cache point à fa maî
treffe qu'il a découvert la confpiration ,
il frémit d'apprendre qu'elle va éclater
& qu'en même-tems fon pere , & fa maîtreffe
, qui eft au pouvoir du Tyran , cou-
>
#41 MERCURE DE FRANCE .
rent l'un & l'autre , par des raifons con
traires , un danger éminent. Pour délivrer
Aretie & pour fauver le Prince des fureurs
de fon pere Théodon arrive , c'eft un des
conjurés qui a féduit les Gardes, & qui les
veut mettre l'un & l'autre en fûreté. Mais
ce ſecours eft reçû avec horreur par le jeune
Denys , il ne veut point même permettre
que Théodon enmene Aretie ; il
menace de la facrifier fi Dion ne fufpend
Les projets.
Va dire à Dion qu'en ces lieux retenuë ,
Pour le fang d'un rebelle Aretic eft connue ,
Qu'il la perd s'il éclate, & qu'au premier fignal
Tout fon fang va couler fous le couteauì fatal.
Aretie à Theodon.
Va , ne crains rien , Denys n'a rien appris encore;
Son fils fçait mon fecret , mais apprend qu'il
m'adore ;
Il mourroit mille fois avant de m'expoſer ;
Et fur lui de ma vie on peut fe repofer.
fi
Cette Scéne a reçû de grands applaudiffemens
& elle eft fort belle. Ce facrifice
prompt , que Denys fait fans héfiter de
l'amour à la nature , la conftance , le ton
hardi & courageux dont Aretie raffure,
Théodon , font des traits d'un pinceau
8
FEVRIER. 174S. 143
également noble , fort & vrai. Les mou
vemens de cette Scéne font très-rapides.
Aretie reftée feule avec Denys le jeune ,
fait une courte Scéne , bien- tôt interrompuc
par Damoclés , qui vient annoncer
que le Roi fe laffe d'attendre la réponſe
de fon fils , & ordonne que l'amant & la
maîtreffe viennent lui tout révéler.
A
Tout est découvert au cinquiéme Actel
Denys n'ignore plus que Dion eft le chef
de la confpiration , mais il feint de l'ignorer
encore , afin de pouvoir furprendre
plus aifément les conjurés. Il s'explique
cependant fans détour avec Aretie , & lui
promet la grace du jeune Prince & celle
de Dion , fi elle veut le fuivre à l'Autel ;
celle- ci y confent , mais elle demande que
les apprêts de cet hymen foient fecrets.
Le Spectateur apprend par le monologue
, qui fuit le départ du Tyran , quel eft
le projet d'Aretie en confentant à cet hymen
odieux .
Oui , fais orner l'Autel , la victime eft choifte ,
Dieux, qui ferez témoins de cette fête impie ,
Pardonnez fi je fais fervir à mes defſeins
Les gages précieux des fermens les plus faints.
C'eſt aux pieds des Autels que doit périr le crime;
Il n'eſt point à vos yeux de plus chere victime....
144 MERCURE DE FRANCE.
Dieux dans ce grand deffein prêtez -moi votre ap
pui.
La mort ne peut jamais pénétrer jufqu'à lui .
A la trahison même il eft inacceffible ....
N'importe , ayons recours à ce moyen horrible .
D'ennemis du Tyran cette Cour eft remplie ;
A ce Maître abhorré l'intérêt ſeul les lie ;
Je puis en gagner un à force de bienfaits ;
Pour le détruire entr'eux , les fcélérats font faits.
Le projet qu'Aretie cache encore au
Spectateur eft d'empoifonner la coupe facrée
& d'immoler ainfi le Tyran aux depens
de fa
propre vie ; cette eſpérance l'anime
de telle forte , quefon
pere défelperé
des obſtacles qui renverfent les projets , eſt
étonné de la joye & de l'audace qui brillent
dans les yeux de fa fille . Damoclés .
vient en fecret l'avertir que tout est prêt ;
elle embraffe tendrement: Dion , qui ne
fçait pas qu'elle lui dit le dernier adieu.
Bien -tôt Théodon arrive ; l'hymen d'Aretie
vient d'être connu ; les conjurés croyent
que Dion les trahit , Théodon l'accable
des plus fanglans reproches , mais celui- ci
en connoiffant la caufe , ne fe méprend
point fur cet événement , & trop fûr du
courage de fa- fille , fe rappellant la tendreffe
de fes derniers adieux , elle meurt ,
dit-il ,
FEVRIE R. 1748. 145
dit-il, ou nous venge . Philoxene, qui arrive,
lui apprend qu'auffi-tôt qu'elle a bû dans
la coupe facrée elle eft tombée fans fentiment
& fans vie. Le Tyran empoifonné
comme elle , mais réfiftant encore à la violence
du poifon , arrive avec fureur ; il
foupçonne fon fils d'être l'auteur du crime
, & ne défire que de vivre affés pour le
punir ; il ordonne qu'on l'amene , le Prince
paroît , Denys commande qu'on le frappe
, mais Dion arrête le bras du Garde ;
Aretie a tout fait , dit- il , épargnez l'innotent
; le Tyran ordonne une feconde fois
que l'on immole fon fils , mais Dion arrête
encore les Gardes en leur montrant que
Denys expire ; en effet en donnant ce dernier
ordre il est tombé entre les bras de
fes Gardes. Le jeune Prince ſe jette aux
pieds de fon pere , qui leve fon poignard
fur lui , & meurt en voulant le frapper.
Cette cataſtrophe eft belle & har die,
elle a fait au Théatre beaucoup d'effet ; ce
font-là de ces traits qui doivent faire at
tendre beaucoup de leur Auteur. Le fuccès
de cet ouvrage prouve que tout frivole
qu'eft notre fiècle , le ton fort & mâle y
réüffira auffi-bien qu'autrefois , pourvû
que l'on donne de bonnes chofes en ce
genre. On a donc tort de nous reprocher
que l'amour fait l'unique objet du Théa.
Ꮐ
146 MERCURE DE FRANCE.
tre François , puifque toutes les fois qu'on
nous a donné de bons Poëmes , dont cette
paffion ne formoit point le principal intérêt,
ils ont eu des fuccès.brillans . Quelle
réüflite plus éclatante que celle de Mérope
, où l'amour n'eſt pas même nommé !
N'admirons-nous pas toutes les belles piéces
de Corneille , où ,fi l'on excepte le Cid,
l'amour est toujours très-fubordonné à de
plus puiffans intérêts ? M. de Crebillon ,
créateur d'un nouveau genre , & qui a fçû
fe faire une place à côté de Corneille &
de Racine , a fuivi les mêmes principes .
L'intérêt qui réfulte de l'amour eft le plus
foible de tous les refforts que peut employer
un Auteur Dramatiqué , & cela eft
li vrai , qu'il ne produit jamais une bien
vive impreffion , â moins qu'il ne fe trouve
contredit par des devoirs facrés comme
dans le Cid, ou troublé par des remords dévorans
comme dans Phedre. Alors ce n'eſt
point à l'amour , c'eft à la vertu de Chimene
, c'eft aux remords de Phédre que
l'on s'intéreffe.Ofons dire plus,l'inimitable
Racine qui a fi bien peint toutes les délicateffes
de l'amour , qui a fondé avec un
art fi admirable les replis qui le cachent
dans notre coeur , Racine lui-même doit
une partie de fes fuccès à d'autres intérêts,
à la peinture d'autres caractéres . La confFEVRIER.
1748 .
147
tance d'Andromaque pour Hector intéreffe
plus que l'amour de Pirrhus & que les fureurs
d'Hermione , ce font les rôles d'Aprippine
& de Burrhus , c'eft l'ambition de
l'une & la vertu inaltérable de l'autre , ce
font les traits fi marqués du caractére de
Narciffe , qui dans Britannicus occupent
la partie brillante du tableau , & non l'amour
de Britannicus , de Neron & de Junie.
On pourroit dire la même chofe de
Mithridate & d'Iphigenie. Dans Athalie ,
le chef d'oeuvre de ce grand homme, eft- il
queftion d'amour ? En un mot , celui qui
a le mieux peint l'amour dans plufieurs de
fes piéces ne lui fait point occuper le premier
rang.
L'Auteur de cette nouvelle Tragédie
s'eft plus attaché à peindre la vertu d'Aretie
& de Denys le jeune , que leur amour,
& il a très-bien fait , non feulement parce
qu'il a donné par- là plus d'éclat & de
force , furtout au caractère d'Aretie , mais
encore parce que fi dans le cours de la piéce
on eût été trop occupé de cet amour , fi
on s'étoit fortement intéreffé à ſon ſuccès ,
la catastrophe auroit parû trop dure & trop
malheureufe , mais le principal effet ayant
porté fur la haine qu'infpire Denys, fur l'in
térêt qu'on prend àla vertu d'Aretie ,le fpectateur
fort content en quelque façon après
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
A
cette cataſtrophe terrible qui punit le Tyran
& porte au plus haut degré la vertu
d'Aretie.
Les vers font très-bien faits , l'Auteur
verfifie dans le goût de M. de Voltaire , &
c'eft mériter des éloges que de fe propoſer
un pareil modéle .
Nous ne finirons point cet Extrait fans
rendre justice à la maniere brillante dont
Mlle Clairon a rendu le perfonnage d'Aretie
. Il eft difficile de mettre dans un rôle
plus de vérité , d'intelligence & de force.
Le public continue d'aller avec empreffement
aux représentations de cette Tragédie.
Les Comédiens Italiens donnent toujours
l'Arcadie enchantée , avec l'aimable Ballet
de la Fermiere , qu'ils y ont ajoûté .
Ils ont donné pour nouveauté les Valets
Maitres , Comédie de M. de Boiffy , qui a
été bien reçûe. Nous en parlerons le mois
prochain.
Le 29 l'Académie Royale de Mufique a
donné la premiere repréſentation de Zaïs,
Ballet de M. Rameau , on l'a trouvé plein
de beautés d'un ordre fupérieur , ainfi que
tout ce qui part de ce célebre Auteur,
l'Orphée de notre fiécle. Les paroles font
de M. de Cabufac. Nous en parlerons plus
au long le mois prochain.
FEVRIER. 1748 . 149
206207208209 284 289 2090 209209986 90 90
NOUVELLES ETRANGERES.
L
CONSTANTINOPLE.
Es lettres de Conftantinople du 6 Janvier
portent que le Grand Duc de Toſcane y ayant
renvoyé cent vingt efclaves , auxquels il a rendu
la liberté fans rançon , en reconnoiffance du confentement
que le Grand Seigneur a donné au re-
Douvellement du Traité entre la Cour de Vienne
& la Porte , M. de Penckler a eu à cette occafion
une audience publique du Grand Vifir. Il a été accompagné
à cette audience par les Officiers des
vaiffeaux qui ont tranfporté les efclaves dont le
Grand Duc a fait préfent à fa Hauteffe ; par les
Officiers de deux Compagnies de Grenadiers , qui
étoient fur ces bâtimens & par plufieurs Gentilshomimes
Allemands & Italiens , que la curiofité
avoit portés à s'y embarquer. Cet Internonce a
reçu fuivant l'ufage une Pelifle de Martre Zibeline,
& l'on a diftribué des Caftans à toutes les perfonnes
de fa fuite. Quelques jours après l'audience
qu'il a eue du Grand Vifir , il s'eft rendu ches le
Capitan Pacha pour demander que les vaiffeaux du
Grand Seigneur ne troublaffent point la navigation
des vaiffeaux de Livourne & de Hambourg
qui porteroient le Pavillon du Grand Duc de Tof
cane. Le Baron de Hochepied , Ambaffadeur de la
République des Provinces Unies , eft arrivé depuis
quelque tems en cette ville , mais il ne fera admis
a l'audience de fa Hautefle que dans le courant du
mois prochain. On affûre que Don Nicolas Majo,
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
Envoyé Extraordinaire du Roi des deux Siciles ,&
qui fe préparoit à retourner à Naples, a cu ordre de
fa Cour de fufpendre fon départ. Sa Majefté Sicilienne
, pour le récompenfer des fervices qu'il lui
a rendus pendant les fix années qu'il a réfidé à la
Porte , lui a accordé une place de Gentilhomme
de fa Chambre. Le Grand Duc de Tofcane , voulant
auffi témoigner fa fatisfaction du fuccès
de la négociation de M. de Penckler , l'a créé Baron
de l'Empire. Le 5 le Réfident de Ruffie fit
partir un courier pour Pétersbourg. Le Pacha de
Bagdad a donné avis au Grand Seigneur que le
nouveau Roi de Perfe avoit nommé un Ambaffadeur
pour venir notifier à ſa Hautefle l'avènement
de ce Prince à la Couronne. Selon les lettres de
ce Pacha , ce Miniftre eft parti d'Ispaham & on
Pattend inceffamment à Bagdad.
SUEDE.
Es nouvelles de Stockholm portent que le
Roi de vuede a écrit au Comte de Bonde pour
lui témoigner la fatisfaction que fa Majesté & les
Etats du Royaume ont eue de la conduite qu'il a
tenue pendant la derniere Diette . Sa Majefté Suédoife
avoit difpofé de la charge de Vice Préfident
du Collège de la Chancellerie en faveur du Baron
de Hopken , mais ce Seigneur s'eft excufé d'accepter
cette place . M. de Rudenskiold , Secretaire
d'Etat , ci- devant Envoyé Extraordinaire à la
Cour de Berlin , a été créé Baron . Les Comtes de
Cronstedt , de Poffe & de Wrangel , ſe ſont retirés
du Sénat . Il paroît une Ordonnance pour regler
la maniere dont les impofitions doiventle percevoir
fur les grains dans toute l'étendue de la
Suéde .
FEVRIER. T
151 1748 .
On mande de . Stockholm du 16 Janvier qu'en
a imprimé les principaux Actes de la derniere affemblée
des Etats du Royaume. Ces Actes font
au nombre de dix-fept , & par les quatre premiers
les Etats marquent leur fatisfaction du reglement
établi par rapport à la fucceffion au Trone ; du
mariage du Prince Royal avec la Princeffe Louife
Ulrique de Pruffe & de la conclufion des nouveaux
Traités avec le Roi de France & avec fa
Majefté Pruffienne. Les huit Actes fuivans regardent
l'entretien des forces de terre & de mer
l'impofition & la perception des taxes , l'encouragement
de la culture des terres , celui des manufactures
, les progrès du commerce de la Nation ,
tant au Levant qu'aux Indes Orientales , & les
moyens d'augmenter le crédit de la Banque de
cette ville . Il eft pris dans le treiziéme Acte plufieurs
arrangemens concernant l'adjudication des
Fermes. Le quatorziéme contient une défenſe de
porter en révision dans une Diette les affaires qui
auront été terminées dans une Diette précédente.
L'objet des Actes XV & XVI eft de faise refpecter
les droits & l'autorité des Etats ; d'empêcher
qu'aucune perfonne , de quelque qualité qu'elle
foit , ofe blâmer ou interpréter fauffement & malignement
leurs réfolutions ,& d'infliger des peines
rigoureufes à quiconque prendra cette liberté.
Par le dernier de ces Actes les Etats fixent la convocation
d'une nouvelle Diette au mois de Septembre
1751 , & ils autorifent le Roi , fuppofé
qu'on ait à craindre d'ici à ce tems quelque invafion
ennemie , à prendre les mefures que fa Majefté
jugera néceffaires pour la défenfe du Royaume.
En conféquence de ce qui a été reglé par la
Diette , les troupes feront compofées de foixantequatre
mille hommes , & l'on entretiendra vingts
G iiij
352 MERCURE DE FRANCE.
quatre vaiffeaux de ligne. Le Roi , qui étoit alle
le 11 à une maifon de campagne près de cette
ville en revint le 13 , & l'on attendoit d'Ulrichfdalh
le 19 ou le 20 le Prince Royal & la Princeffe
fon époufe: Sa Majesté a difpofé de la charge
de Vice- Préfident du Collège de la Chancellerie
en faveur du Comte d'Eckenblad. M. de Stutenhielm
, Confeiller de ce College & ci - devant Envoyé
Extraordinaire du Roi à Londres , a été déclaré
Sécretaire d'Etat , & fa Majeſté a accordé au
Baron de Hopken , fon Miniftre auprès du Roi
de Dannemarck , la place de Secretaire du Département
de la Guerre , vacante par la démiffion
du Baron de Seth , qui a été revêtu de la dignité
de Sénateur. Le Baron de Wreden eft de retour du
voyage qu'il a fait fur les frontieres , afin de viftter
les Places & de donner fes ordres pour en réparer
les fortifications & pour en remplir les magafins.
On écrit de Pétersbourg , que les Régimens
de Ratoffsky, de Ladogsky , de Morromsky,
d'Afofsky , de Laffowsky , de Belofersky , de Mos-
Kofsky , de Trowfsxy , de Perentsky , de Toboltsxy
, de Sibirisky , de Kyoumsky , de Nofche-
Toumsky , de Narowsky , de Sautbalsky , de Wologesky
, de Ternigofsky , de Boutisky , de Wiborgsky
, de Nezausky , de Wiatsky , de Nizouwsky
& de Nifegorodsky , forment le Corps
de troupes auxiliaires que l'Impératrice de Ruffie
fournit au Roi de la Grande Bretagne & à la République
des Provinces Unies. Le Prince Repnin
, Général d'Artillerie qui commande ces troupes
, aura fous les ordres les Comtes de Soltekoffs
& de Lewin, Lieutenans Feldt - Maréchaux , & Mrs
Braun , Lapuchin & Stuard , Majors Généraux.
Ces nouvelles ajoûtent que l'Impératrice de Ruffie
a ordonné au Prince Repnin , fi les Polonois
FEVRIER. 153 1748 . 1748.
faifoient quelques difficultés pour le paffages des
troupes Ruffiennes par la Pologne , d'employer
les repréſentations les plus amiables auprès de-la
République , afin de l'engager à y donner fon confentement
, & en cas que les dificultés fubfiſtalfent,
de dépêcher , fans perdre de tems, un courier
au Grand Chancelier de Ruffie pour l'en informer .
Les nouvelles de Pétersbourg du 16 Janvier
nous apprennent que M. d'Allion , la veille du
jour que l'impératrice avoit marqué pour lui donner
fon audience de congé , ayant demandé que
cette audience fût differée, M. Weffelowsky, Mai.
tre des cérémonies , lui annonça le 10 de la part
de la Majefté Impériale qu'il pouvoit remettre fes
Lettres de rappel au grand Chancelier. Lorsque M.
d'Allion s'eft rendu pour cet effet chés le Comte de
Beftuchef , celui- ci lui a délivré de la part de l'Impératrice
une lettre de cette Princeffe pour Sa Majefté
Très -Chrétienne , & a fait remettre à M.
d'Allion le préfent ordinaire de trois mille roubles
. Le 12 M. d'Allion partit pour retourner en
France , & on a dépêché un courier à M. Groff
Miniftre Plénipotentiaire de fa Majefté auprès du
Roi Très - Chrétien . Depuis quelque tems il a
tranfpiré que l'Impératrice , en renouvellant le ,
Traité conclu l'année derniere avec la Grande
Bretagne , étoit convenuë d'augmenter de fix
mille Cofaques le Corps de troupes , qu'elle s'eft
engagée de tenir fur les frontiéres de la Livonie &
de la Curlande , & de le porter mênte juſqu'à cinquante
mille hommes , s'il étoit néceflaire . Cette
Princeffe a fait le 12 une Promotion d'Officiers
Généraux , mais elle n'a point nommé de nouveaux
Feldt- Maréchaux. Elle a en nêne-tems
difpofé d'un grand nombre de Régimens & a
accordé plufieurs brevets de Colonels . Comme
pour former le Corps de trente- cinq mille hom
G
154 MERCURE DE FRANCE.
mes de troupes auxiliaires que Sa Majefté Impé
riale fournit au Roi de la Grande Bretagne & aux
Etats Généraux des Provinces Unies , on a fait
marcher la plupart des Régimens qui étoient en
garnifon à Mofcou & dans les principales villes
voihines , ou remplacera ces Régimens par d'autres
qu'on tirera d'Ukraine , où l'on compre cependant
qu'il reftera encore , en y comprenant les
troupes irrégulieres , trente mille hommes pour la
garde de cette Province. L'Impératrice a donné
ordre que toutes fes galeres fuffent inceflamment
en état de fe mettre en mer , & il y en a quarante
deftinées à tranſporter à Dantzick & à Lubeck les
équipages des principaux Officiers des troupes qui
paffent à la folde de fa Majefté Britannique & de
la République de Hollande . Sa Majesté Impériale
a fait fçavoir au Sénat que fon intention étoit de
mettre la Bibliothéque & fon Cabinet de Curioftés
dans l'Hôtel de M. Demidoff , en attendant
qu'on ait conftruit le nouvel édifice dans lequel
elle fe propofe de les placer. M. Kaau de Boerhave
, un des Médecins de l'Impératrice a été élû
Penfionnaire de l'Académie Impériale des Sciences.
L'épouse du Général Tettau mourut en cette
ville le 7 de ce mois . M. de Hohenholtz , qui
étoit à Pétersbourg Réfident de la Cour de Vienne
depuis plus de trente ans , eft mort le 8 après une
courte maladie .
On écrit de Stockholm du 28 Janvier que cette
Cour & celle de Ruffie s'étant affûrées mutuellement
du défir qu'elles ont de conferver entre elles
une parfaite intelligence , on parle de renouveller
le Traité entre les deux Puiffances , & le bruit
court que l'Impératrice de Ruffie a même envoyé
les inftructions néceffaires fur ce fujet au Baron
de Korff, fon Miniftre Plénipotentiaire auprès du
Roi. On efpere auffi que les limites des Etats des
FEVRIER . 1748. Iss
deux Puiflances ne tarderont pas à être reglées . Il
vient d'être expédié des ordres aux Généraux &
aux Gouverneurs des Provinces , pour que les
troupes fe tinffent prêtes à marcher . Les lettres
de Ĉarelfcroon marquent qu'on y équipe avec
toute la diligence poffible une efcadre de vingtdeux
vaifleaux de ligne , & qu'on l'approvifionne
de vivres pour fix mois. Le Baron de Wreden ,
dans la vifite qu'il a faite des Places frontieres , a
trouvé que les fortifications de quelques - unes
avoient befoin non-feulement de plufieurs réparations
, mais encore d'être augmentées , & qu'il
étoit néceffaire de conftruire divers ouvrages pour
défendre l'entrée de quelques Ports . Il eft furvenu
un nouveau differend entre le Gouvernement &
M. de Guydickens , Envoyé du Roi de la Grande
Bretagne. Ce Ministre ayant fait mettre en prifon
dans fon Hôtel deux de fes domestiques qu'il
accufe d'avoir informé la Cour du lieu où le Né
gociant Springer s'étoit réfugié , le Gouverne
ment exige qu'on les remette en liberté , & on
offre de fatisfaire M. de Guydickens fur les plainres
qu'il pourra former contre eux , mais il prétend
avoir feul jurifdiction fur les perfonnes qui
lui appartiennent . Le Roi a écrit auComte Edouard
Louis de Tauben de ſe rendre en cette ville , afin
d'affifter aux affemblées que le Sénat doit tenir
pour délibérer fur les affaires de la Marine . La
place de Secretaire du Sénat a été accordée à M.
Jonas Hox , à qui M. Eckom fuccede dans la
charge de Secretaire du Confeil Royal. M. Schadt,
qui a été Secretaire de l'Ordre des Païfans pendant
la derniere Diette , a été nommé Juge Territorial.
Le 23 le Prince Royal & la Princeffe lon
époufe font revenus d'Ulrich (dahl.
i
Gvi
156 MERCURE DE FRANCE.
ALLEMAGNE .
Es lettres de Berlin du 16 Janvier portent que
Potfdam , & que le même jour le Prince de Pruffe
donna dans fon Palais une Fête connue dans les
Cours d'Allemagne fous le nom de Fête de l'Hôtellerie.
La Reine Douairiere & les Princes &
Princefles de la Famille Royale affifterent à cette
Fête, qui fut terminée par un fouper & par un Bal.
Le 1s le Roi revint de Potſdam & dîna chés la
Reine Douairiere avec la Famille Royale & quelques
Dames de la Cour . Le fiis dont l'époufe de
M. de la Forcade , Major Général , eft accouchée,
fut baptifé le 13 & tenu fur les Fonts au nom du
Roi par le Prince de Holftein Beck , qui annonça
à M. de la Forcade après la céremonie , que fa
Majefté accordoit à cet enfant le Bailliage de Neu .
hoff dans le Comté de Marck . La charge de Vice
Grand Veneur , vacante par la mort du Comte
Bogiflas de Schwerin , a été donnée à M. de Korbelsdorff
, Grand Maître des Forêts . Le Prince
Regnant d'Anhalt Deflau eft retourné à la réfrdence
. Les mines nouvellement découvertes en
Sibérie dans les environs de Hirfchbert produifant
du cuivre de très bonne qualité , il a été réfolu
de ne rien négliger pour les exploiter avec
fuccès . Suivant les avis reçûs de Drefde le Chevalier
Hanbury Williams , Miniftre du Roi de la
Grande Bretagne auprès du Roi de Pologne Electeur
de Saxe , ayant demandé à fa Majeſté Polonoife,
dans une audience qu'elle lui donna le 5 , le
paffage par la Pologne pour les troupes Ruffiennes
qui entrent au fervice de fa Majefté Britannique
& de la République des Provinces Unies , le
Koi de Pologne à répondu que fes fentimens pour a
FEVRIER. 1748. 157
le Roi de la Grande Bretagne & pour fes Alliés
lui faifoient toujours fouhaiter avec empreffement
les occafions de pouvoir l'obliger , mais que l'affaire
dont il s'agiffoit étoit de telle nature , qu'il
n'étoit pas poffible de donner auffi promptement
que fa Majefté Britannique le défiroit , une répon
fe pofitive , que ce n'étoit point de lui feul , mais
de toute la République , que dépendoit le confentement
demandé ; que d'ailleurs ce confentement
ne dévoit être accordé qu'en vertu de la réſolution
d'une Diette & qu'il n'y en auroit point fi-tôt d'af
femblée. Le Chevalier Williams a dépeché un courier
pour donner part de cette réponse au Roi de
la Grande Bretagne. On a été inftruit des nouvel
les fuivantes par les lettres de Vienne. Le la
Reine de Hongrie foupa chés le Prince d'Averfperg
, fon Grand Ecuyer , & affifta à un Bal qu'il
donna dans fon Hôtel. Il est arrivé de Lisbonne
divers couriers dont les dépêches ont donné lieu à
plufieurs conferences , aufquelles le Comte de Canales
, Miniftre du Roi de Sardaigne , a été invité
de fe trouver. On affûre que le Prince de la Tour
Taxis portera à Ratisbonne un Décret de Cominif
fion , relatif à la marche des troupes Ruffiennes
la Ruffie fournit à la Grande Bretagne & aux
que
Provinces Unies. Le Comte Léopold de Kinsky ;
que fa Majefté Hongroife a nommé fon Miniſtre
Plénipotentiaire auprès du Roi de Pologne Electeur
de Saxe , fait travailler à de magnifiques équipages
pour paroître à Drefde avec éclat. Le Grand
Duc de Tofcane a conferé au Comte de Richecourt
le Grand Prieuré de Péroufe , de l'Odre
Militaire de S.Etienne , & dont le revenu monte
à près de vingt mille écus.
On écrit de Vienne du zo Janvier que le 17 de
ce mois le Comte de Schombørn reçût des mains
158 MERCURE DE FRANCE.
du Grand Duc de Tofcane pour l'Electeur de
Mayence l'Inveftiture de l'Electorat de ce nom . II
fe tint le 12 chés le Comte d'Uhlefeld , Chancelier
de la Cour , un Confeil d'Etat qu'on croit
avoir eu pour objet les inftructions du Comte de
Kaunitz Ritberg , nommé pour affifter en qualité
de Miniftre Plénipotentiaire de la Reine aux conferences
d'Aix la Chapelle . Le Comte de Podewils,
Envoyé Extraordinaire du Roi de Pruffe , a renouvellé
les inftances , afin qu'on terminât les affaires
qui restent à regler entre cette Cour & celle de
Berlin. Après une conférence qu'il eut le 16 à ce
fujet avec les Miniftres de fa Majefté , on fit partir
un courier avec de nouvelles inftructions pour le
Comte de Bernes , Miniftre Plénipotentiaire de la
Reine auprès de fa Majefté Pruffienne. Le Miniftre
du Roi de Pologne Electeur de Saxe confere
fouvent auffi avec le Comte d'Uhlefeld . Le 18 , le
Comte de Luchefi arriva d'Italie , d'où l'on mande
que la grande quantité de neige qui y est tombée
depuis quelque tems , a retardé l'exécution des
opérations projettées , mais qu'auffi - tôt que la faifon
pourra le permettre , les troupes de fa Majefté
recommenceront à agir contre la République de
Génes. Les Régimens d'Infanterie de Bade & de
Clerici & ceux de Cavalerie de Hohenems, de Luchefi
,de Philibert & de Cordoue , qui font en
quartiers dans le Royaume de Hongrie , ont ordre
de fe rendre à l'armée des Alliés dans les Païs
Bas. Le Baron de Trips étant entré au ſervice des
Etats Généraux des Provinces Unies , la Reine a
réformé le Régiment dont il étoit Colonel & elle
a donné au Général , Feftetitz le commandement
des troupes légeres qui font dans cette armée. Le
Comte de Forgatích , Evêque du Grand Waradin
en Hongrie , fut facré le 14 par le Cardinal de
Kollonitz,
•
FEVRIER. 1748. 159
On nous mande de Drefde du 21 Janvier qu'on
a publié un Edit portant établiffement d'une Tontine
, compofée de cinq mille deux cent cinquante
actions , chacune de deux cent écus d'Allemagne.
Ces actions feront reparties en cinq claffes , dont
chacune contiendra cent Divifions. Les intérêts
de ces actions feront de cinq , de cinq & demi , de
fix , de fept , de huit , de neuf , de dix & même
de quinze & de vingt pour cent , fuivant les âges
des perfonnes qui mettront à la Tontine. Lorfqu'il
mourra un Actionnaire , la rente dont il
jouiffoit fera partagée entre les autres Actionnaires
de fa Divifion , & lorfqu'il ne reftera plus que
cent Rentiers , on leur donnera pour la valeur des
arrérages qu'ils devront tirer de la Tontine , des
Contrats qui porteront un intérêt de quatre pour
cent , & dont les rentes feront payées à leurs fils &
à leurs petits - fils. left arrivé un courier par lequel
on a appris que le Duc de Saxe Weimar étoit
mort le 19 à Eifenach. Ce Prince , qui fe nommoit
Erneft , étoit âgé de cinquante - neuf ans &
neuf mois , étant né le 19 Avril 1688. Il avoit
époufé la Princeffe Eleonore- Guillelmine d'Anhalt
Cothen , morte le 30 Avril 1726 , & en ſecon
des noces la Princeffe Charlotte Albertine de
Brandebourg Culmbach . De fon premier mariage
il a eu les Princeffes Guillelmine- Augufte , Ernefte
Albertine & Chriftine- Sophie. Il laiffe du fecond
le Prince Erneft- Augufte-Conftant , né le 2 Juin
1737 , & la Princeffe Ernefte- Augufte - Sophie , née
les Janvier 1740. En 1741 il avoit hérité du Duché
d'Eifenach par la mort du Duc Guillaume
Adolphe , décedé fans enfans mâles.
Les lettres de Berlin du 24 Janvier portent que
les Miniftres étrangers & les Seigneurs & Dames
de la Cour s'étant affemblés le 16 de ce mois fur
160 MERCURE DE FRANCE.
le midi dans le Palais du Prince de Pruſſe , le Roi,
les deux Reines & les Princes & Princeffes de la
Famille Royale , s'y rendirent à midi & demi , &
que l'on fervit,outre la table de leurs Majeftés ,deux
autres tables chacune de 70 couverts . A trois
heures & demie on fit la cérémonie du Baptême du
Prince dont la Princeffe de Pruffe eft accouchée le
30 du mois dernier. Ce Prince fut nommé Frederic-
Henri-Charles, & il eut pour parains le Roi , fa Ma-,
jefté Britannique , le Prince Henri , le Margrave,
de Brandebourg Culmbach, le Margrave de Brandebourg
Onolizbach , & le Duc de Brunfwick
Wolfenbuttel . Ses maraines font l'Impératrice Premiere
Douairiere , la Margrave de Brandebourg
Culmbach , la Margrave de Brandebourg Onoltzbach
, la Ducheffe de Brunswick Wolfenbuttel , &
la Ducheffe Douairiere Antoinette Amelie. Le
Roi étant retourné vers les cinq heures au Château
, envoya au jeune Prince les marques de
l'Ordre de l'Aigle Noir . Le mariage du Baron de
Lentulus , Major Général de Cavalerie , avec Mademoiſelle
de Schwerin , Demoifelle d'Honneur
de la Reine , fut célebré le 17 en préfence de leurs
Majeftés . La Cour foupa le foir à quatre tables, &
après un Bal , dont le repas fut fuivi , la Comteffe
de Camas , Grande Maîtreffe de la Maifon de la
Reine , conduifit les époux dans un caroffe de fa
Majefté , attelé de fix chevaux , à l'Hôtel de la
Comteffe Douairiere de Schwerin . M. de Voff ,
Confeiller Privé , partit le même jour pour aller
exécuter une commiffion du Roi auprès du Roi
de Pologne Electeur de Saxe. Sa Majesté a déclaré
Major Général & Commandant de la Fortereffe
de Peitz M. de Finck , Colonel Commandant du
Régiment de Leftewitz .
On écrit de Berlin du 28 Janvier qu'on célébra
FEVRIER. 161 1748 .
le 24 de ce mois avec beaucoup de magnificence.
l'anniverſaire de la naiffance du Roi , qui eft entré
dans la trente-feptième année de fon âge. Sur le
anidi fa Majefté après avoir été complimentée à
cette occafion par les Princes , par les Miniftres
Etrangers & par la principale Nobleffe , fe rendie
chés la Reine Douairiere où elle dîna avec la Famille
Royale. A cinq heures du foir leurs Majeftés
virent repréfenter fur le Théatre du Palais
la Comédie Françoife , intitulée l'Enfant Prodigue.
La Cour paffa enfuite chés la keine , dans
l'appartement de laquelle on fervit cinq tables
chacune de foixante couverts , & après le fouper
il y eut un Bal qui dura jufqu'au lendemain matin.
Le 25 l'Académie Royale des Sciences tint une
affemblée publique , à laquelle les Princes freres
du Roi & la Princefle Amelie affifterent , ainfi
que la plupart des Miniftres & des Seigneurs. M.
d'Arget Confeiller Privé , y récita une Ode en
l'honneur du Roi. Elle fut fuivie de la lecture d'un
Mémoire fur quelques particularités de la vie de
l'Electeur Fréderic Guillaume de Brandebourg .
furnommé le Grand. M. de Maupertuis, Préfident
de l'Académie , termina la féance par un difcours ,
dans lequel il montra combien les progrès des
Sciences font avantageux aux Etats , & combien
la protection des Souverains eft néceffaire aux
progrès des Sciences. Il avoit eu l'honneur de
préfenter la veille au Roi le fecond tome des Mémoires
de l'Académie , & fa Majefté en recevant
ce volume a témoigné qu'elle étoit extrêmement
fatisfaite de l'ardeur de cette Compagnie à
fe rendre digne de fes bienfaits . Les plaifirs de la
Cour furent interrompus le 26 par la nouvelle de
la maladie de la Margrave de Brandebourg Culmbach
, mais heureufement les inquiétudes qu'on
162 MERCURE DE FRANCE.
a eues fur l'état de cette Princeffe font diminuées
& Pon a lieu de fe ftater que fon indifpofition
n'aura point de fuites . Le Duc de Vittemberg
Oels donna le 23 le divertiffement d'une courfe
de traineaux , dont trois áttelés de fix chevaux
étoient remplis de Muficiens. Sa Majefté a nommé
M. de Klingraff fon Miniftre Plénipotentiaire
auprès du Roi de la Grande Bretagne.
Nous apprenons par les nouvelles de Francfort
du 12 de ce mois , qu'un des Syndics de cette ville
a été envoyé par les Magiftrats à Ratifbonne afin
d'empêcher que les Calviniftes n'obtiennent des
Etats de l'Empire la permiffion d'y bâtir une Eglife.
On attendoit le 20 de ce mois le Miniftre qui doit
venir de la part du Cercle de Suabe , conférer
avec les Miniftres des autres Cercles antérieurs .
Le Comte de Cobentzel , Miniftre du Grand Duc
de Tofcane auprès de ces Cercles , eft à Coblentz
pour exécuter une commiffion de ce Prince.
Le Comte de Kaunitz Ritberg a paffé en
cette ville en allant à Aix - la - Chapelle. On
travaille dans cette ville à un grand nombre de
caiffons & de voitures pour l'armée des Alliés. La
Cour de Vienne a fait demander aux Cercles le
paffage pour fix Régimens. On a appris que le
Duc de Saxe Gotha s'étoit chargé de l'adminiftration
du Duché de Weymar pendant la minorité
du Duc de ce nom. Les nouvelles de Caffel portent
que la Princeffe époufe du Landgrave de
Heffe Hombourg eft accouchée le 30 du mois
dernier d'un Prince , & que le Prince Georges de
Heffe Darmstadt doit époufer la Comteffe de
Leyningen Heydesheim . On écrit de Hannover
qu'il y eft arrivé de Londres un courier chargé de
dépêches importantes pour M. de Reitzch , & depuis
l'arrivée duquel on publie que S. M. Britanni
FEVRIER . 1748. 163
que a confenti qu'un certain nombre de batail
Fons & d'efcadrons des troupes Hanoveriennes
entrât au fervice des EtarsGénéraux des Provinces-
Unies ,
On écrit de Vienne qu'il arriva de Milan le 29
du mois dernier un courier dont le Comte d'Uhlefeldt
alla fur le champ communiquer les dépêches
à la Reine. Le Comte de la Rocque Lieutenant
Général des armées du Roi de Sardaigne , & que
ce Prince a envoyé pour exécuter une commiffion,
continue d'avoir de fréquentes conferences avec
les Miniftres de fa MMaajjeeffttéé ,, aaiinnffii que Meffieurs
Robinſon & Burmania , Miniftres du Roi de la
Grande Bretagne & des Etats Généraux des Provinces-
Unies. Ces deux derniers Miniftres ont fait
de fortes inftances pour qu'on preffât la marche
des troupes qui doivent aller joindre l'armée des
Alliés dans les Pays- Bas , & la Reine a donné des
ordres en conformité . La premiere divifion des
nouvelles troupes qu'on a levées dans le Bannat de
Temefwar pafla le 29 du mois dernier près de
cette ville . Elle eft compofée de onze cent hom
mes , & les deux divifions qui la fuivent font encore
plus nombreufes. Le 28 le Comte de Thun
Chanoine des Chapitres de Saltzbourg & de
Trente , reçut des mains du Grand Duc de Tof
cane au nom de l'Evêque de Trente l'Inveftiture
des Fiefs dont ce Prélat doit hommage à l'Empire.
Le Comte de Haugwitz partit le 3 pour Prague
afin de régler avec les Etats de Bohéme les fubfides
que ce Royaume fournira cette année à ſa
Majesté.
Le Baron de Bulow , Miniftre du Roi de Pologne
Electeur de Saxe , & le Comte de Gronsfeldt
, qui réfide ici en la même qualité de la
164 MERCURE DE FRANCE.
part de la République des Provinces Unies , remirent
le 10 de ce mois aux Miniftres du Roi les lettres
que leurs Souverains ont écrites à fa Majeſté
pour la féliciter fur la naiffance du Prince dont la
Princeffe de Princeffe eft accouchée. Le 11 cette
Princeffe le rendit à la principale Eglife de cette
ville & y fut relevée de fes couches avec les céré
monies ordinaires. La Reine Doiiairiere & les
Princes & les Princeffes de la Famille Royale fouperent
le même jour chés la Reine . M. Kallow
Major Général , eft arrivé de Pomeranie , & le 7
il eut l'honneur de rendre fes refpects au Roi . Les
arrêts ont été donnés par ordre de fa Majefté à M.
de Walrave, auffi Major Général , qui a été chargé
de faire fortifier la ville de Neiff & de quelques
autres places. Plufieurs Officiers ont obtenu la
permiffion d'aller fervir en qualité de volontaires
dans l'armée que commandera le Maréchal de Saxe.
Le Roi a accordé au Docteur Hilmer, que plufieurs
cures furprenantes ont rendu célebre dans
toute l'Allemagne , le titre de Confeiller avec une
penfion confiderable .
ON
ESPAGNE.
N mande de Madrid du 16 Janvier que Don
François de Varas y Valdes , Préfident du
Tribunal de la Contractation des Indes , a reçû de
Cadix un courier , par lequel on a appris que le
de ce mois le vaiffeau de guerre Ja Reine , commandé
par Don Alexandre Chatelein y étoit ar
rivé de la Havanne , arès deux mois de naviga
tion , avec les vaiffeaux de Regiftre la Notre Dame
de Begona , le Saint Michel y las Animas , le Salomon
, la Notre- Dame de Lorette , l'Alcyon , la
Perle & l'Arenton . Il y avoit fur ces bâtimens
FEVRIER. 1748 .
pour le compte de fa Majefté deux cent cinquante
mille piaftres , mille foixante & quinze caiffes de
tabac en poudre , & cent cinquante- fix mille
quatre cent quarante livres en feuilles , & pour les
particuliers deux millions deux cent vingt- deux
mille huit cent quatorze piaftres , treize mille neuf
cent dix-huit onces d'argent non monnoyé , cinq
cent vingt-lept Surrons de cochenille , huit cent
foixante- quinze mille livres de fucre , deux mille
trois cent cinq cuirs , & une grande quantité de vanille,
de cacao, d'anil , de bois de falap & d'autres
marchandifes. En revenant d'Amérique le vaiffeau
de guerre la Reine s'eft emparé le 28 Décembre
du navire Anglois le Jules Cefar , dont la charge
eft très-confidérable . Les lettres de Provence mar
quent que deux barques du convoi deftiné à tranfporter
à Génes le Régiment de Flandres , lefqueles
avoient été obligées de relâcher à Antibes ,
avoient remis à la voile le 29 avec un vent favorable.
On a reçû avis de Nice que fix cent Piémontois
ayant voulu détruire le Pont de Libri conftruit
fur la Roya , M. de Colonie Commandant de deux
Compagnie Franches au fervice du Roi Très-
Chrétien avoit attaqué ce détachement,& qu'ayant
été joint par cent cinquante Miquelets il avoit mis
en fuite les ennemis , aufquels on avoit tué cin
quante hommes , & fait plufieurs prifonniers.
Le Comte de Montijo ayant demandé à caufe
de fa mauvaiſe fanté , la permiffion de fe démettre
de la charge de Préfident du Confeil & de la Chambre
des Indes , le Roi y a confenti , & lui a conſervé
les honneurs & les appointemens attachés à cette
dignité. Don Jofeph Cervi , Premier Médecin de
leurs Majeftés , des armées du Roi & de la Principauté
de Catalogne , Préfident de la Société
!
166 MERCURE DE FRANCE.
Royale de Seville , Ancien Préfident du Tribunal
de la Santé , Académicien de l'Académie de cette
ville , de l'Académie Royale des Sciences de Paris -
& de la Société Royale de Londres , eſt mort le
25 au Palais du Buen Retiro , âgé de quatre- vingtquatre
ans. Il avoit été premier Médecin du feu
Roi & de la Reine Douairière , & il avoit obtenu
une place de Confeiller du Confeil des Finances.
I
GRANDE BRETAGNE.
1
Lfe tint le 9 Janvier un Confeil au fujet des
troupes Ruffiennes que fa Majefté & la Répu
blique des Provinces- Unies prennent à leur fervice
, & le 11 on fit partir un courier qu'on dit
être chargé de la ratification du dernier Traité
conclu avec la Cour de Péterfboug. M.de Wall Maréchal
de Camp dans les troupes du Roi d'Espagne,
& qui e à Londres depuis quelque tems , a de
fiéquentes conférences avec les Miniftres du Roi,
Par les états qui ont été remis au Parlement , il
paroît que les dettes de la Nation lefquelles étoient
le 31 Décembre 1746 de cinquante- neuf millions
trois cept cinquante fix mille quatre cent quatrevingt-
dix-fept livres fterlings , montoient le 30
Septembre de l'année derniere à foixante & dix
millions huit cent trente - huit mille quatre cent
foixante & dix - huit , & que des onze millions
quatre cent quatre- vingt fept mille neuf cent
quatre-vingt-une livres fterlings , dont elles font
augmentées en neuf mois , quatre millions fix
cent vingt huit mille foixante & quatorze ont été
employées aux dépenfes de la Marine . La Nobleffe
d'Ecoffe demande cinq cent quatre-vingt
dix-huit mille cinq cent vingt - fept livres fterlings
en dédommagement de la ceffion qu'elle eft obliFEVRIER.
1748. 167
gée par un acte du dernier Parlement , de faire
de fes droits de Jurifdiction. La Requête pré
fentée au Parlement par le Commun Confeil de
Londres contre la naturalifation des Proteftans
Etrangers , a été examinée le 2 de ce mois
dans la Chambre des Communes. On a entenda
en même tems les Avocats qui devoient plaider en
faveur du Bill propofé . Le Roi a nommé le Lieurenant
Général Sinclair fon Miniftre Plénipoten
tiaire auprès du Roi de Sardaigne , à la place du
feu Général Wentworth, Sa Majefté à accordé au
Major Général Bligh le Régiment de Cavalerie de
ce Général , au Colonel Folliot le Régiment de
Dragons qu'avoit M Bligh , & au Lieutenant
Colonel Pool le Régiment d'Infanterie dont M.
Folliot étoit Colonel. Les Sergens & Caporaux
du premier Régiment des Gardes à pied ont commencé
à apprendre un nouvel exercice de l'invent
tion du Lieutenant Général Blackney , & qui eft
plus prompt dans fon exécution que celui qui eft
en ufage. Lorfqu'ils y feront perfectionnés , ils le
feront en préfence du Duc de Cumberland , & fi
cette nouvelle méthode eft approuvée , elle fera
mife en pratique dans tous les Régimens d'Infan
terie. On a freté par ordre du Gouvernement un
grand nombre de bâtimens de tranſport , pour
conduire en Hollande cinq Régimens tant d'
fanterie que de Cavalerie Le bruit court qu'on
fera paffer auffi dans les Pays- Bas trois des Régimens
qui font fur la répartition du Royaume
d'Irlande , & vingt hommes de chaque Compa
gnie des Gardes à pied , des Grenadiers à cheval &
des Dragons qui restent en Angleterre. Il a été
ordonné aux Amiraux Hawke & Chambers de
faire voile inceffamment avec leurs efcadres . Celle
du dernier doit croifer dans la Manche & ¹on
168 MERCURE DE FRANCE.
ignore encore la deftination de celle du premier.
Le Contre- Amiral Ofborne joindra avec plufieurs
vaiffeaux de guerre le Vice - Amiral Hollandois
Shryver , & l'on dit qu'ils doivent aller exécuter
une expédition importante . L'efcadre de l'Amiral
Boscawen a été vûë pendant les dernieres tempê
tes à trente lieuës de Lisbonne , faiſant route vers
l'ile de Madére . Trente- fix navires font arrivés
de la mer Baltique à Hull & à Leith en Ecoffe
fous l'escorte du vaiffeau de guerre le Launcefton,
Sa Majesté a ordonné un jour de Jeûne & de Prieres
publiques dans toute l'étendue de la Grande
Bretagne , afin de demander l'affiftance du Ciel
dans les circonftances préfentes. Il paroîtra dans
peu une proclamation pour défendre la fortie des
grains , le Roi étant autorifé par une clauſe inferée
dans l'acte du Parlement , qui en permet l'exportation
, à reftraindre & limiter cet acte , de
P'avis de fon Confeil , toutes les fois que cela fera
jugé néceffaire. Selon les nouvelles de Dublin le
Comte de Harrington, Vice - Roi d'Irlande , eft dangereuſement
malade . On a été informé par des
lettres d'Edimbourg que M. Evan Cameron d'Inverlochy
, ci -devant Officier dans les troupes du
Prince Edouard , avoit été pris & conduit au Fort
Guillaume. Depuis la bataille de Culloden il avoit
vêcu caché dans les montagnes d'Ecoffe .
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud
n'ont point de prix fixe ; celles de la Banque font
à cent vingt , un quart , celles de la Compagnie
des Indes Orientales à cent foixante-un & demi ,
& les Annuités à quatre- vingt- quatorze un huitiéme.
On mande de Londres du 23 Janvier qne M.
Michell chargé des affaires du Roi de Pruffe , re
mit il y a quelques jours au Comte de Cheſterfield
Sécretaire
FEVRIER. 1748. 169
Secretaire d'Etat , un Memoire lequel porte
qu'après les affûrances données à fa Majefté Pruffienne
par le Gouvernement , elle s'étoit fatée
qu'on refpecteroit fon pavillon , & qu'elle n'auroit
pas cru devoir être dans la néceffité de faire
d'autres démarches pour cet effet , mais que malgré
des déclarations fi fouvent réitérées , & quoique
fes fujets ne fe foient jamais écartés des loix
prefcrites pour le commerce , les vaiffeaux Anglois
fe font emparés de plufieurs navires Pruffiens
; que le Roi de Pruffe a ordonné très- expreflément
à M. Michell de faire à ce fujet les repréfentations
les plus fortes , & de demander qu'il
foit défendu fous des peines févéres à tout Armateur
de troubler en aucune maniere , fous prétexte
de vifite , la navigation des fujets de la Couronne
de Pruffe ; que de plus fa Majefté Pruffienne
défire que le Roi explique par écrit fes difpofitions
à cet égard ; qu'on ne peut contefter aux Pruffiens
la liberté de faire le commerce fur le même
pied qu'une Nation neutre eft autorifée par le
Droit des Gens & par les Coûtumes de mer , à
l'exercer ; que pour conftater l'état de leurs cargaifons
, il convient d'obferver exactement la
diftinction des marchandifes , établie par les articles
19 & 20 du Traité de Commerce , conclu en
1713 entre la France & la Grande Bretagne & par
les articles 15 , 16 & 17 du Traité de Commerce
de la Hollande avec la France ; que dès que les
Capitaines des navires qui navigueront avec le
Pavillon & des Paffeports du Roi de Pruffe , juftifieront
par leurs connoiflemens qu'ils ne feront
point chargés de marchandiles prohibées par les
articles ci- deffus mentionnés , fa Majefté Pruffienne
prétend qu'ils puiffent continuer leur route
fans empêchement. Le Comte de Chesterfield a
H
170 MERCURE DE FRANCE.
répondu par écrit à ce Mémoire , que le deffein
du Roi n'a point été & ne fera jamais de caufer le
moindre obſtacle à la navigation des Pruffiens ,
tant qu'ils fe conformeront aux ufages établis
pour le commerce & reconnus par les Puiffances ;
que le Roi de Pruffe n'ignore pas qu'il fubfifte actuellement
des Traités de Commerce entre la
Grande Bretagne & plufieurs Etats neutres ; qu'aucun
Traité de cette nature n'existe entre la Majefté
& ce Prince , que cependant fes fujets ont été toujours
favorifés par rapport à la navigation autant
que ceux de toute autre puiffance ; que le Roi ne
fuppofe pas que fa Majesté Pruffienne exige d'elle
des préférences pour les fujets ; qu'il y a dans ce
Gouvernement des loix fixes dont on ne peut nullement
s'écarter ; que fi des vaiffeaux Anglois
commettent la moindre injuftice contre des navi
res Pruffiens , ceux-ci peuvent porter leurs plaintes
à la Cour de l'Amirauté , & que de tout tems les
jugemens de ce Tribunal ont été irréprochables.
Le Chevalier Hawke a arboré fon pavillon a bord
du vaiffeau de guerre le Kent , de foixante dix
canons , & l'on équipe à Plymouth plufieurs vaif
feaux dont fon efcadre doit être renforcée,
On célébra le 31 du mois dernier la naiffance
du Prince de Galles qui eft entré dans la quarante
& uniéme année de fon âge . Le 27 le Duc de
Cumberland vit faire à un détachement des Gardes
à pied le nouvel exercice militaire inventé par
le Lieutenant Général Blackney , & non-feulement
il approuva cette méthode , mais il ordonna
qu'on s'en fervît dans les trois Régimens des Gardes.
Ce Prince partira dans peu pour fe rendre en
Hollande . La Chambre des Communes réſolut le
2 de ce mois d'augmenter d'un fchéling par livre
fterling les droits établis fur toutes les marchandiFEVRIER
. 1748. 175
"
Tes qui entrent dans la Grande Bretagne , & de
sévoquer l'acte qui exempte de tous droits celles
dont font compofés les chargemens des navires
pris fur les ennemis. Le 6 on propofa dans la
Chambre de porter un Bill pour défendre la fortie
des grains , mais après quelques débats cette propofition
fut rejettée , la pluralité des voix ayant
décidé que le Bill en queftion ne pouvoit être que
defavantageux dans les circonftances préfentes.
Le 9 la Chambre a pris en confidération le Traité
de fubfide que le Roi & les Etats Généraux des
Provinces Unies ont conclu avec l'Impératrice de
Ruffie , & la propofition de prendre à la folde de
la Grande Bretagne un nouveau Corps de troupes
Hanoveriennes , & il a été reglé qu'on fourniroit
les fommes neceffaires pour ces deux objets . Sa
Majefté a fait auffi communiquer à la Chambre
une convention particuliere fignée à la Haye ,
laquelle regarde l'exécution des opérations concertées
avec les Alliés. M. Legg , un des Commiffaires
de la Trésorerie , doit aller réſider à Berlin
en qualité de Miniftre Plénipotentiaire de fa
Majefté auprès du Roi de Pruffe. Le Roi a nom.
mé le Lieutenant Général Sinclair pour remplacer
à la Cour de Turin le feu Général Wentworth , &
cet Officier , avant que de fe rendre. en Piémont
ira exécuter à Vienne une commiffion de la Majefté.
On prépare cent cinquante canons pour
l'armée des Alliés , à laquelle on enverra quatre
cent Canoniers . Le 22 du mois dernier le Contre-
Amiral Hawke partit de la Rade de Sainte
Heléne avec cinq vaiffeaux de guerre , mais étant
arrivé à la hauteur de Plymouth où il a été joint
fix autres vaiffeaux , il fut obligé par les vents
contraires de relâcher, Il remit à la voile le 27 ,
& l'on conjecture qu'il va croifer dans les mers
par
Hij
2 MERCURE DE FRANCE.
par
de
Bifcaye. L'Amiral Warren eft allé prendre le
commandement
de l'efcadre qu'on équipe à
Portſmouth , & qui fe joindra à celle de Hollande
commandée
le Vice- Amiral Schryver , pour
obferver une efcadre que le Roi de France a fait
affembler à Breft . Plufieurs vaiffeaux de guerre
ont ordre d'établir une croifiere dans les environs
de Cadix , fur l'avis qu'on y a reçû qu'il en devoit
fortir quelques bâtimens chargés pour la Vera
Crux & pour Buenos Ayres. Le Capitaine d'un
navire venu de la Barbade a rapporté qu'avant
fon départ de cette le on y avoit reçû la nouvelle
que la derniere flotte partie de France pour
la Martinique n'avoit pû être interceptée par
l'efcadre Angloife qui avoit attaqué- celle de M.
de l'Eftanduere. Il a ajouté qu'en conféquence
les Chefs d'efcadre Pocok & Digby Dent étoient
allés fe pofter , l'un à la hauteur de la Martinique ,
l'autre à la hauteur de Saint Domingue , afin d'attendre
cette flotte. On a appris qu'on travailloit
dans la premiere de ces deux Ifles avec une extrême
diligence à réparer les cinq vaiffeaux qui
étoient ci-devant fous les ordres de M. de la Bourdonnais
, & que cent cinquante bâtimens chargés
de fucre n'attendoient qu'une eſcorte pour paffer
en France. M. de la Bourdonnais a été transféré
à Londres du Fort de Pendennis , où on l'avoir
détenu depuis qu'il a été arrêté fur le bâtiment
Hollandois , à bord duquel il s'étoit , embarqué
pour revenir en Europe. La Compagnie de la mer
du Sud a fixé à deux pour cent le Dividend des
fix derniers mois de l'année 1747 , & elle a ordonné
d'en commencer le payement le 24 du
mois prochain. Le Comte de Traqhair , actuellement
prifonnier à la Tour fera jugé dans peu à
Westminster , de la même maniere que l'ont été
FEVRIER: 1748. 173'
les Lords Cromartie , Kilmarnock , Lovat &
Balmerino. Sa Majefté a accordé le pardon au
Lord Macklead fils aîné du Lord Cromartie , &
un délai à M. Ænée Macdonald ', qui devoit être
exécuté le 23 du mois dernier.
Les actions de la Compagnie de la mer du Sud
n'ont point de prix fixe ; celles de la Banque font
cent vingt ; celles de la Compagnie des Indes
Orientales à cent foixante , & les Annuités à quas
tre-vingt- quinze.
L
PROVINCES - UNIES.
Es nouvelles de la Haye du 26 Janvier portent
qu'il a été réfolu d'augmenter d'une Compa
gnie de Grenadiers & de deux Compagnies de Fu
filiers le Régiment des Gardes à pied. Le Roi Très-
Chrétien ayant refufé de confentir que les quarante
fix Régimens de troupes Hollandoifes qui !
font détenus prifonniers en France , fuffent échangés
ou rançonnés fur le pied du Cartel conclu à
Francfort entre la France & la Grande Bretagne
les Etats Généraux ſe font déterminés à réduire les
Officiers & les foldats de ces Corps à la demi
Raye.
On écrit de la Haye du y de ce mois que tous*
les Officiers dés troupes de la République ont ordre
d'avoir joint le zo de ce mois leurs Régimens.
Le Gouvernement déclarera dans peu les Généraux
qui doivent commander pendant la campagne
prochaine , & les Corps qui feront employés.
On a publié un décret par lequel le Confeil de
guerre ordonne de former foixante Compagnies
Bourgeoifes de cent hommes chacune , & de les '
exercer regulierement deux fois par femaine au
maniement des armes. M. Robberts a été nommớc.
Hij
174 MERCURE DE FRANCE.
2.
Colonel Commandant du Régiment des Gardes
Dragons. M.Heynders en a été fait Lieutenant Colonel
& M.Yffendick Major. Il vient d'être créé par
le Prince Stathouder une charge d'Examinateur des
projets de Finances , de laquelle il a diſpoſé en faveur
de M. Guillaume Kerffeboom , un des principaux
Commis de la Chambre des Comptes de la
Province de Hollande . Ce Prince a confirmé l'élec◄
tion des nouveaux Echevins de la ville d'Amfterdam
, qui font Meffieurs Jean- Baptifte Slicher ,
Jacob Van Stryen , Pierre- Bernard de Wilhelm ,
Gerard-Jacob Carffebcom , Kuyften Van Hoefen
, Henri Hooft Geritz & Henri Bickers. Il a
approuvé auffi le choix que la ville a fait de M.
Gautier Pierre Boudaan pour être leur Préfident ,
& de M. Antoine Warin pour remplir la Vice-
Préfidence. Le 8 les Députés des Etats de Gueldre
eurent audience de ce Prince , & ils lui remirent
le Diplôme , par lequel cette Province a reconnu
le Stathoudérat héréditaire dans les lignes.
mafculine & féminine de la Maiſon de Naffau
Dieft.Le Burgrave deLynden , Préfident né des Etats.
de la Province étoit à la tête de la députation . On
a figné le 2 de ce mois la convention par laquelle
Jes Etats Généraux prennent à leur folde un Corps.
de cinq mille hommes des troupes du Duc de
Brunswick Wolfenbuttel , & le Baron de Denicke
Miniftre de ce Prince lui dépêcha le même jour
un courier pour lui en porter la nouvelle. Les
Etats Généraux ont accepté la propofition que le
Margrave de Bade Dourlach leur à faite de lever
deux bataillons pour leur fervice. Le Comte de
Golowkin , Ambaffadeur Extraordinaire de l'Impératrice
de Ruffie , le Baron de Reifchach En--
voyé de la Reine de Hongrie , & le Général de
Debrofe , quitéfide à la Haye en la même qualité
FÉVRIER . 1748 . 175
lui & pour
les autres
de la part du Roi de la Grande Bretagne , one
eu les une conference , chacun en particulier ,
avec le Comte de Bentinck Préſident de l'affemblée
des Etats Généraux , Le 30 du mois dernier
Le Comte de Sandwich , Miniftre Plénipotentiaire
du Roi de la Grande Bretagne . reçût les Paffeports
de la Cour de France pour
Miniftres qui affifteront de la part des Alliés aux
conferences d'Aix -la -Chapelle . La charge de Se
cretaire du Confeil d'Etat ,
la démif vacante par
fion de M. Adrien Vander Hoop , a été donnée
par les Etats Généraux , fur la propofition du Prin
ce Stathouder , à M. Jean Hop Confeiller du Haut
Confeil de Hollande. Les Députés des Etats de
Hollande & de Weftfrife continuent leurs féances,
& ils difpoferont inceffamment de plufieurs emplois.
On prend des mefures pour mettre en mer
au printems prochain une efcadre de vingt vaiffeaux
de guerre , indépendamment
de ceux qui
feront deftinés à protéger la navigation des fujets
de la République.
Les Etats Généraux ont envoyé une députation
au Prince Stathouder pour demander d'être parains
du Prince ou de la Princeffe , dont la Prip
ceffe de Naffau doit accoucher , & ce Prince a
accepté avec plaifir cette propofition. La même
demande a été faite par les Etats de Hollande &
de Weftfrife , & il y a fait la même réponſe. Leur
députation étoit compofée de M. Adrien Vander
Duya Seigneur de s'Gravemoër pour la Nobleffe ,
& de M. Gillés Confeiller Penfionnaire de Hol
Jande qui porta la parole . Le 12 de ce mois les
Députés des Etats de Gueldre eurent leur audience
de congé du Prince Stathouder . Il arriva le g
de Mayence un courier par lequel ce Prince a reçu
des dépêches importantes du Comte de Warteus-
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
leben . Le Prince Stathouder a déclaré les Officiers
Généraux & les Régimens qui feront employés
la campagne prochaine . Le Comte'de Sandwich ,
Miniftre Plénipotentiaire du Roi de la Grande
Bretagne , a remis un Mémoire au Préfident de
cette affemblée . Ce Miniftre partira pour Aix- la-
Chapelle avec le Comte de Bentinck premier Plénipotentiaire
de la République au Congrès , &
avec le Comte de Chavanne qui doit affifter aux
conferences de la part du Roi de Sardaigne , auffitôt
qu'on apprendra que les Miniftres de France ,
d'Espagne , de Genes & de Modéne feront prêts à
s'y rendre. Les paffeports de la Cour de Vienne
pour ces derniers ont été envoyés par le Comte
de Sandwich au Marquis de Puyfieulx , Miniftre
& Secretaire d'Etat de Sa Majefté Très -Chrétienne
pour le département des affaires étrangeres , M.
Onno Zwier Van Haren , que les Etats Généraux
avoient chargé d'une commiffion auprès du Corps
Helvétique , eft de retour de Suiffe depuis le 9 .
On affûre que fa négociation a eu tout le fuccès
défiré , & que les Cantons de Berne , de Zurich .
de Bafle , de Schaffoufe , de Glaris & d'Appenzel ,
le font engagés à fournir à la République foixante
quatre Compagnies , chacune de deux cent hom
mes. Le bruit court auffi que les Etats Généraux
pourront prendre à leur folde quelques Régimens
des troupes du Duc de Saxe Weimar. M. Nicolas
Geelvinck de Caftricum , ancien Bourguemeftre
de la ville d'Amfterdam , prêta ferment le 8 à
l'affemblée des Etats Généraux . en qualité de
Confeiller, de l'Amirauté de la même ville . Le
Gouvernement a ordonné que le 13 du mois prochain
on fit des prieres publiques , & que l'on
obfervât un jeune folemnel pour implorer i'affil
tance divine dans la fituation critique où se trouve
A
FEVRIER. 1748.
177
la République. Les lettres de Weftphalie marquent
que le Comte de Kaunitz , Premier Minif
tre Plenipotentiaire de la Reine de Hongrie aux
conférences d'Aix -la-Chapelle , étoit arrivé le s
de ce mois à fon Château de Ritberg, Il fe propofoit
d'y paffer quelques jours & de fe rendre
enfuite à la Haye , à moins que des ordres de fat
Cour ne l'obligeaffent d'aller directement à Aixla-
Chapelle.
ITALIE..
Over les Princes de Buteta & de Palmie
Napprend par les nouvelles de Naples du gr
qui ont été députés par la Nobleffe du Royaume
de Sicile , pour complimenter leurs Majeftés furi
la naiffance du Duc de Calabre , & les Princes de
Lampedofa & de Scordia , nommés par le Sénat de
Palerme pour exécuter la même commiffion”, eu◄-
rent le 28 du mois dernier une audience du Roi ,
& qu'ils furent préfentés à la Majefté parle Duc de :
Caftropignano & par le Général des galéres . I
furent admis enfuite à l'audience de la Reine &
à celle du Duc de Calabre , & après avoir été
traités par les Officiers du Roi , ils furent conduits
par le Duc de Caftrapignano au Théatre de Saint
Charles ; ou on leur avoit préparé une loge &
où ils virent une repréſentation de l'Opéra. On a
frappé à l'occafion de la naiffance du Duc de Ca
labre un grand nombre de médailles d'or & d'argent
, fur lefquelles on voit d'un côté les buftes
de leurs Majeftés , & de l'autre la Force fous la
figure d'une femme affife qui appuye" fon bras
droit fur une colonne , & qut tient cette legende ,
Firmata Securitas. Dans l'exergue font ces mots" ?
Car: Amat. Philip . Pop. Spes , nat. ann. 17473 Le
HY
259
178 MERCURE DE FRANCE.
cérémonie du Baptême de ce Prince a été fixée au 20
Janvier.Le Duc deMedina Celi, Ambaffadeur Extraordinaire
du Roi d'Efpagne , continue de foutenir
fon caractére avec un extrême éclat ,& tous les jours
il y a chés lui plufieurs tables magnifiquement fervies.
Il eſt entré dans le Port de Melazzo en Sicile
un navire qui venoit de la Morée. Deux perfonnes
de l'équipage ayant été tranfportées à terre pour
fe faite traiter d'un mal dont elles étoient attaquées
, moururent fubitement . En même tems on
apprit que fix matelots du même bâtiment avoient
une fiévre violente avec de fréquentes convulfions.
Sur des indices fi fufpects on obligea ce navire de-
Legagner le large , & on lui fit donner la chaffe
par un vailleati. Quelques accidens arrivés depuis
dansMelazzo avoient fait craindre que le bâtiment :
dont il s'agit , n'y eût apporté la contagion , &
Pon avoit formé un cordon pour couper la communication.
L'inquiétude commence à diminuer
confidérablement , & l'on n'apprend point que la
mortalité ait eu des fuites.
L
De Genes le 6 Janvier.
Es cinq nouveaux Sénateurs fe rendirent les
premier de ce mois au Palais , & ils y prirent
poffeffion de leur dignité avec les formalités acsoûtumées.
Deux des galéres de la République
Curent ordre de partir le 28 du mois dernier , mais
dans le tems qu'elles fe difpofoient à mettre à la
voile elles reçûrent un contr'ordre. Le 4 au
foir elles fortirent fecrettement du Port , étant
chargées de troupes, & fuivies de plufieurs felou- .
ques. Ces bâtimens revinrent les au matin après..
avoir débarqué près de Varaggio les troupes qu'ils
FEVRIER 1748. 179
avoient à bord , & l'on vient d'apprendre que
nous avons furpris ce Pofte , dans lequel on a fait
plus de quatre cent prifonniers. La Ducheffe de
Maffa Carrera ayant montré de l'inquiétude de ce
que nous avons occupé le Château de Lavenza
le Duc de Richelieu a envoyé un Officier de dif
tinction à cette Princeffe , pour l'affûrer qu'on
n'avoit pris ce parti que pour empêcher les enne--
mis de s'établir dans ce pofte , & qn'on le lui rendroit
en beaucoup meilleur état qu'on ne l'avoit
trouvé. Quoique les Allemands affectent de pu
blier que la Cour de Vienne a envoyé des ordres
pofirifs au Comte de Browne d'attaquer la Côte
Orientale de cet Etat , on doute qu'ils s'y déterminent.
Il y a même apparence que fi le véritable
projet des ennemis étoit de faire le fiége de Sarzane
ou de la Spécie , ils tiendroient leur deffein plus
fecret , & Pon , foupçonne qu'ils tâchent d'attirer
de ce côté les principales forces de la République ,.
afin de pouvoir pénétrer plus facilement par quel
que autre endroit. Au refte , comme il eft de las
prudence d'être prêt à tout évenement , on ne né
glige rien pour mettre la riviere de Levant à cou→→
vert de furprife. On y a fait paffer trois bataillons,
tant François & Elpagnols que Génois , & l'on a
envoyé encore de l'artillerie avec beaucoup de
munitions de guerre à Chiavari & à Seftri.
De Savone le 10.
Es de ce mois quelques heures avant le jour .
deux galéres & dix felouques Génoifes dé--
barquerent à une petite diftance de Varaggio
trente piquets des troupes Françoifes qui font danss
L'Etat de Génes . Il s'avança en même tems par
terre un autre détachement des mêmes troupes
Hvje
180 MERCURE DE FRANCE
de celles d'Efpagne & des milices de la Républi
que. Ces deux Corps ayant marché chacun par
une route differente , fe réunirent dans les envis
rons de Varaggio & attaquerent ce pofte . Six cent
hommes qui le gardoient s'y défendirent avec
beaucoup de valeur , mais n'ayant aucune efpe
rance de retraite , & ayant perdu déja plus de cent
quatre-vingt hommes , ils fe déterminerent à le
rendre prifonniers de guerre. Les ennemis de
meurerent à Varaggio jufqu'à deux heures aprèsmidi,
que fur l'avis des mouvemens d'un Corps de
nos troupes , lequel devoit être fecondé par deux
aiffeaux Anglois fortis du Port de Vado , ils repri
rent la route de Génes où ils conduisirent quatre
cent neuf prifonniers . Les troupes qu'on avoit
détachées pour recouvrer le pofte de Varaggio &
que commandoit le Comte d'Arignano , n'y arri
verent qu'après le départ des ennemis. Le Comte
d'Arignano ne jugea pas à propos de les pourſui
vre , & il fe contenta de garnir de milices quel
ques-uns des poftes en avant de Varaggio. Depuis
on a fait occuper par des troupes reglées une Caffine
, d'où l'on fera à portée de foutenir ces milices.
Dix Compagnies qui étoient dans l'Abbaye
de Tiglietto , ont abandonné ce pofte à l'approche
de deux bataillons des troupes Françoifes
& Efpagnoles , & le font retirées du côté de Pont
2002.
DE NICE le 17:
Naffaireque le Marquis de Mirepoix fe pro...
pofe de transferer le quartier général à Men
ton , afin d'être plus à portée des poftes avancés.
Ce Lieutenant Général a donné ordre d'augmen
* ter-les retranchemens que les François ont com
FEVRIER 180
#
1748.
ruits près de Sofpello , & il fait reparer le che
min de Sofpello à Penna , afin que nos convois
évitent de paffer par le Col de Brois , dans lequel
ils font fréquemment incommodés par les troupes
du Roi de Sardaigne. Le Marquis de Pourpris
qui commande à Sofpello , s'eft rendu ici pour
conferer avec le Marquis de Mirepoix. Les enne
mis font de tems en tems des mouvemens dans le
deffein de forprendre quelques-uns de nos poftes
mais les mefures font fibien prifes qu'on ne craint
pas qu'ils y réuffiffent. Suivant les avis reçus de
Turin le Colonel Rivarola & le Docteur Giuliani;
qui y étoient venus folliciter des fecours pour les
Rebelles de Corfe , font partis pour retourner
dans cette Ifle . Ils n'ont pu obtenir du Roi de
Sardaigne que trois cent hommes , mais ce Prince
a promis de les faire feconder par deux vaiffeaux
de guerre Anglois & par quelques armateurs. On
apprend d'Italie que la Reine de Hongrie paroît
avoir formé le projet de réunir au Milanez tous les
Fiefs de la Lunegiane , fous prétexte qu'autrefois-
Empereur Vinceflas en a donné l'Inveftiture
Jean Galeas Duc de Milan,
DE GENES le 20.
Epuis les premiers avis qu'on eut les de ce
mois du fuccès de l'attaque de Varaggio ;
on a été informé du détail de cette expédition
dont voici les principales particularités. Les trou
pes deftinées pour furprendre ce poſte , étant dé .
barquées le 4 avant minuit fur une plage voifine
le Marquis de Roquepine qui commandoit ces
troupes , fit occuper fur le champ les hauteurs du
chemin de Savone. Il fe porta enfuite avec une
partie de fon, détachement à une petite distance
i
182 MERCURE DE FRANCE.
de Varaggio , & après avoir enlevé quelques
poftes , il fe tint en bataille pour attendre les
troupes qui devoient le venir joindre par terre
fous les ordres du Comte de Carcado . Elles arriverent
à trois heures du matin , & le Marquis de
Roquepine voyant à la pointe du jour qu'elles
avoient invefti le bourg du côté d'Arenzano , il
marcha à une porte qui donne fur la Plage. Une
Compagnie de Grenadiers ayant abattu cette
porte à coups de hache , on fe difpofoit à entrer
dans le bourg , lorfque le Commandant Piémon
tois fir battre la chamade. On eft convenu par la
capitulation que lá garnifon , confiftant en douze
Officiers & quatre cent neuf foldats , feroit prifon
niere de guerre , & les Officiers ont eu la permif
fon de garder leurs épées & leurs équipages. Les
François ont perdu en cette occafion un Capitainedu
Régiment de Bergue & deux foldats , & ils
n'ont eu que feize hommes de bleffés . Le Mar
quis de Roquepine , après avoir fait enlever les
portes de Váraggio revint le même jour à Voltti
emmenant avec lui fes prifonniers . Il a abandonné :
àfes troupes tout le bétail dont elles fe font emparées.
Un feloucon Génois a pris dans les environs
de Portofino, une barque chargée de trois mille
facs de bled , & une tartane fur laquelle il y avoit
du fouffre & d'autres marchandifes . La premiere
de ces deux prifes , dont la deftination étoit pour
Savone a été déclarée légitime , mais le Gouver
nement n'a pas encore prononcé fur la validité de
la feconde. Le Duc de Richelieu a fait acheter
le fervice des
pour troupes
deux chabecs Catalans
qu'on arme avec toute la diligence poffible , & qui
porteront pavillon de France. Aucun des vaif
feaux de guerre Anglois n'a paru cette femaine à
la hauteur de çe Port ; on foupçonne qu'ils fe pré
将
FEVRIER. 1748. 183
tée
parent à feconder par mer une entrepriſe concer
par les Cours de Vienne & de Turin. Il arriva
hier à bord d'une barque cent cinquante hommes ,
du Régiment de Flandres. On mande d'Ovada
qu'il y regne parmi les troupes de la Reine de
Hongrie une maladie épidémique , dont il eſt morts
jufqu'à cent foldats en un jour.
U
DE SAVONE le 17:
N Corps confidérable de troupes Françoiles
s'étant avancé de nouveau du côté de Varage
gio , tous les poftes que nous avions en avant fe
font replies & le Comte d'Arignano , qui commandoit
dans Varaggio , n'ayant pas jugé qu'il
fût poffible de défendre ce pofte , a pris le parti de
P'abandonner. Les ennemis l'ont occupé peu après .
qu'il en eftforti , mais ils ne s'y font point établis,
Ez après avoir détruit les murailles qui fermoient
la partie de ce Bourg , voisine de la mer , ils font
retournés dans leurs quartiers. Le pofte de Varag
gio étant actuellement tout ouvert , on n'a pas cr
devoir y faire rentrer des troupes & l'on s'eft contenté
de renforcer les poftes des environs. On a *
fait marcher en même-tems pour les foutenir un
détachement de Grenadiers & quelques Piquets.
L'équipage d'un bâtiment venu de Sardaigne a
rapporté que la tartane Françoife le Saint Antoine
chargée de foye , de toiles & de rubarbe , avoit
été prife aux Bouches de Saint Boniface & condui
te à Livourne par la polaque Angloiſe le Saint Jeans
Baptifte. Il defcend le long du Po un grand nom
bre de barques , & on les croit destinées à former
un pont près de Cremone , afin de rendre la com
munication plus facile entre les troupes qui font
cantonnées fur les deux bords de cette riviere
.
184 MERCURE DE FRANCE.
L
DE TURIN le´20%
E Roi a difpofé du commandement de Noa
vare en faveur du Baron de Chabeau , & fa
Majeſté a donné le Régiment de Savoye au Comte
d'Entremont , & le Régiment de Tarantaife au
Comte Nangi. Suivant les avis reçus de Breglio
quatre cent hommes de la garnifon de Vintimille
attaquerent le 14 de ce mois à l'imptoviſte notre
pofté avancé du Convent de Saint Auguftin . Les
troupes qui le défendoient donnerent par leur vi
goureuſe réfiftance le tems à quelques Compa- ·
gnies de Grénadiers d'aller à leur fecours , & les .
ennemis fe déterminerent à la retraite. Ils ont eu
quinze hommes de tués & on leur a fait trente pris
fonniers ; notre perte a été moins confidérable par
rapport au nombre , mais nous avons eu cinq Of
ficiers bleffés dangereufement. Quelques- uns de
nos Miliciens prirent ces jours derniers dans le Col
de Braun un Officier François & fon équipage. En
revenant ils rencontrerent quatre foldats François
qu'ils firent aufft prifonniers , mais un de ces der
niers s'étant échappé , alla donner l'allarnre aux
Corps de Garde ennemis , d'où il accourut auffi-tôt
des troupes qui contraignirent les Piémontois de
prendre la faite & d'abandonner leur capture. Le
Chevalier de Coftiglione ayant paffé la Roya à la p
tête de quelques volontaires , a été enlevé par un
Parri François. Des Commiffaires ont été nommés
pour travailler à l'échange des prifonniers refpec
tifs, & le bruit court que les quatre Nobles Génois
qui font en ôtage à Milan; pourroient êtrerelâchés,
On a reçû la trifte nouvelle que PArſenal de Port
Mahon avoit été entierement réduit en cendres, &
qu'on n'avoit pu rien fauver du grand amas de
musitions de guerre que les Anglois y avoient
fait depuis quelque tems.
FEVRIER. 1748. 135:
DE GENES le 27.
Ans le cours de cette femaine il eft débarqué
le
mille hommes de troupes Françoifes & Efpagnoles
, parmi lesquels font deux cent Grenadiers
Royaux. On attend encore un autre renfort de
fept ou huit bataillons , & avec ce ſecours on aura
peu d'inquiétude fur les entrepriſes que pourroient
former les ennemis. Le 24 de ce mois au foir le
Marquis de Dolce Acqua , Lieutenant.Colonel au
fervice du Roi de Sardaigne , ſe rendit en cette
ville pour avoir une conférence avec le Duc de
Richelieu , qui dès qu'il fut averti que cet Officier
étoit au Corps de Garde de la Porte de S. Thomas,
l'envoya chercher avec plufieurs flambeaux , On
croit que l'objet du voyage de ce Marquis eft l'échange
des prifonniers refpectifs , & en effet dixhuit
des Officiers Génois qui étoient retenus à Mons
dovi , ont été remis en liberté. Il eft furvenu quel
ques difficultés au fujet de l'un des chabecs Cata
lans , achetés depuis peu par le Duc de Richelieu,
le Commiffaire d'Efpagne ayant prétendu que le
Patron de ce bâtiment n'avoit pas droit de vendre
fon navire. Cette affaire a été accommodée par
l'entremise du Marquis d'Ahumada , & l'on eft
convenu que le chabec , avant que d'être employé
à l'afage auquel le Duc de Richelieu le deftine ,
tranfporteroit à Villefranche quelques Efpagnols.
malades qu'il avoit à bord. Le Doge devant propo
fer au commencemnt de chaque année fept Bourgeois
notables de cette ville & trois des principaux
habitans des deux Rivieres pour être infcrits
mi les Nobles du Livre d'Or , on a résolu de
déferer cet honneur qu'à des perfonnes qui fe
foient diftinguées par leur zéle pour la défenſe der
par
ne
T86 MERCURE DE FRANCE.
Ja Patrie , & afin de récompenfer leurs fervices , on
les difpenfera de payer la fomme que par les Loix
elles font obligées de fournir au Gouvernement .
04
L
DE PARME le 23.
I défile continuellement par le Mantouan des
"mens des troupes de la Reine de Hongrie qui font
en Lombardie. Le Comte de Browne , après être
allé faire un voyage à Mantoue , a repaffé ici en
retournant à Milan . On a appris que les troupes
auxiliaires fournies par la France & par l'Espagne
à la République de Génes , faifoient de fréquens
mouvemens le long de la Riviere du Levant , &
que le Duc de Richelieu avoit affemblé près de
fept mille hommes du côté de la Spécie. Sur cette
nouvelle on a fait avancer quelques Régimens de
Parmée de fa Majefté Hongroife dans les environs
de Fornovo , afin de pouvoir foutenir ce pofte , ou
Pon établit des magafins confidérables . Le Com
mandant des troupes Françoifes , aufquelles le
Gouvernement Génois a diftribué des quartiers de
cantonnement für la frontiere voifine de la Tof
cane , a fait fommer la garnifon d'Aulla de décla
rer fi elle tenoit cette fortereffe pour la Reine de
Hongrie ou pour le Grand-Duc.
DE TURIN le 28.
ON affire que le Commandeur Solar , ci-dece
, doit fe rendre à Rome en qualité d'Ambaffadeur
de la Religion de Malte auprès du Saint Siége.
Le Marquis de Cirié eft parti ces jours deriers
pour aller à Génes exécuter une commiffion
FEVRIER . 1748 . 187
du Roi.Suivant les derniers avis reçûs du Royaume
de Sardaigne M. Raulo Coftanzo Faletti , Árchevêque
de Cagliari , y eft mort le premier de ce
mois , & ce Prélat eft univerſellement regret
té. Les mêmes lettres marquent qu'un grand nom
bre de bandits étant defcendu des montagnes, dans
Pintention de piller le plat pays , le Viceroi de
P'Ille avoit fait. marcher contre eux un Corps de
troupes reglées , à l'approche duquel ils s'étoient
retirés avec précipitation. Afin de prévenir toute
furpriſe de la part de ces brigands , on a garni de
troupes plufieurs poftes & on a pris toutes les au→
tres mesures convenables pour calmer les allarmes
que cet évenement imprévu avoit cauſées aux habitans
. Une tartane Françoiſe qui faifoit voile pour
Génes , ayant été obligée par le mauvais tems de
relâcher à Celle , & les Matelots ayant quitté leur
bord dans la perfuafion qu'ils n'avoient rien à
craindre en cet endroit , M. M. Bo & Pernicotti ,
qui commandoient deux détachemens du côté de
Savone , ont fait ces matelots prifonniers & fe font
emparés du bâtiment ennemi. Ce navire étoit.
chargé de vin de Champagne , de Bourgogne &
de Malaga. On mande de Breglio que la nuit du
20 au 21 de ce mois un détachement des troupes
Françoiſes avoit attaqué le pofte d'Ayroles , &
que les cinquante hommes qui gardoient ce pofteavoient
été dans la néceffité , après s'être défendus
pendant quelque tems , de fe rendre à difcretion.
DE FLORENCE le premier Février..
N détachement des troupes Françoifes ayant
Unit te courtefur la frontiere de la Tofcane,
la Régence a dépêché un courier au Grand Duc
pour Pen informer. Les habitans de Pontremoli 1
189 MERCURE DE FRANCE.
ont pris les armes en cette occafion & ceux de
p'ufieurs bourgs voifins fe difpofent à fuivre cet,
exemple. Suivant les avis reçûs de l'armée con
mandée par le Comte de Browne , elle fe mettra
en marche le 15 de ce mois pour exécuter la nouvelle
entrepriſe projettée contre l'Etat de Génes
& ce Général fait tranfporter pour cet effet à Novi
une grande quantité de munitions de guerre . Il
établit auffi des magafins très- confidérables à
Borgo Taro & à Sacca. Quelques Régimens des
troupes de la Reine de Hongrie ont déja commencé
à défiler vers le Fort d'Aulla , & on a renforcé
les poftes les plus expofés aux infultes des Génois ,
On a conduit de Pavie par ordre du Comte de
Browne vingt- fix piéces de canon à Novi & douze
à Parme. Les deux ponts que ce Général a ordonné
de conftruire fur le Po feront achevés inceffamment.
Il a été réfolu de démolir le Château de
Parme , & l'on travaille avec diligence aux mines.
deftinées à en faire fauter les fortifications , On
mande de Livourne que huit vaiffeaux de guerre
doivent paffer en Corfe avec huit bataillons de
troupes réglées , afin de tâcher de fouftraire entie
rement cette lle de la domination de la Républi
que de Génes.
DE GENES le 3:
LE.Duc de Richelieu a envoyéun Officierà la
Régence du Grand Duché de Toſcane , avec
ordre d'expofer les motifs qui ont donné lieu à la
courfe faite par un détachement des troupes Fransoifes
du côté de Pontremoli , où ce détachement
a pillé quelques maifons & enlevé un grand nombre
de beftiaux. Il y a actuellement à Génes feize
maille hommes de troupes , indépendamment des
FEVRIER. 1748. 189
Païfans dont on forme des Compagnies , chacune
de cinquante Fufiliers,aufquelson donnera dix fols
de paye par jour. On a fait marcher quelques bataillons
vers la côte Orientale de cet Etat , qui pa
roît être le principal objet de l'expédition à laquel
le les ennemis fe préparent. Les prifonniers de
guerre que le Marquis de Roquepine avoit faits à
Arenzano, ont été échangés. On affûre que le Roi
de France a promis de continuer pendant toute
cette année de fubfide qu'il fournit à la Républi
qua
La Ducheffe d'Evoli eft morte en cette ville ;
dont elle faifoit depuis long- tems l'édification par
fa vie exemplaire & par fon empreffement à fecourir
les malheureux. On a appris que le neveu
du Doge étoit mort à Avignon ; il étoit l'unique
héritier mâle de tous les biens de la Maifon de
Brignole.
DE TURIN , le 4
Svillede Final en faveur du Chevalier Birago de
A Majefté a difpofé du commandement de la
Viſche , Lieutenant Colonel du Régiment de Cavalerie
de Savoye , auquel elle a accordé en même
tems un Brévet de Colonel . Le Comte Doria de
Dufino , Major du Régiment de Cavalerie de Piémont
, a été nommé Commandant du Château &
Major de la ville de Novare, On croit la Majori
té de la premiere de ces deux Places deftinée au
Chevalier Rovero de Montharon , Major du Régiment
de Montferrat . Le Marquis de Cirié eft de
retour de Génes , où il étoit allé exécuter une commiffion
de la part du Roi , & l'on dit qu'il le rendra
inceffamment à Milan . Le Baron de Leutrum
a mandé à fa Majesté que les ennemis s'étap
1
190 MERCURE DE FRANCE.
tirés d'Ayroles , dont ils s'étoient rendus maîtres
le 21 du mois dernier , il avoit fait occuper de
nouveau ce pofte par quelques Compagnies de
Grenadiers , que d'autres troupes étoient à portée
de foûtenir. Comme la garnifon du Château de
Vintimille ne celle d'incommoder par de fréquentes
canonades nos poftes avancés , ce Général
fait établir plufieurs batteries pour tâcher de faire
taire le feu de cette Fortereffe.
C
DE BREGLIO le 2.
Es jours derniers , la plus grande partie des
troupes Françoifes qui étoient à Sofpello &
dans les environs , fe mit en marche fur quatre colonnes
, dont une vint camper fur les hauteurs du
Col de Gigno , qui font à la droite de cette ville.
Une autre s'empara du pofte de Pietra Acuta , où
elle fit quelques prifonniers. La troifiéme ayart
pris par la gauche , inveftit cette ville depuis la
porte de Nice jufqu'à celle de Turin . Ces difpofitions
faites , & les trois premieres colonnes ayant
ordre de ne point tirer , la quatrième , compofée
de deux cent Miquelets, fe porta par le chemin de
Saorgio jufqu'à Rivo Secco , qu'elle tourna com→
me pour marquer le Château & pour empêcher
que le Commandant de Saorgio ne nous fournit
du fecours. Lorfque le jour parut elle changea de
pofition fans qu'on pût pénetrer fon deffein , &
elle nous laiffa la communication libre avec Saorgio:
L'Officier qui y commande , profita de cette
circonstance pour faire avancer quelques détachemens
de volontaires. Ces détachemens furent fuivis
d'un autre de Grénadiers , aux ordres du Chevalier
de Roffi , & un autre Corps gagna les hauteurs
de la gauche . Les ennemis , auffi-tôt qu'ils
FEVRIER. 1748. 191
découvrirent ces mouvemens , fe replierent fur les
hauteurs fituées vis- à-vis de la porte de Nice & fe
Contenterent d'enlever un poffe , dans lequel ils
firent quinze priſonniers,
A MADAME DE ***
Sur fon Mariage.
LE
lendemain du grand jour
Qu'hymen avoit fait éclore
Pour le bonheur de l'amour ,
Que la toilette de flore
Fut une brillante Cour!
Les Mufes avec les Graces
S'étant difputé les places ,
&
Toutes d'un commun accord ,
A leur éleve applaudirent.
Les Graces parlant d'abord ,
Déeffes , qui fe faifirent
De Flore dès fon berceau ;
Les neuf Soeurs qui l'inftruifirent
Suivant l'ordre du tableau.
Cette troupe étoit fuivie
De beautés dans leur printems ;
Qui cachoient un peu d'envie
Sous des viſages contens.
192 MERCURE DE FRANCE.
Que faifoit Flore ? Fixée
Sur l'objet de tous les voeux,
Qui près ou loin de les yeux
Occupe feul fa penſée ,
'A ces hommages pompeux
Sembloit-elle intereffée ?
Non , mais prefque embarraffée.
La foule alloit s'écouler ;
Quand Minerve ouvrant la nue
Qui fervoit à la voiler ,
Tout à coup fut reconnuë.
Qui peut ici l'appeller ?
Vous , dit- elle , chere Flore ,
Belle & plus modefte encore ;
Triomphez , vous raffemblez
Les talens de mes fujettes ,
Mais entre les plus parfaites
En un point vous excellez ,
C'estl'ignorance où vous êtes
De tout ce que vous valėz.
Par M. Roy , Chevalier de l'Ordre de
Saint Michel
FRANCE ,
FEVRIER. 1748. .193
L
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
pre- E Roi & la Reine revinrent le
mier de ce mois du Château de Marly.
Le 2 Fête de la Purification de la Sainte
Vierge , les Chevaliers , Commandeurs &
Officiers de l'Ordre du S. Efprit s'étant affemblés
dans le Cabinet du Roi vers les
onze heures du matin , le Duc de Luynes,
le Marquis de la Tour Maubourg, le Comte
de Bulkley , le Comte de Segur & le
Marquis de Puyfieulx , nommés Chevaliers
dans le Chapitre tenu le premier du mois
de Janvier de cette année furent reçûs par
S. M. Chevaliers de l'Ordre de S. Michel.
Le Roi fe rendit enfuite à la Chapelle ,
étant précedé de Monfeigneur le Dauphin,
du Duc de Chartres , du Comte de Cler--
mont , du Prince de Conty , dų Prince de
Dombes , du Comte d'Eu , du Duc de Penthiévre
, & des Chevaliers, Commandeurs
& Officiers de l'Ordre. Le Duc de Luynes ,
le Marquis de la Tour Maubourg, le Comte
de Bulkley, le Comte de Segur & le Marquis
de Puyfieulx , en habits de Novices ,
marchoient entre les Chevaliers & les Of
I
194. MERCURE DE FRANCE.
ficiers. S. M. après avoir affifté à la Bénédiction
des Cierges & à la Proceffion qui
fe fit dans la cour du Château , entendit la
grande Meffe , celébrée pontificalement
par l'Archevêque de Rouen , Prélat Commandeur
de l'Ordre. Lorfque la Meſſe fut
finie , le Roi monta à fon Trône , où S. M.
reçût les nouveaux Chevaliers avec les
cérémonies accoûtumées . Le Duc de Luynes
& le Marquis de la Tour Maubourg
eurent pour pareins le Maréchal Duc de
Belle-Ifle & le Maréchal Duc de Coigny.
Le Comte de Clermont Tonnerre & le
Marquis de Clermont Gallerande le furent
du Comte de Bulkley , du Comte de Segur
& du Marquis de Puyfieulx. Les nouveaux
Chevaliers ayant pris leurs places , le Roi
retourna à fon appartement, & y fut reconduit
dans l'ordre obfervé en allant à la
Chapelle .
a
La Reine , Madame la Dauphine & Mefdames
de France entendirent la Mefle dans
la Tribune
L'après midi le Roi & la Reine , accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin , de
Madame la Dauphine & de Mefdames de
France , affifterent à la Prédication du Pere
Tainturier de la Compagnie de Jefus
& enfuite aux Vêpres qui furent chantées
par la Mufique.
FEVRIER. 1748. 195
Le Marquis de Marignane , Lieutenant
Général des armées du Roi , & Sous - Lieutenant
de la Compagnie des Chevau- Legers
de la Garde de S. M. á été nommé
Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis à la place de feu M. de
Villars.
Le Roi a accordé le Régiment de Cavae
, vacant par la Promotion du Marquis
de Beaucayre au grade de Maréchal de
Camp , au Chevalier de Marcieu , Colonel
du Régiment d'Infanterie des Landes ;
ée dernier Régiment au Comte de Poly
S. Thiebaud , Čapitaine dans le Régiment
de Cuiraffiers ; le Régiment de Cavalerie ,
dont le Comte d'Heudicourt a donné fa
démiffion , au Comte de Lenoncourt, Capitaine
dans le même Régiment ; celui qui
vacquoit par la nomination du Marquis de
Barbanfon au grade de Maréchal de Camp,
au Marquis de Mouftiers , Capitaine dans
le Régiment de Cavalerie de Bourbon , &
celui dont le feu Comte de Fiennes étoit
Meſtre de Camp , à M. de Dampierre, Major
du Régiment de Cavalerie de Noailles.
S. M. a difpofé des Guidons qui vacquoient
dans la Gendarmerie , en faveur
du Comte de Spada , Capitaine dans le
Régiment des Gardes de Lorraine; du Marquis
de Simrane , Capitaine dans le Régi-
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
ment de Cavalerie de la Rochefoucault ;^
du Comte de Chaftenay , Capitaine dans
le Régiment de Cavalerie de la Reine ; du
Marquis de Murinais , Capitaine dans le
Régiment de Cavalerie de Maugiron , &
du Marquis de Canifi , Page du Roi en la
Grande Ecurie.
Le premier de ce mois M. Cochet , Recteur
de l'Univerfité , fe rendit à Marly ,
étant accompagné des Doyens des Facultés
& des Procureurs des Nations , & fuivant
P'ufage il eut l'honneur de préfenter un
Cierge au Roi, à la Reine & à Monfeigneur
le Dauphin .
Le même jour le Pere Olive , Vicaire Gé
néral des Religieux de la Mercy , accompagné
de trois Religieux de leur Convent,
du Marais , eut l'honneur de préfenter un
Cierge à la Reine , pour fatisfaire à l'une
des conditions de leur établiſſement.
Le 12 leurs Majeftés entendirent dans la
Chapelle du Château la Meffe de Requiem,
pendant laquelle le De profundis fut chanté
par la Mufique pour l'Anniverfaire de
Madame la Dauphine , Mere du Roi.
On apperçût le 10 fur le vifage de Madame
Adelaide des rougeurs qui dans l'après
midi prirent le caractére de la petite
vérole volante . Cette Princeffe fut faignée
du pied le même jour à huit heures du foir,
FEVRIE R. 1748 . 197
探
& comme la maladie n'a été accompagnée
d'aucun accident , il n'a pas été néceffaire
d'employer d'autres remedes. Madame
Adelaïde s'eft levée le 15 , & fa fanté eft
parfaitement rétablie.
Le 6 le Prince de Turenne prêta ferment
de fidélité entre les mains de S. M. pour la
Survivance de la charge de Grand Chambellan
de France.
Le Comte d'Eftrées l'a prêté le 11 pour
le Gouvernement du Pays d'Aunis.
Le 17 leurs Majeftés entendirent dans
la Chapelle du Château la Meffe de Requiem,
pendant laquelle le De profundis fur
chanté par la Mufique pour l'Anniverfaire
de Monfeigneur le Dauphin , Pere du Roi .
Le Roi a accordé le Gouvernement de
Huningue , vacant par la mort du Marquis
de Guerchy , au Comte de Guerchy , fon
fils , Maréchal de Camp , Colonel du Régiment
d'Infanterie de S. M.
Le Guidon que la mort du Marquis de
Maulevrier faifoit vacquer daarquis de
la Gendarmerie
, a été donné par le Roi à M. d'Egre
ville , Cornette dans le Régiment de Cavalerie
du Rumain.
Le Roi a nommé le Comte de Saint Severin
d'Arragon , pour affifter en qualité
de Miniftre Plénipotentiaire de S. M. aux
conférences qui doivent fe tenir à Aix- la-
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
Chapelle , pour travailler au rétabliſſement
de la Paix.
De Bruxelles le 12 Février.
1
On a fait marcher du côté de Malines
quelques-unes des troupes qui ont leurs
quartiers à Aloft , à Dendermonde , & dans
les Places voisines. Il a paffé le 30 du mois.
dernier par cette ville un convoi de fourage
, efcorté de plufieurs Compagnies de
Grenadiers, qui étoit deftiné pour Namur,
où il eft arrivé fans avoir été inquiété par
les ennemis. On a reçû avis de cette der
niere Place , que M. Kennelly , Capitainedans
le Régiment de Lowendalh , étant
allé à la découverte , avoit enlevé une grande
quantité de chemiſes & de chapeaux &
neuf mille paires de fouliers que des Huffards
des troupes de la Reine de Hongrie
conduifoient à Luxembourg. Un détachement
du Régiment de la Morliere a fait
prifonniers quarante-fix Huffards qui occupoient
le poſte de Vrehin . Il y a eu
une efcarmouche très - vive , entre quelques
Dragons des troupes du Roi & un Parti des
troupes Légeres de l'armée des Alliés .
De Bruxelles le 17.
Plufieurs Régimens font attendus ici de
Flandres, du Hainaut & des Provinces volFEVRIER
. 1748. 199
"
fines. Ces troupes cantonneront dans les
environs de cette ville , jufqu'à ce qu'elles
reçoivent ordre de fe rendre à deur deſtination.
On répare les ponts & les digues
pour le paffage de la groffe artillerie , &
on a reçû avis de Namur qu'on avoit déja
commencé à embarquer celle qu'on y a
affemblée. Il y eut le 4 une efcarmouche
fort vive entre un Parti des troupes du Roi:
& un détachement ennemi , dont quaran
re-fix hommes ont été faits prifonniers &
conduits à Louvain. Les Huffards de l'armée,
des Alliés ayant fait depuis peu quelques
nouvelles courfes fur les frontiéres
du Brabant , on a fait marcher plufieurspiquets
pour leur donner la chaffe , On fit .
partir le 9 un Conyoi confidérable de munitions
de guerre pour Anvers , d'où l'on
mande que le Maréchal de Lowendall
vifité fucceffivement divers poftes & qu'il
fe propofoit de faire un voyage à Bergopfoom.
Depuis quelques jours le Duc de
Broglie eft parti pour Paris , & le Comte
de Bentem en eft de retour. Le Baron de
Sottelet a obtenu des Patentes d'Infpecteur
Général des Domaines de Sa Majeſté
dans le Brabant. On compte que le Marquis
d'Herzelles , qui en exerçoit les fonc
tions fous le précédent Gouvernement , ira
joindre inceffamment le Feldt - Maréchal
Comte de Bathiany . I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
RELATION de la Fête donnée par M.
Le Comte de Montaigu , Ambaffadeur de
France à Vénife le fept Décembre
1747, pour le Mariage de Monfeigneur le
Dauphin.
L
›
E à fix heures du foir le Nonce ,
7
l'Ambaffadeur & l'Ambaſſadrice d'Efpagne
, avec tout ce qu'il y avoit de gens
de confidération dans Vénife qui pouvoient
venir chés l'Ambaffadeur ainfi
que les Etrangers qui y étoient , fe rendirent
au palais de l'Ambaffadeur , illuminé
de cinq cent bougies , & le dehors
de flambeaux de cire blanche. Tout
le Canal Régio , fur lequel eft bâti fon
Palais , l'étoit de torches à la façon du
païs . Quatre cent boëtes furent tirées
quand toute la Compagnie fut arrivée ;
des quatre coins d'un édifice repréfentant
le Temple de l'Hymen , bâti vis-à- vis le
Palais , furent tirées quatre cent fufées ;
l'illumination de la machine commença
enfuite & a duré toute la nuit , ainfi que
la fymphonie qui étoit dans la machine ,
compofée de trente inftrumens ; l'affluence
du peuple fur les deux quais du Canal Ré
gio étoit prodigieufe, ainfi que la quantité
18
FEVRIER ; 1748. 201
de gondoles fur le même Canal , remplies
de Nobles ; la diftribution du pain & du
vin au peuple lui fit donner beaucoup de
marques de réjouiffances pour l'objet de
cette Fête par des cris de vive le Roi de
France & Monfeigneur le Dauphin , & des
danfes . A huit heures commença dans l'appartement
de l'Ambaffadeur un Concert
des meilleures voix & des meilleurs inftrumens
du païs , qui dura jufqu'à minuit
après lequel commença un bal qui a duré
jufqu'au jour. Depuis huit heures du foir
jufqu'à la fin du bal il s'eft diftribué d'henre
en heure des rafraîchiffemens de toute
efpece , en glace , caffé , chocolat & confi
tures feches , tant dans le dedans du Palais
qu'à toutes les gondoles qui étoient fur le
Canal Régio, qui y étoient portés par deux
gondoles de l'Ambaffadeur.
"
Le 31 Janvier Meffieurs les Penfionnaires
étrangers de l'Académie de M. de Laguériniere
, tenue à Caën , Capitale de Baffe
Normandie , donnerent une Fête fuperbe
à la Nobleffe de la Ville ; tout fe paffa
avec un arrangement & une politeffe qui
firent voir le goût qui regne dans cette
maifon ; cette Académie eft remplie d'une
très-brillante Nobleffe .
1 .
202 MERGURE DE FRANCE.
Devifes
é pour les
pour les Jettons du premier Janvier
1748 .
Trefor Royal.
E fleuve du Nil dont les eaux fe répandent fur
les terres & y nortent l'abondance : Legende,
Servato foedere femper . Exergue , Tréfor Royal.
1748.
}
Parties Cafuelles.
Une Citerne qui reçoit des eaux de pluye tome .
bant fur divers bâtimens , & qui forme un réſer- .
voir. & une fontaine : Legende , Cafu collecta refundit.
Exergue , Parties Cafuelles 1748.
Maifon de la Reine.,
Une Caffolette fumante fur une table à l'antique
: Legende , Imis & fummis grata. Exergue ,
Maifon de la Reine 1748.
Maifon de Madame la Dauphine.
Deux jeunes palmiers penchés l'un, vers l'autre ::
Legende , Faufto foedere juncti. Exergue , Maifon
de Madame la Dauphine 1748 ..
Chambre aux Deniers.
Un beau jardin à la porte duquel il y a un Dieu
Terme Legende , Cuftodit non carpit. Exergue ,
Chambre aux Deniers 1748
Extraordinaire des Guerres.
Un torrent qui après avoir renversé une digue
inonde des campagnes : Legende , Oppofitas epicit
moles . Exergue , Extraordinaire des Guerres
1748.
Ordinaire des Guerres..
Plufieurs foudres en l'air qui fe dirigent vers
differens côtés. Legende. Quo juffa & timentur.
Exergue , Ordinaire des Guerres 1748.
ELTONS DE L'ANNEE 1748
FOEDERE
II
COLLECTA
SERVATO
REFUND
IV
PART CASTELLES
1748
TIM
AX.
SEMPER
TRESOR ROYAL
1748
REX
LUD
NTCUR
VIL
ORDINAIRE DES
GUERRES
1748 .
MOTURA
VI
TONITRUA
IMI
ARTILLERTE
1748
SUMMIS
ET
CUSTODIT
CHRISTIANISS
NON
CARPI
CHAMBAE AUX
DENIERS
3748
OPPOSITAS
V
EVICIT
MOLES
BATIMENS DU ROY
174 8
ACCEDERE
GRATA
MAISDELA REINE
3740
EXTRAORDINAI RE
DES GUERRES
748.
PERICUL
TUTUM
GALERES
1748
IX
VIL
NESCIT
MARINE
1748
FOEDERE
XI
FAUSTO
TUNCI
MALSON DEMADAME
LA DAUPHINE
1748
Sornig
PUBLIC
AR
ASTOR, LENOX
A
TILDEN
FOUNDAT
FEVRIER . 174S . 203
·
Marine.
Un Lion : Legende , Pericula neftit. Exergue ,
Marine 1748.
Galéres.
Des fyrenes entre des écueils : Legende , Haud
accedere tutum. Exergue , Galéres 1748.
Bâtimens du Roi.
Amphion qui éleve les murs de Thébes au fon
de la lyre Legende , Movet arte magiftra. Exer.
gue , Bâtimens du Roi 1748.
Artillerie.
Une tour à l'antique bâtie fur un rocher au
bord de la mer , frappé d'un coup de tonnerre ::
Legende : Humanas motura tonitrua mentes. Exer
gue , Artillerie 1748.
Propriétés de l'Huile de Venus.
'Eft un des plus puiffans ftomachiques qu'il y
:
eftomachs les plus foibles , en en prenant tous les
jours une cuillerée à bouche , une heure ou deux
après le repas.
1
Elle fortifie les vieillards , en confumant cette
pituite froide & crue qui les accable ; leur aide às
faire la digeftion , & fortifie le cerveau & toute
l'économie animale .
Elle procure les regles aux filles & aux femmes
en réparant le vice des fermens de l'eſtomach ; & ?
en donnant de la fluidité aux humeurs excrémen
teufes qui doivent s'évacuer tous les mois. Elle
diffipe & calme toutes fortes de vapeurs.
Elle facilite merveilleufement les accouchemens“
- laborieux , on en prend dans le travail jufqu'à
quatre cuillerées & même fix , la quantité ne peu
jamais faire de mal
Laj
204 MERCURE DE FRANCE .
C'eft un des plus puiflans fpécifiques pour cal
mer & guérir fur le champ toutes fortes de coliques
; on en prend une ou deux cuillerées.
C'eft un excellent cordial pour les petites véroles
; on en mélange une troifiéme ou quatrième
partie avec les eaux de chardon -bénit & de fcabieuſe
; on en donne plus ou moins , fuivant que
la nature l'indique.
C'eft un remède des plus fpécifiques qu'il y ait
pour le fcorbut ; fon ufage continué d'une cuillerée
ou deux par jour après le repas garantit de ce
mal dangereux , ou en arrête le progrès en confumant
cet acide fixe & froid qui ronge la tiffure du
fang , & fouvent même les os , pouffe au-dehors
par les excrétions & les fecrétions naturelles.
Une ou deux cuillerées de cette liqueur arrête
fubitement le mal de mer , c'eſt - à- dire ces dégoûts,
ces défaillances , ces naufées , ces vomiffemens affreux
qui font occafionnés par le mouvement du
vaiffeau & par l'odenr de la marine..
De toutes les liqueurs connues , il n'y en a point
de fi agréable que celle- ci pour le goût ; d'ailleurs
bien differente des autres liqueurs ordinaires ,
celle- ci ne peut jamais faire de mal, quelque uſage
que l'on en faffe.
Elle ne s'évente jamais , & plus elle eft gardéc
meilleure elle eft , & pour les qualités & pour le
goûr.
Le prix de la bouteille eft dix -huit livres.
Ily a des demi- bouteilles de neuflivres.
1
On commencera à vendre le 11 de ce mois
quatre ou cinq mille bouteilles d'Huile de Venus
provenant de la fucceffion de M. Bouez de Sigogne
Médecin du Roi dans la Compagnie des Cent
Suilles
FEVRIER. 1748. 201
2af
MANDEMENT de M. l'Archevêque
de Paris , qui permet l'ufage des oeufs pen
dant be Carême jufqu'au Dimanche des
Rameaux exclufivement.
CHRISTOPHE DE BEAUMONT ,
Le prix exceffif des alimens de Carême nous
engagea l'année derniere à permettre l'ufage
des oeufs pendant ce faint tems : le même motif
exige encore de nous cette année la même conde
cendance.
Il eft jufte que nous nous prêtions aux befoins
du public , & aux voeux des Magiftrats chargés de
veiller & de pourvoir à la ſubſiſtance du peuple im-i
menfe qui habite cette Capitale . Mais en nous y
prêtant , pourrions- nous ne pas nous rappeller
avec douleur que dans le précédent Carême , mal
gré l'attention que nous avions eue d'adoucir la
rigueur de l'abftinence pour en faciliter l'obfervation
, les tranfgreffions n'ont été ni moins multipliées
, ni moins fcandaleufes
Quelle honte pour le fiécle où nousvivons !
Entre toutes les loix de l'Eglife , il en eft peu de
plus refpectables & de moins refpectées que celle
qui nous ordonne de nous préparer par des oeuvres
de mortification & de pénitence , à célébrer
dignement la Pâque des Chrétiens, L'antiquité
d'une difcipline dont l'origine remonte juſqu'aux
tems Apoftoliques , l'unanimité avec laquelle tous
Ies peuples inftruits dans la foi par les premiers
Prédicateurs de l'Evangile , s'y font foumis , l'exactitude
de nos Peres à Pobferver fans aucun
206 MERCURE DE FRANCE..
adouciffement , ne nous permettent point de dous
ter de l'étroite obligation qu'elle nous impofe.
Cependant le relâchement eft aujourd'hui portéau
point qu'on peut dire d'une loi fi anciennement
établie , fruniverfellement reçûë , & fi conftamment
obfervée , qu'à l'égard d'un très- grand
nombre de Chrétiens , elle n'eft plus qu'une occafion
d'une infinité de prévarications injurieuſes à
l'autorité dont elle émane : trifte & déplorable
effet de cet efprit de libertinage & d'irréligion
qui fait chaque jour parmi nous de nouveaux progrès
!
Puiffions-nous avoir la confolation d'arrêter ces
fcandales , & de voir tant d'enfans rebelles à PEglife
, & trop peu, refpectueux envers elle , rentrer
en eux- mêmes & réparer leur conduite paffée
, non-feulement par la pratique des faintes
auftérités qu'elle leur prefcrit dans cesjours de falut
où nous allons entrer * , mais encore par d'autres
oeuvres pénibles & propres à fatisfaire à la juftice.
divine !
A ces caufes , ayant égard aux repréſentations
qui nous ont été faites de la part des premiers
Magiftrats , nous permettons l'ufage des oeufs
pendant le Carême prochain , depuis le Mercredi
des Cendres inclufivement jufqu'au Dimanche des
Rameaux exclufivement. Et pour arrêter , s'il eft
poffible , le cours des prévarications qui fe com--
mettent contre la loi du Carême , nous ordonnons
aux Curés & aux autres Miniftres de la parole
d'exhorter leurs auditeurs à obferver exactement
Cette loi. Nous recommandons à tous les Fidéles
de fanctifier leur jeune par la priere & par l'au-
Ecce nunc tempus acceptabile , ecce nunc dies
falutis. II. ad Cor. c. 6. v. 2.
?
FEVRIER. 1748. 207
mone , & de contribuer , felon leurs moyens , au
nouveau bâtiment des Enfans- Trouvés objet .
d'autant plus digne de leurs charités , que cet édi-.
fice eft plus néceffaire pour la confervation de ces
victimes infortunées de la honte ou de l'indigence
de ceux qui leur ont donné le jour.
Si vous mandons , &C.
ந :இது .
MARIAGES ET MORTS.
3
E7 Février a été fait dans la Chapelie de
P'Hôtel de Soubize , Paroiffe de S. Jean- en-
Grêve , le mariage de Philippe- Antoine - Gabriel--
Victor Charles Marquis de la Tour du Pin , Co--
lonel d'un Régiment de fon nom , Chevalier de
P'Ordre Militaire de Saint Louis & Gouverneur
de la ville de Nyons en Dauphiné , fils de feu «
Jacques-Philippe- Augufte de la Tour du Pin ,
Marquis de la Charce , Comte de Montmorin
Baron de la Ferté & de Fonvens , Seigneur de -
Fontaine-Françoiſe , ancien Meftre - de- Camp d'un
Régiment de Dragons , Chevalier de l'Ordre de
S: Louis & Gouverneur de la ville de Nyons en
"Dauphiné & de Dame Magdeleine - Gabrielle-
Antoinette de Choifeul Lanquert fa veuve , héritiere
d'une branche aînée de cette illuftre Maifon ,
avec Damoifelle Jeanne- Magdeleine Bertin , fille
unique & héritiere par la mort fans enfans de Madame
la Marquife d'Offún fa foeur aînée , de
feu Nicolas Bertin Tréforier Général des Par
ties Cafuelles , mort le 20 Décembre 1729 ,
de Dame Jeanne Delpech fa veuve , four de
Mefleurs Delpech Cenfeillers au Parlement , &
&
}
208 MERCURE DE FRANCE.
fille de feu M. Delpech Comte de Merinville ;
mort Confeiller de la Grand' Chambre du Parle
ment, & petite- fille de Pierre- Vincent Bertin auffi
Tréforier des Parties Cafuelles mort en 1711 , &
de Dame Jeanne-Françoife Elizabeth de Sauvion
morte en 1712. M. le Marquis de la Tour du Pin
fort d'une des plus illuftres Maifons de Dauphiné ;
elle eft divifée en plufieurs branches dont l'aînée
reconnaît pour puinés les Marquis de Gouvernet ,
Jes Marquis de la Chau & de Montauban .
Le 14 a été fait dans la Chapelle de l'Hôtel de
Richelieu , Paroiffe de S. Paul , le mariage de
Louis-François de Paule le Feure d'Ormefon de
Noyfeau , Confeiller du Roi en fes Confeils , Premier
Avocat Général au Parlement , fils de
Henri -François de Paule le Fevre , Chevalier
Seigneur d'Ormeffon , d'Amboile , de la Queue &
de Noyfeau , Confeiller d'Etat ordinaire & du
Confeil Royal , & Intendant des Finances &
de Dame de la Bourdonnoye avec Damoifelle
Marie- Anne - Geneviève Lucas , fille de feu
Antoine- Jean Lucas , Confeiller au Parlement
mort de la Grand'Chambre le 7 Décembre 1728 ,
& de feue Dame Anne Magdeleine Loyfeau morte
le..... & petite-fille d'Antoine Lucas Seigneur
de Vraignes , Confeiller de la Cour des
Aides de Paris reçu le 30 Août 1657 , mort en
1672 , & de Dame Marie- Henriette d'Amaury.
Comme la famille de Meffieurs le Fevre d'Eaubonne
, d'Ormeffon , eft connue entre les plus illuftres
de la Robe ,on fe contentera de
renvoyer
pour la génealogie à celle qui a été donnée en
1717 par le R. P. Raffron Supérieur des Minimes
, & pour celle de Lucas originaire de la ville
d'Amiens , de propofer le Nobiliaire de Picardie
par Houdicquer de Blancourt , &c.
FEVRIER. 1748. 209
Pierre Bouchard d'Efparbés de Luffan , Comte
d'Aubeterre , de la Serre Fontaulade , Marquis de
Bonne , Grignols , Ozillac , & c. Lieutenant Général
des armées du Roi , Chevalier des Ordres de Sa
Majefté , Gouverneur des Ville & Châteaux de
Collioure Port Vendre , Fort Saint Elme & Caftel
Cuillier , mourut le 17 Janvier 1748 dans la quatre-
vingt onzième année de fon âge.
Cette Maiſon dès le douzième fiécle a été par
tagée en plufieurs branches ; celle dont eft iffu le
Comte d'Aubeterre a été fort illuftrée fous les
Regnes de Charles IX. Henri III . & Henri IV.
(Voyez le P. Anfelme. )
On voit que Jean- Paul d'Efparbés de Luffan
de la Serre , fut Capitaine des Gardes Ecofloifes
du Corps du Roi le 27 Mars 1599 , Gouverneur
de Blaye en 1606 , Chevalier de l'Ordre en 1614.
Il ramena en France l'Infanterie Gafconne qui
s'étoit fort fignalée fous fes ordres au -delà des
Monts en 1554 , il mourut fort âgé en 1616.
Son fils François d'Efparbés de Luffan étoit
Vicomte d'Aubeterre , de la Serre , Maréchal de
France le 16 Septembre 1620 , Chevalier de l'Or
dre en 1612 , Confeiller d'Etat par Lettres Patentes
du 29 Novembre 1611 , Gouverneur & Séné➡
chal de l'Agenois & Condomois le 26 Mai 1606 ;
il avoit épousé la fille unique de David Bouchard,
Vicomte d'Aubeterre , Chevalier des Ordres du
Roi , Gouverneur de Périgord , & de Renée de
Bourdeilles.
François Bouchard d'Efparbés de Luffan , Vicomte
d'Aubeterre , fecond fils de François d'Ef
parbés , Maréchal de France , fut Lieutenant Gé❤
néral des armées du Roi , Confeiller en fon Con
feil d'Etat & Privé , Sénéchal & Gouverneur d'A➡
genois & Condomois ; il étoit Sénéchal en Guyeng
210 MERCURE DE FRANCE.
ne, & fut défigné Chevalier de l'Ordre par un
Brevet du 27 Septembre 1651 .
Sa femme étoit Marie de Pompadour , fille de
Philibert Vicomte de Pompadour , Chevalier des
Ordres du Roi.
D'où eft venu Pierre Bouchard d'Eſparbés de
Luffan , Comte d'Aubeterre qui vient de mourir ;
il avoit époufé Julie- Michelle de Sainte Maure
Comteffe de Jonfac. ( Voyez le P. Anfelme. )
Cette Maiſon a fondé en 1555 une Galére Ca
pitanne à Malte fous le nom de Luffane avec fes
armes , & y joignit 3000 liv . de rente fur la Communauté
d'Arles par acte du 6 Octobre 1614 ,
ce que Louis XIII. a confirmé par Lettres Patentes
du 24 Mars 1615 avec une Commanderie de
800 liv. de rente , affectées aux Chevaliers de la.
Maifon , que l'on nomme à Malte Hôtel de Luf
Lan qui porte encore les armes de la Maiſon.
Le premier Février Dame Anne- Marie Turpin
deSanzay , femme d'Auguftin de Simiane Molans,
dit le Marquis de Simiane Gordes ; l'une des Dames
de S. A. S. Madame la Ducheffe de Chartres,
mourut à Valreas au Comtat Venaiffin dans la
trente-troifiéme année de fon âge, fans laiffer d'enfans
; elle étoit née le 8 Septembre 1714 & ne
Jaiffe qu'un frere Ladiflas Turpin de Criffé Comte
de Sanzay ; elle étoit niéce de Chriftophe Louis
Turpin de Sanzay , Evêque de Rennes en 1713 ,
mort le 29 Mars 1735 , & fille de Lancelot Turpin.
de Criffe Comte de Sanzay , Colonel d'un Régiment
d'Infanterie de fon nom , & Brigadier des
armées du Roi , mort le... Septembre 1720 , & de
Dame Claude- Geneviève Cheriere d'Egligny
mariés le 14 Novembre 1712 , & elle avoit pour
rifayeul Charles Turpin Seigneur de Criffé ,
Comte de Sanzay , nommé à l'Ordre du S. Efprit
FEVRIER. 1748 . 21F
te 9 Janvier 1594 , forti d'une des plus anciennes
Maifons du Royaume. Voyez pour la Genealogie
de la Maifon de Simiane , auffi l'une des plus anciennes
du Royaume , l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne , vol. 2 . fól. 238.
Le 3 de ce mois eft mort Claude Pajon , ancien
Bâtonnier des Avocats du Parlement de Paris ,
Il étoit fils de Claude Pajon , célébre par fon efprit
& fon fçavoir , lequel étoit iffu d'une famille
noble du Berry. Voyez le Dictionnaire de Baylean
mot Pajonisme , & le Dictionnaire de Moreli
au mot Pajon.
Le 13 Louis de Regnier Marquis de Guerchy ;
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant Général
des armées de Sa Majefté , & Gouverneur de Huningue
en Alface , mourut dans fon Château de-
Guerchy en Nivernois âgé de 8 ans . Etant Capitaine
d'Infanterie dans le Régiment Dauphin , il
eut le Régiment de Thierache en 1692 , fut fair
Colonel du Régiment Royal des Vaifleaux & Bri,
gadier d'Infanterie en 1702 , Maréchal de Camp
en 1704 , Lieutenant Général en 1710 , eut le
Gouvernement de Huningue en 1733 , & fut :
reçû Chevalier des Ordres du Roi le 17 Mai 1739..
Havoit époufé Dame Jeanne- Louife Caffandre de
Marion de Druy morte le 14 Mai 1743 , de la .
quelle il laiffe un fils unique nommé Claude-
Louis - François de Regnier Comte de Guerchy ,..
Maréchal de Camp & Colonel du Régiment d'In
fanterie du Roi , auquel Sa Majefté vient de donner
le Gouvernement de Huningue vacant par la
mort de M. fon pere. Il a des enfans de fon
mariage avec Dame Gabrielle Lydie de Harcourt ,
fille de M. le Maréchal Duc de Harcourt , & de
Dame Marie-Magdeleine le Tellier de Barbefieux
fa feconde femme,
212 MERCURE DE FRANCE.
Feu M. le Marquis de Gerchy étoit fils de
Henri de Regnier Marquis de Guerchy , & de
Dame Marie de Brouilly Piennes , mariés le 6
Janvier 1655 , & petit- fils de Claude de Regnier
Baron de Guerchy , & de Dame Lucie de Brichanneau
Nangis mariés le s Février 1618 .
Les armes de Regnier de Guerchy font d'azur à 6
befans d'argent pofés 3,2 1.
Le même jour Nicolas- François Ravot Chevalier
Seigneur d'Ombreval , Confeiller de la quatrième
Chambre des Enquêtes du Parlement , où il avoit
été reçu le 16 Mars 1731 mourut à Paris ; il étoit
fils de feu Nicolas - Jean - Baptifte Ravot Seigneur
d'Ombreval , Maître des Requêtes ordinaire de
l'Hôtel du Roi , & Confeiller d'honneur en la
Cour des Aides , & avant Intendant de Juftice en
la Généralité de Tours , puis Lieutenant Général
de Police de la ville de Paris , mort le...
& de Dame Therefe- Genevieve Breau , petit- fils
de Jean-Baptifte Ravot Seigneur d'Ombreval
Avocat Général de la Cour des Aides reçû en
1671 mort en 1689 , & de Dame Geneviève
Berthelot morte en 1706 , & arriere- petit- fils de
Jean-Baptifte Ravot Avocat Général de la Cour
des Aides , puis Premier Préfident du Parlement
de Metz , reçû le 30 Juillet 1672 , & de Dame
Marie Perreau.
<
Le 16 MeffireHonoré FrançoisGrimaldi de Monaco
, ancien Archevêque de Besançon , Abbé des
'Abbayes de S. Maixent , Diocèfe de Poitiers , &
de Vauluifant , Diocèſe de Sens , mourut à Paris ,
âgé de 78 ans , étant né le 21 Décembre 1669. Il
avoit été d'abord Chevalier de Malte , & ayant
enfuite embraffé l'état Eccléfiaftique , il fut reçû
Chanoine de Strasbourg en 1696 , fut nommé à
l'Abbaye de S. Maixent en 1717 , enfuite à l'Ar-
1
FEVRIER . 213 1748 .
chevêché de Besançon & fut facré le 4 Février
1725 , & nommé à l'Abbaye de Vauluifant en
1731 ; il fe démit en 1735 de fon Archevêché. Il
'étoit fils de Louis Grimaldi , Prince de Monaco ,
Duc de Valentinois , Pair de France , Chevalier
des Ordres du Roi, mort à Rome , où il étoit Am
baffadeur , le 3 Janvier 1701 , & de Dame Catherine
Charlotte de Gremont , mariée le 30 Mars
1662 , & morte le 4 Juin 1678. Il avoit pour frere
aîné Antoine Grimaldi , Prince de Monaco , Duc
de Valentinois , Pair de France , Chevalier des
Ordres du Roi , mort en 1731. Voyez pour la
Généalogie de la Maifon de Grimaldi , l'une des
quatre grandes de l'Etat de Génes , d'où elle eft
originaire , l'Hiftoire des Grands Officiers de la
Couronne , vol. 4. fol. 489 .
Le 20 Meffire Henri de Roffet de Ceilhes de Rocozel,
Abbé de l'Abbaye de S. Sernin de Toulouſe
depuis 1729 , & de celle de Froidmont depuis
1740 , & avant Abbé de Soreze en 1721 & Chanoine
de Lodeve en 1714 , mourut à Paris dans la
foixante-deuxième année de fon âge , il étoit fils
puiné de Bernardin de Roffet , Seigneur de Ceilhes
& de Rocozel , & de Dame Marie de Fleury
foeur de feu M. le Cardinal de Fleury , mariés le
20 Janvier 1680. Il étoit frere aîné de Pons de
Roffet de Rocozel , aujourd'hui Lieutenant Gé
néral des armées du Roi & Grand Croix de l'Ordre
Militaire de S. Louis , &c. & avoit pour aîné
Jean-Hercules de Roffet de Rocozel , à préfent
Duc de Fleury , Pair de France , Chevalier des
Ordres du Roi, marié depuis le 6 Novembre 1714
avec Dame Marie Rey, dont il a pour enfans 1.M.
le Duc de Fleury , Premier Gentilhomme de la
Chambre , qui a des enfans de fon mariage avec
Dame Anne - Magdeleine -Françoiſe d'Auxy de
214 MERCURE DE FRANCE.
Monceaux, 2. M. l'Evêque de Chartres , Premier
Aumônier de la Reine . 3. M. l'Abbé de Ceilhes ,
Chanoine de Paris , Abbé de Royaumont & de
Rebais. 4. M. de Roffet , Chevalier de Malte & *
Commandeur de Pieton , Colonel d'un Régiment
d'Infanterie. 5. M. de Roffer de Rocozel , auffi
Chevalier de Malte & Lieutenant de Vaiffeau. ¿
& 7. & Mefdames de Narbonne Pelet , & Mar¬
" quife de Caftries , &c .
A VIS.
Es Perfonnes de Provinces , Libraires
& autres, font priées de remettre fans
retard au Bureau du Mercure , à l'adreffe
de M. de Cleves d'Arnicourt , le montant
de ce qu'elles doivent pour les Mercures
qui leur ont été fournis .
J
APPROBATION..
" Ailu par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Février
1748. A Paris le premier Mars 1748.
2 m ab entra
BONAMY .
TABLE.
Téces fugitives en Profe & en Vers . Suite de la
Séance publique de l'Académie des Sciences, 3
Ode , 14
Lettre de M. le Marquis Maffei à M. de la Condamine
. , traduite de l'Italien
Ode au Maréchal de Saxe ,
7 19
40
Lettre à M. de la Bruere au fujet de la defcription
-
de Bourgogne ,
42
Mémoire fur les avantages qu'on peut retirer d'un
nouveau Pouillé général du Royaume ,
Vers à Mlle * **
· née 1747 .
Réfléxions ,
45
pour le premier jour de l'an-
Le pauvre voyage , Epitre à M. le N......
Mémoire hiftorique fur la Province de Forez ,
Ode fur la mort d'une mere ,
Réponse d'un Médecin fur la Garence ,
Epitre à Mad. de la R ....
Remarques fur une plante ,
48
SI
55
61.
73
7
82
85
8.7.
TOT
Vers fur la bonne année ,
Lettre à M. de la Bruere ,
Vers à M. Remond de Sainte Albine
Mots des Enigmes & du Logogryphe du Mera
cure de Janvier ,
Enigme & Logogryphes ,.
104
ibid.
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c . 109
Cartes d'une nouvelle invention ,
Opiat , dit des Sultanes ,
Nouvelle Eftampe ,
Chanfon notée ,
Spectacles ,
127
128
ibid.
129
ibid.
Denys le Tyran , nouvelle Tragédie repréſentée
à la Comédie Françoiſe , Extrait , 130
Les Valets Maitres , nouvelle Piéce jouée à la Comédie
Italienne , 148
Nouvelles Etrangeres , Conftantinople , & c. 149
Vers à Mad. de *** ſur ſon mariage ,
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 193
Relation de la Fête donnée par M. le Comte de
Montaigu , Ambaffadeur de France à Veniſe
pour le Mariage de Monfeigneur le Dauphin ,
191
200
201
202
'Autre Fête donnée à Caën par les Penfionnaires de
l'Académie de M. de la Guériniere ,
Explication des Jettons de cette année ,
Vente de l'Huile de Venus & fes proprietés , 203
Mandement de M. l'Archevêque de Paris , qui
permet l'ufage des oeufs pendant le Carême ,
Mariages & Morts ,
Avis ,
>
205
207
214
La Chanfon notée doit regarder la page
Les Jettons gravés , la page
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
129
202
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
MARS
LIGIT
UT
SPARG
1748 .
Chés
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S André .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation& Privilege du Roi.
A VIS.
L'AM.DES CEEVES D'ARNICOURI
'ADRESSE générale duMercure eft.
DE
ruë des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adreſſeront
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages,
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , quifouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , & plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS .
T
V.LS
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
MARS. 1748.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LETTRE aux Auteurs du Mercure
de France.
ELOGE de la République de Genéve.
M
Effieurs , après avoir donné dans
votre Journal de Novembre
1747 l'apologie des Suiffes , ce
qui marque votre difcernement
& votre impartialité , j'efpere que vous ne
me refuferez pas une petite place pour
l'apologie de Genéve , qui eft leur voifine
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
& leur alliée. Cette ville a été affés maltraitée
dans les Lettres Juifves , & quoi-'
que les décifions de l'Auteur de cet ouvrage
ne foient pas regardées comme un
oracle infaillible , cependant elles méritent
bien d'être relevées ; fans m'ériger en redreffeur
des torts , ce qu'un honnête -homme
doit à la vérité & à la juftice , eft un
motif fuffifant pour l'engager à détruire
le menfonge & la calomnie ; un autre motif
qui m'engage à prendre la défenſe de
cette petite République eft la reconnoil
fance ; à mon retour d'Italie je paffai à
Genéve , & les agrémens que j'y trouvai
m'engagerent à y faire quelque féjour . Je
fus charmé , je l'avoue , de la politeſſe de
fes habitans , de la beauté de la ville &
de fes dehors . C'eſt , ſelon moi , une fituation
enchantée . Repréfentez vous deux
côteaux très - cultivés , & ornés de tous
côtés de maiſons champêtres , riantes &
bien bâties. Le Lac qui eft au milieu de
ces deux côteaux forme un vafte baffin ,
qui paroît fait exprès pour faciliter la communication
avec la Suiffe & la Savoye , il
eft d'ailleurs très - poiffonneux , & les trui
tes qu'on y pêche , font , comme vous le
fçavez excellentes & fort recherchées.
Tantôt c'est un miroir uni ,
MARS 1748 .
Et tantôt un affreux murmure
Fait trembler le plus enhardi ,
Et lui montre la ſépulture
Sous le flot d'écume blanchi .
Là cent bâteaux & leur armure
D'un gros vent éprouvent l'injure ,
Ou fuivent lentement l'allure
D'un vent dont le foufle adouci
Sur l'eau ne fait qu'une frifure ,
Et d'une flote en racourci
Ils nous retraçent la peinture.
La ville qui eft au-deffus du Lac , fe
préfente en amphithéatre & domine fur
toute la campagne. Vous voyez plus loin
une perfpective très variée , qui n'eft bornée
que par de hautes montagnes où l'oeil
fe repofe avec plaifir. Leur afpect agrefte
& fauvage fait un contrafte agréable avec
le charmant payfage qui eft au- deffous
& qui eft très- bien cultivé . Ici ce font
des collines couvertes d'épis dorés 12
des vignes en pente , foutenuës par
chers qui les environnent , qui femblent
des murs placés exprès pour réfléchir les
rayons du Soleil & en augmenter l'ardeur.
Le bas des collines offre de toutes parts des
prairies , où
L'eau ferpente à l'avanture
les ro-
A iij
MERCURE DE FRANCE.
Sur un lit de fleurs , de verdure
Qu'elle arrofe & qu'elle embellit ;
Les troupeaux s'abreuvant dans cette fource puso
Trouvent , fe jouant à l'envi ,
Une agréable nourriture.
Je ne fçaurois , Meffieurs , quitter
cette defcription fans vous parler d'une
montagne qu'on nomme la montagne
Mandite , parce qu'elle eft en toute faiſon
couverte de neige & de glace ; ce que
l'on y trouve de fingulier , c'eft un Lac qui
eft au -deffus , de l'étendue de quatre ou
cinq lieuës , & qui reffemble à une petite
mer , dont les flots irrités & foulevés par
des vents impétueux , fe feroient tout à
coup gelés , & feroient demeurés fous
cette forme , enforte qu'entre les hauteurs
que laiffent les vagues fufpendues on apperçoit
des fillons ou des efpéces de collines
, qui par leur profondeur ne fervent
qu'à augmenter l'horreur du fpectacle.
Cette montagne eft à dix ou douze lieuës
de Genéve ; fon élevation que Meffieurs
Fatio & de Chezeaux ont mefurée exactement
, eft de 2400 toifes au- deffus du niveau
de la mer. Son abord eft efcarpé &
fort rude. Le haut eft inculte , & n'eft fréquenté
que par des voyageurs hardis &
curieux , ou par des bouquetains & des
MARS. 1748. 7
marmotes , qu'on y apperçoit en aflés
grand nombre. Cependant comme les richeffes
coûtent fi peu à la nature , qu'elle
les répand dans les lieux même les plus
ftériles , on trouve en fouillant dans le
creux des rochers qui bordent ce lac , &
qui font en tout tems incruftés de glace
de très-beaux criftaux de toutes couleurs
qui affectent toujours une figure détermi
née , comine fi on les avoit tous jettés dans
le même moule , étant tous taillés à pans ,
ce qui pourroit faire croire qu'ils ont un
germe commun , car s'ils étoient l'effet
d'une fimple congélation, leur figure feroit
certainement irréguliere & pour l'ordinaire
applatie , foit par le poids du rocher , ſoit
par la preflion de l'air.
Comme j'ai toujours été ennemi d'un
faux merveilleux , & que Genéve n'a pas
befoin de ce fecours pour paroître belle , je
vous dirai qu'il n'eft pas vrai que l'eau du
Rhône ne fe mêle point avec celle du Lac
Leman , ainfi que ledit Ammian Marcellin
; à la vérité comme la premiere eft beaucoup
plus rapide , elle conferve quelque
tems fon cours & fon indépendance , ce
qui donne un oeil bleuâtre à la ligne
qu'elle parcourt , mais elle ne tarde pas à
fe confondre avec l'eau du Lac en confervant
la primauté , car le Rhône l'affujettit ,
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
pour ainsi dire , & la rendant tributaire ,
il lui donne fon nom. Un autre phéno
mene extraordinaire eft une efpéce de flux
& de reflux très-fenfible qu'on apperçoit
dans le Lac & que les bâtelliers appellent
des feches. Comme le Lac Leman eft fort
éloigné de la mer , qu'il ne communique
point avec elle , & que ce flux & ce reflux
n'a point de rapport avec le cours de la
Lune , il n'en faut pas chercher la caufe
dans ces deux choſes. M. Sallabert Profeffeur
en Phyfique expérimentale à Genève ,
obfervateur exact & très - éclairé , a crû la
trouver dans la fonte des neiges qui font
au-deffus de Vevai ville du pays de Vaud.
Son explication eft fi ingénieufe & fi vraifemblable
, qu'on l'a jugée digne d'être
inferée dans les Mémoires de l'Académie
Royale des Sciences de l'année 1742 , p.26.
Elle mérite bien d'être lûe toute entiere ,
& je n'en puis donner ici qu'une idée affés
imparfaite. A la fonte des neiges il joint
l'entrée de l'eau de Larve dans le Rhône ,
ce qui fait remonter fucceffivement fon
cours , mais je le répéte , perfonne ne peut
mieux expliquer fa pentée que lui-même .
Genéve eft une République fort ancienne
& qui jouit de la liberté depuis long - tems.
Après Dieu , il faut convenir que la ville
de Genéve doit fa confervation aux CanMARS.
1748 .
2
tons fes Alliés , & furtout à la France qui·
l'a conftamment & hautement protegée
dès l'an 1560. Le Pape Pie IV. que les
Princes Catholiques preffoient d'alfembler
un Concile Général pour combattre les
erreurs & les vices , vouloit qu'ils tournaffent
leurs armes contre Genéve & les
Vaudois , mais la Cour de France s'y oppofa
, au rapport de l'illuftre de Thou.
L'année 1600 le Nonce du Pape preffant
le Roi Henri IV . d'abandonner la protection
de Genève , & de ne fe pas oppofer
aux deffeins du Duc de Savoye , ce Prince
répondit , que ce n'étoit pas lui qui avoit pris
ceite ville en fa protection , que c'étoientfes
Prédéceffeurs qui l'avoient fait , & que lui y
étoit obligé par la foi qui fe doit à l'obfervation
des Traités , &
par la reverence qu'il
devoit à fes Prédéceffeurs , même que comme
ils l'avoient fait en reconnoiffance des bons
fervices qu'ils avoient tirés d'elle , il étoit de
la bienfeance & de la justice de ne pas contrevenir
à cet engagement . Je n'abandonnerai
jamais Genéve , ajouta le Roi en élevant fa
voix , cet abandonnement feroit tort à la
Couronne , & à la fureté de la parole d'un
Roi.
Les fervices rendus.
par la République
à la Couronne de France étoient encore
recens , & Henri IV. ne pouvoit pas les,
1
Av
10 MERCURE DE FRANCE.
avoir oubliés , puifque c'étoit à fa follicitation
que la ville de Genéve avoit pris
les armes contre ce même Duc de Savoye ,
qui defiroit que le Roi l'abandonnât à
fon ambition. Dans le tems que la ligue
travailloit avec le plus de force à exclure
Henri IV. de la Couronne , & qu'il étoit
preffé de tous les côtés, la ville de Genève,
toute foible qu'elle eft , ofa fe déclarer
ouvertement pour lui & faire une diverfion
favorable en Savoye . Elle n'étoit
alors foutenuë que par fon zéle , par la
valeur de fes habitans , & par le célébre
Sancy que ce Prince envoya à Genève avec
de belles promeffes , mais fans troupes &
fans argent. Tout manquoit , excepté le
courage , & cela feul fuffifoit à des foldats
qui préféroient l'honneur à la vie . Il
fembloit que Genéve tiroit des forces de fa
propre foibleffe ; dans l'impuiffance où
elle étoit d'avoir du fecours d'ailleurs , elle
fe croyoit fuffisamment défenduë par le
zéle & la valeur de fes habitans.
Durant la minorité de Louis XIV . l'Evêque
de Genéve s'adreffa , dit l'Abbé de
Choify dans fes Mémoires , au Confeil du
Roi , pour le faire payer par la Républi
que de quelques rentes qu'il prétendoit lui
être dûes, mais M. Colbert, Miniftre trèséclairé
, interrompit avec chaleur M. de
MARS. 1748.
Brienne qui faifoit rapport de cette affaire
, & dit que le Roi ne,vouloit point facher
Meffieurs de Genéve , & qu'il aimoit
mieux faire une gratification à l'Evêque.
En dernier lieu dans le tems des troubles
qui s'éleverent dans cette République
, le Roi attentif à fon repos & à fon
bonheur , n'envoya- t'il pas le Comte de
Lautrec Seigneur très-éclairé , très - prudent
& très-équitable, pour rétablir l'ordre
& la paix , conjointement avec leurs Excellences
de Zurich & de Berne ?
Le Roi trouve plus grand d'aider fes Alliés ,
Que de les voir tremblans,profternés à ſes pieds.
La tranquillité rétablie a fait renaître
les Arts , les Sciences & le Commerce . Je
m'arrêterai un moment fur chacun de ces
articles , parce que l'Auteur que je refute
la
a befoin d'être relevé ici comme ailleurs.
Il n'eft pas vrai , comme il le dit ,› que
principale branche du Commerce qui
fleurit à Genève , confifte dans la foye &
dans les livres , c'eft peut- être la branche
qui rend le moins ; quoique , depuis quelques
années on y ait élevé avec affés de
fuccès des vers à foye , la Draperie , les
Toiles , l'Horlogerie & la Dorure font
certainement ce qui donne le plus . En général
le Commerce fe foutient avec hon-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
neur à Genève, ce qui procure à cette ville
des richelles & un air d'abondance.Sa fituation
contribue beaucoup à y faire fleurit le
négoce . Placée entre la France , l'Allemagne
& l'Italie , elle a la facilité de leur fournir
les marchandifes qui leur manquent &
qu'elle tire d'ailleurs. C'eft proprement
un lieu de paffage & un entrepôt trèscommode
pour ces differentes nations ,
furtout lorfqu'elles font en guerre & que
leur communication eft interceptée. Ce
lien de paffage eft bien agréable , ce qui
fait que l'étranger s'y arrête avec plaifir.Le
Genevois eft honnête & éclairé ; il y a peu
de Citoyens qui n'ayent chés eux une peti
te Bibliothéque compofée de livres choifis .
L'un d'eux, qui n'eft qu'un fimpleHorloger,
me fit voir une efpéce de Barométre de fa
façon , dont le tuyau affés large étoit percé
par l'un des bouts , pour contenir une aiguille
fort legére , qui touchoit au mercure
contenu dans le tuyau , & qui imprimoit à
l'aiguille un mouvement perpétuel , proportionné
à l'agitation & au poids de l'air
qui pefoit fur l'argent vif ; un cadran au
milieu duquel fe trouvoit l'aiguille marquoit
avec précifion les differens degrés
de mouvement qu'elle recevoit du mercure
, & quand il arrivoit dans l'air des
changemens fubits & extraordinaires , ils
MARS.: 1748 . If
étoient marqués fur un autre çadran au
quel étoit attachée une aiguille fort mobile
, mais il faut voir ce Barométre pour
en avoir une jufte idée. Un autre Horlo
ger a inventé une machine pour lancer
des pierres & des feux d'artifices fort loin
& en peu de tems. C'eft une efpéce de
Balifte & de Catapulte , à la maniere des
anciens , mais plus commode , plus aifé à
manier & d'un tranfport plus facile. La
méchanique dont il fe fert pour la faire
jouer eft très- ingénieufe & tout- à- fait
dans le goût moderne. Ainfi à cet égard
il ne doit rien aux anciens qu'il n'a jamais
lû , ne fçachant pas les Langues étrangeres.
La nature l'a fait Poëte , auffi-bien que
Méchanicien . Combien d'hommes , dit M.
de Fontenelle, qui ont des propriétés cachées ,
que le bazardfait découvrir ! Un faifeur de
bas me fit voir de fon invention le fyftême
de Copernic affés bien repréfenté ,
mais avec des broches dont le mouvement
figuroitcelui des planétes autour du
Soleil. J'avoue que n'étant pas accoûtumé
à trouver autant de connoiffances parmi le
peuple , j'en étois étonné & que je regardois
cela comme un phenoméne. On me
montra auffi une pendule faite à Genève
où l'on voit au-deffus un ferin bien repréfenté
, qui ba des aîles & qui chante
14 MERCURE DE FRANCE.
quand on le veut,avec beaucoup d'hatmonie.
Ce n'est donc pas fans raifon que M. de
Crouzas dans fon examen du Pyrrhoniſme
a comparé Genève à Athénes , elle lui reffemble
en effet par le goût des beaux Arts
& par le zéle pour la liberté.
Combien de talens qui n'attendent que
des circonftances favorables pour éclore ,
& que des circonftances contraires étouffent
quelquefois ! La nature à qui ils ne
coûtent rien les répand affés liberalement ,
mais il leur manque le fecours de l'Art ,
fans quoi ils ne fçauroient fe perfectionner.
Lui auroit- il fallu l'efpace de plufieurs
fiécles pour former un Ciceron , un Defcartes
, un Fenelon ou un Racine ?
Vous voyez , Meffieurs , par ce que
je viens de dire , que les Arts font bien
cultivés à Genéve . Il y a de bons ouvriers
en Horlogerie ; la Peinture a fourni des
Petitors & des Arlands , & le célébre Daffier
fait honneur à la gravure ; toutes les
Médailles font fort eftimées des connoiffeurs
, & je ne doute point que le tems
n'en augmente le prix. Il a fait depuis peu
une fuite de l'Hiftoire Romaine , qui eft
d'une grande beauté . Les Sciences n'y font
pas moins bien cultivées. Outre le Profef
feur en Théologie , il y en a deux en PhiMARS.
1748. 15
Jofophie , un en Mathématiques & un en
Phyfique expérimentale, qui ont beaucoup
de goût , d'efprit & de lumiere , Meffieurs
de la Rive , Calandrin , Cramer & Jallabert
; leurs noms & leurs ouvrages ne font
pas inconnus à Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , dont plufieurs Membres
font en commerce avec eux. M. Vernet
Profeffeur en Hiftoire & aux Belles-
Lettres eft connu par plufieurs ouvrages
très-eftimés. M. Cromelin fon collégue eft
fils d'un pere qui rempliffoit avec diftinction
la Chaire d'Humanités , & qui étoit
en relation avec l'illuftre Rollin qui en faifoit
beaucoup de cas. Le fils n'a point dégénéré
, il joint beaucoup de lumieres à un
génie fin & délicat. Il y a auffi trois Profeffeurs
en Jurifprudence qui enfeignent
avec fuccès le Droit Naturel , le Droit
Civil & le Droit des Nations . J'ai vu
quelquefois M. Pictet , l'un deux , en
qui j'ai trouvé bien de l'efprit & un grand
ufage du monde. L'Ecole de Droit a perdu
depuis peu un Profeffeur d'un grand mérite
, qui eft préfentement Confeiller d'Etat
, & qui a donné au public un Traité de
Droit Naturel qu'on ne fçauroit affés
louer , il fe nomine M. Burlamaqui ; rien
n'égale la clarté de fes idées & fa préci
-fion.
to MERCURE DE FRANCE.
Genéve a produit autrefois de grands
Jurifconfultes . Les Lects & les Godefrois
n'ont rien perdu encore de leur autorité
& de leur répuration .
Comme je ne fuis pas fçavant , j'avois
prefque oublié le Profeffeur en Hébreu ,
neveu de l'illuftre le Clerc , qui eft mort
en Hollande , & fils d'un pere qui a acquis
beaucoup de réputation par fon fçavoir &
par fon Hiftoire de la Médecine . Ce dernier
mot me rappelle que cette fcience , je
parle de celle de la Médecine , n'eft pas ,
il s'en faut de beaucoup , auffi-bien cultivée
à Genève que les autres fciences. Seroit-
ce que le climat y eft fi bon , que l'on
croit pouvoir fe paffer aifément de Médecins
, où que les Genévois qui reffemblent
par quelques endroits aux anciens Romains
, n'ayent , ainfi qu'eux , que très- peu
de foi à la Médecine ? Cependant c'eft
dommage qu'ils ne profitent pas mieux de
la proximité des montagnes qui pourroient
leur fournir une infinité de plantes rares ,
curieufes & utiles. Le célébre M. de Juffieu,
avec lequel je me fuis quelquefois entretenu
far ce fujet , paroiffoit furpris de ce
que les Genévois avoient négligé l'avantage
queleur fournit la fituation de leur ville ,
pour y ériger une Chaire de Botanique &
y dreffer un jardin de plantes , qui feroit
MAR S... 1748.
un livre bien agréable pour ceux quiaiment
l'Hiftoire Naturelle , avec laquelle la Botanique
a bien du rapport.
Il faut que vous me permettiez , Meffieurs,
d'épancher ici mon coeur & de vous
dire ce que je penſe de deux Profeſſeurs ,
l'un en Théologie & l'autre en Hiftoire
Eccléfiaftique. Quelle facilité , quelle abondance
! Mais en même tems quelle éloquen
ce & quelle dignité dans l'un ! Il fe nonme
M. Maurice , & ceux qui le connoiffent
le devineroient avant que je l'euffe
nommé. L'autre eft M. Lullin . L'aimable
homme ! L'honnête homme ! Le bon Citoyen
! Le Théologien éclairé ! Le Prédi
cateur noble & pathétique ! Tous ces titres
lui appartiennent & fe réuniffent pour former
fon caractére. Il montre par l'excellent
ufage qu'il fait des richeffes , qu'elles
font un don du Ciel entre les mains d'un
Chrétien. Madame de Sévigné difoit da
P. Boubours que l'efprit lui fortoit de tous
les côtés. On peut dire avec vérité que tout
refpire la bénéficence & le fentiment chés
M. Lullin.
Ne croyez pas que j'aye épuifé le chapitre
des Hommes de Lettres qu'on trouve
à Genève ; j'en pourrois nommer plufieurs
autres , fi je ne craignois de me trop étendre.
Que ne pourrois -je pas dire d'un ProaS
MERCURE DE FRANCE.
feffeur en Théologie très-judicieux & très
éclairé , petit- fils d'un homme dont le fameux
Burnet , Evêque de Saliſbury , vante
beaucoup le fçavoir & le mérite ? M.
Tronchin , dit-il , eſt un très-bon Prédicateur
l'une des meilleures têtes de Genève. Il
louë fort auffi dans fon voyage d'Italie
M. Alphonfe Turrettin , dont la réputation
est très-étendue & qui la mériteroit
quand il n'auroit fait que fes excellentes
Théfes fur la vérité de la Religion Chrétienne
, dont M. le Profeffeur Vernet a don
né une fort bonne traduction . Je me rappelle
que dans une lettre que l'illuftre M.
de Fontenelle me fit la grace de m'écrire il y
quelques années ; un commerce tel que le
fien me fait trop d'honneur & m'est trop
glorieux pour ne pas m'en parer ici ; il me
parloit avec beaucoup d'éloge de M. Turrettin
, qu'il me chargeoit de faluer , & de
M. Abauzit , dont je trahis ici l'extrême
modeftie , parce que fon fçavoir le trahit
tous les jours & ne fçauroit fe cacher ,
quelques efforts qu'il falfe pour le couvrir.
Il eft vrai que ce fçavant , fi diftingué par
fon efprit , fon goût & fes lumieres , n'eft
pas né à Genève , mais comme toutes les
villes où feuriffent les fciences , peuvent
devenir tour-à- tour la Patrie de l'homme
de lettres , celle - ci eft devenuë la fienne.
MAR S. 1748 . Ig
On ne fçait fice choix fait plus d'honneur
au goût de celui qui l'a fait , qu'à la ville
qu'il a choifie pour fon domicile.
› La Bibliothèque a trop de rapport avec
les fciences pour ne pas en dire un mot.
Elle est belle & bien fournie . On y trouve
une bonne fuite de Médailles & des manufcrits
rares & anciens. Elle s'ouvre tous
les Mardis, & on prête anx gens de Lettres
& aux Citoyens les livres dont ils ont be
foin , en prenant la précaution de les faire
figner , afin que rien ne s'égare. Les Etrangers
qui défirent de la voir , y font bien reçûs
, & ils ne paroiffent gueres moins contens
de la politeffe & des lumieres des Bibliothécaires
, Mrs Baulacre & Jallabert ,
que des chofes curieufes qu'ils ont foin de
leur montrer.
Les Genévois nés avec un génie Républicain
, font incapables de ramper devant
les Titres & les richeſſes ; ils n'ont gueres
que cette forte d'honnêteté , qui découle
d'une bienveillance générale & qui ne
doit rien au caprice ni à l'intérêt.Selon moi ,
cette forte de candeur eft la livrée de la
probité , & tout étranger qui n'eſt pas
trop entêté de fa nobleffe & d'une vaine
grandeur , eft charmé de leur caractére.
Jacob Brito , que l'Auteur des Lettres
Juifves fait parler , ne leur rend pas
à cer
20 MERCURE DE FRANCE.
égard la juftice qui leur eft due , & l'on
voit bien qu'il ne connoiffoit les Genévois
que fur un rapport très- infidéle.
Il n'eft gueres plus exact fur ce qu'il dit
des fortifications de Genéve , qui font
bonnes & régulieres , ouvrage entrepris
après un mûr examen & par de bonnes
raifons , que toutes les railleries du Juifne
font pas capables de détruire . Il est vrai
que ces fortifications ont occafionné quelque
difference de fentiment parmi les Citoyens
, mais je veux bien apprendre à
Jacob Brito , dont je releve ici les bévuës
que l'exemple de la dis ifion des Juifs , qui
caufa la ruine de Jérufalem , a réüni tous les
Citoyens , & qu'ils concourent tous d'une
maniere unanime à finir un ouvrage
déja très-avancé & dont ils connoiffent
aujourd'hui l'importance & l'utilité.
Rien encore n'eft plus faux que la hainė
que facob Brito leur prête pour les Catholiques.
J'ai entendu plufieurs fois des Miniftres
même de Genéve rendre juſtice à
la probité , aux talens & aux connoiffances
de divers Ecrivains de la Communion
Romaine , & les citer avec éloge . Tout
partial qu'eft l'Auteur des Lettres Juifves,
il ne peut s'empêcher d'avouer que les Genévois
ne font aucun changement aux Livres
des Catholiques qui s'impriment ches
4
MARS . 1748. 21
eux , & qu'ils en parlent avec beaucoup de
modération .
Ce Juif ne croit pas que Genéve fubfifte
encore long- tems en République , moi je
penfe tout autrement , & je ne crains point
qu'elle devienne la proye d'aucun de fes
voifins. Les loüables Cantons fes Alliés
ont trop d'intérêt à fa confervation pour
ne pas y contribuer de toutes leurs forces.
Les Savoyards femblent avoir oublié leur
jaloufie , leurs anciens reffentimens , &
s'intéreffer à la profpérité d'un Etat dont
ils tirent eux- mêmes de grands avantages ,
mais ce qui me raffûre le plus , c'eft la protection
déclarée de la France , dont la République
fent bien tout le prix , & dont
elle ne fe rendra jamais indigne, Genéve
n'a donc rien à redouter que d'elle- même ,
mais fon Gouvernement bien affermi &
qui eft établi fur l'équité & fur le bonheur
public , a des fondemens inébranlables
Et périffe à jamais le Citoyen perfide ,
Qui portant fur l'Etat une main parricide ,
Voudroit par fes projets en troubler le repos ;
Et d'un Etat reglé faire un affreux cahos !
22 MERCURE DE FRANCE.
•
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ODE
Tirée du Pleaume 143 : Benedictus
Dominus Deus meus , qui docet.
BEni foit par toute la terre
Le Dieu que reverent les Cieux ,
Qui guidant mon bras dans la guerre ,
Me rend toujours victorieux !
Il fit dès mon adolefcence
Eclater pour moi fa clémence ,
Et contre la haine des Rois
Il fçut me trouver un azile ,
Et rendre fon peuple docile
Et fidéle à fuivre mes loix.
***+
Que fommes - nous , fouverain Etre !
Comment à de foibles humains
Veux-tu bien te faire connoître
Et prendre foin de leurs deftins !
L'homme , ainfi que la fleur & l'herbe ,
Voit faner la tête fuperbe ,
Et promtement paffer les jours.
Seigneur , daigne encore m'entendre ,
MARS. 23 1748 .
Abaiffe les Cieux , viens défendre
Ceux qui reclament ton fecours,
+3x+
Defcends & réduis en fumée
L'orgueil & les cruels deffeins
D'une Nation animée
A verfer le fang de tes Saints ;
Délivre- nous d'un peuple impie ,
Qui comme un torrent en furie ,
Eft prêt d'inonder nos fillons,
Tonne , éclate , lance la foudre
Qu'elle mette leurs chars en poudre ,
Et diflipe leurs bataillons.
**+
Leurs difcours ne font qu'impofture ,
Que menace & que vanité ;
On voit toujours leur droite impure
Se vouer à l'iniquité.
Toi , dont la fageffe profonde
Veille au fort des maîtres du monde ,
Et qui me vengeas d'un géant ;
Prends contre eux en main ma défenſe ,
Je célebrerai la puiffance
Qui tira le Ciel du néant,
**
24 MERCURE DE FRANCE.
Ainfi que de nouvelles plantes ,
Ils ont vû s'élever leurs fils ;
Leurs filles font plus éclatantes
Qu'un Temple enrichi de rubis ;
La vigne , & l'olivier fans ceffe
A combler leurs fouhaits s'empreffe ,
Dans leurs prés & fur leurs côteaux
On voit en tout tems la verdure
Préfenter une ample pâture
A leurs gras & nombreux troupeaux.
Leurs remparts bravent les menaces
De leurs plus vaillans ennemis
Et l'on n'entend jamais leurs places
Retentir de lugubres cris.
Heureux , ont-ils dit , la Patrie
Où le peuple paffe ſa vie ,
Comblé de biens fi précieux !
Leur bonheur n'eft qu'une chimere ;
Heureux ceux dont le coeur révére
Le fouverain Maître des Cieux !
De Sainte Palaye , de Montfort Lamaury.
SEANCE
'MAR S. 1748 .
25
M洗洗洗洗洗洗送送送送洗洗洗洗
SEANCE PUBLIQUE de l'Académie
Royale de Chirurgie , tenue le
Mardi 30 Mai 1747 , à laquelle préfida
M. Puzos, Directeur , pendant la vacance
de la Place de Premier Chirurgien du Roi,
depuis remplie par M. de la Martiniere.
Mmic >
R Hevin , Secretaire de l'Acadépour
les correfpondances , fit
en l'abfence de M. Quefnay , Secretaire
l'ouverture de la féance ; il déclara que
l'Académie dans les differens mémoires
qu'elle avoit reçûs fur la queftion des Médicamens
déterfifs , propofée pour le fujer
du Prix de cette année , n'en ayant trouvé
aucun qui fatisfit pleinement à la queſtion ,
avoit crû devoir réferver le prix & propofer
de nouveau le même fujet pour l'année
& en conféquence il annonça que 1749 ,
le Prix feroit double , c'eft -à-dire que celui
qui donneroit le meilleur mémoire fur
le fujet propofé auroit deux médailles d'or,
chacune de la valeur de 200 livres .
M. Hévin lût enfuite le Programme pour
le Prix de l'année 1748 ; la queſtion propofée
concerne les Remedes defficatifs &
Les cauftiques .
Il fit après les éloges de M. Peyrat ,
B
26 MERCURE DE FRANCE.
Académicien libre & Accoucheur de la
Reine & de Mefdames les Dauphines ; de
M. Granier , Confeiller du Comité perpétuel
de l'Académie , & de M. Graces ,
Docteur en Médecine , l'un des Chirur
giens de l'Hôpital de la Charité de Dublin
en Irlande , & Affocié étranger de l'Académie
, morts tous trois depuis la féance
publique de l'année derniere .
Il annonça pour la prochaine féance
publique l'éloge de M. de la Peyronie
, Ecuyer , Confeiller , Premier Chirurgien
du Roi , Médecin confultant &
par quartier de S. Majefté, Chef de la Chirurgie
du Royaume , Membre des Académies
des Sciences de Paris , de Montpellier,
& c. & Préſident de celle de Chirurgie , le
peu de tems qui s'est écoulé depuis la mort
jufqu'à la féance publique n'ayant pas permis
de raffembler tous les matériaux néceffaires
pour cet ouvrage.
Le premier Mémoire qui fut lû eft celui
de M. Laforeft , concernant une nouvelle
méthode de guérir plufieurs des maladies
du fac lachrymal & de ce qui en dépend
, qui peuvent conduire à la fiftule du
grand angle de l'oeil , & peut être la fiftule
elle-même , lorfqu'elle eft récente ou
qu'elle n'eft pas compliquée d'accidens trop
fâcheux & furtout d'altération aux os par
MARS. 1748 . 27
la carie , car autrement il ne faut pas s'amufer
à des panfemens inutiles & fans fin ;
l'on eft indifpenfablement obligé d'en venir
à la véritable opération , auffi prompte
que certaine , qui confifte à ouvrir le fac ,
percer de fuite un paffage aux larmes &
faire fuppurer l'engorgement.
La route des larmes dans fa plus grande
largeur du côté d'enhaut , comme dans fa
partie la plus étroite qui s'ouvre dans le
nez , peut être attaquée de gonflemens
de differentes efpéces , d'ulcérations intérieures
, d'abfcès , enfin de fiftules , fouvent
annoncés par des indifpofitions d'abord de
peu de conféquence , mais trop négligées
de ceux qui en font attaqués. Ce font ces
premiers tems du mal que M. Laforeft prétend
furtout affujettir à la méthode qu'il
propoſe.
Jufques dans les commencemens de ce
fiécle la meilleure Chirurgie n'avoit pas de
moyen véritablement local pour prévenir
les progrès des légeres maladies intérieures
du fac lachrymal, &c.qui font prefque toujours
la caufe des fuppurations abondantes
& longues dont l'iffue la plus ordinaire eft
par les points lachrymaux ou par le trou
refté après l'abfcès de cette partie.
En 1712 Anel , Chirurgien François ,
éclairé & plein d'ardeur , qui avoit vû les
B ij
28 MERCURE DE FRANCE.
Anatomistes pour leurs démonftrations ,
introduire dans les points lachrymaux des
foyes de porc , imagina de faire paffer par
ces mêmes voyes imperceptibles un filet
affés fin, quoiqu'armé d'un bouton , & même
un fyphon proportionné & adapté à
une petite feringue , pour déboucher & laver
le fac lachrymal & fon conduit , deforte
que la liqueur injectée pouvoit fortir du
côté du nez , ou s'il y avoit trop d'engorgement,
elle rétrogradoit par le point lachrymal
refté libre, en cas qu'il n'y eût pas d'ou
verture étrangere. Le manuel de cette opération
s'exécutoit prefque fans douleur, &
le fuccès étoit communément heureux.
M. Mery , fi connu comme Chirurgien
& pour Anatomifte du premier ordre ( &
ce n'eft qu'à de pareils titres que l'on a
droit de prononcer ) approuva la méthode
d'Anel , qui lui en avoit écrit & auquel il
répondit avec un éloge qu'il ne faut pas
prendre dans un fens abfolu , comme on a
fait dans le Commentaire François de la
Médecine d'Allen ; quand M. Mery dit
dans le tems , qu'il ne fe trouvera aucun Chirurgien
qui puiffe l'imiter dans fa façon d'opérer
; c'étoit un pur compliment mis dans
une lettre particuliere qu'il ne penfoit pas
devoir être imprimée. Mais M. Mery a
fait plus depuis que d'approuver , lui qui
M AR S. 1748 . 29
connoiffoit fi parfaitement cette route délicate
comme tant d'autres ftructures , alla
plus loin & penfa , comme il l'a dit plufieurs
fois de vive voix , qu'il feroit fort
avantageux de porter ces mêmes opérations
d'Anel vers le bas de la route des
larmes par l'intérieur du nez .
On doit donc être redevable à M.
Laforeft d'avoir rempli les premieres vûës
qu'a données M. Mery , de les avoir fait
valoir par des tentatives réiterées , & parvenir
à des opérations encore plus faciles
que celles d'Anel . Il fe fert prefque dés
mêmes inftrumens , dont la forme eft un
peu differente , mais ils n'ont pas beſoin d'être
fi déliés , & c'eft encore un avantage ,
ayant une toute moins étroite à traverſer.
Quelques fondes pleines de differentes
groffeurs & proportionnées au diamétre du
canal , une fonde à aiguille , une fonde
cannelée & une feringue qui eft terminée
par un court fyphon recourbé , garni vers
fon extrêmité d'une faillie en forme de
bourlet ; toutes les fondes font à peu près
courbées en façon d'Algalie ; comme l'on
voit,les injections font pouffées plus abondamment
à la fois , & peuvent fortir rapidement
dans le cadavre par les points lachrymaux
, d'ailleurs le ftilet & la fonde pénétrent
facilement jufques dans le fac & fe
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
"
font fentir extérieurement au toucher ,
même font appercevoir une faillie aux tegumens..
Quoique avec ces motifs de preference ,
ce n'eft pas qu'il faille rejetter l'invention
d'Anel , & M.Laforeft ne paroît pas y donner
atteinte,parce qu'elle peut avoir fes avanta .
ges dans des cas particuliers. 1 °. Lorſque les
petits paffages des points lachrymaux auroient
befoin d'être entretenus libres. 2 °.
Dans celui où la difficulté feroit trop grande
de pénétrer par le bas dans le conduit malade
& en quelque forte obliteré vers fa fin .
On voit par là que les deux méthodes, celle
d'Anel & celle de M. Laforeſt fourniſſent
réciproquement des reffources , & même
plus , qu'elles pourroient peut -être concourir
enfemble à la guérifon d'une même maladic
; ainfi il faut que les deux façons de
traiter foient familieres aux Chirurgiens ;
une repugnance qui ne viendroit que de
l'habitude de l'une des deux les mettroit
quelquefois en défaut . On a cependant
tout lieu d'augurer que la façon de traiter
de bonne heure par le côté du nez , difpenfera
fouvent de tenter cette cure par
points lachrymaux .
les
Il feroit trop long de fuivre M. Laforeſt:
dans tout ce qu'il a examiné & avancé , comme
preuves de l'utilité de fa méthode . On
MARS. 1748. 31
>>
s'arrêtera feulement d'abord à une circonftance
intéreffante à l'égard du manuel de
l'opération , dont la poffibilité eft bien éta-
» blie:Je l'ai prefque toujours exécutée avec
»toute la facilité poffible , cependant j'y
>> ai trouvé des obftacles que l'expérience
» m'a fait furmonter. Les difficultés qui
>> peuvent s'opposer à la parfaite exécution
» de cette opération , viennent , premiere-
» ment des variations qui fe trouvent
» dans la fituation de ce conduit , fecon-
» dement des differens degrés d'altération
qu'il a pû fouffrir , troifiément des pro-
» portions qu'il faut trouver entre ce con-
» duit & la fonde , quatrièmement de la fi-
» tuation de la coquille inférieure du nez ,
» qui eft quelquefois fi baffe qu'il peut
>> arriver que faute d'y faire attention on
paffe par deffus au lieu de paffer par def-
» fous , où fe doit rencontrer l'orifice infé-
» rieur du conduit nazal . «
"
33
"
»
39
Voici enfuite comme M. Laforeft s'explique
fur la façon de fonder. » Il faut
d'abord porter la fonde dans le nez de
» haut en bas , de dedans en dehors , &
» enfuite faire faire un demi tour à l'inf-
> trument > comme quand on fonde la
» veffie c. a. d. de bas en haut & de dehors
>> en dedans , en portant le bout de la
» fonde vers l'arcade que forme la co-
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
» quille inférieure du conduit nazal . On
» connoîtra , ajoute- t'il , que le bout de
» la fonde eft dans ce conduit lorfqu'elle
» n'aura plus de jeu fous la coquille , &
» qu'au contraire elle y fera arrêtée fans
pouvoir vaciller ; pour lors on fera faire
" la baffecule à la tête de la fonde par de
petites fecouffes , jufqu'à ce qu'on re-
» connoiffe l'extrêmité de la fonde vers le
> bord offeux de l'orbite , ou bien aubord
fupérieur du conduit nazal , &c . «
"
39
Quelquefois , felon la remarque de M.
Laforeft , la fonde fe trouve engagée dans
le canal même , enforte que l'on a quelque
peine à la faire paffer jufques dans le fac
où on doit l'appercevoir auffi- tôt à la vûë
ou au toucher.
Mais comme la maladie ou fa caufe eft
ordinairement à l'orifice inférieur du conduit
nazal , il n'eft pas toujours beſoin de
porter la fonde immédiatement dans le
fac , c'eft pourquoi la feringue eft fouvent
fuffifante pour la détruire. A l'égard de la
méthode de feringuer , il faut prendre les
mêmes précautions dans l'introduction de
fon fyphon que pour fonder ; il ne s'agit
donc que d'en placer le petit bec dans
l'entrée de ce conduit & de pouffer l'injection
avec le pifton , toujours avec la
précaution de ne point forcer le fac lachryMARS.
33 1748.
"
mal par une trop grande quantité à la fois ,
qui pourroit lui faire perdre fon reffort .
Comme les maladies de la route des larmes
varient , on juge aifément que l'ufage
des inftrumens doit être different
felon leur fituation & leur état . Aufli
pour montrer la conduite que tient M.
Laforeft voici comme il s'exprime . » Si la
» maladie confifte dans l'obſtruction du
» conduit nazal , je me fers d'abord de la
fonde pleine pour détruire plus facile-
» ment ce qui peut former l'obftruction
» je fais enfuite au moyen de la feringue à
fyphon garni du bourlet on bouton , des
» injections déter fives capables de mondi-
» fier les ulcéres qui fe trouvent dans tous
» les endroits qui ont été obftrués.
» Si la maladie eft dans le fac lachrymal,
» & qu'il foit fimplement ulcéré , fans
» obftruction au conduit nazal , il ne faur
point fe fervir de la fonde ; je me con-
» tente d'y faire quelques injections avec
>> des liqueurs convenables , & par ce
« moyen la maladie céde bientôt fans au-
» tre opération , ce que je prouve par plu
« fieurs obfervations . «<<
Quand cependant le fac eft trop obftrué,
M. Laforeft entend que l'on y porte la
fonde cannelée , que l'on lui faffe même
faire quelques mouvemens , pour rompre
By
34 MERCURE DE FRANCE.
l'engorgement & mettre les parties inté
rieures en état de recevoir l'injection.Il propofe
encore ce qu'il a fait , de laiffer la fonde
pendant quelques jours pour entretenir
ces voyes libres qui pourroient fe refermer.
Une autre opération à faire , felon le
Mémoire , c'eft que s'il y a fiftule en dehors
, & que le conduit nazal ne foit
pas
bien libre , c'eft de paffer un feton de l'ulcére
dans le nez : » Pour le faire , dit M.
» Laforeft , on introduira par l'orifice in-
» férieur du conduit jufques dans le fac la
» fonde à aiguille ; on fera fortir fon ex-
» trêmité percée par l'ulcére , & on y enfi-
» lera un ou plufieurs brins de fil que l'on
» tirera par le nez & en dehors conjointe-
»ment avec la fonde . «
"
M. Laforeft entâme un autre point de
pratique , c'eft à l'égard de l'altération de
l'os unguis qu'il croit foumettre à ſa méthode
, en difpenfant de le percer , pour
faire une nouvelle route aux larmes.
