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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
M A I. 1746.
UT
SPARCATS
IGIT
U
Chés
Rap
Mon
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
rue S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quai de Conty
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC . XLVI.
Avec Approbation & Privilege da Ri
THE NEW YORE
PUBLIC LIBRAR
835231
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
1905.
AVIS,
LADRESSE
générale du Mercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT
rue du Champ-Fleuri dans la Maifon de M.
Lourdet Correcteur des Comptes au premier
étage fur le derriere entre un Perruquier & un
Serrurier à côté de l'Hôtel d'Enguien. Nous
prions très-inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir
le port , pour nous épargner le déplaifir
de les rebuter , & à eux celui de ne
pas voir paroître leurs ouvrages.
Les Libraires des Provinces on- des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
d France de la premiere main , & plus promptement
, n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre ſur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France rue du Champ-Fleuri , pour ren
dre à M. de la Bruere.
PRIX XXX . SQLS
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI.
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
LEBERGER , le Cuisinier & la Brebis.
FABLE.
Uillot le berger du Village
Avec un Cuifinier un jour faifoit
voyage ;
lls rencontrerent par hazard
Une brebis graffe & dodue
Qui fans doute s'étoit perdue :
Le jour baifloit , il étoit tard.
Notre couple commence à lui donner la chaffe
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Et l'un d'eux à l'inſtant l'arrête fur la place ;
Chacun voulut enfuite en avoir une part ;
Je l'aurai moi toute entiere ,
Dit d'abord le Cuifinier ;
Ce ne fera pas vrai , reprit l'autre en colere ,
Je l'ai vûe ici le premier :
Tul'as vûe ! eh bien ! foit : mais celui qui l'a prife
Doit en difpofer à ſa guiſe ;
Tout - beau , Monfieur le Rotiffeur ?
Dit Guillot, j'ai droit à la prìfe ;
Chacun de fa moitié fera le poffeffeur ,
Et de grace point de fotife.
Tandis qu'ils fe diſputoient ,
Madame la brebis témoin de la querelle
( C'étoit au tems que les bêtes parloient )
Je voudrois bien fçavoir , dit - elle ,
Quel eft le droit que vous avez ſur moi ,
Et ce que vous voulez faire de ma perſonne ?
C'eft , dirent - ils , pour avoir foin de toi :
Mais en ce cas , avant que je me donne ,
Je veux fçavoir quel eft à tous deux votre emploi ş
Moi , dit Guillot , men foin eft de défendre
Tes femblables du loup , comme de tout danger ;
Si quelqu'un vient pour les furprendre ,
Mon chien veille au befoin , & je cours les venger ;
Moi , dit le Cuifinier , je traite , je fais vivre ,
Aux Princes je fers à manger ;
Ne balance point à me fuivre,
MAI 1746.
Je te mettrai dans mon verger :
Non pas s'il vous plait , lui dit-elle ,
En fe tournant du côté du Berger ;
Pour m'attraper votre rufe eft nouvelle ;
Votre métier eft de nous égorger ;
Guillot conferve notre vie ;
Ainfi ne vous étonnez pas
Si j'aime mieux fa compagnie ;
A le fuivre tout me convie ,
Etje vais déformais m'attacher à fes pas.
Examinez les moeurs , le fond , le caractére ; .
Avant de choisir un ami ;
En agiffant toujours ainfi ,
Vous ne pouvez manquer d'être heureux fur la
terre .
Par M....de Châlons fur Marne.
A iij
MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. C. R. L. F. à M. L. J.
R. contenant la fuite des Réflexions fur
l'Homme en général , inférées dans le
Mercure de Juin 1745 premier volume.
J'
'Ai reçû , mon cher Monfieur , votre
derniere Lettre , & vous jugez bien quel
accueil je lui ai fait. Vous connoiffez mon
coeur , & vous fçavez que tout ce qui vient
de vous ne peut manquer de me toucher
fenfiblement. Comme vous me paroiſſez
defirer ardemment la fuite de mon Journal
Philofophique dont je vous ai déja envoyé
le commencement , & qu'entre nous je fuis
perfuadé que ce que vous me témoignez à
ce fujet n'eft pas different de ce que vous
penfez , je vais continuer de vous entretenir
fur le même ton :
Vous avez entamé dans votre Lettre un
fujet fur lequel j'ai bien des chofes à vous dire :
au refte foyez affûré que fi je hazarde mon
fentiment après le votre , ce n'eft que pour
vous mieux faire voir la conformité de mes
idées avec les votres , & que je penſe ainſi
que vous fur tout ce que contient votre
Lettre , excepté fur un point fur lequel vous
me difpenferez d'être d'accord avec vous
MAI 1746: 7
je veux dire , fur ce que vous flatez mes
foibles lumieres en ravalant les votres.
C'eſt donc de l'amour propre qu'il faut
aujourd'hui vous parler.
» Ami , vous voulez donc que mon foible rin
ceau
» Ofe du coeur humain vous tracer le tableau ,
»Et dans cet être enfin où l'amour propre abonde
» Qui fe croit l'ornement & le maître du monde ,
Peindre les mouvements & les troubles divers
» Dont fa haute prudence agite l'Univers?
» Ce mobile puiſſant , cet agent inviſible
» Agit en nous , fans nous , par un charme invincible
,
» Et de l'ame au dedans mouvant tout le reffort
» De chaque paffion détermine l'effor.
L'amour propre eft né avec nous , c'eſt
lui qui nous anime ; c'eft lui qui nous infpie
dans prefque toutes les occafions ; il eft
comme un Prothée qui change de forme ,
d'extérieur & de langage même felon les
diverfes occurrences. L'intérêt , dit M. de
la Rochefoucauld , ( & qu'est - ce que c'eſt
que l'intérêt fi ce n'eft l'amour propre modifié
? ) l'intérêt parle toutes fortes de Langues,
& joue toutes fortes de perfonnages , même
celui de des-intereffé ; auffi ne fe produit- il
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
jamais que fous les divers mafques qu'il
emprunte pour parvenir à fes diverfes fins :
également adroit à diffimuler ce qui eft , &
à feindre ce qui n'eft pas , rei fimulator ac
diffimulator , il fe dérobe fouvent aux yeux
les plus perçants : il eft bien difficile de démêler
fon jeu à travers le voile épais dont il
le couvre prefque toujours ; il fe fert ordinairement
des livrées de la Vertu pour faire
paffer ce qu'il peut y avoir d'irrégulier &
même de vicieux dans fa conduite : C'eft
par-là qu'il éblouit les yeux qui ne voyent
que la fuperficie des chofes fans les appro
fondir. Combien d'actions dont on fe fait
honneur au dehors & dont on rougit au- dedans
de foi- même ! Pourvû que nous foyons
bien avec les autres , nous nous embarraſ
fons fort peu d'être mal avec nous- mêmes .
Nous tenons intérieurement un langage
contraire à celui de l'Avare d'Horace.
• . • • populus mefibilat , at mihi plando
Ipfe domi ,fimul ac nummos contemplor in a câ*.
Rien de plus vrai que tout ce que je vous
dis. Confultez l'Hiftoire ; n'y trouverez - vous
pas rapportée avec les plus grands éloges
l'action de Vitellius qui fit mourir plus de
* Lib . 1. Sat. 1 .
MAI 1746.
fix vingt hommes lefquels fe vantoient
d'avoir tué Galba fon compétiteur à l'Empire
& lui en demandoient récompenſe
Quelles louanges ne dorme - t - elle pas â
Alexandre fur ce qu'il pleura la mort de
Darius & lui fit faire lui - même de magnifiques
obféques ? Avec quelle complaifance
ne parle - t - elle pas de Céfar , qui ne fe
contenta pas de plaindre amerement le
malheureux fort de Pompée fon rival , mais
vengea avec chaleur fa mort fur ceux qui
pour en être les auteurs prétendoient de lui
de la reconnoiffance? J'avoue que ces actions
peuvent frapper par l'éclat de leur extérieur ,
mais fans prétendre ici en diminuer toute la
gloire , je tombe d'accord que l'amour
propre y eft pouffé jufqu'au dernier rafine
ment , & que je ne puis m'êmpêcher d'y
admirer fon adreffe . Ne nous arrêtons
pas à l'écorce, pénétrons plus avant : nous
découvrirons des gens qui ne font à leurs
ennemis que ce qu'ils voudroient qu'on leur
fit dans le même érat , & qui goûtent un
plaifir intérieur à accabler de biens un corps
infenfible dont ils n'ont plus rien à craindre.
Ne peut - on pas dire que l'irellias dans for
action fongeoit plus à lui- même en la faifant
qu'à fon ennemi ? de bonne foi peut-on
dire qu'il penfât à autre chofe qu'à le mettre
à couvert d'un même malheur , & à affûrer
AV
10 MERCURE DE FRANCE.
fa propre vie & fon Empire , en montrarit
à ceux qui attentent à la perfonne des Souverains
, que l'autre Prince leur fucceffeur
( quoiqu'ennemi
) en quelque façon que
ce foit vengera leur mort ? Céfar n'étoit - il
pas dans le même cas ? D'ailleurs il avoit
tout lieu de croire que Ptolomée qui avoit
fait maffacrer Pompée vaincu & fugitif ,
auroit fait la même chofe fur lui s'il avoit été
en la place de Pompée. Après tout
* O foupirs ! ô refpect ! ô qu'il eft doux de
plaindre
Le fort d'un ennemi , lorfqu'il n'eft plus à crain
dre!
Qu'avec chaleur . . . . on court à le venger ,
Lorfqu'on s'y voit forcé par fon propre danger ,
Et que cet intérêt qu'on prend à fa mémoire
Fait notre fûreté comme il fait notre gloire!
Vous fçavez le tour dont s'avifa Denis le
jeune quand ( 1 ) il ne trouva plus rien a
piller dans la Ville des Locriens , pour excroquer
les citoyens en gros après les avoir
excroqués en détail . Vous vous fouvenez que
les Locriens avoient fait à Vénus un voeu
* P. Corneille , Pomp . Act. V. Scén . I.
( 1 ) Dein cum rapinæ occafio deeffet " univerfam
civitatem callido commento ( Dionyfius
junior ( circumvenit. Cum Rheginorum Tyran
MAI 1746.
11
aflés indifcret , quoiqu'il en fût il falloit
l'accomplir ; le malheur qui les pourfuivoit
& qui leur avoit infpiré ce beau vou , s'ob
tinoit toujours à affliger leur Ville , juſqu'à ce
qu'enfin Denis , pour les en relever trouva
un expédient qui leur donnoit un moyen
de fatisfaire à la fuperftition fans intéreffer
l'honneur de leurs familles ; on l'approuva
unaniment ; felon cet arrangement , au jou
marqué toutes les femmes fe rendent à l'er
vi dans le Temple de Venus parées avec la
at Leophrontis bello Locrenfes premerentur ,voverant,
fi victores forent , ut die fefto Veneris Virgines
fuas proftituerent . Quo voto intermiffo , cùm
adverfa bella cum Lucanis gererent , in concionem
eos Dionyfius vocat : hortatur ut uxores
filiafque fuas in Templum Veneris quàm poffint
ornatiffimas mittant : ex quibus forte ducte
centum voto publico fungantur , Religionifque
gratiâ , uno ftent in lupanari menfe omnibus antè
juratis viris , ne quis ullam attaminet ; quæ res ne
Virginibus , voto civitatem folventibus , fraudi effet
, decretum facerent ne qua Virgo nuberet ,
priufquam illæ maritis traderentur , probato confi
lio , quo & fuperftitioni & pudicitie Virginum
confulebatur , certatum omnes feminæ impenfiùs
exornate in Templum Veneris conveniunt : quas
omnes Dionyfius immiffis militibus fpoliat , or
namentaque Matronarum in prædam fuam vertit .
Quarumdam viros ditiores interficit , quafdam ad
prodendas virorum pecunias torquet. Jatin Lib.
21 Cap. 3 .
A vi
12 MERCURE DE FRANCE.
derniére magnificence ; dès que le Tyran
le fçût il y envoya fes fatellites qui dépouillérent
inhumainement toute l'aflemblée :
par-là il trouva le moyen de s'approprier
tous leurs bijoux & leurs fuperbes habillements
; il fit mourir les plus riches d'entre
les maris de ces femmes dont il fit tourmenter
quelques unes pour en tier l'aveu des
richeffes de leurs époux & de l'endroit où
elles étoient cachées. C'eſt ainfi
les jours nous nous fervons des paffions
d'autrui pour contenter les notres ; le plus
habile eft celui qui fçait mieux ménager
l'amour propre des autres , & qui , fans
l'effaroucher , en fçait adroitement tirer la
fatisfaction du fien .
que tous
Maintenant jettons les yeux fur les commencements
de chaque Monarchie , nous
n'y trouverons que fables , que prodiges ,
que merveilles & même plus il y a de
merveilleux & de furprenant dans ces contes
confacrés par une tradition non interrompue
de nourrices en nourrices & de
peres en fils , plus ils trouvent de croyance
dans des efprits qui ne font frappés que des
chofes gigantefques . L'amour propre le plus
fouvent n'y trouve-t- il pas fon compte ? On
eft flaté de fe voir une origine dans laquelle
foient mêlés des Dieux tout-à- fait chimeriques
, ou à laquelle ils fe foient intereffés .
ΜΑΙ 13 1746.
Sed nos immenfumfpatiis confecimus aquor ,
Et jam tempus equum Spumantia folvere colla. *
Adieu , mon cher ; foyez toujours pourvû
d'une bonne philofophie dégagée de
toute inquiétude étrangère à votre bien être :
vivez pour moi , comme je ne vis que pour
vous , & c.
De ... ce 5 Août 1745.
LE JE NE SCAIS QUOI, Ode
à Iris par M. de la Soriniere .
Toi , dont les graces naïves ,
Et le certain je ne fçais quoi
Entrainent nos ames captives
Et rangent nos coeurs fous taloi.
柒
Iris , viens échauffer ma veine
Donne le prix à mes Ecrits ;
Bien mieux que la chafte neuvaine
Tu peux animer mes eſprits .
柒
De tes yeux la moindre étincelle
* Virg. Georg. L. 2.
14 MERCURE DE FRANCE.
Porte partout ce feu vainqueur ,
Dont la flâme qui le décele
Se communique par le coeur.
***
Déja je fens que l'harmonie
Vient ennoblir mes fons divers ,
Et que je dois à ton génie
Les plus heureux d'entre mes vers .
**
Fais que je chante avec nobleffe
Cet élégant je ne fçais quoi
Que je fens , mais que ma foibleffe
Ne pourroit exprimerfans toi.
*
Dis-nous ce charme inexplicable ,
Dis-nous ce charme impérieux ;
Seroit- il indéfiniffable
Quand il réfide dans tes yeux ?
33
Il regne fur tout ton viſage ;
Mais à quoi le reconnoît-on ?
Si nous enfçavions davantage
Il faudroit qu'il perdit fon nom.
3
Get être échauffe , vivifie ,
Reléve, affaiſonne les traits ,
1
ΜΑΙ
1746. If
Et des graces qu'il multiplie
Il fait fentir tous les attraits.
శ్రీ
Enfant du gracieux fourire ,
Ce Dieu s'étend tout à la fois
Sur les petits riens qu'il infpire ,
Sur les geftes & fur la voix .
శ్రీ
L'Amour le fit avec fa mere
Pour mieux s'affûrer des humains ,
Et nous voila fous ce myſtére
Les traits que nous lancent fes mains,
Du je ne fçai quoi qui nous pique
Naiffent ces entretiens légers
Où l'efprit devient fympathique
Entre les plus fimples bergers.
焱
De ce charme qui nous entraine
La beauté n'eft qu'un foible appui ;
C'eftlui qui la rend fouveraine ;
La beauté languiroit ſans lui.
C'eſt par la phyfionomie
Qu'on plaît , qu'on féduit bien fouvent .;
On voit des belles fans genie :
L'air fin n'eft jamais fans talent.
さ
16 MERCURE DE FRANCE.
Pour développer tes myſtéres ,
Trop dangereux je ne fçai quoi ,
Le plus docte des Commentaires
Ne peut t'expliquer que par toi .
MEMOIRE où l'on prouve que Philippe
le Berruier Evêque d'Orléans a fuccédé à
Philippe de Jouy , loin de l'avoir précédé ,
comme on l'a prétendu jusqu'ici , par M.
D. Polluche d'Orléans.
Creçu , tjque
Eft un fentiment jufqu'ici généralement
reçu ( 1 ) que Philippe le Berruier
Evêque d'Orléans fuccéda immédiatement
à Manaffés de Signelay , & qu'après une
adminiſtration de 14 années paffant à l'Archevêché
de Bourges , il fut remplacé dans
l'Evêché d'Orléans par Philippe de Jouy
qui ne fiégea que deux ans. Cependant ni
l'ordre fucceffif de ces deux Evêques , ni le
tems fixé pour leur adminiftration ne font
juftes , & il eft au contraire certain , je prétends
le démontrer , que Philippe de Jouy
a précédé Philippe le Berruier , & qu'à
peine ce dernier peut-il compter deux an-
(1) La Sauffaie , Guion , le Gallia Chriftiana &c.
MAI 1746.
nées d'Epifcopat fur le Siége d'Orléans ; je
viens aux preuves
.
Un point fixe & qui nous doit fervir de
bafe , c'eft que Philippe le Berruier quitta
l'Evêché d'Orléans au mois d'Août 1236 ,
comme en fait foi un Acte qu'on a de lui
du 25 du même mois . Ce Prélat nommé à
l'Archevêché de Bourges , allant prendre
poffeffion de fa nouvelle Dignité , alla loger
dans l'Abbaye de S. Benoît fur Loire ,
où les Religieux toujours attentifs à éloigner
tout ce qui pouvoit donner atteinte à leurs
priviléges , exigerent de lui en le recevant
un Acte par lequel il déclare que c'eft en
qualité d'Archevêque de Bourges qu'il a été
reçu dans le Monaftére , & qu'il avoit alors
quitté l'Evêché d'Orléans . Noverint univerfi
quod nos anno Domini M. CC . XXX
VI. in craftinofefti Sti . Bartholomei Apoftoli ,
abfoluti à cura Aurel. Ecclefia , recepti fuimus
in Floriac. Monafterio tanquam Archiepifcopus
Bituricenfis. (1)
Nous trouvons d'ailleurs que ce Prélat
étoit encore vivant en 1259 qu'il affifta
avec Robert de Courtenay Evêque d'Or
léans & Thibault Abbé de S. Benoît fur
Loire à la tranflation qui fe fit à Orléans
le 26 Octobre des Reliques de S. Agnan ,
(1) Cartul. Floriac,
18 MERCURE DE FRANCE.
d'une Châffe dans une autre , en préſence
du Roi S. Louis & des Princes Louis &
Philippe fes deux fils. Anno Domini M. CC.
LIX. feptimo kalend. Novembris... tranſla -
tum eft de theca in thecam corpus B. Aniani
gloriofiffimi Confefforis à Reverendis Presbiteris
Philippo Archiepifcop . Bituric. & Roberto
Epifcopo Aurelian . prafentibus & c. (1)
Ces deux dates ainfi pofées , je paſſe à
l'examen des Actes de l'Eglife d'Orléans
dont je veux me fervir en preuves.
Le premier eft une Charte de l'an 1234
par laquelle Philippe Evêque d'Orléans
donne au Chapitre de fon Eglife la dixme
de Gidy qu'il déclare avoir eue des Héritiers
de feu de bonne mémoire Philippe
Evêque fon prédéceffeur. Quam a legatariis
bone memorie Philippi quondam Aurel. Epifc.
de mandato ipfius habuimus. ( 2 ) paroles
qui ne peuvent convenir qu'à Philippe le
Berruier qui vivoit certainement pour lors ,
& qui le font fucceffeur d'un autre Evêque
du nom de Philippe.
Dans le fecond titre , encore plus décifif
que le premier , & qui eft de l'an 1250 ,
Guillaume de Buffy Evêque d'Orléans notifie
que cette même dixme de Gidy avoit
(1)Trefor de S. Agnan d'Orléans.
(2) Trefor de l'Eglife d'Orléans,
MAI 1746. IS
été acquife ' autrefois par feu de bonne mé
moire Philippe Evêque & que depuis la mort
de ce Prélat Philippe fon fucceffeur alors
Evêque d'Orléans , & actuellement Archevêque
de Bourges , l'avoit donnée à l'Eglife
d'Orléans. Decimam de Gidiaco quam idem
Johannes ... bone memorie Philippo quondam
Aurelian. Epifcopo titulo pignoris obligaverat
, & poft modo Philippus fucceffor ipfius
Epifcopus , nunc per Dei gratiam Archiepifcopus
Bituric. dictis Decano & Capitulo de
facto contulerat. ( 1 ).
Voilà Philippe le Berruier fucceffeur
d'un autre Philippe ; il ne s'agit plus que
de
montrer que ce dernier n'eft autre que
Philippe de Jouy. La chofe ne fera pas difficile
à faire , & le trefor de l'Abbaye
d'Hyeres dans le Diocèfe de Paris m'en
fournira les moyens
.
On y trouve des Lettres de l'an 1225 ,
intitulées de Philippe Evêque d'Orléans ,
mais d'un Philippe qui parlant de la dot
de fes trois foeurs , Agathe , Agnès & Alix
Religieufes dans ce Monaftére , déclare que
Guy de Jouy fon pere & le leur , avoit affigné
cette dot fur les revenus qu'il avoit
en un lieu appellé Montbaudier : Philip.
pus Aurellian. Epifcopus noveritis univerſi
(1) Ibid.
26 MERCURE DE FRANCE.
quod eum communis pater nofter Guido de
Joiaco miles tribus filiabus fuis monialibus ( 1 )
£5c.
Pour ce qui regarde à préfent le tems que
l'un & l'autre de ces deux Evêques ont fiégé ,
comme aucune de leurs lettres , du moins de
celles que j'ai vûes , & j'en ai vû beaucoup
n'eft datée des années de leur Epifcopat ,
il n'eft pas aifé de le déterminer. Je me
flate pourtant de l'avoir fait : on en va juger.
Manaffés de Signelay Evêque d'Orléans
mourut en 1221 ; on a encore de lui des
Lettres du mois de Juillet en cette année
concernant les dixmes de la Paroiffe de
Fontaines en Sologne . ( 2 ) Dès le mois de
Décembre fuivant il avoit pour fucceffeur
Philippe de Jouy qui prend la qualité d'Evêque
élû Epifcopus Aurelian. Electus
dans un titre de la Cour- Dieu faifant mention
du don fait à cette Abbaye par Dromon
de Champlon & Clemence fa femme de
tous leurs droits fur la dixme d'Eftouy. ( 3 )
On a vû par le titre de l'Abbaye d'Hyeres
que ce Prélat étoit Evêque en 1225 , ( 4) & il
paroît qu'il l'étoit encore en 1228 ; que
( 1 ) Trefor de l'Abbaye d'Hyeres.
(2 ) Trefor de l'Eglife d'Orléans .
(3 ) Trefor de la Cour - Dieu.
(4) Ibid.
1
MAI 1746.
21
Guillaume & Ferry de Jouy fes freres
confentent au mois de Juillet , & Mathilde
femme du premier au mois d'Août fuivant ,
la donation par lui faite à l'Eglife d'Orléans
de la Terre de Villiers- Martin , puifque
dans les Actes de ce confentement il eft parlé
de l'Evêque Philippe en des termes qui ne
peuvent guéres convenir qu'à une perfonne
actuellement vivante : Vénérable pere en
Dieu notre Seigneur & frere Philippe , par
grace de Dieu Evêque d'Orléans . Venerabilis
pater Dominus ac frater nofter Philippus
Dei gratia Aurelian. Epifcopus. ( 1 )
la
Ce Prélat ne vivoit plus au mois de Mai
1234 , fuivant des Lettres de Pierre Archidiacre
d'Eftampes dans l'Eglife de Sens , qui
publie le confentement que donne Giraud
de Poinville Seigneur de Fief pour cette
inéme Terre de Villiers Martin : Donationemfeodi
Villaris Martini à Venerabili virė
Philipo quondam Epifcopo Aurelian. bone
memorie factam. ( 2 ) Il faut donc placer fa
mort entre le mois d'Août 1228 & celui
de Mai 1234 ; mais comme c'eft à cette
derniere année qu'Alberic de Trois - Fontaines
l'a fixée dans fa Chronique , & que fon
témoignage , en qualité d'Auteur contem-
( 1 ) Tréfor de l'Eglife d'Orléans.
(2)Ibid.
22 MERCURE DE FRANCE.
porain , doit être de quelque autorité en
pareille occafion , il s'enfuit que Philippe de
Jouy eft mort dans les cinq premiers mois
de 1234 ; voici le paffage de la Chronique
d'Albéric : En cette année mourut Gautier
Evêque de Chartres & Hugues lui fuccéda. A
Orléans Philippe Evêque fut remplacé par un
autre Philippe moritur eciam Galterus Carnotenfis
, fuccedit Hugo . Aurelianis poft Epifcopum
Philippum fit Epifcopus alter Philippus.
Car c'eft ainſi qu'il faut fire & non comme
portent les exemplaires imprimés : moritur
eciam Galterus Carnotenfis , fuccedit Hugo
Aurelianenfis. Poft Epifcopum Philippum fit
Epifcopus alter Philippus , ( 1 ) où l'on voit
que le point qui naturellement doit être
après Hugo , a été mis après urelianenfis ,
qu'on a lu pour Aurelianis , puis qu'en lifant
de cette derniere façon on ne peut fçavoir
à quel Diocèſe les deux Philippes ont rapport
, & que cet Hugo Aurelianenfis, comme
il eft placé ne peut s'expliquer autrement
que par un Hugues Evêque d'Orléans qui
feroit paffé à l'Evêché de Chartres, ce qui eft
infoutenable & contredit formellement par
les dates des deux Philippes qui font fuivies
depuis 1221 jufques en 1236 inclufivement.
La mort de Philippe de Jouy fixée à l'an
(1) Edition de Leibnits p . 554 :
el
ΜΑΙ 1746.
23
1234 lui en donne 2 à 13 d'Epifcopat &
n'en laiffe que deux pour fon fucceffeur ,
puifque ce dernier quitta l'Evêché en 1236 ,
comme on l'a vû. Voilà par là les deux propofitions
que j'ai avancées entierement
éclaircies & prouvées d'une maniere qui me
paroît concluante. Il ne me refte qu'à répondre
à une objection qu'on me peut faire.
Depuis la tranflation de Philippe le Berruier
à l'Archevêché de Bourges , me dira-ton
, jufqu'à Guillaume de Buffy que les
Analistes de l'Eglife d'Orléans ne font fiéger
qu'en 1238 , il s'eft paffé deux années ? Čet
intervale fe trouve naturellement rempli
par Philippe de Jouy ; fi on l'en ôte comment
y fuppléer ? Admettra -t-on un troifié
me Evêque du nom de Philippe ?
Non , & la réponſe eft facile , puifque le
Siége Epifcopal d'Orléans vaqua pendant
tout ce tems- là. Ce n'eft point ici une fimple
conjecture , je le prouve par les Actes
fuivans. Le premier eft un vidimus de Lebert
Doyen d'Orléans du mois de Fevrier 1237 ,
étant au Cartulaire de S. Mefmin , le ſecond
des Lettres de l'Official de l'Archidiacre de
Baugency du mois de Septembre en la même
année , étant au Tréfor de l'Abbaye de
Baugency , donnés l'un & l'autre vacante
Sede Aurelian. Ainfi qu'un Acte del'Archidiacre
d'Orléans portant tranfaction
24 MERCURE DE FRANCE.
entre l'Abbé de S. Euverte & Geoffroy
Prêtre de Luyeres du Lundy après le Dimanche
Oculi mei de l'an 1238. (1 )
Quand je dis au refte que le Siége étoit
vacant dans ces deux années , je ne prétends
pas par là nier abfolument que Guillaume
de Buffy ne fut peut- être élû Evêque , mais
feulement qu'il n'étoit pas encore reconnu
pour Evêque , foit qu'il n'eût pas pris poffelion
de l'Evêché , foit qu'on le lui difputât.
Dans l'un & l'autre cas le vuide qu'on
m'objectera ne peut faire aucune impreſſion ,
& je trouve à le couvrir.
*******
LETTRE contre l'Amour.
Ous me demandez , ma chere amie ,
Vmonfentiment fur l'Amour ; quepour
rai -je vous dire fur cette paffion que d'autres
n'ayent pas dit avant moi ? Cette matiere ,
depuis le tems qu'on la traite , devroit bien
être épuifée , fi elle ne l'eft pas . Il eſt vrai
que jufqu'ici on n'en a point encore parlé
véridiquement , ainfi puifque vous le voulez
je vais le prendre fur un ton plus férieux ,
(1 ) Cartul. de S. Euverte d'Orléans.
pour
MAI 1746. 25
pour faire , non l'apologie de l'Amour ,
mais fon portrait au naturel.
>
L'Amour est une paffion que les Poëtes
& les Romanciers font la fource de toutes
les Vertus & moi j'en fais celle de tous les
vices ; en effet l'Amour énerve le courage ,
corrompt les moeurs , amollit les coeurs ,
brouille les amis , fait des mariages difproportionnés
; il nous rend rebelles à nos Parens,
prodigues & avares tout à la fois, jaloux,
foupçonneux &c. enfin lorfque nous nous
laiflons dompter par une paflion qu'on ne
doir regarder que comme un amuſement
inutile , tous nos fens nous déclarent la guerre
; nous nourriffons nos plus cruels ennemis
qui ne reſpectent ni fexe , ni âge , ni
condition .
Dieu nous donna la raifon en partage
pour nous diftinguer des animaux ; il me
femble que le meilleur ufage que nous en
puifions faire eft dé commander , & de
reprimer nos paſſions.
2..
Vous me direz peut être que fi l'Amour eft
une foibleffe c'eft la foibleffe des grands
coeurs , vous ajoûterez à cette maxime
d'Opéra, qu'on n'eft pas le maître de fon .
coeur , qu'il n'eft pas défendu d'en faire un
bon ufage , & qu'enfin l'Amour n'eſt pas
incompatible avec la Vertu . Défabulez- vous
decela , ma chere amie ; & les Amans font
B
26 MERCURE DE FRANCE.
vertueux , fincéres & difcrets , ce n'eſt par
malheur que dans les Romans. L'amour
s'abufe lui - même , il croit n'avoir que des
vûes légitimes , mais fouvent l'occafion
prouve le contraire.
Vous penfez, me direz vous , differemment
de tout le genre humain ; fans amour il n'y
auroit plus de fociété entre les deux fexes ;
plus de fentimens , plus d'émulation , plus
de fpectacles , plus de fêtes , & pour ainfi
dire , plus de mariages. Je répondrai à vos
objections que la fociété civile en feroit plus
charmante ; en effet , qu'est -ce que la compagnie
d'un homme amoureux ? Toujours
diftrait , toujours préoccupé , il porte partout
l'ennui , & abandonne tout le monde
pour s'entretenir de fes idées chimeriques ;
eh ! que deviendroit notre commerce ,
chere amie , fi vous aviez pareille foibleſſe ?
vous m'oublieriez au point de ne pas lire
cette Lettre , au lieu qu'une perfonne qui
conferve fa liberté eft defirée de tout le
monde. A l'égard des Spectacles je veux
bien qu'il y ait de la tendreffe , mais qu'il
n'en faffe pas le point principal ainfi qu'à
Opéra ; la Comédie Françoife conferve
là- deffus un jufte milieu, Sans Amour on
peut exciter dans nos coeurs differens mouvemens
; on peut en juger par la Mérope
de M. de Voltaire & par la mort de Céfar,
MAI 1746. 27
Il n'y auroit plus de fentimens , ditesvous
? quelle erreur ! L'eftime & l'amitié
ne font point fujettes aux échecs de l'Amour
, & par conféquent ont des liens plus
durables ; il eft vrai que les femmes connoiffent
peu cette Vertu ; elles ne font
point portées à aimer leurs femblables avec
tant de cordialité que les hommes aiment
les leurs. C'eſt une jaloufie de beauté caufée
par l'envie de donner de l'Amour qui les
éloigne de leur fexe.
Pour revenir au mariage , c'eft l'intérêt
ou l'Amour qui en font la plus grande partie
, je ne voudrois ni de l'un ni de l'autre ;
ces fortes d'unions ne font pas de longue
durée. L'Amour jure par la raifon que c'eft
la Beauté qui l'infpire , & qui en eft le foutien
; un Edifice foutenu par un fondement
fragile rifque beaucoup de tomber en
ruine ; l'Amour en s'envolant leve le bandeau
qui nous aveugloit ; l'on fe trouve des
défauts , on ne veut plus fe les paffer , &
alors le Mariage devient un joug affreux . Si
c'est l'intérêt qui vous guide , lorfque les richeffes
font diffipées , ce qui arrive bientôt
, on ſe ſoucie fort peu de celui ou de
celle de qui on les tenoit. Si l'on faifoit
réflexion que le Mariage eft un engagement
pour la vie , & qu'il n'y a pas de plus grand
fupplice que d'être obligé de fupporter une-
Bij
28 MECURE DE FRRANCE .
1
humeur contraire à la fienne, on ne s'attacheroit
uniquement qu'au caractére. Cultivez
celui de la perfonne que vous devez époufer;
faites vous en un ami ou amie ; quand
la figure s'y trouve , c'eſt un ornement de
plus , mais n'en faites pas le principal. Cependant
comme on n'obferve point tout ce
que je dis là- deffus , je conclus qu'il n'y a
point d'état plus fâcheux que celui du mariage
, furtout pour notre fexe , & de plus
heureux que celui de poffeder fa liberté. Je
n'entreprends point , ina chere amie , à vous
faire un détail des peines de l'hymen , n'ayant
pour le préfent à vous parler que de celles
de l'Amour. Je vous exhorte toujours à fuir
l'un & l'autre, & vous prie de me croire & c .
i ste the the the the she
INVECTIVE contre la Rine .
CEft donc en vain , fatale Rime ,
Qu'à te placer au bout d'un vers
Depuis plus d'un mois je m'efcrime ,
Je me mets la tête à l'envers ;
Je romps l'accord que cette année
J'avois paffé de me livrer à toi ;
Je maudis ton caprice & méconnois ta loi ,
Si tu me rends ma Verve fortunée .
Quoi !tume vois de tes fots fectateurs
MA- 1 146. 19
Vanter , cherir , embraffer l'indigenće
De mes tendres fecrets te faire confidence
Et tu me fais refus de tes moindres faveurs !
Ingrate , va , je renonce à te fuivre ;
J'abhorre de ton Art les féduifans attraits ;
De la Proſe en ces mots reconnois- tu les traits
Eh bien ! elle eſt ma Reine ; à fes foins je me
livre .
SUITE de l'Hiftoire Univerfelle de M. de
Voltaire Hiftoriographe de France & Lun
des Quarante de l'Académie Françoife.
CHAPITRE XXIV.
Conquête de l'Angleterre par Guillaume Duc
de Normandie.
T
Andis
que de fimples citoyens de
Normandie fondoient en Italie des
Royaumes , leurs Ducs en acquéroient un
plus beau fur lequel les Papes prétendirent
le même droit que fur Naples & Sicile.
Après la mort d'Alfreld le Grand arrivée
en 90g l'Angleterre retomba dans la confufion
& la barbarie. Les anciens Anglois , Saxons,
fes premiers vainqueurs , & les Danois
fes Ufurpateurs nouveaux s'en difputoient
toujours la poffeffion , & de nouveaux pi-
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
rates Danois venoient encore fouvent partager
les dépouiles . Ces Pirates continuoient
d'être fi terribles & les Anglois fi foibles, que
vers l'année mille on ne pût fe racheter d'eux
qu'en leur payant trente mille livres . On
impofa pourlever cette fomme une taxe qui
dura depuis affés long- tems en Angleterre ;
ce tribut humiliant fut appellé argent Danois
Danngeld.
Canut Roi de Dannemark qu'on a nommé
le Grand , & qui n'a fait que de grandes
cruautés, remit fous fa domination en 1017
le Dannemark & l'Angleterre. Les naturels
Anglois furent traités alors comme des efclaves.
Les Auteurs de ce tems.avouent que
quand un Anglois rencontroit un Danois ,
il falloit qu'il s'arrêtât jufqu'à ce que le Danois
eût paflé.
La race de Canut ayant manqué en
1041 , les Etats du Royaume reprenant
leur liberté , défererent la Couronne à
Edouard defcendant des anciens Anglo-
Saxons , qu'on appelle le S. & le Confeffeur
: une des grandes fautes , ou un des
grands malheurs de ce Roi fut de n'avoir
point d'enfans de fa femme Edite fille du
plus puiflant Seigneur du Royaume : il
haiffoit fa femme ainfi que fa
propre mere
pour des raifons d'Etat , & les éloigna même
l'une & l'autre On prétendit qu'il avoit fait
MAÌ 1946. 3I
vau de chafteté , vou très téméraire dans
un mari , & très -infenfé dans un Roi qui
avoit befoin d'héritiers : ce vou , s'il fut réel,
prépara de nouveaux fers à l'Angleterre.
Les moeurs & les ufages de ce tems - là ne
reffemblent en rien aux notres. Guillaume
VIII. Duc de Normandie qui conquit
l'Angleterre , loin d'avoir aucun droit fur ce
Royaume , n'en avoit pas même fur la
Normandie ; fon pere le Duc Robert qui
ne s'étoit jamais marié , l'avoit eu de la fille
d'un Pelletier de Falaife que l'hiftoire nomme
Harlot , terine qui fignifioit & fignifie
encore aujourd'hui en Anglois Concubine
ou femme publique , mais nous avons déjà
vû combien la Loi natureile l'emportoit
alors fur la Loi pofitive.
Ce bâtard reconnu du vivant de fon
pere.
pour héritier légitime , fe maintint par fon
habileté & par fa valeur contre tous ceux
qui lui difputoient fon Duché. Il régnoit
paifiblement en Normandie , & la Bretagne
lui.rendoit hommage , lorfqu'Edouard le
Confeffeur étant mort , il prétendit au
Royaume d'Angleterre.
Edouard le Confeffeur n'avoit pas joui du
Trône à titre d'héritage : Harald fucceffeur
d'Edouard n'étoit point de fa Race , mais
cet Herald avoit les fuffrages de la Nation ;
Guillaume le bâtard n'avoit pour lui , ni is
Bij
31 MERCURE DE FRANCE.
droit de l'Election , ni celui d'héritage , ni
même aucun parti en Angleterre. Il prétendit
que dans un voyage qu'il avoit fait
autrefois dans cette Ifle , le Roi Edouard
avoit fait en fa faveur un teftament que
perfonne ne vit jamais ; il difoit encore
qu'autrefois Harald délivré de prifon par lui
& enfuite retenu captif , lui avoit cédé fes
droits fur l'Angleterre, c'est - à - dire, que Herald
lui avoit cédé des droits qu'il ne pouvoit
avoir , & quand même il les eût eus ,
une ceffion ainfi extorquée n'étoit pas d'un
grand poids ; Guillaume appuya fes foibles
raifons d'une forte armée.
Les Barons de Normandie affemblés en.
forme d'Etats , refuferent de l'argent à leur
Duc pour cette expédition , parce que s'if
ne réuffiffoit pas , la Normandie en refteroit
appauvrie , & qu'un heureux fuccès la
rendroit Province d'Angleterre; mais plu
fieurs Normands hazarderent leur fortune
avec leur Duc ; un feul Seigneur nommé
Filts- Otfbern équipa quarante vaiffeaux à
fes dépens ; le Comte de Flandres beau - ´
pere du Duc Guillaume le fecourut de quelque
argent , le Pape même entra dans fes
intérêts ; il excommunia tous ceux qui s'oppoferoient
au deffein de Guillaume ; enfin il
partit de S. Valery avec une flotté nɔm .
breuſe ; on ne fçait combien il avoit de
MA I 1746. 35
Vaiffeaux ni de foldats . Il aborda fur les
côtes de Suffex , & bientôt après fe donna
dans cette Province la fameufe bataille de
Haftting qui décida feule du fort de l'Angleterre.
Les Anglois ayant le Roi Harald à
leur tête , & les Normands conduits par leur
Duc combattirent pendant douze heures ;
la Gendarmerie qui commençoit à faire
ailleurs la force des armées , ne paroît pas
avoir été employée dans cette bataille ; les
chefs y combattirent à pied ; Harald & deux
de fes freres y furent tués ; le vainqueur s'approcha
de Londres , faifant porter devant
lui une Banniere bénite que le Pape lui avoit
envoyée. Cette Banniere fut l'Etendard auquel
tous les Evêques fe rallierent en fa faveur
; ils vinrent aux portes avec le Magiftrat
de Londres lui offrir la Couronne qu'on
ne pouvoit refufer au vainqueur.
Guillaume feul gouvernoit , comme il
avoit fçû conquerir ; plufieurs révoltes étouf
fées , des irruptions des Danois rendues.
inutiles , des Loix rigoureufes durement
exécutées fignalerent for régne ; anciens
Bretons , Danois, Anglo-Saxons, tous furent
confondus dans la même fervitude ; les
Normands qui avoient part à fa victoire
partagerent par fes bienfaits, les Terres des
vaincus. De- là ces familles Normandes ,
dont les deſcendants , ou du moins les noms
Bv
34 MERCURE DE FRANCE.
•
fibfiftent encore en Angleterre ; il fit un
dénombrement exact de tous les biens des
fujets de quelque nature qu'ils fuffent ; on
prétend qu'il en profita pour fe faire en
Angleterre un revenu de quatre cent mille
livres sterlings , ce qui fait aujourd'hui environ
cinq millions fterlings , & plus de cent
millions Monnoye de France . Il eft évident
qu'en cela les Hiftoriens fe font beaucoup
trompés ; l'état de la Grande Bretagne d'au- .
jourd'hui qui comprend l'Angleterre , l'Ecoffe
& l'Irlande , n'a pas un fi gros revenu ,
fi vous en déduifez ce qu'on leve pour
payer les anciennes dettes du Gouvernement.
Ce qui eft fûr , c'est que Guillaume abolit
toutes les Loix du Pays pour y introduire
celles de Normandie : il ordonna qu'on
plaidât en Normand , & depuis tous les
Actes publics furent expédiés en cette Langue
jufqu'à Edouard III ; il voulut que la
Langue des vainqueurs fut la feule du Pays.
Des Ecoles de la Langue Normande furent
établies dans toutes les Villes & les Bourgades
; cette Langue étoit le François mélé d'un
peu de Danois , Idiome barbare qui n'avoit
aucun avantage fur celui qu'on parloit en
Angleterre. On prétend que non feulement
il traitoit la Nation vaincue avec dureté ,
mais qu'il affectoit encore des caprices tyMAÍ
1946. $$
ranniques on en donne pour exemple la
Loi du couvrefeu , par laquelle il falloit au
fon de la cloche éteindre le feu dans toutes
les maiſons à huit heures du foir , mais cette
Loi , bien loin d'étre tyrannique , n'eft qu'u
ne ancienne Police Eccléfiaftique établie
prefque dans tous les anciens Cloitres
du Nord. Les maifons étoient bâties de
bois , & la crainte du feu étoit un objet des
plus importants de la Police générale ?
fée
On lui reproche encore d'avoir détruit
tous les Villages qui fe trouvoient dans un
circuit de quinze lieues pour en faire une fo
rét , dans laquelle il pût goûter le plaifir
de la chaffe . Une telle action eft trop infenpour
être vraisemblable. Les Hiftoriens
ne font pas attention qu'il faut environ
vingt-cinq années pour qu'un nouveau plan
d'arbres devienne une forêt propre à la
chaffe ; on lui fait femer cette forêt en 1080 ;
il avoit alors foixante-trois ans ; quelle apparence
y a -t- il qu'un homme raifonnable
ait à cet âge détruit des Villages pour femer
quinze licues en bois dans l'efpérance d'y
chaffer un jour.
Ce Conquérant de l'Angleterre fut la ter
reur du Roi de France Philippe Premier
qui voulut abbaiffer trop tard un Vaffal fi
puiffant ; il fe jetta fur le Maine qui dépendoit
alors de la Normandie ; Guillaume re-
B
vi
36 MERCURE DE FRANCE.
paffa la Mer , reprit le Maine & contraigni
le Roi de France à demander la paix , ainſi
Guillaume quoique ayant un Souverain
fut le Prince le plus puiffant en Europe .
CHAPITRE X X V.
De l'état où étoit l'Europe aux dixiéme &
onzième fiecles.
A Ruffie , comme nous l'avons dit, avoit
Lembraffé le Chriftianifme à la fin du
dixiéme fiecle ; les femmes étoient deftinées
à convertir les Royaumes ; une foeur
des Empereurs Bafile & Conftantin , mariée
au pere du Czar Jaraflau , dont j'ai parlé, obtint
de fon mari qu'il fe feroit baptifer : les
Ruffes efclaves de leur maître l'imiterent ;
mais ils ne prirent dû Rit Grec que les fuperftitions
: Environ dans ce tems - là , une
femme attira encore la Pologne au Chriſ
tianiſme. Mifcelas Duc de Pologne fut converti
par fa femme foeur du Duc de Boheme.
J'ai déja remarqué que les Bulgares avoient
reçû la Foi de la même maniére. Giftelle
foeur de l'Empereur Henri fit encore Chrétien
fon mari Roi de Hongrie dans la premiére
année du onziéme fiécle . Ainfi i eft
MAI 1746. 37
vrai que la moitié de l'Europe doit aux femmes
fon Chriftianifme , mais cette Réligion
mal affermie étoit mêlée de Paganiſme.
La Suéde chés qui elle avoit été prêchée
au neuviéme fiécle étoit redevenue Idolâtre.
La Boheme & tout ce qui eft au bord de
l'Elbe renonça au Chriftianifine en 1013.
Toutes les côtes de la Mer Baltique vers
' Orient étoient Payennes . Les Hongrois en
1047 retournérent au Paganifme , & toutes
ces Nations étoient auffi loin d'être policées
que d'être Chrétiennes.
•
La Suéde depuis long - tems épuifée d'ha
bitans par ces anciennes émigrations dont
P'Europe fut inondée , paroît dans le huit
neuf , dix & onziéme fiécles , comme enfevelie
dans fa groffiereté ; fans guerre & fans
commerce avec les voifins , elle n'a part à
aucune grande affaire , & n'en fut probablement
que plus heureufe : les grands
événemens ne font fouvent que des malheurspublics.
La Pciogne beaucoup plus barbare que
Chrétienne , conferva jufqu'au treiziéme
fiécle les coutumes des anciens Sarmates de
tuer leur enfans qui naiffoient imparfaits &
fes vieillards invalides. Il fallut qu'à la fin
même du treiziéme fiécle Albert le Grand
fit une Miffion pour déraciner cet ufage
qu'onjuge par là du refte du Nord.
38 MERCURE DE FRANCE.
L'Empire de Conftantinople n'étoit ni
plus refferré ni plus agrandi que nous l'avons
vû au neuviéme fiécle. A l'Occident
il fe défendoit contre les Bulgares ; à l'Orient
& au Nord contre les Turcs & les
Arabes , Le Trône étoit fouvent enfanglanté ,
& peu de Princes du fang d'un Empereur
échappoient à la fureur d'un fucceffeur , qui
faifoit prefque toujours crever les yeux aux
parents de l'Empereur détrôné . Je me réferve
à voir quel étoit le fort de Conſtantinople
& quelles révolutions les Turcs
avoient caufées en Afie , lorfque les armées
des Croisés iront dans ces Etats .
On a vû en général ce qu'étoit l'Italie.
Des Seigneurs particuliers partageoient tout
le Pays depuis Rome jufqu'à la mer de la
Calabre , & les Normands en avoient la
plus grande partie . Florence , Milan , Pavie ,
Pife , fe gouvernoient par leurs Magiftrats ,
fous des Contes ou fous des Ducs nommés
par les Empereurs. Bologne étoit plus libre .
La Maifon de Morienne , dont defcendent
les Ducs de Savoye Rois de Sardaigne ,
commençoit à s'établir : elle poffedoit comme
fiefde l'Empire la Comté héreditaire de
Savoye & de Morienne , depuis que
Humbert
aux blanches mains , tige de cette Maifon
avoit eu en 888 ce petit démembrement
du Royaume de Bourgogne .
ΜΑΙ 1746. 39 .
Les Suiffes & les Grifons détachés auffi
de ce même Royaume qui dura fi peu ,
obéifloient aux Baillis que les Empereurs
nommoient .
Deux Villes maritimes d'Italie commençoient
à s'élever , non par des invaſions fubites,
telles que plufieurs que l'on a vues , majs
par une induftrie fage qui dégénera auffi -tôt
en efprit de conquête ; ces deux Villes
étoient Génes & Venife. Génes célébre du
tems des Romains , regardoit Charlemagne
comme fon reftaurateur ; cet Empereur l'avoit
rebatie quelque tems après que les
Goths l'avoient détruite : gouvernée par des
Comtes fous Charlemagne & fous fes premiers
defcendans , elle fut faccagée au dixiéme
fiécle par les Mahométans , & prefque
tous les citoyens furent emmenés en fervi ,
tude , mais comme c'étoit un Port commerçant
, elle fut bientôt repeuplée. Le Négoce
qui l'avoit fait fleurir fervit à la rétablir ;
elle devint alors une République : elle prit
rifle de Corfe fur les Arabes qui s'en étoient
emparés . C'est ici qu'il faut fe fouvenir
les Papes pretendoient avoir droit à la Corfe
que
par la donation de Louis le Debonnaire,
Ils exigerent un tribut des Gengis pour cette
Ifle : les Génois payerent ce tribut au
commencement de l'onzieme fiécle , mais
bientôt après ils s'en affranchirent fous le
40 MERCURE DE FRANCE
Pontificat de Lucius Second. Enfin leur
ambition croiffant avec leurs richeſſes , de
Marchands ils voulurent devenir Conquéfants.
La Ville de Venife bien moms ancienne
que Génes , affectoit le frivole honffeur
d'une plus ancienne liberté , & jouiffoit de la
gloire folide d'une puiffance bien fupérieure
; ce ne fut d'abord qu'une retraite de
Pêcheurs & de quelques fugitifs qui s'y refugierent
au commencement du cinquiéme
fiécle , quand les Huns ravageoient l'Italie :
il n'y avoit pour toute Ville que des cabanes
fur le Rialto. Le nom de Venile n'étoit
point encore connu : ce Rialto bien loin
d'être libre , fut pendant trente années un
fimple Bourg appartenant à la Ville de Padoue
qui le gouvernoit par des Confuls ; la
viciffitude des chofes humaines a mis depuis
Padoue fous le joug de Venife ; il n'y a au
cane preuve que fous les Rois Lombards
Venife ait eu une liberté reconnue; il eft plus
vraisemblable que fes habitans furent oubliés
dans leurs marais .
Le Rialto & les petites Ifles voisines ne
commencerent qu'en 709 à fe gouverner par
feurs Magiftrats.
Ils furent alors indépendants de Padoue ,
& fe regarderent comme une République ,
c'eft en 709 qu'ils eurent leur premier Doge,
MAI 1746. 4T
qui ne fut qu'un Tribun du peuple élû par.
des Bourgeois. Plufieurs familles qui donnerent
leurs voix à ce premier Doge , fubfiftent
encore ; elles font les plus anciens
Nobles de l'Europe .
Héraclée fut le premier fiége de cette
République jufqu'à la mort de fon troifiéme
Doge. Ce ne fut que vers la fin du neuviéme
fiécle que ces Infulaires retirés plus avant
dans leurs Lagunes , donnerent à cet affmblage
de petites Ifles qui formerent une
Ville , le nom de Venife , du nom de cette
côte qu'on appelloit Terra Venetorum ;
les habitans de ces marais ne pouvoient
fubfifter que par leur commerce : la néceflité
fut l'origine de leur puiflance.
Il n'eft pas affurément bien décidé
que
cette République fut alors abfolument indé--
pendante on voit que Beranger reconnu
quelque tems Empereur en Italie , accorda
l'an 950 au Doge de battre Monnoye ;
ces Doges mêmes croient obligés d'envoyer
aux Empereurs en redevance un manteau
de drap d'or tous les ans , & Othon III.
leur remit en 998 cette espéce de petit
tribut , mais ces légeres marques de Vaffalité
n'ôtoient rien à la véritable puiffance de
Venife, car tandis que les Venitiens payoient
un manteau d'etoffe d'or aux Empereurs , ils
acqueroient par leur argent & par leurs
42 MERCURE DE FRANCE.
armes toute la Province d'Iftrie , & prefque
toutes les côtes de Dalmatie , Spalatro
Raguze , Narenta . Leur Doge prenoit vers
le milieu du Dixiéme fiécle le titre de Duc
de Dalmatie ; mais ces conquêtes enrichiſfoient
moins Venife que le commerce
dans lequel elle furpaffoit encore les Gémois
, car tandis que les Barons d'Allemagne
& de France bâtiffoient des Donjons &
opprimoient les peuples , Venife attiroit leur
argent en leur fourniffant toutes les denrées
de l'Orient. Les mers étoient déja couvertes
de ſes vaiffeaux , & elle s'enrichiffoit de
l'ignorance & de la barbarie des Nations
Septentrionales de l'Europe .
Lafuite dans le premier Mercure .
MAI 1746. 43
LAGO NIE.
Quel
Uel funefte trouble m'agite !
Je deviens foible & chancelant ;
Quel est donc ce coup violent ?
Ma force tombe , & tout me quitte .
De mes jours le deftin vainqueur
A-t-il pour but de me pourſuivre ?
Faut-il enfin ceffer de vivre ,
Et fubir l'extrême rigueur ?
C'en eft fait ; Arrêt formidable ,
Tu viens pour exercer tes droits ,
Et contre d'éternelles Loix
En vain , te voudrois-je traitable ;
Le tems arrive ; il faut finir ;
Mon ame eft émue & tremblante ,.
Et par l'effroi qui la tourmente
Tu me condamnes à périr.
Momens comptés de ma carriere ,
Ombre paffante de mes jours ,
Ici fe borne votre cours ;
Dans peu je fuis cendre & pouffiére :
Cefoufle qui fçut m'animer ,
Ce corps qui fut formépour naître,
44 MERCURE DE FRANCE:
Ce tout , hélas ! va ceffer d'être ,
Et mon efprit va s'envoler .
Parois donc , terme de ma vie ,
Je fens trop de maux à la fois ,
Et puifque je n'ai plus de voix
Abrége ma trifte Agonie.
Dans cet inftant , Dieu Créateur
Soutiens ta foible créature ;
De tes mains elle eft l'oeuvre pure ;
Fais lui partager ton bonheur ..
EXTRAIT d'une Lettre de M. Lefage
Etudiant en Médecine à Paris , adreffee a
fon Pere à Genève du 6 Septembra 1745 .
Chier
Omme la lettre que je vous écrivis
hier étoit prefque entierement remplie
lorfque je reçus la vôtre , je ne pus répondre
qu'à quelques -uns des articles dont
vous me parliez , & je n'eus pas aflés de
place pour vous dire ce que je penfois du
Probleme propofé par l'Académie Royale
de Berlin .
Plus on étudie la Phyfique , plus on la
trouve difficile . Cependant fans avoir étudié
ce qui regarde les vents , je ne laiffe pas
d'ai
ΜΑΙ 1746. 45
percevoir beaucoup de difficulté à traiter
cette matiére
Il faut confidérer l'effet que produisent
fur notre Athmofphére chacune des caufes
qui peuvent en troubler la tranquillité fi
elle agiffoit toute feule . Il faut enfuite combiner
deux de ces caufes pour voir quel
effet en refulteroit. Enfuite en combiner
une troifiéme avec ces deux-là . Et ainfi de
fuite,jufqu'à ce qu'on vienne à voir l'effet de
la combinaiſon de toutes ces caufes à la fois,
,
Ces caufes font , 1 °, le mouvement journalier
de la terre. 2 ° . fon mouvement annuel.
3. la gravité décroiffant comme
les quarrés des diftances augmentent. 4º . la
chaleur du Soleil qui à toutes les heures
du jour agit fur differens méridiens , 5º . cette
chaleur entant que tous les jours de
l'année elle agit fur differentes latitudes
& plus efficacement fur les unes que fur
les autres , à caufe des differens dégrés d'obliquité.
6. la gravitation de l'Athmofphere
& de l'Ocean fur la Lune à laquel
le on attribue les marées ordinaires. 7 °,
la gravitation de l'Atmofphére & de l'O.
céan fur le Soleil , à laquelle on attribuę
les marées extraordinaires : enfin d'autres
cauſes aufquelles je n'ai peut- être pas penfé.
Vous devez avoir desthéfes de M. Maurica
fous M. Calandrin. De actione Solis & Luna
in aerem &
aquas.
46 MERCURE DE FRANCE.
Je crois que le nombre & la grandeur de
ces difficultés les convertira en une impoffibilité
Mathematique préfente , c'eſt-à-dire ,
que le Calcul conduira à des équations que
les Algébriftes d'apréfent ne fçavent pas réfoudre
. Mais ces difficultés ne font rien fi
on les compare avec les impoffibilités Phyfiques
que l'on trouvera dès qu'on ne voudra
pas pofer les principes du calcul avant que
d'avoir bien pofé ceux du problême , ce
qui eft un défaut prefque commun à tous
les Phyfico - Mathématiciens , & qui eſt la
caufe pour. laquelle beaucoup de gens
croyent qu'on ne doit pas appliquer les Mathématiques
à la Phyfique , voyant le mauvais
fucès de la plupart de ceux qui ont voulu
le faire. Voici quelques unes de ces impoffibilités
d'ignorance Phyfique .
1º. Il faudroit fçavoir files deux mouvemens
de la Terre tirent leur origine d'une
efpéce de projection du Créateur dont l'effet
dure encore , quoique la caufe n'agiffe plus
depuis long-tems ; ou fi ces deux mouvemens
font produits par une caufe qui agit
continuellement , mais qui eft trop foible
pour que fi elle ceffoit quelques momens ,
ces mouvemens fubfiftaffent encore quelque
tems. Ce premier genre de caufes , fe nomme
Forces vives , & le fecond fe nomme
Forces mortes ; car quoique l'effet de ces deux
MAI 1746. 47
genres de cauſes fut le même par rapport à
la Terre , il ne feroit pas le même par rappart
à fon athmofphére. Or adhuc fub judice
lis eft : & même il y a apparence qu'on ne
pourra jamais raifonner fur cette matiére
que par hypothéſes .
2º. Au cas même que l'on fut perfuadé à
bon titre que les caufes dont je parle fuffent
des forces vives , il faudroit fçavoir encore
fi le Créateur a imprimé à la fois ces deux
mouvemens , & à la Terre & à fon athmofphére
, ou s'il les a feulement imprimés à la
Terre qui les communique continuellement
à fon athmosphére .
3. Il faudroit fçavoir felon quelle loi décroit
la denfité de l'Air , felon quelle loi
chacune des caufes des vents agiffent differemment
fur les couches de differente denfité
; à quel degré de rarité l'Air eft autant
dilaté qu'il le peut être , & de quel degré de
rarité eft la couche fuprême de l'athmoſphére.
Ces queftions en renferment huit ou dix
autres prefque toutes impoffibles à réfoudre
: car fur ces mots , chacune des caufes des
vents font compris les differents degrés
délaſticité , d'obliquité du Soleil , de force
de fes rayons , après avoir traverſé certains
nombres de couches differemment denfes
& c .
4°. Il faudroit que la queftion fut décidée
48 MERCURE DE FRANCE.
file le globe Terraqueaeriën nage dans le
vuide ou dans un ether , qui réliftant à fes
deux mouvemens peut caufer
par frottement
des vents de deux efpéces dans l'athmofphére
: & fi cette queftion étoit décidée , il fau
droit encore fçavoir l'effet de ce frottement
de l'ether fur la couchefuprême de l'athmof
phere , & l'effet des mouvemens de cette
couche fuprême fur les autres couches,
5 °. Il faudroit de même fçavoir l'effet du
frottement de l'Océan fous la couche infine
de l'Air. La denfité de l'eau étant differente
de celle de l'ether , les furfaces par lefquelles
ces deux fluides agiffent à contre-fens
fur Pathmofphére étant de differentes grandeurs
, leurs éloignements du centre de mouvement
étans differens , leurs furfaces étant
differemment raboteufes , les couches fur
lefquelles ils agiffent étant de differente denfité,
& toutes ces differences s'exprimant par
des proportions qu'il eft impoffible de trouver
, ceci eft une nouvelle impoffibilité à réfoudre
le probleme .
J'entrevois encore mille difficultés fur les
fept caufes que j'ai affignées aux vents , mais
je me laffe de perdre mon tems à les ranger
fous differentes claffes.
C'eſt une maxime reçûe parmi les Mathé,
mariciens & les Phyficiens , que demontrer
l'impoffibilité de réfoudre un problême
c'eft
MAI 1746. 49
c'eft autant que de l'avoir réfolu , mais je
penfe qu'il y aura bien des fçavans qui appercevant
cette impoffibilité en feront le
fujet de leur difcours.
Tout ceci eft extrêmement raturé & mal
couché ; mais il me fuffit que vous voyiez à
peu-près ce que je penſe fur une matiére
qui paroît vous intéreſfer un peu , car ſi j'avois
voulu en faire un brouillard & la traiter
dans les formes , j'aurois perdu un tems que
je dois à la Médecine.
XXXXXX XXXXX
VERS adreffés à M. l'Evêque de Chartres
par M. Roy Chevalier de l'Ordre de S.
Michel , le premier Janvier 1746.
PAfteur d'innombrables troupeaux ,
Chaque année ouvre à ton zéle
Une carriere nouvelle
De mérites & de travaux .
Aux voeux du Laboureur fi la terre eft rebelle
Tes foins dans ta Patrie effacent ces fléaux ,
Heureux de t'appauvrir pout elle.
Toi feul à tes vertus dérobes leur éclat.
L'ennemi du falut fouffle - t- il quelque orage ?
Ton zéle s'arme , & l'abat
Avec le même courage
So MERCURE
DE FRANCE
,
Dont tes ayeux faifoient ufage
Sur les ennemis de l'Etat .
Des Pontifes choifis rare& digne modéle ,
Que le Ciel de ta vie étende les liens !
Un Trône t'est marqué parmi les citoyens
Dont les mains ont fondé la Sion éternelle.
Dégagé de tous biens tu foupires pour elle :
Dieu te fçait néceffaire aux befoins des Chrétiens ;
Qu'il differe ta récompenſe ,
Et qu'il donne la préférence
Atous nos defirs fur les tiens !
LETTRE de M... M *** . à un ami
de Province, aufujet de la nouvelle Fontaine
de la rue de Grenelle , an Fauxbourg S.
Germain des Prez.
Vous avez raifon de vous plaindre,
M. Je me fouviens parfaitement de l'engagement
que je pris avec vous lorſqu'on
commençoit à jetter les fondemens de la
magnifiqne Fontaine de la rue de Grenelle
au Fauxbourg S. Germain ; je vous promis
de vous entretenir de cet Edifice auffi - tôt
qu'il feroit achevé. Je vous avoue donc que
MAI 1746 .
SE
je fuis en faute. Il y a quatre à cinq mois que
j'aurois dû vous écrire , & que mes foibles
éloges devoient le mêler aux applaudiffemens
que tout Paris s'eft empreffé de donnerà
ce fuperbe Monument , mais fans chercher
à m'excufer , je vous dirai tout fimplement
que depuis ce tems - là , j'ai été tellement
occupé de la chofe même dont je devois
vous rendre compte , que je n'ai prefque
plus penfé à la parole que je vous avois don
née. Cela eft fort mal , & il ne faut pas moins
que toute votre indulgence pour me le pardonner
; j'ofe cependant vous affûrer que
vous n'y perdez rien ; plus j'ai examiné avec
une attention méditée toutes les parties qui
compofent ce bel affemblage d'Architecture
& de Sculpture , plus je crois être en état
de vous en fournir une defcription fidelle ;
je ferai du moins tous mes efforts pour entrer
, autant que vous pouvez l'attendre de
moi , dans l'efprit de l'homme excellent
qui a produit un fi rare chef d'oeuvre.
Vous étes déja inftruit que cette Fontaine
eft fituée dans la rue de Grenelle , affés près
de l'endroit où cette rue fe croiſe avec celle
du Bac. Comme vous n'ignorez pas qu'il ne
fe trouvoit aucune Fontaine publique dans
tout ce grand quartier aujourd hui ſi peuplé,
vous comprenez auffi combien il étoit
néceffaire qu'on y en bâtit une ; mais peut
:
Cij
32 MERCURE
DE FRANCE
,
etre que les raifons qui ont déterminé ſur le
choix de la place qu'elle occupe vous ſont
inconnues ; vous ne fçavez peut- être pas que
ci-devant c'étoit un terrain vague appartenant
aux Religieufes Recolectes , dont on
pouvoit faire aifément l'acquifition , au lieu
que partout ailleurs la même acquifition eût
fouffertde très - grandes difficultés : j'ai cru
devoir vous faire en paffant cette obferva
tjon qui fervira de réponſe à ceux qui criti
quent un peu trop févérement le choix
qu'on a fait de cet emplacement .
.ges
Les arrangemens pris pour l'établiſſement -
de cet important Edifice , M. Turgot dont
la Prévôté fera mémorable à jamais par le
nombre , la grandeur & l'utilité des ouvradont
il a embelli cette Capitale , & Mrs.
du Bureau de la Ville jetterent les yeux fur
M. Bouchardon Sculpteur Ordinaire du
Roi , dont la réputation étoit grande dans
toute l'Europe pour exécuter leur projet : il
fui firent faire des deffeins & un modéle qui
furent géneralement applaudis ; & l'on pofa
la premiere pierre de l'Edifice fur la fin de
Fannée 1739.
Depuis ce moment - là , je puis vous affùrer
que je n'ai plus perdu de vue ce beau Bâtiment
; j'ai été témoin des foins extrêmes
avec lefquels on en a fuivi la conftruction :
j'ai vû amener fur le taş la plus belle pierre
ΜΑΙ 1746. 53
de Conflans Ste Honorine , la même dont le
fameux François Manfard , fi curieux de
bien faire , s'eft autrefois fervi pour le Château
de Maifons ; j'ai vu cette pierre prendre
entre les mains d'un Appareilleur expérimenté
des formes fi exactes , un trait fi précis
, que miſe en oeuvre il n'eft prefque pas
poffible de difcerner les joints des differentes
affifes ; les paremens en font fi unis & fi
bien dreffés , que le tour ne paroît faire qu'une
feule maffe. Je ne crois pas que depuis la
belle façade du Louvre il fe foit fait un Bâtiment
avec autant de propreté que celui- ci.
Vous me direz , Monfieur , que dans ceci
vous ne reconnoiffez qu'un ouvrage purement
Méchanique & dont vous n'étes que
foiblement touché. Je vous connois : vous
n'étes véritablement affecté que des feules
opérations de l'efprit ; il faut vous montrer
l'homme de génie , vous offrir & vous faire
goûter les fruits heureuxde fon imagination ,
pénetrer dans le fecret de ſes penſées & vous
les développer : voila ce que vous demandez
& je vais tâcher de remplir vos vûes :
fije n'y réuffis pas , n'en accufez que mon infuffifance.
Pour vous donner une idée plus nette de
la Fontaine , dont j'entreprens de vous faire
la defcription , je dois commencer par vous
en tracer le plan , jentrerai enfuite dans un
Ciij
34 MERCURE DE FRANCE.
détail circonftancié de toutes les parties de
fa décoration & des divers morceaux de
Sculpture qui y font employés : tout le Bâtiment
régre fur un des côtés de la rue & y
occupe en longueur une efpace de quatorze
toiles & demie ; la rue n'eft pas extrêmement
large en cet endroit , & fi l'on eûtfuivi
l'allignement des maifons , non feulement
la Fontaine n'eût pas été d'un accès bien facile
, mais il eft encore certain qu'il n'y auroit
eû aucun jeu dans fa compofition . L'habile
Artifte qui a préfidé à cet Edifice, a donc
imaginé de fe retirer d'environ quinze pieds ,
& par cet expédient il a trouvé le moyen
de former au devant de la Fontaine une efpéce
de place qui contribue à en rendre le
fervice plus commode , & qui laiffe affés
d'efpace pour pouvoir fe reculer & embraſfer
d'un coup d'oeil toute l'ordonnance : l'afpect
en devient plus heureux , & les parties.
fe développent davantage.
·
Le corps du milieu qui eft ainfi renfoncé ,
fait avant corps ; il eft foutenu a droite
& à gauche par deux ailes qui , partant de
T'endroit où elles s'oniffent à cet avant- corps ,
& décrivant par leur plan des portions de
cercle , viennent reprendre l'allignement de
la rue dans les deux extrêmités qui terminent
l'Edifice . Imaginez- vous voir le frontispice
d'une magnifique fcéne de théatre
antique.
MAI 1746: すず
Ce que je viens de vous dire du renforcement
du corps du milieu , doit cependant
à la rigueur , fe reftraindre à la partie fupérieure
, je veux dire à celle qui régne audeffus
de la premiere plinte , car au rez - dechauffée
le plan de l'Edifice change de forme
: celui des aîles eſt toujours le même ,
mais l'avant - corps du milieu avance en
faillie prefque jufques fur la rue , & devient
un mallif, qui peut être proprement dit
le lieu de la Fontaine , puifque c'eft de là
que l'eau le diftribue par quatre grands mafcarons
de bronze , placés tant farle devant
que dans les retours ; ce maffifeft entierement
orné de refends qui ne font point interrompus
dans la principale face , laquelle prend
la forme d'une tour ronde , qui par une table
d'attente renfermant une Infcription ; &
le même maffif couronné par un focle de
glaçons en marbre blanc , fert de baſe à des
ftatues colloffales de même marbre qui
font le principal ornement de toute cette
riche compofition
.
Elles font élevées du pavé à la hauteur de
quinze pieds ; c'eft une diftance tout à fait
propre à en confidérer toutes les beautés de
détail. La principale de ces ftatues , celle à
laquelle on voit bien que les autres font fubordonnées
, eft celle qui repréfente la Ville
de Paris. Affife fur une proue de vaiffeau
Cij
36 MERCURE DE FRANCE.
qui lui fert de trône & qui eft priſe de ſes
armes, un fceptre à la main &la tête couren
née d'une Couronne de tours , elle regarde
avec complaifance le Fleuve de la Seine &
la riviere de la Marne , qui couchés à fes
pieds , paroiffent eux-mêmes fe féliciter du
bonheur qu'ils ont de procurer l'abondance
& de fervir d'ornement à la grande Ville
qu'ils baignent de leurs eaux . La Seine , en
tant que Fleuve , eft repréſentée fous la figure
d'un homme robufte qui tient un aviron
& qui a derriere lui un cigne fe jouant
parmi des rofeaux. La Marne eft figurée par
une femme qui a dans la main une écreviffe ,
& l'on remarque aupres d'elle deux canards
qui fortent encore d'entre des roſeaux .
Je ne veux pas vous arrêter plus longtems
fur ces admirables fculptures ; vous entendrez
avec plus de fatisfaction les jugemens
qu'en ont porté les perfonnes les plus
éclairées : elles ont été touchées de cette majefté
qui eft répandue dans toute la figure de
la Ville de Paris : fon attitude , & le jet de
fa draperie , leur ont rappellé cette fimplicité
noble & mâle de l'antique qui n'a jamais
éprouvé les caprices de la mode. La
figure du Fleuve leur a paru deffinée avec
ſcience & avec fermeté , tandis que celle de
la Nymphe a plu par fa foupleffe & le beau
coulant de fes contours : il a été dit queTune
MAI 1746. 57°
& l'autre confervoient fous la dureté du
marbre la délicateffe & la fenfibilité de la
chair .
Un frontispice formé par quatre colonnes
cannelées d'Ordre Ionique , & par autant
de pilaftres de même.Ordre , qui portent
un fronton , dans le tympan duquel font
les armes de France , fert de fond à cegrou
pe de figures , & met la Ville de Paris comme
à l'entrée d'un Temple qui lui eft dédié
; en même tems ce frontifpice fertà
loger dans l'enfoncement de fon entre - colonne
, une Infcription Latine en lettres
unciales de bronze , qui conçue dans le ftyle
Lapidaire , fixe l'époque du Monument
& fait élégamment l'éloge d'un Prince cheri
qui ne refpire que la paix , & n'eft occupé
que du bonheur de fes fujets . Je l'ai copiée ,
je vous l'envoye , & j'efpere que vous m'en
fçaurez d'autant plus de gré , que je puis y
joindre une Anecdote finguliere ; c'eft que
cette Infcription eft l'ouvrage de feu M. le
Cardinal de Fleury , & que ce grand hom
me dont la modeftie étoit aufli eminente
que la dignité , Fayant envoyé à M. de
Boze comme un fimple canevas dont il
le laiffoit abfolument le maître , celui- ci n'y
trouva pas un feul mot à changer.
CY
58 MERCURE DE FRANCE.
DUM LUDOVICUS XV.
POPULI AMOR ET PARENS OPTIMUS
PUBLICA TRANQUILLITATIS ASSERTOR
GALLICI IMPERII FINIBUS
INNOCUE PROPAGATIS
PACE GERMANOS RUSSOS QUE
INTER ET OTTOMANOS
FELICITER CONCILIATA
GLORIOSE SIMUL ET PACIFICE
REGNABAT
FONTEM HUNC CIVIUM UTILITATI
URBIS QUE ORNAMENTO
CONSECRARUNT.
PRÆFECTUS ET ADILES
ANNO DOMINI
MDCC XXXIX .
Ce qui fe peut rendre ainfi en notre Langue.
Sous le glorieux & pacifique régne
de LOUIS XV...
tandis que ce Prince ,
lepere defes peuples , & l'objet de leur amour ,
affüroit le repos de l'Europe ,
MAI 1746. 59
&
que fans effufion de fang.
il étendoit les limites de fon Empire .
queparfon beureuſe médiation
il procureit la paix
à l'Allemagne , àla Ruffie ,
& à la Porte Ottomane ;
les Prévot des Marchands & Echeving
confacrerent cette Fontaine
à l'utilité des Citoyens ,
à l'embelliffement de la Ville ,
-l'an de Grace MDCCXXXIX.
Les noms des Magiftrats aufquels le pu
blic eft redevable de ce fuperbe Edifice ne
fe trouvent pas dans cette Infcription ; mais
je vous ai déja fait remarquer qu'il y
avoit au - devant du maffif qui fert de bafe
au groupe de figures , donc vous venez
de lire la defcription , une autre Inf
cription . Celle- ci gravée en lettres d'or fur
un marbre noir en forme de table d'attente
au milieu de deux confoles , d'où pend un
fefton de fruits de marbre blanc , eft en François
, & c'eft dans cette Infcription qu'il
faut chercher les noms de ces Magiftrats : je
vais vous la tranfcrire ; vous y lirez auffi le
nom de M. Bouchardon Auteur de l'ouvrage.
La diftinction eft finguliére , mais
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
Vous conviendrez qu'elle eft bien placée.
1739.
Du regue de Louis XV.
De la cinquième Prévôté de Mre. Michel-
Etienne Turget , Chevalier Marquis de Sous-
Mons & c. de l'Echevinage de Louis - Henry
Veron, Ecuyer Confeiller du Roi & de la Ville ,
Edme - Louis Meny Ecuyer Avocat au Parlement
, Confeiller du Roi , Noraire , Louis
le Roi de Fereuil , Ecuyer Confeiller du Roi
Quartinier , Thomas Germain Ecuyer , Orphevre
du Roy , eftant Antoine Moriau Ecuyer
Procureur & vocat du Roi & de la Ville ,
J.B. Julien Taitebout , Greffier en chef, Jacques
Boucot Chevalier de l'Ordre du Roi , Receveur.
Cette Fontaine a été conftruite fur les deffeins
d'Edme Bouchardon , Sculpteur du Roi ,
né à Chaumont en Baffigny : les Statues , bas--
reliefs & ornemens ont été exécutéspar lui.
Je dois vous décrire à préfent les deux ailes
de Bâtiment qui accompagnent l'avantcorps
du milieu ; toutes deux font uniformes
, ainfi la defcription que je vous ferai de
F'une fervira pour l'autre. Depuis le fol jufqu'au
deflus de l'attique qui pofe fur l'entablement
, elles s'élevent à la hauteur de
MAT 1746.
6f
fept toifes , & en général la décoration eft
de même caractére & s'accorde très - bien
avec celle du milieu, Le même Ordre Ruftique
, c'est - à - dire , la même fuite de refends
, régne dans la partie inférieure juf
qu'à la premiére plinte, & n'eft interrompu
que par deux portes cocheres de fujettion
, l'une qui fert d'entrée au Monaſtere
des Religieufes Recolectes , l'autre qui conduit
au château d'eau ou réſervoir de la Fontaine,
Ne craignez point que ces deux portes
nuifent à la compoſition ;. un habile hom
me fçait profiter de tout , il tire avantage
des chofes mêmes qui paroiffent les plus
contraire à fes deffeins . La difpofition heuseule
de ces portes en fait ici un ornement
qui femble néceffaire & même indifpenfable.
Quoique la décoration des deux afles
prenne plus de richeffe dans la partie fupérieure
, il n'y régue point cependant
d'Ordre Ionique comme dans le corps du
milieu. M. Bouchardon a crû qu'il valoit
mieux lier toutes les parties qui entrent dans
cette décoration au moyen de fimples corps
avancés , ou fi l'on veut , de pilaftres dénués
de bazes & de chapiteaux ; ce qu'il a fait
fans doute , pour mettre plus de repos &
d'harmonie dans fon ordonnance
, & pour
l'étendre davantage; & en effet i ces pilaf
62 MERCURE DE FRANCE.
tres euffent été chargés d'un trop grand
nombre de petites moulures , les parties auroient
paru trop coupées & certainement if
en feroit réfulté trop de fécherefle. Ces pi
laftres font couronnés par un grand entablement
& ils enferment des niches , une quarrée
au-deffus de chaque porte , dans le fonds
de la quelle font repréſentées en bas relief
dans des cartouches les armes de la Ville de
Paris , & quatre autres niches ceintrées ,
deux de chaque côté où font placées des figures
de génies .
Vous avez vû , Monfieur , que les principales
figures qui ornent cette Fontaine
concouroient à faire un tableau de l'abondance
qui régne en tout tems dans cette
grande Ville ; & pour étendre la même idée
que pouvoit on imaginer de mieux , que
de repréſenter dans les figures qui devoient
occuper les niches , les génies des ſaiſons ?
C'eft ainfi que les anciens ont voulu exprimer
le bonheur dont ils jouiffoient fous des
Princes qui leur procuroient l'abondance ;
ils ont employé dans plufieurs de leurs Monumens
, & finguliérement fur les Médailles ,
le type des quatre faifons avec cette Infcription
Temporumfelicitas.
On ne s'eft point écarté ici de cette ingénieufe
allégorie ; on a repréſenté le Printems
fous la figure d'un jeune homme paré d'une
MAI 1746.
63
guirlande de fleurs & qui aide à un belier ,
le premier des Signes que le Soleil parcourt
dans cette faiſon , à le foutenir. Un autre jeu
ne homme qui regarde fixément le Soleil &
qui tient un fefton d'épis , exprime l'Eté :
on voit à fes pieds le cancer. Des balances
& des raifins entre les mains du troifiéme
génie défignent l'Automne , parce que c'eſt
le tems des vendanges & que l'équinoxe
d'Automne arrive préciſement au moment
que le Soleil entre au figne des Balances ;
par une raiſon toute femblable , la figure qui
repréſente l'Hyver eft accompagnée du Ca
pricorne: c'eft la feule qui foit couverte d'une
drapperie , fous laquelle elle femble fe vou
loir mettre à l'abri des rigueurs du froid.
Tous ces génies ont des aîles: ce font celles
du tems avec lesquelles fe fait la courſe rapide
des faifons , & qui les entraine dans le cercle
de leur révolution.
Les fymboles qui animent ces quatre fi
gures expliquent fuffifamment les fujets
qu'elles repréfentent , mais fuppofé qu'il pût
refter encore quelques doutes , ils fe diffipe
ront dès qu'on jettera les yeux fur les quatre
bas reliefs qui font placés dans des eſpa
ces quarrés longs au - deffous de chaque
niche ; dans chacun de ces bas reliefs on voit
des enfans qui s'occupent de ce qui peut faire
l'objet de leur amufement dans les diverfes
64 MERCURE DE FRANCE .
faifons. Les uns raffemblés dans un jardin ,
attachent aux arbres des guirlandes de fleurs
& fe couronnent de rofes , d'autres font la
moiffon , quelques uns jouent avec un jeune
bouc avide de manger des raiſins ; & les
derniers fous une tente & près du feu , cherchent
à fe garantir du froid de l'Hyver,
Si l'on a rendu juſtice à la variété & à la
naiveté des attitudes des génies , on a pas
donné moins de fouanges à la richeſſe des
compofitions de ces bas reliefs ; le travail en
a paru auffi recherché , & auffi fpirituel que
la matiére pouvoit le comporter car ces bas
reliefs , ainsi que les figures & toutes les autres
fculptures qui entrent dans la décoration
des deux aîles de la Fontaine , ne font qu'en
pierre de Tonnerre qui a le grain affés fin
& qui eft fort blanche, mais qui n'a pas a
beacoup près la fierté du marbre , feule matiere
digne d'occuper un excellent cizeau >
quel dommage qu'elle foit fi rare pour nous !
Ce que j'ai oui beaucoup prifer par les :
véritables connoiffeurs , & ce qui fait en effet
que l'oeil , en confidérant ce bel Edifice ,
jouit d'un agréable repos , c'eſt la jufteffe &
l'élégance des proportions ; c'eft le parfait
rapport de toutes les parties les unes avec les
autres ; c'eſt que tout y prend la forme piramidale
fi recommandée , fi bien mife en pra
ique par le fameux Michel - Ange, De quel
MA 1. 65 1746.
que côté
que vous vous tourriez , quelque
partie que vous embraffiez , la difpofition
de tous les objets vous deffine toujours une
piramide , & cependant cet artifice eft voilé
avec tant d'adreffe , qu'il faut en être averti
ou être plus qu'initié dans les Arts pour l'appercevoir.
-Permettez-moi d'ajouter encore une réflexion
que je n'ai pas fait feul ; je trouve que
la grande richeffe de cet Edifice vient de
fon extrême fimplicité , & fi je ne me trompe
, j'y vois éclater de toutes parts ce goût
de l'antique , de goût folide & fage que don
ne feule l'étude de la belle Nature, Peut-être
me laiffai-je emporter par trop de zéle .
J'ofe cependant former ce préfage , qu'en
tout tems , qu'en tous lieux cet excellent goût
prédominera , & que toutes les fois que des
idées trop compofées & trop éloignées du .
vrai voudront prendre le deffùs il les éclipféra.
Que quelques modernes , & même des
Sculpteurs de nom fe foient laiffés féduire par
un brillant quefemblent jetter dans la compofition
certains tours & certaines licences,
qui paroiffent sempruntés de la peinture , il
n'en eft pas moins vrai , quand on rappelle
les chofes à leur véritable fin , que ce ne foit
une erreur. La peinture & la fculpture font
deux foeurs qui ont le même objet d'imitation
, & qui marchent vers le même, but,
66 MERCURE DE FRANCE.
mais leurs allures font bien differentes. On
a blâmé avec raifon les Peintres qui ont
traité leurs tableaux dans le goût de la
Sculpture ; on leur a reproché la pefanteur
& de n'avoir pas mis affés d'air dans leurs
`ordonnances ; un Sculpteur qui fe propoſeroit
pour modéle le faire d'un Peintre , tomberoit-
il dans unmoindre défaut , & feroitil
plus excufable ?
Il ne me reste plus , Monfieur , qu'à vous
rendre compte de ce qui s'eft paffé à la ré–
ception de ce grand & bel ouvrage par la
Ville M. le Prevôt des Marchands , &
Meffieurs les Echevins ne fe font pas contentés
de témoigner à l'habile homme qu'ils
avoient employé , leur extrême fatisfaction :
ils ont cru devoir y. joindre une récompenfe
digne de la magnificence de la premiere
Ville du Royaume.
Avouez , Monfieur , que je ne pouvois
mieux finir ma Lettre. J'ofe préfumer que
vous avez préfentement oublié tout mon
tort , & que vous continuerez d'être perfuadé
de la fincerité des fentimens pleins
d'eftime avec lesquels j'ai toujours été ,
Monfieur , &c.
A Paris ce 1. Mars 1746,
M AJ 1746. ETIA
奶油胖胖鮮鮮鮮鮮鮮類
A Madame L. M. D E. R. V. F. Chef
J
d'Efcadre dans l'ordre de la Félicité.
E ne briguerai point le ftérile avantage
Dont vous dotez vos Chevaliers ,
Et l'ancre de vos Mariniers
Ne fera jamais mon partage.
316
Que me fert le figne trompeur
D'une félicité parfaite ,
Quand je fens au fond de mon coeur
Que mon ame eft peu fatisfaite. ?
諾
Vous avez prodigué ce titre faftueux
A mille Chevaliers d'élites ,
Mais entre tant de profélites
Combien avez- vous fait d'heureux ?
Par M. de la Soriniere .
MADRIGAL fur les grands yeax d'Uranie
par M. de la Soniniere. B R
Lorfque l'Amour fur le plus beau modéle
Coupa vos yeux, il avoit fondeffein ;
L'enfant difoit , car il eft bien malin ,
Faifons-les grands , fi grands que la pucelle
Puifle y loger l'Amour & tout fon train .
168 MERCURE DE FRANCE.
茶茶
EPIGRAMME fur un vieux Poëte.
D
Amon dont je refpecte l'âge
S'eft déclaré Poëte à quatre -vingt deux ans ;
Je le refpecterois encor bien davantage ,
S'il eut confervé fon bon fens.
MADRIGAL tiré de l'Italien Felice
chi vi mira.
53 90 9 .
H Eureux qui voit tes yeux !
Heureux qui les admire !
Mille fois plus heureux
Qui pour ces yeux ſoupire !
Mais pour faire un parfait bonheur
Il eft une autre chofe ,
C'eft de voir foupirer ton coeur
Et d'en être la caufe.
q olm mo..
sliss
O T
tiavs lixray o
52Se li A'I
ig i ..
MAI 1746. 69
********
EPITRE à M. l'Abbé H***
AUprès d'un petit lit , vrai Temple d'Hymé
née ,
Sur un trépied affisje coule majournée ,
Soit que le doux Zéphir ou le fombre Aquilon
Faffe rire ou pleurer l'équivoque horifon :
Là , m'inftruiſent ces morts dont plus de mille
années
Ont toujours refpecté les célébres trophées ,
Er dont je veux , ami , te faire leftement
En quelques bouts - rimés le court dénombrement,
Deffous l'habit rongé d'un vieux parchemin jaune
Se montre en belle humeur ce ribaut de Pétrone ;
Inventeur ( 1 ) rafiné de fales voluptés ,
Qui fait d'affreux portraits adorer les beautés
Qui fous le voile impur d'une fine Satyre
Fait frémir des excès du Tyran qu'il infpire.
Auprès de ce cynique ( 2) & ſéduifant vaurien
Paroît bien étoffé le mordant Lucien :
Plus fort que les Titans il brave le tonnerre ,
Se rit de Jupiter, nargue toute la terre,
(1)Tacit. 16 Annal
(2)Terent. Manr.
70 MERCURE DEFRANCE.
Plus loin en même rang s'offre l'aimable Auteur
Qui de trifles diferts réjouit fon lecteur ,
Qui par les traits touchants d'une tendre Elégie ,
Intereffe aux malheurs d'un être de génie :
Aux accents variés de fa flexible voix ,
Virgile unit les fons de champêtres haut - bois ,
Et du galant éclat de la métamorphofe
Seme les chaftes vers que fon Damon compoſe.
Deffous eux Juvenal , Cenſeur univerſel ,
Répand fur ces Ecrits à pleines mains le fel ;
Puis Perfe & Martial d'une cauftique plume
Font couler de leur fiel la diſcrette ( 1 ) amertume :
Tandis que dans Lucain le crime fçait calmer
Les troubles qu'en fon fein la paix (2) ofa former ,
Horace des doux fons de fa mignonne Lyre
Fait aimer les écarts d'un ſublime délire ;
Quint-Curce à fon Héros pour la postérité
Paye l'heureux tribut d'un encens mérité.
Pour punir les Auteurs des maux de leur Patrie ;
Tacite & Tite- Live éternifent leur vie.
Quintilien nous dit d'être ce qu'il n'eft pas . ( 3 )
Cicéron veut envain qu'on marche fur fes pas.
Térence au naturel les hommes fait paroître.
Séneque (4) nous dépeint tels que nous devons être
Aufone le galant , Plaute le naturel ,
(1 ) Pline lejeune.
(2 ) Le Triumvirat.
(3) Orateur,
(4) Meral,
MAI 1746.
བྷ་
Plutarque le moral , Pline ( 1 ) l'univerſel
Les doux amulemens de l'enjoué Tibulle ,
La rare amoenité du pétulant Catulle ;
Voilà tout l'agrément de mes jeunes deftins ; (2)
Jejoins au fel des Grecs les douceurs des Latins :
Au pied du Mont facré j'aime à voir que Pindare
Calme , trouble, ſe perde , adroitement s'égare .
Homére prend le foudre au ſein des immortels ,
Et des foibles humains en orne les Autels ;
Ifocrate au difcours donne lefte parure ,
Ille jonche de fleurs , il lè peigne & l'épure ,
Du Prince , Hérodian le Cenfeur rafiné
Diſcerne le Héros du Tyran effrené :
Pour eux donc , pour Florus , Tyrius , (3 ) Dé
mofthéne ,
A mon réduit , mọn cher , chaque jour je m'en
chaîne ;
Leurs talens variés , variant mes plaiſirs ,
Sans fâcheux , fans flateurs , fans odieux defirs
Du travail m'étant fait une douce habitude ,
Je trouve un Tivoli dans mon étroite étude,
(1) Natural,
( 2)Vingt ans,
(3) Maxim,
62 MERCURE DE FRANCE.
料
EXTRAIT D'UNE LETTTRE
écrite aux Auteurs du Mercure au sujet
de l'emploides 20000 livres.
Oici le plan que je propoferois à cet
homme zélé pour fon prochain ; je lui
confeillerois en premier lieu de ne faire aucune
fondation , outre qu'un Adminiftrateur
avide ou négligent ne remplit jamais en entier
les vûes du Fondateur, il eft encore trèsdangereux
que l'amour propre & une certaine
vanité ne guident la plupart de ces établiſſemens,
& ne faffent perdre ainfi une bonne
partie du fruit de ces bonnes oeuvres ; on
perpétue fon nom avec fes bienfaits , & fouvent
ne regarde- t- on les bienfaits que comme
le moyen efficace de tranſmettre fon
nom à la postérité. Les aumones publiques
font bonnes , mais les fecrettes font bien plus
excellentes , fi la main gauche doit ignorer
ce que fait la droite , combien plus ne doiton
pas craindre de faire du bien à la face
de toute une Province, de l'annoncer publiquement
, de le dépofer dans des Actes authentiques,
de prendre enfin une voye où les
témoins font néceffaires pour la validité de
l'aumône qu'on a deffein de donner ? Je voudrois
ΜΑΙ 1746. 73
•
drois donc que l'on fut foi- même le difpenfa
teur de fes charités & que l'on n'y confacrât
pas feulement le revenu de ces 20000 livres,
mais que l'on ébrechât même le capital ,
fi certaines circonftances l'exigeoient.
Je fçais une famille honteufe , que le fouvenir
d'une fortune paffée , rend encore plus
miférable , par l'impoffiblité où il la met de
gagner fa vie ; alors au lieu d'une aumône
modique j'en donnerois une abondante , je
ferois à ces perfonnes un petit établiſſement ,
je leur fournirois le chauffage , je payerois
leur loyer , j'emploiroi mes foins , mon
crédit , mon bien même pour procurer
quelqu'emploi honnête & lucratif qui pût
les foutenir.
Une fille d'honneur & de famille , douée
d'efprit & de beauté, n'a plus aucune reffource
pour vivre ; un pere diffipateur a confumé
le peu de bien qui auroit pu fuffire à
fon entretien , fon nom , fa naiffance l'empéchent
d'embraffer la condition bafle de
domeftique qui eft le feul parti qui lui refte ;
fur le bord du précipice fa frele vertu eſt
prête à fuccomber ; on lui a fait des proz
pofitions , des avances dangereuſes , elle a
eu de la peine a y réfifter ; ſa bouche a dit
non , peut-être fon foible coeur a-t - il en fecret
démenti ce langage ; une mere fur le
déclin de l'âge & vertueule le voit , le fçait ş
D
74 MERCURE DE FRANCE.
elle en gemit amerement ; fon amour pour
fa fille , l'horreur du crime qu'elle eft prête
à commettre lui ferment là bouche & lui
déchirent les entrailles ; elle eft prête à expirer
de douleur : je courrois vers cette
jeune perfonne , j'y courrois dès que j'en
ferois informé , j'y courrois le matin , le
foir , la nuit même , & après avoir pourvû à
fes befoins les plus preffans , ou je lui donnerois
une aumône pour lui faciliter l'entrée
dans un Monaftere , ou fi elle n'avoit aucune
inclination pour cet état , je lui louerois
une boutique je lui en avancerois le
fonds , je le lui donnerois même s'il étoit
néceffaire.
Une mauvaiſe récolte vient à faire hauffer
le prix du bled & de toutes les denrées
le mendiant , le pauvre laboureur font fans
fecours , ils ont une famille qui leur de
mande du pain , & ils n'ont pas de quoi
la fatisfaire , j'ouvrirois alors mes greniers ,
je vendrois du bled à ces miférables à un
très-vil prix , par là j'étoufferois leurs plaintes
& leurs murmures , fouvent , ou pour mieux
dire , toujours criminels , je previendrois ce
défelpoir auquel ils font prêts à s'abandonner.
Un artifan obéré qui a de la peine à fe
nourrir du travail de fes mains , eft prêt à
perdre le peu qu'il peut avoir ; des créanMAI
1746. 75
ciers avides le preffent , lui font faifir fes
biens , je le fçais , & fans examiner fi c'eſt
fa faute qui l'a rendu miférable ou non , je
les fatisfais , & ainfi j'évite à cet homme
l'ignominie de la prifon , j'empêche le cours
de ces intérêts que l'impoffibilité de payer
fait bientôt monter plus haut que le capital.
Je choifirois deux jeunes pauvres , je
prendrois foin de leur éducation , comme
s'ils étoient mes propres enfans , je les avancerois
, je les établirois , je ferois paffer en
fecret à ce Curé congruifte qui ne peut
vivre de fa Cure , tous les fecours dont il
auroit befoin , je chargerois rogatoirement
men héritier d'avoir la même attention;quels
tréfors de graces une pareille conduite n'attire-
t- elle pas fur la tête de celui qui la
pratique.
La charité eft ingénieufe ; elle trouve
mille moyens de fe fatisfaire ; les occafions
ne manquent jamais à un homme qui a un
véritable zéle , mais je voudrois toujours
qu'on fit pendant fa vie autant d'aumônes
qu'il feroit poflible , fans attendre après fa
mort : melius eft nunc tempeftivè providere
& aliquid boni prætermittere , quam fuper
aliorum auxilio poft mortemfperare. *
* Imitatio Chrifti Liv. 1 Ch. 23, Sect .
Dij
3 MERCURE DE FRANCE,
Veut-on abfolument des fondations ? je les
ferois de cette maniere ; j'emploirois la fomme
de zoooo livres à doter quelque Hôpital
confidérable , & connu par la vigilance
de ceux qui le gouvernent : & comme les
pauvres n'y manquent jamais de la nourrirare
terreftre , je fongerois à leur procurer
la fpirituelle ; jy fonderois deux places qui
leroient accordées à de pauvres Eccléfiaftiques
au choix & à la nomination de tous
les Adminiftrateurs ; ils y feroient entretenus
à la charge de diftribuer foir & matin
& plufieurs fois le jour la parole de l'Evangile
aux malades de cet Hôpital , de les
exhorter en particulier , de leur faire des
lectures chrétiennes, de les confoler dans leurs
afflictions , de prévenir leur defefpoir, de leur
repréſenter leurs fouffrances comme venant
de la main de Dieu , & de leur faire trouver
ainfi dans une occafion de péché une occafion
de graces & de falut : ah ! combien
de malades livrés à eux-mêmes & aux cruelles
douleurs d'une fiévre ardente , ou d'une ma
ladie de langueur , maudiffent en fecret la
divine Providence de la rigueur de leur fort !
ces Eccléfiaftiques fe fanctifieroient , ils fanctiheroient
les autres
Sil'Hôpital n'étoit pas bien confidérable ;
je; confeillerois de n'établir qu'une place
d'intruction , & de confacrer ainfi l'autre
MAÍ 1746.
moitié du revenu des 2000 livres à l'entretien
d'une perfonne de famille , mais à qui
la pauvreté , même fans maladie , ôtercit
toute efpéce de fecours ; je voudrois que
cette perfonne fut au choix de tous les Adminiftrateurs
, & qu'on ne la reçut qu'après
des atteftations de fon Curé & de quelque
perfonne conftituée en charge ; mais qu'il feroit
encore à craindre que des motifs de faveur,
ou de récompenfe ne fiffent ôter le pain
aux enfans pour le donner aux petits chiens,
& que cette place ne fut fujette à la brigue.
Voilà , M. les réflexions qui me font
venues en lifant la queftion propofée & la
lettre de M. le Curé de S ...... que vous
avez inférée dans votre Mercure;fi vous jugez
que la mienne y mérite une place, vous me
ferez plaifir de l'y mettre , peut- être engagera-
t-elle des perfonnes plus éclairées à
nous faire part de leurs lumieres.
Je fuis &c.
Ce 24 Mars 1746.
Diij
78 MERCURE DE FRANCE ,
*****
LE RAT ET LA PIE./
O
FABI.E.
N raconte que Dame Pie
Se moquoit d'un Rat fon voifin :
Que fais - tu dans la vie ,
Difoit cette harpie ?
Eh! Bon Dieu ! tu n'es proprè à rien .
Te fends les airs d'une courfe rapide ,
Je vas , je viens , je voyage partout ;
Pour toi pauvre animal timide ,
A peine fors - tu de ton trou.
Elle joignit à ces mots l'infolence ,
Et donna plufieurs coups au Rat ,
Qui jura
Tôt ou tard d'en tirer vengeance.
A quelque tems de-là ; c'étoit huit jours après ;
Comme il traverſoit les forêts ,
S'étant fourvoyé par mégarde .
Il vit la dame babillarde
Prife dans des lacets.
Elle fut bien ravie
Qu'il vint pour lui donner fecours ,
Et le pria de lui fauver la vie ,
Mais il fut fourd à ſes diſcours :
ט א
MAI 1746. 79
C'eft le Ciel qui te châtie ;
Tu te moquois de moi , lui dit- il , l'autre jour ,
Mais aujourd'hui c'est mon tour.
Ah ! tire moi d'ici , voifin , je t'en conjure ;
Rien ne pourra jamais alterer l'amitié ,
Que dans ce moment je te jure ;
Que mes malheurs excitent ta pitié :
Elle eût beau faire ; elle eût beau dire ;
Le Rat n'en fit que rire .
Romps , lui dit-il , toi même ton lien
Car pour moi , tu le fçais , je ne fuis propre à rien :
Et là-deffus notre Rat fe retire.
Il faut entretenir tout le monde avec foin
Et ne fe moquer de perfonne :
Quand le bonheur nous abandonne ,
Sçait-on de qui l'on peut avoir befoin ?
Par M..... de Châlons fur Marne,
Dij
80 MERCURE DE FRANCE.
LE THON ET LE DAUPHIN,
FABLE.
UN Thon que pourfuivoit dans la mér un
Dauphin ,
Fut jetté par une tempête
Avec lui fur un roc voiſin ;
Auffi tôt retournant la tête "
Et voyant périr le marin ,
Ah! je ne me plains plus , dit-il , de mon deſtin
Et le fort que la mort m'apprête
Ne peut me caufer de chagrin ,
Puifqu'il eft auffi de la fête..
Ce fouhait de nos jours hélas ! eft trop comn un:
Petits & grands , non il n'en eft pas un
Qui ne fouffre fes maux avec plus de courage
Quand fon rival avec lui les partage .
Par le même.
1
MAI 1746.
******
M
Maximes & Amour en Acrostiche.
Ontrez à votre amant un coeur moins inflexible
;
> fon amour naiffant devenez plus fenfible ;
eprimez ſon ardeur , fans rebuter ſes voeux :
mitez la Colombe , en brulant de fes feux
viter un Berger , c'eft montrer ſa défaité
<
O'eft devant fon vainqueur battre honnête retraite
Horace dans fes vers a chanté ces leçons.
•
tle Gentil Bernard les: a mis en chanfons.)
◄ivre fans paffion , c'eft languir de trifteffe
> imez donc , Chevalier , & foyez ma Maitreſſë ;
e coeurque je vous offre eft fidéle & conftant
1vous et preſenté par le plus tendre amant ;
cartés pour jamais tout principe fevere ;
econnoiffez le Dieu qu'on adore à Cithére.
DE LA LAURE.
82 MERCURE DE FRANCE ,
REFLEXIONS
Sur les âges de l'homme , à M. Calandrini
Profeffeur en Philofophie à Geneve.
Q
U devient de nos prés la riante verdure ?
· Et des fleurs la riche parure ,
Philoméle de fes concerts
Ne rejouit plus la Nature ;
Ces paisibles ruiffeaux dont l'onde vive & pure
Serpentoit fur des tapis verds ,
Et qui de cent objets diversa
Nous offroient l'aimable peinture
Aujourd'hui d'une écorce dure
Sont envelopes & couverts.
Le feul Aquilon dans les airgoans .
Fait entendre un affreux murmure ›
Et change nos champs en déferts ,
Ah ! que cette fidelle image
Nous repréſente bien le cours
Des heureux & des triftes jours
Dont notre vie eſt l'aſſemblage.
L'homme dans le printemps de l'âgé
Ne refpire que badinage ;
Les jeux , les ris & les amours
ΜΑΙ 1746. 83
Semblent venir lui rendre hommage,
Et femer de fleurs fon paffage ;
Si ce temps fortuné pouvoit durer toujours ,
Qu'il feroit doux d'en faire ufage !
On voit la jeuneffe volage ,
Aller de défirs en défirs ,
Et pour commencer d'être fage ,
Attendre la fin des plaiſirs ;
Tel le Papillon infidéle
Court & vôle de fleurs en fleurs :
Celle dont- il reçoit les plus tendres faveurs
Lui paroît toujours la plus belle
Et chaque Aurore renouvelle ,
Son inconftance & fes ardeurs .
Mais lorsque de l'Eté les brulantes chaleurs
Echauffent nos efprits & le fang de nos veines ,
L'homme , féduit par des lueurs ,
N'embraffe que des ombres vaines
Sous le fantôme des grandeurs
Et fuivant au hazard des routes incertaines ,
Il eft le jouet de l'erreur ,
Et ne rencontre que des peines
Lorsqu'il croit trouver le bonheur.
D'un voile ténébreux mafquant fon injuftice ;
D'honneur il paroît revêtu ,
Et des couleurs de la vertu
Sa main ofe parer le vice .
De fes vaftes projets la folle vanité
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
Lui creufe raffreux precipice
Qui fait la honte & le. fupplice
D'un téméraire orgueil & de l'iniquité.
Dans un âge plus mûr l'homme craint l'indi
gence ;
Méprifant les tréfors qui font en fa puiffance
Pour les biens qu'il n'a pas fon coeur eft agité ,
Es de la foif de l'or fans cefſe tourmenté
Même au milieu de l'abondance
Il éprouve la pauvreté.
L'or n'eft que trop fouvent l'inftrument de nos
crimes ;
Par des moyens illégitimes
Onfçait de fes projets couvrir l'iniquité
* Tel un Roi cruel & perfide ,
Séduifant le Romain de fes tréfors avide ,
De tous fes attentats obtint l'impunité.
Ainfi par fa propre foibleffe
L'homme facilement féduit ,
Fuit la verité qui le bleffe ;
Et des douceurs de la fageffe
Il ne recueille l'heureux fruit
Que lorfque la froide vieilleffe
* Jugurtha Roi de Numidie , après avoir tué fes
freres s'être emparé de leurs Couronnes Le procura
affes long-tems l'impunité de fes crimes en corrompant
es Généraux Romains qui étoient envoyés pour le
punit.
ΜΑΙ 1746.
Annonce la fatale nuit ,
Qui nous couvrant d'une ombre épaiſſe
Eclipfe le jour qui nous luit.
Notre plaifir , notre triſteſſe ,
Dans la nuit du tems confondus
Loin de nous écoulent fans ceffe ,
Et bientôt ils ne feront plus.
Tel un torrent dans les collines
Ne refpecte pas plus les fleurs
Que les ronces & les épines
Et laiffe par tout des ruines
Triftes effets de fes fureurs.
L'Homme pour fixer fes années
Par un cours rapide entrainées
Feroit d'inutile efforts ;
"
i
Le temps détruit tous les refforts
De notre fragile machine ,
Et rompant les heureux accords
Qui joignent & l'ame & le corps ,
A pas certains nous achemine
Dans le fombre féjour des morts ,
Et nous rend à notre origine,
"
Enfin fatigués de courir
I
I
Après de faux plaiſirs dont notre ame étoit yvres
Nous voulons commencer à vivre ,
Lorfqu'il faut penfer à mourir ;
L'efprit détrompé des chimeres
Que le temps fait évanouir ,
3
MERCURE DE FRANCE.
•
Ne fe laiffe plus éblouir
Par des grandeurs imaginaires
Ou par des beautés paffageres ,
Dont il fe flatoit de jouir.
Il voit que ces plaifirs ont des aîles legéres ;
Heureux , fi les Beaux Arts ; & les vertus fincéres
Etoient feuls l'objet de fes foins !
Mais hélas ! il n'en est pas moins
Efclave des erreurs groffiétes ,
Et fujet à de faux befoins.
L'Homme marche à sâtons au bord des précipices
;
Il ne fait que changer de vices.
Tantôt la fiere antbition
Lui prépare mille fupplices ;
Tantôt quelqu'autre paffion
L'entraîne par fes artifices :
Prefque toujours l'opinion
Le meut au gré de fes caprices ;
De préjugés trompeurs l'homme eft environné
,
M eft fur chaque objet incertain , étonné ;
A peine une foible lumiere
Des malheureux mortels éclaire la carriere.
Cependant notre orgueil fe,flate de fçavoir
Quelle eft des élémens la forme & la matiére T
Et s'élevant du fein de la pouffiere ,
L'efprit humain veut concevoir
MA I. 1746. 87
La fabrique des Cieux & de la Terre entiere :
Il veut tout connoître & tout voir
Et nous ignorons la maniere
Dont notre corps peut le mouvoir.
Apprenons que notre devoir
Eft de refpecter les limites
Que le Ciel lui-même a prefcrites
Et qui du Créateur nous prouvent le pouvoir.
Oui , dans fon arrogance extrême
L'homme décide en arbitre fuprême
Sur l'ordre & les refforts divers
Qui compofent le beau fyftême
De ce magnifique Univers , ov
Et dans fes dangereux travers ,
Il rapporte tour à lui - même.
Ah ! plûtôt foumis , fatisfaits
Faifons un ufage modefte
Des divers talens , des bienfaits
Que repand la bonté célefte ,
Et dont nous fentons les effets.
Toi , dont le goût exquis égale la ſcience ,
Daigne pardonner mes écarts ;
Tu connois de nos vers les régles , la licence ;
Calandrin , ton intelligence
Perce audelà de tes regards. ,
De la fine Géometrie
Tu pénétre les profondeurs ,
Et peintre ingenieux des moeurs
88 MERCURE DE FRANCE.
Tu fçais de l'humaine folie
Découvrir toutes les erreurs .
De nos divers devoirs tu montres l'harmonie
Et de plus aimables couleurs ,
Tu nous peins toutes les douceurs
Dont la vertu feroit fuivi
Si l'ordre regnoit dans nos cours.
Puiffions nous deformais en gouter tous les charmes
,
Puiffions nous conftamment en refpecter les droits
Et loin du bruit affreux des armes ,
L'efprit tranquile & fans alarmes ,
Cultiver les Beaux Arts à l'ombre de nos loix.
D
1
A Geneve ce 2 Octobre 1745 , J. B. Tellot.
SUR LAMITIE
.
晨
à M. D **
OUR peindre l'Amitié ? fçais- tu ce qu'il faut
POUR
faire
Il faut avoir l'original
Car fans lui tu la peindrois mal ,
Et tu ne tracerois ; D ** qu'une chimère ;
Mais pour t'épargner la longueur
9
MA I. 1746.
89
D'une recherche difficile ,
Je vais t'enſeigner ſon azile ;
Tu le trouveras dans mon coeur.
Par le même . I
EPİTRE à M. le Docteur B
A Mis , de tes confeils je connois l'équité ;
Charmé des plaiſirs légitimes ,
Tu fçais par de fages maximes
Conduire à la félicité.
Jqüet d'un fort cruel , le défir & la crainte
Troubloient le repos de mes jours ;
Accablé fous le poids d'une dure contrainte
Je cherchois envain du fecours ;
De mille foins cuifans mon ame étoit atteinte
Et de mes noirs chagrins rien n'arrêtoit le cours .
Je te connus alors : une aimable indolence ,
Compagne de la paix , te fuivoit en tous lieux.
Sur ton front brilloit l'innocence¹ ,
Telle qu'on la dépeint chés nos premiers ayeux
Lorfque contens des biens laiffés en leur puil
fance
Ils converfoient avec les Dieux.
I
Jo MERCURE DE FRANCE.
Tes difcours , tes confeils fçurent tarir mes larmes
Des foucis dévorans tu me montras l'erreur ,
Et rallumant l'efpoir prefque éteintdans mon coeur,
Tu diffipas ces frivoles allarmes ;
Et dès-lors de la paix connoiffant tous les charmes
J'en fis tout mon bonheur.
Déformais de mon fort je ferai feul le maître ,
Et felon mes befoins étendant mes défirs ,
Dans un lieu riant & champêtre ,
Au gré de mes ſouhaits , je ſçaurai faire naître
De vrais & d'innocens plaifirs.
C'est là que mon efprit tranquile
Loin du bruit des Cités a fait choix d'un azile ;
Fuiant des paffions le joug imperieux
C'eft- là qu'une lecture utile ,
La culture des fleurs rendront mon domicile
Digne de devenir la demeure des Dieux .
Le monde offre à nos yeux une belle peinture ;
Les objets ont un fard qui couvre leurs défauts
Partiſan des beautés de la fimple Nature ,
J'aime encor mieux les bois , les prés & les ruif
feaux
,
Que ces lieux trop peuplés ou l'art & l'impof
ture
Sous des biens apparens nous cachent de vrais
maux,
MA I. 1746. 9.1
A l'ombre d'un zilleul , au bord d'une fontaine ,
Je ris des vains amuſemens
De ces foibles mortels que l'on voit fur la fcéne
Etaler tous les fentimens
Qu'excitent tour à tour & l'amour & la haine ,
Des coeurs paffionnés honteux égarements.
De ces heureux valons fuit l'aveugle avarice ;
L'orgueil eft ici détesté ;
Du fouffle empoisonné du vice
Cet hameau n'eft point infecté ;
Fidéle aux loix de la fimple équité
L'habitant vit fans artifice
"
Au milieu d'une douce & fage égalité,
Jamais l'ambition , la cruelle injuftice
N'ont fouillé de fes moeurs l'aimable pureté.
Mille petits oifeaux animant leur ramage ,
De leurs tendres chanſons font retentir les airs ;
Zéphir leur répondant au travers du feuillage ,
Mêle fon fouffle à leurs concerts.
Tout préfente en ces lieux une riante image.
Que j'aime à voir de ces ruiffeaux .
Couler les ondes fugitives ,
Et les fleurs qui font fur leurs rives ,
Se multiplier dans les eaux !
Ici quand la naiffante Aurore
Invite le foleil à repandre fon cours,
92 MERCURE DE FRANCE
J'efpere que le jour qui commence d'éclore
Sera le plus beau de mes jours.
Ah ! des douceurs de l'efperance
Si l'homme connoiffoit le prix
Il n'auroit plus que du méprisa
Pour cette courte & foible jouiflance
Des biens dont fon coeur eft épris .
Toi dont l'ame pure , éclairée ,
Aux préjugés trompeurs ne s'eft jamais livrée
Toi dont j'admire la candeur ,
Cher ami viens dans ce bocage ,
▲ la pure vertu rendre un fincére hommage ,
Ici , la vérité triomphe de l'erreur .
C'eft dans ce lieu que l'homme fage .
Jouit d'un folide bonheur,
A Gentoux près de Genéve ce 1 Octobre 1745 .
*58**
DECLARATION
d'un amant à fa maitreffe. !
Our vous ma tendreffe eft extrême ;
Pour
Si vous y repondiez de même ,
Si touché de ma vive ardeur ,
MAI 1745. 93
Vorre coeur confeffoit qu'il m'aime ,
Que ne feroit pas mon bonheur !
Mais d'un aveu fi témeraire
Ne vous allez pas allarmer ;
Mon amour est rendre & fincére ;
Ainfi que vos yeux fçavent plaire ,
Mon coeur , belle Iris , fçait aimer.
Par le même.
**
ÇÈ PETIT OUVRAGE futfait après
la maladie du Roi , & à fon retour de
l'armée.
N jeune Prince qui fait les délices
U
d'une Nation puiflante , & qui eft le
fils d'un des plus grands Rois de la Terre ,
s'entretenoit il y a quelque tems fur differentes
matiéres avec deux ou trois Seigneurs
de la Cour .
L'un deux en parlant de l'Empereur Augufte
rapporta de lui une action généreuſe ,
qui , comme il arrive affés ſouvent en pareil
cas , fut comparée à des actions à peu - prèsdu
même genre , & qui infenfiblement fit
naître une queftion bien intéreſſante .
Il s'agifloit de fçavoir en quoi confiftoit
la véritable grandeur d'un Prince , & le que!
94
MERCURE DE FRANCE.
de tous les Rois que nous vante l'Hiſtoire ,
étoit celui dont la mémoire méritoit le plus
de reſpect & de vénération : Chacun penfe
à la maniere , & il paroiffoit que les fentimens
alloient être affès partagés là- deffus,
lorfqu'on vit entrer un autre Seigneur qui
tenoit des papiers à fa main : je viens , ditil
au Prince , de rencontrer un inconnu qui
m'a prié avec inftance de vous préſenter ce
Manufcrit , & qui s'eft retiré enfuite fans
merien dire davantage. Je n'ai pas crû devoir
vous le donner fans fçavoir à peu près dequoi
il s'agiffoit ; j'en ai lû les premieres
feuilles qui m'ont aflés amuſé , & je vous l'apporte
; il n'eft pas long , Prince , & fi vous
fouhaitez d'en entendre la lecture , je vais
vous la faire moi - même : le Prince y con-.
fentit ; on ne fongea plus à la queftion qu'on
avoit voulu d'abord agiter ; on lut , & voici
mot pour mot ce qui étoit contenu dans le
Manufcrit dont j'ai une copie & que l'Auteur
lui - même m'a permis de donner au
public.
» Le fils d'Uliffe n'eft pas le feul Prince
» avec qui Minerve , la Déeffe de la Sageſſe,
ait bien voulu voyager pour l'inftruire : on .
»fçait par d'anciennes relations qu'elle a
pris autrefois le même foin du fils d'un Roi
≫ des Gaules.
*
Ce fut fous la figure de Mentor qu'elle
MAI 1746. 95
30
33
36
accompagna Télémaque ; ce fut fous)
» celle du fage Hermas qu'elle fuivit Fran-
» cus- ( c'eſt le nom du jeune Prince dont
» nous parlons , qui n'étoit point encore forti
du lieu de fa naiffance , & que fon pere
"envoyoit à la Cour d'un Roi fort âgé , qui
» en qualité de parent demandoit à le con-
» noitre , qui n'ayant point d'enfans lui def
» tinoit fa fucceffion , & qui vouloit le mon-
» trer à fes peuples avant que de mourir. )
» Francus partit donc avec le fage Her-
" mas qui fut chargé de le conduire . Ce
» Prince avoit naturellement beaucoup
» d'efprit & les inclinations les plus nobles ;
il n'y avoit rien de grand & de vertueux
qu'on ne dût attendre de lui , pourvû qu'il
ne fe méprit point dans le choix des Ver-
» tus ; car il y en a de fauffes qui ne font que
des vices impofans & fuperbes ; en un mot
l'orgueil a les fiennes , & c'eft précisément
» avec une ame haute , qu'un jeune Prince
fans expérience peut s'y tromper ; mais
c'eſt à quoi Francus n'étoit pas expofé avec
fon guide qui avoit de grandes vues fur lui,
» & qui n'attendoit que l'occafion de les lui
déclarer. Ils étoient au dixième jour de
leur départ , & ils traverfoient le matin.
une vafte plaine où l'on pouvoit voir encore
affés diftinctement la forme d'un
camp. Francus s'arrêta & parut examiner
20
3
20
>>
39
MERCURE DE FRRANCE.
avec attention. Voici un lieu célébre
, mais que l'humanité rend trifte à voir ,
» tout intérêt de Patrie à part , lui dit Hermas
; du tems de votre ayeul , deux nom-
» breuſes armées s'y font trouvées aſſems
blées l'une contre l'autre ; elles en vinrent
aux mains ; le carnage y fut terrible , &
» votre ayeul après bien du fang répandu
» y remporta une victoire complette qui lui
» foumit toute une Province,
"
ر د
วง
»Que ce fut un beau jour pour lui , s'écria
Francus avec un efpéce de tranſport !
» quand me verrai-je à mon tour à la tête
d'une armée? Hermas fourit de ce difcours.
Il vous tarde donc déja de conquérir & de
» vaincre ? lui dit- il , eft- ce là la gloire qui
» vous touche le plus ? Oui , je l'avoue , ré-
» pondit Francus ; je n'en connois point de
plus digne de charmer un Prince , ni de
plus convenable au rang que nous tenons
fur la Terre. Il y a d'autres gloires pour le
refte des hommes ; celle- ci n'eft fpéciale-
» ment accordée qu'à nous ; les Dieux en ont
fait l'appanage de notre fortune. La gloire
de Cyrus , d'Alexandre , de Céfar , celle
» de tous les Héros , voilà la mienne. Je
» ne me fens point au-deffous d'eux par mon
courage , & quand je lis leur Hiftoire , je
» brûle de les égaler par mes actions :
29
» Francus , lui repartit Hermas , en
jettant
MAI 1746 . 97
33
20
39
» en jettant fur lui un regard qui le pénétra :
Vous dites vrai , ceux dont vous parlez
n'ont pas eû plus de courage que vous ,
» & cela feul leur a fuffi pour acquérir cette
gloire qui vous charme ; mais il en eft une
infiniment plus rare , & fans comparaiſon
» plus refpectable , qui ne s'acquiert qu'avec
» des vertus que ces fimples Conquérans n'apas
& que vous avez : cette gloire
» cherie du Ciel & de la Terre & que la raifon
même appelle gloire , voilà la votre
voilà celle dont les Dieux n'ont réservé la
» plénitude qu'à vos pareils , celle qui les fait
» reſſembler à ces Dieux même. «
n
39
""
23
voient
Qù eft elle donc , lui dit Francus ? en quoi
confifte - t - elle ? vous me furprenez , je ne
connois que celle des Heros que je viens de
citer , c'eſt la ſeule gloire qui ait fait retentir
le monde d'un bruit & d'une admiration qui
durent encore : Je vous ai nommé mes Heros,
Hermas , nommez moi les votres dont je
n'ai point entendu parler.
??
De ceux que vous appellez les votres , ou
du moins de leurs femblables , on en a vû
prefque dans tous les fiécles , lui dit Hermas;
à peine tous les tems en ont- ils montré quelques
uns des miens.
On parle encore avec étonnement des
votres ; il eft vrai ; on fe plaît à confidérer
leur gloire fuperbe & formidable ; tout a
E
98 MERCURE DE FRANCE.
plié fous eux ; on fe met à leur place ; c'eft
de là qu'on les admire , & fi à leur exemple
yous ne voulez étre grand qu'au jugement
de notre orgueil , il ne vous fera pas difcile
d'être admiré comme eux.
le
Mais vos Heros puniffent eux -mêmes la
Terre de cette imprudente admiration qu'ela
pour eux , & loin de l'en punir à votre
tour, c'eft à vous , Francus , à l'en guérir pour
jamais , à la déſabufer de ces Heros qui la
féduiſent , à lui montrer à quelle gloire elle
doit fes hommages ; il faut que la votre
apprenne aux hommes à ne plus eſtimer
dans les Princes que la véritable.
La gloire dont vous me parlez , mérite
fans doute qu'on la préfere , dès que vous
l'eftimez tant , lui dit Francus , le fage Hermas
ne fçauroit s'y méprendre , mais encore
une fois je ne la connois point , & vous ne
m'en dites pas affés pour achever de m'inf
truire.
Il n'eſt pas néceffaire de m'expliquer
mieux , répondit Hermas , vous la verrez ,
Francus , vous la verrez avec celle de vos
Heros , & je fuis fûr que votre coeur vous
avertira de ce qu'elle vaut ; vous n'aurez befoin
que de lui
pour fçavoir la diftinguer vous
même.
Je la verrai , dites - vous , repartit Francus,
avec ſurpriſe , je ne vous entends point , les
MAI 1746. 99
differentes efpéces de gloire dont nous parlons
peuvent elles fe voit autrement que
dans l'Hftoire ?
Ne vous étonnez point de mon diſcours ,
lui dit Hermas ; mes pareils ont des connoiffances
qui les mettent au- deffus des autres
hommes ; il ne nous eft pas toujours permis
de les manifefter , mais les Dieux qui vous
aiment & qui veillent fur vous , m'ordonnent
aujourd'hui d'employer les miennes en
votre faveur.
Oui , Prince , je fçais un lieu fur la terre
où toutes les gloires de vos pareils exiftent
perfonnifiées , mais où tous les hommes ne
les apperçoivent pas de même.
L'avantage de les voir telles qu'elles font ,
& de bien juger d'elles, n'eft réfervé qu'aux
hommes vraiment généreux , qu'à ceux qui
ont une véritable élévation dans l'ame ;.
tout mortel , ou tout Prince qui n'a que de
l'orgueil , & qui n'afpire qu'aux fuffrages du
notre , qui eft plus jaloux de furprendre
notre eftime que de la mériter , & qui s'imagine
qu'on eft grand quand on eft célébre,
celui - là voit mal les differentes fortes de
gloires c'eft la vanité de fes idées qui décide
dujugement qu'il en porte.
Ehbien ! lui dit Francus , ce lieu dont vous
parlez & où je dois m'inftruire , puis-je me
flater de le voir bien-tôt ? nous y allons ,
383201
E ij
19 MERCURE DE FRANCE.
répondit Hermas , je vous y méne depuis
notre départ , & nous y arriverons demain
mais votre fuite nous géneroit , & je lui ai
déja donné ordre de votre part de refter
ce foir où nous nous arrêterons, & de nous y
attendre.
Francus ne lui répondit qu'en l'embraf,
fant ; je vous fuis , lui dit - il , je me livre à
vous avec autant de confiance que j'en aurois
pour un Dieu même , qui feroit mon guide ;
c'étoit l'impreffion de la Divinité préfente
qui le faifoit parler ainfi , & le lendemain
l'Aurore commençoit à peine à diffiper les
ombres de la nuit quand ils partirent.
Ce n'étoit pas que la Déeffe eût befoin d'aller
loin ni de parcourir de grands efpaces pour
arriver où elle avoit deffein de mener Francus
; les Dieux font ce quils veulent , & le
fpectacle qu'elle lui deftinoit pouvoit fe trouver
partout , elle étoit même rentrée fans
l'en avertir dans les Etats de fon pere , & cependant
la Déeffe feignoit de le hâter, pour
lui cacher fa puiffance , & lui perfuader
qu'il s'agiffoit d'un vrai voyage.
Au fortir d'une alfés grande forêt qui
avoit borné leur vûe , ils apperçurent d'affés
loin encore une enceinte qui contenoit de
vaftes édifices d'une Architecture extrêmement
hardie quoiqu'irréguliere , mais dont
plufieurs s'élevoient fi haut , qu'on ne conce
?
MAI 1746:
tót
voir pas que quelqu'un put y faire fa demeure
? Que vois - je , dit Francus ? à quoi
fervent ces bâtimens dont la hauteur và ſe
perdre dans les airs : Nous voici au féjour
des gloirės , repartit Hermas , & ces Edifices
font autant de Palais dont les plus élévés
appartiennent, aux gloires les plus célébres
& qui ont fait le plus de bruit dans le monde.
Je ne fçais fi je me trompe , dit quelques
momens après Francus , mais il me femble
que ces Palais contre tout ordre naturel baiffeut
à mefure que nous nous en approchons
; je ne les trouve plus fi hauts.
Vous commencez à les bien voir , repattit
Hermas , entrons , les gloires vous attendent
pour ſe difputer votre conquête.
En voici déja une qui s'avance avec tout
fon cortége , & qui paroît l'emporter fur
toutes les autrés.
C'étoit celle d'Alexandre . Francus fe
taifoit. Il étoit faifi d'une admiration qui
ne lui permettoit pas de répondre.
Quelle eft - belle , s'écria -t- il enſuite ,
quelle a d'éclat , & que fa fierté m'enchante
! fils de Roi , lui cria t- elle alors à quelque
diftance de lui,mais en s'approchant toujours,
ne vas pas plus loin , épargne toi un examen
inutile , toutes les gloires que tu vois font
inférieures à celle qui t'appelle, & c'eft à moi
qu'il faut que tu te livres , viens, que je t'ani-
Eiij
102 MERCURE DE FRANCE.
me de mon fouffle , & que j'imprime fur
ton front le fceau de l'immortalité.
Pendant qu'elle parloit , Francus qui la
confidéroit de plus près , & qui déméloit
mieux tout ce qui l'entourroit , fentoit déja
diminuer fon admiration pour elle ; f. phyfionomie
fiére lui paroiffoit dure & même
un peu féroce , & dans le nombre des perfonnages
qui compofoient fa fuite , il en ob-.
fervoit quelques uns qui ne lui plaifoient pas :
Apprenez - moi , je vous prie , lui dit - il ,
quelles font ces figures hydeufes que j'apperçois
parmi ces autres , & qui femblent
vouloir échapper à mes regards : alors une
de ces figures parla ; puifque tu nous as remarquées
, dit - elle , il nous eft ordonné de
te répondre: Je m'appelle l'Orgueil effrené,
& celle- ci eft la Cruauté inutile ; c'eft par
moi qu'Alexandre alla fubjuguer des peuples
éloignés & tranquilles , c'eft elle qui les
égorgeoit dans leur fuite.
A quoi bon toutes ces queftions, dit alors
la Gloire dont il s'agiffoit? on ne te dit là que
la fuite inévitable de mes avantures , je
n'exiſterois pas fans cela : A ces mots une
autre figure terraffée , à demi déchirée &
en pleurs , fit entendre quelques gémiffemens
: Fuis , Prince , cria - t - elle enfuite
, fauves toi du danger d'être ten ép cette
funefte gloire , & vois l'état où tous ceux
MAI 1746. 103
qui l'ont fuivie m'ont réduite ; fuis , ne l'écoute
point, c'eſt l'Humanité qui t'en conjure .
la
A peine achevoit- elle ces mots que
porte du Palais de cette Gloire s'ouvrit avec
fracas, & laiffa voir un fpectacle effroyable.
C'étoit une immenfe étendue de Pays où
triomphoient le ravage , la mort & les crimes.
Ah Ciel dit alors Francus , en s'écartant
, à quelle odieufe Gloire m'arrêtoisje
ici ? une autre auffitôt l'acueillit ; c'étoit
la Gloire d'un Heros du Nord : Viens
fuis moi , lui dit - elle , je fuis moins étendue,
mais je n'en fuis pas moins étonnante :
Non , lui repliqua- t- il , ta fuite eft à peu près
la même , ou fi tu veux que je te connoiffe
mieux , ouvres auffi la porte de ton Palais
avant que je t'écoute.
Cette porte s'ouvrit en effet , & découvrit
unPays moins vafte mais aufli maltraité que
le premier ; à côté de ce Pays on en voyoit
un autre qui paroiffoit défert , où tout étoit
trifte , languiffant & dépouillé.
Quelle eft cette autre terre qui paroît , dit
Francus , quelle efpéce de malheur a - t - elle
éprouvé ?
C'eft la Patrie du Heros que j'ai illuftré ,
répondit- elle. Sa Patrie ? reprit - il , a- t - il
donc fallu que ton Heros la fubjuguât pour
en être le maître ? Non , répondit - elle , elle
ne te paroît un peu fatiguée que pour avoir
fervi à fes exploits . E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
Sortons , dit alors Francus indigné , for—
tons de ces lieux, je ne puis les fouffrir, je ne
demanderois pour toute gloire que celle de
venger la Terre de toutes les Gloires qui
font ici.
Il s'éloignoit en tenant ce difcours, entrons
dans ce petit fentier qui s'offre à nous , lui
dit Hermas.
Ce fentier quoique d'abord un peu fombre
, s'éclairciffoit à meſure qu'on avançoit,
& il alloit enfin aboutir au plus beau Pays du
monde , & qui étoit fous le plus beau Ciel.
A l'entrée de ce Pays ils virent une autre
Gloire qui fourit avec douceur en les
voyant , qui ne fe vanta point , qui cependant
avoit l'air noble & majeſtueux ,
& en même tems modefte ; elle tenoit la
Valeur d'une main & la fageffe de l'autre ;
tout ce qui l'entourroit étoit refpectable ;
l'humanité que Francus venoit de voir fi défolée
, fe retrouvoit ici , & n'y montroit qu'un
vilage où le peignoient la Paix , la fatisfaction
& la Joye..
Vous m'enchantez , lui dit Francus en l'abordant
; on ceffe d'aimer vos compagnes
en les voyant de près , & vous enflammez
ceux qui vous approchent.
Il fe livroit donc au plaifir de la regarder ,
quand tout à coup un nouveau fpectacle vint
le frapper ; c'étoit une foule de guerriers qui
MAI 1746. 105
en accompagnoient un qui paroiffoit leur
maître ; fa courſe étoit fi rapide qu'ils avoient
peine à le ſuivre , & il fembloit aller punir
un ennemi téméraire. Ce qui furprit le plus
Francus , ce fut de voir à côté du Guerrier
cette aimable Gloire à qui il venoit de parler
, mais dont les traits auparavant fi doux
avoient alors je ne fçais quoi de menaçany
& de terrible.
Francus n'avoit pas eû le tems de reconnoitre
le Guerrier qu'il avoit vû paffer. II
avança dans le Pays , lorfque quelque tems
après il en fortit un cri général de douleur :
Qu'entens -je ? dit- il à Hermas , qu'elle confternation
fubite fe répand ici : dequoi s'agit-
il ? où vate peuple qui fond en larmes ?
Il interroge alors tous ceux qu'il rencontre ;
que vous eft il arrivé ? leur difoit- il , je vous
vois troublez ; vous invoquez les Dieux ,
qu'elle eft votre infortune
:
Hélas ! il ne vit peut-être plus, lui répondoient
les uns ; nous allons le perdre,crioient
les autres : eh ! de qui donc parlez- vous ? répondoit-
il à fon tour de lui ; eh ! de qui
pourroit-ce être fi non de lui , de ce Roi notre
pere , notre ami , & notre maître ? Que
l'ennemi eſt heureux , & que nous fonvnes à
plaindre !
Francus à l'aspect d'une affliction fi voiverfelle
, & dont il voyoit de fi prodigieux
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
effets , ne pût s'empêcher de pleurer lui
même , & de partager une tendreffe dont
il n'avoit pas eû encore la moindre idée .
Il continue d'avancer , & comme les inf
tructions que lui donnoit Minerve devoient
être rapides , fur la fin du jour , il vit la
joye fuccéder infenfiblement à l'affliction ;
il entendit un cri d'allégreffe aufli général
que l'avoit été le cri de douleur ; il vit ce
même peuple s'égarer dans les raviſemens ;
il vit des tranfports qu'une joye , même en
démence, n'auroit pu imiter.
Francus étoit pénétré d'étonnement. Eh !
quel eft donc ce Roifi cher , & en même
tems fi intrépide & figlorieux ? dit il dans fa
furpriſe ; quelle gloire que la fienne ! je ne
l'imaginois pas ; puiffent les Dieux m'en accorder
une pareille : C'eft celle de ton pere
que tu choifis , & tu es actuellement dans
fon Empire , lui dit alors Minerve qui fe ma
nifefta le Roi que tu allois trouver n'eſt
plus ; des Ambaffadeurs arrivent demain à
la Cour de ton pere, ils viennent de la part
des peuples t'y reconnoître pour leur Maî
tre ; hâre- toi toi - même de rejoindre ton
pere & profites des leçons que tu as reçues,
:
MAI 1746. 107
EXTRAIT d'une lettre de M. d'Arget
Secretaire du Roi de Pruffe au Baron de
Sparre Minifire de S. M. P. à la Cour
de Suede.
Vous
ne
Ous ne devez pas douter de toute mon
ardeur à chanter votre jeune Prince ,.
& marquer la fincérité de ma joye fur un
événement auffi heureux ; votre amitié m'en
preffe & les ordres de vos Dames fuffiroient
pour me décider , mais ma Mufe ne feconde
pas mon inclination ; j'ai fait des efforts qui
n'ont pas réuffi.
Pour célébrer le fils des Vertus & des Graces
J'ai vainement monté fur l'Hélicon :
L'aimable Ovide & le Chantre des Thraces
Ont préſenté mes voeux au puiffant Appollon :
Ami , m'a dit ce Dieu , ton zéle eſt témeraire ;
Dans tes vers ne crois pas peindre Adolphe en ce
jour ;
Il faudroit les talens que réunit Voltaire
Pour rendre dignement tous les traits de l'Amour.
Les confeils d'un Dieu font des Arrêts
fans appel ; permettez- donc , mon cher Baron
, que je me renferme dans la fincérité
de mes voeux,
E vj
ro8 MERCURE DE FRANCE.
Que fur ce Prince heureux la Nature raffemble
Ses préfens les plus précieux !
Qu'il imite fon pere & fuive fes ayeux !
Pour être Grand qu'il leur reffemble !
Le jour de fa naiffance eft un jour fortuné
Dont je tire un heureux préfage ;
C'est le même où mon Roi par les Dieux fut
donné ;
D'un régne glorieux cette époque eft le gage ;
Toujours Grand dans la guerre & Grand dans le,
repos
Ila déja fa place au Temple de Mémoire ,
Et le jour qu'il naquit fut marqué par la Gloire
Pour la naiffance des Héros.
" Le Prince de Suéde eft né le 24 Janvierjourde
Janaiffance du Roi de Pruffe .
MAT 1736.
AD PRUDENTISSSIIMMUUMM fortif
fimum Saxoniæ Comitem , nec non
Francia Marefcallum ,
IN
Ntefortunam virtus , prudentia cafum,
Servilemfuperatfpes generofa metum;
Tefequiturfortuna comes, prudentia ducit ;
Nulla , nifi excipiam numinis arma, times.
Pergito , tequocumque vocat Rex , te duce miles
Vidor ovat , Rex , te milite villor , erit.
Follet Muficien à Angers.
TRADUCTION.
TA valeur , fier Saxon , unie à ta prudence
Sçait bannir toute crainte au milieu des hazards ;
Sur des projets certains fondant ton eſperance ,
Tu deviens tous les jours pour nous un autre Mars.
Ton nom feul t'annonçant aux deux bouts de la
Terre ,
Ta rendu formidable en tous tems , en tout lieu ;
■ o MERCURE DE FRANCE.
Plein d'un faint refpect pour ton Dieu ,
Ton coeur fçait tout braver excepté fon Tonnerre.
Au bruit de tes exploits , fous un Roi glorieux ,
Vole de victoire en victoire ,
Sûr de vivre à jamais au Temple de Mémoire ,
Ainfi que le foldat de vaincre fous tes yeux.
Par M. le Jolivet Benéficier de l'Eglife
d'Angers.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , &C.
L favorable que le public a fait aux
E Theatre Anglois tom. III. L'accueil
deux premiers volumes de cet ouvrage
étoit bien capable d'encourager le Traducteur
à pourſuivre fon travail avec vivacité
; voici un troifiéme volume , & l'on
nous flate que nous n'attendrons pas longtems
le quatriéme qui fera peut - être imprimé
dans le même tems que ce que nous
écrivons ici.
M. de L. P. refute folidement dans une
Préface judicieufe les objections que l'on
avoit faites contre Sakefpéar , car beaucoup
MAI 17480M A
de gens qui ne jugent que par comparaifon ,
font toujours prets à condamner ce qu'ils
n'ont pas encore vû , & malheur à qui ofe
s'étendre au delà de la ſphere étroite de leurs
idées , dès lors ils le croyent égaré , parce.
que leurs foibles yeux ne peuvent le fuivre.
Il ne faut faire aucun doute que la plupart
des beautés qui font dans Sakespear produi
roient un grand effet fur notre Théatre,fi elles
étoient préfentées avec affés d'Art , &
les mêmes gens qui s'élévent contre , qui
reclament l'autorité des régles Dramatiques
pour combattre la raifon , feroient émus
comme les autres, & reviendroient peut-être
de leurs préventions ; en effet le railonnement
le plus convainquant que l'on put faire
fur ce fujet , feroit une pièce où ces hardief
fes feroient employées par un homme de
génie : on n'auroit rien à répondre à fon fuctès
: c'eft fur les exemples de ces fuccès que
les régles ont été faites ; de nouvelles beautés
doivent donc amener de nouvelles régles.
Le but de tout Auteur Dramatique eft
d'émouvoir les fpectateurs ; le moyen qu'il
doit employer eft l'imitation la plus parfaite
de la Nature; l'art dont il doit fe fervir eft de
choifir pour objet de fes peintures les carác
téres , les événements les plus propres à faire
une vive impreffion ; fi ce raifonnement eft
vrai , il faut convenir que Sakefpear a eur
#12 MERCURE DE FRANCE.
1
fouvent raiſon , & que nous avons fouvent
tort. La force de fes caractéres , les mouvemens
impétueux de la haine & de la vengeance
, les évenemens terribles qu'amenent
ces paffions , le fang qui ruiffele fouvent fur
fon Théatre ont révolté quelques lecteurs
délicats dont les moeurs douces , l'ame foible
&l'efprit faux s'accommodoient mal de cette
force de pinceau ; cependant quoi de plus
capable de faire une vive impreffion ! la critique
de ces Cenfeurs ne roule -t - elle pas
même fur ce qu'ils ont été trop fortement affectés
, & par conféquent für ce que l'Auteur
a trop bien atteint ſon but?
C'eft perdre du tems que de raifonner
long- tems fur les chofes de goût ; les gens
qui font faits pour faifir le vrai s'entendent à
demi mot ; une éternité de difcuffion ne perfuaderoit
pas les autres. Nous n'ajouterons
à ceci qu'une chofe qui a déja été dite , c'eſt
què l'Amour qui eft l'ame de nos Tragédies
eft de toute les paffions la moins théatrale ;
c'eft celle qui prête le plus à des développemens
de coeur, à des diftinctions délicates faites
pour occuper l'efprit & non pour remuer
le coeur , & ce goût de tout éxaminer du
côté de l'efprit eft affés géneralement celui
de notre fiécle ; ces détails où un perfonnage
expofant l'état de fon ame , apprend au
pectateur les differents chemins que l'AMAÌ
1746. 113
mour a pris pour ſurprendre fon coeur , les
mouvemens contradictoires qu'il y excite
&c. que font- ils autre chofe que des differtations
miles en dialogue ? Eft - ce là la Tragédie
? Mais les mouvemens même les plus
impétueux de l'Amour ne font pas aufi
Tragiques que ceux qui naiffent des autres
fentimens ou des autres fituations ; la raifon
en eft peut-être , que l'expérience prouve
que l'Amour eft affés ordinairement une
paffion peu durable & toujours peu férieuſe .
On fe conduit au Théatre avec les perfonnages
Tragiques comme dans le monde avec les
hommes ; on plaint beaucoup plus un homme
qui perd fon bien que celui qui perd fa
Maitrelle ; auffi l'Amour ne brille-t- il jamais
plus au Théatre que quand on le facrifie
à de grands intérêts , alors le perſonnage
amoureux s'étant emparé de l'eftime
des fpectateurs , l'Amour participe à l'intérêt
qu'on prend à l'Acteur , & s'annoblit ,
pour ainfi dire , de la dignité qu'on a acquife
en le facrifiant. En voilà beaucoup trop fur
cette matiere ; nous ne doutons pas que ce
volume ne foit reçu auffi favorablement que
les deux autres. Le Traducteur fait toujours
briller dans fon ftyle la même élégance :
pourquoi s'eft-il abſtenu abſolument de rien
traduire en Vers dans la Tragédie de Jules
Céfar ; la raifon qu'il en donne ne nous pa114
MERCURE DE FRANCE.
3
roît pas fuffifante. Il convient fans doute à
tout homme , quelque talent qu'il ait , d'éviter
de fe rencontrer en comparaiſon avec
l'illuftre M. de V. mais cet Académicien ne
s'eft fervi dans fon Céfar que de la harangue
d'Antoine au peuple , ainfi dans tout le reite
M. de la P. pouvoit donner l'eſſor à fa
Verve.
ESSAI fur les Monnoyes on Réflexions
fur le rapport entre l'argent & les denrées , à
Paris 1746 in 4. chés Coignard & de Bure.
Venalitas victualium rerum emptoris debet
fubjacere rationi ... atque ideo trutinatis
omnibus & ad liquidum calculatione collectâ
diverfarum rerum pretia fubter affiximus
ut omni ambiguitate fummoţâ définitarum
rerum debeat manere cuſtodia.
Caffiodor Lib. 11. C. 11.
L'Auteur de cet ouvrage s'eft propofé de
mettre , s'il fe peut , à notre portée ce que
les anciens nous ont laiffé par écrit fur le
Commerce & fur les Finances.
Après avoir pofé quelques principes géné
raux il a tenté de remonter du connu à l'inconnu
, en combinant ce qui peut influer
fur le prix des chofes , comme la multitude
du peuple , l'abondance ou la fterilité , la
paix ou la guerre , la propagation ou l'abandonnement
du Commerce , le plus ou le
ΜΑΙ MAI
15 .
1746.
moins d'argent , & la hauteur des espèces ,
auffi bien que la proportion entre les effets
qui ont quelquefois cours dans les payemens.
On compte qu'il ne faut jetter qu'une
certaine quantité de poiffons dans une certaine
quantité d'arpens d'eau, & qu'une terre
d'une étendue marquée ne comporte qu'un
tel nombre de colombiers , de troupeaux :
feroit - il abfolument impoffible d'eftimer de
même le nombre du peuple contenu dans
une Ville , dans un Etat , dans le Monde ?
Il a confidéré que les divérfes denrées ont
des rapports conftants qui fe fuivent prefque
toujours d'extrêmement près malgré les
changemens qui arrivent dans le nombre du
peuple , dans la quantité des matieres d'or
ou d'argent , & dans la valeur des Monnoyes.
Avant que de balancer avec l'argent
ce qui tombe dans le Commerce , il s'eft
affûré des mefures actuellement ufitées pour
les grains dans la capitale du Royaume &
dans quelques autres endroits , & tant par
leur hauteur , par leur largeur , par leur
poids que par la quantité de pain qu'on en
tire , if a reconnu que depuis plus de 509
ans notre boiffeau n'avoit point changé , &
qu'il étoit à peu près le même que celui d'Athénes
& de Rome , puifqu'un homme s'en
nourriffoit pendant le même efpace de tems,
& que le prix du grain qu'il contenoit pou18
MERCURE DE FRANCE
voir fe renfermer dans certaines proportions
avec des efpéces déterminées comme les ani
maux , boeufs , moutons &c.
Ces proportions nous fourniffent un
moyen de diftinguer dans les fiécles paffés
les bonnes années des mauvaifes , qui trouvent
une espéce de pierre de touche dan's
ces fortes de rapports . C'eft fur ce fondement
qu'on peut difcuter le talent , le pondo , la
mine , le denier , le fefterce , le Sicle & pluheurs
autres expreffions de l'antiquité dorit
on nous a préſenté jufqu'ici des idées infoutenables
, mais qu'il n'eft pas impoffible de
rectifier ou de ramener , finon à une évidence
entiére , du moins à un point de vrai
femblance affés fatisfaifant. Il donne enfuite
la maniére de faire l'analyfe de toutes les
fabrications des Monnoyes par le calcul &
par les formules Algebriques. Les Tables
qui font voir la valeur du marc d'argent fin
monnoyé , le prix des matiéres aux Monnoyes
, & celui d'une multitude de chofes
depuis 1202 ans jufqu'à préfent , contribue
ront beaucoup à éclaircir plufieurs paffages
de l'Hiftoire ancienne & moderne .
BIBLIOTHEQUE de Cour , de Ville & de
Campagne , contenant les bons mots de
plufieurs Rois , Princes , Seigneurs de la
Cour , & autres perfonnes illuftres , avee
MAI 1746. ។
un choix des meilleures piéces de Poëfie des
Poëtes célébres , Latins & François , tant
anciens que modernes;de penfées ingénieuſes
propres à orner l'efprit ; d'Anecdotes fingu
liéres , & de remarques critiques fur différents
ouvrages. On y trouve auffi un affemblage
de traits naifs , Gafcons & comiques ,
des traits d'Hiftoire les plus curieux , & une
collection exacte des bons mots & des
apophtegmes des anciens , nouvelle édition
, confidérablement augmentée , Paris
1746 , 6 vol. in 12 chés Theodore le Gras.
On voit affés par le titre de ce Livre qu'il
༣
n'a pas dû couter
grande
peine
à l'Auteur
dont
tout
le travail
s'eft borné
à copier
ce qu'il avoit
ou lû ou entendu
dire. Com
bien de Livres
font dans ce cas , fans que les
Auteurs
en conviennent
; cet ouvrage
a déjá
été imprimé
, & débité
avantageuſement
c'eft une efpéce
de magafin
d'efprit
où tout
le monde
trouve
à fe fournir
; des Vers , des
bons
mots , des contes
, des traits
d'Hiftoire
;
on ytrouve
de tout,
On fent bien que nous ne pouvons pas
nous étendre long tems pour donner l'idée
de ce Livre ; nous nous contenterons d'en citer
quelques traits qui nous étoient moins
connus que les autres .
Un homme de qualité alla aux Petites
Maifons ; ildemanda à un fou quel mal įl
118 MERCURE DE FRANCE .
20 avoit ? Le fou lui répondit : le mal que
nous avons s'appelle vapeur parmi vous
» autres gens de condition , ici on le nom-
» me Folie.
L'Auteur fait une longue collection d'Epitaphes
; mais comment à-t-il ignoré ou
négligé celle- ci , qui étoit encore il n'y a
pas trente ans à S. Severin ?
"
29
Ci git deffous ce marbre ufé
Le pauvre Lieutenant Rufé,
A qui il couta maint écu
Pour être déclaré C ...
A fon frere il n'en coûta rien ,
Et fi pourtant il le fut bien.
Voici un coup de Piquet affés finguliere
un Miniftre jouoit au Piquet avec un Courtifan
, & la partie étoit de mille piftoles ;
celui- ci jugea qu'il le pouvoit faire capot ,
» & gagner , s'il lui perfuadoit qu'il avoit
trois valets dont il avoit écarté un ; il compta
le.point & le refte de fon jeu jufqu'à
vingt & après avoir révé un moment
,, il jetta fa premiére carte & compta
vingt trois. Le Miniftre lui demanda de
quoi it les comptoit : le Courtifan recom-
» mença à compter fon jeu , & y ajoûta ,
trois valets ; le Miniftre dit qu'il ne les
avoit pas nommés avant que de jetter fa
» premiére carte ; le Courtifan foutint le
contraire & offrit de parier cent piſtoles; la
95
MAI 1748. 119
propofition fut acceptée ; le Courtiſan
» condamné par les fpectateurs , continuant
à jouer les cartes fit capot le Miniftre , qui
garda l'as du valet que fon adverſaire avoit
» écarté,
33
">
LES CAMPAGNES DU ROI en 1744 &
1745 Paris 1746 in 12 chés Collombat.
Il y a dans ce Poëme de l'élégance , de
l'harmonie & de l'imagination .
DISSERTATION fur l'incertitude desfignes
de la mort & l'abus des Enterremens & embaumemens
précipités , par Jacques - Jean
Brubier Docteur en Médecine , feconde
Partie , Paris in r2 1746 , chés Morel ,
Prault pere , Prault fils & Simon,
Nous parlerons une autre fois de cet ouvrage
qui a pour objet l'utilité publique.
LE PETIT DICTIONNAIRE DU TEMS
pour l'intelligence des Gazettes & des Nouvelles
de la guerre , contenant par ordre
alphabetique la defcription des Pays où la
guerre fe fait préfentement , celle des Villes
& Places fortes qu'ils renferment , le détail
de leur fituation , de leurs fortifications , &
des particularités qui s'y trouvent , les noms
des Souverains qui les poffedent , & beaude
traits curieux de l'Hiftoire , avec un
Coup
120 MERCURE DE FRANCE.
petit Recueil qui renferme l'explication des
principaux termes des fortifications , de la
guerre , de la Marine & de la Géographie ,
Paris in 12 chés Ph. N. Lottin.
Nous n'avons pas encore eu le tems de lire
ce Livre que nous nous contentons aujourd'hui
d'annoncer feulement,
DISSERTATIONS PRELIMINAIRES pour
fervir à l'Histoire de Sais , à Paris , in 12
1746.
L'Auteur de ces trois Differtations nous
paroît fort bien prouver dans la premiére
que le Pagus Oxymenfis étoit très étendu , &
par conféquent il eft aflés autoriféà en conclure
que c'étoit une des principales portions
de ce que nous appellons aujourd'hui
la Normandie , que c'étoit du tems des Gaulois
le lieu de la réfidence des Ofifmii dont
parle Céfar dans fes Commentaires , que
ceux qu'on trouve depuis dans la Baſſe-
Bretagne n'en font qu'une émanation , &
que ce fut une Colonie qui y fut tranſplan,
tée pour peupler une partie du Pays que les
Venetes occupoient auparavant dans cette
Péninfule dont ils avoient été les Habitans
dominans , tranſlation qu'il place apparemment
avant la confection des Itinéraires
Romains & celle de la Notice des Gaules.
On y apprend auffi que les premiers Curiofolites
MAI 1746.
121
folites qu'on avoit crû placés au fond de cette
Peninfule font plus probablement les anciens
peuples des environs de Bayeux dont
au neuviéme fiécle le nom de Pagus Corilififus
qu'on leur donnoit confervoit quelque
trace : les raifonnemens de l'Auteur qui
rendent à la Normandie des peuples qu'on
avoit crû avoir toujours été renfermés dans
la Bretagne , fe trouvent appuyés par les
obfervations qu'on avoit faites avant lui ,
que les Diablintes étoient auffi autrefois dans
le canton de Jublent au Maine , & de
Mayenne , dont ceux de la petite Bretagne ,
s'il y en a eu véritablement , n'auroient été
aufi qu'une émanation . L'Auteur de cet ouvrage
éclairciffant cette matiére , fait remar
quer les erreurs de quelques Sçavans de
confidération qui ont confondu le Pays
d'Auge , contrée de Normandie , avec l'Hiémois
ou Oximenfis. C'eſt auffi le pur amour
de la vérité qui l'oblige à découvrir le fabuleux
de quelques Legendes & de quelques
Chartes de la Baſſe - Bretagne .
Dans la feconde Differtation M. l'Abbé
Efnault s'attache à faire voir que quoiqu'il
ait exiſté une Ville d'Hiemes , qui a donné
le nom au Pays Hiémois , que d'autres appellent
Exmois , il ne fuit pas néceffairement
de là , que ce foit dans cette Ville
les Evêques qui ont gouverné ce Pays pour
F
que
22 MERCURE DE FRANCE .
A
le Spirituel ont fait leur réfidence ; qu'à la
vérité c'eft du Pays Hiémois de la feconde
Lionnoiſe que fut Evêque un nommé Litharedus
qui affifta au premierConcile d'Or
léans l'an 511 , mais que c'eft à Sais qu'étoit
fon Siége Epifcopal , parce que cet Evêque
prenant le titre d'Epifcopus Oximenfis dans
fa foufcription entendoit par là qu'il étoit
Evêque du Pays d'Hiémois , & non pas de
Ja Cité d'Hiémes qui n'exiftoit plus . L'erreur
donc où l'on a été de faire d'Hiémes une Ville
Epifcopale eft de la même espece que
celle où plufieurs Picards ont été depuis
quelques fiécles , de faire de Vermand'une
Ville Epifcopale. Il faut efpérer que par la
fuite , tout préjugé mis à part , on reconnoitra
que s'il y a eu quelques Evêques qui
fe foient qualifiés Viromandenfes , c'eft dans
le même fens que l'Epifcopus Oximenſis . &
que comme cela fignifioit l'Evêque du Pays
Hiémois, l'Evêque des Ofifmiens , de même
Epifcopus Viromandenfis fignifioit Evêque dụ
Pais de Vermandois, l'Evêque des Veromanduens,
Il réfulte du fyftême de M. l'Abbé
Efnault qu'il faut regarder comme une fauffe
tradition la tranflation du Siége Epifcopal
d'Hiémes à Sais , d'autant plus même
qu'on l'établit fur un foufflet donné à l'Evêque
par le Comte du lieu , ce qui paroît faprié
à plaifir. Ici çet Auteur fait l'apo
ΜΑΙ 1746.
123
logie de l'ortographe du mot Sais , que l'ufage
fait écrire mal à propos Seez. Il paroît que la
raifon eft de fon côté , puifqu'en effet on
prononce Saís comme mais , & non pas Séz
en accent aigu , & que dans le Latin on a
toujours dit Sagium ou Saium , & jamais
Seium , ni Segium.
S.
M. Efnault difcute en la troifiéme Differtation
le tems de l'établiffement de la Foi
dans la feconde Province Lyonnoiſe dont
Sais fait une partie ; il n'y a perfonne qui ne
fe rende àl'argument qu'il tire de la lettre du
Pape Innocent I. à S. Victrice Evêque de
Rouen , laquelle eft de l'an 404 , pour prouver
qu'il y avoit dès- lors plus d'un Evêque
dans cette Province , puifqu'il lui parle de
fes Suffragans. Il eft vrai qu'il n'en marque
le nombre , mais on doit croire
pas que
Exupere étoit mort le fiécle précédent à
Bayeux & S. Jauvin à Evreux , & peut- être
auffi S. Latuin à Sais . Je dis S. Latuin , &
non Sigifbold , car il feroit incongru de
placer dans une Eglife des Gaules au quatriéme
fiécle un Evêque d'un nom barbare ;
Landricius qui n'eft guéres davantage un
nom Latin , & encore moins Hubert , ne
peuvent être non plus admis . Auffi l'Auteur
femble-t-il mieux aimer admettre des lacu
nes dans le Catalogue des Evêques de Sais ,
de reconnoitre & fixer irrévocablement que
Fij
124 MERCURE DE FRANCE ,
ces deux Evêques . Il nous apprend des cir
conftances curieufes que nous ignorions fur
la vie de S.Latuin, fur le projet de l'enlèvement
de fes Reliques qui fut fans effet , parce
que le peuple d'Anet auroit joué la même
Tragédie que celle qui futjouée par le peuple
de Montreuil en Picardie lorfque M.de CaumartinEvêque
d'Amiens voulut emporter
de
celles de S. Vulfly. L'Auteur a raifon de regreter
la perte du petit ouvrage en vers François,
imprimés fur ce Saint vers l'an 1500 ;
Pour le dédommager de cette perte, il permettra
que nous lui indiquions le Miffel de
Sais imprimé la même année 1500. à Rouen,
Il y verra la Fête de S. Alnobert Evêque de
Seez à neuf Leçons le 16 Mai ; celle de S.
Latuin auffi à neuf Leçons le 20 Juin , &
celle de S. Godegrand qui y eft appellé
Gordianus pareillement à neuf Leçons le 3
Septembre. Il n'y a au Calendrier que ces
trois Evêques de Seez , mais S. Julien premier
Evêque du Mans y eft Duplex in omnibus
& en lettres rouges. Il femble qu'on le
regardoit comme l'un des Apôtres du Dior
céfe dont le fien eſt voiſin. L'Auteur a grande
raifon d'exhorter ceux qui ont des Mé
moires fur le Diocéfe de Sais à les lui communiquer;
puiffent fes demandes parvenir
jufqu'à ceux qui ont les Mémoires qu'avoit
dreffés l'Abbé des Thuilleries , & être exauMAI
1746 125
cées! Un pouillé eft auffi une des chofes qu'il
promet , laquelle fera très- utile aux amateurs
de la Géographie Topographie. Il eft
à fouhaiter que nous ayons celui de tous les
Diocéfes de France pour l'avancement de la
Notice du Royaume d'une maniére auffi
exa&e que fera celui que M. l'Abbé Efnault
donnera.
TRAITE' des Teftaments , codiciles , donations
, à caufe de mort , & autres difpofitions
de derniére volonté fuivant les principes & les
décifions du Droit Romain , les Ordonnances,
les Coûtumes & Maximes du Royauume, tant
des Pays de Droit Ecrit , que Coûtumier, &
la Jurifprudence des Arrêts ; par Me. Jean-
Baptifte Furgole Avocat au Parlement de
Touloufe , tom. II . à Paris au Palais , chés
Jean de Nully Libraire Grand'Sale, du côté
de la Cour des Aides , à l'Ecu de France &
à la Palme , 1746 in 4º .
Dans ce II tom.l'Auteur traite du pouvoir
du Teftateur , des biens qui peuvent ou ne
peuvent pas faire la matiére des difpofitions
teftamentaires , des conditions , charges ou
modes que le Teftateur peut impofer; le tout
avec l'étendue que mérite une matiére fi
curieufe & fi épineufe . Comme le plus grand
nombre des queftions contenues dans ce fecond
volumé font puifées dans le Droit
Fiij
26 MERCURE DE FRANCE.
Romain que nous avons adopté par notre
Jurifprudence au défaut des Coûtumes &
des Loix pofitives fur un fujet auffi important
, l'Auteur a eu foin de relever ainſi qu'il
l'a fait dans fon premier volume donné au
public en 1745 , les écarts dans lefquels la
plupart des Interpretes du Droit font tombés
, de forte qu'il y a lieu d'efpérer que le
public ne recevra pas moins favorablement
ce fecond tome que le premier ; le prix de
ce fecond volume eft de 8 liv. relié.
On trouve chés le méme Libraire les
Ouvrages fuivans,
COUTUMES de la Province du Comté-Pai
rie de la Marche , reffort du Parlement de
Paris , avec des obfervations effentiellement utiles
pour les entendre dans le fens & l'énergie
où elles doivent l'être ,felon les ufages àpréfent
reçus en ladite Province , & l'autorité des
Sentences du Préfidial & Sénéchauffée Royale
de la Ville de Gueret Capitale de la même Province
, & des Arrêts de ladite Cour du Parlement
, qui font intervenus en conféquence ;
on a joint toutes les Ordonnances , Edits , Dé
clarations & Arrêts de Louis XV. concernant
la Jurifprudence nouvelle , par M. Couturier
de Fournoue, Ecuyer Confeiller Secretaire du
Roi , Maifon Couronne de France , & ancien
Confeiller & Procureur du Roi au PréΜΑΙ
1746: 129
fidial & Sénéchauffée de la Marche , volu
me in 8. 6 liv, relié.
1
LES COUTUMES de la Marche expliquées.
& interprétées fuivant les Loix ; Les meilleurs
Auteurs , les Arrêts intervenus , par Me.
Jabely ancien Avocat au Parlement. Nouvelle
Edition , revûe , corrigée , & conferée
avec la Coûtume de Paris , avec de nouvelles
Annotations , par Me. Germain - Antoine
Guyot , Avocat au Parlement ; volume
liv. relié in 123
COUTUMES du Haut & Bas Pays d'Auvergne
avec lès Notes de Me. Charles du
Moulin, & les Obfervations de Me, Claude
Ignace Probes. Nouvelle édition , revue ,
corrigée & augmentée de nouvelles Notes ,
dont les principales font fur les articles de la
Coûtume qui ont été abrogés ou changés
par
les nouvelles Ordonnances du Roi Louis
XV. par Me *** . Avocat en Parlement
dédiéés à M. le Maréchal de Noailles ; deux
vol. in 8. 12 liv, reliés .
Ces trois Coûtumes, s'impriment à Cler
mont - Ferrand avec privilége du Roi , chés
Pierre Viallanes , Imprimeur Libraire , rue
de la Treille près les PP. Jefuites.¡
M. l'Abbé Garnier Docteur en Théo
Fij
128 MERCURE DE FRANCE.
logie , donna Dimanche 1. Mai 1746 à z
heures pour l'ouverture de fes Conférences
publiques & gratuites en faveur des jeunes
gens une Differtation fur les grands avantages
qu'on retire tous les jours de la con
noiffance de la Géographie & de la Chronologie
, & il continuera fes leçons fur ces
fciences les Lundis & Jeudis de chaque femaine
à 1 heure moins un quart dans une
des fales du Collège de la Marche.
DIMANCHE SUIVANT 7 du préfent
mois , à la même heure , M. l'Abbé le Tort
Bachelier en Droit lut un Mémoire contenant
les fentimens des Philofophes anciens
& modernes de toutes les Nations fur la
création de l'Univers , & il traitera de l'Hiftoire
en général depuis le commencement
du monde jufqu'à préfent : il fera fes Leçons
le Mardi & le Vendredi dans le même Collége
à midi trois- quarts.
LE SIEUR Dernis chef du Bureau- des
Archives de la Compagnie des Indes eut
l'honneur le Lundi de Pâques 11 du mois
dernier de préfenter au Roi une Carte dont
on a fait mention dans les Mercures précédens
, qui porte pour titre : Parités reciproques
de la livre numéraire inftituée par l'Empeveur
Charlemagne , proportionnement à l'angMAI
1746. 129
mentation du prix du marc d'argent , arrivée
depuis fon régne jufqu'à celui de Louis XV..
le Bien - Aimé, avec une ample explication.
On avertit ceux qui ont acheté ou qui
voudront acheter cette Carte , qu'ils trouveront
l'une & l'autre chés le Sieur Beaumont
fur le Pont Notre Dame à l'Enſeigne
du Griffon d'or , & chés l'Auteur à l'Hôtel de
la Compagnie des Indes .
Abregé de la Carte préſentée au Roi par
le Sieur Dernis le 11 Avril 1746..
Chaque Roi a une ligne & une colonne
qui lui font affectées , excepté S. M. qui en a
deux , à cauſe des deux Epoques de 1720
& 1726.
La ligne fait voir la valeur de la livre du
Roi , dont le nom eft en marge , en Monnoye
des autres Rois antécédens ou fubféquens.
Et la colonne apprend quelle eft en
monnoye du Roy , dont elle marque le
nom , la valeur de la livre de tous les autres
Rois anterieurs ou pofterieurs.
Pour trouver la valeur reſpective de la livre
de deux Rois , tels que, l'on voudra
choifir , voici la regle.
Si c'eſt, par exemple, Charles V. & François
I. la valeur de la livre de ce Roi
fe trouve fur fa ligne dans la colonne de
Charles V , & la valeur de la livre de celui-
1
Ev
130 MERCURE DE FRANCE.
ci fur fa ligne , & dans la colonne de Fran
çois premier. Il en eft de même de tous les
autres Rois.
On y trouve par exemple que 20 fols du
tems d'Henri IV. équivaudroient à deux
livres 8 fols de notre monnoye, 20 fols du
tems de Louis XIII à une liv. 15 fols 3 den.
20 fols du tems de Louis XIV à une livre ›
4 fols i den. & enfin zo f. de l'époque de í
1720 à 8 f. 4 d. de l'époque depuis 1726.
Le Public eft averti qu'après le decès
de M. le Chevalier de la Roque , Auteur
du Mercure de France , il eft refté plufieurs
fuites complettes de ce Journal commencé
au mois de Juin 1711 & continué jusqu'au
mois d'Octobre 1744 inclufivement ; ceux
qui voudront acquerir le tout ou partie
pourront s'adreffer à M. de la Roque , frere
de l'Auteur , qui leur en fera une compofition
raiſonnable : fa demeure eft vis- à vis
la Comédie Françoife chez M. Procope .
Comme il peut fe trouver des perfonnes
qui ont déja des fuites de ce Journal & qui
peuvent être défectueuſes ; en ce cas on
pourra leur fournir les volumes qu'ils n'au
ront pas,
MAI
13F 1746.
ARREST de Confeil d'Etat du Roi du 15 Avril ,
qui ordonne que dans le tems de deux années tous
ceux qui ontfouf rit pour le Livre intitulé : Grammatica
Hebraica & Chaldaica , & Lexicon Hebraïcum
& Chaldaicum , Auctore D. PETRO
GUARIN , feront tenus de retirer des mains du
fieur COLLOMBAT les Exemplaires dudit Livre,
Extrait des Regiftres du Conseil d'Etat.
Ur la Requête préſentée au Roi étant en fon
Confeil par Jacques F. Collombat, premier Im
primeur ordinaire du Roi , & des Cabinet & Maifon
de Sa Majefté ; contenant qu'il a achevé d'im -
primer en trois volumes in-quarto un Livre intitulé
: Grammatica Hebräïca & Chaldaica , & Lea
xicon Hebraicum 5 Chaldaicum , Audore D. Petro
GUARIN , Monacho Ordinis San&i Benedicli è Congregatione
Sandi Mauri , propofé par Seuſcription :
partie des Soufcripteurs ont retiré les premier &
fecond volumes , d'autres ne les ont point encore
retirés comme il eft important au Suppliant
pour le mettre , & fa Famille , à l'abri de toutes
recherches , que le tems de la délivrance de ce
Livre aux Soufcripteurs foit limité à un certain
tems , paffé lequel les Soufcripteurs ne feront plus
reçûs à fe prévaloir de leurs Soufcriptions ; il a été
confeillé de recourir à l'autorité de Sa Majefté ,
pour lui être fur ce pourvû : Requeroit à ces caufes
le Suppliant qu'il plût à Sa Majefté ordonner
que pendant le tems de dix - huit mois ,
ou tel autre délai que Sa Majefté jugera à propos
de limiter, ceux qui ont foufcrit pour ledit livre
intitulé : Grammatica Hebraica & Caldaica , & Lea
*Icon Hebraicum & Cabdaicum , feront tenus de re
Fvj
132 MERCURE DE FRANCE.
tirer des mains du Suppliant les trois volumes du
dit livre , paffé lequel tems de dix - huit mois ou
autre délai , lefdits Soufcripteurs feront & demeureront
déchus des avantages de leurs Soufcriptions,
& tenus de payer le prix dudit livre , comme s'ils
n'avoient pas foufcrit , à la déduction néanmoins
de ce qu'ils auront payé pour foufcription , fans
qu'ils puiffent prétendre aucune remife , fous
quelque prétexteque ce puiffe être, Vû ladite Requête
, Signée POITEVIN DU LIMON : Oui le
rapport ; le Roi étant en fon Confeil , de l'avis de
M. le Chancelier, a ordonné & ordonne que dans
le tems de deux années , à compter du jour de la
pubilcation du préfent Arrêt , tousceux qui auront
fou crit pour le livre intitulé : Grammatica Hebraica
& Chaldaics, Lexicon Hebraicum &Chaldaicum
, feront tenus de retirer des mains du fieur
Collombat les Exemplaires dudit livre , finon , &
à faute par eux de le faire dans ledit tems , & icelui
paffé , lefdits Soufcripteurs demeureront déchus
des avantages de leurs Soufcriptions , &tenus
de payer le prix dudit livre , ainfi que s'ils n'avoient
pas foufcrit , à la déduction néanmoins
des fommes par eux payées lors des Soufcriptions
par eux faites , defquelles il leur fera tenu compte.
Ordonne Sa Majeffé que le préfent Arrêt ſera imprimé
, publié & affiché par tout ou befoin fera.
FAIT au Confeil d'Etat du Roi , Sa Majefté y
étant , tenu à Verfailles le 15 Avril mil ſept
cent quarante fix . Signé , PHELYPEAUX .
ESTAMPES NOUVELLES.
!
E fieur PETIT Graveur rue S. Jacques entre
Lafue desNoyers & la rue des Mathurins , qui
continue de graver avec fuccès la fuite des Hom
MAL 1746 138
mes Illuftres du feu fieur Defrochers Graveur ordinaire
du Roi , vient de mettre au jour les deux
Portraits fuivans .
ANNE-CHARLOTTE DE LOKKAINE foeur de
François-Etienne de Lorraine , Grand Duc de
Toſcane , née le 17 Mai 1714. On lit ces Vers
au bas.
Par mes vertus , par mes attraits,
Je regne fans couronne , & je puis dire
Que j'ai le monde pour Empire ;
Que tous les coeurs font mes ſujets.
LE PRINCE MENDI BENOIST , fecond fils de
Jacques STUARD, né à Rome le 25 Mars 1725 ce
Portrait eft haut de 9 pouces & 6 lignes fur envi
ron fept pouces & demi de largeur ; il eft le pendant
de celui du Prince Charles Edouard fon frere
aîné que vend le même
graveur.
,
Madame de Vanhove vient de faire graver avec
privilegeexclufiftoutes lesCantates Françoises avec les
Nuis de Sceaux compofées par feu M. Bernier
Maître de Mufique de la Chapelle du Roi : elle
les vend chés elle , rue des Petits Auguftins Fauxbourg
Saint Germain , vis à - vis la rue des Marais
à côté d'un Epicier ; elle les donne à vendre chés
Nully Libraire au Palais, & chés Poilly rue Saint
Jacques à l'Efperance , vis-à-vis celle du Plâtre.
734 MERCURE DE FRANCE.
ODE en ftrophes libres à M. Titon du Tilles
fur la mort deM. de l'Argilliere Chancelier
ancien Directeur de l'Académie Royale .
de Peinture & Sculpture.
L
1.3 .
'Argilliére deſcend dans la nuit du tombeau ;
Cher Titon , tu verſes des larmes :
Appollon , comme toi , dans de vives allarmes
Gémit fur le double côteau.
En proye à fa douleur funebre
Le Dieu fe retraçant tant d'ouvrages parfaits
Veut que le chevalet de ce Peintre célébre
Soit fon pupitre déformais .
De fon côté Venus enrichit fa toilette
Du coloris brillant que produit fa palette ,
Et T'Amour qui puifa dans fes rians tableaux
Le goût , le naturel , la douceur , la décence ,
Pour foumettre à coup fûr les coeurs à fa puiſſance ,
Fait des fleches de fes pinceaux.
& 835:38:13 ERERERA
EPIGRAMME de M. Desforges Maillard
dont M. de Largilliere à fait le portrait.
PEintre admirable , dont la main
Fit éclore mes traits fous ton pinceau divin;
Ce tableau , quand le fort te prolongeoit la vie ,
MAI 1746. 118
M'étoit cher , par rapport à moi;
A préfent qu'elle t'eft ravie ,
Confervant dans mon coeur ta mémoire cherie
roue
ร
Je l'aime par rapport à toi.
On a dû expliquer les Enigmes & les Logogry
phes du Mercure d'Avril par la Langue , l'Alphabet,
efeu , Procureur, feptuagenaire . Comédie.On trou
ve dans le premier Logogryphe porc ,puce , poucous
coeur , cù , ver ,roc , peur, rue , coureur , cor
proue , Curé , pré & cour. Dans le fecond Perfe ,panier,
Sage , gaieté , vin , nuage , ver ,ferpe +pain , ris , vi-
Sage, gant, pefte, rage , un, fept, aune,pinte, gain, perte',
Ange, argent, Négre , jeune , efprit , Egée , pie , air ,
eau , vigne , épée , geniévre , Enée , âne, an , vie, Juge,
pâté , fi , ut , re , vis , Penates , patin , Sara& Agar
On trouve dans le troifiéme mode, mie, Medoc , Odey
Mi , Die , Dece , Médie , Côme , Code 5 Dome.
EXPLICATION
Dupremier Logogryphe du mois d'Avril
Q
Uand je vois dans un mot Curé , puce , &
Coureur ;
Ver , porc , coup , cor & proue ;
'Peur , cou , pré , roc , & roue :
Je me dis auffi - tôt, Ah ! c'eft un Procureur.
DE LA LAURE
136 MERCURE DE FRANCE.
EXPLICATION
Du dernier
Logogryphe
Aux gens d'un certain âge il faut laiffer la mie
La mode au fexe feminin ;
Le Code à l'Avocat poupin ;
Aux Mahométans la Médie :
L'Ode au Poëte badin ,
Et l'ainable Gauffin jouer la Comédie.
Par Mile Formel de Vitry-le- François.
****
ENIGME
PAR de tendres chanfons , par rufe & par
adrefle
Je feduis les paffans , & c'eft tout mon emploi,
Jadis j'eus la douleur de voir un Roi de Grece
Méprifer tous mes foins par un trait de fageffe.
L'honneur & la vertu ne me font point la loi.
La forme de mon corps eft tout à fait étrange
Et ma moitié d'en bas caufe un horrible effroi
MAI, 137 1746.
On voit en ma perfonne un monftrueux melange ,
Et , fans exagerer , je reunis dans moi
La malice d'un diable & la beauté d'un ange.
Par M. Cottereau Curé de Donnemarie.
*23T33233C3« €334
LOGOGRYP HE.
E cherche point quel eft mon pere
NE
Mon origine eft extraordinaire.
Trompé par la fin de mon nom
Ne vas pas me crofre Breton.
Parmi mes pieds j'en ai fix remarquables ,
Deux defquels font en tout femblables
Dans cinq ans tous fix paroitront
Et l'an qui courra marqueront.
Mes autres pieds , fi tu veux les connoître
Je puis ici te les faire paroître ,
Et fans tourner autour du pot ,
Te les prefenter dans un mot .
Tu les peux voir , & la chofe eft aisée
En coupant la tête à Theſée.
138 MERCURE DE FRANCE
Le fieur Briart qui demeure dans la Cour
& rue Abbatiale de Saint Germain des Prés
à Paris , continue de compofer une Effence
d'Ogni Fiori ou de toutes fleurs , d'une
odeur agréable ; on en met quelques goutes
dans l'eau dont on fe lave après avoir été
rafé ; elle rend l'eau laiteufe ; les Damés
s'en fervent pour fe décraffer & rendre la
peau douce & unie ; elle ne nuit point au
teint ; il la vend 24 f, l'once.
Il continue avec fuccès à faire la vérita
ble Effence de Savon à la Bergamotte , &
autres odeurs douces , dont on ſe ſert pour
la barbe au lieu de Savonette ; les Dames
s'en fervent auffi pour fe laver fe vifage &
les mains ; il la vend huit fols l'once : il avera
tit que les bouteilles font toujours cachetées
& qu'autour du cachet on lit fon nom & fa
demeure ; on voit auffi une petite bouteille
empreinte dans le milieu du cachet où il y
a le nom de la liqueur , comme à l'Ogni
Fiori. Les plus petites bouteilles font d'en
viron cinq onces.
Il fait aufli de très bons Cuirs à repaffer
les rafoirs avec lefquels on peut fe paffer
de pierre à éguifer ; il les vend depuis qua
rante fols jufqu'à foixante à un feul côté,
& depuis 4 liv . jufqu'à 8 à deux côtés dif
ferents; il donne la maniere de s'en fervir.
THE
NEW
YORK
JUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
M A Ï. 139 1746.
X X XX X
PARODIE
Des Menuets de la Comédie Italiennes
D
U préfent je m'occupe
Qui le perd eft dupe.
L'avenir
Ne me fait point fremir.
Jouir
Eft mon unique étude.
Je fuis l'inquiétude .
Mes défirs
N'enfantent que d'heureux foupirs.
J'aime à vivre dans les plaiſirs ;
Mon coeur s'y livre.
Le tems fuit ,
Il me détruit ;
Mes jours
Seront courts ,
Mais j'en fais ufage ;
Je les rends variés & charmans ;
Je fens , je fens le prix du tems
Que l'envie
Et les cenfeure
140 MERCURE DE FRANCÉ .
Traitent d'erreurs
Les charmes de la vie
و ت
Je me ris de leurs difcours.
Plaifirs , enchainez mes jours.
De la treille le doux jus ,
L'art de Momus ,
Mais fans abus
Du monde font les élus,
Avec Comus
J'unis Venus ,
Glycere
Suit mes leçons ,
Et mes chanſons
Ont le don de lui plaire
Et fa voix
Au fond des bois
Mêle à mes chants
Les plus doux accents.
Les bois
Aux amans donnent des droits
Et de leurs feuillages
Les
avantages
Fixent mon choix.
Là fans effroi ,
Pour gage de fa foi ,
Ma bergere fe livre à moi ;
Sa tendreffe
Sa foibleffe
•
MAI. 149 1746,
Son air interdit ,
Ses yeux , tout me dit
Que de fa rigueur
Mon amour vainqueur
Rend chere à ſon coeur
Cette retraite.
Chantons à jamais
Tous les attraits
De fa défaite,
Nos voeux.
N'ont d'autre objet que nous deux,
Dieux !
Quels momens délicieux !
Ces lieux
Pour moi font l'image
Des Cieux.
142 MERCURE DE FRANCE,
SPECTACLES.
柴柴
Académie Roiale de Mufique a continué
les répréſentations du Temple de
la Gloire , & l'on a continué d'y admirer
un grand nombre de symphonies dignes de
l'inimitable auteur de la Mufique.Nous avons
promis de rendre compte des changemens
faits au premier acte ; ils ne regardent la
Mufique qu'autant que les paroles font chan
gées , carà l'égard des divertiffemens , ils
font à fort peu de choſe près les mêmes , &
il auroit été difficile que l'on n'eut pas perdu
en changeant d'avantage ; il n'eft rien de
plus agréable que la mufette qui forme en-
Tuite un choeur , les deux gavottes en forme
de tambourins & les deux menuets A l'égard
des paroles , M. de Voltaire ne fait plus paroître
les Muſes , & ne les fait plus braver par
Belus ; ce double fpectacle étoit d'une exécution
trop compliquée pour être bien
rendu. Belus étonné d'avoir vu le Temple
de la Gloire fe fermer devant lui , fe
trouve au milieu des bergers qui dans leurs
chants célébrent l'humanité, la bienfaifance
MAI. 1746.
143
la conftance ; Belus s'attendrit par degrés
& Lydie qui paroît à la fin acheve d'adoucir
la férocité de ce conquérant injufte.
L'entrée de Belus fur le théatre eft d'une
grande beauté , & l'on peut fans rifquer d'en
trop dire , avancer qu'elle eft digne de l'illuftre
auteur de ce Poëme. Belus paroît dans
le lointain entouré de fes guerriers , aux
portes du Temple, au milieu des foudres &
des éclairs ; il s'avance dans le bocage des
Mufes.
Où fuis-je ! qu'ai - je vů ? non , jene le puis croire
Ce Temple qui m'eft dû , ce ſéjour de la Gloire
S'eft fermé devant moi.
t ‚" ལྟ
Mes foldats ont fremi d'effroi .
La foudre a devoré les dépouilles fanglantes.
Que j'allois confacrer à Mars ;
Elle a brifé mes étendars
Dans mes mains , triomphantes.
Le bruit du tonnerre recommence.
Dieux implacables , Dieux jaloux ,
Qu'ai-je donc fait qui vous outrage
' ai fait trembler l'Univers fous mes coups ,
J'ai mis des Rois à mes genoux ,
Et leurs fujets dans l'esclavage ;
Je me fuis vengé comme vous ;
Que demandez vous davantage
144 MERCURE DE FRANCE.
Nous aurions fouhaité que parmi les changemens
faits en petit nombre à l'acte de
Trajan on n'eut point fait chanter à ce Prince
un ramage d'oifeaux ; c'eft pouffer trop
loin le privilége qu'a la mufique de ne pas
toujours s'accorder avec les convenances ;
elle peut les efquiver,mais non les heurter de
front , & l'on ne peut difconvenir que la plaifanterie
qui a fait dire que déformais on
appelleroit Trajan , Trajan l'Oifelenr, ne foit
meritée,
On a remis au Théâtre le Jeudi douze
Mars les Amours des Dieux , Ballet repréfenté
pour la premiere fois le Dimanche 14
Septembre 1727 ; il a reparu pour la fe
conde fois fur la fcéne le mardi 18 Juin
1737 ; l'approbation de M. de Moncrifjuge
competant des ouvrages lyriques , apprend
que les représentations de ce Ballet ont toujours
été reçûes favorablement du public.
Ainfi nous ne nous étendrons pas fur les
fuccès de la Piéce ; nous avons de bonnes
raiſons pour n'en pas louer les paroles ;
l'Auteur s'en tient au temoignage de l'approbateur
; il n'eft pas homme à prendre la
peine de s'encenfer lui - même.
A l'égard de la Mufique qui eft du gracieux
Mouret , elle eft naturelle , elle n'eft
point fémée de ces difficultés ultramontaines
fi bien copiées par quelques compofiteurs
MAI. 1746.
145
teurs & fi admirées par la fecte fanatique
des harmoniſtes pédans qui n'eftiment en
Mufique que les carillons & les charivaris.
L'agréable & fçavant Auteur du Spectacle de
la Nature à bien developpé ce ridicule entêtement
dans ſon ſeptiéme volume , mais ſa
politeffe & fa moderation l'ont engagé à
fupprimer les traits lesplus caractériſtiques de
fes peintures. Nous ne donnerons point un
extrait du Prologue & des trois Actes qu'on
a laiffés à ce Baller. Le fecond Acte eft facrifié
à la faifon de la promenade. Nous ne
parlerons même que fuccintement de la Mufique
qui eft trop connue pour n'être pas fort
eftimée. Nous nous contenterons de louer
les danfes qui font variées & très bien exécutées
, & les acteurs qui rempliffent parfaitement
leurs rolles . Jamais , fur tout, les
regrets d'Apollon n'ont été plus touchans ,
& les plaintes d'Ariane n'ont frappé plus vivement
les connoiffeurs. La Cantatille de
Coronis a été executée avec la legereté &
le goût qu'elle exige. Melles Bourbonnois &
Jaquet ont repondu à l'attente du public qui
a été extrêmement fatisfait d'entendre Mrs.
Chaffé , le Page , Poirier & Latour.
COMEDIE FRANCOISE.
On n'a rien donné de nouveau fur ce Théâ-
G
146 MERCURE DE FRANCE.
tre qu'un feu d'artifice qui a été approuvé.
COMEDIE ITALIENNE.
*
La Coquette Fixée dont le fuccès a été brillant
a été fuivie d'une petite Piéce compolée
de fcénes épifodiques intitulée la Félicité.
les Acteurs en font prefque tous des êtres
métaphyfiques , c'eft l'illufion , c'eft le caprice,
c'eft l'oifiveté que l'on fait fondatrices de
l'Ordre de la Felicité , affociation nouvelle
qui a des Loix & des parties plus galantes que
celles des frei- maçons.
--
Il y a de l'efprit dans cette Piéce , &
furtout une fcéne jouée par M. Riccoboni eft
femée de traits neufs & très vivement
écrite. Le divertiffement qui repréſente la
reception de Scapin dans l'Ordre de la Félicité
eft compolé de chanfons très- jolies
& fort-bien chantées & de danfes très- bien
exécutées .
MAI. 147 1746.
je2 of fe fefe fe to ſo L. fe && aſs fe ofé ofe af ofc ofe ofe ofe ✡,
JOURNAL DE LA COUR ,
DE PARIS , &c.
E 24 du mois dernier le Roi tint un
Chapitre de l'Ordre du Saint Efprit ,
dans lequel l'Abbé de Pomponne Chancelier
des Ordres du Roi rapporta les preuves de
Religion & de Noblefie du Prince d'Ardore
Ambaffadeur du Roi des Deux Siciles auprès
du Roi , & qui avoit été propofé le 1er.
du mois de Janvier dernier pour être Che-
Vlier. Ces preuves ayant été admifes le
Koi a permis au Prince d'Ardore de porter
les marques de l'Ordre en attendant qu'il
puiffe étre reçû .
Le 26 & le 27 le Roi & la Reine enten,
dirent dans la Chapelle du Château la Meſfe
de Requiem pendant laquelle le De profundis
fut chanté par la Mufique , le 26 pour
PAnniverſaire de Monfeigneur le Dauphin
Ayeul du Roi , & le 27 pour celui de Madame
la Dauphine Ayeule de Sa Majesté.
Le 23 pendant la Meffe du Roi l'Evêque de
Leictoure prêta ferment de fidelité entre les
mains de Sa Majeſté.
G ij
148 MERCURE DE FRANCE.
Le 16 Monfeigneur le Dauphin donna au
nom du Roi d'Efpagne le Colier de l'Ordre
de la Toifon d'Or au Duc de Lauraguais
qui a été nommé il y a quelque- tems Che
valier de cet Ordre. Cette cérémonie ſe fit
dans l'appartement de Monfeigneur le Dauphin
, & plufieurs Chevaliers de l'Ordre de
la Toifon d'Or , qui y avoient été invités ,
y alfifterent.
Le 17 les Députés des Etats de Bourgogne
eurent audience du Roi . Ils furent prélentés
par
le Duc de Saint Aignan Gouver
neur de la Province , & par le Comte de S.
Florentin Secretaire d'Etat , & conduits en la
maniere accoûtumée par le Marquis de
Dreux Grand Maître des cérémonies & par
M. Defgranges maître des cérémonies. La
Députation étoit compofée pour le Clergé
de l'Abbé de Cifteaux qui porta la parole ;
du Marquis de Biffy Lieutenant Général des
armées du Roi & Gouverneur des Ville &
Château d'Auxonne pour la Nobleſſe ; de
M.Voifenet pour le Tiers Etat; de M.Rigolley
de Mypons Secretaire des Etats ; de M.
Chartraire de Montigni Tréforier Général de
la Province & de M. Rouget Syndic.
Le 24 M. Durini Archevêque de Rhodes
& Nonce ordinaire du Pape auprès du Roi
fit fon entrée publique à Paris. Le Prince de
Guife , & M. de Verneuil Introducteur des
MA I. * 149 1746.
Ambaffadeurs allerent le prendre avec les
caroffes du Roi & de la Reine au Convent
de Picpus d'où la marche fe fit dans l'ordre
fuivant .
Le caroffe de l'Introducteur , celui du
Prince de Guife ; un fuiffe du Nonce , à
cheval , fa livrée à pied , fes Gentils hommes ,
fon Ecuyer & fes Pages à cheval ; le caroffe
du Roi , aux portieres duquel marchoient la
livrée du Prince de Guife & celle de M. de
Verneuil ; le caroffe de la Reine , celui de
Madame la Dauphine , celui de Madame
la Ducheffe d'Orleans Douairiere , ceux du
Duc d'Orleans , du Duc de Chartres , de la
* Ducheffe de Chartres , du Comte de Charolois
, du Prince de Conty , de la Ducheffe
du Maine , du Prince de Dombes , du Comte
d'Eu , de la Comteffe de Toulouſe , du
Duc de Penthiévre , de la Ducheffe de Penthiévre
& celui du Marquis d'Argenfon Miniftre
& Secretaire d'Etat ayant le département
des affaires étrangers. Les quatre caroffes
du Nonce marchoient enfuite à une
diſtance de quarante pas ; lorfqu'il fut arrivé
à fon Hôtel il y fut complimenté de la
part du Roi par le Duc de Richelieu Premier
Gentilhomme de la Chambre de Sa M.
de la part de la Reine par le Marquis de
Chalmazel fon Premier Maître d'Hôtel ; de
part de Madame la Dauphine par le Mar- Ja
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
quis de Rubempré fon Premier Ecuyer , &
de la part de Madame la Ducheffe d'Orleans
Douairiere par le Marquis de Crevecoeur
premier Ecuyer de S. A. R.
Le 26 le Prince de Guife , & Mr. de
Verneuil Introducteur des Ambaffadeurs al
lerent prendre le Nonce du Pape en fon
Hôtel & ils le conduifirent avec les caroffes
de leurs Majeftés à Verſailles où il eut fa
premiere audience publique du Roi. Le
Nonce trouva à fon paffage dans l'avant cour
du Château les Compagnies des Gardes Françoifes
& Suiffes fous les armes , les tambours
appellant ; dans la cour les Gardes de la
Porte & ceux de la Prévôté de l'Hôtel fous
les armes à leurs poftes ordinaires , & fur
l'efcalier les Cent Suifles én habits de cérémonie
& la hallebarde à la main. Il fut reçû
en dedans de la Sale des Gardes par le Duc
de Bethune Capitaine des Gardes du Corps
qui étoient en haye & fous les armes. Après
l'audience du Roi le Nonce fut conduit à
.celles de la Reine , de Monfeigneur le Dauphin
& de Madame la Dauphine par le Prince
de Guife & par M. de Verneuil. Il eut enfuite
audience de Mefdames de France , &
après avoir éte traité par les Officiers du Roi
il fut reconduit à Paris à fon Hôtel par le
même Introducteur avec les caroffes de leurs
Majeftés.
MA I. 1948. ITT
Le même jour M. Gillés que les Etats
Généraux des Provinces Unies ont envoyé .
au Roi en qualité de leur Miniftre Plénipo
tentaire & qui eft arrivé à Paris le 18 du .
mois dernier , fe rendit à Verſailles & il eut
une audience publique du Roi. Il y fut conduit
ainfi qu'à celles de la Reine , de Mon
feigneur le Dauphin , de Madame la Dauphine
& de Mefdames de France par M. de
Verneuil Introducteur des Ambaffadeurs .
Le Roi eft parti le 2 de ce mois vers les
deux heures du matin pour aller fe mettre
à la tête de fon armée . Sa Majesté a couché
le même jour à Arras d'où elle s'eft renduë
le lendemain à Gand.
Le rer. le Marquis Pallavicini Envoyé
Extraordinaire de la République de Génes
éut fa premiere audience publique du Roi,
& enfuite de la Reine , de Monfeigneur le
Dauphin , de Madame la Dauphine & de
Mefdames de France. Il fut conduit à ces
audiences par M. de Verneuil Introducteur
des Ambaffadeurs qui étoit allé le prendre
avec les caroffes du Roi & de la Reine , &,
après avoir été traité par les Officiers du Roi
il fut reconduit à Paris avec les caroffes de
leurs Majeftés par le même Introducteur .
Les Ambaffadeurs & les autres Miniftres
Etrangers ayant été informés de la part du
Roi du prochain départ de Sa Majeſté , ils
Gi
152 MERCURE DE FRANCE.
eurent le même jour l'honneur de complimenter
le Roi à cette occafion & de lui fouhaiter
un heureux voyage.
Le 5 le Corps de Ville entendit dans
l'Eglife du Saint Efprit Mune efle folemnelle
qu'il y a fait célebrer pour demander à
Dieu la confervation de la perfonne facrée
du Roi & la profperité des armes de Sa
Majefté ; le Bureau de la Ville a ordonné que
tous les jours à midi jufqu'au retour du Roi
il fut célebré une Meffe dans cette Eglife à
la même intention,
Un détachement fait des troupes qui compoferont
l'armée de Conty s'eft affemblé à
Binfche & il eft commandé par le Comted'Eftrées
Lieutenant Général lequel a fous
fes ordres le Marquis de la Cofte Meffeliere,
le Marquis de Fiennes , le Comte de Coetlogon
& le Marquis de Baupreau Maréchaux
de camp.
M. de Voltaire qui a été élû pour remplir
dans l'Académie Françoiſe la place
vacante par la mort du Préſident Bouhier
y fut reçu le 9 de ce mois , & il fit fon
difcours de remerciment auquel l'Abbé d'Olivet
Directeur repondit au nom de l'Académie.
MAI.
153 1746.
L
BENEFICES DONNE'S.
E Roi a accordé la Dommerie d'Aubrac
, Ordre de Saint Benoît , Diocèfe
de Rhodez , à l'Abbé de Clermont d'Amboife.
L'Abbaye de Quimperlay . même Ordre
, Diocéſe de Quimper, à l'Abbé de Vaurouault
de Goyon , & celle de la Vieuville ,
Ordre de Cifteaux , Diocèſe de Dol , à
l'Abbé Thomas.
PRISES DE VAISSEAUX.
L
E Corfaire l'Intrepide que monte le Capitaine
la Place eft rentré dans le Port
de Saint Malo avec le navire ennemi la
Françoife.
On a reçû avis que le Corfaire la Victoire
de Bayonne avoit envoyé à Nantes un
bâtiment Anglois de 250 tonneaux , chargé
de falines & d'autres marchandiſes.
Les fregates du Roi l'Etoile & l'Embufcade
, armées en courſe fous le commandement
de Meffieurs du Gué Lambert & Tabari
fe font emparées d'un navire qui eft
arrivé au Havre où le Capitaine Cantelou
commandant le Corfaire la Revanche de ce
Port a fait conduire un bâtiment de Guer
Gv
154 MER CURE DE FRANCE.
nezey dont la cargaiſon confifte en eau
de vie.
Les lettres écrites de Vigo marquent que
les Corfaires le Pellerin & la Pellerine de S.
Jean de Luz ont relâché dans ce premier
Port avec deux navires ennemis chargés
de bled.
M. Tabary commandant la fregato du
Roi l'Embuscade armée en courfe s'eft rendu
maître du Corfaire le Rovver de Briſtol ,
de 24 canons & de 190 hommes d'équipage
, & il l'a envoyé à Breft avec le navire
leComte de Derby de 160 tonneaux .
Il est arrivé dans le même Port un navire
de Londres nommé la Palme de 450
tonneaux & armé de 16 canons , dont la
cargaifon confifte en tabac & en pelleteries ,
& qui a été pris par le Corfaire la Revanche
de Granville que monte le Capitaine
Defnos Clement.
La fregate du Roi le Zéphire armée en
courſe & commandée par M. Tiercelin eft
rentrée dans le Port Louis avec les bâtimens
te Menard de Londres , & le Nancy de Dublin
, chargés l'un de tabac & l'autre de
diverfes marchandiſes .
On mande de Saint Malo que le Capitajne
Beaulieu Trehuoart qui monte le Corfaire
l'Heureux de ce Port y a conduit les
navires la Prefilla , l'Esperance & le Saint
MA I 1746,
155
Jacques , fur le premier defquels on a trouvé
beaucoup de fucre & des pelleteries , &
dont les deux autres portoient de l'eau de
vie , du fer & de la poudre à la Barbade. }
Le navire Anglois le Subgalet dont la
charge étoit compofée de tabac a été envoyé
à la Rochelle par la fregate du Roi
l'Etoile que commande M. Auffray du Gué
Lambert .
Les Corfaires la Bellonne & la Junon de
Bayonne ſe ſont emparés des navires ennemis
le Cirus & la.Fleur , chargés , le premier
de fucre , & le fecond de fil de carret ,
de cordages & de toiles pour des voiles de
vaiffeaux .
On a appris que le Comte du Guay Capitaine
de vaiffeau lequel aiant été chargé
d'efcarter la Flote des Ifles du vent avec
les vaiffeaux du Roi le Magnanime & be
Rubis , eut au mois de Novembre dernier un
combat très vif à foutenir contre l'efcadre
Angloife commandée par l'Amiral Thownfond
, avoit remis à la voile de la Martinique
le premier Mars dernier & qu'il étoit
revenu le 18 Avril à Breft avec cette flote
à l'exception de quelques bâtimens qui en
ont été feparés & dont plufieurs font déja
arrivés dans d'autres Ports. Il a pris dans
fa route up navire ennemi nommé le Goulle
G vjezda
156 MERCURE DE FRANCE.
chargé de quatre cent dix boucaux de tabac
, qu'il a envoyé à Rochefort.
Le Capitaine Dufrefne Marion commandant
le Corfaire le Prince de Conty de S.
Malo s'eft rendu maître des bâtimens Anglois
le Poftillon , de cent cinquante tonneaux ,
dont la cargaifon confifte en fucre & en coton
; le Jean Marie chargé de riz , & l'Induftrie
fur lequel il y avoit une grande quantité
de bled . Les deux premiers ont été conduits
à S. Malo & le troifiéme à Brehat..
Les Corfaires l'Anonyme du premier de
ces deux Ports , & la Charmante de Boulogne
ont envoyé à Morlaix un Corfaire
de Jerſey , & un navire de cent tonneaux..
Il eſt arrivé dans le même Port une priſe
faite par le Corfaire les trois Freres de Dunkerque
, qui s'eft aufli emparé du bâtiment
le Guillaume de Cheſter.
Les navires l'Aigle , la Réfelution & la
Société ont été pris par le Capitaine Clé-~
ment qui monte le Corfaire le Grand Grenot
de Granville .
Selon les lettres écrites de Bayonne le
Corfaire la Junon commandé par le Capitaine
Vigoureux y a fait conduire le navire
le Guillaume Marie de Mariland , de deux
cent cinquante tonneaux , à bord duquel
on a trouvé beaucoup de tabac & d'indigo.
MA 1. 157 1745.
Le bâtiment le Patti & Kitty de Waterford
a été envoyé au même Port par le Corfaire
le Gafcon.
Le Capitaine Soppite commandant le
Corfaire la Bafquoiſe a enlevé les navires
ennemis le Prince d'Orange , le Refingfun &
le London.
On mande de Saint Malo que les Capitaines
Ruault & Blondelas commandans les
Corfaires le Tavignon & le Comte de Maurepas
y ont fait conduire le navire les
deux Soeurs & un autre bâtiment Anglois
dont la cargaifon confifte en riz & en bois
de teinture.
Le navire la Marie Mack de Londres
chargé de bois de teinture , de coton & de
fucre a été pris par le Corfaire l'Anonyme
qui l'a envoyé dans le même Port.
Il éft arrivé à Brehat un bâtiment de 350
tonneaux dont le chargement eft compolé
de fucre , de cacao & de guildive , & qui a
été enlevé par le Corfaire la Marie Magdeleine
en revenant de la Barbade.
Le Capitaine Dangelot qui monte le Corfaire
le Duc d'Harcourt de Rouen à relâché
au Havre avec le navire le Couronnement
de Pool,
Le Corſaire le Poftillan de Dieppe , com
mandé par le Capitaine Altazin s'eft rem158
MERCURE DE FRANCE.
du maître d'un navire Anglois qui a été
conduit à Cherbourg ainfi que deux autres
bâtimens nommés l'Anfon & le Benjamin.
Suivant les avis reçus de la Hogue le Capitaine
Arein commandant le Corfaire l'Attrapefi
tu peux de Boulogne , a envoyé dans
le premier de ces deux Ports le bâtiment
l'Hirondelle de la même nation , fur lequel
on a trouvé du fucre & du riz.
On a appris de Saint Jean de Luz qu'il
y étoit entré un navire de cent tonneaux
dont s'eft emparé le Corfaire la Bafquoife
que monte le Capitaine Soppite.
On mande de Calais que la nuit du 22
au 23 du mois paflé il fit une fi furieuſe
tempête & un vent fi violent que le 23
à 6 heures du matin on vit navires échoués
à la côte entre les Paroiffes de Mark & Oye,
depuis Gravelines jufqu'à Calais.
MAI 1746 .
159
SAPSAPSAPSAPSAP SapSapsapSapsa
MAN DEMENT de fon Eminence
M. le Cardinal de Tencin , Archevêque
& Comte de Lyon , à l'occafion de
l'ouverture de la Campagne.
IERRE DE GUERIN DE TENCIN
, & C.
PIERRE
A tous Abbés , Doyens, Chapitres , Prieurs,
Curés , Vicaires , & autres Eccléfiaftiques ,
Séculiers & Réguliers , & à tous les Fideles
de notre Diocèfe : SALUT & Bénédction en
notre Seigneur.
Voici la troifiéme fois , mes très - chers
freres , que le Roi va commander ſon armée
en perfonne. S'il ne peut encore donner
la paix à fes fujets , il veut du moins
partager avec eux les travaux & les périls
de la guerre. Il le fait furtout par amour
pour la paix. De nouveaux fuccès la hâteront
peut-étre , & la préſence de Sa Majeſté
les affure . Efperons donc que cette Cam
pagne ne fera pas moins heureufe que celles
qui l'ont précédée. Puiffe t'elle l'être af
pour être la derniére ! fés
Nous ne doutons point , mes très- chers
freres , de la ferveur avec laquelle vous redoublerez
vos voeux pour la confervation du
160 MERCURE DE FRRANCE.
Roi. Le principal motif de ceux que vous
faites pour la paix , c'eft les dangers aufquels
la guerre expoſe des jours fi précieux .
A ces caufes , Nous Cardinal , Archevêque
& Comte de Lyon fuflit , après en avoir
fait conférer avec nos vénérables Freres Mrs
les Doyen , Chanoines & Chapitre de l'Eglife,
Comtes de Lyon , avons ordonné :
1º. Que dans toutes les Eglifes tant féculieres
que régulieres de la Ville & Fauxbourgs
de Lyon , exemptes ou non exemptes
on fera des Prieres de quarante heures
, avec expolition du Saint Sacrement ;
que le Dimanche premier du mois de Mai on
les commencera dans notre Eglife Primatiale
par une Meffe folemnelle, après laquelle
on portera proceffionnellement le très-
Saint Sacrement dans l'Eglife Paroiffiale de
Sainte Croix , pour y continuer lefdites Prieres
pendant trois jours confécutifs , & chaque
jour au foir on dira avant la Bénédiction
les Verfets , Panem de Coelo , & c. Fiat manus
tuafuperVirum dextera , &c. Fiat pax in virtute
tua , &c. avec l'Oraifon du Saint Sacrement
, celle qui fe trouve dans le Miſſel
Lyonnois page CIX. pro Rege & ejus Exercitu
, & dans le Miffel Romain celle qui fe
dit à la Meffe , Tempore belli , & la troifiéme
Oraifon fera celle pour la paix , Deus à
quefanita defideria , &c.
MAI 1746. 161
2. Que dans les autres Eglifes de la Ville
& Fauxbourgs de Lyon on y fera les mêmes
Prieres dans les jours & fuivant l'ordre
ci-après marqués.
3. Dans les autres Villes , Bourgs & Villages
de ce Diocèle on commencera les
Prieres de quarante-heures le Dimanche qui
fuivra la reception de notre préfent Mandement
, enforte néanmoins que dans les
lieux où il y a plufieurs Eglifes , la principale
les fera la premiere , & les autres fucceffivement
fuivant le rang qu'elles ont éntre
elles.
4°. Dans les Paroiffes de la campagne
dont les Curés ou Deffervans croiront que
fi lefdites Prieres fe faifoient les jours ouvrables
, il s'y trouveroit trop peu d'habitans
on les fera pendant trois. Dimanches confé-
'cutifs en expfoant le Saint Sacrement à la
Mefle Paroiffiale & à Vêpres feulement , &
après celles ci ils en donneront la Bénédiction
.
50. Nous ordonnons que jufqu'au retour
de Sa Majefté on chantera dans notre dite
Eglife Primatiale & dans toutes les autres
Eglifes de la Ville & Fauxbourgs de Lyon
& de notre Diocèfe tous les Dimanches
& toutes les Fêtes fêtées le Pfeaume Exaudiat
immédiatement après les Vêpres , & on dira
à toutes les Meffes au lieu de la Collecte
182 MERCURE DE FRANCE ;
pro pace , celle qui eft intitulée dans 14
Miffel Lyonnois , pro Rege & ejus Exercitu,
& dans le Miffel Romain celle in Tempore
belli.
Nous accordons les Indulgences Epifcopales
à toutes les perfonnes qui étant bien
difpofées affifteront à la Bénédiction du S.
Sacrement l'un des jours défignés pour les
Prieres de quarante-heures .
Et fera notre préfent Mandement lû , publié
aux Prônes des Meffes Paroiffiales &
affiché par-tout où befoin fera.
DONNE' à Verſailles le vingt - quatre
Avril mil fept cent quarante fix.
“LETTRE de M. de Voltaire Hiftoriographe
du Roi,l'un des Quarante de l'Académie
Françoise à M. de la Bruere.
M
Onfieur , y il a long- temps que vous
m'honorez de votre amitié , & je dois
cet avantage à mon goût pour les Belles
Lettre ; vous fçavez qu'elle eft ma paffion
pour la Langue Italienne . Je la fçais imparfaitement
, mais je voudrois qu'elle fut connue
dans Paris autant quelle merite de l'êtres
MAI 1746. 163
permettez moi de m'adreffer à vous pourvous
fupplier d'informer le public qu'il y a an
excellent Maître de cette Langue auquel les
amateurs de l'Italien pourront avoir recours
avec beaucoup de fruit , il eft né Romain , il
étoit fecretaire de M. le Nonce Creſcenci ;
perfonne ne parle & n'enfeigne mieux , n'a
plus de connoiffance des livres, & ne peut rendre
plus de fervice à ceux qui voudront
s'inftruire : il demeure rue de Bourbon près
des Théatins chés le fieur la Grave Chirurgien;
il fe nomme Fortunatisje crois que ceux
qui s'adrefferont à lui me fçauront gré de
leur avoir indiqué un homme de fon mérite.
J'ai l'honneur d'être Monfieur , avec les
fentiments d'eftime & d'amitié que je vous
dois , & c.
# 64 MERCURÉ DE FRANCE.
CONCERTS DE LA REINE.
Le Lundi 25 du mois dernier on exécuta
en Concert chés la Reine le Prologue
& le fecond acte de Callhiroé,
Le Mercredi 27 & le Samedi 30 on exécuta
les autres Actes. Le fieur Jeliotte y
chanta le rôle d'Agenor & le fieur Benoit celui
de Corefus.
Le Mercredi quatre de ce mois on exécuta
le Prologue & le premier Acte de lª
Paftorale Héroique d'Iffe. Les rôles du Pro
logue furent chantés par Madame Canavas ,
les fieurs Jeliotte , Benoit & Dangerville .
Ceux de la Piéce par les Demoiſelles Chevalier
& Detchamp , les fieurs Jeliotte , Benoit
& Godonnefche,
Le Samedi 7 & le Lundi 9 on exécuta
les autres Actes de cette Paftorale.
ΜΑΙ 1746. 165
OPERATIONS DE L'ARME'E
LE
DU ROI,
A Gand le trois Mai 1746.
E Roi eft parti ce matin d'Arras à fept heu
res pour le rendre ici , où Sa Majeſté eſt arrivée
à cinq heures & demie ; elle eft defcendue à
l'Evêché où elle occupe le même logement que
l'année derniere . Sa Majefté a donné en arrivant
fes ordres pour partir demain matin pour fe ren
dre à Bruxelles .
A Bruxelles le quatre.
Le Roi étant parti ce matin de Gand fur les
huit heures , eft arrivé ici à trois heures & demie ;
Sa Majesté a reçu à l'entrée de la Ville où elle a
montéà cheval les complimens du Corps de Ville;
elle a été defcendre à la Collégiale où elle a affifté
au Te Deum qui y a été chanté . Sa Majefté à été
enfuite prendre fon logement à l'Hôtel d'Egmont
ou elle a été haranguée par les Etats de Brabant
& par le Confeil Superieur .
A Bruxelles le cinq.
Le Roi eft monté ce matin à cheva' fur les
onze heures pour faire le tour des fortifications
166 MERCURE DE FRANCE.
de la Ville . Sa Majesté s'eft arrêtée pour examiner
le côté par lequel la Place a été attaquée ; elle,
eft allée enftite faire la vifite de fon armée ; laquelle
eft campée fur deux lignes appuyée fur Harem derriere
le ruiffeau de Wolure , la droite au moulin
de Terwurem , le centre traverfant le ruiffeau de
Wolure près de la Chauffée à Louvain .
Les ennemis n'ont point abandonné Malines
comme le bruit en avoit couru. On les a envoyé
reconnoître par des détachemens des Régimens
de Graffin & de la Morliere qui ont rap❤
porté qu'ils occupoient toujours cette Ville &
qui ont efcarmouché avec quelques uns de leurs
partis.
A Bruxelles le fix.
Le Roi après avoir fait hier la vifite de
la gauche de fon armée jufqu'à la hauffée de
Louvain s'eft avancé fur une hauteur vis- à -vis le
Camp de l'Artillerie d'où Sa Majesté a reconnu
la plus grande partie des environs de Bruxelles &
particulierement du côté de Malines où la vuë
s'étend ; il eft forti le matin un détachement qui
s'eft porté du côté de Louvain , compofé de 24
Compagnies de grenadiers , de 24 piquets d'Infan
terie & too hommes ,tant en cavalerie qu'en troupes
legeres & dragons . Ce detachement eft commandé
par M. le Comte de Lowendal Lieutenant
Général ayant fous fes ordres Mrs de Souvré &
d'Armentieres Maréchaux de Camp,
A Bruxelles le 7.
Le Roifortit hier à trois heures après midi pour
aller voir l'allée verte qui eft la plus belle pro
MA I.
167 1746 .
menade de la Ville , & oùSa Majefté s'eft arrêtée
pendant une heure.
Les ennemis à l'approche du détachement de
M. le Comte de Lowendal abandonnerent hier
Louvain en y laiffant feulement deux ou 300 Huffards
qui en furent bien- tôt chaffés par nos troupes
legeres qui en tuerent quelquesuns & en prirent
d'autres prifonniers .
Ce détachement après avoir reconnu les camps
à prendre de ce côté là a paffé la nuit à Louvain,
& eft venu aujourd'hui rejoindre l'armée ; les ennemis
font campés en des corps differens derriere
la Dyle & le Demer qu'ils occupent depuis
Malines jufqu à Arfchot.
Sa Majesté eft fortie aujourd'hui fur les quatre
heures pour ſe rendre à la droite de fon armée ;
elle eft montée à cheval pour en faire la vifite
depuis la Chauffée de Louvain jufqu'au moulin de
Trurem , où elle eſt appuyée .
A Bruxelles le 8.
Le Roi eft revenu hier de la promenade qu'il
a faite pour visiter la droite de fon armée à près
de huit heures du foir.
Sa Majesté a tenu Confeil d'Etat aujourd'hui &
continue à jouir d'une parfaite fanté,
t
L'armée doit fe porter demain dans un nou
veau camp qui a été reconnu par le détachement
de Mr le Comte de Lowendal ; les campemens
partiront à deux heures & demie du matin , &
l'armée marchera fur fept colonnes pour s'y rendre
; la droite fera appuyée ala Chauffée de
Bruxelles à Louvain près de Velthem ; & la gaus
che vers Perck , les ennemis ont fait un mouvement
derriere la Dyle en fe refferrant fur leur
droite,
168 MERCURE DE FRANCE.
Du Camp de Perck le 9.
L'armée eft partie de fon camp de Bruxelle
aujourd'hui marchant fur fept colonnes fous le
ordres de M. d'Herouville Lieutenant Général ,
& de M. le Duc de Chaulnes Maréchal de Camp ,
Officiers Généraux de jour.
:
La droite eft placée dans la plaine de Weltheim
laiffant la Chauffée de Bruxelles à Louvain
derriere elle la gauche eit appuyée à Perck où
le Roi a établi fon Quartier. Le centre de l'armée
occ pe les plaines entre Veltheim & Perck paffant
par Querps & Erps ; le Roi eft arrivé à midi
au Château de Perck.
Du Camp de Perck le 10.
L'armée du Roi a marché hier dans le plus
grand ordre , & fans aucun obftacle de la part des
ennemis ; il n'y a eu qu'une legere efcarmouche
contre un parti de Huffards qui étoit pofté du
côté de Louvain , & que nos campements ont
diffipé .
L'armée ennemie s'eft encore refferrée du côté
de Malines , & celle du Roi doit marcher demain
pour prendre un camp fur la Dyle vis-à- vis
l'armée des ennemis.
Du Camp de Perck le même jour.
L'armée fait demain un mouvement en avant ,
le Roi aura fon quartier au Château d'Eppeghem
entre la Sene & le Canal de Vilvorden .
XM. le
MAI 1746. 169
M. le Maréchal aura fon quartier à Semps & la
gauche appuyée au Pont de Rolftard .
M. le Comte d'Eftrées et en marche fur Diert
& M. du Chaila fur le grand Wibrock audeffus
Vilvorden.
Du Camp du Stein le 11 .
L'armée conduite par Mrs. de Clermont
Gallerande Lieutenant General , & de Calvieres
Maréchal de Camp , Officiers généraux de jour a
quitté ce matin le Camp de Perck pour fe porter
en avant vers la Dyle , appuyant fa droite à la
cenfe du Saint Elprit vis-à-vis Rotfelaer entre
Louvain , & l'embouchure du Demmer , la gau
che au ruiffeau qui tombe dans la Dyle à Nuyfen ,
& qui a fa fource aux environs du Château de
Stein où le Roi a établi fon quartier ; Sa Majefté
y est arrivée à dix heures.
M. de Berchiny ayant avec lui M. le Duc
d'Aumont , & M le Marquis de Beaufremont à la
tête d'un détachement confidérable a paffé la
Dyle à Louvain ; & s'eft avancé jufqu'à Rotſelaer
en chaffant devant lui plufieurs partis ennemis.
Le corps affemblé fous Dendermonde , & commandé
par M, Duchaila s'eft approché du Canal
de Bruxelles à Boon , fa droite eft établie à
Villebroeck .
Les ennemis occupent encore Malines,
Il n'y apoint eû de Bulletin le 12 & le 13 :
Au Camp de Steen le 14 .
Le Cardinal de Bofu Archevêque de Maines
H
170 MERCURE DE FRANCE.
a prêté ce matin ferment de fidelité au Roi pendant
la Meffe : Sa Majesté a tenu aujourd'hui
Confeil d'Etat . Les ennemis ont abandonné Arfbrot
, où un détachement des Graffins s'eſt établi ,
on affûre qu'ils ont placé un corps d'environ
6000 hommes dans Lierre , il n'y a d'ailleurs aucun
changement dans leur pofition derriere la
Nethe
;
L'armée du Roi doit paffer demain la Dyle
pour camper entre cette Riviere & la Nethe
la gauche couvrira Malines , où le Roi fe rendra
demain de très -bonne heure.
5
A Malines le quinze May,
L'armée du Roi a paffé la Dyle aujourd'hui
marchant fur 7 colonnes;le camp qu'elle occupe eft
appuyé par fa droite à Schrick & paffant à Pults
couvre Malines par fa gauche
La marche de l'armée a été precedée par quatre
détachemens repandus au front de fon camp , le
tout aux ordres de M le Duc de Richelieu qui a
conduit le plus fort de ces détachemens au- de- là de
la partie du camp que devoit occuper la droite.
Le Roi eft parti de Stein à huit heures du matin
& Sa Majefté eft arrivée ici à 10 heures ; elle
s'eft rendue à la Cathédrale où le Cardinal de
Boffu l'a reçû à la tête de fon Clergé. Sa Majefté
a affifté au Te Deum qui a été chanté & elle eft
allée defcendre à la Commanderie de l'Ordre Teutonique
où elle a pris fon logement,
A Malines le 16,
Le Roi a monté hier fur la tour de la Cathédrale,
MA I 1746. 171
d'où Sa Majesté a obfervé la poſition du Camp
des ennemis qui ont leur gauche à Duffel , leur
droite au deffous de la Chauffée de Malines à
Anvers & la Nethe devant eux.
Mr. le Comte d'Eftrées eft arrivé hier avec
le corps qu'il commande à Arfchot ; il a ordre
de pouffer tout de fuite jufques à Herentals , ой
fuivant les aparences il ne pourra arriver que le 18.
A Malines le dix - fept.
On a appris ce matin que les ennemis ont levé leur
camp pendant la nuit & qu'ils fe font mis en marche
pour fe retirer du côté d'Anvers. Le Regiment
de la Morliere eft entré dans Liere où il étoit resté
quelques troupes ; fur les deux heures après midi
on a fait marcher les Dragons les Huffards & deux
Brigades d Infanterie de la droite de l'armée pour
s'établir à Liere & pour prendre differents poftes .
au-de-là de la grande Nielhe . L'armée entiere marchera
demain matin pour camper au- de-là de cette
riviere.
M. le Comte d'Eftrées eft arrivé hier à Vefterloo
; il doit s'être rendu à Herrentals aujour
d'hui de bonne heure,
Le Roi a monté à cheval à huit heures , Sa M.
a parcouru tout le Camp , jufqu'à l'extremité de
la droite où elle s'eft arrêtée fur un plateau duquel
on découvre tout le Pays depuis Malines jufqu'à
Anvers & depuis Anvers jufqu'à Herrenitals .
Sa Majesté eft rentrée à Malines fur les 5 heures
Il n'y a point eû deBulletin le 18 .
Au Château de Bouchout le dix- neuf.
Le Roi eft parti après midi de Liere pour fe
Hij
172 MERCURE DE FRANCE,
rendre au Château de Bouchout fur la gauche de
fon armée . Sa Majeftéy a établi fon quartier, M,
le Comte de Berchiny qui a été detaché avec un
corps de Dragons & de Huffards pour couvrir l'armée
s'eft pofté entre Emmelum fur la petite Nethe
& Rauft. Il n'a rencontré que quelques partis
de troupes legeres qui fe font retirés à fon apaproche
.
Les ennemis ayant evacué la Ville d'Anvers dont
la garnifon s'eft retirée dans la Citadelle , le Ma
giftrat a envoyé des Députés pour faire fes foumiffions
au Roi . M. le Marquis de Brezé a eû ordre
de partir demain avec un détachement de 20
compagnies de Grenadiers , 12 piquets , 1200 Chevaux
pour en prendre poffeffion . Les Ennemis ayant
abandonné la Nethe le Fort de Ste Marguerite.
qui fe trouvoit fans protection s'eft rendu à lą
fommation que M. le Marquis du Chayla a fait
faire. La garnifon étoit compofée de 200 hom
mes ; on lui a accordé les honneurs de la guerre.
Du quartier du Roi au Château de
Mouchou le 20.
Le détachement que M. le Marquis de Brezé
a conduit à Anvers pour en prendre poffeffion
a été fuivi par la Brigade d'Auvergne qui doit y
refter : M. le Comte deg Clermont eft chargé de
faire le fiége de la Citadelle ; les Officiers Géné❤
raux destinés à cette expedition font M. de Brezé
Lieutenant Général , & Mrs. Thomé , Seedorff
Davarey , Choifeuil , la Perrouffe , Froulay , la
Marche , la Vauguyon , le Duc d'Avrey , & Daul
anne Marêchaux de camp.
Les troupes de ce fiége feront compofées de la
MAI 1746. ཟབ
Brigade d'Auvergne , Beauvoifts , Bettens & Seedorff
auxquels on a joint huit Bataillons de Grenadiers
Royaux , & deux Brigades du Roi & Orlearts
Cavalerie , ce qui fait en tout 28 Bataillons &
16 Efcadrons.
M de la Morliere que M. de Berchiny avoit
placé fur la gauche de fon détachement , ayant
été informé qu'il y avoit un corps de 600 Huf
fards dans Wyengheins au- de- là de la grande
Scheque a fait fes difpofitiors ; les ennemis après
avoir abandonné ce Village fans combattre ,
s'étant mis en état de tenir ferme dans la plaine ,
la troupe de M. de la Morliere les a chargés par
pelottons , & par un mouvement concerté s'eft
replié fur Wyengheins ; les Huffards ennemis les
y ont fuivis les Grenadiers de la Morliere dans
le Village en ont tué 80 .
Au Quartier du Roi le 21 .
Les troupes deſtinées au fiége de la Citadelle
d'Anvers font parties ce matin pour en former
l'inveftiffement.
Les ennemis ont continué leur marche dans
les bruyeres au-de-là d'Anvers , & ils font actuellement
campés fous Breda.
Hüj
374 MER CURE DE FRANCE.
43
PLACET A MADAME
Pour faire recevoir à S. Cyr une Demoiselles
DIgne fille d'un Roi , des mortels adoré ,
Vous , dont la Piété fert d'exemple à la notre ,
Vous qui fçavez à quel dégré
Le coeur porte les foins d'une foeur pour une au
tre ;
Pour la mienne aujourd'hui je tombe à vos ge
noux.
La voix du fang , loin de ſe taire,
Eft favorable auprès de vous.
Admiſe en cet azile augufte & falutaire
Où l'on benit d'une ardeur fi fincere
Le nom de Dieu , le votre , & celui de Louis
Pour une autre moi - même agréez que jefpere
L'avantage dont je jouis.
Mon pere dans les Camps ayant vieilli dix luftres,
Les armes à la main a terminé fon fort ;
Sept guerriers de mon nom dans des hazards illu
ftres
Ont trouvé la gloire & la mort.
MAI 1946. 17%
A ces titres d'honneur je joins vos bontés même ,
Le fouvenir des jours pour moi fi précieux ,
Où mes foibles talens aidés d'un zéle extrême
Attirerent fur moi vos yeux.
Quand nous avons chanté les rapides conquêtes ,
La France renaiffante avec fon Roi vainqueur ,
L'hymen qui de nos Lys affûre le bonheur
Vous étiés attendrie à nos pieufes fêtes .
Quel préfage pour nous ! l'actrice de Saint Cyr
Ofe , en vous implorant , compter de reuffir.
* La convalefcence du Roi, fon départ & fon
retour , le mariage de Monfeigneur le Dauphin.
Trois Idyles dramatiques déclamées &
chantées à Saint Cyr en préfence de la Reine
dans les années 1744 & 1745 , compofées
par M. Roy Chevalier de l'Ordre de Saint
Michel
Le Placet eſt de la même main; il a été préfenté
au nom de Mlle de la Bachelere qui
a deja deux foeurs à Saint Cyr ; la reception
d'une quatriéme eft une grace finguliere qui
ne demandoit pas moins que la protection
de Madame.
Le même Auteur , auf devoué aux Dames
de Saint Cyr que l'étoit M. Racine , a
exprimé leurs fentimens à M. l'Evêque de
Chartres leur Superieur à l'occafion de la
nouvelle année.
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE ,
Nous avons recouvré depuis peu une piece
de vers de M. Roy préfentée à M. le
Cardinal de ........ par une Dame de ſes
parentes avec l'envoi d'un vaſe de Saxe ; nous
avons cru que le public verroit avec plaifir
un éloge infpiré par le fentiment & rendu
avec élégance.
De cette coupe fortunée
Hebé verfoit aux Dieux le nectar enchanté;
Source de l'immortalité ;
Auffi n'eft elle environnée -
Que des fleurs que produit le Printems ou l'Eté.
Eh ! que feroient ces Dieux d'un éternelle vie
Aux infirmités affervie ?
Autant vaudroit l'humanité .
Vivre , c'eft poffeder & jeuneffe & fanté ,
Quels tréfors pour mon fexe ! il en feroit dependre
Sa fuprême felicité .
Seigneur j'ofe vous aprendre ,
Qu'il eft un fentiment & plus noble & plus tendre
,
Où mon coeur s'eſt arrêté.
Quand je demeurerois toujours dans le bel âge ,
Qu'importe à l'Univers ? un fi rare avantage
MAI 1746. 177
Ne feroit que pour moi , que pour ma vanité ;
J'en dois faire un meilleur uſage.
Qué ce charme vainqueur des ans & des deftin
Paffe en de plus utiles mains ,
Dans celles que le Ciel employe au grand ou
vrage ,
Du bonheur de tous les humains,
Le Roi ayant écrit aux Vicaires Généraux
de l'Archevêché de Paris qu'il fouhaitoit
qu'on fit des prieres publiques pour
attirer la bénédiction du Ciel fur les armes
de Sa Majeſté ils ont ordonné ces priéres
& elles commencerent le 8 de ce mois dans
l'Eglife Métropolitaine de Paris par l'expofition
du Saint Sacrement,
H▾
178 MERCURE DE FRANCE .
NOUVELLES ETRANGERES
LE
TUR QUI E.
E Grand Seigneur a été indiſpoſé , mais fa
fanté eft parfaitement rétablie ; il a envoyé
ordre au Kan de Crimée de faire marcher un nouveau
corps de douze mille hommes pour renforcer
l'armée qui eft fous les ordres du Pacha de Bagdad ;
ces troupes doivent s'embarquer à Cafta pour fe
rendre à Trebiſonde , & l'on écrit de Conſtantinople
que la Porte eft occupée à prendre diverſes
autres mefures pour foutenir la guerre contre Thamas-
Koulikan , fi les négociations commencées
avec ce Prince n'ont pas le fuccès defiré . Les
deux Puiffances n'ayant pû convenir des conditions
de la fufpenfion d'armes qu'avoit propofée Thamas-
Koulikan , ce Prince eft retourné d'Iſpahan à Tauris
pour reprendre le commandement de fon armée
, & ayant attaqué & mis en fuite deux détachemens
de Tartares , il s'eft avancé jufqu'à Mouffoul,
& en a ravagé les environs. Sur cette nouvelle
le Pacha de Bagdad , après avoir raffemblé une
partie des troupes qui font fous fes ordres , a marché
dans le deffein de livrer bataille aux Perfans , mais
ceux- ci fe font retirés à fon approche. Depuis ces
nouvelles on a reçu avis que l'Ambaffadeur de
Perfe avoit de fréquentes conferences avec le Grand
Vifir , & qu'on avoit lieu d'efperer que les négociations
commencées pourroient avoir un heureux
fuccès.
MA I. 1746.
179
Les troubles qui avoient été excités en Egypte
font entierement appaifés , & le Pacha du Caire a
fait punir de mort les principaux auteurs de la ré-
Volte.
L
RUSSIE.
A Princeffe de Bevern , niece de la feue Czarine
, & ci -devant Regente de Ruffie , mourut
le 18 du mois de Mars , âgée de vingt-huit ans
dans l'Ifle où elle avoit été releguée près d'Archangel
. Elle fe nommoit Anne de Mekelbourg , & elle
Laiffe de fon mariage avec le Prince Ulric de Bevern
deux Princes & deux Princeffes. L'Imperatrice
de Ruffie a donné ordre que le corps de cette Prineeffe
fut tranfporté à Pétersbourg , pour être mis
dans le tombeau de la Ducheffe de Mekelbourg ,
Il a été éxpofé fur un lit de parade dans une faie
du Convent de Saint Alexandre Newsky , & le 2
du mois paffé après avoir été enfermé dans une cercueil
, il a été dépofé dans une Chapelle de l'Eglife
pour y demeurer jufqu'à ce qu'on ait achevé
les préparatifs de la pompe funebre ordonnée
par l'Impératrice . Tous les Senateurs en longs
manteaux de deuil ont affifté à cette céremonie,
ainfi que les Ambaffadeurs & les Miniftres Etrangers
qui y avoient été invités de la part de S. M.
Imperiale par le Comte de Zanti. M. de Hoften
Ambaffadeur du Roi de Dannemarck a remis un
Mémoire aux Miniftres de l'Impératrice pour de
mander une réponse définitive fur la propofition
faite par S. M. Danoife de ceder au Grand Duc de
Ruffie les Comtés d'Oldenbourg & de Delmenhorft
, fi ce Prince vouloit renoncer à toutes fes
prétentions fur la partie du Duché de Holftein
po Tedée par le Dannemarck. Ce Mémoire a donné
occcafion à plufieurs conferences , & S. M. Impé-
Hj
180 MERCURE DE FRANCE.
riale s'en étant fait rendre compte , elle a jugé que
les offres du Roi de Dannemarck n'étoient point
fuffifantes pour dédommager le Grand Duc. Elle a
cependant fait fçavoir à M. de Hoften que ce Prince
étoit très-difpofé à fe prêter à toutes les voies de
conciliation , & qu'il ne s'éloigneroit point de
conclure un accommodement , pourvû que S. M.
Danoife ajoutât quelques autres territoires à ceux
qu'elle confentoit de ceder , & pourvû qu'elle fe
déterminât à acquitter les fommes qu'elle avoit
promis en 1737 de payer au feu Duc de Holftein.
Sur cette déclaration M.de Hoften a laiffé entrevoir
aux Miniftres de l'Imperatrice & à ceux du
Grand Duc que le Roi de Dannemarck , pour apporter
des facilités au fuccès de la négociation
pourroit accorder au Grand Duc , non feulement
les Comtés d'Oldenbourg & de Delmenhorst , mais
encore les Bailliages de Gottorp & de Slefvvick
& que felon les apparences il exigeroit que la
renonciation du Grand Duc à fes autres prétentions
fût garantie de la maniere la plus authentique
par la Ruffie . Ainfi , il ne parôit prefque
pas douteux que les differends entre fa Majefté
Danoife & ce Prince ne foient entierement terminés
peu après l'arrivée du Comte de PusKin à
Copenhague.
>
"
L'Imperatrice a réfolu de ne partir pour Riga
que dans le mois de Juin . Le Géneral Stoffel eft
mort depuis peu en Ukraine .
le
ALLEMAGNE.
La Reine de Hongrie fut relevée de fes couches
Mars.
30
Le Grand Duc de Tofcane ayant fait fçavoir aug
MAI 1746.
181
Cercles Anterieurs que pour couvrir les Etats d'Allemagne
fitués fur le Rhin , & pour veiller à la fûreté
du Briſgau & des Villes foreftieres , la Reine
de Hongrie fe propofoit de faire avancer des troupes
de ce côté , le Cercle de Suabe a prié ce
Prince de le difpenfer de recevoir ces troupes fur
fon territoire , & lui a donné part de la réfolution
qu'il a prife de fuivre les loix d'une exacte
neutralité . Les Cercles du Haut & Bas Rhin & celui
de Franconie on fait la même réponse que celui
de Suabe , & l'on a appris qu'ils font déterminés
à demeurer neutres , ainfi que ce Cercle ,
& que celui du Haut Rhin a demandé que la Reine
de Hongrie retirât les Régimens de Bernes & de
Kalnocky , aufquels il avoit accordé des quartiers.
Les nouvelles d: Munich portent que les Etats
du Cercle de Baviere affemblés à Wafferbourg
fe font féparés le 5 du mois dernier , après avoir
pris la réfolution d'obferver une parfaite neutralité
en concourant cependant avec les autres Cercles
à la fûreté de lE'mpire.
Les troupes que les Cercles Anterieurs ont le
vées pour
affûrer la tranquillité des frontieres de
I'Allemagne , & pour fe mettre en état de n'être
point contraints de violer la neutralité qu'ils
veulent obferver , doivent former un camp fur
le bord du Rhin. Quinze mille hommes des troupe,
de la Reine de Hongrie lefquels viennent de
Bohême , marchent vers la Suabe , & la nouvelle
qu'on a reçue de la réfolution prife par la Reine
de Hongrie de les y faire féjourner pendant quelque
tems , donne beaucoup d'inquiétude au Cercle
de cette Province . On ignore juſqu'à préfent
la veritable deftination de ces troupes ,
qui d'abord avoient eû ordre d'aller joindrė l'ar
mée des Alliés dans les Païs Bas,
182 MERCURE DE FRANCE
On apprend d'Ulme que la Reine de Hongrie a
fait porter des plaintes très - vives au Cercle de
Suabe touchant la réfolution prife par ce Cercle
d'obſerver, une parfaite neutralité.
M. Hulft Miniftre de l'Evêque Prince de Liége
auprès de la République de Hollande a préſenté aux
Etats Généraux un Mémoire que ce Prince a envoyé
à plufieurs Puiffances, & qui porte que le corps de
troupes de la Reine de Hongrie commandé par le
Général Grune eft entré dans l'Evêché de Liége ,
fans que cette Princeffe eût fait aucune requifi
tion pour le paffage de ces troupes ; qu'elles ont
traversé le païs fans obferver aucune difcipline ;
qu'elles fe font fait donner par force des logements
, des vivres & des fourages ; qu'elles n'ont
rien payé de ce qui leur a été fourni ; qu'elles ont
commis divers excès dans les Villages de Bouchevines
, de Hougarde & de Thourine , & que pour
faire plus de tort ce Païs elles y ont fait un fort
long détour ; que de pareilles violences donnent
atteinte , non feulement à la neutralité dont l'E
vêché de Liege doit jouir , mais encore aux Conftitutions
de l'Empire & au Droit des Gens , & que
l'Evêque de Liege efpere que les Puiffances aufquelles
il en porte fes plaintes , employeront
leurs bons offices pour leur faire rendre juftice par
la Reine de Hongrie.
Les troupes qui feront fous les ordres du Prince
Charles de Lorraine ont dû être raſſemblées le is
du mois dernier ; elles feront commandées par le
Comte Leopold de Daun en attendant que ce
Prince foit arrivé à l'armée . Elles doivent fe porter
fur la Mofelle en cas qu'on ait lieu de craindre
quelque entreprife contre Luxembourg , & elles
feront jointes par cinq des Régimens qui ont
reftés en Bohême , & par un corps de troupes qu'on
M A Í. 1746. 18,
fe propofe de tirer de la Hongrie , de la Tranfyl
vanie , de l'Illyrie & de la Croatie ; il a été réfolu
d'exécuter le projet proposé par le feu Comte
de Kevenhuller pour augmenter les fortifications
de Vienne , & l'on travaille actuellement à la
conſtruction d'un ouvrage à corne entre la porte
rouge & celle de Stuthor .
LE
GRANDE BRETAGNE.
E Prince Edouard , en s'emparant du Fort
Augufte , y a fait prifonnieres de guerre trois
Compagnies du Régiment de Guife qui en compofoient
la garnifon. Il a ordonné d'y tranſporter
fes principaux magafins , & de demolir les fortifications
du Château d'Inverneſſ. On a reçû avis
que le corps de fes troupes , qui a invefti le Fort
Guillaume , en preffoit le fiége avec beaucoup de
vivacité. Le Capitaine Scott , que le Comte de
Loundon avoit detaché pour fecourir la premiére
de ces Fortereffes , n'a pû s'avancer au- delà du
Château d'Ellanſtalker , parce qu'une partie de l'armée
du Prince Edouard garde les bords du Carfon.
Deux cens hommes de cette armée font campés
à deux milles de Glenavis , & ils exigent de
fortes contributions de tout le Pays voifin . Ils ont
furpris dans les environs d'Athol plufieurs partis
qu'ils ont taillés en piéces ; ils ont emporté d'affaut
les poftes de Kennochan & de Blairfittie , & obligé
les troupes qui étoient à Cushiville , de fe retirer
avec precipitation , & ils ont enlevé un tiers
de l'equipage du Brigantin le Baltimore . Un détachement
des Milices d'Argyle , commandé par M.
Glenure , fut attaqué le 18 & prefque entierement
defait par un autre corps de l'armée du Prince
Edouard .
184 MERCURE DE FRANCE.
Mylady Seaforth & la Dame de Mackintosh
dont les époux fervent contre ce Prince , font
allées le joindre avec quelques Tributs de Mackennies
.
On a appris par des lettres d'Ecoffe que le Duc
de Cumberland ayant envoyé ordre à quelques unes
des Tribus voisines du Lac d'Inverneff , de venir
joindre l'armée , elles avoient répondu qu'elles
étoient dans la réfolution de demeurer neutres .
L'armée que commande le Duc de Cumberland
a été partagée en trois corps , & ce Prince eft à
Aberdeen avec le premier qui confifte en fept
Bataillons & un Régiment de Dragons . Le fecond
& le troifiéme compofés , l'un de fix Bataillons
du Régiment de Cavalerie de Kingston & du Regiment
de Dragons de Cobham fous les ordres du
Major Général Bland ; l'autre de 3 Bataillons aux
ordres du Brigadier Général Mordaunt, font campés
à Strathbagie & & Old Melbrun . Sur la nouvelle
qu'un grand nombre d'Officiers Suédois étoient
debarqués à Peterhead dans I intention d'aller
joindre le Prince Edouard , le Duc de Cumber
Iand a fait marcher un détachement pour les empêcher
d'exécuter leur deffein. Le Prince Edouard
gardant toûjours fa même pofition fur le bord de la
Spey dans les environs d'Elgin , s'eft emparé du
Château de Keith .
Le Comte de Lowdon à l'approche du Prince
Edouard s'étant retiré d'Inverneff , après avoir
mis une garnifon de trois cent hommes dans le
Château , il paffà la riviere de Neiff , & le bras
de mer de Murray , de Cromarty & de Dornoch.
Comme il s'étoit emparé de tous les bâteaux
on ne pouvoit le joindre qu'en faiſant le tour de
ce dernier bras de mer , ce qui exigeoit quatre
u cinq jours de marche. Dans ces circonftances ,
MAI 1746.
£8.9
le Colonel Warren , un des Aydes de Camp du
Prince Edouard , propofa de faire tranfporter à
Findorme par terre toutes les Barques qu'on pour
roit rencontrer en divers endroits de la cofte de
Murray. Avec quelque fecret que cette entrepriſe
fut exécutée , plufieurs Vaiffeaux de guerre Anglois
, qui croifent dans ces parages , vinrent ,
fut
l'avis de ce qui fe paffoit , bloquer le Port de
Findorne . Malgré ce contre -tems , les Barques ,
qu'on y avoit raffemblées , en partirent pendant
fa nuit au rifque d'être coulées à fond , & un cal
me , qui furvint , les favorifa tellement qu'à la
vue même des Vaiffeaux de guerre Anglois elles
arriverent à force de rames en quatre heures de
tems vis-àvis de Dornoch , où étoit le quartier
général du Comte de Lowdon. Le Duc de Perth
ayant auffi-tôt , à la faveur d'un brouillard épais
qui cacha fon paffage , traversé le bras de mer fur
ces Barques avec les dix- huit cent hommes qui
étoient fous fes ordres , le Comte de Lowdon ne
decouvrit les troupes de ce Général , que lorf
qu'elles furent proche de la terre . Pendant que
le Comte de Lowdon , pour s'oppoſer au débarquement
, raffembloit les trois mille cinq cens hom
mes qu'il commandoit , le Duc de Perth rangea
fes Barques en ligne : il fe jetta enfuite le premier
à la mer , quoiqu'il y eut quatre pieds d'eau dans
l'endroit où il s'étoit arrêté , & toutes les troupes
fuivirent fon exemple. Elles marcherent en bon
ordre , & n'ayant plus de l'eau qu'à my jambe ,
elles fe preparoient à faire leur premiere decharge
; lorfque celles du Comte de Lowdon , étonnées
de tant de fermeté , ſe débanderent de toutes
parts fans en venir aux mains . Le Comte de Lowdon
, fe voyant ainſi abandonné , fe fauva luž
même vers la montagne , ainfi que le Lord Forbes
186 MERCURE DE FRANCE.
& M. Maclaod , & ne s'y trouvant pas encore
en fureté , il s'eft refugié dans l'Ile de Skye , où
il n'a été joint que par quelques-uns de fes domeftiques.
Trois cent hommes , qui étoient en garnifon
à Dornoch , ont été faits prifonniers de
guerre , & le Duc de Perth a enlevé tous les
autres quartiers du Comte de Lowdon . Quelques
jours après cet avantage , deux mille hommes des
Orcades & du Comté de Cathneff ſe ſont rendus
au camp du Prince Edouard . Le Duc de Perth
a enlevé quatre bâtimens de tranſport , fur lesquels
il y avoit quatorze cens cinquante fufils , dix- huit
cent fabres , une grande quantité de munitions
de guerre & de bouche , & une fomme confiderable.
250 hommes qui défendoient
pofte le plus avancé du camp du Duc de Cum
berland , ont été taillés en piéces par un détachement
du Régiment Royal Ecoffois des troupes
du Roi de France.
le
Le Duc de Cumberland a depêché un courier
à fa Majefté Britanique, pour l'informer que s'étant
mis en marche d'Aberdeen le 19 , il étoit arrivé
le 23 fur le bord de la Spey ; qu'auffitôt il avoit
ordonné aux Grenadiers , au Régiment de Campbell
& à la Cavalerie legere , de paffer la riviere
à gué ; que le Régiment de Cavalerie du Duc
de Kingston y étoit entré le premier , & que dès
qu'il avoit été de l'autre côté , il s'étoit avancé
au grand galop le fabre à la main vers un corps
de trois mille Montagnards du parti du Prince
Edouard , qui s'étoient d'abord retirés ; que leur
fuite pouvant n'être que fimulée , & cacher quelque
deffein , & d'ailleurs l'Infanterie de l'armée
du Roi ne pouvant traverfer promptement la Spey,
on n'avoit pas jugé à propos de pourſuivre les ennemis.
On a reçû avis par le même courier que
MAI 1746 187
le Prince Edouard avoit levé le fiége du Château
de Blair , & que le 18 le Prince de Heffe s'étoit
rendu à Perth avec les fix Bataillons des troupes
Heffoifes ; que deux Régiments de Dragons des
mêmes troupes avoient marché à Crief , & qu'un
autre avoit pris pofte à Huntington . Le Duc de
Cumberland a fait conftruire à Aberdeen un Fort
dans lequel il a mis quelques troupes en garniſon.
Il a ordonné de détruire toutes les habitations des
habitans de la Province de Lochabir qui ont pris
les armes pour les interêts du Prince Edouard.
Le Gouvernement d'Angleterre ſonge à chercher
les moyens d'empêcher la contrebande ; elle eft
devenue fi commune que celle faite dans le feul
Comté de Suffolk à fait tort de près de 60000
Guinées à l'Etat fur le produit des Douanes , &
qu'il eft forti de la Grande Bretagne 4300 livres
Sterlings en efpeces monoyées,
Le vaiffeau de guerre la Frinéeffe , de l'Efcadre
de l'Amiral Thownshend , dont il a été feparé à
la hauteur des Ifles de Bahama , eft arrivé le 4 à
Spithead ayant une fi grande voye d'eau , que
le Capitaine a été obligé de tenir continuelle
ment pendant la route cinquante hommes à lat
pompe. On a fçû par l'equipage que le 25 du
mois de Fevrier dernier l'Amiral Thovvnshend
avoit effuyé en allant de Saint Chriftophe à l'ifle
Royale une violente tempête qui avoit entiere
ment difperfé fon Efcadre , & que plufieurs des
Vaiffeaux dont elle étoit compofée avoient perdu
leurs mâts.
La propofition ayant été faite le 22 du mois
paffé dans la Chambre des Communes d'accorder
au Roi de la Grande Bretagne trois cent mille
livres sterlings pour l'entretien du nouveau corps
de troupes Hanoveriennes que fa Majesté fait
188 MERCURE DE FRANCE.
paffer dans les Païs - Bas , il s'éleva à ce sujet des
debats très long & très-vifs , mais l'affirmative
l'emporta à la pluralité de deux cent cinquanteeinq
voix contre cent vingt-deux . Cette Cham
bre a réfolu auffi de donner dix mille livres fterlings
pour le train d'artillerie qui doit accompagner
ces troupes , & d'augmenter les fubfides de la Reine
de Hongrie & du Roi de Sardaigne , l'un de quatre
cent mille livres fter ings & l'autre de cent mille.
Le 27 la même Chambre paffa le Bill , pour au
torifer le Roy à faire arrêter & à retenir en prifon
toutes les perfonnes qui lui feront fufpectes . Elle
ordonna le 28 d'en porter un pour favorifer les
progrès des Manufactures de toiles à voile , &
elle a fait le 29 la premiére lecture de celui
contre les Ufuriers & les Agioteurs.
On mande de Londres du 6 que le 4 on appris
par des lettres d'Edimbourg , que l'armée commandée
par le Duc de Cumberland ayant achevé le24du
mois dernier de paffer la Spey , ce Prince avoit márché
le 25 à Elgin Capitale du Comté de Murray, &
le 26 à Farres , & que le 27 il avoit mis en fuite
à Culloden près d'Inverneff un corps de troupes
du Prince Edouard . Cette nouvelle fut confirmée
le lendemain par le Lord Bury , que le Duc de
Cumberland a depêché au Roi fon pere , pour l'in
former des particuliarités de l'action , & qui n'a
pû fe rendre à Londres plûtôt , parce qu'afin de
ne pas tomber entre les mains des partis ennemis ,
il a fait par mer le trajet d'Inverneff à Bervick.
Par une Rélation qu'on a publiée de ce combat,
il paroît qu'on s'eft d'abord canonné très -vivement
de part & d'autre, mais que le feu d'artillerie n'a pas
duré long-tems ; que l'aile droite des ennemis a
attaqué la gauche du Duc de Cumberland , & a
été repouffée ; que quelques-unes des Tribus des
MAY 1746 18,
Macdonalls & des Fraſers ayant été enfuite enfoncées
par l'armée Anglo fe , elles n'ont pû ſe
rallier , & ont jetté la confufion dans l'aile dont
elles faifoient partie ; que cette aile ainfi en defordre
n'a pû refifter à l'impetuofité des troupes
Angloifes ; qu'elle s'eft retirée dans un bois voi
fin , & que le refte du corps des troupes du
Prince Edouard , obligé de ceder à la grande fuperiorité
du nombre , a abandonné le champ de
bataille , avec perte d'environ quatorze cent hom→
mes , en y comprenant les prifonniers , du nom,
bre defquels font le Comte de Kilmarnock , M.
Murray de Broughton , & le Chevalier de Wredderburn
, ainfi que M. Boyer d'Aiguille , chargé
d'une commiffion du Roi auprès du Prince
Edouard.
La précaution que le Lord Bury a priſe de s'em.
parquer à Inverneff étant une preuve que les
partis de l'armée Ecoffoife tiennent encore la
campagne , on doute que l'avantage remporté
par le Duc de Cumberland foit auffi confiderable
que le Gouvernement Anglois yeut le perfuader.
Les Actions de la Compagnie de la mer du
Sud font à quatre vingt-quinze ; celles de la Ban
que à cent vingt-deux ; celles de la Compagnie
des Indes Orientales à cent foixante & trois ,
trois quarts , & les Annuités à quatre -vingt quinze
& demi,
8
ITALI E.
Suivant les avis reçus de Corfe tous les fecours
que la République a envoyés à la Baftie y étant
arrivés , on fit le to du mois dernier une fortie avec
gant de fuccès , que les Rebelles , qui faifoient
190 MERCURE DEFRANCE,
le blocus de la Place fous les ordres du Colonel Ri❤
varola , furent chaffés de tous leurs poftes , à l'exception
de celui des Capucins où ils fe retirerent,
On fe difpofoit à les y attaquer lorfqu'on apprit
qu'ils s'étoient enfuis pendant la nuit dans les montagnes.
Par leur retraite la Ville de la Baftie eft entierement
délivrée & au pouvoir de la République ,
à laquelle les habitans ont renouvellé les affûrances
de leur foumiffion . Quelques-uns des Rebelles
qui ont été amenés à Genes de Capraria , ont été
punis de mort , & le Major Gentile eft de ce
nombre.
M. Guymont Envoyé Extraordinaire du Rof
auprès de cette République , arriva de Paris le
22 du mois dernier au matin .
Selon les lettres de Livourne le Confeil de Régence
du grand Duché de Tofcane a fait dire à
M. Auguftin Viale , Miniftre de la République
de Genes à Florence de fortir de Tofcane.
Le Chevalier Alexandre Zone , ci-devant Ambaffadeur
auprès du Roi a été élu Procurateur de
Saint Marc à la place du feu Chevalier Canale.
Les circonftances ayant obligé l'Infant Don
Philippe de fe rapprocher des troupes Françoifes ,
ce Prince a fait tranfporter à Pavie l'artillerie
les magaſins & les Hopitaux qui étoient à Milan ,
& il s'y eft rendu le 20 Mars dernier. Après avoir
raffemblé dans le Pavefan la plus grande partie
des troupes qu'il commande , il a établi ſon
quartier général à la Chartreufe près de Pavie ,
& il a difpofé tellement fon armée qu'elle étoit
appuyée par fa gauche au Téfin , & qu'elle s'éten
doit par fa droite jufqu'à la riviere de Lambro.
Sur l'avis que les ennemis fe portoient du côté
de Pizzighitone , il reti a les troupes qui étoient
à Lodi & à Codogno , & il les envoya à Plaifans
MAI 1746. 191
re où elles font arrivées fans obftacle.
Le 22 Don Pedro de Velafco Colonel du Ré
giment de Dragons de Sagonte attaqua à la tête
de 200 hommes de ce Régiment , un détachement
de Huffards de l'armée de la Reine de Hongrie
, le mit en déroute , & le pourſuivit juſqu'à
l'un des quartiers de cantonnement de cette armée
.
Le Duc de la Viefville marcha le 23 par ordre
de l'Infant avec 6000 hommes d'Infanterie &
2500 de Cavalerie à Rufarola , afin de s'oppofer
au deffein que le Prince de Lichtenftein paroiffoit
avoir de jetter des ponts fur le Téan , & s'étant
avancé affés à tems pour bruler quelques barques
que les ennemis avoient fur cette riviere , il prit
une poficion avantageufe dans laquelle il pouvoit
les obferver fans avoir à craindre de leur part
aucune furprife. Six mille Efpagnols occuperent
le pofte de Belgiojofo fous les ordres d'un Officier
Général. Un détachement de 400 Huffards ennemis
tenta de s'emparer du pofte de Belleguardo ,
fitué entre Binafco & le quartier géneral de l'Infant
, dans l'efperance de pouvoir penetrer jufqu'à
la Chartreufe , & d'enlever les équipages de
ce Prince , mais ces Huffards furent repouffés avec
une perte confidérable .
Depuis que l'Infant Don Philippe a abandonné
Milan le Marquis Pallavicini a envoyé des ordres
à la Regence de cette Ville fur les nouveaux arrangemens
qui doivent être pris par rapport à
l'adminiftration des affaires & des finances du Milanez
. Ce Général a mandé en même tems aux
Magiftrats que la Reine de Hongrie étoit fort ir
ritée des marques de joye que les habitans avoient
données à l'arrivée de l'Infant , & que la Ville
mériteroit d'être taitée avec la derniere rigueur
192 MERCUREDEFRANCE,
pour avoir laiffé éclater des fentimens fi oppofés
à ceux que fa Majêfté Hongroife croyoit devoir
attendre de fes fujets. A l'occafion de ces plaintes
les Magiftrats ont nommé des Députés pour aller
implorer la protection du Marquis Pallavicini ,
& pour l'engager à fléchir la Reine de Hongrie.
Le Secretaire d'Etat chargé du département
de la guerre dans cette Province par cette Princefle
eft à Mantoue , où il eft occupé à régler
avec ce Général ce que la Ville de Milan fera
obligée de fournir aux troupes qui reviennent fur
fon territoire.
On a publié un Edit par lequel il eſt enjoint à
tous les habitans du Milanez , qui ont chés eux
des effets , de quelque nature qu'ils puiffent être ,
appartenans aux Efpagnols , de les déclarer dans
aun tems preferit .
Le Gouvernement a confifqué les biens du
Comte Antoine Jofeph de la Rezovico , qui fert
dans l'armée du Roi d'Efpagne en qualité d'Aide
de Camp du Comte de Gages .
Le 26 Mars undétachement de Huffards emporta
répée à la main un pofte occupé par quelques troupes
Napolitaines. 1
Le même jour le Comte de Brovvne inveftit
Guastalla , & la Place étant hors d'état de fe deffendre
, la garnifon compofée de trois Bataillons
& d'un Efcadron a été faite prifonniere de guerre ,
il y a eu une action très -vive entre un détachement
commandé par le Général Nadafti & trois mille
Efpagnols que le Marquis de Caftellar avoit fais
marcher au fecours de la Place ; après avoir com
battu avec beaucoup de valeur ils furent obligés
de fe retirer , mais on ne pût les inquietter dans
leur marche parce que faifant face de tems en tems
Bux troupes de la Reine de Hongrie , ils mirent
244 plufieurs
ΜΑΙ
1746
195"
plufieurs fois les Huffards en défordre par la vivacité
du feu de leur moufqueter è .
Huit cent hommes des troupes Autrichiennes
ayant voulu enlever fix pieces de canon que les
Eſpagnols avoien laiffées à Benafes furent furpris
par un corps de troupes de S. M. C. & à l'excep..
tion de cent foldats tous furent tués ou faits prifonniers.
Après la prife de Guaftalla le Comte de Brovvne
s'eft avancé vers Parme & a formé l'inveſti
fement de cette Place , où le Marquis de Caftellar
étoit avec 500 Eſpagnols . L'Infant Don Philippe
en ayant eu avis a détaché douze Régimens
pour aller au fecours de cette Place , & le Comte
de Gages a marché dans le même deffein à la tête
d'un autre corps confidérable.
: Dans le même tems le Prince de Lichtenſtein
qui étoit allé faire un voyage à Turin , étant révenu
à fon armée , ce Général a fait jetter des
ponts fur le Pô près de Monticello pour aller
joindre le Général Brovvne.
Cette marche a engagé l'Infant Don Philippe
à marcher avec toute fon armée pour dégager
M. de Caftellar , & n'ayant plus que le Taro entre
lui & les ennemis , ce Prince auroit tenté le
paffage de la riviere auffi-tôt après ſon arrivée , è
elle n'étoit débordée . On écrivoit de l'armée Efpagnole
du 14 du mois paffé que la neige tomboit
comme au mois de Janvier ; l'armée Autrichienne
eft de 24 à 0000 hommes .
Le Marquis de Caftellar a attaqué deux poftes
où les ennemis ont fait une perte confidérable .
La nuit du 19 au 20 du mois paffé le Marq is de
Caftellar ayant laiffé quatre cent hommes dans le
Château de Parme & fes malades dans la Vill
fe mit en marche avec le corps de troupes qu'il
I
194 MERCURE DE FRANCE
commande pour venir rejoindre l'armée de l'Infant
Don Philippe. Les ennemis avertis du deffein
de ce Lieutenant Général avoient pris diverfes
précautions pour lui couper la retraite : ils
avoient fait en plufieurs endroits des coupures ,
des puits , des retranchemens & des abattis d'arbres
, & ils avoient garni d'Infanterie toutes les
Caffines qui fe trouvoient fur fon chemin , mais
ces obftacles n'ont pû l'empêcher d'exécuter fon
entrepriſe. Ses troupes , auxquelles il avoit défendu
fous les peines les plus rigoureufes de faire
feu fans un ordre exprès , fe font fait jour par
tout la bayonnette au bout du fufil , & elles n'ont
eu que trois cent hommes de tués , en paffant au
travers du camp des ennemis , qui ont fait une
perte beaucoup plus confiderable . Le Marquis de
Caftellar a été obligé de prendre fa route par Pontremoli
& par Sarzanne , ce qui eft caufe qu'il n'a
pû encore ſe rendre du côté oppofé du Taro , &
le Comte de Gages l'a remontée à la même hauteur
que ce Général , afin que leur jonction pût fe
faire plus facilement. L'armée Espagnole s'étend
depuis Borgo-San-Donino jufqu'à Gibello , où
I'Infant a établi fon quartier.
Les dernieres lettres de l'Ile de Corfe marquent
que les Rebelles fe font retirés à San- Fiorenzo ,
ayant été chaffés de tous les poftes qu'ils occu
poient,
Le Marêchal de Maillebois n'ayant pu arriver
affés tôt pour fecourir la Ville de Valence , la
garnifon qui défendoit cette Place a été obligée de
capituler. Ce Général a chaffé les Piedmontois
de plufieurs poftes qu'ils occupoient , & il s'eft
rendu maître de celui d'Acqui , où l'on affùre
que deux Bataillons des ennemis ont été faits
prifonniers.
MAI 1746. 195
Un corps confidérable de troupes de la Reine
de Hongrie commandé par le Général Groff ,
s'étant avancé à Codogno avec de l'artillerie , le
Marquis Pignatelli a été détaché par l'Infant Don
Philippe avec 8000 hommes pour obliger ce corps
d'abandonner ce pofte . Ce Lieutenant Général a
executé fes ordres avec tant de fuccès , qu'il y a
forcé les ennemis qui s'y font défendus de maiſons
en maiſons , & qu'il les a mis totalement en déroute.
Ils ont perdu en cette occafion fix cent
hommes ; on leur a fait 2400 prifonniers , du
nombre defquels eft le Général Groff, & on
leur a enlevé douze pieces de canon , un mortier ,
onze drapeaux , un étandart , un grand nombre
de chevaux & tous les bagages . La nouvelle qui
s'eft répandue que les troupes avec lesquelles le
Marquis de Caftellar s'eft retiré de Parme avoient
été défaites par le Général Nadaſti , n'a aucun
fondement. Ces troupes n'ont pû être entamées
par les ennemis , & ayant gagné fur eux une
marche , elles arriverent le 28 du mois dernier à
Sarzanne où elle pafferent le Magra fans aucun
obſtacle .
Le Comte de Gages , depuis qu'elles l'ont rejoint
, a quitté les bords du Taro , & s'eft rapproché
du camp de l'Infant Don Philippe.
On a appris que le 22 du mois dernier les
400 hommes qui avoient été laiffés par le Marquis
de Caftellar dans le Château de Parme , avoient
arboré le Drapeau blanc , & que le Comte de
Brovvne , qui a attaqué cette Fortereffe , avoit
exigé qu'ils fe rendiffent prifonniers de guerre.
Iij
7196 MERCURE DE FRANCE.
J.
MARIAGES ET MORTS.
L&
E 26 Avril fut faite dans la Chapelle de l'Hôtel
de M. le Marêchal Duc de Biron la ceremonie
du mariage de M.Anne-Gabriel - Henri Bernard , Sei-
Igneur de S. Saire , de Paffy-les- Paris , du Fiefde
5. Pol , de Grifolles & c , Préfident de la feconde
des Enquêtes du Parlement , Office dans lequel
il avoit été reçu la veille au lieu de feu M. le
Préfident de Rieux fon pere , avec Dlle. Marie-
Magdeleine de Beauvoir de Grimoard du Koure , fille
de Louis - Claude - Scipion de Beauvoir de Grimoard
Comte du Roure , Marquis de Grifac , Baron des
Villes de Barjac & de Florac & des Etats de Languedoc
, Marechal des camps & armées du Roi ,
premier Sous - Lieutenant de la premiére Compagnie
des Moufquetaires , & Gouverneur du Fort- Louis
du Rhin , & de D. Marie -Victoire - Antoinette de
Gontaut - Biron , fille de M. le Marêchal Duc de
Biron ; M. de St. Saire eft né le 10 Decembre
1724 du mariage de feu M. Gabriel - Bernard de
Rieux , Préfident de la feconde des Enquêtes du
Parlement , mort le 13 Decembré 1745. & de
D. Suzanne
-Marie -Henriette
de Boulainvillier
St,
Saire , fa deuxiéme femme , avec laquelle il avoit
été marié le 29 Mai 1719 , & petit-fils de M.
Samuel -Bernard , Comte de Coubert , Chevalier
de l'Ordre du Roi , Confeiller d'Etat, mort à Paris
dans la 88 année de fon âge le 18 Janvier 1739,
& de D. Magdeleine Clergeau fa premiére femme ,
morte le 19 Novembre 1716 , & il eft neveu de
M. Samuel-Jacques Bernard , Maître des Requêtes
ordinaire de l'Hôtel du Roi , Sur- Intendant de
AMAI 17460 SBL1979
la Maifon de la Reine , & Grand Croix , Prevot
& Maître des cérémonies de l'Ordre Royal & Mili-Si
taire de S. Louis pour la maifon de Beauvoir
de Grimoard du Roure , également illuftre par
fon ancienneté , fes alliances , fes marques d'honneur
& fes fervices militaires ; on la trouvera
rapportée dans le troifiéme volume du Diction
naire Historique de Morery , folio 961 .
a Le 27 a été fait le mariage de M. Antoine
d'Albert Marquis de Fios , Capitaine de Vaiffeau du
Roy , fils de M. Antoine d'Albert , Marquis de
Fios , Préfident à Mortier au Parlement de Provence
, & de D. Marguerite Guidy ; avec Dlle. 2
Augustine Boiffet d'Arville , fille de Jerôme-Auguft .
tin Boiffet , Seigneur d'Arville , Brigadier des ar- ¡
mées du Roy & Gouverneur de la Ville de Roze ,
& de D. Marie-Barbe Jeumont . Voyés pour la
Genealogie d'Albert le Nobliaire de Provence
par l'Abbé Robert , imprimé en 1693 , & celui ,
du Sr. Maynier imprimé en 1709.
Le 29 Mars M. Chriftophe-Louis Turpin de Criffe ,
de Sanfay , Evêque de Nantes , Abbé de Quimper ,
lay & de la Chaume mourût dans fon Diocèle ,
il étoit né le 19 Septembre 1670. Etant Doyen ,
de l'Eglife de St. Martin de Tours ,, il fut nom →
mé à l'Evêché de Rennes le 15 Août 1717 , d'où
il fût transferé à Nantes en 1723 , & nommé aux
Abbayes de Quimperlay & de la Chaume en 1717 ›
& 1725 , il avoit pour frere aîné, Lancelot Tur
pin de Criffé , Comte de Sanfay Colonel d'un Ré .
giment d'Infanterie & Brigadier d'armée , mort ,
au mois de Septembre, 1720 , laiffant entr'autres ,
enfans de fon mariage avec D. Claude- Genevieve
Theriere , Anne- Marie Turpin de Sanfay , femme ,
de M. le Marquis de Simiane , M. le Comte de
Sanfay , & feu M. l'Evêque de Nantes , avoient
E
Iiij
98 MERCURE DE FRANCE.
pour Bifayeul Charles Turpin , Seigneur de Criffé
, Comte de Vihers nommé à l'Ordre du St.
Efprit au mois de Janvier 1594 , & c'eft de lus
que font decendus les Comtes de Vihers & les
Comtes de Sanzay , dont la nobleffe eft marquée
par fon ancienneté , par fes alliances & par fes
fervices militaires ; voyez la Généalogie qui en
a été dreffée fur les titres par le Sr. le Laboureur
& qui eft confervée dans le Cabinet de M. de
C Généalogifte des Ordres du Roi.
Le 13 Avril D. Marie - René de Boufflers Remiencourt
, Abbeffe de l'Abbaye d'Andezy près
Sezanne en Brie , Ordre de St. Benoît , Diocèfe de
Châlons depuis l'an 1( 28 , mourut dans cette Abbaye
âgée d'environ 52 ans ; elle étoit foeur
de feu Charles- François de Boufflers , Seigneur de
Remiencourt , dit le Marquis de Boufflers ; Lieutenant
Général des armées du Roi , Commandeur
de l'Ordre militaire de St. Louis , mort le
18 Decembre 1743 laiffant plufieurs enfans , &
elle étoit fille de Charles de Boufflers Seigneur
de Remiencourt & de Marie du Bos de Drancourt :
voyez la Généalogie de la Maifon de Boufflers
dans l'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne
, volume 5. fol. 89.
•
Le 17 Mre. Jacques- Augufte de Thou , Abbé de
Samer au Bois , Ordre de St. Benoît Diocèſe & près
de Boulogne , depuis l'an 1661 , & de Souillac du
même Ordre , au Diocèse de Cahors depuis 1691 ,
mourut à Paris dans la 92 année de fon âge .
étant né à Paris le 4 Mars 1655 , & le dernier
de fa famille l'une des premiéres de la Robe
pour fon ancienneté , fon illuſtration & fes alliancés
; il étoit fils de Jacques-Augufte de Thou
Comte de Mellay le Vidame , Préfident aux Enquêtes
du Parlement de Paris , & Ambaffadeur
MAI 1746. 199
pour le Roi en Hollande , mort le 26 Septembre
1677 , & de D. Marie Picardet fa premiére femme
morte le 4 Fevrier 1664 , & petit fils de Jacques-
Augufte de Thou , Préfident du Parlement de
Paris,qui s'eft immortalifé par la belle & judicieuſe
Hiftoire de fon tems qu'il a compofée en Latin ,
& dont on a donné depuis quelques années une
traduction complette : voyez la Généalogie de
cette famille dans l'Hiftoire in falio du Parlement
de Paris par le Sr. Blanchard , & celle rapportée
dans le Dictionnaire de Morery , vol. 6 fol . 510 ,
en attendant celle qui fera employée beaucoup
plus exacte & plus fidelle dans l'hiftoire des Maî
tres des Requêtes qui nous eft promife.
Le a Mai D. Elifabeth- Eleonore de la Tour
d'Auvergne , Prieure de l'Abbaye de Notre- Dame
de Thorigny , mourut dans l'Abbaye de Mortaing
la Blanche au Diocèfe d'Avranches , dans la 79
année de fon âge ; elle étoit foeur de M, le Car
dinal d'Auvergne, & fille de Frederic-MauriceComte
de la Tour d'Auvergne , Lieutenant Général
des armées du Roi , Colonel Général de la Ca
valerie legere de France , Senéchal & Gouverheur
du Haut & Bas Limoufin , mort le 23 Novembre
1707 , & d'Henriette-Françoife de Hohen-
Zollern, Marquife de Bergopzoom fa premiére
femme , morte le 17 Octobre 1698 ; voyez pour
la Généalogie de cette grande Maiſon , l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne vol. 4 fol.
545.
Les Philippes René de l'Ile du Gaf , Chevavalier
Comte dudit lieu mourut à Paris dans la
63 année de fon âge ; il étoit frere ainé de feu
Mre.Benjamin de l'ifle du Gaft Evêque de Limoges
& Abbé Commandataire de l'Abbaye de St.
Martial de la même Ville , mort dans fon Dio-
Liiij
200 MERCURE DE FRANCE.
cèle le 15 Octobre 1739 , âgé de 50 ans , & de.
Charles de l'Ifle du Gaft , Docteur de la Maifon
& Societé de Sorbonne , Archidiacre & Chanoine .
de Chartres , aujourd'hui vivant.
La nuit du au 6 Louis de Bofchet Marquis
de Sourches du Bellay , dit le Comte de Monfo
reau , Lieutenant Général des armées du Roi ,
Confeiller d'Etat , Prevôt de l'Hôtelde Sa Majef
té & Grand Prevôt de France , mourut à Verſailles
dans la 80 année de fon âge , étant né le 26 Juillet
1666 ; il étoit Lieutenant Général de la promotion
du 19 Mars 1710 , & fit ferment le 25
Août 1714 entre les mains du Roi pour la char
ge de Prevôt de l'Hôtel du Roi & Grand Prevôt
de France , dont il avoit été pourvû fur la de- .
miffion de fon pere ; il avoit été marié le 15.
Fevrier 1706 avec D. Jeanne - Agnés - Therefe de
Pocholles du Hamel , morte le 28 Decembre 1723 ,
& il en laiffe M.Louis de Bofchet , Marquis de Sourches
, Comte de Montforeau , né le 5 Novembre.
1710 , pourvû fur la demiffion de fon pere de la
charge de Prévôt de l'Hôtel du Roi & Grand-
Prevôt de France le 13 Fevrier 1719 , Marêchal
de Camp de la promotion du 2. Mai 1744 ›
marié to , le 7 Fevrier 1730 avec Marie- Charlot .
te-Antonine de Gontaut Biron , fille de M. le
Marêchal Duc de Biron , morte le 6 Juillet 17 0
laiffant plufieurs enfans . 20. la nuit du 16 au
17 Août 1741 avec Marguerite Defmarets , de
Maillebois fille de M. le Maréchal de Maillebois .
Feu M. le Comte de Montforeau , avoit pour
freres Jean- Louis - François de Bofchet de Sourches
Evêque de Dol depuis le 12 Janvier 1715 ; Louis
François de BofchetComte de Sourches , Lieutenant
Gé éral des armées du Roi du 20 , Fevrier 1734 ,
& Louis Vincent de Bofchet Chevalier de Malte ,
MAI
201 1746.
dit le Chevalier de Montforeau , Meftre de Camp
du Régiment de Montforeau , Brigadier d'Infan
terie du 1 Février 1719 vivant en 1746 :
Il étoit fils de Louis- François de Bofchet , Marquis
de Sourches , Prevôt de l'Hôtel du Roi' &
Grand Prevôt de France fur la demiffion de fon
pere par lettres du 23 Août 1664 , Gouverneur
& Lieutenant Général pour le Roi des Provinces
du Mayne , Perche & Comté dé Laval , & Colonel
d'un Régiment d'Infanterie , mort le 4 Mars
1716 , & de D. Marie- Genevieve de Chambes
Comteffe de Montforeau , & petit fils de Jean
de Bofchet , Marquis de Sourches au Mayne dont il
obtint l'érection en Marquifat par les lettres du
mois de Decembre 1652 , Confeiller d'Etat &
Privé , Prevôt de l'Hôtel du Roi & Grand Prevôt
de France , pourvû par lettres du 17 Decembre
1643 , reçû Chevalier de l'Ordre du St. Efprit à
la promotion du 31 Decembre 1661 , mort le r
Fevrier 1677 & de D. Marie Nevelet , morte le
30 Decembre 1662 .
Le nom de Bofchet eft marqué entre les -Nobles
de la Province du Mayne , par fon ancienneté ,
par fes alliances & par fes fervices militaires , & fes
Armes font d'argent à deux faffes de fable , voyés
l'histoire des Grands Officiers de la Couronnevol.
9 fol. 197.
..i
Le 8 D. Marie- Louife Bigst , veuve depuis le
27 Novembre 1727 de Carloman- Philogene Bru
lart ,Comte deSillery, Colonel du régiment d'Infan
terie de M. le Prince de Conty , & fon premier
Ecuyer, & Gouverneur de la Ville d'Epernay , avec
lequel elle avoit été mariée au mois d'Août 1697 ,
mourut à Paris âgée de 84 ans , laiffant de fon
mariage entr'autres enfans Louis- Philogene Erulart
, Marquis de Puifieux & de Sillery , né le 12
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Mai 1701 , Marêchal des camps & armées du
Roi depuis le 20 Fevrier 1743 , & ci- devant
Ambaffadeur auprès du Roi des Deux Siciles .,
marié depuis le 19 Juillet 1722. avec Charlotte-
Felicité le Tellier , fille de Louis - Nicolas le
Tellier , Marquis de Souvré , Maître de la Garderobe
du Roi , Chevalier de fes Ordres & Lieutenant
Général de fa Majefté au Gouvernement
de Bearn & de Navarre , & de Catherine- Charlotte
de Pas Feuquieres Dame de Rebenac : voyez
la Généalogie de Brulart dans le premier vol.
de l'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne
fol . 525.
Le 9 De . Adelaide-Jeanne-Françoiſe Bouterouë
Aab guy , femme depuis le 27 Avril 1733 de
Louis de Conflans , Marquis d Armentieres , Marêchal
des camps & armées du Roi , & ci-devant
premier Gentilhomme de la Chambre de feu M.
le Duc d'Orleans , Regent du Royaume , mourut
à Paris dans la 30 année de fon âge , étant née
le 6 Avril 1717 du mariage de Jean Bouterouë ,
Seigneur d'Aubigny , Confeiller du Roi en fes
Confeils , Grand Maître des Eaux & Forêts de
France au Département de Touraine , Anjou &
Mayne , Confeiller Secretaire du Roi , Maifon
Couronne de France & de ſes Finances , & auffi
Secretaire du Roi & de la Reine d'Espagne , &
de Marie-Françoife le Moyne de Renemoulin :
voyés la Généalogie de la Maiſon de Conflans
dans l'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronvol.