Comme la plupart des Praticiens pourroient
n'être pas du même fentiment , il
ne le donne qu'avec circonfpection . En
effet trop de confiance dans une méthode,
encore recemment projettée , pourroit être
contraire aux vûës louables de progrès &
d'utilité que l'on fe propofe en Chirurgie ;
MARS. 1748.
35
c'eft ce qui fait que l'Auteur attend pour
mieux déterminer à quoi l'on doit s'en
tenir , de plus , nombreufes obfervations
là- deffus , en y joignant furtout celles des
autres Maîtres de l'Art .
R
EPITRE à M. **.
Appellé par tes vers au goût de la morale ;
J'aime les vérités que ta fageffe étale ;
Agité , grace au Ciel , de douces paffions ,
Tes leçons à mes yeux font d'utiles leçons ;
Ta raiſon les puifa dans une fource pure ;
Je reconnois en toi la voix de la nature.
Jeune encor , dans mon coeur fes falutaires mains
Aux germes des vertus ont ouvert les chemins ,
Et du fein des erreurs , dont le torrent m'entraîne,
Je reconnois un maître & l'offenfe avec peine.
Si quelque chofe en moi fe révolte & l'aigrit ,
C'eſt ce corps malheureux & non pas mon efprit :
Sur mon aveuglement en tout tems je l'implore ,
Je le fens , il fuffit ; & par tout je l'adore.
De ton exemple , ami , me faiſant une loi ,
Ainfi je m'étudie à penfer comme toi ;
Sans ceffe je bénis mon Auteur équitable,
Qui voulant me munir d'un fecours favorable ,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Compenfa , dans fes dons prudent diſpenſateur ,
En fageffe d'efprit les défauts de mon coeur .
L'orgueil injufte & vain , & la haine & l'envie ,
La folle impiété , l'obfcure calomnie ,
Qu'a fi bien à mes yeux figurés fon pinceau ,
Sont des monftres par moi vaincus dès le berceau,
Mon efprit revolté qui par goût les déteſte ,
Jamais ne s'infecta de leur poiſon funeſte ,
Et je me trouve enfin fous de plus douces loix ,
Vertueux par devoir , honnête homme par choia.
Ami , les paffions que fans crainte j'écoute ,
Ont des émotions plus tranquilles fans doute ,
Et jamais dans un coeur , j'en excepte l'amour
Aucune ne laiffa de finiftre retour.
J'aime tous les talens , dont l'heureuſe induſtrie
Cherche à multiplier les plaifirs de ma vie ;
L'art de nos Raphaels , l'éloquence , les vers ,
Une vive danfeufe & de fublimes airs ;
Dumefnil déclamant ou le Maure qui chante ,
Rempliffent mon efprit d'un bonheur qui l'en
chante .
Chaque chofe a fon tems , & la fociété
A des droits naturelsfur notre oifiveté.
Malheureux à jamais qui voudroit s'y fouftraire ,
3
Je le fçais & prétends me rendré néceffaire,
Mais d'aller de mes jours partifan de Thémis ,
M'endormir gravement au fein des fleurs de lys ;
MARS. 1748. 3:7
Et l'eſprit affaiffé ſous le poids d'une cauſe ,
Sénateur ignorant , juger la bouche cloſe :
Je ne me fens point propre à ce hardi métier ,
Et fans robe à longs plis puis chés moi fommeil
ler.
Le devoir & l'honneur excitant mon génie,,
Les travaux de Bellone euffent fait mon envie ..
Fontenoy , fur les pas de nos jeunes guerriers ,
M'auroit vu dans fes champs accourir des pre
miers ;
Animé par Louis ,fignaler mon courage ,
Et de la France enfin partager l'avantage.
Dans ces nobles tranfports quelle gloire pour
moi
De vaincre ou de mourir fous les yeux
Roi!
de mon
Pourquoi faut- il , hélas ! qu'une fanté débile
Tienne dans les langueu: s ma valeur inutile "
Et que
par
l'afcendant
de mon
fâcheux
deſtin
,
Ma
mort
ſoit
refervée
à l'art
d'un
Médecin
?
Mais
avant
, cher
ami
, que
ce dur terme
arrive`
,
Et tandis
que fa main
permettra
que
je vive
,
Puis
-je trop
me louer
du fort
officieux
Qui
dans
toi vint
m'offrir
un ami
généreux
,
Dont
l'efprit
façonné
des mains
de la fageſſe
Au folide
fçavoir
joint
la délicateffe
,
Et tantôt
férieux
, & tantôt
amusant
,
7.
18 MERCURE DE FRANCE,
Reveille , éleve , attache & plaît en inſtruiſant?
Cher ami , plût au Ciel , que ton expérience
Eut plutôt éclairé ma vive adolefcence !
'Au choix de ta raifon foumettant mes plaifirs ;
Je n'eufle alors formé que de fages defirs ,
Mais enfin, aujourd'hui que tu daignes m'inftruire ,
Devenu plus prudent en l'art de me conduire ,
Sur le tien je commence à réformer mon coeur ,
Et vais te fuivre en tout,pour trouver le bonheur.
De Saint Jule.
A Madame la Comteffe D *** au premier
jour de l'an.
V
Otre efprit , votre coeur vos talens , vos
appas ,
•
Devroient vous exempter de la loi du trépass
Pour tant de qualités en vous ſeule affemblées ,
Puiffent fur vos vertus fe régler vos années !
Après de longs combats jouiſſez à jamais
De cette heureuſe paix ,
Que de vos paffions vous acquit la victoire ;
Pout tout dire en un mot , & combler mes fou
haits ,
Vivez, Sapho , vivez autant que votre gloire!
Par le même.
MARS. 1748. 39
EDEDEDEDEDESTACARATS:RORD
MEMOIRE hiftorique fur la vie &
les ouvrages de M. Jean Bernoulli , Pro
feffeur de Mathématiques à Bâle ,
Membre des Académies Royales des Sciences
de France , d'Angleterre , de Pruffe
& de Ruffie , &c. mort depuis peu dans
un âge fort avancé.
M
R. Bernoulli ne m'eft connu que
par fes ouvrages ; je leur dois prefque
entierement le peu de progrès que j'ai
fait en Géométrie , & la reconnoiffance
exige de moi l'hommage que je vais rendre
à fa mémoire. N'ayant eu avec lui aucune
espèce de commerce , j'ignore les
détails peu intéreffans de fa vie privée ;
je laiffe done à des chercheurs de dattes
& à des compilateurs de Mémoires le ſoin
de le faire naître & mourir : je commence
fa vie où commence fa réputation , & fon
Hiftoire n'y perdra que peu d'années ; je
dis fon Hiftoire car je la promets encore
plus que fon éloge ; on ne peint point les
hommes quand on les peint fans foibleſſes ;
ôter au vrai mérite quelques taches legéres
, c'eft peut-être lui faire tort , & c'eſt
fûrement en faire à la vérité. Ainfi dans
l'abregé que je vais donner de la vie de
40 MERCURE DE FRANCE.
M. Bernoulli , c'eft-à- dire , de fes travaux ,
l'homme illuftre fe fera fouvent admirer ,
l'homme s'y montrerà quelquefois.
Après avoir annoncé dans une trèsgrande
jeuneffe ce qu'il devoit être un
jour , par une Differtation fur l'effervefcence
& la fermentation qu'il publia &
qu'il foutint en forme de Théfe , il fe fit
connoître aux Géomérres bientôt après par
le fameux problême de la Chaînette , agité
depuis long tems parmi eux , & que le célébre
Galilée avoit effayé de réfoudre ; ce
problême confifte à trouver la courbure
que prend une chaîne , confiderée comme
un fil parfaitement flexible , chargé d'une
infinité de petits poids , & attaché dans
un plan . vertical par fes deux extrémités.
M. Bernoulli détermina cette courbe , &
trouva qu'elle étoit du nombre de celles
que les Geométres ont nommées courbes
méchaniques , c'est- à-dire , qui ne peuvent
être repréfentées par une équation finie ;
il démontra peu de tems après que la courbure
d'une voile enflée par le vent étoit
la même que celle de la chaînette , & réfolut
ainfi deux problèmes très- difficiles
au lieu d'un.
La flexion de la chaîne & de la voile
en chaque point , dépend de la pofition
de chaque petit côté de la courbe ; il fal
MARS. 1748. 41
loit donc trouver une équation ou formule
générale qui déterminât cette pofition
; la Geométrie des infiniment petits
peu connue alors , étoit feule capable d'y
atteindre , mais un inftrument fi néceffaire
eût encore été inutile au grand nombre
; il demandoit une main habile pour
être employé avec fuccès , & d'ailleurs
M. Bernoulli ne devoit en quelque forte
qu'à lui-même l'avantage de le pofféder ,
car il avoit trop contribué par fes travaux
à perfectionner cette Geométrie naiffante,
pour n'être pas mis au nombre de ceux qui
l'avoient créée.
Peu de tems après il réfolut un autre.
problême , dont il avoue qu'il étoit occupé
depuis cinq ans ; c'eft celui du plus court
crépufcule. On fçait que le crépufcule ,
qu'elle qu'en foit la caufe , commence le
matin & finit le foir quand le Soleil eft à
18 degrés au- deffous de l'horifon , c'eſtà-
dire , quand la portion du cercle vertical
comprife entre l'horifon & le Soleil
caché au-deffous , eft un arc de 18 degrés ;
le crépuscule doit donc durer autant de
tems que le Soleil en met à defcendre
de 18 degrés au- deffous de l'horifon . Or
cet aftre ne décrit pas tous les jours le
même cercle par rapport à nous , puifqu'il
eft tantôt plus près de notre Zénith , &
42 MERCURE DE FRANCE.
*
tantôt plus loin ; il eft donc chaque jour
plus ou moins de tems à parcourir ces 18
degrés ; la difficulté confifte à trouver le
jour de l'année où ce tems eft le plus petit
qu'il eft poffible , & M. Bernoulli donne
pour cela une régle fort fimple : mais il ne
nous apprend ni le chemin qu'il a ſuivi
pour y arriver , ni les difficultés qui l'avoient
arrêté i long- tems. Elles étoient
vrai-femblablement les mêmes que M. de
Maupertuis a fçû le premier appercevoir
& refoudre dans fon Aftronomie nautique.
M. Bernoulli publia vers le même tems
une espece de Théfe fur la Logique , que
nous croyons pouvoir propofer comme un
modéle des ouvrages de cette efpece. La
Logique n'y paroît point avec l'appareil
ridicule dont les Philofophes de l'Ecole
l'avoient défigurée. Elle eft réduite à ce
qu'elle contient de vrai & d'utile , c'eſtà-
dire à peu de préceptes, & la plupart font
appuyés par des exemples tirés de la Géométrie
; on peut en effet regarder cette
derniere fcience comme une vraie Logique
pratique , parce que les vérités dont
elle s'occupe , étant les plus fimples & les
plus fenfibles de toutes , font par cette
raifon les plus fufceptibles d'une application
facile & palpable des regles du raifonnement.
MARS. 1748. 43
Cette Théfe fut fuivie d'une Differtation
fur le mouvement des muſcles , que
M. Bernoulli compofa pour recevoir le
Doctorat en Médecine , car il étudioit auffi
cette derniere fcience , & fes Maîtres fe
glorifioient de compter parmi leurs diſciples
un Mathématicien du premier ordre .
Mais l'Anatomifte & le Médecin , qui
étoient chés lui fort fubordonnés au Géométre,
le font auffi dans cette Differtation ,
car il avoit choisi un fujet où il pût faire
briller fa fcience favorite , & l'ouvrage eft
furtout recommandable par l'heureux emploi
que M. Bernoulli fait de la Méchanique
la plus fubtile pour déterminer la courbure
des fibres élaftiques mufculaires , enflées
par le fluide qui les remplit ; fes formules
lui fourniffent une table où l'on
trouve la force néceffaire à un muſcle
foutenir un poids donné.
.
pour
Il continua pendant quelques années à
remplir les Actes de Leipfic de differents
opufcules mathématiques , dignes de leur
Auteur : mais le détail en feroit trop long,
& ceux qui les ont fuivis les ont prefque
fait oublier. Ce furent là , pour ainsi dire ,
les degrés par lefquels il s'éleva en 1697
au fameux problême de la Brachyftochrone
ou ligne de la plus vite defcente. Voici l'énoncé
de ce probléme, tel queM.Bernoulli
44 MERCURE DE FRANCE.
le propofa aux Géométres : Deux points
étant donnés , lefquels foient dans un plan vertical
& ne foient cependant ni dans la même
ligne horisontale , ni dans la même ligne verticale
, trouver une courbe qui paſſe par ces
deux points , & dont la propriété foit telle
qu'un corps pefant defcendant le long de fa
concavité , mettroit moins de tems à la parcon-
-rir qu'il n'en mettroit à parcourir toute autre
ligne droite ou courbe , paffant par les mêmes
points. Galilée qui avoit crû la chaîque
nette étoit une parabole , avoit crû auffi
que la ligne de la plus vite defcente étoit
un cercle , & cet homme immortel par fes
découvertes aftronomiques & méchaniques,
n'avoit pas trouvé dans la Géométrie
de fon tems des fecours fuffifans pour
réfoudre la queftion .
M. Bernoulli , en propofant le probléme,
avoit averti que la ligne droite qu'on pou
voit tirer entre les deux points donnés ,
quoique plus courte qu'aucune autre , n'étoit
pas cependant celle qu'un corps pefant
mettroit le moins de tems à parcourir.
Nous n'entreprendrons point d'en donner
la raifon métaphysique. Ce n'eft
qu'à l'aide d'un calcul très-fubtil qu'on peut
démontrer cette vérité . Tout ce qui eft
fufceptible d'idées préciſes , n'en fouffre
point d'autres préfenter des notions vagues
MARS. 1748. 41
y
pour des démonftrations exactes , c'eſt ſubftituer
de fauffes lueurs à la lumiere , c'eſt
retarder les progrès de l'efprit en voulant
l'éclairer ; l'ignorance croit y gagner , &
les fciences y font une perte réelle. Ce
n'eft pas que la Géométrie n'ait , comme
toutes les autres fciences,une métaphyfique
qui lui eft propre, & néceffaire même pour
faire des découvertes ; un homme qui
avant que de toucher les objets les apperçoit
déja, quoique confufément, a fans doute
beaucoup d'avantage fur un aveugle qui
les rencontre brufquement & par hazard :
mais ce n'eft pas affés d'entrevoir une vérité
géométrique dans l'éloignement , il
faut pour ainfi - dire , nous affurer d'elle en
la reconnoiffant de plus près , & franchir
l'intervalle qui nous en fépare ; or le calcul
eft le feul guide qui puiffe conduire
dans cette route , faire éviter les obftacles
qui s'y rencontrent , ou avertir qu'ils font`
infurmontables. Mais comme ce guide feroit
trop peu familier à la plupart de nos
lecteurs , nous ne pouvons tout au plus
dans la queftion dont il s'agit , que diminuer
le paradoxe & diffiper les fauffes raifons
qui pourroient faire croire que la ligne
droite eft celle de la plus vite defcente.
Si un corps pefant fe mouvoit uniformément
, c'eſt- à dire , s'il parcouroit tou
46 MERCURE DE FRANCE.
jours en tems égaux des efpaces égaux , il
n'eſt pas douteux que la ligne droite étant
la plus courte de toutes , feroit auffi celle
qu'il parcourreroit en moins de tems. Mais
un corps péfant defcend d'un mouvement
accéleré , & le tems qu'il employe à parcourir
une ligne quelconque , eft la fomme
des tems inégaux qu'il met à en parcourir
les differentes parties. S'il fe meut
fur une ligne courbe qui paffe par les deux
points donnés, & qui tombe au-deffous de
la ligne droite tirée par ces deux mêmes
points, on voit au premier coup d'oeilqu'il
doit d'abord defcendre plus verticalement,
& par conféquent avec un mouvement
plus acceleré que s'il décrivoit la ligne
droite . Il n'y a donc rien d'abfurde à
croire qu'il puiffe parcourir la ligne courbe
en moins de tems. Voilà jufqu'où la
Métaphyfique peut nous conduire ; c'eft au
calcul feul à achever le refte & à faire entierement
évanouir le paradoxe , parce que
c'eft à lui feul à déterminer & à comparer
entre eux les deux tems. On trouve par
fon fecours que la Brachytochrone doit
être une portion de cycloïde , courbe trèsfamiliére
aux Géométres. C'eft celle que
décrit le point de la circonference d'un cercle
qui roule fur un plan ,ou pour lui donner
une origine plus connue , c'eft celle
MARS. 1748 . 47
que trace en l'air le clou de la circonference
d'une rouë qui tourne . La cycloïde
a un grand nombre de proprietés très - fin-.
guliéres , & celle d'être la courbe de la
plus vîte deſcente , n'eſt pas une des moins
remarquables .
Il ne fera peut- être pas inutile de donner
une idée de la folution de M. Bernoulli
; nous le ferons même d'autantplus
volontiers , que cette folution finguliere
peut fournir matiere à quelques obfervations
importantes.
La courbe Brachyftochrone doit être
telle , que fi on y prend à volonté une
très-petite portion terminée par deux
points quelconques , cette petite portion
foit parcourue en moins de tems qu'une
autre petite portion de courbe terminée
par les deux mêmes points infiniment proches.
En effet fi cette derniere portion
étoit parcouruë en moins de tems que la
premiere , & qu'on ôtât à la courbe la
premiere portion qu'elle avoit , pour lui
donner l'autre , la courbe dans ce nouvel
état feroit parcourue en moins de temsi
que dans le premier état , & par conféquent
elle ne feroit pas dans fon premier
état la courbe de la plus vite defcente ,
ce qui eft contre la fuppofition. Or la
portion de courbe infiniment petite , dont
48 MERCURE DE FRANCE.
nous parlons , peut être regardée comme
compofée de deux petites lignes droites ,
dont chacune eft parcourue avec une viteſſe
differente , mais uniquement dépendante
de la hauteur d'où le corps eft fuppofé
tomber. Il faut donc trouver la pofition
que doivent avoir ces deux petites
lignes pour être parcourues dans le moins
de tems qu'il eft poffible ; l'équation differentielle
qui détermine cette pofition
eft celle de la cycloïde , & on y parvient
affés facilement.
Mais M. Bernoulli fit plus que de réfoudre
le probléme de la plus vite defcente.
Il prouva qu'il étoit analogue à un
autre tout auffi difficile , c'eſt la recherche
de la courbe que décrit un corpufcule de
lumiere , en traverfant un milieu dont les .
couches fant d'une denfité variable. On
fçait qu'un rayon qui paffe obliquement
d'un milieu dans un autre, ne continuë pas
fon chemin dans la même ligne droite fuivant
laquelle il entre , mais qu'il s'en détourne
en entrant dans le nouveau milieu ,
& s'en détourne d'autant plus que la denfité
du nouveau milieu differe plus de celle
du milieu d'où il fort. Si donc un rayon
de lumiere traverſe un fluide compoſé d'une
infinité de couches , chacune d'une
denfité differente , il doit à chaque inftant
s'écarter
MARS. 1748.
49
s'écarter un peu de fa direction & par conféquent
décrire une courbe . C'eft ce que
font les rayons en pénétrant notre atmofphere
, dont les couches élastiques fe compriment
les unes les autres par leur poids ,
& font par conféquent d'autant plus comprimées
& d'autant plus denfes qu'elles
font plus proches de nous . M. Bernoulli
prouva qu'en fuppofant une certaine loi
dans les denfités de ces couches , la courbe
décrite par le rayon de lumiere devoit être
une cycloïde , comme la courbe de la plus
vîte defcente en étoit une . Il eſt vrai que
dans fa folution il admet un principe contefté
par plufieurs grands Géométres & ha
biles Phyficiens , fçavoir qu'un corpufcule
de lumiere qui va d'un point à un autre ,
placé dans un milieu different, doit y aller
dans le tems le plus court qu'il eft poffible.
M. de Fermat avoit le premier avancé ce
principe , croyant ébranler par des raifons
métaphyfiques l'explication ingénieufe que
Defcartes avoit donnée de la refraction ;
M.Huyghens l'avoit enfuite adopté comme
une conféquence de fon hypothéfe fur la
propagation de la lumiere ; enfin M. Leibnitz
l'avoit foutenu comme favorable à fes
idées fur les caufes finales ; & les atteintes
que plufieurs Philofophes lui ont posté à
differentes repriſes , n'ont pû encore lui
C
50 MERCURE DE FRANCE
faire perdre tous les partifans. Quoiqu'il
en foit, on peut ne le regarder ici que comme
une hypotheſe purement géométrique,
&.la folution ne perdra rien de fon mérite
.
En propofant aux Géometres le problême
de la plus vite defcente , M. Bernoulli
leur avoit donné un certain eſpace de tems
pour le réfoudre. Ce terme qu'il prolongea
étant expiré , on ne vit paroître que
quatre folutions. L'une qui étoit de M.
Newton , fut envoyée fans nom d'Auteur ,
& M. Bernoulli dit que c'étoit un ongle
du Lion qu'il étoit facile de reconnoître ;
les trois autres étoient de M. Jacques Bernoulli
, frere aîné de celui dont nous parlons
, de M. de Leibnitz & de M. le Marquis
de l'Hôpital. Prefque toutes les Nations
fçavantes donnerent chacune un
Athlete, & peut être un cinquième auroitil
été difficile à trouver.
M. Jacques Bernoulli avoit donné à. font
frere les premieres leçons de Géométrie ;
il voyoit fon éleve courir avec lui d'un pas
égal la carriere dans laquelle il l'avoit fait
entrer , & peut -être confervoit- t'il un peu .
trop à fon égard ce ton de fupériorité dont
il eft fi difficile de fe défaire , quand une
fois on l'a pris , mais que la reconnoiffance
même a bien de la peine à fouffrir quandMA'R
S. 1748 .
il eft injufte. Le rival ne vouloit plus être
traité en difciple ; il fembloit harceler ,
quoique légerement , fon ancien maître ,
qui n'étoit pas homme à le fouffrir , & les
queftions fréquentes que M. Jean Bernoulli
propofoit aux Mathématiciens dans
les Actes de Leipfic , étoient des attaques
indirectes qui s'adreffoient à fon aîné. Celui-
ci fe crut enfin affés provoqué pour en
venir à un coup d'éclat ; faifant donc un
dernier effort , il propofa publiquement à
fon frere le fameux problême des Ifoperimetres
, & joignit même à fon cartel la
promeffe d'une certaine fomme. Il falloit
trouver parmi toutes les courbes de même
longueur qui paffent par deux points
donnés , celle qui renferme avec la ligne
droite tirée entre ces deux points , le plus
grand efpace poffible, & celles qui en tournant
autour de cette ligne droite , engendrent
le folide le plus grand , la furface
courbe la plus grande , &c. La queſtion
fut même propofée avec plus de généralité
que nous ne lui en donnons dans cet énoncé.
On n'ignoroit pas que de toutes les figures
Ifoperimetres , c'est-à- dire d'un égal
contour , le cercle eft celle qui renferme
le plus grand efpace , mais voilà tout
ce qu'on fçavoit fur cette matiere ; il reftoit
à trouver par une méthode directe &
Cij
$2 MERCURE DE FRANCE.
analytique ,, que le cercle avoit en effet
cette propriété ; il reftoit à déterminer par
cette même méthode la courbe qui par fa
révolution forme la plus grande furface ,
celle qui donne le plus grand folide , & c.
enfin à trouver une infinité d'autres courbes
fort differentes du cercle. M. Bernoulli
réfolut affés promptement toutes
ces queftions , mais il donna fa folution
fans analyfe. Son adverfaire prétendit que
la folution étoit défectueuſe , & non-feulement
ne fe crut point débiteur de la
fomme , mais s'engagea publiquement à
trois choſes , 1 ° . à deviner au juſte l'analyfe
de fon frere. 2 °. quelle qu'elle fût , à
y faire voir des paralogifmes , fi on la vouloit
publier. 3 °. à donner la folution complette
du problêmes ajoûtant que s'il fe
trouvoit quelqu'un qui s'intéreflât affés à
l'avancement des fciences pour propofer
quelque prix fur chacun de ces points , il
s'engageoit à perdre autant s'il ne s'acquit
toit pas du premier , le double s'il ne réuffiffoit
pas au fecond , & le triple s'il manquoit
au troifiéme . On verra par la fuite de
ce récit qu'il ne rifquoit rien , au moins fur
les deux derniers articles. Cette altercation
produifit de la part des deux freres plufieurs
écrits où l'aigreur femble quelque .
fois prendre la place de l'émulation : mais
MARS . 1748.
53
puifque l'un des deux avoit tort , il falloit
bien que l'un des deux fe fâchât.
y
L'Académie Royale des Sciences de Paris
fut prife pour juge du differend , & c'étoit
l'arbitre le plus refpectable que puffent
choifir les deux rivaux . La folution
de M. Jean Bernoulli fut donc remife en
1701 à l'Académie dans un papier cacheté,
& l'Auteur recommanda qu'il ne fût ouvert
qu'après que fon frere auroit publié
fon analyſe du même problême. Mais il
eut fur cette publication des difficultés qui
durerent plufieurs années ; elles furent terminées
ou plutôt arrêtées par la mort de
M. Bernoulli l'aîné , arrivée le 16 Août
1705 , & le Mémoire de fon frere fut publié
bientôt après parmi ceux de l'Académie
en 1706. Quelque élégante que paroiffe
fa folution , il faut avouer qu'elle
étoit en effet imparfaite à quelques
égards , comme l'Auteur en convint luimême
dans un écrit qu'il publia plufieurs
années après fur cette matiere, & qui contenoit
une nouvelle méthode pour réfoudre
le problême , méthode un peu plus fimple
que celle de M. Jacques Bernoulli
mais d'ailleurs entierement la même quant
aux principes. Cette conformité , jointe à
une rétractation fi long-tems differée , a
été vivement & plus d'une fois reprochée
>
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
à M. Bernoulli ; on l'a ouvertement accu
fé d'une foibleffè dont les plus grands
hommes n'ont pas toujours été exempts.
Mais s'il avoit apperçû fon erreur du vivant
de fon frere , peut- on croire qu'en
1706 , lorfque rien ne l'y obligeoit , il eût
publié cette erreur avec fon ouvrage ? M.
Leibnitz avoit paru approuver la premiere
folution , & une méprife affés fubtile pour
avoir échappé à des yeux fi pénétrans , ne
devoit pas coûter beaucoup à reconnoître,
par un aveu public . Le Géometre
n'y eût rien perdu, & le Philofophe y eût
gagné .
même
Tant de travaux auxquels des Mathéma
ticiens d'une très-grande force auroient à
peine fuffi , n'étoient pas les feuls qui occupaffent
le nôtre . En 1697 il donna dans
les Actes de Leipfic le calcul des quantités
exponentielles , c'eft -à- dire des quantités
conftantes ou variables , élevées à des puiffances
variables . La méthode de differentier
& d'intégrer ces fortes de quantités
étoit jufqu'alors inconnuë , & M. Bernoulli
ajoûta aux nouveaux calculs cette branche
, devenue depuis fi féconde . Les Actes
de Leipfic de cette même année 1697 &
des fuivantes contiennent encore plufieurs
écrits importans , qu'il compofa fur differentes
queftions mathématiques . Parmi ces
MARS 1748% ST
écrits on peut remarquer entre autres fes
recherches fur le folide de la moindre réfif
tance , c'eft-à-dire fa méthode pour trou
ver un folide , qui étant mû dans un flaide
en repos parallelement à fon axe , rencon--
tre moins de réfiſtance que tout autre folide
de même baſe , mû ſuivant la même
direction & avec la même vîteffe . M. New
ton avoit donné la folution de ce problê
me dans fon admirable ouvrage des Principes
Mathématiques , mais fans indiquer la
route qu'il avoit fuivie , & M. Fatio de
Duillier venoit d'en publier une folution
très-embarraffée . Nous remarquerons , à
l'occafion de ce dernier , qu'il fut dans la
fuite un trifte exemple des égaremens dont
les meilleurs efprits font capables. Après
avoir fait en géométrie des progrès confi.
dérables , il fe crut deftiné à de plus gran
des chofes , promit qu'il reffufciteroit des
morts , affembla toute l'Angleterre pour
en être témoin , & ne tint point pa
role.
M. Bernoulli , effrayé des calculs de M:
Fatio, fe mit à chercher par une autre voyo
. le folide de la moindre réfiftance , & il no
fut pas long-tems à le trouver: Les grands
Géométres connoiffent cette efpece de pa
reffe qui préfére la peine de découvrir une
* C iiij
MERCURE DE FRANCE.
vérité , à la contrainte peu agréable de la
fuivre dans l'ouvrage d'autrui ; en général
ils fe lifent peu les uns les autres , & peutêtre
perdroient- ils à lire beaucoup ; une:
tête pleine d'idées empruntées n'a plus de
place pour les fiennes propres , & trop de
lecture peut étouffer le génie au lieu de
Haider.. Si elle eft plus néceffaire dans l'étude
des Belles- Lettres que dans celle de la
Géométrie , la difference de leurs objets &
des qualités qu'elles exigent en eft fans
doute la cauſe . La Géométrie ne veut que
découvrir des vérités , fouvent difficiles à
atteindre , mais faciles à reconnoître dèsqu'on
les a faifies, & elle ne demande pour
cela qu'une jufteffe & une fagacité qui ne
s'acquerent point. Si elle n'arrive pas pré
cifément à fon but , elle le manque entie
rement , mais tout moyen lui eft bon pour
y arriver , & chaque efprit a le fien , qu'il
eft en droit de croire le meilleur ; au contraire
le mérite principal de l'éloquence
& de la poëfie , confifte à exprimer & à
peindre, & ce n'eft pas toujours alles pour
bien exprimer , que de bien fentir , par
ce qu'on exprime pour les autres ce que .
Fon fent pour foi ; pour y réüffir il faut du
choix , & les talens naturels que ce choix
fuppofe néceffairement, ont encore befoin
MARS. 1748 . 57
d'être éclairés parl'étude refléchie des excellens
modéles , & pour ainfi dire guidés par
l'expérience de tous les fiécles. Quand on
a lû une fois un problême de Newton
on a tout ou rien vû , parce que la vérité .
s'y montre nuë & fans réferve , mais quand
on a lû & relû une page de Virgile ou
de Boffuet , y il reste encore cent chofes
à voir.. Un bel efprit qui ne lit point ,
n'a pas moins à craindre de paffer pour un
écrivain ridicule , qu'un Géométre qui lit
trop , de n'être jamais que médiocre.
Pendant que M. Bernoulli foutenoit,
contre fon frere la difpute des Ifoperimétres
, une querelle beaucoup plus férieufe
l'occupoit. Il avoit publié une Differtation
où il prouvoit que les corps dans leur accroiffement
fouffroient une déperdition
continuelle de parties, fucceffivement remplacées
par d'autres. Un grand mérite fait
prefque toujours des ennemis,& notre Géométre
en avoit ; ne pouvant attaquer le fçavant,
ils eurent recours à une reffource affés
ordinaire à l'envie; ils chercherent à rendre
-le Chrétien fufpect. Plus jaloux de fa fapériorité
que des intérêts de la Religion ,
car il n'eft néceffaire d'en avoir pour
la faire fervir de mafque à la haine , ils
prétendirent que l'opinion de M. Bernoulli
étoit dangereufe , contraire au dogpas
Cv
5S MERCURE DE FRANCE.
me de la réfurrection & favorable aux
objections des Sociniens. M. Bernoulli
n'eut pas de peine à montrer le ridicule
d'une imputation fi odieufe , & s'il
traita dans cette occafion fes adverfaires
avec toute la franchiſe Helvétique &
Géométrique , il faut avouer que jamais
l'indignation qu'il leur marqua ne fut
mieux méritée.
' Dans ce même tems il avoit une difpute
moins importante fur le Phoſphore du Barométre
avec quelques Membres de l'Académie
des Sciences de Paris . M.Picard avoit
découvert le premier en 1675 que fon Barométre
fecoué dans l'obfcurité, donnoit de
la lumiere , principalement à fa partie fupérieure.
On tenta la même chofe fur d'au
tres Barométres , mais il s'en trouva trèspeu
qui euffent cette propriété . M. Bernoulli
ayant réiteré l'expérience de differentes
manieres , crût qu'une pellicule qui
fe formoit fur la furface du mercure lorf
qu'il n'étoit pas bien net , & l'air qui pouvoit
refter dans le Barométre , étoient les
caufes qui empêchoient la lumiere , & il
conclut delà que pour qu'un Barométre eût
la proprieté d'être lumineux , il falloit
le mercure fût très - pur , qu'il ne traversât
point l'air quand on le verfoit dans le Barométre
, & que le vuide du haut du tuyau
que
MARS. 1748. 59
fût auffi parfait qu'il pouvoit l'être. L'Académie
ayant reiteré l'expérience fuivant
les vûës de M. Bernoulli , ne trouva ces
conditions ni toutes néceffaires ni toutes
fuffifantes ; elle objecta à l'Auteur quelques
Barométres, dont les uns ne rendoient
point de lumiere , quoique conftruits d'après
fes conditions, & dont les autres conftruits
fans précaution , étoient cependant
lumineux. M. Bernoulli répondoit fur les
premiers , qu'apparemment le mercure
n'en étoit pas encore affés net ni affés purgé
d'air , & fur les autres , que le mercureen
étoit peut-être plus pur qu'on ne l'imaginoit.
M. Hartfoeker , dont le goût pour
la contradiction étoit affés décidé , attaqua
quelques années après par les plus
mauvaiſes raifons le fentiment de M. Bernoulli
, & celui-ci fit foutenir fur ce fujer
en 1719 un Theſe fort mortifiante pour
fon adverfaire , qui de fon côté ne le mé.
nageoit pas. On crût voir renouveller ces
guerres littéraires où les Auteurs du quinziéme
fiécle fe prodiguoient les épithetes
les plus fçavantes & les plus injurieufes , &
apparemment l'Allemagne n'avoit pas encore
perdu cet ufage. Au refte on a lieu de
juger par la lecture d'un mémoire imprimé
dans le Recueil de l'Académie en 1723 ,
que
M. Bernoulli étoit affés bien fondé
C vj
Go MERCURE DE FRANCE.
àfoutenir fon opinion . Les conditions que
nous venons de donner d'après lui
pour le
Phoſphore du Barométre , font à peu près
celles que donne M. Dufay dans ce mémoire
, & qu'il dit avoir apprifes d'un
Vitrier Allemand.
En 1705 M. Bernoulli publia fon excellente
Differtation intitulée , Motus reptorius.
En faifant gliffer des courbes les unes
fur les autres , fuivant une certaine condition
qu'il détermine , il en produit par ce
moyen de nouvelles dont la longueur eft
égale à celle des courbes génératrices.
Le recueil de l'Académie en 1710 &
1711 nous offre deux autres ouvrages ;
dans celui de 1710 il fe propofe de trouver
la courbe que décrit un corps lancé
fuivant une direction quelconque avec une
vîteffe connue , & attiré vers un point fixe
par une force centrale qui agiffe fuivant
une loi quelconque. M. Newton avoit
donné dans fon Livre des Principes la folution
de ce problême ; M. Bernoulli prétendit
qu'elle étoit obfcure & infuffifante,
& on n'eft pas peu furpris quand on voit
que la fienne n'en differe prefque en rien .
M. Newton , felon lui , n'avoit pas fuffifamment
démontré qu'un corps jetté fuivant
une direction connue , & attiré par
une force centrale réciproquement proporMARS.
1748. 61
tionnelle au quarré de la diſtance , devoit
decrire une fection conique. Cependant
il est évident qu'un corps ainfi lancé ne
fçauroit le mouvoir que fuivant une feule
& unique loi , & que par conféquent s'il
peut décrire une certaine courbe , il doit
la décrire en effet . Or M. Newton avoit
déterminé la fection conique fur laquelle
le projectile pouvoit fe mouvoir , il avoit
donc entierement fatisfait à la question ;
ce fut la réponſe des Géométres Anglois
intereffés à la gloire de leur compatriote ,
& uniquement occupés de la défendre.
On fera peut- être furpris , fi on connoît
un peu le coeur humain , qu'ils ne cherchaffent
pas plutôt à la diminuer : mais
n'en faifons pas entierement honneur à›
leur équité ; les hommes , tout injuftes
qu'ils font , ne le font pourtant que jufqu'à
un certain point , & la fupériorité , quand
elle eft extrême , fait pour eux comme une
claffe à part , qu'ils regardent fans envie :
fi les concitoyens de M. Newton n'étoient
pas jaloux de fon mérite , c'eft qu'ils le
voyoient trop au-deffus d'eux. Une inégalité
moins marquée lui eût peut- être fait,
trouver dans fa propre Nation quelques
rivaux plus empreffès d'obfcurcir fes découvertes
que de les faire valoir. En luilaiffant
toute fa réputation , ils avoient du
62 MERCURE DE FRANCE:
moins la reffource de croire la partager
M. Bernoulli prétendit en 1711 avec
plus de fondement que M. Newton étoit
tombé dans quelque mépriſe ſur la meſure
des forces centrales dans les milieux réfiftans
; on faifoit alors en Angleterre une
nouvelle édition de l'ouvrage de ce grand
homme , & il fe corrigea fans répondre.
L'année 1714 vit paroître l'excellent Ef
fai d'une nouvelle théorie de la manoeuvre des
vaiffeaux. La manoeuvre eft principalement
fondée fur les loix de la réfiſtance des fluides
, & ces loix n'étoient encore que peu
connues. M. le Chevalier Renau , dans un
Livre qu'il avoit publié fur cette matiere ,
s'étoit écarté des vrais principes ; auffi le
chemin qu'il fuivoit l'avoit- il conduit à plu
fieurs erreurs, mais ces erreurs étoient affés
délicates pour avoir féduit plufieurs fçavans
Géométres . M. Bernoulli donna dans fon
Effai la vraye théorie de la réfiſtance du
fluide au mouvement du vaiffeau ; fondé
fur cette théorie, il fe déclara ouvertement .
contre celle de M. le Chevalier Renau &
contre les conféquences qu'il en tiroit.
M. Renau répondit à fes objections & s'engagea
par lettres avec lui dans une difpute
très-fçavante , difpute où la fagacité des
deux adverfaires ne fe fit pas moins admirer
que leur politeffe mutuelle. M. Bernoulli.
MARS. 1748. 63
montra dans cette occafion qu'il n'ignoroit
pas les égards qu'il devoit à ceux qui en
avoient pour lui ; mais n'eût-il pas mieux
valu les avoir toujours , & laiffer à fes adverfaires
le trifte avantage de les violer
feuls ?
Cette même année 1714 il publia dans
les Mémoires de l'Académie & dans les
Journaux de-Leipfic fes recherches fur les
centres d'ofcillation. Plufieurs poids étant
attachés à la verge d'un Pendule , confiderée
comme une ligne infléxible, fans péfanteur
& fans maffe , il eſt évident que f
cette verge vient à faire des vibrations , fon
mouvement doit être fort different de celui
qu'elle auroit, n'étant chargée que d'un
feul corps : car les poids placés à differentes
diſtances , tendent à defcendre également
dans le même tems ; or cela ne fe
pourroit faire fans que la verge fe brisât ;
fon inflexibilité exige néceffairement que
les poids les plus éloignés du centre de fufpenfion
décrivent les plus grands arcs , Les
poids feront donc entre eux une espece de
compenfation & de répartition de leurs
mouvemens ; la vîteffe des poids inférieurs
fera plus grande & celle des poids fupérieurs
fera plus petite , que. fi chacun
d'eux étoit feul attaché à la verge. Mais
quelle doit être la loi de cette répartition
& la vîteffe du Pendule compofé qui en
64 MERCURE DE FRANCE.
résultera ? Ou , ce qui revient au même ,
quelle eft la longueur du Pendule fimple
qui feroit fes ofcillations dans le même
tems que le Pendule compofé ? Voilà à
quoi fe réduit la queftion. Le point qui
détermineroit fur la verge la longueur de
ce Pendule fimple eft appellé centre d'ofcillation
du Pendule compofé .
M. Huyghens , fi célebre par fes nombreufes
découvertes, & à qui Newton doit
peut-être autant qu'à Defcartes , avoit trouvele
centre d'ofcillation par une méthode
fort indirecte ; M. Jacques Bernoulli l'avoit
enfuite déterminé par une voye plus
naturelle ; mais difficile , enfin notre Géométre
trouva une méthode fort fimple pour
réfoudre la queftion. Cette méthode confifte
en général à chercher d'abord quelle
devroit être la gravité dans un Pendule
fimple de même longueur que le compofé,
pour que les deux Pendules fiffent leurs
ofcillations dans un tems égal . Enfuite au
lieu de ce Pendule fimple d'une longueur
connue & d'une pefanteur fuppofée , il
fubftitue un Pendule fimple animé par la
gravité naturelle, & détermine aisément la
longueur qu'il doit avoir pour faire fes vibrations
en même-tems que l'autre.
La difpute de M. Leibnitz avec M. Newton
, ou plutôt avec l'Angleterre , fur la
MARS. 1748. 65
découverte du calcul differentiel éclata en
1715 avec beaucoup de violence , & devint
prefque une querelle nationale. On
ne pouvoit ôter à M. Newton l'honneur
de l'invention ; la métaphyfique lumineufe
qui l'avoit conduit à trouver les régles de
ce calcul , l'extrême fécondité dont il avoit
été entre fes mains , enfin des dates an
ciennes & bien conftatées , tout dépofoit
en fa faveur. Quoique fon rival eut le
premier publié la nouvelle analyſe, fa gloire
n'étoit pas fi affurée. On lui reprochoit
le peu de clarté , ou plutôt la faufſeté palpable
de fes principes , dont il paroiffoit fe
méfier lui même , le peu de chemin qu'il
avoit fait dans une route , dont il fembloit
qu'il auroit dû voir l'étenduë immenſe s'il
l'eut ouverte en effet, enfin quelques écrits
de M. Newton dont on le foupçonnoit
d'avoir en connoiffance. Ces préfomptions
formoient contre lui un préjugé peu
avantageux , mais enfin ce n'étoit qu'un
préjugé , & nous n'avons garde de vouloir
prononcer fur une caufe qui partage encore
aujourd'hui tous les Sçavans de l'Europe.
M. Leibnitz offenfé des foupçons
que les Anglois avoient jetté fur fes travaux
, leur propofa comme une efpéce de
défi le problême des trajectoires. Il s'agiffoit
de trouver une courbe qui coupât à
66 MERCURE DE FRANCE.
angles droits ou fous un angle conſtant
une infinité d'autres courbes toutes du
même genre , comme des cercles , des
paraboles , des ellipfes , &c. On croira
fans peine que ce problême ne fut qu'un
jeu pour M. Newton , car plufieurs autres
Geométres Anglois remplirent le défi .
> &
M. Leibnitz étant mott en 1716 , M.
Bernoulli continua la difpute avec l'An-
´gleterre ; il propofa de nouveau aux Sça→
vans de cette Nation le problême des trajectoires
, mais avec des conditions qui le
rendoient beaucoup plus difficile
ceux- ci à leur tour lui en propoferent
d'autres qui ne l'étoient pas moins. On
peut juger par la force des combattans de
la vigueur des coups qu'ils fe portoient .
La fraude même parut un peu s'y mêler ,
car dans le cours de cette difpute M , Keill
ayant propofé à M. Bernoulli un problê
me très- difficile , celui- ci en trouva bientôt
la folution , & fomma en vain fon adverfaire
de montrer la fienne. Il étoit
question de déterminer la courbe décrite
par un projectile , dans un milieu réſiſtant
fuivant une certaine loi qui renfermoit
une infinité de cas , & dont un feul jufqu'alors
avoit été réfolu .
De tous les Geométres Anglois qui parurent
dans la lice en cette occafion, il n'y
MARS. 1748. 67
en avoit point de plus célébre que M.
Taylor , fi connu par fon ouvrage intitulé :
Methodus incrementorum directa & inverfa ,
ouvrage original & très-ingénieux , mais
difficile encore aujourd'hui même pour les
plus habiles. M. Taylor avoit trouvé à peu
près en même tems que M. Bernoulli &
par une methode femblable , la folution
du problême des centres d'ofcillation ; l'un
& l'autre fe contefterent la priorité de
la découverte , & perfonne ne leur en eut
refufé à chacun la propriété. Au refte nous
devons dire à l'honneur de M. Taylor que
dans cette difpute il ne fortit jamais des
bornes littéraires. M. Bernoulli attaqué
pat toute une Nation , jaloux de foutenir
l'honneur de la fienne , & plus occupé du
fond de la difpute que de la forme , n'étoit
pas fi fcrupuleux envers les Geométres
Anglois. Peut- être étoit- il excufable
à l'égard de M. Keill qui avoit en quelque
maniere violé les régles du droit des gens,
& dont les procédés n'étoient pas moins
blamables que les difcours. Pour M. Taylor
, il ne répondit aux injures que par des
plaintes fort modérées aux Journaliſtes de
Leipfic , fur la liberté avec laquelle on
traitoit fa réputation dans leur Journal.
Les differentes piécès de ce procès fe trouvent
dans ce Recueil (année 1715 & fuiv.)
68 MERCURE DE FRANCE.
& elles font infiniment utiles à ceux qui
veulent pénétrer dans les mystéres de la
plus haute Geométrie. Mais pourquoi fontelles
plus d'honneur à l'efprit qu'au coeur
humain ?
On nous demandera fans doute le but
& l'utilité de toutes ces fublimes recherches.
Nous ne répondrons point à cette
queftion par une injure , comme faifoit
Galilée ; nous ne chercherons pas même à
tirer de quelques -uns des problêmes dont
nous avons parlé , des ufages peu fenfibles
& qu'on leur contefteroit peut- être. Mais
la Géométrie n'a- t'elle pas par elle- même
une beauté réelle , indépendante de toute
atilité vraie ou prétenduë ? Quand elle
n'auroit d'autre prérogative que de renfermér
les feules connoiffances certaines accordées
à nos lumieres naturelles , un fi
grand avantage ne la rendroit- il pas digne
de notre étude ? Elle eft pour ainfi dire ,
la mefure la plus précife de notre efprit ,
de fon degré d'étendue , de fagacité , de,
profondeur & de jufteffe. Si elle ne peut
nous donner ces qualités , on conviendra
du moins qu'elle les fortifie , & fournit les
moyens les plus faciles de nous affûrer
nous mêmes , & de faire connoître aux autres
jufqu'à quel point nous les poffédons.
Archimede eft encore plus célébre par fes
MARS 1748 . 69
recherches fur la Parabole & fur les Spirales
, que par fes fpheres mouvantes & fes
bafcules. Defcartes & Newton , dont les
ouvrages n'ont guéres contribué qu'aux
progrès de la raifon , feront l'un & l'autre
immortels , tandis que les inventeurs
des Arts les plus néceffaires font pour
la
plûpart inconnus , parce que c'eft plutôt
le hazard que le genie qui les a guidés.
Un Hiftorien eft loué de travailler à illuf.
trer fa Nation ; quel refpect ne mérite pas
un petit nombre de génies rares qui en
montrant jufqu'où peuvent aller les forces
de l'efprit , ont éclairé l'Univers & fait
honneur à l'humanité ? Il a fallu des fiécles
pour les produire , & on ne peut efperer
de les voir de tems en tems renaître , qu'en
ne traitant point leurs difciples de fainéans
laborieux . Ainfi quand les fpéculations
de la Geométrie tranfcendante ne
feroient & ne pourroient jamais être d'aucun
ufage , ce qu'on eft bien éloigné de
prouver , ces hommes refpectables devroient
les mettre à l'abri du reproche de
frivolité que leur fout tous les jours des
gens oififs , frivoles par état , & incapables
de les apprétier. Si des travaux d'une
utilité matérielle & fenfible étoient la feule
ou la principale meſure du mérite , le laboureur
& le foldat , aujourd'hui victimes
70 MERCURE DE FRANCE.
d'un mépris injufte , devroient recevoir des
honneurs auffi peu mérités. Les talens de
toute efpéce , les noms célébres en tout
genre, feroient oubliés ou profcrits, la barbarie
renaîtroit bientôt, & avec elle tous
les maux qu'elle traîne à ſa ſuite.
En 1724 M. Bernoulli compofa fon
Difcours fur les loix de la communication du
mouvement , à l'occafion du Prix que l'Aca
démie des Sciences de Paris avoit propofé.
Ce difcours , l'un de fes plus beaux ouvra
pour
dans
ges, fut loüé par fes Juges, mais ne fut point couronné
. On trouva
qu'il
ne répondoit
pas préciſement
à la queftion
du Prix ;
l'Académie
demandoit
les loix du choc des corps
durs , & il débutoit
dans fa piéce
par foûtenir
que ces corps ne pouvoient exifter
. Il en donnoit raifon
que
le choc des corps
durs la communication du mouvement
devroit
néceffairement
être
inftantanée
, & qu'ainfi
ces corps devroient
paffer
fubitement
d'un mouvement
quel conque
à un autre,fans paffer
par les degrés
intermédiaires
ce qui eft contraire
au principe
, que tout fe fait dans la nature
par des degrés
infenfibles
. On auroit
pû deman- der à M.Bernoulli
fi dans le choc de deux corps
élastiques
égaux
& femblables
, qui viennent
fe frapper
directement
en fens contraire
avec des vîteffes
égales
, le point
>.
MARS. 1748 . 71
d'attouchement ne perd pas tout d'un coup
fon mouvement , & ne paffe pas fubitement
à l'état de repos, Si cela eft , comme
on ne peut en difconvenir , & fi d'un autre
côté la matiere ne peut être fuppofée actuellement
divifée à l'infini , ce qui eft évident
, le point de contact ne fçauroit perdre
fon mouvement , fans qu'une petite
portion de chaque corps contigue à ce
point ne perde auffi le fien. Voila donc
dans l'hypothèſe abftraite de M. Bernoulli
deux parties de matiere qui paffent fans
gradation du mouvement au repos. Mais
quand l'existence des corps durs feroit
phyfiquement impoffible ce que nous
ne prétendons point décider , il n'eſt
moins certain qu'on peut toujours confidérer
ces corps comme on confidére en
Géométrie des lignes & des furfaces parfaites
, en méchanique des leviers infléxibles
& fans pefanteur , & c'étoit là fans
doute le point de vue de la queftion propofée
.
pas
M. Bernoulli foutenoit dans la même
piéce une autre opinion qui parut auffi
nouvelle , quoiqu'elle eut pour premier
Auteur M. Leibnitz , & qu'elle ait eu depuis
bien des fectateurs . C'étoit la meſure
des forces vives ou des forces des corps en
mouvement, par les produits des malles &
72 MERCURE DE FRANCE.
des quarrés des vîteffes . Pour réduire cette
queftion à l'énoncé le plus fimple , il s'agit
de fçavoir fi la force d'un corps qui a une
certaine vîteffe , devient double ou quadruple
quand fa vîteffe devient double.
Jufqu'à M.Leibnitz , tous les Méchaniciens
avoient crû qu'elle étoit double ; ce grand
Philofophe foutint le premier qu'elle
étoit quadruple , & il le prouvoit par le
raifonnement fuivant . La force d'un corps
ne fe peut mefurer que par les effets , &
par les obftacles qu'elle lui fait vaincre ;
or fi un corps pefant peut monter à quinze
pieds étant jetté. de bas en haut avec une
certaine vîteffe , il doit monter de l'aveu
de tout le monde à 60 pieds étant jetté
avec une vîteffe double. Il fait donc dans
ce dernier cas quatre fois plus d'effet &
furmonte quatre fois plus d'obftacles ; fa
force eft donc quadruple de la premiere.
Cette preuve de M. Leibnitz fut fortifiée
par M. Bernoulli d'un grand nombre
d'autres. Il démontra qu'un corps qui ferme
ou bande un reffort avec une certaine
vîteſſe , peut avec une vîteffe double fermer
tout à la fois , ou fucceffivement , quatre
refforts femblables au premier , neuf
avec une vîtelle triple , &c. Il n'oublia
pas d'infifter fur une vérité très-importante,
découverte par M. Huyghens , fçavoir
que
MARS. 1748.
73
>
que dans le choc des corps élastiques la
fomme des forces vives , c'est- à- dire , des
produits des maffes par les quarrés des vîteffes
, demeure toujours la même ce
qu'on ne peut pas dire de la fomme des
produits des maffes par les vêteffes . Les
partifans des forces vives ont fouvent
fait valoir ce théorême en faveur de leur
opinion , furtout depuis qu'on l'a rendu
beaucoup plus général & d'un ufage
prefque univerfel dans les problêmes de
méchanique. Nous n'entrerons point
ici dans le détail des differens écrits que
la queftion des forces vives a produits . II
femble qu'aujourd'hui les Geométres conviennent
affés unanimement que c'est une
pure queftion de nom , & comment n'en
feroit-ce pas une , pas une , puifque les deux partis.
>
font d'ailleurs entierement d'accord fur
les principes fondamentaux de l'équilibre
& du mouvement ? Dans le mouvement
d'un corps nous ne voyons clairement
que deux chofes , l'efpace parcouru & le
tems employé à le parcourir. Le mot de
force ne nous repréfente qu'un être vague
dont nous n'avons point d'idée nette ,
dont l'exiſtence même n'eft pas trop bien
conftatée , & qu'on ne peut connoître
tour au plus que par fes effets . Tous les
Geométres conviennent entr'eux fur la
D
1
74 MERCURE DE FRANCE.
*
mefure deces effets , & cela doir leur fuffi
re . Nous en fçaurons davantage , quand il
plaira à l'Etre fuprême de nous dévoiler
plus clairement l'effence des corps , & furtout
la maniere de comparer par le calcul
leurs proprietés métaphysiques , peut -être
auffi inapprétiables que nos propres fenfations
.
M. Bernoulli fe vengea de l'infortune
littéraire qu'il avoit eu en 1724 , en remportant
plufieurs années de fuite le prix
de l'Académie Royale des Sciences. Sa
piéce de 1730 fur la maniere d'expliquer
par les tourbillons la forme & les propriétés
des orbites des Planettes , eft remarquable
par les efforts qu'il fait pour défendre
un fyftême que M. Newton croyoit avoir
anéanti . La profonde Geométrie qui
regne dans cet ouvrage , la fupériorité de
l'Auteur fur fes concurrens , & peut-être la
prédilection naturelle à des François pour.
l'hypothèſe qu'il défendoit , lui valurent
le prix , malgré une erreur de calcul qui
fans doute n'avoit pas échappé à la pénétration
de fes Juges.
En 1734 parut l'effai de M. Bernoullifur
la Phyfique célefte. Il tâchoit d'y expliquer
par une hypothèſe nouvelle les principaux
points du fyftême du monde , & furtout la
caufe de l'inclinaifondes orbites des PlaMARS.
1748. 75
nettes que l'Académie avoit propofée. Si
on remarque dans cet ouvrage un grand
nombre de chofes que la faine Phyfique
refuferoit peut-être d'adopter , on doit
d'un autre côté y admirer l'adreffe avec laquelle
l'Auteur fait valoir en fa faveur
tout ce que les reffources d'un genie in
ventif peuvent fournir de féduifant ou de
plaufible ; & le fuffrage de l'Académie ,
fans répondre du fuccès de ce travail, en a
du moins été la récompenfe. Au refte la
queftion qu'il falloit réfoudre étoit du
nombre de celles qui n'admettent aucune
explication dans le fyftême Newtonien ;
M. Bernoulli qui d'ailleurs n'étoit pas
trop favorable à ce fyftême , & qui ne
trouvoit point dans celui de Defcartes une
explication fatisfaifante de ce qu'il cherchoit
, fut obligé d'en imaginer un autre ;
& quelle eft l'hypothèſe qui fatisfait à
tout ?
Voilà les principaux ouvrages d'un
homme dont les Mathématiques conferveront
à jamais le nom. Un écrit beaucoup
plus long que celui- ci n'eut pas fuffi
les indiquer tous ; & ceux que nous avons
omis feroient encore honneur aux plus
grands Geométres .
pour
Bâle étoit fa Patrie : n'envions point à
cette République un Citoyen qu'elle a
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
toujours diftingué , puifque tant de perfonnages
célébres , oubliés de leur nation
pendant leur vie , en ont fait l'honneur
après leur mort..
Il étoit depuis long-tems le premier des
Affociés étrangers de l'Académie Royale
des Sciences de Paris ; fans doute les Croufaz
, les Wolf, les Sloane , les Poleni , &c.
dont les noms célébres ornent cette liſte ,
Le voyoient avec complaifance à côté d'ụn
homme que les Euler , les Bradley , les
Daniel Bernoulli euffent été flattés de
voir à leur tête, Si la mort de M. Bernoulli
laiffe un grand vuide , l'Académie
n'aura que l'embarras du choix pour le
remplir.
Il est rare que les hommes célébres
ayent des enfans qui leur reffemblent. Le
nôtre en a eu plufieurs d'un mérite diftingué
; Nicolas Bernoulli mort fort jeune
Pétersbourg où le Czar l'avoit appellé ,
& où il étoit déja l'un des principaux ornemens
de l'Academie naiffante; Jean Bernoulli
aujourd'hui Profeffeur d'Eloquence
à Bâle , qui a remporté plufieurs prix de
l'Académie Royale des Sciences de Paris ,
& qui auroit été grand Mathématicien ,
s'il n'eût mieux aimé être Orateur ; enfin
Daniel Bernoulli l'aîné & le plus illuftre
de tous , qui foutient par fes
ouvrages le
MARS. 1748.5 77
nom de fon pere . Ses talens fublimes &
connus depuis long-tems brillent furtout
dans fon Hydrodynamique , où il a le premier
appliqué au mouvement des fluides
le principe de la confervation des forces
vives , & déterminé les loix de ce mouvement
par des méthodes fûres & non arbitraires.
Il a partagé avec fon pere le
prix de l'Académie en 1734 , & s'eft montré
digne de lui en l'égalant ; depuis plufieurs
années ce prix eft pour lui une efpéce
de revenu , fortune la plus flateufe
qu'un Sçavant puiffe retirer de fon travail ,
puifqu'il ne la doit qu'à lui feul.
Meffieurs de Maupertuis & Clairaut
célébres Geométres François , ont fait l'un
& l'autre le voyage de Bâle pour profiter
des lumieres de M. Bernoulli ; femblables
à ces anciens Grecs qui alloient chercher
les fciences en Egypte , & revenoient enfuite
les répandre dans leur Patrie avec
leurs propres richeffes. Enfin c'eft à M.
Bernoulli qu'on doit M. Euler , dont le
nom retentit aujourd'hui dans toute l'Europe
& à fi jufte titre la reconnoiffance
de ce grand Geométre pour fon illuftre
Maître égale la profondeur & la fagacité
qu'on admire dans fes ouvrages.
On a publié en 1743 à Laufanne le
recueil de tous les écrits de M. Bernoulli :
D iij
78 MERCURE DE FRANCE .
".
ce recueil précieux , fait avec un foin &
une intelligence qui méritent la reconnoiffance
de tous les Geométres , eft dû à l'un
des plus célébres difciples de l'Auteur , M.
Cramer Profeffeur de Mathématiques à
Genéve , que l'étendue de fes connoiffances
dans la Geométrie , dans la Phyfique &
dans les Belles Lettres rendent digne de
toutes les Societés fçavantes , & dont l'efprit
philofophique & les qualités perfonnelles
relevent encore les talens . Les cellvres
de M. Bernoulli font dédiées au Roi
de Pruffe , & fi elles méritoient de paroître
fous les aufpices d'un Monarque Philofophe
, ofons dire à la gloire des Lettres , &
plus encore à celle du Monarque , qu'il
étoit digne de voir fon nom à la tête de
cet immortel ouvrage.
J. D.
MAR 5.1748. 79
DEDEDEDEDEDEDEDEDEDEDED
PORTRAIT . de M.... à M. L*,
C**. fur deux rimes.
Vous ne demandez mon portrait ' ;
Mon cher ami , je le crayonne ;
Je fuis bien près de mon automne ,
Et je ne fuis ni beau ni laid.
3
J'ai l'ame tendre , douce & bonne ,
Et mon coeur volontiers pardonne
Tout le mal qu'on peut m'avoir fait.
Aux malheurs d'autrui je friffonne ;
Fut- ce l'homme le plus abject ,
Ce n'eft jamais qu'avec regret
Qu'à fon deftin je l'abandonne.
Soit en public , foit en fecret
Le champ d'autrui je ne moiffonne ;
Ai-je formé quelque projet ▸
Avant qu'avancer je tâtonne ,
Pour m'affûrer où le but eft,
Mon coeur que la vertu façonne
Ne s'ouvre point à l'intérêt ;
Au vain éclat d'une Couronne
Je préfére mon cabinet.
Là , fans maître , là fans valet ,
J'exécute ce que j'ordonne ,
Et mon plaifir eft toujours prêt,
de
Diij
So MERCURE DE FRANCE
Racine , Pafcal , Boffuet ,
Suivis de Flore & de Pomone
M'accompagnent dans un bofquet.
Sur la branche un chardoneret ,
Tantôt vôle , & tantôt frédonne ,
Et mêle à l'air que je chanſonne
Les doux accens de fon fiflet.
(
Que Jupiter ou grêle ou tonne,
De mon fort je fuis fatisfait ;
Je tâche d'avoir en effet
Les qualités que je me donne
Mais je fuis loin d'être parfait
Quand je découvre un bel objet ,
Je fens un trouble qui m'étonne
Sur chaque fleur je papillonne ,
Et j'aime à changer de fujet.
L'ennui nâquie du monotone ;
De ce public qui nous blâfonne ,
Le fuffrage eft le feul bienfait
Que depuis quinze ans je mitonne.
Tandis qu'avec lui je jargonne ,
Dupe d'un trop frivole attrait
La mort peut être me talonne ,
M'avertiffant que l'heure fonne:
Sans n'effrayer de cet arrêt ,
Qui tous mes plaifirs empoifonne ,
Je lui dirai , fans quolibet ,
MARS. 1748.1
Je fuis à vous , vieille matrone :
Tenez , emportez mon paquet ,
Je vais fuivre votre perfonne ,
De mes jours tranchez le filet..
Mais j'ai déja fait le trajet ;
Quelle immenſité m'environne !
L'univers fuit & difparoît.
Par tout la vérité rayonne
Et nous impofe le refpect ;
La puiffance foutient fon trône ,
Et l'erreur tremble à ſon aſpect ;
O que le monde m'eſt ſuſpect !
N
Genéve , 7. B. T.
Ous croyons faire plaifir à nos lec
teurs en leur donnant la lettre qui
fuit. Le problême dont elle contient la
folution eft expofé avec les graces d'un
ftyle élégant & facile , & la folution fore
ingénieufe fait autant d'honneur au coeur
de l'Auteur qu'à fon efprit ; il feroit à fouhaiter
pour nous qu'il voulut nous confier
plus fouvent les fruits eftimables de fes
travaux.
!
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. de Paſſe à M*** .
V
Ous m'avez entendu plufieurs fois ,
Monfieur ,me plaindre de la Lotterie
, & je me croyois bien affermi dans la
réfolution de ne plus en courir les rifques.
Cependant j'ai encore fuccombé à la tentation
, & je fuis bien affûré que vous y
auriez fuccombé comme moi , fi vous vous
étiez trouvé dans les mêmes circonftances
; on me fait l'honneur de m'admettre
dans une fociété où l'on tâche de rendreutiles
les amuſemens . Il y a quelque tems
qu'on y propofa de faire une efpéce de
Lotterie , dont les billets indiqueroient
aux intéreffés un fujet qu'ils feroient obligés
de traiter par écrit. Ce projet fut adopté
, & perfonne ne fe crut intéreffé à le
contredire. On compofa auffi - tôt des billets
qui furent tirés au fort , & l'on con-
'vint d'un jour où chacun viendroit rendre
compte de fon travail ; celui qui me tomba
propofoit cette queftion à réfoudre :
**
Lequel feroit préférable de l'état d'un
»homme qui auroit conftamment tous les
jours un rêve de feize heures , pendant
lequel il jouiroit d'un bonheur imaginaire
, & qui éprouveroit un malheur
:
83
MARS. 1748.
réel pendant les huit heures de veille qui
refteroient , ou de celui qui éprouveroit
»le malheur en fonge , dont la durée eft
» toujours fuppofée la même , & qui fe-
» roit heureux pendant la veille . «
Il falloit traiter ce fujet d'une maniere
qui pûr plaire à des perfonnes qui penſent
délicatement , & qui joignent un goût für
à un ſçavoir aimable. Pour le rendre fufceptible
de quelques ornemens , j'ai fuppolé
que les deux états dont il s'agit , s'étoient
réalisés en moi & que je les avois
éprouvés ; cela m'a donné lieu de faire la
peinture d'un bonheur , tteell que l'homme
fage & vertueux le choifiroit , s'il étoit en
fon pouvoir de fe le procurer. J'y ai oppofé
la defcription d'un état , qui pour être
commun n'en eft pas moins malheureux.
La raifon qui m'a déterminé dans la folurion
du problême n'eft pas la feule dont
j'aurois pû l'appuyer , mais la queftion
étoit trop peu intéreffante pour mériter
une plus longue difcuffion de ma part. Je
vous envoye l'ouvrage entier afin que
vous en jugiez par vous-même. Le refpect
que je dois à l'affemblée où il a été lû
m'empêche de lui donner le nom de bagarelle.
A
Je commençois à goûter les douceurs
du repos , lorfque le Dieu du fommeil ,
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
s'ouvrant un paffage au travers des ténébres
, eft defcendu vers moi ; il étoit envi
ronné de nuages fombres & obfcurs ; les
fonges le faivoient & attendoient fes ordres
pour les exécuter raffemblez , leur
dit- il , toutes vos illufions & hâtez- vous
d'en compofer un bonheur chimérique ,
dont vous ferez joüir pendant l'efpace de
feize heures le mortel que vous voyez. Il
dit , & en même tems il fecoue fur moi
un rameau trempé dans les eaux du Lethé ;
aufli-tôt un profond affoupiffement s'enpare
de tous mes membres ; le paffé s'évanouit
à mes yeux , & je me vois placé dans
une fituation que je trouvois délicieufe.
Un bien raifonnable dont je joüiffois
mettoit une jufte proportion entre mes
befoins & les moyens de les fatisfaire.
L'aimable & vertueufe Pulcherie , objet
de toute ma tendreffe , comme j'étois celui
de la fienne , m'étoit unie par des liens
auffi doux que légitimes ; je l'écoutois , je
la confultois , & mes plaifirs partagés avec
elle en devenoient plus touchans ; nous
n'en goûtions aucun de ceux que l'inquiétude
accompagne & que le remords fuit ;
nous ne formions de défirs que ceux que
nous pouvions fatisfaire & nous les fatisfaifons
fans trouble › parce qu'ils étoient
la raifon. Une fociété
tous avoués par
MARS. 1748. 85
agréable où l'on avoit de l'efprit fans fuffilance
, étoit pour nous une fource d'ami
femens toujours variés ; notre table étoit
fervie avec délicateffe , mais fans profu
fion ; nous y faifions regner une honnête
Liberté qui ne dégénéroit jamais en licences
un bon mot , une plaifanterie ingénieufe
n'y étoient point condamnés , mais jamais
on n'y faifoit grace à la fatyre mordante
moins encore à la groffiere équivoque ou
à l'infâme obfcénité ,, nous réduifions les
talens à leur véritable ufage , en les faifant
fervir de délaffement à des occupations
plus férieufes , & en ne leur donnant jamais
pour objet les paffions qui peuvent
corrompre l'innocence ; nos converfations,
fans être trop relevées , n'étoient point
frivoles; quand on en fortoit on avoit Lefprit
fatisfait & le coeur content ; jamais le
vice n'y recevoit d'éloges , & l'on ne manquoit
aucune occafion d'y louer la vertu ;
il étoit févérement défendu d'y parler de
chiens ou d'Actrices d'Opera ; nous n'avions
pas pour demeure un vafte Palais ,
mais une maifon commode où l'utile le
trouvoit joint avec l'agréable :fans être
folitaire , elle étoit éloignée du tumulte ;
les appartemens étoient affés grands pour
qu'on y fût à fon aife , & fi les meubles
n'étoient pas riches , ils avoient une pro86
MERCURE DE FRANCE.
Preté décente ; les jardins dont elle étoit
environnée , offroient une variété d'objets
propres à rejouir la vûë ; les charmes de la
fimple nature n'y étoient point étouffés par
T'art & la fymétrie.
Cet état heureux dont je joüiffois ne
me fembloit point nouveau ; je croyois
qu'il m'étoit naturel , & je n'imaginois pas
qu'il dût être borné dans fa durée , mais
le reveil eft venu détruire tous ces phantômes
, & m'enlever le bonheur chimérique
dont je me repaiflois en fonge . J'ai
paffé fans intervalle de la tranquillité au
trouble & à l'agitation ; mes befoins réels
fe font faits fentir vivement , fans que je
viffe aucun moyen de les fatisfaire ; toujours
gêné , toujours contredit , il falloit
que je fiffe perpétuellement la volonté des
autres & jamais la mienne ; des occupations
, auffi pénibles quelles étoient continuelles
, rempliffoient tous mes momens;
je ne goûtois aucun plaifir qui fût accompagné
de cette joie pure qui en fait toute
la douceur ; fi pour affoiblir l'impreffion
que faifoient fur moi les objets préfens ,
j'en détournois les yeux , pour les porter
fur l'avenir , je n'y découvrois que des
fujets d'amertume & de chagrin ; aux maux
réels que j'éprouvois j'ajoutois encore des
circonftances propres à les aggraver , &
MAR S. 1748 87
j'étois ingénieux à m'en créer d'imaginai
res ; ceux que je craignois faifoient fur
moi de fortes impreffions , & je me fentois
entraîné par des défirs vifs & ardens vers
tout ce qui me préfentoit l'image d'une
félicité , au moins apparente ; je n'avois pas
même un ami à qui je puffe faire part de
mes peines , & de qui je fuffe en droit
d'attendre quelque confolation . Hélas !!
quand on eft malheureux trouve - t'on
des amis conftans ? Quelle difference entre
les deux états dont je viens de faire
la peinture !
Suppofons maintenant que le fonge
qui m'a occupé fi agréablement fe renouvellât
chaque nuit , qu'il fût invariablement
fuivi d'une veille de huit heures qui
feroit éprouver les peines & les afflictions
que j'ai reffenties , on demande fi cet état
mériteroit d'être préféré à celui où les
maux feroient éprouvés avec la même continuité
pendant le fonge , qui eft toujours
fuppofe de feize heures , & où la veille feroit
jouir d'un bonheur , tel que je l'ai déerit
, & qui dans cette hypothéfe auroit
une véritable réalité.
Cette queftion , de quelque maniere
qu'on la décide , ne fçauroit jamais contribuer
à nous rendre plus heureux , puifqu'il
eft impoffible que la fuppofition fur la88
MERCURE DE FRANCE.
quelle elle porte ait lieu dans aucun cas ,
ainfi elle ne renferme aucune forte d'utilité,
& n'eft tout au plus propre qu'à exercer
Pefprit. Cependant puifque je fuis obligé
de faire connoître ce que j'en penfe , je dis
que les biens imaginaires , quelque fortement
qu'ils nous affectent , ne peuvent ni
ne doivent jamais être mis en comparaiſon
avec des biens réels & véritables ; l'ufage
que nous paroiffons faire des premiers ne
s'étend pas au- delà de nos fonges , & perfonne
n'en partage la jouiffance avec nous.
Or le plaifir d'obliger flatte trop agréablement
l'homme raifonnable , pour ne le pas
faire entrer dans l'idée de fon bonheur :
quand on peut faire des heureux on eft
heureux foi-même , ainfi je ne crois pas
qu'il y ait au monde quelqu'un capable de
donner la préférence à un état dont les
avantages ne regarderoient que lui feul ,
pendant qu'il dépendroit de lui de s'en
procurer un autre dans lequel il feroit à
portée de rendre de véritables fervices à
fes femblables.
M -AR S. $9 17482
O DE SACRE'E ,
Tirée du Pleaume , De profundis clamavi.
Dufond de l'affreufe miſere
Ou je me ſuis précipité ,
J'ofe t'adreffer ma priere ,
Grand Dieu , j'implore ta bonté ;
Qu'aux accens de ma voix plaintive
Ton oreille foit attentive..
Vois les maux qui fondent fur moi ,
17
Mais au flambeau de tes vengeances,
Si tu recherches nos offences
Qui fubfiftera devant toi
**
On a vû notre Dieu propice
Faire pour l'homme criminel
Céder les droits de fa juſtice
Aux foins d'un amour paternel ;
Ce n'eft pas en vain que j'efpere
Qu'il défarmera fa colere ;
Ses Oracles m'en font garants ,
Et mon ame avec confiance
Invoquera fon affistance
Contre nos barbares tyrans
go MERCURE DE FRANCE.
Que rempli de reconnoiffance :
Depuis l'Aurore jufqu'au foir
Ifraël dans fa bienveillance
9410
Mette fa joye & fon efpoit. bek
J'admire , Seigneur , ta clémence ,
Quand je médite l'excellence 20
De tes innombrables bienfaits ,
Et bien-tốt encor ta puiflance
Va nous fouftraire à la vengeance.¸D)
Que mériterent nos forfaits. a
De Sainte Palaye de Montfort Lamaury.
LETTRE écrite de Lyon aux Auteurs
du Mercure,
Effieurs , la récompenfe la plus fla-
M teufe qu'on puiffe procurer aux
hommes illuftres dans la République
des
Lettres , c'eft de faire paffer leurs noms à
la poftérité , c'eft une confolation
pour
ceux qui leur font attachés & qui les perdent.
On peut dire que les Lettres même
y font intereffées , & qui peut mieux que
vous , Meffieurs , s'acquitter
de ce foin ?
Dans ces principes & par ces motifs je vous
prie de vouloir bien faire inférer cette lettre
dans le Mercure.
MARS. 1748.91
M. Louis Bordes , Membre de l'Acadé
mie des Beaux-Arts de cette Ville , eft mort
le 23 Novembre dans la quarante- huitiéme
année de fon age ; également capable
de remplir toutes les claffes de cette
Académie , il préféra celle des Méchaniques.
Son génie le portoit naturellement
à l'invention , mais en même-tems convaincu
que plus l'efprit a de force , plus ik
a befoin de frein , il n'avançoit rien qu'il
ne démontrât , qu'il n'exécutât, & fouvent
même de fes propres mains , car il joignoit
à la plus fine théorie des forces mouvanres
une adreffe merveilleuſe , une fagacité
qui le rendoient fupérieur aux ouvriers les
plus experts , enforte qu'il étoit prefque
toujours autant l'artifan l'inventeur
des machines qu'il mettoit au jour. La
mort a furpris cet Académicien au moment
qu'il comptoit faire part au public
de fes recherches ; fa Méthode pour obferver
les hauteurs fur mer, toute oppofée à ce
qui s'y partique , fuffit feule pour donner
une idée de fes talens. Les Méchaniquès ,
loin de le détourner du goût qu'il avoit
pour la Phyfique , l'engagerent à s'y donner
avec encore plus d'ardeur , par les facultés
qu'elles lui préfentoient pour les
expériences de quelque; efpece qu'elles
fuffent. La Nature , foigneufe de cacher
que
2 MERCURE DE FRANCE.
こ
fes fécrets aux autres , en avoit peu pour
fui ; elle fembloit fe complaire à les lui reveler
, auffi fes obfervations étoient-elles
toujours regardées comme des chef- d'oeu
vres de précifion & de fimplicité. Il avoit
dans les matieres les plus épinenfes une
tournure qui lui étoit propre , une netteté
qui les mettoit à la portée de tout le monde
; chacun fe trouvoit fçavant avec lui ,
& lui feul ne fe doutoit pas de l'être. Ses
moeurs afforties à fon efprit en faifoient
à tous égards un de ces hommes rares ,deſtinés
à honorer l'humanité , & auxquels on
ne fçauroit trop donner d'éloges & de
regrets. Il ne laiffe qu'un frere , qui eft de
l'Académie des Belles Lettres de cette vil
le , aufli recommandable dans cette Com
pagnie qu'il l'étoit lui-même dans celle
des Beaux- Arts. J'ai l'honneur d'être , &c.
- Deville , Ingénieur ordinaire du Roi , &
de l'Académie des Beaux- Arts de Lyon.
De Lyon le 18 Décembre 1747 .
MARS. 1748 .
93
On a dû expliquer l'Enigme & les Logryphes
du Mercure de Février par miroir
minois , monnoye , laituë , balance , & maria.
ge. On trouve dans le premier Logogryphe
mi , fi , Minos , foin . Dans le fecond mon
oie , dans le troifiéme lait , tuë , dans le
quatrième bal , lance , ance , & dans le cinquiéme
mari & age,
PRTEREREKEKEZ
J
LOGOGRYPHE,
E fuis un être miférable ,
Qui travaille fans ceffe & que fans cefle accable
La pauvreté qui le pourſuit .
Dans mes cinq premiers pieds des foins où je m'éprouve
Vous trouvez le mince produit ;
Ils rempliffent ce que l'on trouve
Quand on leur joint le pied qui fui? ¿
Ma fin décide de l'uſage ,
Et quoiqu'elle ait fort peu d'efprit
Juge bien fouvent le plus fage,
94 MERCURE DE FRANCE.
AUTRÉ.´´
PRis dans un fens , les gens de Loi ,
Avec raiſon , font très grand cas de moi ;
Moins brillant chés l'Apoticaire ,
J'y fuis chofe fort néceffaire ;
Pris dans un autre fens , je deviens fans pitié ,
Et porte au loin ma premiere moitié.
J.
AUTRE.
'Exifte fur huit pieds, mais c'eſt de telle forte
Que je ne fors jamais à moins qu'on ne me porte.
Ma tête vous préfente un de ces trois jumeaux ,
Qui quoique nés de même mere ,
Quoique du même caractére ,
Ne font pourtant jamais égaux .
Mais mon corps eft bien pis , car fans ceffe il varie;
En plus de vingt façons ce corps fe multiplie ,
Mais s'il paffe dans certains lieux ,
Et que quelque obftacle l'arrête ,
'Alors il y produit un effet très-fâcheux ,
Que l'on exprime en lui joignant ma tête ,
Mais qui n'eft pas fenfible aux yeux .
De mes trois derniers pieds fivous faites ufage ;
En vain à le cacher vous étudierez- vous
Sur ce point l'homme le plus fage
N'eft pas plus difcret que les fous.
•
MARS.
95. 1748.
J
AUTRE.
E fuis la garde tutelaire
De plufieurs Empires divers ;
Mais mes trois derniers pieds ont jadis penfé faire
La ruine de l'Univers .
Mes cinq premiers en France & dans l'Afie
Forment un petit animal ,
Qui de quatre d'entre eux a fouvent grande envie,
Prenez ma tête , elle eft le titre capital
D'un Roi qui loin d'ici regne à ſa fantaiſie .
J'
AUTRE.
E fers au Sexe heureux qui des coeurs eft le
maître ;
Coupez mon dernier pied , je vous ferai connoître
Une certaing façon d'être
D'un végétal qu'en fes antres fecrets
La terre fait germer pour orner nos palais ,
Encor un autre pied de moins , c'eft alors que
j'exprime
1
Ce qu'en ce nouveau corps d'un autre pied privé
A fait fans être feul , un Etre affés fublime ,
Qu'on trouve en me coupant encore un autre pié.
96 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
M
DES BEAUX - ARTS , Jac.
R l'Abbé Raynald vient de donner .
une nouvelle édition de fon Hiftoire
du Stathoudérat , imprimée en 1746 , &
reçûe du public très favorablement.
L'Auteur a donné dans celle-ci un peu plus
d'étendue aux faits , & a confervé tout ce
qui étoit dans la premiere ; fon ftyle eft
brillant & femé de figures . Son Hiftoire
eft une galerie pleine des portraits de tous
les Princes d'Orange , & ces portraits ne
peuvent être l'ouvrage que d'un homme
de beaucoup d'efprit . On doit donner les
mêmes éloges à l'Hiftoire du Parlement
d'Angleterre , que le même Auteur vient
de donner au public, & qui a été reçûë encore
plus favorablement que l'Hiftoire du
Stathoudérat. L'efprit eft prodigué dans
cet ouvrage & brille à chaque ligne,
M. Daran , Chirurgien ordinaire du Roi,
fi connu par fa Méthode de traiter les maladies
de l'Urethre , vient de publier un
Livre intitulé , Obfervations Chirurgicales ,
&c. qui fe vend chés Debure l'aîné . Ces
Obfervations forment l'hiftoire des guérifons
MAR S. 1748 .
97
;
Tons miraculeufes , opérées par la méthode
de M. Daran. Au refte ce ne font point ici
de fimples allégations , ni des témoignages
mandiés dont on puiffe contefter la vérité.
Tout eft appuyé fur des preuves authentiques.
Lorfque M. Daran entreprend une
cure , il fait voir le malade par un Médecin
& un Chirurgien , qui s'affûrent de fa guérifon
lorfqu'il eft forti de fes mains les
certificats donnés après un pareil examen
ne peuvent laiffer aucun doute au pyrrhonifme
le plus obftiné . Combien de gens
ont vû leur vieilleffe empoifonnée par la
douleur , & ont enfin péri miférablement
par ces rétentions d'urine, contre lefquelles
M. D. offre aujourd'hui un fecours fi efficace
; auffi la réputation de M. D. s'eft- elle
établie en fort peu de tems fans contradicteurs
, & l'utilité de fa méthode a triomphé
rapidement du préjugé fouvent fondé
qui s'oppofe au fuccès des nouveautés
dans les chofes de cette nature.
THEORIE des fentinens agréables ,
&c. Paris , 1748 , chés David le jeune.
Toutes nos facultés , foit intellectuelles ,
foit corporelles , nous ont été données par
l'Auteur de la nature pour contribuer à notre
confervation & à notre bonheur.La nature
nous avertit par un fentiment de douleur
de ce qui pourroit nous être nuifible
E
L
98 MERCURE DE FRANCE.
& nous attire par un fentiment agréable
vers ce qui peut favorifer la confervation
de notre être.Ces facultés ne peuvent fe dé
velopper qu'autant qu'on les exerce. L'inaction
eft une espece de néant ; nous ne
joüiffons de notre exiſtence que par les
actes fucceffifs qui en font le réfultat . D'un
autre côté un mouvement trop rapide détruiroit
nos organes foibles & bornés , c'eſt
donc à un exercice modéré de nos facultés
que le Créateur a fagement attaché le plaifir.
L'Auteur partant de ce principe , paffe
en revûë les plaifirs des fens , de l'efprit &
du coeur. Tout ce qui exerce les fens , l'ef
prit ou le coeur , fans les fatiguer , leur ар.
porte du plaifir. Cette feule vérité nous
donnera la raifon de tous les plaifirs & de
toutes les peines. Par ces mêmes raifons
Tes plaifirs de l'efprit font au-deffus de ceux
des fens , parce que l'efprit fouffre, ſans ſe
fatiguer , des mouvemens plus rapides &
plus forts que nos organes , la même raifon
donne aux plaifirs du coeur la fupériorité
fur ceux de l'efprit . C'eft fur ces principes
qu'il faut mefurer le bonheur des
conditions en elles - mêmes , c'eſt-à- dire
en fuppofant que tout homme tirera fagement
parti de fa fituation , & fe prêtera à ce
qui l'environne , fans vouloir fe faire le
Centre de tout , & ne cherchera fon - bon
MARS. $748.
heur que dans lui- même. Les états feront
donc partagés en trois.claffes , fuivant que
les mouvemens du corps , de l'efprit ou du
coeur y dominent ; ainfi un genre de vie
dévoué aux ſciences fera plus heureux que
s'il l'étoit à des travaux méchaniques , ca
1teris paribus. Les fortunes les plus brillanres
& les plus élevées , qui font fi peu d'heu
reux , feroient les plus propres de toutes à
donner le bonheur . Le genre de vie qui
mérite la préférence fur tous les autres étant
celui où les mouvemens agréables du coeur
dominent davantage , & ces mouvemens
étant ceux de la bienveillance , la conditión
la plus défirable eft celle où l'on peut
faire le plus de bien , il n'y a donc point
5 de bonheur égal à celui d'un Souverain
qui rend fon peuple heureux.
L'Auteur finit en concluant de toutes fes
refléxions que la Philofophie morale eft à
la portée de tous ceux qui font capables de
la refléxion la plus légere. En voilà affés
pour donner aux lecteurs l'idée de cet ou
vrage & le défir de le lire . C'eſt un des
meilleurs Traités métaphyfiques qui ayent
été faits depuis long- tems ;il a cet avantage
que la Morale eft ici liée néceffairement à la
Métaphyfique. Le ftyle en eft élégant , facile
& fort clair. L'Auteur a eu foin d'écarter
d'une main habile toutes les épinès
E ij
Too MERCURE DE FRANCE.
dont quelquefois font hériffées les matieres
de cette nature , & le livre peut être entenda
par les gens les moins exercés à ces lectures.
MEMOIRE fur la ville fouterraine découverte
au pied du Mont Véfuve , Paris
1748 , brochure , chés C. Hériffant, Cette
brochure d'environ cinquante pages contient
plufieurs détails fur ce qu'on a trouvé
dans Héracléc , & des remarques fur
ette ville ancienne , fur fa pofition , fur
les édifices dont elle étoit ornée , & c, Comme
nous avons déja abondamment parlé
de cette matiere , que nous en parlerons
peut être encore , nous nous difpenferons
de nous étendre fur cette relation , & nous
nous contenterons de lui donner les éloges
qu'elle mérite.
Guillaume Després & Cavelier propo
fent par foufcription un nouveau Traité de
Diplomatique , où l'on examine les fondemens
de cet art , on établit des regles fur le
difcernement des titres , & l'on expofe hiſtoriquement
les caractéres des Bulles Pontificales ,
& des Diplômes donnés en chaque fiécle, avec
des éclairciffemens fur un nombre confidérable
de points d'Hiftoire , & c. par deux Religieux
Bénédictins de la Congrégation de
S. Maur. 5 volumes in-quarto , enrichis de
notes , ornés de vignettes & d'environ
cent planches en taille- douce,
MAR S.
ΙΟΣ
1748.
Deux volumes paroîtront au commencement
de l'année 1749 , les trois autres
fuivront de près .
On fouferira depuis le premier. Mars
1748 jufqu'au premier Juillet de la même
année. On payera 20 livres en fouſcrivant;
1 livres en recevant les deux premiers vodumes
en feuilles ; 10 livres en recevant le
troifiéme , & 10 livres en recevant le quatriéme.
Ceux qui n'auront pas foufcris
-payeront 15 livres par volume.
On tirera un petit nombre d'exemplaires
en très-beau papier grand raifin ; le prix
fera de So livres pour les Soufcripteurs ,
c'est-à-dire 3 2 livres pour le premier paye
ment, & 16 livres pour chacun des autres.
S'il en refte , le tems des foufcriptions expiré
, ils feront vendus 120 livres en
feuilles.
Les Soufcripteurs qui négligeront de rctirer
leurs exemplaires dans le cours de
l'année de la publication du dernier volu
me , ne feront point reçûs à les répéter.
- LES ORIGINES des Slaves ou Efclavons
, par Jean - Chriftophe de Jordan ,
Confeiller Aulique de la Reine de Hongrie
& de Bohême. Tome premier ou prémiere
partie , contenant une Introduction
aux origines des Efclavons , divifée en 29
chapitres , où il eft question , non-feule-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE .
ment des Efclavons , mais auffi des autres
Nations , dont l'hiftoire peut répandre
quelque jour fur celle des Efclavons , fçavoir
des Bojens , des Illyriens , des Marcomans
, des Quades , des Allemands , des
Vandales , des Goths , des Hérules , des
Ruges , des Scytes , des Huns , des Langobardes
, des Gepides , des Bojariens , des
Thuringiens , des Saxons. On y a joint un
plan général de tout l'ouvrage & trois Index
très-amples , dont l'un eft chronologique
, l'autre géographique & l'autre hiſtorique.
A Vienne , chés Jean - Jacques Janh &
Gregoire Kuriboëk , 1745. in-fol. de 247.
pages . L'ouvrage eft en Latin .
HISTOIRE des hommes ' illuftres de
T'Ordre de S. Dominique , c'eft-à - dire des
Papes , des Cardinaux , des Prélats éminens
en fcience & en fainteté ; des célebres
Docteurs & des autres grands perfonnages
qui ont le plus illuftré cet Ordre depuis
la mort de fon faint Fondateur juſqu'au
Pontificat de Benoît XIII . Ouvrage dédié
à Sa Sainteté par le R. P. A. Touron , Religieux
du même Ordre . Tome IV . in
quario de 791 pages , y compris la Table
des matieres, à Paris , chés Babuty & Quil
lan , pere , 1747 .
ENTRETIENS fur les vérités fondamentales
de la Réligion , pour l'inſtruction
MARS. 1748. 103
des Officiers & gens de mer , par le Pere
Yves Valois , de la Compagnie de Jefus ,
de l'Académie Royale des Belles- Lettres
de la Rochelle , & Profeffeur d'Hydrographie
, premiere partie . A la Rochelle , chés
René-Jacob Defbordes, Imprimeur des Fermes
Générales du Roi , du Collége & de
Ja Ville , au Canton des Flamands , 1747.
Volume in- 12 de 303 pages , fans la Pré-
:face de 26 .
CATALOGUE des Livres , tant imprimés
que manufcrits , que feu M. Eucharius
Gotlieb Rinck , Jurifconfulte , Confeiller
de S. M. Imp. & Premier Anteceffeur de
l'Académie d'Altorff , a raffemblés en tout
genre de fciences , avec la Préface de M.
Adam Frideric Glaffey , Jurifconfulte. On
y a joint un Index très- ample. A Leipfic ,
chés la veuve de B. Cafp. Fritsch , 1747.
Deux volumes in- octavo de 1048 pages ,
fans la Préface & l'Index .
ON PROPOSE à la Haye par foufcription
la nouvelle Edition de l'Hiftoire d'Angleterre
de M. Rapin de Thoyras en 15
volumes in-quarto . Les neuf premiers font
déja imprimés , & l'Edition entiere fera
achevée & en état d'être délivrée aux Soufcripteurs
au mois de Décembre de cette
année 1748 , Le prix de la foufcription eft
de go livres , payables 45 livres en fouf-
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
vant , & 45 livres en retirant les exemplaires.
La foufcription fera ouverte júl.
qu'à la fin du mois d'Avtil , à Paris , chés
la veuve Ganeau , ruë S. Jacques ; le Gras ,
au Palais ; Cavelier , pere , rue S. Jacques ;
Giffart , pere , rue S. Jacques ; Rollin , Quai
des Auguftins ; Quillau , pere, rue Galande ;
David, l'aîné , rue: S. Jacques ; Banche ,
Quai des Auguftins ; Durand , rue S. Jacques
; d'Houry , fils , rue de la Bouclerie ;
a Lyon; chés les Freres Duplain ; H. de
Clauftre , de la Roche. Ceux qui n'auront
pas foufcrit , payeront l'exemplaire à raifon
de 1 20 livres.
LES . DEVOIRS d'un Chrétien envers
Dieu , & les moyens de pouvoir s'en bien
acquitter , à Reims , chés Regnaud Florentin
, Imprimeur du Roi , 1744 , in- 124
TRAITE'S des Criées , ventes des inimeubles
& des offices par décret , principalenient
fuivant l'ufage du Duché de
Bourgogne , avec des obfervations fur les
décrets volontaires , les directions , la vente
judiciaire , la vente des Lettres de Barbiers
& Perruquiers , celle des rentes foncieres
& conftituées , & un Recueil d'Edits
, Déclarations du Roi , Coûtumes ,
Reglemens , Certificats d'uſages & formules
fur cette matiere. Nouvelle Edition revue
, corrigée & confidérablement augMARS.
1748. 105
4
mentée. A Dijon , par M. Jean - Alexis
Thibaut, Procureur au Parlement de Dijon ,
chés François Defventes , Libraire , 1746.
Deux volumes in- quarto.
MEDITATIONS fur la Paffion de
N. S. Jefus-Chrift , par le R. P. Jofeph-
Antoine Dalmas , de la Compagnie de Jefus
, à Toulouse , chés Biroffe , Libraire ,
1747. Deux volumes in- 12 , & à Paris ,
chés Hippolite- Louis Guerin , Libraire ,
ruë S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin .
ON A PUBLIES à Bordeaux deux Dif
fertations , dont la premiere a pour objet
la caufe de l'augmentation de poids que
certaines matieres acquierent dans leur
calcination , qui a remporté le prix au jugement
de l'Académie des Belles - Lettres
Sciences & Arts , par le P. Berant , Jésuite ,
Profeffeur de Mathématiques dans le Collége
de Lyon , la feconde roule fur la méchanique
des fecretions dans le corps humain
, qui a remporté le prix au jugement
de la même Académie , par M. Hamberger,
Profeffeur de Phyfique & de Médecine
dans l'Univerfité de lene , à Bordeaux ,
chés P. le Brun , Imprimeur. Aggregé de
l'Académie , 1747 , in- quart8.Cette derniere
Differtation eft en Latin & en François.
CONTINUATIO Prælectionum Théologicarum
Honorati Tournely , five Traila
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
tus de univerfa Theologia morali. Tomus VII.
continens Tractatus, 1º . de Sacramentis in genere,
2 ° . de Baptifmo. Opus ad Juris Romani
& Gallici normam exactum apud viduam
Raymundi Mazieres , & 7. B. Garnier , Typographos
& Bibliopolas , via Jacobea , 1747,
CHRETIENNES
C
in- octavo.
REFLEXIONS
fur les grandes vérités de la foi , & fur les
principaux myftéres de la Paffion de N. S.
$ 748 , in- 12 , chés le même Libraire.
MOURS & ufages des Turcs ; leur
Religion , leur Gouvernement civil , militaire
& politique , avec un abregé de
l'Hiftoire Ottomane , par M. Guer. Second
volume , à Paris , chés Mérigot & Piget ,
Libraires , Quai des Auguftins , 1747 >
in- 12 .
LE PARFAIT ACCORD des vertus,
ou l'uſage du monde , à Madlle *** ¸à
Paris , chés la veuve de Lormel , & fils
Imprimeurs Libraires , rue du Foin , 1747 ,
in- 12 .
GENEALOGIE de la Maifon de Belloy,
dreffée fur les Titres originaux , fur d'anciennes
montres , acquits ou quittances de
fervices militaires , rôles des Compagnies
des ordonnances , & comptes anciens des
Tréforiers des guerres de nos Rois ; fur
des Manufcrits de la Bibliothèque du Roi
MARS. - 1748. 107
>
& autres ; fur des Arrêts du Confeil d'Etat
du Roi , & des Jugemens d'Intendans
rendus lors de la recherche de la Nobleffe
du Royaume en 1666 & depuis , & fur
divers Auteurs de l'Hiftoire de France , à
Paris , chés Thibouft , Imprimeur du Roi ,
Place de Cambray , 1747 , in-quarto.
>
LE GOÛT & le caprice , Epitre en vers
à Madame du B**. de l'Imprimerie de
Prault , Quai de Gêvres , 1747 , inoctavo.
,
EUVRES de Madame la Marquife de
Lambert , avec un abregé de fa vie . Nouvelle
édition . Tome I. chés la veuve Gȧneau
, 1748 , rue Saint Jacques , in- 12 .
VINCENT Libraire , rue Saint Se
verin mettra inceffamment en vente le
Traité de la ftructure du coeur , par M. Senac,
Médecin Confultant du Roi . Cet ouvrage
fera enrichi d'un grand nombre de Planches
deflinées & gravées avec beaucoup de
foin.
,
JEAN - THOMAS Heriffant , Libraire,
rue Saint Jacques , à S. Paul & à S. Hilaire ,
a mis en vente la Pratique du Sacrement de
Pénitence , ou Méthode pour l'adminiftrer
utilement , imprimé par l'ordre de M. l'E .
vêque de Verdun › par feu Meffire Louis
Habert , Prêtre , Docteur de la Maifon &
Société de Sorbonne. Nouvelle édition
in- 12 , E vj
108, MERCURE DE FRANCE.
PANEGYRIQUES & autres Sermons
prêchés par M. Charand , Prédicateur du
Roi . Deux volumes in- 12 . à Paris , chés
Durand , Libraire , ruë Saint Jacques , au
Griffon .
DISCOURS au Roi , en vers , par
M. de Ladixmerie , à Paris , chés Delaguette,
Libraire rue Saint Jacques , à la Croix
d'or..
LETTRES fur divers points de controverfe,
contenant les principaux motifs
qui ont déterminé S. A. S. M. le Duc Frederic
des Deux Ponts à fe réunir à la Sainte
Eglife, Catholique, Apoftolique & Romaine
. Deux volumes in-12. A Liége ,
chés Everard Kints Imprimeur de S. Em.
& de fes Etats , 1747 .
DELLA ISTORIA Ecclefiaftica def
critta da F. Giuseppe Agostino Orfi dell'
Ordine de Predicatori , Segretario della
facra Congreg. dell' Indice. Tom. duo , inquarto.
A Rome , chés les Pagliani , par
foufcription .
LETTERA all' Illuftriff, e Reverendiſſ.
Signore , Monsignor Borgia , Arcivescovo
di Fermo , xxiv. Gennaio. Cette lettre eft
de M. le Cardinal Querini , à Breffe ,
1747.
AD VIRUM clariffimum Joannem Rudolphum
Kieflingium in Lipfienfi Lycao pur
MARS. 1748.
109
blicum Profefforem Epiftola 4 April . 1747,
par le même.
AD illuftriffimum & Reverendiffimum D.
Bernardum de Franchenberg , Abbatem
Monafterii Defertinenfis , facrique Imperii
Principem Epiftola xxvi . Maj. 1747 , par le
même..
ESSA1 hiftorique & politique fur le
Gouvernement préfent de la Hollande . A
Londres , & fe trouve à Paris , chés Jorry
Quai des Auguftins .
PRECIS de l'Hiftoire Sacrée par demandes
& par réponſes , à Paris , chés Savoye
, rue Saint Jacques .
REFLEXIONS CRITIQUES fur
les Obfervations de M. l'Abbé du Fays fur
l'origine , la puiffance & la valeur des Gaulois
, par M. l'Abbé Armerie , à Paris ,
chés Quillan , pere , ruë Galande.
L'ARITHMETIQUE par les fractions
, contenant des inftructions
pour
mettre en pratique par
pratique par des queftions intéreffantes
les règles générales de cette
Science , foit pour négocier en France ,
foit pour négocier dans les Pays étrangers
tant en changes qu'en marchandiſes , &
qui enfeigne à réfoudre les Problêmes les
plus curieux & les plus difficiles fans le
Lecours de l'Algébre , par M. Chaloffe , à
Paris , chés Claude Hériffant , fils , ruë
110MERCURE DE FRANCE:
neuve Notre-Dame , à la Croix d'or &
aux trois vertus , 1747. Volume in-12 .
Prix 30 fols relić.
LE PETIT Dictionnaire du tems
pour l'intelligence des nouvelles de la
guerre , &c. Troifiéme édition revûë ,
corrigée , ornée de planches en taille douce
, & augmentée confidérablement par
M. l'Amiral. A Paris , chés Bauche , pere,
Libraire , fur le Quai des Auguſtins ,
S. Jean dans le défert : Ph. N. Lottin , &
J. H. Butard , Imprimeurs Libraires , ruë
Saint Jacques , à la Vérité , 1747 › in-
12 .
à
DICTIONNAIRE univerfel , hiſtorique
, chronologique , géographique &
de Jurifprudence , civile , criminelle &
de Police des Maréchauffées de France ,
contenant l'hiftoire des Connétables &
Maréchaux de France depuis le commencement
de la Monarchie , leurs Armes ,
Blafons , &c. & une compilation chronologique
des Ordonnances , Edits &c.
qui concernent les droits & la compétence
, tant de ces Corps que du Siége de la
Connétablie , &c. Tome premier , par
M. C. H. de Bauclas , Ecuyer , Lieutenant
Général de la Connétablie & Maréchauffée
de France , Procureur Général d'un Bureau
des Commiffions Extraordinaires du
,
7
MARS. 1748 TTX
Confeil de Sa Majefté , & Confeiller au
Confeil Souverain de S. A. S. M. le Prince
de Dombes . A Paris , chés la veuve
Ganeau , rue Saint Jacques , Quillan , pere,
ruë Galande , Chaubert , Quai des Auguf
tins , de Nully & Debats, au Palais , Prault,
pere , Quai de Gêvres , Prault , fils , Quar
de Conti , Quillan , fils , & Lameſle , ruc
Saint Jacques .
i
DURAND , Libraire , rue Saint Jacques
, au Griffon , vient de mettre fous
preffe la Callipédie, ou la maniere d'avoir de
beaux enfans , Poëme Latin de Claude
Quillet , avec une Traduction Françoife &
de courtes notes fur quelques endroits qui
ont paru en avoir befoin. 1
Voici un avis que les Sieurs Jean- Baptifte Col
gnard & Antoine Boudet nous ont prié de pu
blier fur une feconde édition des OEuvres de Meffire
Jacques-Benigne Boffuet Evêque de Meaux
en 12 volumes in -4°. qu'ils fe propofent de donner
au public.
Les ouvrages de feu M. Boffuet Evêque de
Meaux font en fi grand nombre , & quelquesuns
font devenus fi rares , que l'impoffibilité de
les raffembler a fait fouhaiter une Collection complette
de tous les écrits de ce fçavant Prélat , l'un
des plus grands ornemens du Clergé de France ,
& l'une des plus grandes lumieres de l'Eglife Univerfelle
.
L'édition annoncée en 1742 , & proposée par
Soufcription , ayant été confommée par les Souf
112 MERCURE DE FRANCE.
cripteurs , nous n'avons pû nous difpenfer d'en en
treprendre une nouvelle . Nous la propofons au
même prix que la premiere , c'eft à - dire , fur le
pied de 9 liv . le volume en feuilles , on peut recevoir
dès - à -préfent les trois premiers volumes en
payant 27 liv . & 9 liv , à compte fur les fuivans qui fe
délivreront par trois volumes , de trois en trois
mois dans le courant de cette année .
Le mérite des ouvrages de M. Boffuet , reconnu
& confirmé par un fi long efpace de tenis ,
les met également au- deffus de la critique & des
éloges , ainfi fans chercher à en faire valoir le recueil
, nous avons crû devoir expofer feulement le
plan & la méthode que l'on y a fuivi . Ayant ob
fervé l'ordre des matieres plutôt que celui des
tems , nous avons commencé par ce que M. Bof
fuet a compofé en Latin fur les Livres facrés.
Le premier volume contient les Pfeaumes les
Livres de Salomon , accompagnés de notes fçavantes
, qui en facilitant l'intelligence de la lettre en
découvrent auffi l'efprit. Ces notes. font le fruit
des Conférences que M. de Meaux tenoit avec les
plus habiles Théologiens de fon tems dans les
heures de loifir que lui laiffoit l'éducation de Monfeigneur
le Dauphin.
Le fecond volume contient ce que le fçavant
Prélat a écrit en François fur quelques Livres de
P'Ecriture Sainte , fçavoir l'Explication du Paffage
de la Prophétie d'Ifaie , Ecce Virgo concipiet . Une
Traduction paraphrafée du Pfeaume XXI . L'Expli
cation de l'Apocalypfe . Deux Inftructions au fujet de
la verfion du Nouveau Teftament imprimé à Tré.
voux. Le Cathéchifme , & les Prieres Eccléfiaftiques
du même Auteur pour Pinftruction des Fidéles de
fon Diocèfe .
Le troifiéme volume renferme le Traité de
MARS. 1748. 113
:
•
1'Expofition de la Foi , l'Hiftoire des Variations des
Eglifes Proteftantes , & la Réponse de M. de
Meaux à M. Bafnage Miniftre de Rotterdam , en
1891 , intitulée Défenfe de l'Hiftoire des Variations
des Eglifes Proteftantes. Ouvrages que l'on regarde
comme le triomphe de la vérité & celui de M.
Boffuet fur l'Héréfie , car quoique le titre de
l'Hiftoire des Variations ne femble annoncer
qu'une narration hiftorique des differens change
mens arrivés dans la doctrine des Proteftans , leurs
Serreurs y font mifes dans un fi grand jour , & elles
y font difcutées avec tant de folidité , que cer
ouvrage eft auffi une réfutation complette du Proteftantifme:
.
Dans le quatriéme volume font les fix Avertiffe
mens aux Proteftans fur les Lettres du Miniftre
Jurieu contre l'Hiftoire des Variations , la Con-
·férence avec M. Claude Miniftre de Charenton , fur
les matieres de l'Eglife , les Réfléxions fur un écrit
de M. Claude , l'Avertisement que M. de Meaux
publia pour répondre à divers ouvrages des Proteftans
, qui tendoient à prouver que differentes
Prophéties , entre autres celle de l'Apocalypfe ,
avoient été accomplies en faveur de la Religion.
prétendue réformée.
La plupart des ouvrages qui compoſent le cinquiéme
volume regardent encore les Proteftans.
Le I. eft un Traité de la Communion fous les deux
efpéces. M. Boffuet le publia pour répondre aux
reproches que les Prétendus Réformés faifoient
à l'Eglife Romaine d'avoir privé les Fidéles de
l'ufage de la Coupe . On trouve enfuite deux Inftructions
Paftorales , par lefquelles il entreprit de
faire voir fur quel fondement J. C. a établi fon
Eglife , & quelles font les promeffes qu'il lui a
faites. Dans le tems des mouvemens que caufa
T16 MERCURE DE FRANCE.
Nous avons terminé ce volume par les Oraifons
fanébres que M. Boffuet a prononcées en differentes
occafions , & par le Difcours qu'il prononça
lorsqu'il fut reçu à l'Académie Françoife.
[ Les neuviéme volume contient les Méd tations
fur l'Evangile que M. de Meaux compofa pour
Pinftruction & l'édification des Religieufes de la
Vifitation de Sainte Marie : Un Difcours fur la vie
·cachée en Dieu : un autre Diſcours fur l'acte d'abandon
en Dieu : dès Frier es pour ſe préparer à la Communion
des Prieres pour fe préparer à la mort : une
Inftruction fur la lecture de l'Ecriture Sainte pour
les Religieufes & les Communautés .
:
7. M. Boffuet dans fon excellent Difcours fur
Hiftoire Univerfelle , avoit établi les fondemens
inébranlables de la Religion , il en avoit démontré
la fainteté & la durée perpétuelle ; mais il crut
encore devoir employer les dernieres années de fa
svie à donner à ces grandes vérités un nouvel éclat
de lumiere , deftiné particulierement à échauffer
le coeur , à y exciter l'amour de la Religion , & le
courage de s'y attacher & de la fuivre. C'eft dans
cette vue qu'il compofa des Elevations à Dieu
fur tous les Myftéres de la Religion : un Traité du
Libre Arbitre de la concupifcence , & enfin un
Traité de la connoiffance de Dieu defoi-même.
Ces ouvrages font la matiere du dixiéme volume.
Les deux Piéces que l'on a placées au commencement
des tomes onze & douze ont pour objet
deux points très-importans. Dans la premiere ,
M. de Meaux traite de la neceffité de l'amour de
Dieu dans le Sacrement de Pénitence. La feconde eſt
une Cenfure que le Clergé de France prononça
folennellement en 1700 , contre un grand nombre
de propofitions fur le Dogme & la Morale.
Les Lettres de piété de direction qui fuivent , ont
MARS. 1748. 117
été écrites par M. Boffuet à une jeune veuve , qui
s'étoit retirée dans une Communauté à la Ferté
fous Jouarre après la mort de fon mari . La réputation
de ce Prélat la détermina à le prier d'être
fon Directeur , & à lui confier les peines & les
fcrupules. On voit enfuite la Lettre à l'Abbeffe &
aux Religieufes de Port Royal au fujet du Formulaire.
Nous terminons enfin ce Recueil par l'Abré
gé de l'Hiftoire de France , ouvrage compofé pour
Tinftruction de Monfeigneur le Dauphin, ou pour
parler peut être plus exactement,par Monfeigneur,
le Dauphinlui- même, il n'avoit point encore paru.
Nous n'avons point imprimé l'ouvrage de
M. Boffuet , intitulé Defenfio declarationis Conventús
Cieri Gallicani anno 1682 de Eccléfiaftica poteftate
, fur l'autorité des Rois & des Souverains
Pontifes , non plus qu'un autre touchant le Livre
des Réflexions Morales fur le Nouveau Teftament.
Ces deux ouvrages ayant été imprimés très correctement
depuis peu à Amfterdam en cinq vo
lumes , & dans la même forme que les douze de
notre impreffion , ç'auroit été en multiplier des
éditions , d'autant plus inutilement que l'on peut
avoir ces cing volumes pour quarante livres en
feuilles.
A VIS.
Quoiqu'on ait déja un grand nombre de verfions
& d'explications des Livres Sacrés en Langue
vulgaire , on peut dire cependant qu'il n'y
en a point qui puiffe encore également fatisfaire
le goûr ou les befoins des perfonnes , qui par devoir
ou par piété font une étude particuliere de la
Bible.
Il est vrai que ceux qui fouhaitent un Commentaire
étendu , trouvent dans celui du R. P.
118 MERCURE DE FRANCE.
Dom Calmet un abregé de tous les meilleurs
Commentateurs , & dans les Differtations de ce
fçavant Auteur une difcuffion exacte des matieres
les plus importantes & les plus difficiles. Il eſt
vrai auffi que pour ceux qui fe contentent d'une
fimple lecture , il y a des Textes accompagnés de
courtes notes. Mais ces differentes compilations ,
ou trop étendues ou trop abregées , ne peuvent
convenir à ceux qui , fans vouloir ou fans être en
état de faire de grandes recherches , défirent toute
fois lire l'Ecriture Sainte avec fruit , & trouver les
difficultés applanies . Une fimple verſion où l'on a
répandu quelques notes peu importantes , ne leur
fuffit pas , & ils font rebutés d'une traduction
chargée d'un Commentaire immenfe . Ce n'eft
donc pas fans raifon qu'on regrette qu'il n'y ait
point encore d'édition de Bible Françoiſe qui
tienne un jufte milieu.
C'eft fur ce plan qn'une perfonne habile a conçû
le deffein d'une nouvelle Bible Latine & Fran-
Coife. Pour le Texte François , on a choifi par
préférence la Traduction du P. de Carrieres Prêtre
de la Congrégation de l'Oratoire , parce que la
paraphrafe qu'il a inferée dans le Texte , y eft ft
heureufement placée , qu'elle préfente une expli
cation naturelle & fuivie qui faifit l'efprit & le
Catisfait.
Le P. de Carrieres dans fa paraphrafe s'eft particulierement
attaché à expliquer les obfcurités du
Texte & à en marquer les liaifons , mais il n'a pû
que très-rarement employer les differences de l'original
, & fi quelquefois il le fait le lecteur n'en
eft point averti , on a donc crû qu'il étoit convenable
de fuppléer par des notes à ce qui manquoit
à cette paraphrafe , pour donner une plus parfaite
connoiffance de la lettre même du Texte Sacré
MARS. 1748. 119
Ces notes font tirées , pour la plus grande partie ,
du Commentaire de Dom Calmet , qu'on regarde
avec juftice comme une ample compilation de
tout ce qu'il y a de meilleur dans les ouvrages
des
Interprêtes & des Critiques de la Sainte Ecriture .
On préfume avec confiance que ce travail paroîtra
également important & utile par l'attention
qu'on a apportée à faire un choix judicieux. Ce
fera fans doute la partie la plus neuve , comme
elle eft peut-être auffi la plus néceffaire . Il n'étoit
pas moins important de fixer la Chronologie , &
c'eft à quoi l'on a eu grand foin de veiller. La
Chronologie d'Ufferius mérite l'eftime qu'elle s'eft
acquife ; c'est celle que l'on a le plus communément
fuivie , mais en quelques endroits où elle paroît
laiffer à défirer plus d'exactitude , on a préferé le
fentiment qui a paru le mieux fondé.
Pour fuppléer à ce qui pourroit encore manquer
à la Paraphrafe & aux notes , on donnera les Differ
tations de Dom Calmet , qui au jugement des meil
leursconnoiffeurs , contiennent une difcuffion exacte
& lumineufe des points les plus difficiles & les plus
importans des Livres Sacrés . Elles feront revues de
nouveau,& placées aux endroits où elles auront un
rapport naturel. Ce fçavant Auteur y en a ajouté
onze nouvelles fur differens fujets , tels que le Paradis
Terreftre , l'Arche de Noé, le Déluge univerfel,
la ruine de Sodome , & autres points curieux ou
intéreflans. On y en a joint quelques -unes de cel
les dont M. l'Abbé de Vence a illuftré l'édition de
la Bible du P. de Carrieres. On effayera de répan,
dre un nouveau jour fur quelques fujets déja traités
par Dom Calmet , tels que le Paffage de la Mer
Rouge . la fucceffion des Souveraips Pontifes Hébreux
, les Septante Semaines de Daniel , & autres
fajets importans fur lefquels on a eu occafion de
(...)
120 MERCURE DE FRANCE.
faire quelques nouvelles obfervations. Pour rendre
la lecture de toutes ces Differtations plus utile ,
on y a joint des Sommaires , qui feront placés à la
marge , & qui exprimant le plan de l'Auteur ferviront
à fixer l'efprit du lecteur , fouvent partagé
& embarrallé par la multitude d'objets qui fe
trouvent raffemblés dans ces piéces d'érudition &
de critique. Pour donner une idée plus diftinéte de
ces Differtations & des fujets intéreffans qui s'y
trouvent traités , on joint au préfent Avis les titres
de ces Differtations felon l'ordre qui leur fera
donné dans cette nouvelle édition .
On réunira dans les Préfaces le fond de celles
de Dom Calmer , du P. de Carrieres & de M.
l'Abbé de Vence. On effayera d'exécuter d'une
maniere plus foutenue le plan que Dom Calmet
s'étoit propofé , de donner dans chaque Préface un
précis du Livre qui en eft l'objet Ce précis quelquefois
plus étendu que celui de Dom Calmet,fera
toujours beaucoup moins chargé que les Sommaires
ou Analyfes de M. l'Abbé de Vence , & formé
prefque de la fimple réunion des Sommaires du
P. de Carrieres, On a confideré que ces fortes de
précis n'occupent pas plus de place qu'une Table
de Sommaires , & font plus utiles au moins
en ce qu'ils forment un difcours fuivi qui ſe
fait lire plus volontiers qu'une Table féche , compofée
ordinairement de mots fans laifons & fans
fuite.
On trouvera dans cette édition un abregé de la
Chronologie Sacrée , contenant les Tables Chro
nologiques de chaque âge du monde , accom
pagnées des principales preuves & des remarques
les plus interesantes. On y joindra une Table
Géographique , une Table particuliere des Textes
Sacrés expliqués dans les Préfaces & Differtations,
enfin
MARS. 1748. 121
enfin une Table générale des matieres contenues
foit dans le Texte Sacré , foit dans les Préfaces &
les Differtations.
·
Cette édition fera auffi enrichie de Planches trèsbien
gravées , qui toutes auront pour objet l'intelligence
du Texte Sacré , & principalement tout
ce qui regarde le Tabernacle , le Temple & fes
divers ornemens. On auroit pû fe contenter d'y
joindre les mêmes Cartes géographiques qui fe
trouvoient dans l'édition du grand Commentaire
de Dom Calmet , mais on nous a fait connoître
qu'elles n'étoient ni fuffifantes , ni affés exactes ,
& comme nous avons extrêmement à coeur de
rendre cet ouvrage utile , nous n'avons pas eu de
peine à nous déterminer à en faire graver de nouvelles
fur de nouveaux deffeins.
Pour réfumer les avantages de cette Bible . Elle
fera compofée : 1º. du Texte Latin de la Vulgate ,
accompagné de la verfion expliquée du P. de
Carrieres , laquelle eft connue & généralement
eftimée ; 2° . du Commentaire de Dom Auguftin
Calmet , réduit en Notes littérales , critiques &
hiftoriques , placées fous les verfets qui en ont
befoin ; 3 ° . d'environ cent vingt Differtations ,
tant du même Auteur que de M. l'Abbé de Vence ,
4°. De Préfaces compofées tant de celles de Dom
Calmet, que de celles du P. de Carrieres & de M.de
Vence ; s . des Planches gravées & des Tables
néceffaires pour rendre l'ufage de cette Bible plus
facile.
L'ouvrage fera divifé en dix volumes in- 40. qui
feront imprimés avec de beaux caractéres & fur
du beau papier.
122 MERCURE DE FRANCE.
Conditions.
On le propofe par foufcription , & pour en faciliter
l'acquifition , on en bornera le prix à 72
livres en feuilles pour ceux qui fouſcriront ; on
confentira même de ne recevoir cette fomme que
par parties. En faisant la premiere avance , il fera
fourni une reconnoiffance fignée des Libraires
portant promeffe de livrer l'ouvrage entier dans
l'efpace de dix-huit mois , à compter du premier
Janvier 1748 aux conditions fuivantes .
On payera en foufcrivant ,
24 lin
En recevant
les trois
premiers
volumes
au mois
de Juillet
1748
, on payera
18 liv.
Lors de la livraifon des trois fuivans qui fe fera
fix mois après , il fera payé 18 liv.
Et enfin en livrant les quatre derniers volumes
on payera le reftant du prix , qui fera 12 liv,
Total 72 liv.
Les Soufcripteurs feront retirer leurs exemplaires
dans les tems ci- deffus fpécifiés. On fe
croit obligé de les avertir d'avance que s'ils négligeoient
de les retirer au plus tard dans le cours
de l'année qui fuivra la publication entiere dudit
livre , leurs avances feront perdues pour eux , &
ils ne feront plus admis à répéter leurs exemplai
xes , condition fans laquelle les avantages dont ils
jouiffent ne leur autoient pas été propolés . Ils rentreront
de plein droit dans l'ordre des non Soulcripteurs
, qui payeront ledit livre la fomme de
cent livres en feuilles.
MAR.S. 1748 . 123
TITRES des Differtations , felon l'ordre
dans lequel elles feront placées dans les dix
volumes de cette Bible.
D
TOME PREMIER.
Iffertation fur l'Inſpiration des Livres Sacrés.
( La Differtation que l'on donne fous ce titre ,
eft de M. l'Abbé de Vence. )
Sur la canonicité des Livres Sacrés . ( Cette
Diflertation eft auffi de M. l'Abbé de Vence. )
Sur la Verfion des Septante .
Sur la Verfion Vulgate .
Sur l'Histoire des Hébreux , où l'on fait voir
l'excellence de cette Hiftoire fur celles de toutes
les autres nations.
Remarques fur la Chronologie , c'eft à-dire,
fur les années , les mois , les jours & les heures des
Chaldéens , des Egyptiens , des Grecs , des Romains
& des Hébreux..
Préface fur le Pentateuque.
Préface fur la Genèfe . ( On a donnéplus d'étendue
à cette Préface , quife trouvoit jointe à celle du
Pentateuque ; on y difcute la difference qui fe trouve
entre le calcul de l'Hébreu le calcul de la
Verfion des Septante , pour la durée des deux premiers
âges du monde. )
Differtation fur le Paradis terreftre. ( C'est une
des Differtations nouvelles . )
Sur le Patriarche Henoch.
Sur les Géans.
Sur l'Arche de Noé.
Sur l'univerfalité du Déluge .
(Cette Differtation
les. )
la précédente font nouvel-
( On placera ici quelques Obſervations fur le
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
1
Caïnan , fils d'Arphaxad & pere de Salé , felon la
Verfion des Septante , & felon l'Evangile de Saint
Luc )
Sur la Tour de Babel.
Sur la premiere Langue , & fur la confufion arrivée
à Babel .
Sur Melchifedech .
Spr l'origine & l'antiquité de la Circoncifion.
Sur la ruine de Sodome & de Gomorrhe , & fur
la Métamorphofe de la femme de Loth. ( Differtation
nouvelle , )
Sur l'antiquité de la Monnoye frappée au coin.
Préface fur l'Exode .
Differtation fur les Miracles.
Sur le paffage de la Mer Rouge.
( Cette Differtation a été travaillée de nouveau.
On y a fait ufage des nouvelles Obfervations du P.
Sicard Jefuite , Miffionnaire au grand Caire )
Sur la Manne. ( C'est une des Differtations nouvelles.
)
ΤΟ ΜΕ I I.
Préface fur le Lévitique.
Diflertation fur la Lépre.
Sur Moloch , Béelphegor & Chamos.
(Ce font deux Differtations que l'on a réunies. )
Préface fur les Nombres .
Differtation fur la Police des Hébreux , & en
particulier fur le Sanhedrin.
Sur les Supplices dont il eft parlé dans l'Ecriture.
Préface fur le Deuteronome , où fe trouve une
Concordance abrégée des Loix de Moyfe.
Differtation fur le Divorce.
Sur la mort & la fépulture de Moyfe.
Où l'on examine fi les anciens Législateurs &
Philofophes ont puifé dans l'Ecriture leur Loix &
leur Morale.
MAR S.
125 1748 .
Préface fur le Livre de Jofué .
Differtation fur la pluie de pierres qui tomba
fur les Chananéens.
Sur le retardement du Soleil & de la Lune au
commandement de Jofué.
Sur le pays ou fe fauverent les Chananéens
chaffés par Jofué.
Remarques fur la Carte Géographique de la
Terre promife.
TOME II.
Préface fur le Livre des Juges ( On y a ajoûté ›
quelques obfervations fur la Chronologie du quatriéma
age du Monde , depuis la fortie d'Egyptejufqu'à la
fondation du Temple. )
Differtation fur les Divinités Phéniciennes ou
Chananéennes.
Sur les demeures des anciens Hébreux .
Sur le Vau de Jephté .
Préface fur le Livre de Ruth . ( On y répond à la
critique de M. l'Abbé de Vence fur un article de la
Préface de Dom Calmet touchant la Généalogie de
David.
Préface fur les deux premiers Livres des Rois .
Differtation fur l'origine des Philiftins & fur
leurs Divinités .
Sur l'apparition de Samuel à Saül.
Sur les Officiers de la Cour & des Armées des
Rois Hébreux .
Sur la Milice des Hébreux.
Préface fur les deux derniers Livres des Rois.
Differtation fur les Temples des Anciens .
Sur le pays d'Ophir,
Sur le falut du Roi Salomon.
Sur la priere que Naaman fait à Elifée touchant
l'action de fe profterner , en foutenant le bras du
Roi fon maître dans le Temple de Remmon . ( On
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
y a ajouté quelques obfervations fur le même sujet. )
Sur le pays où les dix Tribus d'Ifraël furent
tranfportées, & fur celui où elles font aujourd'hui.
Sur la défaite de l'armée $ de Sennacherib.
Sur la rétrogradation de l'ombre du Soleil fur
l'horloge d'Achaz.
TOME IV.
Préface fur les deux Livres des Paralipoménes .
Differtation fur l'ordre & la fucceffion des
Grands- Prêtres des Juifs . ( Cette Differtation eft travaillée
de nouveau , & l'on y joint unSupplément où
l'on examine les difficultés qui fe rencontrent dans l'Ecriture,
particulierement au premier Livre des Pa
ralipoménes . chap. VI. touchant la Généalogie de la
Famille de Lévi. )
•
Sur les richeffes que David laiffa à Salomon.
Préface fur le Livre d'Efdras.
Differtation fur Efdras & fur les ouvrages
qu'on lui attribuë . ( C'est une des Differtations de
M. de Vence. )
Supplément à la Differtation fur.Efdras , où l'on
examine fi Efdras a changé les anciens caractéres
Hébreux pour leur fubftituer les lettres Chaldéennes.
(C'est une Differtation de Dom Calmet , qui fervira
ainfi de fupplément à celle de M. l'Abbé de
Venie. )
Préface fur le Livre de Néhémie , qui eft le ſecond
d'Efdras.
Differtation fur le retour des dix Tribus .
Préface fur le Livre de Tobie.
Differtation fur le Démon Afmodée..
Préface fur le Livre de Judith. ( On examine
dans cette Préface & dans une Differtation particu
liere le tems de l'hiftoire de Judith , pour montrer
comment on peut lever les contradictions que l'on a
reprochées à Dom Calmet fur ce point. ) ·
MARS . 1748 . 127
Préface fur le Livre d'Efther. ( On examine dans
tette Préface quel est l'Affuerus époux d'Efther ; on
répond aux objections & aux argumens de M. l'Abbe
de Vence; qui s'éloignant de l'opinion commune
fuivie par Dom Calmet , prétend que cet Affuerus
n'eft point Darius fils d'Hyftafpe , mais Artaxerxès
Longue-main. )
TOME V.
Préface fur le Livre de Job.
Differtation fur la maladie de Job.
Sur le Texte du Chap . XXIX. V. 18. Sicut palma
multiplicabo dies.
Préface fur le Livre des Pfeaumes.
Differtation fur le Texte & les anciennes Verfions
des Pleaumes .
Sur les Titres des Pfeaumes .
Sur les Auteurs des Pfeaumes.
Sur la Poëfie des Hébreux.
Difcours fur la Poëfie en général , & ſur celle
des Hébreux en particulier , par M. Fleury. ( C'eff
an Difcours que M. Fleury avoit communiqué à Dom
Calmet , & que Dom Calmet a fait imprimer dans
fon Commentaire. )
Diflertation fur la Mufique des Hébreux.
Sur les Inftrumens des Hébreux .
Differtation fur les mots Lamnatſeach & Selah.
Sur le texte du Pfeaume XXI . ¥. 17. Foderunt
manus meas &pedes meos .
Sur les enchantemens des Serpens , dont il eſt
parlé au Pfeaume LVII . . 5. & 6.
Sur le texte du Pleaume XCV . y . 10. Dominus
regnavit à ligno. ( C'eft une Differtation nouvelle. )
Sur les Pleaumes Graduels .
TOME VI.
Préface fur le Livre des Proverbes .
Differtation fur les Ecoles des Hébreux.
Fin
128 MERCURE DE FRANCE :
Sur la matiere & la forme des Livres anciens , &
fur les diverfes manieres d'écrire .
Préface fur le Livre de l'Eccléfiafte .
Differtation fur le Systême du Monde , felon les
anciens Hébreux .
Sur la nature de l'ame & fur fon état après la
mort , felon les anciens Hébreux .
Préface fur le Cantique des Cantiques.
Differtation fur les Mariages des Hébreux.
Préface fur le Livre de la Sageffe.
Differtation fur l'Auteur du Livre de la Sageffe.
Sur l'origine de l'idolâtrie .
-Préface fur le Livre de l'Eccléfiaftique .
Differtation fur le manger des anciens Hébreux.
Sur la Médecine & les Médecins des anciens
Hébreux .
Sur les funérailles & les fépultures des anciens
Hébreux.
TOME VII .
Préface générale fur les Prophétes.
Differtation fur la Religion des Royaumes de
Juda & d'Ifraël depuis leur féparation .
Hiftoire des peuples voifins des Juifs , pour fervir
d'élairciffement aux Prophéties qui les concernent.
Précis de l'Hiftoire profane d'Orient , depuis
Salomon jufqu'après la captivité de Babylone ,
pour fervir d'éclairciffement à l'Hiftoire des He
breux marquée dans les Prophétes.
Préface fur Ifaie."
Differtation fur le texte du chap. VII . V. 14.
Ecce Virgo concipiet & pariet filium , &c.
Sur le texte du chap . XVIII . 1. & fuiv. Va
terra cymbalo alarum , & c. ( Differtation nouvelle. )
Sur le texte du chap. LIII. y . 2. Non eft fpecies
ei neque decor où l'on examine les differens fen
MARS. 1748. 129
L.
timens des anciens & des modernes fur la beauté
de Jefus - Chrift.
Préface für Jérémie.
Differtation fur les Réchabites.
Préface fur les Lamentations de Jérémie.
Préface fur Baruch.
Préface fur Ezechiel.
( On placera ici une Differtation fur les 390 ans
dont il eft parlé dans la Prophétie du chap. IV. d'Ezéchiel
, V. s. d. suiv.)
Differtation fur Gog & Magog , dont il eft parlé
dans la Prophétie des chapitres XXXVIII . &
XXXIX .
ΤΟΜΕ VIII.
Préface fur Daniel.
Differtation fur la métamorphofe de Nabucho
donofor.
Sur les Septante Semaines de Daniel. ( Cefujet
eft traitéde nouveau ; on a profité des judicieuſes Ohfervations
que quelques perfonnes habiles fçavantes
ont faites fur la Differtation de Dom Calmet ,
après avoir diffipé les fauffes lueurs de vraisemblance
qui ont furpris le fuffrage de Dom Calmet en faveur
d'un fyfteme trop peu different de ceux de Marsham
du Pere Hardouin , qui croyoient trouver un atcompliffement
de cette Prophétie au tems des Macchas
bées ; on confirme l'interprétation que Dom Calmer
même reconnoît être la meilleure , la plus fûre & la
plus fuivie , c'est- à- dire , celle qui place au tems de
Jefus-Chrift Paccompliſſement unique de cette Praphrétie
)
( On y ajoûtera encore un abregé de l'H ftoire des
Rois d'Egypte & de Syrie depuis Alexandre, pour fer
vir à l'intelligence des Prophéties de Daniel. )
Préfaces fur les douze petits Prophétes.
Préface fur Ofée.
F V
130 MERCURE DE FRANCE.
Préface fur Joel .
Préface fur Amos..
Differtation fur le texte du Chapitre V. ¥. 26.
Et portaftis tabernaculum Moloch veftro , &c . où
l'on examine ce qui regarde l'idolâtrie des Ifraélites
dans le defert , & en particulier le Dieu Rephan
ou Rempham.
Préface fur Abdias.
Préface fur Jonas.
Differtation fur le poiffon qui engloutit Jonas,
Préface fur Michée.
Préface fur Nahum .
Préface fur Habacuc.
Préface fur Sophonie.
Préface fur Aggée.
Préface fur Zacharie.
Préface fur Malachie .
Préface fur les deux Livres Canoniques des
Macchabées.
Differtation fur la parenté des Juifs & des Lacédémoniens.
Differtation où l'on examine fi l'Arche d'Alliance
fut remiſe dans le Temple après la captivité
de Babylone .
Remarques fur les Livres III. & IV. des Macchabées.
Continuation de l'Hiftoire des Juifs , depuis la
mort du Grand- Piêtre Simon jufqu'à la naiſſance
de Notre Seigneur Jefus- Chrift , pour fervir de
fuite à celle des Macchabées , par M. l'Abbé de
Vence.
TOME IX.
Préface générale fur les Livre du Nouveau Teftament.
Harmonie des quatre Evangiles , où hiſtoire
abregée de la vie de Jefus - Chrift , rangée felon
l'ordre des tems.
MARS.
1748. 131
( On placera ici une Diſſertation nouvelle fur les
années de Jefus- Chrift . )
Differtation fur la Généalogie de Jeſus- Chrift.
Sur Saint Jofeph , époux de la Sainte Vierge.
Sur les Mages.
Sur les differentes Sectes des Juifs ; fçavoir , les
Pharifiens , les Sadducéens , les Hérodiens & les
Efféniens.
Sur les trois Baptêmes , c'est -à -dire , fur le Bap
rême des Juifs , fur le Baptême de faint Jean - Baptifte
& fur le Baptême de Jefus - Chriſt.
Sur les Obfeffions & Poffeffions du Démon .
Sur les bons & les mauvais Anges.
Sur le péché contre le Saint Efprit.
Sur les trois Máries.
Sur la derniere Pâque de Jefus Chriſt .
( On y joindra quelques obfervations ſur le même
fujet. )
Sur la fueur de fang de Jefus- Chriſt au Jardin
des Oliviers.
Sur les ténébres arrivées à la mort de J. C.
Sur la Réfurrection des Saints Peres qui reffuf
citerent avec Jesus- Chrift .
Sur la mort de Saint Jean l'Evangélifte.
Sur le trépas de la Sainte Vierge. ( Diſſertation
nouvelle. )
Sur les Actes de Pilate envoyés à l'Empereur
T. bere au fujet de la mort de Jefus -Chriſt.
Sur les Evangiles apocryphes.
Sur les Caractéres du Meffie , fuivant les Juifs
depuis la venue de Jefus - Chrift .
Sar les faux Meffies qui ont paru depuis Jefus-
Chrift. ( Differtation nouvelle . )
Sur le Juif errant . ( Differtation nouvelle. )
Préface far l'Evangile de Saint Matthieu
Sur l'Evangile de Saint Marc.
Sur l'Evangile de Saint Luc..
I vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Sur l'Evangile de Saint Jean.
Sur les Actes des Apôtres.
Differtation fur les élections par le fort.
Sur le Baptême au nom de Jefus Chriſt.
Sur Simon le Magicien.
Sur l'infcription de l'Autel d'Athénes confacré
au Dieu inconnu..
TOME X.
Préface fur l'Epitre de S. Paul aux Romains .
Differtation fur les Gentils qui n'ont connu ni
la Loi de Moyfe , ni l'Evangile.
Sur le péché originel , felon l'idée des Chrétiens
, des Juifs , & des Mahometans , & c. ( Differtation
nouvelle. )
Sur les effets de la Circoncifion .
Sur la prédestination & la réprobation des
hommes.
Préface fur la premiere Epitre de faint Paul aux
Corinthiens.
Differtation fur la Réfurrection.
Sur le Baptême pour les morts , dont il eft parlé
au chapitre XV. V. 29.
Sur le texte du chapitre XV. V.32 . Si, fecundùm
hominem , adbeftias pugnavi Ephefi , &c.
Préface fur la II . Epitre de S. Paul aux Corinthiens.
Préface fur l'Epitre de S. Paul aux Galates.
Differtation fur Céphas repris par S. Paul.
Préface fur l'Epitre aux Ephéfiens.
Préface fur l'Epitre aux Philippiens.
Préface fur l'Epitre aux Coloffiens.
Préface fur la I. Epitre aux Theffaloniciens.
Préface fur la II . Epitre aux Theffaloniciens.
Préface fur la I. Epitre à Timothée.
Préface fur la II Epitre à Timothée.
Préface ſur l'Epitre à Tite.
MARS. 1.3.3
ず
1748.
Préface fur l'Epitre à Philémon
Préface fur l'Epitre aux Hébreux.
Préfacé fur l'Epitre de faint Jacques.
Préface fur la I. Epitre de faint Pierre.
Differtation fur le voyage de S. Pierre à Rome
Préface fur la II . Epitre de faint Pierre..
Differtation fur la fin du Monde & fur l'état dir
Monde après le Jugement dernier .
Préface fur la 1. Epitre de faint Jean .
Differtation fur le texte du chapitre V. V. 7-
Tresfunt qui teftimonium dant in coelo , &c.
Préface fur la II . Epitre de faint Jean.
Préface fur la III . Epitre de faint Jean .
Préface fur l'Epitre de faint Jude.
Differtation fur le Livre d'Henoch.
Préface fur l'Apocalypfe .
Diflertation fur l'Antechrift .
Abregé de la Chronologie facrée , ou Tables
Chronologiques , pour fervir à l'intelligence des
Livres Sacrés.
Table Géographique des Provinces , Villes &
Peuples dont il eft parlé dans les divines Ecritures.
Table des Textes Sacrés expliqués dans les Préfaces
& Differtations.
Table générale des matieres contenues , foir
dans le Texte facré , foit dans les Préfaces & Dif
Lertations.
ESTAMPES NOUVELLES.
Dieuvre , Marchand d'Eftampes , ruë d'Anjou
, vient de mettre en vente les Portraits de
LOUIS DAUPHIN DUC DE BOURGOGNE
, né à Versailles le 6 Août 1682 , more
au Château de Marly le 18 Février 1712 , peine
par H. Rigaud , & gravé par Tardieu le fils.
134 MERCURE DE FRANCE.
FRANÇOIS DE SALIGNAC DE LA MO.
THE , Archevêque Duc de Cambray , peint par
J. Vivien , & gravé par P. Dupin.
Le Sr Benoît Audran , Graveur , vient de donner
au public la vie de S. Ignace de Loyola, en quinze
feuilles de grandeur égale. Le burin retrace fi
delement aux yeux
les mêmes actions de la vie de
S. Ignace , qui font peintes & fculptées à Rome
dans la Chapelle de ce Saint.
La premiere Eftampe repréfente la ftatuë en argent
de S. Ignace , enrichie d'or & de pierreries
telle qu'elle eft à Rome. Les autres offrent diverfes
actions de fa vie , fon tombeau , fes miracles
, & c .
Chaque Eftampe eft de fix pouces de large fur
neuf & demi de haut. On trouve chés le même
Graveur beaucoup d'Eftampes de la Belle , de Callot
, de Sylveftre & autres excellens Maîtres.
Il demeure rue S. Jacques , proche S Yves , à la
Ville de Paris .
On vend chés le Sr Duflos , Graveur , Place
Dauphine & chés Mad . la veuve Chereau , aux pi-
Jiers d'or , rue S. Jacques , le Plan de la Ville de
Dunkerque , gravé par le Sr Dufos , d'après un tableau
du cabinet de M. Taverne de Renefeure , &
dédié à S. A. S. M. le Duc de Penthievre ; ce Plan
eft très exact, fort bien gravé, & mérite les fuffrages
des connoiffeurs.
Plan en Elévation de la Ville de Soiffons , dédié
& préfenté à la Reine , fe vend à Paris , chés Poin
sellier, Auteur , rue du Monceau S. Gervais.
M. te Beau , Profeffeur de Rhétorique au Col-
Tége des Graffins , connu par fon mérite & fes talens
, fut élû le premier de ce mois Académicien
MARS. 1748 F35
Affocié de l'Académie Royale des Belles Lettres ,
à la place de M. Secouffe , devenu Penfionnaire ;
& M. Otter , Profeffeur en Arabe au Collège Royal,
fut aufli élû le 8 Académicien Affocié de la même
Académie , à la place de M. de la Curne de Sainte
Palaye , devenu Penfionnaire. Sa Majesté a confirmé
ces deux élections.
Le Sr Nicolas Thillaye , Marchand Chaudronnier
, demeurant à Rouën , rue des Bons Enfans ,
-fait des Pompes , dont la perfection & l'utilité lui
"ont mérité l'approbation de Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , laquelle après
avoir nommé Meffieurs Duhamel & Camus , Com
amiffaires pour les examiner , lui accorda le Certiificat
fuivant , qui ne laiffe rien à defirer au public
touchant la fûreté de ces machines. En voici un
extrait.
» La maniere dont ces Pompes font exécutées
mérite des éloges , & il feroit à fouhaiter que
nombre de particuliers euffent chés eux de ces
fortes de Pompes qui pourroient fervir utile-
» ment pour arrêter le commencement des incen-
Dodies , qui ont fouvent fait de grands progrès
avant qu'on puiffe avoir les fecours publics .
Une grande partie des Académiciens fut té
-moin de l'épreuve & de l'effet de ces Pompes , &
plufieurs en ont acheté .
Leur compofition eft toute en cuivre & très-folide
, fans qu'il en coûte aucun frais d'entretien ;
quand il y auroit 20 ans qu'on n'y auroit touché ,
elles font en état d'agir dans l'inftant ; les foupapes
& autres joints font fi exacts , que le piſton en
condenfe l'air auffi exactement qu'une machine
pneumatique.
Un homme feul peut tranfporter la plus petite &
136 MERCURE . DE FRANCE.
la faire agir dans un cas preffant, & prévenir les iu
cendies les plus fâcheux , comme il eſt arrivé au
Monaftere des Feuillan's , vis - à- vis la Place de Vendô
me à Paris le 25 Mai 1747; leur maifon étoit ménacée
d'être réduite en cerrdres par un incendie qui
recommença jufqu'à deux fois dans un même jour,
mais qui fut auffi- tôt arrêté par le moyen de quelques
unes de ces Pompes qui le trouverent pour-
Fors ches les Feuillans . Tout Paris fut à portée de
juger de la difference qu'il y a d'avoir de tels fecours
chés foi ou d'être obligé de les tirer du dehors
, & d'attendre un tems affes confidérable pour
* ne pouvoir borner le progrès du feu qu'après qu'il
ne trouve plus de matiere combuftible.
Enfin l'utilité & le bon marché de ces Pompes
les ayant fait juger au- deffus des ordinaires qui
avoient paru jufqu'à ce tems , le Roi a accordé à
l'Auteur un Brévet qui lui permet de les vendre &
débiter partout le Royaume , avec défenfes à qui
que ce foit de le troubler , fous quelque prétexte
que ce foit ; ce Bréver eft fondé fur les certificats
qui conftatent le grand avantage de ces Pompes.
Elles font fi folides , que leur durée peut exceder
la vie de plufieurs perfonnes les unes après les autres
. L'Auteur donnera à ceux qui en acheteront
relle garantie qu'il leur plaira . Il en envoye la figure
& la defcription imprimée à ceux qui en défirent
, pourvu qu'ils affranchiffent leurs lettres.
Les perfonnes qui défireront voir de ces Pompes
à Paris , pourront s'adreffer aux Feuillans de la
ruë S. Honoré , où ils verront celles qui leur fervirent
fr utilement lors de l'incendie ci deffus mentionné.
L'Auteur qui demeure à Rouen ,
fatisfera ceuxqui
défireroient de plus amples explications , toujours
en affranchiffant les ports de lettres .
MARS. 1748. 137
Mlle de la Croix a obtenu du Roi un privilége
pour débiter un Rob pectoral ou Sirop,qui eft un
remede fouverain contre toutes les efpeces de rhumies
, toux , enrouemens , &c. Le Certificat donné
par feu M. Lemeri , qui avoit examiné ce remede
par ordre de M. le Cardinal de Fleury , porte
qu'il n'y entre aucun narcotique , qu'il com
vient dans tous les cas où il faut faciliter l'expectoration
d'une matiere épaiffe & vifqueufe qui englue
les bronches & qui caufe une toux opiniâtre.
Ce remede a réuſſi à´un grand nombre de mala,
des ; il eft agréable au goût.
Mlle de la Croix demeure rue & porte S. Jacques.
Madame de Catinat , veuve de M. de Catinat ,
Confeiller au Parlement , pour fe conformer aux
intentions de fon mari , ayant chargé depuis peu
M. l'Abbé Raynal , Auteur connu par fon Hiftoire
du Stathoudérat & celle du Parlement d'Angleterre
, de compofer l'Hiftoire de M. le Maréchal
de Catinat , fur les mémoires & autres pièces que
M. de Catinar , fon neveu , a fait raflembler pour
fervir à cet ouvrage ; elle croit devoir inviter Meffieurs
les Officiers qui ont fervi fous lui & autres
perfonnes qui ont vêcu avec lui , ou qui ont quelques
connoillances particulieres de fa vie , de lui
envoyer tous les mémoires , lettres , plans de villes
, de campemens , de batailles, les cartes particulieres
des vallées du Piémont , & des cantons de
Pitalie où il a fait la guerre pendant les années
1690 jufqu'en 1706 , & généralement toutes les
inftructions qu'ils pourront lui procurer à ce fujet.
Tout le monde doit s'intéreffer à la perfection de
PHiftoire de ce grand homme , & c'eft dans cette
vue que Madame de Catinat ofe efperer les éclairciffemens
qu'elle demande , en affûrant de fa re
13S MERCURE DE FRANCE.
connoiffance ceux qui voudront lui faire l'honmeur
de les lui donner. Elle recevra par la pofte
ou par les Meffageries , ou autres voitures publiquès
toutes les lettres & paquets qu'on lui adreffera.
Madame de Catinat demeure ruë de l'Univerfité
, près la rue du Bacq à Paris.
Le Sr Thevenin , Maître Ecrivain Juré à Paris ,
donne avis au public que M. de la Roque lui a
legué plufieurs fuites complettes des Mercures de
France , qui commencent en Janvier 1720 & finiffent
en l'année 1744 , ce qui forme environ
330 volumes , & plufieurs exemplaires de l'Opéra
de Médée & Jafon , avec les fupplémens , trèsbien
conditionnés. Ceux qui fouhaiteront en acquérir
, pourront s'adreffer au Sr Thevenin , qui
demeure ruë de la Verrerie , vis - à- vis le Cimetieie
de faint Jean.
BOUQUET ,
Les fleurs parlent.
Non , ce n'eft point notre deffeis
Belle Iris , d'orner votre tête ,
Ni de briller fur votre fein ,
Le jour heureux de votre fête ;
A quoi peuvent fervir tous nos foibles attraits
Vos yeux d'une maniere & vive & naturelle
MARS.
139 1748.
Lancent partout d'aimables traits
De vos propres beautés vous êtes affés belle ;
Nous venons feulement vous offrir les douleurs
D'un berger fidéle & fincére ,
Qui nous arrofe de fes pleurs ; -
De grace foyez moins févere ;
Vous fçavez que Tircis vous aime infiniment ,
Ou vous ne fçavez pas ce que c'eft qu'un amants
Sa flamme , croyez nous , eft pure & légitime,,
Et s'il brûle d'amour , il en brûle fans crime..
Aimez , aimez donc ce berger
Et comme lui foyez conſtante ;
Peut-être feriez -vous amante
D'un autre qui feroit léger.
Tandis que nous parlons, nos feuilles fe flétriffenty
Notre éclat difparoît & nos charmes finiffent , ›
Mais fi par notre fort votre coeur eft vaincu ;
Si pour un malheureux il devient plus fenfible ,
Notre mort eft douce & paifible ,
Et nous avons affés vêcu ...
L
SPECTACLES.-
'Académie Royale de Mufique a fuf
caufe de l'indifpofition de M. Jeliotte , &
140 MERCURE DE FRANCE.
on a remis pendant quelques repréfentations
, le Ballet toujours applaudi des Ta
lens Lyriques.
Cette courte interruption n'a point refroidi
l'empreffement du public , qui dès :
qu'on a redonné le nouveau Ballet a couru
en foule admirer M. Rameau. Nous
avons promis quelque détail fur cet ouvrage
,, & nous allons remplir nos engagemens.
A l'égard de la Mufique , il nous doir
fuffire' , je crois , de dire qu'elle eft de M.
Rameau , & qu'elle a été trouvée digne de
lui. Il feroit inutile de détailler tous les .
morceaux qui ont attiré les applaudiffemens
du public. M. Rameau en eft en poffeffion
depuis fi long- tems , & les mérite à
tant de titres , qu'il eft fapérieur à toutes
les louanges qu'on pourroit lai donner , &-
qu'elles feroient toujours au- deffous de l'opinion
que nous avons de lai , & que fes
ouvrages admirables ont fait juftement :
concevoir au public..
Le fujer du Prologue eft le débrouillement
du Cahos & la formation de l'Univers.
Oromazes , le Souverain des Génies,
eft fur fon trône ; tous les Génies font répandus
dans le Palais en differentes attitu→
des & plongés dans un profond afſoupifMARS.
1748. 141
fement. Leur Roi les avertit que dans ce
moment le Deftin parle & forme l'Univers.
Les Génies s'éveillent , les Elémens
paroiffent , & enfin l'Amour vient faire
connoître aux Génies fes feux & fes plaifirs
, afin qu'ils puiffent à leur tour en inf
truire les mortels.
Paffons au fujet du Ballet.
. Zaïs , Génie de l'air , eft amoureux de
Zelidie , bergere. Il s'eft déguifé en berger
, & fous ce traveftiffement il eft aimé
autant qu'il aime , mais l'amour de fa
bergere ne fuffit pas pour le rendre heureux
, & malgré les confeils de Cindor ,
fon confident , il s'obftine à vouloir l'éprouver.
Après une fcéne entre Zaïs &
Zelidie , on voit arriver les bergers & la
graude Prêtreffe , qui viennent offrir un
facrifice à l'Amour. L'Amour répond à
leurs voeux , defcend & prononce l'oracle
fuivant.
Vous connoiffez le prix d'une tendreſſe extréme ;
Aimez ; tous mes tréfors , bergers, vous font ouverts ;
Il avance & continue ;
Vous dont le coeur fenfible & digne de mesfers ;
Cherche en moi le bonheur fuprême ,
142 MERCURE DE FRANCE,
Imputez- vous les maux que vous avezfoufferts ;
Eprouvez l'objet qui vous aime ;
Le véritable amour ſe ſuffit à lui - même ;
J'en promets un exemple enfin à l'Univers.
Cet Oracle confirme Zaïs dans la réfolu- ,
tion d'éprouver la Maîtreffe.
Le théatre repréfente au fecond Acte le
Palais de Zais . Ce Palais eft dans les airs.
Après un monologue de Zaïs , Cindor paroît
, le premier lui confie tout fon pouvoir
, & lui ordonne d'éprouver fa Maîtreffe.
Deux Zéphirs apportent en effet
Zelidie , qui furpriſe de fe trouver tranf
portée dans un féjour inconnu , eft peu
fenfible à la déclaration d'amour que lui
fait Cindor ; la fête qu'il lui donne fait
auffi peu d'impreffion fur le coeur de la bergere
; Cindor pour lui donner une idée de
fa puiffance , ordonne aux Aquilons de fe
déchaîner , à la foudre de s'allumer ; il eſt
obéi à l'inftant ; cet orage épouvante Zélidie
, Cindor veut la raffurer en lui difant
que ce tonnerre & ces éclairs font fous
leurs pieds , mais la tendre bergere lui rẻ-
pond : Hélas ! je ne crains rien pour moi ,
mais mon amant eft fur la terre. Cindor pour
diffiper fon effroi , ordonne aux Zéphirs
de calmer la terre & l'onde. Après ces
differentes fètes , il continue à parler à
MARS . 1748.
143
Zelidie de fa feinte tendreffe , mais la bergere
eft
inébranlable , & ne fonge qu'à
fon berger . Cindor n'exige d'elle que de
refter quelque tems dans ce Palais , d'où
elle tenteroit en vain de fortir , & lui
donne un bouquet enchanté , en lui difant
que rien ne peut nuire ni défobéir à qui fe
pare de ces fleurs , & qu'il fuffit qu'on
défire pour voir remplir les voeux.
Zelidie reftée feule a quelque
inquiétude
que ce bouquet ne foit un enchantement
qui éteigne fon amour pour Zaïs ; elle fouhaite
de le voir, & il paroît à l'inftant . Zelidie
craignant qu'il ne foit expofé au cour❤
roux d'un rival tout puiffant , le preffe de
fe retirer , & pour le mettre à couvert du
péril dont elle le croit menacé , elle lui
donne le bouquet enchanté , ce qui termine
le fecond Acte.
La
conftance de
Zelidie ne paroît pas
cependant
encore affés
éprouvée à Zaïs ;
il veut la voir lui-même fous les traits de
Cindor ; un bandeau de pierreries fera
qu'elle le prendra pour ce Génie , tandis
qu'elle croira que le charme des fleurs enchantées
a operé fur le coeur de Zaïs , qu'il
eſt infidéle , & qu'une fête galante peindra
à fes yeux tous les agrémens de l'inconftance
. Zelidie prend peu de part au
plaifir de cette fête , qu'elle fait enfin cef
144 MERCURE DE FRANCE..
fer , ces jeux aigriffant fa douleur. Zaïs
paroît fous les traits de Cindor & la preſſe
de punir l'ingrat qui l'abandonne .
Żelidie répond au prétendu Génie avec
la même conftance qu'elle a fait au fecond
Acte :Jugez , lui dit- elle , fi j'aimais Zais
je l'adore infidéle.
Cependant quoique Cindor foit la caufe
de tous fes malheurs , elle cherche en vain
dans fon coeur de la haine contre lui ; un
charme fecret l'attendrit ; Zaïs eft allarmé
de ce fentiment que bien- tôt la bergere
défavouë. Non , dit- elle , ici tout est enchantement.
Elle quitte le faux Cindor , en lui
déclarant qu'elle ne l'entendra que devant
Zaïs , & celui - ci content de voir la
conftance de fa maîtreffe triompher de
cette double épreuve , termine l'Acte
par un court monologue qui exprime fa
joye.
Zaïs & Zelidie ouvrent le quatriéme Acte.
Zaïs a découvert fon rang à ſa maîtreffe
: elle voit tous les Génies foumis à Zaïs,
voler à fa voix & lui offrir leurs hommages
, mais cet éclat , loin de la flater , la
plonge dans la plus fombre trifteffe ; elle
dit à Zaïs que déformais elle n'eft plus heureufe
, qu'elle va paffer fes jours inquiette ,
tremblante , dans la crainte de le voir inconftant
'MARS. 1748. 145
conftant , ou peut-être dans la douleur de
fon infidélité .
Zaïs à ces mots prend l'anneau myſtérieux
dans lequel réfide la puiffance des
Génies ; il le rompt , & facrifiant fon pouvoir
aux allarmes de fa maîtreffe , il eſt
abandonné par fa Cour ; fon Palais difparoît,
& les deux amans fe trouvent dans un
déſert où leur amour fait leur unique reffource
& où ils font contens , ce qui juftifie
l'oracle du premier Acte. Bien-tôt Oromazes
paroît ; il rend à Zaïs fa puiffance
& élevé la bergere à l'immortalité des Génies.
com- La Mufique de ces quatre Actes eft
me celle du Prologue , c'eft- à- dire admirable
; les fymphonies font d'un goût agréable
, léger & , pour ainfi -dire , Aerien , tel
qu'il convenoit à des Sylphes , qui font
les principaux Acteurs des divertiſſemens ;
les Ballets font deffinés avec tout le goût ,
toute l'intelligence & toute l'élégance que
T'on peut peut défirer ,& que l'on étoit en droit
d'attendre de M. Malter , Compofiteur
des Ballets.
Nous avons il y a déja quelque tems invité
tous les Auteurs à nous envoyer euxmêmes
les extraits de leurs ouvrages , &
nous avions promis d'être fort exacts à ne
nous point approprier le travail d'autrui,
G
146 MERCURE DE FRANCE.
& à nommer ceux qui auroient la complaifance
de nous foulager dans nos travaux;
nous réitérons ici la même priere , en avertiffant
qu'il eft effentiel que l'extrait paroiffe
avec un nom d'Auteur , parce que
fans cela nous en ferions garans nous - mêmes
, & qu'à moins que nous ne puiffions
dans cette forte d'ouvrages nommer au public
quelqu'un qui foit avoué de lui , il auroit
droit de nous reprocher d'avoir confié
à des mains étrangeres les fonctions
dont nous fommes chargés.
Les Comédiens François ont repris avee
beaucoup de fuccès le Glorieux , Comédie
de M. Deftouches.
CONCERTS ET COMEDIES A LA Cour.
Le Lundi 19 , le Samedi 24 & le Lundi
26 Février on exécuta en Concert chés la
Reine le Ballet des Elémens,
Mlles Lalande , Mathieu , de Scelles &
Godonnefche en ont chanté les rôles , ainque
Mrs Jeliotte , Poirier , Benoiſt , Godonnefche
& Dubourg.
fi
Le Mardi 20 les Comédiens François
jouerent le Diftrait & le Dédit.
Le Mercredi 21 les Comédiens Italiens
jouerent Arlequin & Mario valets dans la
même maison.
Le Jeudi 22 les Comédiens François
MARS. 1748 .
147.
repréſenterent la Tragédie de
Britannicus
& la Pupille.
Le Mardi 27 les mêmes
Comédiens
joüerent le Méchant & le Rendez- vous .
Le Jeudi 29 ils
repréfentérent la Tragé
die
nouvelle de Denis le Tyran & l'Ecole
amoureuse.
Le Samedi 2 , le Lundi 4 & le Samedi
Mars on exécuta en Concert chés la Reine
P'Opera de Callirhoé. Mlle de Scelles , Canevas
&
Romainville en chanterent les rôles
, ainfi que Mrs Chaffé & Jeliotte.
3
Le Lundi i , le Samedi 16 & le Lundi
18 on exécuta en concert l'Opera d' Armide.,
Mlles
Chevalier , de Scelles , Canevas , &
Guédon ,
nouvellement reçue à la Mufique
de la Chambre du Roi , en ont chanté les
rôles , ainfi que Mrs Chaffé ,
Dubourg ,
Poirier , Bazire & Fillieul.
Le 23 & le 30 on exécuta les Fêtes Vénitiennes
, de la
compofition de M.Danchet
& de M. Campra.
Le Mardi 5 les
Comédiens François
joüerent la Coquette & le Retour imprévu.
Le Mercredi 6 les
Comédiens Italiens
joüerent Arlequin voleur , Juge & Prévôt.
Le Jeudi 7 les
Comédiens
François. repréfenterent
Gustave &
l'Aveugle clairvoyant..
Le Mardi 12 les mêmes
Comédiens
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
jaüerent le Glorieux & la Comteffe d'Eſcarbagnas.
Le Mercredi 13 les Comédiens Italiens
jouerent les Incidens nocturnes , fuivis d'un
Ballet.
Le Jeudi 14 les Comédiens François
repréfenterent Héraclius & le Galant Jardinier.
Le Mardi 19 les mêmes Comédiens
joüerent le Philofophe marié & l'Ami de
tout le monde,
Le Mercredi 20 les Comédiens Italiens
joüerent les Folies de Coraline.
Le Jeudi 21 les Comédiens François
repréſenterent Iphigénie & le Procureur arbitre.
Le Samedi 30 l'Opera donna pour la
clôture & la capitation des Acteurs Armide.
M. Poirier chanta le rôle de Renaut &
fut fort applaudi.
Le même jour les Comédiens François
repréfenterent la Tragédie de Denys le
Tyran , & les Italiens Samfon.
On donnera les Complimens le mois
prochain .
1
AŬTOR
, MI AND TILDEN
CON ་ ་་་
MAKS. 1748 149
DEDEDEDEDEATACARARD
:PARA
MUSETTE.
Autrefois fur m'a mufette
Je ne chantois que l'amour ,
Et je brûlois nuit & jour
Pour l'adorable Lifette ,
Sans efperet de retour ,
Mais depuis que la vieilleffe
A refroidi tous mes fens ,
Ma bouteille eft ma maîtreffe
Pour l'objet de ma tendreffe
Bachus forme'mes accens .
De ma maîtreffe nouvelle
Je célebre les attraits ;
Elle m'eft toujours fidelle ;
Quand je veux je joüis d'elle
Et ne m'en laffe jamais.
BRUNETTE
D'Ans ces lieux l'innocence habite ;
a paix & les plaifirs y regnent tour-à-tour ;
C'eft ici qu'Arifte & Mélite ,
La vertu , l'hymen & l'amour ,
Réunis & contens ont choifi leur féjour.
i
Giij
ISO MERCURE DE FRANCE
新洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
NOUVELLES ETRANGERES ,
SUEJEDE...
N mande de Stockholm du 30 Janvier qu'on
a rendu public le Traité d'alliance défenſive
conclu avec la Pruffe , & que le Gouvernement l'a
fait traduire en Latin & en François. Il a été ftipulé:
par ce Traité qu'il y auroit toujours une amitié.
fincere & une union des plus étroites entre les
deux Puiffances , & qu'elles travailleroient mutuellement
à fe procurer tous les avantages poffibles
, que le Roi de Suéde & S.M. Pruffienne n'ayant
nuls engagemens contraires à la convention préfente
, iis fe communiqueroient fidélement tous
les avis relatifs à leurs intérêts communs , & qu'ils
ordonneroient à leurs Miniftres dans les Cours
étrangeres de vivre dans une parfaite intelligence ,
& de concerter enfeinble toutes leurs démarches ;
que les deux Puiffances fe garantifoient réproquement
tous les Etats qu'elles póffédent , ceux
qui ont été cédés au Roi de Pruffe par la Reine de
Hongrie , en vertu des Traités de Breffau du 11
Juin 1742 , & de Drefde du 25 Décembre 1745 ,
y étant nommément & fpécialement compris ;
que fi l'une des Parties contractantes étoit attaquée
par qui & fous quelque prétexte que ce pût
être , la Puiflance fon Alliée , dès qu'elle en feroit
requife , employeroit pendant deux mois les bons
offices auprès de l'Agreffeur , afin de l'engager à
ceffer fes hoftilités , & que fi les négociations employées
pour cet effet ne réuffiffoient point , elle
fourniroit à la Partie lezée les fecours dont on eft
MARS. 151 1748.
convenu ; que dans un pareil cas la Pruffe fourni
roit à la Suéde fix mille hommes d'Infanterie &
trois mille de Cavalerie avec un train d'artillerie
proportionné à ce nombre de troupes , mais que la
Suéde , fuppofé que fa Majefté Pruffienne fut atta
quée,ne feroit tenue de l'aider que de quatre mille
hommes de Cavalerie & de deux mille d'Infánterie
; que ces Corps auxiliaires feroient entretenus
aux dépens de la Puiffance qui les feroit marcher,
à l'exception de ce qui regarde les vivres & les
fourages ; que comme il fubfifte des Traités antérieurs
d'amitié entre les Parties Contractantes &
l'impératrice de Ruffie , & le préfent Traité ne
contenant rien qui puiffe y déroger , cette Princeffe
feroit confidérée comme comprife dans cette
alliance , & qu'on l'inviteroit à y accéder. Par un
article féparé le Roi de Pruffe promet de ne pas
fouffrir qu'il foit donné la moindre atteinte à l'ordre
établi pour la fucceffion à la Couronne de
Suéde en faveur du Prince Royal , & cet article
doit avoir la même force que s'il avoit été inferé
dans le Corps du Traité . On a publié les réfolutions
prifes parles Etats du Royaume pendant leur
derniere affemblée , au fujet des taxes que les
Sujets du Roi doivent payer chaque année jufqu'à
la convocation d'une nouvelle Dietté. Les Etats
dans la répartition de ces taxes ont eu une attention
fcrupuleule à les proportionner aux facultés.
qu'on peut naturellenient fuppofer aux perfonnes
felon leur rang ou leur profeffion , & ils avertiffent
dans le difpofitif de leur Ordonnance qu'elles
ne feront employées qu'à acquitter les dettes de
l'État , & à pourvoir à la fûreté du Royaume. Le
Prince Royal fe propofe de faire un voyage en
Finlande , & l'on compte qu'il partira dans le
mois d'Avril. Sa Majefté a envoyé ordre au Com-
G. iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
te de Barck , ci-devant fon Miniftre à Peters
bourg , de fe rendre à Stockolm avant que d'aller
à Vienne. Le Raron de Hamilton , Feldt-Maréchal
, mourut le 20 à une de fes terres dans l'Eft-
Gothie.
On mande de Pétersbourg que l'Impératrice de
Rullie étoit partie-le 23 Févr. pour Czarska- Zelo ,
d'où elle devoit revenir le 27. Cette Princeffe par
la derniere Promotion qu'elle a faite dans fes
troupes a nommé trois Lieutenans Feldt- Maréchaux
, dix, neuf Majors Généraux , fix Brigadiers
& cinquante-fix Colonels. Les mêmes avis portent
que le Knées Gallitzin lui avoit envoyé une
lettre , par laquelle le nouveau Roi de Perfe af
füre ce Miniftre de la réfolution dans laquelle il
eft de conferver la paix avec la Ruffie. Çes nouvelles
ajoutent que les préparatifs ordonnés par le
Gouvernement pour mettre cette année une nombreufe
flotte en mer , ſe continuent avec toute la :
diligence poffible.
Ön écrit de Stockholm du- 17-Février qu'on af
fûre que la Princefle époufe du Prince Royal eft
enceinte , & que fa groffeffe fera inceffamment
déclarée. Il s'eft tenu chés le Comte de Teffin
Préfident du Collège de la Chancellerie , diverfes
conferences aufquelles plufieurs Sénateurs ont
affifté , & comme quelques Miniftres Etrangers .
ont été invités de s'y trouver , il y a apparence
qu'elles ont eû , pour objet les moyens d'affermir
de plus en plus les alliances qui fubfiftent entre
cette Coutonne & certaines Puiffances. La fitua
tion préfente des affaires de l'Europe exigeant que
la Cour donne des inftructions particulieres au
Comte de Barck , nommé Miniftre Plénipotentiaire
du Roi auprès de la Reine de Hongrie , on
attend dans peu ce Miniftre , qui dansfon trajet
MARS. 1748. IS3
de Pérersbourg à Dantzick a reçn ordre de fer
rendre en cette ville . M. de Guydickens , Envoyén
Extraordinaire du Roi de la Grande Bretagne , a
donné part aux Miniftres de ſa Majeſté de la réponſe
qui lui eft venue de Londres au fujet de la..
conduite qu'il a tenue par rapport à l'affaire du ‚
Négociant Springer. On équipe avec une extrême
diligence tous les vaiffeaux de guerre qui font
dans les Ports de ce Royaume , & l'on fe preffe
d'achever ceux qui font fur les chantiers , le Gou--
vernement le propofant de mettre en mer au prin
tems prochain une flotte confidérable . Il y a déja 1
plus de vingt mille matelots aflemblés à Carel--
fcroom pour cet effet , & l'on en augmentera le
nombre jufqu'à quarante mille . L'Amirauté a fait c
l'adjudication pour l'approvifionnement des vaiffeaux
de la Majefté. Le Roi a prolongé pour
vingt ans l'octroi accordé à la Compagnie des Indes
Orientales. On a reçû avis que le vaiffeau
L'Espérance appartenant à cette Compagnie , a fait
voile de Gottenbourg pour la deftination , & qu'il
doit être fuivi avant peu du vaiffeau la Paix. Le
3 Février le Baron de Flemming , Confeiller de la ..
Chancellerie , partit pour Madrid où il va réfider
en qualité d'Envoyé Extraordinaire du Roi. M.
Hedman Directeur , de la Manufacture de toile
établie à Kelteſta , lequel avoit été arrêté en mê
me tems que le Négociant Springer , fur le foup.
çon d'avoir en part aux intrigues tramées contre le
Gouvernement , a été remis en liberté , & on lui a
permis de poursuivre criminellement fes accufa
teurs.
Selon les nouvelles de Pologne le Prince Jablonowsky
Starofte de Rowell , a époulé la Comteffe
Mycielska fille du Caftellan de Pofnanie. Ces letes
ajoutent que les Staroftes de Leopol , de Lip-
GAY
154 MERCURE DE FRANCE.
nick & de Parchow , M. Czapsky, Tréforier de las
Pruffe Polonoife , & le Chambellan Linowski s'é-
Loient rendus à Warfovie où l'on attend encore
dans peu plufieurs autres Seigneurs,& que le Com
te Swidzinsky Palatin de Braklow , étoit allé à une
terre près de Cracovie.
On mande de Pétersbourg que l'Imperatrice de
Ruffie y eft revenue de Сzarska- Zelo le 28 de-
Janvier , & qu'elle a tenu plufieurs Confeils à l'occafion
de diverfes dépêches apportées de Vienne ,
de Londres & de la Haye par trois couriers extraordinaires.
Le Knées Repnin , auquel cette
Princeffe avoit donné le commandement du Corps .
de troupes Ruffiennes , deftiné à paffer au fervice
du Roi de la Grande Bretagne & de la République
des Provinces - Unies , ayant été furpris d'une attaque
de paralyfie , le Général Lieven a été nommé
pour commander ces troupes. L'Impératrice
de Ruffic a donné ordre de fondre plufieurs pièces
de canon de differens calibres , & d'enrôler quatre
mille matelots..
Les lettres de Coppenhague du 24 Février portoient
qu'il y eut le 21 de ce mois chés le Roi une
fête magnifique , à laquelle tous les Miniftres .
Etrangers furent invités. Chaque jour du carnavala
été marqué par quelque nouveau divertiffement,
& jamais la Cour n'a été plus brillante . Sa Majefté
a déclaré qu'elle differeroit juſqu'au mois de
Mai fon voyage dans le Holftein . Le Baron de
Hopxen , Miniftre de Suéde en cette Cour , ayant
obtenu de fa Majefté Suédoife une charge de Se-.
cretaire d'Etat , fe difpofe à retourner à Stockholm.
On affûre que le Baron de Korffreviendra
à Coppenhague , pour y réfider en qualité d'En--
voyé Extraordinaire de l'Impératrice de Ruffie..
Les nouvelles de Stockholin portent qu'il y a eu
MAR S. 1748. 155
diverfes émeutes populaires dans quelques Provinces
de Suéde à l'occafion des nouvelles taxes établies
par la derniere Diette générale , & qu'un des
Députés de cette affemblée a été tué en Scanie par
ces mutins , qui y ont commis plufieurs autres excès.
Ces lettres ajoutent que fa Majefté Suédoife a
réfolu de rétablir les anciens ordres de Chevalerie
des Seraphins , de l'Epée & de l'Etoile du Nord ;
que le premier de ces Ordres , lequel aura pourt
marque un Cordon Bleu , fera refervé pour les Sé
nateurs & pour les perfonnes de la haute Nobleffe ;
que le fecond fera la récompenfe des fervices mili--
taires ; qu'on deftinera le troifiéme pour les Ma
giftrats & pour les perfonnes qui fe diftingueront
dans les Sciences & dans les Belles Lettres , & que
Finftallation des nouveaux Chevaliers fe fera le:
28 du mois d'Avril , jour de l'Anniverſaire de la
naiffance du Roi de Suéde . Sa Majefté Suédoife a
accordé au Baron Swen de Cedeftrom la charge de
Commandant de l'artillerie en Finlande , & å M.
Guillaume de Thermftrom celle de Secretaire du
Gouvernement de Blexing.
·2
On mande de Pétersbourg que le Lord Hindford
, Ambaffadeur du Roi de la Grande Bretagne
auprès de l'impératrice de Ruffie, & M. de Zwart,
Miniftre Plénipotentiaire de la République des
Provinces Unies , ayant reçu de leurs Souverains
les ratifications du Traité de fubfide conclu entre
ces trois Puiffances , l'échange de ces ratifications
devoit fe faire le 8 Février , & que le même
jour le Gouvernement de Ruffie feroit partir un
courier , pour porter ordre au Général Lieven de
fe mettre en marche avec le Corps de troupes Rul
hennes , qui paffe à la folde de la Grande Bretagne
& des Etats Généraux.
L'Impératrice de Ruffie continue de faire tra-
Cvj
156 MERCURE DE FRANCE.
vailler avec toute la diligence poffible à l'armes
ment d'une nombreuſe flotte.
ALLEMAGNE.
Es lettres de Vienne du ro du mois paffé por
2
4 un
Roi de Portugal eut audience de la Reine & en
fuite du Grand Duc de Tofcane. Il fe tint le
Confeil qui dura plus de cinq heures , & dans les
quel on délibera fur les dépêches d'un courier que
le Gouvernement avoit reçu le même jour du
Comte de Harrach , chargé de l'adminiſtration
des affaires de fa Majefté dans le Milanez . On attend
à Carlowitz dans le courant du mois prochain
l'Ambaffadeur Extraordinaire , que le Grand
Seigneur envoye à Vienne pour complimenter le
Grand Duc de Tofcane fur l'élection faire à Franc
fort en faveur de ce Prince . Ce Miniftre fera dé
frayé avec toute fa fuite aux dépens de la Reine ,
pendant le féjour qu'il fera dans les Etats de fa
Majefté.
Selon une lifte qui paroît des troupes que la
Reine a en Italie , elles confiftent en vingt- fept
Régimens d'infanterie , quatre Régimens de Cui→
raffiers , un pareil nombre de Régimens de Dragons
, deux Régimens de Huffards , trois mille
Varadins & autant de Carlftadiens. Le Feldt - Maréchal
de Browne , qui les commande , a ſous ſes
ordres neuf Lieutenans Feldt Maréchaux & vinge
Majors Généraux . Le Comte.de Luzan Colonek
Commandant du Régiment de Vafquez , eft mort
depuis peu , en Hongrie où ce Régiment eft en
quartier::
Nous apprenons par les lettres de Vienne du 17 ,
Février que Don Joſeph de Caravalho, Ambaffag
•
2
MARS. 1748 .. I57
deur du Roi de Portugal , a conféré plufieurs fois
avec le Comte d'Uhlefeld Chancelier de la Cour...
Ily eut auffi le 12 une conférence entre les Miniftres
de la Reine , & le Comte de Canales Mi---
niftre du Roi de Sardaigne. On croit qu'il s'y eft
agi d'une demande faite par ce Prince , concernant
une augmentation qu'il défire que fa Majefté "
fafle dans fon armée d'Italie. La lifte des Officiers
Généraux compris dans la derniere Promotion
ne fera rendue publique que quelque tems avant
l'ouverture de la campagne. Les nouvelles levées
fe continuent avec fuccès , & toutes les femaines .
il part des recrues tant pour la Lombardie que
pour les Pays- Bas. Le Prince de la Tour Taxis
principal Commiffaire du Grand Duc de Tofcane
à la Diette de l'Empire , a differé de quelques jours
fon départ pour Ratisbonne. Suivant les apparen
ces la Reine n'ira point à Olmutz comme elle fe
l'étoit proposée.
Les lettres de Warfovie marquent qu'on n'y
étoit point encore inftruit le 11 que la premiere
divifion du Corps de troupes , fourni par l'Impé
ratrice de Ruffie à fa.Majefté Britannique & à la
République des Provinces Unies , fut entrée en
Lithuanie. On a fçû par ces lettres que ce Corps *
de troupes n'étoit pas compofé de trente-cinq mille
hommes , ainfi qu'on l'avoit publié , mais feulementde
trente.mille cinq cent.
་
On écrit de Berlin du 24 Février que leurs Majeftés
Pruffiennes quitterent le18 de ce mois le deuil
qu'elles avoient pris pour la mort du Duc de Saxe
Weymar. Lé Général Bernes a communiqué aux-.
Miniftres du Roi quelques dépêches qu'il avoit re
çues de Vienne , & qu'on prétend regarder la pro
chaine ouverture du Congrès d'Aix - la - Chapelle..
On.continue d'affûrer que l'affaire des garanties .
158 MERCURE DE FRANCE .
que fa Majefté & la Reine de Hongrie le font
promis mutuellement , eft fur le point de s'accom .
moder , & que l'on conviendra bientôt d'un arrangement
pour la terminer à la ſatisfaction des deux
Puiffances. Le Prince Ferdinand de Brunſwick,
frere de la Reine & de la Princeffe de Pruffe , eft
allé à Wolfenbuttel pour y paffer quelque tems.
Le Lord Marshall Lieutenant Général des armées
du Roi d'Efpagne , & frere du Feldt Maréchal
Comte de Keith , eft arrivé depuis peu d'Italie ,
& il a rendu fes devoirs au Roi qui lui a fait un accueil
très favorable. Sa Majeſté a fait conduire
M. de Walrave à la Citadelle de Magdebourg , &-
M. de Winterfeld eft nommé pour examiner les
comptes de ce Major Général . Les avis reçûs de
Hanover portent que les Officiers des troupes de
L'Electorat , employées dans l'armée des Alliés
aux Pays - Bas , partent fucceffivement pour retour.
ner en Hollande , que M. de Dackenhaufen
Major du Régiment de Buſch , a été fait Lieutenant
Colonel de celui de Wendt , & que Meffreurs
de Bimont & de Borſtel , Majors de deux Régimens
d'Infanterie , ont obtenu des Brevets de
Lieutenans Colonels.
Les lettres de Vienne du 25 portent que le 23
le Grand Duc de Tofcane donna l'Inveftiture du
Temporel de la Prévôté d'Erlangen à l'Electeur
de Tréves , repréfenté dans cette cérémonie par le
Baron de Schonborn . Il fe tint le même jour un
Confeil en préſence de la Reine , à l'occafion de
quelques dépêches du Feldt- Maréchal Comte de
Bathiany La négociation , dont le Comte de la
Roque avoit été chargé par le Roi de Sardaigne
auprès de fa Majefté , ayant eu tout le fuccès
qu'on en attendoit , & cette Cour étant d'accord .
avec cellede Turin fur les opérations de la cam-
"
M A RS. 1748: 159'
r
pagne prochaine en Italie , ce Général eft parti
pour retourner à Turin. Ou affûre toujours que
les deux Puiffances font convenues de former une'
nouvelle entrepriſe contre l'Etat de Génes , & de .
faire paffer des troupes en Corfe , afin d'opérer
une puiffante diverfion. De moment à autre on attend
la nouvelle que les troupes Ruffiennes, defti--`
nées à entrer au fervice de fa Majefté Britannique'
& de la République de Hollande , font arrivées en
Lithuanie . Le Régiment d'Infanterie de Luchefi
doit fe rendre en Moravie dans les environs d'Olmutz
, afin de s'y joindre à ces troupes avec quel
ques autres Régimens , & de prendre conjointemment
la route des Pays - Bas. Pour cet effet il étoit
attendu à Vienne le 17 de Mars . On continue
avec beaucoup de fuccès les nouvelles levées de
foldats , & l'on a déja fait partir un grand nombre
de recrues pour les Pays- Bas & pour l'Italie. La
Reine a envoyé un Commiffaire fur la frontiere du
Royaume de Hongrie , pour y recevoir Schadi
Effendi Ambaffadeur du Grand Seigneur , & pour
faire défrayer ce Miniftre & fa fuite , dès qu'il
entrera fur les terres de la domination de fa Ma→
jefté. Il est arrivé deux domestiques de cet Ambaffadeur
, pour lequel on prépare l'Hôtel d'Oet
tingen dans le fauxbourg de Leopoldstadt.
La Comteffe d'Althan eft dangereufement malade
d'une chute qu'elle a faite. ,
Le Prince d'Avellino mourut le 23 en cette
ville .
On mande de Duffeldorp du 4 de ce mois qu'un
détachement de fix cent hommes de la garnifon
de cette ville partit le 29 du mois dernier , pour >
aller fe pofter fur la frontiere du Duché de Juliers,
& que la garnifon ſe trouvant confidérablement affoiblie
, tant par ce détachement que par ceux qui
160MERCURE DE FRANCE.
l'ont précédé , les Bourgeois font obligés de mon
ter la garde. On tire les hommes les mieux faits.
d'entre les Miliciens , pour completter les Régie
mens de troupes reglées . Il a paflé depuis peu près.
de cette ville un grand nombre de recrues pour
les troupes de Hanover, qui font partie de l'armée ,
des Alliés dans les Pays- Bas . On célébra à Duffeldorp
le 7l'Anniverfaire de la naiffance du Duc de
Deux Ponts . L'Electeur a nommé le Comte de,
Leinningen Major Général , & a accordé un Brévet
de Lieutenant Colonel au Baron de Kitfcher .,
Les lettres de Berlin marquent que le Marquis de
Valory , Envoyé du Roi de France auprès du Roi.
de Pruffe , a eu de ce Prince une audience dans
laquelle il lui a remis de la part de Sa Majefte
Très Chrétienne une lettre de félicitation fur la
naiffance du fecond Prince dont la Princeffe de
Pruffe eft accouchée . On a fçu par les mêmes lettres
que le Duc de Holftein , Feldt- Maréchal des
armées de fa Majefté Pruffienne , & Gouverneur
de Berlin , étoit tombé malade à Potsdam. Ces
avis ajoutent que le Major Général Kalſow eſt allé,
faire la revue de fon Régiment en Silésie , & que
M. d'Althoff, Chambellan de fa Majefté Suédoife,
eft retourné en Suéde ..
ESPAGNE.
Nécrit de Lisbonne du 6 Févtier qu'il fe
trouve actuellement dans ce Port fept vaif
feaux de guerre Anglois , quatre-vingt , dix -neuf
navires marchands de la même nation , un Napolitain
, fept Suédois ; dix Danois , un Pruffien
vingt-huit Hollandois , deux Vénitiens , fix de
Hambourg , un pareil nombre de Lubeck , quatre
de Dantzick & un de Livourne. Au commenceMAR
S. 161 1748.
ment de ce mois il eft revenu vingt-fept bâtimens
Portugais des côtes de France , d'Angleterre &
d'Irlande. Le navire la Notre-Dame de Nazareth
arriva des Indes Orientales le 26 Janvier dernier,
fous l'efcorte d'un vaiffeau de ſa Majefté . Le Pere
Jofeph de Saint Antoine , Religieux du Tiers Ordre
de Saint François , mourut, le 15 du même
mois à Catia dans un Convent de fon Ordre .
Defcendu de l'illuftre Maifon de Gama , & ci- der
vant connu dans le monde fous le nom de Don
Jacques Jofeph de Gama Lobo , il étoit Chevalier
de l'Ordre de Chrift , Gentilhomme de la Maiſon
du Roi , & Sergent Major de Cavalerie lorsqu'il
embraffa la vie Monaftique.
Don Manuel de Silva mourut à Santarem -lef
Janvier âgé de quatre - vingt-dix - neuf ans , trois
mois & vingt-huit jours , après avoir perdu l'année
derniere fa foeur , veuve de Don Antoine de Car.
valho Sergent Major d'Infanterie , laquelle étoit
dans la cent quatrième année de fon âge.
Le nommé Jean Fernandez eft mort depuis peu
à Arvore , petite ville du Diocèse de Porto dans fa
cent quatorziéme année.
·
Les lettres de Madrid du 20 nous apprennent
que les Intendans de Marine -de Cadix & du Ferrol
ont mandé à S. M. que le 6.de ce moîs l'Armateur
Jean Fernandes de Villars a pris à la vue des Berlingues
le Brigantin Anglois le Duc de Cumberland
de cent trente tonneaux , chargé de bled & d'au
tres marchandiſes , & que les Balandres le Folcan
le Robert , le Saint Georges & la Marchand de la
Mer Baltique , fur lesquelles il y avoit quatre mille
facs de grains , ont été conduits à Muros & à
Bayona par les Armateurs Don Pedre de Ges
Jacques Granel, Vincent Cavallero & François
Talotel
162 MERCURE DE FRANCE.
8
1:
Dona Monique Fernandez de Cordoue de Por
tocarrero , épouse du Comte de Montijo & Dame
d'Honneur de la Reine , eft morte en cette ville
le 17 , âgée de cinquante-quatre ans.
On vient de publier à Lifbonne une nouvelle
Ordonnance , par laquelle le Roi déclare que les
foldats qui s'enrôleront pour fervir dans les établiffemens
poffédés aux Indes par les Portuguais ,
recevront cinq Liſbonines d'engagement ; qu'ils
ne feront engagés que pour fix ans , & que ceux
qui aprés avoir fervi pendant ce tems , voudront
revenir dans ce Royaume ou paffer au Bréfil , y feront
conduits aux dépens de fa Majefté , que dans
les endroits où ils fixeront leur domicile ils jouiront
en arrivant des mêmes priviléges que les plus
anciens habitans , & que les places aufquelles ils
auront droit de prétendre leur feront données par
préférence ; qu'ils ne pourront , fous quelque prétexte
que ce foit , être contraints de prendre parti
une feconde fois dans les troupes , & que s'ils s'y
déterminent de leur propre mouvement , onleur
rendra les mêmes grades qu'ils auront eu lorſqu'ils
auront obtenu leur congé. Une flotte arrivée de Ma
ranham & de Gran- Para a rapporté une grande
quantité de vanille , de cacao , de caffé , de fucre ,
de tabac & de falfepareille. Le vaiffeau le Saint
François Xavier , commandé par le Capitaine Don
Philippe-François de Proença & Silva , eft revenu
deGoa après onze mois & vingt-deux jours de navigation.
Il y a actuellement dans le Port de cette
ville cent onze navires Anglois , trente Hollandois
, huit Suédois , dix Danois , deux Vénitiens ,
fix de Hambourg , fix de Lubeck & quatre de
Dantzick . Don Gafpard de Queiro Ribeiro Vaſconcellos
a époufé Dona Marie Anne Joachine
Camalho , fille de Don Juan Antoine Camalho
d'Arias Mendoza.
MARS
1748. 163
•
On a reçû avis de Rome que le Pape avoit difpofé
d'un Prieuré confidérable en faveur de l'Evê
que de Porto .
On mande de Madrid du 27 Février quela Reis
ne a été indifpofée pendant quelques jours , mais
que depuis deux faignées qu'on lui a faites , la
fanté de fa Majefté eft entierement rétablie. Le
10 , le 12 & le 14 de ce mois, le Prince d'Yacci ,
Ambaffadeur Extraordinaire du Roi des Deux Siciles
, a célébré par des fêtes de la plus grande magnificence
la naiffance du Duc de Calabre. La derniere
de ces fêtes a été furtout d'un éclat extraor
dinaire , & l'on a admiré particulierement le goût
avec lequel l'Hôtel de cet Ambaffadeur étoit illuminé
. L'Armateur Don Pedre de Ges eft entré
dans le Port de Vigo avec le brigantin Anglois
les Algarves , chargé de fix cent facs de bled , dont
il s'eft emparé le 31 du mois dernier vers le qua
rante-cinquième degré de Latitude: Septentrionale.
GRANDE - BRETAGNE.
Voici une lettre de Londres du 9.
Février.
Le Roi a fait remettre à la Chambre des
Communes des copies de l'acte par lequel les
Etats Généraux des Provinces- Unies ont confenti
à la conclufion du Traité de fubfide avec la Cour
de Pétersbourg ; de l'Extrait de ce qui a été inferé
à ce fujet dans le Regiftre de leurs réfolutions ; du
renouvellement du Traité d'Alliance & d'amitié
entre fa Majefté & l'Electeur de Mayence ; de la .
convention faite le 9 Juin 1747 entre le Roi de
Suéde , comme Landgrave de Heffe Caffel , & la
République de Hollande , pour un Corps de troupes
Heffoifes , & d'une autre convention fignée le
&
164 MERCUKE DE FRANCE.
•
12 du même mois à Pétersbourg entre fa Majefté
& l'Impératrice de Ruffie. Cette Princeffe par la
derniere convention dont il s'agit , s'engage à
tenir prêts quinzë vaifléaux de guerre & foixante
galéres , pour tranfporter en cas de befoin le fecond
Corps de troupes qu'elle a promis de fournir
à la Grande Bretagne . Les de ce mois la Chambre
des Communes approuva la réfolutión priſe le
2 d'augmenter d'un fcheling par livre fterling les
impôts fur les marchandiſes & les denrées étrangeres.
Elle renvoya hier àun Committé l'examen
du Bill pour défendre les affûrances fur les vaiffeaux
& les effets appartenans aux François. Aujourd'hui
elle a réfolu d'accorder quatre cent mille
livres sterlings pour la continuation du fubfide de
la Reine de Hongrie , trois cent mille pour celui
du Roi de Sardaigne , quatre cent mille pour l'en
tretien des troupes Hanovériennés qui font à la
folde de la Grande Bretagne , cent foixante-fept
mille pour celles de Ruffie , cent cinquante mille
pour les dépenses extraordinaires que ces dernieres
troupes pourront occafionner , huit mille pour le
fubfide de l'Electeur de Mayence , vingt-fix mille
pour l'Electeur de Baviere , cent foixante & deux
mille pour · les troupes de Hefle , & trente- neuf
mille huit cent foixante- quatre pour les nonvaleurs
des droits fur le verre & fur les boiffons
fortes.
L'Abbé de Groffa Tefta , Miniftre du Duc de
Modéne , eft ici depuis le 3 de ce mois , & hier il
confera avec le Duc le Newcaſtle Secretaire d'Etat.
M. O Kelly , Gouverneur de Groffetta en Tol
cane , & M. Plumкet , Aide-de- Camp du Feldt-
Maréchal Comte de Browne , font arrivés d'Italie.
On prétend que le premier eft chargé de négocier
un emprunt fur les revenus du Grand Duché de
€
MARS. 1748. 163
Tofcane , & que l'objet du voyage du fecond eft
de demander de la part de la Keine de Hongrie
au Gouvernement un fecours de cent quarante
mille livres sterlings , afin de pouvoir tenter de
nouveaux efforts contre les Génois. LeGouvernement
ayant décidé que M. de la Bourdonnais feroit
traité comme prifonnier de guerre,on lui a ôté
le Meffager d'Etat , à la garde duquel il étoit
confié , & il a obtenu la permiffion de retourner
en France fur la parole.
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud
n'ont point de prix fixe ; celles de la Banque font
à cent vingt ; celles de la Compagnie des Indes
Orientales à cent foixante , & les Annuités à quatre-
vingt-quinze .
Les lettres de Londres du 16 Février portoienr
que le Duc de Cumberland fit le 13 dans Hyde
Parcx la revue du troffiéme bataillon du premier
Régiment des Gardes à pied. Le même jour , le
Marquis de Rockingham , le Vicomte de Thowns.
hend , & le Lord Meynard , prirent féance dans
la Chambre des Pairs. Les Seigneurs ont envoyé
une députation à l'Evêque de Carlife , pour le remercier
du Sermon qu'il a prononcé devant eux le
io , à l'occafion de l'Anniverfaire de la mort de
Charles I. Le 12 la Chambre des Communes approuva
les réfolutions prifes le 9 touchant le fubfide.
Dans la même féance elle décida qu'on préfenteroit
une adreffe au Roi , afin de lui demander
communication d'une Convention conclue le 30
Mars 1745 , & fignée à la Haye le s du mois de
Mai de la même année par le Comte de Chefterfield
, alors Ambaffadeut Extraordinaire de fa Majefté
auprès des Etats Généraux des Provinces-
Unies. La Chambre fit le 14 divers changemens
au Bill , qui défend d'affûrer les navires & les effets
166 MERCURE DE FRANCE.
appartenans aux François. Ele lût le 1s pour la
feconde fois le Bill en faveur des Proteftans Etrangers
, mais lorsqu'on délibera fi on le mettroit en
Committé , cette propofition après de longs débats,
fut rejettée à la pluralité de cent quatre-vingtneuf
voix contre cent trois. Le 16 la Chambre a
dû paffer le Bill , pour établir un nouveau droit
d'un fcheling par livre fterling far toutes les marchandifes
, qui feront apportées des pays étrangers
dans la Grande Bretagne. Le Gouvernement
fera remettre dans peu au Parlement la copie
d'un plan propofé pour rétablir la paix en Europe.
Le 9 le Chevalier Warren arbora fon Pavillon à
bord du vaiffeau de guerre le Devonshire , de
quatre- vingt canons. On équipe avec toute la
diligence poffible l'efcadre que cet Amiral doit
commander , & elle s'affemblera à Spithéad , où
trois vaiffeaux de guerre Hollandois fe font rendus
pour agir conjointement avec elle . Le Comte
de Granard partira inceffamment , pour aller
prendre le commandement de celle de la Méditerranée.
Les Commiffaires de l'Amirauté ont
reçû avis que les vaiffeaux l'Amazone & le Romney
, de l'efcadre de l'Amiral Moftyng , s'étoient
emparés du Corfaire François le Comte de Noailles ,
& d'un navire de la Compagnie des Indes établie
en France , lequel avoit fait voile du Port de l'O.
rient , & dont la charge confiftoit principalement
en vivres qu'il portoit aux Colonies Françoiſes de
l'Amérique. On prépare les yachts la Caroline &
le Guillaume Marie pour tranſportér le Duc de
Cumberland en Hollande , & l'on comptoit qu .
ce Prince s'embarqueroit le 28 , ainfi deux
que
bataillons détachés des trois Régimens des Gardes
, & tous les Officiers aufquels on avoit accordé
des femeftres. Un grand nombre de bâtimens
MARS. 1748. 167
a été fretté pour le tranfport du Régiment d'Infan
terie de Pulteney , & de quatre autres Régimens
qui ont ordre de paffer dans les Pays Bas . Suivant
une lifte qui paroît des troupes deftinées à faire la
campagne , l'armée des Alliés , en y comprenant
les garnifons qui feront dans les places , fera
compofée de foixante mille hommes des troupes
de la Reine de Hongrie , de foixante mille des
troupes de la Grande Bretagne , de foixante mille
Hollandois , & de trente mille cinq cens Ruffiens.
L'armée d'Italie le fera de foixante mille Alle
mands & de trente cinq mille Piémontois. La
place vacante parmi les Commiffaires de la Tréforerie
par la démiffion de M. Legg , que le Roi a
nommé fon Envoyé Extraordinaire auprès du Roi
de Pruffe , a été donnée à M. Edgecombe. On a
envoyé quatre Meffagers d'Etat à Sheerneff , afin
d'en amener quelques perfonnes fufpectes qui ont
été arrêtées en Hollande, Les Ducs de Norfolk ,
de Gordon , de Hamilton & de Queenſborough ,
s'étant rendus cautions pour le Lord Traqhair , ce
Seigneur doit bientôt être mis en liberté.
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud,
n'ont point de prix fixe ; celles de la Banque font
cent dix - neuf, un huitiéme ; celles de la Compagnie
des Indes Orientales à cent cinquante - neuf,
trois quarts , & les Annuités à quatre- vingt quatorze
& demi.
Les nouvelles du 27 Février nous apprenoient
que le Roi devoit faire inceffamment dans la
plaine de Blake la revue de quatre Régimens
d'Infanterie , deſtinés à renforcer l'armée des Alliés
dans les Pays-Bas. On continue d'affûrer que
le Duc de Cumberland partira inceffamment pour
la Hollande , & les ordres font donnés pour faire
embarquer les équipages. Le 26 les Seigneurs fi
68 MERCURE DE FRANCE.
rent la feconde lecture du Bill concernant l'aug
mentation d'un fcheling par livre fterling fur les
droits que payent les marchandiſes apportées des
pays étrangers. Le 16 la Chambre des Communes
fit plufieurs changemens à ce Bill & yinféra
cette claufe , que les effets qui fe trouveroient à
bord des prifes faites par les Armateurs ,feroient
exemts detoute impofition. La Chambre examina
le 20 divers états qui regardent les manufactures
de toiles & le produit des Douanes. Le lendemain
elle paffa le Bill pour augmenter les impofitions
fur les marchandifes étrangeres. Elle ordonna
dans la même féance de mettre au net celui qui défend
les affûrances fur les vaifleaux appartenans aux
François.Onlui préfenta des Requêtes de la part de
plus de fix mille prifonniers détenus pour dettes
dans les prifons de la Grande Bretagne ,lefquels fe
trouvant réduits à la derniere mifère , demandent
que le Parlement fourniffe à leur ſubſiſtance , ou
leur donne les moyens de gagner leur vie par
quelque travail. Il fut réfolu le 20 de porter un
Bill a ce fujet & le 27 la Chambre a paffé le Bill
touchant les affûrances. Le 28 les deux Chambres
ne s'affemblerent point , à caufe du Jeûne général
qui a dû s'obferver dans les Royaumes d'Angle
terre ,d'Ecoffe & d'Irlande. Le Comte de Chefterfield
, Secretaire d'Etat ayant le Département
des affaires du Nord , ayant donné le 17 fa démif
fion , le Lord Gowers a exercé par interim les
fonctions de cette charge , & après quelques jours
elle a été donnée au Duc de Bedford , lequel aura
le département des affaires du Sud , le Duc de
Newcaftle s'étant chargé de celles du Nord . Sa
Majefté a difpofé en faveur du Comte Charles de
Sandwich de la place de Premier Commiffaire de
l'Amirauté , qu'avoit le Duc de Bedford , & l'on
croit
MARS.
169 . 1748.
croit que le Chevalier Warren , ou le Lord Coke ,
fils ainé du Comte de Leiceſter , obtiendra la place
que certe nomination fait vacquer dans le Bureau
de l'Amirauté. Le .21 l'Archevêque d'Yorck ,
après avoir prêté ferment avec les formalités accoûtumées
, prit féance dans le Conſeil Privé . 11
fut décidé le 24 dans ce Confeil qu'on drefferoit
une Commiffion pour autorifer la Cour de l'Amirauté
& les Tribunaux qui en dépendent , à connoître
de toutes les prifes qui ont été faites ou qui
fe feront dans la fuite fur les Génois, Le Comte
de Flemming , Envoyé Extraordinaire du Roi de
Pologne Electeur de Saxe, arriva le 20 de la Haye,
& il devoit avoir dans peu une audience du Roi ,
ainfi que l'Abbé Groffa Tefta Miniftre du Duc de
Modéne. Le public eft informé que par la convention
conclue en Hollande le 26 Janvier la
République des Provinces Unies , indépendamment
du contingent.de troupes qu'elle doit fournir
pour la caufe commune , s'engage à entretenir
des garnifons fuffifantes dans toutes les places fortes
; que la Reine de Hongrie s'impofe la même
obligation pour la ville de Luxembourg , & que
tout ce qui concerne le commandement de l'armée
des Pays Pas , fe réglera de concert avec les
Puiffances Alliées entre le Duc de Cumberland
& le Prince Stathouder des Provinces Unies. Les
Officiers des deux bataillons des Gardes à pied
employés dans cette armée , ont reçû ordre de retourner
joindre leurs Compagnies . Le Général
Ligonier a dû s'embarquer le 26 à Harwich pour
fe rendre à la Haye. On prépare un train d'artille
rie de cinquante piéces de canon , avec les muni
tions néceffaires pour le Corps de troupes Ruf
fiennes , qui entre au fervice de la Grande Bregne
& de la République de Hollande. ` Le
H
170 MERCURE DE FRANCE.
de Ma.
Roi a chargé le Général Anftruther d'aller reces
voir ces troupes fur les frontieres de la Siléfie. Le
23 le Lieutenant Général Saint Clair eſt parti
pour Vienne , d'où il doit aller remplacer auprès
du Roi de Sardaigne le feu Général Wentworth
en qualité de Miniftre Plénipotentiaire de ſa Ma,
jefte. On leve par force des matelots pour une
efcadre que le Gouvernement deftine à protéger
la navigation en Amérique. Sur l'avis que le Roi
de France fe propofe d'envoyer quelques vaiffeaux
de guerre aux Indes , les Commiffaires de l'Ami
rauté ont réfolu de renforcer Fefcadre de l'Amiral
Boscawen. Un vaiffeau revenu depuis peu
dére a rapporté que cet Amiral y étoit arrivé le
cinq Janvier avec fept vaiffeaux de guerre
& quinze navires de la Compagnie des Indes
Orientales , & que le dix- fept il avoit continué
fa route. Deux bâtimens de ſon eſcadre , lefquels
avoient relâché à Liſbonne pour réparer les dommages
qu'ils ont effuyés dans unetempête , l'ont
rejoint à Madére . Le 16 Février le Chevalier
Warren fit voile ' de Spithéad , & il parut le lendemain
à la hauteur de Plymouth avec trois vaif
feaux de guerre Anglois & fix Hollandois , mais
comme il fouffloit un vent d'Eft fort violent , les
huit vaiffeaux qu'il devoit prendre dans ce Port ,
ne purent en fortir pour le fuivre , & ils nefe font
mis en mer que le 21. On prétend que les ordres
de cet Amiral font de tâcher d'intercepter une
flotte qui doit partir de Cadix pour l'Amérique , &
une qui revient de l'Ile de Saint Domingue. Des
Négocians de cette ville ont déclaré à la Doüanne
plus de cent mille quintaux de bled pour les tranſporter
hors de la Grande Bretagne.
Le feu ayant pris à la prifon de Kenſale en Irlande
, plufieurs matelots François & Efpagnols,
MARS.
1717 1748.
qui y étoicot enfermés , ont péri malheureuſe .
ment dans les flammes .
Les foufcriptions pour les nouvelles Annuités
perdent trois & demi pour cent. Les Actions de
la Compagnie de la mer du Sud font à quatrevingt
quatorze ; celles de la Banque à cent dixfept
; celles de la Compagnie des Indes Orientales
à cent quatre-vingt feize , un quart , & les Annuités
à quatre-vingt douze , trois quarts.
PROVINCES - UNIES.
que
les
Nécritd'Amfterdam du 22 Février
Etats Généraux ont donné un Décret pour
indiquer un jour folemnel de Jeûne & de Prieres
lequel porte que les habitans des Provinces - Unies
feroient véritablement ingrats , s'ils ne fe reffouvenoient
pas continuellement des biens infinis qu'il
a plû au Tout- Puiffant de leur accorder , foit en
faifant reconnoître leur République pour Souveraine
par toutes les Puiffances de l'Europe , foit en
la protégeant dans les circonftances dangereufes
où elle s'eft trouvée ; que les Etats Généraux ne
peuvent cependant s'empêcher de faire attentio.n
aux malheurs que cette République a éprouvés ,
for- tout depuis les troubles furvenus après la mort
de l'Empereur Charles VI . que le Roi de France
mécontent des fecours qu'ils ont accordés à la Reine
de Hongrie , non feulement a envahi les Provinces
qui appartenoient à cette Princeffe dans les
Pays -Bas , mais encore s'eft emparé de plufieurs
villes & fortereffes dépendantes de la République ;
que comme il eft à craindre que Sa Majefté Très-
Chrétienne ne pouffe plus loin fes conquêtes , &
que la République , qui fe trouve prefque fur le
point de fa ruine , n'acheve de perdre tout ce qui
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
lui eft le plus précieux , les Etats Généraux weulent
que pour implorer la miféricorde Divine , on
obferve le 13 du mois prochain un Jeûne général
dans tous les pays de leur obéiffance, fls recom
mandent par le même Décret à tous les fujets de
la Republique de s'humilier devant l'Etre Suprême,
de lui demander avec un coeur contrit le pardon de
leurs iniquités , & d'implorer la continuation de
fa protection , afin qu'il daigne répandre fa bénédiction
fur les Confeils & les entreprifes du Gouvernement
& du Prince Stathouder , & accorder
un heureux fuccès aux négociations qu'on doit
commencer inceffamment pour parvenir à une
paix folide. Huit barques de pêcheurs ont été enlevées
par des Corfaires François . Les équipages
de divers bâtimens ont rapporté que les Anglois fe
font emparés de fept navires qui revenoient du
Levant à Marseille . Sur l'avis que des particuliers
fe font plaints fauffement de n'avoir pas été payés
des intérêts des capitaux qu'ils ont placés fur la
Banque de Drefde , M, Bock Confeiller & Réfident
du Roi de Pologne Electeur de Saxe , fait
avertir le public qu'il n'a point ceffé de payer lef
dits intérêts , que fi quelqu'un , faute de s'être préfenté
n'a pas touché les fommes qu'il devoit recevoir
, il peut apporter fes quittances & qu'on lui
comprera les fommes dont on lui eft redevable.
M. Daniel Jacob du Peyrou , Confeiller de cette
ville , & ci - devant Préſident des Echevins , eft
mort le 19 dans la quarantiéme année de fon
âge.
Les lettres du 23 nous apprennent que les Officiers
Généraux qui feront employés pendant la
campagne prochaine dans les troupes de la Répu
blique , font le Baron de Trips , Général de Cava-
Ierie ; M. Prætorius & les Barons de SchwartzenMAR
S. 1748. 173
Bourg , d'Aylva & de Burmania , Généraux d'Infanterie
, le Comte de Hompefch , Meffieurs de
Cannenbourg & Hoeuft Van Oyen , le Comte de
Schlippenbach , le Baron de Groveftins & M.
Vander Duyn de Mafdam , Lieutenans Généraux
de Cavalerie ; Meffieurs Conftant , Camminga
Villates , Lewe , Glinftra , de Bronckhorst , Sturler
, Roode de Hee xeren , de Leyden , Villegas ,
de Lilliers & le Comte d'Envie , Lieutenans Généraux
d'Infanterie ; M. de Faget d'Affendelft , le
Comte de Naffau Bewerwaert , le Baron Tuyl de
Serooskerken , le Comte Etienne de Rechteren ,
Meffieurs Kien , Bouricius , Eck de Norgena & de
Rivecourt, Majors Généraux de Cavalerie; le Comte
de Groveftins le Comte de Wartenfleben , MM .
Stuart,Grame , le Baron de Sporcken , M. Dougan ,
le Baron de Burmania , MM. Jacques Stur er , de
Sieghers, de Roufe, Muhler , le Prince de Stolberg,
Meffieurs de Maleprade , Cornabé , Deutz & de
Lentelo , Majors Généraux d'Infanterie .. Il paroît
uine Ordonnance du Prince Stathouder pour fixer le
nombre des chevaux & des voitures qu'ils meneront
à l'armée , & pour régler la dépense de leurs
tables. Ce Prince a accordé un Brévet de Lieutenant
Colonel à M. de Graaf , & la place de Major
du Régiment de Carabiniers de Hauft Van Oyen
à M. Antoine Levin de Pabft. Quelques Députés
fe font rendus à la Haye pour exécuter auprès
du même Prince une commiffion de la part des
Etats de la Province de Zélande .. Les Etats de la
Province de Hollande & de Weftfrife ont réfolu
d'établir une nouvelle Lotterie , dont on fera trente
tirages , & qui , ainsi que la précédente fera compofée
de cinq mille billets , chacun de huit cent
foixante florins. Il y aura autant de lots que
billets , & le premier lot fera de cent mille florins,
de
Hij
174 MERCURE DE FRANCE.
le fecond lot de cinquante mille , le troifiéme de
quarante mille , le quatrième de trente mille . Les
tirages fe feront d'année en année : on réſervera
pour le dernier les principaux lots , & juſqu'à la fin
de la Lotterie on payera trois pour cent d'interêt
pour les capitaux des billets qui ne feront pas fortis
de la roue .On a publié unDécret des mêmes Etats,
par lequel il eft dit que conformément à la promeffe
qu'ils ont faite lors du confentement donné
pour la levée du Cinquantiéme Denier , la perception
du Deux Centiéme Denier fur les obligations
de rentes perpétuelles & viagéres , ainfi que
fur les Actions de la Compagnie des Indes Orientales
, ceffera dès cette année , & que les Propriétaires
des maisons qui n'auront pas été habitées
pendant un an , ne payeront que la taxe ordinaire.
Les Etats Généraux ont nommé le Baron Tuyl de
Serooskerken , pour aller recevoir les troupes
Ruffiennes à leur arrivée en Allemagne . Ce Major
Général fera chargé des Lettres Réquifitoriales
de la République pour les Princes & Etats de
l'Empire , fur les terres defquels ces troupes doivent
paffer. Le Duc de Cumberland eft attendu
à la Haye dans peu avec le Général Ligonier, On
compte que le Feldt-Maréchal de Bathiani ne tardera
pas non plus à fe rendre en cette ville . Il a
été décidé qu'on enverroit quelques vaiffeaux de
guerre aux Indes Orientales , afin d'y protéger le
commerce des fujets de la République .
Le Comte de Flemming , Envoyé Extraordinaire
du Roi de Pologne Electeur de Saxe auprès du
Roi de la Grande Bretagne , eft allé reprendre à
Londres les fonctions de ſon miniſtére,
On écrit de la Haye du premier de ce mois
qu'on célébra le 28 du mois dernier l'Anniverſaire
de la naiſſance de la Princeffe Caroline , qui eft en
MAR S.
889175
1748 .
A
trée dans la fixième année de fon âge. Le 22
les Députés de la Province de Zélande , ayant તે
leur tête M. de Borffelen Vander Hooge , Premier
Noble de la Province , lequel porta la parole , eurent
audience du Prince Stathouder , & ils demanderent
que ces Etats fuffent pareins du Prince ou
de la Princeffe dont la Princeffe de Naflau devoit
accoucher , ce que le Prince Stathouder a accepté
avec beaucoup de marques de fatisfaction . Il donna
auffi le 26 audience auBaron de Heekeren deBrantzenborg
& à Meffieurs Bom , Ten Car , Effen
& Wentholt , Députés de la ville de Groenlo.
Les Députés des Etats de Hollande & de Weftfrife
fe féparerent le 24 , & ils ne devoient ſe raffembler
que dans quelques jours. Le Comte de
Sanwich , Miniftre Plénipotentiaire du Roi de la
Grande Bretagne , fut le 27 en conférence avec
quelques Députés de l'affemblée des Etats Géné
Faux. Les Colléges refpectifs de l'Amirauté ont
repris leurs déliberations. La nuit du 25 au 26 le
Fellt- Maréchal Comte de Bathiany arriva de Verviers
. Le Prince Frederic de Heffe , qui étoit allé
faire un voyage à Caffel , en eft revenu le 22. Le
Baron de Schwartzenberg a obtenu le Gouverne
ment de Stevenswaard, vacant par la mort du Baron
de Hambroeck . Un des nouveaux Régimens Suiffes
a été donné à M. Budé par le Prince Stathouder
, qui a nommé le Baron Charles - Philippe de
Leutrum , Lieutenant Colonel du Régiment de ce
nom , & a accordé un Brévet de Lieutenant Colonel
à M, Everard Van Oldebuккun , & la Majorité
du Régiment du Baron de Lilliers à M. Charles
Jofeph de Ton. Il eft déja arrivé d'Angleterre
plufieurs domestiques du Duc de Cumberland. On
écrit du Texel qu'il y étoit entré deux bâteaux de
pêcheurs , qui ont déclaré avoir eu la chaffe de
cing Armateurs François.
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
匪
Il fe tint le 4 de ce mois chés le Prince Stathou
"
der un Confeil de guerre , auquel affifterent tous
les Officiers Généraux qui font en cette ville . Ce
Prince fe rendit enfuite à l'affemblée des Etats Généraux
& de- là au Confeil d'Etat . M. d'Elfacker
Réfident des Electeurs de Cologne , de Baviere , &
Palatin , & M. Deneque , Miniftre du Duc de
Brunswick Wolfenbuttel , ont été.en conférence
avec M. d'Yffelmuyden , Préfident de l'aflemblée
des Etats Généraux . Le s le Baron de Boetzelaar
prit féance dans cette aflemblée en qualité de Député
de la Province de Hollande , & le Baron de
Waffenaer de Sterrenberg y prêta ferment pour la
place de Confeiller du Collège de l'Amirauté
d'Amfterdam, Les Députés des Colléges refpectifs
de l'Amirauté continuent de délibérer fur les
moyens d'augmenter la Marine & de favorifer le
commerce des fujets de la République. Sur la
propofition du Prince Stathouder , les Etats Généraux
ont nommé M. Tiddinga , Major Général .
Le Baron de Trips a obtenu le Régiment de Dragons
Wallon , vacant par la mort du Baron de
Mattha , Lieutenant Général , décédé à Maeftricht
le 26 du mois dernier dans la foixante-feptiéme
année de fon âge . Les deux Régimens qui feront
formés des Compagnies qu'on leve dans ies Cantons
de Glaris , d'Appenzel , de Bafle & de Schaf
foufe , ont été donnés à M. Sturler , Major Général
, & à M. Chambrier . M. de Maleprade, Lieute
nant Colonel du Régiment de Villates , a été fait
Colonel Commandant du Régiment de Trips. Les
Etats Généraux ont permis au Baron de Bréda de
lever un Corps de Mineurs & de Sappeurs , qui fera
compofé de quatre Compagnies , chacune de
cent cinquante hommes & de fix Cadets . La Lieutenance
Colonelle de ce Corps eft deſtinée à M.
MARS . 1748. 177
Bourquin , & la place de Major à M. Pierre François
de la Croix . Le Prince Stathouder a chargé
d'une commiffion auprès du Roi de la Grande Bretagne
le Comte Charles de Bentinck , qui eft parti'
pour Londres Tous les paffeports qu'on attendoit
, tant de la Cour de France que de celle d'Efpagne
, étant arrivés , les Miniftres Plénipotentiaires
, qui doivent affifter de la part des Puiffances
Alliées aux conférences d'Aix la Chapelle , fe préparent
à s'y rendre , & les équipages de ceux de la
République prirent le 6 cette route . Les Comtes
de Sandwich & de la Chavanne fe mettront en
chemin le y ou le 10 , & ils feront fuivis le 11 ou le
12 par les Miniftres Plénipotentiaires de l'Etat . On
fe fate que les conférences auront un fuccès favorable.
Il a été réfolu d'envoyer un Miniftre eri
Suiffe , pour y réfider de la part de la République.
Le Lieutenant Général Saint Clair , Miniftre
Plénipotentiaire du Roi de la Grande Bretagne
pour les affaires militaires auprès du Roi de Saraigne
, eft arrivé de Londres avec le Lord Forbes. Ils
ont été préfentés par le Comte de Sandwich au
Prince Stathouder , qui les a reçûs avec de grandes
marques de diftinction .
La Princeffe de Naffau eft accouchée le 8 an
matin d'un Prince , & la ville de Rotterdam ayant
demandé d'en être marcine , le Prince Stachouder
a confenti.
y
On mande de Breda dus Mars que le 1 de ce
mois un détachement d'Infanterie , de Cavalerie &
de Dragons des troupes Françoifes s'étoit préfenté
à la vue de Steenbergen , en le tenant hors de la
portée du canon , & qu'après avoir reconnu divers
poftes avancés , il étoit retourné à Bergopfoom .
M. de Vaux , Capitaine Ingénieur dans le Corps .
des Volontaires d'Orange , ayant furpris le polte
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
du petit Willebroek , y a fait quelques prifonniers,
Comme , à moins de faire une extrême diligence
pour repaffer la riviere , il avoit à craindre d'être
attaqué par un détachement de quatre cent François
aufquels déja l'allarme avoit été donnée , &
qui n'étoit qu'à une petite distance , le Chevalier
de Vial envoya à cet Officier plufieurs barques afin
d'accelerer fa retraite . Le Comte d'Envie , Lieute .
nant Général des armées de la République , eft
parti pour retourner à Steenbergen , où il commande.
Les troupes de la Reine de Hongrie , qui
font cantonnées dans l'Electorat de Cologne &
dans les Provinces voisines , font prêtes à fe mettre
en marche . Elles doivent s'affembler fur la
Meufe du côté de Ruremonde , où l'on établit des
magafins pour leur ſubſiſtance .
ITALI E.
DE GENES le 10 Février.
Rois féloucons de Lipari , à borddefquels it
y avoit un grand nombre d'Officiers & cinquante-
deux Grénadiers Royaux des troupes de
France , font arrivés à Génes les premiers jours de
cette femaine . Ils ont laiffé à Monaco trois mille
hommes prêts à s'embarquer , & on affure qu'avant
l'ouverture de la campagne il fe trouvera dans
l'Etat de Génes vingt - cinq mille hommes de troupes
, fans y comprendre les Compagnies Franches
& les Milices . On travaille avec une extrême diligence
dans l'Arfenal de cette ville à préparer un
train confidérable d'artillerie , & on a déja monté
fur leurs affuts plus de quarante pieces de canon
de batterie. Le Gouvernement a fait conftruire un
Fort vers l'embouchure de la Magra & paliffader
le pofte de Sarzanello. Il paroît que nos diverfes
MARS. 1748. 179
difpofions & Tes renforts qui nous viennent continuellement
de France & d'Espagne , ont rallenti
l'ardeur que les Allemands montroient à nous at→
taquer, & même, comme s'ils craignoient quelque
entrepriſe de notre part , ils fe retranchent dans le
pofte d'Aulla. Cependant les Anglois preffent vivement
la Cour de Vienne de les aider à fe rendre
maîtres de la Spécie. Le Duc de Richelieu partit
la nuit du 7 au's Février pour aller vifiter ce pofte
. Il y a été transporté par un féloucon de Lipari ,
auquel cinq autres pareils bâtimens fervoient d'efcorte.
On n'eft pas encore inftruit de ce qu'il a
piu à Sa Majefté Très - Chrétienne de décider au
fajet du vaiffeau Hollandois qui a été pris dans la
Plage d'Arenzano .
Voici l'extrait d'une lettre de Naples du 5 Février.
Le 4 le Duc de Miranda étant allé prendre
dans les caroffes de leurs Majeftés le Duc de Médina
Coeli , Ambafladeur Extraordinaire du Roi
d'Efpagne , conduifit ce Miniftre au Palais , où la
Duchefle de Columbrano , nommée par la Reine
d'Elpagne pour tenir en fon nom le Duc de Calabre
fur les Fonts de Baptême , ſe rendit en mêmetems
. Le Duc de Médina Coeli , en arrivant dans
la premiere cour , trouva la Compagnie des Hallebardiers
de la Garde fous les armes , les tambours
appellant. Peu après que cet Ambaffadeur & la
Ducheffe de Columbrano furent entrés dans la
Chapelle , leurs Majeftés y defcendirent , étant accompagnées
de leurs Grands Officiers & des Se
gneurs & Dames de la Cour , Le Duc de Calabre
y ayant été porté , le Cardinal Archevêque de
cette ville , lui fuppléa les cérémonies du Baptême
, & le Roi d'Efpagne , repréfenté par le Dec
de Médina Coeli , fut parein du jeune Prince . Le
Duc de Médina Coeli préfenta enfuite au Roi les
H vi
180 MERCURE DE FRANCE.
marques de l'Ordre de la Toifon d'Or , dont fa
Majefte revêtit le Duc de Calabre. Cet Ambaffadeur
fut reconduit à fon Hôtel avec le mème cortége
qui l'avoit conduit au Palais , & le ſoir ildonna
à fouper à deux cent perfonnes.de diftinction
. Il a remis de la part du Roi d'Espagne une
Croix Epifcopale , garnie de diamans , au Cardinal
Archevêque de cette ville ; deux Braffelets de perles
Orientales à la Ducheffe de Columbrano , &
une bague de grand prix au Duc de Miranda .
L
DE CAGLIARI le 4 Février
Es Bandits qui fe font aſſemblés dans les montagnes
de la partie méridionale de cette lfle ,
continuent de ravager le plat pays & y ' commettent
de très grands excès . Leurs Chefs ont publié
une espece de Manifefte , par lequel ils déclarent
qu'ils ne mettront point les armes bis avant qu'on
ait rétabli divers priviléges dont iis prétendent que
le feu Roi leur avoit promis la confervation.
Comme ils font munis d'armes & de poudre en
affés grande quantité , on craint qu'ils ne foient
foutenus par quelque Puidance . Les habitans de
foixante - deux villages fe font affociés pour la défenfe
commune. Ceux qui ont pu s'armer ont dé
ja formé un cordon le long des montagnes , &
ceux qui manquent d'armes en ont envoyé demander
au Viceroi . On fait croiter plufieurs barques
fur les côtes , particulierement vers l'ile de
Corfe , pour empêcher les Rebelles de recevoir
par mer aucun fecours.
MARS. 1748 .
181
T
DE PARME le 14.
Outes les troupes qui font dans ce Duché &
dans le Plaifantin , ont leurs derniers ordres
pour le tenir prêtes à marcher, & l'on a déja deftribué
aux Regimens leur artillerie de campagne .
Quelques détachemens ont été envoyés fur les
frontieres de la Lunégiana , afin d'obferver les
mouvemens des troupes de France , d'Eſpagne &
de Génes . Cette année l'armée de la Reine de .
Hongrie en Lombardie fera compofée des Régiimens
d'Infanterie de Henri de Daun , de Hildburfghaufen
, de Traun , de Schullembourg , de
Pallavicini , de Konigleg , de Grune , de Mercy ,'
de Vettes , de Picolomini , de Keyl , de Marshall ,
de Roth , de Wolfenbuttel, de Gulay' , de Léopold
Pally , de Staremberg , d'Andlau , de Hagenbach ,
de Colloredo , d'Andréaft , de Sprecher , de Forgatſch
, d'Efterhafi & du Grand Maître de FOrdre
Teutonique , des Régimens, de Cuirafliers de Jean ..
Palfy , de Portugal , de Lobkowitz & de Berli- .
chingen , des Régimens de Dragons de Savoye ,.
de Saxe Gotha , de Baileyra & de Holly ; des Ré- ,
gimens de Huffards de sp'ént & de Baroniay , & 1
de huit bataillons de Waradins & de Carlſtadiens.
Les Officiers Généraux qui commanderont ces
troupes fous le Comte de Browne , feront le Comte
de Konigleg , le Marquis Picolomini , le Ba -4
ron de Keyl , le Marquis Novati , M. de Neuhaus
& le Comte de Barbonne , Lieutenants Feldt Ma -¡
réchaux d'Infanterie , les Comtes Nadatti , Luchefi
& Serbelloni , Lieutenants Feidt-Maréchaux de
Cavalerie ; le Comte de Harfch , les Barons de
Hinderer , d'Andlau & de Méligny , le Comte de
Colloredo , le Baron Andréafi , le Chevalier de
Saint André , le Baron de Liezen, Mrs de Zichock,
182 MERCURE DE FRANCE.
de Sprecher & Marini , les Comtes Efterhaft & dé
Maguirre , le Baron de Schertzer & le Marquis
Cavalieri , Majors Généraux d'Infanterie , le Baron
de Kolbe , M. de Rottern , le Comte Odonel ,
& le Comte d'Althan , Majors Généraux de Cavalerie.
On écrit de Rome du 26 Février que le 11 de
ce mois l'Ambaffadeur de la République de Vénife
fit fon entrée publique en cette ville , & il eut
fa premiere audience du Pape , étant préfenté à Sa
Sainteté par les Cardinaux Valenti Gonzaga &
Delfino . Le Pape tint le lendemain une Congrétion
, compofée des Cardinaux Alexandre Albani ,
Caraffe , Gentile , Sciarra Colonne , Monti &
Mefmer , dans laquelle on examina les prétentions
formées par quelques Communautés Religienfes
de Lithuanie. Le Cardinal Girolami , qui eft à
l'extrémité , ayant fait un teftament peu favorable
pour fon neveu , celui- ci a fupplié Sa Sainteté de déterminer
ce Cardinal à changer fes dernieres difpofitions
. Sa Majefté Portugaiſe a fait remettre à Rome
fix mille écus pour contribuer à la conſtruction
de l'Eglife que le Roi de Pruffe a permis aux Catholiques
de bâtir à Berlin . On écrit de Naples
que les magnifiques caroffes dont le Roi de Pologne
Electeur de Saxe fait préfent à la Reine des
deux Siciles, y font arrivés. Les mêmes avis portent
que les troupes Napolitaines qui font fur la frontiere
du Royaume , doivent inceffamment aller
prendre des quartiers de cantonnement.
MARS. 1748. 183
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &'c.
E 28 du mois dernier Mercredi des
LCendres , le Roire que les
mains du Cardinal de Rohan , Grand Aumônier
de France . La Reine les reçût des
mains de l'Archevêque de Rouen , fon
Grand Aumônier ; Monfeigneur le Dauphin
des mains de l'Abbé de Raigecourt ,
Aumônier du Roi ; Madame la Dauphine
des mains de l'Evêque de Bayeux , fon
Premier Aumônier , & Mefdames de France
des mains de l'Abbé Belon , Chapelain
-de S. M.
Le Roi a nommé le Marquis de Menou
Maréchal de fes Camps & Armées.
Le Roi de Pologne , Duc de Lorraine &
de Bar , a créé cinq nouveaux Gouvernemens
dans la Lorraine , & a donné celui
de Commercy au Comte de Berchiny.
Lieutenant Général des armées du Roi ;
celui de Mirecour au Marquis de Stainville
, Brigadier , Colonel du Régiment de
Navarre ; celui de Pont- à- Mouffon au Marquis
des Salles , Brigadier , Colonel du
Régiment de Champagne ; celui de Saint
184 MERCURE DE FRANCE.
>
Mihel au Marquis de Cuftine , Brigadier
Colonel du Régiment de fon nom , & celui
d'Epinal à M. de Mareil , Brigadier ,
Colonel du Régiment Royal Lorraine .
Le 3 de ce mois , premier Dimanche du
Carême , leurs Majeftés entendirent dans
la Chapelle du Château la Mefle chantée
par la Mufique. L'après midi le Roi accompagné
de Monfeigneur le Dauphin ,
de Madame la Dauphine & de Madame
Adelaïde , affifta à la Prédication du Pere
Tainturier , de la Compagnie de Jefus .
S. M. entendit le 6 le Sermon du même
Prédicateur. La Reine l'a entendu , ainfi
que le 3 , dans la Tribune .
Le 10 de ce mois fecond Dimanche du
Carême , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château la Melle chantée
par la Mufique , & l'après midi leurs
Majeftés , accompagnées de Monfeigneur
le Dauphin, deMadame laDauphine & de
Madame Adelaide , affifterent à la prédi
cation du Pere Tainturier , de la Compagnie
de Jefus.
•
*
Le 8 & le 13 le Roi entendit le Sermon
du même Prédicateur.
Le Roi a accordé au Prince Conſtantin .
l'agrément de la charge de Premier Aumônier
de S. M.
Sa Majefté a difpofé du Régiment Royal
MARS. 1748:
185
Rouffillon , qui vacquoit par la Promotion
du Marquis d'Hauffonville , au grade de
Maréchal de Camp , en faveur du Marquis
de Hautoy , Capitaine avec rang de Lieutenant
Colonel dans le Régiment de Ca
valerie d'Efcars , & du Régiment d'Infanterie
, dont le feu Marquis de Genfac étoit
Colonel , en faveur du Marquis de Vaſtan ,
Capitaine dans le Régiment Dauphin
Etranger.
Le 17 troifiéme Dimanche du Carême
le Roi & la Reine entendirent dans la
Chapelle du Château la Meffe chantée par
la Mufique, & l'après midi le Roi , accompagné
de Monfeigneur le Dauphin , de
Madame la Dauphine & de Mefdames de
France , afifta à la prédication du Pere
Tainturier , de la Compagnie de Jefus.
La Reine entendit le Sermon dans la Tribune..
Leurs Majeftés entendirent le 15 le
Sermon du même Prédicateur.
Le Marquis de Verceil & le Marquis
de Montigni , Exemts des Gardes du Corps
avec Brevet d'Enfeignes , ont été nommés
Maréchaux des Camps & Armées du Roi.
Le Roi a accordé le Régiment de Cavalerie
, vacant par la mort du Marquis
d'Harcourt , au Chevalier d'Harcourt ,
186 MERCURE DE FRANCE.
Sous-Lieutenant de la Compagnie des Che
vau- Legers d'Orleans .
Le Maréchal.Comte de Saxe a pris
congé du Roi le 14 de ce mois , & il partit
le 18 pour aller prendre le commandement
de l'armée que S. M. fe propofe de faire
affembler dans les Pays Bas.
Le Comte de Saint Severin eft parti
le 20 pour fe rendre à Aix- la-Chapelle ,
& pour y affifter en qualité de Miniftre
Plénipotentiaire du Roi aux conférences
dans lefquelles on doit travailler au retabliffement
de la paix. Meffieurs Tercier
& le Houx accompagnent le Comte de
Saint Severin dans fon voyage.
MARS. 1748. 187
BENEFICES DONNE'S.
La
E Roi a accordé l'Evêché d'Anvers
à l'Abbé de Raigecourt , Aumônier
de Sa Majesté.
L'Abbaye de Lieu-Croiffant , Ordre de
Cîteaux , Diocèfe de Bezançon , à l'Abbé
Courchetet , Vicaire Général du même
Diocèfe .
Celle de Barzelles , même Ordre , Diocèfe
de Bourges , à l'Abbé du Bailleul ,
Vicaire Général de l'Evêché de Rhodez .
Celle de Saint Marcel , même Ordre ,
Diocèfe de Cahors , à l'Abbé de Villars
Lugein.
L'Abbaye Réguliere de Blanchelande
Ordre de Prémontré Diocèfe de Coutances
au Pere Prévôt , Prieur de cette Abbaye.
Celle de la Luzerne , même Ordre
Diocèfe d'Avranches , au Pere Cuvigny
, Vicaire Général des Prémontrés Réformés.
Celle de Terhaeghem , Ordre de Cîteaux
Diocèfe de Gand , à Madame
Ronffe , Religieufe de la même Abbaye.
,
Celle d'Hieres , même Ordre , Diocèſe
de Toulon , à Madame de l'Epine Dupuy
, Religieufe de l'Ordre de Saint Benoit
.
188 MERCURE DE FRANCE.
On a reçû de Génes la nouvelle d'une
action , dans laquelle les troupes du Roi
ont remporté l'avantage , & dont voici les
principales particularités.
Le Fedt Maréchal Comte de Browne
ayant formé le deffein de fe rendre maître,
de Voltri , où le Marquis Monti commande
, le Comte Nadafti a marché avec quatre
mille hommes & quatre piéces de canon
, & le 18 du mois dernier il fit atta
quer en même tems par deux divifions de
fon Corps de troupes le Pofte de Melle &
celui des Capucins . Cent cinquante hommés
qui étoient dans le premier de ces
deux Poftes , & qui ne purent réfifter à la
fupériorité du nombre , fe replierent dans
les Palais voifins de Voltri.Comme il étoitd'une
extrême importance de garder le
Pofte des Capucins , le Marquis Monti
s'y porta lui même , & y ayant fait avancer
le Régiment de Breffe , il défendit ce
Pofte contre tous les efforts des Allemands .
Auffi-tôt que le Duc de Richelieu fut informé
de la tentative faite par les ennemis ,
il envoya à Voltri le Chevalier Chauvelin ,
Maréchal de Camp , & il le fuivit avec
buit Bataillons François & un Bataillon
Suiffe des troupes d'Efpagne . Le Chevalier
Chauvelin , en arrivant à Voltri , s'apperçut
que les Allemands , rebutés d'avoir
MARS. 1748. 18.9
inutilement attaqué pendant fix heures le
Pofte des Capucins , rallentiffoient leur
feu , jugeant qu'ils étoient dans la réſolution
d'abandonner cette attaque , il détacha
le Régiment de Breffe vers Palmara
pour couvrir la communication avec Génes
, & pour affûrer la jonction du Duc
de Richelieu . En même tems , afin d'empêcher
une divifion des troupes ennemies ,
qui avoit occupé les hauteurs du Colletto
& de la Mandola , d'attaquer le Palais
Durazzo , & de forcer Voltri dans cette
partie qui , eft la plus foible de ce Pofte ,
il renforça de troupes tous les endroits
par lefquels le Comte Nadafti pouvoit
tenter de penetrer. Pendant que le Chevalier
Chauvelin faifoit fes difpofitions, le
Duc de Richelieu s'étoit avancé à Peggi
avec fon Corps de troupes , & avoit garni
par échelons les hauteurs qui dominent la
Plage depuis Génes jufqu'à Voltri . Les
ennemis , perdant alors l'efpérance de réuffir
dans leur entreprife , cefferent entierement
leur feu , & le 19 deux heures avant
le jour le Comte Nadafti , qui dès l'entrée
de la nuit s'étoit retiré à Melle avec toutes
fes troupes , reprit la route de Campo- fredo
, où étant arrivé le même jour , il les
fépara, pour les renvoyer dans leur quartiers,
Selon le rapport des Deferteurs les
190 MERCURE DE FRANCE.
ennemis ont perdu cinq cent hommes. Il
n'y a eu de notre côté que quarante- quatre
hommes tués & environ quatre-vingt blef
fés .
Le 24 quatriéme Dimanche du Carême
le Roi & la Reine entendirent dans la
Chapelle du Château la Meſſe chantée par
la Mufique.
La Reine communia le même jour par
les mains de l'Archevêque de Rouen , fon
Grand Aumônier .
Le 25 Fête de l'Annonciation de la
Sainte Vierge leurs Majeftés entendirent
la Meffe & les Vêpres dans la même Chapelle
, & l'après midi le Roi accompagné
de Monfeigneur le Dauphin & de Meldames
de France affifta à la prédication du
Pere Tainturier , de la Compagnie de Jefus.
Leurs Majeſtés , entendirent le 23 lé
Sermon du même Prédicateur .
Le Roi ayant refolu de faire revenir de
Fontevrault Madame Victoire de France ,
la Maréchale de Duras & les autres Dames
nommées conduire cette Princeffe , pour
partirent le 14 du Château des Thuilleries
dans les caroffes du Roi , afin d'aller la prendre
dans cette Abbaye . Madame Victoire ,
qui fe mit le 20 en route , trouva à Sanmur
& à Langeais le détachement de la
MARS. 191 1748.
-maifon de S. M. Cette Princeffe coucha
le 20 à Langeais , le 21 à Amboife , le 22
à Clery & le 23 à Estampes. Le Roi accom,
pagné de Monfeigneur le Dauphin alla le
24 au devant d'elle , & l'ayant rencontrée
à l'étang du Pleffis Piquet , retourna avec
elle a Verſailles , où la Reine & la Famille
Royale la reçurent avec les démonſtrations
de la plus vive tendreffe .
Le 22 le Pere Geoffroy , l'un des Profeffeurs
de Réthorique du Collège de Louis
le Grand , prononça un Difcours Latin ,
qui avoit pour titre Ludovico Belgico. Le
Cardinal de Soubife y affifta , ainfi qu'un
grand nombre de Prélats & d'autres per
Tonnes de diftinction .
De Liege le 22 Février.
On a fait partir il y a quelques jours
pour Venlo les foldats de recrues , levés
dans ce Païs pour les troupes de la Répu
blique des Provinces Unies. Les troupes
de la Reine de Hongrie , aufquelles on a
diftribué des quartiers de cantonnement
fur les frontieres voifines du Brabant & .
du Comté de Namur , ont reçû ordre de
fe tenir prêtes à marcher . Differens avis.
confirment que les François fe difpofent à
ouvrir de bonne heure la campagne ; qu'ils.
font des amas confidérables de fourage &
192 MERCURE DE FRANCE.
d'autres provifions , & qu'ils affemblent
un grand nombre de pontons. Le Comte
de Saint Severin d'Arragon , qui doit affifter
en qualité de Miniftre Plénipotentiaire
du Roi Très- Chrétien aux conferences
pour la paix , a envoyé ordre d'acheter
ici divers meubles.Onman de d'Aixla-
Chapelle , qu'il y a déja des Hôtels de
loüés pour les Comtes de Kaunitz , de
Sandwich & de la Chavanne , Miniftres
Plénipotentiaires de la Reine de Hongrie ,
du Roi de la Grande Bretagne & du Roi
de Sardaigne , & qu'on prépare en diligence
les appartemens de la maifon où
doivent fe tenir les Conferences.
Le 15 du même mois le Feldt-Marechal
Comte de Bathiani donna un magnifique
fouper , fuivi d'un Bal , aux perfonnes de
diftinction de la ville & des environs de
Verviers,
De Bruxelles le 24,
Il a paffé ces jours- ci dans les environs
de cette ville plufieurs Régimens , dont
les uns font allés à Malines , les autres à
Dendermonde. Le Bataillon de Milice de
Neufchâtel , qui étoit ici en garnifon , a
marché à Oudenarde. On dit qu'il y fera
fuivi de trois autres Bataillons de Milice ,
avec lefquels il formera une Brigade . On a
mis
MARS. 1748. 193
mis un Embargo fur tous les bâtimens , tant
en Flandres que dans le Brabant, & on n'attend
que le dégel pour les employer à l'ufage
aufquels on les deftine. Le Maréchal
de Lowendalh s'eft rendu d'Anvers au
Fort de Lillo, & de- là à celui de Sandvliet,
pour en vifiter les fortifications. On croit
qu'il fera bien-tôt ici un voyage & qu'il
ira enfuite à Namur.Les lettres de Bergopfoom
marquent qu'on y établit de grands
magafins & qu'on y a publié une Ordonnance
, par laquelle il eft enjoint à toutes
les perfonnes qui y poffedent des maifons,
& qui font forties de la ville , d'y revenir
dans un tems limité.
On a appris que les troupes ennemies qui
'avoient abandonné la ville de Tirlemont à
l'approche d'un détachement que le Comte
de Saint Germain y avoit envoyé , étoient
rentrées dans ce pofte après la retraite de
ce détachement.
De Bruxelles le Mars. 9
Le Maréchal de Lowendahl eft allé faire
un voyage à Namur , d'où il doit revenir
dans quelques jours. En attendant fon retour,
on travaille aux préparatifs pour l'ouverture
de la campagne on a déja commencé
à monter fur leurs affuts tous les canons
qui font dans l'Arfenal de cette ville ,
I
194 MERCURE DEFRANCE.
& l'on fait un grand amas de Pontons.
de Gabions & de Fafcines . Il a été ordonné
aux Etats du Brabant d'affembler avant la
fin du mois trois mille chariots pour le fervice
de l'armée. Le 3 il arriva de Gand
fous une nombreuſe eſcorte un fomme con
fidérable pour le pavement des troupes. On
affûre que le Maréchal Comte de Saxe partira
le 18 de Paris pour fe rendre ici , &
la ville fe propofe de lui faire une magnifi
que réception. Les équipages du Comte de
Saint Severin d'Arragon , Miniftre Plénipotentiaire
du Roi aux conférences d'Aix
Ja Chapelle , ont paffé ces jours derniers
par cette ville. Il a été publié une Ordonnance
de Sa Majefté , portant défenſes à
toutes perfonnes , fous peine d'être punies
avec une extrême rigueur , de fournir aux
ennemis aucunes denrées , de quelque efpéce
qu'elles puiffent être.Suivant les dernieres
lettres de la Haye le Comte de Sandwich
a reçu un courier de Pétersbourg ,
avec la nouvelle que les ratifications du
Traité conclu le 30 du mois dernier par
le Roi de la Grande Bretagne & par les
Etats Généraux des Provinces Unies avec
I'Impératrice de Ruffie, avoient été échangées
, & que les troupes fournies par cette
Princeffe à ces deux Puiffances , étoient en
pleine marche pour entrer en Pologne.
MARS. 1748 .
195
Le Samedi 17 Fevrier le Corps de la
Mufique de la Chapelle du Roi fit un fervice
folemnel dans la Paroiffe de Notre-
Dame de Verſailles pour le repos de l'a
me de feu M. l'Abbé Madin , mort le 3
de ce mois , l'un des Maîtres de Mufique
de la Chapelle du Roi . Les Eccléfiaftiques
de ce Corps officierent ; la Meffe fut chanfée
en Mufique & Symphonie , & après la
Meffe on chanta en Mufique le Pleaume
De profundis , de la compofition de M.
Mondonville Maître de Mufique de la
Chapelle du Roien quartier. Le Corps de
la Mufique eft dans l'ufage de faire un
Service en Mufique pour chaque Muficien
du Roi, qui meurt , & de lui chanter fur la
foffe à fon enterrement le De profundis en
faux- bourdon .
Feu M. l'Abbé Madin , l'un des grands-
Compofiteurs en Mufique du fiécle , étoit
Gentil- homme Irlandois ; il avoit fucceffivement
occupé les Maîtrifes de Meaux ,
Verdun , Tours , Rouen . Etant à Tours il
fut choisi pour remplir un quartier de Maître
de Mufique de la Chapelle , il fut enfuite
chargé de l'éducation des Pages de
la Chapelle ; le Roi l'avoit gratifié d'un
Canonicat de Saint Quentin..
AVIS.
Jean François Banchieri Tréforier Gé-
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
>
néral de Notre Saint Pere le Pape & de
fa Chambre Apoftolique , fçavoir faifons
que le fieur Antoine Coradini Sculpteur
défiroit de faire une Loterie publique d'une
Statue de fa façon , de Marbre de Carrara,
de 10 palmes & demi d'hauteur , repréſentant
la eftale Tuccia couverte d'un voile
tranfparent , de la valeur de quatre mille
écus romains ,ſelon la priſée & l'eſtimation
qu'en ont fait cinq de nos plus fameux
Sculpteurs choifis & nommés à cet effet ,
comme il eft fpécifié dans l'acte arrêté par
le Sécretaire de la Chambre Apoftolique
fouffigné. Nous en vertu de nos pouvoirs
ordinaires & pour prévenir tout abus , &
pour la fûreté dans l'exécution , de ladite
Loterie arrêtée & fignée par Sa Sainteté ,
avons donné la permiffion audit Coradini,
après avoir toutefois figné l'état dreffé par
les Experts qui avoient été commis pour
l'eftimation , de faire pendant le cours d'un
an à commencer de la date du préfent avertiffement
, tout ce qui fera néceffaire pour
remplir ladite Loterie , dont le nombre
des Billets a été fixé à celui de deux mille
& en cas qu'il arrivât que ladite Statue vînt
à être endommagée & mutilée avant le tirage
de la Loterie , ledit Sr Coradini fera
obligé d'en faire une autre , de même hauteur
& de la même perfection à tous égards,
MAR S. 1748. 197
Pour remplacer cellequi auroit été endommagée
, & pour donner tous les éclairciffemens
néceffaires à ceux qui voudront participer
à ladite Loterie ; nous avertiffons
qu'ils pourront voir & examiner librement
la fufdite Statue dans l'attelier de l'Auteur
à la place Barberini , dans le petit Carrefour,
dit la Chaine , fous le Palais du Prince Barberine
, où ledit Antoine Coradini fe fera
un plaifir de la montrer à tous ceux qui ſe
préfenteront.
-Les Billets feront délivrés chés lui ou
chés ceux qu'il commettra ; ils ont été fixés
à deux écus chacun , & l'argent defdits.
Billets fera dépofé au Mont de Piété , & à
la Banque du Saint Efprit pour la fûreté
de tous les intéreffés , & ne fera délivré
audit Coradini qu'après le tirage de ladite
Loterie , & la délivrance du lot à celui à
qui le fort l'aura donné..
1
On avertit encore que lefdits Billets qui
feront imprimés avec ce titre Loterie d'une
Statue de Marbre, avec leurs numeros , feront
foufcripts & cachetés par ledit Coradini
& contrefignés en outre par le fieur
Enée Antoine Borini Commiffaire fubftitut
de la Chambre Apoftolique , & cachetés
de fes armes , & que le tirage de ladite
Loterie fera fait , comme il a été dit cideffus
, dans un an de la date du préſent
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
avertiffement , & même avant , fi ladite
Loterie fe trouvoit remplie.
Que fi tous les Billets au nombre préfixe
de deux mille n'étoient pas entierement
diftribués dans le terme d'un an accordé
on ne laifferoit pas que de la tirer , & le ti
rage s'en fera avec toute la fidélité poffible
en préſence du fieur Enée Antoine Borini
Commiffaire fubftitut de la Chambre Apoftolique,
& du Secretaire fouffigné , qui
fe trouveront au lieu & jour que nous
leur indiquerons à cet effet par un avertiffement
exprès.
Donné à Rome dans l'appartement de
notre réfidence ordinaire au Palais du
Mont Citorio le 16 Décembre 1747 ..
G. F. Banchieri Tréforier Général.
Cefar Ridolfi Secretaire Chancelier de la
R. Chambre Apoftolique.
Le Roi vient d'accorder 8000 livres de
penfion à M. le Comte de Mortaigne ,
Lieutenant Général de fes armées , & ce
Général a donné fa démiffion de la Charge
d'Infpecteur du Corps des Volontaires
Royaux , laquelle a été fupprimée par une
Ordonnance du ... Mars , de maniere que
Monfieur le Comte de Chabo , Brigadier
des armées du Roi refte feul chargé du dé
tail de cette belle & vaillante troupe , dont
MARS 1748 199
il étoit déja Colonel & Commandant ſupérieur
, par une Ordonnance du 20 Janvier
1747, qui avoit créé cette charge.
REGLEMENT de Meffieurs les Ma
réchaux de France au sujet des Billets
d'honneur faits par des Gentilshommes ou
Officiers, à des Marchands ou particuliers,
des Gentilshommes ou Officiers qui prê
tent leur nom à des Marchands ou partieculiers.
Du 20 Février 1748.
LES MARE'CHAUX DE FRANCE.
'Attention continuelle que nous don
nons à conferver parmi la Nobleffe &
les Officiers des troupes du Roi les fentimens
d'honneur qui en doivent être inféparables
, & l'importance de maintenir en
eux ces fentimens , ne nous permettent pas
de nous en tenir fimplement à réprimer les
abus , mais exigent encore.de nous de tâcher
de les prévenir. C'eft dans cette vûë
qu'après avoir reconnu qu'il s'introduifoit
depuis quelques années dans les billets
d'honneur faits par les Gentilshommes &
les Officiers des troupes de Sa Majesté un
abus qui pouvoit tendre à favorifer la furprife
& le manque de bonne foi , par des
billets d'honneur faits à des Marchands ou
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
à d'autres perfonnes non jufticiables de
notre Tribunal , & par un abus encore plus
condamnable , étant arrivé quelquefois
que des Gentilshommes ou des Officiers
ont confenti que l'on fit en leur faveur
des billets d'honneur où ils n'avoient au
cun intérêt , ne faifant en cette occafion
que prêter leur nom aux Marchands & autres
particuliers non jufticiables de notre
Tribunal , qui en étoient les véritables
créanciers , Nous avons crû néceffaire de
rendre publics les principes fur lefquels
nous avons accoûtumé de juger dans de
femblables cas , afin d'arrêter le cours de
pareils abus , qui ne peuvent que tourner
au deshonneur de la Nobleffe & des Officiers
des troupes & à la ruine des Marchands
& autres particuliers. A ces cauſes,
nous avons , fous le bon plaifir du Roi ,
arrêté & ordonné ce qui fuit .
ART . 1. Tout Gentilhomme ou Officier
qui fera , pour quelque caufe que ce
foit , un billet d'honneur à un Marchand
ou autre particulier non jufticiable de notre
Tribunal , & qui n'aura pas fatisfait à
fon engagement d'honneur , fera puni par
un mois de prifon , ou plus , felon que le
le cas pourra l'exiger , & le Marchand ou
particulier n'étant point notre jufticiable ,
fera renvoyé à fe pourvoir pardevant les
Juges ordinaires.
MAR. S.. 1748. 201
II. Lorsqu'un Gentilhomme ou Officier
des troupes confentira qu'un billet
d'honneur foit fait en fa faveur , en prêtant
dans ces occafions fon nom aux Marchands
ou particuliers qui en feront les
véritables créanciers , celui qui aura prêté
fon nom fera puni de trois mois de prifon ,
& celui qui l'aura fait , fera puni d'un
mois de prifon , & l'un & l'autre feront
punis d'une plus longue prifon , fuivant que
le cas fera plus grave & pourra l'exiger.
Enjoignons à nos Lieutenans dans les
Provinces de tenir la main à l'exécution
de notre préfent Reglement , &c.
A LA MEMOIRE
de M. Chevalier.
LE fublime fçavoir , la modefte candeur ,
Formerent à l'envi fon efprit & fon coeur
A la Religion tous deux furent dociles.
r ;
Le Pinde n'eut pour lui que des routes faciles ;
D'Euclide , d'Archimede il difpenfa les loix ;
Il orna le Lycée , il inftruifit les Rois ;
Fut de la vérité le difciple fidéle ,
Et la contemple enfin dans fa gloire éternelle,
Iv
202 MERCURE DE FRANCE.
SARAPAGARA YA PARA EDEA¤ata
MARIAGES ET MORTS.
E 26 Février Claude- Conftance- Céfar de Houde
la Compagnie des Gendarmes de Berry , a été
marié à S. Roch avec Dlle Elifabeth- Sophie-
Françoife de Lalive , fille de Louis- Denis de Lalive
de Bellegarde , Ecuyer Seigneur d'Efpinay, de
la Chevrette , de la Briche &c , & de Dame Marie-
Jofeph Prouveur , morte le 18 Septembre 1743. M.
le Comte de Houdetot eft le fecond fils de Charles
de Houdetot, Marquis de Houdetot en Caux (terre
érigée en Marquifat en fa faveur par Lettres du
mois de Juin 1724 ) Lieutenant Général des armées
du Roi , ci- devant Lieutenant Général de la
Province de l'ifle de France , & Commandant
pour le Roi dans le Comté de Bourgogne , & de
Dame Catherine-Magdelaine- Thereſe Carrel , fille
de Louis Carrel , Préfident en la Cour des Comptes
, Aides & Finances de Rouen , & de Dame
Jeanne- Therefe de Becdeliévre , laquelle eft ac
tuellement Carmelite à Rouen , où elle fit profef
fion en 1718 après la mort de fon mati , & avoir
marié fes trois filles , dont l'aînée fut mariée le
28 Octobre 1717 avec M. le Marquis de Houdetot
, pere du Comte qui donne lieu à cet article.
Charles Marquis de Houdetot fon ayeul mourut
en Février 1692 , étant Meftre-de- Camp du Régi
ment de Bourgogne Cavalerie , aujourd'hui Bretagne
, Brigadier & Infpecteur Général de la Cavalerie.
Jean de Houdetot Seigneur de Grofmenil ,
bifayeul du Comte , eft mort le 29 Décembre
1653 , étant Maréchal des camps & armées du
MARS.
203 1748.
Roi par brévet du 11 Décembre 1652. M. le
Comte de Houdetot eft de la feconde branche de
fa Maiſon , une des plus anciennes de Normandie ,
où elle eft connue par les Titres & les Hiftoires
depuis l'an 1034 , & la branche aînée pofféde encore
aujourd'hui les mêmes terres au pays de
Caux qu'elle poflé doit en 1229 , & préfente aux
mêmes trois Cures auxquelles elle préfentoit alors ;
fes armes de toute ancienneté font d'argent à une
bande d'azur diaprée d'or de trois pièces , celle
du milieu chargée d'un lion , & les deux autres
d'un aigle à deux têtes, le tout d'or . Voyez cette Gé
néalogie bien détaillée dans l'Hiftoire des Grands
Officiers de la Couronne , tome 8. fol . 16 , & c.
Madame la Comteffe de Houdetot a pour four
aînée Dame Marie - Charlotte -Françoife de Lalive,
mariée depuis le 24 Avril 1743 avec Jacques
Pineau de Lucé , Maître des Requêtes ordinaire
de l'Hôtel du Roi , & aujourd'hui Intendant de
Valenciennes , & fes armes font d'argent à un
arbre de finople à côté de deux étoiles de gueules
.
Le même jour a été célébré dans l'Eglife de
S. Roch le mariage de Charles - Henri- Philippe
de Beaufort Canilliac , Vicomte de Montboiffier,
Brigadier d'Infanterie , Colonel du Régiment de
fon nom , Chevalier de l'Ordre Militaire de Saint
Louis , Chambellan de M. le Duc d'Orleans , fils
de Philippe Claude de Beaufort Canilliac de
Montboiffier Marquis de Montboiffier , Lieutenant
Général des armées du Roi du premier Mars
1738 , Capitaine . Lieutenant de la feconde Compagnie
des Moufquetaires de fa Garde , Chevalier
de l'Ordre militaire de S. Louis , & de
feue Marie- Anne- Geneviève de Maillé fon époufe
, qui avoit l'honneur d'appartenir aux Princes
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
& Princeffes de la Maifon de Bourbon Condé , à
caufe de Claire- Clementine de Maillé-Brezé , Ducheffe
de Fronfac & de Caumont , m riée en
1641 à Louis de Bourbon II . du nom , Prince de
Condé furnommé le Grand , bifayeul des Comtes
de Charolois & de Clermont , & des Princeffes
leurs foeurs , avec Dlle Madelaine- Charlotte Boutin
, fille de Simon Boutin , Receveur Général des
Finances de la Généralité de Tours , & de Dame
Claude-Magdelaine le Clerc fon époufe.
Les autres enfans de M. le Marquis de Montboiffier
font Philippe- Claude Comte de Montboiffier
, Maréchal des camps & armées du Roi ,
Enfeigne de la feconde Compagnie des Moufquetaires
de fa Garde , Chevalier de l'Ordre de Saint
Louis , marié le 8 Mai 1733 à Elizabeth-Louife de
Colins de Mortagne , fille de Gafpard de Colins
Comte de Mortagne , &c. Capitaine de Gendarmerie
, Maréchal de Camp , Chevalier d'Honneur
de feue S. A. Royale Madame , & de Charlotte
Princeffe de Rohan Guemenée. Anne- Elizabeth
Comtefle de Montboiffier , mariée en Octobre
1733 à M. le Comte de Caftellan de Triadon .
Dame Marie Adelaide Victoire , & Jofephe-
Hyacinte Ringarde ; Religieufes à l'Abbaye
Royale de Bonfecours , & Marie- Anne- Genevieve
de Montboiffier.
La Maifon de Montboiffier eft, fans contredit,
une des plus illuftres du Royaume. Pierre de Poi.
tiers qui vivoit dans le douzième fiècle , la fait
fortir des anciens Souverains d'Auvergne dans le
Panégyrique qu'il nous a laiffé de Pierre le vénérable
Abbé de Cluny de la Maifon de Montboiffier
, & avec lequel il avoit paffé une partie de fa
vie , mais rien n'eft plus propre à nous donner une
MARS . £748. 205
idée de l'ancienneté & de l'origine de cette Mai
fon que la fondation de la riche Abbaye de Saint
Michel de l'Eclufe en Piémont , faite vers l'an
1000 par Hugues Maurice , furnommé le Décou
fu , Seigneur de Montboiffier , qui lui donna les
Prieurés de Cunliac & d'Arlent en Auvergne, qu'il
avoit aufli fondés . On trouve dans les Annales de
l'Ordre de Saint Benoît du P. Mabillon T. III . liv .
47 n° . 4, page 80. & 581 la fondation de cette
Abbaye , & ce qui y donna occafion . Dans les Actes
des Saints de l'Ordre de Saint Benoît Partie H.
page 607 on lit l'extrait d'une Lettre de l'Abbé
de Saint Michel de l'Eclufe écrite Pan 1414
Louis de Montboiffier , par laquelle cet Abbé attefte
que cette Abbaye avoit été fondée par un de
fes ancêtres. Geoffroi du Vigeois , dont la Chronique
eft imprimée dans la Bibliothéque du Pere
Labbe , & qui étoit contemporain de Pierre le
vénérable , reconnoît qu'il defcendoit de Hugues
Seigneur de Montboiffier , Fondateur de l'Abbaye
de l'Eclufe. Ce faint Abbé qui a été un des ornemens
de fon fiécle & de fon Ordre , dans les Let -,
tres qu'il nous a laiffées au fujet de la bienheureuſe
Ringarde fa mere , parle de fa Maifon de maniere
à faire connoître qu'elle égaloit ce qu'il y avoit de
plus grand dans le Royaume . On lit dans Morery
à l'art. de Pierre de Cluny qu'il étoit d'une noble.
famille d'Auvergne des Comtes de Saint Maurice
& de Montboifier , fils de l'illuftre Ringarde qui
mourut Religieufe dans l'Ordre de Saint Benoît.
Elle avoit eu de fon mariage huit enfans , dont.
Pierre étoit le feptiéme. Heraclius de Montboiffier
Archevêque de Lyon , que l'Empereur Fre
deric Barberouffe créa en 1197. Exarque du
Royaume de Bourgogne , Pons Maurice Abbé de
Vezelay, Jourdain Maurice Abbé de la Chefe-.
206 MERCURE DE FRANCE.
fon
Dieu , Euftache Maurice Seigneur de Montboiffier
, ayeul d'Euftache II . du nom , qui par
teftament du mois de Février 1246 , confervé en
original au Tréfor des Chartes , nomma pour tuteur
de fon fils Euftache Alphonfe de France, Comte
de Poitiers , frere de S. Louis , inftitua ce Prince
héritier de tous les biens , excepté de la Terre de
Montboiffier , fi fon fils venoit à mourir fans enfans.
On trouve dans le même Tréfor l'acte du
mois de Juillet 1266 , par lequel Alphonfe Comte
de Poitiers & de Touloufe céde à Euftache Seigneur
de Montboiffier , la Terre de Montels en
Auvergne avec fes dépendances , & l'hommage
de grand Seigneur de Vouleure , en dédommagement
des fruits reçûs pendant fa minorité.
Ce fut au commencement du feiziéme fiécle
que Jacques Seigneur de Montboiffier prit le
nom & les armes de Beaufort , ayant été inftitué
à cette condition héritier des Comtés de Beaufort
& d'Alais , du Marquifat de Canilliac & des Seigneuries
de Pontchâteau , d'Anduze , & c. par Jac
ques de Beaufort Marquis de Canilliac , fon grand
oncle maternel , & le dernier de la Maifon de
Beaufort , laquelle avoit poffedé la Vicomté de
Turenne & avoit donné à l'Eglife deux Papes , '
fçavoir Clément VI. & Grégoire XI . Ce dernier
rétablit à Rome le Siége qui avoit été foixantedouze
ans à Avignon. C'eft à caufe de cette alliance
que les aînés de la Maifon de Beaufort
Montboiffier portent le titre de Patrices Romains
& de Princes de l'Eglife.
Cette Maifon eft actuellement partagée en trois
branches. L'aînée a pour chef Denis - Michel de
Beaufort de Montboiffier Canilliac , Marquis de
Montboiffier de Pont - du Château . Le chef de la
feconde eft Pierre - Charles de Beaufort de. MontMARS.
1748. 207
boiffier , Marquis de Canilliac , Sous- Lieutenant
de la feconde Compagnie des Moufquetaires du
Roi , frere de Claude- François de Canilliac Abbé
de Montmajor & de Cercamp , Auditeur de Rote
depuis 1733. Enfin la troifiéme branche a pour
chef le Marquis de Montboiffier , pere du Vicomte
de Montboiffier.
Les autres alliances de la Maifon de Montboiffier
font avec les Comtes de Clermont Dauphin,
les Maifons de Polignac , de Châtillon , de Chalençon
, de Langheac , de la Fayette , de Montmorin
, de Vienne , de Chabannes , de Dienne
d'Alégre , d'Estaing , d'Apcher , de la Gueille , de
Mitte Chevrieres , de Maillé.
Le même jour a été fait dans la Chapelle du
Château d'Orçay le mariage de Pierre Grimod du
Fort , Ecuyer Seigneur d'Orçay , & c. Intendant
Général des Poftes & Relais de France , & l'un
des Fermiers Généraux de Sa Majefté , fils d'An .
toine Grimod , Ecuyer Confeiller Secretaire du
Roi , & l'un des Fermiers Généraux de Sa Majeſté
, & de Dame Marguerite le Juge ; avec Dile
Marie- Antoinette de Caulincourt , fille de feu
Louis- Armand de Caulaincourt ,Marquis dudit lieu
enPicardie ,& de Dame Gabrielle Pelagie de Bouelles
Dante d'Eppevi e , & petite fille de François Armand
de Caulaincourt Seigneur de Caulaincourt ,
& de Dame Françoife de Bethune , tante de Louis-
Pierre Maximilien de Bethune , aujourd'hui Duc
de Sully , Pair de France , Chevalier de l'Ordre
de la Toifon d'or , & c.
M. Grimod du Fort qui donne lieu à cet article
étoit veuf depuis le 17 Novembre 1745 de Dile
Elizabeth- Geneviève de Courten Comteffe du
S. Empire, avec laquelle il avoit été marié le s Février
précédent , fille & niéce de Meffieurs de
208 MERCURE DE FRANCE.
Courten Maréchaux des camps & armées du Roi ,
& fortie d'une des plus anciennes familles du pays
de Vallais , & marquée par fon attachement à la
France depuis le Regne de François I. M. du Fort
eft frere de M. Grimod, de la Reyniere , & de
M. Grimod de Beauregard , tous deux Fermiers Généraux
; & fes armes font d'azur à une faſſe d'argent
accompagnée en chef d'un croiffant d'argent
pofé entre deux étoiles d'or , & en pointe d'une
carpe d'argent nageante fur une riviere de même.
Pour la Maifon de Caulaincourt dont la Nobleffe
eft marquée par fon ancienneté , par fes alliances
& par fes fervices militaires , fes armes font
de fable à un chef d'or. Voyez le Nobiliaire de
Picardie dreffé par ordre de M. Bignon Intendant
de Juftice de cette Province.
Le même jour a été fait à Saint Eustache le ma
riage de Charles Jean- Baptifte des Galloys de la
Tour , Premier Préfident du Parlement , & Intendant
de Juftice de Provence , fils de Jean- Charles
des Galloys de la Tour, auffi Premier Président du
Parlement & Intendant de Juftice de Provence ,
mort le 7 Mars 1747 , & deDame Jeanne- Charlotte
du Pré de la Grange fa veuve , avec Dile Marie-
Magdelaine d'Aligre,fille d'Etienne- Claude d'Algre
Comte de Morans, Seigneur de la Riviere, & c.
fecond Préfident du Parlement , & de feue Dame
Marie- Louife- Adelaide du Rey de Vieuxcourt fa
premiere femme , morte le premier Mai 1740.
La famille des Galloys de la Tour eft diftinguée
dans le Bourbonnois , & fes armes font de fable à
un fautoir d'or.
M. le Préfident d'Aligre pere de la nouvelle,
mariée , eft fils d'Etienne d'Aligre Préfident à
Mortier au Parlement , mort le 15 Juin 1725 ; fon
ayeul Michel d'Aligre Seigneur de Boislandry ,
MARS. 1748, 209
Maître des Requêtes & Intendant de Juſtice de la
Généralité de Caën , mourut en 1661 ; fon bifayenl
Etienne d'Aligre Chevalier Seigneur de la
Riviere , fut fait Chancelier & Garde des Sceaux
de France le.... & mourut en 1677 , & fon trif- ,
ayeul Etienne d'Aligre Chevalier Seigneur de la
Kiviere , auffi Garde des Sceaux & Chancelier de.
France en 1624 , mourut le 11 Décembre 1635.
Meffieurs d'Aligre dont on peut voir la Généalogie
dans le vol. 6. des Grands Officiers de la Couronne
fol. s ro, portent pour armes burellé d'or & d'azur
de dix pièces , & un chef d'azur chargé de trois
foleils d'or.
Le ro Janvier Jacques Comte de Sarsfield , Chevalier
Vicomte de la Motte Saint Armel , Seigneur,
de Chambierre , Kervern , Kercadio , Pouldaran ,
&c. iourut à Paris laiffant de fon mariage avec
Dame Marie-Jeanne Loz qu'il avoit époufée le 2
Février 1716 , Gui-Claude Comte de Sarsfield , cidevant
Lieutenant au Régiment des Gardes Françoifes
, & aujourd'hui Colonel du Régiment de
Provence & Chevalier de l'Ordre de Saint Louis ;
Jacques - Hyacinte, dit le Chevalier de Sarsfield , ci-,
devant Gentilhomme à Drapeau au Régiment dest
Gaides Françoifes , & aujourd'hui Capitaine au
Régiment de Bourbon Buffet Cavalerie , & Françoife
Modefte de Sarsfield , non mariée.
La Maifon de Sarsfield , originaire d'Irlande , eft
d'une Nobleffe très - ancienne & diftinguée par fes ,
illuftrations. Elle defcend de Thomas Sarsfield
gni fuivit à la conquête du Royaume d'Irlande
Henri II. Roi d'Angleterre , dont il étoit premier
Portebanniere , & qui mourut l'an 1189.
Les defcendans de Thomas Sarsfield formerent
plufieurs branches qui ont poffedé de grands établiffemens
en differentes parties de l'Irlande, entre
210 MERCURE DE FRANCE.
autres la branche des Comtes de Lucan Pairs d'It
lande qui s'établit dans le Comté de Dublin , la
branche des Vicomtes de Kilmallock auſſi Pairs
d'Irlande , & plufieurs autres dont une partie fut
obligée de s'expatrier pour caufe de Religion lors
des révolutions d'Angleterre fous Cromwel.Il y en
eut qui fe refugierent en Espagne , d'autres en
France , & de ces derniers eft iffu Paul Comte de
Sarsfield , pere de Jacques qui donne lieu au préfent
article , & fils de Jacques de Sarsfield établi
à Limerick , lequel étoit arriere petit - fils de Jean
de Sarsfield , frère aîné de Dominique , auteur de
la branche des Vicomtes de Kilmallock .
Après que Paul Comte de Sarsfield , ayant été
obligé de quitter fes biens & fon pays & de fe refugier
à Nantes en Bretagne , y eut fixé ſon établiffement
par fon mariage avec Dame Guionne-
Françoiſe de la Briandiere , le Roi Jacques II . en
reconnoiffance des fervices rendus à lui & aux
Rois fes Prédéceffeurs par la noble & ancienne
Maifon de Sarsfield, lui accorda des Lettres de notoriété,
à l'effet de le reconnoître & conferver lui ; fes
enfars & poftérité nés & à naître dans l'ancienneté,
droits & priviléges de leur nobleffe ; dans laquelle
ils ont été pareillement reconnus & confervés , en
conféquence , par des Lettres Patentes accordées par
Je Roi à Fontainebleau au mois d'Août 1711 .
La Dame Marie- Jeanne Loz épouse du feu
Comte de Sarsfield eft fille de Claude- Hyacinte
Loz Comte de Beaulieu , & de Françoise Magon.
La Maifon de Loz eft d'une très ancienne nobleffe
de Baffe- Bretagne.
Gilbert Gafpard de Chabannes Marquis de
Pionflac , Brigadier des armées du Roi , eft mort
à Clermont en Auvergne dans la foixante - troi
fiéme année de fon âge. Il étoit fils aîné de GafMARS.
1748. 211.
pard- Gilbert de Chabannes Marquis de Pionffac
Colonel du Régiment de Navarre , à la tête du
quel il s'étoit acquis une haute réputation aux batailles
d'Hocftet & de Spire , Maréchal des Camps
& Armées du Roi , Gouverneur de l'Ifle & Citadelle
d'Oleron & de N. de Lutzelbourg , &
frere aîné , 1º . du Comte de Chabannes , Seigneur
de la Paliffe , Gouverneur de Verdun & du Verdunois
, Grand- Croix de l'Ordre Royal & Mili
taire de S. Louis , Lieutenant Général des armées
du Roi , & Commandant à la Rochelle , dans le
Poitou & le pays d'Aunis, dont nous avons annoncés
dans le tems le mariage avec la fille du Marquis
Dupleffis Châtillon ; 2 °. de Thomas de Cha
bannes , Maréchal des camps & armées du Roi ,
mort il y a quelques années.
Le Marquis de Chabannes Pionffac , après
avoir été Page du Roi pendant trois ans , entra
dans le Régiment de Navarre , fe trouva en 1702
à la prife de la Ville & Château de Traerbac , en
1703 à la prife du Fort de Kel , à la bataille
d'Hocftet & à celle de Spire. En 1704 à la feconde
bataille d'Hocftet , où il fut fait prifonnier avec le
Comte de Pionffac fon pere , qui s'y comporta
avec une valeur diftinguée ; en 1706 il fe trouva
à la bataille de Ramilli, en 1708 au combat d'Oudenarde
; étant depuis entré dans le Régiment des
Gardes Françoifes , il fe trouva en 1709 à la bataille
de Malplaquet & en 1712 à celle de Denain
, continua à fervir dans le Régiment des
Gardes Françoifes , cù il acheta une Compagnie
qu'il conferva jufqu'en 1733 , que le Roi lui
donna l'agrément du Régiment de la Reine Dragons
, à la tête duquel il fit les Campagnes d'Italie
de 1733 , 1734 , 1735 , le trouva au combat
de Parme & à la bataille de Guaftalla ; le Roi le
12 MERCURE DE FRANCÉ .
fit Brigadier de fes armées le premier Août 1734 ;
le conimit pour faire les fonctions de la charge
d'Infpecteur de Gavalerie , & enfin lui donna la
commiffion de Maréchal Général des Logis de fon
armée en Italie , dont il s'acquitta avec une dif
tinction & une fupériorité de talens qui lui acquirent
une grande réputation , qui ne fe foutint pas
avec moins d'éclat dans les négociations dont il
fut chargé dans les differentes Cours d'Italie.
Il avoit épousé en 1708 Philiberte d'Apchon ,
Dame d'Apchon , le Vaumier , Serezat , fille aînée
& héritiere , en vertu de la fubftitution de fa Maifon
, du Marquis d'Apchon , Sénéchal & premier
Baron d'Auvergne , dont trois enfans .
Gilbert de Chabannes Abbé de Saint Méen en
1742 , Député à l'affemblée générale du Clergé
de France en 1745 , & nommé la même année
Abbé de Notre Dame de Bonport , Ordre de Citeaux
, Diocéfe d'Evreux .
Jean de Chabannes Marquis d'Apchon , le
Vaumiers , Frizac , Pionflac. , premier Baron
d'Auvergne , Cornette de la feconde Compagnie
des Moufquetaires , Brigadier des armées du Roi ,
qui a épousé une des filles de M. Bernard Maître
des Requêtes , & Joſeph de Chabannes Prieur de
Nantua dans le Bugey , mort il y a quelques an
nées à l'âge de 18 ans.
MARS. 213 1748.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
ARRESTS NOTABLES.
RREST du Confeil d'Etat du Roi , du
Janvier , qui proroge pour un an , à compter
du premier Janvier 1748 jufqu'au premier Janvier
1749 , Pexemption des droits fur les beftiaux venant
de l'étranger, ordonnée par celui du 10
Janvier 1747.
EDIT du Roi , donné à Verſailles au mois
de Février , portant établiſſement de droits fur la
Poudre à poudrer & fur la Cire , & rétabliſſement
des droits anciennement impofés fur les Suifs &
fur les Papiers & Cartons , comme auffi une augmentation
de droits fur le Papier & Parchemin
timbrés.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du
26 qui ordonne que la recette de l'augmentation
des droits fur les Papiers & Parchemins
timbrés , & fur la Formule des actes des Notaires
de la ville de Paris , fera faite par le Fermier Général
& les Sous - Fermiers des Aides & Domaines,
fut le pied du tarif annexé audit Arrêt .
AUTRE du 27 , qui ordonne que la régie &
exploitation des droits fur la Poudre à poudrer &
fur la Cire , établis par l'Edit du préfent mois , de
ceux rétablis par le même Edit fur les Suifs & fur
les Papiers & Cartons , & de l'augmentation fur
la Formule des Papiers & Parchemins timbrés ,
fera faite par Jean-Baptifte Boquillon , Bourgeois
de Paris .
214 MERCURE DE FRANCE.
DECLARATION du Roi , donnée à Verfailles
les Mars , portant la fufpenfion du dixième
de l'Amiral fur les Prifes faites en mer , & autres
encouragemens pour la courſe.
ORDONNANCE du Roi 15 Mars , pour
proroger jufqu'au mois d'Avril le complet des Régimens
& Bataillons nouveaux dont Sa Majeſté a
ordonné la levée.
AUTRE du même jour , concernant le fervice
des Milices gardes-côtes dans la Province de
Normandie pendant la campagne de la préfente
année.
AUTRE donnée à Versailles le 20 , qui ordonne
que les Droits feigneuriaux dûs pour mutation
par échange , feront vendus & alienés , &
fixe la maniere dont en doivent jouir ceux qui
s'en rendront acquereurs.
AUTRE du même jour , qui ordonne que
les Actes tranflatifs de proprieté des biens réputés
immeubles , foient fujets à l'infinuation dans les
mêmes cas où les A&tes tranflatifs de proprieté
des immeubles réels y font affujettis , & qu'il
foit payé pour ledit droit d'infinuation le centiéme
denier de la valeur defdits biens , & les quatre
fols pour livre en fus.
'AUTRE donnée à Verfailles le 27 , qui ordonne
que ceux auxquels il échoira des biens
meubles à titres fucceffifs en ligne collatérale , ne
puiffent être tenus d'en faire aucune déclaration
ni d'en payer le centiéme denier ordonné par la
"Déclaration du 20 du préfent mois.
APPROBATION,
J
' Ai lû par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Mats
1748. A Paris le premier Avril 1748.
BONAMY.
TABLE.
Plécesfugitives en Profe & en Vers . Eloge de
la République de Genévę ,
Ode tirée du Pleaume 143 ,
13
22
Séance publique de l'Académie Royale de Chirurgie
, & c.
Epitre à M. **
Vers à Mad. la Comteffe D ***
Eloge de M. Bernoulli ,
Portrait de M. ….. . fur deux rimes ,
25
35
38
39
79
-82
Lettre de M. Pafle à M. ***
Ode Sacrée , tirée du Pfeaume De profundis , 89
Lettre aux Auteurs du Mercure ,
୨୦
Mots de l'Enigme & des Logogryphes du Mercure
de Février ,
Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , & c .
Estampes nouvelles ,
93
ibid.
96
133
Election de Mrs le Beau & Otter à l'Académie
Royale des Belles- Lettres en qualité d'Académiciens
Affociés ,
Nouvelles Pompes ,
Rob pectoral ,
Bouquet ,
134
135
137
138
Spectacles , Extrait de Zaïs , nouvel Opera , 139
Chanfons notées ,
Nouvelles Etrangeres , Suede ,
Allemagne ,
Efpagne ,
Grande Bretagne ,
Provinces Unies
Italie , de Génes
De Cagliari ,
149
150
146
160
163
171
178
180
181 De Parme ,
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 183
Bénéfices donnés ,
Reglement des Maréchaux de France ,
Vers à la mémoire de M. Chevalier
Mariages & Morts
Arrêts notables
187
199
201
201
213
Les Chanfons notées doivent regarder lapage
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
DE FRANCE ›
DÉDIÉ AU ROI.
JANVIER . 1748 .
LIGIT
||
UT
SPARGAT
Cepiller's
1
Chés
A PARIS ,
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la deſcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S. André.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Frivilege di Ro
THE NLISTE
DES LIBRAIRES
PUBLIC LIFqui debitent le Mercure dans les
S85252
Provinces du Royaume.
ASTOR, ABordeaux , chés Raimond Labottiere , & chés
TILDEN FOUChappuis l'aîné , Libraires , Place du Palais , a
190côté de la Bourſe.
Nantes , chés Nicolas Verger & Joſeph Vatar.
Rennes , chés Jouanet Vatar , & Vatar le fils , rue
Dauphine .
Blois , chés Mallon .
Tours , chés Gripon .
Rouen , chés François-Eustache Herault , & chés
Cailloüeft.
Châlons -fur -Marne , chés Seneuze.
Amiens, chés la veuve François , & la veuve Godart,
Arras , chés C. Duchamp , & chés Barbier.
Orleans , chés Rouzeaux .
Angers , à la Pofte , & chés Boffard ,
Dijon , à la Pofte , & chés Mailly.
Verfailles , chés Monnier.
Befançon , chés Briffaut , à la Pofte .
Saint Germain , chés Chavepeyre
Lyon , à la Pofte..
Libraire
Marſeille , chés Sibié , Libraire , fur le Port.
Beauvais , chés De Saint .
Troyes , chés Michelin , Imprimeur- Libraire,
Charleville , chés Pierre Thefin
Moulins , chés Faure.
Mâcon , chés De Saint , fils,
Auxerre , chés Fournier.
Nancy , chés Nicolas.
Toulouſe ; chés Robert .
Aire , chés Corbevile.
PRIT XXX . SOLS,
MERCURE
DE FRANCE :
1
DÉDIÉ AU ROI.
1748 . JANVIER
PIECES FUGITIVES,
en Vers & en Profe.
4
LETTRE à l'Auteur de l'abregé de la
vie des Peintres , an fujet d'un tablean
appartenant au Roi , dont ilparle dans
fon ouvrage,
J
'Ai craint , Monfieur , qu'en
vous adreffant cette lettre plutôt
que je ne fais , vous ne fuffiez
à la campagne à jouir du
tems que les vacances ordinaires des Cours
Supérieures permettent d'y paffer ; & que
A ij
4 MERCURE
DE FRANCE
.
par cette raifon vous ne fuffiez point à
portée de la voir auffi-tôt après fa publi- cation , puifque
je prends
la liberté
de vous l'écrire
par l'entremiſe
du Mercure
. J'ai crû devoir
differer
jufqu'à
un tems où vrai-femblablement
votre retour paroît
affûré.
La Galerie d'Apollon , conjointement
avec les tableaux qui y ont été expofés en
concours au jugement du public aux mois
d'Août & de Septembre derniers , à offert
aux yeux les anciennes richeffes dont elle
eft décorée prefqu'en tous les
genres de
Peinture . N'y eût-il eu que les fuperbes
batailles d'Alexandre peintes par le célé
bre le Brun , ces morceaux méritoient
feuls de partager les regards , mais entre
les autres tableaux , un en quarré , d'environ
trois pieds de hauteur fur,quatre de lar--
geur , a fixé particulierement
la plupart
des fpectateurs par la délicateffe de fon
travail étonnant , à caufe de la quantité de
figures innombrables
dont il eft chargé.
Il repréfente une bataille , ou plûtôt la
déroute & la défaite entiere d'une armée
prodigieufe. Ce tableau porte pour nom
de Peintre Breugel. 1602. En effet il eft
aifé de le reconnoître à la maniere de fa
peinture pour l'ouvrage de celui que l'on
fur-nommé de Velours entre les habiles
JANVIER.
S 1748:
Peintres de fon nom. La plus grande partie
a crû y trouver la premiere bataille
d'Alexandre contre Darius. Cependant
plufieurs fpectateurs, même éclairés , en ont
douté , & vouloient y rencontrer un tour
autre fujet. Il faut à la vérité convenir
qu'en fuppofant que ce tableau repréfente
véritablement la premiere défaite de Da--
rias par Alexandre , il faut , dis -je`, convenir
, ou que le Peintre étoit un franc
ignorant , ou qu'il a voulu fe divertir du
public aux dépens de la vérité de l'hiftoire..
Chacune de ces idées m'eft également
odieufe par rapport à la mémoire d'un
Peintre du nom & de la réputation des
Breugels. Dans cette incertitude j'ai été "
piqué de curiofité de confulter ce que vous
pouviez dire de ce tableau , dont j'étois
perfuadé que vous aviez eu connoiffance ,
à l'article des Breugels dans votre grand
ouvrage de la vie des Peintres . * Voici
Monfieur , en quels termes j'ai trouve que
vous en pärliez. " Le Roi a fept tableaux
» de la main du Breugel , une femme qui
» careffe un chien , la bataille d'Alexandre
&
contre Darius , tous deux fur bois . La!
»bataille de Prague , Orphée aux enfers', '
* Elle eft imprimée en 2. vol . -4 . avec les
portraits en taille douce , & fe vend chés de Bure
Faîné, Libraire , Quai des Auguſtins.
A iij,
6 MERCURE DE FRANCE.
une.tem-
»une riviere couverte de bâteaux ,
pête , une alte de chaffe à la porte d'une
hôtellerie. Ces cinq derniers tableaux
"font peints fur cuivre. « Je ne doute
point que le tableau en queftion ne foir
celui que vous ayez eu en vûë ici , puifqu'il
eft effectivement peint fur bois . Mais
que j'aimerois bien mieux que ce fut la
bataille de Prague , que vous ajoutez immédiatement
après être peinte fur cuivre ,
peut-être y trouveroit- t'on tout à coup la
folution de la difficulté , encore nous faudroit-
il d'autres peuples que ceux qui font
peints ici ..
Il faut avouer en effet que toutes les
circonftances rapportées par Quint-Cur
ce dans la relation de cette bataille , fe
trouvent tellement conformes à l'idée de
ce tableau , qu'il femble ne laiffer aucun
doute que ce ne foit cette bataille que J.
Breugel ait eu deffein de repréfenter. La
fitration du lieu où elle fe donne,qui étoit :
un terrain très refferré entre des montagnes
, c'est-à- dire , un valon très - étroit
l'action de Darius qui fe voyant fur le
point d'être pris abandonne fon charior
monte fur un cheval qu'on lui tenoit préparé
& trouve fon falut dans la fuite , laiffant
fa famille défolée à la difcrétion du
-vainqueur ; autre circonftance dont le ta
•
"
JANVIER. 1748.
7
.
bleau enrichit fa fcéne au côté oppofé à
celui où la fuite de Darius eft placée. Il ne
faut que lire Quinte-Curce pour en être
convaincu . J'avois deffein , Monfieur , de
Eapporter ici fes paroles , par le defir d'épargner
aux lecteurs la peine d'y recourir.
Je les aurois très-volontiers citées dans leur
langue originale , mais comme j'avois
choifi le canal du Mercure pour vous tranf
mettre cette lettre , je penfois qu'il feroit
fans doute mieux d'employer la traduction
en faveur de ceux d'entre les lecteurs qui
ne font point obligés d'entendre la Langue
Latine ; je me ferois fervi de celle de
M. de Vaugelas , mais il y auroit cu trop
copier , & la longueur de cette relation
excédant de beaucoup les bornes d'une
lettre , j'ai abandonné ce deffein , & je
me contente de confeiller aux lecteurs de
recourir eux-mêmes aux fources. Après
que l'on aura fait cette lecture , qui net
trouvera pas que c'eſt avec raiſon que vous
F'avez appellé la bataille d'Alexandre contre
Darius ? J'en conviendrois auffi de très--
bonne foi , fi je ne croyois point avoir des
motifs affés fuffifans pour en douter , ainſi
qu'il eft arrivé à plufieurs des fpectateurs ,
comme j'ai eu l'honneur de vous le dire.
"
à
Mais avant que de vous propofer mes
doutes , je vais examiner fur quoi fe fon
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
dent ceux qui croyent ce tableau la défaite
de Darius. J'avoue qu'ils paroiffent appuyés
fur des caracteres frappans & décififs
en apparence . Les voici . Le Soleil
qui eft fur les étendards de Darius ,fur fon
chariot & fur fa cuiraffe ; le feu facré, que
l'on porte devant Darius , & qui fert comme
d'enſeignes dans les differens corps de
fes troupes ; deux marques non équivoques
du culte & de la Religion des Perfes ; les
habillemens & les armes propres à l'ufage
de ces peuples ; la reffemblance du char
que
de Darius avec celui du tableau de M. le
Brun , enfin la fcéne de la famille compofée
principalement de femmes de differens
âges , & d'enfans qui fe jettent hors
de leurs tentes au pied d'un vainqueur qui
eft à cheval entouré de fes troupes. Mais
ce qui paroît fans réplique , eft le ferpent
l'on voit fur les drapeaux des troupes
du vainqueur , & qu'ils expliquent en
l'honneur du ferpent que la fable dit avoir
engendré Alexandre , & que fa mere fit
paller pour Jupiter métamorphofé fous la
forme de cet animal. Ce ferpent tient en
effet entre fes dents un enfant qui fort à
demi- corps. On ne fçait s'il le dévore ou
s'il le produit. Tout le monde fçait qu'Alexandre
enyvré de cette fable fe fit rendre
les honneurs qu'il croyoit dûs au fils.
•
JANVIER . 1748 .
de Jupiter , & les défenfeurs de ce tableau
fuppofent qu'Alexandre , par veneration ¹
pour la métamorphofe de ce Dieu , arbora
la figure de ce ferpent für fes étendards.
Malgré la force apparente de ces rai--
fons , elfes ne me paroiffent cependant
point difficiles à détruire. Du moins eft-il
aifé d'en oppofer d'affes fortes pour faire
douter. Voici donc celles fur lefquelles je
m'appuyé à mon tour.
Cependant , M. je paſſe d'abord condamnation
fur le Soleil & le feu facré , car il
faut être de bonne foi en tout , même dans
les plus petites chofes. A ces deux caractéres
il n'eft pas poffible de méconnoître les
Perfes , ou d'autres peuples Afiatiques qui
profeffent le même culte . Je veux bien ,,
fi'on le veut ainfi , que ce foient les Perfes
mêmes. Je veux feulement qu'ils foient dé
faits par tout autre qu'Alexandre . Je tacherai
d'en expliquer la poffibilité, en propofant
inon doute fur le fujet de ce tableauty,
aptès que j'aurai détruit , ou du moins”
combattu le fentiment oppofé. C'eſt ce
que je vais entreprendre .
写
La reffemblance du char dans les deux *
tableaux n'eft rien moins que concluante, ·
Le Breugel fit fon tableau en 1662. M. le
Brun peignit fa bataille d'Arbelles environ
foixante ans après , puifque felon vottes
Any
to MERCURE DE FRANCE.
Livre ce ne fut que vers 1662. En quel
tems le tableau de Breugel eft - il venu en-
France ? Quand eft- il paffé en la poffeffion
du Roi ? C'est ce qu'il faudroit déterminer
pour établir quelque fondement fur cette
reffemblance . Alors on pourroit conjecturerfi
M. le Brun a eu connoiffance ou non de
ce tableau , & s'il l'a regardé comme l'action
d'Alexandre fur Darius . J'ai peine à
croire qu'un auffi grand homme fe foit abbaiffe
jufqu'à copier. On me dira fans :
doute que fur la defcription du char faite
par Quint- Curce , M.le Brun a pû fe former
une idée femblable à celle qu'avoit
conçue le Breugel. Ne voit- on pas tous
les jours qu'il arrive aux efprits d'un ordre
fupérieur de fe rencontrer fans s'être com-.
muniqué . J'en conviens. Cependant j'obferverai
là- deffus que le char du Breugel
porte l'image du Soleil qui n'eft point du:
tout fur celui de M. le Brun , qui au contraire
eft terminé par une caffollette fumante
, & que ni l'un ni l'autre char ne ref
femblent à la defcription qu'en fait Quint
Curce. Le Breugel repréfente la premiere
défaite de Darius , c'eft- à- dire , la batailledonnée
près la ville d'Iffe , & M. le Bruņ
celle donnée près d'Arbelles , & bien poſté--
rieure di la premiere. Dès la premiere
bataille ce char fifuperbe de Darius étoit
JANVIER: 1748. FI
devenu la proye du foldat vainqueur ,
puifqu'il s'étoit fauvé fur fon cheval. Il eft
vrai qu'à la bataille d'Arbelles Darius étoit
pareillement fur un char , & que cet in--
fortuné Roi fe fauva après cette défaite:
dans fon char , ce qui penfa le faire pren--
dre dans fa fuite , puifque ceux que le
vainqueur avoit détachés à fa pourſuite
le fuivoient à la pifte au bruit du fouet de
fes cochers ; & qu'il ne dût fon falut qu'à
l'extrême diligence qu'ils firent. Entre la
bataille d'Iffe & celle d'Arbelles la vie:
de Darius n'ayant été qu'un tiffu continue
de difgraces , il y a peu d'apparence que
la magnificence de ce fecond char ait pût
égaler celle du premier. Mais pourra
t'on dire encore , il reftera roujours malgré
ces raifons une chofe en faveur du fènetiment
qui m'eft contraire. C'eft qu'il n'en
Tera pas moins vrai que voilà deux tableaux
qui repréfentent chacun une ba
taille , où l'on voit dans l'un & dans l'au
tre un perfonnage placé dans fon char ,
qui fe trouve le même ou à peu près danss
Fun & l'autre tableau , ce qui démontre
au moins un grand rapport entre la même
hiſtoire fi cela ne prouve point le mê
me fujet. A quoi , Monfieur , je répondrai
qu'il eft faux qu'elle foit le même
fujet , puifqu'en croyant cette bataille der
>
་ ་
Asvij
T2 MERCURE DE FRANCE..
l'hiftoire d'Alexandre & de Darius , celle
de Breugel feroit la bataille d'Iffe
comme il feroit démontré par la fcéne de
la famille , & celle de M. le Brun eft inconteſtablement
, de l'aveu de tout le mon---
de , la bataille d'Arbelles ; que le rapport
ne fe trouveroit en ce cas qu'en ce que ces..
deux morceaux feroient de . la fuite de-
T'hiftoire d'Alexandre , & dans le tems de
fes démêlés avec Darius ; & qu'à l'égard
d'un char la figure en eft par tout àpen
près la même , dans telle circonftance que
ce foit. Ce ne feroit tout au plus que la
hauteur qui feroit en leur faveur , puifqu'au
rapport de Quint- Curce le premier
char de Darius étoit déterminé à une hauteur
à laquelle le Peintre a été néceffité :
de s'affujettir , mais dont M. le Brun étoit :
difpenfé dans fon tableau, puifque Quint-
Curce ne parle nullement de la forme de
celui de Darius lors de la feconde actions
Voilà , Monfieur , bien dur difcours pour
un char ; mais en falloit- il moins pour faire
voir que rien n'eft moins concluant que .
leur reflemblance ? Paffons à des circonf
tances fur lesquelles il y aura moins à dire ,
& qui font cependant plus importantes .
Alexandre , fi c'eft lui étoit trèsacLes
armes , les bouchers & les habilemens .
das Perfes ainsi que les asmures des guerriersss
JANVIER 17483
jeune lors de l'une & l'autre hiftoire , il eft
repréfenté par le Breugel , barbon , & même
très âgé, en un mot en guerrier qui a
blanchi fous le harnois , comme on dit en
proverbe..
13
i
Ce ne fur point au moment de la défaite
même que la famille de Darius fe jetta
aux pieds d'Alexandre . Ce Prince ne la
vifita que le lendemain après avoir fair
enfévelir les morts , & après avoir permis
à la mere de Darius de donner la fépulture -
à ceux qu'il lui plairoit d'entre les Perfes.
Le foir du jour de la bataille il y avoit feulement
envoyé Leonatus un des principaux
de fa Cour , pour confoler cette famille
affligée , & qui pleuroit la mort de Darius
qu'elle croyoit tué. Alexandre lors de fa
vifite n'étoit point à cheval , mais à pied ,
& il entra dans la tente n'étant accom→
pagné que du feul Epheftion fon favori .
Ainfi ce ne fut point au -dehors , comme il
eft fur ce tableau , mais dans l'intérieur
même de la tente que fe paffa cette action ,
une de celles qui ayent fait le plus d'honneur
à Alexandre. Toutes ces circonstances
font rapportées par Quint - Curce dans le
plus grand détail , il ne faut que l'ouvrir
pour s'en convaincre , je confeille volonvainqueurs
, ont quelque chofe de trop moderne
pour le tems d'Alexandre ...
14 MERCURE DE FRANCE.
2
tiers aux lecteurs de s'en donner la peine
tout ce morceau y eft très-curieux .
་
Mais venons aux drapeaux chargés de
ferpens. Ce qui paroît un argument victorieux
, eft ce qui me coutera le moins de
peine à détruire. La prévention n'a laiffé
voir que le ferpent fabuleux qu'Alexandre
, dit- on , devoit honorer à caufe de fa
naiffance , & elle a fermé les yeux fur un
autre emblême , dont tous les mêmes drapeaux
font chargés conjointement avec ce
ferpent. Er je vous prie , Monfieur , de
bien faire attention à ce que j'en vais dire
ici , & de bien pefer ce moyen , qui eft le
principal , fur lequel j'établis le doute trèsbien
fondé , qu'il me paroît qu'on peut
jetter fur le fujet de ce tableau. Je ne vois
d'abord dans ce ferpent que les Armes en
naturel , & telles que les porte encore actuellement
une des plus illuftres Maiſons
d'Italie . En un mot , je n'y vois que la Givre
à un iffant des Armoiries de la Maifon
des Vifcomti des Princes & Ducs de Milan.
Je vois enfuite dans l'emblême qui eft
au deffus de cette Givre , mais de côté dans
le fond du drapeau , au canton de la partie
fuperieure près du fer de la Hampe , & qui
confifte dans un bras armé dè fes braffarts
iffant d'une nuée , tenant une épée haute
couronnée de lauriers., j'y vois , dis-je ,
4
JANVIER.. 1748 ·Hier
un emblême dont les Ducs de Lorraine fe
font décorés & fe décoroient encore , il n'y
a point fort long-tems. Elle étoit même ac--
compagnée deces mots pour ame. Et adhuc·
Spes durat Avorum , qui ne font point fur
ces drapeaux. Quel rapport me dira- t-on
trouvez vous ici entre la Maifon de Lorraine
, celle de Vifcomti & cette bataille:
telle qu'elle foit ; c'eft ce qui refte à ex
pliquer ..
P
La plupart de ceux qui ne vouloient:
point reconnoître dans ce tableau là vic--
toire d'Alexandre fur Darius , penfoient :
que ce pouvoit être quelque fujet tiré
de l'hiftoire des Croifades . Pour moi , dé--
tourné toute ma vie par des occupations
multipliées & toujours differentes , je vous
avoue de bonne foi que je n'ai point eu le
tems de faire affés de lectures pour entrer
dans le détail des hiftoires particulieres , je
ne peux m'arrêter qu'à ce qu'une partie de
mes travaux m'a mis à portée de connoître,
& fans rejetter l'idée des Croifades , je ne
peux que me renfermer dans l'Hiftoire
Univerfelle . J'ai remarqué entr'autres que
celle de Lorraine nous préfente en général
fes Ducs , tantôt liés d'intérêts avec:
les Empereu contre les Infidéles & les
fuivant dans leurs guerres en Hongrie
&c. tantôt marchans fous les étendards des
18 MERCURE DE FRANCE.
Princes confederés & croilés , paffer les
mers , conduire dans l'Afie , en Egypte ,
en la Palekine , en Syrie , & c. de nombreuſes
troupes , & s'y diftinguer par leur
valeur . En Hongrie , à la fuite des Empe
reurs , ce ne feroit que contre les Turcs
qu'ils auroient en à combattre , & l'image
du Soleil &le fea facré déterminentici des
Perfes abfolument , mais contre quels peu
ples avoient- ils à combattre dans les Croi
fades ? Des Sarrazins , des Maures , & c. &
autres peuples , dont le culte & la Religion
pouvoient être les mêmes que ceux des Perfés.
Et dans ce tableau, c'eft un mélange de
differens peuples & de differentes nations .
Mais je vous prie , Monfieur , de bien remarquer
cette autre circonftance ; une
branche de la Maifon de Vifcomti s'eft at
tachée aux Ducs de Lorraine , & eft venue
s'établir dans ce Pays. Comment , pour
quoi , & en quel tems ? C'eft ce que j'ignore
, tout ce que je fçais , c'eft qu'actuel
lement il y a encore à Nancy un Hôtel ,
portant cette infcription , Hotel dé Lunati
Vicomti , réellement occupé , je crois', par
M. le Marquis de Lunati Visconti . Dans
les lettres patentes de la donation & érection
de la Terre & Seigneurie de Frouart
en Marquifat , faite en faveur de ce Sei
gheur par le Duc Leopold de Lorraine il
JANVIER. 1748. 17
*
eft dit dans le préambule , que c'eft en
confidération de ce qu'il eft d'une des plus
illuftres Maifons d'Italie , & qu'il a fervi
l'Empereur dans un Régiment du Duc de
Lorraine dans fes campagnes de Hongrie ,
&c. Ce Seigneur a fans doute marché fur
' les traces de fes - ancêtres. Qui empêche
que les Viſcomti n'ayent fuivi les Ducs de
Lorraine dans les Croifades ou autres expéditions
contre les Infidéles ?
L'Auteur des génealogies hiftoriques ,
.. &c. M. Chazot dans fes Maifons fouveraines
d'Italie à l'article des Princes & Ducs
de Milan de la Maiſon des Viſcomti , dit
qu'Othon I du nom , fils de celui de qui
defcend la Maiſon Viſcomti , fuivit felon
quelques Auteurs , Godefroy de Bouillon
dans la Terre Sainte , ou ces mêmes Auteurs
attribuent l'origine de leurs Armoiries
à une rencontre particuliere. Ils difent
que cet Othon ayant tué un Sarrazin , nommé
Volux, il lui arracha un heaume , fur
lequel on voyoit en cizelure un ferpent
qui devoroir un enfant , un peu plus loin
dans le même article , il eft dit que Grégoire
X , quand il fut élû Pape , étoit alors
en Syrie. Or voilà donc des Viſcomtr dans
la Terre Sainte & du tems de Godefroy de
Bouillon , & beaucoup après. Ce tav
IS, MERCURE DE FRANCE
bleau eft peut-être même une des victoires
, & un trait de l'hiftoire de Godefroy
de Bouillon. Qui en empêche , & qui
pourroit le nier abfolument ?
Si je voulois , Monfieur , vous faire unet
énumeration de toutes les actions que les
hiftoires générales de Lorraine rapportent
où le font trouvés leurs Ducs depuis l'origine
de leur hiftoire , contre les Infidéles ,
foit en Hongrie , foit dans la Paleſtine ,
&c . aux Croifades ou autrement , je ne finirois
point , & cette énumeration devien--
droit plus longue que ma lettre. Ainfi
Monfieur , de ce que je vous dis ici des
Ducs de Lorraine , de ce qu'il y a des Vifcomti
, qui font encore actuellement attachés
à leur Maiſon , j'en conclus qu'il peut
fort bien être que ce tableau nous repréfente
quelqu'événement de l'hiſtoire
moderne contre les Infidéles , où les Vifcomti
fe foient trouvés avec les Ducs de
Lorraine , & que Breugel qui paroît avoir
connu particulierement cette Maiſon , qui
en aura peut- être reçû des faveurs , où des
fervices affés diftingués dans fon voyage
d'Italie & pendant fon féjour à Milan , en
aura voulu témoigner fa reconnoiffance , en
donnant à la postérité l'image d'un événement
qui peut être particulier à cette Mai-
: for
ea
12
Genera
2
dire
alde
lecture
s les a
nadiers
de
que
dans c
peat
rencon
tailléesd'as
JANVIER. 1748. Leg
fon , dont le fouvenir peut s'y confer
ver héréditairement , & qu'il aura fçu
d'original Son voyage en Italie & fon
féjour à Milan ne font point une choſe
priſe au hazard. Dans l'énumeration ™,
Monfieur , que vous faites de fes ouvrages
vous dites yous -même , fes autres ouvrages
Jont ceux qu'ilfit ....à Milan dans la Bibliotheque
Ambrofienne , &c . Qui empêche
encore une fois que l'Hiftoire moderne
n'offre un fujet à peu près ſemblable à celui
de la défaite de Darius ? Ne peut- il pas
-être arrivé qu'un Général Perfan , Sarrazin
, Maure , Turc , & c. ou autre , ait perdu.
une bataille , que fon camp ait été
-pris , que fa famille s'y foit trouvée &
ait imploré la clemence du Vainqueur ;
que ce Général fût mené fur un char:
plûtôt que fur un cheval , & que voyant
La défaite , ilsait eu recours à un cheval
pour fe fauver avec plus de précipitation
ainsi que fit Darius ? J'ai déja eu l'honneur
de vous le dire , mes occupations ne me
permettent pas. de defcendre dans-un grand.
détail de lecture , fans cela je chercherois
dans tous les mémoires , & les faitsparticuliers
de l'histoire moderne ,
n'eft que dans ces fortes d'ouvrages où
l'on peut rencontrer toutes les circonftances
détaillées d'une action qu'une hiſtoire:
ce
20 MERCURE DE FRANCE.
A
générale n'offre ordinairement qu'en grost ;
peut- être que quelqu'un plus heureux que
moi trouvera quelque jour cet événement
dans des lectures particulieres , ou l'a même
déja rencontré. Si j'avois la mémoire affés
préfente , je vous citerois le livre ou j'ai
déja lûr un événement prefque femblable ,
où un Général Afiatique laiffa fon camp
fes richeffes & fa famille à la difcretion du
vainqueur , mais c'est tout ce que je puis
m'en rappeller. On fçait affés qu'encore
même actuellement il eft d'ufage chés les
Orientaux de fe faire fuivre de leurs femmes
, enfans , &c. à l'armée , & que les
chars y étoient employés , il n'y a encore
que fort peu de tems par les Officiers, plûr-
τότ
tôt que des chevaux .
Je fçais , Monfieur , que d'un feul mot vous
pouvez répondre à toutes ces difficultés
que je vous ai faites . Que vous pouvez dire
que l'on fçait affés que les Peintres Flamands
n'avoient guéres étudié l'hiftoire, &
qu'ils s'embarraffoient peu duCostume qu'ils
ignoroient ; qu'il fuffit que les principaux
traits du fujet qu'ils ont imaginé de traiter,
s'y rencontrent pour qu'on puiffe le reconnoître.
It eft aifé de réfoudre ainfi bien des
difficultés , & peut-être auffi que cela eſt
vrai , dans le fond à l'égard de Breugel , &
de fon tableau en queftion. Mais auffi s'il
JAN VIE R. 1748 . ༡༥ ་ ་
arrivoit
que
l'hiftoire moderne fournît un
trait qui pût expliquer ce tableau , cela
ne fatisferait-il point davantage les amateurs
de la Peinture & .de l'Hiſtoire ? Or
c'eſt ce qui reste à examiner , & ce que je
n'ai pas le tems de faire , mais ce que le
hazard fera peut-être découvrir au moment
que l'on s'y attendra le moins,
Voilà , Monfieur , fur quoi j'établis mon
doute , je m'en rapporte à votre déciſion.
Peſez bien , je vous en prie ; les refléxions
que j'ai l'honneur de vous propofer , je ne
doute point que dans l'examen que vous
avez fait en détail de ce tableau pour en
porter votre jugement , vos connoiffances
très - étendues dans toutes les fciences qui
orgent l'efprit autant qu'elles l'éclairent
ne vous ayent préfenté ces difficultés
avant que d'établir le jugement où vous
vous êtes arrêté fur ce tableau . Or je lerois
jaloux de fçavoir fi dans ces differentes
opinions j'aurois eu le bonheur de me
rencontrer avec vous dans cette difcuffion,
Quand vous aurez tout bien confidéré ,
fi vous trouvez , Monfieur , qu'il faille:
s'arrêter à la défaite de Darius , je ne doute
point que vous ne conveniez en même
tems , ou que le Peintrea voulu en impofer
, ou qu'il a traité fon fujer en homme
L
22 MERCURE DE FRANCE .
贾
à qui la lecture de l'hiſtoire étoit entierement
inconnue. Or je ne crois point qu'on
me blame d'avoir entrepris de fauver fon
honneur de ce double reproche également
fondé qu'on peut lui faire , de fon
ignorance craffe , & du peu de refpect
qu'il a eu pour les lumieres du public :
c'étoit là mon deffein & je ne ferois pas
peu flaté d'y avoir réuffi , tant il eft vrai
qu'un Peintre d'hiftoire doit fçavoir autre
chofe que peindre ; & que fur- tout il doit
être bien inftruit du Coftume , & de toutes
les circonstances en un mot d'où dépend
la vérité du fujet qu'il traite.
Je ne me permettrai feulement encore
ici qu'une fimple remarque en paffant , au
fujet des Eftampes gravées d'après les tableaux
des batailles d'Alexandre de M. le
Brun , c'eft de donner l'ordre chronologique
où elles doivent être rangées, en faveur
des jeunes amateurs de ces belles curiofités
, afin d'éviter l'inconvenient que j'ai
remarqué dans un grand volume où l'on
avoit relié ces Eftampes avec d'autres de
même grandeur & auffi importantes , &
cela dans un des plus célébres cabinets
d'Estampes que l'on connoiffe aujourd'hui ,
dans l'Univers , où je les ai eu en communication
. 1°. Le paffage du Granique ; 2º.
JANVIE R. 1748 . 23
la famille de Darius aux pieds d'Alexandre
3 °. la bataille d'Arbelles ; 4° . l'entrée
triomphante d'Alexandre dans Babyloney
5º . la défaite de Porus.
Q
INVITATION
A Mefdemoifelles ***
STANCES.
Uittez vos demeures fauvages ,
Nimphes qui pouvez tout charmer,
Et fixez-vous fur nos rivages ;
On s'y fait un devoir d'aimer,
Parmi nous , Beautés boccageres,
Repetez vos champêtres airs ;
Meſurez vos danſes légeres
Aux doux'accords de vos Concerts.
Dites dans vos chanſons naïves ,
Comme vous connoiſſez l'Amour ,
Et par les danfes les plus vives
Celebrez- le dans cette Cour.
Les jeux , les ris fuivent vos traces ,
24 MERCURE DE FRANCE .
Et tâchent d'imiter vos pas ;
Ils vous prennent pour les trois Graces ;
Vous en avez tous les appas.
L'incarnat de votre vilage
Efface la rofe en couleur ,
Et vous avez cet avantage
Sans les fecours d'un art trompeur.
D'une magnifiq parure
Négligeant l'éclat emprunté ,
Vous ne devez qu'à la Nature
Les agrémens & la beauté.
Quittez pour jamais les retraites ·
Qui vous déroboient à nos yeux ;
Nimphes , vous avez été faites
Exprès pour embellir ces lieux. "
D'Angers le 28 Octobre 1747 :
Quoique
JANVIER. 1748. 25
Q
•
Uoique nous ayons déja annoncé la
découverte de l'ancienne ville d'Heraclée
, faite à Portici auprès de Naples ,
nous ne craignons point d'ennuier nos
Lecteurs en publiant encore une rélation de
cette découverte fi intérellante les
pour
curieux. Chacun a fa maniere de voir &
d'obſerver ; telle , chofe qui échape à un
voyageur,même intelligent, eft ce qui attire
l'attention d'un autre , ainfi plufieurs
defcriptions d'une même ville , fur-tout,
quand il y a beaucoup de chofes à y obferver
, peuvent être fort differentes fans fe.
contredire. C'est ce qui nous a fait efperer
qu'on verroit encore avec plaifir le
morceau que nous publions.
EXTRAITS de lettres d'un François
qui voyage en Italie . A Naples le g
Mai 1747.
Quel dout re à Paris la découverte de la ville
d'Herculanne ou Ercolano , comme on la
nomme ici , ce que je vais vous en dire
n'en eft pas moins conforme à la plus exaċte
vérité .
B
Mul
26 MERCURE DE FRANCE.
Avant-hier j'allai à Portici ; c'eft un
bourg qui eft à environ 5 milles deNaples .
Le Roi des deux Siciles y a fon Château
de Plaifance qui n'a rien de bien remarquable
; ce qu'on y voit digne d'attention ,
c'eft une grande quantité de vafes & d'inf
trumens antiques qu'on a trouvés dans les
mines d'Herculanne où l'on fouille actuellement
& où l'on découvre chaque jour
quelque morceau curieux , mais ce que l'on
en a tiré de plus précieux , ce font des
peintures très- bien confervées. Il y a entr'autres
un jugement de Virginie qui eft
admirable , on a auffi trouvé dans les foû
terrains du bled & du pain qui quoique
brulés , ont confervé l'un & l'autre parfaitement
leurs formes. J'ai pris quelques
grains du bled &un petit morceau de pain .
J'ai vû à Portici, chés M.Bardet de Villeneuve
, Ingenieur en Chef de Sa Majesté S.
le plan d'une portion d'Herculanne que cet
Officier qui eft François a fair fouiller par
ordre de S. Majefté S. On tient que cet
ville , de même que celle de Pompiano
ont été fondées par Hercule à fon retour
d'Efpagne. La premiere eft diftante d'environ
deux milles de Naples fur le penchant
du Véfuve du côté de la mer qui y formoit
un Port , & la feconde deux lieues plus
loin. L'une & l'autre de ces deux villes fuJANVIER.
1748. 27
rent prefque entierement renversées par le
tremblement de terre de l'année 6; de N.
S. J. C. & furent totalement ensevelies
fous les cendres du Véluve , & le bitume
pierreux qu'il jetta il y a 1666 ans , le 9
des Kalendes de Septembre , l'année Si de
N. S. la premiere de Titus & de Vefpafien .
Cette ville eft aujourd'hui partie de Portici
& de Réfina ; elle s'étend jufqu'à la
tour du Grec , elle , avoit deux milles.de
long. Ce qui a été creufé mérite d'être vû ,
& fur-tout le Théatre qui eft prefque entier.
A Rome le 30 Septembre 1747 .
"
Ayant lû ici dans un imprimé maintes
merveilles que l'on débite avoir été déterrées
à Herculanne,jufqu'à dire qu'il y a du
pain , du vin , du bled frais , du fromage .
de la viande fraîche , & tout ce qui étoit
prêt à manger lors de l'éruption du Véfu
ve , je me fuis mis à tranſcrire au net mes
obfervations , & à faire une rélation véri
dique & la plus circonftanciée qu'il m'a
été poffible de ce que j'y ai vû & examiné
avec mes compagnons de voyage à Portici ,
dont deux font penfionnaires du Roi à l'Académie
de Peinture de Rome. Comme
cette rélation eft plus détaillée que ce que
je vous ai marqué en vousrendant compte
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
de mon voyage de Rome à Naples , & de
la pénible & périlleufe vifite que je fis au
Mont Vefuve , je penfe que vous la verrez
avec plaifir ; la voici :
•
Herculanne fut enfevelie fous les cendres
& le bitume que le Mont Véfuve vomit
l'an 81 de N. S. le des Kalendes de
Septembre; on laiffe aux Sçavans à éclaircir
le doute qu'il peut y avoir fur le tems précis
de fa fondation & celui de fa ruine. Je
me contenterai d'expofer ce que j'ai vû des
reftes de cette ville , dont divers Auteurs
parlent avec éloge : elle a préfentement
au deffus d'elle environ 40 pieds de terre
au plus ; une partie de Portici où le Roi
des deux Siciles à fon Château de plaifance
, & tout le village de Réfina font bâtis
deffus , enforte qu'elle pouvoit avoir deux
milles de long. Il paroît par le plan qu'en
dreffe M. Bårdet de Villeneuve , qu'elle
étoit très-bien percée & qu'elle renfermoit
plufieurs édifices confidérables ; toutes les
ruës étoient droites & avoient de chaque
côté un trottoir de deux pieds de hauteur ;
il y avoit au bout de chaque ruë une fontaine
; on y remarquoit plufieurs beaux Palais
, quatre Temples & un Théatre d'une
beauté merveilleuſe , on en voit encore
affés pour juger de fa magnificence.
Il feroit à fouhaiter que des chofes fi cuJANVIER.
29 1748 .
rienfes ne reſtaffent point pour toujours
enfevelies dans le fein de la terre , ce qui
n'eut pas été , fi on eut pris le foin , difpendieux
à la vérité, d'enlever tous les dé
combres dont cette ville eft couverte , ce
qui auroit été facilité par le voifinage de
la mer , & de la rendre aux Amateurs de
P'Antiquité. On s'eft contenté de faire
fouiller en differens endroits & de faire
combler tous les édifices qui fubfiftoient
encore , après en avoir enlevé les marbres
& ce qu'ils renfermoient de plus confidé→
rable , afin d'affurer les fondemens du Châ
teau du Roi bâti fur les ruines d'Herc
tanne.
Nous avons cependant eu la fatisfaction
d'en voir encore quelques reftes dans les
fpacieux foûterrains où l'on a été obligé
de laiffer des paffages pour fouiller ce qui
n'a pas été touché. Nous fîmes en dehors
tout le tour du Théatre. On voit qu'il
étoit par tout orné de ftatues & de peintures
; les galeries en étoient foutenues par
des colonnes de marbre le plus précieux
dont la plus grande partie a été enlevée
pour orner le Palais du Roi de Naples ; il
en refte encore 3 ou 4 qui défignent la façon
dont cet édifice étoit conftruit, on voit
encore les efcaliers par lefquels on defcendoit
des galeries fuperieures : ils font bâtis
ช
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
de pierre de Piperne , qui eft polie & dure
comme le marbre : ils font parfaitement
bien confervés.
. On voit aufli dans les paffages plufieurs
reftes de, maifons , fur les murailles def
quelles on remarque quantité d'ornemens
peints fur un fond rouge ; dans plufieurs
endroits le pavé étoit de mofaïque , & de
sems en tems l'on apperçoit dans les plan
chers à demi affaiffés , des folives preſque
confumées par les torrens de feu ; des por
tes avec leurs ferrures & des gonds d'ai
rain ; des cadenats & autres choſes ſembla
Mes .
On avoit eu foin de porter dans les
ape
partemens du Roi de Naples les chofes
Les plus curieuſes , & comme l'on n'avoit
pas encore jugé à propos de les mettre en
ordre , elles étoient entaffées les unes fur
les autres , ce qui fair que l'on n'a pû examiner
le tout . Voici à peu-près ce que l'on
a remarqué de plus conſidérable ..
Une table de marbre à 3 pieds , d'un
goût admirable ; des chandeliers de bronze
, d'environ 4 pieds de hauteur , au haut
defquels on plaçoit une lampe ; un pannier
dans lequel font des filets à demi finis
avec les aiguilles dont on fe fervoit pour
les travailler , ils font à peu près fabriqués.
comme les nôtres , à la forme près dont
on ne peut juger , parce qu'ils font telleJANVIER.
1748 | ZI
ment gâtés qu'ils tomberoient en pouffiere
fi l'on vouloit les étendre . Un étui de Chirurgie
avec tous les inftrumens , qui tiennent
enſemble par une rouille qui s'eft attachée
tout au tour & qui eft brillante
comme des diamans ; l'étui eft de bronze.
Il y a une petite conteftation fur la matiere:
des inftrumens , mais cette rouille & la
couleur qu'ils ont , fait juger qu'ils font
d'acier , ils confiftent en deux fpatules ,
quelques fondes & un biftouri . Il y a même
dans l'étui un refte d'emplâtre étendu
fur une espece de linge effilé des lampes
de toutes les façons , parmi lesquelles on
en voit de fort fingulieres , entr'autres une
de forme lozangée , entourée ( de grelots ;
on nous a dit qu'elle fervoit pour les femmes
en travail.
Une tête de cheval , quantité de mords ,
& beaucoup de ftatues brifées , le tout de
bronze ; force marmites de même métail ;
des bouteilles quarrées de verre blanc ,
toute forted'uftenciles de terre en grande
quantité & tout neufs ; on les a trouvés
vraisemblablement dans la boutique d'un
potier fans que pas un fut endommagé.
Deux émines environ de bled calciné , qui
cependant conferve encore fa premiére for--
me; un pain tout entier que le feu a brulé a
demi & rendu noir ; il eft dur comme de la
Bij
32 MERCURE DE FRANCE.
pierre & de forme ronde avec des marques
en façon d'étoiles.
Mais ce que l'on voit de plus curieux
ce font des tableaux , il y en a environ
200 , tant grands que petits , encore lè
nombre en augmente- t'il tous les jours ,
car on en trouva trois dans le tems que j'é
tois à Portici : ces peintures font à frefque
& fe font trouvées fous les murs des mai
fons , du Théatre & des Temples .
Les deux premiers que nous vîmes , repréfentoient
, l'un un fcéne de Théatre &
l'autre le jugement de Virginie par Clau
dius le Decemvir. Dans le premier on voit
deux files d'Acteurs , au milieu defquels
on en remarque un parlant avec véhémence
, il paroit tenir un mafque devant
le vifage , dans le fond du tableau il y a
3 figures placées fur un endroit affés élevé
; il peut avoir 3 pieds de hauteur , le
jugement de Virginie n'eft pas moins curieux
: on y voit quantité de figures fur le
devant dans des attitudes foft vives ; la
plus remarquable eft vêtue en blanc , on
conjecture que c'eft celle de Claudius. Il y
a quantité de tableaux d'Architecture mife
en perfpective , des colonades , des Temples
& autres édifices ; elle y eft par-tout
bien obfervée .
On voit d'autres tableaux en travers qui
Ces
Leacx
Chinois
salers
ferens
23 , lan de
la
forme
COVERSACA
macht.Mais:
Sax qui te
22.00yenvo
four
comme
Con
lede
Texa
evaier
repetiens
Teperle
Centaure
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dros
devant
for
erfes
accens
;
dela
demi
couch
Ire.
e.Il
n'eft
pas
cox
l'attention
de
intede
l'autre
d
JANVIER 1748. 37
peuvent avoir 4 pieds de largeur , ils répréfentent
des grotefques ; la compofition
en eft fort bizarre , ce font des chars tirés
par des Oiseaux ou par des Dragons & autres
chofes femblables,dans le goût des ornemens
Chinois qu'on voit aujourd'hui .
Il y a plufieurs petites figures de demi
pied avec differens attributs peints fur um
fond rouge. Il y a encore plufieurs ta
bleaux en mofaïque dont la couleur eft
charmante , l'un defquels repréfente trois
pains dont la forme eft abfolument feur
blable à celui qu'on a trouvé; d'autres repréfentent
divers animaux , le tout, d'un
excellent goût. Mais rien n'égale la beauté
des tableaux qui font dans la derniére
chambre , on y en voit 4 qui font admirables
, ils font comme tous les autres peints
à frefque fur des pieces de murs qu'on 2
détachés ; on n'y fouhaite rien pour ไป
compofition , le deffein & le coloris..
Le premier repréfente l'éducation d'A
chille par le Centaure Chiron , il eft fur
prenant pour l'expreffion : ce jeune Prince
eft tout droit devant fon maître & s'effor
ce d'imiter fes accens ; le Centaure eft:
côté de lui à demi couché & tient d'une
main fa lyre. Il n'eft pas poffible d'expri
nier mieux l'attention de l'un à reprendre
& la crainte de l'autre d'être repris par fom
By
t
34 MERCURE DE FRANCE..
maître ; ce tableau peut avoir 6 pieds de
haut ; la figure d'Achille en a environ 3 ,
il eft fans aucune draperie.
4
Il y a enfuite un jugement de Pâris , qut
peut avoir été fort beau , il eft à préfent :
gâté , les figures font drapées & peuvent
avoir deux pieds & demi. Le troifiéme eft
d'une beauté finguliere ; il repréfente un
jeune homme vu de face , dont le corps a
toutes les graces de l'antique , il foule aux
pieds un monftre qui aune tête deTaureaus
deux enfans qui font à côté de lui s'empreffent
de lui baifer la main ; il paroît
que cela a quelque rapport à l'Histoire de
Théfée , les figures font toutes de grandeur
naturelle & le tableau n'a guére moins de
7 pieds & demi.
a
Le quatriéme qui fait pendant à celui- là,
paroît être de la même main , je ne m'en
rappelle pas trop le fujet , la principale fi--
gure eft un homme qui tourne le dos & eft.
groupé avec plufieurs petites figures ; il eft .
étonnant pour la force du deffein , le coloris
n'en eft pas moins beau que dans les
autres , & l'on ne voit rien à frefque des
modernes qui foit au deffus de celles là.
Ces 4 tableaux ont été trouvés dans le 4.
San &uaire du grand Temple . Voilà à peu .
près ce qu'on remarque de. plus confidé
rable pour
pour la Peinture.
3
·
35
JANVIER. 1748.
६
Il me reste à préfent à parler des ftatues ,
on en a trouvé un beau nombre , parmi
lefquelles on en voit d'une grande beauté ;
le Roi de Naples les a fait placer dans une
petite falle à côté du jardin en attendant. -
Il y en a 7 de bronze plus grandes que
Nature & quantité d'autres de marbre
blanc qui font des meilleures fiécles. En--
tr'autres trois figures de femmes peuvent
paffer pour des merveilles , elles font de
marbre blanc & n'ont guéres plus d'un pied
& demi chacune , on en a trouvé quantité
d'autres de métail , mais elles étoient telle--
ment brifées qu'on n'en a pûr tirer aucun¹
parti . Parmi toutes celles-là il n'y en a att
cune qui puiffe être comparée à la ftatue
équeftre d'un certain Balbus , que le Roi
de Naples a fait placer dans le périftile de
fon Palais , c'est une des plus belles chofes
qu'on puiffe voir , elle eft de marbre blanc ,,
le cheval eft au- deffus de tout ce que nous
avons des anciens , on voit für le pied d'é
tal cette infcription .
Marco, Nonio, Marci. fil. Balbo , praf. proconf].
Heronlanenfis.
3
On fera vraisemblablement tous less
jours dans cet endroit de très -belles décou--
vertes ; on avoir encore à fouiller tout un
B- vj
36 MERCURE DE FRANCE.
quartier de la ville , lorfque nous fommes:
partis on compte quand cela fera fini de
faire graver les chofes les plus remarqua
bles, & S. Majefté S. à fait venir de Rome
dans cette intention un Graveur , mais il
ne pourra donner de toutes ces chofes
qu'une idée fort imparfaite.
C'eft -là tout ce que j'ai remarqué à
Herculanne ; bien des chofes fans doute
me font échappées dont on ne fera pas fur
pris , quand on fçaura que je n'ai eu pour
les examiner que le tems du dîner du Roi
de Naples , au refte l'on peut- être affûré
que tout ce que je viens de rapporter eft.
exactement vrai
$350660650652660050 : 30 : 306806506 500 500 500
DECLARATION D'AMOUR.
S
Ansdire
que Phébus m'infpire ;
Sans vous comparer à Pfiché ,
Sans dire qu'amour eft caché
Sousvos traits que chacun admire ;:
/Sans tous ces contes fabuleux
Et fans vous parler de martyre ,
95
Je puis dans mon coeur amoureux,
Trouver mille chofes à dire
Qui Silvies un rendie.délire
JANVIER. 37 1748:
Eft cent mille fois plus charmant
Que tout l'efprit & l'agrément
De celui qui monte få lyre
Sans les accords du fentiment .
Secondez l'ardeur qui m'infpire ;
Tendre coeur , dont l'émotion
Va peut-être paroître un crime.
A l'objet de ma paffion.
Que votre tendreffe ingénuë
Lui retrace fes fentimens ,
Feignez- lui tous les mouvemens-
Que vous reffentez à ſa vûë.
Dites- lui bien ce que je ſens .
Si cette belle , trop févéré ,
Refuſe une vive amitié ,
Vous pouvez la foncer à faire
Quelques démarches de pitié.
Ecoutez , aimable Silvie ,
Ce coeur charmé de vos appas ,
Il vous dit qu'une fimpathie
Que l'efprit ne peut exprimer ,
Par un charme inconnu le lie
A tout ce qui peut vous charmer ,
Et qu'il eft fait pour vous aimer
Autant que durera ſa vie.
Il fçait fouffrir dans les foupirs ,
Sans murmure il porte vos chaînes 3 .
38 MERCURE DE FRANCE.
Et préfere ces douces peines
'A tout ce qu'on nomme plaifirs
Si- tôt que je vous vis paroître
Je formai de tendres défits ,.
Et vous aimai fans vous connoître:
Je vous cherche toujours abfente ,
Je defire & crains de vous voir ;
Voilà de l'amour qui n'enchante
Le jufte & fidéle miroir:
Puis- je eſpérer , jeune Silvie ,
D'obtenir un peu de retour ?
La tranquillité de ma vie
Dépend du fort de mon amour.
Par le Chevalier des de Languedos.
PAS
JANVIER 1748.
ANনাSস:্ত নাও নাও নিতে
RELATION hiftorique d'un groffeffe
finguliere en ce qu'elle contenoit un enfant
qui a fejourné trente & un an & quelques
mois dans le corps d'une pauvre femme
nommée Marie de Breffe , laquelle mourut
en l'Hôtel-Dieu de Joigny d'une fluxion de
poitrine , & qui fut ouverte pour connoître
ce qui avoit caufe une groffeffe d'un auſſi
grand nombre d'années . Cette relation a été
envoyée par M. Cagnat , Chirurgien en
chef de l'Hôtel-Dieu de Joigny , qui a fait
l'ouverture de cette femme en préfence des
Médecins & Chirurgiens de la Ville de
Joigny.
Arie de Breffe , née à Saint Julien
le Senfoy le 12 Octobre 1686 ,
femme d'EdmeCapel Manoeuvrier, natifde
Troyes , cuten 1712 qui étoit la premiére
année de fon mariage une perte de fang
confidérable , fuivie d'une fauffe couche
dont elle fût en peu de tems rétablies
Au mois de Mars 1716 elle eût des fi
gnes affés fenfibles d'une nouvelle groffeffe
pour lui faire croire qu'elle étoit enceinte...
Ayant fénti remuer vers le troifiéme
mois , les mammelles fe gonflerent & le laie
qui y parut ne lui permit plus d'en doutera
40 MERCURE DE FRANCE.
Au mois de Novembre fuivant elle füre
travaillée de douleurs très vives dans le
ventre , qui paroiffoient être des difpofitions
à un accouchement prochain , on fut
en conféquence chercher une Sage-femme
qui pendant deux jours qu'elle reftà auprès
d'elle , n'attendoit que le moment favorable
pour aider la Nature , un écoulement
d'eau affés ſemblable à celui qui a coûtume
de précéder & accompagner les accouchemens
ordinaires , fembloit au deuxième
jour d'un travail annoncer une prompte.
délivrance ; la Sage-femme avertie par cet'
avant coureur , le difpofoit à travailler
lorfque cet écoulement s'arrêta tout- àcoup
; fa furprife nè fut pas moins grande
quand après l'avoir touchée de nouveau
elle s'apperçut que l'Uterus n'étoit nulle .
ment chargé & nes préfentoit aucune di-
Latation .
La fâcheufe fituation de cette femme
engagea fon mari à la faire voir par les
Médecins & Chirurgiens de Troyes où ces
pauvres gens faifoient pour lors leur réfidence
; après l'avoir interrogée & exactement
vifitée ils déciderent unanimement
qu'elle étoit réellement groffe , & qu'il
n'y avoit point d'autre parti à prendre
qua celur, ou de l'opérationC મા éfarienne ,
ou de laiffer le cours des chofes au gré de
JANVIER. 1745. 41
la Nature ; ce dernier parti parut plus fage ,
en effet à l'exception de quelques douleurs
paffageres qu'elle reffentit de tems en
tems , principalement lorfque l'enfant fai-
-foit quelque mouvement , elle étoit peu
tourmentée .
Les mouvemens de l'enfant cefferent
après le dixième mois ; il ne lui refta qu'un
grand épuiſement , qui joint à la peine de
-porter un fardeau auquel elle n'étoit pas
encore trop accoûtumée , l'empêcha de
travailler pendant l'efpace d'un an &
demi.
;
*
Après ce tems les forces commençant
à revenir , elle repritfes anciens & pénibles
exercices , tels que de couler , laver
les leffives , tourner la rouë chés les Potiers
d'étain ; malgré la violence de fes travaux
il fe formon du lait dans fes mammelles,
& elle s'en eft apperçue jufqu'à l'âge
de foixante ans ; on fut même témoin
qu'à l'âge de cinquante-neuf ans étant à
travailler dans une maifon bourgeoife elle
en fit rayer comme auroit pu faire la meil
leur nourrice .
Cette femme étoit grande , puiffante ,
laborieufe & d'un fort bon tempérament.
Elle mourut enfin d'une fluxion de poitrine
le 22 Juillet 1747 , à l'Hôtel - Dieu
de Joigny , ville qu'elle habitoit depuis fix
ans ou environ .
42 MERCURE DE FRANCE.
J'en fis l'ouverture en préfence de Meffieurs
les Médecins & Chirurgiens du lieu ;
nous trouvâmes une tumeur de la groffeur
& figure d'une boëte à perruque , nommée
melon, fituée à la région umbilicale &
hypogaftrique, tirant beaucoup plus du cô
té droit que du gauche , elle nous parut
partir de la trompe droite du même côté ,
parce que ce conduit étoit extrêmement
dilaté& même rompu dans fa partie fupérieure.
Cette tumeur étoit adherente par fa
furface antérieure à l'épiploon , parfa
moyenne & anterieure au péritoine , par
fon inferieure & antérieure au fond de la
veffie , par fa partie fuperieure & poſtérieure
au jejunum , par fa partiemoyenne
&-poftérieure au mefanter & à l'ileum , par
fa partie inferieure & poftérieure au fond
de l'uterus.
Cette maffe qui feparée de fon tout ,
péfoit huit livres , étoit partie offeufe &
partie cartilagineufe, & contenoit fans ancune
ferofité , un enfant mâle , plus grand
& plus fort qu'un enfant à terme & bien
formé; quatre dents incifives étoient prêtes
à percer , il n'avoit nulle odeur & avoir
confervé toutes lesparties en aflésbon état.
Je donnai un coup de Scapel à la partie
fuperieure de l'humerus qui étoit dépouilJANVIER.
1748. 43
lé de fon periofte , les muſcles nous en parurent
auffi rouges que le feroit une chair
qui auroit été falée .
Les parties de cet enfant qui touchoient
contre la furface internede fon enveloppe
à laquelle elles étoient extrêmement adherentes
, y avoient fait des empreintes à
peu-près pareilles à celles que les vaiffeaux
qui rampent fur la duremere , en font dans
la furface interne du crane.
La couleur de fa peau reffembloit affés
à celle d'un veau nouvellement tanné.
Le cordon umbilical qui eft refté de la
longueur de cinq a fix pouces étoit deffeché
à un travers de doigt de l'umbilic
comme s'il eût été par quelque ligature ,
& fon extrémité , épanouie en forme de
patte d'oye , tapiffoit l'interieur d'une ou--
verture exactement ronde qui avoit deux
lignes de diametre, cette ouverture étoit fi
tuée à la partie laterale interne du côté
droit de cette enveloppe que nous avons
trouvé compofée de deux lames offeuffes ,
diftinctement féparées par une espece de
diplóé.
Nous avons remarqué que l'enveloppe
commune de l'enfant avoit quatre lignes
d'épaiffeur à l'endroit du trou où alloit fe
perdre le cordon umbilical , pendant
qu'elle n'avoit que deux lignes par-touts
44 MERCURE DE FRANCE .
ailleurs , ce qui nous a fait penfer que cela
ne venoit que de l'addition du placenta
qui pouvoit s'y être également offifié .
Toutes les parties du bas ventre étoient
en bon état , à l'exception des adherences
qu'elles avoient contractées avec cette tumeur.
-
Nous examinâmes plus particulierement
T'uterus , il étoit très bien conditionné &
propre à contenir un enfant , fi celui- ci eûr
pû y parvenir.
Cagnat. A Joigny le 8 Août 1747.
´CACICICOCA✅AYIYAYA YUCO
CAPRICE.
Cift de l de la boëte de Pandore
Que fortirent les maux où tout le genre humain
En naiffant fut plongé , dont il gémit encore .
Victime d'un cruel deftin
Pâris , le beau Pâris voit Heléne , l'adore :
Ah trop fatal Amour ! l'infortuné Troyen ,
Sans toi vivait heureux , paifible Citoyen ;
Vagabond maintenant , il'erre au gré de l'onde ,
Et regarde de loin fes Lares embrafés.
Les femmes font l'écueil où nombre d'infenfés
Echouant tous les jours,font la fable du monde.
;
JANVIER 45 . 1748 .
Sans elles on verroit dans une paix profonde
Renaître les vertus , les biens de l'âge d'or.
Mais que dis - je ? Rêvé -je ? Eft- ce miſantropie ¿
Sexe charmant , pardonnez ma folic.
Et pourquoi contre vous ce frénetique effor
Quand mon coeur idolâtre encor
L'ingrate qui me fuit , l'adorable Sylvie?
A Lyon 1747.
Boyer
LETTRE fur la maniere dont Baron déclamoit
quelques vers d'Iphigenie.
J'Eu
"Eus hier au foir , Monfieur , une difpute
dont je veux vous rendre compte,
afin que vous me difiez ce que vous en
penfez . Le ſujet n'eſt pas fort important ,
mais comme il s'agit d'une matiere de goût,
je ferois flaté de pouvoir m'autorifer de
votre fuffrage. Voici le fait ;
Achille dans la feptiéme fcéne d'Iphigenie
, frappé de quelque circonftance finguliere
, & ne fçachant que penfer des démarches
de Calchas & d'Ulyffe , s'écrie :
Quelle entrepriſe ici pourroit être formée
Suis -je ,fans le fçavoir ,la fable de l'armée ?
Entrons. C'eft un fecret qu'il leur faut arracher;
46 MERCURE DE FRANCE.
Baron , cet Acteur inimitable & fi natu
rel , qui a fait pendant tant d'années l'ad
miration de tout Paris , ne déclamoit ja
mais ces vers qu'avec une joie mêlée de
furprife & d'indignation ; on étoit étonne
de le voir rire dans un endroit où les autres
Acteurs ne mettent que du feu & de la
colére. Peut-on dire que cette déclamation
fut vraie & conforme à la fituation du
Héros qu'il repréfentoit ? Voilà ce qui me
fut conteſté par des perfonnes qui rendent
juftice aux talens de Baron , mais qui
croyent que le ris qu'il employoit dans
cette occafion étoit déplacé. Pour moi ,
j'avoue que je ne puis me réfoudre à condamner
un Acteur qui poflédoit fi bien les
principes de fon Art , & qui manquoit rarement
le ton de laNature.
En effet on peut raiſonner par oppofition
du ris comme on raifonne des pleurs ,
Les pleurs ont été établis par l'Auteur de
la Nature pour exprimer les differens états
de malheur où l'on fe trouve , & pour inviter
les autres hommes à nous fecourir.
C'est l'expreffion des malheurs & la priere
des malheureux
. De même le ris eft deſtiné
à exprimer la joie , à la communiquer
& à
la répandre. C'eſt une invitation
flateuſe
par laquelle
nous engageons
les autres
hommes à prendre part au bien qui nous
arrive & à nous le conferver.
JANVIER. 1748. 47
Les complots des Grecs contre l'amour
d'Achille n'étoient pas
certainement
par
cax-mêmes un bien propre à exciter un
fentiment de joie. C'étoit un mal au contraire
, mais un mal fi fort au- deffous d'Achille
& fi peu capable de l'allarmer , qu'il
ne fert qu'à lui fournir un témoignage de
fa fupériorité , & à lui faire appercevoir
les reffources qu'il peut trouver en luimême
contre de pareils évenemens. Or
nous ne sçaurions nous rendre à nous-mêmes
un femblable témoignage , fans que
notre amour propre en foit flaté , fans que
ce foit un bien pour nous & un bien qui
doit naturellement exciter notre joie , &
c'eſt delà que naît le ris que notre Acteur
prêtoit à Achille.
Que l'on juge maintenant laquelle des
deux déclamations , ou de celle de Baron
ou de celle des autres Acteurs , fait paroître
Achille plus grand. Ce héros repréfenté
par Baron ne trouve dans l'entrepriſe
des Grecs qu'un projet infenfé plus digne
de fon mépris que de fa colére. Il eft furpris
& indigné de voir que lui étant fiinférieurs
ils ofent entreprendre de traverſer
fon amour. Il femble en même tems s'applaudir
d'avoir une occafion de leur faire
fentir fa fupériorité , & de donner par-là
un nouvel éclat à fa valeur & à fon courage.
48 MERCURE DE FRANCE.
Une déclamation au contraire où l'Acteur
fe livre à la colére & à l'emportement
fait bien fentir qu'Achille eft vivement
piqué de le voir joué par les Grecs. Mais
elle ne lui donne qu'un fentiment.commun,
& que tout autre que lui éprouveroit
en pareil cas. C'eft ôter quelque chofe
à fa grandeur que de le faire paroître ſi
affecté des complots qu'il foupçonne qu'on
trame contre lui.
Au refte , Monfieur , en cherchant à
jaftifier la maniere dont Baron rendoit les
trois vers que je vous ai rapportés , je n'ai
pas prétendu rejetter abfolument la déclamation
des autres Acteurs . Je fuis perfuadé
au contraire qu'elle peut être défendue
par de très-bonnes raifons ; mais peut- être
ne trouverez - vous pas qu'une pareille
queftion mérite la peine d'être difcutée.
RONDEAV
JANVIER. 1748 .
49
A
RONDE AU
Sur le nouvel an.
U nouvel an , fans fortir de nos trous ,
Faiſons des voeux pour le falut de tous ;
Qu'eft- il befoin d'aller de porte en porte ,
Pour demander comment chacun fe porte ,
Et le heurter comme vrais loups- gatoux ?,
Vous qui venez avec zéle chés nous ,
Pour fouhaiter les deftins les plus doux
Ne croyez pas que déformais je forte
Au nouvel an,
En moi toujours vous trouverez pour vous
Des fentimens , qui des vôtres jaloux ,
Font que mon coeur fur le vôtre l'emporte ;
C'eft dire affés que parler de la forte ;
Ceffons enfin de paffer pour des fous
Au nouvel an .
G. D. M.
50 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. G. à M ***.
C'E
' Eft toujours une vraie fatisfaction
Et une vraie,
pour moi de vous écrire, M. mais aujourd'hui
mes difpofitions à cet égard font
bien differentes ; ce n'eft plus le tems où
nous nous entretenions d'Apollon , des
Mufes & du Parnaffe. Je dois vous mander
l'état déplorable d'une de mes bonnes
amies qui eft moribonde , & par- là je fens
augmenter ma douleur ; je la connus lorfqu'elle
ne faifoit que de naître , je l'ai vû
croître de jour en jour, & à mesure qu'elle
croiffoit en âge , acquerir de nouveaux
charmes qui me la faifoient véritablement
aimer. Mais enfin je fuis à la veille de la
perdre ; ma douleur eft extrême parce
qu'elle eft fans reméde. Cette trifte mort
diminuera infailliblement le nombre de
mes jours ; l'état de langueur où elle eſt
depuis plus de deux mois , au lieu de me
difpofer infenfiblement à notre féparation,
me pénétre chaque jour de nouveaux traits
de la trifteffe la plus amére. Hélas ! mon
chet Monfieur , notre amie eft condamnée
de tous les Médecins , je dis notre amie
car elle eft auffi la vôtre , & fi je ne la
nomme point encore , c'eft pour ménager
JANVIER. 1748 .
la tendreffe de votre bon coeur ; notre amie
eft donc attaquée d'un mal intérieur qui
la mine peu à peu , & la conduit pas à pas
au tombeau ; on croit que c'eft l'éthyfie
ou la confomption . Quoi qu'il en ſoit ,
( car qu'importe le nom que l'on donne
aux maux ? ) elle eſt à préſent aux abois ; on
ne lui donne plus fept jours à vivre ; fes
foeurs font mortes de la même maladie fans
qu'on ait jamais pû y apporter de reméde ;
je ne puis plus me flater du contraire ; tout
m'annonce fa fin prochaine : jugez de ma
douleur ; je vous en fais part pour recevoir
de vous quelque confolation ; je vous ai
caché jufqu'à préfent le nom de celle que
je pleure , parce que je ne puis le prononcer
fans augmenter la plaie qui faigne dans
mon coeur , mais enfin je vais vous le dire,
cette amie fidelle que nous allons perdre ,
cette compagne inféparable que nous regretterons
long- tems & que nous ne reverrons
jamais plus , c'eft l'année 1747
à
la fin de laquelle je fuis , comme j'étois à
fon commencement & comme je ferai pendant
l'année 1748 , que je vous ſouhaite
très-heureuſe , votre , & c.
C ij
52 MERCURE DE FRANCE .
:
EPISTOLA I. Το
AD MECENATE M.
PRima dicte mitri , fummâ dicende Camoena .
Spectatum fatis , & donatum jam rude , quæris
Mecoenas , iterum antiquo me includere ludo .
Non eadem eft ætas , non mens . Vejanius , armis
Herculis ad poftem fixis , latet abditus agro ;
Ne populum extremâ toties exoret arenâ .
Eft mihi purgatam crebrò qui perfonet aurem ;
Solve fenefcentem maturè fanus equum , ne
Peccet ad extremum ridendus , & ilia ducat .
Nunc itaque & verfus & cætera ludicra pono :
Quid verum atque decens , curo & fogo , & omnis
in hoc fum :
Condo & compono , quæ mox depromere poffim,
Ac ne fortè roges , quo me duce , quo
laré
tuter ;
Nullius addictus jurare in verba magiftri ,
Quo me cumque rapit tempeftas, deferor hofpes;
JANVIER. 1748. 53
TRADUCTION de la premiere Epitre
d'Horace à Mécane .
M Econe,ma Mufe t'a confacré les
premiers écrits ; elle te doit l'hommage
des derniers ; envain tu m'invites à
rentrer dans une lice , où j'ai affés longtems
parû , pour jouir du droit de m'en
retirer. Je n'ai plus le même âge , je n'ai
plus le même génie . Véjanius , las d'avoir
tant de fois demandé grace , ( 1 ) au bout
de l'aréne , vient d'attacher fes armes à
l'entrée du Temple d'Hercule ; il vit inconnu
dans fon champ ; fouvent une voix
me dit à l'oreille , fois affés fage pour ne
plus expofer dans la carriere un courfier
qui commence à vieillir ; bien - tôt il batteroit
du flanc , bien -tôt il deviendroit l'objet
de la rifée publique ; c'eft pourquoi je
renonce aux frivoles amuſemens de la
Poëfie , je ne veux m'attacher deformais
qu'à la recherche de la vertu & de la vérité;
j'en fais mon unique étude, mon unique
travail , j'entaffe , je mets en réſerve tout
ce qui peut me fervir au befoin . Peut-être
me demanderas- tu quel Maître j'ai choiſi ,
ou quelle fecte j'embraffe ? Je ne fuis engagé
dans aucune ; étranger dans toutes ,
Cij
54 MERCURE DE FRANCE. ,
Nunc agilis fio , & merfor civilibus undis ,
Virtutis veræ cuftos , rigiduſque ſatelles ;
Nunc in Ariftippi furtim præcepta relabor ,
Et mihi res, non me rebus , Subjungere conor.
Ut nox longa , quibus mentitur amica , dieſque
Lenta videtur opus debentibus ; ut piger annus
Pupillis ,, quos dura premit cuſtodia matrum :
Sic mihi tarda fluunt ingrataque tempora , qua
fpem
Confiliumque morantur agendi gnaviter id , quod
Aquè pauperibus prodeft , locupletibus æquè ;
Æquè neglectum pueris fenibufque nocebit .
Reftat , ut his ego me ipfe regam folerque ele
mentis.
Non poffis oculo quantum contendere Lynceus ,
Non tainen id circo contemnas lippus inungi :
Nec , quia defperes invicti membra Glyconis ,
Nodosâ corpus nolis prohibere Chiragrâ,
Eft quodam prodire tenus ,fi non datur ultră.
Fervet avaritiâ, miferoque cupidine pectus ?
Sunt verba ac voces, quibus hunc lenire dolorem
JANVIER . 1748 . 55
•
je me laiffe aller au gré de la tempête.
Tantôt plongé dans l'intrigue du monde ,
je deviens actif & vigilant , mais toujours
rigide défenſeur de la vraie vertu ; tantôt,
felon l'occafion , retombant dans les préceptes
d'Ariftipe , ( 2 ) je cherche à ne m'affujettir
à rien , à tout faire dépendre de
moi. Autant la nuit paroît longue aux
amans quand leur maîtreffe manque au
rendez-vous promis ; le jour ( 3 ) lent aux
gens de journée , les années tardives aux
mineurs qui font fous la tutelle d'une mere
avare , autant me paroiffent infructueux
& longs les momens qui retardent mes
efpérances , & le projet que j'ai formé de
m'occuper foigneufement des chofes qu'il
eſt également utile aux pauvres comme
aux riches , aux jeunes gens comme aux
vieillards , de ne point négliger. Il ne me
refte qu'à me regler moi- même fur ces
principes pour me confoler du tems perdu.
Tu n'as pas la vûë auffi perçante que
Lyncée ; dédaigneras - tu de traiter ton
mal (4 ) aux yeux ? Tu ne peux prétendre
à la force de l'invincible Glycon; voudrastu
ne rien faire pour te préferver de la
goutte ? (5 ) Il eft un point auquel on peut
atteindre , fi l'on ne peut aller au de-là .
Etes-vous tyrannifé par
l'avarice , par
cruelle foif des richeffes ? Il eft des maxila
C iiij
56 MERCURE DE FRANCE.
Poffis , & magnam morbi depromere partem ..