6 fol. 1.6 & 142.
ne,
MAI 1.746. 203
ARRESTS NOTABLES.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 26
Janvier 1746 , portant reglement pour la fabrique
des chapeaux deftinés à l'ufage des Troupes.
ORDONNANCE du Roi du 28 Janvier
1746 concernant les Milices
Sa Majefté ayant reglé par fon ordonnance du
10 Avril 1745 , concernant la formation des régimens
des Grenadiers-royaux , que pour rendre les
compagnies defdits régimens toujours completes de
fujets quiy foient propres , il fera défigné dans chacune
des huit compagnies de Fufiliers des bataillons
de Milice , des Soldats pour remplacer les Grenadiers
quiviendront à manquer ; Et fa Majefté ayant
reconnu qu'il conviendroit mieux pour le bien de
fon fervice , que ces Soldats deflinés pour monter
aux Grenadiers , forment une compagnie dans
chaque bataillon , où ils feroient exercés enſemble
& difciplinés , Elle a ordonné & ordonne ,
Art.premier. Les cent douze bataillons de Milice
; y compris les trois de la ville de Paris . & les
neuf qui compofent les trois régimens de Milice de
Lorraine & de Bar , & q. i ont été mis par le ordonnances
des 30 Octobre & premier Novembre
derniers , fur le pied de fix cent cinquante hommes
chacun , formant neuf compagnies , dont une de
Grenadiers de cinquante hommes , & huit de Fufiliers
de foixante-quinze hommes , feront , à commencer
du premier Mars prochain portés à dix
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
compagnies , dont une de Grenadiers de cinquante
hommes , une autre de Grenadiers - Poftiches de
cinquante fix hommes , & huit de Fufiliers de foixante-
huit hommes chacune .
ORDONNANCE du Roi du 30 Janvier 1746
¿portant création d'un Corps de cinq cens hommes
de troupes légeres , fous le nom de Volontaires de
Gantés.
Il fera inceffamment tiré pour former les deux
compagnies d'infanterie dudit corps , cent cinquante
hommes des régimens d'infanterie qui compofent
l'armée d'Italie , à raifon de quatre hommes
par bataillon , & pareil nombre de cent cinquantehommes
des bataillons de Fufiliers de Montagne ,
pour former les deux compagnies de Fufiliers . &c .
ORDONNANCE du Roi du 30 Janvier
3746 , portant augmenta ion dans la compagnie
des Chaffeurs de Fifcher ..
Ladite compagnie fera augmentée de quarante
hommes à pied & foixante à cheval , pour compofer
ave . les foixante à pied & quarante à cheval,
qui éxiftent actuellement , deux troupes d'Infan
terie & de Cavalerie de cent hommes chacune .
ORDONNANCE du Roi concernant
les Régimens de Grenadiers - Royaux ; du 10
Mars 1746.
Claude Henri Feydeau de Marville , &c. Le
Roi ayant ordonné par fon ordonnance du 30
Octobre 1745 , qu'il feroit fait une augmentation
dans chaque bataillon de Milice ; & étant néceffaire
, en faifant cette augmentation pour les trois
bataillons de la ville de Faris , de faire complé.er
MAI 1746. 205
lefdits trois bataillons , nous fommes perfuadés
que les habitans qui doivent y contribuer , fe por
teront d'eux- mêmes à donner en cette occafion
de nouvelles preuves de leur zéle à Sa Majesté ,
fans qu'il foit befoin de faire tirer au fort , &
qu'il nous fuffit feulement de faire l'état de réparti
tion de ce que chaque Corps , Communauté , &
autres habitans auront à fournir . A CES CAUSES,
Vû les Ordres du Roi , à nous adreffés par M. le
Comte d'Argenfon Miniftre & Secrétaire d'Etat
de la guerre , le 3 Mars 1746 , & tout confideré :
Nous Commiffaire fufdit , en vertu du pouvoir
à nous donné par Sa Majefté , ordonnons.
Article I. Que par les Corps & Communautés
de marchands & artifans , privilégiés & non pri
vi égiés , officiers fur les ports , quais & halles ,
& autres habitans de cette ville & fauxbourgs
fujets à la Miice , dont l'état fera par nous ar
rêté en conféquence de notre préfent mandement ,
il fera fourni fix cent hommes de Milice , tant
pour comp éter les trois bataillons qui ont été levés
dans cette ville en vertu de l'ordonnance de Sa
Majesté du 10 Janvier 1743 , que pour l'augmenta
tion ordonnée par celle du 30 Octobre 1745 .
II. Seront lesdits corps & cominunautés , &
autres habitans , tenus de fournir dans le courant
du mois d'Avril prochain , les hommes pour lef
quels ils feront compris dans ledit état , de l'âge
de feize ans jufqu'à quarante , de la taille de cinq
pieds au moins , & de force fuffifante à porter les
armes.
III . Les hommes mariés , ni les garçons qui
auront quelqu'incommodité capable de les empêcher
de fervir , ne pourront être admis ; & s'il
s'en trouvoit dans l'un ou l'autre cas , ils feront
conftitués prifonniers , & ceux qui les auroient
fournis , obligés à les remplacer.
206 MERCURE DE FRANCE.
IV. Pourront lefdits corps , communautés &
autres habitans , nous préfenter, féparément leurs
Miliciens lorfqu'ils les aurontfaits , pour être fignalés
; après lequel fignalement lefdits Miliciens
ne pourront s'abfenter de cette ville & fauxbourgs ,
fans une permiffion expreffe de notre part , con
formément & fous les peines prefcrites par l'ordonnance
de Sa Majefté dudit jour 10 Janvier
1743 .
V. Dans le cas où lefdits corps , communautés
, & autres habitans , refuferoient de fournir
le nombre de Miliciens pour lequel ils feront
compris dans l'état de répartition par nous arrêté .
dans le tems ci -deffus préfcrit , ceux d'entr'eux
fujets à la Milice , leurs enfans , garçons , appren
tifs & domeftiques , feront tenus de tirer au fort
pardevant le Commiffaire au Châtelet qui fera
par nous commis à cet effet
VI. Séront tenus les Miliciens fignalés de fe
trouver dans le lieu d'affemblée aux jour &
heure qui leur feront par nous indiqués , à peine
d'être déclarés déferteurs.
VII. Ordonnons en autre qu'il fera fourni à
chaque Milicien de nouvelle levée , une vefte
& une culotte de drap blanc , doublées d'une
bonne ferge , une paire de fouliers , deux chemiſes,
un col noir , un chapeau bordé d'argent faux
un havrefac , une paire de guêtres & une paire
de jarrettiéres , aux frais & dépens defdits corps ,
communautés , & autres habitans compris dans
ledit état ; du prix de laquelle fourniture , enfemble
de l'ecu de gratification qui fera délivré
à chaque Milicien , il fera par nous fait un état
de répartition , pour en être le montant remis à
Celui qui en aura fait l'avance &c.
MAI
207
יז
1746
ORDONNANCE du Roi , du 20 concernant
les nouveaux Bataillons levés en exécution des
ordonnances du 25 Août 1745.
DECLARATION du Roř dur 9 Avril en faveur
des Corfes fidéles à la République de Genes
& contre ceux qui cherchent à fe fouftraire à fa
domination.
Toute l'Europe aura vû avec ſurpriſe les déclarations
que la Reine de Hongrie & le Roi de
Sardaigne ont fait publier , pour promettre leur
fecours aux peuples rebelles de l'Ile de Corfe,
Il est évident que ces deux Puiffances manquent
aux foix de la juftice , en fomentant la
rébellion de ces Infulaires contre leur légitime
Souverain , avec lequel elles ne font point en
guerre.
Les égards que la Reine de Hongrie doit à la
mémoire du feu Empereur fon pere , ajoûtent à
cette entreprife odieufe. par elle-même , un nouveau
degré d'irrégularité.
Le Roi & l'Empereur Charles VI s'étoient engagés
de concert à maintenir la République de
Genes dans la poffeffion du Royaume de Corfe ;
ce fut enfuite fous la médiation de ces deux Monarques
, que la tranquillité fut rétablie dans cette
Ifle : enfin leurs Majeftés accorderent en 1738 leur
garantie pour le maintien de Famniftie & des
réglemens qui furent alors ftatués par la République
en faveur des Corfes .
Cette confidération auroit dû fuffire pour prévenir
la rébellion , & non pour l'encourager , mais
les droits naturels de la raifon & de l'équité fe taifent
lorfqu'il s'agit de fatisfaire fon reffentiment
& fa vengeance.
Le Roi , bien éloigné de fe conduire par de
208 MERCUR DE FRANCE.
pareilles maximes , n'a jamais traité en ennemis .
déclarés les Puiffances qui ont fourni à la Reine
de Hongrie des fecours contre Sa Majefté , tandis
que les deux, Puiffances ennemies de Sa Majefté ,
exercent contre les Genois les vexations les plus
illégitimes , par la feule raifon qu'ils font Alliés
du Roi , & auxiliaires des Alliés de Sa Majefté.
Cette circonftance eft un motif qui doit d'au
tant plus engager le Roi à donner en cette occafion
aux Corfes fideles , de nouvelles affurances
de fa protection & de fes bontés , & à aider la
République pour faire rentrer dans le devoir ceux
qui , féduits ou excités par les Cours de Vienne
& de Turin , ont ofé ou oferont s'en écarter ,
& lefquels Sa Majesté regardera par cette raison ,
comme déchûs des graces & des priviléges dont
Elle a été garante.
C'eft dans cette vûë que le Roi déclare que
fon intention eft de maintenir par tous les moyens
convenables l'autorité légitime de la République
de Genes , & de contribuer le plus
promptement & le plus efficacement qu'il fera
poffible , à rétablir la tranquillité , l'ordre & la
fubordination dans l'île de Corſe . La fidélité de
Sa Majefté pour fes Alliés , fa modération &
fon defir conftant de pacifier l'Europe , au lieu
d'en multiplier les troubles , font les fondemens.
folides de la confiance que les Corfes dociles &
foûmis doivent mettre dans l'équiré & la droiture
de fes intentions , & fon Trône fera toûjours un
afyle affuré pour toutes les Puiffances qui lui feront
unies . & dont on attaquera les droits & les prérogatives
.
ARREST de la Cour du Parlement du 23
Août 1745 , portant réglement pour les ExecuMAI
1746. 209
toires pour frais des procès criminels auxquels il
y a des parties civiles qui fe trouvent infolvables .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 20
Novembre 1742 , concernant les Indemnités pour
Papier & Parchemin timbrés accordées aux Pro- .
cureurs généraux des Cours , & aux Procureurs du
Roi des Siéges qui n'avoient pas été employés dans
l'Arrêt du 7 Juin 1940.
•
ARREST du Confeil d'Etat du Roi & lettres
Patentes fur icelui , données à Verfailles le 11 Janvier
1746 , Regiftrées en la Cour des Aydes le 4.
May , portant que les Marchandiſes énoncées dans
le tarif annexé à l'arrêt du Confeil du 10 Juillet
1703 , feront toujours réputées du Levant lorfqu'elles
viendront de l'étranger, file contraire n'eft
juftifié par des certificats en bonne forme des Magiftrats
des lieux d'envoi & des Confuls de la nation >
Françoife s'il y en a d'établis , & payeront en conféquence
le droit de vingt pour cent : fans préju
dice des vérifications qui pourront être faites par le
fermier , en cas de foupçon qu'il auroit été abufé
defdits certificats .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 25
Janvier 1746 , qui , en rectifiant une erreur gliffée
dans celui du 15 Mai 1745 portant tarifdes droits
dûs fur les marchandifes de Verrerie d'Alface &
Franche Comté, ordonné que le poids de deux mille
cinq cent livres , auquel ont été évalués les caiffetins
de quatre pieds & demi de long fur trois
pieds de large & trois pieds deux pouces de haut ,
remplis de verres d'affortiment maffifs , demeurera
réduit à feize cent quatre vingt -dix- fept livrés . &
les droits perçus à raifon de cent cinquante deux
210 MERCURE DE FRANCE.
livres quatorze fols huit deniers par caiffetin , au
lieu de deux cent vingt-cinq livres trois fols huit
deniers , portés par ledit Arrêt du 15 Mai 1745 .
lequel fera au furplus exécuté .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du premier .
Février 1746 , qui fait défenſes de faire aucunes
offres , ni de payer aucunes finances aux parties '
cafuelles , pour y lever des offices créés avant 1713 .
JUGEMENT de M. de Marville Lieutenant
Général de Police , Commiffaire en cette partie ,
du 8 Février 1746 , qui condamné les nommés
Cheron freres , marchands forains de beftiaux , à
reftituer à M. Huel Fermier des marchés de Sceaux
& de Poiffy , le prix d'une vache morte par eux vendue
au fieur Cottard marchand Boucher , & à lui
rendu par ledit Huel , quoiqu' affignés en garantie
fept mois après le procès verbal de vifite & d'équarriffage
fait de ſadite Vache , & aux dépens .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 8 Fẻ-
vrier 1746 , qui ordonne l'exécution des deux Or
donnances du fieur Lieutenant général de Police
des 27 Novembre & 23 Décembre 1745 , qui ont
prononcé la confifcation de 29 Boeufs faiffs le 3
Novembre 1745 fur le fieur Hurard entrepreneur
de la boucherie de l'hôtel royal des Invalides
pour les avoir achetés hors du marché & aux environs
de Poiffy : Par lequel arrêt la confifcation
defdits vingt- neuf Boeufs , eft réduite à quatorzecent
cinquante livres , pour le tiers du prix de la
vente desdits Boeufs , fixée par l'Ordonnance du
27 Novembre 1745 ,& ledit fieur Hurard condamné
au coût dudit Arrêt , qui ordonne au furplus
L'exécution des arrêts du Confeil des 27 Décembre
MAI , 1746. 211
1707 , 29 Novembre 1710 , premier Décembre
1711 , 27 Septembre 1725 , & de l'Ordonnance
de police du 7 Mars 1731 , concernant le commerce
des beftiaux .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 8.
Février 1746 , qui déboute les habitans d'Aubervilliers
de leur demande en exemption des droits
rétablis fur les Bois à brûler , par Edit du mois de
Décembre 1143 , & les condamne au payement
defdits droits
ORDONNANCE de M. le Prevost des
Marchands , du 20 Février 1746 , qui ordonne
l'éxécution de la contrainte décernée par Jofeph .
Mellet le 31 Juillet 1744 : condamme Labdouche
de Beaune fils , Pénet & confors , chacun à
leur égard , à payer même par corps , les fommes
portées en ladite contrainte , pour les bois qu'ils
ont fait enlever du port de l'Ile-Louvier : Donne
défaut contre plufieurs Marchands de bois défaillans
, & les condamne au payement des fommes
pour lesquelles ils font compris dans lesdites contrainte
& commandement : Ordonne l'exécution
de l'édit du mois de Décembre 1743 , & autres
réglemens concernant la perception des droits
fur le bois ; en conféquence que tous les bois à
brûler deftinez pour la provifion de Paris , qui
feront enlevés des chantiers & ports cu ils auront
été emplacés , pour être tranfpor és à quelque
deftination que ce foit , feront fujets au payement
des droits : Fait défenſes auxdits Marchands de
bois neuf& flotté , & à toutes autres perfonnes
d'en enlever aucuns deſdits ports & chantiers fans
payer les droits.
TABL E.
PIECES
FUGITIVES en Vers- & en
Profe . Le Berger , le Cuifinier & la Brebis
Fable.
Suite des reflexions fur l'homme en général .
Le Je ne fçais quoi , Ode,
Mémoire fur Philippe le Berruier .
Lettre contre l'Amour.
Invective contre la Rime.
Page 3
6
13
16
24
28
Suite de l'Hiftoire Univerfelle de M. de Voltaire
.
L'Agonie.
Extrait d'une lettre de M. le Sage & c.
Vers à l'Evêque de Chartres par M. Roy . -
29
43
44
49
Lettre fur la nouvelle fontaine de la ruë de Grenelle.
A Madame L. M. D. L. R. U. F.
Epigramme fur un vieux Poëte.
Madrigal.
50
67
68
ibid .
69
Epître à M. l'Abbé H ***.
Extrait de lettre au fujet fle l'emploi des 20000
livres.
Le Rat & la Pie , Fable.
Le Thon & le Dauphin , Fable.
Maximes d'amour en acroftiche .
Reflexions fur les âges de l'homme .
72
78
80
8I
82
Vers fur l'amitié. 88
1
89
92
Epître à M. le Docteur B ***
Déclaration d'un amant à fa maîtreffe .
Difcours fur la véritable grandeur d'un Prince . 93
Extrait de lettre de M. d'Arget Secretaire du Roi
de Prufle au Baron de Sparre & c. 107
Vers latins & traduction au Maréchal de Saxe. 109
Nouvelles litteraires , des beaux Arts. Le Théatre
Anglois tome III. Extrait . 110
114
Efai fur les Monoyes , Extrait.
Bibliothéque de Cour , de Ville & de Campagne ,
Extrait. 116
Les campagnes du Roi en 1744 & 45 , Poëme . 119
Differtation fur l'incertitude des fignes de la
mort &c
Le petit Dictionnaire du tems , &c.
ibid.
ibid.
Differtations préliminaires pour fervir à l'Hiftoire
de Sais , Extrait.
Traité des Teftamens , Extrait .
120
125
Coûtumes de la Province du Comté Pairie de la
Marche.
Les Coûtumes de la Marche expliquées,
Celles du Haut & Bas Païs d'Auvergne ,
Conferences publiques & gratuites.
Leçons fur l'Hiftoire en général,
126
127
ibid.
128
ibid.
Parités reciproques de la livre numeraire &c. ibid.
Arrêt qui ordonne aux Soufcripteurs de retirer
des mains du Sr, Colombat la Grammaire &
le Dictionnaire Hébraïque & Chaldaique dans
le tems de deux années.
Estampes nouvelles .
131
132
134
Ode à M. Titon fur la mort de M de Largilliere ,
& Epigramme fur le même ſujet .
Mots des Enigmes & des Logogryphes du Mercure
d'Avril.
Enigme & Logogryphe,
135
136
Effence d'Ogni Fiori , Effence de Savon à la Bergamotte
, & Cuirs à repaffer les rafoirs . 138
Parodie des Menuets de la Comèdie Italienne. 139
Spectacles , changemens faits au premier Acte du
Temple de la Gloire .
Les amours des Dieux remis au Théatre.
142
144
Comédie Françoife. 145
Comédie Italienne .
146
Journal de la Cour , de Paris &c. 147
Benefices donnés, 153
Prifes de Vaiffeaux .
Mandement du Cardinal de Tencin.
Lettre de M. de Voltaire & c.
ibid.
159
163
Concerts de la Reine.
164
Opérations de l'armée du Roi. 165
Placet à Madame ,
174
Nouvelles Etrangeres
178
Mariages & Morts .
196
La Chanfon notée doit regarder la page
139
Le Livre intitulé Differtations Préliminaires pour
fervir à l'Eiftoire de Sais , fe vend chés Guillaume
Defprez , Imprimeur ordinaire du Roi , & chés
Guillaume Cavelier fils Libraire rue St. Jacques
à St. Profper & aux trois Vertus .
ERATA DE JANVIER.
On s'eft trompé lorfqu'à la P. 197 du Mercure
de Janvier , on a dit qu'il ne reftoit de mâle
de la Maiſon de Boulainvilliers , que Samuel Comte
de Boulainvilliers . L'aîné de cette maifon étoit
Louis de Boulainvilliers de Chepoix , Marquis de
Chepoix , Marquis de Boulainvilliers , Capitaine de
Vaiffeaux du Roi ; il commandoit le Bourbon ,
& perit avec ce Vaiffeau il y a quelques années
fur les côtes d'Efpagne en revenant de St. Domingue
; il a laiffé un fils Henri-Louis de Boulainvilliers
de Chepoix , Marquis de Boulainvilliers,
Enfeigne de Vaiffeau , & aujourd'hui chefdu nom ,
& Armes de la maifon de Boulainvilliers. Il y
a encore N. Chevalier de Boulainvilliers qui
d'une branche cadette .
E
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 29 ligne 22 Anglois , Saxons, lifés Anglois➡
Saxons.
Page 30 lig. 2 dépouiles , lifes , depouilles,
Page 33 lig. 20 feul gouvernoit , lifex fçût gou
verner.
Page 82 lig. 2. Calandrini , lifes Calandrin,
Page 89 lig . 6. amis , lifés ami.
އ
ЯТТУК ТЕ АТАТЕ
ཀུན་ མག
10
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JUIN. 1746.
PREMIER VOLUME.
LIGIT
UT
SPARGATS
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
rue S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quai de Conty
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC . XLVI.
Avec Approbation & Privilège du Roi,
AVIS,
'ADRESSE générale du Mercure eft
L'AM. DE CLEVES D'ARNICOURT
rue du Champ-Fleuri dans la Maiſon de M.
Lourdet Correcteur des Comptes au premier
étage fur le derriere entre un Perruquier & un
Serrurier à côté de l'Hôtel d'Enguien . Nous
prions très-inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir
le port , pour nous épargner le déplaifir
de les rebuter , & à eux celui de ne
voir paroître leurs ouvrages. pas
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , & plus promptement
, n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très-exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France rue du Champ- Fleuri , pour rendre
à M. de la Bruere,
PRIX XXX. SOLS,
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI.
PIECES FUGITIVES
en Vers en Profe.
201
SUITE de l'Histoire Univerfelle de M. de
Voltaire Hiftoriographe de France & l'un
des Quarante de l'Académie Françoise.
CHAPITRE XXVI.
De l'Espagne & des Mahometans de ce Royaume
jusqu'au commencement du XIIe. fiècle.
ESPAGNE étoit toujours partagée
entre les Mahometans &
les Chrétiens , mais les Chrétiens
n'en avoient pas la quatriéme par-
›
tie, & encore ce coin de terre étoit la contrée
A ij
4 MERCURE DE FRANCE,
la plus fterile . L'Afturie dont les Princes prenoient
le titre de Rois de Leon , une partie
de laVieille Caftille gouvernée par desComtes
, Barcelonne , & la moitié de la Catalogne
auffi fous un Comte , la Navarre qui
avoit un Roi , une partie de l'Arragon unie
quelque tems à la Navarre , voilà ce qui
compofoit les Etats Chrétiens . Les Arabes
poffedoient le Portugal , la Murcie , l'Andaloufie
, Valence , Grenade , Tortoze , &
s'étendoient au milieu des terres par-de-là
les montagnes de la Caftille , & de Saragoffe,
Le féjour des Rois Mahometans étoit à Cordoue
, ils y avoient bâti çette grande Mofquée
, dont la voute étoit foutenue de trois
cent foixante cinq colonnes de marbre precieux
, & qui porte encore parmi les Chrétiens
le nom de la Mefquita ; Moſquée ,
quoiqu'elle foit devenue Cathédrale.
Les Arts yfleuriffoient ; les plaifirs recherchés,
la magnificence , la galanterie regnoient
à la Cour des Rois ; les Tournois , les combats
à la barriere font peut-être de l'inven
tion de ces Arabes. Ils avoient des fpectacles
, des théâtres qui tout groffiers qu'ils
étoient , montroient du moins que les autres
peuples étoient alors moins polis que ces
Mahometans. Cordoue étoit apres Conftantinople
le feul païs de l'Occident où la
Géometrie , l'Aftronomie , la Chymie , lą
JUIN 1746.
Medecine fuffent cultivées . Sanche le Gros
Roi de Leon fut obligé de s'aller mettre
à Cordoue entre les mains d'un fameux Medecin
Arabe , qui invité par ce Roi , voulut
que le Roi vint à lui,
Cordoue eft un païs de délices arrofé par
le Guadalquivir , où des forêts de citroniers,
d'orangers , de grenadiers parfument l'air
& où tout invite à la moleffe. Le luxe & le
plaifir corrompirent enfin les Rois Mufulmans.
Leur domination fut au dixiéme fiécle
, comme celle de prefque tous les Princes
Chrétiens , partagée en petits états. Tolede
, Murcie , Valence , Hueſca même
eurent leurs Rois ; c'étoit le tems d'accabler
cette Province divifée , mais les Chrétiens
d'Eſpagne étoient plus divifés encore ;
ils fe faifoient une guerre continuelle , fe
réuniffoient pour fe trahir , & s'allioient fouvent
avec les Mufulmans. Alphonfe V.
Roi de Léon donna mème l'année mille
fa foeur Théreſe en mariage au Sultan Abdalla
Roi de Tolede.
Les jaloufies produifent plus de crimes
entre les petits Princes qu'entre les grands
Souverains. La guerre feule peut décider du
fort des vaſtes Etats , mais les ſurpriſes , les
perfidies , les affalfinats , les empoiſonnements
font plus communs entre des rivaux ·
voiſins qui ayant beaucoup d'ambition , &
A iij
MERCURE DE FRANCE.
peu de reffources , mettent en oeuvre tout
ce qui peut fuppléer à la force ; c'eſt ainfi
qu'un Sancho Garcias Comte deCaftille empoifonna
fa mere à la fin du dixiéme fiécle
, & que fon fils Don-Garcie fut poignardé
par trois Seigneurs du pays dans le tems
qu'il alloit fe marier. Enfin en 1035 Ferdinand
fils de Sanche Roi de Navarre &
d'Arragon réunit fous fa puiffance la vieille
Caftille , dont fa famille avoit hérité par
le meurtre de ce Don-Garcie , & le Royaume
de Leon dont il depouilla fon beaufrere
qu'il tua dans une bataille .
Alors la Caſtille devint un Royaume
& Léon enfut une Province . Ce Ferdinand
non content d'avoir ôté la Couronne de
Léon & la vie à fon beau-frere , enleva auf
la Navarre à fon propre frere qu'il fit afſaffiner
dans une bataille qu'il lui livra . C'eſt
ce Ferdinand à qui les Efpagnols ont prodigué
le nom de grand , aparemment pour
deshonorer ce titre ,
Son pere Don Sancho furnommé auffi le
grand pour avoir fuccedé aux Comtes de
Caftille , & pour avoir marié un de fes fils
à la Princeffe des Afturies s'étoit fait
proclamer
Empereur , & Don Ferdinand youlut
auffi prendre ce titre . Il eft fûr qu'il n'y a
ni ne peut avoir de titre affecté aux Souverains
que ceux qu'ils veulent prendre &
JUIN 1946.
que l'ufage leur donne , mais le nom d'Em
pereur fignifioit par tout l'héritier des Cé
fars , & le maître de l'Empire Romain , ou
du moins celui qui prétendoit l'être ; il n'y
a pas d'apparence que cette appellation put
être le titre diftin&tif d'un Prince mal affer
mi qui gouvernoit la quatrième partie de
l'Eſpagne.
L'Empereur Henri III. ( & non
Henri II. comme le diſent tant d'Auteurs
) mortifia la fierté Eſpagnole , en demandant
à Ferdinand l'hommage de fes petits
Etats comme d'un fief de l'Empire , il eft
difficile de dire quelle étoit la plus mauvaiſe
prétention ou celle de l'Empereur Allemand
, ou celle de l'Efpagnol ; ces idées vaines
n'eurent aucun effet , l'Etat de Ferdinand
refta un petit Royaume libre.
C'eft fous le regne de ce Ferdinand que
vivoit Rodrigue furnommé le Cid , qui en
effet époufa depuis Chimene , dont il avoit
tué le pere ; tous ceux qui ne connoiffent
cette hiftoire que par la tragédie fi celebre
dans le fiéale paffé , croyent que le Roi Ferdinand
poffedoit l'Andaloufie. Il eſt pourtant
très-faux qu'aucune place de l'Andaloufie
appartint à ce Prince. :
Les fameux exploits du Cid furent da
bord d'aider Don Sanche fils aîné de Ferdinand
à dépouiller fes freres & fes foeurs de
A iiij
ME CURER DE FRANCE,
l'héritage que leur avoit laiffé leur pere ,
mais Don Sanche ayant été affaffiné dans
une de fes expéditions injuftes , fes frères rentrerent
dans leurs Etats,&l'Eſpagne Chrétienne
fut encore partagée comme auparavant.
Ce fut alors qu'il y eut près de vingt Rois
en Efpagne , foit Chrétiens , foit Mufulmans,
& outre ces vingt Rois , un nombre confi
derable de Seigneurs indépendants qui venoient
à cheval armés de toutes pieces , &
fuivis de quelques écuyers , offrir leurs fervices
aux Princes & aux Princeffes qui étoient
en guerre,
Cette coutûme déja repandue en Europe
ne fut nulle part plus accreditée qu'en Eſpagne.
Les Princes à qui ces Chevaliers s'enga
geoient leur ceignoient le baudrier , & leur
faifoient préfent d'une épée dont ils leur
donnoient un coup leger fur l'épaule. Les
Chevaliers Chrétiens ajouterent en Eſpagne
d'autres cérémonies à l'accolade ; ils faifoient
la veille des armes devant un autel de la
Vierge . Les Mufulmans fe contentoient de
faire ceindre un cimeterre ; ce fut là l'origine
des Chevaliers errants & de tant de combats
particuliers. Le plus celebre fut celui
qui fe fit après la mort duRoi Sanche affaffiné,
comme j'ai dit en 1073 en affiégeant fa Soeur
Auraca dans la Ville de Zamore . Trois Chevaliers
foutinrent l'innocence de l'Infante
JUIN 1746.
contre Don Diegue de Lare qui l'accufoit.
Ils combattirent l'un après l'autre en champ
clos en préſence des Juges nommés de part
& d'autre. Don-Diegue renverfa & tua deux
des Chevaliers de l'Infante , & le cheval du
troifiéme ayant les rênes coupées , & emportant
fon maître hors des barrieres , lc
combat fut jugé indecis.
Parmi tant de Chevaliers le Cid fut celui
qui fe diftingua le plus contre les Mufulmans .
Plufieurs Chevaliers fe rangerent fous fa
banniere,& tous enſemble avec leurs écuyers
& leurs gendarmes compofoient une armée
couverte de fer , montée fur les plus beaux
Chevaux du païs . Le Cid vainquit plus d'un
petit Roi Maure ; & s'étant enfuite fortifié
dans la Ville d'Alcafar , il s'y forma une Souveraineté
.
Enfin il perfuada à fon maître Alphonfe
VI. Roi de la vieille Caftile , d'affiéger la
Ville de Tolede , & lui offrit tous fes Chevaliers
pour cette entrepriſe. Le bruit de ce
fiége , & la réputation du Cid apellerent de
la France & de l'Italie beaucoup de Chevaliers
& de Princes qui ne cherchoient qu'à
fe fignaler ; ce fut une efpece de Croifade.
Raymond Comte de Touloufe, & deux Princes
du fang de France de la branche de
Bourgogne vinrent à ce fiége. Tout ce qu'on
appelloit la fleur de la Chevalerie s'y trou
A V
to MERCURE DE FRANCE.
va pour combattre fous l'étendard du Cid.
Le Roi Mahometan nommé Hiaga étoit fils
d'un des plus génereux Princes dont l'Hiftoire
ait confervé le nom. Almamon fon pere
avoit donné dans Tolede un azile à ce même
Roi Alphonfe VI. que fon frere Sanche
perfécutoit alors. Ils avoient vécu long - tems
enfemble dans une amitié peu commune ,
& Almamon loin de le retenir quand après
la mort de Sanche il devint Roi & par conféquent
à craindre , lui avoit fait part de fes
tréfors . On dit même qu'ils s'étoient féparés ,
en pleurant. Plus d'un Chevalier Mahométans
fortit des murs pour reprocher au Roi
fon ingratitude & il y eut plus d'un combat
fingulier fous les murs de Tolede.
Le fiége dura une année , enfin Tolede
capitula , mais à condition que l'on traiteroit
les Mufulmans comme ils en avoient ufé
avec les Chrétiens ; qu'on leur laifferoit leur
Religion & leurs Loix , promeffe qu'on ne
tint que dans les premiers tems. Toute la
Caftille neuve fe rendit enfuite au Cid qui
en prit poffeffion au nom d'Alphonſe , &
Madrid , petite place qui devoit un jour être
Ja Capitale de l'Efpagne, fut pour la premiere
fois au pouvoir des Chrétiens .
Plufieurs familles vinrent de France s'établir
dans Tolede ; on leur donna des priviléges
qu'on appelle même encore en Eſpagne
du nom de franchiſes.
•
JUIN 1746. IK
Le Roi Alphonfe VI .. fit auffitôt une
affemblée d'Evêques , laquelle fans le concours
du peuple , autre fois ufité, élut pour
Evêque de Tolede un Prêtre nommé Bernard
, à qui le Pape Gregoire VII. conféra
la Primatie d'Espagne à la priere du Roi ; les
fauffes Décrétales faifoient croire qu'autrefois
l'Eglife de Tolede avoit eu cette Primatie ,
mais elle en jouit alors pour la premiere fois.
Cet Archevêché ne vaut pas moins aujourd'huy
de cent mille piftoles de rente . La
conquête fut prefque toute pour l'Eglife ,
mais le premier foin du Primat fut de violer
les conditions que le Roi avoit jurées aux
Maures. La grandeMoſquée devoit reſter aux
Mahometans ; l'Archevêque pendant l'abſence
du Roi en fit une Eglife , & excita contre
lui une fédition. Alphonfe revint à Tolede
, irrité contre l'indifcrétion du Prélat ,
il alloit même le punir , & il fallut que les
Mahométans à qui le Roi eut la fageſſe de
rendre la Moſquée , demandaffent la grace
de l'Archevêque,
Alphonfe augmenta encore par un mariage
les Etats qu'il gagnoit par l'épée du Cid ;
foit politique , foit gout , il épouſa Zaïde
fille de Benabat , nouveau Roi Maure d'An
daloufie , & reçut en dot plufieurs Villes .
On lui reproche d'avoir conjointement avec
fon beau pere appellé en Espagne d'autres
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Mahométans d'Afrique . Il eft difficile de
croire qu'il ait fait une fi étrange faute , mais
les Rois fe conduifent quelque fois contre la
vraisemblance; quoiqu'il en foit,une armée de
Maures vint fondre d'Afrique en Eſpagne ,
& augmenter la confufion où tout étoit
alors.
Le Miramolin qui regnoit à Maroc envoya
fon Général Abnaxa au fecours du Roi
d'Andaloufie ; ce Général trahit non feulement
ce Roi même à qui il étoit envoyé
mais encore le Miramolin au nom duquel it
venoir. Enfin le Miramolin irrité vint luimême
combattre fon Général perfide qui faifoit
la guerre aux autres Mahométans, tandis
que les Chrétiens étoient auffi divifés
entre eux.
L'Eſpagne étoit déchirée par tant de Nations
Mahométanes & Chrétiennes , lorfque
le Cid Don Rodrigue à la tête de fa Chevalerie
fubjugua le Royaume de Valence , qu'il
y avoit en Eſpagne peu de Rois plus puiffants
que lui , mais il n'en prit pas le nom ,
cependant il gouverna Valence avec l'autorité
d'un Souverain , recevant des Ambaffadeurs,
& refpecté de toutes les nations. Après
fa mort arrivée vers l'an 1096 , les Rois de
Caftille & d'Arragon continuerent toujours
leurs guerres contre les Maures. L'Eſpagne
ne fut jamais plus fanglante & plus defolée
JUIN 1746. 14
triffe effet de la confpiration de l'Archevêque
Opas & du Comte Julien , qui faifoit au
bout de quatre cent ans , & fit encore longtems
après les malheurs de l'Efpagne .
La fuite dans un autre Mercure.
EPITRE fur deux Rimes contre la Poësie.
Vous voulez des Vers cher Valere ,
Et j'en fais mon amuſement ;
Ainfi fans tarder un moment
Je vais tâcher de vous complaire,
Mais on dit fans déguiſement
Que les Vers font une chimére
Dont l'état fe paffe aifément ,
Et que l'oifiveté fait faire.
Voilà quel eft le fentiment
Et des fages & du vulgaire.
Pourquoi chercher tant de myffére ,
Et parler je ne fçais comment ?
La Rime eft-elle néceffaire ?
Ne peut-on écrire autrement ?
Le vrai ne sçauroit- il nous plaire
S'il n'a pour affaiſonnement
Une cadence finguliére ?
14 MERCURE DE FRANCE.
Quelle erreur , quel avenglement
De captiver l'entendement
Sous une régle fi févere !
Sans befoin , fans difcernement
Ce qui n'eft qu'un délaffement
9
On en fait une étude amére :
Je le confeffe ingénûment ,
La meſure me défefpére ,
Et la Rime fait mon tourment ;
La verve eft un emportement
Au goût, à la raiſon contraire.
Pour vouloir être véhément
On tombe dans l'égarement ,
Et l'on femble entrer en colére ;
Déformais j'en fais le ferment ,
Je ne prendrai pour truchement
Qu'une Profe coulante & claire ,
Qui s'exprime tout uniment ;
Je l'ai juré , je fuis fincére ,
Priéres ni commandement ,
Rien d'un fi fage engagement ,
Non , rien ne fçauroit me diftraire :
Plus d'espoir d'accommodement ,
Sans balancer mon oeil préfere
Un grand Fleuve dont rien n'altére
Le majestueux mouvement
Au cours d'une étroite riviere ,
Don le fougueux débordement
JUIN 1746. 19.
Ne refpecte aucune barriere .
On penfe , on écrit baſſement ,
Et l'on veut d'un vol téméraire
S'élever jufqu'au Firmament.
Pour compofer utilement
Ilfaut fuivre fon caractére.
Laiffons le fublime Voltaire
Marcher fans affoupiffement
Sous les pas du divin Homére ;
Pour nous , à parler franchement ,
Le plus court feroit de nous taire ;
Les Vers ne peuvent fatisfaire
Un lecteur plein de jugement ,
Qui veut qu'un écrivain l'éclaire :
Lorfqu'on choifit cette carriere
L'on n'inftruit que biên rarement ,
Et l'on répand peu de lumiere .
D'un tableau , d'un événement
L'on trace une image groffiére
Sans en montrer l'enchainement.
Vous vouliez la figure entiere
"Et l'on vous en donne un fragment,
Que Tircis auprès de Glycére
Soupire un air fur la fougére
Qu'Amour a dicté tendrement
Pour fléchir l'aimable bergére,
Cela n'a rien que de charmant :
D'un jeune , d'un fidéle amant
MERCURE DE FRANCE
C'est là le langage ordinaire :
La critique la plus auftére
Y donne fon confentement
Elle fourit de l'agrément
D'une peinture fi légere.
Mais quel eft notre étonnement
Quand on implore follement
Des neuf Muſes le miniftere ,
Pourfredonner un compliment !
Quelle fangue , quelle maniére !
Un récit , un raiſonnement
Ont-ils befoin de l'ornement
Dont le blond Phébus eft le
pere !
Pour écrire plus noblement
Faudroit - il rimer Defpautére ,
Et cadencer un Argument
La Rime eft un foible inftrument
Avec lequel l'efprit oper e ,
Mais plus ou moins heureuſement.
Pafcal , Boffuet , la Bruiere
S'en font paffés facilement.
L'étude à l'homme eft falutaire ,
Mais occupons-nous dignement ;
La Mufe n'eft qu'une étrangère
Qu'il faut voir fans attachement ,
Et dont le charme eft arbitraire;
N'en attendons pour tout falaire
Qu'un frivole applaudiffement ,
JUIN 1746 . 17
Et n'en foyons point tributaire.
L'Ame fe plaît à la lumiére ;
Elle eft comme fon aliment ;
Mais elle a de l'éloignement
Pour une beauté paffagére
Dont le fard fait l'ajustement
Des mots le vain arrangement.
Un éclat , faute imaginaire
Qui féduit par enchantement ,
Pourroit -il fournir la matiére
D'un folide contentement ?
A Geneve, J. B. Tollot.
LETTRE du Pere Dom Antoine Gaetan
de Souza Académicien , à M. D. de
l'Académie Royale Portugaife.
Les preuves que j'ai de votre grande
M.bonté pour moi me font prendre la
liberté de vous communiquer quelques obfervations
que j'ai été obligé de faire fur les
Mémoires de Trevoux de l'année 1743 , relatives
à mon Hiftoire Génealogique de la
Maiſon Royale de Portugal , fouhaitant que
par vos mains elles parviennent à celles de
leurs illuftres Auteurs à qui je les adreffe
moi-même pour qu'ils en foient les Juges ,
18 MERCURE DE FRANCE.
car quoique ces fçavans PP. parlent de mon
ouvrage en des termes honorables que je ne
méritois pas , & dont je fuis redevable à leur
grande politeffe , ils m'attribuent néanmoins
bien des fautes qui ne s'y trouvent
pas & dont je ferois bien aiſe de détromper
le public : il n'eft pas de mon honneur de
fouffrir qu'on me croye l'Auteur des fautes
que je n'ai pas commiſes , & on ne doit pas
trouver étrange que j'en faffe remarquer la
méprife;que ces PP. en décident eux mêmes
en conféquence de mes obfervations que je
foumets entiérement à leur critique, perfuadé
qu'ils font trop équitables & trop honnêtes
pour ne pas connoître ma juftice , & me faire
fatisfaction des injuftes reproches qu'ils me
font.
98
Dans leur Extrait du Mois d'Avril p. 594 .
ees fçavans PP. fe font mépris fur le nom de
la fille ainée d'Alfonfe -Henriques : Marie
la premiére , difent - ils , époufa Ferdinand
" II , Roi de Leon . Cette Princeffe s'appelloit
Urraque , & non Marie , comme il
eft dit dans mon Hiftoire. Ils fe font également
trompés à la p. 605 prenant Eléonore
de Caftro , fi fameufe comme ils le difent
dans l'Hiftoire des Favorites, pour Eléonore
Nuñes de Gufman de l'illuftre famille de ce
nom .
Ils me reprochent p . 606 de ne m'être pas
Etendu avant fur la poftérité d'Eléonore de
JUIN 1746. 19
Portugal , foeur de Marie Reine d'Arragon :
comment le pouvois - je faire fi elle ne laifla
point de poftérité ? Qu'ils voyent pour cela
le chap. 5. T. I. pag. 363 .
29
ระ
Ils paffent au chap. 6, & parlant du mariage
du Roi D. Pedre avec Iñès de Caftro
ils difent pag. 606 : » On fçait que ce Prin-
» ce après la mort d'lñès déclara qu'elle
»avoit été fa femme , & fit couronner fon
» cadavre. Notre Auteur fe déclare pour la
réalité de ce mariage , & en conféquence
regarde comme légitimes tous les enfans
30 qui en font fortis » ( * ) S'ils euffent fait réfléxion
fur ce que j'ai écrit , ils auroient vû
fur quoi je me fuis fondé pour me déclarer
pour la réalité de ce mariage , & regarder
par conféquent comme legitimes les enfans
qui en font fortis : la réalité de ce mariage
fe trouve établie inconteftablement dans un
inftrument que j'ai tiré de la Tour des Archives
Royales de Lisbonne , où il fe conferve
, & que j'ai imprimé au premier tom.
des preuves p. 275 avec la Bulle de difpenfe
de Jean XXII . de la parenté d'Inès avec
Don Pédre. Cet inftrument a été cité à l'endroit
ci- deſſus mentionné de mon Hiftoire ,
où je rapporte auffi pag. 371 un article.
du Teftament dudit Roi D. Pedre , où it
(*, Tom. 1. chap. 6. p. 367. cum . feq.
20 MERCURE DE FRANCE.
traite d'Infants tous les fils de ce mariage, att
quel ces PP. auroient bien pû faire quelque
attention , comme auffi à ce que j'y dis pag.
372 de la Reine Beatrix mere dudit Roi ,
qui donne à fes petits- fils le traitement d'Infants
, & les égale aux autres petits fils dans
fes legs , comme on le peut voir dans ſon
teftament que j'ai imprimé : au premier tom .
des Preuves pag. 228 & pag. 279 fe trouve
celui de Don. Pedre
Or iln'y a point d'opinion qui puiffe l'emporter
fur la foi inconteftable des piéces originales
, ni d'Auteur qui mérite d'être crû
contre elles , la foi & le refpect qui leur eft
dû étant une matiére qu'on ne fçauroit difputer,
puifque ces piéces fervent de fondement
pour détruire les erreurs de l'Hiftoire.
( 1 ) Dans celle que vous avez imprimée vous
produifez une table de la famille Royale de
Portugal, où vous traitez de bâtards les fils de
ce mariage ; vous leur niez injuſtement le
traitement d'Infants , trompés par ce qu'en
ont écrit les Freres Ste Marthe ; & le P. Anfelme,
devant plutôt fuivre des Auteurs Fran
çois , Maugin Abregé de l'Hiftoire de Portugal
, ( 2 ) Neuville Hiftoire Générale de
Portugal , (3 ) La Clede tom . 1. pag. 286. &
( 1) T. 3 P.535.
(2 Impreff.de : 699 . p. 118.
(3) Vol. 1. p. 215. 219 &c.
JUIN 1746.
feq.Des Espagnols le P.Jean de Mariana dans
fon Hiftoire générale d'Efpagne ( 1 ) Zurite
Annal . d'Aragon ; (2 ) Etienne deGaribay liv,
34. ch. 33. p. 830 , le fçavant Don Louis
de Salazar de Caftro en plufieurs de fes ou
vrages , dans fon Hiftoire de la Maifon de
Sylve liv. 2 chap. 12. p 103 , dans celle de
Lara liv.17 . p. 228. &c, Jean de Ferreras (3 )
le celebre Jacques Guillaume Imhoff Stemma
Regium Lufitanicum. ( 4) Et je ne vous
en produits point de Portugais , parce qu'encore
que les mentionnés & beaucoup d'au
tres fuffent uniformément d'une opinion contraire
, la mienne les détruiroit fondée fur
des piéces dont l'autorité & la foi doivent
incontestablement prévaloir fur la même
antiquité,
Dans la fuite du même Extrait p . 607 , ils
difent ,, Iñez de Caftro à laquelle il s'atta
cha , & qui eft devenue célébre par fon
» fort tragique , étoit une fimple Demoiselle,
» dont notre Auteur marque la double
généalogie dans le plus grand détail . »
Je ne puis comprendre où ces fçavans ont
trouvé que cette Princeffe étoit d'une naif-
30
30
(1 ) Liv. 8 chap . 9. p . 112 .
(2. Liv. 9 chap. 67 p. 346. impreffion de 1610,
(3 ) Tome 8. p . 104. & 187 .
(4) Tab. I. XI, & XII,
22 MERCURE DE FRANCE.
#
fance fi obfcure , qu'elle ne méritât d'autre
terme que celui d'une fimple Demoiſelle
Quoique la Famille de Caftro ne fût pas
Souveraine , D. Iñez ne meritoit pas l'indécente
expreffion de fimple Demoifelle ;
fa haute naiffance dans l'illuftre Maifon de
Caftro la mettant au rang des Dames de la
premiere qualité. Tous fçavent & même
les moins inftruits dans l'hiftoire d'Eſpagne
qu'Inès étoit foeur de pere & mere d'Alvaro
Pirés de Caftro Comte d'Arrayolos, Premier
Condeftable de Portugal , Seigneur du
Cadaval & un des principaux Seigneurs de
fon tems , qui laiffa en mourant une illuftre
poftérité en Portugal , & de pere feulement
de Jeanne de Caftro femme de Pierre I. Roi
de Caftille & de Don Ferdinand de Caf
tro Comte de Caftro Xeris & Traftamara ,
Seigneur de Sarria & Lemos , Souche d'une
des plus illuftres Familles de Caſtille. Je ne
prétends pas vous perfuader que le Throne
étoit dû à la haute naiffance de ces deux
Princeffes , mais feulement qu'elle ne les rendoit
pas indignes de cette fortune . On trouve
dans l'Hiftoire des exemples de bien
des Princelles couronnées en Europe qui
n'étoient pas d'une famille auffi illuftre que
celle de Caftro , cela ne peut être ignoré
des fçavans , comme auffi que la Famille
de Caftro eft une des plus anciennes
des plus illuftres & des plus puiffantes de
JUIN 1746.
23'
Efpagne ; qu'elle s'eſt toujours fignalée dans
la paix & dans la guerro par fes alliances ,
& qu'elle tire fon origine de la Maiſon Royale
; c'eft ce dont perfonne n'a jamais douté ,
& l'on peut voir fur cela Louis de Salazar
& Caftro, en fon livre des gloires de la Maifon
de Farneze. Ainfi il eft étonnant que les
PP. de Trevoux ayent ufé d'un pareil terme
, & dans le tems qu'ils avouoient que j'avois
marqué dans le plus grand détail la double
généalogie de cette Princeffe,quiétoit auffi
du côté de fa mere d'une grande condition,
פ כ
Ils ajoutent à ce même fujet p . 608. II
lui donne néanmoins le titre d'Infante ap-
» paremment parce qu'elle fut déclarée Rei-
» ne après la mort , mais nous ne voyons
» pas pourquoi il f'appelle niéce de D. Pedre
fon époux. Quant au titre d'Infante que
je lui ai donné , je ne l'ai point fait par caprice
, mais pour remplir le devoir d'Hiſtorien
, qui eft de rapporter avec fidélité les
faits. Elle n'auroit jamais eu dans l'Hiſtoire
que le titre d'Infante fi ſon époux ne l'eût
fait couronner Reine après la mort , mais
cette qualité ne m'autorifoit point du tout
à l'appeller Infante , fi en effet elle ne l'eût
été , parce qu'on peut bien être Reine fans
cependant avoir été Infante , ce caractere
n'étant propre en Portugal , Caftille , &
Arragon , que des enfans legitimes des Rois
(1) P. 72. & $ 74:
24 MERCURE DE FRANCE.
& de leurs femmes , s'ils font mariés. Je l'appelle
donc Infante , parce qu'étant marice
avec Don Pedre , celui- ci dont elle participoit
la grandeur , n'étoit encore qu'infant
quand elle mourut . Aufli ne la traite-t'il que
d'Infante dans fon teftament , comme je l'ai
fait voir à l'article ( 1 ) que j'en ai tranfcrit, que
ces PP. auroient pu voir , ainfi que la remarque
que je fais au même endroit au fujet
de ce titre d'Infante que le Roi donne à
fon épouſe.
Et quant à celui de Niece , ils me le reprochent
, parce qu'ils n'ont pas fait d'attention
fur ce que j'ai écrit , & ne fe font pas
donné la peine de voir l'arbre généalogique
de la Reine Beatrix mere de Don Pedre , &
celle d'Iñez de Caſtro , où j'ai marqué leur
parenté. En effet j'y ai fait voir( 2 ) que Sanche
I V. Roi de Caftille eut deux filles , l'Infante
Beatrix Reine de Portugal , & D. Violante
Dame d'Uzero ; la premiere fut mere
du Roi D. Pedre , & la feconde le fut de
Pierre Fernandes de Caftro , furnommé de
la guerre , Seigneur de Lemos & Sarria ,
Rico-Hombre, & Grand maître de la Maiſon
du Roi Alfonfe XI. Ainfi ce feigneur étoit
coufin germain du Roi Don Pedre , & par
conféquent Iñés de Caftro fa fille en étoit
niéce dans le 2 & 3 degré de confanguinité
(1 ) T. 1. de l'Hiftoire page 371.
(2) T. 1. p. 316 & p . 381 .
JUIN 1746, 25
felon le droit canon ; auffi fallut- il les difpenfer
dans la parénté pour qu'ils púſſent
.fe marier.
Ils difent plus bas à la même p . 608 à
Poccafion de l'infortuné Don Ferdinand
d'Arragon , que le Roi fon pere le fit inhumainement
maffacrer au milieu d'un repas
, mais ils fe font trompés ; ce fut Don
Pedre le Ceremonieux fon frere qui le fit
mourir , ainfi que je l'ai écrit dans mon Hiftoire
, ( * ) ce qui fe
prouve auffi par les
Annales d'Arragon,
ג כ
"
Et continuant leur extrait ils difent pag.
603 au fujet du mariage de l'Infante Beatriz
avec Sanche Comte d'Albuquerque , les paroles
fuivantes. » Et à cette occafion le Pere
» Soufa fait voir par une fuite de Généalo- `
gie que prefque toutes les Maifons Sou-
» veraines de l'Europe , & quantité des plus
grandes Familles d'Espagne , de Portugal
& d'Italie defcendent d'Iñez de Caftro.
» Ceux qui font les plus verfés dans la fcien-
» ce généalogique n'en concluront point
« ce que l'Auteur a eu en vue par ces la-
» borieufes recherches.Les plus grands Rois
feroient fort étonnés de voir tous ceux
avec qui ils font unis par le fang, » Je ne
39
20
(* ) Liv, 1. p. 385,
1. vol. B
לכ
16 MERCURE DE FRANCE,
puis diffimuler la furpriſe que m'ont caufé ces
paroles, & je doute fort que ces grands Rois,
s'ils daignoient par hazard jetter les yeux .
fur mes écrits , en fuffent auffi étonnés, que
je le fuis de ce que ces P P. avancent ici ,
Salazar de Caftro fi verfé dans la ſcience
généalogique , qu'on peut avec raiſon l'en
appeller le Prince, & digne par fa vaſte érudition
dans l'Hiftoire de vivre dans la mémoire
de tous les fiécles , bien des années
avant moi avoit avancé la même chofe dans
fa fameufe hiftoire de la Maifon de Sylve.
( a ) Traitant de la pofterité de Thereſe
Nunes da Sylve , voici ce qu'il en dit . « Et
Ifabelle Ponce qui époufa Pierre - Fer-
>> nandés de Caftro , furnommé de la Guer-
» re, Rico-hombre , Seigneur de Lemos
& Sarria, Adelantado - Mayor de la Frontera
, & Grand Maître de la Maiſon du Roi
Alfonfe XI . dont elle eut deux fils , à fçavoir
le Comte Ferdinand de Caftro
» Grand-Maître de la Maiſon du Roi Don
Pedre , beau - frere de celui- ci , & fouche
70 de la Maiſon de Lemos en Caftille, & deş
25
→
39
"
و د
Comtes de Bafto en Portugal , de l'Amiral
de ce Royaume , & des Caftros de
Treize Tourteaux , & D. Jeanne de
(# ) Ljv, 2. Chap. XII. p. 102 , imp. en 1685.
JUIN 1746. 27
20
Caftro , qui époufa Don Pedre Roi de
,, Caftille furnommé le Cruel , & fut mere
33
20
20
de l'Infant Don Jean , tige de toute la
» Maiſon de Caftille des Seigneurs de Gor. »
Et fuivant cette pofterité dans fes diverfes
branches, il ajoute pag. 104 ce qui fuit . La
» troifiéme fille de Laurent Soares de Valladares,
& de Dona Sanche Nune de Chaffin
& par conféquent petite fille de Dona Therefe
Nunes de Sylve , fut nommée Dona
» Aldonce-Laurent de Valladares , de laquelle,
& de Pierre Fernandès de Caftro , furnommé
de la Guerre , Rico-hombre , Sei-
→ gneur de Lemos & Sarria , Grand- Maître
33
59
ל כ
de la Maifon du Roi Alfonfe XI. font nés
» Don Alvaro & Dona Iñéz de Caftro : Don
Alvaro fut Comte d'Arrayolos & Premier
Condeſtable de Portugal , dont la pofte-
,, rité s'étend en trois branches . La premiere
fubfifte dans la Maifon de Bragan-
» ce , la feconde dans celle des Comtes de
» Monſanto Marquis de Cafcaes , & la troifiéme
dans celle des Seigneurs de Boquilobo
, & Caftros de fix Tourteaux.
» Dona Iñèz fa fæeur époufa D. Pedre 1 .
Roi de Portugal fon oncle , & coufin
germain de fon pere ; elle en eut l'Infant
Don Jean Duc de . Valence , tige de la
Maiſon d'Eça en Portugal , & des Comtes
33
20
20
"3
"
Bij
8 MERCURE DE FRANCE.
4.
39
93
59
22
de Valence en Caftille ; l'Infant Don De,
niz qui prit le titre de Roi de Portugal,
& qui a fait la Maifon des Comtes d'Elvillars
Don Pardo , & l'Infante Beatriz qui
époufa en 1373 Sanche Comte d'Albuquerque
fils d'Alfonfe XI. Roi de Caftil-
» le, duquel elle eut Eleonore Urraque Reine
» de Caftille , femme de Ferdinand I. Roj
d'Arragon , furnommé l'Honnête , & l'Infant
d'Antequera qui a . pour defcendans
tous les Princes qu'il y a en Europe ; &
» par conféquent le fang de Sylve s'etend à
tous, Dona Thereſe Nunes de Sylve étant,
» comme nous l'avons marque , quatriémę
ayeule de la Reine Eleonor Urraque, & il
s fera bien difficile de fignaler en Portugal
&en Catlille aucun Seigneur d'ancienne
qualité qui ne defcende par quelque branche
de cette Dame. » Voici comment ceux
qui font verfés dans la Généalogie ne peuvent
s'empêcher de convenir de ce que j'écris
, & d'ajouter foi à la production des
lignes que je rapporte , qu'il n'eft pas bienfeant
à des fçavants . d'ignorer.
1
34
33
30
"
Auffi eft-ce avec le même Salazar de Caf
tro que je prétens autorifer ce que j'ai écrit
au chapitre 8 tom. I. pag. 387 de mon
Hiftoire , afin de fatisfaire à la critique des
RR. PP. de Trevcux. Ce grand homme que
JUIN 1746 . 29.
je me fuis propofé pour modéle dans mes
Ouvrages généalogiques , écrivit fon livre
des Gloires de la Maiſon Farnefe , après
qu'Ifabelle Farneſe eût monté au Throne
d'Eſpagne il le dédia à cette Princeſſe , &
quoiqu'il l'ait apparentée & le Roi fon époux
(& quantité d'autres Souverains qui font
compris dans fon livre ) avec plufieurs
grandes Familles , ainfi que je l'ai pratiqué
dans mon Hiftoire & le pratiquerai
dans la fuite , je ne fcache pas néanmoins
que ces grands Rois en témoignaffent
de l'étonnement. Ravis au contraire de l'ou
vrage & contens de l'Auteur ils ont bien
daigné lui en marquer leur fatisfaction &
l'estime qu'ils en faifoient , en l'honorant
d'une place au Confeil des Ordres , quoique
fans exemple dans les gens d'épée comme
fui.
Le P. Buffier me peut fervir auffi d'exemple.
Quoique fon ouvrage ne foit qu'un racourci
& une fimple introduction à l'Hif
toire des Maiſons Souveraines de l'Europe ,
il y dit ces paroles. (a) On peut obferver
ici » comment par cette alliance quelques
Seigneurs d'aujourd'hui ont l'honneur d'appartenir
à la Maiſon Royale , ce qu'on
33
"
(a ) Pag. 213 de l'impreſſion de 1717 ..
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
»
ל כ
ร
appercevra d'un coup d'oeil par cette dif
pofition de filiations. » Et dans la démonftration
qu'il fait il produit une branche de
la Maiſon Royale de France qu'il rapporte
au Duc de Villeroi & au Comte de Matignon,
déduite des Comtes de Saint Paul
& il en auroit pu produire plufieurs autres
par d'autres côtés ; mais il n'a pas cru offenfer
fon Roi d'honorer ainfi de fa parenté
fes fujets. L'Hiftoire univerſelle des Nations
fourmille d'exemples tendans à montrer que
les Grands Rois ne s'offenferent jamais de
s'allier avec les familles illuftres de leur fujets
, & il eſt conftant que plus ils les élevent
plus auffi reluit en eux l'éclat de la
Majefté .
quer
Je ne puis m'empêcher de faire remarici
la mauvaiſe foi des PP de Tre-
Youx au fujet du mariage d'Iñés de Caftro ;
après l'avoir rapporté comme certain , ils en
mettent en doute la réalité , & finalement
ils le defavouent. Voici ce qu'ils difent P.
609. Du refte le mariage de Beatriz avec
un fils naturel du Roi de Caſtille , nous
paroit un préjugé que Ferdinand qui fit
ce matiage ne la regardoit pas comme
légitime Ce préjugé ne fe trouve fondé ni
dans l'hiftoire ancienne ni moderne , ni aucuns
des Auteurs qui en ont parlé ne difent que
גכ 03
JUIN 1746 . 3 #
Ferdinand ne regardoit pas fa foeur comme
légitime . Dans le traité de paix que ce Prince
fit avec Henri, il fut ftipulé qu'Alfonſe Comte
de Gijon & Noronha (a) ( & non de Burgos
comme ces PP.le difent ) fils naturel d'Henri,
épouferoit Iſabelle fille naturelle de Ferdinand
, c'eſt ainfi que l'écrit Ferreras tom . S
p. 194 & que le rapporte la Chronique de
Don Ferdinand. (b) Cette matiére n'a befoin
d'autre preuve , que de celle qu'on tire
des Auteurs ci- deffus mentionnés auxquels
j'en aurois pû ajoûter d'autres , qui fous rapportent
le traitement d'Infants que Ferdinand
donnoit à fes freres , qu'il devoit don
ner pareillement à fa foeur , ce qui fe prouve
invinciblement par quelques piéces que
je produits , (c) où Don Pedre traite fes fils
d'Infants , & que Ferdinand confirma . Si le
préjugé des PP. n'eft qu'une inference de
voir que l'Infante épouloit un fils naturel ,
c'eft qu'ils n'ont pas fait attention à la figure
qu'il faifoit alors , & confideré qu'il
étoit frere de pere & mere d'Henri II. Roi
de Caftille qui faifoit ce mariage , & que le
fruit de cette union fut la Reine Eleonore
(a) P. 63.
(b, P. 177. V. impr
(c) T. XI. Chap. 1. P. 612.
·
Biiij
32 MERCURE DE FRANCE.
Urraque femme de Ferdinand I. Roi d'Ar
ragon , fils de Jean I. Roi de Caftille dont
elle hérita la Couronne comme Infante de
Caftille. Ils auroient pû auffi remarquer que
l'illegitimité feule de Don Sanche , qui ne
l'excluoit pas de la fucceffion au Trône
de Caftille au cas que fon frere n'eût point
d'enfans , n'étoit pas une raiſon affés forte
pour détourner Ferdinand de lui donner fa
foeur quoique légitime . Mais ce qui détruit
encore plus fortement le préjugé des PP.
c'eft ce qu'eux-mêmes difent de Beatriz Infante
de Portugal p . 6 : 3 » Beatriz Infante
$5
de Portugal née en 1372 étoit encore au
» berceau , lorfque fon mariage fut arrêté
avec Fadrique Duc de Benavente , fils naturèl
d'Henri II . Roi de Caftille ... Si Ferdinand
, de l'aveu des PP. conſent à arrêter
le mariage de fa fille légitime avec un fils
naturel , pourquoi ne confentiroit- il pas à
celui de la foeur quoique légitime avec un
autre fils naturel ? Peut- on conclure de - là
qu'il ne la regardoit pas comme légitime ?
Ce n'est donc pas par des préjugés & des
inferences qu'il faut combattre les points de
T'hiftoire ; pour la décifion des faits il faut
des preuves , fur tout pour contredire des
Auteurs illuftres qui les avancent.
Les PP. achevent l'extrait du I. vol. de
JUIN 1746 .
35
mon hiftoire au mois d'Avril ; ils continuent
au mois de Juin fuivant celui des vol. II .
Í I. & IV. & rapportent ce qu'ils y ont trouvé
de plus remarquable avec de folides reflexions
: ils pourfuivent l'extrait du 5 & 6
vol. au mois d'Octobre de la même année ,
& me font une févere critique p.2 5 54. Voici
leurs paroles. Mais nous ne voyons pas
» fur quoi fondé notre Auteur en parlant
» de ce retour de bonne fortune , & de la
» nouvelle qui en fut portée à la Ducheffe
» Douairiere de Bragance , donne à cette
» Princeffe le titre de Reine.Il'eft vrai qu'elle
étoit petite fille & foeur de Rois , mais la
• » coûtume n'étoit de donner la qualité de
» Reine qu'aux Infantes filles de Rois . »
ל כ
"
La mepriſe de ces PP. eft extraordinaire ,
d'autant que je me fuis expliqué en des termes
clairs & précis. Quand je parle de ce
retour de bonne fortune dans mon Hiſtoire
, je ne dis pas que la nouvelle en fut
portée à la Ducheffe Douairiere de Bragance
, cela eft inventé , je dis que Don
Emanuel , qui occupoit alors le Trône de
Portugal , réfolu de rappeller fes neveux
difgraciés les Ducs de Bragance , communiqua
cette nouvelle aux Rois Catholiques
* Tom. V. p. 470.
BY
24 MERCURE DE FRANCE.
לכ
»
גכ
39
( c'étoient Don Ferdinand & Dona Izabelle
qui de leur côré en firent part à la Reine
mare Dona Iſabelle , qui vivoir à Arevalo .
S'ils fe font imaginés que cette Reine étoit
mere des Ducs de Bragance , c'eſt qu'ils n'ont
pas reflechi fur ce que j'en dis à l'endroit
ci-deffus mentionné p . 471. Cette Reine
, qui avoit époufé Don Jean II . Roi de
Caftille , étoit petite-fille du Duc de Bragance
Don Alfonfe , & par confequent
» coufine germaine du Duc Ferdinand II .
( pere des difgraciés ) L'interêt que
cette Princeffe prenoit au rétabliſſe-
» ment des Ducs de Bragance , c'eft qu'ils
étoient tous fes neveux , fils de Ferdinand
» II. Peu aprés je raporte leur retour en Portugal
, & voici ce que je dis p. 473. » Le
» Roi , aprés avoir reçû très- gracieuſement
fes. neveux , les conduifit à l'appartement
,, où étoit l'Infante leur ayeule , la Reine
leur tante .& la Ducheffe leur mere , qui
les reçurent avec une joye incroyable.
Je ne fçache pas qu'on puiffe parler en des
termes moins équivoques , ainfi je ne puis
comprendre où ces PP. ont trouvé que je
donnois le titre de Reine à la Ducheffe de
Bragance. Je ne me juftifie ici de tous ces
reproches , que par ce que les curieux ne
font pas pour la plupart auffi généralement
"
အ
29
JUIN 1746. 33
en état de lire mon hiftoire , que leurs mémoires
, & fe laiffent aifément prévenir en
faveur de ce que les PP.y louent ou blament.
Ils difent p . 2563 que je me fuis mépris
fur le nom du Prince d'Efpagne Don Diegue,
qu'ils appellent Don Carlos , mais la méprife
eft de leur côté ; le Prince Don Carlos
fils de Philippe I. Roi de Caſtille & de fa
premiere femme mourut le 24 Juin 1568 ,
& il n'y eut point d'autre Prince héritier
de ce nom. Le Prince prefomptif de la Couronne
au tems que Philippe II . s'empara de
celle de Portugal , étoit Don Diegue , qui
mourut le 30 Juillet 158 2. Le Prince
Don Philippe lui fucceda , & c'eft avec lui
que furent continuées les négociations au
fujet du mariage dont il eft fait mention
dans cet endroit ,
Les RR. PP. de Trevoux n'eurent d'abord
connoiffance que des fept premiers
volumes de mon Hiftoire , comme ils le difent
p. 582 de leurs mémoires du mois
d'Avril , en Octobre ils étoient deja informés
des autres , ainfi qu'ils le difent p. 2570 ,
mais mon ouvrage les devoit avoir épuifés ,
puifqu'ils en retranchent une partie du VII .
& tout le VIII. vol , fans en dire un feul
mot, quoiqu'ils renferment des alliances &
quantité de faits remarquables dans l'Hif
toire.
B vj
36 MERCURE.DE FRANCE.
39
5
כ כ
99
Les autres ne font gueres mieux traités ;
voici ce qu'ils difent p. 2570 » Il nous reſ-
»te à dire deux mots des branches collaterales
de laMaiſon deBragance, qui fubfiftent
», encore , ou qui font eteintes depuis peu en
Portugal & en Efpagne , mais dont les
droits ont paffé en d'autres Maiſons par
des alliances ; elles rempliffen : le neuvié-
» me & dernier volume & le huitiéme livre . ,,
La premiére dont ils parlent eft celle des
Comtes d'Oropeza , celle-ci eft fuivie de la
branche des Comtes de Lemos , dont la
pofterité maſculine eft auffi eteinte depuis
peu. Ils paffent au troifiéme fils de Ferdinand
I. Duc de Bragance , Alfonfe Comte
de Faro. » Deux de fes fils , difent- ils , firent
» les deux branches des Comtes d'Odemira
» & des Seigneurs de Vimiciro , qui ne ſubfiftent
plus que par des alliances , » Mais
ils fe trompent , car la ligne maſculine des
Seigneurs de Vimiciro aujourd'hui Comtes
de Vimiciro , qui vient d'Alfonfe , ſubſiſte
encore : on le peut voir dans mon Hiſtoire
tom . IX. liv. VIII . p. 663 .
30
Le dixiéme volume de mon Hiſtoire ,
qui comprend le IX. & X. liv. fe trouve
ici reduit à deux mots . Au fujet de Don
Alvaro quatriéme fils ( & non troifiéme comme
le dit l'extrait ) de Ferdinand I. Duc
d: Bragance , ils difent , p. 2573. » Il eut
ל כ
JUIN 1746: 37
33
"
n
13
deux fils d'où font fortis les Ducs de Cadaval
& les Ducs de Veraguas : des premiers
≫vinrent les Comtes d'Acumar , dont le der-
», nier eft mort en 1683 ne laiffant qu'un
fils naturel nommé Jofeph François de
Portugal-Mello , Marquis de Villefcas..
Il eft furprenant que la Maifon de Cadaval
ne mérite ici d'autre mémoire que celle du
fils naturel du Comte d'Acumar , quand le
Duc de Cadaval Don Nuno & fes illuftres
Ancêtres font fi recomandables dans l'Hif
toire par leurs perfonnes & leurs alliances ;
cependant ni celles que ces Seigneurs ont
en France dans la Maifon de Lorraine depuis
tant d'années n'ont pû rappeller dans
ces PP. le fouvenir du Duc de Cadaval Don
Nuno , Alvres Pereyra de Mello , perfonnage
affés connu dans l'Europe par fes grandes
qualités , pour mériter qu'ils en écriviffent
le caractére du moins pouvoient - ils
corriger le P. Anfelme , qui au I. vol. de
fon Hiftoire généalogique de la Maiſon Royale
de France p. 642 , marque la naiffance
du III. Duc de Cadaval au 7 Decembre
1679 , au lieu qu'il eft né le 1 Septembre
168 4, Il l'appelle auffi Don Nuno , devant
dire Don Jaime de Mello , lequel eft
aujourd'hui Grand Ecuyer de la Maifon du
Roi & Grand -Maître de celle de la Reine.
Enfin l'extrait de mon Hiftoire finit par
38 MERCURE DE FRANCE.
ces mots p. 2574, "» S'il eft vrai , comine
» on l'affure , que tous ceux qui font defcen-
» dus des Ducs de Bragance , foit par les mâ-
» les , foit par les filles , légitimes ou non ; ont
» un droit acquis de fucceder à la Couronne
de Portugal chacun felon fon rang , il
eft certain qu'il n'eſt point au monde de
» Trône mieux affermi que celui -là , & que
39
le prodigieux détail où le P. Soufa eft en-
» tré , marquant comme il a fait , toutes les
,, filiations de la Maifon de Bragance les plus
»
و د
ל כ
réculées & les plus indirectes , n'a rien de
» trop , car par ce moyen ce nombre infi-
» ni de pretendans peut fçavoir d'abord fur
quoi fa prétention eft formée , & dans quel
» ordre il peut prétendre à une fi belle fuc-
» ceffion. J'avoue que j'ai été furpris dans
cet endroit de la fincerité des PP.de Trevoux
s'il eft vrai , difent- ils , comme on
l'affure. Qui eft- ce qui peut leur avoir
affûré une femblable chimere ? Et ne faut- il
pas être de la derniere crédulité & fimplicité
pour y ajoûter foi ? La fucceffion au
Trône de Portugal eſt par le droit du fang
reglée à l'affemblée des Etats de Lamego ,
l'an 1143
felon les loix qui y furent établies,
ainfque je l'ai raporté au I. vol . de mon Hiftoire
p. 55. Ce que j'ai auffi écrit au fujet de
la tenue des Etats du Royaume en 1674
& en 1679 & 1698 , que je raporte au VII .
JUIN 1746. 39
rom. p. 677 & au VIII . p. 398 eut deffillé
les yeux de ces PP. pour peu d'attention
qu'ils y euffent fait , fur la réalité de cette
tradition , & ils fe feroient bien gardés de
la produire dans des mémoires qui doivent
fervir pour l'Hiftoire des fciences & des
beaux arts.⚫
Quant au prodigieux détail , où ces PP,
difent que je fuis entré , marquant toutes les
filiations de la Maifon de Bragance , je l'ai
fait , non pour la fin que ces PP. marquent,
ne fachant point avant leur Extrait qu'il y
eut perfonne au monde qui affùrât cette maniére
de fucceder à la Couronne de Portugal
par le droit de deſcendre de la Maiſon de
Bragance , mais en vuë de remplir le devoir
de fidéle Généalogifte , qui eft de donner
à un chacun ce qui lui appartient ; car il
faut bien obferver que chaque branche qui
fe fepare de fa fouche , fait une Maiſon à
part , laquelle fe peut glorifier de fes productions
& de fes alliances , compofant elle
feule une Hiſtoire généalogique particuliere,
qui commence par celui qui en eft le premier
chef, & auquel on rapporte tout l'honneur
de fon origine , les autres n'ayant que la
gloire d'avoir produit une fi brillante branche
dans leur famille. Comme je ne prétens point
entrer en concurrence avec perfonne , je me
diſpenſe d'apporter des exemples de ce que je
40 MERCURE DE FRANCE.
viens de dire , je me contente qu'on fçach
que dans mon ouvrage j'ai fixé toute me
gloire à travailler & écrire exempt d'adua
lation , n'ayant d'autre objet que la veritéfans
attachement pour aucune opinion , &
fuivant les Auteurs là où ils ne s'éloignoient
pas des piéces originales. Les fautes que les
RR . PP . de Trevoux m'attribuent , je les reconnoitrois
avec toute la docilité , fi elles
-étoient réelles , parce que je n'eftime rien
tant que verité , la verité & que je fçais que le plus
für moyen pour y parvenir c'eft la critique
des fçavans , mais auffi ce feroit bleffer la
modeftie de l'état dont je fais profeffion , que
de ne pas la relever là où elle m'eft injurieuſe,
étant gravé dans le coeur de l'homme de bien
de fe reffentir des injuftices qu'on lui fait, & de
ne pas fouffrir qu'on lui attribue ce qui ne lui
convient pas. Ne vous figurés pas , Monſieur,
que ces expreffions & ce jufte refſentiment
étouffent en moi les fentimens d'eftime & de
veneration que je dois avoir pour les fçavans
PP . de Trevoux , elles ne tendent qu'à exciter
leur juftice à m'accorder une jufte fatisfaction;
je vous prie d'en vouloir bien chercher
l'occafion , de prendre en main mes
interéts , & de croire que je n'omettrai rien
de ce qui pourra contribuer à vous conyaincre
de ma reconnoiffance , & de la parfaite
confidération avec laquelle je fais profeffion
JUIN 1746. 41
de vous honorer . je fuis , très- fincerement
Monfieur , &c.
Luce que los porre dos
' Exacte impartialité que nous obfervons
Auteurs du Journal de Trevoux aux plaintes
du P. Gaëtan , cette réponſe pleine de bon
fens & de moderation eft un modéle qu'il
feroit à fouhaiter que l'on imitât plus fourvent
dans les difputes Litteraires.
乳乳乳乳乳
LETTRE du R. P. C. aux Auteurs
du Mercure. -
ESSIEURS , les Auteurs du Journal
& ne
Mãe Trevoux n'ayant plus l'ouvrage du
R. P. de Soufa fur l'Hiſtoire généalogique
de la Maiſon Royale de Portugal , qu'on
leur avoit prêtée , ne fçauroient examiner
en quoi ils auront pû fe tromper ,
doutent pas même qu'il ne leur ait échapé
quelques erreurs ; il leur paroît feulement
que le fçavant Auteur n'a pas toujours bien
pris leur penſée ; par exemple , quand ils ont
dit qu'Inès de Caftro n'étoit qu'une Demoifelle
, ce n'eft pas qu'ils ignoraffent qu'elle
42 MERCURE DE FRANCE
étoit de très bonne maiſon : mais en France
on donne cette qualification de Demoiſelle
aux filles de la plus haute naiffance.
Si ces Peres ont été furpris de voir Inès
de Caftro qualifiée de niéce de Don Pedre ,
c'eft qu'ils ont pris ce terme à la rigueur ,
ne croyant pas que dans l'Hiftoire on doive
appeller neveux & niéces ceux qui ne le font
qu'à la mode de Bretagne , comme on dit
en France.
Par ces paroles les plus grands Rois fe
roient fort étonnés de voir tous ceux avec qui
ilsfont unis par le fang, l'Auteur de l'Extrait
n'a voulu que faire une reflexion , qui eft
vraie , & non pas contefter que le fang d'Inés
de Caftro ne foit veritablement mêlé avec
celui de toutes les têtes couronnées de l'Europe.
Le P. de Soufa p. 9 taxe les Journaliſtes de
mauvaiſe foi fort gratuitement au ſujet d'Inés
de Caftro , ces Peres n'ont point rapporté
comme certain le mariage de cette Dame
avec Don Pedre , mais ils ont fimplement
dit que ce Prince l'avoit déclaré après fa
mort & fait couronner fon cadavre. Ils ne
l'ont point defavoué enfuite , mais ils ont
tout fimplement obfervé que Ferdinand
maria Beatrix fille d'Iñés , avec un fils naturel
du Roi de Caftille , & que cette alliance
étoit un préjugé qu'il ne regardoit pas
Beatrix
JUIN 1746. 43
comme légitime ; où font donc la contradiction
& la mauvaiſe foi ?
Quant à la qualité d'Infante que le P.
de Soufa donne à Iñès de Caftro ; ce qui ..
a étonné le Journaliſte de Trevoux en
cela , c'eft qu'ayant cru que les fils aînés des
Rois d'Espagne & de Portugal ne portoient
jamais le titre d'Infants , & Don Pedre par la
mort de fes trois aînés , étant devenu le fils
unique & héritier préfomptif de la Couron
ne , n'étoit plus Infant , par confequent
qu'Iñès de Caftro , quand bien même elle
auroit été fon épouſe légitime, ne pouvoit pas
être qualifiée Infante. Ils n'ont pas même cru
que les époufes des Infants fuffent nommées
Infantes , mais le Pere de Soufa fçait mieux
ce qui en eft que les Journaliſtes deTrevoux,
qui n'ont jugé, que fur l'ufage moderne.
44 MERCURE DE FRANCE.
3833+ X3
MOTET en vers françois composé pour
la Dédicace de l'Eglife de S: Sulpice de
Paris , qui fut célébrée le 30 Juin 1745
C
Hrétiens , quel faint devoir en ce lieu vous
affemble !
Venez vous prendre part à la folemnité
D'un jour fi favorable à votre pieté ?
Confiderez ce nouveau Temple
Où le divin Sauveur a dépofé ſa loî` ,
Et fixé pour toujours fon augufte préſence.
Cette fainte demeure attend de notre foi
Des marques d'allegreffe & de reconnoiffance,
Occupons-nous des infignes bienfaits
Dont le Ciel veut ici nous combler à jamais.
Miniftres du Très-Haut , fignalez votre zéle :
doux tranſports fans ceffe Tendres voeux ,
renaiffans ,
Partez de tous les coeurs , volez comme l'encens
Jufqu'au féjour de la gloire immortelle.
*
Ce fuperbe éifice eft un Ciel tout nouveau
Où Dieu fait éclater fa grandeur & fa gloire .
11 fe plaît à régner dans un Temple fi beau :
Son faint nom y fera d'éternelle mémoire.
JUIN 1746.
45
Que d'objets merveilleux ! Quel fpectacle charmant
!
Quelle fainte réjouiſſance !
La pompe & la magnificence
De ce grand appareil pour rendre au Tout- Puiffant
Le plus parfait hommage ,
Ces fons , ces voix , ces inftrumens
Qui raviffent nos fens ,
Tout nous trace une image
Des plaifirs , des beautés du celefte heritage,
De ce terrible lieu l'augufte Majefté
Infpire à tout mortel le reſpect , le filence ;
Tremblez prophanateurs ! que votre impieté
N'arme point contre vous la célefte vengeance !
Sa foudre puniroit votre temérité.
**
O Ciel , quelle indulgence !
Şi dans ce lieu fi faint fi refpecté ,
Aux jours de la douleur & de l'adverfité ,
Les larmes , les regrets , l'amour , la confiance
S'accordent pour fléchir le Seigneur irrité ,
A ces tendres efforts fa fuprême puiffance
N'a jamais réfifté :
Sa juſtice s'appaiſe , & pour lors fa clemence
Fait ceffer tous les maux qu'on avoit merité.
46 MERCURE DE FRANCE.
Adorable Sauveur , que notre foi revére
Dans ce facré féjour ,
Tu feras à jamais l'objet dé notre amour ;
Par toi nous flechiffons le courroux de ton Pere.
**
Nous le rendons fenfible à nos cris , à nos pleurs ,
Et pour nous mériter le célefte heritage ,
Si tu viens chaque jour t'immoler dans nos coeurs ,
C'est dans l'augufte fein de notre propre ouvrage
Que nous nous procurons ces divines faveurs,
Soyons tous attentifs à cet autre fpectacle :
Du centre de fon Tabernacle
Le Souverain Maître des Rois
Prononce fes oracles ;
Il y fait briller fes miracles
Pour tout mortel qui vient fe foumettre à fes loix
Mais les traits bienfaiſans de fa Toute - Puiffance
Ne partent point pour le traitre & l'ingrat ;
De leurs voeux infenfés ce Dieu jaloux s'offenſe ;
Il les punit avec éclat ,
Et les bannit de fa préfence.
***
Que l'agréable odeur
De nos humbles prieres ,
Que la douce vapeur
Qu'exalent ces parfums , ces brillantes lumières
Montent fans ceffe au Tróne du Seigneur !
JUIN 1746. 47
***
Temple fameux , lieu faint par excellence ,
Que vois-je encor ici ? le pécheur égaré
Qui revient à fon Dieu par l'humble pénitence ,
Et le jufte qui veut garder fon innocence
Trouvent dans ton enceinte un azile affûré.
+
Charmant repos , paix favorable ,
Triomphez & régnez à jamais en ces lieux ;
Difpenfez aux mortels la douceur ineffable
Que vous leur apportez des Cieux :
Mais qu'un bienfait fi précieux
Serve à leur procurer le bonheur véritable !
Defirons- nous qu'un Dieu ,
Senfible à nos hommages ,
Nous prodigue en ce lieu
Les plus doux avantages ?
Que tous nos voeux foient animés
De la foi la plus vive , & d'un efpoir fans crainte ,]
❤
Et que nos coeurs foient enflammés
De l'ardeur la plus fainte.
Superbe monument du zéle de nos jours ,
Des fiécles à venir tu braveras l'injure ;
Décoré par les foins de la foi la plus pure ,
Tes pompeux ornemens fubfifteront toujours,
Dans ce beau jour de notre vie
Que la douce harmonie
48 MFRCUREDE RRANCE,
De nos facrés concerts
S'éleve dans les airs !
Chantons , célebrons la mémoire
De ces murs confacrés pour les voeux des mortels ;
Confervons à jamais le bonheur & la gloire
De bénir le Seigneur aux pieds de fes Autels,
Par M. Cotterean , Curé de Donnemarie.
ડેટ
•
SEANCE publique de l'Academie pour
la réception de M. de Voltaire Hiftoriographe
du Roi le Lundi 9 Mai.
LE quies
E public qui court toujours en foule
aux affemblées de l'Académie fembloit
avoir redoublé d'empreffement pour celleci
; les raifons de cet empreffèment font
connues de toute l'Europe avec les ouvrages
de M, de Voltaire , & l'affemblée qui
avoit droit d'attendre de ce grand homme
un difcours brillant n'a pas été trompé dans
fon attente.
M. de Voltaire commença avec raifon par
relever l'excellence de la Conftitution de
l'Académie fi honorable pour les Lettres, &
en même tems fi convenable. « Votre Fon-
53
dateur , dit- il , mit dans votre établiffe-
❤ment toute la nobleffe & la grandeur de
fon
JUIN 1746. 49
fon ame : il voulut que vous fuffiez libres
» & égaux. En effet il dut élever audeffus
de la dépendance des hommes qui étoient
audeffus de l'interêt , & qui auffi généreux
» que lui faifoient aux Lettres l'honneur
qu'elles méritent de les cultiver pour
elles-
"
» mêmes.
L'éloge de M. le Préfident Bouhier auquel
M. de Voltaire fuccede entroit néceſlairement
dans le plan de ce difcours , & quand
cette loi n'auroit pas été prefcrite , le mérite
de cet illuftre Litterateur auroit dû
la faire établir..
Il faifoit reffouvenir la France de ces tems
où les plus aufteres Magiftrats , confommés
comme lui dans l'étude des Loix , ſe délaffoient
des fatigues de leur état dans les travaux
de la Litterature . Que ceux qui méprifent
ces travaux aimables , que ceux qui
mettent je ne fçais quelle miferable grandeur
à fe renfermer dans le cercle étroit de
leurs emplois font à plaindre ! Ignorent-ils
que Ciceron après avoir rempli la premicre
place du monde plaidoit encore les caufes
des Citoyens , écrivoit fur la nature des
Dieux , conferoit avec des Philofophes ,
qu'il alloit au Théâtre , qu'il daignoit cultiver
l'amitié d'Efopus & de Rofcius , &
Jaiffoit aux petits efprits leur conftante gravité
qui n'eft que le mafque de la médiosrité,
C
50MERCURE
DE FRRANCE
.
M. le P. B. étoit très-fçavant , mais il no
reffembloit pas à ces fçavans infociables &
inutiles , qui négligent l'étude de leur propre
Langue , pour fçavoir imparfaitement
des Langues anciennes ; qui fe croient en
droit de méprifer leur fiécle , parce qu'ils fe
Aatent d'avoir quelque connoiffance des
fiecles paffés ; qui fe recrient fur un paſſage
d'Efchyle , & n'ont jamais eu le plaifir de
verfer des larmes à nos fpectacles.
Il traduifit le Poëme de Petrone fur la
guerre civile , non qu'il pensât que cette
déclamation pleine de penfées faufles ap
prochât de la fage & élégante nobleffe de
Virgile ; il fçavoit que la Satyre de Petrone,
quoique femée de traits charmans, n'eft que
le caprice d'un jeune homme obfcur , qui
n'eut de frein , ni dans fes moeurs , ni dans
fon ftyle : des hommes qui fe font donnés
pour des maîtres de goût & de volupté ,
eftiment tout dans Petrone , & M. B. plus
écliaré n'eftime pas même tout ce qu'il a
traduit. C'eft un des progrès de la raifon
humaine dans ce fiecle,qu'un Traducteur ne
foit plus idolâtre de fon Auteur , & qu'il
fçache lui rendre juftice comme à un contemporain.
Il exerça fes talens fur ce Poëme, fur l'Hymne
à Venus , fur Anacréon , pour montrer
que
les Portes doivent étre traduits en vers ;
JUIN 1746. Sr
' étoit une opinion qu'il défendoit avec chaleur
, & on ne doit pas être étonné que M.
de Voltaire ſe range à fon fentiment.
M. de Voltaire remarque avec raiſon que
les Italiens & même les Anglois ont de bonnes
traductions en vers de Théocrite , de
Lucrece , de Virgile , d'Horace , & nous
n'en n'avons aucune . La raifon de.cette pauvreté
, felon lui , vient de la difficulté , &
cette difficulté naît du genie de notre Langue
qui ne nous permet pas d'exprimer dans
le ftyle noble les chofes d'un ufage commun
& familier. Les François qui n'ont
gueres commencé à perfectionner la grande
Poëfie qu'au Théâtre , n'ont pû & n'ont dû
exprimer alors que ce qui peut toucher l'ame.
Nous nous fommes interdits nous- mêmes
infenfiblement prefque tous les objets que les
autres Nations ont ofé peindre ; il n'eft rien
que le Dante n'exprimât à l'exempledes An¬
ciens , il accoûtuma les Italiens à tout dire,
mais nous , comment pourrions nous imiter
aujourd'hui l'Auteur des Géorgiques , qui
nomme fans détour tous les inftrumens de
l'Agriculture ? A peine les connoiffons- nous ,
& notre molleffe orgueilleufe dans le fein du
repos & du luxe de nos Villes , attache malheureuſement
une idée baffe à ces travaux
champêtres , & au détail de ces Arts utiles
Cij
2 MERCURE DE FRANCE.
que les Maîtres & les Legiflateurs de la terre
cultivoient de leurs mains victorieufes .
M. de Voltaire ajoute que les grands Poëtes
déterminent le génie d'une Langue ; il eft
fans aucun doute que le génie est toujours
déterminé par les grands Ecrivains de cette
Langue , mais n'eft ce pas le hazard qui
fait que les premiers génies qui écrivent
foient des Poëtes ou des Profateurs . Homere
floriffoit 400 ans avant que les Grecs écriviffent
l'Hiftoire en profe, Faudra-t - il conclure
de là que les Profateurs n'aient aucune
part à la perfection de leur langue ? Terence
qui le premier a parlé chés les Latins avec
une pureté toujours élegante , Terence n'eft
pas à proprement parler Poëte , & on peut
lui appliquer avec juftice ce qu'Horace dit
de lui- même.
Qui fcribit uti nos,
Sermoni propiora.
La langue Latine n'avoit- elle pas déja de
grandes obligations à Ciceron, à Hortenfius ,
à Tite-Livre , quand les grands Poëtes du
fiécle d'Augufte ont paru ?
La gloire de notre Litterature & de notre
Langue, dit judicieufement M. de Voltaire, a
commencé à l'Auteur duCid & de Cinna, cependant
le ftyle des lettres du Cardinald'Offa
écrites so ans auparavant n'eft pas aujourd'hui
plus vieuxque celui de Corneille.Lavap
JUIN , 1746 . 53
tage plus certain que ce dernier procura à fa
Nationc'eft qu'il commença à faire reſpecter
notre Langue par les Etrangers , préciſement
dans le tems que le Cardinal de Richelieu
commencoit à faire reſpecter la Couronne .
L'un & l'autre porterent notre gloire dans
l'Europe ; après Corneille font venus , non
pas de plus grands génies , mais de meilleurs
Ecrivains. Un homme s'éleva qui fùt à la
fois plus paffionné & plus correct ; moins
varié , mais moins inégal , aufli fublime
quelquefois , & toujours noble fans enflure ,
jamais déclamateur , parlant au coeur avec
plus de verité & plus de charmes.
Un de leurs contemporains , incapable
peut-être du fublime qui éleve l'ame , & du
fentiment qui l'attendrit , mais fait pour
éclairer ceux à qui la Nature accorda l'un &
l'autre , laborieux , févere , précis , pur , harmonieux
, qui devint enfin le Poëte de la
raifon , commença malheureufement par
écrire des Satyres , mais bien -tôt après il
égala & furpaffa peut-être Horace dans la
Morale & dans l'Art Poëtique . Il donna les
préceptes & les exemples. Il vit qu'à la
longue l'art d'inftruire , quand il eft parfait ,
réuffit mieux que l'art de médire , parce,
la Satyre meurt avec ceux qui en font les
victimes , au lieu que la raifon & la vertu
fent éternelles
Ciij
34 MERCURE DE FRANCE.
Tel eft le portrait que M. de Voltaire
fait de Boileau , & il merite de nous quelques
réflexions.
Premierement , M. de Voltaire dont les
ouvrages refpirent par tout l'amour de la
vertu , qui releve fans ceffe la dignité des
Lettres , & fe recrie avec force contre ces
Satyres odieufes qui les dégradent , a- t'il
pu paffer auffi légèrement qu'il a fait fur les
Satyres de Boileau , Satyres dont l'efprit a
paffé dans tous les ouvrages ? voudroit - il
que l'on dit d'après lui que Boileau n'a mal
fait décrire des Satyres que parce que la
Satyre meurt avec ceux qui en font fes vietimes
? Ce n'eft pas l'obscurité , c'eſt l'infamie
que les méchans ont à redouter. Le
merite poëtique de Boileau a- t- il pu faſciner
à ce point les yeux de M. de Voltaire ?
Eh quoi ! vivons nous dans un fiécle où l'on
foit affés pervers ou trop peu éclairé pour
ne pas féparer l'homme de 'Auteur ? Boileau
fut un grand Poëte , mais craignons que
les éloges donnés à cet Ecrivain n'enhardif
fent plus de méchans qu'ils n'encourageront
de Poëtes.
Nous n'avons pas été moins furpris d'en>
tendre M. de Voltaire dire que Boileau
égala & furpafla peut être Horace dans la
Morale. Cet illuftre Académicien et
op inftruit & trop judicieux pour ne pasJUIN
1745. a
.
"
fçavoir que Boileau a mis en vers excellens
avec beaucoup d'ordre & de méthode des
maximes communes, au lieu qu'Horace a fait
paffer dans fa Poëfie le précis de laMorale des
anciensPhilofophes & afourni la baſe des ouvrages
de Charon & de Montagne que la plûpart
de nos ignorans, qui donnent le ton aujourd'hui
regardent comme de plus grands
Philofophes qu'Epictete, Marc- Aurel , & c.
que ces modernes n'ont fait que commenter.
M. de Voltaire examine pourquoi il y a
moins de génies fuperieurs en France qu'il n'y
en a eu dans le dernier fiécle.
20
33
23 Les grands talens font toujours nécef
fairement rares , furtout quand le goût &
l'efprit d'une Nation font formés ; il en
eft alors de ces efprits cultivés comme
» de ces forêts où les arbres preffés & élevés
ne fouffrent pas qu'aucun porte la tête
trop audeffus des autres. Quand le commerce
eft en peu de mains on voit quelques
fortunes prodigieufes & beaucoup
de mifere , lorfqu'enfin il eft plus étendu
, l'opulence eft génerale les grandes
fortunes font rares. C'est précisément par-
» ce qu'il y a beaucoup d'efprit en France,
» qu'on y trouvera dorénavant moins de
» génies fuperieurs .
3
n
Sans vouloir diminuer rien du prix de cette
réflexion folide & ingenieufe , M. de Vol-
Ciiij
56 MERCURE DE FRANCE.
faire nous permettra de lui repréſenter que
les grands hommes ne font pas fi rares dans
notre fiécle qu'il le dit. Nous avons au Théatre
M. de Crebillon , & M. de Voltaire luimême
qui nous ont donné tous deux des
chef-d'oeuvre dramatiques, qui , s'ils font inferieurs
en quelques parties aux chef - d'oeuvres
de Racine leur font fuperieurs par d'autres
endroits on eft plus ému à Atrée , à
Electre, à Radhamiſte , à Oedipe , à Zaire ,
à Alzire qu'à toutes les Tragédies de Racine ;
en un mot il eft moins tragique que ces
deux Auteurs , & c'eft fans doute un grand
avantage qu'ils ont fur lui. Ainfi quoiqu'on
laiffe à ce dernier la premiere place , eft- ce
une raiſon pour dire que ceux qui font im
médiatement après ne font pas des génies
fuperieurs ? Olons prédire que quelque
jour on leur fera l'honneur qu'ils font au
jourd'hui à Racine , & nos petits enfans confondant
les deux fiécles diront à leurs con--
temporains, on ne voit plus de génies comme
on en voioit autrefois , nous ne voions rien
qui approche des grands Maîtres , des Corneilles
, des Racines , des Crébillons , des
Voltaire.
Le même M. de Voltaire n'a- t- il pas donné
à notre fiécle un éclat qui a manqué à
toute la gloire du fiécle paffé ? Le beau
fiécle de Louis XIV. avoit-il un Virgile ? Le
1
JUIN. 1746. 57
Traducteur de Quint - Curce a illuftré le
commencement de ce fiècle , mais le nôtre a
à lui oppofer une Hiftoire qui peut effacer
celle de Quint- Curce méme. M. de Voltaire
à qui nous avons ces obligations ,
& duquel on pourroit faire plufieurs
grands hommes , eft le feul des François
qui par modeftie puiffe ainfi déprifer fon
fiécle .
.
Après avoir ainfi employé une partie de
fon difcours à expofer des verités Litteraires,
M. de V. vient aux éloges qui font de régle
dans ces difcours Académiques , inftitués
principalement pour remercier l'illuftre
Compagnie, & pour célébrer le fondateur &
les differens protecteurs. Cette matiere épuifée
par tant de grands génies fembloit un
champ entierement moiffonné , & cependant
M. de V. y a trouvé de nouvelles fleurs
dont l'éclat ne le cede point aux anciennes.
Je fçais , dit -il , combien l'efprit fe
dégoute aifément des éloges . Je fais que
le public toujours avide des nouveau-
» tés , penfe que tout eft épuifé fur votre
fondateur & fur vos protecteurs , mais
pourrois -je refuſer le tribut que je dois.
» parce que ceux qui l'ont payé avant moi
» ne m'ont rien laiflé de nouveau à dire ? II
» en eft de ces éloges qu'on répete comme
» de ces folemnités qui font toujours les
30
39
.
39
ל כ
Cv
58 MERCURE DE FRANCE.
20
39
>
» mêmes & qui réveillent la mémoire des
évenemens chers à un peuple entier ; elles
font néceffaires . Célebrer des hommes
tels le Cardinal que Richelieu , & Louis
XIV , un Seguier , un Colbert , un Turenne
, un Condé , c'eft dire à haute
» voix ; Rois , Miniftres , Généraux à venir,
imitez ces grands hommes . Ignore - t - on que
» le Panégyrique de Trajan anima Antonin
à la vertu , & Marc- Aurele le premier des
Empereurs & des hommes n'avoue - t- il
pas dans fes écrits l'émulation que lui
infpirerent les vertus d'Antonin ? Lorfque
Henri IV. entendit dans le Parlement
» nommer Louis XII . le Pere du Peuple
il fe fentit penetré du déûr de l'imiter &
», il le ſurpaſſa.
•
»
"
•
"" Penfez-vous , MM. que les honneurs
» rendus par tant de bouches à la mémoire
de Louis XIV.ne fe foient pas fait entendre
» au coeur de fon fucceffeur dès fa premiere
enfance ? On dira un jour que tous deux
» ont été à l'immortalité , tantôt par les mê-
» mes chemins , tantôt par des routes differentes
, l'un & l'autre feront fembla-
» bles en ce qu'ils n'ont differé à fe charger
30
"
du poids des affaires que par reconnoiffance
, & peut-être c'eft en cela qu'ils
ont été le plus grands . La pofterité dira
que tous deux ont aimé la juftice & ont
» commandé les armées. L'un recherchoit
JUIN.
1746. 59
20
23:
avec éclat la gloire qu'il méritoit , il l'ap-
» pelloit à lui du haut de fon Trône , il en -
» étoit fuivi dans fes conquêtes , dans fes
entrepriſes , il en rempliffoit le monde , il
déployoit une ame fublime dans le bonheur
& dans l'adverfité , dans fes Camps,
» dans fes Palais , dans les Cours de l'Europe
& de l'Afie ; les Terres & les Mers rendoient
hommage à fa magnificence , & les
plus petits objets , fitôt qu'ils avoient à
lui quelque rapport , prenoient un nou-
» veau caractere , & recevoient l'empreinte
» de fa grandeur.
20
38
39
"
"
33
» L'autre protege des Empereurs & des
Rois,fubjugue des Provinces, interrompt le
" cours de fes conquêtes pour aller fecourir
fes fujets , & y vole du fein de la mort
dont il eft à peine échapé. II rempporte
des victoires , il fait les plus grandes
chofes avec une fimplicité qui feroit penfer
que ce qui étonne le refte des hommes
, eftpour lui dans l'ordre le plus com-
>mun & le plus ordinaire. Il cache la hauteur
de fon ame fans s'étudier même à la cacher,
& il ne peut en affoiblir les rayons ,
qui en perçant malgré lui le voile de famo-
» deftie , y prennent un éclat plus durable.
Louis XIV. fe fignala par des monumens
admirables, par l'amour de tous les
27 Arts , par les encourageinens qu'il leur
93
30
"3
C vj
60 MERCURE DE FRANCE .
"
prodiguoit: O ! vous , fon Augufte fuc
», ceffeur , vous l'avez déja imité , & vous
n'attendez que cette paix que vous cherchez
par des victoires , pour remplir tous
»vos projets bienfaifans , qui demandent
jours tranquilles.
20
35
50
Da
29
»
des
» Vous avez commencé vos triomphes
dans la même Province où commencerent
» ceux , de votre Bifayeul , & vous les avez
» étendus plus loin ; il regretta de n'avoir
» pu dans le cours de fes glorieufes Campagnes
, forcer un ennemi digne de lui à
» méfurer fes armes avec les fiennes en
bataille rangée . Cette gloire qu'il défira ,
» vous en avez joui . Plus heureux que le
» Grand Henri , qui ne remporta prefque
de victoires que fur fa propre Nation, vous
» avez vaincu les éternels & intrépides en-
» nemis de la vôtre . Votre fils , après vous
Fobjet de nos voeux & de notre crainte,
apprit à vos côtés à voir le danger & le
» malheur même fans être troublé, & le plus
» beau triomphe fans être ébloui. Lorfque
» nous tremblions pour vous dans Paris, vous
» étiés au milieu d'un champ d'horreur & de
carnage, tranquille dans les momens d'horreur
& de confufion , tranquille dans
la joie tumultuenfe de vos foldats , vous
embraffiez ce géneral qui n'avoit fouhaité
» de vivre que pour vous voir triompher, cet
90
20
و د
JUIN 1746.
30
homme que vos vertus & les fiennes ont
» fait votre fujet , que la France comptera
toujours parmi fes enfans les plus chers &
« les plus illuftres . Vous récompenfiez déja
» par votre témoignage & par vos éloges
tous ceux qui avoient contribué à la victoire
, & cette récompenfe eft la plus
belle pour des François.
20
Si les bornes de ce Journal nous l'avoient
permis nous aurions inferé le difcours entier
de M. de V. au lieu d'en faire un éxtrait.
Il fut fouvent interrompu par les applaudiffemens
du public frappé des traits
brillans dont ce diſcours eft ſemé.
8
M- l'Abbé d'Olivet Directeur de l'Academie
répondit à M. de V. Le diſcours du
Directeur roule ordinairement fur deux
points , le tribut d'éloges que l'on donne
ordinairement à la mémoire du deffunt ,
& les louanges flateufes qui fervent au recipiendaire
& de récompenfe pour le paffé .
& d'encouragement pour l'avenir.
L'éloge de M. de V. fut la premiere partie
du difcours du Directeur ; un nom connu
non - feulement en France , mais dans
toute l'Europe , un nom dont les plus
célébres Académies ont orné leurs faftes
, des piéces fugitives fuperieures par
leur élégance , par leur facilité à tout ce
qu'on a jamais admiré dans ce genre , qui
32 MERCURE DE FRANCE
ont illuftré la jeuneffe de M. de V. , & qui
feules fuffiroient pour faire à un écrivain
une réputation éclatante , un nombre de
Tragédies qu'on admire tous les jours au
Theatre à côté des chef- d'oeuvres de nos
grands hommes confacrés à l'immortalité ;
un Poëme Epique qui a réparé la difette
honteufe que toutes les Nations étoient en
droit de nous reprocher à cet égard ; une
Hiftoire qui donne à fon Auteur un rang
confiderable parmi les Hiſtoriens , enfin une
connoiffance étendue des myfteres de la
Phyfique & de la Geometrie , & des éffais
en ce genre , qui auroient flaté lá vanité
d'un Phyficien qui n'eût été que Phyficien.
Voilà les matériaux que M. le Directeur
a employés pour l'éloge de M. de V.. &
qui ornés d'une diction élegante & pure
ont formé la guirlande dont il a couronné
le nouvel Académicien .
Perfonne ne pouvoit louer plus dignement
M. le Préfident Bouhier que l'éloquent
Directeur qui a été fon ami intime , & qui
dans les travaux Litteraires a été ſouvent aſfocié
à cet illuftre Magiftrat .
M. B. étoit un fçavant du premier ordre
, mais un fçavant poli , modefte , utile
à fes amis , à fa Patrie, à lui-même. Depuis
la renaiffance des Lettres à peine comptonsnous
trois fiécles , & à peine chaque fiécle
JUIN 1746.
63
nous a-t-il montré deux ou trois prodiges
d'érudition qui lui foient comparables ; héritier
d'une riche Bibliothéque, quifut à fes
yeux la plus belle partie de fon patrimoine,
deftiné à être le feptiéme de fon nom , qui
de pere en fils rendroit au Parlement de
Bourgogne l'honneur qu'il en recevroit ,
il fe propofa d'égaler , de furpaffer même
ces grands perfonnages qui ont décoré la
Robe par leur fçavoir éminent , les Budez ,
les Bignons , les Briffons ; bien-tôt il embraffa
l'ancien & le moderne , le facré & le
profane , les Langues fçavantes , la Chronologie
, la connoiffance des Monumens
antiques , la Jurifprudence , la Critique.
Une érudition fi profonde n'étoit point
le fruit d'une manie qui fait quelquefois
qu'on veut apprendre tout , hors ce qu'on
eft obligé de fçavoir. M. B fur perfuadé dès
fa plus tendre jeuneffe que le mérite effentiel
du grand homme eft de fervir fa Patrie,
& que les fervices qu'elle attend de nous fe
réglent fur le rang que nous y tenons. Il
comprit que fi d'autres études ne lui étoient
pas interdites , fi elles lui étoient même néceffaires
pour nourrir l'activité & l'étonnante
facilité de fon efprit,au moins l'étude des loix
devoit être toujours fon principal objet. Delà
ces deux immenfes volumes qui ne laifferont
dans le droit municipal de fa Province ,
64 MERCURE DE FRANCE.
ni obſcurité, ni contradiction , ni équivoque,
ouvrage.dans lequel il eft difficile de fçavoir
ce qu'on admirera le plus , ou le zèle qui l'a
fait entreprendre , ou le courage & la perféverance
d'un fçavant dont le goût étoit
decidé pour les travaux Académiques , qui
lui offroient fans ceffe de féduifantes , diftractions.
Du refte il n'étoit point de ces
Auteurs enfevelis dans leurs livres , & dont
l'humeur fombre eft le voile d'un ridicule
orgueil. Une douceur naturelle , une grande
candeur formoient le caractére de M.
Bouhier , & il s'eft peint ainfi dans fes écrits .
Jufques dans les ronces de la critique
il fait éclore les fleurs de l'urbanité ; avant
lui rien n'étoit fi commun parmi les fçavans
que de fe faire entr'eux une Langue à part ,
féconde en termes injurieux. Les ouvrages
de M. Bouhier refpirent la politeffe & la
modeftie. M. le Directeur remarque trèsjudicieufement
que la vraie politeffe ne fe
doit pas feulement à l'éducation , elle eſt l'effet
d'une modeftie fincere , & qu'entendons-
nous par modeftie , fi ce n'eſt la connoiffance
de foi-même ? M. Bouhier avoit
trop étudié , trop refléchi pour tomber dans
les piéges que l'orgueil tend à l'ignorance
quiconque croit beaucoup valoir eft bien
éloigné de fçavoir beaucoup.
Ces traits de l'éloge de M. Bouhier font
JUIN. 1746. 65
couronnés par des traits plus importans, qui
caractérisent l'homme vertueux , & le bon
citoyen, Bon mari , bon pere , bon ami ,
Juge intégre , fes jours partagés entre fa
famille , fa charge & fon cabinet formerent
le cours d'une vie égale , qui ne refpiroit que
l'honneur & la décence ; une mort tranquille
à laquelle il étoit préparé par la Religion
& par la Philofophie termina fes longs travaux.
Il étoit depuis quinze années attaqué
de la goûte qui l'empêchoit de venir à Paris
, & il avoit perdu l'efperance d'affifter jamais
aux conferences de l'Académie ; homme
vraiment digne des regrets des gens vertueux
, & dont les talens , les vertus & les
travaux peuvent être propofés pour modéleà
ceux qui defireront de bien mériter de
la Partie , & d'être dignes d'eftime.
La réputation de M. l'Abbé d'Olivet eſt
trop bien établie pour qu'il foit néceffaire
de dire qu'on a trouvé dans ce difcours la
folidité , la méthode & l'élegance qui caractériſent
fes autres ouvrages .
M. de Voltaire lut enfuite l'introduction
à l'Hiftoire des Campagnes du Roi , à laquelle
il travaille en qualité d'Hiftoriogra
phe de France.
66 MERCURE DE FRANCE.
EPITRE de M. de la Soriniere à M
des Forges Maillard , au renouvellement
de l'année 1746.
&
N
Ouveau Catulle , organe d'Apollon ,
Enfant gâté fur le facré vallon ,
Voyez les jours de Sophocle & d'Homere ,
Et dans un coin de ce vafte Hémiſphére
Soumis aux loix de la faine raiſon ,
Goûtez les fruits d'une utile retraite ,
Et Philofophe autant qu'Anachorete ,
Forgez des vers dignes de votre nom .
Ah ! fi j'étois dans mon petit domaine
Libre de foins , de foucis , d'embarras ,
Que les facheux qu'un noir démon promene ,
En m'oubliant fuiviffent moins mes pas ,
Je pourrois lors attaché fur Horace ,
Ainfi que vous favourant fes douceurs ,
Mettre à profit l'élégance & la grace
Dont ce grand Maître enchante fes Lecteurs.
Mais malgré moi n'effleurant que l'écorce ,
Gliffant fur tout , fans rien approfondir,
Pour vous atteindre il me manque la force ,
Et je n'ai pas votre aimable loifir.
JUIN 1746.
61
Quatre procès , neuf enfans , une femme ,
( Reprenez-moi fi le décompte eft faux )
Me font , ma foi , chanter une autre gamme ,
Et bien de modernes Rouffeaux"
Sur le clavier de Virgile & d'Horace
Pourroient détonner en ma place .
Joignons encor , ami très- cher ,
Que l'élement humide & clair
Dont je m'abreuve à taffe pleine ,
Ne jaillit point de l'hyppocrene ,
( Quoique votre Mufe l'ait dit : J
Ou bien fi j'ai dans mon domaine
Cette eau qui rechauffe l'efprit
Il faut que l'onde poëtique ,
Quand le rimeur s'en eft trop humecté
Soit propre à donner la colique ;
Je l'ai fouvent en vérité.
Pour corriger la finiftre influence ,
Vous me direz d'y mêler de bon vin ,
Mais , cher ami , j'y perdrois mon latin ;
Je le bois avec repugnance ,
Et fa chaleur enflammant ce levain
Qui dans mon fang fermente à toute outrance
Loin de calmer la violence
Du mal juſtement redouté ,
Elle augmenteroit ma fouffrance ;
Je l'ai trop expérimenté.
68 MERCURE DE FRANCE.
Concluons donc que le peu de fanté
Eft un obftacle à la Littérature ,
Et ma raiſon m'a ſouvent arrêté ,
Lorſque mon goût forçoit trop la Nature ;
Oui , ma foibleffe m'a dompté.
Ah! fi quittant les rives Armoriques ,
Par amitié vous veniez dans ces lieux ,
Pour ma fanté quels effets fympathiques ,
Et que ce jour me feroit glorieux !
Mais c'eft envain que mon coeur vous invite
A m'accorder un bien fi précieux ;
Non ; je n'ai rien qui vous y follicite.
A la Soriniere en Anjou.
VERS envoyés à Mademoiselle Dup**
pour être mis au bas defon portrait.
P
Lus brillante cent fois que le Dieu de Cithere,
J'en ai le fourire flatteur ,
Plus belle même que fa mere
Je ne le cede qu'à ma foeur.
JUIN. 1746.
A MADEMOISELLE de Sim. ***
EH que me fert , adorable Thémire
Quevos beaux yeux de tems en tems
Jettent fur moi des regards féduifans ?
Non , non , dans l'amoureux empire
Ce n'eft pas un leger fourire
Qui calme les vrais tourmens.
Je fçai qu'un berger plein de graces
Depuis long-tems à fçu plaire à vos yeux ,
Et je le vois partout , ce berger trop heureux ,
Voler fur vos brillantes traces.
Non , vous n'éteindrez point des feux qui font f
doux ,
Vous fuivrez votre choix , cruelle,
L'amant d'ailleurs eft trop digne de vous ,
Pour ne lui être pas fidelle ,
Mais pourquoi donc ce fourire flateur ?
Eh quoi ! voudriez-vous par une feinte habile
Troubler le repos demon coeur ?
Ah ! j'en cheris trop la douceur ;
Themire expliquez-vous ou laiſſez-moi tra quille.
• MERCURE DE FRANCE
A M. de VOLTAIRE fur fa reception
à l'Académie Françoiſe.
TUtriomphes enfin , je vois ce jour heureux ;
Ce jour. qui doit combler & ta gloire & tes voeux :
L'Académie eu pompe accourt à cette fête ;
Déja le Temple s'ouvre & la couronne est prête ,
La Deéffe aux cent voix l'annonce à l'Univers ,
Et l'envie en fuyant , pouffe un cri dans les airs,
Voltaire , tu reçois le laurier de la gloire
Qu'ont moiffonné pour toi les filles de mémoire,
Cet immenfe Palais , ce Louvre faſtueux ,
Où l'on voit près des Lys les Beaux- Arts orgueilleux
Montrer à l'Etranger que ce fpectacle attire ,
Louis avec Phoebus partageant fon Empire ;
C'eft- là que tout Paris , en ce jour fortuné
T'a conduit en triomphe , & t'a vû couronné :
Là je t'ai vû moi même , en heros du Parnaſſe ,
Vainqueur de tes Rivaux , confondre leur audace,
Et recevant l'encens , qu'on t'offroit à leurs yeux ,
T'avancer d'un pas ferme au rang des demi- Dieux
Tels vers le Capitole au retour de la guerre
Paroiffoient furleur Char ces vainqueurs de la Terre
E. JUIN 1746.
cepting
ureux
voeux ;
;
rête ,
-ers ,
airs,
Fire,
gueil-
Te ,
ce,
eux ,
Dieux
re
Terre
Quand au travers du peuple & de fes cris confus
Et traînant après eux leurs ennemis vaincus ,
Ils alloient à l'Autel , la marche terminée ,
Montrer à l'Univers leur tête couronnée.
Manes du Grand Armand , manes du Grand Henri
De joye en ce moment vous avez treffalli ;
Les neuffoeurs à ce bruit ont quitté leur retraite ;
Clio fit par trois fois retentir fa trompette,
1
Le Permeffe en fon cours s'eft foudain arrêté ,
Et l'Echo du Parnaffe à trois fois répeté ;
Triomphe , heureux Voltaire , & vainqueur de
l'envie ,
Sois l'honneur de ton fiecle & de l'Académie,
ENVOI
Tour compliment aux yeux de la raifon TOFT
N'eft que menfonge ou pure politeffe ,
Mais quand c'eft à toi qu'on l'adreffe ,
Pourroit- on craindre un tel foupçon ?
Que fipourtant quelqu'un s'apprête
A démentir ce que je dis ,
Deja ma preuve eft toute prête ;
Jele renvoye à tes écrits.
72 MERCURE DE FRANCE.
VERS à M. l'Abbé de Beaulieu fur l'Epi
tre que M. de la Soriniere lui a adreffée
dans le Mercure de fanvier 1746.
AIMABLE Abbé , dont les talens
Se developpent dans la Chaire
Par des fuccés folides & brillans ,
Puis-je , fans être téméraire ,
Entreprendre de te louer ,
Quand d'une main jufte & légére
La Mufe de la Soriniere
T'offre un encens flateur que tu dois avouer ?
Toutefois , quoiqu'il en foit , j'efe
Affurer qu'il manque une choſe
A l'eloge que tu reçois :
De tes rivaux vaincus la jaloufe cabale ,
Qui te décrie & te ravale ,
Ajoute à fon fuffrage & lui donne du poids.
PRIX.
JUIN 1746 73
SAPSAPSAPSAPSAPSAPI SAPSAPSO
PRIX proposé par l'Académie Royale des
Sciences pour l'année 1748.
F
EU M. Rouillé de Meflay , ancien Confeiller
au Parlement de Paris , ayant conçû
le noble deffein de contribuer au progrès
des Sciences & à l'utilité que le public enpouvoit
retirer , a légué à l'Académie Royale
des Sciences un fonds pour deux Prix
qui feront diftribués à ceux qui , au jugement
de cette Compagnie , auront le mieux .
réuffi für deux differen es fortes de fujets qu'il
a indiqués dans fon teſtament , & dont il a
donné des exemples.
Les fujets du premier Prix regardent le
Syftéme général du Monde , & l'Aftronomie
Phyfique.
Ce Prix devroit être de 2000 livres , aux
termes du teftament , & ſe diftribuer tous les
ans , mais la diminution des rentes a obligé
de ne le donner que tous les deux ans , afin
de le rendre plus confidérable , & il fera
de 2500 livres.
Les fujets du fecond Prix regardent la Navigation
& le Commerce .
Il ne fe donnera que tous les deux ans ,
& fera de zooo livres,
I. Vol. D
74 MERCURE DE FRANCE.
Le fujet du triple Prix propofé premiérement
pour 1742 , depuis pour 1744 , &
enfin pour 1746 , étoit l'explication de l'Attraction
de l'Aimant avec le Fer , la direction
de l'Aiguille aimantée vers le Nord ,fa Décli
naifon & fon Inclinaifon . L'Académie a cru
le devoir partager par égales portions entre
les trois Piéces fuivantes.
La premiére eſt no. 3 de 1744 , qui a
pour devife : Quarendi defatigatio turpis eſt ,
cum id quod queritur eft pulcherrimum,
La feconde eft no. 10 de 1744 , qui a
pour devife : Fluere à lapide hoc permulta
neceffe eft femina.
La troifiéme eft no. 8 de 1746 , dont la
deviſe eſt , in fententia permaneto : etenim nifî
alia vicerit melior.
L'Académie propofe pour fujet du Prix
de 1748 Une théorie de Saturne & de Jupiter,
par laquelle on puiffe expliquer les inégalités
que ces deux Planetes paroiffentſe caufer
mutuellement , principalement vers le tems
de leur conjonction .
Les Sçavans de toutes les Nations font
invités à travailler fur ce fujet , & même les
Affociés Etrangers de l'Académie. Elle s'eft
fait la loi d'exclurre les Académiciens régnicoles
de prétendre aux prix.
Ceux qui compoferont , font invités à
écrire en François ou en Latin , mais fans
JUIN. 1746. 75
S
ft
.ns
aucune obligation. Ils pourront écrire en
telle langue qu'ils voudront , & l'Académie
fera traduire leurs ouvrages.
On les prie que leurs écrits foient fort lifibles
, fur- tout quand il y aura des calculs
d'Algébre.
Ils ne mettront point leur nom à leurs
ouvrages , mais feulement une Sentence ou
Devife. Ils pourront , s'ils veulent , attacher
à leur écrit un billet feparé & cacheté par
eux , où feront avec cette même Sentence
leur nom , leurs qualités & leur adreffe , &
ce billet ne fera ouvert par l'Académie , qu'en
cas que la Piéce ait remporté le Prix.
Ceux qui travailleront pour le Prix ,
adrefferont leurs ouvrages à Paris au Secrétaire
perpétuel de l'Académie , ou les lui feront
remettre entre les mains . Dans ce ſecond
cas le Secrétaire en donnera en même
tems à celui qui les lui aura remis , fon récépiflé,
où fera marquée la Sentence de
l'ouvrage & fon numéro , felon l'ordre ou le
tems dans lequel il aura été reçû.
Les ouvrages ne feront reçûs que jufqu'au
premier Septembre 1747 exclufivement.
L'Académie à fon affemblée publique
d'après Pâques 1748 proclamera la Piece
qui aura ce Prix.
S'il y a un récépiffé du Secrétaire pour la
Piéce qui aura remporté le Prix , le Tréfo-
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
rier de l'Académie délivrera la fomme du
Prix à celui qui lui raportera ce récépiffé.
Il n'y aura à cela nulle autre formalité.
S'il n'y a pas de récépifié du Secrétaire ,
le Tréforier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur
même , qui fe fera connoître , ou au
porteur d'une procuration de fa part.
(
EPITRE à M. de la SORINIERE,
NOBLE Seigneur , excufe ma licence ,
Si , fans avoir l'heur de ta connoiffance
J'ofe t'écrire en profe quelques vers :
Ne fuis le feul qui donne en ce travers.
Fai grace au file , & fi dans cette Epître
Tout languit , cloche & ne va comme il faut ,
A mon efprit impute ce deffaut.
De bon rimeur oncques je n'eûs le tître
Il s'en faut bien : dans le facré vallon
Tout mortel n'a la faveur d'Apollon.
En ton Chaftel habite gente Mufe
Qui t'infpirant vers legers , gracieux
Sur les fujets où ta plume s'amufe ,
De fel attique affaifonne tes Jeux .
Affés fouvent le Dieu Périodique
Nous en régale , où nous voyons efprit
1.
JUIN 1746.
71
Et fentiment dont le charme nous pique..
Invoques-tu Phoebus ? il te fourit ,
Et ta prière eft bientôt exaucée .
Toujours la rime unie à la penſée .
Offre au lecteur cet accord riche , heureux ,
Qui fait prifer tes vers doux & nombreux .
Mais moi chetif qui malgré la culture ,
Oncques n'ai pû corriger la nature,
Je fais des vers fans goût , fans feu , fans art , i
Prefque imités de ceux du vieux RONSART.
Si d'un côté mon aftre trop avare
M'a refuſé cet avantage rare ,
D'un autre il à , par dédommagement ,
Pourvû mon coeur d'un noble fentiment
Au feu duquel la plus fincere eftime
Eclôt pour toi pour ne jamais finir .
Meritât- elle un retour légitime !
Puiffé-je auffi quelque jour l'obtenir !
BORAN de St. Domingue.
Diij
MERCURE DE FRANCE.
***
STANCES.
A Ccablé de malheurs ,
En proie aux plus triftes douleurs ,
Et d'autant plus à plaindre
Qu'il me faut toujours feindre
De reffentir un bonheur qui me fuit :
Ne defcendrai-je point dans l'infernale nuit ?
3
O mert ! toi dont la faulx
Peut feule finir tous mes maux ,
Des jours que je déteste
Daigne trancher le reſte :
Frappes .... J'attens fans crainte le trépas ,
Et que regreterois-je ? helas ! je n'aime pas.
Laiglon.
A63636363638139RDS
: 385698
SIXAIN pour mettre au bas du Portrait d'un
amateur de la Medecine & de laMusique .
CELUI ELUI que vous voyez ici repréſenté
Eft l'Eleve cheri du Dieu de la fanté
Et de la brillante harmonie :
Dans fon ame en naiffant cette Divinité
A foufflé fon double génie
Pour le plaiûr de l'homme & fon utilité.
JUIN 1746. 79
£*******
propo
ANCIENS Quadrains Normands
fes aux lecteurs de la Province de Nors
mandie.
Lettre écrite de Paris aux Auteurs du
Mercure,
la Nor-
Pandie et un Pays de fapience ; on va
ERSONNE n'ignore MM.
même quelque fois jufqu'à dire que dans cette
Province le diable n'eft qu'un fot : Il faut
en rabattre quelque chofe de crainte de trop
avancer. Les productions de ce Pays là font
juger du génie qui les enfante. On m'en
propofa dernierement une à commenter
& fur ce que je porte le petit collet , on
me dit que je devois entendre le contenu
d'un Meffel. La feuille où ils étoient me fut
produite telle que je vous l'envoye ci jointe.
C'étoit juftement le jour de l'Ecliple derniere
du Soleil , par conféquent le premier jour de
Mars , jour pluvieux qu'on ne ceffoit de me
repréſenter comme un jour perilleux , parcequ'on
étoit en train de me parler par enigme.
Jugez fi je dûs reconnoître le langage d'un
Meffel dans des Quadrains du ſtyle de ceux de
Noftradamus.C'étoit la qualification que leur
donnoient quelques uns de la compagnie ,
D iiij
80 MERCURE DE FRANCE.
d'autresdifoient que Mathieu Laenſberg en
étoit Auteur , faifant alluſion à la pluye qui
tomboit , & au chaud qu'il faifoit pour la
faifon .
·
Les Quadrains débutoient ainsi.
Mois de Mars.
Aubin dit que Mars eft prilleux ,
C'eft mon , dit Gregoir , il eft feux
Et tout prêt de donner des eaux.
Marie dit , il eft caux .
Mois d'Avril.
En Avril Ambroiſe s'en vint
Droit à Leon là fe tint.
En fon tems eftoit en bale
George marchant de godalle.
Mois de Mai.
Jacques Croix dit que Jham eft May ;
Nicolas dit , il eft vray.
Honorez font faiges & fots
Carmes Auguftins & Bigots.
Mois de Juin.
En Juing on a bien fouvent
JUIN 1746. 81
Grand foif , ou Barnabé men .
En fon tems fut prins conlerres
Damp Jehan Eloy & Damp Pierre.
Mois de Juillet.
En Juillet Martin fe combat ,
Et du Benoitier faint Vaft bar.
La furvint Marguet Magdelain
Jac Mar dor Anne & Germain .
yeux
Si quelqu'un fut furpris , ce fut moi , lort
qu'après avoir comparé ces vers à ceux des
Sybilles , où à ceux de Noftradamus , dans
lefquels tout eft enigmatique ou à double
entente , je me vis mettre devant les
un venerable livre in folio intitulé , Miffale
Ecclefia Sagienfis , dans le Calendrier duquel
on me montra les cinq Quadrains ci -deffus
rapportés mot pour mot & afin que je ne
cruffe pas que ce fut une plaifanterie que
quelqu'un eut écrit à la main parmi les fêtes
des Saints , on me fit voir à la fin de ce volume
qu'il a été imprimé à Rouen chés Pierre
Regnault en 1500 [a ] c'eft un livre gothique
comme vous pouves le croire. Mais quoi de
plus plaifant & de plus gothique que de voir
· (4) Ce volume apartient à la Bibliothéque de Ste
Genevieve de Paris,
DY
82 MERCURE DE FRANCE.
du François imprimé parmi du Latin dans un
livre d'Eglife ? Cela paroît tenir du Menot ,
ou de l'Olivier Maillard . Je ne fçais pas fi
Regnault étoit affocié du côté du goût à ces
deux Cordeliers. Tant y a qu'il ne fait pas
mention de cet ordre dans fon Quadrain du
mois de Mai où il en nomme d'autres. Nous
fommes maintenant trop éloignés de l'an
1500 pour penetrer dans la veritable intel-`
ligence des vers enfantés en Normandie , c'eſt
pourquoi je vous prie de les renvoyer en cette
Province foit à Rouen , foit à Falaiſe , ſoit
à Caën , à Vire , ou à Valognes afin qu'on
nous decouvre les mifteres qui font enveloppés
dans les cinq Quadrains des cinq mois
ci-deſſus énoncés . Je remarquai que dans ce
même Calendrier il n'y en a point pour tous
les autres mois, mars fait l'ouverture de la veine
du Poëte & Juillet la termine : Mais trèsfûrement
les Quadrains font imprimés au
beau milieu des Saints de chaque mois,aucun
des connoiffeurs n'en peut difconvenir ; s'ily
a de la magie cachée fous ce langage , j'y renonce
par avance. Je préfume que non, mais
attendons qu'un bon Normand à qui Mercure
en aura fait exhibition , nous faffe auffi
préfent d'un bon Commentaire. Il ne faut
pas trop préfumer de la fimplicité de la Nation
; vous fçavez quelle reputation elle s'eft
acquife parmi bien des Corps. Abbon Moi
JUIN 1746.
83
t
ne de Paris au neuvieme fiécle difoit agréablement
de leurs grands peres dans fa defcrption
du fiége de Paris.
Gens inimica Deo , pranfura Plutonis in urna.
Le tout foit dit au refte fans blefler le
refpect que je dois à la Nation comme
Membre de l'Univerfité de Paris . Il eſt bon
qu'il y ait dans votre Journal une cauſe
graffe pour nous dédommager de ce qu'il n'y
en a pas eu au Palais. Je fuis &c.
Ce 5 Mars jour du Mardi- Gras.
is
ce
ᏗᏕ
ei-
CSall
un
ly
remais
cuuffi
faut
Vas'eft
Loi
L'ée dernierepar M. Cereal Cure
'ELEGIE fuivante fut compofée l'ande
Donnemarie pour un Eccléfiaftique de
fes amis , natif de la Province de Touraine ,
& Curé depuis long tems d'une Paroiffe confiderable
du Diocèfe de , . . M、
Cottereau dépeint dans cette piéce avec des
traits vifs & touchans la fituation déplorable
d'un ami qui n'eft pas content de fon fort.
& qui regrette amerement les charmes & les
avantages de fa Patrie,
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE
bbbbbXX
REGRETS DE LA PATRIE,
ELEGI E.
DELICIEUX, féjour , agreable Patrie' ,
J
Où je goûtois en paix les douceurs de la vie ,
D'un pofte diftingué les attraits féduifans
M'ont éloigné de toi depuis plus de vingt ans :
Crois-tu que je t'oublie , ô Pays trop aimable ,
Et que je fois content de mon fort favorable ?
Depuis que par raifon je me fuis deplacé
Je fens que mon bonheur est tout-à-fait paffé .
Lieu charmant qui produit de tout par excellence ,
Qu'on appelle à bon droit le jardin de la France ,
Où fans peine on refpire un air ferein & doux
Où le peuple n'eft point injufte ni jaloux !
Mon efprit nuit & jour retrace à ma mémoire
De ton heureux climat l'avantage & la gloire.
Oui , mes plaintes ici ne finiront jamais ;
Et tu feras toujours l'objet de mes regrets.
Juftes Dieux ! quel eft donc ici bas mon partage !
Ma dignité n'eft plus qu'un pompeux esclavage :
La terre que j'habite eft un lieu de douleur
Où je vis fans repos & même fans honneur.
Lajeuneffe indocile & mal diſciplinée ,
Dès l'âge le plus tendre au vice abandonnée ,
y
JUIN. 1748
.
Ne fuit que fes penchans & les folles erreurs
Qui feduifent l'efprit & corrompent les moeurs :
Et des biens temporels le domestique avide
N'a pour but en fervant qu'un interêt fordide .
Contre de tels excès on a beau declamer Y
Le zéle le plus faint ne peut rien reformer.
A décrire ces maux je me fais violence :
Helas ! peut-on les voir , & garder le filence ,
Il n'en eft pas ainfi dans mon Pays natal ;
Le peuple ne fçait point ſe plaire dans le mal :
On ne le vit jamais par un efprit rebelle
Meprifer des Pafteurs & l'amour & le zéle.
Là tous les habitans réunis d'interêts ,
Sçavent vivre en Chrétiens , en citoyens parfaits
Chacun content des biens que fon travail lui donne,
En quelque état qu'il foit , ne fait tort à perfonne ,
Et le docile enfant dans fes naiſſans defirs
A remplir fes devoirs borne tous fes plaifirs .
Favorable climat , Province fortunée ,
Où j'efperois un jour remplir ma deſtinée ,
Ah ! fi depuis long-tems je fais de vains efforts
Pour m'attacher à toi par les noeuds les plus forts ,
Et fi de la raifon la voix puiffante & fage
M'ordonne de refter où le devoir m'engage ,
Du moins pour adoucir mon état malheureux ,
Garde toi d'oublier mes foupirs & mes voeux.
Que les fiécles futurs , inftruits de mon hiftoire ,
Ne ceffent de me plaindre , & d'admirer ta gloire.
86 MERCURE DE FRANCE
J'accepte enfin l'exil où je fuis condamné :
Aimables Tourangeaux , vous peuple fortuné ,
Qui vivez au milieu d'un Pays plein de charmes ,
Goûtez en les douceurs fans trouble & fans allarmes
.
Pour moi qui ne fuis plus aux jours de mon Prin
temps ,
Et qui touche peut-être à mes derniers inftans ,
Iloigné pour toujours de ma chere Patrie,
Repaffant dans mon coeur les fautes de ma vie ,
Je m'en vais détourner par des torrens de pleurs
Les maux que m'attiroient mes funeftes erreurs ,
Et du Dieu que je fers , defarmant la vengeance ,
Egaler , s'il fe peut , le remors à l'offenſe.
Ainfi , quand de la mort j'aurai fenti les coups ,
Sans craindre de l'enfer le terrible courroux ,
Secouru de la Grace , & plein d'un faint courage ,
J'efpere atteindre au port du celefte héritage .
乳豬
JUIN 89
1746
པ
REPONSE à une Queſtion proposée dans
le Mercure de Fevrier.
ONnous avoit prié de propofer cette
Queſtion , d'où peut venir le proverbe
par lequel on dit , les ânes de Bourges , ou bien
les armes de Bourges , un âne en Chaire : Voici
une lettre qui nous a été adreffée à ce fujet ;
quoiqu'elle ne foit pas farcie de l'erudition
que l'on prodigue fouvent en pareilles cir
conftances , on ne la lira peut-être pas avec
moins de plaifir , & la tradition dont l'Auteur
dépofe ne vaut pas moins que les conjectures
fçavantes & incertaines que l'on
hazarde tous les jours pour éclaircir les points
difficiles de l'Hiftoire.
Je fuis , Meffieurs , de la Capitale du Berry
&fans être fçavant , je fuis en état à ce que.
je crois, d'éclaircir par le fecours feul de la tradition
la Question propofee dans votre Mercure
de Fevrier, au fujet du proverbe par lequel
on dit les ânes de Bourges. J'ai souvent
entendu dire à mon pere , & à mongrand-pere ,
& ceux - ci aux leurs , que ce proverbe tiroitfa
fource d'un évenement dontje vais vous rendre
compte, Henri IV. devoit paſſer par Bourges ;
88 MERCURE DE FRANCE.
les Magiftrats s'affemblerent pour travailler de
concert aux preparatifs de l'entrée qu'on feroit
à ce Prince. Quand on eut pourvû à tout , que
la barangue qu'il devoit effuier eut été lüe , relüe
, commentée , corrigée c , quelqu'un s'avifa
que ce n'étoit pas affes , & qu'il falloit donner
au Roi le divertiffement d'une pêche finguliere
& rare.Le Roife rendit aux inftances des Bourgeois
qui ne promettoient au Monarque que
quelque carpe d'une groffeur monstrueufe ; mais
le Prince & fa Cour néfurent pas mediocrement
étonnés , lorfqu'en tirant le filet , on y trouva
un âne.
LE
TOMBEAU ,
QUE
OD E.
UEL fpectacle affreux me decouvre
L'eternel féjour de l'horreur ?
Tombeau , c'eft ton fein qui s'entrouvre ,
Objet d'une utile terrèur.
Sortez de vos demeures fombres
Manes errans , plaintives ombres ,
Et venez m'apprendre à mourir.
Loin cet aveuglement timide ,
Qui préfere un calme perfide
JUIN 1746. 89
Au trouble qui peut le guerir.
Prodige ! enigme impenetrable.
Quoi ! l'efprit craint d'envifager
L'inftant à jamais defirable
Qui du corps doit le dégager ?
Quoi ! loin de foupirer fans ceffe
Aprés cette mort qui le preffe ,
Ofe t-il donc la redouter ?
Et ne peut-il , trifte victime ,
Ni fouffrir ce corps qui l'opprime
Ni fe refoudre à le quitter ?
Aveugle & vaine réfiſtance !
La mort ne perd rien de fes droits ,
'Le moment de notre naiffance
Lui même nous mit fous fes loix.
Foible avorton de la lumiere .
L'un paroît n'ouvrir la carriere
Que pour entrer dans le tombeau .
A peine a t-il le tems de naître ;
Et fitôt qu'il eft, ceffant d'être ,
Un Cercueil devient fon Berceau.
L'autre en la faifon floriffante
Dont tout femble affûrer le cours ,
Voit couper la trame brillante
D'un nombre infini de beaux jours.
Oui , malgré l'efpoir le plus ferme
Il touche au redoutable terme
96 MERCURE DE FRANCE.
Que lui cache un âge impofteur.
Projets vaftes & chimeriques ,
Defirs de grandeurs phantastiques ,
Vous tombez avec votre auteur.
Ainfi la jeuneffe fuccombe :
Mais quel est celui que je vois ,
Prêt à s'écrouler fous la tombe ,
Entraîné par fon propre poids ?
Sûr préfage de fa ruine ,
Il fent de fa frêle machine
Tous les refforts ſe deſunir ;
La Parque n'y trouve à détruire
Que des yeux las de le conduire ,
Et des pieds de le foutenir.
Ah ! du moins, Déeffe barbare,
Refpecte ces hommes divins
Qu'un efprit élevé fépare
Du refte infenfé des humains.
Sauve d'un éternel filence
Ceux dont la fublime éloquence
Ravit les coeurs & les efprits ;
Ceux dont la poëtique audace ,
Des tendres accords du Parnaffe
A cent fois remporté le prix.
Vains regrets ! ta faulx homicide
Moiffonne ces fieres beautés
7
JUIN 1746 . 91
Dont un culte lâche & perfide
Fait prefque des divinités .
Tu détruis jufqu'aux moindres traces
Des vives , des riantes graces,
Funefte écueil de tant de coeurs,
Jadis helas prefque adorées ,
Et dans tes bras même abhorrées
De leurs propres adorateurs .
,
Eft-ce pe que tu les opprimes
Ces foibles objets de tes coups ?
Faut-il de plus grandes victimes
A ton implacable couroux ?
Sous la Pourpre & fous la Couronne
De ceux que le faſte environne
Frappe la haute Majeſté :
Apprend leur ce qu'ils n'ofent croire ,
Que jufques au fein de la gloire ,
Ils portent la mortalité.
Qu'ils tombent ces héros célébres,
Ces maîtres du vafte Univers;
Tombeau , de tes noires ténébres
Que tous les mortels foient couverts.
Mais quel objet s'offre à ma vûe ?
Quoi donc la grandeur confundue
Veut elle braver le cercueil ?
L'homme envain à la Parque en bute ,
Veut-il fur le lieu de fa chute
2 MERCURE DE FRANCE.
Immortalifer fon orguëil !
Superbes noms , titrės auguftes
Echappés à la faulx du tems ,
Des Rois guerriers , des Princes juſtes
Ornez les fombres monumens .
Que pouvez- vous pour leur mémoire
Ce fel étalage de gloire
Nous apprend qu'ils périrent tous ;
Et que profcrits du rang des hommes ,
S'ils furent plus que nous ne ſommes ,
Ils font aujourd'hui moins que nous.
Debemur marti nos noftraque.
Ala Molerefur l'Eſtrugón par M. D***
ELOGE HISTORIQUE
Du R. P. Baizé de la Doctrine Chrétienne.
Nfur la Paroiffe de Saint-Germain l'Au-
OEL Philippe Baizé naquit à Paris
xerois le 28 Octobre 1672. Elevé avec foin
dans la piété & dans les lettres , il penfa de
bonne heure à fe procurer un genre de vie
conforme à fes talens & à fes inclinations. Il
entra dans la Congregation des Prêtres de
JUIN 1746. 93
la Doctrine Chrétienne en Juillet 1689 ,
& il y fut aggregé l'année fuivante . Sa candeur
& une douceur de meurs qui firent
toujours fon caractére particulier , une piété
tendre & folide , une application conftante
à l'étude & la regularité de fa conduite lui
acquirent bientôt l'eftime & l'amitié de fes
confreres & du public. Pendant fon cours
de Théologie , il ne le foutint aucune Théfe
dans les differentes Communautés de cette
Capitale qu'il n'y affiftât , non par amufement
, par curiofité ou par fimple politeffe ,
mais pour profiter & s'y exercer lui- même
par la difpute. Il y brilla toujours par la force,
par l'ordre & par la précifion de fes ar
gumens . On admiroit avec étonnement dans
un jeune homme tant de fçavoir joint avec
une auffi grande modeftie .
Notre jeune Doctrinaire fut enfuite chargé
de l'éducation des Penfionnaires du College
Royal de Vitry le François : emploi penible
& délicat dont il s'acquitta avec tout le fuccés
poffible. Lorfque fes Superieurs l'envoye
rent aux Ordres , il s'y prépara avec toute
la ferveur que l'on pouvoit attendre de fa
tendre piété mais on ne doit pas paffer
fous filence une circonftance qui ne fait pas
moins d'honneur à un Prélat qui fçavoit fi
bien diftinguer le merite , qu'au Corps dont
le P. Baizé étoit membre, M. Gafton-Jean-
:
4 MERCURE DE FRANCE.
Baptifte de Noailles Evêque de Châlons voufut
felon fa coutume l'examiner lui- même
conjointement avec les grands Vicaires : il
répondit avec tant de fagacité , de juſteſſe
& de fuperiorité à toutes les queftions qui
lui furent propofées , que M. de Châlons
après lui avoir donné publiquement de juſ
tes éloges , le força de prendre place avec
les examinateurs & d'interroger avec eux les
autres Ordinans ; diftinction finguliere , mais
qui fait bien connoître quel étoit dès - lors le
merite du P. Baizé.
En 1697 on le chargea d'enfeigner la
Philofophie dans le méme College où il profeffa
deux cours. A la fin du dernier il fit
foutenir plus de vingt Thefes , ce qui parut
d'autant plus frappant , qu'outre qu'on ne fe
fouvenoit pas d'avoir rien vai de pareil dans
vu
un College de Province , on fçait qu'il eſt
fort rare que le nombre des Etudians de
Philofophie y égale , fur tout la feconde année
du cours , le nombre de ces Thefes, Il
fut enfuite mis à la tête du College dont il
dirigea en qualité de Préfet les études générales
, tandis qu'il étoit chargé de l'éducation
particuliere & des études du jeune Comte
de Netancourt.
Ses Superieurs le rappellerent à Paris fur
la fin de 1704. L'année fuivante M. Miron
Docteur de Navarre ayant legué par teftaJUIN
1746. 95
_t
1S
-ft
Be
n-
Il
il
éon
nte
fur
ron
Ita
ment fa Bibliothéque à la maifon de S. Charles
, le P. Baizé fut choifi pour la diriger &
y préfider en chef. Ce Docteur avoit offert
de fon vivant ce legs à differentes Communautés
, & il en avoit toujours été refuſé , ſoit
à caufe des charges qu'il ne vouloit point
en feparer , foit à cauſe du revenu trop modique
qu'il affuroit pour l'augmentation des
livres & pour leur entretien , mais les Doctrinaires
n'envifageant que le bien public ,
accepterent fans difficulté cette onereufe
fondation. Le P. Baizé entra avec joye dans
les vies de fes confreres & dans celles du
Fondateur ; il n'examina ni les difficultés qui
devoient fe rencontrer,ni les embarras dont il
alloit être environné : il ne vit que ce qu'il
devoit faire pour mettre le plutôt qu'il feroit
poffible cetteBibliothéque en état d'être confacrée
à l'utilité publique. Il nous a plus d'une
fois avoué qu'il n'avoit pas prévû combien cer
emploi devoit lui coûter de foins , de peine
& de travail , mais rien n'étoit capable de
le rebuter dans ce qu'il envifageoit comme
un devoir. Sans rien prendre fur les autres
obligations de fon état, fans rien diminuer de
l'application qu'exigeoient de lui les leçons
de Théologie dont il reftoit encore chargé
ou qu'on lui demanda dans la fuite , il verila
à tout , il mit tout en ordre , & dreffa des
livres dont on venoit de lui confier le foin
96 MERCURE DE FRANCE
•
:
un catalogue le plus exact peut- être le mieux
ordonné & le plus utile qu'aucune Bibliothéque
ait pu encore produire. Il avoit longtems
medité fur le fyfteme qu'il devoit fuivre,
avant que d'en prendre aucun ; il avoit examiné
tous ceux qui avoient été fuivis avant
lui il les avoit tous comparés entre eux ,
& ce ne fut qu'aprés le travail le plus affidu ,
les reflexions le plus profondes qu'il s'eft attaché
à celui que l'on voit dans fon catalogue ,
& qui a été généralement applaudi desBibliothéquaires
les plus habiles & des Sçavans les
plus judicieux qui l'ont vû & examiné . Feu
M. l'Abbé Bignon Bibliothéquaire du Roi
trouvoit ce plan fi beau , fi avantageux pour
la connoiffance des livres & de leurs Auteurs,
fi commode pour les Sçavans qui auroient
befoin de confulter ce catalogue , qu'il ne
pouvoit fe laffer de le louer,
Lorfque la Bibliothéque fut en état d'être
confacrée au public , le P. Baizé en fit l'ouverture
par un'difcours Latin qu'il prononça
le 24 Novembre 1718 en prefence de M.
le Cardinal de Noailles Archevêque de Paris,
de plufieurs autres Prélats , des Magiſtrats
les plus diftingués & d'un très-grand nombre
d'autres perfonnes de tout état qui s'emprefferent
d'y affifter , & qui applaudirent
à l'éloquence de l'Orateur , à la folidité &
à l'élegance de fon difcours, La modeftie
du
JUIN 1746.
97
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S,
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M.
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du P. Baizé n'a jamais pû permettre que cetto
harangue fut donnée au public , quoique
peut-être il en feit peu de ce genre qui le
meritaffent à fi jufte titre.
Le P. Baizé fut élu deux fois Affiftant du
Général de fa Congregation & il affifta en
cette qualité aux premieres féances du Chapitre
général de 1729 , où l'on traita de
l'union avec les Doctrinaires Italiens .
Dans l'interieur de fa maifon notre fçavant
Bibliothéquaire étoit recueilli dans toutes les
fonctions , exact à tous fes devoirs , montrant
par tout & dans tout un homme animé de
l'efprit de Dieu . Dans la focieté il étoit doux ,
poli , plein de cette affabilité qui plait & qui
gagne les coeurs . Il étoit tellement poffedé
de l'amour du travail que jufqu'à la campagne
où il paffoit chaque année quelque tems ,
on ne le trouvoit jamais fans quelque livre à
la main , & prefque toujours auffi ferieuſement
occupé que lorfqu'il étoit au milieu de
La Bibliothèque. Ami fincere de la verité , il
n'écrivoit rien qu'il ne l'eut examiné , & ne
decidoit rien qu'après avoir fait jufqu'au fcrupule
toutes les recherches qui pouvoient le
conduire à decouvrir ce qu'il cherchoit.Ilſçavoit
douter à propos , & il n'accordoit rien
aux conjectures que lorsqu'il ſe trouvoit dans
l'impoffibilité d'appercevoir le vrai même.
i. Vol. E
98 MERCURE DEFRANCE,
Il aimoit les jeunes gens qui montroient du
goût pour l'étude , il leur facilitoit autant
qu'il le pouvoit , le moyen d'étudier folidement
& utilement , cependant fes confreres
auroient defiré qu'il euf eû pour ceux d'entre
eux qui pouvoient profiter de fes lumieres
& de fes foins , la même facilité à les communiquer
, qu'il en avoit effectivement pour
les perfonnes du dehors, Auffi patient dans
les maux que conftant dans le travail , il poffeda
fon ame jufqu'au dernier foupir de ſa
vie : fa derniere maladie fut très-courte ; il
vit fans s'effrayer qu'il touchoit à l'éternité
reçut les Sacremens le 4 jour de fa maladie ,
& mourut au commencement du 6 le 24
Janvier de cette année ( 1746 ) à dix heures
du matni, étant dans la74année de fon âge &
dans la 56 de fon aggrégation ; il fut enterré
le lendemain dans l'Eglife de St. Charles en
préſence d'un grand nombre de perfonnes
dont il a merité les éloges & les regrets, Nous
ne connoiffons d'écrits imprimés du P. Baizé
que l'Hiftoire abregée de la Congrégation
de la Doctrine Chrétienne & de fés Généraux
, imprimée dans les derniers volumes du
Gallia Chriftiana fur l'Archevêché de Paris ;
les Eloges hiftoriques du R. P. Jean - Laurent
le Semelier fon confrere ( dans le Mercure de
France de Juillet 1725 ) & des Hommes Illufres
de la même Congrégation interés dans
JUIN 1746. 99
es
Us
zé
он
é-
пр
iss
ent
de
Juf
ans
les deux volumes du Supplément du Morery ,
où on n'a pas toujours fuivi affés exactement
les mémoires qu'il avoit fournis : le Corps des
Statuts de la Congrégation de la Doctrine
Chrétienne imprimé en 1734 : une multitude
de Faltums dans differentes affaires de fa
Congrégation , & fur tout dans les deux que
le Général & fon Definitoire ont eu à foutenir
contre la Province de Paris au fujet de
l'élection du P. Grenan au Provincialat en
1711 & 1712 , & contre toute la Congrégation
, au fujet des Benefices en 1725 font
encore de lui. On efpere donner dans peu au
public une connoiffance entiere du plan ou
fyftéme que ce R. P. a fuivi dans fon catalogue
auquel il a continué de travailler
jufqu'aux derniers momens de fa vie.
Par le Pere de Vifmes Prêtre de la Con
grégation demeurant à Saint Charles.
EX
too MERCURE DE FRANCE.
ODE ,
En ftrophes libres.
Al'occafion de la mort de M. le Préfident
Bouhier de l'Académie Françoife .
R
Par M. Desforges Maillard .
Ouffeau , Rollin , Bouhier , Si la parque
cruelle
Refpectoit le merite & les talens divers ,
Les vôtres , dont l'éclat vole par l'Univers ,
Devoient avoir flechi fa rigueur criminelle.
C'eſt ainsi , chers amis , qu'à vos manes fidelle ,
Ma mufe commençoit , en peignant fes douleurs
A couvrir vos tombeaux de parfums & de fleurs ;
Mais , oracles fçavans , que vainement rappelle
La voix de mes tendres défirs ,
Vos noms préconifés par l'eftime publique ,
Faifant , mieux que mes vers , votre panégyrique,
Contentez-vous de mes foupirs .
Hélas ! aveugles deſtinées ,
Cinq fiécles rendront- ils jamais à nos neveux
JUIN. 1746. 101
Ce qu'en nous enlevant ces trois hommes fameux
,
Vous nous ôtez en cinq années ?
Mrs. Rouffeau &
1741 , le premier le 17
19 Septembre. M. le
mort cette année le 17
en
Rollin font morts
Mars, & le fecond le
Préfident Bouhier eft
Mars.
REFLEXIONS MORALES.
UNI
N livre qui plaît a toujours plus de vogue
qu'un livre qui inftruit . On aime
mieux être amuſé qu'éclairé . Un illuftre Académicien
a dit plus élégamment, un Auteur
qui fe rend aimable dans fes ouvrages eft
au- deffus de celui qui ne ne fçait que s'y
rendre admirable.
On n'eft jamais heureux qu'autant qu'on
fe croit l'être.
Qu'il y auroit de gens heureux s'ils ne
s'imaginoient pas qu'on peut être plus heureux
qu'ils le font !
On peut- être heureux fans être auffi heureux
qu'un autre.
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Un fot ne plaît pas , mais le petit maître
déplaît , l'un nous fatigue , l'autre nous indifpofe.
Les enfans doivent du refpect & des égards
à leurs parens , mais les parens doivent aux
enfans des attentions & des foins.
Il n'y a point de nouveau riche qui fe
montre entierement tel qu'il étoit avant fa
fortune. S'il fe découvre d'un côté , il a toujours
foin de fe cacher par quelque autre
endroit ; l'aveu qu'il fait en partie de fon
premier état n'eft que pour mieux déguifer
ce qu'il y avoit de plus bas & de plus humiliant.
eft
Il eſt des hommes vertueux , mais il en
peu qui n'aiment que la vertu.
Il feroit à fouhaiter qu'il en fut de la
grandeur qui eft attachée aux rangs , comme
de la grandeur naturelle , qu'on ne devint
grand qu'après avoir été petit.
Il n'y a perfonne qui ait le coeur ou l'efprit
abfolument libre. On eft toujours dominé
ou par quelque chofe ou par quelqu'un.
L'éducation ſevere avec laquelle on éleJUIN
1746. 10%
ve les filles leur conferve cette pudeur précieufe
qui fait la vertu de leur fexe , mais il
ne faut pas fe diffimuler qu'il en résulte affés
fouvent des défauts. Ce filence prefque continuel
auquel on les condamne devant la
compagnie fe change en une loquacité fterile
lorfqu'elles font hors des yeux qui veillent
fur elles ; cette retenue qu'elles affectent
fur les chofes qu'elles fentent ou qu'el
les entendent le mieux , leur forme peu à
peu un caractére de diffimulation , où
elles parlent fans penfer , ou elles ne parlent
point fuivant ce qu'elles penfent.
Qu'on ne s'étonne donc point s'il en eft qui
donnent dans des travers lorfqu'elles font
parvenues à un état plus libre. Elles fe placent
à l'extrémité oppofée à celle où elles
étoient. De la contrainte nait la diffipation
& quelquefois le dérangement. Ceft un eau
qui s'étoit confervée pure dans des canaux
& qui n'acquiert la liberté que pour ſe répandre
, ou que pour fe perdre.
Le devoir fait des vertueux , mais cette
vertu rarement ſe foutient dès qu'on ſe laſſe
du devoir.
Sans un peu de mouvement le mérite a
bien de la peine à fe placer. Tel brille
au Barreau qui feroit peut- être encore ou
blié , s'il n'avoit pas couru après les occafions
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE
de briller. L'efprit d'intrigue donne le branle
à la fortune , mais le merite feul la foutient..
II y a plus de gens éloquens qu'il n'y en
a qui poffedent l'art de l'éloquence.
L'éloquence eft le don de faire fentir & de
faire penfer aux autres ce que l'on fent &
ce que l'on penfe foi-même .
Ce qui part du coeur va toujours au coeur.
Le Maure chante , Gauffin déclame ; je fens
ce qu'elles fentent elles mêmes.
L'amour de fon nom n'eft que l'amour dé
la vie , tout ce qu'on fait pour le perpetuer
n'a d'autre objet que d'affûrer à foi-même
une forte d'immortalité dans ce monde .
Un Roi qui aime fes fujets eft toujours
fûr d'en être aimé.
Que fignifient ce maintien , cette démarche
, ce ton , ce langage , cet enfemble
affecté Tout vous paroît étonnant , où vous
excede. Je vous devine. Vous êtes de qualité
, ou vous avez un rang. Vous voulez me
fubjuguer , me montrer la diſtance qu'il y a
de vous à une autre femme.Suivez mon conJUIN
1746. 1ος
feil , défaites-vous de ces manieres & de ce
jargon , s'il y a bien de l'abfurde dans tout
ce que l'on vous dit & dans tout ce que
Vous entendez , n'y en a - t'il pas encore
plus à contracter des ridicules de mode ? la
mode paffe & les ridicules reftent.
Il y a des gens qui par un faux air parlent
un langage auffi ridicule que celui
que parle
le peuple ridicule.
Le Pedantiſme eft de tous les états. C'eft
trop montrer & trop faire fentir aux autres
ce que l'on eft. D'après cette idée on peut
dire qu'il y a plus de pedans au monde que
l'on ne penfe.
Les hommes font toujours plus inquiets
que contens.
Il est plus fûr de juger de foi-même par ce
qu'on a fait, que par ce qu'on croit pouvoir
faire.
Homme fenfuel ! vous trouvez de la difference
entre ces ragoûts , entre ces viandes
blanches ; & ce gibier. Miferable que
vous êtes , ne rougiriez vous pas de cette
délicateffe , fi vous faifiez attention un feut
moment , que ce pauvre qui, à votre porte
n'a que du pain , ne mange pas même le
meilleur ?
106 MERCURE DE FRANCE.
Le crime contraint , la vertu invite . Cri
men imperat, virtus fuadet. On a dit préce
demment , le crime fait des efclaves , la vertu
n'a que des fujets . Il y a des nuances
differentes dans ces trois maximes. On demande
qu'elle eft la meilleure , foit pour la
penfée , foit pour l'expreffion.
IM PROMP TU.
Vers adreffés à Monfieur le Profeffeur Lublin
à Gentoux , près de Geneve , pour lui
demander à fouper.
Nous fommes quatre Pelerins
Que le fort a jettés fur ce charmant rivage ,
Où l'on voit de fi beaux jardins.
Qui croiroit que dans ce village
Oùl'on coule des jours fi doux & ſi ſerains ,
Où les jeux & les ris femblent vous rendre hom
mage ,
On pût avoir quelque chagrins ?
Mais l'on ne trouve ici ni poulets ni bouding ,
Pas même un morceau de fromage.
Dans le defert le plus fauvage
On voit au moins quelques lapins
Qu'on fait rotir dans l'hermitage .
Quoi faudra-t'il mourir de faim !
Certes pour des gens à notre âge
C'est bien un funefte partage.
JUIN 1746. 107
4
Il faut que quelqu'efprit malin
Nous ait infpiré ce voyage.
Ceci n'eft point un badinage .
Maudit foit le pelerinage .
Celui qui le premier en conçut le deffein ,
Nous mit , où peut s'en faut , le poignard dans le
Mais pourquoi foupirer en vain , [ fein ;
Et comme des gens fans courage
Se laiffer abattre à l'orage ?
Il vaut bien mieux tendre la main ,
Que fi de la mort implacable
L'un de nous étoit le butin.
Et comme genereux Lullin,
yous joignez aux talens qui forment l'homme aimable
,
Un coeur fenfible & charitable
Et que toujours le miferable ,
Trouve en vous un fecours certain ,
Nous vous demandons pour feftin
Quelques miettes de votre table.
REMERCIMENTau mêmefur deux rimes.
Dans le fein de la providence
Nous repoferons déformais ;
Et foit en guerre , ſoit en paix ,
Elle aura notre confiance.
Evj
08 MERCURE DE FRANCE
Et comment en craindre l'excès ,
Puifqu'une heureuſe experience
Nous en a montré le fuccès ?
Au milieu de notre indigence ,
Quand la faim nous ferroit de près ,
Et que
dans ces belles forefts .
Nous croyions faire penitence ,
N'avons-nous pas vû l'abondance ,
Par vos foins & par vos bien - faits ,
Couvrir notre table de mets
Et terminer notre fouffrance ?
Votre généreuſe affiſtance
A furpaffé tous nos fouhaits ,
Et ne nous laiffe de regrets
Que d'être réduit au filence ,
Ainfi fans peine , fans dépenſe
Un grand merci fera nos frais
Et fera votre récompenfe ›
·
Car comment vous marquer notre reconnoiffance ?
Vous la prouver par des effets
Seroit-il en notre puiffance ?
Ah ! pour en exprimer feulement quelques traits,
Il nous faudroit votre éloquence.
JUIN 1746. Tog
ASSEMBLE'E publique de l'Académie des
Sciences , tenue le Mercredi 20 Avril
dernier.
Mcadémie qui travaille à un Traité du
Onfieur Bouguer Penfionnaire de l'ANavire
, de la conftruction & de ſes mouvemens
, ouvrage très-important & digne
de la réputation de ce célebre Académicien ,
lut la préface de fon Livre.
que
L'Auteur s'eft moins propofé dans cette
Préface de nous entretenir de fon Livre ,
que de la matiere même qui en fait l'objet.
Il a voulu nous représenter l'état actuel de
la conftruction des Vaiffeaux & nous indiquer
les chemins qu'on doit fuivre pour perfectionner
cet Art , en nous renvoyant au
Livre même lorfqu'il paroîtra , ou à la Table
des Chapitres ; fi nous voulons ſçavoir
l'ordre qu'il a fuivi dans l'execution . La Préface
nous a paru comme divifée en deux
parties : la premiere qui eft purement hiſtorique
eft deſtinée à nous mettre fous les yeux
diverfes tentatives qu'on a faites en differens
tems pour perfectionner l'Architecture navale
. Pierre Janffe de Horne avoit cru trouver
le modéle ou l'idée Archetype des
Vaiffeaux parfaits dans l'Arche de Noé. I
110 MERCURE DE FRANCE
ne faifoit point attention que cette Arche
étoit moins propre à naviger avec viteffe
qu'à foutenir un grand poids prefque en repos
fur les eaux du déluge . M. Bouguer n'a
garde de comparer à cette tentative abfolument
hazardée les autres dont il fait mention.
On tint à Paris vers 1681 des conferences
par ordre du Roi . dans lesquelles
alfifterent avec divers Conftructeurs habiles
, plufieurs Officiers fameux entre lef
quels M. le Chevalier Renau fe diftingua,
mais on ſe borna dans ces Affemblées à former
les Gabaris des Navires , leurs plans &
leurs profils avec plus de régularité ou plus
de fymmétrie. Si l'on préfera l'ufage de certaines
lignes courbes , ce fut plutôt parce
qu'on les trouva plus faciles à décrire ou qu'elles
fe préfentoient les premieres que parce
qu'on leur connut quelque proprieté particuliere
qui les rendît plus convenables, onn'alla
pas jufqu'à confiderer lesNavires comme des
corps hétérogènes dont toutes les parties ont
entr'elles des rapports exacts & fecrets qu'il
n'appartient pas à la Géometrie pure de
determiner , mais qui font du reffort de la
Phyfique ou des Mécaniques . On croit enfin
que le P. Hofte , Profeffeur Royal de
Mathématiques à Toulon , eft le premier
qui a vu diftinctement toute la difficulté du
fujet, & qui a entrepris de le traiter d'une
JUIN. 1746. 111
maniere exacte. M. Bouguer rend juftice à
la mémoire de ce fçavant Jefuite qui ne fur
pas néanmoins affés heureux lorfqu'il fe propofa
d'établir l'Architecture navale fur des
principes certains dans fon Livre de la Théarie
de la Conftruction.
On indique l'origine des méprifes de cet
Auteur & on le difculpe fur le peu de fuccès
qu'eut une Frégate qu'il entreprit de conftruire
pour l'oppofer à une autre dont M. le
Maréchal de Tourville voulut être lui même
T'Architecte ou l'Ingenieur.
Ce nouveau genre de difpute étoit tout
à fait defavantageux au Jefuite qui n'étoit
environné que de perfonnes qui lui étoient
contraires , pendant que M. de Tourville
qui fe déclaroit le protecteur des régles vulgaires
& qui fe bornoit à un fuccès ordinaire
& limité , étoit comme fûr de l'obte
nir. Outre cela les principes de Mécanique
dont le P. Hofte étoit imbu ne devoient
pas moins faire tort à la conftruction de fa
Frégate qu'à la bonté de fon Livre : la Frêgate
ne réuffit pas , & on n'eut aucune indulgence
pour le Conftructeur Géometre ,
au lieu qu'on célébra beaucoup trop la victoire
du Maréchal de France , qui fameux par
des triomphes plus réels & d'un autre genre ,
ne pouvoit dans le fond rien s'attribuer des
fuccès de celui- ci , Cette experience ne prou
T12 MERCURE DE FRANCE.
voit point que les régles vulgaires fuffent
parfaites , ou qu'il fut impoffible de les perfectionner
ou d'en imaginer de meilleures
, mais toutes les circonftances leur étoient
alors favorables , & il devint fi peu permis
d'y rien changer que toute innovation eut
été réputée téméraire ou dangereuſe.
Il y a beauconp d'apparence que ce fimple
incident n'a pas peu contribué dans notre
Marine à arrêter les progrès de l'Architecture
Navale , mais il fuffit de s'informer de
ce qui fe paffe chés tous les peuples qui
cultivent la navigation.pour reconnoître que
la conftruction y eft à peu près dans le même
état.
On defere par tout dans des cas de la
plus grande importance au fimple tatonnement
à celui qui eft le plus groffier & le
plus fujet à tromper.
Quelquefois on veut faire prévaloir une
certaine qualité dans le Vaiffeau ; on obferve
pour cela avec plus de rigueur les maximes
les plus généralement approuvées , & on
produit un effet tout contraire à celui qu'on
attendoit ; trop fouvent même on n'évite le
péril de l'experience qu'en ne s'y expofant
pas , il fort de reins en tems de tous les
Chantiers de Purope des Navires dont l'imperfection
n'e? point équivoque , & qui ne
donnent pas lieu à la tifte confolation de
JUIN 1746. 113
dire qu'ils fe font mal comportés en mer
Il n'eft pas difficile à M. Bouguer en paffant
à la partie de fa Préface que nous regardons
comme la feconde , d'expliquer
pourquoi la conftruction des Vaiffeaux a
fait fi peu de progrès. Il nous en indique
plufieurs caufes. Les méthodes Géometriques
& l'Analyfe qui devoient fervir à réfoudre
les grandes difficultés qui font propres à
cette matiere avoient befoin elles - mêmes
d'être perfectionnées , & l'époque des nouvelles
découvertes qui ont fi fort enrichi les
Mathématiques eft affés recente . D'un autre
côté l'Architecture navale étoit prefque toujours
abandonnée à la direction des fimples
ouvriers, car c'eſt au Miniftre éclairé qui a la
Marine dans fon département que nous devons
le changement fi avantageux qui a elevé
la conftruction au grade des plus nobles
Arts . M. le Comte de Maurepas a excité les
Conftructeurs par le plus puiffant de tous
les motifs en rendant leur profeffion
honorable leur émulation qui en a été picquée
les a obligé de redoubler leurs ef
forts , & de fe montrer dignes de la diftinction
qu'ils venoient d'obtenir.
:
Enfin cette matiere eft trop compliquée
; elle fupofe un trop grand nombre
d'attentions délicates pour qu'on puiffe
porter à fa perfection par l'experience
la
214 MERCURE DE FRANCE.
feule. Le Navire eft un tout fi compofé que
chaque changement fait à une feule partie ,
eft le commencement d'une infinité de difpofitions
ou de diverfes combinaiſons dont
chacune doit avoir un effet different & qu'on
ne peut fçavoir que par un effai particulier.
On ne peut pas , par exemple , toucher à la
largeur de la caréne , fans fe mettre dans
la néceffité de changer toutes les autres par
ties , or il naitroit de ces changemens une
infinité de fyftemes ou d'arrangemens
differens , & il faudroit pouvoir les difcuter
prefque tous les uns après les autres par une
infinité d'expériences .On fent aifément combien
la Pratique qui eft privée de toutes les
lumieres de la Théorie , eft alors impuiffante.
Comment exécuter un fi grand nombre d'effais
? il ne faut rien moins qu'un nouvel
evenement , qu'une tempête , qu'un naufra❤
ge même pour procurer à l'homme de mer
qui a vieilli dans le metier , mais qui n'eft
que praticien , un feul degré de connoiffan
ce de plus. Vous ne le trouverez parfaitement
inftruit que lorfque vous le confulterez
fur les feules chofes qu'il a éprouvées.
LaPratique eft originairement fterile : faites
intervenir les lumieres de la fpéculation , il
eft vrai qu'il faudra toujours y joindre les
connoiffances de fait , mais la Théorie s'en
fervira enfuite comme des principes , elle en
JUIN 1746 113
tirera des inductions fures , & étendant fes
vûës à tous les autres cas & jufqu'à l'infini ,
car elle n'eſt pas arrêtée par les mêmes
bornes que la Pratique , elle tiendra effectivement
lieu d'une infinité d'experiences.
C'eſt lorfque l'ouvrage paroîtra , ( ce qui
ne doit pas tarder , felon ce que nous avons
appris ,)qu'il faudra voir dans la Préface dont
nous faifons l'extrait , toutes les raifons dont
on fe fert pour prouver l'indifpenfable néceffité
où l'on eft d'allier dans tous les Arts la
Théorie & la Pratique . L'ouvrage étoit déja
compofé ; M. Bouguer l'avoit achevé au Pé
rou , & cet Académicien a penſé qu'il feroit
bon de le faire précéder la rélation de fon
voyage , parceque ce feroit le moyen de fe
procurer plus de loifir pour mettre en ordre
tous les materiaux qui doivent entrer
dans cette relation .
Le Traité qu'il va nous donner actuellement
eft partagé en trois Livres. Il s'offroit
une divifion très fimple , en confiderant le
Vaiſſeau dans tous fes divers états & par rapport
à tous fes ufages. Il ne fuffit pas de
fe repréſenter le Navire lorfqu'il eft à l'ancre
dans une Rade & qu'il eft exposé à toute
l'agitation d'une mer orageufe , qu'il eft fujet
aux mouvemens violens du roulis ou du
tangage , il faut principalement l'examiner
lorfqu'il eft fous voile , qu'il cingle avec vi16
MERCURE DE FRANCE.
teffe & qu'il s'éloigne difficilement d'une côte.
Ce partage eft effectivement très naturel &
prefente une vafte carriere à l'Auteur , puifque
c'eſt joindre à la conſtruction des Vaif- `
feaux la mécanique de tous leurs mouvemens
& les régles de leur manoeuvre, mais on
a cru pour embraffer le fujet dans une plus
grande étendue, être obligé d'ajoûter encore
un autre Livre dans lequel on infifte principalement
fur des chofes de Pratique & où
après avoir expofé les maximes vulgaires de
Conftruction on les foûmet à un premier
examen qui fait connoître les premiéres &
plus fimples corrections dont elles font fufceptibles
.
M. l'Abbé Nollet lût en uite un Mémoire
fur l'Electricité ; nou avons rendu
un compte detaillé de tous les phénomenes
dans le Mercure de Fevrier , ainfi pour ne
pas tomber dans des repétitions nous nous
abftenons de nous étendre fur ce Mémoire.
JUIN 1746. 117
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS &c.
ISSERTATION fur l'incertitude des
Dignes de la mort &l'abus des enterremens
& embaumemens precipités , par Jac
ques-Jean Bruhier , Docteur en Medecine.
feconde partie Paris 1745 in 12. chés Mortl
le jeune , Pranlt pere , Prault fils , & Simon
fils .
M. Bruhier n'eft pas le premier qui fe foit
recrié fur l'abus des enterremens précipités ,
& qui ait prétendu qu'il n'y avoit de figne
non équivoque de la mort qu'un commencement
de putrêfaction . M. Winſlow avoit
déja donné une Théfe où cette doctrine
étoit expliquée . M. Bruhier animé du zéle
du bien public a donné un projet de réglement
pour remédier aux abus qui font fi
frequens en cette matiere , il l'a etayé d'une
Differtation fur l'incertitude des fignes de la
mort , où il rapporte une foule d'hiftoires
de gens crus morts & rappellés à la vie après
avoir été portés dans le tombeau . Cette
premiére
partie n'a pas paffé fans conteſtation ;
plufieurs perfonnes fe font rangées du parti
18 MERCURE DE FRANCE.
de l'Auteur , mais il s'eft elevé des contradicteurs
, & leurs objections nous valent cette
feconde partie. M. Bruhier juftifie la plûpart
des hiftoires qu'il a racontées dans fa
premiére partie, & en rapporte de nouvelles.
Il réſulte manifeftement de tout ce que
rapporte M. B. que le mouvement du coeur
& la circulation peuvent demeurer fufpendus,
fans que la mort fuive néceffairement cette
interruption , ce font des fignes palpables &
non des caufes immédiates & abfolues de
la vie. Et qui peut fe flater de fçavoir
en quoi confifte l'effence de la vie ? Notre
être eft & fera toujours pour nous
une énigme impenetrable. On trouve ici
une grande quantité d'hiftoires de noyés &
de pendus rappellés à la vie ; hiftoires inconteftables
, & qui prouvent que tout n'eſt pas
défefperé quand on retire les noyés de l'eau
peu d'heures après qu'ils y ont été ensevelis.
M. Bruhier traite doctement & clairement
de la nature des fecours qu'on doit leur apporter
, on trouvera la même ſolidité dans ce
qu'il preferit fur la façon de fecourir les gens
que la vapeur du charbon a furpris ; il nous
permettra de nous intereffer un peu moins
aux fecours qu'il propofe pour les pendus ;
graces au ciel la manie du Suicide n'a pas
encore paffé la mer pour venir regner chés
nous ,& les pendus de la Juftice ne méritent
JUIN 1746 119
S
s
si
as
$
ᎪᏗ
pas l'attention] des Medecins ; les Hiftoires
que raconte M. Bà ce fujet feroient même
capables de corriger de la compaffion qu'on
pourroit avoir pour eux. Dans prefque toutes
le pendu reffufcité vole fon liberateur. C'eft
la fable de Couleuvre . Nous avons lû avec
plaifir l'hiftoire du Meûnier d'Abbeville, qui
ayant ainfi rappellé à la vie un pendu , le
garda chés lui quinze jours , au bout defquels
le voleur le vola & difparut ; le Meunier
& fes enfans coururent après lui , le ratraperent
, & ſe faiſant juftice eux- mêmes , le rependirent
à la même potence d'où ils l'avoient
tirés,& depuis étant inquiétés par lesJuges,furent
obligés d'obtenir des lettres de rémiffion
L'Auteur attaque auffi avec force la prévention
où l'on eft que la vie des enfans
dépend abfolument de celle de leurs meres,
& qu'ils ne leur furvivent pas quand elles
meurent près du terme de leur groffeffe
voici un fait fingulier qu'il rapporte à ce sujet,
La femme de François Arevallos de
» Sueffo tomba malade à Segovie dans les
» derniers mois de fa groffeffe : étant morte
» en peu de jours , ou ayant été reputée telle
??
ל כ
သ
on l'enterra ; le mari qu'on avoit envoyé
» chercher en diligence dans un endroit
éloigné où il étoit allé pour affaires , arriya
vers le milieu de la nuit : apprenant que
La femme qu'il aimoit beaucoup étoit mor ??
120 MERCURE DE FRANCE
22
33
te & enterrée , il voulut fe procurer la fatisfaction
de la voir encore une fois ; il va
à l'Eglife, & la fait exhumer; à peine à t - on
Ouvert le cercueil qu'on entend les cris
d'un enfant. Tout le monde eft laifi d'étonnement
; on appelle la Juftice ; les Prêtres
& beaucoup d'autres prennent des flambeaux
& accompagnent le mari . On léve
», le Suaire, & on voit paroître la tête de l'enfant
, qui faifoit effort pour débaraffer le
refte de fon corps : non feulement on le
tira vivant & fain , mais il a vécu long-tems
avec lé
om defils de la terre que tout
le monde s'accorda à lui donner.
อ
22
37
30
23
20
Horftius prouve par un autre fait que
celles qui font mortes peuvent accoucher ;
ilraconte en effet qu'une femme groffe ayant
été pendue avec fon mari par des foldats Elpagnols,
entre Deventer & Zutphen , mit au
monde quatre heures après la mort deux jumeaux
vivans .
38
Nous trouvons à la page 473 un fait qui
mérite de trouver place ici . » En Corfe , dit
» M. B, quand un mari meurt , toutes les
femmes fe jettent fur la veuve & la battent.
Cette coutume oblige les femmes à confer-
»ver foigneufement la vie de leurs maris : l
mêmes femmes aprés avoir fait des complimens
au mort , qui n'y répond jamais , de
colere tirent le corps du lit , le mettent fur
la
JUIN. 1746.
12t
la couverture & le font fauter pendant une
» demie heure ; cette dan 'e ou ce bernement
à fouvent fauvé la vie à de prétendus morts
qui n'étoient qu'en létargie.
ג כ
LE PETIT DICTIONNAI E du tems , &c
chés Lottin & c.
Nous avons déja annoncé le mois paflé le
titre feul de ce livre,& nous avons promis d'en
parler plus amplement . Il n'y en a point qui
puiffe en effet plus s'appeller le livre du tems ,
car tout le monde s'ingere de raiſonner fur
les nouvelles publiques, & les ridicules raifonnemens
des Nouvelliftes peuvent bien
être comptés parmi les fleaux qu'entraine la
guerre. Combien de gens qui n'avoient auparavant
rien à dire acquierent une petite
exiſtence en commentant , affûrant , niant
des nouvelles qu'ils n'entendent point. Ce
n'eft pas que nous prétendions approuver
davantage un Milantrope fombre , qui ne
s'occupant que de lui feul , vivroit dans une
apathie condamnable. Tout bon Citoyen
doit s'intereffer à la chofe publique , mais il
y a bien de la difference entre l'homme ſenſé,
qui fait des voeux pour la gloire du Roi , pour
la profperité de l'Etat , qui eft tranfporté de
joie de nos fuccès, & le Nouvellifte fanatique
qui paffe fa vie à raifonner fur des opérations
qu'il ignore , qui entreprend de rectifier les
1.Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
Confeils , & de juger tout ce qu'on auroit
dú faire. Cette efpece de gens eft à peu-près
ce que feroit un Juge qui voudroit décider
les procès des Citoyens fans fçavoir les loix,
&fans voir les piéces des parties. Rien ne feroit
plus capable de montrer le néant de la gloire
aux gens en place, que de leur faire entendre
les difcours de ces raiſonneurs. On pourroit
leur dire alors ce que Marc -Aurele fe difoit à
lui- même :Regardez qui font les gens qui vous
jugent , quel cas en faites- vous ? Il n'y en a
pas un feul dont vous daignaffiés prendre
l'avis fur l'affaire la moins importante , ainfi
foyez moins affligé de leurs cenfures , ou
moins enorgueilli de leurs éloges . C'eſt la
pofterité de Bridoye qui juge avec des Dés,
à
Quoiqu'il en foit , voici un livre où l'on
explique tous les termes qui ont rapport
la guerre , aux fortifications & à la Géographie.
C'eft , fuivant l'intention de l'Auteur,
un commentaire appliquable à toutes les Ga
zettes , on y trouve auffi un petit Dictionnaire
géographique , où l'on a rangé par
ordre alphabetique le nom des villes & des
pais qui ont rapport à la guerre préſente ,
leurs limites , leur ficuation , leurs forces ,
leur commerce & c. La plupart de ces articles
font extraits du Dictionnaire de la Martiniere
, ou d'autres livres qui ont traité de ces
matiéres , auffi l'Auteur avoue- t- il modefte
•
JUIN 1746. 123
ment dans la Préface qu'il ne prétend d'autre
honneur defon livre que d'avoir raffemblé dans
un feul volume des inatieres qui étoient répandues
dans plus de quarante.
>
Un merite réel de ce livre , c'eft qu'il peut
être porté dans la poche , & d'ailleurs les
gens à qui il eft offert ne font pas gens à Bibliothéques
; il leur épargne la dépenſe d'achêter
les livres d'où on a tiré ce qu'il renferme.
L'Auteur avance avec une confiance que
nous nous garderons bien d'imiter , qu'avec'
les explications qui se trouvent dans son livre ,
on eft en état de juger des forces d'une Place
d'entendre la manoeuvre des vaiffeaux , de fuivre
les progrès d'un fiége , enfin de parler de
toutes les operations de la guerre . Voilà de
quoi donner aux ignorans la plus dangereufe
confiance. L'Auteur homme raisonnable &
judicieux peut-il fe flater de donner dans
un petit livre l'intelligence de deux Arts importans,
la guerre & la marine , pour lesquels
la vie des hommes eft trop courte ? Croitil
pour avoir expliqué ce que c'eft qu'un
rempart , un parapet , unfoffe , des portes &
des ponts-levis , & d'autres chofes pareilles ,
avoir mis fes lecteurs à portée de juger des
operations d'un fiége ? Suffit - il de fçavoir ce
que c'eft qu'une ancre , appareiller , arcenal
de Marine , Armateur , & c. pour fçavoir fi
une manoeuvre navale eft bonne ou mauvai-
Fij
24 MERCURE DE FRANCE,
fe? L'Auteur a certainement fait un ouvrage
utile, parce qu'il y a des gens qui ignorent les
chofes qu'il a expliquées dans fon livre , mais
au lieu de leur infpirer une prévention dangereufe
dans laquelle ils ne donneront que
trop facilement , il auroit dû leur dire que
les gens fages ne parlent point de ce qu'ils
ignorent , que dans tous les métiers du monde
c'eft aux gens de l'art feuls qu'il appartient
de juger , & qu'ainfi les ignorans doivent
à plus forte raifon fe difpenfer de décider
au hazard fur des matieres où les plus
habiles & les plus experimentés fe défient
toujours de leurs lumières.
HISTOIRE du Théatre François , depuis
fon origine jufqu'à préfent , avec la vie des
plus celebres Poëtes Dramatiques , un catalogue
exact de leurs piéces; & des notes hiftoriques
& critiques Tom . 5. in 12. 1745 chés
le Mercier & Saillant.
Nous avons déja parlé avec éloge des quatre
premiers volumes de cet ouvrage utile
dont les Auteurs meritent la reconnoiffance
& l'eftime du public , non feulement pour la
peine qu'ils ont eu de ramaffer une quantité
immenſe de materiaux , mais pour l'ordre &
la méthode avec laquelle ils les ont arrangés
de difcernement&la faine critique qui brillent
dans les jugemens qu'ils ont portés , ainfi que
JUIN 1746. 125
le goût dans le choix qu'ils ont fait des morceaux
qu'ils ont cités . On peut dire avec affurance
que ce livre fait honneur à notre
Litterature , & en doit faire d'autant plus aux
Auteurs , qu'il n'eft que trop rare que les gens
qui ont la patience de faire de vaftes compilations
, ayent le goût & le difcernement
néceffaire pour les arranger. Il a fallu à M M.
P. la patience la plus courageufe pour lire
l'énorme fatras de mauvais ouvrages qui com .
poſent notre Théatre , fur tout dans fes commencemens.
Ce cinquiéme volume commence dans un
tems plus brillant ; on y voit d'abord les
premieres piéces du grand Corneille fuivies
du Cid , qui paroît tout à coup tel qu'un
aftre lumineux au milieu d'une nuit profonde.
Toutes les differentes particularités de la
querelle qui s'éleva au fujet duCid font ici très
bien déduites, Le Cardinal de Richelieu avoit
excité cette tempête , & ce grand homme
jaloux de la gloire de Corneille perfécutoit
comme Poëte ce même merite qu'il récompenfoit
comme Miniftre. Il fouleva tous les
Auteurs parmi lefquels la répréſentation du
Cid avoit caufé une confternation générale ;
il fe mit à leur tête , & l'on vit tous les Poëtes
de France acharnés à décrier ce que toute
la France admiroit ; Corneille feul contre
Fiij
#26 MERCURE DE FRANCE.
tous , mais défendu par les fuffrages du public
, ne fentit pas affés fes avantages , & ne
put réfifter enfin à la tentation de repondre
à fes ennemis. Les larmes qu'on avoit données
à fa piéce n'étoient elles pas une réponſe
fuffifante , & cette ligue générale des Auteurs
excités par un grand Miniftre qui fe mettoit
à leur tête , n'étoit elle pas un aveu aflés formel
de fa fuperiorité? Les envieux ne fentent
pas affés que leur jaloufie même eft un hommage
, & ceux qu'ils attaquent font rarement
affes Philofophes pour faire eux-mêmes cette
reflexion : Y a-t-il rien de plus judicieux que
ce que M. de Balzac écrivoit à Scuderi , le
principal combattant qui ait paru dans cette
lice? Le Cid ayant plu , ne feroit- il point vrai
qu'il a obtenu la fin de la répréfentation , &
qu'il eft arrivé à fon but , encore que ce ne
Soit pas par le chemin d'Ariftote , ni par
adreffes de fa poëtique ? Mais vous dites , M.
qu'il a ébloui les yeux de tout le monde , &
vous l'accufez de charme & d'enchantement.
Je connois beaucoup de gens qui feroient vanité
d'une telle accufation ... Voilà ce que vous reprochez
à l'Auteur du Cid , qui vous avouant
qu'il a violé les régles de l'art , vous oblige
de lui avouer qu'il a un fecret qui lui a mieux
reuffi que l'art même , ne vous niant pas
qu'il a trompé toute la Cour & tout le peuple
ne vous laiffe conclure de- là , finon qu'il eft plus
les
JUIN 1746.
127
fin que toute la Cour tout le peuple , & que
la tromperie qui s'étend à tant de perfonnes , eft
moins une fraude qu'une conquête .
Les fentimens de l'Académie Françoiſe ſur
le Cid fi généralemeut & fijuftement approuvés
terminerent ce grand differend , & Corneille
continuant fa carriere , donna Horace ,
Cinna , & les autres chef- d'oeuvres que nous
admirons encore aujourd'hui.
que
La Calprenéde Auteur des trois fameux
& admirables Romans , Caffandre , Cleopatre ,
Pharamond , figure dans ce volume parmi
les autres Poëtes Dramatiques , mais il n'y
foutient pas l'idée l'on a de lui quand
on ne connoît que fes Romans. Cet homme
dont l'imagination étoit fi vatte & fi brillante ,
étoit un Auteur Dramatique fort mediocre .
On éclaircit ici un fait qui le concerne ; on
avoit cru jufqu'ici fur la foi d'une lettre de
Gui Patin qu'il avoit été empoifonné par fa
femme, Il mourut en 1663 d'un accident qui
lui arriva en badinant avec un fufil. L'Auteur
du fupplément du Moreri avoit deja relevé
la mepriſe de Gui- Patin , mais il s'étoit
mépris lui- même en plaçant en 1661 la mort
de la Calprenede , que la Gazette en vers de
du Loret nous apprend être arrivée en 1663 .
On trouve dans ce volume une Comédie
de Rotrou intitulée les deux Sofies , de laquelle
Moliere s'eft beaucoup aidé dans fon Amphy-
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE
trion. La Scéne du premier Acte entre Mercure
& Sofie eft très-bien traitée . Amphytrion
ouvre la Scéne . au fecond Acte , & demande
à Sofie quel eft celui qui l'a chaffe de
la maison.
AMPHYTRY.ON .
Eh qui t'en a chaffé?
SOSIE
Moi , ne vous dis-je pas ?
Moi que j'ai rencontré , moi qui fuis fur la porte ,
Moi qui me fuis moi -même ajusté de la forte ,
Moi qui me fuis chargé d'une gréle de coups ,
Ce moi qui m'a parlé , ce moi qui fuis chés vous.
Si dans ces Scénes Rotrou fe foutient auprès
de Moliere , il a bien du déſavantage
quand il traite l'amour de Jupiter & d'Alcmene.
Ces Scénes fi délicatement filées par
Moliere font pitoyables dans Rotrou. Il reuffit
mieux à faire parler Mercure fous la figure
de Sofie , lorſqu'il défend à Amphytrion l'entrée
de fa maiſon.
AMPHYTRION ,
Sofie ?
JUIN 1745. 129
MERCURE .
Eh bien ? c'est moi , crois- tu que je l'oublie ?
Acheve , que veux -tu ?
AMPHYTRION .
Traitre , ce que je veux !
MERCURE.
Que ne veux-tu donc point ? répond moi fi tu veux ;
Il penfe s'adreffer à quelque hôtellerie
De la façon qu'ilfrappe & qu'il parle & qu'il crie,
Eh bien , m'as-tu , ftupide , affés confideré ?
Si l'on mangeoit des yeux il m'auroit devoré.
AMPHYTRION.
Quel orage de coups va pleuvoir fur ta tetë?
Moi- même jai pitié des maux qu je t'apprête.
Moliere a imité tout ce Dialogue auffi
bien que ce vers qui eft devenu proverbe ,
& que Rotrou met dans la bouche d'un des
Capitaines invités à dîner.
Point , point d'Amphytrion où l'on ne dîne point.
Ce difcours eft mieux placé dans la bou
che de sofie , à qui Moliere le fait tenir. Ce
fujet excellent imaginé par Plaute, fut traité
par Rotrou avec les défauts de fon fiécle
Ev
130 MERCURE DE FRANCE.
Moliere dont le génie fublime corrigea ces
défauts , & donna au Théatre Comique une
nouvelle forme , profita des beautés de l'un
& de l'autre , les perfect onna , & évitant les
fautes dans lesquelles ils étoient tombés
fit de ce fujet d'Amphytrion un de fes chefs
d'oeuvres.
Une Comédie intitulée le Galimathias , eft
le modéle des Amphigouries au Théatre.
Rabelais en avoit déja donné l'idée dans
fon livre , & depuis nous avons vû ce genre
renouvellé de nos jours avec une célebrité
qui fait peu d'honneur au goût de la Nation.
Ces fortes de badinages , faits originairement
pour des Sociétés , ne doivent jamais fortir
du lieu où ils font. nés.
La Coquette fixé Comédie en trois actes
& en vers , avec un divertiffement , repréfentée
pour la premiere fois par les Comédiens
Italiens le Jeudi 10 Mars 1746, à Paris
1476 chés Jacques Cloufier.
Nous avons déja parlé de cette piéce qui
a été reçue favorablement au Théatre ; elle
eft écrite d'un flyle agréable & facile , &
l'Auteur y a peint avec beaucoup de verité
les moeurs de notre tems , ce qui n'a pas peu
contribué au fuccès de fa piéce , & doit être
le veritable objet de la Comédie.
DISCOURS à la louange de LOUIS
JUIN 1746. 131
XV. furnommé le Bien - aimé , dediés à la
Reine par le P. Eutrope , Religieux Carme,
& Aumônier du Château Trompette . Bordeaux
1746 in 12 chés . Pierre Séjourné.
L'Auteur ne pouvoit choifir un fujet plus
augufte , plus fécond & plus au goût de tout
le monde . C'eſt une carriere qui chaque jour
devient plus vafte. Nous applaudifſons trèsfincerement
au zéle de l'Orateur , & à l'emploi
qu'il a fait de les talens.
NOVUM JESU-CHRISTI TESTAMENTUM
ad exemplar Vaticanum accuratè reviſum.
Parifiis via San-Jacobeâ ad infigne veritatis ,
apud Ph. N. Lottin Typographum & Ang.
Mart. Lottin filium Bibliopolam. M. DCC.
XLVI ( Petit in - 12 quarante fols ent
feuilles . )
Les Editions latines du nouveau Teftament
ne font pas rares affûrement , les deux villes
de Paris & de Lyon n'ont jamais tari cette
fource , & ne font pas prêtes à la tarir : peutêtre
feroit il à defirer qu'elles fuffent moins
fécondes , vu la quantité de fautes qui' inondent
toutes celles qu'elles mettent au jour
En effet ce livre eft celui de tous les livres
le plus fréquemment dans les mains & le
plus digne de l'être , mais on pourroit preſqu'affûrer
qu'il n'y en a pas de moins cor-
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
"
rectement imprimé , graces aux foins de
Mrs. Lotrin pere & fils , nous allons en
avoir un que nous pourrons lire fans être arrêtés
par aucune faute : on lit dans la Préface
toutes les peines qu'ils fe font données
pour y reuffir. Ils ont commencé par faire
une revifion exacte des trois editions de
Rome, & enfuite ont fuivi avec une parfaite
conformité la meilleure de toutes , excepté
dans les fautes qui n'y ſont pas abſolument
rares.
Ce nouveau Teftament eft un petit in 12.
& cette forme a été fans doute choifie particulierement
pour la commodité du public,
on le pourra relier en un ou en deux volumes
; il y a des argumens à chaque chapitre
, & à chaque page des citations , dont
les chifres fouvent falfifiés , ont été verifiés
& corrigés avec foin. On trouve à la fin
un Index des Epîtres & Evangiles de toute
J'année fuivant le Parifien & le Romain. Le
caractere & le papier joints au bon goût
de l'impreffion ne font qu'augmenter le mésite
de l'edition.
Tous ces avantages font peut-être communs
avec d'autres éditions anterieures , mais
on a tâché que celle ci en eut un particu'ier
, c'eft d'être correcte & parfaite , du
moins autant que les ouvrages des hommes
peuvent l'être , & afin que le public ne croie
JUIN 1946. 133
pas qu'on le veuille perfuader à faux , Mrs-
Lottin pere & fils promettent un exemplaire
à quiconque trouvera une faute , ainfi qu'il
eft détaillé dans la Préface.
Il eft à préfumer que ce livre fera bien
reçu par les Ecclefiaftiques , dans tous les
Colléges & Seminaires & même par les
Laïques ; c'eft un livre dont on ne craint point
d'avoir un double exemplaire , & quand on
eft für qu'il eft corect il devient l'ornement
plûtôt que la charge d'une Bibliothéque.
Il ne faut pas oublier de dire que ce nouveau
Teftament annonce une Bible ( in 4 )
qui fera imprimée avec le même goût , &
corrigée avec le même foin ; les memes Libraires
la promettent , fi le public reçoit avec
plaifir cette édition du nouveau Teftament.
SUITE de l'Effai d'Anatomie en tableaux
imprimés , repréfentans au naturel
tous les Muſcles du Pharinx , du Tronc &
des extrémités fuperieures & inferieures ,
d'après les parties difféquées & préparées ,
par M. Duverney , Maître en Chirurgie
Paris , Membre de l'Académie de Chirurgie
& Démonftrateur en Anatomie au Jar
din du Roi, comprenant douze grandes planches
deffinées , peintes & gravées & imprimées
en couleur & grandeur naturelles , par
le Sr. Gautier , feul privilégié du Roi dans
134 MERCURE DE FRANCE.
le nouvel Art , avec des tables qui expliquent
les planches , dédié à M. de la Peyronie ,
Ecuyer , Confeiller , premier Chirurgien , &
Médecin confultant du Roi , de l'Académie
Royale des Sciences , & Préſident de celle
de Chirurgie, Ouvrage propofe par foufcription.
PROJET DE SOUSCRIPTION.
Les huit premiéres piéces de cet ouvrage
ont éré diftribuées avec fuccès ; plufieurs perfonnes
de diftinction amateurs de l'Anatomie
, & grand nombre de Medecins &
Chirurgiens François & Etrangers ont foufcrit
& ont foutenu cette entrepriſe utile ;
le témoignage des Journaliſtes lui eft favorable.
Les Auteurs encouragés par la réuffite
& par la protection de M. le Chancel
lier , & l'approbation de M. de la Peyronie ,
à qui l'ouvrage eft dédié , ne peuvent y
mieux répondre qu'en continuant leurs travaux
, & donnant , comme ils font actuellement
, la fuite de l'effai d'Anatomie , ou la
Myologie du Pharinx , du Tronc & des Extremitesfupérieures
& inferieures , C'eſt ce qui
forme aujourd'hui une partie complette ,
laquelle fera fuivie des autres cours d'Anatomie.
JUIN 1746. 135
La Soufcription eft ouverte dès à préfent
jufqu'au dernier Septembre , paffé lequel
tems on ne fera plus reçû à foufcrire ; on
diftribuera les billets de foufcription aux
perfonnes qui vont en campagne , & on leur
gardera les epreuves du premier & fecond
payement jufqu'à leur retour .
Au premier Juillet on recevra les trois
premieres planches & les trois premieres
tables jufqu'au dernier Septembre en ſoufcrivant.
Le fecond payement fe fera depuis le
premier Octobre prochain jufqu'au dernier
Janvier 1747 , & on delivrera quatre autres
figures & leurs tables.
Le troifiéme payement fe fera du premier
Fevrier 1747 jufqu'au dernier Mars ſuivant ,
& alors on diftribuera les cinq dernieres
figures avec leurs tables .
Ces piéces d'Anatomie feront repréſen
tées fur douze Planches qui feront le double
de celles de la tête que l'on a diſtribuées ,
hors une qui repréſente les muſcles du Pharinx
, & fe plieront en deux dans le grand
in-folio qu'on a donné. On auroit du vendre
ces Figures le double des précedentes
étant de plus grande dépenfe , mais les vûës
des Auteurs font de ménager la dépenſe aux
136 MERCURE DE FRANCE.
Soufcripteurs. On a même évité la multiplicité
& les repetitions , autant qu'il a été
poffible , fans cependant borner l'étendue
de la curiofité de ceux qui veulent s'inſtruire
dans une fcience fi intéreffante.
En foulcrivant on donnera douze livres ,
cy 12 liv.
On recevra les trois premiéres Figures avec
leurs Tables depuis le premier Juillet jufqu'au
dernier Septembre.
En recevant les quatre Figures fuivantes
on donnera auffi .
1 2 liv.
on donnera encore
Et en recevant les cinq dernieres Figures
12 liv.
TOTAL.
36 liv.
Après la foufcription on vendra les douze
Figures 54 liv.
On foufcrira chés le Sr Gautier , Graveur
Privilégié du Roi , rue S. Honoré au coin
de la rue S. Nicaife :
Chés Quillau pere , Imprimeur Juré
Libraire de l'Univerfité , rue Galande :
Et chés le Sr. Mangin , rue Bourtibourg,
Cimetiere S. Jean.
Ceux qui n'auront pas foufcrit au dernier
Septembre prochain ne feront plus reçus à
foufcrire , & ceux qui n'auront pas retiré
JUIN 1746. 137
les autres Planches fix mois après l'ouverture
de la derniere délivrance , perdront le
bénéfice de leurs affûrances , fur le dernier
payement , condition fans laquelle on ne
feroit point un fi grand avantage aux Soufcripteurs.
E Sr. Monchablon Maître de penfion ,
Ldemeure préfentement rue du Mont St.
Hilaire , vis-à-vis l'Eglife . Sa maiſon eſt
commode & en très - bon air : outre les humanités
qu'il repete telles qu'on les enfeigne
dans l'Univerfité , il en montre les premiers
élémens felon la méthode de M. Rollin , fe
fervant du Bureau Typographique pour la lecture
feulement. S'il y a des jeunes gens que
des raiſons particulieres empêchent de fuivre
le train commun , il leur fait faire un
cours d'études Françoifes , leur enfeignant
les principes de la Grammaire Françoiſe &
de la Poëlie , l'Hiftoire facrée , la profane ,
la naturelle , la Geographie , ce qui peut
être à leur portée dans la Phyfique &c. II
fe fert d'une méthode courte & fácile pour
mettre en état d'entendre le Latin , ceux ou
qui l'ont negligé ou qui ne l'ont point appris
dans leurs premiéres années.
Le S. Robert Geographe ordinaire du
Roi , éléve & legataire des Srs. Sanfon , vient
138 MERCURE DE FRANCE.
de mettre au jour deux Cartes d'une grande
feuille chacune , très exactes & parfaitement
bien gravées.
La premiére eft une Allemagne dans laquelle
on a marqué les differentes enclaves.
Comme les divilions de ce pays font trèscompliquées
, l'Auteur a ajouté à cette Carte
une table méthodique très bien travaillée ,
à l'aide de laquelle on peut confiderer cet
Empire tant par rapport à la Geographie
aftronomique , que par raport à la Geogra
phie naturelle ; cette table donne une
parfaite notion de l'adminiftration de la
Religion , & généralement de toutes les
perfonnes qui gouvernent cet Empire , elle
fait voir la difference de fix Cercles , qui
déliberent dans les Diétes , établis fous
Maximilien I. en 1500 , d'avec les dix établis
en 1512 & qui font aujourd'hui en
ulage.
La feconde Carte contient le Cercle Electoral
du Rhin ( c'eft à- dire les Cerles de
Mayence , de Treves , de Cologne & du Palatinat
) les Duchés de Gueldres , de Limbourg ,
de Juliers , de Luxembourg , de Berg , de
Weftphalie , de Deux- Ponts &c. les Comtés
de la Mark, de Waldek , de Witgenstein & c.
les Landgraviats de Heffe- Caffel, de Darmflat,
les Seigneuries de l'Evêché de Spire , des AbJUIN
1746. 139
bayes de Fulde , d' Hirchfelt & c. partie des
Evêchés de Munster, de Paderborn , des Duchés
de Cleves & de Brunfvvik, de la Thuringe .
de Franconie , &c.
Le même Auteur a ajoûté à fa Carte du
théatre de la guerre en Flandre le journal
des conquêtes du Koi pour les années
1744 & 1745 .
On trouve auffi chés le même Auteur
une Carte extrêmement détaillée du cours
du Po depuis Milan juſqu'à Ferrare , & une
Alface de fix feuilles.
L'Auteur demeure Quai de l'Horloge du Pa-
Lais proche le Pont- Neuf.
On avertit le public que le Sr. Babelin ,
Oculifte , connu par fon habileté & par fa
droiture logé rue du Chantre près la Place
du vieux Louvre , eft le feul chés qui l'on
trouve le Baume Specifique pour la furdité ,
tintement , dureté , douleurs d'oreilles & tout
accident qui attaque la tête.
Ce debit fe fait en vertu d'un Brevet
de la commiffion Royale de Medecine par
Arrêt &c. accordé ( à Mlle . de Luffan qui a
trouvé cet admirable fecret ) par M. de Chycoineau
, Confeiller d'Etat , premier Medecin
du Roi , Mrs Malouin , & de Lepine
Doyen de la Faculté de Medecine , nonfeulement
fur les certificats de plufieurs
Medecins , qui fur les fuccès qu'ils ont vû
140 MERCURE DE FRANCE.
de ce remede , ont attefté fon efficacité &
fon utilité pour le public , mais encore par
l'experience qu'en a fait fous fes propres
yeux M. le premier Medecin .
Ce Baume eft incorruptible , & fe tranfporte
aiſement dans de petites boëtes d'étain
à vis, enveloppées d'un imprimé qui apprend
la maniere de s'en fervir ; l'ufage en eft bien
fimple & n'affujétit à rien .
On peut écrire au Sr. Babelin à fon adref
fe en affranchiffant le port , il fera tenir
à l'endroit indiqué lefdites boëtes : le prix de
chacune eft de 12 liv. & deux fuffifent pour
la guerifon .
Ordinairement on trouve le Sr. Babelin
tous les jours jufqu'à midi.
Le mot de l'Enigme du Mercure de Mai eft
Sivene. Celui du Logogryphe eft Melchifed c. En
ne laiffant que ces fix lettres M, D , C , C , L , I,on
fait en chiffres Romains 1751 qui expriment l'an→
née que nous aurons, dans cinq ans. Les autres
lettres font Hefée , ainfi on les trouve en cou
pant la tête , c'eſt- à- dire en ôtant la premiere
lettre du mot Thefee.
JUIN 1746. 141
********
EXPLICATION du premier Logogryphe
inferé au Mercure de France du mois
d'Avril 1746,
A l'Auteur du Logogryphe.
VRaiment , Monfieur le Licentie
Vous êtes trop bon de moitié
De fecouer votre Minerve
Pour parler de mon Procureur,
De grace une autre fois exercez votre verve
Sur quelque chofe de meilleur .
Un procès perdu fans réſerve
Arrache ce trait à l'Auteur ,
....
Mais ce trait lui rend-il fon bien & fon honneur ?
Mefdames , que le Ciel à jamais vous préferve
D'un fi dangereux défenfeur !
Par MM. Gaumbault , Bernoin & Compa •
gnie , d'Iloudun en Berry.
142 MERCURE DE FRANCE.
EXPLICATION du fecond Logogryphe du
Q
mois d'Avril
Uoi ! dans un mot on trouvera
Paris , Turin , Tunis , Agra ,
Agen , Ipres , Tréves , Venife ,
Aras , Tir , Set , Sparte , Trin , Piſe ,
Riga , Genes , Guife , Apt ,
Le Niger , le Vefer , & Gap ,
Le Tage , le Tigre , & Spire ,
L'Aar , la Seine , & Vire ;
An , ver , un, fept , argent & pain ,
Air , Juge , ut, re , fi , Negre & gain ,
Gaieté , pefte , Ange & fage ,
Prune , Agar , épine , & viſage ,
Pinte , ane , ris , pie , eau , patin ,
Jeûne , pâte , nuage , Eņée ,
Panier , feptier , gant , van, Penate , Egée ,
Rage & vie , âge & vin .
C'eſt choſe extraordinaire ,
Qu'on voit dans feptuagenaire .
Par Mademoiſelle Formel de Vitry- le- Françot..
JUIN. 1746. 143
ENIG ME,
Court ou long ,
C'eft felon
Que mon Maître
Me fait naître
Ecrafé ,
Malpofé ,
Quelle forme
Plus difforme !
Tout chacun
N'en a qu'un ,
Eh ! qu'importe ?
Cependant
Fort fouvent
On en porte
Jufqu'à trois
A la fois ,
Mais c'eft rare :
Le beau phare !
En ce cas
Je n'ai pas
Trop à rire ,
Mais qu'en dire ?
En hyver
144 MERCURE DE FRANCE
J'ai grand air ;
Tout confpire
A me nuire ;
Sa rigueur
Me fait peur,
Et je fouffre
Sur un gouffre
Des tourmens
Etonnans .
Ce tems paffe
Et fait place
Au Printems,
Que je plaiſe
Ou déplaiſe ,
J'ai pourtant
Le talent
De me faire
Satisfaire
Des manans
Et des grands.
La dépense
Que la France
Fait pour moi
N'eft ma foi
Pas petite,
Je n'habite
Qu'au milieu
D'un feullieu ;
L3
JUIN 1746. 149
J
La nature ,
'Chofe fûre ,
-Me forma
Délicat :
Je me pique
De critique ;
Mais fur quoi ?
Dis - le moi
Par Mile. D. G. de Châlons fur Marne.
AUTRE .
E porte dans mes flancs l'effroyable tonnerre
Qui renverſe , détruit & confond les cités ,
Et lorfque les mortels par la rage emportés
Suivent aveuglément le démon de la guerre ,
On diroit que le Ciel armé contre Tiphon
Sur les monts entaffés qu'il réduifit en poudre
Lance encor furieux les carreaux & la foudre
Dont il fçut autrefois écrafer ce fripon ,
Lui , fa race , & tout fon repaire.
Celai qui me reçoit attentif & prudent
Me dreffe un lit mollet où j'expire ſouvent ,
Ex fouvent le Bourgeois d'une main téméraire
M'enveloppe fi bien qu'il m'étouffe à l'inftant,
1. Vol.
Par Mile L. de la So ... en Anjou.
G
1
146 MERCURE DE FRANCE,
LOGOGRYPHE.
Douze pieds de mon nom font le vocabulaire,
Ami Lecteur , ce n'eft qu'en été , qu'au printems
Qu'on me voit divertir le Berger , la Bergere ;
Je leur procure à tous des plaiſirs innocens ,
Mais fur-tout quand ils font vêtus à la légere,
3.4 5. 10. Quand on eft bien au fait ,
Par moi l'on réuffit fort fouvent au piquet.
6. 1. 8. 7. & 10. 11. 12 jamuſe
Certain jour de congé l'éleve d'une mufe.
Cherche , tu trouveras par tes combinaiſons ,
Deux meubles de cuifine & deux fort bons poif
fons.
Une 'herbe que Virgile a dit être fort bonne
Au peuple ingenieux qui la cire façonne..
Le nom de deux fois douze foeurs
Qui font que par leur ordre & par leur affem
blage
Nous pénétrons à fond les fentimens des coeurs :
Ces filles font par- tout d'un très-utile, uſage
Elles tracent l'amour , la haine , le mépris ,
Et rendent immortels Meffieurs les beaux efprits.
J'offre cette petite armée
De quatre bataillons formée ,
Soumise à quatre potentats 2
JUIN 1746. 147
Chacun d'eux à l'envi ſe préſente aux combats.
Le chef- d'oeuvre de la nature ;
De tout corps animé le plus bel ornement.
Troupe de gens armés , un deshonnête vent ;
Un animal qui ſe vautre en ordure ,
Une Reine d'Egypte & qu'un grand Conquerant
Aima jadis éperdument ;
Elle alluma bien - tôt une terrible guerre
Entre Antoine & Céfar ; pour comble de mifere,
Du venin d'un afpic elle ſe fit mourir .
Je te laiffe , Lecteur , le reste à découvrir.
Follet.
J
AUTRE.
' Ai dix pieds qui d'abord prefentent à tes
yeux
Un Héréfiarque fameux.
Deux Auteurs renommés , un Acteur affés fade ,
Un mal qui te rend bien malade ,
Et dont on guérit rarement.
Du Dieu des Vers l'agréable inftrument .
Ce que guérir la Pharmacie ,
Ce que ne fait jamais un guerrier qu'à regret ,
Ce fur quoi près du fexe il faut être difcret ,
Et que volontiers il oublie.
Gij
148 MERCURE DE FRANCE,
Ce qui ne peut fe définir :
Droit qu'on paye au Seigneur, un titre refpectable;
Un arbre , un temps défagréable.
C'en eft trop & je veux finirr
AIR TENDRE.
Quand je rêve la nuit , je rêve à ma bergere;
Le jour en m'éveillant je vole fur fes pas ;
Toujours mon tendre coeur encenſe ſes appas ,
Et c'eft l'encens le plus pur de Cythere .
CANON
Verſe ami , verſe à plein verre ;
Combattons les enfans de Cythere :
Aux mortels ils font trop la guerre.
Quoi des larmes
Font leurs armes?
Des allarmes
Sont leurs charmes !
Ils font vaincus :
C'est trop dire ,
Je foupire ;
Moa martyre
Les fait rire.
Ah! je fuccombe à moi Bacchus
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.
ASTOR
, LENOX
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.
JUIN 1746. 149
SPECTACLES.
OPERA .
L'es representations du Ballet des amours
'Académie Royale de Mufique continue
des Dieux , dont les paroles font de M. Fu .
zelier , l'un des Auteurs du Mercure & la
Mrfique de M. Mouret regreté tous lesjours
par le goût & les graces.
Voici deux Parodies nouvelles ajoutées à
cette repriſe ci.
LOURE DU PROLOGUE,
LE
Zephire
Sur-nos bords foupire ,
Depuis que ce féjour
Du tendre Amour
Connoît l'empire .
Dieu charmant ,
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
Que par tout on adore ,
Nul n'ignore
Le prix de ton tourmeut
Nul n'ignore
Qu'il faut qu'enfin on t'implore.
Oui nos coeurs
Cheriffent tes allarmes ,
Dans tes larmes
Nous trouvons des douceurs.
Oui , tes armes
Ne font jamais fans tes charmes .
MUSETTE de l'Acte de Coronis.
Pour tes coeurs à l'amour rebelles
De nos champs
Les réduits font moins touchans .
Des ruiffeaux & des tourterelles
Ils ne fentent pas.
Le doux murmure & les appas ,
Et pour eux nos fleurs font moins belles.
A quoi fert le jour ,
Sans le flambeau de l'amour?
*
JUIN 1746. 151
CONCERT SPIRITUEL.
LE
E Jeudi 19 Mai jour & fête de l'Afcenfion
le Concert des Thuilleries a commencé
par Laudate Dominum quoniam.
bonus eft Pfalmus, Motet à grand choeur de
M. l'Abbé Blanchard Maître de Mufique
de la Chapelle du Roi , qui a été ſuivi d'une
Sonate à deux violons, éxecutée au goût des
auditeurs par M. l'Abbé le Fils & M, Dupont,
tous les deux fymphoniftes eftimés de
l'Orquestre de l'Académie Royale de Mu
fique , enfuite M. Poirier a enchanté les
oreilles en chantant Benedictus Dominus petit
Motet de M. Mouret, & après que M.
de Mondonville a joué feul un Concerto trèsapplaudi
, on a éxecuté fon Motet à grand
choeur Bonum eft.
M. Benoît a chanté un recit de baffe-taille
qui a ravi l'affemblée ; Mlles. Chevalier &
Fel ont partagé fon triomphe.
1.
G iiij
52 MERCURE DE FRANCE.
S
COMEDIE FRANCOISE...
LE
E Mercredi 18 Mai les Comédiens François
ont donné la premiere repréſentation
d'une Comédie en cinq Actes intitulée
le Duc de Surrey , compofée par M. de Boiffi
fi connu par une infinité de pieces qui ont
réulli fur les differens Theâtres de Paris..
La feconde repréſentation fut précedée par
un difcours oratoire qui fut auffi nouveau que
fingulier , & qui fit dire à plus d'un auditeur
qu'on fçavoit faire des lazzi autre part
qu'à la Comedie Italiene . On ne fçait pas
trop à qui on a l'obligation de cette fcene
anterieure à la piece , mais ce dif
cours apologétique prétendoit ex ufer les
Acteurs de donner comme neuve & fous le
titre du Duc de Surrey une Comédie repréfentée
dans le mois de Janvier 1736 par les
Comédiens Italiens fous le titre du Comte
de Neuilli.
Cet imprévu morceau de Rhétorique débité
avec la modeftie convenable dans le
cas excita une rumeur féditi - ufe dans le
Parterre ; trifte préfage qui ne fut point vérifié
par l'évenement ; jamais dans Athenes
les Philippiques de Démofthene; jamais .
JUIN 1746.. 153
dans Rome les Catilinaires de Ciceron ne
remuerent fi vivement les efprits des plus
fameux Républicains de l'Univers. Ies ennemis
de l'Auteur l'accufoient hautement ,
les Partiſans du Théâtre Italien revendiquoient
l'ouvrage , ( a ) les neutres répondoient
à leurs prétendus griefs qu'ils avoient
tort de fe plaindre, fi on redonnoit au Théâ
tre François une Comédie qui étoit tombée.
fur le leur. Que l'héroique étoit déplacé dans
leur bouche , & que la majesté quelquefois
ennuieuſe des vers alexandrins étoit défigurée
par leur prononciation ultramontaine.
Le Cothurne n'eft point fait pour chauffer
les camarades d'Arlequin; doivent - ils envier
au public la fatisfaction d'applaudir chés les
François ce qu'il n'avoit pas gouté chés les
Italiens Doit- on blâmer M. de Boiffi d'avoir
obtenu fous un nom les fuffrages qu'il
avoit manqués fous un autre? Eft - ce fa faute
file Parterre qui avoit hué le Comte de
Nenilli a reçu très-favorablement le Duc de
Surrey. Si cette démarche eft une tromperie
c'eſt une tromperie que la réuffite à juftifi.e "
(a ) M. de Boiffi a , dit-on , offert aux Comédiens
Italiens ou de leur rendre les zooo liv . qu'il avoit
reçus pour le Comte de Neuilli ou de leur abandonner
les droits du Duc de Surrey, ou de leur done…
mer une autre piéce.
G.y.
154 MERCURE DE FRANCE.
Le public s'eft diverti , que lui importe
comment on s'y eft pris pour le divertir ?
Grace à M. de Boiffi le public va goûter un
genre de plaifir qui lui étoit inconnu , &
les Auteurs fuivront fans beaucoup de fatigue
la route commode qu'il vient de leur
tracer. Le Théâtre ne fera plus fterile , &
le Parnaffe élargi prendra pour fa deviſe Auditor
vult decipi , decipiatur.
Au refte cette avanture poëtique devroit
faire un peu rentrer le public dans lui-même
, & lui caufer de juftes fcrupules au fujet
de l'infaillibilité qu'il croit poffeder fur
ce qui concerne l'efprit & le goût.
Pourroit -on fans lui manquer de reſpect &
fans copier la licence heureuſe de l'Auteur
d'Acajou , lui remontrer doucement qu'il
eft quelquefois auffi incertain dans fes jugemens
que les particuliers?Nous permettratil
de lui fournir des preuves authentiques.
de ce que nous prenons la liberté de lui reprocher
? Nous ne lui donnerons pas l'hif
toire complette de fes révolutions , elle feroit
plus longue que celle des révolutions
d'Angleterre qui eft pourtant très - féconde.
en viciffitudes.
Nous nous reſtraindrons à un petit nombre
d'exemples mais illuftres qui démontreront
la verité de notre propofition . La
traditionThéâtrale nous apprend qu'Armide
JUIN 1746. 155
ce chefd'oeuvre de l'incomparable Lulli
n'eut pas pas d'abord la réputation qu'il méritoit.
L'ingenieux ballet des Amours du Carnaval
de la Folie commença par exciter
des bâillemens , il n'a amafé que dans fes
repriſes. L'ineftimable Misantrope de Moliere
ennuia nos pauvres aïeux en fe montrant.
Ils fifflerent le début du Grondenr qui
depuis a toujours fort diverti le Parterre . Ils
ont méprifé hautement bien des petites pieces
de Dancourt que nous revoyons tous les
jours avec plaifir. L'excellent Efope à la Cour
de Bourfaut penfa mourir en naiffant malgré
les applications malignes qu'on fit de quelques
fcenes que fürement n'avoit pas prévues
la candeur averée de l'écrivain de cet--
te piece morale digne de l'immortalité , &
couronnée par un dénouement où la veritable
vertu brille dans tout fon éclat fans le
vernis de l'herojme fabuleux, toujours outré
& quelquequefois ridicule.
Nous ne donnons pas un extrait fuivi du
Duc de Surrey. Nous renvoions les curieux
aux Mercures de Janvier & Février 1736..
G.vji
156 MERCURE DE FRANCE.
JOURNAL DE LA COUR ,
Lecote
DE PARIS & c.
E 29 du mois dernier fête de la Pentecôte,
la Reine accompagnée de Monfeigneur
le Dauphin , de Madame la Dauphine
& de Mefdames de France , entendit
dans la Chapelle du Château la grande
Meffe celebrée par l'Abbé Broffeau , Chapelain
ordinaire de la Chapelle de Mufique .
L'après midi S. M. accompagnée comme
le matin affifta à la prédication du Pere .
Jofeph du Laurent Religieux Carme du
grand Convent , & enfuite aux Vêpres qui
furent chantées par la Mufique..
Le 28 veille de la Fête la Reine entendit
la Meffe dans la même Chapelle , & S.
M. communia par les mains de l'Abbé đe
Fleuri fon premier Aumônier.
Le 8 de ce mois la Reine accompagnée
de Monfeigneur le Dauphin , de Madame
la Dauphine & de Mefdames de France.
entendit dans la Chapelle du Château le
Te Deum qui fut chanté par la Mufique en
action de graces de la prife de la Ville &
de la Citadelle d'Anvers.
JUIN 1746. : 15%
Le Fête du St. Sacrement la Reine fe:
rendit à l'Eglife de la Parroiffe du Château ,
& S. M. après avoir affifté à la Proceffion:
qui fe fit dans l'Eglife y entendit la grande :
Meffe .
Le Duc de Huefcar Capitaine des Gardes:
du Corps du Roi d'Efpagne , & fon Am
baffadeur Extraordinaire & Plénipotentiaire :
auprès du Roi ayant pris congé de S. M. ,
au Château de Bouchout le 30 du mois
dernier revint à Paris , & il fe rendit le 95
de ce mois à Verfailles où il eut fes audiences
de congé de la Reine , de Monfeigneur
le Dauphin , de Madame la Dauphine
& de Mefdames de France : Il fut
conduit à fes audiences par M. de Ver- .
neil Introducteur des Ambaffadeurs.
&
Le Roi qui étoit parti d'Anvers le 10 de ce.
mois alla coucher le même jour à Malines ,
le lendemain à Bruxelles , le 12 à Lille &
le. 13 à Roye d'où S. M. arriva à Verfail--
les le 14 vers les trois heures après midi.
Le 16 jour de l'octave de la Fête du St..
Sacrement le Roi & la Reine accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin & de Meſdames.
de France le rendirent à l'Eglife de la Paroif
fè du Château , & leurs Majeftés après avoir
affifté à la Proceffion qui fe fit dans l'Eglife .
y entendirent la grande Meffe..
LeRoianommé Brigadier de les armées,le
158 MERCURE DE FRANCE.
Prince de Beauveau Colonel du Régiment
des Gardes Lorraines , & M. de la Tour
Lieutenant Colonel de celui de Crillon.
S. M. a accordé le Régiment Dauphin
Infanterie dont le Marquis de Choifeul-
Meuſe étoit Colonel Lieutenant , au Comte
de Montmorency Colonel de celui de Flandres
, & ce dernier Régiment au Comte de
Choiſeul , Capitaine dans le Régiment de
Cavalerie de Camille.
Le Roi a donné au Duc de Broglie Maréchal
des camps & armées de S. M. la place
d'Infpecteur d'Infanterie , vacante par la
mort du Marquis de Maupeou.
L'Académie des Jeux-Floraux propoſe
pour le fujet du prix d'Eloquence qu'elle
doit diftribuer en 1747 les grands talens
font dangereux quand ils ne font pas conduits
par la fageffe.
PRISES DE VAISSEAUX.
M. Louvel commandant la Fregate du
1 Roi la Sirene armée en courſe eft entré
au Port Louis avec le Corfaire Anglois le
Durfley Galley de vingt- deux canons & de
cent foixante & dix hommes d'équipage
dont il s'eft emparé.
JUIN 1746. 159
Suivant les avis reçus de Breft le Capitaine
Clement qui monte le Corfaire le Grand
Grenot de Granville a conduit dans ce premier
Port les navires ennemis le Nevvranger
de cinq cent cinquante tonneaux , dont
la charge eft eftimée fix cent mille livres ,.
& le Greyhound de cent vingt tonneaux .
Il eſt arrivé à Cherbourg deux Bâtimens
pris par les Corfaires l'Union de Boulogne &
Le Vainqueur de Honfleur .
On a appris que le Corfaire l'Attrape fi
tu-peux de Boulogne commandé par le Capitaine
Dupont avoit amené à Dieppe un
navire Anglois chargé de falines .
Le Corfaire le Prince de Conty de Calais
s'eft rendu maître d'un bâtiment de la mê-'
me Nation fur lequel il y avoit du tabac ,
& que le mauvais tems l'a obligé de conduire
à Fleffingue.
On mande de St. Malo que le Capitaine
Sebire commandant le Corfaire le François
a rançonné pour huit cent livres fterlings le
navire le Raphaël de Londres.
Le Corfaire le Prince de Conty monté par
le Capitaine du Frefne Marion a conduit à.
St. Malo un autre bâtiment Anglois de cent.
vingt tonneaux .
Selon les lettres écrites de Morlaix , trois
navires ennemis chargés de munitions de
guerre y ont été amenés par le Corfaire
Le Comte de Maurepas..
160 MERCURE DE FRANCE.
Le Capitaine du Vivier commandant le
Corfaire le Vainqueur de Honfleur y eft
entré avec le Navire le Prince Frederic qui
venoit de la Caroline avec un chargement
de, fucre , de riz , de therebentine & d'autres
marchandiſes..
Le navire la Bonne Esperance de Londres
chargé d'indigo , de riz, de cotton & de pelleteries
a été pris par le Cortaire l' Alexan--
dre de Bayonne.
On a reçu avis de S. Jean de Luz que le Ca
pitaine Sopite qui monte le Corfaire la Baf--
quoife s'étoit emparé du navire le London de
quatre cent tonneaux , à bord duquel on a.
trouvé des pelleteries & du tabac. Le méme
Capitaine a exigé une rançon de quinze.
mille livres du navire la Virgine Marchand..
JUIN 1746.
161
洗衣
MANDEMENT
De M. l'Archevêque de Paris , qui ordonne que
le Te Deum fera chanté dans toutes les
Eglifes de fon Diocèse en actions de graces?
de la prise de la Citadelle d'Anvers..
LETTRE DU ROI
A M. l'Archevêque de Paris.
MON
pen ON Coufin , après avoir foumis
dant l'hyver la ville de Bruxelles à
mon obéiſſance , je ne pouvois ouvrir cette
campagne par une opération plus glorieufe
pour mes armes , & plus utile pour l'affermiffement
de mes conquêtes , que le fiége
d'Anvers. Mes ennemis en connoifloient toutes
les conféquences , & pour défendre toutes
les approches de cette Place , ils s'étoient
fait des remparts de la Dile & de la Nethe ;.
mais mon coufin le Maréchal Comte de-
Saxe ayant affemblé mon armée fous Bruxelles
, dès que j'ai paru à la tête de mes
troupes tous les oftacles ont difparu. Lou
vain , Malines , L.ierre , Arſchot ; Hërenthals ,
ont été évacués , le Fort Sainte Marguerite
s'est rendu , & la ville d'Anvers abandonnée:
162 MERCURE DE FRANCE.
-
de fa garnifon , m'a ouvert fes portes . Celle )
qui s'étoit retirée dans la Citadelle a été
obligée de capituler le 31 du mois dernier ,
après un fiége de fix jours dont j'avois donné
la conduite à mon coufin le Comte de
Clermont , & de me remettre la Place avec
les Forts de l'Escaut qui en dépendent. Cette
nouvelle conquête , par laquelle tout le Brabant
fe trouve réuni fous ma domination ,
me donne lieu d'efperer que mes ennemis
fe porteront enfin à accepter des conditions
qui puiffent procurer le rétabliffement de
la paix que je ne ceffe de leur offrir. C'eſt à
la divine Providence à confommer un ouvrage
dont elle a préparé les voies par les
heureux fuccès qu'il lui a plû d'accorder à
la juftice de mes armes , & reconnoiffant de
plus en plus que toute la gloire lui en eft
dûe , je vous fais cette lettre pour vous dire
qu'en actions de graces de fes bienfaits , &
lui en demander la continuation , mon
pour
intention eft que vous faffiez chanter le Te
Deum dans l'Eglife Métlopolitaine de ma
bonne ville de Paris & autres de votre Diocèfe
, avec les folemnités requifes , au jour
& à l'heure que le Grand- Maître ou le
Maître des Cérémonies vous dira de ma part
& que vous y invitiés tous ceux qu'il convien- .
dra d'y affifter. Sur ce je prie Dieu qu'il vous
ait , mon Coufin , en fa fainte & digne garde.
Ecrit au camp de Bouchout le premier Juin
1746 & c.
JUIN 1746. 163
ACQUES - BONNE Gigault de Bellefont
, par la miféricorde divine , & par
la grace du Saint Siége Apoftolique , Arche
vêque de Paris , Duc de Saint Cloud , Pair
de France , &c. Aux Archiprêtres de Sainte
Marie-Magdeleine & de Saint Severin , &
aux Doyens ruraux de notre Diocèle :
SALUT ET BENEDICTION.
Quel fujet de joie & de confciation pour
Nous , mes très - chers freres , que la premiére
occafion qui s'offre de vous faire entendre notre
voix , foit pour vous annoncer que le Ciel
continue de protéger les armes du Roi , &
de le rendre victorieux des Puiffances réunies
contre la France !
Les ennemis forcés à l'approche de nos
Troupes d'abandonner un camp avantageux
, & d'évacuer la plupart des Places qu'ils
poffédoient encore dans le Brabant ; laville
d'Anvers contrainte elle-même de leur ou
vrir les portes ; fa Citadelle réduite à capituler
après fix jours de tranchée ouverte ;
d'autres Forts obligés de fubir un même fort
avec elle , ne font- ce pas des preuves fenfibles
de la protection conftante du Dieu
des armées ?
Ce Monarque, loin de fe laiffer éblouir
par de fi grands avantages , en fait un hommage
public au Roi des Rois , & veut que
nous les regardions comme autant de faveurs
#64 MERCURE DE FRANCE.
dont il eft redevable à la divine bonté. Quoi
que la prétence augmente l'intrépidité naturelle
du foldat François , & qu'elle ait infiniment
contribué au prompt fuccès de fes
entrepriſes , it ferme les yeux fur un point
de vue fi flateur , & il femble ignorer la
part qu'il a eue à tant de glorieux événemens.
Modefte & Chrétien dans la profpérité
, fon principal foin eft d'en rendre &
d'en faire rendre au Seigneur de très- humbles
actions de graces , & d'exciter à cet égard
la Religion & la reconnoiffance de fes fujets.
Conformons- nous à fes pieufes intentions,
& puifqu'il exige que non- feulement nous
reinercions le Ciel de fes bienfaits , mais
que nous lur en demandions auffi la continuation
, redoublons nos prieres pour la
profpérité de fes armes , jufqu'à ce que S:
M.ait obligé fes ennemis à accepter la paix.
qu'Elle ne ceffe de leur offrir , & qu'Elle
nous ait procuré un bien dont ils jouiront
avec nous , & qui leur fera recueillir en
quelque forte le fruit de nos victoires .
A ces cauſes , après en avoir conféré avec
nos vénérables Freres les Doyen , Chanoi
nes & Chapitre de notre Eglife Métropolitaine
, Nous ordonnons que le Te Deum
avec le Verfet Benedicamus Patrem& Filium,
& l'Oraifon Progratiarum actione , l'Antienne
Domine , falvum fac Regem , &c. le Verfer:
JUIN 1746. 265
Fiat manus tua , &c. & 10iaiſon Pro Rege
& ejus Exercitu , fera chanté Vendredi prochain
dix du préfent mois de Juin dans
notredite Eglife , en actions de graces de la
prife de la Ville & de la Citadelle d'Anvers.
Qu'il fera pareillement chanté le Dimanche
fuivant douze du préfent mois dans
toutes les Abbayes , Chapitres , Paroiffes
& Communautés Séculieres & Régulieres
de la Ville & des Fauxbourgs de Paris ,
& le Dimanche qui fuivra la réception de
notre préfent Mandement , dans toutes les
autres Eglifes de notre Diocèfe.
·
Si vous mandons que ces préfentes vous
ayez à notifier à tous Abbés , Prieurs
Curés , Supérieurs & Supérieures des Communautés
exemptes & non exemptes , à ce
qu'ils n'en ignorent. Donné à Paris en notre
Palais Archiepifcopal le huit de Juin mil
fept cent quarante- fix &c.
On chanta le 10 de ce mois dans l'Eglife
Métropolitaine le Te Deum auquel l'Archevêque
de Paris officia. M. le Chancelier
accompagné de plufieurs Confeillers d'Etat
& Maîtres des Requêtes y aſſiſta ,
ainsi que le Parlement , la Chambre des
Comptes la Cour des Aides & le Corps
de Ville qui y avoient été invités de la part
de. S. M. par le Marquis de Dreux Grand
Maître des Ceremonies,
166 MERCURE DE FRANCE
Le 12 au foir on tira à la même occafion
un feu d'artifice dans la Place de l'Hôtel
de Ville .
Il y avoit eu le ro des illuminations
dans toutes les rues.
***********
OPERATIONS DE L'ARME'E
DU ROI.
Au Camp de Bouchout le 22 Mai.
le
N eft occupé des préparatifs pour le fiege de
Neft
été fait hier .
Les habitans de la Ville qui témoignent la plus
grande joye de fe trouver fous la domination
Françoife fe font chargés de fournir les faſcines &
gabions.
M. le C. d'Eftrées a envoyé hier matin en avant
de Herentals un détachement de 300 chevaux qui
s'eft avancé jufqu'à Welhelfuade fur un des bras
du Benart , & M. Graffin à fait paffer dans le même-
tems un détachement femblable vers le même
lieu. Ces deux troupes ne s'étant pas exactement
reconnues , ont fait feu l'une fur l'autre en rencontrant
un parti de 40 Huffards ennemis quijà
la faveur de cette méprife fe font fauvés à l'exception
de 2 qui ont été pris . Il n'y a eu d'ailleurs
aucune perte dans nos détachemens fur le rappors
de ces 2 prifonaiers,
JUIN. 1746 187
Il paroît certain que l'armée des ennemis eft
campée à Breda & qu'elle y eft arrivée le 19.
Le vingt-trois.
Il n'y a rien de nouveau ; on continue tous
jours les préparatifs du ſiege de la Citadelle d'Ang
vers.
Au Camp de Bouchout le vingt-quatre
L'armée du Roi eft toujours dans la même po
fition & les préparatifs pour l'ouverture de la tranchée
devant la Citadelle d'Anvers font très- avancés.
Il eft conftaté par tous les rapports de la poſi
tion des ennemis que leur armée eft campée au
de-là de Breda , ayant fa gauche affés près de
Gertruidemberg ; ils ont au- devant deux un corps
de troupes legeres affés confidérable tant
Hoochtralde qu'à Ooftmal & Weftmal.
A Bouchout le vingt- cinq,
Le Roi a tenu ce matin Confeil d'Etat .
Tout ce qui a rapport au fiege de la Citadelle ,
tant dans l'approvifionement des fafcines & gabions
que pour le débarquement de l'artillerie étant
prêt , on fe trouvera peut- être ce foir en état d'ou
vrir la tranchée.
Le vingt-fix,
M. le Comte de Clermont a fait ouvrir la tran
chée devant la Citadelle d'Anvers dans la nuit
derniere par Mrs. Thomé, Marechal de camp & de
168 MERCURE DE FRANCE.
Berville Brigadier ; il a été employé 3600 travail™
Fleurs couverts par 11 Compagnies de Grenadiers
dont 8. des Royaux , & ils écoient foutenus par 3
Bataillons , dont deux d'Auvergne & un de Bettens
le travail a été exécuté avec beaucoup de
fuccès ; il n'y a eu que 2 hommes de tués , & fou
bleffés, la parallele qui a été faite commence à la
porte de S. Georges , au pied du glacis de la ville
& ſe termine à une redoute qui forme la gauche
vis-à-vis la demie lune du côté de l'Eſcault.
Le vingt -fept.
On a pouffé cette nuit un boyau de la parallele à
la diftance de 120 toifes ou environ : ce travailine
nous a couté que 14 hornmes tant tués que bleffés.
On commencera demain à tirer à ricochet pour
Tuiner les premieres défenfes, & vraisemblablement
nos principales batteries feront en état de tirer
Lundi.
Au Camp de Bouchout le vingt-huit.
Le travail de la nuit du 26 au 27 a été perfectionné
& on s'eft porté en avant fur la droite par
4 ziguezagues , en ſuivant la branche du chemin
Couvert de la communication à la Citadelle dans
le centre par 3 ziguezagues fur la capitale de la
demie lune du front attaqué & à la gauche par un
ziguezague & une demie parallele fur la capit le
du bation qui termine l'attaque du côté de l'fcault.
li y a eu pendant le jour & la nuit 3 hommes
tués & 23 bleffés , le feu des affiégés eft bien dirigé
& entretenu avec affés de vivacité , mais on
eſpere
JUIN 1746 169
efpere qu'il ne fe foutiendra pas , nos batteries de
la droite , de la gauche & du centre ayant commencé
à tirer.
Le Corps commandé par M. le Comte d'Estrées
eft parti aujourd'hui d'Herentals pour fe porter du .
côté de Louvain . Hier veille de fon départ il y a
eu à Herentals un incendie conſidérable qui a
confumé une moitié de la Ville & la grande Egliſe
où les principaux effets des habitans avoient été
réfugiés . Le même incendie.a auffi confumé le
refte des magazins de fourages que M. d'eftrées
avoit formés dans ce lieu , & que nous comptions
faire retirer par des voitures qui y avoient été enwoyées
Le vingt-neuf.
On a joint le travail qui avoit été fait dans la
feconde nuit à la droite & au centre pour former
une feconde parallele , qui protegeât le travail à
porter en avant vers le chemin couvert. On continue
d'ailleurs tant à la droite qu à la gauche &
au centre à cheminer par des ziguezagues vers le
front attaqué ; ceux de la droite & de la gauche
font à peu- près à ro toifes des angles failians du
chemin couvert , au - devant de la demi lune .
Nous avons en pendant le jour & la nuit derniere
2 foldats tues & 13 bleffés . Le feu des
ennemis a été très- vif & très bien dirigé , principalement
dans leur artillerie ; nos deux batteries
du centre & de la gauche ont été obligées de reparer
hier dans l'après midi leurs épaulemens qui
avoient été très
endommagés , mais aucune piéce
n'a été bleffée.
Le Corps commandé par M. le Comte d'Eftrées
doit arriver demain à Louvain ou il ſéjournera .
I. Vol, H
170 MERCURE DE FRANCE,
Le trent.
Les ennemis ont fait un grand feu pendant toute
la nuit , malgré lequel nous avons beaucoup travaillé
& poufié la fappe jufques aux plintes .
Les ennemis ont quitté le chemin couvert ; on
efpere que nous nous y logerons la prochaine nuit ,
mais cela n'eft pas fûr.
Nos bombes ont mis le feu à 2 ou 3 maifons
vers une heute du matin
Nous avons actuellement 22 piéces de canon
deux obuts & 26 mortiers qui tirent.
Les ennemis nous avoient mis bas une batte
rie de 8 pieces , mais nous l'avons rétablie cette
nuit.
Nous avons eu 10 hommes bleffés & 2 de tués ,
M. de Sauffay Officier d'artillerie a eu le bras caffe
d'un coup de Biſcayen , & unautre Officier a été
legerement bleffé.
Le 31.
On s'étoit propofé de couronner pendant la
nuit derniere le chemin couvert dans l'étendue
entiere embraffée par l'attaque & ce projet
voit été déterminé fur ce que les ennemis n'avoient
préfenté perfonne dans leur chemin couvert juf
qu'à préfent ; il avoit été d'ailleurs exactement
reconnu qu'ils n'avoient établi aucun pont pour y
communiquer.
Il n'a pas été poffible de remplir en entier l'ob
jet qu'on s'étoit propofé , mai , on eft en état de
conftruire les batteries néceffaires pour ouvrir le
bafion à la gauche de l'attaque , fi la Capitulation
ne fe conclut point ; les ennemis ont arboré
JUIN 1746 . 171
le drapeau blanc ce matin à huit heures ; leur
feu a été très vif pendant une grande partie de
la nuit ; il y a eu 4 Ingenieurs bleffés , un Capitaine
du Regiment de Courten tué > 46 Soldats
bleffés & II tués .
M.; le Comte d'Eftrées féjourne aujourd'hui à
Louvain avec le Corps qu'il commande.
d'Auvers le premier Juin.
Par la Capitulation les troupes de la Garniſon
ont obtenu les honneurs de la Guerre & l'on
remet au Roi les Forts fitués le long de l'Ef
caut occupés par les troupes Autrichiennes,
Au Camp de Bouchout le deux.
Le Roi a déclaré qu'il avoit fait Brigadier d'Infanterie
M. le Prince de Beauveau qui s'eft diftingué
en Italie à l'attaque du Pont de Cafal
Bayan ,
Sa Majesté a accordé le même grade à M. de
la Tour Lieutenant Colonel du Régiment de Crillon
qui lui a apporté de la part de M. le Comte de
Clermont la Capitulation de la Citadelle d'Anvers.
M. le Duc de Boufflers Lieutenant Général eft
parti ce matin avec un Corps détaché de l'armée
du Roi de 16 Bataillons & 25 Efcadrons pour fe
rendre ce foir à Malines ; les Officiers Généraux
qui accompagnent M. le Duc de Boufflers font.
Meffieurs de Monnin Lieuterant Général , &
Meffieurs Dagueffeau de Blet Duc de Lauraguais
& d'Eftrehans Maréchaux de Camp.
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Le 3.
La garnifon de la Citadelle d'Anvers en eft fortie
ce matin à dix heures , conformement à la Capitulation
; elle va rejoindre avec les troupes Autrichennes,
qui étoient dans les Forts le long des
rives de l'Efcaut , l'armée des ennemis qui eft tous
jours dans la même pofition audelà de Breda.
M. le Duc de Boufflers eft parti ce matin de Malines
avec les troupes qu'il a fous fes ordres pour
aller à Bruxelles.
Le Corps commandé par M. le Comte d'Eftrées
arrivera aujourd'hui à Genape,
A Anvers le 4.
Le Roia quitté ce matin fon quartier de Bou
chout pour venir prendre fon logement dans cette
Ville.
Sa Majefté y a fait fon entrée avec les démonf
trations les plus vives de la part des habitans. M. le
Comte de Clermont a préfenté au Roi à la porte
de la Ville le Magiftrat avec les clefs ; Sa Majefté
eft allée defcendre à la Cathédrale où l'Evêque
l'attendoit, à la tête de fon Clergé ; elle a affifté
Te Deum qui y a été chanté, & après avoir vû
les plus beaux tableaux de cette Eglife qui en
renferme un grand nombre , elle s'eft rendue à
l'Abbaye de S , Michel.
au
M, le Duc de Boufflers qui a campé hier à Anderlek
près Bruxelles a fait ce matin un détachement
de fon Corps fous les ordres de M. le Che
yalier Dagueffeau , lequel s'eft porté aujourd'hui
en avant vers leCorps que commande M. le Com
te d'Eftrées qui a campé hier au foir à Genape,
JUIN 1746. 73
י
Le 5.
Le Roi après avoir reçu des Chevaliers de Saint
Louis à l'iffue de la Meffe a tenu aujourd'hui Cor
feil d'Etat .
M. de Beaufobre dont le régiment eſt à Ytteghem
étant informé de quelque mouvement de
troupes légeres des ennemis qui fe font avancées
à Arfshot a paffé la nuit en bataille ; deux petits
détachemensde on Régiment l'un de 16 & l'autre
de 12 hommes qui s'étoient portés en avant pour
obferver les ennemis , fe font réunis ce matin & ont
rencontré un Corps d'environ 80 Huffards , ils les
ont fi bien battus à quatre charges differentes que
ceux qui n'ont pas été tués font entrés bleffés dans
leur Camp. Le détachement de Beaufobre a perdu
4 hommes & 9 chevaux dans cette occaſion .
Le 6.
Le Roi vient de donner le commandement d'une
reſerve compofée d'une brigade d'infanterie , 30 ef
cadrons de dragons & 14 de Huffards à M. le
Comte de Clermont ; il aura fous fes ordres M.
de Berchiny Lieutenant Général , & Mrs. de Che--
vreuſe , de Beaufremont & de Froulay Marêchaux
de Camp.
Le détachement de M. le Duc de Boufflers a quitté
hier matin le camp d'And erleck & s'eft porté à
celui de Halle .
Le 7.
L'armée du Roi s'eft miſe en marche aujourd'hui
fur 6 colonnes pour aller prendre un nouveau
camp derriere le canal de Herentals ;, elle a fa
Hiij
• 174 MERCURE DE FRANCE.
droite au Village d'Otteghem ; elle s'étend jufqu'à
celui d'Emerfen où fa gauche eft appuyée.
La referve de M. le Comte de Clermont s'eft
portée en avant pour couvrir le nouveau Camp
de l'armée . M deBerchiny s'eft avancé avec le gros
du Corps jufqu'au ruideau de Benaert d'où il fera
à portée d'inquieter les ennemis & de prévenir les
courfes de leurs partis . M. de Beaufremont avec un
détachement de grenadiers , piquets & troupes
legeres s'eft rendu au Village de Grevvelvvefen &
a répandu fes troupes dans les environs fur le bord
des Bruyeres qui font entre le village & le bois
d'Oyendock.
Le détachement de M. le Duc de Boufflers a
quitté hier matin le Camp de Halle pour fe renà
celui de Soignies où il eſt actuellement & le détachement
de M. le Chevalier D gueffèau s'eit
porté à Meziel .
Le 8.
Le Roi après avoir reçu des Chevaliers de Saint
Louis à lifue de la Meffe a tenu Confeil d'Etat .
L'Univerfité de Louvain a été admife à l'audience
du Roi & à lui rendre fes hommages .
Le Roia difpofé du Régiment Dauphin Infanterie
vacant par la mort de M. le Marquis de
Choifeul en faveur de M le Comte de Montmo-
1ency Colonel de celui de Flandres que Sa Majesté
a donné à M. le Comte de Choifeul capitaine dans
le régiment du Prince Camille..
Le 9.
Le Roi s'eft rendu ce matin à la Cathédrale où
il a entendu la Meffe ; Sa Majefté a affifté enfuite
à la proceffion du Saint Sacrement.
JUIN
175
1746.
Ön vient de recevoir avis du Camp devant
Mons que l'inveftiffement de cette Place avoit été
faite le en conféquence des ordres de M. le
Prince de Conty par les troupes coramandées par
M. le Comte d'Eitrées & par celles détachées de
l'armée du Roi fous les ordres de M. le Duc de
Boufflers .
A Anvers le dix.
Le Roi part auiourd'hui dici pour aller coucher
à Malines ; il fe rendra demain 1 à Bruxelles ,
le 12 à Lille , le 13 à Roye & le 14 à Verfailles.
MANDEMENT de fon Eminence Monſeigneur
le Cardinal de Tencin , Archevêque &
Comte de Lyon. & c.
A tous Abbés , Doyens , Chapitres , Curés ,
Vicaires & autres Eccléfiaftiques Séculiers & Réguliers
, & à tous les Fidéles de note Diocèle :
Salut & Bénédiction en notre Seigneur
Les nombreuſes conquêtes qui ont déja ſignalé
le commencement de cette Campagne méritent
d'autant plus vos actions de graces , Mes Trèschers
Frères , que le Roi les doit prefque toutes
à la feale terreur de fes armes. Elles en font plus
glorieuſes au Monarque , & ce qui le touche encore
bien d'avantage , elles en ont moins couté de
fang & de larmes aux fujets. Mais quand à ces
jours glorieux verrons - nous donc fuccéder des jours
paifibles ? Puiffent nos voeux les hâter ! Puiffent
nos fuccès infpirer enfin à tous les coeurs ces fentimens
pacifiques qu'ils ne font qu'augmenter de
plus en plus dans celui de Sa Majefté ! La fource
de tant de profpérités , c'est , n'en doutons point ,
fon amour conftant pour la Paix . La Paix ellemême
en feroit le comble , & la récompenfe la
1
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
plus précieuſe de la modération du vainqueur.
A ces caufes &c .
Repulfi funt inimici ejus pra timore ejus. 1 Mach .
c. 3. v. 6.
O Mucro Domini ufquequò non quiefces ? Ingrederein
vaginam tuam ; refrigerare 5file . Jerem. c. 47 · v. 6.
Tribuat tibi fecundum cor tuum omne confilium
tuum confirmet ... impleat Dominus omnes petitiones
tuas . Pfal . 19 .
Et erit opus juftitia Pax....
fempiternum. Ifaï , c . 32. v. 17 .
fecuritas ufque in
EXPLICATION du Logogryphe inferé
dans le Mercure de mois de Mai dernier.
J
AM PHI GOURI S.
Ai figuré comme un Romain
Mille fept cent cinquante & une année ;
De Lettres j'ai vû le fixain ',
Enfuite otant la tête de Theſée
Il m'en vint onze , & du premier aſpect
J'ai rencontré Melchifedec .
A Villefranche le 16 Juin 1746. par le P. Henry.
JUIN. 1746. 177
NOUVELLES ETRANGERES
L
TUR QUI E.
Es lettres de Conftantinople marquent que le
16 du mois de Mars dernier l'Ambaffadeur de
Perfe avoit eu fon audience de congé du Grand
Seigneur , & que ce Miniftre s'étoit mis en chemin
pour retourner à l'armée de Thamas Kouli-
Kan. Sa Hauteffe envoye à ce Prince un Ambaſ
fadeur qui a ordre de revenir dans un tems prefcrit
, de quelque maniere que tourne fa négocia
tion. Il paroît que la Porte eft déterminée à continuer
la guerre , fi Thamas Kouli- Kan refuſe de
confentir que les limites des Etats des deux Puiffances
foient réglées de la maniere dont elles
l'étoient fous le regne du dernier Sultan . Selon les
mêmes lettres le Muphti a été déposé , & ſa place
a été donnée au Premier Médecin du Grand Sei
gneur.
ALLEMAGNE,
Na reçu avis de Petersbourg que plufieurs
O desRegiumaviqué
retourner dans les Provinces d'où on les a tirés .
Les mêmes nouvelles portoient qu'il n'y a encore
rien de reglé par rapport aux differends du Roide
Dannemarck avec le Grand Duc de Ruffie , & que
M. de Zwar Réſident de la République des Previnces-
Unies attendoit de nouvelles inftructions
des Etats Généraux pour continuer la négociation
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
concernant la conclufion d'un Traité de Commerce
entre la Ruffie & la Hollande .
Le Comte de Czernichew Miniftre de l'Impératrice
de Ruffie à Berlin doit fe rendre à
Londres , pour y réfider en la même qualité auprès
du Roi de la Grande Bretagne , à la place
du Prince Czerbatoff.
Le Roi de Prufle partit le 13 du mois paffé pour
aller prendre les eaux de Pyrmont ; le Prince Henrifon
frere l'a accompagné dans fon voyage ,il coucha
à Nevendorff la nuit du 13 au 14 , le 14 il dîna
au Chateau de Saltzdhall chés le Duc de Brunfwich
Wolfembutel & il arriva le 15 à Pyrmont.
Ce Prince a envoyé à Leipfick M. de Klingrats
pour recevoir les fommes que S. M. Polonoife
s'eft engagée de lui payer.
On mande de Pyrmont que le Roi de Pruffe pour
fatisfaire à l'empreflement que les habitans de
l'Ooftfrife témoignent de le voir , ira paffer quel .
que tems à Aurick & à Embden ,
Les lettres de Munich affùrent que l'Electeur
de Baviere n'a point accepté la propofition qui lui
a été faite de mettre quelques - uns de fes Régimens
à la folde des Provinces- Unies , & qu'il eft
dans la réſolution de réduire fes troupes à fix mille
hommes d'Infanterie & à douze cent de Cavalerie
.
Le Comte de Bruhl Grand Ecuyer , le Baron
de GerfdorfChancelier de Saxe , & M. de Braun
Confeiller Privé , ont été prendre poffeffion au
nom du Roi de Pologne Electeur de Saxe des
Etats dévolus à ce Prince par la mort du Duc de
Saxe Weiffenfels .
Les Cercles de Franconie & de Suabe s'étant
engagés à pourvoir eficacement à la fûreté des
frontieres de l'Allemagne du côté du Rhin , la
JUIN 1746 179
Reine de Hongrie s'eft déterminée à faire paffer
dans les Pays - Bas la plus grande partie des troupequi
font en quartiers dans la Suabe & dans le
Brifgau , & celles deitinées à prendre cette route
doivent le mettre inceffamment en marche . Les
Régimens de Wenfel Wallis & de Saxe Gotha
ont pris celle d'Italie . & ils feront fuivis de ceux
de Charles Palfy , de Bade Baden , & de Vieux
Wolfenburel . On affûre que le Corps de troupes ,
qui doit être levé dans la Ĉroatie file Prince de
Saxe Hildburghaufen peut faire ceffer les obftacles
qu'y apportent les Etats de la Province , fe
rendra à Trieste , & s'y embarquera avec quelqu es
troupes reglées pour une entrepriſe dont le projet
eft teau fort fecret. Quelques vaiffeaux de
guerre Anglois font attendus dans la mer Adriatique
pour favorifer cette expédition .
Le 13 du mois dernier jour de l'Anniverſaire de
la Reine de Hongrie qui eft entrée dans la trentiéme
année de fon âge , fa Majefté reçut à cette
occafion les complimens des Miniftres Étrangers
des Miniftres d'Etat & de la principale Nobleffe ,
& l'Impératrice Premiere Douairiere alla au Château
de Schombrun rendre viſite à cette PrinceTe
Le 10 & le 12 du même mɔis , fa Majesté tint Confeil
d'Etat , pour déliberer fur les dépêches de
deux Couriers qu'elle a reçus du Feldt - Maréchal
Comte de Bathiany & du Prince de Lichtenftein .
Le Grand Duc de Tofcane , accompagné du Prince
Charles de Lorraine , eft allé à Prefbourg regler
quelques affaires importantes qui regardent
le Royaume de Hongrie . Le bruit court que la
Reine fera le mois prochain avec ce Prince un
voyage en Moravie . On parle beaucoup d'une nouvelle
alliance que fa Majetté cherche à fe procuer
, pour le mettre en état de foutenir la guerre
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
contre la France & contre l'Espagne . Le Comte
de Chotec a été fait Commiffaire General de l'armee
d'Italie , où le Marquis de Botta d'Adorno
doit être employé en qualité de Major Général.
La Reine a ordonné au Baron d'Engelshoven
Feldt Maréchal de prendre les méfures néceffaires
pour faire marcher un Corps confidérable de
Milices d'Efclavonie , & fa Majefté a appris que
celles qu'on a levées depuis peu dans la Croatie ,
fe difpofoient à fe rendre inceffamment à leur
deftination .
Les troupes de la Reine de Hongrie , qui ont eu
ordre de s'affembler du côté de Heilbron , s'étant
rendues fucceffivement dans leCamp qui leur avoit
été marqué , le Prince de Lobckowitz en a pris
le commandement les derniers jours du mois
paffé . On étoit déja informé que la Reine de Hongrie
avoit donné avis au Roi de la Grande Bretagne
& aux Etats Generaux des Provinces Unies
qu'elle étoit prête à faire marcher ces troupes du
côté où ces Puiffances jugeroient qu'il feroit plus
avantageux à leurs intérêts communs , & on a appris
depuis que ces troupes ont commencé à fe
mettre en mouvement , pour venir paffer le Mein
dans les environs de Francfort , & pour continuer
enfuite leur route vers les Pays - Bas . Elles
forment un Corps de vingt mille hommes , & le
bruit court qu'elles doivent être renforcées de
quelques Régimens .
La Diette de l'Empire prit le 13 du mois derhier
la réfolution de déclarer le Prince Charles de
Lorraine Premier Feldt-Maréchal General de l'Empire
, & elle en fit donner part au Prince de Fursftemberg
, en lui envoyant une lettre par laquelle
elle prie le Grand Duc de Tofcane d'engager le
Prince fon frere à accepter cette dignité. Le MiJUIN
1746. 181
niftre du Roi de Pruffe & celui de l'Electeur Palatin
ont réfufé de foufcrire à cette réſolution , contre
laquelle le Prince d'Anhalt - Deffau a protesté
repréfentant qu'il eft Feldt-Maréchal General de
T'Empire depuis l'année 1734 , & qu'on ne peut
fans faire tort à fes droits , élire un Premier Feldt-
Maréchal General de l'Empire à fon préjudice .
Le Baron de Stingelheim Ministre du Cardinal
Evêque Prince de Liege auprès de la Diette , a
remis à cette affemblée un Mémoire par lequel
Ice Prince la follicite de lui faire obtenir la fatisfaction
qu'il attend de la Reine de Hongrie . On a
reçu avis de Drefde , que le Roi de Pologne
Electeur de Saxe étoit dans le deffein de faire
une réforme confidérable dans fes troupes , & qu'on
croyoit qu'il diminueroit de trente hommes toutes
fes Compagnies d'Infanterie , & de quinze celles
de Cavalerie . Les mêmes avis portent que le Duc
de Saxe Weffeinfels étoit mort le 16 à Leïpuck.
U
ITALI E.
Ne Relation circonftanciée qui a été publiée de
la retraite du Marquis de Caftellar nous met
en état de donner un recit plus détaillé de cette
affaire .
Le Marquis de Caftellar fortit de Parme par la
porte de Saint Michel , & prit d'abord la route de
Torre-Mulazzano , laiffant fur fa gauche Monte-
Chirugolo , qui étoit occupé par un fort détachement
de l'armée ennemie. Il avoit donné le commandement
de fon avant-garde au Brigadier
Don François Bucarelli , & celui de l'arrieregarde
au Marquis de Tovein , auffi Brigadier. A
un mille & demi de Parme Don François Bucarelli
fut arrêté par une coupure , derriere laP
182 MFR CUREDE RRANCE.
,
quelle étoient quelques troupes On eut beaucoup
de peine à franchir cet obftacle , mais enfin les
Grenadiers vinrent à bout de forcer ce paffage la
bayonnette au bout du fufil . Les ennemis qui
jufques là ne s'étient point apperçus de la retraite
du Marquis de Caftellar , attaquerent auffitôt
fon arriere-garde , & occuperent en même
tems les hauteurs des deux côtés . Is ne purent
cependant empêcher que l'avant-garde n'arrivâc
à Torre-Mulazzano où le refte des troupes
dont elle étoit fuivie , ne put fe rendre qu'après
avoir fait des efforts extraordinaires , & après avoir
effuyé pendant vingt heures un feu continuel.
Les Espagnols ayant féjourné le 21 du mois
dernier à Torre- Mulazzano , fe remirent en marche
vers Pontremoli , mais fur la nouvelle que le
Comte de Browne y avoit fait avancer un Corps
confidérable , le Marquis de Caftellar jugea qu'il
ne lui reftoit d'autre reffource que de paffer l'Apennin.
Dans ce deffein il fit défiler fes troupes
pendant la nuit par les Villages de Sibiano & de
Niviano , & elles marcherent plufieurs heures ,
fans éprouver aucun obftacle. Le 23 il n'y eut
qu'une efcarmouche à l'arriere- garde qui fuc
chargée vivement par les Huffards , les Varadins
& les Croates , au paffage d'un ruiffeau qu'on traverfa
heureuſement moyennant les bonnes difpofitions
qui avoient été faites , & le foir toutes les
troupes arriverent à Caftelnovo . Don Pedro Cevallos
Brigadier fut détaché le 25 avec dix
Compagnies de Grenadiers & cent hommes de
Cavalerie pour aller chercher des vivres à Culana
, où l'on n'en trouva qu'une très -médiocre
quantité à caufe de la fterilité du Païs . Le Marquis
de Caftellar paffa le même jour la Secchia
près de Cerreto , & le 26 il entra dans la Tof
"
JUIN, 1746. 283
cane par Salalva . Au fortir de ce Village les
ennemis l'attaquerent encore avec plus de viva.
cité que les jours precédens , mais le Marquis de
Tovein leur ayant fait face avec le Régiment
d'Efpagne & quelques Compagnies d Grenadiers
, les repouffa . Lorfque les Efpagnols étoient
prets à paffé le pont de Soliera , ils eurent un
nouveau combat à foutenir : les Grenadiers y -
rent des prodiges de valeur , & ils combattirent
prefque continuellement jufqu'aux frontieres
de l'Etat de Genes , dans lequel les troupes de
la Reine de Hongrie n'ont pas ofé penetrer pour
fuivre le Marquis de Caftellar.
Les troupes qu'il commande fe font renduës de
Sarzanne à la Specie , & elles ont traversé une
partie de l'Etat de Gnes pour aller joindre
l'Infant Don Philippe . Lorfqu'elles font arrivées
fur les terres de la République le Gouvernement
leur a fait fournir diverfes chofes dont elles avoient
befoin. Le Marquis de Castellar ayant
gagné plufieurs marches , en paffant par Chiavas ,
a rejoint l'armée de l'Infant Don Philippe , qui a
été renforcée de dix Bataillons François que lui
a envoyés le Maréchal de Maillebois. L'infant
a donné ordre au Marquis de Caftellar de s'avancer
jufqu'aux . montagnes avec le Corps de
troupes qu'il commande , afin d'empêcher les
troupes de la Reine de Hongrie de faire des
courſes du côté de la Trebbia . Le Roi d'Eſpagne
en confidération des fervices que le Marquis de
Caftellar a rendus , & partieulierement des preuves
de prudence & d'habileté que ce Général a
données dans fa retraite da Parme , l'a nommé
Lieutenant Général .
L'armée de l'Infant Don Philippe occuɔe un
Camp défendu de forts retranchemens , fur
par
184 MERCURE DE FRANCE.
lefquels on a placé plus de cent piéces de canon.
Le Général Nadafti , qui a pourfuivi le Marquis
de Caftellar , eft revenu à Reggio , où il a ramené
un grand nombre d'Officiers & de foldats qui
ont été bleffés dans les differens combats qu'il a
livrés à l'arriere - garde des troupes commandées
par ce Lieutenant Général Efpagnol . Peu après
que celles de la Reine de Hongrie ont été maîtreffes
de Parme le Prince de Lichtenftein y
a fait tranfporter le magafin qu'il avoit à Colorno
, & il en a établi quelques autres à Cremone
& à Cafal Magiore . Il étoit aifé de juger par ces
difpofitions qu'il avoit deffein de pafler le Taro
, & en effet ayant raffemblé ur le bord de
cette riviere toutes les troupes qu'il commande ,
il a exécuté le 9 du mois paffe fon projet , fans
éprouver aucun obftacle de la part du Comte de
Gages , qui deux jours auparavant avoit envoyé
ordre à tous les détachemens Efpagnols , poftés
le long de la Parola , de la Strone , & du ruiffeau
de Reggio , de v . nir le rejoindre . Ce dernier
Général s'étant mis en marche pour fe rapprocher
de Plaiſance & du Camp de l'Infant Don Philippe
, a repaffé la Larda à Fiorenzuela , & l'on
croit qu'il fe rendra de l'autre côté de la Trebbia .
Le Prince de Lichtenftein a détaché un Corps de
Cavalerie , & quelques troupes irregulieres pour
l'inquieter dans fa marche.
II eft arrivé de l'armée d'Italie à Madrid un
Officier , par lequel le Roi a été informé qu'un
Corps confidérable des troupes de la Reine de
Hongrie avoit été entierement défait par le Marquis
Pignatelli , & la lettre que l'Infant Don Philippe
à écrite à fa Majefté , pour lui donner part
de cette action , contient les particularités fuivantes.
Les ennemis ayant fait avancer à CoJUIN
1746. 185
dogno deux Bataillons du Régiment de Daun ,
deux du Régiment de Sprecker , deux du Régiment
de Teut Chefmeifter , le Régiment de Cuiraffiers
de Schmerzing , celui de Huffards de
Spleni , & trois cent Efclavons , & le Marquis
Pignatelli ayant reçû orde de l'Infant d'attaquer
ces troupes , ce Lieutenant Général paffa le
Po le 6 du mois paffé au matin avec trois mille
Grenadiers , un pareil nombre de Fufiliers , &
deux mille hommes de Cavalerie . Son avantgarde
compofée de quinze Compagnies de Grenadiers
, de trois cent Cavaliers & de cent Miquelets
, rencontra à deux milles du pofte d'où
l'on vouloit chaffer les ennemis , quelques Piquets
d'Infanterie & deux cent Huffards , qu'elle pouffa
devant elle. Auffi -tôt que le Marquis Pignatelli
fut arrivé devant Codogno , il fit fes difpofitions
pour l'attaque , & ayant divifé les troupes en trois
colonnes , il plaça à la tête de celle du centre
vingt Compagnies de Grenadiers , feize devant
la colonne de la droite , & autant devant
celle de la gauche . Ces trois colonnes chargerent
en même tems les ennemis qui étoient
poftés de telle façon qu'ils couvroient les trois
principales avenues du Bourg. Ils foutinrent pendant
quelque tems avec beaucoup de valeur
tous les efforts des Efpagnols , mais ils furent
enfin obligés de plier , & d'abandonner une batterie
de cinq canons avec laquelle ils avoient
extrêmement incommodé les troupes du Roi.
S'étant retirés dans Codogno ils fe retrancherent
à l'entrée , & ils continuerent de faire
un très-grand feu . Cependant les Eſpagnols trou
verent le moyen de pénétrer dans le Bourg : ils
chafferent les troupes de la Reine de Hongrie de
leur retranchement , & le Colonel Don Manuel
286 MERCURE DE FRANCE.
un
Valenciano avec trois cent hommes poursuivit
jufqu'ala principale Place un des Bataillons du
Régiment de Daun. Alors les ennemis n'eurent
d'autre parti à prendre que de s'enfermer dans les
maifons , où ils fe défendirent jufqu'à ce que les
portes en euffent été enfoncées . Plufieurs d'entr'eux
profitant des iffues que les maifons où
ils s'étoient retires avoient dans la campagne ,
prirent la faite , & quoique Don Carlos de Miguel
Brigadier eût été envoyé par le Marquis
Pignatelli avec un détachement fur le chemin
de Pizzighitone , pour leur couper la retraite ,
une partie fe fauva . Les autres au nombre de
deux mille quatre cent fe rendirent prifonnniers
de guerre , & parni ces derniers et le Général
Groff, qui commandoit les troupes ennemies . Elles
ont eu mille hommes tant tués que bleffés , &
on leur a enlevé douze piéces de canon ,
mortier , onze drapeaux , un etendart du Régiment
de Cuirafliers de Schmerzing , quatre
cent chevaux , tous les bagages & une grande
quantité de vivres & de munitions de guerre . Les
Efpagnols ont perdu le Comte de Scepeaux Maréchal
de Camp ; quatre autres Officiers , trois
Sergents , & quatre-vingt-huit foldats , & il y a
eu de leur part quinze Officiers , quatre Sergents
, & cent vingt - deux foldats de bleffés .
Don Ignace Wirtz Maréchal de Camp , qui étoit
à la tête de la colonne du centre ; les Brigadiers
Don Auguftin d'Ahumada & Don André Garcia ,
qui conduifoient celle de la droite ; les Colonels
Don Manuel Valenciano & Don Juan d'Urbina ,
& Don François d'Efcali , Adjudant Major des
Gardes Walonnes , fe font particuliérement diftingués
dans cette action
ainfi que Don Philippe
Carralero , Sergent Major des Grenadiers
>
JUIN 1746 .
187
Provinciaux , qui avec trois Compagnies de ces
Grenadiers a forcé le fabre à la main un Poſte ,
où il y avoit trois cent homines. L'etendart du
Régiment de Cuiraffiers de Schmerzing a été pris
par Don Barnabé Pacheco , Capitaine dans le Régiment
de Dragons de la Reine . Par les mèmes
dépêches l'Infant mandeau Roi que Don Juan Manuel
Gomez Lieutenant Colonel des Grenadiers
Provinciaux ayant été détaché avec quatre
Compagnies de fon Régiment , cent hommes de
Cavalerie , & un Piquet de Miquelets , pour
s'emparer d'une batterie que les ennemis avoient
établie à l'embouchure du Lambro , il avoit rui
dans cette entreprife ; qu'on avoit trouvé dans
cette batterie deux pièces de canon de dix - huic
livres de balle , & quatre de douze , & que les
Officiers & les foldats des deux Piquets , qui la
gardoient , avoient été tous tués , bleffés ou
faits prifonniers.
Le Maréchal de Maillebois s'étant mis en marche
de Novi avec une partie des troupes Franoifes
qui font fous fes ordres , les Piémontois
abandonnerent sous les Poftes qu'ils occupoient
entre les riviéres d'Orba & de Bormida , & ce
Général s'étant avancé vers Acqui , il en fit attaquer
le Château , dont la garniſon fut faite prifonniere
de guerre ; de là ayant pour objet d'obliger
le Général Leutrum , qui avoit formé le
fiége de Valence , d'abandonner cette entrepriſe ,
il paffa le premier du mois dernier la Bormida avec
la plus grande partie des troupes Françoiſes qui
font fous fes ordres , & avec un train confidérable
d'artillerie. Il fe porta enfuite fur le Tanaro
, & fit attaquer le pont que les Piémontois
avoient conftruit près de Cafal Bayan . Le Bataillon
d'Ottingen qui gardoit ce pont s'y défen188
MERCURE DE FRANCE.
dit avec beaucoup de valeur , mais ne pouvant
s'y maintenir , il prit le parti de le détruire , &
il fe retira à Alexandrie. Auffi -tôt le Marquis de
Carail , qui commande dans la Citadelle de cette
Place , en fortit avec plufieurs Compagnies de
Grenadiers & quelques Piquets de la garnifon ,
pour tâcher de difputer aux ennemis pendant
quelque tems le paffage du Tanaro , ou du moins
pour les troubler dans l'exécution du deffein
qu'ils paroiffoient avoir de rétablir le pont de
Cafal Bayan, Le Général Leutrum n'avoit pas lieu
d'efpérer que le Marquis de Carail pûr les arrêter
fort long- tems , & jugeant qu'il feroit difficile
de leur faire face , & de continuer en même
tems le fiége de Valence , il fe détermina à faire
les plus grands efforts pour mettre la garnifon de
cette Place dans la néceffité de capituler promptement.
Pour cet effet pendant la nuit du premier
au deux , il fit donner l'affaut à la droite &
à la gauche du chemin couvert du Ravelin embraflé
par l'attaque , lequel outre la forte paliffade
& les trois redoutes qui le défendoient ,
étoit protegé par le feu de la Place . Les trois
redoutes furent emportées malgré la vigoureuſe
réfiftance des affiegés qui eurent en cette occafion
plus de quatre cent hommes tués ou blesfés
, & aufquels on fit près de cent quarante prifonniers
. La nuit fuivante le Général Leutrum
fit fes difpofitions pour donner l'affaut au corps
de la Place : il ordonna dès la pointe du jour
au Prince de Bade d'occuper avee dix Bataillons
le Pofte de san salvador , & il fe préparoit
à donner le fignal pour l'attaque , lorfque les
affiégés arborerent le drapeau blanc. Les ôtages
ayant été délivrés de part & d'autre , on
figna le 2 la Capitulation par laquelle il a été
JUIN 1746. 189
reglé que la Garniſon fortiroit avec les honneurs
de la guerre , à condition de ne fervir d'un an
contre le Roi ni contre fes Alliés.
Le Gouvernement Genois paroît être dans la
réfolution de faire de nouveaux efforts pendant
cette campagne pour favorifer le fuccès des armes
de fa Majefté Catholique , & il ne reftera
aucunes troupes réglées dans Genes , dont la
garde fera confiée à la Bourgeoifie . Quelques
bâtiments armés en courfe à Bonifacio ont enlevé
la galiotte qui croifoit par ordre du Roi de
Sardaigne fur les côtes de l'ile de Corfe , d'où
l'on apprend que la Déclaration publiée au nom
du Roi contre les Rébelles avoit déja engagé
plufieurs d'entre eux à rentrer dans leur devoir.
Dix de ceux qui après avoir été arrêtés par les
habitans de la Baſtie ont été conduits à Génes , ont
été condamnés à mort & ils furent exécutés le 7 du
mois dernier fous le Portique de la Prifon du Palazzetto
: cinq ont eu la tête tranchée , & cinq
ont été pendus on croit que les autres feront
envoyés aux Galeres .
Suivant les derniers avis reçus de l'Ile
de Corfe le Colonel Rivarola occupe toûjours
San Fiorenzo , mais le nombre des Rebelles ,
qui s'étoient joints à lui , eft confidérablement
diminué , & l'on croit que ce Colonel , défefperant
de pouvoir entretenir la revolte , fe difpofe
à retourner inceffamment en Piémont . Ces
avis ajoûtent que M. Spinola Commiffaire de la
République à Calvi eft allé à la Baftie , pour
y commander , en attendant que M. Etienne
Mari Commiffaire Général puiffe y retourner.
Il paroît à Genes une Relation circonftanciée de
tout ce qui s'eft paffé depuis le 26 du mois d'Avril
dernier à l'armée Françoife , commandée par le
195 MERCURE DE FRANCE.
Maréchal de Maillebois , & voici les principales
particularités qui y font font contenues. Les
Piémontois ayant occupé plufieurs poftes fur les
hauteurs entre l'Orba & la Bormida , le Maré
chal de Maillebois fit marcher deux mille hom
mes fous les ordres du Comte de Monteynard
qui fe porta à Ponzone , & en chafla les enne
mis , & qui par la demonftration qu'il fit de vouloir
jetter un pont fur l'Orba , les obligea d'abandonner
Carpene & Terfobio. Auffi- tôt que
le Général Leutrum fut informé de ces nouvelles ,
il retira de Cremolino les troupes qui gardoient
ce Pofte , & ces troupes s'étant repliées fur la
Caffine des Bains d'Acqui , le Comte de Montteynard
les y attaqua . Elles s'y défendirent pendant
fix heures , mais enfin elle fe rendirent à
difcretion , & l'on fit prifonniers en cette occafion
dix-neuf Officiers , quatre Piquets , & cent
Grenadiers. Sur l'avis que la Ville de Valence ,
affiégée par les Piémontois , ne pouvoit faire
encore une longue réfiftance , le Maréchal de
Maillebois prit la réfolution de fécourir cette
Place , quoique divers obftacles l'euffent empêché
de recevoir les renforts qui lui avoient été promis
par l'Infant Don Philippe . Dans ce deffein
il fe difpofa à tenter le paffage du haut Tanaro ,
fur lequel les ennemis avoient un pont fortifié
près de Cafal- Bayan. Pour y réuffir il fit fortir
le 30 du mois d'Avril dernier toute l'infanterie
Françoise de fes quartiers , & ayant crdonné à
douze cent hommes de Cavalerie , qui étoient à
Polfevera , de venir le joindre , il alla camper
avec ces troupes dans la plaine de Bo'co. En
même tems , afin de partager l'attention du Général
Leutrum , il fit avancer à Rivalta M de
Chevert , Maréchal de Camp pour jetter un pon
JUIN. 1746.