Ļaudis amore tumes ? Sunt certa piacala , quæ të
Ter purè lecto poterunt recreare libello .
Invidus , iracundus , iners , vinofus , amator ,
Nemo adeò ferus eft , ut non mitefcere poffit
Si modò culturæ patientem commodet aurem .
Virtus eft vitium fugere , & fapientia prima
Stultitiâ caruiffe . Vides , quæ maxima credis
Effe mala , exiguum cenfum , turpemque repulfam
>
Quanto devites animi ċapitifque labore ?
Impiger extremos curris mercator ad Indos ,
Per mare pauperiem fugiens , per faxa , per
ignes :
Ne cures ea quæ ftultè miraris & optas ,
Difcere, & audire , & meliori credere non vis
Quis circum pagos & circum compita pugnax
Magna coronati contemnat Olympia , cui fpes ,
Cui fit conditio dulcis fine pulvere palmæ ?
Vilius
argentum
eft auro , virtutibus aurum .
O cives , cives , quærenda pecunia primùm eft,
JANVIER. 1748. 57
mes ; des préceptes propres à calmer & diminuer
votre mal. Etes-vous bouffi du défir
d'être loué ? Méditez plus d'une fois
certaines vérités ; elles pourront adoucir
vos ennuis. (6 ) Il n'eft point d'homme fujet
à l'envie , à la colere , à la pareffe , au
vin ou à la débauche , quelque féroce
qu'il foit , qu'on ne ramène à des moeurs
plus douces , s'il a la patience de fe faiffer
inftruire. Fuir le vice , eft le premier degré
de la vertu ; ceffer d'être fou , eſt le
premier degré de la fageffe . Que de peines
de corps & d'efprit ne fe donne- t'on
pas pour éviter , comme le plus grand des
maux, de n'avoir qu'un bien médiocre , &
d'effuyer la honte d'un refus ? Infatigable
Marchand , tu cours jufqu'aux extrémités
de l'Inde , fuyant au milieu des tempêtes ,
des écueils (7 ) & des feux la dure pauvreté
; tu n'écouterois
point les avis de gens
plus fages que toi ; tu ne voudrois point
apprendre d'eux à méprifer ce que tu admires
auffi follement que tu l'envies . L'Athlete
qui ne combat que dans les bourgs ,
les villages , refuferoit- il de fe faire couronner
aux jeux Olympiques
, (8 ) s'il pou
voit fans rifque efpérer d'en remporter le
prix ? ( 9) L'argent eft plus vil que l'or; l'or
eft plus vil que la vertu. Romains , avant
toutes chofes, il faut acquérir des richetles,
Cy
58 MERCURE DE FRANCE.
Virtus poft nummos : hæc Janus fummus ab imo
Prodocet , hæc recinunt juvenes dictata ſeneſque .
Eft animus tibi , funt mores , eft lingua fideſque =
Si quadringentis fex feptem millia defint ,
Plebs eris. At pueri ludentes , Rex eris , aiunt ,
Si rectè facies. Hic murus aeneus efto ,
Nil confcire fibi , nullâ pallefcere culpâ.
Rofcia , dic fodes , melior lex , an puerorum eft
Nænia , quæ regnum rectè facientibus offert ,
Et maribus Curiis , & decantata Camillis
Ifne tibi melius fuadet , qui , ut rem facias ,
Si poffis rectè , fi non , quocumque modo rein ;.
Ut propiùs fpectes lacrymofa poemata Puppîs :
'An qui fortunæ te refponfare ſuperbæ
rem
Liberum & erectum præfens hortatur & optat
Quod fi me populus Romanus fortè roget , cur
Non , ut porticibus , fic judiciis fruar iifdem ,
Nec fequar aut fugiam , quæ diligit ipfe vel odit =
Olim quod vulpes ægroto cauta Leoni
Refpondit , referam : quia me veftigia terrent,
Omnia te adversum fpectantia , nulla retrorsum.
JANVIER . 1748. 59
après l'argent la vertu ; voilà ce qu'on ( 10)
enfeigne d'un bout à l'autre de la place de
Janus , voilà ce que récitent les vieillards
& les jeunes gens ( 11 ) qui portent fufpenduës
au bras gauche leurs tablettes & leurs
bourfes de jettons.Tu as de la probité , des
moeurs , de l'éloquence , de la bonne foi ;
te manque- t'il fix ou fept mille fefterces ?
Tu ( 12) feras au rang du peuple. Faites
bien , difent les enfans , dans leurs
jeux , vous ferez Roi . Fais- toi de cette maxime
un rempart tel que jamais aucune de
tes actions ne te caufe des remords ou ne
te faſſe pâlir de honte. Quelle Loi crois-tu
qu'on doive préférer , la Loi Rofcia ou
celle des enfans , qui n'accordent les dignités
qu'à ceux qui s'en rendent dignes ,
loi qu'ont pratiquée les Curius & les Camilles
? Qui des deux te donne un meilleur
confeil ; celui qui t'exhorte à ne t'enrichir,
fi tu peux, que par des moyens honnêtes
, finon à quelque prix que ce foit ,
pour pouvoir entendre de plus près les
touchantes Tragédies de ( 14) Pupius , ou
celui qui par fa préfence t'encourage , t'anime
à faire ufage de ta force & de ta liberté
pour braver les revers de la fortune?
Si le peuple Romain me demande pourquoi
, me trouvant avec lui tous les jours
fous le Portique , ( 15 ) je n'adopte pas ce
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
Bellua multorum es capitum ; nam quid fequar
aut quem ?
Pars hominum geftit conducere publica : funt qui
Cruftis ac pomis viduas venentur avaras ,
Excipiantque fenes , quos in vivaria mittant :
Multis occulto crefcit res foenore ; Verùm
Efto aliis alios rebus ftudiifque teneri :
Iidem eadem poffunt horam durare probantes ?
Nullus in orbe finus Baiis prælucet amænis ,
Si dixit dives , lacus & mare fentit amorem
Feftinantis heri ; cui fr vitiofa libido
Fecerit aufpicium ; cras ferramenta Teanum,
Tolletis , fabri . Lectus genialis in aulâ eſt ?
Nil ait effe prius , melius nil cælibe vitâ :
Si non eft , jurat bene folis effe maritis.
Quo teneam vultus mutantem Protea nodo ?
Quid pauper ? Ride : mutat cænacula , lectos
Balnea , tonfores ; conducto navigio æquè
Naufeat ac locuples , quem ducit priva triremis .
Si curtatus inæquali tonfore capillos
Occurro , rides : fi fortè fubucula pexe
JANVIER. 65
1748.
qu'il aime , je ne haïs pas ce qu'il fuit ? Je
répondrai , comme le rufé Renard répondit
au Lion malade ; les pás de ceux qui
vont vers toi m'effrayent, aucun de ces paà
ne marque qu'ils en reviennent ..
Monftre à plufieurs têtes , quel parti , quel
guide prendrai-je ? Les uns afpirent à devenir
fermiers des impôts ; les autres à féduire
par leurs flateries , à faire tomber
dans le piége qu'ils leurs tendent , les
veuves avares & les vieillards fans enfans ;
la plûpart augmentent leur bien par une
ufure honteufe. A la bonne heure ; que
chacun d'eux foit affecté d'inclinations diverſes
; en eft- il un qui conftamment une
heure de fuite approuve la même chofe ? IL
n'eft point fur la terre de fituation comparable
à celle de Bayes , s'écrie le riche ; le
Lac Lucrin , la Mer , déja ſe voyent refferrés
par l'empreffement qu'il a de bâtir ;
bien-tôt quelque autre caprice lui paroît
un augure. Ouvriers , dit- il , tranfportezvous
demain à Théanum avec vos outils.
Le lit nuptial eft-il prêt Le célibat lui
femble préférable à tout autre genre de
vie ; eft- il dans le célibat ? Il n'y a de bonheur
, dit- il , que dans le mariage . Quelles
chaînes pourroient fixer ce Protée : A tour
inftant il change. Et le pauvre ? ( 16 ) Rionsen
de même , en le voyant changer de lit,
62 MERCURE DE FRANCE.
Trita fubeft tunicæ , vel fi toga diffidet impar ,
Rides. Quid mea quum pugnat fententia fecum ?
Quodpetiit , fpernit; repetit quod nuper omifit;
Aftuat , ac vita difconvenit ordine toto ;
Diruit , ædificat , mutat quadrata rotundis :
Infanire putas folennia me , neque rides ,
Nec Medici credis , neque curatoris egere
A Prætore dati ? Rerum tutela mearum
Quum fis, & pravè fectum ftomacheris ob unguen
De te pendentis , te refpicientis amici.
Adfummam, fapiens uno minor eft Jove, dives
Liber , honoratus , pulcher , Rex denique Regum ;
Præcipuè fanus , nifi quum pituita molefta eft.
JANVIER. 1748. 63
de falle , de bains , de Barbier , & dans le
bâteau qu'il loue , bâiller d'ennui , autant
que le riche dans fa galere à trois rames.
Tu te moques de moi , fi devant toi je parois
avec des cheveux mal faits , du linge
afé fous une tunique neuve , ou fi ma robe
pend d'un côté plus que de l'autre , &
quand , peu d'accord avec moi- même , je
méprife ce que j'ai le plus envié , je recherche
ce que j'ai rejetté ; quand par une fuite
continuelle d'incertitudes & de contra.
dictions , je démolis , je rebâtis , d'un
quarré je fais un rond , d'un rond je fais
un quarré , tu crois que j'extravague , mais
tu n'en ris , ni ne penfes que j'aye befoin
du Médecin , ou que le Magiftrat doive
me nommer un tuteur. Cependant tout ce
qui me concerne t'eft cher , ( 17 ) tu me
regardes comme ton ami & tu t'emportes
contre moi , s'il m'arrive d'avoir un 'ongle
mal coupé. Tout réfumé , le fage ne reconnoît
que Jupiter au-deffus de lui , il
eft riche , il eſt libre , il eft refpecté , il eſt
le Roi des Rois , il a tous les agrémens du
corps & de l'efprit , ( 18 ) & furtout une
fanté parfaite,pourvû qu'elle ne foit point
troublée par la pituite.
64 MERCURE DE FRANCE.
REMARQUES.
EPITRE I.
( 1 ) Acier dit dans fa verſion , après
avoir vaincu fon ennemi ; il paroîtroit
plutôt que ce feroit après avoir été
vaincu , que le Gladiateur , couvert de
bleffures , & voulant fauver fa vie , vis- àvis
d'un ennemi qui avoit eu l'avantage fur
lui , demandoit au peuple la permiffion de
fortir de l'Aréne. Il paroît de même que
le P. Sanadon n'a pas pris le vrai fens de
Ne populum extrema toties exoret "arenâ , en
le traduifant ainfi pour n'être plus obligé
de folliciter les fpectateurs au bout de l'Aréne,
de leur demander fon renvoi , comme il l'a
fait plufieurs fois ( 2 ) . Le P. Sanadon trouve
dans ces 4 vers , 16 17 , 18 & 19 .
Nunc agilis fio , merfor civilibus undis ,
Virtutis vera cuftos , rigidufque fatelles ;
Nunc in Ariftippi furtim pracepta relabor ,
Et mihi res , non me rebus , fubjungere conor.
Une contradiction qui , felon lui auroit
dû fauter aux yeux de tous les Interprêtes.
» Comment allier , dit - il , cette
» fléxibilité d'efprit néceffaire , pour bien
JANVIER. 1748. 65
» manier les affaires , avec cette roideur
» d'une vertu rude & auftére ? Quoi de
plus oppofé au caractére d'Ariftippe , fouple
& pliant quelquefois jufqu'à la baf-
" feffe , que cette indépendance d'un efprit
imperieux , qui maîtrife & gour
» mande , pour ainfi dire , les affaires ? >>
De -là ce fçavant Jefuite fe croit fondé à
changer ainfi l'ordre de ces vers ,
Nunc agilis fio, & merfor civilibus undis ,
Nunc mihi res , non me rebus , fubjungere conor
Virtutis vera cuftos , rigidufque fatelles ;
Nunc in Ariftippi fartim pracepta relabor
Mais il ne s'y trouve de contradiction
qu'autant qu'il en fait naître, par l'explica
tion qu'il donne à ce paffage , en lui donnant
un fens qu'il n'a point. M. Cofte
qu'il blame avec raifon , comme les autres
Intreprêtes, ne l'explique pas mieux , dans
fes notes fur la traduction du P. Tarteron ;
il y a , dit-il , une oppofition marquée
entre les deux differentes façons de fe conduire
d'Horace ; l'une , lorfqu'il s'attache
aux dogmes d'Ariftippe , furtim , à la dé
robée , ce qui prouve qu'Horace vouloit en
effet en dérober la connoiffance au public
, la doctrine d'Ariftippe étant differente
de celle que preferit une vertu rigide ,
66 MERCURE DE FRANCE .
comme on le voit dans l'Ep. XVII , vers
23 & 24 , où le Poëte dit en parlant d'A—
riftippe ,
Omnis Ariftippum decuit color , & ftatus , & res ;
Tentantem majora , ferè præfentibus aquum.
L'autre eft celle de l'homme le plus vertueux
;
Et mihi res ,
Virtutis vera cuftos , rigidufque fatelles ,
Conduite entiérement oppofée à celle - ci,
non me rebus , fubjungere conor ,
C'est-à -dire , « comme l'explique M.
Cofte , n'être pas fi fort content de fa
» condition , qu'on n'afpire à quelque
chofe de meilleur , ne pas s'accommoder
purement & franchement de l'état où
» Dieu nous a placés , mais travailler à fe
> mettre dans des circonftances plus avantageufes
,& pour en venir là , perdre , s'il
eft néceffaire , un peu de fa vertu , ram-
» per devant les grands , les flater , leur
faire lâchement la cour. » C'est là l'état
où fe trouvoit Horace , felon M. Coſte
lorfque renonçant aux maximes d'une vertu
rigide , il donnoit à la dérobée dans la
doctrine d'Ariftippe. Il est bien vrai qu'il
fe trouve ici une oppofition dans le portrait
qu'Horace fait de lui -même , mais ce
"
JANVIER. 1745. 67
n'eft point celle que prétend M. Cofte.
Horace dans differens endroits de fes ou
vrages , s'eft donné pour aimer cette douce
oifiveté , qui fait que l'on eft avec foi-même
, Quando licebit.... inertibus horis , ducere
follicita jucunda oblivia vita ; on le tiroir
fouvent malgré lui de cette oifiveté , & le
mot agilis qui fignifie , actif , vigilant , eft
mis ici en oppofition avec ce caractère de
pareffe ; merfor civilibus undis , défigne les
momens où on l'en tiroit ; virtutis vera cuf
sos , rigidufque fatelles , marque qu'il confervoit
au milieu de l'intrigue où il étoit
entraîné , merfor , toute la vertu , que
pour m'exprimer comme lui , il avoit amaffée
au befoin , ainfi qu'on le voit quatre
vers plus haut , Quid verum , atque decens ,
curo & rogo , & omnis in hocfum ; condo &
compono , que mox depromere poffim.
Et mihi res , non me rebus , fubmittere conor ,
fait de même un contrafte avec agilis
fio & merfor civilibus undis , car en ne s'affujettiffant
à rien , en faisant tout dépendre
de lui , en s'accommodant de tout , à l'exemple
d'Ariftippe , Omnis Ariftippum de
cuit color , & ftatus , & res , il rentroit dans
cet état de tranquillité , qu'il trouvoit.fi
doux .
M. Cofte & le P. Sanadon , à la faveur
88 MERCURE DE FRANCE.
de ce trait , qu'Horáce ajoute au portrait
d'Ariftippe ,
Tentantem majora , ferè prafentibus aquum ,
imputent à notre Poëte un caractére
fouple & pliant , quelquefois jufqu'à la
baffeffe , un mécontentement de ſa condition
, tel que pour fe mettre dans des
circonftances plus avantageufes , il étoit
capable non- feulement de perdre de fa
verta , cherchant à en dérober la connoiffance
au public , mais encore de ramper
devant les grands , de les flater , & de leur
faire lâchement fa cour , ce qui s'accorderoit
mal avec virtutis vera cuftos , rigidus
que fatelles , comme le dit le P. Sanadon ,
mais nunc in Ariftippi furtim præcepta relabor
, ne fignifie point qu'il adoptât tous les
préceptes d'Ariftippe. fans exception :
qu'on prenne la peine de remonter 4 vers
plus haut , on y trouvera , Nullius addictus
(fubauditur ,fum ) jurare in verba migiftri ;
l'expreffion jurave in verba , prouve bien
clairement qu'il ne prenoit de chaque
fecte que ce qu'il y trouvoit de meilleur ,
comme je l'ai dit dans fa vie , & que tout
ce qu'il avoit choifi de celle d'Ariftippe ,'
étoit de s'accommoder de tout , & de ne
s'affujettir à rien , ce qui s'accorde avec cet
efprit Philofophique , ce caractére parel-
"
JANVIER. i748. 69.
feux & indépendant avec lequel il étoit
né , & qui ne forme point de contradiction
avec virtutis vere cuftos , rigidufque
fatelles , puifque dans quelque circonftance
qu'il fe trouvât il étoit un rigide défenſeur
de la vertu , omnis in hoc fum , dit-il , cætera
Indicra pono.
>
C'est donc mal à propos que M. Cofte
& le P. Sanadon , ont attaqué auffi injurieufement
la mémoire d'Horace , l'un en
fuppofant qu'il s'eft contredit groffiérement
, l'autre en lui imputant un caractére
flateur , rampant , & affés intéreffé pour
facrifier la vertu dont il faifoit profeffion
à l'envie de s'élever au- deflus de fon état ,
& d'acquerir des richeffes aux dépens de
fon honneur , tandis qu'on ne trouve dans
Les Poëfies que des maximes contraires
fatis contentus unicis Sabinis, nec fi plura velim
, tu dare deneges , fi celeres ( fortuna )
quatit pennas , refigno que dedit , & mea
virtute me involvo probamque pauperiem
fine dote quero , & mille autres traits de
cette efpece , qui prouvent combien il étoit
éloigné de penfer , comme M. Cofte le fuppofe.
J'ajouterai que l'injurieufe interprétation
qu'il donne à furtim , en difant
qu'Horace cherchoit à dérober au public
la connoiflance du mal qu'il faifoit , en fe
relâchant de ſa vertu , eft évidemment
>
70 MERCURE DE FRANCE.
par
fauffe , non-feulement les raifons que
je viens d'alléguer , mais encore parce que
ce mot fignifie quelquefois par occafion &
en paffant, & que c'eft ici fon vrai fens .
Il faut laiffer les vers 16 , 17 , 18 &
19 ,comme ils font dans toutes les éditions ,
autres que celle du P. Sanadon , & mettre
v. 19 Subjungere & non pas Submittere
comme l'écrit le P. Tarteron.
( 3 ) Lenta v . 21 , & non pas longa.
· ( 4 ) Oculo v. 28 , & non pas oculos.
Cependant dit le P. Sanadon , quand tu
as mal auxyeux , tu fçais bien recourir aux
remedes. Cette traduction n'eft pas exacte.
Nec quia v. 30 , & non pas neu , quia.
Chiragrâ v. 31 , & non pas Cheragrâ.
Et quadam v. 32 , & non pas eft quodam.
( 5 ) Horace ne dit point , comme l'explique
le P. Tarteron , c'est toujours beaucoup
de parvenir à un certain dégré de fageffe
& c.
Fervet v . 33 , & non pas fèrvit.
Dolorem v. 34 , & non pas Laborem.
Magnam merkiv. 35 , & non pas morbi
magnam
( 6 ) M. de Rozel Baumon , Hift. Crit.
de la Rep. des Lettres , t . X , p. 120 , prétend
avec raifon que mal à propos on fépare
invidus , iracundus , iners , vinofus ,
amator , de ferus , comme ont fait les Peres
JANVIER.
1748. 71
1
Tarteron & Sanadón , & d'autres Interprétes
; il faut donc écrire ainfi :
Amator , v . 38 , & non pas amator :
Poffit , v.
, v. 39 , & non pas poffit.
( 7 ) Ignes v. 46 , & nos pas ignis
( 8 ) Cui fit v . 51 , & non pas quoi fit. II
eft difficile de comprendre quelle a été la
manie de Cuningam , de changer l'ortographe
naturelle de cui en quoi , d'autant
plus que dans le vers qui précéde celui - ci ,
il écrit cuifpes.
(9 ) Vilius argentum eft auro v. 52 , &
non pas , vilius eft argentum auro , ni vilius.
eft auro argentum. Primum eft 53 , & non pas
primurn
( 10 ) Prodocet ,v . 55 , & non pas perdocet.
( 11 ) Le P. Sanadon fupprime de fon autorité
ce vers entier , ainfi qu'a fait Cuningam
; il ne fçauroit , dit le premier
avoir place ici , où il s'agit de marchands
» & de banquiers , qui font dans leur bou-
» tique ou leur comptoir. » Mais il fe
trompe , car Horace repete ici ce qu'il a
dit dans fa Sat. non quia Mecoenas , où il
parle en général des jeunes gens qui alloient
apprendre la fcience des calculs
fans défigner particulierement ni les marchands
ni les banquiers. Il eft certain
comme le remarque avec plus de raifon ce
fçavant Jefuite , que le texte des vers 57
72 MERCURE DE FRANCE .
& 58 , a été tranfpofé & alteré , voici
comme on les doit lire d'après les manuf
crits que cite Bentley dans fes notes.
Eft animus tibi , funt mores , eft lingua , fidefque :
Sed quadringentisfexſeptem millia defint ;
Et non pas ,
Siquadragentisfex feptem millia defunt ,
Eft animus tibi , funt mores & lingua , fideſque;
( 12 ) Vous n'êtes qu'un Coquin , dit le P.
Tarteron , dans fa verfion ; ce n'eft pas là
le fens de Plebs aris , qui eft ici en oppofition
avec les dignités que l'on acqueroit
par les richeffes .
( 13 ) Puerorum eft v. 62 , & non pas
puerorum.La loiRofcia ne permettoit qu'aux
gens riches d'occuper les premieres places ; '
c'eft à ce fujet qu'Horace dit quelques vers
plus haut , s'il vous manque fix à ſept
mille fefterces , quand vous feriez le plus
honnête homme du monde , vous ne feriez
qu'au rang du peuple :
( 14 ) Pupî v. 67 , & non pas Puppi
Aptat v. 69 , & non pas optat, correction
faite par le P. Sanadon , fur plus de 10
Manufcrits , voyez fa note .
(( 15 ) Aut fugiam v . 72 , & non pas ne
fugiam.
Vulpes v.73 , & non pas Volpes
Adverfum
JANVIER. 73 1748.
Adverfum v. 75 , & non pas advorfum.
Eft capitum v. 76 , & non pas es capitum.
( 16 ) Bentley fait un grand étalage d'érudition
, pour prouver , faute d'entendre
le fens fimple de ce paffage , ta néceffité
de le corriger , & de fubftituer viden ut ,
àride ; fans autre autorité que la fienne,
Vous allez rire , Mécénas dit le P. Tarteron
; cela va vousfaire rire , dit Dacier ,
qui ne l'entend pas mieux ; ride ne fignific
autre chofe , finon , mocquez vous en
comme du riche. Il faut écrite ride v. 91 ,
& non pas rides : ni viden , ut
Quem ducit priva triremis v. 93 , & non
pas ducit quem priva triremis.
Curatus V. 94 , & non pas curtatus.
Occurro v. 95. & non pas occurri.
( 17 ) Refpicientis v. 105 , & non pas
fufpicientis.
( 18 ) M. Cofte , d'après une perfonne
de confidération , qu'il ne nomme pas , &
qui lui a , dit-il , fourni fa note fur ces
mots , & mihi res , &c . prétend que par le
dernier vers , Præcipuè fanus , nifi cum pituita
molefta eft , Horace veut faire fa cour
à Mécane. » Comme les maximes de ce fa
vori d'Augufte , dit- il , étoient directe-
> ment oppofées à une doctrine fi pure & fi
»fublime , Horace s'avife enfin , pour ne
» pas l'éfaroucher en heurtant trop ouver-
Ꭰ
74 MERCURE DE FRANCE.
ל כ
» tement fes opinions , de plaifanter fur le
fage des Stoïciens ; & par ce moyen il
» lui laiffe croire qu'au fond il n'étoit pas
pénétré des fentimens auftéres qu'il ve-
» noit de prêcher d'un ton fi ferme & fi
» ferieux , »
>>
J'avoue que je ne découvre point ici cet
artifice da Poëte , qui ne dit autre chofe
par ce vers , finon que quelque heureux
que foit en tout le fage , il ne l'eft cependant
pas, s'il eft incommodé, comme l'étoit
Horace , d'un pituite qui tombe fur fes
yeux.
YAGAIAIATARBEDKARDEDEDEA
ETRENNE S
A Mademoiſelle B..... T.... Sur l'airs
Quand on n'ajamais combattu .
O Bjet aimable & vertueux
,
Dont je porte la chaîne ,
Que la fageffe & deux beaux yeux
Ont fait ma fouveraine ;
Des foupirs , des refpects , des voeux ,
C'est mon étrenne ,
JANVIER.
1748. 75
Je ne refpire que par toi ,
Et ton ame eft la mienne ;
Si le hazard m'avoit fait Roi ,
Je t'aurois faite Reine ,
Je n'ai qu'un coeur qui ſoit àmoi ,
Je t'en étrenne.
**
Jadis une fiere beauté
.Me caufoit peu de gêne ;
Mon coeur las de fa cruauté,
Changeoit bientôt de chaîne ;
Iris , de ma fidélité
Reçois l'étrenne.
****
Mais n'aurai - je point de retour
Pour le prix de ma peine ?
'Amour fe paye par amour,
La maxime eft certaine ;
On veut une étrenne à fon tour
Quand on étrenne.
B... A..
Dij
7.
6 MERCURE DE FRANCE .
淡淡送送送送送送送送送送送送送濃
EXTRAIT
d'une lettre d'un Medecin
d'Orleans à un Médecin de Paris , fur
l'ergot qui croît dans les épis de feigle , le
6 Décembre 1747.
P
coq
Armi les graines que j'envoye vous
trouverez de l'ergot qui eft peu conņu
à Paris , & je vous avouerai qu'il n'y a
pas long- tems que je fçais ce que c'eft
que cet ergot , qu'on prononce dans les
campagnes argot. C'eſt un grain allongé
en forme d'ergot de de couleur noire
ou tannée, qui croît dans les épis de feigle .
Pour m'en affûrer j'ai parcouru une partie
de la Sologne qu'on pourroit appeller
triftefolum , terra damnata , les habitans n'y
vivant la plupart que de pain de feigle tout
pur, & les autres que de farrazin qu'ils appellent
du carabin : ils ne boivent jamais
de vin , mais feulement d'une piquette
faite de pommes fauvages qu'ils nomment
graux ou craz . Dans l'efpace de plus de
dix lieuës je n'ai vu que du feigle ergoté s
vû
à la vérité il y avoit des champs moins
chargés d'ergot , mais il n'y en avoit aucun
fans ergot . Certains épis en portoient jufqu'à
fix ou fept. J'ai demandé à plufieurs
habitans de la Sologne que je rencontrois
JANVIER. 1748. 77
tre
dans mon chemin ce qu'ils penfoient de ce
mauvais grain , & je n'en ai pû tirer d'auéclairciffement
, finon que le feigle
ergoté vient des pluies trop fréquentes dans
le tems de la fleur , qui fe corrompt & produit
un ergot ou grain allongé , furtout
dans les terres naturellement humides , &
où les eaux croupiffent durant l'hyver ,
principalement encore fi l'on a fait les
couvrailles , c'eft - à- dire , enfemencé les ter
res trop tard à caufe du mauvais tems ou
par négligence. Quant à l'effet qu'il eft,
capable de produire dans le pain , j'appris,
d'eux que quand il s'y en trouvoit une
certaine quantité , il leur caufoit une efpéce
de fcorbut : ils ajoutoient que de tous
les grains , il n'y a que le feigle qui foit
fujet à s'ergoter , de forte que le froment
l'orge & l'avoine qui font fi fujets à la boffe ,
c'eſt-à - dire à la nielle , ou à être foudrés
comme difent quelques- uns , n'ont jamais.
d'ergot. Une autre remarque qu'ils faifoient
, c'eft qu'il en eft de l'ergot comme
de l'yvraie qui enyvre d'autant plus qu'elle ,
eft plus récente , au lieu que quand elle a
fué dans la grange parmi le bled , elle n'a
plus le même feu ni la même qualité affoupiffante.
Ils le comparoient encore à leur
carabin nouvellement coupé ou à de l'a- ,
voine fraichement cueillie , qui caufent
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
Fun & l'autre des tranchées rouges aux
chevaux , capables de leur caufer la mort.
De même , difoient- ils , le feigle ergoré
fait beaucoup plus de mal dans le corps de
l'homme quand il eft récent que quand il
eft vieux. Voilà tout ce que j'ai pû apprendre
des Solognots au fujet de l'ergot depuis
*Orleansjufqu'à Blois.L'ergot a été cette année
plus commun que de coûtume à cauſe
des pluies prefque continuelles du printems
& d'une partie de l'été . Un Gentilhomme
de Sologne m'a dit que l'ergot tombe
communement avant la moiffon quand la
faifon eft chaude , car alors ce mauvais
grain fe defféche & fort de fon enveloppe
où de fa balle , au lieu que fi la faiſon eft
humide il refte gonflé & ne tombepoint.
Il m'a affûré qu'en 1709 qui fut l'année
du grand hyver , il vit un grand nombre
de payfans à qui l'on coupa les bras & les
jambes gangrenés. J'ai douté affés longtems
que l'ergot pûr caufer la gangréne ,
mais je n'en doute plus depuis que j'ai vû
des exemples. Ut vidi , ut fremui ! Un Mécin
d'Aubigny en Sologne a laiffé parmi
fes papiers un Mémoire détaillé dans lequel
il prouve que l'ergot fait tomber les
membres par pieces. Il paroît que cette
forte de gangrene eft connue en Bretagne,
car un Eccléfiaftique que j'ai lieu de croire
JANVIER. 1748. 79
véridique , m'a appris qu'il en a vû des
exemples à l'Hôtel- Dieu de Vannes , &
que le Chirurgien- Major de cet Hôtel-
Dieu guériffoit par les remédes ordinaires.
& par le changement de nourriture. La
maladie de l'ergot eft connue auffi dans
quelques cantons du Gâtinois & du Berry.
Vous obferverez auffi que le même Eccléfiaftique
m'a affûüré qu'en Bretagne pour
empêcher la production de l'ergot on mêle
un dixiéme environ de fel commun avec
le feigle qu'on veut fémer ou qu'on l'échaude
comme le froment. Ce mal au
refte n'eſt pas nouveau : M. Lemery en fait
mention au mot fecale dans fon Dictionnaire
des Drogues fimples , & cite les
Journaux des Sçavans qui en ont parlé
d'après feu M. Dodart . J'ai été furpris de
trouver une bonne Differtation fur cette
matiere dans le fecond tome de la Cynofura
materia medicaHermanni de la continuation
de Bæcler qui cite Nicolas Langius Médecin
de Lucerne en Suiffe. L'ergot y eft
nommé clavi filiginis , fecale temulentum ,
fecalis mater , en François feigle corrompu ,
bled cornu , ergot ; on l'appelle encore
bled fourchu , bled havé. Il y eft dit
volaille n'en veut point , & que ce grain
ne germe jamais , ce qui m'a été confirmé
par un Meunier de Sologne qui en avoit
Ď iiij
que
la
80 MERCURE DE FRANCE.
donné , non -feulement à fes poules , mais
encore à fes chevaux au lieu d'avoine , fans
qu'ils en ayent voulu manger malgré leur
grande faim. Mais fans aller chercher chés
les Etrangers des exemples des effets pernicieux
de l'ergot , il me fuffira de vous
expofer ce qui s'eft paffe fous mes yeux
tout nouvellement dans notre Hôtel - Dieu
d'Orleans. J'y ai vû le 27 Octobre dernier
, horrefco referens , douze pauvres miférables
Solognots ergotés , c'est-à-dire , attaqués
d'une gangrene caufée par Pergot
il y avoit de jeunes gens de 12 , de 18 , de
20 , de 30 ans , quelques-uns plus âgés
natifs de Sully , de Marcilly , de Satebery ,
d'Ivoy , de Ligny. Le Chirurgien -Major
amputa fur le champ deux jambes au-delfous
du genou fans avoir befoin de tourniquet
: ces jambes étoient tellement fphacelées
& difféquées par la pourriture , qu'il
en exhaloit une odeur qui penfa nous fuffoquer.
Je puis vous affûrer qu'il n'eſt
point de fpectacle plus affreux , & il me
femble que de laiffer périr ces malheureux
fans fecours , c'eft renouveller en quelque.
façon le fupplice que faifoit fouffrir Mezence
dont parle Virgile : Jungere mortua
vivis corpora. Quelques jours auparavant
on avoit coupé une jambe qui fourmilloir
d'un tas de vers ; je ne finirois pas fije
JANVIER. 1748. 81
vous expofois les maux dont j'ai été témoin.
Que d'hommes eftropiés pour le
refte de leurs jours ! Il eft étonnant qu'on
n'y apporte pas de reméde . Je voudrois
qu'on défendit fous de griéves peines aux
Meuniers de moudre de l'ergot. On pourroit
avoir des cribles faits exprès dont les
trous feroient en long & non en rond
comme pour l'avoine , lefquels laifferoient
paffer le bon feigle & retiendroient l'ergot
qui eft plus gros , fur- tout fi on avoit la
précaution de battre le feigle à la poignée
fur le tonneau , & jamais avec le fleau qui
réduit l'ergot en petits morceaux & même
en farine . M. Barentin notre nouvel Intendant
& digne fucceffeur de M. Pajot ,
jaloux de faire éclater fon zéle en tout ce
qui concerne le bien public, avoit formé le
deffein de préfenter au Confeil unMémoire
tendant à obtenir un Réglement pour arrê
ter les pernicieux effets de l'ergot qui mériteroient
bien l'attention du miniſtére , mais
je ne fçais où en est cette affaire . On ne
connoît point cette mifére en Beauce , en
Normandie & en Picardie ; peut-être la
connoît-on en Champagne , fur - tout dans
la partie qu'on nomme pouilleufe où il
n'y a que des terres à feigle. F'en ai parlé
à M. de Reaumur lorfqu'il paffa par Orleans
, il voudroit qu'on fit des expérien
Dv
S2 MERCURE DE FRANCE.
ces fur divers animaux en les forçant de
manger de l'ergot. M. Duhamel à qui j'en
ai auffi écrit eft dans le même fentiment
& confeille l'ufage du quinquina pour
guérir à la maniere des Anglois la gangréne
qu'on pourroit procurer à des animaux
foumis à de pareilles épreuves ; il y a toute
apparence qu'on y réuffiroit.
IMITATION de l'Ode de Sapho traduite
par Catulle : Ille mi par effe Deo ,
&c. A Mademoiſelle S ** .
Ui , celui- là dans fon bonheur extrême,
Chere Hméne , égale les Dieux ,
Qui toujours près de tes beaux yeux
Contemple à loifir ce qu'il aime ;
Dès que tu me reçois avec un doux fouris,
Je ne me connois plus moi-même ,
Et tous mes fens font interdits ;
Je ne fçais quel plaifir fe gliffe dans mon ame ,
Mais je me trouve tout en flâme ;
Mes yeux éblouis , abbattus ,
Ne voyent plus que des objets confus.
Ma langue eft immobile ; elle n'a rien à dire ,
J'entends mille fons differens ,
Et dans ces fortunés momens
JANVIER. 1748.
Au lieu de parler je Toupire ,
Mais bientôt un friffon s'empare de mon corps ;
Je tremble , je pâlis dans un moment fi tendre ,
Et déja je crois defcendre
Aux fombres demeures des morts .
LETTRE à M. Pluche fur quelques articles
defon Hiftoire du Ciel.
Ai lû en fon tems , Monfieur , votre
J'raité de Cofmogonie ; il a fait furmot
les mêmes impreffions que vos autres ouvrages
, il m'a inftruit & édifié ; c'eft avec
plaifir que j'y ai reconnu l'homme fçavant,
l'homme Religieux & le bon Citoyen .
Quelques articles cependant m'ont jetté
dans l'erreur , & j'en dois accufer l'autorité
que vous fçavez prendre fur l'efprit de
vos lecteurs ; elle feule m'a trompé , & je
vois avec regret qu'elle a produit le même
effet fur la plus grande partie de ceux qui
ont lû votre ouvrage. Souffrez que je tâche
de les détromper , Monfieur , & permettez
-moi de vous adreffer les réflexions
que j'ai faites depuis fur ce que vous objectez
contre la Philofophie de l'immortel
Newton ; j'oſe me flater que vous les trouverez
juftes ou qu'elles mériteront du
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
*
moins une réponſe de votre part , fi elles
ne le font
pas. Newton , comme vous en
convenez , n'a point prétendu conftruire
un monde ; bien éloigné de penfer que
Dieu ait d'abord formé un cahos pour avoir
enfuite le plaifir de le débrouiller , il rappelle
à autant de commandemens ou de
volontés du Créateur la production des
differens élemens & l'organifation du tour.
Ce n'est donc point à former un aftre ,
une planette , une mouche , que ce fage
Philofophe s'occupe dans fa Phyfique ; tout
cela lui paroît au-deffus de fes forces & de
celles du méchanifme; il n'ambitionne que
de fçavoir par quelle loi l'univers une fois
conftruit perfévere. Il n'imagine point
certains principes pour en déduire les phénoménes
que nous admirons , ce ne feroit
faire tout au plus qu'un joli Roman ; il
examine , il compare ces phénoménes , &
l'analyfe qu'il en fait lui donne les vraies
forces qui animent le monde. Voilà ,
Monfieur , qu'elle eft fa mérhode , & vous
lui rendez juftice , vous convenez qu'elle
eft feule digne d'être pratiquée en Phyfique
vous avouez que Newton étoit dans
la bonne voie , mais vous prétendez qu'il
s'eft égaré en chemin faifant. » Examinons
» un moment , dites-vous , ce qui doit
» arriver felon les loix de l'attration à une
f
JANVIER . 1748. $ 5
y
barque au moment qu'elle paffe à Paris
» entre le quai des Théatins & la galerie
» du Louvre. L'extrême difference qu'il
» y a entre bâtiment & bâtiment , entre
» maffe & maffe , devroit fe faire fentir à
» cette barque , & altérer fans ceffe fa direction
en l'attirant vers le Louvre ,
Mais il eft d'expérience qu'elle ne mon-
» tre ni affectation ni tendance , & qu'elle
» fuit là comme ailleurs , la loi du vent &
» du courant. « Se peut- il donc , Mónheur
, que vous ayez crû cette difficulté
démonftrative ou même embaraffante
Ne fçavez - vous pas que Newton même
a répondu , & qu'il a fait voir que l'attraction
du bâtiment le plus maſſif n'eft
rien en comparaison de celle de la terre ?
Or fi vous avez fçû cette réponſe , comme
on la lit en effet à la page 309 du fecond
tome de votre ouvrage , comment avez-
Vous pû faire reparoître cette difficulté
depuis fi long- tems pulvérisée à Le Louvre
attire la barque horisontalement fans doute
, mais attirée verticalement par la terre ,
elle doit obéir à ces deux forces & prendre
la diagonale ; or puifque la force du
Louvre eft comme nulle par rapport à celle
de la terre , ne voyez- vous pas que certe
diagonale ne differe pas
ne differe pas fenfiblement de la
verticale , & qu'on ne peut par conféquent
86 MERCURE DE FRANCE.
appercevoir aucune déviation de la part
de cette barque ? Rappellez- vous , Monfieur
, une objection qu'on faifoit à Copernic
& jugez de la vôtre par celle -là : fi
votre fyftême eft vrai , lui difoit-on , on
doit voir des phaſes fur le difque de Ve
nus & de Mercure ; voilà votre difficulté .
Or que répondit Copernic ? Trouvez l'Art
d'étendre votre vûë , difoit-il , & vous appercevrez
les phaſes que vous m'objectez
qu'on ne voit pas ; c'eft en effet ce que
l'on a découvert depuis l'invention des
Teleſcopes , & l'Aftronomie de Copernic
a reçû un nouveau degré de certitude par
cette forte de prédiction . Or il eft arrivé
la même chofe à M. Newton : vous ne
voyez point , dires- vous , qu'une barque
voguant fur la Seine fe porte vers le Palais
de nos Rois ; c'eſt que votre vûë eſt trop
courte , & que la maffe de la terre eft trop eſt
grande par rapport à celle du Louvre's
mais trouvez une montagne fphérique
d'environ trois lieues de large fur une de
hauteur , & vous verrez qu'un pendule
attiré par cette montagne s'écartera alors
de la verticale affés fenfiblement & fe portera
vers la montagne ; voilà la réponſe
de Newton , & vous fçavez que Meffieurs
Bouguer & de la Condamine l'ont vérifiée au
Perou au pied de la montagne Chimboraço .
JANVIER . $7 1748 .
Votre difficulté ne renverfe donc point
les principes de Newton , elle n'en fait
que mieux fentir la vérité.
> >
B
» Mais , dites-vous , fi le Louvre n'a
» plus d'attraction en préfence de la terre,
» pourquoi deux plaques de verre auroient-
elles plus de privilége ? Comment
peuvent- elles faire monter une goûte
» d'huile par leur attraction , & exercer
» librement leurs droits en préfence de la
groffe planette « Allons plus doucement
, Monfieur , & ne confondons rien
diftinguons le livre des Principes Mathé
matiques des queftions que M. Newton a
mifes à la fin de fon traité d'optique : or
quel eft le réfultat du livre des Principes
Qu'il y a entre toutes les parties de la
matiere une attraction réciproque qui diminuë
autant que le quarré de la diſtance
augmente , & ce principe fuffit abfolument
pour rendre raifon de tous les phénomé
nes aftronomiques. Or Newton a dé
montré que cette efpéce d'attraction ne
peut en aucune forte être fenfible entre les
petits corps qui font à la furface des planettes
, je viens de vous le faire voir , &
vous en êtes même convenu dans votre
ouvrage , les principes aftronomiques de
Newton reftent donc dans leur entier &
vous ne leur avez porté aucune atteinte,
J
88 MERCURE DE FRANCE.
-
Il eft vrai que dans fon Optique M. New
ton rapporte à l'attraction la plus grande
partie des opérations chymiques , il y fuppofe
par conféquent que l'attraction des
petits corpufcules eft fenfible , nonobſtant
l'attraction de la terre , & c'eft-là que vous
dites qu'il y a une contradiction . A la
bonne heure ; qu'en conclurez -vous ? Que
Newton fe fera contredit , & qu'il aura
dans fon Optique affûré une chofe infoûtenable
& qu'il avoit refutée par avance ?
Mais fon Aftronomie phyfique en fera - telle
moins fûre , moins admirable ? Le
livre des Principes en fera- t- il moins un
chef- d'oeuvre ? Non fans doute , & vous
en conviendrez avec moi.
Mais eft - il donc bien fûr qu'il y ait là
une contradiction , & fommes- nous dans
la néceffité de paffer condamnation fur les
queftions que Newton a mifes à la fin de
fon optique ? Je fuis bien éloigné de le
penfer. Cet induftrieux obfervateur s'étant
convaincu par une infinité d'expériences
que les petites parcelles de matiere ont une
tendance mutuelle les unes vers les autres
, fe convainquît auffi qu'elle ne peut
venir de l'impulfion ; il fallut pat conféquent
l'attribuer à l'attraction , mais à une
attraction differente de celle qui régle
dans les Cieux le cours des aftres , c'est - àJANVIER.
1748. 8 °
dire , à une attraction qui fuivît une autre
loi que celle du quarré des diſtances réci
proques ; elle ne pourroit fans cela exer
cer librement fes droits en préfence de la
groffe planette , comme nous l'avons vu
plus haut. Or Newton démontra qu'afin
que cette attraction fe fit fentir dans les
petites maffes nonobftant l'attraction de la
terre , il fuffifoit qu'elle faivit le rapport
inverfe des cubes des diftances , & voici
pourquoi . L'attraction qui produit la péfanteur
eft comme la maſſe attirante divifée
par le quarré de la diftance , au lieu
que l'attraction dont il s'agit ici & que
nous pouvons appeller l'attraction de Co
béfion , eft comme la maffe attirante divifée
par le cube des diſtances ; or quoique
la maffe de la terre foit incomparablement
plus grande que celle des très- petits corpufcules
& donne à cet égard une attrac
tion plus forte , cependant cette attraction
augmente infiniment moins à raifon de la
diminution de la diftance , puifqu'il eft certain
que les cubes diminuent infiniment
plus vite que les quarrés . D'où il fuit que
l'attraction de cohéfion peut dans les trèspetites
maffes l'emporter fur la péfanteur
ou fur l'attraction de la terre . Je dis dans
les très-petites maffes , parce que cette at
traction diminuant trop fubitement par
人
90 MERCURE DE FRANCE.
l'augmentation de la diſtance , elle ne s'é—
tend jamais guéres au -delà du point de
contact , & fon effet eft par conféquent
d'autant plus retardé que le corps attiré eft
plus gros ou a plus de parties hors de ce
point de contact. Voilà donc deux eſpèces
d'attraction démontrées par Newton ; l'une
fuit le rapport du quarré de la diftance inverfe
, & ne fçauroit fe faire fentir entre
les petits corps pofés fur la ſurface de la
terre ; l'autre augmente comme le cube de
la diſtance diminuë , & par cela même elle
a malgré l'attraction de la terre des effets
fenfibles fur les très-petites maffes , & fur
elles feulement. Or , où eft , je vous prie ,
la contradiction que vous objectez ? Peuton
même objecter ici autre chofe , finon
qu'il paroît que M. Newton multiplie les
loix ? Mais pour que cette objection fûr
recevable , il faudroit montrer, & qu'il y a
effectivement ici une multiplication
de
loix, & que ces loix ne font pas néceſſaires ;
car fans doute vous admettrez vingt loix
pour une , fi comme Newton on vous en
fait voir l'existence & la néceffité. Or il
n'y a pas même ici une multiplicité de loix.
Selon les Newtoniens , l'attraction primitive
n'eft ni comme le cube , ni comme le
quarré de la diftance inverſe , elle eſt tout
à la fois & dans chaque partie de matiere
JANVIER. 1748. 91
b
comme le quarré plus le cube de cette
diſtance , c'est-à- dire , comme la quantité
algébrique + Ils n'admettent qu'u
ne loi générale comme vous voyez , la
quelle fe fubdivife en fes eſpéces felon la
difference des cas & des circonftances , &
ce font les phénoménes qui la leur ont ap
priſe , comme ce font les expériences qui
nous ont fait connoître les differentes loix
du choc , & la loi générale dont elles dérivent
toutes. J'ofe me flater que cette ré
ponſe , toute refferrée qu'elle eft , vous
éclairera
, Monfieur , ou que du moins
elle procurera à la Philofophie Newtoniene
l'avantage de vous faire connoître
qu'elle renferme des idées que vous n'aviez
peut-être point affés combinées .
Vous faites encore une objection , &
vous dites que , » s'il y avoit de l'attraction
, les corps qui font fur la furface de
» la terre & qui n'y font point cramponés,
devroient s'en féparer au lever du Soleil ,
» de même que les eaux de l'Ocean qui
» ont beaucoup plus de fubftance que
» nous , font dans le fyftême Newtonien
» entraînées deux fois par jour & attirées
"
en monceaux par l'action de la Lune. «
Mais en vérité ceux dont vous dites que
vous tenez cette objection n'y ont point
penfé , & je ferois fort tenté de croire
1 MERCURE DEFRANCE.
qu'ils n'ont jamais ouvert le livre des
Principes. Quelqu'attirés que nous foyons
par le Soleil , nous le fommes toujours
davantage par la terre à caufe de la proximité
, & c'est ce qui fait que nous reftons
collés à fa furface , mais il n'en eft pas de
même des eaux de la mer. Gelles qui font
en quadrature avec la Lune , en font attirées
obliquement & reçoivent par-là une
augmentation de poids , celles qui font au
contraire en fizigie perdent un peu
un peu de leur
péfanteur par l'attraction directe de la
Lune , donc il faut qu'elles s'élevent pour
faire équilibre avec les eaux des quadratures
avec lesquelles elles communiquent,
& cette communication eft la feule caufe
de leur élevation. Rompez - la cette communication
, & dès- lors il n'y aura plus de
flux , parce qu'une diminution de poids
ne produit point par elle-même d'élevation.
Attachez au contraire deux hommes
à un levier ; faites que l'un foit en quadrature
, l'autre en conjonction par rapport
à la Lune , & vous verrez celui - ci fe porter
vers cet aftre , mais puifque le cas n'exifte
point , l'effet qui en dépend n'exiſte
point non plus , & c'eft ce qui ruine abfolument
la difficulté.
Vous voyez maintenant , Monfieur ,
que des objections que vous croyiez trèsJANVIER.
1748. 93
*
fortes , ne contiennent cependant rien,
d'embarraffant. Cela doit apprendre aux
Phyficiens à ne juger jamais fi précipitamment
, & il me femble que la réputation
que Newton s'eft acquife doit au moins
tenir en fufpend ceux qui croyent voir
quelques contradictions dans fon fyftême,
fur-tour lorsqu'ils fe rendent à eux-mêmes
témoignage qu'ils ne l'ont jamais
bien étudié. J'ai l'honneur d'être , &c,
Le Chevalier de S. Pelarge,
A Rouen 26 Août 1747 .
I
Portrait de Madame B ***,
Ris veut qu'aujourd'hui je faſſe ſon portrait ;
Obéiflons , & commençons l'ouvrage ;
Le teint , les yeux , tout en elle eft parfait.
Quelle - douceur fur fon vifage !
De Venus elle a les appas ;
Elle a la voix de Melpomene ;;
Par fon efprit , c'eft un autre Pallas .
Elle mettroit les neufSoeurs hors d'haleine :
Je lui connois cependant un défaut. Wee
Eh ! quel défaut ? défaut notable ;
Je ne fçais point flater , je le dirai tout haut ;
C'est qu'en amour Iris eft intraitable.
Par P. Li
94 MERCURE DE FRANCE.
A Madame N... en lui renvoyant la chercheufe
d'efprit , Opera Comique.
DE
E cette pauvre enfant je ne me moque pas ;
Philis, la raiſon en eſt claire ;
C'eft qu'à peu près je fuis dans un même embar
ras ;
Pour avoir de l'efprit j'invoque Ciel & terre ,
Il ne m'en vient de nulle part.....
Damon , qu'en voudriez vous faire
Philis je vous réponds fans fard ,
Je n'en voudrois que pour vous plaire.
JA
EPIGRAM ME.
Aime les tendres fentimens ,
Difoit à Lycidas une aimable Bergere ,
Donc ceux que j'ai pour vous ont le droit de vous
plaire ?
Répond- il auffi - tôt , eh , eh , tout doucement ,
Reprit- elle , Berger , vous ne m'entendez guére ;
Je les aime , il eft vrai , mais c'eft dans les Romans,
JANVIER. 1748. 95
* ERUEREIRERERERE
LETTRE dun Chirurgien de Province
à un Médecin de Paris,
J
E vous trouve trop zélé , Monfieur ,
pour l'honneur de votre Faculté , pour
n'être pas perfuadé que vous recevrez avec
plaifir le petit avis que j'ai crû pouvoir
vous donner à l'occafion de ce que je lifois
dernierement dans l'ouvrage nouveau d'un
de vos confreres.
Le refpect que j'ai pour tout ce qui eft
émané de l'Académie Royale des Sciences,
& la vénération particuliere que m'infpire
le mérite de M. Duhamel l'un de fes membres
, m'ont empêché jufqu'ici de faire
connoître que la découverte qui nous apprend
que les racines de la garance rougiffent
les os des animaux , eft d'une bien
plus ancienne date que celle que lui donne
cet Académicien. Ce que j'ai lû dans les
Obfervations fur les Plantes de M. Guettard
Docteur Regent de la Faculté de
Médecine à Paris , & membre de la même
Académie , me force de rompre le filencé
dans la crainte que cette erreur ne ſe
perpetue;&
je crois devoir vous avertir que cette
proprieté que l'on donne comme recemment
découverte , eft au contraire connue
depuis très long- tems.
96 MERCURE DE FRANCE.
M. Duhamel dans le Mémoire qu'il a
publié fur la Garance , & qui eft inſeré
dans ceux de l'Académie Royale des Sciences
année 1739 page premiere , rapporte
que M. Belchier Chirurgien de Londres ,
découvrit le premier que la racine de la Gaz
rance avoit la proprieté de rougir les os des
animaux. On lit encore dans le même volume
page 26 de l'Hiftoire en parlant de la
Garance : Il fort affés fouvent d'Angle-
» terre des obfervations que les autres na-
» tions fe font un plaifir d'adopter, « T
Ainfi fuivant le célébre M. Duhamel
c'eft de l'Angleterre que nous tenons cette
découverte , c'eft M. Belchier que le hazard
a conduit chés un Teinturier qui le premier
a parlé de cette propriété ; c'eft à lui
que nous en devons la connoiffance.
M. Guettard adoptant le fentiment de
fon confrere , dit , en parlant de la Garance
, ( * ) que » depuis quelques années les
racines de cette plante font devenues par
» leur proprieté de rougir les os , encore
» plus célébres qu'elles ne l'étoient par cel-
»le de teindre les étoffes en rouge. Le premier
effet a été d'abord obſervé en An-
»gleterre. M. Duhamel a enfuite par fes
»expériences pouffé cette découverte beau-
(* ) Obfervations fur les Plantes , tome 2 :
P. 54
coup
JANVIER. 1748. 97
coup plus loin , & eft entré dans un détail
d'obſervations très-carieufes qui la
lui ont, pour ainfi dire , rendue propre .«
Il faut convenir que les obfervations
que M. Duhamel a données fur ces racines ,
& celles de M. Belchier font très- curieufes
, & qu'elles peuvent même conduire à
des découvertes utiles , mais que M. Guettard
avance que ces Meffieurs ont les premiers
découvert que la Garance rougiffoit
les os des animaux , c'eft leur approprier
une découverte faite il y a plus de deux
fiécles .
La preuve que cette propriété eft anciennement
connue , je la tire de la Maifon
ruftique de Charles Etienne & Jean Liebault
Médecins de la Faculté de Paris ,
dans l'édition de 1598 , liv. 2. page 174 ,
où on lit ces mots. » La Garance eft en ce
" fort à admirer , qu'elle teint l'arine à
» celui qui la tient & la manie entre fes
»mains : qui plus eft , elle rend la chair &
" les os rouges des bêtes qui en ont été
» nourries quelque tems. «<
N'eft-il pas clair comme le jour que
Charles Etienne & Jean Liebault connoiffoient
cet effet des racines de la Garance
? On ne peut même douter que quelqu'un
avant eux n'ait fait cette découverte ,
car je me fouviens d'avoir lû dans un an-
E
•
98 MERCURE DE FRANCE .
cien Aureur Latin : Erythrodanum offa ani .
malium rubefacit .
Qu'on ne diſe donc plus que cette découverte
nous vient d'Angleterre , que
Meffieurs Duhamel & Guettard avouent
qu'ils n'avoient pas lû la Maiſon ruftique ,
car fi l'endroit que j'en rapporte leur eût :
tombé fous les yeux , ils fe feroient bien
gardé d'annoncer cette propriété comme
un nouveau phénoméne.
Il faut par conféquent rendre aux Fran…….
çois une découverte qu'on a donnée aux
Anglois , puifque deux Médecins de la..
Faculté de Paris en avoient connoiffance
avant 1598.
Je ne doute pas que M. James dans fon
Dictionnaire de Médecine au mot Rubia
n'attribue cette découverte à M. Belchier.
Le cinquiéme volume de la traduction de
çe Dictionnaire n'étant pas encore livré
au public , après cet avis Meffieurs les tra- ..
ducteurs font trop judicieux pour enrichir
une Nation étrangere d'un bien , qui à fi «
jufte titre appartient aux François .
L'ouvrage que M. Guettard vient de
mettre au jour , malgré cette erreur n'eft >
pas fans mérite . Sa nouvelle méthode de
diftinguer les Plantes par leurs glandes ,
leurs vaiffeaux excrétoires , pores ou poils
peu connue aux Gefners , aux TourneJANVIER.
99 1748.
forts , aux Rais , aux Linnæus , &e. nous
promet de grandes lumieres en Botanique ;
mais pour en profiter il faut herborifer
avec une loupe à la main.
J'ai l'honneur , d'être , &c.
A ** le 5 Décembre 1747.
REPONSE à une Demoiselle qui avoit
fait préfent à l'Auteur d'un livre,
intitulé l'art d'aimer.
IL femble que le Ciel vous fit pour nous chatmer
;
L'efprit & la beauté font en votre partage ,
Et vos yeux enchanteurs ont un divin langage
Qui mieux que votre livre enſeigne l'art d'aimer.
338053
Eij
100 MERCURE DE FRANCE.
MERALD LORDTO GARALDEDÇIKA
VERS
P
De Madame du B. à Madame L. D.
1
Ar tes foins aimable D * **
J'efpére attirer le lecteur ;
Ton burin me pare , & j'admire)
Combien il paffe l'art d'écrire..
D'un feul trait de tes vifs crayons
Tu fçais peindre des paffions ,
Que vingt vers auroient peine à rendre ;
Une ombre , un clair te font entendre.
L'efprit diftrait & curieux
Au feul afpect voit tes merveilles ;
Pour ton art tout homme a des yeux ,
Peu pourle mien ont des oreilles.
PLAINTE des Poëtes
à Madamedu B....
"
Par cebrillant effai , qu'on vient de publier ;
Vous nous obligez tous à vous rendre les armes ;
Continuez , Iris , à nous humilier ,
On vous pardonne tout , en faveur de vos charmes,
JANVIER 1748.
LETTRE de M.Mangin Maître Maçon,
à M. B... aufujet de la découverte infe
rée dans une lettre écrite d'Aumale à M. de
la Bruere, & qui fe trouve dans le Mer
cure de France du mois de Novembre der
mierpage 28.
JE
E me fuis enfin rendu , Monfieur , d
vos follicitations ; vous m'avez deman
dé par écrit mon fentiment fur une nou
velle découverte qui regarde ina profef
fion , & que l'Auteur a fait annoncer dans
le Mercure de Novembre 1747. Le voict
& je pense que c'eft celui de tous les gens
de l'Art.
Cette découverte que l'Auteur prétend
avoir été faite pour pouffer les moulures
des pierres par le moyen des outils des
menuifièrs, n'eft point une nouvelle épreu
ve ; il y a long-tems que l'on en a fait
ufage pour la premiere fois , ce qui arrive
même encore quelquefois lorfquè l'ou
vrage le permet , mais il ne faut point s'i
maginer que l'avantage de s'en fervir foit
auffi confidérable que l'Auteur l'avance:
Je fçais,qu'il eft aifé de pouffer des moulus
res dans la pierre tendre, telle que celles de
Saint Leu , de Conflans ; de Tonnerre &
Eviij .
102 MERCURE DE FRANCE.
t
autres , mais non pas dans la pierre dure,
telle que celle d'Arcueil où les outils des
Quvriers ont fouvent peine à mordre.
Mais en convenant de cette poffibilité je
ne conviendrai pas que l'on trouve en
cette partie 55 foixantiémes de benefice ,
& pour le faire fentir au public & à l'Auteur
de la découverte , que l'on imagine
un bloc de pierre à tailler , & qui foit deftiné
à porter une partie de plinte ou d'entablement
; il faut d'abord le mettre en
chantier , enfuite en faire le lit de deffus
pour tracer , celui de deffous pour retourner
le tracé , en faire les deux paremens ,
en équarir les joints , dégroffir la faillie
& échaufriner tous les membres ; cet ou
vrage étant inévitable aux pouffeurs de
moulures au rabot comme aux tailleursde-
pierre , la feule difference confifte done
pour finir ces moulures ( ce qui n'eft plus.
qu'un petit objet ) à les pouffer enfuite
toutes enfemble avec une eſpèce de calibre
compofé de plufieurs outilsde menuifiers ,
ou à les faire l'une après l'autre avec ceux
des tailleurs-de-pierre ; ajoutons à cela
qu'il faut aux pouffeurs de moulures , des
chemins pour conduire leur calibre , &
qu'il n'en faut point aux tailleurs- depierre.
J'avouerai que la pierre étant en cet état
JANVIER. 1748. T03
an pouffeur de moulures en pourra faire
autant en une heure que le tailleur-depierre
en deux. A de tels avantages que
je repréſente avec juftice comme bien
moindres que ceux de l'Auteur de la lettre,
un particulier qui voudra faire bâtir ne
laiffera pas de dire , que pour ménager fa
bourfe il prétend avoir des rabotteurs de
pierre;effayons de le défabufer fur un avan→
tage apparent qui fe réduit à rien , lorfque
Fon confidére les inconveniens qui s'y rencontrent.
Quoi qu'il y en ait plufieurs ,
je me contenterai d'en rapporter deux qui
Haiffent naturellement dans l'efprit des
gens de l'Art.
Le premier que j'apperçois eft que dans
les faces que l'on veut décorer , il fe rencontre
fort fouvent que les plintes & entablemens
font interrompus par des pilaftres
ou avant- corps & quelquefois par
les bandeaux des croifées , & que dans une
face, que je fuppofe de cinquante pieds de
long , les plintes & partie de l'entablement
fe trouvent interrompus à dix ou douze
endroits , ce qui ne laiffe plus pour lors
que de très-petites parties à pouffer au
rabot , & dont il faut toujours couper à la
main les retours , & furtout les parties des
angles renfoncées en la longueur de la fail
Le du profil & de la moitié du rabot.
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE:
Le fecond inconvénient eft au fujer des
outils , & je dis que quand même ces ouvriers
auroient vingt fois autant d'outils
que le plus fort Menuifier , ils fe trouveroient
très-fouvent dans l'obligation d'en
faire faire de nouveaux pour exécuter
avec exactitude les differens profils que
donnent les Architectes , lefquels profits.
ont des membres plus ou moins forts , foir
pour les aftragales , plintes , architraves ,
entablemens, foit pour les impoftes, archivoltes
, chambranles de portes ou de croifées
, tables faillantes ou renfoncées ; ces
outils étant multipliés à l'infini jetteroient
les ouvriers en de grandes dépenfes & les
obligeroient néceffairement à exiger un
prix plus fort..
I
Ne vous imaginez pas , Monfieur ,
qu'un efprit de parti ou des raifons d'interêt
m'ayent forcé à contrarier l'Auteur de
la prétendue découverte. Perfuadez-vous
au contraire que je penfe bien differemment.
Comme Auteur de cette lettre je
fçaurai me taire , lorfque l'on me préfentera
une découverte dont on aura éprouvé
& furmonté les difficultés qui s'y rencontrent.
Comme Entrepreneur je m'y conformerai
d'autant plus volontiers quemon
interêt y eft attaché , puifque malgré tous
les foins qu'un Entrepreneur fe donne
JANVIER. 1748. 105
pour veiller fur les ouvriers , il ne laiſſe
point par rapport à la rareté de ceux
la tareté
font bons & fidéles , de confommer des
frais confidérables dont on ne lui tient
aucun compte. Je ſuis , & c.
V
Oici une nouveauté d'un écrivaint
dont nous avons déja publié plufieurs
ouvrages eftimables. Celui-ci pourra trouver
des contradicteurs comme des protec
teurs ,mais il fera au moins utile en ce quet
les queftions de la nature de celles qu'on
a élevées au fujet de la rime , fe décidents
bien mieux par les exemples que par les
raifonnemens. *
EDEDÏDEDEDEDEDEDEDEDEDİR
EPITRE
En vers blancs de M. de la Soriniere
à M. l'Abbé G ....
Puifque la rime ,cher ami ,
A captiver & difficile ,
4
Në veat point entendre raiſon g-
Je renonce à me fervir d'elle
It fans gêner tant mon efprit ,
100 MERCURE DE FRANCH
Pour chatouiller un peu Poreille ,
J'emprunterai du fentiment
Les chofes que je vais t'écrite.
Quand le coeur parle , cher Abbe
Vefprit dit toujours affés bien ;
Le vrai-beau naît, de la nature,.
Et l'efprit n'eft qu'un charlatan .
Qui pour vouloir tout embellir ,.
A force d'ourrer la parure ,
Défigure tout bien fouvent .
Si Philis eft jeune & charmante ,
De quoi lui fervent les ponponse
Toi qui fçus joindre élégamment
A la nobleffe de Buff
La fineffe de Pavillon ,.
Tu n'employas jamais la rima
Dans ces admirables Epitres ,
Ou tout eft tenire effufion
Et de coeur & de fentiments.
Sur les bords fortunés du Tibe
L'heureux Chantre de Tivoli .
Nerima jamais fes´ Chanfors,,
Et.Tibulle dans fes beaux vers
JANVIER. 1743.
N'appaifa jamais la Délie
En répétant les mêmes fons
Virgile par les longs récits
Qu'il met dans la bouche d'Enéé
Eût peut-être endormi Didon ,
Si rimant les malheurs de Troye
A l'amoureufe Tyrienne
Le Héros eût exactement
Rappelle le bout de fes vers
Par des fons toujours redoublés.
C'en étoit déja trop , je penſe ,
En racontant- d'auffi grands mauxy
D'avoir cadencé fa harangue .
Dans un état fi violent ,
L'ame d'un Héros qui s'échauffé ,
Enviſage bien plús les chofes
Que l'art d'apparier des mots-
Anacreon & Callimaque
Chantoient les Dieux & les Hérong
Anacreon par fes Chanfons
Invitait un convive à boire ;,
Et Phillis à faire l'amour ;
Leurs vers tendres & délicats
Sembloient infpirés par les Dieux ;
E mi
198 MERCURE DE FRANCE
Il ne leur manquoit que la rime ;
Hélas ! qui la leur eût appriſe ?-
'Apollon étoit jeune encore ,
Et n'avoit pas dans fes domaines
Les nombreux troupeaux de Rimeurss
Qui paiffent du bas d'Hélicon ;
Il ignoroit cet att fublime ,
Dont la contrainte fi fouvent t
Donnant l'eftrapade aux penfées ;
Du fein fécond de ces Docteurs
Tire tant de monftres nouveaux
Qui refteroient dans le néant..
Rime , Déêfle fugitive ,
Que le bon fens & la raifon
Tiennent firarement captive ,
Protége encor un nourriffon
Qui reclame ton bon office ;
Pardonne à ce léger caprice
Qui m'a fait médire de toi ;
Si tu voulois m'être propice ;
Je fuis prêt à rentrer en lice's
E me rengager fous ta loi
* La Rime eft une esclave , & ne doit qu'obésr
Boileau , Art Poëtique..
JANVIER, 17480 " he
LETTRE à l'Auteur de la Traduction "
d'une Satyre d'Horace , inférée dans le
Mercure de Novembre. -
J
E crois , Monfieur , fuivre votre inten
Ecrois, confuuniquant
tion en vous communiquant par la st
voye du Mercure une difficulté fur un paf
fage de la Satyre d'Horace dont vous avez
fait inferer la traduction dans le Mercure
de ce mois. Il s'agit de ce vers :
Qaidve adamicitias ufus , rectumve trahat nos ,
J
que vous expliquez ainſi : Si c'est l'hona
neur où l'intérêt qui fait les vrais amis.
J. Bond & Dacier ont entendu comme
vous le mot ufus, & ils l'ont expliqué par
intérêt, fans doute pour lier le vers où il fe
trouve avec le précedent. >
Virum divitiis homines, anfint virtute beati."
Mais cette liaiſon n'étoit point nécef
faire , au moins l'ai-je toujours penſé , &,
en regardant ces 2 vers comme indépendans
l'un de l'autre , je crois qu'il faut expliquer
ufus par fréquentation , commerce
babitude. C'eft dans ce fens qu'Ovide l'em
ploye lorsqu'il dit:
Tutamen à nobis uſujunétiſſime longo
MERCUREDE FRANCE
Pars defiderii maxima pænè mei..
L'utor familiariter fi fréquent dans les
lettres de Ciceron a auffi le même fense
ainfi
Quidve amicitias ufus , restumne trakat nose ·
Signifieroit , fi c'est lafréquentation on la
vertu qui nous décide dans le choix de nas
amis.
Le trabat joint à ufus ſemble même juf
rifier cette interprétation ; il marque plû
tôt un goût dont nous ne fommes pas les
maîtres, qu'une liaiſon réfléchie , telle que
celles qui ne font fondées que fur des vites
d'intérêt. J'avoue qu'Horace ayant mis
amicitias au pluriel , me paroît avoir vou
lu parler en général de toute forte de liaifons,
plûtôt que de la vraie amitié qui a fon
principe dans la vertu , mais dans ce cas il
vaudroit mieux étendre le fens du mor ami
citias en le rendant par celui de liaifons y»
que de le reftraindre par celui de vrais amis..
Ainfi , Monfieur , dans le fens que vous
avez fuivi , je ne fçais s'il ne feroit pas plus
exact de traduire ainfi le vers en queftion :
fic'eft l'honneur on l'intérêt qui forme nos
haifons.
Je foumets , Monfieur , ces doutes à votre.
décision , j'ai l'honneur d'être , &c.
:
JANVIER 1748 119
On a du expliquer les Enigmes & le Los
gogryphe du premier volume de Décem →
Bre par Serrure , terre habit , Soleil
& Tableau. On trouve dans le Logogryphe
Abel , table ,ean , bateau , Bâle , bal& Albe..
On a dû expliquer ceux des Logogry--
phes du fecond volume par Bafilic , arro
foir & folea , qui fignifie foulier , fabbt &
fer à cheval. On trouve dans le premier
Báil , La , bas , Lac , Bac , bal , & Lia. On
trouve dans le fecond rafeir , ris , air ,
faro & foir , & dans le troifiéme Sol ; fal
Leo , olea ,fola , as , 8ceast
J
ENIGM E.
E fuis un Etre fans raiſon;
Mais je n'en fuis pas moins utile
Dans toute espece de maifon
Au village comme àla ville ,
Eatout tems , en toute ſaiſon .
Selon la forme qu'on me donne
Je fuis courte ou longue au - dehorsg.
Souvent je porte une couronne
Et fans changer de nom alors
Je ne fais que changer de corpsy.
111 MERCURE DE FRANCE
$
-
J'ai deux bras , & fous cette forme , "
Toujours d'une allûre uniforme ;'
Saas m'en trouver ni pis ni mieux
Je voyage en differens lieux ;
Lecteur , en ce moment peut- être ,
Tu m'apperçois , fans me connoître.
J
AUTRE
E ne fuis point un animal
Quoique j'exifte fur la terre ,
Je fuis parfois fait d'un métal ,
Utile en paix ainſi qu'en guerre ;
Parfois ce qu'offre une forêt
Eft employé pour mon corfage
'Aïñfi qu'à mon Artiſte il plaît.
Lecteur , fi tu me veux connoître ;
Songes-y bien ; tel que foit l'être
Qué je contienne dans mon fein
Il en eft de plus d'une efpece ) .
J'ai beau fatisfaire fa faim ","
Sa foif, il cherche avec adreffe
A recouvrer , s'il peut , ce bien fi précieux ;
Qu'à tout être en naiffant ont accordé les Dieux,
JANVIER 1748.
J
AUTRE..
Efais un compofé qui ſert dans tout ménage,
Dans tous les tems , dans tous les lieux ;
Je fuis utile aux jeunes comme aux vieux ,
Du plus bas juſqu'au plus grand âge.
Si l'on me joint à l'Elément
Dont à nos yeux fe forme l'onde,
A l'aide d'un frêle inftrument ,
De moi l'on fait une machine ronde,
Qui par les loix du mouvement
Ainfi que le Globe du monde ,
Devient ſujet au changement.
C'est par moi que le plusfouvent
De noire qu'étoit une chofe ,
Elle prend la couleur du blanc ,
Lorfque je la métamorphofe ;
Lecteur, veux-tu fçavoir mon nom ?
Je rime à la particule on.
AUTRE.
S Ans employer nibras ni mains ,. ,
Ni plumes, ni pinceaux, je peins
Tous les objets de la Nature ;
Je fers tout le monde au befoin
Je fais un être qui ne dure
114 MERCURE DE FRANCE
Qu'autant que de moi l'on prend foin
Souvent à qui me confidére ,
J'ai l'art de plaire ou de déplaire
Lorfque fa curiofité
Lui montre à nud la vérité;
Tantôt mâle & tantôt fémelle,
Effet d'un art ingénieux ,
Selon le nom dont on m'appelley
Souvent au jaloux je décelle
Ce qu'un amour mistérieux
Voudroit dérober à fes yeux;
Dès que je fuis , je ne puis croître
Et je refléchis fans penfer ;
Mais c'eft affés t'embaraffer ,
Regarde-moi pour me connoître.
LOGOGRYPHE.
De fix membres de l'alphaber
e fais un compofé, fi j'entre en un ménage,
De moi l'on fait un grand uſage ;
Aini Lecteur , pour mieux te mettre au fait
De liens entouré, de liens j'environne
Le plus petit comme le plus grand-corps
Et l'on me fait fervir alors
A tenir loin de la perfona
*
JANVIER. 1748
·Ce qui devroit en être près.
Je fais un Dieu qui préfide aux forêts ;
Si de mes deux moitiés l'on retient la premiere
Et fi l'on joint à la derniere
Le membre qui fe trouve avant ,
Je fuis l'infinitif du verbe
Qui toute vérité dément.
Uh, quatre & trois , un Etre végétanti
Aidé de ma tige füperbe ,
On brave les fureurs de l'humide Elément ;
Six, quatre , cinq & trois , je marque le néant
Un & deux , quatre & trois , je fers de nourritur
Auplus grand nombre des mortels ;
Si de quatre on allonge un peu plus la figure ;
En y joignant cinq; deux & trois , avec céfures
Je fuis un Saint à qui l'on dreffe des Autels ;
Trois , deux , un , cinq , meuble de table ;
`Uñ , quatre , fix & cinq , plus que mauvais
Six , deux, un, cinq , à peu de frais
Je fers à mettre en poudre une plante agréable
Quatre , fix , cinq , capable de tout mal ;
Six. &c.cinq , quatre & trois , un membre d'anima
116 MERCURE DE FRANCE.
50
NOUVELLES LITTER AIRES ,
DES BEAUX- ARTS, ¿e:
LOGES des Académiciens de l'Académie
Royale des Sciences,morts dans
les années 1741 , 1742 & 1743. Par M.
Dorfous de Mairan , Secrétaire de cette
Académie pendant lefdites années , l'un
des quarante de l'Académie Françoiſe , &c.
Paris , 1747 , chés Durand.
Les talens propres à la Litterature ferencontrent
fi rarement avec ceux qu'exigent
les Sciences exactes, que bien des gens ont
conclu qu'ils s'excluoient réciproquement..
Cependant de grands exemples ont prouvé
invinciblement le contraire , & M. de
Mairan ajoute à ces exemples une nouvelle
preuve , qui n'eft pas moins victorieufe.
Compté depuis long-tems au rang des plus
grands Phyficiens de l'Europe , il a paru
avec le même éclat , lorfque devenu Sécrétaire
de l'Académie des Sciences , il a
et befoin pour remplir cet emploi , nonfeulement
des connoiffances qui avoient
déja élevé fi haut fa réputation ; mais enJANVIER.
1748. 117
core des mêmes talens fur lefquels font
fondés les fuccès des ouvrages des Belles-
Lettres. Les differens éloges qui rempliffent
ce volume ne font pas fufceptibles d'un
extrait , nous dirons feulement que nous
avons vû tous les lecteurs fenfés leur donner
leur approbation . On les a trouvés
même encore meilleurs à la lecture ,
& c'eft-là le caractere diftinctif des excellens
ouvrages. Le ftyle eft élégant &
facile , la narration claire , remplie de
chofes , fans être trop femée de traits , qui
dans ce fiécle prennent feuvent la place du
fens ; on y trouve un choix éclairé dans les
matériaux dont l'Auteur fe fert , beaucoup
d'habileté dans la maniere d'employer
ceux qui peuvent être brillans , un art qui
n'eft pas moindre à tirer parti de ceux qui
paroiffent moins favorables , & partout
cet efprit de lumiere & philofophique, abfolument
indépendant de ce qu'on appelle
l'efprit Géométre , & que l'étude de la
Phyfique & de la Géométrie ne donne nj
ne fupplée.
ESSAIS fur les paffions & leur carac
teres , la Haye , 1748 , 2. vol. in- 12 . fe
vendent à Paris , chés Cloufier.!
Ce livre contient des réflexions déta118
MERCURE DE FRANCE.
chées , femées quelquefois de portraits à
la façon de la Bruyere; on ne fçauroit trop
avoir de livres de cette efpece ; ne fit-on
que repeter toujours les mêmes choſes , on
ne laifferoit pas d'être utile aux gens qui
négligent les ouvrages anciens , parce
qu'ils font anciens , & lifent tous les nouveaux,
parce qu'ils font nouveaux . Malgré
L'efprit de frivolité qui regne en ce fiécle
nous ne laiffons pas de faire un accueil
très-favorable à ces ouvrages quand ils let
méritent.On a lûavec plaifir il y a quelques
années le livre de M. l'Abbé Trublet , dont
il a eu plufieurs éditions .
Pour donner une idée de ce nouvel ouvrage
, nous allons en citer quelques morceaux.
Voici une réflexion fort jufte , &
qui pourroit s'appliquer à tous ces demi
connoiffeurs , fléaux de la Litterature , qui
jugent fans examen & décidant fans appel ,
croyent, fous prétexte qu'ils n'ont point de
talens , être arbitres impartiaux dans l'appréciation
de ces mêmes talens ; ces gens-
Là raifonnent , diftinguent , divifent au hazard
, fans s'entendre & fans être entendus
, & donnent quelquefois le ton à des
gens affés bons pour fe fier moins à leur
propre impreffion qu'à de prétendus conmoiffeurs
qui citent fans ceffe les préceptes
JANVIER . 1748. 719
de l'art qu'ils ne connoiffent pas. Venone
à la réflexion de l'Auteur.
» En examinant certains efprits , je dirois
volontiers qu'il vaudroit mieux
"pour eux qu'ils fuffent entierement faux
» que de l'être à demi ; affés juftes pour
penfer bien quelquefois , affés faux pour
" croire qu'ils penfent toujours jufte , ils
ne fçauroient fortir de leur état ; la va
» nité & l'apparence du vrai les fixent à
jamais. »
25
"
Voici une autre penſée rendue avec précifion
& avec force.
» Vouloir qu'un homme d'efprit en ait
» toujours , injuftice ; chercher toujours
» de l'efprit, petiteffe , il faut être homme.
Ce livre eft plein de réflexions femblables
écrites d'un ſtyle clair & aifé , & fera
lû avec plaifir & avec fruit par tous les
gens fenfés qui aimeront à s'occuper de
tout ce qui rappelle les idées de la vertu
& de la raiſon,
SYSTEME général de Cofmographie
& de Phyfique générale, à Paris , 1748 , 1
chés Charles-Antoine Jombert.
Cet ouvrage eft une analyſe raifonnée
du fyftême de Cofmographie & de Phyfide
l'Auteur. Le traité du Méchanifme
du monde par demandes & par réponſes ,
que
$
120 MERCURE DE FRANCE.
qu'il doit publier inceffamment , le fera
connoître d'une maniere plus détaillée .
L'un , comme il eft dit dans la préface , eft
proprement un plan de l'Univers , dreffé
pour ainfi dire, d'après Nature , ou d'après
la dépofition des apparences obfervées
avec le plus grand foin , & prévûes par
les calculs Aftronomiques les plus exacts
& l'autre un réſultat de principes qui ne
peuvent être conteſtés par les Phyficiens
d'aucun parti ,
>
L'Auteur favorifele fyftême de l'immobilité
de la terre , cette hypothéfe de Thalés
la plus ancienne des hypothéfes Aftronomiques
, mais qui étoit tombée dans le difcredit.
Nous ne pouvons nous étendre affés
fur cette matiere pour rendre raifon des.
argumens dont il appuye fon ſyſtême , ainſi
nous nous contenterons de rendre juſtice
aux connoiffances très- étendues qui brillent
dans fon livre.
LES CAMPAGNES DU Ror ;
Epitre , par M. Bazin , Ingénieur , à Paris,
1747 , chés de Lefpine.
L'Auteur rappelle & décrit les glorieufes
Campagnes du Roi ; tel eft le plan de
cet ouvrage , dont nous ne pouvons mieux
donner l'idée qu'en citant quelques vers
fur le fiége de Bergoploom,
Tel
JANVIER .
I 21 1748 .
Tels que du Mont Gibel le fouffre & le bitume
font rouler les torrens de leur brûlante écume ,
Tels on voit le falpêtre & le fer en fureur
S'enflammer & répandre une nouvelle horreur:,
Déja de tous fes forts les indomptables cîmes
Se fendent en éclats ; s'enfoncent aux abîmes ;
Le peuple à cet orage interdit & confus ,
Abandonne fes tours qu'il ne reconnoît plus ,
Mais tous les défenfeurs animés par la rage
Montrent fur les remparts un féroce courage ,
´Et bien loin de céder au coup qui les abat ,
薯
Ils refpirent le fang , le meurtre & le combat.
Le brave Lowendalh attaque leur enceinte ,
Embrafe leurs palais , & les frappe de crainte ,
Jufques fur les glacis poſte ſes légions ,
Et va porter fes coups contre leurs baſtions.
Au fond d'un fouterrain la foudre renfermée
Par une main adroite eft bien -tôt allumée ,
Son bruit affreux remplit le vafte champ des airs ,
Il étonne les Dieux , fait trembler l'univers.
Ainfique l'Aquilon franchit la plaine aride ,
Ainfi de fon tonnerre on voit l'effort rapide.
Cependant le Batave au milieu de ces feux ,
S'apprête à s'oppoſer aux affauts périlleux.
Quand fous les yeux d'abord mille globes funeftes
Brûlent de les remparts les redoutables reftes ;
F
122 MERCURE DE FRANCE.
Sur leurs débris fumans s'élancent tes foldats ,
La frayeur & la mort qui partent de leurs bras ,
Du fuperbe affiégé forcent la réfiftance ,
Et le grand Lowendalh fignale ta puiffance.
DESCRIPTION du Gouvernement
de Bourgogne. Par M. Michault , Avocat
au Parlement de Dijon .
Le plan de l'ouvrage que je me propo
fe , dit l'Auteur dans le Profpectus de fon
ouvrage s'eft formé fur le livre queM. Garreau
publia pour la premiere fois en1717 ,
& qu'il augmenta confidérablement en
1734.L'Auteur flatté de l'accueil favorable
que le public avoit fait à fon travail, préparoit
une troifiéme édition , lorfque la mort
le furprit.Peu de tems après un exemplaire.
de ce même livre , chargé de les notes , &
quelques matériaux féparés qu'il avoit ramaffés
, étant tombés entre mes mains , je
forinai fur la même matiere un projet d'au
tant plus étendu , que j'avois déja fait
quelques recherches fur la Bourgogne , &
que j'avois recouvré un affés grand nom
bre de manufcrits fur l'Hiftoire de cette
Province. Mais quelques fecours que j'aye .
reçûs jufqu'à préfent , je ne me crois pas
difpenfé d'inviter les Sçavans & les Ĉurieux
à me faire part de leurs découvertes
fur les differentes parties de mon ouvrage.
1
*
1748. 123:
JANVIER.
pre- Il fera divifé en deux vol . in-4°. Le
mier aura en quelque forte la forme d'un
Dictionnaire , qui offrira par ordre alpha
bétique, & fous d'autres arrangemens également
commodes , le détail des Pays ,
Villes , Bourgs , Villages , &c. qui compofent
le Gouvernement du Duché de
Bourgogne.
Le fecond tome renfermera plufieurs
piéces qui ferviront d'éclairciffemens ou
de preuves aux articles qu'on n'aura pas
voulu allonger par de longues differtations.
1 Le premier volume contiendra : Les Villes
Bourgs , Villages , Paroiffes , Communautés
, Hameaux , Châteaux , Fiefs , Métairies
& toutes leurs dépendances , .rapportés
par ordre alphabétique fous chaque
Bailliage, dans le reffort duquel ils font fitués
, avec leur diſtance du Siége principal
du Bailliage. En donnant le nom latin &
fon étymologie , on ne manquera pas de
citer les titres où on l'aura vû. On indiquera
le Diocèfe ; quelle eft la Juftice du
lieu & fa mouvance ; fi le Pays eft de Droit
Ecrit , ou Coutumier ; s'il eft Mainmortable
; le nom & les qualités du Seigneur.
Malgré les changemens qui arrivent tous
les jours à cet égard , on aura néanmoins
par ce moyen une partie du Nobiliaire de
Fij
122 MERCURE DE FRANCE.
Sur leurs débris fumans s'élancent tes foldats ,
La frayeur & la mort qui partent de leurs bras ,
Du fuperbe affiégé forcent la réfiftance ,
Et le grand Lowendalh ſignale ta puiſſance.
DESCRIPTION du Gouvernement
de Bourgogne. Pat M. Michault , Avocat
au Parlement de Dijon.
Le plan de l'ouvrage que je me propo
fe , dit l'Auteur dans le Profpectus de fon
ouvrage s'eft formé fur le livre queM. Garreau
publia pour la premiere fois en 1717,
& qu'il augmenta confidérablement en
1734.L'Auteur flatté de l'accueil favorable
que le public avoit fait à fon travail, préparoit
une troifiéme édition , lorſque la mort
le furprit.Peu de tems après un exemplaire
de ce même livre , chargé de les notes , &
quelques matériaux féparés qu'il avoit ramaffés
, étant tombés entre mes mains , je
formai fur la même matiere un projet d'au
tant plus étendu , que j'avois déja fait
quelques recherches fur la Bourgogne , &
que j'avois recouvré un affés grand nombre
de manufcrits fur l'Hiftoire de cette
Province . Mais quelques fecours que j'aye
reçûs jufqu'à préfent , je ne me crois pas
difpenfé d'inviter les Sçavans & les Ĉurieux
à me faire part de leurs découvertes
fur les differentes parties de mon ou-
Viage.
" JANVIER
. 1748. 123:
Il fera divifé en deux vol . in-4°. Le premier
aura en quelque forte la forme d'un
Dictionnaire , qui offrira par ordre alpha→
bérique, & fous d'autres arrangemens également
commodes , le détail des Pays ,
Villes , Bourgs , Villages , &c. qui compofent
le Gouvernement du Duché de
Bourgogne.
Le fecond tome renfermera plufieurs
piéces qui ferviront d'éclairciffemens ou
de preuves aux articles qu'on n'aura pas
voulu allonger par de longues differtations.
1 Le premier volume contiendra : Les Villes
Bourgs , Villages , Paroiffes , Communautés
, Hameaux , Châteaux , Fiefs , Métairies
& toutes leurs dépendances , .rapportés
par ordre alphabétique fous chaque
Bailliage, dans le reffort duquel ils font fitués
, avec leur diſtance du Siége principal
du Bailliage. En donnant le nom latin &
fon étymologie , on ne manquera pas de
citer les titres où on l'aura vû. On indiquera
le Diocèfe ; quelle eft la Juftice du
lieu & fa mouvance ; file Pays eft de Droit
Ecrit , ou Coutumier ; s'il eft Mainmortable
; le nom & les qualités du Seigneur.
Malgré les changemens qui arrivent tous
les jours à cet égard , on aura néanmoins
par ce moyen une partie du Nobiliaire de
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
1
la Bourgogne . L'Auteur fera fouvent obligé
d'entrer dans des difcuffions hiftoriques
.
On décrira la fituation & l'étenduë de
chaque Paroiffe , telle qu'elle eft aujourd'hui
, & fa pofition dans l'ancienne Gaule
; les revenus de la Cure ; les lieux qui
en dépendent , commes les Hôpitaux , Leproferies
, Hermitages , Moulins , Enclos ,
Parcs , Jardins , &c .
On marquera exactement la datte des
lettres d'érection en Marquifat , Comté ou
Baronie , & celle de l'enrégiftrement au
Parlement & à la Chambre des Comptes.
On indiquera le Vocable de chaque
Eglife Paroifliale;les Reliques authentiques
qu'elle poffede ; les Fondations , les Confrairies
, les Rits particuliers dans la Liturgie
; les Monaftéres , Abbayes , Prieurés
, Chapitres , Eglifes , Chapelles ,
Commanderies , &c . les autres Bénéfices
& les titres qui en font mention ; le Patron
enfin tout ce qui regarde le Gouvernement
Eccléfiaftique de la Bourgogne,
Cet article fera terminé par le Pouillé de
l'Evêché de Dijon.
· Les Villages mêmes & autres lieux
qu'on ne voit plus en Bourgogne , mais
dont il reste encore quelques veftiges , tels
qu'Ogne , Chandelans , Satenay , &c. les
JANVIER 1748.
125
Pays qui n'étant point du Gouvernement
de cette Province , ne laiffent pas cependant
d'y avoir quelque rapport.
A l'égard des Villes , leur Antiquité ,
leurs Armoiries , les Fortifications , les
Portes , les Rues , les Hôtels , Places ,
Eglifes , Portails ,
Portails , Convens , Maifons
Royales , Edifices anciens & modernes ; les
differentes Jurifdictions , les Charges particulieres
, les Prééminences , Priviléges ;
Exemptions & autres Droits y attachés ;
les Jeux royaux , les événemens mémorables
, les Entrées , Pompes funebres
Fêtes publiques , Proceffions & autres céré
monies ; les Bibliothéques , les Cabinets
d'Hiſtoire naturelle ; les Sçavans qui y vivent
, les Jardins , les Promenades , les
Avenues & les plus belles Maifons des environs.
, Les Rivieres , les Lacs Ruiffeaux
Fontaines , Etangs , &c . Les Poiffons , les
Teftacées & autres Animaux aquatiques
qui s'y nourriffent.
Les Fontaines falées , les Eaux minérales
on tachera de rendre cet article inté
reffant.
Les Forges , les Foulons , les Verreries
les Papéteries , les Poudreries , les Rafineries
de Salpêtre , les Thuilleries , les Fayanceries
& les differentes Manufactures .
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
Les Carrieres de Jafpes , Marbres , Albâtres
, Pierres , & c. les Ardoifiéres ; les
Cailloux , Criftaux , &c..
Les Mines , Miniéres , Marcaffites , Pyrites
, Métaux , & c.
Les Foffiles , Sels , Aluns & Vitriols
Souffres , Bitumes , & c.
Les Curiofités naturelles , comme Pétrifications
, Criſtaliſations , Criftalifations , Coquillages ,
Dendrites.
Les Abîmes , Goufres , Cavernes , Grotes
, Puits & autres Soûterrains .
Les Forêts , les Montagnes , les Rothers
, les plus beaux Vallons , les Plaines
les plus fpacieuſes .
Les Chemins anciens , furtout ceux des
Romains , dont on voit encore quelques
reftes , les nouvelles Routes , les Ponts &
Chauffées confidérables .
"
>
Les Monumens anciens & modernes
tant facrés que prophanes ; les Temples ,
Panthéons , Cirques , Amphithéatres
Bains , Aqueducs , Ruines , Pyramides
Obélifques , Colomnes , Urnes , Figures
antiques , & les Médailles qu'on a trouvées
en cette Province : tout ce qui a rapport
aux Arts , comme les Tableaux , les
Bas-Reliefs , les Statues , les Portiques ,
& c .
Les Jardins de Botanique , les Serres ,
les Pepinieres.
JANVIER . 1748. 127
Les Animaux quadrupédes ; les Oiſeaux
qui naiffent , vivent ou ne font que paffer
en Bourgogne.
Les Reptiles , Serpens , &c. les Infeces ,
Mouches , Chenilles , Papillons , Scarabées
, &c . les Monftres : enfin tous les Phénoménes
qui ont paru en cette Province.
Les Climats & les Côteaux qui donnent
les bons & les meilleurs Vins , la difference
des Terroirs , le commerce & le
prix de ces Vins ; les Grains qui fe fément
en Bourgogne ; le produit des Terres &
leur nature ; les meilleurs fruits qui y viennent
; le trafic tant par terre que par eau ,
& les marchandifes qui en font l'objet.
Les Vents qui infeftent ou qui fertilifent
cette Province ; la température de l'air
& les maladies les plus communes ou particulieres
au climat ; l'efprit , les moeurs ,
les habillemens & les ufages des Habitans .
Les méfures de chaque Pays , les Foires
les Poftes , les Coches & les Meffageries .
On trouvera dans le fecond Volume :
1º. Un abregé de l'Hiftoire de Bourgogne.
t 2º . Une Deſcription topographique de
la même Province .
3°. Des Mémoires fur l'Hiftoire des Pays
de Breffe , Bugey & Gex. Outre ceux qu'à
fait imprimer M. Garreau , on donnera les
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
Differtations de Philibert Collet & du P.
Menetrier fur le même fujet , & quelques
autres manufcrites qui font tombées entre
les mains de l'Auteur. On tirera des Mémoires
de l'Académie des Infcriptions &
Belles- Lettres , & d'autres fources , les piéces
les plus intéreffantes concernant l'Hif
toire de Bourgogne & de Breffe , pour les
joindre à cette collection .
4° .QuelquesDiffertations fur divers points
d'Hiftoire Eccléfiaftique ou Prophane , qui
n'auront pû trouver place dans le premier
Volume : par exemple , fur les Celtes , fur
les Ambrons , fur les anciens & nouveaux
habillemens des Bourguignons , fur leur
patois , fur celui des Breffans ; fur une
Hymne en vers françois , qu'on chantoit
il y a quelques années dans l'Eglife de S.
Etienne de Dijon ; fur l'Aguilanneuf ,
coûtume dont on voit encore quelques
veftiges en Bourgogne & en Picardie ; des
Additions à la Fête des Foux ; un mémoire
fur les differens fyftêmes du Canal qu'on
á eu deffein de faire en Bourgogne ; un
abregé de la vie de quelques grands hommes
& de quelques fçavans qui ont vêcu
en Bourgogne , qui y ont occupé des places
diftinguées , ou qui y font morts ; des
remarques fur la Bibliothèque des Auteurs
de Bourgogne , par M. l'Abbé Papillon ;
JANVIER . 1748. 129
une Bibliothéque des Auteurs de Breffe ;
des additions au Parlement de Bourgogne.
de P. Palliot ; catalogue raiſonné des plus.
célébres Avocats de ce Parlement ; recherches
hiftoriques für l'Oriflame . Il feroit
trop long de pourfuivre ici la notice de
toutes les autres Differtations que prépare
le nouvel Editeur .
5°. Diverfes Piéces pour fervir de preuves
à quelques fujets d'hiftoire rapportés
dans le cours de l'ouvrage, commeChartes ,
Dosarions , Edits , Arrêts , Bulles , & c.
6°. Differtations fur les Vins de Bourgogne
, & fur leurs qualités . Sur les Eaux
Minérales.
7. Une Hiftoire particulière des Rivieres
qui coulent en Bourgogne , de leurs
fources , de leur cours , de la péfanteur &
de la qualité de leurs Eaux , de leurs Sables,
de leurs Coquillages .
So. Un Catalogue des Plantes qui viennent
en Bourgogne ; on y rapportera les
lieux où elles croiffent , leurs figures , leurs
variétés , leurs qualités , en indiquant feulement
les Auteurs qui en parlent , & furtout
les Mémoires de l'Académie des
Sciences ; les fauffes vertus qu'on leur attribuë.
On s'étendra davantage fur les fimples
dont on fe fert par infufion & en forme
de Thé. On diftinguera par differentes
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
marques les Plantes communes , les rares
& les ufuelles . On donnera auffi une idée
du Systême de M. Collet fur la Botanique.
Dans la divifion des Gouvernemens de
la Bourgogne , telle que M. Garreau l'a
faite , on parlera fort amplement des Etats
généraux & particuliers de cette Province.
Enfin on enrichira l'ouvrage de Cartes
Plans , Deffeins , Infcriptions & autres Figures
néceffaires à l'intelligence de chaque
partie de cette Hiftoire : on s'attachera
principalement à y donner de bonnes tables.
>
y
L'Auteur ne négligera rien pour perfectionner
l'exécution de fon projet. Plufieurs
Sçavans lui ont déja fourni d'excellens
Mémoires fur Dijon , Autun , Avallon
Montbard , Noyers , Nuys , Marcigny ,
Louhans , & c. Il recherchera avec foin les
Manufcrits & les Auteurs qui ont parlé en
général de la Bourgogne , & en particulier
de divers endroits de cette Province , & fe
tranfportera lui- même fur les lieux où il
croira fa préſence néceffaire pour la découverte
de quelques antiquités ou de
quelques curiofités naturelles. Il efpére fe
procurer d'utiles éclairciffemens dans fes
voyages , moins cependant par lui-même ,
que par les fecours d'un ami qui fe propoſe
de l'aider tant pour lever des Plans , que
JANVIER. 1748.. 131
pour faire l'analyfe chymique des Eaux ,
& travailler fur les Plantes , les Métaux
les Marbres , & c.
LE TABLEAU DES THEATRES ,
Almanach nouveau pour l'année 1748 ,
où l'on trouve leur origine , le nom des
Acteurs , Actrices , Danfeurs , Danſeuſes ,
& des perfonnes qui y font attachées , avec
les Pièces qui ont été repréſentées dans
l'année , & le nom des Auteurs , à Paris ,
chés la veuve Delormel & fils , rue du Foin
S. Jacques , à l'image Sainte Génévieve .
NOUVEAU CALENDRIER
de
Cabinet pour 22 années , à l'ufage de Paris
& de differens Diocèfes , enrichi de figu.
res allégoriques
, approuvé de Meffieurs de
l'Académie
Royale des Sciences , dédié &
préſenté à Madame la Dauphine , à Paris ,
chés l'Auteur , Chambre des Confultations
, Grand'Salle
du Palais Marchand.
HISTOIRE de l'Eglife Gallicane depuis
l'établiflement de la Réligion , dédiée
à Noffeigneurs du Clergé in-4° . tomes XV
& XVI , à Paris , chés J. B. Coignard , &
A. Boudet , rue S. Jacques.
DICTIONNAIRE Botanique & Pharmaceutique
, contenant les principales
propriétés des minéraux , des végétaux &
des animaux d'ufage , &c. nouvelle édi-
F vj ·
132 MERCURE DE FRANCE.
tion ; à Paris , chés Didot , Nyon , fils
Dammonneville , Quai des Auguftins , &
Savoye , ruë S. Jacques. .
-
:
•
L'ESPRIT DU COMMERCE , pour
l'année 1748 , rendu auffi curieux que
néceffaire , dans lequel on trouve les Fêtes
des mois , les Banquiers de Paris , du
Royaume & des Pays Etrangers , les prix
courans des Changes de toute l'Europe ,
les Manufactures de Paris , les noms & demeures
des perfonnes qui ont. des privilé
ges du Roi pour diverfes chofes utiles au
public , les noms & demeures des perfonnes
qui profeffent les Sciences & les Arts ,
plufieurs tarifs pour les Commerçans , les
prix courans des grains , des vins , & c. des
Livres nouvellement imprimés , les magafins
d'Eftampes & de Mufique , noms des
Bureaux , Edits du Roi , une combinaiſon
de la Loterie Royale de 1747 , par M.
Roflin , ancien Syndic des Experts Ecrivains
Jurés de Paris , rue S. Martin , près
celle de Vénife , à Paris , chés la veuve
Ganeau , ruë S. Jacques , & la veuve Lamefle
, rue de la vieille Bouclerie,
MORALE des Apôtres ou Concorde
des Epîtres Canoniques du nouveau Teftaà
Paris , chés les veuyes Rondet &
Laboffiere , rue S. Jacques & Defaint &
Saillant , ruë S. Jean de Beauvais ..
ment ,
JANVIER. 1748 . 1 }}
INSTRUCTIONS CHRETIENNES
pour fervir d'exhortation & de préparation
à la mort , à l'ufage des perfonnes qui fe
font un devoir de charité de vifiter les
malades , particulierement dans les Hôpitaux
, & de les difpofer à mourir fainte
à Paris , chés Savoye , Libraire , ruë ment ,
S. Jacques , à l'Eſpérance .
CONSULTATIONS choifies de
plufieurs Médecins célébres de l'Univerſité -
de Montpellier fur des maladies aiguës &
chroniques , à Paris , chés Durand , ruë S.
Jacques , au Griffon , & Piffot , Quai dés
Auguftins , à la Sageffe.
HISTOIRE)
D'ANGLETERRE
}
par M. Rapin de Thoyras , continuée juf
qu'à ce tems . Nouvelle édition , is volu
mes in 4º . propofée par foufcription . A
Londres , & fe trouve à Paris , chés la veuve
Ganeau rue S. Jacques ; le Gras ,
Grand'Salle du Palais ; Cavelier , pere , ruë
S. Jacques , au Lys d'or , Giffart , pere ,
rue S. Jacques ; Rolin , Quai des Auguftins
; Quillan , pere , rue Galande , près la
Place Maubert ; David , l'aîné , ruë S. Jacques
; Bauche , fils , Quai des Auguftins ,
du côté du Pont S. Michel ; Durand, rue
S. Jacques ; d'Houry , fils , ruë de la Bouclerie
; à Lyon , chés les freres Duplain ,
Henri de Clauftre & de la Roche .
134 MERCURE DE FRANCE.
HISTOIRE DES SACREMENS
ou, de la manière dont ils ont été célébrés
& adminiſtrés dans l'Eglife , & de l'ufage
qu'on en a fait depuis le tems des Apôtres
jufqu'à préfent , par le R. P. Dom C.
Chardon , Réligieux Bénedictin de la Congrégation
de Saint Vannes , à Paris , chés
Guillaume Defprez , Imprimeur & Libraire
ordinaire du Roi,& P. G. Cavelier fils
Libraire , rue S. Jacques , fix volumes
in- 12.
ruë
*
ESSAIS & obfervations de Médecine
de la Société d'Edimbourg. Ouvrage tra
duit de l'Anglois , tomes V , VI & VII ,
à Paris , chés H. L. Guerin & Jacques
Guerin , rue S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin
, 1747 , in- 12.
DISSERTATIONS préliminaires
fur l'Hiftoire Civile & Eccléfiaftique du
Diocèfe de Sais , par M. l'Abbé Efnault ,
fe trouvent à Paris , chés G. Defprez , Im→
primeur & Libraire ordinaire du Roi , &
P. G. Cavelier , Libraire , ruë S. Jacques ,
à S. Profper & aux trois Vertus , 1746 ,
in- 12.
COMPONIMENTO dramatico perle
feliciffime nozze di Luigi Delfino di Francia
con la Principeffa Maria Guiseppa di Saffo=
nia , da cantarfi per ordine d'ell' Eminentif
fimo Sig. Card. de la Rochefoucault , MiJANVIER.
1748. 135
niftro di Sua Maefta Criftianiffima preffo la
S. fede , 1747 , à Rome , par M. l'Abbé
Flamminio Scarfelli , Profeffeur en Humanités
dans l'Univerfité de Boulogne ,
connu dans la République des Lettres par
plufieurs autres ouvrages.
LE SECOND & le troifiéme tomes
delle Orazioni facre du P. Bernard Maria
Giacco , Capucin de Naples paroiffent de.
puis peu en cette ville.
DELLE Arti & Scienze tutte divifate
nella Giurifprudenza , opera di Antonio
d'Orimini , Napolitano , Patrizio Brindefino
, in tre parti diftinta . Nella prima delle
qualifi tratta delle Arti liberali ed ingegnafe
; nellafeconda delle Arti fabrili è meccaniche
; nella terza di tutte le Scienze nella legale
contenute , in Napoli , 1747 , in-4°.
DELLA natura de Moftri , Lettera del
Dottore Giambattista Sormani , all' illuft.
Seg. Ranieri Buonaparte , Publico Profeffore
di Medicina nell'Univerſita di Piſa , in Lucca
, per il Cappurri , 1747 , in- 4°.
Gabriel Martin , à l'Etoile , Coignard
& Boudet , à la Bible d'or ; Pierre- Jean
Mariette , aux Colonnes d'Hercule ; H, L.
Guerin , à S. Thomas d'Aquin , Libraires
à Paris , rue S. Jacques , ont publié le
Profpectus d'une Bible qu'ils fe propofent
d'imprimer par foufcription fous ce titre
136 MERCURE DE FRANCE.
LA SAINTE BIRLE en Latin &
en François avec des Préfaces , des Differtations
& des Notes litterales , critiques
& hiftoriques , pour faciliter l'intelligence
de l'Ecriture Sainte , le tout tiré du
Commentaire de Dom Aug. Calmet , Abbé
de Senones , & des Auteurs les plus célébres
, en 10 volumes in-4° . enrichis de
Cartes & de Figures. Le prix fera de 72
liv. en feuilles , & on confentira de ne
recevoir cette fomme que par partie. En
faifant la premiére avance , il fera fourni
une reconnoiffance fignée des Libraires ,
portant promeffe de livrer l'ouvrage entier.
dans l'efpace de 18 mois , à compter du
premier Janvier 1748. On payera en foufcrivant
24 liv. en recevant les trois premiers
volumes au mois de Juillet 1748 ,
18 liv. A la délivrance des trois fuivans
qui fe fera fix mois après , 18 liv . Enfin en
recevant les quatre derniers volumes , on
payera le reftant du prix , qui fera 1 2 liv .
LesSoufcripteurs feront retirer leurs exemplaires
dans les tems ci- deffus fpécifiés.
Ceux qui ne fouferiront point payeront le
Livre cent livres en feuilles .
HORLOGE PERPETUELLE Ou
Cadran Solaire , Lunaire & Stellaire pour
l'année Biffextile 1748 ; on y trouvera
plufieurs maniéres de connoître l'heure au
JANVIER. 1748. 137
Soleil , à la Lune & aux Etoiles ; la maniere
de s'orienter pendant la nuit , de connoître
les Etoiles , de méfuter les diftances
& les hauteurs , le tout fans avoir befoin
d'autres inftrumens que ce petit livre.
On y trouvera auffi un Almanach , où feront
toutes les Fêtes de l'année , les jours ,
les Phafes de la Lune. Prix une livre , chés
David le jeune , Libraire à Paris , Quai des
Auguftins ; on trouve chés le même Libraire
les illuftres Françoifes , nouvelle édition
augmentée in- 12 . 4 vol . prix 8 liv .
BREVE PARISIENSE pro anno
Domini Biffextili , 1748 , Pafcha occurrente
14 Aprilis. Conftitutum eft pretium. ad fex
affes. Parifiis , apud Claudium Heriffant ,
Capituli Ecclefia Parifienfis Typographum ,
via nova Beata Maria , fub Cruce Aurea &
tribus virtutibus .
I
NOUVELLES ETRENN ES utiles
& agréables , contenant un Recueil de
chanfons morales & d'emblêmes , fur de
petits airs connus , notés à la fin pour en
faciliter le chant , avec un Calendrier pour
l'année 1748 , à Paris , chés Ph . N. Lotin
& J. H. Butard , Imprimeurs Libraires ,
rue S. Jacques , à la Vérité .
RECEUIL de dix LettresItaliennes qui
avoient déja été imprimées féparement. A
Brefee , chésJean-Marie Rizzardi , 1746.
138 MERCURE DE FRANCE.
OBSERVATIONS nouvelles & extraoadinaires
fur la prédiction des Crifes
par le pouls , faites premierement par le
Docteur D. Francifco Solano de Luques ,
Efpagnol , & enfuite par differens autres
Médecins , enrichies de plufieurs cas nottveaux
& de remarques , par M. Nihell , M.
D. traduites de l'Anglois par M. Lavirotte
Docteur en Médecine de l'Univerfité de
Montpellier , à Paris , chés de Bure l'ainé
à l'entrée du Quai des Auguſtins , à Saint
Paul , 1748 , in 12.
>
THEORIE des fentimens agréables
où après avoir indiqué les regles que la
Nature fuit dans la diftribution du plaifir ,
on établit les principes de la Théologie na
turelle & ceux de la Philofophie morale ;
volume in- 12 . à Paris, chés David le jeune
, Quai des Auguſtins , au S. Eſprit ,
1748.
LES AMUSEMENS D'UNE HEURE.
Duos pour la Vielle & la Mufette , dédiés
au Compere & à la Commere par M. Bâton.
OEuvre IX. prix 3 liv. 12 f. gravés par
Mlle. Laymon , à Paris , chés l'Auteur ,
Quai des Orphévres , à la Renommée ,
Madame Boivin & Leclerc..
: PLANS en élévation de la ville de Soiffons
, dédiés à la Reine , fe vendent à
Paris , chés Poincellier , ruë Monceau S.
Gervais .
JANVIER. 1748. 139
DE SUPREM A unitione Liber hiftori
so dogmaticus , auctore Benedicto de Gaëtanis
Patricio & Sacerdote Pifano, Illuftr.ac Rever.
D. D. Franc, ex comitibus Guidis Patriar
the Pifana Ecclefie Archiprafuli dicatus.
Lucca , 1747 , in-8°.
CATALOGO di libri che fi poffono avere
in Milano a megliorprezzo che altrove
per mezzo di Guiseppe Bonacia Mercande de
libri vicino alla chiesa difan Matteo , ≤747
in-8°. à Milan."
* ISTORIA di un Sonnambule fcritta da
Gio Maria Pigatti Dottore di Filofofia , & di
Medicina à S. Excel , il Sig. Conte Antonio
Abate Conti , Patrizio Veneto , in Venezia ,
per Guiseppe Bettineilli , 1745 , in- 8 °.
L'EXPOSITION Anatomique de la
Aructure du corps humain de M. Winflow ,
traduite en Italien , 1747 , in- 12. quarre
volumes, à Venife.
LES XI , XII & XIII tomes de l'ouvrage
intitulé Eſpoſizioni letterali e morali
Sopra lafacra Scrittura , opera di F.orazio
da Parma della piu ftretta offervanza di S.
Francefco , in VeneZia , 1746 , in-40 .
DICTIONARI Theologici Epitome
, complectens indicem Hiftorico- Chro
nologicum Conciliorum generalium, Paparum ,
Antipaparum , Patrum & Scriptorum Eccle
fiafticorum, nec non Hereticorum , quorum
140 MERCURE DE FRANCE .
infcriptis Theologicis mentionem haberi non
raro contingit. Item & compendiofa juris
utriufque difpofitio , ad ufum Sacre Theologia
Candidatorum, Venetiis , 1747 , in-4° .
THEATRO ITALIANO , fia
Scelta di Tragedie per ufo della fcena , in Venezia
, 1747. Trois volumes in - 8°.
•
BIBLIOTHEQUE choifie de Médecinè
, tirée des ouvrages périodiques tant
François qu'Etrangers , avec plufieurs autres
piéces rares & des remarques utiles &
curieufes , par M. Planque , D. M. à Paris ,
chés d'Houry pere , Imprimeur Libraire de
M. le Duc d'Orleans , ruë de la Vieille
Bouclerie , 1747 , in -4° .
HISTOIRE GENERALE d'Allemagne
en 10 tomes , compofée par le P.
Barre , Chanoine Regulier de Sainte Généviéve
, & Chancelier de l'Univerfité de
Paris , à Paris , chés C. J. B. Delepine & J.
T. Heriffant , Libraires , ruë S. Jacques .
$ LES EPITRES & les Evangiles ,
avec les Oraifons Secrettes & Poftcommunions
qui fe difent à la Sainte Meffe pendant
toute l'année , par M. de Bonneval
Prêtre. Nouvelle Edition à l'ufage de Rome
& du nouveau Breviaire de Paris , en
deux parties , l'une pour l'hyver , l'autre
pour l'été , où l'on trouve l'Ordinaire de
la Meffe & les Préfaces pour toutes les
JANVIER . 14 1748,
Fêtes , à Paris , chés Guillaume Defprez &
Guillaume Cavelier , Libraires , rue S. Jacques
, 1748, deux volumes in- 12 .
LE JARDINIER FLEURISTE
& Hiftoriographe , ou la culture univerfelle
des fleurs , arbres , arbustes & arbriffeaux
, fervant à l'établiffement des Jardins
, enfemble la maniere de dreffer toutes
fortés de parterres , berceaux de vérdure
, des bofquets , des boulingrins , portiques
, pates d'oye , colomnes & autres
pieces qui pour l'ordinaire accompagnent
les Jardins des maifons de Campagne les
plus magnifiques , le tout enrichi de beaucoup
de figures , par M. Liger d'Auxerre
à Paris , chés Paulus du Mefnil , Libraire
au Palais , 1748 , 2 volumes in - 12 .
NOUVELLE EDITION des Oeuvres
de M. de la Foffe , revûë , corrigée & augmentée
de fes Poëfies diverfes , à Paris
chés la veuve de Pierre Gandouin ; J. L.
Nyon , pere , Quai de Conty ; J. C. Nyon ;
fils , Quai des Auguftins ; J. M. Huart ; J,
F. Quillan , fils ; M. Bordelet ; L. F. Prault ';
L. E. Ganeau : M. Damonneville , & L;
Durand , 1747 , in- 12 .
RECEUIL de Jurifprudence Canonique
& Bénéficiale , par ordre alphabétique
, avec les Pragmatiques , Concordats ,
Bulles & Indults des Papes, Ordonnances ,
142 MERCURE DE FRANCE.
Edits & Déclarations de nos Rois , Arrêts
& Reglemens intervenus fur cette matiere
dans les differens tribunaux du Royaume
jufqu'à préfent , par M.Gui du Rouffeaud de
la Combe, Avocat au Parlement,fur les Mémoires
de feu M. Fuet , auffi Avocat au
Parlement , à Paris chés Paulus - du-Mefnil ,
Mouchet , Huart , Guerin , l'aîné , de Nully,
Ganeau & Saugrain , Libraires , 1747 ►
in -fol.
ORAISON FUNEBRE de M..de
Merinville , Evêque de Chartres , prononcée
dans l'Eglife Cathédrale de Chartres le
15 Avril 1747 par M. de la Voiepierre .
Docteur de Sorbonne , Chanoine , Théologal
de cette Eglife , à Chartres , chés la
veuve J. Roux , Imprimeur de l'Evêché.
EXAMEN CRITIQUE des ouvrages
de Bayle , à Paris , chés Huart & Moreau
fils , rue S. Jacques. Nouvelle Edition.
HISTOIRE LITTERAIRE de
la France , &c. par des Religieux Bénédictins
de la Congrégation de S. Maur , tome
VIII. in-40. qui comprend le refte du onziéme
fiécle de l'Eglife , à Paris , chés
Chaubert , Huart , Moreau fils , la veuve
Brocas , Aumont , David , fils aîné , Durand
rue S. Jacques , & Piget , Quai des Auguf
tins .
NOUVELLE EDITION de Gilblas
JANVIER. 1748. 143
de Santillane , à Paris , chés Ganean , Libraire
, rue S. Jacques , vis-à- vis S, Yves ,
à S. Louis.
LES MEMOIRES de Maximilien de
Béthune , Duc de Sully , Miniftre de Henri
IV. Huit volumes in- 12 . chés le même
Libraire.
Le même va donner inceffamment Effai
fur la Marine des anciens ; & particulierement
fur les vaiffeaux de guerre , par M.
Deflandes volume in- 12 .
LA VIE de S. Charles Borromée , par.
M, Godean , Evêque de Vence. Nouvelle
Edition , à Paris , au Palais , chés Grangé,
LA DISSERTATION fur l'incer
titude des fignes de la mort , & fur l'abus
des enterremens & embaumemens précipi
tés , avec le Mémoire préfenté au Roi fur
la néceffité d'un Reglement général ſur ce
fujet , par M. Bruhier , Docteur en Médecine
, qui fe débitoient chés Prault pere &
fils , ſe trouveront à préſent chés Debure
l'aîné , Quai des Auguftins .
DIALOGUE fur l'expérience des rémedes
indiqués dans le mémoire fur la
goutte , imprimé à Nantes , 1746 , dans
lequel on explique les principales difficultés
que peuvent propofer les Gouteux ; les
effets des remedes fuivant les differentes
conjonctures ; leurs propriétés & la manic
144 MERCURE DE FRANCE.
re de les appliquer , avec le nom des drogues
qui entrent dans leur compofition ,
à Nanies , chés la veuve de Pierre Maref
chal , Imprimeur du Roi , vis- à - vis le
Puits Lory , à la Vertu , 1747. Brochure
in- 12 , de 30 pages.
REFLEXIONs fur la Poëfie , par
M. Racine de l'Académie des Belles Lettres.
Tome IV. à Paris , chés Defaint &
Saillant , Libraires rue S. Jean de Beauvais
, 1747.
SUITE des Elémens de la Médecine
Pratique avec des differtations & des re
marques de Théorie & de Pratique , pour
fervir de prodrome à une hiftoire générale
des maladies , par M. Bouillet , de la Société
Royale des Sciences , Correfpondant
de l'Académie Royale des Sciences de Pa
ris , Docteur en Médecine de la Faculté de
Montpellier , Profeffeur Royal des Mathématiques
, Membre de l'Académie
Royale de Bordeaux , Sécretaire de celle
de Béliers , & Médecin des Hôpitaux de
la même ville . Tome II . A Befiers , chés
François Barbut , Imprimeur du Roi & de
P'Académie Royale des Sciences & Belles-
Lettres , année 1746 , in- 40 , de 166 pages.
RECHERCHES HISTORIQUES fur l'origine
& les progrès de la conftruction des Navires
des anciens,par M, Saverien, Ingenieur de
Marine ,
JANVIER. 1748. 145
Marine , à Paris , chés Chaubert , Quai
des Auguftins , 1747 , Brochure in- 4" . de
35 pages.
DISSERTATION fur la parole, où
non-feulement on déduit de leur origine
la voix humaine & l'artifice de la parole ,
mais on donne des moyens avec lesquels
des Sourds & Muets de naiffance peuvent
acquérir la parole , & ceux qui ont de la
difficulté de parler , peuvent corriger leur
défauts naturels pát M. Jean Conrad
Amman , Docteur en Médecine , à Amſterdam
, chés Jean Volters , petit in - douze
imprimé pour la premiere fois en 1700 .
9
SOPRA una Medaglia di Attalo Filadelfo
, èfopra una parimente d' Annia Fauftina
altre due Differtazioni compofte dal P.
Gior. Luca Zuzzeri della Compania di
Gefu , à Vénife.
COMMENTARIUS in San&tum Jefu
Chrifti Evangelium fecundum Matthaum
etiam collatum cum Evangelio Marci , Luca
Joannis in iis que habent communia nec non
in Sanctum fefu- Chrifti Evangelium fecundum
Marcum, Lucam & Joannem , feligen
do potiffimùm ea que hi habent propria prafertim
defumptus ex mirabilibus S. Auguftini
libris de confenfu Evangeliftarum , Maldonato
à Lapide , Tirino , littera inherendo
cum quibufdam è re natâ animadverfionibus
,
G
146 MERCURE DE FRANCE.
in Hareticos , exhibendo concordiam , intermifcendo
fenfus myfticos in litterâ latentes ;
varias lectiones , feriem Hiftoria , per P. Jacobum
Pirès Societ. Jefu , Sacra fcriptura
Profefforem , Lovani , Typis Martini l'an
Overbeke, 1747, in- 8 ° . de 624 pages.
Nous rendimes compte l'année paffé
d'un Journal de la Campagne de l'armée
du Roi dans l'année 1746 , ouvrage d'un
Militaire également diftingué par fon courage
& par fes lumiéres. Nous prédîmes
l'accueil que le public lui feroit , & le fuccès
a juftifié notre conjecture; nous fouhaitâmes
alors pour le bien public que la même
perfonne continuât un travail qui peut
être fi utile à tous les Militaires , & Pon
vient de publier en effet la Campagne de.
1747. Quoi de plus capable de fervir
de leçons à ceux qui voudront s'inftruire
dans le grand art de la guerre , que
T'hiftoire de ces glorieufes Campagnes ,
que
l'on peut hardiment comparer aux plus
-brillantes qui ayent jamais été faites , &
quelle obligation ne doit on pas avoir à
celui qui employe les momens de loifir
que lui laiffent fes travaux militaires, à faire
à fa patrie un préfent auffi précieux .
JANVIER.
1748. 147
Voici un avis qui nous a été envoyé par
M. de Voltaire.
1
Je fuis obligé de renouveller mes juftes
plaintes au fujet de toutes les éditions
qu'on a faites jufqu'à préfent de mes auvrages
dans les pays Etrangers. Ce feroit à
la vérité un honneur pour la Litterature de
notre Patrie que ces fréquentes éditions
qu'on fait ailleurs des livres François , fi
elles étoient faites avec fidélité & avec
foin. Mais elles font d'ordinaire fi défigurées
, on y mêle fi fouvent ce qui n'eft pas
de nous avec ce qui nous appartient , on
altére fi barbarement le fens & le ſtyle, que
çet honneur devient en quelque maniere
honteux & ridicule ; je ne fuis pas affûrement
le feul qui s'en foit plaint & qui ait
prémuni le public contre ce brigandage ,
mais je fuis peut-être celui qui ai le plus de
raifons de me plaindre. L'edition des Ledet
d'Amfterdam & celles , d'Arkftée &
Merkus font fur-tout pleines à chaque
page de fautes & d'infidélités fi groffieres
qu elles doivent révolter tout lecteur ; on
a même pouffé l'abus de la preffe jufqu'à inferer
dans ces éditions des piéces fcandaleufes
, dignes de la plus vile canaille . Je
me flate que le public aura pour elles le
même mépris que moi ; on fçait allés à
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
quel excès puniffable plufieurs Libraires
de Hollande ont pouffé leur licence . Ces
Livres auffi odieux que malfaits, qu'ils débitent
, & qu'ils regardent uniquement
comme un objet de commerce, ne font tort
à perfonne , fi ce n'eft aux lecteurs crédules
qui achetent imprudemment ces malheureufes
éditions fur leurs titres. J'ai crû
qu'il étoit de mon devoir de renouveller
cet avertiffement.
Ce 20 Janvier 1748 .
Le Chevalier Duhan de Roflaing vient
de fe remettre à l'Hiftoire de Chartres ,
qu'il avoit interrompuë , & il ¡prie le pu
blic éclairé fur les Antiquités Gauloifes ,
de continuer à l'aider de fes lumiéres .
C'eft à la veuve d'Houry rue de la Harpe à
Paris , & aunommé le Tellier Libraire à
Chartres , qu'il faut adreffer les mémoires.
Cette vafte Hiftoire du Pays Chartrain
fera relevée d'une ample differtation fur
les Druides ou les Sages de la Gaule , dont
parle Jules - Céfar dans fes Commentaires ,
faquelle ne fçauroit être que très- intéref
fante pour tout le Royaume.
On trouve chés Prault , pere , le Tableau
des Opérations de la Loterie Royale .
Prix fix fols.
JANVIER 1748. F49
PRIX d'Eloquence de Poëfie pour
Fannée 1748 .
LE
E 25 Août prochain Fête de S. Louis ,l'Aca
démie Françoife donnera le prix d'Eloquence'
fondé par feu M. Gaudron. Le fujet qu'elle propofe
eft : Les hommes ne fentent point affés combien
il leur feroit avantageux de concourir au bonbeur
les uns des autres. Il faudra que le difcours ne
foit tout au plus que d'une demie heure de lecture .
On ne recevra aucun Difcours fans un approba
tion fignée de deux Docteurs de la Faculté de
Théologie de Paris , & y réfidens actuellement,
Le même jour elle donnera le Prix de Poelie
fondé par M. de Clermont Tonnerre , Evêque &
Comte de Noyon , Pair de France , & l'un des *
Quarante de l'Académie. Le fujet fera : Les progrès
de la Langue Françoife Jous le Regne de Louis le
Grand.La piéce n'excedera point le nonibre de cent
vers ,& on y ajoûtera une courte priere à Dieu pour
le Roi , féparée du corps de l'ouvrage , & de telle
mefuré de vers qu'on voudra, Toutes perfonnes
feront reçues à compofer pour ces deux prix , excep
té les Quarante de l'Académie qui doivent en être
les Juges . Les Auteurs ne mettront point leurs
noms à leurs ouvrages ,, mais une marque ou un
paraphe, avec un Paffage de l'Ecriture Sainte pour,
les Difcours de Prófe , & telle autre Sentence qu'il
lear p'aira pour les piéces de Poëfie . Ceux qui
prétendront aux Prix font avertis que les piéces des."
Auteurs qui fe feront fait connoître, foit par euxmêmes
, foit par leurs amis , feront rejettées & ne
Concourreront point,& que tous Meffieurs les Aca- "
démiciens ont promis de fe recufer eux- mêmes
:
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
& de ne point donner leurs fuffrages pour les piéces
dont les Auteurs leur feront connus. Les Auteurs
feront auffi obligés de remettre leurs ouvrages
dans le dernier jour du mois de Juin prochain,
entre les mains de M. Coignard , Imprimeur ordinaire
du Roi & de l'Académie Françoife , rue faint
Jacques , & d'en affranchir le port, autrement ils
ne feront point retirés.
ESTAMPES NOUVELLES.
A veuve Limofin , demeurant ruë de Gêvres ,
a
jour deux Eftampes , dont l'une repréſente la Bataille
de Raucoux, & l'autre la Bataille de Lawffelt,
gravées par Guélard fur les deffeins faits fur le
lieu par le fieur Broüard.
On trouve auffi chés la même veuve la Bataille
de Fontenoy:
Le Sr Feffard , Graveur , vient de mettre en
vente trois nouvelles Eftampes repréſentant Biſalts
, Leda & les Nayades , gravées par Mad. Louiſe
D***, d'après les célebres Bouchardon & Pierre.
Ces Eftampes prouvent que les Dames pourroient
exceller dans cet art.
Le Sr Feffard demeure ruë de la Harpe , vis - àvis
la rue Serpente.
On vend chés le Sr Royer & Mad . Chereau , un
plan de la Ville de Dunkerque a vue d'oi
feau , gravé d'après un tableau du cabinet de M.
Taverne de Senefeure , & dedié à S. A. S. M. le
Duc de Penthiévre . Ce plan eft très - exact , fort.
bien gravé & mérite les fuffrages des connoiffeurs.
JANVIER. 1748. ISI
Le Sr Lebas , Graveur du Cabinet du Roi , vient
de mettre en vente une Eftampe repréſentant Le
Paifible Ménage, d'après le Tableau peint par Lallement,
gravée par P.Chenu, chés lequel elle fe trouve
auffi. Ces vers de M. Moraine font au bas.
Les pompeux bâtimens , les meubles précieux ,
Qui font faits pour flater l'orgueilleufe opulence ,
Ne font point des objets fi charmans à mes yeux ,
Que ccee ruftique ttooiitt ooùù regne l'innocence.
Avec plaifir j'y vois la vertueufe Hortenfe
Travailler à nourrir fes enfans , fon époux.
Au prix de ce féjour fi tranquille & fi doux ,;
Grandeur , tu n'es pour moi qu'une vaine appa
rence.
Le Sr le Rouge , Ingénieur Géographie à Paris ,
rue des Auguftins , vient de publier une nouvelle
Carte de la Zeelande , en neuf grandes feuilles ,
laquelle eft en très-grand point & fort détaillée
on en peut faire un petit volume in 8º . de 36 petites
Cartes pour la poche .
;
Il vient de paroître une nouvelle Carte , dont le
titre eft , La France dans toute fon étenduë , diviféc
en fes Provinces , avec partie des Etats qui avoi
finent ce Royaume , dreffée fur les Mémoires du
feur N.de Fer, & affujettie aux dernieres obfervations
aftronomiques par le fieur Parmentier. Elle fet
vend à Paris , chés des Bois,fils pofthume da Sr N.
de Fer , Pont Notre - Dame , à la Sphere Royale.
Cette Carte eft faite avec grand foin , & accom
pagnée de beaucoup d'ornemens. Elle eft de la
grandeur de deux feuilles grand Aigle.
Giiij.
152 MERCURE DE FRANCE.
དགུ @: འ ⊕ེ་ ❁༧༧
+
LE
SPECTACLES.
E Samedi trente Décembre le Con
cert de la Reine a exécuté l'acte de la
Fête de Diane , du Ballet des Fêtes Grecques
& Romaines ; les paroles font de M.
FuZelier , Auteur da Mercure de France ,
& la Mufique eft de la compofition de M.
de Blamont , Sur- Intendant de la Mufique
de la.Chambre du Roi.
Le Mardi 2 , Janvier les Comédiens
François ont joué le Menteur du fameux
Corneille , & le Mari retrouvé de l'ingenieux
Dancourt.
Le Jeudi fuivant ils donnerent la
Tragédie de Britannicus du tendre Racine
& Crispin Rival de fon Maître , Cō♣
médie de M. le Sage qui a plus combattu
le ftyle néologique par des exemples que
par des Epigrammes. On regrettera longtems
la perte d'un Auteur fr châtié , quoi
que fin & léger.
Le Lundi 8 on exécuta chés la Reine lé
Prologue & le premier acte de la Paftorale
héroïque d'Iffe , premier ouvrage dramatique
de M. de la Motte & de M. Deftouches
, Sur-Intendant de la Mufique de la
Chambre du Roi.
JAN VIER. 1748. 155
Le Mardi 9 les Comédiens François ont
repréfenté le Muet
Comédie en cinq
actes, de M. Palaprat, & Colin maillard , de
M. Dancourt .
Le Mercredi 10 on donna la Dame invi--
fible , piéce Italienne.
Le Jeudi 11 la Tragédie d'Electre fut repréſentée
; elle eft de M. Crebillon le pere ,
avec la famille Extravagante de MaleGrand.
Mrs. Jeliotte , le Page , la Garde , Godonefche
, d'Aigremont , Bazin & Miles
Chevalier, Mattieu ,Fel , Canavas & Godo
nefche ſe ſont diftingués dans les Concers .
L'Académie-Royale de Mufique a quitté
le Ballet de l'Europe Galante , pour donner
les Talens Lyriques , de M. Rameau . Il ne
falloit pas moins pour dédommager le pu
blic de ce qu'on lui ôtoit. On conti
nue d'aller en foule aux repréfentations
comme s'il s'agiffoit d'une nouveauté. As
une de fes repréſentations, lorfque M.Ra
meau parut , le public lui fit le même ac--
eneil qu'à fes ouvrages , & l'honora de
nombreux applaudiffemens. On prépare
Médée , Tragédie de l'Abbé Pellegrin , &
de M. Salomon ordinaire de la Mufique du
Roi.:
La Comédie Françoiſe a donné une
Tragédie nouvelle , intitulée Coriolan .
Nous en donneronsincelfamment l'extrait,
GUYA
154 MERCURE DE FRANCE.
il
ya plufieurs anciennes piéces qui pora
tent auffi ce nom-là. -
La Comédie Italienne a donné une piéce
Françoiſe en trois actes avec des divertiffemens
, appellée la Fermiere .
CHANSON.
B Acchus par fa douce liqueur ,
Cupidon par fa tendre flame ,
Verfent tour- à- tour dans mon coeur
Un plaifir fecret qui l'enflâme ;
Je ne fonge jamais au vin
Quand je fuis avec ma Maîtreffe,
Et quand je bois ce jus divin ,
Il a feul toute ma tendreffe.
ULLI
LIENARY
ASTOT
, LENOX
AND
TILDAN
FOUNDATIONS
.
THE
NEW
YORK
VIELU
UPRARY
.
UNOX
AND DAN
FOUNDATIONS
.
JANVIER. 1748. 155
A XJ6 : 500 500500 500 500 500
NOUVELLES ETRANGERES .
Q
ALGER.
Uelques-uns des mortiers dont le Roi de
Dannemarck a fait préfent au Bey étant de
fer , & le Bey ayant ftipulé dans fon traité avec fa
Majefté Danoile qu'on ne lui en enverroit que de
bronze , il les a renvoyés au Conful Danois en
lai faisant déclarer qu'il s'aftendoit qu'on lui accorderoit
fatisfaction fur cet article , & que fi on
la lui refufoit , il ne fe croiroit pas obligé de remplir
les engagemens pris par le traité. En confidé
ration de ce traité , il a fait reftituer le navire
Danois le Woodtfort commandé par le Capi
taine Difintown , qui fut arrêté le 9 du mois der
mier par deux vaiffeaux Algeriens fous prétexte
que le tems de fon paffeport étoit expiré : Il a été
réglé à cette occafion que les bâtimens Danois
qui navigent dans la Mediterranée auroient pour
faire renouveller leurs paffeports , un délai de fix
femaines après le tems pour lequel ces paffeports
leur auroient été expédiés , mais que s'ils n'avoient
pas cette précaution dans le terme preferit ils fe
roient déclarés de bonne prife. On a conduit dans
ce Port un navire Napolitain nommé la Conception
Miraculeufe. Ce bâtiment que commande le Ca
pitaine Nicolas Binolazo venoit de Londres , & il
avoit à bord avec une grande quantité de draps
& d'autres marchandifes , plufieurs préfens que
Roi de Suéde deftinoit au Bey & à la Régence.
Quoique les cailles dans lefquelles étoient renfer
Piés cès préfens , fullent adreffées au Conful de la
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
Nation Suédoife avec une fufcription qui mar
quoit leur destination , la Régence garde à titre
de capture ce qu'on lui refervoit à titre de préfent.
On l'a annoncé à ce Conful , en ajoutant que
Ja Cour de Suéde auroit dû ne faire embarquer
ces effets que fur des vaiffeaux appartenans à des
Puiffances qui fuffent en bonne intelligence avec
Jes Algeriens. Il y avoit fur le vaiffeau la Concep
tion Miraculeuse , dont la charge eft eftimée plus
de vingt mille ducats , divers paffagers François ,
Anglois & Hollandois auxquels le Bey a laiffé la
liberté .
Les avis reçus de Conftantinople portent qu'on
ya appris que le nouveau Roi de Perfe n'étoit pas
encore bien affermi fur le Trône , & que malgrét
le's efforts qu'il a faits pour fe concilier l'amitié de
Ja Nobleffe & du Peuple , la plupart des Provincest
étoient divifées en deur factions , dont une foutenoit
le parti d'un jeune Prince qu'elle prétend def-s
cendre des Sophis . Suivant les mêmes avis la Porte
fans fe déclarer pour l'une ou pour l'autre des deux»
factions , fe contente de l'avantage de jouir paifi
blement de fes dernieres conquêtes.
L
SUE DE
Es lettres de Péterfbourg marquent que M
de Zwart Envoyé Extraordinaire & Plénipotentiaire
des Etats Généraux des Provinces Unies
auprès de l'Imperatrice de Ruffie , eut le 29.
Décembre fa premiere audience de cette Princeffe
. Ces lettres ajoûtent que le lendemain tours.
ce qui regarde la marche du Corps de troupes ,
demandé à cette Princeffe par le Roi de la Grande
Bretagne & par la République de Hollande , a été .
églé dans une conférence que le Lord Hindford
JANVIER. 1748. IT
Zwart
Ambaffadeur de fa Majefté Britannique & M. de
ont eue avec le Comte de Beftuchef
Grand Chancelier de Ruffie. On a été informé
par les mêmes lettres que l'Impératrice de Ruffie
avoit envoyé ordre au Baron.de Korff fon Envoyé
Extraordinaite auprès du Roi de Suéde , de re
nouveller à ce Prince les affûrances du defit qu'elle,
avoit de vivre avec la Suéde dans une parfaite in
telligence.
Les nouvelles de Stockholm contiennent
les particularités fuivantes. Le Clergé , les Députés
des Villes & l'Ordre des Payfans , ont fixé
au 21 de Décembre la féparation de la Diette ,
Cette réfolution n'a pas encore été., approuvée par
l'Ordre de la Nobleffe, mais on croit qu'il ne s'y
oppofera point. Selon les apparences la Commit
fion établie pour juger les quatre Sénateurs accu
fés fera revoquée , & l'on renverra au Committé
fecret la décifion de l'affaire qui les concerne . Le
Roi de Suéde difpofera dans peu de la Charge de
Piéfident du Collège de la. Chancellerie . Il a accordé
le Régiment d'Infanterie de Weftermanie
à M. Samuel de Stiernield qui en étoit Lieutenant
Colonel , & un Brevet de Colonel au Baron de
Kalling.
On mande de Coppenhágue du 22 Décembre
qu'il a péri fur les côtes de ce Royaume quatre,
galiotes pentant la tempête du 12 , & & que le
vaiffeau le Fubnen a échoué. ainfi que la fregate.
le Fa'fter. Suivant les avis reçûs de Stockholm plus
Geurs membres de la Nobleffe ont propofé de
prolonger de quelques jours la durée de la Diette,
mais l'Ordre des , Payfans a fait de fortes repréfentations
pour que cette affemblée ſe féparât au
jour qui a été prefcrit , & ils ont été fecondés par
le Clergé & par le plus grand nombre des Députés .
15 MERCURE DE FRANCE.
des Villes . Ces avis ajoutent que les préparatifs
pour l'armement de la flotte du Roi de Suéde fe
Continuent avec toute la diligence poffible , &
que comme on a été informé qu'il fe faifoit en differens
Ports de la mer Baltique des enrollemens
de matelots pour les Puiffances Etrangeres , le
Gouvernement avoit défendu à tout Suédois de
s'engager dans le fervice de mer d'aucune Puiffance.
On a fçu par les mêmes avis que M. de
Rhodt , Envoyé Extraordinaire du Roi de Prufle ,
avoit remis le portrait de fa Majesté Pruflienne ,
enrichi de diamans , à chacun des fix Commif
faires , qui ont figné au nom du Roi de Suéde le
traité d'alliance défenfive conclu entre la Suéde &
la Pruffe. Ce Miniftre a fait auffi diftribuer cinq
cent ducats dans les Bureaux de la Chancellerie
de Suéde. Le Baron d'Ackerhielm a donné fa démiffion
de la charge de Grand Maréchal de la
Cour.
Les lettres de Pétersbourg marquent que le traité
par lequel l'Imperatrice de Ruffie s'eft engagée
à la requifition du Roi de la Grande Bretagne de
tenir fur les frontieres de la Livonie & de la Cur
fande un Corps de trente mille hommes prêt à
marcher, vient d'être renouvellé pour un an,& que
fes deux Punfances font convenues de ne rien
changer aux difpofitions faites l'année derniere par
rapport à la diftribution des quartiers de ces troupes.
Selon les mêmes lettres les ratifications du
dernier traité conclu par fa Majefté Impériale de
Ruffie avec fa Majefté Britannique & avec les
Etats Généraux des Provinces Unies , ne doivent
être échangées que le 30 de ce mois. On attend
inceffamment à Pétersbourg une remife de douze
cent mille forins à compte du fubfiddee que ces deux
dernieres Puiffances ont promis de payer à la Kuf
fie.
JANVIER. 1748. 159
&.
On apprend par les nouvelles de Stockholm
du 26 Décembre que malgré les repréſentations
d'une grande partie de la Nobleffe , la durée de las
Diette n'a été prolongée que de quatre jours , &
que le 27 jour fixé pour la "féparation de cette affemblée
, les quatre Ordres du Royaume s'étant
réunis en Corps dans la grande la falle du Palais ,
Te Roi s'y rendit avec les cérémonies accoûtumées .
Après l'office divin fa Majefté fe plaça fur fon
Trône , ayant à côté de lui le Prince Royal , & le
Maréchal de la Diette prononça fa harangue , qui
fat fuivie de celles des Orateurs des quatre Ordres.
Lorsqu'on eut fait la lecture des réfolutions de ia
Diette, le Roi fe retira . Les quatre Ordres allerent
enfuite par députation prendre congé de ſa Majefté
, & les Députés qu'ils avoient nommés pour
S'acquitter de ce devoir étant retournés dans la
falle où les Etats étoient affemblés , la Diette fe.
fépara. Le Roi fit le même jour au Maréchal de
la Diette & à l'Archevêque d'Upfal l'honneur de
les admettre à fa table , & la plupart des autres.
principaux membres des Etats ainfi que les Orateurs
, furent invités à dîner chés le Grand Maréchal
de la Cour. Les Etats ayant fait de fortes inf
tances pour que le Comte de Teffin acceptât la
charge de Préfident de la Chancellerie & la place
de Premier Miniftre qui y eft attachée , ce Seigneur
s'y eft déterminé , & il a prêté ferment entre
les mains de fa Majefté pour ces deux importans .
emplois. Quelques jours avant que la Diette fefoit
féparée , le Maréchal de la Diette & les Orateurs
des quatre Ordres eurent une audience du
Roi , dans laquelle ils le fupplierent au nom des.
Etats de nommer un Gouverneur au Prince
Guftave , & fa Majefté difpofa de cette place en
faveur du Comte de Teffin. La place de Sénateur
<
MERCURE DE FRANCE.
vacante par la démiſſion du Baron d'Ackerhielm ;
a été donnée à M. de Seth Secretaire d'Etat, ayant
le Département de la guerre , & le Baron de
Tauben a obtenu la charge de Grand Maréchal de
la Cour. Il a été remis aux Miniftres Etrangers par
M. de Guydickens Miniftre du Roi de la Grande
Bretagne , un Mémoire fur ce qui s'eft paffé lorfque
le Négociant Springer s'eftrefugié dans l'Hôtel
de ce Miniftre. Le Gouvernement de fon côté
a envoyé ordre au Miniftre de Suéde qui réfide à
Londres , de déclarer aux Miniftres de la Majefté
Britannique qu'on n'a point prétendu en poſant
des gardes aux avenues de la maiſon de M. de
Guydickens , donner aucune atteinte au Droit des
Gens , mais feulement garantir M. de Guydickens
·des infultes de la populace & empêcher l'évasion
du prifonnier , auquel il avoit accordé un afile. La
Sentence qui a été prononcée le 12 contre M.
Springer ayant été confirmée par les Etats du
Royaume , a été exécutée le 21 , & M. Springer fur
expofé au piloris pendant deux heures avec un écriteau
, portant qu'il a tâché de détruire la liberté
de la Nation ; que de plus il a tramé plufieurs entreprises
criminelles contre la Patre , & qu'il a
diftribué de l'argent pour les faire réuffir ; que par
une pareille conduite il avoit mérité felon les Loix
d'êtrepuni de mort , mais que le Committé fecret
a bien voulu lui faire grace de la vie . Quelque
attention qu'apporte le Gouvernement à réprimor
la licence des écrits , un Auteur anonyme vient
de répandre un libelle , dont le but est de donner
aux réfolutions prifes dans la Diette les interprétations
les plus malignes. Il y a quelques années
qu'il parut un autre écrit non moins féditieux
intitulé Lettre d'un Gentilhomme de Province àun
Gentilhomme de Stockholm. Cette pièce etant un .
>
JANVIER. 161"
4
1748.
tiffu de calomnies , elle fut brûlée à Stockholm
publiquement par la main de l'Exécuteur de la
Haute Juftice. On a été informé que cet ouvrage
fcandaleux a été réimprimé dans les Pays Etran
gers , & que même il en a été inféré des extraits
dans plufieurs papiers publics.
On écrit de Warfovie du 28 Décembre que plufeurs
couriers ont paffé par cette ville , en allant
de Péterfbourg à Vienne & à Drefde , & qu'ils ont
Jaiffé diverfes dépêches au Commiffaire qui réfide
Warfovie de la part de l'Impératrice de Rutfie.
Ces dépêches regardent la marche des troupes
auxiliaires que cette Princeffe s'eft engagée dé
fournir à fa Majefté Britannique & aux Etats Généraux
des l'rovinces-Unies , & qu'on affûre toujours
devoir traverser une partie de la Lithuanie &
de la Pologne pour fe rendre par la Moravie &
par la Boheme à leur deftination . On attend dans
peu les Commiffaires que les trois Puiffances doivent
envoyer pour régler avec ceux de la Répu
blique tout ce qui concerne le paffage de ces
troupes , & le bruit court que les ordres vont être
expédiés pour leur faire préparer des fubfiftances.
Quelques lettres de Ruffie marquent que la pres
miere Colonne de ces troupes arrivera fur la frontiere
de la Lithuanie le 25 de ce mois , mais
on doute qu'elles fortent de leurs quartiers avant
ee tems,l'échange des ratifications du traité defubfide
en conféquence duquel elles doivent marcher;
ue devant le faire que le 30 de ce mois. Il y a que
quelque tems que le Sultan Galga frere du Kan de
Grimée , eft parti fecrettement fans prendre congé
du Grand Général de la Couronne qui lui avoit
procuré un afile dans ce Royaume . On prétend
que ce Sultan eft allé à Conftantinople , fur l'avis »>
qu'on vouloit dépofer fon frère,& dans l'efperance
de fe faire choifir pour le remplacer
162 MERCURE DE FRANCE.
On mande de Péterfbourg du 28 Décembre que
les ordres ont été expédiés aux troupes deftinées à
paffer au fervice du Roi de la Grande Bretagne &
des Etats Généraux des Provinces-Unies , de fortic
inceffamment de leurs quartiers , & l'on s'attend
à recevoir bientôt la nouvelle qu'elles fe fontmifes
en marche vers les frontieres de la Lithuanie.
Le 21 le Lord Hindford , Ambaffadeur de fa Majefté
Britannique , reçut de Londres un courier
dont il alla fur le champ communiquer les dépêches
au Grand Chancelier. Ce courier a fait lon
voyage en dix-fept jours , ce qui fait préfumer
que les lettres dont il etoit chargé font d'une extrême
importance. L'Impératrice a fait préfent
d'une épée d'or garnie de diamans au Comte de
Beftuchef Rumin , qu'elle a nommé pour compli
menter la Reine de Hongrie fur la naiflance de
PArchiduc Pierre Leopold , & qui vient de partir
pour aller s'acquitter de fa commiflion. Cette
Princeffe a témoigné par un ſemblable préfent an
Comte Rafomowsky, Préfident de l'Académie des
Sciences , fa fatisfaction des foins qu'il s'eſt don
nés , afin d'empêcher que le dernier incendie ne fe
communiquât au bâtiment dans lequel cette Aca
démie tient fes féances. On découvre tous les jours
diverfes raretés qui ont échappé aux flammes , de
forte que le dommage ne fera pas à beaucoup près
auffi confidérable qu'on l'avoir cru. Le Corps des
Cadets s'eft diftingué par fon ardeur à arrêter les
progrès du feu , & on doit principalement à ce
Corps la confervation des manufcrits & du Cabi
net des médailles . L'intention de l'Impératrice
étant de faire conftruire un nouvel édifice pour y
placer fa Bibliothéque , fa Majefté Impériale a or
donné au Comte Rafamowsky de lui remettre un
otat des dépenfes qu'exigera cette entreprife.
JANVIER. 1748. 163
ALLEMAGNE.
Nous apprenons par les lettres de Vienne du Décembre que la Reine tint le 14 un
Confeil d'Etat pour déliberer fur les dépêches
d'un courier arrivé le même jour de Londres , par
lefquelles elle a appris que le Parlement de la
Grande Bretagne étoit difpofé à continuer de la
mettre en état de foutenir la guerre avec fuccès
fl'on ne peut parvenir à une paix folide & honotable.
Le 13 le Baron de Franckenftein reçût dự
Grand Duc de Tofcane au nom de l'Evêque
d'Eichftedt , ' Inveftiture des Fiefs poffedés par cet:
Evêque dans l'Empire. Il a été expédié des ordres
à plufieurs Régimens de fe tenir prêts à marcher
pour le rendre dans les Pays-Bas. Le Régiment de
Molck eft venu de Tranfilvanie afin de remplacer
celui de Collowrath qui doit partir inceffamment
pour l'Italie.
On mande de Drefde que le Chevalier Hambury
Williams , Miniftre du Roi de la Grande-
Bretagne auprès du Roi de Pologue Electeur de
Saxe , a regi ordre de fa Majefté Britannique de
demander le paffage par la Pologne pour les trente-
cinq mille Ruffiens que la Grande Bretagne &
la République des Provinces - Unies doivent pren--
dre à leur ſervice . Les nouvelles de Vienne por
tent que le 13 la Reine de Hongrie fit l'honneur
au Feldt-Maréchal Comte de Konigleg qui eft
indifpofé , de fe rendre chés lui afin de le confulter
fur quelques affaires importantes . On affûre que
cette Princeffe a réfolu de faire affembler cette
année fur la Mofelle une armée dont le Prince
Charles de Lorraine aura le commandement . Les
nouveaux Corps de Croates & d'Efclavons defti
164 MERCURE DE FRANCE.
2
›
mar
nés à renforcer l'armée des Alliés dans les Pays-
Bas ont reça ordre de fe mettre en
che. Sa Majesté Hongroife a demandé à tous
les Commandans des différens Corps de fês troupes
un état exact de ce dont ces Corps peuvent
avoir befoin. Les Miniftres de cette Princeffe font
occupés à chercher les moyens d'augmenter confidérablement
fes revenus , & ils délibererent fur
un Mémoire que le Comte de Haugwitz a prés
fenté , & par lequel il paroît que les Provinces de
Stirie , de Carinthie & de Carniole , peuvent payer
quatre cent cinquante mille förins - au- delà des
fommes qui leur font impoféés. Suivant les mê
mes nouvelles on a reçu avis de Conftantinople
que le Pacha de Bagdad étoit mort , & que le
Reys Effendi avoit été obligé de fe demettre de fa
charge.
On écrit de Vienne du 36 Décembre qu'il le
tint le 28 de ce mois en préfence de la Reine &
du Grand Duc de Tofcane un Confeil extraordi
naire , après lequel on envoya de nouvelles inf
tructions aux Miniftres qui réfident de la part del
cette Cour auprès des Cercles . Le lendemain le
Cointe de la Roque , Lieutenant Général des ar
mées du Roi de Sardaigne , & qui eft venu à
Vienne pour exécuter une commiffion de ce
Prince, eut une audience particuliere de fa Majefté
Depuis il a conferé plufieurs fois avec le Comte
Uhlefeld au fujet des arrangemens à prendre
poir les opérations de la campagne prochaine
d'Italic . Suivant un état qui paroît de la réparti
tion des troupes de la Reine dans la Lombardie
ily a vingt- deux bataillons dans le Mantouan
vingt- trois entre Milan & Afti , dix-huit dans le
Modénois , feize aux environs de Novi , & huit
far le territoire de la République de Génes le long
gh?
JANVIER, 165 1748
de la riviere du Ponent , ce qui compofe enfemble
quatre-vingt-fept bataillons. On continue d'affûrer
que le Prince Charles de Lorraine comman
dera ɔɔɔ année une armée fur la Mofelle ou
fur le Rhin & il a effectivement donné ordre
de travailler à fes équipages. Sa Majeſté a nommé
les Officiers Généraux qui doivent fervit fous le
Comte de Browne , & l'on croit qu'il fera élevé
an grade de Feldt - Maréchal. Le Comte Leopold
de Kinsky , Grand Veneur de Boheme , doit fe
rendre à Drefde en qualité d'Envoyé Extraordi
naire de la Reine auprès du Roi de Pologne
Electeur de Saxe , le Grand Duc de Tofcane ayant
jugé convenable que le Comte de Sternberg qui
avoit été deftiné pour cette légation , demeurât
à Ratifbonne pour y exercer les fonctions de fon
Miniftre auprès de la Diette de l'Empire . Le bruit
Court que le Comte de Kaunitz Ritberg fera
Miniftre Plénipotentiaire de fa Majefté , non -feulement
au Congrès d'Aix -la Chapelle , mais encore
auprès des Etats Généraux des Provinces-
Unies . On attend inceffamment le Comte de
Barck Miniftre du Roi de Suéde , & M. de Geifdorff
qui doit venir réfider à Vienne en la même
qualité de la part du Roi de Pologne Electeur de
Saxe. Le Prince de la Tour Taxis , défigné Prin
cipal Commiſſaire du Grand Duc de Tolcane à la
Diette de l'Empire , s'eft rendu en cette ville le
25 ; il fur admis à l'audience de la Reine & à celle
de ce Prince . La femaine derniere le Prince de
Saxe Hildburfghaufen partit pour la Croatie , od
il va donner les ordres pour le départ des troupes
nouvellement levées dans cette Province Le
Corps de Croates qui revient d'Italie , & qui étoit
de trois mille hommes , fe trouve réduit à moins,
de douze cent. Le 28 on fit partir un grand nom
166 MERCURE DE FRANCE.
bre de foldats de recrues pour les Régimens d'Infanterie
qui font fous les ordres du Comte de
Browne.
Gundoacre , Comte d'Althan , Gonfalonier &
Baron de Goldburg , Chambellan , de la Reine
Feldt- Maréchal Général des armées de la Majefté,
Confeiller du Confeil d'Etat & du Confeil de
guerre , Gouverneur de Javarin dans le Royaume
de Hongrie & Colonel d'un Régiment de Dra
gons , mourut le 28 à Vienne , âgé de quatrevingt-
deux ans.
Les Députés des Cercles ont réglé les étapes
pour les nouvelles troupes que la Reine de Hongrie
envoye dans les Pays -Bas. On a appris que
plufieurs des Régimens de Cavalerie & de Dragons
de cette Princeffe qui étoient en quartiers
dans l'Electorat de Cologne , fe font mis en mar
che vers Maeftricht. Les lettres de Ratisbonne
marquent que les Etats du Cercle de Suabe dans
leur derniere affemblée , après de longs débats , ont
réſolu de nommer le Baron de Roth , pour affifter
aux conférences qui fe tiennent à Francfort entre
les Députés des Cercles antérieurs , mais que le
Duc de Wirtemberg & quelques autres Etats du
Cercle ont protefté contre cette réfolution . Ces
lettres ajoutent que le Miniftre Directorial de
Mayence a porté des plaintes à la Diette contre un
écrit qui a paru depuis peu , & qu'il prétend contenir
des réfléxions odieufes fur la conduite.de quelques
Cours d'Allemagne. Il a demandé que cet écrit
fut fupprimé & qu'on en punit l'Auteur.Suivant les
avis reçûs de Hambourg le Prince Frederic Augufte
de Holftein , Coadjuteur de l'Evêché de Lubeck
& Adminiftrateur du Duché de Holſtein ,
partir le 4 de ce mois pour Kiehl . On mande de
Drefde qu'il y efſt arrivé de Warſovie un courier
JANVIER. 1748. 167
avec des dépêches ,fur le contenu defquelles le
Roi de Pologne Electeur de Saxe a tenu un Confeil
auquel ont affifté les principaux Seigneurs Polonois
qui font à fa Cour. Le Comte de Befuchef,
ei-devant Envoyé de l'Impératrice de Ruffie auprès
de ce Prince , & qu'elle a nommé fon Mi,
niftre Plénipotentiaire auprès de la Reine de Hon
grie , a differé fon départ pour Vienne jufqu'à ce
qu'il foit informé qu'on a fait en Pologne les dif
pofitions néceffaires pour le paffage des troupes
Ruffiennes.
Les nouvelles de Berlin portent que.le 30 du
mois dernier fur les fept heures du foir la Princeffe
de Pruffe étoit accouchée d'un Prince , & qu'auffi
tôt on avoit annoncé cet heureux évenement au
peuple par une triple falve de l'artillerie des remparts
; que le lendemain leurs Majeftés Pruffiennes
avoient reçû , ainfi que le Prince de Pruffe , les
complimens des Seigneurs & des Dames de la
Cour , & quele Roi de Prufle avoit quitté ce jourlà
à l'occafion des rejouiffances publiques le deuil
qu'il a pris pour la mort de la Ducheffe Douairiere
de Brunſwick Wolfenbuttel ..
Les nouvelles de Vienne portent qu'il s'eft
tenu le 6 Janvier au matin en préſence de la Reine
& du Grand Duc un Confeil , auquel le Comte de
la Roque Lieutenant Général des arméesdu Koi de
Sardaigne , & qui eft venu exécuter une commiffion
de ce Prince , a affifté. Ce Comte a de fréquentes
conférences avec les Miniftres de faMajefté , &
les en fortant de chés le Comte d'Uhlefeld , il dé,
pêcha un courier à Turin. La Reine a accordé le
Régiment de Dragons dont le feu Comte Gundo
cre d'Althan étoit Colonel , à l'Archiduc Jofeph,,
qui porta le 31 du mois dernier l'uniforme de ce
Régiment. Sa Majesté a difpofé du Gouvernement
65 MERCURE DE FRANCE.
de Javarin , l'un des plus confidérables du Royau
me de Hongrie en faveur du Prince Charles de
Lorraine. Ce Prince continue de faire travailler
avec toute la diligence poffible à fes équipages ,
& le bruit court qu'il partira au commencement
d'Avril , pour aller prendre le commandement de
Parmée que la Reine fe propofe de faire aſſembler
fur le Rhin ou fur la Mofelle. Le Gouvernement
reçût le s un courier de Péterfbourg , avec avis
que l'Impératrice de Ruffie avoit envoyé aux
troupes , qu'elle s'eft engagée de fournir au Roi
de la Grande Bretagne & à la République des
Provinces -Unies , les derniers ordres de fe mettre
en marche. Auffi - tôt on donna part de cette nouvelle
au Miniftre de fa Majefté Britannique & à
celui des Etats Généraux , & après une conférence
qui fe tint le même jour , on fit partir des couriers
pour la Boheme & pour la Moravie , Les Etats de
la Baffe- Autriche ont confenti de payer tous les
fubfides extraordinaires qui leur ont été demandés .
On parle d'un emprunt de huit millions de florins
que fa Majefté a deffein de faire au Clergé & à la
Nobleffe des Pays Héréditaires , afin de fubvenir
aux frais de la guerre. La Nation Hongroife
ayant offert un nouveau don gratuit , fi la Reine
vouloit permettre le libre exercice de la Religion
Proteftante dans toute l'étendue de la Hongrie
& fi elle fupprimoit les droits établis fur les marchandifes
& les denrées qui fortent du pays , on a
déliberé fur cette propofition , & il y a apparence
qu'eu égard aux circonftances les Hongrois obtiendront
ce qu'ils défirent. Le départ du Comte
de Kaunitz- Ritberg pour Aix-la - Chapelle eft encore
differé . Ces jours derniers de Comte de
Fitzthum eft arrivé en cette ville , d'où il doit fe
rendre à Naples pour y réuider en qualité de Mfniftr
JANVIER. 1748. 169
iftre du Roi de Pologne Electeur de Saxe. Il eft
parti depuis peu de Prague mille hommes de recrues
pour l'Italie , & l'on écrit de Boheme que
le Régiment de Vieux Wolfenbuttel , qui eft à
Sokonitz , prendra bientôt la même route. Les
Officiers Généraux qui ferviront en Lombardie
pendant la campagne prochaine fous les ordres
du Comte de Browne , feront le Comte de Konigfeg
, le Marquis Piccolomini , M. Keil , le Comte
Novati , le Baron de Neuhaufen & M. de Barbon ,
Lieutenans Feldt -Maréchaux d'Infanterie , le
Comte Nadafti , le Baron, de Luchefe , le Marquis
Serbelloni & le Marquis Pertufati , Lieutenans
Feldt-Maréchaux de Cavalerie , Meffieurs
Harſch , Hinterer , Baron d'Andlau , Melichau
Comte de Colloredo , Andreafi , Sprecher , de
Lnzen , de Saint André , de Tzock , Chevalier
Marini , Marquis de Clerici , Prince Jofeph Efterhazi
& de Macquere , Majors Généraux d'Infanterie
; Koll , Rottern , O Donell & le Comte de
Daun , Majors Généraux de Cavalerie.
>
On croit que le Roi de Pologne Electeur de
Saxe a réfolu de former un camp fur la frontiere
de la Luface , & qu'on expédiera bientôt les ordres
pour la marche des troupes qui doivent s'y
aſſembler. Le 7 de ce mois le Gouvernement dépêcha
au Grand Général de Lithuanie un courier
dont on croit que les dépêches regardent la demande
du paffage des troupes Ruffiennes par la
Pologne, On affûre que le Roi fe rendra à Warfovie
dans le mois de Mai prochain , & que le
Prince Xavier fe difpofe à voyager dans divers
pays étrangers. Le Baron de Wedel eft attendu à
Drefde en qualité de Miniftre du Roi de la Grande
Bretagne comme Electeur de Hanover.
On écrit de Berlin que fur l'avis que les troupes
H
170 MERCURE DE FRANCE.
Ruffiennes , qui doivent entrer au fervice de fa
Majefté Britannique & de la République de Hollande
pafferont fur les confins de la Siléfie & par
la Moravie , le Roi a pris la réſolution de faire af
fembler trois Corps de troupes , l'un dans les environs
de cette Capitale , l'autre en Siléfie & le
troifiéme vers la frontiere du Conté de Glatze
En conféquence fa Majefté a mandé le Duc de
Wirtemberg Oels Gouverneur de Breslau , & le
Comte de Muncho Préfident du Confeil de
Régence de Silefie , afin de leur donner les ordres
fur les mesures qu'il convient de prendre pour
prévenit les inconvéniens qui pourroient naître
du paffage de troupes étrangeres dans le voifinage
de cette Province . Le Roi ayant été inftruit qu'il
croifoit fur la côte d'Ooft Frife un vaiffeau de
guerre Hollandois , lequel vifitoit les bâtimens
Pluffiens qu'il rencontroit , fa Majefté en a fair
porter des plaintes aux Etats Généraux des Pro
vinces- Unies par M. d'Ammon fon Miniſtre à la
Haye , & elle lui a envoyé ordre de leur déclarer
que s'ils ne faifoient retirer ce vaiffeau , elle feroit
obligée d'avoir recours à des moyens efficaces
pour procurer à fes Sujets la fûreté & la liberté de
la navigation.
AS WROTE A INT C
On apprend par les lettres de Hambourg que
M. de Deftinon Confeiller Privé du Roi de Pruffe ,
& fon Réfident en cette ville , a notifié aux Magiftrats
, ainfi qu'aux Miniftres Etrangers , la naiffance
du Prince dont la Princeffe de Pruffe eft accouchée.
Il a donné à cette occaſion une trèsbelle
fête à laquelle toutes les perfonnes de confi
dération ont été invitéés. On continuë de faire
avec fuccès dans cette ville & dans les environs
des levées de foldats pour les Etats Généraux des
Provinces- Unies. Les Princes de Schwarfbourg
W
20
JANVIER. 1748. 175
fe font engagés à fournir deux Régimens à cette
République. On écrit de Coppenhague quelle ,
de ce mois il y a eu un grand incendie , & que
l'Hôtel du Comte de Hoften Chancelier de Dan +
nemarck a été entierement . réduit en cendres .
Les lettres de Stockholm marquent que les Etats
du Royaume de Suéde , avant que de ſe ſéparer ,
ont fait préfent de vingt mille écus au Baron
Ungern de Sternberg qui a été Maréchal de la
Diette , & de huit mille à la Comteffe de Strom .
feld ci-devant Gouvernante du Prince Guftave.
On a fçu par les mêmes lettres qu'il avoit été pu.
blié un Edit contenant un Réglement fort étendu
au fujet des nouvelles impofitions établies par les
Etats pendant leur derniere affemblée,
On mande de Duffeldorp que l'Electeur a or
donné de faire des levées de foldats dans le Pala→
tinat & dans les autres terres de fa domination
tant pour completter fes troupes que pour former
quelques nouveaux Régimens qu'il a réfolu de
mettre fur pied. Divers Corps doivent aller fe
pofter fur les frontieres afin d'empêcher les trou
pes Ruffiennes qui font à la folde de la Grande
Bretagne & des Provinces- Unies , de traverser les
Etats de l'Electeur . Seize cent des Croates , Eſcla
voniens & Pandoures , qui font partie de l'armée
des Alliés dans les Pays-Bas , ont voulu paſſer par
le Palatinat en retournant dans leur pays , mais
ayant rencontré un cordon de deux mille hommes
que P'Electeur avoit formé pour s'opposer à leur
deffein , ils ont pris leur route par l'Oderwalt.
Suivant les nouvelles de Coblentz le Comte de
Cobenzel , Miniftre du Grand Duc de Tofcane
auprès des Cercles , y arriva le 7 de ce mois , & le
lendenvain il eut une audience particuliere de l'Electeur
de Trêves , qui il a demandé le paffage
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
pour quelques troupes de la Reine de Hongrie
Les mêmes avis portent que l'Electeur de Trêves a
défendu fous des peines très-rigoureufes de faire
fortir des grains de fon Electorat.
GRANDE BRETAGNE,
N écrit de Londres du 22 Décembre que la
Chambre des Communes décida le 15 de ce
mois qu'il feroit levé fix millions trois cent mille
livres sterlings par des Annuités , dont l'interêr
feroit payé fur le pied de quatre pour cent ; qu'à
chaque cent livres sterlings qui feroient foufcrites,
il feroit ajouté un capital de dix livres fterlings
lequel feroit employé en une Lotterie dont les
billets feroient de cette valeur , & porteroient le
même interêt que les Annuités ; que les interêts de
ces Annuités & de ces billets ne commenceroient
à courir qu'au 29 du mois de Septembre de l'année
prochaine , que les Soufcripteurs feroient tenus
de dépofer le 23 du mois préfent , dix pour cent
entre les mains des Caiffiers de la Banque ; que
ceux qui payeroient dès cette année les fommes
pour lesquelles ils auroient foufcrit , recevroient
cinq pour cent d'interêt , & que les fommes qui
feroient remifes aux Caiffiers de la Banque , feroient
portées au Bureau de l'Echiquier. Le même
jour la Chambre lut pour la premiere fois le Bill
pour naturalifer les Proteftans Etrangers. Elle approuva
le lendemain la réfolution prife d'établir
de nouvelles Annuités . Dans la même féance , elle
confirma la claufe inferée dans le Bill concernant
la continuation des droits fur les boiffons fortes ,
fçavoir que le Roi pourra emprunter fept cent
cinquante mille livres fterlings fur le fond d'amortiffement.
Le 22 elle pafla ce Bill , & elle fit
la lecture des Requêtes des Entrepreneurs de
JANVIER. 173 1748 .
diverfes manufactures. Le Roi doit fe rendre à la
Chambre des Pairs pour donner fon confentement
à plufieurs Bills tant publics que particuliers. On
affûre que le Parlement fe propofe de rembourfer.
les habitans de la nouvelle Angleterre de toutes
les dépenfes qu'ils ont faites , tant pour la prife du
Cap Breton que pour des levées de foldats , & même
d'accorder des gratifications à ceux qui ont
montré le plus de zéle en cette occafion , & que
cet objet coûtera plus de huit cent mille livres fterlings.
On reçoit de tons côtés des nouvelles des
naufrages & des dommages caufés par la tempête
du 12 de ce mois . Les lettres de la Jamaïque mar
quent que les Corfaires ennemis ont enlevé depuis
peu dans les Parages voifins plus de trente navires
Anglois qu'ils ont conduits à Saint Domingue.
On commence à croire que l'affaire du Capitaine
Fox prendra un tour favorable , & qu'il fera déchargé
de l'accufation intentée contre lui. Sa Majefté
a difpofé de la place de Député Lieutenant
de la Tour en faveur de M. Richard White , qui
eft remplacé par M. Richard Rainsford danstelle
de Major de cette Forterefle. M. Thomas Whithe
a obtenu la Lieutenance Colonelle du Régiment
de Tirawley , dont la Majorité a été donnée à
M. Edouard Monby. Le Feldt- Maréchal Wade eft
dangereufement malade.
Le 27 le Roi fe rendit à la Chambre des Pairs
avec les cérémonies accoûtumées , & ſa Majefté
ayant mandé la Chambre des Communes , douna
fon confentement au Bill concernant les droits fur
le Malt , & au Bill pour naturalifer Meffieurs
Céfar & Charles de Miffy. La Chambre des Communes
ordonna le 22 de porter un Bill , afin d'empêcher
qu'il ne fe fafle dans la Grande Bretagne
aucune affûrance fur les vaiffeaux appartenans aux
Hj
174 MERCURE DE FRANCE.
François . Le 25 la Chambre réfolut de pourvoir
plus efficacement aux moyens de foulager les pau
vres. Elle examina le lendemain les faits allégués
contre l'élection de Meffieurs Lafcelles Medcaffe .
& Guillaume Sloper , Membres du Parlement
pour le Bourg du Grand Bedwin dans le Comté
de Wiltz , & elle décida que cette élection avoit
été faite felon les loix . Cette Chambre reçut le
17 une Requête du Commun Confeil de cette
ville contre le Bill pour naturalifer les Proteftans
étrangers. On parle d'un nouveau Bill par lequel
il fera défendu , fous de rigoureufes peines , de
fournir à la France aucunes munitions de bouche
eu de guerre. Le Roi a accordé à M. Herbert le
Régiment d'Infanterie dont M. Price étoit Colonel
, & à M. Lafotay celui qu'avoit M. Herbert .
Sa Majefté a difpofé de la Lieutenance Colonelle
du Régiment de Dragons de Marcx Kerr en faveur
de M. Jonathan Driver , & elle a nommé
Meffieurs Alexandre Dury & Charles Ruffel Majors
du premier & du fecond Régiment des Gardes
pied. Le Lord Robert Manners & M. Jean
Moltyn ont été faits Adjudans du Roi . Le commandement
de la chaloupe de guerre l'Onflowe
de dix - huit canons , nouvellement conftruite a
Chatham , a été donné par les Commiffaires de
l'Amirauté au Capitaine Ainfcomb. Ces Com
miffaires ont ordonné de convertir en chaloupes de
guerre des brulots Eclair , l'Ethna, le Vefuve & le
Vulcan , ainfi que la galiotte à bombes la Comette.