1
›
fur la Bormida , tandis que le Gouverneur do
Tortone en 'fit fortir quelques troupes , pour faire
unè diverfion du côté de Piovera, Le retard des
bateaux qui venoient de Tortone , la rapidité de
la Bormida , & le feu de fept Bataillons poftés
fur la rive gauche de cette riviére , furent caufe
que le être achevé que le premier ne put pont
Mai à midi dans le moment que le Maréchal
de Maillebois arriva à Rivalta, Ce Général
détacha fur le champ M. de Chevert avec huit
Bataillons , & le Comte de Cruffol avec cinq
cent Grenadiers & trois cent Volontaires , avec
ordre d'attaquer le pont de Cafal-Bayan. Le
Prince de Beauveau à la tête des Grenadiers s'en
empara après un combat très - vif , qui dura une
heure & demie & dans lequel les François
n'eurent que cinq Officiers & neuf Grenadiers
tués , & ving- trois foldats bleffés Le lendemain
M. de Larnage fut envoyé à Borgoratto avec
fix Bataillons , & le Maréchal de Maillebois
ayant fait toutes les difpofitions pour affûrer fes
derrieres & fes convois , s'avança avec le réfte de
l'armée à Gamalerio. Il avoit formé le projet de
tomber en colonne iur la droite d'un Corps confiderable
d'Infanterie & de Cavalerie des ennemis
, qui étoit defcendu dans la plaine avec de
l'artillerie , mais la nouvelle de la reddition de
Valence lui fit abandonner ce deffein , les Piémontois
, qui par la prife de cette Place , fe trouvoient
en état de raffembler toutes leurs forces .
étant fuperieurs de douze Bataillons , & il fe re
plia fur Rivalta , après avoir fait bruler le
pont de Cafal- Bayan .
Dès le premier du mois paffé il avoit fait
nveftir la Ville & le Château d'Acqui par un
étachement , qui eut ordre d'en continuer le
ege.
192 MERCURE DE FRANCE.
La nuit du 2 au 3 les affiegeans établiret
fur la hauteur des Capucins une batterie dont
deux piéces de canon commençerent à tirer le 3
au matin . On ouvrit pendant la nuit fuivante un
boyau qui fut porté juſqu'au pied de la paliffade :
on augmenta de deux piéces de canon la batterie
des Capucins , & l'on travailla à une nouvelle
batterie deftinée à prendre de revers les
parties les plus élevées de la Ville . Les Mineurs
étant parvenus le 4 à faire la deſcente du foffé ,
le Gouverneur fe détermina à capituler , & la
garnifon compofée de deux cent dix hommes ,
fut-faite prifonniere de guerre.
2
Le 6 le Maréchal de Maillebois alla camper
fous Acqui , laiffant quatre Bataillons & huit Efcadrons
à Rivalta pour contenir la garniſon
d'Alexandrie , & il fit occuper les Poftes de Ponzone
& de Terzo par deux détachemens , & les
hauteurs d'Alicé par le Corps que commandoit
M. de Chevert.
Il vifita le 8 les Poftes d'Alicé , de Caftelroquero
, de Roccapalafea & de Terzo , & le 9
ceux de Morfafco , de Montalto & d'Orſaria .
Le jour fuivant M. de Moncalm Colonel du
Régiment d'Auxerrois attaqua Montaboni , oùˆ
l'on tua quarante hommes aux Piémontois , &
où on leur fit cent trente priſonniers , du nombre
defquels étoient fept Officiers.
L'armée Françoife décampa le 14 des environs
d'Acqui , & retourna à Rivalta. Continuant fa
marche fur deux colonnes , elle fe rendit le 15
à Pafturana : le 17 on fit fauter les fortifications
du Château d'Acqui , & les ennemis ayant tenté
de fe rendre maîtres du pont que les François
ayoient fur la Bormida , furent repouffés.
La nuit du 18 au 19 le Général Leutrum attaqua
1
JUIN. 1746. .193
taqua les Poftes d'Orfaria & de Morfafco , & il
s'empara du premier . M. de Nogent , qui commandoit
dans le fecond , fit une fortie , tua
trente hommes aux ennemis fit prifonniers un
Capitaine & treize foldats , & ayant donnné par
une défenſe de trente heures le tems à un détachement
d'aller le dégager , il ſe retira à Rocca
Grimaldi .
Ayant appris le 25 qu'un détachement Piémontois
fe retranchoit à la Chapelle de Saint
Etienne , près de Terfobio , il l'a furpris , & l'a
obligé de fe rendre prifonnier .
L'armée eft actuellement campée entre Pafturana
& Novi : deux Corps de troupes ont été
poftés en avant , l'un à Pozzol- Formigaio , l'autre
fur le Lemo à Francavilla : les neuf Efcadrons
que l'Infant Don Philippe a envoyés au
Maréchal de Maillebois font à Tortone , &
ont à Rivalta , dit Scrivia , un Pofte avancé , qui
affûre leur communication avec l'armée , d'où dix
Bataillons furent détachés le 10 pour aller renforcer
les troupes Eſpagnoles.
GRANDE BRETAGNE.
L Bretagne ,pour le feliciter fur lefuccès de les
Es Seigneurs ont prefenté au Roi de la Grande
armes , une Adreffe à la quelle fa Majesté a fait la
réponſe fuivante , Mylords , La defaite des Rebelles
m'eft a'autant plus agréable , gue je vois que tous
mes fideles fujets en témoignent une fatisfaction générale.
Votre joye au fujet de cet evenement est une
nouvelle marque de votre zele de votre affection
pour moi pour ma famille , je reffens un plaifir
extrême de ce que vous approuvez les fervices rendus
le Duc mon fils. Vous pouvez compter que j'em- Bar
I
196 MERCURE DE FRANCE,
diatement que les Anglois à la ddeéffeer: fe du Cons
tinent , s'étoient mifes plus en état d'imiter la
conduite du Roi de Sardaigne . & de fai e la guerre
comme Parties principales. Le Lord Harrington
s'éleva avec beaucoup de force contre cette propofition
, & il dit que ceux qui la faifoient , ne
portoient pas un jugement fain de la conduite des
Etats Généraux des Provinces Unies ; qu'en regardant
les chofes dans leur veritable point de
vue & avec l'attention qu'elles meritent , on
reconnoîtroit que la perte de la plus grande partie
de la Barriere , accordée à cette République
par le Traité d'Utrecht , ne l'avoit pas empêchée
de faire tout ce qui avoit été en fon pouvoir , &
même au-delà , pour remplir fes engagemens
envers fes Alliés que fi les Etats Généraux n'avoient
point déclaré la guerre à la France , ainfi
qu'ils fembloient y être obligés par le Traité de
1678 , c'étoit que la fituation où ils s'étoient
mis par les fecours qu'ils avoient fournis à la
Reine de Hongrie , ' ne leur avoit pas permis
de porter les chofes à cette extremitté , & qu'on
ne pouvoit même l'exiger d'eux avec bienféance ;
qu'avancer qu'ils étoient entrés dans une négociation
particuliere avec le Roi Très-Chré
tien , c'étoit ignorer les principes par lesquels ils
fe gouvernoient ; qu'il ofoit déclarer devant la
Chambre que le reproche qu'on leur faifoit étoit
injufte , & qu'il avoit au contraire les raifons les
plus fortes d'être convaincu qu'ils n'avoient pris
& qu'ils ne prendroient aucun engagement , d'où
il pût refulter du prejudice pour leur gloire &
pour celle de leurs Alliés ; qu'on devoit rendre
juftice à leur fermeté & fonger que pour fe cor
ferver leur alliance , il falloit ne pas leur demander
plus que leurs forces , la fituation de leur
JUIN 1746. 197
Païs , & la nature de leur Gouvernement ne leur
permettoient de faire . Il y eut des debats très
longs & très vifs au fujet du difcours du Loid
Harrington , & de la propofition qui y avoit
donné occafion , mais enfin elle fut rejettée à la
pluralité de quatre-vingt- une voix contre vingtfix.
Le 16 M. Fane fit à la Chambre des
Communes le rapport des réfolutions qui avoient
été prifes le 13 touchant le fubfide. Quoique
plufieurs Députés fe foient oppofés à celle d'accorder
au Roi vingt & un mille cinq cent qua -
rante-cinq livres fterlings pour les troupes , que
la République des Provinces Unies a fait paffer
dans la Grande Bretagne , cette réfolution a été
approuvée . Le Roi a accordé à M. Guillaume
Pitt la charge de Tréforier Général des Gardes
& Garnifons de la Grande Bretagne & au
Docteur Edouard Wilmot la place de Medecin
général des troupes de terre. Le Comte de Chefterfield
eft tombé malade à quelques milles de
Londres , en revenant d'Irlande . On attend d’Ecoffe
le Prince Frederic de Heffe.
"
Le Roi ayant envoyé le 24 du mois paffé un
Meffage à la Chambre des Pairs pour lui témoigner
qu'il ne doutoit point que cette Chambre
n'approuvât les réfolutions qui pourroient être
prifes en faveur du Duc de Cumberland par la
Chambre des Communes les Seigneurs ont
affûré fa Majefté par une Adreffe qu'ils verroient
avec un très- grand plaifir la Chambre des
Communes donner des marques de fa reconnoiffance
pour les fervices rendus par le Duc de
Cumberland. La Chambre des Communes reçut
auffi le 24 un Meffage par lequel le Roi lui fit
fçavoir qu'il comptoit de fe conformer à l'inclination
de la Chambre , en lui recommandant
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
les intérêts du Duc de Cumberland , & le
lendemain la Chambre réfolut d'augmenter de
vingt-cinq mille livres fterlings les revenus de
ce Prince. Elle en a accordé cinq cent mille au
Roi , afin de l'aider à appaifer entierement les
troubles en Ecoffe , & quarante mille huit cent
quatre-vingt pour les appointemens des Officiers
Généraux employés cette année . En même
tems elle a autorifé fa Majeftê à tirer un million
de livres fterlings du fond d'amortiffement , & à
faire un emprunt de cinq cent mille livres fterlings.
M. Henri Fox à obtenu la charge de
Sécretaire de la guerre , vacante par la demiffion
de M. Guillaume Young , & l'on affûre
que le Roi honorera du titre de Ducs plufieurs
Pairs de la Grande Bretagne . Le 15 l'Amiral
Martin fit voi'e de Plymouth avec les vaiffeaux
de guerre de Duc & le Saint Georges , de quatrevingt-
dix canons ; le Yarmonik & le Capitaine , de
foixante & dix ; l'Augufte & la Prine ffe Louife
de foixante ; le Faulk land , de cinquante , & le
Maidstone , de quarante , & fon efcadre a été
jointe depuis par les vaiffeaux le Hamp`oncourt &
le Namur , de foixante & dix canons ; la Defiance
, de foixante ; le Sali bury & le Rubis , de
cinquante. Cet Amiral qui croife au Sud de la
Manche , a donné avis aux Commiffaires de l'Amirauté
que l'efcadre qui a été équipée à Brest
par ordie du Roi de France étoit allée à Rochefort.
On mande de la Jamaïque , que l'Amiral
Thownshend étoit parti d'Antigoa avec dix vaiffeaux
de guerre , mais qu'on n'étoit pas encore
inftruit de l'entrepriſe qu'il fe propofoit d'exécuter.
Les mêmes lettres marquent que l'équipage
d'un vaiffeau avoit rapporté que le Chef d'ecadre
Burnet avoit pris dans la mer du Sud quatre
JUIN. 1746. 199
navires Espagnols , à bord defquels il y avoit
quatre millions de piéces de huit . Il s'eft répandu
auſſi un bruit qu'un vaiffeau du Roi , de vingt
canons , & un Armateur s'étoient emparés d'un
Galion , dont la charge eft exrrêmement oonfidérable
, mais ces nouvelles ne font pas encore
affes confirmées , pour qu'on y ajoûte entierement
foi.
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud
font à quatre vingt- dix-fept ; celles de la Banque
à cent vingt quatre & un quart ; celles de la
Compagnie des Indes Orientales à cent foixantefix
& demi , & les Annuités à qua.re-vingt- dix-
Lept & un quart .
PAYS BAS.
ON mande de la Haye que le 21 du mois dernier
M. de Dieu , ci-devant Ambaſſadeur de la
République de Hollande auprès de l'Impératrice de
Ruffie fit à 1 Affemblée des Etats Généraux le
rapport du fuccès des commiffions dont il avoit
été chargé. Le Comte de Rosemberg Envoyé
Extraordinaire de la Reine de Hongrie ; M. Trevor
qui y réfide en la même qualité de la part du
Roi de la Grande Bretagne , & le Baron de Reifchach
, Miniftre Plenipotentiaire du Grand Duc
de Tofcane , eurent le 23 & le 24 une conférence
avec quelques Députés de cette Affemblée
. Le 24 M. d'Ammon Miniftre du Roi
de Pruffe , & M d'Elfacker Réfident des Electeurs
de Cologne , de Baviere & de l'Electeur
Palatin , communiquerent au Préſident de la même
affemblée quelques dépêches qu'ils avoient reçues
de Berlin & de Manheim. Le Comte de
Golofkin Ambaffadeur Extraordinaire & Pléni-
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
•
potentiaire de l'Imperatrice de Ruffie remit le
lendem à ce Préfident un Mémoire relatif au
nouveau fraité de Commerce & de Navigation ,
qui fe negocie entre cette Princeffe & la République
des Provinces Unies. On a reçu avis de
Madrid que le Roi d'Efpagne avoit réfolu de
rapeller le Marquis de Saint Gilles , fon Ambaffadeur
auprès des Etats Généraux , & que ce Miniftre
devoit partir bien - tôt pour aller prendre
poffeffion d'une charge importante que fa Majefté
Catholique lui deftine . M. Calkoën doit revenir
inceffamment de Drefde , où il avoit été envoyé
avec caractére de Miniftre de la République .
Le Confeil d Etat a ordonné au Baron de Lintelot
& à M. Vry Temminck d'aller exécuter une
commiffion dans la Flandre Hollandoife . Le Baron
de Schimmelpenning Vander - Oyen , le Baron
Slot-Linderhoft & M. Martens ont été nommés
Commiffaires pour changer les Magiftrats
des Villes de cette Province . M. Van-Haren &
le Baron d'Uttenhoven doivent fe rendre pour le
même objet à Maeftricht. Les Députés des Miniftres
des Synodes des Provinces Unies fe rendirent
le 26 à l'affemblée des Etats Généraux ,
pour examiner la copie que cette affemblée garde
d'une traduction de l'ancien & du nouveau Teftament.
La premiere Divifion du Corps de troupes
Hanoveriennes , que le Roi de la Grande
Bretagne fait paffer dans les Païs Bas , arriva le
25 près de Nimegue .
"
>
Les François ayant occupé Malines , & ayant
fait avancer le 16 du mois paffé divers détachemens
en deça de la Dyle & de la Demer , en
s'étendant fur la droite & fur la gauche de l'armée
des Alliés , le Feldt - Maréchal Comte de
Bathiany & le Prince de Waldeck tinreut le
JUIN. 1746.
20F
>
même jour un Confeil de guerre , dont le réfultat
fut qu'il étoit à craindre que le deffein du
Roi ne fût d'enveloper l'armée des Alliés , ou
du moins de lui couper la communication avec les
derrieres , & qu'ainfi il étoit à propos de prendre
une polition , par laquelle on pût couvrir les
frontieres de la République , & fe tenir à portée
´ d'être joint par les renforts qu'on attend . En
conféquence de cette réfolution l'armée quitta
les environs de Liere , après que tous les Polies
fur l'Efcaut , fur la Nethe & fur la Demer eurent
été relevés , & elle marcha für Cantecroy &
Borsbecke. Le 17 elle défila une partie par la
Ville d'Anvers , l'autre le long des remparts de
la même Ville , & elle alla camper dans la
plaine de Braxgatten , la droite à Eckerem , & la
gauche à Merckfem , les gros équipages ayant
été envoyés à Breda , où l'on fit tranfporter auffi
une partie de l'a tillerie . L'armée s'étant remiſe
en marche le 19 , fe replia du côté de Sundert ,
& l'on etendit la droite jufqu'à la Zoom , afin de
pouvoir conferver la communication avec Willemstadt
, où doivent débarquer les troupes qui
viennent de la Grande Bretagne . La néceffité
de pourvoir en même tems à un autre objet , &
d'affûrer la jonction avec les troupes Hanove
riennes qui marchent par la Gueldres , & avec
celles que la Reine de Hongrie envoye fous les
ordres du Comte de Konigseg , a obligé les Généraux
des Alliés de faire changer encore de
pofition à l'armée , qui eft actuellement fur la
Dunge. La droite eft appuyée à Gertruydemberg; la
gauche s'étend par-de- là Kleyn-Dungen , & l'on a
établi le quartier général àT- Huys- Ter- Heyde.Les
troupes ne pouvant plus tirer des fubfiftances que
des Etats de la République , les ordres ont été
Iv
202 MERCURE DE FRANCE .
"
donnés d'établir des magasins à Breda , à Bergopfoom
& à Bos-le- Duc. Le Landgrave de
Heffe Hombourg Gouverneur de cette derniere
Ville s'y eft rendu le 22 pour en viliter les
fortifications , & pour la mettre en état de défenſe.
On a fait marcher à Maestricht le Régiment
de Dragons de Sclippenbach , afin d'en
renforcer la garnifon . Les Pandoures & les Croates
ayant commis quelques brigandages , pendant
que l'armée étoit dans les environs de Sundert
, le Feldt-Maréchal Comte de Bathiany a
fait punir feverement les coupables , & ce Général
a toute l'attention poffible à faire obſerver
par les troupes une exacte difcipline . Quelques
bâtimens de tranfport arrivés d'Angleterre à
Willemstadt y ont débarqué un grand nombre de
chevaux de remonte pour les Régiment Anglois
de Cope , de Stairs & de Rothe . Quoique les
François ne foient point entrés fur les terres de
la République , l'allarme eft fort grande parmi
les habitans de la campagne.
La pofition de l'armée des Alliés a continué
d'être la même entre Gertruydenberg & la Dunge
, & le camp qu'elle occupe eft fortifié de
plufieurs redeutes . On comptoit que les troupes
qui viennent de Hanover arriveroient à ce camp
dans les premiers jours de ce mois . Elles dirigent
leur marche du côté de Zutphen , & elles
pafferont le Wahal près de Bommel . On les attendoit
avec d'autant plus d'impatience , que l'armée
eft fort affoiblie par lés détachemens qu'on
a été obligé de faire pour mettre des garnifons
dans diverfes Places. LesDéputés des Etats de Zelande
ont difpofé de la charge d'Amiral Lieutenant
de cette Province en faveur de M. Herman
Wiltſchut , qui eft remplacé dans celle de
JUIN. 1746. 203
1
"
Vice-Amiral de la même Province par M. Jacob
Imanfe & M. Michel Sappius a été
nommé Chef d'efcadre . La Compagnie des Indes
Orientales établie à Amfterdam eft convenue
de rendre à celle de France les trois vaiffeaux
qui appartiennent à cette derniere Compagnie
, & qui avoient été conduits à Batavia par
les Anglois , & de payer trois millions cent mille
livres pour le prix des marchandifes dont ces vaiffeaux
étoient chargés. Ils doivent être ramenés
en France aux frais de la Compagnie Hollandoife
, qui s'eft engagée , fuppofé que les Anglois
s'en emparaffent une feconde fois , de donner
cent mille écus pour chacun.
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
•
MARIAGE ET MORTS.
LE 31 Mai a été fait le mariage de M. Charles-
15 Octobre
697 , Confeiller au Grand-Confeil , reçû le
4 Septembre 1732 , fils de feu Etienne- Charles
Ridel de Plaine - Sevette auffi Confeiller au Grand-
Confeil, pourvû le 9 Juillet 1695 , & de De Jeanne
Chartraire , avec Dlle. Marie- Jeanne le Feubre
de Morfan , fille de Pierre le Febvre Seigneur
de Morfan , Contrôleur Ordinaire des Guerres &
de feue Marie-Jeanne du Pont, M. de Plaine-
Sevette eft petit-fils de Charles Ridel Seigneur
de Plaine-Sevette Tréforier de France à Paris
en 1659 & maintenu dans fa Nobleffe par Ordonnance
des Commiffaires Généraux du 30 Octobre
1697 , & arriere petit -fils de Claude Ridel
Seigneur de Plaine - Sevette , mort Président des
Tréforiers de France à Paris & Conſeiller d'Etat
le 7 Avril 1659 , lequel étoit fils de Martin Ridel
Seigneur de Plaine- Sevette , Auditeur en la Chambre
des Comptes de Paris en 1598 , puis Tréforier
de France à Rouen en 1610 , mort le 10
Septembre 1624 , & de De Catherine Aubery ,
alliance qui donne des parentés à M. de Plaine-
Sevette avec tout ce qu'il y a de plus confidérable
dans l'Epée & dans la Robe .
Le même jour le Pere Bertrand-Claude Tafchereau
de Linieres de la Compagnie de Jefus , cidevant
Confeffeur du Roi & avant de feuë Ma
dame , mourut à Paris dans la Maiſon profeffe des
Jefuites , âgé de près de 89 ans ; il étoit fils de
Gabriel Taschereau , Seigneur de Linieres & de
י
JUIN 1746. 205
"
.
9
Baudry , Chevalier de l'Ordre du Roi & Gon
tilhomme Ordinaire de fa Chambre en 1650
Confeiller d'Etat & Privé la méme année , &
Grand-Maître des Eaux & Forêts de France au
département d'Anjou & du Maine , & de De . Magdeleine
Cottereau , alliance qui donne des parentés
à Mrs de Baudry avec tout ce qu'il y a de plus
diftingué dans l'Epée & dans la Robe ; le pere
de Linieres étoit oncle de M. Gabriel Taschereau
Seigneur de Baudry à préfent Confeiller d'Etat ordinaire
& Intendant des Finances & avant Maît e
des Requêtes , à l'article duquel la Génealogie
de la famille de Taschereau fera rapportée dans
l'Hiftoire promife des Maîtres des Requêtes Ordinaires
de l'Hôtel du Roi.
Le .. Mai François de Lafferan de Moffencome de
Mont-LucSeigneur & Marquis de laGarde , d'Ornano
& de S Martin , dit le Marquis de Mont - luc , Brigadier
des armées du Roi de la promotion du 3
Avril 1721 , Colonel du Régiment d'Infanterie
de Mont-Luc , & Chevalier de l'Ordre de S. Louis
mourut à Toulouſe dans la 7ie . année de fon âge,
étant né le 20 Septembre 1676 ; il avoit été reçû
Page de la petite écurie du Roi en 1690 , puis
fervit dans les Moufquetaires , eut un Régiment
de fon nom de Mont - Lue , fut fait Brigadier
d'armée & Chevalier de St. Louis ; il avoit
été marié le . . Juin 1704 avec Jeanne Renée de
Fleurs qu'il laiffe veuve & mere d'un fils unique
nommé François - Louis de Lafferan de Maffencome
Comte de Mont-Luc ; il étoit fils de François
de Lafferan de Maffencome de Mont -Luc ,
Marquis de la Garde , Colonel d'un Régiment
d'Infanterie , Gouverneur des Ville & Château
d'Ortés, mort le 16 Juillet 1711 , & de De . Marie
d'Ornano petite fille d'Alphonfe d'Ornano Maré206
MERCURE DE FRANCE.
chal de France : quoique le véritable nom de feu
M. le Marquis de Mont- Luc fut celui de Poyanne ,
Maiſon connue dans le Diocèſe d'Acqs en Guyenne
dès l'an 1050 , fes ancêtres & leurs fucceffeurs
avoient pris ceux de Lafferan & de Maſſencome ,
en exécution des claufes portées par le contrat
de mariage de Charles de Poyanne , Seigneur de
Nefle , fixiéme ayeul de M. de Mont- Luc avec De.
Ifabeau de Lafferan de Maffencome , & par la donation
faite le 18 Juin 1487 par Amanieu de Lafferan
de Maffencome , Seigneur de Mont - Luc à
ladite Ifabeau de Lafferan ſa niéce , à condition
que leurs defcendans porteroient les nom & armes
de Lafferan de Maffencome , ce qui a toujours
été fuivi depuis.
Les Armes de Lafferan de Maffencome de Mont-
Luc en Bearn , font d'or à un tourteau de genics .
Le 6 Charles -Felix Rondé , Ecuyer Confeiller
du Roi , Tréforier Général des Fortifications , &
avant Receveur & Payeur des rentes de l'Hôtel
de Ville de Paris , y mourut à l'âge de 44 ans ;
il étoit fils de Laurent Rondé Confeiller Secretaire
du Roi , Maifon - Couronne de France
& de fes Finances , & de Marie Charpy ; il
avoit pour foeur Dame Madeleine Rondé , mariée
dès le 16 Janvier 1725. avec Claude - Nicolas
Henin Confeiller au Parlement de Paris ; il avoit été
marié le 25 Novembre 17 : 6 avec De. Marie Char⚫
lotte -Therefe Grondeau de Flobert , & il en laiffe
Charles- Antoine Rondé à préſent Tréforier
Général des Fortifications de France .
Le 10 Mre. Charles - François des Monfliers
de Merinville Evêque de Chartres , Abbé de Notre
Dame d'Igny , mourut dans ſon Diocèſe âgé de
JUIN 1746.
207
64 ans il fut pourvû le 1 Novembre 1701 de
l'Abbaye de St. Calais au Diocèfe du Mans , oṛ-
donné Prêtre en .706 & nommé au mois de Septembre
de la même année Archidiacre de Princeray
en l'Eglife de Chartres, & depuis Grand
Vicaire de ce Diocèſe , il fut nommé le 26 Avril
1709 Coadjuteur de l'Evêque de Chartres , Paul
Godet des Marais fon oncle à la mode de Bretagne
, & fut reçû Docteur en Théologie de la
Facul é de Paris de la Maifon & Societé de Sorbonne
le 17 Octobre fuivant , & le 12 du même
mois il fut nommé à l'Abbaye de Notre Dame
d'Igny au Diocèfe de Rheims , vacante par la
mort du même Evêque de Chartres fon oncle qui
l'inftitua fon legataire univerfel , il fut facré à
Paris le 8 Mai 17 0 & prêta ferment de fidelité
au Roi le 3 Juin fuivant ; il reçût dans fon Eglife
le 27 Mai 1732 la Reine lorfqu'elle y fut rendre
graces à Dieu pour la naiffance du Dauphin ,
& il affifta plufieurs fois depuis aux affemblées da
Clergé ; il étoit fils de Charles des Montiers
Marquis de Merinville , Comte de Rieux , Capitaine
Lieutenant de la Compagnie des Chevau - Legers
de Monfeigneur le Dauphin en 1671 , Gouverneur
des Ville & Diocèfe de Narbonne , mort le
30 Septembre 1689 , & de De. Marguerite Gravé
de Launay , & petit fils de François des Monf
tiers , Vicomte de Merinville, Meftre de Camp d'un
Régiment d'Infanterie & d'un de Cavalerie , Lieutenant
Général en chef des armées du Roi en
Catalogne , & au Gouvernement de Provence ,
Gouverneur de Rofes , des Ville & Diocèfe de
Narbonne & du Comtat Venaiffin , Chevalier des
Ordres de Sa Majefté , reçu le 25 Mars 1662 ,
mort le Janvier 1672-, & de De. Marguerite de
la Jugie Comtelle de Rieux en Languedoc morte
•
208 MERCURE DE FRANCE.
let3 Fevrier1694 ; le nom de desMonftiers en Poitou
eft marqué par fon ancienneté , par fes alliances
& par fes fervices militaires & les derniers degrés
de cette Généalogie font rapportés dans l'ejo.vol .
des Grands Officiers de la Couronne fol . 203 .
Sei- Le 14 M. René Theophile de Man, con
gneur de Sablonieres en Brie , dit le Marquis de
Maupeou , Lieutenant Général des armées du
Roi & Inspecteur d'Infanterie , mourut à Strafbourg
dans la 49 année de fon âge , étant né le
9 Juillet 1697 ; il entra dans les Moufquetaires
en 1713 , fut reçu Capitaine dans le Régiment
de Toulouse en 1715 , fur fait Colonel du Régiment
de Bigorre par commiffion du 16 Mars .719 ,
InfpecteurGénéral de l'Infanterie en 172 , Che-
Ivalier de l'Ordre Militaire de S. Louis en .
Brigadier d'Infanterie le i Août 734. Maréchal
de amp le 15 Mars 1740 , Lieutenant Général
des armées du Roi le i Mai 1745 ; il avoit été
marié le 14 Juillet 1727 avec De . Jeanne - Renée
Blanchard de Banneville , fille de Jean Blanchard
Seigneur & Patron de Banneville , Secretaire du
Roi , & de feue Louife Claude le Rouffeau de
Lanvau , duquel mariage il laiffe un fils & une fille ;
il étoit fils de René de Maupeou Seigneur de Sablonieres
, Lieutenant Général des armées du Roi ,
Directeur Général d'Infanterie mort le 1 Octobre
1734 , & de De. Marie- Marguerite Jeannin ,
Louis de Maupeou Seigneur de Noify fon ayeul ,
Maréchal de Camp , Capitaine & Major du Régiment
des Gardes-Françoifes , Gouverneur des
Villes d'Ath & de Salins mort en 1669 , fut
marié avec Antoinette Catefau de Sablonieres
morte en 1710 , & il avoit pour frere aîné M.
René de Maupeou Vicomte de Bruyeres fur Oife ,
Président de la Premiere Chambre des Enquêtes
JUIN 1746. 20
•
du Parlement de Paris , & enfin Confeiller d'Etat
& d'Honneur en la même Cour , mort le 22 Mai
1694 , ayeul de M. René-Charles de Maupeou ,
qui remplit aujourd'hui depuis l'an 1743 la place
de Premier Préſident du Parlement dont le Roi
l'a honoré en confidération de fes fervices & de
ceux de fa familie depuis deux cent ans , tant
dans les premiéres charges de la Magiftrature que
dans les premiers emplois de la guerre & dans les
premiéres places de l'Eglife ; les Armes de Maupeou
font d'argent à un Porc epic de fable , &
la Genéalogie s'en trouvera amplement déduite
avec toutes fes branches , fur titres & mémoires
fidéles , dans l'Hiftoire des Maîtres des Requêtes
ci-devant annoncée .
Le 15 Jean Ourfin , Ecuyer , Confeiller , Sécretaire
du Roi , Maifon , Couronne de France &
de fes Finances & Receveur Général des Finances
de Caën , mourut à Paris âgé de 82 ans ; il étoit
fils de Michel Ourfin & de Thomaffe Chauvet ,
& il avoit époufé Françoife- Catherine Allan ,
de laquelle il laiffe pour enfans Jean - Baptifte-
Mathieu Ourfin Ecuyer Seigneur de Soligny ,
Maître d'Hôtel Ordinaire du Roi , Pierre Ourfin
Seigneur de Digoville , Receveur Général desFinances
de Caen , marié le 17 Janvier 1742 avec
Henriette- Gabrielle le Noir de Cindré ; Jeanne
Ourfin mariée le 20 Juin 17 : 0 avec Jacques-Antoine
de Ricouart Comte d'Herouville , Seigneur
de Claye , Lieutenant Général des armées du
Roi ; Catherine Ourfin mariée le 23 Mars 1723
avec Michel-Gervais Robert de Pomereu Maître
des Requêtes & Intendant de Juftice d'Alençon ;
Marie Ourfin mariée le 16 Fevrier 1729 avec
Jacques -Bernard Chauvelin Maître des Requêtes, &
Marie- Avoye Ourfin mariée le 31 Mai 1,37 aye C
110 MERCURE DE FRANCE
Jacques- Eftienne de Grouches Comte de Chepy
aujourd'hui Maréchal de camp.
Le 18 M. Jean Nicolas de Montmorency , Seigneur
de Châteaubrun en Berry dit le Marquis de
Montmorency_ Maréchal des camps & armées
du Roi du 20 Février 1734 , mourut dans fa terre
de Châteaubrun dans la 87e année de fon age ,
étant né le 25 Décembre 1659 , & fans laiffer d'enfans
de De . Marie Louife Vachon qu'il avoit
époufée le ... Mars 1:03 . 11 étoit fils de François
de Montmorency Foffeux , Seigneur de
Châteaubrun Gouverneur de Châteauroux
du Bourg de Deols & de St. Gildas , Gentilhomme
de la Chambre de Louis de Bourbon III . du
nom Prince de Condé , & de De . Marie Strozzi ,
Voyez la Genealogie de l'Illuftre Maifon de
Montmorency dans l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne vol . 3. fol. 585.
2
"
"
Le 20 Jean de Gaffion , Marquis de Gallon &
d'Alluye , Comte de Montboyer &c. , Lieutenant
Général des armées du Roi du premier Août
1734 , Chevalier Commandeur de l'Ordre du Saint
Elprit du 2 Juin 1743 , Gouverneur de la Ville
de Dax & de Saint Sever , mourut à Pau dans la
63. année de fon âge ; il étoit fils de Pierre de
Gaffion , Marquis de Gaffion , Préfident du Parlement
de Pau , & de De. Magdeleine Colbert de
Terron , mariés le 20 Août 1670 ; il étoit petit
neveu de Jean de Gaflion , Maréchal de France ,
il avoit épousé le 16 Avril 1708 De . Marie Jeanne
Fle riau d'Armenonville , morte à Pau le 14. Octobie
1735 dans la 48e . année de fon âge , fille
ainée de feu M. d'Armenonville , Garde des Sceaux
de France & Commandeur des Ordres du
Roi , & de ce mariage il avoit eu pour enfans
Pierre de Gaſſion , Marquis d'Alluye , dit le Comte
>
JUIN 1746.
de Gaffion , né le 28 Septembre 1715 , Meitre
de Camp Lieutenant du Régiment de Bretagne ,
Cava erie par commiffion du 15 Avril 17 8-
mort fans alliance le 6 Août 1741 ; Jeanne de
Gaffion mariée le 22 Février 1723 avec Jofeph
Henri de Moret de Pagus de Grolée , Comte
de Peyre , & Magdeleine Angelique de Gaffion ,
mariée le 26 Mai 1732 avec Louis François Dam K^ ,
Comte de Thianges d'Anlezy , ci - devant Guidon
de la Compagnie des Gendarmes de la Garde du
Roi. Voyez la Généalogie de Gaflion dans l'Hittoi
e des Grands Officiers de la Couronne . vol . 7.
fol. 5.9.
Le 30 Louis Taborreu , Seignear des Reaux ,
d'Orval & de Louy , Ecuyer Confeiller Secretaire
du Roi , Maiſon , Couronne de France & de fes Finances
depuis l'an 172 , mourut à Paris âgé de
83 ans. Il avoit époufé De . Philippe Maffe , de la❤
quelle il a eu 1. Louis Mathurin Taboureau , Seigneur
des Reaux , Grand Maître des Eaux & Forêts
au Département du Lyonnois marié en 1717
avec De. Catherine Genevieve Bazin dont eft iſſu
Louis Gabriel Taboureau des Reaux , reçû Confeiller
au Parlement en la quatriéme Chambre
des Enquêtes le 24 Mai 1740. 2 Jacques Mathurin
Taboureau , Seigneur d'Orval , Treforier Géné➡
ral des bâtimens , marié depuis le ... Février 733
avec De. Catherine Cecille Pean de Mofnać , 3 &
Philippe Taboureau , femme de Gabriel Tafchereau
Seigneur de Baudry & de Linieres , aujourd'hu
Confeiller d'Etat Ordinaire & Intendant des Finances
& c .
Le Charles de Béziade , Marquis d'Avarey ,
Maréchal des Camps & Armées du Roi , du 2
Mai 1:44. mourut au Camp de fa Majefté , dans
la 44e . année de fon âge , laiffant des enfans de fon
212 MERCURE DE FRANCE
mariage avec De. Elizabeth Margueritte Megret ,
foeur de M. Megret de Serilly , Maître des Requêtes
, & Intendant de Juftice en Franche-
Comté , avec laquelle il avoit été marié le 13 Décembre
1735. il étoit fils de Claude Theophile
de Béziade , Marquis d'Avarey fur-Loire , Lieutenant
Général des Armées du Roi , Chevalier de
fes Ordres , Gouverneur & Grand Bailly de Peronne
& de Mondidier , ci - devant Ambaffadeur
Ordinaire auprès des Cantons Suiffes , mort le 6
Avril 174 , & de De . Catherine Angelique Foucault
de Magni , morte le 28 Avril 1728 , porte
pour armes d'azur à une faffe d'or chargée de
deux étoiles de gueules & accompagnée en pointe
d'une coquille d'or ; d'Avarey .
Le même jour François-Honoré de Choiseul
Marquis de Choifeul Meuze , Colonel Lieutenant du
Regiment Dauphin , & Brigadier d'armée du 1er
Mai 1745 , mourut au Camp du Roi dans la trentiéme
année de fon âge étant né le 1er Octobre
1710 ; il étoit le fecond fils de Henri-Louis de
Choifeul Marquis de Meuze , Lieutenant Génétal
des Armées du Roi de la promotion du 24 Fevrier
1738 & Chevalier des Ordres de fa Majefté
de la promotion du 2 Fevrier 1745 ,& de De. Honorée-
Julie Françoife de Zurlauben ; il avoit eu
pour frere aîné Maximilien de Choifeul , Comte
de Meuze , Colonel d'un Régiment d'Infanterie de
fon nom ,
mort le 27 Octobre 1738 , laiffant deux
fils de fon mariage avec De Emilie Paris de la
Montagne qu'il avoit époufée le 8 Mars 1734.
Voyez la Genealogie de la Maifon de Shoifeul
vol. 4 des Grands Officiers de la Couronne fol .
845.
M. de Choifeul dont-il eft ici queftion laiffe des
JUIN
1746. 213
enfans de fon mariage avec Mademoiſelle Duhan
ci-devant fille d'honneur de la feue Ducheffe de
Lorraine,
Le 3 Juin Dame Auguſtine de Coetquen de Combourg
, épou ede Louis - Charles de Lorraine , Comte
de Brionne , Grand Ecuyer de France en furvivance
du Prince Charles de Lorraine fon grand
oncle , Gouverneur de la Province d'Anjou , des
Ville & Château d'Angers , Brigadier des Armées
du Roi & Mettre de Camp d'un Regiment de Cavalerie
, avec lequel elle avoit été mariée le 29
Decembre 1744 , mourut à Faris dans la vingtquatrième
année de fon âge ; elle avoit été mariée
en premieres nôces à Charles Augufte de Rochechouard
de Mortemart , dit le Duc de Roche
chouard , Pair de France , Grand d'Efpagne de la
Premiere claffe Premier Gentilhomme de laChambre
du Roi , Brigadier d'Armée & Colonel du Regiment
d'Infanterie de Mortemart , tué à la Bataille
d'Ettingen le 27 Juin 1743 , & elle étoit fille
de Jules Malo de Coetquen Comte de Combourg
Gouverneur des Ville , Château & Citadelle de
S. Malo , & de Dame Marie - Elifabeth -Nicolaï
femme en fecondes nôces de M. le Duc de Mortemart
pere du même Duc de Rochechouard . Voyez
la Genealogie de la Maifon deCoetquen , dans l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne vol. 1er
Hiftoire du Marechal de Guebrian par le ſieur
le Laboureur ,
Le même jour Dame Bonne-Marie de Murard ,
femme de M, Jean Dominique Caffini Seigneur de
Thury , Maître ordinaire en la Chambre des Comptes
& Penfionnaire de l'Académie des Sciences
mourut à Paris en l'Hôtel Royal de l'Obfervatoi
214 MERCURE DE FRANCE.
re , âgée d'environ 22 ans ; elle étoit foeur de M.
Alexandre-François de Murard , Confeiller au
Parlement de Paris depuis le 5 Décembre 1738 ,
fille & petite fille de Meffieurs de Murard , Confeillers
au même Parlement & arriere petite fille
de François de Murard Tréforier de France à
Lyon en 1650. M. Caffini eft fils de Jacques Caf
fini Seigneur de Thury , aujourd'hui ancien Maître
des Comptes & Confeiller d'Etat , auffi Penfionnaire
de l'Académie des Sciences , & petit
fils de Jean-Dominique Caffini l'un des plus célebres
Aftronomes de fon fiecle , mort le Septembre
1712 , & forti d'une famille noble du Comté
de Nice . Voyez le Dictionnaire Hiftorique de Morery
, Edition de 1732 , vol. 2. fol 601.
Le 4 Dame Marie- Madeleine Colbert de Blainwill
femme de Jean - Baptifte de Rochechouard
Comte de Maure , dit le Comte de Rochechouard
Marquis d Everly fon coufin germain avec lequel elle avoit été mariée le 26 Mai 706 , mourut à
Paris âgée de 60 ans , ayant eu de fon mariage en- tr'autres enfans , Jean Victor de Rochechouard
Comte de Mortemart , Colonel du Régiment de
Navarre du 15 Mars 1740 , fait Brigadier d'Infanterie
le 20, Fevrier 1743. Elle étoit alle de Jules Armand Colbert Marquis de Blanville de l'Ile-
Dieu &Baron de Braye fur Seine , Seigneur d'Orm i & c. Lieutenant Géneral des Armées du Roi, mort 1e13 Août 1704 , & deDe. Marie- Gabrielle deRochechouard
Vivonne , voyez la Génealogie de la Mai- fon de Rochechouard
dans l'Hiftoire des Grands Officiers de le Couronne , vol. 4. fol. 649 & celle
de Colbert dans la même Hiſtoire , vol . 9. fol. 231
& le Dictionnaire
Hiftorique
de Morery.
TABL E.
PIECES FUGITIVES en Vers & en
Profe. Suite de l'Hiftoire Univerfelle de M. de
Voltaire , & c .
Epitres fur deux Rimes contre la Poëfie ,
3
13
Lettre du P. Dom Antoine Gaëtan de Souza 17
Réponſe du P. C, à cette Lettre , 41
Motet en vers François pour la Dédicace de faint
Sulpice ,
Séance de l'Académie pour la réception de M. de
Voltaire , & Extrait de fon difcours , 48
Epitre de M. de la Soriniere à M. Desforges
Maillard ,
Vers à Mlle Dup *** .
Autres à Mlle de Sim ..
66
68
69
Auttres à M. de Voltaire , 70
Autres à M. l'Abbé de Beaulieu , 72
Prix propofé par l'Académie Royale des Sciences
pour l'année 1748. 73
Epitre à M. de la Soriniere , 76
Stances , 78
Normands ,
de Février ,
Sixain pour mettre au bas d'un portrait
Lettre aux Auteurs du Mercure fur les Quadrains
Regrets de la Pattie , Elegie ,
Réponse à une queftion propofée dans le Mercure
Le Tombeau , Ode ,
Eloge historique du P. Baizé ,
Ode en ftrophes libres fur la mort de M. le Préfident
Bouhier ,
Reflexions morales ,
TCO
10
Vers à M. le Profeffeur Lublin , Impromptu , 106
Remerciment au mêine , 107
ibid.
79
84
87
88
92
i
Affemblée publique de l'Académie des Sciences ,
Extrait ,
Nouvelles Litteraires , des beaux Arts
109
&c ,
117 & fuiv.
Mots de l'Enigme & du Logogryphe de May , 40
Explication en vers du 1. Logogryphe d'Avril , 141
Explication auffi en vers du deuxième , 142
Enigmes & Logogryphes ,
Chanfons notées ,
143
148
Spectacles , Opera , deux Parodies nouvelles ajoutées
,
Concert fpirituel;
149
151
Comedie Françoife , Le Duc de Surrey , nouvelle
Comédie , Extrait
Journal de la Cour , de Paris , &c.
152
156
Sujet du Prix d'éloquence de l'Académie des Jeux
Floraux pour 1747 ,
Prifes de Vaiffeaux ,
158
ibid.
Lettre du Roi à M. l'Archevêque de Paris, & Mandement
en conféquence ,
Le Te Deum chanté à Notre- Dame ,
Feu & illumination ;
Suite des Opérations dé l'armée du Roi ,
Mandement du Cardinal de Tencin ,
Explication en vers du Logogryphe de May ,
Nouvelles Etrangeres ,
Mariage & morts ,
161
165
4166
ihil.
175
176
177
204
Les Chanfons notées doivent regarder la page 148
Faute à corriger dans le Mercure de May.
Pag. 123. lign. 20. Saint Jauvin , lifez Saint
Taurin.
MERCURË
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
J⚫UIN
. 1746 .
SECOND VOLUME.
OT SPARCA
LIGIT
UT
Chés
1
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
rue S. Jacques .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty
à la defcente du Pont -Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC . XLVI.
AvecApprobation & Privilège du Roi,
A VIS,
'ADRESSE générale du Mercure eft
LAM. DE CLEVES D'ARNICOURT
rue du Champ-Fleuri dans la Maifon de M.
Lourdet Correcteur des Comptes au premier
étage fur le derriere entre un Perruquier & un
Serrurier à côté de l'Hôtel d'Enguien. Nous
prions très-inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en af
franchir le port , pour nous épargner le déplaifir
de les rebuter , & à eux celui de ne
voir paroître leurs ouvrages. pas
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
ae France de la premiere main , & plus promp
tement , n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très - exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au “Mercure
de France rue du Champ-Fleuri , pour rena
dre à M, de la Bruere.
PRIX XXX , SOLS,
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ A U. ROI.
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
EPITRE de M. COTTEREAU
Curé de Donnemarie à Monfieur
l'Abbé de R. ci- devant Agent
Général du Clergé de France .
.
LLUSTRE & digne Abbé , qui
fçus par ta prudence
Regir les interêts du Clergé de la
France ,
Et fis dans tes travaux penibles & brillans
Admirer tes vertus ainfi que tes talens ,
Tu quittes donc Paris & pars pour la Touraine
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Ah! fi de m'obliger tu veux prendre la peine ,
Vas trouver ce Prelat d'un merite éclatant ,
Cet oncle officieux qui m'a fervi de pere ,
Et comblé de faveurs dans le Saint Miniftere,
Oui je t'en fupplie humblement ;
Daigne pour moi lui rendre un veritable hom,
mage :
Quoique peu connoiffeur , j'ai dans plus d'un ouvrag
En fecret reconnu de fon efprit brillant
Le rare & folide avantage :
Tout enchante en lui ; tout eft grand ;
Il fçait embellir ce qu'il touche ,
Et la moindre choſe en ſa bouche
Reçoit bientôt mille agrémens :
Mais fon coeur me paroît encor plus admirable
Bonté , douceur , droiture , & commerce agréable
Noble fimplicité , généreux fentimens ,
Religion folide , & zéle infatigable .
Quelle matiere inepuiſable ,
Si je fçavois un peu tourner un compliments
Comme je n'ai point ce talent ,
Tout ce que je puis ici faire ,
C'eft d'admirer , & de me taire .
Illuftre & digne Abbé , fouviens- toi feulement
De le bien affurer de ma reconnoiffance ;
Ne crains point là deffus de parler hardiment ;
Tu n'en fçaurois jamais tant dire que j'en penfe,
JUIN 1746.
SEANCE PUBLIQUE DE
l'Academie Royale des Infcriptions & belles
Lettres .
'Académie Royale des Infcriptions &
L bellesLetresorarit à formales&
meftre de Pâques par une Affemblée publique
le mardi 19 Avril.
La féance commença par la diftribution
du prix fondé par M. le Préfident de Noin
ville.Le fajet propofé étoit l'Etat des fciences
en France fous les regnes de Charles VI. &
Charles VII. la piéce qui a remporté le
prix étoit de M. l'Abbé de Guafco , de Turin
de l'Académie Etrufque de Cortone.
Le Sécretaire lut trois éloges des Académiciens
morts dans le femeftre precédent
Le premier fut celui de M. le Marquis
de Caumont correfpondant honoraire de
l'Académie , mort à l'age de 57. ans. Sa
famille dont le nom eft Seytres , originaire
de la Ville de Creft- Arnaud en Dauphiné, où
elle poffédoit des terres confidérables dès le
XIII . fiécle, alla s'établir en 14,71 à Avignon
où elle a toujours refté depuis ce tems là .
Le Marquis de Caumont , avoit eu dès fa
jeuneffe un goût décidé pour l'érudition &
A iij
6 MERCURE DE FRANCE
pour tout ce qui fait la fleur de la Littérature.
Cet amour des Lettres qui continua
pendant tout le cours de fa vie en fit auffi
toute l'occupation & toute la douceur.
Il entretenoit avec les gens de Lettres
de toutes les Nations & avec plufieurs perfonnes
d'un rang & d'un mérite diftingué
un commerce que l'agrément de fon efprit ,
la variété de fes connoiffances , fa douceur
& la politeffe de fon caractére , leur ren..
doit infiniment précieux.
Le fecond éloge fut celui de M. Fourmont
l'ainé Profeffeur en Langue Arabe au
College Royal & Penfionnaire de l'Académie.
Il étoit très connu par la variété &
l'étenduë de fon érudition & par fon habileté
dans toutes les differentes Langues
Orientales , mais l'étude de la Langue Chinoife
& les progrès qu'il y avoit faits l'avoient
encore rendu plus célébre. Il a pour
ainfi dire ouvert la porte aux Européens à
la connoiffance de cette Langue. L'Auteur
de l'éloge s'eft principalement attaché à
montrer quels étoient les obftacles & les
difficultés que M. Fourmont avoit euës à
combattre dans ce travail , & par quels fécours
il étoit venu à bout de les furmonter.
Il obferva qu'il étoit néceffaire de faire connoître
ces fécours au Public pour lui_inſpirer
quelque confiance dans le travail de
JUIN. 1746.
M. Fourmont. Celui qui prétendroit avoir
deviné un chiffre par un pur effort d'imagination
n'obtiendroit guéres de créance ,
& le travail par lequel il affureroit y être
parvenu , quelque grand qu'il fût , ne feroit
regardé que comme une fatigue extrêmement
frivole. Les Langues & fur tout la Lan- ·
gue écrite des Chinois compofée de plus de
foixante mille caractéres , font une espéce
de chiffre beaucoup plus difficile que tous
ceux qu'on employe pour les Négociations.Il
faut en avoir la clef pour les entendre , &
lors même qu'on a certe clef, il reſte encore
un travail prodigieux dont très peu de gens
font capables .
Il n'eft pas poffible de rapporter ici le détail
d'une vie auffi laborieufe que celle de
M. Fourmont. Je me contenterai de remarquer
avec l'Auteur de l'éloge que fa facilité
pour les Langues étoit inconcevable ;
qu'il avoit lu tous les anciens écrivains en
tout genre , tous les livres de Littérature
Orientale , Grecque & Latine ; que fa mémoire
étoit prodigieufe ; qu'il n'avoit prefque
rien oublié de ce qu'il avoit lu , & que
l'étendue & la variété de fon érudition pouvoient
en quelque forte fe comparer à celle
de Scaliger & de Saumaife.
Il eft mort le 19 Décembre 1745 âgé
de 63 ans des fuites d'une troifiéme attaque
d'apoplexie . A iiij
MERCURE DE FRANCE.
mort
>
un
,
Le troifiéme éloge fut celui de M. l'Abbé
Fourmont , affocié de l'Académie ,
fubitement le 5. Février 1746. & qui n'avoit
pas furvécu deux mois à fon frere ainé,
L'Abbé Fourmont refté orphelin dès fes
premiéres années n'avoit point reçu l'éducation
qui difpofe à l'amour des Lettres & de
l'étude. Dès l'âge de 15 à 16 ans
mouvement de dévotion le porta à fe retirer
ches les Hermites d'Anjou , fondés , à
ce qu'on croit , par le Comte de Moret
fils naturel d'Henri IV. Il demeura avec
eux jufqu'à l'âge de 25 ans , qu'il en fortit
parce qu'il ne lui fut pas permis de prendre
les Ordres. Son inclination l'avoit fans çelle
pouffé vers l'étude des Lettres , mais il avoit
été deftitué de fecours . Enfin il prit le parti
de venir à Paris , de vendre le peu de bien
de famille que lui avoient laiflé des partages
faits en fon abfence , qu'il ratifia comme on
voulut , & avec les inftructions de fon frere
accompagnées d'un travail inconcevable il
apprit en moins de trois ans le Latin & le Grec,
quoiqu'il ne fçût pas même les premiers
élémens de ces Langues. Il avoit aufli appris
tout feul pendant le même tems & fans .
en avoir parlé à fon frere l'Hébreu & le Syriaque
, & au bout de ces trois années il fe
trouva en état d'enfeigner ces differentes.
Langues. Ayant été nommé en 1720 à la
JUIN , 1746 . 9
chaire deLangue Syriaque au College Royal ,
il donna toutes les femaines une leçon extraordinaire
de la Langue Ethyopienne . En
1724 il entra à l'Académie des Infcriptions
, & en 1728 il fut envoyé par le Roi
dans le Levant avec l'Abbé Sevin . L'objet
de cette Miffion étoit de chercher des Mff.
anciens pour augmenter le grand nombre
de ceux qui étoient déjà à la Bibliothéque
du Roi. Dans ce deffein T'Abbé Fourmont
parcourut l'Attique & le Peloponnefe , ainfi
que plufieurs Ifles de l'Archipel ; il y trouva
peu de Mff. anciens & aucuns dont les
Caloyers vouluffent fe défaire , mais pour
rendre fon voyage utile aux Lettres , il s'attacha
à copier les Infcriptions qu'il trouva
dans ces deux Provinces. Il en a rapporté
près de onze cent. Il y en a de très impor
tantes pour l'ancienne Hiftoire & pour la
Géographie ; plufieurs font d'une antiquité
fupérieure à tout ce qu'on a vû jufqu'à préfent
en ce genre. Il y a deja neuf cent cin-.
quante de ces Infcriptions mifes au net par
un neveu de l'Abbé Fourmont qui avoit ac
compagné fon oncle dans fon voyage . Elles
font en dépôt à la Bibliothéque , il en refte
150 , fans compter plus d'une centaine de
fragmens moins confidérables , qui feront
remifes inceffamment avec differens deffeins
de bas reliefs & de monumens , & plus de
A V
10 MERRCUE DE FRANCE.
40. Plans ou Cartes Topographiques des
Cantons que l'oncle & le neveu avo ent
parcourus & qui fer nt extrêmement utiles
ur l'intelligence de l'ancienne Hiftoire de
Gréce . La
Monfieur Gibert lut enfuite un mémoire
fur le nom de MEROVINGIENS , donné
à la premiere race de nos Rois.
On donne le nom de Merovingiens nonfeulement
à nos Rois de la premiere race ,
mais encore quelquefois à tous les Francs en
général , &-on rapporte communément l'origine
de ce nom à Merovée le troifié e Roi
depuis Pharamond , & le troifiéme avant le
Grand Clovis
Mais ( dit M. Gibert ) fur quel fondement
peut-on donner à ce Prince la gloire
d'avoir communiqué à nos premiers Rois &
niême à toute la Nation un nom qui étoit
connu & en ufage chés les Francs , longtems
avant que Merovée parvint a la couronne?
Il n'eft ni le chef de cette premiere race
ni le fondateur de la Monarchie , & il
ne fe trouve aucun trait qui diftingue fon
regne de celui de fes prédeceffeurs ou du
regne de ceux qui lui ont fuccedé.
Le plus ancien Auteur qui ait attribué
Porigine de nom de Merovingiens à Merovée
eſt l'abbréviateur de Grégoire de Tours ,
JUIN 1746. It
qui débite en même tems la fable la plus
abfurde fur la naiffance de ce Prince , ( a )
fable capable elle feule de faire rejetter tout
ce qui l'accompagne.
Si quelques Auteurs ont été depuis du
même ſentiment , on fçait que dans ces fiecles
de Barbarie & d'ignorance les Hiſtoriens
fe copioient fervilement & fans examen ,
outre qu'ils ne connoiffoient pas la veritable
origine des Francs , & n'avoient garde de
faire remonter le nom dont il s'agit plus
haut que les fables dont ils croyoient embellir
l'origine de notre Nation.
M. Gibert entreprend d'expofer les preuves
d'une autre opinion qui lui paroît mieux
fondée , qui fait remonter l'origine & le nom
de la famille Merovingienne à un Prince qui
regnoit dans la Germanie dès le tems d'Augufte
, dont la famille défignée de uis par
fon nom , donnoit des Rois aux Germains ,
& dont une Nation Germanique prit le nom
de Merovingiens , porté depuis également
par nos ayeux .
( a ) Clodion ( dit cet Auteur étant un jour d'é
té à midi affis avec fa femme fur le bord de la mer
& cette Princeffe ayant voulu ſe baigner , il fortit
de la mer un Monitre marin qui l'épouvanta & la
pourſuivit vivement . Etant donc auffi - tôt après de
venue enceinte elle accoucha d'un fils qui fut appellé
Merovée,
Avj .
32 MERCURE DE FRANCE.
Il ne paroîtra pas étonnant que l'on ait
cherché dans l'Hiftoire des Germains un nom
attribué aux Francs, puifque tous les Sçavans
conviennent que
d'origine , & s'il refte quelque difficulté ce
n'eft que fur la maniere dont ces Germains
font devenus les Francs , & fur celle dont ces
derniers fe font établis dans les Gaules .
les Francs étoient Germains
A l'égard du Prince à qui M Gibert attribue
la gloire d'avoir donné le nom de
Merovingiens à la premiere race des Roisde
France , c'eft ce fameux Roi des Sueves
dont les Hiſtoriens Grecs & Latins du Gécle
d'Augufte & de Tibere , fes contemporains ,
ont rendu le nom en leur Langue par celui
de Maroboudos ( a ) ou Maroboduus ( b . )`
qui fe prononçoit Mehr-Wueh en Langue
Germanique.
Velleius Paterculus rapporte avec quel
que détail l'Histoire de ce Prince ; on trouve
auffi quelques circonftances de fa vie
dans Strabon & dans Tacite.
Suivant ces Auteurs Maroboduns étoit
Sueve , du canton des Marcomans . Pendant
fa jeuneffe il avoit fait quelque féjour à
Rome , dans le tems des expeditions de Tibere
contre les Sicambres & les Sueves ,
( a ) MacBoudos ap . Strab. I. v11 .
( b ) apud Vell. Paterc. 1. 11. Tacite le rend de
même , l . 1 & ILI . an. & C. 42 de mor.„ Germo,
JUIN 1746.
*3
lous l'Empire d'Augufte & environ fix ans
auparavant l'Ere vulgaire .
Etant de retour en Germanie il s'y fit reconnoître
Roi , non - feulement par les Marcomans
& les Quades fes compatriotes ,
mais encore par tout le refte des Germains.
Ayant chaffé les Boiens du Pays que nous
connoiffons aujourd'hui fous le nom de
Bohëme,il y transfera les Marcomans & quelques
autres Tribus Germaniques , & après
avoir fubjugué tous les peuples voifins , il
établit le fiége de fon Empire au centre de
la foreft Hercinie .
Les Romains allarmés de fa puiffance réfolurent
fa perte. Augufte vivoit encore
lorfque Tibere marcha contre Maroboduus
avec une armée de plus de 100 mille hommes
, mais d'autres foins plus preffans fufpendirent
cet orage qui fe formoit contre lui,
& Tacite fait dire à Maroboduus lui - même
qu'il obligea les Romains à traiter alors
avec lui d'égal à égal ( a )
Cependant dans la fuite fes forces & fon
courage furent contraints de ceder à la politique
des Romains qui ne pouvant le vaincre
eux-mêmes , éleverent contre lui des
guerres inteftines. Arminius , ce Germain fi
célebre par la défaite de Varus , l'attaqua le
premier fous le prétexte de maintenir la Liberté
Germanique , & remporta fur lui une
( a ) Annal . I , II . chap . 46.
14 MERCURE DE FRANCE.
victoire complete , mais ces mêmes Romains
auffi jaloux des fuccès d'Arminios que
de la puiffance de fon ennemi , ne fongerent
qu'à mettre obftacle aux progrès du
vainqueur , & donnerent à Mareboduus un
autre adverfaire moins redoutab.e pour eux,
mais bien plus à craindre pour lui.
Ce nouvel ennemi fut Catualda , jeune
Seigneur Goth , mécontent du Roi des
Sueves qui l'avoit contraint d'abandonner
fa Patrie . Excité & foutenu par Jubilins
chef des Hermondures qui s'étoit dévoué
aux Romains , il faifit avec ar deur l'occafion
de fe venger . I attira à lui une partie de la
Nobleffe de Maroboduus , penetra fubitement
dans le canton où ce Prince avoit établi
fa Cour , s'empara de fon Palais & de la
Fortereffe qui en faifoit la fûreté , & força le
Roy ds Sueves à fe fauver chés les Romains
qui fe faifoient un honneur de donner une
retraite aux Rois dont ils avoient en fecret
tramé la ruine.
Les ievers qu'éprouva Marobodnus ne
diminuerent point la gloire de fon nom
chés les Germins , ni chés les Romains même
dont les Hiftoriens le comblent d'éloges.
Et certainement fis actions , fes conquètes,
& funtour l'établiffement d'un Empire dans
le coeur de la Germanie , taudis que la puiffance
Romaine étoit dans ton plus grand
JUIN, 1746. 15
éclat , rendoient fon nom affés fameux pour
que fes defcendans ayent fait gloire d'en
tirer leur dénomination.
M. Gibert joint à des prefomptions déja
fi fortes l'autorité de Tacite ( qui vivoit
81 ans après que ce Prince avoit été chal
fé du Trône ) qui dit en termes exprès que
l'illuftre famille de Maroboduus( nobile Marobodni
... genus ) étoit celle dont les Marconans
, & les Quades avoient tiré leurs
Rois. Il conclut de là qu'en ſubſtituant le
non Germanique Mehr Wuch a nom Latin
, il y a eu chés les Germains , long- tems
avant l'établiffement des Francs dans les
Gaules , une famille Royale qui tiroit fa dénomination
de Mehr- Wuch & qui fe trouve
ainfi défignée par un Hiftorien qui vivoit
fous l'Empire de Trajan.
me
Ce n'eft pas tout. On trouve bientôt après !
une Nation entiere qui porte le nom Patronimique
de Aerovingiens. Ptolomée ( qui
vivoit fous Adrien & fcs fucceffeurs , envi
ron 40 ans après Tacite ) compte & nomcette
Nation Mao parmi celles
de la Germanie ; enforte que l'on ne fcauroit
douter qu'il n'éxiftât dès lors dans ce
Pais un euple de ce nom . mais de fçavoir
fi elle devoit cette dénomination à Mehr-
Wueb , c'eſt une queftion qui ne peut s'éclaircir
que par quelques faits au défaut de
16 MERCURE DE FRANCE.
témoignages précis qui depuis ces tems reculés
ne font pas parvenus jufqu'à nous.
Ces faits font que Maroboduus dans fa
retraite chés les Romains fut fuivi par ceux
de fes fujets qui lui étoient demeurés fidélles
. Leur nombre fut affés confidérable pour
faire une nouvelle peuplade que les Romains
placerent fur les frontieres de leur Empire ,
au-delà du Danube , entre le Marus & le
Cufus ( a ) , c'eft-à - dire , vers la Moravie &
la Silefie. Ces Peuples furent bientôt accrus
par les partifans de Catualda lui-même qui ,
quelques mois après eut le même deftin que
Maroboduus, & fe réfugia chés les Romains,
On avoit retenu Maroboduus à Ravenne;
on envoya Catualda à Frejus. Sans doute le
malheur commun de ces deux chefs & leur
éloignement éteignirent l'inimitié entre
leurs deux partis qui fe réunirent fous l'autorité
d'un Prince Quade nommé Vannius.
Vannius ayant joui pendant 30 ans du
pouvoir que les Romains lui avoient confié,
fut à fon tour vaincu & chaffe par Vangion
& Sidon enfans de fa foeur , qui fe trouverent
appuyés par le même Jubilius dont Tibere
s'étoit fervi pour perdre Maroboduus , Les
Romain ouvrirent en core une retraite àVannius
apr ès fa défaite & affignerent de nou-
( a ) Tac ite ann. 1. 11. ch. 63.
JUIN. 1746. 17
veaux quartiers dans la Pannonie à ceux qui
l'avoient fuivi ( a ) .
On voit par ces faits que la retraite de
Maroboduus donna lieu à l'établiſſement de
plufieurs Peuplades de fes fujets dans la Germanie
& même dans la Pannonie , & que
le fond de ces Colonies étoit de ceux qui
étoient demeurés fidéles à ce Prince ; & il
eft conftant d'un autre côté que le nom de
Merovingiens fignifie les Sujets , les Partifans
, le Peuple , la Famille de Maroboduus
ou fi l'on veut de Mehr-Wueb . Lors donc
que l'on voit paroître dans ce même tems
une tribu de Merovingiens dans la Germanie
, il femble que l'on ne puiffe fe difpenfer
de la prendre au moins pour une de ces peuplades
qui venoient de s'y former des partifans
de Maroboduus ou Mehr-Wuch ni par
conféquent de rapporter leur nom à ce Prince
qui étoit l'auteur & le chef de ces Peuplades.
On ajoute à une préfomption déja
auffi forte que c'eft par ce Roi des Sueves
que le nom de Mehr Wuch étoit devenu
célebre dans la Germanie , ou même que
ce Prince étoit le feul Mehr -Wuch qui jufques-
là y fut connu .
Après avoir établi ( autant qu'il eft poffible
dans ces matieres ) qu'il y a eu dans la
( a ) Tacit. ann.. 1. XII . ch . 29 & 30.
18 MERCURE DE FRANCE,
Germanie , dès le fiécle d'Augufte un Roi
appellé Mehr-Wuch dans le langage des
Germains. Il faudroit pour raprocher de
la race de nos premiers Rois le nom de
Merovingiens donné àfa famille ,montrer que
Ja Peuplade de Germains dont il s'agit doit
fe confondre avec les Francs. Mais ( dit M.
Gibert ) cette Differtation pafferoit l'éten
due qu'il s'eft propofée & il la referve pour
un autre difcours . Il fe contente de quelques
traits qui annoncent du moins la lumiere
s'ils ne la découvrent pas entierement.
Le nom de Merovingiens défignoit fous
l'Empire d'Adrien & d'Antonin une famille
Royale & une Peuplade de Germains . Cent
ans après les Francs paroiffent fur les bords
du Rhin,& ces Francs font des Germains. La
familie Royale de leurs Rois eft appellée la
famille des Merovingiens , ils font eux-mêmes
appel'és de ce nom. Il n'y a rien de
plus conféquent que de ramener les Francs
& la famille de leurs Rois à cette Peuplade
& à cette famille de même nom que l'on
trouvoit cent ans auparavant dans les mêm.
s Païs & entre les mêmes Peuples , dont
il est certain .que les Francs font originaires.
D'un autre côté le tems où l'on trouve
le nom de Merovingiens chés les Francs
n'eit pas forc éloigné de celui où on le perd
JUIN
19 1746.
de vië chés les Germains , & lorfque cette
famille paroît chés les Francs , elle eft donnée
pour la premiere & la plus illuftre de la Nation
.
D'ailleurs le choix que les Francs font
de leurs Rois dans cette famille rappelle
l'ancien attachement des Germains , dont ils
defcendoient , pour la Famille de Maroboduus
ou Mehr Wueb.
Entin le titre fingulier de Princes Chevelus
que les plus anciens Hiftoriens donnent à
nos premiers Rois réunit'encore leur famille
à celle de l'ancien Roi des Sueves , puifque
non feulement les Sueves étoient diftingués
des autres peuples par l'arrangement & la
forme qu'ils donnoient à leurs cheveux
mais même entr'eux on diftinguoit par la
chevelure le Roi de les Sujets , & les hommes
libres d'avec les efclaves ( a ). ·
y
Les feules opinions anciennes ( les fables à
part ) qui nous foient demeurées fur l'origine
des Francs eux -mêmes,font celles qui font
rapportées par l'anonime de Ravenne &
par Grégoire de Tours. Le premier vect que
l'ancienne demeure des Francs ait été
dans un Païs qu'il place auprès de l'Elbe , &
qui s'étoit ( dit-il ) appelé anciennement
Mauringanie (b). Paul Diacre parle du mê-
( a ) Tac. de Mor. Germ . t 38.
( b) Anon . de Raven , 1, 1 .
20 MERCURE DE FRANCE.
me canton fous le nom de Mauringie . ( a)
Si comme on le peut croire , cette Mauringanie
ou Mauringie eft le pays des Merovingiens
de Ptolomée , il eſt bien clair que
l'anonime & fes auteurs ramenent l'origine
des Francs aux anciens Merovingiens ; mais
en ne prenant le pays défigné par cet Ecrivain
que pour un pays fitué vers la fource de
l'Elbe, ce pays fera la Moravie ou les Partifans
de Maroboduus ou Mehr-Wuch eurent
en effet leurs premiers quartiers, en forte que
les Francs fe confondent encore par là avec
les Merovingiens.
A l'égard de l'opinion de Gregoire de
Tours elle fait venir les Francs de la Pannonie
& fe concilie bien naturellement avec
l'opinion précedente puifque les Peuplades
Merovingiennes furent établies partie dans
la Moravie , partie dans la Pannonie .
Bien loin que la migration de ces Peuples
des rivages de l'Elbe & du Danube choque
la vraisemblance ou l'Hiftoire , elle eſt
au contraire fondée fur l'une & l'autre , Sous
Marc- Aurele , 6 ans au plus avant le tems
où l'on trouve des Francs fur les bords du
Rhin , on voit une Nation penetrer de
l'Elbe dans la Belgique ( b ) & des Peu-
(a ) De geftis Langobard. l . 1. ch. 11.5 13 ~
(b ) l. Spart . in Did. Juliano
JUIN.
21 1746.
plades tirées
par
les Romains du Danube &
de la Pannonie s'établir fur le Rhin & dans
la Germanie. ( a)
Il femble donc ( dit M. G. ) qu'il n'y ait
pas moins lieu de rapporter l'origine des
Francs aux Peuplades que formerent les
= Partifans de Maroboduns ou Mehr-Wueh ,
qu'il n'y en a de réunir la famille de leurs
Rois avec celle de ce Prince : l'un & l'autre
paroît également confirmé, & par les circonftances
que fournit l'Hiftoire de ces Peuplades
& de leur chef , & parce que les anciens
Ecrivains nous apprennent de plus pofitif
fur l'origine des Francs & de leurs Rois,
De là M. G. tire la conféquence qu'il eft naturel
de faire remonter l'origine du nom de
Merovingiens donné aux Francs & à leurs
premiers Rois , au celebre Maroboduus ou
Mehr-Wueh Roi des Sueves, puifque les uns
doivent leur origine à fes plus fidéles fujets ,
& que les autres font fes defcendans ,
( a ) Dio , in Frag. lib. LXXI,
22 MERCURE
DE FRANCE .
MADRIGAL
A Mile. A.... qui dit que pour
lui declarer
qu'on
l'aime
, il le lui faut
fçavoir
dire
comme
feroit
M
de V. . . .
S1 V. fçait faire un Poulet mieux que moi ,
Je fuis plus amoureux & d'auffi bonne foi :
11 eft barbon ; je fuis dans le bel âge ,
V ... , enfin fans fe laiffer charmer
Ne fçait que dire au plus comment il faut aimer ;
Moi je le fçais mettre en uſage.
乳
Laiglon.
AUTR E.
A M. Touſſaint **** fur les chansons qu'il
faifoit à la campagne.
HEUREUX ... aimable Chanfonnier
Ton deftin eft charmant & ton bonheur entier.
Ta Colette répond à ton ardeur fidelle ,
Phébus ceffe pour toi d'être fi façonnier ,
Et quand près de ta belle ,
JUIN 1746. 23
Dans maints tendres couplets tu chantes ton
amour ,
Les belles de ta Muſe admirant le génie ,
Et baniffant pour toi leur jalouſe manie ,
Avec plaifir te chantent à leur tour,
> 3++ 3++23++++++++++
VERS. à Mademoiſelle ,, .
St. Omer,
BEAUX
EAUX yeux que le fommeil plonge en un
doux repos ,
Votre tranquillité rédouble tous mes maux ;
Interprêtes cruels des rigueurs de Silvie ,
Daignez en vous ouvrant décider de mon fort,
Par un de vos regards ou rendez - moi la vie ,
Ou du moins achevez de me donner la mort,
Parle même
24 MERCURE DE FRANCE ,
PORTAIT de M. l'Abbé ***.
STANCES.
J'Ai le vifage ovale & la bouche vermeille ,
L'oeil vif, & le nez aquilin :
Ma taille n'eft pas grande , elle eft faite à merveille:
Je fuis content de mon deftin .
J'ai le teint affés frais ,
la couleur un peu brune
L'air gravé , & l'abord férieux :
Mes parens , mes amis partagent ma fortune ;
Je fuis civil & gracieux .
Charmé de mon Païs dès ma plus tendre enfance ,
J'ai pris foin d'y fixer mes jours :
Par la faveur du Ciel je fuis dans l'opulence ,
Et n'ai besoin d'aucun fécours .
Dans cet heureux état je vis avec un frere
Qui fçut toujours gagner mon coeur ,
Et fes rares vertus & fon amour fincére
Mettent le comble à mon bonheur.
Par
JUIN 25 1746.
Par mon oeconomie & ma fage conduite
L'ordre regne dans ma maiſon ;
Et je fuis , quand quelqu'un me chagrine ou m'irrite >
Maître abfolu de ma maiſon.
Dans un pofte éminent j'ai le doux avantage
De me voir chéri , reſpecté :
Je fuis fidéle ami ; j'ai l'honneur en partage ;
Je fuis franc , & plein d'équité.
Et
Je détefte & je fuis l'embarras des affaires :
J'aime le repos & la paix ,
par tcut , où je crois mes fécours néceſſaires ,
On fe reffent de mes bienfaits .
Quoique ſouvent chés moi j'affemble compagnie ,
La raiſon régle mes déſirs ,
Et c'est par la vertu que je force l'envie
A reſpecter tous mes plaifirs.
Du haut rang oùchacun m'admire&me contemple,
Je foutiens les droits & l'éclat ;
Dans les facrés devoirs je fuis d'un grand exemple
Atous les gens de mon état ,
Par M. Cottereau Curé de Donnemarie
11, Vol. B
6 MER CURE DE FRANCE.
CANTATILLE à mettre en Muſique,
LA METAMORPHOSE D'ISABELLE,
P Uuiffant Dieu des raifins , j'implore ton fecours :
C'eft à toi feul , Bacchus que j'ai recours
Ecoute les accens du bûveur trop fidéle .
Venge moi des mépris d'une infenfible belle.
Ainfi réduit au défeſpoir ;
Cet amant imploroit les Dieux contre Iſabelle ,
Quand Bacchus indigné qu'une foible mortelle , 4
Rebutant un bûveur , méprifât fon pouvoir
Jura du haut des Cieux de punir la cruelle .
Fieres beautés , craignez Bacchus ;
Que près d'une jeune merveille
Jamais un fuppôt de la treille
Ne forme des voeux fuperflus.
Quand un buveur eft tendre ,
Pourquoi ne pas ſe rendre ,
Nul ne fçait mieux aimer
Nul ne doit plus charmer,
2
>
1
JUIN 1746 .
27
Mais quoi ! déja Bacchus lui même
Fait éclater La puiffance fuprême !
Une affreufe terreur
Soudain s'empare d'Iſabelle ;
Tout tremble , tout frémit d'horreur .
- Que vois-je , ô Dieux ! elle refte immobile !
Quel changement fubit ! quel effort inutile !
Ifabelle n'eft plus , & je la cherche envain ;
L'inflexible eft changée en un flacon de vin.
De Bacchus chantons la victoire ;
C'est un Dieu jaloux de fa gloire ,
Belles , craignez de l'irriter :
Aimez tous ceux qui fçavent boire
Gardez vous de les rebuter,
Livrez vos coeurs à leur tendreffe ,
Quand ils veulent bien s'enflammer
Mêlez au plaifir de l'yvreſſe -
Tour à tour le p'aifir d'aimer.
..
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
ESSAI DE TRADUCTION,
OUS inferons avec plaifir cettte effai
de traduction , quoique parmi nos
Lecteurs il puifle s'en trouver qui ne con
noiffent peint la langue Latine ; nous eſperons
du moins qu'il ne s'en rencontrera aucun
qui n'approuve ce juite hommage ren
du au Price des Poëtes François , &
qui au défaut de la traduction ne relife
avee plaifir les morceaux de l'original
qui font traduits nous fupplions l'Auteur
de la traduction de nous pardonner fi nous
avors fupprimé les éloges qu'il nous donnoit
& que nous ne devons qu'à fon indulgence,
:
LETTRE adreffée aux Auteurs du Mer
cure par le Traducteur.
LA
A place que la Henriade doit occuper
eft deformais fixée parmi ces prodiges
de l'art qui font tant d'honneur à l'efprit
humain , & couvrent d'une gloire immortelle
l'Auteur & la Nation qui les a produits,
Vous etes plus en état que perfonne d'en
juger ,& de faire connoître que tout ce que
JUIN 1746.
29
I'Iliade acquit de gloire à la Grèce , & l'Eneide
à l'ancienne Rome , aujourd'hui la France
doit l'attendre de la Henriade. Ce beau chefd'oeuvre
eft à la verité le feul Poëme François
qui merite le nom d'Epique , mais aufli
lui feul peut fuffire à notre gloire dans ce
genre , & lui feul nous égale aux Nations
les plus riches ; au refte les Grecs comptentils
plus d'un Homere , les Romains plus d'un
Virgile ? Les François ne compteront auffi
qu'un Voltaire.
Quiconque a le bon goût de la Poeſie ,
doit fentir que la Henriade eft un ouvrage
à paroître toujours avantageufement dans
quelque langue & dans quelque climat qu'on
le tranfporte : fes beautés font réelles , de
tous les pays , de tous les tems , de tous les
peuples , mais le plus fùr moyen de les expofer
aux yeux de l'Univers , ne feroit - ce
pas de les habiller à la Romaine ? les vers
Latins font connus par toute la terre , &
femblent faits pour la majefté du Poëme
héroique.
Avec le fecours de cette verfion les étrangers
auroient l'intelligence d'un fameux Poëme
, que le goût brillant de fon Auteur a
templi de morceaux admirables , qui n'ont
point ailleurs d'exemples , & qui vraiſemblablement
n'auront point d'imitateurs . La
haute idée qu'il leur donneroit de notre
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
Poëfie quoiqu'ils n'en apperçuffent les
beautés qu'à travers les nuages d'une traduction
ne manqueroit pas d'être glorieufe
à la France , & nous vengeroit du
reproche qu'on nous a fait trop injuftement
de n'avoir pas la tête Epique ..
En effet peut- on fans une aveugle partialité
nous accufer encore de cette forte
d'impuiffance , depuis que nous poffedons
1 Henriade ? Caractéres frappés , vers harmonieux
, defcriptions vives, faits intereffans ,
ordre merveilleux , fictions agréables , ftile
rapide , fcénes touchantes , traits fublimes ,
images nobles ; feu , grandeur , érudition ,
tout s'y trouve & dans fa jufte meſure : c'eſt
le temple du goût , l'école des arts , le théatre
des paffions , en un mot le triomphe de
nos Muſes. Doit-on craindre de trop répandre
un chef d'oeuvre de Poëfie où les
Princes , les Grands , & toutes les Nations
peuvent s'inftruire ? Quelles reffources pour
des maîtres dans nos Colléges ! Quelles matieres
de vers pour leurs éleves ! Quels modéles
enfin pour tous les Poëtes du monde!
Voilà l'ouvrage que j'entreprens de traduire
, plein d'admiration pour fon illuftre
Auteur. Mon zéle eft grand , & je réuffirois
fans doute ,fi mes forces poëtiques pouvoient
l'égaler du moins l'exemple que je donne
peut animer de meilleures plumes que la
JUIN 1746. 32
mienne , & me fufcitera peut- être quelque
émule redoutable à qui je céderai les armes ;
trop heureux que ma défaite tourne au profit
de la Patrie.
C'eft auffi pour me rendre à l'invitation
que vous faites fi juftement dans un de vos
Mercures , & pour imiter M. de Voltaire luimême
, qui fait annoncer par eux fa belle
Hiftoire Univerfelle , que j'ofe vous préfenter
le frontispice de mon ouvrage , dans la
confiance que vous l'expoferez avec la juftice
éclairée qu'on a lieu d'attendre de vous . "
En vous communiquant , Mrs. un extrait du
premier Chant , mon deffein eft d'effayer le
goût du public , dont on doit réſpecter affés
les momens & les yeux , pour ne pas les
arrêter , comme font la plupart , für d'ennuyeufes
& frivoles productions. Ses regards '
favorables ou feveres feront pour le refte de
mon ouvrage un ſignal de paroître au grand
jour , ou de rentrer dans un éternel oubli :
ce n'eft point une imitation vague & paraphrafée
de la Henriade que je lui préfente ,
mais une fidéle & vraie traduction , où les
vers Latins répondent toujours aux vers François
; unique , mais bien pénible moyen de
conferver le feu , l'ordre & le génie de
l'Auteur .
Le célébre Abbé Desfontaines que je
confultois à Paris fur la fin de l'année 1744 ›
Biiij
32 MERCURE DE FRANCE
me louoit de l'entrepriſe en me plaignant
de la difficulté : les lumieres d'un fi grand
connoiffeur fur tout en belle Poëfie Lati
ne par la profonde connoiffance qu'il avoit
de Virgile ) me rendoient fon commerce
néceffaire ,& je l'ai cultivé : je dois me taire
fur fes éloges ; il me propofa de m'affocier
à fes travaux périodiques; je crus devoir re-.
fufer ce dangereux honneur , & mon refus
ne diminua rien de fon eftime .
Dans ce tems là même nos Poëtes faifoient
retentir les trompettes & tous leurs
inftrumens héroiques : il me prit envie de remonter
auffi ma lyre , & bientôt ayant dif
pofé mon Ode à l'homme pour le retour du
Roi , je lui fis donner les honneurs de la
preffe , mais je n'ofai la répandre que parmi
des amis le juge d'Avignon en parle
folidement & fans enthouſiaſme dans une
de fes feuilles de la faifon , & modeftie à
part , il y auroit de quoi flater mon orgueil
poëtique , fi j'en avois le coeur atteint,
:
Mais la Langue Romaine eft ma favorite ,
& ma verfion de la Henriade m'eſt plus
chere que tout le refte ; M. de Voltaire y
met par tout un charme qui vous attire ; on
ne peut le quitter , & toujours le tribut
d'admiration fe renouvelle . Pendant mon
féjour à Paris j'ai fait ma cour à ce grand
homme; il donnoit volontiers les mains à
JUIN 1746. 33
mon projet de le traduire , & je lui dois
ce témoignage d'avoir reconnu qu'en lui la
bonté du coeur ne le céde point à la grandeur
de l'efprit. Les vers dédicatoires qui
lui font adreffés paroîtront à la téte de
ma traduction Latine qui fera d'un côté &
les vers François de l'autre. J'ai l'honneur
d'étre & c.
A MONSIEUR
DE VOLTAIRE.
VOLTAIRE , OLTAIRE , ton brillant génic
Embellit tous les arts divers ,
Mais admirable dans les vers "
Qu'il joint de force à l'harmonie !
Tu prens le Coturne inhumain ,
Des traits frappans faiffiffent l'ame :
A ton feu divin tout s'enflâme ,
Quand tu tiens la trompette en main .
Peintre de nos ligues fatales
Que de beautés tu nous étales,
Que d'efprit que de fentiment !
Tout dans ce fameux monument
De ton goût far dépofitaire ,
BY
34 MERCURE DE FRANCE.
Penfe , agit , parle noblement :
Sublime , tendre , véhément ,
C'eft-là que tu parois Voltaire.
A l'orgueilleufe antiquité
N'envions plus fon Iliade ;
Tu nous donnes l'égalité ,
En nous donnant la Henriade .
Ces fiers combats d'Agamemno
De la Gréce illuftrent le nom ,
C'eft Homere qui les enfante :
Parmi des prodiges nouveaux
Rome fort du fein des travaux ;
Virgile la rend triomphante :
Et toi , par d'infignes exploits
Faiſant éclater nos trompettes ,
Henri fe ranime à ta voix ,
Vainqueur de la mort cette fois ,
Il n'appartient qu'aux grands Poëtes
D'immortaliser les grands Rois.
Permets à la Mufe Latine
De fuivre ta Mufe divine
D'un pas toujours refpectueux ;
Puiffe-t- elle fous fon empire ,
Dans la noble ardeur qui l'infpire ,
Prendre fon air majeſtueux !
A tes chants fi ma voix s'allie ,
JUIN 1746. 35
Ne crains pas un accord pareil ;
Voltaire eft par tout le Soleil ,
Je ne fuis que fon * Parélie .
* Image du Soleil formée par fes raions.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
HENRIADO S
Lib. I.
H Eroem canimus , felix quem Gallia vidit ,
Debita jure fuo , mercari & fanguine regna :
Ille per exhauftos , bello turbante , labores
Proludens didicit regnare , & parcere victis ;
Ac poftquàm hoftiles armis cecidere tumultus ,
Frænavit populos , victor que parens que fuorum.
Te precor , ô Virgo veri fidiffima cuftos ;
Ipfa facem attollens in carmina fuffice vires ;
Te Regum affuefcant aures audire fuperbæ ,
Et te voce decet Reges ambire magiftrâ ,
Pandere fas tibi fit , populis mirantibus orbis ,
Quàm fera civiles motus fortuna fequatur :
Dic , agitaret uti noftros difcordia fines ;
Dic triftes populorum iras , & crimina Regum :
Huc ades ; atque tuas potuit fi fabula quondam
Cantûs illecebris voces mollire feveras ,
Divinum que manu tenerâ decus addere frontis ;
Si varios umbrâ fplendori affudit honores ,
Virgo ; finas mecum tua per veftigia furgat
Fida miniftra , tuis non invidiofa trophæis.
ET jam Valloides folio inclinabat avito
Incertâ que manu Regni tractabat habenas :
Pectora languebant humili dejecta pavore ,
JUIN 1745.
37
IRENE KIDDIN+fokot Him Dans
LA HENRIA DE
Chant I.
JE chante ce Héros qui régna fur la France ,
Et par droit de conquête & par droit de naiffance
Qui par le malheur même apprit à gouverner ,
Perfécuté long-tems fçût vaincre & pardonner ;
Confondit & Maïenne & la Ligue , & l'lbére ,
Et fût de fes Sujets te vainqueur & le Pére.
Je t'implore aujourd'hui févére vérité ;
Répands for mes écrits ta force & ta clarté :
Que l'oreille des Rois s'accoûtume à t'entendre ,
C'est à toi d'annoncer ce qu'ils doivent apprendre
C'eft à toi de montrer aux yeux des Nations
Les coupables effets de leurs divifions .
-Dis comment la difcorde a troublé nos Provinces ;
Dis les malheurs du Peuple , & les fautes desPrinces?
Viens , parle , & s'il eft vrai que la fable autrefois
Sçût à tès fiers accens mêler fa douce voix ;
Si fa main délicate orna ta tête altiére ,
Si fon ombre embellit les traits de ta lumiére ,
Avec moi fur tes pas permets lui de marcher ,
Pour orner tes attraits & non pour les cacher.
Valois regnoit encor mais fes mains incertaines
De l'Etat ébranlé laiffoient floter les rênes ;
Ses efprits languiffoient par la crainte abbattus
38 MERCURE DE FRANCE.
Imò Valloides nil præter inutile nomen
servabat Regis : quantum mutatus ab illo
Principe , quem retulit juvenem victoria curru ,
Europe expavit fubitò mirata volantem ;
Qui-que per obitantes patriæ revocantis abiret
Mille preces ; tantæ virtutis imagine capti
Cùm fua gauderent fummittere fceptra triones.
Degener ille trono fedeat , quem caftra tulerunt :
Regnat Valloides , oculis evanuit heros .
Delicias inter , mollis que per otia vitæ
Deficit , haud æquo laffatus pondere fceptri :
Turba miniftrorum , vanâ fub imagine Regis
Luxurians,fceptrum que tenet, nomen que relinquit :
Conjurata cohors regnantem frangere luxu ,
Languida corda gravi curat torpere veterno .
Gufiadum intereà rapido fortuna volatu
Inter regales exurgit ad aftra ruinas :
Urbe Parifiacâ properat domus æmula Regis
Viribus adverfas fractis opponere vires :
Indecores audent populi , ludibria ventis ,
Debellare fuum Regem , ac fervire tyrannis .
Muneribus , victi que metu labuntur amici ,
Hunc que fui cives Lupara indignante repellunt.
Advolat hoftis ovans , cecinit que rebellio fignum á
Omnia corruerant, fubitò cùm magnus´adeffet
Magnus Borbonides , cui fpirant pectora bella ;
Ille jubar præbens , & faufti fideris inftar
Affulfit Regi : virtus rediviva triumphat ;
JUIN 1746.
39
Ou plutôt en effet Valois ne régnoit plus .
Ce n'étoit plus ce Prince environné de gloire ,
Aux combats dès l'enfance inftruit par la victoire ,
Dont 1 Europe en tremblant regardoit les progrès ,
Et qui de fa patrie emporta les regrets ,
Quand du Nord étonné de ſes vertus fuprêmes
Les Peuples à fes pieds mettoient les Diadêmes :
Telbrille au fecond rang , qui s'éclipfe au premier ,
11 devint lâche Roi d'intrepide guerrier :
Endormi fur le Trône au fein de la molleffe
Le poids de fa Couronne accabloit ſa foiblefſe :
Quailus & Saint- Maigrin , Joyeufe & d'Epernon ,
Jeunes voluptueux qui régnoient fous fon nom ,
D'un maître effeminé corrupteurs politiques
Plongeoiet dans les plaifirsfes langueurs létargiques .
Des Guifes cependant le rapide bonheur
Sur fon abaiffement élevoit leur grandeur ;
Ils formoient dans Paris cette Ligue fatale
Defa foible puiffance orgueilleufe rivale.
Les Peuples infenfés , vils eſclaves des grands ,
Perfécutoient leur Prince & fervoient des tyrans :
Ses amis corrompus bien-tôt l'abandonnerent ;
Du Louvre épouvanté fes Peuples le chafferent ;
Dans Paris révolté l'Etranger accourut ;
Tout périffoit enfin lorſque Bourbon parut :
Le vertueux Bourbon , plein d'un ardeur guerriére
A fon Prince aveuglé vint rendre la lumière ;
Il ranima fa force ; il conduifit fes pas
46. MERCURE DE FRANCE
Jam lufiffe pudet , præftat que horrere fub armis.
Præcipitant Reges ftudiis concordibus ambo :
Hæfit Roma timens , expavit Iberia curfu ;
Europe ftupefacta novo difcrimine rerum ,
Luminibus fixis reginam intendit ad urbem,
Urbe vagabatur nutrix difcordia belli ,
Maiennæ focias ceffantis ad arma phalanges
Vocibus accendens ; fummâ que ex arce vocabat
Et populum , & Romam , & vires tardantis Iberi :
Monftrum immane , audax , nullis placabile votis
Intentat propriis odium crudele miniftris ,
Fatales que hominum verfat fub corde ruinas :
Sæpe cruentatas multâ de cæde fuorum,
Armavit dextras ; fera pectora barbarus hofpes
Excruciat , vindex que piemit fua crimina po ní
Solis ad occiduos tractus , propè litus amoeenumi
Quà finuofus aquas evolvit ab urbe morantes
Sequana , campus ubi nunc fulget imagine rerum
Atque favet natura parens , artes que laborant ,
Tunc verò horruerat ſedes infana tumultu ,
Agmina Valloides ultor ferrata movebat .
Ardent mille duces , tot propugnacula Gallis ,
Difcordes fectâ , concordes vindice ferro .
Aufpice Borbonio virtus , & magna reguntur
· Fata virûm ; junxit ftudiis communibus omnes :
Pectora victor habet : credas & eundo phalanges
Ire fub imperio Ducis , uniufque Miniftri.
JUIN 1746.
De la honte à la gloire & des jeux aux combats :
Aux remparts de Paris les deux Rois s'avancérent
Rome s'en all arma , les Efpagnols tremblerent :
L'Europe intéreffée à ces fameux revers
Sur ces murs malheureux avoit les yeux ouverts.
On voioit dans Paris la difcorde inhumaine
Excitant aux combats & la Ligue & Maïeune ,
Et le Peuple & l'Eglife , & du haut de les tours
De la fuperbe Eſpagne appellant les ſecours.
Ce monftre impétueux , fanguinaire , inflexible ,
De fes propres fujets eft l'ennemi terrible :
Aux malheurs des mortels H borne ſes deffeins
Le fang de fon parti rougit ſouvent fes mains
Il habite en tyran dans les coeurs qu'il déchire
Et lui -même il punit les forfaits qu'il infpire.
;
Du côté du Couchant près de ces bords fleuris
Où la Seine ferpente en fuyant de Paris ,
Lieux aujourd'hui charmans, retraite aimable&pures
Où triomphent les Arts , ou fe plaît la Nature ,
Théâtre alors fanglans des plus mortels combats ,
Le malheureux Valois raffembloit fes foldats.
Là font mille Héros , fiers foutiens de la France ,
Divifés par leur fecte , unis par la vengeance :
C'eft aux mains deBourbon que leur fort eft commiss
En gagnant tous les coeurs il les a tous unis ;
On eut dit que l'armée à fon pouvoir foumife
Ne connoifloit qu'un Chef & n'avoit qu'une Eglife.
42 MERCURE DE FRANCE.
ABREGE Hiftorique de l'établiſſement
de l'Hôpital des Enfans Trouvés.
D
ges
Ans tous les tems les Enfans expofés
ont paru mériter l'attention des Magiftrats
; le Parlement a rendu differens Arrêts
pour pourvoir à la fubfiftance des Enfans
abandonnés ; leur nourriture & leur édu
cation étoient dans la Ville de Paris , comme
dans tout le Royaume , une des charde
la haute- Juftice des Seigneurs. Le
Parlement , toujours attentif à l'ordre public
, a bien des fois étendu fa vigilance à
la fubfiftance des Enfans expofés , & cette
augufte Compagnie a fait plufieurs Réglemens
à ce fujet , mais nonobftant toutes ces
fages précautions , il manquoit un lieu de
retraite pour les Enfans expofés , & cet établiffement
d'un lieu pour les recevoir n'eſt
pas fort ancien : il eft dû aux foins charitables
de Saint Vincent de Paule Inftituteur
de la Congrégation de Saint Lazare : Il fut
touché en homme Chrétien & en bon Citoyen
, de l'abandon des Enfans expofés
dont l'ame étoit en grand danger par le
défaut du Baptême , & la vie naturelle par
l'abandon des peres & meres , ou inhumains
JUIN 1746. 45
ou dans l'impuiffance de les nourrir , & de
les élever. La perte de ces jeunes Sujets ,
pour la Religion & pour l'Etat , toucha le
coeur de Saint Vincent , fi difpofé aux oeuvres
de la Charité.
L'époque de ce germe de l'Hôpital des
Enfans- Trouvés eft de l'année 1638 : une
veuve charitable fut touchée de leur état ;
elle voulut bien fe charger de les recevoir ,
& les Commiffaires du Châtelet , après avoir
fait leur Procès -Verbal de l'Enfant expofe ,
l'envoyoient chés cette veuve ; elle demeuroit
près Saint Landry , & fa maiſon fut nommée
la Maifon de la Couche , comme on
nomme aujourd'hui la Maifon des Enfans-
Trouvés près de l'Eglife Notre - Dame.
Ce premier établiſſement des Enfans-
Trouvés ne dura pas long-tems. La charge
devint trop forte pour la perfonne qui
avoit bien voulu la prendre ; fes fervantes
ennuyées & fatiguées par les cris des Enfans ,
en firent un commerce fcandaleux , dont la
Religion & l'humanité furent également
effrayées.
Elles vendoient ces Enfans à des Mandiantes
qui s'en fervoient pour exciter les
charités du Public en le trompant.
Des Nourrices , dont les Enfans étoient
morts , achetoient de ceux-là pour ſe faire
têter ; plufieurs d'entr'elles leur donnoient
44 MERCURE DE FRANCE.
un lait corrompu , & au lieu de procurer a
vie à ces jeunes Enfans, elles leurs donnoient
la mort par la maladie qu'elles leur communiquoient.
On achetoit de ces Enfans pour
en remplacer & pour en fuppofer dans les
familles ; & de-là on s'en fervoit pour caufer
un grand trouble dans la fociété.
On en achetoit auffi pour fervit à des
opérations magiques ; le prix de ces Enfans
étoit fixé à vingt fols , & les perfonnes capables
d'un fi horrible commerce n'étoient
pas fort attentives à faire donner le Baptême
à ces Enfans nouveaux- nés ; ils étoient à
la fois facrifiés par rapport à la Nature &
par rapport à la Religion.
Ces abus & ces défordres furent bien-tôt
tonnes ; on ceffa d'envoyer les Enfans dans
un Hofpice fi dangereux pour eux.
Dans la même année. 1638 l'Hofpice
de ces Enfans fut changé , & il fut tranfporté
près Saint Victor , fous la conduite d'une
perfonne de piété. Les fonds deftinés à la
fubfiftance de ces Enfans n'étoient pas fuffifans
; le nombre en étoit trop grand ; on
tira au fort ceux qui feroient élevés , les autres
étoient abandonnés ; fi le fort prévenoft
l'inconvenient de la prédilection , il remplif
foit d'une maniere bien imparfaite les devoirs
de l'humanité ; il falloit un arrangement
plus digne de la grandeur du Roi &
du zéle de fe's Sujets.
JUIN 1746. 45
En 1640 Saint Vincent de Paule convoqua
une Affemblée des Dames de piété
qui avoient bien voulu prendre le foin des
Enfans-Trouvés. Le choix du fort des Enfans
à élever fut aboli : la vie fut confervée à
tous : le Roi entra dans ces vûes charitables ,
& Sa Majesté eut la bonté d'accorder le Chateau
de Bicêtre pour retiter les Lnfans abandonnés.
Tous les grands établiffemens éprouvent
des difficultés de differente nature ; la vivacité
de l'air de Bicêtre s'oppofa à la confervation
des Enfans ; on les ramena dans le
Fauxbourg Saint Lazare , ils y furent nourris
& élevés jufqu'en 1670 , alois on les transfera
dans la rue Neuve Notre- Dame.
Ces premiers tems de l'établiſſement des
Enfans - Trouvés doivent être regardés com
me des tentatives pour parvenir àun é abliffement
folide ; jufques là il avoit été errant
en differens endroits .
En 1670 il fut fixé où il ſubſiſte encore
aujourd'hui..
Auffi - tôt que ce nouvel établiffement fut
formé , on acheta une maifon deftinée à recevoir
les Enfans expolés.
Le Roi mit ce nouvel Hôpital fous la finguliere
protection . Sa Majesté lui fit part
de fes Aumônes ; elle lui accorda des Lettres
- Patentes , & la Reine Marie - 1 herefe
1
46 MERCURE DE FRANCE.
d'Autriche voulut bien pofer la premiere
pierre de la Chapelle des Enfans- Trouvés.
C'eſt à compter de ce tems-là qu'on peut
voir l'utilité de cet Hôpital ; plus le nombre
des Enfans expofés a augmenté , plus leur
azile eft devenu utile : on voit cette augmentat
on d'année en année par les Regiſtres
qui font au dépôt des Enfans- Trouvés depuis
1670 jufqu'à préfent : il fuffit pour en donner
l'idée d'en préfenter le tableau de dix ans
en dix ans pendant cet intervalle.
Années.
Nombre des Enfans
exposés.
1670.
.
512
1680. $90
-1690 . 1504
1700 .
1738
1710, 1698
#720. 1441
1730. 2401
1740.
3150
1741 .
3388
1742.
3163
JUIN 1746. 47
1743 . 3199
1744. 30341
1745. 3234
Par l'Edit de 1670 , portant établiſſement
de l'Hôpital des Enfans - Trouvés , il a été arrèté
un état des fommes qui lui feroient annuellement
payées par les Seigneurs Hauts-
Jufticiers de la Ville de Paris , pour la nourriture
des Enfans expofés,comme une charge
de leurs Hautes Juftices , & on y a fuivi les
difpofitions de l'Arrêt du Parlement de 1667
& de celui du Confeil de 1668.
En 1675 , le Roi par fes Lettres- Patentes
, ayant réuni au Châtelet de Paris toutes
les Juftices des Seigneurs , eut la bonté d'ordonner
qu'il feroit pris tous les ans ſur ſon
Domaine une fomme de vingt mille livres
pour aider ( à la décharge des Seigneurs ) à
la fubfiftance des Enfans - Trouvés. Le nombre
des Habitans de la Ville de Paris s'étant
multiplié , celui des Enfans-Trouvés a augmenté
,.& c'est une premiere caufe de l'augmentation
dont on vient de donner une idée
en rapportant de dix ans en dix ans le nombre
des Enfans expofés , les Seigneurs Hauts-
Jufticiers n'étant plus obligés de s'en charger
au moyen des fommes qu'ils payoient à
Hôpital des Enfans -Trouvés ou de celle que
MERCURE DE FRANCE.
le Roi payoit pour eux depuis la réunion de
leurs Hautes- Juftices.
La Juftice a long - tems regardé l'expofition
des Enfans comme un crime , mais la
rigueur de la Juftice eft toujours tempérée
par la fageffe &par la prudence , & les Magiftrats
ont bientôt reconnu que leur févérité
à cet égard étoit fujette à de grands inconvéniens
, & c'eft une feconde caufe de
l'augmentation du nombre des Enfans Trouyés,
Parmi ces malheureux Enfans , les uns
victimes du faux honneur de leur pere & de
leur mere , étoient fouvent facrifiés à une
honte jufte à la vérité dans fon origine , mais
bien condamnable dans fon effet ; à peine
ces Enfans avoient- ils reçu la vie , qu'on leur
donnoit la mort , ou parce que les peres &
les meres craignoient ces témoins innocens
de leur mauvaife conduite , ou parce que l'état
de leur fortune ne leur permettoit pas de
les nourrir : les autres nés d'un mariage légitime
,(& ceux là même n'étoient pas exempts
de ces inconvéniens :) les cris de la nature
ne pouvoient l'emporter fur la mifere & fur
Findigence , quelquefois auffi fur une prédilection
blamable , dont les effets funeftes retomboient
fur des Enfans , qui en naiſſant ,
n'ont pas encore eu ni l'avantage de plaire .
le malheur d'avoir déplû.
Cetto
JUIN 1746. 49
Cette condefcendance des Magiftrats pour
fermer en quelque façon les yeux au genre
de crime de l'expofition des Enfans , en a
augmenté le nombre dans l'Hôpital des Enfans-
Trouvés : les peres & les meres n'ont
plus eu de prétexte pour s'en défaire
d'une maniere inhumaine & cruelle . La nature
a repris fes droits dans leur coeur , & ils
ont porté toute leur attention à leur conferver
la vie qu'ils leur avoient donnée.
Les fentimens naturels , la Religion , l'Etat
& la Societé , tout s'eſt trouvé d'accord
pour concourir à la conſervation des Enfans.
La nature répugne toujouts à fa deftruction ;
la Religion s'y oppofe par des vues fupérieures
& par des motifs plus élevés ; l'Etat
ne peut avoir un trop grand nombre de Sujets
; ils font fa force & fa gloire , & la focieté
demande , pour fon intérêt propre ,
la confervation des Citoyens : c'eft auffi
l'objet principal de l'établiffement des Enfans
- Trouvés , & c'eft à le remplir , que ceux
qui font chargés d'en prendre foin , portent
leur finguliere attention .
C'eft pour parvenir à un objet fi important
, que dans les differens tems , à meſure
que le nombre des Enfans Trouvés a augmenté
, il a fallu chercher des moyens pour
augmenter le logement qui leur eſt deſtiné ,
en attendant l'arrivée des Nourrices de la
11.Vol.
C
50 MERCURE DE FRANCE,
Campagne qui fe chargent de les nourrir &
de les élever jufqu'à l'âge de cinq ans .
Ces Nourrices viennent des Provinces de
Normandie & de Picardie , mais elles font
arrêtées par le tems & par les faifons. En
Hyver la gelée & la pluye , en Eté la recolte
, toutes ces caufes retardent leur arrivée ,
& de jour à autre le nombre des Enfans augmente.
Il y a dans l'Hôpital des Enfans - Trouvés
des Nourrices à gages pour alaiter les
Enfans & pour fuppléer au défaut de celles
de la Campagne. Plus le nombre des Enfans
eft grand , plus il faut de Nourrices à gages.
& de celles de la Campagne ; mais plus il
faut de place & pour les Enfans & pour les
Nourrices , plus il faut de magazins pour
les hardes des Enfans , plus il faut de perfonnes
pour les fervir , & plus il faut auffi
de place pour les provifions.
Ces motifs déterminerent Meffieurs les
Adminiftrateurs de l'Hôtel- Dieu , qui connoiffent
mieux que d'autres les devoirs de
l'humanité & ceux de la fociété , à donner
à loyer à l'Hôpital des Enfans- Trouvés trois
pcates maifons appartenantes à FHôtel-
Dieu .
Ces maifons font devenues infuffifantes
par le nombre des Enfans- Trouvés qui depuis
1739 , pafle paſſe trois mille par an,
JUIN 1746.
51
On a vû avec une extrême douleur ces
Enfans périr en très -grand nombre : en
1739 ils furent attaqués d'une maladie qu'ils
fe communiquoient & dont plufieurs mouroient
après avoir langui pendant quelques
jours.
Les Adminiſtrateurs de l'Hôpital des Enfans-
Trouvés ont cherché tous les moyens
de remédier à un auffi grand mal.
Ils firent de concert avec leurs Chefs , Mrsle
Premier Préfident & le Procureur Général
une Déliberation pour augmenter le falaire
des Nourrices de la Campagne , afin de les
engager par l'intérêt à venir prendre des
Enfans Trouvés.
Ils inviterent les Médecins & les Chirurgiens
les plus verfés dans la connoiffance de
l'état des Enfans , à venir vifiter les Enfans-
Trouvés , & à examiner la caufe de leur maladie
.
Ces Meffieurs firent cet examen avec
toute la charité & toute l'attention poffible.
Tous furent d'avis que la caufe de la maladie
des Enfans - Trouvés venoit du défaut
d'air , & du défaut de place pour les loger
pendant leur féjour dans l'Hôpital.
Les Adminiftrateurs de l'Hôpital des Enfans-
Trouvés , munis de ces fuffrages refpectables
, ont cherché tous les moyens de pro
curer aux Enfans - Trouvés de l'air & du logement,
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
L'Hôpital des Enfans - Trouvés eft entouré
de toutes parts de maifons appartenantes
à l'Hôtel-Dieu , & il en tenoit déja plufieurs
à loyer les Adminiftrateurs de l'Hôpital
des Enfans- Trouvés n'ont pu s'adreffer qu'-
aux Adminiftrateurs de l'Hôtel - Dieu ; ils ont
d'abord repréfenté que n'étant que fimples
locataires des Maifons de l'Hôtel Dieu , il
ne leur étoit pas permis d'en changer la difpofition
, & que fi l'Hôtel- Dieu vouloit bien
vendre ces maifons , on pourroit , par la
diftribution qui en feroit faite , procurer plus
de logement.
Ils ont auffi repréſenté tous les motifs qui
éxigeoient plus d'air & plus de logement
pour la confervation des Enfans Trouvés ,
& ils ont demandé aux Adminiftrateurs de
l'Hôtel-Dieu de vouloir bien concourir avec
eux à la confervation de ces jeunes Citoyens ,
en leur vendant des maifons voisines.
. Le Adminiftrateurs de l'Hôtel Dieu font
entrés dans toutes ces confidérations de l'intérêt
public , & ils ont bien voulu vendre à
l'Hôpital des Enfans- Trouvés , & les maifons
qu'il tenoit à loyer , & les maifons voifines ,
pour augmenter leur logement.
Le prix de ces acquifitions n'eft pas la feule
depenfe dans laquelle la confervation des
Enfans -Trouvés oblige leş Adminiftrateurs
d'entrer,
JUIN 1746. 53
Ces maifons nouvellement acquifes font
vieilles , & d'une conftruction qui ne peut
convenir à un Hôpital , tel que celui des Enfans
-Trouvés ; on ne peut fe difpenfer de
rebâtir ces maifons ; ce fera une feconde dépenfe
auffi forte , & peut être plus que celle
de l'acquifition.
Les revenus ordinaires des Enfans-Trouvés
, déja infuffifans par eux-mêmes , fur- tout
depuis l'augmentation du falaire des Nourrices
, ne peuvent pas fournir à une dépenfe
extraordinaire & auffi confidérable.
L'emprunt eft une reffource , mais en même
tems il eft une charge ; cependant il faut ou
laiffer périr les Enfans , ou leur procurer de
l'air ou du logement , & on ne peut le faire
fans une grande dépenfe.
Les Adminiftrateurs de l'Hôpital des Enfans
-Trouvés fentent ces difficultés , mais
ils fe flatent de n'être point traités de téméraires
en les furmontant , ils font trop accoutumés
aux fecours que la Providence leur
envoye , & ils feroient des ingrats de s'en
méfier : ils ont éprouvé dans toutes les occafions
les effets de la charité du public : que
n'en doivent-ils pas efpérer dans celle- ci qui
eft fans doute la plus grande & la plus importante
depuis l'établiffement des Enfans
Trouvés ?
Il s'agit de la confervation de ces Enfans
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
de l'Etat ; ils font d'autant plus au public ,
qu'ils ne font à perfonne en particulier :
comme Enfans de l'Etat , il faut les conferver
, la c'eft fa force & fa gloire ; l'humanité
le demande , la Religion l'exige , & la Société
y trouve fon avantage.
11 y a tout lieu d'efpérer qu'en procurant
de lair & du logement aux Enfans- Trouvés
fuivant l'avis des perfonnes de l'Art , qui regardent
le défaut d'air & de logement , comme
la caufe de la maladie dont les Enfans
font attaqués , & celle de la mort de plufieurs
, on confervera la vie à un plus grand
nombre.
A Mile. L.
BOUQUET.
A Llez droit au fein de Silvie ,
Placez vous , mon bouquet au gré de vos defirs ,
Hâtez vous d'y gouter mille fecrets plaiſirs :
Dans deux jours au plûtard languiffant & fans vie
Il faut enfin que vous tombiez :
Changeons alors de deftin l'un & l'autre ;
Depuis long-tems je languis à fes pieds ,
Venez prendre ma place , & donnez-moi la votre,
Par Monfieur B. D. M.
JUIN , 1746. 55
VERS addreffes à M. Prevost , Regent de
Premiere , à Geneve .
D'un des favoris d'Apollon
Célébrons aujourd'hui la fête ;
Chers amis , que chacun s'aprête
A chanter fur le plus haut ton
Son goût , fon fçavoir & fon nom.
Mais quel obftacle nous arrête ?
De fleurs pour couronner ſa tête
On ne trouve en cette ſaiſon ,
Pas le moindre petit bouton ,
Et même le fougueux chardon
N'ofe montrer fa pointe encore ;
La campagne gémit fous le noir Aquilon :
Son fouffle impetueux dévo e
L'émail qui couvroit le gazon,
Et l'on ne voit plus Celadon
Célébrant les beautés de la naiffante Aurore ,
Faire aux échos des bois repeter ſa chanſon .
Chacun préfere le tifon
Aux doux accens de Therpficore ,
Soleil , fi défiré , c'eft en vain qu'on t'implore :
Ta feconde chaleur quand fera - t- elle éclore
La Tubereufe & le Melon ?
Ci
16 MERCURE DE FRANCE.
Quand verra-t-on briller les dons charmans de
Flore ,
Enfevelis fous le glaçon ?
Zéphir qui voltigeoit fans ceffe ,
Pour lui témoigner ſa tendreſſe ,
Et lui dérober des faveurs ,
Laiffe cette Reine des fleurs
En proye à toute fa trifteffe.
Phebus même plein de langueurs
Eft tranfi fur la double cime :
Rien ne l'émeut , rien ne l'anime ,
Et nous ferions fans protecteur
Prevoft , fi vous n'étiez le notre :
Mais ayant un tel Directeur
Avons nous befoin de quelque autre
Vós foins foutenant notre ardeurr ;
De nos foibles progrès diffipent la lenteur ;
Vos lumieres , votre prudence ,
En formant notre goût nous menent au bonheur,
Et nous ouvrent l'intelligence.
Vous nous infpirez de l'horreur
Pour la par effe & la licence ;
Un coeur volage , ou fans vigueur
Demeure toujours dans l'enfance ,
La raifon a peu d'influence
Lorfque l'on en fuit la lueur.
Banniffons loin de nous une froide indolence ,
Trifte compagne de l'erreur ;
JUIN
57 1746.
Vous faites voir que la grandeur
Que l'orgueil a placé dans l'aveugle naiſſance ,
Ou dans une vaine opulence ,
Ne fçauroit fe trouver que dans la connoiffance;
Ou dans le fentier de l'honneur ,
Vos leçons , votre expérience ,
Des pieges du monde enchanteur
Garantiffent notre innocence
Prenant en main notre défenſe .
Vous déchirez le voile féducteur
Qui de la volupté nous cachoit la laideur :
Vous découvrez le vuide immenfe
Quelle laiffe dans notre coeur.
De l'ordre & du devoir nous montrant l'excela
lence" ;
Vous en moderez la rigueur :
L'étude du plaifir prend l'aimable apparence ,
Et devient une recompenfe ;
Vouspréferez un modefte filence
An clinquant d'un Déclamateur ;
Dont la fophiftique éloquence
N'eſt qu'un étalage trompeur ,
Qui déguile fon ignorance :
Oui , la vérité , l'évidence ,
Doivent fcules faire l'effence
Des recherches de l'Orateur.
Indulgent pour l'âge où nous fommes
Par des preceptes familiers ,
CY
18 MERCURE DE FRANCE.
Vous travaillez à nous faire des hommes ;
Vous nous guidez dans les fentiers
Où vous repandez la lumiere :
Du fçavoir à nos yeux vous ouvrez la carriere
Et vous en écartez les préjugés groffiers .
Heureux fi nos efforts pouvoient vous fatisfaire !
Votre eftime eft pour nous un plus digne falaire
Qu'une couronne de lauriers .
Lorfqu'un maître a le don de plaire ,
Il est cheri des écoliers ,
Agréez les accens que notre zéle exprime ,
Tribut de refpect & d'eftime
Que vous rend l'aimable candeur.
L'hommage le plus légitime
Eft celui que dicte le coeur.
ParJ. B. Tellot à Genève ce 1 Janvier,
)
JUIN 1746. 5'9
.
LETTRE à M. l'Abb! Lébeuf de l'AAcadémie
des Infcriptions & Relles Lettres
touchant Jean HENNUYER Evêque &
Comte de Lisieux.
A derniere fois que j'eus l'honneur de
Lvous voir ,Molier', ' apperçus fur
, fur
votre Bureau un Manufcrit , dont le titre étoit
Voyage de Normandie ; dans le moment je
penfai que ce pouvoit etre l'ouvrage de
notre amr commun Mr. de la Roque , décédé
à Paris le 28. Novembre 1745 ; vous en
convintes , & vous me permites de voir ce
qu'il difoit de Jean Hennuyer , Evé que de
Lizieux ; j'y lus ( dans le Suplément lettre
XVI . ) Que cette Ville regarde comme inconteftable
le zéle avec lequel cet Evêque s'oppofa
aux ordres du Roi , lors de la journée de
la Saint Barthelemy , & l'Auteur y cite à
la marge le Docteur Claude Hemeré , dont
il tranfcrit tout l'article.
Vous vous fouvenez que le défunt , dont
le frere étoit chargé du Mercure , fit imprimer
dans celui d'Octobre 1742 ma premiere
Differtation qui réfutoit la prétendue
Profeffion Religieufe de cet Evêque dans
fordre des Freres Prêcheurs contre les
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
éclairciffemens fur cette matiére , que le P
Mathieu Texte , Religieux du Noviciat des
Jacobins , Fauxbourg S. Germain , avoit fait
inférer dans le Mercure d'Octobre 1741.
Il ne me fied pas de parler de l'accueil
que fit le Public à cet Ecrit ; on cefla dès lors
de mettre Jean Hennuyer au nombre des
Dominicains , & comme avant que d'être
Evêque , il avoit été Doyen de S. Germain
l'Auxerrois , les R. P. Bénédictins , qui nous
oit donné en 1744 la Province Eccléfiaftique
de Paris en 2. volumes , & dans le premier
le Catalogue des Doyens de Saint Germain
l'Auxerrois , eurent grand foin , pag.
270 de réformer ce qu'avoient dit Mrs. de
Sainte Marthe dans leur Gallia Chriftiana ,
en parlant des Evêques de Lizieux , que Jean
Hennuyer l'un d'eux avoit été de l'Ordre
des Dominicains.
Le P. Texte me répondit ; il n'alla pas
au Mercure il pria les Auteurs du Journal
de Trevoux de mettre dans leurs Mémoires
la lettre qu'il m'adreffoit. Les R, P. comme
gens fages & fans partialité , commencerent
par rendre compte au Public de ce dont
il étoit queftion dans leur Journal du mois
de Janvier 1744 ; ils dirent qu'avant que de
parler dans leurs Mémoires de l'Histoire des
Hommes Illuftres de l'Ordre de S. Dominique ,
que donne le R. P. TOURON , il s'agiffoit
JUIN 1746.
61
de fçavoir fi le célébre Evéque de Lizieux
Jean Hennuyer y doit entrer ou non ,
sc'eft à dire s'il a été Dominicain ; qu'un Auteur
anonime foutenoit la negative contre
Je P. Texte , & un d'entr'eux fit de ma
Differtation une analyfe fi ferrée & fi claire
en même tems , que la briéveté n'ôtoit rien
à la force des preuves.
- Dans le mois de Février de la même amnée
1744 ils donnerent la réponſe du R. P.
Texte , qui n'avoit rien de neuf que la dé
couverte qu'on lui avoit procurée de Claude
Hemeré.
Je répliquai à mon tour ; mon ouvrage
fut inferé dans le même Journal au mois
d'Avril fuivant , & j'y fis voir que Claude
Hemeré n'avoit enchéri fur le P. Antoine
Mallet fon original que pour en multiplier
les méprifes.
Obfervez d'abord que le P. Texte , avant
notre conteftation , doutoit fi peu que Jean
Hennuyer eût été de fon Ordre , que depuis
plus de 40 ans dans tous les ouvrages
qui s'imprimoient , & qui étoient fufceptibles
de ces fortes de fingularités cénobitiques
qui portent coup , il étoit attentif à y faire
gliffer adroitement l'intrepidité du Prélat
Dominicain pour préferver de la mort les
Huguenots de fon Diocêfe. Auffi , d'abord
qu'il eût fçu ce que je penfois , il jugea à
62 MERCURE DE FRANCE,
:
propos de prendre les devants ; il fit ſon
premier Ecrit qu'il intitula , comme je viens
de le dire , Eclairciffement , & qui débute
ainfi la journée de S. Barthelemy en l'année
1572 est une époque fi DISTINGUN'E du
Regne de Charles IX. que tout ce qui y a quel
que rapport demande d'être bien eclairci , afin
que ceux qui travaillent à l'Hiftoire de Fran
ce , & méme à celle de l'Eglife , puiffent folidement
en écrire les faits ; ceft dans cette
Due que m'étant apperçu qu'on en a altéré depuis
peu un des principaux au fujet de Jean Hen
nuyer , &c. Il n'y avoit encore rien de fait
de ma part , mais n'importe , il vouloit
me prévenir , & fous prétexte d'affoiblir la
critique de Laurent Joffe le Clerc , à l'ar
ticle Maillard de la Bibliothèque du Richelet.
(a ) il comptoit en même tems me fermer
la bouche , & tirer parti de mon fi
lence .
Dans fon fecond Ecrit qui eft , comme
Vous venez de le voir , du mois de février
744. Journal de Trevoux , il s'explique
ain avant que d'entrer en matiére , le fujet
eft d'autant plus intéreſſant , que partout où
(a ) Voyez le 1. T. du Dictionna're de P. Richelet.
Edit . de 1728 à Lyon. Cet Auteur s'y
plaint page 75 qu'on n'ait pas fuivi à l'ar icle
Hennuyer , dans le Moreri de 1 25 l'avis qu'il
avoit donné de biffer fa qualité de Religieux,
JUIN 1745.
T'on parlera de la fatale journée de S. Barthelemy
, en publiant la fermeté héroique de
notre Prélat , on voudra en avoir un juſte
idee & connoître un homme d'un fi grand mérite.
Il fe plaint , pag. 204. de ce que dans
l'épitaphe de Jean Hennuyer , qui eft de
34 vers François (b) on n'a pas fait la
moindre mention de l'action héroïque & bien
digne d'un mot d'éloge , qu'il fut en fauvant la
vie à tous les Huguenots de fon Diocèfe . ( Eh
comment y auroit on parlé d'un fait inouï
jufqu'en 1643. ? ) & à la page 229 il cite
l'article d'Hemeré , dont feu M. de la Roque
a cru pouvoir profiter.
Voila , Monfieur , où nous en fommes
reftés le P. Texte & moi , par où vous
voyez qu'il ne vifoit à autre chofe qu'à nous
donner de fon prétendu confrere Hennuyer
, l'idée d'un Prélat dont le zéle étoit
à toute épreuve , pour s'etre placé comme
une forte barriere entre le Roi & les Huguenots
, mais ce trait fingulier étant denué
des preuves néceffaires , il faut qu'il
tombe de fui même.
Revenons à feu M. de la Roque ; il me
parloit quelques fois de fon Voyage de Normandie
, & quand je le mettois fur Lizieux ,
(b ) Elle eft en entier pag. 2152 , Mercure
d'Octobre 1742 , & ne fait l'Evêque de Lizieux i
Jacobin , ni protecteur des Calviniftes.
64. MERCURE DE FRANCE.
il convenoit que l'Evêque Hennuyer n'avoit
pas été Dominicain , mais il adoptoit ce
que Mallet avoit die fur la fcéne tragique
de 1572. Je lui répondois que jamais évenement
n'avoit été traité avec plus de détails
que celui là par les Auteurs contemporains
, tant, Catholiques que Proteftans ;
qu'aucun d'eux n'avoit parlé de l'Evêque de
Lizieux ; qu'il n'y auroit point eu affés de
bouches en Normandie pour le dire , ni affés
de plumes pour l'écrire , fi ce fait étoit fondé
; que nous fçavions que Jacques de Matignon
Lieutenant de Roi en Baffe - Normandie
avoit fauvé du maflacre Saint Lo
& Alençon ; que j'avois confulté toutes les
Bibliothéques indiquées dans l'utile & prodigieux
Catalogue du P. le Long ; que j'avois
même pénétré jufqu'au Cabinet de M.
Secouffe , Académicien , votre confrere ,
le plus communicatif de tous les homines ,
& je crois le mieux fourni de ce qui regarde
l'Hiftoire de France ; que je n'y avois rien
trouvé fur ce fait unique , pas même dans
d'Aubigné , qui auroit été charmé de faire
valoir ce trait fi flareur pour fon parti ;
qu'on nous parloit de ce qui s'étoit paffé à
Rouën , & de la dévotion bizarre des habitans
qui donnerent aux pauvres Catholiques
la dépouille des Calviniftes égorgés ,
mais qu'on ne faifoit nulle mention de la
JUIN 1746.
Ville de Lizieux , & que je ne pouvois me
déterminer en faveur de Mallet le plus fàbulifte
de tous les Auteurs , ni d'Hemeré
fon Traducteur , qui l'un & l'autre nous
débitoient , fans avant-coureurs , em 1643
& 1645 , un fait paffé en 1572 , dont la
premiere nouvelle auroit fait retentir les airs
d'acclamations , & dont la Ville ou l'Eglife
de Lifieux auroient infailliblement confacré
le fouvenir par quelque monument
précieux.
Un autre jour je trouvai M. de la Ro
que d'affés belle humeur ; il n'avoit pas
fes vapeurs que vous lui connoiffiez , fuites
trop ordinaires du grand âge & d'un long
travail : il efperoit nous donner la fécu
larisation de l'Abbaye de Saint Victor de
Marseille conformée depuis peu , & dont
il avoit toutes les piéces , & il me prioit d'y
joindre un ouvrage qui y a quelque rapport ,
& dont je vous parlerai quelqu'un de ces
jours ;je ne le mis ni dehors ni dedans . Il me
parla enfuite de la cruelle journée de 1572 ;
il parut frappé de ce que je lui en avois dit ;
j'ajoûtais je vois bien , Monfieur , que c'eſt
pour faire plaifir au P. Texte que voas
tenez encore à fes préjugés , mais quel intérêt
peut il prendre aujourd'hui à l'Evêque
Hennuyer d'abord qu'il ne fut jamais
Dominicain , & que la preuve en eft ſolide76
MERCURE DE FRANCE.
ment établie ? vous me dirès qu'il foutient
ce que Mallet fon confrere en a écrit ; à la
bonne heure , mais il n'en faut pas moins remonter
à la fource , & plus ces fortes de
faits font rares , plus il eft néceffaire qu'ils
foient démontrés .
Nous ne trouvons point dans les Hiftotiens
de ce tems là que les Archevêques &
Evêques fe foient oppofés à l'exécution de
l'ordre du Roi. Les plus modérés d'ent'reux
fe contenterent de gémir en fecret & de
garder un profond filence : & au bout de
73 ans il vient un P. Mallet Dominicain
nous apprendre dans un livre rempli de réveries
& d'hiftoriettes ridicules, & fans nommer
fes Auteurs , que l'Evêque Hennuyer
s'eft fignalé avec une fermeté héroïque en
fauvant du maffacre fes brebis égarées ; ceux
deLizieux ne citent que le P. Mallet , nulleautre
trace dans leurs archives ; c'eft fur
la foi du P. Mallet en 1645 qu'eft fondée
ce qu'on appelle l'inconteftable tradition de
cette ville , & vous voulez que je m'y rende ?
il faudroit avoir de la complaifance de refte ;
M. de la Roque me répondit qu'il verroit le
P. Texte , & il mourut cinq ou fix femaines
après.
Il n'en a pas moins laiffé dans fon Voyage
de Normandie , qui eft fous vos yeux , extrait
d'Hemeré. C'eft donc à vous, Monfieur,
JUIN 1746. 67
qu'on prend pour juge , & qui merités de
l'être par vos talens , par les ouvrages que
vous nous avez donnés , & les recherches
curieufes qui s'y trouvent ; c'eſt à vous à
voir fi ce fait eft affez averé pour y foufcrire,
& fi vous pouvez en fûreté le livrer à
l'impreffion. J'y fuis indifferent pour ce qui
me regarde perfonnellement ; je n'étois engagé
qu'a faire toucher au doigt qu'Hennuyer
a été toute fa vie dans le Clergé feculier
; je crois y avoir réuffi , le refte eft
plus du reffort de votre Académie que du
mien.
Faites donc, je vous prie , attention à ce
que vous venez de lire ci -deffus de la main
du P. Texte que tout ce qui a quelque rappor
à cette époque diftinguée du regne de
Charles IX. demande d'être bien éclairci; qu'il
s'efl apperçu qu'on en a alteré depuis peu un
des principaux ( faits ) ce qui montre qu'il
eft bien convaincu de la realité du fait , & ce
qui doit exciter en même tems l'émulation
des Hiftoriens pour le verifier ou le détruire.
Je ne vous diffimulerai pas que quand je
vis ce trait dans Mallet , j'en fus auffi ébloui
que le P. Texte ; j'en parlai dans la réponſe
que je lui fis , comme plein d'admiration
pour un Prélat ſi zelé & fi digne de reſpect
à tous égards , mais je ne déguifai point que
tout ce que j'avois lû d'Ecrivains de ce tems
68 MERCURE DE FRANCE.
là étoient muets fur un évenement frapant.
*
Je vous dirai plus aujourd'ui , c'eſt queje
viens de lire la feconde édition de l'Abregé
Chronologique de l'Hiftoire de France, Ouvrage
digne àtous égards des applaudiffemens qu'il
a déja reçus. L'Auteur s'explique ainfi page
276.Le massacre de la S. Barthelemi s'étendit
partout le Royaume , fi l'on en excepte quelques
Provinces qui en furent garanties par la probité
& le courage de ceux qui y commandoient.
Leurs noms , quoiqu'ecrits dans bien
des Mémoires , ne fçauroient être trop repetés.
C'etoient les Comtes de Tendes & de Charni ,
Meffieurs de S. rerem , Tannegui , le Veneur,
de Gordes , de Mandelot , d'Örtés , & c. Il
n'ignore pas le glorieux perfonnage dont
le P. Antoine Mallet a illuftré l'Evêque Hen-
& les mouvemens qu'on s'eft donnés
pour en immortalifer le fouvenir ; jugoz
donc vous même & un Auteur , fi refpecté
par for exactitude fur les faits n'auroit pas
été charmé de relever celui-là préferablement
à tous les autres pour peu que les
Hiftoriens du tems y euffent donné lieu.
nuyer ,
Voici donc les réflexions que j'ai faites
depuis ; prenons d'abord au jufte le carac-
* Voyez les pages 2162 & 2163 du Mercure
d'octore 1742.
JUIN. 1746
69 •
tere du P. Mailet. C'eft un Auteur tout occupé
d'un merveilleux outré vrai Romancier
, qui fe plaît dans les prodiges. Son Hiftoire
fe borne aux illuftres qui furent Supericurs
on Religieux du Convent S. Jacques de
l'Ordre des Freres Prêcheurs à Paris depuis
1300 jufqu'en 1623 & ceux dont il parle
font tous des perfonnages divins .
Quand il en fut aux PP. Jean de Guyencourt
& Jacques Fourré Confeffeurs ou Prédicateurs
de Henri 11 , il fçut qu'entre l'un
& l'autre Jean Hennuyer Evêque de Lizieux
avoit été auffi Confeffeur de ce Monarque
, & ce qui étoit vrai , ( comme je
vais le dire ) , qu'il s'étoit oppofé aux ordres
du Roi Charles IX, il ne douta point
que ces ordres ne roulaffent fur le maffacre
de 1572 ? il fit fon portrait d'après cette
idée fans le faire Dominicain , & il plaça
Hennuyer par forme d'intercalaire entre
Guyencourt & Fourré.
Claude Hemeré qui travailloit à fon Hiftoire
de S. Quentin , en Sorbonne , où illogeoit
, & qui étoit par conféquent voifin du
P. Mallet , dont le II. tome ( où font de fuite
Guyencourt & Hennier ) n'étoit pas enco
re imprimé , mit ea Latin ce que ce Religieux
y difoit de Hennier dans fon manuf
crit ; mais fe fiaat rop au titre de l'ouvra,
du P. Mallet qui ne renferme que des Su
ge
70 MERCURE DE FRANCE.
perieurs ou Religieux de la rue S. Jacques
& à ce qu'il avoit dit , qu'Hennier étoit de
la même contrée , que Guyencourt , il les fit
P'un & l'autre & Dominicains & Sanquintiniens
, bévues que j'ai relevées dans ma feconde
Differtation .
Enfuite vinrent MM. de fainte Marthe (*)
qui fe réglerent fur Hemeré , fans confidérer
que leurs Prédeceffeurs Democharés &
Chenu dans leurs liftes des Evêques de France
, & Claude Robert dans fon Gallia Chrif
tina n'avoit fait Hennuyer Dominicain en
façon du monde , ni dit un feul mot de la
gloire qu'on prétendoit qu'il s'étoit acquife
en 172. C'eft donc en fuivant MM. de
fainte Marthe dont l'ouvrage parut en 1656,
que les Jacobins ( excepté le P. Echard qui
l'a rayé du catalogue, ) Maimbourg & Morery
ont tenu le meme langage ; & voilà par
où ce phénomene a paffé juſqu'à nous.
( * ) Pour fçavoir fi l'on peut fe fier aveuglement
à MM. de fainte Marthe dont le témoignage
peut faire impreffion , il eft bon de lire dans
la Bibliothéque critique de Sainjore , c'eſt - à - dire,
du fameux Richard Simon , Exoratorien . édition
de 1709 à Bâle , le chap. 10 pag. 142 du premier
tome; & le P.D.Denys de fainte Marthe dans
la Dédicace qu'il fit en 1715 du premier volume
du Galua Ch ftiana refondu à feu M. le Duc
d'Orleans Régent.
•
JUIN 1746.
ן ז
Mais ne perdons pas de vûë notre objet
principal. L'Evêque Hennuyer a- t'il montré
quelque oppofition aux Ordres du Roi
Charles IX ? Et ai -je eu raifon de l'affûreril
n'y a qu'un moment ? Vous n'ignorez pas,
M. qu'à l'occafion des progrès que faifoit le
Calvinifme , & en particulier de la profanation
de l'Eglife paroiffiale de S. Medard ,
où les Proteftans au fortir de leur Prêche ,
qui étoit au Fauxbourg S. Marceau dans la
maifon dite du Patriarche , (* ) foulerent aux
pieds le Saint Sacrement & abbatirent les
images ; le Roi dans ces circonstances malheureufes
fit un Edit le 17Janvier 1561 par
lequel il leur permettoit de s'affembler hors
l'enceinte des villes pour yffaire l'exercice.
de leur Religion , jufqu'à ce que le Concile
General en eût déterminé , & défendoit aux
Catholiques de les inquieter. Le Parlement
qui regardoit cet Edit comme une exprefle
permiffion de deux Religions dans leRoyaume
, fit fes remontrances. Le Connétable
le Duc de Guife & le Cardinal de Lorraine
ne s'étoient pas trouvés à l'affemblée qui
s'étoit tenuë le 16 Janvier à S. Germainen
Laye pour opiner fur cet Edit , pré-
(* ) Voyez le III . vol . des nouveaux Mémoires
de Condé , & le 32 tome de l'Histoire Ecclés
fiaftique de M. l'Abbé Fleury 1. 156.
2 MERCURE DE FRANCE.
voyant ce qui devoit arriver. Le Prevôt des
Marchands , le Chancelier de l'Univerfité ,
le Clergé de la ville de Paris préfenterent
leurs Requeres pour empêcher la publication
de l'Edit : plufieurs Archevêques &
Evêques firent leur oppofition au Confeil
privé ; & entr'autres , l'Evêque de Lizieux,
dont j'ai rapporté dans ma premiere Differtation
page 2163 du Mercure d'O&obre
1742 , l'acte copié fur la minute & ce ne
fut enfin qu'à la troifiéme juffion le 6
Mars 1561 , que le Parlement enregiſtra
avec differentes modifications , l'Edit du Roi
Contenant permiffion aux gens de la nouvelle
Religion de faire prêches.
Voilà , Monfieur , l'unique preuve que
nous ayons que l'Evêque Hennuyer fe foit
oppofé à la publication d'un Edit qui mettoit
en danger la fubftance dela Foi & de
fes Dogmes dont les Evèques font les dépofitaires
: le Pere Mallet , foit mépriſe ou
affectation , foit qu'il crut que le pathos
auroit plus de brillant , fe figura qu'il valloit
mieux préconifer le zéle de l'Evêque contre
le maffacre , & qu'il étoit plus beau de le
peindre comme le liberateur des Calviniftes
en 1572 que comme le deffenfeur de l'Eglife
en 1561 ; il prit donc une année pour
une autre ; c'eſt de -là qu'il faut partir pour
fe déterminer , & je penfe que c'eft la folution
du probléme, Je
JUIN. 1746 73
par
Je dis plus , c'eft que quand même quelques
uns des Evêques fe feroient diftingués
des démarches d'éclat,il n'y anul e apparence
que l'Evêque de lifieux eût été du
nombre. On ſçait que le Duc de Guiſe étoit
dans le fecret , qu'il fut l'ame de ce complot ,
& qu'il confentit meme de fe charger de la
haine qui en réſulteroit. Le Cardinal de Lorraine
fon oncle affectionnoit & avoit protégé
dans tous les tems Jean Hennuyer : de fimple
Bourfier au College de Navarre , il
l'avoit fait nommer Confeffeur & Premier
Aumônier du Roi ; comme il étoit Sur-
Intendant des Finances , il lui avoit fait don
de la quotepart des decimes de fes Rénéfices
, & accordé à Jean fon frere , Contrôleur
du Magafin à Sel de S. Quentin ; cent
livres de penfion fur la Recette générale
d'Amiens , & enfin c'étoit * par fa médiation
qu'il avoit été nommé d'abod Evêque
de Lodéve [ où il n'alla point ] puis Evêque
& Comte de Lifieux. Voilà donc un homme
, qui dans la fituation où il étoit , avoit
des engagemens perfonnels , & qui de plus
étoient conformes à fes fentimens , car de
Launoy nous apprend qu'il fut très vifcon-
⚫Voyez le Mémorial de la Chambre des Comptes
depuis Juillet 1556 jufqu'en Decembre 557 , &
depuis Janvier 155 , juſqu'en Decembre 1,58.
D
74 MERCURE DE FRANCE
tre les Proteftans , pro Religione contra Novatores
acriter depugnavit. ( a )
Ce n'eſt pas à la feule Maifon de Lorrai-,
ne qu'il étoit attaché par des motifs de réconnoiffance
; il en devoit encore beaucoup .
au Cardinal de Bourbon ; Denis Hangart fon
neveu nous l'apprend dans la dédicace qu'il
fit de fon panégyrique de St. Louis à Charles
de Bourbon fucceffeur du précédent à .
l'Archevêché
de Rouen , & qu'il prononça
le 25 Août 1572 au Collège de Navarre
dans le tems même du maffacre ; Patruus
tuusCardinalis Borbonins , Princeps , ut optimus,
ita modeftiffimus , in avunculum meum Joannem
Hannonium , Reverendiſſimum Lexoveorum
Epifcopum tanta contulit beneficia, ut ejus .
liberalitas ad me & alios meos confobrinos redundarit
atque pervenerit &c. On fçait que
ce Cardinal étoit ennemi mortel des Calviniftes
, & qu'il fe préta même à la Ligue
pour être déclaré Roi ſous le nom de Charles
X. avant l'abjuration du Roi Henri IV.
La fin de ce panégyrique qui roule fur le :
maſſacre , eſt ſi fanatique que je me défends
d'en rien inferer ici , non plus que de celui
qu'il fit en l'honneur du même St. dans la
( 4 ) Hiftoris Gymnafii Navarrici pag. 995.
Edit 1677.
AJUIN 1746. 75
même Chapelle en 1575. Ils furent imprimés
l'un & l'autre chés fean d'Ongeys à Paris.
Le moins qu'on puiffe préfumer du langage
de Denis Hangart , mort Doyen de l'Eglife
de Laon , c'eft qu'il étoit conforme à la façon
de penfer de Hennuyer fon oncle , qui
avoit été le Docteur des deux Cardinaux
fans quoi ç'auroit été lui rompre en viſiere ,
puifqu'il vivoit encore : d'où je ne puis conclure
que cet Evêque fe foit attendri en faveur
des Sectaires contre les ordres exprès
du Souverain , & les projets fi connus de
ceux qui l'avoient élevé à l'Epifcopat.
Bayle dans fa critique générale de l'Hif
toire du Calvinifme y raconte dans la lettre
XX. ce que le Pere Maimbourg a dit de
l'Evêque de Lifieux , qu'il s'oppofoit & qu'il
s'oppoferoit toujours à l'exécution d'un pareil
Ordre que les Huguenots étoient fes Ouailles
quoiqu'égarées ; qu'on n'avoit qu'à s'en retoursner
avec cet ordre & c. Il dit enfuite , je voudrois
bien fçavoir ce que ce bon Prélat eût
fait fi malgré l'oppofition de l'Evêque le
Roi eût voulu être abfolument obei . Il develope
ce qui auroit du conféquemment en arriver
, & conclut ainfi , je doute fort que M.
Maimbourg eut voulu parler de cette action
s'il en eût prevû les conféquences , car avec
sette Doctrine on pourroir aller bien loin ; &
Dij
MERCURE DE FRANCE.
en effet il n'y avoit que le Pere Mallet qui
pút avancer un fait de cette efpece fans citer
lon garant. ( a )
Faifons encore une remarque qui merite
quelqu'attention ; vous avez lu , M. dans ma
premiére differtation [b ] l'extrait de la lettre
du 26 d'Août 1559 d'un Gentilhomme
nommé Villemadon ecrite à la Reine Mere ,
où il parle mai de fon Docteur Hennuyer
Sorbonifte ; paffe pour les injures , c'étoit un
Calvinifte , & l'invective étoit un éloge . Mais
voici ce que je trouve dans la legende du
Cardinal de Lorraine ( ) qui fut imprimée
pour la premiere fois l'année de fa mort
$ 574. L'Auteur s'explique ainfi pag. 33
Après avoir fait åter par la Sénéchale au Roi
toutefainte Musique , ôté à la Reine ſon Confleur
Botellier qui pour lors prêchoit purement,
( le Cardinal de Lorraine ) bailla à Henri
( d ) un fien Docteur Sorboniſte , homme ignerant
& méchant jufques au bout , & par
66
3
(a ) Le Pere Maimbourg cite le Gallia Chriftiana
de Robert qui n'en parle point,
(b) Mercure d'Octubre 1742 p. 2137.
(c) Elle eft dans le VI, vol . des nouveaux
Memores d . Condé edit. Le 1743 à la Hayes
(d) Au Rei Henri 11.
JUIN 1746. 77%
moyen lui arracha du coeur ce peu defemence
de pieté quiy pouvoit être ; prenez garde que
cet e invective contre Hennuyer en 1574
eft relative à celle de Villemadon én 1559
& que dans le tems que les playes de 1572 .
faignoient encore un autre Proteftant dans
cette Legende écrite deux ans après , traite
Hennuyer d'homme ignorant & méchant juſques
au bout , or palé le cas que l'Evêque
Hennuyer fe fut fait pleige & caution pour
les Huguenots , & que le réfus d'obeir eût
été porté au point que nous le dit Mallet ;
croyez-vous en bonne foi que ce Proteftant
n'eut pas changé de ton , & oppofé la fermeté
apoftolique du Prélat aux cruautés qui
s'étoient exercées ? je ne poufle pas ce raifonnement
plus loin , mais je lui trouve bien
dé l'affinité avec la conviction.´.
Je ne puis finir , Monfieur , fans vous
confier une penfée qui n'eft , fi vous
voulez qu'une conjecture ; vous étes plus
à portée que tout autre d'en décider. Je
vois dans votre excellente Hiftoire d'Auxerre
que le fçavant Jacques Amyot prit ..
poffeffion de fon Evêché le 29 Mai 1572
après avoir demande permiſſion au Roi
( Charles IX. ) de quitter la Cour ; qu'il fut
uniquement occupé en 1571 & 1572 à ,
rétablir fon Eglife Cathédrale que les Huguenots
avoient dépouillée , à veiller aux
Diij.
78 MERCURE DE FRANCE.
befoins fpirituels & temporels de fon Diocèfe
, à inftruire le peuple , à relever les ruines
de fon Château de Regennes &c , en
forte qu'il ne vint faire un tour à Paris
qu'au mois d'Avril 1573 .
Sur cet expofé , en 1572 Amyot n'étoit
point à la Cour au mois d'Août , ce
mois fi meurtrier ; dans ce même mois il
y a la fête du 15 que vous connoiffez , &
il y eut le 18 les noces de Marguerite de
Valois foeur du Roi avec le Roi de Navarre
, où fe trouverent les Princes & prefque
toute la Nobleffe du Royaume , triftes
préliminaires de la fanglante catastrophe
que méditoient la Reine mere & les Guifes
& que le vulgaire appella la Souriciere où
furent pris les Calviniftes fix jours après.
Or Jacques Amyot Grand Aumônier de
France étant abfent , il étoit dans les bonnes
régles qu'il fut fuppléé par l'Evêque de
Lifieux Premier Aumonier du Roi , & furtout
aux deux folemnités du 15 & du 18
& qu'il réfidât à la Cour. D'où j'infere
avec une vraisemblance qui n'eft pas frivole
, que Jean Hennuyer n'étoit point à
Lifieux au mois d'Août , & qu'il n'y fit pas
le perfonnage qu'on lui prête. Cet Alibi
bien prouvé fapperoit jufqu'aux fondemens
le trophée erigé par le P. Antoine Mallet .
C'eſt à vous, Monfieur , qui avez la fagacité
$
JUIN 1746. ༡༡
néceffaire pour déterrer les Anecdotes , à
trouver celle-ci ou dans les manufcrits de
la Chapelle du Roi , ou dans les Regiſtrès
du Chapitre de Lizieux : je fuis fur le declin
, je ne puis plus aller aux fources , vous
qui êtes fort & robuſte , je vous établis mon
fubftitut pour cette découverte , & auffi
dans le cas qu'on voulût revenir contre les
deux differtations où j'ai prouve que Jean
Hennuyer eft totalement étranger à l'Ordre
de S. Dominique.
сс
Car à peine aurai -je les yeux fermés qu'il
pourra fe trouver quelqu'Eléve zélé du P.
Texte , qui dira dans un Journal ou ailleurs
, qu'un Auteur anonime & temeraire
a ofé , non pas révoquer en doute , mais
nier pofitivement que Jean Hennuyer
eût été Religieux Profez de l'Ordre des
Freres Prêcheurs ; qu'en vain le fçavant
& laborieux P. Texte , Athlete vigoureux
, oppofoit à fon audace notre fage
maître Mallet & tant d'autres Ecrivains
habiles , dont l'amour . feul du vrai guidoit
», la plume , il a eu l'infolence de méprifer
leur fuffrage, & même les éditions de Moreri
; que fous prétexte que notre P.
» Echard par une idée affés finguliere ( a ) a
dit que ce Saint Evêque n'appartenoit
point à notre Ordre , il a foutenu cette
(*) Expreffion du P. Texte,
"
51
20
D iiij
80 MERCURE DE FRANCE.
n
fauffe opinion , & s'eft encore appuyé
d'un certain de Launoy >
qui parlanc
d'Hennuyer , n'a pas dit qu'il eût porté
notre faint habit : mais que notre P.
Texte lui a fort bien remontré (4) que
» de Launoy qui n'ignoroit pas ce que Mrs.
de Sainte Marthe , Mallet , du Boulay
„ &c. eh avoient écrit , ne les combat pas ,
» & que le filence de ce grand Critique parle
plus en notre faveur que l'approbation de
» tout autre « ; mais tenez forme , la vérité
eft de toures les armures la plus fûre .
"
®
Je fuis avec les fentimens
que vous me connoiffez
pour vous , Monfieur
, votre &c
P. S. J'ai toujours oublié de vous dire
que j'avois vu dans les comptes de la Faculté
de Théologie , que Jean Hennuyer
avoit reçu l'Euphemie , en fa qualité de
Docteur féculier , depuis 1537 jufqu'en
1544 inclufivement. Mettez cette note dans
vos bucoliques.
Le 25 Mai 1746.
(a) Eclairciffemens du P. Texte , Mercure
d'Octobre 1741.
JUIN 1746.
81
EPIGRAMME
Sur un Curé d'un pauvre Villages du Diocèse
de Sens.
Prélat , qui m'as placé pour la premiere fois
Dans un pays fauvage, aride & plein de bois ;
Ma mifere eft extrême & ma peine accablante.
Suivant ta promeſſe obligeante
It par l'ordre établi dont tu t'es fait la foi ,.
J'attends qué ta main bienfaiſante
Me confere un meilleur emploi.
Mais pour preuve évidente
Que la mifere me tourmente
Et que mes paroiffiens font tous de pauvres gens
( Pour un Curé chofe étonnante ,)
rie.
Je fuis trifte, & ma peine augmente
Quand je fais des enterremens.
Par M. Cottereau Curé de Donnema
..
82 MERCURE DE FRANCE.
SA2 28 283 138 +383
PUISSANCE DE L'AMOUR.
DE fes dons Flore fe courorine ;
Elle orne la Terre de fleurs :
L'éclat de leurs vives couleurs
Annonce les fruits de Pomone..
Tircis foupire fes ardeurs ,
Dans les bois fa flûte réfonne
Et l'amour verfe dans les coeurs :
Ces plaifirs , ces douces langueurs-
Dont le charme nous empoifonne.
Le fripon rit de nos douleurs .
Ciel ! qu'elle foule l'environne !
Que de zélés adorateurs !
Quoi ! le fage lui-même donne
Dans les piégés de l'impofteur?
Dans fes liens il emprifonne,
Et la fageffe & la grandeur ,
Salomon à lui s'abandonner
obtenir fes faveurs
Et pour
Marc-Antoine
perd fa couronne
,
Selon qu'il veut il nous façonne
..
Il change
notre goût , nos moeurs,
C'eft en vain que l'eſprit
raiſonne
Près & loin par tout il moiffonne
.
JUIN
83
1746.
Tout éprouve fes traits vainqueurs ,
Le tems qui fuit & nous talonne
Ne défend point de ſes chaleurs.
Le vieillard lui-même s'étonne
D'éprouver encor fes fureurs ,
Dans un âge où le coeur friffonnet
Pour moi , fous ces ombrages frais ,
Quoiqu affés près de mon automne
Si je voyois une pouponne
Qui de Venus eut tous les traits ,
Je croirois , Dieu me le pardonne ,
Qu'en ma faveur l'Amour exprès
A formé l'aimable perfonne ;
Et que pour combler mes ſouhaits
Il l'amadoue & la mitonne.
Pour la contempler de plus près
J'irois juſques à Babilone ;
Mais bon, je la vois fans Matrone ;
Ciel , que d'écla® , & que d'attraits !
Elle à le port d'un Amazôné´:
Venus de fes dons la couronne.
Et pour affûrer les fuccès ,,
L'Amour la comble de bienfaits.
Les graces , fans qu'elle l'ordonne ,
De fa beauté font les aprêts.
Ah ! que je crains que la friponne
Ne me caufe bien
}
des
regrets !
Je vois fous ces myrtes épais
Un petit maître qui fredonne.
84 MERCURE DE FRANCE,
Plumet , épée à la dragonne ,
Suffit pour avoir quelque accès .
Pour enchanter une mignonne
L'habit fait fouvent tous les frais .
J. B. Tellet.
***
MEMOIRE fur les coudées de Cire dûët
par un Curé de Bourgogne à M. Henrion
Seigneur de la Paroiſſe de Buffy - le-Grand an
Bailliage de Challon , Gouverneur des Pages
de la Chambre du Roi.
Ous demandez , M. que je vous expli-
Vous
que mon fentiment fur la difficulté qui
Vous arrête. Le Seigneur de Buffy - le Grand
dans le Diocèfe de Châlons fur Saône a donné
anciennement au Curé de Montagny , village
dépendant de la terre de Buffy , le droit de
dixme qu'il avoit dans les terres de la Chapelle
de S. Maurille ( apparemement Evêque
d'Angers ) fituée dans le territoire de l'Eglife
Paroilliale du même lieu de Montagny dans
le hameau de Montorge , mais en faifant cete
cellion , il a aftraint le Curé & fes fucceffeurs
à lui payer & à fes fucceffeurs Seigneurs
deBuffytreize coudées de cire chaque année.Le
tite primordial de cette donation eft perdu ,
JUIN 1745.
mais il y en a des reconnoiffances dont la
plus ancienns eft enoncée dans le terrier de
Buffy en ces termes,
*
Dilcrette perfonne Antoine du Vernay
Prêtre Curé de Montagny, de fa certaine
fcience confeffe tenir porter & poffeder de
» la directe cenfive perpetuelle de noble Seigneur
Antoine de Semur & Damoiselle,
Jacqueline de Cercy - fa femme honorable
homme Guillaume Guillot , leur pro-
» cureur pour eux ftipulant , le dixie à lui
compétant & qu'il tient à Montorge , dont
il jouit comme ont faits fes predeceffeurs
Curés dudit Montagny à caufe de la Chapelle
de S. Morille : fur lequel dixme ledit
Curé reconnoît, confeffe devoir & promet
payer chacun an perpetuellement à la S..
Martin d'hyver pour lui & fes fucceffeurs
Curés , auxdits Seigneur & Dile treize
>coudées de cire de cens portant lots, retenue
remuage & autres droits Seigneuriaux dont
» il eft content & promet par fon ferment
❤non aller au contraire ,fubmet &oblige les
biens de ladite Cure ès Cours du Roi no
tre Sire & de la Chancellerie du Duché de
Bourgogne. Fait à Montorge le 25e, jour
» du mois de Juillet l'an 1552 , préfent Denis
Cruchaudet & Philibert de L'homme
de faint Valerin temoins , figné fur la groffe
» Perrant.
6 MERCURE DE FRANCE.
-La difficulté eft de fçavoir ce qu'il faut en
tendre par une coudée de cire. Quelques-un's
pourroient croire que par ces treize coudées
de cire il faut entendre la meme chofe que
treize coudées de chandelle de cire, & qu'uife
coudée de chandelle de cire n'et autre chofe
qu'un cierge de la longueur d'une coudéé,
c'eft -à-dire d'environ deux pieds : mais il eft
vifible par les termes de la reconnoiffance qué
ce n'eft point de ciré mife en forme de chan
delle ou de cierge ordinaire qu'il s'agit ici, c'eft
une espece de tribut de cire non autrement mis
en oeuvre qu'en pain de cire long dansla forme
que les épiciers ont des pains de favon . An
ciennement les Ciriers donnoient à la Cire
diverfes figures , fur- tout à celle qui ſei voit à
l'acquit des hommages & des redevances ; par
exemple , celles qui fe préfentent à l'Eglife
d'Orléans font en forme de goutieres d'uft
poids très confidérable .
Ainfi il n'eft pas extraordinaire que les anciens
Seigneurs e flent fpecifié que la Cire
dont le Curé de Montagny feroit recevable
envers leurs fucceffeur , feroit de la longueur
dune coudée , foit en forme de lingot , foit
en forme de coudée ou de bras étendu , &
que ce lingot ou coudée feroit treize-fois repeté.
11 eft même à croire qu'il y a du myfte
cieux dans ce nombre de treize, cat s'amflant
JUIN
1746. 87
#
June donation Eccléfiaftique , le Seigneur .
donateur à eu vraiſemblablement en vûë N.
S. J. C. & fes douze Apôtres . La treizaine
employée dans plufieurs cérémonies anciennes
n'a pas d'autre fondement. Quoiqu'il en foit
de la figure de ces coudées de cire , le titre
n'emploiant pas le terme de chandelle , on ne
peut pas dire qu'il s'agit ici de treize chandelles
cubitales : c'eft le fentiment des fçavans
avec qui j'ai conferé , & le mien , & felon
ce fentiment chaque coudée de cire ne pou
voit pas moins pefer que quatre ou cinq
livres.
}
la
Je puis même vous faire obferver que ce ſe
roit fans fondement fuffitant que dans les titres
des autres Eglifes ou il eft parlé de cubitus candela
cerea on entendroit par cette expreffion
une chandelle de la longueur d'une coudée ,
faquelle ne furpafferoit point en groffeur nos
chandelles qui font de la groffeur du doigt.
Dans l'antiquité on ne connoiffoit gueres
Cire blanche. La façon d blanchiffage la
rendue plus chere, le prix de la Cire faifoit que
fon n'y regardoit pas de fi près qu'aujourd'hui
, c'eft pourquoi quiconque donnoit par
hommage ou par redevance une coudée de
Cire à bruler , ce qu'on appelloit candela cere
à caufe de l'étoupe qui étoit dedans , ne fe
contentoit pas d'une figure faite comme le
bout de nos cierges , mais c'étoit comme
I
MERCURE DE FRANCE.
ane efpece de pyramide de cire de la grof
feur du bas du cierge pafchal des Cathé
drales , enforte que les chandelles pyrami
dales fe foutenoient d'elles - mêmes à caufe
de la groffeur de la baze ; on en voit encore
à de femblables ou à peu près dans quelques
Villages du Diocèle de Paris, qui ont été préfentées
par des Communautés d'habitans ,
pour l'acquit de quelque van. Les Payfans
appellent cela des fouches de cire : elles font
peu longues , mais fort groffes & maffives.
Vous fouhaitez auffi , Monfieur , que je
joigne à cette repoble ce que j'aurai trouvé
fur les hommages ou redevances de chandelles
cubitales , pour juger fi l'un ne ferviroit
pas à l'intelligence de l'autre.
Le plus ancien titre où l'on trouve dans
les Eglifes de France la redevance du cubitus
candela , eft l'acte par lequel on voit que
Ifarne Evêque de Touloufe fongea à donner
à Hunald Abbé de Moiffac l'Eglife Canoniale
de S. Saturnin de fa Ville Epifcopale. *
Quoique ce fut feulement un fimple pro
jet , ce titre qui eft d'un peu après le milieu
de l'onzième fiécle ne laiffe pas de nous apprendre
que cette Eglife de faint Saturnin
étoit obligée d'ancienneté de payer à l'Evêque
cinq coudées de chandelle ; fçavoir `une
* Catel Hiftoire du Languedoc page 873.
JUIN 1746; 89
coudée pour l'Evêque même, qu'on appelloit
subitum Epifcopalem candela ; une autre pour
le Prevôt de la Cathédrale de la même Ville
de Toulouſe. La troifiéme coudée étoit pour
le Doyen , la 4e. pour le Sacrifte , & la se.
pour les befoins de la méme Eglife . Retineo ,
dit - il , unum cubitum candela Epifcopalem ,
alium Præpofiti , & alium Decani , & alium
Sacrifta , & alium ad opera ejufdem Ecclefia.
Ifarne ne vouloit pas que lui, fes dignitaires , &
fonEgl.feperdiffent cette ancienne redevance ,
au cas que lesMoines Moiffac fuffentintroduits
à S. Saturnin, mais que les Moines continualfent
de la payer ainfi qu'avoient fait jufqu'alors
les Chanoines. Or il eft vifible que la grof
feur de ces coudées de chandelle devoit re
venir à celle des fouches de cire offertes à
nos faints , qui véritablement forment une
efpece de chandelle puifqu'il y a de l'étoupe
au milieu & qu'on les a lume à l'Eglife. La
cinquiéme des coudées ci- deffus énoncées
leve tout le doute qu'on pourroit avoir :
subitum candela alium ad opera ejufdem Ecclefia
. Cette coudée determine la groffeur
des autres , car elle ne pouvoit être utile pour
les befoins de l'Eglife Cathédrale de Touloufe
qu'autant qu'elle étoit d'une durée raiſonnable
: & cette durée auroit elle été raiſonnable
, elle n'avoit été que d'une ou deux
heures, comme peut - être celled'une coudée de
90 MERCURE DE FRANCE.
bougie ordinaire , ou même de trois ou quatre
heures , comme peut être la durée d'une
coudée de chandelle de Cire de la groffeur
du doigt ?
Il paroît donc que l'intention d'Ifarne Evêque
de Touloufe ayant été de faire continuer
à fon Eglife une offrande qui fût d'une utilé
confiderable pour la nuit , il a entendu
une fouche de Cire d'une coudée dont l'it
lumination foutenue par la groffeur peut - durer
un grand nombre de nuits.
Le fecond témoignage que l'antiquité fournit
touchant le cubitus candela cerea fe trouve
dans l'Hiftoire des Evêques de Châlons
fur-Saône , mais il n'y eft que par extrait , &
l'on n'a pas les propres expreffions du titre .
On lit donc feulement dans l'ancien & dans
le nouveau Gallia Chriftiana à l'article de
Ponce de Siffey Evêque de Châlons , qu'environ
l'an 1271 , il tranfigea avec le Prieur de
Combertaud au fujet du droit de procuration
qui lui étoit du par an pour la vifite de ce
Prieuré , il fut reglé à fix livres Viennoifes
& à une liv. d'encens qu'on dévoit lui appor
ter àla fête de S. Vincent patron defaCathédrale
,à l'occafion de quoi l'Evêque de fon côté
devoit faire donner à celui qui lui apportoit
les fix livres de monnoie Viennoife, & la livre
d'encens , une coudée de chandelle de Cire &
anecertaine quantité d'avoine : unum cabinuta
JUIN 1746.
candele cerea & unam libraturam avena.
C'eſt à vous , Monfieur , à faire ufage de
ces deux exemples ainfi que vous jugerez à
propos , mais fouvenez -vous toujours , que
dans ce dernier , quand même l'Evêque fe
feroit contenté de donner un fimple Cierge
d'une livre , le cas eft different , parce qu'il eft
celui à qui l'hommage eft rendu par les Religieux
, & qu'il n'eft pas celui qui le rend»,
au lieu
que le Curé de Montagny eft celui
qui eft tenu à l'hommage annuel envers le
Seigneur de Buffy , de même que les Seigneurs
feudataires de l'Eglife d'Orléans , à l'Eglife
d'Orléans . D'ailleurs cette redevance du Čuré
n'eſt pas dite payable en chandelle de Cire ,
mais en fimple nature de Cire.
A Paris , ce 28 Mai 1746.
Quoique nous n'ayons rien à ajouter à cette
fçavante differtation , nous dirons que les
recherches que nous avons faites de notre
côté nous portent à croire que ces cubiti cera
pourroient être plûtôt des pains ou braſſés
de Cire , dans toutes les formes que demandoient
les differens ufages qu'on faifoit alors
de la cire , torches , chandelles , ou bougies
tournées telles que les petits pains qu'on porte
à la main. Le moine du Vigeois nous a
92 MERCURE DE FRANCE
#
confervé un témoignage de l'ancienne magnificence
avec laquelle on diftribuoit la cire
dans les Cours des grands Seigneurs de fon
fiécle. Un Seigneur ayant recu la vifite d'un
autre de fes voifins plus puiflant que lui chés
lequel il avoit été auparavant traité avec
moins de fplendeur qu'il n'auroit du en at
tendre de fa richeffe , un des gens de ce
meindre Seigneur à l'arrivée du Seigneur
ét anger monta fur une charette remplie de
pains de cire qu'il trouva fur la place , & cou
pantavec une hache lescercles qui les lioient,
répandit tous ces pains en difant , c'eft ainfi
que l'on diftribue la cire dans la Cour de
Monieigneur.
2015 71310
JUIN 1746. 93
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
ISTOIRE DUTHEATREFRANÇOIS, depuis
Hlonorigane juiqua proient , avec la vie
des plus célebres Poëtes Dramatiques , un
catalogue exact de leur pieces & des notes
historiques & critiques , tome 6 Paris 1746
chez le Mercier & Saillant.
Ce fixiéme volume commence à l'année
1636 , par la Tragédie d'Horace , & finit à
l'année 1645 .
Pendant que le grand Corneille prenoit
un vol fi hardi les Auteurs fes contemporains
ne fe formo ent point parfon exemple ,
& reftoient dans leur médiocité. Les grands
génies volent de leurs propres aîles , & pra
duifent fans fecours & par la feale force de
leur génie des beautés fublimes , mais ils
donnent des exemples qui ne peuvent être
imités ; il faut plus de tems pour former le
gout ; Corneille qui n'avoit pas épuré le fien
ne pouvoit perfectionner celui de fon fiecle ;
après avoir vu les inégalités étranges qui fe
rencontrent dans les pieces de ce grand
homme , doit on être étonné qu'im nédiatement
après Horace , on ait donné la Tra
N
94 MERCURE DE FRANCE.
gédie de S. Euſtache , où la legende
piece
deS. Euſtache eft employée toute entiere , &
où des évenemens merveilleux & des vers
remplis de galimathias tenoient lieu d'un
plan regulier & d'une Poëfie noble & fimple:
L'Auteur s'excuſe froidement dans fa préface
de n'avoir pas fuivi les regles für ce que
fon fujet ne pouvoit s'y accommoder. On
les connoiffoit en effet ces regles d'Arifto- >
te , on les citoit à tout propos , mais on
ignoroit fur quels principes elles étoient fondées
, ce qui pourtant étoit le vrai moyen de
s'en fervir utilement.
Dans une Tragédie iutitulée Proferpine ,
Claveret fcrupuleux obfervateur de ces regles
, pour éviter les difficultés qu'on pouvoit
lui faire fur l'unité de lieu , plaçoit la
fcéne au Ciel , en Sicile , & aux Enfers au
moyen d'un théatre à trois étages , c'eſt ainfi
qu'il croyoit avoir établi l'unité de licu.
Quelque éclatante que fut la reputation
du grand Corneille, il ne laiffoit pas d'ef
fuyer des injuftices qu'il ne fentoit que trop
vivement ; la gloire des gens de Lettres n'a
tout fon éclat qu'après leur mort , Corneil
le vivant étoit ſouvent comparé à Scuderi , à
Mayret , à Rotrou , à Duryer : Menage fait
marcher Alcionée , Tragédie de ce dernier
de pair avec les meilleures de Corneille ;
JUIN 1746 97
cette piece aujourd'hui juftement oubliée
n'a qu'un rôle qui foit fuportable.
C'eft en 1639 que parût Mirame Tragi-
Comédie de Defmarets , compofée fur le
plan du Cardinal de Richelieu , & dans la-,
quelle il avoit même mis une grande quantité
de vers de fa façon ; la répréfentation
de cette piece lui couta deux ou trois cent
mille écus , il fit bâtir pour la répreſenter
la fale de fon Palais qui fert encore aujour
d'hui à l'Opéra , auffi la piece fut- elle intitulée
Ouverture du Palais Cardinal; le fuc-.
cès de cette piece ne répondit point à l'at
tente du Cardinal. Quelque politique que fut
Defmarets , les fpectateurs l'avoient été trop
peu pour qu'il pût lui cacher la chute de fa ,
piece , mais il en rejetta la caufe fur les Acteurs
qui, difoit-il , ne fçavoient pas leurs rô
les , & étoient à moitié yvres.
On donna une feconde réprefentation , &
on eut foin d'y faire trouver un nombre de
perſonnes apoſtées pour applaudir ; on en
donna depuis encore quelques réprefenta- !
tions. Rien n'eft plus foible que cette piece ;
le plan , la conduite , les caracteres en font
également défectueux , la verfification_eft
chargée de pointes , & de penſées fauffes
c'étoit le goût de ce tems-là , & Corneille
lui-même n'en étoit pas toujours exempt
quand il n'en étoit pas garanti par l'élevation
96 MERCURE DE FRANCE.
de fon génie , car dès qu'il n'eft pas admirable
, il faut l'avouer , il a tous les défauts
de fon fiecle.
Pendant qu'il travailloit à fes chefs d'oeu
vres ,il étoit encore occupé à fournir fa part
dans les pieces que le Cardinal de Richelicu
faifoit compofer par les cinq Auteurs ,
qui étoient Mellieurs Boifrobert , Corneille.
Colleret , de l'Etoile & de Rotrou ; on eſt aujourd'hui
un peu furpris de cet affemblage ,
car fi l'on en excepte Rorrou , le nom d'aucun
de ces Auteurs n'eft aujourd'hui connu
que par les gens de Lettres , & leurs ouvrages
font morts avec eux. Telie eft la def
tinée des Poëtes & des Ecrivains, oppofée à
celle du refte des hommes , car tandis que
nous vivons les dignités , les charges , la naiffance
mettent entre les hommes une difference
réelle , que la mort fait difparoître .
au lieu que les Poëtes tandis qu'ils vivent,
font ou le croyent égaux ; le Public même
s'y trompe fouvent , c'eft la poftérité qui fait
le triage , & qui affigne à chacun fon véritable
rang.
Ce fut en 1644 que parût Rodogure
Tragédie admirable que M. Corneille regardoit
comme le meilleur de fes ouvrages,
peut-être parce que c'étoit celui de tous
qui lui avoit le plus coûté. En effet il avoit
été plus d'un an a en difpofer le plan ; quand
ce
JUIN 1746 . 97
cet ouvrage parut , le fijet n'avoit déja
"plus le mérite de nouveauté , M. Corneille
avoit été trahi par un de fes amis , & M.
Gilbert à qui l'on avoit dit le plan , avoit
fait fur ce plan admirable une fort mauvai-
'fe Tragédie. Corneille vengé par le fuccès
n'a pas daigné faire mention de cette fupercherie
dans l'examen de fes ouvrages.
Parmi les Auteurs qui figurent dans ce
volume on voit paroître en 1645 Scaron
qui donna cette année Jodelet Maître &
Valet , genre de Comédie, qui , s'il n'eft pas
tout à fait la farce , eft bien loin d'être
la vraie Comédie , mais qui ne laiffe pas de
mériter quelque eftime puifqu'il atteint un
des buts de la Comédie qui eft de faire rire .
Ses piéces fubfiftent encore au Théatre , ce
qui prouve qu'elles y plaifent , & l'on ne
compte point l'Auteur au rang des bons
Poëtes comiques , ce qui prouve la médiocrité
de ce genre pour lequel il faut plus de faillie
que de génie , & plus de gayété que de talent.
Nous ne pouvons réfifter à la tentation
d'inferer ici un trait plaifant fur la mort de
Scaron ; voyant fes infirmités s'augmenter ,
il previt qu'il ne pouvoit pas aller loin ; il
fut un jour furpris d'un hoquet fi violen :,
que l'on craignit qu'il n'expirát , le fort du
mal étant paffe , fi j'en reviens , dit-il , je ferai
une belle Satyre contre le hoquet. Il ne re-
E
98 MERCURE DE FRANCE.
vint point de fa maladie & le public à perdu
cette Satyre ; voyant fes parens & fes
domeftiques qui fondoient en larmes , attendris
de fon état , mes enfans leur dit- il , vous
ne pleurerez jamais tant pour moi , que je vous
ait fait rire.
Parlons encore d'une piece auffi importante
qu'ignorée, c'eft la Déclaration de Louis
XIII. du 18 Avril 1641 ; il eft enjoint par
cette Déclaration auxComédiens de ne repréfenter
rien qui puifle bleſſer l'honnêtété publique
& il eft dit en même- tems . Nous voulons que
leur exercice,qui peut innocemment divertir nos
peuples de diverfes occupations mauvaiſes , ne
puiffe leur être imputé à blame , ni préjudicier
à leur reputation dans le commerce public &c.
Cette Déclaration eft enregistrée au Parlement.
LES vies des Hommes Illuftres de la
France , depuis le commencement de la Mo.
marchie jufqu'à préfent , tome treiziéme.
Les grands Capitaines in - 12 1746 , chés le
Gras , Sale du Palais.
?
Cn voit dans ce volume les vies de Louis
de Bourbon , premier du nom , Prince de
Condé, chefde la maifon deBourbon Condé,
Ce Prince qui vécut fous les regnes de
François I. Henri II. Franç į , II. & Charles
IX, n'eut pas un fort auffi heureux qu'il le
JUIN 1746. 99
méritoit. Plus élevé par fes grandes qualités
que par fa naiffance , courageux , entreprenant
, né avec une ame ferme & un eſprit
élevé , il fçavoit former & exécuter des deffeins
vaftes . Le malheur des circonstances le
mit à la tête de la faction Proteftante , &
quoiqu'il ne fut pas exempt d'une ambition
qu'il eft bien difficile de ne pas écouter
quand on peut la fatisfaire , il fe prêta dans
toutes les occafions à la paix , il chercha
avec bonne foi à l'établir folidement , & facrifia
même à cet intérêt fon intérêt propre ;
né avec les vertus des grands hommes , il
eut auffi les foibleffes de quelques-uns , à
leur exemple il aima les femmes , comme
eux il en fut trahi , fon fecret fut vendu
& fes entrepriſes déconcertées.
Il perit malheureuſement à la Bataille de
Jarnac ou il fut tué par Montefquiou , après
s'être rendu prifonnier ; Prince illuftre , di
gne d'un autre fort & d'un autre tems , fincere
, affable , capable d'amitié , genereux ,
éloquent , digne enfin d'être propofé pour
modéle aux grands Princes , fi l'on en excepte
le malheur qu'il eut d'être chef du
parti Proteſtant.
André de Montalembert , Seigneur d'Effé
& de Panvilliers , Chevalier de l'Ordre du
Roi , Lieutenant Général de fes Armées ,
& Premier Gentilhomme de la Chambre
Eij
100 MERCURE DE FRANCE .
des Rois François I. & Henri II. qui vécut
fous les Regnes de Charles VIII. Louis XII ,
François I. & Henri II ,
-Montalemberg plus connu dans l'Hiftoire
fous le nom de d'Eflé fut tué en défendant
Terouane où il commandoit ; il étoit
attaqué depuis trois ans d'une jauniſſe extraordinaire
, lors qu'il reçut ordre d'aller
s'enfermer dans cette place. Je m'y en vais
de bon & loyal coeur , dit-il , enprenant congé
du Roi ; mais j'ai oui dire qué la place eft
très mal enviraillée ; cependant lorfque vous
eutendréz, dire que Terouane eft prife , dites
bardiment que d'Effe eft mort & gueri de fa.
jauniffe.
Paule de la Barthe , Seigneur de Thermes ,
Tylaréchal de France , Chevalier de l'Ordre
du Roi , fous François I. Henri II . François
II. & Charles IX . , ce fut un des plus fameux
& des plus fages Capitaines de fon fié
cle , il avoit acquis une telle reputation de
prudence que les Efpagnols difoient.communément
Dieu vous garde de la fageffe de
Thermes.
Pierre d'Auffun , Chevalier de l'Ordre du
Roi , Maréchal de Camp , Gouverneur de
Turin fous François I. Henri II . François
II, & Charles IX.
Les mêmes Efpagnols qui difoient , Dieu
vous garde de la fageffe de Thermes , ajou
JUIN 1740
101
.
toient & de la prouesse d'Auffun ; ce Général
entrainé par les fuyards à la Bataille de
Dreux , mourut de regret d'avoir paru fuir
un moment. Mezerai & le P. Daniel ont
écrit qu'il lâcha pied , mais on rétablit ici
la vérité de ce fait , fur l'autorité du Baron
de Fouquevaux, qui a fait les vies des Grands
Capitaines ; il fut en effet entrainé par les
fuyards , mais après s'étre mis au large , il alla.
fe ranger à l'arriere garde de M. de Guife
avec lequel il combattit, & eut fa part à l'honneur
de la Victoire ; le Duc de Guife , & les
Officiers Généraux firent de vains efforts
pour le confoler , it s'obftina à ne point
manger , & mourut au bout de quelques
jours.
Pierre Strozzi , Chevalier de l'Ordre du
Roi , Maréchal de France , fous François I.
& Henri II. Ce Capitaine fut un des plus
vaillans hommes de fon tems , fa préfence
d'efprit , fon habileté , fon expérience le mirent
au niveau des plus grands Capitaines
de fon fiecle , & cette réputation eft d'autant
moins equivoque , qu'elle étoit plus fondée
fur fes grands talens , que fur les fuccès que
l'on peut quelquefois devoir à fon bonheur
ou aux talens des autres. Strozzi fut toujours
malheureux , & fes malheurs ne détruifirent
point la haute idée que l'on avoit de fa capacité
; on a dit qu'il hazardoit trop ai fé-
Eiij
702 MERCURE DE FRANCE.
3
ment des entrepriſes difficiles , par la raifon
qu'il fuppofoit dans fes Gapitaines & dans
fes foldats autant de bravoure & de capacité
qu'il en avoit lui même. Ce feroit là
un grand défaut ; quoiqu'il en foit fes ennemis
même lui rendirent juftice , & le Duc
de Florence , qui avoit de grands fujets de
le hair , ne put s'empêcher de dire en apprenant
fa mort , nous avons perdu le plus
brave foldat de Florence , & même de l'Italie.
NOUVEL ARREGE' CHRONOLOGIQUE DE
L'HISTOIRE DE FRANCE , Contenant les évenenemens
de notre Hiftoire depuis Clovis
jufqu'à la mort de Louis XIV. les guerres ,
les fiéges , les batailles , &c. feconde édition
, revue , corrigée , augmentée , & ornée
de vignettes & fleurons en taille douce.
Paris in 12 1746 chés Prault pere.
Le public a fait à ce livre tout l'acceuil
qu'il méritoit , lorfque la premiere édition
parut en 1744. tout le monde s'accorda
fur l'utilité de l'ouvrage , fur la clarté de la
méthode qui y eft fuivie ; la folidité des
réflexions , la vérité des portraits & l'exac-
` titude des faits. Tous les Journaux en ont
célébré le mérite , le Journal de Trevoux ,
celui des Sçavans , & l'Abbé Desfontaines ,
dans fes feuilles periodiques...... Auteur
dit le Journal des Sçavans en parlant de
JUIN 1746. 101
ce livre , fe contente fouvent de jetter comme
au hazard le germe d'une differtation , même
d'un traité complet fur quelque point imporè
tant on curieux & laiſſe à fes lecteurs la fatisfaction
de le déveloper. Il n'y a point de
feuille qui ne contienne quelque particularité
remarquable , dont chacune feroit digne d'un
commentaire. L'Abbé Desfontaines dit qu'il
renferme tout cequi mérite d'être fçu & retenu
dans notre Hiftoire , avec des obfervations fçavantes
, desjugemens fenfes , des refléxions fines
, des portraits vrais & agréables:
C'eft ajoûte- t'il ingenieusement , le bouclier
d'Achille ou plutôt c'eſt celui d'Enée , où le
Dieu du feu avoit fçu tracer avec ſonfçavani
burin ou fon docte cifean toute l'Histoire des
Remains
Clypei non enarrabile textum.
illic res Italas Romanorum que triumphos
Fecerat ignipotens , illic genus omne futuræ
Stirpis ab Afcanio , pugnataque in ordine bella.7
En effet il faut bien fe garder de cona
fiderer cet ouvrage comme un fimple abregé
chronologique , où les faits font compendiairement
deduits . L'Auteur a rempli toutes
les obligations impofées aux Hiftoires
générales , & fi rarement obfervées. Toutes
les vues , toutes les obfervations qui doi
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
vent entrer dans une Hiftoire générale font
ici , il n'y a que les faits d'abregés , en un
mot ce Livre contient les réfultats qui doivent
fe former dans la tête d'un Philofophe
quand il aura lu & étudié l'Hiftoire avec
beaucoup d'attention , les faits débaraffés
des circonftances , des remarques fur les
changemens arrivés dans le fyftéme général ,
des réflexions fur les fautes qui ont été faites
, & fur - l'influence qu'elles ont eu fur le
fort de la Nation , des époques du changement
des uſages & de la promulgation des
loix , des obfervations fur le caractére des
gens qui ont joué un rolle dans l'état , Princes
, Capitaines , Miniftres , Gens de Lettres
. Voila ce qui fait principalement l'Hiftoire
, les faits feuls ne compoferoient qu'-
un ouvrage capable d'exciter la curiofité , &
non de former l'efprit , & dont l'objet ne
feroit guéres plus relevé que celui d'un Roman
; ce qui conftitue la dignité de l'Hif
torien , c'eft que c'eft l'homme qui inftruit
fon fiécle , qui l'enrichiffant , pour ainſi dire
de l'expérience de tous les tems paffés , enfeigne
à connoitre les hommes & les affaires ,
deux pivots importans fur lefquels roule
toute l'adminiſtration des chofes humaines .
En convenant de ces principes qu'on ne fçauroit
nier , il faut auffi convenir que l'Auteur
de cet abregé peut être comparé aux plus
JUIN. 1746. 105
grands Hiftoriens & mis au- deflus de tous les
nôtres,puifqu'il nous apprend tout ce qu'il ett
important de fçavoir dans notre Hiftoire . Il
faut avouer que les Auteurs de nos Hiftoires
générales , quoiqu'estimables à bien des é
gards , fe font plus attachés à narrer agréablement
, qu'à approfondir la politique , les
loix & les caractéres. Cependant le premier
devoir d'un hiftorien , eft d'étre Peintre
& Philofophe , c'eſt par là qu'il inſtruit ,
peut être même eft ce par là qu'il plaît le
plus.
On peut prédire avec confiance que cette
nouvelle édition aura un grand nombre de
fours. Ce n'eft point ici un de ces Livres
qu'un caprice paffager fait Tubfifter un moment
; celui -ci fait pour être entre les mains
de tout le monde , utile aux fçavans même
dont-il foulage la mémoire & fixe les idées
fera à jamais recherché , & paffera avec honneur
à la postérité la plus reculée. On croiroit
en le lifant que des hommes de tous les états
y ont mis la main . Les époques qui concernent
nos loix y font marquées avec l'exactitude
d'un écrivain qui n'auroit eu que cet
objet ea lifant l'Hiftoire , les affaires de la
guerre , celles de la politique y font traitées
avec la même attention , il réfulte de là
de tousles états trouveront à que les gens ,
s'inftruire dans ce livre , comme s'il n'avoit
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
été fait que pour un feul , & qu'on n'en peur
trop recommander la lecture aux jeunes
gens.
Parmi les augmentations confidérables
qui groffiffent ce livre d'environ une se.
partic , nous avons lu avec beaucoup de plaifir
le portrait du fameux Cardinal de Retz ,
mort en 1679. Sue one n'a pas peint les Céfars
avec un pinceau plus vrai ni plus fort &
l'on pourroit dire de l'Auteur que c'eſt
le Suetone moderne , fi fon travail n'avoit
independamment de l'étenduë qui eft beaucoup
plus confidérable , d'autres mérites
encore que n'a pas celui de Suetone , & qui
n'entroient point dans le plan de cet Hif
torien.
Venons au portrait du Cardinal de Retz.
On a de la peine à comprendre comment
un homme qui paffa fa vie à cabaler , n'eût
jamais de véritable objet , il aimoit l'intri-
➡gue pour intriguer ; efprit hardi , delié, vaſte
, & un peu romanefque , fçachant tirer
→ parti de l'autorité que fon état lui donnoit
o fur le peuple, & faifant fervir la Religion à
fa politique, cherchant quelque fois à fe fai-
» re un mérite de ce qu'il ne devoit qu'au
hazard , & ajuftant fouvent aprés coup les
moïens aux evenemens. Il fit la guerre au
Roi , mais le perfonnage de rebelle étoit
» ce qui le flatoit le plus dans la rébellion ,
of
20
50
JÚIN 1946. 107
33
ક
20
20
29
» magnifique , bel efprit , turbulent , ayant
plus de faillies que de fuite , plus de chi
meres que de vûës , déplacé dans une mo-
» narchie , & n'ayant pas ce qu'il falloit pour
» être Républicain , par ce qu'il n'étoit ni fujet
fidéle , ni bon citoïen , auffi vain , plus
hardi , & moins honnête homme que Ci-
» ceron , enfin plus d'efprit , moins grand
» & moins méchant que Catilina , fes mémoires
font très agréables à lire , mais conçoit
on qu'un homme ait le courage , ou
plûtôt la folie de dire de lui même plus
» de mal que n'en eût pu dire fon plus
grand ennemi ? ce qui eft étonnant c'eſt
que ce même homme fur la fin de fa vie
» n'étoit plus rien de tout cela , & qu'îl devint
doux , paiſible , fans intrigue , & l'a-
»mour de tous les honnêtes gens de fon
≫tems : comme fi toute fon ambition d'autrefois
n'avoit été qu'une débauche d'efprit ,
»& des tours de jeuneffe , dont on fe corrige
avec l'age. Ce qui prouve bien qu'en
>> effet il n'y avoit en lui aucune paffion réelle
; après avoir vécu avec une magnificence
extrême , & avoir fait pour plus
de quatre millions de dettes , tout cela fut
payé , foit de fon vivant , foit après fa
#
» mort.
Le materiel de cette édition ne laiffe rien
à defirer pour la beauté du papier ni des
Evj
08 MERCURE DE FRANCE.
caractéres. On y trouve un grand nombre
de vignettes qui ornent tous les endroits où
l'ordre de l'impreffion a fait laiffer du blanc.
Elies font de la main du célébre Cochin le
fils.
THEATRE de. M Laffichard un vol.
in octavo , à Paris chés Jacques Cloufier
Libraire rue St, Jacques à l'Ecu de France.
Ce volume contient fix piéces en un acte
chacune , fçavoir ; les Acteurs déplacés , la
Famille , le Fleuve Scamandre , les Effets du
Hazard , la Nymphe des Thuilleries , & l'Amour
imprévû: ces piéces qui ont été repréfentées
aux Théâtres François , Italien &
des Foires St. Germain & St. Laurent , fe
vendent enſemble & font dédiées à M. Brallet
, Confeiller du Roi en l'Hôtel de Ville
de Paris Voici l'Epître que l'Auteur lui
adreffe .
Reçois , ami fidéle , un tribut , un hommage ,
Aux Grands confacrés par l'ufage ;
Mais à toi par l'eftime étroitement lié ,
Puiffe le don de mon ouvrage
•
T'affurer de mon amitié ;
Eh ! quel autre bien fur la terre
Farviendrois-je à pouvoir t'offrir ,
Que les enfans de mon loifir
Légitimés par le Parterre ?
JUIN 109 1746.
Une lecture utile occupa tes momens ,
Elle fit les amuſemens
De ta jeuneffe la plus tendre ;
Une vaſte mémoire au gré de tes deſirs ,
T'enrichit , à force d'apprendre ,
Et te crea , dès lors , de vrais plaiſirs ;
De tout tems ton goût fut fuprême »
Ton coeur eft des plus exellens ,
Tu joins le mérite aux talens ,
Et tu ne le dois qu'à toi- même ,
Ton amour pour les Arts divers
Qui placent les mortels au Temple de mémoire ,
Fait à la fois tes plaifirs & ta gloire.
Les globes lumineux qui parent l'Univers ,
N'échapent point à ta vive lumiere ,
Ton efprit pénétrant les parcourt dans les airs ;
Et pour femer de fleurs ta brillante carriere ,
Apollon tient pour toi tous les tréfors ouverts .
J'admire en toi cette fine critique ,
Qui dévélope tout avec fagacité :
Ami de la fociété ,
Ton efprit n'a rien de cauftique ;
S'il attaque l'ouvrage , il refpecte l'Auteur ,
Et fait par là l'éloge de ton coeur.
Ton humeur est toujours enjouée , agréable ;
Et tout mortel éclairé , raiſonnable ,
De t'aimer fe fait une loi :
Par un art enchanteur qui te rend refpectable
Ton coeur & ton eſprit réuniffent en toi
116 MERCURE DE FRANCÊ
Tout ce qui forme l'homme aimable ,
Adopté mon travail , enfant de la gaité ;
Que dirigeant fon vol vers l'immortalité ,
Du public connoiffeur meritant l'indulgence ,
Il aille apprendre à la poftérité
Qu'au fond du coeur d'un ami qui t'encenfe ,
Pour toi j'éleve un Temple à la réconnoiffance .
DIVINITAS Domini noftri JESU
CHRISTI , manifefta in fcripturis & tra
ditione. Opus in quatuor partes diftributum.
In quibus Chrifti Divinitas , non omiffis
quæ ad Spiritum Sanctum attinent , demonftratur.
1. Ex Scripturis Veteris &
Novi Teftamenti. 2 °. Ex perpetuo omnium
Catholicorum inter fe & cum pluribus fectis
confenfu. 30. Ex perpetuis contra Judæos,
Ethnicos & Hæreticos controverfiis. 40. Ex
unanimi Sanctorum Patrum doctrinâ , quorum
difficilia quæque loca explicantur &
illuftrantur. Operâ & ftudio unius ex Monachis
Congregationis Sancti Mauri . Parifiis
typis Jacobi Francifci Collombat , Regis
Chriftianiffimi Prototypographi. 1746
L'inventeur du lit Militaire a déja fait
annonçer fon travail dans les Gazettes de
Hollande & d'Utrecht mais ces feuilles
volantes ne peuvent rendre un compte. dé
taillé de ce qui regarde les arts .
•
C
JUIN 1746. Tir
matiére à laquelle nous confacrons nos
foins , appartient à ce Journal dans lequel
feul elle eft convenablement traitée ; eſtampes
, tableaux , machines , &c. Tout ce-qui
paroît de bon a un azile affuré dans le
Mercure ; à l'égard des mauvais ouvrages ,
nous laiffons fans envie les Auteurs fe pourvoir
alleurs pour mettre le Public au fait
du lit militaire , nous ne pouvons mieux faire
que d'inferer ici le certificat donné par
Mrs. de l'Académie Royale des Sciences , &
d'avertir le Public que l'Auteur a rendu ce
lit depuis fon origine , moins imparfait &
plus folide. Ceux qui voudront avoir de ces
lits , s'adrefferont à M. Fefnel , Marchand
de toiles en gros rue des deux boules.
EXTRAITdes Regiftres de l'Academie
Royale des Sciences du 16 Mars 1746.
Nous avons examiné par ordre de l'Aca
démie le lit Militaire préfenté par le S ***
les lits connus fous le nom de Hamacs que
les Sauvages d'Amerique font d'un rofeau
d'ecorce d'arbre ou d'un tiffu de cotton,
& fufpendus par les deux extremités à deux
branches d'arbres , ou à deux pieux enfon
cés en terre , & qu'on peut également fufpendre
à deux murailles , ont paru d'un uſage
fi commode dans les Pays chauds , que
toutes les Nations de l'Europe les ont adop
1 MERCURE DE FRANCE
tés dans leurs Colonies , où plufieurs en font
leurs délices , particulierement les Portugais
- qui en ont porté la mode à Goa dans les
Indes Orientales ; cette efpece de lit de
matelot , qu'on appelle Branle fur nos Vaiffeaux
n'eft autre chofe qu'un Hamac racourci
; depuis qu'on connoit les Hamacs en
Europe, il eft comme impoffible que quelqu'un
n'ait pas effayé de s'en fervir à l'armée
; deux difficultés ont vraisemblablement
empêché que l'ufage n'en devint commun
& familier , l'une le défaut de deux points
d'apui portatifs pour tendre le Hamac
promptement & fûrement en quelque lieu
que ce foit , l'autre l'incommodité du froid
auquel l'experience a dû faire connoître
qu'on étoit expofé dans nos climats même
les nuits d'Eté , dans un lit fufpendu où l'air
a de toutes parts un libre accès. l'Auteur a
remedié à ces deux inconveniens dans le
lit Militaire qu'il propofe ; il a matelaffé le
fond du Hamac ce qui met à l'abri du froid
fa partie inferieure qui ne pouvoit en être
garantie comme la fuperieure par le moyen
d'une couverture ; il le fufpend à deux fupports
en trepieds de deux pieds & demi de
haut , lefquels arboutent l'un contre l'autre
au moyen d'une barre de bois longue de
fept pieds qui communique d'un fupport à
l'autre , & fur laquelle on peut commodeJUIN
1746. 113
ment tendre un pavillon ; cette barre eft
brifée & de trois piéces , elle eft courbée
à l'endroit où répond la tête de celui qui
eft couché ; l'Auteur a tranſporté à ſa machine
l'ufage des deux arcs ou courbes de
bois qu'on a coûtume d'appliquer dans les
Vaiffeaux aux Branles des matelots , ces deux
arcs ajuftez aux deux bouts du Hamac , font
percés d'autant de trous que le Hamac a de
cordons de fufpenfion , & fervent à écarter
les cordons l'un de l'autre & à remedier par
là au peu de diftance des deux fupports , en
empêchant que le poids du corps ne falle faire
au Hamac de
au Hamac des plis trop incommodes ; tout
le lit ainfi conftruit confiftant dans le Hamac
matelaffé , fes arcs , fes cordons , un petit
oreiller , deux fupports à trois pieds , une
barre de bois de trois piéces avec fes viroles
en cuivre , le pavillon , & le fac ou l'étui ne
pefe que vingt-deux livres , ce qui n'eft pas
le tiers du poids d'un lit de camp ordinaires
if peut tenir au moins deux des nouveaux
lits fous une canonniere commune , & le
jour étant pliés ils n'occuperont que la place
d'un fiége l'ufage & la pratique pourront
indiquer divers changemens , additions ou
retranchements propres à fimplifier ou perfectionner
cette machine ; dans l'état actuel
le lit du S *** peut être tendu en un inſtant
en quelque lieu que ce foit , même en
114 MERCURE DE FRANCE.
pleine campagne ; il nous a paru qu'il devoit
être d'un ufage commode dans les camps
& fur tout dans les marches par fon peu de
poids & fon petit volume qui le rendent
facile à tranfporter & à peu de frais ; ce qui
peut contribuer à diminuer dans les armées
le nombre des Chevaux de bats & l'embarras
des gros équipages.
Signé Duhamel Dumonceau , de la Condamine :
Je certifie le préfént Extrait conforme à
fon original , à Paris ce 21 Mars 1746, figné
Grand Jean de Fouchy , Secrétaire perpetuel
de l'Académie Royale des Sciences.
DIDOT Libraire à Paris a mis fous
preffe & publiera au mois d'Août prochain
une édition in 12 de l'Hiftoire générale des
voyages pour la fatisfaction d'un grand nombre
de perfonnes qui la demandent fous
cette forme ; chaque volume de l'ouvrage
in 40, formera quatre tomes in 12 , qui paroîtront
régulierement trois mois après ; les
figures quoique proportionées à cette nouvelle
forme ne perdront rien de leur beauté ,
parcequ'elles feront de la même main que
les premieres & travaillées avec le même
foin. Cette édition ſe trouvera chés tous les
Libraires de Province & des Pays étrangers ;
elle fe fait fous les yeux de l'Auteur , & fera
par conſequent plus exacte que celles qui
JUIN 114 1746€
pourront fe faire dans les Pays étrangers , &
qu'il defavoue d'avance.
On délivre actuellement le deuxiéme
vol. in 4º, dudit ouvrage.
La fuite de l'effai d'Anatomie du fieur Gautier
comprenant douze grandes planches de
grandeur naturelle en tableaux imprimês , repréfentant
les Mufcles du tronc & des extrêmités
fuperieures & inférieures & leurs
tables nous donne actuellement une myologie
parfaite , & la partie d'Anatomie la plus
intereffante de la ftructure du corps humain.
Les amateurs de cette fcience font déja
inftruits , ou par eux - mêmes
ou par
la voix publique de la réuffite de ces pieces,
qu'on voit avec plaifir , & aufquelles on n'a
rien comparé de mieux jufqu'aujourd'hui .
Il eft à propos de détailler ici ce que contiennent
ces nouvelles planches comme on
a déja fait des huit précedentes.
La neuviéme repréſente le Pharinx ( c'eft
Tentrée de l'oefophage :) cette partie eft
bien diftinctement repréfentée en quatre
figures , & tous les Mufcles qui la compoſent
font naturellement dépeints que tout Ana
tomifte les reconnoît d'abord. Il n'eft pas
queſtion ici de chercher les lettres indicatives
pour le remettre dans la voye comme
dans lesEftampes en noir; on reconnoît aiſément
ce qui eftpartie charnue, tégument, ligament
, tendon ou parties offeafes, On a ob116
MERCURE DE FRANCE.
fervé que les Auteurs ont même eû foin dđee
laiffer appercevoir les parties voifines des
Muſcles qui peuvent fervir de repert dans la
myologie ou dans la fuite de cet ouvrage :
on voit dans cette planche les hemifpheres
de la dure Mere , la goutiere qui les fépare
& la partie pofterieure des facs qui renferment
le lobe du cervelet , le principe de la
moële alongée , & c.
I.a dixiéme repréfente la face anterieure
du Tronc , le devant de la Poitrine & les
premiers Muſcles du bas ventre avec leurs
Aponévrofes fi naturellement qu'il paroît
que l'on apperçoit la péfanteur des inteftins
qu'ils renferment. Les digitations de l'oblique
externe , & du grand dentelé y font
merveilleufement dépeints. Le grand Pectoral
eft vû dans toute fon étendue ; on y
voit le ligament de Poupart , la ligne blanche
, & autres parties dont le détail feroit
trop long.
La onzième planche renferme une feconde
figure du tronc vue à tiers de face , où
l'on voit les intercoftaux , muſcles dela refpiration
, & leurs differens plans , les feuilles
aponévrotiques de l'oblique interne , ' qui
renferme le mufcle droit : on apperçoit l'anneau
formé par l'écartementde deux piliers
où paffe le cordon des vaiffeaux fpermatiques
, & le mufcle cremafter :, quelquefais
JUIN 1746 . 117
le trop grand écartement de ces piliers laiffe
paffer l'inteftin Epiploon , c'eft ce qui forme
les Hernies.
-
Il eft certain que les perfonnes de talent
ne fçauroient trop s'attacher à l'étude de
toutes ces parties à cauſe des differens accidens
qui proviennent des bleffures & des
meurtriffures de ces mêmes parties pour en
connoître les differentes formes , leurs attaches
& leurs étendues , & y apporter la
juftefle néceffaire dans les operations chirurgicales
, & même dans l'application des
remedes néceffaires , fi l'on eft privé du ſujet
, & que l'on ne foit pas en état de l'avoir
toujours préfent , ce qui eft impoffible. Ces
planches Anatomiques du fieur Gautier dirigées
par M. Duverney fervent de repert
à ceux qui font déja introduits dans cette
fcience : elle fervent de principe , & méme
de fondement à ceux qui veulent commencer
, & en gaider une idée précife , ce que
l'on ne trouve pas ailleurs.
Les Sçavans même démontreront dans.
ces piéces anatomiques plus aifément les
nouvelles découvertes qu'ils ont faites , &
que l'on peut avoir obmis , & ils feront en
état de les faire appercevoir au public , en
fe fervant de ces pieces comme d'un canevas
pour mieux faire. Il eft toujours certain
que l'on a obligation à ceux qui commen
1
18 MERCURE DE FRANCE.
cent , & à ceux aufquels on ne peut rien
oppofer de mieux dans leur genre.
On donnera la defcription des autres planches
dans la fuite : dans l'avertiffement public
qui a paru le fieur Gautier donne fon
adreffe & le tems limité des foufcriptions
pour cette fuite de l'eflai d'Anatomie.
ESTAMPES NOUVELLES.
Est
Stampe nouvelle repréſentantune Fête en l'hone
neur de Bacchus , gravée par Charles Nicolas
Cochin Graveur du Roi & de l'Académie Royale
de Peinture & Sculpture , dédiée à M. de Bachaumont
ami de l'Auteur , inventée & deffinée par
M. Alexandre Denis de Niert, Marquis de Gambais,
Seigneur de Neville , Olivet , &c. Premier Valet
de Chambre du Roi , Gentilhomme ordinaire de
fa Maifon & Gouverneur du Louvre , mort à Paris
de 30 Janvier 1744 âgé de 34 ans. On lit ces vers
d'Hoface au bas,
Quis defiderio fit pudor , aut modus
Tam cari capitis
Hen! Hen !
perpetnusfopor
Urget ? Cui pudor , & juftitiaforor
Incorrupta fides , nuda que veritas ,
Quando ullum invenient parem ?
Multis ille quidemflebilis occidit
Nulli flebilior quam tibi
JUIN 1746.
*
Le feur Will vient de mettre au jour les Por
traits de Monfeigneur le Dauphin & de Madame
la Dauphine ; lefquels il a gravés d'après les originaux
peints par le fieur Klein pour Sa Majefté le
Roi de Pologne Duc de Lorraine & de Bar , & le
Portrait de M.le Maréchal de Bellifle d'après M.Rigaud
Chevalier de l'Ordre de Saint Michel. Ces
Portraits fe vendent chez l'Auteur à Paris , Quai
des Auguftins entre la ruë Pavée & Gille-Coeur à
côté de l'Hôtel d'Auvergne.
Le fieur le Roufe a mis en vente une nouvelle
Carte du Brabant , contenant les Camps du Roi
de l'année 1746.
Plus une Carte des environs de Namur détaillée
jufqu'aux moindres maifons des Villages.
Les attaques de la Citadelle d'Anvers , les Plans
de Mons , Charleroy, Dendermonde , Liege &
Nieuport,
Le 23 Juin veille de Saint Jean - Baptifte M. le
Comte d'Argenfon Miniftre de la Guerre fe rendit
à l'Académie de S. Luc dont il eft Protecteur,
pour y diftribuer les Médailles aux éleves de cetté
Académie. Quelques-uns des membres de cette
compagnie y firent porter à cette occafion quelques
Tableaux de leur façon , entre lefquels le
Portrait en pied de M. Quefnay , Secretaire de
l'Académie Royale de Chirurgie , dans fon cabinet
, fur toile de huit , par le fieur Chevalier &
celui de Monfieur Graffin , par le fieur Dupouche
attirerent l'attention de ce Miniftre , qui en mar
qua beaucoup de fatisfaction.
120 MERCURE DEFRANCE,
+ 3+ 33 ÷23÷ +23+ *£ ÷£3÷ 3+ *+£
' Académie de Soiffons ayant jugé à propos de
L'arier les fujets des Prix qu'elle annonce pour
chaque année , donnera alternativement un fujet
d Eloquence , & un fujet tiré de l'Hiftoire.
Dans l'Affemblée publique qu'elle tiendra le
Lundi 10 Avril 1747 , elle délivrera le Prix , qui
fera une Médaille d'or de la valeur de 360 liỵ .
donnée par M. le Duc de FITZ - JAMES ,
Pair de France , Evêque de Soiffons ; Elle propofe
pour fujet d'Eloquence cette queſtion : Un
Auteur doit - il toujou s je conformer au gout du ficle
dans lequel il écrit ?
Et pour donner plus de facilité de loifir aux An
teurs qui travaillercut fur l'Hiftoire , elle propofe pour
Sujet de ia d.frtation de 1748.,
Quelle a été la fuite des Evêques de Soiſſons , depais
le commencement du cinquième fiécle"jufqu'én
l'an 754.
Depuis l'établiffenent de la Religion dans le Soiffonnois
,jufqu'à la fin de la premiere race de nos Rois .
TO . Quels Conciles on Affemblées "mctables d'Eccléfiaftiques
ont été tenus dans le Stiffennois ?
20. Quelles ont été les Eglifes Cathédrale , Collégia.
es , Parohiales , I autres de la ville de Soiffins'?
Quelles ont été les Collégiales & les Mafous de Seminaire
du Diocèft ?
་ 30. Quels Monaflores y ont été fondés ? Les noms
de leurs Fondateurs ? L'époque , le lieu de leur Fondation
& de leur tranftigen , s'ils en ont eu la regle
qails on: fuivie dans leur origine ?
9
40. Quelles Retiques confidérables ont été bonorces
dans le Diocèfe ? leurs differentes tranflations.
50. Quels bemmes célebres dans l'Eglife ( mis
me
JUIN 1746. 121
me dans les Lettres ) font nés dans le Soiffennois , oxy
ont recu , ou y font morts ?
Enfin tout ce qu'en pourra decouvrir de nouveau
Jans Hifcire Ecclefiaftique , qui ait rapport au
Soiffunnsis , jufqu'en l'an 754,
Dans l'examen des ouvrages on aura égard ,
non-feulement au nombre & à l'étendue des recherches
, mais encore à la pureté du ſtyle & à la
beauté du langage .
Les Auteurs font avertis de mettre à la marge
ou à la fuite de leurs ouvrages les preuves des
faits qu'ils auront avancés , & les fources où ils les
auront puifés.
Ceux qui enverront des Differtations latines ,
auront foin de mettre en marge les noms françois
des perfonnes ou des lieux dont ils feront mention
.
Le Difcours d'Eloquence fera d'une demie heure
ou trois quarts d'heure de lecture au plus , &
la Differtation hiftorique d'une heure ou une heure
& demie au plus ..
On adreffera à M. de Beyne , Préſident au Préfidial
de Soiffons , & Secretaire Perpetuel de l'Académie
, les Ouvrages deftinés au Concours , port
franc , & avant le premier Février , fans quoi ils
ne feront pas rétirés .
Ils feront écrits lifiblement & fans abréviations ;
les Auteurs ne mettront point leurs noms au bas ,
mais feulement une Sentence , ils indiqueront une
adrefle à laquelle M. le Secretaire puiffe leur
faire tenir fon recepiffé.
On les prie de prendre les mesures néceffaires
pour n'être paint connus jufqu'au jour de la décion
, de ne point figner les lettres qu'ils pour
roient écrire à M. le Secretaire ou à tout autre
Académicien , les avertiffant que s'ils font décou
F
122 MERCURE DE FRANCE.
verts par leur faute , ils feront exclus du Confours.
L'Auteur qui aura remporté le Prix d'Eloquence
viendra le recevoir dans la Séance publique
du Lundi 10 Avril 1747 , finon il enverra à une
perfonne connue fa Procuration , pour être remife
à M. le Secretaire , avec le recepiffé de
Fouvrage .
M. Gouye de Longue- marre , Greffier au Bailliage
Royal de Verfailles , eft Auteur de 11 Dif
fertation à laquelle a été adjugé le Prix de 1746,
Elle s'imprime act: ellement chés Chaubert , Libraire
à Paris , Quai des Auguftins , à la Renommée
& à la Prudence ; il y fixe , fuivant les vûës
de l'Académie , l'Epoque du commencement & 'de la
fin du Regne de chacun des derniers Rois de la premiere
race , tant fur le Royaume de Bourgogne & de
Nenfrie , au fur celui d'Auftrafie , que fur toute la
Monarchie , a commencer après la mort de Dagobert I,
que Pon fuppofe être arrivée Pan 638 , jusqu'à l'Elec
tien Couronnement de Pepin Chef de la feconde
race,
M, Gautier , Chanoine Regulier de la Congré
gation de notre Sauveur ; Profeffeur de Mathématiques
à Metz, eft Auteur de celle qui a remporté le
Prix d'Eloquence en 1745 , & dont le fujet é
toit l'Inutilité de la difpute pour ramener les bommes
à l'unité d'opinions.
Comme l'Académie fait imprimer tous les ans
l'ouvrage qui remporte le prix , elle exige des
Auteurs qu'ils ne les faflent point imprimer de
leur côté , que fix années révolues après la dat
te de l'impreffion que l'Académie en aura faic
faire
JUIN 1746. 123
Les mots des Egnimes du Mercure de
Juin premier vol. font le nez, bombe. Ceux
des Logogryphes font efcarpolette & pelerinage.
On trouve dans le premier Logogryphe
écart , pelotte , pot , poële , carpe , Sole ,
Serpolet , lettres , cartes , corps , tête , eſcorte ,
pet , porc , Cleopatre , & dans le fecond
Pelage , Pline , gile , rage , plaïe , plier, âge ,
rien , péage , pere , pin, grêle & neige.
ENIGM E.
M
On azile
N'eft la Ville ;;
Je la hais ,
Mais je nais
Es
Montagnes ,
Es Campagnes ,
Dans un puits ,
Où je puis :
Là je caufe ,
Bouche claufe ,
Quand je peux ,
Si tu veux ;
124 MERCURE DE FRANCE,
Ce n'eft fonge ,
Ni menfonge,
Quel plaifir
De m'oüir !
Ta
Bergere
Fort fouvent ,
Tendre amant
Vient me faire
Confident
Du tourment
Qu'elle éndure
Je
reponds
A fes fons
Far mefure
Et ma voix
Quelquefois
La raffure.
Comprends -tu
Ma vertu ?
Je l'écoute ,
Sans voir goute
Je l'entends
A merveille ,
Sans oreille ;
Ses accens
Sontitouchans ;
Elle t'aime ,
Et moi - même
9.
JUIN
825 1746.
Cher lecteur ,
La tendreffe .
De mon coeur
Fut maitreffe
Un ingrat
Méprifa
Ma foibleffſe :
Je le preffe
11
s'enfuit ,
Interdit ,
Et me laiffè ,
Sáns fecours.
Tu regarde !
Mais prends garde
Que l'Amour
Que tu loue ,
Ne te joue
Quelque tour.
AUTRE.
ΑνU tems de la création
Je parus à mon tour devant le premier homme
Qui d'abord m'impofa le nom ,
Par lequel à préfent tout le monde me nomme.
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
J'ai , dit-on , un parent , qui me reffemble affés ;
Même minois , même encolure :
On diroit que dame Nature
L'un fur l'autre nous à tracés ,
Et ma foi , n'étoient les oreilles
Que nous n'eûmes jamais pareilles ,
On trouveroit en nous pleine conformité.
Il a plus que moi l'avantage
De la groffeur & de l'agilité ; .
Moi je n'ai pas tant de timidité ,
J'aime bien autant mon partage.
J'habite également & la ville & les champs :"
Il n'en eft pas ainfi de mon prétendu frere ,
Car bien loin d'être populaire ,
Il en hait jufqu'aux habitans ;
Ce n'eft , vous voyez , pour s'y plaire :
Auffi ne le voit-on en ville qu'à ſa mort :
Voila quel eft fon caractére.
Entre nous a-t'il fi grand tort ?
Je dirois bien un mot, mais il vaut mieux fe taire.
Enfin , pour achever
, même
fort nous attend
.
Pour le coup tu me tiens , ou ma foi je me rend.
Par Melle D. G. de Châlons fur Marne.
JUIN 1746. 127
糖雞鍋
EXPLICATION
De le premiere Enigme du premier volume
du Mercure du mois de Juin 1746.
S Anis vous Demoifelle Anonime
Jamais un nez n'eut pû faire un Enigme
PLIQUE , le Flis.
EXPLICATION
Du premier Logogriphe du premier vol. du
Mercure du mois de Juin 1746: Ó
des mots qui s'y trouvent .
ILL faut faire au Piquet fon écart à propos.
Le jeu d'un Ecolier vigoureux & diſpos ,
Ma foi c'eft la Pelotte.
La carpe en ſa faifon eft bonne en matelotte.
Pour fricaffer la Sole on la met dans un pot ,
Poële , ou chaudron , cafferolle ou terrine ;
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE.
C'est ce que vous diront Javotte & Catherine .
Dix lettres forment un grand mot.
Le Serpolet eft herbe falutaire ,
Près , de la ruche il est très néceffaire .
Les cartes ont bien des appas,
Heureux qui ne les connoit pas.
De l'humaine nature "
La tête eft la parure .
Les batimens , les habits , & le fard
Doivent leur origine , à la nature , à l'art.
Le Porc eft animal immonde ,
Qui lâche pets & vents , fans que perfonne en
gronde.
Des gens qui vont armés en corps ,
Ce font des Sergents ou Recors.
La beauté dont Antoine étoit preſque idolâtre
C'étoit la Reine Cleopatre .
Bien plus que lui j'étois heureux ,
Quand fur l'herbe mollette
Je parlois de mes feux
A l'aimable Colette ,
Lorfque l'amour peint dans les yeux ,
Je voyois la follette
S'élancer vers les Cieux
Sur une Efcarpolette .
Paris le 7 Juillet 1746.
Par M. DE
LALAURE,
JUIN 1746 129
蒸糕
MADRIGA L.
POUR peindre l'amitié fçais-tu ce qu'il faut faire?
Il faut chercher l'original ,
Car fans lui tu la peindrois mal ,
Du tu ne tracerois , ami , qu'une chimere.
Mais pour t'épargner la longueur
D'une recherche difficile ,
Je vais t'enſeigner ſon azile ,
Tu le trouveras dans mon coeur .
Geneve
XES
J. B. Tollot.
SPECTACLES.
L'A
OPERA .
'Académie Royale de Mufique continue
les répréfentations du Ballet des
Amours des Dieux avec un fuccès proportionné
à la faifon , qui n'eft point du tout
favorable à la caiffe , & qui apauvriroit Quinaut
même & fon incomparable Muficien ;
l'Auteur eft trop Philofophe pour regretter
les petites branches de laurier qu'il auroit
pû cueillir dans un tems plus propice
au Théatre.
L'indifpofition de quelques Acteurs a
F V
130 MERCURE DE FRAN
produit des changemens divers dans les
roles . Use Baffetaille nouvelle a chanté
dans le Prologue avec une voix & une figare
également gracieuſes ; M. de la Tour
a joué le Faune du premier acte avec feu ;
M. Albert a bien rempli celui d'Iphis dans
l'acte de Coronis ; Mlles. Riviere , Rollet
& Delorme ont aufli obtenu des fuftrages
finceres ; Mlle . Lurei achanté la Mufette
de Coronis ; on a trouvé fa voix
auffi aimable que fa phyfionomie ; Mlle.
Jaquet a chanté les Oifeaux du même
acte d'abord avec une timidité dont le
public judicieux lui a tenu compte : s'il eſtime
les talens , il n'eftime pas moins la modeftie
, & il recompenfe volontiers par d'équitables
applaudiffemens les fautes qu'elle
fait commettre aux Acteurs : en général ils
ne font pas fouvent coupables de cette
façon là ; quant à M. de Chaffé on eſt accoûtumé
à lui voir exécuter fes rolles avec
zéle , avec exactitude & avec goût.
Les décorations & les habits du Ballet
des Amours des Dieux ont fait remarquer
le goût de M .. Peronet qui s'eſt diftingué
l'hyver dernier dans les fêtes & bals
de la Co ir.
Le Mard 28 Juin M. Malterre compofiteur
de Balets de l'Académie Royale de
Mufique a fait exécuter pour la premiere
JUIN. 1746. 131
fois fur le Théatre de l'Opera à la fin des
Amours des Dieux un morceau de danſe ,
intitulé l'Amour & les Graces , Balletfiguré;
les trois Graces font repréfentées par Mlle.
Camargo , Mlle . Mimi Dalmand & Mlle, le.
Breton ; le rolle de l'Amour eft rempli par
un jeune objet qui lui reffemble parfaitement
: on n'aura pas de peine à deviner que
c'eft la charmante petite Puvigné.
Le fujet de cette danfe pittorefque &
été traité fort ingenieufement fur le Théatre
François par M. de Ste. Foy , Auteur
délicat & fin de l'Oracle , modée depuis
imité & jamais égalé : il y a cependant une
difference effentielle , c'eſt que les Nimphes
qui enchainent le Dieu de Cithere , font
Nimphes de Diane ennemie de l'Amour &
ne font affociées à la Cour de Venus & érigées
en Graces qu'après avoir été foumifes
par les traits aimables de fon fils : il
convient aux éleves feveres de la Déeffe des
Fôrets de fe déclarer contre le tyran des
coeurs , mais les Graces fujettes & confidentes
de fa mere n'ont aucune raiſon de lui
livrer la guerre. Peut- être l'inventeur du
Ballet a t'il eu deffein d'exprimer par des
danfes l'idée fine & fenfée de M. de St. Foy ,
mais il ne lui a pas été poffible de rendre
par des pas ce que la parole difoit fi parfaitement
à la Comedie ; il ne lui reftoit que
F vj
132 MERCURE DE FRANCE .
la reffource de donner à fon Ballet un titre
qui put fervir d'expofition à fon projet ;
on lui a reproché qu'il manquoit de variété.
Qui n'a pas le don d'amufer par des geftes
comme le comique , exige plus de figures
dans fes tableaux .
DIXIE'ME fuite des réflexions fur les Ballets®
Left
E Ballet des Fêtes Greques & Romaines
An'et pas le feul qui offre à la brillanre
Therpficore un Prologue digne d'exercer
fon talent ; toutes les autres entrées de cet
Opera tiré de l'Hiftoire pouvoient expofer
des peintures nobles & galantes aux regards
curieux des fpectateurs. Dans l'une on pou
voit déffiner avec force les differentes quadrilles
des Athlétes qui fe fignaloient aux
jeux Olympiques , & le triomphe d'Alcibia-"
de vainqueur de la courfe des chars . Dans
l'acte des bacchanales la flotte magnifique
& le traveftiflement politique dela Cour de
Cléopatre en Menades & en Egipans occafionnoient
un Spectacle fuperbe & des danfes
caracterifées. On pouvoit raſſembler
toutes les graces naïves & legeres de la
Paftorale dans l'acte confacré à Saturne .
On peut remarquer encore à la gloire
du Ballet des Fêtes Grecques & Romaines
une circonftance finguliere & prefque unique ,
c'eft que les divertiffemens qui font fou
JUIN 1946. 133
vent très poftiches dans les autres Opera ,
font dans celui- ci fondés fur l'Hiftoire & font
fituation & le noeud des intrigues qu'ils
embelliffent.
L'Auteur des paroles de ce Ballet héroïque
s'eft toujours appliqué dans fes ceuvres
lyriques a imaginer des fêtes fufceptibles de
danfes pittorefques , & ce n'eſt pas fa faute
fi l'Opera n'eft point riche en tableaux .
Sans donner ici une énumeration exacte'
de tous les fujets qu'il a fournis au génie Pantomime
, & qui n'ont pas même été apperçus
par ceux qui en pouvoient profiter ,
il y a un Prologue au Ballet des âges mis
en mufique par le célebre Campra , qui devoit
faire briller la capacité d'un compofiteur
de danſes .
Le Théatre y repréfente les délicieux
jardins d'Hebé Divinité de la jeuneſſe .
Le temps & fa fuite ennemie des agrémens
paffagers & des plaifirs du premier
âge pourfuivent les volages fuivantes d'Hébé
, & leur danſes devoient dépeindre la
légereté de la jeuneffe qui recommence fes
jeux autant de fois qu'on les interrompt. Cela
nous auroit exprimé fon caractére , qui
eft d'oublier les chagrins dès qu'ils difparoiffent.
La troifiéme entrée du Ballet des Ages
remplie par la vieilleffe eft terminée par
134 MERCURE DE FRANCE.
e triomphe de la Folie, divertiffement fertile
en danſes de caractéres variés .
Nous ne rappellerons plus que le Ballet
des fleurs qui couronne fi agréablement l'Opera
des Indes Galantes , dont les paroles
font de l'Auteur des Amours déguifés , des.
Fetes Grecques & Romaines & des Ages .
& la Mufique du fçavant Rameau.
Ce divertiſſement a été imaginé à la gloire
des fleurs eftimées dans toute la terre , &
fêtées avec éclat en Turquie & en Perſe ,
où des jours leur font confacrés par la Nation.
Le Théatre repréſente dans un jardin
fuperbe des berceaux illuminés , & décorés
de guirlandes & de pors de fleurs. Des Symphoniſtes
& des Eſclaves chantans font diftribués
dans des balcons de feuillages.
D'aimables Odalifques de diverfes provinces
de l'Afie portent dans leurs coëffures &
fur leurs habits les fleurs les plus belles.
Cette pompeufe décoration eft une idée de
Auteur des paroles, ainfi que laTherpficore
du Prologue des Fêtes Grecques & Romaines
& la Rofe des Indes galantes dont il a
projetté les plans .
Une Sultane annonce ainfi le triomphe
des fleurs perfonnifiées.
Triomphez , agréables fleurs ,
Répandez vos parfums , ranimez vos couleurs,
JUIN 1746.
C'eft parmi vous qu'Amour cache ſous la verdure
Ses feux les plus ardens , fes plus aimables traits
Le printemps vous doit fes attraits ;
Vous parez la faifon qui pare la Nature.
Triomphez , & c.
Vous tenez le rang fuprême
Sur les bords de nos ruiffeaux ,
Et vous embelliffez dans les jours les plus beaux
La beauté même.
Triomphez , &c.
Le Ballet qui fuit cette Cantatille repréfence
pittorefquement le fort des fleurs dans
un jardin. On les a perfonnifiées aiafi que
Boréé & Zephire pour donner de l'ame à
certe peinture dans le goût de Vateau , executée
par d'aimables efciaves de l'un & de
l'autre fexe.
D'abord les fleurs choifies pour former
la Cour de la Rofe danſent enſemble &
compofent un parterre gracieux qui varie à
chaque inftant ; la Rofe leur aimable Reine
danfe feule. La fête eft interrompue par un
orage qu'amene Borée : les fleurs en éprouvent
l'injufte colere. La Rofe réfifte plus
long tems au cruel ennemi qui la perfé
cute avec opiniatreté . Les pas de Boréé expriment
fon impetueufe fureur ; les atti
36 MERCURE DE FRANCE.
tudes de la Rofe peignent fa douceur & fes
craintes. Zephire arrive avec la clarté renaiffante
; il ranime & releve les fleurs ab
batues par la tempête & termine leur triomphe
& le fien par les hommages que fa tendreffe
rend à la Roſe.
COMEDIE FRANCOISE.
Le Théatre François a remis le Nouveau
'Monde,Comédie métaphyfique, entrecoupée
de trois Intermedes ; les veritables Auteurs
de cette piéce n'ont jamais voulu ſe montrer
à vifage decouvert ; quoiqu'on ait plus
que des conjectures qui décelent leur traveftiffement
, on entrera dans leurs vûes ,
on ne dévoilera pas un myftere qu'ils s'efforcent
de cacher depuis tant d'années & on ne
les nommera pas , puifqu'ils ont offert à la
curiofité le nom d'un Auteur qui s'eſt bien
voulu charger du rolle de prête nom , perfonnage
qui a fouvent été joué , & qui n'a
pas toujours réuffi . Cette Comédie a été
repréſentée pour la premiére fois dans le
mois de Septembre de l'année 1722 .
L'incognito affecté par fes Auteurs caufa
bien des tracafferies fur le Parnaffe , & des
extinctions de voix aux braillards differ
tateurs domiciliés au caffé de Procope . On
l'attribua d'abord à M. Fuzelier , Auteur de
JUIN. 1746. 137
Momus Fabulifte , inventeur de la mode de
l'incognito , invention dont il s'eft repenti
plus d'une fois , quand de prudens Ecrivains
pour éviter les rifques du fuccès , produi
foient fous fon nom des ouvrages qui ne lui
appartenoient pas.
Quand le Nouveau Monde parut pour
la premiére fois , il étoit chargé d'une fcéne
du Poëte qu'on a très judicieufement fupprimée
; on peut verifier la jufteffe de cette
obfervation en lifant la pièce dans l'imprimé
de Ribou.
Dans cette derniere reprife on a applaudi
furtout le deuxième acte , & quelques couplets
du Vaudeville qui le termine ; Mlle.
Dangeville s'eft trouvée heureuſement placée
dans le rolle de l'Amour ; on a fort remar
qué la fineffe de fa taille & de fon jeu.
Le dernier divertiffement du Nouveau
Monde a été égaié par une danfe Panto
mime comique qui à obtenu les fuffrages
du public.
Le Lundi quatre Juillet on a remis fur
le Théatre François la Magie de l'amour .
petite Comédie en vers , d'un acte , & de
la compofition de M. Autreau , Auteur
naif & délicat , qui fur le modèle du Roman
de Daphnis & Chloé , a encore donné
fur le Théatre Italien les Amans ignorans,
Comédie en trois actes , abfolument dans
38 MERCURE DE FRANCE.
goût naturel de la Magie de l'Amour.
Si M. Autreau avoit fait fon unique occupation
de la Poëfie , & fi l'attrait du plaifir
ne l'avoit pas quelque - fois égaré fur le
chemin du Parnaffe , il avoit dequoi y
briller.
Elle
Voici le fujet de la Magie de l'Amour
Sophilette jeune Bergere elevée d'abord chés
Hermiphile Magicien de Theffalie , & enfuite
chés une tante Prêtreffe du Temple de
Diane , eft depuis un mois chés fon pere ,
où Lhidimés en devient amoureux.
s'enflamme auffi pour lui fans le fçavoir; l'indifference
qu'elle a confervée au Temple de
Diane ; & les idées de fortilege qu'elle a
acquifes chés le Magicien , lui font prendre
pour l'effet d'un enchantement les divers
mouvemens que l'amour lui caufe ; Dorimene
, fa rivale fecrette , contribue a fortifier
fon erreur , & lui fait accroire que tous
les fymptômes de tendreffe qu'elle a la facilité
de lui confier font des preuves qu'elle
eft enforcelée. Elle lui confeille de fe refu
gier dans le Temple de Diane , & d'y chercher
un azile contre les perfécutions de l'enchanteur
Lhidimés ; il arrive & la jeune
ingenüe tremblante répond aux tranſports
de fon amant par les témoignages de fa
crainte ; elle s'enfuit & Dorimene furvient
qui s'efforce d'éteindre le feu que Sophilette
JUIN 1746. 139
9
allume dans le coeur de Lhidimés ; enfin après
plufieurs tentatives de cette jaloufe pour
fupplanter la fimple Sophilette , après plufieurs
fcénes où le caractére crédule de
cette bergere eft foutenu & dévelopé
elle eft défabufée par Doris qui quoique
confidente de Dorimene , fert Sophilette en
lui apprenant la nature des fentimens qu'elle
prend pour des opérations magiques , & que
la tante confent à fon union avec le tendre
& conftant Lhidimés.
Donnons deux couplets du Vaudeville
pour échantillon de la tournure de la Poëfie.
Il eft pour charmer un coeur
Plus d'un fortilege.
Un fin dehors de pudeur
Eft fouvent un piége.
Pouffer de tendres foupirs
Avec modeftie ,
Pour iriter les defirs ,
C'est la fine magie.
Un air tendre & gracieux
Enchante.& défarme :
Quelques doux fignes des yeux
46 MERCURE DE FRANCE.
· Redoublent le charme :
Avec cet air promettant
Qui flatte & convie ,
Ne rien accorder pourtant
C'eft la sûre magie.
SOJOJ
CONCERTS.
DE LA REIN E.
Lehes sa Majefté le deuxième & le troi- E Mercredi premier Juin on chants
fiéme actes de Thefee , Tragedie de Quinaut ,
mife en mufique par le véritablement in-
Comparable Lulli . Les rolles furent exécutés
par Mrs. Jeliote , Lagarde , Godonefche
, Bazire & d'Aigremont , & par Mlles.
Canavas , Chevalier . Matthieu & Deftravaux
.
Le Samedi quatre Juin le quatriéme &
le cinquiéme actes du même Opera remplirent
le concert.
Le Samedi 18 , le Lundi zo , & le Mercredi
22 , l'Opera de Telemaque , de M.
Deftouches Sur -Intendant de la Mufique du
Roi , dont M. l'Abbé Pellegrin a compofé
les paroles , fut exécuté par Miles . Matthieu
JUIN 1746. 147
Fel & Canavas , & par Mrs. Jeliote , Lagarde
, Godoneſche & Bazire.
Le Samedi 4 , on chanta pendant la
Meffe le Te Deum de M. l'Abbé Blanchard
, Maître de Mufique de la Chapelle
du Roi , & le Mercredi 8 on y chanca pour
la prife d'Anvers , celui de M. Deftouches ,
Surintendant de la Mufique de fa Majesté.
Le Mardi cinq on a donné ſur lẹ
Théatre Italien la premiere repréfentation
d'une piéce Italienne en cinq Actes
intitulée les nouveaux défis de Coraline d'Arlequin
& de Scapin. Ceft un combat de
fourberies entre ces trois Acteurs amufans
dans une intrigue qui reffemble un peu à
celle de l'Etourdi de Moliere ; il eft queſtion
de l'enlevement d'une Eiclave . Une fcéne
des plus réjouiffantes eft celle ou Arlequin
fe traveftit en Docteur , Coraline en Scapin
& Scapin en Arlequin.
142 MERCURE DE FRANCE.
the the the the the the the x x x xx
JOURNAL DE LA COUR ,
LE
DE PARIS & c.
E 16 de ce mois , jour de l'Octave de
Fete du Saint Sacrement pendantla
Meffe que le Roi entendit dans l'Eglife de
la Paroiffe du Château l'Archevêque de
Paris prêta ferment de fidélité entre les
mains de S. M.
L'Evêque de Beziers préta le même ferment
le 23 .
BENEFICES DONNE'S.
LE Roi a nommé à l'Evêché de Chartres
PAbbé de Fleury Premier Aumônier >
de la Reine , & à celui de Bazas , l'Abbé de
Saint Sauveur , Aumônier du Roi.
S. M. a donné l'Abbaye d'Igny , Ordre
de Cifteaux , Diocèſe de Rheims , à l'Ab.
bé de Montigny , Vicaire Général de l'Evêché
de Chartres.
Celle de Belleperche , même Ordre ,
Diocèfe de Montauban à l'Abbé de Fumel ,
Vicaire Général de l'Evêque de Vannes,
JUIN 1746. 143
Celle de Saint Martin d'Autun , Ordre de
Saint Benoît , à l'Abbé de Quincey , Vicaire
Général de l'Evêque de Dijon .
Celle de Samer-aux- Bois , même Ordre ,
Diocèle de Boulogne à l'Abbé Tanneguy
du Châtel.
Celle de Souillac , même Ordre , Diocèfe
de Cahors à l'Abbé Bouillac,
L'Abbaye Reguliere d'Andecy , même
Ordre , Diocèfe de Châlons fur-Marne à la
Dame de la Kocheaymon,
Le Jeudi 2 du mois de Juin M, l'Archevêque
fe , rendit à huit heures & demie
du matin du Prieuré de la Coûture Ste,
Catherine à l'Archevêché , après avoir été
rendre vifite à M. l'Abbé d'Harcourt
Doyen , en fon Hôtel Cloître de Notre
Dame ; fur les neuf heures le Chapître alfemblé
extraordinairement , où étoient entrés
Mrs. les Honoraires , fuivant la permiffion
que le Chapître leur avoit accordée la
veille , députa Mrs. le Chantre , le Sous-
Chantre , de Cotte & Prevôt Chanoines
pour l'aller chercher. Ces Meffieurs l'amenerent
au Chapitre ; lorfqu'il entra Mrs.
fe leverent & fe découvrirent , & M, l'Archevêque
étant arrivé devant le Bureau , M.
le Doyen lui fit un compliment auquel ce
Prélat répondit , & M. l'Archevêque s'é144
MERCURE DE FRANCE.
tant découvert & mis à genoux il prononça
le ferment ordinaire entre les mains de M,
le Doyen & baifa le Livre des Evangiles.
Mrs. du Chapitre étoient affis & couverts.
M. l'Archeveque fe releva & le Chapitre
auffi , & M. l'Archevêque figna fon ferment
, & les Notaires ayant lu l'acte que
l'on a coûtume de paffer entre l'Archevêque
& le Chapitre , M. T'Archevêque le figna , &
Mis. le Doyen & le Chambrier le fignerent
pour le Chapitre .
Cela fait , on commença Sexte dans le
Choeur , & M. l'Archevêque fortit du Chapitre
& fut conduit dans l'Eglife par M. le
Doyen accompagné du Chapitre . Etant arrivé
à l'Autel de S. Denis ou des Martyrs ,
il y ôta fon Camail & y prit dans fon fauteiil
preparé pour cela l'habit Canonial
dont on fe fert en hyver. Pendant
ce tems M. le Doyen & Mrs. du Chapitre
s'étoient placés dans le Cheeur. Le
Sécretaire du Chapitre étant venu avertir
M. le Doyen que M. l'Archevêque étoit à
la grande grille du Choeur , M. le Doyen
fortit & introduifant M. l'Archevêque dans
le Choeur, ils faluerent le Choeur , & puis fe
tournant vers le peuple le faluerent auffi ,
après quoi ils avancerent jufqu'au grand
Autel , où après avoir prié à genoux pendant
quelqne tems ils fe leverent & mettant
JUIN 1746. 14
tant la main droite fur l'Autel ils les baiferent.
M. le Doyen ayant conduit M. l'Archevêque
au Thrône , s'affit dans le fauteuil
quiy étoit préparé , fe releva un moment
aprés , & y inftalla & inthronifa M. l'Archevéque
& retourna à fa place par le milieu
du Choeur, Sexte finie , le Clerc de M. le
Chantre annonça à M. le Doyen le Te
Deum , que ce dernier entonna &
que le
Choeur pourfuivit en faux bourdon . M.
l'Archevêque étant levé aufli - tôt on fonna
toutes les cloches de l'Eglife , & un des Aumôniers
de M. l'Archevêque apporta la
Croix Archiepifcopale.
Vers la fin du Te Deum , M. le Doyen
averti & conduit par le Clerc de M. le
Chantre vint à l'Aigle qui fert de Lutrin , &
les Enfans de Choeur ayant chanté le Verfer
Benedicamus Patrem , il dit l'Oraifon de la
Sainte Trinité Omnipotens fempiterne Deus
qui dedifti , & l'Orailon pour M. l'Archeéque
Deus qui populis tuis indulgentiâ , &
M. l'Archevêque donna la bénédiction .
Auffi-tôt M. de Janfon , Théologal , monta
au Jubé & annonça la prife de poffeffion
de M. l'Archevêque & montra fes Bulles au
peuple.
Après ces Cérémonies M. l'Archevêque
ayant repris fon Camail dans la Sacriſtie ,
& accompagné de M, le Doyen & du Cha-
II. Vol. G
46 MERCURE DE FRANCE,
tre , fe transportaà l'Oficialité & fut inf
llé de la même façon dans la place de l'Offcial
, & ayant entendu plaider deux caufes
il les jugea avec les avis de M. le Doyen
& de Mrs. du Chapître. De l'Officialité M.
le Doyen & Mrs. du Chapitre conduifiren
M. l'Ar hevêque dans fon Palais Archiepif
copal ; étant arrivés dans le grand cabinet
d'Audience M. le Doyen fit un compliment
à M. l'Archevêque qui y répondit ; M. le
Doyen & Mrs. .du Chapitre fe retirans furent
reconduits par M. l'Archevêque juf
qu'au bas du grand escalier de l'Achevêché
; M. l'Archevéque embraffa M. le Doyen´
& chacun de Mrs. les Chanoines qui revinrent
enfuite dîner chés M. l'Archevêque qui
les en avoit envoyés prier chacun chés eux
dès la veille.
PRISES DE VAISSE AU X.
Le Navire la Terre Neuve , de Betford ;
chargé de vin , a été envoyé à Saint Malo
par le Corfaire le Duc d'Eftiffac , qui conjointement
avec celui nommé le Grand Grenot
, s'eft rendu maître des bâtimens l'Anne
Galley de 170 tonneaux , l'Elizabeth &
Marthe de tio & le Content de cent , dont
Ja cargaifon confiftoit en fuere , en guildive
& en bois d'ebéne,
JUIN 1746.
147
10
ר נ י
I
Suivant les avis reçus de Nantes il y eft
arrivé deux navires ennemis , l'un de 190
tonneaux , armé de fix canons & de dix
pierriers , & qu'on nomme le Geneft d'Ecoße
, l'autre appellé le Northon , à bord
duquel il y avoit des falines. Ces bâtimens
ont été pris , le premier par le Corſaire le
Superbe de Saint Malo , &le fecond
le Corfaire le Mars , de Nantes.
par
On mande de Dieppe que le Corſaire
l'Allerte y eft rentré avec le navire Anglois
l'Aventure.
Les lettres de Bayonne marquent que le
Capitaine Larrefet , commandant le vaiffeau
la Mouche , armé en courfe , s'eft emparé
d'un brigantin de la même Nation chargé
de divers marchandifes .
OPERATIONS DE L'ARME’E
L
DU ROI.
Es mouvemens de plufieurs Corps des troupes
du Roi ayant perfuadé aux ennemis
qu'on penfoit à l'attaque de Charleroy , le Commandant
de Mons fit paffer le 2 de ce mois deux
Bataillons dans la premiere de ces deux Places , &
l'on avoit lieu d'efperer que la derniere , dont la garmifon
n'étoit plus que de trois mille fix cent hom→
Gij
148
MERCURE
DE FRANCE
.
>
mes , ne feroit pas une longue
réfiſtance
. Le 7 , les
troupes
deftinées
à en faire le fiege entrerent
dans
les Lignes
de Circonvallation
, & le Comte
d'Eftrées
ayant
placé huit Bataillons
& douze
Efcadrons
du détachement
du Duc de Boufflers
depuis
il a fait occuper
par les
Gelin
jufqu'à
Mezieres
neuf Bataillons
& les dix-fept Eſcadrons
, qui compofent
le reste de ce détachement
, le terrain
depuis
la haute
Hayne
ju qu au chemin
de Charleroy.
Quatre
Bataillons
& un pareil
nombre
d'Efcadrons
de l'armée
, qui eft fous les ordres
du
Prince
de Conty
, couvrirent
le Quartier
de ce
Prince
. Entre
le chemin
de Charleroy
& la haute
Trouille
, on mit 4 Bataillons
& huit Efcadrons
.
Seize
Efcadrons
furent
campés
depuis
Belian
jufqu'à
Cuefme
, & l'on en employa
un égal nombre
à conferver
la communication
avec
Maubeuge
. Un Régiment
de Dragons
maſqua
Saint
Guilain
, & fut chargé
de la garde
de la baffe
Hayne
, dont tous les ponts
ont été rompuș
.
Avant
que la tranchée
devant
Mons fut ouverte
,
on a attaqué
du côté de la Porte
de Nemy
deux
Redoutes
dont on s'eft rendu
maître
, & où l'on a
fait trente
prifonniers
. Un détachement
de Huffards
ennemis
ayant
tenté
le 6 de furprendre
le
& ayant
été repouffé
Régiment
de Beaufobre
avec perte , M. de Beaufobre
reçut ordre
le mê
me jour de marcher
avec fon Régiment
, trois
cent Huffards
d'autres
corps & deux cens Graf
finis , pour donner
la chaffe
à ce détachement
,
qui fe retira
à fon approche
. Sur la nouvelle
Qu'un
Corps
confidérable
de l'armée
des Allies
s'éroit
avancé
à Turnhout
, celui de M. de Beaufobre
fut renforcé
de trois cent hommes
d'Infanperic.
Le Duc d'Harcourt
étant allé le 12 avec
Frois cent Grenadiers
& deux
cent hommes
de
JUIN 1746. 141
>
"
Cavalerie reconnoître le païs en avant , l'armée
du Roi fit le 14 un fourage général , qui fut
Commandé par ce Lieutenant Général & par le
Duc de Chaulnes , Maréchal de Camp . Pour proteger
ce fourage on avoit pofté deux cent Carabiniers
à Braxhoten , quatre cent Fuſiliers du
Régiment de la Morliere , & fept cent hommes
de Cavalerie tant du même Régiment que de
celui des Uhlans , à Saint Jop Ingor , & fept
cent foit Dragons foit Huffards à Wekelerzande .
Seize cent Grenadiers & Fufiliers gardoient la
tête des bois d'Oyendouck , & quatre cent hommes
de Cavalerie mafquoient la plaine du Moulin
de Heyde Meule où étoit le Duc d'Harcourt ,
& derriere lequel on avoit mis fix cent Grena
diers. Vingt Compagnies de Grenadiers & mille
Fufiliers furent détachés pour la chaine du fourage
, qui s'eft étendu depuis Schilde jufqu'à
Grewenvefel , & a continué le long du ruiffeau
jufqu'au pont de bois , d'où il eft venu fe fermer
au deffous de Wineghem. Le fourage particulier
fait par le Corps que commande le Comte de
Clermont , a embraffé la plaine dé Puderbos . Le
même jour le Maréchal Comte de Saxe monta
à cheval à quatre heures & demie du matin , &
s'étant rendu au Moulin de Heyde Meule , il y
fit venir de Saint Jop Ingor cinq cent tant Dragons
qu'Uhlans , & deux cent Dragons du Régiment
de la Morliere. Son intention étoit de
les mettre en embuſcade derriere les Dunes qui
font dans la plaine en- deça de Breet , & d'y attirer
les Huffards ennemis par la fuite fimulée d'un
Détachement qu'il fe propofoit de porter en avant
, mais la defertion d'un caporal rompit ces
mefures , & le Maréchal Comte de Saxe fe contenta
d'avancer environ cinq cent pas dans la
Ġilj
150 MERCURE DE FRANCE.
plaine avec les Uhlans . Quelques Dragons &
Uhlans maſquerent en même tems le Village de
Breet , & une partie de cette troupe étant entrée
dans ce Village , elle fut enveloppée par les
Huffards dont il étoit rempli . Le Maréchal Comte
de Saxe , qui ſe repofant fur l'ordre qu'il avoit
donné de ne point dépaffer ce Pofte , & ayant
lieu de croire que tout feroit tranquille , étoit
retourné à fon Quartier , ne fe trouva pas à portée
de remedier à ce contre- temps , mais le Colonel
Commandant des Uhlans s'efforça d'y fuppléer
, en envoyant des détachemens à plufieurs
repriſes , pour fécourir la troupe attaquée. Les
ennemis ayant craint que leurs troupes legeres
ne fuffent inquiétées , les ont fait foutenir par
cinq mille hommes , qu'ils ont répandus dans les
environs de Hoograftin . On affûre qu'ils y ont
joint le 19 plufieurs Compagnies de Grenadiers ,
& comme ces troupes pouvoient former quelque
entrepriſe contre des Poftes avancés , le Marél
chal Comte de Saxe a placé divers détachemens
d'infanterie dans les bois d'Oyendouck , & a
ordonné au Régiment de Graffin de veiller à la
sûreté de ces bois , ce que ce Régiment a fait
avec fuccès , puifqu'ayant fait tomber un détachement
des ennemis dans une embufcade , il en a
pris le Commandant , & il a tué plufieurs Huf-
Tards. Le 19 l'aile droite de l'armée du Roi
fit un fourage particulier , commandé par le Marquis
d'Anlezy , Maréchal de Camp , qui avoit
fous fes ordres fix cent Grenadiers , cinq cent
Fufiliers & deux cent hommes de Cavalerie. Cent
Dragons & autant de Huffards du Corps de réferve
du Comte de Clermont occupoient Halle , &
le Régiment de la Morliere fit des patrouilles
depuis ce Bourg jufqu'à Grevenvezel . Le MarJUIN
1746. 151
quis d'Armentieres , Maréchal de Camp , aya
marché le 14 avec quatre Compagnies de Grenadiers
, quatre cens Fufiliers , & deux cent hommes
de Cavalerie , pour attaquer un Corps de
Huffards & de Pandoures , qui étoit à KerKem ,
il mit en déroute ce Corps , dont on tua un grand
nombre de foldats , & auquel on fit vingt prifonniers
. Les troupes qui font à Louvain ont été
renforcées d'un Bataillon de la Garnifon de Malines
un Bataillon de celle d'Aloft a été evoyé à
Halle , pour veiller fur la Forêt de Soignies : la
Brigade de Cavalerie de Royal Etranger , qui s'eft
rendues le 18 à l'armée du Roi , a été remplacée
à Bruxelles , Wilworde & Malines , par
le Régiment de Cavalerie de Noailles.
L'armée du Roi fit le 22 de ce mois entre la
grande & la petite Schin un fourage général , qui
fut commandé par le Marquis de Rozen , Maré
chal de Camp , & protegé par treize cent Grenadiers
, douze cent Fufiliers & quatre cent hommes
de Cavalerie , fans y comprendre cinquante
Grenadiers , cent Dragons tant à pied qu'à cheval
, & un pareil nombre de Huffards , que le
Comte de Clermont avoit détachés du Corps qui
eft fous les ordres , pour occuper le Village de
Hall , & qui ont communiqué par des Patrouilles
avec des détachemens du Régiment de la Morliere
. Le 25 deux cent Grenadiers , cent Carabiniers
& cent Dragons fe porterent dans les
bruyeres au- deffus de Braxhoten , pour reconnoître
les endroits , où l'on peut fourager fur la
gauche de l'armée , & il ne parut que quelques Huffards
ennemis , qui n'oferent s'approcher. Le
même jour la Compagnie levée depuis peu par
M. de Leftan joignit l'armée , & elle a fon quartier
à Merxem , où elle fera aux ordres de M. de
Giiij
152 MERCURE DE FRANCE.
Dieskau , Lieutenant Colonel du Régiment des
Uhlans. Le Parti qu'on avoit envoyé du côté
d'Oyendouck ayant été averti que les Huffards
dé l'armée des Álliés faifoient tous les jours des
courfes jufqu'au Village de Zoërzel , s'embuſqua le
21 dans ce Village , & un détachement de ces
Huffards s'étant prefenté , on en a tué ou pris plufieurs
. Les ennemis oht furpris dans le Village
d'Ooftmale un détachement du Régiment de
Graffin , mais ce détachement s'eft fait jour l'épée
à la main , & il n'a perdu que treize hommes.
"
Le Maréchal Comte de Saxe , qui étoit venu il
y a quelques jours vifiter la Citadelle d'Anvers ,
y revint le 1 de Juillet pour examiner les endroits
des Fortifications de la Ville , qui ont besoin d'être
reparés. Le 2 après avoir reconnu les environs
du Fort de Polden , il alla voir les travaux
qu'on fait dans le Fort de Saint Philippe , où l'on
établit des batteries , ainfi que dans celui de Polden
, pour être maître de la communication de
l'Efcaut. On fe difpofe à demolir celui de Sainte
Marguerite , & l'on a affuré la communication de
cette Ville avec Dendermonde en retranchant
les deux têtes du Pont conftruit à Hamme fur la
Durme. Le 29 Juin il fe fit entre la petite
Schin & la chauffée de Breda , fous les ordres du
Marquis de Clermont Tonnerre , Lieutenant Général
, & du Marquis de Montmorin , Maréchal
de Camp , un fourage général qui fut protégé par
quarante Compagnies de Grenadiers , quatre cent
hommes de Cavalerie > un pareil nombre de
Dragons cent Huffards , & trois cent foixante
foldats du Régiment de la Morliere . Les Compagnies
Franches , les Huffards & les Pandoures
del'armée ennemie font toûjours à Hoogstraten ,
& ces troupes font foutenues par un détache
,
JUIN $746.
153
ment confidérable que les Généraux des Alliés
font relever tous les deux jours . Le Feldt- Maréchal
Comte de Bathiany & le Prince de Waldeck font
venus reconnoître les environs du Pont qu'ils ont
fait fortifier au deffus de Breda , & à l'exception
de quatre pieces de campagne ils ont fait retirer
tout le canon des batteries établies en avant de
ce Pont Les troupes Heffoifes qui étoient dans
la Grande Bretagne , ont repaffé la mer , & elles arrivérent
le 4 Juillet au camp de Ter-Heyden .
JOURNAL DU SIEGE DE MONS.
A tranchée a été ouverte la nuit du 24 au 253 °
Lilyavecdeux été quee , i la buu frunz4 al
vrage à corne de Berthamont , & l'autre vis-à- vis
la porte de Nemy.
Attaque de Berthamont.
T
Elle a été faite par 3000 travailleurs ſoutenus de
4 Bataillons , dont 3 de Monaco , un de Bornac
6 Compagnies de Grénadiers Auxiliaires & z piquets
de Dragons , le tout aux ordres de M. le Marquis
de la Farre Lieutenant Général , de M. le
Duc de Briffac Maréchal de Camp & de M. Marquis
Brigadier.
On a pouffé une parallele à 200 toiſes du chemin
couvert , dont la gauche eft appuyée à l'inondation
de Cuefme , la droite au Village de
d'Hiron que l'on a fait occuper par deux Compagnies
de Grenadiers aux ordres de M Marquis
cette parallele a mille toifes de longueur , la com
Gy
154 MERCURE DE FRANCE
munication vers la droite 550 toifes ; celle vers la
gauche 350 , ce qui fait en tout 1900 toifes d'ouvrages
qui a été conduit par la Brigade d'Ingénieurs
de Riverfon ; cette nuit a été fort heureufe
, les ennemis n'ayant fait qu'un feu de canon
il n'y a eû qu'un feul homme de tué.
Attaque de Nimy.
Dans le tems qu'on ouvroit la tranchée vis - àvis
l'attaque de Berthamont , on l'ouvroit vis -à - vis
l'attaque de Nemy avec 2500 travailleurs foutenus
de 3 Bataillons de Crillon , & protegés par
les Compagnies de Grénadiers de ce Regiment ,
une Compagnie Auxiliaire de Bretagne & un piquet
de Dragons , le tout aux ordres de M. de la
Motte Houdancourt Lieutenant Général de M. de
Biffy , Maréchal de Camp ; on a fait une parallele
qui s'avoifine par la droite de la chauffée de Nemy
, & qui eft à environ 70 à 80 toifes de l'angle
faillant du chemin couvert de la corne gauche à
notre égard jufqu'à la Capitale d'un ouvrage détaché
qui eft fur le bord de l'inondation , & qui
en eft à peu-près à 80 toifes ; l'ouverture de la
tranchée ayant été couverte de bonne heure , il
s'eft d'abord mis quelque défordre dans les travailleurs
& dans ceux qui les foutenoient , on l'a repa ,
ré , & on a fait l'ouvrage dont on vient de parler
qui peut avoir 400 toifes , fans compter les com
munications qui peuvent être de 360 toifes ; on a
auffi travaillé à 2 batteries de Canon , une pour
battre la gauche à notre égard à la porte de Nemy
, & l'autre pour battre le petit ouvrage fait vers
la corne gauche , & on a commencé une batterie
de mortiers ; le feu du canon a été affés vif cette
nuit , ainfi que celui de la moufqueterie : nous
}
JUIN 1746 155
n'avons eu cependant qu'un homme de tué & 14
bleffés , mais comme on a travaillé depuis à perfectionner
les ouvrages , & que les ennemis ont
continué à faire grand feu . il y a encore eû quel
ques bleffés dont le détail n'eft pas conftaté.
M. de Montfort Ingenieur à cû une contufion
à la tête.
Le 25 attaque de Berthamont.
On a fait la nuit du 25 au 26 deux nouvelles
branches de communication de la droite & de la
gauche de la parallele ,qui donnera deux débouchés
de communication à la parallele & l'on a prolongé
la droite de la parallele pour envelopper le Village
d'Hyon; on a fait auffi des communications à chaque
emplacement des batteries qui font déterminées .La
nuit a été extrêmement tranquille ; il n y a eu per
fonne de tué ni de bleflé ; hier dans la journée il y
eut un Soldat de bleffé .
Attaque de Niny.
On s'eft emparé de la troifiéme redoute & on
s'y eft logé , on a travaillé avec diligence aux batteries
qui étoient commencées de la veille & on
en a commencé une nouvelle ; la droite de la parallele
a été prolongée de 90 toifes dont 20 au
de-là de la chauffée .
La gauche de la parallele a été prolongée de
140 toifes , & le feu de l'ennemi tant en canon
qu'en mortiers n'a pas été ſi vif que la nuit ders
niere ; il y a eu à cette attaque M. de Lazaret Capitaine
au Régiment de Lorraine & 7 Soldats
bleffés.
M. le Comte de Baviere Lieutenant Général &
Gvi
156 MERCURE DE FRANCE
M la Cofte de Meffelieres Maréchal de Camp ont
monté la tranchée à la porte de Berthamont.
M. de Maubourg Lieutenant Général & M. de
B rnage Maréchal de Camp a celle de la porte de
Nemy.
Le 26 attaque de Berthamont.
Officiers Généraux , M. de Fenelon Lieutenant
Général , M. le Chevalier d'Agueffeau Maréchal
de Camp.
On a débouché vers la droite de la parallele fur
Ia capitale à une redoute à droite de l'ouvrage à
corne ; on doit augmenter encore 18 zigzagues
pour communiquer avec la feconde paralelle que
T'on a commencée , ces 18 zigzagues font enfemble
177 toifes ; il y a une autre communication à
la gauche de 60 toifes : la feconde parallele à été
pouffée de la gauche à la droite de 180 toifes ,'
elle doit être prolongée la nuit prochaine & dépaffer
la redoute dont on vient de parler , cet ouvrage
fait la nuit du 26 au 27 à l'attaque de Berthamont
fait 417 toifts.
La tête du travail ſe trouve à roo toïſes de la .
paliffade du chemin couvert de l'ouvrage à corne ;
il y a eu de bleffé à cet attaque 2 Officiers 5 Soldats.
Attaque de Nimy.
Officiers Généraux M. de Lautrec Lieutenant
Général , M. de Fienne Maréchal de Camp .
On a perfectionné la communication derriere la
batterie du centre , & prolongé celle de la gauche
JUIN 1746. *57
ge
dde 125 toifes aux deux débouchés de la droite&
la gauche de la parallele , on a fait au premier
uatre zigzagues , & au bout de la paralelle en
recouvrement faiſant 109 toiſes , à celui de la gauche
on a fait trois zigzagues & pouffée une paralle
le ; ce travail fait 104 toifes & le total fait 338.
La tête du travail
ſe trouve
à 20 toifes
de la
paliffade
du chemin
couvert
de l'ouvrage
à corne
;
1 ya eu 20 bleffés
à cette attaque
& huit de tués. On a attaqué la nuit de vive force deux redoutes
fituées dans l'inondation paliffadée & embraffées
d'un foffé plein d'eau large de 35 pieds & très profond
qui défendoit la digue qui foutient le premier
étage des inondations de Mons du côté de
Quefme , l'une fe nomme le Fort Corbeau , & l'autre
le Fort l'Eclufe , elles ont été emportées ; on y
afait so prifonniers & pris 7 pieces de canon.
M. de la Houlliere chargé de l'attaque du Fort:
Corbeau s'en eft rendu maître fur les deux heures
du matin & a eu 7 hommes de tués ou bleffés.
M. Detondu ayant marché fur l'autre s'en eft,
emparé fans perte , les ennemis s'étant rendus pri-
Lonniers après avoir tiré quelques coups de fufil .
Le 27 attaque de Berthamont.
La tranchée a été relevée à l'attaque de Berthamont
le 27 par M. de Chabannes , Lieutenant Général
& M. de Pont S. Pierre Maréchal de Camp.
M. le Prince de Guife Brigadier , 4 Bataillons ,"
6 Compagnies de Grenadiers & deux piquets de
Dragons , pour le travail de la nuit foo travailleurs
qui conduits par la Brigade d'Ingenieurs de
Riverfon , ont augmenté de 8 zigzagues les 18 de
la nuit précedente , qui cheminent fur la capitale
d'une redoute à droite de l'ouvrage à corne ; on a
I
158 ME CURER DE FRANCE.
continué la feconde parallele de 408 toifes , de
forte qu'elle dépaffe la redoute, & fait une communication
de batterie de 15 toifes , total de l'ouvrage
de la nuit à cette attaque 543 toifes.
Latête de nos ouvrages eft à o toifes de la paliffade
de l'ouvrage à corne ; 2 Officiers d'Artillerie
& 6 Soldats bleffés .
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée à l'attaque de Nemy
le 27 par M. de Coigny , Lieutenat Général &
M. de Muy ,Maréchal de Camp.
foo travailleurs ont été commandés pour être
conduits par la Brigade d'Ingenieurs de Silets .
On a prolongé la droite de la troifiéme paralelle
de 18 toifes , la deuxième de 70 & la premiere de
55 , toujours fur la capitale de la demi lune ; on
ya fait 111 toifes de communication à la gauche
, ce travail eft de 254 toifes.
La tête des ouvrages eft à 8 toifes du petit ou
vrage à gauche de l'ouvrage à corne & à 20 toifes
de la paliffade du chemin couvert de la demi lune
de l'ouvrage à corne ; 4 tués , ro bleffés 50
canons 10 mortiers ont tiré aujourd'hui à Ber
thamont ; zo canons & 12 mortiers à Nemy , ily
aura fous deux jours o pieces de canon à Nemy.
La prife des redoutes de l'Eclufe & du Corbeau
enlevées l'épée à la main , ainfi que l'occupation
depuis l'ouverture de la tranchée de Nemy
des quatre redoutes fituées depuis la tête de ce
Village jufqu'aux ouvrages de la Place , & que
les ennemis ont abandonnées fucceffivement , les.
ont engagés à ne laiffer qu'un très foible pofte
dans l'ouvrage à corne , en avant de la porte du
Parc fur la Haine . Si- tôt qu'on en a eu connoif.
JUIN 1746.
fance , on a marché à l'ouvrage ; le peu d'hommes
qu'il y avoit s'eft retiré en y laiffant une pie
ce de canon ; nous gens y étant entrés fe font
portés fur la chauffée qui va de ces ouvrages à
Mons,ils fe font emparés de quelques maifons & par
là ont coupé la retraite au pofte de 20 hommes
qui gardoient la redoute de la Haine , qui après
quelques coups de canon fe font rendus prifonniers
ces ouvrages pris , achevent de nous donner la clef
du premier étage des innondations de Mons qui
font retenues fucceffivement de chutes en chutes.
par differentes digues.
Le 28 attaque de Berthamont.
M. le Marquis du Chatelet Lieutenant Général,
M. le Dnc de Fleuri Maréchal de Camp.
On a ouvert la nuit fur le centre de la deuxiéme
parallele deux.zigzagues d'environ 40 toifes
de furpendiculaires chacun , les extrémités font
éloignées des paliffades du chemin couvert d'environ
40 toifes. Le Fort S. Pierre dont on s'eft
emparé hier n'eft pas occupé , étant commandé- ·
par un ouvrage que les ennemis gardent encore ;
on y a fait un Officier & 19 Hollandois prifonniers.
L'artillerie des ennemis , malgré le grand feu
que nous avons fait dans la journée d'hier , fefoutient
à quelques pieces près ; la nuit a été affés ,
tranquille , les ennemis n'ayant tiré que très peu
de moufqueterie.
E
M. le Chevalier de $ . Ouin Ingenieur & un,
Lieutenant du Regiment de Mailly ont été tués ,
M. Fournier Ingenieur grievement bleffé dès
-
160 MERCURE DE FRANCE.
éclats de bombes , M. de Varvielle Brigadier des
Ingénieurs & un Soldat bleffés légerement .
Attaque de Nimy.
M. le Comte d'Eftrées Lieutenant Général , M.
de Blet Maréchal de Camp .
A l'attaque de Nimy on a fait 4 coupures entre
la troifiéme redoute de Nemy & le glacis du
chemin couvert , l'eau coule avec abondance & la
diminution eft fenfible .
On a prolongé la premiere parallele de 80 toifes
, elle appuye à l'inondation , elle déborde la
deuxié me & la capitale de la demie lune d'environ
40 toifes.
La deuxième parallele a été prolongé fur la droite
de 70 toifes , elle eft à la diftance de l'ouvrage à
corne .
La communication ſera achevée d'être perfectionnée
aujourd'hui. La batterie deftinée pour les
pierriers eft achevée , elle eft placée à 13 toiſes du
petit ouvrage au- deffus de l'ouvrage à corne.
On travaille à une nouvelle batterie de 6 pieces
pour battre la face & la courtine du baftion
du vivier des Apôtres , elle tirera demain à la
pointe du jour. Le feu des ennemis n'a pas été f
vif, nous avons eu 7 Soldats bleffés .
Le 29 attaque de Berthamont.
La tranchée a été relevée à l'attaque de Berthamont
le 9 par M. le Marquis de Clermont d'Am-
& M. de Fodoas Maréchal de Camp ; M. de S.
Segreaux Brigadier , 4 Bataillons , fix Compagnies
de Grenadiers Auxiliaires deux piquets de
Dragons.
"
JUIN 1746.
166
Les travailleurs de nuit conduits par la Brigade
d'Ingenieurs de Damonville , commandés par le
Chevalier de Clermont , le Brigadier n'étant pas
arrivé , ont pouffé à l'extremité des zigzagues ter
minés hier , une ligne droite pour aller gagner la
capitale du demi Baſtion droit de l'ouvrage à corne
On a continue fur lad . capitale ces zigzagues de
9 à 12 toifes de longueur , & on a commencé une
parallele qui traverfe la chauffée par la droite ,
s'avançant enfuite par la gauche . Cette partie de
parallele a 99 toifes de longueur . Sur la gauche
lés zigzagues qui ont enſemble 82 toifes de longueur
ont été terminés d'une parallele par la droite
on n'a pu joindre la premiere partie & par la gauche
on eft terminé au rideau . Cette partie de parallele
a 73 toifes de longueur , il s'en faut de 25
toifes qu'elle ne joigne la premiere partie , mais
elle la joindra dans la journée. Tout ce travail a
330 toifes de de longueur & la parallele fe trouve, a
30 toifes de la paliffade .
M. de Chapoix Capitaine des Grenadiers d'Enghien
& un Lientenant de Grenadiers du même
Regiment ont été bleffés . Il y a eu auffi 12 Soldats
bleffés & 4. de tués ?
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée le 29 par M. de Salliere
, Lieutenant Général & M. du Mefnil Maréchal
de Camp. M. Marquis Brigadier.
3 Bataillons , une Compagnie de Grenadiers Auxiliaires
, un piquet de Dragons.
Les travailleurs de nuit conduits par la Brigade
d'Ingenieurs de Duportail , ont pouffé 5 zigzagues
de la premiere parallele en avant fur la capitale de
62 MERCURE DE FRANCE.
la demie lune dé l'ouvrage à corne de Nemy , pour
déborder le flanc de la troifiéme parallele , les $
zigzagues font enfemble 69 toifes de longueur .
D'une extrémité de la troifiéme parallele on a
marché auffi en zigzagues fur le chemin couvert
; fur la gauche on a pouffé une fappe qui partant
de la derniere parallele déborde la branche
de l'ouvrage à corne , en pouffant fur les glacis .
Cette fappe a 45 toifes de longueur , tout ce travail
enſemble eft de 169 toifés de fappe.
M. de Berouffe Capitaine de Grenadiers Royaux
a été bleffé. Il y a eu un Soldat de tué & 13 de
bleffés.
Le 30 Attaque de Berthamont.
M. le Duc de Boufflers Lieutenant Général , M.
le Duc de Lauragais Maréchal de Camp , M. de
Fontenoy Brigadier , 4 Bataillons , 6 Compagnies
de Grenadiers Auxiliaires & deux Piquets de Dragons,
Les travailleurs de nuit conduits par la derniere
Brigade d'Ingenieurs de Riverfon ont achevé de
perfectionner & de joindre les 2 parties de la troiféme
parallele , par laquelle on a fait 3 débouchés
pour marcher en zigzagues fur les 3 capitales
des deux demi Baftions & de la demie lune
de l'ouvrage à corne , fçavoir 10 fur la droite
qui ont enfemble 78 toifes , 8 au centre qui ont
86 toifes & 8 à la gauche qui en ont 72 , plus deux
communications à deux nouvelles batteries qui
ont 25 toiſes.
On s'eft trompé hier dans la diftance qu'on
avoit eftimée , puiſqu'aujourd'hui celle de la tête
JUIN 1746. 163
du travail fe trouve encore être au centre à 20
of es de la paliffade du chemin couvert..
M , de Breval Ingenieur bleffé , 10 Soldats tués
13 bleffé,
Attaque de Nimy.
M. de Villemur Lieutenant Général , M. d'Eftrehans
Maréchal de Camp & M. de Pumboque
Brigadier , 3 Bataillons , une Compagnie de Grena
diers Auxiliaires , un Piquet de Dragons.
Les travailleurs de nuit conduits par la Brigade
d'Ingenieurs de Filey ont abordé à la fappe le faillant
du petit ouvrage en terre à gauche du demi
Baftion gauche de l'ouvrage à corne de Nemy : on
l'a même enveloppé . On a pouffé une parallele en
fappe jufqu'à l'angle faillant du chemin couvert
de la demie lune , & on a débordé & envelopé ces
angles de droite & de gauche , ces deux logemens
ont auffi été communiqués par un boyau qui flanque
en même tems le nouveau logementdes travailleurs.
M. de Filley fils Ingenieur tué, 6 Soldats tués ,
7 bleffés.
Le 1er. Juillet attaque de Berthamont.
La tranchée a été relevée à l'attaque de Bertha
mont le premier par M. Monin Lieutenant Général
, M. Dandlau Maréchal de Camp & M. du
Rouget Brigadier .
4 Bataillons , 6 Compagnies de Grenadiers & a
piquets de Dragons .
Les travailleurs de nuit conduits par la demie
Brigarde des Ingenieurs de Franquette , ont con
164 MERCURE DE FRANCE.
tinué les fappes fur les trois capitales & les ont
terminées par une parallele qui eft eftimée être à
12 toife's de la paliffade , cette parallele appuyée
par les deux extremités au rideau efcarpé , n'eft
pas abfolument achevée , mais elle le fera dans
le jour , elle a 150 toiſes de- long & les zigzagues
enfemble autant , ce qui fait en tout 300 toifes
de fappe.
Officiers tués , M. de Vitray Ingenieur , M. de
Laurial Lieutenant des Grenadiers de Vermandois
& un Lieutenant des Grenadiers d'Artois .
Officiers bleffés , M. de S. Chatte Capitaine de
Monaco , & M. le Chevalier de Ganart Capitaine
audit Regiment , Soldats tués 5. bleffés 62.
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée le premier par M. de
la Riviere Lieutenant Général , M. de Surgeres
Maréchal de Camp , M. de Ruffec Brigadier.
3 Bataillons > une Compagnie de Grenadiers
Auxiliaires , un piquet de Dragons . ?
Les travailleurs de nuit conduits par la demie
Brigade d'Ingenieurs de Franquette & ont achevé
de couronner le chemin couvert de pied , partie
de la face droite de la demie fune juſqu'à l'inondation
de la gauche , ce qui fait la longueur de
260 toifes y compris les traverfes tournantes , Soldats
71 tués , bleffés 27.
Le 2 attaque de Berthamont.
La tranchée a été relevée le 2 Juillet par M. le
Comte de Thermes Lieutenant Général , & M.
de Coet-logon , Maréchal de Camp , M. de Crillon
Brigadier , 4 Bataillons , 6 Compagnies de
JUIN 1746. 169
Grenadiers Auxiliaires , 2 piquets de Dragons
Le chemin couvert de l'ouvrage à corne a été
attaqué par fix Compagnies de Grenadiers qui devoient
être foutenues par fix autres , & qu'on laif,
fa pour cet effet à la queue des travailleurs.
Les travailleurs ont débouché après les Grena
diers fur les trois capitales , deux Compagnies à
chacune ; on a chaffé l'ennemi & fait 37 prifon
niers , tandis que trois Brigades de mineurs fe font
jettées dedans pour chercher l'embouchure des
mines , ils en ont arraché trois fauciffons ; pendant
ce tems M. Duportail Brigadier des Ingenieurs
; M. Pélotte fous Brigadier , & M. Boulard
Chefde Brigade à la tête des travailleurs aidés
de neuf autres Ingenieurs ou Volontaires ,
ont fait le logement à dix pieds de la paliffade ,
Il couronne tout le chemin couvert ; ce logement
a été perfectionné dans la matinée , ainfi que les
3 communications à la quatriéme paralelle , tout
F'ouvrage confiite en 350 toiles de fappe.
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée parM de la Farre Lieu
tenant Général , M. de Beaupreau Maréchal de
Camp & M. le Prince de Monaco Brigadier , 3 bataillons
, 3 Compagnies de Grenadiers Auxiliaires
& un piquet de Dragons .
Les travailleurs conduits par la demie Brigade
d'Ingenieurs de Damonville , commandée par M.
le Chevalier de Clermont , ont continué le logement
du chemin couvert fur la branche droite de
la demie lune de l'ouvrage à corne jufqu'à fa place
d'armes rentrante , Ont à fait une traverſe vers
l'angle de la place d'arme rentrante à la gauche
de la demie lune , pour empêcher que la batterie
166 MERCURE DE FRANCE.
低
que l'on doit faire pour battre cette Place ne foit
vue à dos , on a fait auffi une communication à la
parallele ; tout cela fait environ 50 toifes de fap
pe. On a commencé auffi les deux defcentes du
foffé .
Le 3 attaque de Berthament .
La tranchée a été relevée le 3 par Meffieurs de
Maubourg Lieutenant Général , le Duc de Briffac
Maréchal de Camp , M. de Bombelle Briga
dier.
4 Bataillons , 4 Compagnies de Grenadiers Auliaires
& deux piquets de Dragons.
Les travailleurs de nuit ont été conduits par la
demie Brigade d'Ingenieurs de Duportail , commandée
par M. de Viencourt fous Brigadier.
Ce travail confifte fur la droite en deux débouchés
, qui communiquent au logement pratiqué
dans la place d'armes faillante qui s'étend d'une
traverſe à l'autre , & un autre débouché pour la
defcente du foffé qui doit aboutir vers le milieu
du demi baftion de la droite , un pareil débouché
a été fait vers le milieu de face du demi baſtion
de la gauche , & le troifiéme fur la face gauche de
la demie lune ; on a fait auffi un logement dans la
place d'arme faillante du demi baftion de la gauche
, avec une communication fur la capitale ; le
logement eft appuyé de droite & de gauche aux
traverſes voifines . On a fait auffi une communication
de 35 toifes de longueur pour les batteries
de canon fur le chemin couvert deſtinées à battre
en breche l'ouvrage à corne.
A été bleffé , M. de S. Amant Lieutenant au
Regiment de Monaco , 2 Soldats tués , 19 bleffés.
JUIN
167 1746.
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée le 3 par M. de la
Mothe Lieutenant Général , le Duc d'Havré Maréchal
de Camp , le Prince de Guife Brigadier.
3 Bataillons , 3 Compagnies de Grenadiers Auxiliaires
& un piquet de Dragons.
ce
Les travailleurs de nuit ont été conduits par la
demie Brigade d'ingenieurs de Damonville ,
travail confifte en l'achevement du couronnement
du chemin couvert de la face de la demi
lune , il contient so toifes de demi fappe , & une
communication qui a été auffi faire pour les batteries
en bréche contre la face gauche de la demie
lune , cette communication a 18 toifes de longueur
en double fappe. Les trois galleries qui
font destinées pour la défenſe du foffé devant les
faces des demi baftions à cette gauche de la demie
lune, commencent à être de douze pieds de
profondeur &font pouffées jufqu'à trois pieds de la
paliffade, Le canon a tiré en bréche ce matin à fix
heures.
Bleffés M. de la Roche , Girard Officiers poin
teurs , 19 Soldats de bleffés , 7 de tués,
Le 4 attaque de Berthamont,
La tranchée a été relevée à Bertham ont le4par
M. le Comte de Baviere Lieutenant Général , Mrs.
de Buffi Maréchal de Camp & de Beaucourt Bri
gadier.
4 Bataillons , 4 Compagnies de Grenadiers
Auxiliaires & deux piquets de Dragons.
Le travail de la nuit conduit par M. de
Riverfon & les Ingenieurs de fa demie Brigade
168 MERCURE DE FRANCE
s'eft borné à continuer les 3 defcentes de foffés ,
14 piéces de canon ont été mifes en batterie battant
en bréche , 11 mortiers & 5 pierriers tirerent
auffi .
On a blindé les communications de batterie de
15 toiſes en double fappe , remis en état plufieurs
parties de zigzagues
endommagées
& l'on a conftruit
une redoute de 20 toifes de face pour contrecarrer
le moulin de S. Pierre , dont elle n'eft
éloignée
que de 40 toifes , elle couvre le Village
d'Hiom & affûre la droite de notre premiere
paralelle
qui eft dégarnie
de troupes
depuis que nous
fommes
avancés
fur le chemin
couvert. s foldats
tués . M. Daigremont
Capitaine
dans la Marche &
21 Soldats
bleffés.
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée à Nemy par Mrs. de
Fenelon Lieutenant Général , Lacoste Meffeliere
Maréchal de Camp & Marquis Brigadier.
3 Bataillons , 3 Compagnies de Grenadiers Auxiliaires
& un piquet de Dragons.
Le travail de la nuit conduit par la demie Brigade
d'Ingenieurs de Riverfon commandée par
M. de Fontenay fous Brigadier , à confifté dans
la continuation des deux paffages de foffés qui
font achevés , & l'on travaille aux ponts pour parvenir
aux brêches qui commencent à devenir pratiquables
, on s'eft emparé d'une petite redoute de
maconnerie , qui eft dans la place d'armes faillan
te du chemin couvert du demí baſtion gauche ,
& fait une communication du logement a cette
redoute , le logement du chemin couvert a été
continué fur la droi e , il entoure la place d'armes
rentrante & la dépare jufqu'à moitié de dif
tance
JUIN 1746. 169 .
tance de cette place à la faillante vers l'inondation
.