Le vaiffeau de guerre l'Anglefen commandé par
le Capitaine Duff , conduifit le 8 à Kenſale un
Corfaire de Saint Sébastien , nommé l'Extravagant ,
de cent dix hommes d'équipage , dont il s'eft emparé
le 6 à quarante lieues au Sud Oueft du Cap
Clear. On a appris que le vaiffeau de guerre le
JANVIER 1748. 175
Hambourg en revenant de la mer Baltique , avoir
enlevé quatre Corfaires de Dunkerque , de Calais
& de Boulogne , avec lefquels il a relâché le 21
Newcaſtle. Il a effuyé le 7 une tempête qui a
duré deux jours & deux nuits , & qui l'a féparé
d'une flotte de cent trente navires de Marchands ,
à laquelle il fervoit d'eſcorté avec trois autres
vaiffeaux . La Capitaine O Hara Commandant dy
vaiffeau de guerre le Gofport qui eft arrivé le 27
d'Antigoa à Portsmouth , a rapporté qu'un fecond
Ouragan , auffi violent que le premier , s'étoit fait
fentir le 13 du mois d'Octobre dans toutes les Ifles
fous le vent , & que de tous les bâtimens qui s'y
étoient trouvés ſur les côtes , il ne s'en étoit ſauvé
que fept qui avoient fait voile de conferve avec
lui , mais dont il avoit été féparé depuis par divers
coups de vent, 11 eft entré dans le Port de Plymouth
une flotte marchande venant du Cap Breton
ſous l'eſcorte du vaiffeau la Panthere. Les
trois navires de la Compagnie des Indes Orientales
qui étoient à Limerick en Irlande , fe font
rendus aux Dunes d'où on les attend inceffam
ment dans la Tamife. On n'a aucunes nouvelles
des deux autres bâtimens qu'ils ont rencontrés au
Cap de Bonne-Efperance , & qui appartiennent à
la même Compagnie . Un Corfaire François s'eft
rendu maître de huit navires de Philadelphie , de
la Jamaïque & de la Virginie , & un pacquetbot
qui revenoit d'Amérique en Angleterre , a fait
naufragé dans la Rade de Nevis. Le 25 le Géné
ral Hawley fit dans la Commune de Croydon la
revue de fon Régiment de Dragons . Les lettres
d'Ecoffe marquent qu'on a pris les mesures nécef- ..
faires pour tenir la milice d'Edimbourg en état de
fervir utilement dans les circonftances. On doit
acheter par ordre du Gouvernement un grand
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
nombre de chevaux pour la remonte de la Cava
letie Angloife qui eft dans les Pays - Bas . On
a amené de Portfimouth cent cinquante déferteurs ,
dont la plupart font de nouvelles recrues . Le 22
le Margrave de. Bade Doutlach , le Baron de
Solenthal , Ambaſſadeur du Roi de Dannemarck &
le Comte de Lincoln , furent reçûs Membres de la
Societé Royale . En conféquence d'un Bill porté
par le dernier Parlement il a déja été payé plus de
cent mille livres fterlings pour indemnifer les Propriétaires
des bêtes à cornes mortes de la maladie
épidémique. Cette maladie commence à caufer
beaucoup moins de ravages dans la Grande Bretagne.
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud
font à cent , celles de la Banque à cent vingt , ſept
huitiémes ; celles de la Compagnie des Indes
Orientales à cent foixante - deux & demi , & les
Annuités à quatre -vingt quatorze & demi.
On écrit du 29 que ce jour la Chambre des
Communes fit la premiere lecture du Bill qui défend
aux fujets du Roi de faire pendant le cours
de la préfente guerre aucunes affûrances fur des
navires François & fur les effets dont ils feront
chargés. Cette Chambre s'étant enfuite formée
en grand Commirté , a réfolu d'accorder à fa Majefté
cinq cent mille livres fterlings , pour acquit
ter une pareille fomme levée par un acte du dernier
Parlement , & hypotéquée fur le fubade de
cette année . Il a été accordé en même tems cinq
cent foixante & onze mille huit cent vingt- fept
livres fterlings pour les non valeurs du fubfide
de l'année derniere. La Chambre a ordonné
que
les perfonnes qui ont foufcrit pour les nouvelles
Annuités , fourniroient chaque mois , à commençer
du premier du mois prochain jufqu'au premier
JANVIER . 1748. 177
1
Septembre , la huitième partie des fommes pour
lefquelles elles ont fouferit. La Requête préfentée
par le Commun Confeil de cette ville contre
le Bill pour naturalifer les Proteftans étrangers
, doit être examinée dans un Committé particulier
. Il eft dit dans cette Requête que ce Bill
cauferoit un préjudice confidérable aux Bourgeois
de Londres ; que par-là ils feroient privés en partie
des droits de paffage & des autres impofitions
qui fe levent fur les marchandifes appartenantes
à des étrangers ; que ces droits ont été accordés
par plufieurs Rois & confirmés par divers actes du
Parlement ; qu'un femblable Bill ayant été propofé
fous le Regne de Guillaume III , avoit été
rejetté fur le champ ; qu'à la vérité il avoit paffé
fous la Reine Anne , mais que peu après il avoit
été revoqué. Les Commiffaires de l'Amirauté ont'
envoyé ordre à l'Amiral Chambers de mettre inceffamment
à la voile avec l'efcadre qu'il commande.
On dit qu'il doit fe joindre à l'efcadre
Hollandoife commandée par le Vice- Amiral
Schryver , & agir conjointement avec ce Vice-
Amiral contre les François . Le Gouvernement fair
embarquer une grande quantité de munitions de
guerre pour les garnifons de Gibraltar & de Pore
Mahon . On a fçû par les équipages des navires
arrivés depuis peu de l'Amérique qu'un vaiffeau
du Roi s'eft emparé d'un bâtiment Hollandois
richement chargé , qui alloit de Cadix à la Vera
Crux & qui a été conduit a la Caroline. Le Ca
pitaine Maubreri a fait fur les Espagnols une prife
très- considerable , & l'on dit que chaque matelot
du vaiffeau de ce Capitaine aura pour fa part plus
de quarante livres fterlings. Le navire le Prince
Guillaume qui faifoit voile pour la Jamaïque , a été
enlevé par les ennemis & mené à la Havane.
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
"
PROVINCES - UNIES .
29 Décembre que
ON mande de la Haye duzy Deeroientles
conférences d'Aix- la Chapelle font entierement
levées, & que l'on efpére que celles concernant la
formule des paffeports des Miniftres Plénipotentiaires
des Puiffances refpectives le feront bientôt.
La médiation du Roi de Portugal proposée par la
Cour de Madrid , n'a pas encore eté acceptée par
le Roi de la Grande Bretagne , mais il y a apparence
que ce ne fera point un obftacle à l'ouverture
des conférences , & l'on ne doute prefque
plus que le Miniftre Plénipotentiaire de fa Majeſté
Britannique & ceux de la République ne fe rendent
à Aix- la- Chapelle avant la fin du mois prochain.
On a reçû avis que le Canton de Berne
avoit réfolu de fournir aux Etats Généraux un
Corps de deux mille cinq cent hommes , en conféquence
d'un traité conclu en 1712 avec ce
Canton. Il y a une négociation entamée auprès
du Duc de Brunfwick Wolfenbuttel pour l'enga
ger à prêter à l'Etat fix mille hommes de troupes
auxiliaires , & l'on parle d'un autre Corps qui fera
fourni par le Duc de Meckelbourg. Le Comte de
Sandwich , Miniftre Plénipotentiaire du Roi de la
Grande Bretagne , reçut de Péterfbourg le 25 de
ce mois un courier qu'il fit partir le lendemain
pour Londres. Ce courier eft chargé du traité qui
a été figné à Péterfbourg le 30 du mois dernier ,
& par lequel trente - cinq mille hommes de troupes
Ruffiennes doivent paffer à la folde du Roi de la
Grande Bretagne & des Provinces -Unies . On a
fçû par le même courier que l'Impératrice de
Ruffie paroiffoit déterminée à renouveller pour
un an le traité conclu au mois de Juin entre les
JANVIER . 1748. 179
Cours de Londres & de Pétersbourg , & fuivant
lequel cette Princeffe eft obligée de tenir fur les
frontieres de la Livonie & de la Curlande un Corps
de trente mille hommes toujours prêt à marcher.
Les Etats de Hollande & de Weftfrife ont pris la
réfolution d'établir une Lotterie qui fera compofée
de cinq mille billets , & dont chaque billet
fera de huit cent foixante florins . Il y aura trente
tirages & autant de lots que de billets . Le principal
lot fera de cent mille florins , le fecond de cinquante
mille & les moindres de mille . Selon les
lettres de Middelbourg les Etats de Zélande ont
ordonné de lever le cinquantiéme denier de lamême
maniere qu'il a été levé dans la Province
de Hollande. Le 23 le Prince Stathouder aſſiſta à
l'affemblée des Etats de Hollande & de Weftfrife ,
& il leur annonça que la Princeffe de Naffau étoit
dans le feptiéiné mois de fa groffeffe . Les Députés
de la Province d'Over- Iffel , ayant à leur tête le
Baron de Huffel Sénéchal de Zaalland , eurent le
même jour une audience de ce Prince , & ils lui
renirent le Diplôme , par lequel les Etats de leur
Province ont déclaré le Stathoudérat héréditaire
dans les lignes maſculine & feminine de la Maiſon
de Naffau Dieft.
Les Etats Généraux viennent de donner un
nouveau décret , qui défend à tous les fujets de la
République de tranfporter de ces Provinces ou
d'autres Etats & Royaumes , dans les Illes , Villos
ou Places appartenantes au Roi de France , en
Europe ou ailleurs , aucuns chevaux , aucunes armes
, foit offenfives foit défenfives , ni aucunes
autres marchandiſes prohibées , telles que falpêtre,
foufre raffiné & non raffiné , mats , vergues , core
dages , ancres , poix , goudron & toute forte de
bois propres à la conftruction des vaiffeaux , fous
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
peine d'être panis avec la dernière rigueur. Il est
ajouté dans le même décret que les Etats Généraux
fe croyent autorisés par le Droit commun &
par ce qui fe pratique entre les nations , à faifir &
à enlever comme de bonne prife tous les effets de
cette nature deftinés pour tes Ports de France ,
quoique chargés fur des navires étrangers ; que
cependant pour ce qui regarde les fujets des Puif
fances amies on neatres , on ne réputera pour
marchandifes de contrebande que celles qui auront
été déclarées telles dans les traités conclus
par la République avec ces Puiffances , mais que
perfonne ne pourra embarquer dans les pays de la
domination des Etats Généraux aucune defdites
marchandifes pour les porter dans les Etats des
Puiffances ci- devant indiquées , fans avoir pris les
précautions prefcrites par le décret du 31 du mois
d'Août dernier ; que les fujets de la République
& , ceux des Puiffances amies ou neutres , ainfi
que ceux des autres Fuiffances qui voudront aller
en quelque endroit que ce foit , ou qui en revien
dront , feront tenus de naviger en pleine mer , &
que tous les navires qu'on trouvera fur les côtes
des terres & des Ifles dépendantes de la Couronne
de France feront arrêtés , à moins qu'il ne foir
prouvé qu'ils y ont été jettés par la tempête , que
les Commandans des vaiffeaux de guerre de l'Etat
& les Corfaires feront amener tous les bâtimens
qu'ils rencontreront en mer , qu'ils les obligeront
de leur montrer leurs paffeports , lettres de mer
& connoiflemens , & que fi ces bâtimens ont à
bord des marchandifes de contrebande on les conduira
en Hollande , qu'au refte le Gouvernement
recommande aux Commandans de fes vaiffeaux
auffi- bien qu'aux Corfaires , de fe conformer
exactement aux traités , & de ne donner aux Pui
JANVIER. 1748. 181
fances amies ou neutres aucun fujer légitime de fé
plaindre de la République. On a publié un autrè
décret , qui porte que les Etats Généraux étant
obligés d'empêcher autant qu'il eft poffible , qué
les Corfaires François n'infeftent les côtes du ter
ritoire de l'Etat , & n'entrent dans les rivieres
pour piller ou détruire les navires ou effets des
fujets de la République , il eft ordonné de punir de
mort toutes les perfonnes des équipages de ces
Corfaires , qui n'y étant point contraints par la
tempête oferont paroître dans les rivieres ou fur
les côtes , & qui ne fe rendront point aux premiers
navires par lefquels ils feront rencontrés . Il a paru
un troifiéme décret , par lequel il eft dit que les
fujets de la République qui armeront en courſe ,
ne feront point tenus de fournir le troifiéme hom
me de leur équipage , ainfi que l'ordonne le décret
du 12 du mois de Juin dernier , ni de payer la
fomme qu'il eft dit par celui du 6 Octobre que
donneront les Proprietaires de navires qui voudront
être difpenfés de cette obligation ; que les
équipages des bâtimens qui conduiront dans un
des Ports ou Rades du Département d'un des Colléges
de l'Amirauté un vaiffeau de guerre ou un
Corfaire François , recevront une récompente de
cent cinquante florins pour chacun des hommes ,
qui au commencement du combat fe feront trouvés
à bord du vaiffeau ennemi , & une pareille
fomme pour chacune des livres de balle dont fera
le calibre de chaque canon dudit vaiffeau , de forte
que fi la prife eft de quarante piéces de canon
tirant enſemble trois cent cinquante livres de balle,
& fi fon équipage eft de deux cent vingt hommes,
le Gouvernement accordera pour cette prife qua
tre-vingt- cinq mille huit cent florins ; que les ré
compenfes promifes auront lieu , quand même l'e
182 MERCURE DE FRANCE.
le
vaiffeau de guerre ou le Corfaire François feroit
entierement détruit , foit qu'il ait été coulé à fond
ou brûlé dans le combat , foit qu'il périffe de
maniere ou d'autre , après qu'on s'en fera rendu
maître , pourvu qu'une partie de l'équipage foit
amenée dans un des Ports de la République ; que
une prife venant à échouer , l'équipage trouve
moyen de fe fauver , alors ceux qui auront fait
cette prife ne pourront jouir que de la moitié de la
récompenfe qu'ils auroient obtenue dans les circonftances
énoncées ci- deffus ; que les armateurs
ne toucheront les gratifications ftipulées , & ne
pourront même difpofer de leur butin , qu'après
avoir fait déclarer leur prife légitime par un des
Colléges de l'Amirauté ; que ces Colleges n'adjugeront
aucune gratification qu'après que le
Capitaine , le Lieutenant & le Pilote du Corfaire ,
ainfi que les perfonnes auxquelles il appartiendra ,
& leur teneur de livres , auront déclaré fous ferment
que la prife aura été faite , fans qu'il y ait eu
directement ni indirectement aucune collufion
avec les François , que les foldats qui auront été
bleffés dans les combats donnés par les Corfaires
feront traités aux dépens de l'Etat , & que ceux
qui feront eftropiés , feront gratifiés de la moitié
de la récompenfe accordée par la République à
ceux qui fervent à bord de fes vaiffeaux de guerre ,
que pour animer les équipages des vaiffeaux de
guerre à caufer aux bâtimens François tout le
préjudice poffible , on leur abandonnera en entier
le vaiffeau dont ils fe feront emparés , de quelque
nature ou dénomination qu'il puiffe être , mais
qu'ils ne pourront point prétendre d'autre récom
penfe ; que fuppofé qu'un Corfaire reprenne
un vaiffeau appartenant à des fujets de l'Etat , if
jouira de la cinquième partie de la valeur de ce
JANVIER. 1748. 183
vaiffeau & des effets qui feront à bord , s'il le re
prend dans l'intervalle de deux fois vingt- quatre
heures après que ce bâtiment fera tombé entre les
mains des ennemis , & de la moitié , fi ledit bâtiment
a demeuré plus long-tems en leur poffef
fion.
: Les nouvelles de la Haye du 12 de ce mois portent
que le Comte de Chavannes, Miniftre du Roi
de Sardaigne , eut le 10 une audience particuliere
du Prince Stathouder , & conféra enfuite avec le
Baron de Groveftein Préfident de l'affemblée des
Etats Généraux. Il fe tint le même jour une autre
conférence entre le Marquis del Puerto Ambaffadeur
du Roi d'Efpagne , & quelques Députés de
la même affemblée. Sur la propofition faite par
Je Prince Stathouder , le Confeil d'Etat a accordé
une gratification aux troupes qui ont fervi pendant
la derniere campagne , fçavoir huit cent florins
à chaque Compagnie d'Infanterie , & trois
cent cinquante à chaque Compagnie de Cavalerie
& de Dragons. Conformement à une réfolution
prife le 28 du mois dernier , il fera donné indépendamment
de ces fommes , fix cent cinquante
florins à chaque Capitaine de Cavalerie & de Dragons
, & huit cent à chaque Capitaine d'Infanterie,
dont les Compagnies feront complettes avant le
premier du mois de Mars. Les Députés des Etats
de Hollande & de Weftfrife ont repris le 10 leurs
déliberations. Le Prince Stathouder a difpofé en
faveur de M. Befner de la place de Colonel Commandant
du Régiment de Hoolwerf qui eft en
garnifon à Hellevoet-Slays , & cet Officier est allé
fe faire secevoir en cetre qualité à la tête de ce
Régiment Plufieurs Généraux , qui s'étoient rendus
à la Haye , ont reçû ordre de retourner à
leurs départemens. Les Régimens Hanovriens de
184 MERCURE DE FRANCE.
Soubiron , de Middagten , de Kroig , de Hugo ,
de Kielmanfegg , de Brunck & de Munchow
auxquels on avoit diftribué des quartiers dans la
Province d'Over Ifel , font en marche fous les
ordres du Baron Sporck Major Général , pour aller
renforcer le cordon qu'on a formé du côté d'Ou-.
denbosch & de Gertrudenberg. Un détachement
de troupes legéres à la tête duquel étoit le Général
Haddich , attaqua le 31 un convoi qui alloit à
Bergopfoom , mais il ne pût que faire vingt pri
fonniers & enlever quelques bestiaux . On affûre
que la Compagnie de Commerce établie à Middelbourg
armera une fregate de trente- fix canons
& de deux cent foixante & dix hommes d'équipage
, pour courir contre les Corſaires & autres
bâtimens François , & qu'elle fera conftruire deux.
autres vaiffeaux de quarante canons pour la même
deftination .
Les Etats de Gueldres ayant réfolu de déclarer :
le Stathoudérat héréditaire dans les lignes mafculine
& feminine de la Maifon de Naflau Dieft
& de difpenfer le Prince de Naflau du ferment
qu'il prêta l'an 1722 en acceptant le Stathoudérat
de cette Province ,ils ont envoyé à la Haye des Députés
pour en donner part à ce Prince. Il eft venu
auffi des Députés de la ville de Zutphen pour lemême
fujet, & le 19 de ce mois ils eurent audience du
Prince Stathouder. La députation étoit compofée :
de Meffieurs Gerard Jean Van Santbergen , Lam-.
bert Welmers , Jean- Albert Willinck , Gerard
Haefebroke , Herman Schomager & Arnold -Jufte .
Waegenaar. Le même jour. le Prince Stathouder
fe rendit à l'affemblée des Etats Généraux , & alfifta
enfuite au Confeil d'Etat. Le Comte de
Sandwich , Envoyé Extraordinaire & Plénipotentiaire
du Roi de la Grande Bretagne , eut le même
JANVIER 174S .. 185
jour une conférence avec quelques Députés de
l'affemblée des Etats Généraux , ainfi que le Baron
de Reifchach,Miniftre Plénipotentiaire de la Reine
de Hongrie. Les Députés des Collèges de l'Amirauté
s'affemblent regulierement tous les aprèsmidi
pour délibérer fur les affaires de la Marine.
On fit partir le 17 d'Utrecht un détachement de
trois cent hommes du Régiment Heffois de Mansbach
Infanterie , pour aller renforcer les poftes
voifins d'Oudenbosch & de Bréda . Il fut fuivi le
18 d'un pareil détachement du Régiment du
deux Prince Frederic , & il a dû l'être le 19 par
cent hommes du Régiment de Donep. Quelques
troupes ont marché du côté de Steenbergue afin
de couvrir cette place. Le Feldt - Maréchal Comte
de Naflau fe rendit le 10 à Tholen , & if examina
les diverfes difpofitions qui ont été faites dans les
environs. Il a paffé à la Haye un courier allant de
Pétersbourg à Londres, pour informer le Roi de la
Grande Bretagne que la premiere colonne du
Corps auxiliaire de troupes Ruffiennes étoit arrivée
le 26 du mois dernier fur la frontiere de la
Lithuanie . M. Tilfot de Patot , Major Général des
troupes de la République , & Colonel d'an Régiment
d'Infanterie fur la répartition de la Province
..de Hollande , eft mort le 15 de ce mois à Yffelftein
dans la foixante-neuvième année de fon
âge.
18 MERCURE DE FRANCE.
ITALIE.
DE GENES le 16 Décembre.
E to de ce mois jour de l'anniverfaire de la
>
fut expofé & l'on chanta le Te Deum dans toutes
les Eglifes.Le Doge & les Colléges de la Nobleffe
affifterent le même jour à la Meffe , aux Vêpres &
au Sermon dans l'Eglife de Notre - Dame de Lorette.
Il y eut le foir des illuminations & des réjouiffances
publiques , & l'on fit plufieurs falves
de l'artillerie des remparts . La Neuvaine de la fê➡
te de la Conception de la fainte Vierge ayant été
interrompue l'année derniere par la révolution arrivée
en ce pays, le Gouvernement a voulu qu'elle
fut célébrée cette année avec une folemnité extraordinaire.
Le Doge accompagné du Sénat a
entendu tous les jours l'Office dans l'Eglife Cathédrale
, & le 9 il affifta à une Proceffion générale
que fit le Clergé Séculier & Régulier , & qui alla
de cette Eglife à celle de Saint Pierre. Au retour
de cette Proceffion , on diftribua des dots à trente
jeunes filles , dont les peres ont été tués en défendant
la Patrie . Depuis quelques jours le Grand-
Confeil a repris les délibérations , & il a renou
vellé un ancien Décret , par lequel le Gouvernement
eft autorisé à acheter certains Fiefs qu'on
juge convenables d'ajoûter au Domaine de la Képublique.
Le 3le Duc de Richelieu revint du voyage
qu'il étoit allé faire le long de la côte. 11 a pris
toutes les méfures néceffaires pour s'opposer aux
entreprifes que pourroient former les ennemis.
Sur l'avis qu'il a eu qu'ils fe propofoient de faire
avancer un détachement du côté de Sarzane , il a
renforcé de quatre cent hommes la garnifon de
JANVIER. 1745. 187
Cette Place , & il a fait rafer toutes les maiſons de
campagne des environs . Par les confeils de ce Général
le Gouvernement s'eſt déterminé à faire
ajouter plufieurs ouvrages aux fortifications de
Seftri & de la Specie. Deux Bataillons du Régiment
Suiffe de Vigier au ſervice du Roi Très-
Chrétien , lefquels étoient attendus de France depuis
long- tems , font er fin arrivés. Le Convor
chargé du tranfport de ces tronpes avoit fait voile
de Villefranche il y a près de 3 nrois ,& il avoit été
réduit , tantôt par les vents contraires , tantôt par
la rencontre de divers vaiffeaux Anglois , à la néceffité
de relâcher plufieurs fois dans differens
Ports. En dernier lieu il avoit été difperfé par une
tempête , & plufieurs des bâtimens dont il étoit
composé avoient été jettés jufques fur la côte d'Ef
pagne. S'étant raffemblé à Toulon , il remit à la
voile le 15 du mois dernier , & malgré le grand
nombre de vaiffeaux ennemis qui croifoient pour
Fintercepter , il a gagné PIfle de Corfe , ou les
deux Bataillons du Régiment de Vigier font dé
barqués & d'on ils ont été conduits ici par les
gondoles de Caprara. On vient d'apprendre qu'un
autre Convoi de troupes étoit arrivé en Corfe. Il
eft entré dans ce Port & dans celui de Portofino
deux barques faifant partie de ce Convoi , & a
bord defquelles étoient deux cent hommes du Ré
giment de Flandres , des troupes de fa Majefté
Catholique. Le refte du train d'artillerie apparte
tenant aux Efpagnols , qui à la réquifition des
Anglois avoit été mis en dépôt dans l'ffle de Corfe,
a été ramené ici . Un navire Hollandois qui por
toit une grande quantité de grains & d'autres
provifions à Final , ayant été porté le 12 par un
vent de Súd vers Arenzano , le Comte de Carca
cado , Colonel du Régiment de Brelle des troupes
488 MERCURE DE FRANCE.
Françoifes & qui commande dans ce pofte , fir em
barquer auffi -tôt fur les bâteaux qu'il put raffenbler
un détachement qui s'eft rendu maître de ce
bâtiment. On y a trouvé huit cent mines de bled ,
plufieurs caiffes de fucre & de poivre , quelques
boucaux de tabac du Brefil , & outre l'artillerie
dont ce navire étoit armé , dix piéces de canon
deftinées pour le Roi de Sardaigne . La galiotte
le Saint Louis a enlevé une tartane Piémontoiſe
qui alloit à Oneille. Le prix auquel les denrées le
maintiennent dans cette ville , attire de toutes parts
un nombre prodigieux de bâtimens qui y entretiennent
l'abondance . Ces jours derniers il y avoit
en croifiere dans les environs de Vado huit vaiffeaux
de guerre Anglois , mais fix ont difparu fans
qu'on fçache quelle route ils ont prife . Les Corfaires
ennemis incommodent beaucoup moins depuis
un tems les côtes de cet Etat . On affûre que la République
de Lucques a fi bien garni de troupes &
d'artillerie la côte de Viareggio , que ces Corfaires
feront forcés dé refpecter la neutralité que les Lucquois
ont réfolu d'obferver. Le Roi de France fait
fever ici un nouveau Régiment qui fera nommé
Royal Génois. Celui dont le Chevalier de Beloy
eft Colonel , fera bientôt formé , & plufieurs Compagnies
de ce Corps font déja complettes. Un détachement
de Croates a fait une courfe du côté de
Pégli ,où il a fait quelque butin & tué une femme,
mais il a été chaffé & on l'a pourfuivi jufqu'à Novi.
Quoiqu'on ait rendu au Roi de Sardaigne tous
les prifonniers de guerre faits for fes troupes , il n'a
pas encore renvoyé ceux qu'il avoit à la République.
On prétend que ce Prince ne veut point les
remettre. en liberté avant qu'ils ayent payé les
dettes qu'ils ont contractées dans les lieux où ils
font retenus. M. Guymont , Envoyé Extraordi,
JANVIER . 1748 . 189
naire du Roi de France auprès de cette République
, s'embarqua le 22 du mois dernier fur un fé
foucon pour aller faire un voyage en France. Le 8
de ce mois le Prince Doria partit pour Naples , ou
il va folliciter un procès qu'il a intenté à la fille du
feu Duc de Turfis au fujet de la Principauté d'Avello.
Après deux mois du plus beau tems , il pleut
continuellement depuis huit jours , & la mer eft
devenue très - orageufe, Les billers de la Banque de
Saint Georges perdent vingt pour cent,
15
De Savone le 20 Décembre.
La paflé ces jours - ci à la vûë de ce Port un
pinque François , trois chabecs Catalans & quel
ques autres navires qui ont fait voile de Villefranche
pour la riviere de Levant , & qu'on fuppofe
être chargés de troupes & de munitions de guerre.
On mande de Livourne que plufieurs vaiffeaux'de
guerre & Corfaires Anglois font fortis du Port de
Livourne , afin d'aller à la pourſuite d'un Corſaire
François de cent cinquante hommes d'équipage
qui a pris dans le Canal de Piombino un navire
portant Pavillon de la Reine de Hongrie & qui l'a
Conduit à Civita Vecchia avec une barque chargée
de fel de Sardaigne , dont il s'eft auffi emparé.
Quelques chaloupes Augloifes ont donné la chaffe
à une félouque Génoiſe , mais elles n'ont pû la
joindre, Les lettres de Génes marquent qu'il y eft
arrivé d'Antibes une félouque par laquelle leMarquis
d'Ahumada , Commandant des troupes Efpa.
gnoles qui font employées à la défenſe des Génois,
a reçu des dépêches importantes. Ceslettres ajoûttent
que le Roi de Sardaigne avoit relâché une par
tie des Génois qui étoient prifonniers de guerre
dans les Etats.
190 MERCURE DE FRANCE.
De Dolce Acqua le 17 Décembre.
P Refque toutes les
troupes commandées par le
Baron de Leutrum fe font rendues dans les
quartiers de cantonnement qui leur ont été affignés
le longde la riviere entre cette ville & Port Maurice
, ou ce Général a transferé fon quartier. Il n'en
eft reſté dans les Lignes que le nombre fuffifant
pour les garder. Le 10 un Corps de troupes Fran-
Coifes & Efpagnoles s'avança fur le Mont Gigno
jufqu'à la Madonna delle Grazie , dans le deffein
de furprendre ce pofte , mais le Chevalier Maflel
en fut aflés tôt averti pour fe préparer à recevoir
les ennemis , qui s'étant apperçus qu'on étoit fur
fes gardes , prirent le parti de la retraite fans avoir
tenté aucune entrepriſe . On a été informé que les
Efpagnols avoient trois Bataillons à Nice , deux à
Villefranche , un à l'Efcarenne , un à Lucerame &
un à Caftellar. La garnifon de Monaco eft actuellement
composée de deux Bataillons François &
-d'un Eſpagnol , & il a marché à Menton dix Piquets
qui doivent s'embarquer pour paffer à Génes.
Les ennemis ont fait féparer les troupes qui
avoient formé un camp dans les environs de Laite,
Ils continuent d'exiger de fortes contributions ,
tant en vivres qu'en argent,
L
DE TURIN le 16 Décembre,
E Roi prendra demain le deuil pour la mort.
de la Ducheffe Douairiere de Brunfwick Wolfenbuttel,
Par les dernieres lettres de l'Etat Ecclé
fiaftique on apprend que les de ce mois le Cardinal
des Lances eft arrivé àBologne & qu'il comp.
te d'être de retour ici avant le 25. Celles de Sa-
A
JANVIER. 1748. 191
la
voye confirment qu'outre la Cavalerie Eſpagnole.
il viendra plufieurs Bataillons de la même Nation
dans ce Duché. On a reçû avis de Vienne que
Reine de Hongrie avoit confenti que les Miniftres
Plénipotentiaires de la République de Génes &
ceux du Duc de Modéne fuffent admis aux conférences
qui doivent fe tenir à Aix- la -Chapelle,.
Selon les nouvelles de l'Ile de Corfe le camp
volant qui eft aux ordres du Général Madraff fe
renforce tous les jours . Ce Général eft pofte prefque
fous les murs de la Baftie , & la garnifon de
la ville ayant fait une fortie , il l'a repouflée avec
quelque perte de la part des Génois,
De Genes le 30 Décembre.
que
Sur l'avis que la Reine de Hongrie a réſolu de
tenter , auffi tôt la faifon pourra le permettre
, une invafion dans la partie Orientale de cet,
Etat , & de faire attaquer particulierement Sarzane
& la Spécie , on prend les méfures néceffaires pour
s'opposer au deffein de cette Princeffe , qu'on aflu
te devoir faire paffer en Italie un renfort de douze
mille hommes. Le Général de la Majefté Hongroife
avoit demandé fept mille rations au Duché
de Mafla Carrera , mais il ne fera pas en état de ſe
faire fournir cette contribution , le Comte de Lannion
, qui commande à la Spécie , s'étant emparé,
le 19 de ce mois du Château de Lavenza , fitué an
bord de la Mayra, Depuis quelque tems on tra
vaille , même pendant les Fêtes , à préparer des
cartouches , des grenades , & beaucoup d'artifice
de differentes efpeces. On en fait conduire la plus
grande partie à la Spécie , apparemment pour mu
pir le nouveau pofte que les troupes Françoifes
viennent d'occuper. Le 18 les trois galeres de la
192 MERCURE DE FRANCE.
République , qui étoient allées à la Spécie , rentre
rent dans le Port de cette Capitale . Elles ont ef
corté un grand nombre de bâtimens de tranfport
chargés de bled , de farine , de vin , & de bois. Le
navire Hollandois , qui a été pris à la Plage d'A--
renzano par le Comte de Carcado , a été conduit
iti le 19 , & un Commiffaire des Guerres François
en a pris poffeffion par ordre du Duc de Richelieu
au nom de Sa Majefté Très Chrétienne, On a '
commencé le 25 à débarquer les marchandiſes &
les autres effets qui étoient à bord de ce bâtiment.
Le 26 le Duc de Richelieu fit dans le Fauxbourg de
S. Pierre d'Arena la revûe du nouveau Régiment
de Belloy . La principale Nobleffe étant allée le 24
au matin complimenter ce Général à l'occafion
des Fêtes , il fe rendit l'après-midi chés le. Doge
pour fatisfaire au même cérémonial. Nous conti
nuons de jouir ici d'une abondance d'autant plus
grande , qu'outre les denrées qui arrivent par mer
les Officiers des troupes ennemies , pour fe dédommager
du peu d'exactitude avec laquelle ils font
payés , laiffent paffer moyennant quelque rétribu-'
tion tout ce que les fujets de la République veulent
faire venir par terre. Il pleut prefque continuellement
depuis trois femaines dans ce Pays , & cela
dérange l'arrivée & le départ des couriers, Le Gouvernement
a établi une Commiffion , composée de
quatre nobles , pour examiner avec les principaux
négocians de cette ville les moyens de remettre
au pair de l'argent la valeur des billets de la Banque
de Saint Georges. On tira le 18 au fort felon
la coûtume les noms des cing nouveaux Sénateurs.'
Des ordres ont été envoyés dans tous les Ports
des deux Rivieres & de l'iffe de Corfe , pour être
en garde contre une barque Génoife , portant Pavillon
du Grand Duc de Tofcane , laquelle étant
partic
JANVIER . 1748. 193
partie de la Morée , a mouillé à Melafſo en Sicile
d'où elle a été chaffée , parce que fon équipage eft
attaqué de la peste.
DE TURIN le 3 fanvier.
.
Un détachement des troupes de fa Majefté
compofé de la Compagnie de Grénadiers du fecond
Bataillon du Régiment de Piémont , de deux autres
Compagnies du même Régiment , de deux Piquets
& de foixante Volontaires , s'avança il y a
quelques jours à Libri dans le territoire de Penna ,
pour détruire un Pont conftruit fur la Roya , mais
il ne put réuffir dans fon projet , les matériaux de
ce Pont s'étant trouvés fi durs & fi fortement cimentés
, que la mine pratiquée pour le faire fauter
ne produifit aucun effet. Dans le tems qu'on
mit le feu à cette mine , il furvint un corps ennemi
, qui obligea le détachement de fe retirer , cé
qu'il n'exécuta qu'avec beaucoup de peine & en
perdant plufieurs foldats & quelques Officiers . Le
19 du mois dernier quelques Milices Piémontoifes
intercepterent dans les environs d'Utelle un Convoi
de trente- fix mulets chargés de farines , & tuerent
le Commandant & quatre foldats de l'efcorte.
Auffi - tôt que les Officiers François , qui commandent
à Belvedére & à Roccabigliera en furent
informés , ils détacherent cent hommes du Régiment
Suiffe de Salis pour donner la chaffe à ces
Milices , qui ayant pris la précaution d'abandonner
les farines & de ne conferver que les mulets ,
fuirent avec tant de précipitation que les ennemis
ne purent les joindre . Ces derniers , s'étant portés
au haut du Col de Raus , y ont ruiné nos retranchemens.
Il est tombé le 23 une fi grande quantité
de neige , que la communication eft entiere-
I
194 MERCURE DE FRANCE.
ment rompue entre Saorgio & la Vallée de Lang
tofque. Les lettres d'Italie confirment que la Reine
de Hongrie perfifte dans la réfolution de faire at
taquer une feconde fois la ville de Génes , mais
que le Comte de Browne a fait de fortes repréſentations
fur les difficultés qui fe rencontrent dans
l'exécution de cette entreprife.
DE PAVIE , le 4.
Il fe tient ici chês le Comte de Browne de fré→
quentes conférences , qu'on prétend avoir pour
objet une nouvelle entrepriſe contre la ville de
Génes . On doute cependant que cette entrepriſe
s'exécute , la plupart des Officiers Généraux des
troupes de la Reine de Hongrie y trouvant de
trop grandes difficultés , vû fur-tout l'extrême repugnance
que marquent les troupes , & l'opinion
générale eft que fa Majefté Hongroife , cédant aux
repréſentations qui lui ont été faites à ce ſujet par
le Comte de Browne , conſentira qu'on ſe borne
à faire quelque tentative du côté de Sarzane & de
la Spécie . Suivant les apparences , nos principaux
efforts pour le préfent fe tourneront contre cette
derniere ville. Les ennemis eux-mêmes femblent
s'y attendre , & l'on a appris quele Duc de Richelieu
avoit renforcé la garnifon du Château , dont
les fortifications ont été confidérablement augmentées
, & qu'il avoit donné le commandement
de cette Fottereffe à M. Dieffenhaller , Commandant
d'un Bataillon du Régiment Suiffe de Vigier.
Toutes les lettres confirment que les differends furvenus
entre la République de Génes & celle de Lucques
font entierement terminés , & que le Miniftre
, qui avoit été envoyé à Génes par cette dernie
re République , a eu fon audience de congé ..
JANVIER.
1748
195
Dôge.Ileft venu ici de la part du Roi
deSardaigne
un Officier , qui , après avoir eu un long entretien
avec le Comte de Browne , eft retourné à Turin.
Le bruit court que le Roi de Sardaigne demande
que cette ville- ci lui foit remife par la Reine de
Hongrie.
DE TURIN , le S.
On a publié depuis peu un Edit par lequel il eft
ordonné aux sujets du Roi de ne fournir des fubfiftances
aux troupes de la Reine de Hongrie , qu'au
tant que ces troupes payeront argent comptant les
wivres & les fourages qui leur feront livrés. Il eft
dit dans cette Ordonnance que
filefdites troupes
employent la violence pour le faire donner ce
dont elles auront befoin , il faut avoir d'abord recours
à la voye des
repréſentations , mais que fi ce
moyen n'opére aucun effet , on pourra repouffer la
force par la force . Un Parti de Milices Piémontoifes
s'avança le 27 du mois dernier vers le Col de
Brois , dans le deffein d'enlever un Convoi que les
ennemis faifoient conduire de Sofpello à Penna
mais la fupériorité du nombre de l'eſcorte fut caufe
qu'il ne put exécuter fon projet , & il fe rétira
précipitamment , après avoir effuyé une décharge
qui lui tua douze foldats. Le 29 un détachement
des ennemis ayant paffé la Roya , fe porta à Ayroles
, où il attaqua quelques Compagnies d'Infanterie
des troupes du Roi. Elles fe maintinrent
dans leur pofte , & il n'y eut de part & d'autre
qu'un Officier tué & quelques foldats bleffés. Deux
cent Miquelets parurent le 31 fur la montagne de
Gigno ,d'où ils s'avancerent jufqu'à la Madonna
del Monte. Ils tirerent de- là plufieurs coups de fufil
fur nos grandes Gardes , mais le Chevalier de
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
Maffel ayant fait , marcher quelques troupes pour
leur donner la chaffe , ils fe déterminerent à la retraite
. Divers détachemens de troupes reglées ont
été envoyés à Bréglio , pour en renforcer la garnifon.
Nos partif.ns font des courfes continuelles
afin de tâcher d'intercepter les Convois des ennemis.
DE NICE le 12. ,
>
Le Marquis de Mirepoix , qui commande les
troupes Françoifes dans ce Comté , a ordonné que
toutes perfonnes , de quelque qualité qu'elles pûffent
être , portaffent fous peine de la vie , leurs armes
à feu chés le Commandant de la ville la plus
proche de leur habitation . En même tems ce Lieutenant
Général a reglé que les Communautés ſeroient
obligées d'avertir de tous les mouvemens
qui feroient faits fur leur territoire ou dans les environs
par les troupes de la Reine de Hongrie &
du Roi de Sardaigne , & que faute de s'acquitter
de ce devoir , elles feroient condamnées à payer
le double des dommages que ces troupes pourroient
caufer , foit aux Communautés voifines
foit aux troupes de France & d'Eſpagne. Il a défendu
auffi d'entretenir , fous quelque prétexte que
ce foit , aucune espece de correfpondance avec le
Piémont. Il est entré dans le Port de Villefranche
un navire , venant de Génes , par lequel on a été
informé qu'un détachement des troupes Françoifes
qui font fous les ordres du Duc de Richelieu , avoit
furpris le pofte deVoraggio, dans lequel il avoit fait
prifonniers quatre cent neuf hommes des troupes
de la Reine de Hongrie.L'équipage du même navire
a rapporté que deux Officiers du Régiment
Royal Italien au fervice de France , lefquels
étoient allés faire des recrues dans l'Etat EccléfiafJANVIER.
1748. 197
tique , avoient été arrêtés avec leurs recrues fur
la frontiere de la Tofcane , mais qu'enfuite ils
avoient été relâchés , & renvoyés au Duc de Richelieu
. On mande de Genéve que le Duc de
Modéne y eft arrivé de Grenoble les de ce mois
& qu'il a dû le même jour ou le lendemain continuer
fa route pour Vénife , où il fe propoſe
de paffer le Carnaval . Les nouvelles de Schaf
foufe portent que M. Van Haren a fait au
Canton de Zurich la propofition de fournir
deux Régimens à la République des Provinces-
Unies , & qu'on croit que ce Canton accorders
cette demande.
·
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
E premier jour de l'an les Princes &
Princeffes & les Seigneurs & Dames
de la Cour curent l'honneur de complimenter
le Roi fur la nouvelle année .
Le Corps de Ville a rendu à cette occafion
fes refpects à leurs Majeftés , à Monſeigneur
le Dauphin , à Madame la Dauphine
, à Madame & à Mefdames de France.
Le même jour le Roi tint un Chapitre
dans fon cabinet à Verſailles , dans lequel
il nomma Chevaliers de l'Ordre du S.
Efprit le Duc de Luynes , le Marquis de
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
Puyficulx , le Comte de S. Severin , le Com
te de Segur , le Marquis de la Tour Maubourg
& le Comte de Bulkeley.
A
M. le Duc de Luynes , Charles-Philippes
d'Albert , Duc de Luynes & de Chevreufe
Montfort, Pair de France , eft né le 30 Juillet
1695 du mariage de Honoré-Charles-
Edouard d'Albert , Duc de Montfort
Maréchal de Camp , Capitaine Lieutenant
des Chevau - Legers de la Garde du Roi ,
mort le 13 Septembre 1704 , & de D.
Marie-Anne - Jeanne de Courcillon de
Dangeau , morte le 28 Juin 1718 ; il a été
marié , 1. le 24 Fevrier 1710 avec D.
Louife-Leontine - Jacqueline de Bourbon
Soiffons , morte le 21 Janvier 1721 , 2 °.
le 15 Janvier 1732 avec D. Marie Brulart
de la Borde , aujourd'hui Dame d'honneur
de la Reine ; il a de fon premier mariage
Marie - Charles - Louis d'Albert , Duc de
Chevreufe Montfort , Meftre de Camp
général des Dragons , qui vient d'être fait
Lieutenant Général des armées du Roi àla
derniere promotion du 6 Janvier 1748 ,
& qui a des enfans de fon mariage avec D.
Henriette - Nicole d'Egmont Pignatelli fa
feconde femme. M. le Duc de Luynes eft
le huitième de fa maifon , Chevalier des
Ordres du Roi , comme on le peut voir
dans la généalogie qui en eft rapportée
JANVIER. 1748. 199
dans l'Hiftoire des Grands Officiers de la
Couronne , vol . 4 fol. 263 & dans le vol
9 ou eft le Catalogue des Chevaliers de
l'Ordre du Saint-Elprit.
M. le Marquis de Puyfieulx , Louis- Philogene
Brulart , Marquis de Puyfieulx & de
Sillery , Miniftre des affaires Etrangeres ,
Confeiller d'Etat d'épée , Lieutenant Général
des armées du Roi , ci-devant Ambaffadeur
en Hollande , & avant à Naples ,
né le 12 Mai 1701 , eft marié depuis le
19 Mai 1722 , avec D. Charlotte - Felicité
fe Tellier, fille de Louis- Nicolas le Tellier,
Marquis de Souvré , Maître de la Garderobe
du Roi , Chevalier de fes Ordres &
Lieutenant Général pour fa Majesté au
Gouvernement de Bearn & de Navarre , &
de D. Catherine- Charlotte de Pas de Feuquieres
, Dame de Rebenac , duquel mariage
eft née une fille unique, Adelaïde - Felicité
Brulart de Sillery , le 5 Novem
bre 1725 , & mariée le 26 Janvier 1744
avec Louis -Cefar d'Eftrées le Tellier , dit
le Comte d'Eftrées, fon coufin- germain ,depuis
Chevalier des Ordres du Roi , &
Lieutenant Général de fes armées , & c. M.
le Marquis de Payfieulx eft fils de Carloman
Philogene Brulart , Comte de Sillery
mort le 27 Novembre 1727 & de D. Marie-
Louiſe Bigot , morte le 8 Mai 1746 ,
I iiij
100 MERCURE DE FRANCE.
•
Petit fils de Louis Brulart , Marquis de Sillery
, Meftre de Camp d'un Régiment d'Infanterie
, & Gouverneur de Damvilliers
mort le 29 Mars 1691 , & de D. Marie-
Catherine de la Rochefoucault , morte le
7 Mars 1698. Voyez pour cette généalogie
le 6 volume des Grands Officiers de la
Couronne , fol. 525 & le 9 volume de la
même Hiftoire.
M. le Comte de Saint Severin , Alphonfe-
Marie -Louis de SaintSeverin d'Arragon ,
ci -devant Ambaffadeur de France en Suéde
puis en Pologne , & avant Gentilhomme
de la Chambre de S , A. R. l'Infant D. Carlos
, Duc de Parme , aujourd'hui Roi de
Naples & fon Miniftre à la Cour de France
, eft né en 170 ... fils du Comte D.
Ottavio de S. Severin d'Arragon , Gentilhomme
de la Chambre du Duc de
Parme & fon Envoyé Extraordinaire au
Congrés de paix à Utrecht en 1713 ,
mort en 172 ... & de D. Blanche Salva
tico ; il eft marié depuis le 14 Juillet 1733
avec D. Marie - Louife - Françoife Fillon
de Villemur , veuve de Louis- Pierre de
Houderot , Comte de Houdetot , Colonel
du Régiment d'Artois & Lieutenant
pour le Roi au Gouvernement de la Province
de Picardie , duquel mariage il n'a
qu'une fille encore jeune . Voyez cette gé-
+
JANVIER . 1748. 201
néalogie rapportée avec toutes fes branches
au nombre des maifons illuftres d'Italie
par M. Imhoff dans le volume imprimé à
Amfterdam en 1710 , & dans l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne , vol .
8 fol . 503 , où elle eft rapportée en partie à
l'occafion de Galeas de Severin des Comtes
de Gayaffe , Seigneur de Mehun fur
Yevre , Chevalier de l'Ordre de S. Michel
fous le Roi Charles VIII , depuis honoré
de la Charge de Grand Ecuyer de France
par Lettres du Roi Louis XII du 22 Septembre
150s , lequel enfin perdit la vie
au, fervice du Roi François I. à la journée
de Pavie au mois de Février 1524 ,
lequel Galeas étoit frere puiné de Antoine-
Marie de S. Severin , Seigneur de Gualfinace
du Marquifat de Saluces , l'un des
ayeux de M. le Comte de S. Severin qui
donne lieu à cet article.
M. le Comte de Segur , Henri- François
de Segur , Lieutenant Général des armées
du Roi , Gouverneur & Lieutenant Géné
ral , & Senechal du Pays & Comté de
Foix , Capitaine & Gouverneur particu
lier des Ville & Château de Foix , Lientenant
Général au Gouvernement de
Champagne & de Brie , eft né le premier
Juin 1689 ; après avoir été Page de
la Chambre du Roi en 1699 , il fut fair
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Colonel d'un Régiment d'Infanterie en
1706 , puis Guidon de la Compagnie des.
Gendarmes Anglois en 1709 , Meftre de
Camp de Cavalerie la même année , fur
Brigadier des armées du Roi le premier
Février 1719 , & Meftre de Camp , Lieutenant
du Régiment d'Orleans Cavalerie
le 6 Mars fuivant , fut nommé Maréchal
de Camp le 20 Février 1734 , & enfin
Lieutenant Général des armées du Roi
le premier Mars 1738 ; il eft marié depuis
le 12 Septembre 1718 avec Dame Phili
pe-Angelique de Froiffy , de laquelle il a:
des enfans , il eft fils de Henri-Jofeph de
Segur , Marquis de Segur , Seigneur de
Ponchat & de Fauguerolles , Gouverneur,.
Lieutenant Général & Sénéchal des Pays
& Comté de Foix , Capitaine & Gouver
neur particulier des Ville & Château de-
Foix , & Lieutenant Général au Gouver
nement de Champagne & de Brie , &
Grand Croix de l'Ordre Militaire de Saint
Louis , & avant Capitaine Lieutenant dela
Compagnie des Chevau-Legers d'Anjou
, mort le 10 Juin 1737 , & de Dame
Claude- Elifabeth Binet de S. Martin , mariés
le 6. Mai. 1688 ; le nom de Segur eft
marqué en Guyenne par for ancienneté ,
par fes alliances & par les fervices mili
taires
JANVIER 1748. 203
M. le Marquis de la Tour-Maubourg ,
Jean-Hector de Fay , Marquis de la Tour
Maubourg , Seigneur de Fay de Sainte Si
golaine de la Baftie , de Cleffy , de Chaffy ,
&e. Lieutenant Général des armées du Roi,
eft né en 167... ; il fut Colonel d'un Ré
giment de fon nom en 1702 , il eut le Régiment
de Ponthieu en 1706 , fut fait Inf
pecteur Général d'Infanterie en 1718
ayant eu permiffion de fe défaire de fon
Régiment , il obtint fa réforme dans celuti
de la Marine , fut fait Brigadier d'armée
le premier Février 1719 , Maréchal de
Camp le 20 Février 1734 , & enfin Lieu
tenant Général le premier Mars 1738 ; ik
a été marié , 1º. le 17 Juillet 1709 avec
Dame Marie-Anne- Lucie- Therefe de la
Vieuville , morte fans enfans le 19 Septembre
1714 , 20. le... Janvier 1716
avec Dame Marie-Suzanne Bazin de Be--
zons , morte le 20 Juin 1726 , fille de
feu M. le Maréchal de Bezons , dont il a
en N... marié avec N ..... de Fay ,
Comte de Gerlande de même maifon qu
elle , .& une autre fille non mariée , 30. le
13 Août 1731 avec Dame Agnès- Madelaine
Trudaine , morte le 4 Août 1737 .
duquel mariage il ne lui reste qu'une fille
encore jeune il a eu deux freres , tous
deux Chevaliers de Malte , dont l'ün a été
B vjj
204 MERCURE DE FRANCE.
Commandeur , & l'autre depuis Chanoine
& Comte de Lyon ; il eft fils de Jacques
de Fay , Comte de la Tour Maubourg ,
Baron de S. Maurice de Legnon , Seigneur
de la Garde en Forêt, &c. & de D.Eleonor
Palatine de Dyo de Montperoux . La Maifon
de Fay , originaire du Velai , & l'une
des plus anciennes & des plus illuftres ,
s'eft divifée en plufieurs branches , toutes
marquées par leurs alliances ; fes armes
font de Gueules à une bande d'or , chargée
d'une Fouine d'azur .
: M. de Bulkeley , Jacques Vicomte de
Bulkeley , Pair d'Irlande , Lieutenant Général
des armées du Roi, Colonel d'un Régiment
d'Infanterie Irlandois de fon nom
& Commandant à Bruges. Au mois de
Janvier 1706 , il eut un Brevêt de Colonel
; le 8 Mai 1707 ſa Majefté lui donna
un Régiment d'Infanterie de la création de
1702 , il fut reformé à la fuite de celui de
Berwick en 1714 , fut fait Brigadier d'armée
le premier Fevrier 1719 , puis Colonel
d'un Régiment d'Infanterie de fa Nazion
& de fon nom par commiffion du 16
Septembre 1733 , Maréchal de Camp le
20 Février 1734 , & enfin Lieutenant Général
le premier de Mars 1738. Il eſt fils de
Henri Bulkeley de Beaumarish , Pair d'Irlande
, Grand Maître de la Maifon des
JANVIER. 1748. 109
Rois d'Angleterre Charles II & Jacques
II , & de Dame Sophie Stuart , Dame
d'honneur de la Reine Marie Thereſe d'Eft
femme du même Roi Jacques II.M.de Bulkeley
eft frere de D.Charlotte de Bulkeley,
Dame d'honneur de la Reine d'Angleter
re, mariée en 1597 avec Charles O Brien
Lord Vicomte de Clare , Pair d'Irlande ,
Maréchal de Camp & Colonel d'un Régiment
Irlandois au fervice de France ,
tué à la bataille de Ramillies en 1706 , pere
de Charles O Brien , Milord Comte de
Thomond , Lord Vicomte de Clare , Pair
d'Irlande , Lieutenant Général, reçu Chevalier
des Ordres du Roi le premier Janvier
1747. M. Bulkeley eft auffi frere de
D. Anne- Bulkeley , aujourd'hui veuve de
M. le Maréchal Duc de Berwick ....
Les preuves de l'Archevêque de Paris ,
de l'Archevêque de Rouen & de l'Abbé
d'Harcourt , nommés Prélats Commandeurs
de l'Ordre le 21 Mai de l'année der
niere , furent admifes dans ceChapitre ,
après lequel le Roi fe rendit à la Chapelle,
étant précedé de Monfeigneur le Dauphin ,
du Duc de Chartres , du Comte de Clermont
, du Prince de Conty , du Prince de
-Dombes , du Comte d'Eu , du Duc de Penthiévre
& des Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre. S. M. devant la
TOG MERCURE DE FRANCE.
quelle les deux Huiffiers de la Chambre.
portoient leurs maffes , étoit en manteau
le collier de l'Ordre par deffus , ainſi que
celui de l'Ordre de la Toifon d'or. Le Roi
étant monté à fon Trône , reçût Comman
deurs l'Archevêque de Paris , l'Archevêque
de Rouen & l'Abbé d'Harcourt avec
les cérémonies accoûtumées. S. M. entendit
enfuite la grande Meffe célébrée par
l'Archevêque de Tours , Prélat Comman→
deur de l'Ordre du S. Efprit , & chantée
par la Mufique..
Le 2 le Roi accompagné comme le jour
précedent affifta au fervice qui fut célébré
dans la Chapelle pour le repos des ames
des Chevaliers morts dans le cours de l'année
derniere , & auquel le même Prélat
officia.
Le 3 les Députés des Etats de Bretagne
curent audience du Roi . Ils furent préfentés
par le Duc de Penthiévre , Gouverneur
de la Province & par le Comte de S. Flo
rentin , Sécrétaire d'Etat , & conduits en
la maniere accoûtumée par le Grand Maî
ure & le Maître des Cérémonies. La Dépu
tation étoit compofée , pour le Clergé , de
FEvêque de S. Brieux , qni porta la paro
le ; du Comte de la Vauguion pour la No.
bleffe ; de M. du Menez , Sénéchal d'Au-:
ray ,pour le tiers Etat; du Comte de QueJANVIER
1748. 207
Ien , Procureur Général & Syndic des
Etats , & de M. Boyer de la Boiffiere Tréforier
Général de la Province .
Le Marquis de Rouflille prêta le 24 di
mois dernier ferment de fidélité entre les
mains du Roi , en qualité de Lieutenant
de S. M. dans la Haute Auvergne.
Sa Majesté a nommé le Duc de Niver
mois pour aller réfider à Rome avec carac +
tére de fon Ambaffadeur Extraordinaire.
Le Roi a fait une Promotion par laquelle
S. M..a nommé vingt- huit Lieutenans Gé
néraux , cinquante-neuf Maréchaux de
Camp & quatre-vingt dix Brigadiers.
Sa Majefté ayant difpofé des Régimens
vacans a donné le Régiment Dauphin au
Comte de Gramont , Brigadier , Colonel
du Régiment de Haynault ; le Régiment
de Haynault au Marquis de Sablé , Capi
taine dans le Régiment de Cavalerie de
Berry ; celui de Royal Routfillon au Mar
quis de Cleron d'Hauffonville ,. Capitai
ne Lieutenant de la Compagnie Colonelle
de ce Régiment ; celui de Rouergue au
Comte d'Estaing , Capitaine dans le même
Régiment ; celui de Provence à M. de
Sarsfield , Lieutenant dans le Régiment
des Gardes Françoifes ; celui de Bearn au
Chevalier de Timbrune , Capitaine , Aide
Major dans ce Régiment ;, celui de Bou
208 MERCURE DE FRANCË.
lonnois au Comte de Choifeul , Lieute
nant dans le Régiment d'Infanterie du
Roi ; celui de Périgord au Marquis de
Molac Lieutenant dans le Régiment
d'Infanterie du Roi ; celui de Brie au Chevalier
de Polignac , Capitaine dans le Régiment
de Dragons de Septimanie ; celui
de l'Ile de France au Marquis de Morbecq
, Capitaine reformé à la fuite du Régiment
d'Infanterie de Limofin ; celui de
Vivarais à M. de Courcy , Capitaine dans
le Régiment d'Infanterie du Roi ; celui de
Blaifois an Marquis de Juigné , Capitaine
dans le Régiment de Cavalerie d'Egmont ;
le Régiment de Cuiraffiers au Marquis de
Loftanges , Capitaine dans le Régiment
de Cavalerie d'Anjou ; le Régiment de
Cavalerie de Bretagne au Comte d'Helmftatt
, Capitaine dans le Régiment de Cavalerie
de Barbanfon ; le Régiment de
Dragons de la Reine au Comte de Morant
, Capitaine dans le Régiment de Cavalerie
de Saint Jal ; le Régiment de Dragons
Dauphin à M. de Canify , Capitaine
dans le Régiment d'Infanterie du Roi , &
le Régiment de Dragons de Languedoc au
Comte de Scey Montbeillard , Capitaine
au Régiment de Cavalerie de Fouquet.
Le 14 la Reine entendit la Meffe dans la
Chapelle du Château , & S. M. communia
JANVIER . 1748. 209
par les mains de l'Archevêque de Rouen
fon Grand Aumônier.
Le même jour le Roi & la Reine partirent
de Verſailles pour aller coucher au Châ
teau de Marly.
Le Roi a accordé au Maréchal Comte
de Saxe le Commandement Général des
Pays conquis.
On a reçû avis d'Efpagne que les vaiffeaux
de Regiftre la Perle , la Begona , le
Salomon , le S. Michel , y las Animas , l'Alcyon
, l'Arenton & le Loreto у étoient arrivés
de la Havanne fous l'efcorte du vaiffeau
de guerre la Reine , commandé par
Don Alexandre Chatelein , & que ces bâtimens
, outre les marchandifes dont ils
étoient chargés , avoient apporté , en argent
monnoyé ou non monnoyé la valeur
de deux millions quatre cent quatre-vingt
fix mille fept cent trente-fept piaftres
dont deux cent cinquante mille font pour
le compte de Sa Majesté Catholique.
De Liége le 10 Janvier.
>
Ces jours derniers un détachement de
cent quatre-vingt Dragons de la garnifon
de Namur , foutenu de quelque Infanterie
, attaqua un Parti des Alliés , qui s'étoit
logé dans un village des environs , &
qui après s'être défendu pendant quelque
210 MERCURE DE FRANCE.
tems avec beaucoup de valeur , fut enfin
obligé de prendre le parti de la retraite .
Depuis un mois il s'eft répandu dans ce
Pais une troupe de voleurs , qui y ont com
mis divers excès & affaffiné plufieurs perfonnes
; on a expedié des ordres pour don
ner la chaffe à ces bandits , & pour procu
rer la fûreté des grands chemins . On écrit
de Hollande que les Etats Généraux n'ont
point fait de nouveaux Brigadiers dans la
derniere Promotion , parce qu'ils veulent
fupprimer ce grade militaire. Les mêmes
avis portent que le 6 les vaiffeaux de guerre
Hollandois le Burgt- Van- Leyden , l'Af-
Lendelft & le Leeuwenhorft ont mis à la voile
pour Fortfmouth , & que le lendemain les
vaiffeaux le Harlem , le Maarfen & Le
Middelbourg ont pris la même route.
EPITRE
AM. Titon du Tillet , par Madame des
Forges Maillard , pour le premier jour
de l'année 1748.
Mon
On mari, mesdeux fils ,Paulet, Evrard & mọi,
Evrard , votre filleul , qui déja fe démene ,
Vous fouhaitons chacun une dixaine ,
D'ans bel & bienfournis ; tout quoi
JANVIER. 1748 .
Si j'ai bien calculé , fait une quarantaine,
Vous voyez que je paſſe en générofité
Mon mari , qui s'eſt contenté
De vous fouhaiter la trentaine.
Que pendant tout ce tems , fuyant votre maifong,
L'importune & quinteuſe goure
Vous fafle prompte banqueroute ;
Et pour le dorloter , loin de vous , cher Titon
S'aille impatronifer ſur le duvet d'aiglon ,
Où repofe à longs traits rubiconde & fleurie
D'un Chanoine la Seigneurie ,
Qui fans doute y profitera ,
Sans quoi j'ai l'ame trop chrétienne
Pour vouloir qu'au prochain jamais mal il ad
vienne..
Je dis donc que profit à la goute il aura
En ce qu'elle l'exemptera:
De courir à la voix des cloches argentines,
A
Matines ,
Le noz de peur du froid dans fon chaud Domineau,
Empaqueté comme l'a dans fa plume
Le maritime & trifte oifeau 9
Dormant au bruit des flots qui roulent leur écume
Je voulois vous offrir quelque bon fac d'argent,
Mais j'en fuis empêchée , ami , pour le préſent.
*Voyez les vers de M. des Farges dans le Mercure
de Janvier 1747, page 30.
412 MERCURE DE FRANCE.
Les infidéles Araignées
Ont percé dans mon coffre fort ;
Là ces friponnes rencognées
Ont fait butin ( voyez la rigueur de mon fort )
De mes finances épargnées .
'Ainfi l'un s'enrichit , l'autre perd quand il dort
Mais votre ame étant fatisfaite
D'avoir pour le befoin toujours quelque grain
d'or ,
Et la fanté durable étant le vrai tréfor ,
Sans aller vainement m'alambiquer la tête ,
C'eſt elle, cher ami , que mon coeur vous fouhaite.
MORT S.
PierreComte Bevis, Lieutenant Général des armées du Roi & Gouverneur
des Ville & Château de Saint Omer , mourut à
Paris le 29 Décembre dernier , âgé de 85 ans.
Pierre Bouchart d'Efparbes de Luffan , Comte
d'Aubeterre , Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant
Général des armées de Sa Majefté , Gouverneur
des Ville & Citadelle de Collioure & Port
Vendres , & Lieutenant Général des Provinces de
Xaintonge & d'Angoumois , mourut à Paris le 16
Janvier , âgé de 91 ans.
Dame Magdeleine Bonne , Comteffe d'Hamal ,
veuve de François , Marquis de Baffompierre ,
Meftre-de-Camp de Cavalerie , mourut à LunéJANVIER
. 1748. 213
ville le 20 dans la foixante- cinquième année de
fon âge.
Henri-François -René Edouard Colbert Marquis
de Maubeurier , Vidame de Châlons , Sous - Lieute
nant de la Compagnie des Gendarmes Anglois ,
mourut à Paris le 30 , âgé de 22 ans .
张洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
ARRESTS NOTABLES.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du ?
Septembre 1747 , qui ordonne que le droit
de vingt livres fixé par celui du 21 Mai 1746 fur
les peaux de lapin brutes , & celui de cent livres
impofé par l'Arrêt du 10 Juin 1747 , fur le poil de
lapin féparé de la peau fortant à l'étranger , auront
lieu & fe percevront à toutes les forties du Royaume
, tant des cinq groffes Fermes que des Provin
ces réputées étrangeres,
DECLARATION du Roi donnée à Fon
tainebleau le 14 Novembre,, concernant la Charge
de Confeiller , Avocat du Roi au Bailliage & Ca
pitainerie de la Varenne des Tuileries.
EDIT du Roi donné à Fontainebleau au
mois de Novembre , portant fuppreffion des Gardes
de la Capitainerie de la Varenne des Tuileries,
& création d'Officiers , inême Capitainerie .
SENTENCE de l'Election de Reims du 2
Décembre, qui confifque foixante livres, dix onces
de faux Tabac faifi chés les Capucins de Rethel-
Mazarin , & les condamne en mille livres d'amen
214 MERCURE DE FRANCE.
de ; leur enjoint de fe conformer aux Ordonnances
& Réglemens , & notamment aux Arrêt & Lettres
Patentes des 25 Janvier 1724 & 24 Mars 1727 ,
qui autgrifent les Capitaines Généraux des Fermes
a faire des vifites domiciliaires dans les maiſons des
Eccléfiaftiques , Nobles , Bourgeois & autres , fans
permiffion de Juges .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 12,
qui proroge pendant le courant de l'année 1748 ,
a commencer du premier Janvier audit an , la modération
des droits de marc d'or , d'enregistrement
chés les Gardes des rôles , ſceau & autres frais de
provifions des Offices vacans & autres réputés tels,
qui feront levés aux revenus cafuels .
ORDONNANCE du Roi du 31 , en interprétation
de celles des premier & 4 Novembre
1747 , pour les Décomptes des Troupes du pre
mier Novembre 1747 au dernier Avril 1748 .
AUTRE du premier Janvier 1748 , contre
les fugitifs & déferteurs de la Milice.
L
AVIS.
Es perfonnes qui n'ont point encore
payé ce qu'elles doivent des Mercures
de l'année 1747.,font priées d'en envoyer
inceffamment le montant au Bureau du
Mercure.
APPROBATION.
J
'Ai lu par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Janvier
1748. A Paris le premier Février 1748.
BONAMY.
TABLE.
Lite des Loraires,
Ifte des Libraires qui débitent le Mercure
Piéces fugitives en Vers & en Profe . Lettre
1'Auteur de l'abregé de la vie des Peintres fur
un Tableau appartenant au Roi ,
Invitation à Mlles , Stances ,
3
23
Extraits de lettres d'un François qui voyage en Italie,
fur la découverte de la ville d'Herculanne , 25
Déclaration d'Amour ,
Relation d'une groffeffe finguliere ,
Caprice ,
36
39
44
Lettre fur la maniere dont Baron déclamoir quelques
vers d'Iphigénie ,
Rondeau fur le nouvel an ,
Lettre de M. G. à M. ***
45
49
so
Epiftola prima ad Mecoenatem , & fa traduction , sz
Remarques fur cette Epitre ,
Etrennes à Mlle B .... T ....
64
74
Extrait de lettre fur l'ergot qui croft dans les épis
de feigle , 76
Imitation d'une Ode de Sapho , traduite par Catulle
Lettre à M. Pluche
Portrait de Mad . B ***
82
83
93
Vers à Mad. N. ****
94
Epigramme ,
ibid.
Lettre d'un Chirurgien de Province à un Médecin
de Paris , 95
Réponse en vers à une Dlle qui avoit fait préfent à
l'Auteur d'un Livre intitulé l'art d'aimer , 99
Vers de Mad, du B. à Mad . L. D. 100
Plainte des Poëtes à Mad. du B. ibid.
Lettre de M. Mangin , Maître Maçon à M. B. 101
Epitre en vers blancs de M. de la Soriniere à M.
l'Abbé G... , 105
Lettre à l'Auteur de la traduction d'une Satyre
d'Horace , 109
Mots des Enigmes & des Logogryphes des Mercures
de Décembre ,
Enigmes & Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , & c.
Prix d'Eloquence & de Poëfie pour 1748 ,
Estampes nouvelles
III
ibid.
116
149
150
ISI
1524
154
155
Cartes nouvelles ,
Spectacles ,
Chanfon notée ,
Nouvelles Etrangeres , Alger , &c.
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 197
Epitre à M. Titon du Tillet ,
Morts ,
Arrêts notables ,
Avis ,
210
212
-213
.214
La Chanfon notée doit regarder la page
De l'Imprimerie de J. BULLOL.
154
MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
FEVRIER..
ON
SPARGAT
LIGIT
UT
1748 .
Clés
Papillon
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S André . !
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers .
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A.VIS.
L'AM. DE CLEVES D'ARNICOURT,
'ADRESSE générale du Mercure eft
"
rue des Mauvais Garçons fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages,
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très-exactement à
leurs intentions.
"
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROI.
FEVRIER.
1748 .
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
SUITE de la Séance publique de
l'Académie des Sciences.
L nous refte à rendre compte
d'un Mémoire que lût M. de
Réaumur fur les moyens de faire
éclore des poulets & des oifeaux
domeftiques de toutes les autres efpéces en toute
faifon & en telle quantité qu'on voudra dans
des couches de fumier.
Perfonne n'ignore le grand nombre de
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
"
découvertes utiles & curieufes que M. de
R. a faites dans l'Hiftoire naturelle.. Son
admirable Hiftoire des Infectes a découvert
aux Phyficiens un nouvel Univers
qu'on ne connoiffoit pas , ou qu'on ne
connoiffoit que fort imparfaitement . Ses
travaux multipliés fur tant d'autres fujets
ont toujours été fuivis du fuccès , & de la
gloire qui en eft la jufte récompenfe , &
le nom de M. de R. eft placé depuis longtems
à la tête de tous ceux qui ont travaillé
fur ces matieres.
Les Egyptiens à qui les autres peuples
ont dû les premieres connoiffances des
Arts , poffedent depuis long- tems le fecret
de faire éclore des poulets fans le fecours
des poules , en mettant les oeufs dans des
fours où ils entretiennent une chaleur égale
à celle des couveufes.
Ce fecret , malgré l'utilité dont il peut
être , non -feulement ne leur a point été
enlevé par d'autres peuples , mais il n'eft
poffedé même en Egypte que par les habitans
d'un feul village , nommé Breme , fitué
dans le Delta , à vingt lienës du Caire,
Ils l'apprennent à leurs enfans & le cachent
aux étrangers. Les Breméens fe répandent
dans le Royaume quand la faiſon favorable
, c'est-à -dire le commencement de l'attsomne
eft arrivé. Eux feuls font au fait des
FEVRIER .
5 1748.
attentions que demandent les oeufs pendant
le tems où ils font dans le four.
Feu M. le Duc d'Orléans , Régent du
Royaume , avoit formé le deffein de nous.
faire connoître le fecret des Egyptiens . II
avoit envoyé à M. le Maire , alors Conful
au Caire , un Mémoire rempli des queftions
que M. de R. avoit faites fur ce fujet
, & M. le Maire offrit , ce qui valoit
mieux que de répondre , d'envoyer en
France un de ces Breméens , dont le métier
étoit de faire éclore les poulets. La mort
de ce Prince arrêta l'exécution de ce projet.
Mais il auroit été facile fans le fecours
des Breméens , de pénetrer leur fecret , il
ne doit confifter qu'à entretenir dans le
four la même chaleur que celle de la poule
qui couve ; le Thermometre en offroit un
moyen qui manque aux Breméens , & cette
chaleur eft à 32 degrés . De fages confidérations
ont empêché de faire des tenta-
↑ tives qui n'auroient été que curieufes, fans
pouvoir être utiles. Les frais d'une couvée
dans un four ne font pas un objet , quand
ils font répartis fur 45.a 50000 mille poulets
que les Egyptiens font éclore à la fois,
mais comment parvenir dans nos plus
grands villages à raffembler cette quantité
d'oeufs , comme on fait dans ceux du Delta,
où l'efpece eft beaucoup plus commune?
A 11
6 MERCURE DE FRANCE.
.
Il a donc fallu chercher un moyen moins
difpendieux , & où les frais fuffent affés
médiocres pour être abondamment compenfés
par le produit. Tous les Auteurs
qui traitent de l'economie de la campagne
, tous les Ornithologues , ont écrit
qu'il étoit aifé de faire élore des oeufs de
poules dans le fumier. A les entendre rien
n'eft plus fimple ; il ne s'agit que d'enterrer
un tas d'oeufs dans du fumier ordinaire ,
cependant aucun d'eux ne dit avoir mis ce
fecret en pratique , & on va voir qu'ils
l'auroient fait fans fuccès , & qu'il falloir*
des expériences fouvent repétées , des attentions
très délicates & très - fuivies ,
en un mot la main d'un très - habile Phyficien
pour employer avec fuccès ce moyen
qui leur paroît fi fimple.
Tous ceux qui aiment la culture des potagers
, fçavent que les couches de fumier
s'échauffent quelques jours après qu'elles
ont été dreffées, que leur chaleur augmente
tous les jours & devient enfin fi confi.
dérable , que fi on y enfonce la main à une
profondeur de quelques pouces , on eſt
bientôt obligé dela retirer précipitamment,
averti par la douleur, que pour peu qu'on
l'y laiffat plus long- tems on fentiroit une
impreffion pareille à celle d'une brûlure .
Cette chaleur eft bien fupérieure à celle qui
FEVRIER. 1748. 7
doit être employée pour couver des oeufs ;
elle a prefque cuit ceux que M. de R. avoit
mis dans une couche chaude , quoiqu'ils.
fuffent dans un pot. Comme cette chaleur
croît par dégrés & décroît de même dans
les differens endroits de la couche ; on
trouve foit en montant,foit en defcendant ,
ceux qui font propres à couver des oeufs
mais ces degrés ne fubfiftent pas affés long.
tenis à la même hauteur de la couche
leur durée n'eft peut- êtrejamais d'un jour,
à la même hauteur de la couche ; on doit
conclure de-là que c'eft fans l'avoir examiné
que l'on a avancé qu'il étoit facile
de faire éclore les poulets dans le fumier .
M. de R. a jugé que fi on pouvoit s'en
fervir utilement, c'étoit non en y enterrant
les oeufs , mais en en formant une espece de
four , c'est- à-dire en le difpofant de maniere
qu'il entourât une grande cavité
dont il échaufferoit l'air , & en fe ménageant
des moyens de connoître à toute
heure le degré de chaleur de cet air , & de
l'augmenter & de le diminuer , felon qu'il
feroit convenable.
Les premieres tentatives promirent un
fuccès heureux . Pendant les premiers jours
M. de R. voyoit,en caffant quelques oeufs,
le progrès que faifoient les embrioms
mais bien-tôt il les vit périr plus ou moins.
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
près du terme , fuivant les differentes cou
vées . Comme ces expériences n'ont pas
réuffi , nous ne nous y arrêtons pas .
les au-
Nous ne pouvons cependant paffer fous
filence une obfervation qui fe trouve dans
cet endroit . Parmi tant d'oeufs corrompus,
il s'en trouva qui n'étoient aucunement
altérés &. qui étoient en état d'être mangés
, quoiqu'ils fuffent depuis long - tems
dans le fumier qui avoit corrompu
tres , épreuve fans doute plus confidérable
que fi on les avoit gardés pendant une année
. Ces oeufs qui fe font confervés pendant
que d'autres fe corrompoient , étoient
ceux qui n'avoient point de germe. Ainfi
ceux qui veulent conferver des oeufs longtems
pour les manger ou les vendre lorf
que les poules ne pondent pas , n'ont qu'à
employer une précaution bien fimple, c'eft
de ne point donner de cocq à leurs poules.
Il y auroit peut-être encore mieux à faire ,
ce feroit de faire périr le germe en plongeant
feulement l'oeuf dans l'eau bouil
lante.
Après plufieurs expériences réitérées
avec autant de patience que peu de fuccès
, M. de R. obferva que les oeufs s'étoient
corrompus plus vite dans le four ,
lorfque les parois en avoient été plus humides
, & il ne douta plus que l'obitacle net
FEVRIER. 1748. 9.
› vint d'une vapeur qu'exhaloit le fumier
& qu'il falloit empêcher d'agir & de paffer
au travers de la coque dans l'intérieur
de l'oeuf, fi l'on vouloit fauver les poulets.
Cet obftacle étoit affés facile à vaincre ,
mais on ne l'avoit pû connoître qu'en re-
Aléchiffant attentivement fur bien des expériences
infructueuſes , dont un Naturalifte
moins éclairé n'auroit crû devoir attribuer
le peu de fuccès qu'au degré de
chaleur mal obfervé ; c'eft en effet la caufe
qui paroît d'abord la plus apparente & qui
pouvoit par là tromper ailement un ob
fervateur moins habile.
M. de R. fit donc enfoncer dans la couche
un demi muid ; les vuides qui refterent
autour de la circonférence furent remplis
de fumier ; il en fit tenir les bords élevés
de deux ou trois pouces au -deffus de la
couche , & il étoit furmonté d'un couvercle
fait exprès . Ce couvercle avoit un grand
trou quarré au milieu , dont chaque côté
avoit quatre pouces , & huit autres trous
qui pouvoient être bouchés par de gros
houchons de bouteilles . Ces trous étoient
les regiftres qui devoient fervir à modérer.
la chaleur. Il fit faire enfuite des paniers
ronds dont le diamétre étoit plus petic
d'environ deux pouces que celui da tonneau
; il y en avoit de plus creux & de
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
moins creux . On ne pouvoit mettre qu'u
ne couche d'oeufs dans ceux-ci , & on en
pouvoit mettre deux dans les autres . Trois .
de ces paniers contenoient 200 oeufs , &
furent mis à differentes hauteurs dans le
tonneau . Cette expérience réüffit pleinement
, & le vingtiéme jour le Jardinier
vint annoncer à M. de R. qu'il y avoit un
de fes oeufs bifché, c'est-à - dire, qu'il y avoit
de petites fractures dans un des endroits
de la coque , qu'on entendoit crier le poulet
& qu'on pouvoit fe promettre de le
voir éclos le lendemain .
Il parut en effet , & les autres ne tarderent
pas à le fuivre , & M. de R. joiit pleinement
du fuccès de fon travail , mais il
lui reftoit encore à être contrarié & arrêté
par un obftacle. Il apprit bien-tôt que ce
n'étoit pas affés d'empêcher la vapeur du
fumier d'entrer dans les fours , qu'il importoit
d'y entretenir une circulation d'air.
Les poulets à terme périrent dans un des
paniers. Il en devina la caufe ; on avoit
bouché tous les regiftres du couvercle , on
avoit même étendu des paillaffons , ainfi il
conclut qu'il faut toujours laiffer quelque
registre ouvert. Une autre précaution qu'il
ne jugea pas néceffaire , mais qui n'eft pas
inutile , c'eft d'enduire les parois du tonneau
de plâtre ou de les couvrir de papier ;
FEVRIER. 7748. Li
on empêchera par - là la vapeur de péné :
trer dans le tonneau dans le cas où les douves
laifferoient quelque vuide entre elles.
Les précautions qu'il faut prendre pour
faire éclore des poulets par ce moyen, n'exigent
point , comme on le voit , des attentions
qui paffent la portée des payfans
ni qui exigent trop de foin . Le Jardinier
de M. de R. a été chargé de tout ce détail,
fans que fon jardin , fes fleurs , ni fon potåger
en fouffriffent. Mais craignant que
la feule propofition de confulter le Thermometre
ordinaire ne les effrayât , il a
penfé à leur en procurer un plus analogue
aux idées qui leur font familieres. Il confifte
en deux parties de beure & une de fuif,
qui ont été fondues & mêlées enſemble
par la fufion ; un peu de cet alliage mis
dans un petit vafe & tenu dans le four ,
apprendra fi fa chaleur eft telle qu'elle doit
être. Dans ce cas la matiere fera mal fonduë
& aura la confiftance d'un firop trop
épais ; fi la matiere a une liquidité qui la
la rende tranfparente , il faut modérer la
chaleur du four , comme il faut l'augmenter
fi la matiere eft figée. On pourra même
leur apprendre , & ils l'apprendront euxmêmes
,à n'avoir befoin (que de leur
pre peau pour juger par l'impreffion
qu'y feront les oeufs , s'ils font trop ca
pro-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
trop peu chauds 3 par ces differens
moyens ils peuvent être fûrement conduits
à ouvrir ou fermer un ou plufieurs regiftres
du couvercle & à donner des rechauffes
au four. Ce n'eft gueres que tous les huit
jours en été qu'on a befoin de réchauffer
chaque four , ce qui fe fait avec une petite
quantité de fumier , telle qu'on la prend
en deux ou trois fois avec une fourche .
M. de R. prévient deux objections qu'on
lui auroit fûrement faites , & qu'il renver
fe abfolument. Que faire , auroit- on dit ,
de tous ces poulets fans meres qui les couvrent
& les rechauffent à differentes heures
du jour ? On répond que la même couche
qui leur a fervi de mere pour les faire
naître , leur en tiendra lieu pour les empêcher
de périr & pour les faire croître.
On difpofe des boëtes peu profondes de
differentes grandeurs & de differentes formes
pour les poulets des differens âges , &
ils trouvent dans chacune la température ,
d'air qui leur convient refpectivement. M.
de R. promet un autre Mémoire fur cette
matiere, mais fi on vouloit que ces poulets
fuffent élevés comme ceux que les poulesfont
éclore , on fçait affés dans les campagnes,
que les chapons inftruits à cela conduifent
les poulets auffi bien que les poules.
Un feul fuffit pour so ou 60 poulets.
FEVRIER 1748. **
Une autre objection naît de la crainter -
que Fon pourroit avoir que les animaux
domestiques en fe multipliant ne devinf-:
fent à charge , que la confommation des
grains n'en fut trop augmentée , & que les
poulets ne caufaffent ainfi une dépenfe
au- deffus de leur valeur . Mais cette crainte
eft fans fondement. Car ce qui coûre
n'eftpas d'élever , de faire vivre la volaille,
c'eft de l'engraiffer ; d'ailleurs M. de R.
promet de nous montrer qu'il y a dans
tous les pays une forte d'aliment que les
poulets aiment , qui ne coute rien à ramaffer
& dont on peut faire de fuffifantes
provifions , fans y employer beaucoup de
tems.
On fent affés que cette découverte peut
porter fon utilité fur les oeufs des oifeaux
de toutes les espèces , & multiplier plus
aifément dans les parcs les perdrix , les faifans
, & c .
10
Si les gens de la campagne veulent fe donner
la peine de mettre en ufage cette décou
verte utile , ils verront bien- tôt multiplier
les oeufs qui font d'un ufage figénéral , &
les poulets , & ils auront à M. de R. l'obligation
qu'un de nos plus grands Rois
avoit tant d'envie de leur procurer. On
fçait affés qu'un des voeux d'Henri IV.
étoit que chaque payfan pût tous les. Di14
MERCURE DE FRANCE.
manches mettre une poule dans ſon pot.
Ces vûës d'utilité rendent la gloire qui
réfulte de cette découverte bien flateuſe
pour M. de R.
VEGASACARA YA PAEA PAPAvata
Douce &
ODE.
Ouce chere folitude ,
Oùfuyant la volupté ,
Je faifois ma ſeule étude
Des biens de l'éternité ;
Champs fleuris , terre fertile ,
Qui dans cet heureux azile
Suffifiez à mes befoins ;
Arbres touffes , grotte obfcure ,
Où j'étudiois la nature
Libre de tous autres foins.
Je pars : mon ame féduite
Du vain éclat des grandeurs ,
Se remet à la pourfuite
Du monde & de ſes honneurs ;
Je quitte à jamais vos charmes ;
Puis-je fans verfer des larmes
Vous dire adieu pour toujours ?
FEVRIER. 1748.. IS
.
Non quelque bien qui m'attende ,
Quelques honneurs qu'on me rende ,
J'y viendrai finir mes jours.
+xxx+
Vous ferez , terre charmante
Seul témoin de mes foupirs ,
Peut-être la confidente
De mes mortels déplaifirs ;
Peut-être
que
d'une vie
De foins , de foucis remplie ,
Bientôt , hélas !' rebuté ,
Je viendrai ſous ce feuillage ,
Par le malheur rendu lage,
Eu pleurer la vanité.
**
Amis fâcheux dont le zéle
Trop jaloux de mon bonheur ,
Vers le monde me rappelle
D'un féjour plein de douceur ;
Pourquoi de ma folitude ,
Où fans nulle inquiétude
Je vivois loin du danger ,
Votre tendreffe onéreuſe
Sur une mer orageuſe
Yeut-elle me r'engager
7
16 MERCURE DE FRANCE.
Sans craindre les coups funeftes
Où font exposés les Grands ,
Pour inói les tréfors céleftes
Etoient ouverts en tout tems ;
J'y puifois l'horreur du crime ,
Et j'y prenois pour maxime
De n'aimer que la vertu ,
Et dans une paix profonde ,
Loin du commerce du monde,
J'en fuyois l'air corrompu .
****
De la noire & lâche envie
Je ne craignois point les traits ,
De ma demeure cherie
Elle n'approcha jamais ;
Je goûtois dans ma retraite
La félicité parfaite ,
Loin des profanes mortels ,
Et jamais de la fortune
Que le vulgaire importune ,
Je n'obfédois les autels.
**Bext
De l'or vil & périſſable
Méprisant l'éclat trompeur ,
Le foin d'un bien plus durable
Touchoit & charmoit mon coeur ;
FEVRIER. 17 1748 .
Content de peu , fans triſteffe ,
De cultiver la fageffe
Je faifois tout mon bonheur ,
Et je goûtois fans allarmes
D'un repos fi plein de charmes
L'inaltérable douceur.
*3X+
Dies vains lauriers de Bellonne
J'ambitionnois peu l'éclat ;
De l'offre d'une couronne
Je n'euffe pas fait d'état ;
Préférant mon indigence
A l'onéreufe opulence
Des riches & des mondains ,
Mon coeur heureux & tranquile ,
Déploroit dans cet azile
L'aveuglement des humains.
***
Infenfé , que vas- tu faire ș
Tu quittes de vrais plaifirs ,
Pour fuivre une ombre legére
Qui trahira tes defirs ;
Adieu paifible boccage ,
Qui fous votre aimable ombrage ,
Formez des lits de gazon ;
Adicu champs , adieu collines ,
IS MERCURE DE FRANCE.
D'où fur les plaines voifines
L'oeil fe perd dans l'horiſon.
Affis fur une herbe tendre ,
Clairs & paifibles ruiffeaux
Je ne pourrai plus entendre
Le murmure de vos eaux ;
Adieu campagnes fleuries ,
Qui faites de ces prairies
Un jardin délicieux ;
Lieux pour moi fi pleins de charmes ,
Je ne puis tenir mes larmes
En vous faisant mes adieux .
Par J. S. de Nifmes.
FEVRIER. 1748. 19
L.
LETTRE de M. le Marquis Scipion
Maffei à M. de la Condamine , traduite
de l'Italien par M. M...
.
Maniere d'expliquer comment les coquillages,
& les poiffons de mer qu'on voit petrifiés
dans les pierres , ont été tranſportésfur lesi
montagnes.
Ai J'ai reçu peu de lettres qui m'ayent fait
autant de plaifir que la vôtre . Je ne puis
Vous exprimer la joie & la fatisfaction que
j'ai eûës de vous fçavoir enfin de retour
en bonne fanté après tant d'accidens ,
d'apprendre avec combien de gloire vous
& vos collégues avez réuffi dans votre difficile
entreprife , & de voir qu'onze ans
d'abfence , & la diſtance de plufieurs milliers
de lieues n'ont pû vous faire oublier
notre amitié. Ajoutez à tout cela le préfent
précieux de votre livre , contenant la
Relation de votre voyage en defcendant
la grande riviere des Amazones ; je l'ai lữ
avec avidité .
Je vous ai porté envie juſques dans vos
traverſes & dans vos dangers. Vous fçavez
qu'il n'y a que mon âge avancé qui m'ait
empêché de demander d'être de votre
nombre , lorfque vous partîtes de Paris,
20 MERCURE DE FRANCE.
pour votre héroïque voyage. C'eſt à pré- .
fent que nous pouvons dire que nous connoiffons
réellement l'Amérique Méridionale
de l'un à l'autre Océan , & nous vous
en avons l'obligation . Outre les Obfervations
Géographiques & celles qui concernent
les moeurs des habitans , j'ai fait une
particuliere attention à ce que vous avez
remarqué fur l'inégalité de la péfanteur
fous differens paralléles , à votre propofition
d'une mefure univerfelle prife de la
longueur du pendule à fecondes fous l'é
quateur, à vos expériences pour déterminer
la viteffe du fon , & aux autres belles
obſervations que vous avez inferées dans
votre ouvrage fuivant l'occafion & comme.
en paffant. Je vous envoye une lettre fçavante
fur la differente vîteffe du fon , publiée
depuis peu , & qui m'a été envoyée
par M. Louis Bianconi mon confrere de
l'Académie des Sciences de Bologne , &
premier Médecin du Prince de Darmftatt
Evêque d'Aufbourg . A l'égard de la lon .
gitude du Para , que vous dites que vous
pourrez déterminer par lę moyen de l'éclipfe
de Lune que vous y. avez obfervée
le premier de Novembre 1743 , quand
vous en aurez reçû l'obfervation correfpondante
dans quelque lieu dont la longitude
foir connue ; cette obfervation :
"
FEVRIER i748. 21
n'ayant pû être faite à Paris , vous pouvez .
yous fervir de celle qui a été faite à Verone
dans mon obfervatoire par Meffieurs
Paul Guglienzi & François Seguier , dont
je vous envoye un exemplaire . Je n'ai pas
encote vû. les Mémoires de l'Académie
dans lesquels on trouve le réſultat de vos
travaux & de ceux de vos confreres fur
l'ouvrage principal . Mais je fçais qu'au
moyen des expéditions de l'Académie
Royale on connoît les diamètres de la terre
, & la meſure exacte des dégrés terreftres
fous l'équateur & fous le cercle polaire . Je
puis dire à préfent que le diamètre de l'équateur
eft plus grand que celui qui paffe
par les Pôles , & que la machine terreftre
eft un fphéroïde relevé fous l'équateur &
applati par les Pôles. Je crois que tout cela
feroit également vrai , quand même la péfauteur
fous l'équateur ne feroit pas diininuée
par la rotation diurne , mais par quelqu'autre
raifon probable qu'on pourroit
en apporter. Mais que dirai-je de ce
qu'au milieu de vos fublimes penfées &
méditations fur le Ciel & fur la terre , vous
vous êtes fouvenu de mon Sonnet , qu'avec
des expreffions fi polies vous m'affûrez
avoir rencontré des approbateurs intelligens,
même à Quito?On l'a imprimé ici
depuis peu à la fin d'une réponse que j'ai
22 MERCURE DE FRANCE.
faite à M. de Voltaire , qu'on a ajoutée
avec plufieurs petits ouvrages à une nou
velle édition de ma Tragédie , mais cette
petite piéce que je vous ai donnée à votre
départ , n'a certainement pas été une digne
compenfation des rares infcriptions que
vous avez copiées en Afrique & en Alie ,
& que vous m'avez communiquées avec
tant de politeffe , & dont je publiai dans
ce même tems quelques- unes à la fin du livre
Gallia antiquitates quædamfelecta. Quel
eft le fçavant qui pourra fe vanter, comme
vous , d'avoir parcouru les quatre parties
du monde , & d'avoir ramaffé dans toutes
des connoiffances utiles ' & fingulieres ?
Je remarque dans votre livre beaucoup
d'obfervations d'Hiftoire naturelle qut
m'apprennent combien elle eft de votre
goût , & qui me donnent occafion de vous
parler d'une chofe admirable en ce genre
au-deffus de tout. Que j'ai eu de regret
de ne vous avoir pas recommandé & à
M. Juffieu d'obferver exactement files
coquillages de mer que je ne doute pas
qu'on ne trouve auffi dans les hautes montagnes
de l'Amerique , font de la même
efpéce que ceux de nos montagnes , jufqu'à
quelle hauteur on les trouve , & plufeurs
autres particularités dont on ne
"
FEVRIER. 1748. 23
s'embaraffe pas ordinairement *2 Il n'y a
.peut- être pas de merveille naturelle plus
difficile à comprendre , & qui donne
champ à de plus belles fpéculations ; on a
vû des coquillages fur les montagnės du
tems d'Herodote, Les Grecs ont appellé
une certaine pierre conchite , parce qu'elle
étoit remplie de coquillages de mer. Ter
tulien difoit : Adhuc maris Concha & Buccine
peregrinantur in montibus. Je crois que
depuis ces premiers tems c'eft à Verone
qu'on a fait les premieres obfervations
exactes dans ce genre, parce qu'ayant commencé
en 1517 à mieux fortifier le Château
de Saint Felix , on trouva en plufieurs
endroirs , en taillånt la pierre du côté de la
ville , une grande quantité de teftacées
petrifiées , des ourfins , des huitres , des
cancres de mer ( paguri ) & plufieurs autres
efpéces de coquillages qui donnent
occafion à Fracaftorius de philofopher &
de raiſonner fubtilement fur cette matiere ,
comme on voit dans les livres de Saraina
& de Calceolari , & d'indiquer les diffe
M. de la Condamine n'a trouvé aucune coquille
foffile dans aucune des montagnes qu'il a
vûës en Amérique , dans les Provinces de Quito &
de Lima , ni dans aucune pierre , quoiqu'il en air
cherché avec une attention expreffe. On prétend
qu'il s'en trouve au Chili.
24 MERCURE DE FRANCE.
rentes opinions qui ont été depuis foutenues
par les Auteurs. Plufieurs Sçavans de
toutes les Nations ont écrit depuis fur
cette merveille , & ont cherché avec foin
comment des animaux privés de mouvement
local , auffi péfans , & dont pluſieurs
habitent le fond de la mer, ont pû monter ,
ou ont pû être tranfportés à des hauteurs
& à des diftances fi grandes de la mer .
Ceux qui ont écrit fur cette matiere ont
fait parade de leur efprit & de leûr ſçavoir
, mais en vérité il n'y a aucune opinion
fatisfaifante , & contre laquelle il n'y ait
des difficultés infurmontables. Jc vous dirai
de plus que ces Auteurs ne pouvoient
pas avoir une connoillance fuffifante du
fait , n'étant pas venus faire des recherches
dans le Veronois. L'Italie eft trèsabondante
en tout genre des plus rares curiofités
naturelles , & ceux qui croyent
qu'on la doit confulter feulement pour les
antiquités & pour les édifices, fe trompent ,
Mais notre territoire eft au-deffus de toutes
les parties de l'Italie en matiere de pe.
trifications ; ceux qui ne les ont pas vûës
auroient de la peine à s'en imaginer la
quantité & la qualité. Les cabinets les plus
célébres des autres régions de l'Europe'
font pauvres en ce genre en comparaifon
des nôtres , & je m'en fuis affûré dans
mon
FEVRIER.
1748. 25
mon grand voyage , je n'en excepte pas
même celui du célébre Rooduard à Cam
bridge qui eft le plus riche , comme étant
celui auquel Auguftin Scilla a envoyé
plufieurs beaux morceaux. Mais de combien
plus d'espéces en avons - nous ſur nos
montagnes ? Combien font- ils plus grands ,
mieux & plus merveilleufement confervés
Nous en avons d'admirables jufques
dans la ville même , c'est-à- dire dans cette
partie du côteau qui eftcompriſe dans nos
murs , j'efpére en publier une fuite avant
qu'il foit peu. M. Seguier , mon inféparable
camarade , que vous avez vû avec moi
il y quinze ans à Paris , les a tous parfaitement
deffinés de fa propre main , après une
recherche trés- exacte qu'il en a faite , &
particulierement à Bolco. Il a auffi deffiné
ce grand nombre de feuilles , & de differentes
plantes qu'on trouve en ouvrant le
tuf & la pierre , & qui ne font pas plantes
marines , tandis que les poiffons font tous
poiffons de mer , ce qu'on remarque avec
étonnement.
Je fuis für que par la négligence de vos
Libraires à faire venir les livres d'Italie ,
vous n'avez pas encore vû un livre publié
il y a quelques années par M. Antoine-
Lazare Moro , qui traite des crustacées &
des autres productions marines qu'on
B
26 MERCURE DE FRANCE.
>
trouve fur les montagnes. On n'en a pas
encore vû de plus ingénieux fur cette ma
tiere fi difficile ; il fait voir en premier lieu
la vanité & l'infaffifance , non-feulement
de ces opinions qui paroiffent telles au
premier abord , mais auffi de deux opinions
qui font moins déraisonnables que
les autres , fçavoir celles qui attribuent
tout au déluge , on au féjour que la mer a
fait autrefois naturellement dans les en
droits où l'on trouve actuellement les cruf
tacées , il en auroit dit encore davantage
s'il avoit vû de quelle grandeur , & jufqu'à
quelle hauteur nous trouvons ici les
coquillages. En effet nous en voyons fut
nos montagnes , dans nos cabinets , &
jufques dans nos rûes au milieu des pierres
qu'on a taillées pour fervir de pavé , nous
trouvons , dis-je , beaucoup de l'efpéce appellée
corne d'Hammon dont quelques- uns
ont jufqu'à deux pieds de diamètre , au
lieu que dans les autres pays il s'en trouve
rarement de forts petits pour l'ordinaire *.
On n'a pas encore vû de pareils animaux
vivans & dans l'état naturel , ni dans nos
Le grand chemin de Saverne à Strasbourg eft
pavé en grande partie de cette même espéce de
coquillages petrifiés , connus fous le nom de corne
d'Hammon , il y en a de la taille de ceux dont
parle l'Auteur .
FEVRIER. 1748. 27
mers ni dans celles du nouveau monde ;
il y adonc apparence , & il faut dire qu'ils
demeurent dans le plus profond de la mer.
Quand bien même le niveau de la mer eut
égalé la hauteur des montagnes , de forte
que la terre eut été l'habitation des poiffons
& non pas des hommes , ces coquillages
fi grands ne feroient pas venus au
haut , & de même dans le déluge quelle
qu'eut été la hauteur de l'eau au-deffus du'
lit de la mer , des teftacées fi grands &
auffi pefans ne ffeerrooiieenntt pas pour cela devenus
legers , mais au contraire auroient
été enfoncés de plus en plus ; or cet Auteur
a imaginé la maniere d'expliquer comment
ils ont pû être portés ailément à une
fi grande hauteur. Il croit que les montagnes
où l'on trouve des teftacées ont été
produites par les feux fouterrains , qui
ayant éclaté dans la mer en ont élevé le
fond avec tout ce qui s'y trouvoit de
de pierres , de minéraux & d'autres matieres
qui étoient dans le fein de la terre
& ont formé les collines & les montagnes.
Cette idée paroîtra d'abord extraordinaire,
mais on en rapporte de bonnes raifons.
Nous avons vû de nos jours fortir du fond
de l'Archipel , une Ifle qui , à ce qu'on
*
terre,
2
* La nouvelle Ifle de Santorin en 1708 ou 1710.
V. lett . edif. & cur.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
dit , a plus de dix milles de circuit , & on
a été affûré que ç'a été l'ouvrage du feu
fouterrain , par les flammes & la fumée
qu'on en vit fortir lorfqu'elle parût &
crût peu à peu , ce qu'on reconnut encore
par les matieres qu'on vit dans l'eau à plufeurs
milles à l'entour. On voit fur les
montagnes de cette Ifle des huitres beaucoup
plus grandes que celles qu'on connoît
ordinairement dans le pays , d'où l'on
conclut qu'elles étoient dans le plus profond
de la mer. Celles- ci fe petrifieront
& fe calcineront , & on ne manquera pas
de dire qu'elles y ont été apportées par let
déluge , mais fi quelqu'un de notre tems
& du pays l'entendoit , il riroit de cette
conjecture , les ayant vû lancer à cette
hauteur le feu fouterrain. Or notre
par
Auteur penfe qu'on doit croire que ce qui
eft arrivé dans cette Ifle eft arrivé auffi
dans les autres endroits , parce que la nature
eft uniforme , & les mêmes effets proviennent
de la même caufe. Cet exemple
n'eft pas le feul . Strabon , Seneque , Juf
tin certifient qu'il y a eu plufieurs Ifles
qui ont été formées de la même maniere ,
Pline a auffi parlé de celles qui naiffent
tout à coup du fein de la mer , ( repentè
in aliquo mari emergunt ) & parmi celles
qui ont été formées de cette mapiere il
FEVRIER. 1748. 29
compte Delos & Rhodes , qui a cent cinquante
milles de circuit. Paufanias dit que
Hiera fortit fubitement , & Pline remarque
qu'elle vomiffoit des flammes pendant
la nuit , c'eft pourquoi elle fut confacrée
à Vulcain. Je me fouviens d'avoir lû dans
la Chronique de Dandolo que dans la mer
Egée il fortit du fond de la mer une Inle
qui a trente ftades de grandeur. Auguftin
Scilla croit que l'Ifle de Malthe a été formée
de même à plufieurs reprifes & à divers
intervalles de tems , paroiffant être un
amas paîtri de fragmens de dents & d'os
d'animaux petrifiés . Nous fçavons par plufieurs
témoignages que dans le fiécle paffé
un feu violent a élevé en quinze jours dé
tems une lile de trois lieues de longueur
proche les Açores , non loin de l'Afrique ,
dans un lieu où l'Ocean eft très - profond.
M. Moro croit que nous aurions de femblables
notions des autres Ifles , quoique
très-vaftes , fi elles n'avoient pas ainfi été
formées dès le commencement du monde
ou an moins dans des fiécles antérieurs à
l'Histoire & aux monumens. Il penſe de
même des prefqu'Ifles dans lefquelles par
cette raifon on remarque que les parties
montagneufes ont en gros la figure du
tout , comme on voit dans la Sicile & le
long de l'Italie ; il conclut des lits ou cou-
>
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
ches qu'on trouve en fouillant dans les
plaines , qu'elles ont été formées de la.
matiere écroulée des montagnes adjacentes
; il trouve dans la maniere uniforme
de procéder de la nature pour produire
des effets femblables, de grandes raiſons de
croire que les montagnes , les continens
où l'on trouve les teftacées , ont été exhauffés
de la même maniere . Strabon a
écrit , en parlant des éruptions fubites
qu'on ne doit point croire que les petites
Iles puiffent être plutôt pouffées en haut
que les grandes & celles- ci plutôt que les
continens . Voici donc un des meilleurs &
de plus fçavans Ecrivains de l'antiquité
déclaré pour cette opinion . Nous fçavons
que la terre s'eft ouverte il y a deux cent
ans dans le territoire de Pouzzole , &
qu'elle jetta pendant une nuit une figrande
quantité de matiere qu'elle forma la montagne
appellée Monte- Nuovo qui exifte
encore aujourd'hui & a trois mille de circuit
. Nous voyons dans toutes les parties
du monde des montagnes qui vomiffent
*
Le volcan de Sangaï dans la Province de Macas
dépendante de celle de Quito dansl'Amérique
Méridionale , n'a pas ceffé depuis 1726 de lancer
des flammes , & de donner iffuë à un torrent de
matieres enflammées & liquides , indépendamment
des éruptions extraordinaires dont le bruit fe fait
entendre à plus de cinquante lieuës.
FEVRIER. 1748. 31
du feu , & des volcans qui font des éruptions
de tems en tems. Les cavernes , les
bouleverfemens , les écroulemens extraordinaires
qu'on trouve dans les montagnes,
femblent prouver qu'elles ont été violemment
élevées fur des débris..
"
Comment expliquer fans cela les differens
lits ou couches qu'on trouve en creufant
des puits , & particulierement dans
le Modénois ? Quelqu'une de ces couches
prouve que ce terrain a été habité & cultivé
, & on reconnoît qu'entre la formation
d'une couche & l'autre il s'eft paffé
plufieurs fiécles . On explique auffi de cette
maniere pourquoi on a trouvé à de fi
grandes profondeurs des animaux & des
plantes qu'on ne voit plus à préfent dans
le
pays & pourquoi on voit de gros
rochers au milieu des collines fertiles &
pleines d'herbes éloignées des montagnes.
Enfin ce fyftême ingénieux mérite d'être
examiné & difcuté par des hommes d'efprit
comme vous. On en conclut que
'Auteur penfe que la terre a été environnée
& couverte d'eaux. Dieu commanda
enfuite aux eaux de s'affembler : Congregentur
aqua , & elles fe ramafferent dans la
mer ; & à la terre qu'on ne voyoit point
auparavant, de paroître : Et appareat arida,
Bij
32 MERCURE DE FRANCE.
•
& après ce commandement elle commença
à fe montrer , pouffée en grande partie
par le feu & par la force de cette main
qui , fuivant ce que je remarque dans Job,
fit bouillir la mer comme l'huile : Fervefcere
fecit quafi oleum profundum mare. La
terre avoit une croute de pierre également
épaiffe ; & le feu qui étoit , & qui eft encore
en grande quantité dans les entrailles
de la terre fut le miniftre de la volonté
divine pour la rompre , pour élever les
montagnes & pour réduire cette maſſe à
fon état préfent. Le feu donc pouffa auffi
en haut ce nombre infini de coquillages
qui étoient d'abord fous l'eau , c'eft pour
cela que nous voyons encore aujourd'hui
des poiffons d'une grandeur & d'un poids
extraordinaire
, voyager , pour ainfi dire ,
dans l'air & fur le penchant des montagnes.
Mais nous avons dans le Véronois
une merveille qui eft encore plus digne de
vos réfléxions, & dont je ferois charmé que
vous fuffiez témoin oculaire. Eft il poffible
qu'une perfonne qui a parcouru l'Afrique
& l'Amérique ne fe fente pas de curiofité
de voir l'Italie ? La rareté dont je
parle ici mérite certainement qu'une perfonne
qui aime la contemplation & l'ob .
fervation de la nature faffe ce voyage.
Si vous vous y déterminez , je mettrai une
>
FEVRIER. 1748. 33
fou
Infcription dans l'appartement de ma maique
vous honorerez de votre féjour.
Je vous conduirai fur le fommet de nos
montagnes & je vous ferai voir une
grande pierre ifolée en forme d'écueil , laquelle
eft compofée , pour ainfi dire , de
lames , & qui étant taillée fe fend en plu-,
fieurs endroits ; vous y trouveriez quelquefois
non plus une coquille , mais un
poiffon qui a été mou & gliffant autrefois,
& qui maintenant eft pétrifié & dont une
moitié refte attachée à un morceau de la
pierre & l'autre moitié à l'autre morceau.
Il y a plus de trente ans que je paffai trois
jours avec grand plaifir dans cette foli
tude , & que j'y ramaffai une fuite de poiffons
que j'envoyai à mon ami Vallinieri
qui en a fait une mention obligeante dans
fon livre des cruftacées. Je trouvai peu de
tems après une partie de ces mêmes poiffons
dans un cabinet célébre , où ils por
toient le titre de pierres labienes . Il eſt
vrai qu'on trouve dans quelques autres pays
de femblables petrifications , & particu
lierement dans les montagnes d'iflebia en
Saxe, & dans quelques autres de la Paleftine.
Mais dans le peu de pays où on les
trouve , elles font rares ; il y en a de trèspeu
d'efpèces , & à peine y en voit-on
l'impreffion , au lieu qu'ici elles font gran-
B▾
34 MERCURE DE FRANCE .
des , entieres , très- variées , depuis deux
cent ans qu'on a commencé à en tirer en
grande quantité. Celles qui ont été fouillées
de mon tems feulement , font fans
nombre. Cependant il eft rare d'en trou
ver de bien confervées & unies ,,
parce
qu'en fendant la pierre plufieurs tombent
en pouffiere & laiffent fort peu de veſtiges.
Mais nous en avons en grand nombre
dans nos collections à qui il ne manque
rien. Voyez à Paris la petrification
que j'ai envoyée à la fçavante Madame la
Comteffe de Vertillac ; fi le tranfport n'y
pas fait de tort , vous verrez la chair même
de l'animal brunie & devenue momie.
á
On a beaucoup écrit fur les poiffons &
furles montagnes deBolca où on les trouve,
mais comme ceux qui en ont écrit n'ont
pas été fur les lieux , on n'en a pas une
connoiffance jufte & fuffifante . M. Seguier
en fera voir plus de trente espéces.
La premiere remarque que j'ai faite , c'eft
qu'ils font fûrement tous poiffons de mer,
& j'ai reconnu que ceux qu'on trouve dans
les autres pays le font auffi , de forte que
je fuis fort porté à croire que ceux qui
croyent qu'on en trouve auffi d'eau douce,
fe trompent. J'ai obfervé enfuite que par
mi ces efpéces il y en a qui font de differenFEVRIER
. 1748. 35.
tes natures & d'inclinations tout-à-fait ор-
pofées ; il y en a de ceux qui aiment l'eau
claire feulement , de ceux qui aiment la
trouble , de ceux qui demeurent fur le
fable , de ceux qui fe cachent dans la boue,
enfin de ceux au contraire qui fuyent
toute forte de limon & de dépôt . Nous
en trouvons de toutes les claffes dans ce
rocher , nous y voyons dans un petit efpace
un mêlange de diverfes nations peut
amies , qui naturellement n'habitent
jamais enfemble , & même de ces petits
poiffons qui font mangés par les grands
& qui les fuyent fans ceffe , d'où je conclus
que ces poiffons ne fe trouvent pas
raffemblés volontairement & n'y ont pas
été portés par la mer, venuë naturellement
jufques -là , car en ce cas les differentes efpéces
auroient pris & gardé , fuivant leur
ufage, des poftes differents. Ils n'y ont pas
été forcés non plus par les playes du déluge
,
, parce que l'élement qu'ils habitoient
& leur pays natal s'étendoient au - delà de
leurs bornes ordinaires , ils n'étoient pas
obligés pour cela de quitter leurs demeures
accoûtumées , & de venir fe renfermer en
foule dans un petit efpace , abandonnant
l'eau falée leur féjour naturel pour venir
habiter l'eau douce.
Infiftant donc dans l'idée rapportée ci
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
deffus , & confidérant qu'il faut qu'une fe
couffe ou un effort violent ait porté fur les
hautes montagnes ce qui étoit au fond de la
mer , on voit qu'il faut que cet effort ſoit
venu par-deffous & non par-deffus , de
bas en haut , & non pas de haut en bas ;
puifque nous fçavons certainement qu'il
eft arrivé la même choſe dans la mer par
le feu fouterrain , nous pouvons croire
avec plus de raifon qu'il en est arrivé autant
fur la terre , à quoi on peut ajouter
que de toutes les explications par lefquelles
on a tenté de rendre raifon de ce phénoméne
, celle- ci eft la feule qui n'ait pas
contre elle une impoffibilité abfoluë &
manifefte.
Je viens enfuite à confidérer comment
dans cette fubite révolution qui fit changer
lasterre & la mer de place , lorfque les
montagnes fe formerent de l'une & de
l'autre , les poiffons foulevés d'abord avec
un peu d'eau , ont dû chercher à fe fauver
dans les endroits où l'eau eft restée plus
long- tems ; il fera arrivé naturellement
que l'eau fe fera ramaffée dans un petit
eſpace , & y aura été retenue pendant quelque
tems par la conformation accidentelle
du lieu , comme dans un étang les poiffons
de toute espéce fe feront refugiés en foule
dans ces receptacles pour ne pas refter à
que
FEVRIER . 1748. 37
fec, la fituation de notre rocher aura fourni
une telle flaque d'eau , un tel réfervoir,
il n'eft donc pas étonnant qu'on y trouve
de grands & de petits poiffons de tant de
claffes & fi differentes , & même des efpéces
ennemies & incompatibles.
le
Il faut encore confidérer que la grande
quantité des poiffons petrifiés dans un G
petit efpace , prouve qu'ils ont été abandonnés
fubitement & tout à la fois. par
l'eau , & enfoncés tout à coup dans la boue
où dans cette extrêmité ils tâcherent de fe
fauver. Si la mer eût été naturellement en
ce lieu , & qu'elle fe fût abaiffée & retirée
peu-à- peu & par dégrés , les poiffons auroient
pû fuivre le fil de l'eau & fe retirer
avec elle . S'ils y avoient été portés par
déluge , les eaux ayant diminué de même
peu- à- peu , comme le texte facré le rapporte
: Coeperunt minui & decrefcebant aque
ufque ad decimum menfem , les poiffons au
roient pû retourner à leur demeure . Il pa
roit donc probable que la croupe de la
montagne dont nous parlons , a été foulevée
& enfuite retournée dans un inftant
par les dernieres fecouffes caufées par le
feu intérieur à la matiere dont les monta
gnes font formées , & que l'eau s'étant
écoulée , les poiffons font reftés à fec fans
avoir pû fe fauver . Là à l'abri des infultes
38 MERCURE DE FRANCE.
de tout infecte & de l'air même , leurs
corps font devenus comme des momies &
fe font confervés toujours dans le même
état ; ils fe font pétrifiés , lorfque la terre ,
le fable , le limon qui les environnoient
font au devenus pierre, ainſi qu'il arrive
aux autres petrifications . Le bois , par
exemple , fe pétrifie , & nous en avons ici
de fort beaux morceaux. J'ai appris il y a
long-tems comment cela fe fait , parce
qu'après plufieurs recherches on m'en apporta
un grand morceau attaché à fa matrice
, c'est-à-dire , environné par la pierre
dans laquelle il fe pétrifie. Je vis alors
que le bois & tous les autres corps fe pétrifient
lorfque la pierre même fe forme.
Si dans un liquide ou dans quelque matiere
molle , qui par la fuite du tems & par
le miniftére de la nature s'endurcit & devient
pierre , il fe trouve du bois ou
quelqu'autre corps , alors il fe pétrifie
auffi , & fans perdre aucunement fa figure
ni fon apparence , il acquiert une dureté
& un poids plus grand que la pierre dont .
il est environné & il jette quantité
d'étincelles lorsqu'on le frappe avec de
l'acier, ce que ne fait pas la pierre qui l'environne;
nos poiffons qui ont été des corps
mous & réduits en petit volume , n'ont acquis
qu'une dureté & une confiftance pro
め
FEVRIER. 1748. 399
portionnée à leur état mais fuffifante
pour les faire reconnoître , & particulierc
ment par l'arrête du dos & les écailles .
Quelle que foir , mon cher ami , l'opinion
qu'on ait de ces myfteres cachés de
la nature , qui m'ont toujours parû enveloppés
dans l'obfcurité & remplis d'incertitude
, j'ai jugé à propos de vous entretenir
au long de raretés fr belles , qui donnent
de l'émulation & répandent du jour
dans la recherche de l'hiftoire naturelle
du globe terreftre , que vous n'avez pas
craint de parcourir jufqu'aux Antipodes ,
où vous avez paffé dix ans pour en déterminer
la figure. Vous me ferez un plaiſir
fingulier fi vous voulez m'écrire avec votre
fincérité ordinaire ce que vous & vos
illuftres confreres penfez de nos poiffons
de Balca en particulier , & je ferai charmé
d'apprendre de vous ou d'eux fi on peut
trouver quelque raifon moins extraordinaire
, plus plaufible & plus naturelle que
que j'ai rapportées ci- deſſus.
celles
Je fuis , & c.
SZAL
40 MERCURE DE FRANCE.
Ö D. E
A M.le Maréchal Comte de Saxe.
DUHéros de nos jours je vais chanter la gloire,
Doctes foeurs prêtez- moi vos pinceaux délicats ,
Pour peindre à l'univers ce fils de la victoire,
Ce célebre Saxon , l'arbitre des combats.
Animé d'une ardeur magnanine & conſtante ,
Toujours ce demi- Dieu favorifé de Mars ,
Illuftra les projets que fon génie invente ;
Et la foudre à la main il brava les hazards.
Ses fublimes vertus , fa prompte vigilance ,
L'ont faittoujours courir de laurier en laurier ,
Et toujours ce grand coeur allia la prudence
A l'intrépidité d'un infigne guerrier.
****
Une troupe orgneilleufe ofe affronter la foudre
De nos braves François qu'anime la valeur ,
Mais Maurice paroît ; tout eft réduit en poudre ,"
De fes fiers ennemis il demeure vainqueur.
C
FEVRIER. · 1748. 41
Fontenoy retentit du bruit de nos conquêtes ;
Lawfelt de mon Héros fubit les mêmes loix ;
Le Chantre de Henri pour célébrer nos fêtes
Emprunte des neuf Soeurs la raviffante voix.
>
Quel éclat plus pompeux me préfentent vos faftes,
Redoutables vainqueurs de la mort & du tems
Fiers Romains,dont le coeur eut des défirs fi vaftes;
Vous , qui foumîtes tout par vos faits éclatans !
Renaiſſez en ce fiécle où la gloire ſuprême
Infpire chaque jour mille refforts nouveaux,
Et ne nous vantez plus votre pouvoir extrême ;
Vos exploits célebrés rehauffent mon Héros.
La Nature jamais ne parut plus propice
Que lorfqu'elle forma ce guerrier généreux ;
L'ennemi s'épouvante au feul nom de Maurice ;
Tout cede aux mouvemens de fon bras valeureux
Louis dont la valeur & la haute clémence
S'apprêtent chaque jour à rendre un peuple heu
reux ,
Fixa par fes vertus dans le fein de la France
Ce glorieux Saxon , digne objet de nos voeux..
42 MERCURE DE FRANCE.
•
Illuftres favoris de la troupe fçavante' ,
Héros du Mont Sacré, Gignalez vos tranſports ;
Prenez du Dieu des vers la Lyre raviffante ;
Au plus puiffant des Rois confacrez vos accords .
****
Quoique la Renommée ait déja dans fa courfe
Publié mille fois tant de fait inoüis ,
Portez vos doubles fons du Levant jufqu'à l'Ourfe ;
Annoncez noblement la grandeur de Louis.
*XX*
Quel autre mieux que toi peut ofer l'entreprendre,
Ingénieux Voltaire , enfant chéri des Dieux ?
Déja tout l'univers fe prépare à t'entendre ;
Célebre de Louis le fiécle glorieux.
JAUME , de Lyon.
LETTRE adreffée à M. de la Bruere au
fujet de la Defcription de Bourgogne , annoncée
dans le Mercure de Décembre.
Vd'inferer dans votre Journal le plan
Ous avez très -bien fait , Monfieur ,
de la defcription du Gouvernement de
Bourgogne , à laquelle travaille M. Michault
, Avocat au Parlement de Dijon .
FEVRIER.
1748. 41
Let
dre,
ere
an
e.
an.
fieur,
le plan
nent de
M. Mi-
Dijon .
On ne peut trop faire connoître un ouvrage
qui paroft devoir être plein de recherches
, comme le fera celui-là . Ce fera un répertoire
de tout ce que l'on pent défirer
de fçavoir touchant cette vafte Province ,
de laquelle nous avons à la vérité differentes
Hiftoires générales , mais qui ne pa
roiffent pas avoir encore fatisfait pleinement
l'attente da public.
Que nous ferrons heureux en France , fi
nous pouvions parvenir à avoir une defcription
de toutes les Provinces qui com
polent le Royaume , auffi détaillée que celle
que M. Michault la promet pour la
Bourgogne ! M M. les Intendans n'ont fait
qu'effleurer ce deffein dans les defcriptions
manufcrites faites par leurs ordres , que
P'on trouve en quelques Bibliothéques.
D'ailleurs ils n'ont pas toujours été bien
fervis. La plupart de ceux qui leur ont
fourni des mémoires, étant des gens de Bureau
, ont défiguré les noms des lieux lorfqu'ils
les ont mis par écrit ; on peut en
juger par quelques- unes de ces deferip
tions , imprimées depuis cinquante ou
foixante ans , par plufieurs Dictionnaires
Géographiques qui inondent la France .
Je croi au refte que M. Michault me
pourra gueres venir à bout d'exécuter parfaitement
la defcription qu'il a entreprife,
44 MERCURE DE FRANCE.
à moins qu'il ne faffe beaucoup de voyages
dans la Province . On s'apperçoit depuis
long-tems dans combien de fautes M. Hadrien
de Valois eft tombé en compofânt fa
Notice des Gaules , parce qu'il s'eft contenté
de voir les Auteurs dans fon cabinet,
fans aller vifiter les lieux , même les plus
proches de fa demeure , & qu'il s'eft repofé
fur des Cartes Géographiques , qui font:
pleines de fautes par la même raiſon .
Je fouhaiterois auffi que M. Michault
ne fe contentât point de donner dans fa
defcription le Pouillé du Diocèfe de Dijon
, mais qu'il y ajoûtât auffi celui des autres
Diocèfes, autant qu'ils s'étendent dans
la Bourgogne , principalement celui d'Autun,
qui eft un Diocèfe très nombreux . Il eſt
vrai qu'en promettant qu'outre le nom des
villages de la Province , il donnera auffi
le vocable du faint Patron , il entre dans
la pensée de la perfonne qui travaille à
publier tous les Pouillés des Evêchés
du Royaume , mais il faudroit encore ,
pour mieux faire , marquer quels font
les Nominateurs aux Bénéfices, par une raifon
que vous verrez dans un Mémoire ci
Joint.
Il a commencé à être répandu dans le
Royaume au mois de Juillet dernier , & a
produit de très-bons effets , jufques- là mêFEVRIER.
45 1748 .
Le
me que des Eccléfiaftiques zelés , auxquels
leurs Prélats l'ont remis , ont conçû le deffein
de compofer des Hiftoires de leur
Diocèfe , ou au moins de ramaffer des matériaux
par le moyen des lettres envoyées
à tous les Membres du Clergé.
MEMOIRE fur les avantages que l'on
peut retirer d'un nouveau Pouillé général
du Royaume,
"9
I Diocèfes de France , qui repréfentent
L n'y a prefque pas de Cartes des
» les noms des villages tels qu'ils font . La
plupart font mal écrits. Les dénombre-
» mens imprimés par les foins des Laïques
renferment des noms défigurés & pris
» de travers. Il eft de l'honneur du Royaume
qu'il y ait un dénombrement de lieux,
»fur lequel on puiffe compter où foient
» les vrais noms de ces lieux, & qui ferve à
« former des Cartes Géographiques où ces
» noms foient reconnoiffables. C'eſt à
» quoi peut contribuer un Poüillé général
» écrit nettement & diftinctement,
» 2 °. Il paroît convenable que dans un
Royaume où l'on fait profeffion d'éru-
» dition , on fçache en quel lieu de ce
» Royaume font arrivés tels & tels faits
» marqués dans les Hiftoriens originaux
» de la Nation , dont le local eft devenu
46 MERCURE DE FRANCE.
39
» obfcur à caufe de l'éloignement des
» tems , tels que Grégoire de Tours , Fredegaire
, Nithard , plufieurs Anonymes ,
» Aimoin , tous les Analiftes des VII.
« VIII. & IX. fiécles ; les Auteurs d'une
» infinité de Chroniques , les Actes des
Conciles de l'Eglife Gallicane , une multitude
infinie de Chartes , ceux des Af-
»femblées tenues pour les Plaits généraux
» de la Nation ; ceux auffi des Saints de
» France & des Tranflations de leurs Reliques.
Souvent ces lieux ne fe peuvent
» découvrir qu'à l'aide du nom du Saint
» Titulaire d'un Chapitre ou d'un Prieuré
» ou même d'une Eglife Paroiffiale de vil
D
lage. C'eft par ce moyen -là que je fuis
» parvenu à faire la découverte de quel-
» ques-uns. On eft à corriger plufieurs
méprifes des modernes qui avoient mal
» rendu les noms de lieu en notre Langue .
» H deviendra facile d'en découvrir bien
» d'autres par la même voye , lorfque les
» anciens Hiftoriens nomment le Saint
» Titulaire des Bafiliques , ainfi que cela
leur arrive fouvent.
» 3 °. La préſentation & nomination aux
» Bénéfices , Cures ou Chapelles , fouvent
> apartenant à un Chapitre ou à un Abbé,
»ou à un Prieur de Monaftere , voici
l'utilité qui revient aux amateurs de
FEVRIER . 1748. 47.
é
il.
is
al
ne.
en
les
int
cela
aux
ent
obé,
oici
de
l'antiquité de connoître ce qui eft de
» leur nomination. C'eft que , foit que,
l'on veuille fixer les lieux dont les an-
> ciens Itinéraires des Romains dans les
» Gaules ont parlé , foit faire la recherche.
» de ceux qui ont des origines Celtiques ,
» ou qu'on entreprenne de défigner ceux
de la tenue de quelques Conciles , foit
» qu'on veuille trouver où étoient placés
» certains Siéges Epifcopaux détruits ou
transferés depuis plufieurs fiécles , ou
éclaircir quelques actions des Saints ,
tels que leurs voyages & les Tranſports
» de leurs Reliques , découvrir la patrie ,
» la demeure où la fépulture de quelques
illuftres perfonnages de l'antiquité ; pour
» lors fur la reffemblance des noms de
» l'Hiftoire avec ceux des Pouillés
"peut écrire à ce Chapitre , à telle Abbaye
, tel Prieuré ou telle Communauté
» qui les repréfentent , pour les prier de
» voir quel eft le nom que les anciens ti-
» tres Latins ou François , confervés ordi-
» nairement dans leurs Archives , donnent
» à ces lieux , par le moyen de quoi l'on
' peut paffer de la conjecture à la certitude
& trouver la vérité.
93
L'Auteur de ce Mémoire m'a fait dire
qu'il auroit dû ajoûter au premier article
que nous n'avons pas même les Cartes de
48 MERCURE DE FRANCE.
plufieurs Diocèles du Royaume, & comine
ces Cartes manquent dans la République
Litteraire , on fe trouve arrêté lorsqu'en
lifant les Hiftoriens , comme les Bollandiftes
, les collections de Dom Dachery ,
de Dom Mabillon , Dom Martenne , Dom
Bouquet , de M. Baluze & autres , on veut
chercher la poſition des lieux qui y fone
nommés. Samfon a laiffé en manufcrit ungrand
nombre de ces Cartes qui n'ont jamais
été gravées & qui demanderoient de
l'être pour le fecours des gens de Lettres.
Elles attendent toujours quelqu'un qui les
tire de l'obfcurité,
CACACACÒCƏZAYACAnamamata
VERS à Mile ... pour le premier jour
de l'année 1747. ~
EN des lieux * au Ciel inconnus
J'ai vu l'égale de Vénus ,
Qu'à l'envi fuivent les trois Graces ;
Les ris badins & les vertus
Précedent conftamment les traces ,
Exigeant des coeurs les tributs ;
Des plaifirs la troupe légere ,
>
* La Demoiſelle a qui ces vers furent adreſſés ;
étoit dans un petit village.
Et
FEVRIER . 1748.
49
Er tous les enfans de l'Amour ,
·
Par ordre niême de fa mere ,
S'envolant ſouvent de Cythere ,
Viennent égayer le féjour
-De fa rivale & fon amie ,
Et fe partagent tour'a tour
**
Jés;
Entre elle & l'immortelle Cour.
La fageffe au goût réunie
Regne chés elle fans fierté ,
Et préférant la vérité
A la morgue de fantaiſie
Qu'affecte la févérité ,
Ou plutôt la cérémonie
Si fcrupuleufement fuivie
Par les plus belles de nos jours ,
Pour vaincre la cajolerie ,
Et qui n'eft que l'art des détours
De la paffion déguiſée;
Elle admet la maniere aiſée ,
Les innocentes libertés ,
Et cédant à la bienséance ,
Permet la petite licence
Et les tendres jeux écartés
Par la vertueufe apparence ;
Mais elle exclut avec rigueur
Tous les ftratagêmes du vice *
Et
jo MERCURE DE FRANCE.
Qui d'un criminel artifice
Emprunte fouvent la douceur
Pour féduire & gagner le coeur.
J'ai vu briller cette Déeffe ,
Mere de tous les agrémens ,
La main d'une belle jeuneffe
Lui file un gracieux printems ,
Et pare
des attraits charmans
De la fine délicateffe ,
De la douce légereté
Et du fouris plein de tendreffe ,
Sa majestueufe nobleffe ;
De la fouveraine beauté
Eft empreinte la vive image
Sur fon éblouiffant vilage
Que l'enjoûment feme de fleurs ,
Et que les rofes de l'autore
Ornent de leurs vives couleurs ;
Sa blancheur effaceroit Flore
Au milieu même de fes lys.
Le Ciel répand fur vous , Iris ,
Tout ce qu'à Paphos on adore ;
Ces dons fi rares , fi chéris ,
L'efprit les embellit encore ;
Formée à l'envi par les Dieux ,
FEVRIER. 1748.
SE
Vous poffedez , autre Pandore ,
Leurs préfens les plus précieux.
Dans ce jour où chacun implore
De Janus, les bienfaits puiſſants ,
Permettez que je fafle éclore
Mes voeux après mon jufte encens ;
Iris , agréez mon pur zéle.
Pour affortir le vrai modéle
De l'art fuprême de charmer ,
Que ce Dieu donne à la plus belle
Le coeur, qui fçait le mieux aimer.
J.J. S. Etudiant en Médecine.
KAROLASDEDEDEDEDEDEDEDEA
REFLEXIONS DIVERSES.
N blâme
communément les paffions
des hommes , fans examiner fielles
n'entrent point dans le fyftême moral ; il
me paroît encore qu'elles ne nuifent point
à notre bonheur particulier , un ambitieux ,
par exemple , paffe fa vie , à ce qu'on dit ,
dans l'agitation ; on le croit malheureux
Ta paffion l'entraîne ; il feroit moins content
& moins tranquille dans le répos.
L'amour propre , loin de nuire à la ſociété,
paroît en former le noeud.
T
i
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
Si notre ame n'étoit pas immortelle
nous n'aurions pas , ce femble , une crain
te fi vive de la mort.
Un bienfait eft trop payé par la fupériorité
qu'il nous donne fur celui qui le
¡reçoit.
I
Le defir de faire paffer,fon nom à la
postérité n'eft point frivole en ce fens , 1 °.
qu'il eft la fource d'une infinité de belles
actions ; 2° . qu'il entretient notre efprit
d'une idée flateufe ; 3 ° . qu'il a le pouvoir
d'affaiblir la crainte de la mort.
Le premier avantage de la converfation
eft de nous délivrer de la néceffité d'avoir
toujours affaire avec nous-mêmes.
Il vaut mieux s'ennuyer avec les autres
qu'avec foi-même.
Un coeur trop fenfible à l'intérêt eft peu
propre à l'amitié.
Le fecret doit être la vertu chérie des
Princes & des amans .
Se venger de quelqu'un , c'est vouloir
le forcer à fe repentir du tort qu'il nous a
fait ; quel moyen plus efficace que de lui
pardonner !
7
FEVRIER. 1748. 53
u
Hes
oir
isa
lui
La réputation eft comme l'avarice , elle
Veut toujours s'accroître.
Rien n'eft plus capable de nous abaiſſer
que l'orgueil
Le mariage eft un pays qui n'eft bon
que pour les étrangers:
La parfaite honnêteté demande qu'on ne
faffe & qu'on ne dife rien qui puiffe faire
ſoupçomer aux autres qu'on les méprife.
Quand on n'envifage la vie que comme
une fuite des mêmes chofes , la mort ne
paroît pas à beaucoup près fi rigoureuſe,
L'homme le plus eftimé devroit être celui
qui eft le plus utile à la fociété.» »
proprep
L'amour du centre & s'étend
par degrés à la circonférence ; nous
almons premierement nous- mêmes préférablement
à tous les autres , enfuite nas
proches , ceux de notre Pays , de notre
Province , de notre Royaume , &c .
Si le fyftême de la fociété veut de la
fubordination , afin que les hommes foient
liés par des befoins & des fecours mu--
tuels , il ne demande moins une forte
pas
d'égalité pour perfectionner ce rapport &
cette réciprocité..
€ üj
54 MERCURE DE FRANCE
Le plus grand avantage d'un Roi confifte
dans le pouvoir qu'il a de punir le vice
& de récompenfer la vertu
Quand on aime parfaitement un objet',
on ne peut pas s'imaginer qu'il y en ait un
autre dans l'univers que nous puiffions aimer
de-même.
L'objet le plus affligeant aux yeux du fa
ge , eft le mérite dans le malheur...
Le mérite a befoin du voile de la mo
deftie pour conſerver ſon éclat.
On doit s'écarrer quelquefois de la nature
pour agir fuivant l'opinion.
L'exiſtence des vertus eft prouvée par
les remords que caufent les vices.
La réputation eft comparable à un vaif
feau ; quand elle a fait naufrage , on n'en
peut plus recouvrer que des débris.
FEVRIER 1748.
£
LE PAUVRE VOYAGE,
EPITRE à M. le N ....
Du fond d'un antique fauteuil ,
Fort bon pour ces anciens peres ,'
Ces Anachoretes aufteres ,
Qui s'affeoient dans un cercueil.
Avec une plume qui crie
Contre une encre trop épaiffie ,
Et fur une table à trois pieds.
Qui fut prife à quelque Sibille
Et qui de vieilleffe vacille ;
De mes trois doigts eftropiés
Par certaine chûte incivile ,
Je vous écrirai bonnement
L'hiftoire de notre voyage.
De votre habitacle charmant:
Je partis en bon équipage ;
L'on auroit crû qu'affûrément
Je pourrois à mon hermitage
Arriver très-honnêtement ,
Mais Madame votre jument
Qui s'épouvante au moindre ombrage ;.
Une fois inopinément
& iiij
5 MERCURE DE FRANCE.
Dans la bourbe d'un marécage
M'a fait cheoir fort mefquinement.
yous m'allez demander comment.
De le dire , il n'eft néceffaire.
Si quelqu'un d'entre vous pourtant , .
Surtout l'Abbé que j'aime tant ,
Avoit défir d'en faire autant ,
Je pourrois lui conter l'affaire
De façon qu'il feroit content.
N'en parlons plus , mais feulement
Plaignez un peu le pauvre drille
Qui tout le long de fa mandille.
Eft tacheté vilainement ,
Et qui , s'il n'a pas la béquille ;
Affûrément , comme on peut voir ,
Fait tout ce qu'il faut pour l'avoir.
Lorsque je fus couché par bouë ,
Car par terre je ne dirai ,
Je fus furpris , je vous l'avonë ;
D'un autre mot me fervirai ,
Je fus fot. J'avois forte envie
De pefter contre l'animal ,
Mais hélas ! il n'en pouvoit mie ,
Et voici d'où venoit le mal,
Je fuis un animal moi - même.
En tout tems , tout bon cavalies
FEVRIER . 3748 57
Et ferme fur.fon étrier. pod
C
Oh ! fans doute quelque problême
Occupoit alors mon cerveau ,
Ou bien j'ajuftois au niveau
Les piéces de quelque Poëme q
Or ce n'étoit pas là le tems
A
L'animal en bête , de fens , alaman riasa web
Voulut me le faire comprendreihon be
Cependant trop impoliment.
Par un écart trop , brufquement
De la felle il me fit, defcendre
Mais c'eft affés fur ce fujet.
J'ai rencontré dans mon voyage :
George conduifant for mulet
Qui me faluant du bonner,,
M'a fait voir un fort bol quvrage
a3
Composé par Pierrot Dinet.
A juger par la couverture
C
Cet in-folio , je vous jure ,
Paroît un chef- d'oeuvre de l'art
J'aurois arrêté la monture
S'il n'eût été déja trop tard ,
Pour en faire un peu la lecture
Et pour vous parles fans figure,
Le Pâté loin , j'allai coucher
* Patiffiers
Cw
7
38 MERCURE DE FRANCE.
Chés le Curé , ce bon vieux here ,
Aux pieds goureux , au front lévére.
Si- tôt qu'il me vit approcher ,
De plaifir il fembla renaître ,
Et douta fi par la fenêtre .
Ou par la porte il pafferoit
Pour venir m'embraffer plus vite ; •
Et m'offrir un fort mauvais gfte.
Je l'acceptai tel qu'on l'offroit .
Des étoiles l'humide voûte
Auroit été pire fans doute.
Qui ne peut avoir ce qu'il veut ,
Doit au moins prendre ce qu'il peur,
I jugea que las de ma foute ,
J'aimois moins un fouper qu'un lit ,
Et devant moi fur table if mit
Vieux lard , vieux cocq & vieille croute.
Son vin , ou plutôr fon verjus ,
Batarde liqueur de Bacchus
M'a donné collque ferrée ,
Que dans fa poitrine facrée
Il vaudroit mieux qu'il eut ewj
Elle lui feroir falutaire ;
11 a , dit-on , de la vertu ;
Moi , fi j'en ai , je n'en ai guére;
Elle est pourtant bien néceffaire
A
FEVRIER. 1745.
59
Four qui fe trouve dans un lieu
Ou pour foulager fa mifere ,
Il faut , myftique involontaire ,
Se nourrir de l'amour de Dieu
J'avois fouvent entendu dire
Que fe mettre au lit fans fouper
Eft le moyen de n'attraper
Qu'un fommeil tenant du délire,
J'ai déliré toute la nuit.
Mon lit d'ailleurs étoit un lie
O n'eût pas couché Saint Antoine.
Sur un peu de paille d'avoine ,
Dans un recoin de galetas ,
Imaginez un matelas
Fait de lame de bête à coine.
Donnez de l'odeur aux deux draps ,
Mais de ces odeurs déteſtables ,
Telles que l'on en feat , dit-on ,
Sur les rives du Phlégéton ,
Ou les Dieux puniffent les diables
A propos de diables , les chats
Pendant long-remis contre les rats
Ont fait tempête & grande rage ;
Maffacre étoit dans leur ménage
De leurs pattes pour fe fauver
D'aucuns font venus me trouver
C vj
69 MERCURE DE FRANCE.
Dans mon lit cherchant une place..
Je les ai contraint poliment
De fe retirer promptement.
Ils font allés dans la paillaffe
De-là vous jugerez comment
J'ai pû dormir, tranquillement.
Auffi dès- que j'ai vu l'aurore
Je me fuis levé vîtement.
J'ai fait feller votre jument,
Le bon Curé ronfloit encorę ;
Point n'ai voulu qu'on l'éveillât ,
Et vite j'ai paffé la porte ,
Crainte qu'on ne me rappellât ;
J'ai fait chemin de telle forte
Qu'en très- peu d'heures , Dieu merci
L'animal m'a conduit ici ,
Où fous une couleur de metre-
Je vous barbouille cette lettre..
Si j'ai peut-être extravagué ,
Souvenez - vous que le Poëte
Etoit un homme fatigué ;
Et que je fors d'une tempête.
Ourtout au trayers de ma tête::
Madame la pluye a donné.
Envain: contre elle on a fonné
Dans mainte Parciffe yoifine ;
40
FEVRIER. 1748.-
Pendant une heure la mutine
S'eft divertie à mes dépens .
Je pourrois encor vous écrire
Une iliade d'accidens
Mais c'eft affés vous faire tire
De me fecher il eft bien tems .
Par l'Hermite du Mont Parnaffus:
ununu nünün
7
MEMOIRE hiftorique fur la Province de-
Fore Généralité de Lyon , par M.Derhins
Doyen des Avocats de cette Province.
LE Comté "de . Forez fut poffedé par
les defcendants du premier Comte
Guillaume jufqu'en l'année 1112 ; ils ont
prefque tous porté les noms de Guillaume
& d'Artaud...
fucceffeur Guy
Le dernier , nommé Guillaume , étant
mort fans enfans , eût
fon coufin germain .
pour
Dans cette feconde race le nom de Guy
fut le plus ordinaire.
Il y en eût onze Comtes jufqu'à Jean
II. qui en fut le dernier , & qui mourut
fans être marié à l'âge de trente ans , ayant
toujours été en curatelle à caufe de la foi
bteffe de fon éfprit ; cette infirmité lui vint
61 MER CURE DE FRANCE.
de la vive douleur dont il fut frappe
voyant périr à fes yeux fes plus proches
parens à la bataille de Brignais à deux licues
de Lyon , dont voici l'hiſtoire.
"
Après les guerres des Anglois qui dure
rent fi long-tems pendant le regne de Philippe
de Valois & du Roi Jean , un reſte
de troupes ramaffées de differentes nations,
courans par le Royaume fous le nom de
Tardvenus , s'affemblerent & fe cantonnerent
autour d'un bourg appellé Brignais à
deux lieues de Lyon .
Le Connérable de France Jacques de
Bourbon , Comte de la Marche , Tige de
la Maifon Royale de Bourbon Vendôme ,
vint à eux avec fon fils aîné Pierre de
Bourbon.
Louis Comte de Forez & Jean fon frere,
neveux du Connérable , fe rendirent près
de lui avec Renaud de Forez leur oncle &
deux jeunes Seigneurs de la Maifon de
Beaujeu.
Le Connétable conduifit fon armée
contre les Tardvenus , & parce qu'ils
avoient caché une partie de leurs gens dertiere
les montagnes , les voyant en petit
*
Jacques de Bourbon n'étoit plus alors Conne
table , il avoit donné la démiffion de cette dignité
en 1356 , & la bataille de Brignais alt de l'am
¥3620
FEVRIER. 17482
"
Hombre il les attaqua le 4 Mars 1362
imais avec tant de malheur & de defavantage
par l'inégalité des forces , que lui &
fon fils furent bleffés dangereufement &
moururent peu de jours après à Lyon.
Le Comte de Forez & un des Seigneurs
de Beaujeu furent tués fur la place , l'autre
& Renaud de Forez demeurerent prifon
niers...
Jean de Forez qui à l'âge de 19 ans af
fifta à cette malheureufe journée , devint
Comte de Forez par la mort de fon frere
mais il contracta un chagrin & un abatte
ment d'efprit dont il ne put revenir , &
mourut dix ans après en l'année 1 372.
Alors Louis de Bourbon recueillit le
Comté de Forez qui lui venoit de droit
premierement
par les droits de la Princeffe
fon époufe Anne , Dauphine d'Auvergne ,
dont le pere étoit defcenda des Comtes
de Forez , en fecond lieu comme repré
fentant fa mere Jeanne de Forez , foeur du
dernier Comte.
Le Forez demeura dans la Maifon de
Bourbon jufqu'en Pannée 1522 , il fat
poffedé fucceffivement
par fept Comtes de
ce nom , qui prirent auffi le nom de Ducs,
fi l'on met de ce nombre Charles de Bour
bon , Cardinal Archevêque de Lyon , qui
par la mort de Jean 11. Duc de Bourbon
64 MERCURE DE FRANCE.
mort fans enfans fe trouva l'aîné de fa
Maifon , mais il en remit bientôt tous les
droits à Pierre fon autre frere puîné , lequel
jufques-là avoit porté le nom de Sire
de Beaujeu
Ce Prince avoit époufé Anne de France,
& leur fille unique Sufanne de Bourbon
fur mariée à Charles Comte de Montpenfier
fon coufin iffu de germain , qui fut
enfuite Connétable de France.
Ce mariage réunit les biens de la Maifon
de Bourbon en une feule famille &
affoupit un grand procès , fondé fur ce
que le Connétable prétendoit fe prévaloir
d'une fubftitution mafculine , & d'un autre
côté la Comteffe Douairiere d'Angou--
lême , Louife de Savoye , mere du Roi
François I. demandoit les biens patrimo
niaux de la Maifon de Bourbon , comine
la plus proche & la plus habile à y fuccéder,
étant fille de Marguerite de Bourbon
foeur du dernier Duc Pierre.
Elle le les fit adjuger par Arrêt du Par--
lement de l'année 1526 , elle en conferva
la poffeffion jufqu'en 153 qu'elle en fit
don au Roi pour être unis à la Couronne ,
à la charge de l'ufufruit fa vie durant ; cette
union fut faite par Lettres Patentes de l'an
2531
Comme alors le Comté de Forez fe
FEVRIER. 1748 ..
•
trouvoit englobé dans le patrimoine de la
Maifon de Bourbon par les raifons qu'on
rapporter , il fe trouva compris vient de
dans cette réunion à la Couronne.
En l'année 1.566 le Forez : fut donné à
Henri III . pour lors Duc d'Anjou , pour
partie de fon appanage.
En 1973 la Reine Elizabeth d'Autri
che en eut la joiffance à titre de Doiaire,
& depuis toutes les Reines Douairieres en
ont joui de même , comme Louiſe de Lor
raine en 1592 , Marie de Médicis en 1611
& Anne d'Autriche en 1643 .
Pendant que ce Comté a été dans la
Maifon des Ducs de Bourbon , ils n'en ont
fait porter le nom qu'à un feul de leurs
enfans , qui fut Louis II. fils de Jean Duc
de Bourbon & de Marie de Berri , mais il
ne le porta pas long- tems , étant mort à l'â
d'environ dix ans. ge
Il y avoit dans le Forez quatre Baron
nies dont les Seigneurs étoient regardés
comme les premiers de la Cour du Comte,
&,pour ainfi dire, ſes quatre Affiſtans dans
les cérémonies , c'étoient les Barons de
Cofan , S. Prieft , Feugerolle & Ecotay.
Le Roanois fait partie du Comté de
Forez , c'étoit une Seigneurie particuliere,
compofée feulement de la ville de Roane,
& de trois Paroiffes aux environs , mais
66 MERCURE DE FRANCE
François d'Aubuffon , Maréchal de la
Feuillade , acquit du Roi Louis XIV. quatre
belles Châtellenies qui ont été unies
au Duché de Roanois , qu'il fit ériger en
Pairie , cette Seigneurie avoit appartenu
aux Seigneurs de Gouffier , fi connus dans
Hiftoire , & étoit parvenue au Maréchal de
la Feuillade , qui avoit épousé l'héritiere
de cette illuftre Maifon.
C'eft de leur tems que Roane fut érigée
en Duché.
Le Mont-Pila fitué dans la Province de'
Forez eft une montagne fort élevée & fort
étendue , on y trouve quantité de fleurs
& une infinité de fimples propres pour la
Médecine , ceux qui s'appliquent à la Boe
aniquey viennent herborifer de fort lain,
& tout ce que les Fleuriftes cultivent avec
tant de foin dans les parterres pour les
fleurs doubles , s'y trouve en fimples avec
des couleurs charmantes.
Quelques Auteursrapportent du Monte
Pila une Anecdote curieuſe. *
Ils difent que Pila tire fa dénomination:
de Pilate , le même qui condamna J. C.
qu'après la mort de Tibére , Caligula fon
fucceffeur , informé des concuffions & autres
malverfations; commifes par Pilate
* Conradus en fes Mémoires Latins , Derubie
efon Hiftoire de Lyon..
FEVRIER. 1748.
A
dans fon Gouvernement de la Judée , le
condamna à un exil perpétuel dans les
Gaules & que le Mont-Pila fut le lieu de
fon exil , ce qui eft encore attesté par
S. Adon Evêque de Vienne & ancien
Chronologifte des avantures remarquables
des Gaules , felon lequel Pilate fe tua après
y avoir refté quelque tems.
Duval dans fa Carte Géographique de la
France nomme ce territoire Mont-de-Pilate.
Le Sieur
Ce qui a encore donné lieu de conjecturer
l'exil de Pilate en cet endroit , c'eft
qu'au bas du Mont-Pila du côté du Rhôneon
voit un vieux Château appellé de
Ponce , où la tradition veut qu'il ait reſté
quelque tems en prifon , d'où l'on prẻ-
send qu'il s'échapa ayant appris qu'on le
devoit faire mourir ignominieufement ,
& qu'il le fauva fur le Mont- Pila , où ne
pouvant féjourner long-tems fans être
connu , il, fe donna lui-même la mort de
défefpoir.
Une autre chofe affés finguliere , c'eſt
qu'au fommet de cette montagne eft une
belle fontaine qui fert de fource à un affés:
gros ruiffeam appellé Gier , lequel va fe
jetter dans le Rhône à quelques lieuës
delà , après avoir arrofé un très-beau pays..
8 MERCURE DE FRANCE.
Obfervations curieufes.
Le Pays de Forez , felon les premieres
lumieres que nous en donnent les anciens
Auteurs , étoit le plus confidérable de ceux
qu'occupoient les Ségufiens , en Latin
Segufiani , peuple des plus renommés de lá
Gaule Celtique.
La preuve de cette dénomination ſe tire
encore de plufieurs infcriptions très-curieufés
, que l'on voit actuellement dans
l'enceinte de quelques anciens édifices de
la Province , dont M. de la Mure en fon
Hiftoire du Forez fait un ample détail .
Jules Céfar dans fes Commentaires, liv?
7. & Pline dans fon Hiftoire Naturelle
Iv. 4. font mention des Ségufiens dont le
pays de Forez faifoit partie.
Il y a eu deux opinions touchant l'ori
gine de la dénomination de Forez donnée
a cette partie de lå Province Ségufienne
après que les Romains en eurent fait la
conquête , quelques-uns ont voulu dire
qu'elle venoit des grandes forêts dont le
pays étoit prefque tout rempli , mais la
meilleure étymologie , felon les plus graves
Hiftoriens , vient de ce que lés Ségufiens
avoient établi leurs marchés dans l'emplacement
où eft bâtie la ville de Feurs qui
3
FEVRIER . 1748 .
69
1
la.
re
le
Ja
e's
TS
a été long- tems la capitale du pays fous le
nom de Forum Segufianorum , & par corruption
en François Gaulois Feurs , d'où
des Gaulois par la même raifon appellerent
route la Province Forez .
Ce Pays ayant demeuré avec le refte.
des Gaules fous la domination des Romains
pendant près de cinq fiécles , depuis
l'entrée de Jules Céfar dans les Gaules.
il tomba enfuite fous la domination des
Bourguignons , que les enfans du Grand
Clovis détruifirent , & le Forez fut alors
réuni à leurs autres Etats.
Le Forez a donné plufieurs grands hommes
à l'Eglife & à l'Etat. L'Archevêque
de Lyon Dépinac, fi fameux du tems de la
ligue , en étoit originaire , auffi-bien que
les Seigneurs Gouffier de Boizy, fi célébres
dans l'Hiftoire de France ; le beau Château
de Boizy fitué à deux lieues de Roane eft
un refte des monumens de cette illuftre
Maiſon . Le Maréchal de S. André étoit pareillement
de cette Province ; la Seignedrie
de S. André releve du Bailliage de
Forez à Montbrison fa capitale .
L'Hiftoire des hommes illuftres du Forez
excéderoit les bornes d'un fimple
Mémoire , nous nous contenterons pour
en faire la clôture de faire mention de
70 MERCURE DE FRANCE.
l'Auteur célébre du fameux Roman d'Aftrée.
Honoré d'Urfé étoit iffu d'une des plus
ancienne du pays de Forez.
Jacques d'Urfé pere d'Honoré
, voyant
dans fon voifinage
la belle Diane , fille da
Marquis
de Château - Morand , autre Seigneur
du Forez , en fit la recherche
pour
la marier avecfon fils aîné frere d'Honoré
; cette alliance reconcilia
les Maiſons d'Urfé
& de Château-Morand , qui étoient brouillées
.
Cette Diane eſt la véritable Aftrée &
l'héroïne du Roman ; l'Hiftoire en eſt trop
connue pour la répéter.
Le premier tome de l'Aftrée parût en
1610 & fut dédié à Henri IV ; le fecond
en 1620 , & le troifiéme cinq ans après.
Ces trois volumes furent reçus du public
avec un applaudiffement univerfel ; à
peine la quatrième partie étoit achevée que
l'Auteur finit auffi fa carriere , il mourut
dans la guerre de Savoye à Ville-Franche
dans le Comté de Nice âgé de cinquantehuit
ans.
La Province de Forez a beaucoup d'obligation
à cet excellent ouvrage , par
lequel elle a été rendue fort recommandable
& connue fous le plus beau point
*
FEVRIER. 1748 78 .
P
nt
4
de vûë du monde , non - feulement en
en France , mais dans toute l'Europe.
Auffi eft - elle réellement une des plus
belles & des plus fertiles du Royaume en
toutes les chofes utiles à la vie & délectables
à l'efprit ; fes grandes prairies , fes
boccages & fes magnifiques jardins en rendent
l'afpect très- agréable. Les terres de
la plaine de Forez produifent abondamment
toutes fortes de bons grains & de
beaux chanvres , même fans fumjer ; fes
côteaux font couverts de vignes dont les
vins font excellens ; le grand nombre de
Les étangs fournit prefque tout le poiffon
d'eau douce qui fe débite à Paris elle a
des bois fapins propres pour la marine ; la
riviere de Loire qui la traverfe d'un bouc
à l'autre & le Rhône qui la côtoye , la rendent
fort commerçante.
Le feul commerce de la ville de Saint
Etienne en foie & en quincaillerie s'étend
dans toutes les patties du monde ; elle a
quarante mille habitans , dont le tiers travaille
à la fabrique des armes , enforte
qu'elle peut aifément armer chaque femaine
de toutes piéces un bataillon & un
efcadron , & c'eft elle qui fournit, peu s'en
faut, toutes les armes à Sa Majeſté ; les minieres
de charbon- de- terre qui y font fort
72 MERCURE DE FRANCE.
abondantes favorifent cette fabrique &
tous les ouvrages qui fe font fur le fer.
Je fuis , & c.
t
A Saint Etienne ce 18 Janvier 1748.
O D E.
Sur la mort d'une mere:
DEs fragiles humains tyran impitoyable .,
O mort , il eft donc vrai , ta foif inſatiable
Ne cherche que leur fang pour te défaltérer. !
Et celui qui tira du ſein de la pouffiere ,
Et la terre & les Cieux , & la nature entiere ,
D'un feul de fes regards les y fera rentrer.
******
Quels nuages épais annonçent à la terre
Les finiftres horreurs d'une fanglante guerre ?
L'éclair frappe déja fes regards étonnés ;
La foudre fuit l'éclair. C'eft fans doute Alexandre,
L'univers en pâlit . Thebes eft miſe en cendre.
Cent peuples font vaincus. Cent Rois font détrô
nes.
***
D'un
FEVRIER. 1748. 73
Erro
סיג
D'un brafier allumé la flamme pétillante
'A répandu foudain une clarté brillante ;
L'éclat d'un feu fi prompt m'a d'abord ébloüi ; -
J'y cours ; je ne vois plus ni flamme ni fumée ;
Ce feu fi grand n'étoit qu'une paille allumée ;
Dont l'éclat en naiſſant s'étoit évanoüi.
**
Vainqueur de Darius, qui t'a réduit en poudre?
Tu meurs donc comme ceux qu'a dévoré ta
foudre !
Et pourquoi t'es- tu fait élever des Autels ?
Un hommie , quel qu'il foit , ne fut jamais qu'un
homme ;
En vain du nom de Dieu tu prétends qu'on te
nomme ,
La mort te vient ranger au nombre des mortels.
***
Aux larmes des humains tant de fois infenfible ;
Te pourrai- je fléchir , ô mort trop infléxible ?
Sufpends du moins tes coups , prends pitié de mes
pleurs ,
t
Mais hélas ! par mes cris j'irrite la cruelle ;
Sa fureur va plonger dans la nuit éternelle
L'objet, le trifte objet de mes vives douleurs.
Dans un torrent de pleurs ma trifteffe ſe noye ;
C'en eft fait , le cercueil vient demander la proye;
D
74 MERCURE DE FRANCE.
1
Jour cruel à jamais ! jour trois fois odieux !
Mes mains ferment déja fa paupiere mourante ,
Et ma bouche reçoit fur fa bouche expirante
Et les derniers foupirs & ſes derniers adieux.
**+
Qui me confolera de ma douleur amére ?
Je ne te verrai plus , aimable & tendre mere !
Mes larmes , mes fanglots n'ont pû te retenir ;
S'ils pouvoient t'arracher à ta demeure fombre !
Mais je me flate en vain , & tu n'es plus qu'une
ombre ,
Dont les jours font paffés pour ne plus revenir,
Ah ! fans ceffe en mon coeur ton image tracée,
Rappellant ta mémoire à ma trifte penſée ,
Va revenir fans çeffe irriter mes douleurs ;
Le tombeau pourra feul finir mon infortune ;
O jour , retire-toi ; ta clarté importune ;
De la nuit pour toujours emprunte les couleurs
1
L'homme eft donc une fleur que l'Aube voit
éclore ,
Une rofe qui naît fous les yeux de l'Aurore ,
Que le jour voit regner , que le foir voit Aétrir ;
A mourir condamnés , même avant que de naître ,
FEVRIER. 1748.
75-
-oit
[re
Infortunés mortels , ne recevons - nous l'être ,
Que pour apprendre hélas ! qu'il nous falloit périr
?
Un torrent débordé qui defcend des montagnes ,
A pas impétueux traverſe les campagnes ;
D'un vol agile & prompt un oifeau fend les airs ;
Dans les champs de Bellonne une mêche enflammée
+
Va réveiller la mort dans le bronze enfermée ;
Le plombpart auffi - tôt plus prompt que les éclairs.
Mais la courfe de l'homme eft plus rapide encore
;
Des bornes du Couchant aux portes de l'Aurore ;
L'oeil à peine peut- il le fuivre dans fon cours :
Otoi , Dieu tout puiffant , Auteur de la nature ,
Peux-tu voir fans pitié périr la créature ,
Toi qui pourrois d'un mot lui prolonger fes
jours !
Que dis-je ? de quel front, vermiffeau de la terre;
Ofai- je interroger le maître du tonnerre ?
S'il répond , ce fera par fon foudre grondeur ;
Mon orgueil au trépas veut- il donc fe fouftraire ?
Auroit- il prétendu , cet orgueil téméraire ,
Des décrets de mon Dieu fonder la profondeur ?
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
Adorons l'Eternel , admirons ſes ouvrages ;
Nous trouverons le port malgré tous les orages.
Celui qui fit nos nuits a fait auffi nos jours :
Ne foupirons donc plus après les biens du monde
Mépriſons cette vie où notre espoir ſe fonde ,
Et fongeons au réveil qui doit durer toujours.
Peloux , de Paris.
REPONSE d'un Médecin de Paris à
une lettre qui lui a été adreſſée par un
Chirurgien de Province , an fujet d'un
Mémoire de M. Duhamel fur la Garence ,
qui eft inferé dans ceux de l'Académie
Royale des Sciences , année 1739 .
D "
Ans la lettre que vous m'avez adreffée
, Monfieur vous revendiquez
pour la France , & particulierement pour
la Faculté de Médecine de Paris , une découverte
dont vous dites que Meffieurs
Duhamel & Guetard ont mal - à-propos fait
honneur aux Anglois. Vous faites en cela
vos preuves de bon Citoyen , & vous donnez
des marques de votre attachement à
la Faculté de Médecine , ce qui eft bien
louable , furtout pour une perfonne de votre
état , car rien n'eft plus jufte que
de
rendre à chacun ce qui lui appartient
FEVRIER. 1748. 77
u
O
Vod
39
mais il y a tout lieu de croire que c'eft ce
motif d'équité qui a engagé M. Duhamel
à faire inférer dans le même volume des
Mémoires de l'Académie que vous citez
la note fuivante qu'on lit à la page 139..
» M. Duhamel a publié d'inferer dans
» fon Mémoire fur la Garence la citation
» fuivante , qui prouve qu'on connoiſſoit
» il y a long- tems que cette plante ala
propriété de teindre en rouge les os des
» animaux vivans . Herytrodanum , vulge
rubia tinctorum dictum , offa pecudum ru-
»benti & fandycino colore imbuit , fi dies
aliquot illud depaftafint oves etiam intacta
» radice qua rutila exiftet. Myfaldus 1566,
» memorabilium jucundorum & utilium cen
"
» turia novem . «
Il me paroît , Monfieur , que par cette
citation l'Académicien fatisfait à vos defirs
en rendant à Mifaud , Médecin de la Faculté
de Paris , & Auteur plus ancien que
Liebaut , toute la juftice qui lui est dûë ;
pour moi je defirerois que M. Duhamel
eût vérifié fi les tiges de la Garence ont la
même propriété que les racines à l'égard
de la coloration des os , car les allégations
de ces anciens agriculteurs ont fouvent
befoin de vérification . J'ai , par exemple ,
peine à croire que les urines de ceux qui
manient cette plante foient teint es en
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
fouge , comme le dit Liebaut dans l'endroit
que vous avez cité , & les obfervations de
M. Duhamel ne s'accordent point du tout
avec ce que dit le même Auteur à l'égard
de la coloration des chairs. Suivant le
paffage que vous avez rapporté elles deviennent
rouges , lorfque les bêtes ont été
nourries quelque tems avec la Garence ,
au lieu que M. Duhamel affûre par tout
qu'il a toujours trouvé les chairs , les ten-
'dons & les cartilages dans leur couleur
naturelle ; & que la couleur des os ne
change qu'à mesure qu'ils s'endurciffent.
J'ai l'honneur d'être , &c .
٤٠
EPITRE
A Madame de la R..... qui revenoit de la
B...... en Touraine , accompagnée de
Mlle de V.... & d'une autre aimable
perfonne.
Sur les bords où le beau Tircis
Chantoit jadis fa tendre Annette ;
Où Ronfard poufloit la feurette
Près de l'amoureuſe Cloris ;
Où Rabelais conte fornette ,
Bûvoit frais avec les amis :
FEVRIER. 79
1748.
J'ai vu le grand Dieu de la Loire
Sortir du milieu de fes eaux ,
Le front couronné de roſeaux.
N'ayez point de peine à me croire ;
Ce que je conte eft une hiſtoire
Ma muſe ne dit rien de faux :
Ce fleuve à barbe venerable ,
Entouré d'une troupe aimable¿
Qui portoit des fruits précieux ,
Tels que Pomone en fert aux Cieux ,
M'approche d'un air agréable ,
D'un air que l'on ne voit qu'aux Dieux,
Je lui demandai fi Venus ,
Pour tout cortége ayant Bacchus ,
Sur les bords faifoit un voyage ;
Si ces préfens étoient l'hommage
Qu'il faifoit à ces immortels :
Grand Dieu , lui dis - je , ton rivage
Eft tout femé de leurs Autels !
Un foin plus cher ici m'améne ,
Répond ce refpectable Dieu ;
J'attends trois nymphes de la.Seine ,
Qui doivent paffer en ce lieu ,
Ces dons font deſtinés pour elles ,
S'il faut les donner aux plus belles
Quelle autre les mérite mieux ;
Même parmi les immortelles ?
Diiij
80 MERCURE DE FRANCE.
Qu'elles font dignes de ce foin ,
M'écriai- je d'une voix tendre !
Dès qu'on les voit il faut fe rendre ;
J'en fuis un malheureux témoin ;
Quoique Dieu, vous pourrez l'apprendre.
Pour elles le tendre Tircis
Auroit quitté fa shere Annette ,
Ronfard n'eût plus dit, de fleurette
A fon amoureuſe Cloris ,
Et Rabelais conte fornette ,
Laiffant fes pots & les amis
Fut devenu porte houlette ,
Et plus tendre amant que Pârist
Sur une fi belle matiere
Je n'étois pas prêt de finir ,
Et fans doute une heure entiere
J'aurois bien pû l'entretenir.
Il m'interrompit pour me dire
Qu'il vous connoiffoit dès long-tems ; .
Que fur les bords de fon empire
Vous paffâtes vos premiers ans ,
Et que dès- lors il fçut prédire ,
Qu'un jour chés la gent qui foupire
Vous allumeriez plus de feux ,
Que malgré Jeanne la Pucelle ,
N'en allumoit Agnés la Belle
Aux tems qu'elle a rendu fameux,
FEVRIER. 1748.
81
Elles ne font que trop aimables ,
Ajouta- t'il plein de fureur ,
C'eft ce qui caufe ma frayeur.
Apprend des projets exécrables
Qui te feront frémir d'horreur.
Les Dryades de la Touraine
Trop jaloufes de leurs amans ,
Qui pour une nouvelle chaîne
Oublioient leurs premiers fermens ,
Veulent pour affouvir leur haine ,
Jetter dans le fond de mes flots
Tes belles nymphes de la Seine ,
Mais j'arrêterai ces complots ,
Et fçaurai défendre leurs vies.
Que loin de ces rives fleuries
Les Dieux marquent plutôt mon cours
Dans le climat le plus fauvage >
Que je fouffre qu'on les outrage ;
Yas, ne crains plus rien pour leurs jours.
Dy
82 MERCURE DE FRANCE .
鉄洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗選
REMARQUES à l'occafion d'une plante
des environs de Beauvais par J. T. D.
Médecin.
C
Ette plante eft appellée par Gafpard .
Bauhin Caryophyllata aquatica mutante
flore pin. 3 21. On la trouve près de
Beauvais dans les marais du fauxbourg
Saint Jean.
L'Hiftoire des plantes des environs de
Paris : les obfervations fur les plantes qui ,
comme le remarque l'Auteur de cet excellent
livre , contiennent les plantes d'une
partie confidérable de la France ; le
Botanicon Monfpelienfe , & l'Hiftoire des
plantes des environs d'Aix , n'en font
aucune mention , mais elle eft citée dans
Synopfis methodica ftirpium britannicarum ,
flora lapponica , l'hortus alfaticus & autres.
Jean Bauhin rapporte qu'il la cultivoit à
Genéve , & qu'elle lui venoit des montagnes.
M. Ray dit auffi qu'elle vient dans
les montagnes les plus feptentrionales
d'Angleterre . M. Linnæus l'a trouvée dans
les forêts de Lapponie qui couvrent le
penchant des montagnes , comme il remarque
dans fes Prolégoménes . Il paroît
que Lobel la regardoit comme une plante
FEVRIER . 1748. $ 3
•
qui ne yenoit que dans les pays feptentrionaux
, puifqu'il l'appelle Caryophyl-
Lata feptentrionalium rotundifolia papporo
flore. On peut conjecturer que cette plante
fe retrouve fur quelques-unes des montagnes
, dont les eaux viennent fe perdre
dans notre riviere , car étant du nombre
de celles qui font indiquées par les Auteurs
dans les marais & fur les montagnes,
il y a lieu de préfumer que fes graines ont
été entraînées par le courant des eaux , &
déposées le long de la riviere où venant à
germer elles ont produit des enfans plus
grands que leurs peres , mais auffi moins
féconds.
On ne peut guéres expliquer autrement ce
phénomène des plantes des montagnes , de
ne fe retrouver que dans les marais ,à moins
de prétendre que certe affectation de lieux
fi differens, eft occafionnée par la température
du fol qui eft à peu près la même
pour la chaleur , les terres continuellement
mouillées étant toujours froides , ainſi
que celles qui font couvertes de neige ,
ou qui étant plus éloignées du centre , font
moins fufceptibles de l'action de la chaleur
fouterraine.
Ne peut- on pas inférer de là que ce
n'cft pas toujours par la fatitude du lieu
où vient une plante , que l'on peut juger,
D vj
$4 MERCURE DE FRANCE.
fi elle eft feptentrionale ou non .
De même que plufieurs plantes s'éclipfent
en allant du Midi au Nord , pareillement
plufieurs difparoiffent du Nord au
Midi. Les plantes aquatiques font celles
qui s'accommodent le mieux à toutes fortes
de climats. On en retrouve plufieurs
fous l'une & l'autre hémisphère.
La connoiffance des plantes d'un pays
peut fervir beaucoup à déterminer la nature
du fol & fes propriétés. On ne trouve
pas dans nos environs l'Heliotropium
· majus diofcoridis, qui eft affés commun dans
les environs de Paris , fans doute parce
que la terre y eft plus froide , plus humide,
moins fabloneuſe & moins propre à produire
des fruits qui parviennent à maturité.
Le vent & l'écoulement des eaux de
pluye font les deux moyens les plus généraux
, dont la nature fe fert pour envoyer
par tout des colonies de plantes , & ne laiffer
aucun terrein inutile. Que l'on creufe
des foffés autour d'un Château , les eaux
qui viendront les remplir ne manqueront
pas d'y amener des habitans pour les peu-.
pler; moins ces eaux auront d'écoulement,
& plus elles fe rempliront de nouveaux
hôtes , parce que les femences de plantes
qui y font apportées y reſtent en plus
FEVRIER. 1748. 85
grande quantité , & que celles qui s'y produifent
n'ont pas la liberté d'aller fe tranfplanter
ailleurs.
Nous avons des plantes qu'on pourroit
appeller plantes domestiques , comme
nous appellons certains animaux. La
grande joubarbe eft une plante qu'on ne
trouve que fur des ouvrages faits de main
d'homme , tellement qu'on diroit que fans
chaumieres & vieilles mazures nous n'aurions
pas cette plante.
M. Ray n'a pas ofé affûrer qu'elle fut
du nombre de celles que la nature produit
en Angleterre , quoiqu'on l'y trouve auffi
communément que dans ces pays- ci . On
pourroit comparer ces plantes aux nouveaux
habitans de quelques Ifles de l'Amérique
où on ne retrouve plus les naturels
du pays qui ont fait place à ces nouveaux
hôtes.
SUR la bonne année.
LA bonne année au fiécle de Marot
Du bel efprit ne tiroit pas un mot ,
Point on oyoit d'hommes une cohuë ,
Se fouhaiter au milieu de la ruë
La bonne année .
86 MERCURE DE FRANCE .
Mais depuis lui chaque état different ,
Au même jour armé d'un compliment .
S'entrepourfuit à perte de génie ,
Et fe fouhaite avec cérémonie
La bonne année .
-Celle qui fait le flux & le reflux ,
Pourroit de même avoir fait cet abus ,
Car tiens pour fûr qu'il faut être imbécile ,
Pour promener de concert par la ville
La bonne année.
Pourquoi cet autre à qui tout eft ouvert ,
Vient-il auffi , faifant l'homme difert ,
Alembiquer une phraſe équivoque ,
Et vous porter d'une façon qui choque
La bonne année ?
Tant de baifers par tant de
gens
donnés ,
Pour la plupart femblent defordonnés
Si droit avois fur ce gênant ufage ,
L'empêcherois d'annoncer d'avantage
La bonne année.
་ Oui , détruirois pour l'honneur de l'Etat ,
Tous ces baifers pris avec trop d'éclat ;
Ce ne feroit qu'à fa chere conquête
Que l'on pourroit fouhaiter tête à tête
La bonne année.
* La Lune..
M. de Blois,
FEVRIER. 1748 . 87
洗洗洗洗洗洗送送送送送淡淡說洗
LETTRE à M. de la Bruere.
Ermettez-moi ,
Pfeur ,de vous adreffer la réponſe que
, je vous prie , Monje
dois aux politeffes de l'élégant Auteur
des Effais d'une nouvelle traduction d'Horace
, que vous avez publiés dans le Mercure.
L'honneur qu'il me fait de fouhaiter
de me connoître eft très- flateur pour moi.
Des connoiffances telles que la vôtre ,
Monfieur , que j'aurois tâché de m'affûrer ,
& la fienne queje vous aurois prié de me
procurer , feroient toute mon ambition , fi
les devoirs d'un état pénible & affujettiffant
ne me faifoient craindre avec raifon
de ne pouvoir les cultiver. Ce font dé
ces plaifirs de la vie qui ne font plus faits
pour moi. Eh ! comment y pourrois - je
prétendre ? Comment pourrois-je être aux
autres pour un commerce fi doux , fi je ne
puis prefque jamais être à moi - même ? A
peine puis -je feulement trouver le moment
de vous en témoigner mes regrets . J'af
voulu plufieurs fois le faire , mais je ne l'ai
pû jufqu'à ce jour , où me voyant un peu
de
loifir , je le faifis pour fatisfaire à ce devoir,
& pour vous faire part de quelques re-'
marques fur la réponſe à ma Critique &
88 MERCURE DE FRANCE.
fur la traduction de la Satyre qui fuit cette
réponſe. Je vous prie de les communiquer
à l'Auteur , à qui je crois les devoir par
eftime & par reconnoiffance , & comme
je ne les fais que par l'intérêt que je prends
à la perfection de fon ouvrage, je vous
prie encore de l'en laiffer abfolument le
maître pour fon ufage particulier , s'il juge
qu'elles en vaillent la peine.
Le nouveau Traducteur défend d'une
maniere fi ingénieufe le fens qu'il a donné
aufine fraude , que je me fçais mauvais gré
de ne pouvoir encore être de fon avis.
Qu'il me permette de le rappeller au principe
indubitable qu'il admet , fçavoir que
la façon la plus fure d'expliquer les Auteurs
de l'antiquité eft de les expliquer par
eux-mêmes , & de lui faire obferver que
ce principe fi certain feroit abfolument
faux , s'il étoit vrai , comme il l'ajoûte ,
qu'il y a peu de mots latins que l'on ne
pût & que l'on ne dût même prendre dans
des acceptions differentes ; je fuis perfuadé
au contraire qu'il y a très-peu de mots (fi
même on peut dire qu'il y en ait ) dans les
Langues polies , telles que la Grecque , la
Latine , la Françoife , &c. qui ayent véri
tablement plus d'une fignification propre,
deforte que les acceptions differentes dans
lefquelles on peut prendre un mot , font 1
FEVRIER . 1748 . So
e
I
13
le
le
ar
e
t
S
que
toutes métaphoriques , excepté une feule.