On a auffi envelopé l'ouvrage le plus près de l'inondation
; on s'eit emparé dans ces deux endroits
de trois pieces de canon ; ce matin le paffage du
foffé a été achevé de la contrefcarpe à la face de
la demie lune & la bréche étant bonne on s'eft
logé fur le haut , le pont à l'ouvrage à corne
n'eft pas encore fait , la bréche eft faite , 9 Soldats
tués , 26 bleflés .
Le 5 , attaque de Berthamont.
La tranchée fut relevée par M. le Comte de
Coigny , Lieutenant Général , & M. le Chevalier
d'Agueffeau , Maréchal de Camp .
Lés travailleurs ont, prolongé le logement dans
le chemin couvert de la branche gauche jufqu'à
derniere traverfe ; on a perfectionné le front
de la communication du chemin couvert à la demie
lune , laquelle avoit été abandonnée le matin
par les ennemis , & on plaça en avant de la
quatriéme parallele , deux mortiers dans le zigzague
de la droite , & un à même hauteur de celui
de la gauche.
Attaque de Nimy.
M, le Comte de Lautrec , Lieutenant Général ,
M. de Bernage de Chaumont , Maréchal de Camp.
Les travailleurs ont élargi les rampes des bréches
des deux demi baftions , & de la demie lune
de l'ouvrage à corne On a couronné tout le
front de l'ouvrage à corne & on a fait un logement
fur le cavalier , & après avoir mafqué la poterne
du milieu de la courtine on a porté a dro e &
à gauche deux fappes paralleles aux faces de la
demie lune .
11, Vol. H
470 MERCURE DE FRANCE,
Le 6 Attaque de Berthamont.
M. de Chabanne , Lieutenant Général , & M,
de Fienne Maréchal de Camp .
On a fait le logement dans la demie lune de
l'ouvrage à corne & la commu ication par la
brêche. L'ouvrage à corne a été abandonné ce
matin , on y a trouvé 60 à 7 bifcayeas chargés
des faulx renverfées , 3 piéces de canon de fonte
, mortier & un obuts ; quelques Grenadiers
qui ont été chargés de le tater , ont eventé
les mines du fecond baftion de l'ouvrage à corne ;
on cherche actuellement celles du demi baſtion
gauche. On a placé quelques gabions ur le haut
de la brêche & on fe logera cette nuit . On a fait
le long du chemin couvertde la branche gauche
25 toifes de double fappe & un retour qui coupe
les glacis & le chemin couvert de fappe plein
Nous avons eu M. de Rouviere , Major du Rẻ-
giment de Monaco , M. de Belle - Roche , Lieutenant
du même Régiment , & M. Puizinier
Aide Major du Régiment d'Anguien bleffés , I foldat
tué & 17 bleffés .
Attaque de Nimy.
M. du Chatel , Lieutenant Général , & M,
de Muy , Maréchal de Camp .
On a perfectionné le logement de l'ouvrage à
corne & on l'a prolongé dans le rempart jufqu'à
l'extremité des branches . On a prolongé
la fappe dans le terreplein du chemin couvert de
la branche gauche de l'ouvrage à corne juſqu'à 6 à
7toifes de la place d'armes qui couvre la porte de
Nimy. La tête de ce travail n'est qu'à 20 toifes
du pont levis .
JUIN 1746. 178
On a commencé fur la gauche de la deuxième
parallele une redoute ; pour l'affûrer on a établi 4
batteries , une de 6 mortiers & deux peniers fur
la courtine de l'ouvrage à corne , une de 3 piéces
fur l'angle de l'epaule du demi baftion gauche
pour battre en brêche la face gauche du
fecond ouvrage à corne , une batterie de 3 piéces
fur le rempart de la branche gauche de l'ouvrage,
à corne pour battre en biêche la face gauche de
la demie lune & une quatriéme batterie de piéces
à gauche du chemin couvert pour battre les
petits ouvrages collateraux . Toutes les batteries
feront en état aujourd'hui de recevoir les
piéces
Le feu n'a pas été bien vif ; nous avons eu M.
de Bonne , du Régiment de Navarre , bleffé ; 3
foldats tués & 16 de bleffés .
Le 7 attaque de Berthamont.
M. de Salieres , Lieutenant Général ; M. le
Duc de Fleuri Maréchal de Camp , & M. de
Crillon Brigadier.
3 Bataillons & 3 Compagnies de Grenadiers
Auxiliaires , & un Piquet de Dragons.
Les travailleurs de nuit conduits par la Brigade
d'Ingenieurs de Duportail ont fait une parallele
dans l'ouvrage à corne dont la communication
à droite confifte en fix zigzagues qui partent
de la droite du demi baftion . La partie
gauche de cette parallele eft reftée imparfaite
ainfi que fa communication , dont il n'y a que
deux zigzagues de faits .
On a fait un logement fur le glacis à l'extremité
de la branche droite qui part du terreplein
du chemin couvert dudit ouvrage à corne &
>
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
commencé une coupure dans une digue de 8
toiles d'épaiffeur pour faire couler les eaux des
avant foflés dans les marais de Cueſme .
On va travailler aux batteries de canon dans
• l'ouvrage à corne pour battre en brêche deux
demies lunes qui couvrent le corps de la place .
Du travail de cette nuit on a perdu le Chevalier
d'Aumont , Ingenieur , tué d'un coup de
fufil . Mrs du Portail , de Riancourt & Sainneton
de Chermont tous trois Ingenieurs , ont
été bļeffés . Il y a eu 13 foldats tués & 35 bleffés,
9
Attaque de Nimy.
? M le Comte d'Eftrées Lieutenant Général ;
M. de Pont Saint Pierre , Maréchal de Camp 2
& M. de Rougé , Brigadier.
2 Bataillons 4. Compagnies de Grenadiers Auxiliaires
& un Piquet de Dragons,
Les travailleurs de nuit conduits par la demie
Brigade d'Ingenieurs de Chaville , commandée
par M. Plotteau Sous- Brigadier , ont fait une communication
partant de l'extremité du logement
dans l'ouvrage à corne & parallele à la face
gauche de la demie lune le long de la branche
gauche dudit ouvrage , & une batterie dont les
embrafures doivent être percées dans le parapet
de ladite branche & un petit retrancheme:
dans la place d'armes rentrante à l'extremité du
chemin couvert de la branche gauche qui maſque
le pont & coupe à l'ennemi toute communication
au dehors ; ils ont fait de plus une cou➡
pure fur le chemin couvert de la branche droite
9 du même ouvrage à corne au pied de la troifiéme
traverfe pour l'ecoulement
des eaux du
foffé dans l'avant foffé de la prairie.
M. de Kerein , Capitaine des Grenadiers de
Penthiévre , bleffé ; un foldat tué & 14 bleffés ,
JUIN
1746. 173
Le 8 attaque de Berthamont.
La tranchée a éré relevée le 8 par M. de
Clermont d'Amboife Lieutenant Général , M , de
Faudoas Maréchal de Camp , le Prince de Monaco
Brigadier , trois Bataillons , trois compagnies de
Grenadiers auxiliaires & un piquet de Dragons ."
Les travailleurs de nuit , conduits par la demie
Brigade d'Ingenieurs de Riverfon ont perfectionné
un boyau fur la gauche dans l'ouvrage à Corné,
qui avoit été abandonné & fon extremité, On a
pouffé une fappe de 25 toifes fur le bord du foffé
jufqu'à l'extremité de la branche.
Les batteries ont été achevées & tirent actuellement
: On va commencer à travailler aux punts .
Officier tué , M. de Charuaffé Lieutenant de
Mailly , un foldat tué , bleffés trois.
Attaque de Nimy.
La tranchée à été relevée le 8 par M. le Duc
de Boufers Lieutenant Général , M. Dumefnil
Maréchal de Camp , le Prince de Guife Brigadiers
, trois Bataillons , trois Compagnies de Grenadiers
auxiliaires , un Piquet de Dragon.
Les travailleurs de nuit conduits par la demi brigade
d'Ingenieurs de Riverfon , commandée par M. de
la Chaife , oat élevé confidérablement le parapet &
de la fappe à droite dans l'ouvrage à corne
coupé le parapet du rempart pour s' loger , mais
les eaux rendent ce t avail très- difficile .
>
On a perfectionné auffi toutes les fappes de cette
partie , & travaillé au débouché pour le paffage
du foffe dudit ouvrage à corne , & tout de fuite
aux ponts. On a fait la communication à la batterie
Hij
174 MERCURE DE FRANCE.
fur la branche gauche ce travail & la coupure fur
la branche droite du chemin couvert ont été abandonnés
, les eaux du foffé & de l'avant foffé s'étant
trouvées de niveau.
M. de la Motte Officier d'Artillerie tué , M.
de Loffe Capitaine dans Crillon bleffé , M. de
Rambeau de Tuifau Lieutenant dans Crillon ,
bleffé , M. de Cabis Lieutenant dans Haynault
bleue trois foldats tués , bleffés huit.
M. Chauvelin Brigadier des armées du Roi , Major
général de celle commandée par le rince de
Conty , & que ce Prince a dépêché à Sa Majesté ,
arriva à Verfailles le 12 à neuf heures du matin
avec la nouvelle de la priſe de la Ville de Mons.
Le Gouverneur a fait arborer le drapeau blanc le
10 à dix heures du foir. Six bataillons des troupes
de la Reine de Hongrie , fix bataillons Hollandois
& quelques Efcadrons qui formoient la
garnifon de cette place fe font rendus prifonniers
de
guerre.
M. Chauvelin a été nommé par le Roi Maréchal
de Camp.
JUIN 1746 . 19 }
3 :*I *J **32,
NOUVELLES ETRANGERES
L
ALLEMAGNE.
'IMPERATRICE de Ruffie a réfolu d'augmenter
fes troupes de cinquante mille hommes
, mais elle n'a pas encore réglé de quelle
maniere fe fera cette augmentation ; le bruit s'eft
répandu à Pétersbourg que cette Princeffe eft ,
difpofée à figner un traité d'alliance avec la
Reine de Hongrie , mais que cette alliance ne
fera que défenſive , & que le nouveau traité fera
à peu près conforme à celui qui avoit été conclu
entre l'Empereur Charles V I. & la Czarine Catherine
les lettres de Ruffie confirment que les di
vers mouvemens des troupes Ruffiennes n'ont aucun
objet qui puiffe donner de l'inquiétude aux
autres puiffances.
M. de Voltaire Hiftoriographe du Roi & l'un
des quarante de l'Académie , & Mrs. de la Condamine
, de Buffon & d'Alemberg ont été nommés
Membres de l'Académie de Berlin .
On affûre que le Prince Cantacuzene a été
convaincu par des écrits de fa propre main d'avoir
formé le projet d'exciter une revolte dans la
Valachie Hongroife pour ſe faire reconnoître Souverain
de cette Province : on arrêta ce Prince &
la Princeffe fon époufe le 27 du mois paffé , on.
mit le fcellé fur leurs papiers , & on les a conduits
au Château de Neudftat le 8 de ce mois ;
on amena à Vienne de Temefar un Prêtre Grec
& un Marchand accufés d'être ent és dans ce
complot , mais ils ont été remis en liberté f
Hiiij
176 MERCURE DE FBANCE.
les preuves qu'ils ont données de leur innocence.
La nuit du 1 au 22 le Baron de Trenck fut
transferé à l'Arſenal fous la garde de quatorze
fufiliers. Les chefs d'accufation portés contre lui ,
& dont la plupart regardent la conduite qu'il a
tenue pendant la guerre de Baviere & de Boheme
font au nombre de foixante - dix , & il paroit
qu'on a deſſein d'examiner fon affaire avec la
derniere rigueur : les Commiffaires nommés pour
l'inftruire ayant informé la Reine de Hongrie qu'il
alleguoit pour fa juftification plufieurs ordres qu'il
prétendoit avoir reçus de quelques Généraux . &
en particulier du Baron de Berencklau , S. M. a
depêché un courier au Prince de Lichtenftein ,
pour lui ordonner de prendre à cet égard toutes
Jes informations néceffaires , en attendant l'accufé
eft gardé plus étroitement & l'on ne le laite parler
à perfonne , fans une permiffion expreffe de fes
Commiffaires : on ne lui donne plus le titre de
Colonel dans fes interrogatoires , ce qui fait préfumer
que fon affaire devient de plus en plus ferieufe.
Les Troupes du Cercle de Franconie s'affembleront
à Neckars - Ulm & elles ont commencé
le 12 à fe mettre en marche , celles du Cercle
de Suabe s'affemblerent près de Heilbron , & il
a été decidé qu'elles ne fe joindroient pas à celles
de la Reine de Hongrie. Plufieurs Etats des Cercles
ont repréfenté que l'Empire ne pouvoit former
une armée fans une nouvelle déliberation
de la Diette , la réſolution prife le 17 Decembre
de l'année derniere portant feulement que
chaque Etat tiendroit prêt à marcher un coips
de troupes trois fois auffi confidérable que celui
qu'il a coûtume de fournir.
Le Cercle de Suabe a répondu au dernier MéJUIN
1746 $77
moire qui lui a été communiqué de la part du
Grand Duc de Tofcane par le Baron de Ramfchwag
, que ce Prince ayant déclaré qu'il n'avojt
nullement intention d'enveloper les Cercles dans
la guerre entre le Roi de France & la Reine
de Hongrie , ce Cercle croit avoir fatisfait à ce
qu'exigent de lui les conjonctures préfentes , &
avoir pourvû fuffifamment à la fûreté commune
par l'augmentation de fes troupes ; que dès le
commencement de l'année derniere elles ont été
renfoncées d'un Régiment d'Infanterie , & qu'elles
font actuellement plus de trois fois auffi nombreu
fes qu'elles ont coûtume de l'être dans les cas
ordinaires , que le Cercle eft determiné à laiffer
ces troupes dans le camp qu'elles occupent actuellement
, & qu'on a pris les mefures néceffaires
pour leurs fubfiftances : qu'ainfi fuppofé que l'Empire
voulût paffer à des réfolutions ulterieures ,
ce Cercle pourra fur le champ s'y conformer , &
qu'il n'eft point douteux que pour peu que les autres
Cercles faffent autant d'efforts que lui , le
territoire de l'Empire ne foit fuffifamment garanti
de toute invafion ; que lorfque les Miniftres
de la Diette de l'Empire étant encore à Francfort
, le Grand Duc leur fit repréfenter que les
Cercles devoient mettre à exécution ce qui avoit
été reglé pour mettre l'Allemagne à l'abri des
hoftilités , le Cercle de Suabe avoit donné des
affûrances pofitives , qu'il s'uniroit à ceux qui feroient
dans la difpofition de concourir à cette fin ,
que les Princes Convocateurs de ce Cercle avoient
expofé que le principal cbjet , qu'on devoit avoir ,
étoit de conferver la tranquilité interieure des
Cercles , en ufant des moyens preferits par les
Conftitutions du Corps Germanique , jufqu'à ce
e que l'Empire prit d'autres réfolutions ; que ces
Hy
178 MERCURE DE FRANCE
Princes avoient ajoûté que fi les Cercles vouloient
agir de concert pour la défenfe des frontieres ›
fans offenfer aucune Puiffance , & fans fouffrir
qu'elles troublaffent le repos de l'Allemagne , on
éviteroit facilement de prendre part à la guerre
préfente , & d'en recevoir aucun préjudice ; que
pour jouir de ces avantages , il étoit néceffaire
que les Cercles entretinffent leurs troupes fur le
pied de l'augmentation indiquée , qu'ils les tinffent
prêtes à marcher , & qu'ils leur fffent fournir
toutes les armes & les munitions néceffaires ; que
le Cercle de Suabe non - feulement avoit approuvé
cette propofition , mais encore avoit rendu
exactement compte de tout ce qu'il avoit jugé à
propos de faire pour répondre aux defirs du Grand
Duc de Tofcane , lefquels fe oient bientôt remplis
, fi les autres Cercles confentoient de fuivre
cet exemple , puifqu'alors tout ce que demandent les
anciennes affociations fe trouveroit exécuté , même
dans les circonftances où le peril deviendroit plus
prochain qu'il ne paroît l'être ; que le Cercle de
Suabe ayant fait connoître fes fentimens , il efpere
que le Grand Duc de Tofcane en fera fatisfait
, & n'exigera pas au- delà ; fur- tout qu'il n'infiftera
point pour que le Cercle fourniffe des fubfiftances
aux troupes de la Reine de Hongrie ,
ce Cercle ayant déja fait à cet égard des avances
fi confidérables qu'il eſt tout - à- fait hors d'état
de fupporter un plus grand fardeau .
L'armée commandée par le Prince de Lobckovvitz
, eft compofée des Régiments d'Infanterie
de Charles de Lorraine , de Damnitz , de Brovyne
, de Platz , de Bareith & de Vivary , de ceux
de Cuiraliers de Diemar , de Bernes , & de Cordoue
; de ceux de Dragons de Lichtenſtein , de
Eathiany , de Wirtemberg & d'Olonne ; de ceux
1 J
!
JUIN 1746. 179
de Huffards de Nadafti , de Feftetitz & de Kalnocki.
Le Comte de Mercy , le Baron de Philibert
; le Comte de Konig eg & le Baron de Trips
font les Lieutenants Généraux employés dans
cette armée , & les Majors Généraux font le Baron
de Hagenbach , M. de Saint André , le
Prince de Bade de Dourlach , les Comtes de Titheim
, de Colloredo , de Katnocki de Bentheim
& de Kalchreuter , les Barons d'Eberfeld , de
Pickel & de Walyvart , les Comtes de Vivari ,
d Oftein & de Spada . La premiere divifion de ces
troupes dirige fa marche vers Rutel heim , où elle
attendra les autres divifions . On a appris de Ratisbonne
, que le 23 du mois dernier la Diette
de l'Empire avoit reçu un Decret de commiffion .
par lequel le Grand Duc de Tofcane lui a fait
fçavoir que le Prince Charles de Lorraine avoit
accepté la dignité de Premier Feldt -Maréchal de
l'Empire. Ce dernier a écrit à cette affemblée ,
qu'il recevoit avec la plus vive reconnoiffance la
marque de confiance dont l'Empire l'honoroit ,
& qu'il prioit tous les Miniftres de la Diette d'en
affûrer les Electeurs , Princes & Etats , leurs Sou
verains , que jufqu'à préfent il n'avoit point hésité
d'expofer fa vie pour les interêts de la Patrie ,
& qu'il fe conduirait toujours de même , n'ayant
rien plus à coeur que de convaincre l'Empire de
fon zéle & de fon devouement.
GRANDE BRETAGNE.
ES dernieres nouvelles , qu'on a reçues
Ld'Ecoffe , n'annoncent pas que la tranquillité
y foit entierement rétablie , & elles donnent lieu
de croire que les habitans du Pays de Mull de
la Province de Strathnavern , des Iles de Skie,
H vj
130 MERCURE DE FRANCE.
de Jura , de Long-Iland , des Orcades , & du
Zetland continuent d'être attachés aux interêts
de la Maifon de Stuard . Le bruit fe répand
même , que S. M. B. a envoyé ordre au Duc de
Cumberland de ne point revenir à Londres ainſi
qu'il l'avoit projetté , ce qui confirme que le Gouvernement
ne regarde pas le Parti du Prince
Edouard , comme entierement diffipé . Ce Parti
reçu depuis peu des fecours , qui lui ont été
apportés par deux Fregates , & qu'on dit confif
ter en fept mille facs de farine , beaucoup de
munitions de guerre , dix -fept cent fufils , & une
fomme de douze cent mille livres . Le Vaiffeau
de guerre le Levrier , & les Chaloupes le Baltimere
& la Terreur , dès qu'ils ont eu avis de l'arrivée
de ces Fregates fur la côte de Loch Nova ,
font állés les attaquer , mais elles avoient déja
debarqué les provifions & les armes dont elles
étoient chargées , & elles firent un feu fi terrible ,
que le Vaiffeau le Levrier ayant été fort endommagé
dans fa mature , & les Chaloupes ayant été
mifes hors de combat , ces trois Bâtimens ont
été dans la neceffité de fe retirer. Le Capitaine
Noël , qui commande le Vaiffeau le Lebrier , fe
difpofoit , après avoir fait reparer ce Vaiffeau &
les deux Chaloupes , à faire une nouvelle tentative
pour s'emparer des Fregates ennemies , & il
efperoit d'autant plus de réuffir dans fon entreprife
, qu'il avoit été joint . par les Chaloupes la
Fournaif & le Corbean , lorfqu'il a appris que ces
Fregates avoient remis à la voile..
Le Duc de Cumberland a mandé au Roi ,
qu'ayant marché au Fort Augufte , il en avoit
trouvé les fortifications rafées & prefque toutes
les maisons demolies par les troupes du Prince
Idouard , & qu'on croyoit que ce Prince étois
JUIN 1746.
181
•
9"
encore en Ecoffe . Sa Majesté a été informée
par les mêmes lettres , que le Duc de Cumberland
avoit détaché un corps confidérable de troupes
, pour tâcher de diffiper cinq mille hommes
que le Parti de la Maifon de Stuard a affemblés
dans la Province de Lochabir . M. Lochiel
un des Gentilshommes les plus attachés à ce parti ,¸
s'eft foumis au Roi avec trois cent hommes qu'il
commandoit. On a reçu avis que Mrs. Hugues
Stirling de Kair & Jacques Barnet de Craig , faits
prifonniers dans la derniere bataille donnée en
Ecoffe , s'étoient fauves du Château de Dumbarton
.
"
Le 15 le Roi fe rendit à la Chambre des Pairs
avec les ceremonies accoûtumées , & Sa Majesté
ayant mandé la Chambre des Communes , donna
fon confentement au Bill pour augmenter de
i vingt-cinq mille guinées les revenus du Duc de
Cumberland , & à un autre Bill , qui ordonne
de faire le procès aux Lords Kelly , Strathallan
Elcho , Jacques Drummond , Georges Murray »
Louis de Gordon , Pitiligo , Nairn , Ogilvy &
- Dondée , & à Mrs. Simon Frafer , Robert d'Aldie
, Guillaume de Parck , Jean de Broughton
de Clenbacket , Donald de Lochield , Archibald
Cameron Louis de Tor Caſtle , Alexandre de
Dungallon , Macdonald de Clauronald , Donald ,
de Lögharie , de Keppoch , de Barifdale , der
Glencoe , Evan Machperfon de Clunie , Lauchlan
Machlauchlan , Jean Mac Kinnon , Charles Stevvart
d'Andsheill , Georges Lockart , laurent
Oliphan de Gask , Jacques Graham , Marc Gillivraë
de Drumaglash , Jean Hay & André Lumf-
-dale de Lumfdain > comme coupables de haute
- trahifon .
L. Il fe tint le 21 de ce mois à Kenfington un
182 MERCURE DE FRANCE.
Confeil , dans lequel il fut decidé que non- feulement
les Lords , mais encore les autres perfonnes
qui ont pris les armes en faveur de la Maifon de
Stuard , feroient jugés par voye d'accufation à
la Barre de la Chambre des Seigneurs . Le 23 il
fut propofe dans cette Chambre de préfenter une
adreffe au Roi , pour ſupplier Sa Majefté de dif
ferer le paffage de fes troupes dans les Pays - Bas ,
jufqu'à ce que la tranquillité foit entierement ré
tablie en Ecoffe , mais cette propofition fut rejettée.
La Chambre des Communes fit le 6 la
premiere lecture d'un Bill pour authoriſer le Roi
à emprunter un million de livres fterlings fur le
fonds d'amortiffement , elle refolut le 24 d'accorder
trente-fix mille huit cent foixante & quatre
livres sterlings pour les garnifons de la Grande
Bretagne & des Ifles de Jerſey & de Guernefey
; trente mille pour quelques depenfes qui
regardent les troupes , & aufquelles on n'avoit
pas encore pourvu , & dix mille pour l'entretien
des Forts de la Compagnied'Afrique . Les troupes
qui doivent paffer la mer pour aller joindre l'armée
des Alliés en Hollande , font trois Battaillons
des Gardes à pied , les Régimens d'Infan
terie de Howard , de Douglas , de Hufck , de
Johnſon , de Semple & de Pulteney , & le fecond
bataillon du Régiment Royal Ecoffois. Elles
feront accompagnées d'un train d'artillerie de
quatorze pieces de canon , chacune de trois livres
de balle. Le Contre - Amiral Leftock a été pleinement
dechargé de toutes les accufations intentées
contre lui , & le Roi vient de le nommer
Amiral de l'Efcadre Bleuë.
Les Ducs de Beaufort & de Suffolck , les Comtes
de Northampton , de Weftmoreland , d'Oxford
, de Hereford , de Shaftsbury , de Lichfields
JUIN 1746. 183
,
& de Stanhope , & les Lords Ferreres , Abing
don , Aylesford , Foley , Montjoy , Craven , Blet
foe , Ward , Boyle , Maynard & Talbot , ont
reinis à la Chambre des Seigneurs une Protefta
tion , contre la réfolution prife par le Parlement
au fujet du renvoi des troupes du Roi dans les
Pays-Bas. Cet écrit porte qu'il eſt directement
contraire aux intérêts de la Grande Bretagne ,
de l'engager à faire la gu rre fur terre , comme
partie principale ; qu'il en refultera non-feulement
une augmentation de taxes , mais encore la fortie
d'une immenfe quantité d'argent , & que la
Nation ne peut foûtenir long- tems un pareil fardeau
, fans s'expofer à fa ruine totale ; qu'elle
a déja éprouvé les maux que lui caufe l'influence
des intérêts étrangers ; que par là elle a été entrainée
dans les plus grands embarras obligée
de contracter des engagemens aufquels elle n'eft
point en état de fatisfaire , furchargée de fubfides
qu'elle a eu la douleur de voir employés pendant
la paix fans oeconomie , & pendant la guerre
fans effet , que le malheur de s'être endettée
de plus de foixante millions de livres fterlings ,
d'avoir épuifé fon credit , & d'avoir perdu la plus
grande partie de fon commerce , eft la fuite des
efforts qu'elle a faits dans le Continent en faveur
de la Reine de Hongrie ; que les moyens propofés
pour continuer de fecourir cette Princeffe ,
font non
feulement impraticables mais encore
inſuffiſans ; qu'il eft impoffible de juſtifier la maniere
dont la guerre a été conduite depuis l'infruc
tueufe victoire remportée à Ettingen jufqu'à la
fanglante bataille de Fontenoy ; que les Pairs qui
ont figné la prefente proteftation ont été furtout
determinés à cette demarche , en voyant le peu
d'ardeur des Alliés à défendre la caufe commune &
-
184 MERCURE DE FRANCE,
que la Barriere des Pays-Bas a été abandonnée ,
& que peu s'en eft fal u que l'Italie n'ait été perdue
, que les Minifties qui étoient chargés de
l'administration des affaires au commencement
de la guerre , avoient toujours prétendu qu'il
étoit effentiel que la République des Provinces
Unies fe déclarât ; que ceux qui leur ont fuccedé
ont regardé auffi cette condition comme nécef
faire ; que les depenfes des Alliés ne font point
du tout proportionnées à celles faites par la
Grande Bretagne pour prendre à fa folde des
troupes étrangeres ; qu'on s'eft fervi de ces troupes
pour la fureté interieure du Royaume , tandis
qu'une partie des troupes Nationales a été laiffée
inutilement hors de la Grande Bretagne ; que les
fuites les plus facheufes font à craindre fi jamais
un pareil ufage s'établit , & particulierement fi
le Roi peut negliger comme il a fait cette année ,
de confulter la deffus fon Parlement ; que les
Anglois doivent être en garde contre l'exercice
d'une prérogative fi dangereu e , à la faveur de
laquelle en fe fondant fur les mêmes motifs &
en admettant les mêmes fuppofitions , un nombre
plus confidérable de troupes mercenaires pourroit
être introduit dans le Royaume , & attenter à la
liberté de la Nation ; que dans un pareil cas la
fucceffion dans la Maiſon de S. M. feroit en danger
par le mécontentement général qu'exciteroit
une demarche de cette nature ; que la Nation eſt
encore plus decouragée de contribuer à des dépenſes
onereufes , & de fe jetter dans des rifques
qui l'allarment , lorfqu'elle confidere la trifte fituation
de fes affaires domeftiques ; que la tranquillité
n'eft pas à beaucoup près ré ablie dans le
Royaume ; qu'il eft difficile de prevoir quelle augmentation
de dépenfes exigeront encore les trouJUIN
1746. 1854
bles de l'Ecoffe ; que malgré les frequentes de
mandes du Roi pour les frais de la Marine , la
puillance de la Grande Bretagne fur mer diminue
au lieu de s'augmenter ; que fi l'on ajoûte
à cela l'état languiffant du commerce au dehors ,
le préjudice caufé à la culture des terres & aux
Manufactures par les levées de foldats & de matelots
, les difficultés de pourvoir convenablement
aux fubfides , l'accumulation des dettes publiques ,
& l'impuiffance de les acquitter , on ne peut s'empêcher
d'être effrayé du danger que court la Grande
Bretagne ; qu'il y auroit fujet d'efperer qu'en
employant avec prudence fes forces navales , en
fe contentant de fournir des fecours fuffifans aux
Puiilances du Continent , intereffées le plus imme
diatement à la guerre , & de s'oppofer aux def .
feins de la France , & en s'attachant à éviter
avec autant de foin une profufion ruineufe qu'une
oeconomie malentendue , elle parviendroit à recouvrer
la confideration qu'elle a droit d'attendre
des étrangers ; qu'après s'être épuifée inutilement
pour d'autres , elle goûteroit quelque repos , &
travailleroit à fon propre bonheur ; que les Seigneurs
qui ont jugé à propos de faire les repréfentations
contenues dans cette Proteftation
étant établis par la Conftitution de l'Etat , Protecteurs
du peuple & Confeillers de la Couronne ,
ils font obligés de s'oppofer à tout ce qu'ils
croyent être nuifible à l'un & l'autre ; qu'ils font
incapables de fe laiffer feduire par des motifs de
haine ou d'ambition ; qu'ils font vivement touchés
mais fans en être abattus , des perils qui menacent
leur Patrie , qu'ils ne negligeront aucun effort
pour en rétablir la porfperité , & qu'on ne peut y
reuffir qu'en remediant à pluſieurs abus , en dimi-
T
136 MERCURE DE FRANCE
nuant les dépenfes , & en faifant renaitre la con◄
fance dans les efprits d'où elle a été bannie .
ITALI E.
Le 10 de ce mois les troupes Françoifes commandées
par le Maréchal de Maillebois , s'étoient
mifes en marche vers Plaiſance , où l'on comptoit
qu'elles joindroient le 13 larmée de fa Majefté
Catholique. Le Maréchal de Maillebois , avant que
de faire ce mouvement , a ordonné de tranſporter
à Tortone tous les magafins qui étoient établis à
Novi & dans les environs. Cette derniere Ville
étant fans défenfe , les principaux habitans , dès
qu'ils ont fçu que les François fe préparoient à
à s'en éloigner , fe font retirés avec leurs effets
les plus précieux . On apprit le 11 que le Roi
de Sardaigne avoit paffé le Tanaro , & qu'ayant
envoyé des détachemens pour mafquer Tortone ,
il s'étoit porté avec cinq mille hommes à Novi ,
& qu'il y avoit exigé une contribution de deux cent
mille livres de Piemont. Quelques jours auparavant
les Piémontois avoient attaqué trois poftes
entre Final & Savone , mais ces poftes ayant été
fecourus par quelques troupes réglées & par les
Milices du Païs , les ennemis ont été repouffés ,
& on leur a fait un grand nombre de prifonniers .
La fituation dans laquelle l'armée E pagnole ,
commandée par l'infant Don Philippe , fe trouvoit
fous Plaiſance , avoit déterminé ce Prince
à demander dès le 18 du mois dernier au Maréchal
de Maillebois , de lui envoyer dix Bataillons
François. Ce renfort n'étant pas fuffifant pour
mettre l'Infant en état d'exécuter le projet qu'il
avoit formé d'attaquer les ennemis , il envoya
ordre le 6 de ce mois au Maréchal de Maillebois
de venir le joindre avec le refte de fon armée.
JUIN 1746. 187
Ce Géneral exécuta les ordres de l'Infant , &
l'armée Françoiſe ayant marché par Tortone ,
fe
rendit au camp des Eſpagnols près de cette Vill .
Le Maréchal de Maillebois y étoit arrivé le 14 ›
& il avoit eu avec l'Infant , le Duc de Modene
& le Comte de Gages , une conference , dans
laquelle il avoit été decidé qu'il étoit d'autant
plus néceffaire d'attaquer les ennemis dans leurs
retranchemens , que le Roi de Sardaigne , qui
s'étoit porté à Novi auffi - tôt que les François
avoient quitté ce pofte , les fuivoit & n'étoit
éloig é d'eux que de deux jours de marche. Il
avoit été arrêté dans la même conférence , que
l'attaque refoluë fe feroit le 16 avant le jour , &
les difpofitions pour cette entrepriſe furent ordonnées
le 15 par l'Infant & par les Généraux
qui fe trouvoient avec lui . Le même jour à l'entrée
de la nuit , les troupes Eſpagnoles & Françoifes
fe mirent en marche fur fept colonnes
dont quatre étoi nt formées par les Efpagnols
, & les trois autres par les François . Ces
dernieres ayant débouché fur les Poftes avancés
des ennemis , elles les forccrent de fe replier ,
& d'abandonner les Caffines qu'ils avoient fortifiées
. Les mêmes colonnes compofées des troupes
Françoifes , après avoir chaffé les ennemis de
tous les poftes qu'il avoient endeça du Refudo , fe
rejoignirent à la pointe du jour , & elles mar
cherent pour attaquer le camp des Autrichiens
par les endroits qui leur avoient été marqués . Dans
le même tems celle des quatre colonne Efpagnoles
, commandée par le Marquis d'Aremburu
, étant foutenue du Régiment des Gardes
Efpagnoles & de la Brigade de la Couronne , attaqua
avec tout le courage poffible la Caffine de
de Saint Dominique , laquelle appuyoit la gauche
*
488 MERCURE DE FRANCE.
des Autrichiens , & qui étoit garnie d'un Corps
d'Infantérie , & fortifiée par un retranchement
dans lequel ils avoient placé quinze piéces de canon
. Auffi - tôt le Maréchal de Maillebois paffa le
Refudo en bataille , mais dans le moment qu'il
fe difpofoit à foûtenir la colonne Efpagnole ,
il s'apperçut que la Cavalerie ennem ie & le feu
prodigieux de la batterie placée dans la Caffine ,
avoient obligé cette colonne de fe replier.
Voyant qu'elle commençoit à être en déroute" ,
il fe mit à la tête des Dragons qu'il fit combattre
à pied , & il fit avancer le Marquis de
Voluire , lequel avec deux cent Carabiniers arrêta
l'impetuofité de la Cavalerie Autrichienne .
Par cette difpofition l'Infanterie Françoife qui
foûtint pendant quelque tems l'affaire , auroit
refifté aux grands efforts des ennemis , fi un nouveau
Corps de leur Cavalerie , en prenant en flanc
Cette Infanterie , n'y avoit jetté le défordre .
Le Maréchal de Maillebois fit en cette occafion tout
ce qu'on pouvoit attendre de fa valeur , & il prit un
drapeau qu'il porta en avant de la ligne , dans
T'efperance de ranimer le courage des troupes ,
& de les remener à la charge . 11 fe retira
avec l'Infanterie en - deça du Refudo & du
Rio Commun , & ce fut derriere le Naville
qu'il parvint avec les Officiers Généraux &
ceux de l'Etat Major à rallier les troupes .
Pendant cette action qui fe paffoit à la droite
, le Comte de Gages avoit commencé l'attaque
de la gauche , & étoit parvenu à s'emparer
des deux Redoutes de San Lazaro. Les Gardes
Walonnes les prirent & en furent chaffées deux
fois , avec une fi grande perte de leur part , que
l'Infant n'efperant plus dans cet inftant de pouJUIN
1746. 189
voir retablir le combat . il ordonna de faire retirer
les troupes de la gauche.
2
" Le Maréchal de Maillebois qui avoit rallié
l'Infanterie à la droite , ayant reçu le même
ordre , l'exécuta & il ramena les troupes qui
étoient fous fes ordres au camp fous Plaisance
où les colonnes Espagnoles étoient déja arrivées.
On ne peut donner affés d'éloges à la capacité
que le Maréchal de Maillebois a fait pa
roître en cette occafion , dans laquelle les Oificiers
Généraux fe font infiniment diftingués ,
ainfi que tous les autres Officiers . Dans ce com
bat les troupes Efpagnoles , foit en attaquant
les Autrichiens , foit en réfiant à leurs efforts
ont repondu à la haute idée qu'on a euë dans tous
les tems de leur courage . On n'eft point encore
informé de leur perte , ni de celle des ennemis.
Les François , fuivant le détail qu'on a reçu , ont
eu onze cent hommes ou environ de tués , &
trois mille de bleffés ou faits prifonniers . Le Chewalier
de Rochechouart Faudoas , Colonel du Régiment
d'Infanterie d'Anjou , & le Marquis de Lef
cure , Meftre de Camp Lieutenant du Régiment
Dauphin Dragons , ont été tués. Les principaux
Officiers bleffés font M. de Turmel , Brigadier ,
& Capitaine d'une Compagnie de Mineurs ; le
Comte de Revel , Colonel du Régiment de Poi
tou ; le Chevalier de Teffé , Colonel Lieutenant
de celui de la Reine ; M. de la Rocheaymont ,
Colonel du Régiment de fon nom ; M. d'Ime,
court Colonel de celui de Perigord ; le Marquis
de Cafteja , Colonel de celui de Tournaifis ,
M. de Montcalm , Colonel de celui d'Auxer
Tois,
£
&
igo MERCURE DE FRANCE.
LA HAYE.
Le 27 de ce mois le Marquis de St. Gilles
Ambaffadeur du Roi d'Efpagne , & qui a reçu de
Madrid fes lettres de rappel , prit congé des
Etats Généraux par un Mémoire qu'il remit au
Comte de Randvvyck Préſident de cette Affemblée
. Ce Mémoire porte que depuis douze ans
qu'il a plû à S. M. C. de confier au Marquis de
St. Gilles les intérêts de la Couronne d'Eſpagne
auprès de cette Republique , ce Miniftre n'a pas
perdu de vue un feul inftant l'objet capital du
Miniftere dont il avoit l'honneur d'être chargé ,
& qu'il n'a rien negligé pour maintenir la plus
parfaite harmonie & l'amitié la plus folide entre
le Roi fon Maître & fes Etats Généraux ; que
dans le deffein de fervir plus utilement les
deux Puiffances , il s'eft appliqué conftamment à
meriter la confiance des Etats Généraux par fon
attention à rendre à leurs fujets tous les fervices
qui étoient en fon pouvoir , & à écarter juſqu'aux
moindres pretextes de plaintes reciproques ; que
les Etats Généraux fçavent dans quelle facheufe
difpofition il trouva les affaires à fon arrivée en
ce Pays , & combien une amitié fi importante au
bien des deux Etats , commençoit à fe refroidir ;
que des interêts particuliers mal expofés & deguifés
fous l'apparence de l'intérêt public , preparoient
infenfiblement à une mefintelligence , qui
fembloit annoncer les dernieres extremités ; que
la Grande Bretagne fe flata d en profiter , lorfque
'de vastes esperances la porterent à rompre avec
l'Espagne , & qu on fe fouvient qu'elle fit tous fes
efforts pour engager les Etats Généraux à s'unir
avec elle contre S. M. C. , mais que la prudence
JUIN 1746. 191
& l'équité de cette Affemblée lui fit fentir l'illufion
de la demarche dans laquelle on vouloit entrainer
la République ; que le Marquis de St.
Gilles eut alors la fatisfaction de voir les Etats
Généraux prendre le parti le plus digne de leur
fageffe , & le plus conforme non-ſeulement à leurs
veritables intérêts , mais encore à ceux de toute
l'Europe & du monde Chrétien ; qu'ils expofereat
à cet Ambaffadeur les griefs qu'on leur avoit
exagerés , & qu'ils trouverent dans S. M. C. un
Roi fincerement ami de leur République , un Mo - ✩
narque vraiment magnanime , qui ne connoît d'au
tres avantages que ceux qui s'accordent avec les
loix de l'équité la plus rigoureufe , & un Allié
d'une fidelité invariable dans l'exécution de ſes
promeffes , réligieux obfervateur des Traités ,
toujours attentif à les faire refpecter par fes fujets
, & châtiant exemplairement ceux qui ont
l'audace de les enfraindre ; que tel ce Prince a paru
aux Etats Généraux , tel il leur paroîtra dans tous
les tems ; qu'ils en ont reçu de nouvelles preuves
par fes Déclarations du 23 Août 1745 & du 16
Mai dernier ; que des exemples eblouiffans n'ont
pû l'ebranter , & qu'il fuffifoit pour être rejettés ,
qu'ils fuffent préjudiciables à la République , que
les deux Puiffances continuant de tenir cette
conduite , prevenant avec prudence tout ce qui
pourroit fonder de nouvelles plaintes , & ne
fouffrant point que les infractions des Traités demeurent
impunies , la bonne intelligence fubfif
tera à jamais entr'elles ; que le Marquis de St.
Gilles a la confolation d'être affûré , dans tout
ce qu'il a fait de l'approbation du Roi fon Maître
, & qu'il defireroit de pouvoir fe flater en
même tems d'avoir merité celle des Etats Gene
Faux ; qu'il ne peut fans une extrême ſenſibilité
192 MERCURE DE FRANCE.
quitter un Pays , où il a reçu de tous les Ordres
de l'Etat des marques fi précieufes d'eftime & de
bienveillance ; qu'il fe retire , penetre du plus profond
refpect pourl Affemblée des Etats Ĝénéraux
& de la plus vive reconnoiffance pour la Nation ;
que fon coeur confervera cherement des fentimens,
qui ne peuvent être affoiblis par l'éloignement ,
& que lorsqu'il aura l'avantage d'être auprès de
S. M. C. il faifira avec empreffement toutes les
occafions de pouvoir être encore quelque -fois utile
à la République.
DU CAMP DES ALLIES .
L'armée des Alliés a continué de fe retrancher ,
& le 16 la gauche du camp du côté de la Dunge ,
devoit être garnie de cent quatre- vingt mille palifiades
. Le Général Druchleben , qui commande
le corps de troupes Hano , eriennes que le Roi de
la Grande Bretagne a confenti de joindre à cette
armiće , arriva le 12 de ce mois dans ce camp. Il
y fut fuivi le lendemain par là premiére divilion
de ces troupes , & la feconde s'y eft rendue
le 16. La premiére eft compofée du Régiment
des Gardes & de deux autres Régiments d'infan
terie , la feconde de deux Régiments d'Infanterie
& d'un de Cavalerie , la troifiéme divifion
arriva le dix - feptiéme , & la derniere qui
conduit avec elle l'artillerie le 18. Ces troupes
au lieu de prendre leur route par Grave , ainfi
qu'il avoit été reglé , ont marché par Bommel
où elles ont paffe le Waal.Le Prince de Waldeck
deft avancé avec un Corps confidérable , pour
ob
ferver les mouvemens de l'armée commandée par
Le Maréchal Comte de Saxe.
Le Feldt- Maréchal Comte de Bathiany ayant
été
JUIN 1746. 193
té informé qu'on accufoit les Généraux de la
Reine de Hongrie , d'avoir laiflé commettre par
les troupes de cette Princeffe divers excès fur
les terres de la République , & d'avoir fouffert
qu'on ait forcé les habitans de prendre des fauvegardes,
qui ont exigé jufquà vingt- cinq florins par
jour , il a écrit aux Etats Généraux , que fa tendreffe
pour les troupes qu'il commande , ne l'aveugle
pas au point de vouloir entierement les difculper,
& qu'il avoue qu'il peut s'être paffé d'abord
quelques irrégularités , fur tout dans les premiers
jours que l'armée des Alliés s'eft retirée en Hollande
, mais que les Etats Généraux font trop éclai
rés pour ne pas convenir que ce font là des maux
inévitables que la guerre entraîne toujours après
elle ; que dans les armées les mieux difciplinées il
fe trouve toujours des efprits turbulens, qui s'abandonnent
à des violences que toute la vigilance
des Chefs ne peut prévenir ; que la feverité feule
peut remedier à ces defordres , & qu'on y a eu
auffi recours , dès que les crimes & les coupables
ont été reconnus , que diverfes punitions rigou
reufes , ordonnées en quelques occafions par les
Généraux de la Reine de Hongrie , montrent
fuffifamment qu'ils n'ont jamais pretendu tolerer le
brigandage & les vexations : qu'ils ofent défier
tous les fujets de la République , de prouver qu'ils
ayent demandé juftice , & qu'on la leur ait refufée
; qu'il eft bien vrai que les plain tes de ceux
qui n'ont pu juftifier les faits qu'ils alléguoient ,
font demeurées fans effet , mais que du moins fi
on ne leur a pas accordé de fatisfaction , on a
employé une attention plus particuliere à veiller
à leur fûreté ; que pour ce qui concerne les fauve
- gardes , dont le produit appartient à la Chansellerie
de Guerre & aux Adjudans Généraux
JI. vol. I
194 MERCURE DE FRANCE,
on a ſuivi le même tarif que dans la derniere guerre
de Flandres ; qu'il a été reglé par ce Tarif , que
pour une fauve- garde on payeroit une pitole en
recevant la Patente , & deux quand on demanderoit
un foldat ; que perfonne n'a été obligé de
payer une plus forte fomme , que les Deputés de
la Baronie de Breda ayant porté des plaintes contre
un Officier qui avoit exigé de l'argent pour
un detachement qu'on leur avoit accordé , cet
Officier avoit été mis aux Arrêts , & puni avec
fes complices ; que ce même détachement ayant
été partagé en divers endroits , il avoit été dif
tribué pour cet effet vingt Patentes de fauve - garde
pour lefquelles on n'avoit pas même reçu la taxe
ordinaire; que les Généraux de la Reine de Hongrie
réclament à cet égard le témoignage du Prince de
Waldeck , de tous les Officiers Généraux de la République
, en particulier celui du Brigadier Van
Leyden, qui commande dans Breda ; que ces mêmes
Généraux demandent que ceux , qui prétendent
n'avoir pas obtenu juftice , fe prefentent de nouveau
, pour publier leurs griefs , mais que s'ils
craignent de paroître , on reprime leur malignité ,
& qu'on les traite comme des gens dont l'unique
but at de femer la divifion entre les Alliés,
JUIN 1746.
195
L
MARIAGE ET MORTS.
E 28 Avril dernier fut fait le mariage de M.
Jofeph des Friches Doria de Braffenfes , dit
le Marquis Doria , Seigneur de Cayeux , de l'Efquipée
, de Cernoy du Pleffis & de Bachimont , &c.
Chevalier de l'Ordre militaire de S. Louis , veufdepuis
le 18 Octobre 1723 de Dame Marie- Anne
Colbert de Villacerf, avec Demoiſelle Perrette-
Françoiſe de Lefquen de la Villemeneuft . fille de
M Jofeph de Lefquen de laVillemeneuft , Brigadier
des armées du Roi & Commandeur de l'Ordre
Royal & militaire de S. Louis & de Dame Barbe
Marguerite-Perrette Garnier de Grandvillier ; M.
Doria eft fils de M. François des Friches Doria de
Braffeufes Seigneur de Cayeux dans l'Election de
Montdidier , & de Dame Anne du Fos , & petit
fils de François des Friches Doria , Chevalier Seigneur
de Cayeux & de Cernoy élevéPage de la petite
écurie du Roi , puis l'un des Ecuyers ordinaires
de fa Majefté , & de Dame Anne de Moreuil
Caumefnil , lequel François des Fr ches fut
inftitué heritier de la terre de Cernoy & autres
par le teftament de Pierre Doria fon oncle , Capitaine
de la Galere de la Reine mere du Roi ,
du 8 Juin 1630 , à condition pour lui & ſes defcendans
de porter le nom & les armes de la Maifon
de Doria , l'une des quatre premieres de l'Etat
de Génes . Mrs. des Friches de Braffeufes Doria
doivent avoir entre leurs titres le partage fait
le 19 Janvier de l'an 1471 des biens de M.
Pierre des Friches Seigneur de Villemanche , de
Iij
196 MERCURE DE FRANCE .
Chatillon fur Brefignouft & du Mefnil , & c leur
fixiéme ayeul entre Arnaud des Friches & Pie re *
des Friches fes enfans . Cette famille eſt diſtinguée
par fon ancienneté , par fes alliances & par fes
fervices militaires . Pour le nom de Lefquen il eft
marqué en Bretagne entre les nobles par fon ancienneté
, fes alliances & fes ſervices militaires.
❤
Le 8 Mai M, Gilbert Charles le Gendre Marquis
de S. l' Abi fur Loire , cidevant Maître des
Requeftes ordinaire des Hôtels du Roi , charge
dont il fut pourvu par Lettres du 19 Septembre
1714 , & avant Confeiller au Parlement , mourut
à Paris fans avoir été marié & dans la 58me.
année de fon âge , étant né le 9 Avril 1688 ;
il étoit fils de Charles le Gendre , Chevalier , Seigneur
de S. Aubin , Confeiller au Grand Confeil ,
mort le 18 Avril 1702 , & de Dame Marguerite
Vialet aujourd'hui vivante & retirée dans le convent
des Dames de Trefnel , & petit fils de Char
les le Gendre Seigneur de S. Aubin ſur Loire ,
Ecuyer de quartier de S, A, R. Madame Henriette-
Anne d'Angleterre , & de Dame Marie du Buiſſon
de Beauregard,
Feu M, de S. Aubin étoit l'Auteur du Traité de
l'Opinion , dont il y a eu plufieurs éditions dif
ferentes & d'autres ouvrages qui ont tous eu leurs
partifans , & leurs critiques ; il étoit cadet & de
même famille que feu M. le Gendre de Lermoy
Président de la Chambre des Comptes de Paris ,
dont nous avons annoncé la mort dans le Mercure
du mois d'Avril de cette année fol. 206.
Le Chevalier de Rochechouard Fuudoas , Colonel
du Régiment d'Infanterie d'Anjou , tué au cóm
JUIN 1746. 197
bat donné fous Plaifance le 16 Juin 1746 entre
les Efpagnols commandés par l'Infant Don Philippes
joints aux François , commandés par M. le
Maréchal de Maillebois , & les Autrichiens , étoit
de l'ancienne & illuftre Maifon de Rochechouard ,
dont la Généalogie le peut voir dans l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne vol . 4. fol.
649. Voyez aufli pour la branche de Rochechouard
Faudoas l'Hiftoire généalogique de la Maiſon
de Faudoas imprimé à Montauban en 1724 .
Le Marquis de Lefcure Meftre de camp , Lieutenant
du Régiment Dauphin dragons , tué au même
combat étoit d'une très- ancienne maifon du
Pays d'Albigeois , dont les armes font d'or à un
Lion d'azur.
Le 24 Michel - François de Valadons Comte de
Pertus , Baron de Montmorillon & de S. Clement,
Colonel d'Infanterie , Chevalier de l'Ordre de S.
Louis , & Gouverneur de Bellegarde en Rouffillon
, mourut à Paris âgé d'environ 60 ans ; il
-étoit fils d'Antoine de Valadous Seigneur & Comte
de Pertus, Marquis d'Arcy , Baron de Montmorillon
& de S. Clement , Chevalier de l'Ordre de
:S. Louis , Gouverneur des villes & citadelle de
Mont- Louis , & de Dame Madelaine de Mahaut
& il avoit été marié le 25 Janvier 1718 avec.
Efter-Marie-Louiſe de Madaillan de Lefpare de
Chauvigny.
•
Le 26 Céfar Phoebus de Bonneval , Marquis de
Bmuvil , & c. Seigneur de Couffac de Blan-
-chefort & Brigadier des armées du Roi du 4 Février
1704 , Chevalier de l'Ordre de Saint Louis
ncien Meftre de camp Lieutenant du Régi
Liij
198 MERCURE DE FRANCE
•
ment Royal des Cuiraffiers , par commiſſion du
17 Février 1697 , mourut à Paris dans la 76e. année
de fon âge , étant né le 22 Février 167. Il
étoit fils de Jean - François de Bonneval , Seigneur
de Bonneval de Couffac & de Blanchefort , dit le
Marquis de Bonneval mort le : 9 Juin 1682 , & de
Dame Claude de Monceaux morte lé 4 Septembre
1719 Il étoit frere ainé de Claude-Alexandre
, Comte de Bonneval. M. le Marquis de
Bonneval avoit été marié le 's Mars 1705 avec
Marie - Angelique d'Hautefort Surville , & il
en a eu Céfar Phoebus François de Bonneval ,
Comte de Bonneval né le 23 Novembre
1703 , Meftre de camp du Régiment d'Infan
terie de Poitou, par commiffion du 19 Février1723 ,
Brigadier d'armée , du premier Janvier 1740 ,
& marié depuis le 4 Décembre 1724 avec Marie
de Beynac fille de Guy , Marquis de Beynac premier
Baron de Perigord , & Marie- Marthe- Françoife
de Bonneval , mariée le 28 Avril 1720 avec
Louis de Talaru Marquis de Chalmazel . , Briga.
dier des Armées du Roi , Gouverneur des Villes
& Châteaux de Sarbourg & de Pharbourg & aujourd'hui
premier Maître d'Hôtel de la Reine ,
d'où font nés plufieurs enfans : Voyez la Généalogie
de la Maifon de Bonneval , généralement
reconnue pour une des premieres du Limofin , par
fon ancienneté , par la poffeffion de plufieurs terres
confidérables , par fes alliances & fes fervices ,
au folio 150 du premier volume du Supplement
du Dictionnaire Historique de Morery dans lequel
elle eft rapportée avec toutes fes Branches.
Dans le Mercure du mois dernier où l'on a parlé
du décès de Dame Bonne Marie du Murad époufe
de M. Jean Dominique Caflini Seigneur de Thu
JUIN 1946 .
19 :
fy, Confeiller du Roi en fa Chambre des Comptes
on a obmis de dire qu'elle étoit iffue d'une famil
le noble de Dauphiné établie vers l'an 1550 à
Lyon où la branche cadette de cette famille est
encore fubfiftante l'aînée s'eft établie à Paris en
la perfonne de M. Jerôme Murard Seigneur de
Beligueux reçû Confeiller au Parlement de Paris
en 1664 ; la défuntee étoit fa petite fille ; elle
laiffe une fille Marie Bonne Caffini dont elle eft
accouchée le 26 Juin dernier huit jours avant fon
décès .
On avertit le Public que l'introduction
à la Géographie & à la Sphere , en deux
volumes, qui fe vend à Paris chés SAVOYE
& que l'éditeur afflûre étre d'après le manufcrit
de feu M. de Lifle , a été imprimé à
l'infçû de la famille qui poffede le vrai manufcrit
original.
125
200 MERCURE DE FRANCE
EXEYSARE
ARRESTS NOTABLES.
RREST du Confeil d'Etat du Roi du premier
AFévrier 1740 ,qui enconfirmant un Arrêt de la
Cour des Monnoyes du 19 Octobre 1745 , ordonne
l'execution des reglemens concernant les Matieres
& Vaiffelles d'or & d'argent ; enjoint à tous
Officiers de Juftice , & aux Officiers des Amirautés
de s'y conformer.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du premier
Mars 1746 , qui ordonne la vente des Greffes
du Bailliage de Châteauroux , la Châtre , le Châtelet
, Saint-Gautier & droits en dépendans .
ARREST du Confeil d'Etar du Roi du 8 ,
qui maintient les Maire Pairs , Habitans &
Communaut de la Ville de Beauvais , dans le
droit de Péage par eux prétendu dans ladite Ville ,
pour être levé fuivant le tarif.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 9 ,
qui fait défenfes à la Dame de la Cifterne de
percevoir aucun droit de péage fous quelque dénomination
que ce foit fur d'autres chevaux que
les bêtes de fomme & les chevaux neufs conduits
en troupe ou menés par des marchands pour
être vendus.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 15 qui fait
défenfes d'introduire dans le Royaume aucunes
Mouffelines & Toiles de coton venant de l'étranger,
J U.IN. 1716,
201
marquées ou non marquées des plombs & bulletins
de la Compagnie des Indes , & aux Commis des
Fermes dans les Bureaux du Dauphiné d'y expe
dier pour les Provinces de Languedoc & de Provence
aucuns mouchoirs de coton de la manufac
ture de Rouen.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du même
four pour faire ceffer plufieurs abus introduits dans.
le commerce qui fe fait fous la Halle aux Toiles
de la Ville de Paris.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 22 ,
qui autorife les Villes & Communautés dans lefquelles
il reste à vendre des Offices municipaux
créés par l'Edit du mois de Novembre 1733 , à les
réunir à leur corps.
ORDONNANCE des Préfidens Tréforiers de
France Généraux des Finances , & Grands - Voyers
en la Généralité de Paris du 24. qui fait défenſes
aux Officiers des Elections de procéder aux adjudications
des Octrois , qu'en vertu des mandemens
du Bureau , & injonctions aux Tréforiers- Receyeurs
defdits derniers Octrois , de compter au Bureau
par état au vrai de leur exercice , dans les délais
fixés par les réglemens fous les peines &
amendes y portées .
-
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du même
jour pour le rétabliſſement des parties de rentes ,
taxations , interêts ou augmentations de gages ,
éteintes à l'occafion de la Loterie royale établie
-par Arret du Confeil du 5 Novembre 1743 .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi, du 29 , qu;
Iy
203 MERCURE DE FRANCE
ce
ordonne que dans un mois les Seigneurs particuliers
des Villes & lieux dans l'étendue de vingt
lieues des environs de Paris , qui prétendroient
avoir droit de marché de Beftiaux à pied fourché ,
repréfenteront devant M. de Marville nommé
Commiffaire en cette partie , les lettres de conceffion
& autres piéces juftificatives de
droit de proprieté , pour en connoître l'état , &
fur fon avis , leur être fait droit : Veut Sa Majesté
que par provifion les Arrêts des 27 Décembre
1707 , 29 Novembre 1710 , premier Décen.bre
171, & 27 Septembre 1735 , & l'Ordonnance
de Police du 7 Mars 17 foient executés ; & en
conféquence , que tous les marchands forains , laboureurs
& autres , feront tenus de conduire directement
leurs baufs , vaches , veaux moutons
& autres beftiaux à pied fourché , aux marchés de
Sceaux & de Poiffy : fait défenfes aux Bouchers de
Paris , Châtres , Saint Germain , Nanterre , AFgenteuil
, Veríailles , Clamart , Châtillon & au-
!
"
res lieux des environs de Paris , d'en acheter ailleurs
que dans lefdits marchés , à peine de con
fifcation & de cinq cent livres d'amende. Enjoint
Sa Majefté au fieur Lieutenant général de Police
de tenir la main à l'exécution dudit Arrêt.
JUGEMENT fouverain du premierAvril 1746,
qui condamne le nommé Gilles Breton , Facteur
du Bureau de la Pofte aux lettres d'Etampes , à
être attaché & mis au carcan pendant trois jours
de marché confécutifs , avec écritau portant ces
mots Facteur de Lettres , Fabricateur de fauffes
Tuxes , & à un banilement de la Généralité de Pa
ris pendant trois ans.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 14
JUIN 1746. 203
qui condamne le Greffieride la Jurifdiction Royale
de Tréguier de payer & reftituer les émolu
mens du Greffe des réguaires de l'Evêché, dont il
s'étoit emparé pendant la vacance.
EDIT du Roi du même mois , portant fuppreffion
des 25 Offices d'Infpecteurs & Controfeurs
créés dans la communauté des Barbiers-Perruquiers
de Paris ; & création de z5 places ou charges
héréditaires de Barbiers- perruquiers , baigneurs-
Etuviftes dans ladite communauté.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 16 concernant
l'emploi dans les états du Roi des nouveaux
gages attribués aux Offices des comptables
géneraux & particuliers du Royaume, & de
leurs contrôleurs , en vertu de l'Edit du mois de
Décembre 1743.
ORDONNANCE du Roi du z qui regle le
payement des équipages des navires expediés
pour les Illes de l'Amerique fous l'efcorte des
Vaiffeaux de Sa Majefté , pendant le tems qu'ils
auront été retenus dans les Rades pour attendre le
départ des convois.
-ORDONNANCE du Roi & Réglement , du 27
avec les Lettres patentes fur ladite Ordonnance ,
concernant le fervice des Milices Garde-côtes en
Provence.
ORDONNANCE du Roi du 30 portant réglement
pour le payement des Troupes de Sa Majeffé
pendant la campagne prochaine.
Arreft du Confeil d'Etat du Roi & Lettres pa-
Ivj
204 MERCURE DE FRANCE .
L
,
zentes fur icelui , données à Verſailles le premier
Mai Registrées en la Cour des Aydes le 4
qui indiquent de nouveaux Bureaux pour la
fortie en exemption de droits fur les étoffes &
marchandiſes des manufactures du Royaume énon,
cées dans les Arrêts du Confeil des 13 & 15 Octobre
, & 19 Novembre 1743 , & qui paflent à
l'étranger.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 7 qui
Ordonne l'exécution des Edits , Déclarations , Sta
tuts & Réglemens concernant la Chirurgie & Barberie
, & en conféquence , que les acquereurs des
Offices d'Infpecteurs & Contrôlleurs créés par
Edit du mois de Février 1745 pour les Barbiers
& Perruquiers , avec le droit d'en exercer la profeffion
, feront tenus de s'y conformer ; & que les
Lieutenans du fieur de la Peyronnie premier Chirurgien
du Roi , chacun dans l'étendue de laju
rifdiction ou département où ils font établis , auront
, à l'égard defdits acquereurs , les mêmes
droits , préféance & fonctions qu'ils font en droit
d'exercer à l'égard de ceux qui exercent ladite
profeffion ; que lefdits Lieutenans feront néan
moins tenus d'appeller à toutes les affemblées
tant ordinaires qu'extraordinaires lefdits Inf
pecteurs & Contrôleurs , qui y auront féance &
voix délibérative , & la feconde place inmédiatement
après lefdits Lieutenans.
Ordonne en outre l'exécution dudit Edit du
mois de Février 1745 , enfemble de l'Arrêt du
Confeil rendu en conféquence le 3 Juillet de ladite
année , felon leur forme & teneur.
ARREST de la Cour des Monnoyes du même
JUIN 1746. 205
jour , qui ordonne que les Matiéres , Argenteries
& Vaiffelles d'or & d'argent qui fe trouveront
fur les prifes faites en mer , feront portées aux
Hôtels des Monnoyes , ou aux Changes les plus
prochains , pour en être la valeur rendue fur le
pied des tarifs .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du même jour
qui prononce la confifcation d'une pièce de drap
écarlate faifie à Metz fur Qlry Cahen Juif; & pour
la contravention réfultante de l'enlevement fair
aux deux bouts de ladite piéce , des noms du lieu
de fabrique & de l'entrepreneur ou fabriquant ,
condamne ledit Olry Cahen en l'amende de 300
livres , fauf fon recours contre le fieur Antoine
Vaffe marchand drapier à Paris .
ARREST de la Cour des Monnoyes du 10 ,
fervant de Réglement aufujet des Carrés & autres
outils fervant à la fabrication des Monnoyes.
DECLARATION du Roi du 13 , qui ordonne
qu'il fera arrêté des Rôles du nombre des habitans
de chacune des Paroiffes de l'Artois , du Cambrefis
& du Haynault , fitués dans les trois lieues limitrophes
aux Provinces de l'étendue des fermes
générales unies .
ORDONNANCE du Roi du 18 , pour faire,
exécuter à l'égard de tous les navires armés dans
les differens ports du Royaume pour faire les
voyages de l'Amérique, fous l'efcorte des vailfeaux
de Sa Majesté , le Réglement du 2. Avril
de la préfente année concernant le payement des
équipages des navires expédiés à Nantes pour lef
dits voyages.
206 MERCURE DE RFANCE.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 21 ,qui
ordonne que les peaux de Lapins brutes payeront
20 liv. du cent pefant de droits de fortie , au lieu
de ceux fixés par le tarif de 1 664.
ARRET du Confeil d'Etat du Roi du même
jour , qui révoque & annulle les Privileges accordés
aux fieurs de Renty , le Blanc , de la Vigne
& Melavy , pour la compofition , vente & débit
du Similor , Tombac , Métail de Prince & autres
compofitions de pareille nature, fous queique dénomination
que ce puiffe être.
DECLARATION du Roi du même jour , portant
réglement pour la fabrication des galons , &
autres ouvrages d'or & d'argent fin , & de faux.
ARREST du Confeil d'état du Roi du même jour
qui réduit à 30 fols du cent pefant , jufqu'à ce
qu'il en ait été autrement ordonné , le droit de
fix livres impofé par celui du 29 Janvier 1692 fur
les Fromages venant des pays étrangers
ORDONNANCE du Roi du 14 concernant les
convois pour les Ifles françoifes de lAmérique.
Sa Majesté ayant réfolu de faire armer des vail
feaux de guerre pour escorter les bâtimens marchands
qui feront deftinés pour le commerce des
Iles Françoifes de l'Amérique , & voulant affurer
le fuccès defdites eſcortes , tant de la part des
Capitaines marchands qui feront à portée d'en
profiter , que de la part des Officiers aufquels Elle
en confiera le commandement Elle a ordonné
& ordonne ce qui fuit.
'
ART. I. Les Capitaines & Maîtres des bâtiJUIN
1746
207
*
mens marchands qui feront armés pour les Ifles
françoifes de l'Amérique & pour lefquels il fera
fourni des eſcortes , feront tenus de fe rendre
dans l'endroit qui leur fera indiqué en vertu des
ordres qui en feront donnés par Sa Majefté , &
dans le tems qui leur fera pareillement fixé , pour
profiter defdites eſcortes jufqu'aux lieux de leurs
deftinations refpectives.
, II . Ils feront pareillement tenus avant leur
départ des Ils , de fe rendre dans les ports où
rades qui feront défignés , fuivant les ordres qui
feront expédiés à cet effet par les Gouverneurs
Lieutenans Généraux de Sa Majefté aufdites Ifles,
en conféquence de ceux que Sa Majesté leur don
nera , tant pour le rendez- vous d'où les convois
devront partir , que pour les précautions à prendre
à l'effet d'affurer le paffage des navires des
ports & rades où ils auront fait leur commerce,
au port du rendez -vous.
III. Fait Sa Majesté très- expreffes inhibitions &
défenfes aufdits Capitaines & Maîtres de partir
fans eſcortes , foit des ports de France pour lef
quels il fera fourni des efcortes , foit des ports
defdites Ifles , à peine de 500 livres d'amende ,
& de fervir pendant un an en qualité de fimples
matelots , & fans folde , fur les vaiffeaux de Sa
Majefté. Veut néanmoins & e tend Sa Majesté ,
que les navires qui par quelqu'accident forcé n'auront
pu joindre le convoi avant fon départ , on
qui étant partis avec le convoi , feront forcés de
relâcher , puiffent , dans l'efpace d'un mois feule
ment après le départ du convoi , fuivre leur defti
nation fans attendre l'escorte prochaine , & ce
moyennant des certificats juftifiant des motifs légitimes
du retardement , qu'ils feront tenus de
prendre , fçavoir , les Capitaines des navirês qui,
208 MERCURE DE FRANCE.
youdtont partir ainfi des ports de France , des
Directeurs des Chambres de commerce ou des
chefs de jurifdictions confulaires , vifés des Commiffaires
de la marine aufdits ports ; & les Capitaines
qui partiront de l'Amérique , de l'Officier
commandant & du Commiffaire de la marine ; ou
de l'Officier en faisant les fonctions au port de
leur partance.
IV. Fait pareilles inhibitions & défenſes aufdits
Capitaines & Maîtres de quitter leſdites eſcortes ,
à peine contre ceux qui les auront quittées volontairement
& fans y être ye forcés , de mille livres
d'amende , d'un an de priſon , d'être décla
rés incapable de commander aucun bâtiment de
mer. Pourront ceux qui feront accufés d'être
tombés dans le cas , faire valoir pour leur défenfe
leurs journaux de navigation , les procès ver
baux qu'ils auront dreffés avec leurs équipages.
?
V. Veut Sa Majesté que dans les cas où lefdits
Capitaines & Maîtres feront parcis fans eſcorte ,
ou fe feront féparés volontairement de la flotte
fur les ordres qui leur en auront été donnés par
les propriétaires des navires , lefdits propriétaires
foient condamnés en leur propre & privé nom ,
à dix mille livres d'amende , outre les peines
portées dans les deux articles précédens contre
lefdits Capitaines & Maîtres.
VI Enjoint Sa Majesté aux Officiers commandans
lefdites escortes , d'apporter tous leurs
foins à la fûreté defdites flottes , de les accompa
gner & de les tenir toujours fous leur pavillon .
leur faifant Sa Majefté très - expreffes inhibitions
& défenfes de les abandonner pour quelque prérexte
que ce foit, à peine de caflation & même de
plus grande peine , fuivant l'exigence des cas &
des circonstances. Veut & entend S.M, que dans le
JUIN 1746. 269
cas de féparation forcée , lefdit Officiers faffent
tout ce qui leur fera poffible pour rallier les bâtimens
, ils remettent au contrôle des ports ότι
ils aborderont des extraits de leurs journaux ,
lefquels feront examinés par les Commandans
defdits ports , affiftés des Officiers que Sa Majefté
jugera à propos de nommer à cet effer pour,
fur le compte qu'ils rendront enfuite à Sa Majefté
des caufes de féparation , être par Elle ordonné
ce qu'Elle jugera à propos à l'effet de
quoi feront lefdits Officiers obligés de tenir des
journaux exacts de leur navigation , à peine
d'interdiction .
VII . Pour l'exécution de ce que deffus , leldits
Officiers donneront aux Capitaines & Maîtres
des fignaux de route & de reconnoiffance , aufquels
le dits Capitaines & Maîtres feront tenus de
fe conformer , à peine contre les contrevenans
de fervir pendant un an en qualité de fimples , matelots
, & fans folde ,fur les vaiffeaux de Sa Majefté
.
"
Mande & ordonne Sa Majefté à M. le Duc de
Penthiévre Amiral de France , aux Vice - Ami◄
raux , Lieutenans Généraux , Intendans , Chefs-
'd'efcadre , Capitaines de vaiffeaux , Commiffaires
& autres Officiers de la marine ; comme auffi aux
Gouverneurs fes Lieutenans Généraux aux Colo
nies , Intendans Gouverneurs particuliers , &
autres Officiers qu'il appartiendra , de tenir la main
à l'exécution de la préfente Ordonnance , laquelle
fera publiée & enregistrée par tout où be
foin fera , afin que perfonne n'en prétende caufe
d'ignorance. FAIT au camp devant Tournay , le
14 Mai milfept cent quarante- cing. Signé, LOUIS,
plus bas PHELIPEAUX.
210 MERCURE
DE FRANCE
.
LE DUC DE PENTHIEVRRE
Amiral de France.
V
à
U l'ordonnance du Roi de l'autre part , nous adreffée avec ordre de tenir là main à
Lieu
fon exécution : Mandons aux Vice - Amiraux ,
tenans Généraux , Intendans , Chefs d'efcadres, Ca-
· pitaines de vaiffeaux , Commiffaires & autres Officiers
de marine qu'il appartiendra , & ordon- nons aux Officiers des Amirautés , de la faire
exécuter fuivant fa forme & teneur , & de la
faire publier & enregistrer par tout où befoin fera
& en la maniere accoutumée . Fait au camp de
vant Tournay , le 14 May mil ſept cent quarantecinq
, &c.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 27 , qui
en caffe un de la Cour des Aydes de Montpellier,
pour avoir annulé une Sentence du Juge des
Traites d'Agde , par laquelle il eft ordonné que les Négocians de ladite ville feront leurs fou
fols miffions de
livre des les quatre
pour payer
marchandifes
qu'ils ont fait venir de l'étranger
pour leur compte , s'il en eft ainfi ordonné par le
Confeil.
4 Juin
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du
1746, qui ordonne que Jean Girardin fera mis en poffeffion des droits & revenus ordinaires & extraordinaires
appartenans
au Roi dans les provin- ces& villes des Pays-bas qui ont paffé fous la do
animation de Sa Majesté pendant & depuis la cam- pagne de 1744 , ou qui y feront fournis dans la fuite, pour en compter au Confeil , & remettre
JUIN 1746
211
au Tréfor Royalles deniers clairs de fa régie.
T
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 1 , qui
condamne deux Imprimeurs & un Libraire à
500 liv. d'amende , & à la fermeture de leurs
Boutiques pour trois mois.
ORDONNANCE du Roi du 15 , qui permet de
faire faucher les Prés avant la Saint Jean .
LETTRE du Roi à M. l'Archevêque
de Paris.
MON Coufin , dans le tems que j'achevois de
réduire le Brabant fous mon obéiffance par la priſe
d'Anvers , je faifois les difpofitions néceffaires
pour me rendre maître de tout ce qui reftoit en
Haynault à la Reine de Hongrie par la conquê
te de la ville de Mons , Mon Coufin le Prince de
Conty que j'avois chargé d'en faire le fiége avec
l'armée dont je lui ai donné le commandement
fe rendit le 7 du mois dernier devant la Place
& malgré le retardement que les pluyes continnelles
apportoient néceffairement à une
•pération de cette importance , la tranchée fut
ouverte le 24 du même mois , & les attaques en
ont été dirigées & conduites avec tant d'intelligence
& de capacité , que la garniſon forte de
douze Bataillons , a été obligée de capituler le dix
de ce mois , & de fe rendre prifonniere de guerre.
Je n'envifagerai point la gloire de mes armes dans
cette nouvelle conquête , je reconnois qu'elle eft
due à laprotection du Dieu des armées , & je ne
ceffe d'efperer que connoiffant la juſtice de mes
# 12 MERCURE DE FRANCE.
intentions , elle comblera mes voeux en infpirant
à mes ennemis le défir d'une Paix , à laquelle ils
me trouveront d'autant plus difpofé , que le repos
& le bonheur de mes Sujets (era toujours mon principal
objet. C'eft dans la vue d'obtenir ce nouveau
bienfait de la Divine Providence , & de lui
réitérer mes actions de graces pour tous ceux que
j'en ai reçu , que je vous fais cette Lettre pour
vous dire que mon intention eft que vous faffiez
chanter Le Te Deum dans l'Eglife Métropolitaine
de ma bonne Ville de Paris & autres de votre
Diocèfe , avec les folemnités requiſes , au jour &
à l'heure que le Grand- Maître ou le Maître des
Ceremonies vous dira de ma part . Sur ce je prie
Dieu qu'il vous ait , mon Coufin , en fa fainte &
digne garde. Ecrit à Verfaille le 12 Juillet 1746.
&
MANDEMENT de M. l'Archevêque de
Paris , qui ordonne que le Te Deumfera
chanté dans toutes les Eglifes de fon Digcèfe
en actions de graces de la prise de la
Ville de Mons.
"ACQUES BONNE GIGAULT DE BELLE◄
FONT , & c. JA
Un nouveau gage de la protection du Ciel fur
JUIN 1746. 213
les armes du Boi nous rappelle aux pieds des
Autels pour rendre au Seigneur un nouveau tribut
de bénediction & de louange . Tandis que notre
Monarque , en une ccafion infiniment interef
fante & pour lui & pour fon Royaume , croit devoir
préférer pour quelque tems les devoirs d un
bon Pere aux fonctions d'un Roi Guerier , un
Prince de fon Sang vient de forcer la Ville de
Mons à lui ouvrir les portes par une capitulation
des plus glorieufes pour fon vainqueur , & des plus
avantageufes pour l'Etat.
la
SA MAJESTE toujours attentive à rapporter
tous fes ſuccès à celui auquel ſent appartiennent la
gloire , graz deur , l'empire & la puffance , nous
ordonne de rendre graces àDieu de cette conquête.
Obéiffons à un ordre d'autant plus refpectable
qu'il honore la Religion , & fert à l'accréditer
dans un fiécle où elle eft en butte aux traits de
l'impiété & du libertinage . Pénétrés de la plus
vive reconnoiffance allons dans nos faints Temples
; faifons retentir leurs voures facrées du chant
de nos Hymes & de nos Cantiques : que les Corps
les plus diftingués de cette Capitale,que les Fidéles
de tout âge & de tout fexe s'y raffemblent pour
s'acquitter d'un fi jufte devoir ; que tous à l'envi
louent & beniffent le Nom du Dieu des Armées ,
que Ini feul eft véritablement grand , & que
toute autre grandeur doit difparoître , ou s'anéantir
en fa préſence ,
pa če
En obéiffant à cet ordre , nous accomplirons le
précepte de l'Apôtre , qui , perfuadé que l'action
de graces eft un moyen pour obtenir de Dieu la
continuation des faveurs qu'il accorde à la priere ,
yeut que nous employions l'une & l'autre pour pro◄
Curer à nos Souverains les bénédictions du Ciel ,
H
214 MERCURE DE FRANCE.
afi: que , fous leur gouvernement
, nous men ons
une vie tranquille 5 paisible , & que nous puiffions
pratiquer la piété fans trouble & fans inquiétude.
Une prompte paix nous procureroit tout à coup
ce précieux avantage : ne ceffons point de la de
mander à Dieu ; mais jufqu'à ce qu'il daigne nous
exaucer , & faire ceffer le fleau que nos péchés
nous ont attiré , conjurons- le de nous accorder
une guerre heureufe , & de bénir toutes les en,
treprifes qu'infpirent au Roi l'amour de fes peuplés
, & le défir qu'il a d'engager fes ennemis à
feconder enfin (es vûes généreufes & pacifiques .
+
JUIN 1746 . 215
TABLE.
PIECES FUGITIVES en vers & en profe. Epitre
de M. Cottereau à M. l'Abbé de R,. Pag. 3
Séance publique de l'Académie Royale des Infcrip
tions & belfes Lettrés , Extrait
Madrigal à Mlle. A . , .,.
Autre.
Vers à Mlle. ...
Portrait de M. l'Abbé , Stances.
Cantatille à mettre en muſique .
22
Ibid.
23
24
26
Effai de traduction & lettre aux Auteurs du Mercure
.
Vers à M. de Voltaire .
Henriales lib . 1. & la traduction.
33
36
Abregé hiftorique de l'établiffement de l'Hôpital
des Enfans trouvés.
Bouquet à Mlle . L ....
Vers adreffés à un Régent de premiereà Gené
ve. 55
59
Lettre fur Jean Hennuyer
Epigramme fur un Curé d'un pauvre Village . 81
Vers fur la puillance de l'Amour. 82
84 Mémoire fur un droit de 13 coudées de cire.
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c. Tome
Vle. de l'Hiftoire du Théatre François , Ex-
93 trait.
XIIIe Tome des Vies des Hommes Illuftres de
la France , Extrait.
Nouvel abregé chronologique de l'Hiftoire de
France , Extrait .
98
Théatre de M. Laffichard & l'Epitre dédicatoi-
102
i
108
216 MERCURE DE FRANCE.
Divinitas D. N.J. manifefta in fcriptur:s & traditione.
Lit militaire , & le certificat de Mrs de l'Académ e
Royale des Sciences .
Hiftoire générale des Voyages.
Ibid.
114
Suite de l'Effai d'Anatomie du fieur Gautier , Extrait.
Fftampes nouvelles .
Programe de l'Académie de Soiffons.
115
118
120
Mots des Enigmes & Logogryphes du premier vol,
de Juin
Enigmes
123
Ibid.
Explication en vers d'une Enigme & d'un Logogryphe
du premier vol , de Juin.
Spectacles , Opera.
127
Madrigal
129.
lbid
Dixiéme fuite des Réflexions fur les Ballets 132
Comédie Françoife . 136
Concerts de la Reine. 140
Journal de la Cour.
142
Bénéfices donnés . Ibid.
linftallation de M. l'Archevêque. 243
Prifes de Vaiffeaux. 146
Operations de l'Armée du Roi. 147
Journal du fiége de Mons. 153
Nouvelles Etrangeres. 175
Mariage & Morts, 195
Arreft notables.
198
Lettre du Roi à M. l'Archevêque , & Mandement
en conféquence. 211
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JUILLET.
1746.
AGIT
||UT
SPARGGAT
"Hon
Chés
A
PARIS ,
GUILLAUM
GUILLAUME
CAVELIER
rue S. Jacques .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M, DCC .
XLVI.
Avec Approbation & Privilége du Roi,
A VIS.
' ADRESSE générale du Mercure eft
rue du Champ-Fleuri dans la Maifon de M.
Lourdet Correcteur des Comptes au premier
étage fur le derriere entre un Perruquier & un
Serrurier à côté de l'Hôtel d'Enguien. Nous
prions très-inftamment ceux qui nous adref
feront des Paquets par la Pofte , d'en affranchir
le port , pour nous épargner le deplaifir
de les rebuter , & à eux celui de ne
pas voir paroître leurs ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
ae France de la premiere main , & plus promp
pement , n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deſſus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France rue du Champ-Fleuri , pour ren,
dre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS,
M
PA
TC
CRI
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI.
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
VERS à M. BARENTIN , Intendant de
la- Rochelle , fur l'honneur qu'il a fait à
l'Académie des Belles- Lettres de cette Ville
d'y venir prendre séance unjour d'Affemblie
particulière.
Toi qui de Themis diriges la balance
Aux mortels difpenfant fes loix ,
Qui fcais donner un frein à la fiere
licence ,
Et te laiffes toucher par la timide voix
De la vertu , de l'indigence ,
A tes pieds reclamant leurs droits .
Toi qui rends par tesoins nos demeures tranquiles
A ij
MERCURE DE FRANCE,
Que la Juftice annonce & que
le crime fuit
,
Victime confacrée à des travaux utiles ,
Et dont le bien public eft la cauſe & le fruit ,
les Beaux Arts loin du fentier vuls
L'amour pour
gaire
T'a conduit dans ce fanctuaire .
Reçois de notre coeur l'hommage qui t'est dû.
Nous fçavons refpecter ton rang & tą naiffance ;
Nous n'eftimons que ta vertu .
Le courtifan jouet d'une douce eſpérance
Brûle un encens flateur dans le Palais des grands
Tribut de l'interêt & de la complaiſance :
Le notre eft le tribut des plus vifs fentimens ;
Nous te l'offrons par goût & par reconnoiffance,
Ah! puiffes-tu favorifer toujours ?
Les doctes filles de mémoire !
Elles tiennent les clefs du Temple de la gloire ,
Et nul n'y peut entrer privé de leur fécours,
Par M. Arc ...
7
JUILLET 1746 .
એક ડ . સ . પ પડ
A M. l'Abbé V. de l'Académie des
Infcriptions & Belles Lettres , Profeffeur en
Grec au College Royal , lorfqu'il a pris féance
à l'Académie des Belles Lettres de la
en qualité d'Affocié à cette
Rochelle
Académie,
و
Toi que Paris compte au rang de ces Sçavans
Dont les doctes & longues veilles
Percent l'obfcure nuit des tems
Et des ans écoulés retraçent les merveilles ,
Toi qui demêlas les beautés
Et le fublime ton de ces touchantes Scenes ( * )
Qu'admiroit la fuperbe Athenes
Dans fes fpectacles fi vantés ,
Toi qui fcais en public étaler la nobleffe
L'harmonie & la majesté
De cette Langue enchantereffe ,
Qui fournit de doux fons au Cygne de la Grece ,
Pour chanter les malheurs d'une illuftre Cité ;
Deputé d'Apollon , tu viens donc reconnoître
Sa Colonie & fes nouveaux fujets ?
(*) Differtations de M. V. , fur le Théatre
des Grecs.
A iij
6 MERCURE DE FRANCE
Par nos efforts nous meritons de l'être ;
Nous le ferons peut-être un jour par des fuccès,
Mais que vois je ! l'Académie
Déja brille à mes yeux de l'éclat de ton nom.
Du gout de l'erudition
Elle deviendra la Patrie ;
Nous en devons la gloire à ton adoption.
Par le même.
VOICI une traduction françoise dont
l'original italien est d'un illuftre Ecrivain
François. M. de V. a compofe ce
morceau pour les Academies d'Italie , aufquelles
il eft agregé.
IL y a des préjugés vulgaires ; il y en a
auili de Philofophiques , & peut être
doit- on mettre dans cette claffe l'opinion
de plufieurs Sçavans qui voyent ou
croyent voir fur la terre les monumens
d'une ruine entiere & d'une deftruction
totale.
Quand on découvrit fur les montagnes
de Heffe , une pierre qui avoit la figure d'un
turbot , on en conclut qu'autrefois la
mer avoit couvert ces montagnes . On ne
daigna pas conjecturer que ce poiffon fut
porté là pour quelque repas & qu'étant
JUILLET 1746 9
gâté on le jetta fur ces rochers , où depois
il s'étoit petrifié. Un brochet pétrifié s'eft
trouvé fur la cime des Alpes. Il a donc été
un tems où les fleuves ont coulé fur les
montagnes , & dans un autre tems l'Allemagne
a été le fein de la mer. L'ancre qu'on
prétend avoir tirée des plus hautes montagnes
de Suiffe , ne fit pas même naître
l'idée que comme on avoit fouvent elevé
fur ces rochers des machines fort pefantes ,
& principalement de l'artillerie , on avoit
peut-être placé des ancres dans les fentes
des rochers pour foutenir le poids de ces machines
; que l'ancre dont on parle fut prife
vraisemblablement à un navire du Lac de Genéve
, ou enfin , ce qui eft pour le moins auffi
probable que l'hiftoire de l'ancre eft fauffe ;
il femble plus beau de dire que cette ancre
eft celle d'un Vaiffeau qui navigeoit fur les
montagnes de Suiffe avant le Déluge.
La langue du chiep marin reflemble un
peu à la gloffa piétra. C'en eft affés pour
affirmer que toutes ces coquilles font des
langues de chiens marins , que les eaux du
Déluge laifferent fur nos montagnes . Souvent
les petites pierres appellées cornes d'ammon
contiennent une efpéce de reptile :
on s'eft efforcé de trouver dans ces petits
animaux le poiffon nautilius que la feule mer
de l'Inde produit & qu'on n'a jamais vû
A
% MERCURE DE FRANCE.
que dans ces coquillages. Ainfi on fe gards
bien d'examiner fi cet animal petrifié eſt un
poiffon de mer ou une anguille , mais on
foutient que la mer de Bengale a inondé
pendant un tems les contrées que nous habitons.
La France & l'Italie font pleines de
petites coquilles qu'on prétend fe former fur
les côtes de Syrie. Je ne veux point revoquer
en doute leur origine , mais les Philofophes
ne pourroient ils pas fe rappeller
cette multitude innombrable de Pelerins
qui autrefois couroient en Paleſtine ? On
fçait qu'ils y porterent leur argent & n'en
rapporterent que des coquilles ; vaut - il
mieux croire que le terrain fur lequel Paris &
Milan font bâtis ait fervi pendant long- tems
de lit à la mer de Syrie ? Il ne feroit peutêtre
pas infenfé d'avancer que ces coquilles
font foffiles . Plufieurs Philofophes l'ont cru ,
mais quelque fyftéme ou quelques rêveries
que nous puiffions adopter , il ne paroît pas
poffible de prouver par ces coquilles un renverſement
total du monde.
Les montagnes de Calais & de Douvres
contiennent beaucoup de craye. L'Ocean ,
dit-on , ne les a donc pas toujours feparées
? Les côtes de Tanger & de Gibraltar
font de la même nature. En conclurat-
on que l'Europe & l'Affrique ont été pendant
un tems le même continent , &
JUILLET 1746.
و
que la mer Mediterranée n'exiftoit pas
comme l'ont cru quelques Philofophes .
Les Pyrenées , les Alpes & l'Appennin ne
font que les débris nuds & les ruines immenfes
du Globe détruit dont la forme a varié
plufieurs fois. La folle fecte des Pythagoriciens
enfeignoit ce fyftême , & d'autres fages
prétendoient que la partie du Globe habitée
aujourdhui , avoit été une vafte mer dans le
tems où l'Ocean n'étoit qu'une terre féche &
aride, Ovide fait connoître le fentiment de
tous les Philofophes orientaux lorfqu'il in
troduit Pythagore difant
Vidi ego quod fuerat quondam folidiffima tellus
Effe fretum , vidi factas ex æquore terras &c.
Cette opinion s'accredita de nouveau par
la découverte de quelques morceaux de
coquillages qu'on trouva attachés aux rochers
de laCalabre , ou étendus fur le terrain
plat de Touraine & dans quelqu'autres
Hieux fort éloignés de la mer . En effet il paroît
que ces lits de coquillages ont été formés
là peu à peu pendant une longue fuite
d'années . La mer s'eft retirée en quelques
endroits , & a compenfé cette perte infenfible
en s'étendant d'un autre côté ; mais il
ne refulte pas de là que toutes les terres connuës
ayent été fubmergées pendant plafiears
fiécles, Ferrare, Frejus & Aiguemortes out été
Av
ΙΟ MER CURE DE FRANCE.
de grands & beaux Ports. La mer d'Allema
gne couvrit un tems la moitié de l'Oft - Frife.
On a donc vu pendant plufieurs fiéclesles baleines
nager für la cime du Caucafe, &le fond
de l'Ocean être la demeure des hommes.
Ce fyftême & ces conféquences ont repris
vigueur chés quelques Philofophes par la
découverte vraie où fauffe du Chevalier de
Louville. On fçait qu'il alla à Marſeilles
pour obferver fi l'obliquité de l'écliptique
n'avoit point décliné depuis l'obſervation
faite dans la même Ville il y a 2000 ans par
Piteas , Aftronome Grec. Le Chevalier de
Louville
apperçut ou crut appercevoir
qu'elle étoit diminuée
de 20 minutes , c'eſtà-
dire que dans le cours de 2000 ans , le
cercle de l'écliptique
s'étoit approché
de l'equateur
d'un tiers de dégré , & que par
conféquent
l'équateur
& l'écliptique
fe rapprocheroient
d'un dégré entier dans l'espace
de 6000 ans . Cela fuppofé , il feroit évident
qu'outre le mouvement
que nous connoiffons
à terre , elle en auroit encore un
autre qui la feroit tourner fur elle même
d'un pôle à l'autre , enforte qu'au bout de
138000 ans le Soleil refteroit dans l'équateur
dans le même afpect avec la terre
pendant un tems affés confidérable
& que
dans la révolution
d'environ
deux millions
d'années
toutes les regions du Globe feJUILLET
1746. 11
roient entrainées tour à tour fous la Zone
Torride & fous les Poles.
Ce periode immenfe ne doit point etonner
, difent les partifans de cette opinion . II
y en a vraisemblablement de plus longs
pour les Aftres. La preceffion de l'équi
noxe n'a t- elle pas déja fait découvrir un
mouvement de la terre qui ne peut être
complet qu'au bout de 25000 ans , & plus ?
Une révolution de cent mille millions de
fiécles eft infiniment plus rapide devant l'Eternel
que ne l'eft pour nous le mouvement
de la roue d'une montre qui acheve ſon tour
en un clin d'oeil .
Cette nouvelle revolution de la terre qu'a
inventée le Chevalier de Louville , & qui a
été adoptée & perfectionnée par d'autres
Aftronomes , les a engagés à rechercher les
anciennes obſervations des Babyloniens qui
pafferent aux Grecs par l'ordre d'Alexandre
, & qu'indique l'Almagefte de Ptolomée,
Les Chaldéens fe vantoient du tems d'Alexandre
d'avoir une fuite d'obſervations
* -
quatre cent mille ans . de
*
Les, Chaldéens fe vantoient en effet , comme
plufieurs anciens l'ont affuré , d'avoir des obſervations
Aftronomiques depuis 4 0000 , mais Callifthene
étant à la fuite d'Alexandre à Babylone
s'en étant informé exactement écrivit à Ariftote
qu'il n'avoit pû trouver d'obſervations d'une plus
grande antiquité que 1903 ans .
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
9
3
Les Philofophes fe font donnés la tor
ture pour concilier les fables des Babyloniens
avec la nouvelle hypothéfe en
queftion & quelques uns en ont inferé que
chaque contrée ayant été tour à tour fous
le pole ou fous l'équateur toutes les
mers avoient changé de rivage & de fond.
L'immenfité les viciffitudes du monde
tournent auffi la tête des Philofophes. Ils
fe repaiffent de ces catastrophes merveilleufes
comme le peuple des reprefentations
Théatrales. Nous perdons de vûe
le point infenfible de notre exiſtence du
point de notre durée ; notre imagination s'élance
dans l'infinité des fiécles , & nous aimons
à nous peindre le Canada tournant
vers la ligne équinoxiale & la mer glaciale
tranfportée fur la cime efcarpée du mont
Atlas.
Un Auteur qui s'eft rendu plus célebre
qu'utile par fon fyfteme de la terre ſoutient
que le Déluge a formé les rochers & les montagnes
des ruines du Globe qu'il a fracaffé ,
& le monde eft refté dans la plus granque
de confufion , il n'y voit que des ruines &
des débris . Un autre Auteur auffi célebre
voit & admire l'arrangement & la ſymmetrie
de toutes les parties , mais il pretend que
cette fynmetrie eft l'ouvrage du Déluge . Čes
deux Auteurs s'accordent donc à dire que
JUILLET 1746 .
les montagnes & les vallées font l'ouvrage du
Déluge , quoique l'Ecriture Sainte dife expreffément
le contraire.
Burnet dans fon cinquiéme chapitre fou
tient qu'avant le Déluge la terre étoit fans
montagnes , fans mer , fans vallées , entierement
platte , unie & formée regulierement
comme une belle peloufe , & le Déluge fut ,
fi on l'en veut croire , la ſeule cauſe de cette
varieté qu'il nomme difformité. Voila auffi ,
felon cet Auteur , ce qui fait qu'on trouve
les cornes d'ammon dans les Appennins .
Le Voudouard avoue qu'à la vérité il y
avoit des montagnes avant que la terre eut
été inondée , mais il prétend démontrer
qu'elles ont été entierement fondues par les
eaux , ainfi que les métaux & les mineraux
qu'elles renfermoient. Il ajoute que celles
que nous voyons ont été formées à la pace
de ces premieres , & que la nouvelle terre
fur laquelle nous habitons , eft remplie des
débris de ces premiers rochers diffous , qui
s'étant durcis enfuite , renferment encore
des animaux crées avant le Déluge , tels que
les anguilles & les rats d'Inde petrifiés qu'on
trouve en Europe. Le Voudouard auroit
pu fe rappeller que l'eau ne fçauroit diffoudre
les pierres ni le marbre , mais pour
accrediter fon fyftême , il falloit que le Déluge
eut tout liquefié dans l'efpace de 150
14 MERCURE DE FRANCE.
jours ,fans quoi on ne pouvoit trouver dans
les pierres d'Angleterre des animaux formés
avant le Déluge. Le tems qu'a duré le Déluge
ne fuffiroit pas pour lire tous les ſyſtêmes
qu'on a faits à fon occafion . Chaque
Auteur détruit , & reproduit un monde à fa
fantaiſie , comme René Descartes en a crée
un. La plupart des Philofophes ufurpent la
puiffance de Dieu dans leur cabinet ; ils
croyent faire un monde avec la parole .
Je ne les imiterai point , & je n'ai pas
conçu la folle eſpérance de dévoiler l'art
divin que le Créateur a mis en oeuvre pour
créer la terre , la ſubmerger , la rétablir &
la maintenir. L'Ecriture Sainte me fuffit : je
ne me vante pas de l'expliquer , & je n'entreprends
point de l'interpreter.
Je prends feulement la liberté d'examiner
fuivant les régles de la probabilité fi
l'on doit croire que notre Globe ait ou
doive acquérir un état different de celui
dans lequel il eft aujourd'hui . Il ne faut pour
cela qu'avoir des yeux , confiderer les oeuvres
de la Providence & lui en rendre
graces.
Examinons dabord ces montagnes & ces
rochers que Burnet & plufieurs autres pretendent
être les ruines d'un monde plus ancien
, difperfées çà & là fans ordre , comme
les débris des murs d'une Ville fou
JUILLET 1746.
droyée par le canon ; je vois au contraire ,
ne lui en déplaife , les , monts arrangés avec
un ordre merveilleux d'un bout de la terre
à l'autre. Je vois une fuite de grands aqueducs
continuée & interrompue à deffein
dans quelques endroits pour donner paffage
aux fleuves , & même aux bras de mer qui
baignent & humectent la terre en la parcourant.
Du dernier promontoire d'Afrique
s'éleve une chaine de montagnes qui s'abaiffent
pour ouvrir un paffage au Zair & au
Niger , tandis que le Nil defcendant d'un autre
côté vient le réunir à ces deux fleuves
au pied de l'Atlas . L'Atlas eft feparé du
mont Calpé par le détroit de Gibraltar . Le
Calpé tourne jufqu'à la Sierra morena que
touchent d'un côtéles Pyrenées , qui de l'autre
joignent les Cevennes. Aux Cevennes
s'attachent les Alpes , & les Alpes s'étendent
jufqu'aux Appennins qui defcendent à la
mer d'Otrante .
Vis -à- vis les Appennins , font les montagnes
d'Epire & de Theffalie , & après avoir
paflé le detroit de Gallipolli , on trouve le
Taurus qui s'étend jufqu'à l'extremité du
monde , fous le nom de Caucafe ou d'Immao
.
La terre eft ainfi couverte de tous les
côtés par un réſervoir d'eau immenfe duquel
tous les fleuves fe precipitent pour venir
16 MERCURE DE FRANCE.
l'arrofer tandis qu'il ne fort pas un feul ruif
feau de l'Ocean ni de la Mediterranée ;
Burnet a fait graver une Carte du Globe ,
divifée en montagnes au lieu de l'être en
Royaumes & en Provinces. Il tâche de donner
par fes difcours & au moyen de cette
Carte , l'idée de la plus horrible & de la
plus effroyable confufion , mais fa Mappemonde
& fes raiſonnemens ne fervent qu'à
prouver l'harmonie utile que le Créateur fait
regner dans fes ouvrages.
«ies Monts Andes s'étendent , dit- il
dans l'Amerique Meridionale l'efpace de
mille lieux. Le Taurus fepare l'Afie en
deux parties. Un homme qui pourroit voir
de loin l'Univers entier d'un coup d'oeil ,
reconnoîtroit que l'Univers eft encore plus
» difforme qu'on ne le croit.
20
Au contraire , avec fa permiffion , un
homme fenfé qui verroit l'un & l'autre hemifphere
travei fé par une chaine de vaftes
citernes & d'aqueducs immenfes defquels
partent tous les fleuves , ne pourroit s'empecher
d'admirer la profonde fagoffe du
Créateur , & de rendre graces à fa bonté
infinie puiſqu'il n'y a aucunes regions qu'il
ait privées de montagnes ou de rivieres . La
chaine de rochers qui paroît fi affreuſe à
Burnet eft un des principaux pivots de la
machine. Anéantiflez ces montagnes , les
JUILLET 1746. 17 .
animaux terreftres ne pourront pas vivre
puifqu'on ne vit pas fans eau douce
& cette eau douce , c'eft la mer , quoique
falée elle même , qui la fournit principalement
, car les vapeurs qui s'élevent continuellement
fur l'Ocean font portées par
les vents au fommet des montagnes , où elles
fe transforment en torrents & en fleuves , &
le fameux Aftronome Halley a calculé &
démontré que l'évaporation univerſelle fuffifoit
feule à fournir les pluyes & à remplir
les lits de tous les fleuves. Le monde n'eft
qu'une chaine : fi vous en ôtez un anneau ,
toute la machine eft détruite . Pourquoi donc
donner un démenti aux Auteurs facrés , &
priver la terre de fes montagnes qui lui ont
toujours été néceffaires , & pourquoi rêver
qu'elles ont été fondues par les eaux , &
qu'à leurs places il s'en eft formé de nouvelles
?
L'opinion de ceux qui foutiennent que
dans les revolutions des fiécles fans nombre
toutes les parties de la terre ont fervi fucceffivement
de lit à l'Ocean , eft encore oppofée
à l'Ecriture , & neft pas moins démentie
par la raiſon,
Un mouvement qui éleve de dix minutes
en mille ans le pole au- deffus de l'éclipti
que , n'eft pas affés violent pour renverser le
Globe , & fi cette revolution exiſtoit , elle
18 MERCURE DE FRANCE.
laifferoit certainement les montagnes où lá
nature les a placées. Et en effet il ne paroît
pas vraisemblable que le Caucafe & les Alpes
ayent été transportés , ni tout à coup ,
ni peu à peu en Alie & en Italie des côtes
de Congo & d'Angola, La vue feule de l'Ocean
porte avec elle un argument qui fait
écrouler tout ce fyfteme romanefque. Son lit
eft creafe de maniere qu'il devient plus profond
à mesure qu'il s'eloigne de la plage , &
quand on navige en haute mer , excepté
quelques petites Ifles , on ne trouve pas la
moindre élevation , ni même un feul rocher,
Or fi on admet que l'Ocean pendant un
tems s'eft elevé au- deffus des Alpes & que
les hommes & les animaux ont habité dans le
fond fabloneux où eft prefentement l'Ocean,
d'où, & de quel côtéferoient venues les
rivieres ? Dans quel endroit fe feroient formées
les eaux néceſſaires à la vie ? Il faudroit
certainement qu'alors la Nature eût été entierement
differente de ce qu'elle nous paroît
aujourd'hui , car , dites - nous , comment ce
Globe creufé d'un côté , foutonant des montagnes
de l'autre & terminé par l'Ocean ,
auroit- il pu tourner également tous les jours
fur fon axe ? Par- là toutes les régles de la pefanteur
& celles des fluides feroient violées .
Comment l'Ocean reiteroit- il fufpendu en
haut fans s'écouler dans ces égouts imJUILLET
1746. 19
menfes que la Nature a formés pour le re<
cevoir ? Les Philofophes qui créent un monde
, le créent bien ridicule . Suppofons avec
ceux qui admettent le periode de deux mille
ans , que nous foyons arrivés au point où l'écliptique
tombera dans le cercle de l'équateur
on ne doit pas croire pour cela que l'Ocean
change de lit dans ce tems là , ni dans
aucun autre . Nul mouvement de la terre ne
peut déranger les loix de la pefanteur. Faites
tourner le Globe du midi à l'orient , du
couchant au midi chaque particule d'eau & de terre tendra au centre . Le méchanifme
univerſel n'en recevra pas le plus leger
changement
.
Suppofez que A. foit une montagne & B.
une portion de l'Ocean , toutes les parties
d'eau iront vers le centre C , & il n'y a point
de loi dans la Nature qui puiffe diriger l'eau
dans la ligne B , & en quelque cas que ce
foit , ce font là les premiers principes de la
Philofophie naturelle.
II n'y a donc aucun fyftéme qui puiffe appuyer
de la moindre vraisemblance cette
opinion dont tant de gens fe font entêtés , fur
le bouleverlement pretendu du Globe , & s'il
eft permis de parler ainfi , fur la tranſmigration
de l'Ocean qu'on fuppofe avoir roulé
fes flots , il y a plufieurs fiécles , où l'on
a bâti depuis les Villes que nous voyons au
20 MERCURE DE FRANCE.
jourd'hui , tandis que les hommes habitoient
ce qui fait prefentement la demeure des baleines.
Tout ce qui vegete , tout ce qui eft
animé , les mineraux , les métaux ont confervé
leur nature : toutes les espéces , tous les
differens genres de vers & d'herbes ſe font
maintenus fans nulle corruption ni alteration
Il feroit bien extraordinaire que tandis
que la femence de la moutarde & des champignons
demeure éternellement la même , le
Globe qui produit des femences invariables ,
eut changé totalement de nature.
Il faut dire la même chofe de la Méditerranée
& du Lac immenfe appellé la mer
Caſpienne. Si ces mers fituées au milieu des
terres ne font pas auffi anciennes que le
monde , il eft certain que l'univers a été eſfentiellement
différent de ce qu'il paroit aujourd'hui.
Un grand nombre d'Auteurs rapportent
que dans un certain tremblement
de terre l'Ocean engloutit une grande
montagne entre Calpe & Abila , ce qui laiffant
un paffage aux eaux , elles formerent la
Méditeranée qui s'étend jufqu'à quinze
cent mille vers la Tartarie , c'eft - à-dire
qu'en un inftant la Nature creuſa un lit de la
longueur de quinze cent milles , & que tous
les fleuves des environs , comme s'ils fe fuffent
accordés pour cela , vinrent tomber
dans cette nouvelle mer. L'avanture de CalJUILLET
1746. 21
pe & d'Abila eft certainement merveilleufe
& on peut dire que cette hiftoire n'eſt pas
l'ouvrage d'un Auteur contemporain . Si on
vouloit feulement confidérer le cours de tant
de fleuves d'Afie & d'Europe qui defcendant
de toutes les parties du monde au de là de
Gibraltar , viennent reciproquement à la
rencontre les uns des autres , on pourroit s'ap
percevoir aifément que tous ces fleuves devoient
produire naturellement un Lac immenſe
; certainement le Tanaïs , le Boryſtene
, l'iftre , le Rhône ne pouvoient avoir
leur embouchure dans l'Ocean car il
faudroit pour cela qu'ils euffent le même
cours , & qu'ils perçaffent les Pyrenées pour
alier de compagnie à la mer de Biſcaye.
,
Cependant plufieurs Philofophes ont foutenu
que la Mediterranée avoit été produite
fortuitement par une irruption de l'Ocean.
Sur ce qu'on leur demandoit ce que
feroient devenus tant de fleuves fans embouchure
, à quoi pouvoit fervir un fi grand
Lac fans écoulement , ce qu'on devoit enfin
penfer de la mer Cafpienne , ils répondoient
qu'il y avoit un fouterrain très vaſte , un
canal fecret par lequel la mer Cafpienne fe
déchargeoit dans la Méditerranée , commo
la Méditerranée dans l'Ocean , on ajoutoit
même que cette communication étoit prouvée
par plufieurs poiffons qu'on avoit jettés
dans la mer Cafpienne avec un anneau paſſé
22 MERCURE DE FRANCE.
dans les narines & qu'on avoit péchés enſuite
à Conftantinople ou en Affrique. L'Hiftoire
& la Philofophie furent traitées de cette ma→
niere par plufieurs Auteurs , mais enfin la critique
bannit les Fables , & la Phyfique experimentale
renverfa les fyftémes. De telles
rêveries ne doivent plus étre reçues , puifqu'on
a calculé que la feule évaporation fuffit
pour empêcher toutes les mers d'inonder
leurs rivages. Il eft donc plus que vraiſemblable
que la Méditerranée & l'Ocean ont
toujours été contenus dans leur lit , excepté
les 150 jours qu'a duré le Déluge , & que la
conftitution fondamentale du monde a été
la même de tous les tems.
Je fçais bien qu'il y aura toujours des
hommes dont l'efprit fera plus frappé d'un
brochet petrisé fur le mont Cenis , & d'un
turbot trouvé dans le même état fur les
montagnes de Heffe , que de tous les raifonnemens
de la vraie Philofophie ; ils fe plairont
à penfer que les fleuves couloient autres
fois fur la cime efcarpée des Alpes , que
I'O ean couvroit la Germanie , & en voyant
certaines coquilles , ils affirmeront que la
mer de Syrie eft venue à Francfort. Le
goût du merveilleux produit des fyftémes
extravagans , mais la Nature eft auffi fimple
, auffi uniforme & auffi conftante que
notre imagination eſt avide de revolutions &
de prodiges,
JUILLET 1746.
Cette Lettre ayant été imprimée en Hollande
fans aveu , & avec des fautes ajoutées
à celles qu'on y trouvoit déja , on nous prie de
Pinferer dans le Mercure telle qu'elle eft.
EN attendant que les Zephirs ,
Le Printemps & la jeune Flore ,
Viennent nous annoncer encore
De beaux jours , de nouveaux plaiſirs ,
Dis nous , tandis que de Norvége
On voit l'Aquilon furieux
Souflant les frimats & la neige
Nous voiler la clarté des Cieux ;
Par une morale facile
T'occupes-tu dans ta Cité
A triompher d'une beauté
Au Dieu de Paphos indocile ?
Ou jouiffant malignement
De ta glorieufe conquête ,
Papillon auffi -tôt qu'Amant
Tu te fais peut - être une fête
De ton perfide changement ,
Et ta fine cajolerie ,
Toujours fujette à caution ,
Près d'une autre Iris pe cherie
Sous les traits de la paffion
Déguiſe ta friponnerię ?
MERCURE DE FRANCE.
Pour nous , loin des jeux , des amours ,
Relegués fous l'humble chaumiere
Nous attendons que dans fon cours
L'astre brillant , dont la lumiere
Partage les nuits & les jours ,
Nous rende fa chaleur premiere ;
Alors la trompette guerriere
De Bellone annonçant les loix ,
Nous rentrerons dans la carrierę
Qui conduit aux fameux exploits.
C'est par cette mâle conftance ,
Qu'on vit autrefois les Romains
Affervir Cartage & Numance ,
Et l'Univers , & les Deftins .
De ces Heros foyons l'image ;
Marchons à l'immortalité ;
La fortune n'eft plus volage ,
Quand par l'effort d'un grand courage
On fixe fa legereté .
Et toi , tandis que fur la terre
Au milieu du bruit des combats
Mars fera'gronder fon tonnerre ,
Et voler la mort fur nos pas ,
Des Saumaifes fuyant l'exemple ,
Ne differtant en aucun lieu ,
Sois toujours favori du Dieu
Dont Voltaire a tracé le Temple .
En Boheme le premier Mars 1742 :
LETTRE
JUILLET 1746.
Zeelo @
LETTRE à Monfieur L. F ***. contenant
la defeription de la Caverne de Grandville
en Perigord , du 3 Juin 1746.
J
E vous écris encore harraffé de la fatiguante
journée que je fis hier pour aller voir
& vifiter le trou de Grandville ; c'eft cette
célébre Caverne dont vous ouites parler ici
il y a trois ans & que nous avions fait projet
d'aller voir ; mes camarades de voyage en
font fur les dents , quelques accidents d'orages
& autres inconvenients ayant rendu la
journée encore plus fatiguante , mais ce n'eft
pas de nos bourbiers que j'ai à vous entretenir
, c'eft de cet admirable Caveau vraiment
digne de plus de réputation encore
qu'il n'en a , objet des defcriptions auffi fauf.
fes que pompeufes des naturaliftes du Périgord,
& matiere inépuifable des bruits populaires
& des menfonges du canton ; quant à
moi je ne vous dirai au moins que ce que j'ai
vû, & j'ai voulu tout voir pour pouvoir vous
le dire; n'allez pas rire du ton emphatique de
ma defcription, & me connoiffant pour être
du cinquiéme ordre des curieux , vous
imaginer que j'en veux imiter l'enflure , & s'il
eft permis de parler ainfi, la charlatanerie ;
B
16 MERCURE DE FRANCE,
cela eft en verité plus beau à voir qu'à để
crire ; commençons ;
Vous vous rappellez fans doute ce que l'on
vous difoit de cette caverne la premiere fois
que nous en entendîmes parler , ces voutes
fans fin , ces pas de toutes fortes d'animaux
incruftés dans la pierre , ou tracés fur le fable,
cette riviere qui traverfant enfin ces caveaux,
bornoit au bout de 2 lieues la courfe
du curieux & laiffoit voir au- delà de nouvelles
voutes ; plufieurs autres fortes de recits
miraculeux joints à ceux là depuis, mais
qui ne m'étoient fats la plupart que comme
des oui dire , n'avoient guéres fait fur
moi d'autre impreffion que celle que pourroient
y faire aujourd'hui les contes des Fées,
mais il y quelque tems qu'un de mes voifins
qui y étoit entré , m'en parla plus en
détail ; il eft vrai que n'ayant pas comme
moi le deffein de décrire ce beau lieu, rebuté
d'une courfe affés penible il fe contenta de
parcourir les endroits que les guides mon
trent comme les plus curieux & reçut d'après
eux tous leurs contes fur l'infini de ces
fouterrains , fur les gens qui s'y font perdus,
&c. Cependant une narration aufli précife
me détermina à aller voir par moi-même ce
qui en étoit , d'autant qu'il n'y a d'ici là que
pour quatre heures de chemin à cheval ; il
Sofrit obligeamment d'être du voyage, nous
JUILLET 1746. 27
A
partîmes donc hier de grand matin avec les
précautions néceffaires pour ne pas manquer
de feu , & de ma part réfolu d'aller du
moins jufques où les plus hardis guides en
fçauroient. Le Curé le plus voifin , homme
de bon fens nous affura d'un air très- perſuafif
qu'il n'y avoit ni danger ni miracles ,
mais n'ayant jamais été au- delà d'une pierre
où font écrits ces mots , qui fage fera plus loin
n'ira,il adoptoit auffi l'idée de l'infini , & nous
raconta que deux hommes de fa Paroiffe s'y
étoient perdus trois jours & fe conjuroient
feulement de ne fe pas manger l'un l'autre
quand on les trouva ; il nous nia cependant .
les Anglois perdus, mais les guides enchérirent
bien encore nous racontant que des
jeunes gens y furent perdus huitjours, retrouvés
encore en vie& n'expirerent que lorfqu'ils
furent à l'entrée de la Caverne ; je ne puis
répondre fi des chutes de roches ou des
changements arrivés ont refermés des caveaux
plus profonds que ceux que j'ai vifités,
cependant un de nos guides étoit fort vieux,
il nous allura n'y avoir jamais vu le moindre
changement , on ne voit pas trace de trou
qui te foit bouché , & les pieces de roc qui
nous parurent le plus fraichement détachées
le font bien avant eux , nous dirent ils ;
or pour tout ce qui exifte actuellement , un
homme accompagné & éclairé s'en tireroit
Bij
28 MERCURE DE FRANCE,
affürément fans guide avec du courage & un
peu de peine.
Cette Caverne nommée comme je vous
l'ai dit , le Trou Grand ville , eft dans la terre
de Miremont paroiffe de Roufignac, fief de
la Barriére , environ à cinq lieues Gaſconnes
de Perigueux , & trois de Sarlat ; l'embouchure
ou l'entrée eſt à mi côte d'une montagne
affés droite mais couverte de vignes ,
de champs & de chataigniers; fon expofition
eft au levant , il y a tout auprès une maifon
de païfans qui de peres en fils fervent de
guides , l'entrée en eft fort baffe & boueufe ,
il eft vrai que dans ce que je vous dirai de la
bouë qui fe rencontre il faut remarquer que
nous fommes prefque au bout d'un printems
auffi pluvieux qu'on en ait jamais vû ,
& qu'il avoit plû tous les jours pécedents ;
on entre donc en le courbant jufques à
terre , mais dans l'inftant on peut fe redreffer
, on fe trouve au large , & chofe fingulére
loin d'être ému de cette forte d'hor,
Jeur que donnent ordinairement ces lieuxlà
, l'on fe trouve gai & plein d'e perance ,
du moins ce fut l'effet que cela fit für chacun
de nous , nous chantâmes beaucoup , les
caveaux répondirent & jamais dans la fuite
de cette longue & penible courfe on ne voit
gien de lugubre ni qui vous infpi e de la
crainte & des précautions ; quatre chandel
JUILLET 1746.
دو
les allumées & quelquefois des brandons
de paille dans les endroits les plus curieux
nous fuffirent pour tout voir bien , & pour
nous conduire dans un chemin pénible ,
gliffant , gras & raboteux ; la voute s'ouvre
donc d'abord , elle a dès l'entrée environ
dix pieds de haut , quant à la largeur qui
eft de quatre toifes elle eft à peu près la même
par tout hors dans les endroits qui forment
des falons , qui terminent en rond
certaines avenues ou qui ouvrent differentes
routes, & jamais le Caveau s'a moins de
la moitié de cette largeur nulle part ; au
bout de 20 pas environ , car je me laffai bientôt
de mefurer géométriquement , la voute
hauffe du double & va toujours hauffant
pendant près de cent vingt pas ; la couleur &
l'enduit en font comme d'une roche ordinaire
fans marques d'humidité, mais fans congelaifons
& brillants , fi communs dans les fouterains
des pays fecs , le terrain fur lequel
on marche retient les fouliers & devient toûjours
plus mol à mesure qu'on avance ; au
bout des cent vingt pas ou environ , car une
fois pour toutesje vous avertis que je ne régle
ces proportions qu'à peu près , & pour me
fixer à quelque chofe , fans pour cela les
rantir contre gens plus exacts ; au bout disje
, de ces cent vingt pas le préfentent deux
avenues, l'une qui eft vis- à- vis la grande route
ga-
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
eft une voute baffe & plate dont l'entrée eſt
barrée de la hauteur de deux pieds par un
mur malonné de terre glaife & de pierre
fait de main d'homme. Quand on a paſſe
ce mur , la voute ou pour mieux dire le plafond
, car cela en paroît un fort plat , continue
trente pas ; il eft fi bas en certains endroits
qu'il faut appuyer les mains par terre
pour paffer , le terrein en eft uni , cela eft
terminé par une autre efpece de mur traverfant
& à peu- près de meme hauteur
que le
premier , mais il n'eft que de terre glaiſe qui
eft fi forte dans toute la Caverne qu'on en
feroit des pyramides; dès que ce mur eft paffé
on rentre dans le caveau grand & exhauffé
, & ce chemin qui naturellement fe préfente
d'abord abrége beaucoup & fait éviter
le fagnat , on appelle ainfi un endroit où
le terrein eft fi fpongieux qu'il faut paffer
fur le bord & très vite , mais nous ne fuivimes
cette route qu'au retour , car outre
que l'autre eft celle des curiofités & que l'on
fait fuivre d'ordinaire aux Voyageurs , nous
avions réfolu de fuivre & caver en montant
toutes les routes à droite & d'en faire au retour
de même de celles qui font au côté
oppofé . Nous primes donc la route à droite
qui eft une forte de tournant , mais qui ne
fait qu'un crochet , puifque l'autre la rejoint
en haut ; celle- ci eft toujours d'un grand
JUILLET 1748. 31
, י כ
exhauffement en voute arondie & naifante ,
comme d'une corniche très avancée ; d'efpa
ce en eſpace on voit des ronds en dôme
prefque réguliers , enfin on regarderoit toujours
en haut fi le terrein qui devient plus
gras à chaque pas ,joint aux inégalités cauſées
par des terriers de Renard qui font - là en
très-grand nombre , n'obligeoit de regarder
à fes pieds avec attention ; on fuit donc la
grande route &la feule exhauffée; à côté droit
fe préfente une Caverne affés ouverte, peu
profonde, à voute platte & affés près de la
tête , ainfi que le font toutes celles que nous
avons à voir à la referve du grand caveau
que j'appelle lagrande route ; il n'y a rien de
remarquable dans cette premiere grotte , que
ce qu'on appelle l'étron de la vieille , car il faut
parler le langage des tenans , & qui voudroit
en parlant du tréfor de S. Denis dire le petit
fauteuil de bois au lieu du fauteuil du Roi Dagobert
commettroit un crime de leze curiofité
; l'étron de la vieille donc n'eſt pas autre
choſe qu'une énorme pétrification cauſée
par de l'eau qui tombe , une goute feulement
l'une après l'autre toujours au même endroit
avec une régularité de tems capable de faire
une horloge ; le maffif qu'elle a formé peut
avoir à fa baze 12 pieds de circonference &
va toujours en diminuant , comme qui poferoit
à terre le couvert d'un palanquin à la
Bij
2 MERCURE DE FRANCE.
Chinoife , fans inégalités marquées , & faifant
un tout très- bien lié ; il s'éleve à la
hauteur de l'eftomach d'un homme ordinaire
, le bas n'en paroît point different d'un
autre roc , le haut eft humide & ce n'eft
que précisément à l'endroit de la pointe où
la goute tombe fans ceffe que l'on voit une
forte de pétrification comme de la nacre fort
jaunâtre, & qui ne s'étend guéres plus loin
que la largeur d'un écu de fix livres , l'égalité
de la cadence qu'obfervent ces goutes
d'eau dans leur chute rend ceci plus remarquable
encore que leur effet , quoiqu'il
démente par un contraire exact le proverbe
de l'Opera , & qu'on puiffe dire dans le
réel , l'eau qui tombe goute
forme leplus dur rocher.
à
goule
Ceci d'ailleurs furprend d'autant plus que
cette grotte n'eſt pas plus humide que les
autres qui à la réſerve du terrein ne le font
point du tout , & que cet endroit eſt abfolument
le feul où l'on voye quelque
écoulement , fi on en excepte la fontaine
dont je parlerai quand nous y ferons . En
quittant la grotte de l'étron de la vieille on
rentre dans la grande route , & l'on trouve
bientôt après le fagnat que j'ai décrit tout à
T'heure & qui n'eft autre chofe qu'un bourbier
qu'il faut paffer vite & en évitant fur
tout des débris de planches mifes autrefois
JUILLET 1746. 33
3
pour la commodité du public, & qui fe font
pourries dans l'endroit le plus mol , ce paffage
ne dure guéres que dix pas
on fuit
ayant toujour, fur la tête ces belles voutes ,
tantôt en voûte tantôt en dôme , & fous fes
pieds des debris de roc enduits de glaife, unis
par les paffans , & veritables caffe-col pour
ceux qui ne font pas ou fermes ou bien appuyés
; une nouvelle voute le préfente à droi
te, ce qu'ils appellent la chambre dorée , le
terrein defcend un peu, les voutes font plattes
& incrustées d'une forte de glaife défechée
qui fait comme des gateaux dorés , des pains
à l'Allemande , ou des oranges , cela fait
d'abord un coup d'oeil , en effet riant & riche
, & comme les plafonds font très blancs
il les relevent encore , les corniches en font
fort chargées , cela fe détache affés ailément,
il y a de tems en tems des culs de lampes
qui en font ornés auffi , la couleur de ces
fortes d'incruftations devient plus foncée
à mesure qu'on avance davantage dans le
caveau , il ſe termine en conques , en ronds
& autres tournures ordinaires dans les ro
cailles ; le trajet eft long mais tout cela n'ai
d'iffue que celle qui rend dans la grande route
; on y rentre donc & après avoir marché
quelque tems on voit à la gauche l'iffue de
cette voute barrée de murailles dont j'ai déja
parlé & qu'on avoit laiflé devant foi e
Bv
34 MERCURE DE FRANCE
pas après l'entrée de la Caverne ; on avance
toujours les voutes devenant plus belles &
plus élevées , tout au milieu du paffage eft
un roc plat , long d'environ trente pieds
pofé comme fur une élevation de pierre &
qui eft caffé en quatre parts quoique placé
comme fi elles fe tenoient , ce roc quoique
barbouillé de plufieurs griffonages indéchiffrables
qu'y ont gravé les paffans,n'auroit
rien de remarquable s'il n'avoit plu
aux guides de l'appeller la tombe de Gargantuan
, or vous fçavez que tout montreur
de curiofités cft légiflateur dans
fon fait , la tombe de Gargantuan donc ,
dont on nous avoit fort parlé , n'eft autre
chole qu'un grand roc très - ordinaire.
En avançant on trouvé la chambre du Baillarmini
, fi vous me demandez l'étymologic
de cette dénomination je n'y en vois d'autre
finon qu'on appelle , je crois ainfi , en langue
du pays cette terre rouge & graffe nommée
de l'ocre en françois dont on ſe ſert pour
les couleurs ; & dont eft compofé tout le
terrein de ce caveau ; quoi qu'il en ſoit fon
entrée eft baffe & étroite , & elle a été rendue
telle par main d'hommes pour barrer
apparemment quelque cache dans les tems
facheux. Ce caveau eft rond & fpacieux,
en haut roche platte incruſtée comme la
chambre dorée mais de reliefs plus foncés ,
JUILLET 1746. 35
couleur de Caffé & en moins grand nombre
mais ce qui eft fingulier vû la grande humidité
du terrein , c'eft que les murs font très fecs
& incruftés en noir de quelque chofe de piqué
& de rabotteux , comme chagriné
mais à grains très gros & comme une noifette.
Vous remarquerez toujours que je ne
vous cite que les chofes très marquées, fans
m'arrêter aux bagatelles curieufes que chacun
découvre & fait valoir en parcil voyage ,
voilà donc ce que c'eſt que la chambre du
Baillarmini.
Rentrés dans la grande route qui reffemble
toujours à elle même & nullement au
refte , on trouve à quelque diſtance à gauche
un grand caveau très profond qui va
toujours en deſcendant par couches , voutes
plattes , comme le font toutes celles des
côtés & incrustées de même de ces gateaux
d'argile defféchée ; il finit à des maffes de roches
qui laiffent encore un trou à droite
qui a quelque profondeur mais dont nous
vîmes le bout, malgré des chutes, inégalités du
terrein & le découragement ; quelque vafte
donc que foit cet abîme il n'a de débouché
que celui de l'entrée d'où nous revinmes
toujours dans la grande route , nous ne fîmes
à la vérité cette courfe à gauche qu'auretour,
mais je l'ai placée ici ne voulant rien
laifler derriére moi,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Revenons donc dans le grand caveau qui
s'exhauffe encore davantage & devient plus
boueux ; on entend bien-tôt le bruit d'une
cau qui tombe de haut ; on y arrive enfin ,
c'eft au dôme le plus élevé que paroît au milieu
un endroit humide qui femble de la
grandeur de deux chapeaux ; de là percent
huit à dix filets d'eau qui couloient quand
nous y fumes comme des goutiéres en tems
d'une forte pluie , l'eau qui tombe de ſi haut
& ne rencontre rien en chemin tombant plus
bas même que le terrein où l'on marche ,
fait un bruit fort remarquable dans ces lieux
qui retentiffent d'eux-mêmes , & fe perd
en deffous ; c'est là que je regarde comme le
point du milieu de ces vaftes fouterrains,
Ici finit ce que j'appellois la grande route ,
il n'eft plus de voutes exhauffées , tout déformais
fera en roches plattes & baffes comme
les caveaux particuliers que j'ai déja décrit.
Aude-là du dome d'où fort l'eau dont
je vous ai déja parlé , le grand caveau eft
terminé par un mote de rochers en talus ,
verdâtes & qui feuls dans tout le fouterrain
paroiffent humides ; la route baffle & telle.
que je vous l'ai déja dite , s'ouvre à droite
& vous conduit à ce qu'ils apellent le marahé
dès qu'on eft entré dans cette route le
terrein quoique toujours argilleux , eſt beaucoup
moins gras & moinstirant , il n'eft plus.
JUILLET. $ 746. 37
·
barré de roches , mais en revanche en approchant
du marché il devient femé de
trous dont les rebords font étroits & tranchans
, ce qui le rend très - difficile , c'eſt auſſi
ce qui l'a fait appeller le marché comme
ayant été foui & rendu inégal par les bef
tiaux; il a fallu de plus y trouver des traces :
or très certainement les Renards ne vont
point jufques -là & d'autres animaux , ni de
jour ni de nuit , infectes ,reptiles, quels qu'ils
foient enfin , on n'en voit veftige dans tout
fouterain , qui paroît par tout fain , temperé
, & même agréable malgré la fatigue
d'y marcher ; quant aux traces qu'on montre
ce font celles qu'ont faites en gliſſant les
fabots des guides , & celui qui nous en parloit
cognoit du talon en méme tems en faveur
du futur curieux . Les parois & la voute
de cette partie toujours incruftée de quelques
gâteaux d'argille , mais moins , eft d'ail
leurs enduite d'une craye bianche & molle
qui donne grande commodité d'écrire à tout
homme curieux de s'immortalifer , auffi y
voit-on des noms & des dattes anciennes.
Quant à moi plus modefte je me contentai
de poſer en deux endroits le nom d'un des
Héros de mon pays Noftradamus , & n'étant
pas jufte de lui faire perdre de fon prix j'ajoutai
la datte 1528. le marché eſt vaſte ,
point trop bas , clair à cauſe de ſa blancheur,
38 MERRCUE DE FRANCE.
un pilier femble le foutenir au milieu , mais
ce pilier diftribue deux routes ; nous prîmes
d'abord felon l'ordre que nous nous étions
prefcrit celle de la droite ; elle continue d'être
agréable , fe fubdivife en plufieurs, mais
qui ne font que des grottes peu profondes
& aboutit enfin à un raffembage de creux
divers taillés en conques , riants & réguliers :
quand je fus bien fûr de ne rien laiffer devant
moi nous revînmes au pilier , le guide
nous raconta que deux Demoiſelles y étant
demeurées avec un Monfieur tandis que les
plus hardis continuoient la route que nous
venions de faire , au retour on les trouva
fans lumiere.
Comme cette Hiftoire me parut plus
croyable que celle des hommes perdus huit
jours , & que j'ai cité l'une , je dois en juftice
ne pas omettre l'autre ; nous prîmes
alors la route à la gauche du pilier , celleci
ne fe fubdivife pas , mais au bout d'un
certain tems elle baiffe au point qu'il faut
aller ce qu'on appelle à quatre pattes ; la
voute eft fort unie,garnie de craye, le terrein
toujours argilleux , toujours inégal , ce qui le
rend fort incommode en cette attitude ; au
bout de quelques pas le guide me dit qu'on
n'alloit pas plus loin ; je crus d'abord que
c'étoit une rufe , toujours prévenu de ces
immenſes Caveaux , il m'affura que cela de
NC
1746. 39
JUILLET
OUS
J $€
nue:
curs, &
ofont
de cre
epc.
TOUT
venoit toujours plus plat ; je voulus le voir
nous avançâmes encore peut- être trois cent
pas , il falloit prefque ramper , mais la clarté
que repandoient les lumiéres dans un terrein
fi blanc & fi étroit diminuoit le défagrement
de cette opération , cependant voyant que
cela devenoit toujours plus étroit & ne voulant
pas me mettre en preffe , je renonçai à
l'espoir de trouver ces grands Caveaux , je
fis avancer un laquais encore fix pas ; nous
vîmes clairement que cela s'alloit bouchant ,
& ne laiffant pas de place pour un homme
je me crus en droit d'établir que c'étoit là le
bout , je crois que nous avons été les feuls
qui l'ayons porté fi loin; nous revînmes donc,
mais le retour m'apprit qu'il ne faut pas aller
au bout de fes forces ; nous n'en pouvions
plus , cette façon d'embraffer la terre inéga
lement , le feu des lumiéres raffemblé , notre
fouffle renvoyé de fi près , la voute qui à chaque
élan nous rabaiffoit ou la tête ou les
reins , tout cela nous é hauffoit à un point
exceſſif , nous nous raſſemblâmes deux fois
dans des endroits où de ces petits culs de lampes
nous donnoient la liberté de nous affeoir,
mais la place n'étoit bientôt plus tenable par
la chaleur , nous arrivâmes enfin où l'on peut
lever la tête & rejoignîmes une partie plus
prudente de notre caravanne qui nous y avoit
attendu ; au retour nous vîmes les Caveaux
40 MERCURE DE FRANCE.
fur la gauche que je vous ai decrits avant la
fontaine, & regagnâmes l'entrée par celui où
eft le petit mur dont je vous ai auffi parlé ,
il tonnoit bien fort quand je reparus au jour
ce qui me furprit, car on ne s'en doutoit pas
là deffous , & j'avois laiffé le ciel très ferein ,
nous n'y fumes cependant en tout que deux
heures & demie à la montre , j'en fus fort
étonné , car malgré la curiofité , l'ardeur &
le contentement , je comptois y en avoir demeuré
quatre , voilà donc le tems qu'il faut
pour parcourir ce vafte Caveau , & vous le
trouverez bien honnête quand vous penferez
que comptant fur des pays immenfes , fur
F'opinion générale qu'on n'avoit jamais trouvé
le bout , quoique M. le Duc d'Orleans
Regent eut envoyé exprès &c. Je preflois
mon monde fi vertement que les guides dirent
n'avoir jamais été mené de la forte ;
tel eft , mon cher maître , ce fouterrein peutêtre
l'unique en fon genre dépeint fidélement,
je vous en donne ma parole , il eſt affés beau
par lui même pour n'avoir pas befoin d'être
enrichi de mervei leux chimérique , mais où
ne fe fourre t'il pas ? Quoiqu'il en foit je
fuis au bout , mon cher maître , ceci n'eſt je
vous prie qu'une converfation , mon Caveau
s'eft trouvé décrit en moins de tems qu'il
n'a été vû , je ne me fuis prefque donné la
peine de le voir que pour vous adreffer ceci
JULLET 1746. 41
mais enfin fi vous le voulez prendre pour
une deſcription , dites comme Horace ,
Scribimus indocti doctique poemata paffim.
SOUPIRS d'un Pénitent .
INDIGNE
NDIGNE de pitié , trop indigne d'eftime ,
Rien ne fçauroit me ſecourir ;
J'ai la vie en horreur , mais je crains de mourir ;
Et je fuccombe enfin fous le poids de mon crime.
Ton bras, Dieu tout puiffant , s'arme pour me punir;
Je vois déja le noir abîme :
L'Enfer s'ouvre pour m'engloutir :
Nepermets pas , Seigneur , que j'en fois la victime
A mes pleurs te laiffant flêchir ,
Daigne accepter mon repentir :
2.
Rends, la force à mon coeur, que ta voix le ranimes
Qu'elle régle mes moeurs , mes voeux & mes dif
cours.
Fais que ne pratiquant rien que de légitime ,
Je te confacre tous mes jours,
42 MERCURE DE FRANCE.
LOTTERIE de la vie humaine.
La vie eft une Lotterie ,
Où chacun a blanc ou noir ;
L'un a de la fanté , de l'efprit , du fçavoir ,
L'autre dans les ennuis paffe toute la vie.
Mais helas ! que nous avors tort
De faire des faux biens l'objet de notre envie !
Ils nous échaperont malgré tout notre effort :
Chaque inftant nous conduit au port
De notre commune patrie.
Le Riche & l'Indigent font égaux à la mort ;
Du Prince & du Berger , après la comédie ,
La diftance eft anéantie ;
Chaque acteur fe demafque & fort ;
Selon qu'il a joué, fa piéce eft applaudie ;
Non , ce n'eft que l'Arrêt dont la mort eſt ſuivie
Qui decide de notie fort.
OBSERVATIONS fur les Hommes
d'eſprit , & en général fur les Grands-
Hommes.
I.
LObonnes penfées des fots , mais on en Ob
N feroit un recueil affés ample des
feroit un bien plus ample encore des fotifes
JUILLET 1746. 43
des gens d'efprit. Il y a tel fot qui n'a jamais
dit une bonne chofe en la vie ; il n'y a
point d'homme d'efprit à qui il ne foit échappé
bien des fotifes. Cela eft vrai des livres
auffi bien que de la converfation . Qui voudroit
recueillir les plus grandes fotiſes qui
ayent jamais été écrites , ne devroit pas négliger
les meilleurs livres. Il y a d'auffi
mauvaiſes choſes dans les meilleurs livres
dans les plus mauvais .
que
II. Il n'y a peut-être point d'homme d'efprit
qu'on ne jugeât un fot ou un fol , fi on
le jugeoit fur un affés grand nombre de fes
penſées. Que de fotifes qui ne font point
apperçues dans la converfation , ni de ceux
qui les difent , ni de ceux qui les entendent ;
fotifes perdues pour l'homme d'efprit qu'elles
humilieroient utilement!
III. L'homme d'efprit qui n'a point écrit ,
s'eftime ordinairement beaucoup plus qu'il
ne vaut les moins préfomptueux de tous
les hommes ce font les bons Auteurs, Un
homme d'efprit fent bien , qu'en écrivant il
dit de meilleures chofes qu'en converſation ,
& que s'il n'avoit jamais écrit , il n'auroit
pas tiré de fon efprit tout ce qu'il en pouvoit
tirer , mais auffi combien de penſées
dont il eft d'abord enchanté , & qu'il efface
enfuite en rougiflant ! De - là il conclut qu'il
a dit bien des fotifes dans la converfation
44 MERCURE DE FRANCE.
fans s'en apercevoir ; l'homme d'efprit Au
teur eft celui qui connoît le mieux la force &
la foibleffe de fon efprit. Un homme vous
a donné dans la converfation l'idée la
plus avantageufe de fon efprit ; un an de
veilles ne lui fuffiroit peut- être pas pour
foutenir cette idée par une petite brochure.
IV. Qu'on cherche l'origine de la plûpart
des maux qui troublent la fociété , de
ces maux dont les hommes font eux- mêmes
les Auteurs , on la trouvera dans les paffions
fecondées de l'efprit , des grands talens , des
grandes qualités ; l'origine de la plupart des
biens n'eft pas fi noble.
V. Le principe qu'il n'y a point d'hom
me d'efprit à qui il n'échappe des fotifes ,
n'eſt pas moins vrai , & peut- être inême l'eft
plus encore des fotifes de conduite & d'action
, que de celles de la converfation & des
livres .
N'outrons rien pourtant fur les grands
hommes & les gens d'efprit , & défendonsles
plutôt contre l'injuftice du vulgaire .
V I. Les grands hommes , dit-on fouvent ,
font les plus grandes fautes. Ce proverbe
( car c'en eft prefque un ) eft- il donc bien
vrai ? Les grands hommes y ont-ils en effet
danné lieu , & ne vient- il point plûtôt de
la jalouſe malignité des petits hommes , qui
ont tâché par- là de remettre les grands hom
JUILLET 1746. 45
mes à leur niveau , de rétablir entre ces
grands hommes & eux mêmés une eſpéce
d'égalité & de compenfation ? Les grands
hommes font des fautes , parce qu'ils font
hommes (fummifunt homines tamen . Quint . )
& ces fautes font grandes , importantes , parce
qu'étant faites par gens qui occupent des
poftes confidérables , elles font ordinairement
en matiere importante ; & ont communément
de grandes fuites . De plus la même
faute commiſe par un homme médiocre
& par un grand homme , paroît bien plus
grande dans celui- ci : quoique legere en elle
meme , elle eft grande pour lui : la furprife
la groffit encore ; on ne s'y attendoit point ;
enfin elle est toujours plus remarquée dans
le grand homme,
VII. On objecte que les grands hommes
font fouvent plus témeraires , plus entreprenans
, qu'ils fe confient plus en eux
memes , qu'ils s'égarent fouvent à force de
raifonner &c. mais
1º. Ces défauts fe trouvent- ils ordinairement
dans les grands hommes , dans les
plus grands , & par exemple , pourroit- on
les reprocher à Cefar , à M. de Turenne ? &c.
20. Les hommes mediocres em font- ils
"exempts ?
30. Ces défauts font- i's des fources plus
fécones de fautes que des vues bornées
4 MERCURE DE FRANCE.
-
des demi- connoiffances , en un mot que la
feule médiocrité d'efprit & de capacité ?
Concluons donc que les plus grands hom
mes , les vrais grands hommes , c'eſt-à - dire ,
ceux qui poffèdent dans le plus haut degré
les qualités les plus eftimables , font ceux
qui font le moins de fautes & les moindres
fautes ; mais le vulgaire donne fouvent mal
à propos ce titre de grand homme , & fur
tout il régle mal les rangs entre ceux qui
le méritent en effet ; il eft vrai qu'avec une
ou deux qualités éminentes on fera plus
de fautes , que fi on réuniffoit plufieurs qualités
mediocres , mais dans le premier cas
eft on un grand homme ? Je le repete donc :
fi ce titre avoit été accordé moins legrement ,
le proverbe en queftion n'auroit point eu
lieu. Les vrais grands hommes ont fouffert
de ceux qu'on leur a injuſtement affociés .
Or s'il eft injufte de conclure de quelques
particuliers au général , combien l'eft-il davantage
de conclure de quelques prétendus
grands hommes , à ceux qui le font effectivement
?
VIII. Si ce font les plus grands efprits
qui font les plus grandes fotifes , ce font du
moins les plus fots qui font le plus de fotifes.
IX. Ce qui fait le grand homme , c'eſt
l'union des grandes qualités & des grandes
vertus , mais il faut avouer que les premie
JUILLET 1746 47
•
res paroiffent lui étre plus effentielles encore
que les fecondes . On pardonne plûtôt des
ices aux grands hommes que des petiteffes ,
& même que certains défauts. Il femble dans
un fens que les vices les deshonorent
moins , parcequ'ils font moins incompati
bles avec ces grandes qualités qui font pro
prement le grand homme : ce qui eft certain
, c'eft que les vices font meins fource
de fautes que les défauts .
Ly a plufieurs mois que M. de Genffane
nous a remis la lettre fuivante , que nous
n'avons pû inferer plûtôt.
LETTRE de M. de Genffane à M.
Saverien , au fujet de la nouvelle Théorie de
la manoeuvre des Vaiffeaux qu'il vient de
donner au public.
1.
M. ren-
L'ouvrage que vous venez de donner
fur la manoeuvre des Vaiffeaux
ferme une matiere trop intereffante , pour ne
pas defirer de trouver dans la Pratique
tous les avantages que vous nous faites ef
perer de votre Théorie ; c'eft dans cet efprit
que je vous ſupplie de vouloir bien nous
MERCURE DE FRANCE
E.
éclaircir quelques endroits de votre livre ;
qui ne me paroiffent pas tout à fait marqués
au coin de l'évidence que demand
roit un fujet auffi important.
2. Comme je ne fuis rien moins que marin
, mes doutes ne s'étendent auffi que fur
deux ou trois points qui ont une analogie
intime avec les loix ordinaires de la Méchanique
, & qui par là fe trouvent un peu
plus de ma competence : au refte je vous
upplie d'être bien convaincu que l'efprit
de critique n'a ici aucune part , & que les
reflexions que vous trouverez dans ma lettre
tendent uniquement à vous demander
quelques éclairciffements fur les articles de
votre livre que je ne comprends pas bien
diftinctement , foit que cela provienne d'un
défaut d'intelligence de ma part , foit que
vous les ayez traités un peu trop fuperficiellement.
3. Je m'étois determiné à vous en écrire
en particulier mais ayant appris qu'il s'en
faut de beaucoup que je fois le feul à qui
ces mêmes endroits n'ont pas paru exactement
demontrés , j'ai cru qu'il feroit plus
avantageux de me fervir de la voye des
Journaux , afin que tous ceux qui fe trou
vent dans le méme cas que moi , foient à
portée de profite de la réponſe que j'ai
lieu d'attendre de votre politeffe.
4 Les
JUILLET 1746. 49
1°.
Les articles dont je veux parler fent
1. les moyens que vous nous propoſez au
chap. 3. p . 37. de votre livre pour determiner
& faire faire aux vergues & à la quille
du vaiffeau l'angle le plus avantageux pour
faire une route donnée ; le fecond regarde
les avantages que vous pretendez tirer de
votre Barofaneme fur celui dont onfe fert
ordinairement ; le troifiéme qui eſt un peu
plus delicat , concerne l'efpece de procès
que vous faites ( p . 163 & fuiv ) aux principes
que M Bouguer a adoptés dans l'excellent
Mémoire qu'il nous a donné ſur la
mâture des vaiffeaux. Je vais examiner ces
trois points fuivant l'ordre qu'ils tiennent
dans votre livre.
Je fuis très à portée , M. de vous don
ner des nouvelles de l'experience que vous
defirez qu'on faffe des moyens que vous
propofez pour faire faire aux voiles un angle
donné avec la quille ; je vous dirai
qu'ayant eu bien des fois occafion de faire
ulage de votre méthode , j'ai toujours trouvé
que lorfque la ficelle eft un peu longue
comme cela arriveroit dans les vaiffeaux
il eft très- difficile de faire marquer au plomb
fufpendu le point qui repond exactement
à celui de fufpenfion , & cela en ft ppofant
même ce dernier point fixe , avantage que
vous n'avez pas fur un navire ; la raion de
C
1
so MERCURE DE FRANCE,
cela eft que la pefanteur du plomb caufant
une tenfion aux fibres de la ficelle , lui communique
un mouvement de vibration qu'on
ne fçauroit arrêter qu'avec peme ; d'ailleurs
vous n'avez peut -être pas fait attention que
lorfque le vaiffeau vient à tanguer , les mâts
p'étant plus dans une fituation verticale
le plomb s'éloigneroit quelquefois confiderablement
de leur pied , & s'en approcheroit
d'autres fois de trop près , ce qui vous
obligeroit de donner à votre cercle une figure
& une fituation trop embarraffante ,
pour ne pas dire quelque chofe de plus.
La perche que vous voudriez qu'on
fubftituat à la place de la ficelle ne me paroît
pas d'un ufage ni plus commode ni plus
exact ; comment tenir en effet une vergue
de cette longueur perpendiculaire au plan
du cercle malgré les mouvements du vaiſ
feau , fans parler des differentes manoeuvres
qui embarrafferoient cette opération ?
C'eft donc avec raifon que le fçavant
M, Pitot a prevu toutes les difficultés que
les marins rencontrerojent pour orienter les
voiles fuivant les angles marqués dans fes
tables ; en effet fi toute la jufteffe des inftruments
les mieux finis , n'eft pas de trop
pour les operations méchaniques de la trigonométrie
, que doit- on attendre de ces operations
où l'art méme fe réfufe , & où les à
JUILLET 1746. St
peu près ne font preſque que des coups du
hazard? cependant parce qu'une choſe eſt
difficile doit on y renoncer , & ne voit- on
pas tous les jours qu'en fait d'arts , il ne
faut qu'une idée heureuſe pour furmonter
les plus grands obftacles ? en voici une , M.
à ce fujet que je ne vous donnerai pas pour
telle , mais dont je hazarde de faire part
au public , perfuadé que fi elle n'eft'
fufceptible de ce point de précifion qui fait
le but des Géometres , elle eſt du moins
très-facile à exécuter & exempte des inconvenients
que nous venons d'obſerver.
pas
Je voudrois comme vous , M. que l'on
plaçat au pied du mât ( Fig. I. ) A un demi
cercle BCD dont la graduation commenceroit
par O au point C , qui répond à la
ligne de la quille E F , & avanceroit de
part & d'autre jufqu'aux points B D où elle
finiroit par 90, comme cela ſe pratique dans
les planchettes ou demi- cerles ordinaires :
Il faudroit placer fur ce cercle une alidade
L M qui ne pouvant tourner fur un pivot
placé au centre du mât , fe meuvroit dans
la couliffe A A. Cette alidade doit porter
un miroir I L K plus ou moins grand , garni
d'un reticule IK , placé à angles droits
fur la ligne de foi LM , & afin que l'on
puiffe voir où cette derniere ligne coupe les
divifions du demi- cercle , l'alidade doit être
Cij
G
Fig.1 .
I
B
VM
a:
L
E.... KF
C
Fig.2 . P
H
Fig.3
Pl. N
0:
F
C :
Fig. 5.
L
M K
K E
A
B
C
D
F
N
PN
Fig
. 4
R A
EQ
T
E F M S
R B
H
C
D
JUILLET 1746. $ 3
percée & garnie d'un petit index au point
L. Il convient auffi que le miroir foit mobile
fur deux tourrillons IK , afin qu'on
puiffe l'incliner fuivant le befoin , au moyen
de quoi la machine fera complette .
Préfentement pour s'en fervir nous
fuppoferons que GH repréfente la vergué ,
ayant enfuite cherché dans les tables l'angle
que l'on demande , faites tourner l'alidade
jufqu'à ce que le petit index L marque
le nombre de degrès qui conviennent à
l'angle cherché , après quoi amenés la vergue
G H jufqu'à ce qu'elle couvre ou qu'eile
foit parallele au reticule IK , elle fera avec
la quille l'angle demandé,
le
Comme les racages ou autrement les
cordages qui amarrent les vergues font fujets
à fe relâcher , il peut arriver que l'image
de la vergue dans le miroir fe trouve trop
éloignée du reticule ; dans ce cas on inclinera
le miroir jufqu'à ce que cette image
fe trouve partagée dans fa longueur par
reticule ; c'eft pour cette raison que le miroir
doit être mobile fur deux pivots aux
points I K. Je laiffe au furplus à la décifion
des fçavants , à la votre M. s'il eft poſſible
de trouver à cet égard rien de plus fimple
& de moins fujet aux inconveniens , qui
proviennent du mouvement du vaiffeau .
Je viens au fecond point , c'eſt à –
Cuj
· -
54 MERCURE DE FRANCE.
dire à l'article de votre Barofanome dont
vous nous donnez la defcription ( pag. 104 )
Je ne fais aucun doute que cette machine
ne fit tout fon effet fi elle étoit placée fur
terre ou parallelement à la direction du vent ,
enforte que fon impulfion fut toujours per..
pendiculaire aux plans de votre planchette ,
mais cette circonftance fe trouve t'elle frequemment
en, mer ? Un vaiffeau ne change
til pas à chaque inftant d'inclinaifon ,
à moins qu'il ne foit dans un calme parfait ,
tems auquel l'ufage du Barofaneme eft inutile
? or il me paroît bien demontré que
votre planchette forcée de participer au
mouvement du vaiffeau , prefentera fa furface
tantôt plus tantôt moins inclinée à la
direction du vent , & que les chocs ou impulfions
qu'elle en recevera feront en raiſon
des quarts des finus des angles d'incidence
du vent , d'où il fuit qu'un même vent
qui dans un tems fait lever un poids d'une
livre dans votre balance , ne levera qu'un
poids de 10 onces plus ou moins l'inſtant
d'après , enforte qu'il me paroît bien difficile
d'avoir par ce moyen une regle füre pour
determiner la force du vent .
Vous me direz peut - être que vous
n'avez befoin ici que d'une comparaifon relative
& que la furface de votre planchette
aura toujours une inclinaifon égale à celle
JUILLET 1746. $$
des voiles , mais outre qu'il n'eft pas bien
demontré que la furface des voiles fuive
l'inclinaifon des mâts , c'eft qué cette inclinaifon
varie continuellement ; or comment
choifir l'inftant où le moment du vent fur
votre planche exprime fa force moyenne ?
ce ne feroit qu'en ajoûtant plufieurs obfervations
enfemble pour en prendre un refultat
moyen , & vous fçavez que cette méthode
n'eft qu'une méthode d'aproximation ,
fouvent même incertaine .
Au furplus je , me perfuade que vous rémedierez
bien facilement à ce petit inconvenient
, en ſubſtituant à votre planchette
un balon de quelque matiere legere , dont
la furface du grand cercle foit à peu près
égale à celle de la planchette ; alors en diminuant
les poids de moitié , vous aurez
conftamment les mêmes comparaifons que
vous en avez déduites , parce que le balon
prefentera toujours la même furface à la
direction du vent , quelque inclinaifon que
la machine forme avec cette direction. J'ai
dit qu'il faut diminuer vos poids de moitié
parce que vous fçavez auffi bien que moi
que l'effort d'un fluide fur la furface convexe
d'une demie Sphere , n'eft que la moitié
de celui qu'il feroit fur la furface plane de
fon plus grand cercle ; il eft vrai que ceci
vous ramene infenfiblement au Barofaneme
Ciiij
56 MERCURE DE FRANCE .
ordinaire , mais ce fera toujours beaucoup
d'en avoir rendu l'ufage plus fûr & par là
plus avantageux..
Paffons, s'il vous plaît , au troifiéme point
de mes reflexions , je veux dire à l'examen
des raifons qui peuvent vous avoir porté
à regarder comme faux les principes qui
établiffent l'hypomoclion au centre de gravité
du vaiffeau dans le cas du- tangage &
du roulis : Cette queftion eft trop interef
fante , M. pour ne pas meriter toute l'attention
des fçavants , puifque l'alternative ne
tend pas moins qu'à une conftruction & à
une mature toute differente.
Je vais vous expofer naturellement fous
quel point de vue je m'imagine qu'on peut
regarder toutes les forces qui contribuent
foit directement ou indirectement au mouvement
d'un Vaiffeau , ce détail vous fera
connoître les difficultés que je crois entrevoir
dans votre hypothéfe , & les raifons qui
m'ont determiné à vous en demander une
demonſtration un peu plus convaincante que
ce que vous nous en dites dans votre livre.
( Fig. 2. Si on plonge un folide
quelconque A B. CD . EI. dans un fluide ,
il s'y enfoncera jufqu'à ce que fa peſanteur
fpécifique foit en équilibre avec la pefanteur
du volume de fluide qu'il deplace par
cet enfoncement ; de- là il fuit
que
fion
JUILLET 1746. 57
exprime la force qui tient le folido enfoncé
par les lignes A C. B D. la force que
le Huide employe pour refifter à cet enfoncement
fera aufli exprimée par ces mê
mes lignes CA. DB. &c.
Si on place un poids au point E. fe
le
folide s'enfoncera , & le point C. defcendra
en F. à caufe de l'augmentation de pelanteur
de ce côté là & le point D qui femble
demeurer fixe , parce qu'il ne paroît pas
qu'aucune force l'oblige de defcendre ni de
monter , s'élevera cependant un peu par
les raifons que nous allons voir.
Au moyen de l'enfoncement CF. le côté
DI. qui étoit d'abord perpendiculaire à la
furface du fluide , lui devient un peu incliné
en prenant la fituation D K , ainfi la
pefanteur KD fur le point D devenant
moindre que ID ne fera plus en équilibre
avec la colonne du fluide BD , ce qui obligera
le folide ou le point D de s'élever un
peu jufqu'à ce que KD foit en équilibre
avec BD.
Il y a ici , M. deux obfervations à
faire , la premiere , que le mouvement que
la ligne a decrit par fon enfoncement de
Cen F ne s'eft point fait fur le point D,
mais fur une infinité de points dont le dernier
fera d'autant plus éloigné de ce premier,
que l'enfoncement CF fera grand , c'est -à
C
58 MERCURE DE FRANCE.
dire que le côté KD fera plus incliné à la
furface du fluide.
La feconde, que le centre de gravité qui
étoit d'abord en G a dû s'avancer vers quelque
poin: L qu'il fera aiſé de trouver par
les méthodes connues de tous les Géometres .
Il n'eft pas besoin de vous faire remarquer
que fi on met un fecond poids au
point K égal à celui qui eft en E , le folide
reprendra fa fituation horifontale , le point
D deſcendra en M, & le point F remontera
en O par des raiſons ſemblables à celles que
e vous ai detaillées ci- deffus , & pour lors
centre de la gravité fe trouvera dans la
lerticale G P.
(Fig. 3 Les chofes dans cet état , fuppofons
que A B eft la ligne d'enfoncement
ou de flotaifon , G le centre de gravité , ſi
on ôte le poids K pour le placer en L & le
joindre au poids Ė , le folide s'enfoncera
& le point A deſcendra en F , mais avec
des conditions bien differentes de celles que
nous avons remarquées dans les deux cas precedents
, car le folide devenant plus leger
vers B dans la même proportion qu'il devient
plus pefant vers A, le point B s'élevera en
I à mesure que le point A deſcendra en F ,
d'où il s'enfuit , comme vous voyez, que le
mouvement fe fait fur le centre de gravité
G, ce qui eft bien évident.
JUILLET 1746.- 59
Otons par la penſée tous ces poids ,
& fuppofons à leur place une puiflance NP
appliquée au levier P G; foit comme cideffus
G le centre de gravité , A B la ligne
de flotaifon ( je vous fupplie de trouver bon
que j'écarte pour un moment les effets du
fluide fur les côtés AC . BD . ) il a rivera
que la puiffance agiffant dans la direction
NP , fera au point A le même effet que
l'augmentation des deux poids de l'article
precedent ; c'eſt- à-dire qu'elle determinera
autant le point A à s'enfoncer en F , qu'elle
portera le point B à s'élever en I , ainfi vous
voyez que ce mouvement fe fait fur le point
G , c'est- à- dire au centre de gravité , qui
par confequent jufques -là doit être regardé
comme hypomoclion.
Voyons préfentement , M. ce qui doit
refulter de l'action du fluide contre les côtés
AC. BD. , & quel changement elle peut
apporter aux principes que nous venons d'établir.
Dès que nous avons exprimé ci- deffus
la force verticale du fluide contre la pefanteur
du folide . par les verticales CA.
DB . la force laterale R A. QB. fera exprimée
par la moitié de ces mêmes verticales
; car vous fçavez , M. que la force d'un
fluide contre une furface verticale eft exprimée
par l'aire d'un triangle rectangle , dont
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
les côtés qui comprennent l'angle droit font
égaux à la hauteur du fluide , c'est - à - dire
que dans le cas préfent la preffion du fluide
contre le côté A C de notre folide eft exprimée
par l'aire du triangle A CS, qui n'eſt
que la moitié de la preffion du fluide de C.
en A exprimée par le quarré de C A—
CARS. Par conféquent fi la longueur CD
du folide eft quadruple de la hauteur C A
l'effort vertical du fluide fur le côté CD ,fera
ouple de l'effort lateral fur le côté AC ;
c'eft là M. l'expreffion de la refiftance que
le folide éprouve lorfqu'il commence à fe
mouvoir de A vers R , refiftance qui dans
le premier inftant de fon mouvement eft
nulle , parce qu'elle eft contrebalancée par
une impulfion égale QB , mais qui va toujours
en augmentant à mefure que le quarre
de la viteffe du mobile de A en B augmen:
tera , parce que dans ce cas l'impulfion en
B diminue dans la même proportion , &
que d'un autre côté la refiftance des fluides
eft en raifon des quarrés des viteffes des
mobiles qui s'y meuvent.
D'où vous voyez M. qu'il y a ici cinq
puiffances à confiderer. 1 ° . La pefanteur du
folide qui l'enfonce dans le fluide , 20 , la
reaction du fluide qui contrebalance la pefanteur
fuivant la direction CA , 30. la force
NP que nous regardons comme puiffance
JUILLET 1746. 61
motrice , 40. la refiftance anterieure du
fluide RA , 5o. la preffion pofterieure du
fluide QB qui concourt en quelque façon
avec la puiffance N P. Voilà , M. à ce que
je crois tout ce qui contribue à faire cingler
notre folide au travers du fluide ; De
ces cinq puiffances il n'y a que la feule PN
que nous pouvons regarder comme conf.
tante toutes les autres deviennent variables
au moment que celle ci commence à agir.
Mais comme jufqu'ici nous avons fupofé
notre folide d'une figure rectangulai
rẹ , & comme nous fçavons d'un autre côté
que l'action d'un fluide contre une furface
quelconque la determine toujours à fe mouvoir
fuivant une direction perpendiculaire
à elle même , fous quel angle qu'elle en foit
choquée , il convient de donner à ce folide
une figure femblable à celle que vous fupofez
aux Vaiffeaux , afin que non feulement
la comparaifon que nous en voulons faire
foit plus exacte , mais encore afin que nous
ayons la vraye direction des differentes puiffances
dont nous venons de parler ; ain
au lieu du rectangle de la figure 4 , fupofons
que le folide eft reprefenté par la figure
5 par là nous aurons 10, la direction
NP pour la puillance motrice,PG fera celle.
de la pefanteur , GP celle de la reaction.
du fluide , AP celle de la refiftance R A,&
enfin BP celle de l'impulfion du fluide QB.
62 MERCURE DE FRANCE.
•
Cela ainfi établi il eft évident que
ces quatre dernieres puiffances font en
équilibre au tour du centre de gravité G ,
& il faut bien que cela foit , puifque s'il ne
furvenoit aucune puiffance étrangere NP ,
le vaiffeau reſteroit immobile , & qu'il ne
fçauroit refter en cet état que toutes les
puiffances qui l'y maintiennent ne foient en
équilibre au tour d'un centre commun de
leurs efforts reciproques ; or ici, M. le centre
de gravité G eft ce centre commun
car dès que nous faiſons abſtraction de la
puiffance PN , les refiftances RA. Q B.
s'équilibrent & concourent avec les refiftances
CE. DF , pour faire équilibre avec la
pefanteur du vaiffeau qui agit dans la direction
PG ; c'eft donc en G centre de
cette pefanteur , où la reaction de toutes
ces forces doit fe reunir pour lui faire équilibre
, c'est donc là le centre commun d'activité
& par conféquent l'hypomoclion , &
fi vous en voulez une preuve encore plus
convaincante , la voici ; ôtez pour un moment
la refiftance CE , le Vaiffeau penche
ra fans contredit de A en H , Primo par
Feffort DF qui ne trouvant plus rien qui lui
faffe équilibre foulevera le vaiffeau de B en
I , 20. par l'excès de pelanteur acquis du
côté de A par la fuppreffion de la reſiſtance
CE , d'où vous voyez que la ligne AGB
prendra une fituation HGI; & que c'eft au
JUILLET 1746. 63
tour du centre de gravité G que s'eft fait
ce mouvement , c'eft donc là l'hypomoclion,
Donc & c.
:
ر
Faiſons agir la puiflance N P fuivant
la direction PN , & voyons ce que tout
ceci deviendra ; cette puiffance appliquée au
point P du mâr, PS tendra toute entiere
à faire mouvoir le navire de G en R , fi toutes
les refiftances qui s'oppofent au mouvement
étoient = O , mais fi ces reſiſtances
font réelles , une partie de la puiffance N
fera employée à leur faire équilibre , ou fi
Vous voulez à les vaincre & l'autre fera
cingler le navire il n'eſt pas beſoin de vous
obferver ici que cette derniere partie ne
fera que le furplus de ce qui fera confumé
par les refiftances qui ne font ici autre choſe
que le choc du fluide contre la prouë du
vaiffeau en A , & dont l'effort fe reduit à
la direction A P. & par conféquent l'effort
de la puiffance motrice doit le faire fuivant
la direction opofée P A , ce qui par décompofition
revient au même que fion appliquoit
une force ou un poids au point A
qui agiroit dans la direction AH , & une
refiftance oppofée HA , ce qui nous jetteraprecifement
dans le cas de l'art. ( 18 ) , ainfi
d'un autre côté le mât fait ici la fonction d'un
levier croifé , la puiffance N ne fçauroit agir
fur le point A , fans agir en fens con
traire au point A , car par la proprieté
64 MERCURE DE FRANCE
de ce levier l'action de la puiffance fe par
tage également de A en H & de B en I
c'est- à -dire qu'autant cette force agit dans
la direction AH , autant elle agit dans la
direction BI, ainfi relativement parlant , le
Vaiffeau devient d'autant plus pelant en A
qu'il devient plus leger en B , ce qui nous
ramene encore aux mémes articles ( 18 &
23 ) où il me paroît bien demontré que le
centre de gravité G doit être regardé comme
hypomoclion.
Voilà,M. les principales raifons qui m'ont
fait voir avec une elpece de furpriſe que
vous ayez attaqué les principes que M. Bouguer
a adoptés dans fon admirable mémoire
fur la mâture des vaiffeaux , ouvrage d'ailleurs
revêtu d'une autorité refpectable , &
qui m'ont engagé à vous demander celles
qui peuvent vous avoir determiné à prendre
un parti contraire. J'ajouterai à cela quel
ques dificultés dont votre nouveau ſyſtéme
me paroit faceptible.
y
Premiere nent l'autorité du célébre M.
Bernoully que vous reclamez , fera toujours
d'un grand poids auprès de
ceux qui connoiffent le mérite de ce grand
hom ne & la folidité de fes ouvrages , mais
permettez moi de vous repréfenter que l'application
que vous en faites ne fçauroit vous
étre avantageule qu'autant qu'on pourroit
JUILLET 1746. 6.5
regarder un vaiffeau comme un pendule
fuipendu au point où les deux directions de
fon balancement fe coupent , ou bien que
l'on fupoferoit ce point comme un axe autour
duquel le balancement du vaiffeau auroit
une espece de mouvement de roration ;,
or il me femble que vous n'étes ici ni dans
l'un ni dans l'autre cas , car outre que nous
avons vû ci - deffus que ce mouvement fe fait
autour du centre de gravité du vaiffeau ,
c'eft que fi on le confidéroit comme un pendule
fufpendu a un point quelconque au def
fus de la furface du fluide , il faudroit que
fon centre de gravité s'enfonçât beaucoup
plus dans le fluide lorfque le vaiffeau a une
fituation horisontale que lorfqu'il eft incliné
au plan du fluide , furtout fi le centre de
fufpenfion fe trouvoit peu éloigné du centre
de gravité , ce qui arriveroit fi la proue & la
pouppe n'étoient pas fort inclinées , car vous
fçavez , Monfieur , que tout pendule tel à
fon maximum de defcente lorfqu'il paffe par
la verticale de fon point de fufpenfion , or
le centre de gravité d'un navire qui feroit
dans une fituation horiſontale , feroit précifément
dans ce cas , puifqu'alors ce centre
feroit directement fous le point où les deux
directions du tangage fe coupent. Donc &c.
ce qui ne s'accorde ni avec les loix de l'hydroitatique
ni avec l'expérience , car vous
66 MERCURE DEFRANCE ;
fçavez mieux que inoi
que ce centre n'eft
jamais moins enfoncé dans le fluide que
lorfque le vaiffeau eft dans une fituation
horifontale à caufe de la plus grande quantité
de colonnes de fluide qui contre - balancent
alors fa peſanteur , & même à la
rigueur ce centre doit conftamment garder
une même profondeur quelques variations
qu'ayent d'ailleurs les autres parties du vaiffeau
, donc &c.
La même chofe arrivera fi vous confiderez
le vaifleau dans un mouvement
de rotation autour du point que vous regardez
comme hypomoclion , parce que le
centre de gravité feroit alors dans le cas de
l'extremité des rayons d'une rouë , qui ne
font jamais plus bas ou plus hauts que lorfqu'il
paffent par la verlicale de l'axe ou du
moyeu de la rouë , donc &c.
Mais pourquoi chercher à combattre une
hypothefe fur laquelle je n'ai d'autre deſſein
que de vous demander quelques éclairciffemens
? ne devrois - je pas plutôt defirer en
bon citoyen quelle fut exactement vraie ,
car fi cela étoit , la marine vous auroit des
obligations dont elle fentiroit journellement
le prix ? En effet d'après vos principes
, & fans rien changer à la mâture ni
à la difpofition des voiles , il dependroit de
vous de donner aux vaiffeaux une figure
JUILLET 1746. 67
telle qu'ils garderoient toujours une fituation
horisontale , quelques efforts que le
vent fit fur les voiles , il ne s'agiroit pour
cela que de faire incliner la proue & la pouppe
des navires jufqu'à ce que les directions
du balancement fe, coupaffent au - deffus de
la mâture , & plus cette interſection ſe feroit
au- deffus du centre d'impulfion du
vent , plus le vaiffeau feroit bon voilier. Car
fi , Fig. 5. l'hypomoclion étoit en P. & que
le centre des impulfions du vent ou de la
force motrice fut en K , le mât deviendroit
un levier du fecond genre , & cette force
bien loin de faire incliner le vaiffeau de A.
en H , elle le fouleveroit de A. en L , enforte
que la pefanteur du navire corrigeroit ce
foulevement & lui feroit garder une fituation
à peu près horisontale ; il fuivroit de
la que plus P. feroit au-deffus de K. plus le
moment du vent feroit grand , ainſi au lieu
de donner à la proie & à la pouppe l'inclinaiſon
CL . DM , il n'y auroit qu'à leur
donner la pente CD. DS , pour lors les
lignes de direction iroient fe couper en T,
& le moment du vent en K dans ce fecond
cas feroit à celui du premier comme KT . à
KP , ainfi on parviendroit par la à un point
de perfection où toute la force du vent feroit
uniquement employée à faire cingler les
navires , d'ou vous voyez que la feule incli68
MERCURE DE FRANCE.
naifon des proües & des pouppes cauferoit
des commodités qu'on n'a point encore /
rencontrées jufqu'ici ; il ne refte , M. qu'à fçavoir
fi l'experience veut bien fe foumettre à
des idées auffi flateuſes.
Au furplus je crois devoir vous prevenir
que toutes les raifons que j'ai alléguées contre
votre hypothéfe ne font pas des motifs affés
puiflans pour m'empêcher de l'adopter,
lorfque j'en ferai convaincu par les démonftrations
que vous voudrez bien nous en
faire .
J'aurois pu ajouter encore quelques réflections
, mais je m'apperçois que ma digref
fion commence à paffer les bornes d'une
lettre , auffi la finirai-je par vous affûrer ,
Monfieur , que quoique je ne fois pas abfolument
convaincu de la réalité de quelques
articles de votre livre , je ne fais pas moins
un cas très particuler de votre ouvrage en
général , c'eft une juftice qu'on doit à la fagacité
& à la netteté avec lesquelles vous
nous avez expliqué la plupart des operations
de la manoeuvre ; je me flate que de
votre côté vous voudrez bien me rendre celle
de me croire avec une confideration très dif
tinguée &c.
De-Genlane.
JUILLET 1746. 69
***
.
Sentimens d'un jeune homme en
quittant le monde .
ADieu , monde trompeur ; adieu monde perfide ;
Un nouveau jour me luit ; la vérité me guide.
Heureux d'être échappé de vos fers criminels ,
Vous ne me verrez plus encenfer vos Autels .
Affés & trop long-tems la fureur de votre onde
A conduit à fon gré ma barque vagabonde.
Retiré des dangers , content de mon bonheur ,
Je vais pour la vertu former mon foible coeur,
Vous Mufe , dont jadis l'affiftance funefte.
A tiré de ma main des vers que je détefte :
Vous qui m'avez preté des fons licencieux
Où mon efprit trompé trouvoit un goût honteux ,
Rayez de mes portraits la fotte affeterie
De tout beneft épris de la galanterie :
Ne montez plus mon Luth fur des tons diffolus : ]
Ne faites plus rougir les timides vertus .
Mufe , craignez encor par des vers peu fublimes
D'apporter le degoût dans d'infipides rimes ,
Mais brillante fans fard , formant de faints accordsj
Venez favorifer mes timides tranſports.
70 MERCURE DE FRANCE.
Uniffez-vous à moi ; chantons ma folitude
Où libre de tous foins , fans nulle inquiétude ,
Echappé du naufrage , affûré dans le Port
Je regarde fans peur les dangers & la mort,
Déplorable enchanteur toi qui dans ma jeunefle
M'as fait fuir mes devoirs & vivre fans fageffe ,
Ceffe , monde cruel , séducteur dangereux ,
D'obfcurcir ma raifon & fafciner mes yeux.
Sur ce trifte rivage où la fourbe & l'envie
Gouvernoient à leur tour ma malheureuſe vie ,
Une funefte yvreffe , un coupable bandeau ,
Otoient à mes regards le célefte flambeau.
Dans ces lieux la raifon , ce guide néceffaire ,
N'a point pour les mortels de quoi les fatisfaire.
On voit ces infenfés avides de plaiſirs ,
Rouler à chaque inftant de defirs en defirs .
Des viles paffions la troupe forcenée
Ourdit de leurs momens la trame infortunée ;
De la vertu , comme eux , je rejettai les loix .
Dans le vice avec eux je vecus autre fois .
De leurs penchans , des miens déplorable victime ,
Cherchant de vrais plaifirs , je n'y trouvois que
crime.
, Amateur des vrais biens , formé pour le bonheur
Mon efprit inquiet n'y put trouver qu'erreur .
Sous un mafque impofant vous n'êtes qu'injuſtice¿
JUILLET 1746, 7%
Sous des dehors trompeurs vous déguiſez le vice.
Allez , vous n'êtes plus l'arbitre de mes jours :
D'un autre que de vous j'efpere du fécours
Quelle fubite horreur s'empare de mon ame ?
Quel nouveau changement me conduit & m'enflamme
?
D'un Dieu victorieux je connois la faveur :
Par fon foufle divin il a changé mon coeur ....
Oui , grand Dieu , je reponds à ta grace puiffante
Tu parles , je me rends à ta voix bienfaifante.
Quand la brillante Aurore éclairera les Cieux ,
Pour te chanter , forti d'un fommeil ennuyeux ,
Je louerai mon Sauveur ; je verrai fa puiffance ;
J'oferai par mes voeux chercher fon affiftance .
Peuples , accourez tous , célébrez le Seigneur :
Adreffez vos défirs à ce Dieu Créateur ;
Celui qui du néant a tiré la Nature ,
Exige de nos coeurs l'adoration pure ,
Ses-bienfaits , mes befoins , montreront fa douceur
Ses graces , mon repos , feront voir mon bonheur
Dans ces facrés valons au trouble inacceffibles
Sont des faintes vertus les demeures paiſibles.
Puiffai-je ainfi toujours dans ce féjour heureux ,
Satisfait de mon fort vivre pour les Cieux !
72 MERCURE DE FRANCE.
કટુ ડે મે
EPITH ALAME
Sur le mariage de M... ancien Garde du
Roi Lieutenant de Roi à ·
Sur l'air , Nous vivons dans l'innocence.
Pourquoi faire la cruelle ?
Ce font des foins fuperflus :
Paffe quand on n'eft pas belle ,
On (q) nous en aime un peu plus ,
Mais pour un joli modéle ,
Oh ! Ma foi c'eft un abus.
Vouloir dans l'indifference
Filer triftement fes jours ,
C'étoit braver la puiffance
Du tendre Dieu des Amours :
Quand il tarde ſa vengeance
Il nous punit pour toujours,
C'eft ainfi , belle Silvie ,
(a) Co couplet a été chanté par une Dame , & les
fuivans par différentes perfonnes.
Qu'en
JUILLET 1746. 73
Qu'enfin un fidel amant
Qui vous avoit poursuivie
Pendant long-tems vainement
Rend heureuſe votre vie
En finiffant fon tourment ,
***KOK******
VERS à mettre en chanson à Mile.
R ....
A Imable ver à foye ,
Que ton fort eft charmant !
Tu files dans la joye
Tes jours tranquilement ,
Et tu meurs en aimant :
Que ne puis-je de même
Jouir de ce bonheur fuprême !
Mais non ..je ne fuis point jaloux d'un pareil fort ;
Dans l'amour feul tu mets toute ta gloire ,
Mais l'amour te donne la mort ,
Et tu paffes tes jours fans boire,
Laiglon.
74 MERCURE DE FRANCE.
* *** ** ** ** ** ** ****
MADRIGAL à Mlle. Ar ... de....
V Ous m'accordez , Iris , une amitié fidelle ,
Mais fans vouloir devenir moins cruelle ,
Vous me refufez durément
La qualité d'amant :
La fincére amitié , dites- vous , dans une ame
Ne peut fouffrir une amoureufe flamme,
Eh ! pourquoi faire , Iris , les chofes à demi ?
Un tendre amant n'eft-il point un ami ?
LE PRINTEMS , IDYLLE,
D Eja de mille fleurs la campagne eft parée ;
Et déja le fougueux Borée
Qui couvroit nos vergers de neige , de frimats ,
Fuit loin de ces heureux climats ,
Déja j'entends de Philoméle
Les doux & les charmans concerts ;
Déja mille troupeaux divers
Bondiffent fur l'herbe nouvelle.
Tout refpire en ces bois les jeux & les plaiſirs ;
Ici dans un fombre bocage
JUILLET 71 1746 .
Tircis dit aux échos fes peines , fes defirs ,
Et Life qui l'entend à couvert du feuillage
De ce jeune Berger écoute les feupirs.
Des biens que le Ciel nous difpenfe
Rien n'altere en ces lieux l'aimable jouiffance,
Et nous croïons que chaque jour
Eft un don de la Providence .
Que j'aime des forêts le calme & l'innocence!
Le menfonge trompeur , la haine , la vengeance,
N'habitent.point dans ce féjour :
On fçait s'amuſer tour à tour ,
Et l'on s'inftruit fans qu'on y penſe.
Sans defirs , fans ambition ,
Sans indigence , fans richeffe
Au gré d'une aimable paroffe
Coule la converſation .
Les erreurs de l'opinion
Dont nous connoiſſons la foibleffe ,
Ne troublent point notre raifon ;
Les excès d'une paffion ,
Ni la froide & trifte fageffe
N'altérent point notre union.
Laiffons les Elemens fe faire entr'eux la guerre ,
Et laiffons les foibles humains
Trembler au feul bruit du tonnerre.
Sans s'inquiéter fi la terre
A divers mouvemens inégaux , mais certains ,
Coulons ici des jours tranquilles & fereins.
Dij
76 MERCURE DE FRANCE
De notre tourbillon franchiffent la barriere
Notre ceil peut - il appercevoir
Qui régle du Soleil l'étonnante carriere ?
Peut-on fe flater de fçavoir
Les caufes des couleurs , celles de la lumiére ?
Pourrions nous jamais concevoir
Quelle eft la forme & la matiere
De tous ces tourbillons dans l'Eter balancés ,
Qui fe pouffant toujours , font toujours repouffés
Ah ! Joüiffons des biens que donne la nature
Sans vouloir penetrer les refforts , fon fecret ;
Bornons nous à jouir fans foucis , fans murmure
Des biens que pour nous elle a fait.
A Geneve , ce 26 Février 1746.
J. B. TOLLOT.
મકાન
VERS à Mlle . Dangeville.
Dangeville , aisément qui pourroit fe deffendre
Lorfque du Dieu d'Amour yous empruntez la voix ?
Yos yeux font fi puiffants ; leur langage eft fi
tendre
Que tout , jufqu'à ce Dieu fe foumet à vos loix ,
Duclairon,
JUILLET 1746 17
…
gre-
CARACTERES de la véritable
Grandeur. Ea qui noverint de
mio computabuntur . Par M.S. de S.
AVÍS DE L'AUTEUR.
UOI qu'en deffinant ces caractéres je
me fois propofe quelqu'un à peindre , je
ferois encore plus flatte de les voir appliquer
comme à l'envi à plufieurs Grands du monde ,
que fi l'on n'y reconnoiffoit que le portrait d'un
feul. Je facrifierais avec joye la petite vanité
davoir attrappé mon modéle & d'avoir peint
d'après nature , à la fatisfaction fi douce pour
un Citoyen de vivre parmi des Héros. Heureux
le fiècle qui a vû naître tant de Grands
Hommes fi dignes de former la Cour du plus
fage , du plus aimé & du plus vaillant des
Rois !
Dij
78 MERCURE DE FRANCE.
CARACTERES de la véritable
grandeur.
Lle eft quelquefois où on ne l'at-
E tend point , elle n'eſt pas toujours où
on croit la voir.
Les dignités peuvent lui fervir de décoration
, elles font des moyens accredités de
la faire refpecter. Elles ne la font
pas ; elles
la fuppofent. La véritable grandeur étoit
avant les dignités.
Elle eft dans l'exercice de la puiſſance ,
c'eſt l'éloge du génie qui en eft chargé.
Elle eft dans l'ame , c'eft la dignité naturelle
de l'homme.
Elle est dans le maintien , c'eft l'impreffion
de la nature , fans ceffe renouvellée , ou
tou ours fubfiftante .
Elle et dans les maniéres , c'eft le fruit
de l'éducation,
La véritable grandeur n'eft pas dans le
fafte fi le fafte eft feul ; el e n'eft pas dans
un cortége nombreux s'il n'annonce qu'un
Dieu d'Egypte ; elle n'eft pas même dans la
munificence , fi une main éclairée n'en ouvie
les fources .
Mais quand la liberalité dédaignant la
JUILLET 1746. 79
profufion répand avec choix & avec nobleffe
, quand le Héros efface le cortege qui
l'environne , quand il embellit le fafte qui
l'annonce , je reconnois là même la véritable
grandeur.
Je vois alors dans les plus hautes dignités ,
moins une fucceffion continuée , qu'une récompenfe
légitime du mérite qui fe reproduit
dans le dépôt de l'autorité la plus abfolue
, & du commandement le plus décifif,
je vois un témoignage de la confiance dû à
la prudence & à la valeur .
:
-
Les plus fublimes qualités de l'ame , qui
font la véritable grandeur de l'homme ,
lui fervent en méme tems à mériter les
plus grands emplois & à les foûtenir. C'eſt
là qu'il trouve l'intrépidité dans les périls ,
la modération dans la profpérité , une prévoyance
tranquille dans les revers , la fageffe
dans les conjonctures difficiles , l'habileté
à manier les efprits, & cette hauteur de
fentimens qui éleve l'ame au- deflus des petites
intrigues , des vils intérêts & des faux
préjugés qui agitent les hommes. C'eft ainfi
que les montagnes elevées voyent les tempêtes
fe former au- deffous de leurs cimes
inconnues.
La nobleffe dans les maniéres eft encore
un des caractéres de la grandeur . Les maniéres
nobles font un compofé , & comme
Diiij
80 MERCURE DE FRANCE ,
un extrait de tout ce qu'il y a de plus exquis
, de plus délié & en apparence de plus
oppofé dans les fentimens de l'ame.
Il y entre je ne fçais quoi de facile & d'impofant
, de fouple & de fier , de franc & de
réſervé. C'eſt un mélange heureux de gravité
& d'enjouëment , de modeftie & de confiance
, d'indulgence & de févérité.
Tous ces rapports fi frapans , toutes ces
proportions fi bien gardées , font juger qu'il
y a un inftinct fublime plus fûr que la raifon
, plus prompt que la réflexion qui ſaiſit
toujours l'apropos , & qui fçait varier habilement
les tons des couleurs & leurs
nuances.
La véritable grandeur ſe déclare dans l'air
& dans le maintien , comme dans les manieres
, par une grace & une décence qui
n'appartiennent qu'à elle.
Ce n'eft pas une gravité auftére & infléxible
, qui déconcerte , qui décourage ou
qui irrite : c'eft une férénité qui promet la
condefcendance , un certain accord des
yeux entre le grand qui écoute & ceux qui
lui parlent , qui accepte leurs difcours , qui
y répond , qui invite , qui aide à penfer en
core. L'air , le maintien défignent , fi je l'ofe
dire , la contenance , le maintien de l'ame ;
elle fe peint dans les differens jeux de la machine
qui eft à fes ordres .
La véritable grandeur n'eft point dédaiJUILLET
1746. 81
gneufe . Elle fçait que chacun , que chaque
chole peut avoir fon utilité , fon application ,
fon ufage . Elle démêle dans les fujets une
valeur qui y eft toujours & qui eft dérobée
fouvent par le préjugé , par la précipitation
ou par l'injuſtice.
Comme elle est éclairée & qu'elle embraffe
tout , elle ne trouve rien de petit , de
bas & de méprifable , que l'ignorance , la
malignité , la fraude , l'envie & leurs detef
tables complots.
Il eft une grandeur fimple & fans appareil
, une grandeur interieure , qui ne ſe
décele que par des traits échapés d'une vertu
inalterable. On le fçait , elle peut le trouver
quelquefois avec l'obfcure naiffance , &
même avec la pauvreté. Je l'admire peutêtre
autant que la grandeur décorée par les
titres , & foutenue par l'autorité , mais elle
m'attache moins. Elle ne fçauroit faire des
heureux hors d'elle- même.
L'une eft un bien particulier , purement
perfonnel , tout au plus une vertu d'édification
dans une fphére très- refferrée ; l'autre
eft un bien public , une vertu active &
féconde qui fait en même -tems la gloire &
le bonheur de l'humanité.
La véritable grandeur , telle que je l'envifage
, eft généreufe , bienfaifante. Elle eft
D v
82 MERCURE DE FRANCE.
1
>
l'appui des foibles , l'azile des malheureux, la
reffource des oprimés , le fleau de l'injuſtice .
Elle fait gloire de ceder à la puiffance de la
raifon , & à la force de la vérité , mais elle
brife les vains efforts de l'envie, elle confond
les artifices du menfonge . Ainfi la véritable
grandeur couvre de gloire ceux qui en portent
la précieuſe empreinte , & elle eſt la
fource de la félicité publique.
Pour ramener à nous (a ) les reflexions
que j'ofe propofer fur la véritable grandeur
, elle regarde l'étude des Lettres comme
un bien de l'Etat , ceux qui les cultivent
comme des Citoyens dignes d'attention
. Elle fçait eftimer , chérir , rapprocher
d'elle ceux qui y excellent. Pourvû que
leus fentimens répondent à leurs talens ,
pourvû que leur cur foit digne de leur
efprit , elle ne dédaigne point leur commerce
, elle leur permet jufqu'au titre d'ami.
Dans cette fociété fi honorable principalement
pour qui l'a formée , focieté fondée
fur le vrai mérite , maintenuë par la
verta & animée de part & d'autre par le
défir de la gloire , qu'il eft beau de voir les
Héros reconnoître & montrer au monde que
le génie & la valeur menent également à
(a) Aux Gens de Lettres.
JUILLET 1746.
83
Timmortalité ! On a dit que c'étoit regner
que d'enfeigner l'art de regner : ainfi les
grands participent à la gloire des talens
qu'ils protégent.
L'ufage le plus loüable & le plus noble
que les gens de Lettres puiffent faire de
leurs talens c'eſt de célébrer leur reconnoiffance
des facrifices qu'il doivent aux
condefcendances de la grandeur. C'eft la
louer fans affectation , c'eft fe loüer foi même
avec modeftie. Ainfi Horace & Virgile
ont tranfmis leurs noms à la pofterité avec
les noms d'Augufte & de Mécene.
Ceux qui ne cherchent à gagner l'amitié
des grands que par des baffeffes , ne font
pas dignes de l'obtenir : les grands qui n'accordent
leur faveur qu'à l'adulation & à la
fervitude , ne méritent pas qu'on la leur
demande .
D'un côté le vrai , mérite & une fage liberté
, de l'autre le difcernement & la puiffance
: c'eft dequoi perpétuer l'honneur des
Lettres & la gloire des grands.
Occupé de foins importans & deftinés à
agiter les plus grands interêts , les Dieux de
la terre ne peuvent pas toujours converfer
avec les hommes. C'eft affés pour les gens
de Lettres , que les grands cherchent à les
apprécier , qu'ils veuillent juger ceux qu'ils
auroient pu farpafler , qu'ils fçachent aimer
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
ceux qu'ils doivent encourager , & qu'ils
rendent aux Lettres par leur protection ce
qu'ils en reço vent par de juftes éloges.
En me pardonnant la foibleffe de l'exécution
, on m'oppofera peut- être que mes
caractéres ne font pas vraisemblables ; je le
croirois affi , mais on ne peut déſavouer
qu'ils ne foient vrais. Je l'ai annoncé ; mon
deffein n'a pas été de compofer un tableau
d'imagination , j'ai tâché de faire un portrait
reffemblant,
A Madame la Comteffe d'A ....
Pour jouir de fanté parfaive
Secouez le joug rigoureux
D'Efculape dont l'étiquette
Eft elle feule un mal affreux.
Telle qu'Apollon loin des Cieux ,
Et gardant les troupeaux d'Admette;
Embelliffez votre retraite ,
En faifant éclore en ces lieux
L'efprit , le goût , les arts , lesjeux ;
Ranimez même un vieux Poëte ,
JUILLET 1746 . *
P
Qui jeune rimoit un peu mieux ,
Et pourroit encor fous vos yeux
Reprendre en main lyre , & mufette ,
Entonner même la trompette ,
Pour célébrer nos demi Dieux ,
De nos hommages fatisfaite
Oubliez la Cour tout à fait
Et de Paris qui vous regrette
Ne regrettez rien en fécret.
De Sallins (a la reforme eft faite,
Réformez Gaucher & Vinet , ( b)
Et prenez pour toute recolte
Propos joyeux à la toilette ,
Docte lecture au Cabinet ,
Ragoûts fins , friand entremêt ;
Sur le tout une main complette
Et même deux au lanfquenet,
(a) Habile Medecin.
(b) Apoticaire & Chirurgien ,
86 MERCURE DE FRANCE.
* SS XXXXX
A Mile. de G ...
de fa Fête.
pour le jour
DEpu's votre dernier billet ,
Qui m'apprend quelle eft votre fête ,
J'ai tenu les amours en quête
Pour vous compofer un bouquet ;
Mais c'eſt en vain belle Sylvie ,
Que j'ai compté fur leur fecours ;
Quel état plus digne d'envie
Si leurs voeux profpéroient toujours !
Honteux de rentrer les mains vuides ,
Et fur tout dans cette faifon >
Le coeur gonflé , les yeux humides ,
En tremblant l'un des moins timides ,
Vient de m'en rendre la raiſon :
C'est le Printems qui fait éclore ,
Les fruits de Zephire & de Flore ,
Et fans Sylvie , & fes atours ,
Vous fçavez s'il eft de beaux jours !
Nous en fommes inconfolables ,
M'ont dit ces petits miferables ;
Malgré nos foins & nos efforts
Nous n'avons vû que fleurs paffées ,
Et plus rien d'entier , fur'ces bords ,
Que des foucis & des pensées ,
,
Le Chevalier de P ....
JUILLET 1746.
87
LA PAIX DU COEUR ,
ODE .
Loin de moi préjugés frivoles ,
Vaine fcience , faux honneur ,
Du mortel égaré méprifables idoles ,
Tyrans de l'efprit & du coeur.
Victime trop long-tems du pouvoir de vos char
mes ,
Dans de pénibles foins & de longues allarmes
fouhaité. J'avois cru retrouver un repos
Montre toi , Dieu puiffant ; venge ma deftinée ;
Sous ton joug déſormais ma raifon enchaînée
Voit la paix & la liberté.
A de honteux travaux fidelle ,
Dévoré par la foif de l'or ,
L'avare aux yeux hagards ſe tourmente , amoncelle
Bien fur bien , tréfor fur tréfor .
Marbres , lambris dorés , vaſtes palais , richeſſes ›
En vain vos faux attraits , vos flateuſes promeſſes ,
Offrirent à fes yeux un tranquille bonheur :
$8 MERCURE DE FRANCE
Des défirs effrénés le feu le déſeſpere ;
Et dans fa paſſion inflexible mégére ,
Sa fortune fait fon malheur.
De bienfaits une main chargée
Vient couronner l'ambitieux :
Rangs , titres , dignités : il touche à l'apogée,
Objet de fes fuperbes voeux.
Du palais des grandeurs franchiffant le dédale ,
Vainement cent rivaux fous leur trame fatale
Ont crû voir fes projets & fon nom confondus :
Il triomphe, Que vois-je ? ô difgrace imprévûë !
Auffi prompt que l'éclair qui vole de la nuë
Son triomphe n'eft déja plus.
Précedé du glaive homicide
Semant l'épouvante & la mort ,
Fils & rival de Mars, le guerrier intrépide
Des peuples va fixer le fort ;
Sans ceffe couronné des mains de la victoire ,
Mille fleuves de fang portent au loin fa gloire.
Quels honneurs , quels plaifirs attendent ce vainqueur
?
Dégoûté des lauriers où fa grandeur fe fonde ,
Ce qu'il fit n'eft plus rien : il cherche un nouveau
monde
Pour théâtre de fa fureur.
Mais que la gloire & la richeffe
JUILLET 1746.
Loin d'affûrer de doux plaifirs ,
Livrent l'homme qui boit leur coupe en chante
reffe
Aux plus impetueux défirs !
Pour trouver du repos le favorable azile
La fcience peut-être ouvre un chemin facile ;
L'univers n'aura plus ni voiles , ni ſecrets ,
Et bientôt enrichi d'une vive lumiere
L'efprit s'ouvrant des Cieux la ſublime carriers
Voit les cauſes & les effets,
Dupe de fon hardi génie
Je vois le Philofophe vain ,
Des aftres pénétrer les refforts , l'harmonie ,
Prendre le compas à la main :
Demander à fon Dieu raifon de ſon ouvrage ;
Ici lui refufer , là donner fon fuffrage ;
Changer dans fon délire & la terre & les Cieux ,
Et créant un ſyſtême où le menſonge regne,
Ne fe mettre audeffus du peuple qu'il dédaigne
Que par des écarts orgueilleux.
Que font , grand Dieu , nos connoiffances,
Qu'un tiffu confus , incertain ,
Si tes perfections , les dons que tu diſpenſes ,
Et ta loi n'en font pas la fin !
Que nous fert de percer des tems le voile fombre,
Parcourir les foleils & les mondes fans nombre
Dont ta main inviſible eft le fage moteur
90 MERCURE DE FRANCE.
De mille Etres fonder l'effence & la figure ,
Si nous ne nous joignons aux cris de la Nature
Pour bénir fon divin auteur.
!
Loin donc tout objet périffable
Dont je fus follement épris :
Des merveilles d'un Dieu , de fa grace adorable
Heureux qui reconnoît le prix !
Il parle , je l'entends ; un vif raïon m'éclaire ;
Sa clémence fufpend les traits dont fa colere
Frappe févérement le prévaricateur ,
Et dé a méditant fa volonté fuprême ,
Et fur elle réglant l'étude de moi- même ,
Je rencontre la paix du coeur.
Fille du Ciel , paix défirable ,
Toujours tu fuis l'homme innocent ;
Telle tu fais couler ta douceur ineffable
Sur les jours d'un Roi triomphant .
L'équité dans fes mains a remis le tonnere ;
Peu touché de fe voir l'arbitre de la terrę,
En vain fa gloire parle , il combat pour la paix.
Fuyez Héros vantés de Cartage & de Rome ;
Ce qui fait le héros dans lui releve l'homme ;
Son coeur ennoblit fes fuccès.
J. B. R. C. du Couvent de Saint Bonaventure
DE LYON.
JUILLET 1746 .
NOUVELLES LITTERAIRES,
Gro
DES BEAUX ARTS , & c.
RAMMAIRE Italienne , pratique & raifonnée
par
Mr. l'Abbé Antonini , à Paris
1746, in 12 chez Prault fils.
L'étude de la Langue Italienne eft avec
juftice en vogue parmi nous , mais il faut
avouer que la litterature de cette nation nous
eft trop peu familiere ; M. de Mirabeau nous
a fait conoître par d'excellentes traductions.
les chefs d'oeuvre du Taffe & de l'Ariofte ;
on a traduit le Decameron de Bocace , l'Hif
toire de Guicciardin , mais il s'en faut bien
que nous connoiffions tous les bons livres qui
font en grand nombre en Italie . C'eft chés
les Italiens que les Lettres & les Arts ont
commencé à renaître , elles y ont brillé avec
le plus grand éclat tandis que nous étions
encore dans la barbarie , & il le faut avouer
leurs trefors litteraires font au moins égaux
aux notres , lefquels furpaffent de beaucoup
ceux de toutes les autres nations pris enfemble
; fans parler des grands Poëtes que nous
avons cités , & d'un nombre confiderable
d'autres qui méritent quoiqu'inferieurs
un rang diftingué , l'Italie moderne a produit
autant d'excellens Hiftoriens que l'Ita
92 MERCURE DE FRANCE.
lie & la Grece ancienne. Machiavel, Nani į
Juftiniani , Guicciardin peuvent fans fanatif
me être comparés aux plus fameux Hiſtoriens
de l'antiquité ; les Italiens ont encore
cet avantage d'avoir en leur Langue d'excellentes
traductions de tous les grands Auteurs.
Tacite dont la diction ferrée , precife & forte
eft fi difficile à traduire , eft rendu en Italien
avec une préciſion égale à celle de l'original.
Si nous connoiffons trop peu cette litterature
fi abondante & fi brillante , il faut
s'en prendre au peu de commerce que nos
libraires ont avec l'Italie & non au deffaut
de notre goût ; nous ne fommes que trop
portés à rechercher les livres étrangers : combien
avons nous vû depuis 25 ans de livres
Anglois tant bons que mauvais traduits en
François ? n'attribuons cette preference qu'à
la facilité du commerce , car quoique des
gens de beaucoup d'efprit aient voulu accre
diter la prévention qu'ils avoient en faveur
de nos voisins , la diftance eft fi grande
entre la litterature Angloife & la notre qu'ils
n'ont pû reuffir à faire fecte.
M. l'Abbé Antonini Auteur de cette nouvelle
Grammaire en a déja donné deux au
public , on doit lui fçavoir gré de fe rendre
juftice fur des ouvrages qui étoie..t à bien
des égards eftimables , mais cette modeſtic
1 JUILLET
1746.
"}
+
eft l'appanage des bons efprits ; on s'avoue
fans honte qu'on a mal fait quand on ſe ſent
des reffources pour faire mieux ; nous ne
nous étendrons point fur le plan nouveau
qu'à fuivi M.l'Abbé A. Cette difcuffion nous
meneroit trop loin ; en général fa méthode
nous a paru claire & facile .
Nous nous contenterons de dire que ce
livre eft fort utile , puifque c'eft la meilleure
grammaire Italienne qui ait paru juſqu'à préfent
, & que de toutes les langues vivantes ,
c'eft celle que les amateurs des Lettres
doivent avoir le plus d'empreffement de
fçavoir , yû la grande quantité des bons
livres .
M. L. A. dit dans fa préface qu'elle eft la
plus riche & la plus abondante de toutes
& qu'elle furpaffe même la Grecque & la
Latine ; nous conviendrons de ce qu'il avance
que la langue Grecque n'a que trentedeux
mille mots , & que la premiére édition
du Dictionnaire de la Crufca en contenoit
trente-huit mille , mais quand il fait honte
aux Latins & aux Grecs de n'avoir qu'un
mot pour exprimer clout, & qu'il fe recrie
fur l'avantage qu'ont les Italiens de pou
voir diftinguer dix ou douze efpeces de
clous , nous ne pouvons nous empêcher de
regarder cette abondance plûtôt comme une
yaine oftentation de fuperfluités que com
94 MERCURE DE FRANCE.
me une richeffe & une magnificence reélle ,
& il pouvoit vanter à plus jufte titre la multiplicité
des tours de la langue Italienne.
Les Langues font faites pour rendre les idées ,
plus elles peuvent en exprimer , plus elles
peuvent en renfermer en peu de mots , plus
elles font abondantes ; voilà leur veritable
richeffe , mais qu'une langue ait mille mots
pour exprimer un clou , fi elle n'a pas un
tour de plus , elle n'en fera pas plus riche,
Ily aune reflexion importante à faire fur les
langues , elles font originairement compofées
de mots qui exprimoient des chofes materielles
telles qu'un clou une table &c , & de
mots qui expriment des actions phyſiques
telles que renverfer la table enfoncer le clou:
des mots pour exprimer les fentimens , les
penſées, il n'y en a point , on n'a pû que ſe
fervir des metaphores tirées des mouvemens
ou des chofes phyfiques. Quand on parle de
ce qui touche , qui remue , éleve l'ame , ne
font ce pas là des idées metaphoriques prifes
des mouvemens phyliques ? tout en eft
reduit là ; fi l'on veut expliquer ce que c'eſt
qu'un homme en colere , il faudroit dire les
actions phyfiques que lui fuggere la colere,
ou avoir recours à la metaphore pour expliquer
l'état de fon ame. Cela étant, comme
la quantité des idées phyfiques eft égale chés
toutes les nations policées , toutes les langues
JUILLET 1746. 95
"
font également riches à cet égard , la difference
eft dans la quantité des metaphores &
des tours qui expriment les affections de l'ef
prit & du coeur. Ces metaphores ont été
trouvées par des gens d'une imagination plus
vive & plus brillante que leurs contempo
rains , elles les ont d'abord étonnés & elles
ont enfuite paffé dans l'ufage ordinaire ; il
n'y a point d'artifan qui ne fe ferve familierement
d'expreffions qui pafferoient pour
des metaphores outrées , fi l'ufage ne nous
avoit pas, pour ainfi dire, blafés fur leur force
, & cela eft fi vrai , que ce font les langues
qui ont été plûtôt cultivées qui font les
plus riches : Quelle langue plus riche que la
Grecque ? Les Latins durent l'abondance de
la leur au commerce qu'ils eurent de bonne
heure avec les Grecs , lefquels n'avoient pas
tardé à polir leurs moeurs & leur langue ;
les Italiens fe font fentis de l'avantage d'habiter
le même pays que les Latins ; le François
, & toutes les langues des peuples venus
du Nord ont été trop long tems la langue,
d'un peuple barbare , qui s'étant policé à
demi , s'étoit fait une mauvaiſe fyntaxe , que
T'habitude avoit trop bien confacrée quand
eft venue la renaiffance des lettres pour qu'il
fut poffible d'y remedier. Il y a bien de l'apparence
que c'est là la veritable caufe de la
Superiorité reelle que la langue Italienne a
fur la nôtre.
96 MERCURE DE RRANCE.
LA BOUCLE DE CHEVEUX ENLEVE'E , Poëme
heroi comique compofé en Anglois par M.
Pope & traduit en vers François par MM . A.
Paris 1746 chés Jacques Clonfier in 12.
On a fait des traductions eftimables de
plufieurs ouvrages de M. Pope , & cet écrivain
eft connu avantageufement en France ;
ce Poëme avoit été traduit en profe il y a dejà
plufieurs années : c'eft un ouvrage dans le
genre du Lutrin & de Vertvert , & c'eft - là fi
peu le genie des Anglois qu'il n'eft pas néceffaire
de dire qu'il eft bien loin d'avoir
l'agrément de l'un ni de l'autre , mais ce n'eſt
pas le rabaiffer que de lui affigner une place
au deffous de deux Poëmes qui en tiennent
une fi honorable dans notre langue , & quelque
rang que M. Pope ait tenu en Angletere
il n'eft pas fait pour être comparé , du moins
à cet égard, ni à l'un ni à l'autre des Auteurs
que nous venons d'indiquer.
La meilleure façon de juftifier le choix
du fujet de ce Poëme feroit de dire que
c'étoit une gageure de l'Auteur , mais en
avouant que nous ne pouvons rien dire de
mieux en fa faveur , il faut rendre juſtice à
la façon dont il l'a rempli ; le public n'attend
pas de nous que nous nous étendions beaucoup
fur cette matiére , c'eſt de la traduction
plus que de l'original que nous avons
A lui parler; la verfification eft facile &
agréable
JUILLET 1746. 97
agréable ; citons- en quelques morceaux pour
mettre le lecteur en état d'en juger ; voici le
tableau de la toilette d'une belle qui fe trouve
à la fin du premier chant.
Elle approche à pas lents d'une table facrée...
Myftiquement rangés des vafes de vermeil
Des offrandes du luxe y forment l'appareil.
Belinde dévoilant fa longue chevelure
Adore en habit blanc les Dieux de la parure ;
Une image celefte éclate en un miroir.
Sur ce divin objet qu'elle ne peut trop voir
Elle attache fes yeux , l'admire & fe proferne ;
De cette Deité prêtreffe fubalterne ,
Silvie étoit au bas de l'autel enchanté ,
Brigé par le luxe & par la vanité .
L'autel eft embelli ; la timide prêtreffe
Par les rits folemnels honore la Deéffe.
Pour orner fes attraits deja font decouverts
Les précieux tributs de la terre & des mers.
: Mille flacons remplis des parfums de l'Afie
Exhalent dans les airs une odeur d'ambroifie.
On voit dans des écrains un tas éblouiffant
Des tréfors que Phoebus fait éclore en naiffant
Là l'écaille & l'yvoire en peigne font rangées ,
Et l'epingle & l'eguille en efcadrons rangées.
Parmi les billets doux font placés au hazard
* Ce foxt des Diamans que l'Auteur a fans doute
voulu dire.
E
98 MERCURE DE FRANCE
1
La poudre & les parfums , les romans & lefard,
La celefte beauté prend fes puiffantes armes ,
Son front à chaque inftant reçoit de nouveaux
charmes ;
Ses graces , fes attraits femblent fe réveiller ;
Ses yeux d'un feu plus'vifcommencent à briller ;
Son fourire eft plus doux ; le teint de l'immortelle
Prend infenfiblement une fraicheur nouvelle ;
Autour d'elle empreffés les Sylphes amoureux
Embelliffent fa tête , arrangent fes cheveux ;
Ils donnent à fa manche une forme galante ,
Ils étalént les plis de fa jupe flotante ,
Et Silvie admirant un éclat fi parfait ,
De l'adreffe d'autrui s'applaudit en fecret.
Suivons Belinde un moment & voyons
la fortir de få toilette.
Vifs comme fa penſée , & non moins inconftans
Ses yeux fur mille objets tombent en même tems.
Aux mortels empreffés qui volent fur les traces
Elle accorde un fourire , & jamais d'autres graces ;
Sans déplaire aux amans , fevere avec bonté ,
Elle fçait mettre un frein à leur témérité.
Comme l'aftre du jour dont elle eft la rivale
Elle verfe autour d'elle une lumiere égale ;
Elle fçait déguifer fous un voile charmant
Ses défauts ( en eft- il avec tant d'agréments ? )
Si de ceux de fon fexe il lui refte une trace ,
Un feul de fes regards , un fourire l'efface.
Pour le tourment des coeurs , & le plaifir des yeux
?
•
4
JUILLET 1746...
99
Elle laiffoit flotter deux boucles de cheveux
Dont les ondes roulant fur fa gorge naiffante
Ombrageoient de fon col l'yvoire éblouiffante.
L'Amour avec ces noeuds qu'on ne pouvoit briſer
Enchaînoit les mortels qui l'ofoient mépriser ,
Et dans ce labyrinthe une ame embarraſſée
Ne regretta jamais fa liberté paffée .
A l'aide des cheveux fouven: nous amorçons
Les volages oifeaux , les timides poiffons ;
Non moins imprudens qu'eux , auprès d'une inhumaine
Des cheveux quelquefois la force nous enchaîne .
Des boucles de Belinde un Marquis eft charmé,
Le Marquis trouve en effet le moyen de
couper une de ces boucles . Envain les Sylphes
veillent autour de Belinde , ils ne peuvent
empecher le coup fatal . Belinde elt défefperée.
1
Non , l'on ne pouffe point des cris fi douloureux
Lorfque la pâle mort de fes voiles affreux
D'un époux ou d'un chien va couvrir la paupiere,
Ou qu'une porcelaine eft réduite en pouffiere.
Nous allons encore citer un morceau où
M. Pope a imité le Sonnet fameux de Scarron
fur fon pourpoint percé au coude. Les
Anglois font affés fujets à nous piller , ils
mettent Corneille , Racine , Moliere, à con-
E ij
Too MERCURE DE FRANCE,
tribution , & affectent d'en parler avec mêpris
dans le temps même qu'ils les volent,
Le fer ravage enfin ce qu'épargne le tems ,
Il frappe les humains , abbat leurs monumens ;
Des mains des immortels il a détruit l'ouvrage ,
Il a caché fous l'herbe Ilion & Carthage ,
Et Rome fuccombant fous fes coups obítinés
Trois fois s'enfevelit fous fes murs ruinés .
Ne t'étonne donc plus , o Nymphe inconfolable ,
S'il foumet tes cheveux à fa force indomptable .
Le Sonnet de Scarron n'étoit pas luimême
original, On trouve dans le Poëme
de la Secchia rapita , une foule d'exemples
où du ftyle le plus fublime on deſcend au
plus comique.
NOUVEL ABREGÉ CHRONOLOGIQUE
de l'Hiftoire de France , & c.
Lorfque nous avons annoncé la feconde
dition de cet ouvrage , nous avons expofé
avec notre fincerité ordinaire le jugement
impartial que nous en avions porté. Nous
avons eu le plaifir de voir le public adopter
tous les éloges que nous avons donné à cet
excellent ouvrage , & même encherir fur
nous , mais nous avons appris que quelques
perfonnes auroient fouhaité que nous feur
JUILLET 1746 101
rendiffions un compte plus détaillé des augmentations
dont ce livre eft enrichi. Nous
ne pouvons nier que leurs plaintes ne foient
fondées , mais notre juftification eft auffi fans
replique , nous la trouvons dans les bornes
mêmes de notre livre qui ne nous permettoient
pas d'entretenir le lecteur fur cet ouvrage
auffi long tems que nous l'aurions défiré
, mais nous avons toujours la plume en
main pour nous corriger , & nous allons revenir
encore à cet ouvrage , que nous ne
quittâmes qu'à regret le mois paflè . .
On trouve à la page 138 un article où
l'Auteur renferme en peu de mots tout ce
qui concerne les appanages & où il dévelope
les differents états par lefquels ils ont
paffé ; c'est ici le réfultat d'une longue &
fçavante differtation , & ceux qui connoiffent
le prix des travaux litteraires , fentent combien
il en coute pour donner en peu de
mots , fans que la précifion nuife à la clarté,
un réſultat qui a dû couter tant de recherches.
Cette remarque eft plus ou moins appliquable
à tous les morceaux de ce livre ;
fervons nous des termes mêmes de l'Auteur .
» Loi des appanages commence à être
plus connue ( 1283 ) par un Arrêt au fujet
du Comté de Poitiers adjugé au Roi
» au préjudice de Charles d'Anjou fon oncle.
L'appanage , tel que nous le conce-
33
ود
E iij.
Toz MERCURE DE FRANCE
vons aujourd'hui ne commença a être dans
toute fa force que fous Philippe le Bel ,
» & avoit eu auparavant bien des variations
. Sous les deux premieres races les
enfans des Rois partageoient également
la Couronne entr'eux. Sous le commencement
de la troifiéme l'inconvenient de
ce partage fit prendre le parti de démem
brer quelque portion des terres , dont le
fils puîné auroit la proprieté.
50
39
Mais à mefure que les principes de la vraie
politique fe perfectionnerent , l'inconve
nient du démembrement d'une partie du
Domaine de la Couronne s'étant fait fentir
davantage , les partages ou appanages ,
dont l'appanage pouvoit auparavant difpofer
comme de fon bien , devinrent une eſ
pece de Majorat ou fubftitution , & furent
enfin chargés de retour à la Couronne à défaut
d'hoirs. C'eft là veritablement où com
mencent les appanages , dont le nom repréfentoit
une forte de conceffion , qui fans
morceler le Domaine de laCouronne,en fuf
pendoit feulement la jouiffance pour quelque
tems , & pour quelque portion , mais fans
toucher à la proprieté .
Cette Loi fe trouve établie par l'Arreft
dont on vient de parler ; ce fut entre Charles
d'Anjou Roi de Sicile & Philippe le Hardi
fon neveu au ſujet du Comté de Poitiers ;
JUILLET 1748. 103
Charles prétendoit ce Comté comme plus
proche heritier d'Alphonfe dernier décedé ,
lequel étoit fon frere , au lieu que Philippe
n'étoit que fon neveu , mais l'Arreſt prononça
en faveur de Philippe ; for ce principe que
toutes les fois que le Roi faifoit don à fes
puînés de quelque héritage , & que le donataire
ou appanagifte mouroit fans héritiers
, l'héritage retournoit au donateur Roi ,
ou à fon héritier à la Couronne , fans que
l'héritier du donataire y put rien prétendre.
Ainfi voilà les appanages reftraints aux
hoirs de l'appanagé , mais dans ces hoirs les
femelles ainfi que les mâles , étoient comprifes
, ce qui étoit dangereux , parce que
les portions des appanages pouvoient paffer
à des étrangers par mariage. Philippe le
Bel remedia à ce dernier inconvenient. Ce
fut lui , dit du Tillet , qui ordonna par fon
Codicile , ou par fes Lettres Patentes ,
fuivant
Dupuis , que le Comté de Poitou par
lui baillé en appanage à fon fils puîné Monfieur
, Philippe de France , qui fut Roi de
puis fous le nom de Philippe le long , retourneroit
à la Couronne défaillant les Hoir's
males, par où il excluoit les filles. Tel eft
le dernier état de cette jurifprudence.
Voici une remarque curieufe au futet de
la levée du fiége de Malthe par les Turcs ,
E iij
704 MERCURE DE FRANCE.
défendue par leGrand Maître Jean dela Val.
lette en 1565 ; lorfque le Chevalier de la
Roche vint faire part au Roi & à la Reine
Mere de cette nouvelle de la part du Grand
Maître, le Chancelier de l'Hopital s'adreſſant
à la Reine , lui fit remarquer que dans les
trois fiéges importans qu'avoient foutenus
les Chevaliers de Saint Jean , c'étoient trois
François qui étoient Grands Maîtres , d'Aubuffon
qui défendit Rhodes , l'Ile -Adam qui
n'en fortit qu'après des prodiges de valeur ,
& après y avoir fait perir 180000 Turcs , &
le troifiéme Parifot de la Valette.
LA'uteur explique avec beaucoup de clar
té & de préciſion les differens états par lefquels
a paffé la Milice Françoile ; la force
de nos armées fous la premiere , & fous une
grande partie de la feconde race , c'eft-à-dire
avant l'introduction des Fiefs , confiftoit
dans l'infanterie , à la difference de nos anciens
Gaulois , chés qui la cavalerie étoit
fort fuperieure , auffi la meilleure cavalerie
des armées Romaines étoit - elle tirée des
Gaules , & Céfar qui foumit ces Provinces ,
autant par les armes des Gaulois divifés que
par fa valeur , fe fervit-il toujours dans la
fuite de la cavalerie Gauloife , dont il fait
l'éloge en plus d'un endroit . On vit renaître
cet ufage avec les Fiefs , & dès avant la troifiéme
race la cavalerie reprit le deffus, mais
JUILLET 1746. 105
Charles VII. comprit le befoin d'une bonne
infanterie , qu'il ne fallût plus aller foudoyer
chés les étrangers , & après avoir
établi un corps réglé de cavalerie fous le
titre de compagnies d'Ordonnance , il créa
les Francs Archers . François I. perfectionna
fes vûes , & réfolut de mettre fur pied un
corps d'infanterie , qu'il forma fur le modéle
des légions Romaines , & qu'il appella
auffi du nom de légions. Mais cette nouvelle
milice ne dura guére & on en revint
aux bandes qui n'étoient que de cinq à fix
cent hommes , au lieu que les légions étoient
de fix mille hommes.
Nous ne finirions point fi nous voulions
remarquer toutes les chofes utiles , curieufes,
agréables , les réflexions profondes , les
portraits frappans que l'on trouve dans cet
abregé. Nous y renvoyons les lecteurs.
ASTRONOMIQUES INSTITUTIONS
ou Leçons Elementaires d'Aftronomie pour
fervir d'introduction à la Phyfique célefte
& à la fcience des longitudes avec de nou
velles tables d'équation corrigées , & particulierement
les tables du Soleil , de la Eune
& des Satellites , précédées d'un effai fur
l'Hiftoire de de l'Aftronomie moderne. Cet
ouvrage eft traduit , augmenté & enrichi
de quantité de tables très importantes pour
Ev
106 MERCURDE FRANCE.
'Aftronomie par M. Lemonnier le Fils ;
Aftronome , de l'Académie Royale des
Sciences , & fe vend à Paris chés les freres
Guerin , 1746. in-quarto avec figures.
CASTELLI LEXICON Editio novif
fima quin plurimis acceffionibus aucta, quarto,
Geneva 1746.
MEMOIRE fur la maladie des boeufs du
Vivarais , par M. Sauvages , Profeffeur en
Médecine , à Montpellier in quarto 1746...
LES ELEMENTS de la Médecine
Pratique , tirés des écrits d'Hyppocrate , où
l'on traite des maladies les plus ordinaires à
chaque âge , avec des remarques de Theorie
& de pratique par M. Bouillet , Docteur
en Médecine de la Faculté de Montpellier
in -quarto à Befiers 1744 , à Paris chés
le fieur Cavelier Pere.
L'HISTOIRE DU TARIF de 1664.
contenant l'origine de ce tarif, avec fes fixations
& celles qui ont eû lieu avant & depuis
1664 , fur chaque marchandiſe à la
fortie du Royaume, Tome premier.
•
LE TOME SECOND contenant les
Exations de ce tarif & celles qui ont eu lieu
JUILLET 1746. 107
avant & depuis le tarif de 1664 , fur chaque
marchandife , droguerie , épicerie , &c. à
l'entrée du Royaume, ouvrage dreffé fur les
piéces authentiques par M. Dufrefne de
Francheville , imprimé à Paris en 1646.
en 2 vol. inquarto , du prix de 14 1. relié.
HISTOIRE DE LA COMPAGNIE
DES INDES avec les titres de fes con
ceffions & Priviléges , dreflée fur les piéces
authentiques par le même imprimée à Paris
en 1746 , chés Debure l'aîné , comme les
deux volumes ci- deffus , du prix de fept
livres reliée .
LA METHODE ITALIENNE de Bersera
fe débitera au commencement de Septembre
prochain chés Nyon fils & Com.
pagnie,
MEMOIRE fur le laminage du Flomb
par M. Rémond de Sainte Albine , troifiéme
édition , in- 12 , pages 78 fans compter
l'avertiffement. A Paris chés facques
Guerin , ruë St. Jacques , à S. Thomas d'Aquin
, 1746.
Ce Mémoire fur publié pour la premiere
fois en 1731 , & l'acueil favorable , qu'il a
reçu du Public , l'a fait parvenir à l'honneur
d'une troifiéme édition , honneur que les
E vi
08 MERCURE DE FRANCE.
ouvrages de peu d'étendue obtiennent rare
ment , s'il ne leur eft procuré par l'avantage
d'entrer néceffairement ou par convenance
dans des recueils d'ouvrages de même nature
ou d'un même Auteur . Il avoit été compofé
pour une Académie, qui fous le nom de
Societé des Arts , & fous la protection de S.
A. S. M. le Comte de Clermont, s'affembloit
chés ce Prince au petit Luxembourg, & que
divers contretems ont empêché de fubfifter.
la difperfion de cette Compagnie rendant
hors d'oeuvre la préface qui étoit à la tête
de ce Mémoire , M. Rémond de Sainte Albine
a été obligé d'en donner une nouvelle ,
c'eſt le changement le plus confidérable
qu'on remarquera - ici du côté du travail dè
Fécrivain , mais on en trouvera un fort important
pour ce qui regarde un accefloire
qui manquoit à l'ouvrage. Les anciens entrepreneurs
de la Manufacture du laminage
n'avoient point voulu confentir qu'on gravât
leur machine. Cette troifiéme édition
eft accompagnée de Planches fort bien exécutées
, qui par cet avantage la mettent
fort au-deffus des deux éditions précédentes
. D'ailleurs elle nous a paru extrêmement
belle & correcte , telle que la plûpart
de celles qui fortent de l'Imprimerie
du Sieur Guerin. On n'exigera point une
analy fe d'un ouvrage dont- il a paru de longe
JUILLET 1746. 109
"
extraits dans tous les Journeaux. Nous nous
contenterons de dire que M. Remond commence
par établir trois principes : le premier
, que le Plomb par la pefanteur eft difficile
à manier & qu'il faloit chercher un reméde
à cette inconvenient ; le fecond , que
le Plomb eft d'un ufage commun , & que
les acheteurs avoient intérêt qu'on diminuât
leur dépenfe , autant qu'il feroit poffible ;
le troifiéme , que ce métal eft de peu de
confiftence , & qu'on ne pouvoit éviter avec
trop de foin tout ce qui eft capable de lui
caufer quelque altération . M. Remond donne
enfuite une defcription exacte & claire
de la machine à laminer , & il demontre
également par l'expérience & par le raiſonnement
, non feulement qu'elle fatisfait à ces
trois conditions effentielles , mais encore
que le Plomb laminé eft de beaucoup préferable
, pour toutes fortes d'ouvrages &
même pour les Tuyaux , au Plomb forgé ou
fimplement fondu . Il fait voir en même tems
les avantages qu'il y a du côté de l'eà
fe fervir du Plomb de la manupargne
,
facture.
*
On trouve dans cet ouvrage la clarté , la
méthode & l'élegance qui caractériſent les
ouvrages de M. Rémond dont les talens font
avantageufement connus du public. On
conçoit aifément quelle étoit la difficulté
110 MERCURE
DE FRANCE
. d'expliquer
avec clarté
la conftruction
d'une machine
auffi
compliquée
que le laminoir
.
C'est
pourtant
ce que M. R. a fait avec
tant de fuccès
que dans les premieres
éditions
où l'on n'avoit
point
le fecours
d'une
figure
, la lecture
feule du Mémoire
a donné
choune
idée nette
de la machine
décrite
,
fe prefque
unique
dans ce genre
.
EXPERIENCES
ET DEMONSTRATIONS
faites à I'Hôpital
de la Salpêtriere
& à Saint Côme
,
en préfence
de l'Académie
Royale
de Chi- rurgie
, pour fervir
de fuite & de preuves
à
l'effai
fur les maladies
des dents , & une pharmacie
odontagtique
ou traité
des mé- dicamens
fimples
& compofés
propres
aux
maladies
des dents
& des differentes
parties de la bouche
, à l'ufage
des dentiſtes
. Par M. Bunon
, Chirurgien
dentiſte
, à Paris 1746
in- 12 chés Briaffon
, Chaubert
& la veuve
Hiffot. Nous
parlerons
plus amplement
de ce Livre
dont l'Auteur
éxercè
fa profeffion avec fuccès
& réputation
, & joint au talent d'operer
avec fuccès
celui
d'établir
les principes
de fon art dans des ouvrages
eltimés
des Sçavans
.
L
THE NEW YORK
PUBLIC
LIBRARY
,
ASTOR, LENOX AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
le
绪1
1
JUILLET 1.746. ΤΙΣ
½x½224X
BOUQUET.
Pour Madame la Marquise de **. Les paroles
de cet Air font de M. Fuzelier l'un
des Auteurs du Mercure de France , & la
Mufique de M, Mion compofiteur d'un Ballet
destiné pour la Cour.
Votre voix & vos yeux , jeune & charmante
Iris ,
Partagent chés les coeurs l'aimable don de plaire ;
Vous feriez une grace à la Cour de Cythere ,
Une Syréne à la Cour de Thétis.
APPLIPPEDTXDPPP
AIR dufieur Gothreau violon de la Musique
du Roi.
P Hilis , qu'il eft charmant de devoir fon bonheur
Au feul objet que l'on aime !
Vous me donnez votre coeur ;
Ah ! c'eft rendre juſtice à mon ardeur extrême.
Sans vous jamais l'Amour n'eût été mơn vain◄
queur ,
Et parvous je deviens plus heurux que lui même
112 MERCURE DE FRANCE.
htt
Lë
LETTRE écrite par M. D *** Officier
du Roi , à M. Le .... de l'Académie
Royale de Peinture en Italie.
Ous fouhaitez , Monfieur , que je vous
"
entretienne des rares talens du fieur Picault
, étant à portée de les connoître. Je
puis vous affurer fans partialité qu'ils font
uniques & qu'il n'eft guéres poffible de fe
les perfuader que par la vûe des effets qu'ils
produifent ; une découverte auffi utile qu'agréable
, & que jufqu'ici on avoit regardée
comme abfolument impoffible peut bien
encore laiffer quelques incrédules dans les
Provinces & dans Paris même.
En effet comment imaginer que tel fujet,
de quelle grandeur que ce foit , peint fur
plâtre, fur bois on fur toile , puiffe en être
tiré, levé, & remis fur une toile nouvelle, non
feulement fans aucun endommagement, mais
même avec tant de délicatefle & de propreté
, qu'il femble que le fieur Picault peigne
lui- même dans le moment ; c'est pourtant ,
Monfieur , ce qu'il a executé par ordre de
Sa Majefté au Château Royal de Choiſy,
où il vient d'achever de tirer & lever du
plafond vouté du Salon de l'Aurore les
quatre faifons d'Antoine Coypel , qu'il a ſeJUILLET
1746. 113
paré en quatre morceaux de chacun iz
pieds de long fur 8 pieds de haut , qu'il a
eu le fecret de porter fur quatre toiles differentes
, fans rien alterer de la fraicheur
du coloris , de la jufteffe des attitudes , &
fans qu'il y ait d'autres fractions que celles
qui étoient à la voute ; l'un de ces morceaux
réprefentant Zephire & Flore a été expofé
au falon du Louvre l'année derniere
où il a fait l'admiration des maîtres de l'Art
des connoiffeurs & du public ; ce morceau ,
ainfi que les trois autres font deftinés pour
le Cabinet de Sa Majesté.
Vous jugez bien , Monfieur , què les morceaux
que je vous cite , ne font pas les feuls
par lefquels le fieur Picault , occupé depuis
près de fix années , tant dans les maisons
Reyales , que dans celles des particuliers , a
fait briller fes talens , je vous obferverai
feulement que n'étant point connu lors de
la démolition de la petite galerie de Verfailles
, on fut obligé d'enfevelir dans les
décombremens les beaux morceaux de peinture
de Mignard qui ornoient cette galerie ,
morceaux infiniment regrettés des connoiffeurs
, cependant quelques-uns de ces morceaux
s'étant trouvés par hazard en entier
& le Roi ayant bien voulu en gratifier differens
Officiers de fa maifon , le fieur Pi114
MERCURE DE FRANCE.
cault dont les talens commençoient à fe
'faire connoître , fe chargea de les remettre
fur toile , ce qu'il exécuta avec tout le
fuccès poffible.
Cette nouvelle & heureufe découverte
doit être d'autant plus précieufe aux arnateurs
des beaux arts & aux curieux que la
regardant comme tout à fait impoffible , ils
l'ont néanmoins toujours ardemment defiré
pour la confervation des morceaux rares &
impayables , qui fans les fecrets de cet art ,
fe trouveroient totalement perdus pour la
pofterité. Ne devons nous pas regretter,
Monfieur, qu'il n'ait point été plûtôt décou
vert ? Combien d'excellens tableaux per
dus pour jamais , & qui nous auroient été
confervés ! Je fuis affuré que vous pentez
comme moi , qu'il feroit à fouhaiter pour le
public que ce talent devint affés utile à fon
auteur pour lui faire refufer les propofitions
avantageufes que ne manqueront pas de
lui faire les Etrangers jaloux des talens de
notre Nation , ce qui me paroît d'autant
plus à craindre à l'égard du fieur Picault
que fon génie n'eft point borné à ce
feul talent ; il poffede encore le fecrét
de nétoyer dans la derniere perfection
l'or moulu & en feuille , fur métaux , bois &
broderie. Depuis que le Roi lui a fait l'honJUILLET
1746. 115
neur de l'employer à ces ouvrages , il n'a
pas ceffé de travailler aux fuperbes dorures
des maifons Royales , & de rendre aux
plus anciennes & aux plus négligées l'éclat
le plus brillant qu'elles ont pu avoir en
fortant des mains de l'Ouvrier , vous y ferez
trompé vous même lorfque vous verrez
à Trianon les Appartemens du Roi , à Verfailles
les appariemens de la Reine , ceux de
Monfeigneur le Dauphin , les falons de Mercure
, celui de la paix ou du concert , la fale
du Trône , les dorures des tableaux reprefentans
Louis le Grand , la Reine , Philippe
V. Roi d'Espagne , Marie de Medicis , les
deux Princes Palatins , & une quantité
d'autres qui font dans les cabinets de Sa Majefté
, à la Surintendance , dans les Galeries ,
Salons & Appartemens de Versailles dont je
ne puis vous faire ici le détail , non plus que
d'un grand nombre de morceaux en ce genre,
auxquels il travaille encore à préfent
chés differens Seigneurs.
J'oubliois de vous dire , Monfieur , que
trois des quatre morceaux tirés du Salon
de Choily font actuellement dans la Sale
de Meffieurs les Secretaires du Roi au Convent
des Celeſtins , où le fieur Picault y met
la derniere main. Si vous venez à Paris in
ceffament , comme vous me le faites e perer,
Monfieur , je me flatte que M. Picault vous
116 MERCURE DE FRANCE .
les fera voir ; prefentez lui ma lettre ; il des
meure toujours rue neuve S. Paul , la porte
cochere , au coin de la rue Gerard Banquet.
J'ai l'honneur d'être &c.
EAU DE BEAUTE',
Avec la maniere de s'en fervir dans tous les
tems , à 16 livres la bouteille , & la demie
bouteille 8 livrés.
Avec fes propriétés & effets pour la petite
vérole. Les empreintes des cachets doivent
être fur les bouteilles qui ont été
faits pourla fûreté du public, & en empêcher
la contrefaçon .
La veritable EAU DE BEAUTÉ fe vend toujours
:: chés le fieur Rouffelot . Marchand Gantier-
Parfumeur du Roi , rue Tirschape , au
Gant de Paris.
Oici fes propriétés & fes effets. Elle
V nourrit peu defense unéclatde
Voici
nourrit la peau & lui donne un éclat de
blancheur parfaite , conferve la délicateffe
des traits , ranime toutes les couleurs & répand
fur tous les teints les plus fecs un air de
fraîcheur, qui eft égal & auffi naturel que ce
JUILLET 1746 117
lui que fait le fang le plus pur dans un corps
le plus fain. On peut , fans lui rien prêter ,
prouver par cent exemples que ceux & celles
qui en font ufage ne s'apperçoivent point que
Te nombre des années puifle fléttir & diminuer
la fraîcheur de leurs teints & de la gorge,
puifqu'elle en ôte toutes les rides & les
rouffeurs qui proviennent de la féchereffe di
teint. Ce qui prouve que ce n'eft point du
fard , c'eft qu'il en faut faire ufage plufieurs
jours avant que d'en connoître aucuns changemens
, mais lorsqu'on fera habitué à s'en
fervir on connoîtra bientôt que c'eft le feul
fecret qui eft capable d'ajouter des charmes
à la beauté , &de la conferver jufqu'à la mort.
Les perfonnes qui par un fang âcre&mauvais
fe voyent une peau noire & livide, & un teint.
couvert de boutons & bourgeons , convien
dront qu'il n'y a jamais eu de pareil fecret.
Il donne de la blancheur , il conferve
les traits , ranime toutes les couleurs &
fait reffentir au teint & à la gorge un air
de fraîcheur naturelle , ôtant tous les boutons
& les rides , fans qu'il en refte la moindre
marque. Il ne faut pas fe figurer que cette
Eau , toute merveilleufe qu'elle foit , opére
toutes ces qualités fur le champ , il faut
lui donner le tems.
:
3
De quelque maniere que les opérations
de ce remede fe manifeftent il n'y a rien
18 MERCURE DEFRANCE
craindre , au contraire elles font toujours
les garants d'une guérifon bien plus prompte
que lo fqu'il ne femble pas agir , mais foit
qu'il opere ou doucement ou vivement ',
ne peut jamais caufer le moindre accident.
Le prix des Boëtes eft de douze livres ; on
auerth auffi qu'il faut affranchir les lettres.
L'Académie des Jeux Floraux de Toulouſe fera
la diftribution des prix le troifiéme Mai 17 7.
Ces prix font une Amaranthe d'Or de la valeur de
400 liv. qui eft deftinée à une Ode
Une Eglantine d'or de la valeur de 450 liv . deftinée
à une piece d'Eloquence d'un quart d'heure
ou d'une petite demie heure de lecture , dont le
fujet Tera pour l'annnée prochaine 1747.
LES GRANDS TALENS SONT DANGEREUX
QUAND ILS NE SONT PAS CONDUITS
PAR LA SAGESSE .
Une Violette d'argent de la valeur de deux cent
cinquante livres , deftinée à un Poëme de ſʊixante
Vers au moins ou de cent Vers au plus, dont
de fujet doit être heroïque ou dans le genre noble,
& les Vers Alexandrins.
Un Souci d'argent de la valeur de deux cent
livres , qui eft destiné à une Elegie à une Idylle
ou à une Eglogue. Ces trois genres d'ouvrages
concourent pour le même Prix . Les Vers en doiJUILLET
1746
119
vent être auffi Alexandrins , fans mêlange de Vers
d'autre mefure .
Un Lys d'argent de la valeur de foixante livres ,
deftiné à un Sonnet à l'honneur de la SainteVierge..
Le fujet des differens genres d'ouvrages aufquels
Amaranthe , la Violette & le Souci font
destinés eft au choix des Auteurs , qui font averauffi
- bien que les Auteurs du Sonnet , de
ne pas fe négliger fur les rimes & fur toutes les régles
de la verfification .
tis >
Les ouvrages qui ne font que des traductions
ou des imitations , ceux qui traitent des fujets
donnés par d'autres Académies , ceux qui ont
quelque chofe de burleſque , de fatyrique ou d'indécent
, font exclus des prix . C'eft avec regret
que l'Académie a rejetté cette année deux ou
vrages qui avoient affés de mérite pour foutenir
le concours , les Auteurs de ces pieces y aỹant
laiffé gliffer des traits trop libres & qui pouvoient
bleffer les moeurs .
La même exclufion a lieu à l'égard des ouvra
ges qui auront paru dans le public , & de ceux dont
les Auteurs fe feront fait connoître avant le jugement
ou pour lefquels ils folliciteront ou auront
fait folliciter. L'Académie a déliberé d'obſerver
fur ce dernier article la plus exacte fevérité Tous
les Académiciens ont promis de fe recufer euxmêmes
fur le jugement des ouvrages dont
les Auteurs leur feront connus directement ou
indirectement .
Le Auteurs qui traitent des matieres Théolo
giques doivent faire mettre au bas de leurs ou
vrages l'Approbation de deux 1 octeurs en Théologie
, ce qui fera obfervé même à l'égard du
Sonnet , fans quoi ces ouvrages n'entreront pas ay
Concours.
120 MERCURE DE FRANCE
Les Auteurs font avertis de faire remettre dans
le cours du mois de Janvier de l'année 1747 , par
des perfonnes domiciliées à Toulouſe, trois copies
bien lifibles de chaque ouvrage à M. le Chevalier
d'Aliez , Secrétaire perpétuel de l'Académie ,
logé rue des Coûteliers. Son regiſtre devant être
barré dès le premier jour de Février , on ne fera
plus à tems pour lui remettre des ouvrages dès
que le mois de Janvier fera expiré.
-
Les ouvrages feront défignés , non-feulement
par leur titre , mais encore par une devife ou fentence
, que M. le Secrétaire écrira dans fon regiftre
, auffi bien que le nom , la qualité ou la
profeffion & la demeure des perfonnes qui les lui
auront remis , lefquelles figneront la réception que
M. le Secrétaire en aura écrite dans fon regiftre ,
après quoi il leur en expédiera le récépiffé.
M. le Secrétaire ne recevra point les paquets qui
lui feront adreffés par la pofte en droiture s'ils ne
font affranchis de port . Les Auteurs font avertis
que l'Académie exclut du Concours tous les ouyrages
qui n'ont pas été remis à M. le Secrétaire
par une perfonne domiciliée à Toulouſe , la voye
de la pofte en droiture étant fujette à trop d'inconveniens,
M. le Secrétaire avertira les perfonnes qui auront
remis les ouvrages que l'Académie aura couronnés
, afin que les Auteurs vieanent eux- mêmes
recevoir les prix laprès- midi du troifiéme Mai
à l'alemblée que l'Académie tient dans le grand
Confiftoire de l'Hôtel de Ville , où ils font diſtribués
; & fi les Auteurs font hors de portée de venir
les recevoir eux- mêmes , ils doivent envoyer à
une perfonne domiciliée à Touloufe une procura
tion en bonne forme , où ils fe déclarent affirmativement
les Auteurs de l'ouvrage couronné , laquelle
JUILLET 1746. 121
quelle retirera le prix des mains de M. le Secrétaire
, fur la procuration de l'Auteur & fur le récépiffé
de l'ouvrage.
On ne peut remporter que trois fois chacun des
prix que l'Académie diftribue . Les Auteurs des ouvrages
qu'elle découvrira avoir enfraint cette loi
en feront exclus , auffi bien que les ouvrages qu'on
pourra justement préfumer être préfentés fous des
noms d'Auteurs fuppofés.
Après que les Auteurs fe feront fait connoître ,
M. le Secrétaire leur donnera des atteftations ,
portant qu'un tel , une telle année , pour tel ouvage
par lui compofé , a remporté un tel prix ,
& l'ouvrage en original fera attaché à ces atteftations
fous le Contre- Scel des Jeux .
Ceux qui auront remporté trois prix , ( celui du
Sonnet excepté ) I un defquels foit ce ui de l'Ode
pourront obtenir , felon l'ancien uſage , des Lettres
de Maître des Jeux Floraux , qui leur donneront
le droit d'opiner , comme Juges & comme
étant du Corps des Jeux , dans les Affeniblées
générales & particulieres des Jeux Floraux , &
d'affifter aux Séances publiques .
Par les Lettres Patentes que l'Académie vient
d'obtenir de Sa Majesté , pour autorifer l'augmen◄
tation de deux cent livres faite à perpetuité pour
le prix d'Eloquence par M. Soubeiran de Scopon ,
Secrétaire du Roi , l'un des Quarante de l'Académie
des Jeux Floraux , & Membre de l'Académie
Royale des Sciences , Infcriptions & Belles
Lettres établie à Toulouſe , le Roi accorde aux
Auteurs qui auront remporté trois fois le prix d'Eloquence
le droit de demander des Lettres de
Maître des Jeux Floraux , fans qu'il foit néceffaire
qu'ils ayent remporté des prix de Poëſie .
- L'Ode qui a pour titre L'ENVIE , & pour de-
F
122 MERCURE DE FRANCE
vife Virtuti ut gloria comes ,fic & Invidia , a reme
porté le prix de l'année. L'Auteur de cet ouvra
ge ne s'est pas encore fait connoitre .
Le prix d'Ode refervé a été adjugé à l'Ode qui
a pour titre L'EAU , & pour devife , Stratus nunc
ad Aqua lene caput facra , dont le P. Arcére , Prêtre
de l'Oratoire , affocié à l'Académie des Belles
Lettres de la Rochelle , eft l'Auteur . Il rempor
ta le prix de ce genre en 1736 , & il s'eft déclaré
l'Auteur de l'Ode intitulée L'HISTOIRE , imprimée
dans le recueil de 1742 , & de celle SUR
LA CAMPAGNE DE S A. S. M. LE PRINCE
DE CONTY EN 1744 , inferée dans le recueil
de 1745:
L'Académie a accordé le prix d'Eloquence au
Difcours qui a pour devile , Maxime curandum eft
ut eos quibufcumfermonem conferemus , & vereri
diligere videamur, dont l'Auteur ne s'eft pas encore
déclaré.
Le prix de l'Eglogue a été adjugé à l'Idylle qui
a pour titre PAN , & pour devile , Namque canebat
uti magnam per inane coala , Semina terrarumque
animaque marifae fuiffent , M. Caftilhon , Avocat
au Parlement , habitant de Touloufe , qui en
eft l'Auteur , a reçu le prix à l'Affemblée du 3 Mai.
M. l'Abbé Peyrot Matheron , Prebendé de l'Eglife
de faint Sernin de Touloufe , Auteur du Sonnet
couronné , qui a pour devife , Fortis eft ut mors
dilectio , a auffi reçu le prix de ce genre dans la
même Affemblée .
Le P. de Sales , Jéfuite , s'eft déclaré l'Auteur
de l'Elégie intitulée PLAINTE DE FLORE.
L'Académie a encore refervé cette année les
deux prix d'Eloquence qui lui reftoient des annces
precedentes.
Par les dernieres Lettres Patentes du Roi le
JUILLET 1746. 123
prix d'Eloquence fera dorénavant , à commencer
dès l'année prochaine 1747 , une Eglantine
d'or de quatre cent cinquante livres , formée du
prix ordinaire de deux cent cinquante livres &
des deux cent livres de la nouvelle augmentation ,
& les deux prix d'Eloquence réfervés feront adjugés
par l'Académie à un feul Difcours.
L'Académie a réfervé le prix du Poëme , de
même que les deux prix de Sonnet des années
précedentes.
Elle diftribuera l'année prochaine un prix d'Ode
, deux prix d'Eloquence , deux prix de Poëme,
un prix d'Eglogue & trois prix de Sonnet , ce qui
fera en tout neuf prix.
On a du expliquer les Egnimes du fecond
Volume de Juin par Echo & Lapin.
SAPSAPSAPSAP SAPSAP SAP SAPSAP SAP SAPSAPLEXJES
E
ENIGM E.
N été nous fommes vêtus ,
Et fur l'hyver on nous dépouille .
La pluye & la neige nous mouille ,
Et des vents nous fommes battus.
Quand nous vivons deffus la terre ,
Toujours le fer nous fait la guerre ;
On nous brule quand nous mourons ,
PLEXES
Fij
124 MERCURE DE FRANCE,
Et bien que nous n'ayons point d'ames ,
Il ar ive que nous pleurons
Lors qu'on nous jette dans les flammes.
M
LOGOGRYPHE.
On fort eft de caufer à tous mes poffeffeurs
Des grincemens de dents , de cuifantes dou
leurs,
Envain m'applique t'on quelque puiffant remede ,
Envain apporte t'on fes foins :
Celle ou celui qui me poffede
Nuit & jour n'en fouffre pas moins.
De ma poffeffion tout le monde s'ennuie .
Retranche tout d'abord de mon corps le milieu ,
Ma premiere moitié te fait voir un faux Dieu
Qu'on honoroit en Arcadie.
La derniere eft un grain fort nouriffant ,
Signe de joye entendue autrement
Combine d'un autre maniere ,
Je t'offre encor racine potagere ,
Très commune dans mon pays ;
Une des merveilles du monde ,
*
Où tout le bien , où tout le mal abonde ;
Son fein eft le refuge aux grands comme aux petits ;
Un mot François, Latin , pour notre nourriture :
Un arbre de mon tout , lecteur , fait la clôture ,
L'Auteur eft Picard,
JUILLET 1746. 125
J
AUTRE.
E ne fuis point enfant de la Nature ;
L'Art m'a formé de bizarre ftructure.
Sur un long , mince , & petit corps ,
Qui n'a jambes ni bras , & qui n'eft corps de bête ,
On m'ajuste une lourde tête.
Ami lecteur , que fuis - je alors ?
Coupe mon nom , fans toucher à la choſe ;
Par plus d'une métamorphofe ,
Et par maintes combinaiſons ,
Tu trouveras le vaſte amas des ondes ,
Un animal tapi dans fes grottes profondes ;
J'entends les trous de nos maiſons.
Certain inftrument neceffaire
Pour faire voguer la galere ,
La branche de tout arbre , une arme, un vermiffeau
,
Un mur bien confiftant compofé d'un tiers d'eau
Le porte voile d'un vaiffeau ;
Un fou comptant tous les jours fa pecune ,
Inutile préfent de l'aveugle fortune ,
L'eau , puis un autre , & la trame & le rêt ,
Un animal qu'on voit en Siberie ,
De tout mon nom voilà l'anatomie .
F iij
26 MERCURE DE FRANCE.
J'ai fept lettres en tout. Lecteur , encor un trait.
Je fuis fait avec art ; j'ai beaucoup d'amertume
Prens gaide ; à deviner tu gagneras le rhûme.
Par M. le Picard.
J
AUTRE
E porte toc ; je porte mot ;
Je porte fuc ; je porte fot ;
Je porte choc ; je porte têtes ;
Lecteur je m'appelle.......
Par Plique le fils de Joinville en Champagne.
J
AUTRE.
E fus jadis une jeune beauté
Que certain Dieu , fi l'on en croit la Fable ,
Aima beaucoup fans en être écouté.
Telle avanture en verité , •
De ce tems ci paroitra peu croyable ;
Les dames ne fe piquent plus
D'une aufterité fi fevere ,
Et penfent que quand on fçait plaire ,
JUILLET 1946. 127
Ne pas aimer c'eft un abus,
Mais je vois qu'ici je t'amufe .
Pardon , Lefteur, & fans plus longue excuſe ,
Je quitte la digreſſion .
Sept membres raffemblés me donnent l'existence.
Par le moyen de la combinaiſon
On y trouve un Comté de France :
Un mot Latin qui fignifie adieu :
Deux élements ; une herbe toujours verte :
Ce dont tu redoutes la perte :
L'inftrument qu'on donne à cè Dieu
Que fur le Pinde l'on revere :
Un mois de l'an : un des treize cantons .
Deux racines, dont l'une eft de toutes faifons ,
Quoique d'un goût affés infuportable ,
Auffi n'en ue-t-on que chés les payſans ;
L'autre au contraire n'a qu'un tems ,
Mais en revanche on la fert à la table
Des petits & des grands .
On y pourroit encor trouver la femmé
D'un Patriarche & celle d'un Romain ,
Qui fe mit d'elle même un poignard dans le fein ,
Pour piquer de fermeté d'ame
Son timide mari qui craignoit pour fa peau.
Adieu , Lecteur ; il eft tems de me taire
J'ai fait ce que je devois faire ;
Devine moi ; je te le donne beau.
Par M. L ... C ** .
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE .
AUTRE.
IEcteur , je fuis une fameufe Ville ,
De plus le nom d'un très -grand Général ,
Que fa valeur rendit un autre Achille ,
Et fa prudence un fecond Annibal .
Quatre de mes pieds font connoitre
Le principe de bien des maux ,
Et par deux de plus doit paroître
Un des fept péchés capitaux ,
En un mot , lecteur , ma finale
Priſe en un fens particulier
Eft une Ville capitale
Que je te laiffe à deviner .
Par M. de Lanevere , ancien Mousquetaire
du Roi à Dax.
JUILLET 1746. 129
SPECTACLES:
OPERA.
E Jeudi 14 Juillet l'Académie Royale
de Mufique a remis fur fon Théâtre le
Triomphe de l'Harmonie , Ballet en trois actes
precédés d'un prologue, repréſenté pour
la premiere fois le neuf Mai 1737 ; les paroles
font de l'Auteur de Didon , Tragédie
jouée & repriſe avec un fuccès marqué
à la Comédie Françoife , & la Mufique eft
de M. Grenet Directeur du Concert de
Lyon.
La paix ouvre le prologue en defcendant
du Ciel au bruit des trompettes & des
tymballes. Elle appelle l'amour & l'harmonie
par ces quatre vers.
Enfans de mes loifirs , accourez l'un & l'autre ;
Mere des doux accords , Dieu fouverain des coeurs
Rendez à ces climats vos plaifirs enchanteurs ;
Ces lieux font faits pour vous ; mon empire eft le
votre .
La paix remonte au Ciel après l'arrivée
Fy
1 :0 MERCURE DE FRANCE.
de l'harmonie & de l'amour qui conduiſent
les plaifirs & les jeux ; les peuples les fuivent
en danfant.
L'amour eft repreſenté parfaitement par
la charmante petite Puvigne & les graces ne
la quittent jamais .
Premiere Entrée:
La célébre fable d'Orphée qui entrainé
aux Enfers par la tendreffe conjugale rara
avis in terris , y va chercher la chere Euridice
, eft le fujet de la premiere entrée ; le
fpectacle de Pluton fur fon trône accompagné
de Minos , d'Eaque & deRadamante, du
Stix fur fon urne fatale ouvre l'acte , une
fymphonie mélodieufe annonce l'Epoux
Phenix. Il eft inutile de détailler le refte ,
cette avanture incroyable eft connue de tous
nos lecteurs .
Seconde Entrée.
Cette fable - ci eft moins publiée quoique
citée par Virgile. Voici comme l'Auteur
des paroles la conte dans fa préface.
L'avanture d'Hilas Argonaute & compagnon
d' ercule fait le fujet du fecond acte ; cejeu
ne homme s'étant écarté de fa troupe pour
ler puifer de l'eau dans une fontaine voisine
du rivage tomba dans cette même fontaine &
alJUILLET
1745. 131
noya. Hercule & les Argonautes le cherl'appellerent
en vain . eberent
His ad jungit Hilan nautæ quo fonte reli&um
Clamaffent ut littus Hola , Hila omne fonaret.
Virgil . Egl . VI,
Après avoir pleuréfa mort , ils continue–
rent leur navigation. Les Poëtes ont cru que
cette maniere de raconter la mort d'Hilas étoit
trop fimple ils ont imaginé imaginé que les Nymphes
amoureufes de fa beauté l'entrainerent dans
leur demeure . Properce qui a décrit cette avanture
, ajoute que les Nymphes fufpendirent
leurs concerts pour admirer Hilas.
Cujus & accenfa driades candore pmella
Mirata folitos deftituere choros. Pro. 1. L. Egl . XX .
Troifiéme Entrée.
Les murs de Thebes , ouvrage miraculeux
, bâti par les accords mélodieux de la
lyre d'Amphion , font le fujet intereſſant
de la troifiéme entrée. Ce prodige eft auffi
celebre que les enchantemens de la lyre
d'Orphée , qui attiroit fur fes pas les animaux
les plus feroces. Nous ne rappellerons pas
ici des idées fi connues , nous aimons mieux
repeter un endroit de la préface du ballet
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
du Triomphe de l'Harmonie , où l'Auteur
rend au modele de la Poëfie lyrique un hommage
que lui doivent le gout & le difcernement
, hommage que fon fiécle lui a rendu
trop tard. Voici cet éloge mérité qui honore
autant celui qui le donne que celui qui
l'obtient.
Malgré les foins que l'on s'est donné pour
rendre ce ballet digne des fuffrages du public ,
on n'ofe point encore fe flater qu'il les mérite
au point de reconcilier la Poëfie Lyrique avec
ceux qui ne jug. nt de ce genre d'écrit que fur
le fentiment partial de Meffieurs de S. Evremot
& Defpreaux . Ce dernier tout refpectable
qu'il est d'ailleurs , a bien ofé placer dans
fes fatyres le nom d'un Ecrivain confacré depuis
par le fuffrage unarime de toute l'Europe
Litteraire . On est d'accord fur le mérite de
Quinaut ; pourquoi donc mépriser un genre
qui a été dans fes mains une fource inépuisable
des plus grandes beautés de la Poëfier Peut-on
avoir lû avec attention des Poëmes tels que
Proferpine , Thefe , Atis , Armide , & ne
pas fentir &c ....
M. le Page qu'une maladie avoit banni
du Théatre y a reparu dans le dernier ballet
avec l'app audiffement du public.
On prépare pour la rentrée des Théatres
fermés par une jufte douleur , Hipermnestre
Tragédie de M. de la Font,, miſe en muſique
JUILLET 1746. ~ * 33
par M. Gervais Surintendant de la mufique
de M. le Regent.
COMEDIE ITALIENNE.
Le 10 Juin on a donné fur le Théatre
Italien la premiere répreſentation du Prince
de Surene , Parodie en un acte & en vers ,
de M. Riccoboni . C'eft une critique ingenieufe
du Duc de Surrei , Comédie en cinq
actes donnée fur le Théatre François.
On ne donnera point un extrait de cette
Parodie qui eft perpetuellement relative à
la piece Françoife , & dont les plaifanteries
ne peuvent être bien goutées que par les
lecteurs qui fçavent l'ouvrage parodié.
On vend cette Parodie imprimée chés de
Lormel , à la defcente du Pont Neuf du
côté du Quai des Auguftins , au Nom de
Jefus.
Il y a à la fuite un difcours fur la Parodie
ou brillent l'efprit & le jugement ; la
feule idée de critique , dit cet Ecrivain ſenſé ,
revolte un Auteur. C'est décourager les talens ,
difent quelques-uns , que de les expofer à être
baffoués par un mauvaisplaifant , & c'est mestre
un obstacle au progrès de l'efprit que
de
fouffrir que l'on feme des ridicules fur des ouvrages
refpectable quifont honneur à laNation.
fe repondrai à cela , premierement queja134
MERCURE DE FRANCE.
mais Parodie n'a donné un ridicule à une
Tragédie , qui n'en avoit pointpar elle -même ;
le parodijte ne crée point les ridicules , il les
fait feulement appercevoir. La critique ne doit
point décourager les talens , elle fert au contraire
à les perfectioner , en les obligeant d'être
fur leurs gardes , lorsqu'ils veulent s'expofer
aux yeux du public &c.
Toute cette courte differtation eſt remplie
de penſées juftes & qui ne peuvent naî--
tre que dans un efprit lumineux qui a examiné
bien exactement la matiere qu'il traite,
cependant il voudra bien qu'au fujet de ce
qu'il établit comme démontré fur les Opefa
& leurs Parodies , je ne fois pas abfolument
de fon avis , & que je le renvoye
à la préface du ballet du Triomphe de l'Harmonie
, qui fe trouve prefque une réfutation
de fes idées fur la Poefie lyrique. L'Opera
, dit il , eft une
eft une forte de compofition qui ne
fouffre ni ne mérite la critique ; l'on eft obligé
de tout facrifier au plaifir de la vûe & de
Louie , on n'a prefque jamais occaſion d'y parler
à l'efprit , & les morceaux qui femblent parler
au coeur ,font privés de ce mérite dès qu'ils
ne font pas rendus par une voix touchante. La
Parodie d'un Opera eft dans le cas de l'original
, otez en la gaieté des airs bouffons fur lef
quels on la chante , la plaifanterie d'un refrain
amenégrotesquement , il ne reste plus rien
à l'ouvrage.
•
JUILLET 1746. 135
If eft furprenant que M. Riccoboni qui
montre tant de jufteffe dans le refte de fon
difcours ait avancé des propofitions fi peu
foutenables ; fans repeter ici tout ce qui eft
fi bien expliqué dans la préface du ballet du
Triomphe de l'Harmonie , nous ne repondrons
feulement qu'à cette phrafe ci , les morceaux
qui femblent parler au coeur font privés
de ce mérite desqu'ils nefont pas rendus par une
voix touchante ; que fignifie fembler parler
au coeur, & font privés de ce mérite de fembler
uniquement parler au coeur ? Quoi ! des
penſées tendres ceffent de l'être dès qu'eties
ne font pas chantées ? les belles fcenes d'Atis
& de Sangaride , d'Epaphus & de fon
amante dans Phaeton , & cent morceaux où
le fentiment eft peint avec délicateffe , tant
dans Quinaut que dans quelques- uns de fes
émules perdent tout leur mérite dès qu'ils
ne font plus chantés?c'eft comme fi on avançoit
que les vers fublimes de Corneille perdent
leur éclat dès qu'ils ne font plus dans
la bouche pompeufe d'un Acteur François.
La Parodie d'un Opera eft dans le cas de l'original.
Cela eft vrai ; une penfée critique
& fine perd elle auffi fon mérite pour fe
trouver enchaffée dans un vaudeville plai
fant , & celles qui tirent leur agrément d'un
refrain grotesquement amené , font- elles à méprifer
, parce que ce refrain eft auffi judi136
MERCURE DE FRANCE.
cieuſement que groteſquement amené . La
mufique tant ferieufe que bouffone , habilleroit
en vain de certaines productions . Le
Théatre lyrique fournit plus d'une preuve
autentique , contre le pius grand nombre de
fes Poëtes , qui n'ont pu derober leur défauts
au public, quoique cachés fous une modulation
gracieuſe & fçavante.
JOURNAL DE LA COUR ,
DE PARIS , &c.
E 24 Mai le Roi nomma fon Ambaſſa-
Pologne auprès
teur de Saxe & de la République dePologne
Charles Hyacinte de Galean Marquis des
Iffars & de Salerne , Procureur - Syndic
député de la Nobleffe & des Etats de Provence
.
La maifon de Galean eft originaire d'Italie
; differens auteurs parlent de fes illuftrations
, & ne fixent point fon ancienneté ;
elle eft connue en Provence & à Avignon
depuis 400 ans. Elle y a toujours tenu un
rang diftingué : le Duc de Gadagne , ci-devant
Enfeigne des Gendarmes de la Garde
du Roi , qui en eft le chef , eft neveu du feu
JUILLET 1746. 137
Duc de Cadagne Galean , Lieutenant Général
des Armées du Roi , de la plus grande
réputation , & depuis Généraliffime des
troupes de la République de Veniſe. La
branche des Iffars qui a pris ce nom d'une
terre qu'elle poffede en Languedoc depuis
300 ans , a eu auffi plufieurs Officiers de
merite , & revêtus de grades diftingués au
fervice du Roi. Les deux derniers Marquis
des Iffars y fonts mort Brigadiers de fes armées.
Les branches de cette maifon qui font à
Nice , & en Piémont comptent dans leurs
ancêtres plufieurs hommes illuftres , entr'autres
Raphaël de Galean Ambaffadeur extraordinaire
de la Ducheffe Blanche de Savoye
auprès du Roi d'Arragon en 1492 ;
plufieurs tombeaux & monumens élevés en
İtalie depuis l'an 1200 qualifient ceux de
cette maiſon du titre de Nobiles & generofi
Milites.
Le Baillif de Galean Grand Prieur de
Saint Gilles , le Chevalier de Galean & le
Comte de Galean , Ayde de Camp du Roi
de Sardaigne , aujourd'hui régnant , font les
derniers de la Branche de cette maiſon établie
à Nice.
Le premier de ce mois pendant la Meſſe
du Roi l'Evêque de Treguier prêta ſerment
de fidélité entre les mains de S. M.
138 MERCURE DE FRANCE.
Le Maréchal Duc de Noailles , Miniftre
Etat , que le Roi avoit chargé d'une commiffion
particuliere auprès du Roi d'Efpagne
, arriva à Verfailles le 6 , & le même
jour il falua S. M. qui le reçut très favorablement.
Leurs Majeftés affifterent le 14 au matin
dans la Chapelle du Château au Te Deum
qui y fut chanté en action de graces de la
prife de Mons.
Le 8 Monfeigneur le Dauphin donna
au nom du Roi d'Efpagne le Colier de l'Or
dre de la Toiſon d'Or au Comte de Noailles
, Grand d'Espagne , lequel a été nommé
Chevalier de cet Ordre pendant le féjour
qu'il a fait à la Cour du Roi d'Eſpagne , où
il étoit allé avec le Maréchal Duc de Noailles
fon pere . Cette cérémonie s'eſt faite dans
l'appartement de Monfeigneur le Dauphin,
& plufieurs Chevaliers de l'Ordre de la Toifon
d'Or qui avoient été invités , y ont affifté
.
Le 19 le Prince de Campo Florido
Ambaffadeur d'Efpagne eut une Audience
particuliere du Roi dans le Cabinet de S.
M. & il lui préfenta le Marquis de Saint
Gilles , ci- devant Ambaffadeur de S. M. C.
auprès des Etats Généraux des Provinces
JUILLET 1746.. 139
Unies , lequel retourne à Madrid. Le Prin
ce de Campo Florido fut conduit à cette
> audience , ainſi qu'à celles de la Reine , de
Monfeigneur le Dauphin & de Mesdames
de France par le Chevalier de Sainctot , Introducteur
des Ambaffadeurs .
Le Roi ayant écrit à l'Archevêque de
Paris pour faire rendre à Dieu de folémnelles
actions de graces de la priſe de la
Ville de Mons , on chanta le 16 de ce mois
dans l'Eglife Métropolitaine le Te Deum
auquel l'Archevêque de Paris officia . Le
Parlement , la Chambre des Comptes , la
Cour des Aydes , & le Corps de Ville qui
y avoient été invités de la part de S. M.
par M. Defgranges , Maître des Cérémonies ,
y affifterent.
Le foir on tira un feu d'artifice dans la
place de l'Hotel de Ville , & il y eut des illuminations
dant toutes les ruës.
La nuit du 18 au 19 à minuit Madame
la Dauphine fentit quelques douleurs ; elle
fut faignée à cinq heures du matin & vers
les dix heures elle accoucha d'une Princeffe
qui fut ondoyée fur le champ par
le Cardinal de Rohan Grand Aumonier
de France , en préfence de leurs Majeftés
lefquelles s'étoient rendues chés Ma- .
dame la Dauphine dans le moment qu'elle
140 MERCURE DE FRANCE.
4
fentit des douleurs , & y font reftées jufqu'à
ce qu'elle ait été accouchée .
Madame la Dauphine paffa la nuit du 21
au 22 de ce mois dans une grande agitation
, & la fiévre devint fi forte à fix heures
du matin , qu'on fut obligé d'avoir recours
à une faignée du pied , à laquelle cette Princeffe
ne le détermina qu'après s'être confeffée
. Cette faignée par laquelle on avoit
efperé de diminuer la violence du mal , &
une feconde qui fut faite peu de tems après
n'ayant produit aucun effet , Madame la
Dauphine tomba dans un état qui ne permit
pas de lui adminiftrer le Viatique , &
après avoir reçû l'Extreme-Onction elle
mourut vers les onze heures & demie du
matin , âgée de vingt-ans un mois & onze
jours , étant née le onze Juin 1726. Cette
Princeffe qui fe nommoit Marie- Therefe-
Antoinette Raphaelle , étoit fille de Philippe
V. Roi d'Efpagne & d'Elizabeth Farnefe
. La célébration de fon mariage avec
Monſeigneur le Dauphin avoit été faite à
Madrid le 18 Décembre 1744 , & elle
avoit reçû la feconde bénédiction nuptiale
dans la Chapelle du Chateau de Veríailles
le 23 Fevrier de l'année derniere . Madame
la Dauphine joignoit aux fentimens d'une
pieté folide toutes les qualités d'une gran
JUILLET 1746. 141
de Princeffe. L'élevation de l'efprit , la nobleffe
& la bonté du coeur formoient fon
caractére . Elle s'étoit rendue par fes vertus
ainfi que pour fon attachement aux perfonnes
auxquelles elle devoit fa tendreffe ,
auffi chere à leurs Majeftés & à Monfeigneur
le Dauphin , que refpectable à toute la
Cour , & les regrets univerfels que caufe la
mort de cette Princefle feront toujours
plus d'honneur à fa mémoire que tous les
éloges qu'on pourroit lui donner.
Le même jour après midi le Roi & la
Reine partirent avec Monfeigneur le Dauphin
& Mefdames de France pour Choify ,
où leurs Majeftés font restées pour quelquesjours.
Madame la Dauphine ayant été vûë à
viſage découvert le jour & le lendemain de
fa mort , elle fut embaumée le 23 au foir &
miſe dans le cercuëil,
Le 26 fon corps fut expofé dans le
grand cabinet de fon appartement , lequel
étoit tendu de noir avec tout l'appareil
accoûtumé en femblable occafion . Aux
deux côtés de l'eftrade on avoit dreffé deux
Autels où l'on difoit des Melles jufqu'à midi."
Quatre Evêques , les Officiers de la Chapelle
de la Princeffe & un grand nombre
de Religieux qui faifoient des prieres
étoient autour du corps , près duquel étoient
142 MERCURE DE FRANCE.
auffi les Officiers de fa Maiſon & les Dames
de Madame la Dauphine ainfi que plu
fieurs Dames de qualité.
Le 28 du mois dernier Mefdames de
France vinrent de Choifi à Verſailles & l'après-
midi étant accompagnées des Princes
& Princeffes elles jetterent de l'eau . bénite
fur le corps de Madame la Dauphine. Mefdames
furent reçues avec les céremonies ordinaires
par la Ducheffe de Brancas Dame
d'honneur de cette Princeffe & par tous les
Officiers de fa Maiſon.
Madame la Dauphine ayant été exposée
dans fon appartement depuis le 26 du mois
dernier , & tous les honneurs funebres lui
ayant été rendus les jours fuivans , fon corps
fut porté le premier de ce mois à l'Eglife
de l'Abbaye Royale de S. Denis. L'ancien ,
Evêque de Mirepoix Premier Aumonier de
cette Princeffe , accompagné de quatre Evêques
fit la cérémonie de lever le corps , lequel
ayant été porté dans le Char funébre,
le Convoi le mit en marche dans lordre
fuivant. Des Gardes du Corps du Roi ; 150
Pauvres , les Garçons d'Offices à pied , les
Officiers de Madame la Dauphine à cheval ,
les caroffes des Ecuyers des Princeſſes du
Sang qui faifoient le deuil ; quatre autres
caroffes dans lesquels étoient la Ducheffe
de Chartres , la Princeffe de Conty DouaiJUILLET
1746. 143
riere , Mademoiſelle de Sens & Mademoifelle
de la Roche- Sur-Yon accompagnées
de la Ducheffe de Brancas Dame d'honneur,
de la Duchéfle de Lauraguais Dame d'atour
, des Dames de Madame la Dauphine
ainfi que de plufieurs autres Dames que les
Princelles du Sang avoient amenées avec
elles ; le caroffe dans lequel étoit l'ancien
1 Evêque de Mirepoix avec quatre autres
Evêques & le Curé de la Paroiffe du Château
de Verſailles ; les Pages de Madame
la Dauphine , ceux de la Reine , ceux du
Roi ; quatre Trompettes de la Chambre ;
les Herauts d'armes marchant deux à deux ;
le Roi darmes ; M. Defgranges Maître des
Cérémonies ; le Marquis de Dreux Grand
Maître des Cérémonies ; le Char funebre lequel
étoit entouré d'un grand nombre de Valets
de pied deMadame la Dauphine qui portoient
des flambeaux, ainfi que tous ceux qui
formoient le Convoi. Les quatre Aumôniers
de Madame la Dauphine portoient les quatre
coins du poële qui couvroit le Char. Le
Comte de Rubempré Premier Ecuyer de la
Princeffe fit dans cette cérémonie les fonctions
de Chevalier d'honneur , à caufe de
l'abfence du Marquis de la Farre. Les Gardes
du Corps ayant leurs Officiers à leur
tête fuivoient le Char , & la marche étoit
fermée par les carofles des Princeffes & par
144 MERCURE DE FRANCE.
ceux des Dames qui affifterent à cette cérémonie,
Le Convoi paffa fur les remparts de cette
Ville , & il arriva à S. Denis vers les deux
heures & demie du matin . Les Religieux de
l'Abbaye vinrent recevoir le corps de Madame
la Dauphine à la porte de la Ville ;
& l'ancien Evêque de Mirepoix étant deſcendu
de caroffè ainfi que les autres Evêques
, ils marcherent devant le Char juſqu'à
l'Eglife à la porte de laquelle l'ancien Evêque
de Mirepoix préfenta au Prieur de l'Abbaye
le corps qui fut expofé dans le Choeur
où l'on chanta les prieres ordinaires auxquelles
les Princeffes du Sang & toutes les perfonnes
qui s'étoient trouvées au Convoi afliſterent.
Après cette cérémonie le coeur de Madame
la Dauphine fut apporté à l'Abbaye
Royale du Val de Grace avec un très grand
cortége , & l'ancien Evêque de Mirepoix le
préfenta à l'Abbeffe. La Ducheffe de Chartres
, La Princeffe de Conty Douairiere &
Mademoiſelle de Sens , accompagnées de
toutes les Dames & des Officiers de la Maifon
de Madame la Dauphine , qui s'étoient
trouvés au Convoi , affifterent à cette céré
monie , ainfi que le Marquis de Dreux &
M. Defgranges.
Le même jour pendant Vêpres les Religieux
JUILLET 1746 .
145
gieux de l'Abbaye de S. Denis defcendirent
le corps de Madame la Dauphine de
deffus l'eftrade pour le placer dans le Sanc
tuaire ; l'eftrade fut transportée auffitôt dans
le chevet de l'Eglife où le corps fut tranſporté
par les Gardes du Corps . Sur les fept heures
du foir après Complies chaque Religieux
prit un chandelier du catafalque & préceda
le corps proceffionnellement en recitant
des Pfeaumes & autres prieres d'un ton lugubre.
Le P. Soufprieur marchoit derriere
le corps portant la Couronne fur un carreau .
Le corps fut pofé fur le catafalque où il
doit refter jufqu'au jour de l'inhumation . I.e
Choeur eft tranfporté dans cette partie fuperieure
de l'Eglife où les Religieux font
tout leur office. On chante tous les jours
une grande Meffe de Requiem , à laquelle
affifte un certain nombre des principaux-
Officiers de la Princeffe , un Aumônier , un
Chapelain & un Clerc de la même.Princeffe
, ce qui fe fait auffi à Vêpres. On portera
le deuil de Mad . la Dauphine fix mois.
Le 25 de ce mois le Prince de Campo
Florido , Ambaffadeur d'Espagne , fe rendit
à Choify où il eut en long manteau de
deuil une audience particuliere du Roi , &
il donna part à S. M. de la mort du R › i
d'Efpagne Philippe V. il fut conduit à cette
audience ainfi qu'à celles de la Reine , de
G
146 MERCURE DE FRANCE
Monfeigneur le Dauphin & de Meſdames
de France par le Chevalier de Saintot Introducteur
des Ambaffadeurs.
Le lendemain le Roi & la Reine prirent
le deuil du Roi d'Eſpagne , & le même jour
la Cour prit le grand deüil pour la mort de
Madame la Dauphine .
Le 27 le Roi reçut à Choify par le Che
valier de Pont , Colonel du Régiment de
Baffigny , la nouvelle de la prife de Saint
Guilain .
M. Gilbert de Voifins , Avocat Géné
ral , auquel le Roi a accordé l'agrément de
la Charge de Préfident du Parlement vacante
par la démiffion de M, Chauvelin
fut reçu dans cette charge le 15 de ce mois
avec les cérémonies ordinaires.
M. Joly de Fleury , Procureur Général
du Parlement , ayant obtenu du Roi la
permiffion de fe démettre dès apréſent de
cette charge , M. Joly de Fleury , Avocat
Géneral , fon fils ainé , auquel S. M. en
avoit accordé il y a déja quelque tems la
furvivance , a commencé à en exercer les
fonctions. Il eft remplacé dans la charge
d'Avocat Général par M Joly de Fleury
Avocat Général du Grand Confeil , & M,
le Bret , Avocat Général de la même Com
pagnie a fuccedé à M. Gilbert de Voiſir
dans celle d'Avocat Général du Parlement,
JUILLET 1746. 141 .
867636 163614068606 367698
MANDEMENT de Meffieurs les Doyen,
Chanoines & Chapitre de l'Eglife de Paris
pour l'administration & régime de l'Archevêché
de Paris.
LFEglife Cathédrale & Métropolitaine de
Es Doyen , Chanoines & Chapitre de
Paris , à tous ceux qui ces préfentes Lettres
verront , Salut en notre Seigneur. Dieu ayant
affligé l'Eglife de Paris par le décès d'Illuftrif
fime & Révérendiffime Seigneur Jacques-
Bonne Gigault de Bellefont , Archevêque
de Paris , Duc de Saint- Cloud , Pair de France
, &c. Nous avons cru que pour fatisfaire à
ce que nous devons à Dieu & à l'Eglife , il
étoit néceffaire de prendre l'adminiftration
du Diocéfe , ainfi qu'elle nous appartient felon
la difpofition des faints Décrets , & des
Conftitutions Canoniques . A ces cauſes après
avoir mis l'affaire en délibération en notre
Chapitre , nous avons déclaré & déclarons
Zar ces Préfentes , que la Jurifdiction Spirituelle
& Eccléfiaftique de l'Archevêché de
Paris nous eft dévolue , & qu'il nous appartient
de régir & gouverner ledit Archevêché
tant au fpirituel qu'au temporel , pendant
fadite vacance. Et pour cet effet nous
Gij
248 MERCURE DE RFANCE.
-
avons nommé & inftitué Meffieurs Louis-
Abraham de Harcourt de Beuvron Doyen ,
Jean - Cyprien de Saint Exupery Chantre ,
Nicolas- Bonaventure Thierry Chancelier ,
Jean-Antoine Dagoult , Urbain Robinet , &
Jofeph-Jean - Baptifte - Gafpart - Hubert de
Coriolis d'Efpinoufe , tous Chanoines de ladite
Eglife de Paris , Vicaires Généraux pour
conjointement avec nos Confreres Meffieurs
les Archidiacres de l'Eglife de Paris , régir
& adminiftrer ledit Diocéfe , ainfi qu'il eſt
de tout tems accoûtumé. Si mandons aux
Archiprêtres de fainte Marie - Magdeleine &
de faint Severin , & aux Doyens ruraux du
Diocéfe de Paris qu'ils ayent à notifier ces
Préfentes à tous Abbés , Chapitres , Curés
Convents & Communautés de cette Ville &
Dlocéfe , & autres qu'il appartiendra , à ce
qu'ils n'en ignorent & ayent à s'y conformer
; & fera notre préfent Mandément lû ,
publié & affiché . En foi de quoi nous avons
fait appofer à ces Préfentes le Scel de notre -
dite Eglife , & icelles figner par notre Secré
taire ordinaire. Donné à Paris en notre
Chapitre le 21 Juillet 1746. Pár Ordonnance
de Mefdits fieurs les Doyen , Chanoinés
& Chapitre de l'Eglife de Paris . Robert
, Secrétaire du Chapitre.
AUTRE de Meffieurs les Doyen , Cha
>
JUILLET 1746. 149
noines & Chapitre de l'Eglife de Paris , pour
Ja nomination & inftitution des Officiers de
l'Officialité du Diocèfe de Paris , le Siege vacant.
Les Doyen , Chanoines & Chapitre de
l'Eglife de Paris , au Clergé Séculier & Régulier
, & aux Fidéles de ce Diccèſe , Salut.
Vous avez été informés par notre Mandement
du 21 de ce mois , que nous avons
nommé & inftitué des Vicaires Généraux
paur régir & adminiftrer en notre nom l'Archevêché
de Paris , le Siége vacant. Et comme
il n'eft pas moins néceflaire que vous
foyés informés du choix que nous avons fait
de ceux qui doivent exercer en notre hom
la Jurifdiction contentieuse pendant la va→
cance du Siége Archiepifcopal , nous vous
faiſons fçavoir que ledit jour 21 de ce mois
nous avons nommé & inftitué Meffieurs Nicolas
Regnauld , Archidiacre de Paris Offi-
´cial Diocéfain , Louis - Charles Baudouin
Vice-gerent , Pierre de la Chaffe ſous-Chantre
Official Métropolitain , Claude Robert
Vice-gerent , Nicolas Jeanfon Théologal
Promoteur en l'une & l'autre Officialité , tous
Chanoines de notre Eglife , & Me Claude-
Philippe-Romain Gervais Avocat en Parlement
, Greffier : tous lefquels ont été inftallés
au Prêtoire de l'Officialité en la maniere
accoûtumée . Et afin que ces Préfentes
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
foyent notoires , avons ordonné qu'elles feront
publiées & affichées dans tous les quartiers
de cette Ville , même dans le fauxbourg
Saint- Germain. Donné à Paris en notre
Chapitre extraordinairement aſſemblé ,
le Samedi 23 Juillet 1746 , par Mellieurs
les Doyen , Chanoines & Chapitre de l'Eglife
de Paris , Robert , Secrétaire .
AUTRE de Meffieurs les Vicaires Généraux
du Chapitre , & Archidiacres de l'Eglife
de Paris , Administrateurs de l'Archevêché ,
le Siege vacant : portant ordre de faire des
prieres & fervices pour le repos de l'ame de
feu Monfeigneur Jacques- Bonne Gigault de
Bellefont , Archevêque de Paris.
Les Vicaires Généraux du Chapitre &
Archidiacres de l'Eglife de Paris , Adminif
trateurs de l'Archevêché de Paris , le Siége
vacant : Aux Arcipretres de fainte Marie-
Magdeleine & de faint Severin , & aux
Doyens ruraux du Diocéfe , Salut .
Le Pafteur que Dieu avoit appellé à la
conduite de ce Diocéfe vient de nous être
enlevé prefqu'auffitôt qu'il nous avoit été
donné . Son gouvernement a été fi court ,
qu'il a pû dire avec le Prophête , à la vûe
du coup imprévu qui l'a frape : Seigneur
-vous m'avez élevé , & dans le même inftant
vous avez brife & détruit votre propre ouJUILLET
1746. 151
rage ; mes jours fe font diffipés comme une
ombre fugitive , qui difparoît tout-à coup ,
leur durée a été femblable à celle de l'herbe
qui croît dans les prairies , & quife deffeche
bientôt après.
Rien de plus trifte & de plus attendriffant
qu'un pareil ſpectacle , mais en même tems
rien de plus propre à nous édifier
que les
fentimens dans lesquels ce Prélat a enviſagé
fon dernier moment. Dès qu'il fut inftruit
de la nature de fa maladie , avant même
que ceux qui l'environnoient , regardallent
fa mort comme prochaine , il crut devoir s'y
préparer par la réception des derniers Sa
cremens , par de continuels retours vers
Dieu , & par le génereux facrifice de fa vie.
"
Adorons les deffeins de la divine Providence
, qui a fait évanouir fi promptement
les efpérances que nous avions conçues du
gouvernement d'un fi digne P'afteur. Et pour
nous acquitter de ce que nous devons à fa
mémoire , offrons des voeux & des Sacrifices
, afin qu'il jouiffe dans le fein de Dien
du repos que lui ont juſtement mérité cette
application & ce zéle aufquels il s'étoit tel-
⚫lement livré , que nous avons lieu de croire
qn'il en a été la victime.
A ces cauſes , nous avons ordonné & ordonnons
que dans les Eglifes de ce Diocéfe ,
Seculiéres & Réguliéres , exemptes & non
Giiij
152 MER CURE DE FRANCE.
exemptes , il fera célebré une Meffe folemnelle
, précedée la veille de Vêpres & de Vigiles
, pour le repos de l'ame du Prélat que
nous venons de perdre , & que pendant trois
jours les Prétres réciteront à la Meſſe la
Collecte , Deus , qui inter Apoftolicos Sacerdotes
, avec la Secrette & la Poftcommunion ,
Nous recommandons à tous les Fidelles de
ce Diocéfe de joindre leurs priéres particuliéres
à celles du Clergé. Si vous mandons.
&c.
ORDONNANCE de Meffieurs les
Vicaires Généraux du Chapitre , & Archidiacres
de l'Eglife de Paris , Administrateurs
de l'Archevêché , le Siége vacant.
Les Vicaires Généraux & Archidiacres ,
Adminiftrateurs de l'Archevêché de Paris ,
le Siége vacant : Au fieur Curé de faint Sulpice
, à tous Prêtres , Recteurs , Supérieurs
& Supérieures des Eglifes , Monaftéres
Hôpitaux , Communautés Séculiéres & Réguliéres
du Fauxbourg Saint - Germain
Salut.
>
Le Promoteur Général de l'Archevêché
de Paris , le Siége vacant , nous a repréſenté
, que par un Imprimé qui a pour titre ,
Mandement du Grand- Prieur de l'Abbaye
Royale de S. Germain - des- Prés , immédiate an
aint Siége , exerçant la Jurifdiction ſpirituelle
JUILLET 1746. 155
dans le Fauxbourg Saint - Germain , le Siege
vacant , en date du 21 du préfent mois , le
lendemain du decès de feu Monfeigneur
l'Archevêque de Paris ; l'auteur dudit Imprimé
fe difant Vicaire Général de S. A. S.
Monfeigneur le Comte de Clermont , Prince
du Sang , Abbé de S. Germain-des-Prés ,
auroit enjoint au ſieur Caré de faint Sulpice
, & à tous Prêtres , Recteurs , & Supérieurs
des Eglifes & Communautés dudit Fauxbourg
, de faire des prieres publiques pour
le repos de l'ame de feu Monfeigneur l'Archevêque
de Paris , & auroit ordonné de
publier & afficher ledit Mandement par
tout où befoin feroit : Qu'une telle entrepriſe
eft un attentat manifefte aux droits
du Chapitre de l'Eglife de Paris , à qui feul
appartient la Jurifdiction dans tout le Diocéle
même dans l'étendue du Fauxbourg
Saint-Germain , pendant la vacance du Siege.
A ces caufes nous requeroit ledit Promoteur
de déclarer nuls & attentatoires ledit
Imprimé en forme de Mandement , tous
autres actes de Jurifdiction (pirituelle fur le
Fauxbourg Saint Germain , qui pourroient
émaner de la part dudit Prieur & de toute
autre part que de celle des Adminiſtrateurs
de l'Archevêché de Paris le Siége vacant ,
& de faire inhibitions & défenfes tant audit
fieur Curé qu'à tous autres , de les mettre
>
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
à éxécution , fous les peines de droit .
y
Vu ledit Imprimé qui a pour titre :
Mandement du Grand Prieur de l'Abbaye
Royale de Saint Germain- des Prés immédiate
au faint Siége , exerçant la Jurifdiction fpirituelle
dans le Fauxbourg Saint-Germain , le
Siege vacant , en date du 21 du préfent
mois enfemble le préfent requifitoire :
Nous fufdits Vicaires Généraux & Archidiacres
, Adminiftrateurs de l'Archevêché de
Paris le Siége vacant , avons déclaré & déclarons
tant ledit Mandement que tous au
tres actes qui pourroient étre faits pendant
la vacance du Siége par l'autorité dudit Prieur
ou en vertu de toute autre autorité que
celle du Chapitre de l'Eglife de Paris , fous
prétexte d'une Jurifdiction fpirituelle fur
edit Fauxbourg pendant ladite vacance ,
nuls , téméraires , & attentatoires à l'autorité
du Chapitre de l'Eglife de Paris , le Siége
vacant. Vous faifons inhibitions & défenfes
de les mettre à éxécution , fous les peines
de droit : vous enjoignons fous les mêmes
peines de vous conformer à notre Mandement
du jour d'hier z ; du préfent mois
Et fera notre préfente Ordonnance lue , publiée
& affichée par tout où befoin fera ,
même dans ledit Fauxbourg Saint- Germain.
Lonné à Paris le 24 Juillet 1746 ,› par Ordonnance
de mefdits Sieurs les Vicaires Généraux
& Archidiacres , Robert , Secrétaire,
JUILLET 1746. 155
PRISES DE VAISSEAUX.
LECorfaire le Comte
E Corfaire le Comte de Maurepas , do
S. Malo commandé par le Capitaine
Blondelas y eft rentré avec le Navire la Depefche
de Briftol.
Le Capitaine Gobin commandant un autre
Corſaire nommé la Salle du même Port ,
y a mené le Navire le Jean de Jerſey,
On a reçu avis de Morlaix, que le vaiffeau
la Comteffe de la Marckmonté par le CapitaineAnthon
, s'eft emparé des bâtimens ,laFidelité
& le Rochester , & qu'il a rançonné pour
cent livres fterlings le Navire la Marie de
Falmouth.
Le Bâtiment l'Anne Galley de Londres
chargé de fucre , de caffé , de cacao & d'au
tres marchandiles a été conduit à Granville
par le Corfaire le Grand Grenot que monte
le Capitaine Clement .
Suivant les avis reçus de Dieppe le Capitaine
Flahaut qui monte le Corfaire la
Mauve , s'eft rendi maître du Corfaire le
Fox de Guernefy & du Navire la Providence
de Jerſey.
On apprend du Havre que le Navire le
Charmant Polley a été prisar le Corſairele
G vj
156 MERCURE DE FRANCE
H
Dauphin que commande le Capitaine Cauchois.
Les Coifaires l'Attrape fi tu peux & la Marie
Bernard font arrivés à Boulogne avec le
Navire Anglais la Princeffe Caroline de 145
tonneaux , dont la carguaifon eft compofée
de fucre & de coton.
Les Lettres de Bordeaux marquent que
le Corfaire la Marquise de Tourny y a fait
conduire le Corfaire le Levrier de Jerſey.
On a été informé par celles de Bayonne
que les Corfaires la Levrette & l'Alexandre
de ce Port on pris les Navires le Dauphin
de Londres , chargé de falaiſons , & le Yarmouth
, à bord duquel il y avoit une grande
quantité de fucre.
O nous a pries dinferer dans le Mercure
l'article qui fuit.
A
Yant été imprimé dans les Editions des
nouveaux Mémoires de Sully , page
21:38 216 de l'édition in- 12 , qu'un d'Efpueilles
, qu'on y traite de lâche Gouver-
,pour avoir mal defendu S. Bafile contre
le Duc de Mayenne , étoit de la Maiſon
de Courtenay , Madame de Beaufremont
qui refte feule de fa maiſon , fenfible à l'honneur
de fon nom s'eft plainte de l'outrage
JUILLET 1746. 157
qu'on y faifoit & en a écrit à M. le Duc de
Sully , qui en a fait fes plaintes à l'Editeur
lequel lui a repondu que c'étoit une faute ,
ou du Copiſte ou de l'Imprimeur , & a promis
de faire changer cette méprife à la premiere
Edition defdits Mémoires de Sully.Les
anciens Mémoires deSully imprimés à Rouen
en 1663 , qui fevendent à Paris au Palais chés
Thomas Jolly , prouvent que le fieur Def
pueilles n'étoit point de la Maifon de Courtenay,&
font d'accord avec Madame de Beaufremont,
on trouvera la preuve dans la généalogie
de la Maifon de Courtenay par M. Dubouchet
imprimée à Paris en 1661 dediée &
préſentée au feu Roi , que jamais Prince de
Courtenay n'a porté le nom de d'Efpneilles .
Create devant Saint- Guilain pouren con- Harleroy a été inveſti le 16 , & il n'eft
continuer le fiége , que quatre bataillons
aux ordres du Marquis de la Farre , Lieutenant
Général. La Garnifon qui a défendu.
Mons en étant fortie le 13 de ce mois pour
être conduite dans le Hainaut , on a fait.
entrer dans cette Place quatre bataillons.
Le 12 il y eut une efcarmouche entre
un détachement de Huffards de l'armée du
Roi & un de celle des alliés. Un autre détachement
de cette derniere attaqua le 14
une grand- Garde , mais il fut obligé de fe
18 MERCURE DE FRANCE.
retirer avec précipitation. La Maiſon du
Roi eft reftée le long de la rive droite
de l'Escault depuis Dendermonde jufqu'à
Vibroeck , à portée de joindre en huit heures
l'armée de fa Majefté. Le Corps de troupes
, qui avoit marché à Braine le Comte &
à Soignies , & qui eft commandé par le Duc
de Boufflers , Lieutenant Général , s'eft
porté le 15 à Malines , pour camper près
de cette Place , & par cette pofition il pourra
joindre l'armée , s'il eft néceffaire , ou fe
rendre fur la Durme , & couvrir Anvers , fi
les ennemis veulent former quelque entrepriſe
contre cette Place. Leur Infanterie
s'eſt avancée à la tête des bruyeres de Breda
, & une partie de leurs troupes legeres
eft venue fe pofter entre Turnhout , Berin
ghem , Ageel & Mool ,tant pour obferver la
droite de l'armée du Roi , que pour veiller
fur la Demer , mais leur Cavalerie eftreftée
dans le camp de Ter- Heyden Les Partis
d'Infanterie , par lefquels le Maréchal Comte
de Saxe fait batt e fans ceffe la campagne ,
ont empêché jufquà préfent les Huffards
ennemis de prendre aucun établiffement
dans le Baffin d'Anvers. Quoique lordre
donné par le Feldt- Maréchal Comte de Bahiany
& par le Prince de Waldeck, de conftruire
des fours à Maetricht & à Ruremonde
, annonce qu'ils penfoient à faire un mouJUILLET
1746. 859
:
vement vers la Meufe , on ne peut encore
former aucune conjecture certaine fur leur
véritable deſſein. Ils paroiffent craindre que
les troupes Françoifes , qui ont formé un
camp de l'autre côté de Louvain près l'Abbaye
du Parc , ne tentent de leur couper
la communication avec les troupes qui viennent
du Rhin fous les ordres du Prince de
Lobckowitz , & dont il n'y a encore que
deux Régimens de Huffards, qui ayent joint
l'armée des All és.
Sur l'avis que les ennemis marchoient
vers Endhoven , l'armée du Roi décampa
de Liere le 19 de ce mois , & ayant paffé la.
Dyle fur quatre colonnes , elle alla fe pofter
derriere cette riviere , la droite à Rouffelaër
& la gauche à Eure. Le Maréchal Comte de
Saxe établit le Quartier général à Velplaër ,
& il fit mafquer le pont de Vikmole par les
Croates , & celui de Rouffelaër par le Régiment
de Beaufobre. Dans le mouvement
que fit l'armée pour fe rendre à ce camp ,
les troupes de l'arriere - garde furent commandées
par e Vicomte du Chayla & par
le Comte de Loigny Montmorency , & elles
ne découvrirent que quelques Huffards qui
fe tinrent toûjours à une certaine diſtance.
En même tems que le Maréchal Comte de
Saxe quitta les environs de Lierre , le corps
de troupes qui eft fous les ordres du Comte
160 MERCURE DE FRANCE
de Clermont , & qui a été renforcé de la
Brigade de Crillon , paffa la Demer , & fe
porta à Piclar entre Arfchot & Zichem. Ce
dernier endroit fut occupé par le Régiment
de la Morliere que le Comte de Clermont
deux jours auparavant avoit fait avancer à
Vecteren , & le Régiment de Graffin entra
dans Diet , qu'il trouva abandonné . Pour
être à portée de marcher fur la Geſte , en
cas que les ennemis vouluffent s'approcher
de Haffelt , le Maréchal Comte de Saxe ordonna
de jetter des Ponts entre Louvain &
Vikmole. Cette précaution étoit d'autant
plus néceffaire qu'on n'étoit point certain fi
les Généraux des alliés vouloient aller du
côté de la Meufe , ou fi leur mouvement
n'étoit pas une feinte pour s'approcher d'Anvers
. Ces Généraux par leurs difpofitions
n'ayant pas laiffé lieu de douter qu'il n'euf
fent le deffein de prendre le premier parti ,
le Maréchal Comte de Saxe fit repaffer hier
la Dyle à l'armée fur cinq co lona &
elle campa fur deux lignes , le centre à
l'Abbaye du Parc , la gauche à Wlivvlierbeck
, & la droite mafquant le chemin de
Mecodal. L'artillerie fut parquée fur le glacis
de Louvain à droite de la Porte de Tirlemont.
La Brigade des Gardes dans
Louvain , les Carabiniers & le Régiment
de Dragons de Septimanie , au Pont d'Eure,
JUILLET 1746. 161
C
le Régiment de Beaufobre près de Bubek ,
* & les Uhlans à Alvertrick. Le Maréchal
Conte de Saxe ayant voulu avoir plus près
de lui la Maifon du Roi , elle vint camper le
24 entre Noffeghem & Corteberg , & par
cette pofition elle pourra proteger la com-
Emunication de Bruxelles. Toute l'armée ,
commandée par le Prince de Conty , eft devant
Charleroy , à l'exception du corps détaché
fous les ordres du Comte d'Eftrées
& de celui avec lequel le Marquis de la Farre
a fait le fiége de Saint Guilain.
D
Le Prince de Heffe-Philips- Thal , commandant
des troupes Hollandoifes qui étoient
en Garnifon dans Mons , a dépêché
aux Etats Généraux le fieur Dophf , Capitaine
dans le Régiment de Canifius , pour
les informer que le 10 de ce mois le Comte
de Nava , qui commandoit dans la Place
pour la Reine de Hongrie , avoit été obligé
de faire arborer le Drapeau blanc. On eft
convenu par la Capitulation , que la Garnifon
feroit prifonniere de guerre , & que
tous les Militaires , qui le trouveroient dans
la Ville, fubiroient le même fort , quoiqu'ils
ne fuffent pas de la Garniſon ; que la Porte
d'Havré feroit remife aux troupes Franço
fes , mais que çoiſes , le Prince de Conty empêcheroit
que les foldats n'entraflent dans la
Ville tant que la Garnifon y refteroit; qu'elle
62 MERCURE DE FRANCE.
en fortiroit le 13 avant-midi , pour être con
duite dans les lieux , où il plairoit à ſa Majefté
Très- Chrétienne d'ordonner ; que les
Officiers conferveroient leurs équipages , &
qu'on leur fourniroit la facilité de les faire
tranfporter , que les malades & les bleffés
refteroient dans la Ville ; qu'ils y feroient
foignés aux dépens de leurs Souverains , &
que les Généraux , aux ordres defquels ils
font , pourroient leur laiffer les Médecins &
les Chirurgiens néceffaires , lefquels conformément
au cartel , figné à Francfort le 8
Juillet 1743 ne feroient point prifonniers ,
qu'il feroit permis à un nombre d'Officiers ,
proportionné à celui des foldats malades ou
bleffés , de demeurer dans la ville pour veiller
tant fur leurs interêts que fur leur conduite
, qu'on accorderoit en route à la Garnifon
les étapes , de même qu'aux troupes
Françoiſes , à condition que tout ce qui lui
feroit fourni , feroit remboursé par la Reine
de Hongrie & par cette République ; que
les Officiers Généraux & les Brigadiers des
troupes de la Gatnifon , ainfi què les Officiers
de l'Etat Major de la Place & les Ingenieurs
, auroient la liberté de fe retirer
où bon leur fembleroit , en donnant leur
parole d'honneur de ne point fervir jufqu'à
ce qu'ils fuffent échangés ; que les Officiers
& les foldats de la Garnifon feroient échan
JUILLET 1746. 163
•
gés ou rançonnés , le plûtôt qu'il feroit poffible
, fur le pied du Cartel de Francfort ,
qn'il feroit remis un état exact des chevaux
de toutes les troupes de Cavalerie : & que
s'il y en avoit eu quelques - uns d'achetés ou
de changés depuis le commencement du fiege
, ils feroient rendus par les Officiers ou
par les Bourgeois qui les auroient achetés
ou troqués ; que le Comte de Nava & le
Prince de Heffe Philips-Thal laifferoient des
ôtages & donneroient caution , foit pour les
dettes du Fifc , foit pour celles des troupes ;
que la Reine de Hongrie tiendroit compte
des défordres que les troupes pouroient,
avoir commis dans les villages de France
foumis aux contributions , & qui ont payé
fidélement chaque terme ; que les magafins
de vivres & de munitions de guerre fans aucune
exception feroient livrés au Commiffaire
autorifé pour cet effet par le Prince de
Conty ; que les femmes , enfans & domeſ
tiques des Officiers & autres , pourroient
fortir de la ville , en même tems que la Garnifon
ou dans le terme de fix mois avec
leurs meubles & effets , & qu'il leur feroit
donné gratis des paffeports & des eſcortes ;
le Directeur de la Pofte & fes Commis
ne feroient inquiettés en aucune façon au
fujet de leur adminiftration , non plus que
pour les commiffions dont ils auroient pâ
que
164 MERCURE DE FRANCE.
être chargés , mais qu'ils feroient obligez de
fe retirer avant le 15 du mois prochain ;
que tous les meubles & les équipages du
Duc d'Aremberg , Grand Bailly du Hainaut
, & Gouverneur de Mons , y refteroient
fous la garde des Domeſtiques prépolés
à cet effet , & que lorfqu'il le défireroit
, on lui fourniroit des paffeports ,
des eſcortes & des voitures , pour les faire
tranfporter . Le Comte de Nava & le Prince
de Heffe Philips - Thal avoient demandé
qu'il fût accordé à la Garnifon deux Chariots
couverts , qui ne puffent être vifités
fous aucun prétexte ; que les Officiers &
foldats de la Garnifon , faits prifonniers pendant
1 : fiege, fuffent échangés contre les prifonniers
que la Garnifon avoit faits fur les
Affiégeans avant la reddition de la Place ,
& que les foldats des troupes de la Garnifon
ne puffent être mis dans des prifons ou autres
lieux fermés lorfqu'ils feroient arrivez aux
lieux où il plairoit à Sa Majesté Très - Chrétie
ne de les faire conduire. Les deux premiers
articles ont été refufés , & le Prince de
Conty a répondu fur le troifiéme ,,
que le
Roi en ordonneroit , mais que les traitements
faits aux Garniſons des autres
Places dont Sa Majesté Très-Chrétienne s'eft
emparée , devoient raffurer la Garniſon fur
celui qu'on lui feroit éprouver. Ce Prince a
JUILLET 1746. 165
donné au Comte de Nava une peuve d'efti.
me particuliere , en confentant qu'il ne fût
point prifonnier de guerre , & qu'il pût à
fon choix rendre libre un Officier au deffous
du grade de Colonel . Les troupes Hollandoifes
qui étoient en garnifon dans Mons ,
étoient compofées des Regiments d'Infanterie
de Kinfchot , de Swanembourg , de
Schwartzemberg , de Bronckhorft , de Mulert
& d'Oranhe Groningue , & de trois Efcadrons
du Régiment de Dragons de Matha.
Il n'y a eu , tant de ces troupes que du
refte de la Garnifon , que 400 hommes tués,
bleflés ou faits prifonniers pendant le fiege.
Le 9 de ce mois à deux heures après midi
, Philippe de France , Roi d'Efpagne &
des Indes , mourut prefque . fubitement au
Palais de Buen Retiro , dans la 45e , année
de fon regne. Il étoit âgé de foixante & deux
ans , fix mois & vingtjours , étant né le 19
Décembre 1683 , & il étoit le fecond
fils de Louis Dauphin, & de Marie Anne
de Baviere , & oncle du Roi Ce Prince
portcit le nom de Duc d'Anjou , lorſ
que Charles II le déclara fon heritier univerfel.
Etant parti de Verfailles le 4 Décembre
1700 pour aller prendre poffeffion
de cette Couronne , il arriva à Madrid le 17
-Février de l'année fuivante,&il. fut proclamé
Roi fous le nom de Philippe V dans tous
166 MERCURE DE FRANCE.
les pays de la Monarchie d'Efpagne. Pendant
quelques années il ne put jouir paifiblement
de fes Etats , & il eut une vive
guerre à foutenir , mais il fut reconnu Roi
d'Efpagne & des Indes par la Grande Bretagne
& par la Hollande en 171-3 , & par
l'Empereur Charles VI en 1725. Le 15 Janvier
de l'année précedente il avoit abdiqué
la Couronne en faveur de Louis , Prince
des Afturies , & s'étoit retiré au Château
de Saint Ildephonfe , mais le jeune Roi
étant mort quelques mois après , Philippe V
reprit le Gouvernement de cette Monarchie.
Il avoit été marié en 1701 à Marie-
Louife - Gabrielle de Savoye , fille du feu
Roi de Sardaigne Victor Amedée , née le
17 Septembre 1685 , & morte le 14 Fevriér
1714 , & dans la même année il époufa
en fecondes noces Elifabeth Farneſe , fille
d'Odouard Farnefe II Duc de Parme & de
Plaifance , née le 25 Octobre 1692. De
fon premier mariage il a eu Louis I Roi
d'Efpagne & des Indes , né à Madrid le 25
Août 1707 , & mort dans la méme ville le
31 Août 1724 ; Don Philippe Infant d'Efpagne,
né le 2 Juillet 1709 & mort le 8 du
même mois ; Don Philippe- Pierre - Gabriel
Infant né le 7 Juin 1712 , mort le 29 Décembre
1719 , & Ferdinand né le 23 Septembre
1713 , qui par la mort des Princes
JUILLET. 1746. 167
·
fes freres ainés étant devenu Prince des Af
turies , vient de fucceder àla Couronne fous
le nom de Ferdinand VI. Philippe V a eu
de fon fecond mariage le Roi des deux Siciles
, né le 20 Janvier 716 ; Philippe Infant
né le 15 Mars ; 1720 Louis- Antoine-Jacques
Infant , Cardinal , Archevêque de Tolede
& de Seville né le 25 Juillet 17273 Marie-
Anne -Victoire Infante , née le 30 Mars
1718 , mariée le 19 Janvier 1729 au Prin
ce du Brefil ; Marie- Th refe-Antoinette-
Raphaëlle Infante , née le Juin 1726 , mariée
l'année derniere à Monfeigneur le Dauphin,&
morte le 22 de ce mois & l'Infante
Marie-Antoinette Ferdinande , née le 17 Novembre
1729. L'Infant Don François né dų
même mariagele 21 Mars 1717 eft mort le
25 du mois d'Avril fuivant. Le zéle d Philippe
V pour la Religion & fon attachement à
l'obſervation de tous les devoirs qu'elle preſ
crit; la fermeté heroique & chrétienne qu'il
fait éclater dans les plus grandes adverfités ,
& les preuves qu'il a données defon intrep:-
dité dans les occafions les plus perilleuses ,
particulierement dans les batailles de Luzara
& de Vil aviciofa , l'ont fait refpecter de
toute l'Europe. La tendreffe paternelle qu'il
a témoignée conftament pour fes fujets ; fon
attention continuelle à procurer leur bonheur
& leur repos , autant que les circonf
168 MERCURE DE FRANCE.
tences l'ont permis ; fon amour pour la juf
tice & l'exactitude avec laquelle il a fait obferver
les loix ; la fageffe des reglements
qu'il a faits pour proteger & pour augmenter
le commerce ; le grand nombre d'établiffements
dont les fciences & les arts lui
font redevables , rendront à jamais fa mémoire
chere à l'Espagne. Le corps de ce
Prince doit être inhumé dans l'Eglife Collegiale
de Saint Ildelfonſe , ainfi qu'il l'a ordonné
par fon Teſtament , qui a été ouvert
avec les cérémonies accoûtumées . On ne
peut exprimer par des termes affés forts la
douleur dans laquelle la perte que l'Eſpagne
vient de faire , a plongé le Roi & toute la famille
Royale. La Reine Douairiere n'a point
quitté le Palais du Buen Retiro , & elle reçoit
de frequentes vifites de la Reine,
JOURNAL
JUILLET 1746. 169
¿EXGES EXHESEXSEX
JOURNAL
Du fiége de Charleroy du 28 au 29. Juillet.
LAtranchée a été ouverte en trois endroits
' differens devant Charleroy la nuit du
23 au 19 Juillet au centre devant le Poligone
des Baftions d'Orleans & de Dauphin
par M. de la Farre Lieutenant Général , M.
le Duc de Brifac Maréchal de Camp , 1200
travail eurs foutenus du premier & du troifiéme
bataillons de Navarre & deux compagnies
de Grenadiers.
Les travailleurs conduits par la demie.
Brigade des Ingenie rs de Franquet commandée
par M. de S. Paul Sous- Brigadier ,
ont fait 2 paralleles en deçà du Ravin des
petits étangs de 420 toiles de lo gueur visà-
vis la redoute des payfans ; la premiere
parallele traverſe le Ravin par fa droite &
joint la feconde qui eft appuyée par fes extrémités
au fufdit Ravin , & à celui en avant
dit des grands étangs ; ele a 350 toifes de
longueur & par fa gauche elle eft à 9ʊtofes
de la Redoute ; la communica: on à
ces paralleles par la droite a 350 toifs de
Longueur, de forte que la longueur totale du
H
170 MERCURE DE FRANCE,
travail fait cette nuit à l'attaque de Montigny
eft de 1120 toifes ; il n'y a eu que deux
Eommes bleffés.
A la droite la tranchée a été ouverte par
M.de la Motte Houdancorrt Lieutenant gé
néral & par M. de Fontenay Brigadier, 1200
travailleurs foutenus du premier & troifié.
me Bataillons de Mailly & quatre Compa
gnies de Grenadiers.
Les travailleurs conduits par la premiere
demie Brigade d'Ingenieurs de Franquet ont
fait vis à- vis les redoutes avancées du front
de la porte de Bruxelles une parallele d'environ
300 toifes de longueur à 40 toifes de
diftance du faillant de la Redoute la plus
avancée. Les communications de cette paral
lele à la droite & vers le centre ont enfemble
160 toifes & tout le travail 460 .
Le feu a été plus vif dans cette partie
qu'aux autres , il y a eu environ 50 hommes
tués ou bleffés , M. de Verville chef de
Brigade a eu le bras percé d'un coup de
biſcayen.
La tranchée a été ouverte à la gauche visà
-vis la porte de Mareinelle de la baffe-ville
par M. de Maubourg Lieutenant Général &
M. de la Motte Brigadier, 600 travailleurs
foutenus par un Bataillon & deux piquets de
Dragons.
Les travailleurs commandés par la pre
JUILLET 1746 171
<
miere demie Brigade de Chaville ont fait
une paral ele de 270 toifes de longueur dont
la droite eft appuyée à la Sambre , & traverfe
par la gauche la chauffée de Mareinelle
, laiffant derriere elle la bariere de l'avancée
; les communications à cette parallele
ont 360 toifes de longueur & tout le
travail 60 dont la plus grande partie eſt à
la fappe à caufe de la proximité de la redoute
qui n'eft diftante de la parallele que
d'environ
80 toiles , & malgré le feu vif des ennemis
il n'y a eu ni tués ni bleffés.
Du 29 au 30 attaque de Montigny du centre.
La tranchée a été relevée le 29 par, M. le
Comte de Ségur Lieutenant Général M. de
Pumbeck Brigadier , deux Bataillons & deux
compagnies des Grenadiers Auxiliaires .
Quatre cent travailleurs conduits par une
demie brigade d'Ingenieurs commandée par
M. du Portail Brigadier ont perfectionné les
deux paralleles de la nuit précedente , prolongé
la feconde de 80 toiſes vers la redoute
des payfans qui ne s'en trouve éloignée
que de trente à quarante toifes , on a aufſi
prolongé la communication de deux
cent toifes , & l'on a travaillé à l'emplacement
des batteries néceffaires , l'une
au centre de la premiere pa allele , deux à
J'extrêmité de la feconde , & une derniere ;
celle- ci fera deftinée à ruiner les défenfes &
172 MERCURE DE FRANCE.
prendre les ricochets fur le front attaqué,
Attaque de la porte de Bruxelles ou de la
droite.
M. de la Cofte Meffeliere , Maréchal de
Camp a relevé la tranchée avec deux Bataillons
& deux Compagnies de Grenadiers auxiliaires
; 500 travailleurs conduits par une
demie Brigade d'Ingénieurs, commandée par
M. de la Cheze , fous- Brigadier ont perfe-
Aionné le travail de la nuit précédente , &
prolongé de so toifes à la fape la gauche de
la parallele , dans laquelle on a placé deux
mortiers , & prolongé pareillement de 150
toifes la communication de la droite. Il y
a en trois hommes bleffés , dont un Officier
de Mailly, & deux foldats , & un foldat tue.
eu
Attaque de Mareinelle ou de lagauche.
La tranchée a été relevée par M. le Comte
de baviere , Lieutenant Général, M. de Ruffe,
Brigadier , 2 Bataillons & 2 piquets de Dragons
. 300 travailleurs commandés par M.
Ploteau ont de même perfectionné le travail
fait la nuit précédente , prolongé la parallele
de 111 toifes fur la gauche , à l'extré
mité de laquelle on a commencé une batterie
pour battre de revers & d'enfilade le
JUILLET 1745- 1731
front attaqué de la baffe ville , tandis que
notre batterie vers le centre de cette paralleie
eft deftinée à ruiner la communication
& battre la redoute : on a de même prolongé
de 32 toifes la droite de cette para lele.
jufqu'à la Sambre , elle eft pareillement terminée
par une batterie qui enfilera la porte
& battra la redoute,
M. de la Rigaudiere , Capitaine au Régiment
de Soiffonnois , a été bleffé d'un coup
de fufil dans le bas-ventre , & il y a eu deuxfoldats
bleffés,
Du 30 au 31 Attaque de Montigni ou dy,
centre .
La tranchée a été relevée le 30 par M. de
Fénelon , Lieutenant général , M. de Rougel
, Brigadier , deux Bataillons , une Compagnie
de Grenadiers Auxiliaires , & un piquet
de dragons. 300 travailleurs conduits.
par une demie Brigade d'ingénieurs, aux ordres
de M. Damonville , ont prolongé la
gauche de la feconde parallele jufqu'à hauteur
du faillant de la redoute des payfans ,
& retournés de l'extrémité parallelement à
la face de la redoute d'environ cent toifes ,
ils ont embraflé auffi la face gauche de la
dite redoute , au pied de fon glacis fur 40
toiles de longueur , & fait une nouvelle ccm-
Hiij
14 MERCURE DE FRANCE ,
munication des deux paralleles de 70 de lon-.
gueur entre les deux étangs . On a perfectionné
les batteries , le mineur cft attaché
au ravin & chemine fur la redoute ; il eft enfoncé
de 18 pieds.
Attaque de la porte de Bruxelles on de l'a
droite.
La tranchée a été relevée par M. Duchâ
telet , Maréchal de camp , deux bataillons &
deux compagnies de Grenadiers auxiliaires ;
les travailleurs conduits par la demie brigade
d'Ingénieurs , commandée par M.le Che--
valier de Clermont , ont prolongé de 110
toifes la gauche de la parallele , pour foutenir
une batterie placée avantageulement derriere
, qui bat d'enfilade la face droite du
Baftion du Roi , celle de la contregarde &.
fon chemin couvert. Cette batterie eft de
cinq pieces. On en a établi deux autres, une
de trois , & une de quatre , vers le centre de
la paralele , pour battre ces deux redoutes
& la communication. Deux Officiers de
Royal Artillerie y ont été dangereulement
bleflés , & einq foldats.
Attaque de Mareinelle ou de la gauche.
La tranchée a été relevée par M. de LauJUILLET
1746 193
trec , Lieutenant général , le Prince de Guife
, Brigadier , un bataillon , une compagnie
de Grenadiers auxiliaires & un piquet de
dragons. Quatre cent travailleurs conduits
par une demie - brigade d'Ingénieurs , commandée
par M. de Filey , ont fait la com
munication directe en fappe debout & traverfe
tournante de la premiere paralelle au
chemin couvert de la redoute , au retour pa
rallel à une des faces , & un autre retour qui
communique en couvrant celui- ci fur le
milieu d'une des faces de ladite redoute
en 'traverfant fon foffé plein d'eau que l'on a
comblé.
M. de Roche , Lieutenant au Régiment
de Bourbonnois à la tête de 30 volontaires
foutenus de M. de la Merliere Capitaine
de Grenadiers du même Régiment, s'eft
rendu maître de cette redoute l'épée à la
main , en traverfant le foffé de zo toifes de
largeur , dans lequel il y avoit quatre pieds
& demi d'eau. On a fait 28 prifonniers , partie
Autrichiens , partie Hollandois , & un
Oficier qui la gardoit. Commê l'attaque de
cette redoute n'étoit pas abfolument certai
ne , on avoit commencé un travail pour s'en
approcher , partant de la premiere paralele
, & dirigée fur la barriere de la chauffée ;
it a 60 toiles de longueur. La communication
dont on a parlé en premier heu a 105
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE
toifes. Il y a eu deux hommes tués à cette
attaque , & fept bleffes .
Du 31 au 1 Août , Attaque de Montigny ou
du centre .
La tranchée a été relevée par M M. de S.
André , Lieutenant Général , & de la Motte
Brigadier , deux Bataillons , une compagnie
de Grenadiers Auxiliaires & un piquet de
dragons
.
la
Les travailleurs conduits par une demie-
Brigade d'Ingénieurs , commandée par M.
Duportail Brigadier , ont prolongé par
droite la fappe de la nit précédente de 45
toiles , &pouffé en avant une parallele partant
de la com.nunication de la redoute des
payfans , & qui pince le faillant du chemin
couvert de la redoute de Vauban . Cette parallele
fera jointe dans le jour avec la prolongation
dont on vient de parler ; elle a
120 toifes de longueur. On a de plus prolongé
la feconde parallele de 90 toiles du
côté de la Sambre , on a pareillement marqué
la communication de la redoute des
Payfans à fon extrémité vers la place , & l'on
s'eft logé dans la place d'armes faillantè du
chemin couvert de la petite redoute qui y
communique . M. de la Bretonniere , Ingénieur
volontaire , a été bleffé d'un coup de
JUILLET 1746. 177
feu au vifage ; 2 hommes tués & 12 bleffés
Attaque de la porte de Bruxelles.
La tranchée a été relevée par M.de Fien-
› Maréchal de camp , 2 Bataillons , 2
Compagnies de Grenadiers Auxiliaires. Les
travailleurs conduits par M. Ducorei !, Ingénieur
, ont fait la communication derriere
les batteries du centre , elles ont enfemble
cent toifes de longueur , & l'on a perfectionné
le travail de la nuit précédente.
Il y a eu trois travailleurs bleffés.
Attaque de Mareinelle.
M M. de Coigny , Lieutenant Général , &
de Fontenay , Brigadier , ont relevé la tranchée
avec un Bataillon , une compagnie de
Grenadiers auxiliaires , & un piquet de
Dragons.
Les travailleurs conduits par une demiebrigade
d'Ingénieurs , commandée par M.
de Saracher , Chef de brigade , ont perfectionné
les communications parallelement à
la face , & venant s'appuyer à la Sambre par
un bout de parallele ; on a fait auffi le paffage
du foffé de la petite redoute dont on
s'eft emparé , & l'on's'y eft logé. Il y a eu 2
foldats bleffés .
HY.
178 MERCURE DE FRANCE.
La garnifon qui étoit dans la ville baffe ,
l'évacua le fur les quatres heures , & monta
dans la haute ; le magiftrat arbara fur le
champ le drapeau blanc & voulur fare quelques
propofitious , on lui déclara qu'on n'en
vouloit écouter aucunes ; fur ce refu , il bailfa
les ponts & ouvrit les portes & les troupes
s'en emparereat for le champ.
1 Le z M. de Chabannes ayant fair tater
les lunettes Vauban par quelques Grenadiers
foutenus de leurs Compagnies , ils les
ont emporté à la premiere tentative ; cette
ardeur a donné tant d'émulation aux troupes
des autres tranchées que tout ce qui étoit
commandé grenadiers, piquets & travailleurs
à marché aux ouvrages avec une fermeté
& une vivacité incroyable rien n'a réfifté à
leur impétuofité , les travailleurs ont pénétré
dans l'ouvrage à corne de Namur entre
le Sambre & la haute ville , les Grenadiers
Ics
y ont fuivis malgré le feu des ennemis ,
& l'affaut auroit été donné au corps de la
place fi M. de Chabannes & de Nicolai n'avoient
employé toute leur autorité , à contraindre
les foldats de fe retirer des Paliffades
du chemin couvert . Cette audacea tellement
intimidé lennemi qu'il a fur le champ arboré
le drapeau blanc .
La capitulation vient d'être fignée &
la garniſon eft prifonniere de guerre,
JUILLET 1746. 172
Il y a eu un Officier tué & trois Soldats 3
Officiers & 11 Soldats bleffés .
J.Ai
LE COUSIN.
FABLE.
A M. LETEXIER.
Ai promis une fable , & j'y vais atisfaire :
Bonne digne de toi ? ... je n'aurois p/ la faire
Je n'entends acquitter ici que la moitié
De la dette que j'ai trop vite contractée .
Si la piece n'eft pas goutée ,
Ne t'en prends qu'à ton amitié
De me l'avoir follicitée ;
J'éprouve en cette occaſion
Que l'efprit aisément ſe fait illuſion
Lorfque l'ame eft bien affectée.
Un infecte , de ceux que l'on nomme Coufitis.
Avoit eu le fecret de fe mettre à la mode,
Quoiqu'un bour onnement auffi fou qu'incommode
Lerendit redoutable à fes plus chers voisins.
Dans les bofquets , dans les prairies
Les foirs il voloit tour à tour ,
N'épargnant en faiſant ſon tour
Hvj
180 MERCURE DE FRANCE
Ni les hôtes des bergeries
Ni ceux des châteaux d'alentour.
Quand il vit , en faifant fa ronde ,
Que fon bruit importun n'étoit point évité,
même d'un certain monde Et
que
Il amufoit l'oifiveté ,
Ce fuccès lui donna de la témerité ;
Au bruit il joignit la piqûre ;
Il divertit encor ceux qu'il ne piquoit pas ;'
Car du mal d'autrui l'on n'a cure ,
Et même les malins y trouvent des appas.
Ceux là donc n'en firent que rire ,
Mais les gens offenfés le prirent tout de bon ,
Et par malheur pour notre fire ,
Il ofa piquer un barbon .
Rarement à cet âge , entend-t'on raillerie.
Notre bon homme prit la choſe au criminel :
Je te paffois , dit-il , ton caquet éternel ,
Effet de ton étourderie
Mais non content dans ta folie
D'étourdir tout le genre humain ,
Tu piques ? c'en eft trop , ô miferable engeance ;
Redoute ma jufte vengeance .
Si tu me tombes fous la main.
Que Fon pardonne au pet it maître ,
De quelque claffe qu'il puiffe être ,
(J'y comprens le Robin avec l'Abbé coquet )
L'ennuyeux perfifflage & le bruyant caquet
JUILLET 1748
C'eft fon lot ; le Ciel l'a fait naître
Pour être fot & freluquet ;
Mais que tant de fats qu'on renomme
Joignent les traits du méchant homme
Au rôle infipide du fot ,
C'en est trop , & fouvent pour leurs propos cauftiques
Ils mériteroient bien qu'on leur fit éprouver
Le petit accident que maints auteurs critiques
N'ont pas eu de nos jours le bonheur d'efquiver.
Par M. Peffelier.
*** ] || ** ]] ** [ [********** ]
A Mlle. D'AVIGNON
Pour l'engager à apprendre les regles de la
Poëfie Françoife.
LA NATURE ET L'ART.
FABLE.
Dans le fond d'un jar in , à côté d'un berceau ,
Sans foin , fans peine , fans culture ,
Naquit un charmant arbriffeau,
Enfant de la belle Nature ,
182 MERCURE DE FRANCE.
Mo éle digne du pinceau
Si le travail de la peinture
Pouvoit dignement rendre un ſi joli morceau.
Vous feriez , lui dit on , bien plus aimable encore
Si l'art dirigeoit vos rameaux ;
Permettez- donc qu'il vous décore ,
Et vous en recevrez mille charmes nouveaux .
Dans fes habiles mains tout vous fera poffible,
Que d'ar uites feront jaloux !
Vous êtes né doux & flexible ;
La moitié de l'ouvrage eft déja fait pour vous .
L'arbriffeau fe rendit , & bientôt fans obſtacle
Prenant du jardinier un agréable tour ,
D'ignoré qu'il étoit , il devint un ſpectacle
Pour les curieux d'alentour .
ENVOL..
Vous qui réuniffez la fageffe & les graces
Au talent naturel des enfans d'Apollon ,
De l'art daignez fuivre les traces,
Il guiderà vos pas dans le lacré vallon.
Il fçait orner la beauté même ;
Plus d'une toilette en fait foi ;
Pourquoi résister à fa loi ,
Quand tout cede ici bas à on pouvoir fuprême ?
Votre efprit à produire en ferat- il plus lent
Non , loin d'étendre le talent
Trop de liberté le refferre ,
i
JUILLET 1748. 183
Les talens , il eft vrai , font l'ouvrage des Dieux ,
Et l'homme a fait cet art qui vous eft odieux :
Mais fans nous en faire la guerre ,
Partagez avee nous ce guide précieux ;
On peut bien emprunter quelque chofe à la terre
Quand on a tant reçu des Cieux.
Par le même.
On auroit voulu pouvoir offrir à Mlle.
d'Avignon le tribut qu'elle mérite , mais
l'Auteur de la Fable l'a fi bien louée qu'il ne
refte plus que de foufcrire à fon éloge ou de
le répeter,
184 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES ETRANGERES.
ALLEMAGNE.
E 25 du mois paflé , la Reine de Hongrie
Lannonça à anciennes
tions concluës avec la Ruffie venoient d' . tre renouvellées
, & que la bonne intelligence entre
Les deux Puiffances étoit affermie d'une maniere
également avantageufe pour l'une & pour l'autre.
Depuis l'audience que le Comte de Podevvils , Envoyé
extraordinaire du Roi de ruffe , a eu de ſa
Majefté , ce Miniftre a conferé deux fois avec le
Comte d'Uhlefeldt , Grand Chancellier , & il lui
a fait part des ordres éxprès qu'il a reçus de fa
Majefté Pruffienne d'engager la Reine à fe prêter
aux voyes de conciliation , par lefquelles on pourroit
parvenir à rétablir la tranquillité en Europe.
Le Comte d'Ulefeldt a répondu que fa Majefté ne
pouvoit rien faire à cet égard que de concert avec
fes Alliés , & qu'elle s'en rapporteroit , fur tout
ce qui regarde des propofitions d'accomodement ,
aux Confeil du Roi de la Grande Bretagne. Le
même Miniftre a déclaré par ordre de la Reine au
Miniftre de fa Majefté Britannique & à celui de
la République des Provinces Unies , que Sa Majefté
avoit réfolu d'ajouter un nouveau renfort à celui
qu'elle faifoit marcher vers les Pays Bas fous les
ordres du Prince de Lobckovvitz Ön a reçu avis
de Petesbourg que le 16 du mois dernier , pour
la premiere fois depuis que l'Impératrice de Ruffie
eft à Petersshoff , les Miniftres Etrangers qui réJUILLET
1746.
185
fident auprès de cette Princeffe , avoient été admis
a fon audience , & que le foir ils avoient été
invités à fouper chés la Grande Ducheffe de Ruffie
. Ces avis ajoutent que la Flotte , qui a été
équipée par ordre de l'Impératrice de Ruffie , &
qui eft compofée de vingt -quatre Vaiffeaux de
guerre & de plufieurs tant Fregates que Galeres ,
avoit ordre de mettre inceffamment à la voile. Les
mêmes avis portent que le Grand Duc de Ruffie
avoit fait le 20 la cérémonie de donner les marques
de l'Ordre de Sainte Anne au Comte Nafamotsky
, cy-devant Preſident de l'Académie des
Sciences de Petersbourg.
#
Suivant les avis reçus de Vienne , la Reine de
Hongrie & le Grand Duc de Tolcane , apres avoir
paffe quelques jours au Château de Mannerfthoff ,
font retournés à celui de Schombrun. Les mêmes
avis affurent que fa Majeft Hongroife n'a point
voulu accepter les propofitions qui ui avoient été
faites pour parvenir à un accommodement general ,
& qu'en donnant part à fes Alliés des raifons qui
l'avoient engagée à les rejetter , elle avoit fait fçavoir
à ces Puiffances , qu'elle eftoit dans la refolution
d'agir en tout de concert avec elles , & qu'elle
efperoit de les voir tenir à ſon égard la même
conduite. Le Prince Charles de Lorraine eft parti,
pour fe rendre dans les Pays Bas . Cinq mille hom
mes , nouvellement levés en Croatie , ont dû fe
mettre en marche vers l'Italie . Le bruit court à
Vienne que M. Lancz nsky a déclaré aux Mi
niftres de la Reine de Hongrie , qu'un Corps de
troupes Ruffiennes étoit prêt à marcher à fon fecours,
fi quelque Pu flance étrangere attaquoit les
Etats que cette Princeffe poffede en Allemagne.
On a appris de Berlin , que le Roi de Pruffe étoit
actuellement à Poftdam , la Reine à Schonhaufen ,
186 MERCURE DE FRANCE
•
& la Reine Douairiere à Oranienbourg , & que pen
dant le fejour du Roi de Pruffe à Reinsberg , où.
ce Prince a demeuré jufqu'au de ce mois , il y
avoit eu plufieurs feftes très magnifiques. Le Ro
de Fruffe a nommé le omte de Finckenftein , pour
aller réfider à Petersbourg en qualité de fon Envoyé
Extraordinaire , à la place du Baron de Mardefeldt.
Le Baron de Danckelman Miniftre du
Confeil Privé d'Etat & de Guerre de fa Majesté
Pruffienne , eft mort à Berlin le 12 , dans la foixante-
quatrième année de fon âge . Les nouvelles
de Dreide portent que le Comte de Hennique ,
Miniftre de Conference du Roi de Pologne Electeur
de saxe , étoit allé à Weffeinfels par ordre
de ce Prince , pour regler ce qui concerne le
Douaire de la Ducheffe de Saxe Weffeinfels &
l'appanage de la Princeffe fa fille . Sa Majesté Polonoife
a rappellé dans fon Electorat les troupes
Saxones qui étoient reftées en Boheme . Elle a fait
demander aux Etats de Saxe 1 continuation des
fubfides accordés pendant la guerre , en leur laiffant
la liberté de prendre de nouveaux moyens
pour en procurer le paye nent . Selon les lettres de
Hanover , le Comte & la Comteffe de Woronzoff
en font partis le 13 & ils comptoient d'arriver le
15 à Berlin. Les lettres de Bonn confirment que
la fanté de l'Electeur de Cologne eft beaucoup
meilleure , depuis que ce Prince prend les bains
de Slangenbad. On a été informé par celles de
Venlo , que le 16 les troupe , qui font fous les
ordres du Prince de Lobockovvitz , avoient commencé
à y paffer la Meufe , & qu'elles devoient
marcher par Amelen , Aften , Heele & Stripp ,
à Peer où fe feroit leur jonction avec l'armée
que commande le Feldt- Marefchal Comte dẹ
Bathiany.
JUILLET 1746. 187
Le Cercle du Haut Rhin a reçu des Lettres Requifitoriales
, par lesquelles la Reine de Hongrie
lui demande le paffage pour un nouveau Corps de
troupes qu'elle fe propofe d'envoyer dans les Pays-
Bas , & qui fera compofé des Regimens d'In anterie
de Grune & de Leopold Daun ; de deux Bataillons
du Régiment de Hildburfghaufen ; de deux
autres Bataillous qui viennent du Tirol ; des Régimens
de Cavalerie d'Olonne , de Perneff &
de Cordoue ; de celui de Huffards de Fe eritz , &
de qu lques troupes irregulieres Les lettres de.
Duffeldorp marquent que la derniere Diviſion de
l'armée , qui eft fous les ordres du Prince de Lobc
ko itz , avoit paffé le 5 de ce mois le Rhin près
de Keizerferth. On a reçu avis que l'Evêquet
Prince de Bamberg & de Wurtzbourg avoit fait
publier un Edit , qui porte que les droits de Douane
& de Péage , qui fe perçoivent dans fes Etats ,
feront diminués d'un quart ; que les marchandifes
& les denrées , qui feront conduites par terre à
Kitzinge pour defcendre le Mein , ne payeront
que les deux tiers de ces droits ; que de quinze
jours en quinze jours il partira de Wurtzebourg
tous les Lundis à midi un Bâtiment , fur lequel les
proprietaires de ces marchandifes pourront les em-.
barquer ; que dans le temps de la Foire établie ici
on fera partir , outre la barque ordinaire , trois
autresBâtiments pour la commodité des Négocians;
que fi dans l'intervalle du départ de ces Bâtiments
quelque Commerçant veut faire paffer des mar
chandifes à Kitzinge , on lui fournira une voiture
d'eau à un prix modique , pourvu que le poids
de ces marchandifes n'excede pas quatre-vingtdix
quintaux qu'il fera permis aux marchands des
toutes nations d'avoir des Facteurs à Kitzinge , &
que les Magiftrats auront ordre de punir ſevere :
188 MERCURE DE FRANCE.
ment les moindres infidélités que ces Facteurs
Fourront commettre ; que pour accelerer la navigation
& le tranfport des marchandifes , il fera
defendu aux Bateliers de Kitzinge , qui defcendront
le Mein , de demeurer jamais plus de huit
jours en cette Ville , ni dans celles de Mayence
& de Cologne ; que les Officiers de l'Evêque de
Bamberg & de Wurtzbourg feront déchargés
d'empêcher que les marchandifes ne foient retenues
trop long- temps dans les Douanes , & qu'ils
auront des ordres particuliers de procurer aux Negocians
toutes les facilités & tous les avantages
dont il fera poffible de les faire jouir.
On a appris de Coppenhague , que le 3 de ce
mois au foir la Princeffe de Dannemarck étoit
accouchée d'une Princeffe , qui a été nommée Sc
phie Mag- elain . Selon les mêmes lettres , le bruit
court que le Traité de fubfide entre le Roi de
France & fa Majefté Danoiſe vient d'être renouvellé
. Les nouvelles de Stockolm portent que le
zi du mois dernier le Roi de Suéde avoit eu une
violente attaque de gravelle , mais que ce Prince
s'étoit trouvé le lendemain fort foulagé , & qu'à
préfent fa fanté étoit entierrement rétablie . On
mande de Berlin , que le Roi de Pruffe s'étoit
rendu les au Château d'Oranienbourg , dont il a
fait préfent au Prince de Pruffe , & où il a paffé
quelques jours. Leurs Majeftés Pruffiennes doivent
être depuis le neuf à celui de Reinsberg avec
la Reine Douairiere de Pruffe les Princes & Princeffes
de la Famille Royale. Le Genéral Bernes
que la Reine de Hongrie a nommé fon Envoyé
Extraordinaire auprès du Roi de Pruffe , eft attendu
à Berlin , ainfi que le Comte de Woronzoff , Vice-
Chancellier de Ruffie , qui doit y pafler en retournant
à Petersbourg
JUILLET 1746. 189
On écrit de Varfovie que les Dietes particu
lieres des Palatinats du Royaume de Pologne
· étoient affemblées pour délibérer fur les ordres
qu'elles donneroient aux députés qui devoient af
fterde leur part a la Diette Générale.
ITALI E.
On fit le 2 avec beaucoup de magnificençe la cérémonie
du Couronnement du Doge , qui a donné
Je trois un repas ? auquel deux cent perfonnes
de la Nobleffe onr été invitées . Le Saint Sacrement
a été expofe pendant trois jours dans toutes les
Eglifes de cette V lle , & l'on a fait des prieres
publiques , pour demander à Dieu de protéger la
République dans les circonstances préfentes, & de
vouloir rendre la paix à l'Europe. Depuis l'arrivée
d'une lettre que M. Guymont , Envoyé Extraordinaire
du Roi , a reçue du Maréchal
de Maillebois , on affûre que dans l'action du
16 du mois dernier les troupes de la Reine de
Hongrie ont fait une perte pour le moins aufli
confidérable que les François & les Efpagnols.
Les derniers , après avoir pallé le Po , le font
avancés du côté de Pizzighitone avec un train
d'artillerie , mais on ne fçait pas encore fi l'Infant
elt effectivemenr dans la réfolution d'affiéger cette
Place , ou s'il fe propofe feulement d'engager
les ennemis à fortir de leurs retranchemens , pour
la fecourir. La grande quantité de deferteurs qui
ont paffé à l'armée commandée par ce Prince
l'ont mis en état d'en rendre tous les Régimens
complets. Le Roi de Sardaigne et toujours campé
fur le bord de la Trebia avec la fienne , qui a
fa droite appuyée à la Stradella & fa gauche à
Caftel San Giovanni. Ce Prince a ordonné fous de
190 MERCURE DE FRANCE
Q
rigoureuſes peines aux habitans de Novi de déclarer
les terres , maiſons & autres effets , qui appartiennent
dans les environs à des Nobles Génois .
Trois Vaiffeaux de Guerre de l'Efcadre Angloife ,
que commande l'Amiral Thownshend , font actuellement
à la vue de ce Port , & l'on a reçu
avis qu'une Galiotte à bombes de cette Eſcadre
avoit fait naufrage près de Livourne.
GRANDE BRETAGNE.
de
Les Seigneurs ordonnerent le 5 , que les accufations
portées contre les Comtes de Kilmarnock &
de Cromarty & contre le Lord Balmerino , pour
haute trahifon , fuflent remifes devant la Chambre
; & ils fe font affemblés aujourd'hui pour entendre
le premier rapport des Commiffaires qui
inftruifent lu procès des prifonniers . Hier ils pafferent
un Bill pour tenir conftamment fur pied un
Corps de Milices en Angleterre , & par lequel il
eft réglé que le Comté d'Yorck fournira trois mille
hommes ; le Comté de Middleſex , deux mille ;
celui de Devon , un pareil nombre ; celui de incoln
, quinze cent ; ceux d'Effex , de Kent ,
Norfolck , de Sommerfet , de Suffolck & de Southampton
, chacun douze cent ; ceux de Wills ,
de Suffex , de Surrey , de Lancastre & de Glocefter
, chacun mille ceux de Cornouailles , de Northampton
, de Salop , de Warwick & de Dorfet ,
chacun huit cent ; ceux de Cheſter , de Stafford ,
de Leiceſter , de Darby , de Worcester , d'Oxford,
de Bucks , de Northumberland & de Bercks , chacun
fept cent ; ceux de Cambridge , de Nottingham
& de Hereford , chacun fix cent ; ceux de
Bedford & de Durham , chacun cinq cent ; celui
de Glamorgan , quatre cent cinquante ; ceux de
JUILLET 1716, 1716, 191
Cumberland & de Houtingdon , chacun quatre
cent ; celui de Denbigh , trois cent cinquante ;
ceux de Westmoreland , de Monmouth & de Mongommery
chacun trois cent ; celuide Carmarthen,
deux cent cinquante ; ceux de Pembrocke & de
Brecknoch , chacun deux cent ; ceux de Rutland,
.de Radnor , de Flint & de Cardigan , chacun cent
cinquante ; & ceux de Merioneth , de Carnarvan
& d'Angleſea chacun cent , ce qui compofera
ensemble trente-huit mille cinq cent cinquante
hommes. Ceux qui poffederont un franc fief qui
jouiront de vingt livres sterlings de revenu , qui le
ront dans le commerce , ou qui exerceront un emploi
, ne pourront être obligés de fervir dans la .
Milice . Ce Corps fera envoyé dans telle partie de
l'Angleterre , de la Principauté de Galles ou du
pays de Berwick , qu'on jugera néceffaire , & il y
demeurera jufqu'à ce que les Partiſans de la Mai.
fon de Stuard foient entiérement foumis. Les changemens
faits au Bill qui autorife les Commiffaires
de la Marine à acheter pour le ſervice de la Flotte
du Roi les provifions apportées dans ce Royaume
des Vaiffeaux de Nations neutres , furent appouvés
le 5 par la Chambre des Communes. Il eft
dit dans ce Bill , qu'on n'y prétend point déroger
à l'Acte du Parlement du 9 Octobre 1651 , par
lequel il eft dé endu à tout Navire étranger de dé
barquer d'autres marchandiſes ou denrées que celles
de fon pays dans la Grande Bretagne. A la fin
du même Bill on a ajouté que les Négocians Hollandois
ont tort de fe perfuader que cet Acte avoit
été révoqué en 1660 , & il eft expreffément énoncé
qu'ils feront obligés , ainfi que ceux des autres
Nations , de s'y conformer. La même Chambre a
décidé qu'on éliroit quatre nouveaux Membres ,
pour remplacer le Lord Duncannon , & MMrs.
par
192 MERCURE DE FRANCE.
Richard Arondel , Henry Legge & Jean Campbell.
Le Roy a accordé au Duc de Cumberland
la charge de Grand Veneur de la Foreft de Winfor
, vacante par la mort de M. Jean Spencer.
Sa Majesté a nommé M Henry Pelham , le
Comte de Middlefex , MMrs . Georges Littleton
, Henri Legge & Jean Campbell , Commiffaires
de la Tréforerie ; le Duc de Bedford , le
Comte de Sand ich , le Lord Vere Beauclere ,
MMrs . Georges Anfon & Georges Greenville , le
Vicomte Barrington & le Lord Duncannon , Cemmiffaires
de l'Amirauté . Quatre Régimens Anglois
fe font embarqués pour repaffer dans les Pays
Bas , & l'on a équipé un Yacht pour y tranfporter
le Général Ligonier qui doit y commander les
troupes d la Grande Bretagne. Le Régiment d'Infanterie
& celui de Cavalerie , que le Lord Herbert
& le Duc de Montaigu avoient levés pour fervir
contre le Prince Edouard , ont été congédiés.
Le bruit court que ce Prince eft oujours dans une
des Ifles du Nord du Royaume d'Ecoffe , & qu'il
n'attend qu'une occafion favorable pour former
une nouvelle en repriſe . Un Parti de les troupes
a enlevé derniérement tous les équipages du Lord
Georges Sackville. Celles commandées par le
Duc de Cumberland ont fait prifonnier le Lord
Lovat & quatre Chefs des Tribus attachées aux
intérêts de 1. Maifon de Stuard . L'épouſe du Lord
Ogilvy , laquelle avoit fuivi ce Seigneur à l'armée
du Prince Edouard , a eu le même fort , & elle a
été cor duite au Château d'Edimbourg. Le Lord
Glengary s eft rendu avec foixante & quatorze
de fes Vafiaux au Camp du Duc de Cumberland ,
& s'eft foumis au Roy. Les les Vaiffeaux de guerre
& les Bâtimens de tranfport , deftinés pour ' le
Cap Breton , firent voile de la Rade de Sainte
·
Helene,
JUILLET 1746. 193
Helene , mais les vents contraires les obligerent
le même jour d'y retourner. Il arriva le 29 du mois
dernier à Plymouth un Navire , par lequel on fut
informé que l'Efcadre Françoife commandée par
le Duc d'Anville , étoit partie le 22 de l'Ile de
Daix , & depuis on a fçu que celle qui eft fous
les ordres de l'Amiral Martin , la fuivoit. Cette
derniere a été rencontrée vers le quarante-fixieme
dégré de Latitude , à trente lieues à l'Ouest
de l'embouchure de la Garonne . Les Commiffaires
de l'Amirauté ont reçu avis qu'il revenoit de Lisbonne
quatre- vingt-cinq Vaiffeaux Marchands
fous l'escorte des Vaiffeaux de guerre l'orch & le
Folchstone. Le Confeil de guerre , qui doit juger
l'Amiral Matthews , s'eft affemblé le 7. & le 30
du mois dernier, Cet Amiral a recufé trois de fes
Juges , & a demandé qu'on lui nommât les accufateurs
.
Les Seigneurs ordonnerent le 8 de ce mois que
les Comtes de Kilmarnock & de Cromarty & le
Lord Balmerino feroient interrogés & jugés dans
la Salle de Weftminster. Le lendemain ils préfenterent
une Adreffe au Roi , pour le fupplier de
rommer un Grand Stewart , & le 11 Sa Majefté
leur fit fçavoir par fon Grand Chambellan qu'elle
fe conformeroit à leur demande : on croit que ce
tire fera accordé au Lord Chancelier , qui fera
créé en même tems Pair de la Grande Bretagne.
le 13 les Seigneurs pafferent le Bill qui regarde
les affûrances pour les Vaiffeaux & les marchandifes
dont ils font chargés. La Chambre des
Communes entendit le 8 le rapport des Commiffaires
chargés de donner leur avis fur le Bill
contre les perfonnes qui favoriferont les Contrebandiers
Le 13 cette Chambre lut pour la premiere
fois un Bill , par lequel il eft défendu aux
I
194 MERCURE DE FRANCE,
la
Montagnards d'Ecoffe de garder des armes à feu ,
& qui contient divers réglemens , tendans à préve
nir les nouvelles entrepriſes que pourroient former
les Partifans de la Maifon de Stuard , Le jugement
des Comtes de Kilmarnock & de Cromarty fera
prononcé le 8 du mois prochain , & l'on commencera
le 18 de ce mois- ci à inftruire le procès des
autres prifonniers qui ont été amenés d'Ecoffe .On
fait monter tous les jours devant la priſon où il
font détenus , une garde de trente foldats , dont
quinze font continuellement fous les armes ,
bayonnette au bout du fufil . Le Gouveruement a
promis une récompenfe confidérable à ceux qui
arrêteront Mrs. Pierre Morfe Jean Holker
& Jeen Betts , M. Murray Secretaire du
Prince Edouard , a été pris depuis peu en Ecoffe ,
& conduit au Château d'Edimbourg . Il eft arrivé
à Falmouth une Chaloupe de guerre , dont l'équipage
a rapporté que l'Efcadre , commandée par
' Amiral Martin , continuoit de croifer au Sud-
Ouest de l'ile d'Oüeffant . Les Bâtiments , à bord
defquels un Corps de troupes s'étoit embarqué à
Portſmouth fous les ordres du Lieutenant Général
Sinclair , fe font rendus de Sainte Helene à Spithead
, & le 10 le Regiment de Bragg , qui faifoit
partie de ces troupes , eit debarqué pour aller à Petersfield
. On a reçu nouvelle que le Convoi , qu'on
attendoit de Portugal , avoit mouillé le 14 aux
Dunes. Ce Convoi eft compofé de foixante & cinq
Navires , & il a été eſcorté par les Vaiffeaux de
guerre Yorck & le Folckftone .
L A HA YE .
Le 11 du mois leGénéral de Debrofe , Envoyé
Extraordinaire & Plenipotentiaire du Roi de Pologne
Electeur de Saxe , eut une conference avec
M Buttoux , Président de l'Affemblée des Etats
JUILLET 1746. 195
Géneraux , & Don Pedra Sécretaire d'ambaffade
chargé icy des affaires du Roi d'Efpagne depuis lë
départ du Marquis de Saint Gilles , en eût une
après-midi avec le même Préfident . Le Général
Ligonier , à qui le Roi de la Grande Bretagne a
donné le commandement de fes troupes dans les
Pays-Bas , débarqua le 7 à Willemstad avec quatre
Régiments Anglois que S. M. Britanique a envoyé
à l'armée des Alliés, il s'eft rendu , ainfi que ces
Regiments , à cette armée , qui auffi - tôt après
l'arrivé de ce renfort a reçu ordre de fe tenir
prête a marcher. On croit qu'elle fe portera dans
la Mairie de Bois- le-Duc , pour aller au devant du
Corps de troupes , que le Prince de Lobckowitz
amene d - Allemagne . & dont les deux premieres
Divifions fe font déja avancées à Venlo . Le Comte
de Rofemberg , Miniftre de la Reine de Hongrie
eft revenu du camp de Ter- Heyden . Il a paffé ici
un courier , defpeché au Roi de la Grande Breragne
par M Titley , fon Miniftre à Coppenhague
, pour lui porter la nouvelle de la naiſſance
de la Princeffe , dont la Princeffe Royale de Dannemarck
eft accouchée depuis peu .
Le 17 le Comte de Rosemberg , Miniſtre Plenipotentiaire
de la Reine de Hongrie , a reçu du
Feldt -Marefchal Comte de Bathiany un courier
par lequel on a appris que le même jour l'armée
des Alliés s'étoit miſe en marche . On conjecture
qu'elle fe rendra du côté de la Meufe , pour cou
vrir Maeftricht , & pour être à portée de fecourir
Namur , fi cette derniere place eft attaquée par
les François . Les Députés des Etats de Hollande
& de Weftfrife fe font aflemblés le 20 , & ils ont
difpofé de la charge de Garde du Grand Sceau
de la Province de Hollande en faveur de M.
Adam Adrien Vander Duin Seigneur des Grave-
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
moe , Premier membre du Corps de la Nobleffe
& Prefident du College des Confeillers Deputez
de la Hollande Meridionale Les Vaiffeaux le Reygerfdaal
& le t'Hyfte Pern , qui appartiennent à
la Compagnie des Indes Orientales , arriverent
le 9 au Texel. M. Antoine Vander Heym
Confeiller Penfionnaire , Garde du Grand Sceau ,
Stadhouder & Maître des Rolles des Fiefs de la
Province de Hollande , mourut le 16 à Bois- le-
Duc , âgé de cinquante deux ans . Il étoit parti de
La Haye quelques jours auparavant , pour aller
prendre les eaux de Spa , & pendant fon abfenoe
le fieur Buis , Secretaire des Etats de Hollande &
Weftfrife , devoit exercer dans l'Affemblée des
Etats Généraux 1. s fonctions de la charge de Confeiller
Penfionnaire .
MEMORIÆ
STEPHANI FOURMONTII
REGIS CONSILIARII ,
Bibliothecæ Regiæ fubbibliothecarii ac in linguis
Orientalibus interpretis ,
Regii in Linguâ Arabicâ Profefforis ,
Regiæ infcriptionurn & humaniorum litterarum
Parifienfis Academiæ focii ,
Nec non è Regiis Londinenfi atque Berolinenfi
focietatibus , & c.
Plenis honorum muneribus
Perennandæ.
JUILLET 1746. 197
Omnium temporum linguarum & fcientiarum
Hominem tulit Fourmontium Gallia,
Optimis Artibus imbuit
Lutetia ,
A cerrimum fui fectatorem ,
Ætate puerum, judicii maturitate virum
Ab Ephebis redamavere pierides ,
f
Senem non deftituere .
Adolefcens vix , Orientalium apprimè jam fcius
Linguarum
Litteris omnem operam navavit promovendis ;
Propriam laurum illi in juventute detulit quæque
difciplina.
Officioforum nemini fecundum charites
genuere.
Inter celeberrimos Litteraturæ proceres ingenio
validus illuxit .
Superbie faftu non ductum ,
Ambitione non erectum ;
Sequebatur gloria Minime appetita.
Notus in fratrem animi pateřni ,
Amicos ex animo amavit , inimicos benefciis
vicit , non ultus eft.
Prodeffe , non præeffe fategit.
Privatam rem fervandam quam augendam
curare maluit .
Extraneorum obfervantiffimus ,
Patriam déperiit .
I
198 MERCURE DE FRANCE
Tantum hominem latere non fcivit oculata fe
dulitas Abbatis Bignonii
Quem appellaffe , laudaffe eft .
Singularem hujus in fingulis linguis eruditionem
,
Regio Sereniffimus Princeps Dux Aurelianenfis
favore profecutus eft.
Infignem hunc eruditum
Vigenti gentium linguas callentem
. Benevolentiâ nobilitavit Ruffia Imperator Pe
trus Magnus
Cui expofcenti
Chartam Thibitianam explanavit,
Fourmontius
Incitante Illuftriffimo Abbate Bignonio Doctorum
Tutore ipfomet Doctiffimo ,
Faventibus Eminentiffimo Cardinale de Fleury
& D. D. de Maurepas ,
Ludovico XIV . & Ludovico XV . jubentibus
Linguam Sinarum , quos nunquam convenit,
Galliæ ,
Per Galliam Europe tradidit
Primus .
Dignitates politicas promeritum ,
Antiquitatis admiratorem fapientiffimum , indagatorem
fagaciffimum , cultorem diligentiffimum
,
Veræ Religionis Chriftianum ftudiofiorem
}
JUILLET 1746. 199
i
Innumeris cumulavit coronis virtutum coetus
Fourmontium ,
Qui
Nominis celebritate , fcriptorum gloriâ
1 Menfus Orbem >
Nunc
Amici honoratiffimi Abbatis Bignonii cineribus
fociatur .
Illo
Nihil præftantius à multis retro fæculis munde
Deus immifit anno 1683 ,
Abftulit 18 die Decembri 1745 ,
Reddidit immortalem
In operibus plus centum
Quæ non minus Religionis amorem , quam Reipu
blicæ admirationem
Eliciunt.
In mufae Marchiano. Compendiofum illud
Encommium inperenne memoris animi monumentum
Mandat Car. Fr. Garnier Doctor
Theologus , &c.
200 MERCURE DE FRANCE
BAPTESME MARIAGES ET MORTS.
L
E Lundi 27 Juin 1746 Dame Suſanne Françoife
de Bafchi époufe de Jean François de
Bafchi Marquis du Cayla accoucha à Montpellier
d'un garçon qui fut baptifé le jeudi fuivant dans
l'Eglife de N. D. des Tables , préfenté par fon
grand pere maternel , & fa grande mere maternelle
, & nommé Henri Louis. La Marquife du
Cayla fille unique d'Henri de Bafchi Marquis de
Pignan Baron de Las Ribes , Seigneur de Sauflan,
de la Vacareffe & c . & de feu Dame Anne Renée
d'Eftrades morte à Montpellier le 4 Novembre
1725. fut mariée dans l'Eglife de Pignan le 11
Août 1745 par difpenfe du Pape du 16 Juin precedent
, avec Jean François de Bafchi Marquis de
Cayla fon coufin au troifiéme degré : & frere de
Dianne Henriette de Bafchi épouſe de Jofeph de
Montarnard Marquis de Montfrin , & de Jacqueline
Marie de Bafchi mariée le 29 Novembre 1741 à
Alexandre François Jofeph Conte d'Urre ( Les Généalogies
de Montainard & d'Urre fe trouveront dans
le nouveau fuplément du Dictionnaire de Moreri )
Ils font enfans de Charle des Comtes de Baſchi ,
Marquis d'Aubais , Baron dù Cayla , Seigneur de
Junas , Gaverne , la Tour d'Angle , S. Nazaire de
Marinargues & c & de Dianne de Rofel Dame de
Cors & de Beaumont .
Jeanne Marie Magdeleine Sufanne de Bafchi coufine
germaine de la Marquife du Cayla eft fille unique
de François de Bafchi , dit le Marquis du Cayla
Lieutenant Général des armées du Roi , Infpecteur
JUILLET 1746. 201
de Cavalerie , Gouverneur de Montdauphin depuis
le mois de Janvier dernier , & de feue Damę
Marie Guillot , époufa le 8 Mars de cette année
François de Roquefeuil Seigneur de Gabriac & de
la Roque dit le Marquis de Roquefeuil , Capitaine
de Cavalerie dans le Régiment de Beauvilliers
neveu de Louis de Roquefeuil Lieutenant Colonel
du même Regiment fait Brigadier au mois d'Octobre
1745. Le Marquis de Roquefeuil dont la
généalogie fera raportée dans le nouveau fuplément
du Dictionnaire Hiftorique de Moreri , a
pour 14. Ayeul Grillaume , de Roquefeuil qui ayant
rendu de grands fervice à Jacques Roi d'Arragon
dans la conquête des Royaumes de Valence & de
Murcie, reçut en récompenfe au mois de Janvier
1265 , les Seigneuries de Cornonfec , de Miraval
& de Gremian au Diocèfe de Montpellier .
La Maifon de Bafchi eft originaire de Lombrie
où eft fitué le Château de Bafchi , qu'elle poffede
depuis la fin du 1. fiecle . Ce Château & la Comté
auquel il donne fon nom eft aujourd'hui poffedé
par les Comtes François , & François Marie de
Bafcht coufins;ce dernier dont la foeur a époufé le
Comte Raimond Mazzanti Gonfalonier d'Orviette
eft agé de 30 ans , & fils du Comte Cefar Sforze
de Bafchi decedé au mois de Mars dernier , & de
Portie Negroni d'Orviette .
Le 8 Mai M. Gilbert Charles Legendre
Marquis de S, Aubin fur Loire , cidevant Maître
des Requêtes ordinaire du l'Hôtel du Roi charge
dont il fut pourvu par Lettres du 19 Septembre
1714 , & avant Confeiller au Parlement , mourat
à Paris fans avoir été marié dans la foixantieme
année de fon âge étant né le 9 Avril 1688
fils de Charles le Gendre Chevalier Seigneur de
Iy
202 MERCURE DE FRANCE
Saint Aubin Confeiller au Grand Confeil mort le
18 Avril 1702 & de Dame Marguerite Vialet aujourd'hui
vivante & retirée dans le Convent des
Dames de Trefnel , & petit fils de Charles le
Gendre Seigneur de S. Aubin fur la Loire Ecuyer
de quartier de S. A. R. Madame Henriette Anne
d'Angleterre , & de Dame Marie du Buiffon de
Beauregard.
Feu Monfieur de Saint Aubin étoit l'auteur du
Traité de l'opinion dont il y a eu plufieurs Edition
differentes & d'autres traités ; ouvrages qui ont
tous eu leurs partiſans , & leurs critiques , il étoit
cadet & de même famille que feu M. le Gendre
de Lormoi Préſident de la Chambre des Comptes
de Paris dont nous vous avons annoncé la mort
dans le Mercure du mois d'Avril de cette année
folio 206.
Le 15 Juin dernier Ferdinand Augufte d'Alpaz-
20 Marquis de la Trouffe époufa Demoiſelle Marie
Anne Auguftine de la Vieuville , fille de René-
Jean-Baptifte , Marquis de la Vieuvi le & de Dame
Anne Charlotte de Creil , voyez pour la Généalogie
de la Maiſon de la Vieuville le Mercure de
Novembre 1745 & l'Hiftoire des Grands Officiers
Le Marquis de la Trouffe eft fils d'Amedée Alfonfe
d'Al Pozzo Prince de la Cifterne en Pie-,
mont Marquis de Voghere Grand Veneur & Grand
Fauconnier du feu Roi de Sardaigne , Maréchal
des Camps & Armées de fa Majefté & Colonel
du Régiment de Salluce , & de Dame Henriette
le Hardy de la Trouffe , qui étoit fille de Philippe
Augufte le Hardy Marquis de la Trouffe
Gouverneur d'Ypres Chevalier des ordres Roi
Lieutenant Général de fes Armees & Commandant
en chef celle d'Italie.
L'Ayeul Paternel du Marquis de la Trouffe qui
JUILLET 1746. 203
donne lieu à cette article étoit Jacques d'Alpozzo
Prince de la Cifterne Chevalier de l'ordre de l'Annonciade
Gouverneur de la Province de Bielle &
Grand Ecuyer des derniers Ducs de Savoye , &
fon Ayeulle étoit Anne Litta Visconty Dame
d'honneur de la Reine de Sardaigne .
La maiſon Dal Pozzo eft une des plus anciennes
& des plus illuftres de Piémont , elle remonte
jufqu'au douziéme fiecle & à fourni grand nombre
d'hommes illuftres dans l'Eglife , à la Cour ,
& dans les Armées des Ducs de Savoye , entre
lefquels étoient Charles Antoine Archevêque de
Pize & Amedée Marquis de Voghere major
d'homme major du Duc de Savoye qui avoit époufé
N. de Valperge dont la maifon eft une des
quatres premieres de Piémont Il y a plufieurs branches
de la maifon dal Pozzo établies à Rome à
Florence & à Nice elle s'est toujours alliée aux
' premieres maifons d'Italie notamment à celles
de Valperge , de Conty , de Scalia de la Tour
de Vaffala di Favria , de Salluce &c.
"Cette maiſon porte écartelé au premier & qua-
'trieme d'or au puits maçonné de gueulle gardé
par deux dragons de Synople , au deuxiéme &
troifiéme d'or à l'Aigle déployé & couronné de
fable.
Gabriel Comte de Borstel , Marêchal des Camps
& Armées du Roi de la promotion du 2 Mai 1744
premier Lieutenant Général de l'Artillerie &
commandant celle du Roi en fon Armée d'Italie "
mourut à Plaifance le 24 Juin , de la bleffure
qu'il avoit reçue à la Bataille donnée le 16 dư
même mois , âgé d'environ 60 ans . Il en avoit
déja reçu autrefois deux fort confidérables , l'une
au Siege de Landau en 1703 ; & l'autre au fiege
Lvj
204 MERCURE DE FRANCE.
de Lerida en 1707 On peut voir dans le Mercure
Galant, Mars 1705 , ce qui eft dit fur la Maifon
de Borftel , originaire de Zélande , & illuftrée dès
le temps de l'Empereur Othon mort en 973 .
Adolphe de Borstel fut envoyé en France par le
Roi de Bohême , & par les Princes de l'Empire
fous le Regne de Louis XIII , & fes négociations
étant finies , il obtint des lettres de naturalité ,
& s'établit dans le Royaume. Adolphe Hardouin
fon fils avoit époufé Magdelene Taſchereau de Li
nyeres , foeur du Pere de Linyeres . confeffeur de
fa Majefté , most le 31 Mai dernier. Il en eut
Adobe Armand , qui n'a point été marié , & qui
mourat dans un Voyage de long cours Lieutenant
de Vaiffeaux ; & Gabriel , qui donne lieu
à cet article. Gabriel ne laiffe qu'une fille , &
deux foeurs. Sa fille , ci -devant fille d'honneur de
la feue Reine d'Eſpagne , eft à préfent Carmelite
dans le Monaftere de la rue de Grenelle . De fes
deux foeurs l'aîneé a époufé M. de Pyemont ,
Gentilhomme du Roi de Pologne Duc de Lor.
raine & de Bar. La cadette a époufé M. de Beaumont
l'un des quarante Fermiers Généraux du
Roi.
Le 3 de ce mois eft morte en fon Château de
Neuville au Plain en Baffe Normandie , Dame
Magdeleine Defontaines Cardonville , veuve
de Mefire Charles Claude Andrey Chevalier
Comte Defontaines , Seigneur de Baudieuville ,
aucien Capitaine au Régiment de Picardie , Lieutenant
de Roi de Carentan , & Gouverneur en
la même Ville des Fons d'Oures & Fort de Tautes,
* & Commiffaire de la Nobleffe de ladite Election
de Carentan Fille de Meffire Cæfar Defontaines
Cardouville Chevalier Baron de Cardouville , SeiJUILLET
1746. 205
gneur & Patron d'Amanville , Prelle , S. Martin
l'Aiguillon , de Fonteney en Beffein , & de Negville
au Plain & de Dame Marie Demy Dorge
âgée de 89 ans.
Elle laiffe pour enfans Chretien - Jean - François
Andrey de Fonteney Soûdiacre , François
Céfar Andrey , Comte de Fonteney , Seigneur
& Patron de Baudieuville , cidevant Moufquetaire
du Roi en la premiere Compagnie , marié
à Mademoiſelle de Mefnillury , fille du Marquis
de Gonneville Mefnillury ; Louis Andrey de Fonteney
dit le Chevalier de Fonteney , Brigadier
des armées de fa Majefté , de l'année derniere ,
Lieutenant d'artillerie & Chevalier de l'ordre
Militaire & Royal de S. Louis ; François - Hilaiçe
Andrey de Fonteney veuve de Meffire Charle
Alexandre le Fevre Chevalier Seigneur & Patron
de Graintheville , & de Clitourp , & Madame de
Fonteney Neuville Abeffe de l'Abbaye Royale
de Protection de Valognes.
a Madame de Fonteney fujet de cet article
encore une four vivante ( dont on va parler ) &
font toutes deux filles & héritieres du Baron de
Cardonville , famille éteinte , originaire de Bre
tagne , & qui ont donné en 923 des Banerets à
leur Province , les armes de cette famille font
"d'or à la bande d'azur ; elle eft alliée aux maifons
de Mailly- Néelle , de Noailles , d'Entragues ,
de la Haye Ventelet , de Ventadour , de Phe-.
lipeaux , de Lamoignon , de Vertamont & Demy
Dorge &c.
Jeanne, Françoife de Fontiues Cardouville
foeur de Madame de Fontenay eft veuve de Meſfire
Jean de Briqueville Chevalier Seigneur & Patron
de Briqueville en Beffin , & de Bréteville fur la
mer ; de fon mariage eft forti N. de Briqueville
206 MERCURE D EFRANCE.
Moufquetaire en la premiere Compagnie de fa
·Majefté mort en 1705 de fes bleffures , N. de Briqueville
nommé le Chevalier de Briqueville Capitaine
au Régiment de Touraine Infanterie tué
au Siége de l'lfle , Guillaume Antoine de Briqueville
Chevalier Seigneur & Patron de Bréteville
fur la mer , ci-devant Lieutenant au Régiment
de Touraine , & à préfent major d'Infanterie
milice garde côte , mariée avec noble Dame Magdeleine
de la Motte Pontroges. On parlera à la
fin de leurs enfans ; Louis Adrien de Briqueville
Prêtré Bachelier de Sorbonne , Louis de Briqueville
Chevalier Seigneur de Briqueville en Beffin
ci- devant Moufquetaire du Roi en la premiere
Compagnie de fa Majefté , connu à prefent fous
le nom de Baron de Briqueville veuf de Noble
Dame Marie de Juiliac , il y a eu quatres filles
de ce mariage dont trois religieufes ,& une nommée
Marie Françoife de Briqueville mariée en 1718 à
Meffire Jean Pierre Alexandre le Févre Chevalier
Seigneur & Patron de Clitourp , & de Grainteville
, dont il n'eft forti qu'un fils nommé Jean
Antoine , Alexandre le Févre Chevalier Seigneur
& Patron de Clitourp , & de Grainteville
Cu page du Roi en fa grande Ecurie ler Avril
1737 & forti le 1. Avril 1740 pour être Lieutenant
au Régiment de Périgord Infanterie , à préfent
Capitaine d'Infanterie milice Garde-côte ;
reil
M. le Comte de Fonteney n'a point d'enfans
de fon mariage , ni M. le Baron de Briqueville
, pour M. de Briqueville fon frere
en a cin deux garçons & trois filles , fçavoir
Claude Marie de Briqueville dit le Compte de
Briqueville , Capitaine de Cavalerie au Régiment
d'Efcarts , lequel a été page du Roi en fa petite
Ecurie , Bon Chrétien de Briqueville , dit is Che
JILLET 1746. 207
valier de Briqueville garde de la marine du RoF
à Breft ; Jeanne Françoiſe de Briqueville , Louife
Magdelainnede Briqueville , & Françoiſe Hilairede
Briqueville , toutes trois non encore mariée.
La maifon de Briqueville tient un rang entre les
plus illuftres de la Provincetant par toutes les grandes
alliances , que fes fervices militaires , & fon
ancienne nobleſſe , elle eft connue dès l'an 1066
où un Guillaume Sire de Briqueville , étoit un des
Généraux deGuillaumeDuc de Normandie , lorfqu'il
conquit l'Angleterre , & fon arriere petit fils nommé
Guillaume de Briqueville fire de Briqueville ,
&c. paffoit pour un brave guerrjer , & époufa en
1298 Jeanne de Meulan , fille & héritiere de Jean
de Meulan fire & Comte de Meulan , & d'Elizabeth
de Vermandois petite fille de Henry premier
Roi de France , cette famille a continué toujours
à fervir , & à s'allier avec diftinction . Un Chrétien
de Briqueville grand oncle de ceux d'aprefent
fut Lieutenant Général des armées navalles,
Chevalier Commandeur des ordres Royal ,
militaire & hofpitalier de N. D. du Mont-Carmel
& de S. Lazare de Jérufalem , & auffi Chevalier
de l'ordre du Roi , lequel mourut en Négritie
en 1614 , lorfqu'il étoit en ce pays-là , avec
fon efcadre , deux de fes freres Capitaine de Vaiffeauy
moururent auffi . Cette famille originaire de
baffe Normandie & qui y fait auffi fa demeure porte
pour armes , d'argent à fix feuilles de chênes:
de Cynople , pofées trois deux , & une ;
Le 16 Juillet Jacques Louis de S. Simon Duc
de Ruffec Pair de France Chevalier de la Toifon
d'or depuis le 20 Janvier 1722 Brigadier des Armées
du Roi du 20 Fevrier 1-34 étant alors
Mestre de camp du Régiment de Cavalerie de fon
208 MERCURE DE FRANCE.
nom Gouverneur des ville , Châteaux & Citadelle
de Glaye& du Fort de Medoc , Vidame de Chartres
& grand Bailly de Senlis , mourut à Paris
dans la 49 année de fon âge étant né le 29 Juillet
1698. Il étoit devenu Duc de S. Simon Pair
de France par la démiffion volontaire que M. le
Duc de S. Simon fon pere en avoit faite en fa faveur
en 1722, & fut reçu en certe qualité au Parlement
de Paris le 12 Janvier 1743 ; il étoit fils
aîné de Louis de S , Simon Duc de S. Simon , Pair
de France , Grand d'Efpagne de la premierre claffe
Chevalier des ordres du Roi , cidevant Ambaſſadeur
Extraordinaire en Eſpagne & de feue Genevieve
Françoiſe de Durefort Lorges.
Il avoit épousé le 25 Mars 1727 Čatherine Charlotte
Therefe de Grammont veuve de Philippes
Alexandre Prince de Bournonville & fille de feu
Antoine Duc de Grammont Pair & Marêchal de
France, Colonel du Régiment des Gardes Françoiſes
, Gouverneur de Navarre & de Béarn , & de
Marie Chriftine de Noailles fa veuve , & de ce
mariage eft née Marie Chriftine de S. Simon née
le 7 Mai 1728. non encore mariée , feu M. le Duc
de Ruffec avoit pour frere puîné Armand Jean de
S. Simon Marquis de Ruffec né le 12 Aout 1649
Grand d'Espagne de la premiere claffe fur la
démiffion du Duc de S. Simon fon pere en 1722
Meftre de camp du Regiment de Cavalerie de S.
Simon , & Brigadier des armées du Roi du 20
Février 1734 , lequel n'a point d'enfans de Dame
Marie Jeanne Louiſe Baüin d'Angervilliers avec
lequelle il eft marié depuis le 22 Janvier 1753
veuve alors de Jean René de Longueil Marquis de
·Maiſons. Préſident à Mortier du Parlement de
Paris , Voyez pour la Généalogie de la Maifon
de S. Simon , l'une des premieres de Picardie
JUILLET 1746, 20
par fon ancienneté , fes alliances & fer fervices
militaires & de laquelle les Ducs de S. Simon
font puinés le vol . 4 de l'hiftoire des Grands Of
ficiers de la Couronne fol . 395.
Le 17 de ce mois Dame Catherine Therefe le
Royer veuve depuis le 5 Avril 1723 de René
Brandelis de Champagne Marquis de Villaines
& de l'Avarenne, avec lequel il avoit été marié le
29 Mai 1702 mourut à Paris dans la 56 année de
fon âge ayant eu de fon mariage Marie de Cham
pagne Villaines mariée le 30 Avril 1732 avec
Céfar Gabriel de Choifeul Comte de la Rivierre
& de Chevigni dit le Comte de Choifeul Marschal
de camp , & ci devant Meſtre de camp Lieutenant
du Régiment de Conty Cavalerie , &
Anne Catherine de Champagne Villaines mariée
le 26 Mai 1739 avec Louis Céfar le Tellier de
Courtenvaux à préfent Comte d'Eftrées Chevalier
des ordres du Roi & Lieutenant Général de fes
Armées , morte fans enfans le 19 Juillet 1743 à
l'âge de 28 ans Brandelis de Champagne Marquis
de Villaines Confeiller d'Etat Capitaine de
cent hommes d'armes des Ordonnances du Roi ,
fait Chevalier de l'Ordre du S. Efprit à la promotion
du 2 Janvier 1699 étoit l'Ayeul de feu
M. le Marquis de Villaine.
J
Le 18 de ce mois Louis Claude Maurice de la
Tour d Auvergne dit le Comte de la Tour Colɔnel
du Régimen d'infanterie de fon nom depuis
le mois de Décembre 745 mourut au camp fous
Mons âgé d'environ 27 ans , étant née le 28 Mai
1719 il étoit fils aîné de feu Jean Maurice de la
Tour d'Auvergne Baron de Thouras Seigneur de
Merdogne & Capitaine dans le Régiment de Li210
MERCURE DEFRANCE,
-
*
mofin d'Infanterie & Chevalier de l'ordre mili
taire de S. Louis mort le 31 Janvier 1739 & de
Dame Claude Catherine de Sainctot foeur de M.
de Sainctot Introducteur des Ambaffadeurs. M.
le Comte de la Tour laiffe pour frere unique Nicolas
François Julie de la Tour d'Auvergne né le
10 Août 720 reçu Chevalier de Malthe au Berçeau
, & aprefent Capitaine de Cavalerie , &
le feul male qui refte de cette branche cas
dette de celles de Ducs de Bouillon d'avec
Jaquelle elle eft féparée depuis environ 240 ans .
La maifon de la Tour eft fi connue par fon ancienneté
par le haut rang qu'elle tient en France
.& par fes alliances qu'on fe contentera de
renvoyer pour la Généalogie au vol . 4 de l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne fol . 514
aux Hiftoires de cette maifon donnée au Public
par les fieurs Juftes & Baluze.
Le 20 de ce mois Jacques Bonne Gigault de
Bellefont Archevêque de Paris Duc de S. Cloud
Pair de France & Abbé de l'Abbaye de la Cour
Dieu mourut dans fon Palais Archiepifcopal , âgé
de quarante huit ans , il avoit été Evêque de
Bayonne , & il étoit Archevêque d'Arles lorfqu'au
mois de Mars dernier le Roi le nomma à l'Archevéché
de Paris Voyez ceque nous en avons dit
dans le Mercure de Mars de la préſente année
folio 183.
Le 23 de cemois D Marie- Louife de Beringhen
veuve de Guillaume- Alexandre de Vieux Pont ,
Marquis de Vieux Pont & de Senecé , Lieutenant
! Général des Armées du Roi , Chevalier de l'Ordre
de S. Louis , Lieutenant pour S. Majesté au
-Gouvernement d'Aunis & Gouverneur de Charle
JUILLET 1746. 21Y
mont , avec lequel elle avoit été mariée en 713
mourut dans fa terre près d'Orleans âgée de 50
ans ou environ & fans laiffer d'enfans ; elle étoit
foeur de M. Henri Camille de Ber nghen , Marquis
de Beringhen premier Ecuyer du Roi , Chevalier
de fes Ordres & c & fille de Jacques- Louis
de Beringhen Comte de Châteauneuf & du Pleffis
Bertrand , premier Ecuyer du Roi , Chevalier de
fes Ordres , Gouverneur de la Citadelle & du
Fort de S Jean de Marſeille , Président du Confeil
du dedans du Royaume durant la Regence , Di
recteur Général des Pons & Chauffées de France
mort le premier Mai 1723 , & de D. Marie- Magdelaine
- Elifabeth Fare d'Aumont mariée le 14.
Octobre 1677 & morte le 18 Octobre 1728 , &
petite fille de Henri de Beringhen Seigneur d'Armanvilliers
& de Grez fai premier Ecuyer de la
petite Ecurie du Roi le 10 Août 1645 , Gouverneur
des Citadelles de Marfeille fait Chevalier
de l'Ordre du S. Efprit à la promotion du 8 Juin
1654 , mort le 30 Avril 1692 , & de D. Anne du
Blé d'Uxelles Voyez pour la Généalogie de Mrs.
de Beringhen originaires du Pays de Cleves , ce
qui en eft dit dans le Dictionaire Hiftorique de
Moreri Edition de 1732 , & dans le neuvieme
volume de l'Hiftoire des Grands Officiers de la
Couronne fol. 197 , 228 & 292 pour la Généa
logie de la Maifon de Vieux Pont marquée en
Normandie entre les premieres pour fon ancienneté
, fes alliances & fes fervices militaires , ce
qui en eft dit dans l'Hiftoire de la Maifon de
Harcourt par le fieur de la Roque en 4 volumes
in-folio.
Le 29 de ce mois Louis-Hyacinthe Cafel de
S. Pierre , Comte de Crevecoeur , Enfeigne d'une
112 MERCURE DE FRANCE,
Compagnie de Gendarmerie mourût au Camp fous
Charleroy âgé d'environ 24 ans & fans être marié
; il étoit fils unique de Louis Caftel de S. Pierre
Marquis de Crevecoeur , Meftre de Camp de Ca
valerie , Chevalier de l'Ordre de S. Louis , cidevant
premier Enfeigne de la feconde Compagnie
des Mofquetaires de la Garde du Roi . &
à préfent premier Ecuyer de S. A. R. Madame
la Ducheffe d'Orleans & de D. Marie - Anne Fargés
, & petit fils de Louis- Hyacinte Caffel Com
te de S. Pierre Capitaine de Vaiffeaux du Roi ,
puis p emier Ecuyer de S. A. R. Madame la Ducheffe
Douairiere d'Orleans & de D. Françoiſe-
Jeanne de Kerven ; le nom de Caftel S. Pierre
eft marqué en Normandie entre les Nobles par
fon ancienneté , par fes alliances & par fes fervi
čes Militaires , fes armes font de gueules à un
chevron d'argent accompagué de trois roſes d'or
Fofées de chef en chef& l'autre en pointe.
Le 30 Louis de Rochechouard Duc de Mortemart
Pair de France , Tonnay - Charente , Chevalier des
Ordres du Roi , Lieutenant Général de fes Armëes
, ci-devant Premier Gentilhomme de la
Chambre de Sa Majefté, Prince & Gouverneur des
Ville & Citadelle du Havre de Grace , mourut dans
la 65 année de fon âge,étant né le 3 Octobre 1681
Il avoit commencé à fervir dans la premiere Compagnie
des Moufquetaires , & fut enfuite Capitaine
dans le Régiment Royal Rouffillon Cavalerie
en 1700 , Colonel d'un Regiment d'Infan
terie de fon nom en 170 , Brigadier des Armécs
du Roi en 1708 , Maréchal de Camp en 1710 &
enfin Lieutenant Général le 30 Mars 1720. Le
Roi lui avoit accordé dès l'an 1710 la charge de
Premier Gentilhomme de fa Chambre en furyis
JUILLET 213 1746.
vance du Duc de Beauvilliers fon beau- pere ; il
fut reçu au Parlement en qualité de Luc & Pair
de France le 15 Juin 1714 & Chevalier des Ordres
du Roi le 3 Fevrier 1724 ; il étoit fils aîné
de Louis de Rochechouard Duc de Mortemart
Pair & Général des Galeres de France mort à
Paris le 3 Avril 1688 , & de Marie-Anne Colbert
morte le .. ; il avoit époufé 10 le 20 Décembre
1703 Marie- Henriette de Beauvilliers ,
morte le 4 Septembre 1718 , fille de Paul de
Beauvilliers , Duc de S. Aignan , Pair de France ,
Grand d'Espagne , Chevalier des Ordres du Roi ,
Premier Gentilhomme de fa Chambre , Chef du
Confeil Royal des Finances , Miniftre d'Etat ,
Gouverneur des Ville & Citadelle du Havre de
Grace &c. & d'Henriette- Louiſe Colbert . 2° .
le 3 Mars 1732 avec Marie-Charlotte - Elizabeth
de Nicolai , veuve de Jules Malo de Coetquen
Comte de Combourg Gouverneur en furvivance
des Ville & Château de S. Malo , mort le 13:
Janvier 727 , & fille unique de Nicolas de Nicolai
Marquis de Profles , Brigadier des Armées du Roi ,
ancien Colonel du Régiment d'Auvergne & de
Marie de Brion , duquel dernier mariage il n'a
point lai é d'enfans , mais du premier il avoit eu
entr'autres Paul- Louis de Rochechouard né le 24
Octobre 1711 , Duc de Mortemart , Pair de France
, appellé le Duc de Rochechouard , Premier
Gentilhomme de la Chambre du Roi , Colonel
d'un Regiment d'Infanterie de fon nom , mort
le 4 Décembre 173. fans laiffer d'enfans de Marie-
Anne Elifabeth de Beauvau du Rivau , avec
laquelle il avoit été marié le 4 Mai 1730 & Charles .
Augufte de Rochechouard né le 10 Octobre 7 : 4,
Duc de Mortemart , Pair de France , appellé le
Duc de Rochechouard , Grand d'Espagne , Pre214
MERCURE DE FBANCE.
mier Ge til'homme de la Chambre du Roi & Colonel
du Régiment d'Infanterie de Mortemart après
la mort de fon frere aîné , & Brigadier d'Armée
tué au combat d'Ettingen le 17 Juin 1743 , n'ayant
eu de fon mariage avec Auguftine de Coetquen
Combourg fille unique de Madame la Ducheffe de
Mortemart fa belle mere , remariée le 29 Decem,
bre 1744 avec Louis- Charles de Lorraine Comte
de Brionne , Grand Ecuyer de France , & morte
le 3 Juin dernier , que Louis -François - Charles-
Auguftin de Rochechouard Mortemart , Duc de
Rochechouard , Pair de France , Grand d'Efpagne
de la premiere Claffe , mort à l'âge de 4 ans le 21
Decembre 1743. Par la mort de M. le Duc de
Mortemart , Jean- Baptifte de Rochechouard fon
frere puiné , Comte de Mauve , Marquis de Blanville
dit le Comte de Rochechouard , ci-devant
Colonel du Regiment Dauphin , Infanterie , fe
trouve le feul mâle reftant de fa branche , qui eft
la derniere de toutes les branches de cette illuſtre
Maiſon dont la Généalogie ſe trouve dans l'Hif
toire des Grands Officiers de la Couronne Vol
fol 649.
Errata du fecond vol . de Juin.
pAge 68 lig. 15 Tannegui , le Veneur , lifex
Tanneguy le Veneur .
Pag. 86. lign. derniere , s'amffant lifez s'agif
fant.
Pag . 91 lig. 22. pourroient être plûtôt des pains ,
life , pourroient être des pains.
Ibad lig. 25 torches , chandelles , lifex fouches,
torches , chandelles
Ilia lig. 26, fup, rimes tournées telles que les petits
pains qu'on porte à la main , attendu que l'on ne
connoitra pas l'ufage anciennement de ces pains là.
1
TABL E.
IECES
à M. Barentin ,
Intendant de la Rochelle.
Pag.
Autres à M. l'Abbé Vatry .
Traduction Françoife d'un original Italien .
Epitre à un ami.
Defcription de la Caverne de Grandville,
Soupirs d'un Penitent.
I otterie de la vie humaine ,
23.
25
41
42
Obfervations fur les hommes d'efprit & en général
fur les grands hommes Ibid.
Lettre de M.de Genffane à M. Saverien fur fa nouvelle
theorie de fa
manoeuvre des Vaiffeaux 47
Sentiment d'un jeune homme en quittant le monde
.
Epithalame fur un mariage.
Vers à mettre en chanson.
Madrigal à Mlle Ar .... de ...
Le Printems , Idylle
Vers à Mlle
Dangeville.›
Caracteres de la
veritable
grandeur
Vers à Madame la Comteffe d'A... ,
Autres à Mlle de G ...
La paix du coeur , Ode.
69
72,
73
74
Ibid.
76
77
84
86.
87
Nouvelles
Litteraires , des Beaux Arts & c . Gram◄
maire
Italienne , Extrait.
91
Traduction du Poëme intitulé la Boucle des cheveux
enlevée , Extrait.
96
Nouvel abregé
chronologique de l'Hiftoire de
France , Extrait.
Inftitutions
Aftronomiques, & c.
100
105 fuv.
Bouquet pour Madame la Marquife de ... & air
du fieur Gothreau
111
Lettre de M D... à M. le …….
Eau de beauté .
112
116
Programme de l'Académie des Jeux Ploraux pour
l'année prochaine. 118
Mots des Enigmes du 2e. vol. de Juin . 123
Enigme & Logogryphes .
Ibid.
Spectacles , Opera , Extrait du Triomphe de l'Harmonie.
129
133
Comédie Italienne , Le Prince de Surene.
Journal de la Cour , de Paris. Le Marquis des .
Iffars & de Salerne nommé Ambaffadeur en
Pologne .
Coliers de l'Ordre de la Toifon d'Or donné au nom
du Roi d'Efpagne par Monſeigneur le Dauphin
- au Comte de Noailles .
136
139:
138
Te Deum chanté à N. D. & feu d'artifice dans la
place de l'Hôtel de Ville
Accouchement de Madame la Dauphine. lb.d.
Mort de cette Princeffe & fa pompe funebre. 140
Mandement des Doyen, Chanoines & Chapitre de
N. D.
Autre des Vicaires Généraux du Chapitre.
Ordonnance des mêmes.
Prifes de Vaille.nx .
Inveftiffenient de Charleroi.
Mort du Roi d'Espagne .
1-7
150
152
155
157
165
169
179
La Nature & l'Art , autre Fable ,
181
Nouvelles Etrangeres .
184
Memoria St-phani Fourmontii Sc. 195
200
Journal du fiége de Charleroi,
Le Coufin , Fable,
Baptêmes , Mariages & Morts .
Ees Chanfons notées doivent regarder la page 111
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
M A I. 1746.
UT
SPARCATS
IGIT
U
Chés
Rap
Mon
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
rue S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quai de Conty
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC . XLVI.
Avec Approbation & Privilege da Ri
THE NEW YORE
PUBLIC LIBRAR
835231
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
1905.
AVIS,
LADRESSE
générale du Mercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT
rue du Champ-Fleuri dans la Maifon de M.
Lourdet Correcteur des Comptes au premier
étage fur le derriere entre un Perruquier & un
Serrurier à côté de l'Hôtel d'Enguien. Nous
prions très-inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir
le port , pour nous épargner le déplaifir
de les rebuter , & à eux celui de ne
pas voir paroître leurs ouvrages.
Les Libraires des Provinces on- des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
d France de la premiere main , & plus promptement
, n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre ſur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France rue du Champ-Fleuri , pour ren
dre à M. de la Bruere.
PRIX XXX . SQLS
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI.
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
LEBERGER , le Cuisinier & la Brebis.
FABLE.
Uillot le berger du Village
Avec un Cuifinier un jour faifoit
voyage ;
lls rencontrerent par hazard
Une brebis graffe & dodue
Qui fans doute s'étoit perdue :
Le jour baifloit , il étoit tard.
Notre couple commence à lui donner la chaffe
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Et l'un d'eux à l'inſtant l'arrête fur la place ;
Chacun voulut enfuite en avoir une part ;
Je l'aurai moi toute entiere ,
Dit d'abord le Cuifinier ;
Ce ne fera pas vrai , reprit l'autre en colere ,
Je l'ai vûe ici le premier :
Tul'as vûe ! eh bien ! foit : mais celui qui l'a prife
Doit en difpofer à ſa guiſe ;
Tout - beau , Monfieur le Rotiffeur ?
Dit Guillot, j'ai droit à la prìfe ;
Chacun de fa moitié fera le poffeffeur ,
Et de grace point de fotife.
Tandis qu'ils fe diſputoient ,
Madame la brebis témoin de la querelle
( C'étoit au tems que les bêtes parloient )
Je voudrois bien fçavoir , dit - elle ,
Quel eft le droit que vous avez ſur moi ,
Et ce que vous voulez faire de ma perſonne ?
C'eft , dirent - ils , pour avoir foin de toi :
Mais en ce cas , avant que je me donne ,
Je veux fçavoir quel eft à tous deux votre emploi ş
Moi , dit Guillot , men foin eft de défendre
Tes femblables du loup , comme de tout danger ;
Si quelqu'un vient pour les furprendre ,
Mon chien veille au befoin , & je cours les venger ;
Moi , dit le Cuifinier , je traite , je fais vivre ,
Aux Princes je fers à manger ;
Ne balance point à me fuivre,
MAI 1746.
Je te mettrai dans mon verger :
Non pas s'il vous plait , lui dit-elle ,
En fe tournant du côté du Berger ;
Pour m'attraper votre rufe eft nouvelle ;
Votre métier eft de nous égorger ;
Guillot conferve notre vie ;
Ainfi ne vous étonnez pas
Si j'aime mieux fa compagnie ;
A le fuivre tout me convie ,
Etje vais déformais m'attacher à fes pas.
Examinez les moeurs , le fond , le caractére ; .
Avant de choisir un ami ;
En agiffant toujours ainfi ,
Vous ne pouvez manquer d'être heureux fur la
terre .
Par M....de Châlons fur Marne.
A iij
MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. C. R. L. F. à M. L. J.
R. contenant la fuite des Réflexions fur
l'Homme en général , inférées dans le
Mercure de Juin 1745 premier volume.
J'
'Ai reçû , mon cher Monfieur , votre
derniere Lettre , & vous jugez bien quel
accueil je lui ai fait. Vous connoiffez mon
coeur , & vous fçavez que tout ce qui vient
de vous ne peut manquer de me toucher
fenfiblement. Comme vous me paroiſſez
defirer ardemment la fuite de mon Journal
Philofophique dont je vous ai déja envoyé
le commencement , & qu'entre nous je fuis
perfuadé que ce que vous me témoignez à
ce fujet n'eft pas different de ce que vous
penfez , je vais continuer de vous entretenir
fur le même ton :
Vous avez entamé dans votre Lettre un
fujet fur lequel j'ai bien des chofes à vous dire :
au refte foyez affûré que fi je hazarde mon
fentiment après le votre , ce n'eft que pour
vous mieux faire voir la conformité de mes
idées avec les votres , & que je penſe ainſi
que vous fur tout ce que contient votre
Lettre , excepté fur un point fur lequel vous
me difpenferez d'être d'accord avec vous
MAI 1746: 7
je veux dire , fur ce que vous flatez mes
foibles lumieres en ravalant les votres.
C'eſt donc de l'amour propre qu'il faut
aujourd'hui vous parler.
» Ami , vous voulez donc que mon foible rin
ceau
» Ofe du coeur humain vous tracer le tableau ,
»Et dans cet être enfin où l'amour propre abonde
» Qui fe croit l'ornement & le maître du monde ,
Peindre les mouvements & les troubles divers
» Dont fa haute prudence agite l'Univers?
» Ce mobile puiſſant , cet agent inviſible
» Agit en nous , fans nous , par un charme invincible
,
» Et de l'ame au dedans mouvant tout le reffort
» De chaque paffion détermine l'effor.
L'amour propre eft né avec nous , c'eſt
lui qui nous anime ; c'eft lui qui nous infpie
dans prefque toutes les occafions ; il eft
comme un Prothée qui change de forme ,
d'extérieur & de langage même felon les
diverfes occurrences. L'intérêt , dit M. de
la Rochefoucauld , ( & qu'est - ce que c'eſt
que l'intérêt fi ce n'eft l'amour propre modifié
? ) l'intérêt parle toutes fortes de Langues,
& joue toutes fortes de perfonnages , même
celui de des-intereffé ; auffi ne fe produit- il
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
jamais que fous les divers mafques qu'il
emprunte pour parvenir à fes diverfes fins :
également adroit à diffimuler ce qui eft , &
à feindre ce qui n'eft pas , rei fimulator ac
diffimulator , il fe dérobe fouvent aux yeux
les plus perçants : il eft bien difficile de démêler
fon jeu à travers le voile épais dont il
le couvre prefque toujours ; il fe fert ordinairement
des livrées de la Vertu pour faire
paffer ce qu'il peut y avoir d'irrégulier &
même de vicieux dans fa conduite : C'eft
par-là qu'il éblouit les yeux qui ne voyent
que la fuperficie des chofes fans les appro
fondir. Combien d'actions dont on fe fait
honneur au dehors & dont on rougit au- dedans
de foi- même ! Pourvû que nous foyons
bien avec les autres , nous nous embarraſ
fons fort peu d'être mal avec nous- mêmes .
Nous tenons intérieurement un langage
contraire à celui de l'Avare d'Horace.
• . • • populus mefibilat , at mihi plando
Ipfe domi ,fimul ac nummos contemplor in a câ*.
Rien de plus vrai que tout ce que je vous
dis. Confultez l'Hiftoire ; n'y trouverez - vous
pas rapportée avec les plus grands éloges
l'action de Vitellius qui fit mourir plus de
* Lib . 1. Sat. 1 .
MAI 1746.
fix vingt hommes lefquels fe vantoient
d'avoir tué Galba fon compétiteur à l'Empire
& lui en demandoient récompenſe
Quelles louanges ne dorme - t - elle pas â
Alexandre fur ce qu'il pleura la mort de
Darius & lui fit faire lui - même de magnifiques
obféques ? Avec quelle complaifance
ne parle - t - elle pas de Céfar , qui ne fe
contenta pas de plaindre amerement le
malheureux fort de Pompée fon rival , mais
vengea avec chaleur fa mort fur ceux qui
pour en être les auteurs prétendoient de lui
de la reconnoiffance? J'avoue que ces actions
peuvent frapper par l'éclat de leur extérieur ,
mais fans prétendre ici en diminuer toute la
gloire , je tombe d'accord que l'amour
propre y eft pouffé jufqu'au dernier rafine
ment , & que je ne puis m'êmpêcher d'y
admirer fon adreffe . Ne nous arrêtons
pas à l'écorce, pénétrons plus avant : nous
découvrirons des gens qui ne font à leurs
ennemis que ce qu'ils voudroient qu'on leur
fit dans le même érat , & qui goûtent un
plaifir intérieur à accabler de biens un corps
infenfible dont ils n'ont plus rien à craindre.
Ne peut - on pas dire que l'irellias dans for
action fongeoit plus à lui- même en la faifant
qu'à fon ennemi ? de bonne foi peut-on
dire qu'il penfât à autre chofe qu'à le mettre
à couvert d'un même malheur , & à affûrer
AV
10 MERCURE DE FRANCE.
fa propre vie & fon Empire , en montrarit
à ceux qui attentent à la perfonne des Souverains
, que l'autre Prince leur fucceffeur
( quoiqu'ennemi
) en quelque façon que
ce foit vengera leur mort ? Céfar n'étoit - il
pas dans le même cas ? D'ailleurs il avoit
tout lieu de croire que Ptolomée qui avoit
fait maffacrer Pompée vaincu & fugitif ,
auroit fait la même chofe fur lui s'il avoit été
en la place de Pompée. Après tout
* O foupirs ! ô refpect ! ô qu'il eft doux de
plaindre
Le fort d'un ennemi , lorfqu'il n'eft plus à crain
dre!
Qu'avec chaleur . . . . on court à le venger ,
Lorfqu'on s'y voit forcé par fon propre danger ,
Et que cet intérêt qu'on prend à fa mémoire
Fait notre fûreté comme il fait notre gloire!
Vous fçavez le tour dont s'avifa Denis le
jeune quand ( 1 ) il ne trouva plus rien a
piller dans la Ville des Locriens , pour excroquer
les citoyens en gros après les avoir
excroqués en détail . Vous vous fouvenez que
les Locriens avoient fait à Vénus un voeu
* P. Corneille , Pomp . Act. V. Scén . I.
( 1 ) Dein cum rapinæ occafio deeffet " univerfam
civitatem callido commento ( Dionyfius
junior ( circumvenit. Cum Rheginorum Tyran
MAI 1746.
11
aflés indifcret , quoiqu'il en fût il falloit
l'accomplir ; le malheur qui les pourfuivoit
& qui leur avoit infpiré ce beau vou , s'ob
tinoit toujours à affliger leur Ville , juſqu'à ce
qu'enfin Denis , pour les en relever trouva
un expédient qui leur donnoit un moyen
de fatisfaire à la fuperftition fans intéreffer
l'honneur de leurs familles ; on l'approuva
unaniment ; felon cet arrangement , au jou
marqué toutes les femmes fe rendent à l'er
vi dans le Temple de Venus parées avec la
at Leophrontis bello Locrenfes premerentur ,voverant,
fi victores forent , ut die fefto Veneris Virgines
fuas proftituerent . Quo voto intermiffo , cùm
adverfa bella cum Lucanis gererent , in concionem
eos Dionyfius vocat : hortatur ut uxores
filiafque fuas in Templum Veneris quàm poffint
ornatiffimas mittant : ex quibus forte ducte
centum voto publico fungantur , Religionifque
gratiâ , uno ftent in lupanari menfe omnibus antè
juratis viris , ne quis ullam attaminet ; quæ res ne
Virginibus , voto civitatem folventibus , fraudi effet
, decretum facerent ne qua Virgo nuberet ,
priufquam illæ maritis traderentur , probato confi
lio , quo & fuperftitioni & pudicitie Virginum
confulebatur , certatum omnes feminæ impenfiùs
exornate in Templum Veneris conveniunt : quas
omnes Dionyfius immiffis militibus fpoliat , or
namentaque Matronarum in prædam fuam vertit .
Quarumdam viros ditiores interficit , quafdam ad
prodendas virorum pecunias torquet. Jatin Lib.
21 Cap. 3 .
A vi
12 MERCURE DE FRANCE.
derniére magnificence ; dès que le Tyran
le fçût il y envoya fes fatellites qui dépouillérent
inhumainement toute l'aflemblée :
par-là il trouva le moyen de s'approprier
tous leurs bijoux & leurs fuperbes habillements
; il fit mourir les plus riches d'entre
les maris de ces femmes dont il fit tourmenter
quelques unes pour en tier l'aveu des
richeffes de leurs époux & de l'endroit où
elles étoient cachées. C'eſt ainfi
les jours nous nous fervons des paffions
d'autrui pour contenter les notres ; le plus
habile eft celui qui fçait mieux ménager
l'amour propre des autres , & qui , fans
l'effaroucher , en fçait adroitement tirer la
fatisfaction du fien .
que tous
Maintenant jettons les yeux fur les commencements
de chaque Monarchie , nous
n'y trouverons que fables , que prodiges ,
que merveilles & même plus il y a de
merveilleux & de furprenant dans ces contes
confacrés par une tradition non interrompue
de nourrices en nourrices & de
peres en fils , plus ils trouvent de croyance
dans des efprits qui ne font frappés que des
chofes gigantefques . L'amour propre le plus
fouvent n'y trouve-t- il pas fon compte ? On
eft flaté de fe voir une origine dans laquelle
foient mêlés des Dieux tout-à- fait chimeriques
, ou à laquelle ils fe foient intereffés .
ΜΑΙ 13 1746.
Sed nos immenfumfpatiis confecimus aquor ,
Et jam tempus equum Spumantia folvere colla. *
Adieu , mon cher ; foyez toujours pourvû
d'une bonne philofophie dégagée de
toute inquiétude étrangère à votre bien être :
vivez pour moi , comme je ne vis que pour
vous , & c.
De ... ce 5 Août 1745.
LE JE NE SCAIS QUOI, Ode
à Iris par M. de la Soriniere .
Toi , dont les graces naïves ,
Et le certain je ne fçais quoi
Entrainent nos ames captives
Et rangent nos coeurs fous taloi.
柒
Iris , viens échauffer ma veine
Donne le prix à mes Ecrits ;
Bien mieux que la chafte neuvaine
Tu peux animer mes eſprits .
柒
De tes yeux la moindre étincelle
* Virg. Georg. L. 2.
14 MERCURE DE FRANCE.
Porte partout ce feu vainqueur ,
Dont la flâme qui le décele
Se communique par le coeur.
***
Déja je fens que l'harmonie
Vient ennoblir mes fons divers ,
Et que je dois à ton génie
Les plus heureux d'entre mes vers .
**
Fais que je chante avec nobleffe
Cet élégant je ne fçais quoi
Que je fens , mais que ma foibleffe
Ne pourroit exprimerfans toi.
*
Dis-nous ce charme inexplicable ,
Dis-nous ce charme impérieux ;
Seroit- il indéfiniffable
Quand il réfide dans tes yeux ?
33
Il regne fur tout ton viſage ;
Mais à quoi le reconnoît-on ?
Si nous enfçavions davantage
Il faudroit qu'il perdit fon nom.
3
Get être échauffe , vivifie ,
Reléve, affaiſonne les traits ,
1
ΜΑΙ
1746. If
Et des graces qu'il multiplie
Il fait fentir tous les attraits.
శ్రీ
Enfant du gracieux fourire ,
Ce Dieu s'étend tout à la fois
Sur les petits riens qu'il infpire ,
Sur les geftes & fur la voix .
శ్రీ
L'Amour le fit avec fa mere
Pour mieux s'affûrer des humains ,
Et nous voila fous ce myſtére
Les traits que nous lancent fes mains,
Du je ne fçai quoi qui nous pique
Naiffent ces entretiens légers
Où l'efprit devient fympathique
Entre les plus fimples bergers.
焱
De ce charme qui nous entraine
La beauté n'eft qu'un foible appui ;
C'eftlui qui la rend fouveraine ;
La beauté languiroit ſans lui.
C'eſt par la phyfionomie
Qu'on plaît , qu'on féduit bien fouvent .;
On voit des belles fans genie :
L'air fin n'eft jamais fans talent.
さ
16 MERCURE DE FRANCE.
Pour développer tes myſtéres ,
Trop dangereux je ne fçai quoi ,
Le plus docte des Commentaires
Ne peut t'expliquer que par toi .
MEMOIRE où l'on prouve que Philippe
le Berruier Evêque d'Orléans a fuccédé à
Philippe de Jouy , loin de l'avoir précédé ,
comme on l'a prétendu jusqu'ici , par M.
D. Polluche d'Orléans.
Creçu , tjque
Eft un fentiment jufqu'ici généralement
reçu ( 1 ) que Philippe le Berruier
Evêque d'Orléans fuccéda immédiatement
à Manaffés de Signelay , & qu'après une
adminiſtration de 14 années paffant à l'Archevêché
de Bourges , il fut remplacé dans
l'Evêché d'Orléans par Philippe de Jouy
qui ne fiégea que deux ans. Cependant ni
l'ordre fucceffif de ces deux Evêques , ni le
tems fixé pour leur adminiftration ne font
juftes , & il eft au contraire certain , je prétends
le démontrer , que Philippe de Jouy
a précédé Philippe le Berruier , & qu'à
peine ce dernier peut-il compter deux an-
(1) La Sauffaie , Guion , le Gallia Chriftiana &c.
MAI 1746.
nées d'Epifcopat fur le Siége d'Orléans ; je
viens aux preuves
.
Un point fixe & qui nous doit fervir de
bafe , c'eft que Philippe le Berruier quitta
l'Evêché d'Orléans au mois d'Août 1236 ,
comme en fait foi un Acte qu'on a de lui
du 25 du même mois . Ce Prélat nommé à
l'Archevêché de Bourges , allant prendre
poffeffion de fa nouvelle Dignité , alla loger
dans l'Abbaye de S. Benoît fur Loire ,
où les Religieux toujours attentifs à éloigner
tout ce qui pouvoit donner atteinte à leurs
priviléges , exigerent de lui en le recevant
un Acte par lequel il déclare que c'eft en
qualité d'Archevêque de Bourges qu'il a été
reçu dans le Monaftére , & qu'il avoit alors
quitté l'Evêché d'Orléans . Noverint univerfi
quod nos anno Domini M. CC . XXX
VI. in craftinofefti Sti . Bartholomei Apoftoli ,
abfoluti à cura Aurel. Ecclefia , recepti fuimus
in Floriac. Monafterio tanquam Archiepifcopus
Bituricenfis. (1)
Nous trouvons d'ailleurs que ce Prélat
étoit encore vivant en 1259 qu'il affifta
avec Robert de Courtenay Evêque d'Or
léans & Thibault Abbé de S. Benoît fur
Loire à la tranflation qui fe fit à Orléans
le 26 Octobre des Reliques de S. Agnan ,
(1) Cartul. Floriac,
18 MERCURE DE FRANCE.
d'une Châffe dans une autre , en préſence
du Roi S. Louis & des Princes Louis &
Philippe fes deux fils. Anno Domini M. CC.
LIX. feptimo kalend. Novembris... tranſla -
tum eft de theca in thecam corpus B. Aniani
gloriofiffimi Confefforis à Reverendis Presbiteris
Philippo Archiepifcop . Bituric. & Roberto
Epifcopo Aurelian . prafentibus & c. (1)
Ces deux dates ainfi pofées , je paſſe à
l'examen des Actes de l'Eglife d'Orléans
dont je veux me fervir en preuves.
Le premier eft une Charte de l'an 1234
par laquelle Philippe Evêque d'Orléans
donne au Chapitre de fon Eglife la dixme
de Gidy qu'il déclare avoir eue des Héritiers
de feu de bonne mémoire Philippe
Evêque fon prédéceffeur. Quam a legatariis
bone memorie Philippi quondam Aurel. Epifc.
de mandato ipfius habuimus. ( 2 ) paroles
qui ne peuvent convenir qu'à Philippe le
Berruier qui vivoit certainement pour lors ,
& qui le font fucceffeur d'un autre Evêque
du nom de Philippe.
Dans le fecond titre , encore plus décifif
que le premier , & qui eft de l'an 1250 ,
Guillaume de Buffy Evêque d'Orléans notifie
que cette même dixme de Gidy avoit
(1)Trefor de S. Agnan d'Orléans.
(2) Trefor de l'Eglife d'Orléans,
MAI 1746. IS
été acquife ' autrefois par feu de bonne mé
moire Philippe Evêque & que depuis la mort
de ce Prélat Philippe fon fucceffeur alors
Evêque d'Orléans , & actuellement Archevêque
de Bourges , l'avoit donnée à l'Eglife
d'Orléans. Decimam de Gidiaco quam idem
Johannes ... bone memorie Philippo quondam
Aurelian. Epifcopo titulo pignoris obligaverat
, & poft modo Philippus fucceffor ipfius
Epifcopus , nunc per Dei gratiam Archiepifcopus
Bituric. dictis Decano & Capitulo de
facto contulerat. ( 1 ).
Voilà Philippe le Berruier fucceffeur
d'un autre Philippe ; il ne s'agit plus que
de
montrer que ce dernier n'eft autre que
Philippe de Jouy. La chofe ne fera pas difficile
à faire , & le trefor de l'Abbaye
d'Hyeres dans le Diocèfe de Paris m'en
fournira les moyens
.
On y trouve des Lettres de l'an 1225 ,
intitulées de Philippe Evêque d'Orléans ,
mais d'un Philippe qui parlant de la dot
de fes trois foeurs , Agathe , Agnès & Alix
Religieufes dans ce Monaftére , déclare que
Guy de Jouy fon pere & le leur , avoit affigné
cette dot fur les revenus qu'il avoit
en un lieu appellé Montbaudier : Philip.
pus Aurellian. Epifcopus noveritis univerſi
(1) Ibid.
26 MERCURE DE FRANCE.
quod eum communis pater nofter Guido de
Joiaco miles tribus filiabus fuis monialibus ( 1 )
£5c.
Pour ce qui regarde à préfent le tems que
l'un & l'autre de ces deux Evêques ont fiégé ,
comme aucune de leurs lettres , du moins de
celles que j'ai vûes , & j'en ai vû beaucoup
n'eft datée des années de leur Epifcopat ,
il n'eft pas aifé de le déterminer. Je me
flate pourtant de l'avoir fait : on en va juger.
Manaffés de Signelay Evêque d'Orléans
mourut en 1221 ; on a encore de lui des
Lettres du mois de Juillet en cette année
concernant les dixmes de la Paroiffe de
Fontaines en Sologne . ( 2 ) Dès le mois de
Décembre fuivant il avoit pour fucceffeur
Philippe de Jouy qui prend la qualité d'Evêque
élû Epifcopus Aurelian. Electus
dans un titre de la Cour- Dieu faifant mention
du don fait à cette Abbaye par Dromon
de Champlon & Clemence fa femme de
tous leurs droits fur la dixme d'Eftouy. ( 3 )
On a vû par le titre de l'Abbaye d'Hyeres
que ce Prélat étoit Evêque en 1225 , ( 4) & il
paroît qu'il l'étoit encore en 1228 ; que
( 1 ) Trefor de l'Abbaye d'Hyeres.
(2 ) Trefor de l'Eglife d'Orléans .
(3 ) Trefor de la Cour - Dieu.
(4) Ibid.
1
MAI 1746.
21
Guillaume & Ferry de Jouy fes freres
confentent au mois de Juillet , & Mathilde
femme du premier au mois d'Août fuivant ,
la donation par lui faite à l'Eglife d'Orléans
de la Terre de Villiers- Martin , puifque
dans les Actes de ce confentement il eft parlé
de l'Evêque Philippe en des termes qui ne
peuvent guéres convenir qu'à une perfonne
actuellement vivante : Vénérable pere en
Dieu notre Seigneur & frere Philippe , par
grace de Dieu Evêque d'Orléans . Venerabilis
pater Dominus ac frater nofter Philippus
Dei gratia Aurelian. Epifcopus. ( 1 )
la
Ce Prélat ne vivoit plus au mois de Mai
1234 , fuivant des Lettres de Pierre Archidiacre
d'Eftampes dans l'Eglife de Sens , qui
publie le confentement que donne Giraud
de Poinville Seigneur de Fief pour cette
inéme Terre de Villiers Martin : Donationemfeodi
Villaris Martini à Venerabili virė
Philipo quondam Epifcopo Aurelian. bone
memorie factam. ( 2 ) Il faut donc placer fa
mort entre le mois d'Août 1228 & celui
de Mai 1234 ; mais comme c'eft à cette
derniere année qu'Alberic de Trois - Fontaines
l'a fixée dans fa Chronique , & que fon
témoignage , en qualité d'Auteur contem-
( 1 ) Tréfor de l'Eglife d'Orléans.
(2)Ibid.
22 MERCURE DE FRANCE.
porain , doit être de quelque autorité en
pareille occafion , il s'enfuit que Philippe de
Jouy eft mort dans les cinq premiers mois
de 1234 ; voici le paffage de la Chronique
d'Albéric : En cette année mourut Gautier
Evêque de Chartres & Hugues lui fuccéda. A
Orléans Philippe Evêque fut remplacé par un
autre Philippe moritur eciam Galterus Carnotenfis
, fuccedit Hugo . Aurelianis poft Epifcopum
Philippum fit Epifcopus alter Philippus.
Car c'eft ainſi qu'il faut fire & non comme
portent les exemplaires imprimés : moritur
eciam Galterus Carnotenfis , fuccedit Hugo
Aurelianenfis. Poft Epifcopum Philippum fit
Epifcopus alter Philippus , ( 1 ) où l'on voit
que le point qui naturellement doit être
après Hugo , a été mis après urelianenfis ,
qu'on a lu pour Aurelianis , puis qu'en lifant
de cette derniere façon on ne peut fçavoir
à quel Diocèſe les deux Philippes ont rapport
, & que cet Hugo Aurelianenfis, comme
il eft placé ne peut s'expliquer autrement
que par un Hugues Evêque d'Orléans qui
feroit paffé à l'Evêché de Chartres, ce qui eft
infoutenable & contredit formellement par
les dates des deux Philippes qui font fuivies
depuis 1221 jufques en 1236 inclufivement.
La mort de Philippe de Jouy fixée à l'an
(1) Edition de Leibnits p . 554 :
el
ΜΑΙ 1746.
23
1234 lui en donne 2 à 13 d'Epifcopat &
n'en laiffe que deux pour fon fucceffeur ,
puifque ce dernier quitta l'Evêché en 1236 ,
comme on l'a vû. Voilà par là les deux propofitions
que j'ai avancées entierement
éclaircies & prouvées d'une maniere qui me
paroît concluante. Il ne me refte qu'à répondre
à une objection qu'on me peut faire.
Depuis la tranflation de Philippe le Berruier
à l'Archevêché de Bourges , me dira-ton
, jufqu'à Guillaume de Buffy que les
Analistes de l'Eglife d'Orléans ne font fiéger
qu'en 1238 , il s'eft paffé deux années ? Čet
intervale fe trouve naturellement rempli
par Philippe de Jouy ; fi on l'en ôte comment
y fuppléer ? Admettra -t-on un troifié
me Evêque du nom de Philippe ?
Non , & la réponſe eft facile , puifque le
Siége Epifcopal d'Orléans vaqua pendant
tout ce tems- là. Ce n'eft point ici une fimple
conjecture , je le prouve par les Actes
fuivans. Le premier eft un vidimus de Lebert
Doyen d'Orléans du mois de Fevrier 1237 ,
étant au Cartulaire de S. Mefmin , le ſecond
des Lettres de l'Official de l'Archidiacre de
Baugency du mois de Septembre en la même
année , étant au Tréfor de l'Abbaye de
Baugency , donnés l'un & l'autre vacante
Sede Aurelian. Ainfi qu'un Acte del'Archidiacre
d'Orléans portant tranfaction
24 MERCURE DE FRANCE.
entre l'Abbé de S. Euverte & Geoffroy
Prêtre de Luyeres du Lundy après le Dimanche
Oculi mei de l'an 1238. (1 )
Quand je dis au refte que le Siége étoit
vacant dans ces deux années , je ne prétends
pas par là nier abfolument que Guillaume
de Buffy ne fut peut- être élû Evêque , mais
feulement qu'il n'étoit pas encore reconnu
pour Evêque , foit qu'il n'eût pas pris poffelion
de l'Evêché , foit qu'on le lui difputât.
Dans l'un & l'autre cas le vuide qu'on
m'objectera ne peut faire aucune impreſſion ,
& je trouve à le couvrir.
*******
LETTRE contre l'Amour.
Ous me demandez , ma chere amie ,
Vmonfentiment fur l'Amour ; quepour
rai -je vous dire fur cette paffion que d'autres
n'ayent pas dit avant moi ? Cette matiere ,
depuis le tems qu'on la traite , devroit bien
être épuifée , fi elle ne l'eft pas . Il eſt vrai
que jufqu'ici on n'en a point encore parlé
véridiquement , ainfi puifque vous le voulez
je vais le prendre fur un ton plus férieux ,
(1 ) Cartul. de S. Euverte d'Orléans.
pour
MAI 1746. 25
pour faire , non l'apologie de l'Amour ,
mais fon portrait au naturel.
>
L'Amour est une paffion que les Poëtes
& les Romanciers font la fource de toutes
les Vertus & moi j'en fais celle de tous les
vices ; en effet l'Amour énerve le courage ,
corrompt les moeurs , amollit les coeurs ,
brouille les amis , fait des mariages difproportionnés
; il nous rend rebelles à nos Parens,
prodigues & avares tout à la fois, jaloux,
foupçonneux &c. enfin lorfque nous nous
laiflons dompter par une paflion qu'on ne
doir regarder que comme un amuſement
inutile , tous nos fens nous déclarent la guerre
; nous nourriffons nos plus cruels ennemis
qui ne reſpectent ni fexe , ni âge , ni
condition .
Dieu nous donna la raifon en partage
pour nous diftinguer des animaux ; il me
femble que le meilleur ufage que nous en
puifions faire eft dé commander , & de
reprimer nos paſſions.
2..
Vous me direz peut être que fi l'Amour eft
une foibleffe c'eft la foibleffe des grands
coeurs , vous ajoûterez à cette maxime
d'Opéra, qu'on n'eft pas le maître de fon .
coeur , qu'il n'eft pas défendu d'en faire un
bon ufage , & qu'enfin l'Amour n'eſt pas
incompatible avec la Vertu . Défabulez- vous
decela , ma chere amie ; & les Amans font
B
26 MERCURE DE FRANCE.
vertueux , fincéres & difcrets , ce n'eſt par
malheur que dans les Romans. L'amour
s'abufe lui - même , il croit n'avoir que des
vûes légitimes , mais fouvent l'occafion
prouve le contraire.
Vous penfez, me direz vous , differemment
de tout le genre humain ; fans amour il n'y
auroit plus de fociété entre les deux fexes ;
plus de fentimens , plus d'émulation , plus
de fpectacles , plus de fêtes , & pour ainfi
dire , plus de mariages. Je répondrai à vos
objections que la fociété civile en feroit plus
charmante ; en effet , qu'est -ce que la compagnie
d'un homme amoureux ? Toujours
diftrait , toujours préoccupé , il porte partout
l'ennui , & abandonne tout le monde
pour s'entretenir de fes idées chimeriques ;
eh ! que deviendroit notre commerce ,
chere amie , fi vous aviez pareille foibleſſe ?
vous m'oublieriez au point de ne pas lire
cette Lettre , au lieu qu'une perfonne qui
conferve fa liberté eft defirée de tout le
monde. A l'égard des Spectacles je veux
bien qu'il y ait de la tendreffe , mais qu'il
n'en faffe pas le point principal ainfi qu'à
Opéra ; la Comédie Françoife conferve
là- deffus un jufte milieu, Sans Amour on
peut exciter dans nos coeurs differens mouvemens
; on peut en juger par la Mérope
de M. de Voltaire & par la mort de Céfar,
MAI 1746. 27
Il n'y auroit plus de fentimens , ditesvous
? quelle erreur ! L'eftime & l'amitié
ne font point fujettes aux échecs de l'Amour
, & par conféquent ont des liens plus
durables ; il eft vrai que les femmes connoiffent
peu cette Vertu ; elles ne font
point portées à aimer leurs femblables avec
tant de cordialité que les hommes aiment
les leurs. C'eſt une jaloufie de beauté caufée
par l'envie de donner de l'Amour qui les
éloigne de leur fexe.
Pour revenir au mariage , c'eft l'intérêt
ou l'Amour qui en font la plus grande partie
, je ne voudrois ni de l'un ni de l'autre ;
ces fortes d'unions ne font pas de longue
durée. L'Amour jure par la raifon que c'eft
la Beauté qui l'infpire , & qui en eft le foutien
; un Edifice foutenu par un fondement
fragile rifque beaucoup de tomber en
ruine ; l'Amour en s'envolant leve le bandeau
qui nous aveugloit ; l'on fe trouve des
défauts , on ne veut plus fe les paffer , &
alors le Mariage devient un joug affreux . Si
c'est l'intérêt qui vous guide , lorfque les richeffes
font diffipées , ce qui arrive bientôt
, on ſe ſoucie fort peu de celui ou de
celle de qui on les tenoit. Si l'on faifoit
réflexion que le Mariage eft un engagement
pour la vie , & qu'il n'y a pas de plus grand
fupplice que d'être obligé de fupporter une-
Bij
28 MECURE DE FRRANCE .
1
humeur contraire à la fienne, on ne s'attacheroit
uniquement qu'au caractére. Cultivez
celui de la perfonne que vous devez époufer;
faites vous en un ami ou amie ; quand
la figure s'y trouve , c'eſt un ornement de
plus , mais n'en faites pas le principal. Cependant
comme on n'obferve point tout ce
que je dis là- deffus , je conclus qu'il n'y a
point d'état plus fâcheux que celui du mariage
, furtout pour notre fexe , & de plus
heureux que celui de poffeder fa liberté. Je
n'entreprends point , ina chere amie , à vous
faire un détail des peines de l'hymen , n'ayant
pour le préfent à vous parler que de celles
de l'Amour. Je vous exhorte toujours à fuir
l'un & l'autre, & vous prie de me croire & c .
i ste the the the the she
INVECTIVE contre la Rine .
CEft donc en vain , fatale Rime ,
Qu'à te placer au bout d'un vers
Depuis plus d'un mois je m'efcrime ,
Je me mets la tête à l'envers ;
Je romps l'accord que cette année
J'avois paffé de me livrer à toi ;
Je maudis ton caprice & méconnois ta loi ,
Si tu me rends ma Verve fortunée .
Quoi !tume vois de tes fots fectateurs
MA- 1 146. 19
Vanter , cherir , embraffer l'indigenće
De mes tendres fecrets te faire confidence
Et tu me fais refus de tes moindres faveurs !
Ingrate , va , je renonce à te fuivre ;
J'abhorre de ton Art les féduifans attraits ;
De la Proſe en ces mots reconnois- tu les traits
Eh bien ! elle eſt ma Reine ; à fes foins je me
livre .
SUITE de l'Hiftoire Univerfelle de M. de
Voltaire Hiftoriographe de France & Lun
des Quarante de l'Académie Françoife.
CHAPITRE XXIV.
Conquête de l'Angleterre par Guillaume Duc
de Normandie.
T
Andis
que de fimples citoyens de
Normandie fondoient en Italie des
Royaumes , leurs Ducs en acquéroient un
plus beau fur lequel les Papes prétendirent
le même droit que fur Naples & Sicile.
Après la mort d'Alfreld le Grand arrivée
en 90g l'Angleterre retomba dans la confufion
& la barbarie. Les anciens Anglois , Saxons,
fes premiers vainqueurs , & les Danois
fes Ufurpateurs nouveaux s'en difputoient
toujours la poffeffion , & de nouveaux pi-
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
rates Danois venoient encore fouvent partager
les dépouiles . Ces Pirates continuoient
d'être fi terribles & les Anglois fi foibles, que
vers l'année mille on ne pût fe racheter d'eux
qu'en leur payant trente mille livres . On
impofa pourlever cette fomme une taxe qui
dura depuis affés long- tems en Angleterre ;
ce tribut humiliant fut appellé argent Danois
Danngeld.
Canut Roi de Dannemark qu'on a nommé
le Grand , & qui n'a fait que de grandes
cruautés, remit fous fa domination en 1017
le Dannemark & l'Angleterre. Les naturels
Anglois furent traités alors comme des efclaves.
Les Auteurs de ce tems.avouent que
quand un Anglois rencontroit un Danois ,
il falloit qu'il s'arrêtât jufqu'à ce que le Danois
eût paflé.
La race de Canut ayant manqué en
1041 , les Etats du Royaume reprenant
leur liberté , défererent la Couronne à
Edouard defcendant des anciens Anglo-
Saxons , qu'on appelle le S. & le Confeffeur
: une des grandes fautes , ou un des
grands malheurs de ce Roi fut de n'avoir
point d'enfans de fa femme Edite fille du
plus puiflant Seigneur du Royaume : il
haiffoit fa femme ainfi que fa
propre mere
pour des raifons d'Etat , & les éloigna même
l'une & l'autre On prétendit qu'il avoit fait
MAÌ 1946. 3I
vau de chafteté , vou très téméraire dans
un mari , & très -infenfé dans un Roi qui
avoit befoin d'héritiers : ce vou , s'il fut réel,
prépara de nouveaux fers à l'Angleterre.
Les moeurs & les ufages de ce tems - là ne
reffemblent en rien aux notres. Guillaume
VIII. Duc de Normandie qui conquit
l'Angleterre , loin d'avoir aucun droit fur ce
Royaume , n'en avoit pas même fur la
Normandie ; fon pere le Duc Robert qui
ne s'étoit jamais marié , l'avoit eu de la fille
d'un Pelletier de Falaife que l'hiftoire nomme
Harlot , terine qui fignifioit & fignifie
encore aujourd'hui en Anglois Concubine
ou femme publique , mais nous avons déjà
vû combien la Loi natureile l'emportoit
alors fur la Loi pofitive.
Ce bâtard reconnu du vivant de fon
pere.
pour héritier légitime , fe maintint par fon
habileté & par fa valeur contre tous ceux
qui lui difputoient fon Duché. Il régnoit
paifiblement en Normandie , & la Bretagne
lui.rendoit hommage , lorfqu'Edouard le
Confeffeur étant mort , il prétendit au
Royaume d'Angleterre.
Edouard le Confeffeur n'avoit pas joui du
Trône à titre d'héritage : Harald fucceffeur
d'Edouard n'étoit point de fa Race , mais
cet Herald avoit les fuffrages de la Nation ;
Guillaume le bâtard n'avoit pour lui , ni is
Bij
31 MERCURE DE FRANCE.
droit de l'Election , ni celui d'héritage , ni
même aucun parti en Angleterre. Il prétendit
que dans un voyage qu'il avoit fait
autrefois dans cette Ifle , le Roi Edouard
avoit fait en fa faveur un teftament que
perfonne ne vit jamais ; il difoit encore
qu'autrefois Harald délivré de prifon par lui
& enfuite retenu captif , lui avoit cédé fes
droits fur l'Angleterre, c'est - à - dire, que Herald
lui avoit cédé des droits qu'il ne pouvoit
avoir , & quand même il les eût eus ,
une ceffion ainfi extorquée n'étoit pas d'un
grand poids ; Guillaume appuya fes foibles
raifons d'une forte armée.
Les Barons de Normandie affemblés en.
forme d'Etats , refuferent de l'argent à leur
Duc pour cette expédition , parce que s'if
ne réuffiffoit pas , la Normandie en refteroit
appauvrie , & qu'un heureux fuccès la
rendroit Province d'Angleterre; mais plu
fieurs Normands hazarderent leur fortune
avec leur Duc ; un feul Seigneur nommé
Filts- Otfbern équipa quarante vaiffeaux à
fes dépens ; le Comte de Flandres beau - ´
pere du Duc Guillaume le fecourut de quelque
argent , le Pape même entra dans fes
intérêts ; il excommunia tous ceux qui s'oppoferoient
au deffein de Guillaume ; enfin il
partit de S. Valery avec une flotté nɔm .
breuſe ; on ne fçait combien il avoit de
MA I 1746. 35
Vaiffeaux ni de foldats . Il aborda fur les
côtes de Suffex , & bientôt après fe donna
dans cette Province la fameufe bataille de
Haftting qui décida feule du fort de l'Angleterre.
Les Anglois ayant le Roi Harald à
leur tête , & les Normands conduits par leur
Duc combattirent pendant douze heures ;
la Gendarmerie qui commençoit à faire
ailleurs la force des armées , ne paroît pas
avoir été employée dans cette bataille ; les
chefs y combattirent à pied ; Harald & deux
de fes freres y furent tués ; le vainqueur s'approcha
de Londres , faifant porter devant
lui une Banniere bénite que le Pape lui avoit
envoyée. Cette Banniere fut l'Etendard auquel
tous les Evêques fe rallierent en fa faveur
; ils vinrent aux portes avec le Magiftrat
de Londres lui offrir la Couronne qu'on
ne pouvoit refufer au vainqueur.
Guillaume feul gouvernoit , comme il
avoit fçû conquerir ; plufieurs révoltes étouf
fées , des irruptions des Danois rendues.
inutiles , des Loix rigoureufes durement
exécutées fignalerent for régne ; anciens
Bretons , Danois, Anglo-Saxons, tous furent
confondus dans la même fervitude ; les
Normands qui avoient part à fa victoire
partagerent par fes bienfaits, les Terres des
vaincus. De- là ces familles Normandes ,
dont les deſcendants , ou du moins les noms
Bv
34 MERCURE DE FRANCE.
•
fibfiftent encore en Angleterre ; il fit un
dénombrement exact de tous les biens des
fujets de quelque nature qu'ils fuffent ; on
prétend qu'il en profita pour fe faire en
Angleterre un revenu de quatre cent mille
livres sterlings , ce qui fait aujourd'hui environ
cinq millions fterlings , & plus de cent
millions Monnoye de France . Il eft évident
qu'en cela les Hiftoriens fe font beaucoup
trompés ; l'état de la Grande Bretagne d'au- .
jourd'hui qui comprend l'Angleterre , l'Ecoffe
& l'Irlande , n'a pas un fi gros revenu ,
fi vous en déduifez ce qu'on leve pour
payer les anciennes dettes du Gouvernement.
Ce qui eft fûr , c'est que Guillaume abolit
toutes les Loix du Pays pour y introduire
celles de Normandie : il ordonna qu'on
plaidât en Normand , & depuis tous les
Actes publics furent expédiés en cette Langue
jufqu'à Edouard III ; il voulut que la
Langue des vainqueurs fut la feule du Pays.
Des Ecoles de la Langue Normande furent
établies dans toutes les Villes & les Bourgades
; cette Langue étoit le François mélé d'un
peu de Danois , Idiome barbare qui n'avoit
aucun avantage fur celui qu'on parloit en
Angleterre. On prétend que non feulement
il traitoit la Nation vaincue avec dureté ,
mais qu'il affectoit encore des caprices tyMAÍ
1946. $$
ranniques on en donne pour exemple la
Loi du couvrefeu , par laquelle il falloit au
fon de la cloche éteindre le feu dans toutes
les maiſons à huit heures du foir , mais cette
Loi , bien loin d'étre tyrannique , n'eft qu'u
ne ancienne Police Eccléfiaftique établie
prefque dans tous les anciens Cloitres
du Nord. Les maifons étoient bâties de
bois , & la crainte du feu étoit un objet des
plus importants de la Police générale ?
fée
On lui reproche encore d'avoir détruit
tous les Villages qui fe trouvoient dans un
circuit de quinze lieues pour en faire une fo
rét , dans laquelle il pût goûter le plaifir
de la chaffe . Une telle action eft trop infenpour
être vraisemblable. Les Hiftoriens
ne font pas attention qu'il faut environ
vingt-cinq années pour qu'un nouveau plan
d'arbres devienne une forêt propre à la
chaffe ; on lui fait femer cette forêt en 1080 ;
il avoit alors foixante-trois ans ; quelle apparence
y a -t- il qu'un homme raifonnable
ait à cet âge détruit des Villages pour femer
quinze licues en bois dans l'efpérance d'y
chaffer un jour.
Ce Conquérant de l'Angleterre fut la ter
reur du Roi de France Philippe Premier
qui voulut abbaiffer trop tard un Vaffal fi
puiffant ; il fe jetta fur le Maine qui dépendoit
alors de la Normandie ; Guillaume re-
B
vi
36 MERCURE DE FRANCE.
paffa la Mer , reprit le Maine & contraigni
le Roi de France à demander la paix , ainſi
Guillaume quoique ayant un Souverain
fut le Prince le plus puiffant en Europe .
CHAPITRE X X V.
De l'état où étoit l'Europe aux dixiéme &
onzième fiecles.
A Ruffie , comme nous l'avons dit, avoit
Lembraffé le Chriftianifme à la fin du
dixiéme fiecle ; les femmes étoient deftinées
à convertir les Royaumes ; une foeur
des Empereurs Bafile & Conftantin , mariée
au pere du Czar Jaraflau , dont j'ai parlé, obtint
de fon mari qu'il fe feroit baptifer : les
Ruffes efclaves de leur maître l'imiterent ;
mais ils ne prirent dû Rit Grec que les fuperftitions
: Environ dans ce tems - là , une
femme attira encore la Pologne au Chriſ
tianiſme. Mifcelas Duc de Pologne fut converti
par fa femme foeur du Duc de Boheme.
J'ai déja remarqué que les Bulgares avoient
reçû la Foi de la même maniére. Giftelle
foeur de l'Empereur Henri fit encore Chrétien
fon mari Roi de Hongrie dans la premiére
année du onziéme fiécle . Ainfi i eft
MAI 1746. 37
vrai que la moitié de l'Europe doit aux femmes
fon Chriftianifme , mais cette Réligion
mal affermie étoit mêlée de Paganiſme.
La Suéde chés qui elle avoit été prêchée
au neuviéme fiécle étoit redevenue Idolâtre.
La Boheme & tout ce qui eft au bord de
l'Elbe renonça au Chriftianifine en 1013.
Toutes les côtes de la Mer Baltique vers
' Orient étoient Payennes . Les Hongrois en
1047 retournérent au Paganifme , & toutes
ces Nations étoient auffi loin d'être policées
que d'être Chrétiennes.
•
La Suéde depuis long - tems épuifée d'ha
bitans par ces anciennes émigrations dont
P'Europe fut inondée , paroît dans le huit
neuf , dix & onziéme fiécles , comme enfevelie
dans fa groffiereté ; fans guerre & fans
commerce avec les voifins , elle n'a part à
aucune grande affaire , & n'en fut probablement
que plus heureufe : les grands
événemens ne font fouvent que des malheurspublics.
La Pciogne beaucoup plus barbare que
Chrétienne , conferva jufqu'au treiziéme
fiécle les coutumes des anciens Sarmates de
tuer leur enfans qui naiffoient imparfaits &
fes vieillards invalides. Il fallut qu'à la fin
même du treiziéme fiécle Albert le Grand
fit une Miffion pour déraciner cet ufage
qu'onjuge par là du refte du Nord.
38 MERCURE DE FRANCE.
L'Empire de Conftantinople n'étoit ni
plus refferré ni plus agrandi que nous l'avons
vû au neuviéme fiécle. A l'Occident
il fe défendoit contre les Bulgares ; à l'Orient
& au Nord contre les Turcs & les
Arabes , Le Trône étoit fouvent enfanglanté ,
& peu de Princes du fang d'un Empereur
échappoient à la fureur d'un fucceffeur , qui
faifoit prefque toujours crever les yeux aux
parents de l'Empereur détrôné . Je me réferve
à voir quel étoit le fort de Conſtantinople
& quelles révolutions les Turcs
avoient caufées en Afie , lorfque les armées
des Croisés iront dans ces Etats .
On a vû en général ce qu'étoit l'Italie.
Des Seigneurs particuliers partageoient tout
le Pays depuis Rome jufqu'à la mer de la
Calabre , & les Normands en avoient la
plus grande partie . Florence , Milan , Pavie ,
Pife , fe gouvernoient par leurs Magiftrats ,
fous des Contes ou fous des Ducs nommés
par les Empereurs. Bologne étoit plus libre .
La Maifon de Morienne , dont defcendent
les Ducs de Savoye Rois de Sardaigne ,
commençoit à s'établir : elle poffedoit comme
fiefde l'Empire la Comté héreditaire de
Savoye & de Morienne , depuis que
Humbert
aux blanches mains , tige de cette Maifon
avoit eu en 888 ce petit démembrement
du Royaume de Bourgogne .
ΜΑΙ 1746. 39 .
Les Suiffes & les Grifons détachés auffi
de ce même Royaume qui dura fi peu ,
obéifloient aux Baillis que les Empereurs
nommoient .
Deux Villes maritimes d'Italie commençoient
à s'élever , non par des invaſions fubites,
telles que plufieurs que l'on a vues , majs
par une induftrie fage qui dégénera auffi -tôt
en efprit de conquête ; ces deux Villes
étoient Génes & Venife. Génes célébre du
tems des Romains , regardoit Charlemagne
comme fon reftaurateur ; cet Empereur l'avoit
rebatie quelque tems après que les
Goths l'avoient détruite : gouvernée par des
Comtes fous Charlemagne & fous fes premiers
defcendans , elle fut faccagée au dixiéme
fiécle par les Mahométans , & prefque
tous les citoyens furent emmenés en fervi ,
tude , mais comme c'étoit un Port commerçant
, elle fut bientôt repeuplée. Le Négoce
qui l'avoit fait fleurir fervit à la rétablir ;
elle devint alors une République : elle prit
rifle de Corfe fur les Arabes qui s'en étoient
emparés . C'est ici qu'il faut fe fouvenir
les Papes pretendoient avoir droit à la Corfe
que
par la donation de Louis le Debonnaire,
Ils exigerent un tribut des Gengis pour cette
Ifle : les Génois payerent ce tribut au
commencement de l'onzieme fiécle , mais
bientôt après ils s'en affranchirent fous le
40 MERCURE DE FRANCE
Pontificat de Lucius Second. Enfin leur
ambition croiffant avec leurs richeſſes , de
Marchands ils voulurent devenir Conquéfants.
La Ville de Venife bien moms ancienne
que Génes , affectoit le frivole honffeur
d'une plus ancienne liberté , & jouiffoit de la
gloire folide d'une puiffance bien fupérieure
; ce ne fut d'abord qu'une retraite de
Pêcheurs & de quelques fugitifs qui s'y refugierent
au commencement du cinquiéme
fiécle , quand les Huns ravageoient l'Italie :
il n'y avoit pour toute Ville que des cabanes
fur le Rialto. Le nom de Venile n'étoit
point encore connu : ce Rialto bien loin
d'être libre , fut pendant trente années un
fimple Bourg appartenant à la Ville de Padoue
qui le gouvernoit par des Confuls ; la
viciffitude des chofes humaines a mis depuis
Padoue fous le joug de Venife ; il n'y a au
cane preuve que fous les Rois Lombards
Venife ait eu une liberté reconnue; il eft plus
vraisemblable que fes habitans furent oubliés
dans leurs marais .
Le Rialto & les petites Ifles voisines ne
commencerent qu'en 709 à fe gouverner par
feurs Magiftrats.
Ils furent alors indépendants de Padoue ,
& fe regarderent comme une République ,
c'eft en 709 qu'ils eurent leur premier Doge,
MAI 1746. 4T
qui ne fut qu'un Tribun du peuple élû par.
des Bourgeois. Plufieurs familles qui donnerent
leurs voix à ce premier Doge , fubfiftent
encore ; elles font les plus anciens
Nobles de l'Europe .
Héraclée fut le premier fiége de cette
République jufqu'à la mort de fon troifiéme
Doge. Ce ne fut que vers la fin du neuviéme
fiécle que ces Infulaires retirés plus avant
dans leurs Lagunes , donnerent à cet affmblage
de petites Ifles qui formerent une
Ville , le nom de Venife , du nom de cette
côte qu'on appelloit Terra Venetorum ;
les habitans de ces marais ne pouvoient
fubfifter que par leur commerce : la néceflité
fut l'origine de leur puiflance.
Il n'eft pas affurément bien décidé
que
cette République fut alors abfolument indé--
pendante on voit que Beranger reconnu
quelque tems Empereur en Italie , accorda
l'an 950 au Doge de battre Monnoye ;
ces Doges mêmes croient obligés d'envoyer
aux Empereurs en redevance un manteau
de drap d'or tous les ans , & Othon III.
leur remit en 998 cette espéce de petit
tribut , mais ces légeres marques de Vaffalité
n'ôtoient rien à la véritable puiffance de
Venife, car tandis que les Venitiens payoient
un manteau d'etoffe d'or aux Empereurs , ils
acqueroient par leur argent & par leurs
42 MERCURE DE FRANCE.
armes toute la Province d'Iftrie , & prefque
toutes les côtes de Dalmatie , Spalatro
Raguze , Narenta . Leur Doge prenoit vers
le milieu du Dixiéme fiécle le titre de Duc
de Dalmatie ; mais ces conquêtes enrichiſfoient
moins Venife que le commerce
dans lequel elle furpaffoit encore les Gémois
, car tandis que les Barons d'Allemagne
& de France bâtiffoient des Donjons &
opprimoient les peuples , Venife attiroit leur
argent en leur fourniffant toutes les denrées
de l'Orient. Les mers étoient déja couvertes
de ſes vaiffeaux , & elle s'enrichiffoit de
l'ignorance & de la barbarie des Nations
Septentrionales de l'Europe .
Lafuite dans le premier Mercure .
MAI 1746. 43
LAGO NIE.
Quel
Uel funefte trouble m'agite !
Je deviens foible & chancelant ;
Quel est donc ce coup violent ?
Ma force tombe , & tout me quitte .
De mes jours le deftin vainqueur
A-t-il pour but de me pourſuivre ?
Faut-il enfin ceffer de vivre ,
Et fubir l'extrême rigueur ?
C'en eft fait ; Arrêt formidable ,
Tu viens pour exercer tes droits ,
Et contre d'éternelles Loix
En vain , te voudrois-je traitable ;
Le tems arrive ; il faut finir ;
Mon ame eft émue & tremblante ,.
Et par l'effroi qui la tourmente
Tu me condamnes à périr.
Momens comptés de ma carriere ,
Ombre paffante de mes jours ,
Ici fe borne votre cours ;
Dans peu je fuis cendre & pouffiére :
Cefoufle qui fçut m'animer ,
Ce corps qui fut formépour naître,
44 MERCURE DE FRANCE:
Ce tout , hélas ! va ceffer d'être ,
Et mon efprit va s'envoler .
Parois donc , terme de ma vie ,
Je fens trop de maux à la fois ,
Et puifque je n'ai plus de voix
Abrége ma trifte Agonie.
Dans cet inftant , Dieu Créateur
Soutiens ta foible créature ;
De tes mains elle eft l'oeuvre pure ;
Fais lui partager ton bonheur ..
EXTRAIT d'une Lettre de M. Lefage
Etudiant en Médecine à Paris , adreffee a
fon Pere à Genève du 6 Septembra 1745 .
Chier
Omme la lettre que je vous écrivis
hier étoit prefque entierement remplie
lorfque je reçus la vôtre , je ne pus répondre
qu'à quelques -uns des articles dont
vous me parliez , & je n'eus pas aflés de
place pour vous dire ce que je penfois du
Probleme propofé par l'Académie Royale
de Berlin .
Plus on étudie la Phyfique , plus on la
trouve difficile . Cependant fans avoir étudié
ce qui regarde les vents , je ne laiffe pas
d'ai
ΜΑΙ 1746. 45
percevoir beaucoup de difficulté à traiter
cette matiére
Il faut confidérer l'effet que produisent
fur notre Athmofphére chacune des caufes
qui peuvent en troubler la tranquillité fi
elle agiffoit toute feule . Il faut enfuite combiner
deux de ces caufes pour voir quel
effet en refulteroit. Enfuite en combiner
une troifiéme avec ces deux-là . Et ainfi de
fuite,jufqu'à ce qu'on vienne à voir l'effet de
la combinaiſon de toutes ces caufes à la fois,
,
Ces caufes font , 1 °, le mouvement journalier
de la terre. 2 ° . fon mouvement annuel.
3. la gravité décroiffant comme
les quarrés des diftances augmentent. 4º . la
chaleur du Soleil qui à toutes les heures
du jour agit fur differens méridiens , 5º . cette
chaleur entant que tous les jours de
l'année elle agit fur differentes latitudes
& plus efficacement fur les unes que fur
les autres , à caufe des differens dégrés d'obliquité.
6. la gravitation de l'Athmofphere
& de l'Ocean fur la Lune à laquel
le on attribue les marées ordinaires. 7 °,
la gravitation de l'Atmofphére & de l'O.
céan fur le Soleil , à laquelle on attribuę
les marées extraordinaires : enfin d'autres
cauſes aufquelles je n'ai peut- être pas penfé.
Vous devez avoir desthéfes de M. Maurica
fous M. Calandrin. De actione Solis & Luna
in aerem &
aquas.
46 MERCURE DE FRANCE.
Je crois que le nombre & la grandeur de
ces difficultés les convertira en une impoffibilité
Mathematique préfente , c'eſt-à-dire ,
que le Calcul conduira à des équations que
les Algébriftes d'apréfent ne fçavent pas réfoudre
. Mais ces difficultés ne font rien fi
on les compare avec les impoffibilités Phyfiques
que l'on trouvera dès qu'on ne voudra
pas pofer les principes du calcul avant que
d'avoir bien pofé ceux du problême , ce
qui eft un défaut prefque commun à tous
les Phyfico - Mathématiciens , & qui eſt la
caufe pour. laquelle beaucoup de gens
croyent qu'on ne doit pas appliquer les Mathématiques
à la Phyfique , voyant le mauvais
fucès de la plupart de ceux qui ont voulu
le faire. Voici quelques unes de ces impoffibilités
d'ignorance Phyfique .
1º. Il faudroit fçavoir files deux mouvemens
de la Terre tirent leur origine d'une
efpéce de projection du Créateur dont l'effet
dure encore , quoique la caufe n'agiffe plus
depuis long-tems ; ou fi ces deux mouvemens
font produits par une caufe qui agit
continuellement , mais qui eft trop foible
pour que fi elle ceffoit quelques momens ,
ces mouvemens fubfiftaffent encore quelque
tems. Ce premier genre de caufes , fe nomme
Forces vives , & le fecond fe nomme
Forces mortes ; car quoique l'effet de ces deux
MAI 1746. 47
genres de cauſes fut le même par rapport à
la Terre , il ne feroit pas le même par rappart
à fon athmofphére. Or adhuc fub judice
lis eft : & même il y a apparence qu'on ne
pourra jamais raifonner fur cette matiére
que par hypothéſes .
2º. Au cas même que l'on fut perfuadé à
bon titre que les caufes dont je parle fuffent
des forces vives , il faudroit fçavoir encore
fi le Créateur a imprimé à la fois ces deux
mouvemens , & à la Terre & à fon athmofphére
, ou s'il les a feulement imprimés à la
Terre qui les communique continuellement
à fon athmosphére .
3. Il faudroit fçavoir felon quelle loi décroit
la denfité de l'Air , felon quelle loi
chacune des caufes des vents agiffent differemment
fur les couches de differente denfité
; à quel degré de rarité l'Air eft autant
dilaté qu'il le peut être , & de quel degré de
rarité eft la couche fuprême de l'athmoſphére.
Ces queftions en renferment huit ou dix
autres prefque toutes impoffibles à réfoudre
: car fur ces mots , chacune des caufes des
vents font compris les differents degrés
délaſticité , d'obliquité du Soleil , de force
de fes rayons , après avoir traverſé certains
nombres de couches differemment denfes
& c .
4°. Il faudroit que la queftion fut décidée
48 MERCURE DE FRANCE.
file le globe Terraqueaeriën nage dans le
vuide ou dans un ether , qui réliftant à fes
deux mouvemens peut caufer
par frottement
des vents de deux efpéces dans l'athmofphére
: & fi cette queftion étoit décidée , il fau
droit encore fçavoir l'effet de ce frottement
de l'ether fur la couchefuprême de l'athmof
phere , & l'effet des mouvemens de cette
couche fuprême fur les autres couches,
5 °. Il faudroit de même fçavoir l'effet du
frottement de l'Océan fous la couche infine
de l'Air. La denfité de l'eau étant differente
de celle de l'ether , les furfaces par lefquelles
ces deux fluides agiffent à contre-fens
fur Pathmofphére étant de differentes grandeurs
, leurs éloignements du centre de mouvement
étans differens , leurs furfaces étant
differemment raboteufes , les couches fur
lefquelles ils agiffent étant de differente denfité,
& toutes ces differences s'exprimant par
des proportions qu'il eft impoffible de trouver
, ceci eft une nouvelle impoffibilité à réfoudre
le probleme .
J'entrevois encore mille difficultés fur les
fept caufes que j'ai affignées aux vents , mais
je me laffe de perdre mon tems à les ranger
fous differentes claffes.
C'eſt une maxime reçûe parmi les Mathé,
mariciens & les Phyficiens , que demontrer
l'impoffibilité de réfoudre un problême
c'eft
MAI 1746. 49
c'eft autant que de l'avoir réfolu , mais je
penfe qu'il y aura bien des fçavans qui appercevant
cette impoffibilité en feront le
fujet de leur difcours.
Tout ceci eft extrêmement raturé & mal
couché ; mais il me fuffit que vous voyiez à
peu-près ce que je penſe fur une matiére
qui paroît vous intéreſfer un peu , car ſi j'avois
voulu en faire un brouillard & la traiter
dans les formes , j'aurois perdu un tems que
je dois à la Médecine.
XXXXXX XXXXX
VERS adreffés à M. l'Evêque de Chartres
par M. Roy Chevalier de l'Ordre de S.
Michel , le premier Janvier 1746.
PAfteur d'innombrables troupeaux ,
Chaque année ouvre à ton zéle
Une carriere nouvelle
De mérites & de travaux .
Aux voeux du Laboureur fi la terre eft rebelle
Tes foins dans ta Patrie effacent ces fléaux ,
Heureux de t'appauvrir pout elle.
Toi feul à tes vertus dérobes leur éclat.
L'ennemi du falut fouffle - t- il quelque orage ?
Ton zéle s'arme , & l'abat
Avec le même courage
So MERCURE
DE FRANCE
,
Dont tes ayeux faifoient ufage
Sur les ennemis de l'Etat .
Des Pontifes choifis rare& digne modéle ,
Que le Ciel de ta vie étende les liens !
Un Trône t'est marqué parmi les citoyens
Dont les mains ont fondé la Sion éternelle.
Dégagé de tous biens tu foupires pour elle :
Dieu te fçait néceffaire aux befoins des Chrétiens ;
Qu'il differe ta récompenſe ,
Et qu'il donne la préférence
Atous nos defirs fur les tiens !
LETTRE de M... M *** . à un ami
de Province, aufujet de la nouvelle Fontaine
de la rue de Grenelle , an Fauxbourg S.
Germain des Prez.
Vous avez raifon de vous plaindre,
M. Je me fouviens parfaitement de l'engagement
que je pris avec vous lorſqu'on
commençoit à jetter les fondemens de la
magnifiqne Fontaine de la rue de Grenelle
au Fauxbourg S. Germain ; je vous promis
de vous entretenir de cet Edifice auffi - tôt
qu'il feroit achevé. Je vous avoue donc que
MAI 1746 .
SE
je fuis en faute. Il y a quatre à cinq mois que
j'aurois dû vous écrire , & que mes foibles
éloges devoient le mêler aux applaudiffemens
que tout Paris s'eft empreffé de donnerà
ce fuperbe Monument , mais fans chercher
à m'excufer , je vous dirai tout fimplement
que depuis ce tems - là , j'ai été tellement
occupé de la chofe même dont je devois
vous rendre compte , que je n'ai prefque
plus penfé à la parole que je vous avois don
née. Cela eft fort mal , & il ne faut pas moins
que toute votre indulgence pour me le pardonner
; j'ofe cependant vous affûrer que
vous n'y perdez rien ; plus j'ai examiné avec
une attention méditée toutes les parties qui
compofent ce bel affemblage d'Architecture
& de Sculpture , plus je crois être en état
de vous en fournir une defcription fidelle ;
je ferai du moins tous mes efforts pour entrer
, autant que vous pouvez l'attendre de
moi , dans l'efprit de l'homme excellent
qui a produit un fi rare chef d'oeuvre.
Vous étes déja inftruit que cette Fontaine
eft fituée dans la rue de Grenelle , affés près
de l'endroit où cette rue fe croiſe avec celle
du Bac. Comme vous n'ignorez pas qu'il ne
fe trouvoit aucune Fontaine publique dans
tout ce grand quartier aujourd hui ſi peuplé,
vous comprenez auffi combien il étoit
néceffaire qu'on y en bâtit une ; mais peut
:
Cij
32 MERCURE
DE FRANCE
,
etre que les raifons qui ont déterminé ſur le
choix de la place qu'elle occupe vous ſont
inconnues ; vous ne fçavez peut- être pas que
ci-devant c'étoit un terrain vague appartenant
aux Religieufes Recolectes , dont on
pouvoit faire aifément l'acquifition , au lieu
que partout ailleurs la même acquifition eût
fouffertde très - grandes difficultés : j'ai cru
devoir vous faire en paffant cette obferva
tjon qui fervira de réponſe à ceux qui criti
quent un peu trop févérement le choix
qu'on a fait de cet emplacement .
.ges
Les arrangemens pris pour l'établiſſement -
de cet important Edifice , M. Turgot dont
la Prévôté fera mémorable à jamais par le
nombre , la grandeur & l'utilité des ouvradont
il a embelli cette Capitale , & Mrs.
du Bureau de la Ville jetterent les yeux fur
M. Bouchardon Sculpteur Ordinaire du
Roi , dont la réputation étoit grande dans
toute l'Europe pour exécuter leur projet : il
fui firent faire des deffeins & un modéle qui
furent géneralement applaudis ; & l'on pofa
la premiere pierre de l'Edifice fur la fin de
Fannée 1739.
Depuis ce moment - là , je puis vous affùrer
que je n'ai plus perdu de vue ce beau Bâtiment
; j'ai été témoin des foins extrêmes
avec lefquels on en a fuivi la conftruction :
j'ai vû amener fur le taş la plus belle pierre
ΜΑΙ 1746. 53
de Conflans Ste Honorine , la même dont le
fameux François Manfard , fi curieux de
bien faire , s'eft autrefois fervi pour le Château
de Maifons ; j'ai vu cette pierre prendre
entre les mains d'un Appareilleur expérimenté
des formes fi exactes , un trait fi précis
, que miſe en oeuvre il n'eft prefque pas
poffible de difcerner les joints des differentes
affifes ; les paremens en font fi unis & fi
bien dreffés , que le tour ne paroît faire qu'une
feule maffe. Je ne crois pas que depuis la
belle façade du Louvre il fe foit fait un Bâtiment
avec autant de propreté que celui- ci.
Vous me direz , Monfieur , que dans ceci
vous ne reconnoiffez qu'un ouvrage purement
Méchanique & dont vous n'étes que
foiblement touché. Je vous connois : vous
n'étes véritablement affecté que des feules
opérations de l'efprit ; il faut vous montrer
l'homme de génie , vous offrir & vous faire
goûter les fruits heureuxde fon imagination ,
pénetrer dans le fecret de ſes penſées & vous
les développer : voila ce que vous demandez
& je vais tâcher de remplir vos vûes :
fije n'y réuffis pas , n'en accufez que mon infuffifance.
Pour vous donner une idée plus nette de
la Fontaine , dont j'entreprens de vous faire
la defcription , je dois commencer par vous
en tracer le plan , jentrerai enfuite dans un
Ciij
34 MERCURE DE FRANCE.
détail circonftancié de toutes les parties de
fa décoration & des divers morceaux de
Sculpture qui y font employés : tout le Bâtiment
régre fur un des côtés de la rue & y
occupe en longueur une efpace de quatorze
toiles & demie ; la rue n'eft pas extrêmement
large en cet endroit , & fi l'on eûtfuivi
l'allignement des maifons , non feulement
la Fontaine n'eût pas été d'un accès bien facile
, mais il eft encore certain qu'il n'y auroit
eû aucun jeu dans fa compofition . L'habile
Artifte qui a préfidé à cet Edifice, a donc
imaginé de fe retirer d'environ quinze pieds ,
& par cet expédient il a trouvé le moyen
de former au devant de la Fontaine une efpéce
de place qui contribue à en rendre le
fervice plus commode , & qui laiffe affés
d'efpace pour pouvoir fe reculer & embraſfer
d'un coup d'oeil toute l'ordonnance : l'afpect
en devient plus heureux , & les parties.
fe développent davantage.
·
Le corps du milieu qui eft ainfi renfoncé ,
fait avant corps ; il eft foutenu a droite
& à gauche par deux ailes qui , partant de
T'endroit où elles s'oniffent à cet avant- corps ,
& décrivant par leur plan des portions de
cercle , viennent reprendre l'allignement de
la rue dans les deux extrêmités qui terminent
l'Edifice . Imaginez- vous voir le frontispice
d'une magnifique fcéne de théatre
antique.
MAI 1746: すず
Ce que je viens de vous dire du renforcement
du corps du milieu , doit cependant
à la rigueur , fe reftraindre à la partie fupérieure
, je veux dire à celle qui régne audeffus
de la premiere plinte , car au rez - dechauffée
le plan de l'Edifice change de forme
: celui des aîles eſt toujours le même ,
mais l'avant - corps du milieu avance en
faillie prefque jufques fur la rue , & devient
un mallif, qui peut être proprement dit
le lieu de la Fontaine , puifque c'eft de là
que l'eau le diftribue par quatre grands mafcarons
de bronze , placés tant farle devant
que dans les retours ; ce maffifeft entierement
orné de refends qui ne font point interrompus
dans la principale face , laquelle prend
la forme d'une tour ronde , qui par une table
d'attente renfermant une Infcription ; &
le même maffif couronné par un focle de
glaçons en marbre blanc , fert de baſe à des
ftatues colloffales de même marbre qui
font le principal ornement de toute cette
riche compofition
.
Elles font élevées du pavé à la hauteur de
quinze pieds ; c'eft une diftance tout à fait
propre à en confidérer toutes les beautés de
détail. La principale de ces ftatues , celle à
laquelle on voit bien que les autres font fubordonnées
, eft celle qui repréfente la Ville
de Paris. Affife fur une proue de vaiffeau
Cij
36 MERCURE DE FRANCE.
qui lui fert de trône & qui eft priſe de ſes
armes, un fceptre à la main &la tête couren
née d'une Couronne de tours , elle regarde
avec complaifance le Fleuve de la Seine &
la riviere de la Marne , qui couchés à fes
pieds , paroiffent eux-mêmes fe féliciter du
bonheur qu'ils ont de procurer l'abondance
& de fervir d'ornement à la grande Ville
qu'ils baignent de leurs eaux . La Seine , en
tant que Fleuve , eft repréſentée fous la figure
d'un homme robufte qui tient un aviron
& qui a derriere lui un cigne fe jouant
parmi des rofeaux. La Marne eft figurée par
une femme qui a dans la main une écreviffe ,
& l'on remarque aupres d'elle deux canards
qui fortent encore d'entre des roſeaux .
Je ne veux pas vous arrêter plus longtems
fur ces admirables fculptures ; vous entendrez
avec plus de fatisfaction les jugemens
qu'en ont porté les perfonnes les plus
éclairées : elles ont été touchées de cette majefté
qui eft répandue dans toute la figure de
la Ville de Paris : fon attitude , & le jet de
fa draperie , leur ont rappellé cette fimplicité
noble & mâle de l'antique qui n'a jamais
éprouvé les caprices de la mode. La
figure du Fleuve leur a paru deffinée avec
ſcience & avec fermeté , tandis que celle de
la Nymphe a plu par fa foupleffe & le beau
coulant de fes contours : il a été dit queTune
MAI 1746. 57°
& l'autre confervoient fous la dureté du
marbre la délicateffe & la fenfibilité de la
chair .
Un frontispice formé par quatre colonnes
cannelées d'Ordre Ionique , & par autant
de pilaftres de même.Ordre , qui portent
un fronton , dans le tympan duquel font
les armes de France , fert de fond à cegrou
pe de figures , & met la Ville de Paris comme
à l'entrée d'un Temple qui lui eft dédié
; en même tems ce frontifpice fertà
loger dans l'enfoncement de fon entre - colonne
, une Infcription Latine en lettres
unciales de bronze , qui conçue dans le ftyle
Lapidaire , fixe l'époque du Monument
& fait élégamment l'éloge d'un Prince cheri
qui ne refpire que la paix , & n'eft occupé
que du bonheur de fes fujets . Je l'ai copiée ,
je vous l'envoye , & j'efpere que vous m'en
fçaurez d'autant plus de gré , que je puis y
joindre une Anecdote finguliere ; c'eft que
cette Infcription eft l'ouvrage de feu M. le
Cardinal de Fleury , & que ce grand hom
me dont la modeftie étoit aufli eminente
que la dignité , Fayant envoyé à M. de
Boze comme un fimple canevas dont il
le laiffoit abfolument le maître , celui- ci n'y
trouva pas un feul mot à changer.
CY
58 MERCURE DE FRANCE.
DUM LUDOVICUS XV.
POPULI AMOR ET PARENS OPTIMUS
PUBLICA TRANQUILLITATIS ASSERTOR
GALLICI IMPERII FINIBUS
INNOCUE PROPAGATIS
PACE GERMANOS RUSSOS QUE
INTER ET OTTOMANOS
FELICITER CONCILIATA
GLORIOSE SIMUL ET PACIFICE
REGNABAT
FONTEM HUNC CIVIUM UTILITATI
URBIS QUE ORNAMENTO
CONSECRARUNT.
PRÆFECTUS ET ADILES
ANNO DOMINI
MDCC XXXIX .
Ce qui fe peut rendre ainfi en notre Langue.
Sous le glorieux & pacifique régne
de LOUIS XV...
tandis que ce Prince ,
lepere defes peuples , & l'objet de leur amour ,
affüroit le repos de l'Europe ,
MAI 1746. 59
&
que fans effufion de fang.
il étendoit les limites de fon Empire .
queparfon beureuſe médiation
il procureit la paix
à l'Allemagne , àla Ruffie ,
& à la Porte Ottomane ;
les Prévot des Marchands & Echeving
confacrerent cette Fontaine
à l'utilité des Citoyens ,
à l'embelliffement de la Ville ,
-l'an de Grace MDCCXXXIX.
Les noms des Magiftrats aufquels le pu
blic eft redevable de ce fuperbe Edifice ne
fe trouvent pas dans cette Infcription ; mais
je vous ai déja fait remarquer qu'il y
avoit au - devant du maffif qui fert de bafe
au groupe de figures , donc vous venez
de lire la defcription , une autre Inf
cription . Celle- ci gravée en lettres d'or fur
un marbre noir en forme de table d'attente
au milieu de deux confoles , d'où pend un
fefton de fruits de marbre blanc , eft en François
, & c'eft dans cette Infcription qu'il
faut chercher les noms de ces Magiftrats : je
vais vous la tranfcrire ; vous y lirez auffi le
nom de M. Bouchardon Auteur de l'ouvrage.
La diftinction eft finguliére , mais
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
Vous conviendrez qu'elle eft bien placée.
1739.
Du regue de Louis XV.
De la cinquième Prévôté de Mre. Michel-
Etienne Turget , Chevalier Marquis de Sous-
Mons & c. de l'Echevinage de Louis - Henry
Veron, Ecuyer Confeiller du Roi & de la Ville ,
Edme - Louis Meny Ecuyer Avocat au Parlement
, Confeiller du Roi , Noraire , Louis
le Roi de Fereuil , Ecuyer Confeiller du Roi
Quartinier , Thomas Germain Ecuyer , Orphevre
du Roy , eftant Antoine Moriau Ecuyer
Procureur & vocat du Roi & de la Ville ,
J.B. Julien Taitebout , Greffier en chef, Jacques
Boucot Chevalier de l'Ordre du Roi , Receveur.
Cette Fontaine a été conftruite fur les deffeins
d'Edme Bouchardon , Sculpteur du Roi ,
né à Chaumont en Baffigny : les Statues , bas--
reliefs & ornemens ont été exécutéspar lui.
Je dois vous décrire à préfent les deux ailes
de Bâtiment qui accompagnent l'avantcorps
du milieu ; toutes deux font uniformes
, ainfi la defcription que je vous ferai de
F'une fervira pour l'autre. Depuis le fol jufqu'au
deflus de l'attique qui pofe fur l'entablement
, elles s'élevent à la hauteur de
MAT 1746.
6f
fept toifes , & en général la décoration eft
de même caractére & s'accorde très - bien
avec celle du milieu, Le même Ordre Ruftique
, c'est - à - dire , la même fuite de refends
, régne dans la partie inférieure juf
qu'à la premiére plinte, & n'eft interrompu
que par deux portes cocheres de fujettion
, l'une qui fert d'entrée au Monaſtere
des Religieufes Recolectes , l'autre qui conduit
au château d'eau ou réſervoir de la Fontaine,
Ne craignez point que ces deux portes
nuifent à la compoſition ;. un habile hom
me fçait profiter de tout , il tire avantage
des chofes mêmes qui paroiffent les plus
contraire à fes deffeins . La difpofition heuseule
de ces portes en fait ici un ornement
qui femble néceffaire & même indifpenfable.
Quoique la décoration des deux afles
prenne plus de richeffe dans la partie fupérieure
, il n'y régue point cependant
d'Ordre Ionique comme dans le corps du
milieu. M. Bouchardon a crû qu'il valoit
mieux lier toutes les parties qui entrent dans
cette décoration au moyen de fimples corps
avancés , ou fi l'on veut , de pilaftres dénués
de bazes & de chapiteaux ; ce qu'il a fait
fans doute , pour mettre plus de repos &
d'harmonie dans fon ordonnance
, & pour
l'étendre davantage; & en effet i ces pilaf
62 MERCURE DE FRANCE.
tres euffent été chargés d'un trop grand
nombre de petites moulures , les parties auroient
paru trop coupées & certainement if
en feroit réfulté trop de fécherefle. Ces pi
laftres font couronnés par un grand entablement
& ils enferment des niches , une quarrée
au-deffus de chaque porte , dans le fonds
de la quelle font repréſentées en bas relief
dans des cartouches les armes de la Ville de
Paris , & quatre autres niches ceintrées ,
deux de chaque côté où font placées des figures
de génies .
Vous avez vû , Monfieur , que les principales
figures qui ornent cette Fontaine
concouroient à faire un tableau de l'abondance
qui régne en tout tems dans cette
grande Ville ; & pour étendre la même idée
que pouvoit on imaginer de mieux , que
de repréſenter dans les figures qui devoient
occuper les niches , les génies des ſaiſons ?
C'eft ainfi que les anciens ont voulu exprimer
le bonheur dont ils jouiffoient fous des
Princes qui leur procuroient l'abondance ;
ils ont employé dans plufieurs de leurs Monumens
, & finguliérement fur les Médailles ,
le type des quatre faifons avec cette Infcription
Temporumfelicitas.
On ne s'eft point écarté ici de cette ingénieufe
allégorie ; on a repréſenté le Printems
fous la figure d'un jeune homme paré d'une
MAI 1746.
63
guirlande de fleurs & qui aide à un belier ,
le premier des Signes que le Soleil parcourt
dans cette faiſon , à le foutenir. Un autre jeu
ne homme qui regarde fixément le Soleil &
qui tient un fefton d'épis , exprime l'Eté :
on voit à fes pieds le cancer. Des balances
& des raifins entre les mains du troifiéme
génie défignent l'Automne , parce que c'eſt
le tems des vendanges & que l'équinoxe
d'Automne arrive préciſement au moment
que le Soleil entre au figne des Balances ;
par une raiſon toute femblable , la figure qui
repréſente l'Hyver eft accompagnée du Ca
pricorne: c'eft la feule qui foit couverte d'une
drapperie , fous laquelle elle femble fe vou
loir mettre à l'abri des rigueurs du froid.
Tous ces génies ont des aîles: ce font celles
du tems avec lesquelles fe fait la courſe rapide
des faifons , & qui les entraine dans le cercle
de leur révolution.
Les fymboles qui animent ces quatre fi
gures expliquent fuffifamment les fujets
qu'elles repréfentent , mais fuppofé qu'il pût
refter encore quelques doutes , ils fe diffipe
ront dès qu'on jettera les yeux fur les quatre
bas reliefs qui font placés dans des eſpa
ces quarrés longs au - deffous de chaque
niche ; dans chacun de ces bas reliefs on voit
des enfans qui s'occupent de ce qui peut faire
l'objet de leur amufement dans les diverfes
64 MERCURE DE FRANCE .
faifons. Les uns raffemblés dans un jardin ,
attachent aux arbres des guirlandes de fleurs
& fe couronnent de rofes , d'autres font la
moiffon , quelques uns jouent avec un jeune
bouc avide de manger des raiſins ; & les
derniers fous une tente & près du feu , cherchent
à fe garantir du froid de l'Hyver,
Si l'on a rendu juſtice à la variété & à la
naiveté des attitudes des génies , on a pas
donné moins de fouanges à la richeſſe des
compofitions de ces bas reliefs ; le travail en
a paru auffi recherché , & auffi fpirituel que
la matiére pouvoit le comporter car ces bas
reliefs , ainsi que les figures & toutes les autres
fculptures qui entrent dans la décoration
des deux aîles de la Fontaine , ne font qu'en
pierre de Tonnerre qui a le grain affés fin
& qui eft fort blanche, mais qui n'a pas a
beacoup près la fierté du marbre , feule matiere
digne d'occuper un excellent cizeau >
quel dommage qu'elle foit fi rare pour nous !
Ce que j'ai oui beaucoup prifer par les :
véritables connoiffeurs , & ce qui fait en effet
que l'oeil , en confidérant ce bel Edifice ,
jouit d'un agréable repos , c'eſt la jufteffe &
l'élégance des proportions ; c'eft le parfait
rapport de toutes les parties les unes avec les
autres ; c'eſt que tout y prend la forme piramidale
fi recommandée , fi bien mife en pra
ique par le fameux Michel - Ange, De quel
MA 1. 65 1746.
que côté
que vous vous tourriez , quelque
partie que vous embraffiez , la difpofition
de tous les objets vous deffine toujours une
piramide , & cependant cet artifice eft voilé
avec tant d'adreffe , qu'il faut en être averti
ou être plus qu'initié dans les Arts pour l'appercevoir.
-Permettez-moi d'ajouter encore une réflexion
que je n'ai pas fait feul ; je trouve que
la grande richeffe de cet Edifice vient de
fon extrême fimplicité , & fi je ne me trompe
, j'y vois éclater de toutes parts ce goût
de l'antique , de goût folide & fage que don
ne feule l'étude de la belle Nature, Peut-être
me laiffai-je emporter par trop de zéle .
J'ofe cependant former ce préfage , qu'en
tout tems , qu'en tous lieux cet excellent goût
prédominera , & que toutes les fois que des
idées trop compofées & trop éloignées du .
vrai voudront prendre le deffùs il les éclipféra.
Que quelques modernes , & même des
Sculpteurs de nom fe foient laiffés féduire par
un brillant quefemblent jetter dans la compofition
certains tours & certaines licences,
qui paroiffent sempruntés de la peinture , il
n'en eft pas moins vrai , quand on rappelle
les chofes à leur véritable fin , que ce ne foit
une erreur. La peinture & la fculpture font
deux foeurs qui ont le même objet d'imitation
, & qui marchent vers le même, but,
66 MERCURE DE FRANCE.
mais leurs allures font bien differentes. On
a blâmé avec raifon les Peintres qui ont
traité leurs tableaux dans le goût de la
Sculpture ; on leur a reproché la pefanteur
& de n'avoir pas mis affés d'air dans leurs
`ordonnances ; un Sculpteur qui fe propoſeroit
pour modéle le faire d'un Peintre , tomberoit-
il dans unmoindre défaut , & feroitil
plus excufable ?
Il ne me reste plus , Monfieur , qu'à vous
rendre compte de ce qui s'eft paffé à la ré–
ception de ce grand & bel ouvrage par la
Ville M. le Prevôt des Marchands , &
Meffieurs les Echevins ne fe font pas contentés
de témoigner à l'habile homme qu'ils
avoient employé , leur extrême fatisfaction :
ils ont cru devoir y. joindre une récompenfe
digne de la magnificence de la premiere
Ville du Royaume.
Avouez , Monfieur , que je ne pouvois
mieux finir ma Lettre. J'ofe préfumer que
vous avez préfentement oublié tout mon
tort , & que vous continuerez d'être perfuadé
de la fincerité des fentimens pleins
d'eftime avec lesquels j'ai toujours été ,
Monfieur , &c.
A Paris ce 1. Mars 1746,
M AJ 1746. ETIA
奶油胖胖鮮鮮鮮鮮鮮類
A Madame L. M. D E. R. V. F. Chef
J
d'Efcadre dans l'ordre de la Félicité.
E ne briguerai point le ftérile avantage
Dont vous dotez vos Chevaliers ,
Et l'ancre de vos Mariniers
Ne fera jamais mon partage.
316
Que me fert le figne trompeur
D'une félicité parfaite ,
Quand je fens au fond de mon coeur
Que mon ame eft peu fatisfaite. ?
諾
Vous avez prodigué ce titre faftueux
A mille Chevaliers d'élites ,
Mais entre tant de profélites
Combien avez- vous fait d'heureux ?
Par M. de la Soriniere .
MADRIGAL fur les grands yeax d'Uranie
par M. de la Soniniere. B R
Lorfque l'Amour fur le plus beau modéle
Coupa vos yeux, il avoit fondeffein ;
L'enfant difoit , car il eft bien malin ,
Faifons-les grands , fi grands que la pucelle
Puifle y loger l'Amour & tout fon train .
168 MERCURE DE FRANCE.
茶茶
EPIGRAMME fur un vieux Poëte.
D
Amon dont je refpecte l'âge
S'eft déclaré Poëte à quatre -vingt deux ans ;
Je le refpecterois encor bien davantage ,
S'il eut confervé fon bon fens.
MADRIGAL tiré de l'Italien Felice
chi vi mira.
53 90 9 .
H Eureux qui voit tes yeux !
Heureux qui les admire !
Mille fois plus heureux
Qui pour ces yeux ſoupire !
Mais pour faire un parfait bonheur
Il eft une autre chofe ,
C'eft de voir foupirer ton coeur
Et d'en être la caufe.
q olm mo..
sliss
O T
tiavs lixray o
52Se li A'I
ig i ..
MAI 1746. 69
********
EPITRE à M. l'Abbé H***
AUprès d'un petit lit , vrai Temple d'Hymé
née ,
Sur un trépied affisje coule majournée ,
Soit que le doux Zéphir ou le fombre Aquilon
Faffe rire ou pleurer l'équivoque horifon :
Là , m'inftruiſent ces morts dont plus de mille
années
Ont toujours refpecté les célébres trophées ,
Er dont je veux , ami , te faire leftement
En quelques bouts - rimés le court dénombrement,
Deffous l'habit rongé d'un vieux parchemin jaune
Se montre en belle humeur ce ribaut de Pétrone ;
Inventeur ( 1 ) rafiné de fales voluptés ,
Qui fait d'affreux portraits adorer les beautés
Qui fous le voile impur d'une fine Satyre
Fait frémir des excès du Tyran qu'il infpire.
Auprès de ce cynique ( 2) & ſéduifant vaurien
Paroît bien étoffé le mordant Lucien :
Plus fort que les Titans il brave le tonnerre ,
Se rit de Jupiter, nargue toute la terre,
(1)Tacit. 16 Annal
(2)Terent. Manr.
70 MERCURE DEFRANCE.
Plus loin en même rang s'offre l'aimable Auteur
Qui de trifles diferts réjouit fon lecteur ,
Qui par les traits touchants d'une tendre Elégie ,
Intereffe aux malheurs d'un être de génie :
Aux accents variés de fa flexible voix ,
Virgile unit les fons de champêtres haut - bois ,
Et du galant éclat de la métamorphofe
Seme les chaftes vers que fon Damon compoſe.
Deffous eux Juvenal , Cenſeur univerſel ,
Répand fur ces Ecrits à pleines mains le fel ;
Puis Perfe & Martial d'une cauftique plume
Font couler de leur fiel la diſcrette ( 1 ) amertume :
Tandis que dans Lucain le crime fçait calmer
Les troubles qu'en fon fein la paix (2) ofa former ,
Horace des doux fons de fa mignonne Lyre
Fait aimer les écarts d'un ſublime délire ;
Quint-Curce à fon Héros pour la postérité
Paye l'heureux tribut d'un encens mérité.
Pour punir les Auteurs des maux de leur Patrie ;
Tacite & Tite- Live éternifent leur vie.
Quintilien nous dit d'être ce qu'il n'eft pas . ( 3 )
Cicéron veut envain qu'on marche fur fes pas.
Térence au naturel les hommes fait paroître.
Séneque (4) nous dépeint tels que nous devons être
Aufone le galant , Plaute le naturel ,
(1 ) Pline lejeune.
(2 ) Le Triumvirat.
(3) Orateur,
(4) Meral,
MAI 1746.
བྷ་
Plutarque le moral , Pline ( 1 ) l'univerſel
Les doux amulemens de l'enjoué Tibulle ,
La rare amoenité du pétulant Catulle ;
Voilà tout l'agrément de mes jeunes deftins ; (2)
Jejoins au fel des Grecs les douceurs des Latins :
Au pied du Mont facré j'aime à voir que Pindare
Calme , trouble, ſe perde , adroitement s'égare .
Homére prend le foudre au ſein des immortels ,
Et des foibles humains en orne les Autels ;
Ifocrate au difcours donne lefte parure ,
Ille jonche de fleurs , il lè peigne & l'épure ,
Du Prince , Hérodian le Cenfeur rafiné
Diſcerne le Héros du Tyran effrené :
Pour eux donc , pour Florus , Tyrius , (3 ) Dé
mofthéne ,
A mon réduit , mọn cher , chaque jour je m'en
chaîne ;
Leurs talens variés , variant mes plaiſirs ,
Sans fâcheux , fans flateurs , fans odieux defirs
Du travail m'étant fait une douce habitude ,
Je trouve un Tivoli dans mon étroite étude,
(1) Natural,
( 2)Vingt ans,
(3) Maxim,
62 MERCURE DE FRANCE.
料
EXTRAIT D'UNE LETTTRE
écrite aux Auteurs du Mercure au sujet
de l'emploides 20000 livres.
Oici le plan que je propoferois à cet
homme zélé pour fon prochain ; je lui
confeillerois en premier lieu de ne faire aucune
fondation , outre qu'un Adminiftrateur
avide ou négligent ne remplit jamais en entier
les vûes du Fondateur, il eft encore trèsdangereux
que l'amour propre & une certaine
vanité ne guident la plupart de ces établiſſemens,
& ne faffent perdre ainfi une bonne
partie du fruit de ces bonnes oeuvres ; on
perpétue fon nom avec fes bienfaits , & fouvent
ne regarde- t- on les bienfaits que comme
le moyen efficace de tranſmettre fon
nom à la postérité. Les aumones publiques
font bonnes , mais les fecrettes font bien plus
excellentes , fi la main gauche doit ignorer
ce que fait la droite , combien plus ne doiton
pas craindre de faire du bien à la face
de toute une Province, de l'annoncer publiquement
, de le dépofer dans des Actes authentiques,
de prendre enfin une voye où les
témoins font néceffaires pour la validité de
l'aumône qu'on a deffein de donner ? Je voudrois
ΜΑΙ 1746. 73
•
drois donc que l'on fut foi- même le difpenfa
teur de fes charités & que l'on n'y confacrât
pas feulement le revenu de ces 20000 livres,
mais que l'on ébrechât même le capital ,
fi certaines circonftances l'exigeoient.
Je fçais une famille honteufe , que le fouvenir
d'une fortune paffée , rend encore plus
miférable , par l'impoffiblité où il la met de
gagner fa vie ; alors au lieu d'une aumône
modique j'en donnerois une abondante , je
ferois à ces perfonnes un petit établiſſement ,
je leur fournirois le chauffage , je payerois
leur loyer , j'emploiroi mes foins , mon
crédit , mon bien même pour procurer
quelqu'emploi honnête & lucratif qui pût
les foutenir.
Une fille d'honneur & de famille , douée
d'efprit & de beauté, n'a plus aucune reffource
pour vivre ; un pere diffipateur a confumé
le peu de bien qui auroit pu fuffire à
fon entretien , fon nom , fa naiffance l'empéchent
d'embraffer la condition bafle de
domeftique qui eft le feul parti qui lui refte ;
fur le bord du précipice fa frele vertu eſt
prête à fuccomber ; on lui a fait des proz
pofitions , des avances dangereuſes , elle a
eu de la peine a y réfifter ; ſa bouche a dit
non , peut-être fon foible coeur a-t - il en fecret
démenti ce langage ; une mere fur le
déclin de l'âge & vertueule le voit , le fçait ş
D
74 MERCURE DE FRANCE.
elle en gemit amerement ; fon amour pour
fa fille , l'horreur du crime qu'elle eft prête
à commettre lui ferment là bouche & lui
déchirent les entrailles ; elle eft prête à expirer
de douleur : je courrois vers cette
jeune perfonne , j'y courrois dès que j'en
ferois informé , j'y courrois le matin , le
foir , la nuit même , & après avoir pourvû à
fes befoins les plus preffans , ou je lui donnerois
une aumône pour lui faciliter l'entrée
dans un Monaftere , ou fi elle n'avoit aucune
inclination pour cet état , je lui louerois
une boutique je lui en avancerois le
fonds , je le lui donnerois même s'il étoit
néceffaire.
Une mauvaiſe récolte vient à faire hauffer
le prix du bled & de toutes les denrées
le mendiant , le pauvre laboureur font fans
fecours , ils ont une famille qui leur de
mande du pain , & ils n'ont pas de quoi
la fatisfaire , j'ouvrirois alors mes greniers ,
je vendrois du bled à ces miférables à un
très-vil prix , par là j'étoufferois leurs plaintes
& leurs murmures , fouvent , ou pour mieux
dire , toujours criminels , je previendrois ce
défelpoir auquel ils font prêts à s'abandonner.
Un artifan obéré qui a de la peine à fe
nourrir du travail de fes mains , eft prêt à
perdre le peu qu'il peut avoir ; des créanMAI
1746. 75
ciers avides le preffent , lui font faifir fes
biens , je le fçais , & fans examiner fi c'eſt
fa faute qui l'a rendu miférable ou non , je
les fatisfais , & ainfi j'évite à cet homme
l'ignominie de la prifon , j'empêche le cours
de ces intérêts que l'impoffibilité de payer
fait bientôt monter plus haut que le capital.
Je choifirois deux jeunes pauvres , je
prendrois foin de leur éducation , comme
s'ils étoient mes propres enfans , je les avancerois
, je les établirois , je ferois paffer en
fecret à ce Curé congruifte qui ne peut
vivre de fa Cure , tous les fecours dont il
auroit befoin , je chargerois rogatoirement
men héritier d'avoir la même attention;quels
tréfors de graces une pareille conduite n'attire-
t- elle pas fur la tête de celui qui la
pratique.
La charité eft ingénieufe ; elle trouve
mille moyens de fe fatisfaire ; les occafions
ne manquent jamais à un homme qui a un
véritable zéle , mais je voudrois toujours
qu'on fit pendant fa vie autant d'aumônes
qu'il feroit poflible , fans attendre après fa
mort : melius eft nunc tempeftivè providere
& aliquid boni prætermittere , quam fuper
aliorum auxilio poft mortemfperare. *
* Imitatio Chrifti Liv. 1 Ch. 23, Sect .
Dij
3 MERCURE DE FRANCE,
Veut-on abfolument des fondations ? je les
ferois de cette maniere ; j'emploirois la fomme
de zoooo livres à doter quelque Hôpital
confidérable , & connu par la vigilance
de ceux qui le gouvernent : & comme les
pauvres n'y manquent jamais de la nourrirare
terreftre , je fongerois à leur procurer
la fpirituelle ; jy fonderois deux places qui
leroient accordées à de pauvres Eccléfiaftiques
au choix & à la nomination de tous
les Adminiftrateurs ; ils y feroient entretenus
à la charge de diftribuer foir & matin
& plufieurs fois le jour la parole de l'Evangile
aux malades de cet Hôpital , de les
exhorter en particulier , de leur faire des
lectures chrétiennes, de les confoler dans leurs
afflictions , de prévenir leur defefpoir, de leur
repréſenter leurs fouffrances comme venant
de la main de Dieu , & de leur faire trouver
ainfi dans une occafion de péché une occafion
de graces & de falut : ah ! combien
de malades livrés à eux-mêmes & aux cruelles
douleurs d'une fiévre ardente , ou d'une ma
ladie de langueur , maudiffent en fecret la
divine Providence de la rigueur de leur fort !
ces Eccléfiaftiques fe fanctifieroient , ils fanctiheroient
les autres
Sil'Hôpital n'étoit pas bien confidérable ;
je; confeillerois de n'établir qu'une place
d'intruction , & de confacrer ainfi l'autre
MAÍ 1746.
moitié du revenu des 2000 livres à l'entretien
d'une perfonne de famille , mais à qui
la pauvreté , même fans maladie , ôtercit
toute efpéce de fecours ; je voudrois que
cette perfonne fut au choix de tous les Adminiftrateurs
, & qu'on ne la reçut qu'après
des atteftations de fon Curé & de quelque
perfonne conftituée en charge ; mais qu'il feroit
encore à craindre que des motifs de faveur,
ou de récompenfe ne fiffent ôter le pain
aux enfans pour le donner aux petits chiens,
& que cette place ne fut fujette à la brigue.
Voilà , M. les réflexions qui me font
venues en lifant la queftion propofée & la
lettre de M. le Curé de S ...... que vous
avez inférée dans votre Mercure;fi vous jugez
que la mienne y mérite une place, vous me
ferez plaifir de l'y mettre , peut- être engagera-
t-elle des perfonnes plus éclairées à
nous faire part de leurs lumieres.
Je fuis &c.
Ce 24 Mars 1746.
Diij
78 MERCURE DE FRANCE ,
*****
LE RAT ET LA PIE./
O
FABI.E.
N raconte que Dame Pie
Se moquoit d'un Rat fon voifin :
Que fais - tu dans la vie ,
Difoit cette harpie ?
Eh! Bon Dieu ! tu n'es proprè à rien .
Te fends les airs d'une courfe rapide ,
Je vas , je viens , je voyage partout ;
Pour toi pauvre animal timide ,
A peine fors - tu de ton trou.
Elle joignit à ces mots l'infolence ,
Et donna plufieurs coups au Rat ,
Qui jura
Tôt ou tard d'en tirer vengeance.
A quelque tems de-là ; c'étoit huit jours après ;
Comme il traverſoit les forêts ,
S'étant fourvoyé par mégarde .
Il vit la dame babillarde
Prife dans des lacets.
Elle fut bien ravie
Qu'il vint pour lui donner fecours ,
Et le pria de lui fauver la vie ,
Mais il fut fourd à ſes diſcours :
ט א
MAI 1746. 79
C'eft le Ciel qui te châtie ;
Tu te moquois de moi , lui dit- il , l'autre jour ,
Mais aujourd'hui c'est mon tour.
Ah ! tire moi d'ici , voifin , je t'en conjure ;
Rien ne pourra jamais alterer l'amitié ,
Que dans ce moment je te jure ;
Que mes malheurs excitent ta pitié :
Elle eût beau faire ; elle eût beau dire ;
Le Rat n'en fit que rire .
Romps , lui dit-il , toi même ton lien
Car pour moi , tu le fçais , je ne fuis propre à rien :
Et là-deffus notre Rat fe retire.
Il faut entretenir tout le monde avec foin
Et ne fe moquer de perfonne :
Quand le bonheur nous abandonne ,
Sçait-on de qui l'on peut avoir befoin ?
Par M..... de Châlons fur Marne,
Dij
80 MERCURE DE FRANCE.
LE THON ET LE DAUPHIN,
FABLE.
UN Thon que pourfuivoit dans la mér un
Dauphin ,
Fut jetté par une tempête
Avec lui fur un roc voiſin ;
Auffi tôt retournant la tête "
Et voyant périr le marin ,
Ah! je ne me plains plus , dit-il , de mon deſtin
Et le fort que la mort m'apprête
Ne peut me caufer de chagrin ,
Puifqu'il eft auffi de la fête..
Ce fouhait de nos jours hélas ! eft trop comn un:
Petits & grands , non il n'en eft pas un
Qui ne fouffre fes maux avec plus de courage
Quand fon rival avec lui les partage .
Par le même.
1
MAI 1746.
******
M
Maximes & Amour en Acrostiche.
Ontrez à votre amant un coeur moins inflexible
;
> fon amour naiffant devenez plus fenfible ;
eprimez ſon ardeur , fans rebuter ſes voeux :
mitez la Colombe , en brulant de fes feux
viter un Berger , c'eft montrer ſa défaité
<
O'eft devant fon vainqueur battre honnête retraite
Horace dans fes vers a chanté ces leçons.
•
tle Gentil Bernard les: a mis en chanfons.)
◄ivre fans paffion , c'eft languir de trifteffe
> imez donc , Chevalier , & foyez ma Maitreſſë ;
e coeurque je vous offre eft fidéle & conftant
1vous et preſenté par le plus tendre amant ;
cartés pour jamais tout principe fevere ;
econnoiffez le Dieu qu'on adore à Cithére.
DE LA LAURE.
82 MERCURE DE FRANCE ,
REFLEXIONS
Sur les âges de l'homme , à M. Calandrini
Profeffeur en Philofophie à Geneve.
Q
U devient de nos prés la riante verdure ?
· Et des fleurs la riche parure ,
Philoméle de fes concerts
Ne rejouit plus la Nature ;
Ces paisibles ruiffeaux dont l'onde vive & pure
Serpentoit fur des tapis verds ,
Et qui de cent objets diversa
Nous offroient l'aimable peinture
Aujourd'hui d'une écorce dure
Sont envelopes & couverts.
Le feul Aquilon dans les airgoans .
Fait entendre un affreux murmure ›
Et change nos champs en déferts ,
Ah ! que cette fidelle image
Nous repréſente bien le cours
Des heureux & des triftes jours
Dont notre vie eſt l'aſſemblage.
L'homme dans le printemps de l'âgé
Ne refpire que badinage ;
Les jeux , les ris & les amours
ΜΑΙ 1746. 83
Semblent venir lui rendre hommage,
Et femer de fleurs fon paffage ;
Si ce temps fortuné pouvoit durer toujours ,
Qu'il feroit doux d'en faire ufage !
On voit la jeuneffe volage ,
Aller de défirs en défirs ,
Et pour commencer d'être fage ,
Attendre la fin des plaiſirs ;
Tel le Papillon infidéle
Court & vôle de fleurs en fleurs :
Celle dont- il reçoit les plus tendres faveurs
Lui paroît toujours la plus belle
Et chaque Aurore renouvelle ,
Son inconftance & fes ardeurs .
Mais lorsque de l'Eté les brulantes chaleurs
Echauffent nos efprits & le fang de nos veines ,
L'homme , féduit par des lueurs ,
N'embraffe que des ombres vaines
Sous le fantôme des grandeurs
Et fuivant au hazard des routes incertaines ,
Il eft le jouet de l'erreur ,
Et ne rencontre que des peines
Lorsqu'il croit trouver le bonheur.
D'un voile ténébreux mafquant fon injuftice ;
D'honneur il paroît revêtu ,
Et des couleurs de la vertu
Sa main ofe parer le vice .
De fes vaftes projets la folle vanité
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
Lui creufe raffreux precipice
Qui fait la honte & le. fupplice
D'un téméraire orgueil & de l'iniquité.
Dans un âge plus mûr l'homme craint l'indi
gence ;
Méprifant les tréfors qui font en fa puiffance
Pour les biens qu'il n'a pas fon coeur eft agité ,
Es de la foif de l'or fans cefſe tourmenté
Même au milieu de l'abondance
Il éprouve la pauvreté.
L'or n'eft que trop fouvent l'inftrument de nos
crimes ;
Par des moyens illégitimes
Onfçait de fes projets couvrir l'iniquité
* Tel un Roi cruel & perfide ,
Séduifant le Romain de fes tréfors avide ,
De tous fes attentats obtint l'impunité.
Ainfi par fa propre foibleffe
L'homme facilement féduit ,
Fuit la verité qui le bleffe ;
Et des douceurs de la fageffe
Il ne recueille l'heureux fruit
Que lorfque la froide vieilleffe
* Jugurtha Roi de Numidie , après avoir tué fes
freres s'être emparé de leurs Couronnes Le procura
affes long-tems l'impunité de fes crimes en corrompant
es Généraux Romains qui étoient envoyés pour le
punit.
ΜΑΙ 1746.
Annonce la fatale nuit ,
Qui nous couvrant d'une ombre épaiſſe
Eclipfe le jour qui nous luit.
Notre plaifir , notre triſteſſe ,
Dans la nuit du tems confondus
Loin de nous écoulent fans ceffe ,
Et bientôt ils ne feront plus.
Tel un torrent dans les collines
Ne refpecte pas plus les fleurs
Que les ronces & les épines
Et laiffe par tout des ruines
Triftes effets de fes fureurs.
L'Homme pour fixer fes années
Par un cours rapide entrainées
Feroit d'inutile efforts ;
"
i
Le temps détruit tous les refforts
De notre fragile machine ,
Et rompant les heureux accords
Qui joignent & l'ame & le corps ,
A pas certains nous achemine
Dans le fombre féjour des morts ,
Et nous rend à notre origine,
"
Enfin fatigués de courir
I
I
Après de faux plaiſirs dont notre ame étoit yvres
Nous voulons commencer à vivre ,
Lorfqu'il faut penfer à mourir ;
L'efprit détrompé des chimeres
Que le temps fait évanouir ,
3
MERCURE DE FRANCE.
•
Ne fe laiffe plus éblouir
Par des grandeurs imaginaires
Ou par des beautés paffageres ,
Dont il fe flatoit de jouir.
Il voit que ces plaifirs ont des aîles legéres ;
Heureux , fi les Beaux Arts ; & les vertus fincéres
Etoient feuls l'objet de fes foins !
Mais hélas ! il n'en est pas moins
Efclave des erreurs groffiétes ,
Et fujet à de faux befoins.
L'Homme marche à sâtons au bord des précipices
;
Il ne fait que changer de vices.
Tantôt la fiere antbition
Lui prépare mille fupplices ;
Tantôt quelqu'autre paffion
L'entraîne par fes artifices :
Prefque toujours l'opinion
Le meut au gré de fes caprices ;
De préjugés trompeurs l'homme eft environné
,
M eft fur chaque objet incertain , étonné ;
A peine une foible lumiere
Des malheureux mortels éclaire la carriere.
Cependant notre orgueil fe,flate de fçavoir
Quelle eft des élémens la forme & la matiére T
Et s'élevant du fein de la pouffiere ,
L'efprit humain veut concevoir
MA I. 1746. 87
La fabrique des Cieux & de la Terre entiere :
Il veut tout connoître & tout voir
Et nous ignorons la maniere
Dont notre corps peut le mouvoir.
Apprenons que notre devoir
Eft de refpecter les limites
Que le Ciel lui-même a prefcrites
Et qui du Créateur nous prouvent le pouvoir.
Oui , dans fon arrogance extrême
L'homme décide en arbitre fuprême
Sur l'ordre & les refforts divers
Qui compofent le beau fyftême
De ce magnifique Univers , ov
Et dans fes dangereux travers ,
Il rapporte tour à lui - même.
Ah ! plûtôt foumis , fatisfaits
Faifons un ufage modefte
Des divers talens , des bienfaits
Que repand la bonté célefte ,
Et dont nous fentons les effets.
Toi , dont le goût exquis égale la ſcience ,
Daigne pardonner mes écarts ;
Tu connois de nos vers les régles , la licence ;
Calandrin , ton intelligence
Perce audelà de tes regards. ,
De la fine Géometrie
Tu pénétre les profondeurs ,
Et peintre ingenieux des moeurs
88 MERCURE DE FRANCE.
Tu fçais de l'humaine folie
Découvrir toutes les erreurs .
De nos divers devoirs tu montres l'harmonie
Et de plus aimables couleurs ,
Tu nous peins toutes les douceurs
Dont la vertu feroit fuivi
Si l'ordre regnoit dans nos cours.
Puiffions nous deformais en gouter tous les charmes
,
Puiffions nous conftamment en refpecter les droits
Et loin du bruit affreux des armes ,
L'efprit tranquile & fans alarmes ,
Cultiver les Beaux Arts à l'ombre de nos loix.
D
1
A Geneve ce 2 Octobre 1745 , J. B. Tellot.
SUR LAMITIE
.
晨
à M. D **
OUR peindre l'Amitié ? fçais- tu ce qu'il faut
POUR
faire
Il faut avoir l'original
Car fans lui tu la peindrois mal ,
Et tu ne tracerois ; D ** qu'une chimère ;
Mais pour t'épargner la longueur
9
MA I. 1746.
89
D'une recherche difficile ,
Je vais t'enſeigner ſon azile ;
Tu le trouveras dans mon coeur.
Par le même . I
EPİTRE à M. le Docteur B
A Mis , de tes confeils je connois l'équité ;
Charmé des plaiſirs légitimes ,
Tu fçais par de fages maximes
Conduire à la félicité.
Jqüet d'un fort cruel , le défir & la crainte
Troubloient le repos de mes jours ;
Accablé fous le poids d'une dure contrainte
Je cherchois envain du fecours ;
De mille foins cuifans mon ame étoit atteinte
Et de mes noirs chagrins rien n'arrêtoit le cours .
Je te connus alors : une aimable indolence ,
Compagne de la paix , te fuivoit en tous lieux.
Sur ton front brilloit l'innocence¹ ,
Telle qu'on la dépeint chés nos premiers ayeux
Lorfque contens des biens laiffés en leur puil
fance
Ils converfoient avec les Dieux.
I
Jo MERCURE DE FRANCE.
Tes difcours , tes confeils fçurent tarir mes larmes
Des foucis dévorans tu me montras l'erreur ,
Et rallumant l'efpoir prefque éteintdans mon coeur,
Tu diffipas ces frivoles allarmes ;
Et dès-lors de la paix connoiffant tous les charmes
J'en fis tout mon bonheur.
Déformais de mon fort je ferai feul le maître ,
Et felon mes befoins étendant mes défirs ,
Dans un lieu riant & champêtre ,
Au gré de mes ſouhaits , je ſçaurai faire naître
De vrais & d'innocens plaifirs.
C'est là que mon efprit tranquile
Loin du bruit des Cités a fait choix d'un azile ;
Fuiant des paffions le joug imperieux
C'eft- là qu'une lecture utile ,
La culture des fleurs rendront mon domicile
Digne de devenir la demeure des Dieux .
Le monde offre à nos yeux une belle peinture ;
Les objets ont un fard qui couvre leurs défauts
Partiſan des beautés de la fimple Nature ,
J'aime encor mieux les bois , les prés & les ruif
feaux
,
Que ces lieux trop peuplés ou l'art & l'impof
ture
Sous des biens apparens nous cachent de vrais
maux,
MA I. 1746. 9.1
A l'ombre d'un zilleul , au bord d'une fontaine ,
Je ris des vains amuſemens
De ces foibles mortels que l'on voit fur la fcéne
Etaler tous les fentimens
Qu'excitent tour à tour & l'amour & la haine ,
Des coeurs paffionnés honteux égarements.
De ces heureux valons fuit l'aveugle avarice ;
L'orgueil eft ici détesté ;
Du fouffle empoisonné du vice
Cet hameau n'eft point infecté ;
Fidéle aux loix de la fimple équité
L'habitant vit fans artifice
"
Au milieu d'une douce & fage égalité,
Jamais l'ambition , la cruelle injuftice
N'ont fouillé de fes moeurs l'aimable pureté.
Mille petits oifeaux animant leur ramage ,
De leurs tendres chanſons font retentir les airs ;
Zéphir leur répondant au travers du feuillage ,
Mêle fon fouffle à leurs concerts.
Tout préfente en ces lieux une riante image.
Que j'aime à voir de ces ruiffeaux .
Couler les ondes fugitives ,
Et les fleurs qui font fur leurs rives ,
Se multiplier dans les eaux !
Ici quand la naiffante Aurore
Invite le foleil à repandre fon cours,
92 MERCURE DE FRANCE
J'efpere que le jour qui commence d'éclore
Sera le plus beau de mes jours.
Ah ! des douceurs de l'efperance
Si l'homme connoiffoit le prix
Il n'auroit plus que du méprisa
Pour cette courte & foible jouiflance
Des biens dont fon coeur eft épris .
Toi dont l'ame pure , éclairée ,
Aux préjugés trompeurs ne s'eft jamais livrée
Toi dont j'admire la candeur ,
Cher ami viens dans ce bocage ,
▲ la pure vertu rendre un fincére hommage ,
Ici , la vérité triomphe de l'erreur .
C'eft dans ce lieu que l'homme fage .
Jouit d'un folide bonheur,
A Gentoux près de Genéve ce 1 Octobre 1745 .
*58**
DECLARATION
d'un amant à fa maitreffe. !
Our vous ma tendreffe eft extrême ;
Pour
Si vous y repondiez de même ,
Si touché de ma vive ardeur ,
MAI 1745. 93
Vorre coeur confeffoit qu'il m'aime ,
Que ne feroit pas mon bonheur !
Mais d'un aveu fi témeraire
Ne vous allez pas allarmer ;
Mon amour est rendre & fincére ;
Ainfi que vos yeux fçavent plaire ,
Mon coeur , belle Iris , fçait aimer.
Par le même.
**
ÇÈ PETIT OUVRAGE futfait après
la maladie du Roi , & à fon retour de
l'armée.
N jeune Prince qui fait les délices
U
d'une Nation puiflante , & qui eft le
fils d'un des plus grands Rois de la Terre ,
s'entretenoit il y a quelque tems fur differentes
matiéres avec deux ou trois Seigneurs
de la Cour .
L'un deux en parlant de l'Empereur Augufte
rapporta de lui une action généreuſe ,
qui , comme il arrive affés ſouvent en pareil
cas , fut comparée à des actions à peu - prèsdu
même genre , & qui infenfiblement fit
naître une queftion bien intéreſſante .
Il s'agifloit de fçavoir en quoi confiftoit
la véritable grandeur d'un Prince , & le que!
94
MERCURE DE FRANCE.
de tous les Rois que nous vante l'Hiſtoire ,
étoit celui dont la mémoire méritoit le plus
de reſpect & de vénération : Chacun penfe
à la maniere , & il paroiffoit que les fentimens
alloient être affès partagés là- deffus,
lorfqu'on vit entrer un autre Seigneur qui
tenoit des papiers à fa main : je viens , ditil
au Prince , de rencontrer un inconnu qui
m'a prié avec inftance de vous préſenter ce
Manufcrit , & qui s'eft retiré enfuite fans
merien dire davantage. Je n'ai pas crû devoir
vous le donner fans fçavoir à peu près dequoi
il s'agiffoit ; j'en ai lû les premieres
feuilles qui m'ont aflés amuſé , & je vous l'apporte
; il n'eft pas long , Prince , & fi vous
fouhaitez d'en entendre la lecture , je vais
vous la faire moi - même : le Prince y con-.
fentit ; on ne fongea plus à la queftion qu'on
avoit voulu d'abord agiter ; on lut , & voici
mot pour mot ce qui étoit contenu dans le
Manufcrit dont j'ai une copie & que l'Auteur
lui - même m'a permis de donner au
public.
» Le fils d'Uliffe n'eft pas le feul Prince
» avec qui Minerve , la Déeffe de la Sageſſe,
ait bien voulu voyager pour l'inftruire : on .
»fçait par d'anciennes relations qu'elle a
pris autrefois le même foin du fils d'un Roi
≫ des Gaules.
*
Ce fut fous la figure de Mentor qu'elle
MAI 1746. 95
30
33
36
accompagna Télémaque ; ce fut fous)
» celle du fage Hermas qu'elle fuivit Fran-
» cus- ( c'eſt le nom du jeune Prince dont
» nous parlons , qui n'étoit point encore forti
du lieu de fa naiffance , & que fon pere
"envoyoit à la Cour d'un Roi fort âgé , qui
» en qualité de parent demandoit à le con-
» noitre , qui n'ayant point d'enfans lui def
» tinoit fa fucceffion , & qui vouloit le mon-
» trer à fes peuples avant que de mourir. )
» Francus partit donc avec le fage Her-
" mas qui fut chargé de le conduire . Ce
» Prince avoit naturellement beaucoup
» d'efprit & les inclinations les plus nobles ;
il n'y avoit rien de grand & de vertueux
qu'on ne dût attendre de lui , pourvû qu'il
ne fe méprit point dans le choix des Ver-
» tus ; car il y en a de fauffes qui ne font que
des vices impofans & fuperbes ; en un mot
l'orgueil a les fiennes , & c'eft précisément
» avec une ame haute , qu'un jeune Prince
fans expérience peut s'y tromper ; mais
c'eſt à quoi Francus n'étoit pas expofé avec
fon guide qui avoit de grandes vues fur lui,
» & qui n'attendoit que l'occafion de les lui
déclarer. Ils étoient au dixième jour de
leur départ , & ils traverfoient le matin.
une vafte plaine où l'on pouvoit voir encore
affés diftinctement la forme d'un
camp. Francus s'arrêta & parut examiner
20
3
20
>>
39
MERCURE DE FRRANCE.
avec attention. Voici un lieu célébre
, mais que l'humanité rend trifte à voir ,
» tout intérêt de Patrie à part , lui dit Hermas
; du tems de votre ayeul , deux nom-
» breuſes armées s'y font trouvées aſſems
blées l'une contre l'autre ; elles en vinrent
aux mains ; le carnage y fut terrible , &
» votre ayeul après bien du fang répandu
» y remporta une victoire complette qui lui
» foumit toute une Province,
"
ر د
วง
»Que ce fut un beau jour pour lui , s'écria
Francus avec un efpéce de tranſport !
» quand me verrai-je à mon tour à la tête
d'une armée? Hermas fourit de ce difcours.
Il vous tarde donc déja de conquérir & de
» vaincre ? lui dit- il , eft- ce là la gloire qui
» vous touche le plus ? Oui , je l'avoue , ré-
» pondit Francus ; je n'en connois point de
plus digne de charmer un Prince , ni de
plus convenable au rang que nous tenons
fur la Terre. Il y a d'autres gloires pour le
refte des hommes ; celle- ci n'eft fpéciale-
» ment accordée qu'à nous ; les Dieux en ont
fait l'appanage de notre fortune. La gloire
de Cyrus , d'Alexandre , de Céfar , celle
» de tous les Héros , voilà la mienne. Je
» ne me fens point au-deffous d'eux par mon
courage , & quand je lis leur Hiftoire , je
» brûle de les égaler par mes actions :
29
» Francus , lui repartit Hermas , en
jettant
MAI 1746 . 97
33
20
39
» en jettant fur lui un regard qui le pénétra :
Vous dites vrai , ceux dont vous parlez
n'ont pas eû plus de courage que vous ,
» & cela feul leur a fuffi pour acquérir cette
gloire qui vous charme ; mais il en eft une
infiniment plus rare , & fans comparaiſon
» plus refpectable , qui ne s'acquiert qu'avec
» des vertus que ces fimples Conquérans n'apas
& que vous avez : cette gloire
» cherie du Ciel & de la Terre & que la raifon
même appelle gloire , voilà la votre
voilà celle dont les Dieux n'ont réservé la
» plénitude qu'à vos pareils , celle qui les fait
» reſſembler à ces Dieux même. «
n
39
""
23
voient
Qù eft elle donc , lui dit Francus ? en quoi
confifte - t - elle ? vous me furprenez , je ne
connois que celle des Heros que je viens de
citer , c'eſt la ſeule gloire qui ait fait retentir
le monde d'un bruit & d'une admiration qui
durent encore : Je vous ai nommé mes Heros,
Hermas , nommez moi les votres dont je
n'ai point entendu parler.
??
De ceux que vous appellez les votres , ou
du moins de leurs femblables , on en a vû
prefque dans tous les fiécles , lui dit Hermas;
à peine tous les tems en ont- ils montré quelques
uns des miens.
On parle encore avec étonnement des
votres ; il eft vrai ; on fe plaît à confidérer
leur gloire fuperbe & formidable ; tout a
E
98 MERCURE DE FRANCE.
plié fous eux ; on fe met à leur place ; c'eft
de là qu'on les admire , & fi à leur exemple
yous ne voulez étre grand qu'au jugement
de notre orgueil , il ne vous fera pas difcile
d'être admiré comme eux.
le
Mais vos Heros puniffent eux -mêmes la
Terre de cette imprudente admiration qu'ela
pour eux , & loin de l'en punir à votre
tour, c'eft à vous , Francus , à l'en guérir pour
jamais , à la déſabufer de ces Heros qui la
féduiſent , à lui montrer à quelle gloire elle
doit fes hommages ; il faut que la votre
apprenne aux hommes à ne plus eſtimer
dans les Princes que la véritable.
La gloire dont vous me parlez , mérite
fans doute qu'on la préfere , dès que vous
l'eftimez tant , lui dit Francus , le fage Hermas
ne fçauroit s'y méprendre , mais encore
une fois je ne la connois point , & vous ne
m'en dites pas affés pour achever de m'inf
truire.
Il n'eſt pas néceffaire de m'expliquer
mieux , répondit Hermas , vous la verrez ,
Francus , vous la verrez avec celle de vos
Heros , & je fuis fûr que votre coeur vous
avertira de ce qu'elle vaut ; vous n'aurez befoin
que de lui
pour fçavoir la diftinguer vous
même.
Je la verrai , dites - vous , repartit Francus,
avec ſurpriſe , je ne vous entends point , les
MAI 1746. 99
differentes efpéces de gloire dont nous parlons
peuvent elles fe voit autrement que
dans l'Hftoire ?
Ne vous étonnez point de mon diſcours ,
lui dit Hermas ; mes pareils ont des connoiffances
qui les mettent au- deffus des autres
hommes ; il ne nous eft pas toujours permis
de les manifefter , mais les Dieux qui vous
aiment & qui veillent fur vous , m'ordonnent
aujourd'hui d'employer les miennes en
votre faveur.
Oui , Prince , je fçais un lieu fur la terre
où toutes les gloires de vos pareils exiftent
perfonnifiées , mais où tous les hommes ne
les apperçoivent pas de même.
L'avantage de les voir telles qu'elles font ,
& de bien juger d'elles, n'eft réfervé qu'aux
hommes vraiment généreux , qu'à ceux qui
ont une véritable élévation dans l'ame ;.
tout mortel , ou tout Prince qui n'a que de
l'orgueil , & qui n'afpire qu'aux fuffrages du
notre , qui eft plus jaloux de furprendre
notre eftime que de la mériter , & qui s'imagine
qu'on eft grand quand on eft célébre,
celui - là voit mal les differentes fortes de
gloires c'eft la vanité de fes idées qui décide
dujugement qu'il en porte.
Ehbien ! lui dit Francus , ce lieu dont vous
parlez & où je dois m'inftruire , puis-je me
flater de le voir bien-tôt ? nous y allons ,
383201
E ij
19 MERCURE DE FRANCE.
répondit Hermas , je vous y méne depuis
notre départ , & nous y arriverons demain
mais votre fuite nous géneroit , & je lui ai
déja donné ordre de votre part de refter
ce foir où nous nous arrêterons, & de nous y
attendre.
Francus ne lui répondit qu'en l'embraf,
fant ; je vous fuis , lui dit - il , je me livre à
vous avec autant de confiance que j'en aurois
pour un Dieu même , qui feroit mon guide ;
c'étoit l'impreffion de la Divinité préfente
qui le faifoit parler ainfi , & le lendemain
l'Aurore commençoit à peine à diffiper les
ombres de la nuit quand ils partirent.
Ce n'étoit pas que la Déeffe eût befoin d'aller
loin ni de parcourir de grands efpaces pour
arriver où elle avoit deffein de mener Francus
; les Dieux font ce quils veulent , & le
fpectacle qu'elle lui deftinoit pouvoit fe trouver
partout , elle étoit même rentrée fans
l'en avertir dans les Etats de fon pere , & cependant
la Déeffe feignoit de le hâter, pour
lui cacher fa puiffance , & lui perfuader
qu'il s'agiffoit d'un vrai voyage.
Au fortir d'une alfés grande forêt qui
avoit borné leur vûe , ils apperçurent d'affés
loin encore une enceinte qui contenoit de
vaftes édifices d'une Architecture extrêmement
hardie quoiqu'irréguliere , mais dont
plufieurs s'élevoient fi haut , qu'on ne conce
?
MAI 1746:
tót
voir pas que quelqu'un put y faire fa demeure
? Que vois - je , dit Francus ? à quoi
fervent ces bâtimens dont la hauteur và ſe
perdre dans les airs : Nous voici au féjour
des gloirės , repartit Hermas , & ces Edifices
font autant de Palais dont les plus élévés
appartiennent, aux gloires les plus célébres
& qui ont fait le plus de bruit dans le monde.
Je ne fçais fi je me trompe , dit quelques
momens après Francus , mais il me femble
que ces Palais contre tout ordre naturel baiffeut
à mefure que nous nous en approchons
; je ne les trouve plus fi hauts.
Vous commencez à les bien voir , repattit
Hermas , entrons , les gloires vous attendent
pour ſe difputer votre conquête.
En voici déja une qui s'avance avec tout
fon cortége , & qui paroît l'emporter fur
toutes les autrés.
C'étoit celle d'Alexandre . Francus fe
taifoit. Il étoit faifi d'une admiration qui
ne lui permettoit pas de répondre.
Quelle eft - belle , s'écria -t- il enſuite ,
quelle a d'éclat , & que fa fierté m'enchante
! fils de Roi , lui cria t- elle alors à quelque
diftance de lui,mais en s'approchant toujours,
ne vas pas plus loin , épargne toi un examen
inutile , toutes les gloires que tu vois font
inférieures à celle qui t'appelle, & c'eft à moi
qu'il faut que tu te livres , viens, que je t'ani-
Eiij
102 MERCURE DE FRANCE.
me de mon fouffle , & que j'imprime fur
ton front le fceau de l'immortalité.
Pendant qu'elle parloit , Francus qui la
confidéroit de plus près , & qui déméloit
mieux tout ce qui l'entourroit , fentoit déja
diminuer fon admiration pour elle ; f. phyfionomie
fiére lui paroiffoit dure & même
un peu féroce , & dans le nombre des perfonnages
qui compofoient fa fuite , il en ob-.
fervoit quelques uns qui ne lui plaifoient pas :
Apprenez - moi , je vous prie , lui dit - il ,
quelles font ces figures hydeufes que j'apperçois
parmi ces autres , & qui femblent
vouloir échapper à mes regards : alors une
de ces figures parla ; puifque tu nous as remarquées
, dit - elle , il nous eft ordonné de
te répondre: Je m'appelle l'Orgueil effrené,
& celle- ci eft la Cruauté inutile ; c'eft par
moi qu'Alexandre alla fubjuguer des peuples
éloignés & tranquilles , c'eft elle qui les
égorgeoit dans leur fuite.
A quoi bon toutes ces queftions, dit alors
la Gloire dont il s'agiffoit? on ne te dit là que
la fuite inévitable de mes avantures , je
n'exiſterois pas fans cela : A ces mots une
autre figure terraffée , à demi déchirée &
en pleurs , fit entendre quelques gémiffemens
: Fuis , Prince , cria - t - elle enfuite
, fauves toi du danger d'être ten ép cette
funefte gloire , & vois l'état où tous ceux
MAI 1746. 103
qui l'ont fuivie m'ont réduite ; fuis , ne l'écoute
point, c'eſt l'Humanité qui t'en conjure .
la
A peine achevoit- elle ces mots que
porte du Palais de cette Gloire s'ouvrit avec
fracas, & laiffa voir un fpectacle effroyable.
C'étoit une immenfe étendue de Pays où
triomphoient le ravage , la mort & les crimes.
Ah Ciel dit alors Francus , en s'écartant
, à quelle odieufe Gloire m'arrêtoisje
ici ? une autre auffitôt l'acueillit ; c'étoit
la Gloire d'un Heros du Nord : Viens
fuis moi , lui dit - elle , je fuis moins étendue,
mais je n'en fuis pas moins étonnante :
Non , lui repliqua- t- il , ta fuite eft à peu près
la même , ou fi tu veux que je te connoiffe
mieux , ouvres auffi la porte de ton Palais
avant que je t'écoute.
Cette porte s'ouvrit en effet , & découvrit
unPays moins vafte mais aufli maltraité que
le premier ; à côté de ce Pays on en voyoit
un autre qui paroiffoit défert , où tout étoit
trifte , languiffant & dépouillé.
Quelle eft cette autre terre qui paroît , dit
Francus , quelle efpéce de malheur a - t - elle
éprouvé ?
C'eft la Patrie du Heros que j'ai illuftré ,
répondit- elle. Sa Patrie ? reprit - il , a- t - il
donc fallu que ton Heros la fubjuguât pour
en être le maître ? Non , répondit - elle , elle
ne te paroît un peu fatiguée que pour avoir
fervi à fes exploits . E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
Sortons , dit alors Francus indigné , for—
tons de ces lieux, je ne puis les fouffrir, je ne
demanderois pour toute gloire que celle de
venger la Terre de toutes les Gloires qui
font ici.
Il s'éloignoit en tenant ce difcours, entrons
dans ce petit fentier qui s'offre à nous , lui
dit Hermas.
Ce fentier quoique d'abord un peu fombre
, s'éclairciffoit à meſure qu'on avançoit,
& il alloit enfin aboutir au plus beau Pays du
monde , & qui étoit fous le plus beau Ciel.
A l'entrée de ce Pays ils virent une autre
Gloire qui fourit avec douceur en les
voyant , qui ne fe vanta point , qui cependant
avoit l'air noble & majeſtueux ,
& en même tems modefte ; elle tenoit la
Valeur d'une main & la fageffe de l'autre ;
tout ce qui l'entourroit étoit refpectable ;
l'humanité que Francus venoit de voir fi défolée
, fe retrouvoit ici , & n'y montroit qu'un
vilage où le peignoient la Paix , la fatisfaction
& la Joye..
Vous m'enchantez , lui dit Francus en l'abordant
; on ceffe d'aimer vos compagnes
en les voyant de près , & vous enflammez
ceux qui vous approchent.
Il fe livroit donc au plaifir de la regarder ,
quand tout à coup un nouveau fpectacle vint
le frapper ; c'étoit une foule de guerriers qui
MAI 1746. 105
en accompagnoient un qui paroiffoit leur
maître ; fa courſe étoit fi rapide qu'ils avoient
peine à le ſuivre , & il fembloit aller punir
un ennemi téméraire. Ce qui furprit le plus
Francus , ce fut de voir à côté du Guerrier
cette aimable Gloire à qui il venoit de parler
, mais dont les traits auparavant fi doux
avoient alors je ne fçais quoi de menaçany
& de terrible.
Francus n'avoit pas eû le tems de reconnoitre
le Guerrier qu'il avoit vû paffer. II
avança dans le Pays , lorfque quelque tems
après il en fortit un cri général de douleur :
Qu'entens -je ? dit- il à Hermas , qu'elle confternation
fubite fe répand ici : dequoi s'agit-
il ? où vate peuple qui fond en larmes ?
Il interroge alors tous ceux qu'il rencontre ;
que vous eft il arrivé ? leur difoit- il , je vous
vois troublez ; vous invoquez les Dieux ,
qu'elle eft votre infortune
:
Hélas ! il ne vit peut-être plus, lui répondoient
les uns ; nous allons le perdre,crioient
les autres : eh ! de qui donc parlez- vous ? répondoit-
il à fon tour de lui ; eh ! de qui
pourroit-ce être fi non de lui , de ce Roi notre
pere , notre ami , & notre maître ? Que
l'ennemi eſt heureux , & que nous fonvnes à
plaindre !
Francus à l'aspect d'une affliction fi voiverfelle
, & dont il voyoit de fi prodigieux
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
effets , ne pût s'empêcher de pleurer lui
même , & de partager une tendreffe dont
il n'avoit pas eû encore la moindre idée .
Il continue d'avancer , & comme les inf
tructions que lui donnoit Minerve devoient
être rapides , fur la fin du jour , il vit la
joye fuccéder infenfiblement à l'affliction ;
il entendit un cri d'allégreffe aufli général
que l'avoit été le cri de douleur ; il vit ce
même peuple s'égarer dans les raviſemens ;
il vit des tranfports qu'une joye , même en
démence, n'auroit pu imiter.
Francus étoit pénétré d'étonnement. Eh !
quel eft donc ce Roifi cher , & en même
tems fi intrépide & figlorieux ? dit il dans fa
furpriſe ; quelle gloire que la fienne ! je ne
l'imaginois pas ; puiffent les Dieux m'en accorder
une pareille : C'eft celle de ton pere
que tu choifis , & tu es actuellement dans
fon Empire , lui dit alors Minerve qui fe ma
nifefta le Roi que tu allois trouver n'eſt
plus ; des Ambaffadeurs arrivent demain à
la Cour de ton pere, ils viennent de la part
des peuples t'y reconnoître pour leur Maî
tre ; hâre- toi toi - même de rejoindre ton
pere & profites des leçons que tu as reçues,
:
MAI 1746. 107
EXTRAIT d'une lettre de M. d'Arget
Secretaire du Roi de Pruffe au Baron de
Sparre Minifire de S. M. P. à la Cour
de Suede.
Vous
ne
Ous ne devez pas douter de toute mon
ardeur à chanter votre jeune Prince ,.
& marquer la fincérité de ma joye fur un
événement auffi heureux ; votre amitié m'en
preffe & les ordres de vos Dames fuffiroient
pour me décider , mais ma Mufe ne feconde
pas mon inclination ; j'ai fait des efforts qui
n'ont pas réuffi.
Pour célébrer le fils des Vertus & des Graces
J'ai vainement monté fur l'Hélicon :
L'aimable Ovide & le Chantre des Thraces
Ont préſenté mes voeux au puiffant Appollon :
Ami , m'a dit ce Dieu , ton zéle eſt témeraire ;
Dans tes vers ne crois pas peindre Adolphe en ce
jour ;
Il faudroit les talens que réunit Voltaire
Pour rendre dignement tous les traits de l'Amour.
Les confeils d'un Dieu font des Arrêts
fans appel ; permettez- donc , mon cher Baron
, que je me renferme dans la fincérité
de mes voeux,
E vj
ro8 MERCURE DE FRANCE.
Que fur ce Prince heureux la Nature raffemble
Ses préfens les plus précieux !
Qu'il imite fon pere & fuive fes ayeux !
Pour être Grand qu'il leur reffemble !
Le jour de fa naiffance eft un jour fortuné
Dont je tire un heureux préfage ;
C'est le même où mon Roi par les Dieux fut
donné ;
D'un régne glorieux cette époque eft le gage ;
Toujours Grand dans la guerre & Grand dans le,
repos
Ila déja fa place au Temple de Mémoire ,
Et le jour qu'il naquit fut marqué par la Gloire
Pour la naiffance des Héros.
" Le Prince de Suéde eft né le 24 Janvierjourde
Janaiffance du Roi de Pruffe .
MAT 1736.
AD PRUDENTISSSIIMMUUMM fortif
fimum Saxoniæ Comitem , nec non
Francia Marefcallum ,
IN
Ntefortunam virtus , prudentia cafum,
Servilemfuperatfpes generofa metum;
Tefequiturfortuna comes, prudentia ducit ;
Nulla , nifi excipiam numinis arma, times.
Pergito , tequocumque vocat Rex , te duce miles
Vidor ovat , Rex , te milite villor , erit.
Follet Muficien à Angers.
TRADUCTION.
TA valeur , fier Saxon , unie à ta prudence
Sçait bannir toute crainte au milieu des hazards ;
Sur des projets certains fondant ton eſperance ,
Tu deviens tous les jours pour nous un autre Mars.
Ton nom feul t'annonçant aux deux bouts de la
Terre ,
Ta rendu formidable en tous tems , en tout lieu ;
■ o MERCURE DE FRANCE.
Plein d'un faint refpect pour ton Dieu ,
Ton coeur fçait tout braver excepté fon Tonnerre.
Au bruit de tes exploits , fous un Roi glorieux ,
Vole de victoire en victoire ,
Sûr de vivre à jamais au Temple de Mémoire ,
Ainfi que le foldat de vaincre fous tes yeux.
Par M. le Jolivet Benéficier de l'Eglife
d'Angers.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , &C.
L favorable que le public a fait aux
E Theatre Anglois tom. III. L'accueil
deux premiers volumes de cet ouvrage
étoit bien capable d'encourager le Traducteur
à pourſuivre fon travail avec vivacité
; voici un troifiéme volume , & l'on
nous flate que nous n'attendrons pas longtems
le quatriéme qui fera peut - être imprimé
dans le même tems que ce que nous
écrivons ici.
M. de L. P. refute folidement dans une
Préface judicieufe les objections que l'on
avoit faites contre Sakefpéar , car beaucoup
MAI 17480M A
de gens qui ne jugent que par comparaifon ,
font toujours prets à condamner ce qu'ils
n'ont pas encore vû , & malheur à qui ofe
s'étendre au delà de la ſphere étroite de leurs
idées , dès lors ils le croyent égaré , parce.
que leurs foibles yeux ne peuvent le fuivre.
Il ne faut faire aucun doute que la plupart
des beautés qui font dans Sakespear produi
roient un grand effet fur notre Théatre,fi elles
étoient préfentées avec affés d'Art , &
les mêmes gens qui s'élévent contre , qui
reclament l'autorité des régles Dramatiques
pour combattre la raifon , feroient émus
comme les autres, & reviendroient peut-être
de leurs préventions ; en effet le railonnement
le plus convainquant que l'on put faire
fur ce fujet , feroit une pièce où ces hardief
fes feroient employées par un homme de
génie : on n'auroit rien à répondre à fon fuctès
: c'eft fur les exemples de ces fuccès que
les régles ont été faites ; de nouvelles beautés
doivent donc amener de nouvelles régles.
Le but de tout Auteur Dramatique eft
d'émouvoir les fpectateurs ; le moyen qu'il
doit employer eft l'imitation la plus parfaite
de la Nature; l'art dont il doit fe fervir eft de
choifir pour objet de fes peintures les carác
téres , les événements les plus propres à faire
une vive impreffion ; fi ce raifonnement eft
vrai , il faut convenir que Sakefpear a eur
#12 MERCURE DE FRANCE.
1
fouvent raiſon , & que nous avons fouvent
tort. La force de fes caractéres , les mouvemens
impétueux de la haine & de la vengeance
, les évenemens terribles qu'amenent
ces paffions , le fang qui ruiffele fouvent fur
fon Théatre ont révolté quelques lecteurs
délicats dont les moeurs douces , l'ame foible
&l'efprit faux s'accommodoient mal de cette
force de pinceau ; cependant quoi de plus
capable de faire une vive impreffion ! la critique
de ces Cenfeurs ne roule -t - elle pas
même fur ce qu'ils ont été trop fortement affectés
, & par conféquent für ce que l'Auteur
a trop bien atteint ſon but?
C'eft perdre du tems que de raifonner
long- tems fur les chofes de goût ; les gens
qui font faits pour faifir le vrai s'entendent à
demi mot ; une éternité de difcuffion ne perfuaderoit
pas les autres. Nous n'ajouterons
à ceci qu'une chofe qui a déja été dite , c'eſt
què l'Amour qui eft l'ame de nos Tragédies
eft de toute les paffions la moins théatrale ;
c'eft celle qui prête le plus à des développemens
de coeur, à des diftinctions délicates faites
pour occuper l'efprit & non pour remuer
le coeur , & ce goût de tout éxaminer du
côté de l'efprit eft affés géneralement celui
de notre fiécle ; ces détails où un perfonnage
expofant l'état de fon ame , apprend au
pectateur les differents chemins que l'AMAÌ
1746. 113
mour a pris pour ſurprendre fon coeur , les
mouvemens contradictoires qu'il y excite
&c. que font- ils autre chofe que des differtations
miles en dialogue ? Eft - ce là la Tragédie
? Mais les mouvemens même les plus
impétueux de l'Amour ne font pas aufi
Tragiques que ceux qui naiffent des autres
fentimens ou des autres fituations ; la raifon
en eft peut-être , que l'expérience prouve
que l'Amour eft affés ordinairement une
paffion peu durable & toujours peu férieuſe .
On fe conduit au Théatre avec les perfonnages
Tragiques comme dans le monde avec les
hommes ; on plaint beaucoup plus un homme
qui perd fon bien que celui qui perd fa
Maitrelle ; auffi l'Amour ne brille-t- il jamais
plus au Théatre que quand on le facrifie
à de grands intérêts , alors le perſonnage
amoureux s'étant emparé de l'eftime
des fpectateurs , l'Amour participe à l'intérêt
qu'on prend à l'Acteur , & s'annoblit ,
pour ainfi dire , de la dignité qu'on a acquife
en le facrifiant. En voilà beaucoup trop fur
cette matiere ; nous ne doutons pas que ce
volume ne foit reçu auffi favorablement que
les deux autres. Le Traducteur fait toujours
briller dans fon ftyle la même élégance :
pourquoi s'eft-il abſtenu abſolument de rien
traduire en Vers dans la Tragédie de Jules
Céfar ; la raifon qu'il en donne ne nous pa114
MERCURE DE FRANCE.
3
roît pas fuffifante. Il convient fans doute à
tout homme , quelque talent qu'il ait , d'éviter
de fe rencontrer en comparaiſon avec
l'illuftre M. de V. mais cet Académicien ne
s'eft fervi dans fon Céfar que de la harangue
d'Antoine au peuple , ainfi dans tout le reite
M. de la P. pouvoit donner l'eſſor à fa
Verve.
ESSAI fur les Monnoyes on Réflexions
fur le rapport entre l'argent & les denrées , à
Paris 1746 in 4. chés Coignard & de Bure.
Venalitas victualium rerum emptoris debet
fubjacere rationi ... atque ideo trutinatis
omnibus & ad liquidum calculatione collectâ
diverfarum rerum pretia fubter affiximus
ut omni ambiguitate fummoţâ définitarum
rerum debeat manere cuſtodia.
Caffiodor Lib. 11. C. 11.
L'Auteur de cet ouvrage s'eft propofé de
mettre , s'il fe peut , à notre portée ce que
les anciens nous ont laiffé par écrit fur le
Commerce & fur les Finances.
Après avoir pofé quelques principes géné
raux il a tenté de remonter du connu à l'inconnu
, en combinant ce qui peut influer
fur le prix des chofes , comme la multitude
du peuple , l'abondance ou la fterilité , la
paix ou la guerre , la propagation ou l'abandonnement
du Commerce , le plus ou le
ΜΑΙ MAI
15 .
1746.
moins d'argent , & la hauteur des espèces ,
auffi bien que la proportion entre les effets
qui ont quelquefois cours dans les payemens.
On compte qu'il ne faut jetter qu'une
certaine quantité de poiffons dans une certaine
quantité d'arpens d'eau, & qu'une terre
d'une étendue marquée ne comporte qu'un
tel nombre de colombiers , de troupeaux :
feroit - il abfolument impoffible d'eftimer de
même le nombre du peuple contenu dans
une Ville , dans un Etat , dans le Monde ?
Il a confidéré que les divérfes denrées ont
des rapports conftants qui fe fuivent prefque
toujours d'extrêmement près malgré les
changemens qui arrivent dans le nombre du
peuple , dans la quantité des matieres d'or
ou d'argent , & dans la valeur des Monnoyes.
Avant que de balancer avec l'argent
ce qui tombe dans le Commerce , il s'eft
affûré des mefures actuellement ufitées pour
les grains dans la capitale du Royaume &
dans quelques autres endroits , & tant par
leur hauteur , par leur largeur , par leur
poids que par la quantité de pain qu'on en
tire , if a reconnu que depuis plus de 509
ans notre boiffeau n'avoit point changé , &
qu'il étoit à peu près le même que celui d'Athénes
& de Rome , puifqu'un homme s'en
nourriffoit pendant le même efpace de tems,
& que le prix du grain qu'il contenoit pou18
MERCURE DE FRANCE
voir fe renfermer dans certaines proportions
avec des efpéces déterminées comme les ani
maux , boeufs , moutons &c.
Ces proportions nous fourniffent un
moyen de diftinguer dans les fiécles paffés
les bonnes années des mauvaifes , qui trouvent
une espéce de pierre de touche dan's
ces fortes de rapports . C'eft fur ce fondement
qu'on peut difcuter le talent , le pondo , la
mine , le denier , le fefterce , le Sicle & pluheurs
autres expreffions de l'antiquité dorit
on nous a préſenté jufqu'ici des idées infoutenables
, mais qu'il n'eft pas impoffible de
rectifier ou de ramener , finon à une évidence
entiére , du moins à un point de vrai
femblance affés fatisfaifant. Il donne enfuite
la maniére de faire l'analyfe de toutes les
fabrications des Monnoyes par le calcul &
par les formules Algebriques. Les Tables
qui font voir la valeur du marc d'argent fin
monnoyé , le prix des matiéres aux Monnoyes
, & celui d'une multitude de chofes
depuis 1202 ans jufqu'à préfent , contribue
ront beaucoup à éclaircir plufieurs paffages
de l'Hiftoire ancienne & moderne .
BIBLIOTHEQUE de Cour , de Ville & de
Campagne , contenant les bons mots de
plufieurs Rois , Princes , Seigneurs de la
Cour , & autres perfonnes illuftres , avee
MAI 1746. ។
un choix des meilleures piéces de Poëfie des
Poëtes célébres , Latins & François , tant
anciens que modernes;de penfées ingénieuſes
propres à orner l'efprit ; d'Anecdotes fingu
liéres , & de remarques critiques fur différents
ouvrages. On y trouve auffi un affemblage
de traits naifs , Gafcons & comiques ,
des traits d'Hiftoire les plus curieux , & une
collection exacte des bons mots & des
apophtegmes des anciens , nouvelle édition
, confidérablement augmentée , Paris
1746 , 6 vol. in 12 chés Theodore le Gras.
On voit affés par le titre de ce Livre qu'il
༣
n'a pas dû couter
grande
peine
à l'Auteur
dont
tout
le travail
s'eft borné
à copier
ce qu'il avoit
ou lû ou entendu
dire. Com
bien de Livres
font dans ce cas , fans que les
Auteurs
en conviennent
; cet ouvrage
a déjá
été imprimé
, & débité
avantageuſement
c'eft une efpéce
de magafin
d'efprit
où tout
le monde
trouve
à fe fournir
; des Vers , des
bons
mots , des contes
, des traits
d'Hiftoire
;
on ytrouve
de tout,
On fent bien que nous ne pouvons pas
nous étendre long tems pour donner l'idée
de ce Livre ; nous nous contenterons d'en citer
quelques traits qui nous étoient moins
connus que les autres .
Un homme de qualité alla aux Petites
Maifons ; ildemanda à un fou quel mal įl
118 MERCURE DE FRANCE .
20 avoit ? Le fou lui répondit : le mal que
nous avons s'appelle vapeur parmi vous
» autres gens de condition , ici on le nom-
» me Folie.
L'Auteur fait une longue collection d'Epitaphes
; mais comment à-t-il ignoré ou
négligé celle- ci , qui étoit encore il n'y a
pas trente ans à S. Severin ?
"
29
Ci git deffous ce marbre ufé
Le pauvre Lieutenant Rufé,
A qui il couta maint écu
Pour être déclaré C ...
A fon frere il n'en coûta rien ,
Et fi pourtant il le fut bien.
Voici un coup de Piquet affés finguliere
un Miniftre jouoit au Piquet avec un Courtifan
, & la partie étoit de mille piftoles ;
celui- ci jugea qu'il le pouvoit faire capot ,
» & gagner , s'il lui perfuadoit qu'il avoit
trois valets dont il avoit écarté un ; il compta
le.point & le refte de fon jeu jufqu'à
vingt & après avoir révé un moment
,, il jetta fa premiére carte & compta
vingt trois. Le Miniftre lui demanda de
quoi it les comptoit : le Courtifan recom-
» mença à compter fon jeu , & y ajoûta ,
trois valets ; le Miniftre dit qu'il ne les
avoit pas nommés avant que de jetter fa
» premiére carte ; le Courtifan foutint le
contraire & offrit de parier cent piſtoles; la
95
MAI 1748. 119
propofition fut acceptée ; le Courtiſan
» condamné par les fpectateurs , continuant
à jouer les cartes fit capot le Miniftre , qui
garda l'as du valet que fon adverſaire avoit
» écarté,
33
">
LES CAMPAGNES DU ROI en 1744 &
1745 Paris 1746 in 12 chés Collombat.
Il y a dans ce Poëme de l'élégance , de
l'harmonie & de l'imagination .
DISSERTATION fur l'incertitude desfignes
de la mort & l'abus des Enterremens & embaumemens
précipités , par Jacques - Jean
Brubier Docteur en Médecine , feconde
Partie , Paris in r2 1746 , chés Morel ,
Prault pere , Prault fils & Simon,
Nous parlerons une autre fois de cet ouvrage
qui a pour objet l'utilité publique.
LE PETIT DICTIONNAIRE DU TEMS
pour l'intelligence des Gazettes & des Nouvelles
de la guerre , contenant par ordre
alphabetique la defcription des Pays où la
guerre fe fait préfentement , celle des Villes
& Places fortes qu'ils renferment , le détail
de leur fituation , de leurs fortifications , &
des particularités qui s'y trouvent , les noms
des Souverains qui les poffedent , & beaude
traits curieux de l'Hiftoire , avec un
Coup
120 MERCURE DE FRANCE.
petit Recueil qui renferme l'explication des
principaux termes des fortifications , de la
guerre , de la Marine & de la Géographie ,
Paris in 12 chés Ph. N. Lottin.
Nous n'avons pas encore eu le tems de lire
ce Livre que nous nous contentons aujourd'hui
d'annoncer feulement,
DISSERTATIONS PRELIMINAIRES pour
fervir à l'Histoire de Sais , à Paris , in 12
1746.
L'Auteur de ces trois Differtations nous
paroît fort bien prouver dans la premiére
que le Pagus Oxymenfis étoit très étendu , &
par conféquent il eft aflés autoriféà en conclure
que c'étoit une des principales portions
de ce que nous appellons aujourd'hui
la Normandie , que c'étoit du tems des Gaulois
le lieu de la réfidence des Ofifmii dont
parle Céfar dans fes Commentaires , que
ceux qu'on trouve depuis dans la Baſſe-
Bretagne n'en font qu'une émanation , &
que ce fut une Colonie qui y fut tranſplan,
tée pour peupler une partie du Pays que les
Venetes occupoient auparavant dans cette
Péninfule dont ils avoient été les Habitans
dominans , tranſlation qu'il place apparemment
avant la confection des Itinéraires
Romains & celle de la Notice des Gaules.
On y apprend auffi que les premiers Curiofolites
MAI 1746.
121
folites qu'on avoit crû placés au fond de cette
Peninfule font plus probablement les anciens
peuples des environs de Bayeux dont
au neuviéme fiécle le nom de Pagus Corilififus
qu'on leur donnoit confervoit quelque
trace : les raifonnemens de l'Auteur qui
rendent à la Normandie des peuples qu'on
avoit crû avoir toujours été renfermés dans
la Bretagne , fe trouvent appuyés par les
obfervations qu'on avoit faites avant lui ,
que les Diablintes étoient auffi autrefois dans
le canton de Jublent au Maine , & de
Mayenne , dont ceux de la petite Bretagne ,
s'il y en a eu véritablement , n'auroient été
aufi qu'une émanation . L'Auteur de cet ouvrage
éclairciffant cette matiére , fait remar
quer les erreurs de quelques Sçavans de
confidération qui ont confondu le Pays
d'Auge , contrée de Normandie , avec l'Hiémois
ou Oximenfis. C'eſt auffi le pur amour
de la vérité qui l'oblige à découvrir le fabuleux
de quelques Legendes & de quelques
Chartes de la Baſſe - Bretagne .
Dans la feconde Differtation M. l'Abbé
Efnault s'attache à faire voir que quoiqu'il
ait exiſté une Ville d'Hiemes , qui a donné
le nom au Pays Hiémois , que d'autres appellent
Exmois , il ne fuit pas néceffairement
de là , que ce foit dans cette Ville
les Evêques qui ont gouverné ce Pays pour
F
que
22 MERCURE DE FRANCE .
A
le Spirituel ont fait leur réfidence ; qu'à la
vérité c'eft du Pays Hiémois de la feconde
Lionnoiſe que fut Evêque un nommé Litharedus
qui affifta au premierConcile d'Or
léans l'an 511 , mais que c'eft à Sais qu'étoit
fon Siége Epifcopal , parce que cet Evêque
prenant le titre d'Epifcopus Oximenfis dans
fa foufcription entendoit par là qu'il étoit
Evêque du Pays d'Hiémois , & non pas de
Ja Cité d'Hiémes qui n'exiftoit plus . L'erreur
donc où l'on a été de faire d'Hiémes une Ville
Epifcopale eft de la même espece que
celle où plufieurs Picards ont été depuis
quelques fiécles , de faire de Vermand'une
Ville Epifcopale. Il faut efpérer que par la
fuite , tout préjugé mis à part , on reconnoitra
que s'il y a eu quelques Evêques qui
fe foient qualifiés Viromandenfes , c'eft dans
le même fens que l'Epifcopus Oximenſis . &
que comme cela fignifioit l'Evêque du Pays
Hiémois, l'Evêque des Ofifmiens , de même
Epifcopus Viromandenfis fignifioit Evêque dụ
Pais de Vermandois, l'Evêque des Veromanduens,
Il réfulte du fyftême de M. l'Abbé
Efnault qu'il faut regarder comme une fauffe
tradition la tranflation du Siége Epifcopal
d'Hiémes à Sais , d'autant plus même
qu'on l'établit fur un foufflet donné à l'Evêque
par le Comte du lieu , ce qui paroît faprié
à plaifir. Ici çet Auteur fait l'apo
ΜΑΙ 1746.
123
logie de l'ortographe du mot Sais , que l'ufage
fait écrire mal à propos Seez. Il paroît que la
raifon eft de fon côté , puifqu'en effet on
prononce Saís comme mais , & non pas Séz
en accent aigu , & que dans le Latin on a
toujours dit Sagium ou Saium , & jamais
Seium , ni Segium.
S.
M. Efnault difcute en la troifiéme Differtation
le tems de l'établiffement de la Foi
dans la feconde Province Lyonnoiſe dont
Sais fait une partie ; il n'y a perfonne qui ne
fe rende àl'argument qu'il tire de la lettre du
Pape Innocent I. à S. Victrice Evêque de
Rouen , laquelle eft de l'an 404 , pour prouver
qu'il y avoit dès- lors plus d'un Evêque
dans cette Province , puifqu'il lui parle de
fes Suffragans. Il eft vrai qu'il n'en marque
le nombre , mais on doit croire
pas que
Exupere étoit mort le fiécle précédent à
Bayeux & S. Jauvin à Evreux , & peut- être
auffi S. Latuin à Sais . Je dis S. Latuin , &
non Sigifbold , car il feroit incongru de
placer dans une Eglife des Gaules au quatriéme
fiécle un Evêque d'un nom barbare ;
Landricius qui n'eft guéres davantage un
nom Latin , & encore moins Hubert , ne
peuvent être non plus admis . Auffi l'Auteur
femble-t-il mieux aimer admettre des lacu
nes dans le Catalogue des Evêques de Sais ,
de reconnoitre & fixer irrévocablement que
Fij
124 MERCURE DE FRANCE ,
ces deux Evêques . Il nous apprend des cir
conftances curieufes que nous ignorions fur
la vie de S.Latuin, fur le projet de l'enlèvement
de fes Reliques qui fut fans effet , parce
que le peuple d'Anet auroit joué la même
Tragédie que celle qui futjouée par le peuple
de Montreuil en Picardie lorfque M.de CaumartinEvêque
d'Amiens voulut emporter
de
celles de S. Vulfly. L'Auteur a raifon de regreter
la perte du petit ouvrage en vers François,
imprimés fur ce Saint vers l'an 1500 ;
Pour le dédommager de cette perte, il permettra
que nous lui indiquions le Miffel de
Sais imprimé la même année 1500. à Rouen,
Il y verra la Fête de S. Alnobert Evêque de
Seez à neuf Leçons le 16 Mai ; celle de S.
Latuin auffi à neuf Leçons le 20 Juin , &
celle de S. Godegrand qui y eft appellé
Gordianus pareillement à neuf Leçons le 3
Septembre. Il n'y a au Calendrier que ces
trois Evêques de Seez , mais S. Julien premier
Evêque du Mans y eft Duplex in omnibus
& en lettres rouges. Il femble qu'on le
regardoit comme l'un des Apôtres du Dior
céfe dont le fien eſt voiſin. L'Auteur a grande
raifon d'exhorter ceux qui ont des Mé
moires fur le Diocéfe de Sais à les lui communiquer;
puiffent fes demandes parvenir
jufqu'à ceux qui ont les Mémoires qu'avoit
dreffés l'Abbé des Thuilleries , & être exauMAI
1746 125
cées! Un pouillé eft auffi une des chofes qu'il
promet , laquelle fera très- utile aux amateurs
de la Géographie Topographie. Il eft
à fouhaiter que nous ayons celui de tous les
Diocéfes de France pour l'avancement de la
Notice du Royaume d'une maniére auffi
exa&e que fera celui que M. l'Abbé Efnault
donnera.
TRAITE' des Teftaments , codiciles , donations
, à caufe de mort , & autres difpofitions
de derniére volonté fuivant les principes & les
décifions du Droit Romain , les Ordonnances,
les Coûtumes & Maximes du Royauume, tant
des Pays de Droit Ecrit , que Coûtumier, &
la Jurifprudence des Arrêts ; par Me. Jean-
Baptifte Furgole Avocat au Parlement de
Touloufe , tom. II . à Paris au Palais , chés
Jean de Nully Libraire Grand'Sale, du côté
de la Cour des Aides , à l'Ecu de France &
à la Palme , 1746 in 4º .
Dans ce II tom.l'Auteur traite du pouvoir
du Teftateur , des biens qui peuvent ou ne
peuvent pas faire la matiére des difpofitions
teftamentaires , des conditions , charges ou
modes que le Teftateur peut impofer; le tout
avec l'étendue que mérite une matiére fi
curieufe & fi épineufe . Comme le plus grand
nombre des queftions contenues dans ce fecond
volumé font puifées dans le Droit
Fiij
26 MERCURE DE FRANCE.
Romain que nous avons adopté par notre
Jurifprudence au défaut des Coûtumes &
des Loix pofitives fur un fujet auffi important
, l'Auteur a eu foin de relever ainſi qu'il
l'a fait dans fon premier volume donné au
public en 1745 , les écarts dans lefquels la
plupart des Interpretes du Droit font tombés
, de forte qu'il y a lieu d'efpérer que le
public ne recevra pas moins favorablement
ce fecond tome que le premier ; le prix de
ce fecond volume eft de 8 liv. relié.
On trouve chés le méme Libraire les
Ouvrages fuivans,
COUTUMES de la Province du Comté-Pai
rie de la Marche , reffort du Parlement de
Paris , avec des obfervations effentiellement utiles
pour les entendre dans le fens & l'énergie
où elles doivent l'être ,felon les ufages àpréfent
reçus en ladite Province , & l'autorité des
Sentences du Préfidial & Sénéchauffée Royale
de la Ville de Gueret Capitale de la même Province
, & des Arrêts de ladite Cour du Parlement
, qui font intervenus en conféquence ;
on a joint toutes les Ordonnances , Edits , Dé
clarations & Arrêts de Louis XV. concernant
la Jurifprudence nouvelle , par M. Couturier
de Fournoue, Ecuyer Confeiller Secretaire du
Roi , Maifon Couronne de France , & ancien
Confeiller & Procureur du Roi au PréΜΑΙ
1746: 129
fidial & Sénéchauffée de la Marche , volu
me in 8. 6 liv, relié.
1
LES COUTUMES de la Marche expliquées.
& interprétées fuivant les Loix ; Les meilleurs
Auteurs , les Arrêts intervenus , par Me.
Jabely ancien Avocat au Parlement. Nouvelle
Edition , revûe , corrigée , & conferée
avec la Coûtume de Paris , avec de nouvelles
Annotations , par Me. Germain - Antoine
Guyot , Avocat au Parlement ; volume
liv. relié in 123
COUTUMES du Haut & Bas Pays d'Auvergne
avec lès Notes de Me. Charles du
Moulin, & les Obfervations de Me, Claude
Ignace Probes. Nouvelle édition , revue ,
corrigée & augmentée de nouvelles Notes ,
dont les principales font fur les articles de la
Coûtume qui ont été abrogés ou changés
par
les nouvelles Ordonnances du Roi Louis
XV. par Me *** . Avocat en Parlement
dédiéés à M. le Maréchal de Noailles ; deux
vol. in 8. 12 liv, reliés .
Ces trois Coûtumes, s'impriment à Cler
mont - Ferrand avec privilége du Roi , chés
Pierre Viallanes , Imprimeur Libraire , rue
de la Treille près les PP. Jefuites.¡
M. l'Abbé Garnier Docteur en Théo
Fij
128 MERCURE DE FRANCE.
logie , donna Dimanche 1. Mai 1746 à z
heures pour l'ouverture de fes Conférences
publiques & gratuites en faveur des jeunes
gens une Differtation fur les grands avantages
qu'on retire tous les jours de la con
noiffance de la Géographie & de la Chronologie
, & il continuera fes leçons fur ces
fciences les Lundis & Jeudis de chaque femaine
à 1 heure moins un quart dans une
des fales du Collège de la Marche.
DIMANCHE SUIVANT 7 du préfent
mois , à la même heure , M. l'Abbé le Tort
Bachelier en Droit lut un Mémoire contenant
les fentimens des Philofophes anciens
& modernes de toutes les Nations fur la
création de l'Univers , & il traitera de l'Hiftoire
en général depuis le commencement
du monde jufqu'à préfent : il fera fes Leçons
le Mardi & le Vendredi dans le même Collége
à midi trois- quarts.
LE SIEUR Dernis chef du Bureau- des
Archives de la Compagnie des Indes eut
l'honneur le Lundi de Pâques 11 du mois
dernier de préfenter au Roi une Carte dont
on a fait mention dans les Mercures précédens
, qui porte pour titre : Parités reciproques
de la livre numéraire inftituée par l'Empeveur
Charlemagne , proportionnement à l'angMAI
1746. 129
mentation du prix du marc d'argent , arrivée
depuis fon régne jufqu'à celui de Louis XV..
le Bien - Aimé, avec une ample explication.
On avertit ceux qui ont acheté ou qui
voudront acheter cette Carte , qu'ils trouveront
l'une & l'autre chés le Sieur Beaumont
fur le Pont Notre Dame à l'Enſeigne
du Griffon d'or , & chés l'Auteur à l'Hôtel de
la Compagnie des Indes .
Abregé de la Carte préſentée au Roi par
le Sieur Dernis le 11 Avril 1746..
Chaque Roi a une ligne & une colonne
qui lui font affectées , excepté S. M. qui en a
deux , à cauſe des deux Epoques de 1720
& 1726.
La ligne fait voir la valeur de la livre du
Roi , dont le nom eft en marge , en Monnoye
des autres Rois antécédens ou fubféquens.
Et la colonne apprend quelle eft en
monnoye du Roy , dont elle marque le
nom , la valeur de la livre de tous les autres
Rois anterieurs ou pofterieurs.
Pour trouver la valeur reſpective de la livre
de deux Rois , tels que, l'on voudra
choifir , voici la regle.
Si c'eſt, par exemple, Charles V. & François
I. la valeur de la livre de ce Roi
fe trouve fur fa ligne dans la colonne de
Charles V , & la valeur de la livre de celui-
1
Ev
130 MERCURE DE FRANCE.
ci fur fa ligne , & dans la colonne de Fran
çois premier. Il en eft de même de tous les
autres Rois.
On y trouve par exemple que 20 fols du
tems d'Henri IV. équivaudroient à deux
livres 8 fols de notre monnoye, 20 fols du
tems de Louis XIII à une liv. 15 fols 3 den.
20 fols du tems de Louis XIV à une livre ›
4 fols i den. & enfin zo f. de l'époque de í
1720 à 8 f. 4 d. de l'époque depuis 1726.
Le Public eft averti qu'après le decès
de M. le Chevalier de la Roque , Auteur
du Mercure de France , il eft refté plufieurs
fuites complettes de ce Journal commencé
au mois de Juin 1711 & continué jusqu'au
mois d'Octobre 1744 inclufivement ; ceux
qui voudront acquerir le tout ou partie
pourront s'adreffer à M. de la Roque , frere
de l'Auteur , qui leur en fera une compofition
raiſonnable : fa demeure eft vis- à vis
la Comédie Françoife chez M. Procope .