Le peu d'attention que l'on fait à ce principe
, que je crois certain , me femble une
des principales caufes des fens faux
l'on donne aux Auteurs anciens , & c'eft
ce qu'ont fi bien compris certains Lexicographes
, qu'ils ont difpofé leurs Dictionnaires
par Racines. On ne peut même fentir
la fineffe de la métaphore , qu'on, ne
foit bien fûr de la fignification propre , &
comme un mot peut avoir plufieurs fens
métaphoriques , on ne démêlera encore le
véritable , que lorfqu'on connoîtra parfai
tement le propre. Mais comment s'affûrer
fi un mot doit être pris dans fon fens propre
ou dans le fens métaphorique ? Ĉ'eſt
ici où revient le grand principe , que la
meilleure maniere d'entendre les Auteurs
eft de les expliquer par eux-mêmes. Un
mot mis dans fon acception propre dans
telle penfée & avec de telles circonstances,
doit le retrouver dans la même acception ,
dans une penſée femblable & avec de pareilles
circonftances. Il en fera de-même
pour une acception métaphorique.Je ferai
bien fondé à prendre un mot en tel Tens
métaphorique , dans un endroit femblable
pour le fond de la penfée & des circonftances
, à un autre endroit où ce mot aura
manifeftement été pris dans le même fens.
96 MERCURE DE FRANCE.
<
Or c'est ce qui fe trouve dans les deux endroits
où on lit fine fraude. Dans l'Ode
19 du fecond Livre , Horace adreffant la
parole à Bacchus , s'exprime ainfi ; .
Tu feparatis uvidus injugis
Nodo coerces viperino
Biftonidum fine fraude crines.
Et dans le Poëme féculaire , parlant
d'une troupe de Troyens qui fe fauve de
l'embrafement- de leur ville :
Cui per ardentem fine fraude Trojam
Caftus Æneas patris fuperftes
Liberum munivit iter, daturus
Plura relictis.
Dans l'un & l'autre endroit n'eft- ce
pas le même fond de penfée , ne font - ce
pas les mêmes circonftances ? Ne s'agit -il
pas d'un très-grand danger , & dans l'Ode
où le Poëte nous peint les cheveux des
Prêtreffes de Bacchus noüés avec des viperes
, & dans le Poëme féculaire , où il
nous repréſente un refte de Troyens ſe fauvans
à travers l'embrafement d'une ville ?
Pourquoi donc n'entendroit- on pas fine
frande de la même maniere & dans le même
fens métaphorique dans l'un & dans
l'autre endroit Mais , dit le nouveau
FEVRIER. 1748. 91
lat
e a
t- c
Out
des
ipe
fat
Glle:
i
fin:!
milans
yeau
ef
Od
Traducteur , entendre fine fraude par fine
vita noxa, ce feroit faire dire à Horace
trois fois la même chofe en quatre vers.
-Sofpite curfu , fine fraude , & liberum iter.
Ce qui , comme il le remarqué judicieufement
, n'eft point le défaut d'Horace .
Qu'il me foit permis de lui faire obſerver
que cette refléxion , qui eft très-juſte , auroit
dû lui faire douter au moins que fofpite
curfu & liberum iter , fuffent des tours
fynonymes , car , fuppofé que cela fût ,
Horace tomberoit en effet dans le défaut
que nous reconnoiffons qu'il n'a pas , défaut
qui ne feroit aucun honneur ni à fon goût
-ni à fon difcernement , s'il difoit feulement
deux fois la même chofe dans quatre
petits vers. Auffi ces expreffions , jointes
aux penfées dont elles font des parties,
fignifient- elles des chofes fort differentes.
Les Troyens pour arriver en Italie eurent
à paffer par trois dangers principaux dont
ils fe tirerent heureufement ; circonftance
que le Poëte a peint pour chaque danger
par des expreffions propres & énergiques ,
danger de la navigation , fofpite curfu , de
l'embrafement de la ville , fine fraude , de
ja part des ennemis , liberum iter. Voila
les raifons qui me font douter qu'on puiffe
s'éloigner du fens qu'on donne ordinairement
à cet endroit d'Horace , raifons que
92 MERCURE DE FRANCE.
je foumets néanmoins au jugement dit
nouveau Traducteur. Je vais prendre la
liberté d'ajoûter quelques remarques fur
fa traduction de la fixiéme Satyre du fecond
Livre , que je n'ai pas lû avec moins
de plaifir que celle du Poëme féculaire .
v. 8. Si veneror ftultus nil horum . Il me femble
que c'eft ne pas rendre le fens de cet
endroit que de traduire , fi je ne fuis point
fol admirateur de ceux qui s'écrient . C'eſt de
lui-même que le Poëte parle ici . Le véritable
fens eft , je crois , celui-ci : Si je n'ai
pas été affes infenfé pour faire des voeux tels
que ceux-ci. Le tour latin eft très- élégant ;
plufieurs bons Auteurs fe font fervis de veneror
pour dire venerabundus à Diis peto..
Je doute encore que le fens que le nouveau
Traducteur a donné , quoique d'après
quelques autres , au vers 17. Quid
prius illuftrem Satyris , musaque pedeftri ,
foit le véritable , car premierement à n'examiner
que les expreffions , il me femble
qu'illuftrare Satyras & mufam pedeftrem
ne peut fignifier compofer des Satyres , mais
feulement éclaircir ce qu'il pourroit y avoir
d'obfcur , c'eſt le fens dans lequel l'a pris
Ciceron, lorsqu'il a dit , illuftrare obfcura ;
diftinguere & illuftrare orationem ; illuftrare
artes oratione , &c. En fecond lieu , la fuite
de la Satyre paroît incontestablement
FEVRIER. 1748. 93
d
la
ur
ens
Te.
mcet
in
de
ri.
བྱུ་ ;
pur
décider le fens de cet endroit . Horace retiré
dans fa maifon de campagne , ravi du
fpectacle de la nature & charmé des douceurs
d'une folitude où il refpire un air
& falutaire , fe demande ce qu'il prendra
pour fajet des vers qu'un loifir délicieux
lui donne lieu de compofer . La fituation
agréable où il fe trouve l'a bientôt
décidé . Pour fentir plus vivement les plaifirs
de la campagne , il fe plaît à leur comparer
les embarras fatiguans de la ville.
Horace après s'être donc demandé , Quid
'ai prius illuftrem Satyris , le repond bientôt
els après dans un tour ingénieux , vita labores,
fcilicet urbanos. La preuve que ces travaux
doivent s'entendre de ceux de la ville ,
c'eft que le Poëte ajoûte Rome me trahis
&c. L'apostrophe à Janus ne fera donc
qu'une transition par laquelle l'Auteur entre
en matiere , & non une invocation
comme le nouveau Traducteur l'a crû en
traduifant tu carminis efto principium , préfide
à mes vers. Voici , fi je ne me trompe,
la pensée d'Horace : Quid prius illuftrem
Satyris quam Te , o Jane , unde homines , &c?
Et tout de fuite il lui fait les reproches les
plus vifs de ce qu'il le retire du repos de la
campagne pour le jetter dans les embarras
de la ville , dont il fait une defcription à
laquelle il joint celle des plaifirs innocens
de la campagne.
ve- 1
2-
id
e-
Je
ir
·
is
94 MERCURE DE FRANCE.
V. 37. Orabant me femble devoir être
traduit par l'imparfait , & peut-être auffi
orabat du vers 35. Horace étoit à Rome ;
il n'étoit point queftion de le prier d'y
revenir , mais de le prier de s'employer à
des affaires pour leſquelles on fouhaitoit
fon retour.
Le nouveau Traducteur me permettrat'il
encore de lui marquer quelque peine
à goûter les plus ferviles devoirs , en parlant
de l'empreffement que le Rat de ville
montroit à bien recevoir ſon hôte & tombent
demi morts au fujet de la frayeur des
deux rats , lorfqu'ils entendirent aboyer
les dogues? Qu'un homme reçoive un ami ,
& que n'ayant point de domeftique , il
s'empreffe à y fuppléer par lui-même, je ne
crois pas qu'on puiffe traiter de ferviles les
devoirs qu'il lui rendroit ; & fi on fuppofe
que les rats tombent demi morts , il eft impoffible
qu'ils échappent , qu'en fuppofant
encore qu'on ne les a pas apperçûs , ce qui
n'eft pas trop vrai-femblable . Enfin comme
dans une traduction le langage doit
être conforme à nos moeurs & à nos ufages
,fil me femble qu'il feroit mieux de ne
point faire tutoyer Horace par ceux qui lui .
parlent dans la Satyre. Voila quelques.
doutes dont je vous prie , vous Monfieur ,
& notre élégant Traducteur , de ne faire
FEVRIER.
1748. 95.
que l'ufage que vous jugerez à propos.
J'ai l'honneur d'être , & c,
Ayant communiqué ces refléxions à
l'Auteur de la Traduction d'Horace , voici
la réponſe dont il nous a honorés .
J
A M. DE LA BRUERE.
E ne puis trop remercier encore , M.
l'Anonyme qui veut bien employer à
me faire remarquer mes fautes , le trop
peu de loifir que fes occupations lui laif-
Tent. J'en fuis d'autant plus flaté , que je
n'ai pû mériter que par de foibles effais ,
l'intérêt qu'il veut bien prendre à la perfection
de mon ouvrage. Il me fait fentir
tout ce que je perds en ne voulant point fe
faire connoître ; quelque court qu'eût été
le tems qu'il auroit pû me donner pour
profiter de fes lumieres , je l'aurois faifi
avec empreffement pour lui propofer quelques
doutes fur des paffages d'Horace
auffi difficiles par eux-mêmes , que mal interpretés,
à ce qu'il m'a paru , par le plus
grand nombre des Commentateurs , Je me
vois privé d'un fecours que j'aurois voulu
devoir à fon eftime , & plus je travaille à
limer ma traduction , plus je fens combien
il me feroit utile qu'un auffi judicieux Critique
voulût bien me guider par les avis.
96 MERCURE DE FRANCE.
En lifant fes nouvelles obfervations fur
le paffage du Poëme féculaire , où le trouve
fine fraude , j'ai d'abord été frappé de
la force & de la folidité des raifons qu'il
donne pour fonder fon fentiment . Le
principe , que la façon la plus fùre d'expliquer
les Auteurs de l'antiquité , eft de les
expliquer par eux- mêmes , feroit évidemment
faux, comme le dit le fçavant Anonyme,
fi l'on en inféroit , ainſi qu'il a crû que
je faifois , qu'il y a peu de mots latins
qu'on ne puiffe & qu'on ne doive même
prendre dans differentes acceptions qui leur
font propres. Je ne lui aurois pas donné
lieu de me foupçonner d'une pareille erreur
, fi lorfque ai avancé le principe général
, j'avois diftingué l'acception propre
de l'acception métaphorique , mais quoique
je ne me fois point exprimé à cet
égard auffi pofitivement que j'aurois dû
faire , je le fupplie de croire que cette diftination
ne m'a point échappé. Je conviens
que l'on ne peut
bien entendre le
fens métaphorique d'un mot , fi l'on ne
connoît le fens propre ; je conviens demême
que l'on peut donner au fine fraude
du Poëme féculaire, le fens que l'Anonyme
veut qu'on donne à ce paffage , mais toutes
les fois que l'on peut prendre un mot ,
tel qu'il foit dans fon acception propre , 3
fans
FEVRIER. 1748. 97
cet
sdi
dil
On
ele
de
me
ot,
e,
ns
que
fans que le fens en foit alteré , je crois
qu'on doit le préférer à l'acception métaphorique
, & que l'on ne doit choisir celle-
ci dans les cas où la premiere ne
s'accorderoit point avec le fens de l'Auteur.
Or fine fraude , qu'Horace a employé pour
fine noxa , fine vita periculo , dans l'Ode a
Bacchus , lorfqu'il a dit :
Tufeparatis uvidus in Jugis ,
Nodo coërces viperino
Biftonidum fine fraude crines ,
Se trouve précisément , à ce qu'il me
femble , dans le dernier de ces deux cas.
Horace n'auroit pû employer ici ce mot
dans fa fignification propre ; il n'en eft pas
de même dans ce paffage du Poëme fécu
laire ,
Cuiper ardentem fine fraude Trojam,
Caftus Eneas , Patria fuperftes ,
Liberum munivit iter , daturus
Plura relictis ,
Où non-feulement Horace n'étoit point
forcé , comme dans l'Ode ci -deffus , d'employer
fine fraude dans le fens métaphorique
, mais même où , fans altérer le fens
on peut le prendre dans l'acception qui lui
eft propre , foit en l'appliquant à daturus
E
>
98 MERCURE DE FRANCE.
plura relictis ; en effet Enée fonda dans
l'Aufonie un Empire qui dans la fuite
devint plus grand , plus floriffant , plus
puiffant que celui qu'avoient quitté les
Troyens ; foit encore en prenant , comme
je l'ai propofé dans ma réponſe , fine fraude
pour la juftification d'Enée , des foupçons
qu'on avoit formés contre lui, d'avoir
livré Troye aux Grecs , de concert avec
Antenor.
d'a-
Je conviendrai encore avec le fçavant
anonyme , que le danger de paffer à travers
les feux , étoit auffi grand que
voir fes cheveux renoüés avec des viperes
& que dans les deux cas on peut expliquer
fine fraude , par fine vite periculo ;
mais pour l'expliquer ainfi dans le premier
, on n'eft point obligé , quoique le
danger foit égal pour la vie,d'avoir recours
au fens métaphorique , puifque liberum
iter munivit dit la même chofe que fi l'on
entendoit fine fraude dans le fens de fine
vite periculo , & qu'il faut malgré foi dans
le fecond , qui peint un danger auffi évident
, avoir recours au fens métaphorique ,
parce qu'on ne peut l'entendre dans le fens
propre. De- là j'ai commencé à douter que
l'on dût entendre fine fraude dans le fens
métaphorique , quoique les raifons qu'apporte
le fçavant anonyme m'euffent d'aFEVRIER.
1748. 99
évi
que,
ders
que
fens
'ap
d'al
•
bord prévenu en faveur de cette opinion
& m'euffent fait abandonner la mienne . Je
fouhaite qu'il veuille bien employer encore
quelques momens de fon loiſir à lever mon
doute. L'intérêt qu'il prend à la perfection
de mon ouvrage , fans que je l'aye mérité,
me fait efpérer , Monfieur , qu'il vous
adteffera fes refléxions , puifque je ne puis
me flater d'avoir avec lui un commerce
plus direct , que j'aurois infiniment défiré.
J'ai vu avec plaifir qu'il trouvoit. peu de
corrections à faire dans ma verfion de la
Satyre , hoc erat in votis , &c . J'ar profité
des avis qu'il a bien voulu me donner &
de la jufteffe de fes obfervations critiques ,
Quant à ce qu'Horace dans ma verſion
eft tutoyé & tutoye, façon de s'exprimer que
la politefle de nos moeurs & de nos ufages
femble condamner , le fçavant anonyme
me permettra de lui faire obſerver que le
terme vous , que nous employons en Fran
çois également au pluriel comme au fingulier
, ne répond point au tu du Latin , &
comme la façon la plus fûre d'expliquer les
anciens Auteurs , eft de les expliquer par
eux-mêmes , ( qu'il trouve bon que je lui
rappelle ce principe ) je crois qu'on doit
les rendre tels qu'ils font , lorfqu'on entreprend
de les traduire ; je crois de-même
qu'on doit alors fe tranfporter dans le fié-
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
>
cle où ils ont écrit , affujettir fa verfion d
leurs ufages & ne point les habiller à la
Françoife , fi c'est en François qu'on les
traduit , comme ont fait certains Traducteurs,
en fe fervant des termes de Laquais,
de Monfieur , & d'autres qui étoient inconnus
dans ces tems éloignés & qui ne
font point dans notre Langue des équivalens
aux mots , puer , here & c. Je crois
encore qu'il faut , autant qu'il eft poffible,
mettre le lecteur dans le cas de croire qu'il
lit un Auteur ancien dans l'original , lorfqu'il
le lit dans une Langue étrangere à
cet Auteur; c'est ce que la plupart des Traducteurs
d'Horace n'ont pas plus obfervé
que la difference des ftyles qu'il a employés
dans fes Poëfies. J'ai évité , autant
qu'il étoit en moi , que l'on eût ce reproche
à me faire ; le public en jugera par
les effais que j'ai donnés de ces differens
ftyles dans le Poëme féculaire , dans une
Satyre & dans la premiere Epitre d'Horace
, que vous avez bien voulu inférer dans
votre Mercure de Janvier. Je vous prierai
, Monfieur , d'y inférer encore , fi vous
.jugez qu'elles méritent d'y trouver place ,
une Ode galante & une Ode morale ou
philofophique , avec un fragment de l'Art
Poëtique ; ce font à peu près les differens
genres de ftyle dans lefquels Horace s'eft
FEVRIER. 1748. 101
exercé. Heureux fi pour le prix d'un ouvrage
qui m'a déja coûté dix ans de travail
, je puis mériter l'approbation de ceux
qui daigneront en lire les foibles effais !
Je fuis , & c.
VERS à M. Remond de Sainte Albine.
Sur fon ouvrage intitulé le Comédien .
EN nous peignant d'une plume hardie
Les mouvemens fecrets , & l'effet qu'au dehors
Doivent caufer les differens refforts ,
Que chaque paffion en un instant varie ,
Cher Sainte Albine , apprends moi quel Génie
Te dévoila du coeur humain
Les plus obfcurs replis , & vint guider ta main.
Qui trace une route auffi fûre ,
Pour plaire & plaire par le vrai ,
Doit avoir bien long - tems fouillé dans la nature ;
Trente ans feroient payés avec un tel effai,
Connoître l'homme eft l'unique fcience
Où tendent tous mes vains efforts ,
Mais féduit tous les jours par de trompeurs de
hors ,
Je bronche à chaque pas , & fens níon ignorance.
Au théatre du monde , où l'on voit tant de gens
Jouer prefque toujours leur rôle à contre- fens ,
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Ami , fi l'on t'avoit pour guide ,
Scroit- on dupe auffi ſouvent
Des faux fermens d'une perfide ,
Du ton flateur que dicte un interêt fordide,
De ces promeffes qu'en paffant
Vous lâche un inoëleux Courtiſan ,
De cet ami du jour , qui court , dès qu'il nous
Sur nous
quitte ,
quatre pas
lâcher un trait mordant ,
Ou du mafque odieux que porte l'hypocrite ?
Tu nous fais fentir clairement
Qu'il eft un vrai dans tout , qui feul affecte & tou
che ,
Que quand le coeur n'eft pas d'accord avec la bous
che ,
On devroit fur le front le connoître aiſément.
Mais ce vrai , qui pourroit m'apprendre à le con
noître ,
A diftinguer le jeu vrai du jeu faux ',
De celui qui m'impofe en geftes , en, propos ,
Qui tout autre qu'il eft s'efforce à me paroître ?
Vains defirs ! O voeux indifcrets !
Ma- raifon étoit égarée.
Pour fe jouer entre eux , oui , les hommes font
faits ;
Le fujet L'interêt le créé ,
Et de la chaumine au Palais
Ce n'est que la fcéne changée .
FEVRIER . 1748. 103
Puifque tout homme eft donc Comédien ici bas ,
Qu'il joue à chaque inftant tout ce qu'il ne tent
pas ,
Aux champs , à la Cour , à la ville ,
Ton livre à tous doit être utile ;
Que chacun pour fon rôle y prenne des leçons ,
Etudie avec art fes geftes & fes tons ;
D'être trompé s'il eft inévitable ,
Malgré nos travaux & nos foins ,
L'amour propre en fouffrira moins ,
Quand l'erreur fera vraiſemblable .
Cher Sainte Albine , adieu , mais ne fois pas futpris
De voir une Muſe anonyme
T'offrir un encens légitime ;
Que cet effai lui foit permis .
Elle veut voir, fi nous parlant en maître
Sur tant de paffions , & les fçachant connoître ,
Tu fçauras auffi- bien te connoître en amis.
Ce 13 Février
.
Eij
104 MERCURE DE FRANCE.
Les mots des Enigmes & du Logogryplte
du Mercure de Janvier font chaife ,
cage , favon , miroir & panier . On trouve
dans le Logogryphe Pan , nier , Pin , rien
Pain , Jean , nape , pire , rape , ire & rein.
WRTERET****
ENIG ME.
P Etit chés l'artifan , fimple chés le bourgeois
Je fuis grand , je fuis haut dans le Palais des Rois.
La beauté de mon teint fait mon premier mérite ;
( Le nom de beau m'eft affecté )
Et cependant on me voit fans fierté
Recevoir tout le monde , à moins qu'on ne m'é
vite .
Je n'ai jamais d'égards , quand je ſuis viſité ,
Pour la richeffe , ou pour la qualitė ;
Souvent une fimple foubrette
Sort d'avec moi plus fatisfaite
Que la maîtreffe n'eut été .
Je n'ai point cependant d'humeur, ni d'arrogance›
Et rien n'eft plus uni que moi ni plus poli ;
De fages Directeurs prennent dès mon enfance
Le foin de me rendre accompli ,
Et quand je fuis parfait dès ma naiffance ,
Rien ne me fait jamais prendre de mauvais pli .
FEVRIER . 1748.
105
LOGOGRYPHE.
A ssés communément je plais,
Et fuis joli , quoique jamais
Chés la beauté je ne me place ,
Mais de l'agrément , de la grace
J'aime à recevoir mes attraits ;
Deux fois trois pieds font ma ftructure ,
Les deux premiers tout fimplement
Pris tout de fuite & fans figure ,
Ne fervent point en tablature ,
Mais en mufique très fouvent ,
Et les deux derniers , je vous jure ,
Retournés très- facilement ,
Des deux premiers dans le moment
Seront la quinte toute'pure .
Si de mes fix pieds eſt ôté
Uniquement le pénultiéme ,
Soudain par ce nouveau ſyſtême
Un nouvel être eft préſenté ;
Alors équitable & ſévére ,
Roi fortuné , malheureux pere ;
Tout enſemble à la fois je ſuis
Comblé de vertus & d'ennuis.
Je n'ai plus qu'un mot à vous dire ,
Lecteur , mes quatre derniers pieds
E v
10G MERCURE DE FRANGE.
Pour le former doivent fuffire ,
Entr'eux comme il faut tranfpofés.
Ce mot fur la Carte de tendre
Ne fe peut trouver qu'en petit ,
En grand , fi vous voulez entendre
Ce qu'il préfente à notre efprit ,
C'eft des Rois qu'il le faut apprendre.
Ce mot eft choſe bonne à tout ,
Bonne à tout , même néceffaire ,
Et fans quoi l'on ne vient à bout
De la plus miférable affaire.
Vous en aurez befoin ici
Pour expliquer mon verbiage ,
Et qui pis eft , moi -même auffi ,
Je n'ai pu me paffer de lui , ' .
Pour compofer ce bel ouvrage.
J
AUTRE.
E me préſente également
Sur fept pieds ou fur fix , mais fur fix feulement
Pour ma commodité , Lecteur , je vous en prie.
Mes trois premiers font un mot qui ſouvent
Fait prendre en amitié juſques à la mânie
La chofe qui le fuit immédiatement.
Mes trois derniers font une bête
Dont le jeu plaît à peu de gens ;
J'ai vu pourtant dans fes amufemens , vû
FEVRIER. 1748. 107
Le Roi même lui faire fête.
Vous ne verrez jamais que ma totalité
Soit fans valeur & fans utilité.
L'âge de fer m'a , dit- on , inventé ,
Je n'emprunte pourtant jamais ma façon d'être
Que des trois autres feulement .
Autrefois fans pitié , fans crainte, à tout moment,
Mille gens me battoient ; mais je n'ai plus qu'un
maître ,
Encor ce n'eft que rarement
Qu'il ofe me toucher , & c'eft pour lui peut-être
Un dangereux évenement.
AUTRE..
MA tête eft blanche comme lait ;
Ma queue eft d'uſage à l'armée ,
Et le poltron fur tout la hait ,
Lorfque deux fois elle eft nommée.
Mon tout fe mange en plus d'une façon ,
Mais jamais avec du poiffon.
J
AUTRE.
'Habite dans les Cieux , & je fuis ici bas
Juge équitable , utile en bien des cas.
De mes trois premiers pieds vous formez une
chofe
Très- agréable aux jeunes gens ,
E vj
08 MERCURE DE FRANCE.
Qui l'acceptent toujours dès qu'on la leur propofe.
Mes cinq derniers font bien moins obligeans ;
C'eft au fiécle de fer qu'on trouva leur ftructure.
Otez mon chef , dans ce dernier état ,
Alors je change de nature ,
J
Et les pots feuls de moi font quelqu'état.
AUTRE.
E fuis affreux pour l'un, & pour l'autre agréable,
Ce n'eft point la laideur , ce n'eft point la beauté
Qui me rend-plus ou moins aimable .
Sans mon fecours indiſpenſable
Ma premiere moitié n'a jamais exifté ;
Quoique je fois fort refpectable ,
Cet ouvrage eft fouvent affés peu respecté .
Laiffez cette moitié pour prendre ce qui refte ,
Alors en avançant je montre mes défauts ,
Et tel eft mon deftin funefte ,
Que ce dont je m'accrois détruit ce que je vaux,
FEVRIER. 1748. 109
::
NOUVELLES LITTERAIRES ,
E
DES BEAUX- ARTS , &c.
SSAI fur la Marine des Anciens
&c. par M. Deflandes , in-1 2. A Páris,
1748 , chés David , l'aîné & Ganeau .
qu
La connoiffance de la Marine des Anciens
eft une des chofes les plus curienfes
que l'antiquité offre aux recherches des
Sçavans , mais malheureufement c'est uni
point des plus obfcurs. Les recherches la
borienfes d'un grand nombre de Commen
tateurs ont eu jufqu'à préfent un fuccès
médiocre , & n'ont répandu fur les ténébres
, dont cette matiere étoit enveloppée ,
qu'une lumiere fort incertaine. Le peu
'exactitude & de précision des Auteurs
qui ont parlé de la Marine , qu'ils ne connoiffoient
point , a été la caufe de l'obfcu
rité qui réfulte de leurs écrits , & la même
ignorance de la Marine dans ceux qui ont
entrepris de percer ce labyrinthe , a été
caufe qu'ils fe font égarés . M. Deflandes ,
qui joint à une étude profonde de l'antiquité
, une connoiffance refléchie de la
Marine , qui a fait depuis long- tems fa
principale occupation , étoit plus en état
To MERCURE DE FRANCE.
que perfonne de débroüiller ce cahos , &
il l'a fait avec fuccès .
Trois fyftêmes avoient jufqu'à préfent
partagé les Sçavans fur la forme des Biremes,
des Triremes , des Quadriremes, &c.
tous fort ingénieux , mais tous infoutenables
& démentis par l'impoffibilité phyfique
de leur exécution . M. Deflandes nous
apprend qu'en n'admettant que les Triremes
on expliquera tous les auteurs . Elles
avoient trois ponts ou trois étages. Le premier
s'étendoit depuis la prouë jufqu'au
mât , le ſecond alloit depuis le mât jufqu'au
château d'arriere ; le troifiéme enfin
comprenoit ce château d'arriere & toute la
poupe où étoient les chambres de réſerve
& les logemens des Officiers . Le premier
pont étoit le moins élevé & contenoit les
thalamites , qui avoient les rames les plus
légeres & les plus faciles à manier ; fur le
fecond étage étoient les Zygites , efpece
de Rameurs qui avoient encore foin de la
manoeuvre , & fur le troifiéme étoient les
Thranites ; c'étoit ceux qui fatiguoient davantage
, qui avoient les rames les plus
longues , & qui felon Thucydide , rece
voient la plus forte paye. On voulut en
fuite procurer à ces Triremes un nouveau
mérite , foit en élevant chaque étage &
en y plaçant des châteaux & des tours ,
FEVRIER . 1748.
foit en les fortifiant par des machines de
guerre , & on les appella alors Quadriremes
, &c. Et ce qui prouve que ces noms
numéraux n'indiquoient point un plus
grand nombre d'étages ou d'efpeces de Rameurs
, c'eft que les Anciens ayant affigné
des noms aux trois differentes efpeces de
Rameurs de Triremes, n'en ont point cher
ché d'autres pour les Quadriremes , &c,
ce qui eût été indifpenfable , fi le nombre
des étages eût été augmenté . Les limites
de ce Recueil ne nous permettent pas de
fuivre M. Deflandes plus loin dans fes
doctes recherches , & nous nous hâtons de
finir en lui rendant la juftice que lui rend
le public fur l'étendue de fes connoiffanla
fagacité & la pénétration qu'il
employe à pénétrer des matieres fi obfcures.
Plufieurs ouvrages eftimables oonntt déja
rendu célebre le nom de l'Auteur.
ces ,
THEATRE ANGLOIS , fixiéme volume.
Trois Tragédies de differens Auteurs
rempliffent ce fixiéme volume. Aurengzeb
, de M. Dryden : l'Epoufe en deuil ,
de M. Congreve, & Tamerlan, de M. Rowe,
Dans toutes on voit toujours & les beautés
& les défauts de la Scéne Angloife. Le caractére
d'Aurengzeb eft le modéle de la
112 MERCURE DE FRANCE.
vertu la plus pure : celui de l'Empereur
fon pere : vieillard foible , que l'amour
force à abandonner le feul de fes enfans qui
lui foit fidéle , qui connoît le ridicule de
fon amour & l'injuftice de fes procedés avec
un fils auffi vertueux , fes remords qu'il ne
peut ni vaincre ni étouffer , font peints
avec vérité &avec force. Ne pouvant entrer
dans le détail des differentes beautés de
cette pièce , nous ne citerons qu'un feul
trait du caractère d'Indamora , Princeffe
aimée à la fois par Aurengzeb , par l'Empereur
fon pere, & par Morat , frere d'Aurengzeb.
Arimant , Gouverneur d'Agra ,
eft à fon tour féduit par des charmes fi dangereux.
Indámora lui repréfente d'abord
le tort qu'il fe fait en tentant inutilement
d'être l'amant d'une Princeffe dont il auroit
pû être l'ami , mais bien -tôt elle prend
un autre ton ; » puifque j'ai fçû vous plaire
» dit - elle , je connois tout le pouvoir que
»ma conquête vient de m'acquérir fur
»vous , & je prétends en ufer. Un pareil
>> ami m'eft maintenant trop néceffaire , il
faut déformais que vous faffiez pour
" moi , non pas tout ce qui pourra vous
»plaire,mais tout ce qui pourra m'être uti-
"
le;vous m'aimez ; obéïffez.C'eft à peu près
ce que toutes les femmes penfent , mais
aucune ne le prononce . Indamora fe conFEVRIE
R. 1748 .
duit en conféquence de ce fentiment dans
le cours de la piéce , obligeant Arimant à
rendre des billets au Prince qlle aime ,
fans que celui-ci ofe la refufer. Ces traits
font forts & hardis , & il y a lieu de croire
qu'un Auteur qui oferoit rifquer un pareil
caractére fur notre théatre , ne nous trouveroit
pas plus difficiles que les Anglois ,
furtout s'il employoit affés d'art.
La catastrophe terrible & fanglante de
l'Epouſe en deüil eft conduite avec une
intelligence du Théatre qui n'eft pas ordinaire
aux Anglois. Nous voudrions pouvoir
nous étendre davantage fur Tamerlan
, mais nous fommes forcés de mettre
fin à cet article ; nous nous contenterons
de dire qu'il y aun très-grand nombre de
belles chofes. Le Traducteur a foutenu la
premiere réputation de fon ouvrage par
l'élégance & la force qu'il continue à mettre
dans fa traduction .
VENISE SAU V E'E , feconde édition,
1747 , chés Jacques Cloufier. Nous avons
rendu compte du fuccès de cette Tragédie
dans le Mercure de Janvier 1747. Cette
feconde édition prouvé le fuccès de la premiere.
HISTOIRE GENERALE des Voya
ges , &c. tomes 9 , 10 , 11 & 12. 1747 »
114 MERCURE DE FRANCE.
& pour
chés Didot. Ces quatre volumes répondent
au troifiéme volume de l'édition in -quarto,
dont le quatriéme tome eft auffi en vente .
L'empreffement avec lequel le public a
acheté les premiers volumes , eft une preu
ve du mérite de cet ouvrage. Le troifiéme
tome offre une variété extrême de chofes
utiles & curieuſes. Il n'eft plus néceffaire
de plaider ici pour le défordre des récits
la fechereffe des defcriptions. Le
plan de l'ouvrage , dont l'exécution n'a pû
commencer proprement qu'au quatrième
Livre , parce que les premieres découvertes
des Portugais & les relations Angloifes
n'étoient pas fufceptibles de l'ordre
qu'on s'étoit propofé , fe trouve déformais
rempli avec une fidélité qui ne fera plus
fujette à fe démentir . Les Journaux des
voyages deviennent plus intéreffans dans
leurs extraits. Les réductions forment des
corps réguliers qui portent le double carac
tére de l'agrément & de l'inftruction . Les
moeurs , les ufagés , la Géographie , l'Hi(-
toire civile & naturelle , & c . font traités
méthodiquement,
Les Hollandois , fuivant leur louable
coûtume , ont entrepris de faire à cet ouvrage
l'honneur dangereux de le réimprimer
, mais cette édition fera fort inférieure
à celle de France. 1 °. Dans les deux to
FEVRIER . 1748. 115
mes ils n'ont mis que quarante Cartes , &
l'édition de France en donne environ 80 ?
choſe bien importante dans un ouvrage
qu'on ne peut lire faus confulter les Cartes
à tous momens. 2 ° . Ils promettent deux
volumes de plus , fous prétexte de donner
ce que M. l'Abbé Prévost a retranché. Il eft
cependant certain que fes retranchemens
ne montent pas à plus de deux feüilles ,
ainfi ces deux volumes groffiront l'édition ,
fans utilité pour les Lecteurs. Nous reviendrons
encore au détail de cet ouvrage
autant que nous le permettront les bornes
que nous nous prefcrivons.
CORIOLAN , Tragédie, par M. Richer,
1748 , chés Barois . M. Richer, Auteur efti
mé de la Tragédie de Sabinus , où il y
avoit de grandes beautés ; d'un recueil de
Fables qui a mérité les fuffrages conftans
du public depuis plufieurs années qu'il eft
imprimé ; de la vie de Mécénas , ouvrage
qui a fait honneur à fon Auteur & a reçû
un favorable accueil , vient de publier fa
Tragédie de Coriolan , qu'il n'a pas voulu
rifquer à la repréſentation . Si le fuccès
d'une pièce de Théatre eft moins brillant
dans le cabinet,du moins on a cet avantage
qu'on ne dépend que de foi - même &
qu'on n'a à effuyer aucun des hazards qui
116 MERCURE DE FRANCE.
font quelquefois tomber un bon ouvrage.
Il y a de fort belles chofes dans celui -ci ,
mais il faut lire la piéce même.
APOLOGIE DES DAMES , appuyée
fur l'Hiftoire , par M. de *** , à Paris ,
chés Didot , ruë du Hufepoix , à la Bible
d'or , 1748 , in- 12.
ou
ETRENNES DU PARNASSE ,
Recueil de Piéces fugitives , tant en profe
qu'en vers , préfentées à Madame la Comreffe
d'Eftrées par M. de la Motte Conflans,
à Mons , chés Pierre J. Plon , Imprimeur du
Roi , ruë de Nimy , 1748.
ANECDOTES de la Cour de François
I. par Mlle de Luffan , à Londres , chés J.
Nours , Libraire dans le Strand , 1748 ,
3 vol. in- 12.
LETTRE de S. E. Monfeigneur le
Cardinal Querini à l'Illuftriffime & Reverendiffime
Seigneur Bernard de Franchenberg,
Abbé de Difentis , & Prince du Saint
Empire , in-quartá , de 24 pages , datée de
Breffe du 21 Octobre 1747 , fans nom
d'Imprimeur.
DICTIONNAIRE GEOGRAPHIQUE
portatif , ou defcription de tous les
Royaumes , Provinces , Villes & autres
lieux conſidérables des quatre parties du
monde , &c. Ouvrage très- utile pour l'intelligence
de l'Hiftoire moderne & des
AS
FEVRIER. 1748. 117
1
affaires préfentés , traduit de l'Anglois fur
sa la treizième édition de Laurent Echard ,
avec des additions & des corrections confidérables
, par M. Vofgien , Chanoine de
Vaucouleurs , feconde édition , revûë, augmentée
& corrigée , à Paris , chés Didot ,
Libraire , Quai des Auguſtins , à la Bible
d'or , 1747.
On diftribue préfentement à Rome aux
foufcripteurs les deux premiers volumes
de l'Hiftoire Eccléfiaftique du P. M. Jofeph
Auguftin Orfi , de l'Ordre de Saint
Dominique. Le troifiéme volume eft actuellement
fous preffe. Cette Hiftoire qui
s'imprime in- quarto en Italien chés Nicolas
& Marc Pagliani , Imprimeurs Libraires
de cette ville , & qui comprendra un
grand nombre de volumes , fe débite
foufcription à raifon de dix Jules par vo
lume , environ fix livres , monnoye de
France , pour ceux qui payeront d'avance ,
& de 15 Jules pour ceux qui ne jugeront
pas à propos de prendre des affûrances.
par
DESCRIPTION abregée , géographique
& hiftorique du Brabant Hollandois
& de la Flandre Hollandoife , contenant
un détail précis de la diftribution de
ces Pays de leur fituation , climat , Gouvernement
, forces , nombre & moeurs des
IIS MERCURE DE FRANCE .
habitans , & c. tiré du Hollandois , avec
des plans exacts des Places fortes . à Paris,
chés Claude- Jean- Baptifte Bauche , fils ,
Quai des-Auguftins , à l'Image de Sainte.
Geneviève & Laurent d'Houri fils ,
Libraire ruë de la vieille bouclerie , 1748,
in- 1 2 .
, >
THEATRE de M. de Boiffy . Tomes
VIII. & IX. in- octavo , quatre livres broché
, à Paris , chés J. Clonfier , ruë Saint
Jacques , à l'Ecu de France.
ESSAI fur les paffions & fur leurs
caractéres. Deux volumes in- 12. cinq livres
broché , chés le même.
APOLLON MENTOR ou le Telemaque
moderne. Deux volumes in- octavo ,
enrichis de figures en taille douce , 3 liv .
broché chés le même.
LE DROIT PUBLIC de l'Europe
fondé fur les traités , par M. l'Abbé de
Mably. Nouvelle édition corrigée & augmentée.
Deux volumes in 12. à Paris ,
chés Nyon , fils , Quai des Auguftins.
EXERCICE de piété pour la Communion
, par le R. P. Griffet de la Compagnie
de Jefus , à Paris , chés J. B. Coignard
, A. Boudet , & chés Guerin , ruë
Saint Jacques.
LES ILLUSTRES FRANÇOISES ,
FEVRIER.. 1748. 119
in- 12. Quatre volumes. Nouvelle édition'
à Paris , chés David le jeune . Prix 4 liv.
ARITHMETIQUE de Barrême. Nou
velle édition , chés le même.
HISTOIRE UNIVERSELLE de
M. Boffuet. Nouvelle édition , chés le même.
Deux volumes.
LE BONHEUR de la mort Chrétienne .
I. volume , chés le même.
HORLOGE PERPETUELLE ON
Cadran Solaire , in- 12 . chés le même .
ESSAI PHYSIQUE fur l'économie
animale , par M. Quefnay , feconde édition
augmentée de deux volumes & de tables
fort amples . Trois volumes in- 12.
chés Guillaume Cavelier , pere , rue Saint
Jacques , près la Fontaine Saint Severin ,
au Lys d'or.
B PRATIQUE DE CHIRURGIE OU
Hiftoire des playes en général & en parti
culier , & c. Troifiéme édition , enrichie
d'obfervations curieufes & confidérable
ment augmentée , par M. Guifard , Doc
teur en Médecine de l'Univerfité de Montpellier
, avec un Recueil de Théfes du
même Auteur. Deux volumes in- 12, Cinq
livres relié, chés le même.
GERARDI van Swieten Dot. Med.
Commentaria in Hermanni Boerhaave
20 MERCURE DE FRANCE.
t
Aphorifmos de cognofcendis & curandis morbis.
Deux volumes in-quarto , chés le
même.
BIBLIOTHEQUE choifie de Méde
cine , tirée des ouvrages périodiques , tant
François qu'étrangers , avec plufieurs autres
piéces rares & des remarques utiles &
curieuſes , par M. Planque , Doct. Med . 1 .
vol. in-quarto , fig. & 3. vol. in- 12 . fig.
'chés d'Houry , pere , rue de la vieille Bouclerie.
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Madame du B ***. par M. Fontaine , de
l'Académie des Sciences de Rouen , à Pares
, chés Quillau , fils , rue Saint Jacques ,
vis-à-vis les Mathurins , aux Armes de
l'Univerfité ; Delormel , rue du Foin , à
Sainte Geneviève , & la veuve Mazuel ,
fur les degrés de la Sainte Chapelle , au
Palais.
COURS de Belles Lettres , diſtribué
par exercices , 2 vol. in- 12 . chés Defaint &
Saillant , rue Saint Jean de Beauvais .
LES REGRETS , Cantatille à voix
feule , avec fymphonie , par M. Lefebvre ,
Organiſte de l'Eglife Royale de S. Louisen-
l'Ifle , gravée par M. Mongaultier.
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rue des deux Boules dans la maifon d'un
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FEVRIER. 121 3 1748 .
Limonadier , & aux adreffes ordinaires
chés Mlle Caftagnery , rue des Prouvaires ,
Madame Boivin & M. Leclerc , ruë du
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Mlle Vendofme aux adfeffes , ordinaires de
la Mufique , & chés le Sieur Maupetit ,
l'Editeur , Cloître Saint Germain l'Auxerrois
, & à Lyon , chés M. Bretonne , ruë
Merciere , au Saint Efprit.
SONATES à violon feul , compofées
par M. Labbé , le fils , de l'Académie
Royale de Mufique , gravées par Madame
Leclair. Prix en blanc 6 liv . Euvre
premiere
, à Paris , chés l'Auteur , rue des
Boucheries , Fauxbourg Saint Germain
dans la maifon du Sieur Pinault , Marchand
Confifeur , & aux adreffes ordinaires.
LE RECUEIL delle Lettere famigliari
di Alcuni Bolognesi del noftro fecolo , 1745 ,
in- octavo. Deux volumes. Ces Lettres qui
Sont été données au public par M. Dominique
Fabri , Profeffeur d'Eloquence dans
l'Univerfité de Bologne , font de M. E.
·Manfredi , de M. G. P. Zanotti , de M. F.
A. Ghedini , de M. A. Fabri , de M. F.
Scarfelli & de M. D. Fabri , connus dans
F
122 MERCURE DE FRANCE.
la République des Lettres par 'differens
ouvrages.
"
'D'ELE' INSIGNE Abbaziale Baſilica
di S. Stefano di Bologna libri due al
nobil, vomo Giuseppe Nicolo Spada Patrizio
Ferrarefe , &c. in Bologna , 1747 , inquarto.
DE BONONIENSI fcientiarum &
artium Inftituto atque Academia Commenta
rii. Tomi fecundi pars tertia. Bononiæ ,
1747 , in-quarto .
MEMORIE di varia erudizione del in
focicta Colombaria Fiorentina , Firenze , nella
Stamperia d'Apollo , alla piazza di S. M.
Imperiale , 1747 , in-octavo .
+
FASTI ATTICI , in quibus Archontum
Athenienfium Series , Philofophorum ,
aliorumque illuftrium virorum atas atque pracipua
Antica hiftoria capita per olympicos
annos difpofita deferibumur novifque obfervationibus
illuftrantur. Auctore Eduardo
Corfino Cler. Reg. Scholarum Pian, in Pifana
Academia Philophie Profeffore. Tomus fecundusfex
reliquas Differtationes complectens.
Florentiæ ex Typographia Joannis Pauli
Giovanelli , 1747 , in-quarto.
>
HERODIANI Infanticidii Vindicia
Auctore F. Cafto Innocente Anfaldo , Ordinis
Predicatorum , accedit ejufdem Differtatio
de loco Johannis aliter atque habet vulFEVRIER.
1748 . 123
*
gata , à nonnullis Patribus lecto. Brixiæ ,
excudebat Joannes Maria Rizzardi , 1747 ,
in-quarto. Cet ouvrage eft dédié au
Pape.
.
LETTERA all' E. Cardinale Pozzobonelli
Arcivescovo di Milano , II . Marz.
1747 , Brixia. Cette lettre regarde la
diminution du nombre des Fêtes chomées.
LETTERA all' E. Bernardo di Franchenberg
, Abbate del Monaftero Defertinenfe
in Retia , e Principe del facro Rom:
Impero. 26. Maggio , 1747. Cette Lettre
contient une Relation de la vifite que ce
Cardinal a faite dans la partie de fon Diocèfe
qui eft dans la Valteline & dans la
Retie.
ALTERA LETTERA all Illu. Di
Bern.de Franchenberg , &c. in- 12 . Luglio,
1747. Cette Lettre regarde un ouvrage
de M. Muratori , qui a pour titre Della
regolata divozion de Chriftiani , & particulierement
le Chapitre XXI . où l'Auteur
traite de la réduction des Fêtes chomées .
MISCELLANEA LIPSIENSIA
nova ad incrementum fcientiarum ab his qui
funt in colligendis Eruditorum novis Actis occupati
, per partes publicata , Lipfiæ , in
Officina hæredum Lanekifianorum , in -octavo.
VEL DIDENA , urbs antiquiffima ,
Fij
124
MERCURE
DE FRANCE.
Augufti Colonia , & totius Rhatia princeps in
tractu precipue Vilihinenfi & Oenipontano ;
è tenebris eruta & vindicata , infertis compluribus
adhuc ineditis , qua per Tyrolimfuperfunt
monumentis Romanis , ab Ant . Rofchmanno.....
Illuft . Provincia Hiftoriographo.
Ulmæ proftat , apud Danielem Bartholomæi
, & filium , 1745 , in-quarto.
DESCRIPTI0 vita fancti Valentini
utriufque Rhetiæ Apoftoli cum animadverfionibus
Chronologico - Hiftorico- Geographicis
adornata , &c. 1746 , in quarto , par le
même Auteur , qui travaille actuellement
à recueillir & à éclaircir les antiquités du
Tyrol.
C. PLINII SECUNDI Panegyricus
Cafari Imperatori Nerva Trajano Augusto
dictus , quem ex duodecim codicibus manufcriptis
, librifque collatis recenfuit , ac notis
obfervationibufque item & nummis are exfcriptis
illuftravit , fimulque adjectis integris pariter
atque excerptis virorum eruditorum commentariis
inftruxit Chrift. Gottlieb Schwarzius.
Norimbergæ , apud Jo . Georg . Lochnerum
, 1746 , in-quarto . Cette édition
eft plus ample que toutes celles qui ont
paru jufqu'à préfent.
LES LETTRES du Baron de Bufbeç,
Ambaffadeur de Ferdinand I. auprès de
Soliman II. & enfuite auprès du Roi de
FEVRIER . 1748 . 125
France , traduites du Latin en François ,
& enrichies de Remarques Hiftoriques &
Géographiques par M. l'Abbé de Foy ,
Chanoine de l'Eglife de Meaux , 1748
in- 12 . Trois volumes , à Paris , chés Laurent
d'Houry , fils , Libraire , ruë de la
Bouclerie.
>
LES TOMES VI. & VII. de l'Abregé
de l'Hiftoire de l'Ancien Teftament,
avec des éclairciffemens & des réfléxions ,
à Paris , chés Defaint & Saillant , Libraires ,
rue Saint Jean de Beauvais , 1748 , in-
12 .
CINQUIE' ME TOME du Dictionnaire
Univerfel de Médecine , traduit de
l'Anglois de M. James , par Meffieurs Diderot
, Eidous , & Touſſaint , revû , corrigé
& augmenté par M. Julien Buffon , Docteur
Régent de la Faculté de Médecine de
Paris , à Paris, chés Briaffon , David l'ainé,
& Durand , Libraires , rue Saint Jacques ,
1748 , in-folio.
PETIT DICTIONNAIRE du tems.
pour l'intelligence des nouvelles de la
Guerre . Troifiéme édition à Paris , ches
J. B. C. Bauche , Libraire , Quai des Auguftins
, & Ph . N. Lottin & J. H. Butard,
rue Saint Jacques , 1748 , in- 12 .
+
LES TOMES XV. & XV I. de l'Hif
toire de l'Eglife Gallicane , continuée par
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
le P. G. F. Berthier de la Compagnie de
Jefus , à Paris , chés Fr. Montallant & J.
Rollin , fils , Quai des Auguftins , & chés
J.B. Coignard , & H. L. Guerin , rue Saint
Jacques , 1747.
FABLES NOUVELLES par M. P *** .
à Paris , chés Prault , perc , Quai de Gêvres
, 1748 , in-octavo,
REFLEXIONS CHRETIENNES
fur les grandes vérités de la Foi & fur les
principaux myftéres de la Paffion de Notre-
Seigneur. Volume in- 12 . Prix.2 liv . relié ,
à Paris , chés Dehure , l'aîné , Libraire
Quai des Auguftins , à Saint Paul .
AMUSEMENT de la Raifon , à Paris,
chés Durand & Piffot , fils , 1747 , in- 12.
DISSERTATION , découverte &
démonftration de la Quadrature Mathé
matique du Cercle , pour fervir d'introduction
à la connoiffance exacte de cette
vérité , par M. de Fauré Géométre . Abfcondifti
hac à fapientibus & prudentibus , &
revelafti ea parvulis. Luc. c. 10. v. 2.1 . aux
dépens de l'Auteur , 1747. Brochure in-
12 .
LA VIE de M. Paté Curé de Cherbourg
; décédé en odeur de Sainteté , où fe
trouve recueillie l'hiftoire abregée de plufieurs
autres perfonnages recommandables
en piété , tant avant lui que de fon tems ,
FEVRIER 1748. 127
à Coutances , chés J. Fauvel , Imprimeur
de M. l'Evêque , in-octavo , par M. Trigan,
Curé de Digôville.
PANEGYRIQUE des Saints Jofeph
de Leoniffa & Fidel de Sigmareng , dédié à
M. l'ancien Evêque de Mirepoix , à Paris,
chés P. G. le Mercier , ruë S. Jacques .
LE DROIT COMMUN de la France,
& la Coûtume de Paris réduits en principes
, tirés dés Ordonnances , des Arrêts ,
des Loix Civiles & des Auteurs , & mis
dans l'ordre d'un Commentaire complet
& méthodique fur cette Coûtume , contenant
dans cet ordre les ufages du Châtelet
far les liquidations , les comptes & les
partages , & fur toutes autres matieres
par M. Bourjon , ancien Avocat au Parlement
, à Paris , chés Grangé & Rouy , Libraires
, au Palais . Deux volumes in -folio
Prix 36 liv . reliés.
7
M
R. de Laitre vient de publier des
Cartes d'une nouvelle invention ,
qui peuvent être fort utiles aux enfans &
même à tout le monde . Ces Cartes contiennent
des détails de Géographie , que
par ce moyen on apprendra en s'amufant .
Les figures de Roi , de Dame , de Valet
font deffinées au haut de la Carte , & le
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
refte eft rempli par une defcription géographique
; les autres Cartes font fimplement
diftinguées par leur numero 1 , 2 ,
3 , 4 , & c. A l'égard des couleurs on les
nomme par les noms des pays auxquels le
jeu eſt deſtiné , ainfi , par exemple dans le
jeu des quatre parties du monde , au lieu
de jouer en coeur ou en caro , on dira je
joue en Afie , en Amérique , &c. On doit
donner beaucoup d'éloges à l'Auteur de
cette ingénieufe invention . vi
La veuve du Sieur Durand continue
à vendre avec fuccès l'Opiat dit des Sultanes
, elle demeure rue Saint Honoré , visà-
vis la Croix du Trahoir.
M 1
. Il paroît une nouvelle Eftampe gravée
par J. Moyreau's Graveur du Roi , d'après
le tableau original de Philippe Wouvermens
, nº. 57. fous le titre de la Fontaine
de Neptune. Elle fe vend chés l'Auteur , ruë
Saint Jacques , à la vieille Pofte , vis- à- vis
la rue du Plâtre.
YORK
PUBLIC
ANERY
.
**TOP PANOX AND
IN STATIONS.
ULL
ASTOP
TILDEN
FOO
FEVRIER. 129 1
1748 .
*
SAPAPAEDED48 PARAIDEDEDED
ETRENNES à Madame D.... par
M.7. la Cofte, fils , Avocat au Parlement
de Bourgogne , à Dijon.
D
MADRIGAL.
Ans ce grand jour où l'an fe renouvelle ,
J'aurois voulu vous faire don d'un coeur ;
C'est tout mon bien : au tendre Amour rebelle ,
Toujours il en fut le vainqueur..
Digne de vous jamais , il ne rendit les armes ,
Oui , nul objet n'a pû me le ravir.
Mais hélas ! j'ai vu vos charmes ,
Je n'ai plus rien à vous offrir.
PAMAMAPATATATATATATA:1374:P7A0S3A3
SPECTACLES.
Chateau
2
E Concert Spirituel qui s'exécute au
Château des Tuilleries , a ouvert le z
Février Fête de la Chandeleur par Dominus
regnavit , motet à grand choeur de M. de la
Lande ; Mrs. Blavet , Greff & l'Abbé ont.
joué un trio qui a obtenu des applaudiffemens
mérités. Ce trio très-bien rendu a été
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
fuivi de Lauda Jerufalem , autre motet a
grand choeur de M. de la Lande. M. Pagin
a joué feul au gré des connoiffeurs , & le
Concert a été très- bien terminé par Nifi
Dominus , motet à grand choeur de M.
Mondonville .
L'Académie Royale de mufique continue
les repréſentations du ballet des
Talens Lyriques ; elle prépare un Opéra :
de M. Rameau, qui doit paroître inceffamment
.
Les les Comédiens François donnerent
la premiere repréſentation d'une.
Tragédie , intitulée Denis le Tyran , dont
l'Auteur eft M. de Marmonte , jeune
Poëte âgé de vingt- quatre ans , déja couronné
deux fois par l'Académie Françoife,
& dont cette Tragédie eft le premier
ouvrage dramatique. Elle a été reçue avec
beaucoup d'applaudiffemens , & donne de
grandes efpérances de l'Auteur , ainfi que
nous allons le prouver en détail , en rendant
compte de la pièce.
Ce fujet n'avoit point encore été mis
au Théatre. C'eſt la mort du vieux Denys,
Tyran de Syracufe , homme célébre par de
grands crimes & de grands talens. La diverfité
des opinions des Hiftoriens fur le
genre de fa mort , jointe à la liberté qu'on
ne peut refufer aux Poëtes Dramatiques
FEVRIER. 1748. 131
de changer ou d'ajouter à l'Hiftoire , fans
la contredire trop ouvertement , a mis
M. de Marmontel en droit d'imaginer la
cataſtrophe de fa Tragédie . En effet Plutarque
rapporte que quelques - uns difoient
qu'il étoit mort empoisonné. Ecoutons le
même Plutarque dans la Traduction
d'Amiot , lorfqu'il parle des frayeurs de
Denys & des précautions qu'il prenoit
pour s'affûrer contre les trahisons.
39
» Or fes cruautés & fes tyranniques dé-
» portemens le rendirent déteftable à tout
» le monde , au moyen de quoi il entra
» en telle défiance de chacun , qu'il fit
foffoyer le logis où il couchoit , & vou-
» lant repofer , il hauffoit le pont - levis
» & s'enfermoit dedans en grande crainte,
» ayant force gardes dehors de tous côtés.
» Ses femmes n'ofoient entrer dans fa
» chambre qu'elles n'euffent fecoüé & dé-
» poüillé leurs robes , tant il avoit peur
» qu'elles ne portaffent quelque dague
» deffous. Tous autres , voire fon frere &
»fon propre fils étoient contraints de
» pofer bas leurs habillemens , & falloit
» que les Gardes de la chambre viffent
tout nud quiconque y mettoit le pied ,
puis on lui bailloit une autre robe que
» la frenne . Il redoutoit fon propre
autant que nul autre , &
"
& ,
fils
craignant s'ik
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
» venoit à fentir fon coeur , ou qu'il hantất
quelques gens de bon entendement
93
"
2
qu'il ne fit complots , & ne le déboutât
» enfin de fa Seigneurie ; il le tenoit en-
» fermé en une chambre , & c.... Mais
» c'étoit la coûtume de Denys de dire mer-
» veilles & faire peu , étant fi miférable-
» ment craintif, fur- tout après l'exécution
» de fon barbier , & que fes filles furent
» devenues grandes , qu'il n'eut pas ſouf-
» fert qu'on lui eut rogné les cheveux avec
» des cifeaux , ains faifoit venir un de
» ceux qui font des images de terre , lequel
» avec un charbon ardent lui brûloit la
perruque tout à l'entour .
C'eft principalement de ce côté que M.
de M. a envifagé le caractére de fon Tyran ,
qu'il annonce dès la premiere Scéne par un
monologue de Denys , qui rend les idées
de Plutarque.
Aveugle ambition , cruelle politique ,
Invincibles attraits d'un pouvoir tyrannique ,
Dans quels gouffres de maux m'avez vous entraî
né !
Déchiré de remords , d'horreurs environné
Chargé du poids affreux de la haine commune
Le vice m'eft fufpect , la vertu m'importune.
Loin de moi fuit l'honneur , la foi , la vérité ,
Et dans le crime feul je vois ma fûreté ;
>
FEVRIER . 1748 133
Je ne puis m'attacher que des coeurs mercenaires,
De mes cruels deffeins inftrumens néceffaires ;
C'eſt dans leurs mains , ô Ciel , que mon fort eſt
remis ;
Quelle honte , ô tyrans , ce font là vos amis.
Malgré les vives inquiétudes de Denys ,
il est bien éloigné de vouloir renoncer à
la Tyrannie; la guerre lui paroît le meilleur
moyen pour diftraire les Syracufains des
complots qu'ils pourroient former contre
lui pendant la paix. Il eft prêt à la porter
en Epire , c'eft ce qu'on apprend par l'entretien
qu'il a avec Damoclés fon Miniftre
& fon confident. Denys le jeune arrive;
ce Prince , dont le Tyran eftime & craint
les vertus , eft fufpect à fon pere, parce qu'il
ne lui reffemble pas . Il demande de le
fuivre à Epire , & de ne pas refter oifif pendant
qu'on tentera cette glorieufe conquête.
Denys accorde fa demande avec d'au
tant plus de facilité qu'il en eft plus irrité,
L'amour paternel n'a pas balancé un moment
dans fon coeur la jaloufie de l'au- ·
torité , & s'il met fon fils à la tête de l'armée
d'Epire , c'eft dans l'efpérance que les
dangers de la guerre le délivreront d'un
rival qu'il commence à craindre , ou que
Damocles qu'il envoye à fa fuite , pourra
134 MERCURE DE FRANCE.
fur le moindre foupçon lui dreffer des
piéges dont la guerre fournira affés d'occafions.
Pour éloigner du jeune Prince Dion
Citoyen vertueux , qui l'a élevé , & que le
Tyran cherche à tromper par un faux dehors
de vertu , n'efperant pas de le corrompre
,Denys doit le mener contre les Carthaginois
à qui il fe propoſe aufli de faire la
guerre. Il aime la fille de Dion qui avoit
été promiſe à fon fils . Celui- ci fait de vaines
remontrances au Tyran fur cette
union. Celles qu'il fait fur la guerre éternelle
que Denys entretient avec les voifins
, fur l'oppreffion du peuple dont il fe
fait juftement détefter , font écoutées avec
encore plus d'impatience. Peu fatisfait
d'entendre ces dures vérités, Denys lui impofe
filence , & le quitte. L'acte finit
par un monologue où Dion exprime fa
haine contre le Tyran , & le defir qu'il a
de délivrer fa Patrie , & par une courte
Scéne où il annonce au jeune Prince que
fon pere eft fon rival , & qu'il doit étouffer
un amour fans efperance.
Cependant les Chefs du peuple fe font
affemblés par ordre de Denys . Il leur ex
pofe & le regret qu'il a eu d'avoir été forcé
à punir des rebelles , & la néceffité de la
guerre que la gloire feule de fa Patrie
•
FEVRIER. 1748. 159
l'engage à déclarer aux habitans du refte
de la Sicile; il fçait fe parer avec tant d'arr
du prétexte fpécieux du bonheur public
que lorfqu'il fes a laiffés en liberté de déliberer
fur fes propofitions , un d'eux féduit
par l'artifice de fon difcours , eft
étonné qu'un Prince fi jufte foit détesté
comme un tyran , mais Dion fçait aiſément
le démafquer & détromper fon
ami.
Denys vous a féduit , je n'en fuis pas furpris ;
Il fçait , quand il lui plaît , fubjuguer les efprits ,
Mais dans ce coeur profond apprenez mieux à lire
Il déguiſe à vos yeux la fureur qui l'inſpire ;
C'eſt tout l'art d'un tyran. Sa fourde cruauté
Se couvre adroitement des traits de l'équité ;
A la juftice au moins il fçait rendre l'hommage
De n'ofer la trahir qu'en parlant fon langage ;
Le Tyran , continue Dion , ne cherche
qu'à faire périr par les dangers de la guerre
tous les Citoyens de Syracufe , c'eft
pour cela qu'il vous entraîne aux combats,
afin le peupler après fon état d'étrangers
& dafranchis qui ne fe foient point vûs
fes égaux , & n'ayent point à lui reprocher
d'avoir ufurpé la Tyrannie . Ce difcours
de Dion eft bientôt fuivi du projet de
détrôner le Tyran , & de mettre la Cou
136 MERCURE DE FRANCE.
ronne fur la tête de fon fils , Prince vertueux
, qui eft l'amour du peuple . Dans
ces circonftances Dion doit moins que
jamais irriter Denys en lui refufant ſa fille ,
& rifquer de le porter à des violences
qui pourroient déconcerter les projets des
conjurés. Ainfi il annonce avec peine à
Aretie , c'eft le nom de fa fille , qu'elle
doit époufer le Tyran .
Cette Aretie , dont le caractére eft le
plus brillant de la pièce , & eft abſolument
neuf , aime le jeune Prince , & abhorre
le Tyran , mais ces deux fentimens
ne font que des fuites de fon amour pour
la vertu & de fa haine pour le crime , qui
font les principaux refforts de fon ame.
Amante fans foibleffe , tous fes fentimens
font fubordonnés à l'amour de la gloire
& de la vertu. Aflés vertueufe pour les
fuivre toujours par préference à tout , elle
a affés de fermeté & de courage pour les
voir par tout où ils font. Ainfi elle feroit
prêté à facrifier fon amour & fa haine , ſi en
époufant le Tyran elle pouvoit efperer de
le rendre vertueux , fi elle pouvoit fe flater
d'adoucir par-là le joug fous lequel fes
concitoyens gemiffent , mais ne pouvant
efperer un figrand changement , elle voit
avec horreur cet hymen qui la doit placer
fur un trône fouillé du fang des innocens ;
FEVRIER. 1748. 137
fon pere enchanté de fa fermeté & de fa
vertu , l'emmene pour lui découvrir les
projets qui doivent la fauver de cet hymen
fi redouté .
C'eft Aretie & Denys qui ouvrent le
troifiéme Acte. Le Tyran n'eft pas médiocrement
étonné , lorfque la fille de
Dion lui déclare que ce n'eft pas l'amour
qu'elle reffent pour le jeune Denys , qui
l'empêche de fe foumettre aux ordres de
fon
pere , mais que fa gloire feule l'engage
à refufer la main & le Trône qu'un Tyran
lui préfente.
"}
Ces dures vérités étonnent votre oreille ;
Au fond de votre coeur le remords fe reveille ,
Mais la voix des fateurs l'avoit trop endormi ,
Et je veux une fois vous tenir lieu d'ami :
Vous regnez; on vous craint ; muet dans fes allar
mes
Vous forcez votre peuple à dévorer fes larmes ,
Et dans ces murs, témoins de fon foible pouvoir ,
Le doigt de la vengeance a tracé fon devoir.
Mais vous qui l'accablez du poids de l'efclavage ,
Au faite des grandeurs quel eft votre partage ?
Puiffant , mais malheureux , de remords combattu
,
Car on n'étouffe point la voix de la vertu ;
Entouré d'ennemis payés pour vous féduire ,
138 MERCURE DE FRANCE.
Attentifs à vous plaite , & prêts à vous détruire ,
Vous tenez en tremblant un fceptre déteſté ,
D'autant plus dangereux qu'il vous a plus coûté.
C'eft au pere du peuple à porter la Couronne
Un Trône eft glorieux quand l'amour l'envi
ronne ,
Mais c'est un précipice , un théatre d'horreur
Quand il a pour appui la force & laterreur.
>
Pour mieux convaincre le Tytan que
ces motifs feuls , & non l'amour de fon
fils , lui font refufer fa main , elle lui offre
de l'époufer à condition qu'il deviendra
vertueux , qu'il préférera la gloire à lạ
Couronne ; Denys , n'hésite point à accepter
cette propofition , & il charge
Aretie d'annoncer au jeune Prince qu'il
va regner' , mais il inftruit le fpectateur
avant de que fortir , en difant s'ill'accepio,
il est mort.
Cette Scéne eft très -belle , pleine dé
force, quant à l'idée & quant au ftyle, elle
a encore un mérite qui ajoute à la gloire
de l'Auteur , c'est qu'elle eft abfolument
neuve , & qu'on n'en trouve point le modéle
dans nos autres Tragédies. M. de M. a
travaillé d'après fes propres idées , & il n'a
été l'imitateur de perfonne. Qu'on nous
pardonne cette courte interruption que
nous ne pouvions refufer au mérite de
FEVRIER. 1748. 139
cette belle Scéne , & poursuivons notre
extrait.
le Aretie reftée feule , & attendant que
Tyran lui envoye fon fils , peut à peine
croire ce qu'elle vient d'entendre .
Pour l'ame des tyrans l'amour a- t'il des traits
Vous que je méprifois , périffables attraits ,
Auriez -vous de ce tigre adouci la furie ?
Pourriez-vous me ſervir à ſauver ma Patrie ?
Ainfi donc la beauté , ce funefte ornement ,
Ecueil de nos vertus en devient l'inftrumenty
>
Cependant le facrifice qu'elle va faire
lui coûte quelques regrets qu'arrache la
violence de l'amour , malgré la fermeté de
fon courage. Mais ils font bientôt étouffés
par le defir de délivrer fa Patrie , fans expofer
fon pere & fes amis dont la confpiration
peut ne pas réuffir .
On fent affés quel intérêt doit regner
dans la Scéne qui fe paffe entre le jeune
Denys & Aretie. Le premier fentiment
qui occupe celui-ci eft la douleur de le voir
abandonné par une Maîtreffe qu'il adore.
Lorfqu'elle lui apprend qu'elle s'eft facrifiée
pour le bonheur de fa Patrie , pour lui
mettre la Couronne fur la tête , il rejette
bien loin l'offre du Trône ; mais Aretie le
frappe d'un nouvel étonnement, en lui ap
140MERCURE DE FRANCE.
}
>
prenant que fi fon pere regne encore un
jour, il eft perdu , qu'il y a une confpiration
formée contre lui , que Dion en eft le Chef,
qu'elle en eft la complice , que la haine du
peuple eft prête à accabler le Tyran , que
fon fils feul peut le fauver en acceptant le
Trône ; un extrait ne peut faire connoître
les divers mouvemens qui agitent le Prince
; Aretie cherche à le déterminer par tous
les motifs qui peuvent exciter un coeur
vertueux. Les voeux du peuple qui l'appellent
au Trône , le plaifir inexprimable
de faire le bonheur de fa Patrie . Le
Prince encore indécis eft dans l'agitation
des differens mouvemens dont il eft rempli;
allarmé du danger de fon pere , ardent à le
prévenir , retenu par le nom des conjurés,
par les larmes d'une Maîtrefle qu'il adore ;
le Tyran arrive far ces entrefaites , impatient
de fçavoir fa réponſe . Après un diſcours
modefte & convenable , le jeune
Denys finit en difant qu'il accepte plus
par refpect pour fon pere que par empref
fement pour regner. Ce confentement
fatal
n'eft pas plutôt prononcé que le Tyran
ordonne qu'on l'arrête , & l'Acte finit fur
le champ fans autre explication , ce que
nous remarquons
pour relever l'art de
l'Auteur , car il étoit aifé de s'y méprendre,
& de vouloir continuer la Scéne entre
FEVRIER. 1748.27 148
Aretie & le Tyran , ce qui fûrement auroit
affoibli l'effet de cette fituation qui a paru
frappante à tout le monde. Elle mérite les
mêmes éloges que la Scéne entre Aretie &
le Tyran. M. de M, a marché par un chemin
qu'il a frayé lui-même, ce qui eft trèseftimable
, & malheureufement n'eft guéres
moins rare .
Denys le jeune , dans les fers , ignorant
quel eft fon crime & quel fort on lui deftine
, s'occupe plus du danger de fon pere
que du fien , il demande à le voir pour lui révéler
un fecret important, & il lui apprend
en effet que l'on confpire contre lui , mais
la reconnoiffance du Tyran fe change en
fureur , lorfque fon fils lui déclare qu'il
fouffrira les plus affreux fupplices plutôt
que de révéler le nom des conjurés . Denys
fait appeller Dion & Aretie ; il donne
au premier quelques ordres pour prévenir
les complots des conjurés , & laiffe Aretic
avec fon fils , pour lui arracher fon fecret,
Je veux de ce complot qu'il me nomme l'Auteur ;
Je lui cede à ce prix votre main , votre coeur.
Le jeune Denys ne cache point à fa maî
treffe qu'il a découvert la confpiration ,
il frémit d'apprendre qu'elle va éclater
& qu'en même-tems fon pere , & fa maîtreffe
, qui eft au pouvoir du Tyran , cou-
>
#41 MERCURE DE FRANCE .
rent l'un & l'autre , par des raifons con
traires , un danger éminent. Pour délivrer
Aretie & pour fauver le Prince des fureurs
de fon pere Théodon arrive , c'eft un des
conjurés qui a féduit les Gardes, & qui les
veut mettre l'un & l'autre en fûreté. Mais
ce ſecours eft reçû avec horreur par le jeune
Denys , il ne veut point même permettre
que Théodon enmene Aretie ; il
menace de la facrifier fi Dion ne fufpend
Les projets.
Va dire à Dion qu'en ces lieux retenuë ,
Pour le fang d'un rebelle Aretic eft connue ,
Qu'il la perd s'il éclate, & qu'au premier fignal
Tout fon fang va couler fous le couteauì fatal.
Aretie à Theodon.
Va , ne crains rien , Denys n'a rien appris encore;
Son fils fçait mon fecret , mais apprend qu'il
m'adore ;
Il mourroit mille fois avant de m'expoſer ;
Et fur lui de ma vie on peut fe repofer.
fi
Cette Scéne a reçû de grands applaudiffemens
& elle eft fort belle. Ce facrifice
prompt , que Denys fait fans héfiter de
l'amour à la nature , la conftance , le ton
hardi & courageux dont Aretie raffure,
Théodon , font des traits d'un pinceau
8
FEVRIER. 174S. 143
également noble , fort & vrai. Les mou
vemens de cette Scéne font très-rapides.
Aretie reftée feule avec Denys le jeune ,
fait une courte Scéne , bien- tôt interrompuc
par Damoclés , qui vient annoncer
que le Roi fe laffe d'attendre la réponſe
de fon fils , & ordonne que l'amant & la
maîtreffe viennent lui tout révéler.
A
Tout est découvert au cinquiéme Actel
Denys n'ignore plus que Dion eft le chef
de la confpiration , mais il feint de l'ignorer
encore , afin de pouvoir furprendre
plus aifément les conjurés. Il s'explique
cependant fans détour avec Aretie , & lui
promet la grace du jeune Prince & celle
de Dion , fi elle veut le fuivre à l'Autel ;
celle- ci y confent , mais elle demande que
les apprêts de cet hymen foient fecrets.
Le Spectateur apprend par le monologue
, qui fuit le départ du Tyran , quel eft
le projet d'Aretie en confentant à cet hymen
odieux .
Oui , fais orner l'Autel , la victime eft choifte ,
Dieux, qui ferez témoins de cette fête impie ,
Pardonnez fi je fais fervir à mes defſeins
Les gages précieux des fermens les plus faints.
C'eſt aux pieds des Autels que doit périr le crime;
Il n'eſt point à vos yeux de plus chere victime....
144 MERCURE DE FRANCE.
Dieux dans ce grand deffein prêtez -moi votre ap
pui.
La mort ne peut jamais pénétrer jufqu'à lui .
A la trahison même il eft inacceffible ....
N'importe , ayons recours à ce moyen horrible .
D'ennemis du Tyran cette Cour eft remplie ;
A ce Maître abhorré l'intérêt ſeul les lie ;
Je puis en gagner un à force de bienfaits ;
Pour le détruire entr'eux , les fcélérats font faits.
Le projet qu'Aretie cache encore au
Spectateur eft d'empoifonner la coupe facrée
& d'immoler ainfi le Tyran aux depens
de fa
propre vie ; cette eſpérance l'anime
de telle forte , quefon
pere défelperé
des obſtacles qui renverfent les projets , eſt
étonné de la joye & de l'audace qui brillent
dans les yeux de fa fille . Damoclés .
vient en fecret l'avertir que tout est prêt ;
elle embraffe tendrement: Dion , qui ne
fçait pas qu'elle lui dit le dernier adieu.
Bien -tôt Théodon arrive ; l'hymen d'Aretie
vient d'être connu ; les conjurés croyent
que Dion les trahit , Théodon l'accable
des plus fanglans reproches , mais celui- ci
en connoiffant la caufe , ne fe méprend
point fur cet événement , & trop fûr du
courage de fa- fille , fe rappellant la tendreffe
de fes derniers adieux , elle meurt ,
dit-il ,
FEVRIE R. 1748. 145
dit-il, ou nous venge . Philoxene, qui arrive,
lui apprend qu'auffi-tôt qu'elle a bû dans
la coupe facrée elle eft tombée fans fentiment
& fans vie. Le Tyran empoifonné
comme elle , mais réfiftant encore à la violence
du poifon , arrive avec fureur ; il
foupçonne fon fils d'être l'auteur du crime
, & ne défire que de vivre affés pour le
punir ; il ordonne qu'on l'amene , le Prince
paroît , Denys commande qu'on le frappe
, mais Dion arrête le bras du Garde ;
Aretie a tout fait , dit- il , épargnez l'innotent
; le Tyran ordonne une feconde fois
que l'on immole fon fils , mais Dion arrête
encore les Gardes en leur montrant que
Denys expire ; en effet en donnant ce dernier
ordre il est tombé entre les bras de
fes Gardes. Le jeune Prince ſe jette aux
pieds de fon pere , qui leve fon poignard
fur lui , & meurt en voulant le frapper.
Cette cataſtrophe eft belle & har die,
elle a fait au Théatre beaucoup d'effet ; ce
font-là de ces traits qui doivent faire at
tendre beaucoup de leur Auteur. Le fuccès
de cet ouvrage prouve que tout frivole
qu'eft notre fiècle , le ton fort & mâle y
réüffira auffi-bien qu'autrefois , pourvû
que l'on donne de bonnes chofes en ce
genre. On a donc tort de nous reprocher
que l'amour fait l'unique objet du Théa.
Ꮐ
146 MERCURE DE FRANCE.
tre François , puifque toutes les fois qu'on
nous a donné de bons Poëmes , dont cette
paffion ne formoit point le principal intérêt,
ils ont eu des fuccès.brillans . Quelle
réüflite plus éclatante que celle de Mérope
, où l'amour n'eſt pas même nommé !
N'admirons-nous pas toutes les belles piéces
de Corneille , où ,fi l'on excepte le Cid,
l'amour est toujours très-fubordonné à de
plus puiffans intérêts ? M. de Crebillon ,
créateur d'un nouveau genre , & qui a fçû
fe faire une place à côté de Corneille &
de Racine , a fuivi les mêmes principes .
L'intérêt qui réfulte de l'amour eft le plus
foible de tous les refforts que peut employer
un Auteur Dramatiqué , & cela eft
li vrai , qu'il ne produit jamais une bien
vive impreffion , â moins qu'il ne fe trouve
contredit par des devoirs facrés comme
dans le Cid, ou troublé par des remords dévorans
comme dans Phedre. Alors ce n'eſt
point à l'amour , c'eft à la vertu de Chimene
, c'eft aux remords de Phédre que
l'on s'intéreffe.Ofons dire plus,l'inimitable
Racine qui a fi bien peint toutes les délicateffes
de l'amour , qui a fondé avec un
art fi admirable les replis qui le cachent
dans notre coeur , Racine lui-même doit
une partie de fes fuccès à d'autres intérêts,
à la peinture d'autres caractéres . La confFEVRIER.
1748 .
147
tance d'Andromaque pour Hector intéreffe
plus que l'amour de Pirrhus & que les fureurs
d'Hermione , ce font les rôles d'Aprippine
& de Burrhus , c'eft l'ambition de
l'une & la vertu inaltérable de l'autre , ce
font les traits fi marqués du caractére de
Narciffe , qui dans Britannicus occupent
la partie brillante du tableau , & non l'amour
de Britannicus , de Neron & de Junie.
On pourroit dire la même chofe de
Mithridate & d'Iphigenie. Dans Athalie ,
le chef d'oeuvre de ce grand homme, eft- il
queftion d'amour ? En un mot , celui qui
a le mieux peint l'amour dans plufieurs de
fes piéces ne lui fait point occuper le premier
rang.
L'Auteur de cette nouvelle Tragédie
s'eft plus attaché à peindre la vertu d'Aretie
& de Denys le jeune , que leur amour,
& il a très-bien fait , non feulement parce
qu'il a donné par- là plus d'éclat & de
force , furtout au caractère d'Aretie , mais
encore parce que fi dans le cours de la piéce
on eût été trop occupé de cet amour , fi
on s'étoit fortement intéreffé à ſon ſuccès ,
la catastrophe auroit parû trop dure & trop
malheureufe , mais le principal effet ayant
porté fur la haine qu'infpire Denys, fur l'in
térêt qu'on prend àla vertu d'Aretie ,le fpectateur
fort content en quelque façon après
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
A
cette cataſtrophe terrible qui punit le Tyran
& porte au plus haut degré la vertu
d'Aretie.
Les vers font très-bien faits , l'Auteur
verfifie dans le goût de M. de Voltaire , &
c'eft mériter des éloges que de fe propoſer
un pareil modéle .
Nous ne finirons point cet Extrait fans
rendre justice à la maniere brillante dont
Mlle Clairon a rendu le perfonnage d'Aretie
. Il eft difficile de mettre dans un rôle
plus de vérité , d'intelligence & de force.
Le public continue d'aller avec empreffement
aux représentations de cette Tragédie.
Les Comédiens Italiens donnent toujours
l'Arcadie enchantée , avec l'aimable Ballet
de la Fermiere , qu'ils y ont ajoûté .
Ils ont donné pour nouveauté les Valets
Maitres , Comédie de M. de Boiffy , qui a
été bien reçûe. Nous en parlerons le mois
prochain.
Le 29 l'Académie Royale de Mufique a
donné la premiere repréſentation de Zaïs,
Ballet de M. Rameau , on l'a trouvé plein
de beautés d'un ordre fupérieur , ainfi que
tout ce qui part de ce célebre Auteur,
l'Orphée de notre fiécle. Les paroles font
de M. de Cabufac. Nous en parlerons plus
au long le mois prochain.
FEVRIER. 1748 . 149
206207208209 284 289 2090 209209986 90 90
NOUVELLES ETRANGERES.
L
CONSTANTINOPLE.
Es lettres de Conftantinople du 6 Janvier
portent que le Grand Duc de Toſcane y ayant
renvoyé cent vingt efclaves , auxquels il a rendu
la liberté fans rançon , en reconnoiffance du confentement
que le Grand Seigneur a donné au re-
Douvellement du Traité entre la Cour de Vienne
& la Porte , M. de Penckler a eu à cette occafion
une audience publique du Grand Vifir. Il a été accompagné
à cette audience par les Officiers des
vaiffeaux qui ont tranfporté les efclaves dont le
Grand Duc a fait préfent à fa Hauteffe ; par les
Officiers de deux Compagnies de Grenadiers , qui
étoient fur ces bâtimens & par plufieurs Gentilshomimes
Allemands & Italiens , que la curiofité
avoit portés à s'y embarquer. Cet Internonce a
reçu fuivant l'ufage une Pelifle de Martre Zibeline,
& l'on a diftribué des Caftans à toutes les perfonnes
de fa fuite. Quelques jours après l'audience
qu'il a eue du Grand Vifir , il s'eft rendu ches le
Capitan Pacha pour demander que les vaiffeaux du
Grand Seigneur ne troublaffent point la navigation
des vaiffeaux de Livourne & de Hambourg
qui porteroient le Pavillon du Grand Duc de Tof
cane. Le Baron de Hochepied , Ambaffadeur de la
République des Provinces Unies , eft arrivé depuis
quelque tems en cette ville , mais il ne fera admis
a l'audience de fa Hautefle que dans le courant du
mois prochain. On affûre que Don Nicolas Majo,
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
Envoyé Extraordinaire du Roi des deux Siciles ,&
qui fe préparoit à retourner à Naples, a cu ordre de
fa Cour de fufpendre fon départ. Sa Majefté Sicilienne
, pour le récompenfer des fervices qu'il lui
a rendus pendant les fix années qu'il a réfidé à la
Porte , lui a accordé une place de Gentilhomme
de fa Chambre. Le Grand Duc de Tofcane , voulant
auffi témoigner fa fatisfaction du fuccès
de la négociation de M. de Penckler , l'a créé Baron
de l'Empire. Le 5 le Réfident de Ruffie fit
partir un courier pour Pétersbourg. Le Pacha de
Bagdad a donné avis au Grand Seigneur que le
nouveau Roi de Perfe avoit nommé un Ambaffadeur
pour venir notifier à ſa Hautefle l'avènement
de ce Prince à la Couronne. Selon les lettres de
ce Pacha , ce Miniftre eft parti d'Ispaham & on
Pattend inceffamment à Bagdad.
SUEDE.
Es nouvelles de Stockholm portent que le
Roi de vuede a écrit au Comte de Bonde pour
lui témoigner la fatisfaction que fa Majesté & les
Etats du Royaume ont eue de la conduite qu'il a
tenue pendant la derniere Diette . Sa Majefté Suédoife
avoit difpofé de la charge de Vice Préfident
du Collège de la Chancellerie en faveur du Baron
de Hopken , mais ce Seigneur s'eft excufé d'accepter
cette place . M. de Rudenskiold , Secretaire
d'Etat , ci- devant Envoyé Extraordinaire à la
Cour de Berlin , a été créé Baron . Les Comtes de
Cronstedt , de Poffe & de Wrangel , ſe ſont retirés
du Sénat . Il paroît une Ordonnance pour regler
la maniere dont les impofitions doiventle percevoir
fur les grains dans toute l'étendue de la
Suéde .
FEVRIER. T
151 1748 .
On mande de . Stockholm du 16 Janvier qu'en
a imprimé les principaux Actes de la derniere affemblée
des Etats du Royaume. Ces Actes font
au nombre de dix-fept , & par les quatre premiers
les Etats marquent leur fatisfaction du reglement
établi par rapport à la fucceffion au Trone ; du
mariage du Prince Royal avec la Princeffe Louife
Ulrique de Pruffe & de la conclufion des nouveaux
Traités avec le Roi de France & avec fa
Majefté Pruffienne. Les huit Actes fuivans regardent
l'entretien des forces de terre & de mer
l'impofition & la perception des taxes , l'encouragement
de la culture des terres , celui des manufactures
, les progrès du commerce de la Nation ,
tant au Levant qu'aux Indes Orientales , & les
moyens d'augmenter le crédit de la Banque de
cette ville . Il eft pris dans le treiziéme Acte plufieurs
arrangemens concernant l'adjudication des
Fermes. Le quatorziéme contient une défenſe de
porter en révision dans une Diette les affaires qui
auront été terminées dans une Diette précédente.
L'objet des Actes XV & XVI eft de faise refpecter
les droits & l'autorité des Etats ; d'empêcher
qu'aucune perfonne , de quelque qualité qu'elle
foit , ofe blâmer ou interpréter fauffement & malignement
leurs réfolutions ,& d'infliger des peines
rigoureufes à quiconque prendra cette liberté.
Par le dernier de ces Actes les Etats fixent la convocation
d'une nouvelle Diette au mois de Septembre
1751 , & ils autorifent le Roi , fuppofé
qu'on ait à craindre d'ici à ce tems quelque invafion
ennemie , à prendre les mefures que fa Majefté
jugera néceffaires pour la défenfe du Royaume.
En conféquence de ce qui a été reglé par la
Diette , les troupes feront compofées de foixantequatre
mille hommes , & l'on entretiendra vingts
G iiij
352 MERCURE DE FRANCE.
quatre vaiffeaux de ligne. Le Roi , qui étoit alle
le 11 à une maifon de campagne près de cette
ville en revint le 13 , & l'on attendoit d'Ulrichfdalh
le 19 ou le 20 le Prince Royal & la Princeffe
fon époufe: Sa Majesté a difpofé de la charge
de Vice- Préfident du Collège de la Chancellerie
en faveur du Comte d'Eckenblad. M. de Stutenhielm
, Confeiller de ce College & ci - devant Envoyé
Extraordinaire du Roi à Londres , a été déclaré
Sécretaire d'Etat , & fa Majeſté a accordé au
Baron de Hopken , fon Miniftre auprès du Roi
de Dannemarck , la place de Secretaire du Département
de la Guerre , vacante par la démiffion
du Baron de Seth , qui a été revêtu de la dignité
de Sénateur. Le Baron de Wreden eft de retour du
voyage qu'il a fait fur les frontieres , afin de viftter
les Places & de donner fes ordres pour en réparer
les fortifications & pour en remplir les magafins.
On écrit de Pétersbourg , que les Régimens
de Ratoffsky, de Ladogsky , de Morromsky,
d'Afofsky , de Laffowsky , de Belofersky , de Mos-
Kofsky , de Trowfsxy , de Perentsky , de Toboltsxy
, de Sibirisky , de Kyoumsky , de Nofche-
Toumsky , de Narowsky , de Sautbalsky , de Wologesky
, de Ternigofsky , de Boutisky , de Wiborgsky
, de Nezausky , de Wiatsky , de Nizouwsky
& de Nifegorodsky , forment le Corps
de troupes auxiliaires que l'Impératrice de Ruffie
fournit au Roi de la Grande Bretagne & à la République
des Provinces Unies. Le Prince Repnin
, Général d'Artillerie qui commande ces troupes
, aura fous les ordres les Comtes de Soltekoffs
& de Lewin, Lieutenans Feldt - Maréchaux , & Mrs
Braun , Lapuchin & Stuard , Majors Généraux.
Ces nouvelles ajoûtent que l'Impératrice de Ruffie
a ordonné au Prince Repnin , fi les Polonois
FEVRIER. 153 1748 . 1748.
faifoient quelques difficultés pour le paffages des
troupes Ruffiennes par la Pologne , d'employer
les repréſentations les plus amiables auprès de-la
République , afin de l'engager à y donner fon confentement
, & en cas que les dificultés fubfiſtalfent,
de dépêcher , fans perdre de tems, un courier
au Grand Chancelier de Ruffie pour l'en informer .
Les nouvelles de Pétersbourg du 16 Janvier
nous apprennent que M. d'Allion , la veille du
jour que l'impératrice avoit marqué pour lui donner
fon audience de congé , ayant demandé que
cette audience fût differée, M. Weffelowsky, Mai.
tre des cérémonies , lui annonça le 10 de la part
de la Majefté Impériale qu'il pouvoit remettre fes
Lettres de rappel au grand Chancelier. Lorsque M.
d'Allion s'eft rendu pour cet effet chés le Comte de
Beftuchef , celui- ci lui a délivré de la part de l'Impératrice
une lettre de cette Princeffe pour Sa Majefté
Très -Chrétienne , & a fait remettre à M.
d'Allion le préfent ordinaire de trois mille roubles
. Le 12 M. d'Allion partit pour retourner en
France , & on a dépêché un courier à M. Groff
Miniftre Plénipotentiaire de fa Majefté auprès du
Roi Très - Chrétien . Depuis quelque tems il a
tranfpiré que l'Impératrice , en renouvellant le ,
Traité conclu l'année derniere avec la Grande
Bretagne , étoit convenuë d'augmenter de fix
mille Cofaques le Corps de troupes , qu'elle s'eft
engagée de tenir fur les frontiéres de la Livonie &
de la Curlande , & de le porter mênte juſqu'à cinquante
mille hommes , s'il étoit néceflaire . Cette
Princeffe a fait le 12 une Promotion d'Officiers
Généraux , mais elle n'a point nommé de nouveaux
Feldt- Maréchaux. Elle a en nêne-tems
difpofé d'un grand nombre de Régimens & a
accordé plufieurs brevets de Colonels . Comme
pour former le Corps de trente- cinq mille hom
G
154 MERCURE DE FRANCE.
mes de troupes auxiliaires que Sa Majefté Impé
riale fournit au Roi de la Grande Bretagne & aux
Etats Généraux des Provinces Unies , on a fait
marcher la plupart des Régimens qui étoient en
garnifon à Mofcou & dans les principales villes
voihines , ou remplacera ces Régimens par d'autres
qu'on tirera d'Ukraine , où l'on compre cependant
qu'il reftera encore , en y comprenant les
troupes irrégulieres , trente mille hommes pour la
garde de cette Province. L'Impératrice a donné
ordre que toutes fes galeres fuffent inceflamment
en état de fe mettre en mer , & il y en a quarante
deftinées à tranſporter à Dantzick & à Lubeck les
équipages des principaux Officiers des troupes qui
paffent à la folde de fa Majefté Britannique & de
la République de Hollande . Sa Majesté Impériale
a fait fçavoir au Sénat que fon intention étoit de
mettre la Bibliothéque & fon Cabinet de Curioftés
dans l'Hôtel de M. Demidoff , en attendant
qu'on ait conftruit le nouvel édifice dans lequel
elle fe propofe de les placer. M. Kaau de Boerhave
, un des Médecins de l'Impératrice a été élû
Penfionnaire de l'Académie Impériale des Sciences.
L'épouse du Général Tettau mourut en cette
ville le 7 de ce mois . M. de Hohenholtz , qui
étoit à Pétersbourg Réfident de la Cour de Vienne
depuis plus de trente ans , eft mort le 8 après une
courte maladie .
On écrit de Stockholm du 28 Janvier que cette
Cour & celle de Ruffie s'étant affûrées mutuellement
du défir qu'elles ont de conferver entre elles
une parfaite intelligence , on parle de renouveller
le Traité entre les deux Puiffances , & le bruit
court que l'Impératrice de Ruffie a même envoyé
les inftructions néceffaires fur ce fujet au Baron
de Korff, fon Miniftre Plénipotentiaire auprès du
Roi. On efpere auffi que les limites des Etats des
FEVRIER . 1748. Iss
deux Puiflances ne tarderont pas à être reglées . Il
vient d'être expédié des ordres aux Généraux &
aux Gouverneurs des Provinces , pour que les
troupes fe tinffent prêtes à marcher . Les lettres
de Ĉarelfcroon marquent qu'on y équipe avec
toute la diligence poffible une efcadre de vingtdeux
vaifleaux de ligne , & qu'on l'approvifionne
de vivres pour fix mois. Le Baron de Wreden ,
dans la vifite qu'il a faite des Places frontieres , a
trouvé que les fortifications de quelques - unes
avoient befoin non-feulement de plufieurs réparations
, mais encore d'être augmentées , & qu'il
étoit néceffaire de conftruire divers ouvrages pour
défendre l'entrée de quelques Ports . Il eft furvenu
un nouveau differend entre le Gouvernement &
M. de Guydickens , Envoyé du Roi de la Grande
Bretagne. Ce Ministre ayant fait mettre en prifon
dans fon Hôtel deux de fes domestiques qu'il
accufe d'avoir informé la Cour du lieu où le Né
gociant Springer s'étoit réfugié , le Gouverne
ment exige qu'on les remette en liberté , & on
offre de fatisfaire M. de Guydickens fur les plainres
qu'il pourra former contre eux , mais il prétend
avoir feul jurifdiction fur les perfonnes qui
lui appartiennent . Le Roi a écrit auComte Edouard
Louis de Tauben de ſe rendre en cette ville , afin
d'affifter aux affemblées que le Sénat doit tenir
pour délibérer fur les affaires de la Marine . La
place de Secretaire du Sénat a été accordée à M.
Jonas Hox , à qui M. Eckom fuccede dans la
charge de Secretaire du Confeil Royal. M. Schadt,
qui a été Secretaire de l'Ordre des Païfans pendant
la derniere Diette , a été nommé Juge Territorial.
Le 23 le Prince Royal & la Princeffe lon
époufe font revenus d'Ulrich (dahl.
i
Gvi
156 MERCURE DE FRANCE.
ALLEMAGNE .
Es lettres de Berlin du 16 Janvier portent que
Potfdam , & que le même jour le Prince de Pruffe
donna dans fon Palais une Fête connue dans les
Cours d'Allemagne fous le nom de Fête de l'Hôtellerie.
La Reine Douairiere & les Princes &
Princefles de la Famille Royale affifterent à cette
Fête, qui fut terminée par un fouper & par un Bal.
Le 1s le Roi revint de Potſdam & dîna chés la
Reine Douairiere avec la Famille Royale & quelques
Dames de la Cour . Le fiis dont l'époufe de
M. de la Forcade , Major Général , eft accouchée,
fut baptifé le 13 & tenu fur les Fonts au nom du
Roi par le Prince de Holftein Beck , qui annonça
à M. de la Forcade après la céremonie , que fa
Majefté accordoit à cet enfant le Bailliage de Neu .
hoff dans le Comté de Marck . La charge de Vice
Grand Veneur , vacante par la mort du Comte
Bogiflas de Schwerin , a été donnée à M. de Korbelsdorff
, Grand Maître des Forêts . Le Prince
Regnant d'Anhalt Deflau eft retourné à la réfrdence
. Les mines nouvellement découvertes en
Sibérie dans les environs de Hirfchbert produifant
du cuivre de très bonne qualité , il a été réfolu
de ne rien négliger pour les exploiter avec
fuccès . Suivant les avis reçûs de Drefde le Chevalier
Hanbury Williams , Miniftre du Roi de la
Grande Bretagne auprès du Roi de Pologne Electeur
de Saxe , ayant demandé à fa Majeſté Polonoife,
dans une audience qu'elle lui donna le 5 , le
paffage par la Pologne pour les troupes Ruffiennes
qui entrent au fervice de fa Majefté Britannique
& de la République des Provinces Unies , le
Koi de Pologne à répondu que fes fentimens pour a
FEVRIER. 1748. 157
le Roi de la Grande Bretagne & pour fes Alliés
lui faifoient toujours fouhaiter avec empreffement
les occafions de pouvoir l'obliger , mais que l'affaire
dont il s'agiffoit étoit de telle nature , qu'il
n'étoit pas poffible de donner auffi promptement
que fa Majefté Britannique le défiroit , une répon
fe pofitive , que ce n'étoit point de lui feul , mais
de toute la République , que dépendoit le confentement
demandé ; que d'ailleurs ce confentement
ne dévoit être accordé qu'en vertu de la réſolution
d'une Diette & qu'il n'y en auroit point fi-tôt d'af
femblée. Le Chevalier Williams a dépeché un courier
pour donner part de cette réponse au Roi de
la Grande Bretagne. On a été inftruit des nouvel
les fuivantes par les lettres de Vienne. Le la
Reine de Hongrie foupa chés le Prince d'Averfperg
, fon Grand Ecuyer , & affifta à un Bal qu'il
donna dans fon Hôtel. Il est arrivé de Lisbonne
divers couriers dont les dépêches ont donné lieu à
plufieurs conferences , aufquelles le Comte de Canales
, Miniftre du Roi de Sardaigne , a été invité
de fe trouver. On affûre que le Prince de la Tour
Taxis portera à Ratisbonne un Décret de Cominif
fion , relatif à la marche des troupes Ruffiennes
la Ruffie fournit à la Grande Bretagne & aux
que
Provinces Unies. Le Comte Léopold de Kinsky ;
que fa Majefté Hongroife a nommé fon Miniſtre
Plénipotentiaire auprès du Roi de Pologne Electeur
de Saxe , fait travailler à de magnifiques équipages
pour paroître à Drefde avec éclat. Le Grand
Duc de Tofcane a conferé au Comte de Richecourt
le Grand Prieuré de Péroufe , de l'Odre
Militaire de S.Etienne , & dont le revenu monte
à près de vingt mille écus.
On écrit de Vienne du zo Janvier que le 17 de
ce mois le Comte de Schombørn reçût des mains
158 MERCURE DE FRANCE.
du Grand Duc de Tofcane pour l'Electeur de
Mayence l'Inveftiture de l'Electorat de ce nom . II
fe tint le 12 chés le Comte d'Uhlefeld , Chancelier
de la Cour , un Confeil d'Etat qu'on croit
avoir eu pour objet les inftructions du Comte de
Kaunitz Ritberg , nommé pour affifter en qualité
de Miniftre Plénipotentiaire de la Reine aux conferences
d'Aix la Chapelle . Le Comte de Podewils,
Envoyé Extraordinaire du Roi de Pruffe , a renouvellé
les inftances , afin qu'on terminât les affaires
qui restent à regler entre cette Cour & celle de
Berlin. Après une conférence qu'il eut le 16 à ce
fujet avec les Miniftres de fa Majefté , on fit partir
un courier avec de nouvelles inftructions pour le
Comte de Bernes , Miniftre Plénipotentiaire de la
Reine auprès de fa Majefté Pruffienne. Le Miniftre
du Roi de Pologne Electeur de Saxe confere
fouvent auffi avec le Comte d'Uhlefeld . Le 18 , le
Comte de Luchefi arriva d'Italie , d'où l'on mande
que la grande quantité de neige qui y est tombée
depuis quelque tems , a retardé l'exécution des
opérations projettées , mais qu'auffi - tôt que la faifon
pourra le permettre , les troupes de fa Majefté
recommenceront à agir contre la République de
Génes. Les Régimens d'Infanterie de Bade & de
Clerici & ceux de Cavalerie de Hohenems, de Luchefi
,de Philibert & de Cordoue , qui font en
quartiers dans le Royaume de Hongrie , ont ordre
de fe rendre à l'armée des Alliés dans les Païs
Bas. Le Baron de Trips étant entré au ſervice des
Etats Généraux des Provinces Unies , la Reine a
réformé le Régiment dont il étoit Colonel & elle
a donné au Général , Feftetitz le commandement
des troupes légeres qui font dans cette armée. Le
Comte de Forgatích , Evêque du Grand Waradin
en Hongrie , fut facré le 14 par le Cardinal de
Kollonitz,
•
FEVRIER. 1748. 159
On nous mande de Drefde du 21 Janvier qu'on
a publié un Edit portant établiffement d'une Tontine
, compofée de cinq mille deux cent cinquante
actions , chacune de deux cent écus d'Allemagne.
Ces actions feront reparties en cinq claffes , dont
chacune contiendra cent Divifions. Les intérêts
de ces actions feront de cinq , de cinq & demi , de
fix , de fept , de huit , de neuf , de dix & même
de quinze & de vingt pour cent , fuivant les âges
des perfonnes qui mettront à la Tontine. Lorfqu'il
mourra un Actionnaire , la rente dont il
jouiffoit fera partagée entre les autres Actionnaires
de fa Divifion , & lorfqu'il ne reftera plus que
cent Rentiers , on leur donnera pour la valeur des
arrérages qu'ils devront tirer de la Tontine , des
Contrats qui porteront un intérêt de quatre pour
cent , & dont les rentes feront payées à leurs fils &
à leurs petits - fils. left arrivé un courier par lequel
on a appris que le Duc de Saxe Weimar étoit
mort le 19 à Eifenach. Ce Prince , qui fe nommoit
Erneft , étoit âgé de cinquante - neuf ans &
neuf mois , étant né le 19 Avril 1688. Il avoit
époufé la Princeffe Eleonore- Guillelmine d'Anhalt
Cothen , morte le 30 Avril 1726 , & en ſecon
des noces la Princeffe Charlotte Albertine de
Brandebourg Culmbach . De fon premier mariage
il a eu les Princeffes Guillelmine- Augufte , Ernefte
Albertine & Chriftine- Sophie. Il laiffe du fecond
le Prince Erneft- Augufte-Conftant , né le 2 Juin
1737 , & la Princeffe Ernefte- Augufte - Sophie , née
les Janvier 1740. En 1741 il avoit hérité du Duché
d'Eifenach par la mort du Duc Guillaume
Adolphe , décedé fans enfans mâles.
Les lettres de Berlin du 24 Janvier portent que
les Miniftres étrangers & les Seigneurs & Dames
de la Cour s'étant affemblés le 16 de ce mois fur
160 MERCURE DE FRANCE.
le midi dans le Palais du Prince de Pruſſe , le Roi,
les deux Reines & les Princes & Princeffes de la
Famille Royale , s'y rendirent à midi & demi , &
que l'on fervit,outre la table de leurs Majeftés ,deux
autres tables chacune de 70 couverts . A trois
heures & demie on fit la cérémonie du Baptême du
Prince dont la Princeffe de Pruffe eft accouchée le
30 du mois dernier. Ce Prince fut nommé Frederic-
Henri-Charles, & il eut pour parains le Roi , fa Ma-,
jefté Britannique , le Prince Henri , le Margrave,
de Brandebourg Culmbach, le Margrave de Brandebourg
Onolizbach , & le Duc de Brunfwick
Wolfenbuttel . Ses maraines font l'Impératrice Premiere
Douairiere , la Margrave de Brandebourg
Culmbach , la Margrave de Brandebourg Onoltzbach
, la Ducheffe de Brunswick Wolfenbuttel , &
la Ducheffe Douairiere Antoinette Amelie. Le
Roi étant retourné vers les cinq heures au Château
, envoya au jeune Prince les marques de
l'Ordre de l'Aigle Noir . Le mariage du Baron de
Lentulus , Major Général de Cavalerie , avec Mademoiſelle
de Schwerin , Demoifelle d'Honneur
de la Reine , fut célebré le 17 en préfence de leurs
Majeftés . La Cour foupa le foir à quatre tables, &
après un Bal , dont le repas fut fuivi , la Comteffe
de Camas , Grande Maîtreffe de la Maifon de la
Reine , conduifit les époux dans un caroffe de fa
Majefté , attelé de fix chevaux , à l'Hôtel de la
Comteffe Douairiere de Schwerin . M. de Voff ,
Confeiller Privé , partit le même jour pour aller
exécuter une commiffion du Roi auprès du Roi
de Pologne Electeur de Saxe. Sa Majesté a déclaré
Major Général & Commandant de la Fortereffe
de Peitz M. de Finck , Colonel Commandant du
Régiment de Leftewitz .
On écrit de Berlin du 28 Janvier qu'on célébra
FEVRIER. 161 1748 .
le 24 de ce mois avec beaucoup de magnificence.
l'anniverſaire de la naiffance du Roi , qui eft entré
dans la trente-feptième année de fon âge. Sur le
anidi fa Majefté après avoir été complimentée à
cette occafion par les Princes , par les Miniftres
Etrangers & par la principale Nobleffe , fe rendie
chés la Reine Douairiere où elle dîna avec la Famille
Royale. A cinq heures du foir leurs Majeftés
virent repréfenter fur le Théatre du Palais
la Comédie Françoife , intitulée l'Enfant Prodigue.
La Cour paffa enfuite chés la keine , dans
l'appartement de laquelle on fervit cinq tables
chacune de foixante couverts , & après le fouper
il y eut un Bal qui dura jufqu'au lendemain matin.
Le 25 l'Académie Royale des Sciences tint une
affemblée publique , à laquelle les Princes freres
du Roi & la Princefle Amelie affifterent , ainfi
que la plupart des Miniftres & des Seigneurs. M.
d'Arget Confeiller Privé , y récita une Ode en
l'honneur du Roi. Elle fut fuivie de la lecture d'un
Mémoire fur quelques particularités de la vie de
l'Electeur Fréderic Guillaume de Brandebourg .
furnommé le Grand. M. de Maupertuis, Préfident
de l'Académie , termina la féance par un difcours ,
dans lequel il montra combien les progrès des
Sciences font avantageux aux Etats , & combien
la protection des Souverains eft néceffaire aux
progrès des Sciences. Il avoit eu l'honneur de
préfenter la veille au Roi le fecond tome des Mémoires
de l'Académie , & fa Majefté en recevant
ce volume a témoigné qu'elle étoit extrêmement
fatisfaite de l'ardeur de cette Compagnie à
fe rendre digne de fes bienfaits . Les plaifirs de la
Cour furent interrompus le 26 par la nouvelle de
la maladie de la Margrave de Brandebourg Culmbach
, mais heureufement les inquiétudes qu'on
162 MERCURE DE FRANCE.
a eues fur l'état de cette Princeffe font diminuées
& Pon a lieu de fe ftater que fon indifpofition
n'aura point de fuites . Le Duc de Vittemberg
Oels donna le 23 le divertiffement d'une courfe
de traineaux , dont trois áttelés de fix chevaux
étoient remplis de Muficiens. Sa Majefté a nommé
M. de Klingraff fon Miniftre Plénipotentiaire
auprès du Roi de la Grande Bretagne.
Nous apprenons par les nouvelles de Francfort
du 12 de ce mois , qu'un des Syndics de cette ville
a été envoyé par les Magiftrats à Ratifbonne afin
d'empêcher que les Calviniftes n'obtiennent des
Etats de l'Empire la permiffion d'y bâtir une Eglife.
On attendoit le 20 de ce mois le Miniftre qui doit
venir de la part du Cercle de Suabe , conférer
avec les Miniftres des autres Cercles antérieurs .
Le Comte de Cobentzel , Miniftre du Grand Duc
de Tofcane auprès de ces Cercles , eft à Coblentz
pour exécuter une commiffion de ce Prince.
Le Comte de Kaunitz Ritberg a paffé en
cette ville en allant à Aix - la - Chapelle. On
travaille dans cette ville à un grand nombre de
caiffons & de voitures pour l'armée des Alliés. La
Cour de Vienne a fait demander aux Cercles le
paffage pour fix Régimens. On a appris que le
Duc de Saxe Gotha s'étoit chargé de l'adminiftration
du Duché de Weymar pendant la minorité
du Duc de ce nom. Les nouvelles de Caffel portent
que la Princeffe époufe du Landgrave de
Heffe Hombourg eft accouchée le 30 du mois
dernier d'un Prince , & que le Prince Georges de
Heffe Darmstadt doit époufer la Comteffe de
Leyningen Heydesheim . On écrit de Hannover
qu'il y eft arrivé de Londres un courier chargé de
dépêches importantes pour M. de Reitzch , & depuis
l'arrivée duquel on publie que S. M. Britanni
FEVRIER . 1748. 163
que a confenti qu'un certain nombre de batail
Fons & d'efcadrons des troupes Hanoveriennes
entrât au fervice des EtarsGénéraux des Provinces-
Unies ,
On écrit de Vienne qu'il arriva de Milan le 29
du mois dernier un courier dont le Comte d'Uhlefeldt
alla fur le champ communiquer les dépêches
à la Reine. Le Comte de la Rocque Lieutenant
Général des armées du Roi de Sardaigne , & que
ce Prince a envoyé pour exécuter une commiffion,
continue d'avoir de fréquentes conferences avec
les Miniftres de fa MMaajjeeffttéé ,, aaiinnffii que Meffieurs
Robinſon & Burmania , Miniftres du Roi de la
Grande Bretagne & des Etats Généraux des Provinces-
Unies. Ces deux derniers Miniftres ont fait
de fortes inftances pour qu'on preffât la marche
des troupes qui doivent aller joindre l'armée des
Alliés dans les Pays- Bas , & la Reine a donné des
ordres en conformité . La premiere divifion des
nouvelles troupes qu'on a levées dans le Bannat de
Temefwar pafla le 29 du mois dernier près de
cette ville . Elle eft compofée de onze cent hom
mes , & les deux divifions qui la fuivent font encore
plus nombreufes. Le 28 le Comte de Thun
Chanoine des Chapitres de Saltzbourg & de
Trente , reçut des mains du Grand Duc de Tof
cane au nom de l'Evêque de Trente l'Inveftiture
des Fiefs dont ce Prélat doit hommage à l'Empire.
Le Comte de Haugwitz partit le 3 pour Prague
afin de régler avec les Etats de Bohéme les fubfides
que ce Royaume fournira cette année à ſa
Majesté.
Le Baron de Bulow , Miniftre du Roi de Pologne
Electeur de Saxe , & le Comte de Gronsfeldt
, qui réfide ici en la même qualité de la
164 MERCURE DE FRANCE.
part de la République des Provinces Unies , remirent
le 10 de ce mois aux Miniftres du Roi les lettres
que leurs Souverains ont écrites à fa Majeſté
pour la féliciter fur la naiffance du Prince dont la
Princeffe de Princeffe eft accouchée. Le 11 cette
Princeffe le rendit à la principale Eglife de cette
ville & y fut relevée de fes couches avec les céré
monies ordinaires. La Reine Doiiairiere & les
Princes & les Princeffes de la Famille Royale fouperent
le même jour chés la Reine . M. Kallow
Major Général , eft arrivé de Pomeranie , & le 7
il eut l'honneur de rendre fes refpects au Roi . Les
arrêts ont été donnés par ordre de fa Majefté à M.
de Walrave, auffi Major Général , qui a été chargé
de faire fortifier la ville de Neiff & de quelques
autres places. Plufieurs Officiers ont obtenu la
permiffion d'aller fervir en qualité de volontaires
dans l'armée que commandera le Maréchal de Saxe.
Le Roi a accordé au Docteur Hilmer, que plufieurs
cures furprenantes ont rendu célebre dans
toute l'Allemagne , le titre de Confeiller avec une
penfion confiderable .
ON
ESPAGNE.
N mande de Madrid du 16 Janvier que Don
François de Varas y Valdes , Préfident du
Tribunal de la Contractation des Indes , a reçû de
Cadix un courier , par lequel on a appris que le
de ce mois le vaiffeau de guerre Ja Reine , commandé
par Don Alexandre Chatelein y étoit ar
rivé de la Havanne , arès deux mois de naviga
tion , avec les vaiffeaux de Regiftre la Notre Dame
de Begona , le Saint Michel y las Animas , le Salomon
, la Notre- Dame de Lorette , l'Alcyon , la
Perle & l'Arenton . Il y avoit fur ces bâtimens
FEVRIER. 1748 .
pour le compte de fa Majefté deux cent cinquante
mille piaftres , mille foixante & quinze caiffes de
tabac en poudre , & cent cinquante- fix mille
quatre cent quarante livres en feuilles , & pour les
particuliers deux millions deux cent vingt- deux
mille huit cent quatorze piaftres , treize mille neuf
cent dix-huit onces d'argent non monnoyé , cinq
cent vingt-lept Surrons de cochenille , huit cent
foixante- quinze mille livres de fucre , deux mille
trois cent cinq cuirs , & une grande quantité de vanille,
de cacao, d'anil , de bois de falap & d'autres
marchandifes. En revenant d'Amérique le vaiffeau
de guerre la Reine s'eft emparé le 28 Décembre
du navire Anglois le Jules Cefar , dont la charge
eft très-confidérable . Les lettres de Provence mar
quent que deux barques du convoi deftiné à tranfporter
à Génes le Régiment de Flandres , lefqueles
avoient été obligées de relâcher à Antibes ,
avoient remis à la voile le 29 avec un vent favorable.
On a reçû avis de Nice que fix cent Piémontois
ayant voulu détruire le Pont de Libri conftruit
fur la Roya , M. de Colonie Commandant de deux
Compagnie Franches au fervice du Roi Très-
Chrétien avoit attaqué ce détachement,& qu'ayant
été joint par cent cinquante Miquelets il avoit mis
en fuite les ennemis , aufquels on avoit tué cin
quante hommes , & fait plufieurs prifonniers.
Le Comte de Montijo ayant demandé à caufe
de fa mauvaiſe fanté , la permiffion de fe démettre
de la charge de Préfident du Confeil & de la Chambre
des Indes , le Roi y a confenti , & lui a conſervé
les honneurs & les appointemens attachés à cette
dignité. Don Jofeph Cervi , Premier Médecin de
leurs Majeftés , des armées du Roi & de la Principauté
de Catalogne , Préfident de la Société
!
166 MERCURE DE FRANCE.
Royale de Seville , Ancien Préfident du Tribunal
de la Santé , Académicien de l'Académie de cette
ville , de l'Académie Royale des Sciences de Paris -
& de la Société Royale de Londres , eſt mort le
25 au Palais du Buen Retiro , âgé de quatre- vingtquatre
ans. Il avoit été premier Médecin du feu
Roi & de la Reine Douairière , & il avoit obtenu
une place de Confeiller du Confeil des Finances.
I
GRANDE BRETAGNE.
1
Lfe tint le 9 Janvier un Confeil au fujet des
troupes Ruffiennes que fa Majefté & la Répu
blique des Provinces- Unies prennent à leur fervice
, & le 11 on fit partir un courier qu'on dit
être chargé de la ratification du dernier Traité
conclu avec la Cour de Péterfboug. M.de Wall Maréchal
de Camp dans les troupes du Roi d'Espagne,
& qui e à Londres depuis quelque tems , a de
fiéquentes conférences avec les Miniftres du Roi,
Par les états qui ont été remis au Parlement , il
paroît que les dettes de la Nation lefquelles étoient
le 31 Décembre 1746 de cinquante- neuf millions
trois cept cinquante fix mille quatre cent quatrevingt-
dix-fept livres fterlings , montoient le 30
Septembre de l'année derniere à foixante & dix
millions huit cent trente - huit mille quatre cent
foixante & dix - huit , & que des onze millions
quatre cent quatre- vingt fept mille neuf cent
quatre-vingt-une livres fterlings , dont elles font
augmentées en neuf mois , quatre millions fix
cent vingt huit mille foixante & quatorze ont été
employées aux dépenfes de la Marine . La Nobleffe
d'Ecoffe demande cinq cent quatre-vingt
dix-huit mille cinq cent vingt - fept livres fterlings
en dédommagement de la ceffion qu'elle eft obliFEVRIER.
1748. 167
gée par un acte du dernier Parlement , de faire
de fes droits de Jurifdiction. La Requête pré
fentée au Parlement par le Commun Confeil de
Londres contre la naturalifation des Proteftans
Etrangers , a été examinée le 2 de ce mois
dans la Chambre des Communes. On a entenda
en même tems les Avocats qui devoient plaider en
faveur du Bill propofé . Le Roi a nommé le Lieurenant
Général Sinclair fon Miniftre Plénipoten
tiaire auprès du Roi de Sardaigne , à la place du
feu Général Wentworth, Sa Majefté à accordé au
Major Général Bligh le Régiment de Cavalerie de
ce Général , au Colonel Folliot le Régiment de
Dragons qu'avoit M Bligh , & au Lieutenant
Colonel Pool le Régiment d'Infanterie dont M.
Folliot étoit Colonel. Les Sergens & Caporaux
du premier Régiment des Gardes à pied ont commencé
à apprendre un nouvel exercice de l'invent
tion du Lieutenant Général Blackney , & qui eft
plus prompt dans fon exécution que celui qui eft
en ufage. Lorfqu'ils y feront perfectionnés , ils le
feront en préfence du Duc de Cumberland , & fi
cette nouvelle méthode eft approuvée , elle fera
mife en pratique dans tous les Régimens d'Infan
terie. On a freté par ordre du Gouvernement un
grand nombre de bâtimens de tranſport , pour
conduire en Hollande cinq Régimens tant d'
fanterie que de Cavalerie Le bruit court qu'on
fera paffer auffi dans les Pays- Bas trois des Régimens
qui font fur la répartition du Royaume
d'Irlande , & vingt hommes de chaque Compa
gnie des Gardes à pied , des Grenadiers à cheval &
des Dragons qui restent en Angleterre. Il a été
ordonné aux Amiraux Hawke & Chambers de
faire voile inceffamment avec leurs efcadres . Celle
du dernier doit croifer dans la Manche & ¹on
168 MERCURE DE FRANCE.
ignore encore la deftination de celle du premier.
Le Contre- Amiral Ofborne joindra avec plufieurs
vaiffeaux de guerre le Vice - Amiral Hollandois
Shryver , & l'on dit qu'ils doivent aller exécuter
une expédition importante . L'efcadre de l'Amiral
Boscawen a été vûë pendant les dernieres tempê
tes à trente lieuës de Lisbonne , faiſant route vers
l'ile de Madére . Trente- fix navires font arrivés
de la mer Baltique à Hull & à Leith en Ecoffe
fous l'escorte du vaiffeau de guerre le Launcefton,
Sa Majesté a ordonné un jour de Jeûne & de Prieres
publiques dans toute l'étendue de la Grande
Bretagne , afin de demander l'affiftance du Ciel
dans les circonftances préfentes. Il paroîtra dans
peu une proclamation pour défendre la fortie des
grains , le Roi étant autorifé par une clauſe inferée
dans l'acte du Parlement , qui en permet l'exportation
, à reftraindre & limiter cet acte , de
P'avis de fon Confeil , toutes les fois que cela fera
jugé néceffaire. Selon les nouvelles de Dublin le
Comte de Harrington, Vice - Roi d'Irlande , eft dangereuſement
malade . On a été informé par des
lettres d'Edimbourg que M. Evan Cameron d'Inverlochy
, ci -devant Officier dans les troupes du
Prince Edouard , avoit été pris & conduit au Fort
Guillaume. Depuis la bataille de Culloden il avoit
vêcu caché dans les montagnes d'Ecoffe .
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud
n'ont point de prix fixe ; celles de la Banque font
à cent vingt , un quart , celles de la Compagnie
des Indes Orientales à cent foixante-un & demi ,
& les Annuités à quatre- vingt- quatorze un huitiéme.
On mande de Londres du 23 Janvier qne M.
Michell chargé des affaires du Roi de Pruffe , re
mit il y a quelques jours au Comte de Cheſterfield
Sécretaire
FEVRIER. 1748. 169
Secretaire d'Etat , un Memoire lequel porte
qu'après les affûrances données à fa Majefté Pruffienne
par le Gouvernement , elle s'étoit fatée
qu'on refpecteroit fon pavillon , & qu'elle n'auroit
pas cru devoir être dans la néceffité de faire
d'autres démarches pour cet effet , mais que malgré
des déclarations fi fouvent réitérées , & quoique
fes fujets ne fe foient jamais écartés des loix
prefcrites pour le commerce , les vaiffeaux Anglois
fe font emparés de plufieurs navires Pruffiens
; que le Roi de Pruffe a ordonné très- expreflément
à M. Michell de faire à ce fujet les repréfentations
les plus fortes , & de demander qu'il
foit défendu fous des peines févéres à tout Armateur
de troubler en aucune maniere , fous prétexte
de vifite , la navigation des fujets de la Couronne
de Pruffe ; que de plus fa Majefté Pruffienne
défire que le Roi explique par écrit fes difpofitions
à cet égard ; qu'on ne peut contefter aux Pruffiens
la liberté de faire le commerce fur le même
pied qu'une Nation neutre eft autorifée par le
Droit des Gens & par les Coûtumes de mer , à
l'exercer ; que pour conftater l'état de leurs cargaifons
, il convient d'obferver exactement la
diftinction des marchandifes , établie par les articles
19 & 20 du Traité de Commerce , conclu en
1713 entre la France & la Grande Bretagne & par
les articles 15 , 16 & 17 du Traité de Commerce
de la Hollande avec la France ; que dès que les
Capitaines des navires qui navigueront avec le
Pavillon & des Paffeports du Roi de Pruffe , juftifieront
par leurs connoiflemens qu'ils ne feront
point chargés de marchandiles prohibées par les
articles ci- deffus mentionnés , fa Majefté Pruffienne
prétend qu'ils puiffent continuer leur route
fans empêchement. Le Comte de Chesterfield a
H
170 MERCURE DE FRANCE.
répondu par écrit à ce Mémoire , que le deffein
du Roi n'a point été & ne fera jamais de caufer le
moindre obſtacle à la navigation des Pruffiens ,
tant qu'ils fe conformeront aux ufages établis
pour le commerce & reconnus par les Puiffances ;
que le Roi de Pruffe n'ignore pas qu'il fubfifte actuellement
des Traités de Commerce entre la
Grande Bretagne & plufieurs Etats neutres ; qu'aucun
Traité de cette nature n'existe entre la Majefté
& ce Prince , que cependant fes fujets ont été toujours
favorifés par rapport à la navigation autant
que ceux de toute autre puiffance ; que le Roi ne
fuppofe pas que fa Majesté Pruffienne exige d'elle
des préférences pour les fujets ; qu'il y a dans ce
Gouvernement des loix fixes dont on ne peut nullement
s'écarter ; que fi des vaiffeaux Anglois
commettent la moindre injuftice contre des navi
res Pruffiens , ceux-ci peuvent porter leurs plaintes
à la Cour de l'Amirauté , & que de tout tems les
jugemens de ce Tribunal ont été irréprochables.
Le Chevalier Hawke a arboré fon pavillon a bord
du vaiffeau de guerre le Kent , de foixante dix
canons , & l'on équipe à Plymouth plufieurs vaif
feaux dont fon efcadre doit être renforcée,
On célébra le 31 du mois dernier la naiffance
du Prince de Galles qui eft entré dans la quarante
& uniéme année de fon âge . Le 27 le Duc de
Cumberland vit faire à un détachement des Gardes
à pied le nouvel exercice militaire inventé par
le Lieutenant Général Blackney , & non-feulement
il approuva cette méthode , mais il ordonna
qu'on s'en fervît dans les trois Régimens des Gardes.
Ce Prince partira dans peu pour fe rendre en
Hollande . La Chambre des Communes réſolut le
2 de ce mois d'augmenter d'un fchéling par livre
fterling les droits établis fur toutes les marchandiFEVRIER
. 1748. 175
"
Tes qui entrent dans la Grande Bretagne , & de
sévoquer l'acte qui exempte de tous droits celles
dont font compofés les chargemens des navires
pris fur les ennemis. Le 6 on propofa dans la
Chambre de porter un Bill pour défendre la fortie
des grains , mais après quelques débats cette propofition
fut rejettée , la pluralité des voix ayant
décidé que le Bill en queftion ne pouvoit être que
defavantageux dans les circonftances préfentes.
Le 9 la Chambre a pris en confidération le Traité
de fubfide que le Roi & les Etats Généraux des
Provinces Unies ont conclu avec l'Impératrice de
Ruffie , & la propofition de prendre à la folde de
la Grande Bretagne un nouveau Corps de troupes
Hanoveriennes , & il a été reglé qu'on fourniroit
les fommes neceffaires pour ces deux objets . Sa
Majefté a fait auffi communiquer à la Chambre
une convention particuliere fignée à la Haye ,
laquelle regarde l'exécution des opérations concertées
avec les Alliés. M. Legg , un des Commiffaires
de la Trésorerie , doit aller réſider à Berlin
en qualité de Miniftre Plénipotentiaire de fa
Majefté auprès du Roi de Pruffe. Le Roi a nom.
mé le Lieutenant Général Sinclair pour remplacer
à la Cour de Turin le feu Général Wentworth , &
cet Officier , avant que de fe rendre. en Piémont
ira exécuter à Vienne une commiffion de la Majefté.
On prépare cent cinquante canons pour
l'armée des Alliés , à laquelle on enverra quatre
cent Canoniers . Le 22 du mois dernier le Contre-
Amiral Hawke partit de la Rade de Sainte
Heléne avec cinq vaiffeaux de guerre , mais étant
arrivé à la hauteur de Plymouth où il a été joint
fix autres vaiffeaux , il fut obligé par les vents
contraires de relâcher, Il remit à la voile le 27 ,
& l'on conjecture qu'il va croifer dans les mers
par
Hij
2 MERCURE DE FRANCE.
par
de
Bifcaye. L'Amiral Warren eft allé prendre le
commandement
de l'efcadre qu'on équipe à
Portſmouth , & qui fe joindra à celle de Hollande
commandée
le Vice- Amiral Schryver , pour
obferver une efcadre que le Roi de France a fait
affembler à Breft . Plufieurs vaiffeaux de guerre
ont ordre d'établir une croifiere dans les environs
de Cadix , fur l'avis qu'on y a reçû qu'il en devoit
fortir quelques bâtimens chargés pour la Vera
Crux & pour Buenos Ayres. Le Capitaine d'un
navire venu de la Barbade a rapporté qu'avant
fon départ de cette le on y avoit reçû la nouvelle
que la derniere flotte partie de France pour
la Martinique n'avoit pû être interceptée par
l'efcadre Angloife qui avoit attaqué- celle de M.
de l'Eftanduere. Il a ajouté qu'en conféquence
les Chefs d'efcadre Pocok & Digby Dent étoient
allés fe pofter , l'un à la hauteur de la Martinique ,
l'autre à la hauteur de Saint Domingue , afin d'attendre
cette flotte. On a appris qu'on travailloit
dans la premiere de ces deux Ifles avec une extrême
diligence à réparer les cinq vaiffeaux qui
étoient ci-devant fous les ordres de M. de la Bourdonnais
, & que cent cinquante bâtimens chargés
de fucre n'attendoient qu'une eſcorte pour paffer
en France. M. de la Bourdonnais a été transféré
à Londres du Fort de Pendennis , où on l'avoir
détenu depuis qu'il a été arrêté fur le bâtiment
Hollandois , à bord duquel il s'étoit , embarqué
pour revenir en Europe. La Compagnie de la mer
du Sud a fixé à deux pour cent le Dividend des
fix derniers mois de l'année 1747 , & elle a ordonné
d'en commencer le payement le 24 du
mois prochain. Le Comte de Traqhair , actuellement
prifonnier à la Tour fera jugé dans peu à
Westminster , de la même maniere que l'ont été
FEVRIER: 1748. 173'
les Lords Cromartie , Kilmarnock , Lovat &
Balmerino. Sa Majefté a accordé le pardon au
Lord Macklead fils aîné du Lord Cromartie , &
un délai à M. Ænée Macdonald ', qui devoit être
exécuté le 23 du mois dernier.
Les actions de la Compagnie de la mer du Sud
n'ont point de prix fixe ; celles de la Banque font
cent vingt ; celles de la Compagnie des Indes
Orientales à cent foixante , & les Annuités à quas
tre-vingt- quinze.
L
PROVINCES - UNIES.
Es nouvelles de la Haye du 26 Janvier portent
qu'il a été réfolu d'augmenter d'une Compa
gnie de Grenadiers & de deux Compagnies de Fu
filiers le Régiment des Gardes à pied. Le Roi Très-
Chrétien ayant refufé de confentir que les quarante
fix Régimens de troupes Hollandoifes qui !
font détenus prifonniers en France , fuffent échangés
ou rançonnés fur le pied du Cartel conclu à
Francfort entre la France & la Grande Bretagne
les Etats Généraux ſe font déterminés à réduire les
Officiers & les foldats de ces Corps à la demi
Raye.
On écrit de la Haye du y de ce mois que tous*
les Officiers dés troupes de la République ont ordre
d'avoir joint le zo de ce mois leurs Régimens.
Le Gouvernement déclarera dans peu les Généraux
qui doivent commander pendant la campagne
prochaine , & les Corps qui feront employés.
On a publié un décret par lequel le Confeil de
guerre ordonne de former foixante Compagnies
Bourgeoifes de cent hommes chacune , & de les '
exercer regulierement deux fois par femaine au
maniement des armes. M. Robberts a été nommớc.
Hij
174 MERCURE DE FRANCE.
2.
Colonel Commandant du Régiment des Gardes
Dragons. M.Heynders en a été fait Lieutenant Colonel
& M.Yffendick Major. Il vient d'être créé par
le Prince Stathouder une charge d'Examinateur des
projets de Finances , de laquelle il a diſpoſé en faveur
de M. Guillaume Kerffeboom , un des principaux
Commis de la Chambre des Comptes de la
Province de Hollande . Ce Prince a confirmé l'élec◄
tion des nouveaux Echevins de la ville d'Amfterdam
, qui font Meffieurs Jean- Baptifte Slicher ,
Jacob Van Stryen , Pierre- Bernard de Wilhelm ,
Gerard-Jacob Carffebcom , Kuyften Van Hoefen
, Henri Hooft Geritz & Henri Bickers. Il a
approuvé auffi le choix que la ville a fait de M.
Gautier Pierre Boudaan pour être leur Préfident ,
& de M. Antoine Warin pour remplir la Vice-
Préfidence. Le 8 les Députés des Etats de Gueldre
eurent audience de ce Prince , & ils lui remirent
le Diplôme , par lequel cette Province a reconnu
le Stathoudérat héréditaire dans les lignes.
mafculine & féminine de la Maiſon de Naffau
Dieft.Le Burgrave deLynden , Préfident né des Etats.
de la Province étoit à la tête de la députation . On
a figné le 2 de ce mois la convention par laquelle
Jes Etats Généraux prennent à leur folde un Corps.
de cinq mille hommes des troupes du Duc de
Brunswick Wolfenbuttel , & le Baron de Denicke
Miniftre de ce Prince lui dépêcha le même jour
un courier pour lui en porter la nouvelle. Les
Etats Généraux ont accepté la propofition que le
Margrave de Bade Dourlach leur à faite de lever
deux bataillons pour leur fervice. Le Comte de
Golowkin , Ambaffadeur Extraordinaire de l'Impératrice
de Ruffie , le Baron de Reifchach En--
voyé de la Reine de Hongrie , & le Général de
Debrofe , quitéfide à la Haye en la même qualité
FÉVRIER . 1748 . 175
lui & pour
les autres
de la part du Roi de la Grande Bretagne , one
eu les une conference , chacun en particulier ,
avec le Comte de Bentinck Préſident de l'affemblée
des Etats Généraux , Le 30 du mois dernier
Le Comte de Sandwich , Miniftre Plénipotentiaire
du Roi de la Grande Bretagne . reçût les Paffeports
de la Cour de France pour
Miniftres qui affifteront de la part des Alliés aux
conferences d'Aix -la -Chapelle . La charge de Se
cretaire du Confeil d'Etat ,
la démif vacante par
fion de M. Adrien Vander Hoop , a été donnée
par les Etats Généraux , fur la propofition du Prin
ce Stathouder , à M. Jean Hop Confeiller du Haut
Confeil de Hollande. Les Députés des Etats de
Hollande & de Weftfrife continuent leurs féances,
& ils difpoferont inceffamment de plufieurs emplois.
On prend des mefures pour mettre en mer
au printems prochain une efcadre de vingt vaiffeaux
de guerre , indépendamment
de ceux qui
feront deftinés à protéger la navigation des fujets
de la République.
Les Etats Généraux ont envoyé une députation
au Prince Stathouder pour demander d'être parains
du Prince ou de la Princeffe , dont la Prip
ceffe de Naffau doit accoucher , & ce Prince a
accepté avec plaifir cette propofition. La même
demande a été faite par les Etats de Hollande &
de Weftfrife , & il y a fait la même réponſe. Leur
députation étoit compofée de M. Adrien Vander
Duya Seigneur de s'Gravemoër pour la Nobleffe ,
& de M. Gillés Confeiller Penfionnaire de Hol
Jande qui porta la parole . Le 12 de ce mois les
Députés des Etats de Gueldre eurent leur audience
de congé du Prince Stathouder . Il arriva le g
de Mayence un courier par lequel ce Prince a reçu
des dépêches importantes du Comte de Warteus-
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
leben . Le Prince Stathouder a déclaré les Officiers
Généraux & les Régimens qui feront employés
la campagne prochaine . Le Comte'de Sandwich ,
Miniftre Plénipotentiaire du Roi de la Grande
Bretagne , a remis un Mémoire au Préfident de
cette affemblée . Ce Miniftre partira pour Aix- la-
Chapelle avec le Comte de Bentinck premier Plénipotentiaire
de la République au Congrès , &
avec le Comte de Chavanne qui doit affifter aux
conferences de la part du Roi de Sardaigne , auffitôt
qu'on apprendra que les Miniftres de France ,
d'Espagne , de Genes & de Modéne feront prêts à
s'y rendre. Les paffeports de la Cour de Vienne
pour ces derniers ont été envoyés par le Comte
de Sandwich au Marquis de Puyfieulx , Miniftre
& Secretaire d'Etat de Sa Majefté Très -Chrétienne
pour le département des affaires étrangeres , M.
Onno Zwier Van Haren , que les Etats Généraux
avoient chargé d'une commiffion auprès du Corps
Helvétique , eft de retour de Suiffe depuis le 9 .
On affûre que fa négociation a eu tout le fuccès
défiré , & que les Cantons de Berne , de Zurich .
de Bafle , de Schaffoufe , de Glaris & d'Appenzel ,
le font engagés à fournir à la République foixante
quatre Compagnies , chacune de deux cent hom
mes. Le bruit court auffi que les Etats Généraux
pourront prendre à leur folde quelques Régimens
des troupes du Duc de Saxe Weimar. M. Nicolas
Geelvinck de Caftricum , ancien Bourguemeftre
de la ville d'Amfterdam , prêta ferment le 8 à
l'affemblée des Etats Généraux . en qualité de
Confeiller, de l'Amirauté de la même ville . Le
Gouvernement a ordonné que le 13 du mois prochain
on fit des prieres publiques , & que l'on
obfervât un jeune folemnel pour implorer i'affil
tance divine dans la fituation critique où se trouve
A
FEVRIER. 1748.
177
la République. Les lettres de Weftphalie marquent
que le Comte de Kaunitz , Premier Minif
tre Plenipotentiaire de la Reine de Hongrie aux
conférences d'Aix -la-Chapelle , étoit arrivé le s
de ce mois à fon Château de Ritberg, Il fe propofoit
d'y paffer quelques jours & de fe rendre
enfuite à la Haye , à moins que des ordres de fat
Cour ne l'obligeaffent d'aller directement à Aixla-
Chapelle.
ITALIE..
Over les Princes de Buteta & de Palmie
Napprend par les nouvelles de Naples du gr
qui ont été députés par la Nobleffe du Royaume
de Sicile , pour complimenter leurs Majeftés furi
la naiffance du Duc de Calabre , & les Princes de
Lampedofa & de Scordia , nommés par le Sénat de
Palerme pour exécuter la même commiffion”, eu◄-
rent le 28 du mois dernier une audience du Roi ,
& qu'ils furent préfentés à la Majefté parle Duc de :
Caftropignano & par le Général des galéres . I
furent admis enfuite à l'audience de la Reine &
à celle du Duc de Calabre , & après avoir été
traités par les Officiers du Roi , ils furent conduits
par le Duc de Caftrapignano au Théatre de Saint
Charles ; ou on leur avoit préparé une loge &
où ils virent une repréſentation de l'Opéra. On a
frappé à l'occafion de la naiffance du Duc de Ca
labre un grand nombre de médailles d'or & d'argent
, fur lefquelles on voit d'un côté les buftes
de leurs Majeftés , & de l'autre la Force fous la
figure d'une femme affife qui appuye" fon bras
droit fur une colonne , & qut tient cette legende ,
Firmata Securitas. Dans l'exergue font ces mots" ?
Car: Amat. Philip . Pop. Spes , nat. ann. 17473 Le
HY
259
178 MERCURE DE FRANCE.
cérémonie du Baptême de ce Prince a été fixée au 20
Janvier.Le Duc deMedina Celi, Ambaffadeur Extraordinaire
du Roi d'Efpagne , continue de foutenir
fon caractére avec un extrême éclat ,& tous les jours
il y a chés lui plufieurs tables magnifiquement fervies.
Il eſt entré dans le Port de Melazzo en Sicile
un navire qui venoit de la Morée. Deux perfonnes
de l'équipage ayant été tranfportées à terre pour
fe faite traiter d'un mal dont elles étoient attaquées
, moururent fubitement . En même tems on
apprit que fix matelots du même bâtiment avoient
une fiévre violente avec de fréquentes convulfions.
Sur des indices fi fufpects on obligea ce navire de-
Legagner le large , & on lui fit donner la chaffe
par un vailleati. Quelques accidens arrivés depuis
dansMelazzo avoient fait craindre que le bâtiment :
dont il s'agit , n'y eût apporté la contagion , &
Pon avoit formé un cordon pour couper la communication.
L'inquiétude commence à diminuer
confidérablement , & l'on n'apprend point que la
mortalité ait eu des fuites.
L
De Genes le 6 Janvier.
Es cinq nouveaux Sénateurs fe rendirent les
premier de ce mois au Palais , & ils y prirent
poffeffion de leur dignité avec les formalités acsoûtumées.
Deux des galéres de la République
Curent ordre de partir le 28 du mois dernier , mais
dans le tems qu'elles fe difpofoient à mettre à la
voile elles reçûrent un contr'ordre. Le 4 au
foir elles fortirent fecrettement du Port , étant
chargées de troupes, & fuivies de plufieurs felou- .
ques. Ces bâtimens revinrent les au matin après..
avoir débarqué près de Varaggio les troupes qu'ils
FEVRIER 1748. 179
avoient à bord , & l'on vient d'apprendre que
nous avons furpris ce Pofte , dans lequel on a fait
plus de quatre cent prifonniers. La Ducheffe de
Maffa Carrera ayant montré de l'inquiétude de ce
que nous avons occupé le Château de Lavenza
le Duc de Richelieu a envoyé un Officier de dif
tinction à cette Princeffe , pour l'affûrer qu'on
n'avoit pris ce parti que pour empêcher les enne--
mis de s'établir dans ce pofte , & qn'on le lui rendroit
en beaucoup meilleur état qu'on ne l'avoit
trouvé. Quoique les Allemands affectent de pu
blier que la Cour de Vienne a envoyé des ordres
pofirifs au Comte de Browne d'attaquer la Côte
Orientale de cet Etat , on doute qu'ils s'y déterminent.
Il y a même apparence que fi le véritable
projet des ennemis étoit de faire le fiége de Sarzane
ou de la Spécie , ils tiendroient leur deffein plus
fecret , & Pon , foupçonne qu'ils tâchent d'attirer
de ce côté les principales forces de la République ,.
afin de pouvoir pénétrer plus facilement par quel
que autre endroit. Au refte , comme il eft de las
prudence d'être prêt à tout évenement , on ne né
glige rien pour mettre la riviere de Levant à cou→→
vert de furprife. On y a fait paffer trois bataillons,
tant François & Elpagnols que Génois , & l'on a
envoyé encore de l'artillerie avec beaucoup de
munitions de guerre à Chiavari & à Seftri.
De Savone le 10.
Es de ce mois quelques heures avant le jour .
deux galéres & dix felouques Génoifes dé--
barquerent à une petite diftance de Varaggio
trente piquets des troupes Françoifes qui font danss
L'Etat de Génes . Il s'avança en même tems par
terre un autre détachement des mêmes troupes
Hvje
180 MERCURE DE FRANCE
de celles d'Efpagne & des milices de la Républi
que. Ces deux Corps ayant marché chacun par
une route differente , fe réunirent dans les envis
rons de Varaggio & attaquerent ce pofte . Six cent
hommes qui le gardoient s'y défendirent avec
beaucoup de valeur , mais n'ayant aucune efpe
rance de retraite , & ayant perdu déja plus de cent
quatre-vingt hommes , ils fe déterminerent à le
rendre prifonniers de guerre. Les ennemis de
meurerent à Varaggio jufqu'à deux heures aprèsmidi,
que fur l'avis des mouvemens d'un Corps de
nos troupes , lequel devoit être fecondé par deux
aiffeaux Anglois fortis du Port de Vado , ils repri
rent la route de Génes où ils conduisirent quatre
cent neuf prifonniers . Les troupes qu'on avoit
détachées pour recouvrer le pofte de Varaggio &
que commandoit le Comte d'Arignano , n'y arri
verent qu'après le départ des ennemis. Le Comte
d'Arignano ne jugea pas à propos de les pourſui
vre , & il fe contenta de garnir de milices quel
ques-uns des poftes en avant de Varaggio. Depuis
on a fait occuper par des troupes reglées une Caffine
, d'où l'on fera à portée de foutenir ces milices.
Dix Compagnies qui étoient dans l'Abbaye
de Tiglietto , ont abandonné ce pofte à l'approche
de deux bataillons des troupes Françoifes
& Efpagnoles , & le font retirées du côté de Pont
2002.
DE NICE le 17:
Naffaireque le Marquis de Mirepoix fe pro...
pofe de transferer le quartier général à Men
ton , afin d'être plus à portée des poftes avancés.
Ce Lieutenant Général a donné ordre d'augmen
* ter-les retranchemens que les François ont com
FEVRIER 180
#
1748.
ruits près de Sofpello , & il fait reparer le che
min de Sofpello à Penna , afin que nos convois
évitent de paffer par le Col de Brois , dans lequel
ils font fréquemment incommodés par les troupes
du Roi de Sardaigne. Le Marquis de Pourpris
qui commande à Sofpello , s'eft rendu ici pour
conferer avec le Marquis de Mirepoix. Les enne
mis font de tems en tems des mouvemens dans le
deffein de forprendre quelques-uns de nos poftes
mais les mefures font fibien prifes qu'on ne craint
pas qu'ils y réuffiffent. Suivant les avis reçus de
Turin le Colonel Rivarola & le Docteur Giuliani;
qui y étoient venus folliciter des fecours pour les
Rebelles de Corfe , font partis pour retourner
dans cette Ifle . Ils n'ont pu obtenir du Roi de
Sardaigne que trois cent hommes , mais ce Prince
a promis de les faire feconder par deux vaiffeaux
de guerre Anglois & par quelques armateurs. On
apprend d'Italie que la Reine de Hongrie paroît
avoir formé le projet de réunir au Milanez tous les
Fiefs de la Lunegiane , fous prétexte qu'autrefois-
Empereur Vinceflas en a donné l'Inveftiture
Jean Galeas Duc de Milan,
DE GENES le 20.
Epuis les premiers avis qu'on eut les de ce
mois du fuccès de l'attaque de Varaggio ;
on a été informé du détail de cette expédition
dont voici les principales particularités. Les trou
pes deftinées pour furprendre ce poſte , étant dé .
barquées le 4 avant minuit fur une plage voifine
le Marquis de Roquepine qui commandoit ces
troupes , fit occuper fur le champ les hauteurs du
chemin de Savone. Il fe porta enfuite avec une
partie de fon, détachement à une petite distance
i
182 MERCURE DE FRANCE.
de Varaggio , & après avoir enlevé quelques
poftes , il fe tint en bataille pour attendre les
troupes qui devoient le venir joindre par terre
fous les ordres du Comte de Carcado . Elles arriverent
à trois heures du matin , & le Marquis de
Roquepine voyant à la pointe du jour qu'elles
avoient invefti le bourg du côté d'Arenzano , il
marcha à une porte qui donne fur la Plage. Une
Compagnie de Grenadiers ayant abattu cette
porte à coups de hache , on fe difpofoit à entrer
dans le bourg , lorfque le Commandant Piémon
tois fir battre la chamade. On eft convenu par la
capitulation que lá garnifon , confiftant en douze
Officiers & quatre cent neuf foldats , feroit prifon
niere de guerre , & les Officiers ont eu la permif
fon de garder leurs épées & leurs équipages. Les
François ont perdu en cette occafion un Capitainedu
Régiment de Bergue & deux foldats , & ils
n'ont eu que feize hommes de bleffés . Le Mar
quis de Roquepine , après avoir fait enlever les
portes de Váraggio revint le même jour à Voltti
emmenant avec lui fes prifonniers . Il a abandonné :
àfes troupes tout le bétail dont elles fe font emparées.
Un feloucon Génois a pris dans les environs
de Portofino, une barque chargée de trois mille
facs de bled , & une tartane fur laquelle il y avoit
du fouffre & d'autres marchandifes . La premiere
de ces deux prifes , dont la deftination étoit pour
Savone a été déclarée légitime , mais le Gouver
nement n'a pas encore prononcé fur la validité de
la feconde. Le Duc de Richelieu a fait acheter
le fervice des
pour troupes
deux chabecs Catalans
qu'on arme avec toute la diligence poffible , & qui
porteront pavillon de France. Aucun des vaif
feaux de guerre Anglois n'a paru cette femaine à
la hauteur de çe Port ; on foupçonne qu'ils fe pré
将
FEVRIER. 1748. 183
tée
parent à feconder par mer une entrepriſe concer
par les Cours de Vienne & de Turin. Il arriva
hier à bord d'une barque cent cinquante hommes ,
du Régiment de Flandres. On mande d'Ovada
qu'il y regne parmi les troupes de la Reine de
Hongrie une maladie épidémique , dont il eſt morts
jufqu'à cent foldats en un jour.
U
DE SAVONE le 17:
N Corps confidérable de troupes Françoiles
s'étant avancé de nouveau du côté de Varage
gio , tous les poftes que nous avions en avant fe
font replies & le Comte d'Arignano , qui commandoit
dans Varaggio , n'ayant pas jugé qu'il
fût poffible de défendre ce pofte , a pris le parti de
P'abandonner. Les ennemis l'ont occupé peu après .
qu'il en eftforti , mais ils ne s'y font point établis,
Ez après avoir détruit les murailles qui fermoient
la partie de ce Bourg , voisine de la mer , ils font
retournés dans leurs quartiers. Le pofte de Varag
gio étant actuellement tout ouvert , on n'a pas cr
devoir y faire rentrer des troupes & l'on s'eft contenté
de renforcer les poftes des environs. On a *
fait marcher en même-tems pour les foutenir un
détachement de Grenadiers & quelques Piquets.
L'équipage d'un bâtiment venu de Sardaigne a
rapporté que la tartane Françoife le Saint Antoine
chargée de foye , de toiles & de rubarbe , avoit
été prife aux Bouches de Saint Boniface & condui
te à Livourne par la polaque Angloiſe le Saint Jeans
Baptifte. Il defcend le long du Po un grand nom
bre de barques , & on les croit destinées à former
un pont près de Cremone , afin de rendre la com
munication plus facile entre les troupes qui font
cantonnées fur les deux bords de cette riviere
.
184 MERCURE DE FRANCE.
L
DE TURIN le´20%
E Roi a difpofé du commandement de Noa
vare en faveur du Baron de Chabeau , & fa
Majeſté a donné le Régiment de Savoye au Comte
d'Entremont , & le Régiment de Tarantaife au
Comte Nangi. Suivant les avis reçus de Breglio
quatre cent hommes de la garnifon de Vintimille
attaquerent le 14 de ce mois à l'imptoviſte notre
pofté avancé du Convent de Saint Auguftin . Les
troupes qui le défendoient donnerent par leur vi
goureuſe réfiftance le tems à quelques Compa- ·
gnies de Grénadiers d'aller à leur fecours , & les .
ennemis fe déterminerent à la retraite. Ils ont eu
quinze hommes de tués & on leur a fait trente pris
fonniers ; notre perte a été moins confidérable par
rapport au nombre , mais nous avons eu cinq Of
ficiers bleffés dangereufement. Quelques- uns de
nos Miliciens prirent ces jours derniers dans le Col
de Braun un Officier François & fon équipage. En
revenant ils rencontrerent quatre foldats François
qu'ils firent aufft prifonniers , mais un de ces der
niers s'étant échappé , alla donner l'allarnre aux
Corps de Garde ennemis , d'où il accourut auffi-tôt
des troupes qui contraignirent les Piémontois de
prendre la faite & d'abandonner leur capture. Le
Chevalier de Coftiglione ayant paffé la Roya à la p
tête de quelques volontaires , a été enlevé par un
Parri François. Des Commiffaires ont été nommés
pour travailler à l'échange des prifonniers refpec
tifs, & le bruit court que les quatre Nobles Génois
qui font en ôtage à Milan; pourroient êtrerelâchés,
On a reçû la trifte nouvelle que PArſenal de Port
Mahon avoit été entierement réduit en cendres, &
qu'on n'avoit pu rien fauver du grand amas de
musitions de guerre que les Anglois y avoient
fait depuis quelque tems.
FEVRIER. 1748. 135:
DE GENES le 27.
Ans le cours de cette femaine il eft débarqué
le
mille hommes de troupes Françoifes & Efpagnoles
, parmi lesquels font deux cent Grenadiers
Royaux. On attend encore un autre renfort de
fept ou huit bataillons , & avec ce ſecours on aura
peu d'inquiétude fur les entrepriſes que pourroient
former les ennemis. Le 24 de ce mois au foir le
Marquis de Dolce Acqua , Lieutenant.Colonel au
fervice du Roi de Sardaigne , ſe rendit en cette
ville pour avoir une conférence avec le Duc de
Richelieu , qui dès qu'il fut averti que cet Officier
étoit au Corps de Garde de la Porte de S. Thomas,
l'envoya chercher avec plufieurs flambeaux , On
croit que l'objet du voyage de ce Marquis eft l'échange
des prifonniers refpectifs , & en effet dixhuit
des Officiers Génois qui étoient retenus à Mons
dovi , ont été remis en liberté. Il eft furvenu quel
ques difficultés au fujet de l'un des chabecs Cata
lans , achetés depuis peu par le Duc de Richelieu,
le Commiffaire d'Efpagne ayant prétendu que le
Patron de ce bâtiment n'avoit pas droit de vendre
fon navire. Cette affaire a été accommodée par
l'entremise du Marquis d'Ahumada , & l'on eft
convenu que le chabec , avant que d'être employé
à l'afage auquel le Duc de Richelieu le deftine ,
tranfporteroit à Villefranche quelques Efpagnols.
malades qu'il avoit à bord. Le Doge devant propo
fer au commencemnt de chaque année fept Bourgeois
notables de cette ville & trois des principaux
habitans des deux Rivieres pour être infcrits
mi les Nobles du Livre d'Or , on a résolu de
déferer cet honneur qu'à des perfonnes qui fe
foient diftinguées par leur zéle pour la défenſe der
par
ne
T86 MERCURE DE FRANCE.
Ja Patrie , & afin de récompenfer leurs fervices , on
les difpenfera de payer la fomme que par les Loix
elles font obligées de fournir au Gouvernement .
04
L
DE PARME le 23.
I défile continuellement par le Mantouan des
"mens des troupes de la Reine de Hongrie qui font
en Lombardie. Le Comte de Browne , après être
allé faire un voyage à Mantoue , a repaffé ici en
retournant à Milan . On a appris que les troupes
auxiliaires fournies par la France & par l'Espagne
à la République de Génes , faifoient de fréquens
mouvemens le long de la Riviere du Levant , &
que le Duc de Richelieu avoit affemblé près de
fept mille hommes du côté de la Spécie. Sur cette
nouvelle on a fait avancer quelques Régimens de
Parmée de fa Majefté Hongroife dans les environs
de Fornovo , afin de pouvoir foutenir ce pofte , ou
Pon établit des magafins confidérables . Le Com
mandant des troupes Françoifes , aufquelles le
Gouvernement Génois a diftribué des quartiers de
cantonnement für la frontiere voifine de la Tof
cane , a fait fommer la garnifon d'Aulla de décla
rer fi elle tenoit cette fortereffe pour la Reine de
Hongrie ou pour le Grand-Duc.
DE TURIN le 28.
ON affire que le Commandeur Solar , ci-dece
, doit fe rendre à Rome en qualité d'Ambaffadeur
de la Religion de Malte auprès du Saint Siége.
Le Marquis de Cirié eft parti ces jours deriers
pour aller à Génes exécuter une commiffion
FEVRIER . 1748 . 187
du Roi.Suivant les derniers avis reçûs du Royaume
de Sardaigne M. Raulo Coftanzo Faletti , Árchevêque
de Cagliari , y eft mort le premier de ce
mois , & ce Prélat eft univerſellement regret
té. Les mêmes lettres marquent qu'un grand nom
bre de bandits étant defcendu des montagnes, dans
Pintention de piller le plat pays , le Viceroi de
P'Ille avoit fait. marcher contre eux un Corps de
troupes reglées , à l'approche duquel ils s'étoient
retirés avec précipitation. Afin de prévenir toute
furpriſe de la part de ces brigands , on a garni de
troupes plufieurs poftes & on a pris toutes les au→
tres mesures convenables pour calmer les allarmes
que cet évenement imprévu avoit cauſées aux habitans
. Une tartane Françoiſe qui faifoit voile pour
Génes , ayant été obligée par le mauvais tems de
relâcher à Celle , & les Matelots ayant quitté leur
bord dans la perfuafion qu'ils n'avoient rien à
craindre en cet endroit , M. M. Bo & Pernicotti ,
qui commandoient deux détachemens du côté de
Savone , ont fait ces matelots prifonniers & fe font
emparés du bâtiment ennemi. Ce navire étoit.
chargé de vin de Champagne , de Bourgogne &
de Malaga. On mande de Breglio que la nuit du
20 au 21 de ce mois un détachement des troupes
Françoiſes avoit attaqué le pofte d'Ayroles , &
que les cinquante hommes qui gardoient ce pofteavoient
été dans la néceffité , après s'être défendus
pendant quelque tems , de fe rendre à difcretion.
DE FLORENCE le premier Février..
N détachement des troupes Françoifes ayant
Unit te courtefur la frontiere de la Tofcane,
la Régence a dépêché un courier au Grand Duc
pour Pen informer. Les habitans de Pontremoli 1
189 MERCURE DE FRANCE.
ont pris les armes en cette occafion & ceux de
p'ufieurs bourgs voifins fe difpofent à fuivre cet,
exemple. Suivant les avis reçûs de l'armée con
mandée par le Comte de Browne , elle fe mettra
en marche le 15 de ce mois pour exécuter la nouvelle
entrepriſe projettée contre l'Etat de Génes
& ce Général fait tranfporter pour cet effet à Novi
une grande quantité de munitions de guerre . Il
établit auffi des magafins très- confidérables à
Borgo Taro & à Sacca. Quelques Régimens des
troupes de la Reine de Hongrie ont déja commencé
à défiler vers le Fort d'Aulla , & on a renforcé
les poftes les plus expofés aux infultes des Génois ,
On a conduit de Pavie par ordre du Comte de
Browne vingt- fix piéces de canon à Novi & douze
à Parme. Les deux ponts que ce Général a ordonné
de conftruire fur le Po feront achevés inceffamment.
Il a été réfolu de démolir le Château de
Parme , & l'on travaille avec diligence aux mines.
deftinées à en faire fauter les fortifications , On
mande de Livourne que huit vaiffeaux de guerre
doivent paffer en Corfe avec huit bataillons de
troupes réglées , afin de tâcher de fouftraire entie
rement cette lle de la domination de la Républi
que de Génes.
DE GENES le 3:
LE.Duc de Richelieu a envoyéun Officierà la
Régence du Grand Duché de Toſcane , avec
ordre d'expofer les motifs qui ont donné lieu à la
courfe faite par un détachement des troupes Fransoifes
du côté de Pontremoli , où ce détachement
a pillé quelques maifons & enlevé un grand nombre
de beftiaux. Il y a actuellement à Génes feize
maille hommes de troupes , indépendamment des
FEVRIER. 1748. 189
Païfans dont on forme des Compagnies , chacune
de cinquante Fufiliers,aufquelson donnera dix fols
de paye par jour. On a fait marcher quelques bataillons
vers la côte Orientale de cet Etat , qui pa
roît être le principal objet de l'expédition à laquel
le les ennemis fe préparent. Les prifonniers de
guerre que le Marquis de Roquepine avoit faits à
Arenzano, ont été échangés. On affûre que le Roi
de France a promis de continuer pendant toute
cette année de fubfide qu'il fournit à la Républi
qua
La Ducheffe d'Evoli eft morte en cette ville ;
dont elle faifoit depuis long- tems l'édification par
fa vie exemplaire & par fon empreffement à fecourir
les malheureux. On a appris que le neveu
du Doge étoit mort à Avignon ; il étoit l'unique
héritier mâle de tous les biens de la Maifon de
Brignole.
DE TURIN , le 4
Svillede Final en faveur du Chevalier Birago de
A Majefté a difpofé du commandement de la
Viſche , Lieutenant Colonel du Régiment de Cavalerie
de Savoye , auquel elle a accordé en même
tems un Brévet de Colonel . Le Comte Doria de
Dufino , Major du Régiment de Cavalerie de Piémont
, a été nommé Commandant du Château &
Major de la ville de Novare, On croit la Majori
té de la premiere de ces deux Places deftinée au
Chevalier Rovero de Montharon , Major du Régiment
de Montferrat . Le Marquis de Cirié eft de
retour de Génes , où il étoit allé exécuter une commiffion
de la part du Roi , & l'on dit qu'il le rendra
inceffamment à Milan . Le Baron de Leutrum
a mandé à fa Majesté que les ennemis s'étap
1
190 MERCURE DE FRANCE.
tirés d'Ayroles , dont ils s'étoient rendus maîtres
le 21 du mois dernier , il avoit fait occuper de
nouveau ce pofte par quelques Compagnies de
Grenadiers , que d'autres troupes étoient à portée
de foûtenir. Comme la garnifon du Château de
Vintimille ne celle d'incommoder par de fréquentes
canonades nos poftes avancés , ce Général
fait établir plufieurs batteries pour tâcher de faire
taire le feu de cette Fortereffe.
C
DE BREGLIO le 2.
Es jours derniers , la plus grande partie des
troupes Françoifes qui étoient à Sofpello &
dans les environs , fe mit en marche fur quatre colonnes
, dont une vint camper fur les hauteurs du
Col de Gigno , qui font à la droite de cette ville.
Une autre s'empara du pofte de Pietra Acuta , où
elle fit quelques prifonniers. La troifiéme ayart
pris par la gauche , inveftit cette ville depuis la
porte de Nice jufqu'à celle de Turin . Ces difpofitions
faites , & les trois premieres colonnes ayant
ordre de ne point tirer , la quatrième , compofée
de deux cent Miquelets, fe porta par le chemin de
Saorgio jufqu'à Rivo Secco , qu'elle tourna com→
me pour marquer le Château & pour empêcher
que le Commandant de Saorgio ne nous fournit
du fecours. Lorfque le jour parut elle changea de
pofition fans qu'on pût pénetrer fon deffein , &
elle nous laiffa la communication libre avec Saorgio:
L'Officier qui y commande , profita de cette
circonstance pour faire avancer quelques détachemens
de volontaires. Ces détachemens furent fuivis
d'un autre de Grénadiers , aux ordres du Chevalier
de Roffi , & un autre Corps gagna les hauteurs
de la gauche . Les ennemis , auffi-tôt qu'ils
FEVRIER. 1748. 191
découvrirent ces mouvemens , fe replierent fur les
hauteurs fituées vis- à-vis de la porte de Nice & fe
Contenterent d'enlever un poffe , dans lequel ils
firent quinze priſonniers,
A MADAME DE ***
Sur fon Mariage.
LE
lendemain du grand jour
Qu'hymen avoit fait éclore
Pour le bonheur de l'amour ,
Que la toilette de flore
Fut une brillante Cour!
Les Mufes avec les Graces
S'étant difputé les places ,
&
Toutes d'un commun accord ,
A leur éleve applaudirent.
Les Graces parlant d'abord ,
Déeffes , qui fe faifirent
De Flore dès fon berceau ;
Les neuf Soeurs qui l'inftruifirent
Suivant l'ordre du tableau.
Cette troupe étoit fuivie
De beautés dans leur printems ;
Qui cachoient un peu d'envie
Sous des viſages contens.
192 MERCURE DE FRANCE.
Que faifoit Flore ? Fixée
Sur l'objet de tous les voeux,
Qui près ou loin de les yeux
Occupe feul fa penſée ,
'A ces hommages pompeux
Sembloit-elle intereffée ?
Non , mais prefque embarraffée.
La foule alloit s'écouler ;
Quand Minerve ouvrant la nue
Qui fervoit à la voiler ,
Tout à coup fut reconnuë.
Qui peut ici l'appeller ?
Vous , dit- elle , chere Flore ,
Belle & plus modefte encore ;
Triomphez , vous raffemblez
Les talens de mes fujettes ,
Mais entre les plus parfaites
En un point vous excellez ,
C'estl'ignorance où vous êtes
De tout ce que vous valėz.
Par M. Roy , Chevalier de l'Ordre de
Saint Michel
FRANCE ,
FEVRIER. 1748. .193
L
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
pre- E Roi & la Reine revinrent le
mier de ce mois du Château de Marly.
Le 2 Fête de la Purification de la Sainte
Vierge , les Chevaliers , Commandeurs &
Officiers de l'Ordre du S. Efprit s'étant affemblés
dans le Cabinet du Roi vers les
onze heures du matin , le Duc de Luynes,
le Marquis de la Tour Maubourg, le Comte
de Bulkley , le Comte de Segur & le
Marquis de Puyfieulx , nommés Chevaliers
dans le Chapitre tenu le premier du mois
de Janvier de cette année furent reçûs par
S. M. Chevaliers de l'Ordre de S. Michel.
Le Roi fe rendit enfuite à la Chapelle ,
étant précedé de Monfeigneur le Dauphin,
du Duc de Chartres , du Comte de Cler--
mont , du Prince de Conty , dų Prince de
Dombes , du Comte d'Eu , du Duc de Penthiévre
, & des Chevaliers, Commandeurs
& Officiers de l'Ordre. Le Duc de Luynes ,
le Marquis de la Tour Maubourg, le Comte
de Bulkley, le Comte de Segur & le Marquis
de Puyfieulx , en habits de Novices ,
marchoient entre les Chevaliers & les Of
I
194. MERCURE DE FRANCE.
ficiers. S. M. après avoir affifté à la Bénédiction
des Cierges & à la Proceffion qui
fe fit dans la cour du Château , entendit la
grande Meffe , celébrée pontificalement
par l'Archevêque de Rouen , Prélat Commandeur
de l'Ordre. Lorfque la Meſſe fut
finie , le Roi monta à fon Trône , où S. M.
reçût les nouveaux Chevaliers avec les
cérémonies accoûtumées . Le Duc de Luynes
& le Marquis de la Tour Maubourg
eurent pour pareins le Maréchal Duc de
Belle-Ifle & le Maréchal Duc de Coigny.
Le Comte de Clermont Tonnerre & le
Marquis de Clermont Gallerande le furent
du Comte de Bulkley , du Comte de Segur
& du Marquis de Puyfieulx. Les nouveaux
Chevaliers ayant pris leurs places , le Roi
retourna à fon appartement, & y fut reconduit
dans l'ordre obfervé en allant à la
Chapelle .
a
La Reine , Madame la Dauphine & Mefdames
de France entendirent la Mefle dans
la Tribune
L'après midi le Roi & la Reine , accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin , de
Madame la Dauphine & de Mefdames de
France , affifterent à la Prédication du Pere
Tainturier de la Compagnie de Jefus
& enfuite aux Vêpres qui furent chantées
par la Mufique.
FEVRIER. 1748. 195
Le Marquis de Marignane , Lieutenant
Général des armées du Roi , & Sous - Lieutenant
de la Compagnie des Chevau- Legers
de la Garde de S. M. á été nommé
Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis à la place de feu M. de
Villars.
Le Roi a accordé le Régiment de Cavae
, vacant par la Promotion du Marquis
de Beaucayre au grade de Maréchal de
Camp , au Chevalier de Marcieu , Colonel
du Régiment d'Infanterie des Landes ;
ée dernier Régiment au Comte de Poly
S. Thiebaud , Čapitaine dans le Régiment
de Cuiraffiers ; le Régiment de Cavalerie ,
dont le Comte d'Heudicourt a donné fa
démiffion , au Comte de Lenoncourt, Capitaine
dans le même Régiment ; celui qui
vacquoit par la nomination du Marquis de
Barbanfon au grade de Maréchal de Camp,
au Marquis de Mouftiers , Capitaine dans
le Régiment de Cavalerie de Bourbon , &
celui dont le feu Comte de Fiennes étoit
Meſtre de Camp , à M. de Dampierre, Major
du Régiment de Cavalerie de Noailles.
S. M. a difpofé des Guidons qui vacquoient
dans la Gendarmerie , en faveur
du Comte de Spada , Capitaine dans le
Régiment des Gardes de Lorraine; du Marquis
de Simrane , Capitaine dans le Régi-
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
ment de Cavalerie de la Rochefoucault ;^
du Comte de Chaftenay , Capitaine dans
le Régiment de Cavalerie de la Reine ; du
Marquis de Murinais , Capitaine dans le
Régiment de Cavalerie de Maugiron , &
du Marquis de Canifi , Page du Roi en la
Grande Ecurie.
Le premier de ce mois M. Cochet , Recteur
de l'Univerfité , fe rendit à Marly ,
étant accompagné des Doyens des Facultés
& des Procureurs des Nations , & fuivant
P'ufage il eut l'honneur de préfenter un
Cierge au Roi, à la Reine & à Monfeigneur
le Dauphin .
Le même jour le Pere Olive , Vicaire Gé
néral des Religieux de la Mercy , accompagné
de trois Religieux de leur Convent,
du Marais , eut l'honneur de préfenter un
Cierge à la Reine , pour fatisfaire à l'une
des conditions de leur établiſſement.
Le 12 leurs Majeftés entendirent dans la
Chapelle du Château la Meffe de Requiem,
pendant laquelle le De profundis fut chanté
par la Mufique pour l'Anniverfaire de
Madame la Dauphine , Mere du Roi.
On apperçût le 10 fur le vifage de Madame
Adelaide des rougeurs qui dans l'après
midi prirent le caractére de la petite
vérole volante . Cette Princeffe fut faignée
du pied le même jour à huit heures du foir,
FEVRIE R. 1748 . 197
探
& comme la maladie n'a été accompagnée
d'aucun accident , il n'a pas été néceffaire
d'employer d'autres remedes. Madame
Adelaïde s'eft levée le 15 , & fa fanté eft
parfaitement rétablie.
Le 6 le Prince de Turenne prêta ferment
de fidélité entre les mains de S. M. pour la
Survivance de la charge de Grand Chambellan
de France.
Le Comte d'Eftrées l'a prêté le 11 pour
le Gouvernement du Pays d'Aunis.
Le 17 leurs Majeftés entendirent dans
la Chapelle du Château la Meffe de Requiem,
pendant laquelle le De profundis fur
chanté par la Mufique pour l'Anniverfaire
de Monfeigneur le Dauphin , Pere du Roi .
Le Roi a accordé le Gouvernement de
Huningue , vacant par la mort du Marquis
de Guerchy , au Comte de Guerchy , fon
fils , Maréchal de Camp , Colonel du Régiment
d'Infanterie de S. M.
Le Guidon que la mort du Marquis de
Maulevrier faifoit vacquer daarquis de
la Gendarmerie
, a été donné par le Roi à M. d'Egre
ville , Cornette dans le Régiment de Cavalerie
du Rumain.
Le Roi a nommé le Comte de Saint Severin
d'Arragon , pour affifter en qualité
de Miniftre Plénipotentiaire de S. M. aux
conférences qui doivent fe tenir à Aix- la-
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
Chapelle , pour travailler au rétabliſſement
de la Paix.
De Bruxelles le 12 Février.
1
On a fait marcher du côté de Malines
quelques-unes des troupes qui ont leurs
quartiers à Aloft , à Dendermonde , & dans
les Places voisines. Il a paffé le 30 du mois.
dernier par cette ville un convoi de fourage
, efcorté de plufieurs Compagnies de
Grenadiers, qui étoit deftiné pour Namur,
où il eft arrivé fans avoir été inquiété par
les ennemis. On a reçû avis de cette der
niere Place , que M. Kennelly , Capitainedans
le Régiment de Lowendalh , étant
allé à la découverte , avoit enlevé une grande
quantité de chemiſes & de chapeaux &
neuf mille paires de fouliers que des Huffards
des troupes de la Reine de Hongrie
conduifoient à Luxembourg. Un détachement
du Régiment de la Morliere a fait
prifonniers quarante-fix Huffards qui occupoient
le poſte de Vrehin . Il y a eu
une efcarmouche très - vive , entre quelques
Dragons des troupes du Roi & un Parti des
troupes Légeres de l'armée des Alliés .
De Bruxelles le 17.
Plufieurs Régimens font attendus ici de
Flandres, du Hainaut & des Provinces volFEVRIER
. 1748. 199
"
fines. Ces troupes cantonneront dans les
environs de cette ville , jufqu'à ce qu'elles
reçoivent ordre de fe rendre à deur deſtination.
On répare les ponts & les digues
pour le paffage de la groffe artillerie , &
on a reçû avis de Namur qu'on avoit déja
commencé à embarquer celle qu'on y a
affemblée. Il y eut le 4 une efcarmouche
fort vive entre un Parti des troupes du Roi:
& un détachement ennemi , dont quaran
re-fix hommes ont été faits prifonniers &
conduits à Louvain. Les Huffards de l'armée,
des Alliés ayant fait depuis peu quelques
nouvelles courfes fur les frontiéres
du Brabant , on a fait marcher plufieurspiquets
pour leur donner la chaffe , On fit .
partir le 9 un Conyoi confidérable de munitions
de guerre pour Anvers , d'où l'on
mande que le Maréchal de Lowendall
vifité fucceffivement divers poftes & qu'il
fe propofoit de faire un voyage à Bergopfoom.
Depuis quelques jours le Duc de
Broglie eft parti pour Paris , & le Comte
de Bentem en eft de retour. Le Baron de
Sottelet a obtenu des Patentes d'Infpecteur
Général des Domaines de Sa Majeſté
dans le Brabant. On compte que le Marquis
d'Herzelles , qui en exerçoit les fonc
tions fous le précédent Gouvernement , ira
joindre inceffamment le Feldt - Maréchal
Comte de Bathiany . I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
RELATION de la Fête donnée par M.
Le Comte de Montaigu , Ambaffadeur de
France à Vénife le fept Décembre
1747, pour le Mariage de Monfeigneur le
Dauphin.