Comme il peut fe trouver des perfonnes
qui ont déja des fuites de ce Journal & qui
peuvent être défectueuſes ; en ce cas on
pourra leur fournir les volumes qu'ils n'au
ront pas,
MAI
13F 1746.
ARREST de Confeil d'Etat du Roi du 15 Avril ,
qui ordonne que dans le tems de deux années tous
ceux qui ontfouf rit pour le Livre intitulé : Grammatica
Hebraica & Chaldaica , & Lexicon Hebraïcum
& Chaldaicum , Auctore D. PETRO
GUARIN , feront tenus de retirer des mains du
fieur COLLOMBAT les Exemplaires dudit Livre,
Extrait des Regiftres du Conseil d'Etat.
Ur la Requête préſentée au Roi étant en fon
Confeil par Jacques F. Collombat, premier Im
primeur ordinaire du Roi , & des Cabinet & Maifon
de Sa Majefté ; contenant qu'il a achevé d'im -
primer en trois volumes in-quarto un Livre intitulé
: Grammatica Hebräïca & Chaldaica , & Lea
xicon Hebraicum 5 Chaldaicum , Audore D. Petro
GUARIN , Monacho Ordinis San&i Benedicli è Congregatione
Sandi Mauri , propofé par Seuſcription :
partie des Soufcripteurs ont retiré les premier &
fecond volumes , d'autres ne les ont point encore
retirés comme il eft important au Suppliant
pour le mettre , & fa Famille , à l'abri de toutes
recherches , que le tems de la délivrance de ce
Livre aux Soufcripteurs foit limité à un certain
tems , paffé lequel les Soufcripteurs ne feront plus
reçûs à fe prévaloir de leurs Soufcriptions ; il a été
confeillé de recourir à l'autorité de Sa Majefté ,
pour lui être fur ce pourvû : Requeroit à ces caufes
le Suppliant qu'il plût à Sa Majefté ordonner
que pendant le tems de dix - huit mois ,
ou tel autre délai que Sa Majefté jugera à propos
de limiter, ceux qui ont foufcrit pour ledit livre
intitulé : Grammatica Hebraica & Caldaica , & Lea
*Icon Hebraicum & Cabdaicum , feront tenus de re
Fvj
132 MERCURE DE FRANCE.
tirer des mains du Suppliant les trois volumes du
dit livre , paffé lequel tems de dix - huit mois ou
autre délai , lefdits Soufcripteurs feront & demeureront
déchus des avantages de leurs Soufcriptions,
& tenus de payer le prix dudit livre , comme s'ils
n'avoient pas foufcrit , à la déduction néanmoins
de ce qu'ils auront payé pour foufcription , fans
qu'ils puiffent prétendre aucune remife , fous
quelque prétexteque ce puiffe être, Vû ladite Requête
, Signée POITEVIN DU LIMON : Oui le
rapport ; le Roi étant en fon Confeil , de l'avis de
M. le Chancelier, a ordonné & ordonne que dans
le tems de deux années , à compter du jour de la
pubilcation du préfent Arrêt , tousceux qui auront
fou crit pour le livre intitulé : Grammatica Hebraica
& Chaldaics, Lexicon Hebraicum &Chaldaicum
, feront tenus de retirer des mains du fieur
Collombat les Exemplaires dudit livre , finon , &
à faute par eux de le faire dans ledit tems , & icelui
paffé , lefdits Soufcripteurs demeureront déchus
des avantages de leurs Soufcriptions , &tenus
de payer le prix dudit livre , ainfi que s'ils n'avoient
pas foufcrit , à la déduction néanmoins
des fommes par eux payées lors des Soufcriptions
par eux faites , defquelles il leur fera tenu compte.
Ordonne Sa Majeffé que le préfent Arrêt ſera imprimé
, publié & affiché par tout ou befoin fera.
FAIT au Confeil d'Etat du Roi , Sa Majefté y
étant , tenu à Verfailles le 15 Avril mil ſept
cent quarante fix . Signé , PHELYPEAUX .
ESTAMPES NOUVELLES.
!
E fieur PETIT Graveur rue S. Jacques entre
Lafue desNoyers & la rue des Mathurins , qui
continue de graver avec fuccès la fuite des Hom
MAL 1746 138
mes Illuftres du feu fieur Defrochers Graveur ordinaire
du Roi , vient de mettre au jour les deux
Portraits fuivans .
ANNE-CHARLOTTE DE LOKKAINE foeur de
François-Etienne de Lorraine , Grand Duc de
Toſcane , née le 17 Mai 1714. On lit ces Vers
au bas.
Par mes vertus , par mes attraits,
Je regne fans couronne , & je puis dire
Que j'ai le monde pour Empire ;
Que tous les coeurs font mes ſujets.
LE PRINCE MENDI BENOIST , fecond fils de
Jacques STUARD, né à Rome le 25 Mars 1725 ce
Portrait eft haut de 9 pouces & 6 lignes fur envi
ron fept pouces & demi de largeur ; il eft le pendant
de celui du Prince Charles Edouard fon frere
aîné que vend le même
graveur.
,
Madame de Vanhove vient de faire graver avec
privilegeexclufiftoutes lesCantates Françoises avec les
Nuis de Sceaux compofées par feu M. Bernier
Maître de Mufique de la Chapelle du Roi : elle
les vend chés elle , rue des Petits Auguftins Fauxbourg
Saint Germain , vis à - vis la rue des Marais
à côté d'un Epicier ; elle les donne à vendre chés
Nully Libraire au Palais, & chés Poilly rue Saint
Jacques à l'Efperance , vis-à-vis celle du Plâtre.
734 MERCURE DE FRANCE.
ODE en ftrophes libres à M. Titon du Tilles
fur la mort deM. de l'Argilliere Chancelier
ancien Directeur de l'Académie Royale .
de Peinture & Sculpture.
L
1.3 .
'Argilliére deſcend dans la nuit du tombeau ;
Cher Titon , tu verſes des larmes :
Appollon , comme toi , dans de vives allarmes
Gémit fur le double côteau.
En proye à fa douleur funebre
Le Dieu fe retraçant tant d'ouvrages parfaits
Veut que le chevalet de ce Peintre célébre
Soit fon pupitre déformais .
De fon côté Venus enrichit fa toilette
Du coloris brillant que produit fa palette ,
Et T'Amour qui puifa dans fes rians tableaux
Le goût , le naturel , la douceur , la décence ,
Pour foumettre à coup fûr les coeurs à fa puiſſance ,
Fait des fleches de fes pinceaux.
& 835:38:13 ERERERA
EPIGRAMME de M. Desforges Maillard
dont M. de Largilliere à fait le portrait.
PEintre admirable , dont la main
Fit éclore mes traits fous ton pinceau divin;
Ce tableau , quand le fort te prolongeoit la vie ,
MAI 1746. 118
M'étoit cher , par rapport à moi;
A préfent qu'elle t'eft ravie ,
Confervant dans mon coeur ta mémoire cherie
roue
ร
Je l'aime par rapport à toi.
On a dû expliquer les Enigmes & les Logogry
phes du Mercure d'Avril par la Langue , l'Alphabet,
efeu , Procureur, feptuagenaire . Comédie.On trou
ve dans le premier Logogryphe porc ,puce , poucous
coeur , cù , ver ,roc , peur, rue , coureur , cor
proue , Curé , pré & cour. Dans le fecond Perfe ,panier,
Sage , gaieté , vin , nuage , ver ,ferpe +pain , ris , vi-
Sage, gant, pefte, rage , un, fept, aune,pinte, gain, perte',
Ange, argent, Négre , jeune , efprit , Egée , pie , air ,
eau , vigne , épée , geniévre , Enée , âne, an , vie, Juge,
pâté , fi , ut , re , vis , Penates , patin , Sara& Agar
On trouve dans le troifiéme mode, mie, Medoc , Odey
Mi , Die , Dece , Médie , Côme , Code 5 Dome.
EXPLICATION
Dupremier Logogryphe du mois d'Avril
Q
Uand je vois dans un mot Curé , puce , &
Coureur ;
Ver , porc , coup , cor & proue ;
'Peur , cou , pré , roc , & roue :
Je me dis auffi - tôt, Ah ! c'eft un Procureur.
DE LA LAURE
136 MERCURE DE FRANCE.
EXPLICATION
Du dernier
Logogryphe
Aux gens d'un certain âge il faut laiffer la mie
La mode au fexe feminin ;
Le Code à l'Avocat poupin ;
Aux Mahométans la Médie :
L'Ode au Poëte badin ,
Et l'ainable Gauffin jouer la Comédie.
Par Mile Formel de Vitry-le- François.
****
ENIGME
PAR de tendres chanfons , par rufe & par
adrefle
Je feduis les paffans , & c'eft tout mon emploi,
Jadis j'eus la douleur de voir un Roi de Grece
Méprifer tous mes foins par un trait de fageffe.
L'honneur & la vertu ne me font point la loi.
La forme de mon corps eft tout à fait étrange
Et ma moitié d'en bas caufe un horrible effroi
MAI, 137 1746.
On voit en ma perfonne un monftrueux melange ,
Et , fans exagerer , je reunis dans moi
La malice d'un diable & la beauté d'un ange.
Par M. Cottereau Curé de Donnemarie.
*23T33233C3« €334
LOGOGRYP HE.
E cherche point quel eft mon pere
NE
Mon origine eft extraordinaire.
Trompé par la fin de mon nom
Ne vas pas me crofre Breton.
Parmi mes pieds j'en ai fix remarquables ,
Deux defquels font en tout femblables
Dans cinq ans tous fix paroitront
Et l'an qui courra marqueront.
Mes autres pieds , fi tu veux les connoître
Je puis ici te les faire paroître ,
Et fans tourner autour du pot ,
Te les prefenter dans un mot .
Tu les peux voir , & la chofe eft aisée
En coupant la tête à Theſée.
138 MERCURE DE FRANCE
Le fieur Briart qui demeure dans la Cour
& rue Abbatiale de Saint Germain des Prés
à Paris , continue de compofer une Effence
d'Ogni Fiori ou de toutes fleurs , d'une
odeur agréable ; on en met quelques goutes
dans l'eau dont on fe lave après avoir été
rafé ; elle rend l'eau laiteufe ; les Damés
s'en fervent pour fe décraffer & rendre la
peau douce & unie ; elle ne nuit point au
teint ; il la vend 24 f, l'once.
Il continue avec fuccès à faire la vérita
ble Effence de Savon à la Bergamotte , &
autres odeurs douces , dont on ſe ſert pour
la barbe au lieu de Savonette ; les Dames
s'en fervent auffi pour fe laver fe vifage &
les mains ; il la vend huit fols l'once : il avera
tit que les bouteilles font toujours cachetées
& qu'autour du cachet on lit fon nom & fa
demeure ; on voit auffi une petite bouteille
empreinte dans le milieu du cachet où il y
a le nom de la liqueur , comme à l'Ogni
Fiori. Les plus petites bouteilles font d'en
viron cinq onces.
Il fait aufli de très bons Cuirs à repaffer
les rafoirs avec lefquels on peut fe paffer
de pierre à éguifer ; il les vend depuis qua
rante fols jufqu'à foixante à un feul côté,
& depuis 4 liv . jufqu'à 8 à deux côtés dif
ferents; il donne la maniere de s'en fervir.
THE
NEW
YORK
JUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
M A Ï. 139 1746.
X X XX X
PARODIE
Des Menuets de la Comédie Italiennes
D
U préfent je m'occupe
Qui le perd eft dupe.
L'avenir
Ne me fait point fremir.
Jouir
Eft mon unique étude.
Je fuis l'inquiétude .
Mes défirs
N'enfantent que d'heureux foupirs.
J'aime à vivre dans les plaiſirs ;
Mon coeur s'y livre.
Le tems fuit ,
Il me détruit ;
Mes jours
Seront courts ,
Mais j'en fais ufage ;
Je les rends variés & charmans ;
Je fens , je fens le prix du tems
Que l'envie
Et les cenfeure
140 MERCURE DE FRANCÉ .
Traitent d'erreurs
Les charmes de la vie
و ت
Je me ris de leurs difcours.
Plaifirs , enchainez mes jours.
De la treille le doux jus ,
L'art de Momus ,
Mais fans abus
Du monde font les élus,
Avec Comus
J'unis Venus ,
Glycere
Suit mes leçons ,
Et mes chanſons
Ont le don de lui plaire
Et fa voix
Au fond des bois
Mêle à mes chants
Les plus doux accents.
Les bois
Aux amans donnent des droits
Et de leurs feuillages
Les
avantages
Fixent mon choix.
Là fans effroi ,
Pour gage de fa foi ,
Ma bergere fe livre à moi ;
Sa tendreffe
Sa foibleffe
•
MAI. 149 1746,
Son air interdit ,
Ses yeux , tout me dit
Que de fa rigueur
Mon amour vainqueur
Rend chere à ſon coeur
Cette retraite.
Chantons à jamais
Tous les attraits
De fa défaite,
Nos voeux.
N'ont d'autre objet que nous deux,
Dieux !
Quels momens délicieux !
Ces lieux
Pour moi font l'image
Des Cieux.
142 MERCURE DE FRANCE,
SPECTACLES.
柴柴
Académie Roiale de Mufique a continué
les répréſentations du Temple de
la Gloire , & l'on a continué d'y admirer
un grand nombre de symphonies dignes de
l'inimitable auteur de la Mufique.Nous avons
promis de rendre compte des changemens
faits au premier acte ; ils ne regardent la
Mufique qu'autant que les paroles font chan
gées , carà l'égard des divertiffemens , ils
font à fort peu de choſe près les mêmes , &
il auroit été difficile que l'on n'eut pas perdu
en changeant d'avantage ; il n'eft rien de
plus agréable que la mufette qui forme en-
Tuite un choeur , les deux gavottes en forme
de tambourins & les deux menuets A l'égard
des paroles , M. de Voltaire ne fait plus paroître
les Muſes , & ne les fait plus braver par
Belus ; ce double fpectacle étoit d'une exécution
trop compliquée pour être bien
rendu. Belus étonné d'avoir vu le Temple
de la Gloire fe fermer devant lui , fe
trouve au milieu des bergers qui dans leurs
chants célébrent l'humanité, la bienfaifance
MAI. 1746.
143
la conftance ; Belus s'attendrit par degrés
& Lydie qui paroît à la fin acheve d'adoucir
la férocité de ce conquérant injufte.
L'entrée de Belus fur le théatre eft d'une
grande beauté , & l'on peut fans rifquer d'en
trop dire , avancer qu'elle eft digne de l'illuftre
auteur de ce Poëme. Belus paroît dans
le lointain entouré de fes guerriers , aux
portes du Temple, au milieu des foudres &
des éclairs ; il s'avance dans le bocage des
Mufes.
Où fuis-je ! qu'ai - je vů ? non , jene le puis croire
Ce Temple qui m'eft dû , ce ſéjour de la Gloire
S'eft fermé devant moi.
t ‚" ལྟ
Mes foldats ont fremi d'effroi .
La foudre a devoré les dépouilles fanglantes.
Que j'allois confacrer à Mars ;
Elle a brifé mes étendars
Dans mes mains , triomphantes.
Le bruit du tonnerre recommence.
Dieux implacables , Dieux jaloux ,
Qu'ai-je donc fait qui vous outrage
' ai fait trembler l'Univers fous mes coups ,
J'ai mis des Rois à mes genoux ,
Et leurs fujets dans l'esclavage ;
Je me fuis vengé comme vous ;
Que demandez vous davantage
144 MERCURE DE FRANCE.
Nous aurions fouhaité que parmi les changemens
faits en petit nombre à l'acte de
Trajan on n'eut point fait chanter à ce Prince
un ramage d'oifeaux ; c'eft pouffer trop
loin le privilége qu'a la mufique de ne pas
toujours s'accorder avec les convenances ;
elle peut les efquiver,mais non les heurter de
front , & l'on ne peut difconvenir que la plaifanterie
qui a fait dire que déformais on
appelleroit Trajan , Trajan l'Oifelenr, ne foit
meritée,
On a remis au Théâtre le Jeudi douze
Mars les Amours des Dieux , Ballet repréfenté
pour la premiere fois le Dimanche 14
Septembre 1727 ; il a reparu pour la fe
conde fois fur la fcéne le mardi 18 Juin
1737 ; l'approbation de M. de Moncrifjuge
competant des ouvrages lyriques , apprend
que les représentations de ce Ballet ont toujours
été reçûes favorablement du public.
Ainfi nous ne nous étendrons pas fur les
fuccès de la Piéce ; nous avons de bonnes
raiſons pour n'en pas louer les paroles ;
l'Auteur s'en tient au temoignage de l'approbateur
; il n'eft pas homme à prendre la
peine de s'encenfer lui - même.
A l'égard de la Mufique qui eft du gracieux
Mouret , elle eft naturelle , elle n'eft
point fémée de ces difficultés ultramontaines
fi bien copiées par quelques compofiteurs
MAI. 1746.
145
teurs & fi admirées par la fecte fanatique
des harmoniſtes pédans qui n'eftiment en
Mufique que les carillons & les charivaris.
L'agréable & fçavant Auteur du Spectacle de
la Nature à bien developpé ce ridicule entêtement
dans ſon ſeptiéme volume , mais ſa
politeffe & fa moderation l'ont engagé à
fupprimer les traits lesplus caractériſtiques de
fes peintures. Nous ne donnerons point un
extrait du Prologue & des trois Actes qu'on
a laiffés à ce Baller. Le fecond Acte eft facrifié
à la faifon de la promenade. Nous ne
parlerons même que fuccintement de la Mufique
qui eft trop connue pour n'être pas fort
eftimée. Nous nous contenterons de louer
les danfes qui font variées & très bien exécutées
, & les acteurs qui rempliffent parfaitement
leurs rolles . Jamais , fur tout, les
regrets d'Apollon n'ont été plus touchans ,
& les plaintes d'Ariane n'ont frappé plus vivement
les connoiffeurs. La Cantatille de
Coronis a été executée avec la legereté &
le goût qu'elle exige. Melles Bourbonnois &
Jaquet ont repondu à l'attente du public qui
a été extrêmement fatisfait d'entendre Mrs.
Chaffé , le Page , Poirier & Latour.
COMEDIE FRANCOISE.
On n'a rien donné de nouveau fur ce Théâ-
G
146 MERCURE DE FRANCE.
tre qu'un feu d'artifice qui a été approuvé.
COMEDIE ITALIENNE.
*
La Coquette Fixée dont le fuccès a été brillant
a été fuivie d'une petite Piéce compolée
de fcénes épifodiques intitulée la Félicité.
les Acteurs en font prefque tous des êtres
métaphyfiques , c'eft l'illufion , c'eft le caprice,
c'eft l'oifiveté que l'on fait fondatrices de
l'Ordre de la Felicité , affociation nouvelle
qui a des Loix & des parties plus galantes que
celles des frei- maçons.
--
Il y a de l'efprit dans cette Piéce , &
furtout une fcéne jouée par M. Riccoboni eft
femée de traits neufs & très vivement
écrite. Le divertiffement qui repréſente la
reception de Scapin dans l'Ordre de la Félicité
eft compolé de chanfons très- jolies
& fort-bien chantées & de danfes très- bien
exécutées .
MAI. 147 1746.
je2 of fe fefe fe to ſo L. fe && aſs fe ofé ofe af ofc ofe ofe ofe ✡,
JOURNAL DE LA COUR ,
DE PARIS , &c.
E 24 du mois dernier le Roi tint un
Chapitre de l'Ordre du Saint Efprit ,
dans lequel l'Abbé de Pomponne Chancelier
des Ordres du Roi rapporta les preuves de
Religion & de Noblefie du Prince d'Ardore
Ambaffadeur du Roi des Deux Siciles auprès
du Roi , & qui avoit été propofé le 1er.
du mois de Janvier dernier pour être Che-
Vlier. Ces preuves ayant été admifes le
Koi a permis au Prince d'Ardore de porter
les marques de l'Ordre en attendant qu'il
puiffe étre reçû .
Le 26 & le 27 le Roi & la Reine enten,
dirent dans la Chapelle du Château la Meſfe
de Requiem pendant laquelle le De profundis
fut chanté par la Mufique , le 26 pour
PAnniverſaire de Monfeigneur le Dauphin
Ayeul du Roi , & le 27 pour celui de Madame
la Dauphine Ayeule de Sa Majesté.
Le 23 pendant la Meffe du Roi l'Evêque de
Leictoure prêta ferment de fidelité entre les
mains de Sa Majeſté.
G ij
148 MERCURE DE FRANCE.
Le 16 Monfeigneur le Dauphin donna au
nom du Roi d'Efpagne le Colier de l'Ordre
de la Toifon d'Or au Duc de Lauraguais
qui a été nommé il y a quelque- tems Che
valier de cet Ordre. Cette cérémonie ſe fit
dans l'appartement de Monfeigneur le Dauphin
, & plufieurs Chevaliers de l'Ordre de
la Toifon d'Or , qui y avoient été invités ,
y alfifterent.
Le 17 les Députés des Etats de Bourgogne
eurent audience du Roi . Ils furent prélentés
par
le Duc de Saint Aignan Gouver
neur de la Province , & par le Comte de S.
Florentin Secretaire d'Etat , & conduits en la
maniere accoûtumée par le Marquis de
Dreux Grand Maître des cérémonies & par
M. Defgranges maître des cérémonies. La
Députation étoit compofée pour le Clergé
de l'Abbé de Cifteaux qui porta la parole ;
du Marquis de Biffy Lieutenant Général des
armées du Roi & Gouverneur des Ville &
Château d'Auxonne pour la Nobleſſe ; de
M.Voifenet pour le Tiers Etat; de M.Rigolley
de Mypons Secretaire des Etats ; de M.
Chartraire de Montigni Tréforier Général de
la Province & de M. Rouget Syndic.
Le 24 M. Durini Archevêque de Rhodes
& Nonce ordinaire du Pape auprès du Roi
fit fon entrée publique à Paris. Le Prince de
Guife , & M. de Verneuil Introducteur des
MA I. * 149 1746.
Ambaffadeurs allerent le prendre avec les
caroffes du Roi & de la Reine au Convent
de Picpus d'où la marche fe fit dans l'ordre
fuivant .
Le caroffe de l'Introducteur , celui du
Prince de Guife ; un fuiffe du Nonce , à
cheval , fa livrée à pied , fes Gentils hommes ,
fon Ecuyer & fes Pages à cheval ; le caroffe
du Roi , aux portieres duquel marchoient la
livrée du Prince de Guife & celle de M. de
Verneuil ; le caroffe de la Reine , celui de
Madame la Dauphine , celui de Madame
la Ducheffe d'Orleans Douairiere , ceux du
Duc d'Orleans , du Duc de Chartres , de la
* Ducheffe de Chartres , du Comte de Charolois
, du Prince de Conty , de la Ducheffe
du Maine , du Prince de Dombes , du Comte
d'Eu , de la Comteffe de Toulouſe , du
Duc de Penthiévre , de la Ducheffe de Penthiévre
& celui du Marquis d'Argenfon Miniftre
& Secretaire d'Etat ayant le département
des affaires étrangers. Les quatre caroffes
du Nonce marchoient enfuite à une
diſtance de quarante pas ; lorfqu'il fut arrivé
à fon Hôtel il y fut complimenté de la
part du Roi par le Duc de Richelieu Premier
Gentilhomme de la Chambre de Sa M.
de la part de la Reine par le Marquis de
Chalmazel fon Premier Maître d'Hôtel ; de
part de Madame la Dauphine par le Mar- Ja
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
quis de Rubempré fon Premier Ecuyer , &
de la part de Madame la Ducheffe d'Orleans
Douairiere par le Marquis de Crevecoeur
premier Ecuyer de S. A. R.
Le 26 le Prince de Guife , & Mr. de
Verneuil Introducteur des Ambaffadeurs al
lerent prendre le Nonce du Pape en fon
Hôtel & ils le conduifirent avec les caroffes
de leurs Majeftés à Verſailles où il eut fa
premiere audience publique du Roi. Le
Nonce trouva à fon paffage dans l'avant cour
du Château les Compagnies des Gardes Françoifes
& Suiffes fous les armes , les tambours
appellant ; dans la cour les Gardes de la
Porte & ceux de la Prévôté de l'Hôtel fous
les armes à leurs poftes ordinaires , & fur
l'efcalier les Cent Suifles én habits de cérémonie
& la hallebarde à la main. Il fut reçû
en dedans de la Sale des Gardes par le Duc
de Bethune Capitaine des Gardes du Corps
qui étoient en haye & fous les armes. Après
l'audience du Roi le Nonce fut conduit à
.celles de la Reine , de Monfeigneur le Dauphin
& de Madame la Dauphine par le Prince
de Guife & par M. de Verneuil. Il eut enfuite
audience de Mefdames de France , &
après avoir éte traité par les Officiers du Roi
il fut reconduit à Paris à fon Hôtel par le
même Introducteur avec les caroffes de leurs
Majeftés.
MA I. 1948. ITT
Le même jour M. Gillés que les Etats
Généraux des Provinces Unies ont envoyé .
au Roi en qualité de leur Miniftre Plénipo
tentaire & qui eft arrivé à Paris le 18 du .
mois dernier , fe rendit à Verſailles & il eut
une audience publique du Roi. Il y fut conduit
ainfi qu'à celles de la Reine , de Mon
feigneur le Dauphin , de Madame la Dauphine
& de Mefdames de France par M. de
Verneuil Introducteur des Ambaffadeurs .
Le Roi eft parti le 2 de ce mois vers les
deux heures du matin pour aller fe mettre
à la tête de fon armée . Sa Majesté a couché
le même jour à Arras d'où elle s'eft renduë
le lendemain à Gand.
Le rer. le Marquis Pallavicini Envoyé
Extraordinaire de la République de Génes
éut fa premiere audience publique du Roi,
& enfuite de la Reine , de Monfeigneur le
Dauphin , de Madame la Dauphine & de
Mefdames de France. Il fut conduit à ces
audiences par M. de Verneuil Introducteur
des Ambaffadeurs qui étoit allé le prendre
avec les caroffes du Roi & de la Reine , &,
après avoir été traité par les Officiers du Roi
il fut reconduit à Paris avec les caroffes de
leurs Majeftés par le même Introducteur .
Les Ambaffadeurs & les autres Miniftres
Etrangers ayant été informés de la part du
Roi du prochain départ de Sa Majeſté , ils
Gi
152 MERCURE DE FRANCE.
eurent le même jour l'honneur de complimenter
le Roi à cette occafion & de lui fouhaiter
un heureux voyage.
Le 5 le Corps de Ville entendit dans
l'Eglife du Saint Efprit Mune efle folemnelle
qu'il y a fait célebrer pour demander à
Dieu la confervation de la perfonne facrée
du Roi & la profperité des armes de Sa
Majefté ; le Bureau de la Ville a ordonné que
tous les jours à midi jufqu'au retour du Roi
il fut célebré une Meffe dans cette Eglife à
la même intention,
Un détachement fait des troupes qui compoferont
l'armée de Conty s'eft affemblé à
Binfche & il eft commandé par le Comted'Eftrées
Lieutenant Général lequel a fous
fes ordres le Marquis de la Cofte Meffeliere,
le Marquis de Fiennes , le Comte de Coetlogon
& le Marquis de Baupreau Maréchaux
de camp.
M. de Voltaire qui a été élû pour remplir
dans l'Académie Françoiſe la place
vacante par la mort du Préſident Bouhier
y fut reçu le 9 de ce mois , & il fit fon
difcours de remerciment auquel l'Abbé d'Olivet
Directeur repondit au nom de l'Académie.
MAI.
153 1746.
L
BENEFICES DONNE'S.
E Roi a accordé la Dommerie d'Aubrac
, Ordre de Saint Benoît , Diocèfe
de Rhodez , à l'Abbé de Clermont d'Amboife.
L'Abbaye de Quimperlay . même Ordre
, Diocéſe de Quimper, à l'Abbé de Vaurouault
de Goyon , & celle de la Vieuville ,
Ordre de Cifteaux , Diocèſe de Dol , à
l'Abbé Thomas.
PRISES DE VAISSEAUX.
L
E Corfaire l'Intrepide que monte le Capitaine
la Place eft rentré dans le Port
de Saint Malo avec le navire ennemi la
Françoife.
On a reçû avis que le Corfaire la Victoire
de Bayonne avoit envoyé à Nantes un
bâtiment Anglois de 250 tonneaux , chargé
de falines & d'autres marchandiſes.
Les fregates du Roi l'Etoile & l'Embufcade
, armées en courſe fous le commandement
de Meffieurs du Gué Lambert & Tabari
fe font emparées d'un navire qui eft
arrivé au Havre où le Capitaine Cantelou
commandant le Corfaire la Revanche de ce
Port a fait conduire un bâtiment de Guer
Gv
154 MER CURE DE FRANCE.
nezey dont la cargaiſon confifte en eau
de vie.
Les lettres écrites de Vigo marquent que
les Corfaires le Pellerin & la Pellerine de S.
Jean de Luz ont relâché dans ce premier
Port avec deux navires ennemis chargés
de bled.
M. Tabary commandant la fregato du
Roi l'Embuscade armée en courfe s'eft rendu
maître du Corfaire le Rovver de Briſtol ,
de 24 canons & de 190 hommes d'équipage
, & il l'a envoyé à Breft avec le navire
leComte de Derby de 160 tonneaux .
Il est arrivé dans le même Port un navire
de Londres nommé la Palme de 450
tonneaux & armé de 16 canons , dont la
cargaifon confifte en tabac & en pelleteries ,
& qui a été pris par le Corfaire la Revanche
de Granville que monte le Capitaine
Defnos Clement.
La fregate du Roi le Zéphire armée en
courſe & commandée par M. Tiercelin eft
rentrée dans le Port Louis avec les bâtimens
te Menard de Londres , & le Nancy de Dublin
, chargés l'un de tabac & l'autre de
diverfes marchandiſes .
On mande de Saint Malo que le Capitajne
Beaulieu Trehuoart qui monte le Corfaire
l'Heureux de ce Port y a conduit les
navires la Prefilla , l'Esperance & le Saint
MA I 1746,
155
Jacques , fur le premier defquels on a trouvé
beaucoup de fucre & des pelleteries , &
dont les deux autres portoient de l'eau de
vie , du fer & de la poudre à la Barbade. }
Le navire Anglois le Subgalet dont la
charge étoit compofée de tabac a été envoyé
à la Rochelle par la fregate du Roi
l'Etoile que commande M. Auffray du Gué
Lambert .
Les Corfaires la Bellonne & la Junon de
Bayonne ſe ſont emparés des navires ennemis
le Cirus & la.Fleur , chargés , le premier
de fucre , & le fecond de fil de carret ,
de cordages & de toiles pour des voiles de
vaiffeaux .
On a appris que le Comte du Guay Capitaine
de vaiffeau lequel aiant été chargé
d'efcarter la Flote des Ifles du vent avec
les vaiffeaux du Roi le Magnanime & be
Rubis , eut au mois de Novembre dernier un
combat très vif à foutenir contre l'efcadre
Angloife commandée par l'Amiral Thownfond
, avoit remis à la voile de la Martinique
le premier Mars dernier & qu'il étoit
revenu le 18 Avril à Breft avec cette flote
à l'exception de quelques bâtimens qui en
ont été feparés & dont plufieurs font déja
arrivés dans d'autres Ports. Il a pris dans
fa route up navire ennemi nommé le Goulle
G vjezda
156 MERCURE DE FRANCE.
chargé de quatre cent dix boucaux de tabac
, qu'il a envoyé à Rochefort.
Le Capitaine Dufrefne Marion commandant
le Corfaire le Prince de Conty de S.
Malo s'eft rendu maître des bâtimens Anglois
le Poftillon , de cent cinquante tonneaux ,
dont la cargaifon confifte en fucre & en coton
; le Jean Marie chargé de riz , & l'Induftrie
fur lequel il y avoit une grande quantité
de bled . Les deux premiers ont été conduits
à S. Malo & le troifiéme à Brehat..
Les Corfaires l'Anonyme du premier de
ces deux Ports , & la Charmante de Boulogne
ont envoyé à Morlaix un Corfaire
de Jerſey , & un navire de cent tonneaux..
Il eſt arrivé dans le même Port une priſe
faite par le Corfaire les trois Freres de Dunkerque
, qui s'eft aufli emparé du bâtiment
le Guillaume de Cheſter.
Les navires l'Aigle , la Réfelution & la
Société ont été pris par le Capitaine Clé-~
ment qui monte le Corfaire le Grand Grenot
de Granville .
Selon les lettres écrites de Bayonne le
Corfaire la Junon commandé par le Capitaine
Vigoureux y a fait conduire le navire
le Guillaume Marie de Mariland , de deux
cent cinquante tonneaux , à bord duquel
on a trouvé beaucoup de tabac & d'indigo.
MA 1. 157 1745.
Le bâtiment le Patti & Kitty de Waterford
a été envoyé au même Port par le Corfaire
le Gafcon.
Le Capitaine Soppite commandant le
Corfaire la Bafquoiſe a enlevé les navires
ennemis le Prince d'Orange , le Refingfun &
le London.
On mande de Saint Malo que les Capitaines
Ruault & Blondelas commandans les
Corfaires le Tavignon & le Comte de Maurepas
y ont fait conduire le navire les
deux Soeurs & un autre bâtiment Anglois
dont la cargaifon confifte en riz & en bois
de teinture.
Le navire la Marie Mack de Londres
chargé de bois de teinture , de coton & de
fucre a été pris par le Corfaire l'Anonyme
qui l'a envoyé dans le même Port.
Il éft arrivé à Brehat un bâtiment de 350
tonneaux dont le chargement eft compolé
de fucre , de cacao & de guildive , & qui a
été enlevé par le Corfaire la Marie Magdeleine
en revenant de la Barbade.
Le Capitaine Dangelot qui monte le Corfaire
le Duc d'Harcourt de Rouen à relâché
au Havre avec le navire le Couronnement
de Pool,
Le Corſaire le Poftillan de Dieppe , com
mandé par le Capitaine Altazin s'eft rem158
MERCURE DE FRANCE.
du maître d'un navire Anglois qui a été
conduit à Cherbourg ainfi que deux autres
bâtimens nommés l'Anfon & le Benjamin.
Suivant les avis reçus de la Hogue le Capitaine
Arein commandant le Corfaire l'Attrapefi
tu peux de Boulogne , a envoyé dans
le premier de ces deux Ports le bâtiment
l'Hirondelle de la même nation , fur lequel
on a trouvé du fucre & du riz.
On a appris de Saint Jean de Luz qu'il
y étoit entré un navire de cent tonneaux
dont s'eft emparé le Corfaire la Bafquoife
que monte le Capitaine Soppite.
On mande de Calais que la nuit du 22
au 23 du mois paflé il fit une fi furieuſe
tempête & un vent fi violent que le 23
à 6 heures du matin on vit navires échoués
à la côte entre les Paroiffes de Mark & Oye,
depuis Gravelines jufqu'à Calais.
MAI 1746 .
159
SAPSAPSAPSAPSAP SapSapsapSapsa
MAN DEMENT de fon Eminence
M. le Cardinal de Tencin , Archevêque
& Comte de Lyon , à l'occafion de
l'ouverture de la Campagne.
IERRE DE GUERIN DE TENCIN
, & C.
PIERRE
A tous Abbés , Doyens, Chapitres , Prieurs,
Curés , Vicaires , & autres Eccléfiaftiques ,
Séculiers & Réguliers , & à tous les Fideles
de notre Diocèfe : SALUT & Bénédction en
notre Seigneur.
Voici la troifiéme fois , mes très - chers
freres , que le Roi va commander ſon armée
en perfonne. S'il ne peut encore donner
la paix à fes fujets , il veut du moins
partager avec eux les travaux & les périls
de la guerre. Il le fait furtout par amour
pour la paix. De nouveaux fuccès la hâteront
peut-étre , & la préſence de Sa Majeſté
les affure . Efperons donc que cette Cam
pagne ne fera pas moins heureufe que celles
qui l'ont précédée. Puiffe t'elle l'être af
pour être la derniére ! fés
Nous ne doutons point , mes très- chers
freres , de la ferveur avec laquelle vous redoublerez
vos voeux pour la confervation du
160 MERCURE DE FRRANCE.
Roi. Le principal motif de ceux que vous
faites pour la paix , c'eft les dangers aufquels
la guerre expoſe des jours fi précieux .
A ces caufes , Nous Cardinal , Archevêque
& Comte de Lyon fuflit , après en avoir
fait conférer avec nos vénérables Freres Mrs
les Doyen , Chanoines & Chapitre de l'Eglife,
Comtes de Lyon , avons ordonné :
1º. Que dans toutes les Eglifes tant féculieres
que régulieres de la Ville & Fauxbourgs
de Lyon , exemptes ou non exemptes
on fera des Prieres de quarante heures
, avec expolition du Saint Sacrement ;
que le Dimanche premier du mois de Mai on
les commencera dans notre Eglife Primatiale
par une Meffe folemnelle, après laquelle
on portera proceffionnellement le très-
Saint Sacrement dans l'Eglife Paroiffiale de
Sainte Croix , pour y continuer lefdites Prieres
pendant trois jours confécutifs , & chaque
jour au foir on dira avant la Bénédiction
les Verfets , Panem de Coelo , & c. Fiat manus
tuafuperVirum dextera , &c. Fiat pax in virtute
tua , &c. avec l'Oraifon du Saint Sacrement
, celle qui fe trouve dans le Miſſel
Lyonnois page CIX. pro Rege & ejus Exercitu
, & dans le Miffel Romain celle qui fe
dit à la Meffe , Tempore belli , & la troifiéme
Oraifon fera celle pour la paix , Deus à
quefanita defideria , &c.
MAI 1746. 161
2. Que dans les autres Eglifes de la Ville
& Fauxbourgs de Lyon on y fera les mêmes
Prieres dans les jours & fuivant l'ordre
ci-après marqués.
3. Dans les autres Villes , Bourgs & Villages
de ce Diocèle on commencera les
Prieres de quarante-heures le Dimanche qui
fuivra la reception de notre préfent Mandement
, enforte néanmoins que dans les
lieux où il y a plufieurs Eglifes , la principale
les fera la premiere , & les autres fucceffivement
fuivant le rang qu'elles ont éntre
elles.
4°. Dans les Paroiffes de la campagne
dont les Curés ou Deffervans croiront que
fi lefdites Prieres fe faifoient les jours ouvrables
, il s'y trouveroit trop peu d'habitans
on les fera pendant trois. Dimanches confé-
'cutifs en expfoant le Saint Sacrement à la
Mefle Paroiffiale & à Vêpres feulement , &
après celles ci ils en donneront la Bénédiction
.
50. Nous ordonnons que jufqu'au retour
de Sa Majefté on chantera dans notre dite
Eglife Primatiale & dans toutes les autres
Eglifes de la Ville & Fauxbourgs de Lyon
& de notre Diocèfe tous les Dimanches
& toutes les Fêtes fêtées le Pfeaume Exaudiat
immédiatement après les Vêpres , & on dira
à toutes les Meffes au lieu de la Collecte
182 MERCURE DE FRANCE ;
pro pace , celle qui eft intitulée dans 14
Miffel Lyonnois , pro Rege & ejus Exercitu,
& dans le Miffel Romain celle in Tempore
belli.
Nous accordons les Indulgences Epifcopales
à toutes les perfonnes qui étant bien
difpofées affifteront à la Bénédiction du S.
Sacrement l'un des jours défignés pour les
Prieres de quarante-heures .
Et fera notre préfent Mandement lû , publié
aux Prônes des Meffes Paroiffiales &
affiché par-tout où befoin fera.
DONNE' à Verſailles le vingt - quatre
Avril mil fept cent quarante fix.
“LETTRE de M. de Voltaire Hiftoriographe
du Roi,l'un des Quarante de l'Académie
Françoise à M. de la Bruere.
M
Onfieur , y il a long- temps que vous
m'honorez de votre amitié , & je dois
cet avantage à mon goût pour les Belles
Lettre ; vous fçavez qu'elle eft ma paffion
pour la Langue Italienne . Je la fçais imparfaitement
, mais je voudrois qu'elle fut connue
dans Paris autant quelle merite de l'êtres
MAI 1746. 163
permettez moi de m'adreffer à vous pourvous
fupplier d'informer le public qu'il y a an
excellent Maître de cette Langue auquel les
amateurs de l'Italien pourront avoir recours
avec beaucoup de fruit , il eft né Romain , il
étoit fecretaire de M. le Nonce Creſcenci ;
perfonne ne parle & n'enfeigne mieux , n'a
plus de connoiffance des livres, & ne peut rendre
plus de fervice à ceux qui voudront
s'inftruire : il demeure rue de Bourbon près
des Théatins chés le fieur la Grave Chirurgien;
il fe nomme Fortunatisje crois que ceux
qui s'adrefferont à lui me fçauront gré de
leur avoir indiqué un homme de fon mérite.
J'ai l'honneur d'être Monfieur , avec les
fentiments d'eftime & d'amitié que je vous
dois , & c.
# 64 MERCURÉ DE FRANCE.
CONCERTS DE LA REINE.
Le Lundi 25 du mois dernier on exécuta
en Concert chés la Reine le Prologue
& le fecond acte de Callhiroé,
Le Mercredi 27 & le Samedi 30 on exécuta
les autres Actes. Le fieur Jeliotte y
chanta le rôle d'Agenor & le fieur Benoit celui
de Corefus.
Le Mercredi quatre de ce mois on exécuta
le Prologue & le premier Acte de lª
Paftorale Héroique d'Iffe. Les rôles du Pro
logue furent chantés par Madame Canavas ,
les fieurs Jeliotte , Benoit & Dangerville .
Ceux de la Piéce par les Demoiſelles Chevalier
& Detchamp , les fieurs Jeliotte , Benoit
& Godonnefche,
Le Samedi 7 & le Lundi 9 on exécuta
les autres Actes de cette Paftorale.
ΜΑΙ 1746. 165
OPERATIONS DE L'ARME'E
LE
DU ROI,
A Gand le trois Mai 1746.
E Roi eft parti ce matin d'Arras à fept heu
res pour le rendre ici , où Sa Majeſté eſt arrivée
à cinq heures & demie ; elle eft defcendue à
l'Evêché où elle occupe le même logement que
l'année derniere . Sa Majefté a donné en arrivant
fes ordres pour partir demain matin pour fe ren
dre à Bruxelles .
A Bruxelles le quatre.
Le Roi étant parti ce matin de Gand fur les
huit heures , eft arrivé ici à trois heures & demie ;
Sa Majesté a reçu à l'entrée de la Ville où elle a
montéà cheval les complimens du Corps de Ville;
elle a été defcendre à la Collégiale où elle a affifté
au Te Deum qui y a été chanté . Sa Majefté à été
enfuite prendre fon logement à l'Hôtel d'Egmont
ou elle a été haranguée par les Etats de Brabant
& par le Confeil Superieur .
A Bruxelles le cinq.
Le Roi eft monté ce matin à cheva' fur les
onze heures pour faire le tour des fortifications
166 MERCURE DE FRANCE.
de la Ville . Sa Majesté s'eft arrêtée pour examiner
le côté par lequel la Place a été attaquée ; elle,
eft allée enftite faire la vifite de fon armée ; laquelle
eft campée fur deux lignes appuyée fur Harem derriere
le ruiffeau de Wolure , la droite au moulin
de Terwurem , le centre traverfant le ruiffeau de
Wolure près de la Chauffée à Louvain .
Les ennemis n'ont point abandonné Malines
comme le bruit en avoit couru. On les a envoyé
reconnoître par des détachemens des Régimens
de Graffin & de la Morliere qui ont rap❤
porté qu'ils occupoient toujours cette Ville &
qui ont efcarmouché avec quelques uns de leurs
partis.
A Bruxelles le fix.
Le Roi après avoir fait hier la vifite de
la gauche de fon armée jufqu'à la hauffée de
Louvain s'eft avancé fur une hauteur vis- à -vis le
Camp de l'Artillerie d'où Sa Majesté a reconnu
la plus grande partie des environs de Bruxelles &
particulierement du côté de Malines où la vuë
s'étend ; il eft forti le matin un détachement qui
s'eft porté du côté de Louvain , compofé de 24
Compagnies de grenadiers , de 24 piquets d'Infan
terie & too hommes ,tant en cavalerie qu'en troupes
legeres & dragons . Ce detachement eft commandé
par M. le Comte de Lowendal Lieutenant
Général ayant fous fes ordres Mrs de Souvré &
d'Armentieres Maréchaux de Camp,
A Bruxelles le 7.
Le Roifortit hier à trois heures après midi pour
aller voir l'allée verte qui eft la plus belle pro
MA I.
167 1746 .
menade de la Ville , & oùSa Majefté s'eft arrêtée
pendant une heure.
Les ennemis à l'approche du détachement de
M. le Comte de Lowendal abandonnerent hier
Louvain en y laiffant feulement deux ou 300 Huffards
qui en furent bien- tôt chaffés par nos troupes
legeres qui en tuerent quelquesuns & en prirent
d'autres prifonniers .
Ce détachement après avoir reconnu les camps
à prendre de ce côté là a paffé la nuit à Louvain,
& eft venu aujourd'hui rejoindre l'armée ; les ennemis
font campés en des corps differens derriere
la Dyle & le Demer qu'ils occupent depuis
Malines jufqu à Arfchot.
Sa Majesté eft fortie aujourd'hui fur les quatre
heures pour ſe rendre à la droite de fon armée ;
elle eft montée à cheval pour en faire la vifite
depuis la Chauffée de Louvain jufqu'au moulin de
Trurem , où elle eſt appuyée .
A Bruxelles le 8.
Le Roi eft revenu hier de la promenade qu'il
a faite pour visiter la droite de fon armée à près
de huit heures du foir.
Sa Majesté a tenu Confeil d'Etat aujourd'hui &
continue à jouir d'une parfaite fanté,
t
L'armée doit fe porter demain dans un nou
veau camp qui a été reconnu par le détachement
de Mr le Comte de Lowendal ; les campemens
partiront à deux heures & demie du matin , &
l'armée marchera fur fept colonnes pour s'y rendre
; la droite fera appuyée ala Chauffée de
Bruxelles à Louvain près de Velthem ; & la gaus
che vers Perck , les ennemis ont fait un mouvement
derriere la Dyle en fe refferrant fur leur
droite,
168 MERCURE DE FRANCE.
Du Camp de Perck le 9.
L'armée eft partie de fon camp de Bruxelle
aujourd'hui marchant fur fept colonnes fous le
ordres de M. d'Herouville Lieutenant Général ,
& de M. le Duc de Chaulnes Maréchal de Camp ,
Officiers Généraux de jour.
:
La droite eft placée dans la plaine de Weltheim
laiffant la Chauffée de Bruxelles à Louvain
derriere elle la gauche eit appuyée à Perck où
le Roi a établi fon Quartier. Le centre de l'armée
occ pe les plaines entre Veltheim & Perck paffant
par Querps & Erps ; le Roi eft arrivé à midi
au Château de Perck.
Du Camp de Perck le 10.
L'armée du Roi a marché hier dans le plus
grand ordre , & fans aucun obftacle de la part des
ennemis ; il n'y a eu qu'une legere efcarmouche
contre un parti de Huffards qui étoit pofté du
côté de Louvain , & que nos campements ont
diffipé .
L'armée ennemie s'eft encore refferrée du côté
de Malines , & celle du Roi doit marcher demain
pour prendre un camp fur la Dyle vis-à- vis
l'armée des ennemis.
Du Camp de Perck le même jour.
L'armée fait demain un mouvement en avant ,
le Roi aura fon quartier au Château d'Eppeghem
entre la Sene & le Canal de Vilvorden .
XM. le
MAI 1746. 169
M. le Maréchal aura fon quartier à Semps & la
gauche appuyée au Pont de Rolftard .
M. le Comte d'Eftrées et en marche fur Diert
& M. du Chaila fur le grand Wibrock audeffus
Vilvorden.
Du Camp du Stein le 11 .
L'armée conduite par Mrs. de Clermont
Gallerande Lieutenant General , & de Calvieres
Maréchal de Camp , Officiers généraux de jour a
quitté ce matin le Camp de Perck pour fe porter
en avant vers la Dyle , appuyant fa droite à la
cenfe du Saint Elprit vis-à-vis Rotfelaer entre
Louvain , & l'embouchure du Demmer , la gau
che au ruiffeau qui tombe dans la Dyle à Nuyfen ,
& qui a fa fource aux environs du Château de
Stein où le Roi a établi fon quartier ; Sa Majefté
y est arrivée à dix heures.
M. de Berchiny ayant avec lui M. le Duc
d'Aumont , & M le Marquis de Beaufremont à la
tête d'un détachement confidérable a paffé la
Dyle à Louvain ; & s'eft avancé jufqu'à Rotſelaer
en chaffant devant lui plufieurs partis ennemis.
Le corps affemblé fous Dendermonde , & commandé
par M, Duchaila s'eft approché du Canal
de Bruxelles à Boon , fa droite eft établie à
Villebroeck .
Les ennemis occupent encore Malines,
Il n'y apoint eû de Bulletin le 12 & le 13 :
Au Camp de Steen le 14 .
Le Cardinal de Bofu Archevêque de Maines
H
170 MERCURE DE FRANCE.
a prêté ce matin ferment de fidelité au Roi pendant
la Meffe : Sa Majesté a tenu aujourd'hui
Confeil d'Etat . Les ennemis ont abandonné Arfbrot
, où un détachement des Graffins s'eſt établi ,
on affûre qu'ils ont placé un corps d'environ
6000 hommes dans Lierre , il n'y a d'ailleurs aucun
changement dans leur pofition derriere la
Nethe
;
L'armée du Roi doit paffer demain la Dyle
pour camper entre cette Riviere & la Nethe
la gauche couvrira Malines , où le Roi fe rendra
demain de très -bonne heure.
5
A Malines le quinze May,
L'armée du Roi a paffé la Dyle aujourd'hui
marchant fur 7 colonnes;le camp qu'elle occupe eft
appuyé par fa droite à Schrick & paffant à Pults
couvre Malines par fa gauche
La marche de l'armée a été precedée par quatre
détachemens repandus au front de fon camp , le
tout aux ordres de M le Duc de Richelieu qui a
conduit le plus fort de ces détachemens au- de- là de
la partie du camp que devoit occuper la droite.
Le Roi eft parti de Stein à huit heures du matin
& Sa Majefté eft arrivée ici à 10 heures ; elle
s'eft rendue à la Cathédrale où le Cardinal de
Boffu l'a reçû à la tête de fon Clergé. Sa Majefté
a affifté au Te Deum qui a été chanté & elle eft
allée defcendre à la Commanderie de l'Ordre Teutonique
où elle a pris fon logement,
A Malines le 16,
Le Roi a monté hier fur la tour de la Cathédrale,
MA I 1746. 171
d'où Sa Majesté a obfervé la poſition du Camp
des ennemis qui ont leur gauche à Duffel , leur
droite au deffous de la Chauffée de Malines à
Anvers & la Nethe devant eux.
Mr. le Comte d'Eftrées eft arrivé hier avec
le corps qu'il commande à Arfchot ; il a ordre
de pouffer tout de fuite jufques à Herentals , ой
fuivant les aparences il ne pourra arriver que le 18.
A Malines le dix - fept.
On a appris ce matin que les ennemis ont levé leur
camp pendant la nuit & qu'ils fe font mis en marche
pour fe retirer du côté d'Anvers. Le Regiment
de la Morliere eft entré dans Liere où il étoit resté
quelques troupes ; fur les deux heures après midi
on a fait marcher les Dragons les Huffards & deux
Brigades d Infanterie de la droite de l'armée pour
s'établir à Liere & pour prendre differents poftes .
au-de-là de la grande Nielhe . L'armée entiere marchera
demain matin pour camper au- de-là de cette
riviere.
M. le Comte d'Eftrées eft arrivé hier à Vefterloo
; il doit s'être rendu à Herrentals aujour
d'hui de bonne heure,
Le Roi a monté à cheval à huit heures , Sa M.
a parcouru tout le Camp , jufqu'à l'extremité de
la droite où elle s'eft arrêtée fur un plateau duquel
on découvre tout le Pays depuis Malines jufqu'à
Anvers & depuis Anvers jufqu'à Herrenitals .
Sa Majesté eft rentrée à Malines fur les 5 heures
Il n'y a point eû deBulletin le 18 .
Au Château de Bouchout le dix- neuf.
Le Roi eft parti après midi de Liere pour fe
Hij
172 MERCURE DE FRANCE,
rendre au Château de Bouchout fur la gauche de
fon armée . Sa Majeftéy a établi fon quartier, M,
le Comte de Berchiny qui a été detaché avec un
corps de Dragons & de Huffards pour couvrir l'armée
s'eft pofté entre Emmelum fur la petite Nethe
& Rauft. Il n'a rencontré que quelques partis
de troupes legeres qui fe font retirés à fon apaproche
.
Les ennemis ayant evacué la Ville d'Anvers dont
la garnifon s'eft retirée dans la Citadelle , le Ma
giftrat a envoyé des Députés pour faire fes foumiffions
au Roi . M. le Marquis de Brezé a eû ordre
de partir demain avec un détachement de 20
compagnies de Grenadiers , 12 piquets , 1200 Chevaux
pour en prendre poffeffion . Les Ennemis ayant
abandonné la Nethe le Fort de Ste Marguerite.
qui fe trouvoit fans protection s'eft rendu à lą
fommation que M. le Marquis du Chayla a fait
faire. La garnifon étoit compofée de 200 hom
mes ; on lui a accordé les honneurs de la guerre.
Du quartier du Roi au Château de
Mouchou le 20.
Le détachement que M. le Marquis de Brezé
a conduit à Anvers pour en prendre poffeffion
a été fuivi par la Brigade d'Auvergne qui doit y
refter : M. le Comte deg Clermont eft chargé de
faire le fiége de la Citadelle ; les Officiers Géné❤
raux destinés à cette expedition font M. de Brezé
Lieutenant Général , & Mrs. Thomé , Seedorff
Davarey , Choifeuil , la Perrouffe , Froulay , la
Marche , la Vauguyon , le Duc d'Avrey , & Daul
anne Marêchaux de camp.
Les troupes de ce fiége feront compofées de la
MAI 1746. ཟབ
Brigade d'Auvergne , Beauvoifts , Bettens & Seedorff
auxquels on a joint huit Bataillons de Grenadiers
Royaux , & deux Brigades du Roi & Orlearts
Cavalerie , ce qui fait en tout 28 Bataillons &
16 Efcadrons.
M de la Morliere que M. de Berchiny avoit
placé fur la gauche de fon détachement , ayant
été informé qu'il y avoit un corps de 600 Huf
fards dans Wyengheins au- de- là de la grande
Scheque a fait fes difpofitiors ; les ennemis après
avoir abandonné ce Village fans combattre ,
s'étant mis en état de tenir ferme dans la plaine ,
la troupe de M. de la Morliere les a chargés par
pelottons , & par un mouvement concerté s'eft
replié fur Wyengheins ; les Huffards ennemis les
y ont fuivis les Grenadiers de la Morliere dans
le Village en ont tué 80 .
Au Quartier du Roi le 21 .
Les troupes deſtinées au fiége de la Citadelle
d'Anvers font parties ce matin pour en former
l'inveftiffement.
Les ennemis ont continué leur marche dans
les bruyeres au-de-là d'Anvers , & ils font actuellement
campés fous Breda.
Hüj
374 MER CURE DE FRANCE.
43
PLACET A MADAME
Pour faire recevoir à S. Cyr une Demoiselles
DIgne fille d'un Roi , des mortels adoré ,
Vous , dont la Piété fert d'exemple à la notre ,
Vous qui fçavez à quel dégré
Le coeur porte les foins d'une foeur pour une au
tre ;
Pour la mienne aujourd'hui je tombe à vos ge
noux.
La voix du fang , loin de ſe taire,
Eft favorable auprès de vous.
Admiſe en cet azile augufte & falutaire
Où l'on benit d'une ardeur fi fincere
Le nom de Dieu , le votre , & celui de Louis
Pour une autre moi - même agréez que jefpere
L'avantage dont je jouis.
Mon pere dans les Camps ayant vieilli dix luftres,
Les armes à la main a terminé fon fort ;
Sept guerriers de mon nom dans des hazards illu
ftres
Ont trouvé la gloire & la mort.
MAI 1946. 17%
A ces titres d'honneur je joins vos bontés même ,
Le fouvenir des jours pour moi fi précieux ,
Où mes foibles talens aidés d'un zéle extrême
Attirerent fur moi vos yeux.
Quand nous avons chanté les rapides conquêtes ,
La France renaiffante avec fon Roi vainqueur ,
L'hymen qui de nos Lys affûre le bonheur
Vous étiés attendrie à nos pieufes fêtes .
Quel préfage pour nous ! l'actrice de Saint Cyr
Ofe , en vous implorant , compter de reuffir.
* La convalefcence du Roi, fon départ & fon
retour , le mariage de Monfeigneur le Dauphin.
Trois Idyles dramatiques déclamées &
chantées à Saint Cyr en préfence de la Reine
dans les années 1744 & 1745 , compofées
par M. Roy Chevalier de l'Ordre de Saint
Michel
Le Placet eſt de la même main; il a été préfenté
au nom de Mlle de la Bachelere qui
a deja deux foeurs à Saint Cyr ; la reception
d'une quatriéme eft une grace finguliere qui
ne demandoit pas moins que la protection
de Madame.
Le même Auteur , auf devoué aux Dames
de Saint Cyr que l'étoit M. Racine , a
exprimé leurs fentimens à M. l'Evêque de
Chartres leur Superieur à l'occafion de la
nouvelle année.
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE ,
Nous avons recouvré depuis peu une piece
de vers de M. Roy préfentée à M. le
Cardinal de ........ par une Dame de ſes
parentes avec l'envoi d'un vaſe de Saxe ; nous
avons cru que le public verroit avec plaifir
un éloge infpiré par le fentiment & rendu
avec élégance.
De cette coupe fortunée
Hebé verfoit aux Dieux le nectar enchanté;
Source de l'immortalité ;
Auffi n'eft elle environnée -
Que des fleurs que produit le Printems ou l'Eté.
Eh ! que feroient ces Dieux d'un éternelle vie
Aux infirmités affervie ?
Autant vaudroit l'humanité .
Vivre , c'eft poffeder & jeuneffe & fanté ,
Quels tréfors pour mon fexe ! il en feroit dependre
Sa fuprême felicité .
Seigneur j'ofe vous aprendre ,
Qu'il eft un fentiment & plus noble & plus tendre
,
Où mon coeur s'eſt arrêté.
Quand je demeurerois toujours dans le bel âge ,
Qu'importe à l'Univers ? un fi rare avantage
MAI 1746. 177
Ne feroit que pour moi , que pour ma vanité ;
J'en dois faire un meilleur uſage.
Qué ce charme vainqueur des ans & des deftin
Paffe en de plus utiles mains ,
Dans celles que le Ciel employe au grand ou
vrage ,
Du bonheur de tous les humains,
Le Roi ayant écrit aux Vicaires Généraux
de l'Archevêché de Paris qu'il fouhaitoit
qu'on fit des prieres publiques pour
attirer la bénédiction du Ciel fur les armes
de Sa Majeſté ils ont ordonné ces priéres
& elles commencerent le 8 de ce mois dans
l'Eglife Métropolitaine de Paris par l'expofition
du Saint Sacrement,
H▾
178 MERCURE DE FRANCE .
NOUVELLES ETRANGERES
LE
TUR QUI E.
E Grand Seigneur a été indiſpoſé , mais fa
fanté eft parfaitement rétablie ; il a envoyé
ordre au Kan de Crimée de faire marcher un nouveau
corps de douze mille hommes pour renforcer
l'armée qui eft fous les ordres du Pacha de Bagdad ;
ces troupes doivent s'embarquer à Cafta pour fe
rendre à Trebiſonde , & l'on écrit de Conſtantinople
que la Porte eft occupée à prendre diverſes
autres mefures pour foutenir la guerre contre Thamas-
Koulikan , fi les négociations commencées
avec ce Prince n'ont pas le fuccès defiré . Les
deux Puiffances n'ayant pû convenir des conditions
de la fufpenfion d'armes qu'avoit propofée Thamas-
Koulikan , ce Prince eft retourné d'Iſpahan à Tauris
pour reprendre le commandement de fon armée
, & ayant attaqué & mis en fuite deux détachemens
de Tartares , il s'eft avancé jufqu'à Mouffoul,
& en a ravagé les environs. Sur cette nouvelle
le Pacha de Bagdad , après avoir raffemblé une
partie des troupes qui font fous fes ordres , a marché
dans le deffein de livrer bataille aux Perfans , mais
ceux- ci fe font retirés à fon approche. Depuis ces
nouvelles on a reçu avis que l'Ambaffadeur de
Perfe avoit de fréquentes conferences avec le Grand
Vifir , & qu'on avoit lieu d'efperer que les négociations
commencées pourroient avoir un heureux
fuccès.
MA I. 1746.
179
Les troubles qui avoient été excités en Egypte
font entierement appaifés , & le Pacha du Caire a
fait punir de mort les principaux auteurs de la ré-
Volte.
L
RUSSIE.
A Princeffe de Bevern , niece de la feue Czarine
, & ci -devant Regente de Ruffie , mourut
le 18 du mois de Mars , âgée de vingt-huit ans
dans l'Ifle où elle avoit été releguée près d'Archangel
. Elle fe nommoit Anne de Mekelbourg , & elle
Laiffe de fon mariage avec le Prince Ulric de Bevern
deux Princes & deux Princeffes. L'Imperatrice
de Ruffie a donné ordre que le corps de cette Prineeffe
fut tranfporté à Pétersbourg , pour être mis
dans le tombeau de la Ducheffe de Mekelbourg ,
Il a été éxpofé fur un lit de parade dans une faie
du Convent de Saint Alexandre Newsky , & le 2
du mois paffé après avoir été enfermé dans une cercueil
, il a été dépofé dans une Chapelle de l'Eglife
pour y demeurer jufqu'à ce qu'on ait achevé
les préparatifs de la pompe funebre ordonnée
par l'Impératrice . Tous les Senateurs en longs
manteaux de deuil ont affifté à cette céremonie,
ainfi que les Ambaffadeurs & les Miniftres Etrangers
qui y avoient été invités de la part de S. M.
Imperiale par le Comte de Zanti. M. de Hoften
Ambaffadeur du Roi de Dannemarck a remis un
Mémoire aux Miniftres de l'Impératrice pour de
mander une réponse définitive fur la propofition
faite par S. M. Danoife de ceder au Grand Duc de
Ruffie les Comtés d'Oldenbourg & de Delmenhorft
, fi ce Prince vouloit renoncer à toutes fes
prétentions fur la partie du Duché de Holftein
po Tedée par le Dannemarck. Ce Mémoire a donné
occcafion à plufieurs conferences , & S. M. Impé-
Hj
180 MERCURE DE FRANCE.
riale s'en étant fait rendre compte , elle a jugé que
les offres du Roi de Dannemarck n'étoient point
fuffifantes pour dédommager le Grand Duc. Elle a
cependant fait fçavoir à M. de Hoften que ce Prince
étoit très-difpofé à fe prêter à toutes les voies de
conciliation , & qu'il ne s'éloigneroit point de
conclure un accommodement , pourvû que S. M.
Danoife ajoutât quelques autres territoires à ceux
qu'elle confentoit de ceder , & pourvû qu'elle fe
déterminât à acquitter les fommes qu'elle avoit
promis en 1737 de payer au feu Duc de Holftein.
Sur cette déclaration M.de Hoften a laiffé entrevoir
aux Miniftres de l'Imperatrice & à ceux du
Grand Duc que le Roi de Dannemarck , pour apporter
des facilités au fuccès de la négociation
pourroit accorder au Grand Duc , non feulement
les Comtés d'Oldenbourg & de Delmenhorst , mais
encore les Bailliages de Gottorp & de Slefvvick
& que felon les apparences il exigeroit que la
renonciation du Grand Duc à fes autres prétentions
fût garantie de la maniere la plus authentique
par la Ruffie . Ainfi , il ne parôit prefque
pas douteux que les differends entre fa Majefté
Danoife & ce Prince ne foient entierement terminés
peu après l'arrivée du Comte de PusKin à
Copenhague.
>
"
L'Imperatrice a réfolu de ne partir pour Riga
que dans le mois de Juin . Le Géneral Stoffel eft
mort depuis peu en Ukraine .
le
ALLEMAGNE.
La Reine de Hongrie fut relevée de fes couches
Mars.
30
Le Grand Duc de Tofcane ayant fait fçavoir aug
MAI 1746.
181
Cercles Anterieurs que pour couvrir les Etats d'Allemagne
fitués fur le Rhin , & pour veiller à la fûreté
du Briſgau & des Villes foreftieres , la Reine
de Hongrie fe propofoit de faire avancer des troupes
de ce côté , le Cercle de Suabe a prié ce
Prince de le difpenfer de recevoir ces troupes fur
fon territoire , & lui a donné part de la réfolution
qu'il a prife de fuivre les loix d'une exacte
neutralité . Les Cercles du Haut & Bas Rhin & celui
de Franconie on fait la même réponse que celui
de Suabe , & l'on a appris qu'ils font déterminés
à demeurer neutres , ainfi que ce Cercle ,
& que celui du Haut Rhin a demandé que la Reine
de Hongrie retirât les Régimens de Bernes & de
Kalnocky , aufquels il avoit accordé des quartiers.
Les nouvelles d: Munich portent que les Etats
du Cercle de Baviere affemblés à Wafferbourg
fe font féparés le 5 du mois dernier , après avoir
pris la réfolution d'obferver une parfaite neutralité
en concourant cependant avec les autres Cercles
à la fûreté de lE'mpire.
Les troupes que les Cercles Anterieurs ont le
vées pour
affûrer la tranquillité des frontieres de
I'Allemagne , & pour fe mettre en état de n'être
point contraints de violer la neutralité qu'ils
veulent obferver , doivent former un camp fur
le bord du Rhin. Quinze mille hommes des troupe,
de la Reine de Hongrie lefquels viennent de
Bohême , marchent vers la Suabe , & la nouvelle
qu'on a reçue de la réfolution prife par la Reine
de Hongrie de les y faire féjourner pendant quelque
tems , donne beaucoup d'inquiétude au Cercle
de cette Province . On ignore juſqu'à préfent
la veritable deftination de ces troupes ,
qui d'abord avoient eû ordre d'aller joindrė l'ar
mée des Alliés dans les Païs Bas,
182 MERCURE DE FRANCE
On apprend d'Ulme que la Reine de Hongrie a
fait porter des plaintes très - vives au Cercle de
Suabe touchant la réfolution prife par ce Cercle
d'obſerver, une parfaite neutralité.
M. Hulft Miniftre de l'Evêque Prince de Liége
auprès de la République de Hollande a préſenté aux
Etats Généraux un Mémoire que ce Prince a envoyé
à plufieurs Puiffances, & qui porte que le corps de
troupes de la Reine de Hongrie commandé par le
Général Grune eft entré dans l'Evêché de Liége ,
fans que cette Princeffe eût fait aucune requifi
tion pour le paffage de ces troupes ; qu'elles ont
traversé le païs fans obferver aucune difcipline ;
qu'elles fe font fait donner par force des logements
, des vivres & des fourages ; qu'elles n'ont
rien payé de ce qui leur a été fourni ; qu'elles ont
commis divers excès dans les Villages de Bouchevines
, de Hougarde & de Thourine , & que pour
faire plus de tort ce Païs elles y ont fait un fort
long détour ; que de pareilles violences donnent
atteinte , non feulement à la neutralité dont l'E
vêché de Liege doit jouir , mais encore aux Conftitutions
de l'Empire & au Droit des Gens , & que
l'Evêque de Liege efpere que les Puiffances aufquelles
il en porte fes plaintes , employeront
leurs bons offices pour leur faire rendre juftice par
la Reine de Hongrie.
Les troupes qui feront fous les ordres du Prince
Charles de Lorraine ont dû être raſſemblées le is
du mois dernier ; elles feront commandées par le
Comte Leopold de Daun en attendant que ce
Prince foit arrivé à l'armée . Elles doivent fe porter
fur la Mofelle en cas qu'on ait lieu de craindre
quelque entreprife contre Luxembourg , & elles
feront jointes par cinq des Régimens qui ont
reftés en Bohême , & par un corps de troupes qu'on
M A Í. 1746. 18,
fe propofe de tirer de la Hongrie , de la Tranfyl
vanie , de l'Illyrie & de la Croatie ; il a été réfolu
d'exécuter le projet proposé par le feu Comte
de Kevenhuller pour augmenter les fortifications
de Vienne , & l'on travaille actuellement à la
conſtruction d'un ouvrage à corne entre la porte
rouge & celle de Stuthor .
LE
GRANDE BRETAGNE.
E Prince Edouard , en s'emparant du Fort
Augufte , y a fait prifonnieres de guerre trois
Compagnies du Régiment de Guife qui en compofoient
la garnifon. Il a ordonné d'y tranſporter
fes principaux magafins , & de demolir les fortifications
du Château d'Inverneſſ. On a reçû avis
que le corps de fes troupes , qui a invefti le Fort
Guillaume , en preffoit le fiége avec beaucoup de
vivacité. Le Capitaine Scott , que le Comte de
Loundon avoit detaché pour fecourir la premiére
de ces Fortereffes , n'a pû s'avancer au- delà du
Château d'Ellanſtalker , parce qu'une partie de l'armée
du Prince Edouard garde les bords du Carfon.
Deux cens hommes de cette armée font campés
à deux milles de Glenavis , & ils exigent de
fortes contributions de tout le Pays voifin . Ils ont
furpris dans les environs d'Athol plufieurs partis
qu'ils ont taillés en piéces ; ils ont emporté d'affaut
les poftes de Kennochan & de Blairfittie , & obligé
les troupes qui étoient à Cushiville , de fe retirer
avec precipitation , & ils ont enlevé un tiers
de l'equipage du Brigantin le Baltimore . Un détachement
des Milices d'Argyle , commandé par M.
Glenure , fut attaqué le 18 & prefque entierement
defait par un autre corps de l'armée du Prince
Edouard .
184 MERCURE DE FRANCE.
Mylady Seaforth & la Dame de Mackintosh
dont les époux fervent contre ce Prince , font
allées le joindre avec quelques Tributs de Mackennies
.
On a appris par des lettres d'Ecoffe que le Duc
de Cumberland ayant envoyé ordre à quelques unes
des Tribus voisines du Lac d'Inverneff , de venir
joindre l'armée , elles avoient répondu qu'elles
étoient dans la réfolution de demeurer neutres .
L'armée que commande le Duc de Cumberland
a été partagée en trois corps , & ce Prince eft à
Aberdeen avec le premier qui confifte en fept
Bataillons & un Régiment de Dragons . Le fecond
& le troifiéme compofés , l'un de fix Bataillons
du Régiment de Cavalerie de Kingston & du Regiment
de Dragons de Cobham fous les ordres du
Major Général Bland ; l'autre de 3 Bataillons aux
ordres du Brigadier Général Mordaunt, font campés
à Strathbagie & & Old Melbrun . Sur la nouvelle
qu'un grand nombre d'Officiers Suédois étoient
debarqués à Peterhead dans I intention d'aller
joindre le Prince Edouard , le Duc de Cumber
Iand a fait marcher un détachement pour les empêcher
d'exécuter leur deffein. Le Prince Edouard
gardant toûjours fa même pofition fur le bord de la
Spey dans les environs d'Elgin , s'eft emparé du
Château de Keith .
Le Comte de Lowdon à l'approche du Prince
Edouard s'étant retiré d'Inverneff , après avoir
mis une garnifon de trois cent hommes dans le
Château , il paffà la riviere de Neiff , & le bras
de mer de Murray , de Cromarty & de Dornoch.
Comme il s'étoit emparé de tous les bâteaux
on ne pouvoit le joindre qu'en faiſant le tour de
ce dernier bras de mer , ce qui exigeoit quatre
u cinq jours de marche. Dans ces circonftances ,
MAI 1746.
£8.9
le Colonel Warren , un des Aydes de Camp du
Prince Edouard , propofa de faire tranfporter à
Findorme par terre toutes les Barques qu'on pour
roit rencontrer en divers endroits de la cofte de
Murray. Avec quelque fecret que cette entrepriſe
fut exécutée , plufieurs Vaiffeaux de guerre Anglois
, qui croifent dans ces parages , vinrent ,
fut
l'avis de ce qui fe paffoit , bloquer le Port de
Findorne . Malgré ce contre -tems , les Barques ,
qu'on y avoit raffemblées , en partirent pendant
fa nuit au rifque d'être coulées à fond , & un cal
me , qui furvint , les favorifa tellement qu'à la
vue même des Vaiffeaux de guerre Anglois elles
arriverent à force de rames en quatre heures de
tems vis-àvis de Dornoch , où étoit le quartier
général du Comte de Lowdon. Le Duc de Perth
ayant auffi-tôt , à la faveur d'un brouillard épais
qui cacha fon paffage , traversé le bras de mer fur
ces Barques avec les dix- huit cent hommes qui
étoient fous fes ordres , le Comte de Lowdon ne
decouvrit les troupes de ce Général , que lorf
qu'elles furent proche de la terre . Pendant que
le Comte de Lowdon , pour s'oppoſer au débarquement
, raffembloit les trois mille cinq cens hom
mes qu'il commandoit , le Duc de Perth rangea
fes Barques en ligne : il fe jetta enfuite le premier
à la mer , quoiqu'il y eut quatre pieds d'eau dans
l'endroit où il s'étoit arrêté , & toutes les troupes
fuivirent fon exemple. Elles marcherent en bon
ordre , & n'ayant plus de l'eau qu'à my jambe ,
elles fe preparoient à faire leur premiere decharge
; lorfque celles du Comte de Lowdon , étonnées
de tant de fermeté , ſe débanderent de toutes
parts fans en venir aux mains . Le Comte de Lowdon
, fe voyant ainſi abandonné , fe fauva luž
même vers la montagne , ainfi que le Lord Forbes
186 MERCURE DE FRANCE.
& M. Maclaod , & ne s'y trouvant pas encore
en fureté , il s'eft refugié dans l'Ile de Skye , où
il n'a été joint que par quelques-uns de fes domeftiques.
Trois cent hommes , qui étoient en garnifon
à Dornoch , ont été faits prifonniers de
guerre , & le Duc de Perth a enlevé tous les
autres quartiers du Comte de Lowdon . Quelques
jours après cet avantage , deux mille hommes des
Orcades & du Comté de Cathneff ſe ſont rendus
au camp du Prince Edouard . Le Duc de Perth
a enlevé quatre bâtimens de tranſport , fur lesquels
il y avoit quatorze cens cinquante fufils , dix- huit
cent fabres , une grande quantité de munitions
de guerre & de bouche , & une fomme confiderable.
250 hommes qui défendoient
pofte le plus avancé du camp du Duc de Cum
berland , ont été taillés en piéces par un détachement
du Régiment Royal Ecoffois des troupes
du Roi de France.
le
Le Duc de Cumberland a depêché un courier
à fa Majefté Britanique, pour l'informer que s'étant
mis en marche d'Aberdeen le 19 , il étoit arrivé
le 23 fur le bord de la Spey ; qu'auffitôt il avoit
ordonné aux Grenadiers , au Régiment de Campbell
& à la Cavalerie legere , de paffer la riviere
à gué ; que le Régiment de Cavalerie du Duc
de Kingston y étoit entré le premier , & que dès
qu'il avoit été de l'autre côté , il s'étoit avancé
au grand galop le fabre à la main vers un corps
de trois mille Montagnards du parti du Prince
Edouard , qui s'étoient d'abord retirés ; que leur
fuite pouvant n'être que fimulée , & cacher quelque
deffein , & d'ailleurs l'Infanterie de l'armée
du Roi ne pouvant traverfer promptement la Spey,
on n'avoit pas jugé à propos de pourſuivre les ennemis.
On a reçû avis par le même courier que
MAI 1746 187
le Prince Edouard avoit levé le fiége du Château
de Blair , & que le 18 le Prince de Heffe s'étoit
rendu à Perth avec les fix Bataillons des troupes
Heffoifes ; que deux Régiments de Dragons des
mêmes troupes avoient marché à Crief , & qu'un
autre avoit pris pofte à Huntington . Le Duc de
Cumberland a fait conftruire à Aberdeen un Fort
dans lequel il a mis quelques troupes en garniſon.
Il a ordonné de détruire toutes les habitations des
habitans de la Province de Lochabir qui ont pris
les armes pour les interêts du Prince Edouard.
Le Gouvernement d'Angleterre ſonge à chercher
les moyens d'empêcher la contrebande ; elle eft
devenue fi commune que celle faite dans le feul
Comté de Suffolk à fait tort de près de 60000
Guinées à l'Etat fur le produit des Douanes , &
qu'il eft forti de la Grande Bretagne 4300 livres
Sterlings en efpeces monoyées,
Le vaiffeau de guerre la Frinéeffe , de l'Efcadre
de l'Amiral Thownshend , dont il a été feparé à
la hauteur des Ifles de Bahama , eft arrivé le 4 à
Spithead ayant une fi grande voye d'eau , que
le Capitaine a été obligé de tenir continuelle
ment pendant la route cinquante hommes à lat
pompe. On a fçû par l'equipage que le 25 du
mois de Fevrier dernier l'Amiral Thovvnshend
avoit effuyé en allant de Saint Chriftophe à l'ifle
Royale une violente tempête qui avoit entiere
ment difperfé fon Efcadre , & que plufieurs des
Vaiffeaux dont elle étoit compofée avoient perdu
leurs mâts.
La propofition ayant été faite le 22 du mois
paffé dans la Chambre des Communes d'accorder
au Roi de la Grande Bretagne trois cent mille
livres sterlings pour l'entretien du nouveau corps
de troupes Hanoveriennes que fa Majesté fait
188 MERCURE DE FRANCE.
paffer dans les Païs - Bas , il s'éleva à ce sujet des
debats très long & très-vifs , mais l'affirmative
l'emporta à la pluralité de deux cent cinquanteeinq
voix contre cent vingt-deux . Cette Cham
bre a réfolu auffi de donner dix mille livres fterlings
pour le train d'artillerie qui doit accompagner
ces troupes , & d'augmenter les fubfides de la Reine
de Hongrie & du Roi de Sardaigne , l'un de quatre
cent mille livres fter ings & l'autre de cent mille.
Le 27 la même Chambre paffa le Bill , pour au
torifer le Roy à faire arrêter & à retenir en prifon
toutes les perfonnes qui lui feront fufpectes . Elle
ordonna le 28 d'en porter un pour favorifer les
progrès des Manufactures de toiles à voile , &
elle a fait le 29 la premiére lecture de celui
contre les Ufuriers & les Agioteurs.
On mande de Londres du 6 que le 4 on appris
par des lettres d'Edimbourg , que l'armée commandée
par le Duc de Cumberland ayant achevé le24du
mois dernier de paffer la Spey , ce Prince avoit márché
le 25 à Elgin Capitale du Comté de Murray, &
le 26 à Farres , & que le 27 il avoit mis en fuite
à Culloden près d'Inverneff un corps de troupes
du Prince Edouard . Cette nouvelle fut confirmée
le lendemain par le Lord Bury , que le Duc de
Cumberland a depêché au Roi fon pere , pour l'in
former des particuliarités de l'action , & qui n'a
pû fe rendre à Londres plûtôt , parce qu'afin de
ne pas tomber entre les mains des partis ennemis ,
il a fait par mer le trajet d'Inverneff à Bervick.
Par une Rélation qu'on a publiée de ce combat,
il paroît qu'on s'eft d'abord canonné très -vivement
de part & d'autre, mais que le feu d'artillerie n'a pas
duré long-tems ; que l'aile droite des ennemis a
attaqué la gauche du Duc de Cumberland , & a
été repouffée ; que quelques-unes des Tribus des
MAY 1746 18,
Macdonalls & des Fraſers ayant été enfuite enfoncées
par l'armée Anglo fe , elles n'ont pû ſe
rallier , & ont jetté la confufion dans l'aile dont
elles faifoient partie ; que cette aile ainfi en defordre
n'a pû refifter à l'impetuofité des troupes
Angloifes ; qu'elle s'eft retirée dans un bois voi
fin , & que le refte du corps des troupes du
Prince Edouard , obligé de ceder à la grande fuperiorité
du nombre , a abandonné le champ de
bataille , avec perte d'environ quatorze cent hom→
mes , en y comprenant les prifonniers , du nom,
bre defquels font le Comte de Kilmarnock , M.
Murray de Broughton , & le Chevalier de Wredderburn
, ainfi que M. Boyer d'Aiguille , chargé
d'une commiffion du Roi auprès du Prince
Edouard.
La précaution que le Lord Bury a priſe de s'em.
parquer à Inverneff étant une preuve que les
partis de l'armée Ecoffoife tiennent encore la
campagne , on doute que l'avantage remporté
par le Duc de Cumberland foit auffi confiderable
que le Gouvernement Anglois yeut le perfuader.
Les Actions de la Compagnie de la mer du
Sud font à quatre vingt-quinze ; celles de la Ban
que à cent vingt-deux ; celles de la Compagnie
des Indes Orientales à cent foixante & trois ,
trois quarts , & les Annuités à quatre -vingt quinze
& demi,
8
ITALI E.
Suivant les avis reçus de Corfe tous les fecours
que la République a envoyés à la Baftie y étant
arrivés , on fit le to du mois dernier une fortie avec
gant de fuccès , que les Rebelles , qui faifoient
190 MERCURE DEFRANCE,
le blocus de la Place fous les ordres du Colonel Ri❤
varola , furent chaffés de tous leurs poftes , à l'exception
de celui des Capucins où ils fe retirerent,
On fe difpofoit à les y attaquer lorfqu'on apprit
qu'ils s'étoient enfuis pendant la nuit dans les montagnes.
Par leur retraite la Ville de la Baftie eft entierement
délivrée & au pouvoir de la République ,
à laquelle les habitans ont renouvellé les affûrances
de leur foumiffion . Quelques-uns des Rebelles
qui ont été amenés à Genes de Capraria , ont été
punis de mort , & le Major Gentile eft de ce
nombre.
M. Guymont Envoyé Extraordinaire du Rof
auprès de cette République , arriva de Paris le
22 du mois dernier au matin .
Selon les lettres de Livourne le Confeil de Régence
du grand Duché de Tofcane a fait dire à
M. Auguftin Viale , Miniftre de la République
de Genes à Florence de fortir de Tofcane.
Le Chevalier Alexandre Zone , ci-devant Ambaffadeur
auprès du Roi a été élu Procurateur de
Saint Marc à la place du feu Chevalier Canale.
Les circonftances ayant obligé l'Infant Don
Philippe de fe rapprocher des troupes Françoifes ,
ce Prince a fait tranfporter à Pavie l'artillerie
les magaſins & les Hopitaux qui étoient à Milan ,
& il s'y eft rendu le 20 Mars dernier. Après avoir
raffemblé dans le Pavefan la plus grande partie
des troupes qu'il commande , il a établi ſon
quartier général à la Chartreufe près de Pavie ,
& il a difpofé tellement fon armée qu'elle étoit
appuyée par fa gauche au Téfin , & qu'elle s'éten
doit par fa droite jufqu'à la riviere de Lambro.
Sur l'avis que les ennemis fe portoient du côté
de Pizzighitone , il reti a les troupes qui étoient
à Lodi & à Codogno , & il les envoya à Plaifans
MAI 1746. 191
re où elles font arrivées fans obftacle.
Le 22 Don Pedro de Velafco Colonel du Ré
giment de Dragons de Sagonte attaqua à la tête
de 200 hommes de ce Régiment , un détachement
de Huffards de l'armée de la Reine de Hongrie
, le mit en déroute , & le pourſuivit juſqu'à
l'un des quartiers de cantonnement de cette armée
.
Le Duc de la Viefville marcha le 23 par ordre
de l'Infant avec 6000 hommes d'Infanterie &
2500 de Cavalerie à Rufarola , afin de s'oppofer
au deffein que le Prince de Lichtenftein paroiffoit
avoir de jetter des ponts fur le Téan , & s'étant
avancé affés à tems pour bruler quelques barques
que les ennemis avoient fur cette riviere , il prit
une poficion avantageufe dans laquelle il pouvoit
les obferver fans avoir à craindre de leur part
aucune furprife. Six mille Efpagnols occuperent
le pofte de Belgiojofo fous les ordres d'un Officier
Général. Un détachement de 400 Huffards ennemis
tenta de s'emparer du pofte de Belleguardo ,
fitué entre Binafco & le quartier géneral de l'Infant
, dans l'efperance de pouvoir penetrer jufqu'à
la Chartreufe , & d'enlever les équipages de
ce Prince , mais ces Huffards furent repouffés avec
une perte confidérable .
Depuis que l'Infant Don Philippe a abandonné
Milan le Marquis Pallavicini a envoyé des ordres
à la Regence de cette Ville fur les nouveaux arrangemens
qui doivent être pris par rapport à
l'adminiftration des affaires & des finances du Milanez
. Ce Général a mandé en même tems aux
Magiftrats que la Reine de Hongrie étoit fort ir
ritée des marques de joye que les habitans avoient
données à l'arrivée de l'Infant , & que la Ville
mériteroit d'être taitée avec la derniere rigueur
192 MERCUREDEFRANCE,
pour avoir laiffé éclater des fentimens fi oppofés
à ceux que fa Majêfté Hongroife croyoit devoir
attendre de fes fujets. A l'occafion de ces plaintes
les Magiftrats ont nommé des Députés pour aller
implorer la protection du Marquis Pallavicini ,
& pour l'engager à fléchir la Reine de Hongrie.
Le Secretaire d'Etat chargé du département
de la guerre dans cette Province par cette Princefle
eft à Mantoue , où il eft occupé à régler
avec ce Général ce que la Ville de Milan fera
obligée de fournir aux troupes qui reviennent fur
fon territoire.
On a publié un Edit par lequel il eſt enjoint à
tous les habitans du Milanez , qui ont chés eux
des effets , de quelque nature qu'ils puiffent être ,
appartenans aux Efpagnols , de les déclarer dans
aun tems preferit .
Le Gouvernement a confifqué les biens du
Comte Antoine Jofeph de la Rezovico , qui fert
dans l'armée du Roi d'Efpagne en qualité d'Aide
de Camp du Comte de Gages .
Le 26 Mars undétachement de Huffards emporta
répée à la main un pofte occupé par quelques troupes
Napolitaines. 1
Le même jour le Comte de Brovvne inveftit
Guastalla , & la Place étant hors d'état de fe deffendre
, la garnifon compofée de trois Bataillons
& d'un Efcadron a été faite prifonniere de guerre ,
il y a eu une action très -vive entre un détachement
commandé par le Général Nadafti & trois mille
Efpagnols que le Marquis de Caftellar avoit fais
marcher au fecours de la Place ; après avoir com
battu avec beaucoup de valeur ils furent obligés
de fe retirer , mais on ne pût les inquietter dans
leur marche parce que faifant face de tems en tems
Bux troupes de la Reine de Hongrie , ils mirent
244 plufieurs
ΜΑΙ
1746
195"
plufieurs fois les Huffards en défordre par la vivacité
du feu de leur moufqueter è .
Huit cent hommes des troupes Autrichiennes
ayant voulu enlever fix pieces de canon que les
Eſpagnols avoien laiffées à Benafes furent furpris
par un corps de troupes de S. M. C. & à l'excep..
tion de cent foldats tous furent tués ou faits prifonniers.
Après la prife de Guaftalla le Comte de Brovvne
s'eft avancé vers Parme & a formé l'inveſti
fement de cette Place , où le Marquis de Caftellar
étoit avec 500 Eſpagnols . L'Infant Don Philippe
en ayant eu avis a détaché douze Régimens
pour aller au fecours de cette Place , & le Comte
de Gages a marché dans le même deffein à la tête
d'un autre corps confidérable.
: Dans le même tems le Prince de Lichtenſtein
qui étoit allé faire un voyage à Turin , étant révenu
à fon armée , ce Général a fait jetter des
ponts fur le Pô près de Monticello pour aller
joindre le Général Brovvne.
Cette marche a engagé l'Infant Don Philippe
à marcher avec toute fon armée pour dégager
M. de Caftellar , & n'ayant plus que le Taro entre
lui & les ennemis , ce Prince auroit tenté le
paffage de la riviere auffi-tôt après ſon arrivée , è
elle n'étoit débordée . On écrivoit de l'armée Efpagnole
du 14 du mois paffé que la neige tomboit
comme au mois de Janvier ; l'armée Autrichienne
eft de 24 à 0000 hommes .
Le Marquis de Caftellar a attaqué deux poftes
où les ennemis ont fait une perte confidérable .
La nuit du 19 au 20 du mois paffé le Marq is de
Caftellar ayant laiffé quatre cent hommes dans le
Château de Parme & fes malades dans la Vill
fe mit en marche avec le corps de troupes qu'il
I
194 MERCURE DE FRANCE
commande pour venir rejoindre l'armée de l'Infant
Don Philippe. Les ennemis avertis du deffein
de ce Lieutenant Général avoient pris diverfes
précautions pour lui couper la retraite : ils
avoient fait en plufieurs endroits des coupures ,
des puits , des retranchemens & des abattis d'arbres
, & ils avoient garni d'Infanterie toutes les
Caffines qui fe trouvoient fur fon chemin , mais
ces obftacles n'ont pû l'empêcher d'exécuter fon
entrepriſe. Ses troupes , auxquelles il avoit défendu
fous les peines les plus rigoureufes de faire
feu fans un ordre exprès , fe font fait jour par
tout la bayonnette au bout du fufil , & elles n'ont
eu que trois cent hommes de tués , en paffant au
travers du camp des ennemis , qui ont fait une
perte beaucoup plus confiderable . Le Marquis de
Caftellar a été obligé de prendre fa route par Pontremoli
& par Sarzanne , ce qui eft caufe qu'il n'a
pû encore ſe rendre du côté oppofé du Taro , &
le Comte de Gages l'a remontée à la même hauteur
que ce Général , afin que leur jonction pût fe
faire plus facilement. L'armée Espagnole s'étend
depuis Borgo-San-Donino jufqu'à Gibello , où
I'Infant a établi fon quartier.
Les dernieres lettres de l'Ile de Corfe marquent
que les Rebelles fe font retirés à San- Fiorenzo ,
ayant été chaffés de tous les poftes qu'ils occu
poient,
Le Marêchal de Maillebois n'ayant pu arriver
affés tôt pour fecourir la Ville de Valence , la
garnifon qui défendoit cette Place a été obligée de
capituler. Ce Général a chaffé les Piedmontois
de plufieurs poftes qu'ils occupoient , & il s'eft
rendu maître de celui d'Acqui , où l'on affùre
que deux Bataillons des ennemis ont été faits
prifonniers.
MAI 1746. 195
Un corps confidérable de troupes de la Reine
de Hongrie commandé par le Général Groff ,
s'étant avancé à Codogno avec de l'artillerie , le
Marquis Pignatelli a été détaché par l'Infant Don
Philippe avec 8000 hommes pour obliger ce corps
d'abandonner ce pofte . Ce Lieutenant Général a
executé fes ordres avec tant de fuccès , qu'il y a
forcé les ennemis qui s'y font défendus de maiſons
en maiſons , & qu'il les a mis totalement en déroute.
Ils ont perdu en cette occafion fix cent
hommes ; on leur a fait 2400 prifonniers , du
nombre defquels eft le Général Groff, & on
leur a enlevé douze pieces de canon , un mortier ,
onze drapeaux , un étandart , un grand nombre
de chevaux & tous les bagages . La nouvelle qui
s'eft répandue que les troupes avec lesquelles le
Marquis de Caftellar s'eft retiré de Parme avoient
été défaites par le Général Nadaſti , n'a aucun
fondement. Ces troupes n'ont pû être entamées
par les ennemis , & ayant gagné fur eux une
marche , elles arriverent le 28 du mois dernier à
Sarzanne où elle pafferent le Magra fans aucun
obſtacle .
Le Comte de Gages , depuis qu'elles l'ont rejoint
, a quitté les bords du Taro , & s'eft rapproché
du camp de l'Infant Don Philippe.
On a appris que le 22 du mois dernier les
400 hommes qui avoient été laiffés par le Marquis
de Caftellar dans le Château de Parme , avoient
arboré le Drapeau blanc , & que le Comte de
Brovvne , qui a attaqué cette Fortereffe , avoit
exigé qu'ils fe rendiffent prifonniers de guerre.
Iij
7196 MERCURE DE FRANCE.
J.
MARIAGES ET MORTS.
L&
E 26 Avril fut faite dans la Chapelle de l'Hôtel
de M. le Marêchal Duc de Biron la ceremonie
du mariage de M.Anne-Gabriel - Henri Bernard , Sei-
Igneur de S. Saire , de Paffy-les- Paris , du Fiefde
5. Pol , de Grifolles & c , Préfident de la feconde
des Enquêtes du Parlement , Office dans lequel
il avoit été reçu la veille au lieu de feu M. le
Préfident de Rieux fon pere , avec Dlle. Marie-
Magdeleine de Beauvoir de Grimoard du Koure , fille
de Louis - Claude - Scipion de Beauvoir de Grimoard
Comte du Roure , Marquis de Grifac , Baron des
Villes de Barjac & de Florac & des Etats de Languedoc
, Marechal des camps & armées du Roi ,
premier Sous - Lieutenant de la premiére Compagnie
des Moufquetaires , & Gouverneur du Fort- Louis
du Rhin , & de D. Marie -Victoire - Antoinette de
Gontaut - Biron , fille de M. le Marêchal Duc de
Biron ; M. de St. Saire eft né le 10 Decembre
1724 du mariage de feu M. Gabriel - Bernard de
Rieux , Préfident de la feconde des Enquêtes du
Parlement , mort le 13 Decembré 1745. & de
D. Suzanne
-Marie -Henriette
de Boulainvillier
St,
Saire , fa deuxiéme femme , avec laquelle il avoit
été marié le 29 Mai 1719 , & petit-fils de M.
Samuel -Bernard , Comte de Coubert , Chevalier
de l'Ordre du Roi , Confeiller d'Etat, mort à Paris
dans la 88 année de fon âge le 18 Janvier 1739,
& de D. Magdeleine Clergeau fa premiére femme ,
morte le 19 Novembre 1716 , & il eft neveu de
M. Samuel-Jacques Bernard , Maître des Requêtes
ordinaire de l'Hôtel du Roi , Sur- Intendant de
AMAI 17460 SBL1979
la Maifon de la Reine , & Grand Croix , Prevot
& Maître des cérémonies de l'Ordre Royal & Mili-Si
taire de S. Louis pour la maifon de Beauvoir
de Grimoard du Roure , également illuftre par
fon ancienneté , fes alliances , fes marques d'honneur
& fes fervices militaires ; on la trouvera
rapportée dans le troifiéme volume du Diction
naire Historique de Morery , folio 961 .
a Le 27 a été fait le mariage de M. Antoine
d'Albert Marquis de Fios , Capitaine de Vaiffeau du
Roy , fils de M. Antoine d'Albert , Marquis de
Fios , Préfident à Mortier au Parlement de Provence
, & de D. Marguerite Guidy ; avec Dlle. 2
Augustine Boiffet d'Arville , fille de Jerôme-Auguft .
tin Boiffet , Seigneur d'Arville , Brigadier des ar- ¡
mées du Roy & Gouverneur de la Ville de Roze ,
& de D. Marie-Barbe Jeumont . Voyés pour la
Genealogie d'Albert le Nobliaire de Provence
par l'Abbé Robert , imprimé en 1693 , & celui ,
du Sr. Maynier imprimé en 1709.
Le 29 Mars M. Chriftophe-Louis Turpin de Criffe ,
de Sanfay , Evêque de Nantes , Abbé de Quimper ,
lay & de la Chaume mourût dans fon Diocèle ,
il étoit né le 19 Septembre 1670. Etant Doyen ,
de l'Eglife de St. Martin de Tours ,, il fut nom →
mé à l'Evêché de Rennes le 15 Août 1717 , d'où
il fût transferé à Nantes en 1723 , & nommé aux
Abbayes de Quimperlay & de la Chaume en 1717 ›
& 1725 , il avoit pour frere aîné, Lancelot Tur
pin de Criffé , Comte de Sanfay Colonel d'un Ré .
giment d'Infanterie & Brigadier d'armée , mort ,
au mois de Septembre, 1720 , laiffant entr'autres ,
enfans de fon mariage avec D. Claude- Genevieve
Theriere , Anne- Marie Turpin de Sanfay , femme ,
de M. le Marquis de Simiane , M. le Comte de
Sanfay , & feu M. l'Evêque de Nantes , avoient
E
Iiij
98 MERCURE DE FRANCE.
pour Bifayeul Charles Turpin , Seigneur de Criffé
, Comte de Vihers nommé à l'Ordre du St.
Efprit au mois de Janvier 1594 , & c'eft de lus
que font decendus les Comtes de Vihers & les
Comtes de Sanzay , dont la nobleffe eft marquée
par fon ancienneté , par fes alliances & par fes
fervices militaires ; voyez la Généalogie qui en
a été dreffée fur les titres par le Sr. le Laboureur
& qui eft confervée dans le Cabinet de M. de
C Généalogifte des Ordres du Roi.
Le 13 Avril D. Marie - René de Boufflers Remiencourt
, Abbeffe de l'Abbaye d'Andezy près
Sezanne en Brie , Ordre de St. Benoît , Diocèfe de
Châlons depuis l'an 1( 28 , mourut dans cette Abbaye
âgée d'environ 52 ans ; elle étoit foeur
de feu Charles- François de Boufflers , Seigneur de
Remiencourt , dit le Marquis de Boufflers ; Lieutenant
Général des armées du Roi , Commandeur
de l'Ordre militaire de St. Louis , mort le
18 Decembre 1743 laiffant plufieurs enfans , &
elle étoit fille de Charles de Boufflers Seigneur
de Remiencourt & de Marie du Bos de Drancourt :
voyez la Généalogie de la Maifon de Boufflers
dans l'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne
, volume 5. fol. 89.
•
Le 17 Mre. Jacques- Augufte de Thou , Abbé de
Samer au Bois , Ordre de St. Benoît Diocèſe & près
de Boulogne , depuis l'an 1661 , & de Souillac du
même Ordre , au Diocèse de Cahors depuis 1691 ,
mourut à Paris dans la 92 année de fon âge .
étant né à Paris le 4 Mars 1655 , & le dernier
de fa famille l'une des premiéres de la Robe
pour fon ancienneté , fon illuſtration & fes alliancés
; il étoit fils de Jacques-Augufte de Thou
Comte de Mellay le Vidame , Préfident aux Enquêtes
du Parlement de Paris , & Ambaffadeur
MAI 1746. 199
pour le Roi en Hollande , mort le 26 Septembre
1677 , & de D. Marie Picardet fa premiére femme
morte le 4 Fevrier 1664 , & petit fils de Jacques-
Augufte de Thou , Préfident du Parlement de
Paris,qui s'eft immortalifé par la belle & judicieuſe
Hiftoire de fon tems qu'il a compofée en Latin ,
& dont on a donné depuis quelques années une
traduction complette : voyez la Généalogie de
cette famille dans l'Hiftoire in falio du Parlement
de Paris par le Sr. Blanchard , & celle rapportée
dans le Dictionnaire de Morery , vol. 6 fol . 510 ,
en attendant celle qui fera employée beaucoup
plus exacte & plus fidelle dans l'hiftoire des Maî
tres des Requêtes qui nous eft promife.
Le a Mai D. Elifabeth- Eleonore de la Tour
d'Auvergne , Prieure de l'Abbaye de Notre- Dame
de Thorigny , mourut dans l'Abbaye de Mortaing
la Blanche au Diocèfe d'Avranches , dans la 79
année de fon âge ; elle étoit foeur de M, le Car
dinal d'Auvergne, & fille de Frederic-MauriceComte
de la Tour d'Auvergne , Lieutenant Général
des armées du Roi , Colonel Général de la Ca
valerie legere de France , Senéchal & Gouverheur
du Haut & Bas Limoufin , mort le 23 Novembre
1707 , & d'Henriette-Françoife de Hohen-
Zollern, Marquife de Bergopzoom fa premiére
femme , morte le 17 Octobre 1698 ; voyez pour
la Généalogie de cette grande Maiſon , l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne vol. 4 fol.
545.
Les Philippes René de l'Ile du Gaf , Chevavalier
Comte dudit lieu mourut à Paris dans la
63 année de fon âge ; il étoit frere ainé de feu
Mre.Benjamin de l'ifle du Gaft Evêque de Limoges
& Abbé Commandataire de l'Abbaye de St.
Martial de la même Ville , mort dans fon Dio-
Liiij
200 MERCURE DE FRANCE.
cèle le 15 Octobre 1739 , âgé de 50 ans , & de.
Charles de l'Ifle du Gaft , Docteur de la Maifon
& Societé de Sorbonne , Archidiacre & Chanoine .
de Chartres , aujourd'hui vivant.
La nuit du au 6 Louis de Bofchet Marquis
de Sourches du Bellay , dit le Comte de Monfo
reau , Lieutenant Général des armées du Roi ,
Confeiller d'Etat , Prevôt de l'Hôtelde Sa Majef
té & Grand Prevôt de France , mourut à Verſailles
dans la 80 année de fon âge , étant né le 26 Juillet
1666 ; il étoit Lieutenant Général de la promotion
du 19 Mars 1710 , & fit ferment le 25
Août 1714 entre les mains du Roi pour la char
ge de Prevôt de l'Hôtel du Roi & Grand Prevôt
de France , dont il avoit été pourvû fur la de- .
miffion de fon pere ; il avoit été marié le 15.
Fevrier 1706 avec D. Jeanne - Agnés - Therefe de
Pocholles du Hamel , morte le 28 Decembre 1723 ,
& il en laiffe M.Louis de Bofchet , Marquis de Sourches
, Comte de Montforeau , né le 5 Novembre.
1710 , pourvû fur la demiffion de fon pere de la
charge de Prévôt de l'Hôtel du Roi & Grand-
Prevôt de France le 13 Fevrier 1719 , Marêchal
de Camp de la promotion du 2. Mai 1744 ›
marié to , le 7 Fevrier 1730 avec Marie- Charlot .
te-Antonine de Gontaut Biron , fille de M. le
Marêchal Duc de Biron , morte le 6 Juillet 17 0
laiffant plufieurs enfans . 20. la nuit du 16 au
17 Août 1741 avec Marguerite Defmarets , de
Maillebois fille de M. le Maréchal de Maillebois .
Feu M. le Comte de Montforeau , avoit pour
freres Jean- Louis - François de Bofchet de Sourches
Evêque de Dol depuis le 12 Janvier 1715 ; Louis
François de BofchetComte de Sourches , Lieutenant
Gé éral des armées du Roi du 20 , Fevrier 1734 ,
& Louis Vincent de Bofchet Chevalier de Malte ,
MAI
201 1746.
dit le Chevalier de Montforeau , Meftre de Camp
du Régiment de Montforeau , Brigadier d'Infan
terie du 1 Février 1719 vivant en 1746 :
Il étoit fils de Louis- François de Bofchet , Marquis
de Sourches , Prevôt de l'Hôtel du Roi' &
Grand Prevôt de France fur la demiffion de fon
pere par lettres du 23 Août 1664 , Gouverneur
& Lieutenant Général pour le Roi des Provinces
du Mayne , Perche & Comté dé Laval , & Colonel
d'un Régiment d'Infanterie , mort le 4 Mars
1716 , & de D. Marie- Genevieve de Chambes
Comteffe de Montforeau , & petit fils de Jean
de Bofchet , Marquis de Sourches au Mayne dont il
obtint l'érection en Marquifat par les lettres du
mois de Decembre 1652 , Confeiller d'Etat &
Privé , Prevôt de l'Hôtel du Roi & Grand Prevôt
de France , pourvû par lettres du 17 Decembre
1643 , reçû Chevalier de l'Ordre du St. Efprit à
la promotion du 31 Decembre 1661 , mort le r
Fevrier 1677 & de D. Marie Nevelet , morte le
30 Decembre 1662 .
Le nom de Bofchet eft marqué entre les -Nobles
de la Province du Mayne , par fon ancienneté ,
par fes alliances & par fes fervices militaires , & fes
Armes font d'argent à deux faffes de fable , voyés
l'histoire des Grands Officiers de la Couronnevol.
9 fol. 197.
..i
Le 8 D. Marie- Louife Bigst , veuve depuis le
27 Novembre 1727 de Carloman- Philogene Bru
lart ,Comte deSillery, Colonel du régiment d'Infan
terie de M. le Prince de Conty , & fon premier
Ecuyer, & Gouverneur de la Ville d'Epernay , avec
lequel elle avoit été mariée au mois d'Août 1697 ,
mourut à Paris âgée de 84 ans , laiffant de fon
mariage entr'autres enfans Louis- Philogene Erulart
, Marquis de Puifieux & de Sillery , né le 12
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Mai 1701 , Marêchal des camps & armées du
Roi depuis le 20 Fevrier 1743 , & ci- devant
Ambaffadeur auprès du Roi des Deux Siciles .,
marié depuis le 19 Juillet 1722. avec Charlotte-
Felicité le Tellier , fille de Louis - Nicolas le
Tellier , Marquis de Souvré , Maître de la Garderobe
du Roi , Chevalier de fes Ordres & Lieutenant
Général de fa Majefté au Gouvernement
de Bearn & de Navarre , & de Catherine- Charlotte
de Pas Feuquieres Dame de Rebenac : voyez
la Généalogie de Brulart dans le premier vol.
de l'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronne
fol . 525.
Le 9 De . Adelaide-Jeanne-Françoiſe Bouterouë
Aab guy , femme depuis le 27 Avril 1733 de
Louis de Conflans , Marquis d Armentieres , Marêchal
des camps & armées du Roi , & ci-devant
premier Gentilhomme de la Chambre de feu M.
le Duc d'Orleans , Regent du Royaume , mourut
à Paris dans la 30 année de fon âge , étant née
le 6 Avril 1717 du mariage de Jean Bouterouë ,
Seigneur d'Aubigny , Confeiller du Roi en fes
Confeils , Grand Maître des Eaux & Forêts de
France au Département de Touraine , Anjou &
Mayne , Confeiller Secretaire du Roi , Maifon
Couronne de France & de ſes Finances , & auffi
Secretaire du Roi & de la Reine d'Espagne , &
de Marie-Françoife le Moyne de Renemoulin :
voyés la Généalogie de la Maiſon de Conflans
dans l'Hiftoire des Grands Officiers de la Couronvol.
6 fol. 1.6 & 142.
ne,
MAI 1.746. 203
ARRESTS NOTABLES.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 26
Janvier 1746 , portant reglement pour la fabrique
des chapeaux deftinés à l'ufage des Troupes.
ORDONNANCE du Roi du 28 Janvier
1746 concernant les Milices
Sa Majefté ayant reglé par fon ordonnance du
10 Avril 1745 , concernant la formation des régimens
des Grenadiers-royaux , que pour rendre les
compagnies defdits régimens toujours completes de
fujets quiy foient propres , il fera défigné dans chacune
des huit compagnies de Fufiliers des bataillons
de Milice , des Soldats pour remplacer les Grenadiers
quiviendront à manquer ; Et fa Majefté ayant
reconnu qu'il conviendroit mieux pour le bien de
fon fervice , que ces Soldats deflinés pour monter
aux Grenadiers , forment une compagnie dans
chaque bataillon , où ils feroient exercés enſemble
& difciplinés , Elle a ordonné & ordonne ,
Art.premier. Les cent douze bataillons de Milice
; y compris les trois de la ville de Paris . & les
neuf qui compofent les trois régimens de Milice de
Lorraine & de Bar , & q. i ont été mis par le ordonnances
des 30 Octobre & premier Novembre
derniers , fur le pied de fix cent cinquante hommes
chacun , formant neuf compagnies , dont une de
Grenadiers de cinquante hommes , & huit de Fufiliers
de foixante-quinze hommes , feront , à commencer
du premier Mars prochain portés à dix
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
compagnies , dont une de Grenadiers de cinquante
hommes , une autre de Grenadiers - Poftiches de
cinquante fix hommes , & huit de Fufiliers de foixante-
huit hommes chacune .
ORDONNANCE du Roi du 30 Janvier 1746
¿portant création d'un Corps de cinq cens hommes
de troupes légeres , fous le nom de Volontaires de
Gantés.
Il fera inceffamment tiré pour former les deux
compagnies d'infanterie dudit corps , cent cinquante
hommes des régimens d'infanterie qui compofent
l'armée d'Italie , à raifon de quatre hommes
par bataillon , & pareil nombre de cent cinquantehommes
des bataillons de Fufiliers de Montagne ,
pour former les deux compagnies de Fufiliers . &c .
ORDONNANCE du Roi du 30 Janvier
3746 , portant augmenta ion dans la compagnie
des Chaffeurs de Fifcher ..
Ladite compagnie fera augmentée de quarante
hommes à pied & foixante à cheval , pour compofer
ave . les foixante à pied & quarante à cheval,
qui éxiftent actuellement , deux troupes d'Infan
terie & de Cavalerie de cent hommes chacune .
ORDONNANCE du Roi concernant
les Régimens de Grenadiers - Royaux ; du 10
Mars 1746.
Claude Henri Feydeau de Marville , &c. Le
Roi ayant ordonné par fon ordonnance du 30
Octobre 1745 , qu'il feroit fait une augmentation
dans chaque bataillon de Milice ; & étant néceffaire
, en faifant cette augmentation pour les trois
bataillons de la ville de Faris , de faire complé.er
MAI 1746. 205
lefdits trois bataillons , nous fommes perfuadés
que les habitans qui doivent y contribuer , fe por
teront d'eux- mêmes à donner en cette occafion
de nouvelles preuves de leur zéle à Sa Majesté ,
fans qu'il foit befoin de faire tirer au fort , &
qu'il nous fuffit feulement de faire l'état de réparti
tion de ce que chaque Corps , Communauté , &
autres habitans auront à fournir . A CES CAUSES,
Vû les Ordres du Roi , à nous adreffés par M. le
Comte d'Argenfon Miniftre & Secrétaire d'Etat
de la guerre , le 3 Mars 1746 , & tout confideré :
Nous Commiffaire fufdit , en vertu du pouvoir
à nous donné par Sa Majefté , ordonnons.
Article I. Que par les Corps & Communautés
de marchands & artifans , privilégiés & non pri
vi égiés , officiers fur les ports , quais & halles ,
& autres habitans de cette ville & fauxbourgs
fujets à la Miice , dont l'état fera par nous ar
rêté en conféquence de notre préfent mandement ,
il fera fourni fix cent hommes de Milice , tant
pour comp éter les trois bataillons qui ont été levés
dans cette ville en vertu de l'ordonnance de Sa
Majesté du 10 Janvier 1743 , que pour l'augmenta
tion ordonnée par celle du 30 Octobre 1745 .
II. Seront lesdits corps & cominunautés , &
autres habitans , tenus de fournir dans le courant
du mois d'Avril prochain , les hommes pour lef
quels ils feront compris dans ledit état , de l'âge
de feize ans jufqu'à quarante , de la taille de cinq
pieds au moins , & de force fuffifante à porter les
armes.
III . Les hommes mariés , ni les garçons qui
auront quelqu'incommodité capable de les empêcher
de fervir , ne pourront être admis ; & s'il
s'en trouvoit dans l'un ou l'autre cas , ils feront
conftitués prifonniers , & ceux qui les auroient
fournis , obligés à les remplacer.
206 MERCURE DE FRANCE.
IV. Pourront lefdits corps , communautés &
autres habitans , nous préfenter, féparément leurs
Miliciens lorfqu'ils les aurontfaits , pour être fignalés
; après lequel fignalement lefdits Miliciens
ne pourront s'abfenter de cette ville & fauxbourgs ,
fans une permiffion expreffe de notre part , con
formément & fous les peines prefcrites par l'ordonnance
de Sa Majefté dudit jour 10 Janvier
1743 .
V. Dans le cas où lefdits corps , communautés
, & autres habitans , refuferoient de fournir
le nombre de Miliciens pour lequel ils feront
compris dans l'état de répartition par nous arrêté .
dans le tems ci -deffus préfcrit , ceux d'entr'eux
fujets à la Milice , leurs enfans , garçons , appren
tifs & domeftiques , feront tenus de tirer au fort
pardevant le Commiffaire au Châtelet qui fera
par nous commis à cet effet
VI. Séront tenus les Miliciens fignalés de fe
trouver dans le lieu d'affemblée aux jour &
heure qui leur feront par nous indiqués , à peine
d'être déclarés déferteurs.
VII. Ordonnons en autre qu'il fera fourni à
chaque Milicien de nouvelle levée , une vefte
& une culotte de drap blanc , doublées d'une
bonne ferge , une paire de fouliers , deux chemiſes,
un col noir , un chapeau bordé d'argent faux
un havrefac , une paire de guêtres & une paire
de jarrettiéres , aux frais & dépens defdits corps ,
communautés , & autres habitans compris dans
ledit état ; du prix de laquelle fourniture , enfemble
de l'ecu de gratification qui fera délivré
à chaque Milicien , il fera par nous fait un état
de répartition , pour en être le montant remis à
Celui qui en aura fait l'avance &c.
MAI
207
יז
1746
ORDONNANCE du Roi , du 20 concernant
les nouveaux Bataillons levés en exécution des
ordonnances du 25 Août 1745.
DECLARATION du Roř dur 9 Avril en faveur
des Corfes fidéles à la République de Genes
& contre ceux qui cherchent à fe fouftraire à fa
domination.
Toute l'Europe aura vû avec ſurpriſe les déclarations
que la Reine de Hongrie & le Roi de
Sardaigne ont fait publier , pour promettre leur
fecours aux peuples rebelles de l'Ile de Corfe,
Il est évident que ces deux Puiffances manquent
aux foix de la juftice , en fomentant la
rébellion de ces Infulaires contre leur légitime
Souverain , avec lequel elles ne font point en
guerre.
Les égards que la Reine de Hongrie doit à la
mémoire du feu Empereur fon pere , ajoûtent à
cette entreprife odieufe. par elle-même , un nouveau
degré d'irrégularité.
Le Roi & l'Empereur Charles VI s'étoient engagés
de concert à maintenir la République de
Genes dans la poffeffion du Royaume de Corfe ;
ce fut enfuite fous la médiation de ces deux Monarques
, que la tranquillité fut rétablie dans cette
Ifle : enfin leurs Majeftés accorderent en 1738 leur
garantie pour le maintien de Famniftie & des
réglemens qui furent alors ftatués par la République
en faveur des Corfes .
Cette confidération auroit dû fuffire pour prévenir
la rébellion , & non pour l'encourager , mais
les droits naturels de la raifon & de l'équité fe taifent
lorfqu'il s'agit de fatisfaire fon reffentiment
& fa vengeance.
Le Roi , bien éloigné de fe conduire par de
208 MERCUR DE FRANCE.
pareilles maximes , n'a jamais traité en ennemis .
déclarés les Puiffances qui ont fourni à la Reine
de Hongrie des fecours contre Sa Majefté , tandis
que les deux, Puiffances ennemies de Sa Majefté ,
exercent contre les Genois les vexations les plus
illégitimes , par la feule raifon qu'ils font Alliés
du Roi , & auxiliaires des Alliés de Sa Majefté.
Cette circonftance eft un motif qui doit d'au
tant plus engager le Roi à donner en cette occafion
aux Corfes fideles , de nouvelles affurances
de fa protection & de fes bontés , & à aider la
République pour faire rentrer dans le devoir ceux
qui , féduits ou excités par les Cours de Vienne
& de Turin , ont ofé ou oferont s'en écarter ,
& lefquels Sa Majesté regardera par cette raison ,
comme déchûs des graces & des priviléges dont
Elle a été garante.
C'eft dans cette vûë que le Roi déclare que
fon intention eft de maintenir par tous les moyens
convenables l'autorité légitime de la République
de Genes , & de contribuer le plus
promptement & le plus efficacement qu'il fera
poffible , à rétablir la tranquillité , l'ordre & la
fubordination dans l'île de Corſe . La fidélité de
Sa Majefté pour fes Alliés , fa modération &
fon defir conftant de pacifier l'Europe , au lieu
d'en multiplier les troubles , font les fondemens.
folides de la confiance que les Corfes dociles &
foûmis doivent mettre dans l'équiré & la droiture
de fes intentions , & fon Trône fera toûjours un
afyle affuré pour toutes les Puiffances qui lui feront
unies . & dont on attaquera les droits & les prérogatives
.
ARREST de la Cour du Parlement du 23
Août 1745 , portant réglement pour les ExecuMAI
1746. 209
toires pour frais des procès criminels auxquels il
y a des parties civiles qui fe trouvent infolvables .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 20
Novembre 1742 , concernant les Indemnités pour
Papier & Parchemin timbrés accordées aux Pro- .
cureurs généraux des Cours , & aux Procureurs du
Roi des Siéges qui n'avoient pas été employés dans
l'Arrêt du 7 Juin 1940.
•
ARREST du Confeil d'Etat du Roi & lettres
Patentes fur icelui , données à Verfailles le 11 Janvier
1746 , Regiftrées en la Cour des Aydes le 4.
May , portant que les Marchandiſes énoncées dans
le tarif annexé à l'arrêt du Confeil du 10 Juillet
1703 , feront toujours réputées du Levant lorfqu'elles
viendront de l'étranger, file contraire n'eft
juftifié par des certificats en bonne forme des Magiftrats
des lieux d'envoi & des Confuls de la nation >
Françoife s'il y en a d'établis , & payeront en conféquence
le droit de vingt pour cent : fans préju
dice des vérifications qui pourront être faites par le
fermier , en cas de foupçon qu'il auroit été abufé
defdits certificats .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 25
Janvier 1746 , qui , en rectifiant une erreur gliffée
dans celui du 15 Mai 1745 portant tarifdes droits
dûs fur les marchandifes de Verrerie d'Alface &
Franche Comté, ordonné que le poids de deux mille
cinq cent livres , auquel ont été évalués les caiffetins
de quatre pieds & demi de long fur trois
pieds de large & trois pieds deux pouces de haut ,
remplis de verres d'affortiment maffifs , demeurera
réduit à feize cent quatre vingt -dix- fept livrés . &
les droits perçus à raifon de cent cinquante deux
210 MERCURE DE FRANCE.
livres quatorze fols huit deniers par caiffetin , au
lieu de deux cent vingt-cinq livres trois fols huit
deniers , portés par ledit Arrêt du 15 Mai 1745 .
lequel fera au furplus exécuté .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du premier .
Février 1746 , qui fait défenſes de faire aucunes
offres , ni de payer aucunes finances aux parties '
cafuelles , pour y lever des offices créés avant 1713 .
JUGEMENT de M. de Marville Lieutenant
Général de Police , Commiffaire en cette partie ,
du 8 Février 1746 , qui condamné les nommés
Cheron freres , marchands forains de beftiaux , à
reftituer à M. Huel Fermier des marchés de Sceaux
& de Poiffy , le prix d'une vache morte par eux vendue
au fieur Cottard marchand Boucher , & à lui
rendu par ledit Huel , quoiqu' affignés en garantie
fept mois après le procès verbal de vifite & d'équarriffage
fait de ſadite Vache , & aux dépens .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 8 Fẻ-
vrier 1746 , qui ordonne l'exécution des deux Or
donnances du fieur Lieutenant général de Police
des 27 Novembre & 23 Décembre 1745 , qui ont
prononcé la confifcation de 29 Boeufs faiffs le 3
Novembre 1745 fur le fieur Hurard entrepreneur
de la boucherie de l'hôtel royal des Invalides
pour les avoir achetés hors du marché & aux environs
de Poiffy : Par lequel arrêt la confifcation
defdits vingt- neuf Boeufs , eft réduite à quatorzecent
cinquante livres , pour le tiers du prix de la
vente desdits Boeufs , fixée par l'Ordonnance du
27 Novembre 1745 ,& ledit fieur Hurard condamné
au coût dudit Arrêt , qui ordonne au furplus
L'exécution des arrêts du Confeil des 27 Décembre
MAI , 1746. 211
1707 , 29 Novembre 1710 , premier Décembre
1711 , 27 Septembre 1725 , & de l'Ordonnance
de police du 7 Mars 1731 , concernant le commerce
des beftiaux .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 8.
Février 1746 , qui déboute les habitans d'Aubervilliers
de leur demande en exemption des droits
rétablis fur les Bois à brûler , par Edit du mois de
Décembre 1143 , & les condamne au payement
defdits droits
ORDONNANCE de M. le Prevost des
Marchands , du 20 Février 1746 , qui ordonne
l'éxécution de la contrainte décernée par Jofeph .
Mellet le 31 Juillet 1744 : condamme Labdouche
de Beaune fils , Pénet & confors , chacun à
leur égard , à payer même par corps , les fommes
portées en ladite contrainte , pour les bois qu'ils
ont fait enlever du port de l'Ile-Louvier : Donne
défaut contre plufieurs Marchands de bois défaillans
, & les condamne au payement des fommes
pour lesquelles ils font compris dans lesdites contrainte
& commandement : Ordonne l'exécution
de l'édit du mois de Décembre 1743 , & autres
réglemens concernant la perception des droits
fur le bois ; en conféquence que tous les bois à
brûler deftinez pour la provifion de Paris , qui
feront enlevés des chantiers & ports cu ils auront
été emplacés , pour être tranfpor és à quelque
deftination que ce foit , feront fujets au payement
des droits : Fait défenſes auxdits Marchands de
bois neuf& flotté , & à toutes autres perfonnes
d'en enlever aucuns deſdits ports & chantiers fans
payer les droits.
TABL E.
PIECES
FUGITIVES en Vers- & en
Profe . Le Berger , le Cuifinier & la Brebis
Fable.
Suite des reflexions fur l'homme en général .
Le Je ne fçais quoi , Ode,
Mémoire fur Philippe le Berruier .
Lettre contre l'Amour.
Invective contre la Rime.
Page 3
6
13
16
24
28
Suite de l'Hiftoire Univerfelle de M. de Voltaire
.
L'Agonie.
Extrait d'une lettre de M. le Sage & c.
Vers à l'Evêque de Chartres par M. Roy . -
29
43
44
49
Lettre fur la nouvelle fontaine de la ruë de Grenelle.
A Madame L. M. D. L. R. U. F.
Epigramme fur un vieux Poëte.
Madrigal.
50
67
68
ibid .
69
Epître à M. l'Abbé H ***.
Extrait de lettre au fujet fle l'emploi des 20000
livres.
Le Rat & la Pie , Fable.
Le Thon & le Dauphin , Fable.
Maximes d'amour en acroftiche .
Reflexions fur les âges de l'homme .
72
78
80
8I
82
Vers fur l'amitié. 88
1
89
92
Epître à M. le Docteur B ***
Déclaration d'un amant à fa maîtreffe .
Difcours fur la véritable grandeur d'un Prince . 93
Extrait de lettre de M. d'Arget Secretaire du Roi
de Prufle au Baron de Sparre & c. 107
Vers latins & traduction au Maréchal de Saxe. 109
Nouvelles litteraires , des beaux Arts. Le Théatre
Anglois tome III. Extrait . 110
114
Efai fur les Monoyes , Extrait.
Bibliothéque de Cour , de Ville & de Campagne ,
Extrait. 116
Les campagnes du Roi en 1744 & 45 , Poëme . 119
Differtation fur l'incertitude des fignes de la
mort &c
Le petit Dictionnaire du tems , &c.
ibid.
ibid.
Differtations préliminaires pour fervir à l'Hiftoire
de Sais , Extrait.
Traité des Teftamens , Extrait .
120
125
Coûtumes de la Province du Comté Pairie de la
Marche.
Les Coûtumes de la Marche expliquées,
Celles du Haut & Bas Païs d'Auvergne ,
Conferences publiques & gratuites.
Leçons fur l'Hiftoire en général,
126
127
ibid.
128
ibid.
Parités reciproques de la livre numeraire &c. ibid.
Arrêt qui ordonne aux Soufcripteurs de retirer
des mains du Sr, Colombat la Grammaire &
le Dictionnaire Hébraïque & Chaldaique dans
le tems de deux années.
Estampes nouvelles .
131
132
134
Ode à M. Titon fur la mort de M de Largilliere ,
& Epigramme fur le même ſujet .
Mots des Enigmes & des Logogryphes du Mercure
d'Avril.
Enigme & Logogryphe,
135
136
Effence d'Ogni Fiori , Effence de Savon à la Bergamotte
, & Cuirs à repaffer les rafoirs . 138
Parodie des Menuets de la Comèdie Italienne. 139
Spectacles , changemens faits au premier Acte du
Temple de la Gloire .
Les amours des Dieux remis au Théatre.
142
144
Comédie Françoife. 145
Comédie Italienne .
146
Journal de la Cour , de Paris &c. 147
Benefices donnés, 153
Prifes de Vaiffeaux .
Mandement du Cardinal de Tencin.
Lettre de M. de Voltaire & c.
ibid.
159
163
Concerts de la Reine.
164
Opérations de l'armée du Roi. 165
Placet à Madame ,
174
Nouvelles Etrangeres
178
Mariages & Morts .
196
La Chanfon notée doit regarder la page
139
Le Livre intitulé Differtations Préliminaires pour
fervir à l'Eiftoire de Sais , fe vend chés Guillaume
Defprez , Imprimeur ordinaire du Roi , & chés
Guillaume Cavelier fils Libraire rue St. Jacques
à St. Profper & aux trois Vertus .
ERATA DE JANVIER.
On s'eft trompé lorfqu'à la P. 197 du Mercure
de Janvier , on a dit qu'il ne reftoit de mâle
de la Maiſon de Boulainvilliers , que Samuel Comte
de Boulainvilliers . L'aîné de cette maifon étoit
Louis de Boulainvilliers de Chepoix , Marquis de
Chepoix , Marquis de Boulainvilliers , Capitaine de
Vaiffeaux du Roi ; il commandoit le Bourbon ,
& perit avec ce Vaiffeau il y a quelques années
fur les côtes d'Efpagne en revenant de St. Domingue
; il a laiffé un fils Henri-Louis de Boulainvilliers
de Chepoix , Marquis de Boulainvilliers,
Enfeigne de Vaiffeau , & aujourd'hui chefdu nom ,
& Armes de la maifon de Boulainvilliers. Il y
a encore N. Chevalier de Boulainvilliers qui
d'une branche cadette .
E
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 29 ligne 22 Anglois , Saxons, lifés Anglois➡
Saxons.
Page 30 lig. 2 dépouiles , lifes , depouilles,
Page 33 lig. 20 feul gouvernoit , lifex fçût gou
verner.
Page 82 lig. 2. Calandrini , lifes Calandrin,
Page 89 lig . 6. amis , lifés ami.
އ
ЯТТУК ТЕ АТАТЕ
ཀུན་ མག
10
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JUIN. 1746.
PREMIER VOLUME.
LIGIT
UT
SPARGATS
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
rue S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quai de Conty
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC . XLVI.
Avec Approbation & Privilège du Roi,
AVIS,
'ADRESSE générale du Mercure eft
L'AM. DE CLEVES D'ARNICOURT
rue du Champ-Fleuri dans la Maiſon de M.
Lourdet Correcteur des Comptes au premier
étage fur le derriere entre un Perruquier & un
Serrurier à côté de l'Hôtel d'Enguien . Nous
prions très-inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir
le port , pour nous épargner le déplaifir
de les rebuter , & à eux celui de ne
voir paroître leurs ouvrages. pas
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , & plus promptement
, n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très-exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France rue du Champ- Fleuri , pour rendre
à M. de la Bruere,
PRIX XXX. SOLS,
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI.
PIECES FUGITIVES
en Vers en Profe.
201
SUITE de l'Histoire Univerfelle de M. de
Voltaire Hiftoriographe de France & l'un
des Quarante de l'Académie Françoise.
CHAPITRE XXVI.
De l'Espagne & des Mahometans de ce Royaume
jusqu'au commencement du XIIe. fiècle.
ESPAGNE étoit toujours partagée
entre les Mahometans &
les Chrétiens , mais les Chrétiens
n'en avoient pas la quatriéme par-
›
tie, & encore ce coin de terre étoit la contrée
A ij
4 MERCURE DE FRANCE,
la plus fterile . L'Afturie dont les Princes prenoient
le titre de Rois de Leon , une partie
de laVieille Caftille gouvernée par desComtes
, Barcelonne , & la moitié de la Catalogne
auffi fous un Comte , la Navarre qui
avoit un Roi , une partie de l'Arragon unie
quelque tems à la Navarre , voilà ce qui
compofoit les Etats Chrétiens . Les Arabes
poffedoient le Portugal , la Murcie , l'Andaloufie
, Valence , Grenade , Tortoze , &
s'étendoient au milieu des terres par-de-là
les montagnes de la Caftille , & de Saragoffe,
Le féjour des Rois Mahometans étoit à Cordoue
, ils y avoient bâti çette grande Mofquée
, dont la voute étoit foutenue de trois
cent foixante cinq colonnes de marbre precieux
, & qui porte encore parmi les Chrétiens
le nom de la Mefquita ; Moſquée ,
quoiqu'elle foit devenue Cathédrale.
Les Arts yfleuriffoient ; les plaifirs recherchés,
la magnificence , la galanterie regnoient
à la Cour des Rois ; les Tournois , les combats
à la barriere font peut-être de l'inven
tion de ces Arabes. Ils avoient des fpectacles
, des théâtres qui tout groffiers qu'ils
étoient , montroient du moins que les autres
peuples étoient alors moins polis que ces
Mahometans. Cordoue étoit apres Conftantinople
le feul païs de l'Occident où la
Géometrie , l'Aftronomie , la Chymie , lą
JUIN 1746.
Medecine fuffent cultivées . Sanche le Gros
Roi de Leon fut obligé de s'aller mettre
à Cordoue entre les mains d'un fameux Medecin
Arabe , qui invité par ce Roi , voulut
que le Roi vint à lui,
Cordoue eft un païs de délices arrofé par
le Guadalquivir , où des forêts de citroniers,
d'orangers , de grenadiers parfument l'air
& où tout invite à la moleffe. Le luxe & le
plaifir corrompirent enfin les Rois Mufulmans.
Leur domination fut au dixiéme fiécle
, comme celle de prefque tous les Princes
Chrétiens , partagée en petits états. Tolede
, Murcie , Valence , Hueſca même
eurent leurs Rois ; c'étoit le tems d'accabler
cette Province divifée , mais les Chrétiens
d'Eſpagne étoient plus divifés encore ;
ils fe faifoient une guerre continuelle , fe
réuniffoient pour fe trahir , & s'allioient fouvent
avec les Mufulmans. Alphonfe V.
Roi de Léon donna mème l'année mille
fa foeur Théreſe en mariage au Sultan Abdalla
Roi de Tolede.
Les jaloufies produifent plus de crimes
entre les petits Princes qu'entre les grands
Souverains. La guerre feule peut décider du
fort des vaſtes Etats , mais les ſurpriſes , les
perfidies , les affalfinats , les empoiſonnements
font plus communs entre des rivaux ·
voiſins qui ayant beaucoup d'ambition , &
A iij
MERCURE DE FRANCE.
peu de reffources , mettent en oeuvre tout
ce qui peut fuppléer à la force ; c'eſt ainfi
qu'un Sancho Garcias Comte deCaftille empoifonna
fa mere à la fin du dixiéme fiécle
, & que fon fils Don-Garcie fut poignardé
par trois Seigneurs du pays dans le tems
qu'il alloit fe marier. Enfin en 1035 Ferdinand
fils de Sanche Roi de Navarre &
d'Arragon réunit fous fa puiffance la vieille
Caftille , dont fa famille avoit hérité par
le meurtre de ce Don-Garcie , & le Royaume
de Leon dont il depouilla fon beaufrere
qu'il tua dans une bataille .
Alors la Caſtille devint un Royaume
& Léon enfut une Province . Ce Ferdinand
non content d'avoir ôté la Couronne de
Léon & la vie à fon beau-frere , enleva auf
la Navarre à fon propre frere qu'il fit afſaffiner
dans une bataille qu'il lui livra . C'eſt
ce Ferdinand à qui les Efpagnols ont prodigué
le nom de grand , aparemment pour
deshonorer ce titre ,
Son pere Don Sancho furnommé auffi le
grand pour avoir fuccedé aux Comtes de
Caftille , & pour avoir marié un de fes fils
à la Princeffe des Afturies s'étoit fait
proclamer
Empereur , & Don Ferdinand youlut
auffi prendre ce titre . Il eft fûr qu'il n'y a
ni ne peut avoir de titre affecté aux Souverains
que ceux qu'ils veulent prendre &
JUIN 1946.
que l'ufage leur donne , mais le nom d'Em
pereur fignifioit par tout l'héritier des Cé
fars , & le maître de l'Empire Romain , ou
du moins celui qui prétendoit l'être ; il n'y
a pas d'apparence que cette appellation put
être le titre diftin&tif d'un Prince mal affer
mi qui gouvernoit la quatrième partie de
l'Eſpagne.
L'Empereur Henri III. ( & non
Henri II. comme le diſent tant d'Auteurs
) mortifia la fierté Eſpagnole , en demandant
à Ferdinand l'hommage de fes petits
Etats comme d'un fief de l'Empire , il eft
difficile de dire quelle étoit la plus mauvaiſe
prétention ou celle de l'Empereur Allemand
, ou celle de l'Efpagnol ; ces idées vaines
n'eurent aucun effet , l'Etat de Ferdinand
refta un petit Royaume libre.
C'eft fous le regne de ce Ferdinand que
vivoit Rodrigue furnommé le Cid , qui en
effet époufa depuis Chimene , dont il avoit
tué le pere ; tous ceux qui ne connoiffent
cette hiftoire que par la tragédie fi celebre
dans le fiéale paffé , croyent que le Roi Ferdinand
poffedoit l'Andaloufie. Il eſt pourtant
très-faux qu'aucune place de l'Andaloufie
appartint à ce Prince. :
Les fameux exploits du Cid furent da
bord d'aider Don Sanche fils aîné de Ferdinand
à dépouiller fes freres & fes foeurs de
A iiij
ME CURER DE FRANCE,
l'héritage que leur avoit laiffé leur pere ,
mais Don Sanche ayant été affaffiné dans
une de fes expéditions injuftes , fes frères rentrerent
dans leurs Etats,&l'Eſpagne Chrétienne
fut encore partagée comme auparavant.
Ce fut alors qu'il y eut près de vingt Rois
en Efpagne , foit Chrétiens , foit Mufulmans,
& outre ces vingt Rois , un nombre confi
derable de Seigneurs indépendants qui venoient
à cheval armés de toutes pieces , &
fuivis de quelques écuyers , offrir leurs fervices
aux Princes & aux Princeffes qui étoient
en guerre,
Cette coutûme déja repandue en Europe
ne fut nulle part plus accreditée qu'en Eſpagne.
Les Princes à qui ces Chevaliers s'enga
geoient leur ceignoient le baudrier , & leur
faifoient préfent d'une épée dont ils leur
donnoient un coup leger fur l'épaule. Les
Chevaliers Chrétiens ajouterent en Eſpagne
d'autres cérémonies à l'accolade ; ils faifoient
la veille des armes devant un autel de la
Vierge . Les Mufulmans fe contentoient de
faire ceindre un cimeterre ; ce fut là l'origine
des Chevaliers errants & de tant de combats
particuliers. Le plus celebre fut celui
qui fe fit après la mort duRoi Sanche affaffiné,
comme j'ai dit en 1073 en affiégeant fa Soeur
Auraca dans la Ville de Zamore . Trois Chevaliers
foutinrent l'innocence de l'Infante
JUIN 1746.
contre Don Diegue de Lare qui l'accufoit.
Ils combattirent l'un après l'autre en champ
clos en préſence des Juges nommés de part
& d'autre. Don-Diegue renverfa & tua deux
des Chevaliers de l'Infante , & le cheval du
troifiéme ayant les rênes coupées , & emportant
fon maître hors des barrieres , lc
combat fut jugé indecis.
Parmi tant de Chevaliers le Cid fut celui
qui fe diftingua le plus contre les Mufulmans .
Plufieurs Chevaliers fe rangerent fous fa
banniere,& tous enſemble avec leurs écuyers
& leurs gendarmes compofoient une armée
couverte de fer , montée fur les plus beaux
Chevaux du païs . Le Cid vainquit plus d'un
petit Roi Maure ; & s'étant enfuite fortifié
dans la Ville d'Alcafar , il s'y forma une Souveraineté
.
Enfin il perfuada à fon maître Alphonfe
VI. Roi de la vieille Caftile , d'affiéger la
Ville de Tolede , & lui offrit tous fes Chevaliers
pour cette entrepriſe. Le bruit de ce
fiége , & la réputation du Cid apellerent de
la France & de l'Italie beaucoup de Chevaliers
& de Princes qui ne cherchoient qu'à
fe fignaler ; ce fut une efpece de Croifade.
Raymond Comte de Touloufe, & deux Princes
du fang de France de la branche de
Bourgogne vinrent à ce fiége. Tout ce qu'on
appelloit la fleur de la Chevalerie s'y trou
A V
to MERCURE DE FRANCE.
va pour combattre fous l'étendard du Cid.
Le Roi Mahometan nommé Hiaga étoit fils
d'un des plus génereux Princes dont l'Hiftoire
ait confervé le nom. Almamon fon pere
avoit donné dans Tolede un azile à ce même
Roi Alphonfe VI. que fon frere Sanche
perfécutoit alors. Ils avoient vécu long - tems
enfemble dans une amitié peu commune ,
& Almamon loin de le retenir quand après
la mort de Sanche il devint Roi & par conféquent
à craindre , lui avoit fait part de fes
tréfors . On dit même qu'ils s'étoient féparés ,
en pleurant. Plus d'un Chevalier Mahométans
fortit des murs pour reprocher au Roi
fon ingratitude & il y eut plus d'un combat
fingulier fous les murs de Tolede.
Le fiége dura une année , enfin Tolede
capitula , mais à condition que l'on traiteroit
les Mufulmans comme ils en avoient ufé
avec les Chrétiens ; qu'on leur laifferoit leur
Religion & leurs Loix , promeffe qu'on ne
tint que dans les premiers tems. Toute la
Caftille neuve fe rendit enfuite au Cid qui
en prit poffeffion au nom d'Alphonſe , &
Madrid , petite place qui devoit un jour être
Ja Capitale de l'Efpagne, fut pour la premiere
fois au pouvoir des Chrétiens .
Plufieurs familles vinrent de France s'établir
dans Tolede ; on leur donna des priviléges
qu'on appelle même encore en Eſpagne
du nom de franchiſes.
•
JUIN 1746. IK
Le Roi Alphonfe VI .. fit auffitôt une
affemblée d'Evêques , laquelle fans le concours
du peuple , autre fois ufité, élut pour
Evêque de Tolede un Prêtre nommé Bernard
, à qui le Pape Gregoire VII. conféra
la Primatie d'Espagne à la priere du Roi ; les
fauffes Décrétales faifoient croire qu'autrefois
l'Eglife de Tolede avoit eu cette Primatie ,
mais elle en jouit alors pour la premiere fois.
Cet Archevêché ne vaut pas moins aujourd'huy
de cent mille piftoles de rente . La
conquête fut prefque toute pour l'Eglife ,
mais le premier foin du Primat fut de violer
les conditions que le Roi avoit jurées aux
Maures. La grandeMoſquée devoit reſter aux
Mahometans ; l'Archevêque pendant l'abſence
du Roi en fit une Eglife , & excita contre
lui une fédition. Alphonfe revint à Tolede
, irrité contre l'indifcrétion du Prélat ,
il alloit même le punir , & il fallut que les
Mahométans à qui le Roi eut la fageſſe de
rendre la Moſquée , demandaffent la grace
de l'Archevêque,
Alphonfe augmenta encore par un mariage
les Etats qu'il gagnoit par l'épée du Cid ;
foit politique , foit gout , il épouſa Zaïde
fille de Benabat , nouveau Roi Maure d'An
daloufie , & reçut en dot plufieurs Villes .
On lui reproche d'avoir conjointement avec
fon beau pere appellé en Espagne d'autres
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Mahométans d'Afrique . Il eft difficile de
croire qu'il ait fait une fi étrange faute , mais
les Rois fe conduifent quelque fois contre la
vraisemblance; quoiqu'il en foit,une armée de
Maures vint fondre d'Afrique en Eſpagne ,
& augmenter la confufion où tout étoit
alors.
Le Miramolin qui regnoit à Maroc envoya
fon Général Abnaxa au fecours du Roi
d'Andaloufie ; ce Général trahit non feulement
ce Roi même à qui il étoit envoyé
mais encore le Miramolin au nom duquel it
venoir. Enfin le Miramolin irrité vint luimême
combattre fon Général perfide qui faifoit
la guerre aux autres Mahométans, tandis
que les Chrétiens étoient auffi divifés
entre eux.
L'Eſpagne étoit déchirée par tant de Nations
Mahométanes & Chrétiennes , lorfque
le Cid Don Rodrigue à la tête de fa Chevalerie
fubjugua le Royaume de Valence , qu'il
y avoit en Eſpagne peu de Rois plus puiffants
que lui , mais il n'en prit pas le nom ,
cependant il gouverna Valence avec l'autorité
d'un Souverain , recevant des Ambaffadeurs,
& refpecté de toutes les nations. Après
fa mort arrivée vers l'an 1096 , les Rois de
Caftille & d'Arragon continuerent toujours
leurs guerres contre les Maures. L'Eſpagne
ne fut jamais plus fanglante & plus defolée
JUIN 1746. 14
triffe effet de la confpiration de l'Archevêque
Opas & du Comte Julien , qui faifoit au
bout de quatre cent ans , & fit encore longtems
après les malheurs de l'Efpagne .
La fuite dans un autre Mercure.
EPITRE fur deux Rimes contre la Poësie.
Vous voulez des Vers cher Valere ,
Et j'en fais mon amuſement ;
Ainfi fans tarder un moment
Je vais tâcher de vous complaire,
Mais on dit fans déguiſement
Que les Vers font une chimére
Dont l'état fe paffe aifément ,
Et que l'oifiveté fait faire.
Voilà quel eft le fentiment
Et des fages & du vulgaire.
Pourquoi chercher tant de myffére ,
Et parler je ne fçais comment ?
La Rime eft-elle néceffaire ?
Ne peut-on écrire autrement ?
Le vrai ne sçauroit- il nous plaire
S'il n'a pour affaiſonnement
Une cadence finguliére ?
14 MERCURE DE FRANCE.
Quelle erreur , quel avenglement
De captiver l'entendement
Sous une régle fi févere !
Sans befoin , fans difcernement
Ce qui n'eft qu'un délaffement
9
On en fait une étude amére :
Je le confeffe ingénûment ,
La meſure me défefpére ,
Et la Rime fait mon tourment ;
La verve eft un emportement
Au goût, à la raiſon contraire.
Pour vouloir être véhément
On tombe dans l'égarement ,
Et l'on femble entrer en colére ;
Déformais j'en fais le ferment ,
Je ne prendrai pour truchement
Qu'une Profe coulante & claire ,
Qui s'exprime tout uniment ;
Je l'ai juré , je fuis fincére ,
Priéres ni commandement ,
Rien d'un fi fage engagement ,
Non , rien ne fçauroit me diftraire :
Plus d'espoir d'accommodement ,
Sans balancer mon oeil préfere
Un grand Fleuve dont rien n'altére
Le majestueux mouvement
Au cours d'une étroite riviere ,
Don le fougueux débordement
JUIN 1746. 19.
Ne refpecte aucune barriere .
On penfe , on écrit baſſement ,
Et l'on veut d'un vol téméraire
S'élever jufqu'au Firmament.
Pour compofer utilement
Ilfaut fuivre fon caractére.
Laiffons le fublime Voltaire
Marcher fans affoupiffement
Sous les pas du divin Homére ;
Pour nous , à parler franchement ,
Le plus court feroit de nous taire ;
Les Vers ne peuvent fatisfaire
Un lecteur plein de jugement ,
Qui veut qu'un écrivain l'éclaire :
Lorfqu'on choifit cette carriere
L'on n'inftruit que biên rarement ,
Et l'on répand peu de lumiere .
D'un tableau , d'un événement
L'on trace une image groffiére
Sans en montrer l'enchainement.
Vous vouliez la figure entiere
"Et l'on vous en donne un fragment,
Que Tircis auprès de Glycére
Soupire un air fur la fougére
Qu'Amour a dicté tendrement
Pour fléchir l'aimable bergére,
Cela n'a rien que de charmant :
D'un jeune , d'un fidéle amant
MERCURE DE FRANCE
C'est là le langage ordinaire :
La critique la plus auftére
Y donne fon confentement
Elle fourit de l'agrément
D'une peinture fi légere.
Mais quel eft notre étonnement
Quand on implore follement
Des neuf Muſes le miniftere ,
Pourfredonner un compliment !
Quelle fangue , quelle maniére !
Un récit , un raiſonnement
Ont-ils befoin de l'ornement
Dont le blond Phébus eft le
pere !
Pour écrire plus noblement
Faudroit - il rimer Defpautére ,
Et cadencer un Argument
La Rime eft un foible inftrument
Avec lequel l'efprit oper e ,
Mais plus ou moins heureuſement.
Pafcal , Boffuet , la Bruiere
S'en font paffés facilement.
L'étude à l'homme eft falutaire ,
Mais occupons-nous dignement ;
La Mufe n'eft qu'une étrangère
Qu'il faut voir fans attachement ,
Et dont le charme eft arbitraire;
N'en attendons pour tout falaire
Qu'un frivole applaudiffement ,
JUIN 1746 . 17
Et n'en foyons point tributaire.
L'Ame fe plaît à la lumiére ;
Elle eft comme fon aliment ;
Mais elle a de l'éloignement
Pour une beauté paffagére
Dont le fard fait l'ajustement
Des mots le vain arrangement.
Un éclat , faute imaginaire
Qui féduit par enchantement ,
Pourroit -il fournir la matiére
D'un folide contentement ?
A Geneve, J. B. Tollot.
LETTRE du Pere Dom Antoine Gaetan
de Souza Académicien , à M. D. de
l'Académie Royale Portugaife.
Les preuves que j'ai de votre grande
M.bonté pour moi me font prendre la
liberté de vous communiquer quelques obfervations
que j'ai été obligé de faire fur les
Mémoires de Trevoux de l'année 1743 , relatives
à mon Hiftoire Génealogique de la
Maiſon Royale de Portugal , fouhaitant que
par vos mains elles parviennent à celles de
leurs illuftres Auteurs à qui je les adreffe
moi-même pour qu'ils en foient les Juges ,
18 MERCURE DE FRANCE.
car quoique ces fçavans PP. parlent de mon
ouvrage en des termes honorables que je ne
méritois pas , & dont je fuis redevable à leur
grande politeffe , ils m'attribuent néanmoins
bien des fautes qui ne s'y trouvent
pas & dont je ferois bien aiſe de détromper
le public : il n'eft pas de mon honneur de
fouffrir qu'on me croye l'Auteur des fautes
que je n'ai pas commiſes , & on ne doit pas
trouver étrange que j'en faffe remarquer la
méprife;que ces PP. en décident eux mêmes
en conféquence de mes obfervations que je
foumets entiérement à leur critique, perfuadé
qu'ils font trop équitables & trop honnêtes
pour ne pas connoître ma juftice , & me faire
fatisfaction des injuftes reproches qu'ils me
font.
98
Dans leur Extrait du Mois d'Avril p. 594 .
ees fçavans PP. fe font mépris fur le nom de
la fille ainée d'Alfonfe -Henriques : Marie
la premiére , difent - ils , époufa Ferdinand
" II , Roi de Leon . Cette Princeffe s'appelloit
Urraque , & non Marie , comme il
eft dit dans mon Hiftoire. Ils fe font également
trompés à la p. 605 prenant Eléonore
de Caftro , fi fameufe comme ils le difent
dans l'Hiftoire des Favorites, pour Eléonore
Nuñes de Gufman de l'illuftre famille de ce
nom .
Ils me reprochent p . 606 de ne m'être pas
Etendu avant fur la poftérité d'Eléonore de
JUIN 1746. 19
Portugal , foeur de Marie Reine d'Arragon :
comment le pouvois - je faire fi elle ne laifla
point de poftérité ? Qu'ils voyent pour cela
le chap. 5. T. I. pag. 363 .
29
ระ
Ils paffent au chap. 6, & parlant du mariage
du Roi D. Pedre avec Iñès de Caftro
ils difent pag. 606 : » On fçait que ce Prin-
» ce après la mort d'lñès déclara qu'elle
»avoit été fa femme , & fit couronner fon
» cadavre. Notre Auteur fe déclare pour la
réalité de ce mariage , & en conféquence
regarde comme légitimes tous les enfans
30 qui en font fortis » ( * ) S'ils euffent fait réfléxion
fur ce que j'ai écrit , ils auroient vû
fur quoi je me fuis fondé pour me déclarer
pour la réalité de ce mariage , & regarder
par conféquent comme legitimes les enfans
qui en font fortis : la réalité de ce mariage
fe trouve établie inconteftablement dans un
inftrument que j'ai tiré de la Tour des Archives
Royales de Lisbonne , où il fe conferve
, & que j'ai imprimé au premier tom.
des preuves p. 275 avec la Bulle de difpenfe
de Jean XXII . de la parenté d'Inès avec
Don Pédre. Cet inftrument a été cité à l'endroit
ci- deſſus mentionné de mon Hiftoire ,
où je rapporte auffi pag. 371 un article.
du Teftament dudit Roi D. Pedre , où it
(*, Tom. 1. chap. 6. p. 367. cum . feq.
20 MERCURE DE FRANCE.
traite d'Infants tous les fils de ce mariage, att
quel ces PP. auroient bien pû faire quelque
attention , comme auffi à ce que j'y dis pag.
372 de la Reine Beatrix mere dudit Roi ,
qui donne à fes petits- fils le traitement d'Infants
, & les égale aux autres petits fils dans
fes legs , comme on le peut voir dans ſon
teftament que j'ai imprimé : au premier tom .
des Preuves pag. 228 & pag. 279 fe trouve
celui de Don. Pedre
Or iln'y a point d'opinion qui puiffe l'emporter
fur la foi inconteftable des piéces originales
, ni d'Auteur qui mérite d'être crû
contre elles , la foi & le refpect qui leur eft
dû étant une matiére qu'on ne fçauroit difputer,
puifque ces piéces fervent de fondement
pour détruire les erreurs de l'Hiftoire.
( 1 ) Dans celle que vous avez imprimée vous
produifez une table de la famille Royale de
Portugal, où vous traitez de bâtards les fils de
ce mariage ; vous leur niez injuſtement le
traitement d'Infants , trompés par ce qu'en
ont écrit les Freres Ste Marthe ; & le P. Anfelme,
devant plutôt fuivre des Auteurs Fran
çois , Maugin Abregé de l'Hiftoire de Portugal
, ( 2 ) Neuville Hiftoire Générale de
Portugal , (3 ) La Clede tom . 1. pag. 286. &
( 1) T. 3 P.535.
(2 Impreff.de : 699 . p. 118.
(3) Vol. 1. p. 215. 219 &c.
JUIN 1746.
feq.Des Espagnols le P.Jean de Mariana dans
fon Hiftoire générale d'Efpagne ( 1 ) Zurite
Annal . d'Aragon ; (2 ) Etienne deGaribay liv,
34. ch. 33. p. 830 , le fçavant Don Louis
de Salazar de Caftro en plufieurs de fes ou
vrages , dans fon Hiftoire de la Maifon de
Sylve liv. 2 chap. 12. p 103 , dans celle de
Lara liv.17 . p. 228. &c, Jean de Ferreras (3 )
le celebre Jacques Guillaume Imhoff Stemma
Regium Lufitanicum. ( 4) Et je ne vous
en produits point de Portugais , parce qu'encore
que les mentionnés & beaucoup d'au
tres fuffent uniformément d'une opinion contraire
, la mienne les détruiroit fondée fur
des piéces dont l'autorité & la foi doivent
incontestablement prévaloir fur la même
antiquité,
Dans la fuite du même Extrait p . 607 , ils
difent ,, Iñez de Caftro à laquelle il s'atta
cha , & qui eft devenue célébre par fon
» fort tragique , étoit une fimple Demoiselle,
» dont notre Auteur marque la double
généalogie dans le plus grand détail . »
Je ne puis comprendre où ces fçavans ont
trouvé que cette Princeffe étoit d'une naif-
30
30
(1 ) Liv. 8 chap . 9. p . 112 .
(2. Liv. 9 chap. 67 p. 346. impreffion de 1610,
(3 ) Tome 8. p . 104. & 187 .
(4) Tab. I. XI, & XII,
22 MERCURE DE FRANCE.
#
fance fi obfcure , qu'elle ne méritât d'autre
terme que celui d'une fimple Demoiſelle
Quoique la Famille de Caftro ne fût pas
Souveraine , D. Iñez ne meritoit pas l'indécente
expreffion de fimple Demoifelle ;
fa haute naiffance dans l'illuftre Maifon de
Caftro la mettant au rang des Dames de la
premiere qualité. Tous fçavent & même
les moins inftruits dans l'hiftoire d'Eſpagne
qu'Inès étoit foeur de pere & mere d'Alvaro
Pirés de Caftro Comte d'Arrayolos, Premier
Condeftable de Portugal , Seigneur du
Cadaval & un des principaux Seigneurs de
fon tems , qui laiffa en mourant une illuftre
poftérité en Portugal , & de pere feulement
de Jeanne de Caftro femme de Pierre I. Roi
de Caftille & de Don Ferdinand de Caf
tro Comte de Caftro Xeris & Traftamara ,
Seigneur de Sarria & Lemos , Souche d'une
des plus illuftres Familles de Caſtille. Je ne
prétends pas vous perfuader que le Throne
étoit dû à la haute naiffance de ces deux
Princeffes , mais feulement qu'elle ne les rendoit
pas indignes de cette fortune . On trouve
dans l'Hiftoire des exemples de bien
des Princelles couronnées en Europe qui
n'étoient pas d'une famille auffi illuftre que
celle de Caftro , cela ne peut être ignoré
des fçavans , comme auffi que la Famille
de Caftro eft une des plus anciennes
des plus illuftres & des plus puiffantes de
JUIN 1746.
23'
Efpagne ; qu'elle s'eſt toujours fignalée dans
la paix & dans la guerro par fes alliances ,
& qu'elle tire fon origine de la Maiſon Royale
; c'eft ce dont perfonne n'a jamais douté ,
& l'on peut voir fur cela Louis de Salazar
& Caftro, en fon livre des gloires de la Maifon
de Farneze. Ainfi il eft étonnant que les
PP. de Trevoux ayent ufé d'un pareil terme
, & dans le tems qu'ils avouoient que j'avois
marqué dans le plus grand détail la double
généalogie de cette Princeffe,quiétoit auffi
du côté de fa mere d'une grande condition,
פ כ
Ils ajoutent à ce même fujet p . 608. II
lui donne néanmoins le titre d'Infante ap-
» paremment parce qu'elle fut déclarée Rei-
» ne après la mort , mais nous ne voyons
» pas pourquoi il f'appelle niéce de D. Pedre
fon époux. Quant au titre d'Infante que
je lui ai donné , je ne l'ai point fait par caprice
, mais pour remplir le devoir d'Hiſtorien
, qui eft de rapporter avec fidélité les
faits. Elle n'auroit jamais eu dans l'Hiſtoire
que le titre d'Infante fi ſon époux ne l'eût
fait couronner Reine après la mort , mais
cette qualité ne m'autorifoit point du tout
à l'appeller Infante , fi en effet elle ne l'eût
été , parce qu'on peut bien être Reine fans
cependant avoir été Infante , ce caractere
n'étant propre en Portugal , Caftille , &
Arragon , que des enfans legitimes des Rois
(1) P. 72. & $ 74:
24 MERCURE DE FRANCE.
& de leurs femmes , s'ils font mariés. Je l'appelle
donc Infante , parce qu'étant marice
avec Don Pedre , celui- ci dont elle participoit
la grandeur , n'étoit encore qu'infant
quand elle mourut . Aufli ne la traite-t'il que
d'Infante dans fon teftament , comme je l'ai
fait voir à l'article ( 1 ) que j'en ai tranfcrit, que
ces PP. auroient pu voir , ainfi que la remarque
que je fais au même endroit au fujet
de ce titre d'Infante que le Roi donne à
fon épouſe.
Et quant à celui de Niece , ils me le reprochent
, parce qu'ils n'ont pas fait d'attention
fur ce que j'ai écrit , & ne fe font pas
donné la peine de voir l'arbre généalogique
de la Reine Beatrix mere de Don Pedre , &
celle d'Iñez de Caſtro , où j'ai marqué leur
parenté. En effet j'y ai fait voir( 2 ) que Sanche
I V. Roi de Caftille eut deux filles , l'Infante
Beatrix Reine de Portugal , & D. Violante
Dame d'Uzero ; la premiere fut mere
du Roi D. Pedre , & la feconde le fut de
Pierre Fernandes de Caftro , furnommé de
la guerre , Seigneur de Lemos & Sarria ,
Rico-Hombre, & Grand maître de la Maiſon
du Roi Alfonfe XI. Ainfi ce feigneur étoit
coufin germain du Roi Don Pedre , & par
conféquent Iñés de Caftro fa fille en étoit
niéce dans le 2 & 3 degré de confanguinité
(1 ) T. 1. de l'Hiftoire page 371.
(2) T. 1. p. 316 & p . 381 .
JUIN 1746, 25
felon le droit canon ; auffi fallut- il les difpenfer
dans la parénté pour qu'ils púſſent
.fe marier.
Ils difent plus bas à la même p . 608 à
Poccafion de l'infortuné Don Ferdinand
d'Arragon , que le Roi fon pere le fit inhumainement
maffacrer au milieu d'un repas
, mais ils fe font trompés ; ce fut Don
Pedre le Ceremonieux fon frere qui le fit
mourir , ainfi que je l'ai écrit dans mon Hiftoire
, ( * ) ce qui fe
prouve auffi par les
Annales d'Arragon,
ג כ
"
Et continuant leur extrait ils difent pag.
603 au fujet du mariage de l'Infante Beatriz
avec Sanche Comte d'Albuquerque , les paroles
fuivantes. » Et à cette occafion le Pere
» Soufa fait voir par une fuite de Généalo- `
gie que prefque toutes les Maifons Sou-
» veraines de l'Europe , & quantité des plus
grandes Familles d'Espagne , de Portugal
& d'Italie defcendent d'Iñez de Caftro.
» Ceux qui font les plus verfés dans la fcien-
» ce généalogique n'en concluront point
« ce que l'Auteur a eu en vue par ces la-
» borieufes recherches.Les plus grands Rois
feroient fort étonnés de voir tous ceux
avec qui ils font unis par le fang, » Je ne
39
20
(* ) Liv, 1. p. 385,
1. vol. B
לכ
16 MERCURE DE FRANCE,
puis diffimuler la furpriſe que m'ont caufé ces
paroles, & je doute fort que ces grands Rois,
s'ils daignoient par hazard jetter les yeux .
fur mes écrits , en fuffent auffi étonnés, que
je le fuis de ce que ces P P. avancent ici ,
Salazar de Caftro fi verfé dans la ſcience
généalogique , qu'on peut avec raiſon l'en
appeller le Prince, & digne par fa vaſte érudition
dans l'Hiftoire de vivre dans la mémoire
de tous les fiécles , bien des années
avant moi avoit avancé la même chofe dans
fa fameufe hiftoire de la Maifon de Sylve.
( a ) Traitant de la pofterité de Thereſe
Nunes da Sylve , voici ce qu'il en dit . « Et
Ifabelle Ponce qui époufa Pierre - Fer-
>> nandés de Caftro , furnommé de la Guer-
» re, Rico-hombre , Seigneur de Lemos
& Sarria, Adelantado - Mayor de la Frontera
, & Grand Maître de la Maiſon du Roi
Alfonfe XI . dont elle eut deux fils , à fçavoir
le Comte Ferdinand de Caftro
» Grand-Maître de la Maiſon du Roi Don
Pedre , beau - frere de celui- ci , & fouche
70 de la Maiſon de Lemos en Caftille, & deş
25
→
39
"
و د
Comtes de Bafto en Portugal , de l'Amiral
de ce Royaume , & des Caftros de
Treize Tourteaux , & D. Jeanne de
(# ) Ljv, 2. Chap. XII. p. 102 , imp. en 1685.
JUIN 1746. 27
20
Caftro , qui époufa Don Pedre Roi de
,, Caftille furnommé le Cruel , & fut mere
33
20
20
de l'Infant Don Jean , tige de toute la
» Maiſon de Caftille des Seigneurs de Gor. »
Et fuivant cette pofterité dans fes diverfes
branches, il ajoute pag. 104 ce qui fuit . La
» troifiéme fille de Laurent Soares de Valladares,
& de Dona Sanche Nune de Chaffin
& par conféquent petite fille de Dona Therefe
Nunes de Sylve , fut nommée Dona
» Aldonce-Laurent de Valladares , de laquelle,
& de Pierre Fernandès de Caftro , furnommé
de la Guerre , Rico-hombre , Sei-
→ gneur de Lemos & Sarria , Grand- Maître
33
59
ל כ
de la Maifon du Roi Alfonfe XI. font nés
» Don Alvaro & Dona Iñéz de Caftro : Don
Alvaro fut Comte d'Arrayolos & Premier
Condeſtable de Portugal , dont la pofte-
,, rité s'étend en trois branches . La premiere
fubfifte dans la Maifon de Bragan-
» ce , la feconde dans celle des Comtes de
» Monſanto Marquis de Cafcaes , & la troifiéme
dans celle des Seigneurs de Boquilobo
, & Caftros de fix Tourteaux.
» Dona Iñèz fa fæeur époufa D. Pedre 1 .
Roi de Portugal fon oncle , & coufin
germain de fon pere ; elle en eut l'Infant
Don Jean Duc de . Valence , tige de la
Maiſon d'Eça en Portugal , & des Comtes
33
20
20
"3
"
Bij
8 MERCURE DE FRANCE.
4.
39
93
59
22
de Valence en Caftille ; l'Infant Don De,
niz qui prit le titre de Roi de Portugal,
& qui a fait la Maifon des Comtes d'Elvillars
Don Pardo , & l'Infante Beatriz qui
époufa en 1373 Sanche Comte d'Albuquerque
fils d'Alfonfe XI. Roi de Caftil-
» le, duquel elle eut Eleonore Urraque Reine
» de Caftille , femme de Ferdinand I. Roj
d'Arragon , furnommé l'Honnête , & l'Infant
d'Antequera qui a . pour defcendans
tous les Princes qu'il y a en Europe ; &
» par conféquent le fang de Sylve s'etend à
tous, Dona Thereſe Nunes de Sylve étant,
» comme nous l'avons marque , quatriémę
ayeule de la Reine Eleonor Urraque, & il
s fera bien difficile de fignaler en Portugal
&en Catlille aucun Seigneur d'ancienne
qualité qui ne defcende par quelque branche
de cette Dame. » Voici comment ceux
qui font verfés dans la Généalogie ne peuvent
s'empêcher de convenir de ce que j'écris
, & d'ajouter foi à la production des
lignes que je rapporte , qu'il n'eft pas bienfeant
à des fçavants . d'ignorer.
1
34
33
30
"
Auffi eft-ce avec le même Salazar de Caf
tro que je prétens autorifer ce que j'ai écrit
au chapitre 8 tom. I. pag. 387 de mon
Hiftoire , afin de fatisfaire à la critique des
RR. PP. de Trevcux. Ce grand homme que
JUIN 1746 . 29.
je me fuis propofé pour modéle dans mes
Ouvrages généalogiques , écrivit fon livre
des Gloires de la Maiſon Farnefe , après
qu'Ifabelle Farneſe eût monté au Throne
d'Eſpagne il le dédia à cette Princeſſe , &
quoiqu'il l'ait apparentée & le Roi fon époux
(& quantité d'autres Souverains qui font
compris dans fon livre ) avec plufieurs
grandes Familles , ainfi que je l'ai pratiqué
dans mon Hiftoire & le pratiquerai
dans la fuite , je ne fcache pas néanmoins
que ces grands Rois en témoignaffent
de l'étonnement. Ravis au contraire de l'ou
vrage & contens de l'Auteur ils ont bien
daigné lui en marquer leur fatisfaction &
l'estime qu'ils en faifoient , en l'honorant
d'une place au Confeil des Ordres , quoique
fans exemple dans les gens d'épée comme
fui.
Le P. Buffier me peut fervir auffi d'exemple.
Quoique fon ouvrage ne foit qu'un racourci
& une fimple introduction à l'Hif
toire des Maiſons Souveraines de l'Europe ,
il y dit ces paroles. (a) On peut obferver
ici » comment par cette alliance quelques
Seigneurs d'aujourd'hui ont l'honneur d'appartenir
à la Maiſon Royale , ce qu'on
33
"
(a ) Pag. 213 de l'impreſſion de 1717 ..
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
»
ל כ
ร
appercevra d'un coup d'oeil par cette dif
pofition de filiations. » Et dans la démonftration
qu'il fait il produit une branche de
la Maiſon Royale de France qu'il rapporte
au Duc de Villeroi & au Comte de Matignon,
déduite des Comtes de Saint Paul
& il en auroit pu produire plufieurs autres
par d'autres côtés ; mais il n'a pas cru offenfer
fon Roi d'honorer ainfi de fa parenté
fes fujets. L'Hiftoire univerſelle des Nations
fourmille d'exemples tendans à montrer que
les Grands Rois ne s'offenferent jamais de
s'allier avec les familles illuftres de leur fujets
, & il eſt conftant que plus ils les élevent
plus auffi reluit en eux l'éclat de la
Majefté .
quer
Je ne puis m'empêcher de faire remarici
la mauvaiſe foi des PP de Tre-
Youx au fujet du mariage d'Iñés de Caftro ;
après l'avoir rapporté comme certain , ils en
mettent en doute la réalité , & finalement
ils le defavouent. Voici ce qu'ils difent P.
609. Du refte le mariage de Beatriz avec
un fils naturel du Roi de Caſtille , nous
paroit un préjugé que Ferdinand qui fit
ce matiage ne la regardoit pas comme
légitime Ce préjugé ne fe trouve fondé ni
dans l'hiftoire ancienne ni moderne , ni aucuns
des Auteurs qui en ont parlé ne difent que
גכ 03
JUIN 1746 . 3 #
Ferdinand ne regardoit pas fa foeur comme
légitime . Dans le traité de paix que ce Prince
fit avec Henri, il fut ftipulé qu'Alfonſe Comte
de Gijon & Noronha (a) ( & non de Burgos
comme ces PP.le difent ) fils naturel d'Henri,
épouferoit Iſabelle fille naturelle de Ferdinand
, c'eſt ainfi que l'écrit Ferreras tom . S
p. 194 & que le rapporte la Chronique de
Don Ferdinand. (b) Cette matiére n'a befoin
d'autre preuve , que de celle qu'on tire
des Auteurs ci- deffus mentionnés auxquels
j'en aurois pû ajoûter d'autres , qui fous rapportent
le traitement d'Infants que Ferdinand
donnoit à fes freres , qu'il devoit don
ner pareillement à fa foeur , ce qui fe prouve
invinciblement par quelques piéces que
je produits , (c) où Don Pedre traite fes fils
d'Infants , & que Ferdinand confirma . Si le
préjugé des PP. n'eft qu'une inference de
voir que l'Infante épouloit un fils naturel ,
c'eft qu'ils n'ont pas fait attention à la figure
qu'il faifoit alors , & confideré qu'il
étoit frere de pere & mere d'Henri II. Roi
de Caftille qui faifoit ce mariage , & que le
fruit de cette union fut la Reine Eleonore
(a) P. 63.
(b, P. 177. V. impr
(c) T. XI. Chap. 1. P. 612.
·
Biiij
32 MERCURE DE FRANCE.
Urraque femme de Ferdinand I. Roi d'Ar
ragon , fils de Jean I. Roi de Caftille dont
elle hérita la Couronne comme Infante de
Caftille. Ils auroient pû auffi remarquer que
l'illegitimité feule de Don Sanche , qui ne
l'excluoit pas de la fucceffion au Trône
de Caftille au cas que fon frere n'eût point
d'enfans , n'étoit pas une raiſon affés forte
pour détourner Ferdinand de lui donner fa
foeur quoique légitime . Mais ce qui détruit
encore plus fortement le préjugé des PP.
c'eft ce qu'eux-mêmes difent de Beatriz Infante
de Portugal p . 6 : 3 » Beatriz Infante
$5
de Portugal née en 1372 étoit encore au
» berceau , lorfque fon mariage fut arrêté
avec Fadrique Duc de Benavente , fils naturèl
d'Henri II . Roi de Caftille ... Si Ferdinand
, de l'aveu des PP. conſent à arrêter
le mariage de fa fille légitime avec un fils
naturel , pourquoi ne confentiroit- il pas à
celui de la foeur quoique légitime avec un
autre fils naturel ? Peut- on conclure de - là
qu'il ne la regardoit pas comme légitime ?
Ce n'est donc pas par des préjugés & des
inferences qu'il faut combattre les points de
T'hiftoire ; pour la décifion des faits il faut
des preuves , fur tout pour contredire des
Auteurs illuftres qui les avancent.
Les PP. achevent l'extrait du I. vol. de
JUIN 1746 .
35
mon hiftoire au mois d'Avril ; ils continuent
au mois de Juin fuivant celui des vol. II .
Í I. & IV. & rapportent ce qu'ils y ont trouvé
de plus remarquable avec de folides reflexions
: ils pourfuivent l'extrait du 5 & 6
vol. au mois d'Octobre de la même année ,
& me font une févere critique p.2 5 54. Voici
leurs paroles. Mais nous ne voyons pas
» fur quoi fondé notre Auteur en parlant
» de ce retour de bonne fortune , & de la
» nouvelle qui en fut portée à la Ducheffe
» Douairiere de Bragance , donne à cette
» Princeffe le titre de Reine.Il'eft vrai qu'elle
étoit petite fille & foeur de Rois , mais la
• » coûtume n'étoit de donner la qualité de
» Reine qu'aux Infantes filles de Rois . »
ל כ
"
La mepriſe de ces PP. eft extraordinaire ,
d'autant que je me fuis expliqué en des termes
clairs & précis. Quand je parle de ce
retour de bonne fortune dans mon Hiſtoire
, je ne dis pas que la nouvelle en fut
portée à la Ducheffe Douairiere de Bragance
, cela eft inventé , je dis que Don
Emanuel , qui occupoit alors le Trône de
Portugal , réfolu de rappeller fes neveux
difgraciés les Ducs de Bragance , communiqua
cette nouvelle aux Rois Catholiques
* Tom. V. p. 470.
BY
24 MERCURE DE FRANCE.
לכ
»
גכ
39
( c'étoient Don Ferdinand & Dona Izabelle
qui de leur côré en firent part à la Reine
mare Dona Iſabelle , qui vivoir à Arevalo .
S'ils fe font imaginés que cette Reine étoit
mere des Ducs de Bragance , c'eſt qu'ils n'ont
pas reflechi fur ce que j'en dis à l'endroit
ci-deffus mentionné p . 471. Cette Reine
, qui avoit époufé Don Jean II . Roi de
Caftille , étoit petite-fille du Duc de Bragance
Don Alfonfe , & par confequent
» coufine germaine du Duc Ferdinand II .
( pere des difgraciés ) L'interêt que
cette Princeffe prenoit au rétabliſſe-
» ment des Ducs de Bragance , c'eft qu'ils
étoient tous fes neveux , fils de Ferdinand
» II. Peu aprés je raporte leur retour en Portugal
, & voici ce que je dis p. 473. » Le
» Roi , aprés avoir reçû très- gracieuſement
fes. neveux , les conduifit à l'appartement
,, où étoit l'Infante leur ayeule , la Reine
leur tante .& la Ducheffe leur mere , qui
les reçurent avec une joye incroyable.
Je ne fçache pas qu'on puiffe parler en des
termes moins équivoques , ainfi je ne puis
comprendre où ces PP. ont trouvé que je
donnois le titre de Reine à la Ducheffe de
Bragance. Je ne me juftifie ici de tous ces
reproches , que par ce que les curieux ne
font pas pour la plupart auffi généralement
"
အ
29
JUIN 1746. 33
en état de lire mon hiftoire , que leurs mémoires
, & fe laiffent aifément prévenir en
faveur de ce que les PP.y louent ou blament.
Ils difent p . 2563 que je me fuis mépris
fur le nom du Prince d'Efpagne Don Diegue,
qu'ils appellent Don Carlos , mais la méprife
eft de leur côté ; le Prince Don Carlos
fils de Philippe I. Roi de Caſtille & de fa
premiere femme mourut le 24 Juin 1568 ,
& il n'y eut point d'autre Prince héritier
de ce nom. Le Prince prefomptif de la Couronne
au tems que Philippe II . s'empara de
celle de Portugal , étoit Don Diegue , qui
mourut le 30 Juillet 158 2. Le Prince
Don Philippe lui fucceda , & c'eft avec lui
que furent continuées les négociations au
fujet du mariage dont il eft fait mention
dans cet endroit ,
Les RR. PP. de Trevoux n'eurent d'abord
connoiffance que des fept premiers
volumes de mon Hiftoire , comme ils le difent
p. 582 de leurs mémoires du mois
d'Avril , en Octobre ils étoient deja informés
des autres , ainfi qu'ils le difent p. 2570 ,
mais mon ouvrage les devoit avoir épuifés ,
puifqu'ils en retranchent une partie du VII .
& tout le VIII. vol , fans en dire un feul
mot, quoiqu'ils renferment des alliances &
quantité de faits remarquables dans l'Hif
toire.
B vj
36 MERCURE.DE FRANCE.
39
5
כ כ
99
Les autres ne font gueres mieux traités ;
voici ce qu'ils difent p. 2570 » Il nous reſ-
»te à dire deux mots des branches collaterales
de laMaiſon deBragance, qui fubfiftent
», encore , ou qui font eteintes depuis peu en
Portugal & en Efpagne , mais dont les
droits ont paffé en d'autres Maiſons par
des alliances ; elles rempliffen : le neuvié-
» me & dernier volume & le huitiéme livre . ,,
La premiére dont ils parlent eft celle des
Comtes d'Oropeza , celle-ci eft fuivie de la
branche des Comtes de Lemos , dont la
pofterité maſculine eft auffi eteinte depuis
peu. Ils paffent au troifiéme fils de Ferdinand
I. Duc de Bragance , Alfonfe Comte
de Faro. » Deux de fes fils , difent- ils , firent
» les deux branches des Comtes d'Odemira
» & des Seigneurs de Vimiciro , qui ne ſubfiftent
plus que par des alliances , » Mais
ils fe trompent , car la ligne maſculine des
Seigneurs de Vimiciro aujourd'hui Comtes
de Vimiciro , qui vient d'Alfonfe , ſubſiſte
encore : on le peut voir dans mon Hiſtoire
tom . IX. liv. VIII . p. 663 .
30
Le dixiéme volume de mon Hiſtoire ,
qui comprend le IX. & X. liv. fe trouve
ici reduit à deux mots . Au fujet de Don
Alvaro quatriéme fils ( & non troifiéme comme
le dit l'extrait ) de Ferdinand I. Duc
d: Bragance , ils difent , p. 2573. » Il eut
ל כ
JUIN 1746: 37
33
"
n
13
deux fils d'où font fortis les Ducs de Cadaval
& les Ducs de Veraguas : des premiers
≫vinrent les Comtes d'Acumar , dont le der-
», nier eft mort en 1683 ne laiffant qu'un
fils naturel nommé Jofeph François de
Portugal-Mello , Marquis de Villefcas..
Il eft furprenant que la Maifon de Cadaval
ne mérite ici d'autre mémoire que celle du
fils naturel du Comte d'Acumar , quand le
Duc de Cadaval Don Nuno & fes illuftres
Ancêtres font fi recomandables dans l'Hif
toire par leurs perfonnes & leurs alliances ;
cependant ni celles que ces Seigneurs ont
en France dans la Maifon de Lorraine depuis
tant d'années n'ont pû rappeller dans
ces PP. le fouvenir du Duc de Cadaval Don
Nuno , Alvres Pereyra de Mello , perfonnage
affés connu dans l'Europe par fes grandes
qualités , pour mériter qu'ils en écriviffent
le caractére du moins pouvoient - ils
corriger le P. Anfelme , qui au I. vol. de
fon Hiftoire généalogique de la Maiſon Royale
de France p. 642 , marque la naiffance
du III. Duc de Cadaval au 7 Decembre
1679 , au lieu qu'il eft né le 1 Septembre
168 4, Il l'appelle auffi Don Nuno , devant
dire Don Jaime de Mello , lequel eft
aujourd'hui Grand Ecuyer de la Maifon du
Roi & Grand -Maître de celle de la Reine.
Enfin l'extrait de mon Hiftoire finit par
38 MERCURE DE FRANCE.
ces mots p. 2574, "» S'il eft vrai , comine
» on l'affure , que tous ceux qui font defcen-
» dus des Ducs de Bragance , foit par les mâ-
» les , foit par les filles , légitimes ou non ; ont
» un droit acquis de fucceder à la Couronne
de Portugal chacun felon fon rang , il
eft certain qu'il n'eſt point au monde de
» Trône mieux affermi que celui -là , & que
39
le prodigieux détail où le P. Soufa eft en-
» tré , marquant comme il a fait , toutes les
,, filiations de la Maifon de Bragance les plus
»
و د
ל כ
réculées & les plus indirectes , n'a rien de
» trop , car par ce moyen ce nombre infi-
» ni de pretendans peut fçavoir d'abord fur
quoi fa prétention eft formée , & dans quel
» ordre il peut prétendre à une fi belle fuc-
» ceffion. J'avoue que j'ai été furpris dans
cet endroit de la fincerité des PP.de Trevoux
s'il eft vrai , difent- ils , comme on
l'affure. Qui eft- ce qui peut leur avoir
affûré une femblable chimere ? Et ne faut- il
pas être de la derniere crédulité & fimplicité
pour y ajoûter foi ? La fucceffion au
Trône de Portugal eſt par le droit du fang
reglée à l'affemblée des Etats de Lamego ,
l'an 1143
felon les loix qui y furent établies,
ainfque je l'ai raporté au I. vol . de mon Hiftoire
p. 55. Ce que j'ai auffi écrit au fujet de
la tenue des Etats du Royaume en 1674
& en 1679 & 1698 , que je raporte au VII .
JUIN 1746. 39
rom. p. 677 & au VIII . p. 398 eut deffillé
les yeux de ces PP. pour peu d'attention
qu'ils y euffent fait , fur la réalité de cette
tradition , & ils fe feroient bien gardés de
la produire dans des mémoires qui doivent
fervir pour l'Hiftoire des fciences & des
beaux arts.⚫
Quant au prodigieux détail , où ces PP,
difent que je fuis entré , marquant toutes les
filiations de la Maifon de Bragance , je l'ai
fait , non pour la fin que ces PP. marquent,
ne fachant point avant leur Extrait qu'il y
eut perfonne au monde qui affùrât cette maniére
de fucceder à la Couronne de Portugal
par le droit de deſcendre de la Maiſon de
Bragance , mais en vuë de remplir le devoir
de fidéle Généalogifte , qui eft de donner
à un chacun ce qui lui appartient ; car il
faut bien obferver que chaque branche qui
fe fepare de fa fouche , fait une Maiſon à
part , laquelle fe peut glorifier de fes productions
& de fes alliances , compofant elle
feule une Hiſtoire généalogique particuliere,
qui commence par celui qui en eft le premier
chef, & auquel on rapporte tout l'honneur
de fon origine , les autres n'ayant que la
gloire d'avoir produit une fi brillante branche
dans leur famille. Comme je ne prétens point
entrer en concurrence avec perfonne , je me
diſpenſe d'apporter des exemples de ce que je
40 MERCURE DE FRANCE.
viens de dire , je me contente qu'on fçach
que dans mon ouvrage j'ai fixé toute me
gloire à travailler & écrire exempt d'adua
lation , n'ayant d'autre objet que la veritéfans
attachement pour aucune opinion , &
fuivant les Auteurs là où ils ne s'éloignoient
pas des piéces originales. Les fautes que les
RR . PP . de Trevoux m'attribuent , je les reconnoitrois
avec toute la docilité , fi elles
-étoient réelles , parce que je n'eftime rien
tant que verité , la verité & que je fçais que le plus
für moyen pour y parvenir c'eft la critique
des fçavans , mais auffi ce feroit bleffer la
modeftie de l'état dont je fais profeffion , que
de ne pas la relever là où elle m'eft injurieuſe,
étant gravé dans le coeur de l'homme de bien
de fe reffentir des injuftices qu'on lui fait, & de
ne pas fouffrir qu'on lui attribue ce qui ne lui
convient pas. Ne vous figurés pas , Monſieur,
que ces expreffions & ce jufte refſentiment
étouffent en moi les fentimens d'eftime & de
veneration que je dois avoir pour les fçavans
PP . de Trevoux , elles ne tendent qu'à exciter
leur juftice à m'accorder une jufte fatisfaction;
je vous prie d'en vouloir bien chercher
l'occafion , de prendre en main mes
interéts , & de croire que je n'omettrai rien
de ce qui pourra contribuer à vous conyaincre
de ma reconnoiffance , & de la parfaite
confidération avec laquelle je fais profeffion
JUIN 1746. 41
de vous honorer . je fuis , très- fincerement
Monfieur , &c.
Luce que los porre dos
' Exacte impartialité que nous obfervons
Auteurs du Journal de Trevoux aux plaintes
du P. Gaëtan , cette réponſe pleine de bon
fens & de moderation eft un modéle qu'il
feroit à fouhaiter que l'on imitât plus fourvent
dans les difputes Litteraires.
乳乳乳乳乳
LETTRE du R. P. C. aux Auteurs
du Mercure. -
ESSIEURS , les Auteurs du Journal
& ne
Mãe Trevoux n'ayant plus l'ouvrage du
R. P. de Soufa fur l'Hiſtoire généalogique
de la Maiſon Royale de Portugal , qu'on
leur avoit prêtée , ne fçauroient examiner
en quoi ils auront pû fe tromper ,
doutent pas même qu'il ne leur ait échapé
quelques erreurs ; il leur paroît feulement
que le fçavant Auteur n'a pas toujours bien
pris leur penſée ; par exemple , quand ils ont
dit qu'Inès de Caftro n'étoit qu'une Demoifelle
, ce n'eft pas qu'ils ignoraffent qu'elle
42 MERCURE DE FRANCE
étoit de très bonne maiſon : mais en France
on donne cette qualification de Demoiſelle
aux filles de la plus haute naiffance.
Si ces Peres ont été furpris de voir Inès
de Caftro qualifiée de niéce de Don Pedre ,
c'eft qu'ils ont pris ce terme à la rigueur ,
ne croyant pas que dans l'Hiftoire on doive
appeller neveux & niéces ceux qui ne le font
qu'à la mode de Bretagne , comme on dit
en France.
Par ces paroles les plus grands Rois fe
roient fort étonnés de voir tous ceux avec qui
ilsfont unis par le fang, l'Auteur de l'Extrait
n'a voulu que faire une reflexion , qui eft
vraie , & non pas contefter que le fang d'Inés
de Caftro ne foit veritablement mêlé avec
celui de toutes les têtes couronnées de l'Europe.
Le P. de Soufa p. 9 taxe les Journaliſtes de
mauvaiſe foi fort gratuitement au ſujet d'Inés
de Caftro , ces Peres n'ont point rapporté
comme certain le mariage de cette Dame
avec Don Pedre , mais ils ont fimplement
dit que ce Prince l'avoit déclaré après fa
mort & fait couronner fon cadavre. Ils ne
l'ont point defavoué enfuite , mais ils ont
tout fimplement obfervé que Ferdinand
maria Beatrix fille d'Iñés , avec un fils naturel
du Roi de Caftille , & que cette alliance
étoit un préjugé qu'il ne regardoit pas
Beatrix
JUIN 1746. 43
comme légitime ; où font donc la contradiction
& la mauvaiſe foi ?
Quant à la qualité d'Infante que le P.
de Soufa donne à Iñès de Caftro ; ce qui ..
a étonné le Journaliſte de Trevoux en
cela , c'eft qu'ayant cru que les fils aînés des
Rois d'Espagne & de Portugal ne portoient
jamais le titre d'Infants , & Don Pedre par la
mort de fes trois aînés , étant devenu le fils
unique & héritier préfomptif de la Couron
ne , n'étoit plus Infant , par confequent
qu'Iñès de Caftro , quand bien même elle
auroit été fon épouſe légitime, ne pouvoit pas
être qualifiée Infante. Ils n'ont pas même cru
que les époufes des Infants fuffent nommées
Infantes , mais le Pere de Soufa fçait mieux
ce qui en eft que les Journaliſtes deTrevoux,
qui n'ont jugé, que fur l'ufage moderne.
44 MERCURE DE FRANCE.
3833+ X3
MOTET en vers françois composé pour
la Dédicace de l'Eglife de S: Sulpice de
Paris , qui fut célébrée le 30 Juin 1745
C
Hrétiens , quel faint devoir en ce lieu vous
affemble !
Venez vous prendre part à la folemnité
D'un jour fi favorable à votre pieté ?
Confiderez ce nouveau Temple
Où le divin Sauveur a dépofé ſa loî` ,
Et fixé pour toujours fon augufte préſence.
Cette fainte demeure attend de notre foi
Des marques d'allegreffe & de reconnoiffance,
Occupons-nous des infignes bienfaits
Dont le Ciel veut ici nous combler à jamais.
Miniftres du Très-Haut , fignalez votre zéle :
doux tranſports fans ceffe Tendres voeux ,
renaiffans ,
Partez de tous les coeurs , volez comme l'encens
Jufqu'au féjour de la gloire immortelle.
*
Ce fuperbe éifice eft un Ciel tout nouveau
Où Dieu fait éclater fa grandeur & fa gloire .
11 fe plaît à régner dans un Temple fi beau :
Son faint nom y fera d'éternelle mémoire.
JUIN 1746.
45
Que d'objets merveilleux ! Quel fpectacle charmant
!
Quelle fainte réjouiſſance !
La pompe & la magnificence
De ce grand appareil pour rendre au Tout- Puiffant
Le plus parfait hommage ,
Ces fons , ces voix , ces inftrumens
Qui raviffent nos fens ,
Tout nous trace une image
Des plaifirs , des beautés du celefte heritage,
De ce terrible lieu l'augufte Majefté
Infpire à tout mortel le reſpect , le filence ;
Tremblez prophanateurs ! que votre impieté
N'arme point contre vous la célefte vengeance !
Sa foudre puniroit votre temérité.
**
O Ciel , quelle indulgence !
Şi dans ce lieu fi faint fi refpecté ,
Aux jours de la douleur & de l'adverfité ,
Les larmes , les regrets , l'amour , la confiance
S'accordent pour fléchir le Seigneur irrité ,
A ces tendres efforts fa fuprême puiffance
N'a jamais réfifté :
Sa juſtice s'appaiſe , & pour lors fa clemence
Fait ceffer tous les maux qu'on avoit merité.
46 MERCURE DE FRANCE.
Adorable Sauveur , que notre foi revére
Dans ce facré féjour ,
Tu feras à jamais l'objet dé notre amour ;
Par toi nous flechiffons le courroux de ton Pere.
**
Nous le rendons fenfible à nos cris , à nos pleurs ,
Et pour nous mériter le célefte heritage ,
Si tu viens chaque jour t'immoler dans nos coeurs ,
C'est dans l'augufte fein de notre propre ouvrage
Que nous nous procurons ces divines faveurs,
Soyons tous attentifs à cet autre fpectacle :
Du centre de fon Tabernacle
Le Souverain Maître des Rois
Prononce fes oracles ;
Il y fait briller fes miracles
Pour tout mortel qui vient fe foumettre à fes loix
Mais les traits bienfaiſans de fa Toute - Puiffance
Ne partent point pour le traitre & l'ingrat ;
De leurs voeux infenfés ce Dieu jaloux s'offenſe ;
Il les punit avec éclat ,
Et les bannit de fa préfence.
***
Que l'agréable odeur
De nos humbles prieres ,
Que la douce vapeur
Qu'exalent ces parfums , ces brillantes lumières
Montent fans ceffe au Tróne du Seigneur !
JUIN 1746. 47
***
Temple fameux , lieu faint par excellence ,
Que vois-je encor ici ? le pécheur égaré
Qui revient à fon Dieu par l'humble pénitence ,
Et le jufte qui veut garder fon innocence
Trouvent dans ton enceinte un azile affûré.
+
Charmant repos , paix favorable ,
Triomphez & régnez à jamais en ces lieux ;
Difpenfez aux mortels la douceur ineffable
Que vous leur apportez des Cieux :
Mais qu'un bienfait fi précieux
Serve à leur procurer le bonheur véritable !
Defirons- nous qu'un Dieu ,
Senfible à nos hommages ,
Nous prodigue en ce lieu
Les plus doux avantages ?
Que tous nos voeux foient animés
De la foi la plus vive , & d'un efpoir fans crainte ,]
❤
Et que nos coeurs foient enflammés
De l'ardeur la plus fainte.
Superbe monument du zéle de nos jours ,
Des fiécles à venir tu braveras l'injure ;
Décoré par les foins de la foi la plus pure ,
Tes pompeux ornemens fubfifteront toujours,
Dans ce beau jour de notre vie
Que la douce harmonie
48 MFRCUREDE RRANCE,
De nos facrés concerts
S'éleve dans les airs !
Chantons , célebrons la mémoire
De ces murs confacrés pour les voeux des mortels ;
Confervons à jamais le bonheur & la gloire
De bénir le Seigneur aux pieds de fes Autels,
Par M. Cotterean , Curé de Donnemarie.
ડેટ
•
SEANCE publique de l'Academie pour
la réception de M. de Voltaire Hiftoriographe
du Roi le Lundi 9 Mai.
LE quies
E public qui court toujours en foule
aux affemblées de l'Académie fembloit
avoir redoublé d'empreffement pour celleci
; les raifons de cet empreffèment font
connues de toute l'Europe avec les ouvrages
de M, de Voltaire , & l'affemblée qui
avoit droit d'attendre de ce grand homme
un difcours brillant n'a pas été trompé dans
fon attente.
M. de Voltaire commença avec raifon par
relever l'excellence de la Conftitution de
l'Académie fi honorable pour les Lettres, &
en même tems fi convenable. « Votre Fon-
53
dateur , dit- il , mit dans votre établiffe-
❤ment toute la nobleffe & la grandeur de
fon
JUIN 1746. 49
fon ame : il voulut que vous fuffiez libres
» & égaux. En effet il dut élever audeffus
de la dépendance des hommes qui étoient
audeffus de l'interêt , & qui auffi généreux
» que lui faifoient aux Lettres l'honneur
qu'elles méritent de les cultiver pour
elles-
"
» mêmes.
L'éloge de M. le Préfident Bouhier auquel
M. de Voltaire fuccede entroit néceſlairement
dans le plan de ce difcours , & quand
cette loi n'auroit pas été prefcrite , le mérite
de cet illuftre Litterateur auroit dû
la faire établir..
Il faifoit reffouvenir la France de ces tems
où les plus aufteres Magiftrats , confommés
comme lui dans l'étude des Loix , ſe délaffoient
des fatigues de leur état dans les travaux
de la Litterature . Que ceux qui méprifent
ces travaux aimables , que ceux qui
mettent je ne fçais quelle miferable grandeur
à fe renfermer dans le cercle étroit de
leurs emplois font à plaindre ! Ignorent-ils
que Ciceron après avoir rempli la premicre
place du monde plaidoit encore les caufes
des Citoyens , écrivoit fur la nature des
Dieux , conferoit avec des Philofophes ,
qu'il alloit au Théâtre , qu'il daignoit cultiver
l'amitié d'Efopus & de Rofcius , &
Jaiffoit aux petits efprits leur conftante gravité
qui n'eft que le mafque de la médiosrité,
C
50MERCURE
DE FRRANCE
.
M. le P. B. étoit très-fçavant , mais il no
reffembloit pas à ces fçavans infociables &
inutiles , qui négligent l'étude de leur propre
Langue , pour fçavoir imparfaitement
des Langues anciennes ; qui fe croient en
droit de méprifer leur fiécle , parce qu'ils fe
Aatent d'avoir quelque connoiffance des
fiecles paffés ; qui fe recrient fur un paſſage
d'Efchyle , & n'ont jamais eu le plaifir de
verfer des larmes à nos fpectacles.
Il traduifit le Poëme de Petrone fur la
guerre civile , non qu'il pensât que cette
déclamation pleine de penfées faufles ap
prochât de la fage & élégante nobleffe de
Virgile ; il fçavoit que la Satyre de Petrone,
quoique femée de traits charmans, n'eft que
le caprice d'un jeune homme obfcur , qui
n'eut de frein , ni dans fes moeurs , ni dans
fon ftyle : des hommes qui fe font donnés
pour des maîtres de goût & de volupté ,
eftiment tout dans Petrone , & M. B. plus
écliaré n'eftime pas même tout ce qu'il a
traduit. C'eft un des progrès de la raifon
humaine dans ce fiecle,qu'un Traducteur ne
foit plus idolâtre de fon Auteur , & qu'il
fçache lui rendre juftice comme à un contemporain.
Il exerça fes talens fur ce Poëme, fur l'Hymne
à Venus , fur Anacréon , pour montrer
que
les Portes doivent étre traduits en vers ;
JUIN 1746. Sr
' étoit une opinion qu'il défendoit avec chaleur
, & on ne doit pas être étonné que M.
de Voltaire ſe range à fon fentiment.
M. de Voltaire remarque avec raiſon que
les Italiens & même les Anglois ont de bonnes
traductions en vers de Théocrite , de
Lucrece , de Virgile , d'Horace , & nous
n'en n'avons aucune . La raifon de.cette pauvreté
, felon lui , vient de la difficulté , &
cette difficulté naît du genie de notre Langue
qui ne nous permet pas d'exprimer dans
le ftyle noble les chofes d'un ufage commun
& familier. Les François qui n'ont
gueres commencé à perfectionner la grande
Poëfie qu'au Théâtre , n'ont pû & n'ont dû
exprimer alors que ce qui peut toucher l'ame.
Nous nous fommes interdits nous- mêmes
infenfiblement prefque tous les objets que les
autres Nations ont ofé peindre ; il n'eft rien
que le Dante n'exprimât à l'exempledes An¬
ciens , il accoûtuma les Italiens à tout dire,
mais nous , comment pourrions nous imiter
aujourd'hui l'Auteur des Géorgiques , qui
nomme fans détour tous les inftrumens de
l'Agriculture ? A peine les connoiffons- nous ,
& notre molleffe orgueilleufe dans le fein du
repos & du luxe de nos Villes , attache malheureuſement
une idée baffe à ces travaux
champêtres , & au détail de ces Arts utiles
Cij
2 MERCURE DE FRANCE.
que les Maîtres & les Legiflateurs de la terre
cultivoient de leurs mains victorieufes .
M. de Voltaire ajoute que les grands Poëtes
déterminent le génie d'une Langue ; il eft
fans aucun doute que le génie est toujours
déterminé par les grands Ecrivains de cette
Langue , mais n'eft ce pas le hazard qui
fait que les premiers génies qui écrivent
foient des Poëtes ou des Profateurs . Homere
floriffoit 400 ans avant que les Grecs écriviffent
l'Hiftoire en profe, Faudra-t - il conclure
de là que les Profateurs n'aient aucune
part à la perfection de leur langue ? Terence
qui le premier a parlé chés les Latins avec
une pureté toujours élegante , Terence n'eft
pas à proprement parler Poëte , & on peut
lui appliquer avec juftice ce qu'Horace dit
de lui- même.
Qui fcribit uti nos,
Sermoni propiora.
La langue Latine n'avoit- elle pas déja de
grandes obligations à Ciceron, à Hortenfius ,
à Tite-Livre , quand les grands Poëtes du
fiécle d'Augufte ont paru ?
La gloire de notre Litterature & de notre
Langue, dit judicieufement M. de Voltaire, a
commencé à l'Auteur duCid & de Cinna, cependant
le ftyle des lettres du Cardinald'Offa
écrites so ans auparavant n'eft pas aujourd'hui
plus vieuxque celui de Corneille.Lavap
JUIN , 1746 . 53
tage plus certain que ce dernier procura à fa
Nationc'eft qu'il commença à faire reſpecter
notre Langue par les Etrangers , préciſement
dans le tems que le Cardinal de Richelieu
commencoit à faire reſpecter la Couronne .
L'un & l'autre porterent notre gloire dans
l'Europe ; après Corneille font venus , non
pas de plus grands génies , mais de meilleurs
Ecrivains. Un homme s'éleva qui fùt à la
fois plus paffionné & plus correct ; moins
varié , mais moins inégal , aufli fublime
quelquefois , & toujours noble fans enflure ,
jamais déclamateur , parlant au coeur avec
plus de verité & plus de charmes.
Un de leurs contemporains , incapable
peut-être du fublime qui éleve l'ame , & du
fentiment qui l'attendrit , mais fait pour
éclairer ceux à qui la Nature accorda l'un &
l'autre , laborieux , févere , précis , pur , harmonieux
, qui devint enfin le Poëte de la
raifon , commença malheureufement par
écrire des Satyres , mais bien -tôt après il
égala & furpaffa peut-être Horace dans la
Morale & dans l'Art Poëtique . Il donna les
préceptes & les exemples. Il vit qu'à la
longue l'art d'inftruire , quand il eft parfait ,
réuffit mieux que l'art de médire , parce,
la Satyre meurt avec ceux qui en font les
victimes , au lieu que la raifon & la vertu
fent éternelles
Ciij
34 MERCURE DE FRANCE.
Tel eft le portrait que M. de Voltaire
fait de Boileau , & il merite de nous quelques
réflexions.
Premierement , M. de Voltaire dont les
ouvrages refpirent par tout l'amour de la
vertu , qui releve fans ceffe la dignité des
Lettres , & fe recrie avec force contre ces
Satyres odieufes qui les dégradent , a- t'il
pu paffer auffi légèrement qu'il a fait fur les
Satyres de Boileau , Satyres dont l'efprit a
paffé dans tous les ouvrages ? voudroit - il
que l'on dit d'après lui que Boileau n'a mal
fait décrire des Satyres que parce que la
Satyre meurt avec ceux qui en font fes vietimes
? Ce n'eft pas l'obscurité , c'eſt l'infamie
que les méchans ont à redouter. Le
merite poëtique de Boileau a- t- il pu faſciner
à ce point les yeux de M. de Voltaire ?
Eh quoi ! vivons nous dans un fiécle où l'on
foit affés pervers ou trop peu éclairé pour
ne pas féparer l'homme de 'Auteur ? Boileau
fut un grand Poëte , mais craignons que
les éloges donnés à cet Ecrivain n'enhardif
fent plus de méchans qu'ils n'encourageront
de Poëtes.
Nous n'avons pas été moins furpris d'en>
tendre M. de Voltaire dire que Boileau
égala & furpafla peut être Horace dans la
Morale. Cet illuftre Académicien et
op inftruit & trop judicieux pour ne pasJUIN
1745. a
.
"
fçavoir que Boileau a mis en vers excellens
avec beaucoup d'ordre & de méthode des
maximes communes, au lieu qu'Horace a fait
paffer dans fa Poëfie le précis de laMorale des
anciensPhilofophes & afourni la baſe des ouvrages
de Charon & de Montagne que la plûpart
de nos ignorans, qui donnent le ton aujourd'hui
regardent comme de plus grands
Philofophes qu'Epictete, Marc- Aurel , & c.
que ces modernes n'ont fait que commenter.
M. de Voltaire examine pourquoi il y a
moins de génies fuperieurs en France qu'il n'y
en a eu dans le dernier fiécle.
20
33
23 Les grands talens font toujours nécef
fairement rares , furtout quand le goût &
l'efprit d'une Nation font formés ; il en
eft alors de ces efprits cultivés comme
» de ces forêts où les arbres preffés & élevés
ne fouffrent pas qu'aucun porte la tête
trop audeffus des autres. Quand le commerce
eft en peu de mains on voit quelques
fortunes prodigieufes & beaucoup
de mifere , lorfqu'enfin il eft plus étendu
, l'opulence eft génerale les grandes
fortunes font rares. C'est précisément par-
» ce qu'il y a beaucoup d'efprit en France,
» qu'on y trouvera dorénavant moins de
» génies fuperieurs .
3
n
Sans vouloir diminuer rien du prix de cette
réflexion folide & ingenieufe , M. de Vol-
Ciiij
56 MERCURE DE FRANCE.
faire nous permettra de lui repréſenter que
les grands hommes ne font pas fi rares dans
notre fiécle qu'il le dit. Nous avons au Théatre
M. de Crebillon , & M. de Voltaire luimême
qui nous ont donné tous deux des
chef-d'oeuvre dramatiques, qui , s'ils font inferieurs
en quelques parties aux chef - d'oeuvres
de Racine leur font fuperieurs par d'autres
endroits on eft plus ému à Atrée , à
Electre, à Radhamiſte , à Oedipe , à Zaire ,
à Alzire qu'à toutes les Tragédies de Racine ;
en un mot il eft moins tragique que ces
deux Auteurs , & c'eft fans doute un grand
avantage qu'ils ont fur lui. Ainfi quoiqu'on
laiffe à ce dernier la premiere place , eft- ce
une raiſon pour dire que ceux qui font im
médiatement après ne font pas des génies
fuperieurs ? Olons prédire que quelque
jour on leur fera l'honneur qu'ils font au
jourd'hui à Racine , & nos petits enfans confondant
les deux fiécles diront à leurs con--
temporains, on ne voit plus de génies comme
on en voioit autrefois , nous ne voions rien
qui approche des grands Maîtres , des Corneilles
, des Racines , des Crébillons , des
Voltaire.
Le même M. de Voltaire n'a- t- il pas donné
à notre fiécle un éclat qui a manqué à
toute la gloire du fiécle paffé ? Le beau
fiécle de Louis XIV. avoit-il un Virgile ? Le
1
JUIN. 1746. 57
Traducteur de Quint - Curce a illuftré le
commencement de ce fiècle , mais le nôtre a
à lui oppofer une Hiftoire qui peut effacer
celle de Quint- Curce méme. M. de Voltaire
à qui nous avons ces obligations ,
& duquel on pourroit faire plufieurs
grands hommes , eft le feul des François
qui par modeftie puiffe ainfi déprifer fon
fiécle .
.
Après avoir ainfi employé une partie de
fon difcours à expofer des verités Litteraires,
M. de V. vient aux éloges qui font de régle
dans ces difcours Académiques , inftitués
principalement pour remercier l'illuftre
Compagnie, & pour célébrer le fondateur &
les differens protecteurs. Cette matiere épuifée
par tant de grands génies fembloit un
champ entierement moiffonné , & cependant
M. de V. y a trouvé de nouvelles fleurs
dont l'éclat ne le cede point aux anciennes.
Je fçais , dit -il , combien l'efprit fe
dégoute aifément des éloges . Je fais que
le public toujours avide des nouveau-
» tés , penfe que tout eft épuifé fur votre
fondateur & fur vos protecteurs , mais
pourrois -je refuſer le tribut que je dois.
» parce que ceux qui l'ont payé avant moi
» ne m'ont rien laiflé de nouveau à dire ? II
» en eft de ces éloges qu'on répete comme
» de ces folemnités qui font toujours les
30
39
.
39
ל כ
Cv
58 MERCURE DE FRANCE.
20
39
>
» mêmes & qui réveillent la mémoire des
évenemens chers à un peuple entier ; elles
font néceffaires . Célebrer des hommes
tels le Cardinal que Richelieu , & Louis
XIV , un Seguier , un Colbert , un Turenne
, un Condé , c'eft dire à haute
» voix ; Rois , Miniftres , Généraux à venir,
imitez ces grands hommes . Ignore - t - on que
» le Panégyrique de Trajan anima Antonin
à la vertu , & Marc- Aurele le premier des
Empereurs & des hommes n'avoue - t- il
pas dans fes écrits l'émulation que lui
infpirerent les vertus d'Antonin ? Lorfque
Henri IV. entendit dans le Parlement
» nommer Louis XII . le Pere du Peuple
il fe fentit penetré du déûr de l'imiter &
», il le ſurpaſſa.
•
»
"
•
"" Penfez-vous , MM. que les honneurs
» rendus par tant de bouches à la mémoire
de Louis XIV.ne fe foient pas fait entendre
» au coeur de fon fucceffeur dès fa premiere
enfance ? On dira un jour que tous deux
» ont été à l'immortalité , tantôt par les mê-
» mes chemins , tantôt par des routes differentes
, l'un & l'autre feront fembla-
» bles en ce qu'ils n'ont differé à fe charger
30
"
du poids des affaires que par reconnoiffance
, & peut-être c'eft en cela qu'ils
ont été le plus grands . La pofterité dira
que tous deux ont aimé la juftice & ont
» commandé les armées. L'un recherchoit
JUIN.
1746. 59
20
23:
avec éclat la gloire qu'il méritoit , il l'ap-
» pelloit à lui du haut de fon Trône , il en -
» étoit fuivi dans fes conquêtes , dans fes
entrepriſes , il en rempliffoit le monde , il
déployoit une ame fublime dans le bonheur
& dans l'adverfité , dans fes Camps,
» dans fes Palais , dans les Cours de l'Europe
& de l'Afie ; les Terres & les Mers rendoient
hommage à fa magnificence , & les
plus petits objets , fitôt qu'ils avoient à
lui quelque rapport , prenoient un nou-
» veau caractere , & recevoient l'empreinte
» de fa grandeur.
20
38
39
"
"
33
» L'autre protege des Empereurs & des
Rois,fubjugue des Provinces, interrompt le
" cours de fes conquêtes pour aller fecourir
fes fujets , & y vole du fein de la mort
dont il eft à peine échapé. II rempporte
des victoires , il fait les plus grandes
chofes avec une fimplicité qui feroit penfer
que ce qui étonne le refte des hommes
, eftpour lui dans l'ordre le plus com-
>mun & le plus ordinaire. Il cache la hauteur
de fon ame fans s'étudier même à la cacher,
& il ne peut en affoiblir les rayons ,
qui en perçant malgré lui le voile de famo-
» deftie , y prennent un éclat plus durable.
Louis XIV. fe fignala par des monumens
admirables, par l'amour de tous les
27 Arts , par les encourageinens qu'il leur
93
30
"3
C vj
60 MERCURE DE FRANCE .
"
prodiguoit: O ! vous , fon Augufte fuc
», ceffeur , vous l'avez déja imité , & vous
n'attendez que cette paix que vous cherchez
par des victoires , pour remplir tous
»vos projets bienfaifans , qui demandent
jours tranquilles.
20
35
50
Da
29
»
des
» Vous avez commencé vos triomphes
dans la même Province où commencerent
» ceux , de votre Bifayeul , & vous les avez
» étendus plus loin ; il regretta de n'avoir
» pu dans le cours de fes glorieufes Campagnes
, forcer un ennemi digne de lui à
» méfurer fes armes avec les fiennes en
bataille rangée . Cette gloire qu'il défira ,
» vous en avez joui . Plus heureux que le
» Grand Henri , qui ne remporta prefque
de victoires que fur fa propre Nation, vous
» avez vaincu les éternels & intrépides en-
» nemis de la vôtre . Votre fils , après vous
Fobjet de nos voeux & de notre crainte,
apprit à vos côtés à voir le danger & le
» malheur même fans être troublé, & le plus
» beau triomphe fans être ébloui. Lorfque
» nous tremblions pour vous dans Paris, vous
» étiés au milieu d'un champ d'horreur & de
carnage, tranquille dans les momens d'horreur
& de confufion , tranquille dans
la joie tumultuenfe de vos foldats , vous
embraffiez ce géneral qui n'avoit fouhaité
» de vivre que pour vous voir triompher, cet
90
20
و د
JUIN 1746.
30
homme que vos vertus & les fiennes ont
» fait votre fujet , que la France comptera
toujours parmi fes enfans les plus chers &
« les plus illuftres . Vous récompenfiez déja
» par votre témoignage & par vos éloges
tous ceux qui avoient contribué à la victoire
, & cette récompenfe eft la plus
belle pour des François.
20
Si les bornes de ce Journal nous l'avoient
permis nous aurions inferé le difcours entier
de M. de V. au lieu d'en faire un éxtrait.
Il fut fouvent interrompu par les applaudiffemens
du public frappé des traits
brillans dont ce diſcours eft ſemé.
8
M- l'Abbé d'Olivet Directeur de l'Academie
répondit à M. de V. Le diſcours du
Directeur roule ordinairement fur deux
points , le tribut d'éloges que l'on donne
ordinairement à la mémoire du deffunt ,
& les louanges flateufes qui fervent au recipiendaire
& de récompenfe pour le paffé .
& d'encouragement pour l'avenir.
L'éloge de M. de V. fut la premiere partie
du difcours du Directeur ; un nom connu
non - feulement en France , mais dans
toute l'Europe , un nom dont les plus
célébres Académies ont orné leurs faftes
, des piéces fugitives fuperieures par
leur élégance , par leur facilité à tout ce
qu'on a jamais admiré dans ce genre , qui
32 MERCURE DE FRANCE
ont illuftré la jeuneffe de M. de V. , & qui
feules fuffiroient pour faire à un écrivain
une réputation éclatante , un nombre de
Tragédies qu'on admire tous les jours au
Theatre à côté des chef- d'oeuvres de nos
grands hommes confacrés à l'immortalité ;
un Poëme Epique qui a réparé la difette
honteufe que toutes les Nations étoient en
droit de nous reprocher à cet égard ; une
Hiftoire qui donne à fon Auteur un rang
confiderable parmi les Hiſtoriens , enfin une
connoiffance étendue des myfteres de la
Phyfique & de la Geometrie , & des éffais
en ce genre , qui auroient flaté lá vanité
d'un Phyficien qui n'eût été que Phyficien.
Voilà les matériaux que M. le Directeur
a employés pour l'éloge de M. de V.. &
qui ornés d'une diction élegante & pure
ont formé la guirlande dont il a couronné
le nouvel Académicien .
Perfonne ne pouvoit louer plus dignement
M. le Préfident Bouhier que l'éloquent
Directeur qui a été fon ami intime , & qui
dans les travaux Litteraires a été ſouvent aſfocié
à cet illuftre Magiftrat .
M. B. étoit un fçavant du premier ordre
, mais un fçavant poli , modefte , utile
à fes amis , à fa Patrie, à lui-même. Depuis
la renaiffance des Lettres à peine comptonsnous
trois fiécles , & à peine chaque fiécle
JUIN 1746.
63
nous a-t-il montré deux ou trois prodiges
d'érudition qui lui foient comparables ; héritier
d'une riche Bibliothéque, quifut à fes
yeux la plus belle partie de fon patrimoine,
deftiné à être le feptiéme de fon nom , qui
de pere en fils rendroit au Parlement de
Bourgogne l'honneur qu'il en recevroit ,
il fe propofa d'égaler , de furpaffer même
ces grands perfonnages qui ont décoré la
Robe par leur fçavoir éminent , les Budez ,
les Bignons , les Briffons ; bien-tôt il embraffa
l'ancien & le moderne , le facré & le
profane , les Langues fçavantes , la Chronologie
, la connoiffance des Monumens
antiques , la Jurifprudence , la Critique.
Une érudition fi profonde n'étoit point
le fruit d'une manie qui fait quelquefois
qu'on veut apprendre tout , hors ce qu'on
eft obligé de fçavoir. M. B fur perfuadé dès
fa plus tendre jeuneffe que le mérite effentiel
du grand homme eft de fervir fa Patrie,
& que les fervices qu'elle attend de nous fe
réglent fur le rang que nous y tenons. Il
comprit que fi d'autres études ne lui étoient
pas interdites , fi elles lui étoient même néceffaires
pour nourrir l'activité & l'étonnante
facilité de fon efprit,au moins l'étude des loix
devoit être toujours fon principal objet. Delà
ces deux immenfes volumes qui ne laifferont
dans le droit municipal de fa Province ,
64 MERCURE DE FRANCE.
ni obſcurité, ni contradiction , ni équivoque,
ouvrage.dans lequel il eft difficile de fçavoir
ce qu'on admirera le plus , ou le zèle qui l'a
fait entreprendre , ou le courage & la perféverance
d'un fçavant dont le goût étoit
decidé pour les travaux Académiques , qui
lui offroient fans ceffe de féduifantes , diftractions.
Du refte il n'étoit point de ces
Auteurs enfevelis dans leurs livres , & dont
l'humeur fombre eft le voile d'un ridicule
orgueil. Une douceur naturelle , une grande
candeur formoient le caractére de M.
Bouhier , & il s'eft peint ainfi dans fes écrits .
Jufques dans les ronces de la critique
il fait éclore les fleurs de l'urbanité ; avant
lui rien n'étoit fi commun parmi les fçavans
que de fe faire entr'eux une Langue à part ,
féconde en termes injurieux. Les ouvrages
de M. Bouhier refpirent la politeffe & la
modeftie. M. le Directeur remarque trèsjudicieufement
que la vraie politeffe ne fe
doit pas feulement à l'éducation , elle eſt l'effet
d'une modeftie fincere , & qu'entendons-
nous par modeftie , fi ce n'eſt la connoiffance
de foi-même ? M. Bouhier avoit
trop étudié , trop refléchi pour tomber dans
les piéges que l'orgueil tend à l'ignorance
quiconque croit beaucoup valoir eft bien
éloigné de fçavoir beaucoup.
Ces traits de l'éloge de M. Bouhier font
JUIN. 1746. 65
couronnés par des traits plus importans, qui
caractérisent l'homme vertueux , & le bon
citoyen, Bon mari , bon pere , bon ami ,
Juge intégre , fes jours partagés entre fa
famille , fa charge & fon cabinet formerent
le cours d'une vie égale , qui ne refpiroit que
l'honneur & la décence ; une mort tranquille
à laquelle il étoit préparé par la Religion
& par la Philofophie termina fes longs travaux.
Il étoit depuis quinze années attaqué
de la goûte qui l'empêchoit de venir à Paris
, & il avoit perdu l'efperance d'affifter jamais
aux conferences de l'Académie ; homme
vraiment digne des regrets des gens vertueux
, & dont les talens , les vertus & les
travaux peuvent être propofés pour modéleà
ceux qui defireront de bien mériter de
la Partie , & d'être dignes d'eftime.
La réputation de M. l'Abbé d'Olivet eſt
trop bien établie pour qu'il foit néceffaire
de dire qu'on a trouvé dans ce difcours la
folidité , la méthode & l'élegance qui caractériſent
fes autres ouvrages .
M. de Voltaire lut enfuite l'introduction
à l'Hiftoire des Campagnes du Roi , à laquelle
il travaille en qualité d'Hiftoriogra
phe de France.
66 MERCURE DE FRANCE.
EPITRE de M. de la Soriniere à M
des Forges Maillard , au renouvellement
de l'année 1746.
&
N
Ouveau Catulle , organe d'Apollon ,
Enfant gâté fur le facré vallon ,
Voyez les jours de Sophocle & d'Homere ,
Et dans un coin de ce vafte Hémiſphére
Soumis aux loix de la faine raiſon ,
Goûtez les fruits d'une utile retraite ,
Et Philofophe autant qu'Anachorete ,
Forgez des vers dignes de votre nom .
Ah ! fi j'étois dans mon petit domaine
Libre de foins , de foucis , d'embarras ,
Que les facheux qu'un noir démon promene ,
En m'oubliant fuiviffent moins mes pas ,
Je pourrois lors attaché fur Horace ,
Ainfi que vous favourant fes douceurs ,
Mettre à profit l'élégance & la grace
Dont ce grand Maître enchante fes Lecteurs.
Mais malgré moi n'effleurant que l'écorce ,
Gliffant fur tout , fans rien approfondir,
Pour vous atteindre il me manque la force ,
Et je n'ai pas votre aimable loifir.
JUIN 1746.
61
Quatre procès , neuf enfans , une femme ,
( Reprenez-moi fi le décompte eft faux )
Me font , ma foi , chanter une autre gamme ,
Et bien de modernes Rouffeaux"
Sur le clavier de Virgile & d'Horace
Pourroient détonner en ma place .
Joignons encor , ami très- cher ,
Que l'élement humide & clair
Dont je m'abreuve à taffe pleine ,
Ne jaillit point de l'hyppocrene ,
( Quoique votre Mufe l'ait dit : J
Ou bien fi j'ai dans mon domaine
Cette eau qui rechauffe l'efprit
Il faut que l'onde poëtique ,
Quand le rimeur s'en eft trop humecté
Soit propre à donner la colique ;
Je l'ai fouvent en vérité.
Pour corriger la finiftre influence ,
Vous me direz d'y mêler de bon vin ,
Mais , cher ami , j'y perdrois mon latin ;
Je le bois avec repugnance ,
Et fa chaleur enflammant ce levain
Qui dans mon fang fermente à toute outrance
Loin de calmer la violence
Du mal juſtement redouté ,
Elle augmenteroit ma fouffrance ;
Je l'ai trop expérimenté.
68 MERCURE DE FRANCE.
Concluons donc que le peu de fanté
Eft un obftacle à la Littérature ,
Et ma raiſon m'a ſouvent arrêté ,
Lorſque mon goût forçoit trop la Nature ;
Oui , ma foibleffe m'a dompté.
Ah! fi quittant les rives Armoriques ,
Par amitié vous veniez dans ces lieux ,
Pour ma fanté quels effets fympathiques ,
Et que ce jour me feroit glorieux !
Mais c'eft envain que mon coeur vous invite
A m'accorder un bien fi précieux ;
Non ; je n'ai rien qui vous y follicite.
A la Soriniere en Anjou.
VERS envoyés à Mademoiselle Dup**
pour être mis au bas defon portrait.
P
Lus brillante cent fois que le Dieu de Cithere,
J'en ai le fourire flatteur ,
Plus belle même que fa mere
Je ne le cede qu'à ma foeur.
JUIN. 1746.
A MADEMOISELLE de Sim. ***
EH que me fert , adorable Thémire
Quevos beaux yeux de tems en tems
Jettent fur moi des regards féduifans ?
Non , non , dans l'amoureux empire
Ce n'eft pas un leger fourire
Qui calme les vrais tourmens.
Je fçai qu'un berger plein de graces
Depuis long-tems à fçu plaire à vos yeux ,
Et je le vois partout , ce berger trop heureux ,
Voler fur vos brillantes traces.
Non , vous n'éteindrez point des feux qui font f
doux ,
Vous fuivrez votre choix , cruelle,
L'amant d'ailleurs eft trop digne de vous ,
Pour ne lui être pas fidelle ,
Mais pourquoi donc ce fourire flateur ?
Eh quoi ! voudriez-vous par une feinte habile
Troubler le repos demon coeur ?
Ah ! j'en cheris trop la douceur ;
Themire expliquez-vous ou laiſſez-moi tra quille.
• MERCURE DE FRANCE
A M. de VOLTAIRE fur fa reception
à l'Académie Françoiſe.
TUtriomphes enfin , je vois ce jour heureux ;
Ce jour. qui doit combler & ta gloire & tes voeux :
L'Académie eu pompe accourt à cette fête ;
Déja le Temple s'ouvre & la couronne est prête ,
La Deéffe aux cent voix l'annonce à l'Univers ,
Et l'envie en fuyant , pouffe un cri dans les airs,
Voltaire , tu reçois le laurier de la gloire
Qu'ont moiffonné pour toi les filles de mémoire,
Cet immenfe Palais , ce Louvre faſtueux ,
Où l'on voit près des Lys les Beaux- Arts orgueilleux
Montrer à l'Etranger que ce fpectacle attire ,
Louis avec Phoebus partageant fon Empire ;
C'eft- là que tout Paris , en ce jour fortuné
T'a conduit en triomphe , & t'a vû couronné :
Là je t'ai vû moi même , en heros du Parnaſſe ,
Vainqueur de tes Rivaux , confondre leur audace,
Et recevant l'encens , qu'on t'offroit à leurs yeux ,
T'avancer d'un pas ferme au rang des demi- Dieux
Tels vers le Capitole au retour de la guerre
Paroiffoient furleur Char ces vainqueurs de la Terre
E. JUIN 1746.
cepting
ureux
voeux ;
;
rête ,
-ers ,
airs,
Fire,
gueil-
Te ,
ce,
eux ,
Dieux
re
Terre
Quand au travers du peuple & de fes cris confus
Et traînant après eux leurs ennemis vaincus ,
Ils alloient à l'Autel , la marche terminée ,
Montrer à l'Univers leur tête couronnée.
Manes du Grand Armand , manes du Grand Henri
De joye en ce moment vous avez treffalli ;
Les neuffoeurs à ce bruit ont quitté leur retraite ;
Clio fit par trois fois retentir fa trompette,
1
Le Permeffe en fon cours s'eft foudain arrêté ,
Et l'Echo du Parnaffe à trois fois répeté ;
Triomphe , heureux Voltaire , & vainqueur de
l'envie ,
Sois l'honneur de ton fiecle & de l'Académie,
ENVOI
Tour compliment aux yeux de la raifon TOFT
N'eft que menfonge ou pure politeffe ,
Mais quand c'eft à toi qu'on l'adreffe ,
Pourroit- on craindre un tel foupçon ?
Que fipourtant quelqu'un s'apprête
A démentir ce que je dis ,
Deja ma preuve eft toute prête ;
Jele renvoye à tes écrits.
72 MERCURE DE FRANCE.
VERS à M. l'Abbé de Beaulieu fur l'Epi
tre que M. de la Soriniere lui a adreffée
dans le Mercure de fanvier 1746.
AIMABLE Abbé , dont les talens
Se developpent dans la Chaire
Par des fuccés folides & brillans ,
Puis-je , fans être téméraire ,
Entreprendre de te louer ,
Quand d'une main jufte & légére
La Mufe de la Soriniere
T'offre un encens flateur que tu dois avouer ?
Toutefois , quoiqu'il en foit , j'efe
Affurer qu'il manque une choſe
A l'eloge que tu reçois :
De tes rivaux vaincus la jaloufe cabale ,
Qui te décrie & te ravale ,
Ajoute à fon fuffrage & lui donne du poids.
PRIX.
JUIN 1746 73
SAPSAPSAPSAPSAPSAPI SAPSAPSO
PRIX proposé par l'Académie Royale des
Sciences pour l'année 1748.
F
EU M. Rouillé de Meflay , ancien Confeiller
au Parlement de Paris , ayant conçû
le noble deffein de contribuer au progrès
des Sciences & à l'utilité que le public enpouvoit
retirer , a légué à l'Académie Royale
des Sciences un fonds pour deux Prix
qui feront diftribués à ceux qui , au jugement
de cette Compagnie , auront le mieux .
réuffi für deux differen es fortes de fujets qu'il
a indiqués dans fon teſtament , & dont il a
donné des exemples.
Les fujets du premier Prix regardent le
Syftéme général du Monde , & l'Aftronomie
Phyfique.
Ce Prix devroit être de 2000 livres , aux
termes du teftament , & ſe diftribuer tous les
ans , mais la diminution des rentes a obligé
de ne le donner que tous les deux ans , afin
de le rendre plus confidérable , & il fera
de 2500 livres.
Les fujets du fecond Prix regardent la Navigation
& le Commerce .
Il ne fe donnera que tous les deux ans ,
& fera de zooo livres,
I. Vol. D
74 MERCURE DE FRANCE.
Le fujet du triple Prix propofé premiérement
pour 1742 , depuis pour 1744 , &
enfin pour 1746 , étoit l'explication de l'Attraction
de l'Aimant avec le Fer , la direction
de l'Aiguille aimantée vers le Nord ,fa Décli
naifon & fon Inclinaifon . L'Académie a cru
le devoir partager par égales portions entre
les trois Piéces fuivantes.
La premiére eſt no. 3 de 1744 , qui a
pour devife : Quarendi defatigatio turpis eſt ,
cum id quod queritur eft pulcherrimum,
La feconde eft no. 10 de 1744 , qui a
pour devife : Fluere à lapide hoc permulta
neceffe eft femina.
La troifiéme eft no. 8 de 1746 , dont la
deviſe eſt , in fententia permaneto : etenim nifî
alia vicerit melior.
L'Académie propofe pour fujet du Prix
de 1748 Une théorie de Saturne & de Jupiter,
par laquelle on puiffe expliquer les inégalités
que ces deux Planetes paroiffentſe caufer
mutuellement , principalement vers le tems
de leur conjonction .
Les Sçavans de toutes les Nations font
invités à travailler fur ce fujet , & même les
Affociés Etrangers de l'Académie. Elle s'eft
fait la loi d'exclurre les Académiciens régnicoles
de prétendre aux prix.
Ceux qui compoferont , font invités à
écrire en François ou en Latin , mais fans
JUIN. 1746. 75
S
ft
.ns
aucune obligation. Ils pourront écrire en
telle langue qu'ils voudront , & l'Académie
fera traduire leurs ouvrages.
On les prie que leurs écrits foient fort lifibles
, fur- tout quand il y aura des calculs
d'Algébre.
Ils ne mettront point leur nom à leurs
ouvrages , mais feulement une Sentence ou
Devife. Ils pourront , s'ils veulent , attacher
à leur écrit un billet feparé & cacheté par
eux , où feront avec cette même Sentence
leur nom , leurs qualités & leur adreffe , &
ce billet ne fera ouvert par l'Académie , qu'en
cas que la Piéce ait remporté le Prix.
Ceux qui travailleront pour le Prix ,
adrefferont leurs ouvrages à Paris au Secrétaire
perpétuel de l'Académie , ou les lui feront
remettre entre les mains . Dans ce ſecond
cas le Secrétaire en donnera en même
tems à celui qui les lui aura remis , fon récépiflé,
où fera marquée la Sentence de
l'ouvrage & fon numéro , felon l'ordre ou le
tems dans lequel il aura été reçû.
Les ouvrages ne feront reçûs que jufqu'au
premier Septembre 1747 exclufivement.
L'Académie à fon affemblée publique
d'après Pâques 1748 proclamera la Piece
qui aura ce Prix.
S'il y a un récépiffé du Secrétaire pour la
Piéce qui aura remporté le Prix , le Tréfo-
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
rier de l'Académie délivrera la fomme du
Prix à celui qui lui raportera ce récépiffé.
Il n'y aura à cela nulle autre formalité.
S'il n'y a pas de récépifié du Secrétaire ,
le Tréforier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur
même , qui fe fera connoître , ou au
porteur d'une procuration de fa part.
(
EPITRE à M. de la SORINIERE,
NOBLE Seigneur , excufe ma licence ,
Si , fans avoir l'heur de ta connoiffance
J'ofe t'écrire en profe quelques vers :
Ne fuis le feul qui donne en ce travers.
Fai grace au file , & fi dans cette Epître
Tout languit , cloche & ne va comme il faut ,
A mon efprit impute ce deffaut.
De bon rimeur oncques je n'eûs le tître
Il s'en faut bien : dans le facré vallon
Tout mortel n'a la faveur d'Apollon.
En ton Chaftel habite gente Mufe
Qui t'infpirant vers legers , gracieux
Sur les fujets où ta plume s'amufe ,
De fel attique affaifonne tes Jeux .
Affés fouvent le Dieu Périodique
Nous en régale , où nous voyons efprit
1.
JUIN 1746.
71
Et fentiment dont le charme nous pique..
Invoques-tu Phoebus ? il te fourit ,
Et ta prière eft bientôt exaucée .
Toujours la rime unie à la penſée .
Offre au lecteur cet accord riche , heureux ,
Qui fait prifer tes vers doux & nombreux .
Mais moi chetif qui malgré la culture ,
Oncques n'ai pû corriger la nature,
Je fais des vers fans goût , fans feu , fans art , i
Prefque imités de ceux du vieux RONSART.
Si d'un côté mon aftre trop avare
M'a refuſé cet avantage rare ,
D'un autre il à , par dédommagement ,
Pourvû mon coeur d'un noble fentiment
Au feu duquel la plus fincere eftime
Eclôt pour toi pour ne jamais finir .
Meritât- elle un retour légitime !
Puiffé-je auffi quelque jour l'obtenir !
BORAN de St. Domingue.
Diij
MERCURE DE FRANCE.
***
STANCES.
A Ccablé de malheurs ,
En proie aux plus triftes douleurs ,
Et d'autant plus à plaindre
Qu'il me faut toujours feindre
De reffentir un bonheur qui me fuit :
Ne defcendrai-je point dans l'infernale nuit ?
3
O mert ! toi dont la faulx
Peut feule finir tous mes maux ,
Des jours que je déteste
Daigne trancher le reſte :
Frappes .... J'attens fans crainte le trépas ,
Et que regreterois-je ? helas ! je n'aime pas.
Laiglon.
A63636363638139RDS
: 385698
SIXAIN pour mettre au bas du Portrait d'un
amateur de la Medecine & de laMusique .
CELUI ELUI que vous voyez ici repréſenté
Eft l'Eleve cheri du Dieu de la fanté
Et de la brillante harmonie :
Dans fon ame en naiffant cette Divinité
A foufflé fon double génie
Pour le plaiûr de l'homme & fon utilité.
JUIN 1746. 79
£*******
propo
ANCIENS Quadrains Normands
fes aux lecteurs de la Province de Nors
mandie.
Lettre écrite de Paris aux Auteurs du
Mercure,
la Nor-
Pandie et un Pays de fapience ; on va
ERSONNE n'ignore MM.
même quelque fois jufqu'à dire que dans cette
Province le diable n'eft qu'un fot : Il faut
en rabattre quelque chofe de crainte de trop
avancer. Les productions de ce Pays là font
juger du génie qui les enfante. On m'en
propofa dernierement une à commenter
& fur ce que je porte le petit collet , on
me dit que je devois entendre le contenu
d'un Meffel. La feuille où ils étoient me fut
produite telle que je vous l'envoye ci jointe.
C'étoit juftement le jour de l'Ecliple derniere
du Soleil , par conféquent le premier jour de
Mars , jour pluvieux qu'on ne ceffoit de me
repréſenter comme un jour perilleux , parcequ'on
étoit en train de me parler par enigme.
Jugez fi je dûs reconnoître le langage d'un
Meffel dans des Quadrains du ſtyle de ceux de
Noftradamus.C'étoit la qualification que leur
donnoient quelques uns de la compagnie ,
D iiij
80 MERCURE DE FRANCE.
d'autresdifoient que Mathieu Laenſberg en
étoit Auteur , faifant alluſion à la pluye qui
tomboit , & au chaud qu'il faifoit pour la
faifon .
·
Les Quadrains débutoient ainsi.
Mois de Mars.
Aubin dit que Mars eft prilleux ,
C'eft mon , dit Gregoir , il eft feux
Et tout prêt de donner des eaux.
Marie dit , il eft caux .
Mois d'Avril.
En Avril Ambroiſe s'en vint
Droit à Leon là fe tint.
En fon tems eftoit en bale
George marchant de godalle.
Mois de Mai.
Jacques Croix dit que Jham eft May ;
Nicolas dit , il eft vray.
Honorez font faiges & fots
Carmes Auguftins & Bigots.
Mois de Juin.
En Juing on a bien fouvent
JUIN 1746. 81
Grand foif , ou Barnabé men .
En fon tems fut prins conlerres
Damp Jehan Eloy & Damp Pierre.
Mois de Juillet.
En Juillet Martin fe combat ,
Et du Benoitier faint Vaft bar.
La furvint Marguet Magdelain
Jac Mar dor Anne & Germain .
yeux
Si quelqu'un fut furpris , ce fut moi , lort
qu'après avoir comparé ces vers à ceux des
Sybilles , où à ceux de Noftradamus , dans
lefquels tout eft enigmatique ou à double
entente , je me vis mettre devant les
un venerable livre in folio intitulé , Miffale
Ecclefia Sagienfis , dans le Calendrier duquel
on me montra les cinq Quadrains ci -deffus
rapportés mot pour mot & afin que je ne
cruffe pas que ce fut une plaifanterie que
quelqu'un eut écrit à la main parmi les fêtes
des Saints , on me fit voir à la fin de ce volume
qu'il a été imprimé à Rouen chés Pierre
Regnault en 1500 [a ] c'eft un livre gothique
comme vous pouves le croire. Mais quoi de
plus plaifant & de plus gothique que de voir
· (4) Ce volume apartient à la Bibliothéque de Ste
Genevieve de Paris,
DY
82 MERCURE DE FRANCE.
du François imprimé parmi du Latin dans un
livre d'Eglife ? Cela paroît tenir du Menot ,
ou de l'Olivier Maillard . Je ne fçais pas fi
Regnault étoit affocié du côté du goût à ces
deux Cordeliers. Tant y a qu'il ne fait pas
mention de cet ordre dans fon Quadrain du
mois de Mai où il en nomme d'autres. Nous
fommes maintenant trop éloignés de l'an
1500 pour penetrer dans la veritable intel-`
ligence des vers enfantés en Normandie , c'eſt
pourquoi je vous prie de les renvoyer en cette
Province foit à Rouen , foit à Falaiſe , ſoit
à Caën , à Vire , ou à Valognes afin qu'on
nous decouvre les mifteres qui font enveloppés
dans les cinq Quadrains des cinq mois
ci-deſſus énoncés . Je remarquai que dans ce
même Calendrier il n'y en a point pour tous
les autres mois, mars fait l'ouverture de la veine
du Poëte & Juillet la termine : Mais trèsfûrement
les Quadrains font imprimés au
beau milieu des Saints de chaque mois,aucun
des connoiffeurs n'en peut difconvenir ; s'ily
a de la magie cachée fous ce langage , j'y renonce
par avance. Je préfume que non, mais
attendons qu'un bon Normand à qui Mercure
en aura fait exhibition , nous faffe auffi
préfent d'un bon Commentaire. Il ne faut
pas trop préfumer de la fimplicité de la Nation
; vous fçavez quelle reputation elle s'eft
acquife parmi bien des Corps. Abbon Moi
JUIN 1746.
83
t
ne de Paris au neuvieme fiécle difoit agréablement
de leurs grands peres dans fa defcrption
du fiége de Paris.
Gens inimica Deo , pranfura Plutonis in urna.
Le tout foit dit au refte fans blefler le
refpect que je dois à la Nation comme
Membre de l'Univerfité de Paris . Il eſt bon
qu'il y ait dans votre Journal une cauſe
graffe pour nous dédommager de ce qu'il n'y
en a pas eu au Palais. Je fuis &c.
Ce 5 Mars jour du Mardi- Gras.
is
ce
ᏗᏕ
ei-
CSall
un
ly
remais
cuuffi
faut
Vas'eft
Loi
L'ée dernierepar M. Cereal Cure
'ELEGIE fuivante fut compofée l'ande
Donnemarie pour un Eccléfiaftique de
fes amis , natif de la Province de Touraine ,
& Curé depuis long tems d'une Paroiffe confiderable
du Diocèfe de , . . M、
Cottereau dépeint dans cette piéce avec des
traits vifs & touchans la fituation déplorable
d'un ami qui n'eft pas content de fon fort.
& qui regrette amerement les charmes & les
avantages de fa Patrie,
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE
bbbbbXX
REGRETS DE LA PATRIE,
ELEGI E.
DELICIEUX, féjour , agreable Patrie' ,
J
Où je goûtois en paix les douceurs de la vie ,
D'un pofte diftingué les attraits féduifans
M'ont éloigné de toi depuis plus de vingt ans :
Crois-tu que je t'oublie , ô Pays trop aimable ,
Et que je fois content de mon fort favorable ?
Depuis que par raifon je me fuis deplacé
Je fens que mon bonheur est tout-à-fait paffé .
Lieu charmant qui produit de tout par excellence ,
Qu'on appelle à bon droit le jardin de la France ,
Où fans peine on refpire un air ferein & doux
Où le peuple n'eft point injufte ni jaloux !
Mon efprit nuit & jour retrace à ma mémoire
De ton heureux climat l'avantage & la gloire.
Oui , mes plaintes ici ne finiront jamais ;
Et tu feras toujours l'objet de mes regrets.
Juftes Dieux ! quel eft donc ici bas mon partage !
Ma dignité n'eft plus qu'un pompeux esclavage :
La terre que j'habite eft un lieu de douleur
Où je vis fans repos & même fans honneur.
Lajeuneffe indocile & mal diſciplinée ,
Dès l'âge le plus tendre au vice abandonnée ,
y
JUIN. 1748
.
Ne fuit que fes penchans & les folles erreurs
Qui feduifent l'efprit & corrompent les moeurs :
Et des biens temporels le domestique avide
N'a pour but en fervant qu'un interêt fordide .
Contre de tels excès on a beau declamer Y
Le zéle le plus faint ne peut rien reformer.
A décrire ces maux je me fais violence :
Helas ! peut-on les voir , & garder le filence ,
Il n'en eft pas ainfi dans mon Pays natal ;
Le peuple ne fçait point ſe plaire dans le mal :
On ne le vit jamais par un efprit rebelle
Meprifer des Pafteurs & l'amour & le zéle.
Là tous les habitans réunis d'interêts ,
Sçavent vivre en Chrétiens , en citoyens parfaits
Chacun content des biens que fon travail lui donne,
En quelque état qu'il foit , ne fait tort à perfonne ,
Et le docile enfant dans fes naiſſans defirs
A remplir fes devoirs borne tous fes plaifirs .
Favorable climat , Province fortunée ,
Où j'efperois un jour remplir ma deſtinée ,
Ah ! fi depuis long-tems je fais de vains efforts
Pour m'attacher à toi par les noeuds les plus forts ,
Et fi de la raifon la voix puiffante & fage
M'ordonne de refter où le devoir m'engage ,
Du moins pour adoucir mon état malheureux ,
Garde toi d'oublier mes foupirs & mes voeux.
Que les fiécles futurs , inftruits de mon hiftoire ,
Ne ceffent de me plaindre , & d'admirer ta gloire.
86 MERCURE DE FRANCE
J'accepte enfin l'exil où je fuis condamné :
Aimables Tourangeaux , vous peuple fortuné ,
Qui vivez au milieu d'un Pays plein de charmes ,
Goûtez en les douceurs fans trouble & fans allarmes
.
Pour moi qui ne fuis plus aux jours de mon Prin
temps ,
Et qui touche peut-être à mes derniers inftans ,
Iloigné pour toujours de ma chere Patrie,
Repaffant dans mon coeur les fautes de ma vie ,
Je m'en vais détourner par des torrens de pleurs
Les maux que m'attiroient mes funeftes erreurs ,
Et du Dieu que je fers , defarmant la vengeance ,
Egaler , s'il fe peut , le remors à l'offenſe.
Ainfi , quand de la mort j'aurai fenti les coups ,
Sans craindre de l'enfer le terrible courroux ,
Secouru de la Grace , & plein d'un faint courage ,
J'efpere atteindre au port du celefte héritage .
乳豬
JUIN 89
1746
པ
REPONSE à une Queſtion proposée dans
le Mercure de Fevrier.
ONnous avoit prié de propofer cette
Queſtion , d'où peut venir le proverbe
par lequel on dit , les ânes de Bourges , ou bien
les armes de Bourges , un âne en Chaire : Voici
une lettre qui nous a été adreffée à ce fujet ;
quoiqu'elle ne foit pas farcie de l'erudition
que l'on prodigue fouvent en pareilles cir
conftances , on ne la lira peut-être pas avec
moins de plaifir , & la tradition dont l'Auteur
dépofe ne vaut pas moins que les conjectures
fçavantes & incertaines que l'on
hazarde tous les jours pour éclaircir les points
difficiles de l'Hiftoire.
Je fuis , Meffieurs , de la Capitale du Berry
&fans être fçavant , je fuis en état à ce que.
je crois, d'éclaircir par le fecours feul de la tradition
la Question propofee dans votre Mercure
de Fevrier, au fujet du proverbe par lequel
on dit les ânes de Bourges. J'ai souvent
entendu dire à mon pere , & à mongrand-pere ,
& ceux - ci aux leurs , que ce proverbe tiroitfa
fource d'un évenement dontje vais vous rendre
compte, Henri IV. devoit paſſer par Bourges ;
88 MERCURE DE FRANCE.
les Magiftrats s'affemblerent pour travailler de
concert aux preparatifs de l'entrée qu'on feroit
à ce Prince. Quand on eut pourvû à tout , que
la barangue qu'il devoit effuier eut été lüe , relüe
, commentée , corrigée c , quelqu'un s'avifa
que ce n'étoit pas affes , & qu'il falloit donner
au Roi le divertiffement d'une pêche finguliere
& rare.Le Roife rendit aux inftances des Bourgeois
qui ne promettoient au Monarque que
quelque carpe d'une groffeur monstrueufe ; mais
le Prince & fa Cour néfurent pas mediocrement
étonnés , lorfqu'en tirant le filet , on y trouva
un âne.
LE
TOMBEAU ,
QUE
OD E.
UEL fpectacle affreux me decouvre
L'eternel féjour de l'horreur ?
Tombeau , c'eft ton fein qui s'entrouvre ,
Objet d'une utile terrèur.
Sortez de vos demeures fombres
Manes errans , plaintives ombres ,
Et venez m'apprendre à mourir.
Loin cet aveuglement timide ,
Qui préfere un calme perfide
JUIN 1746. 89
Au trouble qui peut le guerir.
Prodige ! enigme impenetrable.
Quoi ! l'efprit craint d'envifager
L'inftant à jamais defirable
Qui du corps doit le dégager ?
Quoi ! loin de foupirer fans ceffe
Aprés cette mort qui le preffe ,
Ofe t-il donc la redouter ?
Et ne peut-il , trifte victime ,
Ni fouffrir ce corps qui l'opprime
Ni fe refoudre à le quitter ?
Aveugle & vaine réfiſtance !
La mort ne perd rien de fes droits ,
'Le moment de notre naiffance
Lui même nous mit fous fes loix.
Foible avorton de la lumiere .
L'un paroît n'ouvrir la carriere
Que pour entrer dans le tombeau .
A peine a t-il le tems de naître ;
Et fitôt qu'il eft, ceffant d'être ,
Un Cercueil devient fon Berceau.
L'autre en la faifon floriffante
Dont tout femble affûrer le cours ,
Voit couper la trame brillante
D'un nombre infini de beaux jours.
Oui , malgré l'efpoir le plus ferme
Il touche au redoutable terme
96 MERCURE DE FRANCE.
Que lui cache un âge impofteur.
Projets vaftes & chimeriques ,
Defirs de grandeurs phantastiques ,
Vous tombez avec votre auteur.
Ainfi la jeuneffe fuccombe :
Mais quel est celui que je vois ,
Prêt à s'écrouler fous la tombe ,
Entraîné par fon propre poids ?
Sûr préfage de fa ruine ,
Il fent de fa frêle machine
Tous les refforts ſe deſunir ;
La Parque n'y trouve à détruire
Que des yeux las de le conduire ,
Et des pieds de le foutenir.
Ah ! du moins, Déeffe barbare,
Refpecte ces hommes divins
Qu'un efprit élevé fépare
Du refte infenfé des humains.
Sauve d'un éternel filence
Ceux dont la fublime éloquence
Ravit les coeurs & les efprits ;
Ceux dont la poëtique audace ,
Des tendres accords du Parnaffe
A cent fois remporté le prix.
Vains regrets ! ta faulx homicide
Moiffonne ces fieres beautés
7
JUIN 1746 . 91
Dont un culte lâche & perfide
Fait prefque des divinités .
Tu détruis jufqu'aux moindres traces
Des vives , des riantes graces,
Funefte écueil de tant de coeurs,
Jadis helas prefque adorées ,
Et dans tes bras même abhorrées
De leurs propres adorateurs .
,
Eft-ce pe que tu les opprimes
Ces foibles objets de tes coups ?
Faut-il de plus grandes victimes
A ton implacable couroux ?
Sous la Pourpre & fous la Couronne
De ceux que le faſte environne
Frappe la haute Majeſté :
Apprend leur ce qu'ils n'ofent croire ,
Que jufques au fein de la gloire ,
Ils portent la mortalité.
Qu'ils tombent ces héros célébres,
Ces maîtres du vafte Univers;
Tombeau , de tes noires ténébres
Que tous les mortels foient couverts.
Mais quel objet s'offre à ma vûe ?
Quoi donc la grandeur confundue
Veut elle braver le cercueil ?
L'homme envain à la Parque en bute ,
Veut-il fur le lieu de fa chute
2 MERCURE DE FRANCE.
Immortalifer fon orguëil !
Superbes noms , titrės auguftes
Echappés à la faulx du tems ,
Des Rois guerriers , des Princes juſtes
Ornez les fombres monumens .
Que pouvez- vous pour leur mémoire
Ce fel étalage de gloire
Nous apprend qu'ils périrent tous ;
Et que profcrits du rang des hommes ,
S'ils furent plus que nous ne ſommes ,
Ils font aujourd'hui moins que nous.
Debemur marti nos noftraque.
Ala Molerefur l'Eſtrugón par M. D***
ELOGE HISTORIQUE
Du R. P. Baizé de la Doctrine Chrétienne.
Nfur la Paroiffe de Saint-Germain l'Au-
OEL Philippe Baizé naquit à Paris
xerois le 28 Octobre 1672. Elevé avec foin
dans la piété & dans les lettres , il penfa de
bonne heure à fe procurer un genre de vie
conforme à fes talens & à fes inclinations. Il
entra dans la Congregation des Prêtres de
JUIN 1746. 93
la Doctrine Chrétienne en Juillet 1689 ,
& il y fut aggregé l'année fuivante . Sa candeur
& une douceur de meurs qui firent
toujours fon caractére particulier , une piété
tendre & folide , une application conftante
à l'étude & la regularité de fa conduite lui
acquirent bientôt l'eftime & l'amitié de fes
confreres & du public. Pendant fon cours
de Théologie , il ne le foutint aucune Théfe
dans les differentes Communautés de cette
Capitale qu'il n'y affiftât , non par amufement
, par curiofité ou par fimple politeffe ,
mais pour profiter & s'y exercer lui- même
par la difpute. Il y brilla toujours par la force,
par l'ordre & par la précifion de fes ar
gumens . On admiroit avec étonnement dans
un jeune homme tant de fçavoir joint avec
une auffi grande modeftie .
Notre jeune Doctrinaire fut enfuite chargé
de l'éducation des Penfionnaires du College
Royal de Vitry le François : emploi penible
& délicat dont il s'acquitta avec tout le fuccés
poffible. Lorfque fes Superieurs l'envoye
rent aux Ordres , il s'y prépara avec toute
la ferveur que l'on pouvoit attendre de fa
tendre piété mais on ne doit pas paffer
fous filence une circonftance qui ne fait pas
moins d'honneur à un Prélat qui fçavoit fi
bien diftinguer le merite , qu'au Corps dont
le P. Baizé étoit membre, M. Gafton-Jean-
:
4 MERCURE DE FRANCE.
Baptifte de Noailles Evêque de Châlons voufut
felon fa coutume l'examiner lui- même
conjointement avec les grands Vicaires : il
répondit avec tant de fagacité , de juſteſſe
& de fuperiorité à toutes les queftions qui
lui furent propofées , que M. de Châlons
après lui avoir donné publiquement de juſ
tes éloges , le força de prendre place avec
les examinateurs & d'interroger avec eux les
autres Ordinans ; diftinction finguliere , mais
qui fait bien connoître quel étoit dès - lors le
merite du P. Baizé.
En 1697 on le chargea d'enfeigner la
Philofophie dans le méme College où il profeffa
deux cours. A la fin du dernier il fit
foutenir plus de vingt Thefes , ce qui parut
d'autant plus frappant , qu'outre qu'on ne fe
fouvenoit pas d'avoir rien vai de pareil dans
vu
un College de Province , on fçait qu'il eſt
fort rare que le nombre des Etudians de
Philofophie y égale , fur tout la feconde année
du cours , le nombre de ces Thefes, Il
fut enfuite mis à la tête du College dont il
dirigea en qualité de Préfet les études générales
, tandis qu'il étoit chargé de l'éducation
particuliere & des études du jeune Comte
de Netancourt.
Ses Superieurs le rappellerent à Paris fur
la fin de 1704. L'année fuivante M. Miron
Docteur de Navarre ayant legué par teftaJUIN
1746. 95
_t
1S
-ft
Be
n-
Il
il
éon
nte
fur
ron
Ita
ment fa Bibliothéque à la maifon de S. Charles
, le P. Baizé fut choifi pour la diriger &
y préfider en chef. Ce Docteur avoit offert
de fon vivant ce legs à differentes Communautés
, & il en avoit toujours été refuſé , ſoit
à caufe des charges qu'il ne vouloit point
en feparer , foit à cauſe du revenu trop modique
qu'il affuroit pour l'augmentation des
livres & pour leur entretien , mais les Doctrinaires
n'envifageant que le bien public ,
accepterent fans difficulté cette onereufe
fondation. Le P. Baizé entra avec joye dans
les vies de fes confreres & dans celles du
Fondateur ; il n'examina ni les difficultés qui
devoient fe rencontrer,ni les embarras dont il
alloit être environné : il ne vit que ce qu'il
devoit faire pour mettre le plutôt qu'il feroit
poffible cetteBibliothéque en état d'être confacrée
à l'utilité publique. Il nous a plus d'une
fois avoué qu'il n'avoit pas prévû combien cer
emploi devoit lui coûter de foins , de peine
& de travail , mais rien n'étoit capable de
le rebuter dans ce qu'il envifageoit comme
un devoir. Sans rien prendre fur les autres
obligations de fon état, fans rien diminuer de
l'application qu'exigeoient de lui les leçons
de Théologie dont il reftoit encore chargé
ou qu'on lui demanda dans la fuite , il verila
à tout , il mit tout en ordre , & dreffa des
livres dont on venoit de lui confier le foin
96 MERCURE DE FRANCE
•
:
un catalogue le plus exact peut- être le mieux
ordonné & le plus utile qu'aucune Bibliothéque
ait pu encore produire. Il avoit longtems
medité fur le fyfteme qu'il devoit fuivre,
avant que d'en prendre aucun ; il avoit examiné
tous ceux qui avoient été fuivis avant
lui il les avoit tous comparés entre eux ,
& ce ne fut qu'aprés le travail le plus affidu ,
les reflexions le plus profondes qu'il s'eft attaché
à celui que l'on voit dans fon catalogue ,
& qui a été généralement applaudi desBibliothéquaires
les plus habiles & des Sçavans les
plus judicieux qui l'ont vû & examiné . Feu
M. l'Abbé Bignon Bibliothéquaire du Roi
trouvoit ce plan fi beau , fi avantageux pour
la connoiffance des livres & de leurs Auteurs,
fi commode pour les Sçavans qui auroient
befoin de confulter ce catalogue , qu'il ne
pouvoit fe laffer de le louer,
Lorfque la Bibliothéque fut en état d'être
confacrée au public , le P. Baizé en fit l'ouverture
par un'difcours Latin qu'il prononça
le 24 Novembre 1718 en prefence de M.
le Cardinal de Noailles Archevêque de Paris,
de plufieurs autres Prélats , des Magiſtrats
les plus diftingués & d'un très-grand nombre
d'autres perfonnes de tout état qui s'emprefferent
d'y affifter , & qui applaudirent
à l'éloquence de l'Orateur , à la folidité &
à l'élegance de fon difcours, La modeftie
du
JUIN 1746.
97
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S,
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са
M.
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ement
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eftie
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du P. Baizé n'a jamais pû permettre que cetto
harangue fut donnée au public , quoique
peut-être il en feit peu de ce genre qui le
meritaffent à fi jufte titre.
Le P. Baizé fut élu deux fois Affiftant du
Général de fa Congregation & il affifta en
cette qualité aux premieres féances du Chapitre
général de 1729 , où l'on traita de
l'union avec les Doctrinaires Italiens .
Dans l'interieur de fa maifon notre fçavant
Bibliothéquaire étoit recueilli dans toutes les
fonctions , exact à tous fes devoirs , montrant
par tout & dans tout un homme animé de
l'efprit de Dieu . Dans la focieté il étoit doux ,
poli , plein de cette affabilité qui plait & qui
gagne les coeurs . Il étoit tellement poffedé
de l'amour du travail que jufqu'à la campagne
où il paffoit chaque année quelque tems ,
on ne le trouvoit jamais fans quelque livre à
la main , & prefque toujours auffi ferieuſement
occupé que lorfqu'il étoit au milieu de
La Bibliothèque. Ami fincere de la verité , il
n'écrivoit rien qu'il ne l'eut examiné , & ne
decidoit rien qu'après avoir fait jufqu'au fcrupule
toutes les recherches qui pouvoient le
conduire à decouvrir ce qu'il cherchoit.Ilſçavoit
douter à propos , & il n'accordoit rien
aux conjectures que lorsqu'il ſe trouvoit dans
l'impoffibilité d'appercevoir le vrai même.
i. Vol. E
98 MERCURE DEFRANCE,
Il aimoit les jeunes gens qui montroient du
goût pour l'étude , il leur facilitoit autant
qu'il le pouvoit , le moyen d'étudier folidement
& utilement , cependant fes confreres
auroient defiré qu'il euf eû pour ceux d'entre
eux qui pouvoient profiter de fes lumieres
& de fes foins , la même facilité à les communiquer
, qu'il en avoit effectivement pour
les perfonnes du dehors, Auffi patient dans
les maux que conftant dans le travail , il poffeda
fon ame jufqu'au dernier foupir de ſa
vie : fa derniere maladie fut très-courte ; il
vit fans s'effrayer qu'il touchoit à l'éternité
reçut les Sacremens le 4 jour de fa maladie ,
& mourut au commencement du 6 le 24
Janvier de cette année ( 1746 ) à dix heures
du matni, étant dans la74année de fon âge &
dans la 56 de fon aggrégation ; il fut enterré
le lendemain dans l'Eglife de St. Charles en
préſence d'un grand nombre de perfonnes
dont il a merité les éloges & les regrets, Nous
ne connoiffons d'écrits imprimés du P. Baizé
que l'Hiftoire abregée de la Congrégation
de la Doctrine Chrétienne & de fés Généraux
, imprimée dans les derniers volumes du
Gallia Chriftiana fur l'Archevêché de Paris ;
les Eloges hiftoriques du R. P. Jean - Laurent
le Semelier fon confrere ( dans le Mercure de
France de Juillet 1725 ) & des Hommes Illufres
de la même Congrégation interés dans
JUIN 1746. 99
es
Us
zé
он
é-
пр
iss
ent
de
Juf
ans
les deux volumes du Supplément du Morery ,
où on n'a pas toujours fuivi affés exactement
les mémoires qu'il avoit fournis : le Corps des
Statuts de la Congrégation de la Doctrine
Chrétienne imprimé en 1734 : une multitude
de Faltums dans differentes affaires de fa
Congrégation , & fur tout dans les deux que
le Général & fon Definitoire ont eu à foutenir
contre la Province de Paris au fujet de
l'élection du P. Grenan au Provincialat en
1711 & 1712 , & contre toute la Congrégation
, au fujet des Benefices en 1725 font
encore de lui. On efpere donner dans peu au
public une connoiffance entiere du plan ou
fyftéme que ce R. P. a fuivi dans fon catalogue
auquel il a continué de travailler
jufqu'aux derniers momens de fa vie.
Par le Pere de Vifmes Prêtre de la Con
grégation demeurant à Saint Charles.
EX
too MERCURE DE FRANCE.
ODE ,
En ftrophes libres.
Al'occafion de la mort de M. le Préfident
Bouhier de l'Académie Françoife .
R
Par M. Desforges Maillard .
Ouffeau , Rollin , Bouhier , Si la parque
cruelle
Refpectoit le merite & les talens divers ,
Les vôtres , dont l'éclat vole par l'Univers ,
Devoient avoir flechi fa rigueur criminelle.
C'eſt ainsi , chers amis , qu'à vos manes fidelle ,
Ma mufe commençoit , en peignant fes douleurs
A couvrir vos tombeaux de parfums & de fleurs ;
Mais , oracles fçavans , que vainement rappelle
La voix de mes tendres défirs ,
Vos noms préconifés par l'eftime publique ,
Faifant , mieux que mes vers , votre panégyrique,
Contentez-vous de mes foupirs .
Hélas ! aveugles deſtinées ,
Cinq fiécles rendront- ils jamais à nos neveux
JUIN. 1746. 101
Ce qu'en nous enlevant ces trois hommes fameux
,
Vous nous ôtez en cinq années ?
Mrs. Rouffeau &
1741 , le premier le 17
19 Septembre. M. le
mort cette année le 17
en
Rollin font morts
Mars, & le fecond le
Préfident Bouhier eft
Mars.
REFLEXIONS MORALES.
UNI
N livre qui plaît a toujours plus de vogue
qu'un livre qui inftruit . On aime
mieux être amuſé qu'éclairé . Un illuftre Académicien
a dit plus élégamment, un Auteur
qui fe rend aimable dans fes ouvrages eft
au- deffus de celui qui ne ne fçait que s'y
rendre admirable.
On n'eft jamais heureux qu'autant qu'on
fe croit l'être.
Qu'il y auroit de gens heureux s'ils ne
s'imaginoient pas qu'on peut être plus heureux
qu'ils le font !
On peut- être heureux fans être auffi heureux
qu'un autre.
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Un fot ne plaît pas , mais le petit maître
déplaît , l'un nous fatigue , l'autre nous indifpofe.
Les enfans doivent du refpect & des égards
à leurs parens , mais les parens doivent aux
enfans des attentions & des foins.
Il n'y a point de nouveau riche qui fe
montre entierement tel qu'il étoit avant fa
fortune. S'il fe découvre d'un côté , il a toujours
foin de fe cacher par quelque autre
endroit ; l'aveu qu'il fait en partie de fon
premier état n'eft que pour mieux déguifer
ce qu'il y avoit de plus bas & de plus humiliant.
eft
Il eſt des hommes vertueux , mais il en
peu qui n'aiment que la vertu.
Il feroit à fouhaiter qu'il en fut de la
grandeur qui eft attachée aux rangs , comme
de la grandeur naturelle , qu'on ne devint
grand qu'après avoir été petit.
Il n'y a perfonne qui ait le coeur ou l'efprit
abfolument libre. On eft toujours dominé
ou par quelque chofe ou par quelqu'un.
L'éducation ſevere avec laquelle on éleJUIN
1746. 10%
ve les filles leur conferve cette pudeur précieufe
qui fait la vertu de leur fexe , mais il
ne faut pas fe diffimuler qu'il en résulte affés
fouvent des défauts. Ce filence prefque continuel
auquel on les condamne devant la
compagnie fe change en une loquacité fterile
lorfqu'elles font hors des yeux qui veillent
fur elles ; cette retenue qu'elles affectent
fur les chofes qu'elles fentent ou qu'el
les entendent le mieux , leur forme peu à
peu un caractére de diffimulation , où
elles parlent fans penfer , ou elles ne parlent
point fuivant ce qu'elles penfent.
Qu'on ne s'étonne donc point s'il en eft qui
donnent dans des travers lorfqu'elles font
parvenues à un état plus libre. Elles fe placent
à l'extrémité oppofée à celle où elles
étoient. De la contrainte nait la diffipation
& quelquefois le dérangement. Ceft un eau
qui s'étoit confervée pure dans des canaux
& qui n'acquiert la liberté que pour ſe répandre
, ou que pour fe perdre.
Le devoir fait des vertueux , mais cette
vertu rarement ſe foutient dès qu'on ſe laſſe
du devoir.
Sans un peu de mouvement le mérite a
bien de la peine à fe placer. Tel brille
au Barreau qui feroit peut- être encore ou
blié , s'il n'avoit pas couru après les occafions
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE
de briller. L'efprit d'intrigue donne le branle
à la fortune , mais le merite feul la foutient..
II y a plus de gens éloquens qu'il n'y en
a qui poffedent l'art de l'éloquence.
L'éloquence eft le don de faire fentir & de
faire penfer aux autres ce que l'on fent &
ce que l'on penfe foi-même .
Ce qui part du coeur va toujours au coeur.
Le Maure chante , Gauffin déclame ; je fens
ce qu'elles fentent elles mêmes.
L'amour de fon nom n'eft que l'amour dé
la vie , tout ce qu'on fait pour le perpetuer
n'a d'autre objet que d'affûrer à foi-même
une forte d'immortalité dans ce monde .
Un Roi qui aime fes fujets eft toujours
fûr d'en être aimé.
Que fignifient ce maintien , cette démarche
, ce ton , ce langage , cet enfemble
affecté Tout vous paroît étonnant , où vous
excede. Je vous devine. Vous êtes de qualité
, ou vous avez un rang. Vous voulez me
fubjuguer , me montrer la diſtance qu'il y a
de vous à une autre femme.Suivez mon conJUIN
1746. 1ος
feil , défaites-vous de ces manieres & de ce
jargon , s'il y a bien de l'abfurde dans tout
ce que l'on vous dit & dans tout ce que
Vous entendez , n'y en a - t'il pas encore
plus à contracter des ridicules de mode ? la
mode paffe & les ridicules reftent.
Il y a des gens qui par un faux air parlent
un langage auffi ridicule que celui
que parle
le peuple ridicule.
Le Pedantiſme eft de tous les états. C'eft
trop montrer & trop faire fentir aux autres
ce que l'on eft. D'après cette idée on peut
dire qu'il y a plus de pedans au monde que
l'on ne penfe.
Les hommes font toujours plus inquiets
que contens.
Il est plus fûr de juger de foi-même par ce
qu'on a fait, que par ce qu'on croit pouvoir
faire.
Homme fenfuel ! vous trouvez de la difference
entre ces ragoûts , entre ces viandes
blanches ; & ce gibier. Miferable que
vous êtes , ne rougiriez vous pas de cette
délicateffe , fi vous faifiez attention un feut
moment , que ce pauvre qui, à votre porte
n'a que du pain , ne mange pas même le
meilleur ?
106 MERCURE DE FRANCE.
Le crime contraint , la vertu invite . Cri
men imperat, virtus fuadet. On a dit préce
demment , le crime fait des efclaves , la vertu
n'a que des fujets . Il y a des nuances
differentes dans ces trois maximes. On demande
qu'elle eft la meilleure , foit pour la
penfée , foit pour l'expreffion.
IM PROMP TU.
Vers adreffés à Monfieur le Profeffeur Lublin
à Gentoux , près de Geneve , pour lui
demander à fouper.
Nous fommes quatre Pelerins
Que le fort a jettés fur ce charmant rivage ,
Où l'on voit de fi beaux jardins.
Qui croiroit que dans ce village
Oùl'on coule des jours fi doux & ſi ſerains ,
Où les jeux & les ris femblent vous rendre hom
mage ,
On pût avoir quelque chagrins ?
Mais l'on ne trouve ici ni poulets ni bouding ,
Pas même un morceau de fromage.
Dans le defert le plus fauvage
On voit au moins quelques lapins
Qu'on fait rotir dans l'hermitage .
Quoi faudra-t'il mourir de faim !
Certes pour des gens à notre âge
C'est bien un funefte partage.
JUIN 1746. 107
4
Il faut que quelqu'efprit malin
Nous ait infpiré ce voyage.
Ceci n'eft point un badinage .
Maudit foit le pelerinage .
Celui qui le premier en conçut le deffein ,
Nous mit , où peut s'en faut , le poignard dans le
Mais pourquoi foupirer en vain , [ fein ;
Et comme des gens fans courage
Se laiffer abattre à l'orage ?
Il vaut bien mieux tendre la main ,
Que fi de la mort implacable
L'un de nous étoit le butin.
Et comme genereux Lullin,
yous joignez aux talens qui forment l'homme aimable
,
Un coeur fenfible & charitable
Et que toujours le miferable ,
Trouve en vous un fecours certain ,
Nous vous demandons pour feftin
Quelques miettes de votre table.
REMERCIMENTau mêmefur deux rimes.
Dans le fein de la providence
Nous repoferons déformais ;
Et foit en guerre , ſoit en paix ,
Elle aura notre confiance.
Evj
08 MERCURE DE FRANCE
Et comment en craindre l'excès ,
Puifqu'une heureuſe experience
Nous en a montré le fuccès ?
Au milieu de notre indigence ,
Quand la faim nous ferroit de près ,
Et que
dans ces belles forefts .
Nous croyions faire penitence ,
N'avons-nous pas vû l'abondance ,
Par vos foins & par vos bien - faits ,
Couvrir notre table de mets
Et terminer notre fouffrance ?
Votre généreuſe affiſtance
A furpaffé tous nos fouhaits ,
Et ne nous laiffe de regrets
Que d'être réduit au filence ,
Ainfi fans peine , fans dépenſe
Un grand merci fera nos frais
Et fera votre récompenfe ›
·
Car comment vous marquer notre reconnoiffance ?
Vous la prouver par des effets
Seroit-il en notre puiffance ?
Ah ! pour en exprimer feulement quelques traits,
Il nous faudroit votre éloquence.
JUIN 1746. Tog
ASSEMBLE'E publique de l'Académie des
Sciences , tenue le Mercredi 20 Avril
dernier.
Mcadémie qui travaille à un Traité du
Onfieur Bouguer Penfionnaire de l'ANavire
, de la conftruction & de ſes mouvemens
, ouvrage très-important & digne
de la réputation de ce célebre Académicien ,
lut la préface de fon Livre.
que
L'Auteur s'eft moins propofé dans cette
Préface de nous entretenir de fon Livre ,
que de la matiere même qui en fait l'objet.
Il a voulu nous représenter l'état actuel de
la conftruction des Vaiffeaux & nous indiquer
les chemins qu'on doit fuivre pour perfectionner
cet Art , en nous renvoyant au
Livre même lorfqu'il paroîtra , ou à la Table
des Chapitres ; fi nous voulons ſçavoir
l'ordre qu'il a fuivi dans l'execution . La Préface
nous a paru comme divifée en deux
parties : la premiere qui eft purement hiſtorique
eft deſtinée à nous mettre fous les yeux
diverfes tentatives qu'on a faites en differens
tems pour perfectionner l'Architecture navale
. Pierre Janffe de Horne avoit cru trouver
le modéle ou l'idée Archetype des
Vaiffeaux parfaits dans l'Arche de Noé. I
110 MERCURE DE FRANCE
ne faifoit point attention que cette Arche
étoit moins propre à naviger avec viteffe
qu'à foutenir un grand poids prefque en repos
fur les eaux du déluge . M. Bouguer n'a
garde de comparer à cette tentative abfolument
hazardée les autres dont il fait mention.
On tint à Paris vers 1681 des conferences
par ordre du Roi . dans lesquelles
alfifterent avec divers Conftructeurs habiles
, plufieurs Officiers fameux entre lef
quels M. le Chevalier Renau fe diftingua,
mais on ſe borna dans ces Affemblées à former
les Gabaris des Navires , leurs plans &
leurs profils avec plus de régularité ou plus
de fymmétrie. Si l'on préfera l'ufage de certaines
lignes courbes , ce fut plutôt parce
qu'on les trouva plus faciles à décrire ou qu'elles
fe préfentoient les premieres que parce
qu'on leur connut quelque proprieté particuliere
qui les rendît plus convenables, onn'alla
pas jufqu'à confiderer lesNavires comme des
corps hétérogènes dont toutes les parties ont
entr'elles des rapports exacts & fecrets qu'il
n'appartient pas à la Géometrie pure de
determiner , mais qui font du reffort de la
Phyfique ou des Mécaniques . On croit enfin
que le P. Hofte , Profeffeur Royal de
Mathématiques à Toulon , eft le premier
qui a vu diftinctement toute la difficulté du
fujet, & qui a entrepris de le traiter d'une
JUIN. 1746. 111
maniere exacte. M. Bouguer rend juftice à
la mémoire de ce fçavant Jefuite qui ne fur
pas néanmoins affés heureux lorfqu'il fe propofa
d'établir l'Architecture navale fur des
principes certains dans fon Livre de la Théarie
de la Conftruction.
On indique l'origine des méprifes de cet
Auteur & on le difculpe fur le peu de fuccès
qu'eut une Frégate qu'il entreprit de conftruire
pour l'oppofer à une autre dont M. le
Maréchal de Tourville voulut être lui même
T'Architecte ou l'Ingenieur.
Ce nouveau genre de difpute étoit tout
à fait defavantageux au Jefuite qui n'étoit
environné que de perfonnes qui lui étoient
contraires , pendant que M. de Tourville
qui fe déclaroit le protecteur des régles vulgaires
& qui fe bornoit à un fuccès ordinaire
& limité , étoit comme fûr de l'obte
nir. Outre cela les principes de Mécanique
dont le P. Hofte étoit imbu ne devoient
pas moins faire tort à la conftruction de fa
Frégate qu'à la bonté de fon Livre : la Frêgate
ne réuffit pas , & on n'eut aucune indulgence
pour le Conftructeur Géometre ,
au lieu qu'on célébra beaucoup trop la victoire
du Maréchal de France , qui fameux par
des triomphes plus réels & d'un autre genre ,
ne pouvoit dans le fond rien s'attribuer des
fuccès de celui- ci , Cette experience ne prou
T12 MERCURE DE FRANCE.
voit point que les régles vulgaires fuffent
parfaites , ou qu'il fut impoffible de les perfectionner
ou d'en imaginer de meilleures
, mais toutes les circonftances leur étoient
alors favorables , & il devint fi peu permis
d'y rien changer que toute innovation eut
été réputée téméraire ou dangereuſe.
Il y a beauconp d'apparence que ce fimple
incident n'a pas peu contribué dans notre
Marine à arrêter les progrès de l'Architecture
Navale , mais il fuffit de s'informer de
ce qui fe paffe chés tous les peuples qui
cultivent la navigation.pour reconnoître que
la conftruction y eft à peu près dans le même
état.
On defere par tout dans des cas de la
plus grande importance au fimple tatonnement
à celui qui eft le plus groffier & le
plus fujet à tromper.
Quelquefois on veut faire prévaloir une
certaine qualité dans le Vaiffeau ; on obferve
pour cela avec plus de rigueur les maximes
les plus généralement approuvées , & on
produit un effet tout contraire à celui qu'on
attendoit ; trop fouvent même on n'évite le
péril de l'experience qu'en ne s'y expofant
pas , il fort de reins en tems de tous les
Chantiers de Purope des Navires dont l'imperfection
n'e? point équivoque , & qui ne
donnent pas lieu à la tifte confolation de
JUIN 1746. 113
dire qu'ils fe font mal comportés en mer
Il n'eft pas difficile à M. Bouguer en paffant
à la partie de fa Préface que nous regardons
comme la feconde , d'expliquer
pourquoi la conftruction des Vaiffeaux a
fait fi peu de progrès. Il nous en indique
plufieurs caufes. Les méthodes Géometriques
& l'Analyfe qui devoient fervir à réfoudre
les grandes difficultés qui font propres à
cette matiere avoient befoin elles - mêmes
d'être perfectionnées , & l'époque des nouvelles
découvertes qui ont fi fort enrichi les
Mathématiques eft affés recente . D'un autre
côté l'Architecture navale étoit prefque toujours
abandonnée à la direction des fimples
ouvriers, car c'eſt au Miniftre éclairé qui a la
Marine dans fon département que nous devons
le changement fi avantageux qui a elevé
la conftruction au grade des plus nobles
Arts . M. le Comte de Maurepas a excité les
Conftructeurs par le plus puiffant de tous
les motifs en rendant leur profeffion
honorable leur émulation qui en a été picquée
les a obligé de redoubler leurs ef
forts , & de fe montrer dignes de la diftinction
qu'ils venoient d'obtenir.
:
Enfin cette matiere eft trop compliquée
; elle fupofe un trop grand nombre
d'attentions délicates pour qu'on puiffe
porter à fa perfection par l'experience
la
214 MERCURE DE FRANCE.
feule. Le Navire eft un tout fi compofé que
chaque changement fait à une feule partie ,
eft le commencement d'une infinité de difpofitions
ou de diverfes combinaiſons dont
chacune doit avoir un effet different & qu'on
ne peut fçavoir que par un effai particulier.
On ne peut pas , par exemple , toucher à la
largeur de la caréne , fans fe mettre dans
la néceffité de changer toutes les autres par
ties , or il naitroit de ces changemens une
infinité de fyftemes ou d'arrangemens
differens , & il faudroit pouvoir les difcuter
prefque tous les uns après les autres par une
infinité d'expériences .On fent aifément combien
la Pratique qui eft privée de toutes les
lumieres de la Théorie , eft alors impuiffante.
Comment exécuter un fi grand nombre d'effais
? il ne faut rien moins qu'un nouvel
evenement , qu'une tempête , qu'un naufra❤
ge même pour procurer à l'homme de mer
qui a vieilli dans le metier , mais qui n'eft
que praticien , un feul degré de connoiffan
ce de plus. Vous ne le trouverez parfaitement
inftruit que lorfque vous le confulterez
fur les feules chofes qu'il a éprouvées.
LaPratique eft originairement fterile : faites
intervenir les lumieres de la fpéculation , il
eft vrai qu'il faudra toujours y joindre les
connoiffances de fait , mais la Théorie s'en
fervira enfuite comme des principes , elle en
JUIN 1746 113
tirera des inductions fures , & étendant fes
vûës à tous les autres cas & jufqu'à l'infini ,
car elle n'eſt pas arrêtée par les mêmes
bornes que la Pratique , elle tiendra effectivement
lieu d'une infinité d'experiences.
C'eſt lorfque l'ouvrage paroîtra , ( ce qui
ne doit pas tarder , felon ce que nous avons
appris ,)qu'il faudra voir dans la Préface dont
nous faifons l'extrait , toutes les raifons dont
on fe fert pour prouver l'indifpenfable néceffité
où l'on eft d'allier dans tous les Arts la
Théorie & la Pratique . L'ouvrage étoit déja
compofé ; M. Bouguer l'avoit achevé au Pé
rou , & cet Académicien a penſé qu'il feroit
bon de le faire précéder la rélation de fon
voyage , parceque ce feroit le moyen de fe
procurer plus de loifir pour mettre en ordre
tous les materiaux qui doivent entrer
dans cette relation .
Le Traité qu'il va nous donner actuellement
eft partagé en trois Livres. Il s'offroit
une divifion très fimple , en confiderant le
Vaiſſeau dans tous fes divers états & par rapport
à tous fes ufages. Il ne fuffit pas de
fe repréſenter le Navire lorfqu'il eft à l'ancre
dans une Rade & qu'il eft exposé à toute
l'agitation d'une mer orageufe , qu'il eft fujet
aux mouvemens violens du roulis ou du
tangage , il faut principalement l'examiner
lorfqu'il eft fous voile , qu'il cingle avec vi16
MERCURE DE FRANCE.
teffe & qu'il s'éloigne difficilement d'une côte.
Ce partage eft effectivement très naturel &
prefente une vafte carriere à l'Auteur , puifque
c'eſt joindre à la conſtruction des Vaif- `
feaux la mécanique de tous leurs mouvemens
& les régles de leur manoeuvre, mais on
a cru pour embraffer le fujet dans une plus
grande étendue, être obligé d'ajoûter encore
un autre Livre dans lequel on infifte principalement
fur des chofes de Pratique & où
après avoir expofé les maximes vulgaires de
Conftruction on les foûmet à un premier
examen qui fait connoître les premiéres &
plus fimples corrections dont elles font fufceptibles
.
M. l'Abbé Nollet lût en uite un Mémoire
fur l'Electricité ; nou avons rendu
un compte detaillé de tous les phénomenes
dans le Mercure de Fevrier , ainfi pour ne
pas tomber dans des repétitions nous nous
abftenons de nous étendre fur ce Mémoire.
JUIN 1746. 117
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS &c.
ISSERTATION fur l'incertitude des
Dignes de la mort &l'abus des enterremens
& embaumemens precipités , par Jac
ques-Jean Bruhier , Docteur en Medecine.
feconde partie Paris 1745 in 12. chés Mortl
le jeune , Pranlt pere , Prault fils , & Simon
fils .
M. Bruhier n'eft pas le premier qui fe foit
recrié fur l'abus des enterremens précipités ,
& qui ait prétendu qu'il n'y avoit de figne
non équivoque de la mort qu'un commencement
de putrêfaction . M. Winſlow avoit
déja donné une Théfe où cette doctrine
étoit expliquée . M. Bruhier animé du zéle
du bien public a donné un projet de réglement
pour remédier aux abus qui font fi
frequens en cette matiere , il l'a etayé d'une
Differtation fur l'incertitude des fignes de la
mort , où il rapporte une foule d'hiftoires
de gens crus morts & rappellés à la vie après
avoir été portés dans le tombeau . Cette
premiére
partie n'a pas paffé fans conteſtation ;
plufieurs perfonnes fe font rangées du parti
18 MERCURE DE FRANCE.
de l'Auteur , mais il s'eft elevé des contradicteurs
, & leurs objections nous valent cette
feconde partie. M. Bruhier juftifie la plûpart
des hiftoires qu'il a racontées dans fa
premiére partie, & en rapporte de nouvelles.
Il réſulte manifeftement de tout ce que
rapporte M. B. que le mouvement du coeur
& la circulation peuvent demeurer fufpendus,
fans que la mort fuive néceffairement cette
interruption , ce font des fignes palpables &
non des caufes immédiates & abfolues de
la vie. Et qui peut fe flater de fçavoir
en quoi confifte l'effence de la vie ? Notre
être eft & fera toujours pour nous
une énigme impenetrable. On trouve ici
une grande quantité d'hiftoires de noyés &
de pendus rappellés à la vie ; hiftoires inconteftables
, & qui prouvent que tout n'eſt pas
défefperé quand on retire les noyés de l'eau
peu d'heures après qu'ils y ont été ensevelis.
M. Bruhier traite doctement & clairement
de la nature des fecours qu'on doit leur apporter
, on trouvera la même ſolidité dans ce
qu'il preferit fur la façon de fecourir les gens
que la vapeur du charbon a furpris ; il nous
permettra de nous intereffer un peu moins
aux fecours qu'il propofe pour les pendus ;
graces au ciel la manie du Suicide n'a pas
encore paffé la mer pour venir regner chés
nous ,& les pendus de la Juftice ne méritent
JUIN 1746 119
S
s
si
as
$
ᎪᏗ
pas l'attention] des Medecins ; les Hiftoires
que raconte M. Bà ce fujet feroient même
capables de corriger de la compaffion qu'on
pourroit avoir pour eux. Dans prefque toutes
le pendu reffufcité vole fon liberateur. C'eft
la fable de Couleuvre . Nous avons lû avec
plaifir l'hiftoire du Meûnier d'Abbeville, qui
ayant ainfi rappellé à la vie un pendu , le
garda chés lui quinze jours , au bout defquels
le voleur le vola & difparut ; le Meunier
& fes enfans coururent après lui , le ratraperent
, & ſe faiſant juftice eux- mêmes , le rependirent
à la même potence d'où ils l'avoient
tirés,& depuis étant inquiétés par lesJuges,furent
obligés d'obtenir des lettres de rémiffion
L'Auteur attaque auffi avec force la prévention
où l'on eft que la vie des enfans
dépend abfolument de celle de leurs meres,
& qu'ils ne leur furvivent pas quand elles
meurent près du terme de leur groffeffe
voici un fait fingulier qu'il rapporte à ce sujet,
La femme de François Arevallos de
» Sueffo tomba malade à Segovie dans les
» derniers mois de fa groffeffe : étant morte
» en peu de jours , ou ayant été reputée telle
??
ל כ
သ
on l'enterra ; le mari qu'on avoit envoyé
» chercher en diligence dans un endroit
éloigné où il étoit allé pour affaires , arriya
vers le milieu de la nuit : apprenant que
La femme qu'il aimoit beaucoup étoit mor ??
120 MERCURE DE FRANCE
22
33
te & enterrée , il voulut fe procurer la fatisfaction
de la voir encore une fois ; il va
à l'Eglife, & la fait exhumer; à peine à t - on
Ouvert le cercueil qu'on entend les cris
d'un enfant. Tout le monde eft laifi d'étonnement
; on appelle la Juftice ; les Prêtres
& beaucoup d'autres prennent des flambeaux
& accompagnent le mari . On léve
», le Suaire, & on voit paroître la tête de l'enfant
, qui faifoit effort pour débaraffer le
refte de fon corps : non feulement on le
tira vivant & fain , mais il a vécu long-tems
avec lé
om defils de la terre que tout
le monde s'accorda à lui donner.
อ
22
37
30
23
20
Horftius prouve par un autre fait que
celles qui font mortes peuvent accoucher ;
ilraconte en effet qu'une femme groffe ayant
été pendue avec fon mari par des foldats Elpagnols,
entre Deventer & Zutphen , mit au
monde quatre heures après la mort deux jumeaux
vivans .
38
Nous trouvons à la page 473 un fait qui
mérite de trouver place ici . » En Corfe , dit
» M. B, quand un mari meurt , toutes les
femmes fe jettent fur la veuve & la battent.
Cette coutume oblige les femmes à confer-
»ver foigneufement la vie de leurs maris : l
mêmes femmes aprés avoir fait des complimens
au mort , qui n'y répond jamais , de
colere tirent le corps du lit , le mettent fur
la
JUIN. 1746.
12t
la couverture & le font fauter pendant une
» demie heure ; cette dan 'e ou ce bernement
à fouvent fauvé la vie à de prétendus morts
qui n'étoient qu'en létargie.
ג כ
LE PETIT DICTIONNAI E du tems , &c
chés Lottin & c.
Nous avons déja annoncé le mois paflé le
titre feul de ce livre,& nous avons promis d'en
parler plus amplement . Il n'y en a point qui
puiffe en effet plus s'appeller le livre du tems ,
car tout le monde s'ingere de raiſonner fur
les nouvelles publiques, & les ridicules raifonnemens
des Nouvelliftes peuvent bien
être comptés parmi les fleaux qu'entraine la
guerre. Combien de gens qui n'avoient auparavant
rien à dire acquierent une petite
exiſtence en commentant , affûrant , niant
des nouvelles qu'ils n'entendent point. Ce
n'eft pas que nous prétendions approuver
davantage un Milantrope fombre , qui ne
s'occupant que de lui feul , vivroit dans une
apathie condamnable. Tout bon Citoyen
doit s'intereffer à la chofe publique , mais il
y a bien de la difference entre l'homme ſenſé,
qui fait des voeux pour la gloire du Roi , pour
la profperité de l'Etat , qui eft tranfporté de
joie de nos fuccès, & le Nouvellifte fanatique
qui paffe fa vie à raifonner fur des opérations
qu'il ignore , qui entreprend de rectifier les
1.Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
Confeils , & de juger tout ce qu'on auroit
dú faire. Cette efpece de gens eft à peu-près
ce que feroit un Juge qui voudroit décider
les procès des Citoyens fans fçavoir les loix,
&fans voir les piéces des parties. Rien ne feroit
plus capable de montrer le néant de la gloire
aux gens en place, que de leur faire entendre
les difcours de ces raiſonneurs. On pourroit
leur dire alors ce que Marc -Aurele fe difoit à
lui- même :Regardez qui font les gens qui vous
jugent , quel cas en faites- vous ? Il n'y en a
pas un feul dont vous daignaffiés prendre
l'avis fur l'affaire la moins importante , ainfi
foyez moins affligé de leurs cenfures , ou
moins enorgueilli de leurs éloges . C'eſt la
pofterité de Bridoye qui juge avec des Dés,
à
Quoiqu'il en foit , voici un livre où l'on
explique tous les termes qui ont rapport
la guerre , aux fortifications & à la Géographie.
C'eft , fuivant l'intention de l'Auteur,
un commentaire appliquable à toutes les Ga
zettes , on y trouve auffi un petit Dictionnaire
géographique , où l'on a rangé par
ordre alphabetique le nom des villes & des
pais qui ont rapport à la guerre préſente ,
leurs limites , leur ficuation , leurs forces ,
leur commerce & c. La plupart de ces articles
font extraits du Dictionnaire de la Martiniere
, ou d'autres livres qui ont traité de ces
matiéres , auffi l'Auteur avoue- t- il modefte
•
JUIN 1746. 123
ment dans la Préface qu'il ne prétend d'autre
honneur defon livre que d'avoir raffemblé dans
un feul volume des inatieres qui étoient répandues
dans plus de quarante.
>
Un merite réel de ce livre , c'eft qu'il peut
être porté dans la poche , & d'ailleurs les
gens à qui il eft offert ne font pas gens à Bibliothéques
; il leur épargne la dépenſe d'achêter
les livres d'où on a tiré ce qu'il renferme.
L'Auteur avance avec une confiance que
nous nous garderons bien d'imiter , qu'avec'
les explications qui se trouvent dans son livre ,
on eft en état de juger des forces d'une Place
d'entendre la manoeuvre des vaiffeaux , de fuivre
les progrès d'un fiége , enfin de parler de
toutes les operations de la guerre . Voilà de
quoi donner aux ignorans la plus dangereufe
confiance. L'Auteur homme raisonnable &
judicieux peut-il fe flater de donner dans
un petit livre l'intelligence de deux Arts importans,
la guerre & la marine , pour lesquels
la vie des hommes eft trop courte ? Croitil
pour avoir expliqué ce que c'eft qu'un
rempart , un parapet , unfoffe , des portes &
des ponts-levis , & d'autres chofes pareilles ,
avoir mis fes lecteurs à portée de juger des
operations d'un fiége ? Suffit - il de fçavoir ce
que c'eft qu'une ancre , appareiller , arcenal
de Marine , Armateur , & c. pour fçavoir fi
une manoeuvre navale eft bonne ou mauvai-
Fij
24 MERCURE DE FRANCE,
fe? L'Auteur a certainement fait un ouvrage
utile, parce qu'il y a des gens qui ignorent les
chofes qu'il a expliquées dans fon livre , mais
au lieu de leur infpirer une prévention dangereufe
dans laquelle ils ne donneront que
trop facilement , il auroit dû leur dire que
les gens fages ne parlent point de ce qu'ils
ignorent , que dans tous les métiers du monde
c'eft aux gens de l'art feuls qu'il appartient
de juger , & qu'ainfi les ignorans doivent
à plus forte raifon fe difpenfer de décider
au hazard fur des matieres où les plus
habiles & les plus experimentés fe défient
toujours de leurs lumières.
HISTOIRE du Théatre François , depuis
fon origine jufqu'à préfent , avec la vie des
plus celebres Poëtes Dramatiques , un catalogue
exact de leurs piéces; & des notes hiftoriques
& critiques Tom . 5. in 12. 1745 chés
le Mercier & Saillant.
Nous avons déja parlé avec éloge des quatre
premiers volumes de cet ouvrage utile
dont les Auteurs meritent la reconnoiffance
& l'eftime du public , non feulement pour la
peine qu'ils ont eu de ramaffer une quantité
immenſe de materiaux , mais pour l'ordre &
la méthode avec laquelle ils les ont arrangés
de difcernement&la faine critique qui brillent
dans les jugemens qu'ils ont portés , ainfi que
JUIN 1746. 125
le goût dans le choix qu'ils ont fait des morceaux
qu'ils ont cités . On peut dire avec affurance
que ce livre fait honneur à notre
Litterature , & en doit faire d'autant plus aux
Auteurs , qu'il n'eft que trop rare que les gens
qui ont la patience de faire de vaftes compilations
, ayent le goût & le difcernement
néceffaire pour les arranger. Il a fallu à M M.
P. la patience la plus courageufe pour lire
l'énorme fatras de mauvais ouvrages qui com .
poſent notre Théatre , fur tout dans fes commencemens.
Ce cinquiéme volume commence dans un
tems plus brillant ; on y voit d'abord les
premieres piéces du grand Corneille fuivies
du Cid , qui paroît tout à coup tel qu'un
aftre lumineux au milieu d'une nuit profonde.
Toutes les differentes particularités de la
querelle qui s'éleva au fujet duCid font ici très
bien déduites, Le Cardinal de Richelieu avoit
excité cette tempête , & ce grand homme
jaloux de la gloire de Corneille perfécutoit
comme Poëte ce même merite qu'il récompenfoit
comme Miniftre. Il fouleva tous les
Auteurs parmi lefquels la répréſentation du
Cid avoit caufé une confternation générale ;
il fe mit à leur tête , & l'on vit tous les Poëtes
de France acharnés à décrier ce que toute
la France admiroit ; Corneille feul contre
Fiij
#26 MERCURE DE FRANCE.
tous , mais défendu par les fuffrages du public
, ne fentit pas affés fes avantages , & ne
put réfifter enfin à la tentation de repondre
à fes ennemis. Les larmes qu'on avoit données
à fa piéce n'étoient elles pas une réponſe
fuffifante , & cette ligue générale des Auteurs
excités par un grand Miniftre qui fe mettoit
à leur tête , n'étoit elle pas un aveu aflés formel
de fa fuperiorité? Les envieux ne fentent
pas affés que leur jaloufie même eft un hommage
, & ceux qu'ils attaquent font rarement
affes Philofophes pour faire eux-mêmes cette
reflexion : Y a-t-il rien de plus judicieux que
ce que M. de Balzac écrivoit à Scuderi , le
principal combattant qui ait paru dans cette
lice? Le Cid ayant plu , ne feroit- il point vrai
qu'il a obtenu la fin de la répréfentation , &
qu'il eft arrivé à fon but , encore que ce ne
Soit pas par le chemin d'Ariftote , ni par
adreffes de fa poëtique ? Mais vous dites , M.
qu'il a ébloui les yeux de tout le monde , &
vous l'accufez de charme & d'enchantement.
Je connois beaucoup de gens qui feroient vanité
d'une telle accufation ... Voilà ce que vous reprochez
à l'Auteur du Cid , qui vous avouant
qu'il a violé les régles de l'art , vous oblige
de lui avouer qu'il a un fecret qui lui a mieux
reuffi que l'art même , ne vous niant pas
qu'il a trompé toute la Cour & tout le peuple
ne vous laiffe conclure de- là , finon qu'il eft plus
les
JUIN 1746.
127
fin que toute la Cour tout le peuple , & que
la tromperie qui s'étend à tant de perfonnes , eft
moins une fraude qu'une conquête .
Les fentimens de l'Académie Françoiſe ſur
le Cid fi généralemeut & fijuftement approuvés
terminerent ce grand differend , & Corneille
continuant fa carriere , donna Horace ,
Cinna , & les autres chef- d'oeuvres que nous
admirons encore aujourd'hui.
que
La Calprenéde Auteur des trois fameux
& admirables Romans , Caffandre , Cleopatre ,
Pharamond , figure dans ce volume parmi
les autres Poëtes Dramatiques , mais il n'y
foutient pas l'idée l'on a de lui quand
on ne connoît que fes Romans. Cet homme
dont l'imagination étoit fi vatte & fi brillante ,
étoit un Auteur Dramatique fort mediocre .
On éclaircit ici un fait qui le concerne ; on
avoit cru jufqu'ici fur la foi d'une lettre de
Gui Patin qu'il avoit été empoifonné par fa
femme, Il mourut en 1663 d'un accident qui
lui arriva en badinant avec un fufil. L'Auteur
du fupplément du Moreri avoit deja relevé
la mepriſe de Gui- Patin , mais il s'étoit
mépris lui- même en plaçant en 1661 la mort
de la Calprenede , que la Gazette en vers de
du Loret nous apprend être arrivée en 1663 .
On trouve dans ce volume une Comédie
de Rotrou intitulée les deux Sofies , de laquelle
Moliere s'eft beaucoup aidé dans fon Amphy-
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE
trion. La Scéne du premier Acte entre Mercure
& Sofie eft très-bien traitée . Amphytrion
ouvre la Scéne . au fecond Acte , & demande
à Sofie quel eft celui qui l'a chaffe de
la maison.
AMPHYTRY.ON .
Eh qui t'en a chaffé?
SOSIE
Moi , ne vous dis-je pas ?
Moi que j'ai rencontré , moi qui fuis fur la porte ,
Moi qui me fuis moi -même ajusté de la forte ,
Moi qui me fuis chargé d'une gréle de coups ,
Ce moi qui m'a parlé , ce moi qui fuis chés vous.
Si dans ces Scénes Rotrou fe foutient auprès
de Moliere , il a bien du déſavantage
quand il traite l'amour de Jupiter & d'Alcmene.
Ces Scénes fi délicatement filées par
Moliere font pitoyables dans Rotrou. Il reuffit
mieux à faire parler Mercure fous la figure
de Sofie , lorſqu'il défend à Amphytrion l'entrée
de fa maiſon.
AMPHYTRION ,
Sofie ?
JUIN 1745. 129
MERCURE .
Eh bien ? c'est moi , crois- tu que je l'oublie ?
Acheve , que veux -tu ?
AMPHYTRION .
Traitre , ce que je veux !
MERCURE.
Que ne veux-tu donc point ? répond moi fi tu veux ;
Il penfe s'adreffer à quelque hôtellerie
De la façon qu'ilfrappe & qu'il parle & qu'il crie,
Eh bien , m'as-tu , ftupide , affés confideré ?
Si l'on mangeoit des yeux il m'auroit devoré.
AMPHYTRION.
Quel orage de coups va pleuvoir fur ta tetë?
Moi- même jai pitié des maux qu je t'apprête.
Moliere a imité tout ce Dialogue auffi
bien que ce vers qui eft devenu proverbe ,
& que Rotrou met dans la bouche d'un des
Capitaines invités à dîner.
Point , point d'Amphytrion où l'on ne dîne point.
Ce difcours eft mieux placé dans la bou
che de sofie , à qui Moliere le fait tenir. Ce
fujet excellent imaginé par Plaute, fut traité
par Rotrou avec les défauts de fon fiécle
Ev
130 MERCURE DE FRANCE.
Moliere dont le génie fublime corrigea ces
défauts , & donna au Théatre Comique une
nouvelle forme , profita des beautés de l'un
& de l'autre , les perfect onna , & évitant les
fautes dans lesquelles ils étoient tombés
fit de ce fujet d'Amphytrion un de fes chefs
d'oeuvres.
Une Comédie intitulée le Galimathias , eft
le modéle des Amphigouries au Théatre.
Rabelais en avoit déja donné l'idée dans
fon livre , & depuis nous avons vû ce genre
renouvellé de nos jours avec une célebrité
qui fait peu d'honneur au goût de la Nation.
Ces fortes de badinages , faits originairement
pour des Sociétés , ne doivent jamais fortir
du lieu où ils font. nés.
La Coquette fixé Comédie en trois actes
& en vers , avec un divertiffement , repréfentée
pour la premiere fois par les Comédiens
Italiens le Jeudi 10 Mars 1746, à Paris
1476 chés Jacques Cloufier.
Nous avons déja parlé de cette piéce qui
a été reçue favorablement au Théatre ; elle
eft écrite d'un flyle agréable & facile , &
l'Auteur y a peint avec beaucoup de verité
les moeurs de notre tems , ce qui n'a pas peu
contribué au fuccès de fa piéce , & doit être
le veritable objet de la Comédie.
DISCOURS à la louange de LOUIS
JUIN 1746. 131
XV. furnommé le Bien - aimé , dediés à la
Reine par le P. Eutrope , Religieux Carme,
& Aumônier du Château Trompette . Bordeaux
1746 in 12 chés . Pierre Séjourné.
L'Auteur ne pouvoit choifir un fujet plus
augufte , plus fécond & plus au goût de tout
le monde . C'eſt une carriere qui chaque jour
devient plus vafte. Nous applaudifſons trèsfincerement
au zéle de l'Orateur , & à l'emploi
qu'il a fait de les talens.
NOVUM JESU-CHRISTI TESTAMENTUM
ad exemplar Vaticanum accuratè reviſum.
Parifiis via San-Jacobeâ ad infigne veritatis ,
apud Ph. N. Lottin Typographum & Ang.
Mart. Lottin filium Bibliopolam. M. DCC.
XLVI ( Petit in - 12 quarante fols ent
feuilles . )
Les Editions latines du nouveau Teftament
ne font pas rares affûrement , les deux villes
de Paris & de Lyon n'ont jamais tari cette
fource , & ne font pas prêtes à la tarir : peutêtre
feroit il à defirer qu'elles fuffent moins
fécondes , vu la quantité de fautes qui' inondent
toutes celles qu'elles mettent au jour
En effet ce livre eft celui de tous les livres
le plus fréquemment dans les mains & le
plus digne de l'être , mais on pourroit preſqu'affûrer
qu'il n'y en a pas de moins cor-
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
"
rectement imprimé , graces aux foins de
Mrs. Lotrin pere & fils , nous allons en
avoir un que nous pourrons lire fans être arrêtés
par aucune faute : on lit dans la Préface
toutes les peines qu'ils fe font données
pour y reuffir. Ils ont commencé par faire
une revifion exacte des trois editions de
Rome, & enfuite ont fuivi avec une parfaite
conformité la meilleure de toutes , excepté
dans les fautes qui n'y ſont pas abſolument
rares.
Ce nouveau Teftament eft un petit in 12.
& cette forme a été fans doute choifie particulierement
pour la commodité du public,
on le pourra relier en un ou en deux volumes
; il y a des argumens à chaque chapitre
, & à chaque page des citations , dont
les chifres fouvent falfifiés , ont été verifiés
& corrigés avec foin. On trouve à la fin
un Index des Epîtres & Evangiles de toute
J'année fuivant le Parifien & le Romain. Le
caractere & le papier joints au bon goût
de l'impreffion ne font qu'augmenter le mésite
de l'edition.
Tous ces avantages font peut-être communs
avec d'autres éditions anterieures , mais
on a tâché que celle ci en eut un particu'ier
, c'eft d'être correcte & parfaite , du
moins autant que les ouvrages des hommes
peuvent l'être , & afin que le public ne croie
JUIN 1946. 133
pas qu'on le veuille perfuader à faux , Mrs-
Lottin pere & fils promettent un exemplaire
à quiconque trouvera une faute , ainfi qu'il
eft détaillé dans la Préface.
Il eft à préfumer que ce livre fera bien
reçu par les Ecclefiaftiques , dans tous les
Colléges & Seminaires & même par les
Laïques ; c'eft un livre dont on ne craint point
d'avoir un double exemplaire , & quand on
eft für qu'il eft corect il devient l'ornement
plûtôt que la charge d'une Bibliothéque.
Il ne faut pas oublier de dire que ce nouveau
Teftament annonce une Bible ( in 4 )
qui fera imprimée avec le même goût , &
corrigée avec le même foin ; les memes Libraires
la promettent , fi le public reçoit avec
plaifir cette édition du nouveau Teftament.
SUITE de l'Effai d'Anatomie en tableaux
imprimés , repréfentans au naturel
tous les Muſcles du Pharinx , du Tronc &
des extrémités fuperieures & inferieures ,
d'après les parties difféquées & préparées ,
par M. Duverney , Maître en Chirurgie
Paris , Membre de l'Académie de Chirurgie
& Démonftrateur en Anatomie au Jar
din du Roi, comprenant douze grandes planches
deffinées , peintes & gravées & imprimées
en couleur & grandeur naturelles , par
le Sr. Gautier , feul privilégié du Roi dans
134 MERCURE DE FRANCE.
le nouvel Art , avec des tables qui expliquent
les planches , dédié à M. de la Peyronie ,
Ecuyer , Confeiller , premier Chirurgien , &
Médecin confultant du Roi , de l'Académie
Royale des Sciences , & Préſident de celle
de Chirurgie, Ouvrage propofe par foufcription.
PROJET DE SOUSCRIPTION.
Les huit premiéres piéces de cet ouvrage
ont éré diftribuées avec fuccès ; plufieurs perfonnes
de diftinction amateurs de l'Anatomie
, & grand nombre de Medecins &
Chirurgiens François & Etrangers ont foufcrit
& ont foutenu cette entrepriſe utile ;
le témoignage des Journaliſtes lui eft favorable.
Les Auteurs encouragés par la réuffite
& par la protection de M. le Chancel
lier , & l'approbation de M. de la Peyronie ,
à qui l'ouvrage eft dédié , ne peuvent y
mieux répondre qu'en continuant leurs travaux
, & donnant , comme ils font actuellement
, la fuite de l'effai d'Anatomie , ou la
Myologie du Pharinx , du Tronc & des Extremitesfupérieures
& inferieures , C'eſt ce qui
forme aujourd'hui une partie complette ,
laquelle fera fuivie des autres cours d'Anatomie.
JUIN 1746. 135
La Soufcription eft ouverte dès à préfent
jufqu'au dernier Septembre , paffé lequel
tems on ne fera plus reçû à foufcrire ; on
diftribuera les billets de foufcription aux
perfonnes qui vont en campagne , & on leur
gardera les epreuves du premier & fecond
payement jufqu'à leur retour .
Au premier Juillet on recevra les trois
premieres planches & les trois premieres
tables jufqu'au dernier Septembre en ſoufcrivant.
Le fecond payement fe fera depuis le
premier Octobre prochain jufqu'au dernier
Janvier 1747 , & on delivrera quatre autres
figures & leurs tables.
Le troifiéme payement fe fera du premier
Fevrier 1747 jufqu'au dernier Mars ſuivant ,
& alors on diftribuera les cinq dernieres
figures avec leurs tables .
Ces piéces d'Anatomie feront repréſen
tées fur douze Planches qui feront le double
de celles de la tête que l'on a diſtribuées ,
hors une qui repréſente les muſcles du Pharinx
, & fe plieront en deux dans le grand
in-folio qu'on a donné. On auroit du vendre
ces Figures le double des précedentes
étant de plus grande dépenfe , mais les vûës
des Auteurs font de ménager la dépenſe aux
136 MERCURE DE FRANCE.
Soufcripteurs. On a même évité la multiplicité
& les repetitions , autant qu'il a été
poffible , fans cependant borner l'étendue
de la curiofité de ceux qui veulent s'inſtruire
dans une fcience fi intéreffante.
En foulcrivant on donnera douze livres ,
cy 12 liv.
On recevra les trois premiéres Figures avec
leurs Tables depuis le premier Juillet jufqu'au
dernier Septembre.
En recevant les quatre Figures fuivantes
on donnera auffi .
1 2 liv.
on donnera encore
Et en recevant les cinq dernieres Figures
12 liv.
TOTAL.
36 liv.
Après la foufcription on vendra les douze
Figures 54 liv.
On foufcrira chés le Sr Gautier , Graveur
Privilégié du Roi , rue S. Honoré au coin
de la rue S. Nicaife :
Chés Quillau pere , Imprimeur Juré
Libraire de l'Univerfité , rue Galande :
Et chés le Sr. Mangin , rue Bourtibourg,
Cimetiere S. Jean.
Ceux qui n'auront pas foufcrit au dernier
Septembre prochain ne feront plus reçus à
foufcrire , & ceux qui n'auront pas retiré
JUIN 1746. 137
les autres Planches fix mois après l'ouverture
de la derniere délivrance , perdront le
bénéfice de leurs affûrances , fur le dernier
payement , condition fans laquelle on ne
feroit point un fi grand avantage aux Soufcripteurs.
E Sr. Monchablon Maître de penfion ,
Ldemeure préfentement rue du Mont St.
Hilaire , vis-à-vis l'Eglife . Sa maiſon eſt
commode & en très - bon air : outre les humanités
qu'il repete telles qu'on les enfeigne
dans l'Univerfité , il en montre les premiers
élémens felon la méthode de M. Rollin , fe
fervant du Bureau Typographique pour la lecture
feulement. S'il y a des jeunes gens que
des raiſons particulieres empêchent de fuivre
le train commun , il leur fait faire un
cours d'études Françoifes , leur enfeignant
les principes de la Grammaire Françoiſe &
de la Poëlie , l'Hiftoire facrée , la profane ,
la naturelle , la Geographie , ce qui peut
être à leur portée dans la Phyfique &c. II
fe fert d'une méthode courte & fácile pour
mettre en état d'entendre le Latin , ceux ou
qui l'ont negligé ou qui ne l'ont point appris
dans leurs premiéres années.
Le S. Robert Geographe ordinaire du
Roi , éléve & legataire des Srs. Sanfon , vient
138 MERCURE DE FRANCE.
de mettre au jour deux Cartes d'une grande
feuille chacune , très exactes & parfaitement
bien gravées.
La premiére eft une Allemagne dans laquelle
on a marqué les differentes enclaves.
Comme les divilions de ce pays font trèscompliquées
, l'Auteur a ajouté à cette Carte
une table méthodique très bien travaillée ,
à l'aide de laquelle on peut confiderer cet
Empire tant par rapport à la Geographie
aftronomique , que par raport à la Geogra
phie naturelle ; cette table donne une
parfaite notion de l'adminiftration de la
Religion , & généralement de toutes les
perfonnes qui gouvernent cet Empire , elle
fait voir la difference de fix Cercles , qui
déliberent dans les Diétes , établis fous
Maximilien I. en 1500 , d'avec les dix établis
en 1512 & qui font aujourd'hui en
ulage.
La feconde Carte contient le Cercle Electoral
du Rhin ( c'eft à- dire les Cerles de
Mayence , de Treves , de Cologne & du Palatinat
) les Duchés de Gueldres , de Limbourg ,
de Juliers , de Luxembourg , de Berg , de
Weftphalie , de Deux- Ponts &c. les Comtés
de la Mark, de Waldek , de Witgenstein & c.
les Landgraviats de Heffe- Caffel, de Darmflat,
les Seigneuries de l'Evêché de Spire , des AbJUIN
1746. 139
bayes de Fulde , d' Hirchfelt & c. partie des
Evêchés de Munster, de Paderborn , des Duchés
de Cleves & de Brunfvvik, de la Thuringe .
de Franconie , &c.
Le même Auteur a ajoûté à fa Carte du
théatre de la guerre en Flandre le journal
des conquêtes du Koi pour les années
1744 & 1745 .
On trouve auffi chés le même Auteur
une Carte extrêmement détaillée du cours
du Po depuis Milan juſqu'à Ferrare , & une
Alface de fix feuilles.
L'Auteur demeure Quai de l'Horloge du Pa-
Lais proche le Pont- Neuf.
On avertit le public que le Sr. Babelin ,
Oculifte , connu par fon habileté & par fa
droiture logé rue du Chantre près la Place
du vieux Louvre , eft le feul chés qui l'on
trouve le Baume Specifique pour la furdité ,
tintement , dureté , douleurs d'oreilles & tout
accident qui attaque la tête.
Ce debit fe fait en vertu d'un Brevet
de la commiffion Royale de Medecine par
Arrêt &c. accordé ( à Mlle . de Luffan qui a
trouvé cet admirable fecret ) par M. de Chycoineau
, Confeiller d'Etat , premier Medecin
du Roi , Mrs Malouin , & de Lepine
Doyen de la Faculté de Medecine , nonfeulement
fur les certificats de plufieurs
Medecins , qui fur les fuccès qu'ils ont vû
140 MERCURE DE FRANCE.
de ce remede , ont attefté fon efficacité &
fon utilité pour le public , mais encore par
l'experience qu'en a fait fous fes propres
yeux M. le premier Medecin .
Ce Baume eft incorruptible , & fe tranfporte
aiſement dans de petites boëtes d'étain
à vis, enveloppées d'un imprimé qui apprend
la maniere de s'en fervir ; l'ufage en eft bien
fimple & n'affujétit à rien .
On peut écrire au Sr. Babelin à fon adref
fe en affranchiffant le port , il fera tenir
à l'endroit indiqué lefdites boëtes : le prix de
chacune eft de 12 liv. & deux fuffifent pour
la guerifon .
Ordinairement on trouve le Sr. Babelin
tous les jours jufqu'à midi.
Le mot de l'Enigme du Mercure de Mai eft
Sivene. Celui du Logogryphe eft Melchifed c. En
ne laiffant que ces fix lettres M, D , C , C , L , I,on
fait en chiffres Romains 1751 qui expriment l'an→
née que nous aurons, dans cinq ans. Les autres
lettres font Hefée , ainfi on les trouve en cou
pant la tête , c'eſt- à- dire en ôtant la premiere
lettre du mot Thefee.
JUIN 1746. 141
********
EXPLICATION du premier Logogryphe
inferé au Mercure de France du mois
d'Avril 1746,
A l'Auteur du Logogryphe.
VRaiment , Monfieur le Licentie
Vous êtes trop bon de moitié
De fecouer votre Minerve
Pour parler de mon Procureur,
De grace une autre fois exercez votre verve
Sur quelque chofe de meilleur .
Un procès perdu fans réſerve
Arrache ce trait à l'Auteur ,
....
Mais ce trait lui rend-il fon bien & fon honneur ?
Mefdames , que le Ciel à jamais vous préferve
D'un fi dangereux défenfeur !
Par MM. Gaumbault , Bernoin & Compa •
gnie , d'Iloudun en Berry.
142 MERCURE DE FRANCE.
EXPLICATION du fecond Logogryphe du
Q
mois d'Avril
Uoi ! dans un mot on trouvera
Paris , Turin , Tunis , Agra ,
Agen , Ipres , Tréves , Venife ,
Aras , Tir , Set , Sparte , Trin , Piſe ,
Riga , Genes , Guife , Apt ,
Le Niger , le Vefer , & Gap ,
Le Tage , le Tigre , & Spire ,
L'Aar , la Seine , & Vire ;
An , ver , un, fept , argent & pain ,
Air , Juge , ut, re , fi , Negre & gain ,
Gaieté , pefte , Ange & fage ,
Prune , Agar , épine , & viſage ,
Pinte , ane , ris , pie , eau , patin ,
Jeûne , pâte , nuage , Eņée ,
Panier , feptier , gant , van, Penate , Egée ,
Rage & vie , âge & vin .
C'eſt choſe extraordinaire ,
Qu'on voit dans feptuagenaire .
Par Mademoiſelle Formel de Vitry- le- Françot..
JUIN. 1746. 143
ENIG ME,
Court ou long ,
C'eft felon
Que mon Maître
Me fait naître
Ecrafé ,
Malpofé ,
Quelle forme
Plus difforme !
Tout chacun
N'en a qu'un ,
Eh ! qu'importe ?
Cependant
Fort fouvent
On en porte
Jufqu'à trois
A la fois ,
Mais c'eft rare :
Le beau phare !
En ce cas
Je n'ai pas
Trop à rire ,
Mais qu'en dire ?
En hyver
144 MERCURE DE FRANCE
J'ai grand air ;
Tout confpire
A me nuire ;
Sa rigueur
Me fait peur,
Et je fouffre
Sur un gouffre
Des tourmens
Etonnans .
Ce tems paffe
Et fait place
Au Printems,
Que je plaiſe
Ou déplaiſe ,
J'ai pourtant
Le talent
De me faire
Satisfaire
Des manans
Et des grands.
La dépense
Que la France
Fait pour moi
N'eft ma foi
Pas petite,
Je n'habite
Qu'au milieu
D'un feullieu ;
L3
JUIN 1746. 149
J
La nature ,
'Chofe fûre ,
-Me forma
Délicat :
Je me pique
De critique ;
Mais fur quoi ?
Dis - le moi
Par Mile. D. G. de Châlons fur Marne.
AUTRE .
E porte dans mes flancs l'effroyable tonnerre
Qui renverſe , détruit & confond les cités ,
Et lorfque les mortels par la rage emportés
Suivent aveuglément le démon de la guerre ,
On diroit que le Ciel armé contre Tiphon
Sur les monts entaffés qu'il réduifit en poudre
Lance encor furieux les carreaux & la foudre
Dont il fçut autrefois écrafer ce fripon ,
Lui , fa race , & tout fon repaire.
Celai qui me reçoit attentif & prudent
Me dreffe un lit mollet où j'expire ſouvent ,
Ex fouvent le Bourgeois d'une main téméraire
M'enveloppe fi bien qu'il m'étouffe à l'inftant,
1. Vol.
Par Mile L. de la So ... en Anjou.
G
1
146 MERCURE DE FRANCE,
LOGOGRYPHE.
Douze pieds de mon nom font le vocabulaire,
Ami Lecteur , ce n'eft qu'en été , qu'au printems
Qu'on me voit divertir le Berger , la Bergere ;
Je leur procure à tous des plaiſirs innocens ,
Mais fur-tout quand ils font vêtus à la légere,
3.4 5. 10. Quand on eft bien au fait ,
Par moi l'on réuffit fort fouvent au piquet.
6. 1. 8. 7. & 10. 11. 12 jamuſe
Certain jour de congé l'éleve d'une mufe.
Cherche , tu trouveras par tes combinaiſons ,
Deux meubles de cuifine & deux fort bons poif
fons.
Une 'herbe que Virgile a dit être fort bonne
Au peuple ingenieux qui la cire façonne..
Le nom de deux fois douze foeurs
Qui font que par leur ordre & par leur affem
blage
Nous pénétrons à fond les fentimens des coeurs :
Ces filles font par- tout d'un très-utile, uſage
Elles tracent l'amour , la haine , le mépris ,
Et rendent immortels Meffieurs les beaux efprits.
J'offre cette petite armée
De quatre bataillons formée ,
Soumise à quatre potentats 2
JUIN 1746. 147
Chacun d'eux à l'envi ſe préſente aux combats.
Le chef- d'oeuvre de la nature ;
De tout corps animé le plus bel ornement.
Troupe de gens armés , un deshonnête vent ;
Un animal qui ſe vautre en ordure ,
Une Reine d'Egypte & qu'un grand Conquerant
Aima jadis éperdument ;
Elle alluma bien - tôt une terrible guerre
Entre Antoine & Céfar ; pour comble de mifere,
Du venin d'un afpic elle ſe fit mourir .
Je te laiffe , Lecteur , le reste à découvrir.
Follet.
J
AUTRE.
' Ai dix pieds qui d'abord prefentent à tes
yeux
Un Héréfiarque fameux.
Deux Auteurs renommés , un Acteur affés fade ,
Un mal qui te rend bien malade ,
Et dont on guérit rarement.
Du Dieu des Vers l'agréable inftrument .
Ce que guérir la Pharmacie ,
Ce que ne fait jamais un guerrier qu'à regret ,
Ce fur quoi près du fexe il faut être difcret ,
Et que volontiers il oublie.
Gij
148 MERCURE DE FRANCE,
Ce qui ne peut fe définir :
Droit qu'on paye au Seigneur, un titre refpectable;
Un arbre , un temps défagréable.
C'en eft trop & je veux finirr
AIR TENDRE.
Quand je rêve la nuit , je rêve à ma bergere;
Le jour en m'éveillant je vole fur fes pas ;
Toujours mon tendre coeur encenſe ſes appas ,
Et c'eft l'encens le plus pur de Cythere .
CANON
Verſe ami , verſe à plein verre ;
Combattons les enfans de Cythere :
Aux mortels ils font trop la guerre.
Quoi des larmes
Font leurs armes?
Des allarmes
Sont leurs charmes !
Ils font vaincus :
C'est trop dire ,
Je foupire ;
Moa martyre
Les fait rire.
Ah! je fuccombe à moi Bacchus
THE
NEW
YORK PUBLIC
LIBRARY
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
,
THE
NEW
YORK PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
JUIN 1746. 149
SPECTACLES.
OPERA .
L'es representations du Ballet des amours
'Académie Royale de Mufique continue
des Dieux , dont les paroles font de M. Fu .
zelier , l'un des Auteurs du Mercure & la
Mrfique de M. Mouret regreté tous lesjours
par le goût & les graces.
Voici deux Parodies nouvelles ajoutées à
cette repriſe ci.
LOURE DU PROLOGUE,
LE
Zephire
Sur-nos bords foupire ,
Depuis que ce féjour
Du tendre Amour
Connoît l'empire .
Dieu charmant ,
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
Que par tout on adore ,
Nul n'ignore
Le prix de ton tourmeut
Nul n'ignore
Qu'il faut qu'enfin on t'implore.
Oui nos coeurs
Cheriffent tes allarmes ,
Dans tes larmes
Nous trouvons des douceurs.
Oui , tes armes
Ne font jamais fans tes charmes .
MUSETTE de l'Acte de Coronis.
Pour tes coeurs à l'amour rebelles
De nos champs
Les réduits font moins touchans .
Des ruiffeaux & des tourterelles
Ils ne fentent pas.
Le doux murmure & les appas ,
Et pour eux nos fleurs font moins belles.
A quoi fert le jour ,
Sans le flambeau de l'amour?
*
JUIN 1746. 151
CONCERT SPIRITUEL.
LE
E Jeudi 19 Mai jour & fête de l'Afcenfion
le Concert des Thuilleries a commencé
par Laudate Dominum quoniam.
bonus eft Pfalmus, Motet à grand choeur de
M. l'Abbé Blanchard Maître de Mufique
de la Chapelle du Roi , qui a été ſuivi d'une
Sonate à deux violons, éxecutée au goût des
auditeurs par M. l'Abbé le Fils & M, Dupont,
tous les deux fymphoniftes eftimés de
l'Orquestre de l'Académie Royale de Mu
fique , enfuite M. Poirier a enchanté les
oreilles en chantant Benedictus Dominus petit
Motet de M. Mouret, & après que M.
de Mondonville a joué feul un Concerto trèsapplaudi
, on a éxecuté fon Motet à grand
choeur Bonum eft.
M. Benoît a chanté un recit de baffe-taille
qui a ravi l'affemblée ; Mlles. Chevalier &
Fel ont partagé fon triomphe.
1.
G iiij
52 MERCURE DE FRANCE.
S
COMEDIE FRANCOISE...
LE
E Mercredi 18 Mai les Comédiens François
ont donné la premiere repréſentation
d'une Comédie en cinq Actes intitulée
le Duc de Surrey , compofée par M. de Boiffi
fi connu par une infinité de pieces qui ont
réulli fur les differens Theâtres de Paris..
La feconde repréſentation fut précedée par
un difcours oratoire qui fut auffi nouveau que
fingulier , & qui fit dire à plus d'un auditeur
qu'on fçavoit faire des lazzi autre part
qu'à la Comedie Italiene . On ne fçait pas
trop à qui on a l'obligation de cette fcene
anterieure à la piece , mais ce dif
cours apologétique prétendoit ex ufer les
Acteurs de donner comme neuve & fous le
titre du Duc de Surrey une Comédie repréfentée
dans le mois de Janvier 1736 par les
Comédiens Italiens fous le titre du Comte
de Neuilli.
Cet imprévu morceau de Rhétorique débité
avec la modeftie convenable dans le
cas excita une rumeur féditi - ufe dans le
Parterre ; trifte préfage qui ne fut point vérifié
par l'évenement ; jamais dans Athenes
les Philippiques de Démofthene; jamais .
JUIN 1746.. 153
dans Rome les Catilinaires de Ciceron ne
remuerent fi vivement les efprits des plus
fameux Républicains de l'Univers. Ies ennemis
de l'Auteur l'accufoient hautement ,
les Partiſans du Théâtre Italien revendiquoient
l'ouvrage , ( a ) les neutres répondoient
à leurs prétendus griefs qu'ils avoient
tort de fe plaindre, fi on redonnoit au Théâ
tre François une Comédie qui étoit tombée.
fur le leur. Que l'héroique étoit déplacé dans
leur bouche , & que la majesté quelquefois
ennuieuſe des vers alexandrins étoit défigurée
par leur prononciation ultramontaine.
Le Cothurne n'eft point fait pour chauffer
les camarades d'Arlequin; doivent - ils envier
au public la fatisfaction d'applaudir chés les
François ce qu'il n'avoit pas gouté chés les
Italiens Doit- on blâmer M. de Boiffi d'avoir
obtenu fous un nom les fuffrages qu'il
avoit manqués fous un autre? Eft - ce fa faute
file Parterre qui avoit hué le Comte de
Nenilli a reçu très-favorablement le Duc de
Surrey. Si cette démarche eft une tromperie
c'eſt une tromperie que la réuffite à juftifi.e "
(a ) M. de Boiffi a , dit-on , offert aux Comédiens
Italiens ou de leur rendre les zooo liv . qu'il avoit
reçus pour le Comte de Neuilli ou de leur abandonner
les droits du Duc de Surrey, ou de leur done…
mer une autre piéce.
G.y.
154 MERCURE DE FRANCE.
Le public s'eft diverti , que lui importe
comment on s'y eft pris pour le divertir ?
Grace à M. de Boiffi le public va goûter un
genre de plaifir qui lui étoit inconnu , &
les Auteurs fuivront fans beaucoup de fatigue
la route commode qu'il vient de leur
tracer. Le Théâtre ne fera plus fterile , &
le Parnaffe élargi prendra pour fa deviſe Auditor
vult decipi , decipiatur.
Au refte cette avanture poëtique devroit
faire un peu rentrer le public dans lui-même
, & lui caufer de juftes fcrupules au fujet
de l'infaillibilité qu'il croit poffeder fur
ce qui concerne l'efprit & le goût.
Pourroit -on fans lui manquer de reſpect &
fans copier la licence heureuſe de l'Auteur
d'Acajou , lui remontrer doucement qu'il
eft quelquefois auffi incertain dans fes jugemens
que les particuliers?Nous permettratil
de lui fournir des preuves authentiques.
de ce que nous prenons la liberté de lui reprocher
? Nous ne lui donnerons pas l'hif
toire complette de fes révolutions , elle feroit
plus longue que celle des révolutions
d'Angleterre qui eft pourtant très - féconde.
en viciffitudes.
Nous nous reſtraindrons à un petit nombre
d'exemples mais illuftres qui démontreront
la verité de notre propofition . La
traditionThéâtrale nous apprend qu'Armide
JUIN 1746. 155
ce chefd'oeuvre de l'incomparable Lulli
n'eut pas pas d'abord la réputation qu'il méritoit.
L'ingenieux ballet des Amours du Carnaval
de la Folie commença par exciter
des bâillemens , il n'a amafé que dans fes
repriſes. L'ineftimable Misantrope de Moliere
ennuia nos pauvres aïeux en fe montrant.
Ils fifflerent le début du Grondenr qui
depuis a toujours fort diverti le Parterre . Ils
ont méprifé hautement bien des petites pieces
de Dancourt que nous revoyons tous les
jours avec plaifir. L'excellent Efope à la Cour
de Bourfaut penfa mourir en naiffant malgré
les applications malignes qu'on fit de quelques
fcenes que fürement n'avoit pas prévues
la candeur averée de l'écrivain de cet--
te piece morale digne de l'immortalité , &
couronnée par un dénouement où la veritable
vertu brille dans tout fon éclat fans le
vernis de l'herojme fabuleux, toujours outré
& quelquequefois ridicule.
Nous ne donnons pas un extrait fuivi du
Duc de Surrey. Nous renvoions les curieux
aux Mercures de Janvier & Février 1736..
G.vji
156 MERCURE DE FRANCE.
JOURNAL DE LA COUR ,
Lecote
DE PARIS & c.
E 29 du mois dernier fête de la Pentecôte,
la Reine accompagnée de Monfeigneur
le Dauphin , de Madame la Dauphine
& de Mefdames de France , entendit
dans la Chapelle du Château la grande
Meffe celebrée par l'Abbé Broffeau , Chapelain
ordinaire de la Chapelle de Mufique .
L'après midi S. M. accompagnée comme
le matin affifta à la prédication du Pere .
Jofeph du Laurent Religieux Carme du
grand Convent , & enfuite aux Vêpres qui
furent chantées par la Mufique..
Le 28 veille de la Fête la Reine entendit
la Meffe dans la même Chapelle , & S.
M. communia par les mains de l'Abbé đe
Fleuri fon premier Aumônier.
Le 8 de ce mois la Reine accompagnée
de Monfeigneur le Dauphin , de Madame
la Dauphine & de Mefdames de France.
entendit dans la Chapelle du Château le
Te Deum qui fut chanté par la Mufique en
action de graces de la prife de la Ville &
de la Citadelle d'Anvers.
JUIN 1746. : 15%
Le Fête du St. Sacrement la Reine fe:
rendit à l'Eglife de la Parroiffe du Château ,
& S. M. après avoir affifté à la Proceffion:
qui fe fit dans l'Eglife y entendit la grande :
Meffe .
Le Duc de Huefcar Capitaine des Gardes:
du Corps du Roi d'Efpagne , & fon Am
baffadeur Extraordinaire & Plénipotentiaire :
auprès du Roi ayant pris congé de S. M. ,
au Château de Bouchout le 30 du mois
dernier revint à Paris , & il fe rendit le 95
de ce mois à Verfailles où il eut fes audiences
de congé de la Reine , de Monfeigneur
le Dauphin , de Madame la Dauphine
& de Mefdames de France : Il fut
conduit à fes audiences par M. de Ver- .
neil Introducteur des Ambaffadeurs.
&
Le Roi qui étoit parti d'Anvers le 10 de ce.
mois alla coucher le même jour à Malines ,
le lendemain à Bruxelles , le 12 à Lille &
le. 13 à Roye d'où S. M. arriva à Verfail--
les le 14 vers les trois heures après midi.
Le 16 jour de l'octave de la Fête du St..
Sacrement le Roi & la Reine accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin & de Meſdames.
de France le rendirent à l'Eglife de la Paroif
fè du Château , & leurs Majeftés après avoir
affifté à la Proceffion qui fe fit dans l'Eglife .
y entendirent la grande Meffe..
LeRoianommé Brigadier de les armées,le
158 MERCURE DE FRANCE.
Prince de Beauveau Colonel du Régiment
des Gardes Lorraines , & M. de la Tour
Lieutenant Colonel de celui de Crillon.
S. M. a accordé le Régiment Dauphin
Infanterie dont le Marquis de Choifeul-
Meuſe étoit Colonel Lieutenant , au Comte
de Montmorency Colonel de celui de Flandres
, & ce dernier Régiment au Comte de
Choiſeul , Capitaine dans le Régiment de
Cavalerie de Camille.
Le Roi a donné au Duc de Broglie Maréchal
des camps & armées de S. M. la place
d'Infpecteur d'Infanterie , vacante par la
mort du Marquis de Maupeou.
L'Académie des Jeux-Floraux propoſe
pour le fujet du prix d'Eloquence qu'elle
doit diftribuer en 1747 les grands talens
font dangereux quand ils ne font pas conduits
par la fageffe.
PRISES DE VAISSEAUX.
M. Louvel commandant la Fregate du
1 Roi la Sirene armée en courſe eft entré
au Port Louis avec le Corfaire Anglois le
Durfley Galley de vingt- deux canons & de
cent foixante & dix hommes d'équipage
dont il s'eft emparé.
JUIN 1746. 159
Suivant les avis reçus de Breft le Capitaine
Clement qui monte le Corfaire le Grand
Grenot de Granville a conduit dans ce premier
Port les navires ennemis le Nevvranger
de cinq cent cinquante tonneaux , dont
la charge eft eftimée fix cent mille livres ,.
& le Greyhound de cent vingt tonneaux .
Il eſt arrivé à Cherbourg deux Bâtimens
pris par les Corfaires l'Union de Boulogne &
Le Vainqueur de Honfleur .
On a appris que le Corfaire l'Attrape fi
tu-peux de Boulogne commandé par le Capitaine
Dupont avoit amené à Dieppe un
navire Anglois chargé de falines .
Le Corfaire le Prince de Conty de Calais
s'eft rendu maître d'un bâtiment de la mê-'
me Nation fur lequel il y avoit du tabac ,
& que le mauvais tems l'a obligé de conduire
à Fleffingue.
On mande de St. Malo que le Capitaine
Sebire commandant le Corfaire le François
a rançonné pour huit cent livres fterlings le
navire le Raphaël de Londres.
Le Corfaire le Prince de Conty monté par
le Capitaine du Frefne Marion a conduit à.
St. Malo un autre bâtiment Anglois de cent.
vingt tonneaux .
Selon les lettres écrites de Morlaix , trois
navires ennemis chargés de munitions de
guerre y ont été amenés par le Corfaire
Le Comte de Maurepas..
160 MERCURE DE FRANCE.
Le Capitaine du Vivier commandant le
Corfaire le Vainqueur de Honfleur y eft
entré avec le Navire le Prince Frederic qui
venoit de la Caroline avec un chargement
de, fucre , de riz , de therebentine & d'autres
marchandiſes..
Le navire la Bonne Esperance de Londres
chargé d'indigo , de riz, de cotton & de pelleteries
a été pris par le Cortaire l' Alexan--
dre de Bayonne.
On a reçu avis de S. Jean de Luz que le Ca
pitaine Sopite qui monte le Corfaire la Baf--
quoife s'étoit emparé du navire le London de
quatre cent tonneaux , à bord duquel on a.
trouvé des pelleteries & du tabac. Le méme
Capitaine a exigé une rançon de quinze.
mille livres du navire la Virgine Marchand..
JUIN 1746.
161
洗衣
MANDEMENT
De M. l'Archevêque de Paris , qui ordonne que
le Te Deum fera chanté dans toutes les
Eglifes de fon Diocèse en actions de graces?
de la prise de la Citadelle d'Anvers..
LETTRE DU ROI
A M. l'Archevêque de Paris.
MON
pen ON Coufin , après avoir foumis
dant l'hyver la ville de Bruxelles à
mon obéiſſance , je ne pouvois ouvrir cette
campagne par une opération plus glorieufe
pour mes armes , & plus utile pour l'affermiffement
de mes conquêtes , que le fiége
d'Anvers. Mes ennemis en connoifloient toutes
les conféquences , & pour défendre toutes
les approches de cette Place , ils s'étoient
fait des remparts de la Dile & de la Nethe ;.
mais mon coufin le Maréchal Comte de-
Saxe ayant affemblé mon armée fous Bruxelles
, dès que j'ai paru à la tête de mes
troupes tous les oftacles ont difparu. Lou
vain , Malines , L.ierre , Arſchot ; Hërenthals ,
ont été évacués , le Fort Sainte Marguerite
s'est rendu , & la ville d'Anvers abandonnée:
162 MERCURE DE FRANCE.
-
de fa garnifon , m'a ouvert fes portes . Celle )
qui s'étoit retirée dans la Citadelle a été
obligée de capituler le 31 du mois dernier ,
après un fiége de fix jours dont j'avois donné
la conduite à mon coufin le Comte de
Clermont , & de me remettre la Place avec
les Forts de l'Escaut qui en dépendent. Cette
nouvelle conquête , par laquelle tout le Brabant
fe trouve réuni fous ma domination ,
me donne lieu d'efperer que mes ennemis
fe porteront enfin à accepter des conditions
qui puiffent procurer le rétabliffement de
la paix que je ne ceffe de leur offrir. C'eſt à
la divine Providence à confommer un ouvrage
dont elle a préparé les voies par les
heureux fuccès qu'il lui a plû d'accorder à
la juftice de mes armes , & reconnoiffant de
plus en plus que toute la gloire lui en eft
dûe , je vous fais cette lettre pour vous dire
qu'en actions de graces de fes bienfaits , &
lui en demander la continuation , mon
pour
intention eft que vous faffiez chanter le Te
Deum dans l'Eglife Métlopolitaine de ma
bonne ville de Paris & autres de votre Diocèfe
, avec les folemnités requifes , au jour
& à l'heure que le Grand- Maître ou le
Maître des Cérémonies vous dira de ma part
& que vous y invitiés tous ceux qu'il convien- .
dra d'y affifter. Sur ce je prie Dieu qu'il vous
ait , mon Coufin , en fa fainte & digne garde.
Ecrit au camp de Bouchout le premier Juin
1746 & c.
JUIN 1746. 163
ACQUES - BONNE Gigault de Bellefont
, par la miféricorde divine , & par
la grace du Saint Siége Apoftolique , Arche
vêque de Paris , Duc de Saint Cloud , Pair
de France , &c. Aux Archiprêtres de Sainte
Marie-Magdeleine & de Saint Severin , &
aux Doyens ruraux de notre Diocèle :
SALUT ET BENEDICTION.
Quel fujet de joie & de confciation pour
Nous , mes très - chers freres , que la premiére
occafion qui s'offre de vous faire entendre notre
voix , foit pour vous annoncer que le Ciel
continue de protéger les armes du Roi , &
de le rendre victorieux des Puiffances réunies
contre la France !
Les ennemis forcés à l'approche de nos
Troupes d'abandonner un camp avantageux
, & d'évacuer la plupart des Places qu'ils
poffédoient encore dans le Brabant ; laville
d'Anvers contrainte elle-même de leur ou
vrir les portes ; fa Citadelle réduite à capituler
après fix jours de tranchée ouverte ;
d'autres Forts obligés de fubir un même fort
avec elle , ne font- ce pas des preuves fenfibles
de la protection conftante du Dieu
des armées ?
Ce Monarque, loin de fe laiffer éblouir
par de fi grands avantages , en fait un hommage
public au Roi des Rois , & veut que
nous les regardions comme autant de faveurs
#64 MERCURE DE FRANCE.
dont il eft redevable à la divine bonté. Quoi
que la prétence augmente l'intrépidité naturelle
du foldat François , & qu'elle ait infiniment
contribué au prompt fuccès de fes
entrepriſes , it ferme les yeux fur un point
de vue fi flateur , & il femble ignorer la
part qu'il a eue à tant de glorieux événemens.
Modefte & Chrétien dans la profpérité
, fon principal foin eft d'en rendre &
d'en faire rendre au Seigneur de très- humbles
actions de graces , & d'exciter à cet égard
la Religion & la reconnoiffance de fes fujets.
Conformons- nous à fes pieufes intentions,
& puifqu'il exige que non- feulement nous
reinercions le Ciel de fes bienfaits , mais
que nous lur en demandions auffi la continuation
, redoublons nos prieres pour la
profpérité de fes armes , jufqu'à ce que S:
M.ait obligé fes ennemis à accepter la paix.
qu'Elle ne ceffe de leur offrir , & qu'Elle
nous ait procuré un bien dont ils jouiront
avec nous , & qui leur fera recueillir en
quelque forte le fruit de nos victoires .
A ces cauſes , après en avoir conféré avec
nos vénérables Freres les Doyen , Chanoi
nes & Chapitre de notre Eglife Métropolitaine
, Nous ordonnons que le Te Deum
avec le Verfet Benedicamus Patrem& Filium,
& l'Oraifon Progratiarum actione , l'Antienne
Domine , falvum fac Regem , &c. le Verfer:
JUIN 1746. 265
Fiat manus tua , &c. & 10iaiſon Pro Rege
& ejus Exercitu , fera chanté Vendredi prochain
dix du préfent mois de Juin dans
notredite Eglife , en actions de graces de la
prife de la Ville & de la Citadelle d'Anvers.
Qu'il fera pareillement chanté le Dimanche
fuivant douze du préfent mois dans
toutes les Abbayes , Chapitres , Paroiffes
& Communautés Séculieres & Régulieres
de la Ville & des Fauxbourgs de Paris ,
& le Dimanche qui fuivra la réception de
notre préfent Mandement , dans toutes les
autres Eglifes de notre Diocèfe.
·
Si vous mandons que ces préfentes vous
ayez à notifier à tous Abbés , Prieurs
Curés , Supérieurs & Supérieures des Communautés
exemptes & non exemptes , à ce
qu'ils n'en ignorent. Donné à Paris en notre
Palais Archiepifcopal le huit de Juin mil
fept cent quarante- fix &c.
On chanta le 10 de ce mois dans l'Eglife
Métropolitaine le Te Deum auquel l'Archevêque
de Paris officia. M. le Chancelier
accompagné de plufieurs Confeillers d'Etat
& Maîtres des Requêtes y aſſiſta ,
ainsi que le Parlement , la Chambre des
Comptes la Cour des Aides & le Corps
de Ville qui y avoient été invités de la part
de. S. M. par le Marquis de Dreux Grand
Maître des Ceremonies,
166 MERCURE DE FRANCE
Le 12 au foir on tira à la même occafion
un feu d'artifice dans la Place de l'Hôtel
de Ville .
Il y avoit eu le ro des illuminations
dans toutes les rues.
***********
OPERATIONS DE L'ARME'E
DU ROI.
Au Camp de Bouchout le 22 Mai.
le
N eft occupé des préparatifs pour le fiege de
Neft
été fait hier .
Les habitans de la Ville qui témoignent la plus
grande joye de fe trouver fous la domination
Françoife fe font chargés de fournir les faſcines &
gabions.
M. le C. d'Eftrées a envoyé hier matin en avant
de Herentals un détachement de 300 chevaux qui
s'eft avancé jufqu'à Welhelfuade fur un des bras
du Benart , & M. Graffin à fait paffer dans le même-
tems un détachement femblable vers le même
lieu. Ces deux troupes ne s'étant pas exactement
reconnues , ont fait feu l'une fur l'autre en rencontrant
un parti de 40 Huffards ennemis quijà
la faveur de cette méprife fe font fauvés à l'exception
de 2 qui ont été pris . Il n'y a eu d'ailleurs
aucune perte dans nos détachemens fur le rappors
de ces 2 prifonaiers,
JUIN. 1746 187
Il paroît certain que l'armée des ennemis eft
campée à Breda & qu'elle y eft arrivée le 19.
Le vingt-trois.
Il n'y a rien de nouveau ; on continue tous
jours les préparatifs du ſiege de la Citadelle d'Ang
vers.
Au Camp de Bouchout le vingt-quatre
L'armée du Roi eft toujours dans la même po
fition & les préparatifs pour l'ouverture de la tranchée
devant la Citadelle d'Anvers font très- avancés.
Il eft conftaté par tous les rapports de la poſi
tion des ennemis que leur armée eft campée au
de-là de Breda , ayant fa gauche affés près de
Gertruidemberg ; ils ont au- devant deux un corps
de troupes legeres affés confidérable tant
Hoochtralde qu'à Ooftmal & Weftmal.
A Bouchout le vingt- cinq,
Le Roi a tenu ce matin Confeil d'Etat .
Tout ce qui a rapport au fiege de la Citadelle ,
tant dans l'approvifionement des fafcines & gabions
que pour le débarquement de l'artillerie étant
prêt , on fe trouvera peut- être ce foir en état d'ou
vrir la tranchée.
Le vingt-fix,
M. le Comte de Clermont a fait ouvrir la tran
chée devant la Citadelle d'Anvers dans la nuit
derniere par Mrs. Thomé, Marechal de camp & de
168 MERCURE DE FRANCE.
Berville Brigadier ; il a été employé 3600 travail™
Fleurs couverts par 11 Compagnies de Grenadiers
dont 8. des Royaux , & ils écoient foutenus par 3
Bataillons , dont deux d'Auvergne & un de Bettens
le travail a été exécuté avec beaucoup de
fuccès ; il n'y a eu que 2 hommes de tués , & fou
bleffés, la parallele qui a été faite commence à la
porte de S. Georges , au pied du glacis de la ville
& ſe termine à une redoute qui forme la gauche
vis-à-vis la demie lune du côté de l'Eſcault.
Le vingt -fept.
On a pouffé cette nuit un boyau de la parallele à
la diftance de 120 toifes ou environ : ce travailine
nous a couté que 14 hornmes tant tués que bleffés.
On commencera demain à tirer à ricochet pour
Tuiner les premieres défenfes, & vraisemblablement
nos principales batteries feront en état de tirer
Lundi.
Au Camp de Bouchout le vingt-huit.
Le travail de la nuit du 26 au 27 a été perfectionné
& on s'eft porté en avant fur la droite par
4 ziguezagues , en ſuivant la branche du chemin
Couvert de la communication à la Citadelle dans
le centre par 3 ziguezagues fur la capitale de la
demie lune du front attaqué & à la gauche par un
ziguezague & une demie parallele fur la capit le
du bation qui termine l'attaque du côté de l'fcault.
li y a eu pendant le jour & la nuit 3 hommes
tués & 23 bleffés , le feu des affiégés eft bien dirigé
& entretenu avec affés de vivacité , mais on
eſpere
JUIN 1746 169
efpere qu'il ne fe foutiendra pas , nos batteries de
la droite , de la gauche & du centre ayant commencé
à tirer.
Le Corps commandé par M. le Comte d'Estrées
eft parti aujourd'hui d'Herentals pour fe porter du .
côté de Louvain . Hier veille de fon départ il y a
eu à Herentals un incendie conſidérable qui a
confumé une moitié de la Ville & la grande Egliſe
où les principaux effets des habitans avoient été
réfugiés . Le même incendie.a auffi confumé le
refte des magazins de fourages que M. d'eftrées
avoit formés dans ce lieu , & que nous comptions
faire retirer par des voitures qui y avoient été enwoyées
Le vingt-neuf.
On a joint le travail qui avoit été fait dans la
feconde nuit à la droite & au centre pour former
une feconde parallele , qui protegeât le travail à
porter en avant vers le chemin couvert. On continue
d'ailleurs tant à la droite qu à la gauche &
au centre à cheminer par des ziguezagues vers le
front attaqué ; ceux de la droite & de la gauche
font à peu- près à ro toifes des angles failians du
chemin couvert , au - devant de la demi lune .
Nous avons en pendant le jour & la nuit derniere
2 foldats tues & 13 bleffés . Le feu des
ennemis a été très- vif & très bien dirigé , principalement
dans leur artillerie ; nos deux batteries
du centre & de la gauche ont été obligées de reparer
hier dans l'après midi leurs épaulemens qui
avoient été très
endommagés , mais aucune piéce
n'a été bleffée.
Le Corps commandé par M. le Comte d'Eftrées
doit arriver demain à Louvain ou il ſéjournera .
I. Vol, H
170 MERCURE DE FRANCE,
Le trent.
Les ennemis ont fait un grand feu pendant toute
la nuit , malgré lequel nous avons beaucoup travaillé
& poufié la fappe jufques aux plintes .
Les ennemis ont quitté le chemin couvert ; on
efpere que nous nous y logerons la prochaine nuit ,
mais cela n'eft pas fûr.
Nos bombes ont mis le feu à 2 ou 3 maifons
vers une heute du matin
Nous avons actuellement 22 piéces de canon
deux obuts & 26 mortiers qui tirent.
Les ennemis nous avoient mis bas une batte
rie de 8 pieces , mais nous l'avons rétablie cette
nuit.
Nous avons eu 10 hommes bleffés & 2 de tués ,
M. de Sauffay Officier d'artillerie a eu le bras caffe
d'un coup de Biſcayen , & unautre Officier a été
legerement bleffé.
Le 31.
On s'étoit propofé de couronner pendant la
nuit derniere le chemin couvert dans l'étendue
entiere embraffée par l'attaque & ce projet
voit été déterminé fur ce que les ennemis n'avoient
préfenté perfonne dans leur chemin couvert juf
qu'à préfent ; il avoit été d'ailleurs exactement
reconnu qu'ils n'avoient établi aucun pont pour y
communiquer.
Il n'a pas été poffible de remplir en entier l'ob
jet qu'on s'étoit propofé , mai , on eft en état de
conftruire les batteries néceffaires pour ouvrir le
bafion à la gauche de l'attaque , fi la Capitulation
ne fe conclut point ; les ennemis ont arboré
JUIN 1746 . 171
le drapeau blanc ce matin à huit heures ; leur
feu a été très vif pendant une grande partie de
la nuit ; il y a eu 4 Ingenieurs bleffés , un Capitaine
du Regiment de Courten tué > 46 Soldats
bleffés & II tués .
M.; le Comte d'Eftrées féjourne aujourd'hui à
Louvain avec le Corps qu'il commande.
d'Auvers le premier Juin.
Par la Capitulation les troupes de la Garniſon
ont obtenu les honneurs de la Guerre & l'on
remet au Roi les Forts fitués le long de l'Ef
caut occupés par les troupes Autrichiennes,
Au Camp de Bouchout le deux.
Le Roi a déclaré qu'il avoit fait Brigadier d'Infanterie
M. le Prince de Beauveau qui s'eft diftingué
en Italie à l'attaque du Pont de Cafal
Bayan ,
Sa Majesté a accordé le même grade à M. de
la Tour Lieutenant Colonel du Régiment de Crillon
qui lui a apporté de la part de M. le Comte de
Clermont la Capitulation de la Citadelle d'Anvers.
M. le Duc de Boufflers Lieutenant Général eft
parti ce matin avec un Corps détaché de l'armée
du Roi de 16 Bataillons & 25 Efcadrons pour fe
rendre ce foir à Malines ; les Officiers Généraux
qui accompagnent M. le Duc de Boufflers font.
Meffieurs de Monnin Lieuterant Général , &
Meffieurs Dagueffeau de Blet Duc de Lauraguais
& d'Eftrehans Maréchaux de Camp.
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Le 3.
La garnifon de la Citadelle d'Anvers en eft fortie
ce matin à dix heures , conformement à la Capitulation
; elle va rejoindre avec les troupes Autrichennes,
qui étoient dans les Forts le long des
rives de l'Efcaut , l'armée des ennemis qui eft tous
jours dans la même pofition audelà de Breda.
M. le Duc de Boufflers eft parti ce matin de Malines
avec les troupes qu'il a fous fes ordres pour
aller à Bruxelles.
Le Corps commandé par M. le Comte d'Eftrées
arrivera aujourd'hui à Genape,
A Anvers le 4.
Le Roia quitté ce matin fon quartier de Bou
chout pour venir prendre fon logement dans cette
Ville.
Sa Majefté y a fait fon entrée avec les démonf
trations les plus vives de la part des habitans. M. le
Comte de Clermont a préfenté au Roi à la porte
de la Ville le Magiftrat avec les clefs ; Sa Majefté
eft allée defcendre à la Cathédrale où l'Evêque
l'attendoit, à la tête de fon Clergé ; elle a affifté
Te Deum qui y a été chanté, & après avoir vû
les plus beaux tableaux de cette Eglife qui en
renferme un grand nombre , elle s'eft rendue à
l'Abbaye de S , Michel.
au
M, le Duc de Boufflers qui a campé hier à Anderlek
près Bruxelles a fait ce matin un détachement
de fon Corps fous les ordres de M. le Che
yalier Dagueffeau , lequel s'eft porté aujourd'hui
en avant vers leCorps que commande M. le Com
te d'Eftrées qui a campé hier au foir à Genape,
JUIN 1746. 73
י
Le 5.
Le Roi après avoir reçu des Chevaliers de Saint
Louis à l'iffue de la Meffe a tenu aujourd'hui Cor
feil d'Etat .
M. de Beaufobre dont le régiment eſt à Ytteghem
étant informé de quelque mouvement de
troupes légeres des ennemis qui fe font avancées
à Arfshot a paffé la nuit en bataille ; deux petits
détachemensde on Régiment l'un de 16 & l'autre
de 12 hommes qui s'étoient portés en avant pour
obferver les ennemis , fe font réunis ce matin & ont
rencontré un Corps d'environ 80 Huffards , ils les
ont fi bien battus à quatre charges differentes que
ceux qui n'ont pas été tués font entrés bleffés dans
leur Camp. Le détachement de Beaufobre a perdu
4 hommes & 9 chevaux dans cette occaſion .
Le 6.
Le Roi vient de donner le commandement d'une
reſerve compofée d'une brigade d'infanterie , 30 ef
cadrons de dragons & 14 de Huffards à M. le
Comte de Clermont ; il aura fous fes ordres M.
de Berchiny Lieutenant Général , & Mrs. de Che--
vreuſe , de Beaufremont & de Froulay Marêchaux
de Camp.
Le détachement de M. le Duc de Boufflers a quitté
hier matin le camp d'And erleck & s'eft porté à
celui de Halle .
Le 7.
L'armée du Roi s'eft miſe en marche aujourd'hui
fur 6 colonnes pour aller prendre un nouveau
camp derriere le canal de Herentals ;, elle a fa
Hiij
• 174 MERCURE DE FRANCE.
droite au Village d'Otteghem ; elle s'étend jufqu'à
celui d'Emerfen où fa gauche eft appuyée.
La referve de M. le Comte de Clermont s'eft
portée en avant pour couvrir le nouveau Camp
de l'armée . M deBerchiny s'eft avancé avec le gros
du Corps jufqu'au ruideau de Benaert d'où il fera
à portée d'inquieter les ennemis & de prévenir les
courfes de leurs partis . M. de Beaufremont avec un
détachement de grenadiers , piquets & troupes
legeres s'eft rendu au Village de Grevvelvvefen &
a répandu fes troupes dans les environs fur le bord
des Bruyeres qui font entre le village & le bois
d'Oyendock.
Le détachement de M. le Duc de Boufflers a
quitté hier matin le Camp de Halle pour fe renà
celui de Soignies où il eſt actuellement & le détachement
de M. le Chevalier D gueffèau s'eit
porté à Meziel .
Le 8.
Le Roi après avoir reçu des Chevaliers de Saint
Louis à lifue de la Meffe a tenu Confeil d'Etat .
L'Univerfité de Louvain a été admife à l'audience
du Roi & à lui rendre fes hommages .
Le Roia difpofé du Régiment Dauphin Infanterie
vacant par la mort de M. le Marquis de
Choifeul en faveur de M le Comte de Montmo-
1ency Colonel de celui de Flandres que Sa Majesté
a donné à M. le Comte de Choifeul capitaine dans
le régiment du Prince Camille..
Le 9.
Le Roi s'eft rendu ce matin à la Cathédrale où
il a entendu la Meffe ; Sa Majefté a affifté enfuite
à la proceffion du Saint Sacrement.
JUIN
175
1746.
Ön vient de recevoir avis du Camp devant
Mons que l'inveftiffement de cette Place avoit été
faite le en conféquence des ordres de M. le
Prince de Conty par les troupes coramandées par
M. le Comte d'Eitrées & par celles détachées de
l'armée du Roi fous les ordres de M. le Duc de
Boufflers .
A Anvers le dix.
Le Roi part auiourd'hui dici pour aller coucher
à Malines ; il fe rendra demain 1 à Bruxelles ,
le 12 à Lille , le 13 à Roye & le 14 à Verfailles.
MANDEMENT de fon Eminence Monſeigneur
le Cardinal de Tencin , Archevêque &
Comte de Lyon. & c.
A tous Abbés , Doyens , Chapitres , Curés ,
Vicaires & autres Eccléfiaftiques Séculiers & Réguliers
, & à tous les Fidéles de note Diocèle :
Salut & Bénédiction en notre Seigneur
Les nombreuſes conquêtes qui ont déja ſignalé
le commencement de cette Campagne méritent
d'autant plus vos actions de graces , Mes Trèschers
Frères , que le Roi les doit prefque toutes
à la feale terreur de fes armes. Elles en font plus
glorieuſes au Monarque , & ce qui le touche encore
bien d'avantage , elles en ont moins couté de
fang & de larmes aux fujets. Mais quand à ces
jours glorieux verrons - nous donc fuccéder des jours
paifibles ? Puiffent nos voeux les hâter ! Puiffent
nos fuccès infpirer enfin à tous les coeurs ces fentimens
pacifiques qu'ils ne font qu'augmenter de
plus en plus dans celui de Sa Majefté ! La fource
de tant de profpérités , c'est , n'en doutons point ,
fon amour conftant pour la Paix . La Paix ellemême
en feroit le comble , & la récompenfe la
1
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
plus précieuſe de la modération du vainqueur.
A ces caufes &c .
Repulfi funt inimici ejus pra timore ejus. 1 Mach .
c. 3. v. 6.
O Mucro Domini ufquequò non quiefces ? Ingrederein
vaginam tuam ; refrigerare 5file . Jerem. c. 47 · v. 6.
Tribuat tibi fecundum cor tuum omne confilium
tuum confirmet ... impleat Dominus omnes petitiones
tuas . Pfal . 19 .
Et erit opus juftitia Pax....
fempiternum. Ifaï , c . 32. v. 17 .
fecuritas ufque in
EXPLICATION du Logogryphe inferé
dans le Mercure de mois de Mai dernier.
J
AM PHI GOURI S.
Ai figuré comme un Romain
Mille fept cent cinquante & une année ;
De Lettres j'ai vû le fixain ',
Enfuite otant la tête de Theſée
Il m'en vint onze , & du premier aſpect
J'ai rencontré Melchifedec .
A Villefranche le 16 Juin 1746. par le P. Henry.
JUIN. 1746. 177
NOUVELLES ETRANGERES
L
TUR QUI E.
Es lettres de Conftantinople marquent que le
16 du mois de Mars dernier l'Ambaffadeur de
Perfe avoit eu fon audience de congé du Grand
Seigneur , & que ce Miniftre s'étoit mis en chemin
pour retourner à l'armée de Thamas Kouli-
Kan. Sa Hauteffe envoye à ce Prince un Ambaſ
fadeur qui a ordre de revenir dans un tems prefcrit
, de quelque maniere que tourne fa négocia
tion. Il paroît que la Porte eft déterminée à continuer
la guerre , fi Thamas Kouli- Kan refuſe de
confentir que les limites des Etats des deux Puiffances
foient réglées de la maniere dont elles
l'étoient fous le regne du dernier Sultan . Selon les
mêmes lettres le Muphti a été déposé , & ſa place
a été donnée au Premier Médecin du Grand Sei
gneur.
ALLEMAGNE,
Na reçu avis de Petersbourg que plufieurs
O desRegiumaviqué
retourner dans les Provinces d'où on les a tirés .
Les mêmes nouvelles portoient qu'il n'y a encore
rien de reglé par rapport aux differends du Roide
Dannemarck avec le Grand Duc de Ruffie , & que
M. de Zwar Réſident de la République des Previnces-
Unies attendoit de nouvelles inftructions
des Etats Généraux pour continuer la négociation
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
concernant la conclufion d'un Traité de Commerce
entre la Ruffie & la Hollande .
Le Comte de Czernichew Miniftre de l'Impératrice
de Ruffie à Berlin doit fe rendre à
Londres , pour y réfider en la même qualité auprès
du Roi de la Grande Bretagne , à la place
du Prince Czerbatoff.
Le Roi de Prufle partit le 13 du mois paffé pour
aller prendre les eaux de Pyrmont ; le Prince Henrifon
frere l'a accompagné dans fon voyage ,il coucha
à Nevendorff la nuit du 13 au 14 , le 14 il dîna
au Chateau de Saltzdhall chés le Duc de Brunfwich
Wolfembutel & il arriva le 15 à Pyrmont.
Ce Prince a envoyé à Leipfick M. de Klingrats
pour recevoir les fommes que S. M. Polonoife
s'eft engagée de lui payer.
On mande de Pyrmont que le Roi de Pruffe pour
fatisfaire à l'empreflement que les habitans de
l'Ooftfrife témoignent de le voir , ira paffer quel .
que tems à Aurick & à Embden ,
Les lettres de Munich affùrent que l'Electeur
de Baviere n'a point accepté la propofition qui lui
a été faite de mettre quelques - uns de fes Régimens
à la folde des Provinces- Unies , & qu'il eft
dans la réſolution de réduire fes troupes à fix mille
hommes d'Infanterie & à douze cent de Cavalerie
.
Le Comte de Bruhl Grand Ecuyer , le Baron
de GerfdorfChancelier de Saxe , & M. de Braun
Confeiller Privé , ont été prendre poffeffion au
nom du Roi de Pologne Electeur de Saxe des
Etats dévolus à ce Prince par la mort du Duc de
Saxe Weiffenfels .
Les Cercles de Franconie & de Suabe s'étant
engagés à pourvoir eficacement à la fûreté des
frontieres de l'Allemagne du côté du Rhin , la
JUIN 1746 179
Reine de Hongrie s'eft déterminée à faire paffer
dans les Pays - Bas la plus grande partie des troupequi
font en quartiers dans la Suabe & dans le
Brifgau , & celles deitinées à prendre cette route
doivent le mettre inceffamment en marche . Les
Régimens de Wenfel Wallis & de Saxe Gotha
ont pris celle d'Italie . & ils feront fuivis de ceux
de Charles Palfy , de Bade Baden , & de Vieux
Wolfenburel . On affûre que le Corps de troupes ,
qui doit être levé dans la Ĉroatie file Prince de
Saxe Hildburghaufen peut faire ceffer les obftacles
qu'y apportent les Etats de la Province , fe
rendra à Trieste , & s'y embarquera avec quelqu es
troupes reglées pour une entrepriſe dont le projet
eft teau fort fecret. Quelques vaiffeaux de
guerre Anglois font attendus dans la mer Adriatique
pour favorifer cette expédition .
Le 13 du mois dernier jour de l'Anniverſaire de
la Reine de Hongrie qui eft entrée dans la trentiéme
année de fon âge , fa Majefté reçut à cette
occafion les complimens des Miniftres Étrangers
des Miniftres d'Etat & de la principale Nobleffe ,
& l'Impératrice Premiere Douairiere alla au Château
de Schombrun rendre viſite à cette PrinceTe
Le 10 & le 12 du même mɔis , fa Majesté tint Confeil
d'Etat , pour déliberer fur les dépêches de
deux Couriers qu'elle a reçus du Feldt - Maréchal
Comte de Bathiany & du Prince de Lichtenftein .
Le Grand Duc de Tofcane , accompagné du Prince
Charles de Lorraine , eft allé à Prefbourg regler
quelques affaires importantes qui regardent
le Royaume de Hongrie . Le bruit court que la
Reine fera le mois prochain avec ce Prince un
voyage en Moravie . On parle beaucoup d'une nouvelle
alliance que fa Majetté cherche à fe procuer
, pour le mettre en état de foutenir la guerre
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
contre la France & contre l'Espagne . Le Comte
de Chotec a été fait Commiffaire General de l'armee
d'Italie , où le Marquis de Botta d'Adorno
doit être employé en qualité de Major Général.
La Reine a ordonné au Baron d'Engelshoven
Feldt Maréchal de prendre les méfures néceffaires
pour faire marcher un Corps confidérable de
Milices d'Efclavonie , & fa Majefté a appris que
celles qu'on a levées depuis peu dans la Croatie ,
fe difpofoient à fe rendre inceffamment à leur
deftination .
Les troupes de la Reine de Hongrie , qui ont eu
ordre de s'affembler du côté de Heilbron , s'étant
rendues fucceffivement dans leCamp qui leur avoit
été marqué , le Prince de Lobckowitz en a pris
le commandement les derniers jours du mois
paffé . On étoit déja informé que la Reine de Hongrie
avoit donné avis au Roi de la Grande Bretagne
& aux Etats Generaux des Provinces Unies
qu'elle étoit prête à faire marcher ces troupes du
côté où ces Puiffances jugeroient qu'il feroit plus
avantageux à leurs intérêts communs , & on a appris
depuis que ces troupes ont commencé à fe
mettre en mouvement , pour venir paffer le Mein
dans les environs de Francfort , & pour continuer
enfuite leur route vers les Pays - Bas . Elles
forment un Corps de vingt mille hommes , & le
bruit court qu'elles doivent être renforcées de
quelques Régimens .
La Diette de l'Empire prit le 13 du mois derhier
la réfolution de déclarer le Prince Charles de
Lorraine Premier Feldt-Maréchal General de l'Empire
, & elle en fit donner part au Prince de Fursftemberg
, en lui envoyant une lettre par laquelle
elle prie le Grand Duc de Tofcane d'engager le
Prince fon frere à accepter cette dignité. Le MiJUIN
1746. 181
niftre du Roi de Pruffe & celui de l'Electeur Palatin
ont réfufé de foufcrire à cette réſolution , contre
laquelle le Prince d'Anhalt - Deffau a protesté
repréfentant qu'il eft Feldt-Maréchal General de
T'Empire depuis l'année 1734 , & qu'on ne peut
fans faire tort à fes droits , élire un Premier Feldt-
Maréchal General de l'Empire à fon préjudice .
Le Baron de Stingelheim Ministre du Cardinal
Evêque Prince de Liege auprès de la Diette , a
remis à cette affemblée un Mémoire par lequel
Ice Prince la follicite de lui faire obtenir la fatisfaction
qu'il attend de la Reine de Hongrie . On a
reçu avis de Drefde , que le Roi de Pologne
Electeur de Saxe étoit dans le deffein de faire
une réforme confidérable dans fes troupes , & qu'on
croyoit qu'il diminueroit de trente hommes toutes
fes Compagnies d'Infanterie , & de quinze celles
de Cavalerie . Les mêmes avis portent que le Duc
de Saxe Weffeinfels étoit mort le 16 à Leïpuck.
U
ITALI E.
Ne Relation circonftanciée qui a été publiée de
la retraite du Marquis de Caftellar nous met
en état de donner un recit plus détaillé de cette
affaire .
Le Marquis de Caftellar fortit de Parme par la
porte de Saint Michel , & prit d'abord la route de
Torre-Mulazzano , laiffant fur fa gauche Monte-
Chirugolo , qui étoit occupé par un fort détachement
de l'armée ennemie. Il avoit donné le commandement
de fon avant-garde au Brigadier
Don François Bucarelli , & celui de l'arrieregarde
au Marquis de Tovein , auffi Brigadier. A
un mille & demi de Parme Don François Bucarelli
fut arrêté par une coupure , derriere laP
182 MFR CUREDE RRANCE.
,
quelle étoient quelques troupes On eut beaucoup
de peine à franchir cet obftacle , mais enfin les
Grenadiers vinrent à bout de forcer ce paffage la
bayonnette au bout du fufil . Les ennemis qui
jufques là ne s'étient point apperçus de la retraite
du Marquis de Caftellar , attaquerent auffitôt
fon arriere-garde , & occuperent en même
tems les hauteurs des deux côtés . Is ne purent
cependant empêcher que l'avant-garde n'arrivâc
à Torre-Mulazzano où le refte des troupes
dont elle étoit fuivie , ne put fe rendre qu'après
avoir fait des efforts extraordinaires , & après avoir
effuyé pendant vingt heures un feu continuel.
Les Espagnols ayant féjourné le 21 du mois
dernier à Torre- Mulazzano , fe remirent en marche
vers Pontremoli , mais fur la nouvelle que le
Comte de Browne y avoit fait avancer un Corps
confidérable , le Marquis de Caftellar jugea qu'il
ne lui reftoit d'autre reffource que de paffer l'Apennin.
Dans ce deffein il fit défiler fes troupes
pendant la nuit par les Villages de Sibiano & de
Niviano , & elles marcherent plufieurs heures ,
fans éprouver aucun obftacle. Le 23 il n'y eut
qu'une efcarmouche à l'arriere- garde qui fuc
chargée vivement par les Huffards , les Varadins
& les Croates , au paffage d'un ruiffeau qu'on traverfa
heureuſement moyennant les bonnes difpofitions
qui avoient été faites , & le foir toutes les
troupes arriverent à Caftelnovo . Don Pedro Cevallos
Brigadier fut détaché le 25 avec dix
Compagnies de Grenadiers & cent hommes de
Cavalerie pour aller chercher des vivres à Culana
, où l'on n'en trouva qu'une très -médiocre
quantité à caufe de la fterilité du Païs . Le Marquis
de Caftellar paffa le même jour la Secchia
près de Cerreto , & le 26 il entra dans la Tof
"
JUIN, 1746. 283
cane par Salalva . Au fortir de ce Village les
ennemis l'attaquerent encore avec plus de viva.
cité que les jours precédens , mais le Marquis de
Tovein leur ayant fait face avec le Régiment
d'Efpagne & quelques Compagnies d Grenadiers
, les repouffa . Lorfque les Efpagnols étoient
prets à paffé le pont de Soliera , ils eurent un
nouveau combat à foutenir : les Grenadiers y -
rent des prodiges de valeur , & ils combattirent
prefque continuellement jufqu'aux frontieres
de l'Etat de Genes , dans lequel les troupes de
la Reine de Hongrie n'ont pas ofé penetrer pour
fuivre le Marquis de Caftellar.
Les troupes qu'il commande fe font renduës de
Sarzanne à la Specie , & elles ont traversé une
partie de l'Etat de Gnes pour aller joindre
l'Infant Don Philippe . Lorfqu'elles font arrivées
fur les terres de la République le Gouvernement
leur a fait fournir diverfes chofes dont elles avoient
befoin. Le Marquis de Castellar ayant
gagné plufieurs marches , en paffant par Chiavas ,
a rejoint l'armée de l'Infant Don Philippe , qui a
été renforcée de dix Bataillons François que lui
a envoyés le Maréchal de Maillebois. L'infant
a donné ordre au Marquis de Caftellar de s'avancer
jufqu'aux . montagnes avec le Corps de
troupes qu'il commande , afin d'empêcher les
troupes de la Reine de Hongrie de faire des
courſes du côté de la Trebbia . Le Roi d'Eſpagne
en confidération des fervices que le Marquis de
Caftellar a rendus , & partieulierement des preuves
de prudence & d'habileté que ce Général a
données dans fa retraite da Parme , l'a nommé
Lieutenant Général .
L'armée de l'Infant Don Philippe occuɔe un
Camp défendu de forts retranchemens , fur
par
184 MERCURE DE FRANCE.
lefquels on a placé plus de cent piéces de canon.
Le Général Nadafti , qui a pourfuivi le Marquis
de Caftellar , eft revenu à Reggio , où il a ramené
un grand nombre d'Officiers & de foldats qui
ont été bleffés dans les differens combats qu'il a
livrés à l'arriere - garde des troupes commandées
par ce Lieutenant Général Efpagnol . Peu après
que celles de la Reine de Hongrie ont été maîtreffes
de Parme le Prince de Lichtenftein y
a fait tranfporter le magafin qu'il avoit à Colorno
, & il en a établi quelques autres à Cremone
& à Cafal Magiore . Il étoit aifé de juger par ces
difpofitions qu'il avoit deffein de pafler le Taro
, & en effet ayant raffemblé ur le bord de
cette riviere toutes les troupes qu'il commande ,
il a exécuté le 9 du mois paffe fon projet , fans
éprouver aucun obftacle de la part du Comte de
Gages , qui deux jours auparavant avoit envoyé
ordre à tous les détachemens Efpagnols , poftés
le long de la Parola , de la Strone , & du ruiffeau
de Reggio , de v . nir le rejoindre . Ce dernier
Général s'étant mis en marche pour fe rapprocher
de Plaiſance & du Camp de l'Infant Don Philippe
, a repaffé la Larda à Fiorenzuela , & l'on
croit qu'il fe rendra de l'autre côté de la Trebbia .
Le Prince de Lichtenftein a détaché un Corps de
Cavalerie , & quelques troupes irregulieres pour
l'inquieter dans fa marche.
II eft arrivé de l'armée d'Italie à Madrid un
Officier , par lequel le Roi a été informé qu'un
Corps confidérable des troupes de la Reine de
Hongrie avoit été entierement défait par le Marquis
Pignatelli , & la lettre que l'Infant Don Philippe
à écrite à fa Majefté , pour lui donner part
de cette action , contient les particularités fuivantes.
Les ennemis ayant fait avancer à CoJUIN
1746. 185
dogno deux Bataillons du Régiment de Daun ,
deux du Régiment de Sprecker , deux du Régiment
de Teut Chefmeifter , le Régiment de Cuiraffiers
de Schmerzing , celui de Huffards de
Spleni , & trois cent Efclavons , & le Marquis
Pignatelli ayant reçû orde de l'Infant d'attaquer
ces troupes , ce Lieutenant Général paffa le
Po le 6 du mois paffé au matin avec trois mille
Grenadiers , un pareil nombre de Fufiliers , &
deux mille hommes de Cavalerie . Son avantgarde
compofée de quinze Compagnies de Grenadiers
, de trois cent Cavaliers & de cent Miquelets
, rencontra à deux milles du pofte d'où
l'on vouloit chaffer les ennemis , quelques Piquets
d'Infanterie & deux cent Huffards , qu'elle pouffa
devant elle. Auffi -tôt que le Marquis Pignatelli
fut arrivé devant Codogno , il fit fes difpofitions
pour l'attaque , & ayant divifé les troupes en trois
colonnes , il plaça à la tête de celle du centre
vingt Compagnies de Grenadiers , feize devant
la colonne de la droite , & autant devant
celle de la gauche . Ces trois colonnes chargerent
en même tems les ennemis qui étoient
poftés de telle façon qu'ils couvroient les trois
principales avenues du Bourg. Ils foutinrent pendant
quelque tems avec beaucoup de valeur
tous les efforts des Efpagnols , mais ils furent
enfin obligés de plier , & d'abandonner une batterie
de cinq canons avec laquelle ils avoient
extrêmement incommodé les troupes du Roi.
S'étant retirés dans Codogno ils fe retrancherent
à l'entrée , & ils continuerent de faire
un très-grand feu . Cependant les Eſpagnols trou
verent le moyen de pénétrer dans le Bourg : ils
chafferent les troupes de la Reine de Hongrie de
leur retranchement , & le Colonel Don Manuel
286 MERCURE DE FRANCE.
un
Valenciano avec trois cent hommes poursuivit
jufqu'ala principale Place un des Bataillons du
Régiment de Daun. Alors les ennemis n'eurent
d'autre parti à prendre que de s'enfermer dans les
maifons , où ils fe défendirent jufqu'à ce que les
portes en euffent été enfoncées . Plufieurs d'entr'eux
profitant des iffues que les maifons où
ils s'étoient retires avoient dans la campagne ,
prirent la faite , & quoique Don Carlos de Miguel
Brigadier eût été envoyé par le Marquis
Pignatelli avec un détachement fur le chemin
de Pizzighitone , pour leur couper la retraite ,
une partie fe fauva . Les autres au nombre de
deux mille quatre cent fe rendirent prifonnniers
de guerre , & parni ces derniers et le Général
Groff, qui commandoit les troupes ennemies . Elles
ont eu mille hommes tant tués que bleffés , &
on leur a enlevé douze piéces de canon ,
mortier , onze drapeaux , un etendart du Régiment
de Cuirafliers de Schmerzing , quatre
cent chevaux , tous les bagages & une grande
quantité de vivres & de munitions de guerre . Les
Efpagnols ont perdu le Comte de Scepeaux Maréchal
de Camp ; quatre autres Officiers , trois
Sergents , & quatre-vingt-huit foldats , & il y a
eu de leur part quinze Officiers , quatre Sergents
, & cent vingt - deux foldats de bleffés .
Don Ignace Wirtz Maréchal de Camp , qui étoit
à la tête de la colonne du centre ; les Brigadiers
Don Auguftin d'Ahumada & Don André Garcia ,
qui conduifoient celle de la droite ; les Colonels
Don Manuel Valenciano & Don Juan d'Urbina ,
& Don François d'Efcali , Adjudant Major des
Gardes Walonnes , fe font particuliérement diftingués
dans cette action
ainfi que Don Philippe
Carralero , Sergent Major des Grenadiers
>
JUIN 1746 .
187
Provinciaux , qui avec trois Compagnies de ces
Grenadiers a forcé le fabre à la main un Poſte ,
où il y avoit trois cent homines. L'etendart du
Régiment de Cuiraffiers de Schmerzing a été pris
par Don Barnabé Pacheco , Capitaine dans le Régiment
de Dragons de la Reine . Par les mèmes
dépêches l'Infant mandeau Roi que Don Juan Manuel
Gomez Lieutenant Colonel des Grenadiers
Provinciaux ayant été détaché avec quatre
Compagnies de fon Régiment , cent hommes de
Cavalerie , & un Piquet de Miquelets , pour
s'emparer d'une batterie que les ennemis avoient
établie à l'embouchure du Lambro , il avoit rui
dans cette entreprife ; qu'on avoit trouvé dans
cette batterie deux pièces de canon de dix - huic
livres de balle , & quatre de douze , & que les
Officiers & les foldats des deux Piquets , qui la
gardoient , avoient été tous tués , bleffés ou
faits prifonniers.
Le Maréchal de Maillebois s'étant mis en marche
de Novi avec une partie des troupes Franoifes
qui font fous fes ordres , les Piémontois
abandonnerent sous les Poftes qu'ils occupoient
entre les riviéres d'Orba & de Bormida , & ce
Général s'étant avancé vers Acqui , il en fit attaquer
le Château , dont la garniſon fut faite prifonniere
de guerre ; de là ayant pour objet d'obliger
le Général Leutrum , qui avoit formé le
fiége de Valence , d'abandonner cette entrepriſe ,
il paffa le premier du mois dernier la Bormida avec
la plus grande partie des troupes Françoiſes qui
font fous fes ordres , & avec un train confidérable
d'artillerie. Il fe porta enfuite fur le Tanaro
, & fit attaquer le pont que les Piémontois
avoient conftruit près de Cafal Bayan . Le Bataillon
d'Ottingen qui gardoit ce pont s'y défen188
MERCURE DE FRANCE.
dit avec beaucoup de valeur , mais ne pouvant
s'y maintenir , il prit le parti de le détruire , &
il fe retira à Alexandrie. Auffi -tôt le Marquis de
Carail , qui commande dans la Citadelle de cette
Place , en fortit avec plufieurs Compagnies de
Grenadiers & quelques Piquets de la garnifon ,
pour tâcher de difputer aux ennemis pendant
quelque tems le paffage du Tanaro , ou du moins
pour les troubler dans l'exécution du deffein
qu'ils paroiffoient avoir de rétablir le pont de
Cafal Bayan, Le Général Leutrum n'avoit pas lieu
d'efpérer que le Marquis de Carail pûr les arrêter
fort long- tems , & jugeant qu'il feroit difficile
de leur faire face , & de continuer en même
tems le fiége de Valence , il fe détermina à faire
les plus grands efforts pour mettre la garnifon de
cette Place dans la néceffité de capituler promptement.
Pour cet effet pendant la nuit du premier
au deux , il fit donner l'affaut à la droite &
à la gauche du chemin couvert du Ravelin embraflé
par l'attaque , lequel outre la forte paliffade
& les trois redoutes qui le défendoient ,
étoit protegé par le feu de la Place . Les trois
redoutes furent emportées malgré la vigoureuſe
réfiftance des affiegés qui eurent en cette occafion
plus de quatre cent hommes tués ou blesfés
, & aufquels on fit près de cent quarante prifonniers
. La nuit fuivante le Général Leutrum
fit fes difpofitions pour donner l'affaut au corps
de la Place : il ordonna dès la pointe du jour
au Prince de Bade d'occuper avee dix Bataillons
le Pofte de san salvador , & il fe préparoit
à donner le fignal pour l'attaque , lorfque les
affiégés arborerent le drapeau blanc. Les ôtages
ayant été délivrés de part & d'autre , on
figna le 2 la Capitulation par laquelle il a été
JUIN 1746. 189
reglé que la Garniſon fortiroit avec les honneurs
de la guerre , à condition de ne fervir d'un an
contre le Roi ni contre fes Alliés.
Le Gouvernement Genois paroît être dans la
réfolution de faire de nouveaux efforts pendant
cette campagne pour favorifer le fuccès des armes
de fa Majefté Catholique , & il ne reftera
aucunes troupes réglées dans Genes , dont la
garde fera confiée à la Bourgeoifie . Quelques
bâtiments armés en courfe à Bonifacio ont enlevé
la galiotte qui croifoit par ordre du Roi de
Sardaigne fur les côtes de l'ile de Corfe , d'où
l'on apprend que la Déclaration publiée au nom
du Roi contre les Rébelles avoit déja engagé
plufieurs d'entre eux à rentrer dans leur devoir.
Dix de ceux qui après avoir été arrêtés par les
habitans de la Baſtie ont été conduits à Génes , ont
été condamnés à mort & ils furent exécutés le 7 du
mois dernier fous le Portique de la Prifon du Palazzetto
: cinq ont eu la tête tranchée , & cinq
ont été pendus on croit que les autres feront
envoyés aux Galeres .
Suivant les derniers avis reçus de l'Ile
de Corfe le Colonel Rivarola occupe toûjours
San Fiorenzo , mais le nombre des Rebelles ,
qui s'étoient joints à lui , eft confidérablement
diminué , & l'on croit que ce Colonel , défefperant
de pouvoir entretenir la revolte , fe difpofe
à retourner inceffamment en Piémont . Ces
avis ajoûtent que M. Spinola Commiffaire de la
République à Calvi eft allé à la Baftie , pour
y commander , en attendant que M. Etienne
Mari Commiffaire Général puiffe y retourner.
Il paroît à Genes une Relation circonftanciée de
tout ce qui s'eft paffé depuis le 26 du mois d'Avril
dernier à l'armée Françoife , commandée par le
195 MERCURE DE FRANCE.
Maréchal de Maillebois , & voici les principales
particularités qui y font font contenues. Les
Piémontois ayant occupé plufieurs poftes fur les
hauteurs entre l'Orba & la Bormida , le Maré
chal de Maillebois fit marcher deux mille hom
mes fous les ordres du Comte de Monteynard
qui fe porta à Ponzone , & en chafla les enne
mis , & qui par la demonftration qu'il fit de vouloir
jetter un pont fur l'Orba , les obligea d'abandonner
Carpene & Terfobio. Auffi- tôt que
le Général Leutrum fut informé de ces nouvelles ,
il retira de Cremolino les troupes qui gardoient
ce Pofte , & ces troupes s'étant repliées fur la
Caffine des Bains d'Acqui , le Comte de Montteynard
les y attaqua . Elles s'y défendirent pendant
fix heures , mais enfin elle fe rendirent à
difcretion , & l'on fit prifonniers en cette occafion
dix-neuf Officiers , quatre Piquets , & cent
Grenadiers. Sur l'avis que la Ville de Valence ,
affiégée par les Piémontois , ne pouvoit faire
encore une longue réfiftance , le Maréchal de
Maillebois prit la réfolution de fécourir cette
Place , quoique divers obftacles l'euffent empêché
de recevoir les renforts qui lui avoient été promis
par l'Infant Don Philippe . Dans ce deffein
il fe difpofa à tenter le paffage du haut Tanaro ,
fur lequel les ennemis avoient un pont fortifié
près de Cafal- Bayan. Pour y réuffir il fit fortir
le 30 du mois d'Avril dernier toute l'infanterie
Françoise de fes quartiers , & ayant crdonné à
douze cent hommes de Cavalerie , qui étoient à
Polfevera , de venir le joindre , il alla camper
avec ces troupes dans la plaine de Bo'co. En
même tems , afin de partager l'attention du Général
Leutrum , il fit avancer à Rivalta M de
Chevert , Maréchal de Camp pour jetter un pon
JUIN. 1746.
1
›
fur la Bormida , tandis que le Gouverneur do
Tortone en 'fit fortir quelques troupes , pour faire
unè diverfion du côté de Piovera, Le retard des
bateaux qui venoient de Tortone , la rapidité de
la Bormida , & le feu de fept Bataillons poftés
fur la rive gauche de cette riviére , furent caufe
que le être achevé que le premier ne put pont
Mai à midi dans le moment que le Maréchal
de Maillebois arriva à Rivalta, Ce Général
détacha fur le champ M. de Chevert avec huit
Bataillons , & le Comte de Cruffol avec cinq
cent Grenadiers & trois cent Volontaires , avec
ordre d'attaquer le pont de Cafal-Bayan. Le
Prince de Beauveau à la tête des Grenadiers s'en
empara après un combat très - vif , qui dura une
heure & demie & dans lequel les François
n'eurent que cinq Officiers & neuf Grenadiers
tués , & ving- trois foldats bleffés Le lendemain
M. de Larnage fut envoyé à Borgoratto avec
fix Bataillons , & le Maréchal de Maillebois
ayant fait toutes les difpofitions pour affûrer fes
derrieres & fes convois , s'avança avec le réfte de
l'armée à Gamalerio. Il avoit formé le projet de
tomber en colonne iur la droite d'un Corps confiderable
d'Infanterie & de Cavalerie des ennemis
, qui étoit defcendu dans la plaine avec de
l'artillerie , mais la nouvelle de la reddition de
Valence lui fit abandonner ce deffein , les Piémontois
, qui par la prife de cette Place , fe trouvoient
en état de raffembler toutes leurs forces .
étant fuperieurs de douze Bataillons , & il fe re
plia fur Rivalta , après avoir fait bruler le
pont de Cafal- Bayan .
Dès le premier du mois paffé il avoit fait
nveftir la Ville & le Château d'Acqui par un
étachement , qui eut ordre d'en continuer le
ege.
192 MERCURE DE FRANCE.
La nuit du 2 au 3 les affiegeans établiret
fur la hauteur des Capucins une batterie dont
deux piéces de canon commençerent à tirer le 3
au matin . On ouvrit pendant la nuit fuivante un
boyau qui fut porté juſqu'au pied de la paliffade :
on augmenta de deux piéces de canon la batterie
des Capucins , & l'on travailla à une nouvelle
batterie deftinée à prendre de revers les
parties les plus élevées de la Ville . Les Mineurs
étant parvenus le 4 à faire la deſcente du foffé ,
le Gouverneur fe détermina à capituler , & la
garnifon compofée de deux cent dix hommes ,
fut-faite prifonniere de guerre.
2
Le 6 le Maréchal de Maillebois alla camper
fous Acqui , laiffant quatre Bataillons & huit Efcadrons
à Rivalta pour contenir la garniſon
d'Alexandrie , & il fit occuper les Poftes de Ponzone
& de Terzo par deux détachemens , & les
hauteurs d'Alicé par le Corps que commandoit
M. de Chevert.
Il vifita le 8 les Poftes d'Alicé , de Caftelroquero
, de Roccapalafea & de Terzo , & le 9
ceux de Morfafco , de Montalto & d'Orſaria .
Le jour fuivant M. de Moncalm Colonel du
Régiment d'Auxerrois attaqua Montaboni , oùˆ
l'on tua quarante hommes aux Piémontois , &
où on leur fit cent trente priſonniers , du nombre
defquels étoient fept Officiers.
L'armée Françoife décampa le 14 des environs
d'Acqui , & retourna à Rivalta. Continuant fa
marche fur deux colonnes , elle fe rendit le 15
à Pafturana : le 17 on fit fauter les fortifications
du Château d'Acqui , & les ennemis ayant tenté
de fe rendre maîtres du pont que les François
ayoient fur la Bormida , furent repouffés.
La nuit du 18 au 19 le Général Leutrum attaqua
1
JUIN. 1746. .193
taqua les Poftes d'Orfaria & de Morfafco , & il
s'empara du premier . M. de Nogent , qui commandoit
dans le fecond , fit une fortie , tua
trente hommes aux ennemis fit prifonniers un
Capitaine & treize foldats , & ayant donnné par
une défenſe de trente heures le tems à un détachement
d'aller le dégager , il ſe retira à Rocca
Grimaldi .
Ayant appris le 25 qu'un détachement Piémontois
fe retranchoit à la Chapelle de Saint
Etienne , près de Terfobio , il l'a furpris , & l'a
obligé de fe rendre prifonnier .
L'armée eft actuellement campée entre Pafturana
& Novi : deux Corps de troupes ont été
poftés en avant , l'un à Pozzol- Formigaio , l'autre
fur le Lemo à Francavilla : les neuf Efcadrons
que l'Infant Don Philippe a envoyés au
Maréchal de Maillebois font à Tortone , &
ont à Rivalta , dit Scrivia , un Pofte avancé , qui
affûre leur communication avec l'armée , d'où dix
Bataillons furent détachés le 10 pour aller renforcer
les troupes Eſpagnoles.
GRANDE BRETAGNE.
L Bretagne ,pour le feliciter fur lefuccès de les
Es Seigneurs ont prefenté au Roi de la Grande
armes , une Adreffe à la quelle fa Majesté a fait la
réponſe fuivante , Mylords , La defaite des Rebelles
m'eft a'autant plus agréable , gue je vois que tous
mes fideles fujets en témoignent une fatisfaction générale.
Votre joye au fujet de cet evenement est une
nouvelle marque de votre zele de votre affection
pour moi pour ma famille , je reffens un plaifir
extrême de ce que vous approuvez les fervices rendus
le Duc mon fils. Vous pouvez compter que j'em- Bar
I
196 MERCURE DE FRANCE,
diatement que les Anglois à la ddeéffeer: fe du Cons
tinent , s'étoient mifes plus en état d'imiter la
conduite du Roi de Sardaigne . & de fai e la guerre
comme Parties principales. Le Lord Harrington
s'éleva avec beaucoup de force contre cette propofition
, & il dit que ceux qui la faifoient , ne
portoient pas un jugement fain de la conduite des
Etats Généraux des Provinces Unies ; qu'en regardant
les chofes dans leur veritable point de
vue & avec l'attention qu'elles meritent , on
reconnoîtroit que la perte de la plus grande partie
de la Barriere , accordée à cette République
par le Traité d'Utrecht , ne l'avoit pas empêchée
de faire tout ce qui avoit été en fon pouvoir , &
même au-delà , pour remplir fes engagemens
envers fes Alliés que fi les Etats Généraux n'avoient
point déclaré la guerre à la France , ainfi
qu'ils fembloient y être obligés par le Traité de
1678 , c'étoit que la fituation où ils s'étoient
mis par les fecours qu'ils avoient fournis à la
Reine de Hongrie , ' ne leur avoit pas permis
de porter les chofes à cette extremitté , & qu'on
ne pouvoit même l'exiger d'eux avec bienféance ;
qu'avancer qu'ils étoient entrés dans une négociation
particuliere avec le Roi Très-Chré
tien , c'étoit ignorer les principes par lesquels ils
fe gouvernoient ; qu'il ofoit déclarer devant la
Chambre que le reproche qu'on leur faifoit étoit
injufte , & qu'il avoit au contraire les raifons les
plus fortes d'être convaincu qu'ils n'avoient pris
& qu'ils ne prendroient aucun engagement , d'où
il pût refulter du prejudice pour leur gloire &
pour celle de leurs Alliés ; qu'on devoit rendre
juftice à leur fermeté & fonger que pour fe cor
ferver leur alliance , il falloit ne pas leur demander
plus que leurs forces , la fituation de leur
JUIN 1746. 197
Païs , & la nature de leur Gouvernement ne leur
permettoient de faire . Il y eut des debats très
longs & très vifs au fujet du difcours du Loid
Harrington , & de la propofition qui y avoit
donné occafion , mais enfin elle fut rejettée à la
pluralité de quatre-vingt- une voix contre vingtfix.
Le 16 M. Fane fit à la Chambre des
Communes le rapport des réfolutions qui avoient
été prifes le 13 touchant le fubfide. Quoique
plufieurs Députés fe foient oppofés à celle d'accorder
au Roi vingt & un mille cinq cent qua -
rante-cinq livres fterlings pour les troupes , que
la République des Provinces Unies a fait paffer
dans la Grande Bretagne , cette réfolution a été
approuvée . Le Roi a accordé à M. Guillaume
Pitt la charge de Tréforier Général des Gardes
& Garnifons de la Grande Bretagne & au
Docteur Edouard Wilmot la place de Medecin
général des troupes de terre. Le Comte de Chefterfield
eft tombé malade à quelques milles de
Londres , en revenant d'Irlande . On attend d’Ecoffe
le Prince Frederic de Heffe.
"
Le Roi ayant envoyé le 24 du mois paffé un
Meffage à la Chambre des Pairs pour lui témoigner
qu'il ne doutoit point que cette Chambre
n'approuvât les réfolutions qui pourroient être
prifes en faveur du Duc de Cumberland par la
Chambre des Communes les Seigneurs ont
affûré fa Majefté par une Adreffe qu'ils verroient
avec un très- grand plaifir la Chambre des
Communes donner des marques de fa reconnoiffance
pour les fervices rendus par le Duc de
Cumberland. La Chambre des Communes reçut
auffi le 24 un Meffage par lequel le Roi lui fit
fçavoir qu'il comptoit de fe conformer à l'inclination
de la Chambre , en lui recommandant
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
les intérêts du Duc de Cumberland , & le
lendemain la Chambre réfolut d'augmenter de
vingt-cinq mille livres fterlings les revenus de
ce Prince. Elle en a accordé cinq cent mille au
Roi , afin de l'aider à appaifer entierement les
troubles en Ecoffe , & quarante mille huit cent
quatre-vingt pour les appointemens des Officiers
Généraux employés cette année . En même
tems elle a autorifé fa Majeftê à tirer un million
de livres fterlings du fond d'amortiffement , & à
faire un emprunt de cinq cent mille livres fterlings.
M. Henri Fox à obtenu la charge de
Sécretaire de la guerre , vacante par la demiffion
de M. Guillaume Young , & l'on affûre
que le Roi honorera du titre de Ducs plufieurs
Pairs de la Grande Bretagne . Le 15 l'Amiral
Martin fit voi'e de Plymouth avec les vaiffeaux
de guerre de Duc & le Saint Georges , de quatrevingt-
dix canons ; le Yarmonik & le Capitaine , de
foixante & dix ; l'Augufte & la Prine ffe Louife
de foixante ; le Faulk land , de cinquante , & le
Maidstone , de quarante , & fon efcadre a été
jointe depuis par les vaiffeaux le Hamp`oncourt &
le Namur , de foixante & dix canons ; la Defiance
, de foixante ; le Sali bury & le Rubis , de
cinquante. Cet Amiral qui croife au Sud de la
Manche , a donné avis aux Commiffaires de l'Amirauté
que l'efcadre qui a été équipée à Brest
par ordie du Roi de France étoit allée à Rochefort.
On mande de la Jamaïque , que l'Amiral
Thownshend étoit parti d'Antigoa avec dix vaiffeaux
de guerre , mais qu'on n'étoit pas encore
inftruit de l'entrepriſe qu'il fe propofoit d'exécuter.
Les mêmes lettres marquent que l'équipage
d'un vaiffeau avoit rapporté que le Chef d'ecadre
Burnet avoit pris dans la mer du Sud quatre
JUIN. 1746. 199
navires Espagnols , à bord defquels il y avoit
quatre millions de piéces de huit . Il s'eft répandu
auſſi un bruit qu'un vaiffeau du Roi , de vingt
canons , & un Armateur s'étoient emparés d'un
Galion , dont la charge eft exrrêmement oonfidérable
, mais ces nouvelles ne font pas encore
affes confirmées , pour qu'on y ajoûte entierement
foi.
Les Actions de la Compagnie de la mer du Sud
font à quatre vingt- dix-fept ; celles de la Banque
à cent vingt quatre & un quart ; celles de la
Compagnie des Indes Orientales à cent foixantefix
& demi , & les Annuités à qua.re-vingt- dix-
Lept & un quart .
PAYS BAS.
ON mande de la Haye que le 21 du mois dernier
M. de Dieu , ci-devant Ambaſſadeur de la
République de Hollande auprès de l'Impératrice de
Ruffie fit à 1 Affemblée des Etats Généraux le
rapport du fuccès des commiffions dont il avoit
été chargé. Le Comte de Rosemberg Envoyé
Extraordinaire de la Reine de Hongrie ; M. Trevor
qui y réfide en la même qualité de la part du
Roi de la Grande Bretagne , & le Baron de Reifchach
, Miniftre Plenipotentiaire du Grand Duc
de Tofcane , eurent le 23 & le 24 une conférence
avec quelques Députés de cette Affemblée
. Le 24 M. d'Ammon Miniftre du Roi
de Pruffe , & M d'Elfacker Réfident des Electeurs
de Cologne , de Baviere & de l'Electeur
Palatin , communiquerent au Préſident de la même
affemblée quelques dépêches qu'ils avoient reçues
de Berlin & de Manheim. Le Comte de
Golofkin Ambaffadeur Extraordinaire & Pléni-
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
•
potentiaire de l'Imperatrice de Ruffie remit le
lendem à ce Préfident un Mémoire relatif au
nouveau fraité de Commerce & de Navigation ,
qui fe negocie entre cette Princeffe & la République
des Provinces Unies. On a reçu avis de
Madrid que le Roi d'Efpagne avoit réfolu de
rapeller le Marquis de Saint Gilles , fon Ambaffadeur
auprès des Etats Généraux , & que ce Miniftre
devoit partir bien - tôt pour aller prendre
poffeffion d'une charge importante que fa Majefté
Catholique lui deftine . M. Calkoën doit revenir
inceffamment de Drefde , où il avoit été envoyé
avec caractére de Miniftre de la République .
Le Confeil d Etat a ordonné au Baron de Lintelot
& à M. Vry Temminck d'aller exécuter une
commiffion dans la Flandre Hollandoife . Le Baron
de Schimmelpenning Vander - Oyen , le Baron
Slot-Linderhoft & M. Martens ont été nommés
Commiffaires pour changer les Magiftrats
des Villes de cette Province . M. Van-Haren &
le Baron d'Uttenhoven doivent fe rendre pour le
même objet à Maeftricht. Les Députés des Miniftres
des Synodes des Provinces Unies fe rendirent
le 26 à l'affemblée des Etats Généraux ,
pour examiner la copie que cette affemblée garde
d'une traduction de l'ancien & du nouveau Teftament.
La premiere Divifion du Corps de troupes
Hanoveriennes , que le Roi de la Grande
Bretagne fait paffer dans les Païs Bas , arriva le
25 près de Nimegue .
"
>
Les François ayant occupé Malines , & ayant
fait avancer le 16 du mois paffé divers détachemens
en deça de la Dyle & de la Demer , en
s'étendant fur la droite & fur la gauche de l'armée
des Alliés , le Feldt - Maréchal Comte de
Bathiany & le Prince de Waldeck tinreut le
JUIN. 1746.
20F
>
même jour un Confeil de guerre , dont le réfultat
fut qu'il étoit à craindre que le deffein du
Roi ne fût d'enveloper l'armée des Alliés , ou
du moins de lui couper la communication avec les
derrieres , & qu'ainfi il étoit à propos de prendre
une polition , par laquelle on pût couvrir les
frontieres de la République , & fe tenir à portée
´ d'être joint par les renforts qu'on attend . En
conféquence de cette réfolution l'armée quitta
les environs de Liere , après que tous les Polies
fur l'Efcaut , fur la Nethe & fur la Demer eurent
été relevés , & elle marcha für Cantecroy &
Borsbecke. Le 17 elle défila une partie par la
Ville d'Anvers , l'autre le long des remparts de
la même Ville , & elle alla camper dans la
plaine de Braxgatten , la droite à Eckerem , & la
gauche à Merckfem , les gros équipages ayant
été envoyés à Breda , où l'on fit tranfporter auffi
une partie de l'a tillerie . L'armée s'étant remiſe
en marche le 19 , fe replia du côté de Sundert ,
& l'on etendit la droite jufqu'à la Zoom , afin de
pouvoir conferver la communication avec Willemstadt
, où doivent débarquer les troupes qui
viennent de la Grande Bretagne . La néceffité
de pourvoir en même tems à un autre objet , &
d'affûrer la jonction avec les troupes Hanove
riennes qui marchent par la Gueldres , & avec
celles que la Reine de Hongrie envoye fous les
ordres du Comte de Konigseg , a obligé les Généraux
des Alliés de faire changer encore de
pofition à l'armée , qui eft actuellement fur la
Dunge. La droite eft appuyée à Gertruydemberg; la
gauche s'étend par-de- là Kleyn-Dungen , & l'on a
établi le quartier général àT- Huys- Ter- Heyde.Les
troupes ne pouvant plus tirer des fubfiftances que
des Etats de la République , les ordres ont été
Iv
202 MERCURE DE FRANCE .
"
donnés d'établir des magasins à Breda , à Bergopfoom
& à Bos-le- Duc. Le Landgrave de
Heffe Hombourg Gouverneur de cette derniere
Ville s'y eft rendu le 22 pour en viliter les
fortifications , & pour la mettre en état de défenſe.
On a fait marcher à Maestricht le Régiment
de Dragons de Sclippenbach , afin d'en
renforcer la garnifon . Les Pandoures & les Croates
ayant commis quelques brigandages , pendant
que l'armée étoit dans les environs de Sundert
, le Feldt-Maréchal Comte de Bathiany a
fait punir feverement les coupables , & ce Général
a toute l'attention poffible à faire obſerver
par les troupes une exacte difcipline . Quelques
bâtimens de tranfport arrivés d'Angleterre à
Willemstadt y ont débarqué un grand nombre de
chevaux de remonte pour les Régiment Anglois
de Cope , de Stairs & de Rothe . Quoique les
François ne foient point entrés fur les terres de
la République , l'allarme eft fort grande parmi
les habitans de la campagne.
La pofition de l'armée des Alliés a continué
d'être la même entre Gertruydenberg & la Dunge
, & le camp qu'elle occupe eft fortifié de
plufieurs redeutes . On comptoit que les troupes
qui viennent de Hanover arriveroient à ce camp
dans les premiers jours de ce mois . Elles dirigent
leur marche du côté de Zutphen , & elles
pafferont le Wahal près de Bommel . On les attendoit
avec d'autant plus d'impatience , que l'armée
eft fort affoiblie par lés détachemens qu'on
a été obligé de faire pour mettre des garnifons
dans diverfes Places. LesDéputés des Etats de Zelande
ont difpofé de la charge d'Amiral Lieutenant
de cette Province en faveur de M. Herman
Wiltſchut , qui eft remplacé dans celle de
JUIN. 1746. 203
1
"
Vice-Amiral de la même Province par M. Jacob
Imanfe & M. Michel Sappius a été
nommé Chef d'efcadre . La Compagnie des Indes
Orientales établie à Amfterdam eft convenue
de rendre à celle de France les trois vaiffeaux
qui appartiennent à cette derniere Compagnie
, & qui avoient été conduits à Batavia par
les Anglois , & de payer trois millions cent mille
livres pour le prix des marchandifes dont ces vaiffeaux
étoient chargés. Ils doivent être ramenés
en France aux frais de la Compagnie Hollandoife
, qui s'eft engagée , fuppofé que les Anglois
s'en emparaffent une feconde fois , de donner
cent mille écus pour chacun.
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
•
MARIAGE ET MORTS.
LE 31 Mai a été fait le mariage de M. Charles-
15 Octobre
697 , Confeiller au Grand-Confeil , reçû le
4 Septembre 1732 , fils de feu Etienne- Charles
Ridel de Plaine - Sevette auffi Confeiller au Grand-
Confeil, pourvû le 9 Juillet 1695 , & de De Jeanne
Chartraire , avec Dlle. Marie- Jeanne le Feubre
de Morfan , fille de Pierre le Febvre Seigneur
de Morfan , Contrôleur Ordinaire des Guerres &
de feue Marie-Jeanne du Pont, M. de Plaine-
Sevette eft petit-fils de Charles Ridel Seigneur
de Plaine-Sevette Tréforier de France à Paris
en 1659 & maintenu dans fa Nobleffe par Ordonnance
des Commiffaires Généraux du 30 Octobre
1697 , & arriere petit -fils de Claude Ridel
Seigneur de Plaine - Sevette , mort Président des
Tréforiers de France à Paris & Conſeiller d'Etat
le 7 Avril 1659 , lequel étoit fils de Martin Ridel
Seigneur de Plaine- Sevette , Auditeur en la Chambre
des Comptes de Paris en 1598 , puis Tréforier
de France à Rouen en 1610 , mort le 10
Septembre 1624 , & de De Catherine Aubery ,
alliance qui donne des parentés à M. de Plaine-
Sevette avec tout ce qu'il y a de plus confidérable
dans l'Epée & dans la Robe .
Le même jour le Pere Bertrand-Claude Tafchereau
de Linieres de la Compagnie de Jefus , cidevant
Confeffeur du Roi & avant de feuë Ma
dame , mourut à Paris dans la Maiſon profeffe des
Jefuites , âgé de près de 89 ans ; il étoit fils de
Gabriel Taschereau , Seigneur de Linieres & de
י
JUIN 1746. 205
"
.
9
Baudry , Chevalier de l'Ordre du Roi & Gon
tilhomme Ordinaire de fa Chambre en 1650
Confeiller d'Etat & Privé la méme année , &
Grand-Maître des Eaux & Forêts de France au
département d'Anjou & du Maine , & de De . Magdeleine
Cottereau , alliance qui donne des parentés
à Mrs de Baudry avec tout ce qu'il y a de plus
diftingué dans l'Epée & dans la Robe ; le pere
de Linieres étoit oncle de M. Gabriel Taschereau
Seigneur de Baudry à préfent Confeiller d'Etat ordinaire
& Intendant des Finances & avant Maît e
des Requêtes , à l'article duquel la Génealogie
de la famille de Taschereau fera rapportée dans
l'Hiftoire promife des Maîtres des Requêtes Ordinaires
de l'Hôtel du Roi.
Le .. Mai François de Lafferan de Moffencome de
Mont-LucSeigneur & Marquis de laGarde , d'Ornano
& de S Martin , dit le Marquis de Mont - luc , Brigadier
des armées du Roi de la promotion du 3
Avril 1721 , Colonel du Régiment d'Infanterie
de Mont-Luc , & Chevalier de l'Ordre de S. Louis
mourut à Toulouſe dans la 7ie . année de fon âge,
étant né le 20 Septembre 1676 ; il avoit été reçû
Page de la petite écurie du Roi en 1690 , puis
fervit dans les Moufquetaires , eut un Régiment
de fon nom de Mont - Lue , fut fait Brigadier
d'armée & Chevalier de St. Louis ; il avoit
été marié le . . Juin 1704 avec Jeanne Renée de
Fleurs qu'il laiffe veuve & mere d'un fils unique
nommé François - Louis de Lafferan de Maffencome
Comte de Mont-Luc ; il étoit fils de François
de Lafferan de Maffencome de Mont -Luc ,
Marquis de la Garde , Colonel d'un Régiment
d'Infanterie , Gouverneur des Ville & Château
d'Ortés, mort le 16 Juillet 1711 , & de De . Marie
d'Ornano petite fille d'Alphonfe d'Ornano Maré206
MERCURE DE FRANCE.
chal de France : quoique le véritable nom de feu
M. le Marquis de Mont- Luc fut celui de Poyanne ,
Maiſon connue dans le Diocèſe d'Acqs en Guyenne
dès l'an 1050 , fes ancêtres & leurs fucceffeurs
avoient pris ceux de Lafferan & de Maſſencome ,
en exécution des claufes portées par le contrat
de mariage de Charles de Poyanne , Seigneur de
Nefle , fixiéme ayeul de M. de Mont- Luc avec De.
Ifabeau de Lafferan de Maffencome , & par la donation
faite le 18 Juin 1487 par Amanieu de Lafferan
de Maffencome , Seigneur de Mont - Luc à
ladite Ifabeau de Lafferan ſa niéce , à condition
que leurs defcendans porteroient les nom & armes
de Lafferan de Maffencome , ce qui a toujours
été fuivi depuis.
Les Armes de Lafferan de Maffencome de Mont-
Luc en Bearn , font d'or à un tourteau de genics .
Le 6 Charles -Felix Rondé , Ecuyer Confeiller
du Roi , Tréforier Général des Fortifications , &
avant Receveur & Payeur des rentes de l'Hôtel
de Ville de Paris , y mourut à l'âge de 44 ans ;
il étoit fils de Laurent Rondé Confeiller Secretaire
du Roi , Maifon - Couronne de France
& de fes Finances , & de Marie Charpy ; il
avoit pour foeur Dame Madeleine Rondé , mariée
dès le 16 Janvier 1725. avec Claude - Nicolas
Henin Confeiller au Parlement de Paris ; il avoit été
marié le 25 Novembre 17 : 6 avec De. Marie Char⚫
lotte -Therefe Grondeau de Flobert , & il en laiffe
Charles- Antoine Rondé à préſent Tréforier
Général des Fortifications de France .
Le 10 Mre. Charles - François des Monfliers
de Merinville Evêque de Chartres , Abbé de Notre
Dame d'Igny , mourut dans ſon Diocèſe âgé de
JUIN 1746.
207
64 ans il fut pourvû le 1 Novembre 1701 de
l'Abbaye de St. Calais au Diocèfe du Mans , oṛ-
donné Prêtre en .706 & nommé au mois de Septembre
de la même année Archidiacre de Princeray
en l'Eglife de Chartres, & depuis Grand
Vicaire de ce Diocèſe , il fut nommé le 26 Avril
1709 Coadjuteur de l'Evêque de Chartres , Paul
Godet des Marais fon oncle à la mode de Bretagne
, & fut reçû Docteur en Théologie de la
Facul é de Paris de la Maifon & Societé de Sorbonne
le 17 Octobre fuivant , & le 12 du même
mois il fut nommé à l'Abbaye de Notre Dame
d'Igny au Diocèfe de Rheims , vacante par la
mort du même Evêque de Chartres fon oncle qui
l'inftitua fon legataire univerfel , il fut facré à
Paris le 8 Mai 17 0 & prêta ferment de fidelité
au Roi le 3 Juin fuivant ; il reçût dans fon Eglife
le 27 Mai 1732 la Reine lorfqu'elle y fut rendre
graces à Dieu pour la naiffance du Dauphin ,
& il affifta plufieurs fois depuis aux affemblées da
Clergé ; il étoit fils de Charles des Montiers
Marquis de Merinville , Comte de Rieux , Capitaine
Lieutenant de la Compagnie des Chevau - Legers
de Monfeigneur le Dauphin en 1671 , Gouverneur
des Ville & Diocèfe de Narbonne , mort le
30 Septembre 1689 , & de De. Marguerite Gravé
de Launay , & petit fils de François des Monf
tiers , Vicomte de Merinville, Meftre de Camp d'un
Régiment d'Infanterie & d'un de Cavalerie , Lieutenant
Général en chef des armées du Roi en
Catalogne , & au Gouvernement de Provence ,
Gouverneur de Rofes , des Ville & Diocèfe de
Narbonne & du Comtat Venaiffin , Chevalier des
Ordres de Sa Majefté , reçu le 25 Mars 1662 ,
mort le Janvier 1672-, & de De. Marguerite de
la Jugie Comtelle de Rieux en Languedoc morte
•
208 MERCURE DE FRANCE.
let3 Fevrier1694 ; le nom de desMonftiers en Poitou
eft marqué par fon ancienneté , par fes alliances
& par fes fervices militaires & les derniers degrés
de cette Généalogie font rapportés dans l'ejo.vol .
des Grands Officiers de la Couronne fol . 203 .
Sei- Le 14 M. René Theophile de Man, con
gneur de Sablonieres en Brie , dit le Marquis de
Maupeou , Lieutenant Général des armées du
Roi & Inspecteur d'Infanterie , mourut à Strafbourg
dans la 49 année de fon âge , étant né le
9 Juillet 1697 ; il entra dans les Moufquetaires
en 1713 , fut reçu Capitaine dans le Régiment
de Toulouse en 1715 , fur fait Colonel du Régiment
de Bigorre par commiffion du 16 Mars .719 ,
InfpecteurGénéral de l'Infanterie en 172 , Che-
Ivalier de l'Ordre Militaire de S. Louis en .
Brigadier d'Infanterie le i Août 734. Maréchal
de amp le 15 Mars 1740 , Lieutenant Général
des armées du Roi le i Mai 1745 ; il avoit été
marié le 14 Juillet 1727 avec De . Jeanne - Renée
Blanchard de Banneville , fille de Jean Blanchard
Seigneur & Patron de Banneville , Secretaire du
Roi , & de feue Louife Claude le Rouffeau de
Lanvau , duquel mariage il laiffe un fils & une fille ;
il étoit fils de René de Maupeou Seigneur de Sablonieres
, Lieutenant Général des armées du Roi ,
Directeur Général d'Infanterie mort le 1 Octobre
1734 , & de De. Marie- Marguerite Jeannin ,
Louis de Maupeou Seigneur de Noify fon ayeul ,
Maréchal de Camp , Capitaine & Major du Régiment
des Gardes-Françoifes , Gouverneur des
Villes d'Ath & de Salins mort en 1669 , fut
marié avec Antoinette Catefau de Sablonieres
morte en 1710 , & il avoit pour frere aîné M.
René de Maupeou Vicomte de Bruyeres fur Oife ,
Président de la Premiere Chambre des Enquêtes
JUIN 1746. 20
•
du Parlement de Paris , & enfin Confeiller d'Etat
& d'Honneur en la même Cour , mort le 22 Mai
1694 , ayeul de M. René-Charles de Maupeou ,
qui remplit aujourd'hui depuis l'an 1743 la place
de Premier Préſident du Parlement dont le Roi
l'a honoré en confidération de fes fervices & de
ceux de fa familie depuis deux cent ans , tant
dans les premiéres charges de la Magiftrature que
dans les premiers emplois de la guerre & dans les
premiéres places de l'Eglife ; les Armes de Maupeou
font d'argent à un Porc epic de fable , &
la Genéalogie s'en trouvera amplement déduite
avec toutes fes branches , fur titres & mémoires
fidéles , dans l'Hiftoire des Maîtres des Requêtes
ci-devant annoncée .
Le 15 Jean Ourfin , Ecuyer , Confeiller , Sécretaire
du Roi , Maifon , Couronne de France &
de fes Finances & Receveur Général des Finances
de Caën , mourut à Paris âgé de 82 ans ; il étoit
fils de Michel Ourfin & de Thomaffe Chauvet ,
& il avoit époufé Françoife- Catherine Allan ,
de laquelle il laiffe pour enfans Jean - Baptifte-
Mathieu Ourfin Ecuyer Seigneur de Soligny ,
Maître d'Hôtel Ordinaire du Roi , Pierre Ourfin
Seigneur de Digoville , Receveur Général desFinances
de Caen , marié le 17 Janvier 1742 avec
Henriette- Gabrielle le Noir de Cindré ; Jeanne
Ourfin mariée le 20 Juin 17 : 0 avec Jacques-Antoine
de Ricouart Comte d'Herouville , Seigneur
de Claye , Lieutenant Général des armées du
Roi ; Catherine Ourfin mariée le 23 Mars 1723
avec Michel-Gervais Robert de Pomereu Maître
des Requêtes & Intendant de Juftice d'Alençon ;
Marie Ourfin mariée le 16 Fevrier 1729 avec
Jacques -Bernard Chauvelin Maître des Requêtes, &
Marie- Avoye Ourfin mariée le 31 Mai 1,37 aye C
110 MERCURE DE FRANCE
Jacques- Eftienne de Grouches Comte de Chepy
aujourd'hui Maréchal de camp.
Le 18 M. Jean Nicolas de Montmorency , Seigneur
de Châteaubrun en Berry dit le Marquis de
Montmorency_ Maréchal des camps & armées
du Roi du 20 Février 1734 , mourut dans fa terre
de Châteaubrun dans la 87e année de fon age ,
étant né le 25 Décembre 1659 , & fans laiffer d'enfans
de De . Marie Louife Vachon qu'il avoit
époufée le ... Mars 1:03 . 11 étoit fils de François
de Montmorency Foffeux , Seigneur de
Châteaubrun Gouverneur de Châteauroux
du Bourg de Deols & de St. Gildas , Gentilhomme
de la Chambre de Louis de Bourbon III . du
nom Prince de Condé , & de De . Marie Strozzi ,
Voyez la Genealogie de l'Illuftre Maifon de
Montmorency dans l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne vol . 3. fol. 585.
2
"
"
Le 20 Jean de Gaffion , Marquis de Gallon &
d'Alluye , Comte de Montboyer &c. , Lieutenant
Général des armées du Roi du premier Août
1734 , Chevalier Commandeur de l'Ordre du Saint
Elprit du 2 Juin 1743 , Gouverneur de la Ville
de Dax & de Saint Sever , mourut à Pau dans la
63. année de fon âge ; il étoit fils de Pierre de
Gaffion , Marquis de Gaffion , Préfident du Parlement
de Pau , & de De. Magdeleine Colbert de
Terron , mariés le 20 Août 1670 ; il étoit petit
neveu de Jean de Gaflion , Maréchal de France ,
il avoit épousé le 16 Avril 1708 De . Marie Jeanne
Fle riau d'Armenonville , morte à Pau le 14. Octobie
1735 dans la 48e . année de fon âge , fille
ainée de feu M. d'Armenonville , Garde des Sceaux
de France & Commandeur des Ordres du
Roi , & de ce mariage il avoit eu pour enfans
Pierre de Gaſſion , Marquis d'Alluye , dit le Comte
>
JUIN 1746.
de Gaffion , né le 28 Septembre 1715 , Meitre
de Camp Lieutenant du Régiment de Bretagne ,
Cava erie par commiffion du 15 Avril 17 8-
mort fans alliance le 6 Août 1741 ; Jeanne de
Gaffion mariée le 22 Février 1723 avec Jofeph
Henri de Moret de Pagus de Grolée , Comte
de Peyre , & Magdeleine Angelique de Gaffion ,
mariée le 26 Mai 1732 avec Louis François Dam K^ ,
Comte de Thianges d'Anlezy , ci - devant Guidon
de la Compagnie des Gendarmes de la Garde du
Roi. Voyez la Généalogie de Gaflion dans l'Hittoi
e des Grands Officiers de la Couronne . vol . 7.
fol. 5.9.
Le 30 Louis Taborreu , Seignear des Reaux ,
d'Orval & de Louy , Ecuyer Confeiller Secretaire
du Roi , Maiſon , Couronne de France & de fes Finances
depuis l'an 172 , mourut à Paris âgé de
83 ans. Il avoit époufé De . Philippe Maffe , de la❤
quelle il a eu 1. Louis Mathurin Taboureau , Seigneur
des Reaux , Grand Maître des Eaux & Forêts
au Département du Lyonnois marié en 1717
avec De. Catherine Genevieve Bazin dont eft iſſu
Louis Gabriel Taboureau des Reaux , reçû Confeiller
au Parlement en la quatriéme Chambre
des Enquêtes le 24 Mai 1740. 2 Jacques Mathurin
Taboureau , Seigneur d'Orval , Treforier Géné➡
ral des bâtimens , marié depuis le ... Février 733
avec De. Catherine Cecille Pean de Mofnać , 3 &
Philippe Taboureau , femme de Gabriel Tafchereau
Seigneur de Baudry & de Linieres , aujourd'hu
Confeiller d'Etat Ordinaire & Intendant des Finances
& c .
Le Charles de Béziade , Marquis d'Avarey ,
Maréchal des Camps & Armées du Roi , du 2
Mai 1:44. mourut au Camp de fa Majefté , dans
la 44e . année de fon âge , laiffant des enfans de fon
212 MERCURE DE FRANCE
mariage avec De. Elizabeth Margueritte Megret ,
foeur de M. Megret de Serilly , Maître des Requêtes
, & Intendant de Juftice en Franche-
Comté , avec laquelle il avoit été marié le 13 Décembre
1735. il étoit fils de Claude Theophile
de Béziade , Marquis d'Avarey fur-Loire , Lieutenant
Général des Armées du Roi , Chevalier de
fes Ordres , Gouverneur & Grand Bailly de Peronne
& de Mondidier , ci - devant Ambaffadeur
Ordinaire auprès des Cantons Suiffes , mort le 6
Avril 174 , & de De . Catherine Angelique Foucault
de Magni , morte le 28 Avril 1728 , porte
pour armes d'azur à une faffe d'or chargée de
deux étoiles de gueules & accompagnée en pointe
d'une coquille d'or ; d'Avarey .
Le même jour François-Honoré de Choiseul
Marquis de Choifeul Meuze , Colonel Lieutenant du
Regiment Dauphin , & Brigadier d'armée du 1er
Mai 1745 , mourut au Camp du Roi dans la trentiéme
année de fon âge étant né le 1er Octobre
1710 ; il étoit le fecond fils de Henri-Louis de
Choifeul Marquis de Meuze , Lieutenant Génétal
des Armées du Roi de la promotion du 24 Fevrier
1738 & Chevalier des Ordres de fa Majefté
de la promotion du 2 Fevrier 1745 ,& de De. Honorée-
Julie Françoife de Zurlauben ; il avoit eu
pour frere aîné Maximilien de Choifeul , Comte
de Meuze , Colonel d'un Régiment d'Infanterie de
fon nom ,
mort le 27 Octobre 1738 , laiffant deux
fils de fon mariage avec De Emilie Paris de la
Montagne qu'il avoit époufée le 8 Mars 1734.
Voyez la Genealogie de la Maifon de Shoifeul
vol. 4 des Grands Officiers de la Couronne fol .
845.
M. de Choifeul dont-il eft ici queftion laiffe des
JUIN
1746. 213
enfans de fon mariage avec Mademoiſelle Duhan
ci-devant fille d'honneur de la feue Ducheffe de
Lorraine,
Le 3 Juin Dame Auguſtine de Coetquen de Combourg
, épou ede Louis - Charles de Lorraine , Comte
de Brionne , Grand Ecuyer de France en furvivance
du Prince Charles de Lorraine fon grand
oncle , Gouverneur de la Province d'Anjou , des
Ville & Château d'Angers , Brigadier des Armées
du Roi & Mettre de Camp d'un Regiment de Cavalerie
, avec lequel elle avoit été mariée le 29
Decembre 1744 , mourut à Faris dans la vingtquatrième
année de fon âge ; elle avoit été mariée
en premieres nôces à Charles Augufte de Rochechouard
de Mortemart , dit le Duc de Roche
chouard , Pair de France , Grand d'Efpagne de la
Premiere claffe Premier Gentilhomme de laChambre
du Roi , Brigadier d'Armée & Colonel du Regiment
d'Infanterie de Mortemart , tué à la Bataille
d'Ettingen le 27 Juin 1743 , & elle étoit fille
de Jules Malo de Coetquen Comte de Combourg
Gouverneur des Ville , Château & Citadelle de
S. Malo , & de Dame Marie - Elifabeth -Nicolaï
femme en fecondes nôces de M. le Duc de Mortemart
pere du même Duc de Rochechouard . Voyez
la Genealogie de la Maifon deCoetquen , dans l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne vol. 1er
Hiftoire du Marechal de Guebrian par le ſieur
le Laboureur ,
Le même jour Dame Bonne-Marie de Murard ,
femme de M, Jean Dominique Caffini Seigneur de
Thury , Maître ordinaire en la Chambre des Comptes
& Penfionnaire de l'Académie des Sciences
mourut à Paris en l'Hôtel Royal de l'Obfervatoi
214 MERCURE DE FRANCE.
re , âgée d'environ 22 ans ; elle étoit foeur de M.
Alexandre-François de Murard , Confeiller au
Parlement de Paris depuis le 5 Décembre 1738 ,
fille & petite fille de Meffieurs de Murard , Confeillers
au même Parlement & arriere petite fille
de François de Murard Tréforier de France à
Lyon en 1650. M. Caffini eft fils de Jacques Caf
fini Seigneur de Thury , aujourd'hui ancien Maître
des Comptes & Confeiller d'Etat , auffi Penfionnaire
de l'Académie des Sciences , & petit
fils de Jean-Dominique Caffini l'un des plus célebres
Aftronomes de fon fiecle , mort le Septembre
1712 , & forti d'une famille noble du Comté
de Nice . Voyez le Dictionnaire Hiftorique de Morery
, Edition de 1732 , vol. 2. fol 601.
Le 4 Dame Marie- Madeleine Colbert de Blainwill
femme de Jean - Baptifte de Rochechouard
Comte de Maure , dit le Comte de Rochechouard
Marquis d Everly fon coufin germain avec lequel elle avoit été mariée le 26 Mai 706 , mourut à
Paris âgée de 60 ans , ayant eu de fon mariage en- tr'autres enfans , Jean Victor de Rochechouard
Comte de Mortemart , Colonel du Régiment de
Navarre du 15 Mars 1740 , fait Brigadier d'Infanterie
le 20, Fevrier 1743. Elle étoit alle de Jules Armand Colbert Marquis de Blanville de l'Ile-
Dieu &Baron de Braye fur Seine , Seigneur d'Orm i & c. Lieutenant Géneral des Armées du Roi, mort 1e13 Août 1704 , & deDe. Marie- Gabrielle deRochechouard
Vivonne , voyez la Génealogie de la Mai- fon de Rochechouard
dans l'Hiftoire des Grands Officiers de le Couronne , vol. 4. fol. 649 & celle
de Colbert dans la même Hiſtoire , vol . 9. fol. 231
& le Dictionnaire
Hiftorique
de Morery.
TABL E.
PIECES FUGITIVES en Vers & en
Profe. Suite de l'Hiftoire Univerfelle de M. de
Voltaire , & c .
Epitres fur deux Rimes contre la Poëfie ,
3
13
Lettre du P. Dom Antoine Gaëtan de Souza 17
Réponſe du P. C, à cette Lettre , 41
Motet en vers François pour la Dédicace de faint
Sulpice ,
Séance de l'Académie pour la réception de M. de
Voltaire , & Extrait de fon difcours , 48
Epitre de M. de la Soriniere à M. Desforges
Maillard ,
Vers à Mlle Dup *** .
Autres à Mlle de Sim ..
66
68
69
Auttres à M. de Voltaire , 70
Autres à M. l'Abbé de Beaulieu , 72
Prix propofé par l'Académie Royale des Sciences
pour l'année 1748. 73
Epitre à M. de la Soriniere , 76
Stances , 78
Normands ,
de Février ,
Sixain pour mettre au bas d'un portrait
Lettre aux Auteurs du Mercure fur les Quadrains
Regrets de la Pattie , Elegie ,
Réponse à une queftion propofée dans le Mercure
Le Tombeau , Ode ,
Eloge historique du P. Baizé ,
Ode en ftrophes libres fur la mort de M. le Préfident
Bouhier ,
Reflexions morales ,
TCO
10
Vers à M. le Profeffeur Lublin , Impromptu , 106
Remerciment au mêine , 107
ibid.
79
84
87
88
92
i
Affemblée publique de l'Académie des Sciences ,
Extrait ,
Nouvelles Litteraires , des beaux Arts
109
&c ,
117 & fuiv.
Mots de l'Enigme & du Logogryphe de May , 40
Explication en vers du 1. Logogryphe d'Avril , 141
Explication auffi en vers du deuxième , 142
Enigmes & Logogryphes ,
Chanfons notées ,
143
148
Spectacles , Opera , deux Parodies nouvelles ajoutées
,
Concert fpirituel;
149
151
Comedie Françoife , Le Duc de Surrey , nouvelle
Comédie , Extrait
Journal de la Cour , de Paris , &c.
152
156
Sujet du Prix d'éloquence de l'Académie des Jeux
Floraux pour 1747 ,
Prifes de Vaiffeaux ,
158
ibid.
Lettre du Roi à M. l'Archevêque de Paris, & Mandement
en conféquence ,
Le Te Deum chanté à Notre- Dame ,
Feu & illumination ;
Suite des Opérations dé l'armée du Roi ,
Mandement du Cardinal de Tencin ,
Explication en vers du Logogryphe de May ,
Nouvelles Etrangeres ,
Mariage & morts ,
161
165
4166
ihil.
175
176
177
204
Les Chanfons notées doivent regarder la page 148
Faute à corriger dans le Mercure de May.
Pag. 123. lign. 20. Saint Jauvin , lifez Saint
Taurin.
MERCURË
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
J⚫UIN
. 1746 .
SECOND VOLUME.
OT SPARCA
LIGIT
UT
Chés
1
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
rue S. Jacques .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty
à la defcente du Pont -Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC . XLVI.
AvecApprobation & Privilège du Roi,
A VIS,
'ADRESSE générale du Mercure eft
LAM. DE CLEVES D'ARNICOURT
rue du Champ-Fleuri dans la Maifon de M.
Lourdet Correcteur des Comptes au premier
étage fur le derriere entre un Perruquier & un
Serrurier à côté de l'Hôtel d'Enguien. Nous
prions très-inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en af
franchir le port , pour nous épargner le déplaifir
de les rebuter , & à eux celui de ne
voir paroître leurs ouvrages. pas
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
ae France de la premiere main , & plus promp
tement , n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très - exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au “Mercure
de France rue du Champ-Fleuri , pour rena
dre à M, de la Bruere.
PRIX XXX , SOLS,
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ A U. ROI.
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
EPITRE de M. COTTEREAU
Curé de Donnemarie à Monfieur
l'Abbé de R. ci- devant Agent
Général du Clergé de France .
.
LLUSTRE & digne Abbé , qui
fçus par ta prudence
Regir les interêts du Clergé de la
France ,
Et fis dans tes travaux penibles & brillans
Admirer tes vertus ainfi que tes talens ,
Tu quittes donc Paris & pars pour la Touraine
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Ah! fi de m'obliger tu veux prendre la peine ,
Vas trouver ce Prelat d'un merite éclatant ,
Cet oncle officieux qui m'a fervi de pere ,
Et comblé de faveurs dans le Saint Miniftere,
Oui je t'en fupplie humblement ;
Daigne pour moi lui rendre un veritable hom,
mage :
Quoique peu connoiffeur , j'ai dans plus d'un ouvrag
En fecret reconnu de fon efprit brillant
Le rare & folide avantage :
Tout enchante en lui ; tout eft grand ;
Il fçait embellir ce qu'il touche ,
Et la moindre choſe en ſa bouche
Reçoit bientôt mille agrémens :
Mais fon coeur me paroît encor plus admirable
Bonté , douceur , droiture , & commerce agréable
Noble fimplicité , généreux fentimens ,
Religion folide , & zéle infatigable .
Quelle matiere inepuiſable ,
Si je fçavois un peu tourner un compliments
Comme je n'ai point ce talent ,
Tout ce que je puis ici faire ,
C'eft d'admirer , & de me taire .
Illuftre & digne Abbé , fouviens- toi feulement
De le bien affurer de ma reconnoiffance ;
Ne crains point là deffus de parler hardiment ;
Tu n'en fçaurois jamais tant dire que j'en penfe,
JUIN 1746.
SEANCE PUBLIQUE DE
l'Academie Royale des Infcriptions & belles
Lettres .
'Académie Royale des Infcriptions &
L bellesLetresorarit à formales&
meftre de Pâques par une Affemblée publique
le mardi 19 Avril.
La féance commença par la diftribution
du prix fondé par M. le Préfident de Noin
ville.Le fajet propofé étoit l'Etat des fciences
en France fous les regnes de Charles VI. &
Charles VII. la piéce qui a remporté le
prix étoit de M. l'Abbé de Guafco , de Turin
de l'Académie Etrufque de Cortone.
Le Sécretaire lut trois éloges des Académiciens
morts dans le femeftre precédent
Le premier fut celui de M. le Marquis
de Caumont correfpondant honoraire de
l'Académie , mort à l'age de 57. ans. Sa
famille dont le nom eft Seytres , originaire
de la Ville de Creft- Arnaud en Dauphiné, où
elle poffédoit des terres confidérables dès le
XIII . fiécle, alla s'établir en 14,71 à Avignon
où elle a toujours refté depuis ce tems là .
Le Marquis de Caumont , avoit eu dès fa
jeuneffe un goût décidé pour l'érudition &
A iij
6 MERCURE DE FRANCE
pour tout ce qui fait la fleur de la Littérature.
Cet amour des Lettres qui continua
pendant tout le cours de fa vie en fit auffi
toute l'occupation & toute la douceur.
Il entretenoit avec les gens de Lettres
de toutes les Nations & avec plufieurs perfonnes
d'un rang & d'un mérite diftingué
un commerce que l'agrément de fon efprit ,
la variété de fes connoiffances , fa douceur
& la politeffe de fon caractére , leur ren..
doit infiniment précieux.
Le fecond éloge fut celui de M. Fourmont
l'ainé Profeffeur en Langue Arabe au
College Royal & Penfionnaire de l'Académie.
Il étoit très connu par la variété &
l'étenduë de fon érudition & par fon habileté
dans toutes les differentes Langues
Orientales , mais l'étude de la Langue Chinoife
& les progrès qu'il y avoit faits l'avoient
encore rendu plus célébre. Il a pour
ainfi dire ouvert la porte aux Européens à
la connoiffance de cette Langue. L'Auteur
de l'éloge s'eft principalement attaché à
montrer quels étoient les obftacles & les
difficultés que M. Fourmont avoit euës à
combattre dans ce travail , & par quels fécours
il étoit venu à bout de les furmonter.
Il obferva qu'il étoit néceffaire de faire connoître
ces fécours au Public pour lui_inſpirer
quelque confiance dans le travail de
JUIN. 1746.
M. Fourmont. Celui qui prétendroit avoir
deviné un chiffre par un pur effort d'imagination
n'obtiendroit guéres de créance ,
& le travail par lequel il affureroit y être
parvenu , quelque grand qu'il fût , ne feroit
regardé que comme une fatigue extrêmement
frivole. Les Langues & fur tout la Lan- ·
gue écrite des Chinois compofée de plus de
foixante mille caractéres , font une espéce
de chiffre beaucoup plus difficile que tous
ceux qu'on employe pour les Négociations.Il
faut en avoir la clef pour les entendre , &
lors même qu'on a certe clef, il reſte encore
un travail prodigieux dont très peu de gens
font capables .
Il n'eft pas poffible de rapporter ici le détail
d'une vie auffi laborieufe que celle de
M. Fourmont. Je me contenterai de remarquer
avec l'Auteur de l'éloge que fa facilité
pour les Langues étoit inconcevable ;
qu'il avoit lu tous les anciens écrivains en
tout genre , tous les livres de Littérature
Orientale , Grecque & Latine ; que fa mémoire
étoit prodigieufe ; qu'il n'avoit prefque
rien oublié de ce qu'il avoit lu , & que
l'étendue & la variété de fon érudition pouvoient
en quelque forte fe comparer à celle
de Scaliger & de Saumaife.
Il eft mort le 19 Décembre 1745 âgé
de 63 ans des fuites d'une troifiéme attaque
d'apoplexie . A iiij
MERCURE DE FRANCE.
mort
>
un
,
Le troifiéme éloge fut celui de M. l'Abbé
Fourmont , affocié de l'Académie ,
fubitement le 5. Février 1746. & qui n'avoit
pas furvécu deux mois à fon frere ainé,
L'Abbé Fourmont refté orphelin dès fes
premiéres années n'avoit point reçu l'éducation
qui difpofe à l'amour des Lettres & de
l'étude. Dès l'âge de 15 à 16 ans
mouvement de dévotion le porta à fe retirer
ches les Hermites d'Anjou , fondés , à
ce qu'on croit , par le Comte de Moret
fils naturel d'Henri IV. Il demeura avec
eux jufqu'à l'âge de 25 ans , qu'il en fortit
parce qu'il ne lui fut pas permis de prendre
les Ordres. Son inclination l'avoit fans çelle
pouffé vers l'étude des Lettres , mais il avoit
été deftitué de fecours . Enfin il prit le parti
de venir à Paris , de vendre le peu de bien
de famille que lui avoient laiflé des partages
faits en fon abfence , qu'il ratifia comme on
voulut , & avec les inftructions de fon frere
accompagnées d'un travail inconcevable il
apprit en moins de trois ans le Latin & le Grec,
quoiqu'il ne fçût pas même les premiers
élémens de ces Langues. Il avoit aufli appris
tout feul pendant le même tems & fans .
en avoir parlé à fon frere l'Hébreu & le Syriaque
, & au bout de ces trois années il fe
trouva en état d'enfeigner ces differentes.
Langues. Ayant été nommé en 1720 à la
JUIN , 1746 . 9
chaire deLangue Syriaque au College Royal ,
il donna toutes les femaines une leçon extraordinaire
de la Langue Ethyopienne . En
1724 il entra à l'Académie des Infcriptions
, & en 1728 il fut envoyé par le Roi
dans le Levant avec l'Abbé Sevin . L'objet
de cette Miffion étoit de chercher des Mff.
anciens pour augmenter le grand nombre
de ceux qui étoient déjà à la Bibliothéque
du Roi. Dans ce deffein T'Abbé Fourmont
parcourut l'Attique & le Peloponnefe , ainfi
que plufieurs Ifles de l'Archipel ; il y trouva
peu de Mff. anciens & aucuns dont les
Caloyers vouluffent fe défaire , mais pour
rendre fon voyage utile aux Lettres , il s'attacha
à copier les Infcriptions qu'il trouva
dans ces deux Provinces. Il en a rapporté
près de onze cent. Il y en a de très impor
tantes pour l'ancienne Hiftoire & pour la
Géographie ; plufieurs font d'une antiquité
fupérieure à tout ce qu'on a vû jufqu'à préfent
en ce genre. Il y a deja neuf cent cin-.
quante de ces Infcriptions mifes au net par
un neveu de l'Abbé Fourmont qui avoit ac
compagné fon oncle dans fon voyage . Elles
font en dépôt à la Bibliothéque , il en refte
150 , fans compter plus d'une centaine de
fragmens moins confidérables , qui feront
remifes inceffamment avec differens deffeins
de bas reliefs & de monumens , & plus de
A V
10 MERRCUE DE FRANCE.
40. Plans ou Cartes Topographiques des
Cantons que l'oncle & le neveu avo ent
parcourus & qui fer nt extrêmement utiles
ur l'intelligence de l'ancienne Hiftoire de
Gréce . La
Monfieur Gibert lut enfuite un mémoire
fur le nom de MEROVINGIENS , donné
à la premiere race de nos Rois.
On donne le nom de Merovingiens nonfeulement
à nos Rois de la premiere race ,
mais encore quelquefois à tous les Francs en
général , &-on rapporte communément l'origine
de ce nom à Merovée le troifié e Roi
depuis Pharamond , & le troifiéme avant le
Grand Clovis
Mais ( dit M. Gibert ) fur quel fondement
peut-on donner à ce Prince la gloire
d'avoir communiqué à nos premiers Rois &
niême à toute la Nation un nom qui étoit
connu & en ufage chés les Francs , longtems
avant que Merovée parvint a la couronne?
Il n'eft ni le chef de cette premiere race
ni le fondateur de la Monarchie , & il
ne fe trouve aucun trait qui diftingue fon
regne de celui de fes prédeceffeurs ou du
regne de ceux qui lui ont fuccedé.
Le plus ancien Auteur qui ait attribué
Porigine de nom de Merovingiens à Merovée
eſt l'abbréviateur de Grégoire de Tours ,
JUIN 1746. It
qui débite en même tems la fable la plus
abfurde fur la naiffance de ce Prince , ( a )
fable capable elle feule de faire rejetter tout
ce qui l'accompagne.
Si quelques Auteurs ont été depuis du
même ſentiment , on fçait que dans ces fiecles
de Barbarie & d'ignorance les Hiſtoriens
fe copioient fervilement & fans examen ,
outre qu'ils ne connoiffoient pas la veritable
origine des Francs , & n'avoient garde de
faire remonter le nom dont il s'agit plus
haut que les fables dont ils croyoient embellir
l'origine de notre Nation.
M. Gibert entreprend d'expofer les preuves
d'une autre opinion qui lui paroît mieux
fondée , qui fait remonter l'origine & le nom
de la famille Merovingienne à un Prince qui
regnoit dans la Germanie dès le tems d'Augufte
, dont la famille défignée de uis par
fon nom , donnoit des Rois aux Germains ,
& dont une Nation Germanique prit le nom
de Merovingiens , porté depuis également
par nos ayeux .
( a ) Clodion ( dit cet Auteur étant un jour d'é
té à midi affis avec fa femme fur le bord de la mer
& cette Princeffe ayant voulu ſe baigner , il fortit
de la mer un Monitre marin qui l'épouvanta & la
pourſuivit vivement . Etant donc auffi - tôt après de
venue enceinte elle accoucha d'un fils qui fut appellé
Merovée,
Avj .
32 MERCURE DE FRANCE.
Il ne paroîtra pas étonnant que l'on ait
cherché dans l'Hiftoire des Germains un nom
attribué aux Francs, puifque tous les Sçavans
conviennent que
d'origine , & s'il refte quelque difficulté ce
n'eft que fur la maniere dont ces Germains
font devenus les Francs , & fur celle dont ces
derniers fe font établis dans les Gaules .
les Francs étoient Germains
A l'égard du Prince à qui M Gibert attribue
la gloire d'avoir donné le nom de
Merovingiens à la premiere race des Roisde
France , c'eft ce fameux Roi des Sueves
dont les Hiſtoriens Grecs & Latins du Gécle
d'Augufte & de Tibere , fes contemporains ,
ont rendu le nom en leur Langue par celui
de Maroboudos ( a ) ou Maroboduus ( b . )`
qui fe prononçoit Mehr-Wueh en Langue
Germanique.
Velleius Paterculus rapporte avec quel
que détail l'Histoire de ce Prince ; on trouve
auffi quelques circonftances de fa vie
dans Strabon & dans Tacite.
Suivant ces Auteurs Maroboduns étoit
Sueve , du canton des Marcomans . Pendant
fa jeuneffe il avoit fait quelque féjour à
Rome , dans le tems des expeditions de Tibere
contre les Sicambres & les Sueves ,
( a ) MacBoudos ap . Strab. I. v11 .
( b ) apud Vell. Paterc. 1. 11. Tacite le rend de
même , l . 1 & ILI . an. & C. 42 de mor.„ Germo,
JUIN 1746.
*3
lous l'Empire d'Augufte & environ fix ans
auparavant l'Ere vulgaire .
Etant de retour en Germanie il s'y fit reconnoître
Roi , non - feulement par les Marcomans
& les Quades fes compatriotes ,
mais encore par tout le refte des Germains.
Ayant chaffé les Boiens du Pays que nous
connoiffons aujourd'hui fous le nom de
Bohëme,il y transfera les Marcomans & quelques
autres Tribus Germaniques , & après
avoir fubjugué tous les peuples voifins , il
établit le fiége de fon Empire au centre de
la foreft Hercinie .
Les Romains allarmés de fa puiffance réfolurent
fa perte. Augufte vivoit encore
lorfque Tibere marcha contre Maroboduus
avec une armée de plus de 100 mille hommes
, mais d'autres foins plus preffans fufpendirent
cet orage qui fe formoit contre lui,
& Tacite fait dire à Maroboduus lui - même
qu'il obligea les Romains à traiter alors
avec lui d'égal à égal ( a )
Cependant dans la fuite fes forces & fon
courage furent contraints de ceder à la politique
des Romains qui ne pouvant le vaincre
eux-mêmes , éleverent contre lui des
guerres inteftines. Arminius , ce Germain fi
célebre par la défaite de Varus , l'attaqua le
premier fous le prétexte de maintenir la Liberté
Germanique , & remporta fur lui une
( a ) Annal . I , II . chap . 46.
14 MERCURE DE FRANCE.
victoire complete , mais ces mêmes Romains
auffi jaloux des fuccès d'Arminios que
de la puiffance de fon ennemi , ne fongerent
qu'à mettre obftacle aux progrès du
vainqueur , & donnerent à Mareboduus un
autre adverfaire moins redoutab.e pour eux,
mais bien plus à craindre pour lui.
Ce nouvel ennemi fut Catualda , jeune
Seigneur Goth , mécontent du Roi des
Sueves qui l'avoit contraint d'abandonner
fa Patrie . Excité & foutenu par Jubilins
chef des Hermondures qui s'étoit dévoué
aux Romains , il faifit avec ar deur l'occafion
de fe venger . I attira à lui une partie de la
Nobleffe de Maroboduus , penetra fubitement
dans le canton où ce Prince avoit établi
fa Cour , s'empara de fon Palais & de la
Fortereffe qui en faifoit la fûreté , & força le
Roy ds Sueves à fe fauver chés les Romains
qui fe faifoient un honneur de donner une
retraite aux Rois dont ils avoient en fecret
tramé la ruine.
Les ievers qu'éprouva Marobodnus ne
diminuerent point la gloire de fon nom
chés les Germins , ni chés les Romains même
dont les Hiftoriens le comblent d'éloges.
Et certainement fis actions , fes conquètes,
& funtour l'établiffement d'un Empire dans
le coeur de la Germanie , taudis que la puiffance
Romaine étoit dans ton plus grand
JUIN, 1746. 15
éclat , rendoient fon nom affés fameux pour
que fes defcendans ayent fait gloire d'en
tirer leur dénomination.
M. Gibert joint à des prefomptions déja
fi fortes l'autorité de Tacite ( qui vivoit
81 ans après que ce Prince avoit été chal
fé du Trône ) qui dit en termes exprès que
l'illuftre famille de Maroboduus( nobile Marobodni
... genus ) étoit celle dont les Marconans
, & les Quades avoient tiré leurs
Rois. Il conclut de là qu'en ſubſtituant le
non Germanique Mehr Wuch a nom Latin
, il y a eu chés les Germains , long- tems
avant l'établiffement des Francs dans les
Gaules , une famille Royale qui tiroit fa dénomination
de Mehr- Wuch & qui fe trouve
ainfi défignée par un Hiftorien qui vivoit
fous l'Empire de Trajan.
me
Ce n'eft pas tout. On trouve bientôt après !
une Nation entiere qui porte le nom Patronimique
de Aerovingiens. Ptolomée ( qui
vivoit fous Adrien & fcs fucceffeurs , envi
ron 40 ans après Tacite ) compte & nomcette
Nation Mao parmi celles
de la Germanie ; enforte que l'on ne fcauroit
douter qu'il n'éxiftât dès lors dans ce
Pais un euple de ce nom . mais de fçavoir
fi elle devoit cette dénomination à Mehr-
Wueb , c'eſt une queftion qui ne peut s'éclaircir
que par quelques faits au défaut de
16 MERCURE DE FRANCE.
témoignages précis qui depuis ces tems reculés
ne font pas parvenus jufqu'à nous.
Ces faits font que Maroboduus dans fa
retraite chés les Romains fut fuivi par ceux
de fes fujets qui lui étoient demeurés fidélles
. Leur nombre fut affés confidérable pour
faire une nouvelle peuplade que les Romains
placerent fur les frontieres de leur Empire ,
au-delà du Danube , entre le Marus & le
Cufus ( a ) , c'eft-à - dire , vers la Moravie &
la Silefie. Ces Peuples furent bientôt accrus
par les partifans de Catualda lui-même qui ,
quelques mois après eut le même deftin que
Maroboduus, & fe réfugia chés les Romains,
On avoit retenu Maroboduus à Ravenne;
on envoya Catualda à Frejus. Sans doute le
malheur commun de ces deux chefs & leur
éloignement éteignirent l'inimitié entre
leurs deux partis qui fe réunirent fous l'autorité
d'un Prince Quade nommé Vannius.
Vannius ayant joui pendant 30 ans du
pouvoir que les Romains lui avoient confié,
fut à fon tour vaincu & chaffe par Vangion
& Sidon enfans de fa foeur , qui fe trouverent
appuyés par le même Jubilius dont Tibere
s'étoit fervi pour perdre Maroboduus , Les
Romain ouvrirent en core une retraite àVannius
apr ès fa défaite & affignerent de nou-
( a ) Tac ite ann. 1. 11. ch. 63.
JUIN. 1746. 17
veaux quartiers dans la Pannonie à ceux qui
l'avoient fuivi ( a ) .
On voit par ces faits que la retraite de
Maroboduus donna lieu à l'établiſſement de
plufieurs Peuplades de fes fujets dans la Germanie
& même dans la Pannonie , & que
le fond de ces Colonies étoit de ceux qui
étoient demeurés fidéles à ce Prince ; & il
eft conftant d'un autre côté que le nom de
Merovingiens fignifie les Sujets , les Partifans
, le Peuple , la Famille de Maroboduus
ou fi l'on veut de Mehr-Wueb . Lors donc
que l'on voit paroître dans ce même tems
une tribu de Merovingiens dans la Germanie
, il femble que l'on ne puiffe fe difpenfer
de la prendre au moins pour une de ces peuplades
qui venoient de s'y former des partifans
de Maroboduus ou Mehr-Wuch ni par
conféquent de rapporter leur nom à ce Prince
qui étoit l'auteur & le chef de ces Peuplades.
On ajoute à une préfomption déja
auffi forte que c'eft par ce Roi des Sueves
que le nom de Mehr Wuch étoit devenu
célebre dans la Germanie , ou même que
ce Prince étoit le feul Mehr -Wuch qui jufques-
là y fut connu .
Après avoir établi ( autant qu'il eft poffible
dans ces matieres ) qu'il y a eu dans la
( a ) Tacit. ann.. 1. XII . ch . 29 & 30.
18 MERCURE DE FRANCE,
Germanie , dès le fiécle d'Augufte un Roi
appellé Mehr-Wuch dans le langage des
Germains. Il faudroit pour raprocher de
la race de nos premiers Rois le nom de
Merovingiens donné àfa famille ,montrer que
Ja Peuplade de Germains dont il s'agit doit
fe confondre avec les Francs. Mais ( dit M.
Gibert ) cette Differtation pafferoit l'éten
due qu'il s'eft propofée & il la referve pour
un autre difcours . Il fe contente de quelques
traits qui annoncent du moins la lumiere
s'ils ne la découvrent pas entierement.
Le nom de Merovingiens défignoit fous
l'Empire d'Adrien & d'Antonin une famille
Royale & une Peuplade de Germains . Cent
ans après les Francs paroiffent fur les bords
du Rhin,& ces Francs font des Germains. La
familie Royale de leurs Rois eft appellée la
famille des Merovingiens , ils font eux-mêmes
appel'és de ce nom. Il n'y a rien de
plus conféquent que de ramener les Francs
& la famille de leurs Rois à cette Peuplade
& à cette famille de même nom que l'on
trouvoit cent ans auparavant dans les mêm.
s Païs & entre les mêmes Peuples , dont
il est certain .que les Francs font originaires.
D'un autre côté le tems où l'on trouve
le nom de Merovingiens chés les Francs
n'eit pas forc éloigné de celui où on le perd
JUIN
19 1746.
de vië chés les Germains , & lorfque cette
famille paroît chés les Francs , elle eft donnée
pour la premiere & la plus illuftre de la Nation
.
D'ailleurs le choix que les Francs font
de leurs Rois dans cette famille rappelle
l'ancien attachement des Germains , dont ils
defcendoient , pour la Famille de Maroboduus
ou Mehr Wueb.
Entin le titre fingulier de Princes Chevelus
que les plus anciens Hiftoriens donnent à
nos premiers Rois réunit'encore leur famille
à celle de l'ancien Roi des Sueves , puifque
non feulement les Sueves étoient diftingués
des autres peuples par l'arrangement & la
forme qu'ils donnoient à leurs cheveux
mais même entr'eux on diftinguoit par la
chevelure le Roi de les Sujets , & les hommes
libres d'avec les efclaves ( a ). ·
y
Les feules opinions anciennes ( les fables à
part ) qui nous foient demeurées fur l'origine
des Francs eux -mêmes,font celles qui font
rapportées par l'anonime de Ravenne &
par Grégoire de Tours. Le premier vect que
l'ancienne demeure des Francs ait été
dans un Païs qu'il place auprès de l'Elbe , &
qui s'étoit ( dit-il ) appelé anciennement
Mauringanie (b). Paul Diacre parle du mê-
( a ) Tac. de Mor. Germ . t 38.
( b) Anon . de Raven , 1, 1 .
20 MERCURE DE FRANCE.
me canton fous le nom de Mauringie . ( a)
Si comme on le peut croire , cette Mauringanie
ou Mauringie eft le pays des Merovingiens
de Ptolomée , il eſt bien clair que
l'anonime & fes auteurs ramenent l'origine
des Francs aux anciens Merovingiens ; mais
en ne prenant le pays défigné par cet Ecrivain
que pour un pays fitué vers la fource de
l'Elbe, ce pays fera la Moravie ou les Partifans
de Maroboduus ou Mehr-Wuch eurent
en effet leurs premiers quartiers, en forte que
les Francs fe confondent encore par là avec
les Merovingiens.
A l'égard de l'opinion de Gregoire de
Tours elle fait venir les Francs de la Pannonie
& fe concilie bien naturellement avec
l'opinion précedente puifque les Peuplades
Merovingiennes furent établies partie dans
la Moravie , partie dans la Pannonie .
Bien loin que la migration de ces Peuples
des rivages de l'Elbe & du Danube choque
la vraisemblance ou l'Hiftoire , elle eſt
au contraire fondée fur l'une & l'autre , Sous
Marc- Aurele , 6 ans au plus avant le tems
où l'on trouve des Francs fur les bords du
Rhin , on voit une Nation penetrer de
l'Elbe dans la Belgique ( b ) & des Peu-
(a ) De geftis Langobard. l . 1. ch. 11.5 13 ~
(b ) l. Spart . in Did. Juliano
JUIN.
21 1746.
plades tirées
par
les Romains du Danube &
de la Pannonie s'établir fur le Rhin & dans
la Germanie. ( a)
Il femble donc ( dit M. G. ) qu'il n'y ait
pas moins lieu de rapporter l'origine des
Francs aux Peuplades que formerent les
= Partifans de Maroboduns ou Mehr-Wueh ,
qu'il n'y en a de réunir la famille de leurs
Rois avec celle de ce Prince : l'un & l'autre
paroît également confirmé, & par les circonftances
que fournit l'Hiftoire de ces Peuplades
& de leur chef , & parce que les anciens
Ecrivains nous apprennent de plus pofitif
fur l'origine des Francs & de leurs Rois,
De là M. G. tire la conféquence qu'il eft naturel
de faire remonter l'origine du nom de
Merovingiens donné aux Francs & à leurs
premiers Rois , au celebre Maroboduus ou
Mehr-Wueh Roi des Sueves, puifque les uns
doivent leur origine à fes plus fidéles fujets ,
& que les autres font fes defcendans ,
( a ) Dio , in Frag. lib. LXXI,
22 MERCURE
DE FRANCE .
MADRIGAL
A Mile. A.... qui dit que pour
lui declarer
qu'on
l'aime
, il le lui faut
fçavoir
dire
comme
feroit
M
de V. . . .
S1 V. fçait faire un Poulet mieux que moi ,
Je fuis plus amoureux & d'auffi bonne foi :
11 eft barbon ; je fuis dans le bel âge ,
V ... , enfin fans fe laiffer charmer
Ne fçait que dire au plus comment il faut aimer ;
Moi je le fçais mettre en uſage.
乳
Laiglon.
AUTR E.
A M. Touſſaint **** fur les chansons qu'il
faifoit à la campagne.
HEUREUX ... aimable Chanfonnier
Ton deftin eft charmant & ton bonheur entier.
Ta Colette répond à ton ardeur fidelle ,
Phébus ceffe pour toi d'être fi façonnier ,
Et quand près de ta belle ,
JUIN 1746. 23
Dans maints tendres couplets tu chantes ton
amour ,
Les belles de ta Muſe admirant le génie ,
Et baniffant pour toi leur jalouſe manie ,
Avec plaifir te chantent à leur tour,
> 3++ 3++23++++++++++
VERS. à Mademoiſelle ,, .
St. Omer,
BEAUX
EAUX yeux que le fommeil plonge en un
doux repos ,
Votre tranquillité rédouble tous mes maux ;
Interprêtes cruels des rigueurs de Silvie ,
Daignez en vous ouvrant décider de mon fort,
Par un de vos regards ou rendez - moi la vie ,
Ou du moins achevez de me donner la mort,
Parle même
24 MERCURE DE FRANCE ,
PORTAIT de M. l'Abbé ***.
STANCES.
J'Ai le vifage ovale & la bouche vermeille ,
L'oeil vif, & le nez aquilin :
Ma taille n'eft pas grande , elle eft faite à merveille:
Je fuis content de mon deftin .
J'ai le teint affés frais ,
la couleur un peu brune
L'air gravé , & l'abord férieux :
Mes parens , mes amis partagent ma fortune ;
Je fuis civil & gracieux .
Charmé de mon Païs dès ma plus tendre enfance ,
J'ai pris foin d'y fixer mes jours :
Par la faveur du Ciel je fuis dans l'opulence ,
Et n'ai besoin d'aucun fécours .
Dans cet heureux état je vis avec un frere
Qui fçut toujours gagner mon coeur ,
Et fes rares vertus & fon amour fincére
Mettent le comble à mon bonheur.
Par
JUIN 25 1746.
Par mon oeconomie & ma fage conduite
L'ordre regne dans ma maiſon ;
Et je fuis , quand quelqu'un me chagrine ou m'irrite >
Maître abfolu de ma maiſon.
Dans un pofte éminent j'ai le doux avantage
De me voir chéri , reſpecté :
Je fuis fidéle ami ; j'ai l'honneur en partage ;
Je fuis franc , & plein d'équité.
Et
Je détefte & je fuis l'embarras des affaires :
J'aime le repos & la paix ,
par tcut , où je crois mes fécours néceſſaires ,
On fe reffent de mes bienfaits .
Quoique ſouvent chés moi j'affemble compagnie ,
La raiſon régle mes déſirs ,
Et c'est par la vertu que je force l'envie
A reſpecter tous mes plaifirs.
Du haut rang oùchacun m'admire&me contemple,
Je foutiens les droits & l'éclat ;
Dans les facrés devoirs je fuis d'un grand exemple
Atous les gens de mon état ,
Par M. Cottereau Curé de Donnemarie
11, Vol. B
6 MER CURE DE FRANCE.
CANTATILLE à mettre en Muſique,
LA METAMORPHOSE D'ISABELLE,
P Uuiffant Dieu des raifins , j'implore ton fecours :
C'eft à toi feul , Bacchus que j'ai recours
Ecoute les accens du bûveur trop fidéle .
Venge moi des mépris d'une infenfible belle.
Ainfi réduit au défeſpoir ;
Cet amant imploroit les Dieux contre Iſabelle ,
Quand Bacchus indigné qu'une foible mortelle , 4
Rebutant un bûveur , méprifât fon pouvoir
Jura du haut des Cieux de punir la cruelle .
Fieres beautés , craignez Bacchus ;
Que près d'une jeune merveille
Jamais un fuppôt de la treille
Ne forme des voeux fuperflus.
Quand un buveur eft tendre ,
Pourquoi ne pas ſe rendre ,
Nul ne fçait mieux aimer
Nul ne doit plus charmer,
2
>
1
JUIN 1746 .
27
Mais quoi ! déja Bacchus lui même
Fait éclater La puiffance fuprême !
Une affreufe terreur
Soudain s'empare d'Iſabelle ;
Tout tremble , tout frémit d'horreur .
- Que vois-je , ô Dieux ! elle refte immobile !
Quel changement fubit ! quel effort inutile !
Ifabelle n'eft plus , & je la cherche envain ;
L'inflexible eft changée en un flacon de vin.
De Bacchus chantons la victoire ;
C'est un Dieu jaloux de fa gloire ,
Belles , craignez de l'irriter :
Aimez tous ceux qui fçavent boire
Gardez vous de les rebuter,
Livrez vos coeurs à leur tendreffe ,
Quand ils veulent bien s'enflammer
Mêlez au plaifir de l'yvreſſe -
Tour à tour le p'aifir d'aimer.
..
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
ESSAI DE TRADUCTION,
OUS inferons avec plaifir cettte effai
de traduction , quoique parmi nos
Lecteurs il puifle s'en trouver qui ne con
noiffent peint la langue Latine ; nous eſperons
du moins qu'il ne s'en rencontrera aucun
qui n'approuve ce juite hommage ren
du au Price des Poëtes François , &
qui au défaut de la traduction ne relife
avee plaifir les morceaux de l'original
qui font traduits nous fupplions l'Auteur
de la traduction de nous pardonner fi nous
avors fupprimé les éloges qu'il nous donnoit
& que nous ne devons qu'à fon indulgence,
:
LETTRE adreffée aux Auteurs du Mer
cure par le Traducteur.
LA
A place que la Henriade doit occuper
eft deformais fixée parmi ces prodiges
de l'art qui font tant d'honneur à l'efprit
humain , & couvrent d'une gloire immortelle
l'Auteur & la Nation qui les a produits,
Vous etes plus en état que perfonne d'en
juger ,& de faire connoître que tout ce que
JUIN 1746.
29
I'Iliade acquit de gloire à la Grèce , & l'Eneide
à l'ancienne Rome , aujourd'hui la France
doit l'attendre de la Henriade. Ce beau chefd'oeuvre
eft à la verité le feul Poëme François
qui merite le nom d'Epique , mais aufli
lui feul peut fuffire à notre gloire dans ce
genre , & lui feul nous égale aux Nations
les plus riches ; au refte les Grecs comptentils
plus d'un Homere , les Romains plus d'un
Virgile ? Les François ne compteront auffi
qu'un Voltaire.
Quiconque a le bon goût de la Poeſie ,
doit fentir que la Henriade eft un ouvrage
à paroître toujours avantageufement dans
quelque langue & dans quelque climat qu'on
le tranfporte : fes beautés font réelles , de
tous les pays , de tous les tems , de tous les
peuples , mais le plus fùr moyen de les expofer
aux yeux de l'Univers , ne feroit - ce
pas de les habiller à la Romaine ? les vers
Latins font connus par toute la terre , &
femblent faits pour la majefté du Poëme
héroique.
Avec le fecours de cette verfion les étrangers
auroient l'intelligence d'un fameux Poëme
, que le goût brillant de fon Auteur a
templi de morceaux admirables , qui n'ont
point ailleurs d'exemples , & qui vraiſemblablement
n'auront point d'imitateurs . La
haute idée qu'il leur donneroit de notre
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
Poëfie quoiqu'ils n'en apperçuffent les
beautés qu'à travers les nuages d'une traduction
ne manqueroit pas d'être glorieufe
à la France , & nous vengeroit du
reproche qu'on nous a fait trop injuftement
de n'avoir pas la tête Epique ..
En effet peut- on fans une aveugle partialité
nous accufer encore de cette forte
d'impuiffance , depuis que nous poffedons
1 Henriade ? Caractéres frappés , vers harmonieux
, defcriptions vives, faits intereffans ,
ordre merveilleux , fictions agréables , ftile
rapide , fcénes touchantes , traits fublimes ,
images nobles ; feu , grandeur , érudition ,
tout s'y trouve & dans fa jufte meſure : c'eſt
le temple du goût , l'école des arts , le théatre
des paffions , en un mot le triomphe de
nos Muſes. Doit-on craindre de trop répandre
un chef d'oeuvre de Poëfie où les
Princes , les Grands , & toutes les Nations
peuvent s'inftruire ? Quelles reffources pour
des maîtres dans nos Colléges ! Quelles matieres
de vers pour leurs éleves ! Quels modéles
enfin pour tous les Poëtes du monde!
Voilà l'ouvrage que j'entreprens de traduire
, plein d'admiration pour fon illuftre
Auteur. Mon zéle eft grand , & je réuffirois
fans doute ,fi mes forces poëtiques pouvoient
l'égaler du moins l'exemple que je donne
peut animer de meilleures plumes que la
JUIN 1746. 32
mienne , & me fufcitera peut- être quelque
émule redoutable à qui je céderai les armes ;
trop heureux que ma défaite tourne au profit
de la Patrie.
C'eft auffi pour me rendre à l'invitation
que vous faites fi juftement dans un de vos
Mercures , & pour imiter M. de Voltaire luimême
, qui fait annoncer par eux fa belle
Hiftoire Univerfelle , que j'ofe vous préfenter
le frontispice de mon ouvrage , dans la
confiance que vous l'expoferez avec la juftice
éclairée qu'on a lieu d'attendre de vous . "
En vous communiquant , Mrs. un extrait du
premier Chant , mon deffein eft d'effayer le
goût du public , dont on doit réſpecter affés
les momens & les yeux , pour ne pas les
arrêter , comme font la plupart , für d'ennuyeufes
& frivoles productions. Ses regards '
favorables ou feveres feront pour le refte de
mon ouvrage un ſignal de paroître au grand
jour , ou de rentrer dans un éternel oubli :
ce n'eft point une imitation vague & paraphrafée
de la Henriade que je lui préfente ,
mais une fidéle & vraie traduction , où les
vers Latins répondent toujours aux vers François
; unique , mais bien pénible moyen de
conferver le feu , l'ordre & le génie de
l'Auteur .
Le célébre Abbé Desfontaines que je
confultois à Paris fur la fin de l'année 1744 ›
Biiij
32 MERCURE DE FRANCE
me louoit de l'entrepriſe en me plaignant
de la difficulté : les lumieres d'un fi grand
connoiffeur fur tout en belle Poëfie Lati
ne par la profonde connoiffance qu'il avoit
de Virgile ) me rendoient fon commerce
néceffaire ,& je l'ai cultivé : je dois me taire
fur fes éloges ; il me propofa de m'affocier
à fes travaux périodiques; je crus devoir re-.
fufer ce dangereux honneur , & mon refus
ne diminua rien de fon eftime .
Dans ce tems là même nos Poëtes faifoient
retentir les trompettes & tous leurs
inftrumens héroiques : il me prit envie de remonter
auffi ma lyre , & bientôt ayant dif
pofé mon Ode à l'homme pour le retour du
Roi , je lui fis donner les honneurs de la
preffe , mais je n'ofai la répandre que parmi
des amis le juge d'Avignon en parle
folidement & fans enthouſiaſme dans une
de fes feuilles de la faifon , & modeftie à
part , il y auroit de quoi flater mon orgueil
poëtique , fi j'en avois le coeur atteint,
:
Mais la Langue Romaine eft ma favorite ,
& ma verfion de la Henriade m'eſt plus
chere que tout le refte ; M. de Voltaire y
met par tout un charme qui vous attire ; on
ne peut le quitter , & toujours le tribut
d'admiration fe renouvelle . Pendant mon
féjour à Paris j'ai fait ma cour à ce grand
homme; il donnoit volontiers les mains à
JUIN 1746. 33
mon projet de le traduire , & je lui dois
ce témoignage d'avoir reconnu qu'en lui la
bonté du coeur ne le céde point à la grandeur
de l'efprit. Les vers dédicatoires qui
lui font adreffés paroîtront à la téte de
ma traduction Latine qui fera d'un côté &
les vers François de l'autre. J'ai l'honneur
d'étre & c.
A MONSIEUR
DE VOLTAIRE.
VOLTAIRE , OLTAIRE , ton brillant génic
Embellit tous les arts divers ,
Mais admirable dans les vers "
Qu'il joint de force à l'harmonie !
Tu prens le Coturne inhumain ,
Des traits frappans faiffiffent l'ame :
A ton feu divin tout s'enflâme ,
Quand tu tiens la trompette en main .
Peintre de nos ligues fatales
Que de beautés tu nous étales,
Que d'efprit que de fentiment !
Tout dans ce fameux monument
De ton goût far dépofitaire ,
BY
34 MERCURE DE FRANCE.
Penfe , agit , parle noblement :
Sublime , tendre , véhément ,
C'eft-là que tu parois Voltaire.
A l'orgueilleufe antiquité
N'envions plus fon Iliade ;
Tu nous donnes l'égalité ,
En nous donnant la Henriade .
Ces fiers combats d'Agamemno
De la Gréce illuftrent le nom ,
C'eft Homere qui les enfante :
Parmi des prodiges nouveaux
Rome fort du fein des travaux ;
Virgile la rend triomphante :
Et toi , par d'infignes exploits
Faiſant éclater nos trompettes ,
Henri fe ranime à ta voix ,
Vainqueur de la mort cette fois ,
Il n'appartient qu'aux grands Poëtes
D'immortaliser les grands Rois.
Permets à la Mufe Latine
De fuivre ta Mufe divine
D'un pas toujours refpectueux ;
Puiffe-t- elle fous fon empire ,
Dans la noble ardeur qui l'infpire ,
Prendre fon air majeſtueux !
A tes chants fi ma voix s'allie ,
JUIN 1746. 35
Ne crains pas un accord pareil ;
Voltaire eft par tout le Soleil ,
Je ne fuis que fon * Parélie .
* Image du Soleil formée par fes raions.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
HENRIADO S
Lib. I.
H Eroem canimus , felix quem Gallia vidit ,
Debita jure fuo , mercari & fanguine regna :
Ille per exhauftos , bello turbante , labores
Proludens didicit regnare , & parcere victis ;
Ac poftquàm hoftiles armis cecidere tumultus ,
Frænavit populos , victor que parens que fuorum.
Te precor , ô Virgo veri fidiffima cuftos ;
Ipfa facem attollens in carmina fuffice vires ;
Te Regum affuefcant aures audire fuperbæ ,
Et te voce decet Reges ambire magiftrâ ,
Pandere fas tibi fit , populis mirantibus orbis ,
Quàm fera civiles motus fortuna fequatur :
Dic , agitaret uti noftros difcordia fines ;
Dic triftes populorum iras , & crimina Regum :
Huc ades ; atque tuas potuit fi fabula quondam
Cantûs illecebris voces mollire feveras ,
Divinum que manu tenerâ decus addere frontis ;
Si varios umbrâ fplendori affudit honores ,
Virgo ; finas mecum tua per veftigia furgat
Fida miniftra , tuis non invidiofa trophæis.
ET jam Valloides folio inclinabat avito
Incertâ que manu Regni tractabat habenas :
Pectora languebant humili dejecta pavore ,
JUIN 1745.
37
IRENE KIDDIN+fokot Him Dans
LA HENRIA DE
Chant I.
JE chante ce Héros qui régna fur la France ,
Et par droit de conquête & par droit de naiffance
Qui par le malheur même apprit à gouverner ,
Perfécuté long-tems fçût vaincre & pardonner ;
Confondit & Maïenne & la Ligue , & l'lbére ,
Et fût de fes Sujets te vainqueur & le Pére.
Je t'implore aujourd'hui févére vérité ;
Répands for mes écrits ta force & ta clarté :
Que l'oreille des Rois s'accoûtume à t'entendre ,
C'est à toi d'annoncer ce qu'ils doivent apprendre
C'eft à toi de montrer aux yeux des Nations
Les coupables effets de leurs divifions .
-Dis comment la difcorde a troublé nos Provinces ;
Dis les malheurs du Peuple , & les fautes desPrinces?
Viens , parle , & s'il eft vrai que la fable autrefois
Sçût à tès fiers accens mêler fa douce voix ;
Si fa main délicate orna ta tête altiére ,
Si fon ombre embellit les traits de ta lumiére ,
Avec moi fur tes pas permets lui de marcher ,
Pour orner tes attraits & non pour les cacher.
Valois regnoit encor mais fes mains incertaines
De l'Etat ébranlé laiffoient floter les rênes ;
Ses efprits languiffoient par la crainte abbattus
38 MERCURE DE FRANCE.
Imò Valloides nil præter inutile nomen
servabat Regis : quantum mutatus ab illo
Principe , quem retulit juvenem victoria curru ,
Europe expavit fubitò mirata volantem ;
Qui-que per obitantes patriæ revocantis abiret
Mille preces ; tantæ virtutis imagine capti
Cùm fua gauderent fummittere fceptra triones.
Degener ille trono fedeat , quem caftra tulerunt :
Regnat Valloides , oculis evanuit heros .
Delicias inter , mollis que per otia vitæ
Deficit , haud æquo laffatus pondere fceptri :
Turba miniftrorum , vanâ fub imagine Regis
Luxurians,fceptrum que tenet, nomen que relinquit :
Conjurata cohors regnantem frangere luxu ,
Languida corda gravi curat torpere veterno .
Gufiadum intereà rapido fortuna volatu
Inter regales exurgit ad aftra ruinas :
Urbe Parifiacâ properat domus æmula Regis
Viribus adverfas fractis opponere vires :
Indecores audent populi , ludibria ventis ,
Debellare fuum Regem , ac fervire tyrannis .
Muneribus , victi que metu labuntur amici ,
Hunc que fui cives Lupara indignante repellunt.
Advolat hoftis ovans , cecinit que rebellio fignum á
Omnia corruerant, fubitò cùm magnus´adeffet
Magnus Borbonides , cui fpirant pectora bella ;
Ille jubar præbens , & faufti fideris inftar
Affulfit Regi : virtus rediviva triumphat ;
JUIN 1746.
39
Ou plutôt en effet Valois ne régnoit plus .
Ce n'étoit plus ce Prince environné de gloire ,
Aux combats dès l'enfance inftruit par la victoire ,
Dont 1 Europe en tremblant regardoit les progrès ,
Et qui de fa patrie emporta les regrets ,
Quand du Nord étonné de ſes vertus fuprêmes
Les Peuples à fes pieds mettoient les Diadêmes :
Telbrille au fecond rang , qui s'éclipfe au premier ,
11 devint lâche Roi d'intrepide guerrier :
Endormi fur le Trône au fein de la molleffe
Le poids de fa Couronne accabloit ſa foiblefſe :
Quailus & Saint- Maigrin , Joyeufe & d'Epernon ,
Jeunes voluptueux qui régnoient fous fon nom ,
D'un maître effeminé corrupteurs politiques
Plongeoiet dans les plaifirsfes langueurs létargiques .
Des Guifes cependant le rapide bonheur
Sur fon abaiffement élevoit leur grandeur ;
Ils formoient dans Paris cette Ligue fatale
Defa foible puiffance orgueilleufe rivale.
Les Peuples infenfés , vils eſclaves des grands ,
Perfécutoient leur Prince & fervoient des tyrans :
Ses amis corrompus bien-tôt l'abandonnerent ;
Du Louvre épouvanté fes Peuples le chafferent ;
Dans Paris révolté l'Etranger accourut ;
Tout périffoit enfin lorſque Bourbon parut :
Le vertueux Bourbon , plein d'un ardeur guerriére
A fon Prince aveuglé vint rendre la lumière ;
Il ranima fa force ; il conduifit fes pas
46. MERCURE DE FRANCE
Jam lufiffe pudet , præftat que horrere fub armis.
Præcipitant Reges ftudiis concordibus ambo :
Hæfit Roma timens , expavit Iberia curfu ;
Europe ftupefacta novo difcrimine rerum ,
Luminibus fixis reginam intendit ad urbem,
Urbe vagabatur nutrix difcordia belli ,
Maiennæ focias ceffantis ad arma phalanges
Vocibus accendens ; fummâ que ex arce vocabat
Et populum , & Romam , & vires tardantis Iberi :
Monftrum immane , audax , nullis placabile votis
Intentat propriis odium crudele miniftris ,
Fatales que hominum verfat fub corde ruinas :
Sæpe cruentatas multâ de cæde fuorum,
Armavit dextras ; fera pectora barbarus hofpes
Excruciat , vindex que piemit fua crimina po ní
Solis ad occiduos tractus , propè litus amoeenumi
Quà finuofus aquas evolvit ab urbe morantes
Sequana , campus ubi nunc fulget imagine rerum
Atque favet natura parens , artes que laborant ,
Tunc verò horruerat ſedes infana tumultu ,
Agmina Valloides ultor ferrata movebat .
Ardent mille duces , tot propugnacula Gallis ,
Difcordes fectâ , concordes vindice ferro .
Aufpice Borbonio virtus , & magna reguntur
· Fata virûm ; junxit ftudiis communibus omnes :
Pectora victor habet : credas & eundo phalanges
Ire fub imperio Ducis , uniufque Miniftri.
JUIN 1746.
De la honte à la gloire & des jeux aux combats :
Aux remparts de Paris les deux Rois s'avancérent
Rome s'en all arma , les Efpagnols tremblerent :
L'Europe intéreffée à ces fameux revers
Sur ces murs malheureux avoit les yeux ouverts.
On voioit dans Paris la difcorde inhumaine
Excitant aux combats & la Ligue & Maïeune ,
Et le Peuple & l'Eglife , & du haut de les tours
De la fuperbe Eſpagne appellant les ſecours.
Ce monftre impétueux , fanguinaire , inflexible ,
De fes propres fujets eft l'ennemi terrible :
Aux malheurs des mortels H borne ſes deffeins
Le fang de fon parti rougit ſouvent fes mains
Il habite en tyran dans les coeurs qu'il déchire
Et lui -même il punit les forfaits qu'il infpire.
;
Du côté du Couchant près de ces bords fleuris
Où la Seine ferpente en fuyant de Paris ,
Lieux aujourd'hui charmans, retraite aimable&pures
Où triomphent les Arts , ou fe plaît la Nature ,
Théâtre alors fanglans des plus mortels combats ,
Le malheureux Valois raffembloit fes foldats.
Là font mille Héros , fiers foutiens de la France ,
Divifés par leur fecte , unis par la vengeance :
C'eft aux mains deBourbon que leur fort eft commiss
En gagnant tous les coeurs il les a tous unis ;
On eut dit que l'armée à fon pouvoir foumife
Ne connoifloit qu'un Chef & n'avoit qu'une Eglife.
42 MERCURE DE FRANCE.
ABREGE Hiftorique de l'établiſſement
de l'Hôpital des Enfans Trouvés.
D
ges
Ans tous les tems les Enfans expofés
ont paru mériter l'attention des Magiftrats
; le Parlement a rendu differens Arrêts
pour pourvoir à la fubfiftance des Enfans
abandonnés ; leur nourriture & leur édu
cation étoient dans la Ville de Paris , comme
dans tout le Royaume , une des charde
la haute- Juftice des Seigneurs. Le
Parlement , toujours attentif à l'ordre public
, a bien des fois étendu fa vigilance à
la fubfiftance des Enfans expofés , & cette
augufte Compagnie a fait plufieurs Réglemens
à ce fujet , mais nonobftant toutes ces
fages précautions , il manquoit un lieu de
retraite pour les Enfans expofés , & cet établiffement
d'un lieu pour les recevoir n'eſt
pas fort ancien : il eft dû aux foins charitables
de Saint Vincent de Paule Inftituteur
de la Congrégation de Saint Lazare : Il fut
touché en homme Chrétien & en bon Citoyen
, de l'abandon des Enfans expofés
dont l'ame étoit en grand danger par le
défaut du Baptême , & la vie naturelle par
l'abandon des peres & meres , ou inhumains
JUIN 1746. 45
ou dans l'impuiffance de les nourrir , & de
les élever. La perte de ces jeunes Sujets ,
pour la Religion & pour l'Etat , toucha le
coeur de Saint Vincent , fi difpofé aux oeuvres
de la Charité.
L'époque de ce germe de l'Hôpital des
Enfans- Trouvés eft de l'année 1638 : une
veuve charitable fut touchée de leur état ;
elle voulut bien fe charger de les recevoir ,
& les Commiffaires du Châtelet , après avoir
fait leur Procès -Verbal de l'Enfant expofe ,
l'envoyoient chés cette veuve ; elle demeuroit
près Saint Landry , & fa maiſon fut nommée
la Maifon de la Couche , comme on
nomme aujourd'hui la Maifon des Enfans-
Trouvés près de l'Eglife Notre - Dame.
Ce premier établiſſement des Enfans-
Trouvés ne dura pas long-tems. La charge
devint trop forte pour la perfonne qui
avoit bien voulu la prendre ; fes fervantes
ennuyées & fatiguées par les cris des Enfans ,
en firent un commerce fcandaleux , dont la
Religion & l'humanité furent également
effrayées.
Elles vendoient ces Enfans à des Mandiantes
qui s'en fervoient pour exciter les
charités du Public en le trompant.
Des Nourrices , dont les Enfans étoient
morts , achetoient de ceux-là pour ſe faire
têter ; plufieurs d'entr'elles leur donnoient
44 MERCURE DE FRANCE.
un lait corrompu , & au lieu de procurer a
vie à ces jeunes Enfans, elles leurs donnoient
la mort par la maladie qu'elles leur communiquoient.
On achetoit de ces Enfans pour
en remplacer & pour en fuppofer dans les
familles ; & de-là on s'en fervoit pour caufer
un grand trouble dans la fociété.
On en achetoit auffi pour fervit à des
opérations magiques ; le prix de ces Enfans
étoit fixé à vingt fols , & les perfonnes capables
d'un fi horrible commerce n'étoient
pas fort attentives à faire donner le Baptême
à ces Enfans nouveaux- nés ; ils étoient à
la fois facrifiés par rapport à la Nature &
par rapport à la Religion.
Ces abus & ces défordres furent bien-tôt
tonnes ; on ceffa d'envoyer les Enfans dans
un Hofpice fi dangereux pour eux.
Dans la même année. 1638 l'Hofpice
de ces Enfans fut changé , & il fut tranfporté
près Saint Victor , fous la conduite d'une
perfonne de piété. Les fonds deftinés à la
fubfiftance de ces Enfans n'étoient pas fuffifans
; le nombre en étoit trop grand ; on
tira au fort ceux qui feroient élevés , les autres
étoient abandonnés ; fi le fort prévenoft
l'inconvenient de la prédilection , il remplif
foit d'une maniere bien imparfaite les devoirs
de l'humanité ; il falloit un arrangement
plus digne de la grandeur du Roi &
du zéle de fe's Sujets.
JUIN 1746. 45
En 1640 Saint Vincent de Paule convoqua
une Affemblée des Dames de piété
qui avoient bien voulu prendre le foin des
Enfans-Trouvés. Le choix du fort des Enfans
à élever fut aboli : la vie fut confervée à
tous : le Roi entra dans ces vûes charitables ,
& Sa Majesté eut la bonté d'accorder le Chateau
de Bicêtre pour retiter les Lnfans abandonnés.
Tous les grands établiffemens éprouvent
des difficultés de differente nature ; la vivacité
de l'air de Bicêtre s'oppofa à la confervation
des Enfans ; on les ramena dans le
Fauxbourg Saint Lazare , ils y furent nourris
& élevés jufqu'en 1670 , alois on les transfera
dans la rue Neuve Notre- Dame.
Ces premiers tems de l'établiſſement des
Enfans - Trouvés doivent être regardés com
me des tentatives pour parvenir àun é abliffement
folide ; jufques là il avoit été errant
en differens endroits .
En 1670 il fut fixé où il ſubſiſte encore
aujourd'hui..
Auffi - tôt que ce nouvel établiffement fut
formé , on acheta une maifon deftinée à recevoir
les Enfans expolés.
Le Roi mit ce nouvel Hôpital fous la finguliere
protection . Sa Majesté lui fit part
de fes Aumônes ; elle lui accorda des Lettres
- Patentes , & la Reine Marie - 1 herefe
1
46 MERCURE DE FRANCE.
d'Autriche voulut bien pofer la premiere
pierre de la Chapelle des Enfans- Trouvés.
C'eſt à compter de ce tems-là qu'on peut
voir l'utilité de cet Hôpital ; plus le nombre
des Enfans expofés a augmenté , plus leur
azile eft devenu utile : on voit cette augmentat
on d'année en année par les Regiſtres
qui font au dépôt des Enfans- Trouvés depuis
1670 jufqu'à préfent : il fuffit pour en donner
l'idée d'en préfenter le tableau de dix ans
en dix ans pendant cet intervalle.
Années.
Nombre des Enfans
exposés.
1670.
.
512
1680. $90
-1690 . 1504
1700 .
1738
1710, 1698
#720. 1441
1730. 2401
1740.
3150
1741 .
3388
1742.
3163
JUIN 1746. 47
1743 . 3199
1744. 30341
1745. 3234
Par l'Edit de 1670 , portant établiſſement
de l'Hôpital des Enfans - Trouvés , il a été arrèté
un état des fommes qui lui feroient annuellement
payées par les Seigneurs Hauts-
Jufticiers de la Ville de Paris , pour la nourriture
des Enfans expofés,comme une charge
de leurs Hautes Juftices , & on y a fuivi les
difpofitions de l'Arrêt du Parlement de 1667
& de celui du Confeil de 1668.
En 1675 , le Roi par fes Lettres- Patentes
, ayant réuni au Châtelet de Paris toutes
les Juftices des Seigneurs , eut la bonté d'ordonner
qu'il feroit pris tous les ans ſur ſon
Domaine une fomme de vingt mille livres
pour aider ( à la décharge des Seigneurs ) à
la fubfiftance des Enfans - Trouvés. Le nombre
des Habitans de la Ville de Paris s'étant
multiplié , celui des Enfans-Trouvés a augmenté
,.& c'est une premiere caufe de l'augmentation
dont on vient de donner une idée
en rapportant de dix ans en dix ans le nombre
des Enfans expofés , les Seigneurs Hauts-
Jufticiers n'étant plus obligés de s'en charger
au moyen des fommes qu'ils payoient à
Hôpital des Enfans -Trouvés ou de celle que
MERCURE DE FRANCE.
le Roi payoit pour eux depuis la réunion de
leurs Hautes- Juftices.
La Juftice a long - tems regardé l'expofition
des Enfans comme un crime , mais la
rigueur de la Juftice eft toujours tempérée
par la fageffe &par la prudence , & les Magiftrats
ont bientôt reconnu que leur févérité
à cet égard étoit fujette à de grands inconvéniens
, & c'eft une feconde caufe de
l'augmentation du nombre des Enfans Trouyés,
Parmi ces malheureux Enfans , les uns
victimes du faux honneur de leur pere & de
leur mere , étoient fouvent facrifiés à une
honte jufte à la vérité dans fon origine , mais
bien condamnable dans fon effet ; à peine
ces Enfans avoient- ils reçu la vie , qu'on leur
donnoit la mort , ou parce que les peres &
les meres craignoient ces témoins innocens
de leur mauvaife conduite , ou parce que l'état
de leur fortune ne leur permettoit pas de
les nourrir : les autres nés d'un mariage légitime
,(& ceux là même n'étoient pas exempts
de ces inconvéniens :) les cris de la nature
ne pouvoient l'emporter fur la mifere & fur
Findigence , quelquefois auffi fur une prédilection
blamable , dont les effets funeftes retomboient
fur des Enfans , qui en naiſſant ,
n'ont pas encore eu ni l'avantage de plaire .
le malheur d'avoir déplû.
Cetto
JUIN 1746. 49
Cette condefcendance des Magiftrats pour
fermer en quelque façon les yeux au genre
de crime de l'expofition des Enfans , en a
augmenté le nombre dans l'Hôpital des Enfans-
Trouvés : les peres & les meres n'ont
plus eu de prétexte pour s'en défaire
d'une maniere inhumaine & cruelle . La nature
a repris fes droits dans leur coeur , & ils
ont porté toute leur attention à leur conferver
la vie qu'ils leur avoient donnée.
Les fentimens naturels , la Religion , l'Etat
& la Societé , tout s'eſt trouvé d'accord
pour concourir à la conſervation des Enfans.
La nature répugne toujouts à fa deftruction ;
la Religion s'y oppofe par des vues fupérieures
& par des motifs plus élevés ; l'Etat
ne peut avoir un trop grand nombre de Sujets
; ils font fa force & fa gloire , & la focieté
demande , pour fon intérêt propre ,
la confervation des Citoyens : c'eft auffi
l'objet principal de l'établiffement des Enfans
- Trouvés , & c'eft à le remplir , que ceux
qui font chargés d'en prendre foin , portent
leur finguliere attention .
C'eft pour parvenir à un objet fi important
, que dans les differens tems , à meſure
que le nombre des Enfans Trouvés a augmenté
, il a fallu chercher des moyens pour
augmenter le logement qui leur eſt deſtiné ,
en attendant l'arrivée des Nourrices de la
11.Vol.
C
50 MERCURE DE FRANCE,
Campagne qui fe chargent de les nourrir &
de les élever jufqu'à l'âge de cinq ans .
Ces Nourrices viennent des Provinces de
Normandie & de Picardie , mais elles font
arrêtées par le tems & par les faifons. En
Hyver la gelée & la pluye , en Eté la recolte
, toutes ces caufes retardent leur arrivée ,
& de jour à autre le nombre des Enfans augmente.
Il y a dans l'Hôpital des Enfans - Trouvés
des Nourrices à gages pour alaiter les
Enfans & pour fuppléer au défaut de celles
de la Campagne. Plus le nombre des Enfans
eft grand , plus il faut de Nourrices à gages.
& de celles de la Campagne ; mais plus il
faut de place & pour les Enfans & pour les
Nourrices , plus il faut de magazins pour
les hardes des Enfans , plus il faut de perfonnes
pour les fervir , & plus il faut auffi
de place pour les provifions.
Ces motifs déterminerent Meffieurs les
Adminiftrateurs de l'Hôtel- Dieu , qui connoiffent
mieux que d'autres les devoirs de
l'humanité & ceux de la fociété , à donner
à loyer à l'Hôpital des Enfans- Trouvés trois
pcates maifons appartenantes à FHôtel-
Dieu .
Ces maifons font devenues infuffifantes
par le nombre des Enfans- Trouvés qui depuis
1739 , pafle paſſe trois mille par an,
JUIN 1746.
51
On a vû avec une extrême douleur ces
Enfans périr en très -grand nombre : en
1739 ils furent attaqués d'une maladie qu'ils
fe communiquoient & dont plufieurs mouroient
après avoir langui pendant quelques
jours.
Les Adminiſtrateurs de l'Hôpital des Enfans-
Trouvés ont cherché tous les moyens
de remédier à un auffi grand mal.
Ils firent de concert avec leurs Chefs , Mrsle
Premier Préfident & le Procureur Général
une Déliberation pour augmenter le falaire
des Nourrices de la Campagne , afin de les
engager par l'intérêt à venir prendre des
Enfans Trouvés.
Ils inviterent les Médecins & les Chirurgiens
les plus verfés dans la connoiffance de
l'état des Enfans , à venir vifiter les Enfans-
Trouvés , & à examiner la caufe de leur maladie
.
Ces Meffieurs firent cet examen avec
toute la charité & toute l'attention poffible.
Tous furent d'avis que la caufe de la maladie
des Enfans - Trouvés venoit du défaut
d'air , & du défaut de place pour les loger
pendant leur féjour dans l'Hôpital.
Les Adminiftrateurs de l'Hôpital des Enfans-
Trouvés , munis de ces fuffrages refpectables
, ont cherché tous les moyens de pro
curer aux Enfans - Trouvés de l'air & du logement,
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
L'Hôpital des Enfans - Trouvés eft entouré
de toutes parts de maifons appartenantes
à l'Hôtel-Dieu , & il en tenoit déja plufieurs
à loyer les Adminiftrateurs de l'Hôpital
des Enfans- Trouvés n'ont pu s'adreffer qu'-
aux Adminiftrateurs de l'Hôtel - Dieu ; ils ont
d'abord repréfenté que n'étant que fimples
locataires des Maifons de l'Hôtel Dieu , il
ne leur étoit pas permis d'en changer la difpofition
, & que fi l'Hôtel- Dieu vouloit bien
vendre ces maifons , on pourroit , par la
diftribution qui en feroit faite , procurer plus
de logement.
Ils ont auffi repréſenté tous les motifs qui
éxigeoient plus d'air & plus de logement
pour la confervation des Enfans Trouvés ,
& ils ont demandé aux Adminiftrateurs de
l'Hôtel-Dieu de vouloir bien concourir avec
eux à la confervation de ces jeunes Citoyens ,
en leur vendant des maifons voisines.
. Le Adminiftrateurs de l'Hôtel Dieu font
entrés dans toutes ces confidérations de l'intérêt
public , & ils ont bien voulu vendre à
l'Hôpital des Enfans- Trouvés , & les maifons
qu'il tenoit à loyer , & les maifons voifines ,
pour augmenter leur logement.
Le prix de ces acquifitions n'eft pas la feule
depenfe dans laquelle la confervation des
Enfans -Trouvés oblige leş Adminiftrateurs
d'entrer,
JUIN 1746. 53
Ces maifons nouvellement acquifes font
vieilles , & d'une conftruction qui ne peut
convenir à un Hôpital , tel que celui des Enfans
-Trouvés ; on ne peut fe difpenfer de
rebâtir ces maifons ; ce fera une feconde dépenfe
auffi forte , & peut être plus que celle
de l'acquifition.
Les revenus ordinaires des Enfans-Trouvés
, déja infuffifans par eux-mêmes , fur- tout
depuis l'augmentation du falaire des Nourrices
, ne peuvent pas fournir à une dépenfe
extraordinaire & auffi confidérable.
L'emprunt eft une reffource , mais en même
tems il eft une charge ; cependant il faut ou
laiffer périr les Enfans , ou leur procurer de
l'air ou du logement , & on ne peut le faire
fans une grande dépenfe.
Les Adminiftrateurs de l'Hôpital des Enfans
-Trouvés fentent ces difficultés , mais
ils fe flatent de n'être point traités de téméraires
en les furmontant , ils font trop accoutumés
aux fecours que la Providence leur
envoye , & ils feroient des ingrats de s'en
méfier : ils ont éprouvé dans toutes les occafions
les effets de la charité du public : que
n'en doivent-ils pas efpérer dans celle- ci qui
eft fans doute la plus grande & la plus importante
depuis l'établiffement des Enfans
Trouvés ?
Il s'agit de la confervation de ces Enfans
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
de l'Etat ; ils font d'autant plus au public ,
qu'ils ne font à perfonne en particulier :
comme Enfans de l'Etat , il faut les conferver
, la c'eft fa force & fa gloire ; l'humanité
le demande , la Religion l'exige , & la Société
y trouve fon avantage.
11 y a tout lieu d'efpérer qu'en procurant
de lair & du logement aux Enfans- Trouvés
fuivant l'avis des perfonnes de l'Art , qui regardent
le défaut d'air & de logement , comme
la caufe de la maladie dont les Enfans
font attaqués , & celle de la mort de plufieurs
, on confervera la vie à un plus grand
nombre.
A Mile. L.
BOUQUET.
A Llez droit au fein de Silvie ,
Placez vous , mon bouquet au gré de vos defirs ,
Hâtez vous d'y gouter mille fecrets plaiſirs :
Dans deux jours au plûtard languiffant & fans vie
Il faut enfin que vous tombiez :
Changeons alors de deftin l'un & l'autre ;
Depuis long-tems je languis à fes pieds ,
Venez prendre ma place , & donnez-moi la votre,
Par Monfieur B. D. M.
JUIN , 1746. 55
VERS addreffes à M. Prevost , Regent de
Premiere , à Geneve .
D'un des favoris d'Apollon
Célébrons aujourd'hui la fête ;
Chers amis , que chacun s'aprête
A chanter fur le plus haut ton
Son goût , fon fçavoir & fon nom.
Mais quel obftacle nous arrête ?
De fleurs pour couronner ſa tête
On ne trouve en cette ſaiſon ,
Pas le moindre petit bouton ,
Et même le fougueux chardon
N'ofe montrer fa pointe encore ;
La campagne gémit fous le noir Aquilon :
Son fouffle impetueux dévo e
L'émail qui couvroit le gazon,
Et l'on ne voit plus Celadon
Célébrant les beautés de la naiffante Aurore ,
Faire aux échos des bois repeter ſa chanſon .
Chacun préfere le tifon
Aux doux accens de Therpficore ,
Soleil , fi défiré , c'eft en vain qu'on t'implore :
Ta feconde chaleur quand fera - t- elle éclore
La Tubereufe & le Melon ?
Ci
16 MERCURE DE FRANCE.
Quand verra-t-on briller les dons charmans de
Flore ,
Enfevelis fous le glaçon ?
Zéphir qui voltigeoit fans ceffe ,
Pour lui témoigner ſa tendreſſe ,
Et lui dérober des faveurs ,
Laiffe cette Reine des fleurs
En proye à toute fa trifteffe.
Phebus même plein de langueurs
Eft tranfi fur la double cime :
Rien ne l'émeut , rien ne l'anime ,
Et nous ferions fans protecteur
Prevoft , fi vous n'étiez le notre :
Mais ayant un tel Directeur
Avons nous befoin de quelque autre
Vós foins foutenant notre ardeurr ;
De nos foibles progrès diffipent la lenteur ;
Vos lumieres , votre prudence ,
En formant notre goût nous menent au bonheur,
Et nous ouvrent l'intelligence.
Vous nous infpirez de l'horreur
Pour la par effe & la licence ;
Un coeur volage , ou fans vigueur
Demeure toujours dans l'enfance ,
La raifon a peu d'influence
Lorfque l'on en fuit la lueur.
Banniffons loin de nous une froide indolence ,
Trifte compagne de l'erreur ;
JUIN
57 1746.
Vous faites voir que la grandeur
Que l'orgueil a placé dans l'aveugle naiſſance ,
Ou dans une vaine opulence ,
Ne fçauroit fe trouver que dans la connoiffance;
Ou dans le fentier de l'honneur ,
Vos leçons , votre expérience ,
Des pieges du monde enchanteur
Garantiffent notre innocence
Prenant en main notre défenſe .
Vous déchirez le voile féducteur
Qui de la volupté nous cachoit la laideur :
Vous découvrez le vuide immenfe
Quelle laiffe dans notre coeur.
De l'ordre & du devoir nous montrant l'excela
lence" ;
Vous en moderez la rigueur :
L'étude du plaifir prend l'aimable apparence ,
Et devient une recompenfe ;
Vouspréferez un modefte filence
An clinquant d'un Déclamateur ;
Dont la fophiftique éloquence
N'eſt qu'un étalage trompeur ,
Qui déguile fon ignorance :
Oui , la vérité , l'évidence ,
Doivent fcules faire l'effence
Des recherches de l'Orateur.
Indulgent pour l'âge où nous fommes
Par des preceptes familiers ,
CY
18 MERCURE DE FRANCE.
Vous travaillez à nous faire des hommes ;
Vous nous guidez dans les fentiers
Où vous repandez la lumiere :
Du fçavoir à nos yeux vous ouvrez la carriere
Et vous en écartez les préjugés groffiers .
Heureux fi nos efforts pouvoient vous fatisfaire !
Votre eftime eft pour nous un plus digne falaire
Qu'une couronne de lauriers .
Lorfqu'un maître a le don de plaire ,
Il est cheri des écoliers ,
Agréez les accens que notre zéle exprime ,
Tribut de refpect & d'eftime
Que vous rend l'aimable candeur.
L'hommage le plus légitime
Eft celui que dicte le coeur.
ParJ. B. Tellot à Genève ce 1 Janvier,
)
JUIN 1746. 5'9
.
LETTRE à M. l'Abb! Lébeuf de l'AAcadémie
des Infcriptions & Relles Lettres
touchant Jean HENNUYER Evêque &
Comte de Lisieux.
A derniere fois que j'eus l'honneur de
Lvous voir ,Molier', ' apperçus fur
, fur
votre Bureau un Manufcrit , dont le titre étoit
Voyage de Normandie ; dans le moment je
penfai que ce pouvoit etre l'ouvrage de
notre amr commun Mr. de la Roque , décédé
à Paris le 28. Novembre 1745 ; vous en
convintes , & vous me permites de voir ce
qu'il difoit de Jean Hennuyer , Evé que de
Lizieux ; j'y lus ( dans le Suplément lettre
XVI . ) Que cette Ville regarde comme inconteftable
le zéle avec lequel cet Evêque s'oppofa
aux ordres du Roi , lors de la journée de
la Saint Barthelemy , & l'Auteur y cite à
la marge le Docteur Claude Hemeré , dont
il tranfcrit tout l'article.
Vous vous fouvenez que le défunt , dont
le frere étoit chargé du Mercure , fit imprimer
dans celui d'Octobre 1742 ma premiere
Differtation qui réfutoit la prétendue
Profeffion Religieufe de cet Evêque dans
fordre des Freres Prêcheurs contre les
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
éclairciffemens fur cette matiére , que le P
Mathieu Texte , Religieux du Noviciat des
Jacobins , Fauxbourg S. Germain , avoit fait
inférer dans le Mercure d'Octobre 1741.
Il ne me fied pas de parler de l'accueil
que fit le Public à cet Ecrit ; on cefla dès lors
de mettre Jean Hennuyer au nombre des
Dominicains , & comme avant que d'être
Evêque , il avoit été Doyen de S. Germain
l'Auxerrois , les R. P. Bénédictins , qui nous
oit donné en 1744 la Province Eccléfiaftique
de Paris en 2. volumes , & dans le premier
le Catalogue des Doyens de Saint Germain
l'Auxerrois , eurent grand foin , pag.
270 de réformer ce qu'avoient dit Mrs. de
Sainte Marthe dans leur Gallia Chriftiana ,
en parlant des Evêques de Lizieux , que Jean
Hennuyer l'un d'eux avoit été de l'Ordre
des Dominicains.
Le P. Texte me répondit ; il n'alla pas
au Mercure il pria les Auteurs du Journal
de Trevoux de mettre dans leurs Mémoires
la lettre qu'il m'adreffoit. Les R, P. comme
gens fages & fans partialité , commencerent
par rendre compte au Public de ce dont
il étoit queftion dans leur Journal du mois
de Janvier 1744 ; ils dirent qu'avant que de
parler dans leurs Mémoires de l'Histoire des
Hommes Illuftres de l'Ordre de S. Dominique ,
que donne le R. P. TOURON , il s'agiffoit
JUIN 1746.
61
de fçavoir fi le célébre Evéque de Lizieux
Jean Hennuyer y doit entrer ou non ,
sc'eft à dire s'il a été Dominicain ; qu'un Auteur
anonime foutenoit la negative contre
Je P. Texte , & un d'entr'eux fit de ma
Differtation une analyfe fi ferrée & fi claire
en même tems , que la briéveté n'ôtoit rien
à la force des preuves.
- Dans le mois de Février de la même amnée
1744 ils donnerent la réponſe du R. P.
Texte , qui n'avoit rien de neuf que la dé
couverte qu'on lui avoit procurée de Claude
Hemeré.
Je répliquai à mon tour ; mon ouvrage
fut inferé dans le même Journal au mois
d'Avril fuivant , & j'y fis voir que Claude
Hemeré n'avoit enchéri fur le P. Antoine
Mallet fon original que pour en multiplier
les méprifes.
Obfervez d'abord que le P. Texte , avant
notre conteftation , doutoit fi peu que Jean
Hennuyer eût été de fon Ordre , que depuis
plus de 40 ans dans tous les ouvrages
qui s'imprimoient , & qui étoient fufceptibles
de ces fortes de fingularités cénobitiques
qui portent coup , il étoit attentif à y faire
gliffer adroitement l'intrepidité du Prélat
Dominicain pour préferver de la mort les
Huguenots de fon Diocêfe. Auffi , d'abord
qu'il eût fçu ce que je penfois , il jugea à
62 MERCURE DE FRANCE,
:
propos de prendre les devants ; il fit ſon
premier Ecrit qu'il intitula , comme je viens
de le dire , Eclairciffement , & qui débute
ainfi la journée de S. Barthelemy en l'année
1572 est une époque fi DISTINGUN'E du
Regne de Charles IX. que tout ce qui y a quel
que rapport demande d'être bien eclairci , afin
que ceux qui travaillent à l'Hiftoire de Fran
ce , & méme à celle de l'Eglife , puiffent folidement
en écrire les faits ; ceft dans cette
Due que m'étant apperçu qu'on en a altéré depuis
peu un des principaux au fujet de Jean Hen
nuyer , &c. Il n'y avoit encore rien de fait
de ma part , mais n'importe , il vouloit
me prévenir , & fous prétexte d'affoiblir la
critique de Laurent Joffe le Clerc , à l'ar
ticle Maillard de la Bibliothèque du Richelet.
(a ) il comptoit en même tems me fermer
la bouche , & tirer parti de mon fi
lence .
Dans fon fecond Ecrit qui eft , comme
Vous venez de le voir , du mois de février
744. Journal de Trevoux , il s'explique
ain avant que d'entrer en matiére , le fujet
eft d'autant plus intéreſſant , que partout où
(a ) Voyez le 1. T. du Dictionna're de P. Richelet.
Edit . de 1728 à Lyon. Cet Auteur s'y
plaint page 75 qu'on n'ait pas fuivi à l'ar icle
Hennuyer , dans le Moreri de 1 25 l'avis qu'il
avoit donné de biffer fa qualité de Religieux,
JUIN 1745.
T'on parlera de la fatale journée de S. Barthelemy
, en publiant la fermeté héroique de
notre Prélat , on voudra en avoir un juſte
idee & connoître un homme d'un fi grand mérite.
Il fe plaint , pag. 204. de ce que dans
l'épitaphe de Jean Hennuyer , qui eft de
34 vers François (b) on n'a pas fait la
moindre mention de l'action héroïque & bien
digne d'un mot d'éloge , qu'il fut en fauvant la
vie à tous les Huguenots de fon Diocèfe . ( Eh
comment y auroit on parlé d'un fait inouï
jufqu'en 1643. ? ) & à la page 229 il cite
l'article d'Hemeré , dont feu M. de la Roque
a cru pouvoir profiter.
Voila , Monfieur , où nous en fommes
reftés le P. Texte & moi , par où vous
voyez qu'il ne vifoit à autre chofe qu'à nous
donner de fon prétendu confrere Hennuyer
, l'idée d'un Prélat dont le zéle étoit
à toute épreuve , pour s'etre placé comme
une forte barriere entre le Roi & les Huguenots
, mais ce trait fingulier étant denué
des preuves néceffaires , il faut qu'il
tombe de fui même.
Revenons à feu M. de la Roque ; il me
parloit quelques fois de fon Voyage de Normandie
, & quand je le mettois fur Lizieux ,
(b ) Elle eft en entier pag. 2152 , Mercure
d'Octobre 1742 , & ne fait l'Evêque de Lizieux i
Jacobin , ni protecteur des Calviniftes.
64. MERCURE DE FRANCE.
il convenoit que l'Evêque Hennuyer n'avoit
pas été Dominicain , mais il adoptoit ce
que Mallet avoit die fur la fcéne tragique
de 1572. Je lui répondois que jamais évenement
n'avoit été traité avec plus de détails
que celui là par les Auteurs contemporains
, tant, Catholiques que Proteftans ;
qu'aucun d'eux n'avoit parlé de l'Evêque de
Lizieux ; qu'il n'y auroit point eu affés de
bouches en Normandie pour le dire , ni affés
de plumes pour l'écrire , fi ce fait étoit fondé
; que nous fçavions que Jacques de Matignon
Lieutenant de Roi en Baffe - Normandie
avoit fauvé du maflacre Saint Lo
& Alençon ; que j'avois confulté toutes les
Bibliothéques indiquées dans l'utile & prodigieux
Catalogue du P. le Long ; que j'avois
même pénétré jufqu'au Cabinet de M.
Secouffe , Académicien , votre confrere ,
le plus communicatif de tous les homines ,
& je crois le mieux fourni de ce qui regarde
l'Hiftoire de France ; que je n'y avois rien
trouvé fur ce fait unique , pas même dans
d'Aubigné , qui auroit été charmé de faire
valoir ce trait fi flareur pour fon parti ;
qu'on nous parloit de ce qui s'étoit paffé à
Rouën , & de la dévotion bizarre des habitans
qui donnerent aux pauvres Catholiques
la dépouille des Calviniftes égorgés ,
mais qu'on ne faifoit nulle mention de la
JUIN 1746.
Ville de Lizieux , & que je ne pouvois me
déterminer en faveur de Mallet le plus fàbulifte
de tous les Auteurs , ni d'Hemeré
fon Traducteur , qui l'un & l'autre nous
débitoient , fans avant-coureurs , em 1643
& 1645 , un fait paffé en 1572 , dont la
premiere nouvelle auroit fait retentir les airs
d'acclamations , & dont la Ville ou l'Eglife
de Lifieux auroient infailliblement confacré
le fouvenir par quelque monument
précieux.
Un autre jour je trouvai M. de la Ro
que d'affés belle humeur ; il n'avoit pas
fes vapeurs que vous lui connoiffiez , fuites
trop ordinaires du grand âge & d'un long
travail : il efperoit nous donner la fécu
larisation de l'Abbaye de Saint Victor de
Marseille conformée depuis peu , & dont
il avoit toutes les piéces , & il me prioit d'y
joindre un ouvrage qui y a quelque rapport ,
& dont je vous parlerai quelqu'un de ces
jours ;je ne le mis ni dehors ni dedans . Il me
parla enfuite de la cruelle journée de 1572 ;
il parut frappé de ce que je lui en avois dit ;
j'ajoûtais je vois bien , Monfieur , que c'eſt
pour faire plaifir au P. Texte que voas
tenez encore à fes préjugés , mais quel intérêt
peut il prendre aujourd'hui à l'Evêque
Hennuyer d'abord qu'il ne fut jamais
Dominicain , & que la preuve en eft ſolide76
MERCURE DE FRANCE.
ment établie ? vous me dirès qu'il foutient
ce que Mallet fon confrere en a écrit ; à la
bonne heure , mais il n'en faut pas moins remonter
à la fource , & plus ces fortes de
faits font rares , plus il eft néceffaire qu'ils
foient démontrés .
Nous ne trouvons point dans les Hiftotiens
de ce tems là que les Archevêques &
Evêques fe foient oppofés à l'exécution de
l'ordre du Roi. Les plus modérés d'ent'reux
fe contenterent de gémir en fecret & de
garder un profond filence : & au bout de
73 ans il vient un P. Mallet Dominicain
nous apprendre dans un livre rempli de réveries
& d'hiftoriettes ridicules, & fans nommer
fes Auteurs , que l'Evêque Hennuyer
s'eft fignalé avec une fermeté héroïque en
fauvant du maffacre fes brebis égarées ; ceux
deLizieux ne citent que le P. Mallet , nulleautre
trace dans leurs archives ; c'eft fur
la foi du P. Mallet en 1645 qu'eft fondée
ce qu'on appelle l'inconteftable tradition de
cette ville , & vous voulez que je m'y rende ?
il faudroit avoir de la complaifance de refte ;
M. de la Roque me répondit qu'il verroit le
P. Texte , & il mourut cinq ou fix femaines
après.
Il n'en a pas moins laiffé dans fon Voyage
de Normandie , qui eft fous vos yeux , extrait
d'Hemeré. C'eft donc à vous, Monfieur,
JUIN 1746. 67
qu'on prend pour juge , & qui merités de
l'être par vos talens , par les ouvrages que
vous nous avez donnés , & les recherches
curieufes qui s'y trouvent ; c'eſt à vous à
voir fi ce fait eft affez averé pour y foufcrire,
& fi vous pouvez en fûreté le livrer à
l'impreffion. J'y fuis indifferent pour ce qui
me regarde perfonnellement ; je n'étois engagé
qu'a faire toucher au doigt qu'Hennuyer
a été toute fa vie dans le Clergé feculier
; je crois y avoir réuffi , le refte eft
plus du reffort de votre Académie que du
mien.
Faites donc, je vous prie , attention à ce
que vous venez de lire ci -deffus de la main
du P. Texte que tout ce qui a quelque rappor
à cette époque diftinguée du regne de
Charles IX. demande d'être bien éclairci; qu'il
s'efl apperçu qu'on en a alteré depuis peu un
des principaux ( faits ) ce qui montre qu'il
eft bien convaincu de la realité du fait , & ce
qui doit exciter en même tems l'émulation
des Hiftoriens pour le verifier ou le détruire.
Je ne vous diffimulerai pas que quand je
vis ce trait dans Mallet , j'en fus auffi ébloui
que le P. Texte ; j'en parlai dans la réponſe
que je lui fis , comme plein d'admiration
pour un Prélat ſi zelé & fi digne de reſpect
à tous égards , mais je ne déguifai point que
tout ce que j'avois lû d'Ecrivains de ce tems
68 MERCURE DE FRANCE.
là étoient muets fur un évenement frapant.
*
Je vous dirai plus aujourd'ui , c'eſt queje
viens de lire la feconde édition de l'Abregé
Chronologique de l'Hiftoire de France, Ouvrage
digne àtous égards des applaudiffemens qu'il
a déja reçus. L'Auteur s'explique ainfi page
276.Le massacre de la S. Barthelemi s'étendit
partout le Royaume , fi l'on en excepte quelques
Provinces qui en furent garanties par la probité
& le courage de ceux qui y commandoient.
Leurs noms , quoiqu'ecrits dans bien
des Mémoires , ne fçauroient être trop repetés.
C'etoient les Comtes de Tendes & de Charni ,
Meffieurs de S. rerem , Tannegui , le Veneur,
de Gordes , de Mandelot , d'Örtés , & c. Il
n'ignore pas le glorieux perfonnage dont
le P. Antoine Mallet a illuftré l'Evêque Hen-
& les mouvemens qu'on s'eft donnés
pour en immortalifer le fouvenir ; jugoz
donc vous même & un Auteur , fi refpecté
par for exactitude fur les faits n'auroit pas
été charmé de relever celui-là préferablement
à tous les autres pour peu que les
Hiftoriens du tems y euffent donné lieu.
nuyer ,
Voici donc les réflexions que j'ai faites
depuis ; prenons d'abord au jufte le carac-
* Voyez les pages 2162 & 2163 du Mercure
d'octore 1742.
JUIN. 1746
69 •
tere du P. Mailet. C'eft un Auteur tout occupé
d'un merveilleux outré vrai Romancier
, qui fe plaît dans les prodiges. Son Hiftoire
fe borne aux illuftres qui furent Supericurs
on Religieux du Convent S. Jacques de
l'Ordre des Freres Prêcheurs à Paris depuis
1300 jufqu'en 1623 & ceux dont il parle
font tous des perfonnages divins .
Quand il en fut aux PP. Jean de Guyencourt
& Jacques Fourré Confeffeurs ou Prédicateurs
de Henri 11 , il fçut qu'entre l'un
& l'autre Jean Hennuyer Evêque de Lizieux
avoit été auffi Confeffeur de ce Monarque
, & ce qui étoit vrai , ( comme je
vais le dire ) , qu'il s'étoit oppofé aux ordres
du Roi Charles IX, il ne douta point
que ces ordres ne roulaffent fur le maffacre
de 1572 ? il fit fon portrait d'après cette
idée fans le faire Dominicain , & il plaça
Hennuyer par forme d'intercalaire entre
Guyencourt & Fourré.
Claude Hemeré qui travailloit à fon Hiftoire
de S. Quentin , en Sorbonne , où illogeoit
, & qui étoit par conféquent voifin du
P. Mallet , dont le II. tome ( où font de fuite
Guyencourt & Hennier ) n'étoit pas enco
re imprimé , mit ea Latin ce que ce Religieux
y difoit de Hennier dans fon manuf
crit ; mais fe fiaat rop au titre de l'ouvra,
du P. Mallet qui ne renferme que des Su
ge
70 MERCURE DE FRANCE.
perieurs ou Religieux de la rue S. Jacques
& à ce qu'il avoit dit , qu'Hennier étoit de
la même contrée , que Guyencourt , il les fit
P'un & l'autre & Dominicains & Sanquintiniens
, bévues que j'ai relevées dans ma feconde
Differtation .
Enfuite vinrent MM. de fainte Marthe (*)
qui fe réglerent fur Hemeré , fans confidérer
que leurs Prédeceffeurs Democharés &
Chenu dans leurs liftes des Evêques de France
, & Claude Robert dans fon Gallia Chrif
tina n'avoit fait Hennuyer Dominicain en
façon du monde , ni dit un feul mot de la
gloire qu'on prétendoit qu'il s'étoit acquife
en 172. C'eft donc en fuivant MM. de
fainte Marthe dont l'ouvrage parut en 1656,
que les Jacobins ( excepté le P. Echard qui
l'a rayé du catalogue, ) Maimbourg & Morery
ont tenu le meme langage ; & voilà par
où ce phénomene a paffé juſqu'à nous.
( * ) Pour fçavoir fi l'on peut fe fier aveuglement
à MM. de fainte Marthe dont le témoignage
peut faire impreffion , il eft bon de lire dans
la Bibliothéque critique de Sainjore , c'eſt - à - dire,
du fameux Richard Simon , Exoratorien . édition
de 1709 à Bâle , le chap. 10 pag. 142 du premier
tome; & le P.D.Denys de fainte Marthe dans
la Dédicace qu'il fit en 1715 du premier volume
du Galua Ch ftiana refondu à feu M. le Duc
d'Orleans Régent.
•
JUIN 1746.
ן ז
Mais ne perdons pas de vûë notre objet
principal. L'Evêque Hennuyer a- t'il montré
quelque oppofition aux Ordres du Roi
Charles IX ? Et ai -je eu raifon de l'affûreril
n'y a qu'un moment ? Vous n'ignorez pas,
M. qu'à l'occafion des progrès que faifoit le
Calvinifme , & en particulier de la profanation
de l'Eglife paroiffiale de S. Medard ,
où les Proteftans au fortir de leur Prêche ,
qui étoit au Fauxbourg S. Marceau dans la
maifon dite du Patriarche , (* ) foulerent aux
pieds le Saint Sacrement & abbatirent les
images ; le Roi dans ces circonstances malheureufes
fit un Edit le 17Janvier 1561 par
lequel il leur permettoit de s'affembler hors
l'enceinte des villes pour yffaire l'exercice.
de leur Religion , jufqu'à ce que le Concile
General en eût déterminé , & défendoit aux
Catholiques de les inquieter. Le Parlement
qui regardoit cet Edit comme une exprefle
permiffion de deux Religions dans leRoyaume
, fit fes remontrances. Le Connétable
le Duc de Guife & le Cardinal de Lorraine
ne s'étoient pas trouvés à l'affemblée qui
s'étoit tenuë le 16 Janvier à S. Germainen
Laye pour opiner fur cet Edit , pré-
(* ) Voyez le III . vol . des nouveaux Mémoires
de Condé , & le 32 tome de l'Histoire Ecclés
fiaftique de M. l'Abbé Fleury 1. 156.
2 MERCURE DE FRANCE.
voyant ce qui devoit arriver. Le Prevôt des
Marchands , le Chancelier de l'Univerfité ,
le Clergé de la ville de Paris préfenterent
leurs Requeres pour empêcher la publication
de l'Edit : plufieurs Archevêques &
Evêques firent leur oppofition au Confeil
privé ; & entr'autres , l'Evêque de Lizieux,
dont j'ai rapporté dans ma premiere Differtation
page 2163 du Mercure d'O&obre
1742 , l'acte copié fur la minute & ce ne
fut enfin qu'à la troifiéme juffion le 6
Mars 1561 , que le Parlement enregiſtra
avec differentes modifications , l'Edit du Roi
Contenant permiffion aux gens de la nouvelle
Religion de faire prêches.
Voilà , Monfieur , l'unique preuve que
nous ayons que l'Evêque Hennuyer fe foit
oppofé à la publication d'un Edit qui mettoit
en danger la fubftance dela Foi & de
fes Dogmes dont les Evèques font les dépofitaires
: le Pere Mallet , foit mépriſe ou
affectation , foit qu'il crut que le pathos
auroit plus de brillant , fe figura qu'il valloit
mieux préconifer le zéle de l'Evêque contre
le maffacre , & qu'il étoit plus beau de le
peindre comme le liberateur des Calviniftes
en 1572 que comme le deffenfeur de l'Eglife
en 1561 ; il prit donc une année pour
une autre ; c'eſt de -là qu'il faut partir pour
fe déterminer , & je penfe que c'eft la folution
du probléme, Je
JUIN. 1746 73
par
Je dis plus , c'eft que quand même quelques
uns des Evêques fe feroient diftingués
des démarches d'éclat,il n'y anul e apparence
que l'Evêque de lifieux eût été du
nombre. On ſçait que le Duc de Guiſe étoit
dans le fecret , qu'il fut l'ame de ce complot ,
& qu'il confentit meme de fe charger de la
haine qui en réſulteroit. Le Cardinal de Lorraine
fon oncle affectionnoit & avoit protégé
dans tous les tems Jean Hennuyer : de fimple
Bourfier au College de Navarre , il
l'avoit fait nommer Confeffeur & Premier
Aumônier du Roi ; comme il étoit Sur-
Intendant des Finances , il lui avoit fait don
de la quotepart des decimes de fes Rénéfices
, & accordé à Jean fon frere , Contrôleur
du Magafin à Sel de S. Quentin ; cent
livres de penfion fur la Recette générale
d'Amiens , & enfin c'étoit * par fa médiation
qu'il avoit été nommé d'abod Evêque
de Lodéve [ où il n'alla point ] puis Evêque
& Comte de Lifieux. Voilà donc un homme
, qui dans la fituation où il étoit , avoit
des engagemens perfonnels , & qui de plus
étoient conformes à fes fentimens , car de
Launoy nous apprend qu'il fut très vifcon-
⚫Voyez le Mémorial de la Chambre des Comptes
depuis Juillet 1556 jufqu'en Decembre 557 , &
depuis Janvier 155 , juſqu'en Decembre 1,58.
D
74 MERCURE DE FRANCE
tre les Proteftans , pro Religione contra Novatores
acriter depugnavit. ( a )
Ce n'eſt pas à la feule Maifon de Lorrai-,
ne qu'il étoit attaché par des motifs de réconnoiffance
; il en devoit encore beaucoup .
au Cardinal de Bourbon ; Denis Hangart fon
neveu nous l'apprend dans la dédicace qu'il
fit de fon panégyrique de St. Louis à Charles
de Bourbon fucceffeur du précédent à .
l'Archevêché
de Rouen , & qu'il prononça
le 25 Août 1572 au Collège de Navarre
dans le tems même du maffacre ; Patruus
tuusCardinalis Borbonins , Princeps , ut optimus,
ita modeftiffimus , in avunculum meum Joannem
Hannonium , Reverendiſſimum Lexoveorum
Epifcopum tanta contulit beneficia, ut ejus .
liberalitas ad me & alios meos confobrinos redundarit
atque pervenerit &c. On fçait que
ce Cardinal étoit ennemi mortel des Calviniftes
, & qu'il fe préta même à la Ligue
pour être déclaré Roi ſous le nom de Charles
X. avant l'abjuration du Roi Henri IV.
La fin de ce panégyrique qui roule fur le :
maſſacre , eſt ſi fanatique que je me défends
d'en rien inferer ici , non plus que de celui
qu'il fit en l'honneur du même St. dans la
( 4 ) Hiftoris Gymnafii Navarrici pag. 995.
Edit 1677.
AJUIN 1746. 75
même Chapelle en 1575. Ils furent imprimés
l'un & l'autre chés fean d'Ongeys à Paris.
Le moins qu'on puiffe préfumer du langage
de Denis Hangart , mort Doyen de l'Eglife
de Laon , c'eft qu'il étoit conforme à la façon
de penfer de Hennuyer fon oncle , qui
avoit été le Docteur des deux Cardinaux
fans quoi ç'auroit été lui rompre en viſiere ,
puifqu'il vivoit encore : d'où je ne puis conclure
que cet Evêque fe foit attendri en faveur
des Sectaires contre les ordres exprès
du Souverain , & les projets fi connus de
ceux qui l'avoient élevé à l'Epifcopat.
Bayle dans fa critique générale de l'Hif
toire du Calvinifme y raconte dans la lettre
XX. ce que le Pere Maimbourg a dit de
l'Evêque de Lifieux , qu'il s'oppofoit & qu'il
s'oppoferoit toujours à l'exécution d'un pareil
Ordre que les Huguenots étoient fes Ouailles
quoiqu'égarées ; qu'on n'avoit qu'à s'en retoursner
avec cet ordre & c. Il dit enfuite , je voudrois
bien fçavoir ce que ce bon Prélat eût
fait fi malgré l'oppofition de l'Evêque le
Roi eût voulu être abfolument obei . Il develope
ce qui auroit du conféquemment en arriver
, & conclut ainfi , je doute fort que M.
Maimbourg eut voulu parler de cette action
s'il en eût prevû les conféquences , car avec
sette Doctrine on pourroir aller bien loin ; &
Dij
MERCURE DE FRANCE.
en effet il n'y avoit que le Pere Mallet qui
pút avancer un fait de cette efpece fans citer
lon garant. ( a )
Faifons encore une remarque qui merite
quelqu'attention ; vous avez lu , M. dans ma
premiére differtation [b ] l'extrait de la lettre
du 26 d'Août 1559 d'un Gentilhomme
nommé Villemadon ecrite à la Reine Mere ,
où il parle mai de fon Docteur Hennuyer
Sorbonifte ; paffe pour les injures , c'étoit un
Calvinifte , & l'invective étoit un éloge . Mais
voici ce que je trouve dans la legende du
Cardinal de Lorraine ( ) qui fut imprimée
pour la premiere fois l'année de fa mort
$ 574. L'Auteur s'explique ainfi pag. 33
Après avoir fait åter par la Sénéchale au Roi
toutefainte Musique , ôté à la Reine ſon Confleur
Botellier qui pour lors prêchoit purement,
( le Cardinal de Lorraine ) bailla à Henri
( d ) un fien Docteur Sorboniſte , homme ignerant
& méchant jufques au bout , & par
66
3
(a ) Le Pere Maimbourg cite le Gallia Chriftiana
de Robert qui n'en parle point,
(b) Mercure d'Octubre 1742 p. 2137.
(c) Elle eft dans le VI, vol . des nouveaux
Memores d . Condé edit. Le 1743 à la Hayes
(d) Au Rei Henri 11.
JUIN 1746. 77%
moyen lui arracha du coeur ce peu defemence
de pieté quiy pouvoit être ; prenez garde que
cet e invective contre Hennuyer en 1574
eft relative à celle de Villemadon én 1559
& que dans le tems que les playes de 1572 .
faignoient encore un autre Proteftant dans
cette Legende écrite deux ans après , traite
Hennuyer d'homme ignorant & méchant juſques
au bout , or palé le cas que l'Evêque
Hennuyer fe fut fait pleige & caution pour
les Huguenots , & que le réfus d'obeir eût
été porté au point que nous le dit Mallet ;
croyez-vous en bonne foi que ce Proteftant
n'eut pas changé de ton , & oppofé la fermeté
apoftolique du Prélat aux cruautés qui
s'étoient exercées ? je ne poufle pas ce raifonnement
plus loin , mais je lui trouve bien
dé l'affinité avec la conviction.´.
Je ne puis finir , Monfieur , fans vous
confier une penfée qui n'eft , fi vous
voulez qu'une conjecture ; vous étes plus
à portée que tout autre d'en décider. Je
vois dans votre excellente Hiftoire d'Auxerre
que le fçavant Jacques Amyot prit ..
poffeffion de fon Evêché le 29 Mai 1572
après avoir demande permiſſion au Roi
( Charles IX. ) de quitter la Cour ; qu'il fut
uniquement occupé en 1571 & 1572 à ,
rétablir fon Eglife Cathédrale que les Huguenots
avoient dépouillée , à veiller aux
Diij.
78 MERCURE DE FRANCE.
befoins fpirituels & temporels de fon Diocèfe
, à inftruire le peuple , à relever les ruines
de fon Château de Regennes &c , en
forte qu'il ne vint faire un tour à Paris
qu'au mois d'Avril 1573 .
Sur cet expofé , en 1572 Amyot n'étoit
point à la Cour au mois d'Août , ce
mois fi meurtrier ; dans ce même mois il
y a la fête du 15 que vous connoiffez , &
il y eut le 18 les noces de Marguerite de
Valois foeur du Roi avec le Roi de Navarre
, où fe trouverent les Princes & prefque
toute la Nobleffe du Royaume , triftes
préliminaires de la fanglante catastrophe
que méditoient la Reine mere & les Guifes
& que le vulgaire appella la Souriciere où
furent pris les Calviniftes fix jours après.
Or Jacques Amyot Grand Aumônier de
France étant abfent , il étoit dans les bonnes
régles qu'il fut fuppléé par l'Evêque de
Lifieux Premier Aumonier du Roi , & furtout
aux deux folemnités du 15 & du 18
& qu'il réfidât à la Cour. D'où j'infere
avec une vraisemblance qui n'eft pas frivole
, que Jean Hennuyer n'étoit point à
Lifieux au mois d'Août , & qu'il n'y fit pas
le perfonnage qu'on lui prête. Cet Alibi
bien prouvé fapperoit jufqu'aux fondemens
le trophée erigé par le P. Antoine Mallet .
C'eſt à vous, Monfieur , qui avez la fagacité
$
JUIN 1746. ༡༡
néceffaire pour déterrer les Anecdotes , à
trouver celle-ci ou dans les manufcrits de
la Chapelle du Roi , ou dans les Regiſtrès
du Chapitre de Lizieux : je fuis fur le declin
, je ne puis plus aller aux fources , vous
qui êtes fort & robuſte , je vous établis mon
fubftitut pour cette découverte , & auffi
dans le cas qu'on voulût revenir contre les
deux differtations où j'ai prouve que Jean
Hennuyer eft totalement étranger à l'Ordre
de S. Dominique.
сс
Car à peine aurai -je les yeux fermés qu'il
pourra fe trouver quelqu'Eléve zélé du P.
Texte , qui dira dans un Journal ou ailleurs
, qu'un Auteur anonime & temeraire
a ofé , non pas révoquer en doute , mais
nier pofitivement que Jean Hennuyer
eût été Religieux Profez de l'Ordre des
Freres Prêcheurs ; qu'en vain le fçavant
& laborieux P. Texte , Athlete vigoureux
, oppofoit à fon audace notre fage
maître Mallet & tant d'autres Ecrivains
habiles , dont l'amour . feul du vrai guidoit
», la plume , il a eu l'infolence de méprifer
leur fuffrage, & même les éditions de Moreri
; que fous prétexte que notre P.
» Echard par une idée affés finguliere ( a ) a
dit que ce Saint Evêque n'appartenoit
point à notre Ordre , il a foutenu cette
(*) Expreffion du P. Texte,
"
51
20
D iiij
80 MERCURE DE FRANCE.
n
fauffe opinion , & s'eft encore appuyé
d'un certain de Launoy >
qui parlanc
d'Hennuyer , n'a pas dit qu'il eût porté
notre faint habit : mais que notre P.
Texte lui a fort bien remontré (4) que
» de Launoy qui n'ignoroit pas ce que Mrs.
de Sainte Marthe , Mallet , du Boulay
„ &c. eh avoient écrit , ne les combat pas ,
» & que le filence de ce grand Critique parle
plus en notre faveur que l'approbation de
» tout autre « ; mais tenez forme , la vérité
eft de toures les armures la plus fûre .
"
®
Je fuis avec les fentimens
que vous me connoiffez
pour vous , Monfieur
, votre &c
P. S. J'ai toujours oublié de vous dire
que j'avois vu dans les comptes de la Faculté
de Théologie , que Jean Hennuyer
avoit reçu l'Euphemie , en fa qualité de
Docteur féculier , depuis 1537 jufqu'en
1544 inclufivement. Mettez cette note dans
vos bucoliques.
Le 25 Mai 1746.
(a) Eclairciffemens du P. Texte , Mercure
d'Octobre 1741.
JUIN 1746.
81
EPIGRAMME
Sur un Curé d'un pauvre Villages du Diocèse
de Sens.
Prélat , qui m'as placé pour la premiere fois
Dans un pays fauvage, aride & plein de bois ;
Ma mifere eft extrême & ma peine accablante.
Suivant ta promeſſe obligeante
It par l'ordre établi dont tu t'es fait la foi ,.
J'attends qué ta main bienfaiſante
Me confere un meilleur emploi.
Mais pour preuve évidente
Que la mifere me tourmente
Et que mes paroiffiens font tous de pauvres gens
( Pour un Curé chofe étonnante ,)
rie.
Je fuis trifte, & ma peine augmente
Quand je fais des enterremens.
Par M. Cottereau Curé de Donnema
..
82 MERCURE DE FRANCE.
SA2 28 283 138 +383
PUISSANCE DE L'AMOUR.
DE fes dons Flore fe courorine ;
Elle orne la Terre de fleurs :
L'éclat de leurs vives couleurs
Annonce les fruits de Pomone..
Tircis foupire fes ardeurs ,
Dans les bois fa flûte réfonne
Et l'amour verfe dans les coeurs :
Ces plaifirs , ces douces langueurs-
Dont le charme nous empoifonne.
Le fripon rit de nos douleurs .
Ciel ! qu'elle foule l'environne !
Que de zélés adorateurs !
Quoi ! le fage lui-même donne
Dans les piégés de l'impofteur?
Dans fes liens il emprifonne,
Et la fageffe & la grandeur ,
Salomon à lui s'abandonner
obtenir fes faveurs
Et pour
Marc-Antoine
perd fa couronne
,
Selon qu'il veut il nous façonne
..
Il change
notre goût , nos moeurs,
C'eft en vain que l'eſprit
raiſonne
Près & loin par tout il moiffonne
.
JUIN
83
1746.
Tout éprouve fes traits vainqueurs ,
Le tems qui fuit & nous talonne
Ne défend point de ſes chaleurs.
Le vieillard lui-même s'étonne
D'éprouver encor fes fureurs ,
Dans un âge où le coeur friffonnet
Pour moi , fous ces ombrages frais ,
Quoiqu affés près de mon automne
Si je voyois une pouponne
Qui de Venus eut tous les traits ,
Je croirois , Dieu me le pardonne ,
Qu'en ma faveur l'Amour exprès
A formé l'aimable perfonne ;
Et que pour combler mes ſouhaits
Il l'amadoue & la mitonne.
Pour la contempler de plus près
J'irois juſques à Babilone ;
Mais bon, je la vois fans Matrone ;
Ciel , que d'écla® , & que d'attraits !
Elle à le port d'un Amazôné´:
Venus de fes dons la couronne.
Et pour affûrer les fuccès ,,
L'Amour la comble de bienfaits.
Les graces , fans qu'elle l'ordonne ,
De fa beauté font les aprêts.
Ah ! que je crains que la friponne
Ne me caufe bien
}
des
regrets !
Je vois fous ces myrtes épais
Un petit maître qui fredonne.
84 MERCURE DE FRANCE,
Plumet , épée à la dragonne ,
Suffit pour avoir quelque accès .
Pour enchanter une mignonne
L'habit fait fouvent tous les frais .
J. B. Tellet.
***
MEMOIRE fur les coudées de Cire dûët
par un Curé de Bourgogne à M. Henrion
Seigneur de la Paroiſſe de Buffy - le-Grand an
Bailliage de Challon , Gouverneur des Pages
de la Chambre du Roi.
Ous demandez , M. que je vous expli-
Vous
que mon fentiment fur la difficulté qui
Vous arrête. Le Seigneur de Buffy - le Grand
dans le Diocèfe de Châlons fur Saône a donné
anciennement au Curé de Montagny , village
dépendant de la terre de Buffy , le droit de
dixme qu'il avoit dans les terres de la Chapelle
de S. Maurille ( apparemement Evêque
d'Angers ) fituée dans le territoire de l'Eglife
Paroilliale du même lieu de Montagny dans
le hameau de Montorge , mais en faifant cete
cellion , il a aftraint le Curé & fes fucceffeurs
à lui payer & à fes fucceffeurs Seigneurs
deBuffytreize coudées de cire chaque année.Le
tite primordial de cette donation eft perdu ,
JUIN 1745.
mais il y en a des reconnoiffances dont la
plus ancienns eft enoncée dans le terrier de
Buffy en ces termes,
*
Dilcrette perfonne Antoine du Vernay
Prêtre Curé de Montagny, de fa certaine
fcience confeffe tenir porter & poffeder de
» la directe cenfive perpetuelle de noble Seigneur
Antoine de Semur & Damoiselle,
Jacqueline de Cercy - fa femme honorable
homme Guillaume Guillot , leur pro-
» cureur pour eux ftipulant , le dixie à lui
compétant & qu'il tient à Montorge , dont
il jouit comme ont faits fes predeceffeurs
Curés dudit Montagny à caufe de la Chapelle
de S. Morille : fur lequel dixme ledit
Curé reconnoît, confeffe devoir & promet
payer chacun an perpetuellement à la S..
Martin d'hyver pour lui & fes fucceffeurs
Curés , auxdits Seigneur & Dile treize
>coudées de cire de cens portant lots, retenue
remuage & autres droits Seigneuriaux dont
» il eft content & promet par fon ferment
❤non aller au contraire ,fubmet &oblige les
biens de ladite Cure ès Cours du Roi no
tre Sire & de la Chancellerie du Duché de
Bourgogne. Fait à Montorge le 25e, jour
» du mois de Juillet l'an 1552 , préfent Denis
Cruchaudet & Philibert de L'homme
de faint Valerin temoins , figné fur la groffe
» Perrant.
6 MERCURE DE FRANCE.
-La difficulté eft de fçavoir ce qu'il faut en
tendre par une coudée de cire. Quelques-un's
pourroient croire que par ces treize coudées
de cire il faut entendre la meme chofe que
treize coudées de chandelle de cire, & qu'uife
coudée de chandelle de cire n'et autre chofe
qu'un cierge de la longueur d'une coudéé,
c'eft -à-dire d'environ deux pieds : mais il eft
vifible par les termes de la reconnoiffance qué
ce n'eft point de ciré mife en forme de chan
delle ou de cierge ordinaire qu'il s'agit ici, c'eft
une espece de tribut de cire non autrement mis
en oeuvre qu'en pain de cire long dansla forme
que les épiciers ont des pains de favon . An
ciennement les Ciriers donnoient à la Cire
diverfes figures , fur- tout à celle qui ſei voit à
l'acquit des hommages & des redevances ; par
exemple , celles qui fe préfentent à l'Eglife
d'Orléans font en forme de goutieres d'uft
poids très confidérable .
Ainfi il n'eft pas extraordinaire que les anciens
Seigneurs e flent fpecifié que la Cire
dont le Curé de Montagny feroit recevable
envers leurs fucceffeur , feroit de la longueur
dune coudée , foit en forme de lingot , foit
en forme de coudée ou de bras étendu , &
que ce lingot ou coudée feroit treize-fois repeté.
11 eft même à croire qu'il y a du myfte
cieux dans ce nombre de treize, cat s'amflant
JUIN
1746. 87
#
June donation Eccléfiaftique , le Seigneur .
donateur à eu vraiſemblablement en vûë N.
S. J. C. & fes douze Apôtres . La treizaine
employée dans plufieurs cérémonies anciennes
n'a pas d'autre fondement. Quoiqu'il en foit
de la figure de ces coudées de cire , le titre
n'emploiant pas le terme de chandelle , on ne
peut pas dire qu'il s'agit ici de treize chandelles
cubitales : c'eft le fentiment des fçavans
avec qui j'ai conferé , & le mien , & felon
ce fentiment chaque coudée de cire ne pou
voit pas moins pefer que quatre ou cinq
livres.
}
la
Je puis même vous faire obferver que ce ſe
roit fans fondement fuffitant que dans les titres
des autres Eglifes ou il eft parlé de cubitus candela
cerea on entendroit par cette expreffion
une chandelle de la longueur d'une coudée ,
faquelle ne furpafferoit point en groffeur nos
chandelles qui font de la groffeur du doigt.
Dans l'antiquité on ne connoiffoit gueres
Cire blanche. La façon d blanchiffage la
rendue plus chere, le prix de la Cire faifoit que
fon n'y regardoit pas de fi près qu'aujourd'hui
, c'eft pourquoi quiconque donnoit par
hommage ou par redevance une coudée de
Cire à bruler , ce qu'on appelloit candela cere
à caufe de l'étoupe qui étoit dedans , ne fe
contentoit pas d'une figure faite comme le
bout de nos cierges , mais c'étoit comme
I
MERCURE DE FRANCE.
ane efpece de pyramide de cire de la grof
feur du bas du cierge pafchal des Cathé
drales , enforte que les chandelles pyrami
dales fe foutenoient d'elles - mêmes à caufe
de la groffeur de la baze ; on en voit encore
à de femblables ou à peu près dans quelques
Villages du Diocèle de Paris, qui ont été préfentées
par des Communautés d'habitans ,
pour l'acquit de quelque van. Les Payfans
appellent cela des fouches de cire : elles font
peu longues , mais fort groffes & maffives.
Vous fouhaitez auffi , Monfieur , que je
joigne à cette repoble ce que j'aurai trouvé
fur les hommages ou redevances de chandelles
cubitales , pour juger fi l'un ne ferviroit
pas à l'intelligence de l'autre.
Le plus ancien titre où l'on trouve dans
les Eglifes de France la redevance du cubitus
candela , eft l'acte par lequel on voit que
Ifarne Evêque de Touloufe fongea à donner
à Hunald Abbé de Moiffac l'Eglife Canoniale
de S. Saturnin de fa Ville Epifcopale. *
Quoique ce fut feulement un fimple pro
jet , ce titre qui eft d'un peu après le milieu
de l'onzième fiécle ne laiffe pas de nous apprendre
que cette Eglife de faint Saturnin
étoit obligée d'ancienneté de payer à l'Evêque
cinq coudées de chandelle ; fçavoir `une
* Catel Hiftoire du Languedoc page 873.
JUIN 1746; 89
coudée pour l'Evêque même, qu'on appelloit
subitum Epifcopalem candela ; une autre pour
le Prevôt de la Cathédrale de la même Ville
de Toulouſe. La troifiéme coudée étoit pour
le Doyen , la 4e. pour le Sacrifte , & la se.
pour les befoins de la méme Eglife . Retineo ,
dit - il , unum cubitum candela Epifcopalem ,
alium Præpofiti , & alium Decani , & alium
Sacrifta , & alium ad opera ejufdem Ecclefia.
Ifarne ne vouloit pas que lui, fes dignitaires , &
fonEgl.feperdiffent cette ancienne redevance ,
au cas que lesMoines Moiffac fuffentintroduits
à S. Saturnin, mais que les Moines continualfent
de la payer ainfi qu'avoient fait jufqu'alors
les Chanoines. Or il eft vifible que la grof
feur de ces coudées de chandelle devoit re
venir à celle des fouches de cire offertes à
nos faints , qui véritablement forment une
efpece de chandelle puifqu'il y a de l'étoupe
au milieu & qu'on les a lume à l'Eglife. La
cinquiéme des coudées ci- deffus énoncées
leve tout le doute qu'on pourroit avoir :
subitum candela alium ad opera ejufdem Ecclefia
. Cette coudée determine la groffeur
des autres , car elle ne pouvoit être utile pour
les befoins de l'Eglife Cathédrale de Touloufe
qu'autant qu'elle étoit d'une durée raiſonnable
: & cette durée auroit elle été raiſonnable
, elle n'avoit été que d'une ou deux
heures, comme peut - être celled'une coudée de
90 MERCURE DE FRANCE.
bougie ordinaire , ou même de trois ou quatre
heures , comme peut être la durée d'une
coudée de chandelle de Cire de la groffeur
du doigt ?
Il paroît donc que l'intention d'Ifarne Evêque
de Touloufe ayant été de faire continuer
à fon Eglife une offrande qui fût d'une utilé
confiderable pour la nuit , il a entendu
une fouche de Cire d'une coudée dont l'it
lumination foutenue par la groffeur peut - durer
un grand nombre de nuits.
Le fecond témoignage que l'antiquité fournit
touchant le cubitus candela cerea fe trouve
dans l'Hiftoire des Evêques de Châlons
fur-Saône , mais il n'y eft que par extrait , &
l'on n'a pas les propres expreffions du titre .
On lit donc feulement dans l'ancien & dans
le nouveau Gallia Chriftiana à l'article de
Ponce de Siffey Evêque de Châlons , qu'environ
l'an 1271 , il tranfigea avec le Prieur de
Combertaud au fujet du droit de procuration
qui lui étoit du par an pour la vifite de ce
Prieuré , il fut reglé à fix livres Viennoifes
& à une liv. d'encens qu'on dévoit lui appor
ter àla fête de S. Vincent patron defaCathédrale
,à l'occafion de quoi l'Evêque de fon côté
devoit faire donner à celui qui lui apportoit
les fix livres de monnoie Viennoife, & la livre
d'encens , une coudée de chandelle de Cire &
anecertaine quantité d'avoine : unum cabinuta
JUIN 1746.
candele cerea & unam libraturam avena.
C'eſt à vous , Monfieur , à faire ufage de
ces deux exemples ainfi que vous jugerez à
propos , mais fouvenez -vous toujours , que
dans ce dernier , quand même l'Evêque fe
feroit contenté de donner un fimple Cierge
d'une livre , le cas eft different , parce qu'il eft
celui à qui l'hommage eft rendu par les Religieux
, & qu'il n'eft pas celui qui le rend»,
au lieu
que le Curé de Montagny eft celui
qui eft tenu à l'hommage annuel envers le
Seigneur de Buffy , de même que les Seigneurs
feudataires de l'Eglife d'Orléans , à l'Eglife
d'Orléans . D'ailleurs cette redevance du Čuré
n'eſt pas dite payable en chandelle de Cire ,
mais en fimple nature de Cire.
A Paris , ce 28 Mai 1746.
Quoique nous n'ayons rien à ajouter à cette
fçavante differtation , nous dirons que les
recherches que nous avons faites de notre
côté nous portent à croire que ces cubiti cera
pourroient être plûtôt des pains ou braſſés
de Cire , dans toutes les formes que demandoient
les differens ufages qu'on faifoit alors
de la cire , torches , chandelles , ou bougies
tournées telles que les petits pains qu'on porte
à la main. Le moine du Vigeois nous a
92 MERCURE DE FRANCE
#
confervé un témoignage de l'ancienne magnificence
avec laquelle on diftribuoit la cire
dans les Cours des grands Seigneurs de fon
fiécle. Un Seigneur ayant recu la vifite d'un
autre de fes voifins plus puiflant que lui chés
lequel il avoit été auparavant traité avec
moins de fplendeur qu'il n'auroit du en at
tendre de fa richeffe , un des gens de ce
meindre Seigneur à l'arrivée du Seigneur
ét anger monta fur une charette remplie de
pains de cire qu'il trouva fur la place , & cou
pantavec une hache lescercles qui les lioient,
répandit tous ces pains en difant , c'eft ainfi
que l'on diftribue la cire dans la Cour de
Monieigneur.
2015 71310
JUIN 1746. 93
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
ISTOIRE DUTHEATREFRANÇOIS, depuis
Hlonorigane juiqua proient , avec la vie
des plus célebres Poëtes Dramatiques , un
catalogue exact de leur pieces & des notes
historiques & critiques , tome 6 Paris 1746
chez le Mercier & Saillant.
Ce fixiéme volume commence à l'année
1636 , par la Tragédie d'Horace , & finit à
l'année 1645 .
Pendant que le grand Corneille prenoit
un vol fi hardi les Auteurs fes contemporains
ne fe formo ent point parfon exemple ,
& reftoient dans leur médiocité. Les grands
génies volent de leurs propres aîles , & pra
duifent fans fecours & par la feale force de
leur génie des beautés fublimes , mais ils
donnent des exemples qui ne peuvent être
imités ; il faut plus de tems pour former le
gout ; Corneille qui n'avoit pas épuré le fien
ne pouvoit perfectionner celui de fon fiecle ;
après avoir vu les inégalités étranges qui fe
rencontrent dans les pieces de ce grand
homme , doit on être étonné qu'im nédiatement
après Horace , on ait donné la Tra
N
94 MERCURE DE FRANCE.
gédie de S. Euſtache , où la legende
piece
deS. Euſtache eft employée toute entiere , &
où des évenemens merveilleux & des vers
remplis de galimathias tenoient lieu d'un
plan regulier & d'une Poëfie noble & fimple:
L'Auteur s'excuſe froidement dans fa préface
de n'avoir pas fuivi les regles für ce que
fon fujet ne pouvoit s'y accommoder. On
les connoiffoit en effet ces regles d'Arifto- >
te , on les citoit à tout propos , mais on
ignoroit fur quels principes elles étoient fondées
, ce qui pourtant étoit le vrai moyen de
s'en fervir utilement.
Dans une Tragédie iutitulée Proferpine ,
Claveret fcrupuleux obfervateur de ces regles
, pour éviter les difficultés qu'on pouvoit
lui faire fur l'unité de lieu , plaçoit la
fcéne au Ciel , en Sicile , & aux Enfers au
moyen d'un théatre à trois étages , c'eſt ainfi
qu'il croyoit avoir établi l'unité de licu.