L
›
E à fix heures du foir le Nonce ,
7
l'Ambaffadeur & l'Ambaſſadrice d'Efpagne
, avec tout ce qu'il y avoit de gens
de confidération dans Vénife qui pouvoient
venir chés l'Ambaffadeur ainfi
que les Etrangers qui y étoient , fe rendirent
au palais de l'Ambaffadeur , illuminé
de cinq cent bougies , & le dehors
de flambeaux de cire blanche. Tout
le Canal Régio , fur lequel eft bâti fon
Palais , l'étoit de torches à la façon du
païs . Quatre cent boëtes furent tirées
quand toute la Compagnie fut arrivée ;
des quatre coins d'un édifice repréfentant
le Temple de l'Hymen , bâti vis-à- vis le
Palais , furent tirées quatre cent fufées ;
l'illumination de la machine commença
enfuite & a duré toute la nuit , ainfi que
la fymphonie qui étoit dans la machine ,
compofée de trente inftrumens ; l'affluence
du peuple fur les deux quais du Canal Ré
gio étoit prodigieufe, ainfi que la quantité
18
FEVRIER ; 1748. 201
de gondoles fur le même Canal , remplies
de Nobles ; la diftribution du pain & du
vin au peuple lui fit donner beaucoup de
marques de réjouiffances pour l'objet de
cette Fête par des cris de vive le Roi de
France & Monfeigneur le Dauphin , & des
danfes . A huit heures commença dans l'appartement
de l'Ambaffadeur un Concert
des meilleures voix & des meilleurs inftrumens
du païs , qui dura jufqu'à minuit
après lequel commença un bal qui a duré
jufqu'au jour. Depuis huit heures du foir
jufqu'à la fin du bal il s'eft diftribué d'henre
en heure des rafraîchiffemens de toute
efpece , en glace , caffé , chocolat & confi
tures feches , tant dans le dedans du Palais
qu'à toutes les gondoles qui étoient fur le
Canal Régio, qui y étoient portés par deux
gondoles de l'Ambaffadeur.
"
Le 31 Janvier Meffieurs les Penfionnaires
étrangers de l'Académie de M. de Laguériniere
, tenue à Caën , Capitale de Baffe
Normandie , donnerent une Fête fuperbe
à la Nobleffe de la Ville ; tout fe paffa
avec un arrangement & une politeffe qui
firent voir le goût qui regne dans cette
maifon ; cette Académie eft remplie d'une
très-brillante Nobleffe .
1 .
202 MERGURE DE FRANCE.
Devifes
é pour les
pour les Jettons du premier Janvier
1748 .
Trefor Royal.
E fleuve du Nil dont les eaux fe répandent fur
les terres & y nortent l'abondance : Legende,
Servato foedere femper . Exergue , Tréfor Royal.
1748.
}
Parties Cafuelles.
Une Citerne qui reçoit des eaux de pluye tome .
bant fur divers bâtimens , & qui forme un réſer- .
voir. & une fontaine : Legende , Cafu collecta refundit.
Exergue , Parties Cafuelles 1748.
Maifon de la Reine.,
Une Caffolette fumante fur une table à l'antique
: Legende , Imis & fummis grata. Exergue ,
Maifon de la Reine 1748.
Maifon de Madame la Dauphine.
Deux jeunes palmiers penchés l'un, vers l'autre ::
Legende , Faufto foedere juncti. Exergue , Maifon
de Madame la Dauphine 1748 ..
Chambre aux Deniers.
Un beau jardin à la porte duquel il y a un Dieu
Terme Legende , Cuftodit non carpit. Exergue ,
Chambre aux Deniers 1748
Extraordinaire des Guerres.
Un torrent qui après avoir renversé une digue
inonde des campagnes : Legende , Oppofitas epicit
moles . Exergue , Extraordinaire des Guerres
1748.
Ordinaire des Guerres..
Plufieurs foudres en l'air qui fe dirigent vers
differens côtés. Legende. Quo juffa & timentur.
Exergue , Ordinaire des Guerres 1748.
ELTONS DE L'ANNEE 1748
FOEDERE
II
COLLECTA
SERVATO
REFUND
IV
PART CASTELLES
1748
TIM
AX.
SEMPER
TRESOR ROYAL
1748
REX
LUD
NTCUR
VIL
ORDINAIRE DES
GUERRES
1748 .
MOTURA
VI
TONITRUA
IMI
ARTILLERTE
1748
SUMMIS
ET
CUSTODIT
CHRISTIANISS
NON
CARPI
CHAMBAE AUX
DENIERS
3748
OPPOSITAS
V
EVICIT
MOLES
BATIMENS DU ROY
174 8
ACCEDERE
GRATA
MAISDELA REINE
3740
EXTRAORDINAI RE
DES GUERRES
748.
PERICUL
TUTUM
GALERES
1748
IX
VIL
NESCIT
MARINE
1748
FOEDERE
XI
FAUSTO
TUNCI
MALSON DEMADAME
LA DAUPHINE
1748
Sornig
PUBLIC
AR
ASTOR, LENOX
A
TILDEN
FOUNDAT
FEVRIER . 174S . 203
·
Marine.
Un Lion : Legende , Pericula neftit. Exergue ,
Marine 1748.
Galéres.
Des fyrenes entre des écueils : Legende , Haud
accedere tutum. Exergue , Galéres 1748.
Bâtimens du Roi.
Amphion qui éleve les murs de Thébes au fon
de la lyre Legende , Movet arte magiftra. Exer.
gue , Bâtimens du Roi 1748.
Artillerie.
Une tour à l'antique bâtie fur un rocher au
bord de la mer , frappé d'un coup de tonnerre ::
Legende : Humanas motura tonitrua mentes. Exer
gue , Artillerie 1748.
Propriétés de l'Huile de Venus.
'Eft un des plus puiffans ftomachiques qu'il y
:
eftomachs les plus foibles , en en prenant tous les
jours une cuillerée à bouche , une heure ou deux
après le repas.
1
Elle fortifie les vieillards , en confumant cette
pituite froide & crue qui les accable ; leur aide às
faire la digeftion , & fortifie le cerveau & toute
l'économie animale .
Elle procure les regles aux filles & aux femmes
en réparant le vice des fermens de l'eſtomach ; & ?
en donnant de la fluidité aux humeurs excrémen
teufes qui doivent s'évacuer tous les mois. Elle
diffipe & calme toutes fortes de vapeurs.
Elle facilite merveilleufement les accouchemens“
- laborieux , on en prend dans le travail jufqu'à
quatre cuillerées & même fix , la quantité ne peu
jamais faire de mal
Laj
204 MERCURE DE FRANCE .
C'eft un des plus puiflans fpécifiques pour cal
mer & guérir fur le champ toutes fortes de coliques
; on en prend une ou deux cuillerées.
C'eft un excellent cordial pour les petites véroles
; on en mélange une troifiéme ou quatrième
partie avec les eaux de chardon -bénit & de fcabieuſe
; on en donne plus ou moins , fuivant que
la nature l'indique.
C'eft un remède des plus fpécifiques qu'il y ait
pour le fcorbut ; fon ufage continué d'une cuillerée
ou deux par jour après le repas garantit de ce
mal dangereux , ou en arrête le progrès en confumant
cet acide fixe & froid qui ronge la tiffure du
fang , & fouvent même les os , pouffe au-dehors
par les excrétions & les fecrétions naturelles.
Une ou deux cuillerées de cette liqueur arrête
fubitement le mal de mer , c'eſt - à- dire ces dégoûts,
ces défaillances , ces naufées , ces vomiffemens affreux
qui font occafionnés par le mouvement du
vaiffeau & par l'odenr de la marine..
De toutes les liqueurs connues , il n'y en a point
de fi agréable que celle- ci pour le goût ; d'ailleurs
bien differente des autres liqueurs ordinaires ,
celle- ci ne peut jamais faire de mal, quelque uſage
que l'on en faffe.
Elle ne s'évente jamais , & plus elle eft gardéc
meilleure elle eft , & pour les qualités & pour le
goûr.
Le prix de la bouteille eft dix -huit livres.
Ily a des demi- bouteilles de neuflivres.
1
On commencera à vendre le 11 de ce mois
quatre ou cinq mille bouteilles d'Huile de Venus
provenant de la fucceffion de M. Bouez de Sigogne
Médecin du Roi dans la Compagnie des Cent
Suilles
FEVRIER. 1748. 201
2af
MANDEMENT de M. l'Archevêque
de Paris , qui permet l'ufage des oeufs pen
dant be Carême jufqu'au Dimanche des
Rameaux exclufivement.
CHRISTOPHE DE BEAUMONT ,
Le prix exceffif des alimens de Carême nous
engagea l'année derniere à permettre l'ufage
des oeufs pendant ce faint tems : le même motif
exige encore de nous cette année la même conde
cendance.
Il eft jufte que nous nous prêtions aux befoins
du public , & aux voeux des Magiftrats chargés de
veiller & de pourvoir à la ſubſiſtance du peuple im-i
menfe qui habite cette Capitale . Mais en nous y
prêtant , pourrions- nous ne pas nous rappeller
avec douleur que dans le précédent Carême , mal
gré l'attention que nous avions eue d'adoucir la
rigueur de l'abftinence pour en faciliter l'obfervation
, les tranfgreffions n'ont été ni moins multipliées
, ni moins fcandaleufes
Quelle honte pour le fiécle où nousvivons !
Entre toutes les loix de l'Eglife , il en eft peu de
plus refpectables & de moins refpectées que celle
qui nous ordonne de nous préparer par des oeuvres
de mortification & de pénitence , à célébrer
dignement la Pâque des Chrétiens, L'antiquité
d'une difcipline dont l'origine remonte juſqu'aux
tems Apoftoliques , l'unanimité avec laquelle tous
Ies peuples inftruits dans la foi par les premiers
Prédicateurs de l'Evangile , s'y font foumis , l'exactitude
de nos Peres à Pobferver fans aucun
206 MERCURE DE FRANCE..
adouciffement , ne nous permettent point de dous
ter de l'étroite obligation qu'elle nous impofe.
Cependant le relâchement eft aujourd'hui portéau
point qu'on peut dire d'une loi fi anciennement
établie , fruniverfellement reçûë , & fi conftamment
obfervée , qu'à l'égard d'un très- grand
nombre de Chrétiens , elle n'eft plus qu'une occafion
d'une infinité de prévarications injurieuſes à
l'autorité dont elle émane : trifte & déplorable
effet de cet efprit de libertinage & d'irréligion
qui fait chaque jour parmi nous de nouveaux progrès
!
Puiffions-nous avoir la confolation d'arrêter ces
fcandales , & de voir tant d'enfans rebelles à PEglife
, & trop peu, refpectueux envers elle , rentrer
en eux- mêmes & réparer leur conduite paffée
, non-feulement par la pratique des faintes
auftérités qu'elle leur prefcrit dans cesjours de falut
où nous allons entrer * , mais encore par d'autres
oeuvres pénibles & propres à fatisfaire à la juftice.
divine !
A ces caufes , ayant égard aux repréſentations
qui nous ont été faites de la part des premiers
Magiftrats , nous permettons l'ufage des oeufs
pendant le Carême prochain , depuis le Mercredi
des Cendres inclufivement jufqu'au Dimanche des
Rameaux exclufivement. Et pour arrêter , s'il eft
poffible , le cours des prévarications qui fe com--
mettent contre la loi du Carême , nous ordonnons
aux Curés & aux autres Miniftres de la parole
d'exhorter leurs auditeurs à obferver exactement
Cette loi. Nous recommandons à tous les Fidéles
de fanctifier leur jeune par la priere & par l'au-
Ecce nunc tempus acceptabile , ecce nunc dies
falutis. II. ad Cor. c. 6. v. 2.
?
FEVRIER. 1748. 207
mone , & de contribuer , felon leurs moyens , au
nouveau bâtiment des Enfans- Trouvés objet .
d'autant plus digne de leurs charités , que cet édi-.
fice eft plus néceffaire pour la confervation de ces
victimes infortunées de la honte ou de l'indigence
de ceux qui leur ont donné le jour.
Si vous mandons , &C.
ந :இது .
MARIAGES ET MORTS.
3
E7 Février a été fait dans la Chapelie de
P'Hôtel de Soubize , Paroiffe de S. Jean- en-
Grêve , le mariage de Philippe- Antoine - Gabriel--
Victor Charles Marquis de la Tour du Pin , Co--
lonel d'un Régiment de fon nom , Chevalier de
P'Ordre Militaire de Saint Louis & Gouverneur
de la ville de Nyons en Dauphiné , fils de feu «
Jacques-Philippe- Augufte de la Tour du Pin ,
Marquis de la Charce , Comte de Montmorin
Baron de la Ferté & de Fonvens , Seigneur de -
Fontaine-Françoiſe , ancien Meftre - de- Camp d'un
Régiment de Dragons , Chevalier de l'Ordre de
S: Louis & Gouverneur de la ville de Nyons en
"Dauphiné & de Dame Magdeleine - Gabrielle-
Antoinette de Choifeul Lanquert fa veuve , héritiere
d'une branche aînée de cette illuftre Maifon ,
avec Damoifelle Jeanne- Magdeleine Bertin , fille
unique & héritiere par la mort fans enfans de Madame
la Marquife d'Offún fa foeur aînée , de
feu Nicolas Bertin Tréforier Général des Par
ties Cafuelles , mort le 20 Décembre 1729 ,
de Dame Jeanne Delpech fa veuve , four de
Mefleurs Delpech Cenfeillers au Parlement , &
&
}
208 MERCURE DE FRANCE.
fille de feu M. Delpech Comte de Merinville ;
mort Confeiller de la Grand' Chambre du Parle
ment, & petite- fille de Pierre- Vincent Bertin auffi
Tréforier des Parties Cafuelles mort en 1711 , &
de Dame Jeanne-Françoife Elizabeth de Sauvion
morte en 1712. M. le Marquis de la Tour du Pin
fort d'une des plus illuftres Maifons de Dauphiné ;
elle eft divifée en plufieurs branches dont l'aînée
reconnaît pour puinés les Marquis de Gouvernet ,
Jes Marquis de la Chau & de Montauban .
Le 14 a été fait dans la Chapelle de l'Hôtel de
Richelieu , Paroiffe de S. Paul , le mariage de
Louis-François de Paule le Feure d'Ormefon de
Noyfeau , Confeiller du Roi en fes Confeils , Premier
Avocat Général au Parlement , fils de
Henri -François de Paule le Fevre , Chevalier
Seigneur d'Ormeffon , d'Amboile , de la Queue &
de Noyfeau , Confeiller d'Etat ordinaire & du
Confeil Royal , & Intendant des Finances &
de Dame de la Bourdonnoye avec Damoifelle
Marie- Anne - Geneviève Lucas , fille de feu
Antoine- Jean Lucas , Confeiller au Parlement
mort de la Grand'Chambre le 7 Décembre 1728 ,
& de feue Dame Anne Magdeleine Loyfeau morte
le..... & petite-fille d'Antoine Lucas Seigneur
de Vraignes , Confeiller de la Cour des
Aides de Paris reçu le 30 Août 1657 , mort en
1672 , & de Dame Marie- Henriette d'Amaury.
Comme la famille de Meffieurs le Fevre d'Eaubonne
, d'Ormeffon , eft connue entre les plus illuftres
de la Robe ,on fe contentera de
renvoyer
pour la génealogie à celle qui a été donnée en
1717 par le R. P. Raffron Supérieur des Minimes
, & pour celle de Lucas originaire de la ville
d'Amiens , de propofer le Nobiliaire de Picardie
par Houdicquer de Blancourt , &c.
FEVRIER. 1748. 209
Pierre Bouchard d'Efparbés de Luffan , Comte
d'Aubeterre , de la Serre Fontaulade , Marquis de
Bonne , Grignols , Ozillac , & c. Lieutenant Général
des armées du Roi , Chevalier des Ordres de Sa
Majefté , Gouverneur des Ville & Châteaux de
Collioure Port Vendre , Fort Saint Elme & Caftel
Cuillier , mourut le 17 Janvier 1748 dans la quatre-
vingt onzième année de fon âge.
Cette Maiſon dès le douzième fiécle a été par
tagée en plufieurs branches ; celle dont eft iffu le
Comte d'Aubeterre a été fort illuftrée fous les
Regnes de Charles IX. Henri III . & Henri IV.
(Voyez le P. Anfelme. )
On voit que Jean- Paul d'Efparbés de Luffan
de la Serre , fut Capitaine des Gardes Ecofloifes
du Corps du Roi le 27 Mars 1599 , Gouverneur
de Blaye en 1606 , Chevalier de l'Ordre en 1614.
Il ramena en France l'Infanterie Gafconne qui
s'étoit fort fignalée fous fes ordres au -delà des
Monts en 1554 , il mourut fort âgé en 1616.
Son fils François d'Efparbés de Luffan étoit
Vicomte d'Aubeterre , de la Serre , Maréchal de
France le 16 Septembre 1620 , Chevalier de l'Or
dre en 1612 , Confeiller d'Etat par Lettres Patentes
du 29 Novembre 1611 , Gouverneur & Séné➡
chal de l'Agenois & Condomois le 26 Mai 1606 ;
il avoit épousé la fille unique de David Bouchard,
Vicomte d'Aubeterre , Chevalier des Ordres du
Roi , Gouverneur de Périgord , & de Renée de
Bourdeilles.
François Bouchard d'Efparbés de Luffan , Vicomte
d'Aubeterre , fecond fils de François d'Ef
parbés , Maréchal de France , fut Lieutenant Gé❤
néral des armées du Roi , Confeiller en fon Con
feil d'Etat & Privé , Sénéchal & Gouverneur d'A➡
genois & Condomois ; il étoit Sénéchal en Guyeng
210 MERCURE DE FRANCE.
ne, & fut défigné Chevalier de l'Ordre par un
Brevet du 27 Septembre 1651 .
Sa femme étoit Marie de Pompadour , fille de
Philibert Vicomte de Pompadour , Chevalier des
Ordres du Roi.
D'où eft venu Pierre Bouchard d'Eſparbés de
Luffan , Comte d'Aubeterre qui vient de mourir ;
il avoit époufé Julie- Michelle de Sainte Maure
Comteffe de Jonfac. ( Voyez le P. Anfelme. )
Cette Maiſon a fondé en 1555 une Galére Ca
pitanne à Malte fous le nom de Luffane avec fes
armes , & y joignit 3000 liv . de rente fur la Communauté
d'Arles par acte du 6 Octobre 1614 ,
ce que Louis XIII. a confirmé par Lettres Patentes
du 24 Mars 1615 avec une Commanderie de
800 liv. de rente , affectées aux Chevaliers de la.
Maifon , que l'on nomme à Malte Hôtel de Luf
Lan qui porte encore les armes de la Maiſon.
Le premier Février Dame Anne- Marie Turpin
deSanzay , femme d'Auguftin de Simiane Molans,
dit le Marquis de Simiane Gordes ; l'une des Dames
de S. A. S. Madame la Ducheffe de Chartres,
mourut à Valreas au Comtat Venaiffin dans la
trente-troifiéme année de fon âge, fans laiffer d'enfans
; elle étoit née le 8 Septembre 1714 & ne
Jaiffe qu'un frere Ladiflas Turpin de Criffé Comte
de Sanzay ; elle étoit niéce de Chriftophe Louis
Turpin de Sanzay , Evêque de Rennes en 1713 ,
mort le 29 Mars 1735 , & fille de Lancelot Turpin.
de Criffe Comte de Sanzay , Colonel d'un Régiment
d'Infanterie de fon nom , & Brigadier des
armées du Roi , mort le... Septembre 1720 , & de
Dame Claude- Geneviève Cheriere d'Egligny
mariés le 14 Novembre 1712 , & elle avoit pour
rifayeul Charles Turpin Seigneur de Criffé ,
Comte de Sanzay , nommé à l'Ordre du S. Efprit
FEVRIER. 1748 . 21F
te 9 Janvier 1594 , forti d'une des plus anciennes
Maifons du Royaume. Voyez pour la Genealogie
de la Maifon de Simiane , auffi l'une des plus anciennes
du Royaume , l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne , vol. 2 . fól. 238.
Le 3 de ce mois eft mort Claude Pajon , ancien
Bâtonnier des Avocats du Parlement de Paris ,
Il étoit fils de Claude Pajon , célébre par fon efprit
& fon fçavoir , lequel étoit iffu d'une famille
noble du Berry. Voyez le Dictionnaire de Baylean
mot Pajonisme , & le Dictionnaire de Moreli
au mot Pajon.
Le 13 Louis de Regnier Marquis de Guerchy ;
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant Général
des armées de Sa Majefté , & Gouverneur de Huningue
en Alface , mourut dans fon Château de-
Guerchy en Nivernois âgé de 8 ans . Etant Capitaine
d'Infanterie dans le Régiment Dauphin , il
eut le Régiment de Thierache en 1692 , fut fair
Colonel du Régiment Royal des Vaifleaux & Bri,
gadier d'Infanterie en 1702 , Maréchal de Camp
en 1704 , Lieutenant Général en 1710 , eut le
Gouvernement de Huningue en 1733 , & fut :
reçû Chevalier des Ordres du Roi le 17 Mai 1739..
Havoit époufé Dame Jeanne- Louife Caffandre de
Marion de Druy morte le 14 Mai 1743 , de la .
quelle il laiffe un fils unique nommé Claude-
Louis - François de Regnier Comte de Guerchy ,..
Maréchal de Camp & Colonel du Régiment d'In
fanterie du Roi , auquel Sa Majefté vient de donner
le Gouvernement de Huningue vacant par la
mort de M. fon pere. Il a des enfans de fon
mariage avec Dame Gabrielle Lydie de Harcourt ,
fille de M. le Maréchal Duc de Harcourt , & de
Dame Marie-Magdeleine le Tellier de Barbefieux
fa feconde femme,
212 MERCURE DE FRANCE.
Feu M. le Marquis de Gerchy étoit fils de
Henri de Regnier Marquis de Guerchy , & de
Dame Marie de Brouilly Piennes , mariés le 6
Janvier 1655 , & petit- fils de Claude de Regnier
Baron de Guerchy , & de Dame Lucie de Brichanneau
Nangis mariés le s Février 1618 .
Les armes de Regnier de Guerchy font d'azur à 6
befans d'argent pofés 3,2 1.
Le même jour Nicolas- François Ravot Chevalier
Seigneur d'Ombreval , Confeiller de la quatrième
Chambre des Enquêtes du Parlement , où il avoit
été reçu le 16 Mars 1731 mourut à Paris ; il étoit
fils de feu Nicolas - Jean - Baptifte Ravot Seigneur
d'Ombreval , Maître des Requêtes ordinaire de
l'Hôtel du Roi , & Confeiller d'honneur en la
Cour des Aides , & avant Intendant de Juftice en
la Généralité de Tours , puis Lieutenant Général
de Police de la ville de Paris , mort le...
& de Dame Therefe- Genevieve Breau , petit- fils
de Jean-Baptifte Ravot Seigneur d'Ombreval
Avocat Général de la Cour des Aides reçû en
1671 mort en 1689 , & de Dame Geneviève
Berthelot morte en 1706 , & arriere- petit- fils de
Jean-Baptifte Ravot Avocat Général de la Cour
des Aides , puis Premier Préfident du Parlement
de Metz , reçû le 30 Juillet 1672 , & de Dame
Marie Perreau.
<
Le 16 MeffireHonoré FrançoisGrimaldi de Monaco
, ancien Archevêque de Besançon , Abbé des
'Abbayes de S. Maixent , Diocèfe de Poitiers , &
de Vauluifant , Diocèſe de Sens , mourut à Paris ,
âgé de 78 ans , étant né le 21 Décembre 1669. Il
avoit été d'abord Chevalier de Malte , & ayant
enfuite embraffé l'état Eccléfiaftique , il fut reçû
Chanoine de Strasbourg en 1696 , fut nommé à
l'Abbaye de S. Maixent en 1717 , enfuite à l'Ar-
1
FEVRIER . 213 1748 .
chevêché de Besançon & fut facré le 4 Février
1725 , & nommé à l'Abbaye de Vauluifant en
1731 ; il fe démit en 1735 de fon Archevêché. Il
'étoit fils de Louis Grimaldi , Prince de Monaco ,
Duc de Valentinois , Pair de France , Chevalier
des Ordres du Roi, mort à Rome , où il étoit Am
baffadeur , le 3 Janvier 1701 , & de Dame Catherine
Charlotte de Gremont , mariée le 30 Mars
1662 , & morte le 4 Juin 1678. Il avoit pour frere
aîné Antoine Grimaldi , Prince de Monaco , Duc
de Valentinois , Pair de France , Chevalier des
Ordres du Roi , mort en 1731. Voyez pour la
Généalogie de la Maifon de Grimaldi , l'une des
quatre grandes de l'Etat de Génes , d'où elle eft
originaire , l'Hiftoire des Grands Officiers de la
Couronne , vol. 4. fol. 489 .
Le 20 Meffire Henri de Roffet de Ceilhes de Rocozel,
Abbé de l'Abbaye de S. Sernin de Toulouſe
depuis 1729 , & de celle de Froidmont depuis
1740 , & avant Abbé de Soreze en 1721 & Chanoine
de Lodeve en 1714 , mourut à Paris dans la
foixante-deuxième année de fon âge , il étoit fils
puiné de Bernardin de Roffet , Seigneur de Ceilhes
& de Rocozel , & de Dame Marie de Fleury
foeur de feu M. le Cardinal de Fleury , mariés le
20 Janvier 1680. Il étoit frere aîné de Pons de
Roffet de Rocozel , aujourd'hui Lieutenant Gé
néral des armées du Roi & Grand Croix de l'Ordre
Militaire de S. Louis , &c. & avoit pour aîné
Jean-Hercules de Roffet de Rocozel , à préfent
Duc de Fleury , Pair de France , Chevalier des
Ordres du Roi, marié depuis le 6 Novembre 1714
avec Dame Marie Rey, dont il a pour enfans 1.M.
le Duc de Fleury , Premier Gentilhomme de la
Chambre , qui a des enfans de fon mariage avec
Dame Anne - Magdeleine -Françoiſe d'Auxy de
214 MERCURE DE FRANCE.
Monceaux, 2. M. l'Evêque de Chartres , Premier
Aumônier de la Reine . 3. M. l'Abbé de Ceilhes ,
Chanoine de Paris , Abbé de Royaumont & de
Rebais. 4. M. de Roffet , Chevalier de Malte & *
Commandeur de Pieton , Colonel d'un Régiment
d'Infanterie. 5. M. de Roffer de Rocozel , auffi
Chevalier de Malte & Lieutenant de Vaiffeau. ¿
& 7. & Mefdames de Narbonne Pelet , & Mar¬
" quife de Caftries , &c .
A VIS.
Es Perfonnes de Provinces , Libraires
& autres, font priées de remettre fans
retard au Bureau du Mercure , à l'adreffe
de M. de Cleves d'Arnicourt , le montant
de ce qu'elles doivent pour les Mercures
qui leur ont été fournis .
J
APPROBATION..
" Ailu par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Février
1748. A Paris le premier Mars 1748.
2 m ab entra
BONAMY .
TABLE.
Téces fugitives en Profe & en Vers . Suite de la
Séance publique de l'Académie des Sciences, 3
Ode , 14
Lettre de M. le Marquis Maffei à M. de la Condamine
. , traduite de l'Italien
Ode au Maréchal de Saxe ,
7 19
40
Lettre à M. de la Bruere au fujet de la defcription
-
de Bourgogne ,
42
Mémoire fur les avantages qu'on peut retirer d'un
nouveau Pouillé général du Royaume ,
Vers à Mlle * **
· née 1747 .
Réfléxions ,
45
pour le premier jour de l'an-
Le pauvre voyage , Epitre à M. le N......
Mémoire hiftorique fur la Province de Forez ,
Ode fur la mort d'une mere ,
Réponse d'un Médecin fur la Garence ,
Epitre à Mad. de la R ....
Remarques fur une plante ,
48
SI
55
61.
73
7
82
85
8.7.
TOT
Vers fur la bonne année ,
Lettre à M. de la Bruere ,
Vers à M. Remond de Sainte Albine
Mots des Enigmes & du Logogryphe du Mera
cure de Janvier ,
Enigme & Logogryphes ,.
104
ibid.
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c . 109
Cartes d'une nouvelle invention ,
Opiat , dit des Sultanes ,
Nouvelle Eftampe ,
Chanfon notée ,
Spectacles ,
127
128
ibid.
129
ibid.
Denys le Tyran , nouvelle Tragédie repréſentée
à la Comédie Françoiſe , Extrait , 130
Les Valets Maitres , nouvelle Piéce jouée à la Comédie
Italienne , 148
Nouvelles Etrangeres , Conftantinople , & c. 149
Vers à Mad. de *** ſur ſon mariage ,
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 193
Relation de la Fête donnée par M. le Comte de
Montaigu , Ambaffadeur de France à Veniſe
pour le Mariage de Monfeigneur le Dauphin ,
191
200
201
202
'Autre Fête donnée à Caën par les Penfionnaires de
l'Académie de M. de la Guériniere ,
Explication des Jettons de cette année ,
Vente de l'Huile de Venus & fes proprietés , 203
Mandement de M. l'Archevêque de Paris , qui
permet l'ufage des oeufs pendant le Carême ,
Mariages & Morts ,
Avis ,
>
205
207
214
La Chanfon notée doit regarder la page
Les Jettons gravés , la page
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
129
202
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
MARS
LIGIT
UT
SPARG
1748 .
Chés
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S André .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation& Privilege du Roi.
A VIS.
L'AM.DES CEEVES D'ARNICOURI
'ADRESSE générale duMercure eft.
DE
ruë des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adreſſeront
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages,
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , quifouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , & plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
rendre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS .
T
V.LS
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
MARS. 1748.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LETTRE aux Auteurs du Mercure
de France.
ELOGE de la République de Genéve.
M
Effieurs , après avoir donné dans
votre Journal de Novembre
1747 l'apologie des Suiffes , ce
qui marque votre difcernement
& votre impartialité , j'efpere que vous ne
me refuferez pas une petite place pour
l'apologie de Genéve , qui eft leur voifine
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
& leur alliée. Cette ville a été affés maltraitée
dans les Lettres Juifves , & quoi-'
que les décifions de l'Auteur de cet ouvrage
ne foient pas regardées comme un
oracle infaillible , cependant elles méritent
bien d'être relevées ; fans m'ériger en redreffeur
des torts , ce qu'un honnête -homme
doit à la vérité & à la juftice , eft un
motif fuffifant pour l'engager à détruire
le menfonge & la calomnie ; un autre motif
qui m'engage à prendre la défenſe de
cette petite République eft la reconnoil
fance ; à mon retour d'Italie je paffai à
Genéve , & les agrémens que j'y trouvai
m'engagerent à y faire quelque féjour . Je
fus charmé , je l'avoue , de la politeſſe de
fes habitans , de la beauté de la ville &
de fes dehors . C'eſt , ſelon moi , une fituation
enchantée . Repréfentez vous deux
côteaux très - cultivés , & ornés de tous
côtés de maiſons champêtres , riantes &
bien bâties. Le Lac qui eft au milieu de
ces deux côteaux forme un vafte baffin ,
qui paroît fait exprès pour faciliter la communication
avec la Suiffe & la Savoye , il
eft d'ailleurs très - poiffonneux , & les trui
tes qu'on y pêche , font , comme vous le
fçavez excellentes & fort recherchées.
Tantôt c'est un miroir uni ,
MARS 1748 .
Et tantôt un affreux murmure
Fait trembler le plus enhardi ,
Et lui montre la ſépulture
Sous le flot d'écume blanchi .
Là cent bâteaux & leur armure
D'un gros vent éprouvent l'injure ,
Ou fuivent lentement l'allure
D'un vent dont le foufle adouci
Sur l'eau ne fait qu'une frifure ,
Et d'une flote en racourci
Ils nous retraçent la peinture.
La ville qui eft au-deffus du Lac , fe
préfente en amphithéatre & domine fur
toute la campagne. Vous voyez plus loin
une perfpective très variée , qui n'eft bornée
que par de hautes montagnes où l'oeil
fe repofe avec plaifir. Leur afpect agrefte
& fauvage fait un contrafte agréable avec
le charmant payfage qui eft au- deffous
& qui eft très- bien cultivé . Ici ce font
des collines couvertes d'épis dorés 12
des vignes en pente , foutenuës par
chers qui les environnent , qui femblent
des murs placés exprès pour réfléchir les
rayons du Soleil & en augmenter l'ardeur.
Le bas des collines offre de toutes parts des
prairies , où
L'eau ferpente à l'avanture
les ro-
A iij
MERCURE DE FRANCE.
Sur un lit de fleurs , de verdure
Qu'elle arrofe & qu'elle embellit ;
Les troupeaux s'abreuvant dans cette fource puso
Trouvent , fe jouant à l'envi ,
Une agréable nourriture.
Je ne fçaurois , Meffieurs , quitter
cette defcription fans vous parler d'une
montagne qu'on nomme la montagne
Mandite , parce qu'elle eft en toute faiſon
couverte de neige & de glace ; ce que
l'on y trouve de fingulier , c'eft un Lac qui
eft au -deffus , de l'étendue de quatre ou
cinq lieuës , & qui reffemble à une petite
mer , dont les flots irrités & foulevés par
des vents impétueux , fe feroient tout à
coup gelés , & feroient demeurés fous
cette forme , enforte qu'entre les hauteurs
que laiffent les vagues fufpendues on apperçoit
des fillons ou des efpéces de collines
, qui par leur profondeur ne fervent
qu'à augmenter l'horreur du fpectacle.
Cette montagne eft à dix ou douze lieuës
de Genéve ; fon élevation que Meffieurs
Fatio & de Chezeaux ont mefurée exactement
, eft de 2400 toifes au- deffus du niveau
de la mer. Son abord eft efcarpé &
fort rude. Le haut eft inculte , & n'eft fréquenté
que par des voyageurs hardis &
curieux , ou par des bouquetains & des
MARS. 1748. 7
marmotes , qu'on y apperçoit en aflés
grand nombre. Cependant comme les richeffes
coûtent fi peu à la nature , qu'elle
les répand dans les lieux même les plus
ftériles , on trouve en fouillant dans le
creux des rochers qui bordent ce lac , &
qui font en tout tems incruftés de glace
de très-beaux criftaux de toutes couleurs
qui affectent toujours une figure détermi
née , comine fi on les avoit tous jettés dans
le même moule , étant tous taillés à pans ,
ce qui pourroit faire croire qu'ils ont un
germe commun , car s'ils étoient l'effet
d'une fimple congélation, leur figure feroit
certainement irréguliere & pour l'ordinaire
applatie , foit par le poids du rocher , ſoit
par la preflion de l'air.
Comme j'ai toujours été ennemi d'un
faux merveilleux , & que Genéve n'a pas
befoin de ce fecours pour paroître belle , je
vous dirai qu'il n'eft pas vrai que l'eau du
Rhône ne fe mêle point avec celle du Lac
Leman , ainfi que ledit Ammian Marcellin
; à la vérité comme la premiere eft beaucoup
plus rapide , elle conferve quelque
tems fon cours & fon indépendance , ce
qui donne un oeil bleuâtre à la ligne
qu'elle parcourt , mais elle ne tarde pas à
fe confondre avec l'eau du Lac en confervant
la primauté , car le Rhône l'affujettit ,
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
pour ainsi dire , & la rendant tributaire ,
il lui donne fon nom. Un autre phéno
mene extraordinaire eft une efpéce de flux
& de reflux très-fenfible qu'on apperçoit
dans le Lac & que les bâtelliers appellent
des feches. Comme le Lac Leman eft fort
éloigné de la mer , qu'il ne communique
point avec elle , & que ce flux & ce reflux
n'a point de rapport avec le cours de la
Lune , il n'en faut pas chercher la caufe
dans ces deux choſes. M. Sallabert Profeffeur
en Phyfique expérimentale à Genève ,
obfervateur exact & très - éclairé , a crû la
trouver dans la fonte des neiges qui font
au-deffus de Vevai ville du pays de Vaud.
Son explication eft fi ingénieufe & fi vraifemblable
, qu'on l'a jugée digne d'être
inferée dans les Mémoires de l'Académie
Royale des Sciences de l'année 1742 , p.26.
Elle mérite bien d'être lûe toute entiere ,
& je n'en puis donner ici qu'une idée affés
imparfaite. A la fonte des neiges il joint
l'entrée de l'eau de Larve dans le Rhône ,
ce qui fait remonter fucceffivement fon
cours , mais je le répéte , perfonne ne peut
mieux expliquer fa pentée que lui-même .
Genéve eft une République fort ancienne
& qui jouit de la liberté depuis long - tems.
Après Dieu , il faut convenir que la ville
de Genéve doit fa confervation aux CanMARS.
1748 .
2
tons fes Alliés , & furtout à la France qui·
l'a conftamment & hautement protegée
dès l'an 1560. Le Pape Pie IV. que les
Princes Catholiques preffoient d'alfembler
un Concile Général pour combattre les
erreurs & les vices , vouloit qu'ils tournaffent
leurs armes contre Genéve & les
Vaudois , mais la Cour de France s'y oppofa
, au rapport de l'illuftre de Thou.
L'année 1600 le Nonce du Pape preffant
le Roi Henri IV . d'abandonner la protection
de Genève , & de ne fe pas oppofer
aux deffeins du Duc de Savoye , ce Prince
répondit , que ce n'étoit pas lui qui avoit pris
ceite ville en fa protection , que c'étoientfes
Prédéceffeurs qui l'avoient fait , & que lui y
étoit obligé par la foi qui fe doit à l'obfervation
des Traités , &
par la reverence qu'il
devoit à fes Prédéceffeurs , même que comme
ils l'avoient fait en reconnoiffance des bons
fervices qu'ils avoient tirés d'elle , il étoit de
la bienfeance & de la justice de ne pas contrevenir
à cet engagement . Je n'abandonnerai
jamais Genéve , ajouta le Roi en élevant fa
voix , cet abandonnement feroit tort à la
Couronne , & à la fureté de la parole d'un
Roi.
Les fervices rendus.
par la République
à la Couronne de France étoient encore
recens , & Henri IV. ne pouvoit pas les,
1
Av
10 MERCURE DE FRANCE.
avoir oubliés , puifque c'étoit à fa follicitation
que la ville de Genéve avoit pris
les armes contre ce même Duc de Savoye ,
qui defiroit que le Roi l'abandonnât à
fon ambition. Dans le tems que la ligue
travailloit avec le plus de force à exclure
Henri IV. de la Couronne , & qu'il étoit
preffé de tous les côtés, la ville de Genève,
toute foible qu'elle eft , ofa fe déclarer
ouvertement pour lui & faire une diverfion
favorable en Savoye . Elle n'étoit
alors foutenuë que par fon zéle , par la
valeur de fes habitans , & par le célébre
Sancy que ce Prince envoya à Genève avec
de belles promeffes , mais fans troupes &
fans argent. Tout manquoit , excepté le
courage , & cela feul fuffifoit à des foldats
qui préféroient l'honneur à la vie . Il
fembloit que Genéve tiroit des forces de fa
propre foibleffe ; dans l'impuiffance où
elle étoit d'avoir du fecours d'ailleurs , elle
fe croyoit fuffisamment défenduë par le
zéle & la valeur de fes habitans.
Durant la minorité de Louis XIV . l'Evêque
de Genéve s'adreffa , dit l'Abbé de
Choify dans fes Mémoires , au Confeil du
Roi , pour le faire payer par la Républi
que de quelques rentes qu'il prétendoit lui
être dûes, mais M. Colbert, Miniftre trèséclairé
, interrompit avec chaleur M. de
MARS. 1748.
Brienne qui faifoit rapport de cette affaire
, & dit que le Roi ne,vouloit point facher
Meffieurs de Genéve , & qu'il aimoit
mieux faire une gratification à l'Evêque.
En dernier lieu dans le tems des troubles
qui s'éleverent dans cette République
, le Roi attentif à fon repos & à fon
bonheur , n'envoya- t'il pas le Comte de
Lautrec Seigneur très-éclairé , très - prudent
& très-équitable, pour rétablir l'ordre
& la paix , conjointement avec leurs Excellences
de Zurich & de Berne ?
Le Roi trouve plus grand d'aider fes Alliés ,
Que de les voir tremblans,profternés à ſes pieds.
La tranquillité rétablie a fait renaître
les Arts , les Sciences & le Commerce . Je
m'arrêterai un moment fur chacun de ces
articles , parce que l'Auteur que je refute
la
a befoin d'être relevé ici comme ailleurs.
Il n'eft pas vrai , comme il le dit ,› que
principale branche du Commerce qui
fleurit à Genève , confifte dans la foye &
dans les livres , c'eft peut- être la branche
qui rend le moins ; quoique , depuis quelques
années on y ait élevé avec affés de
fuccès des vers à foye , la Draperie , les
Toiles , l'Horlogerie & la Dorure font
certainement ce qui donne le plus . En général
le Commerce fe foutient avec hon-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
neur à Genève, ce qui procure à cette ville
des richelles & un air d'abondance.Sa fituation
contribue beaucoup à y faire fleurit le
négoce . Placée entre la France , l'Allemagne
& l'Italie , elle a la facilité de leur fournir
les marchandifes qui leur manquent &
qu'elle tire d'ailleurs. C'eft proprement
un lieu de paffage & un entrepôt trèscommode
pour ces differentes nations ,
furtout lorfqu'elles font en guerre & que
leur communication eft interceptée. Ce
lien de paffage eft bien agréable , ce qui
fait que l'étranger s'y arrête avec plaifir.Le
Genevois eft honnête & éclairé ; il y a peu
de Citoyens qui n'ayent chés eux une peti
te Bibliothéque compofée de livres choifis .
L'un d'eux, qui n'eft qu'un fimpleHorloger,
me fit voir une efpéce de Barométre de fa
façon , dont le tuyau affés large étoit percé
par l'un des bouts , pour contenir une aiguille
fort legére , qui touchoit au mercure
contenu dans le tuyau , & qui imprimoit à
l'aiguille un mouvement perpétuel , proportionné
à l'agitation & au poids de l'air
qui pefoit fur l'argent vif ; un cadran au
milieu duquel fe trouvoit l'aiguille marquoit
avec précifion les differens degrés
de mouvement qu'elle recevoit du mercure
, & quand il arrivoit dans l'air des
changemens fubits & extraordinaires , ils
MARS.: 1748 . If
étoient marqués fur un autre çadran au
quel étoit attachée une aiguille fort mobile
, mais il faut voir ce Barométre pour
en avoir une jufte idée. Un autre Horlo
ger a inventé une machine pour lancer
des pierres & des feux d'artifices fort loin
& en peu de tems. C'eft une efpéce de
Balifte & de Catapulte , à la maniere des
anciens , mais plus commode , plus aifé à
manier & d'un tranfport plus facile. La
méchanique dont il fe fert pour la faire
jouer eft très- ingénieufe & tout- à- fait
dans le goût moderne. Ainfi à cet égard
il ne doit rien aux anciens qu'il n'a jamais
lû , ne fçachant pas les Langues étrangeres.
La nature l'a fait Poëte , auffi-bien que
Méchanicien . Combien d'hommes , dit M.
de Fontenelle, qui ont des propriétés cachées ,
que le bazardfait découvrir ! Un faifeur de
bas me fit voir de fon invention le fyftême
de Copernic affés bien repréfenté ,
mais avec des broches dont le mouvement
figuroitcelui des planétes autour du
Soleil. J'avoue que n'étant pas accoûtumé
à trouver autant de connoiffances parmi le
peuple , j'en étois étonné & que je regardois
cela comme un phenoméne. On me
montra auffi une pendule faite à Genève
où l'on voit au-deffus un ferin bien repréfenté
, qui ba des aîles & qui chante
14 MERCURE DE FRANCE.
quand on le veut,avec beaucoup d'hatmonie.
Ce n'est donc pas fans raifon que M. de
Crouzas dans fon examen du Pyrrhoniſme
a comparé Genève à Athénes , elle lui reffemble
en effet par le goût des beaux Arts
& par le zéle pour la liberté.
Combien de talens qui n'attendent que
des circonftances favorables pour éclore ,
& que des circonftances contraires étouffent
quelquefois ! La nature à qui ils ne
coûtent rien les répand affés liberalement ,
mais il leur manque le fecours de l'Art ,
fans quoi ils ne fçauroient fe perfectionner.
Lui auroit- il fallu l'efpace de plufieurs
fiécles pour former un Ciceron , un Defcartes
, un Fenelon ou un Racine ?
Vous voyez , Meffieurs , par ce que
je viens de dire , que les Arts font bien
cultivés à Genéve . Il y a de bons ouvriers
en Horlogerie ; la Peinture a fourni des
Petitors & des Arlands , & le célébre Daffier
fait honneur à la gravure ; toutes les
Médailles font fort eftimées des connoiffeurs
, & je ne doute point que le tems
n'en augmente le prix. Il a fait depuis peu
une fuite de l'Hiftoire Romaine , qui eft
d'une grande beauté . Les Sciences n'y font
pas moins bien cultivées. Outre le Profef
feur en Théologie , il y en a deux en PhiMARS.
1748. 15
Jofophie , un en Mathématiques & un en
Phyfique expérimentale, qui ont beaucoup
de goût , d'efprit & de lumiere , Meffieurs
de la Rive , Calandrin , Cramer & Jallabert
; leurs noms & leurs ouvrages ne font
pas inconnus à Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , dont plufieurs Membres
font en commerce avec eux. M. Vernet
Profeffeur en Hiftoire & aux Belles-
Lettres eft connu par plufieurs ouvrages
très-eftimés. M. Cromelin fon collégue eft
fils d'un pere qui rempliffoit avec diftinction
la Chaire d'Humanités , & qui étoit
en relation avec l'illuftre Rollin qui en faifoit
beaucoup de cas. Le fils n'a point dégénéré
, il joint beaucoup de lumieres à un
génie fin & délicat. Il y a auffi trois Profeffeurs
en Jurifprudence qui enfeignent
avec fuccès le Droit Naturel , le Droit
Civil & le Droit des Nations . J'ai vu
quelquefois M. Pictet , l'un deux , en
qui j'ai trouvé bien de l'efprit & un grand
ufage du monde. L'Ecole de Droit a perdu
depuis peu un Profeffeur d'un grand mérite
, qui eft préfentement Confeiller d'Etat
, & qui a donné au public un Traité de
Droit Naturel qu'on ne fçauroit affés
louer , il fe nomine M. Burlamaqui ; rien
n'égale la clarté de fes idées & fa préci
-fion.
to MERCURE DE FRANCE.
Genéve a produit autrefois de grands
Jurifconfultes . Les Lects & les Godefrois
n'ont rien perdu encore de leur autorité
& de leur répuration .
Comme je ne fuis pas fçavant , j'avois
prefque oublié le Profeffeur en Hébreu ,
neveu de l'illuftre le Clerc , qui eft mort
en Hollande , & fils d'un pere qui a acquis
beaucoup de réputation par fon fçavoir &
par fon Hiftoire de la Médecine . Ce dernier
mot me rappelle que cette fcience , je
parle de celle de la Médecine , n'eft pas ,
il s'en faut de beaucoup , auffi-bien cultivée
à Genève que les autres fciences. Seroit-
ce que le climat y eft fi bon , que l'on
croit pouvoir fe paffer aifément de Médecins
, où que les Genévois qui reffemblent
par quelques endroits aux anciens Romains
, n'ayent , ainfi qu'eux , que très- peu
de foi à la Médecine ? Cependant c'eft
dommage qu'ils ne profitent pas mieux de
la proximité des montagnes qui pourroient
leur fournir une infinité de plantes rares ,
curieufes & utiles. Le célébre M. de Juffieu,
avec lequel je me fuis quelquefois entretenu
far ce fujet , paroiffoit furpris de ce
que les Genévois avoient négligé l'avantage
queleur fournit la fituation de leur ville ,
pour y ériger une Chaire de Botanique &
y dreffer un jardin de plantes , qui feroit
MAR S... 1748.
un livre bien agréable pour ceux quiaiment
l'Hiftoire Naturelle , avec laquelle la Botanique
a bien du rapport.
Il faut que vous me permettiez , Meffieurs,
d'épancher ici mon coeur & de vous
dire ce que je penſe de deux Profeſſeurs ,
l'un en Théologie & l'autre en Hiftoire
Eccléfiaftique. Quelle facilité , quelle abondance
! Mais en même tems quelle éloquen
ce & quelle dignité dans l'un ! Il fe nonme
M. Maurice , & ceux qui le connoiffent
le devineroient avant que je l'euffe
nommé. L'autre eft M. Lullin . L'aimable
homme ! L'honnête homme ! Le bon Citoyen
! Le Théologien éclairé ! Le Prédi
cateur noble & pathétique ! Tous ces titres
lui appartiennent & fe réuniffent pour former
fon caractére. Il montre par l'excellent
ufage qu'il fait des richeffes , qu'elles
font un don du Ciel entre les mains d'un
Chrétien. Madame de Sévigné difoit da
P. Boubours que l'efprit lui fortoit de tous
les côtés. On peut dire avec vérité que tout
refpire la bénéficence & le fentiment chés
M. Lullin.
Ne croyez pas que j'aye épuifé le chapitre
des Hommes de Lettres qu'on trouve
à Genève ; j'en pourrois nommer plufieurs
autres , fi je ne craignois de me trop étendre.
Que ne pourrois -je pas dire d'un ProaS
MERCURE DE FRANCE.
feffeur en Théologie très-judicieux & très
éclairé , petit- fils d'un homme dont le fameux
Burnet , Evêque de Saliſbury , vante
beaucoup le fçavoir & le mérite ? M.
Tronchin , dit-il , eſt un très-bon Prédicateur
l'une des meilleures têtes de Genève. Il
louë fort auffi dans fon voyage d'Italie
M. Alphonfe Turrettin , dont la réputation
est très-étendue & qui la mériteroit
quand il n'auroit fait que fes excellentes
Théfes fur la vérité de la Religion Chrétienne
, dont M. le Profeffeur Vernet a don
né une fort bonne traduction . Je me rappelle
que dans une lettre que l'illuftre M.
de Fontenelle me fit la grace de m'écrire il y
quelques années ; un commerce tel que le
fien me fait trop d'honneur & m'est trop
glorieux pour ne pas m'en parer ici ; il me
parloit avec beaucoup d'éloge de M. Turrettin
, qu'il me chargeoit de faluer , & de
M. Abauzit , dont je trahis ici l'extrême
modeftie , parce que fon fçavoir le trahit
tous les jours & ne fçauroit fe cacher ,
quelques efforts qu'il falfe pour le couvrir.
Il eft vrai que ce fçavant , fi diftingué par
fon efprit , fon goût & fes lumieres , n'eft
pas né à Genève , mais comme toutes les
villes où feuriffent les fciences , peuvent
devenir tour-à- tour la Patrie de l'homme
de lettres , celle - ci eft devenuë la fienne.
MAR S. 1748 . Ig
On ne fçait fice choix fait plus d'honneur
au goût de celui qui l'a fait , qu'à la ville
qu'il a choifie pour fon domicile.
› La Bibliothèque a trop de rapport avec
les fciences pour ne pas en dire un mot.
Elle est belle & bien fournie . On y trouve
une bonne fuite de Médailles & des manufcrits
rares & anciens. Elle s'ouvre tous
les Mardis, & on prête anx gens de Lettres
& aux Citoyens les livres dont ils ont be
foin , en prenant la précaution de les faire
figner , afin que rien ne s'égare. Les Etrangers
qui défirent de la voir , y font bien reçûs
, & ils ne paroiffent gueres moins contens
de la politeffe & des lumieres des Bibliothécaires
, Mrs Baulacre & Jallabert ,
que des chofes curieufes qu'ils ont foin de
leur montrer.
Les Genévois nés avec un génie Républicain
, font incapables de ramper devant
les Titres & les richeſſes ; ils n'ont gueres
que cette forte d'honnêteté , qui découle
d'une bienveillance générale & qui ne
doit rien au caprice ni à l'intérêt.Selon moi ,
cette forte de candeur eft la livrée de la
probité , & tout étranger qui n'eſt pas
trop entêté de fa nobleffe & d'une vaine
grandeur , eft charmé de leur caractére.
Jacob Brito , que l'Auteur des Lettres
Juifves fait parler , ne leur rend pas
à cer
20 MERCURE DE FRANCE.
égard la juftice qui leur eft due , & l'on
voit bien qu'il ne connoiffoit les Genévois
que fur un rapport très- infidéle.
Il n'eft gueres plus exact fur ce qu'il dit
des fortifications de Genéve , qui font
bonnes & régulieres , ouvrage entrepris
après un mûr examen & par de bonnes
raifons , que toutes les railleries du Juifne
font pas capables de détruire . Il est vrai
que ces fortifications ont occafionné quelque
difference de fentiment parmi les Citoyens
, mais je veux bien apprendre à
Jacob Brito , dont je releve ici les bévuës
que l'exemple de la dis ifion des Juifs , qui
caufa la ruine de Jérufalem , a réüni tous les
Citoyens , & qu'ils concourent tous d'une
maniere unanime à finir un ouvrage
déja très-avancé & dont ils connoiffent
aujourd'hui l'importance & l'utilité.
Rien encore n'eft plus faux que la hainė
que facob Brito leur prête pour les Catholiques.
J'ai entendu plufieurs fois des Miniftres
même de Genéve rendre juſtice à
la probité , aux talens & aux connoiffances
de divers Ecrivains de la Communion
Romaine , & les citer avec éloge . Tout
partial qu'eft l'Auteur des Lettres Juifves,
il ne peut s'empêcher d'avouer que les Genévois
ne font aucun changement aux Livres
des Catholiques qui s'impriment ches
4
MARS . 1748. 21
eux , & qu'ils en parlent avec beaucoup de
modération .
Ce Juif ne croit pas que Genéve fubfifte
encore long- tems en République , moi je
penfe tout autrement , & je ne crains point
qu'elle devienne la proye d'aucun de fes
voifins. Les loüables Cantons fes Alliés
ont trop d'intérêt à fa confervation pour
ne pas y contribuer de toutes leurs forces.
Les Savoyards femblent avoir oublié leur
jaloufie , leurs anciens reffentimens , &
s'intéreffer à la profpérité d'un Etat dont
ils tirent eux- mêmes de grands avantages ,
mais ce qui me raffûre le plus , c'eft la protection
déclarée de la France , dont la République
fent bien tout le prix , & dont
elle ne fe rendra jamais indigne, Genéve
n'a donc rien à redouter que d'elle- même ,
mais fon Gouvernement bien affermi &
qui eft établi fur l'équité & fur le bonheur
public , a des fondemens inébranlables
Et périffe à jamais le Citoyen perfide ,
Qui portant fur l'Etat une main parricide ,
Voudroit par fes projets en troubler le repos ;
Et d'un Etat reglé faire un affreux cahos !
22 MERCURE DE FRANCE.
•
@ གུ :: ་ གུ
ODE
Tirée du Pleaume 143 : Benedictus
Dominus Deus meus , qui docet.
BEni foit par toute la terre
Le Dieu que reverent les Cieux ,
Qui guidant mon bras dans la guerre ,
Me rend toujours victorieux !
Il fit dès mon adolefcence
Eclater pour moi fa clémence ,
Et contre la haine des Rois
Il fçut me trouver un azile ,
Et rendre fon peuple docile
Et fidéle à fuivre mes loix.
***+
Que fommes - nous , fouverain Etre !
Comment à de foibles humains
Veux-tu bien te faire connoître
Et prendre foin de leurs deftins !
L'homme , ainfi que la fleur & l'herbe ,
Voit faner la tête fuperbe ,
Et promtement paffer les jours.
Seigneur , daigne encore m'entendre ,
MARS. 23 1748 .
Abaiffe les Cieux , viens défendre
Ceux qui reclament ton fecours,
+3x+
Defcends & réduis en fumée
L'orgueil & les cruels deffeins
D'une Nation animée
A verfer le fang de tes Saints ;
Délivre- nous d'un peuple impie ,
Qui comme un torrent en furie ,
Eft prêt d'inonder nos fillons,
Tonne , éclate , lance la foudre
Qu'elle mette leurs chars en poudre ,
Et diflipe leurs bataillons.
**+
Leurs difcours ne font qu'impofture ,
Que menace & que vanité ;
On voit toujours leur droite impure
Se vouer à l'iniquité.
Toi , dont la fageffe profonde
Veille au fort des maîtres du monde ,
Et qui me vengeas d'un géant ;
Prends contre eux en main ma défenſe ,
Je célebrerai la puiffance
Qui tira le Ciel du néant,
**
24 MERCURE DE FRANCE.
Ainfi que de nouvelles plantes ,
Ils ont vû s'élever leurs fils ;
Leurs filles font plus éclatantes
Qu'un Temple enrichi de rubis ;
La vigne , & l'olivier fans ceffe
A combler leurs fouhaits s'empreffe ,
Dans leurs prés & fur leurs côteaux
On voit en tout tems la verdure
Préfenter une ample pâture
A leurs gras & nombreux troupeaux.
Leurs remparts bravent les menaces
De leurs plus vaillans ennemis
Et l'on n'entend jamais leurs places
Retentir de lugubres cris.
Heureux , ont-ils dit , la Patrie
Où le peuple paffe ſa vie ,
Comblé de biens fi précieux !
Leur bonheur n'eft qu'une chimere ;
Heureux ceux dont le coeur révére
Le fouverain Maître des Cieux !
De Sainte Palaye , de Montfort Lamaury.
SEANCE
'MAR S. 1748 .
25
M洗洗洗洗洗洗送送送送洗洗洗洗
SEANCE PUBLIQUE de l'Académie
Royale de Chirurgie , tenue le
Mardi 30 Mai 1747 , à laquelle préfida
M. Puzos, Directeur , pendant la vacance
de la Place de Premier Chirurgien du Roi,
depuis remplie par M. de la Martiniere.
Mmic >
R Hevin , Secretaire de l'Acadépour
les correfpondances , fit
en l'abfence de M. Quefnay , Secretaire
l'ouverture de la féance ; il déclara que
l'Académie dans les differens mémoires
qu'elle avoit reçûs fur la queftion des Médicamens
déterfifs , propofée pour le fujer
du Prix de cette année , n'en ayant trouvé
aucun qui fatisfit pleinement à la queſtion ,
avoit crû devoir réferver le prix & propofer
de nouveau le même fujet pour l'année
& en conféquence il annonça que 1749 ,
le Prix feroit double , c'eft -à-dire que celui
qui donneroit le meilleur mémoire fur
le fujet propofé auroit deux médailles d'or,
chacune de la valeur de 200 livres .
M. Hévin lût enfuite le Programme pour
le Prix de l'année 1748 ; la queſtion propofée
concerne les Remedes defficatifs &
Les cauftiques .
Il fit après les éloges de M. Peyrat ,
B
26 MERCURE DE FRANCE.
Académicien libre & Accoucheur de la
Reine & de Mefdames les Dauphines ; de
M. Granier , Confeiller du Comité perpétuel
de l'Académie , & de M. Graces ,
Docteur en Médecine , l'un des Chirur
giens de l'Hôpital de la Charité de Dublin
en Irlande , & Affocié étranger de l'Académie
, morts tous trois depuis la féance
publique de l'année derniere .
Il annonça pour la prochaine féance
publique l'éloge de M. de la Peyronie
, Ecuyer , Confeiller , Premier Chirurgien
du Roi , Médecin confultant &
par quartier de S. Majefté, Chef de la Chirurgie
du Royaume , Membre des Académies
des Sciences de Paris , de Montpellier,
& c. & Préſident de celle de Chirurgie , le
peu de tems qui s'est écoulé depuis la mort
jufqu'à la féance publique n'ayant pas permis
de raffembler tous les matériaux néceffaires
pour cet ouvrage.
Le premier Mémoire qui fut lû eft celui
de M. Laforeft , concernant une nouvelle
méthode de guérir plufieurs des maladies
du fac lachrymal & de ce qui en dépend
, qui peuvent conduire à la fiftule du
grand angle de l'oeil , & peut être la fiftule
elle-même , lorfqu'elle eft récente ou
qu'elle n'eft pas compliquée d'accidens trop
fâcheux & furtout d'altération aux os par
MARS. 1748 . 27
la carie , car autrement il ne faut pas s'amufer
à des panfemens inutiles & fans fin ;
l'on eft indifpenfablement obligé d'en venir
à la véritable opération , auffi prompte
que certaine , qui confifte à ouvrir le fac ,
percer de fuite un paffage aux larmes &
faire fuppurer l'engorgement.
La route des larmes dans fa plus grande
largeur du côté d'enhaut , comme dans fa
partie la plus étroite qui s'ouvre dans le
nez , peut être attaquée de gonflemens
de differentes efpéces , d'ulcérations intérieures
, d'abfcès , enfin de fiftules , fouvent
annoncés par des indifpofitions d'abord de
peu de conféquence , mais trop négligées
de ceux qui en font attaqués. Ce font ces
premiers tems du mal que M. Laforeft prétend
furtout affujettir à la méthode qu'il
propoſe.
Jufques dans les commencemens de ce
fiécle la meilleure Chirurgie n'avoit pas de
moyen véritablement local pour prévenir
les progrès des légeres maladies intérieures
du fac lachrymal, &c.qui font prefque toujours
la caufe des fuppurations abondantes
& longues dont l'iffue la plus ordinaire eft
par les points lachrymaux ou par le trou
refté après l'abfcès de cette partie.
En 1712 Anel , Chirurgien François ,
éclairé & plein d'ardeur , qui avoit vû les
B ij
28 MERCURE DE FRANCE.
Anatomistes pour leurs démonftrations ,
introduire dans les points lachrymaux des
foyes de porc , imagina de faire paffer par
ces mêmes voyes imperceptibles un filet
affés fin, quoiqu'armé d'un bouton , & même
un fyphon proportionné & adapté à
une petite feringue , pour déboucher & laver
le fac lachrymal & fon conduit , deforte
que la liqueur injectée pouvoit fortir du
côté du nez , ou s'il y avoit trop d'engorgement,
elle rétrogradoit par le point lachrymal
refté libre, en cas qu'il n'y eût pas d'ou
verture étrangere. Le manuel de cette opération
s'exécutoit prefque fans douleur, &
le fuccès étoit communément heureux.
M. Mery , fi connu comme Chirurgien
& pour Anatomifte du premier ordre ( &
ce n'eft qu'à de pareils titres que l'on a
droit de prononcer ) approuva la méthode
d'Anel , qui lui en avoit écrit & auquel il
répondit avec un éloge qu'il ne faut pas
prendre dans un fens abfolu , comme on a
fait dans le Commentaire François de la
Médecine d'Allen ; quand M. Mery dit
dans le tems , qu'il ne fe trouvera aucun Chirurgien
qui puiffe l'imiter dans fa façon d'opérer
; c'étoit un pur compliment mis dans
une lettre particuliere qu'il ne penfoit pas
devoir être imprimée. Mais M. Mery a
fait plus depuis que d'approuver , lui qui
M AR S. 1748 . 29
connoiffoit fi parfaitement cette route délicate
comme tant d'autres ftructures , alla
plus loin & penfa , comme il l'a dit plufieurs
fois de vive voix , qu'il feroit fort
avantageux de porter ces mêmes opérations
d'Anel vers le bas de la route des
larmes par l'intérieur du nez .
On doit donc être redevable à M.
Laforeft d'avoir rempli les premieres vûës
qu'a données M. Mery , de les avoir fait
valoir par des tentatives réiterées , & parvenir
à des opérations encore plus faciles
que celles d'Anel . Il fe fert prefque dés
mêmes inftrumens , dont la forme eft un
peu differente , mais ils n'ont pas beſoin d'être
fi déliés , & c'eft encore un avantage ,
ayant une toute moins étroite à traverſer.
Quelques fondes pleines de differentes
groffeurs & proportionnées au diamétre du
canal , une fonde à aiguille , une fonde
cannelée & une feringue qui eft terminée
par un court fyphon recourbé , garni vers
fon extrêmité d'une faillie en forme de
bourlet ; toutes les fondes font à peu près
courbées en façon d'Algalie ; comme l'on
voit,les injections font pouffées plus abondamment
à la fois , & peuvent fortir rapidement
dans le cadavre par les points lachrymaux
, d'ailleurs le ftilet & la fonde pénétrent
facilement jufques dans le fac & fe
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
"
font fentir extérieurement au toucher ,
même font appercevoir une faillie aux tegumens..
Quoique avec ces motifs de preference ,
ce n'eft pas qu'il faille rejetter l'invention
d'Anel , & M.Laforeft ne paroît pas y donner
atteinte,parce qu'elle peut avoir fes avanta .
ges dans des cas particuliers. 1 °. Lorſque les
petits paffages des points lachrymaux auroient
befoin d'être entretenus libres. 2 °.
Dans celui où la difficulté feroit trop grande
de pénétrer par le bas dans le conduit malade
& en quelque forte obliteré vers fa fin .
On voit par là que les deux méthodes, celle
d'Anel & celle de M. Laforeſt fourniſſent
réciproquement des reffources , & même
plus , qu'elles pourroient peut -être concourir
enfemble à la guérifon d'une même maladic
; ainfi il faut que les deux façons de
traiter foient familieres aux Chirurgiens ;
une repugnance qui ne viendroit que de
l'habitude de l'une des deux les mettroit
quelquefois en défaut . On a cependant
tout lieu d'augurer que la façon de traiter
de bonne heure par le côté du nez , difpenfera
fouvent de tenter cette cure par
points lachrymaux .
les
Il feroit trop long de fuivre M. Laforeſt:
dans tout ce qu'il a examiné & avancé , comme
preuves de l'utilité de fa méthode . On
MARS. 1748. 31
>>
s'arrêtera feulement d'abord à une circonftance
intéreffante à l'égard du manuel de
l'opération , dont la poffibilité eft bien éta-
» blie:Je l'ai prefque toujours exécutée avec
»toute la facilité poffible , cependant j'y
>> ai trouvé des obftacles que l'expérience
» m'a fait furmonter. Les difficultés qui
>> peuvent s'opposer à la parfaite exécution
» de cette opération , viennent , premiere-
» ment des variations qui fe trouvent
» dans la fituation de ce conduit , fecon-
» dement des differens degrés d'altération
qu'il a pû fouffrir , troifiément des pro-
» portions qu'il faut trouver entre ce con-
» duit & la fonde , quatrièmement de la fi-
» tuation de la coquille inférieure du nez ,
» qui eft quelquefois fi baffe qu'il peut
>> arriver que faute d'y faire attention on
paffe par deffus au lieu de paffer par def-
» fous , où fe doit rencontrer l'orifice infé-
» rieur du conduit nazal . «
"
33
"
»
39
Voici enfuite comme M. Laforeft s'explique
fur la façon de fonder. » Il faut
d'abord porter la fonde dans le nez de
» haut en bas , de dedans en dehors , &
» enfuite faire faire un demi tour à l'inf-
> trument > comme quand on fonde la
» veffie c. a. d. de bas en haut & de dehors
>> en dedans , en portant le bout de la
» fonde vers l'arcade que forme la co-
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
» quille inférieure du conduit nazal . On
» connoîtra , ajoute- t'il , que le bout de
» la fonde eft dans ce conduit lorfqu'elle
» n'aura plus de jeu fous la coquille , &
» qu'au contraire elle y fera arrêtée fans
pouvoir vaciller ; pour lors on fera faire
" la baffecule à la tête de la fonde par de
petites fecouffes , jufqu'à ce qu'on re-
» connoiffe l'extrêmité de la fonde vers le
> bord offeux de l'orbite , ou bien aubord
fupérieur du conduit nazal , &c . «
"
39
Quelquefois , felon la remarque de M.
Laforeft , la fonde fe trouve engagée dans
le canal même , enforte que l'on a quelque
peine à la faire paffer jufques dans le fac
où on doit l'appercevoir auffi- tôt à la vûë
ou au toucher.
Mais comme la maladie ou fa caufe eft
ordinairement à l'orifice inférieur du conduit
nazal , il n'eft pas toujours beſoin de
porter la fonde immédiatement dans le
fac , c'eft pourquoi la feringue eft fouvent
fuffifante pour la détruire. A l'égard de la
méthode de feringuer , il faut prendre les
mêmes précautions dans l'introduction de
fon fyphon que pour fonder ; il ne s'agit
donc que d'en placer le petit bec dans
l'entrée de ce conduit & de pouffer l'injection
avec le pifton , toujours avec la
précaution de ne point forcer le fac lachryMARS.
33 1748.
"
mal par une trop grande quantité à la fois ,
qui pourroit lui faire perdre fon reffort .
Comme les maladies de la route des larmes
varient , on juge aifément que l'ufage
des inftrumens doit être different
felon leur fituation & leur état . Aufli
pour montrer la conduite que tient M.
Laforeft voici comme il s'exprime . » Si la
» maladie confifte dans l'obſtruction du
» conduit nazal , je me fers d'abord de la
fonde pleine pour détruire plus facile-
» ment ce qui peut former l'obftruction
» je fais enfuite au moyen de la feringue à
fyphon garni du bourlet on bouton , des
» injections déter fives capables de mondi-
» fier les ulcéres qui fe trouvent dans tous
» les endroits qui ont été obftrués.
» Si la maladie eft dans le fac lachrymal,
» & qu'il foit fimplement ulcéré , fans
» obftruction au conduit nazal , il ne faur
point fe fervir de la fonde ; je me con-
» tente d'y faire quelques injections avec
>> des liqueurs convenables , & par ce
« moyen la maladie céde bientôt fans au-
» tre opération , ce que je prouve par plu
« fieurs obfervations . «<<
Quand cependant le fac eft trop obftrué,
M. Laforeft entend que l'on y porte la
fonde cannelée , que l'on lui faffe même
faire quelques mouvemens , pour rompre
By
34 MERCURE DE FRANCE.
l'engorgement & mettre les parties inté
rieures en état de recevoir l'injection.Il propofe
encore ce qu'il a fait , de laiffer la fonde
pendant quelques jours pour entretenir
ces voyes libres qui pourroient fe refermer.
Une autre opération à faire , felon le
Mémoire , c'eft que s'il y a fiftule en dehors
, & que le conduit nazal ne foit
pas
bien libre , c'eft de paffer un feton de l'ulcére
dans le nez : » Pour le faire , dit M.
» Laforeft , on introduira par l'orifice in-
» férieur du conduit jufques dans le fac la
» fonde à aiguille ; on fera fortir fon ex-
» trêmité percée par l'ulcére , & on y enfi-
» lera un ou plufieurs brins de fil que l'on
» tirera par le nez & en dehors conjointe-
»ment avec la fonde . «
"
M. Laforeft entâme un autre point de
pratique , c'eft à l'égard de l'altération de
l'os unguis qu'il croit foumettre à ſa méthode
, en difpenfant de le percer , pour
faire une nouvelle route aux larmes.
Comme la plupart des Praticiens pourroient
n'être pas du même fentiment , il
ne le donne qu'avec circonfpection . En
effet trop de confiance dans une méthode,
encore recemment projettée , pourroit être
contraire aux vûës louables de progrès &
d'utilité que l'on fe propofe en Chirurgie ;
MARS. 1748.
35
c'eft ce qui fait que l'Auteur attend pour
mieux déterminer à quoi l'on doit s'en
tenir , de plus , nombreufes obfervations
là- deffus , en y joignant furtout celles des
autres Maîtres de l'Art .
R
EPITRE à M. **.
Appellé par tes vers au goût de la morale ;
J'aime les vérités que ta fageffe étale ;
Agité , grace au Ciel , de douces paffions ,
Tes leçons à mes yeux font d'utiles leçons ;
Ta raiſon les puifa dans une fource pure ;
Je reconnois en toi la voix de la nature.
Jeune encor , dans mon coeur fes falutaires mains
Aux germes des vertus ont ouvert les chemins ,
Et du fein des erreurs , dont le torrent m'entraîne,
Je reconnois un maître & l'offenfe avec peine.
Si quelque chofe en moi fe révolte & l'aigrit ,
C'eſt ce corps malheureux & non pas mon efprit :
Sur mon aveuglement en tout tems je l'implore ,
Je le fens , il fuffit ; & par tout je l'adore.
De ton exemple , ami , me faiſant une loi ,
Ainfi je m'étudie à penfer comme toi ;
Sans ceffe je bénis mon Auteur équitable,
Qui voulant me munir d'un fecours favorable ,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Compenfa , dans fes dons prudent diſpenſateur ,
En fageffe d'efprit les défauts de mon coeur .
L'orgueil injufte & vain , & la haine & l'envie ,
La folle impiété , l'obfcure calomnie ,
Qu'a fi bien à mes yeux figurés fon pinceau ,
Sont des monftres par moi vaincus dès le berceau,
Mon efprit revolté qui par goût les déteſte ,
Jamais ne s'infecta de leur poiſon funeſte ,
Et je me trouve enfin fous de plus douces loix ,
Vertueux par devoir , honnête homme par choia.
Ami , les paffions que fans crainte j'écoute ,
Ont des émotions plus tranquilles fans doute ,
Et jamais dans un coeur , j'en excepte l'amour
Aucune ne laiffa de finiftre retour.
J'aime tous les talens , dont l'heureuſe induſtrie
Cherche à multiplier les plaifirs de ma vie ;
L'art de nos Raphaels , l'éloquence , les vers ,
Une vive danfeufe & de fublimes airs ;
Dumefnil déclamant ou le Maure qui chante ,
Rempliffent mon efprit d'un bonheur qui l'en
chante .
Chaque chofe a fon tems , & la fociété
A des droits naturelsfur notre oifiveté.
Malheureux à jamais qui voudroit s'y fouftraire ,
3
Je le fçais & prétends me rendré néceffaire,
Mais d'aller de mes jours partifan de Thémis ,
M'endormir gravement au fein des fleurs de lys ;
MARS. 1748. 3:7
Et l'eſprit affaiffé ſous le poids d'une cauſe ,
Sénateur ignorant , juger la bouche cloſe :
Je ne me fens point propre à ce hardi métier ,
Et fans robe à longs plis puis chés moi fommeil
ler.
Le devoir & l'honneur excitant mon génie,,
Les travaux de Bellone euffent fait mon envie ..
Fontenoy , fur les pas de nos jeunes guerriers ,
M'auroit vu dans fes champs accourir des pre
miers ;
Animé par Louis ,fignaler mon courage ,
Et de la France enfin partager l'avantage.
Dans ces nobles tranfports quelle gloire pour
moi
De vaincre ou de mourir fous les yeux
Roi!
de mon
Pourquoi faut- il , hélas ! qu'une fanté débile
Tienne dans les langueu: s ma valeur inutile "
Et que
par
l'afcendant
de mon
fâcheux
deſtin
,
Ma
mort
ſoit
refervée
à l'art
d'un
Médecin
?
Mais
avant
, cher
ami
, que
ce dur terme
arrive`
,
Et tandis
que fa main
permettra
que
je vive
,
Puis
-je trop
me louer
du fort
officieux
Qui
dans
toi vint
m'offrir
un ami
généreux
,
Dont
l'efprit
façonné
des mains
de la fageſſe
Au folide
fçavoir
joint
la délicateffe
,
Et tantôt
férieux
, & tantôt
amusant
,
7.
18 MERCURE DE FRANCE,
Reveille , éleve , attache & plaît en inſtruiſant?
Cher ami , plût au Ciel , que ton expérience
Eut plutôt éclairé ma vive adolefcence !
'Au choix de ta raifon foumettant mes plaifirs ;
Je n'eufle alors formé que de fages defirs ,
Mais enfin, aujourd'hui que tu daignes m'inftruire ,
Devenu plus prudent en l'art de me conduire ,
Sur le tien je commence à réformer mon coeur ,
Et vais te fuivre en tout,pour trouver le bonheur.
De Saint Jule.
A Madame la Comteffe D *** au premier
jour de l'an.
V
Otre efprit , votre coeur vos talens , vos
appas ,
•
Devroient vous exempter de la loi du trépass
Pour tant de qualités en vous ſeule affemblées ,
Puiffent fur vos vertus fe régler vos années !
Après de longs combats jouiſſez à jamais
De cette heureuſe paix ,
Que de vos paffions vous acquit la victoire ;
Pout tout dire en un mot , & combler mes fou
haits ,
Vivez, Sapho , vivez autant que votre gloire!
Par le même.
MARS. 1748. 39
EDEDEDEDEDESTACARATS:RORD
MEMOIRE hiftorique fur la vie &
les ouvrages de M. Jean Bernoulli , Pro
feffeur de Mathématiques à Bâle ,
Membre des Académies Royales des Sciences
de France , d'Angleterre , de Pruffe
& de Ruffie , &c. mort depuis peu dans
un âge fort avancé.
M
R. Bernoulli ne m'eft connu que
par fes ouvrages ; je leur dois prefque
entierement le peu de progrès que j'ai
fait en Géométrie , & la reconnoiffance
exige de moi l'hommage que je vais rendre
à fa mémoire. N'ayant eu avec lui aucune
espèce de commerce , j'ignore les
détails peu intéreffans de fa vie privée ;
je laiffe done à des chercheurs de dattes
& à des compilateurs de Mémoires le ſoin
de le faire naître & mourir : je commence
fa vie où commence fa réputation , & fon
Hiftoire n'y perdra que peu d'années ; je
dis fon Hiftoire car je la promets encore
plus que fon éloge ; on ne peint point les
hommes quand on les peint fans foibleſſes ;
ôter au vrai mérite quelques taches legéres
, c'eft peut-être lui faire tort , & c'eſt
fûrement en faire à la vérité. Ainfi dans
l'abregé que je vais donner de la vie de
40 MERCURE DE FRANCE.
M. Bernoulli , c'eft-à- dire , de fes travaux ,
l'homme illuftre fe fera fouvent admirer ,
l'homme s'y montrerà quelquefois.
Après avoir annoncé dans une trèsgrande
jeuneffe ce qu'il devoit être un
jour , par une Differtation fur l'effervefcence
& la fermentation qu'il publia &
qu'il foutint en forme de Théfe , il fe fit
connoître aux Géomérres bientôt après par
le fameux problême de la Chaînette , agité
depuis long tems parmi eux , & que le célébre
Galilée avoit effayé de réfoudre ; ce
problême confifte à trouver la courbure
que prend une chaîne , confiderée comme
un fil parfaitement flexible , chargé d'une
infinité de petits poids , & attaché dans
un plan . vertical par fes deux extrémités.
M. Bernoulli détermina cette courbe , &
trouva qu'elle étoit du nombre de celles
que les Geométres ont nommées courbes
méchaniques , c'est- à-dire , qui ne peuvent
être repréfentées par une équation finie ;
il démontra peu de tems après que la courbure
d'une voile enflée par le vent étoit
la même que celle de la chaînette , & réfolut
ainfi deux problèmes très- difficiles
au lieu d'un.
La flexion de la chaîne & de la voile
en chaque point , dépend de la pofition
de chaque petit côté de la courbe ; il fal
MARS. 1748. 41
loit donc trouver une équation ou formule
générale qui déterminât cette pofition
; la Geométrie des infiniment petits
peu connue alors , étoit feule capable d'y
atteindre , mais un inftrument fi néceffaire
eût encore été inutile au grand nombre
; il demandoit une main habile pour
être employé avec fuccès , & d'ailleurs
M. Bernoulli ne devoit en quelque forte
qu'à lui-même l'avantage de le pofféder ,
car il avoit trop contribué par fes travaux
à perfectionner cette Geométrie naiffante,
pour n'être pas mis au nombre de ceux qui
l'avoient créée.
Peu de tems après il réfolut un autre.
problême , dont il avoue qu'il étoit occupé
depuis cinq ans ; c'eft celui du plus court
crépufcule. On fçait que le crépufcule ,
qu'elle qu'en foit la caufe , commence le
matin & finit le foir quand le Soleil eft à
18 degrés au- deffous de l'horifon , c'eſtà-
dire , quand la portion du cercle vertical
comprife entre l'horifon & le Soleil
caché au-deffous , eft un arc de 18 degrés ;
le crépuscule doit donc durer autant de
tems que le Soleil en met à defcendre
de 18 degrés au- deffous de l'horifon . Or
cet aftre ne décrit pas tous les jours le
même cercle par rapport à nous , puifqu'il
eft tantôt plus près de notre Zénith , &
42 MERCURE DE FRANCE.
*
tantôt plus loin ; il eft donc chaque jour
plus ou moins de tems à parcourir ces 18
degrés ; la difficulté confifte à trouver le
jour de l'année où ce tems eft le plus petit
qu'il eft poffible , & M. Bernoulli donne
pour cela une régle fort fimple : mais il ne
nous apprend ni le chemin qu'il a ſuivi
pour y arriver , ni les difficultés qui l'avoient
arrêté i long- tems. Elles étoient
vrai-femblablement les mêmes que M. de
Maupertuis a fçû le premier appercevoir
& refoudre dans fon Aftronomie nautique.
M. Bernoulli publia vers le même tems
une espece de Théfe fur la Logique , que
nous croyons pouvoir propofer comme un
modéle des ouvrages de cette efpece. La
Logique n'y paroît point avec l'appareil
ridicule dont les Philofophes de l'Ecole
l'avoient défigurée. Elle eft réduite à ce
qu'elle contient de vrai & d'utile , c'eſtà-
dire à peu de préceptes, & la plupart font
appuyés par des exemples tirés de la Géométrie
; on peut en effet regarder cette
derniere fcience comme une vraie Logique
pratique , parce que les vérités dont
elle s'occupe , étant les plus fimples & les
plus fenfibles de toutes , font par cette
raifon les plus fufceptibles d'une application
facile & palpable des regles du raifonnement.
MARS. 1748. 43
Cette Théfe fut fuivie d'une Differtation
fur le mouvement des muſcles , que
M. Bernoulli compofa pour recevoir le
Doctorat en Médecine , car il étudioit auffi
cette derniere fcience , & fes Maîtres fe
glorifioient de compter parmi leurs diſciples
un Mathématicien du premier ordre .
Mais l'Anatomifte & le Médecin , qui
étoient chés lui fort fubordonnés au Géométre,
le font auffi dans cette Differtation ,
car il avoit choisi un fujet où il pût faire
briller fa fcience favorite , & l'ouvrage eft
furtout recommandable par l'heureux emploi
que M. Bernoulli fait de la Méchanique
la plus fubtile pour déterminer la courbure
des fibres élaftiques mufculaires , enflées
par le fluide qui les remplit ; fes formules
lui fourniffent une table où l'on
trouve la force néceffaire à un muſcle
foutenir un poids donné.
.
pour
Il continua pendant quelques années à
remplir les Actes de Leipfic de differents
opufcules mathématiques , dignes de leur
Auteur : mais le détail en feroit trop long,
& ceux qui les ont fuivis les ont prefque
fait oublier. Ce furent là , pour ainsi dire ,
les degrés par lefquels il s'éleva en 1697
au fameux problême de la Brachyftochrone
ou ligne de la plus vite defcente. Voici l'énoncé
de ce probléme, tel queM.Bernoulli
44 MERCURE DE FRANCE.
le propofa aux Géométres : Deux points
étant donnés , lefquels foient dans un plan vertical
& ne foient cependant ni dans la même
ligne horisontale , ni dans la même ligne verticale
, trouver une courbe qui paſſe par ces
deux points , & dont la propriété foit telle
qu'un corps pefant defcendant le long de fa
concavité , mettroit moins de tems à la parcon-
-rir qu'il n'en mettroit à parcourir toute autre
ligne droite ou courbe , paffant par les mêmes
points. Galilée qui avoit crû la chaîque
nette étoit une parabole , avoit crû auffi
que la ligne de la plus vite defcente étoit
un cercle , & cet homme immortel par fes
découvertes aftronomiques & méchaniques,
n'avoit pas trouvé dans la Géométrie
de fon tems des fecours fuffifans pour
réfoudre la queftion .
M. Bernoulli , en propofant le probléme,
avoit averti que la ligne droite qu'on pou
voit tirer entre les deux points donnés ,
quoique plus courte qu'aucune autre , n'étoit
pas cependant celle qu'un corps pefant
mettroit le moins de tems à parcourir.
Nous n'entreprendrons point d'en donner
la raifon métaphysique. Ce n'eft
qu'à l'aide d'un calcul très-fubtil qu'on peut
démontrer cette vérité . Tout ce qui eft
fufceptible d'idées préciſes , n'en fouffre
point d'autres préfenter des notions vagues
MARS. 1748. 41
y
pour des démonftrations exactes , c'eſt ſubftituer
de fauffes lueurs à la lumiere , c'eſt
retarder les progrès de l'efprit en voulant
l'éclairer ; l'ignorance croit y gagner , &
les fciences y font une perte réelle. Ce
n'eft pas que la Géométrie n'ait , comme
toutes les autres fciences,une métaphyfique
qui lui eft propre, & néceffaire même pour
faire des découvertes ; un homme qui
avant que de toucher les objets les apperçoit
déja, quoique confufément, a fans doute
beaucoup d'avantage fur un aveugle qui
les rencontre brufquement & par hazard :
mais ce n'eft pas affés d'entrevoir une vérité
géométrique dans l'éloignement , il
faut pour ainfi - dire , nous affurer d'elle en
la reconnoiffant de plus près , & franchir
l'intervalle qui nous en fépare ; or le calcul
eft le feul guide qui puiffe conduire
dans cette route , faire éviter les obftacles
qui s'y rencontrent , ou avertir qu'ils font`
infurmontables. Mais comme ce guide feroit
trop peu familier à la plupart de nos
lecteurs , nous ne pouvons tout au plus
dans la queftion dont il s'agit , que diminuer
le paradoxe & diffiper les fauffes raifons
qui pourroient faire croire que la ligne
droite eft celle de la plus vite defcente.
Si un corps pefant fe mouvoit uniformément
, c'eſt- à dire , s'il parcouroit tou
46 MERCURE DE FRANCE.
jours en tems égaux des efpaces égaux , il
n'eſt pas douteux que la ligne droite étant
la plus courte de toutes , feroit auffi celle
qu'il parcourreroit en moins de tems. Mais
un corps péfant defcend d'un mouvement
accéleré , & le tems qu'il employe à parcourir
une ligne quelconque , eft la fomme
des tems inégaux qu'il met à en parcourir
les differentes parties. S'il fe meut
fur une ligne courbe qui paffe par les deux
points donnés, & qui tombe au-deffous de
la ligne droite tirée par ces deux mêmes
points, on voit au premier coup d'oeilqu'il
doit d'abord defcendre plus verticalement,
& par conféquent avec un mouvement
plus acceleré que s'il décrivoit la ligne
droite . Il n'y a donc rien d'abfurde à
croire qu'il puiffe parcourir la ligne courbe
en moins de tems. Voilà jufqu'où la
Métaphyfique peut nous conduire ; c'eft au
calcul feul à achever le refte & à faire entierement
évanouir le paradoxe , parce que
c'eft à lui feul à déterminer & à comparer
entre eux les deux tems. On trouve par
fon fecours que la Brachytochrone doit
être une portion de cycloïde , courbe trèsfamiliére
aux Géométres. C'eft celle que
décrit le point de la circonference d'un cercle
qui roule fur un plan ,ou pour lui donner
une origine plus connue , c'eft celle
MARS. 1748 . 47
que trace en l'air le clou de la circonference
d'une rouë qui tourne . La cycloïde
a un grand nombre de proprietés très - fin-.
guliéres , & celle d'être la courbe de la
plus vîte deſcente , n'eſt pas une des moins
remarquables .
Il ne fera peut- être pas inutile de donner
une idée de la folution de M. Bernoulli
; nous le ferons même d'autantplus
volontiers , que cette folution finguliere
peut fournir matiere à quelques obfervations
importantes.
La courbe Brachyftochrone doit être
telle , que fi on y prend à volonté une
très-petite portion terminée par deux
points quelconques , cette petite portion
foit parcourue en moins de tems qu'une
autre petite portion de courbe terminée
par les deux mêmes points infiniment proches.
En effet fi cette derniere portion
étoit parcouruë en moins de tems que la
premiere , & qu'on ôtât à la courbe la
premiere portion qu'elle avoit , pour lui
donner l'autre , la courbe dans ce nouvel
état feroit parcourue en moins de temsi
que dans le premier état , & par conféquent
elle ne feroit pas dans fon premier
état la courbe de la plus vite defcente ,
ce qui eft contre la fuppofition. Or la
portion de courbe infiniment petite , dont
48 MERCURE DE FRANCE.
nous parlons , peut être regardée comme
compofée de deux petites lignes droites ,
dont chacune eft parcourue avec une viteſſe
differente , mais uniquement dépendante
de la hauteur d'où le corps eft fuppofé
tomber. Il faut donc trouver la pofition
que doivent avoir ces deux petites
lignes pour être parcourues dans le moins
de tems qu'il eft poffible ; l'équation differentielle
qui détermine cette pofition
eft celle de la cycloïde , & on y parvient
affés facilement.
Mais M. Bernoulli fit plus que de réfoudre
le probléme de la plus vite defcente.
Il prouva qu'il étoit analogue à un
autre tout auffi difficile , c'eſt la recherche
de la courbe que décrit un corpufcule de
lumiere , en traverfant un milieu dont les .
couches fant d'une denfité variable. On
fçait qu'un rayon qui paffe obliquement
d'un milieu dans un autre, ne continuë pas
fon chemin dans la même ligne droite fuivant
laquelle il entre , mais qu'il s'en détourne
en entrant dans le nouveau milieu ,
& s'en détourne d'autant plus que la denfité
du nouveau milieu differe plus de celle
du milieu d'où il fort. Si donc un rayon
de lumiere traverſe un fluide compoſé d'une
infinité de couches , chacune d'une
denfité differente , il doit à chaque inftant
s'écarter
MARS. 1748.
49
s'écarter un peu de fa direction & par conféquent
décrire une courbe . C'eft ce que
font les rayons en pénétrant notre atmofphere
, dont les couches élastiques fe compriment
les unes les autres par leur poids ,
& font par conféquent d'autant plus comprimées
& d'autant plus denfes qu'elles
font plus proches de nous . M. Bernoulli
prouva qu'en fuppofant une certaine loi
dans les denfités de ces couches , la courbe
décrite par le rayon de lumiere devoit être
une cycloïde , comme la courbe de la plus
vîte defcente en étoit une . Il eſt vrai que
dans fa folution il admet un principe contefté
par plufieurs grands Géométres & ha
biles Phyficiens , fçavoir qu'un corpufcule
de lumiere qui va d'un point à un autre ,
placé dans un milieu different, doit y aller
dans le tems le plus court qu'il eft poffible.
M. de Fermat avoit le premier avancé ce
principe , croyant ébranler par des raifons
métaphyfiques l'explication ingénieufe que
Defcartes avoit donnée de la refraction ;
M.Huyghens l'avoit enfuite adopté comme
une conféquence de fon hypothéfe fur la
propagation de la lumiere ; enfin M. Leibnitz
l'avoit foutenu comme favorable à fes
idées fur les caufes finales ; & les atteintes
que plufieurs Philofophes lui ont posté à
differentes repriſes , n'ont pû encore lui
C
50 MERCURE DE FRANCE
faire perdre tous les partifans. Quoiqu'il
en foit, on peut ne le regarder ici que comme
une hypotheſe purement géométrique,
&.la folution ne perdra rien de fon mérite
.
En propofant aux Géometres le problême
de la plus vite defcente , M. Bernoulli
leur avoit donné un certain eſpace de tems
pour le réfoudre. Ce terme qu'il prolongea
étant expiré , on ne vit paroître que
quatre folutions. L'une qui étoit de M.
Newton , fut envoyée fans nom d'Auteur ,
& M. Bernoulli dit que c'étoit un ongle
du Lion qu'il étoit facile de reconnoître ;
les trois autres étoient de M. Jacques Bernoulli
, frere aîné de celui dont nous parlons
, de M. de Leibnitz & de M. le Marquis
de l'Hôpital. Prefque toutes les Nations
fçavantes donnerent chacune un
Athlete, & peut être un cinquième auroitil
été difficile à trouver.
M. Jacques Bernoulli avoit donné à. font
frere les premieres leçons de Géométrie ;
il voyoit fon éleve courir avec lui d'un pas
égal la carriere dans laquelle il l'avoit fait
entrer , & peut -être confervoit- t'il un peu .
trop à fon égard ce ton de fupériorité dont
il eft fi difficile de fe défaire , quand une
fois on l'a pris , mais que la reconnoiffance
même a bien de la peine à fouffrir quandMA'R
S. 1748 .
il eft injufte. Le rival ne vouloit plus être
traité en difciple ; il fembloit harceler ,
quoique légerement , fon ancien maître ,
qui n'étoit pas homme à le fouffrir , & les
queftions fréquentes que M. Jean Bernoulli
propofoit aux Mathématiciens dans
les Actes de Leipfic , étoient des attaques
indirectes qui s'adreffoient à fon aîné. Celui-
ci fe crut enfin affés provoqué pour en
venir à un coup d'éclat ; faifant donc un
dernier effort , il propofa publiquement à
fon frere le fameux problême des Ifoperimetres
, & joignit même à fon cartel la
promeffe d'une certaine fomme. Il falloit
trouver parmi toutes les courbes de même
longueur qui paffent par deux points
donnés , celle qui renferme avec la ligne
droite tirée entre ces deux points , le plus
grand efpace poffible, & celles qui en tournant
autour de cette ligne droite , engendrent
le folide le plus grand , la furface
courbe la plus grande , &c. La queſtion
fut même propofée avec plus de généralité
que nous ne lui en donnons dans cet énoncé.
On n'ignoroit pas que de toutes les figures
Ifoperimetres , c'est-à- dire d'un égal
contour , le cercle eft celle qui renferme
le plus grand efpace , mais voilà tout
ce qu'on fçavoit fur cette matiere ; il reftoit
à trouver par une méthode directe &
Cij
$2 MERCURE DE FRANCE.
analytique ,, que le cercle avoit en effet
cette propriété ; il reftoit à déterminer par
cette même méthode la courbe qui par fa
révolution forme la plus grande furface ,
celle qui donne le plus grand folide , & c.
enfin à trouver une infinité d'autres courbes
fort differentes du cercle. M. Bernoulli
réfolut affés promptement toutes
ces queftions , mais il donna fa folution
fans analyfe. Son adverfaire prétendit que
la folution étoit défectueuſe , & non-feulement
ne fe crut point débiteur de la
fomme , mais s'engagea publiquement à
trois choſes , 1 ° . à deviner au juſte l'analyfe
de fon frere. 2 °. quelle qu'elle fût , à
y faire voir des paralogifmes , fi on la vouloit
publier. 3 °. à donner la folution complette
du problêmes ajoûtant que s'il fe
trouvoit quelqu'un qui s'intéreflât affés à
l'avancement des fciences pour propofer
quelque prix fur chacun de ces points , il
s'engageoit à perdre autant s'il ne s'acquit
toit pas du premier , le double s'il ne réuffiffoit
pas au fecond , & le triple s'il manquoit
au troifiéme . On verra par la fuite de
ce récit qu'il ne rifquoit rien , au moins fur
les deux derniers articles. Cette altercation
produifit de la part des deux freres plufieurs
écrits où l'aigreur femble quelque .
fois prendre la place de l'émulation : mais
MARS . 1748.
53
puifque l'un des deux avoit tort , il falloit
bien que l'un des deux fe fâchât.
y
L'Académie Royale des Sciences de Paris
fut prife pour juge du differend , & c'étoit
l'arbitre le plus refpectable que puffent
choifir les deux rivaux . La folution
de M. Jean Bernoulli fut donc remife en
1701 à l'Académie dans un papier cacheté,
& l'Auteur recommanda qu'il ne fût ouvert
qu'après que fon frere auroit publié
fon analyſe du même problême. Mais il
eut fur cette publication des difficultés qui
durerent plufieurs années ; elles furent terminées
ou plutôt arrêtées par la mort de
M. Bernoulli l'aîné , arrivée le 16 Août
1705 , & le Mémoire de fon frere fut publié
bientôt après parmi ceux de l'Académie
en 1706. Quelque élégante que paroiffe
fa folution , il faut avouer qu'elle
étoit en effet imparfaite à quelques
égards , comme l'Auteur en convint luimême
dans un écrit qu'il publia plufieurs
années après fur cette matiere, & qui contenoit
une nouvelle méthode pour réfoudre
le problême , méthode un peu plus fimple
que celle de M. Jacques Bernoulli
mais d'ailleurs entierement la même quant
aux principes. Cette conformité , jointe à
une rétractation fi long-tems differée , a
été vivement & plus d'une fois reprochée
>
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
à M. Bernoulli ; on l'a ouvertement accu
fé d'une foibleffè dont les plus grands
hommes n'ont pas toujours été exempts.
Mais s'il avoit apperçû fon erreur du vivant
de fon frere , peut- on croire qu'en
1706 , lorfque rien ne l'y obligeoit , il eût
publié cette erreur avec fon ouvrage ? M.
Leibnitz avoit paru approuver la premiere
folution , & une méprife affés fubtile pour
avoir échappé à des yeux fi pénétrans , ne
devoit pas coûter beaucoup à reconnoître,
par un aveu public . Le Géometre
n'y eût rien perdu, & le Philofophe y eût
gagné .
même
Tant de travaux auxquels des Mathéma
ticiens d'une très-grande force auroient à
peine fuffi , n'étoient pas les feuls qui occupaffent
le nôtre . En 1697 il donna dans
les Actes de Leipfic le calcul des quantités
exponentielles , c'eft -à- dire des quantités
conftantes ou variables , élevées à des puiffances
variables . La méthode de differentier
& d'intégrer ces fortes de quantités
étoit jufqu'alors inconnuë , & M. Bernoulli
ajoûta aux nouveaux calculs cette branche
, devenue depuis fi féconde . Les Actes
de Leipfic de cette même année 1697 &
des fuivantes contiennent encore plufieurs
écrits importans , qu'il compofa fur differentes
queftions mathématiques . Parmi ces
MARS 1748% ST
écrits on peut remarquer entre autres fes
recherches fur le folide de la moindre réfif
tance , c'eft-à-dire fa méthode pour trou
ver un folide , qui étant mû dans un flaide
en repos parallelement à fon axe , rencon--
tre moins de réfiſtance que tout autre folide
de même baſe , mû ſuivant la même
direction & avec la même vîteffe . M. New
ton avoit donné la folution de ce problê
me dans fon admirable ouvrage des Principes
Mathématiques , mais fans indiquer la
route qu'il avoit fuivie , & M. Fatio de
Duillier venoit d'en publier une folution
très-embarraffée . Nous remarquerons , à
l'occafion de ce dernier , qu'il fut dans la
fuite un trifte exemple des égaremens dont
les meilleurs efprits font capables. Après
avoir fait en géométrie des progrès confi.
dérables , il fe crut deftiné à de plus gran
des chofes , promit qu'il reffufciteroit des
morts , affembla toute l'Angleterre pour
en être témoin , & ne tint point pa
role.
M. Bernoulli , effrayé des calculs de M:
Fatio, fe mit à chercher par une autre voyo
. le folide de la moindre réfiftance , & il no
fut pas long-tems à le trouver: Les grands
Géométres connoiffent cette efpece de pa
reffe qui préfére la peine de découvrir une
* C iiij
MERCURE DE FRANCE.
vérité , à la contrainte peu agréable de la
fuivre dans l'ouvrage d'autrui ; en général
ils fe lifent peu les uns les autres , & peutêtre
perdroient- ils à lire beaucoup ; une:
tête pleine d'idées empruntées n'a plus de
place pour les fiennes propres , & trop de
lecture peut étouffer le génie au lieu de
Haider.. Si elle eft plus néceffaire dans l'étude
des Belles- Lettres que dans celle de la
Géométrie , la difference de leurs objets &
des qualités qu'elles exigent en eft fans
doute la cauſe . La Géométrie ne veut que
découvrir des vérités , fouvent difficiles à
atteindre , mais faciles à reconnoître dèsqu'on
les a faifies, & elle ne demande pour
cela qu'une jufteffe & une fagacité qui ne
s'acquerent point. Si elle n'arrive pas pré
cifément à fon but , elle le manque entie
rement , mais tout moyen lui eft bon pour
y arriver , & chaque efprit a le fien , qu'il
eft en droit de croire le meilleur ; au contraire
le mérite principal de l'éloquence
& de la poëfie , confifte à exprimer & à
peindre, & ce n'eft pas toujours alles pour
bien exprimer , que de bien fentir , par
ce qu'on exprime pour les autres ce que .
Fon fent pour foi ; pour y réüffir il faut du
choix , & les talens naturels que ce choix
fuppofe néceffairement, ont encore befoin
MARS. 1748 . 57
d'être éclairés parl'étude refléchie des excellens
modéles , & pour ainfi dire guidés par
l'expérience de tous les fiécles. Quand on
a lû une fois un problême de Newton
on a tout ou rien vû , parce que la vérité .
s'y montre nuë & fans réferve , mais quand
on a lû & relû une page de Virgile ou
de Boffuet , y il reste encore cent chofes
à voir.. Un bel efprit qui ne lit point ,
n'a pas moins à craindre de paffer pour un
écrivain ridicule , qu'un Géométre qui lit
trop , de n'être jamais que médiocre.
Pendant que M. Bernoulli foutenoit,
contre fon frere la difpute des Ifoperimétres
, une querelle beaucoup plus férieufe
l'occupoit. Il avoit publié une Differtation
où il prouvoit que les corps dans leur accroiffement
fouffroient une déperdition
continuelle de parties, fucceffivement remplacées
par d'autres. Un grand mérite fait
prefque toujours des ennemis,& notre Géométre
en avoit ; ne pouvant attaquer le fçavant,
ils eurent recours à une reffource affés
ordinaire à l'envie; ils chercherent à rendre
-le Chrétien fufpect. Plus jaloux de fa fapériorité
que des intérêts de la Religion ,
car il n'eft néceffaire d'en avoir pour
la faire fervir de mafque à la haine , ils
prétendirent que l'opinion de M. Bernoulli
étoit dangereufe , contraire au dogpas
Cv
5S MERCURE DE FRANCE.
me de la réfurrection & favorable aux
objections des Sociniens. M. Bernoulli
n'eut pas de peine à montrer le ridicule
d'une imputation fi odieufe , & s'il
traita dans cette occafion fes adverfaires
avec toute la franchiſe Helvétique &
Géométrique , il faut avouer que jamais
l'indignation qu'il leur marqua ne fut
mieux méritée.
' Dans ce même tems il avoit une difpute
moins importante fur le Phoſphore du Barométre
avec quelques Membres de l'Académie
des Sciences de Paris . M.Picard avoit
découvert le premier en 1675 que fon Barométre
fecoué dans l'obfcurité, donnoit de
la lumiere , principalement à fa partie fupérieure.
On tenta la même chofe fur d'au
tres Barométres , mais il s'en trouva trèspeu
qui euffent cette propriété . M. Bernoulli
ayant réiteré l'expérience de differentes
manieres , crût qu'une pellicule qui
fe formoit fur la furface du mercure lorf
qu'il n'étoit pas bien net , & l'air qui pouvoit
refter dans le Barométre , étoient les
caufes qui empêchoient la lumiere , & il
conclut delà que pour qu'un Barométre eût
la proprieté d'être lumineux , il falloit
le mercure fût très - pur , qu'il ne traversât
point l'air quand on le verfoit dans le Barométre
, & que le vuide du haut du tuyau
que
MARS. 1748. 59
fût auffi parfait qu'il pouvoit l'être. L'Académie
ayant reiteré l'expérience fuivant
les vûës de M. Bernoulli , ne trouva ces
conditions ni toutes néceffaires ni toutes
fuffifantes ; elle objecta à l'Auteur quelques
Barométres, dont les uns ne rendoient
point de lumiere , quoique conftruits d'après
fes conditions, & dont les autres conftruits
fans précaution , étoient cependant
lumineux. M. Bernoulli répondoit fur les
premiers , qu'apparemment le mercure
n'en étoit pas encore affés net ni affés purgé
d'air , & fur les autres , que le mercureen
étoit peut-être plus pur qu'on ne l'imaginoit.
M. Hartfoeker , dont le goût pour
la contradiction étoit affés décidé , attaqua
quelques années après par les plus
mauvaiſes raifons le fentiment de M. Bernoulli
, & celui-ci fit foutenir fur ce fujer
en 1719 un Theſe fort mortifiante pour
fon adverfaire , qui de fon côté ne le mé.
nageoit pas. On crût voir renouveller ces
guerres littéraires où les Auteurs du quinziéme
fiécle fe prodiguoient les épithetes
les plus fçavantes & les plus injurieufes , &
apparemment l'Allemagne n'avoit pas encore
perdu cet ufage. Au refte on a lieu de
juger par la lecture d'un mémoire imprimé
dans le Recueil de l'Académie en 1723 ,
que
M. Bernoulli étoit affés bien fondé
C vj
Go MERCURE DE FRANCE.
àfoutenir fon opinion . Les conditions que
nous venons de donner d'après lui
pour le
Phoſphore du Barométre , font à peu près
celles que donne M. Dufay dans ce mémoire
, & qu'il dit avoir apprifes d'un
Vitrier Allemand.
En 1705 M. Bernoulli publia fon excellente
Differtation intitulée , Motus reptorius.
En faifant gliffer des courbes les unes
fur les autres , fuivant une certaine condition
qu'il détermine , il en produit par ce
moyen de nouvelles dont la longueur eft
égale à celle des courbes génératrices.
Le recueil de l'Académie en 1710 &
1711 nous offre deux autres ouvrages ;
dans celui de 1710 il fe propofe de trouver
la courbe que décrit un corps lancé
fuivant une direction quelconque avec une
vîteffe connue , & attiré vers un point fixe
par une force centrale qui agiffe fuivant
une loi quelconque. M. Newton avoit
donné dans fon Livre des Principes la folution
de ce problême ; M. Bernoulli prétendit
qu'elle étoit obfcure & infuffifante,
& on n'eft pas peu furpris quand on voit
que la fienne n'en differe prefque en rien .
M. Newton , felon lui , n'avoit pas fuffifamment
démontré qu'un corps jetté fuivant
une direction connue , & attiré par
une force centrale réciproquement proporMARS.
1748. 61
tionnelle au quarré de la diſtance , devoit
decrire une fection conique. Cependant
il est évident qu'un corps ainfi lancé ne
fçauroit le mouvoir que fuivant une feule
& unique loi , & que par conféquent s'il
peut décrire une certaine courbe , il doit
la décrire en effet . Or M. Newton avoit
déterminé la fection conique fur laquelle
le projectile pouvoit fe mouvoir , il avoit
donc entierement fatisfait à la question ;
ce fut la réponſe des Géométres Anglois
intereffés à la gloire de leur compatriote ,
& uniquement occupés de la défendre.
On fera peut- être furpris , fi on connoît
un peu le coeur humain , qu'ils ne cherchaffent
pas plutôt à la diminuer : mais
n'en faifons pas entierement honneur à›
leur équité ; les hommes , tout injuftes
qu'ils font , ne le font pourtant que jufqu'à
un certain point , & la fupériorité , quand
elle eft extrême , fait pour eux comme une
claffe à part , qu'ils regardent fans envie :
fi les concitoyens de M. Newton n'étoient
pas jaloux de fon mérite , c'eft qu'ils le
voyoient trop au-deffus d'eux. Une inégalité
moins marquée lui eût peut- être fait,
trouver dans fa propre Nation quelques
rivaux plus empreffès d'obfcurcir fes découvertes
que de les faire valoir. En luilaiffant
toute fa réputation , ils avoient du
62 MERCURE DE FRANCE:
moins la reffource de croire la partager
M. Bernoulli prétendit en 1711 avec
plus de fondement que M. Newton étoit
tombé dans quelque mépriſe ſur la meſure
des forces centrales dans les milieux réfiftans
; on faifoit alors en Angleterre une
nouvelle édition de l'ouvrage de ce grand
homme , & il fe corrigea fans répondre.
L'année 1714 vit paroître l'excellent Ef
fai d'une nouvelle théorie de la manoeuvre des
vaiffeaux. La manoeuvre eft principalement
fondée fur les loix de la réfiſtance des fluides
, & ces loix n'étoient encore que peu
connues. M. le Chevalier Renau , dans un
Livre qu'il avoit publié fur cette matiere ,
s'étoit écarté des vrais principes ; auffi le
chemin qu'il fuivoit l'avoit- il conduit à plu
fieurs erreurs, mais ces erreurs étoient affés
délicates pour avoir féduit plufieurs fçavans
Géométres . M. Bernoulli donna dans fon
Effai la vraye théorie de la réfiſtance du
fluide au mouvement du vaiffeau ; fondé
fur cette théorie, il fe déclara ouvertement .
contre celle de M. le Chevalier Renau &
contre les conféquences qu'il en tiroit.
M. Renau répondit à fes objections & s'engagea
par lettres avec lui dans une difpute
très-fçavante , difpute où la fagacité des
deux adverfaires ne fe fit pas moins admirer
que leur politeffe mutuelle. M. Bernoulli.
MARS. 1748. 63
montra dans cette occafion qu'il n'ignoroit
pas les égards qu'il devoit à ceux qui en
avoient pour lui ; mais n'eût-il pas mieux
valu les avoir toujours , & laiffer à fes adverfaires
le trifte avantage de les violer
feuls ?
Cette même année 1714 il publia dans
les Mémoires de l'Académie & dans les
Journaux de-Leipfic fes recherches fur les
centres d'ofcillation. Plufieurs poids étant
attachés à la verge d'un Pendule , confiderée
comme une ligne infléxible, fans péfanteur
& fans maffe , il eſt évident que f
cette verge vient à faire des vibrations , fon
mouvement doit être fort different de celui
qu'elle auroit, n'étant chargée que d'un
feul corps : car les poids placés à differentes
diſtances , tendent à defcendre également
dans le même tems ; or cela ne fe
pourroit faire fans que la verge fe brisât ;
fon inflexibilité exige néceffairement que
les poids les plus éloignés du centre de fufpenfion
décrivent les plus grands arcs , Les
poids feront donc entre eux une espece de
compenfation & de répartition de leurs
mouvemens ; la vîteffe des poids inférieurs
fera plus grande & celle des poids fupérieurs
fera plus petite , que. fi chacun
d'eux étoit feul attaché à la verge. Mais
quelle doit être la loi de cette répartition
& la vîteffe du Pendule compofé qui en
64 MERCURE DE FRANCE.
résultera ? Ou , ce qui revient au même ,
quelle eft la longueur du Pendule fimple
qui feroit fes ofcillations dans le même
tems que le Pendule compofé ? Voilà à
quoi fe réduit la queftion. Le point qui
détermineroit fur la verge la longueur de
ce Pendule fimple eft appellé centre d'ofcillation
du Pendule compofé .
M. Huyghens , fi célebre par fes nombreufes
découvertes, & à qui Newton doit
peut-être autant qu'à Defcartes , avoit trouvele
centre d'ofcillation par une méthode
fort indirecte ; M. Jacques Bernoulli l'avoit
enfuite déterminé par une voye plus
naturelle ; mais difficile , enfin notre Géométre
trouva une méthode fort fimple pour
réfoudre la queftion. Cette méthode confifte
en général à chercher d'abord quelle
devroit être la gravité dans un Pendule
fimple de même longueur que le compofé,
pour que les deux Pendules fiffent leurs
ofcillations dans un tems égal . Enfuite au
lieu de ce Pendule fimple d'une longueur
connue & d'une pefanteur fuppofée , il
fubftitue un Pendule fimple animé par la
gravité naturelle, & détermine aisément la
longueur qu'il doit avoir pour faire fes vibrations
en même-tems que l'autre.
La difpute de M. Leibnitz avec M. Newton
, ou plutôt avec l'Angleterre , fur la
MARS. 1748. 65
découverte du calcul differentiel éclata en
1715 avec beaucoup de violence , & devint
prefque une querelle nationale. On
ne pouvoit ôter à M. Newton l'honneur
de l'invention ; la métaphyfique lumineufe
qui l'avoit conduit à trouver les régles de
ce calcul , l'extrême fécondité dont il avoit
été entre fes mains , enfin des dates an
ciennes & bien conftatées , tout dépofoit
en fa faveur. Quoique fon rival eut le
premier publié la nouvelle analyſe, fa gloire
n'étoit pas fi affurée. On lui reprochoit
le peu de clarté , ou plutôt la faufſeté palpable
de fes principes , dont il paroiffoit fe
méfier lui même , le peu de chemin qu'il
avoit fait dans une route , dont il fembloit
qu'il auroit dû voir l'étenduë immenſe s'il
l'eut ouverte en effet, enfin quelques écrits
de M. Newton dont on le foupçonnoit
d'avoir en connoiffance. Ces préfomptions
formoient contre lui un préjugé peu
avantageux , mais enfin ce n'étoit qu'un
préjugé , & nous n'avons garde de vouloir
prononcer fur une caufe qui partage encore
aujourd'hui tous les Sçavans de l'Europe.
M. Leibnitz offenfé des foupçons
que les Anglois avoient jetté fur fes travaux
, leur propofa comme une efpéce de
défi le problême des trajectoires. Il s'agiffoit
de trouver une courbe qui coupât à
66 MERCURE DE FRANCE.
angles droits ou fous un angle conſtant
une infinité d'autres courbes toutes du
même genre , comme des cercles , des
paraboles , des ellipfes , &c. On croira
fans peine que ce problême ne fut qu'un
jeu pour M. Newton , car plufieurs autres
Geométres Anglois remplirent le défi .
> &
M. Leibnitz étant mott en 1716 , M.
Bernoulli continua la difpute avec l'An-
´gleterre ; il propofa de nouveau aux Sça→
vans de cette Nation le problême des trajectoires
, mais avec des conditions qui le
rendoient beaucoup plus difficile
ceux- ci à leur tour lui en propoferent
d'autres qui ne l'étoient pas moins. On
peut juger par la force des combattans de
la vigueur des coups qu'ils fe portoient .
La fraude même parut un peu s'y mêler ,
car dans le cours de cette difpute M , Keill
ayant propofé à M. Bernoulli un problê
me très- difficile , celui- ci en trouva bientôt
la folution , & fomma en vain fon adverfaire
de montrer la fienne. Il étoit
question de déterminer la courbe décrite
par un projectile , dans un milieu réſiſtant
fuivant une certaine loi qui renfermoit
une infinité de cas , & dont un feul jufqu'alors
avoit été réfolu .
De tous les Geométres Anglois qui parurent
dans la lice en cette occafion, il n'y
MARS. 1748. 67
en avoit point de plus célébre que M.
Taylor , fi connu par fon ouvrage intitulé :
Methodus incrementorum directa & inverfa ,
ouvrage original & très-ingénieux , mais
difficile encore aujourd'hui même pour les
plus habiles. M. Taylor avoit trouvé à peu
près en même tems que M. Bernoulli &
par une methode femblable , la folution
du problême des centres d'ofcillation ; l'un
& l'autre fe contefterent la priorité de
la découverte , & perfonne ne leur en eut
refufé à chacun la propriété. Au refte nous
devons dire à l'honneur de M. Taylor que
dans cette difpute il ne fortit jamais des
bornes littéraires. M. Bernoulli attaqué
pat toute une Nation , jaloux de foutenir
l'honneur de la fienne , & plus occupé du
fond de la difpute que de la forme , n'étoit
pas fi fcrupuleux envers les Geométres
Anglois. Peut- être étoit- il excufable
à l'égard de M. Keill qui avoit en quelque
maniere violé les régles du droit des gens,
& dont les procédés n'étoient pas moins
blamables que les difcours. Pour M. Taylor
, il ne répondit aux injures que par des
plaintes fort modérées aux Journaliſtes de
Leipfic , fur la liberté avec laquelle on
traitoit fa réputation dans leur Journal.
Les differentes piécès de ce procès fe trouvent
dans ce Recueil (année 1715 & fuiv.)
68 MERCURE DE FRANCE.
& elles font infiniment utiles à ceux qui
veulent pénétrer dans les mystéres de la
plus haute Geométrie. Mais pourquoi fontelles
plus d'honneur à l'efprit qu'au coeur
humain ?
On nous demandera fans doute le but
& l'utilité de toutes ces fublimes recherches.
Nous ne répondrons point à cette
queftion par une injure , comme faifoit
Galilée ; nous ne chercherons pas même à
tirer de quelques -uns des problêmes dont
nous avons parlé , des ufages peu fenfibles
& qu'on leur contefteroit peut- être. Mais
la Géométrie n'a- t'elle pas par elle- même
une beauté réelle , indépendante de toute
atilité vraie ou prétenduë ? Quand elle
n'auroit d'autre prérogative que de renfermér
les feules connoiffances certaines accordées
à nos lumieres naturelles , un fi
grand avantage ne la rendroit- il pas digne
de notre étude ? Elle eft pour ainfi dire ,
la mefure la plus précife de notre efprit ,
de fon degré d'étendue , de fagacité , de,
profondeur & de jufteffe. Si elle ne peut
nous donner ces qualités , on conviendra
du moins qu'elle les fortifie , & fournit les
moyens les plus faciles de nous affûrer
nous mêmes , & de faire connoître aux autres
jufqu'à quel point nous les poffédons.
Archimede eft encore plus célébre par fes
MARS 1748 . 69
recherches fur la Parabole & fur les Spirales
, que par fes fpheres mouvantes & fes
bafcules. Defcartes & Newton , dont les
ouvrages n'ont guéres contribué qu'aux
progrès de la raifon , feront l'un & l'autre
immortels , tandis que les inventeurs
des Arts les plus néceffaires font pour
la
plûpart inconnus , parce que c'eft plutôt
le hazard que le genie qui les a guidés.
Un Hiftorien eft loué de travailler à illuf.
trer fa Nation ; quel refpect ne mérite pas
un petit nombre de génies rares qui en
montrant jufqu'où peuvent aller les forces
de l'efprit , ont éclairé l'Univers & fait
honneur à l'humanité ? Il a fallu des fiécles
pour les produire , & on ne peut efperer
de les voir de tems en tems renaître , qu'en
ne traitant point leurs difciples de fainéans
laborieux . Ainfi quand les fpéculations
de la Geométrie tranfcendante ne
feroient & ne pourroient jamais être d'aucun
ufage , ce qu'on eft bien éloigné de
prouver , ces hommes refpectables devroient
les mettre à l'abri du reproche de
frivolité que leur fout tous les jours des
gens oififs , frivoles par état , & incapables
de les apprétier. Si des travaux d'une
utilité matérielle & fenfible étoient la feule
ou la principale meſure du mérite , le laboureur
& le foldat , aujourd'hui victimes
70 MERCURE DE FRANCE.
d'un mépris injufte , devroient recevoir des
honneurs auffi peu mérités. Les talens de
toute efpéce , les noms célébres en tout
genre, feroient oubliés ou profcrits, la barbarie
renaîtroit bientôt, & avec elle tous
les maux qu'elle traîne à ſa ſuite.
En 1724 M. Bernoulli compofa fon
Difcours fur les loix de la communication du
mouvement , à l'occafion du Prix que l'Aca
démie des Sciences de Paris avoit propofé.
Ce difcours , l'un de fes plus beaux ouvra
pour
dans
ges, fut loüé par fes Juges, mais ne fut point couronné
. On trouva
qu'il
ne répondoit
pas préciſement
à la queftion
du Prix ;
l'Académie
demandoit
les loix du choc des corps
durs , & il débutoit
dans fa piéce
par foûtenir
que ces corps ne pouvoient exifter
. Il en donnoit raifon
que
le choc des corps
durs la communication du mouvement
devroit
néceffairement
être
inftantanée
, & qu'ainfi
ces corps devroient
paffer
fubitement
d'un mouvement
quel conque
à un autre,fans paffer
par les degrés
intermédiaires
ce qui eft contraire
au principe
, que tout fe fait dans la nature
par des degrés
infenfibles
. On auroit
pû deman- der à M.Bernoulli
fi dans le choc de deux corps
élastiques
égaux
& femblables
, qui viennent
fe frapper
directement
en fens contraire
avec des vîteffes
égales
, le point
>.
MARS. 1748 . 71
d'attouchement ne perd pas tout d'un coup
fon mouvement , & ne paffe pas fubitement
à l'état de repos, Si cela eft , comme
on ne peut en difconvenir , & fi d'un autre
côté la matiere ne peut être fuppofée actuellement
divifée à l'infini , ce qui eft évident
, le point de contact ne fçauroit perdre
fon mouvement , fans qu'une petite
portion de chaque corps contigue à ce
point ne perde auffi le fien. Voila donc
dans l'hypothèſe abftraite de M. Bernoulli
deux parties de matiere qui paffent fans
gradation du mouvement au repos. Mais
quand l'existence des corps durs feroit
phyfiquement impoffible ce que nous
ne prétendons point décider , il n'eſt
moins certain qu'on peut toujours confidérer
ces corps comme on confidére en
Géométrie des lignes & des furfaces parfaites
, en méchanique des leviers infléxibles
& fans pefanteur , & c'étoit là fans
doute le point de vue de la queftion propofée
.
pas
M. Bernoulli foutenoit dans la même
piéce une autre opinion qui parut auffi
nouvelle , quoiqu'elle eut pour premier
Auteur M. Leibnitz , & qu'elle ait eu depuis
bien des fectateurs . C'étoit la meſure
des forces vives ou des forces des corps en
mouvement, par les produits des malles &
72 MERCURE DE FRANCE.
des quarrés des vîteffes . Pour réduire cette
queftion à l'énoncé le plus fimple , il s'agit
de fçavoir fi la force d'un corps qui a une
certaine vîteffe , devient double ou quadruple
quand fa vîteffe devient double.
Jufqu'à M.Leibnitz , tous les Méchaniciens
avoient crû qu'elle étoit double ; ce grand
Philofophe foutint le premier qu'elle
étoit quadruple , & il le prouvoit par le
raifonnement fuivant . La force d'un corps
ne fe peut mefurer que par les effets , &
par les obftacles qu'elle lui fait vaincre ;
or fi un corps pefant peut monter à quinze
pieds étant jetté. de bas en haut avec une
certaine vîteffe , il doit monter de l'aveu
de tout le monde à 60 pieds étant jetté
avec une vîteffe double. Il fait donc dans
ce dernier cas quatre fois plus d'effet &
furmonte quatre fois plus d'obftacles ; fa
force eft donc quadruple de la premiere.
Cette preuve de M. Leibnitz fut fortifiée
par M. Bernoulli d'un grand nombre
d'autres. Il démontra qu'un corps qui ferme
ou bande un reffort avec une certaine
vîteſſe , peut avec une vîteffe double fermer
tout à la fois , ou fucceffivement , quatre
refforts femblables au premier , neuf
avec une vîtelle triple , &c. Il n'oublia
pas d'infifter fur une vérité très-importante,
découverte par M. Huyghens , fçavoir
que
MARS. 1748.
73
>
que dans le choc des corps élastiques la
fomme des forces vives , c'est- à- dire , des
produits des maffes par les quarrés des vîteffes
, demeure toujours la même ce
qu'on ne peut pas dire de la fomme des
produits des maffes par les vêteffes . Les
partifans des forces vives ont fouvent
fait valoir ce théorême en faveur de leur
opinion , furtout depuis qu'on l'a rendu
beaucoup plus général & d'un ufage
prefque univerfel dans les problêmes de
méchanique. Nous n'entrerons point
ici dans le détail des differens écrits que
la queftion des forces vives a produits . II
femble qu'aujourd'hui les Geométres conviennent
affés unanimement que c'est une
pure queftion de nom , & comment n'en
feroit-ce pas une , pas une , puifque les deux partis.
>
font d'ailleurs entierement d'accord fur
les principes fondamentaux de l'équilibre
& du mouvement ? Dans le mouvement
d'un corps nous ne voyons clairement
que deux chofes , l'efpace parcouru & le
tems employé à le parcourir. Le mot de
force ne nous repréfente qu'un être vague
dont nous n'avons point d'idée nette ,
dont l'exiſtence même n'eft pas trop bien
conftatée , & qu'on ne peut connoître
tour au plus que par fes effets . Tous les
Geométres conviennent entr'eux fur la
D
1
74 MERCURE DE FRANCE.
*
mefure deces effets , & cela doir leur fuffi
re . Nous en fçaurons davantage , quand il
plaira à l'Etre fuprême de nous dévoiler
plus clairement l'effence des corps , & furtout
la maniere de comparer par le calcul
leurs proprietés métaphysiques , peut -être
auffi inapprétiables que nos propres fenfations
.
M. Bernoulli fe vengea de l'infortune
littéraire qu'il avoit eu en 1724 , en remportant
plufieurs années de fuite le prix
de l'Académie Royale des Sciences. Sa
piéce de 1730 fur la maniere d'expliquer
par les tourbillons la forme & les propriétés
des orbites des Planettes , eft remarquable
par les efforts qu'il fait pour défendre
un fyftême que M. Newton croyoit avoir
anéanti . La profonde Geométrie qui
regne dans cet ouvrage , la fupériorité de
l'Auteur fur fes concurrens , & peut-être la
prédilection naturelle à des François pour.
l'hypothèſe qu'il défendoit , lui valurent
le prix , malgré une erreur de calcul qui
fans doute n'avoit pas échappé à la pénétration
de fes Juges.
En 1734 parut l'effai de M. Bernoullifur
la Phyfique célefte. Il tâchoit d'y expliquer
par une hypothèſe nouvelle les principaux
points du fyftême du monde , & furtout la
caufe de l'inclinaifondes orbites des PlaMARS.
1748. 75
nettes que l'Académie avoit propofée. Si
on remarque dans cet ouvrage un grand
nombre de chofes que la faine Phyfique
refuferoit peut-être d'adopter , on doit
d'un autre côté y admirer l'adreffe avec laquelle
l'Auteur fait valoir en fa faveur
tout ce que les reffources d'un genie in
ventif peuvent fournir de féduifant ou de
plaufible ; & le fuffrage de l'Académie ,
fans répondre du fuccès de ce travail, en a
du moins été la récompenfe. Au refte la
queftion qu'il falloit réfoudre étoit du
nombre de celles qui n'admettent aucune
explication dans le fyftême Newtonien ;
M. Bernoulli qui d'ailleurs n'étoit pas
trop favorable à ce fyftême , & qui ne
trouvoit point dans celui de Defcartes une
explication fatisfaifante de ce qu'il cherchoit
, fut obligé d'en imaginer un autre ;
& quelle eft l'hypothèſe qui fatisfait à
tout ?
Voilà les principaux ouvrages d'un
homme dont les Mathématiques conferveront
à jamais le nom. Un écrit beaucoup
plus long que celui- ci n'eut pas fuffi
les indiquer tous ; & ceux que nous avons
omis feroient encore honneur aux plus
grands Geométres .
pour
Bâle étoit fa Patrie : n'envions point à
cette République un Citoyen qu'elle a
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
toujours diftingué , puifque tant de perfonnages
célébres , oubliés de leur nation
pendant leur vie , en ont fait l'honneur
après leur mort..
Il étoit depuis long-tems le premier des
Affociés étrangers de l'Académie Royale
des Sciences de Paris ; fans doute les Croufaz
, les Wolf, les Sloane , les Poleni , &c.
dont les noms célébres ornent cette liſte ,
Le voyoient avec complaifance à côté d'ụn
homme que les Euler , les Bradley , les
Daniel Bernoulli euffent été flattés de
voir à leur tête, Si la mort de M. Bernoulli
laiffe un grand vuide , l'Académie
n'aura que l'embarras du choix pour le
remplir.
Il est rare que les hommes célébres
ayent des enfans qui leur reffemblent. Le
nôtre en a eu plufieurs d'un mérite diftingué
; Nicolas Bernoulli mort fort jeune
Pétersbourg où le Czar l'avoit appellé ,
& où il étoit déja l'un des principaux ornemens
de l'Academie naiffante; Jean Bernoulli
aujourd'hui Profeffeur d'Eloquence
à Bâle , qui a remporté plufieurs prix de
l'Académie Royale des Sciences de Paris ,
& qui auroit été grand Mathématicien ,
s'il n'eût mieux aimé être Orateur ; enfin
Daniel Bernoulli l'aîné & le plus illuftre
de tous , qui foutient par fes
ouvrages le
MARS. 1748.5 77
nom de fon pere . Ses talens fublimes &
connus depuis long-tems brillent furtout
dans fon Hydrodynamique , où il a le premier
appliqué au mouvement des fluides
le principe de la confervation des forces
vives , & déterminé les loix de ce mouvement
par des méthodes fûres & non arbitraires.
Il a partagé avec fon pere le
prix de l'Académie en 1734 , & s'eft montré
digne de lui en l'égalant ; depuis plufieurs
années ce prix eft pour lui une efpéce
de revenu , fortune la plus flateufe
qu'un Sçavant puiffe retirer de fon travail ,
puifqu'il ne la doit qu'à lui feul.
Meffieurs de Maupertuis & Clairaut
célébres Geométres François , ont fait l'un
& l'autre le voyage de Bâle pour profiter
des lumieres de M. Bernoulli ; femblables
à ces anciens Grecs qui alloient chercher
les fciences en Egypte , & revenoient enfuite
les répandre dans leur Patrie avec
leurs propres richeffes. Enfin c'eft à M.
Bernoulli qu'on doit M. Euler , dont le
nom retentit aujourd'hui dans toute l'Europe
& à fi jufte titre la reconnoiffance
de ce grand Geométre pour fon illuftre
Maître égale la profondeur & la fagacité
qu'on admire dans fes ouvrages.
On a publié en 1743 à Laufanne le
recueil de tous les écrits de M. Bernoulli :
D iij
78 MERCURE DE FRANCE .
".
ce recueil précieux , fait avec un foin &
une intelligence qui méritent la reconnoiffance
de tous les Geométres , eft dû à l'un
des plus célébres difciples de l'Auteur , M.
Cramer Profeffeur de Mathématiques à
Genéve , que l'étendue de fes connoiffances
dans la Geométrie , dans la Phyfique &
dans les Belles Lettres rendent digne de
toutes les Societés fçavantes , & dont l'efprit
philofophique & les qualités perfonnelles
relevent encore les talens . Les cellvres
de M. Bernoulli font dédiées au Roi
de Pruffe , & fi elles méritoient de paroître
fous les aufpices d'un Monarque Philofophe
, ofons dire à la gloire des Lettres , &
plus encore à celle du Monarque , qu'il
étoit digne de voir fon nom à la tête de
cet immortel ouvrage.
J. D.
MAR 5.1748. 79
DEDEDEDEDEDEDEDEDEDEDED
PORTRAIT . de M.... à M. L*,
C**. fur deux rimes.
Vous ne demandez mon portrait ' ;
Mon cher ami , je le crayonne ;
Je fuis bien près de mon automne ,
Et je ne fuis ni beau ni laid.
3
J'ai l'ame tendre , douce & bonne ,
Et mon coeur volontiers pardonne
Tout le mal qu'on peut m'avoir fait.
Aux malheurs d'autrui je friffonne ;
Fut- ce l'homme le plus abject ,
Ce n'eft jamais qu'avec regret
Qu'à fon deftin je l'abandonne.
Soit en public , foit en fecret
Le champ d'autrui je ne moiffonne ;
Ai-je formé quelque projet ▸
Avant qu'avancer je tâtonne ,
Pour m'affûrer où le but eft,
Mon coeur que la vertu façonne
Ne s'ouvre point à l'intérêt ;
Au vain éclat d'une Couronne
Je préfére mon cabinet.
Là , fans maître , là fans valet ,
J'exécute ce que j'ordonne ,
Et mon plaifir eft toujours prêt,
de
Diij
So MERCURE DE FRANCE
Racine , Pafcal , Boffuet ,
Suivis de Flore & de Pomone
M'accompagnent dans un bofquet.
Sur la branche un chardoneret ,
Tantôt vôle , & tantôt frédonne ,
Et mêle à l'air que je chanſonne
Les doux accens de fon fiflet.
(
Que Jupiter ou grêle ou tonne,
De mon fort je fuis fatisfait ;
Je tâche d'avoir en effet
Les qualités que je me donne
Mais je fuis loin d'être parfait
Quand je découvre un bel objet ,
Je fens un trouble qui m'étonne
Sur chaque fleur je papillonne ,
Et j'aime à changer de fujet.
L'ennui nâquie du monotone ;
De ce public qui nous blâfonne ,
Le fuffrage eft le feul bienfait
Que depuis quinze ans je mitonne.
Tandis qu'avec lui je jargonne ,
Dupe d'un trop frivole attrait
La mort peut être me talonne ,
M'avertiffant que l'heure fonne:
Sans n'effrayer de cet arrêt ,
Qui tous mes plaifirs empoifonne ,
Je lui dirai , fans quolibet ,
MARS. 1748.1
Je fuis à vous , vieille matrone :
Tenez , emportez mon paquet ,
Je vais fuivre votre perfonne ,
De mes jours tranchez le filet..
Mais j'ai déja fait le trajet ;
Quelle immenſité m'environne !
L'univers fuit & difparoît.
Par tout la vérité rayonne
Et nous impofe le refpect ;
La puiffance foutient fon trône ,
Et l'erreur tremble à ſon aſpect ;
O que le monde m'eſt ſuſpect !
N
Genéve , 7. B. T.
Ous croyons faire plaifir à nos lec
teurs en leur donnant la lettre qui
fuit. Le problême dont elle contient la
folution eft expofé avec les graces d'un
ftyle élégant & facile , & la folution fore
ingénieufe fait autant d'honneur au coeur
de l'Auteur qu'à fon efprit ; il feroit à fouhaiter
pour nous qu'il voulut nous confier
plus fouvent les fruits eftimables de fes
travaux.
!
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. de Paſſe à M*** .
V
Ous m'avez entendu plufieurs fois ,
Monfieur ,me plaindre de la Lotterie
, & je me croyois bien affermi dans la
réfolution de ne plus en courir les rifques.
Cependant j'ai encore fuccombé à la tentation
, & je fuis bien affûré que vous y
auriez fuccombé comme moi , fi vous vous
étiez trouvé dans les mêmes circonftances
; on me fait l'honneur de m'admettre
dans une fociété où l'on tâche de rendreutiles
les amuſemens . Il y a quelque tems
qu'on y propofa de faire une efpéce de
Lotterie , dont les billets indiqueroient
aux intéreffés un fujet qu'ils feroient obligés
de traiter par écrit. Ce projet fut adopté
, & perfonne ne fe crut intéreffé à le
contredire. On compofa auffi - tôt des billets
qui furent tirés au fort , & l'on con-
'vint d'un jour où chacun viendroit rendre
compte de fon travail ; celui qui me tomba
propofoit cette queftion à réfoudre :
**
Lequel feroit préférable de l'état d'un
»homme qui auroit conftamment tous les
jours un rêve de feize heures , pendant
lequel il jouiroit d'un bonheur imaginaire
, & qui éprouveroit un malheur
:
83
MARS. 1748.
réel pendant les huit heures de veille qui
refteroient , ou de celui qui éprouveroit
»le malheur en fonge , dont la durée eft
» toujours fuppofée la même , & qui fe-
» roit heureux pendant la veille . «
Il falloit traiter ce fujet d'une maniere
qui pûr plaire à des perfonnes qui penſent
délicatement , & qui joignent un goût für
à un ſçavoir aimable. Pour le rendre fufceptible
de quelques ornemens , j'ai fuppolé
que les deux états dont il s'agit , s'étoient
réalisés en moi & que je les avois
éprouvés ; cela m'a donné lieu de faire la
peinture d'un bonheur , tteell que l'homme
fage & vertueux le choifiroit , s'il étoit en
fon pouvoir de fe le procurer. J'y ai oppofé
la defcription d'un état , qui pour être
commun n'en eft pas moins malheureux.
La raifon qui m'a déterminé dans la folurion
du problême n'eft pas la feule dont
j'aurois pû l'appuyer , mais la queftion
étoit trop peu intéreffante pour mériter
une plus longue difcuffion de ma part. Je
vous envoye l'ouvrage entier afin que
vous en jugiez par vous-même. Le refpect
que je dois à l'affemblée où il a été lû
m'empêche de lui donner le nom de bagarelle.
A
Je commençois à goûter les douceurs
du repos , lorfque le Dieu du fommeil ,
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
s'ouvrant un paffage au travers des ténébres
, eft defcendu vers moi ; il étoit envi
ronné de nuages fombres & obfcurs ; les
fonges le faivoient & attendoient fes ordres
pour les exécuter raffemblez , leur
dit- il , toutes vos illufions & hâtez- vous
d'en compofer un bonheur chimérique ,
dont vous ferez joüir pendant l'efpace de
feize heures le mortel que vous voyez. Il
dit , & en même tems il fecoue fur moi
un rameau trempé dans les eaux du Lethé ;
aufli-tôt un profond affoupiffement s'enpare
de tous mes membres ; le paffé s'évanouit
à mes yeux , & je me vois placé dans
une fituation que je trouvois délicieufe.
Un bien raifonnable dont je joüiffois
mettoit une jufte proportion entre mes
befoins & les moyens de les fatisfaire.
L'aimable & vertueufe Pulcherie , objet
de toute ma tendreffe , comme j'étois celui
de la fienne , m'étoit unie par des liens
auffi doux que légitimes ; je l'écoutois , je
la confultois , & mes plaifirs partagés avec
elle en devenoient plus touchans ; nous
n'en goûtions aucun de ceux que l'inquiétude
accompagne & que le remords fuit ;
nous ne formions de défirs que ceux que
nous pouvions fatisfaire & nous les fatisfaifons
fans trouble › parce qu'ils étoient
la raifon. Une fociété
tous avoués par
MARS. 1748. 85
agréable où l'on avoit de l'efprit fans fuffilance
, étoit pour nous une fource d'ami
femens toujours variés ; notre table étoit
fervie avec délicateffe , mais fans profu
fion ; nous y faifions regner une honnête
Liberté qui ne dégénéroit jamais en licences
un bon mot , une plaifanterie ingénieufe
n'y étoient point condamnés , mais jamais
on n'y faifoit grace à la fatyre mordante
moins encore à la groffiere équivoque ou
à l'infâme obfcénité ,, nous réduifions les
talens à leur véritable ufage , en les faifant
fervir de délaffement à des occupations
plus férieufes , & en ne leur donnant jamais
pour objet les paffions qui peuvent
corrompre l'innocence ; nos converfations,
fans être trop relevées , n'étoient point
frivoles; quand on en fortoit on avoit Lefprit
fatisfait & le coeur content ; jamais le
vice n'y recevoit d'éloges , & l'on ne manquoit
aucune occafion d'y louer la vertu ;
il étoit févérement défendu d'y parler de
chiens ou d'Actrices d'Opera ; nous n'avions
pas pour demeure un vafte Palais ,
mais une maifon commode où l'utile le
trouvoit joint avec l'agréable :fans être
folitaire , elle étoit éloignée du tumulte ;
les appartemens étoient affés grands pour
qu'on y fût à fon aife , & fi les meubles
n'étoient pas riches , ils avoient une pro86
MERCURE DE FRANCE.
Preté décente ; les jardins dont elle étoit
environnée , offroient une variété d'objets
propres à rejouir la vûë ; les charmes de la
fimple nature n'y étoient point étouffés par
T'art & la fymétrie.
Cet état heureux dont je joüiffois ne
me fembloit point nouveau ; je croyois
qu'il m'étoit naturel , & je n'imaginois pas
qu'il dût être borné dans fa durée , mais
le reveil eft venu détruire tous ces phantômes
, & m'enlever le bonheur chimérique
dont je me repaiflois en fonge . J'ai
paffé fans intervalle de la tranquillité au
trouble & à l'agitation ; mes befoins réels
fe font faits fentir vivement , fans que je
viffe aucun moyen de les fatisfaire ; toujours
gêné , toujours contredit , il falloit
que je fiffe perpétuellement la volonté des
autres & jamais la mienne ; des occupations
, auffi pénibles quelles étoient continuelles
, rempliffoient tous mes momens;
je ne goûtois aucun plaifir qui fût accompagné
de cette joie pure qui en fait toute
la douceur ; fi pour affoiblir l'impreffion
que faifoient fur moi les objets préfens ,
j'en détournois les yeux , pour les porter
fur l'avenir , je n'y découvrois que des
fujets d'amertume & de chagrin ; aux maux
réels que j'éprouvois j'ajoutois encore des
circonftances propres à les aggraver , &
MAR S. 1748 87
j'étois ingénieux à m'en créer d'imaginai
res ; ceux que je craignois faifoient fur
moi de fortes impreffions , & je me fentois
entraîné par des défirs vifs & ardens vers
tout ce qui me préfentoit l'image d'une
félicité , au moins apparente ; je n'avois pas
même un ami à qui je puffe faire part de
mes peines , & de qui je fuffe en droit
d'attendre quelque confolation . Hélas !!
quand on eft malheureux trouve - t'on
des amis conftans ? Quelle difference entre
les deux états dont je viens de faire
la peinture !
Suppofons maintenant que le fonge
qui m'a occupé fi agréablement fe renouvellât
chaque nuit , qu'il fût invariablement
fuivi d'une veille de huit heures qui
feroit éprouver les peines & les afflictions
que j'ai reffenties , on demande fi cet état
mériteroit d'être préféré à celui où les
maux feroient éprouvés avec la même continuité
pendant le fonge , qui eft toujours
fuppofe de feize heures , & où la veille feroit
jouir d'un bonheur , tel que je l'ai déerit
, & qui dans cette hypothéfe auroit
une véritable réalité.
Cette queftion , de quelque maniere
qu'on la décide , ne fçauroit jamais contribuer
à nous rendre plus heureux , puifqu'il
eft impoffible que la fuppofition fur la88
MERCURE DE FRANCE.
quelle elle porte ait lieu dans aucun cas ,
ainfi elle ne renferme aucune forte d'utilité,
& n'eft tout au plus propre qu'à exercer
Pefprit. Cependant puifque je fuis obligé
de faire connoître ce que j'en penfe , je dis
que les biens imaginaires , quelque fortement
qu'ils nous affectent , ne peuvent ni
ne doivent jamais être mis en comparaiſon
avec des biens réels & véritables ; l'ufage
que nous paroiffons faire des premiers ne
s'étend pas au- delà de nos fonges , & perfonne
n'en partage la jouiffance avec nous.
Or le plaifir d'obliger flatte trop agréablement
l'homme raifonnable , pour ne le pas
faire entrer dans l'idée de fon bonheur :
quand on peut faire des heureux on eft
heureux foi-même , ainfi je ne crois pas
qu'il y ait au monde quelqu'un capable de
donner la préférence à un état dont les
avantages ne regarderoient que lui feul ,
pendant qu'il dépendroit de lui de s'en
procurer un autre dans lequel il feroit à
portée de rendre de véritables fervices à
fes femblables.
M -AR S. $9 17482
O DE SACRE'E ,
Tirée du Pleaume , De profundis clamavi.
Dufond de l'affreufe miſere
Ou je me ſuis précipité ,
J'ofe t'adreffer ma priere ,
Grand Dieu , j'implore ta bonté ;
Qu'aux accens de ma voix plaintive
Ton oreille foit attentive..
Vois les maux qui fondent fur moi ,
17
Mais au flambeau de tes vengeances,
Si tu recherches nos offences
Qui fubfiftera devant toi
**
On a vû notre Dieu propice
Faire pour l'homme criminel
Céder les droits de fa juſtice
Aux foins d'un amour paternel ;
Ce n'eft pas en vain que j'efpere
Qu'il défarmera fa colere ;
Ses Oracles m'en font garants ,
Et mon ame avec confiance
Invoquera fon affistance
Contre nos barbares tyrans
go MERCURE DE FRANCE.
Que rempli de reconnoiffance :
Depuis l'Aurore jufqu'au foir
Ifraël dans fa bienveillance
9410
Mette fa joye & fon efpoit. bek
J'admire , Seigneur , ta clémence ,
Quand je médite l'excellence 20
De tes innombrables bienfaits ,
Et bien-tốt encor ta puiflance
Va nous fouftraire à la vengeance.¸D)
Que mériterent nos forfaits. a
De Sainte Palaye de Montfort Lamaury.
LETTRE écrite de Lyon aux Auteurs
du Mercure,
Effieurs , la récompenfe la plus fla-
M teufe qu'on puiffe procurer aux
hommes illuftres dans la République
des
Lettres , c'eft de faire paffer leurs noms à
la poftérité , c'eft une confolation
pour
ceux qui leur font attachés & qui les perdent.
On peut dire que les Lettres même
y font intereffées , & qui peut mieux que
vous , Meffieurs , s'acquitter
de ce foin ?
Dans ces principes & par ces motifs je vous
prie de vouloir bien faire inférer cette lettre
dans le Mercure.
MARS. 1748.91
M. Louis Bordes , Membre de l'Acadé
mie des Beaux-Arts de cette Ville , eft mort
le 23 Novembre dans la quarante- huitiéme
année de fon age ; également capable
de remplir toutes les claffes de cette
Académie , il préféra celle des Méchaniques.
Son génie le portoit naturellement
à l'invention , mais en même-tems convaincu
que plus l'efprit a de force , plus ik
a befoin de frein , il n'avançoit rien qu'il
ne démontrât , qu'il n'exécutât, & fouvent
même de fes propres mains , car il joignoit
à la plus fine théorie des forces mouvanres
une adreffe merveilleuſe , une fagacité
qui le rendoient fupérieur aux ouvriers les
plus experts , enforte qu'il étoit prefque
toujours autant l'artifan l'inventeur
des machines qu'il mettoit au jour. La
mort a furpris cet Académicien au moment
qu'il comptoit faire part au public
de fes recherches ; fa Méthode pour obferver
les hauteurs fur mer, toute oppofée à ce
qui s'y partique , fuffit feule pour donner
une idée de fes talens. Les Méchaniquès ,
loin de le détourner du goût qu'il avoit
pour la Phyfique , l'engagerent à s'y donner
avec encore plus d'ardeur , par les facultés
qu'elles lui préfentoient pour les
expériences de quelque; efpece qu'elles
fuffent. La Nature , foigneufe de cacher
que
2 MERCURE DE FRANCE.
こ
fes fécrets aux autres , en avoit peu pour
fui ; elle fembloit fe complaire à les lui reveler
, auffi fes obfervations étoient-elles
toujours regardées comme des chef- d'oeu
vres de précifion & de fimplicité. Il avoit
dans les matieres les plus épinenfes une
tournure qui lui étoit propre , une netteté
qui les mettoit à la portée de tout le monde
; chacun fe trouvoit fçavant avec lui ,
& lui feul ne fe doutoit pas de l'être. Ses
moeurs afforties à fon efprit en faifoient
à tous égards un de ces hommes rares ,deſtinés
à honorer l'humanité , & auxquels on
ne fçauroit trop donner d'éloges & de
regrets. Il ne laiffe qu'un frere , qui eft de
l'Académie des Belles Lettres de cette vil
le , aufli recommandable dans cette Com
pagnie qu'il l'étoit lui-même dans celle
des Beaux- Arts. J'ai l'honneur d'être , &c.
- Deville , Ingénieur ordinaire du Roi , &
de l'Académie des Beaux- Arts de Lyon.
De Lyon le 18 Décembre 1747 .
MARS. 1748 .
93
On a dû expliquer l'Enigme & les Logryphes
du Mercure de Février par miroir
minois , monnoye , laituë , balance , & maria.
ge. On trouve dans le premier Logogryphe
mi , fi , Minos , foin . Dans le fecond mon
oie , dans le troifiéme lait , tuë , dans le
quatrième bal , lance , ance , & dans le cinquiéme
mari & age,
PRTEREREKEKEZ
J
LOGOGRYPHE,
E fuis un être miférable ,
Qui travaille fans ceffe & que fans cefle accable
La pauvreté qui le pourſuit .
Dans mes cinq premiers pieds des foins où je m'éprouve
Vous trouvez le mince produit ;
Ils rempliffent ce que l'on trouve
Quand on leur joint le pied qui fui? ¿
Ma fin décide de l'uſage ,
Et quoiqu'elle ait fort peu d'efprit
Juge bien fouvent le plus fage,
94 MERCURE DE FRANCE.
AUTRÉ.´´
PRis dans un fens , les gens de Loi ,
Avec raiſon , font très grand cas de moi ;
Moins brillant chés l'Apoticaire ,
J'y fuis chofe fort néceffaire ;
Pris dans un autre fens , je deviens fans pitié ,
Et porte au loin ma premiere moitié.
J.
AUTRE.
'Exifte fur huit pieds, mais c'eſt de telle forte
Que je ne fors jamais à moins qu'on ne me porte.
Ma tête vous préfente un de ces trois jumeaux ,
Qui quoique nés de même mere ,
Quoique du même caractére ,
Ne font pourtant jamais égaux .
Mais mon corps eft bien pis , car fans ceffe il varie;
En plus de vingt façons ce corps fe multiplie ,
Mais s'il paffe dans certains lieux ,
Et que quelque obftacle l'arrête ,
'Alors il y produit un effet très-fâcheux ,
Que l'on exprime en lui joignant ma tête ,
Mais qui n'eft pas fenfible aux yeux .
De mes trois derniers pieds fivous faites ufage ;
En vain à le cacher vous étudierez- vous
Sur ce point l'homme le plus fage
N'eft pas plus difcret que les fous.
•
MARS.
95. 1748.
J
AUTRE.
E fuis la garde tutelaire
De plufieurs Empires divers ;
Mais mes trois derniers pieds ont jadis penfé faire
La ruine de l'Univers .
Mes cinq premiers en France & dans l'Afie
Forment un petit animal ,
Qui de quatre d'entre eux a fouvent grande envie,
Prenez ma tête , elle eft le titre capital
D'un Roi qui loin d'ici regne à ſa fantaiſie .
J'
AUTRE.
E fers au Sexe heureux qui des coeurs eft le
maître ;
Coupez mon dernier pied , je vous ferai connoître
Une certaing façon d'être
D'un végétal qu'en fes antres fecrets
La terre fait germer pour orner nos palais ,
Encor un autre pied de moins , c'eft alors que
j'exprime
1
Ce qu'en ce nouveau corps d'un autre pied privé
A fait fans être feul , un Etre affés fublime ,
Qu'on trouve en me coupant encore un autre pié.
96 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
M
DES BEAUX - ARTS , Jac.
R l'Abbé Raynald vient de donner .
une nouvelle édition de fon Hiftoire
du Stathoudérat , imprimée en 1746 , &
reçûe du public très favorablement.
L'Auteur a donné dans celle-ci un peu plus
d'étendue aux faits , & a confervé tout ce
qui étoit dans la premiere ; fon ftyle eft
brillant & femé de figures . Son Hiftoire
eft une galerie pleine des portraits de tous
les Princes d'Orange , & ces portraits ne
peuvent être l'ouvrage que d'un homme
de beaucoup d'efprit . On doit donner les
mêmes éloges à l'Hiftoire du Parlement
d'Angleterre , que le même Auteur vient
de donner au public, & qui a été reçûë encore
plus favorablement que l'Hiftoire du
Stathoudérat. L'efprit eft prodigué dans
cet ouvrage & brille à chaque ligne,
M. Daran , Chirurgien ordinaire du Roi,
fi connu par fa Méthode de traiter les maladies
de l'Urethre , vient de publier un
Livre intitulé , Obfervations Chirurgicales ,
&c. qui fe vend chés Debure l'aîné . Ces
Obfervations forment l'hiftoire des guérifons
MAR S. 1748 .
97
;
Tons miraculeufes , opérées par la méthode
de M. Daran. Au refte ce ne font point ici
de fimples allégations , ni des témoignages
mandiés dont on puiffe contefter la vérité.
Tout eft appuyé fur des preuves authentiques.
Lorfque M. Daran entreprend une
cure , il fait voir le malade par un Médecin
& un Chirurgien , qui s'affûrent de fa guérifon
lorfqu'il eft forti de fes mains les
certificats donnés après un pareil examen
ne peuvent laiffer aucun doute au pyrrhonifme
le plus obftiné . Combien de gens
ont vû leur vieilleffe empoifonnée par la
douleur , & ont enfin péri miférablement
par ces rétentions d'urine, contre lefquelles
M. D. offre aujourd'hui un fecours fi efficace
; auffi la réputation de M. D. s'eft- elle
établie en fort peu de tems fans contradicteurs
, & l'utilité de fa méthode a triomphé
rapidement du préjugé fouvent fondé
qui s'oppofe au fuccès des nouveautés
dans les chofes de cette nature.
THEORIE des fentinens agréables ,
&c. Paris , 1748 , chés David le jeune.
Toutes nos facultés , foit intellectuelles ,
foit corporelles , nous ont été données par
l'Auteur de la nature pour contribuer à notre
confervation & à notre bonheur.La nature
nous avertit par un fentiment de douleur
de ce qui pourroit nous être nuifible
E
L
98 MERCURE DE FRANCE.
& nous attire par un fentiment agréable
vers ce qui peut favorifer la confervation
de notre être.Ces facultés ne peuvent fe dé
velopper qu'autant qu'on les exerce. L'inaction
eft une espece de néant ; nous ne
joüiffons de notre exiſtence que par les
actes fucceffifs qui en font le réfultat . D'un
autre côté un mouvement trop rapide détruiroit
nos organes foibles & bornés , c'eſt
donc à un exercice modéré de nos facultés
que le Créateur a fagement attaché le plaifir.
L'Auteur partant de ce principe , paffe
en revûë les plaifirs des fens , de l'efprit &
du coeur. Tout ce qui exerce les fens , l'ef
prit ou le coeur , fans les fatiguer , leur ар.
porte du plaifir. Cette feule vérité nous
donnera la raifon de tous les plaifirs & de
toutes les peines. Par ces mêmes raifons
Tes plaifirs de l'efprit font au-deffus de ceux
des fens , parce que l'efprit fouffre, ſans ſe
fatiguer , des mouvemens plus rapides &
plus forts que nos organes , la même raifon
donne aux plaifirs du coeur la fupériorité
fur ceux de l'efprit . C'eft fur ces principes
qu'il faut mefurer le bonheur des
conditions en elles - mêmes , c'eſt-à- dire
en fuppofant que tout homme tirera fagement
parti de fa fituation , & fe prêtera à ce
qui l'environne , fans vouloir fe faire le
Centre de tout , & ne cherchera fon - bon
MARS. $748.
heur que dans lui- même. Les états feront
donc partagés en trois.claffes , fuivant que
les mouvemens du corps , de l'efprit ou du
coeur y dominent ; ainfi un genre de vie
dévoué aux ſciences fera plus heureux que
s'il l'étoit à des travaux méchaniques , ca
1teris paribus. Les fortunes les plus brillanres
& les plus élevées , qui font fi peu d'heu
reux , feroient les plus propres de toutes à
donner le bonheur . Le genre de vie qui
mérite la préférence fur tous les autres étant
celui où les mouvemens agréables du coeur
dominent davantage , & ces mouvemens
étant ceux de la bienveillance , la conditión
la plus défirable eft celle où l'on peut
faire le plus de bien , il n'y a donc point
5 de bonheur égal à celui d'un Souverain
qui rend fon peuple heureux.
L'Auteur finit en concluant de toutes fes
refléxions que la Philofophie morale eft à
la portée de tous ceux qui font capables de
la refléxion la plus légere. En voilà affés
pour donner aux lecteurs l'idée de cet ou
vrage & le défir de le lire . C'eſt un des
meilleurs Traités métaphyfiques qui ayent
été faits depuis long- tems ;il a cet avantage
que la Morale eft ici liée néceffairement à la
Métaphyfique. Le ftyle en eft élégant , facile
& fort clair. L'Auteur a eu foin d'écarter
d'une main habile toutes les épinès
E ij
Too MERCURE DE FRANCE.
dont quelquefois font hériffées les matieres
de cette nature , & le livre peut être entenda
par les gens les moins exercés à ces lectures.
MEMOIRE fur la ville fouterraine découverte
au pied du Mont Véfuve , Paris
1748 , brochure , chés C. Hériffant, Cette
brochure d'environ cinquante pages contient
plufieurs détails fur ce qu'on a trouvé
dans Héracléc , & des remarques fur
ette ville ancienne , fur fa pofition , fur
les édifices dont elle étoit ornée , & c, Comme
nous avons déja abondamment parlé
de cette matiere , que nous en parlerons
peut être encore , nous nous difpenferons
de nous étendre fur cette relation , & nous
nous contenterons de lui donner les éloges
qu'elle mérite.
Guillaume Després & Cavelier propo
fent par foufcription un nouveau Traité de
Diplomatique , où l'on examine les fondemens
de cet art , on établit des regles fur le
difcernement des titres , & l'on expofe hiſtoriquement
les caractéres des Bulles Pontificales ,
& des Diplômes donnés en chaque fiécle, avec
des éclairciffemens fur un nombre confidérable
de points d'Hiftoire , & c. par deux Religieux
Bénédictins de la Congrégation de
S. Maur. 5 volumes in-quarto , enrichis de
notes , ornés de vignettes & d'environ
cent planches en taille- douce,
MAR S.
ΙΟΣ
1748.
Deux volumes paroîtront au commencement
de l'année 1749 , les trois autres
fuivront de près .
On fouferira depuis le premier. Mars
1748 jufqu'au premier Juillet de la même
année. On payera 20 livres en fouſcrivant;
1 livres en recevant les deux premiers vodumes
en feuilles ; 10 livres en recevant le
troifiéme , & 10 livres en recevant le quatriéme.
Ceux qui n'auront pas foufcris
-payeront 15 livres par volume.
On tirera un petit nombre d'exemplaires
en très-beau papier grand raifin ; le prix
fera de So livres pour les Soufcripteurs ,
c'est-à-dire 3 2 livres pour le premier paye
ment, & 16 livres pour chacun des autres.
S'il en refte , le tems des foufcriptions expiré
, ils feront vendus 120 livres en
feuilles.
Les Soufcripteurs qui négligeront de rctirer
leurs exemplaires dans le cours de
l'année de la publication du dernier volu
me , ne feront point reçûs à les répéter.
- LES ORIGINES des Slaves ou Efclavons
, par Jean - Chriftophe de Jordan ,
Confeiller Aulique de la Reine de Hongrie
& de Bohême. Tome premier ou prémiere
partie , contenant une Introduction
aux origines des Efclavons , divifée en 29
chapitres , où il eft question , non-feule-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE .
ment des Efclavons , mais auffi des autres
Nations , dont l'hiftoire peut répandre
quelque jour fur celle des Efclavons , fçavoir
des Bojens , des Illyriens , des Marcomans
, des Quades , des Allemands , des
Vandales , des Goths , des Hérules , des
Ruges , des Scytes , des Huns , des Langobardes
, des Gepides , des Bojariens , des
Thuringiens , des Saxons. On y a joint un
plan général de tout l'ouvrage & trois Index
très-amples , dont l'un eft chronologique
, l'autre géographique & l'autre hiſtorique.
A Vienne , chés Jean - Jacques Janh &
Gregoire Kuriboëk , 1745. in-fol. de 247.
pages . L'ouvrage eft en Latin .
HISTOIRE des hommes ' illuftres de
T'Ordre de S. Dominique , c'eft-à - dire des
Papes , des Cardinaux , des Prélats éminens
en fcience & en fainteté ; des célebres
Docteurs & des autres grands perfonnages
qui ont le plus illuftré cet Ordre depuis
la mort de fon faint Fondateur juſqu'au
Pontificat de Benoît XIII . Ouvrage dédié
à Sa Sainteté par le R. P. A. Touron , Religieux
du même Ordre . Tome IV . in
quario de 791 pages , y compris la Table
des matieres, à Paris , chés Babuty & Quil
lan , pere , 1747 .
ENTRETIENS fur les vérités fondamentales
de la Réligion , pour l'inſtruction
MARS. 1748. 103
des Officiers & gens de mer , par le Pere
Yves Valois , de la Compagnie de Jefus ,
de l'Académie Royale des Belles- Lettres
de la Rochelle , & Profeffeur d'Hydrographie
, premiere partie . A la Rochelle , chés
René-Jacob Defbordes, Imprimeur des Fermes
Générales du Roi , du Collége & de
Ja Ville , au Canton des Flamands , 1747.
Volume in- 12 de 303 pages , fans la Pré-
:face de 26 .
CATALOGUE des Livres , tant imprimés
que manufcrits , que feu M. Eucharius
Gotlieb Rinck , Jurifconfulte , Confeiller
de S. M. Imp. & Premier Anteceffeur de
l'Académie d'Altorff , a raffemblés en tout
genre de fciences , avec la Préface de M.
Adam Frideric Glaffey , Jurifconfulte. On
y a joint un Index très- ample. A Leipfic ,
chés la veuve de B. Cafp. Fritsch , 1747.
Deux volumes in- octavo de 1048 pages ,
fans la Préface & l'Index .
ON PROPOSE à la Haye par foufcription
la nouvelle Edition de l'Hiftoire d'Angleterre
de M. Rapin de Thoyras en 15
volumes in-quarto . Les neuf premiers font
déja imprimés , & l'Edition entiere fera
achevée & en état d'être délivrée aux Soufcripteurs
au mois de Décembre de cette
année 1748 , Le prix de la foufcription eft
de go livres , payables 45 livres en fouf-
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
vant , & 45 livres en retirant les exemplaires.
La foufcription fera ouverte júl.
qu'à la fin du mois d'Avtil , à Paris , chés
la veuve Ganeau , ruë S. Jacques ; le Gras ,
au Palais ; Cavelier , pere , rue S. Jacques ;
Giffart , pere , rue S. Jacques ; Rollin , Quai
des Auguftins ; Quillau , pere, rue Galande ;
David, l'aîné , rue: S. Jacques ; Banche ,
Quai des Auguftins ; Durand , rue S. Jacques
; d'Houry , fils , rue de la Bouclerie ;
a Lyon; chés les Freres Duplain ; H. de
Clauftre , de la Roche. Ceux qui n'auront
pas foufcrit , payeront l'exemplaire à raifon
de 1 20 livres.
LES . DEVOIRS d'un Chrétien envers
Dieu , & les moyens de pouvoir s'en bien
acquitter , à Reims , chés Regnaud Florentin
, Imprimeur du Roi , 1744 , in- 124
TRAITE'S des Criées , ventes des inimeubles
& des offices par décret , principalenient
fuivant l'ufage du Duché de
Bourgogne , avec des obfervations fur les
décrets volontaires , les directions , la vente
judiciaire , la vente des Lettres de Barbiers
& Perruquiers , celle des rentes foncieres
& conftituées , & un Recueil d'Edits
, Déclarations du Roi , Coûtumes ,
Reglemens , Certificats d'uſages & formules
fur cette matiere. Nouvelle Edition revue
, corrigée & confidérablement augMARS.
1748. 105
4
mentée. A Dijon , par M. Jean - Alexis
Thibaut, Procureur au Parlement de Dijon ,
chés François Defventes , Libraire , 1746.
Deux volumes in- quarto.
MEDITATIONS fur la Paffion de
N. S. Jefus-Chrift , par le R. P. Jofeph-
Antoine Dalmas , de la Compagnie de Jefus
, à Toulouse , chés Biroffe , Libraire ,
1747. Deux volumes in- 12 , & à Paris ,
chés Hippolite- Louis Guerin , Libraire ,
ruë S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin .
ON A PUBLIES à Bordeaux deux Dif
fertations , dont la premiere a pour objet
la caufe de l'augmentation de poids que
certaines matieres acquierent dans leur
calcination , qui a remporté le prix au jugement
de l'Académie des Belles - Lettres
Sciences & Arts , par le P. Berant , Jésuite ,
Profeffeur de Mathématiques dans le Collége
de Lyon , la feconde roule fur la méchanique
des fecretions dans le corps humain
, qui a remporté le prix au jugement
de la même Académie , par M. Hamberger,
Profeffeur de Phyfique & de Médecine
dans l'Univerfité de lene , à Bordeaux ,
chés P. le Brun , Imprimeur. Aggregé de
l'Académie , 1747 , in- quart8.Cette derniere
Differtation eft en Latin & en François.
CONTINUATIO Prælectionum Théologicarum
Honorati Tournely , five Traila
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
tus de univerfa Theologia morali. Tomus VII.
continens Tractatus, 1º . de Sacramentis in genere,
2 ° . de Baptifmo. Opus ad Juris Romani
& Gallici normam exactum apud viduam
Raymundi Mazieres , & 7. B. Garnier , Typographos
& Bibliopolas , via Jacobea , 1747,
CHRETIENNES
C
in- octavo.
REFLEXIONS
fur les grandes vérités de la foi , & fur les
principaux myftéres de la Paffion de N. S.
$ 748 , in- 12 , chés le même Libraire.
MOURS & ufages des Turcs ; leur
Religion , leur Gouvernement civil , militaire
& politique , avec un abregé de
l'Hiftoire Ottomane , par M. Guer. Second
volume , à Paris , chés Mérigot & Piget ,
Libraires , Quai des Auguftins , 1747 >
in- 12 .
LE PARFAIT ACCORD des vertus,
ou l'uſage du monde , à Madlle *** ¸à
Paris , chés la veuve de Lormel , & fils
Imprimeurs Libraires , rue du Foin , 1747 ,
in- 12 .
GENEALOGIE de la Maifon de Belloy,
dreffée fur les Titres originaux , fur d'anciennes
montres , acquits ou quittances de
fervices militaires , rôles des Compagnies
des ordonnances , & comptes anciens des
Tréforiers des guerres de nos Rois ; fur
des Manufcrits de la Bibliothèque du Roi
MARS. - 1748. 107
>
& autres ; fur des Arrêts du Confeil d'Etat
du Roi , & des Jugemens d'Intendans
rendus lors de la recherche de la Nobleffe
du Royaume en 1666 & depuis , & fur
divers Auteurs de l'Hiftoire de France , à
Paris , chés Thibouft , Imprimeur du Roi ,
Place de Cambray , 1747 , in-quarto.
>
LE GOÛT & le caprice , Epitre en vers
à Madame du B**. de l'Imprimerie de
Prault , Quai de Gêvres , 1747 , inoctavo.
,
EUVRES de Madame la Marquife de
Lambert , avec un abregé de fa vie . Nouvelle
édition . Tome I. chés la veuve Gȧneau
, 1748 , rue Saint Jacques , in- 12 .
VINCENT Libraire , rue Saint Se
verin mettra inceffamment en vente le
Traité de la ftructure du coeur , par M. Senac,
Médecin Confultant du Roi . Cet ouvrage
fera enrichi d'un grand nombre de Planches
deflinées & gravées avec beaucoup de
foin.
,
JEAN - THOMAS Heriffant , Libraire,
rue Saint Jacques , à S. Paul & à S. Hilaire ,
a mis en vente la Pratique du Sacrement de
Pénitence , ou Méthode pour l'adminiftrer
utilement , imprimé par l'ordre de M. l'E .
vêque de Verdun › par feu Meffire Louis
Habert , Prêtre , Docteur de la Maifon &
Société de Sorbonne. Nouvelle édition
in- 12 , E vj
108, MERCURE DE FRANCE.
PANEGYRIQUES & autres Sermons
prêchés par M. Charand , Prédicateur du
Roi . Deux volumes in- 12 . à Paris , chés
Durand , Libraire , ruë Saint Jacques , au
Griffon .
DISCOURS au Roi , en vers , par
M. de Ladixmerie , à Paris , chés Delaguette,
Libraire rue Saint Jacques , à la Croix
d'or..
LETTRES fur divers points de controverfe,
contenant les principaux motifs
qui ont déterminé S. A. S. M. le Duc Frederic
des Deux Ponts à fe réunir à la Sainte
Eglife, Catholique, Apoftolique & Romaine
. Deux volumes in-12. A Liége ,
chés Everard Kints Imprimeur de S. Em.
& de fes Etats , 1747 .
DELLA ISTORIA Ecclefiaftica def
critta da F. Giuseppe Agostino Orfi dell'
Ordine de Predicatori , Segretario della
facra Congreg. dell' Indice. Tom. duo , inquarto.
A Rome , chés les Pagliani , par
foufcription .
LETTERA all' Illuftriff, e Reverendiſſ.
Signore , Monsignor Borgia , Arcivescovo
di Fermo , xxiv. Gennaio. Cette lettre eft
de M. le Cardinal Querini , à Breffe ,
1747.
AD VIRUM clariffimum Joannem Rudolphum
Kieflingium in Lipfienfi Lycao pur
MARS. 1748.
109
blicum Profefforem Epiftola 4 April . 1747,
par le même.
AD illuftriffimum & Reverendiffimum D.
Bernardum de Franchenberg , Abbatem
Monafterii Defertinenfis , facrique Imperii
Principem Epiftola xxvi . Maj. 1747 , par le
même..
ESSA1 hiftorique & politique fur le
Gouvernement préfent de la Hollande . A
Londres , & fe trouve à Paris , chés Jorry
Quai des Auguftins .
PRECIS de l'Hiftoire Sacrée par demandes
& par réponſes , à Paris , chés Savoye
, rue Saint Jacques .
REFLEXIONS CRITIQUES fur
les Obfervations de M. l'Abbé du Fays fur
l'origine , la puiffance & la valeur des Gaulois
, par M. l'Abbé Armerie , à Paris ,
chés Quillan , pere , ruë Galande.
L'ARITHMETIQUE par les fractions
, contenant des inftructions
pour
mettre en pratique par
pratique par des queftions intéreffantes
les règles générales de cette
Science , foit pour négocier en France ,
foit pour négocier dans les Pays étrangers
tant en changes qu'en marchandiſes , &
qui enfeigne à réfoudre les Problêmes les
plus curieux & les plus difficiles fans le
Lecours de l'Algébre , par M. Chaloffe , à
Paris , chés Claude Hériffant , fils , ruë
110MERCURE DE FRANCE:
neuve Notre-Dame , à la Croix d'or &
aux trois vertus , 1747. Volume in-12 .
Prix 30 fols relić.
LE PETIT Dictionnaire du tems
pour l'intelligence des nouvelles de la
guerre , &c. Troifiéme édition revûë ,
corrigée , ornée de planches en taille douce
, & augmentée confidérablement par
M. l'Amiral. A Paris , chés Bauche , pere,
Libraire , fur le Quai des Auguſtins ,
S. Jean dans le défert : Ph. N. Lottin , &
J. H. Butard , Imprimeurs Libraires , ruë
Saint Jacques , à la Vérité , 1747 › in-
12 .
à
DICTIONNAIRE univerfel , hiſtorique
, chronologique , géographique &
de Jurifprudence , civile , criminelle &
de Police des Maréchauffées de France ,
contenant l'hiftoire des Connétables &
Maréchaux de France depuis le commencement
de la Monarchie , leurs Armes ,
Blafons , &c. & une compilation chronologique
des Ordonnances , Edits &c.
qui concernent les droits & la compétence
, tant de ces Corps que du Siége de la
Connétablie , &c. Tome premier , par
M. C. H. de Bauclas , Ecuyer , Lieutenant
Général de la Connétablie & Maréchauffée
de France , Procureur Général d'un Bureau
des Commiffions Extraordinaires du
,
7
MARS. 1748 TTX
Confeil de Sa Majefté , & Confeiller au
Confeil Souverain de S. A. S. M. le Prince
de Dombes . A Paris , chés la veuve
Ganeau , rue Saint Jacques , Quillan , pere,
ruë Galande , Chaubert , Quai des Auguf
tins , de Nully & Debats, au Palais , Prault,
pere , Quai de Gêvres , Prault , fils , Quar
de Conti , Quillan , fils , & Lameſle , ruc
Saint Jacques .
i
DURAND , Libraire , rue Saint Jacques
, au Griffon , vient de mettre fous
preffe la Callipédie, ou la maniere d'avoir de
beaux enfans , Poëme Latin de Claude
Quillet , avec une Traduction Françoife &
de courtes notes fur quelques endroits qui
ont paru en avoir befoin. 1
Voici un avis que les Sieurs Jean- Baptifte Col
gnard & Antoine Boudet nous ont prié de pu
blier fur une feconde édition des OEuvres de Meffire
Jacques-Benigne Boffuet Evêque de Meaux
en 12 volumes in -4°. qu'ils fe propofent de donner
au public.