Quelque éclatante que fut la reputation
du grand Corneille, il ne laiffoit pas d'ef
fuyer des injuftices qu'il ne fentoit que trop
vivement ; la gloire des gens de Lettres n'a
tout fon éclat qu'après leur mort , Corneil
le vivant étoit ſouvent comparé à Scuderi , à
Mayret , à Rotrou , à Duryer : Menage fait
marcher Alcionée , Tragédie de ce dernier
de pair avec les meilleures de Corneille ;
JUIN 1746 97
cette piece aujourd'hui juftement oubliée
n'a qu'un rôle qui foit fuportable.
C'eft en 1639 que parût Mirame Tragi-
Comédie de Defmarets , compofée fur le
plan du Cardinal de Richelieu , & dans la-,
quelle il avoit même mis une grande quantité
de vers de fa façon ; la répréfentation
de cette piece lui couta deux ou trois cent
mille écus , il fit bâtir pour la répreſenter
la fale de fon Palais qui fert encore aujour
d'hui à l'Opéra , auffi la piece fut- elle intitulée
Ouverture du Palais Cardinal; le fuc-.
cès de cette piece ne répondit point à l'at
tente du Cardinal. Quelque politique que fut
Defmarets , les fpectateurs l'avoient été trop
peu pour qu'il pût lui cacher la chute de fa ,
piece , mais il en rejetta la caufe fur les Acteurs
qui, difoit-il , ne fçavoient pas leurs rô
les , & étoient à moitié yvres.
On donna une feconde réprefentation , &
on eut foin d'y faire trouver un nombre de
perſonnes apoſtées pour applaudir ; on en
donna depuis encore quelques réprefenta- !
tions. Rien n'eft plus foible que cette piece ;
le plan , la conduite , les caracteres en font
également défectueux , la verfification_eft
chargée de pointes , & de penſées fauffes
c'étoit le goût de ce tems-là , & Corneille
lui-même n'en étoit pas toujours exempt
quand il n'en étoit pas garanti par l'élevation
96 MERCURE DE FRANCE.
de fon génie , car dès qu'il n'eft pas admirable
, il faut l'avouer , il a tous les défauts
de fon fiecle.
Pendant qu'il travailloit à fes chefs d'oeu
vres ,il étoit encore occupé à fournir fa part
dans les pieces que le Cardinal de Richelicu
faifoit compofer par les cinq Auteurs ,
qui étoient Mellieurs Boifrobert , Corneille.
Colleret , de l'Etoile & de Rotrou ; on eſt aujourd'hui
un peu furpris de cet affemblage ,
car fi l'on en excepte Rorrou , le nom d'aucun
de ces Auteurs n'eft aujourd'hui connu
que par les gens de Lettres , & leurs ouvrages
font morts avec eux. Telie eft la def
tinée des Poëtes & des Ecrivains, oppofée à
celle du refte des hommes , car tandis que
nous vivons les dignités , les charges , la naiffance
mettent entre les hommes une difference
réelle , que la mort fait difparoître .
au lieu que les Poëtes tandis qu'ils vivent,
font ou le croyent égaux ; le Public même
s'y trompe fouvent , c'eft la poftérité qui fait
le triage , & qui affigne à chacun fon véritable
rang.
Ce fut en 1644 que parût Rodogure
Tragédie admirable que M. Corneille regardoit
comme le meilleur de fes ouvrages,
peut-être parce que c'étoit celui de tous
qui lui avoit le plus coûté. En effet il avoit
été plus d'un an a en difpofer le plan ; quand
ce
JUIN 1746 . 97
cet ouvrage parut , le fijet n'avoit déja
"plus le mérite de nouveauté , M. Corneille
avoit été trahi par un de fes amis , & M.
Gilbert à qui l'on avoit dit le plan , avoit
fait fur ce plan admirable une fort mauvai-
'fe Tragédie. Corneille vengé par le fuccès
n'a pas daigné faire mention de cette fupercherie
dans l'examen de fes ouvrages.
Parmi les Auteurs qui figurent dans ce
volume on voit paroître en 1645 Scaron
qui donna cette année Jodelet Maître &
Valet , genre de Comédie, qui , s'il n'eft pas
tout à fait la farce , eft bien loin d'être
la vraie Comédie , mais qui ne laiffe pas de
mériter quelque eftime puifqu'il atteint un
des buts de la Comédie qui eft de faire rire .
Ses piéces fubfiftent encore au Théatre , ce
qui prouve qu'elles y plaifent , & l'on ne
compte point l'Auteur au rang des bons
Poëtes comiques , ce qui prouve la médiocrité
de ce genre pour lequel il faut plus de faillie
que de génie , & plus de gayété que de talent.
Nous ne pouvons réfifter à la tentation
d'inferer ici un trait plaifant fur la mort de
Scaron ; voyant fes infirmités s'augmenter ,
il previt qu'il ne pouvoit pas aller loin ; il
fut un jour furpris d'un hoquet fi violen :,
que l'on craignit qu'il n'expirát , le fort du
mal étant paffe , fi j'en reviens , dit-il , je ferai
une belle Satyre contre le hoquet. Il ne re-
E
98 MERCURE DE FRANCE.
vint point de fa maladie & le public à perdu
cette Satyre ; voyant fes parens & fes
domeftiques qui fondoient en larmes , attendris
de fon état , mes enfans leur dit- il , vous
ne pleurerez jamais tant pour moi , que je vous
ait fait rire.
Parlons encore d'une piece auffi importante
qu'ignorée, c'eft la Déclaration de Louis
XIII. du 18 Avril 1641 ; il eft enjoint par
cette Déclaration auxComédiens de ne repréfenter
rien qui puifle bleſſer l'honnêtété publique
& il eft dit en même- tems . Nous voulons que
leur exercice,qui peut innocemment divertir nos
peuples de diverfes occupations mauvaiſes , ne
puiffe leur être imputé à blame , ni préjudicier
à leur reputation dans le commerce public &c.
Cette Déclaration eft enregistrée au Parlement.
LES vies des Hommes Illuftres de la
France , depuis le commencement de la Mo.
marchie jufqu'à préfent , tome treiziéme.
Les grands Capitaines in - 12 1746 , chés le
Gras , Sale du Palais.
?
Cn voit dans ce volume les vies de Louis
de Bourbon , premier du nom , Prince de
Condé, chefde la maifon deBourbon Condé,
Ce Prince qui vécut fous les regnes de
François I. Henri II. Franç į , II. & Charles
IX, n'eut pas un fort auffi heureux qu'il le
JUIN 1746. 99
méritoit. Plus élevé par fes grandes qualités
que par fa naiffance , courageux , entreprenant
, né avec une ame ferme & un eſprit
élevé , il fçavoit former & exécuter des deffeins
vaftes . Le malheur des circonstances le
mit à la tête de la faction Proteftante , &
quoiqu'il ne fut pas exempt d'une ambition
qu'il eft bien difficile de ne pas écouter
quand on peut la fatisfaire , il fe prêta dans
toutes les occafions à la paix , il chercha
avec bonne foi à l'établir folidement , & facrifia
même à cet intérêt fon intérêt propre ;
né avec les vertus des grands hommes , il
eut auffi les foibleffes de quelques-uns , à
leur exemple il aima les femmes , comme
eux il en fut trahi , fon fecret fut vendu
& fes entrepriſes déconcertées.
Il perit malheureuſement à la Bataille de
Jarnac ou il fut tué par Montefquiou , après
s'être rendu prifonnier ; Prince illuftre , di
gne d'un autre fort & d'un autre tems , fincere
, affable , capable d'amitié , genereux ,
éloquent , digne enfin d'être propofé pour
modéle aux grands Princes , fi l'on en excepte
le malheur qu'il eut d'être chef du
parti Proteſtant.
André de Montalembert , Seigneur d'Effé
& de Panvilliers , Chevalier de l'Ordre du
Roi , Lieutenant Général de fes Armées ,
& Premier Gentilhomme de la Chambre
Eij
100 MERCURE DE FRANCE .
des Rois François I. & Henri II. qui vécut
fous les Regnes de Charles VIII. Louis XII ,
François I. & Henri II ,
-Montalemberg plus connu dans l'Hiftoire
fous le nom de d'Eflé fut tué en défendant
Terouane où il commandoit ; il étoit
attaqué depuis trois ans d'une jauniſſe extraordinaire
, lors qu'il reçut ordre d'aller
s'enfermer dans cette place. Je m'y en vais
de bon & loyal coeur , dit-il , enprenant congé
du Roi ; mais j'ai oui dire qué la place eft
très mal enviraillée ; cependant lorfque vous
eutendréz, dire que Terouane eft prife , dites
bardiment que d'Effe eft mort & gueri de fa.
jauniffe.
Paule de la Barthe , Seigneur de Thermes ,
Tylaréchal de France , Chevalier de l'Ordre
du Roi , fous François I. Henri II . François
II. & Charles IX . , ce fut un des plus fameux
& des plus fages Capitaines de fon fié
cle , il avoit acquis une telle reputation de
prudence que les Efpagnols difoient.communément
Dieu vous garde de la fageffe de
Thermes.
Pierre d'Auffun , Chevalier de l'Ordre du
Roi , Maréchal de Camp , Gouverneur de
Turin fous François I. Henri II . François
II, & Charles IX.
Les mêmes Efpagnols qui difoient , Dieu
vous garde de la fageffe de Thermes , ajou
JUIN 1740
101
.
toient & de la prouesse d'Auffun ; ce Général
entrainé par les fuyards à la Bataille de
Dreux , mourut de regret d'avoir paru fuir
un moment. Mezerai & le P. Daniel ont
écrit qu'il lâcha pied , mais on rétablit ici
la vérité de ce fait , fur l'autorité du Baron
de Fouquevaux, qui a fait les vies des Grands
Capitaines ; il fut en effet entrainé par les
fuyards , mais après s'étre mis au large , il alla.
fe ranger à l'arriere garde de M. de Guife
avec lequel il combattit, & eut fa part à l'honneur
de la Victoire ; le Duc de Guife , & les
Officiers Généraux firent de vains efforts
pour le confoler , it s'obftina à ne point
manger , & mourut au bout de quelques
jours.
Pierre Strozzi , Chevalier de l'Ordre du
Roi , Maréchal de France , fous François I.
& Henri II. Ce Capitaine fut un des plus
vaillans hommes de fon tems , fa préfence
d'efprit , fon habileté , fon expérience le mirent
au niveau des plus grands Capitaines
de fon fiecle , & cette réputation eft d'autant
moins equivoque , qu'elle étoit plus fondée
fur fes grands talens , que fur les fuccès que
l'on peut quelquefois devoir à fon bonheur
ou aux talens des autres. Strozzi fut toujours
malheureux , & fes malheurs ne détruifirent
point la haute idée que l'on avoit de fa capacité
; on a dit qu'il hazardoit trop ai fé-
Eiij
702 MERCURE DE FRANCE.
3
ment des entrepriſes difficiles , par la raifon
qu'il fuppofoit dans fes Gapitaines & dans
fes foldats autant de bravoure & de capacité
qu'il en avoit lui même. Ce feroit là
un grand défaut ; quoiqu'il en foit fes ennemis
même lui rendirent juftice , & le Duc
de Florence , qui avoit de grands fujets de
le hair , ne put s'empêcher de dire en apprenant
fa mort , nous avons perdu le plus
brave foldat de Florence , & même de l'Italie.
NOUVEL ARREGE' CHRONOLOGIQUE DE
L'HISTOIRE DE FRANCE , Contenant les évenenemens
de notre Hiftoire depuis Clovis
jufqu'à la mort de Louis XIV. les guerres ,
les fiéges , les batailles , &c. feconde édition
, revue , corrigée , augmentée , & ornée
de vignettes & fleurons en taille douce.
Paris in 12 1746 chés Prault pere.
Le public a fait à ce livre tout l'acceuil
qu'il méritoit , lorfque la premiere édition
parut en 1744. tout le monde s'accorda
fur l'utilité de l'ouvrage , fur la clarté de la
méthode qui y eft fuivie ; la folidité des
réflexions , la vérité des portraits & l'exac-
` titude des faits. Tous les Journaux en ont
célébré le mérite , le Journal de Trevoux ,
celui des Sçavans , & l'Abbé Desfontaines ,
dans fes feuilles periodiques...... Auteur
dit le Journal des Sçavans en parlant de
JUIN 1746. 101
ce livre , fe contente fouvent de jetter comme
au hazard le germe d'une differtation , même
d'un traité complet fur quelque point imporè
tant on curieux & laiſſe à fes lecteurs la fatisfaction
de le déveloper. Il n'y a point de
feuille qui ne contienne quelque particularité
remarquable , dont chacune feroit digne d'un
commentaire. L'Abbé Desfontaines dit qu'il
renferme tout cequi mérite d'être fçu & retenu
dans notre Hiftoire , avec des obfervations fçavantes
, desjugemens fenfes , des refléxions fines
, des portraits vrais & agréables:
C'eft ajoûte- t'il ingenieusement , le bouclier
d'Achille ou plutôt c'eſt celui d'Enée , où le
Dieu du feu avoit fçu tracer avec ſonfçavani
burin ou fon docte cifean toute l'Histoire des
Remains
Clypei non enarrabile textum.
illic res Italas Romanorum que triumphos
Fecerat ignipotens , illic genus omne futuræ
Stirpis ab Afcanio , pugnataque in ordine bella.7
En effet il faut bien fe garder de cona
fiderer cet ouvrage comme un fimple abregé
chronologique , où les faits font compendiairement
deduits . L'Auteur a rempli toutes
les obligations impofées aux Hiftoires
générales , & fi rarement obfervées. Toutes
les vues , toutes les obfervations qui doi
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
vent entrer dans une Hiftoire générale font
ici , il n'y a que les faits d'abregés , en un
mot ce Livre contient les réfultats qui doivent
fe former dans la tête d'un Philofophe
quand il aura lu & étudié l'Hiftoire avec
beaucoup d'attention , les faits débaraffés
des circonftances , des remarques fur les
changemens arrivés dans le fyftéme général ,
des réflexions fur les fautes qui ont été faites
, & fur - l'influence qu'elles ont eu fur le
fort de la Nation , des époques du changement
des uſages & de la promulgation des
loix , des obfervations fur le caractére des
gens qui ont joué un rolle dans l'état , Princes
, Capitaines , Miniftres , Gens de Lettres
. Voila ce qui fait principalement l'Hiftoire
, les faits feuls ne compoferoient qu'-
un ouvrage capable d'exciter la curiofité , &
non de former l'efprit , & dont l'objet ne
feroit guéres plus relevé que celui d'un Roman
; ce qui conftitue la dignité de l'Hif
torien , c'eft que c'eft l'homme qui inftruit
fon fiécle , qui l'enrichiffant , pour ainſi dire
de l'expérience de tous les tems paffés , enfeigne
à connoitre les hommes & les affaires ,
deux pivots importans fur lefquels roule
toute l'adminiſtration des chofes humaines .
En convenant de ces principes qu'on ne fçauroit
nier , il faut auffi convenir que l'Auteur
de cet abregé peut être comparé aux plus
JUIN. 1746. 105
grands Hiftoriens & mis au- deflus de tous les
nôtres,puifqu'il nous apprend tout ce qu'il ett
important de fçavoir dans notre Hiftoire . Il
faut avouer que les Auteurs de nos Hiftoires
générales , quoiqu'estimables à bien des é
gards , fe font plus attachés à narrer agréablement
, qu'à approfondir la politique , les
loix & les caractéres. Cependant le premier
devoir d'un hiftorien , eft d'étre Peintre
& Philofophe , c'eſt par là qu'il inſtruit ,
peut être même eft ce par là qu'il plaît le
plus.
On peut prédire avec confiance que cette
nouvelle édition aura un grand nombre de
fours. Ce n'eft point ici un de ces Livres
qu'un caprice paffager fait Tubfifter un moment
; celui -ci fait pour être entre les mains
de tout le monde , utile aux fçavans même
dont-il foulage la mémoire & fixe les idées
fera à jamais recherché , & paffera avec honneur
à la postérité la plus reculée. On croiroit
en le lifant que des hommes de tous les états
y ont mis la main . Les époques qui concernent
nos loix y font marquées avec l'exactitude
d'un écrivain qui n'auroit eu que cet
objet ea lifant l'Hiftoire , les affaires de la
guerre , celles de la politique y font traitées
avec la même attention , il réfulte de là
de tousles états trouveront à que les gens ,
s'inftruire dans ce livre , comme s'il n'avoit
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
été fait que pour un feul , & qu'on n'en peur
trop recommander la lecture aux jeunes
gens.
Parmi les augmentations confidérables
qui groffiffent ce livre d'environ une se.
partic , nous avons lu avec beaucoup de plaifir
le portrait du fameux Cardinal de Retz ,
mort en 1679. Sue one n'a pas peint les Céfars
avec un pinceau plus vrai ni plus fort &
l'on pourroit dire de l'Auteur que c'eſt
le Suetone moderne , fi fon travail n'avoit
independamment de l'étenduë qui eft beaucoup
plus confidérable , d'autres mérites
encore que n'a pas celui de Suetone , & qui
n'entroient point dans le plan de cet Hif
torien.
Venons au portrait du Cardinal de Retz.
On a de la peine à comprendre comment
un homme qui paffa fa vie à cabaler , n'eût
jamais de véritable objet , il aimoit l'intri-
➡gue pour intriguer ; efprit hardi , delié, vaſte
, & un peu romanefque , fçachant tirer
→ parti de l'autorité que fon état lui donnoit
o fur le peuple, & faifant fervir la Religion à
fa politique, cherchant quelque fois à fe fai-
» re un mérite de ce qu'il ne devoit qu'au
hazard , & ajuftant fouvent aprés coup les
moïens aux evenemens. Il fit la guerre au
Roi , mais le perfonnage de rebelle étoit
» ce qui le flatoit le plus dans la rébellion ,
of
20
50
JÚIN 1946. 107
33
ક
20
20
29
» magnifique , bel efprit , turbulent , ayant
plus de faillies que de fuite , plus de chi
meres que de vûës , déplacé dans une mo-
» narchie , & n'ayant pas ce qu'il falloit pour
» être Républicain , par ce qu'il n'étoit ni fujet
fidéle , ni bon citoïen , auffi vain , plus
hardi , & moins honnête homme que Ci-
» ceron , enfin plus d'efprit , moins grand
» & moins méchant que Catilina , fes mémoires
font très agréables à lire , mais conçoit
on qu'un homme ait le courage , ou
plûtôt la folie de dire de lui même plus
» de mal que n'en eût pu dire fon plus
grand ennemi ? ce qui eft étonnant c'eſt
que ce même homme fur la fin de fa vie
» n'étoit plus rien de tout cela , & qu'îl devint
doux , paiſible , fans intrigue , & l'a-
»mour de tous les honnêtes gens de fon
≫tems : comme fi toute fon ambition d'autrefois
n'avoit été qu'une débauche d'efprit ,
»& des tours de jeuneffe , dont on fe corrige
avec l'age. Ce qui prouve bien qu'en
>> effet il n'y avoit en lui aucune paffion réelle
; après avoir vécu avec une magnificence
extrême , & avoir fait pour plus
de quatre millions de dettes , tout cela fut
payé , foit de fon vivant , foit après fa
#
» mort.
Le materiel de cette édition ne laiffe rien
à defirer pour la beauté du papier ni des
Evj
08 MERCURE DE FRANCE.
caractéres. On y trouve un grand nombre
de vignettes qui ornent tous les endroits où
l'ordre de l'impreffion a fait laiffer du blanc.
Elies font de la main du célébre Cochin le
fils.
THEATRE de. M Laffichard un vol.
in octavo , à Paris chés Jacques Cloufier
Libraire rue St, Jacques à l'Ecu de France.
Ce volume contient fix piéces en un acte
chacune , fçavoir ; les Acteurs déplacés , la
Famille , le Fleuve Scamandre , les Effets du
Hazard , la Nymphe des Thuilleries , & l'Amour
imprévû: ces piéces qui ont été repréfentées
aux Théâtres François , Italien &
des Foires St. Germain & St. Laurent , fe
vendent enſemble & font dédiées à M. Brallet
, Confeiller du Roi en l'Hôtel de Ville
de Paris Voici l'Epître que l'Auteur lui
adreffe .
Reçois , ami fidéle , un tribut , un hommage ,
Aux Grands confacrés par l'ufage ;
Mais à toi par l'eftime étroitement lié ,
Puiffe le don de mon ouvrage
•
T'affurer de mon amitié ;
Eh ! quel autre bien fur la terre
Farviendrois-je à pouvoir t'offrir ,
Que les enfans de mon loifir
Légitimés par le Parterre ?
JUIN 109 1746.
Une lecture utile occupa tes momens ,
Elle fit les amuſemens
De ta jeuneffe la plus tendre ;
Une vaſte mémoire au gré de tes deſirs ,
T'enrichit , à force d'apprendre ,
Et te crea , dès lors , de vrais plaiſirs ;
De tout tems ton goût fut fuprême »
Ton coeur eft des plus exellens ,
Tu joins le mérite aux talens ,
Et tu ne le dois qu'à toi- même ,
Ton amour pour les Arts divers
Qui placent les mortels au Temple de mémoire ,
Fait à la fois tes plaifirs & ta gloire.
Les globes lumineux qui parent l'Univers ,
N'échapent point à ta vive lumiere ,
Ton efprit pénétrant les parcourt dans les airs ;
Et pour femer de fleurs ta brillante carriere ,
Apollon tient pour toi tous les tréfors ouverts .
J'admire en toi cette fine critique ,
Qui dévélope tout avec fagacité :
Ami de la fociété ,
Ton efprit n'a rien de cauftique ;
S'il attaque l'ouvrage , il refpecte l'Auteur ,
Et fait par là l'éloge de ton coeur.
Ton humeur est toujours enjouée , agréable ;
Et tout mortel éclairé , raiſonnable ,
De t'aimer fe fait une loi :
Par un art enchanteur qui te rend refpectable
Ton coeur & ton eſprit réuniffent en toi
116 MERCURE DE FRANCÊ
Tout ce qui forme l'homme aimable ,
Adopté mon travail , enfant de la gaité ;
Que dirigeant fon vol vers l'immortalité ,
Du public connoiffeur meritant l'indulgence ,
Il aille apprendre à la poftérité
Qu'au fond du coeur d'un ami qui t'encenfe ,
Pour toi j'éleve un Temple à la réconnoiffance .
DIVINITAS Domini noftri JESU
CHRISTI , manifefta in fcripturis & tra
ditione. Opus in quatuor partes diftributum.
In quibus Chrifti Divinitas , non omiffis
quæ ad Spiritum Sanctum attinent , demonftratur.
1. Ex Scripturis Veteris &
Novi Teftamenti. 2 °. Ex perpetuo omnium
Catholicorum inter fe & cum pluribus fectis
confenfu. 30. Ex perpetuis contra Judæos,
Ethnicos & Hæreticos controverfiis. 40. Ex
unanimi Sanctorum Patrum doctrinâ , quorum
difficilia quæque loca explicantur &
illuftrantur. Operâ & ftudio unius ex Monachis
Congregationis Sancti Mauri . Parifiis
typis Jacobi Francifci Collombat , Regis
Chriftianiffimi Prototypographi. 1746
L'inventeur du lit Militaire a déja fait
annonçer fon travail dans les Gazettes de
Hollande & d'Utrecht mais ces feuilles
volantes ne peuvent rendre un compte. dé
taillé de ce qui regarde les arts .
•
C
JUIN 1746. Tir
matiére à laquelle nous confacrons nos
foins , appartient à ce Journal dans lequel
feul elle eft convenablement traitée ; eſtampes
, tableaux , machines , &c. Tout ce-qui
paroît de bon a un azile affuré dans le
Mercure ; à l'égard des mauvais ouvrages ,
nous laiffons fans envie les Auteurs fe pourvoir
alleurs pour mettre le Public au fait
du lit militaire , nous ne pouvons mieux faire
que d'inferer ici le certificat donné par
Mrs. de l'Académie Royale des Sciences , &
d'avertir le Public que l'Auteur a rendu ce
lit depuis fon origine , moins imparfait &
plus folide. Ceux qui voudront avoir de ces
lits , s'adrefferont à M. Fefnel , Marchand
de toiles en gros rue des deux boules.
EXTRAITdes Regiftres de l'Academie
Royale des Sciences du 16 Mars 1746.
Nous avons examiné par ordre de l'Aca
démie le lit Militaire préfenté par le S ***
les lits connus fous le nom de Hamacs que
les Sauvages d'Amerique font d'un rofeau
d'ecorce d'arbre ou d'un tiffu de cotton,
& fufpendus par les deux extremités à deux
branches d'arbres , ou à deux pieux enfon
cés en terre , & qu'on peut également fufpendre
à deux murailles , ont paru d'un uſage
fi commode dans les Pays chauds , que
toutes les Nations de l'Europe les ont adop
1 MERCURE DE FRANCE
tés dans leurs Colonies , où plufieurs en font
leurs délices , particulierement les Portugais
- qui en ont porté la mode à Goa dans les
Indes Orientales ; cette efpece de lit de
matelot , qu'on appelle Branle fur nos Vaiffeaux
n'eft autre chofe qu'un Hamac racourci
; depuis qu'on connoit les Hamacs en
Europe, il eft comme impoffible que quelqu'un
n'ait pas effayé de s'en fervir à l'armée
; deux difficultés ont vraisemblablement
empêché que l'ufage n'en devint commun
& familier , l'une le défaut de deux points
d'apui portatifs pour tendre le Hamac
promptement & fûrement en quelque lieu
que ce foit , l'autre l'incommodité du froid
auquel l'experience a dû faire connoître
qu'on étoit expofé dans nos climats même
les nuits d'Eté , dans un lit fufpendu où l'air
a de toutes parts un libre accès. l'Auteur a
remedié à ces deux inconveniens dans le
lit Militaire qu'il propofe ; il a matelaffé le
fond du Hamac ce qui met à l'abri du froid
fa partie inferieure qui ne pouvoit en être
garantie comme la fuperieure par le moyen
d'une couverture ; il le fufpend à deux fupports
en trepieds de deux pieds & demi de
haut , lefquels arboutent l'un contre l'autre
au moyen d'une barre de bois longue de
fept pieds qui communique d'un fupport à
l'autre , & fur laquelle on peut commodeJUIN
1746. 113
ment tendre un pavillon ; cette barre eft
brifée & de trois piéces , elle eft courbée
à l'endroit où répond la tête de celui qui
eft couché ; l'Auteur a tranſporté à ſa machine
l'ufage des deux arcs ou courbes de
bois qu'on a coûtume d'appliquer dans les
Vaiffeaux aux Branles des matelots , ces deux
arcs ajuftez aux deux bouts du Hamac , font
percés d'autant de trous que le Hamac a de
cordons de fufpenfion , & fervent à écarter
les cordons l'un de l'autre & à remedier par
là au peu de diftance des deux fupports , en
empêchant que le poids du corps ne falle faire
au Hamac de
au Hamac des plis trop incommodes ; tout
le lit ainfi conftruit confiftant dans le Hamac
matelaffé , fes arcs , fes cordons , un petit
oreiller , deux fupports à trois pieds , une
barre de bois de trois piéces avec fes viroles
en cuivre , le pavillon , & le fac ou l'étui ne
pefe que vingt-deux livres , ce qui n'eft pas
le tiers du poids d'un lit de camp ordinaires
if peut tenir au moins deux des nouveaux
lits fous une canonniere commune , & le
jour étant pliés ils n'occuperont que la place
d'un fiége l'ufage & la pratique pourront
indiquer divers changemens , additions ou
retranchements propres à fimplifier ou perfectionner
cette machine ; dans l'état actuel
le lit du S *** peut être tendu en un inſtant
en quelque lieu que ce foit , même en
114 MERCURE DE FRANCE.
pleine campagne ; il nous a paru qu'il devoit
être d'un ufage commode dans les camps
& fur tout dans les marches par fon peu de
poids & fon petit volume qui le rendent
facile à tranfporter & à peu de frais ; ce qui
peut contribuer à diminuer dans les armées
le nombre des Chevaux de bats & l'embarras
des gros équipages.
Signé Duhamel Dumonceau , de la Condamine :
Je certifie le préfént Extrait conforme à
fon original , à Paris ce 21 Mars 1746, figné
Grand Jean de Fouchy , Secrétaire perpetuel
de l'Académie Royale des Sciences.
DIDOT Libraire à Paris a mis fous
preffe & publiera au mois d'Août prochain
une édition in 12 de l'Hiftoire générale des
voyages pour la fatisfaction d'un grand nombre
de perfonnes qui la demandent fous
cette forme ; chaque volume de l'ouvrage
in 40, formera quatre tomes in 12 , qui paroîtront
régulierement trois mois après ; les
figures quoique proportionées à cette nouvelle
forme ne perdront rien de leur beauté ,
parcequ'elles feront de la même main que
les premieres & travaillées avec le même
foin. Cette édition ſe trouvera chés tous les
Libraires de Province & des Pays étrangers ;
elle fe fait fous les yeux de l'Auteur , & fera
par conſequent plus exacte que celles qui
JUIN 114 1746€
pourront fe faire dans les Pays étrangers , &
qu'il defavoue d'avance.
On délivre actuellement le deuxiéme
vol. in 4º, dudit ouvrage.
La fuite de l'effai d'Anatomie du fieur Gautier
comprenant douze grandes planches de
grandeur naturelle en tableaux imprimês , repréfentant
les Mufcles du tronc & des extrêmités
fuperieures & inférieures & leurs
tables nous donne actuellement une myologie
parfaite , & la partie d'Anatomie la plus
intereffante de la ftructure du corps humain.
Les amateurs de cette fcience font déja
inftruits , ou par eux - mêmes
ou par
la voix publique de la réuffite de ces pieces,
qu'on voit avec plaifir , & aufquelles on n'a
rien comparé de mieux jufqu'aujourd'hui .
Il eft à propos de détailler ici ce que contiennent
ces nouvelles planches comme on
a déja fait des huit précedentes.
La neuviéme repréſente le Pharinx ( c'eft
Tentrée de l'oefophage :) cette partie eft
bien diftinctement repréfentée en quatre
figures , & tous les Mufcles qui la compoſent
font naturellement dépeints que tout Ana
tomifte les reconnoît d'abord. Il n'eft pas
queſtion ici de chercher les lettres indicatives
pour le remettre dans la voye comme
dans lesEftampes en noir; on reconnoît aiſément
ce qui eftpartie charnue, tégument, ligament
, tendon ou parties offeafes, On a ob116
MERCURE DE FRANCE.
fervé que les Auteurs ont même eû foin dđee
laiffer appercevoir les parties voifines des
Muſcles qui peuvent fervir de repert dans la
myologie ou dans la fuite de cet ouvrage :
on voit dans cette planche les hemifpheres
de la dure Mere , la goutiere qui les fépare
& la partie pofterieure des facs qui renferment
le lobe du cervelet , le principe de la
moële alongée , & c.
I.a dixiéme repréfente la face anterieure
du Tronc , le devant de la Poitrine & les
premiers Muſcles du bas ventre avec leurs
Aponévrofes fi naturellement qu'il paroît
que l'on apperçoit la péfanteur des inteftins
qu'ils renferment. Les digitations de l'oblique
externe , & du grand dentelé y font
merveilleufement dépeints. Le grand Pectoral
eft vû dans toute fon étendue ; on y
voit le ligament de Poupart , la ligne blanche
, & autres parties dont le détail feroit
trop long.
La onzième planche renferme une feconde
figure du tronc vue à tiers de face , où
l'on voit les intercoftaux , muſcles dela refpiration
, & leurs differens plans , les feuilles
aponévrotiques de l'oblique interne , ' qui
renferme le mufcle droit : on apperçoit l'anneau
formé par l'écartementde deux piliers
où paffe le cordon des vaiffeaux fpermatiques
, & le mufcle cremafter :, quelquefais
JUIN 1746 . 117
le trop grand écartement de ces piliers laiffe
paffer l'inteftin Epiploon , c'eft ce qui forme
les Hernies.
-
Il eft certain que les perfonnes de talent
ne fçauroient trop s'attacher à l'étude de
toutes ces parties à cauſe des differens accidens
qui proviennent des bleffures & des
meurtriffures de ces mêmes parties pour en
connoître les differentes formes , leurs attaches
& leurs étendues , & y apporter la
juftefle néceffaire dans les operations chirurgicales
, & même dans l'application des
remedes néceffaires , fi l'on eft privé du ſujet
, & que l'on ne foit pas en état de l'avoir
toujours préfent , ce qui eft impoffible. Ces
planches Anatomiques du fieur Gautier dirigées
par M. Duverney fervent de repert
à ceux qui font déja introduits dans cette
fcience : elle fervent de principe , & méme
de fondement à ceux qui veulent commencer
, & en gaider une idée précife , ce que
l'on ne trouve pas ailleurs.
Les Sçavans même démontreront dans.
ces piéces anatomiques plus aifément les
nouvelles découvertes qu'ils ont faites , &
que l'on peut avoir obmis , & ils feront en
état de les faire appercevoir au public , en
fe fervant de ces pieces comme d'un canevas
pour mieux faire. Il eft toujours certain
que l'on a obligation à ceux qui commen
1
18 MERCURE DE FRANCE.
cent , & à ceux aufquels on ne peut rien
oppofer de mieux dans leur genre.
On donnera la defcription des autres planches
dans la fuite : dans l'avertiffement public
qui a paru le fieur Gautier donne fon
adreffe & le tems limité des foufcriptions
pour cette fuite de l'eflai d'Anatomie.
ESTAMPES NOUVELLES.
Est
Stampe nouvelle repréſentantune Fête en l'hone
neur de Bacchus , gravée par Charles Nicolas
Cochin Graveur du Roi & de l'Académie Royale
de Peinture & Sculpture , dédiée à M. de Bachaumont
ami de l'Auteur , inventée & deffinée par
M. Alexandre Denis de Niert, Marquis de Gambais,
Seigneur de Neville , Olivet , &c. Premier Valet
de Chambre du Roi , Gentilhomme ordinaire de
fa Maifon & Gouverneur du Louvre , mort à Paris
de 30 Janvier 1744 âgé de 34 ans. On lit ces vers
d'Hoface au bas,
Quis defiderio fit pudor , aut modus
Tam cari capitis
Hen! Hen !
perpetnusfopor
Urget ? Cui pudor , & juftitiaforor
Incorrupta fides , nuda que veritas ,
Quando ullum invenient parem ?
Multis ille quidemflebilis occidit
Nulli flebilior quam tibi
JUIN 1746.
*
Le feur Will vient de mettre au jour les Por
traits de Monfeigneur le Dauphin & de Madame
la Dauphine ; lefquels il a gravés d'après les originaux
peints par le fieur Klein pour Sa Majefté le
Roi de Pologne Duc de Lorraine & de Bar , & le
Portrait de M.le Maréchal de Bellifle d'après M.Rigaud
Chevalier de l'Ordre de Saint Michel. Ces
Portraits fe vendent chez l'Auteur à Paris , Quai
des Auguftins entre la ruë Pavée & Gille-Coeur à
côté de l'Hôtel d'Auvergne.
Le fieur le Roufe a mis en vente une nouvelle
Carte du Brabant , contenant les Camps du Roi
de l'année 1746.
Plus une Carte des environs de Namur détaillée
jufqu'aux moindres maifons des Villages.
Les attaques de la Citadelle d'Anvers , les Plans
de Mons , Charleroy, Dendermonde , Liege &
Nieuport,
Le 23 Juin veille de Saint Jean - Baptifte M. le
Comte d'Argenfon Miniftre de la Guerre fe rendit
à l'Académie de S. Luc dont il eft Protecteur,
pour y diftribuer les Médailles aux éleves de cetté
Académie. Quelques-uns des membres de cette
compagnie y firent porter à cette occafion quelques
Tableaux de leur façon , entre lefquels le
Portrait en pied de M. Quefnay , Secretaire de
l'Académie Royale de Chirurgie , dans fon cabinet
, fur toile de huit , par le fieur Chevalier &
celui de Monfieur Graffin , par le fieur Dupouche
attirerent l'attention de ce Miniftre , qui en mar
qua beaucoup de fatisfaction.
120 MERCURE DEFRANCE,
+ 3+ 33 ÷23÷ +23+ *£ ÷£3÷ 3+ *+£
' Académie de Soiffons ayant jugé à propos de
L'arier les fujets des Prix qu'elle annonce pour
chaque année , donnera alternativement un fujet
d Eloquence , & un fujet tiré de l'Hiftoire.
Dans l'Affemblée publique qu'elle tiendra le
Lundi 10 Avril 1747 , elle délivrera le Prix , qui
fera une Médaille d'or de la valeur de 360 liỵ .
donnée par M. le Duc de FITZ - JAMES ,
Pair de France , Evêque de Soiffons ; Elle propofe
pour fujet d'Eloquence cette queſtion : Un
Auteur doit - il toujou s je conformer au gout du ficle
dans lequel il écrit ?
Et pour donner plus de facilité de loifir aux An
teurs qui travaillercut fur l'Hiftoire , elle propofe pour
Sujet de ia d.frtation de 1748.,
Quelle a été la fuite des Evêques de Soiſſons , depais
le commencement du cinquième fiécle"jufqu'én
l'an 754.
Depuis l'établiffenent de la Religion dans le Soiffonnois
,jufqu'à la fin de la premiere race de nos Rois .
TO . Quels Conciles on Affemblées "mctables d'Eccléfiaftiques
ont été tenus dans le Stiffennois ?
20. Quelles ont été les Eglifes Cathédrale , Collégia.
es , Parohiales , I autres de la ville de Soiffins'?
Quelles ont été les Collégiales & les Mafous de Seminaire
du Diocèft ?
་ 30. Quels Monaflores y ont été fondés ? Les noms
de leurs Fondateurs ? L'époque , le lieu de leur Fondation
& de leur tranftigen , s'ils en ont eu la regle
qails on: fuivie dans leur origine ?
9
40. Quelles Retiques confidérables ont été bonorces
dans le Diocèfe ? leurs differentes tranflations.
50. Quels bemmes célebres dans l'Eglife ( mis
me
JUIN 1746. 121
me dans les Lettres ) font nés dans le Soiffennois , oxy
ont recu , ou y font morts ?
Enfin tout ce qu'en pourra decouvrir de nouveau
Jans Hifcire Ecclefiaftique , qui ait rapport au
Soiffunnsis , jufqu'en l'an 754,
Dans l'examen des ouvrages on aura égard ,
non-feulement au nombre & à l'étendue des recherches
, mais encore à la pureté du ſtyle & à la
beauté du langage .
Les Auteurs font avertis de mettre à la marge
ou à la fuite de leurs ouvrages les preuves des
faits qu'ils auront avancés , & les fources où ils les
auront puifés.
Ceux qui enverront des Differtations latines ,
auront foin de mettre en marge les noms françois
des perfonnes ou des lieux dont ils feront mention
.
Le Difcours d'Eloquence fera d'une demie heure
ou trois quarts d'heure de lecture au plus , &
la Differtation hiftorique d'une heure ou une heure
& demie au plus ..
On adreffera à M. de Beyne , Préſident au Préfidial
de Soiffons , & Secretaire Perpetuel de l'Académie
, les Ouvrages deftinés au Concours , port
franc , & avant le premier Février , fans quoi ils
ne feront pas rétirés .
Ils feront écrits lifiblement & fans abréviations ;
les Auteurs ne mettront point leurs noms au bas ,
mais feulement une Sentence , ils indiqueront une
adrefle à laquelle M. le Secretaire puiffe leur
faire tenir fon recepiffé.
On les prie de prendre les mesures néceffaires
pour n'être paint connus jufqu'au jour de la décion
, de ne point figner les lettres qu'ils pour
roient écrire à M. le Secretaire ou à tout autre
Académicien , les avertiffant que s'ils font décou
F
122 MERCURE DE FRANCE.
verts par leur faute , ils feront exclus du Confours.
L'Auteur qui aura remporté le Prix d'Eloquence
viendra le recevoir dans la Séance publique
du Lundi 10 Avril 1747 , finon il enverra à une
perfonne connue fa Procuration , pour être remife
à M. le Secretaire , avec le recepiffé de
Fouvrage .
M. Gouye de Longue- marre , Greffier au Bailliage
Royal de Verfailles , eft Auteur de 11 Dif
fertation à laquelle a été adjugé le Prix de 1746,
Elle s'imprime act: ellement chés Chaubert , Libraire
à Paris , Quai des Auguftins , à la Renommée
& à la Prudence ; il y fixe , fuivant les vûës
de l'Académie , l'Epoque du commencement & 'de la
fin du Regne de chacun des derniers Rois de la premiere
race , tant fur le Royaume de Bourgogne & de
Nenfrie , au fur celui d'Auftrafie , que fur toute la
Monarchie , a commencer après la mort de Dagobert I,
que Pon fuppofe être arrivée Pan 638 , jusqu'à l'Elec
tien Couronnement de Pepin Chef de la feconde
race,
M, Gautier , Chanoine Regulier de la Congré
gation de notre Sauveur ; Profeffeur de Mathématiques
à Metz, eft Auteur de celle qui a remporté le
Prix d'Eloquence en 1745 , & dont le fujet é
toit l'Inutilité de la difpute pour ramener les bommes
à l'unité d'opinions.
Comme l'Académie fait imprimer tous les ans
l'ouvrage qui remporte le prix , elle exige des
Auteurs qu'ils ne les faflent point imprimer de
leur côté , que fix années révolues après la dat
te de l'impreffion que l'Académie en aura faic
faire
JUIN 1746. 123
Les mots des Egnimes du Mercure de
Juin premier vol. font le nez, bombe. Ceux
des Logogryphes font efcarpolette & pelerinage.
On trouve dans le premier Logogryphe
écart , pelotte , pot , poële , carpe , Sole ,
Serpolet , lettres , cartes , corps , tête , eſcorte ,
pet , porc , Cleopatre , & dans le fecond
Pelage , Pline , gile , rage , plaïe , plier, âge ,
rien , péage , pere , pin, grêle & neige.
ENIGM E.
M
On azile
N'eft la Ville ;;
Je la hais ,
Mais je nais
Es
Montagnes ,
Es Campagnes ,
Dans un puits ,
Où je puis :
Là je caufe ,
Bouche claufe ,
Quand je peux ,
Si tu veux ;
124 MERCURE DE FRANCE,
Ce n'eft fonge ,
Ni menfonge,
Quel plaifir
De m'oüir !
Ta
Bergere
Fort fouvent ,
Tendre amant
Vient me faire
Confident
Du tourment
Qu'elle éndure
Je
reponds
A fes fons
Far mefure
Et ma voix
Quelquefois
La raffure.
Comprends -tu
Ma vertu ?
Je l'écoute ,
Sans voir goute
Je l'entends
A merveille ,
Sans oreille ;
Ses accens
Sontitouchans ;
Elle t'aime ,
Et moi - même
9.
JUIN
825 1746.
Cher lecteur ,
La tendreffe .
De mon coeur
Fut maitreffe
Un ingrat
Méprifa
Ma foibleffſe :
Je le preffe
11
s'enfuit ,
Interdit ,
Et me laiffè ,
Sáns fecours.
Tu regarde !
Mais prends garde
Que l'Amour
Que tu loue ,
Ne te joue
Quelque tour.
AUTRE.
ΑνU tems de la création
Je parus à mon tour devant le premier homme
Qui d'abord m'impofa le nom ,
Par lequel à préfent tout le monde me nomme.
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
J'ai , dit-on , un parent , qui me reffemble affés ;
Même minois , même encolure :
On diroit que dame Nature
L'un fur l'autre nous à tracés ,
Et ma foi , n'étoient les oreilles
Que nous n'eûmes jamais pareilles ,
On trouveroit en nous pleine conformité.
Il a plus que moi l'avantage
De la groffeur & de l'agilité ; .
Moi je n'ai pas tant de timidité ,
J'aime bien autant mon partage.
J'habite également & la ville & les champs :"
Il n'en eft pas ainfi de mon prétendu frere ,
Car bien loin d'être populaire ,
Il en hait jufqu'aux habitans ;
Ce n'eft , vous voyez , pour s'y plaire :
Auffi ne le voit-on en ville qu'à ſa mort :
Voila quel eft fon caractére.
Entre nous a-t'il fi grand tort ?
Je dirois bien un mot, mais il vaut mieux fe taire.
Enfin , pour achever
, même
fort nous attend
.
Pour le coup tu me tiens , ou ma foi je me rend.
Par Melle D. G. de Châlons fur Marne.
JUIN 1746. 127
糖雞鍋
EXPLICATION
De le premiere Enigme du premier volume
du Mercure du mois de Juin 1746.
S Anis vous Demoifelle Anonime
Jamais un nez n'eut pû faire un Enigme
PLIQUE , le Flis.
EXPLICATION
Du premier Logogriphe du premier vol. du
Mercure du mois de Juin 1746: Ó
des mots qui s'y trouvent .
ILL faut faire au Piquet fon écart à propos.
Le jeu d'un Ecolier vigoureux & diſpos ,
Ma foi c'eft la Pelotte.
La carpe en ſa faifon eft bonne en matelotte.
Pour fricaffer la Sole on la met dans un pot ,
Poële , ou chaudron , cafferolle ou terrine ;
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE.
C'est ce que vous diront Javotte & Catherine .
Dix lettres forment un grand mot.
Le Serpolet eft herbe falutaire ,
Près , de la ruche il est très néceffaire .
Les cartes ont bien des appas,
Heureux qui ne les connoit pas.
De l'humaine nature "
La tête eft la parure .
Les batimens , les habits , & le fard
Doivent leur origine , à la nature , à l'art.
Le Porc eft animal immonde ,
Qui lâche pets & vents , fans que perfonne en
gronde.
Des gens qui vont armés en corps ,
Ce font des Sergents ou Recors.
La beauté dont Antoine étoit preſque idolâtre
C'étoit la Reine Cleopatre .
Bien plus que lui j'étois heureux ,
Quand fur l'herbe mollette
Je parlois de mes feux
A l'aimable Colette ,
Lorfque l'amour peint dans les yeux ,
Je voyois la follette
S'élancer vers les Cieux
Sur une Efcarpolette .
Paris le 7 Juillet 1746.
Par M. DE
LALAURE,
JUIN 1746 129
蒸糕
MADRIGA L.
POUR peindre l'amitié fçais-tu ce qu'il faut faire?
Il faut chercher l'original ,
Car fans lui tu la peindrois mal ,
Du tu ne tracerois , ami , qu'une chimere.
Mais pour t'épargner la longueur
D'une recherche difficile ,
Je vais t'enſeigner ſon azile ,
Tu le trouveras dans mon coeur .
Geneve
XES
J. B. Tollot.
SPECTACLES.
L'A
OPERA .
'Académie Royale de Mufique continue
les répréfentations du Ballet des
Amours des Dieux avec un fuccès proportionné
à la faifon , qui n'eft point du tout
favorable à la caiffe , & qui apauvriroit Quinaut
même & fon incomparable Muficien ;
l'Auteur eft trop Philofophe pour regretter
les petites branches de laurier qu'il auroit
pû cueillir dans un tems plus propice
au Théatre.
L'indifpofition de quelques Acteurs a
F V
130 MERCURE DE FRAN
produit des changemens divers dans les
roles . Use Baffetaille nouvelle a chanté
dans le Prologue avec une voix & une figare
également gracieuſes ; M. de la Tour
a joué le Faune du premier acte avec feu ;
M. Albert a bien rempli celui d'Iphis dans
l'acte de Coronis ; Mlles. Riviere , Rollet
& Delorme ont aufli obtenu des fuftrages
finceres ; Mlle . Lurei achanté la Mufette
de Coronis ; on a trouvé fa voix
auffi aimable que fa phyfionomie ; Mlle.
Jaquet a chanté les Oifeaux du même
acte d'abord avec une timidité dont le
public judicieux lui a tenu compte : s'il eſtime
les talens , il n'eftime pas moins la modeftie
, & il recompenfe volontiers par d'équitables
applaudiffemens les fautes qu'elle
fait commettre aux Acteurs : en général ils
ne font pas fouvent coupables de cette
façon là ; quant à M. de Chaffé on eſt accoûtumé
à lui voir exécuter fes rolles avec
zéle , avec exactitude & avec goût.
Les décorations & les habits du Ballet
des Amours des Dieux ont fait remarquer
le goût de M .. Peronet qui s'eſt diftingué
l'hyver dernier dans les fêtes & bals
de la Co ir.
Le Mard 28 Juin M. Malterre compofiteur
de Balets de l'Académie Royale de
Mufique a fait exécuter pour la premiere
JUIN. 1746. 131
fois fur le Théatre de l'Opera à la fin des
Amours des Dieux un morceau de danſe ,
intitulé l'Amour & les Graces , Balletfiguré;
les trois Graces font repréfentées par Mlle.
Camargo , Mlle . Mimi Dalmand & Mlle, le.
Breton ; le rolle de l'Amour eft rempli par
un jeune objet qui lui reffemble parfaitement
: on n'aura pas de peine à deviner que
c'eft la charmante petite Puvigné.
Le fujet de cette danfe pittorefque &
été traité fort ingenieufement fur le Théatre
François par M. de Ste. Foy , Auteur
délicat & fin de l'Oracle , modée depuis
imité & jamais égalé : il y a cependant une
difference effentielle , c'eſt que les Nimphes
qui enchainent le Dieu de Cithere , font
Nimphes de Diane ennemie de l'Amour &
ne font affociées à la Cour de Venus & érigées
en Graces qu'après avoir été foumifes
par les traits aimables de fon fils : il
convient aux éleves feveres de la Déeffe des
Fôrets de fe déclarer contre le tyran des
coeurs , mais les Graces fujettes & confidentes
de fa mere n'ont aucune raiſon de lui
livrer la guerre. Peut- être l'inventeur du
Ballet a t'il eu deffein d'exprimer par des
danfes l'idée fine & fenfée de M. de St. Foy ,
mais il ne lui a pas été poffible de rendre
par des pas ce que la parole difoit fi parfaitement
à la Comedie ; il ne lui reftoit que
F vj
132 MERCURE DE FRANCE .
la reffource de donner à fon Ballet un titre
qui put fervir d'expofition à fon projet ;
on lui a reproché qu'il manquoit de variété.
Qui n'a pas le don d'amufer par des geftes
comme le comique , exige plus de figures
dans fes tableaux .
DIXIE'ME fuite des réflexions fur les Ballets®
Left
E Ballet des Fêtes Greques & Romaines
An'et pas le feul qui offre à la brillanre
Therpficore un Prologue digne d'exercer
fon talent ; toutes les autres entrées de cet
Opera tiré de l'Hiftoire pouvoient expofer
des peintures nobles & galantes aux regards
curieux des fpectateurs. Dans l'une on pou
voit déffiner avec force les differentes quadrilles
des Athlétes qui fe fignaloient aux
jeux Olympiques , & le triomphe d'Alcibia-"
de vainqueur de la courfe des chars . Dans
l'acte des bacchanales la flotte magnifique
& le traveftiflement politique dela Cour de
Cléopatre en Menades & en Egipans occafionnoient
un Spectacle fuperbe & des danfes
caracterifées. On pouvoit raſſembler
toutes les graces naïves & legeres de la
Paftorale dans l'acte confacré à Saturne .
On peut remarquer encore à la gloire
du Ballet des Fêtes Grecques & Romaines
une circonftance finguliere & prefque unique ,
c'eft que les divertiffemens qui font fou
JUIN 1946. 133
vent très poftiches dans les autres Opera ,
font dans celui- ci fondés fur l'Hiftoire & font
fituation & le noeud des intrigues qu'ils
embelliffent.
L'Auteur des paroles de ce Ballet héroïque
s'eft toujours appliqué dans fes ceuvres
lyriques a imaginer des fêtes fufceptibles de
danfes pittorefques , & ce n'eſt pas fa faute
fi l'Opera n'eft point riche en tableaux .
Sans donner ici une énumeration exacte'
de tous les fujets qu'il a fournis au génie Pantomime
, & qui n'ont pas même été apperçus
par ceux qui en pouvoient profiter ,
il y a un Prologue au Ballet des âges mis
en mufique par le célebre Campra , qui devoit
faire briller la capacité d'un compofiteur
de danſes .
Le Théatre y repréfente les délicieux
jardins d'Hebé Divinité de la jeuneſſe .
Le temps & fa fuite ennemie des agrémens
paffagers & des plaifirs du premier
âge pourfuivent les volages fuivantes d'Hébé
, & leur danſes devoient dépeindre la
légereté de la jeuneffe qui recommence fes
jeux autant de fois qu'on les interrompt. Cela
nous auroit exprimé fon caractére , qui
eft d'oublier les chagrins dès qu'ils difparoiffent.
La troifiéme entrée du Ballet des Ages
remplie par la vieilleffe eft terminée par
134 MERCURE DE FRANCE.
e triomphe de la Folie, divertiffement fertile
en danſes de caractéres variés .
Nous ne rappellerons plus que le Ballet
des fleurs qui couronne fi agréablement l'Opera
des Indes Galantes , dont les paroles
font de l'Auteur des Amours déguifés , des.
Fetes Grecques & Romaines & des Ages .
& la Mufique du fçavant Rameau.
Ce divertiſſement a été imaginé à la gloire
des fleurs eftimées dans toute la terre , &
fêtées avec éclat en Turquie & en Perſe ,
où des jours leur font confacrés par la Nation.
Le Théatre repréſente dans un jardin
fuperbe des berceaux illuminés , & décorés
de guirlandes & de pors de fleurs. Des Symphoniſtes
& des Eſclaves chantans font diftribués
dans des balcons de feuillages.
D'aimables Odalifques de diverfes provinces
de l'Afie portent dans leurs coëffures &
fur leurs habits les fleurs les plus belles.
Cette pompeufe décoration eft une idée de
Auteur des paroles, ainfi que laTherpficore
du Prologue des Fêtes Grecques & Romaines
& la Rofe des Indes galantes dont il a
projetté les plans .
Une Sultane annonce ainfi le triomphe
des fleurs perfonnifiées.
Triomphez , agréables fleurs ,
Répandez vos parfums , ranimez vos couleurs,
JUIN 1746.
C'eft parmi vous qu'Amour cache ſous la verdure
Ses feux les plus ardens , fes plus aimables traits
Le printemps vous doit fes attraits ;
Vous parez la faifon qui pare la Nature.
Triomphez , & c.
Vous tenez le rang fuprême
Sur les bords de nos ruiffeaux ,
Et vous embelliffez dans les jours les plus beaux
La beauté même.
Triomphez , &c.
Le Ballet qui fuit cette Cantatille repréfence
pittorefquement le fort des fleurs dans
un jardin. On les a perfonnifiées aiafi que
Boréé & Zephire pour donner de l'ame à
certe peinture dans le goût de Vateau , executée
par d'aimables efciaves de l'un & de
l'autre fexe.
D'abord les fleurs choifies pour former
la Cour de la Rofe danſent enſemble &
compofent un parterre gracieux qui varie à
chaque inftant ; la Rofe leur aimable Reine
danfe feule. La fête eft interrompue par un
orage qu'amene Borée : les fleurs en éprouvent
l'injufte colere. La Rofe réfifte plus
long tems au cruel ennemi qui la perfé
cute avec opiniatreté . Les pas de Boréé expriment
fon impetueufe fureur ; les atti
36 MERCURE DE FRANCE.
tudes de la Rofe peignent fa douceur & fes
craintes. Zephire arrive avec la clarté renaiffante
; il ranime & releve les fleurs ab
batues par la tempête & termine leur triomphe
& le fien par les hommages que fa tendreffe
rend à la Roſe.
COMEDIE FRANCOISE.
Le Théatre François a remis le Nouveau
'Monde,Comédie métaphyfique, entrecoupée
de trois Intermedes ; les veritables Auteurs
de cette piéce n'ont jamais voulu ſe montrer
à vifage decouvert ; quoiqu'on ait plus
que des conjectures qui décelent leur traveftiffement
, on entrera dans leurs vûes ,
on ne dévoilera pas un myftere qu'ils s'efforcent
de cacher depuis tant d'années & on ne
les nommera pas , puifqu'ils ont offert à la
curiofité le nom d'un Auteur qui s'eſt bien
voulu charger du rolle de prête nom , perfonnage
qui a fouvent été joué , & qui n'a
pas toujours réuffi . Cette Comédie a été
repréſentée pour la premiére fois dans le
mois de Septembre de l'année 1722 .
L'incognito affecté par fes Auteurs caufa
bien des tracafferies fur le Parnaffe , & des
extinctions de voix aux braillards differ
tateurs domiciliés au caffé de Procope . On
l'attribua d'abord à M. Fuzelier , Auteur de
JUIN. 1746. 137
Momus Fabulifte , inventeur de la mode de
l'incognito , invention dont il s'eft repenti
plus d'une fois , quand de prudens Ecrivains
pour éviter les rifques du fuccès , produi
foient fous fon nom des ouvrages qui ne lui
appartenoient pas.
Quand le Nouveau Monde parut pour
la premiére fois , il étoit chargé d'une fcéne
du Poëte qu'on a très judicieufement fupprimée
; on peut verifier la jufteffe de cette
obfervation en lifant la pièce dans l'imprimé
de Ribou.
Dans cette derniere reprife on a applaudi
furtout le deuxième acte , & quelques couplets
du Vaudeville qui le termine ; Mlle.
Dangeville s'eft trouvée heureuſement placée
dans le rolle de l'Amour ; on a fort remar
qué la fineffe de fa taille & de fon jeu.
Le dernier divertiffement du Nouveau
Monde a été égaié par une danfe Panto
mime comique qui à obtenu les fuffrages
du public.
Le Lundi quatre Juillet on a remis fur
le Théatre François la Magie de l'amour .
petite Comédie en vers , d'un acte , & de
la compofition de M. Autreau , Auteur
naif & délicat , qui fur le modèle du Roman
de Daphnis & Chloé , a encore donné
fur le Théatre Italien les Amans ignorans,
Comédie en trois actes , abfolument dans
38 MERCURE DE FRANCE.
goût naturel de la Magie de l'Amour.
Si M. Autreau avoit fait fon unique occupation
de la Poëfie , & fi l'attrait du plaifir
ne l'avoit pas quelque - fois égaré fur le
chemin du Parnaffe , il avoit dequoi y
briller.
Elle
Voici le fujet de la Magie de l'Amour
Sophilette jeune Bergere elevée d'abord chés
Hermiphile Magicien de Theffalie , & enfuite
chés une tante Prêtreffe du Temple de
Diane , eft depuis un mois chés fon pere ,
où Lhidimés en devient amoureux.
s'enflamme auffi pour lui fans le fçavoir; l'indifference
qu'elle a confervée au Temple de
Diane ; & les idées de fortilege qu'elle a
acquifes chés le Magicien , lui font prendre
pour l'effet d'un enchantement les divers
mouvemens que l'amour lui caufe ; Dorimene
, fa rivale fecrette , contribue a fortifier
fon erreur , & lui fait accroire que tous
les fymptômes de tendreffe qu'elle a la facilité
de lui confier font des preuves qu'elle
eft enforcelée. Elle lui confeille de fe refu
gier dans le Temple de Diane , & d'y chercher
un azile contre les perfécutions de l'enchanteur
Lhidimés ; il arrive & la jeune
ingenüe tremblante répond aux tranſports
de fon amant par les témoignages de fa
crainte ; elle s'enfuit & Dorimene furvient
qui s'efforce d'éteindre le feu que Sophilette
JUIN 1746. 139
9
allume dans le coeur de Lhidimés ; enfin après
plufieurs tentatives de cette jaloufe pour
fupplanter la fimple Sophilette , après plufieurs
fcénes où le caractére crédule de
cette bergere eft foutenu & dévelopé
elle eft défabufée par Doris qui quoique
confidente de Dorimene , fert Sophilette en
lui apprenant la nature des fentimens qu'elle
prend pour des opérations magiques , & que
la tante confent à fon union avec le tendre
& conftant Lhidimés.
Donnons deux couplets du Vaudeville
pour échantillon de la tournure de la Poëfie.
Il eft pour charmer un coeur
Plus d'un fortilege.
Un fin dehors de pudeur
Eft fouvent un piége.
Pouffer de tendres foupirs
Avec modeftie ,
Pour iriter les defirs ,
C'est la fine magie.
Un air tendre & gracieux
Enchante.& défarme :
Quelques doux fignes des yeux
46 MERCURE DE FRANCE.
· Redoublent le charme :
Avec cet air promettant
Qui flatte & convie ,
Ne rien accorder pourtant
C'eft la sûre magie.
SOJOJ
CONCERTS.
DE LA REIN E.
Lehes sa Majefté le deuxième & le troi- E Mercredi premier Juin on chants
fiéme actes de Thefee , Tragedie de Quinaut ,
mife en mufique par le véritablement in-
Comparable Lulli . Les rolles furent exécutés
par Mrs. Jeliote , Lagarde , Godonefche
, Bazire & d'Aigremont , & par Mlles.
Canavas , Chevalier . Matthieu & Deftravaux
.
Le Samedi quatre Juin le quatriéme &
le cinquiéme actes du même Opera remplirent
le concert.
Le Samedi 18 , le Lundi zo , & le Mercredi
22 , l'Opera de Telemaque , de M.
Deftouches Sur -Intendant de la Mufique du
Roi , dont M. l'Abbé Pellegrin a compofé
les paroles , fut exécuté par Miles . Matthieu
JUIN 1746. 147
Fel & Canavas , & par Mrs. Jeliote , Lagarde
, Godoneſche & Bazire.
Le Samedi 4 , on chanta pendant la
Meffe le Te Deum de M. l'Abbé Blanchard
, Maître de Mufique de la Chapelle
du Roi , & le Mercredi 8 on y chanca pour
la prife d'Anvers , celui de M. Deftouches ,
Surintendant de la Mufique de fa Majesté.
Le Mardi cinq on a donné ſur lẹ
Théatre Italien la premiere repréfentation
d'une piéce Italienne en cinq Actes
intitulée les nouveaux défis de Coraline d'Arlequin
& de Scapin. Ceft un combat de
fourberies entre ces trois Acteurs amufans
dans une intrigue qui reffemble un peu à
celle de l'Etourdi de Moliere ; il eft queſtion
de l'enlevement d'une Eiclave . Une fcéne
des plus réjouiffantes eft celle ou Arlequin
fe traveftit en Docteur , Coraline en Scapin
& Scapin en Arlequin.
142 MERCURE DE FRANCE.
the the the the the the the x x x xx
JOURNAL DE LA COUR ,
LE
DE PARIS & c.
E 16 de ce mois , jour de l'Octave de
Fete du Saint Sacrement pendantla
Meffe que le Roi entendit dans l'Eglife de
la Paroiffe du Château l'Archevêque de
Paris prêta ferment de fidélité entre les
mains de S. M.
L'Evêque de Beziers préta le même ferment
le 23 .
BENEFICES DONNE'S.
LE Roi a nommé à l'Evêché de Chartres
PAbbé de Fleury Premier Aumônier >
de la Reine , & à celui de Bazas , l'Abbé de
Saint Sauveur , Aumônier du Roi.
S. M. a donné l'Abbaye d'Igny , Ordre
de Cifteaux , Diocèſe de Rheims , à l'Ab.
bé de Montigny , Vicaire Général de l'Evêché
de Chartres.
Celle de Belleperche , même Ordre ,
Diocèfe de Montauban à l'Abbé de Fumel ,
Vicaire Général de l'Evêque de Vannes,
JUIN 1746. 143
Celle de Saint Martin d'Autun , Ordre de
Saint Benoît , à l'Abbé de Quincey , Vicaire
Général de l'Evêque de Dijon .
Celle de Samer-aux- Bois , même Ordre ,
Diocèle de Boulogne à l'Abbé Tanneguy
du Châtel.
Celle de Souillac , même Ordre , Diocèfe
de Cahors à l'Abbé Bouillac,
L'Abbaye Reguliere d'Andecy , même
Ordre , Diocèfe de Châlons fur-Marne à la
Dame de la Kocheaymon,
Le Jeudi 2 du mois de Juin M, l'Archevêque
fe , rendit à huit heures & demie
du matin du Prieuré de la Coûture Ste,
Catherine à l'Archevêché , après avoir été
rendre vifite à M. l'Abbé d'Harcourt
Doyen , en fon Hôtel Cloître de Notre
Dame ; fur les neuf heures le Chapître alfemblé
extraordinairement , où étoient entrés
Mrs. les Honoraires , fuivant la permiffion
que le Chapître leur avoit accordée la
veille , députa Mrs. le Chantre , le Sous-
Chantre , de Cotte & Prevôt Chanoines
pour l'aller chercher. Ces Meffieurs l'amenerent
au Chapitre ; lorfqu'il entra Mrs.
fe leverent & fe découvrirent , & M, l'Archevêque
étant arrivé devant le Bureau , M.
le Doyen lui fit un compliment auquel ce
Prélat répondit , & M. l'Archevêque s'é144
MERCURE DE FRANCE.
tant découvert & mis à genoux il prononça
le ferment ordinaire entre les mains de M,
le Doyen & baifa le Livre des Evangiles.
Mrs. du Chapitre étoient affis & couverts.
M. l'Archeveque fe releva & le Chapitre
auffi , & M. l'Archevêque figna fon ferment
, & les Notaires ayant lu l'acte que
l'on a coûtume de paffer entre l'Archevêque
& le Chapitre , M. T'Archevêque le figna , &
Mis. le Doyen & le Chambrier le fignerent
pour le Chapitre .
Cela fait , on commença Sexte dans le
Choeur , & M. l'Archevêque fortit du Chapitre
& fut conduit dans l'Eglife par M. le
Doyen accompagné du Chapitre . Etant arrivé
à l'Autel de S. Denis ou des Martyrs ,
il y ôta fon Camail & y prit dans fon fauteiil
preparé pour cela l'habit Canonial
dont on fe fert en hyver. Pendant
ce tems M. le Doyen & Mrs. du Chapitre
s'étoient placés dans le Cheeur. Le
Sécretaire du Chapitre étant venu avertir
M. le Doyen que M. l'Archevêque étoit à
la grande grille du Choeur , M. le Doyen
fortit & introduifant M. l'Archevêque dans
le Choeur, ils faluerent le Choeur , & puis fe
tournant vers le peuple le faluerent auffi ,
après quoi ils avancerent jufqu'au grand
Autel , où après avoir prié à genoux pendant
quelqne tems ils fe leverent & mettant
JUIN 1746. 14
tant la main droite fur l'Autel ils les baiferent.
M. le Doyen ayant conduit M. l'Archevêque
au Thrône , s'affit dans le fauteuil
quiy étoit préparé , fe releva un moment
aprés , & y inftalla & inthronifa M. l'Archevéque
& retourna à fa place par le milieu
du Choeur, Sexte finie , le Clerc de M. le
Chantre annonça à M. le Doyen le Te
Deum , que ce dernier entonna &
que le
Choeur pourfuivit en faux bourdon . M.
l'Archevêque étant levé aufli - tôt on fonna
toutes les cloches de l'Eglife , & un des Aumôniers
de M. l'Archevêque apporta la
Croix Archiepifcopale.
Vers la fin du Te Deum , M. le Doyen
averti & conduit par le Clerc de M. le
Chantre vint à l'Aigle qui fert de Lutrin , &
les Enfans de Choeur ayant chanté le Verfer
Benedicamus Patrem , il dit l'Oraifon de la
Sainte Trinité Omnipotens fempiterne Deus
qui dedifti , & l'Orailon pour M. l'Archeéque
Deus qui populis tuis indulgentiâ , &
M. l'Archevêque donna la bénédiction .
Auffi-tôt M. de Janfon , Théologal , monta
au Jubé & annonça la prife de poffeffion
de M. l'Archevêque & montra fes Bulles au
peuple.
Après ces Cérémonies M. l'Archevêque
ayant repris fon Camail dans la Sacriſtie ,
& accompagné de M, le Doyen & du Cha-
II. Vol. G
46 MERCURE DE FRANCE,
tre , fe transportaà l'Oficialité & fut inf
llé de la même façon dans la place de l'Offcial
, & ayant entendu plaider deux caufes
il les jugea avec les avis de M. le Doyen
& de Mrs. du Chapître. De l'Officialité M.
le Doyen & Mrs. du Chapitre conduifiren
M. l'Ar hevêque dans fon Palais Archiepif
copal ; étant arrivés dans le grand cabinet
d'Audience M. le Doyen fit un compliment
à M. l'Archevêque qui y répondit ; M. le
Doyen & Mrs. .du Chapitre fe retirans furent
reconduits par M. l'Archevêque juf
qu'au bas du grand escalier de l'Achevêché
; M. l'Archevéque embraffa M. le Doyen´
& chacun de Mrs. les Chanoines qui revinrent
enfuite dîner chés M. l'Archevêque qui
les en avoit envoyés prier chacun chés eux
dès la veille.
PRISES DE VAISSE AU X.
Le Navire la Terre Neuve , de Betford ;
chargé de vin , a été envoyé à Saint Malo
par le Corfaire le Duc d'Eftiffac , qui conjointement
avec celui nommé le Grand Grenot
, s'eft rendu maître des bâtimens l'Anne
Galley de 170 tonneaux , l'Elizabeth &
Marthe de tio & le Content de cent , dont
Ja cargaifon confiftoit en fuere , en guildive
& en bois d'ebéne,
JUIN 1746.
147
10
ר נ י
I
Suivant les avis reçus de Nantes il y eft
arrivé deux navires ennemis , l'un de 190
tonneaux , armé de fix canons & de dix
pierriers , & qu'on nomme le Geneft d'Ecoße
, l'autre appellé le Northon , à bord
duquel il y avoit des falines. Ces bâtimens
ont été pris , le premier par le Corſaire le
Superbe de Saint Malo , &le fecond
le Corfaire le Mars , de Nantes.
par
On mande de Dieppe que le Corſaire
l'Allerte y eft rentré avec le navire Anglois
l'Aventure.
Les lettres de Bayonne marquent que le
Capitaine Larrefet , commandant le vaiffeau
la Mouche , armé en courfe , s'eft emparé
d'un brigantin de la même Nation chargé
de divers marchandifes .
OPERATIONS DE L'ARME’E
L
DU ROI.
Es mouvemens de plufieurs Corps des troupes
du Roi ayant perfuadé aux ennemis
qu'on penfoit à l'attaque de Charleroy , le Commandant
de Mons fit paffer le 2 de ce mois deux
Bataillons dans la premiere de ces deux Places , &
l'on avoit lieu d'efperer que la derniere , dont la garmifon
n'étoit plus que de trois mille fix cent hom→
Gij
148
MERCURE
DE FRANCE
.
>
mes , ne feroit pas une longue
réfiſtance
. Le 7 , les
troupes
deftinées
à en faire le fiege entrerent
dans
les Lignes
de Circonvallation
, & le Comte
d'Eftrées
ayant
placé huit Bataillons
& douze
Efcadrons
du détachement
du Duc de Boufflers
depuis
il a fait occuper
par les
Gelin
jufqu'à
Mezieres
neuf Bataillons
& les dix-fept Eſcadrons
, qui compofent
le reste de ce détachement
, le terrain
depuis
la haute
Hayne
ju qu au chemin
de Charleroy.
Quatre
Bataillons
& un pareil
nombre
d'Efcadrons
de l'armée
, qui eft fous les ordres
du
Prince
de Conty
, couvrirent
le Quartier
de ce
Prince
. Entre
le chemin
de Charleroy
& la haute
Trouille
, on mit 4 Bataillons
& huit Efcadrons
.
Seize
Efcadrons
furent
campés
depuis
Belian
jufqu'à
Cuefme
, & l'on en employa
un égal nombre
à conferver
la communication
avec
Maubeuge
. Un Régiment
de Dragons
maſqua
Saint
Guilain
, & fut chargé
de la garde
de la baffe
Hayne
, dont tous les ponts
ont été rompuș
.
Avant
que la tranchée
devant
Mons fut ouverte
,
on a attaqué
du côté de la Porte
de Nemy
deux
Redoutes
dont on s'eft rendu
maître
, & où l'on a
fait trente
prifonniers
. Un détachement
de Huffards
ennemis
ayant
tenté
le 6 de furprendre
le
& ayant
été repouffé
Régiment
de Beaufobre
avec perte , M. de Beaufobre
reçut ordre
le mê
me jour de marcher
avec fon Régiment
, trois
cent Huffards
d'autres
corps & deux cens Graf
finis , pour donner
la chaffe
à ce détachement
,
qui fe retira
à fon approche
. Sur la nouvelle
Qu'un
Corps
confidérable
de l'armée
des Allies
s'éroit
avancé
à Turnhout
, celui de M. de Beaufobre
fut renforcé
de trois cent hommes
d'Infanperic.
Le Duc d'Harcourt
étant allé le 12 avec
Frois cent Grenadiers
& deux
cent hommes
de
JUIN 1746. 141
>
"
Cavalerie reconnoître le païs en avant , l'armée
du Roi fit le 14 un fourage général , qui fut
Commandé par ce Lieutenant Général & par le
Duc de Chaulnes , Maréchal de Camp . Pour proteger
ce fourage on avoit pofté deux cent Carabiniers
à Braxhoten , quatre cent Fuſiliers du
Régiment de la Morliere , & fept cent hommes
de Cavalerie tant du même Régiment que de
celui des Uhlans , à Saint Jop Ingor , & fept
cent foit Dragons foit Huffards à Wekelerzande .
Seize cent Grenadiers & Fufiliers gardoient la
tête des bois d'Oyendouck , & quatre cent hommes
de Cavalerie mafquoient la plaine du Moulin
de Heyde Meule où étoit le Duc d'Harcourt ,
& derriere lequel on avoit mis fix cent Grena
diers. Vingt Compagnies de Grenadiers & mille
Fufiliers furent détachés pour la chaine du fourage
, qui s'eft étendu depuis Schilde jufqu'à
Grewenvefel , & a continué le long du ruiffeau
jufqu'au pont de bois , d'où il eft venu fe fermer
au deffous de Wineghem. Le fourage particulier
fait par le Corps que commande le Comte de
Clermont , a embraffé la plaine dé Puderbos . Le
même jour le Maréchal Comte de Saxe monta
à cheval à quatre heures & demie du matin , &
s'étant rendu au Moulin de Heyde Meule , il y
fit venir de Saint Jop Ingor cinq cent tant Dragons
qu'Uhlans , & deux cent Dragons du Régiment
de la Morliere. Son intention étoit de
les mettre en embuſcade derriere les Dunes qui
font dans la plaine en- deça de Breet , & d'y attirer
les Huffards ennemis par la fuite fimulée d'un
Détachement qu'il fe propofoit de porter en avant
, mais la defertion d'un caporal rompit ces
mefures , & le Maréchal Comte de Saxe fe contenta
d'avancer environ cinq cent pas dans la
Ġilj
150 MERCURE DE FRANCE.
plaine avec les Uhlans . Quelques Dragons &
Uhlans maſquerent en même tems le Village de
Breet , & une partie de cette troupe étant entrée
dans ce Village , elle fut enveloppée par les
Huffards dont il étoit rempli . Le Maréchal Comte
de Saxe , qui ſe repofant fur l'ordre qu'il avoit
donné de ne point dépaffer ce Pofte , & ayant
lieu de croire que tout feroit tranquille , étoit
retourné à fon Quartier , ne fe trouva pas à portée
de remedier à ce contre- temps , mais le Colonel
Commandant des Uhlans s'efforça d'y fuppléer
, en envoyant des détachemens à plufieurs
repriſes , pour fécourir la troupe attaquée. Les
ennemis ayant craint que leurs troupes legeres
ne fuffent inquiétées , les ont fait foutenir par
cinq mille hommes , qu'ils ont répandus dans les
environs de Hoograftin . On affûre qu'ils y ont
joint le 19 plufieurs Compagnies de Grenadiers ,
& comme ces troupes pouvoient former quelque
entrepriſe contre des Poftes avancés , le Marél
chal Comte de Saxe a placé divers détachemens
d'infanterie dans les bois d'Oyendouck , & a
ordonné au Régiment de Graffin de veiller à la
sûreté de ces bois , ce que ce Régiment a fait
avec fuccès , puifqu'ayant fait tomber un détachement
des ennemis dans une embufcade , il en a
pris le Commandant , & il a tué plufieurs Huf-
Tards. Le 19 l'aile droite de l'armée du Roi
fit un fourage particulier , commandé par le Marquis
d'Anlezy , Maréchal de Camp , qui avoit
fous fes ordres fix cent Grenadiers , cinq cent
Fufiliers & deux cent hommes de Cavalerie. Cent
Dragons & autant de Huffards du Corps de réferve
du Comte de Clermont occupoient Halle , &
le Régiment de la Morliere fit des patrouilles
depuis ce Bourg jufqu'à Grevenvezel . Le MarJUIN
1746. 151
quis d'Armentieres , Maréchal de Camp , aya
marché le 14 avec quatre Compagnies de Grenadiers
, quatre cens Fufiliers , & deux cent hommes
de Cavalerie , pour attaquer un Corps de
Huffards & de Pandoures , qui étoit à KerKem ,
il mit en déroute ce Corps , dont on tua un grand
nombre de foldats , & auquel on fit vingt prifonniers
. Les troupes qui font à Louvain ont été
renforcées d'un Bataillon de la Garnifon de Malines
un Bataillon de celle d'Aloft a été evoyé à
Halle , pour veiller fur la Forêt de Soignies : la
Brigade de Cavalerie de Royal Etranger , qui s'eft
rendues le 18 à l'armée du Roi , a été remplacée
à Bruxelles , Wilworde & Malines , par
le Régiment de Cavalerie de Noailles.
L'armée du Roi fit le 22 de ce mois entre la
grande & la petite Schin un fourage général , qui
fut commandé par le Marquis de Rozen , Maré
chal de Camp , & protegé par treize cent Grenadiers
, douze cent Fufiliers & quatre cent hommes
de Cavalerie , fans y comprendre cinquante
Grenadiers , cent Dragons tant à pied qu'à cheval
, & un pareil nombre de Huffards , que le
Comte de Clermont avoit détachés du Corps qui
eft fous les ordres , pour occuper le Village de
Hall , & qui ont communiqué par des Patrouilles
avec des détachemens du Régiment de la Morliere
. Le 25 deux cent Grenadiers , cent Carabiniers
& cent Dragons fe porterent dans les
bruyeres au- deffus de Braxhoten , pour reconnoître
les endroits , où l'on peut fourager fur la
gauche de l'armée , & il ne parut que quelques Huffards
ennemis , qui n'oferent s'approcher. Le
même jour la Compagnie levée depuis peu par
M. de Leftan joignit l'armée , & elle a fon quartier
à Merxem , où elle fera aux ordres de M. de
Giiij
152 MERCURE DE FRANCE.
Dieskau , Lieutenant Colonel du Régiment des
Uhlans. Le Parti qu'on avoit envoyé du côté
d'Oyendouck ayant été averti que les Huffards
dé l'armée des Álliés faifoient tous les jours des
courfes jufqu'au Village de Zoërzel , s'embuſqua le
21 dans ce Village , & un détachement de ces
Huffards s'étant prefenté , on en a tué ou pris plufieurs
. Les ennemis oht furpris dans le Village
d'Ooftmale un détachement du Régiment de
Graffin , mais ce détachement s'eft fait jour l'épée
à la main , & il n'a perdu que treize hommes.
"
Le Maréchal Comte de Saxe , qui étoit venu il
y a quelques jours vifiter la Citadelle d'Anvers ,
y revint le 1 de Juillet pour examiner les endroits
des Fortifications de la Ville , qui ont besoin d'être
reparés. Le 2 après avoir reconnu les environs
du Fort de Polden , il alla voir les travaux
qu'on fait dans le Fort de Saint Philippe , où l'on
établit des batteries , ainfi que dans celui de Polden
, pour être maître de la communication de
l'Efcaut. On fe difpofe à demolir celui de Sainte
Marguerite , & l'on a affuré la communication de
cette Ville avec Dendermonde en retranchant
les deux têtes du Pont conftruit à Hamme fur la
Durme. Le 29 Juin il fe fit entre la petite
Schin & la chauffée de Breda , fous les ordres du
Marquis de Clermont Tonnerre , Lieutenant Général
, & du Marquis de Montmorin , Maréchal
de Camp , un fourage général qui fut protégé par
quarante Compagnies de Grenadiers , quatre cent
hommes de Cavalerie > un pareil nombre de
Dragons cent Huffards , & trois cent foixante
foldats du Régiment de la Morliere . Les Compagnies
Franches , les Huffards & les Pandoures
del'armée ennemie font toûjours à Hoogstraten ,
& ces troupes font foutenues par un détache
,
JUIN $746.
153
ment confidérable que les Généraux des Alliés
font relever tous les deux jours . Le Feldt- Maréchal
Comte de Bathiany & le Prince de Waldeck font
venus reconnoître les environs du Pont qu'ils ont
fait fortifier au deffus de Breda , & à l'exception
de quatre pieces de campagne ils ont fait retirer
tout le canon des batteries établies en avant de
ce Pont Les troupes Heffoifes qui étoient dans
la Grande Bretagne , ont repaffé la mer , & elles arrivérent
le 4 Juillet au camp de Ter-Heyden .
JOURNAL DU SIEGE DE MONS.
A tranchée a été ouverte la nuit du 24 au 253 °
Lilyavecdeux été quee , i la buu frunz4 al
vrage à corne de Berthamont , & l'autre vis-à- vis
la porte de Nemy.
Attaque de Berthamont.
T
Elle a été faite par 3000 travailleurs ſoutenus de
4 Bataillons , dont 3 de Monaco , un de Bornac
6 Compagnies de Grénadiers Auxiliaires & z piquets
de Dragons , le tout aux ordres de M. le Marquis
de la Farre Lieutenant Général , de M. le
Duc de Briffac Maréchal de Camp & de M. Marquis
Brigadier.
On a pouffé une parallele à 200 toiſes du chemin
couvert , dont la gauche eft appuyée à l'inondation
de Cuefme , la droite au Village de
d'Hiron que l'on a fait occuper par deux Compagnies
de Grenadiers aux ordres de M Marquis
cette parallele a mille toifes de longueur , la com
Gy
154 MERCURE DE FRANCE
munication vers la droite 550 toifes ; celle vers la
gauche 350 , ce qui fait en tout 1900 toifes d'ouvrages
qui a été conduit par la Brigade d'Ingénieurs
de Riverfon ; cette nuit a été fort heureufe
, les ennemis n'ayant fait qu'un feu de canon
il n'y a eû qu'un feul homme de tué.
Attaque de Nimy.
Dans le tems qu'on ouvroit la tranchée vis - àvis
l'attaque de Berthamont , on l'ouvroit vis -à - vis
l'attaque de Nemy avec 2500 travailleurs foutenus
de 3 Bataillons de Crillon , & protegés par
les Compagnies de Grénadiers de ce Regiment ,
une Compagnie Auxiliaire de Bretagne & un piquet
de Dragons , le tout aux ordres de M. de la
Motte Houdancourt Lieutenant Général de M. de
Biffy , Maréchal de Camp ; on a fait une parallele
qui s'avoifine par la droite de la chauffée de Nemy
, & qui eft à environ 70 à 80 toifes de l'angle
faillant du chemin couvert de la corne gauche à
notre égard jufqu'à la Capitale d'un ouvrage détaché
qui eft fur le bord de l'inondation , & qui
en eft à peu-près à 80 toifes ; l'ouverture de la
tranchée ayant été couverte de bonne heure , il
s'eft d'abord mis quelque défordre dans les travailleurs
& dans ceux qui les foutenoient , on l'a repa ,
ré , & on a fait l'ouvrage dont on vient de parler
qui peut avoir 400 toifes , fans compter les com
munications qui peuvent être de 360 toifes ; on a
auffi travaillé à 2 batteries de Canon , une pour
battre la gauche à notre égard à la porte de Nemy
, & l'autre pour battre le petit ouvrage fait vers
la corne gauche , & on a commencé une batterie
de mortiers ; le feu du canon a été affés vif cette
nuit , ainfi que celui de la moufqueterie : nous
}
JUIN 1746 155
n'avons eu cependant qu'un homme de tué & 14
bleffés , mais comme on a travaillé depuis à perfectionner
les ouvrages , & que les ennemis ont
continué à faire grand feu . il y a encore eû quel
ques bleffés dont le détail n'eft pas conftaté.
M. de Montfort Ingenieur à cû une contufion
à la tête.
Le 25 attaque de Berthamont.
On a fait la nuit du 25 au 26 deux nouvelles
branches de communication de la droite & de la
gauche de la parallele ,qui donnera deux débouchés
de communication à la parallele & l'on a prolongé
la droite de la parallele pour envelopper le Village
d'Hyon; on a fait auffi des communications à chaque
emplacement des batteries qui font déterminées .La
nuit a été extrêmement tranquille ; il n y a eu per
fonne de tué ni de bleflé ; hier dans la journée il y
eut un Soldat de bleffé .
Attaque de Niny.
On s'eft emparé de la troifiéme redoute & on
s'y eft logé , on a travaillé avec diligence aux batteries
qui étoient commencées de la veille & on
en a commencé une nouvelle ; la droite de la parallele
a été prolongée de 90 toifes dont 20 au
de-là de la chauffée .
La gauche de la parallele a été prolongée de
140 toifes , & le feu de l'ennemi tant en canon
qu'en mortiers n'a pas été ſi vif que la nuit ders
niere ; il y a eu à cette attaque M. de Lazaret Capitaine
au Régiment de Lorraine & 7 Soldats
bleffés.
M. le Comte de Baviere Lieutenant Général &
Gvi
156 MERCURE DE FRANCE
M la Cofte de Meffelieres Maréchal de Camp ont
monté la tranchée à la porte de Berthamont.
M. de Maubourg Lieutenant Général & M. de
B rnage Maréchal de Camp a celle de la porte de
Nemy.
Le 26 attaque de Berthamont.
Officiers Généraux , M. de Fenelon Lieutenant
Général , M. le Chevalier d'Agueffeau Maréchal
de Camp.
On a débouché vers la droite de la parallele fur
Ia capitale à une redoute à droite de l'ouvrage à
corne ; on doit augmenter encore 18 zigzagues
pour communiquer avec la feconde paralelle que
T'on a commencée , ces 18 zigzagues font enfemble
177 toifes ; il y a une autre communication à
la gauche de 60 toifes : la feconde parallele à été
pouffée de la gauche à la droite de 180 toifes ,'
elle doit être prolongée la nuit prochaine & dépaffer
la redoute dont on vient de parler , cet ouvrage
fait la nuit du 26 au 27 à l'attaque de Berthamont
fait 417 toifts.
La tête du travail ſe trouve à roo toïſes de la .
paliffade du chemin couvert de l'ouvrage à corne ;
il y a eu de bleffé à cet attaque 2 Officiers 5 Soldats.
Attaque de Nimy.
Officiers Généraux M. de Lautrec Lieutenant
Général , M. de Fienne Maréchal de Camp .
On a perfectionné la communication derriere la
batterie du centre , & prolongé celle de la gauche
JUIN 1746. *57
ge
dde 125 toifes aux deux débouchés de la droite&
la gauche de la parallele , on a fait au premier
uatre zigzagues , & au bout de la paralelle en
recouvrement faiſant 109 toiſes , à celui de la gauche
on a fait trois zigzagues & pouffée une paralle
le ; ce travail fait 104 toifes & le total fait 338.
La tête du travail
ſe trouve
à 20 toifes
de la
paliffade
du chemin
couvert
de l'ouvrage
à corne
;
1 ya eu 20 bleffés
à cette attaque
& huit de tués. On a attaqué la nuit de vive force deux redoutes
fituées dans l'inondation paliffadée & embraffées
d'un foffé plein d'eau large de 35 pieds & très profond
qui défendoit la digue qui foutient le premier
étage des inondations de Mons du côté de
Quefme , l'une fe nomme le Fort Corbeau , & l'autre
le Fort l'Eclufe , elles ont été emportées ; on y
afait so prifonniers & pris 7 pieces de canon.
M. de la Houlliere chargé de l'attaque du Fort:
Corbeau s'en eft rendu maître fur les deux heures
du matin & a eu 7 hommes de tués ou bleffés.
M. Detondu ayant marché fur l'autre s'en eft,
emparé fans perte , les ennemis s'étant rendus pri-
Lonniers après avoir tiré quelques coups de fufil .
Le 27 attaque de Berthamont.
La tranchée a été relevée à l'attaque de Berthamont
le 27 par M. de Chabannes , Lieutenant Général
& M. de Pont S. Pierre Maréchal de Camp.
M. le Prince de Guife Brigadier , 4 Bataillons ,"
6 Compagnies de Grenadiers & deux piquets de
Dragons , pour le travail de la nuit foo travailleurs
qui conduits par la Brigade d'Ingenieurs de
Riverfon , ont augmenté de 8 zigzagues les 18 de
la nuit précedente , qui cheminent fur la capitale
d'une redoute à droite de l'ouvrage à corne ; on a
I
158 ME CURER DE FRANCE.
continué la feconde parallele de 408 toifes , de
forte qu'elle dépaffe la redoute, & fait une communication
de batterie de 15 toifes , total de l'ouvrage
de la nuit à cette attaque 543 toifes.
Latête de nos ouvrages eft à o toifes de la paliffade
de l'ouvrage à corne ; 2 Officiers d'Artillerie
& 6 Soldats bleffés .
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée à l'attaque de Nemy
le 27 par M. de Coigny , Lieutenat Général &
M. de Muy ,Maréchal de Camp.
foo travailleurs ont été commandés pour être
conduits par la Brigade d'Ingenieurs de Silets .
On a prolongé la droite de la troifiéme paralelle
de 18 toifes , la deuxième de 70 & la premiere de
55 , toujours fur la capitale de la demi lune ; on
ya fait 111 toifes de communication à la gauche
, ce travail eft de 254 toifes.
La tête des ouvrages eft à 8 toifes du petit ou
vrage à gauche de l'ouvrage à corne & à 20 toifes
de la paliffade du chemin couvert de la demi lune
de l'ouvrage à corne ; 4 tués , ro bleffés 50
canons 10 mortiers ont tiré aujourd'hui à Ber
thamont ; zo canons & 12 mortiers à Nemy , ily
aura fous deux jours o pieces de canon à Nemy.
La prife des redoutes de l'Eclufe & du Corbeau
enlevées l'épée à la main , ainfi que l'occupation
depuis l'ouverture de la tranchée de Nemy
des quatre redoutes fituées depuis la tête de ce
Village jufqu'aux ouvrages de la Place , & que
les ennemis ont abandonnées fucceffivement , les.
ont engagés à ne laiffer qu'un très foible pofte
dans l'ouvrage à corne , en avant de la porte du
Parc fur la Haine . Si- tôt qu'on en a eu connoif.
JUIN 1746.
fance , on a marché à l'ouvrage ; le peu d'hommes
qu'il y avoit s'eft retiré en y laiffant une pie
ce de canon ; nous gens y étant entrés fe font
portés fur la chauffée qui va de ces ouvrages à
Mons,ils fe font emparés de quelques maifons & par
là ont coupé la retraite au pofte de 20 hommes
qui gardoient la redoute de la Haine , qui après
quelques coups de canon fe font rendus prifonniers
ces ouvrages pris , achevent de nous donner la clef
du premier étage des innondations de Mons qui
font retenues fucceffivement de chutes en chutes.
par differentes digues.
Le 28 attaque de Berthamont.
M. le Marquis du Chatelet Lieutenant Général,
M. le Dnc de Fleuri Maréchal de Camp.
On a ouvert la nuit fur le centre de la deuxiéme
parallele deux.zigzagues d'environ 40 toifes
de furpendiculaires chacun , les extrémités font
éloignées des paliffades du chemin couvert d'environ
40 toifes. Le Fort S. Pierre dont on s'eft
emparé hier n'eft pas occupé , étant commandé- ·
par un ouvrage que les ennemis gardent encore ;
on y a fait un Officier & 19 Hollandois prifonniers.
L'artillerie des ennemis , malgré le grand feu
que nous avons fait dans la journée d'hier , fefoutient
à quelques pieces près ; la nuit a été affés ,
tranquille , les ennemis n'ayant tiré que très peu
de moufqueterie.
E
M. le Chevalier de $ . Ouin Ingenieur & un,
Lieutenant du Regiment de Mailly ont été tués ,
M. Fournier Ingenieur grievement bleffé dès
-
160 MERCURE DE FRANCE.
éclats de bombes , M. de Varvielle Brigadier des
Ingénieurs & un Soldat bleffés légerement .
Attaque de Nimy.
M. le Comte d'Eftrées Lieutenant Général , M.
de Blet Maréchal de Camp .
A l'attaque de Nimy on a fait 4 coupures entre
la troifiéme redoute de Nemy & le glacis du
chemin couvert , l'eau coule avec abondance & la
diminution eft fenfible .
On a prolongé la premiere parallele de 80 toifes
, elle appuye à l'inondation , elle déborde la
deuxié me & la capitale de la demie lune d'environ
40 toifes.
La deuxième parallele a été prolongé fur la droite
de 70 toifes , elle eft à la diftance de l'ouvrage à
corne .
La communication ſera achevée d'être perfectionnée
aujourd'hui. La batterie deftinée pour les
pierriers eft achevée , elle eft placée à 13 toiſes du
petit ouvrage au- deffus de l'ouvrage à corne.
On travaille à une nouvelle batterie de 6 pieces
pour battre la face & la courtine du baftion
du vivier des Apôtres , elle tirera demain à la
pointe du jour. Le feu des ennemis n'a pas été f
vif, nous avons eu 7 Soldats bleffés .
Le 29 attaque de Berthamont.
La tranchée a été relevée à l'attaque de Berthamont
le 9 par M. le Marquis de Clermont d'Am-
& M. de Fodoas Maréchal de Camp ; M. de S.
Segreaux Brigadier , 4 Bataillons , fix Compagnies
de Grenadiers Auxiliaires deux piquets de
Dragons.
"
JUIN 1746.
166
Les travailleurs de nuit conduits par la Brigade
d'Ingenieurs de Damonville , commandés par le
Chevalier de Clermont , le Brigadier n'étant pas
arrivé , ont pouffé à l'extremité des zigzagues ter
minés hier , une ligne droite pour aller gagner la
capitale du demi Baſtion droit de l'ouvrage à corne
On a continue fur lad . capitale ces zigzagues de
9 à 12 toifes de longueur , & on a commencé une
parallele qui traverfe la chauffée par la droite ,
s'avançant enfuite par la gauche . Cette partie de
parallele a 99 toifes de longueur . Sur la gauche
lés zigzagues qui ont enſemble 82 toifes de longueur
ont été terminés d'une parallele par la droite
on n'a pu joindre la premiere partie & par la gauche
on eft terminé au rideau . Cette partie de parallele
a 73 toifes de longueur , il s'en faut de 25
toifes qu'elle ne joigne la premiere partie , mais
elle la joindra dans la journée. Tout ce travail a
330 toifes de de longueur & la parallele fe trouve, a
30 toifes de la paliffade .
M. de Chapoix Capitaine des Grenadiers d'Enghien
& un Lientenant de Grenadiers du même
Regiment ont été bleffés . Il y a eu auffi 12 Soldats
bleffés & 4. de tués ?
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée le 29 par M. de Salliere
, Lieutenant Général & M. du Mefnil Maréchal
de Camp. M. Marquis Brigadier.
3 Bataillons , une Compagnie de Grenadiers Auxiliaires
, un piquet de Dragons.
Les travailleurs de nuit conduits par la Brigade
d'Ingenieurs de Duportail , ont pouffé 5 zigzagues
de la premiere parallele en avant fur la capitale de
62 MERCURE DE FRANCE.
la demie lune dé l'ouvrage à corne de Nemy , pour
déborder le flanc de la troifiéme parallele , les $
zigzagues font enfemble 69 toifes de longueur .
D'une extrémité de la troifiéme parallele on a
marché auffi en zigzagues fur le chemin couvert
; fur la gauche on a pouffé une fappe qui partant
de la derniere parallele déborde la branche
de l'ouvrage à corne , en pouffant fur les glacis .
Cette fappe a 45 toifes de longueur , tout ce travail
enſemble eft de 169 toifés de fappe.
M. de Berouffe Capitaine de Grenadiers Royaux
a été bleffé. Il y a eu un Soldat de tué & 13 de
bleffés.
Le 30 Attaque de Berthamont.
M. le Duc de Boufflers Lieutenant Général , M.
le Duc de Lauragais Maréchal de Camp , M. de
Fontenoy Brigadier , 4 Bataillons , 6 Compagnies
de Grenadiers Auxiliaires & deux Piquets de Dragons,
Les travailleurs de nuit conduits par la derniere
Brigade d'Ingenieurs de Riverfon ont achevé de
perfectionner & de joindre les 2 parties de la troiféme
parallele , par laquelle on a fait 3 débouchés
pour marcher en zigzagues fur les 3 capitales
des deux demi Baftions & de la demie lune
de l'ouvrage à corne , fçavoir 10 fur la droite
qui ont enfemble 78 toifes , 8 au centre qui ont
86 toifes & 8 à la gauche qui en ont 72 , plus deux
communications à deux nouvelles batteries qui
ont 25 toiſes.
On s'eft trompé hier dans la diftance qu'on
avoit eftimée , puiſqu'aujourd'hui celle de la tête
JUIN 1746. 163
du travail fe trouve encore être au centre à 20
of es de la paliffade du chemin couvert..
M , de Breval Ingenieur bleffé , 10 Soldats tués
13 bleffé,
Attaque de Nimy.
M. de Villemur Lieutenant Général , M. d'Eftrehans
Maréchal de Camp & M. de Pumboque
Brigadier , 3 Bataillons , une Compagnie de Grena
diers Auxiliaires , un Piquet de Dragons.
Les travailleurs de nuit conduits par la Brigade
d'Ingenieurs de Filey ont abordé à la fappe le faillant
du petit ouvrage en terre à gauche du demi
Baftion gauche de l'ouvrage à corne de Nemy : on
l'a même enveloppé . On a pouffé une parallele en
fappe jufqu'à l'angle faillant du chemin couvert
de la demie lune , & on a débordé & envelopé ces
angles de droite & de gauche , ces deux logemens
ont auffi été communiqués par un boyau qui flanque
en même tems le nouveau logementdes travailleurs.
M. de Filley fils Ingenieur tué, 6 Soldats tués ,
7 bleffés.
Le 1er. Juillet attaque de Berthamont.
La tranchée a été relevée à l'attaque de Bertha
mont le premier par M. Monin Lieutenant Général
, M. Dandlau Maréchal de Camp & M. du
Rouget Brigadier .
4 Bataillons , 6 Compagnies de Grenadiers & a
piquets de Dragons .
Les travailleurs de nuit conduits par la demie
Brigarde des Ingenieurs de Franquette , ont con
164 MERCURE DE FRANCE.
tinué les fappes fur les trois capitales & les ont
terminées par une parallele qui eft eftimée être à
12 toife's de la paliffade , cette parallele appuyée
par les deux extremités au rideau efcarpé , n'eft
pas abfolument achevée , mais elle le fera dans
le jour , elle a 150 toiſes de- long & les zigzagues
enfemble autant , ce qui fait en tout 300 toifes
de fappe.
Officiers tués , M. de Vitray Ingenieur , M. de
Laurial Lieutenant des Grenadiers de Vermandois
& un Lieutenant des Grenadiers d'Artois .
Officiers bleffés , M. de S. Chatte Capitaine de
Monaco , & M. le Chevalier de Ganart Capitaine
audit Regiment , Soldats tués 5. bleffés 62.
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée le premier par M. de
la Riviere Lieutenant Général , M. de Surgeres
Maréchal de Camp , M. de Ruffec Brigadier.
3 Bataillons > une Compagnie de Grenadiers
Auxiliaires , un piquet de Dragons . ?
Les travailleurs de nuit conduits par la demie
Brigade d'Ingenieurs de Franquette & ont achevé
de couronner le chemin couvert de pied , partie
de la face droite de la demie fune juſqu'à l'inondation
de la gauche , ce qui fait la longueur de
260 toifes y compris les traverfes tournantes , Soldats
71 tués , bleffés 27.
Le 2 attaque de Berthamont.
La tranchée a été relevée le 2 Juillet par M. le
Comte de Thermes Lieutenant Général , & M.
de Coet-logon , Maréchal de Camp , M. de Crillon
Brigadier , 4 Bataillons , 6 Compagnies de
JUIN 1746. 169
Grenadiers Auxiliaires , 2 piquets de Dragons
Le chemin couvert de l'ouvrage à corne a été
attaqué par fix Compagnies de Grenadiers qui devoient
être foutenues par fix autres , & qu'on laif,
fa pour cet effet à la queue des travailleurs.
Les travailleurs ont débouché après les Grena
diers fur les trois capitales , deux Compagnies à
chacune ; on a chaffé l'ennemi & fait 37 prifon
niers , tandis que trois Brigades de mineurs fe font
jettées dedans pour chercher l'embouchure des
mines , ils en ont arraché trois fauciffons ; pendant
ce tems M. Duportail Brigadier des Ingenieurs
; M. Pélotte fous Brigadier , & M. Boulard
Chefde Brigade à la tête des travailleurs aidés
de neuf autres Ingenieurs ou Volontaires ,
ont fait le logement à dix pieds de la paliffade ,
Il couronne tout le chemin couvert ; ce logement
a été perfectionné dans la matinée , ainfi que les
3 communications à la quatriéme paralelle , tout
F'ouvrage confiite en 350 toiles de fappe.
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée parM de la Farre Lieu
tenant Général , M. de Beaupreau Maréchal de
Camp & M. le Prince de Monaco Brigadier , 3 bataillons
, 3 Compagnies de Grenadiers Auxiliaires
& un piquet de Dragons .
Les travailleurs conduits par la demie Brigade
d'Ingenieurs de Damonville , commandée par M.
le Chevalier de Clermont , ont continué le logement
du chemin couvert fur la branche droite de
la demie lune de l'ouvrage à corne jufqu'à fa place
d'armes rentrante , Ont à fait une traverſe vers
l'angle de la place d'arme rentrante à la gauche
de la demie lune , pour empêcher que la batterie
166 MERCURE DE FRANCE.
低
que l'on doit faire pour battre cette Place ne foit
vue à dos , on a fait auffi une communication à la
parallele ; tout cela fait environ 50 toifes de fap
pe. On a commencé auffi les deux defcentes du
foffé .
Le 3 attaque de Berthament .
La tranchée a été relevée le 3 par Meffieurs de
Maubourg Lieutenant Général , le Duc de Briffac
Maréchal de Camp , M. de Bombelle Briga
dier.
4 Bataillons , 4 Compagnies de Grenadiers Auliaires
& deux piquets de Dragons.
Les travailleurs de nuit ont été conduits par la
demie Brigade d'Ingenieurs de Duportail , commandée
par M. de Viencourt fous Brigadier.
Ce travail confifte fur la droite en deux débouchés
, qui communiquent au logement pratiqué
dans la place d'armes faillante qui s'étend d'une
traverſe à l'autre , & un autre débouché pour la
defcente du foffé qui doit aboutir vers le milieu
du demi baftion de la droite , un pareil débouché
a été fait vers le milieu de face du demi baſtion
de la gauche , & le troifiéme fur la face gauche de
la demie lune ; on a fait auffi un logement dans la
place d'arme faillante du demi baftion de la gauche
, avec une communication fur la capitale ; le
logement eft appuyé de droite & de gauche aux
traverſes voifines . On a fait auffi une communication
de 35 toifes de longueur pour les batteries
de canon fur le chemin couvert deſtinées à battre
en breche l'ouvrage à corne.
A été bleffé , M. de S. Amant Lieutenant au
Regiment de Monaco , 2 Soldats tués , 19 bleffés.
JUIN
167 1746.
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée le 3 par M. de la
Mothe Lieutenant Général , le Duc d'Havré Maréchal
de Camp , le Prince de Guife Brigadier.
3 Bataillons , 3 Compagnies de Grenadiers Auxiliaires
& un piquet de Dragons.
ce
Les travailleurs de nuit ont été conduits par la
demie Brigade d'ingenieurs de Damonville ,
travail confifte en l'achevement du couronnement
du chemin couvert de la face de la demi
lune , il contient so toifes de demi fappe , & une
communication qui a été auffi faire pour les batteries
en bréche contre la face gauche de la demie
lune , cette communication a 18 toifes de longueur
en double fappe. Les trois galleries qui
font destinées pour la défenſe du foffé devant les
faces des demi baftions à cette gauche de la demie
lune, commencent à être de douze pieds de
profondeur &font pouffées jufqu'à trois pieds de la
paliffade, Le canon a tiré en bréche ce matin à fix
heures.
Bleffés M. de la Roche , Girard Officiers poin
teurs , 19 Soldats de bleffés , 7 de tués,
Le 4 attaque de Berthamont,
La tranchée a été relevée à Bertham ont le4par
M. le Comte de Baviere Lieutenant Général , Mrs.
de Buffi Maréchal de Camp & de Beaucourt Bri
gadier.
4 Bataillons , 4 Compagnies de Grenadiers
Auxiliaires & deux piquets de Dragons.
Le travail de la nuit conduit par M. de
Riverfon & les Ingenieurs de fa demie Brigade
168 MERCURE DE FRANCE
s'eft borné à continuer les 3 defcentes de foffés ,
14 piéces de canon ont été mifes en batterie battant
en bréche , 11 mortiers & 5 pierriers tirerent
auffi .
On a blindé les communications de batterie de
15 toiſes en double fappe , remis en état plufieurs
parties de zigzagues
endommagées
& l'on a conftruit
une redoute de 20 toifes de face pour contrecarrer
le moulin de S. Pierre , dont elle n'eft
éloignée
que de 40 toifes , elle couvre le Village
d'Hiom & affûre la droite de notre premiere
paralelle
qui eft dégarnie
de troupes
depuis que nous
fommes
avancés
fur le chemin
couvert. s foldats
tués . M. Daigremont
Capitaine
dans la Marche &
21 Soldats
bleffés.
Attaque de Nimy.
La tranchée a été relevée à Nemy par Mrs. de
Fenelon Lieutenant Général , Lacoste Meffeliere
Maréchal de Camp & Marquis Brigadier.
3 Bataillons , 3 Compagnies de Grenadiers Auxiliaires
& un piquet de Dragons.
Le travail de la nuit conduit par la demie Brigade
d'Ingenieurs de Riverfon commandée par
M. de Fontenay fous Brigadier , à confifté dans
la continuation des deux paffages de foffés qui
font achevés , & l'on travaille aux ponts pour parvenir
aux brêches qui commencent à devenir pratiquables
, on s'eft emparé d'une petite redoute de
maconnerie , qui eft dans la place d'armes faillan
te du chemin couvert du demí baſtion gauche ,
& fait une communication du logement a cette
redoute , le logement du chemin couvert a été
continué fur la droi e , il entoure la place d'armes
rentrante & la dépare jufqu'à moitié de dif
tance
JUIN 1746. 169 .
tance de cette place à la faillante vers l'inondation
.
On a auffi envelopé l'ouvrage le plus près de l'inondation
; on s'eit emparé dans ces deux endroits
de trois pieces de canon ; ce matin le paffage du
foffé a été achevé de la contrefcarpe à la face de
la demie lune & la bréche étant bonne on s'eft
logé fur le haut , le pont à l'ouvrage à corne
n'eft pas encore fait , la bréche eft faite , 9 Soldats
tués , 26 bleflés .
Le 5 , attaque de Berthamont.
La tranchée fut relevée par M. le Comte de
Coigny , Lieutenant Général , & M. le Chevalier
d'Agueffeau , Maréchal de Camp .
Lés travailleurs ont, prolongé le logement dans
le chemin couvert de la branche gauche jufqu'à
derniere traverfe ; on a perfectionné le front
de la communication du chemin couvert à la demie
lune , laquelle avoit été abandonnée le matin
par les ennemis , & on plaça en avant de la
quatriéme parallele , deux mortiers dans le zigzague
de la droite , & un à même hauteur de celui
de la gauche.
Attaque de Nimy.
M, le Comte de Lautrec , Lieutenant Général ,
M. de Bernage de Chaumont , Maréchal de Camp.
Les travailleurs ont élargi les rampes des bréches
des deux demi baftions , & de la demie lune
de l'ouvrage à corne On a couronné tout le
front de l'ouvrage à corne & on a fait un logement
fur le cavalier , & après avoir mafqué la poterne
du milieu de la courtine on a porté a dro e &
à gauche deux fappes paralleles aux faces de la
demie lune .
11, Vol. H
470 MERCURE DE FRANCE,
Le 6 Attaque de Berthamont.
M. de Chabanne , Lieutenant Général , & M,
de Fienne Maréchal de Camp .
On a fait le logement dans la demie lune de
l'ouvrage à corne & la commu ication par la
brêche. L'ouvrage à corne a été abandonné ce
matin , on y a trouvé 60 à 7 bifcayeas chargés
des faulx renverfées , 3 piéces de canon de fonte
, mortier & un obuts ; quelques Grenadiers
qui ont été chargés de le tater , ont eventé
les mines du fecond baftion de l'ouvrage à corne ;
on cherche actuellement celles du demi baſtion
gauche. On a placé quelques gabions ur le haut
de la brêche & on fe logera cette nuit . On a fait
le long du chemin couvertde la branche gauche
25 toifes de double fappe & un retour qui coupe
les glacis & le chemin couvert de fappe plein
Nous avons eu M. de Rouviere , Major du Rẻ-
giment de Monaco , M. de Belle - Roche , Lieutenant
du même Régiment , & M. Puizinier
Aide Major du Régiment d'Anguien bleffés , I foldat
tué & 17 bleffés .
Attaque de Nimy.
M. du Chatel , Lieutenant Général , & M,
de Muy , Maréchal de Camp .
On a perfectionné le logement de l'ouvrage à
corne & on l'a prolongé dans le rempart jufqu'à
l'extremité des branches . On a prolongé
la fappe dans le terreplein du chemin couvert de
la branche gauche de l'ouvrage à corne juſqu'à 6 à
7toifes de la place d'armes qui couvre la porte de
Nimy. La tête de ce travail n'est qu'à 20 toifes
du pont levis .
JUIN 1746. 178
On a commencé fur la gauche de la deuxième
parallele une redoute ; pour l'affûrer on a établi 4
batteries , une de 6 mortiers & deux peniers fur
la courtine de l'ouvrage à corne , une de 3 piéces
fur l'angle de l'epaule du demi baftion gauche
pour battre en brêche la face gauche du
fecond ouvrage à corne , une batterie de 3 piéces
fur le rempart de la branche gauche de l'ouvrage,
à corne pour battre en biêche la face gauche de
la demie lune & une quatriéme batterie de piéces
à gauche du chemin couvert pour battre les
petits ouvrages collateraux . Toutes les batteries
feront en état aujourd'hui de recevoir les
piéces
Le feu n'a pas été bien vif ; nous avons eu M.
de Bonne , du Régiment de Navarre , bleffé ; 3
foldats tués & 16 de bleffés .
Le 7 attaque de Berthamont.
M. de Salieres , Lieutenant Général ; M. le
Duc de Fleuri Maréchal de Camp , & M. de
Crillon Brigadier.
3 Bataillons & 3 Compagnies de Grenadiers
Auxiliaires , & un Piquet de Dragons.
Les travailleurs de nuit conduits par la Brigade
d'Ingenieurs de Duportail ont fait une parallele
dans l'ouvrage à corne dont la communication
à droite confifte en fix zigzagues qui partent
de la droite du demi baftion . La partie
gauche de cette parallele eft reftée imparfaite
ainfi que fa communication , dont il n'y a que
deux zigzagues de faits .
On a fait un logement fur le glacis à l'extremité
de la branche droite qui part du terreplein
du chemin couvert dudit ouvrage à corne &
>
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
commencé une coupure dans une digue de 8
toiles d'épaiffeur pour faire couler les eaux des
avant foflés dans les marais de Cueſme .
On va travailler aux batteries de canon dans
• l'ouvrage à corne pour battre en brêche deux
demies lunes qui couvrent le corps de la place .
Du travail de cette nuit on a perdu le Chevalier
d'Aumont , Ingenieur , tué d'un coup de
fufil . Mrs du Portail , de Riancourt & Sainneton
de Chermont tous trois Ingenieurs , ont
été bļeffés . Il y a eu 13 foldats tués & 35 bleffés,
9
Attaque de Nimy.
? M le Comte d'Eftrées Lieutenant Général ;
M. de Pont Saint Pierre , Maréchal de Camp 2
& M. de Rougé , Brigadier.
2 Bataillons 4. Compagnies de Grenadiers Auxiliaires
& un Piquet de Dragons,
Les travailleurs de nuit conduits par la demie
Brigade d'Ingenieurs de Chaville , commandée
par M. Plotteau Sous- Brigadier , ont fait une communication
partant de l'extremité du logement
dans l'ouvrage à corne & parallele à la face
gauche de la demie lune le long de la branche
gauche dudit ouvrage , & une batterie dont les
embrafures doivent être percées dans le parapet
de ladite branche & un petit retrancheme:
dans la place d'armes rentrante à l'extremité du
chemin couvert de la branche gauche qui maſque
le pont & coupe à l'ennemi toute communication
au dehors ; ils ont fait de plus une cou➡
pure fur le chemin couvert de la branche droite
9 du même ouvrage à corne au pied de la troifiéme
traverfe pour l'ecoulement
des eaux du
foffé dans l'avant foffé de la prairie.
M. de Kerein , Capitaine des Grenadiers de
Penthiévre , bleffé ; un foldat tué & 14 bleffés ,
JUIN
1746. 173
Le 8 attaque de Berthamont.
La tranchée a éré relevée le 8 par M. de
Clermont d'Amboife Lieutenant Général , M , de
Faudoas Maréchal de Camp , le Prince de Monaco
Brigadier , trois Bataillons , trois compagnies de
Grenadiers auxiliaires & un piquet de Dragons ."
Les travailleurs de nuit , conduits par la demie
Brigade d'Ingenieurs de Riverfon ont perfectionné
un boyau fur la gauche dans l'ouvrage à Corné,
qui avoit été abandonné & fon extremité, On a
pouffé une fappe de 25 toifes fur le bord du foffé
jufqu'à l'extremité de la branche.
Les batteries ont été achevées & tirent actuellement
: On va commencer à travailler aux punts .
Officier tué , M. de Charuaffé Lieutenant de
Mailly , un foldat tué , bleffés trois.
Attaque de Nimy.
La tranchée à été relevée le 8 par M. le Duc
de Boufers Lieutenant Général , M. Dumefnil
Maréchal de Camp , le Prince de Guife Brigadiers
, trois Bataillons , trois Compagnies de Grenadiers
auxiliaires , un Piquet de Dragon.
Les travailleurs de nuit conduits par la demi brigade
d'Ingenieurs de Riverfon , commandée par M. de
la Chaife , oat élevé confidérablement le parapet &
de la fappe à droite dans l'ouvrage à corne
coupé le parapet du rempart pour s' loger , mais
les eaux rendent ce t avail très- difficile .
>
On a perfectionné auffi toutes les fappes de cette
partie , & travaillé au débouché pour le paffage
du foffe dudit ouvrage à corne , & tout de fuite
aux ponts. On a fait la communication à la batterie
Hij
174 MERCURE DE FRANCE.
fur la branche gauche ce travail & la coupure fur
la branche droite du chemin couvert ont été abandonnés
, les eaux du foffé & de l'avant foffé s'étant
trouvées de niveau.
M. de la Motte Officier d'Artillerie tué , M.
de Loffe Capitaine dans Crillon bleffé , M. de
Rambeau de Tuifau Lieutenant dans Crillon ,
bleffé , M. de Cabis Lieutenant dans Haynault
bleue trois foldats tués , bleffés huit.
M. Chauvelin Brigadier des armées du Roi , Major
général de celle commandée par le rince de
Conty , & que ce Prince a dépêché à Sa Majesté ,
arriva à Verfailles le 12 à neuf heures du matin
avec la nouvelle de la priſe de la Ville de Mons.
Le Gouverneur a fait arborer le drapeau blanc le
10 à dix heures du foir. Six bataillons des troupes
de la Reine de Hongrie , fix bataillons Hollandois
& quelques Efcadrons qui formoient la
garnifon de cette place fe font rendus prifonniers
de
guerre.
M. Chauvelin a été nommé par le Roi Maréchal
de Camp.
JUIN 1746 . 19 }
3 :*I *J **32,
NOUVELLES ETRANGERES
L
ALLEMAGNE.
'IMPERATRICE de Ruffie a réfolu d'augmenter
fes troupes de cinquante mille hommes
, mais elle n'a pas encore réglé de quelle
maniere fe fera cette augmentation ; le bruit s'eft
répandu à Pétersbourg que cette Princeffe eft ,
difpofée à figner un traité d'alliance avec la
Reine de Hongrie , mais que cette alliance ne
fera que défenſive , & que le nouveau traité fera
à peu près conforme à celui qui avoit été conclu
entre l'Empereur Charles V I. & la Czarine Catherine
les lettres de Ruffie confirment que les di
vers mouvemens des troupes Ruffiennes n'ont aucun
objet qui puiffe donner de l'inquiétude aux
autres puiffances.
M. de Voltaire Hiftoriographe du Roi & l'un
des quarante de l'Académie , & Mrs. de la Condamine
, de Buffon & d'Alemberg ont été nommés
Membres de l'Académie de Berlin .
On affûre que le Prince Cantacuzene a été
convaincu par des écrits de fa propre main d'avoir
formé le projet d'exciter une revolte dans la
Valachie Hongroife pour ſe faire reconnoître Souverain
de cette Province : on arrêta ce Prince &
la Princeffe fon époufe le 27 du mois paffé , on.
mit le fcellé fur leurs papiers , & on les a conduits
au Château de Neudftat le 8 de ce mois ;
on amena à Vienne de Temefar un Prêtre Grec
& un Marchand accufés d'être ent és dans ce
complot , mais ils ont été remis en liberté f
Hiiij
176 MERCURE DE FBANCE.
les preuves qu'ils ont données de leur innocence.
La nuit du 1 au 22 le Baron de Trenck fut
transferé à l'Arſenal fous la garde de quatorze
fufiliers. Les chefs d'accufation portés contre lui ,
& dont la plupart regardent la conduite qu'il a
tenue pendant la guerre de Baviere & de Boheme
font au nombre de foixante - dix , & il paroit
qu'on a deſſein d'examiner fon affaire avec la
derniere rigueur : les Commiffaires nommés pour
l'inftruire ayant informé la Reine de Hongrie qu'il
alleguoit pour fa juftification plufieurs ordres qu'il
prétendoit avoir reçus de quelques Généraux . &
en particulier du Baron de Berencklau , S. M. a
depêché un courier au Prince de Lichtenftein ,
pour lui ordonner de prendre à cet égard toutes
Jes informations néceffaires , en attendant l'accufé
eft gardé plus étroitement & l'on ne le laite parler
à perfonne , fans une permiffion expreffe de fes
Commiffaires : on ne lui donne plus le titre de
Colonel dans fes interrogatoires , ce qui fait préfumer
que fon affaire devient de plus en plus ferieufe.
Les Troupes du Cercle de Franconie s'affembleront
à Neckars - Ulm & elles ont commencé
le 12 à fe mettre en marche , celles du Cercle
de Suabe s'affemblerent près de Heilbron , & il
a été decidé qu'elles ne fe joindroient pas à celles
de la Reine de Hongrie. Plufieurs Etats des Cercles
ont repréfenté que l'Empire ne pouvoit former
une armée fans une nouvelle déliberation
de la Diette , la réſolution prife le 17 Decembre
de l'année derniere portant feulement que
chaque Etat tiendroit prêt à marcher un coips
de troupes trois fois auffi confidérable que celui
qu'il a coûtume de fournir.
Le Cercle de Suabe a répondu au dernier MéJUIN
1746 $77
moire qui lui a été communiqué de la part du
Grand Duc de Tofcane par le Baron de Ramfchwag
, que ce Prince ayant déclaré qu'il n'avojt
nullement intention d'enveloper les Cercles dans
la guerre entre le Roi de France & la Reine
de Hongrie , ce Cercle croit avoir fatisfait à ce
qu'exigent de lui les conjonctures préfentes , &
avoir pourvû fuffifamment à la fûreté commune
par l'augmentation de fes troupes ; que dès le
commencement de l'année derniere elles ont été
renfoncées d'un Régiment d'Infanterie , & qu'elles
font actuellement plus de trois fois auffi nombreu
fes qu'elles ont coûtume de l'être dans les cas
ordinaires , que le Cercle eft determiné à laiffer
ces troupes dans le camp qu'elles occupent actuellement
, & qu'on a pris les mefures néceffaires
pour leurs fubfiftances : qu'ainfi fuppofé que l'Empire
voulût paffer à des réfolutions ulterieures ,
ce Cercle pourra fur le champ s'y conformer , &
qu'il n'eft point douteux que pour peu que les autres
Cercles faffent autant d'efforts que lui , le
territoire de l'Empire ne foit fuffifamment garanti
de toute invafion ; que lorfque les Miniftres
de la Diette de l'Empire étant encore à Francfort
, le Grand Duc leur fit repréfenter que les
Cercles devoient mettre à exécution ce qui avoit
été reglé pour mettre l'Allemagne à l'abri des
hoftilités , le Cercle de Suabe avoit donné des
affûrances pofitives , qu'il s'uniroit à ceux qui feroient
dans la difpofition de concourir à cette fin ,
que les Princes Convocateurs de ce Cercle avoient
expofé que le principal cbjet , qu'on devoit avoir ,
étoit de conferver la tranquilité interieure des
Cercles , en ufant des moyens preferits par les
Conftitutions du Corps Germanique , jufqu'à ce
e que l'Empire prit d'autres réfolutions ; que ces
Hy
178 MERCURE DE FRANCE
Princes avoient ajoûté que fi les Cercles vouloient
agir de concert pour la défenfe des frontieres ›
fans offenfer aucune Puiffance , & fans fouffrir
qu'elles troublaffent le repos de l'Allemagne , on
éviteroit facilement de prendre part à la guerre
préfente , & d'en recevoir aucun préjudice ; que
pour jouir de ces avantages , il étoit néceffaire
que les Cercles entretinffent leurs troupes fur le
pied de l'augmentation indiquée , qu'ils les tinffent
prêtes à marcher , & qu'ils leur fffent fournir
toutes les armes & les munitions néceffaires ; que
le Cercle de Suabe non - feulement avoit approuvé
cette propofition , mais encore avoit rendu
exactement compte de tout ce qu'il avoit jugé à
propos de faire pour répondre aux defirs du Grand
Duc de Tofcane , lefquels fe oient bientôt remplis
, fi les autres Cercles confentoient de fuivre
cet exemple , puifqu'alors tout ce que demandent les
anciennes affociations fe trouveroit exécuté , même
dans les circonftances où le peril deviendroit plus
prochain qu'il ne paroît l'être ; que le Cercle de
Suabe ayant fait connoître fes fentimens , il efpere
que le Grand Duc de Tofcane en fera fatisfait
, & n'exigera pas au- delà ; fur- tout qu'il n'infiftera
point pour que le Cercle fourniffe des fubfiftances
aux troupes de la Reine de Hongrie ,
ce Cercle ayant déja fait à cet égard des avances
fi confidérables qu'il eſt tout - à- fait hors d'état
de fupporter un plus grand fardeau .
L'armée commandée par le Prince de Lobckovvitz
, eft compofée des Régiments d'Infanterie
de Charles de Lorraine , de Damnitz , de Brovyne
, de Platz , de Bareith & de Vivary , de ceux
de Cuiraliers de Diemar , de Bernes , & de Cordoue
; de ceux de Dragons de Lichtenſtein , de
Eathiany , de Wirtemberg & d'Olonne ; de ceux
1 J
!
JUIN 1746. 179
de Huffards de Nadafti , de Feftetitz & de Kalnocki.
Le Comte de Mercy , le Baron de Philibert
; le Comte de Konig eg & le Baron de Trips
font les Lieutenants Généraux employés dans
cette armée , & les Majors Généraux font le Baron
de Hagenbach , M. de Saint André , le
Prince de Bade de Dourlach , les Comtes de Titheim
, de Colloredo , de Katnocki de Bentheim
& de Kalchreuter , les Barons d'Eberfeld , de
Pickel & de Walyvart , les Comtes de Vivari ,
d Oftein & de Spada . La premiere divifion de ces
troupes dirige fa marche vers Rutel heim , où elle
attendra les autres divifions . On a appris de Ratisbonne
, que le 23 du mois dernier la Diette
de l'Empire avoit reçu un Decret de commiffion .
par lequel le Grand Duc de Tofcane lui a fait
fçavoir que le Prince Charles de Lorraine avoit
accepté la dignité de Premier Feldt -Maréchal de
l'Empire. Ce dernier a écrit à cette affemblée ,
qu'il recevoit avec la plus vive reconnoiffance la
marque de confiance dont l'Empire l'honoroit ,
& qu'il prioit tous les Miniftres de la Diette d'en
affûrer les Electeurs , Princes & Etats , leurs Sou
verains , que jufqu'à préfent il n'avoit point hésité
d'expofer fa vie pour les interêts de la Patrie ,
& qu'il fe conduirait toujours de même , n'ayant
rien plus à coeur que de convaincre l'Empire de
fon zéle & de fon devouement.
GRANDE BRETAGNE.
ES dernieres nouvelles , qu'on a reçues
Ld'Ecoffe , n'annoncent pas que la tranquillité
y foit entierement rétablie , & elles donnent lieu
de croire que les habitans du Pays de Mull de
la Province de Strathnavern , des Iles de Skie,
H vj
130 MERCURE DE FRANCE.
de Jura , de Long-Iland , des Orcades , & du
Zetland continuent d'être attachés aux interêts
de la Maifon de Stuard . Le bruit fe répand
même , que S. M. B. a envoyé ordre au Duc de
Cumberland de ne point revenir à Londres ainſi
qu'il l'avoit projetté , ce qui confirme que le Gouvernement
ne regarde pas le Parti du Prince
Edouard , comme entierement diffipé . Ce Parti
reçu depuis peu des fecours , qui lui ont été
apportés par deux Fregates , & qu'on dit confif
ter en fept mille facs de farine , beaucoup de
munitions de guerre , dix -fept cent fufils , & une
fomme de douze cent mille livres . Le Vaiffeau
de guerre le Levrier , & les Chaloupes le Baltimere
& la Terreur , dès qu'ils ont eu avis de l'arrivée
de ces Fregates fur la côte de Loch Nova ,
font állés les attaquer , mais elles avoient déja
debarqué les provifions & les armes dont elles
étoient chargées , & elles firent un feu fi terrible ,
que le Vaiffeau le Levrier ayant été fort endommagé
dans fa mature , & les Chaloupes ayant été
mifes hors de combat , ces trois Bâtimens ont
été dans la neceffité de fe retirer. Le Capitaine
Noël , qui commande le Vaiffeau le Lebrier , fe
difpofoit , après avoir fait reparer ce Vaiffeau &
les deux Chaloupes , à faire une nouvelle tentative
pour s'emparer des Fregates ennemies , & il
efperoit d'autant plus de réuffir dans fon entreprife
, qu'il avoit été joint . par les Chaloupes la
Fournaif & le Corbean , lorfqu'il a appris que ces
Fregates avoient remis à la voile..
Le Duc de Cumberland a mandé au Roi ,
qu'ayant marché au Fort Augufte , il en avoit
trouvé les fortifications rafées & prefque toutes
les maisons demolies par les troupes du Prince
Idouard , & qu'on croyoit que ce Prince étois
JUIN 1746.
181
•
9"
encore en Ecoffe . Sa Majesté a été informée
par les mêmes lettres , que le Duc de Cumberland
avoit détaché un corps confidérable de troupes
, pour tâcher de diffiper cinq mille hommes
que le Parti de la Maifon de Stuard a affemblés
dans la Province de Lochabir . M. Lochiel
un des Gentilshommes les plus attachés à ce parti ,¸
s'eft foumis au Roi avec trois cent hommes qu'il
commandoit. On a reçu avis que Mrs. Hugues
Stirling de Kair & Jacques Barnet de Craig , faits
prifonniers dans la derniere bataille donnée en
Ecoffe , s'étoient fauves du Château de Dumbarton
.
"
Le 15 le Roi fe rendit à la Chambre des Pairs
avec les ceremonies accoûtumées , & Sa Majesté
ayant mandé la Chambre des Communes , donna
fon confentement au Bill pour augmenter de
i vingt-cinq mille guinées les revenus du Duc de
Cumberland , & à un autre Bill , qui ordonne
de faire le procès aux Lords Kelly , Strathallan
Elcho , Jacques Drummond , Georges Murray »
Louis de Gordon , Pitiligo , Nairn , Ogilvy &
- Dondée , & à Mrs. Simon Frafer , Robert d'Aldie
, Guillaume de Parck , Jean de Broughton
de Clenbacket , Donald de Lochield , Archibald
Cameron Louis de Tor Caſtle , Alexandre de
Dungallon , Macdonald de Clauronald , Donald ,
de Lögharie , de Keppoch , de Barifdale , der
Glencoe , Evan Machperfon de Clunie , Lauchlan
Machlauchlan , Jean Mac Kinnon , Charles Stevvart
d'Andsheill , Georges Lockart , laurent
Oliphan de Gask , Jacques Graham , Marc Gillivraë
de Drumaglash , Jean Hay & André Lumf-
-dale de Lumfdain > comme coupables de haute
- trahifon .
L. Il fe tint le 21 de ce mois à Kenfington un
182 MERCURE DE FRANCE.
Confeil , dans lequel il fut decidé que non- feulement
les Lords , mais encore les autres perfonnes
qui ont pris les armes en faveur de la Maifon de
Stuard , feroient jugés par voye d'accufation à
la Barre de la Chambre des Seigneurs . Le 23 il
fut propofe dans cette Chambre de préfenter une
adreffe au Roi , pour ſupplier Sa Majefté de dif
ferer le paffage de fes troupes dans les Pays - Bas ,
jufqu'à ce que la tranquillité foit entierement ré
tablie en Ecoffe , mais cette propofition fut rejettée.
La Chambre des Communes fit le 6 la
premiere lecture d'un Bill pour authoriſer le Roi
à emprunter un million de livres fterlings fur le
fonds d'amortiffement , elle refolut le 24 d'accorder
trente-fix mille huit cent foixante & quatre
livres sterlings pour les garnifons de la Grande
Bretagne & des Ifles de Jerſey & de Guernefey
; trente mille pour quelques depenfes qui
regardent les troupes , & aufquelles on n'avoit
pas encore pourvu , & dix mille pour l'entretien
des Forts de la Compagnied'Afrique . Les troupes
qui doivent paffer la mer pour aller joindre l'armée
des Alliés en Hollande , font trois Battaillons
des Gardes à pied , les Régimens d'Infan
terie de Howard , de Douglas , de Hufck , de
Johnſon , de Semple & de Pulteney , & le fecond
bataillon du Régiment Royal Ecoffois. Elles
feront accompagnées d'un train d'artillerie de
quatorze pieces de canon , chacune de trois livres
de balle. Le Contre - Amiral Leftock a été pleinement
dechargé de toutes les accufations intentées
contre lui , & le Roi vient de le nommer
Amiral de l'Efcadre Bleuë.
Les Ducs de Beaufort & de Suffolck , les Comtes
de Northampton , de Weftmoreland , d'Oxford
, de Hereford , de Shaftsbury , de Lichfields
JUIN 1746. 183
,
& de Stanhope , & les Lords Ferreres , Abing
don , Aylesford , Foley , Montjoy , Craven , Blet
foe , Ward , Boyle , Maynard & Talbot , ont
reinis à la Chambre des Seigneurs une Protefta
tion , contre la réfolution prife par le Parlement
au fujet du renvoi des troupes du Roi dans les
Pays-Bas. Cet écrit porte qu'il eſt directement
contraire aux intérêts de la Grande Bretagne ,
de l'engager à faire la gu rre fur terre , comme
partie principale ; qu'il en refultera non-feulement
une augmentation de taxes , mais encore la fortie
d'une immenfe quantité d'argent , & que la
Nation ne peut foûtenir long- tems un pareil fardeau
, fans s'expofer à fa ruine totale ; qu'elle
a déja éprouvé les maux que lui caufe l'influence
des intérêts étrangers ; que par là elle a été entrainée
dans les plus grands embarras obligée
de contracter des engagemens aufquels elle n'eft
point en état de fatisfaire , furchargée de fubfides
qu'elle a eu la douleur de voir employés pendant
la paix fans oeconomie , & pendant la guerre
fans effet , que le malheur de s'être endettée
de plus de foixante millions de livres fterlings ,
d'avoir épuifé fon credit , & d'avoir perdu la plus
grande partie de fon commerce , eft la fuite des
efforts qu'elle a faits dans le Continent en faveur
de la Reine de Hongrie ; que les moyens propofés
pour continuer de fecourir cette Princeffe ,
font non
feulement impraticables mais encore
inſuffiſans ; qu'il eft impoffible de juſtifier la maniere
dont la guerre a été conduite depuis l'infruc
tueufe victoire remportée à Ettingen jufqu'à la
fanglante bataille de Fontenoy ; que les Pairs qui
ont figné la prefente proteftation ont été furtout
determinés à cette demarche , en voyant le peu
d'ardeur des Alliés à défendre la caufe commune &
-
184 MERCURE DE FRANCE,
que la Barriere des Pays-Bas a été abandonnée ,
& que peu s'en eft fal u que l'Italie n'ait été perdue
, que les Minifties qui étoient chargés de
l'administration des affaires au commencement
de la guerre , avoient toujours prétendu qu'il
étoit effentiel que la République des Provinces
Unies fe déclarât ; que ceux qui leur ont fuccedé
ont regardé auffi cette condition comme nécef
faire ; que les depenfes des Alliés ne font point
du tout proportionnées à celles faites par la
Grande Bretagne pour prendre à fa folde des
troupes étrangeres ; qu'on s'eft fervi de ces troupes
pour la fureté interieure du Royaume , tandis
qu'une partie des troupes Nationales a été laiffée
inutilement hors de la Grande Bretagne ; que les
fuites les plus facheufes font à craindre fi jamais
un pareil ufage s'établit , & particulierement fi
le Roi peut negliger comme il a fait cette année ,
de confulter la deffus fon Parlement ; que les
Anglois doivent être en garde contre l'exercice
d'une prérogative fi dangereu e , à la faveur de
laquelle en fe fondant fur les mêmes motifs &
en admettant les mêmes fuppofitions , un nombre
plus confidérable de troupes mercenaires pourroit
être introduit dans le Royaume , & attenter à la
liberté de la Nation ; que dans un pareil cas la
fucceffion dans la Maiſon de S. M. feroit en danger
par le mécontentement général qu'exciteroit
une demarche de cette nature ; que la Nation eſt
encore plus decouragée de contribuer à des dépenſes
onereufes , & de fe jetter dans des rifques
qui l'allarment , lorfqu'elle confidere la trifte fituation
de fes affaires domeftiques ; que la tranquillité
n'eft pas à beaucoup près ré ablie dans le
Royaume ; qu'il eft difficile de prevoir quelle augmentation
de dépenfes exigeront encore les trouJUIN
1746. 1854
bles de l'Ecoffe ; que malgré les frequentes de
mandes du Roi pour les frais de la Marine , la
puillance de la Grande Bretagne fur mer diminue
au lieu de s'augmenter ; que fi l'on ajoûte
à cela l'état languiffant du commerce au dehors ,
le préjudice caufé à la culture des terres & aux
Manufactures par les levées de foldats & de matelots
, les difficultés de pourvoir convenablement
aux fubfides , l'accumulation des dettes publiques ,
& l'impuiffance de les acquitter , on ne peut s'empêcher
d'être effrayé du danger que court la Grande
Bretagne ; qu'il y auroit fujet d'efperer qu'en
employant avec prudence fes forces navales , en
fe contentant de fournir des fecours fuffifans aux
Puiilances du Continent , intereffées le plus imme
diatement à la guerre , & de s'oppofer aux def .
feins de la France , & en s'attachant à éviter
avec autant de foin une profufion ruineufe qu'une
oeconomie malentendue , elle parviendroit à recouvrer
la confideration qu'elle a droit d'attendre
des étrangers ; qu'après s'être épuifée inutilement
pour d'autres , elle goûteroit quelque repos , &
travailleroit à fon propre bonheur ; que les Seigneurs
qui ont jugé à propos de faire les repréfentations
contenues dans cette Proteftation
étant établis par la Conftitution de l'Etat , Protecteurs
du peuple & Confeillers de la Couronne ,
ils font obligés de s'oppofer à tout ce qu'ils
croyent être nuifible à l'un & l'autre ; qu'ils font
incapables de fe laiffer feduire par des motifs de
haine ou d'ambition ; qu'ils font vivement touchés
mais fans en être abattus , des perils qui menacent
leur Patrie , qu'ils ne negligeront aucun effort
pour en rétablir la porfperité , & qu'on ne peut y
reuffir qu'en remediant à pluſieurs abus , en dimi-
T
136 MERCURE DE FRANCE
nuant les dépenfes , & en faifant renaitre la con◄
fance dans les efprits d'où elle a été bannie .
ITALI E.
Le 10 de ce mois les troupes Françoifes commandées
par le Maréchal de Maillebois , s'étoient
mifes en marche vers Plaiſance , où l'on comptoit
qu'elles joindroient le 13 larmée de fa Majefté
Catholique. Le Maréchal de Maillebois , avant que
de faire ce mouvement , a ordonné de tranſporter
à Tortone tous les magafins qui étoient établis à
Novi & dans les environs. Cette derniere Ville
étant fans défenfe , les principaux habitans , dès
qu'ils ont fçu que les François fe préparoient à
à s'en éloigner , fe font retirés avec leurs effets
les plus précieux . On apprit le 11 que le Roi
de Sardaigne avoit paffé le Tanaro , & qu'ayant
envoyé des détachemens pour mafquer Tortone ,
il s'étoit porté avec cinq mille hommes à Novi ,
& qu'il y avoit exigé une contribution de deux cent
mille livres de Piemont. Quelques jours auparavant
les Piémontois avoient attaqué trois poftes
entre Final & Savone , mais ces poftes ayant été
fecourus par quelques troupes réglées & par les
Milices du Païs , les ennemis ont été repouffés ,
& on leur a fait un grand nombre de prifonniers .
La fituation dans laquelle l'armée E pagnole ,
commandée par l'infant Don Philippe , fe trouvoit
fous Plaiſance , avoit déterminé ce Prince
à demander dès le 18 du mois dernier au Maréchal
de Maillebois , de lui envoyer dix Bataillons
François. Ce renfort n'étant pas fuffifant pour
mettre l'Infant en état d'exécuter le projet qu'il
avoit formé d'attaquer les ennemis , il envoya
ordre le 6 de ce mois au Maréchal de Maillebois
de venir le joindre avec le refte de fon armée.
JUIN 1746. 187
Ce Géneral exécuta les ordres de l'Infant , &
l'armée Françoiſe ayant marché par Tortone ,
fe
rendit au camp des Eſpagnols près de cette Vill .
Le Maréchal de Maillebois y étoit arrivé le 14 ›
& il avoit eu avec l'Infant , le Duc de Modene
& le Comte de Gages , une conference , dans
laquelle il avoit été decidé qu'il étoit d'autant
plus néceffaire d'attaquer les ennemis dans leurs
retranchemens , que le Roi de Sardaigne , qui
s'étoit porté à Novi auffi - tôt que les François
avoient quitté ce pofte , les fuivoit & n'étoit
éloig é d'eux que de deux jours de marche. Il
avoit été arrêté dans la même conférence , que
l'attaque refoluë fe feroit le 16 avant le jour , &
les difpofitions pour cette entrepriſe furent ordonnées
le 15 par l'Infant & par les Généraux
qui fe trouvoient avec lui . Le même jour à l'entrée
de la nuit , les troupes Eſpagnoles & Françoifes
fe mirent en marche fur fept colonnes
dont quatre étoi nt formées par les Efpagnols
, & les trois autres par les François . Ces
dernieres ayant débouché fur les Poftes avancés
des ennemis , elles les forccrent de fe replier ,
& d'abandonner les Caffines qu'ils avoient fortifiées
. Les mêmes colonnes compofées des troupes
Françoifes , après avoir chaffé les ennemis de
tous les poftes qu'il avoient endeça du Refudo , fe
rejoignirent à la pointe du jour , & elles mar
cherent pour attaquer le camp des Autrichiens
par les endroits qui leur avoient été marqués . Dans
le même tems celle des quatre colonne Efpagnoles
, commandée par le Marquis d'Aremburu
, étant foutenue du Régiment des Gardes
Efpagnoles & de la Brigade de la Couronne , attaqua
avec tout le courage poffible la Caffine de
de Saint Dominique , laquelle appuyoit la gauche
*
488 MERCURE DE FRANCE.
des Autrichiens , & qui étoit garnie d'un Corps
d'Infantérie , & fortifiée par un retranchement
dans lequel ils avoient placé quinze piéces de canon
. Auffi - tôt le Maréchal de Maillebois paffa le
Refudo en bataille , mais dans le moment qu'il
fe difpofoit à foûtenir la colonne Efpagnole ,
il s'apperçut que la Cavalerie ennem ie & le feu
prodigieux de la batterie placée dans la Caffine ,
avoient obligé cette colonne de fe replier.
Voyant qu'elle commençoit à être en déroute" ,
il fe mit à la tête des Dragons qu'il fit combattre
à pied , & il fit avancer le Marquis de
Voluire , lequel avec deux cent Carabiniers arrêta
l'impetuofité de la Cavalerie Autrichienne .
Par cette difpofition l'Infanterie Françoife qui
foûtint pendant quelque tems l'affaire , auroit
refifté aux grands efforts des ennemis , fi un nouveau
Corps de leur Cavalerie , en prenant en flanc
Cette Infanterie , n'y avoit jetté le défordre .
Le Maréchal de Maillebois fit en cette occafion tout
ce qu'on pouvoit attendre de fa valeur , & il prit un
drapeau qu'il porta en avant de la ligne , dans
T'efperance de ranimer le courage des troupes ,
& de les remener à la charge . 11 fe retira
avec l'Infanterie en - deça du Refudo & du
Rio Commun , & ce fut derriere le Naville
qu'il parvint avec les Officiers Généraux &
ceux de l'Etat Major à rallier les troupes .
Pendant cette action qui fe paffoit à la droite
, le Comte de Gages avoit commencé l'attaque
de la gauche , & étoit parvenu à s'emparer
des deux Redoutes de San Lazaro. Les Gardes
Walonnes les prirent & en furent chaffées deux
fois , avec une fi grande perte de leur part , que
l'Infant n'efperant plus dans cet inftant de pouJUIN
1746. 189
voir retablir le combat . il ordonna de faire retirer
les troupes de la gauche.
2
" Le Maréchal de Maillebois qui avoit rallié
l'Infanterie à la droite , ayant reçu le même
ordre , l'exécuta & il ramena les troupes qui
étoient fous fes ordres au camp fous Plaisance
où les colonnes Espagnoles étoient déja arrivées.
On ne peut donner affés d'éloges à la capacité
que le Maréchal de Maillebois a fait pa
roître en cette occafion , dans laquelle les Oificiers
Généraux fe font infiniment diftingués ,
ainfi que tous les autres Officiers . Dans ce com
bat les troupes Efpagnoles , foit en attaquant
les Autrichiens , foit en réfiant à leurs efforts
ont repondu à la haute idée qu'on a euë dans tous
les tems de leur courage . On n'eft point encore
informé de leur perte , ni de celle des ennemis.
Les François , fuivant le détail qu'on a reçu , ont
eu onze cent hommes ou environ de tués , &
trois mille de bleffés ou faits prifonniers . Le Chewalier
de Rochechouart Faudoas , Colonel du Régiment
d'Infanterie d'Anjou , & le Marquis de Lef
cure , Meftre de Camp Lieutenant du Régiment
Dauphin Dragons , ont été tués. Les principaux
Officiers bleffés font M. de Turmel , Brigadier ,
& Capitaine d'une Compagnie de Mineurs ; le
Comte de Revel , Colonel du Régiment de Poi
tou ; le Chevalier de Teffé , Colonel Lieutenant
de celui de la Reine ; M. de la Rocheaymont ,
Colonel du Régiment de fon nom ; M. d'Ime,
court Colonel de celui de Perigord ; le Marquis
de Cafteja , Colonel de celui de Tournaifis ,
M. de Montcalm , Colonel de celui d'Auxer
Tois,
£
&
igo MERCURE DE FRANCE.
LA HAYE.
Le 27 de ce mois le Marquis de St. Gilles
Ambaffadeur du Roi d'Efpagne , & qui a reçu de
Madrid fes lettres de rappel , prit congé des
Etats Généraux par un Mémoire qu'il remit au
Comte de Randvvyck Préſident de cette Affemblée
. Ce Mémoire porte que depuis douze ans
qu'il a plû à S. M. C. de confier au Marquis de
St. Gilles les intérêts de la Couronne d'Eſpagne
auprès de cette Republique , ce Miniftre n'a pas
perdu de vue un feul inftant l'objet capital du
Miniftere dont il avoit l'honneur d'être chargé ,
& qu'il n'a rien negligé pour maintenir la plus
parfaite harmonie & l'amitié la plus folide entre
le Roi fon Maître & fes Etats Généraux ; que
dans le deffein de fervir plus utilement les
deux Puiffances , il s'eft appliqué conftamment à
meriter la confiance des Etats Généraux par fon
attention à rendre à leurs fujets tous les fervices
qui étoient en fon pouvoir , & à écarter juſqu'aux
moindres pretextes de plaintes reciproques ; que
les Etats Généraux fçavent dans quelle facheufe
difpofition il trouva les affaires à fon arrivée en
ce Pays , & combien une amitié fi importante au
bien des deux Etats , commençoit à fe refroidir ;
que des interêts particuliers mal expofés & deguifés
fous l'apparence de l'intérêt public , preparoient
infenfiblement à une mefintelligence , qui
fembloit annoncer les dernieres extremités ; que
la Grande Bretagne fe flata d en profiter , lorfque
'de vastes esperances la porterent à rompre avec
l'Espagne , & qu on fe fouvient qu'elle fit tous fes
efforts pour engager les Etats Généraux à s'unir
avec elle contre S. M. C. , mais que la prudence
JUIN 1746. 191
& l'équité de cette Affemblée lui fit fentir l'illufion
de la demarche dans laquelle on vouloit entrainer
la République ; que le Marquis de St.
Gilles eut alors la fatisfaction de voir les Etats
Généraux prendre le parti le plus digne de leur
fageffe , & le plus conforme non-ſeulement à leurs
veritables intérêts , mais encore à ceux de toute
l'Europe & du monde Chrétien ; qu'ils expofereat
à cet Ambaffadeur les griefs qu'on leur avoit
exagerés , & qu'ils trouverent dans S. M. C. un
Roi fincerement ami de leur République , un Mo - ✩
narque vraiment magnanime , qui ne connoît d'au
tres avantages que ceux qui s'accordent avec les
loix de l'équité la plus rigoureufe , & un Allié
d'une fidelité invariable dans l'exécution de ſes
promeffes , réligieux obfervateur des Traités ,
toujours attentif à les faire refpecter par fes fujets
, & châtiant exemplairement ceux qui ont
l'audace de les enfraindre ; que tel ce Prince a paru
aux Etats Généraux , tel il leur paroîtra dans tous
les tems ; qu'ils en ont reçu de nouvelles preuves
par fes Déclarations du 23 Août 1745 & du 16
Mai dernier ; que des exemples eblouiffans n'ont
pû l'ebranter , & qu'il fuffifoit pour être rejettés ,
qu'ils fuffent préjudiciables à la République , que
les deux Puiffances continuant de tenir cette
conduite , prevenant avec prudence tout ce qui
pourroit fonder de nouvelles plaintes , & ne
fouffrant point que les infractions des Traités demeurent
impunies , la bonne intelligence fubfif
tera à jamais entr'elles ; que le Marquis de St.
Gilles a la confolation d'être affûré , dans tout
ce qu'il a fait de l'approbation du Roi fon Maître
, & qu'il defireroit de pouvoir fe flater en
même tems d'avoir merité celle des Etats Gene
Faux ; qu'il ne peut fans une extrême ſenſibilité
192 MERCURE DE FRANCE.
quitter un Pays , où il a reçu de tous les Ordres
de l'Etat des marques fi précieufes d'eftime & de
bienveillance ; qu'il fe retire , penetre du plus profond
refpect pourl Affemblée des Etats Ĝénéraux
& de la plus vive reconnoiffance pour la Nation ;
que fon coeur confervera cherement des fentimens,
qui ne peuvent être affoiblis par l'éloignement ,
& que lorsqu'il aura l'avantage d'être auprès de
S. M. C. il faifira avec empreffement toutes les
occafions de pouvoir être encore quelque -fois utile
à la République.
DU CAMP DES ALLIES .
L'armée des Alliés a continué de fe retrancher ,
& le 16 la gauche du camp du côté de la Dunge ,
devoit être garnie de cent quatre- vingt mille palifiades
. Le Général Druchleben , qui commande
le corps de troupes Hano , eriennes que le Roi de
la Grande Bretagne a confenti de joindre à cette
armiće , arriva le 12 de ce mois dans ce camp. Il
y fut fuivi le lendemain par là premiére divilion
de ces troupes , & la feconde s'y eft rendue
le 16. La premiére eft compofée du Régiment
des Gardes & de deux autres Régiments d'infan
terie , la feconde de deux Régiments d'Infanterie
& d'un de Cavalerie , la troifiéme divifion
arriva le dix - feptiéme , & la derniere qui
conduit avec elle l'artillerie le 18. Ces troupes
au lieu de prendre leur route par Grave , ainfi
qu'il avoit été reglé , ont marché par Bommel
où elles ont paffe le Waal.Le Prince de Waldeck
deft avancé avec un Corps confidérable , pour
ob
ferver les mouvemens de l'armée commandée par
Le Maréchal Comte de Saxe.
Le Feldt- Maréchal Comte de Bathiany ayant
été
JUIN 1746. 193
té informé qu'on accufoit les Généraux de la
Reine de Hongrie , d'avoir laiflé commettre par
les troupes de cette Princeffe divers excès fur
les terres de la République , & d'avoir fouffert
qu'on ait forcé les habitans de prendre des fauvegardes,
qui ont exigé jufquà vingt- cinq florins par
jour , il a écrit aux Etats Généraux , que fa tendreffe
pour les troupes qu'il commande , ne l'aveugle
pas au point de vouloir entierement les difculper,
& qu'il avoue qu'il peut s'être paffé d'abord
quelques irrégularités , fur tout dans les premiers
jours que l'armée des Alliés s'eft retirée en Hollande
, mais que les Etats Généraux font trop éclai
rés pour ne pas convenir que ce font là des maux
inévitables que la guerre entraîne toujours après
elle ; que dans les armées les mieux difciplinées il
fe trouve toujours des efprits turbulens, qui s'abandonnent
à des violences que toute la vigilance
des Chefs ne peut prévenir ; que la feverité feule
peut remedier à ces defordres , & qu'on y a eu
auffi recours , dès que les crimes & les coupables
ont été reconnus , que diverfes punitions rigou
reufes , ordonnées en quelques occafions par les
Généraux de la Reine de Hongrie , montrent
fuffifamment qu'ils n'ont jamais pretendu tolerer le
brigandage & les vexations : qu'ils ofent défier
tous les fujets de la République , de prouver qu'ils
ayent demandé juftice , & qu'on la leur ait refufée
; qu'il eft bien vrai que les plain tes de ceux
qui n'ont pu juftifier les faits qu'ils alléguoient ,
font demeurées fans effet , mais que du moins fi
on ne leur a pas accordé de fatisfaction , on a
employé une attention plus particuliere à veiller
à leur fûreté ; que pour ce qui concerne les fauve
- gardes , dont le produit appartient à la Chansellerie
de Guerre & aux Adjudans Généraux
JI. vol. I
194 MERCURE DE FRANCE,
on a ſuivi le même tarif que dans la derniere guerre
de Flandres ; qu'il a été reglé par ce Tarif , que
pour une fauve- garde on payeroit une pitole en
recevant la Patente , & deux quand on demanderoit
un foldat ; que perfonne n'a été obligé de
payer une plus forte fomme , que les Deputés de
la Baronie de Breda ayant porté des plaintes contre
un Officier qui avoit exigé de l'argent pour
un detachement qu'on leur avoit accordé , cet
Officier avoit été mis aux Arrêts , & puni avec
fes complices ; que ce même détachement ayant
été partagé en divers endroits , il avoit été dif
tribué pour cet effet vingt Patentes de fauve - garde
pour lefquelles on n'avoit pas même reçu la taxe
ordinaire; que les Généraux de la Reine de Hongrie
réclament à cet égard le témoignage du Prince de
Waldeck , de tous les Officiers Généraux de la République
, en particulier celui du Brigadier Van
Leyden, qui commande dans Breda ; que ces mêmes
Généraux demandent que ceux , qui prétendent
n'avoir pas obtenu juftice , fe prefentent de nouveau
, pour publier leurs griefs , mais que s'ils
craignent de paroître , on reprime leur malignité ,
& qu'on les traite comme des gens dont l'unique
but at de femer la divifion entre les Alliés,
JUIN 1746.
195
L
MARIAGE ET MORTS.
E 28 Avril dernier fut fait le mariage de M.
Jofeph des Friches Doria de Braffenfes , dit
le Marquis Doria , Seigneur de Cayeux , de l'Efquipée
, de Cernoy du Pleffis & de Bachimont , &c.
Chevalier de l'Ordre militaire de S. Louis , veufdepuis
le 18 Octobre 1723 de Dame Marie- Anne
Colbert de Villacerf, avec Demoiſelle Perrette-
Françoiſe de Lefquen de la Villemeneuft . fille de
M Jofeph de Lefquen de laVillemeneuft , Brigadier
des armées du Roi & Commandeur de l'Ordre
Royal & militaire de S. Louis & de Dame Barbe
Marguerite-Perrette Garnier de Grandvillier ; M.
Doria eft fils de M. François des Friches Doria de
Braffeufes Seigneur de Cayeux dans l'Election de
Montdidier , & de Dame Anne du Fos , & petit
fils de François des Friches Doria , Chevalier Seigneur
de Cayeux & de Cernoy élevéPage de la petite
écurie du Roi , puis l'un des Ecuyers ordinaires
de fa Majefté , & de Dame Anne de Moreuil
Caumefnil , lequel François des Fr ches fut
inftitué heritier de la terre de Cernoy & autres
par le teftament de Pierre Doria fon oncle , Capitaine
de la Galere de la Reine mere du Roi ,
du 8 Juin 1630 , à condition pour lui & ſes defcendans
de porter le nom & les armes de la Maifon
de Doria , l'une des quatre premieres de l'Etat
de Génes . Mrs. des Friches de Braffeufes Doria
doivent avoir entre leurs titres le partage fait
le 19 Janvier de l'an 1471 des biens de M.
Pierre des Friches Seigneur de Villemanche , de
Iij
196 MERCURE DE FRANCE .
Chatillon fur Brefignouft & du Mefnil , & c leur
fixiéme ayeul entre Arnaud des Friches & Pie re *
des Friches fes enfans . Cette famille eſt diſtinguée
par fon ancienneté , par fes alliances & par fes
fervices militaires . Pour le nom de Lefquen il eft
marqué en Bretagne entre les nobles par fon ancienneté
, fes alliances & fes ſervices militaires.
❤
Le 8 Mai M, Gilbert Charles le Gendre Marquis
de S. l' Abi fur Loire , cidevant Maître des
Requeftes ordinaire des Hôtels du Roi , charge
dont il fut pourvu par Lettres du 19 Septembre
1714 , & avant Confeiller au Parlement , mourut
à Paris fans avoir été marié & dans la 58me.
année de fon âge , étant né le 9 Avril 1688 ;
il étoit fils de Charles le Gendre , Chevalier , Seigneur
de S. Aubin , Confeiller au Grand Confeil ,
mort le 18 Avril 1702 , & de Dame Marguerite
Vialet aujourd'hui vivante & retirée dans le convent
des Dames de Trefnel , & petit fils de Char
les le Gendre Seigneur de S. Aubin ſur Loire ,
Ecuyer de quartier de S, A, R. Madame Henriette-
Anne d'Angleterre , & de Dame Marie du Buiſſon
de Beauregard,
Feu M, de S. Aubin étoit l'Auteur du Traité de
l'Opinion , dont il y a eu plufieurs éditions dif
ferentes & d'autres ouvrages qui ont tous eu leurs
partifans , & leurs critiques ; il étoit cadet & de
même famille que feu M. le Gendre de Lermoy
Président de la Chambre des Comptes de Paris ,
dont nous avons annoncé la mort dans le Mercure
du mois d'Avril de cette année fol. 206.
Le Chevalier de Rochechouard Fuudoas , Colonel
du Régiment d'Infanterie d'Anjou , tué au cóm
JUIN 1746. 197
bat donné fous Plaifance le 16 Juin 1746 entre
les Efpagnols commandés par l'Infant Don Philippes
joints aux François , commandés par M. le
Maréchal de Maillebois , & les Autrichiens , étoit
de l'ancienne & illuftre Maifon de Rochechouard ,
dont la Généalogie le peut voir dans l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne vol . 4. fol.
649. Voyez aufli pour la branche de Rochechouard
Faudoas l'Hiftoire généalogique de la Maiſon
de Faudoas imprimé à Montauban en 1724 .
Le Marquis de Lefcure Meftre de camp , Lieutenant
du Régiment Dauphin dragons , tué au même
combat étoit d'une très- ancienne maifon du
Pays d'Albigeois , dont les armes font d'or à un
Lion d'azur.
Le 24 Michel - François de Valadons Comte de
Pertus , Baron de Montmorillon & de S. Clement,
Colonel d'Infanterie , Chevalier de l'Ordre de S.
Louis , & Gouverneur de Bellegarde en Rouffillon
, mourut à Paris âgé d'environ 60 ans ; il
-étoit fils d'Antoine de Valadous Seigneur & Comte
de Pertus, Marquis d'Arcy , Baron de Montmorillon
& de S. Clement , Chevalier de l'Ordre de
:S. Louis , Gouverneur des villes & citadelle de
Mont- Louis , & de Dame Madelaine de Mahaut
& il avoit été marié le 25 Janvier 1718 avec.
Efter-Marie-Louiſe de Madaillan de Lefpare de
Chauvigny.
•
Le 26 Céfar Phoebus de Bonneval , Marquis de
Bmuvil , & c. Seigneur de Couffac de Blan-
-chefort & Brigadier des armées du Roi du 4 Février
1704 , Chevalier de l'Ordre de Saint Louis
ncien Meftre de camp Lieutenant du Régi
Liij
198 MERCURE DE FRANCE
•
ment Royal des Cuiraffiers , par commiſſion du
17 Février 1697 , mourut à Paris dans la 76e. année
de fon âge , étant né le 22 Février 167. Il
étoit fils de Jean - François de Bonneval , Seigneur
de Bonneval de Couffac & de Blanchefort , dit le
Marquis de Bonneval mort le : 9 Juin 1682 , & de
Dame Claude de Monceaux morte lé 4 Septembre
1719 Il étoit frere ainé de Claude-Alexandre
, Comte de Bonneval. M. le Marquis de
Bonneval avoit été marié le 's Mars 1705 avec
Marie - Angelique d'Hautefort Surville , & il
en a eu Céfar Phoebus François de Bonneval ,
Comte de Bonneval né le 23 Novembre
1703 , Meftre de camp du Régiment d'Infan
terie de Poitou, par commiffion du 19 Février1723 ,
Brigadier d'armée , du premier Janvier 1740 ,
& marié depuis le 4 Décembre 1724 avec Marie
de Beynac fille de Guy , Marquis de Beynac premier
Baron de Perigord , & Marie- Marthe- Françoife
de Bonneval , mariée le 28 Avril 1720 avec
Louis de Talaru Marquis de Chalmazel . , Briga.
dier des Armées du Roi , Gouverneur des Villes
& Châteaux de Sarbourg & de Pharbourg & aujourd'hui
premier Maître d'Hôtel de la Reine ,
d'où font nés plufieurs enfans : Voyez la Généalogie
de la Maifon de Bonneval , généralement
reconnue pour une des premieres du Limofin , par
fon ancienneté , par la poffeffion de plufieurs terres
confidérables , par fes alliances & fes fervices ,
au folio 150 du premier volume du Supplement
du Dictionnaire Historique de Morery dans lequel
elle eft rapportée avec toutes fes Branches.
Dans le Mercure du mois dernier où l'on a parlé
du décès de Dame Bonne Marie du Murad époufe
de M. Jean Dominique Caflini Seigneur de Thu
JUIN 1946 .
19 :
fy, Confeiller du Roi en fa Chambre des Comptes
on a obmis de dire qu'elle étoit iffue d'une famil
le noble de Dauphiné établie vers l'an 1550 à
Lyon où la branche cadette de cette famille est
encore fubfiftante l'aînée s'eft établie à Paris en
la perfonne de M. Jerôme Murard Seigneur de
Beligueux reçû Confeiller au Parlement de Paris
en 1664 ; la défuntee étoit fa petite fille ; elle
laiffe une fille Marie Bonne Caffini dont elle eft
accouchée le 26 Juin dernier huit jours avant fon
décès .
On avertit le Public que l'introduction
à la Géographie & à la Sphere , en deux
volumes, qui fe vend à Paris chés SAVOYE
& que l'éditeur afflûre étre d'après le manufcrit
de feu M. de Lifle , a été imprimé à
l'infçû de la famille qui poffede le vrai manufcrit
original.
125
200 MERCURE DE FRANCE
EXEYSARE
ARRESTS NOTABLES.
RREST du Confeil d'Etat du Roi du premier
AFévrier 1740 ,qui enconfirmant un Arrêt de la
Cour des Monnoyes du 19 Octobre 1745 , ordonne
l'execution des reglemens concernant les Matieres
& Vaiffelles d'or & d'argent ; enjoint à tous
Officiers de Juftice , & aux Officiers des Amirautés
de s'y conformer.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du premier
Mars 1746 , qui ordonne la vente des Greffes
du Bailliage de Châteauroux , la Châtre , le Châtelet
, Saint-Gautier & droits en dépendans .
ARREST du Confeil d'Etar du Roi du 8 ,
qui maintient les Maire Pairs , Habitans &
Communaut de la Ville de Beauvais , dans le
droit de Péage par eux prétendu dans ladite Ville ,
pour être levé fuivant le tarif.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 9 ,
qui fait défenfes à la Dame de la Cifterne de
percevoir aucun droit de péage fous quelque dénomination
que ce foit fur d'autres chevaux que
les bêtes de fomme & les chevaux neufs conduits
en troupe ou menés par des marchands pour
être vendus.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 15 qui fait
défenfes d'introduire dans le Royaume aucunes
Mouffelines & Toiles de coton venant de l'étranger,
J U.IN. 1716,
201
marquées ou non marquées des plombs & bulletins
de la Compagnie des Indes , & aux Commis des
Fermes dans les Bureaux du Dauphiné d'y expe
dier pour les Provinces de Languedoc & de Provence
aucuns mouchoirs de coton de la manufac
ture de Rouen.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du même
four pour faire ceffer plufieurs abus introduits dans.
le commerce qui fe fait fous la Halle aux Toiles
de la Ville de Paris.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 22 ,
qui autorife les Villes & Communautés dans lefquelles
il reste à vendre des Offices municipaux
créés par l'Edit du mois de Novembre 1733 , à les
réunir à leur corps.
ORDONNANCE des Préfidens Tréforiers de
France Généraux des Finances , & Grands - Voyers
en la Généralité de Paris du 24. qui fait défenſes
aux Officiers des Elections de procéder aux adjudications
des Octrois , qu'en vertu des mandemens
du Bureau , & injonctions aux Tréforiers- Receyeurs
defdits derniers Octrois , de compter au Bureau
par état au vrai de leur exercice , dans les délais
fixés par les réglemens fous les peines &
amendes y portées .
-
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du même
jour pour le rétabliſſement des parties de rentes ,
taxations , interêts ou augmentations de gages ,
éteintes à l'occafion de la Loterie royale établie
-par Arret du Confeil du 5 Novembre 1743 .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi, du 29 , qu;
Iy
203 MERCURE DE FRANCE
ce
ordonne que dans un mois les Seigneurs particuliers
des Villes & lieux dans l'étendue de vingt
lieues des environs de Paris , qui prétendroient
avoir droit de marché de Beftiaux à pied fourché ,
repréfenteront devant M. de Marville nommé
Commiffaire en cette partie , les lettres de conceffion
& autres piéces juftificatives de
droit de proprieté , pour en connoître l'état , &
fur fon avis , leur être fait droit : Veut Sa Majesté
que par provifion les Arrêts des 27 Décembre
1707 , 29 Novembre 1710 , premier Décen.bre
171, & 27 Septembre 1735 , & l'Ordonnance
de Police du 7 Mars 17 foient executés ; & en
conféquence , que tous les marchands forains , laboureurs
& autres , feront tenus de conduire directement
leurs baufs , vaches , veaux moutons
& autres beftiaux à pied fourché , aux marchés de
Sceaux & de Poiffy : fait défenfes aux Bouchers de
Paris , Châtres , Saint Germain , Nanterre , AFgenteuil
, Veríailles , Clamart , Châtillon & au-
!
"
res lieux des environs de Paris , d'en acheter ailleurs
que dans lefdits marchés , à peine de con
fifcation & de cinq cent livres d'amende. Enjoint
Sa Majefté au fieur Lieutenant général de Police
de tenir la main à l'exécution dudit Arrêt.
JUGEMENT fouverain du premierAvril 1746,
qui condamne le nommé Gilles Breton , Facteur
du Bureau de la Pofte aux lettres d'Etampes , à
être attaché & mis au carcan pendant trois jours
de marché confécutifs , avec écritau portant ces
mots Facteur de Lettres , Fabricateur de fauffes
Tuxes , & à un banilement de la Généralité de Pa
ris pendant trois ans.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 14
JUIN 1746. 203
qui condamne le Greffieride la Jurifdiction Royale
de Tréguier de payer & reftituer les émolu
mens du Greffe des réguaires de l'Evêché, dont il
s'étoit emparé pendant la vacance.
EDIT du Roi du même mois , portant fuppreffion
des 25 Offices d'Infpecteurs & Controfeurs
créés dans la communauté des Barbiers-Perruquiers
de Paris ; & création de z5 places ou charges
héréditaires de Barbiers- perruquiers , baigneurs-
Etuviftes dans ladite communauté.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 16 concernant
l'emploi dans les états du Roi des nouveaux
gages attribués aux Offices des comptables
géneraux & particuliers du Royaume, & de
leurs contrôleurs , en vertu de l'Edit du mois de
Décembre 1743.
ORDONNANCE du Roi du z qui regle le
payement des équipages des navires expediés
pour les Illes de l'Amerique fous l'efcorte des
Vaiffeaux de Sa Majefté , pendant le tems qu'ils
auront été retenus dans les Rades pour attendre le
départ des convois.
-ORDONNANCE du Roi & Réglement , du 27
avec les Lettres patentes fur ladite Ordonnance ,
concernant le fervice des Milices Garde-côtes en
Provence.
ORDONNANCE du Roi du 30 portant réglement
pour le payement des Troupes de Sa Majeffé
pendant la campagne prochaine.
Arreft du Confeil d'Etat du Roi & Lettres pa-
Ivj
204 MERCURE DE FRANCE .
L
,
zentes fur icelui , données à Verſailles le premier
Mai Registrées en la Cour des Aydes le 4
qui indiquent de nouveaux Bureaux pour la
fortie en exemption de droits fur les étoffes &
marchandiſes des manufactures du Royaume énon,
cées dans les Arrêts du Confeil des 13 & 15 Octobre
, & 19 Novembre 1743 , & qui paflent à
l'étranger.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 7 qui
Ordonne l'exécution des Edits , Déclarations , Sta
tuts & Réglemens concernant la Chirurgie & Barberie
, & en conféquence , que les acquereurs des
Offices d'Infpecteurs & Contrôlleurs créés par
Edit du mois de Février 1745 pour les Barbiers
& Perruquiers , avec le droit d'en exercer la profeffion
, feront tenus de s'y conformer ; & que les
Lieutenans du fieur de la Peyronnie premier Chirurgien
du Roi , chacun dans l'étendue de laju
rifdiction ou département où ils font établis , auront
, à l'égard defdits acquereurs , les mêmes
droits , préféance & fonctions qu'ils font en droit
d'exercer à l'égard de ceux qui exercent ladite
profeffion ; que lefdits Lieutenans feront néan
moins tenus d'appeller à toutes les affemblées
tant ordinaires qu'extraordinaires lefdits Inf
pecteurs & Contrôleurs , qui y auront féance &
voix délibérative , & la feconde place inmédiatement
après lefdits Lieutenans.
Ordonne en outre l'exécution dudit Edit du
mois de Février 1745 , enfemble de l'Arrêt du
Confeil rendu en conféquence le 3 Juillet de ladite
année , felon leur forme & teneur.
ARREST de la Cour des Monnoyes du même
JUIN 1746. 205
jour , qui ordonne que les Matiéres , Argenteries
& Vaiffelles d'or & d'argent qui fe trouveront
fur les prifes faites en mer , feront portées aux
Hôtels des Monnoyes , ou aux Changes les plus
prochains , pour en être la valeur rendue fur le
pied des tarifs .
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du même jour
qui prononce la confifcation d'une pièce de drap
écarlate faifie à Metz fur Qlry Cahen Juif; & pour
la contravention réfultante de l'enlevement fair
aux deux bouts de ladite piéce , des noms du lieu
de fabrique & de l'entrepreneur ou fabriquant ,
condamne ledit Olry Cahen en l'amende de 300
livres , fauf fon recours contre le fieur Antoine
Vaffe marchand drapier à Paris .
ARREST de la Cour des Monnoyes du 10 ,
fervant de Réglement aufujet des Carrés & autres
outils fervant à la fabrication des Monnoyes.
DECLARATION du Roi du 13 , qui ordonne
qu'il fera arrêté des Rôles du nombre des habitans
de chacune des Paroiffes de l'Artois , du Cambrefis
& du Haynault , fitués dans les trois lieues limitrophes
aux Provinces de l'étendue des fermes
générales unies .
ORDONNANCE du Roi du 18 , pour faire,
exécuter à l'égard de tous les navires armés dans
les differens ports du Royaume pour faire les
voyages de l'Amérique, fous l'efcorte des vailfeaux
de Sa Majesté , le Réglement du 2. Avril
de la préfente année concernant le payement des
équipages des navires expédiés à Nantes pour lef
dits voyages.
206 MERCURE DE RFANCE.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 21 ,qui
ordonne que les peaux de Lapins brutes payeront
20 liv. du cent pefant de droits de fortie , au lieu
de ceux fixés par le tarif de 1 664.
ARRET du Confeil d'Etat du Roi du même
jour , qui révoque & annulle les Privileges accordés
aux fieurs de Renty , le Blanc , de la Vigne
& Melavy , pour la compofition , vente & débit
du Similor , Tombac , Métail de Prince & autres
compofitions de pareille nature, fous queique dénomination
que ce puiffe être.
DECLARATION du Roi du même jour , portant
réglement pour la fabrication des galons , &
autres ouvrages d'or & d'argent fin , & de faux.
ARREST du Confeil d'état du Roi du même jour
qui réduit à 30 fols du cent pefant , jufqu'à ce
qu'il en ait été autrement ordonné , le droit de
fix livres impofé par celui du 29 Janvier 1692 fur
les Fromages venant des pays étrangers
ORDONNANCE du Roi du 14 concernant les
convois pour les Ifles françoifes de lAmérique.
Sa Majesté ayant réfolu de faire armer des vail
feaux de guerre pour escorter les bâtimens marchands
qui feront deftinés pour le commerce des
Iles Françoifes de l'Amérique , & voulant affurer
le fuccès defdites eſcortes , tant de la part des
Capitaines marchands qui feront à portée d'en
profiter , que de la part des Officiers aufquels Elle
en confiera le commandement Elle a ordonné
& ordonne ce qui fuit.
'
ART. I. Les Capitaines & Maîtres des bâtiJUIN
1746
207
*
mens marchands qui feront armés pour les Ifles
françoifes de l'Amérique & pour lefquels il fera
fourni des eſcortes , feront tenus de fe rendre
dans l'endroit qui leur fera indiqué en vertu des
ordres qui en feront donnés par Sa Majefté , &
dans le tems qui leur fera pareillement fixé , pour
profiter defdites eſcortes jufqu'aux lieux de leurs
deftinations refpectives.
, II . Ils feront pareillement tenus avant leur
départ des Ils , de fe rendre dans les ports où
rades qui feront défignés , fuivant les ordres qui
feront expédiés à cet effet par les Gouverneurs
Lieutenans Généraux de Sa Majefté aufdites Ifles,
en conféquence de ceux que Sa Majesté leur don
nera , tant pour le rendez- vous d'où les convois
devront partir , que pour les précautions à prendre
à l'effet d'affurer le paffage des navires des
ports & rades où ils auront fait leur commerce,
au port du rendez -vous.
III. Fait Sa Majesté très- expreffes inhibitions &
défenfes aufdits Capitaines & Maîtres de partir
fans eſcortes , foit des ports de France pour lef
quels il fera fourni des efcortes , foit des ports
defdites Ifles , à peine de 500 livres d'amende ,
& de fervir pendant un an en qualité de fimples
matelots , & fans folde , fur les vaiffeaux de Sa
Majefté. Veut néanmoins & e tend Sa Majesté ,
que les navires qui par quelqu'accident forcé n'auront
pu joindre le convoi avant fon départ , on
qui étant partis avec le convoi , feront forcés de
relâcher , puiffent , dans l'efpace d'un mois feule
ment après le départ du convoi , fuivre leur defti
nation fans attendre l'escorte prochaine , & ce
moyennant des certificats juftifiant des motifs légitimes
du retardement , qu'ils feront tenus de
prendre , fçavoir , les Capitaines des navirês qui,
208 MERCURE DE FRANCE.
youdtont partir ainfi des ports de France , des
Directeurs des Chambres de commerce ou des
chefs de jurifdictions confulaires , vifés des Commiffaires
de la marine aufdits ports ; & les Capitaines
qui partiront de l'Amérique , de l'Officier
commandant & du Commiffaire de la marine ; ou
de l'Officier en faisant les fonctions au port de
leur partance.
IV. Fait pareilles inhibitions & défenſes aufdits
Capitaines & Maîtres de quitter leſdites eſcortes ,
à peine contre ceux qui les auront quittées volontairement
& fans y être ye forcés , de mille livres
d'amende , d'un an de priſon , d'être décla
rés incapable de commander aucun bâtiment de
mer. Pourront ceux qui feront accufés d'être
tombés dans le cas , faire valoir pour leur défenfe
leurs journaux de navigation , les procès ver
baux qu'ils auront dreffés avec leurs équipages.
?
V. Veut Sa Majesté que dans les cas où lefdits
Capitaines & Maîtres feront parcis fans eſcorte ,
ou fe feront féparés volontairement de la flotte
fur les ordres qui leur en auront été donnés par
les propriétaires des navires , lefdits propriétaires
foient condamnés en leur propre & privé nom ,
à dix mille livres d'amende , outre les peines
portées dans les deux articles précédens contre
lefdits Capitaines & Maîtres.
VI Enjoint Sa Majesté aux Officiers commandans
lefdites escortes , d'apporter tous leurs
foins à la fûreté defdites flottes , de les accompa
gner & de les tenir toujours fous leur pavillon .
leur faifant Sa Majefté très - expreffes inhibitions
& défenfes de les abandonner pour quelque prérexte
que ce foit, à peine de caflation & même de
plus grande peine , fuivant l'exigence des cas &
des circonstances. Veut & entend S.M, que dans le
JUIN 1746. 269
cas de féparation forcée , lefdit Officiers faffent
tout ce qui leur fera poffible pour rallier les bâtimens
, ils remettent au contrôle des ports ότι
ils aborderont des extraits de leurs journaux ,
lefquels feront examinés par les Commandans
defdits ports , affiftés des Officiers que Sa Majefté
jugera à propos de nommer à cet effer pour,
fur le compte qu'ils rendront enfuite à Sa Majefté
des caufes de féparation , être par Elle ordonné
ce qu'Elle jugera à propos à l'effet de
quoi feront lefdits Officiers obligés de tenir des
journaux exacts de leur navigation , à peine
d'interdiction .
VII . Pour l'exécution de ce que deffus , leldits
Officiers donneront aux Capitaines & Maîtres
des fignaux de route & de reconnoiffance , aufquels
le dits Capitaines & Maîtres feront tenus de
fe conformer , à peine contre les contrevenans
de fervir pendant un an en qualité de fimples , matelots
, & fans folde ,fur les vaiffeaux de Sa Majefté
.
"
Mande & ordonne Sa Majefté à M. le Duc de
Penthiévre Amiral de France , aux Vice - Ami◄
raux , Lieutenans Généraux , Intendans , Chefs-
'd'efcadre , Capitaines de vaiffeaux , Commiffaires
& autres Officiers de la marine ; comme auffi aux
Gouverneurs fes Lieutenans Généraux aux Colo
nies , Intendans Gouverneurs particuliers , &
autres Officiers qu'il appartiendra , de tenir la main
à l'exécution de la préfente Ordonnance , laquelle
fera publiée & enregistrée par tout où be
foin fera , afin que perfonne n'en prétende caufe
d'ignorance. FAIT au camp devant Tournay , le
14 Mai milfept cent quarante- cing. Signé, LOUIS,
plus bas PHELIPEAUX.
210 MERCURE
DE FRANCE
.
LE DUC DE PENTHIEVRRE
Amiral de France.
V
à
U l'ordonnance du Roi de l'autre part , nous adreffée avec ordre de tenir là main à
Lieu
fon exécution : Mandons aux Vice - Amiraux ,
tenans Généraux , Intendans , Chefs d'efcadres, Ca-
· pitaines de vaiffeaux , Commiffaires & autres Officiers
de marine qu'il appartiendra , & ordon- nons aux Officiers des Amirautés , de la faire
exécuter fuivant fa forme & teneur , & de la
faire publier & enregistrer par tout où befoin fera
& en la maniere accoutumée . Fait au camp de
vant Tournay , le 14 May mil ſept cent quarantecinq
, &c.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 27 , qui
en caffe un de la Cour des Aydes de Montpellier,
pour avoir annulé une Sentence du Juge des
Traites d'Agde , par laquelle il eft ordonné que les Négocians de ladite ville feront leurs fou
fols miffions de
livre des les quatre
pour payer
marchandifes
qu'ils ont fait venir de l'étranger
pour leur compte , s'il en eft ainfi ordonné par le
Confeil.
4 Juin
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du
1746, qui ordonne que Jean Girardin fera mis en poffeffion des droits & revenus ordinaires & extraordinaires
appartenans
au Roi dans les provin- ces& villes des Pays-bas qui ont paffé fous la do
animation de Sa Majesté pendant & depuis la cam- pagne de 1744 , ou qui y feront fournis dans la fuite, pour en compter au Confeil , & remettre
JUIN 1746
211
au Tréfor Royalles deniers clairs de fa régie.
T
ARREST du Confeil d'Etat du Roi du 1 , qui
condamne deux Imprimeurs & un Libraire à
500 liv. d'amende , & à la fermeture de leurs
Boutiques pour trois mois.
ORDONNANCE du Roi du 15 , qui permet de
faire faucher les Prés avant la Saint Jean .
LETTRE du Roi à M. l'Archevêque
de Paris.
MON Coufin , dans le tems que j'achevois de
réduire le Brabant fous mon obéiffance par la priſe
d'Anvers , je faifois les difpofitions néceffaires
pour me rendre maître de tout ce qui reftoit en
Haynault à la Reine de Hongrie par la conquê
te de la ville de Mons , Mon Coufin le Prince de
Conty que j'avois chargé d'en faire le fiége avec
l'armée dont je lui ai donné le commandement
fe rendit le 7 du mois dernier devant la Place
& malgré le retardement que les pluyes continnelles
apportoient néceffairement à une
•pération de cette importance , la tranchée fut
ouverte le 24 du même mois , & les attaques en
ont été dirigées & conduites avec tant d'intelligence
& de capacité , que la garniſon forte de
douze Bataillons , a été obligée de capituler le dix
de ce mois , & de fe rendre prifonniere de guerre.
Je n'envifagerai point la gloire de mes armes dans
cette nouvelle conquête , je reconnois qu'elle eft
due à laprotection du Dieu des armées , & je ne
ceffe d'efperer que connoiffant la juſtice de mes
# 12 MERCURE DE FRANCE.
intentions , elle comblera mes voeux en infpirant
à mes ennemis le défir d'une Paix , à laquelle ils
me trouveront d'autant plus difpofé , que le repos
& le bonheur de mes Sujets (era toujours mon principal
objet. C'eft dans la vue d'obtenir ce nouveau
bienfait de la Divine Providence , & de lui
réitérer mes actions de graces pour tous ceux que
j'en ai reçu , que je vous fais cette Lettre pour
vous dire que mon intention eft que vous faffiez
chanter Le Te Deum dans l'Eglife Métropolitaine
de ma bonne Ville de Paris & autres de votre
Diocèfe , avec les folemnités requiſes , au jour &
à l'heure que le Grand- Maître ou le Maître des
Ceremonies vous dira de ma part . Sur ce je prie
Dieu qu'il vous ait , mon Coufin , en fa fainte &
digne garde. Ecrit à Verfaille le 12 Juillet 1746.
&
MANDEMENT de M. l'Archevêque de
Paris , qui ordonne que le Te Deumfera
chanté dans toutes les Eglifes de fon Digcèfe
en actions de graces de la prise de la
Ville de Mons.
"ACQUES BONNE GIGAULT DE BELLE◄
FONT , & c. JA
Un nouveau gage de la protection du Ciel fur
JUIN 1746. 213
les armes du Boi nous rappelle aux pieds des
Autels pour rendre au Seigneur un nouveau tribut
de bénediction & de louange . Tandis que notre
Monarque , en une ccafion infiniment interef
fante & pour lui & pour fon Royaume , croit devoir
préférer pour quelque tems les devoirs d un
bon Pere aux fonctions d'un Roi Guerier , un
Prince de fon Sang vient de forcer la Ville de
Mons à lui ouvrir les portes par une capitulation
des plus glorieufes pour fon vainqueur , & des plus
avantageufes pour l'Etat.
la
SA MAJESTE toujours attentive à rapporter
tous fes ſuccès à celui auquel ſent appartiennent la
gloire , graz deur , l'empire & la puffance , nous
ordonne de rendre graces àDieu de cette conquête.
Obéiffons à un ordre d'autant plus refpectable
qu'il honore la Religion , & fert à l'accréditer
dans un fiécle où elle eft en butte aux traits de
l'impiété & du libertinage . Pénétrés de la plus
vive reconnoiffance allons dans nos faints Temples
; faifons retentir leurs voures facrées du chant
de nos Hymes & de nos Cantiques : que les Corps
les plus diftingués de cette Capitale,que les Fidéles
de tout âge & de tout fexe s'y raffemblent pour
s'acquitter d'un fi jufte devoir ; que tous à l'envi
louent & beniffent le Nom du Dieu des Armées ,
que Ini feul eft véritablement grand , & que
toute autre grandeur doit difparoître , ou s'anéantir
en fa préſence ,
pa če
En obéiffant à cet ordre , nous accomplirons le
précepte de l'Apôtre , qui , perfuadé que l'action
de graces eft un moyen pour obtenir de Dieu la
continuation des faveurs qu'il accorde à la priere ,
yeut que nous employions l'une & l'autre pour pro◄
Curer à nos Souverains les bénédictions du Ciel ,
H
214 MERCURE DE FRANCE.
afi: que , fous leur gouvernement
, nous men ons
une vie tranquille 5 paisible , & que nous puiffions
pratiquer la piété fans trouble & fans inquiétude.
Une prompte paix nous procureroit tout à coup
ce précieux avantage : ne ceffons point de la de
mander à Dieu ; mais jufqu'à ce qu'il daigne nous
exaucer , & faire ceffer le fleau que nos péchés
nous ont attiré , conjurons- le de nous accorder
une guerre heureufe , & de bénir toutes les en,
treprifes qu'infpirent au Roi l'amour de fes peuplés
, & le défir qu'il a d'engager fes ennemis à
feconder enfin (es vûes généreufes & pacifiques .
+
JUIN 1746 . 215
TABLE.
PIECES FUGITIVES en vers & en profe. Epitre
de M. Cottereau à M. l'Abbé de R,. Pag. 3
Séance publique de l'Académie Royale des Infcrip
tions & belfes Lettrés , Extrait
Madrigal à Mlle. A . , .,.
Autre.
Vers à Mlle. ...
Portrait de M. l'Abbé , Stances.
Cantatille à mettre en muſique .
22
Ibid.
23
24
26
Effai de traduction & lettre aux Auteurs du Mercure
.
Vers à M. de Voltaire .
Henriales lib . 1. & la traduction.
33
36
Abregé hiftorique de l'établiffement de l'Hôpital
des Enfans trouvés.
Bouquet à Mlle . L ....
Vers adreffés à un Régent de premiereà Gené
ve. 55
59
Lettre fur Jean Hennuyer
Epigramme fur un Curé d'un pauvre Village . 81
Vers fur la puillance de l'Amour. 82
84 Mémoire fur un droit de 13 coudées de cire.
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c. Tome
Vle. de l'Hiftoire du Théatre François , Ex-
93 trait.
XIIIe Tome des Vies des Hommes Illuftres de
la France , Extrait.
Nouvel abregé chronologique de l'Hiftoire de
France , Extrait .
98
Théatre de M. Laffichard & l'Epitre dédicatoi-
102
i
108
216 MERCURE DE FRANCE.
Divinitas D. N.J. manifefta in fcriptur:s & traditione.
Lit militaire , & le certificat de Mrs de l'Académ e
Royale des Sciences .
Hiftoire générale des Voyages.
Ibid.
114
Suite de l'Effai d'Anatomie du fieur Gautier , Extrait.
Fftampes nouvelles .
Programe de l'Académie de Soiffons.
115
118
120
Mots des Enigmes & Logogryphes du premier vol,
de Juin
Enigmes
123
Ibid.
Explication en vers d'une Enigme & d'un Logogryphe
du premier vol , de Juin.
Spectacles , Opera.
127
Madrigal
129.
lbid
Dixiéme fuite des Réflexions fur les Ballets 132
Comédie Françoife . 136
Concerts de la Reine. 140
Journal de la Cour.
142
Bénéfices donnés . Ibid.
linftallation de M. l'Archevêque. 243
Prifes de Vaiffeaux. 146
Operations de l'Armée du Roi. 147
Journal du fiége de Mons. 153
Nouvelles Etrangeres. 175
Mariage & Morts, 195
Arreft notables.
198
Lettre du Roi à M. l'Archevêque , & Mandement
en conféquence. 211
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JUILLET.
1746.
AGIT
||UT
SPARGGAT
"Hon
Chés
A
PARIS ,
GUILLAUM
GUILLAUME
CAVELIER
rue S. Jacques .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M, DCC .
XLVI.
Avec Approbation & Privilége du Roi,
A VIS.
' ADRESSE générale du Mercure eft
rue du Champ-Fleuri dans la Maifon de M.
Lourdet Correcteur des Comptes au premier
étage fur le derriere entre un Perruquier & un
Serrurier à côté de l'Hôtel d'Enguien. Nous
prions très-inftamment ceux qui nous adref
feront des Paquets par la Pofte , d'en affranchir
le port , pour nous épargner le deplaifir
de les rebuter , & à eux celui de ne
pas voir paroître leurs ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
ae France de la premiere main , & plus promp
pement , n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deſſus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France rue du Champ-Fleuri , pour ren,
dre à M. de la Bruere.
PRIX XXX. SOLS,
M
PA
TC
CRI
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI.
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
VERS à M. BARENTIN , Intendant de
la- Rochelle , fur l'honneur qu'il a fait à
l'Académie des Belles- Lettres de cette Ville
d'y venir prendre séance unjour d'Affemblie
particulière.
Toi qui de Themis diriges la balance
Aux mortels difpenfant fes loix ,
Qui fcais donner un frein à la fiere
licence ,
Et te laiffes toucher par la timide voix
De la vertu , de l'indigence ,
A tes pieds reclamant leurs droits .
Toi qui rends par tesoins nos demeures tranquiles
A ij
MERCURE DE FRANCE,
Que la Juftice annonce & que
le crime fuit
,
Victime confacrée à des travaux utiles ,
Et dont le bien public eft la cauſe & le fruit ,
les Beaux Arts loin du fentier vuls
L'amour pour
gaire
T'a conduit dans ce fanctuaire .
Reçois de notre coeur l'hommage qui t'est dû.
Nous fçavons refpecter ton rang & tą naiffance ;
Nous n'eftimons que ta vertu .
Le courtifan jouet d'une douce eſpérance
Brûle un encens flateur dans le Palais des grands
Tribut de l'interêt & de la complaiſance :
Le notre eft le tribut des plus vifs fentimens ;
Nous te l'offrons par goût & par reconnoiffance,
Ah! puiffes-tu favorifer toujours ?
Les doctes filles de mémoire !
Elles tiennent les clefs du Temple de la gloire ,
Et nul n'y peut entrer privé de leur fécours,
Par M. Arc ...
7
JUILLET 1746 .
એક ડ . સ . પ પડ
A M. l'Abbé V. de l'Académie des
Infcriptions & Belles Lettres , Profeffeur en
Grec au College Royal , lorfqu'il a pris féance
à l'Académie des Belles Lettres de la
en qualité d'Affocié à cette
Rochelle
Académie,
و
Toi que Paris compte au rang de ces Sçavans
Dont les doctes & longues veilles
Percent l'obfcure nuit des tems
Et des ans écoulés retraçent les merveilles ,
Toi qui demêlas les beautés
Et le fublime ton de ces touchantes Scenes ( * )
Qu'admiroit la fuperbe Athenes
Dans fes fpectacles fi vantés ,
Toi qui fcais en public étaler la nobleffe
L'harmonie & la majesté
De cette Langue enchantereffe ,
Qui fournit de doux fons au Cygne de la Grece ,
Pour chanter les malheurs d'une illuftre Cité ;
Deputé d'Apollon , tu viens donc reconnoître
Sa Colonie & fes nouveaux fujets ?
(*) Differtations de M. V. , fur le Théatre
des Grecs.
A iij
6 MERCURE DE FRANCE
Par nos efforts nous meritons de l'être ;
Nous le ferons peut-être un jour par des fuccès,
Mais que vois je ! l'Académie
Déja brille à mes yeux de l'éclat de ton nom.
Du gout de l'erudition
Elle deviendra la Patrie ;
Nous en devons la gloire à ton adoption.
Par le même.
VOICI une traduction françoise dont
l'original italien est d'un illuftre Ecrivain
François. M. de V. a compofe ce
morceau pour les Academies d'Italie , aufquelles
il eft agregé.
IL y a des préjugés vulgaires ; il y en a
auili de Philofophiques , & peut être
doit- on mettre dans cette claffe l'opinion
de plufieurs Sçavans qui voyent ou
croyent voir fur la terre les monumens
d'une ruine entiere & d'une deftruction
totale.
Quand on découvrit fur les montagnes
de Heffe , une pierre qui avoit la figure d'un
turbot , on en conclut qu'autrefois la
mer avoit couvert ces montagnes . On ne
daigna pas conjecturer que ce poiffon fut
porté là pour quelque repas & qu'étant
JUILLET 1746 9
gâté on le jetta fur ces rochers , où depois
il s'étoit petrifié. Un brochet pétrifié s'eft
trouvé fur la cime des Alpes. Il a donc été
un tems où les fleuves ont coulé fur les
montagnes , & dans un autre tems l'Allemagne
a été le fein de la mer. L'ancre qu'on
prétend avoir tirée des plus hautes montagnes
de Suiffe , ne fit pas même naître
l'idée que comme on avoit fouvent elevé
fur ces rochers des machines fort pefantes ,
& principalement de l'artillerie , on avoit
peut-être placé des ancres dans les fentes
des rochers pour foutenir le poids de ces machines
; que l'ancre dont on parle fut prife
vraisemblablement à un navire du Lac de Genéve
, ou enfin , ce qui eft pour le moins auffi
probable que l'hiftoire de l'ancre eft fauffe ;
il femble plus beau de dire que cette ancre
eft celle d'un Vaiffeau qui navigeoit fur les
montagnes de Suiffe avant le Déluge.
La langue du chiep marin reflemble un
peu à la gloffa piétra. C'en eft affés pour
affirmer que toutes ces coquilles font des
langues de chiens marins , que les eaux du
Déluge laifferent fur nos montagnes . Souvent
les petites pierres appellées cornes d'ammon
contiennent une efpéce de reptile :
on s'eft efforcé de trouver dans ces petits
animaux le poiffon nautilius que la feule mer
de l'Inde produit & qu'on n'a jamais vû
A
% MERCURE DE FRANCE.
que dans ces coquillages. Ainfi on fe gards
bien d'examiner fi cet animal petrifié eſt un
poiffon de mer ou une anguille , mais on
foutient que la mer de Bengale a inondé
pendant un tems les contrées que nous habitons.
La France & l'Italie font pleines de
petites coquilles qu'on prétend fe former fur
les côtes de Syrie. Je ne veux point revoquer
en doute leur origine , mais les Philofophes
ne pourroient ils pas fe rappeller
cette multitude innombrable de Pelerins
qui autrefois couroient en Paleſtine ? On
fçait qu'ils y porterent leur argent & n'en
rapporterent que des coquilles ; vaut - il
mieux croire que le terrain fur lequel Paris &
Milan font bâtis ait fervi pendant long- tems
de lit à la mer de Syrie ? Il ne feroit peutêtre
pas infenfé d'avancer que ces coquilles
font foffiles . Plufieurs Philofophes l'ont cru ,
mais quelque fyftéme ou quelques rêveries
que nous puiffions adopter , il ne paroît pas
poffible de prouver par ces coquilles un renverſement
total du monde.
Les montagnes de Calais & de Douvres
contiennent beaucoup de craye. L'Ocean ,
dit-on , ne les a donc pas toujours feparées
? Les côtes de Tanger & de Gibraltar
font de la même nature. En conclurat-
on que l'Europe & l'Affrique ont été pendant
un tems le même continent , &
JUILLET 1746.
و
que la mer Mediterranée n'exiftoit pas
comme l'ont cru quelques Philofophes .
Les Pyrenées , les Alpes & l'Appennin ne
font que les débris nuds & les ruines immenfes
du Globe détruit dont la forme a varié
plufieurs fois. La folle fecte des Pythagoriciens
enfeignoit ce fyftême , & d'autres fages
prétendoient que la partie du Globe habitée
aujourdhui , avoit été une vafte mer dans le
tems où l'Ocean n'étoit qu'une terre féche &
aride, Ovide fait connoître le fentiment de
tous les Philofophes orientaux lorfqu'il in
troduit Pythagore difant
Vidi ego quod fuerat quondam folidiffima tellus
Effe fretum , vidi factas ex æquore terras &c.
Cette opinion s'accredita de nouveau par
la découverte de quelques morceaux de
coquillages qu'on trouva attachés aux rochers
de laCalabre , ou étendus fur le terrain
plat de Touraine & dans quelqu'autres
Hieux fort éloignés de la mer . En effet il paroît
que ces lits de coquillages ont été formés
là peu à peu pendant une longue fuite
d'années . La mer s'eft retirée en quelques
endroits , & a compenfé cette perte infenfible
en s'étendant d'un autre côté ; mais il
ne refulte pas de là que toutes les terres connuës
ayent été fubmergées pendant plafiears
fiécles, Ferrare, Frejus & Aiguemortes out été
Av
ΙΟ MER CURE DE FRANCE.
de grands & beaux Ports. La mer d'Allema
gne couvrit un tems la moitié de l'Oft - Frife.
On a donc vu pendant plufieurs fiéclesles baleines
nager für la cime du Caucafe, &le fond
de l'Ocean être la demeure des hommes.
Ce fyftême & ces conféquences ont repris
vigueur chés quelques Philofophes par la
découverte vraie où fauffe du Chevalier de
Louville. On fçait qu'il alla à Marſeilles
pour obferver fi l'obliquité de l'écliptique
n'avoit point décliné depuis l'obſervation
faite dans la même Ville il y a 2000 ans par
Piteas , Aftronome Grec. Le Chevalier de
Louville
apperçut ou crut appercevoir
qu'elle étoit diminuée
de 20 minutes , c'eſtà-
dire que dans le cours de 2000 ans , le
cercle de l'écliptique
s'étoit approché
de l'equateur
d'un tiers de dégré , & que par
conféquent
l'équateur
& l'écliptique
fe rapprocheroient
d'un dégré entier dans l'espace
de 6000 ans . Cela fuppofé , il feroit évident
qu'outre le mouvement
que nous connoiffons
à terre , elle en auroit encore un
autre qui la feroit tourner fur elle même
d'un pôle à l'autre , enforte qu'au bout de
138000 ans le Soleil refteroit dans l'équateur
dans le même afpect avec la terre
pendant un tems affés confidérable
& que
dans la révolution
d'environ
deux millions
d'années
toutes les regions du Globe feJUILLET
1746. 11
roient entrainées tour à tour fous la Zone
Torride & fous les Poles.
Ce periode immenfe ne doit point etonner
, difent les partifans de cette opinion . II
y en a vraisemblablement de plus longs
pour les Aftres. La preceffion de l'équi
noxe n'a t- elle pas déja fait découvrir un
mouvement de la terre qui ne peut être
complet qu'au bout de 25000 ans , & plus ?
Une révolution de cent mille millions de
fiécles eft infiniment plus rapide devant l'Eternel
que ne l'eft pour nous le mouvement
de la roue d'une montre qui acheve ſon tour
en un clin d'oeil .
Cette nouvelle revolution de la terre qu'a
inventée le Chevalier de Louville , & qui a
été adoptée & perfectionnée par d'autres
Aftronomes , les a engagés à rechercher les
anciennes obſervations des Babyloniens qui
pafferent aux Grecs par l'ordre d'Alexandre
, & qu'indique l'Almagefte de Ptolomée,
Les Chaldéens fe vantoient du tems d'Alexandre
d'avoir une fuite d'obſervations
* -
quatre cent mille ans . de
*
Les, Chaldéens fe vantoient en effet , comme
plufieurs anciens l'ont affuré , d'avoir des obſervations
Aftronomiques depuis 4 0000 , mais Callifthene
étant à la fuite d'Alexandre à Babylone
s'en étant informé exactement écrivit à Ariftote
qu'il n'avoit pû trouver d'obſervations d'une plus
grande antiquité que 1903 ans .
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
9
3
Les Philofophes fe font donnés la tor
ture pour concilier les fables des Babyloniens
avec la nouvelle hypothéfe en
queftion & quelques uns en ont inferé que
chaque contrée ayant été tour à tour fous
le pole ou fous l'équateur toutes les
mers avoient changé de rivage & de fond.
L'immenfité les viciffitudes du monde
tournent auffi la tête des Philofophes. Ils
fe repaiffent de ces catastrophes merveilleufes
comme le peuple des reprefentations
Théatrales. Nous perdons de vûe
le point infenfible de notre exiſtence du
point de notre durée ; notre imagination s'élance
dans l'infinité des fiécles , & nous aimons
à nous peindre le Canada tournant
vers la ligne équinoxiale & la mer glaciale
tranfportée fur la cime efcarpée du mont
Atlas.
Un Auteur qui s'eft rendu plus célebre
qu'utile par fon fyfteme de la terre ſoutient
que le Déluge a formé les rochers & les montagnes
des ruines du Globe qu'il a fracaffé ,
& le monde eft refté dans la plus granque
de confufion , il n'y voit que des ruines &
des débris . Un autre Auteur auffi célebre
voit & admire l'arrangement & la ſymmetrie
de toutes les parties , mais il pretend que
cette fynmetrie eft l'ouvrage du Déluge . Čes
deux Auteurs s'accordent donc à dire que
JUILLET 1746 .
les montagnes & les vallées font l'ouvrage du
Déluge , quoique l'Ecriture Sainte dife expreffément
le contraire.
Burnet dans fon cinquiéme chapitre fou
tient qu'avant le Déluge la terre étoit fans
montagnes , fans mer , fans vallées , entierement
platte , unie & formée regulierement
comme une belle peloufe , & le Déluge fut ,
fi on l'en veut croire , la ſeule cauſe de cette
varieté qu'il nomme difformité. Voila auffi ,
felon cet Auteur , ce qui fait qu'on trouve
les cornes d'ammon dans les Appennins .
Le Voudouard avoue qu'à la vérité il y
avoit des montagnes avant que la terre eut
été inondée , mais il prétend démontrer
qu'elles ont été entierement fondues par les
eaux , ainfi que les métaux & les mineraux
qu'elles renfermoient. Il ajoute que celles
que nous voyons ont été formées à la pace
de ces premieres , & que la nouvelle terre
fur laquelle nous habitons , eft remplie des
débris de ces premiers rochers diffous , qui
s'étant durcis enfuite , renferment encore
des animaux crées avant le Déluge , tels que
les anguilles & les rats d'Inde petrifiés qu'on
trouve en Europe. Le Voudouard auroit
pu fe rappeller que l'eau ne fçauroit diffoudre
les pierres ni le marbre , mais pour
accrediter fon fyftême , il falloit que le Déluge
eut tout liquefié dans l'efpace de 150
14 MERCURE DE FRANCE.
jours ,fans quoi on ne pouvoit trouver dans
les pierres d'Angleterre des animaux formés
avant le Déluge. Le tems qu'a duré le Déluge
ne fuffiroit pas pour lire tous les ſyſtêmes
qu'on a faits à fon occafion . Chaque
Auteur détruit , & reproduit un monde à fa
fantaiſie , comme René Descartes en a crée
un. La plupart des Philofophes ufurpent la
puiffance de Dieu dans leur cabinet ; ils
croyent faire un monde avec la parole .
Je ne les imiterai point , & je n'ai pas
conçu la folle eſpérance de dévoiler l'art
divin que le Créateur a mis en oeuvre pour
créer la terre , la ſubmerger , la rétablir &
la maintenir. L'Ecriture Sainte me fuffit : je
ne me vante pas de l'expliquer , & je n'entreprends
point de l'interpreter.
Je prends feulement la liberté d'examiner
fuivant les régles de la probabilité fi
l'on doit croire que notre Globe ait ou
doive acquérir un état different de celui
dans lequel il eft aujourd'hui . Il ne faut pour
cela qu'avoir des yeux , confiderer les oeuvres
de la Providence & lui en rendre
graces.
Examinons dabord ces montagnes & ces
rochers que Burnet & plufieurs autres pretendent
être les ruines d'un monde plus ancien
, difperfées çà & là fans ordre , comme
les débris des murs d'une Ville fou
JUILLET 1746.
droyée par le canon ; je vois au contraire ,
ne lui en déplaife , les , monts arrangés avec
un ordre merveilleux d'un bout de la terre
à l'autre. Je vois une fuite de grands aqueducs
continuée & interrompue à deffein
dans quelques endroits pour donner paffage
aux fleuves , & même aux bras de mer qui
baignent & humectent la terre en la parcourant.
Du dernier promontoire d'Afrique
s'éleve une chaine de montagnes qui s'abaiffent
pour ouvrir un paffage au Zair & au
Niger , tandis que le Nil defcendant d'un autre
côté vient le réunir à ces deux fleuves
au pied de l'Atlas . L'Atlas eft feparé du
mont Calpé par le détroit de Gibraltar . Le
Calpé tourne jufqu'à la Sierra morena que
touchent d'un côtéles Pyrenées , qui de l'autre
joignent les Cevennes. Aux Cevennes
s'attachent les Alpes , & les Alpes s'étendent
jufqu'aux Appennins qui defcendent à la
mer d'Otrante .
Vis -à- vis les Appennins , font les montagnes
d'Epire & de Theffalie , & après avoir
paflé le detroit de Gallipolli , on trouve le
Taurus qui s'étend jufqu'à l'extremité du
monde , fous le nom de Caucafe ou d'Immao
.
La terre eft ainfi couverte de tous les
côtés par un réſervoir d'eau immenfe duquel
tous les fleuves fe precipitent pour venir
16 MERCURE DE FRANCE.
l'arrofer tandis qu'il ne fort pas un feul ruif
feau de l'Ocean ni de la Mediterranée ;
Burnet a fait graver une Carte du Globe ,
divifée en montagnes au lieu de l'être en
Royaumes & en Provinces. Il tâche de donner
par fes difcours & au moyen de cette
Carte , l'idée de la plus horrible & de la
plus effroyable confufion , mais fa Mappemonde
& fes raiſonnemens ne fervent qu'à
prouver l'harmonie utile que le Créateur fait
regner dans fes ouvrages.
«ies Monts Andes s'étendent , dit- il
dans l'Amerique Meridionale l'efpace de
mille lieux. Le Taurus fepare l'Afie en
deux parties. Un homme qui pourroit voir
de loin l'Univers entier d'un coup d'oeil ,
reconnoîtroit que l'Univers eft encore plus
» difforme qu'on ne le croit.
20
Au contraire , avec fa permiffion , un
homme fenfé qui verroit l'un & l'autre hemifphere
travei fé par une chaine de vaftes
citernes & d'aqueducs immenfes defquels
partent tous les fleuves , ne pourroit s'empecher
d'admirer la profonde fagoffe du
Créateur , & de rendre graces à fa bonté
infinie puiſqu'il n'y a aucunes regions qu'il
ait privées de montagnes ou de rivieres . La
chaine de rochers qui paroît fi affreuſe à
Burnet eft un des principaux pivots de la
machine. Anéantiflez ces montagnes , les
JUILLET 1746. 17 .
animaux terreftres ne pourront pas vivre
puifqu'on ne vit pas fans eau douce
& cette eau douce , c'eft la mer , quoique
falée elle même , qui la fournit principalement
, car les vapeurs qui s'élevent continuellement
fur l'Ocean font portées par
les vents au fommet des montagnes , où elles
fe transforment en torrents & en fleuves , &
le fameux Aftronome Halley a calculé &
démontré que l'évaporation univerſelle fuffifoit
feule à fournir les pluyes & à remplir
les lits de tous les fleuves. Le monde n'eft
qu'une chaine : fi vous en ôtez un anneau ,
toute la machine eft détruite . Pourquoi donc
donner un démenti aux Auteurs facrés , &
priver la terre de fes montagnes qui lui ont
toujours été néceffaires , & pourquoi rêver
qu'elles ont été fondues par les eaux , &
qu'à leurs places il s'en eft formé de nouvelles
?
L'opinion de ceux qui foutiennent que
dans les revolutions des fiécles fans nombre
toutes les parties de la terre ont fervi fucceffivement
de lit à l'Ocean , eft encore oppofée
à l'Ecriture , & neft pas moins démentie
par la raiſon,
Un mouvement qui éleve de dix minutes
en mille ans le pole au- deffus de l'éclipti
que , n'eft pas affés violent pour renverser le
Globe , & fi cette revolution exiſtoit , elle
18 MERCURE DE FRANCE.
laifferoit certainement les montagnes où lá
nature les a placées. Et en effet il ne paroît
pas vraisemblable que le Caucafe & les Alpes
ayent été transportés , ni tout à coup ,
ni peu à peu en Alie & en Italie des côtes
de Congo & d'Angola, La vue feule de l'Ocean
porte avec elle un argument qui fait
écrouler tout ce fyfteme romanefque. Son lit
eft creafe de maniere qu'il devient plus profond
à mesure qu'il s'eloigne de la plage , &
quand on navige en haute mer , excepté
quelques petites Ifles , on ne trouve pas la
moindre élevation , ni même un feul rocher,
Or fi on admet que l'Ocean pendant un
tems s'eft elevé au- deffus des Alpes & que
les hommes & les animaux ont habité dans le
fond fabloneux où eft prefentement l'Ocean,
d'où, & de quel côtéferoient venues les
rivieres ? Dans quel endroit fe feroient formées
les eaux néceſſaires à la vie ? Il faudroit
certainement qu'alors la Nature eût été entierement
differente de ce qu'elle nous paroît
aujourd'hui , car , dites - nous , comment ce
Globe creufé d'un côté , foutonant des montagnes
de l'autre & terminé par l'Ocean ,
auroit- il pu tourner également tous les jours
fur fon axe ? Par- là toutes les régles de la pefanteur
& celles des fluides feroient violées .
Comment l'Ocean reiteroit- il fufpendu en
haut fans s'écouler dans ces égouts imJUILLET
1746. 19
menfes que la Nature a formés pour le re<
cevoir ? Les Philofophes qui créent un monde
, le créent bien ridicule . Suppofons avec
ceux qui admettent le periode de deux mille
ans , que nous foyons arrivés au point où l'écliptique
tombera dans le cercle de l'équateur
on ne doit pas croire pour cela que l'Ocean
change de lit dans ce tems là , ni dans
aucun autre . Nul mouvement de la terre ne
peut déranger les loix de la pefanteur. Faites
tourner le Globe du midi à l'orient , du
couchant au midi chaque particule d'eau & de terre tendra au centre . Le méchanifme
univerſel n'en recevra pas le plus leger
changement
.
Suppofez que A. foit une montagne & B.
une portion de l'Ocean , toutes les parties
d'eau iront vers le centre C , & il n'y a point
de loi dans la Nature qui puiffe diriger l'eau
dans la ligne B , & en quelque cas que ce
foit , ce font là les premiers principes de la
Philofophie naturelle.
II n'y a donc aucun fyftéme qui puiffe appuyer
de la moindre vraisemblance cette
opinion dont tant de gens fe font entêtés , fur
le bouleverlement pretendu du Globe , & s'il
eft permis de parler ainfi , fur la tranſmigration
de l'Ocean qu'on fuppofe avoir roulé
fes flots , il y a plufieurs fiécles , où l'on
a bâti depuis les Villes que nous voyons au
20 MERCURE DE FRANCE.
jourd'hui , tandis que les hommes habitoient
ce qui fait prefentement la demeure des baleines.
Tout ce qui vegete , tout ce qui eft
animé , les mineraux , les métaux ont confervé
leur nature : toutes les espéces , tous les
differens genres de vers & d'herbes ſe font
maintenus fans nulle corruption ni alteration
Il feroit bien extraordinaire que tandis
que la femence de la moutarde & des champignons
demeure éternellement la même , le
Globe qui produit des femences invariables ,
eut changé totalement de nature.
Il faut dire la même chofe de la Méditerranée
& du Lac immenfe appellé la mer
Caſpienne. Si ces mers fituées au milieu des
terres ne font pas auffi anciennes que le
monde , il eft certain que l'univers a été eſfentiellement
différent de ce qu'il paroit aujourd'hui.
Un grand nombre d'Auteurs rapportent
que dans un certain tremblement
de terre l'Ocean engloutit une grande
montagne entre Calpe & Abila , ce qui laiffant
un paffage aux eaux , elles formerent la
Méditeranée qui s'étend jufqu'à quinze
cent mille vers la Tartarie , c'eft - à-dire
qu'en un inftant la Nature creuſa un lit de la
longueur de quinze cent milles , & que tous
les fleuves des environs , comme s'ils fe fuffent
accordés pour cela , vinrent tomber
dans cette nouvelle mer. L'avanture de CalJUILLET
1746. 21
pe & d'Abila eft certainement merveilleufe
& on peut dire que cette hiftoire n'eſt pas
l'ouvrage d'un Auteur contemporain . Si on
vouloit feulement confidérer le cours de tant
de fleuves d'Afie & d'Europe qui defcendant
de toutes les parties du monde au de là de
Gibraltar , viennent reciproquement à la
rencontre les uns des autres , on pourroit s'ap
percevoir aifément que tous ces fleuves devoient
produire naturellement un Lac immenſe
; certainement le Tanaïs , le Boryſtene
, l'iftre , le Rhône ne pouvoient avoir
leur embouchure dans l'Ocean car il
faudroit pour cela qu'ils euffent le même
cours , & qu'ils perçaffent les Pyrenées pour
alier de compagnie à la mer de Biſcaye.
,
Cependant plufieurs Philofophes ont foutenu
que la Mediterranée avoit été produite
fortuitement par une irruption de l'Ocean.
Sur ce qu'on leur demandoit ce que
feroient devenus tant de fleuves fans embouchure
, à quoi pouvoit fervir un fi grand
Lac fans écoulement , ce qu'on devoit enfin
penfer de la mer Cafpienne , ils répondoient
qu'il y avoit un fouterrain très vaſte , un
canal fecret par lequel la mer Cafpienne fe
déchargeoit dans la Méditerranée , commo
la Méditerranée dans l'Ocean , on ajoutoit
même que cette communication étoit prouvée
par plufieurs poiffons qu'on avoit jettés
dans la mer Cafpienne avec un anneau paſſé
22 MERCURE DE FRANCE.
dans les narines & qu'on avoit péchés enſuite
à Conftantinople ou en Affrique. L'Hiftoire
& la Philofophie furent traitées de cette ma→
niere par plufieurs Auteurs , mais enfin la critique
bannit les Fables , & la Phyfique experimentale
renverfa les fyftémes. De telles
rêveries ne doivent plus étre reçues , puifqu'on
a calculé que la feule évaporation fuffit
pour empêcher toutes les mers d'inonder
leurs rivages. Il eft donc plus que vraiſemblable
que la Méditerranée & l'Ocean ont
toujours été contenus dans leur lit , excepté
les 150 jours qu'a duré le Déluge , & que la
conftitution fondamentale du monde a été
la même de tous les tems.
Je fçais bien qu'il y aura toujours des
hommes dont l'efprit fera plus frappé d'un
brochet petrisé fur le mont Cenis , & d'un
turbot trouvé dans le même état fur les
montagnes de Heffe , que de tous les raifonnemens
de la vraie Philofophie ; ils fe plairont
à penfer que les fleuves couloient autres
fois fur la cime efcarpée des Alpes , que
I'O ean couvroit la Germanie , & en voyant
certaines coquilles , ils affirmeront que la
mer de Syrie eft venue à Francfort. Le
goût du merveilleux produit des fyftémes
extravagans , mais la Nature eft auffi fimple
, auffi uniforme & auffi conftante que
notre imagination eſt avide de revolutions &
de prodiges,
JUILLET 1746.
Cette Lettre ayant été imprimée en Hollande
fans aveu , & avec des fautes ajoutées
à celles qu'on y trouvoit déja , on nous prie de
Pinferer dans le Mercure telle qu'elle eft.
EN attendant que les Zephirs ,
Le Printemps & la jeune Flore ,
Viennent nous annoncer encore
De beaux jours , de nouveaux plaiſirs ,
Dis nous , tandis que de Norvége
On voit l'Aquilon furieux
Souflant les frimats & la neige
Nous voiler la clarté des Cieux ;
Par une morale facile
T'occupes-tu dans ta Cité
A triompher d'une beauté
Au Dieu de Paphos indocile ?
Ou jouiffant malignement
De ta glorieufe conquête ,
Papillon auffi -tôt qu'Amant
Tu te fais peut - être une fête
De ton perfide changement ,
Et ta fine cajolerie ,
Toujours fujette à caution ,
Près d'une autre Iris pe cherie
Sous les traits de la paffion
Déguiſe ta friponnerię ?
MERCURE DE FRANCE.
Pour nous , loin des jeux , des amours ,
Relegués fous l'humble chaumiere
Nous attendons que dans fon cours
L'astre brillant , dont la lumiere
Partage les nuits & les jours ,
Nous rende fa chaleur premiere ;
Alors la trompette guerriere
De Bellone annonçant les loix ,
Nous rentrerons dans la carrierę
Qui conduit aux fameux exploits.
C'est par cette mâle conftance ,
Qu'on vit autrefois les Romains
Affervir Cartage & Numance ,
Et l'Univers , & les Deftins .
De ces Heros foyons l'image ;
Marchons à l'immortalité ;
La fortune n'eft plus volage ,
Quand par l'effort d'un grand courage
On fixe fa legereté .
Et toi , tandis que fur la terre
Au milieu du bruit des combats
Mars fera'gronder fon tonnerre ,
Et voler la mort fur nos pas ,
Des Saumaifes fuyant l'exemple ,
Ne differtant en aucun lieu ,
Sois toujours favori du Dieu
Dont Voltaire a tracé le Temple .
En Boheme le premier Mars 1742 :
LETTRE
JUILLET 1746.
Zeelo @
LETTRE à Monfieur L. F ***. contenant
la defeription de la Caverne de Grandville
en Perigord , du 3 Juin 1746.
J
E vous écris encore harraffé de la fatiguante
journée que je fis hier pour aller voir
& vifiter le trou de Grandville ; c'eft cette
célébre Caverne dont vous ouites parler ici
il y a trois ans & que nous avions fait projet
d'aller voir ; mes camarades de voyage en
font fur les dents , quelques accidents d'orages
& autres inconvenients ayant rendu la
journée encore plus fatiguante , mais ce n'eft
pas de nos bourbiers que j'ai à vous entretenir
, c'eft de cet admirable Caveau vraiment
digne de plus de réputation encore
qu'il n'en a , objet des defcriptions auffi fauf.
fes que pompeufes des naturaliftes du Périgord,
& matiere inépuifable des bruits populaires
& des menfonges du canton ; quant à
moi je ne vous dirai au moins que ce que j'ai
vû, & j'ai voulu tout voir pour pouvoir vous
le dire; n'allez pas rire du ton emphatique de
ma defcription, & me connoiffant pour être
du cinquiéme ordre des curieux , vous
imaginer que j'en veux imiter l'enflure , & s'il
eft permis de parler ainfi, la charlatanerie ;
B
16 MERCURE DE FRANCE,
cela eft en verité plus beau à voir qu'à để
crire ; commençons ;
Vous vous rappellez fans doute ce que l'on
vous difoit de cette caverne la premiere fois
que nous en entendîmes parler , ces voutes
fans fin , ces pas de toutes fortes d'animaux
incruftés dans la pierre , ou tracés fur le fable,
cette riviere qui traverfant enfin ces caveaux,
bornoit au bout de 2 lieues la courfe
du curieux & laiffoit voir au- delà de nouvelles
voutes ; plufieurs autres fortes de recits
miraculeux joints à ceux là depuis, mais
qui ne m'étoient fats la plupart que comme
des oui dire , n'avoient guéres fait fur
moi d'autre impreffion que celle que pourroient
y faire aujourd'hui les contes des Fées,
mais il y quelque tems qu'un de mes voifins
qui y étoit entré , m'en parla plus en
détail ; il eft vrai que n'ayant pas comme
moi le deffein de décrire ce beau lieu, rebuté
d'une courfe affés penible il fe contenta de
parcourir les endroits que les guides mon
trent comme les plus curieux & reçut d'après
eux tous leurs contes fur l'infini de ces
fouterrains , fur les gens qui s'y font perdus,
&c. Cependant une narration aufli précife
me détermina à aller voir par moi-même ce
qui en étoit , d'autant qu'il n'y a d'ici là que
pour quatre heures de chemin à cheval ; il
Sofrit obligeamment d'être du voyage, nous
JUILLET 1746. 27
A
partîmes donc hier de grand matin avec les
précautions néceffaires pour ne pas manquer
de feu , & de ma part réfolu d'aller du
moins jufques où les plus hardis guides en
fçauroient. Le Curé le plus voifin , homme
de bon fens nous affura d'un air très- perſuafif
qu'il n'y avoit ni danger ni miracles ,
mais n'ayant jamais été au- delà d'une pierre
où font écrits ces mots , qui fage fera plus loin
n'ira,il adoptoit auffi l'idée de l'infini , & nous
raconta que deux hommes de fa Paroiffe s'y
étoient perdus trois jours & fe conjuroient
feulement de ne fe pas manger l'un l'autre
quand on les trouva ; il nous nia cependant .
les Anglois perdus, mais les guides enchérirent
bien encore nous racontant que des
jeunes gens y furent perdus huitjours, retrouvés
encore en vie& n'expirerent que lorfqu'ils
furent à l'entrée de la Caverne ; je ne puis
répondre fi des chutes de roches ou des
changements arrivés ont refermés des caveaux
plus profonds que ceux que j'ai vifités,
cependant un de nos guides étoit fort vieux,
il nous allura n'y avoir jamais vu le moindre
changement , on ne voit pas trace de trou
qui te foit bouché , & les pieces de roc qui
nous parurent le plus fraichement détachées
le font bien avant eux , nous dirent ils ;
or pour tout ce qui exifte actuellement , un
homme accompagné & éclairé s'en tireroit
Bij
28 MERCURE DE FRANCE,
affürément fans guide avec du courage & un
peu de peine.
Cette Caverne nommée comme je vous
l'ai dit , le Trou Grand ville , eft dans la terre
de Miremont paroiffe de Roufignac, fief de
la Barriére , environ à cinq lieues Gaſconnes
de Perigueux , & trois de Sarlat ; l'embouchure
ou l'entrée eſt à mi côte d'une montagne
affés droite mais couverte de vignes ,
de champs & de chataigniers; fon expofition
eft au levant , il y a tout auprès une maifon
de païfans qui de peres en fils fervent de
guides , l'entrée en eft fort baffe & boueufe ,
il eft vrai que dans ce que je vous dirai de la
bouë qui fe rencontre il faut remarquer que
nous fommes prefque au bout d'un printems
auffi pluvieux qu'on en ait jamais vû ,
& qu'il avoit plû tous les jours pécedents ;
on entre donc en le courbant jufques à
terre , mais dans l'inftant on peut fe redreffer
, on fe trouve au large , & chofe fingulére
loin d'être ému de cette forte d'hor,
Jeur que donnent ordinairement ces lieuxlà
, l'on fe trouve gai & plein d'e perance ,
du moins ce fut l'effet que cela fit für chacun
de nous , nous chantâmes beaucoup , les
caveaux répondirent & jamais dans la fuite
de cette longue & penible courfe on ne voit
gien de lugubre ni qui vous infpi e de la
crainte & des précautions ; quatre chandel
JUILLET 1746.
دو
les allumées & quelquefois des brandons
de paille dans les endroits les plus curieux
nous fuffirent pour tout voir bien , & pour
nous conduire dans un chemin pénible ,
gliffant , gras & raboteux ; la voute s'ouvre
donc d'abord , elle a dès l'entrée environ
dix pieds de haut , quant à la largeur qui
eft de quatre toifes elle eft à peu près la même
par tout hors dans les endroits qui forment
des falons , qui terminent en rond
certaines avenues ou qui ouvrent differentes
routes, & jamais le Caveau s'a moins de
la moitié de cette largeur nulle part ; au
bout de 20 pas environ , car je me laffai bientôt
de mefurer géométriquement , la voute
hauffe du double & va toujours hauffant
pendant près de cent vingt pas ; la couleur &
l'enduit en font comme d'une roche ordinaire
fans marques d'humidité, mais fans congelaifons
& brillants , fi communs dans les fouterains
des pays fecs , le terrain fur lequel
on marche retient les fouliers & devient toûjours
plus mol à mesure qu'on avance ; au
bout des cent vingt pas ou environ , car une
fois pour toutesje vous avertis que je ne régle
ces proportions qu'à peu près , & pour me
fixer à quelque chofe , fans pour cela les
rantir contre gens plus exacts ; au bout disje
, de ces cent vingt pas le préfentent deux
avenues, l'une qui eft vis- à- vis la grande route
ga-
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
eft une voute baffe & plate dont l'entrée eſt
barrée de la hauteur de deux pieds par un
mur malonné de terre glaife & de pierre
fait de main d'homme. Quand on a paſſe
ce mur , la voute ou pour mieux dire le plafond
, car cela en paroît un fort plat , continue
trente pas ; il eft fi bas en certains endroits
qu'il faut appuyer les mains par terre
pour paffer , le terrein en eft uni , cela eft
terminé par une autre efpece de mur traverfant
& à peu- près de meme hauteur
que le
premier , mais il n'eft que de terre glaiſe qui
eft fi forte dans toute la Caverne qu'on en
feroit des pyramides; dès que ce mur eft paffé
on rentre dans le caveau grand & exhauffé
, & ce chemin qui naturellement fe préfente
d'abord abrége beaucoup & fait éviter
le fagnat , on appelle ainfi un endroit où
le terrein eft fi fpongieux qu'il faut paffer
fur le bord & très vite , mais nous ne fuivimes
cette route qu'au retour , car outre
que l'autre eft celle des curiofités & que l'on
fait fuivre d'ordinaire aux Voyageurs , nous
avions réfolu de fuivre & caver en montant
toutes les routes à droite & d'en faire au retour
de même de celles qui font au côté
oppofé . Nous primes donc la route à droite
qui eft une forte de tournant , mais qui ne
fait qu'un crochet , puifque l'autre la rejoint
en haut ; celle- ci eft toujours d'un grand
JUILLET 1748. 31
, י כ
exhauffement en voute arondie & naifante ,
comme d'une corniche très avancée ; d'efpa
ce en eſpace on voit des ronds en dôme
prefque réguliers , enfin on regarderoit toujours
en haut fi le terrein qui devient plus
gras à chaque pas ,joint aux inégalités cauſées
par des terriers de Renard qui font - là en
très-grand nombre , n'obligeoit de regarder
à fes pieds avec attention ; on fuit donc la
grande route &la feule exhauffée; à côté droit
fe préfente une Caverne affés ouverte, peu
profonde, à voute platte & affés près de la
tête , ainfi que le font toutes celles que nous
avons à voir à la referve du grand caveau
que j'appelle lagrande route ; il n'y a rien de
remarquable dans cette premiere grotte , que
ce qu'on appelle l'étron de la vieille , car il faut
parler le langage des tenans , & qui voudroit
en parlant du tréfor de S. Denis dire le petit
fauteuil de bois au lieu du fauteuil du Roi Dagobert
commettroit un crime de leze curiofité
; l'étron de la vieille donc n'eſt pas autre
choſe qu'une énorme pétrification cauſée
par de l'eau qui tombe , une goute feulement
l'une après l'autre toujours au même endroit
avec une régularité de tems capable de faire
une horloge ; le maffif qu'elle a formé peut
avoir à fa baze 12 pieds de circonference &
va toujours en diminuant , comme qui poferoit
à terre le couvert d'un palanquin à la
Bij
2 MERCURE DE FRANCE.
Chinoife , fans inégalités marquées , & faifant
un tout très- bien lié ; il s'éleve à la
hauteur de l'eftomach d'un homme ordinaire
, le bas n'en paroît point different d'un
autre roc , le haut eft humide & ce n'eft
que précisément à l'endroit de la pointe où
la goute tombe fans ceffe que l'on voit une
forte de pétrification comme de la nacre fort
jaunâtre, & qui ne s'étend guéres plus loin
que la largeur d'un écu de fix livres , l'égalité
de la cadence qu'obfervent ces goutes
d'eau dans leur chute rend ceci plus remarquable
encore que leur effet , quoiqu'il
démente par un contraire exact le proverbe
de l'Opera , & qu'on puiffe dire dans le
réel , l'eau qui tombe goute
forme leplus dur rocher.
à
goule
Ceci d'ailleurs furprend d'autant plus que
cette grotte n'eſt pas plus humide que les
autres qui à la réſerve du terrein ne le font
point du tout , & que cet endroit eſt abfolument
le feul où l'on voye quelque
écoulement , fi on en excepte la fontaine
dont je parlerai quand nous y ferons . En
quittant la grotte de l'étron de la vieille on
rentre dans la grande route , & l'on trouve
bientôt après le fagnat que j'ai décrit tout à
T'heure & qui n'eft autre chofe qu'un bourbier
qu'il faut paffer vite & en évitant fur
tout des débris de planches mifes autrefois
JUILLET 1746. 33
3
pour la commodité du public, & qui fe font
pourries dans l'endroit le plus mol , ce paffage
ne dure guéres que dix pas
on fuit
ayant toujour, fur la tête ces belles voutes ,
tantôt en voûte tantôt en dôme , & fous fes
pieds des debris de roc enduits de glaife, unis
par les paffans , & veritables caffe-col pour
ceux qui ne font pas ou fermes ou bien appuyés
; une nouvelle voute le préfente à droi
te, ce qu'ils appellent la chambre dorée , le
terrein defcend un peu, les voutes font plattes
& incrustées d'une forte de glaife défechée
qui fait comme des gateaux dorés , des pains
à l'Allemande , ou des oranges , cela fait
d'abord un coup d'oeil , en effet riant & riche
, & comme les plafonds font très blancs
il les relevent encore , les corniches en font
fort chargées , cela fe détache affés ailément,
il y a de tems en tems des culs de lampes
qui en font ornés auffi , la couleur de ces
fortes d'incruftations devient plus foncée
à mesure qu'on avance davantage dans le
caveau , il ſe termine en conques , en ronds
& autres tournures ordinaires dans les ro
cailles ; le trajet eft long mais tout cela n'ai
d'iffue que celle qui rend dans la grande route
; on y rentre donc & après avoir marché
quelque tems on voit à la gauche l'iffue de
cette voute barrée de murailles dont j'ai déja
parlé & qu'on avoit laiflé devant foi e
Bv
34 MERCURE DE FRANCE
pas après l'entrée de la Caverne ; on avance
toujours les voutes devenant plus belles &
plus élevées , tout au milieu du paffage eft
un roc plat , long d'environ trente pieds
pofé comme fur une élevation de pierre &
qui eft caffé en quatre parts quoique placé
comme fi elles fe tenoient , ce roc quoique
barbouillé de plufieurs griffonages indéchiffrables
qu'y ont gravé les paffans,n'auroit
rien de remarquable s'il n'avoit plu
aux guides de l'appeller la tombe de Gargantuan
, or vous fçavez que tout montreur
de curiofités cft légiflateur dans
fon fait , la tombe de Gargantuan donc ,
dont on nous avoit fort parlé , n'eft autre
chole qu'un grand roc très - ordinaire.
En avançant on trouvé la chambre du Baillarmini
, fi vous me demandez l'étymologic
de cette dénomination je n'y en vois d'autre
finon qu'on appelle , je crois ainfi , en langue
du pays cette terre rouge & graffe nommée
de l'ocre en françois dont on ſe ſert pour
les couleurs ; & dont eft compofé tout le
terrein de ce caveau ; quoi qu'il en ſoit fon
entrée eft baffe & étroite , & elle a été rendue
telle par main d'hommes pour barrer
apparemment quelque cache dans les tems
facheux. Ce caveau eft rond & fpacieux,
en haut roche platte incruſtée comme la
chambre dorée mais de reliefs plus foncés ,
JUILLET 1746. 35
couleur de Caffé & en moins grand nombre
mais ce qui eft fingulier vû la grande humidité
du terrein , c'eft que les murs font très fecs
& incruftés en noir de quelque chofe de piqué
& de rabotteux , comme chagriné
mais à grains très gros & comme une noifette.
Vous remarquerez toujours que je ne
vous cite que les chofes très marquées, fans
m'arrêter aux bagatelles curieufes que chacun
découvre & fait valoir en parcil voyage ,
voilà donc ce que c'eſt que la chambre du
Baillarmini.
Rentrés dans la grande route qui reffemble
toujours à elle même & nullement au
refte , on trouve à quelque diſtance à gauche
un grand caveau très profond qui va
toujours en deſcendant par couches , voutes
plattes , comme le font toutes celles des
côtés & incrustées de même de ces gateaux
d'argile defféchée ; il finit à des maffes de roches
qui laiffent encore un trou à droite
qui a quelque profondeur mais dont nous
vîmes le bout, malgré des chutes, inégalités du
terrein & le découragement ; quelque vafte
donc que foit cet abîme il n'a de débouché
que celui de l'entrée d'où nous revinmes
toujours dans la grande route , nous ne fîmes
à la vérité cette courfe à gauche qu'auretour,
mais je l'ai placée ici ne voulant rien
laifler derriére moi,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Revenons donc dans le grand caveau qui
s'exhauffe encore davantage & devient plus
boueux ; on entend bien-tôt le bruit d'une
cau qui tombe de haut ; on y arrive enfin ,
c'eft au dôme le plus élevé que paroît au milieu
un endroit humide qui femble de la
grandeur de deux chapeaux ; de là percent
huit à dix filets d'eau qui couloient quand
nous y fumes comme des goutiéres en tems
d'une forte pluie , l'eau qui tombe de ſi haut
& ne rencontre rien en chemin tombant plus
bas même que le terrein où l'on marche ,
fait un bruit fort remarquable dans ces lieux
qui retentiffent d'eux-mêmes , & fe perd
en deffous ; c'est là que je regarde comme le
point du milieu de ces vaftes fouterrains,
Ici finit ce que j'appellois la grande route ,
il n'eft plus de voutes exhauffées , tout déformais
fera en roches plattes & baffes comme
les caveaux particuliers que j'ai déja décrit.
Aude-là du dome d'où fort l'eau dont
je vous ai déja parlé , le grand caveau eft
terminé par un mote de rochers en talus ,
verdâtes & qui feuls dans tout le fouterrain
paroiffent humides ; la route baffle & telle.
que je vous l'ai déja dite , s'ouvre à droite
& vous conduit à ce qu'ils apellent le marahé
dès qu'on eft entré dans cette route le
terrein quoique toujours argilleux , eſt beaucoup
moins gras & moinstirant , il n'eft plus.
JUILLET. $ 746. 37
·
barré de roches , mais en revanche en approchant
du marché il devient femé de
trous dont les rebords font étroits & tranchans
, ce qui le rend très - difficile , c'eſt auſſi
ce qui l'a fait appeller le marché comme
ayant été foui & rendu inégal par les bef
tiaux; il a fallu de plus y trouver des traces :
or très certainement les Renards ne vont
point jufques -là & d'autres animaux , ni de
jour ni de nuit , infectes ,reptiles, quels qu'ils
foient enfin , on n'en voit veftige dans tout
fouterain , qui paroît par tout fain , temperé
, & même agréable malgré la fatigue
d'y marcher ; quant aux traces qu'on montre
ce font celles qu'ont faites en gliſſant les
fabots des guides , & celui qui nous en parloit
cognoit du talon en méme tems en faveur
du futur curieux . Les parois & la voute
de cette partie toujours incruftée de quelques
gâteaux d'argille , mais moins , eft d'ail
leurs enduite d'une craye bianche & molle
qui donne grande commodité d'écrire à tout
homme curieux de s'immortalifer , auffi y
voit-on des noms & des dattes anciennes.
Quant à moi plus modefte je me contentai
de poſer en deux endroits le nom d'un des
Héros de mon pays Noftradamus , & n'étant
pas jufte de lui faire perdre de fon prix j'ajoutai
la datte 1528. le marché eſt vaſte ,
point trop bas , clair à cauſe de ſa blancheur,
38 MERRCUE DE FRANCE.
un pilier femble le foutenir au milieu , mais
ce pilier diftribue deux routes ; nous prîmes
d'abord felon l'ordre que nous nous étions
prefcrit celle de la droite ; elle continue d'être
agréable , fe fubdivife en plufieurs, mais
qui ne font que des grottes peu profondes
& aboutit enfin à un raffembage de creux
divers taillés en conques , riants & réguliers :
quand je fus bien fûr de ne rien laiffer devant
moi nous revînmes au pilier , le guide
nous raconta que deux Demoiſelles y étant
demeurées avec un Monfieur tandis que les
plus hardis continuoient la route que nous
venions de faire , au retour on les trouva
fans lumiere.
Comme cette Hiftoire me parut plus
croyable que celle des hommes perdus huit
jours , & que j'ai cité l'une , je dois en juftice
ne pas omettre l'autre ; nous prîmes
alors la route à la gauche du pilier , celleci
ne fe fubdivife pas , mais au bout d'un
certain tems elle baiffe au point qu'il faut
aller ce qu'on appelle à quatre pattes ; la
voute eft fort unie,garnie de craye, le terrein
toujours argilleux , toujours inégal , ce qui le
rend fort incommode en cette attitude ; au
bout de quelques pas le guide me dit qu'on
n'alloit pas plus loin ; je crus d'abord que
c'étoit une rufe , toujours prévenu de ces
immenſes Caveaux , il m'affura que cela de
NC
1746. 39
JUILLET
OUS
J $€
nue:
curs, &
ofont
de cre
epc.
TOUT
venoit toujours plus plat ; je voulus le voir
nous avançâmes encore peut- être trois cent
pas , il falloit prefque ramper , mais la clarté
que repandoient les lumiéres dans un terrein
fi blanc & fi étroit diminuoit le défagrement
de cette opération , cependant voyant que
cela devenoit toujours plus étroit & ne voulant
pas me mettre en preffe , je renonçai à
l'espoir de trouver ces grands Caveaux , je
fis avancer un laquais encore fix pas ; nous
vîmes clairement que cela s'alloit bouchant ,
& ne laiffant pas de place pour un homme
je me crus en droit d'établir que c'étoit là le
bout , je crois que nous avons été les feuls
qui l'ayons porté fi loin; nous revînmes donc,
mais le retour m'apprit qu'il ne faut pas aller
au bout de fes forces ; nous n'en pouvions
plus , cette façon d'embraffer la terre inéga
lement , le feu des lumiéres raffemblé , notre
fouffle renvoyé de fi près , la voute qui à chaque
élan nous rabaiffoit ou la tête ou les
reins , tout cela nous é hauffoit à un point
exceſſif , nous nous raſſemblâmes deux fois
dans des endroits où de ces petits culs de lampes
nous donnoient la liberté de nous affeoir,
mais la place n'étoit bientôt plus tenable par
la chaleur , nous arrivâmes enfin où l'on peut
lever la tête & rejoignîmes une partie plus
prudente de notre caravanne qui nous y avoit
attendu ; au retour nous vîmes les Caveaux
40 MERCURE DE FRANCE.
fur la gauche que je vous ai decrits avant la
fontaine, & regagnâmes l'entrée par celui où
eft le petit mur dont je vous ai auffi parlé ,
il tonnoit bien fort quand je reparus au jour
ce qui me furprit, car on ne s'en doutoit pas
là deffous , & j'avois laiffé le ciel très ferein ,
nous n'y fumes cependant en tout que deux
heures & demie à la montre , j'en fus fort
étonné , car malgré la curiofité , l'ardeur &
le contentement , je comptois y en avoir demeuré
quatre , voilà donc le tems qu'il faut
pour parcourir ce vafte Caveau , & vous le
trouverez bien honnête quand vous penferez
que comptant fur des pays immenfes , fur
F'opinion générale qu'on n'avoit jamais trouvé
le bout , quoique M. le Duc d'Orleans
Regent eut envoyé exprès &c. Je preflois
mon monde fi vertement que les guides dirent
n'avoir jamais été mené de la forte ;
tel eft , mon cher maître , ce fouterrein peutêtre
l'unique en fon genre dépeint fidélement,
je vous en donne ma parole , il eſt affés beau
par lui même pour n'avoir pas befoin d'être
enrichi de mervei leux chimérique , mais où
ne fe fourre t'il pas ? Quoiqu'il en foit je
fuis au bout , mon cher maître , ceci n'eſt je
vous prie qu'une converfation , mon Caveau
s'eft trouvé décrit en moins de tems qu'il
n'a été vû , je ne me fuis prefque donné la
peine de le voir que pour vous adreffer ceci
JULLET 1746. 41
mais enfin fi vous le voulez prendre pour
une deſcription , dites comme Horace ,
Scribimus indocti doctique poemata paffim.
SOUPIRS d'un Pénitent .
INDIGNE
NDIGNE de pitié , trop indigne d'eftime ,
Rien ne fçauroit me ſecourir ;
J'ai la vie en horreur , mais je crains de mourir ;
Et je fuccombe enfin fous le poids de mon crime.
Ton bras, Dieu tout puiffant , s'arme pour me punir;
Je vois déja le noir abîme :
L'Enfer s'ouvre pour m'engloutir :
Nepermets pas , Seigneur , que j'en fois la victime
A mes pleurs te laiffant flêchir ,
Daigne accepter mon repentir :
2.
Rends, la force à mon coeur, que ta voix le ranimes
Qu'elle régle mes moeurs , mes voeux & mes dif
cours.
Fais que ne pratiquant rien que de légitime ,
Je te confacre tous mes jours,
42 MERCURE DE FRANCE.
LOTTERIE de la vie humaine.
La vie eft une Lotterie ,
Où chacun a blanc ou noir ;
L'un a de la fanté , de l'efprit , du fçavoir ,
L'autre dans les ennuis paffe toute la vie.
Mais helas ! que nous avors tort
De faire des faux biens l'objet de notre envie !
Ils nous échaperont malgré tout notre effort :
Chaque inftant nous conduit au port
De notre commune patrie.
Le Riche & l'Indigent font égaux à la mort ;
Du Prince & du Berger , après la comédie ,
La diftance eft anéantie ;
Chaque acteur fe demafque & fort ;
Selon qu'il a joué, fa piéce eft applaudie ;
Non , ce n'eft que l'Arrêt dont la mort eſt ſuivie
Qui decide de notie fort.
OBSERVATIONS fur les Hommes
d'eſprit , & en général fur les Grands-
Hommes.
I.
LObonnes penfées des fots , mais on en Ob
N feroit un recueil affés ample des
feroit un bien plus ample encore des fotifes
JUILLET 1746. 43
des gens d'efprit. Il y a tel fot qui n'a jamais
dit une bonne chofe en la vie ; il n'y a
point d'homme d'efprit à qui il ne foit échappé
bien des fotifes. Cela eft vrai des livres
auffi bien que de la converfation . Qui voudroit
recueillir les plus grandes fotiſes qui
ayent jamais été écrites , ne devroit pas négliger
les meilleurs livres. Il y a d'auffi
mauvaiſes choſes dans les meilleurs livres
dans les plus mauvais .
que
II. Il n'y a peut-être point d'homme d'efprit
qu'on ne jugeât un fot ou un fol , fi on
le jugeoit fur un affés grand nombre de fes
penſées. Que de fotifes qui ne font point
apperçues dans la converfation , ni de ceux
qui les difent , ni de ceux qui les entendent ;
fotifes perdues pour l'homme d'efprit qu'elles
humilieroient utilement!
III. L'homme d'efprit qui n'a point écrit ,
s'eftime ordinairement beaucoup plus qu'il
ne vaut les moins préfomptueux de tous
les hommes ce font les bons Auteurs, Un
homme d'efprit fent bien , qu'en écrivant il
dit de meilleures chofes qu'en converſation ,
& que s'il n'avoit jamais écrit , il n'auroit
pas tiré de fon efprit tout ce qu'il en pouvoit
tirer , mais auffi combien de penſées
dont il eft d'abord enchanté , & qu'il efface
enfuite en rougiflant ! De - là il conclut qu'il
a dit bien des fotifes dans la converfation
44 MERCURE DE FRANCE.
fans s'en apercevoir ; l'homme d'efprit Au
teur eft celui qui connoît le mieux la force &
la foibleffe de fon efprit. Un homme vous
a donné dans la converfation l'idée la
plus avantageufe de fon efprit ; un an de
veilles ne lui fuffiroit peut- être pas pour
foutenir cette idée par une petite brochure.
IV. Qu'on cherche l'origine de la plûpart
des maux qui troublent la fociété , de
ces maux dont les hommes font eux- mêmes
les Auteurs , on la trouvera dans les paffions
fecondées de l'efprit , des grands talens , des
grandes qualités ; l'origine de la plupart des
biens n'eft pas fi noble.
V. Le principe qu'il n'y a point d'hom
me d'efprit à qui il n'échappe des fotifes ,
n'eſt pas moins vrai , & peut- être inême l'eft
plus encore des fotifes de conduite & d'action
, que de celles de la converfation & des
livres .
N'outrons rien pourtant fur les grands
hommes & les gens d'efprit , & défendonsles
plutôt contre l'injuftice du vulgaire .
V I. Les grands hommes , dit-on fouvent ,
font les plus grandes fautes. Ce proverbe
( car c'en eft prefque un ) eft- il donc bien
vrai ? Les grands hommes y ont-ils en effet
danné lieu , & ne vient- il point plûtôt de
la jalouſe malignité des petits hommes , qui
ont tâché par- là de remettre les grands hom
JUILLET 1746. 45
mes à leur niveau , de rétablir entre ces
grands hommes & eux mêmés une eſpéce
d'égalité & de compenfation ? Les grands
hommes font des fautes , parce qu'ils font
hommes (fummifunt homines tamen . Quint . )
& ces fautes font grandes , importantes , parce
qu'étant faites par gens qui occupent des
poftes confidérables , elles font ordinairement
en matiere importante ; & ont communément
de grandes fuites . De plus la même
faute commiſe par un homme médiocre
& par un grand homme , paroît bien plus
grande dans celui- ci : quoique legere en elle
meme , elle eft grande pour lui : la furprife
la groffit encore ; on ne s'y attendoit point ;
enfin elle est toujours plus remarquée dans
le grand homme,
VII. On objecte que les grands hommes
font fouvent plus témeraires , plus entreprenans
, qu'ils fe confient plus en eux
memes , qu'ils s'égarent fouvent à force de
raifonner &c. mais
1º. Ces défauts fe trouvent- ils ordinairement
dans les grands hommes , dans les
plus grands , & par exemple , pourroit- on
les reprocher à Cefar , à M. de Turenne ? &c.
20. Les hommes mediocres em font- ils
"exempts ?
30. Ces défauts font- i's des fources plus
fécones de fautes que des vues bornées
4 MERCURE DE FRANCE.
-
des demi- connoiffances , en un mot que la
feule médiocrité d'efprit & de capacité ?
Concluons donc que les plus grands hom
mes , les vrais grands hommes , c'eſt-à - dire ,
ceux qui poffèdent dans le plus haut degré
les qualités les plus eftimables , font ceux
qui font le moins de fautes & les moindres
fautes ; mais le vulgaire donne fouvent mal
à propos ce titre de grand homme , & fur
tout il régle mal les rangs entre ceux qui
le méritent en effet ; il eft vrai qu'avec une
ou deux qualités éminentes on fera plus
de fautes , que fi on réuniffoit plufieurs qualités
mediocres , mais dans le premier cas
eft on un grand homme ? Je le repete donc :
fi ce titre avoit été accordé moins legrement ,
le proverbe en queftion n'auroit point eu
lieu. Les vrais grands hommes ont fouffert
de ceux qu'on leur a injuſtement affociés .
Or s'il eft injufte de conclure de quelques
particuliers au général , combien l'eft-il davantage
de conclure de quelques prétendus
grands hommes , à ceux qui le font effectivement
?
VIII. Si ce font les plus grands efprits
qui font les plus grandes fotifes , ce font du
moins les plus fots qui font le plus de fotifes.
IX. Ce qui fait le grand homme , c'eſt
l'union des grandes qualités & des grandes
vertus , mais il faut avouer que les premie
JUILLET 1746 47
•
res paroiffent lui étre plus effentielles encore
que les fecondes . On pardonne plûtôt des
ices aux grands hommes que des petiteffes ,
& même que certains défauts. Il femble dans
un fens que les vices les deshonorent
moins , parcequ'ils font moins incompati
bles avec ces grandes qualités qui font pro
prement le grand homme : ce qui eft certain
, c'eft que les vices font meins fource
de fautes que les défauts .
Ly a plufieurs mois que M. de Genffane
nous a remis la lettre fuivante , que nous
n'avons pû inferer plûtôt.
LETTRE de M. de Genffane à M.
Saverien , au fujet de la nouvelle Théorie de
la manoeuvre des Vaiffeaux qu'il vient de
donner au public.
1.
M. ren-
L'ouvrage que vous venez de donner
fur la manoeuvre des Vaiffeaux
ferme une matiere trop intereffante , pour ne
pas defirer de trouver dans la Pratique
tous les avantages que vous nous faites ef
perer de votre Théorie ; c'eft dans cet efprit
que je vous ſupplie de vouloir bien nous
MERCURE DE FRANCE
E.
éclaircir quelques endroits de votre livre ;
qui ne me paroiffent pas tout à fait marqués
au coin de l'évidence que demand
roit un fujet auffi important.
2. Comme je ne fuis rien moins que marin
, mes doutes ne s'étendent auffi que fur
deux ou trois points qui ont une analogie
intime avec les loix ordinaires de la Méchanique
, & qui par là fe trouvent un peu
plus de ma competence : au refte je vous
upplie d'être bien convaincu que l'efprit
de critique n'a ici aucune part , & que les
reflexions que vous trouverez dans ma lettre
tendent uniquement à vous demander
quelques éclairciffements fur les articles de
votre livre que je ne comprends pas bien
diftinctement , foit que cela provienne d'un
défaut d'intelligence de ma part , foit que
vous les ayez traités un peu trop fuperficiellement.
3. Je m'étois determiné à vous en écrire
en particulier mais ayant appris qu'il s'en
faut de beaucoup que je fois le feul à qui
ces mêmes endroits n'ont pas paru exactement
demontrés , j'ai cru qu'il feroit plus
avantageux de me fervir de la voye des
Journaux , afin que tous ceux qui fe trou
vent dans le méme cas que moi , foient à
portée de profite de la réponſe que j'ai
lieu d'attendre de votre politeffe.
4 Les
JUILLET 1746. 49
1°.
Les articles dont je veux parler fent
1. les moyens que vous nous propoſez au
chap. 3. p . 37. de votre livre pour determiner
& faire faire aux vergues & à la quille
du vaiffeau l'angle le plus avantageux pour
faire une route donnée ; le fecond regarde
les avantages que vous pretendez tirer de
votre Barofaneme fur celui dont onfe fert
ordinairement ; le troifiéme qui eſt un peu
plus delicat , concerne l'efpece de procès
que vous faites ( p . 163 & fuiv ) aux principes
que M Bouguer a adoptés dans l'excellent
Mémoire qu'il nous a donné ſur la
mâture des vaiffeaux. Je vais examiner ces
trois points fuivant l'ordre qu'ils tiennent
dans votre livre.
Je fuis très à portée , M. de vous don
ner des nouvelles de l'experience que vous
defirez qu'on faffe des moyens que vous
propofez pour faire faire aux voiles un angle
donné avec la quille ; je vous dirai
qu'ayant eu bien des fois occafion de faire
ulage de votre méthode , j'ai toujours trouvé
que lorfque la ficelle eft un peu longue
comme cela arriveroit dans les vaiffeaux
il eft très- difficile de faire marquer au plomb
fufpendu le point qui repond exactement
à celui de fufpenfion , & cela en ft ppofant
même ce dernier point fixe , avantage que
vous n'avez pas fur un navire ; la raion de
C
1
so MERCURE DE FRANCE,
cela eft que la pefanteur du plomb caufant
une tenfion aux fibres de la ficelle , lui communique
un mouvement de vibration qu'on
ne fçauroit arrêter qu'avec peme ; d'ailleurs
vous n'avez peut -être pas fait attention que
lorfque le vaiffeau vient à tanguer , les mâts
p'étant plus dans une fituation verticale
le plomb s'éloigneroit quelquefois confiderablement
de leur pied , & s'en approcheroit
d'autres fois de trop près , ce qui vous
obligeroit de donner à votre cercle une figure
& une fituation trop embarraffante ,
pour ne pas dire quelque chofe de plus.
La perche que vous voudriez qu'on
fubftituat à la place de la ficelle ne me paroît
pas d'un ufage ni plus commode ni plus
exact ; comment tenir en effet une vergue
de cette longueur perpendiculaire au plan
du cercle malgré les mouvements du vaiſ
feau , fans parler des differentes manoeuvres
qui embarrafferoient cette opération ?
C'eft donc avec raifon que le fçavant
M, Pitot a prevu toutes les difficultés que
les marins rencontrerojent pour orienter les
voiles fuivant les angles marqués dans fes
tables ; en effet fi toute la jufteffe des inftruments
les mieux finis , n'eft pas de trop
pour les operations méchaniques de la trigonométrie
, que doit- on attendre de ces operations
où l'art méme fe réfufe , & où les à
JUILLET 1746. St
peu près ne font preſque que des coups du
hazard? cependant parce qu'une choſe eſt
difficile doit on y renoncer , & ne voit- on
pas tous les jours qu'en fait d'arts , il ne
faut qu'une idée heureuſe pour furmonter
les plus grands obftacles ? en voici une , M.
à ce fujet que je ne vous donnerai pas pour
telle , mais dont je hazarde de faire part
au public , perfuadé que fi elle n'eft'
fufceptible de ce point de précifion qui fait
le but des Géometres , elle eſt du moins
très-facile à exécuter & exempte des inconvenients
que nous venons d'obſerver.
pas
Je voudrois comme vous , M. que l'on
plaçat au pied du mât ( Fig. I. ) A un demi
cercle BCD dont la graduation commenceroit
par O au point C , qui répond à la
ligne de la quille E F , & avanceroit de
part & d'autre jufqu'aux points B D où elle
finiroit par 90, comme cela ſe pratique dans
les planchettes ou demi- cerles ordinaires :
Il faudroit placer fur ce cercle une alidade
L M qui ne pouvant tourner fur un pivot
placé au centre du mât , fe meuvroit dans
la couliffe A A. Cette alidade doit porter
un miroir I L K plus ou moins grand , garni
d'un reticule IK , placé à angles droits
fur la ligne de foi LM , & afin que l'on
puiffe voir où cette derniere ligne coupe les
divifions du demi- cercle , l'alidade doit être
Cij
G
Fig.1 .
I
B
VM
a:
L
E.... KF
C
Fig.2 . P
H
Fig.3
Pl. N
0:
F
C :
Fig. 5.
L
M K
K E
A
B
C
D
F
N
PN
Fig
. 4
R A
EQ
T
E F M S
R B
H
C
D
JUILLET 1746. $ 3
percée & garnie d'un petit index au point
L. Il convient auffi que le miroir foit mobile
fur deux tourrillons IK , afin qu'on
puiffe l'incliner fuivant le befoin , au moyen
de quoi la machine fera complette .
Préfentement pour s'en fervir nous
fuppoferons que GH repréfente la vergué ,
ayant enfuite cherché dans les tables l'angle
que l'on demande , faites tourner l'alidade
jufqu'à ce que le petit index L marque
le nombre de degrès qui conviennent à
l'angle cherché , après quoi amenés la vergue
G H jufqu'à ce qu'elle couvre ou qu'eile
foit parallele au reticule IK , elle fera avec
la quille l'angle demandé,
le
Comme les racages ou autrement les
cordages qui amarrent les vergues font fujets
à fe relâcher , il peut arriver que l'image
de la vergue dans le miroir fe trouve trop
éloignée du reticule ; dans ce cas on inclinera
le miroir jufqu'à ce que cette image
fe trouve partagée dans fa longueur par
reticule ; c'eft pour cette raison que le miroir
doit être mobile fur deux pivots aux
points I K. Je laiffe au furplus à la décifion
des fçavants , à la votre M. s'il eft poſſible
de trouver à cet égard rien de plus fimple
& de moins fujet aux inconveniens , qui
proviennent du mouvement du vaiffeau .
Je viens au fecond point , c'eſt à –
Cuj
· -
54 MERCURE DE FRANCE.
dire à l'article de votre Barofanome dont
vous nous donnez la defcription ( pag. 104 )
Je ne fais aucun doute que cette machine
ne fit tout fon effet fi elle étoit placée fur
terre ou parallelement à la direction du vent ,
enforte que fon impulfion fut toujours per..
pendiculaire aux plans de votre planchette ,
mais cette circonftance fe trouve t'elle frequemment
en, mer ? Un vaiffeau ne change
til pas à chaque inftant d'inclinaifon ,
à moins qu'il ne foit dans un calme parfait ,
tems auquel l'ufage du Barofaneme eft inutile
? or il me paroît bien demontré que
votre planchette forcée de participer au
mouvement du vaiffeau , prefentera fa furface
tantôt plus tantôt moins inclinée à la
direction du vent , & que les chocs ou impulfions
qu'elle en recevera feront en raiſon
des quarts des finus des angles d'incidence
du vent , d'où il fuit qu'un même vent
qui dans un tems fait lever un poids d'une
livre dans votre balance , ne levera qu'un
poids de 10 onces plus ou moins l'inſtant
d'après , enforte qu'il me paroît bien difficile
d'avoir par ce moyen une regle füre pour
determiner la force du vent .
Vous me direz peut - être que vous
n'avez befoin ici que d'une comparaifon relative
& que la furface de votre planchette
aura toujours une inclinaifon égale à celle
JUILLET 1746. $$
des voiles , mais outre qu'il n'eft pas bien
demontré que la furface des voiles fuive
l'inclinaifon des mâts , c'eft qué cette inclinaifon
varie continuellement ; or comment
choifir l'inftant où le moment du vent fur
votre planche exprime fa force moyenne ?
ce ne feroit qu'en ajoûtant plufieurs obfervations
enfemble pour en prendre un refultat
moyen , & vous fçavez que cette méthode
n'eft qu'une méthode d'aproximation ,
fouvent même incertaine .
Au furplus je , me perfuade que vous rémedierez
bien facilement à ce petit inconvenient
, en ſubſtituant à votre planchette
un balon de quelque matiere legere , dont
la furface du grand cercle foit à peu près
égale à celle de la planchette ; alors en diminuant
les poids de moitié , vous aurez
conftamment les mêmes comparaifons que
vous en avez déduites , parce que le balon
prefentera toujours la même furface à la
direction du vent , quelque inclinaifon que
la machine forme avec cette direction. J'ai
dit qu'il faut diminuer vos poids de moitié
parce que vous fçavez auffi bien que moi
que l'effort d'un fluide fur la furface convexe
d'une demie Sphere , n'eft que la moitié
de celui qu'il feroit fur la furface plane de
fon plus grand cercle ; il eft vrai que ceci
vous ramene infenfiblement au Barofaneme
Ciiij
56 MERCURE DE FRANCE .
ordinaire , mais ce fera toujours beaucoup
d'en avoir rendu l'ufage plus fûr & par là
plus avantageux..
Paffons, s'il vous plaît , au troifiéme point
de mes reflexions , je veux dire à l'examen
des raifons qui peuvent vous avoir porté
à regarder comme faux les principes qui
établiffent l'hypomoclion au centre de gravité
du vaiffeau dans le cas du- tangage &
du roulis : Cette queftion eft trop interef
fante , M. pour ne pas meriter toute l'attention
des fçavants , puifque l'alternative ne
tend pas moins qu'à une conftruction & à
une mature toute differente.
Je vais vous expofer naturellement fous
quel point de vue je m'imagine qu'on peut
regarder toutes les forces qui contribuent
foit directement ou indirectement au mouvement
d'un Vaiffeau , ce détail vous fera
connoître les difficultés que je crois entrevoir
dans votre hypothéfe , & les raifons qui
m'ont determiné à vous en demander une
demonſtration un peu plus convaincante que
ce que vous nous en dites dans votre livre.
( Fig. 2. Si on plonge un folide
quelconque A B. CD . EI. dans un fluide ,
il s'y enfoncera jufqu'à ce que fa peſanteur
fpécifique foit en équilibre avec la pefanteur
du volume de fluide qu'il deplace par
cet enfoncement ; de- là il fuit
que
fion
JUILLET 1746. 57
exprime la force qui tient le folido enfoncé
par les lignes A C. B D. la force que
le Huide employe pour refifter à cet enfoncement
fera aufli exprimée par ces mê
mes lignes CA. DB. &c.
Si on place un poids au point E. fe
le
folide s'enfoncera , & le point C. defcendra
en F. à caufe de l'augmentation de pelanteur
de ce côté là & le point D qui femble
demeurer fixe , parce qu'il ne paroît pas
qu'aucune force l'oblige de defcendre ni de
monter , s'élevera cependant un peu par
les raifons que nous allons voir.
Au moyen de l'enfoncement CF. le côté
DI. qui étoit d'abord perpendiculaire à la
furface du fluide , lui devient un peu incliné
en prenant la fituation D K , ainfi la
pefanteur KD fur le point D devenant
moindre que ID ne fera plus en équilibre
avec la colonne du fluide BD , ce qui obligera
le folide ou le point D de s'élever un
peu jufqu'à ce que KD foit en équilibre
avec BD.
Il y a ici , M. deux obfervations à
faire , la premiere , que le mouvement que
la ligne a decrit par fon enfoncement de
Cen F ne s'eft point fait fur le point D,
mais fur une infinité de points dont le dernier
fera d'autant plus éloigné de ce premier,
que l'enfoncement CF fera grand , c'est -à
C
58 MERCURE DE FRANCE.
dire que le côté KD fera plus incliné à la
furface du fluide.
La feconde, que le centre de gravité qui
étoit d'abord en G a dû s'avancer vers quelque
poin: L qu'il fera aiſé de trouver par
les méthodes connues de tous les Géometres .
Il n'eft pas besoin de vous faire remarquer
que fi on met un fecond poids au
point K égal à celui qui eft en E , le folide
reprendra fa fituation horifontale , le point
D deſcendra en M, & le point F remontera
en O par des raiſons ſemblables à celles que
e vous ai detaillées ci- deffus , & pour lors
centre de la gravité fe trouvera dans la
lerticale G P.
(Fig. 3 Les chofes dans cet état , fuppofons
que A B eft la ligne d'enfoncement
ou de flotaifon , G le centre de gravité , ſi
on ôte le poids K pour le placer en L & le
joindre au poids Ė , le folide s'enfoncera
& le point A deſcendra en F , mais avec
des conditions bien differentes de celles que
nous avons remarquées dans les deux cas precedents
, car le folide devenant plus leger
vers B dans la même proportion qu'il devient
plus pefant vers A, le point B s'élevera en
I à mesure que le point A deſcendra en F ,
d'où il s'enfuit , comme vous voyez, que le
mouvement fe fait fur le centre de gravité
G, ce qui eft bien évident.
JUILLET 1746.- 59
Otons par la penſée tous ces poids ,
& fuppofons à leur place une puiflance NP
appliquée au levier P G; foit comme cideffus
G le centre de gravité , A B la ligne
de flotaifon ( je vous fupplie de trouver bon
que j'écarte pour un moment les effets du
fluide fur les côtés AC . BD . ) il a rivera
que la puiffance agiffant dans la direction
NP , fera au point A le même effet que
l'augmentation des deux poids de l'article
precedent ; c'eſt- à-dire qu'elle determinera
autant le point A à s'enfoncer en F , qu'elle
portera le point B à s'élever en I , ainfi vous
voyez que ce mouvement fe fait fur le point
G , c'est- à- dire au centre de gravité , qui
par confequent jufques -là doit être regardé
comme hypomoclion.
Voyons préfentement , M. ce qui doit
refulter de l'action du fluide contre les côtés
AC. BD. , & quel changement elle peut
apporter aux principes que nous venons d'établir.
Dès que nous avons exprimé ci- deffus
la force verticale du fluide contre la pefanteur
du folide . par les verticales CA.
DB . la force laterale R A. QB. fera exprimée
par la moitié de ces mêmes verticales
; car vous fçavez , M. que la force d'un
fluide contre une furface verticale eft exprimée
par l'aire d'un triangle rectangle , dont
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
les côtés qui comprennent l'angle droit font
égaux à la hauteur du fluide , c'est - à - dire
que dans le cas préfent la preffion du fluide
contre le côté A C de notre folide eft exprimée
par l'aire du triangle A CS, qui n'eſt
que la moitié de la preffion du fluide de C.
en A exprimée par le quarré de C A—
CARS. Par conféquent fi la longueur CD
du folide eft quadruple de la hauteur C A
l'effort vertical du fluide fur le côté CD ,fera
ouple de l'effort lateral fur le côté AC ;
c'eft là M. l'expreffion de la refiftance que
le folide éprouve lorfqu'il commence à fe
mouvoir de A vers R , refiftance qui dans
le premier inftant de fon mouvement eft
nulle , parce qu'elle eft contrebalancée par
une impulfion égale QB , mais qui va toujours
en augmentant à mefure que le quarre
de la viteffe du mobile de A en B augmen:
tera , parce que dans ce cas l'impulfion en
B diminue dans la même proportion , &
que d'un autre côté la refiftance des fluides
eft en raifon des quarrés des viteffes des
mobiles qui s'y meuvent.
D'où vous voyez M. qu'il y a ici cinq
puiffances à confiderer. 1 ° . La pefanteur du
folide qui l'enfonce dans le fluide , 20 , la
reaction du fluide qui contrebalance la pefanteur
fuivant la direction CA , 30. la force
NP que nous regardons comme puiffance
JUILLET 1746. 61
motrice , 40. la refiftance anterieure du
fluide RA , 5o. la preffion pofterieure du
fluide QB qui concourt en quelque façon
avec la puiffance N P. Voilà , M. à ce que
je crois tout ce qui contribue à faire cingler
notre folide au travers du fluide ; De
ces cinq puiffances il n'y a que la feule PN
que nous pouvons regarder comme conf.
tante toutes les autres deviennent variables
au moment que celle ci commence à agir.
Mais comme jufqu'ici nous avons fupofé
notre folide d'une figure rectangulai
rẹ , & comme nous fçavons d'un autre côté
que l'action d'un fluide contre une furface
quelconque la determine toujours à fe mouvoir
fuivant une direction perpendiculaire
à elle même , fous quel angle qu'elle en foit
choquée , il convient de donner à ce folide
une figure femblable à celle que vous fupofez
aux Vaiffeaux , afin que non feulement
la comparaifon que nous en voulons faire
foit plus exacte , mais encore afin que nous
ayons la vraye direction des differentes puiffances
dont nous venons de parler ; ain
au lieu du rectangle de la figure 4 , fupofons
que le folide eft reprefenté par la figure
5 par là nous aurons 10, la direction
NP pour la puillance motrice,PG fera celle.
de la pefanteur , GP celle de la reaction.
du fluide , AP celle de la refiftance R A,&
enfin BP celle de l'impulfion du fluide QB.
62 MERCURE DE FRANCE.
•
Cela ainfi établi il eft évident que
ces quatre dernieres puiffances font en
équilibre au tour du centre de gravité G ,
& il faut bien que cela foit , puifque s'il ne
furvenoit aucune puiffance étrangere NP ,
le vaiffeau reſteroit immobile , & qu'il ne
fçauroit refter en cet état que toutes les
puiffances qui l'y maintiennent ne foient en
équilibre au tour d'un centre commun de
leurs efforts reciproques ; or ici, M. le centre
de gravité G eft ce centre commun
car dès que nous faiſons abſtraction de la
puiffance PN , les refiftances RA. Q B.
s'équilibrent & concourent avec les refiftances
CE. DF , pour faire équilibre avec la
pefanteur du vaiffeau qui agit dans la direction
PG ; c'eft donc en G centre de
cette pefanteur , où la reaction de toutes
ces forces doit fe reunir pour lui faire équilibre
, c'est donc là le centre commun d'activité
& par conféquent l'hypomoclion , &
fi vous en voulez une preuve encore plus
convaincante , la voici ; ôtez pour un moment
la refiftance CE , le Vaiffeau penche
ra fans contredit de A en H , Primo par
Feffort DF qui ne trouvant plus rien qui lui
faffe équilibre foulevera le vaiffeau de B en
I , 20. par l'excès de pelanteur acquis du
côté de A par la fuppreffion de la reſiſtance
CE , d'où vous voyez que la ligne AGB
prendra une fituation HGI; & que c'eft au
JUILLET 1746. 63
tour du centre de gravité G que s'eft fait
ce mouvement , c'eft donc là l'hypomoclion,
Donc & c.
:
ر
Faiſons agir la puiflance N P fuivant
la direction PN , & voyons ce que tout
ceci deviendra ; cette puiffance appliquée au
point P du mâr, PS tendra toute entiere
à faire mouvoir le navire de G en R , fi toutes
les refiftances qui s'oppofent au mouvement
étoient = O , mais fi ces reſiſtances
font réelles , une partie de la puiffance N
fera employée à leur faire équilibre , ou fi
Vous voulez à les vaincre & l'autre fera
cingler le navire il n'eſt pas beſoin de vous
obferver ici que cette derniere partie ne
fera que le furplus de ce qui fera confumé
par les refiftances qui ne font ici autre choſe
que le choc du fluide contre la prouë du
vaiffeau en A , & dont l'effort fe reduit à
la direction A P. & par conféquent l'effort
de la puiffance motrice doit le faire fuivant
la direction opofée P A , ce qui par décompofition
revient au même que fion appliquoit
une force ou un poids au point A
qui agiroit dans la direction AH , & une
refiftance oppofée HA , ce qui nous jetteraprecifement
dans le cas de l'art. ( 18 ) , ainfi
d'un autre côté le mât fait ici la fonction d'un
levier croifé , la puiffance N ne fçauroit agir
fur le point A , fans agir en fens con
traire au point A , car par la proprieté
64 MERCURE DE FRANCE
de ce levier l'action de la puiffance fe par
tage également de A en H & de B en I
c'est- à -dire qu'autant cette force agit dans
la direction AH , autant elle agit dans la
direction BI, ainfi relativement parlant , le
Vaiffeau devient d'autant plus pelant en A
qu'il devient plus leger en B , ce qui nous
ramene encore aux mémes articles ( 18 &
23 ) où il me paroît bien demontré que le
centre de gravité G doit être regardé comme
hypomoclion.
Voilà,M. les principales raifons qui m'ont
fait voir avec une elpece de furpriſe que
vous ayez attaqué les principes que M. Bouguer
a adoptés dans fon admirable mémoire
fur la mâture des vaiffeaux , ouvrage d'ailleurs
revêtu d'une autorité refpectable , &
qui m'ont engagé à vous demander celles
qui peuvent vous avoir determiné à prendre
un parti contraire. J'ajouterai à cela quel
ques dificultés dont votre nouveau ſyſtéme
me paroit faceptible.
y
Premiere nent l'autorité du célébre M.
Bernoully que vous reclamez , fera toujours
d'un grand poids auprès de
ceux qui connoiffent le mérite de ce grand
hom ne & la folidité de fes ouvrages , mais
permettez moi de vous repréfenter que l'application
que vous en faites ne fçauroit vous
étre avantageule qu'autant qu'on pourroit
JUILLET 1746. 6.5
regarder un vaiffeau comme un pendule
fuipendu au point où les deux directions de
fon balancement fe coupent , ou bien que
l'on fupoferoit ce point comme un axe autour
duquel le balancement du vaiffeau auroit
une espece de mouvement de roration ;,
or il me femble que vous n'étes ici ni dans
l'un ni dans l'autre cas , car outre que nous
avons vû ci - deffus que ce mouvement fe fait
autour du centre de gravité du vaiffeau ,
c'eft que fi on le confidéroit comme un pendule
fufpendu a un point quelconque au def
fus de la furface du fluide , il faudroit que
fon centre de gravité s'enfonçât beaucoup
plus dans le fluide lorfque le vaiffeau a une
fituation horisontale que lorfqu'il eft incliné
au plan du fluide , furtout fi le centre de
fufpenfion fe trouvoit peu éloigné du centre
de gravité , ce qui arriveroit fi la proue & la
pouppe n'étoient pas fort inclinées , car vous
fçavez , Monfieur , que tout pendule tel à
fon maximum de defcente lorfqu'il paffe par
la verticale de fon point de fufpenfion , or
le centre de gravité d'un navire qui feroit
dans une fituation