Les ouvrages de feu M. Boffuet Evêque de
Meaux font en fi grand nombre , & quelquesuns
font devenus fi rares , que l'impoffibilité de
les raffembler a fait fouhaiter une Collection complette
de tous les écrits de ce fçavant Prélat , l'un
des plus grands ornemens du Clergé de France ,
& l'une des plus grandes lumieres de l'Eglife Univerfelle
.
L'édition annoncée en 1742 , & proposée par
Soufcription , ayant été confommée par les Souf
112 MERCURE DE FRANCE.
cripteurs , nous n'avons pû nous difpenfer d'en en
treprendre une nouvelle . Nous la propofons au
même prix que la premiere , c'eft à - dire , fur le
pied de 9 liv . le volume en feuilles , on peut recevoir
dès - à -préfent les trois premiers volumes en
payant 27 liv . & 9 liv , à compte fur les fuivans qui fe
délivreront par trois volumes , de trois en trois
mois dans le courant de cette année .
Le mérite des ouvrages de M. Boffuet , reconnu
& confirmé par un fi long efpace de tenis ,
les met également au- deffus de la critique & des
éloges , ainfi fans chercher à en faire valoir le recueil
, nous avons crû devoir expofer feulement le
plan & la méthode que l'on y a fuivi . Ayant ob
fervé l'ordre des matieres plutôt que celui des
tems , nous avons commencé par ce que M. Bof
fuet a compofé en Latin fur les Livres facrés.
Le premier volume contient les Pfeaumes les
Livres de Salomon , accompagnés de notes fçavantes
, qui en facilitant l'intelligence de la lettre en
découvrent auffi l'efprit. Ces notes. font le fruit
des Conférences que M. de Meaux tenoit avec les
plus habiles Théologiens de fon tems dans les
heures de loifir que lui laiffoit l'éducation de Monfeigneur
le Dauphin.
Le fecond volume contient ce que le fçavant
Prélat a écrit en François fur quelques Livres de
P'Ecriture Sainte , fçavoir l'Explication du Paffage
de la Prophétie d'Ifaie , Ecce Virgo concipiet . Une
Traduction paraphrafée du Pfeaume XXI . L'Expli
cation de l'Apocalypfe . Deux Inftructions au fujet de
la verfion du Nouveau Teftament imprimé à Tré.
voux. Le Cathéchifme , & les Prieres Eccléfiaftiques
du même Auteur pour Pinftruction des Fidéles de
fon Diocèfe .
Le troifiéme volume renferme le Traité de
MARS. 1748. 113
:
•
1'Expofition de la Foi , l'Hiftoire des Variations des
Eglifes Proteftantes , & la Réponse de M. de
Meaux à M. Bafnage Miniftre de Rotterdam , en
1891 , intitulée Défenfe de l'Hiftoire des Variations
des Eglifes Proteftantes. Ouvrages que l'on regarde
comme le triomphe de la vérité & celui de M.
Boffuet fur l'Héréfie , car quoique le titre de
l'Hiftoire des Variations ne femble annoncer
qu'une narration hiftorique des differens change
mens arrivés dans la doctrine des Proteftans , leurs
Serreurs y font mifes dans un fi grand jour , & elles
y font difcutées avec tant de folidité , que cer
ouvrage eft auffi une réfutation complette du Proteftantifme:
.
Dans le quatriéme volume font les fix Avertiffe
mens aux Proteftans fur les Lettres du Miniftre
Jurieu contre l'Hiftoire des Variations , la Con-
·férence avec M. Claude Miniftre de Charenton , fur
les matieres de l'Eglife , les Réfléxions fur un écrit
de M. Claude , l'Avertisement que M. de Meaux
publia pour répondre à divers ouvrages des Proteftans
, qui tendoient à prouver que differentes
Prophéties , entre autres celle de l'Apocalypfe ,
avoient été accomplies en faveur de la Religion.
prétendue réformée.
La plupart des ouvrages qui compoſent le cinquiéme
volume regardent encore les Proteftans.
Le I. eft un Traité de la Communion fous les deux
efpéces. M. Boffuet le publia pour répondre aux
reproches que les Prétendus Réformés faifoient
à l'Eglife Romaine d'avoir privé les Fidéles de
l'ufage de la Coupe . On trouve enfuite deux Inftructions
Paftorales , par lefquelles il entreprit de
faire voir fur quel fondement J. C. a établi fon
Eglife , & quelles font les promeffes qu'il lui a
faites. Dans le tems des mouvemens que caufa
T16 MERCURE DE FRANCE.
Nous avons terminé ce volume par les Oraifons
fanébres que M. Boffuet a prononcées en differentes
occafions , & par le Difcours qu'il prononça
lorsqu'il fut reçu à l'Académie Françoife.
[ Les neuviéme volume contient les Méd tations
fur l'Evangile que M. de Meaux compofa pour
Pinftruction & l'édification des Religieufes de la
Vifitation de Sainte Marie : Un Difcours fur la vie
·cachée en Dieu : un autre Diſcours fur l'acte d'abandon
en Dieu : dès Frier es pour ſe préparer à la Communion
des Prieres pour fe préparer à la mort : une
Inftruction fur la lecture de l'Ecriture Sainte pour
les Religieufes & les Communautés .
:
7. M. Boffuet dans fon excellent Difcours fur
Hiftoire Univerfelle , avoit établi les fondemens
inébranlables de la Religion , il en avoit démontré
la fainteté & la durée perpétuelle ; mais il crut
encore devoir employer les dernieres années de fa
svie à donner à ces grandes vérités un nouvel éclat
de lumiere , deftiné particulierement à échauffer
le coeur , à y exciter l'amour de la Religion , & le
courage de s'y attacher & de la fuivre. C'eft dans
cette vue qu'il compofa des Elevations à Dieu
fur tous les Myftéres de la Religion : un Traité du
Libre Arbitre de la concupifcence , & enfin un
Traité de la connoiffance de Dieu defoi-même.
Ces ouvrages font la matiere du dixiéme volume.
Les deux Piéces que l'on a placées au commencement
des tomes onze & douze ont pour objet
deux points très-importans. Dans la premiere ,
M. de Meaux traite de la neceffité de l'amour de
Dieu dans le Sacrement de Pénitence. La feconde eſt
une Cenfure que le Clergé de France prononça
folennellement en 1700 , contre un grand nombre
de propofitions fur le Dogme & la Morale.
Les Lettres de piété de direction qui fuivent , ont
MARS. 1748. 117
été écrites par M. Boffuet à une jeune veuve , qui
s'étoit retirée dans une Communauté à la Ferté
fous Jouarre après la mort de fon mari . La réputation
de ce Prélat la détermina à le prier d'être
fon Directeur , & à lui confier les peines & les
fcrupules. On voit enfuite la Lettre à l'Abbeffe &
aux Religieufes de Port Royal au fujet du Formulaire.
Nous terminons enfin ce Recueil par l'Abré
gé de l'Hiftoire de France , ouvrage compofé pour
Tinftruction de Monfeigneur le Dauphin, ou pour
parler peut être plus exactement,par Monfeigneur,
le Dauphinlui- même, il n'avoit point encore paru.
Nous n'avons point imprimé l'ouvrage de
M. Boffuet , intitulé Defenfio declarationis Conventús
Cieri Gallicani anno 1682 de Eccléfiaftica poteftate
, fur l'autorité des Rois & des Souverains
Pontifes , non plus qu'un autre touchant le Livre
des Réflexions Morales fur le Nouveau Teftament.
Ces deux ouvrages ayant été imprimés très correctement
depuis peu à Amfterdam en cinq vo
lumes , & dans la même forme que les douze de
notre impreffion , ç'auroit été en multiplier des
éditions , d'autant plus inutilement que l'on peut
avoir ces cing volumes pour quarante livres en
feuilles.
A VIS.
Quoiqu'on ait déja un grand nombre de verfions
& d'explications des Livres Sacrés en Langue
vulgaire , on peut dire cependant qu'il n'y
en a point qui puiffe encore également fatisfaire
le goûr ou les befoins des perfonnes , qui par devoir
ou par piété font une étude particuliere de la
Bible.
Il est vrai que ceux qui fouhaitent un Commentaire
étendu , trouvent dans celui du R. P.
118 MERCURE DE FRANCE.
Dom Calmet un abregé de tous les meilleurs
Commentateurs , & dans les Differtations de ce
fçavant Auteur une difcuffion exacte des matieres
les plus importantes & les plus difficiles. Il eſt
vrai auffi que pour ceux qui fe contentent d'une
fimple lecture , il y a des Textes accompagnés de
courtes notes. Mais ces differentes compilations ,
ou trop étendues ou trop abregées , ne peuvent
convenir à ceux qui , fans vouloir ou fans être en
état de faire de grandes recherches , défirent toute
fois lire l'Ecriture Sainte avec fruit , & trouver les
difficultés applanies . Une fimple verſion où l'on a
répandu quelques notes peu importantes , ne leur
fuffit pas , & ils font rebutés d'une traduction
chargée d'un Commentaire immenfe . Ce n'eft
donc pas fans raifon qu'on regrette qu'il n'y ait
point encore d'édition de Bible Françoiſe qui
tienne un jufte milieu.
C'eft fur ce plan qn'une perfonne habile a conçû
le deffein d'une nouvelle Bible Latine & Fran-
Coife. Pour le Texte François , on a choifi par
préférence la Traduction du P. de Carrieres Prêtre
de la Congrégation de l'Oratoire , parce que la
paraphrafe qu'il a inferée dans le Texte , y eft ft
heureufement placée , qu'elle préfente une expli
cation naturelle & fuivie qui faifit l'efprit & le
Catisfait.
Le P. de Carrieres dans fa paraphrafe s'eft particulierement
attaché à expliquer les obfcurités du
Texte & à en marquer les liaifons , mais il n'a pû
que très-rarement employer les differences de l'original
, & fi quelquefois il le fait le lecteur n'en
eft point averti , on a donc crû qu'il étoit convenable
de fuppléer par des notes à ce qui manquoit
à cette paraphrafe , pour donner une plus parfaite
connoiffance de la lettre même du Texte Sacré
MARS. 1748. 119
Ces notes font tirées , pour la plus grande partie ,
du Commentaire de Dom Calmet , qu'on regarde
avec juftice comme une ample compilation de
tout ce qu'il y a de meilleur dans les ouvrages
des
Interprêtes & des Critiques de la Sainte Ecriture .
On préfume avec confiance que ce travail paroîtra
également important & utile par l'attention
qu'on a apportée à faire un choix judicieux. Ce
fera fans doute la partie la plus neuve , comme
elle eft peut-être auffi la plus néceffaire . Il n'étoit
pas moins important de fixer la Chronologie , &
c'eft à quoi l'on a eu grand foin de veiller. La
Chronologie d'Ufferius mérite l'eftime qu'elle s'eft
acquife ; c'est celle que l'on a le plus communément
fuivie , mais en quelques endroits où elle paroît
laiffer à défirer plus d'exactitude , on a préferé le
fentiment qui a paru le mieux fondé.
Pour fuppléer à ce qui pourroit encore manquer
à la Paraphrafe & aux notes , on donnera les Differ
tations de Dom Calmet , qui au jugement des meil
leursconnoiffeurs , contiennent une difcuffion exacte
& lumineufe des points les plus difficiles & les plus
importans des Livres Sacrés . Elles feront revues de
nouveau,& placées aux endroits où elles auront un
rapport naturel. Ce fçavant Auteur y en a ajouté
onze nouvelles fur differens fujets , tels que le Paradis
Terreftre , l'Arche de Noé, le Déluge univerfel,
la ruine de Sodome , & autres points curieux ou
intéreflans. On y en a joint quelques -unes de cel
les dont M. l'Abbé de Vence a illuftré l'édition de
la Bible du P. de Carrieres. On effayera de répan,
dre un nouveau jour fur quelques fujets déja traités
par Dom Calmet , tels que le Paffage de la Mer
Rouge . la fucceffion des Souveraips Pontifes Hébreux
, les Septante Semaines de Daniel , & autres
fajets importans fur lefquels on a eu occafion de
(...)
120 MERCURE DE FRANCE.
faire quelques nouvelles obfervations. Pour rendre
la lecture de toutes ces Differtations plus utile ,
on y a joint des Sommaires , qui feront placés à la
marge , & qui exprimant le plan de l'Auteur ferviront
à fixer l'efprit du lecteur , fouvent partagé
& embarrallé par la multitude d'objets qui fe
trouvent raffemblés dans ces piéces d'érudition &
de critique. Pour donner une idée plus diftinéte de
ces Differtations & des fujets intéreffans qui s'y
trouvent traités , on joint au préfent Avis les titres
de ces Differtations felon l'ordre qui leur fera
donné dans cette nouvelle édition .
On réunira dans les Préfaces le fond de celles
de Dom Calmer , du P. de Carrieres & de M.
l'Abbé de Vence. On effayera d'exécuter d'une
maniere plus foutenue le plan que Dom Calmet
s'étoit propofé , de donner dans chaque Préface un
précis du Livre qui en eft l'objet Ce précis quelquefois
plus étendu que celui de Dom Calmet,fera
toujours beaucoup moins chargé que les Sommaires
ou Analyfes de M. l'Abbé de Vence , & formé
prefque de la fimple réunion des Sommaires du
P. de Carrieres, On a confideré que ces fortes de
précis n'occupent pas plus de place qu'une Table
de Sommaires , & font plus utiles au moins
en ce qu'ils forment un difcours fuivi qui ſe
fait lire plus volontiers qu'une Table féche , compofée
ordinairement de mots fans laifons & fans
fuite.
On trouvera dans cette édition un abregé de la
Chronologie Sacrée , contenant les Tables Chro
nologiques de chaque âge du monde , accom
pagnées des principales preuves & des remarques
les plus interesantes. On y joindra une Table
Géographique , une Table particuliere des Textes
Sacrés expliqués dans les Préfaces & Differtations,
enfin
MARS. 1748. 121
enfin une Table générale des matieres contenues
foit dans le Texte Sacré , foit dans les Préfaces &
les Differtations.
·
Cette édition fera auffi enrichie de Planches trèsbien
gravées , qui toutes auront pour objet l'intelligence
du Texte Sacré , & principalement tout
ce qui regarde le Tabernacle , le Temple & fes
divers ornemens. On auroit pû fe contenter d'y
joindre les mêmes Cartes géographiques qui fe
trouvoient dans l'édition du grand Commentaire
de Dom Calmet , mais on nous a fait connoître
qu'elles n'étoient ni fuffifantes , ni affés exactes ,
& comme nous avons extrêmement à coeur de
rendre cet ouvrage utile , nous n'avons pas eu de
peine à nous déterminer à en faire graver de nouvelles
fur de nouveaux deffeins.
Pour réfumer les avantages de cette Bible . Elle
fera compofée : 1º. du Texte Latin de la Vulgate ,
accompagné de la verfion expliquée du P. de
Carrieres , laquelle eft connue & généralement
eftimée ; 2° . du Commentaire de Dom Auguftin
Calmet , réduit en Notes littérales , critiques &
hiftoriques , placées fous les verfets qui en ont
befoin ; 3 ° . d'environ cent vingt Differtations ,
tant du même Auteur que de M. l'Abbé de Vence ,
4°. De Préfaces compofées tant de celles de Dom
Calmet, que de celles du P. de Carrieres & de M.de
Vence ; s . des Planches gravées & des Tables
néceffaires pour rendre l'ufage de cette Bible plus
facile.
L'ouvrage fera divifé en dix volumes in- 40. qui
feront imprimés avec de beaux caractéres & fur
du beau papier.
122 MERCURE DE FRANCE.
Conditions.
On le propofe par foufcription , & pour en faciliter
l'acquifition , on en bornera le prix à 72
livres en feuilles pour ceux qui fouſcriront ; on
confentira même de ne recevoir cette fomme que
par parties. En faisant la premiere avance , il fera
fourni une reconnoiffance fignée des Libraires
portant promeffe de livrer l'ouvrage entier dans
l'efpace de dix-huit mois , à compter du premier
Janvier 1748 aux conditions fuivantes .
On payera en foufcrivant ,
24 lin
En recevant
les trois
premiers
volumes
au mois
de Juillet
1748
, on payera
18 liv.
Lors de la livraifon des trois fuivans qui fe fera
fix mois après , il fera payé 18 liv.
Et enfin en livrant les quatre derniers volumes
on payera le reftant du prix , qui fera 12 liv,
Total 72 liv.
Les Soufcripteurs feront retirer leurs exemplaires
dans les tems ci- deffus fpécifiés. On fe
croit obligé de les avertir d'avance que s'ils négligeoient
de les retirer au plus tard dans le cours
de l'année qui fuivra la publication entiere dudit
livre , leurs avances feront perdues pour eux , &
ils ne feront plus admis à répéter leurs exemplai
xes , condition fans laquelle les avantages dont ils
jouiffent ne leur autoient pas été propolés . Ils rentreront
de plein droit dans l'ordre des non Soulcripteurs
, qui payeront ledit livre la fomme de
cent livres en feuilles.
MAR.S. 1748 . 123
TITRES des Differtations , felon l'ordre
dans lequel elles feront placées dans les dix
volumes de cette Bible.
D
TOME PREMIER.
Iffertation fur l'Inſpiration des Livres Sacrés.
( La Differtation que l'on donne fous ce titre ,
eft de M. l'Abbé de Vence. )
Sur la canonicité des Livres Sacrés . ( Cette
Diflertation eft auffi de M. l'Abbé de Vence. )
Sur la Verfion des Septante .
Sur la Verfion Vulgate .
Sur l'Histoire des Hébreux , où l'on fait voir
l'excellence de cette Hiftoire fur celles de toutes
les autres nations.
Remarques fur la Chronologie , c'eft à-dire,
fur les années , les mois , les jours & les heures des
Chaldéens , des Egyptiens , des Grecs , des Romains
& des Hébreux..
Préface fur le Pentateuque.
Préface fur la Genèfe . ( On a donnéplus d'étendue
à cette Préface , quife trouvoit jointe à celle du
Pentateuque ; on y difcute la difference qui fe trouve
entre le calcul de l'Hébreu le calcul de la
Verfion des Septante , pour la durée des deux premiers
âges du monde. )
Differtation fur le Paradis terreftre. ( C'est une
des Differtations nouvelles . )
Sur le Patriarche Henoch.
Sur les Géans.
Sur l'Arche de Noé.
Sur l'univerfalité du Déluge .
(Cette Differtation
les. )
la précédente font nouvel-
( On placera ici quelques Obſervations fur le
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
1
Caïnan , fils d'Arphaxad & pere de Salé , felon la
Verfion des Septante , & felon l'Evangile de Saint
Luc )
Sur la Tour de Babel.
Sur la premiere Langue , & fur la confufion arrivée
à Babel .
Sur Melchifedech .
Spr l'origine & l'antiquité de la Circoncifion.
Sur la ruine de Sodome & de Gomorrhe , & fur
la Métamorphofe de la femme de Loth. ( Differtation
nouvelle , )
Sur l'antiquité de la Monnoye frappée au coin.
Préface fur l'Exode .
Differtation fur les Miracles.
Sur le paffage de la Mer Rouge.
( Cette Differtation a été travaillée de nouveau.
On y a fait ufage des nouvelles Obfervations du P.
Sicard Jefuite , Miffionnaire au grand Caire )
Sur la Manne. ( C'est une des Differtations nouvelles.
)
ΤΟ ΜΕ I I.
Préface fur le Lévitique.
Diflertation fur la Lépre.
Sur Moloch , Béelphegor & Chamos.
(Ce font deux Differtations que l'on a réunies. )
Préface fur les Nombres .
Differtation fur la Police des Hébreux , & en
particulier fur le Sanhedrin.
Sur les Supplices dont il eft parlé dans l'Ecriture.
Préface fur le Deuteronome , où fe trouve une
Concordance abrégée des Loix de Moyfe.
Differtation fur le Divorce.
Sur la mort & la fépulture de Moyfe.
Où l'on examine fi les anciens Législateurs &
Philofophes ont puifé dans l'Ecriture leur Loix &
leur Morale.
MAR S.
125 1748 .
Préface fur le Livre de Jofué .
Differtation fur la pluie de pierres qui tomba
fur les Chananéens.
Sur le retardement du Soleil & de la Lune au
commandement de Jofué.
Sur le pays ou fe fauverent les Chananéens
chaffés par Jofué.
Remarques fur la Carte Géographique de la
Terre promife.
TOME II.
Préface fur le Livre des Juges ( On y a ajoûté ›
quelques obfervations fur la Chronologie du quatriéma
age du Monde , depuis la fortie d'Egyptejufqu'à la
fondation du Temple. )
Differtation fur les Divinités Phéniciennes ou
Chananéennes.
Sur les demeures des anciens Hébreux .
Sur le Vau de Jephté .
Préface fur le Livre de Ruth . ( On y répond à la
critique de M. l'Abbé de Vence fur un article de la
Préface de Dom Calmet touchant la Généalogie de
David.
Préface fur les deux premiers Livres des Rois .
Differtation fur l'origine des Philiftins & fur
leurs Divinités .
Sur l'apparition de Samuel à Saül.
Sur les Officiers de la Cour & des Armées des
Rois Hébreux .
Sur la Milice des Hébreux.
Préface fur les deux derniers Livres des Rois.
Differtation fur les Temples des Anciens .
Sur le pays d'Ophir,
Sur le falut du Roi Salomon.
Sur la priere que Naaman fait à Elifée touchant
l'action de fe profterner , en foutenant le bras du
Roi fon maître dans le Temple de Remmon . ( On
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
y a ajouté quelques obfervations fur le même sujet. )
Sur le pays où les dix Tribus d'Ifraël furent
tranfportées, & fur celui où elles font aujourd'hui.
Sur la défaite de l'armée $ de Sennacherib.
Sur la rétrogradation de l'ombre du Soleil fur
l'horloge d'Achaz.
TOME IV.
Préface fur les deux Livres des Paralipoménes .
Differtation fur l'ordre & la fucceffion des
Grands- Prêtres des Juifs . ( Cette Differtation eft travaillée
de nouveau , & l'on y joint unSupplément où
l'on examine les difficultés qui fe rencontrent dans l'Ecriture,
particulierement au premier Livre des Pa
ralipoménes . chap. VI. touchant la Généalogie de la
Famille de Lévi. )
•
Sur les richeffes que David laiffa à Salomon.
Préface fur le Livre d'Efdras.
Differtation fur Efdras & fur les ouvrages
qu'on lui attribuë . ( C'est une des Differtations de
M. de Vence. )
Supplément à la Differtation fur.Efdras , où l'on
examine fi Efdras a changé les anciens caractéres
Hébreux pour leur fubftituer les lettres Chaldéennes.
(C'est une Differtation de Dom Calmet , qui fervira
ainfi de fupplément à celle de M. l'Abbé de
Venie. )
Préface fur le Livre de Néhémie , qui eft le ſecond
d'Efdras.
Differtation fur le retour des dix Tribus .
Préface fur le Livre de Tobie.
Differtation fur le Démon Afmodée..
Préface fur le Livre de Judith. ( On examine
dans cette Préface & dans une Differtation particu
liere le tems de l'hiftoire de Judith , pour montrer
comment on peut lever les contradictions que l'on a
reprochées à Dom Calmet fur ce point. ) ·
MARS . 1748 . 127
Préface fur le Livre d'Efther. ( On examine dans
tette Préface quel est l'Affuerus époux d'Efther ; on
répond aux objections & aux argumens de M. l'Abbe
de Vence; qui s'éloignant de l'opinion commune
fuivie par Dom Calmet , prétend que cet Affuerus
n'eft point Darius fils d'Hyftafpe , mais Artaxerxès
Longue-main. )
TOME V.
Préface fur le Livre de Job.
Differtation fur la maladie de Job.
Sur le Texte du Chap . XXIX. V. 18. Sicut palma
multiplicabo dies.
Préface fur le Livre des Pfeaumes.
Differtation fur le Texte & les anciennes Verfions
des Pleaumes .
Sur les Titres des Pfeaumes .
Sur les Auteurs des Pfeaumes.
Sur la Poëfie des Hébreux.
Difcours fur la Poëfie en général , & ſur celle
des Hébreux en particulier , par M. Fleury. ( C'eff
an Difcours que M. Fleury avoit communiqué à Dom
Calmet , & que Dom Calmet a fait imprimer dans
fon Commentaire. )
Diflertation fur la Mufique des Hébreux.
Sur les Inftrumens des Hébreux .
Differtation fur les mots Lamnatſeach & Selah.
Sur le texte du Pfeaume XXI . ¥. 17. Foderunt
manus meas &pedes meos .
Sur les enchantemens des Serpens , dont il eſt
parlé au Pfeaume LVII . . 5. & 6.
Sur le texte du Pleaume XCV . y . 10. Dominus
regnavit à ligno. ( C'eft une Differtation nouvelle. )
Sur les Pleaumes Graduels .
TOME VI.
Préface fur le Livre des Proverbes .
Differtation fur les Ecoles des Hébreux.
Fin
128 MERCURE DE FRANCE :
Sur la matiere & la forme des Livres anciens , &
fur les diverfes manieres d'écrire .
Préface fur le Livre de l'Eccléfiafte .
Differtation fur le Systême du Monde , felon les
anciens Hébreux .
Sur la nature de l'ame & fur fon état après la
mort , felon les anciens Hébreux .
Préface fur le Cantique des Cantiques.
Differtation fur les Mariages des Hébreux.
Préface fur le Livre de la Sageffe.
Differtation fur l'Auteur du Livre de la Sageffe.
Sur l'origine de l'idolâtrie .
-Préface fur le Livre de l'Eccléfiaftique .
Differtation fur le manger des anciens Hébreux.
Sur la Médecine & les Médecins des anciens
Hébreux .
Sur les funérailles & les fépultures des anciens
Hébreux.
TOME VII .
Préface générale fur les Prophétes.
Differtation fur la Religion des Royaumes de
Juda & d'Ifraël depuis leur féparation .
Hiftoire des peuples voifins des Juifs , pour fervir
d'élairciffement aux Prophéties qui les concernent.
Précis de l'Hiftoire profane d'Orient , depuis
Salomon jufqu'après la captivité de Babylone ,
pour fervir d'éclairciffement à l'Hiftoire des He
breux marquée dans les Prophétes.
Préface fur Ifaie."
Differtation fur le texte du chap. VII . V. 14.
Ecce Virgo concipiet & pariet filium , &c.
Sur le texte du chap . XVIII . 1. & fuiv. Va
terra cymbalo alarum , & c. ( Differtation nouvelle. )
Sur le texte du chap. LIII. y . 2. Non eft fpecies
ei neque decor où l'on examine les differens fen
MARS. 1748. 129
L.
timens des anciens & des modernes fur la beauté
de Jefus - Chrift.
Préface für Jérémie.
Differtation fur les Réchabites.
Préface fur les Lamentations de Jérémie.
Préface fur Baruch.
Préface fur Ezechiel.
( On placera ici une Differtation fur les 390 ans
dont il eft parlé dans la Prophétie du chap. IV. d'Ezéchiel
, V. s. d. suiv.)
Differtation fur Gog & Magog , dont il eft parlé
dans la Prophétie des chapitres XXXVIII . &
XXXIX .
ΤΟΜΕ VIII.
Préface fur Daniel.
Differtation fur la métamorphofe de Nabucho
donofor.
Sur les Septante Semaines de Daniel. ( Cefujet
eft traitéde nouveau ; on a profité des judicieuſes Ohfervations
que quelques perfonnes habiles fçavantes
ont faites fur la Differtation de Dom Calmet ,
après avoir diffipé les fauffes lueurs de vraisemblance
qui ont furpris le fuffrage de Dom Calmet en faveur
d'un fyfteme trop peu different de ceux de Marsham
du Pere Hardouin , qui croyoient trouver un atcompliffement
de cette Prophétie au tems des Macchas
bées ; on confirme l'interprétation que Dom Calmer
même reconnoît être la meilleure , la plus fûre & la
plus fuivie , c'est- à- dire , celle qui place au tems de
Jefus-Chrift Paccompliſſement unique de cette Praphrétie
)
( On y ajoûtera encore un abregé de l'H ftoire des
Rois d'Egypte & de Syrie depuis Alexandre, pour fer
vir à l'intelligence des Prophéties de Daniel. )
Préfaces fur les douze petits Prophétes.
Préface fur Ofée.
F V
130 MERCURE DE FRANCE.
Préface fur Joel .
Préface fur Amos..
Differtation fur le texte du Chapitre V. ¥. 26.
Et portaftis tabernaculum Moloch veftro , &c . où
l'on examine ce qui regarde l'idolâtrie des Ifraélites
dans le defert , & en particulier le Dieu Rephan
ou Rempham.
Préface fur Abdias.
Préface fur Jonas.
Differtation fur le poiffon qui engloutit Jonas,
Préface fur Michée.
Préface fur Nahum .
Préface fur Habacuc.
Préface fur Sophonie.
Préface fur Aggée.
Préface fur Zacharie.
Préface fur Malachie .
Préface fur les deux Livres Canoniques des
Macchabées.
Differtation fur la parenté des Juifs & des Lacédémoniens.
Differtation où l'on examine fi l'Arche d'Alliance
fut remiſe dans le Temple après la captivité
de Babylone .
Remarques fur les Livres III. & IV. des Macchabées.
Continuation de l'Hiftoire des Juifs , depuis la
mort du Grand- Piêtre Simon jufqu'à la naiſſance
de Notre Seigneur Jefus- Chrift , pour fervir de
fuite à celle des Macchabées , par M. l'Abbé de
Vence.
TOME IX.
Préface générale fur les Livre du Nouveau Teftament.
Harmonie des quatre Evangiles , où hiſtoire
abregée de la vie de Jefus - Chrift , rangée felon
l'ordre des tems.
MARS.
1748. 131
( On placera ici une Diſſertation nouvelle fur les
années de Jefus- Chrift . )
Differtation fur la Généalogie de Jeſus- Chrift.
Sur Saint Jofeph , époux de la Sainte Vierge.
Sur les Mages.
Sur les differentes Sectes des Juifs ; fçavoir , les
Pharifiens , les Sadducéens , les Hérodiens & les
Efféniens.
Sur les trois Baptêmes , c'est -à -dire , fur le Bap
rême des Juifs , fur le Baptême de faint Jean - Baptifte
& fur le Baptême de Jefus - Chriſt.
Sur les Obfeffions & Poffeffions du Démon .
Sur les bons & les mauvais Anges.
Sur le péché contre le Saint Efprit.
Sur les trois Máries.
Sur la derniere Pâque de Jefus Chriſt .
( On y joindra quelques obfervations ſur le même
fujet. )
Sur la fueur de fang de Jefus- Chriſt au Jardin
des Oliviers.
Sur les ténébres arrivées à la mort de J. C.
Sur la Réfurrection des Saints Peres qui reffuf
citerent avec Jesus- Chrift .
Sur la mort de Saint Jean l'Evangélifte.
Sur le trépas de la Sainte Vierge. ( Diſſertation
nouvelle. )
Sur les Actes de Pilate envoyés à l'Empereur
T. bere au fujet de la mort de Jefus -Chriſt.
Sur les Evangiles apocryphes.
Sur les Caractéres du Meffie , fuivant les Juifs
depuis la venue de Jefus - Chrift .
Sar les faux Meffies qui ont paru depuis Jefus-
Chrift. ( Differtation nouvelle . )
Sur le Juif errant . ( Differtation nouvelle. )
Préface far l'Evangile de Saint Matthieu
Sur l'Evangile de Saint Marc.
Sur l'Evangile de Saint Luc..
I vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Sur l'Evangile de Saint Jean.
Sur les Actes des Apôtres.
Differtation fur les élections par le fort.
Sur le Baptême au nom de Jefus Chriſt.
Sur Simon le Magicien.
Sur l'infcription de l'Autel d'Athénes confacré
au Dieu inconnu..
TOME X.
Préface fur l'Epitre de S. Paul aux Romains .
Differtation fur les Gentils qui n'ont connu ni
la Loi de Moyfe , ni l'Evangile.
Sur le péché originel , felon l'idée des Chrétiens
, des Juifs , & des Mahometans , & c. ( Differtation
nouvelle. )
Sur les effets de la Circoncifion .
Sur la prédestination & la réprobation des
hommes.
Préface fur la premiere Epitre de faint Paul aux
Corinthiens.
Differtation fur la Réfurrection.
Sur le Baptême pour les morts , dont il eft parlé
au chapitre XV. V. 29.
Sur le texte du chapitre XV. V.32 . Si, fecundùm
hominem , adbeftias pugnavi Ephefi , &c.
Préface fur la II . Epitre de S. Paul aux Corinthiens.
Préface fur l'Epitre de S. Paul aux Galates.
Differtation fur Céphas repris par S. Paul.
Préface fur l'Epitre aux Ephéfiens.
Préface fur l'Epitre aux Philippiens.
Préface fur l'Epitre aux Coloffiens.
Préface fur la I. Epitre aux Theffaloniciens.
Préface fur la II . Epitre aux Theffaloniciens.
Préface fur la I. Epitre à Timothée.
Préface fur la II Epitre à Timothée.
Préface ſur l'Epitre à Tite.
MARS. 1.3.3
ず
1748.
Préface fur l'Epitre à Philémon
Préface fur l'Epitre aux Hébreux.
Préfacé fur l'Epitre de faint Jacques.
Préface fur la I. Epitre de faint Pierre.
Differtation fur le voyage de S. Pierre à Rome
Préface fur la II . Epitre de faint Pierre..
Differtation fur la fin du Monde & fur l'état dir
Monde après le Jugement dernier .
Préface fur la 1. Epitre de faint Jean .
Differtation fur le texte du chapitre V. V. 7-
Tresfunt qui teftimonium dant in coelo , &c.
Préface fur la II . Epitre de faint Jean.
Préface fur la III . Epitre de faint Jean .
Préface fur l'Epitre de faint Jude.
Differtation fur le Livre d'Henoch.
Préface fur l'Apocalypfe .
Diflertation fur l'Antechrift .
Abregé de la Chronologie facrée , ou Tables
Chronologiques , pour fervir à l'intelligence des
Livres Sacrés.
Table Géographique des Provinces , Villes &
Peuples dont il eft parlé dans les divines Ecritures.
Table des Textes Sacrés expliqués dans les Préfaces
& Differtations.
Table générale des matieres contenues , foir
dans le Texte facré , foit dans les Préfaces & Dif
Lertations.
ESTAMPES NOUVELLES.
Dieuvre , Marchand d'Eftampes , ruë d'Anjou
, vient de mettre en vente les Portraits de
LOUIS DAUPHIN DUC DE BOURGOGNE
, né à Versailles le 6 Août 1682 , more
au Château de Marly le 18 Février 1712 , peine
par H. Rigaud , & gravé par Tardieu le fils.
134 MERCURE DE FRANCE.
FRANÇOIS DE SALIGNAC DE LA MO.
THE , Archevêque Duc de Cambray , peint par
J. Vivien , & gravé par P. Dupin.
Le Sr Benoît Audran , Graveur , vient de donner
au public la vie de S. Ignace de Loyola, en quinze
feuilles de grandeur égale. Le burin retrace fi
delement aux yeux
les mêmes actions de la vie de
S. Ignace , qui font peintes & fculptées à Rome
dans la Chapelle de ce Saint.
La premiere Eftampe repréfente la ftatuë en argent
de S. Ignace , enrichie d'or & de pierreries
telle qu'elle eft à Rome. Les autres offrent diverfes
actions de fa vie , fon tombeau , fes miracles
, & c .
Chaque Eftampe eft de fix pouces de large fur
neuf & demi de haut. On trouve chés le même
Graveur beaucoup d'Eftampes de la Belle , de Callot
, de Sylveftre & autres excellens Maîtres.
Il demeure rue S. Jacques , proche S Yves , à la
Ville de Paris .
On vend chés le Sr Duflos , Graveur , Place
Dauphine & chés Mad . la veuve Chereau , aux pi-
Jiers d'or , rue S. Jacques , le Plan de la Ville de
Dunkerque , gravé par le Sr Dufos , d'après un tableau
du cabinet de M. Taverne de Renefeure , &
dédié à S. A. S. M. le Duc de Penthievre ; ce Plan
eft très exact, fort bien gravé, & mérite les fuffrages
des connoiffeurs.
Plan en Elévation de la Ville de Soiffons , dédié
& préfenté à la Reine , fe vend à Paris , chés Poin
sellier, Auteur , rue du Monceau S. Gervais.
M. te Beau , Profeffeur de Rhétorique au Col-
Tége des Graffins , connu par fon mérite & fes talens
, fut élû le premier de ce mois Académicien
MARS. 1748 F35
Affocié de l'Académie Royale des Belles Lettres ,
à la place de M. Secouffe , devenu Penfionnaire ;
& M. Otter , Profeffeur en Arabe au Collège Royal,
fut aufli élû le 8 Académicien Affocié de la même
Académie , à la place de M. de la Curne de Sainte
Palaye , devenu Penfionnaire. Sa Majesté a confirmé
ces deux élections.
Le Sr Nicolas Thillaye , Marchand Chaudronnier
, demeurant à Rouën , rue des Bons Enfans ,
-fait des Pompes , dont la perfection & l'utilité lui
"ont mérité l'approbation de Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , laquelle après
avoir nommé Meffieurs Duhamel & Camus , Com
amiffaires pour les examiner , lui accorda le Certiificat
fuivant , qui ne laiffe rien à defirer au public
touchant la fûreté de ces machines. En voici un
extrait.
» La maniere dont ces Pompes font exécutées
mérite des éloges , & il feroit à fouhaiter que
nombre de particuliers euffent chés eux de ces
fortes de Pompes qui pourroient fervir utile-
» ment pour arrêter le commencement des incen-
Dodies , qui ont fouvent fait de grands progrès
avant qu'on puiffe avoir les fecours publics .
Une grande partie des Académiciens fut té
-moin de l'épreuve & de l'effet de ces Pompes , &
plufieurs en ont acheté .
Leur compofition eft toute en cuivre & très-folide
, fans qu'il en coûte aucun frais d'entretien ;
quand il y auroit 20 ans qu'on n'y auroit touché ,
elles font en état d'agir dans l'inftant ; les foupapes
& autres joints font fi exacts , que le piſton en
condenfe l'air auffi exactement qu'une machine
pneumatique.
Un homme feul peut tranfporter la plus petite &
136 MERCURE . DE FRANCE.
la faire agir dans un cas preffant, & prévenir les iu
cendies les plus fâcheux , comme il eſt arrivé au
Monaftere des Feuillan's , vis - à- vis la Place de Vendô
me à Paris le 25 Mai 1747; leur maifon étoit ménacée
d'être réduite en cerrdres par un incendie qui
recommença jufqu'à deux fois dans un même jour,
mais qui fut auffi- tôt arrêté par le moyen de quelques
unes de ces Pompes qui le trouverent pour-
Fors ches les Feuillans . Tout Paris fut à portée de
juger de la difference qu'il y a d'avoir de tels fecours
chés foi ou d'être obligé de les tirer du dehors
, & d'attendre un tems affes confidérable pour
* ne pouvoir borner le progrès du feu qu'après qu'il
ne trouve plus de matiere combuftible.
Enfin l'utilité & le bon marché de ces Pompes
les ayant fait juger au- deffus des ordinaires qui
avoient paru jufqu'à ce tems , le Roi a accordé à
l'Auteur un Brévet qui lui permet de les vendre &
débiter partout le Royaume , avec défenfes à qui
que ce foit de le troubler , fous quelque prétexte
que ce foit ; ce Bréver eft fondé fur les certificats
qui conftatent le grand avantage de ces Pompes.
Elles font fi folides , que leur durée peut exceder
la vie de plufieurs perfonnes les unes après les autres
. L'Auteur donnera à ceux qui en acheteront
relle garantie qu'il leur plaira . Il en envoye la figure
& la defcription imprimée à ceux qui en défirent
, pourvu qu'ils affranchiffent leurs lettres.
Les perfonnes qui défireront voir de ces Pompes
à Paris , pourront s'adreffer aux Feuillans de la
ruë S. Honoré , où ils verront celles qui leur fervirent
fr utilement lors de l'incendie ci deffus mentionné.
L'Auteur qui demeure à Rouen ,
fatisfera ceuxqui
défireroient de plus amples explications , toujours
en affranchiffant les ports de lettres .
MARS. 1748. 137
Mlle de la Croix a obtenu du Roi un privilége
pour débiter un Rob pectoral ou Sirop,qui eft un
remede fouverain contre toutes les efpeces de rhumies
, toux , enrouemens , &c. Le Certificat donné
par feu M. Lemeri , qui avoit examiné ce remede
par ordre de M. le Cardinal de Fleury , porte
qu'il n'y entre aucun narcotique , qu'il com
vient dans tous les cas où il faut faciliter l'expectoration
d'une matiere épaiffe & vifqueufe qui englue
les bronches & qui caufe une toux opiniâtre.
Ce remede a réuſſi à´un grand nombre de mala,
des ; il eft agréable au goût.
Mlle de la Croix demeure rue & porte S. Jacques.
Madame de Catinat , veuve de M. de Catinat ,
Confeiller au Parlement , pour fe conformer aux
intentions de fon mari , ayant chargé depuis peu
M. l'Abbé Raynal , Auteur connu par fon Hiftoire
du Stathoudérat & celle du Parlement d'Angleterre
, de compofer l'Hiftoire de M. le Maréchal
de Catinat , fur les mémoires & autres pièces que
M. de Catinar , fon neveu , a fait raflembler pour
fervir à cet ouvrage ; elle croit devoir inviter Meffieurs
les Officiers qui ont fervi fous lui & autres
perfonnes qui ont vêcu avec lui , ou qui ont quelques
connoillances particulieres de fa vie , de lui
envoyer tous les mémoires , lettres , plans de villes
, de campemens , de batailles, les cartes particulieres
des vallées du Piémont , & des cantons de
Pitalie où il a fait la guerre pendant les années
1690 jufqu'en 1706 , & généralement toutes les
inftructions qu'ils pourront lui procurer à ce fujet.
Tout le monde doit s'intéreffer à la perfection de
PHiftoire de ce grand homme , & c'eft dans cette
vue que Madame de Catinat ofe efperer les éclairciffemens
qu'elle demande , en affûrant de fa re
13S MERCURE DE FRANCE.
connoiffance ceux qui voudront lui faire l'honmeur
de les lui donner. Elle recevra par la pofte
ou par les Meffageries , ou autres voitures publiquès
toutes les lettres & paquets qu'on lui adreffera.
Madame de Catinat demeure ruë de l'Univerfité
, près la rue du Bacq à Paris.
Le Sr Thevenin , Maître Ecrivain Juré à Paris ,
donne avis au public que M. de la Roque lui a
legué plufieurs fuites complettes des Mercures de
France , qui commencent en Janvier 1720 & finiffent
en l'année 1744 , ce qui forme environ
330 volumes , & plufieurs exemplaires de l'Opéra
de Médée & Jafon , avec les fupplémens , trèsbien
conditionnés. Ceux qui fouhaiteront en acquérir
, pourront s'adreffer au Sr Thevenin , qui
demeure ruë de la Verrerie , vis - à- vis le Cimetieie
de faint Jean.
BOUQUET ,
Les fleurs parlent.
Non , ce n'eft point notre deffeis
Belle Iris , d'orner votre tête ,
Ni de briller fur votre fein ,
Le jour heureux de votre fête ;
A quoi peuvent fervir tous nos foibles attraits
Vos yeux d'une maniere & vive & naturelle
MARS.
139 1748.
Lancent partout d'aimables traits
De vos propres beautés vous êtes affés belle ;
Nous venons feulement vous offrir les douleurs
D'un berger fidéle & fincére ,
Qui nous arrofe de fes pleurs ; -
De grace foyez moins févere ;
Vous fçavez que Tircis vous aime infiniment ,
Ou vous ne fçavez pas ce que c'eft qu'un amants
Sa flamme , croyez nous , eft pure & légitime,,
Et s'il brûle d'amour , il en brûle fans crime..
Aimez , aimez donc ce berger
Et comme lui foyez conſtante ;
Peut-être feriez -vous amante
D'un autre qui feroit léger.
Tandis que nous parlons, nos feuilles fe flétriffenty
Notre éclat difparoît & nos charmes finiffent , ›
Mais fi par notre fort votre coeur eft vaincu ;
Si pour un malheureux il devient plus fenfible ,
Notre mort eft douce & paifible ,
Et nous avons affés vêcu ...
L
SPECTACLES.-
'Académie Royale de Mufique a fuf
caufe de l'indifpofition de M. Jeliotte , &
140 MERCURE DE FRANCE.
on a remis pendant quelques repréfentations
, le Ballet toujours applaudi des Ta
lens Lyriques.
Cette courte interruption n'a point refroidi
l'empreffement du public , qui dès :
qu'on a redonné le nouveau Ballet a couru
en foule admirer M. Rameau. Nous
avons promis quelque détail fur cet ouvrage
,, & nous allons remplir nos engagemens.
A l'égard de la Mufique , il nous doir
fuffire' , je crois , de dire qu'elle eft de M.
Rameau , & qu'elle a été trouvée digne de
lui. Il feroit inutile de détailler tous les .
morceaux qui ont attiré les applaudiffemens
du public. M. Rameau en eft en poffeffion
depuis fi long- tems , & les mérite à
tant de titres , qu'il eft fapérieur à toutes
les louanges qu'on pourroit lai donner , &-
qu'elles feroient toujours au- deffous de l'opinion
que nous avons de lai , & que fes
ouvrages admirables ont fait juftement :
concevoir au public..
Le fujer du Prologue eft le débrouillement
du Cahos & la formation de l'Univers.
Oromazes , le Souverain des Génies,
eft fur fon trône ; tous les Génies font répandus
dans le Palais en differentes attitu→
des & plongés dans un profond afſoupifMARS.
1748. 141
fement. Leur Roi les avertit que dans ce
moment le Deftin parle & forme l'Univers.
Les Génies s'éveillent , les Elémens
paroiffent , & enfin l'Amour vient faire
connoître aux Génies fes feux & fes plaifirs
, afin qu'ils puiffent à leur tour en inf
truire les mortels.
Paffons au fujet du Ballet.
. Zaïs , Génie de l'air , eft amoureux de
Zelidie , bergere. Il s'eft déguifé en berger
, & fous ce traveftiffement il eft aimé
autant qu'il aime , mais l'amour de fa
bergere ne fuffit pas pour le rendre heureux
, & malgré les confeils de Cindor ,
fon confident , il s'obftine à vouloir l'éprouver.
Après une fcéne entre Zaïs &
Zelidie , on voit arriver les bergers & la
graude Prêtreffe , qui viennent offrir un
facrifice à l'Amour. L'Amour répond à
leurs voeux , defcend & prononce l'oracle
fuivant.
Vous connoiffez le prix d'une tendreſſe extréme ;
Aimez ; tous mes tréfors , bergers, vous font ouverts ;
Il avance & continue ;
Vous dont le coeur fenfible & digne de mesfers ;
Cherche en moi le bonheur fuprême ,
142 MERCURE DE FRANCE,
Imputez- vous les maux que vous avezfoufferts ;
Eprouvez l'objet qui vous aime ;
Le véritable amour ſe ſuffit à lui - même ;
J'en promets un exemple enfin à l'Univers.
Cet Oracle confirme Zaïs dans la réfolu- ,
tion d'éprouver la Maîtreffe.
Le théatre repréfente au fecond Acte le
Palais de Zais . Ce Palais eft dans les airs.
Après un monologue de Zaïs , Cindor paroît
, le premier lui confie tout fon pouvoir
, & lui ordonne d'éprouver fa Maîtreffe.
Deux Zéphirs apportent en effet
Zelidie , qui furpriſe de fe trouver tranf
portée dans un féjour inconnu , eft peu
fenfible à la déclaration d'amour que lui
fait Cindor ; la fête qu'il lui donne fait
auffi peu d'impreffion fur le coeur de la bergere
; Cindor pour lui donner une idée de
fa puiffance , ordonne aux Aquilons de fe
déchaîner , à la foudre de s'allumer ; il eſt
obéi à l'inftant ; cet orage épouvante Zélidie
, Cindor veut la raffurer en lui difant
que ce tonnerre & ces éclairs font fous
leurs pieds , mais la tendre bergere lui rẻ-
pond : Hélas ! je ne crains rien pour moi ,
mais mon amant eft fur la terre. Cindor pour
diffiper fon effroi , ordonne aux Zéphirs
de calmer la terre & l'onde. Après ces
differentes fètes , il continue à parler à
MARS . 1748.
143
Zelidie de fa feinte tendreffe , mais la bergere
eft
inébranlable , & ne fonge qu'à
fon berger . Cindor n'exige d'elle que de
refter quelque tems dans ce Palais , d'où
elle tenteroit en vain de fortir , & lui
donne un bouquet enchanté , en lui difant
que rien ne peut nuire ni défobéir à qui fe
pare de ces fleurs , & qu'il fuffit qu'on
défire pour voir remplir les voeux.
Zelidie reftée feule a quelque
inquiétude
que ce bouquet ne foit un enchantement
qui éteigne fon amour pour Zaïs ; elle fouhaite
de le voir, & il paroît à l'inftant . Zelidie
craignant qu'il ne foit expofé au cour❤
roux d'un rival tout puiffant , le preffe de
fe retirer , & pour le mettre à couvert du
péril dont elle le croit menacé , elle lui
donne le bouquet enchanté , ce qui termine
le fecond Acte.
La
conftance de
Zelidie ne paroît pas
cependant
encore affés
éprouvée à Zaïs ;
il veut la voir lui-même fous les traits de
Cindor ; un bandeau de pierreries fera
qu'elle le prendra pour ce Génie , tandis
qu'elle croira que le charme des fleurs enchantées
a operé fur le coeur de Zaïs , qu'il
eſt infidéle , & qu'une fête galante peindra
à fes yeux tous les agrémens de l'inconftance
. Zelidie prend peu de part au
plaifir de cette fête , qu'elle fait enfin cef
144 MERCURE DE FRANCE..
fer , ces jeux aigriffant fa douleur. Zaïs
paroît fous les traits de Cindor & la preſſe
de punir l'ingrat qui l'abandonne .
Żelidie répond au prétendu Génie avec
la même conftance qu'elle a fait au fecond
Acte :Jugez , lui dit- elle , fi j'aimais Zais
je l'adore infidéle.
Cependant quoique Cindor foit la caufe
de tous fes malheurs , elle cherche en vain
dans fon coeur de la haine contre lui ; un
charme fecret l'attendrit ; Zaïs eft allarmé
de ce fentiment que bien- tôt la bergere
défavouë. Non , dit- elle , ici tout est enchantement.
Elle quitte le faux Cindor , en lui
déclarant qu'elle ne l'entendra que devant
Zaïs , & celui - ci content de voir la
conftance de fa maîtreffe triompher de
cette double épreuve , termine l'Acte
par un court monologue qui exprime fa
joye.
Zaïs & Zelidie ouvrent le quatriéme Acte.
Zaïs a découvert fon rang à ſa maîtreffe
: elle voit tous les Génies foumis à Zaïs,
voler à fa voix & lui offrir leurs hommages
, mais cet éclat , loin de la flater , la
plonge dans la plus fombre trifteffe ; elle
dit à Zaïs que déformais elle n'eft plus heureufe
, qu'elle va paffer fes jours inquiette ,
tremblante , dans la crainte de le voir inconftant
'MARS. 1748. 145
conftant , ou peut-être dans la douleur de
fon infidélité .
Zaïs à ces mots prend l'anneau myſtérieux
dans lequel réfide la puiffance des
Génies ; il le rompt , & facrifiant fon pouvoir
aux allarmes de fa maîtreffe , il eſt
abandonné par fa Cour ; fon Palais difparoît,
& les deux amans fe trouvent dans un
déſert où leur amour fait leur unique reffource
& où ils font contens , ce qui juftifie
l'oracle du premier Acte. Bien-tôt Oromazes
paroît ; il rend à Zaïs fa puiffance
& élevé la bergere à l'immortalité des Génies.
com- La Mufique de ces quatre Actes eft
me celle du Prologue , c'eft- à- dire admirable
; les fymphonies font d'un goût agréable
, léger & , pour ainfi -dire , Aerien , tel
qu'il convenoit à des Sylphes , qui font
les principaux Acteurs des divertiſſemens ;
les Ballets font deffinés avec tout le goût ,
toute l'intelligence & toute l'élégance que
T'on peut peut défirer ,& que l'on étoit en droit
d'attendre de M. Malter , Compofiteur
des Ballets.
Nous avons il y a déja quelque tems invité
tous les Auteurs à nous envoyer euxmêmes
les extraits de leurs ouvrages , &
nous avions promis d'être fort exacts à ne
nous point approprier le travail d'autrui,
G
146 MERCURE DE FRANCE.
& à nommer ceux qui auroient la complaifance
de nous foulager dans nos travaux;
nous réitérons ici la même priere , en avertiffant
qu'il eft effentiel que l'extrait paroiffe
avec un nom d'Auteur , parce que
fans cela nous en ferions garans nous - mêmes
, & qu'à moins que nous ne puiffions
dans cette forte d'ouvrages nommer au public
quelqu'un qui foit avoué de lui , il auroit
droit de nous reprocher d'avoir confié
à des mains étrangeres les fonctions
dont nous fommes chargés.
Les Comédiens François ont repris avee
beaucoup de fuccès le Glorieux , Comédie
de M. Deftouches.
CONCERTS ET COMEDIES A LA Cour.
Le Lundi 19 , le Samedi 24 & le Lundi
26 Février on exécuta en Concert chés la
Reine le Ballet des Elémens,
Mlles Lalande , Mathieu , de Scelles &
Godonnefche en ont chanté les rôles , ainque
Mrs Jeliotte , Poirier , Benoiſt , Godonnefche
& Dubourg.
fi
Le Mardi 20 les Comédiens François
jouerent le Diftrait & le Dédit.
Le Mercredi 21 les Comédiens Italiens
jouerent Arlequin & Mario valets dans la
même maison.
Le Jeudi 22 les Comédiens François
MARS. 1748 .
147.
repréſenterent la Tragédie de
Britannicus
& la Pupille.
Le Mardi 27 les mêmes
Comédiens
joüerent le Méchant & le Rendez- vous .
Le Jeudi 29 ils
repréfentérent la Tragé
die
nouvelle de Denis le Tyran & l'Ecole
amoureuse.
Le Samedi 2 , le Lundi 4 & le Samedi
Mars on exécuta en Concert chés la Reine
P'Opera de Callirhoé. Mlle de Scelles , Canevas
&
Romainville en chanterent les rôles
, ainfi que Mrs Chaffé & Jeliotte.
3
Le Lundi i , le Samedi 16 & le Lundi
18 on exécuta en concert l'Opera d' Armide.,
Mlles
Chevalier , de Scelles , Canevas , &
Guédon ,
nouvellement reçue à la Mufique
de la Chambre du Roi , en ont chanté les
rôles , ainfi que Mrs Chaffé ,
Dubourg ,
Poirier , Bazire & Fillieul.
Le 23 & le 30 on exécuta les Fêtes Vénitiennes
, de la
compofition de M.Danchet
& de M. Campra.
Le Mardi 5 les
Comédiens François
joüerent la Coquette & le Retour imprévu.
Le Mercredi 6 les
Comédiens Italiens
joüerent Arlequin voleur , Juge & Prévôt.
Le Jeudi 7 les
Comédiens
François. repréfenterent
Gustave &
l'Aveugle clairvoyant..
Le Mardi 12 les mêmes
Comédiens
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
jaüerent le Glorieux & la Comteffe d'Eſcarbagnas.
Le Mercredi 13 les Comédiens Italiens
jouerent les Incidens nocturnes , fuivis d'un
Ballet.
Le Jeudi 14 les Comédiens François
repréfenterent Héraclius & le Galant Jardinier.
Le Mardi 19 les mêmes Comédiens
joüerent le Philofophe marié & l'Ami de
tout le monde,
Le Mercredi 20 les Comédiens Italiens
joüerent les Folies de Coraline.
Le Jeudi 21 les Comédiens François
repréſenterent Iphigénie & le Procureur arbitre.
Le Samedi 30 l'Opera donna pour la
clôture & la capitation des Acteurs Armide.
M. Poirier chanta le rôle de Renaut &
fut fort applaudi.
Le même jour les Comédiens François
repréfenterent la Tragédie de Denys le
Tyran , & les Italiens Samfon.
On donnera les Complimens le mois
prochain .
1
AŬTOR
, MI AND TILDEN
CON ་ ་་་
MAKS. 1748 149
DEDEDEDEDEATACARARD
:PARA
MUSETTE.
Autrefois fur m'a mufette
Je ne chantois que l'amour ,
Et je brûlois nuit & jour
Pour l'adorable Lifette ,
Sans efperet de retour ,
Mais depuis que la vieilleffe
A refroidi tous mes fens ,
Ma bouteille eft ma maîtreffe
Pour l'objet de ma tendreffe
Bachus forme'mes accens .
De ma maîtreffe nouvelle
Je célebre les attraits ;
Elle m'eft toujours fidelle ;
Quand je veux je joüis d'elle
Et ne m'en laffe jamais.
BRUNETTE
D'Ans ces lieux l'innocence habite ;
a paix & les plaifirs y regnent tour-à-tour ;
C'eft ici qu'Arifte & Mélite ,
La vertu , l'hymen & l'amour ,
Réunis & contens ont choifi leur féjour.
i
Giij
ISO MERCURE DE FRANCE
新洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
NOUVELLES ETRANGERES ,
SUEJEDE...
N mande de Stockholm du 30 Janvier qu'on
a rendu public le Traité d'alliance défenſive
conclu avec la Pruffe , & que le Gouvernement l'a
fait traduire en Latin & en François. Il a été ftipulé:
par ce Traité qu'il y auroit toujours une amitié.
fincere & une union des plus étroites entre les
deux Puiffances , & qu'elles travailleroient mutuellement
à fe procurer tous les avantages poffibles
, que le Roi de Suéde & S.M. Pruffienne n'ayant
nuls engagemens contraires à la convention préfente
, iis fe communiqueroient fidélement tous
les avis relatifs à leurs intérêts communs , & qu'ils
ordonneroient à leurs Miniftres dans les Cours
étrangeres de vivre dans une parfaite intelligence ,
& de concerter enfeinble toutes leurs démarches ;
que les deux Puiffances fe garantifoient réproquement
tous les Etats qu'elles póffédent , ceux
qui ont été cédés au Roi de Pruffe par la Reine de
Hongrie , en vertu des Traités de Breffau du 11
Juin 1742 , & de Drefde du 25 Décembre 1745 ,
y étant nommément & fpécialement compris ;
que fi l'une des Parties contractantes étoit attaquée
par qui & fous quelque prétexte que ce pût
être , la Puiflance fon Alliée , dès qu'elle en feroit
requife , employeroit pendant deux mois les bons
offices auprès de l'Agreffeur , afin de l'engager à
ceffer fes hoftilités , & que fi les négociations employées
pour cet effet ne réuffiffoient point , elle
fourniroit à la Partie lezée les fecours dont on eft
MARS. 151 1748.
convenu ; que dans un pareil cas la Pruffe fourni
roit à la Suéde fix mille hommes d'Infanterie &
trois mille de Cavalerie avec un train d'artillerie
proportionné à ce nombre de troupes , mais que la
Suéde , fuppofé que fa Majefté Pruffienne fut atta
quée,ne feroit tenue de l'aider que de quatre mille
hommes de Cavalerie & de deux mille d'Infánterie
; que ces Corps auxiliaires feroient entretenus
aux dépens de la Puiffance qui les feroit marcher,
à l'exception de ce qui regarde les vivres & les
fourages ; que comme il fubfifte des Traités antérieurs
d'amitié entre les Parties Contractantes &
l'impératrice de Ruffie , & le préfent Traité ne
contenant rien qui puiffe y déroger , cette Princeffe
feroit confidérée comme comprife dans cette
alliance , & qu'on l'inviteroit à y accéder. Par un
article féparé le Roi de Pruffe promet de ne pas
fouffrir qu'il foit donné la moindre atteinte à l'ordre
établi pour la fucceffion à la Couronne de
Suéde en faveur du Prince Royal , & cet article
doit avoir la même force que s'il avoit été inferé
dans le Corps du Traité . On a publié les réfolutions
prifes parles Etats du Royaume pendant leur
derniere affemblée , au fujet des taxes que les
Sujets du Roi doivent payer chaque année jufqu'à
la convocation d'une nouvelle Dietté. Les Etats
dans la répartition de ces taxes ont eu une attention
fcrupuleule à les proportionner aux facultés.
qu'on peut naturellenient fuppofer aux perfonnes
felon leur rang ou leur profeffion , & ils avertiffent
dans le difpofitif de leur Ordonnance qu'elles
ne feront employées qu'à acquitter les dettes de
l'État , & à pourvoir à la fûreté du Royaume. Le
Prince Royal fe propofe de faire un voyage en
Finlande , & l'on compte qu'il partira dans le
mois d'Avril. Sa Majefté a envoyé ordre au Com-
G. iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
te de Barck , ci-devant fon Miniftre à Peters
bourg , de fe rendre à Stockolm avant que d'aller
à Vienne. Le Raron de Hamilton , Feldt-Maréchal
, mourut le 20 à une de fes terres dans l'Eft-
Gothie.
On mande de Pétersbourg que l'Impératrice de
Rullie étoit partie-le 23 Févr. pour Czarska- Zelo ,
d'où elle devoit revenir le 27. Cette Princeffe par
la derniere Promotion qu'elle a faite dans fes
troupes a nommé trois Lieutenans Feldt- Maréchaux
, dix, neuf Majors Généraux , fix Brigadiers
& cinquante-fix Colonels. Les mêmes avis portent
que le Knées Gallitzin lui avoit envoyé une
lettre , par laquelle le nouveau Roi de Perfe af
füre ce Miniftre de la réfolution dans laquelle il
eft de conferver la paix avec la Ruffie. Çes nouvelles
ajoutent que les préparatifs ordonnés par le
Gouvernement pour mettre cette année une nombreufe
flotte en mer , ſe continuent avec toute la :
diligence poffible.
Ön écrit de Stockholm du- 17-Février qu'on af
fûre que la Princefle époufe du Prince Royal eft
enceinte , & que fa groffeffe fera inceffamment
déclarée. Il s'eft tenu chés le Comte de Teffin
Préfident du Collège de la Chancellerie , diverfes
conferences aufquelles plufieurs Sénateurs ont
affifté , & comme quelques Miniftres Etrangers .
ont été invités de s'y trouver , il y a apparence
qu'elles ont eû , pour objet les moyens d'affermir
de plus en plus les alliances qui fubfiftent entre
cette Coutonne & certaines Puiffances. La fitua
tion préfente des affaires de l'Europe exigeant que
la Cour donne des inftructions particulieres au
Comte de Barck , nommé Miniftre Plénipotentiaire
du Roi auprès de la Reine de Hongrie , on
attend dans peu ce Miniftre , qui dansfon trajet
MARS. 1748. IS3
de Pérersbourg à Dantzick a reçn ordre de fer
rendre en cette ville . M. de Guydickens , Envoyén
Extraordinaire du Roi de la Grande Bretagne , a
donné part aux Miniftres de ſa Majeſté de la réponſe
qui lui eft venue de Londres au fujet de la..
conduite qu'il a tenue par rapport à l'affaire du ‚
Négociant Springer. On équipe avec une extrême
diligence tous les vaiffeaux de guerre qui font
dans les Ports de ce Royaume , & l'on fe preffe
d'achever ceux qui font fur les chantiers , le Gou--
vernement le propofant de mettre en mer au prin
tems prochain une flotte confidérable . Il y a déja 1
plus de vingt mille matelots aflemblés à Carel--
fcroom pour cet effet , & l'on en augmentera le
nombre jufqu'à quarante mille . L'Amirauté a fait c
l'adjudication pour l'approvifionnement des vaiffeaux
de la Majefté. Le Roi a prolongé pour
vingt ans l'octroi accordé à la Compagnie des Indes
Orientales. On a reçû avis que le vaiffeau
L'Espérance appartenant à cette Compagnie , a fait
voile de Gottenbourg pour la deftination , & qu'il
doit être fuivi avant peu du vaiffeau la Paix. Le
3 Février le Baron de Flemming , Confeiller de la ..
Chancellerie , partit pour Madrid où il va réfider
en qualité d'Envoyé Extraordinaire du Roi. M.
Hedman Directeur , de la Manufacture de toile
établie à Kelteſta , lequel avoit été arrêté en mê
me tems que le Négociant Springer , fur le foup.
çon d'avoir en part aux intrigues tramées contre le
Gouvernement , a été remis en liberté , & on lui a
permis de poursuivre criminellement fes accufa
teurs.
Selon les nouvelles de Pologne le Prince Jablonowsky
Starofte de Rowell , a époulé la Comteffe
Mycielska fille du Caftellan de Pofnanie. Ces letes
ajoutent que les Staroftes de Leopol , de Lip-
GAY
154 MERCURE DE FRANCE.
nick & de Parchow , M. Czapsky, Tréforier de las
Pruffe Polonoife , & le Chambellan Linowski s'é-
Loient rendus à Warfovie où l'on attend encore
dans peu plufieurs autres Seigneurs,& que le Com
te Swidzinsky Palatin de Braklow , étoit allé à une
terre près de Cracovie.
On mande de Pétersbourg que l'Imperatrice de
Ruffie y eft revenue de Сzarska- Zelo le 28 de-
Janvier , & qu'elle a tenu plufieurs Confeils à l'occafion
de diverfes dépêches apportées de Vienne ,
de Londres & de la Haye par trois couriers extraordinaires.
Le Knées Repnin , auquel cette
Princeffe avoit donné le commandement du Corps .
de troupes Ruffiennes , deftiné à paffer au fervice
du Roi de la Grande Bretagne & de la République
des Provinces - Unies , ayant été furpris d'une attaque
de paralyfie , le Général Lieven a été nommé
pour commander ces troupes. L'Impératrice
de Ruffic a donné ordre de fondre plufieurs pièces
de canon de differens calibres , & d'enrôler quatre
mille matelots..
Les lettres de Coppenhague du 24 Février portoient
qu'il y eut le 21 de ce mois chés le Roi une
fête magnifique , à laquelle tous les Miniftres .
Etrangers furent invités. Chaque jour du carnavala
été marqué par quelque nouveau divertiffement,
& jamais la Cour n'a été plus brillante . Sa Majefté
a déclaré qu'elle differeroit juſqu'au mois de
Mai fon voyage dans le Holftein . Le Baron de
Hopxen , Miniftre de Suéde en cette Cour , ayant
obtenu de fa Majefté Suédoife une charge de Se-.
cretaire d'Etat , fe difpofe à retourner à Stockholm.
On affûre que le Baron de Korffreviendra
à Coppenhague , pour y réfider en qualité d'En--
voyé Extraordinaire de l'Impératrice de Ruffie..
Les nouvelles de Stockholin portent qu'il y a eu
MAR S. 1748. 155
diverfes émeutes populaires dans quelques Provinces
de Suéde à l'occafion des nouvelles taxes établies
par la derniere Diette générale , & qu'un des
Députés de cette affemblée a été tué en Scanie par
ces mutins , qui y ont commis plufieurs autres excès.
Ces lettres ajoutent que fa Majefté Suédoife a
réfolu de rétablir les anciens ordres de Chevalerie
des Seraphins , de l'Epée & de l'Etoile du Nord ;
que le premier de ces Ordres , lequel aura pourt
marque un Cordon Bleu , fera refervé pour les Sé
nateurs & pour les perfonnes de la haute Nobleffe ;
que le fecond fera la récompenfe des fervices mili--
taires ; qu'on deftinera le troifiéme pour les Ma
giftrats & pour les perfonnes qui fe diftingueront
dans les Sciences & dans les Belles Lettres , & que
Finftallation des nouveaux Chevaliers fe fera le:
28 du mois d'Avril , jour de l'Anniverſaire de la
naiffance du Roi de Suéde . Sa Majefté Suédoife a
accordé au Baron Swen de Cedeftrom la charge de
Commandant de l'artillerie en Finlande , & å M.
Guillaume de Thermftrom celle de Secretaire du
Gouvernement de Blexing.
·2
On mande de Pétersbourg que le Lord Hindford
, Ambaffadeur du Roi de la Grande Bretagne
auprès de l'impératrice de Ruffie, & M. de Zwart,
Miniftre Plénipotentiaire de la République des
Provinces Unies , ayant reçu de leurs Souverains
les ratifications du Traité de fubfide conclu entre
ces trois Puiffances , l'échange de ces ratifications
devoit fe faire le 8 Février , & que le même
jour le Gouvernement de Ruffie feroit partir un
courier , pour porter ordre au Général Lieven de
fe mettre en marche avec le Corps de troupes Rul
hennes , qui paffe à la folde de la Grande Bretagne
& des Etats Généraux.
L'Impératrice de Ruffie continue de faire tra-
Cvj
156 MERCURE DE FRANCE.
vailler avec toute la diligence poffible à l'armes
ment d'une nombreuſe flotte.
ALLEMAGNE.
Es lettres de Vienne du ro du mois paffé por
2
4 un
Roi de Portugal eut audience de la Reine & en
fuite du Grand Duc de Tofcane. Il fe tint le
Confeil qui dura plus de cinq heures , & dans les
quel on délibera fur les dépêches d'un courier que
le Gouvernement avoit reçu le même jour du
Comte de Harrach , chargé de l'adminiſtration
des affaires de fa Majefté dans le Milanez . On attend
à Carlowitz dans le courant du mois prochain
l'Ambaffadeur Extraordinaire , que le Grand
Seigneur envoye à Vienne pour complimenter le
Grand Duc de Tofcane fur l'élection faire à Franc
fort en faveur de ce Prince . Ce Miniftre fera dé
frayé avec toute fa fuite aux dépens de la Reine ,
pendant le féjour qu'il fera dans les Etats de fa
Majefté.
Selon une lifte qui paroît des troupes que la
Reine a en Italie , elles confiftent en vingt- fept
Régimens d'infanterie , quatre Régimens de Cui→
raffiers , un pareil nombre de Régimens de Dragons
, deux Régimens de Huffards , trois mille
Varadins & autant de Carlftadiens. Le Feldt - Maréchal
de Browne , qui les commande , a ſous ſes
ordres neuf Lieutenans Feldt Maréchaux & vinge
Majors Généraux . Le Comte.de Luzan Colonek
Commandant du Régiment de Vafquez , eft mort
depuis peu , en Hongrie où ce Régiment eft en
quartier::
Nous apprenons par les lettres de Vienne du 17 ,
Février que Don Joſeph de Caravalho, Ambaffag
•
2
MARS. 1748 .. I57
deur du Roi de Portugal , a conféré plufieurs fois
avec le Comte d'Uhlefeld Chancelier de la Cour...
Ily eut auffi le 12 une conférence entre les Miniftres
de la Reine , & le Comte de Canales Mi---
niftre du Roi de Sardaigne. On croit qu'il s'y eft
agi d'une demande faite par ce Prince , concernant
une augmentation qu'il défire que fa Majefté "
fafle dans fon armée d'Italie. La lifte des Officiers
Généraux compris dans la derniere Promotion
ne fera rendue publique que quelque tems avant
l'ouverture de la campagne. Les nouvelles levées
fe continuent avec fuccès , & toutes les femaines .
il part des recrues tant pour la Lombardie que
pour les Pays- Bas. Le Prince de la Tour Taxis
principal Commiffaire du Grand Duc de Tofcane
à la Diette de l'Empire , a differé de quelques jours
fon départ pour Ratisbonne. Suivant les apparen
ces la Reine n'ira point à Olmutz comme elle fe
l'étoit proposée.
Les lettres de Warfovie marquent qu'on n'y
étoit point encore inftruit le 11 que la premiere
divifion du Corps de troupes , fourni par l'Impé
ratrice de Ruffie à fa.Majefté Britannique & à la
République des Provinces Unies , fut entrée en
Lithuanie. On a fçû par ces lettres que ce Corps *
de troupes n'étoit pas compofé de trente-cinq mille
hommes , ainfi qu'on l'avoit publié , mais feulementde
trente.mille cinq cent.
་
On écrit de Berlin du 24 Février que leurs Majeftés
Pruffiennes quitterent le18 de ce mois le deuil
qu'elles avoient pris pour la mort du Duc de Saxe
Weymar. Lé Général Bernes a communiqué aux-.
Miniftres du Roi quelques dépêches qu'il avoit re
çues de Vienne , & qu'on prétend regarder la pro
chaine ouverture du Congrès d'Aix - la - Chapelle..
On.continue d'affûrer que l'affaire des garanties .
158 MERCURE DE FRANCE .
que fa Majefté & la Reine de Hongrie le font
promis mutuellement , eft fur le point de s'accom .
moder , & que l'on conviendra bientôt d'un arrangement
pour la terminer à la ſatisfaction des deux
Puiffances. Le Prince Ferdinand de Brunſwick,
frere de la Reine & de la Princeffe de Pruffe , eft
allé à Wolfenbuttel pour y paffer quelque tems.
Le Lord Marshall Lieutenant Général des armées
du Roi d'Efpagne , & frere du Feldt Maréchal
Comte de Keith , eft arrivé depuis peu d'Italie ,
& il a rendu fes devoirs au Roi qui lui a fait un accueil
très favorable. Sa Majeſté a fait conduire
M. de Walrave à la Citadelle de Magdebourg , &-
M. de Winterfeld eft nommé pour examiner les
comptes de ce Major Général . Les avis reçûs de
Hanover portent que les Officiers des troupes de
L'Electorat , employées dans l'armée des Alliés
aux Pays - Bas , partent fucceffivement pour retour.
ner en Hollande , que M. de Dackenhaufen
Major du Régiment de Buſch , a été fait Lieutenant
Colonel de celui de Wendt , & que Meffreurs
de Bimont & de Borſtel , Majors de deux Régimens
d'Infanterie , ont obtenu des Brevets de
Lieutenans Colonels.
Les lettres de Vienne du 25 portent que le 23
le Grand Duc de Tofcane donna l'Inveftiture du
Temporel de la Prévôté d'Erlangen à l'Electeur
de Tréves , repréfenté dans cette cérémonie par le
Baron de Schonborn . Il fe tint le même jour un
Confeil en préſence de la Reine , à l'occafion de
quelques dépêches du Feldt- Maréchal Comte de
Bathiany La négociation , dont le Comte de la
Roque avoit été chargé par le Roi de Sardaigne
auprès de fa Majefté , ayant eu tout le fuccès
qu'on en attendoit , & cette Cour étant d'accord .
avec cellede Turin fur les opérations de la cam-
"
M A RS. 1748: 159'
r
pagne prochaine en Italie , ce Général eft parti
pour retourner à Turin. Ou affûre toujours que
les deux Puiffances font convenues de former une'
nouvelle entrepriſe contre l'Etat de Génes , & de .
faire paffer des troupes en Corfe , afin d'opérer
une puiffante diverfion. De moment à autre on attend
la nouvelle que les troupes Ruffiennes, defti--`
nées à entrer au fervice de fa Majefté Britannique'
& de la République de Hollande , font arrivées en
Lithuanie . Le Régiment d'Infanterie de Luchefi
doit fe rendre en Moravie dans les environs d'Olmutz
, afin de s'y joindre à ces troupes avec quel
ques autres Régimens , & de prendre conjointemment
la route des Pays - Bas. Pour cet effet il étoit
attendu à Vienne le 17 de Mars . On continue
avec beaucoup de fuccès les nouvelles levées de
foldats , & l'on a déja fait partir un grand nombre
de recrues pour les Pays- Bas & pour l'Italie. La
Reine a envoyé un Commiffaire fur la frontiere du
Royaume de Hongrie , pour y recevoir Schadi
Effendi Ambaffadeur du Grand Seigneur , & pour
faire défrayer ce Miniftre & fa fuite , dès qu'il
entrera fur les terres de la domination de fa Ma→
jefté. Il est arrivé deux domestiques de cet Ambaffadeur
, pour lequel on prépare l'Hôtel d'Oet
tingen dans le fauxbourg de Leopoldstadt.
La Comteffe d'Althan eft dangereufement malade
d'une chute qu'elle a faite. ,
Le Prince d'Avellino mourut le 23 en cette
ville .
On mande de Duffeldorp du 4 de ce mois qu'un
détachement de fix cent hommes de la garnifon
de cette ville partit le 29 du mois dernier , pour >
aller fe pofter fur la frontiere du Duché de Juliers,
& que la garnifon ſe trouvant confidérablement affoiblie
, tant par ce détachement que par ceux qui
160MERCURE DE FRANCE.
l'ont précédé , les Bourgeois font obligés de mon
ter la garde. On tire les hommes les mieux faits.
d'entre les Miliciens , pour completter les Régie
mens de troupes reglées . Il a paflé depuis peu près.
de cette ville un grand nombre de recrues pour
les troupes de Hanover, qui font partie de l'armée ,
des Alliés dans les Pays- Bas . On célébra à Duffeldorp
le 7l'Anniverfaire de la naiffance du Duc de
Deux Ponts . L'Electeur a nommé le Comte de,
Leinningen Major Général , & a accordé un Brévet
de Lieutenant Colonel au Baron de Kitfcher .,
Les lettres de Berlin marquent que le Marquis de
Valory , Envoyé du Roi de France auprès du Roi.
de Pruffe , a eu de ce Prince une audience dans
laquelle il lui a remis de la part de Sa Majefte
Très Chrétienne une lettre de félicitation fur la
naiffance du fecond Prince dont la Princeffe de
Pruffe eft accouchée . On a fçu par les mêmes lettres
que le Duc de Holftein , Feldt- Maréchal des
armées de fa Majefté Pruffienne , & Gouverneur
de Berlin , étoit tombé malade à Potsdam. Ces
avis ajoutent que le Major Général Kalſow eſt allé,
faire la revue de fon Régiment en Silésie , & que
M. d'Althoff, Chambellan de fa Majefté Suédoife,
eft retourné en Suéde ..
ESPAGNE.
Nécrit de Lisbonne du 6 Févtier qu'il fe
trouve actuellement dans ce Port fept vaif
feaux de guerre Anglois , quatre-vingt , dix -neuf
navires marchands de la même nation , un Napolitain
, fept Suédois ; dix Danois , un Pruffien
vingt-huit Hollandois , deux Vénitiens , fix de
Hambourg , un pareil nombre de Lubeck , quatre
de Dantzick & un de Livourne. Au commenceMAR
S. 161 1748.
ment de ce mois il eft revenu vingt-fept bâtimens
Portugais des côtes de France , d'Angleterre &
d'Irlande. Le navire la Notre-Dame de Nazareth
arriva des Indes Orientales le 26 Janvier dernier,
fous l'efcorte d'un vaiffeau de ſa Majefté . Le Pere
Jofeph de Saint Antoine , Religieux du Tiers Ordre
de Saint François , mourut, le 15 du même
mois à Catia dans un Convent de fon Ordre .
Defcendu de l'illuftre Maifon de Gama , & ci- der
vant connu dans le monde fous le nom de Don
Jacques Jofeph de Gama Lobo , il étoit Chevalier
de l'Ordre de Chrift , Gentilhomme de la Maiſon
du Roi , & Sergent Major de Cavalerie lorsqu'il
embraffa la vie Monaftique.
Don Manuel de Silva mourut à Santarem -lef
Janvier âgé de quatre - vingt-dix - neuf ans , trois
mois & vingt-huit jours , après avoir perdu l'année
derniere fa foeur , veuve de Don Antoine de Car.
valho Sergent Major d'Infanterie , laquelle étoit
dans la cent quatrième année de fon âge.
Le nommé Jean Fernandez eft mort depuis peu
à Arvore , petite ville du Diocèse de Porto dans fa
cent quatorziéme année.
·
Les lettres de Madrid du 20 nous apprennent
que les Intendans de Marine -de Cadix & du Ferrol
ont mandé à S. M. que le 6.de ce moîs l'Armateur
Jean Fernandes de Villars a pris à la vue des Berlingues
le Brigantin Anglois le Duc de Cumberland
de cent trente tonneaux , chargé de bled & d'au
tres marchandiſes , & que les Balandres le Folcan
le Robert , le Saint Georges & la Marchand de la
Mer Baltique , fur lesquelles il y avoit quatre mille
facs de grains , ont été conduits à Muros & à
Bayona par les Armateurs Don Pedre de Ges
Jacques Granel, Vincent Cavallero & François
Talotel
162 MERCURE DE FRANCE.
8
1:
Dona Monique Fernandez de Cordoue de Por
tocarrero , épouse du Comte de Montijo & Dame
d'Honneur de la Reine , eft morte en cette ville
le 17 , âgée de cinquante-quatre ans.
On vient de publier à Lifbonne une nouvelle
Ordonnance , par laquelle le Roi déclare que les
foldats qui s'enrôleront pour fervir dans les établiffemens
poffédés aux Indes par les Portuguais ,
recevront cinq Liſbonines d'engagement ; qu'ils
ne feront engagés que pour fix ans , & que ceux
qui aprés avoir fervi pendant ce tems , voudront
revenir dans ce Royaume ou paffer au Bréfil , y feront
conduits aux dépens de fa Majefté , que dans
les endroits où ils fixeront leur domicile ils jouiront
en arrivant des mêmes priviléges que les plus
anciens habitans , & que les places aufquelles ils
auront droit de prétendre leur feront données par
préférence ; qu'ils ne pourront , fous quelque prétexte
que ce foit , être contraints de prendre parti
une feconde fois dans les troupes , & que s'ils s'y
déterminent de leur propre mouvement , onleur
rendra les mêmes grades qu'ils auront eu lorſqu'ils
auront obtenu leur congé. Une flotte arrivée de Ma
ranham & de Gran- Para a rapporté une grande
quantité de vanille , de cacao , de caffé , de fucre ,
de tabac & de falfepareille. Le vaiffeau le Saint
François Xavier , commandé par le Capitaine Don
Philippe-François de Proença & Silva , eft revenu
deGoa après onze mois & vingt-deux jours de navigation.
Il y a actuellement dans le Port de cette
ville cent onze navires Anglois , trente Hollandois
, huit Suédois , dix Danois , deux Vénitiens ,
fix de Hambourg , fix de Lubeck & quatre de
Dantzick . Don Gafpard de Queiro Ribeiro Vaſconcellos
a époufé Dona Marie Anne Joachine
Camalho , fille de Don Juan Antoine Camalho
d'Arias Mendoza.
MARS
1748. 163
•
On a reçû avis de Rome que le Pape avoit difpofé
d'un Prieuré confidérable en faveur de l'Evê
que de Porto .
On mande de Madrid du 27 Février quela Reis
ne a été indifpofée pendant quelques jours , mais
que depuis deux faignées qu'on lui a faites , la
fanté de fa Majefté eft entierement rétablie. Le
10 , le 12 & le 14 de ce mois, le Prince d'Yacci ,
Ambaffadeur Extraordinaire du Roi des Deux Siciles
, a célébré par des fêtes de la plus grande magnificence
la naiffance du Duc de Calabre. La derniere
de ces fêtes a été furtout d'un éclat extraor
dinaire , & l'on a admiré particulierement le goût
avec lequel l'Hôtel de cet Ambaffadeur étoit illuminé
. L'Armateur Don Pedre de Ges eft entré
dans le Port de Vigo avec le brigantin Anglois
les Algarves , chargé de fix cent facs de bled , dont
il s'eft emparé le 31 du mois dernier vers le qua
rante-cinquième degré de Latitude: Septentrionale.
GRANDE - BRETAGNE.
Voici une lettre de Londres du 9.
Février.
Le Roi a fait remettre à la Chambre des
Communes des copies de l'acte par lequel les
Etats Généraux des Provinces- Unies ont confenti
à la conclufion du Traité de fubfide avec la Cour
de Pétersbourg ; de l'Extrait de ce qui a été inferé
à ce fujet dans le Regiftre de leurs réfolutions ; du
renouvellement du Traité d'Alliance & d'amitié
entre fa Majefté & l'Electeur de Mayence ; de la .
convention faite le 9 Juin 1747 entre le Roi de
Suéde , comme Landgrave de Heffe Caffel , & la
République de Hollande , pour un Corps de troupes
Heffoifes , & d'une autre convention fignée le
&
164 MERCUKE DE FRANCE.
•
12 du même mois à Pétersbourg entre fa Majefté
& l'Impératrice de Ruffie. Cette Princeffe par la
derniere convention dont il s'agit , s'engage à
tenir prêts quinzë vaifléaux de guerre & foixante
galéres , pour tranfporter en cas de befoin le fecond
Corps de troupes qu'elle a promis de fournir
à la Grande Bretagne . Les de ce mois la Chambre
des Communes approuva la réfolutión priſe le
2 d'augmenter d'un fcheling par livre fterling les
impôts fur les marchandiſes & les denrées étrangeres.
Elle renvoya hier àun Committé l'examen
du Bill pour défendre les affûrances fur les vaiffeaux
& les effets appartenans aux François. Aujourd'hui
elle a réfolu d'accorder quatre cent mille
livres sterlings pour la continuation du fubfide de
la Reine de Hongrie , trois cent mille pour celui
du Roi de Sardaigne , quatre cent mille pour l'en
tretien des troupes Hanovériennés qui font à la
folde de la Grande Bretagne , cent foixante-fept
mille pour celles de Ruffie , cent cinquante mille
pour les dépenses extraordinaires que ces dernieres
troupes pourront occafionner , huit mille pour le
fubfide de l'Electeur de Mayence , vingt-fix mille
pour l'Electeur de Baviere , cent foixante & deux
mille pour · les troupes de Hefle , & trente- neuf
mille huit cent foixante- quatre pour les nonvaleurs
des droits fur le verre & fur les boiffons
fortes.
L'Abbé de Groffa Tefta , Miniftre du Duc de
Modéne , eft ici depuis le 3 de ce mois , & hier il
confera avec le Duc le Newcaſtle Secretaire d'Etat.
M. O Kelly , Gouverneur de Groffetta en Tol
cane , & M. Plumкet , Aide-de- Camp du Feldt-
Maréchal Comte de Browne , font arrivés d'Italie.
On prétend que le premier eft chargé de négocier
un emprunt fur les revenus du Grand Duché de
€
MARS. 1748. 163
Tofcane , & que l'objet du voyage du fecond eft
de demander de la part de la Keine de Hongrie
au Gouvernement un fecours de cent quarante
mille livres sterlings , afin de pouvoir tenter de
nouveaux efforts contre les Génois. LeGouvernement
ayant décidé que M. de la Bourdonnais feroit
traité comme prifonnier de guerre,on lui a ôté
le Meffager d'Etat , à la garde duquel il étoit
confié , & il a obtenu la permiffion de retourner
en France fur la parole.
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud
n'ont point de prix fixe ; celles de la Banque font
à cent vingt ; celles de la Compagnie des Indes
Orientales à cent foixante , & les Annuités à quatre-
vingt-quinze .
Les lettres de Londres du 16 Février portoienr
que le Duc de Cumberland fit le 13 dans Hyde
Parcx la revue du troffiéme bataillon du premier
Régiment des Gardes à pied. Le même jour , le
Marquis de Rockingham , le Vicomte de Thowns.
hend , & le Lord Meynard , prirent féance dans
la Chambre des Pairs. Les Seigneurs ont envoyé
une députation à l'Evêque de Carlife , pour le remercier
du Sermon qu'il a prononcé devant eux le
io , à l'occafion de l'Anniverfaire de la mort de
Charles I. Le 12 la Chambre des Communes approuva
les réfolutions prifes le 9 touchant le fubfide.
Dans la même féance elle décida qu'on préfenteroit
une adreffe au Roi , afin de lui demander
communication d'une Convention conclue le 30
Mars 1745 , & fignée à la Haye le s du mois de
Mai de la même année par le Comte de Chefterfield
, alors Ambaffadeut Extraordinaire de fa Majefté
auprès des Etats Généraux des Provinces-
Unies. La Chambre fit le 14 divers changemens
au Bill , qui défend d'affûrer les navires & les effets
166 MERCURE DE FRANCE.
appartenans aux François. Ele lût le 1s pour la
feconde fois le Bill en faveur des Proteftans Etrangers
, mais lorsqu'on délibera fi on le mettroit en
Committé , cette propofition après de longs débats,
fut rejettée à la pluralité de cent quatre-vingtneuf
voix contre cent trois. Le 16 la Chambre a
dû paffer le Bill , pour établir un nouveau droit
d'un fcheling par livre fterling far toutes les marchandifes
, qui feront apportées des pays étrangers
dans la Grande Bretagne. Le Gouvernement
fera remettre dans peu au Parlement la copie
d'un plan propofé pour rétablir la paix en Europe.
Le 9 le Chevalier Warren arbora fon Pavillon à
bord du vaiffeau de guerre le Devonshire , de
quatre- vingt canons. On équipe avec toute la
diligence poffible l'efcadre que cet Amiral doit
commander , & elle s'affemblera à Spithéad , où
trois vaiffeaux de guerre Hollandois fe font rendus
pour agir conjointement avec elle . Le Comte
de Granard partira inceffamment , pour aller
prendre le commandement de celle de la Méditerranée.
Les Commiffaires de l'Amirauté ont
reçû avis que les vaiffeaux l'Amazone & le Romney
, de l'efcadre de l'Amiral Moftyng , s'étoient
emparés du Corfaire François le Comte de Noailles ,
& d'un navire de la Compagnie des Indes établie
en France , lequel avoit fait voile du Port de l'O.
rient , & dont la charge confiftoit principalement
en vivres qu'il portoit aux Colonies Françoiſes de
l'Amérique. On prépare les yachts la Caroline &
le Guillaume Marie pour tranſportér le Duc de
Cumberland en Hollande , & l'on comptoit qu .
ce Prince s'embarqueroit le 28 , ainfi deux
que
bataillons détachés des trois Régimens des Gardes
, & tous les Officiers aufquels on avoit accordé
des femeftres. Un grand nombre de bâtimens
MARS. 1748. 167
a été fretté pour le tranfport du Régiment d'Infan
terie de Pulteney , & de quatre autres Régimens
qui ont ordre de paffer dans les Pays Bas . Suivant
une lifte qui paroît des troupes deftinées à faire la
campagne , l'armée des Alliés , en y comprenant
les garnifons qui feront dans les places , fera
compofée de foixante mille hommes des troupes
de la Reine de Hongrie , de foixante mille des
troupes de la Grande Bretagne , de foixante mille
Hollandois , & de trente mille cinq cens Ruffiens.
L'armée d'Italie le fera de foixante mille Alle
mands & de trente cinq mille Piémontois. La
place vacante parmi les Commiffaires de la Tréforerie
par la démiffion de M. Legg , que le Roi a
nommé fon Envoyé Extraordinaire auprès du Roi
de Pruffe , a été donnée à M. Edgecombe. On a
envoyé quatre Meffagers d'Etat à Sheerneff , afin
d'en amener quelques perfonnes fufpectes qui ont
été arrêtées en Hollande, Les Ducs de Norfolk ,
de Gordon , de Hamilton & de Queenſborough ,
s'étant rendus cautions pour le Lord Traqhair , ce
Seigneur doit bientôt être mis en liberté.
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud,
n'ont point de prix fixe ; celles de la Banque font
cent dix - neuf, un huitiéme ; celles de la Compagnie
des Indes Orientales à cent cinquante - neuf,
trois quarts , & les Annuités à quatre- vingt quatorze
& demi.
Les nouvelles du 27 Février nous apprenoient
que le Roi devoit faire inceffamment dans la
plaine de Blake la revue de quatre Régimens
d'Infanterie , deſtinés à renforcer l'armée des Alliés
dans les Pays-Bas. On continue d'affûrer que
le Duc de Cumberland partira inceffamment pour
la Hollande , & les ordres font donnés pour faire
embarquer les équipages. Le 26 les Seigneurs fi
68 MERCURE DE FRANCE.
rent la feconde lecture du Bill concernant l'aug
mentation d'un fcheling par livre fterling fur les
droits que payent les marchandiſes apportées des
pays étrangers. Le 16 la Chambre des Communes
fit plufieurs changemens à ce Bill & yinféra
cette claufe , que les effets qui fe trouveroient à
bord des prifes faites par les Armateurs ,feroient
exemts detoute impofition. La Chambre examina
le 20 divers états qui regardent les manufactures
de toiles & le produit des Douanes. Le lendemain
elle paffa le Bill pour augmenter les impofitions
fur les marchandifes étrangeres. Elle ordonna
dans la même féance de mettre au net celui qui défend
les affûrances fur les vaifleaux appartenans aux
François.Onlui préfenta des Requêtes de la part de
plus de fix mille prifonniers détenus pour dettes
dans les prifons de la Grande Bretagne ,lefquels fe
trouvant réduits à la derniere mifère , demandent
que le Parlement fourniffe à leur ſubſiſtance , ou
leur donne les moyens de gagner leur vie par
quelque travail. Il fut réfolu le 20 de porter un
Bill a ce fujet & le 27 la Chambre a paffé le Bill
touchant les affûrances. Le 28 les deux Chambres
ne s'affemblerent point , à caufe du Jeûne général
qui a dû s'obferver dans les Royaumes d'Angle
terre ,d'Ecoffe & d'Irlande. Le Comte de Chefterfield
, Secretaire d'Etat ayant le Département
des affaires du Nord , ayant donné le 17 fa démif
fion , le Lord Gowers a exercé par interim les
fonctions de cette charge , & après quelques jours
elle a été donnée au Duc de Bedford , lequel aura
le département des affaires du Sud , le Duc de
Newcaftle s'étant chargé de celles du Nord . Sa
Majefté a difpofé en faveur du Comte Charles de
Sandwich de la place de Premier Commiffaire de
l'Amirauté , qu'avoit le Duc de Bedford , & l'on
croit
MARS.
169 . 1748.
croit que le Chevalier Warren , ou le Lord Coke ,
fils ainé du Comte de Leiceſter , obtiendra la place
que certe nomination fait vacquer dans le Bureau
de l'Amirauté. Le .21 l'Archevêque d'Yorck ,
après avoir prêté ferment avec les formalités accoûtumées
, prit féance dans le Conſeil Privé . 11
fut décidé le 24 dans ce Confeil qu'on drefferoit
une Commiffion pour autorifer la Cour de l'Amirauté
& les Tribunaux qui en dépendent , à connoître
de toutes les prifes qui ont été faites ou qui
fe feront dans la fuite fur les Génois, Le Comte
de Flemming , Envoyé Extraordinaire du Roi de
Pologne Electeur de Saxe, arriva le 20 de la Haye,
& il devoit avoir dans peu une audience du Roi ,
ainfi que l'Abbé Groffa Tefta Miniftre du Duc de
Modéne. Le public eft informé que par la convention
conclue en Hollande le 26 Janvier la
République des Provinces Unies , indépendamment
du contingent.de troupes qu'elle doit fournir
pour la caufe commune , s'engage à entretenir
des garnifons fuffifantes dans toutes les places fortes
; que la Reine de Hongrie s'impofe la même
obligation pour la ville de Luxembourg , & que
tout ce qui concerne le commandement de l'armée
des Pays Pas , fe réglera de concert avec les
Puiffances Alliées entre le Duc de Cumberland
& le Prince Stathouder des Provinces Unies. Les
Officiers des deux bataillons des Gardes à pied
employés dans cette armée , ont reçû ordre de retourner
joindre leurs Compagnies . Le Général
Ligonier a dû s'embarquer le 26 à Harwich pour
fe rendre à la Haye. On prépare un train d'artille
rie de cinquante piéces de canon , avec les muni
tions néceffaires pour le Corps de troupes Ruf
fiennes , qui entre au fervice de la Grande Bregne
& de la République de Hollande. ` Le
H
170 MERCURE DE FRANCE.
de Ma.
Roi a chargé le Général Anftruther d'aller reces
voir ces troupes fur les frontieres de la Siléfie. Le
23 le Lieutenant Général Saint Clair eſt parti
pour Vienne , d'où il doit aller remplacer auprès
du Roi de Sardaigne le feu Général Wentworth
en qualité de Miniftre Plénipotentiaire de ſa Ma,
jefte. On leve par force des matelots pour une
efcadre que le Gouvernement deftine à protéger
la navigation en Amérique. Sur l'avis que le Roi
de France fe propofe d'envoyer quelques vaiffeaux
de guerre aux Indes , les Commiffaires de l'Ami
rauté ont réfolu de renforcer Fefcadre de l'Amiral
Boscawen. Un vaiffeau revenu depuis peu
dére a rapporté que cet Amiral y étoit arrivé le
cinq Janvier avec fept vaiffeaux de guerre
& quinze navires de la Compagnie des Indes
Orientales , & que le dix- fept il avoit continué
fa route. Deux bâtimens de ſon eſcadre , lefquels
avoient relâché à Liſbonne pour réparer les dommages
qu'ils ont effuyés dans unetempête , l'ont
rejoint à Madére . Le 16 Février le Chevalier
Warren fit voile ' de Spithéad , & il parut le lendemain
à la hauteur de Plymouth avec trois vaif
feaux de guerre Anglois & fix Hollandois , mais
comme il fouffloit un vent d'Eft fort violent , les
huit vaiffeaux qu'il devoit prendre dans ce Port ,
ne purent en fortir pour le fuivre , & ils nefe font
mis en mer que le 21. On prétend que les ordres
de cet Amiral font de tâcher d'intercepter une
flotte qui doit partir de Cadix pour l'Amérique , &
une qui revient de l'Ile de Saint Domingue. Des
Négocians de cette ville ont déclaré à la Doüanne
plus de cent mille quintaux de bled pour les tranſporter
hors de la Grande Bretagne.
Le feu ayant pris à la prifon de Kenſale en Irlande
, plufieurs matelots François & Efpagnols,
MARS.
1717 1748.
qui y étoicot enfermés , ont péri malheureuſe .
ment dans les flammes .
Les foufcriptions pour les nouvelles Annuités
perdent trois & demi pour cent. Les Actions de
la Compagnie de la mer du Sud font à quatrevingt
quatorze ; celles de la Banque à cent dixfept
; celles de la Compagnie des Indes Orientales
à cent quatre-vingt feize , un quart , & les Annuités
à quatre-vingt douze , trois quarts.
PROVINCES - UNIES.
que
les
Nécritd'Amfterdam du 22 Février
Etats Généraux ont donné un Décret pour
indiquer un jour folemnel de Jeûne & de Prieres
lequel porte que les habitans des Provinces - Unies
feroient véritablement ingrats , s'ils ne fe reffouvenoient
pas continuellement des biens infinis qu'il
a plû au Tout- Puiffant de leur accorder , foit en
faifant reconnoître leur République pour Souveraine
par toutes les Puiffances de l'Europe , foit en
la protégeant dans les circonftances dangereufes
où elle s'eft trouvée ; que les Etats Généraux ne
peuvent cependant s'empêcher de faire attentio.n
aux malheurs que cette République a éprouvés ,
for- tout depuis les troubles furvenus après la mort
de l'Empereur Charles VI . que le Roi de France
mécontent des fecours qu'ils ont accordés à la Reine
de Hongrie , non feulement a envahi les Provinces
qui appartenoient à cette Princeffe dans les
Pays -Bas , mais encore s'eft emparé de plufieurs
villes & fortereffes dépendantes de la République ;
que comme il eft à craindre que Sa Majefté Très-
Chrétienne ne pouffe plus loin fes conquêtes , &
que la République , qui fe trouve prefque fur le
point de fa ruine , n'acheve de perdre tout ce qui
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
lui eft le plus précieux , les Etats Généraux weulent
que pour implorer la miféricorde Divine , on
obferve le 13 du mois prochain un Jeûne général
dans tous les pays de leur obéiffance, fls recom
mandent par le même Décret à tous les fujets de
la Republique de s'humilier devant l'Etre Suprême,
de lui demander avec un coeur contrit le pardon de
leurs iniquités , & d'implorer la continuation de
fa protection , afin qu'il daigne répandre fa bénédiction
fur les Confeils & les entreprifes du Gouvernement
& du Prince Stathouder , & accorder
un heureux fuccès aux négociations qu'on doit
commencer inceffamment pour parvenir à une
paix folide. Huit barques de pêcheurs ont été enlevées
par des Corfaires François . Les équipages
de divers bâtimens ont rapporté que les Anglois fe
font emparés de fept navires qui revenoient du
Levant à Marseille . Sur l'avis que des particuliers
fe font plaints fauffement de n'avoir pas été payés
des intérêts des capitaux qu'ils ont placés fur la
Banque de Drefde , M, Bock Confeiller & Réfident
du Roi de Pologne Electeur de Saxe , fait
avertir le public qu'il n'a point ceffé de payer lef
dits intérêts , que fi quelqu'un , faute de s'être préfenté
n'a pas touché les fommes qu'il devoit recevoir
, il peut apporter fes quittances & qu'on lui
comprera les fommes dont on lui eft redevable.
M. Daniel Jacob du Peyrou , Confeiller de cette
ville , & ci - devant Préſident des Echevins , eft
mort le 19 dans la quarantiéme année de fon
âge.
Les lettres du 23 nous apprennent que les Officiers
Généraux qui feront employés pendant la
campagne prochaine dans les troupes de la Répu
blique , font le Baron de Trips , Général de Cava-
Ierie ; M. Prætorius & les Barons de SchwartzenMAR
S. 1748. 173
Bourg , d'Aylva & de Burmania , Généraux d'Infanterie
, le Comte de Hompefch , Meffieurs de
Cannenbourg & Hoeuft Van Oyen , le Comte de
Schlippenbach , le Baron de Groveftins & M.
Vander Duyn de Mafdam , Lieutenans Généraux
de Cavalerie ; Meffieurs Conftant , Camminga
Villates , Lewe , Glinftra , de Bronckhorst , Sturler
, Roode de Hee xeren , de Leyden , Villegas ,
de Lilliers & le Comte d'Envie , Lieutenans Généraux
d'Infanterie ; M. de Faget d'Affendelft , le
Comte de Naffau Bewerwaert , le Baron Tuyl de
Serooskerken , le Comte Etienne de Rechteren ,
Meffieurs Kien , Bouricius , Eck de Norgena & de
Rivecourt, Majors Généraux de Cavalerie; le Comte
de Groveftins le Comte de Wartenfleben , MM .
Stuart,Grame , le Baron de Sporcken , M. Dougan ,
le Baron de Burmania , MM. Jacques Stur er , de
Sieghers, de Roufe, Muhler , le Prince de Stolberg,
Meffieurs de Maleprade , Cornabé , Deutz & de
Lentelo , Majors Généraux d'Infanterie .. Il paroît
uine Ordonnance du Prince Stathouder pour fixer le
nombre des chevaux & des voitures qu'ils meneront
à l'armée , & pour régler la dépense de leurs
tables. Ce Prince a accordé un Brévet de Lieutenant
Colonel à M. de Graaf , & la place de Major
du Régiment de Carabiniers de Hauft Van Oyen
à M. Antoine Levin de Pabft. Quelques Députés
fe font rendus à la Haye pour exécuter auprès
du même Prince une commiffion de la part des
Etats de la Province de Zélande .. Les Etats de la
Province de Hollande & de Weftfrife ont réfolu
d'établir une nouvelle Lotterie , dont on fera trente
tirages , & qui , ainsi que la précédente fera compofée
de cinq mille billets , chacun de huit cent
foixante florins. Il y aura autant de lots que
billets , & le premier lot fera de cent mille florins,
de
Hij
174 MERCURE DE FRANCE.
le fecond lot de cinquante mille , le troifiéme de
quarante mille , le quatrième de trente mille . Les
tirages fe feront d'année en année : on réſervera
pour le dernier les principaux lots , & juſqu'à la fin
de la Lotterie on payera trois pour cent d'interêt
pour les capitaux des billets qui ne feront pas fortis
de la roue .On a publié unDécret des mêmes Etats,
par lequel il eft dit que conformément à la promeffe
qu'ils ont faite lors du confentement donné
pour la levée du Cinquantiéme Denier , la perception
du Deux Centiéme Denier fur les obligations
de rentes perpétuelles & viagéres , ainfi que
fur les Actions de la Compagnie des Indes Orientales
, ceffera dès cette année , & que les Propriétaires
des maisons qui n'auront pas été habitées
pendant un an , ne payeront que la taxe ordinaire.
Les Etats Généraux ont nommé le Baron Tuyl de
Serooskerken , pour aller recevoir les troupes
Ruffiennes à leur arrivée en Allemagne . Ce Major
Général fera chargé des Lettres Réquifitoriales
de la République pour les Princes & Etats de
l'Empire , fur les terres defquels ces troupes doivent
paffer. Le Duc de Cumberland eft attendu
à la Haye dans peu avec le Général Ligonier, On
compte que le Feldt-Maréchal de Bathiani ne tardera
pas non plus à fe rendre en cette ville . Il a
été décidé qu'on enverroit quelques vaiffeaux de
guerre aux Indes Orientales , afin d'y protéger le
commerce des fujets de la République .
Le Comte de Flemming , Envoyé Extraordinaire
du Roi de Pologne Electeur de Saxe auprès du
Roi de la Grande Bretagne , eft allé reprendre à
Londres les fonctions de ſon miniſtére,
On écrit de la Haye du premier de ce mois
qu'on célébra le 28 du mois dernier l'Anniverſaire
de la naiſſance de la Princeffe Caroline , qui eft en
MAR S.
889175
1748 .
A
trée dans la fixième année de fon âge. Le 22
les Députés de la Province de Zélande , ayant તે
leur tête M. de Borffelen Vander Hooge , Premier
Noble de la Province , lequel porta la parole , eurent
audience du Prince Stathouder , & ils demanderent
que ces Etats fuffent pareins du Prince ou
de la Princeffe dont la Princeffe de Naflau devoit
accoucher , ce que le Prince Stathouder a accepté
avec beaucoup de marques de fatisfaction . Il donna
auffi le 26 audience auBaron de Heekeren deBrantzenborg
& à Meffieurs Bom , Ten Car , Effen
& Wentholt , Députés de la ville de Groenlo.
Les Députés des Etats de Hollande & de Weftfrife
fe féparerent le 24 , & ils ne devoient ſe raffembler
que dans quelques jours. Le Comte de
Sanwich , Miniftre Plénipotentiaire du Roi de la
Grande Bretagne , fut le 27 en conférence avec
quelques Députés de l'affemblée des Etats Géné
Faux. Les Colléges refpectifs de l'Amirauté ont
repris leurs déliberations. La nuit du 25 au 26 le
Fellt- Maréchal Comte de Bathiany arriva de Verviers
. Le Prince Frederic de Heffe , qui étoit allé
faire un voyage à Caffel , en eft revenu le 22. Le
Baron de Schwartzenberg a obtenu le Gouverne
ment de Stevenswaard, vacant par la mort du Baron
de Hambroeck . Un des nouveaux Régimens Suiffes
a été donné à M. Budé par le Prince Stathouder
, qui a nommé le Baron Charles - Philippe de
Leutrum , Lieutenant Colonel du Régiment de ce
nom , & a accordé un Brévet de Lieutenant Colonel
à M, Everard Van Oldebuккun , & la Majorité
du Régiment du Baron de Lilliers à M. Charles
Jofeph de Ton. Il eft déja arrivé d'Angleterre
plufieurs domestiques du Duc de Cumberland. On
écrit du Texel qu'il y étoit entré deux bâteaux de
pêcheurs , qui ont déclaré avoir eu la chaffe de
cing Armateurs François.
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
匪
Il fe tint le 4 de ce mois chés le Prince Stathou
"
der un Confeil de guerre , auquel affifterent tous
les Officiers Généraux qui font en cette ville . Ce
Prince fe rendit enfuite à l'affemblée des Etats Généraux
& de- là au Confeil d'Etat . M. d'Elfacker
Réfident des Electeurs de Cologne , de Baviere , &
Palatin , & M. Deneque , Miniftre du Duc de
Brunswick Wolfenbuttel , ont été.en conférence
avec M. d'Yffelmuyden , Préfident de l'aflemblée
des Etats Généraux . Le s le Baron de Boetzelaar
prit féance dans cette aflemblée en qualité de Député
de la Province de Hollande , & le Baron de
Waffenaer de Sterrenberg y prêta ferment pour la
place de Confeiller du Collège de l'Amirauté
d'Amfterdam, Les Députés des Colléges refpectifs
de l'Amirauté continuent de délibérer fur les
moyens d'augmenter la Marine & de favorifer le
commerce des fujets de la République. Sur la
propofition du Prince Stathouder , les Etats Généraux
ont nommé M. Tiddinga , Major Général .
Le Baron de Trips a obtenu le Régiment de Dragons
Wallon , vacant par la mort du Baron de
Mattha , Lieutenant Général , décédé à Maeftricht
le 26 du mois dernier dans la foixante-feptiéme
année de fon âge . Les deux Régimens qui feront
formés des Compagnies qu'on leve dans ies Cantons
de Glaris , d'Appenzel , de Bafle & de Schaf
foufe , ont été donnés à M. Sturler , Major Général
, & à M. Chambrier . M. de Maleprade, Lieute
nant Colonel du Régiment de Villates , a été fait
Colonel Commandant du Régiment de Trips. Les
Etats Généraux ont permis au Baron de Bréda de
lever un Corps de Mineurs & de Sappeurs , qui fera
compofé de quatre Compagnies , chacune de
cent cinquante hommes & de fix Cadets . La Lieutenance
Colonelle de ce Corps eft deſtinée à M.
MARS . 1748. 177
Bourquin , & la place de Major à M. Pierre François
de la Croix . Le Prince Stathouder a chargé
d'une commiffion auprès du Roi de la Grande Bretagne
le Comte Charles de Bentinck , qui eft parti'
pour Londres Tous les paffeports qu'on attendoit
, tant de la Cour de France que de celle d'Efpagne
, étant arrivés , les Miniftres Plénipotentiaires
, qui doivent affifter de la part des Puiffances
Alliées aux conférences d'Aix la Chapelle , fe préparent
à s'y rendre , & les équipages de ceux de la
République prirent le 6 cette route . Les Comtes
de Sandwich & de la Chavanne fe mettront en
chemin le y ou le 10 , & ils feront fuivis le 11 ou le
12 par les Miniftres Plénipotentiaires de l'Etat . On
fe fate que les conférences auront un fuccès favorable.
Il a été réfolu d'envoyer un Miniftre eri
Suiffe , pour y réfider de la part de la République.
Le Lieutenant Général Saint Clair , Miniftre
Plénipotentiaire du Roi de la Grande Bretagne
pour les affaires militaires auprès du Roi de Saraigne
, eft arrivé de Londres avec le Lord Forbes. Ils
ont été préfentés par le Comte de Sandwich au
Prince Stathouder , qui les a reçûs avec de grandes
marques de diftinction .
La Princeffe de Naffau eft accouchée le 8 an
matin d'un Prince , & la ville de Rotterdam ayant
demandé d'en être marcine , le Prince Stachouder
a confenti.
y
On mande de Breda dus Mars que le 1 de ce
mois un détachement d'Infanterie , de Cavalerie &
de Dragons des troupes Françoifes s'étoit préfenté
à la vue de Steenbergen , en le tenant hors de la
portée du canon , & qu'après avoir reconnu divers
poftes avancés , il étoit retourné à Bergopfoom .
M. de Vaux , Capitaine Ingénieur dans le Corps .
des Volontaires d'Orange , ayant furpris le polte
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
du petit Willebroek , y a fait quelques prifonniers,
Comme , à moins de faire une extrême diligence
pour repaffer la riviere , il avoit à craindre d'être
attaqué par un détachement de quatre cent François
aufquels déja l'allarme avoit été donnée , &
qui n'étoit qu'à une petite distance , le Chevalier
de Vial envoya à cet Officier plufieurs barques afin
d'accelerer fa retraite . Le Comte d'Envie , Lieute .
nant Général des armées de la République , eft
parti pour retourner à Steenbergen , où il commande.
Les troupes de la Reine de Hongrie , qui
font cantonnées dans l'Electorat de Cologne &
dans les Provinces voisines , font prêtes à fe mettre
en marche . Elles doivent s'affembler fur la
Meufe du côté de Ruremonde , où l'on établit des
magafins pour leur ſubſiſtance .
ITALI E.
DE GENES le 10 Février.
Rois féloucons de Lipari , à borddefquels it
y avoit un grand nombre d'Officiers & cinquante-
deux Grénadiers Royaux des troupes de
France , font arrivés à Génes les premiers jours de
cette femaine . Ils ont laiffé à Monaco trois mille
hommes prêts à s'embarquer , & on affure qu'avant
l'ouverture de la campagne il fe trouvera dans
l'Etat de Génes vingt - cinq mille hommes de troupes
, fans y comprendre les Compagnies Franches
& les Milices . On travaille avec une extrême diligence
dans l'Arfenal de cette ville à préparer un
train confidérable d'artillerie , & on a déja monté
fur leurs affuts plus de quarante pieces de canon
de batterie. Le Gouvernement a fait conftruire un
Fort vers l'embouchure de la Magra & paliffader
le pofte de Sarzanello. Il paroît que nos diverfes
MARS. 1748. 179
difpofions & Tes renforts qui nous viennent continuellement
de France & d'Espagne , ont rallenti
l'ardeur que les Allemands montroient à nous at→
taquer, & même, comme s'ils craignoient quelque
entrepriſe de notre part , ils fe retranchent dans le
pofte d'Aulla. Cependant les Anglois preffent vivement
la Cour de Vienne de les aider à fe rendre
maîtres de la Spécie. Le Duc de Richelieu partit
la nuit du 7 au's Février pour aller vifiter ce pofte
. Il y a été transporté par un féloucon de Lipari ,
auquel cinq autres pareils bâtimens fervoient d'efcorte.
On n'eft pas encore inftruit de ce qu'il a
piu à Sa Majefté Très - Chrétienne de décider au
fajet du vaiffeau Hollandois qui a été pris dans la
Plage d'Arenzano .
Voici l'extrait d'une lettre de Naples du 5 Février.
Le 4 le Duc de Miranda étant allé prendre
dans les caroffes de leurs Majeftés le Duc de Médina
Coeli , Ambafladeur Extraordinaire du Roi
d'Efpagne , conduifit ce Miniftre au Palais , où la
Duchefle de Columbrano , nommée par la Reine
d'Elpagne pour tenir en fon nom le Duc de Calabre
fur les Fonts de Baptême , ſe rendit en mêmetems
. Le Duc de Médina Coeli , en arrivant dans
la premiere cour , trouva la Compagnie des Hallebardiers
de la Garde fous les armes , les tambours
appellant. Peu après que cet Ambaffadeur & la
Ducheffe de Columbrano furent entrés dans la
Chapelle , leurs Majeftés y defcendirent , étant accompagnées
de leurs Grands Officiers & des Se
gneurs & Dames de la Cour , Le Duc de Calabre
y ayant été porté , le Cardinal Archevêque de
cette ville , lui fuppléa les cérémonies du Baptême
, & le Roi d'Efpagne , repréfenté par le Dec
de Médina Coeli , fut parein du jeune Prince . Le
Duc de Médina Coeli préfenta enfuite au Roi les
H vi
180 MERCURE DE FRANCE.
marques de l'Ordre de la Toifon d'Or , dont fa
Majefte revêtit le Duc de Calabre. Cet Ambaffadeur
fut reconduit à fon Hôtel avec le mème cortége
qui l'avoit conduit au Palais , & le ſoir ildonna
à fouper à deux cent perfonnes.de diftinction
. Il a remis de la part du Roi d'Espagne une
Croix Epifcopale , garnie de diamans , au Cardinal
Archevêque de cette ville ; deux Braffelets de perles
Orientales à la Ducheffe de Columbrano , &
une bague de grand prix au Duc de Miranda .
L
DE CAGLIARI le 4 Février
Es Bandits qui fe font aſſemblés dans les montagnes
de la partie méridionale de cette lfle ,
continuent de ravager le plat pays & y ' commettent
de très grands excès . Leurs Chefs ont publié
une espece de Manifefte , par lequel ils déclarent
qu'ils ne mettront point les armes bis avant qu'on
ait rétabli divers priviléges dont iis prétendent que
le feu Roi leur avoit promis la confervation.
Comme ils font munis d'armes & de poudre en
affés grande quantité , on craint qu'ils ne foient
foutenus par quelque Puidance . Les habitans de
foixante - deux villages fe font affociés pour la défenfe
commune. Ceux qui ont pu s'armer ont dé
ja formé un cordon le long des montagnes , &
ceux qui manquent d'armes en ont envoyé demander
au Viceroi . On fait croiter plufieurs barques
fur les côtes , particulierement vers l'ile de
Corfe , pour empêcher les Rebelles de recevoir
par mer aucun fecours.
MARS. 1748 .
181
T
DE PARME le 14.
Outes les troupes qui font dans ce Duché &
dans le Plaifantin , ont leurs derniers ordres
pour le tenir prêtes à marcher, & l'on a déja deftribué
aux Regimens leur artillerie de campagne .
Quelques détachemens ont été envoyés fur les
frontieres de la Lunégiana , afin d'obferver les
mouvemens des troupes de France , d'Eſpagne &
de Génes . Cette année l'armée de la Reine de .
Hongrie en Lombardie fera compofée des Régiimens
d'Infanterie de Henri de Daun , de Hildburfghaufen
, de Traun , de Schullembourg , de
Pallavicini , de Konigleg , de Grune , de Mercy ,'
de Vettes , de Picolomini , de Keyl , de Marshall ,
de Roth , de Wolfenbuttel, de Gulay' , de Léopold
Pally , de Staremberg , d'Andlau , de Hagenbach ,
de Colloredo , d'Andréaft , de Sprecher , de Forgatſch
, d'Efterhafi & du Grand Maître de FOrdre
Teutonique , des Régimens, de Cuirafliers de Jean ..
Palfy , de Portugal , de Lobkowitz & de Berli- .
chingen , des Régimens de Dragons de Savoye ,.
de Saxe Gotha , de Baileyra & de Holly ; des Ré- ,
gimens de Huffards de sp'ént & de Baroniay , & 1
de huit bataillons de Waradins & de Carlſtadiens.
Les Officiers Généraux qui commanderont ces
troupes fous le Comte de Browne , feront le Comte
de Konigleg , le Marquis Picolomini , le Ba -4
ron de Keyl , le Marquis Novati , M. de Neuhaus
& le Comte de Barbonne , Lieutenants Feldt Ma -¡
réchaux d'Infanterie , les Comtes Nadatti , Luchefi
& Serbelloni , Lieutenants Feidt-Maréchaux de
Cavalerie ; le Comte de Harfch , les Barons de
Hinderer , d'Andlau & de Méligny , le Comte de
Colloredo , le Baron Andréafi , le Chevalier de
Saint André , le Baron de Liezen, Mrs de Zichock,
182 MERCURE DE FRANCE.
de Sprecher & Marini , les Comtes Efterhaft & dé
Maguirre , le Baron de Schertzer & le Marquis
Cavalieri , Majors Généraux d'Infanterie , le Baron
de Kolbe , M. de Rottern , le Comte Odonel ,
& le Comte d'Althan , Majors Généraux de Cavalerie.
On écrit de Rome du 26 Février que le 11 de
ce mois l'Ambaffadeur de la République de Vénife
fit fon entrée publique en cette ville , & il eut
fa premiere audience du Pape , étant préfenté à Sa
Sainteté par les Cardinaux Valenti Gonzaga &
Delfino . Le Pape tint le lendemain une Congrétion
, compofée des Cardinaux Alexandre Albani ,
Caraffe , Gentile , Sciarra Colonne , Monti &
Mefmer , dans laquelle on examina les prétentions
formées par quelques Communautés Religienfes
de Lithuanie. Le Cardinal Girolami , qui eft à
l'extrémité , ayant fait un teftament peu favorable
pour fon neveu , celui- ci a fupplié Sa Sainteté de déterminer
ce Cardinal à changer fes dernieres difpofitions
. Sa Majefté Portugaiſe a fait remettre à Rome
fix mille écus pour contribuer à la conſtruction
de l'Eglife que le Roi de Pruffe a permis aux Catholiques
de bâtir à Berlin . On écrit de Naples
que les magnifiques caroffes dont le Roi de Pologne
Electeur de Saxe fait préfent à la Reine des
deux Siciles, y font arrivés. Les mêmes avis portent
que les troupes Napolitaines qui font fur la frontiere
du Royaume , doivent inceffamment aller
prendre des quartiers de cantonnement.
MARS. 1748. 183
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &'c.
E 28 du mois dernier Mercredi des
LCendres , le Roire que les
mains du Cardinal de Rohan , Grand Aumônier
de France . La Reine les reçût des
mains de l'Archevêque de Rouen , fon
Grand Aumônier ; Monfeigneur le Dauphin
des mains de l'Abbé de Raigecourt ,
Aumônier du Roi ; Madame la Dauphine
des mains de l'Evêque de Bayeux , fon
Premier Aumônier , & Mefdames de France
des mains de l'Abbé Belon , Chapelain
-de S. M.
Le Roi a nommé le Marquis de Menou
Maréchal de fes Camps & Armées.
Le Roi de Pologne , Duc de Lorraine &
de Bar , a créé cinq nouveaux Gouvernemens
dans la Lorraine , & a donné celui
de Commercy au Comte de Berchiny.
Lieutenant Général des armées du Roi ;
celui de Mirecour au Marquis de Stainville
, Brigadier , Colonel du Régiment de
Navarre ; celui de Pont- à- Mouffon au Marquis
des Salles , Brigadier , Colonel du
Régiment de Champagne ; celui de Saint
184 MERCURE DE FRANCE.
>
Mihel au Marquis de Cuftine , Brigadier
Colonel du Régiment de fon nom , & celui
d'Epinal à M. de Mareil , Brigadier ,
Colonel du Régiment Royal Lorraine .
Le 3 de ce mois , premier Dimanche du
Carême , leurs Majeftés entendirent dans
la Chapelle du Château la Mefle chantée
par la Mufique. L'après midi le Roi accompagné
de Monfeigneur le Dauphin ,
de Madame la Dauphine & de Madame
Adelaïde , affifta à la Prédication du Pere
Tainturier , de la Compagnie de Jefus .
S. M. entendit le 6 le Sermon du même
Prédicateur. La Reine l'a entendu , ainfi
que le 3 , dans la Tribune .
Le 10 de ce mois fecond Dimanche du
Carême , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château la Melle chantée
par la Mufique , & l'après midi leurs
Majeftés , accompagnées de Monfeigneur
le Dauphin, deMadame laDauphine & de
Madame Adelaide , affifterent à la prédi
cation du Pere Tainturier , de la Compagnie
de Jefus.
•
*
Le 8 & le 13 le Roi entendit le Sermon
du même Prédicateur.
Le Roi a accordé au Prince Conſtantin .
l'agrément de la charge de Premier Aumônier
de S. M.
Sa Majefté a difpofé du Régiment Royal
MARS. 1748:
185
Rouffillon , qui vacquoit par la Promotion
du Marquis d'Hauffonville , au grade de
Maréchal de Camp , en faveur du Marquis
de Hautoy , Capitaine avec rang de Lieutenant
Colonel dans le Régiment de Ca
valerie d'Efcars , & du Régiment d'Infanterie
, dont le feu Marquis de Genfac étoit
Colonel , en faveur du Marquis de Vaſtan ,
Capitaine dans le Régiment Dauphin
Etranger.
Le 17 troifiéme Dimanche du Carême
le Roi & la Reine entendirent dans la
Chapelle du Château la Meffe chantée par
la Mufique, & l'après midi le Roi , accompagné
de Monfeigneur le Dauphin , de
Madame la Dauphine & de Mefdames de
France , afifta à la prédication du Pere
Tainturier , de la Compagnie de Jefus.
La Reine entendit le Sermon dans la Tribune..
Leurs Majeftés entendirent le 15 le
Sermon du même Prédicateur.
Le Marquis de Verceil & le Marquis
de Montigni , Exemts des Gardes du Corps
avec Brevet d'Enfeignes , ont été nommés
Maréchaux des Camps & Armées du Roi.
Le Roi a accordé le Régiment de Cavalerie
, vacant par la mort du Marquis
d'Harcourt , au Chevalier d'Harcourt ,
186 MERCURE DE FRANCE.
Sous-Lieutenant de la Compagnie des Che
vau- Legers d'Orleans .
Le Maréchal.Comte de Saxe a pris
congé du Roi le 14 de ce mois , & il partit
le 18 pour aller prendre le commandement
de l'armée que S. M. fe propofe de faire
affembler dans les Pays Bas.
Le Comte de Saint Severin eft parti
le 20 pour fe rendre à Aix- la-Chapelle ,
& pour y affifter en qualité de Miniftre
Plénipotentiaire du Roi aux conférences
dans lefquelles on doit travailler au retabliffement
de la paix. Meffieurs Tercier
& le Houx accompagnent le Comte de
Saint Severin dans fon voyage.
MARS. 1748. 187
BENEFICES DONNE'S.
La
E Roi a accordé l'Evêché d'Anvers
à l'Abbé de Raigecourt , Aumônier
de Sa Majesté.
L'Abbaye de Lieu-Croiffant , Ordre de
Cîteaux , Diocèfe de Bezançon , à l'Abbé
Courchetet , Vicaire Général du même
Diocèfe .
Celle de Barzelles , même Ordre , Diocèfe
de Bourges , à l'Abbé du Bailleul ,
Vicaire Général de l'Evêché de Rhodez .
Celle de Saint Marcel , même Ordre ,
Diocèfe de Cahors , à l'Abbé de Villars
Lugein.
L'Abbaye Réguliere de Blanchelande
Ordre de Prémontré Diocèfe de Coutances
au Pere Prévôt , Prieur de cette Abbaye.
Celle de la Luzerne , même Ordre
Diocèfe d'Avranches , au Pere Cuvigny
, Vicaire Général des Prémontrés Réformés.
Celle de Terhaeghem , Ordre de Cîteaux
Diocèfe de Gand , à Madame
Ronffe , Religieufe de la même Abbaye.
,
Celle d'Hieres , même Ordre , Diocèſe
de Toulon , à Madame de l'Epine Dupuy
, Religieufe de l'Ordre de Saint Benoit
.
188 MERCURE DE FRANCE.
On a reçû de Génes la nouvelle d'une
action , dans laquelle les troupes du Roi
ont remporté l'avantage , & dont voici les
principales particularités.
Le Fedt Maréchal Comte de Browne
ayant formé le deffein de fe rendre maître,
de Voltri , où le Marquis Monti commande
, le Comte Nadafti a marché avec quatre
mille hommes & quatre piéces de canon
, & le 18 du mois dernier il fit atta
quer en même tems par deux divifions de
fon Corps de troupes le Pofte de Melle &
celui des Capucins . Cent cinquante hommés
qui étoient dans le premier de ces
deux Poftes , & qui ne purent réfifter à la
fupériorité du nombre , fe replierent dans
les Palais voifins de Voltri.Comme il étoitd'une
extrême importance de garder le
Pofte des Capucins , le Marquis Monti
s'y porta lui même , & y ayant fait avancer
le Régiment de Breffe , il défendit ce
Pofte contre tous les efforts des Allemands .
Auffi-tôt que le Duc de Richelieu fut informé
de la tentative faite par les ennemis ,
il envoya à Voltri le Chevalier Chauvelin ,
Maréchal de Camp , & il le fuivit avec
buit Bataillons François & un Bataillon
Suiffe des troupes d'Efpagne . Le Chevalier
Chauvelin , en arrivant à Voltri , s'apperçut
que les Allemands , rebutés d'avoir
MARS. 1748. 18.9
inutilement attaqué pendant fix heures le
Pofte des Capucins , rallentiffoient leur
feu , jugeant qu'ils étoient dans la réſolution
d'abandonner cette attaque , il détacha
le Régiment de Breffe vers Palmara
pour couvrir la communication avec Génes
, & pour affûrer la jonction du Duc
de Richelieu . En même tems , afin d'empêcher
une divifion des troupes ennemies ,
qui avoit occupé les hauteurs du Colletto
& de la Mandola , d'attaquer le Palais
Durazzo , & de forcer Voltri dans cette
partie qui , eft la plus foible de ce Pofte ,
il renforça de troupes tous les endroits
par lefquels le Comte Nadafti pouvoit
tenter de penetrer. Pendant que le Chevalier
Chauvelin faifoit fes difpofitions, le
Duc de Richelieu s'étoit avancé à Peggi
avec fon Corps de troupes , & avoit garni
par échelons les hauteurs qui dominent la
Plage depuis Génes jufqu'à Voltri . Les
ennemis , perdant alors l'efpérance de réuffir
dans leur entreprife , cefferent entierement
leur feu , & le 19 deux heures avant
le jour le Comte Nadafti , qui dès l'entrée
de la nuit s'étoit retiré à Melle avec toutes
fes troupes , reprit la route de Campo- fredo
, où étant arrivé le même jour , il les
fépara, pour les renvoyer dans leur quartiers,
Selon le rapport des Deferteurs les
190 MERCURE DE FRANCE.
ennemis ont perdu cinq cent hommes. Il
n'y a eu de notre côté que quarante- quatre
hommes tués & environ quatre-vingt blef
fés .
Le 24 quatriéme Dimanche du Carême
le Roi & la Reine entendirent dans la
Chapelle du Château la Meſſe chantée par
la Mufique.
La Reine communia le même jour par
les mains de l'Archevêque de Rouen , fon
Grand Aumônier .
Le 25 Fête de l'Annonciation de la
Sainte Vierge leurs Majeftés entendirent
la Meffe & les Vêpres dans la même Chapelle
, & l'après midi le Roi accompagné
de Monfeigneur le Dauphin & de Meldames
de France affifta à la prédication du
Pere Tainturier , de la Compagnie de Jefus.
Leurs Majeſtés , entendirent le 23 lé
Sermon du même Prédicateur .
Le Roi ayant refolu de faire revenir de
Fontevrault Madame Victoire de France ,
la Maréchale de Duras & les autres Dames
nommées conduire cette Princeffe , pour
partirent le 14 du Château des Thuilleries
dans les caroffes du Roi , afin d'aller la prendre
dans cette Abbaye . Madame Victoire ,
qui fe mit le 20 en route , trouva à Sanmur
& à Langeais le détachement de la
MARS. 191 1748.
-maifon de S. M. Cette Princeffe coucha
le 20 à Langeais , le 21 à Amboife , le 22
à Clery & le 23 à Estampes. Le Roi accom,
pagné de Monfeigneur le Dauphin alla le
24 au devant d'elle , & l'ayant rencontrée
à l'étang du Pleffis Piquet , retourna avec
elle a Verſailles , où la Reine & la Famille
Royale la reçurent avec les démonſtrations
de la plus vive tendreffe .
Le 22 le Pere Geoffroy , l'un des Profeffeurs
de Réthorique du Collège de Louis
le Grand , prononça un Difcours Latin ,
qui avoit pour titre Ludovico Belgico. Le
Cardinal de Soubife y affifta , ainfi qu'un
grand nombre de Prélats & d'autres per
Tonnes de diftinction .
De Liege le 22 Février.
On a fait partir il y a quelques jours
pour Venlo les foldats de recrues , levés
dans ce Païs pour les troupes de la Répu
blique des Provinces Unies. Les troupes
de la Reine de Hongrie , aufquelles on a
diftribué des quartiers de cantonnement
fur les frontieres voifines du Brabant & .
du Comté de Namur , ont reçû ordre de
fe tenir prêtes à marcher . Differens avis.
confirment que les François fe difpofent à
ouvrir de bonne heure la campagne ; qu'ils.
font des amas confidérables de fourage &
192 MERCURE DE FRANCE.
d'autres provifions , & qu'ils affemblent
un grand nombre de pontons. Le Comte
de Saint Severin d'Arragon , qui doit affifter
en qualité de Miniftre Plénipotentiaire
du Roi Très- Chrétien aux conferences
pour la paix , a envoyé ordre d'acheter
ici divers meubles.Onman de d'Aixla-
Chapelle , qu'il y a déja des Hôtels de
loüés pour les Comtes de Kaunitz , de
Sandwich & de la Chavanne , Miniftres
Plénipotentiaires de la Reine de Hongrie ,
du Roi de la Grande Bretagne & du Roi
de Sardaigne , & qu'on prépare en diligence
les appartemens de la maifon où
doivent fe tenir les Conferences.
Le 15 du même mois le Feldt-Marechal
Comte de Bathiani donna un magnifique
fouper , fuivi d'un Bal , aux perfonnes de
diftinction de la ville & des environs de
Verviers,
De Bruxelles le 24,
Il a paffé ces jours- ci dans les environs
de cette ville plufieurs Régimens , dont
les uns font allés à Malines , les autres à
Dendermonde. Le Bataillon de Milice de
Neufchâtel , qui étoit ici en garnifon , a
marché à Oudenarde. On dit qu'il y fera
fuivi de trois autres Bataillons de Milice ,
avec lefquels il formera une Brigade . On a
mis
MARS. 1748. 193
mis un Embargo fur tous les bâtimens , tant
en Flandres que dans le Brabant, & on n'attend
que le dégel pour les employer à l'ufage
aufquels on les deftine. Le Maréchal
de Lowendalh s'eft rendu d'Anvers au
Fort de Lillo, & de- là à celui de Sandvliet,
pour en vifiter les fortifications. On croit
qu'il fera bien-tôt ici un voyage & qu'il
ira enfuite à Namur.Les lettres de Bergopfoom
marquent qu'on y établit de grands
magafins & qu'on y a publié une Ordonnance
, par laquelle il eft enjoint à toutes
les perfonnes qui y poffedent des maifons,
& qui font forties de la ville , d'y revenir
dans un tems limité.
On a appris que les troupes ennemies qui
'avoient abandonné la ville de Tirlemont à
l'approche d'un détachement que le Comte
de Saint Germain y avoit envoyé , étoient
rentrées dans ce pofte après la retraite de
ce détachement.
De Bruxelles le Mars. 9
Le Maréchal de Lowendahl eft allé faire
un voyage à Namur , d'où il doit revenir
dans quelques jours. En attendant fon retour,
on travaille aux préparatifs pour l'ouverture
de la campagne on a déja commencé
à monter fur leurs affuts tous les canons
qui font dans l'Arfenal de cette ville ,
I
194 MERCURE DEFRANCE.
& l'on fait un grand amas de Pontons.
de Gabions & de Fafcines . Il a été ordonné
aux Etats du Brabant d'affembler avant la
fin du mois trois mille chariots pour le fervice
de l'armée. Le 3 il arriva de Gand
fous une nombreuſe eſcorte un fomme con
fidérable pour le pavement des troupes. On
affûre que le Maréchal Comte de Saxe partira
le 18 de Paris pour fe rendre ici , &
la ville fe propofe de lui faire une magnifi
que réception. Les équipages du Comte de
Saint Severin d'Arragon , Miniftre Plénipotentiaire
du Roi aux conférences d'Aix
Ja Chapelle , ont paffé ces jours derniers
par cette ville. Il a été publié une Ordonnance
de Sa Majefté , portant défenſes à
toutes perfonnes , fous peine d'être punies
avec une extrême rigueur , de fournir aux
ennemis aucunes denrées , de quelque efpéce
qu'elles puiffent être.Suivant les dernieres
lettres de la Haye le Comte de Sandwich
a reçu un courier de Pétersbourg ,
avec la nouvelle que les ratifications du
Traité conclu le 30 du mois dernier par
le Roi de la Grande Bretagne & par les
Etats Généraux des Provinces Unies avec
I'Impératrice de Ruffie, avoient été échangées
, & que les troupes fournies par cette
Princeffe à ces deux Puiffances , étoient en
pleine marche pour entrer en Pologne.
MARS. 1748 .
195
Le Samedi 17 Fevrier le Corps de la
Mufique de la Chapelle du Roi fit un fervice
folemnel dans la Paroiffe de Notre-
Dame de Verſailles pour le repos de l'a
me de feu M. l'Abbé Madin , mort le 3
de ce mois , l'un des Maîtres de Mufique
de la Chapelle du Roi . Les Eccléfiaftiques
de ce Corps officierent ; la Meffe fut chanfée
en Mufique & Symphonie , & après la
Meffe on chanta en Mufique le Pleaume
De profundis , de la compofition de M.
Mondonville Maître de Mufique de la
Chapelle du Roien quartier. Le Corps de
la Mufique eft dans l'ufage de faire un
Service en Mufique pour chaque Muficien
du Roi, qui meurt , & de lui chanter fur la
foffe à fon enterrement le De profundis en
faux- bourdon .
Feu M. l'Abbé Madin , l'un des grands-
Compofiteurs en Mufique du fiécle , étoit
Gentil- homme Irlandois ; il avoit fucceffivement
occupé les Maîtrifes de Meaux ,
Verdun , Tours , Rouen . Etant à Tours il
fut choisi pour remplir un quartier de Maître
de Mufique de la Chapelle , il fut enfuite
chargé de l'éducation des Pages de
la Chapelle ; le Roi l'avoit gratifié d'un
Canonicat de Saint Quentin..
AVIS.
Jean François Banchieri Tréforier Gé-
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
>
néral de Notre Saint Pere le Pape & de
fa Chambre Apoftolique , fçavoir faifons
que le fieur Antoine Coradini Sculpteur
défiroit de faire une Loterie publique d'une
Statue de fa façon , de Marbre de Carrara,
de 10 palmes & demi d'hauteur , repréſentant
la eftale Tuccia couverte d'un voile
tranfparent , de la valeur de quatre mille
écus romains ,ſelon la priſée & l'eſtimation
qu'en ont fait cinq de nos plus fameux
Sculpteurs choifis & nommés à cet effet ,
comme il eft fpécifié dans l'acte arrêté par
le Sécretaire de la Chambre Apoftolique
fouffigné. Nous en vertu de nos pouvoirs
ordinaires & pour prévenir tout abus , &
pour la fûreté dans l'exécution , de ladite
Loterie arrêtée & fignée par Sa Sainteté ,
avons donné la permiffion audit Coradini,
après avoir toutefois figné l'état dreffé par
les Experts qui avoient été commis pour
l'eftimation , de faire pendant le cours d'un
an à commencer de la date du préfent avertiffement
, tout ce qui fera néceffaire pour
remplir ladite Loterie , dont le nombre
des Billets a été fixé à celui de deux mille
& en cas qu'il arrivât que ladite Statue vînt
à être endommagée & mutilée avant le tirage
de la Loterie , ledit Sr Coradini fera
obligé d'en faire une autre , de même hauteur
& de la même perfection à tous égards,
MAR S. 1748. 197
Pour remplacer cellequi auroit été endommagée
, & pour donner tous les éclairciffemens
néceffaires à ceux qui voudront participer
à ladite Loterie ; nous avertiffons
qu'ils pourront voir & examiner librement
la fufdite Statue dans l'attelier de l'Auteur
à la place Barberini , dans le petit Carrefour,
dit la Chaine , fous le Palais du Prince Barberine
, où ledit Antoine Coradini fe fera
un plaifir de la montrer à tous ceux qui ſe
préfenteront.
-Les Billets feront délivrés chés lui ou
chés ceux qu'il commettra ; ils ont été fixés
à deux écus chacun , & l'argent defdits.
Billets fera dépofé au Mont de Piété , & à
la Banque du Saint Efprit pour la fûreté
de tous les intéreffés , & ne fera délivré
audit Coradini qu'après le tirage de ladite
Loterie , & la délivrance du lot à celui à
qui le fort l'aura donné..
1
On avertit encore que lefdits Billets qui
feront imprimés avec ce titre Loterie d'une
Statue de Marbre, avec leurs numeros , feront
foufcripts & cachetés par ledit Coradini
& contrefignés en outre par le fieur
Enée Antoine Borini Commiffaire fubftitut
de la Chambre Apoftolique , & cachetés
de fes armes , & que le tirage de ladite
Loterie fera fait , comme il a été dit cideffus
, dans un an de la date du préſent
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
avertiffement , & même avant , fi ladite
Loterie fe trouvoit remplie.
Que fi tous les Billets au nombre préfixe
de deux mille n'étoient pas entierement
diftribués dans le terme d'un an accordé
on ne laifferoit pas que de la tirer , & le ti
rage s'en fera avec toute la fidélité poffible
en préſence du fieur Enée Antoine Borini
Commiffaire fubftitut de la Chambre Apoftolique,
& du Secretaire fouffigné , qui
fe trouveront au lieu & jour que nous
leur indiquerons à cet effet par un avertiffement
exprès.
Donné à Rome dans l'appartement de
notre réfidence ordinaire au Palais du
Mont Citorio le 16 Décembre 1747 ..
G. F. Banchieri Tréforier Général.
Cefar Ridolfi Secretaire Chancelier de la
R. Chambre Apoftolique.
Le Roi vient d'accorder 8000 livres de
penfion à M. le Comte de Mortaigne ,
Lieutenant Général de fes armées , & ce
Général a donné fa démiffion de la Charge
d'Infpecteur du Corps des Volontaires
Royaux , laquelle a été fupprimée par une
Ordonnance du ... Mars , de maniere que
Monfieur le Comte de Chabo , Brigadier
des armées du Roi refte feul chargé du dé
tail de cette belle & vaillante troupe , dont
MARS 1748 199
il étoit déja Colonel & Commandant ſupérieur
, par une Ordonnance du 20 Janvier
1747, qui avoit créé cette charge.
REGLEMENT de Meffieurs les Ma
réchaux de France au sujet des Billets
d'honneur faits par des Gentilshommes ou
Officiers, à des Marchands ou particuliers,
des Gentilshommes ou Officiers qui prê
tent leur nom à des Marchands ou partieculiers.
Du 20 Février 1748.
LES MARE'CHAUX DE FRANCE.
'Attention continuelle que nous don
nons à conferver parmi la Nobleffe &
les Officiers des troupes du Roi les fentimens
d'honneur qui en doivent être inféparables
, & l'importance de maintenir en
eux ces fentimens , ne nous permettent pas
de nous en tenir fimplement à réprimer les
abus , mais exigent encore.de nous de tâcher
de les prévenir. C'eft dans cette vûë
qu'après avoir reconnu qu'il s'introduifoit
depuis quelques années dans les billets
d'honneur faits par les Gentilshommes &
les Officiers des troupes de Sa Majesté un
abus qui pouvoit tendre à favorifer la furprife
& le manque de bonne foi , par des
billets d'honneur faits à des Marchands ou
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
à d'autres perfonnes non jufticiables de
notre Tribunal , & par un abus encore plus
condamnable , étant arrivé quelquefois
que des Gentilshommes ou des Officiers
ont confenti que l'on fit en leur faveur
des billets d'honneur où ils n'avoient au
cun intérêt , ne faifant en cette occafion
que prêter leur nom aux Marchands & autres
particuliers non jufticiables de notre
Tribunal , qui en étoient les véritables
créanciers , Nous avons crû néceffaire de
rendre publics les principes fur lefquels
nous avons accoûtumé de juger dans de
femblables cas , afin d'arrêter le cours de
pareils abus , qui ne peuvent que tourner
au deshonneur de la Nobleffe & des Officiers
des troupes & à la ruine des Marchands
& autres particuliers. A ces cauſes,
nous avons , fous le bon plaifir du Roi ,
arrêté & ordonné ce qui fuit .
ART . 1. Tout Gentilhomme ou Officier
qui fera , pour quelque caufe que ce
foit , un billet d'honneur à un Marchand
ou autre particulier non jufticiable de notre
Tribunal , & qui n'aura pas fatisfait à
fon engagement d'honneur , fera puni par
un mois de prifon , ou plus , felon que le
le cas pourra l'exiger , & le Marchand ou
particulier n'étant point notre jufticiable ,
fera renvoyé à fe pourvoir pardevant les
Juges ordinaires.
MAR. S.. 1748. 201
II. Lorsqu'un Gentilhomme ou Officier
des troupes confentira qu'un billet
d'honneur foit fait en fa faveur , en prêtant
dans ces occafions fon nom aux Marchands
ou particuliers qui en feront les
véritables créanciers , celui qui aura prêté
fon nom fera puni de trois mois de prifon ,
& celui qui l'aura fait , fera puni d'un
mois de prifon , & l'un & l'autre feront
punis d'une plus longue prifon , fuivant que
le cas fera plus grave & pourra l'exiger.
Enjoignons à nos Lieutenans dans les
Provinces de tenir la main à l'exécution
de notre préfent Reglement , &c.
A LA MEMOIRE
de M. Chevalier.
LE fublime fçavoir , la modefte candeur ,
Formerent à l'envi fon efprit & fon coeur
A la Religion tous deux furent dociles.
r ;
Le Pinde n'eut pour lui que des routes faciles ;
D'Euclide , d'Archimede il difpenfa les loix ;
Il orna le Lycée , il inftruifit les Rois ;
Fut de la vérité le difciple fidéle ,
Et la contemple enfin dans fa gloire éternelle,
Iv
202 MERCURE DE FRANCE.
SARAPAGARA YA PARA EDEA¤ata
MARIAGES ET MORTS.
E 26 Février Claude- Conftance- Céfar de Houde
la Compagnie des Gendarmes de Berry , a été
marié à S. Roch avec Dlle Elifabeth- Sophie-
Françoife de Lalive , fille de Louis- Denis de Lalive
de Bellegarde , Ecuyer Seigneur d'Efpinay, de
la Chevrette , de la Briche &c , & de Dame Marie-
Jofeph Prouveur , morte le 18 Septembre 1743. M.
le Comte de Houdetot eft le fecond fils de Charles
de Houdetot, Marquis de Houdetot en Caux (terre
érigée en Marquifat en fa faveur par Lettres du
mois de Juin 1724 ) Lieutenant Général des armées
du Roi , ci- devant Lieutenant Général de la
Province de l'ifle de France , & Commandant
pour le Roi dans le Comté de Bourgogne , & de
Dame Catherine-Magdelaine- Thereſe Carrel , fille
de Louis Carrel , Préfident en la Cour des Comptes
, Aides & Finances de Rouen , & de Dame
Jeanne- Therefe de Becdeliévre , laquelle eft ac
tuellement Carmelite à Rouen , où elle fit profef
fion en 1718 après la mort de fon mati , & avoir
marié fes trois filles , dont l'aînée fut mariée le
28 Octobre 1717 avec M. le Marquis de Houdetot
, pere du Comte qui donne lieu à cet article.
Charles Marquis de Houdetot fon ayeul mourut
en Février 1692 , étant Meftre-de- Camp du Régi
ment de Bourgogne Cavalerie , aujourd'hui Bretagne
, Brigadier & Infpecteur Général de la Cavalerie.
Jean de Houdetot Seigneur de Grofmenil ,
bifayeul du Comte , eft mort le 29 Décembre
1653 , étant Maréchal des camps & armées du
MARS.
203 1748.
Roi par brévet du 11 Décembre 1652. M. le
Comte de Houdetot eft de la feconde branche de
fa Maiſon , une des plus anciennes de Normandie ,
où elle eft connue par les Titres & les Hiftoires
depuis l'an 1034 , & la branche aînée pofféde encore
aujourd'hui les mêmes terres au pays de
Caux qu'elle poflé doit en 1229 , & préfente aux
mêmes trois Cures auxquelles elle préfentoit alors ;
fes armes de toute ancienneté font d'argent à une
bande d'azur diaprée d'or de trois pièces , celle
du milieu chargée d'un lion , & les deux autres
d'un aigle à deux têtes, le tout d'or . Voyez cette Gé
néalogie bien détaillée dans l'Hiftoire des Grands
Officiers de la Couronne , tome 8. fol . 16 , & c.
Madame la Comteffe de Houdetot a pour four
aînée Dame Marie - Charlotte -Françoife de Lalive,
mariée depuis le 24 Avril 1743 avec Jacques
Pineau de Lucé , Maître des Requêtes ordinaire
de l'Hôtel du Roi , & aujourd'hui Intendant de
Valenciennes , & fes armes font d'argent à un
arbre de finople à côté de deux étoiles de gueules
.
Le même jour a été célébré dans l'Eglife de
S. Roch le mariage de Charles - Henri- Philippe
de Beaufort Canilliac , Vicomte de Montboiffier,
Brigadier d'Infanterie , Colonel du Régiment de
fon nom , Chevalier de l'Ordre Militaire de Saint
Louis , Chambellan de M. le Duc d'Orleans , fils
de Philippe Claude de Beaufort Canilliac de
Montboiffier Marquis de Montboiffier , Lieutenant
Général des armées du Roi du premier Mars
1738 , Capitaine . Lieutenant de la feconde Compagnie
des Moufquetaires de fa Garde , Chevalier
de l'Ordre militaire de S. Louis , & de
feue Marie- Anne- Geneviève de Maillé fon époufe
, qui avoit l'honneur d'appartenir aux Princes
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
& Princeffes de la Maifon de Bourbon Condé , à
caufe de Claire- Clementine de Maillé-Brezé , Ducheffe
de Fronfac & de Caumont , m riée en
1641 à Louis de Bourbon II . du nom , Prince de
Condé furnommé le Grand , bifayeul des Comtes
de Charolois & de Clermont , & des Princeffes
leurs foeurs , avec Dlle Madelaine- Charlotte Boutin
, fille de Simon Boutin , Receveur Général des
Finances de la Généralité de Tours , & de Dame
Claude-Magdelaine le Clerc fon époufe.
Les autres enfans de M. le Marquis de Montboiffier
font Philippe- Claude Comte de Montboiffier
, Maréchal des camps & armées du Roi ,
Enfeigne de la feconde Compagnie des Moufquetaires
de fa Garde , Chevalier de l'Ordre de Saint
Louis , marié le 8 Mai 1733 à Elizabeth-Louife de
Colins de Mortagne , fille de Gafpard de Colins
Comte de Mortagne , &c. Capitaine de Gendarmerie
, Maréchal de Camp , Chevalier d'Honneur
de feue S. A. Royale Madame , & de Charlotte
Princeffe de Rohan Guemenée. Anne- Elizabeth
Comtefle de Montboiffier , mariée en Octobre
1733 à M. le Comte de Caftellan de Triadon .
Dame Marie Adelaide Victoire , & Jofephe-
Hyacinte Ringarde ; Religieufes à l'Abbaye
Royale de Bonfecours , & Marie- Anne- Genevieve
de Montboiffier.
La Maifon de Montboiffier eft, fans contredit,
une des plus illuftres du Royaume. Pierre de Poi.
tiers qui vivoit dans le douzième fiècle , la fait
fortir des anciens Souverains d'Auvergne dans le
Panégyrique qu'il nous a laiffé de Pierre le vénérable
Abbé de Cluny de la Maifon de Montboiffier
, & avec lequel il avoit paffé une partie de fa
vie , mais rien n'eft plus propre à nous donner une
MARS . £748. 205
idée de l'ancienneté & de l'origine de cette Mai
fon que la fondation de la riche Abbaye de Saint
Michel de l'Eclufe en Piémont , faite vers l'an
1000 par Hugues Maurice , furnommé le Décou
fu , Seigneur de Montboiffier , qui lui donna les
Prieurés de Cunliac & d'Arlent en Auvergne, qu'il
avoit aufli fondés . On trouve dans les Annales de
l'Ordre de Saint Benoît du P. Mabillon T. III . liv .
47 n° . 4, page 80. & 581 la fondation de cette
Abbaye , & ce qui y donna occafion . Dans les Actes
des Saints de l'Ordre de Saint Benoît Partie H.
page 607 on lit l'extrait d'une Lettre de l'Abbé
de Saint Michel de l'Eclufe écrite Pan 1414
Louis de Montboiffier , par laquelle cet Abbé attefte
que cette Abbaye avoit été fondée par un de
fes ancêtres. Geoffroi du Vigeois , dont la Chronique
eft imprimée dans la Bibliothéque du Pere
Labbe , & qui étoit contemporain de Pierre le
vénérable , reconnoît qu'il defcendoit de Hugues
Seigneur de Montboiffier , Fondateur de l'Abbaye
de l'Eclufe. Ce faint Abbé qui a été un des ornemens
de fon fiécle & de fon Ordre , dans les Let -,
tres qu'il nous a laiffées au fujet de la bienheureuſe
Ringarde fa mere , parle de fa Maifon de maniere
à faire connoître qu'elle égaloit ce qu'il y avoit de
plus grand dans le Royaume . On lit dans Morery
à l'art. de Pierre de Cluny qu'il étoit d'une noble.
famille d'Auvergne des Comtes de Saint Maurice
& de Montboifier , fils de l'illuftre Ringarde qui
mourut Religieufe dans l'Ordre de Saint Benoît.
Elle avoit eu de fon mariage huit enfans , dont.
Pierre étoit le feptiéme. Heraclius de Montboiffier
Archevêque de Lyon , que l'Empereur Fre
deric Barberouffe créa en 1197. Exarque du
Royaume de Bourgogne , Pons Maurice Abbé de
Vezelay, Jourdain Maurice Abbé de la Chefe-.
206 MERCURE DE FRANCE.
fon
Dieu , Euftache Maurice Seigneur de Montboiffier
, ayeul d'Euftache II . du nom , qui par
teftament du mois de Février 1246 , confervé en
original au Tréfor des Chartes , nomma pour tuteur
de fon fils Euftache Alphonfe de France, Comte
de Poitiers , frere de S. Louis , inftitua ce Prince
héritier de tous les biens , excepté de la Terre de
Montboiffier , fi fon fils venoit à mourir fans enfans.
On trouve dans le même Tréfor l'acte du
mois de Juillet 1266 , par lequel Alphonfe Comte
de Poitiers & de Touloufe céde à Euftache Seigneur
de Montboiffier , la Terre de Montels en
Auvergne avec fes dépendances , & l'hommage
de grand Seigneur de Vouleure , en dédommagement
des fruits reçûs pendant fa minorité.
Ce fut au commencement du feiziéme fiécle
que Jacques Seigneur de Montboiffier prit le
nom & les armes de Beaufort , ayant été inftitué
à cette condition héritier des Comtés de Beaufort
& d'Alais , du Marquifat de Canilliac & des Seigneuries
de Pontchâteau , d'Anduze , & c. par Jac
ques de Beaufort Marquis de Canilliac , fon grand
oncle maternel , & le dernier de la Maifon de
Beaufort , laquelle avoit poffedé la Vicomté de
Turenne & avoit donné à l'Eglife deux Papes , '
fçavoir Clément VI. & Grégoire XI . Ce dernier
rétablit à Rome le Siége qui avoit été foixantedouze
ans à Avignon. C'eft à caufe de cette alliance
que les aînés de la Maifon de Beaufort
Montboiffier portent le titre de Patrices Romains
& de Princes de l'Eglife.
Cette Maifon eft actuellement partagée en trois
branches. L'aînée a pour chef Denis - Michel de
Beaufort de Montboiffier Canilliac , Marquis de
Montboiffier de Pont - du Château . Le chef de la
feconde eft Pierre - Charles de Beaufort de. MontMARS.
1748. 207
boiffier , Marquis de Canilliac , Sous- Lieutenant
de la feconde Compagnie des Moufquetaires du
Roi , frere de Claude- François de Canilliac Abbé
de Montmajor & de Cercamp , Auditeur de Rote
depuis 1733. Enfin la troifiéme branche a pour
chef le Marquis de Montboiffier , pere du Vicomte
de Montboiffier.
Les autres alliances de la Maifon de Montboiffier
font avec les Comtes de Clermont Dauphin,
les Maifons de Polignac , de Châtillon , de Chalençon
, de Langheac , de la Fayette , de Montmorin
, de Vienne , de Chabannes , de Dienne
d'Alégre , d'Estaing , d'Apcher , de la Gueille , de
Mitte Chevrieres , de Maillé.
Le même jour a été fait dans la Chapelle du
Château d'Orçay le mariage de Pierre Grimod du
Fort , Ecuyer Seigneur d'Orçay , & c. Intendant
Général des Poftes & Relais de France , & l'un
des Fermiers Généraux de Sa Majefté , fils d'An .
toine Grimod , Ecuyer Confeiller Secretaire du
Roi , & l'un des Fermiers Généraux de Sa Majeſté
, & de Dame Marguerite le Juge ; avec Dile
Marie- Antoinette de Caulincourt , fille de feu
Louis- Armand de Caulaincourt ,Marquis dudit lieu
enPicardie ,& de Dame Gabrielle Pelagie de Bouelles
Dante d'Eppevi e , & petite fille de François Armand
de Caulaincourt Seigneur de Caulaincourt ,
& de Dame Françoife de Bethune , tante de Louis-
Pierre Maximilien de Bethune , aujourd'hui Duc
de Sully , Pair de France , Chevalier de l'Ordre
de la Toifon d'or , & c.
M. Grimod du Fort qui donne lieu à cet article
étoit veuf depuis le 17 Novembre 1745 de Dile
Elizabeth- Geneviève de Courten Comteffe du
S. Empire, avec laquelle il avoit été marié le s Février
précédent , fille & niéce de Meffieurs de
208 MERCURE DE FRANCE.
Courten Maréchaux des camps & armées du Roi ,
& fortie d'une des plus anciennes familles du pays
de Vallais , & marquée par fon attachement à la
France depuis le Regne de François I. M. du Fort
eft frere de M. Grimod, de la Reyniere , & de
M. Grimod de Beauregard , tous deux Fermiers Généraux
; & fes armes font d'azur à une faſſe d'argent
accompagnée en chef d'un croiffant d'argent
pofé entre deux étoiles d'or , & en pointe d'une
carpe d'argent nageante fur une riviere de même.
Pour la Maifon de Caulaincourt dont la Nobleffe
eft marquée par fon ancienneté , par fes alliances
& par fes fervices militaires , fes armes font
de fable à un chef d'or. Voyez le Nobiliaire de
Picardie dreffé par ordre de M. Bignon Intendant
de Juftice de cette Province.
Le même jour a été fait à Saint Eustache le ma
riage de Charles Jean- Baptifte des Galloys de la
Tour , Premier Préfident du Parlement , & Intendant
de Juftice de Provence , fils de Jean- Charles
des Galloys de la Tour, auffi Premier Président du
Parlement & Intendant de Juftice de Provence ,
mort le 7 Mars 1747 , & deDame Jeanne- Charlotte
du Pré de la Grange fa veuve , avec Dile Marie-
Magdelaine d'Aligre,fille d'Etienne- Claude d'Algre
Comte de Morans, Seigneur de la Riviere, & c.
fecond Préfident du Parlement , & de feue Dame
Marie- Louife- Adelaide du Rey de Vieuxcourt fa
premiere femme , morte le premier Mai 1740.
La famille des Galloys de la Tour eft diftinguée
dans le Bourbonnois , & fes armes font de fable à
un fautoir d'or.
M. le Préfident d'Aligre pere de la nouvelle,
mariée , eft fils d'Etienne d'Aligre Préfident à
Mortier au Parlement , mort le 15 Juin 1725 ; fon
ayeul Michel d'Aligre Seigneur de Boislandry ,
MARS. 1748, 209
Maître des Requêtes & Intendant de Juſtice de la
Généralité de Caën , mourut en 1661 ; fon bifayenl
Etienne d'Aligre Chevalier Seigneur de la
Riviere , fut fait Chancelier & Garde des Sceaux
de France le.... & mourut en 1677 , & fon trif- ,
ayeul Etienne d'Aligre Chevalier Seigneur de la
Kiviere , auffi Garde des Sceaux & Chancelier de.
France en 1624 , mourut le 11 Décembre 1635.
Meffieurs d'Aligre dont on peut voir la Généalogie
dans le vol. 6. des Grands Officiers de la Couronne
fol. s ro, portent pour armes burellé d'or & d'azur
de dix pièces , & un chef d'azur chargé de trois
foleils d'or.
Le ro Janvier Jacques Comte de Sarsfield , Chevalier
Vicomte de la Motte Saint Armel , Seigneur,
de Chambierre , Kervern , Kercadio , Pouldaran ,
&c. iourut à Paris laiffant de fon mariage avec
Dame Marie-Jeanne Loz qu'il avoit époufée le 2
Février 1716 , Gui-Claude Comte de Sarsfield , cidevant
Lieutenant au Régiment des Gardes Françoifes
, & aujourd'hui Colonel du Régiment de
Provence & Chevalier de l'Ordre de Saint Louis ;
Jacques - Hyacinte, dit le Chevalier de Sarsfield , ci-,
devant Gentilhomme à Drapeau au Régiment dest
Gaides Françoifes , & aujourd'hui Capitaine au
Régiment de Bourbon Buffet Cavalerie , & Françoife
Modefte de Sarsfield , non mariée.
La Maifon de Sarsfield , originaire d'Irlande , eft
d'une Nobleffe très - ancienne & diftinguée par fes ,
illuftrations. Elle defcend de Thomas Sarsfield
gni fuivit à la conquête du Royaume d'Irlande
Henri II. Roi d'Angleterre , dont il étoit premier
Portebanniere , & qui mourut l'an 1189.
Les defcendans de Thomas Sarsfield formerent
plufieurs branches qui ont poffedé de grands établiffemens
en differentes parties de l'Irlande, entre
210 MERCURE DE FRANCE.
autres la branche des Comtes de Lucan Pairs d'It
lande qui s'établit dans le Comté de Dublin , la
branche des Vicomtes de Kilmallock auſſi Pairs
d'Irlande , & plufieurs autres dont une partie fut
obligée de s'expatrier pour caufe de Religion lors
des révolutions d'Angleterre fous Cromwel.Il y en
eut qui fe refugierent en Espagne , d'autres en
France , & de ces derniers eft iffu Paul Comte de
Sarsfield , pere de Jacques qui donne lieu au préfent
article , & fils de Jacques de Sarsfield établi
à Limerick , lequel étoit arriere petit - fils de Jean
de Sarsfield , frère aîné de Dominique , auteur de
la branche des Vicomtes de Kilmallock .
Après que Paul Comte de Sarsfield , ayant été
obligé de quitter fes biens & fon pays & de fe refugier
à Nantes en Bretagne , y eut fixé ſon établiffement
par fon mariage avec Dame Guionne-
Françoiſe de la Briandiere , le Roi Jacques II . en
reconnoiffance des fervices rendus à lui & aux
Rois fes Prédéceffeurs par la noble & ancienne
Maifon de Sarsfield, lui accorda des Lettres de notoriété,
à l'effet de le reconnoître & conferver lui ; fes
enfars & poftérité nés & à naître dans l'ancienneté,
droits & priviléges de leur nobleffe ; dans laquelle
ils ont été pareillement reconnus & confervés , en
conféquence , par des Lettres Patentes accordées par
Je Roi à Fontainebleau au mois d'Août 1711 .
La Dame Marie- Jeanne Loz épouse du feu
Comte de Sarsfield eft fille de Claude- Hyacinte
Loz Comte de Beaulieu , & de Françoise Magon.
La Maifon de Loz eft d'une très ancienne nobleffe
de Baffe- Bretagne.
Gilbert Gafpard de Chabannes Marquis de
Pionflac , Brigadier des armées du Roi , eft mort
à Clermont en Auvergne dans la foixante - troi
fiéme année de fon âge. Il étoit fils aîné de GafMARS.
1748. 211.
pard- Gilbert de Chabannes Marquis de Pionffac
Colonel du Régiment de Navarre , à la tête du
quel il s'étoit acquis une haute réputation aux batailles
d'Hocftet & de Spire , Maréchal des Camps
& Armées du Roi , Gouverneur de l'Ifle & Citadelle
d'Oleron & de N. de Lutzelbourg , &
frere aîné , 1º . du Comte de Chabannes , Seigneur
de la Paliffe , Gouverneur de Verdun & du Verdunois
, Grand- Croix de l'Ordre Royal & Mili
taire de S. Louis , Lieutenant Général des armées
du Roi , & Commandant à la Rochelle , dans le
Poitou & le pays d'Aunis, dont nous avons annoncés
dans le tems le mariage avec la fille du Marquis
Dupleffis Châtillon ; 2 °. de Thomas de Cha
bannes , Maréchal des camps & armées du Roi ,
mort il y a quelques années.
Le Marquis de Chabannes Pionffac , après
avoir été Page du Roi pendant trois ans , entra
dans le Régiment de Navarre , fe trouva en 1702
à la prife de la Ville & Château de Traerbac , en
1703 à la prife du Fort de Kel , à la bataille
d'Hocftet & à celle de Spire. En 1704 à la feconde
bataille d'Hocftet , où il fut fait prifonnier avec le
Comte de Pionffac fon pere , qui s'y comporta
avec une valeur diftinguée ; en 1706 il fe trouva
à la bataille de Ramilli, en 1708 au combat d'Oudenarde
; étant depuis entré dans le Régiment des
Gardes Françoifes , il fe trouva en 1709 à la bataille
de Malplaquet & en 1712 à celle de Denain
, continua à fervir dans le Régiment des
Gardes Françoifes , cù il acheta une Compagnie
qu'il conferva jufqu'en 1733 , que le Roi lui
donna l'agrément du Régiment de la Reine Dragons
, à la tête duquel il fit les Campagnes d'Italie
de 1733 , 1734 , 1735 , le trouva au combat
de Parme & à la bataille de Guaftalla ; le Roi le
12 MERCURE DE FRANCÉ .
fit Brigadier de fes armées le premier Août 1734 ;
le conimit pour faire les fonctions de la charge
d'Infpecteur de Gavalerie , & enfin lui donna la
commiffion de Maréchal Général des Logis de fon
armée en Italie , dont il s'acquitta avec une dif
tinction & une fupériorité de talens qui lui acquirent
une grande réputation , qui ne fe foutint pas
avec moins d'éclat dans les négociations dont il
fut chargé dans les differentes Cours d'Italie.
Il avoit épousé en 1708 Philiberte d'Apchon ,
Dame d'Apchon , le Vaumier , Serezat , fille aînée
& héritiere , en vertu de la fubftitution de fa Maifon
, du Marquis d'Apchon , Sénéchal & premier
Baron d'Auvergne , dont trois enfans .
Gilbert de Chabannes Abbé de Saint Méen en
1742 , Député à l'affemblée générale du Clergé
de France en 1745 , & nommé la même année
Abbé de Notre Dame de Bonport , Ordre de Citeaux
, Diocéfe d'Evreux .
Jean de Chabannes Marquis d'Apchon , le
Vaumiers , Frizac , Pionflac. , premier Baron
d'Auvergne , Cornette de la feconde Compagnie
des Moufquetaires , Brigadier des armées du Roi ,
qui a épousé une des filles de M. Bernard Maître
des Requêtes , & Joſeph de Chabannes Prieur de
Nantua dans le Bugey , mort il y a quelques an
nées à l'âge de 18 ans.
MARS. 213 1748.
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ARRESTS NOTABLES.
RREST du Confeil d'Etat du Roi , du
Janvier , qui proroge pour un an , à compter
du premier Janvier 1748 jufqu'au premier Janvier
1749 , Pexemption des droits fur les beftiaux venant
de l'étranger, ordonnée par celui du 10
Janvier 1747.
EDIT du Roi , donné à Verſailles au mois
de Février , portant établiſſement de droits fur la
Poudre à poudrer & fur la Cire , & rétabliſſement
des droits anciennement impofés fur les Suifs &
fur les Papiers & Cartons , comme auffi une augmentation
de droits fur le Papier & Parchemin
timbrés.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du
26 qui ordonne que la recette de l'augmentation
des droits fur les Papiers & Parchemins
timbrés , & fur la Formule des actes des Notaires
de la ville de Paris , fera faite par le Fermier Général
& les Sous - Fermiers des Aides & Domaines,
fut le pied du tarif annexé audit Arrêt .
AUTRE du 27 , qui ordonne que la régie &
exploitation des droits fur la Poudre à poudrer &
fur la Cire , établis par l'Edit du préfent mois , de
ceux rétablis par le même Edit fur les Suifs & fur
les Papiers & Cartons , & de l'augmentation fur
la Formule des Papiers & Parchemins timbrés ,
fera faite par Jean-Baptifte Boquillon , Bourgeois
de Paris .
214 MERCURE DE FRANCE.
DECLARATION du Roi , donnée à Verfailles
les Mars , portant la fufpenfion du dixième
de l'Amiral fur les Prifes faites en mer , & autres
encouragemens pour la courſe.
ORDONNANCE du Roi 15 Mars , pour
proroger jufqu'au mois d'Avril le complet des Régimens
& Bataillons nouveaux dont Sa Majeſté a
ordonné la levée.
AUTRE du même jour , concernant le fervice
des Milices gardes-côtes dans la Province de
Normandie pendant la campagne de la préfente
année.
AUTRE donnée à Versailles le 20 , qui ordonne
que les Droits feigneuriaux dûs pour mutation
par échange , feront vendus & alienés , &
fixe la maniere dont en doivent jouir ceux qui
s'en rendront acquereurs.
AUTRE du même jour , qui ordonne que
les Actes tranflatifs de proprieté des biens réputés
immeubles , foient fujets à l'infinuation dans les
mêmes cas où les A&tes tranflatifs de proprieté
des immeubles réels y font affujettis , & qu'il
foit payé pour ledit droit d'infinuation le centiéme
denier de la valeur defdits biens , & les quatre
fols pour livre en fus.
'AUTRE donnée à Verfailles le 27 , qui ordonne
que ceux auxquels il échoira des biens
meubles à titres fucceffifs en ligne collatérale , ne
puiffent être tenus d'en faire aucune déclaration
ni d'en payer le centiéme denier ordonné par la
"Déclaration du 20 du préfent mois.
APPROBATION,
J
' Ai lû par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Mats
1748. A Paris le premier Avril 1748.
BONAMY.
TABLE.
Plécesfugitives en Profe & en Vers . Eloge de
la République de Genévę ,
Ode tirée du Pleaume 143 ,
13
22
Séance publique de l'Académie Royale de Chirurgie
, & c.
Epitre à M. **
Vers à Mad. la Comteffe D ***
Eloge de M. Bernoulli ,
Portrait de M. ….. . fur deux rimes ,
25
35
38
39
79
-82
Lettre de M. Pafle à M. ***
Ode Sacrée , tirée du Pfeaume De profundis , 89
Lettre aux Auteurs du Mercure ,
୨୦
Mots de l'Enigme & des Logogryphes du Mercure
de Février ,
Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , & c .
Estampes nouvelles ,
93
ibid.
96
133
Election de Mrs le Beau & Otter à l'Académie
Royale des Belles- Lettres en qualité d'Académiciens
Affociés ,
Nouvelles Pompes ,
Rob pectoral ,
Bouquet ,
134
135
137
138
Spectacles , Extrait de Zaïs , nouvel Opera , 139
Chanfons notées ,
Nouvelles Etrangeres , Suede ,
Allemagne ,
Efpagne ,
Grande Bretagne ,
Provinces Unies
Italie , de Génes
De Cagliari ,
149
150
146
160
163
171
178
180
181 De Parme ,
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 183
Bénéfices donnés ,
Reglement des Maréchaux de France ,
Vers à la mémoire de M. Chevalier
Mariages & Morts
Arrêts notables
187
199
201
201
213
Les Chanfons notées doivent regarder lapage
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères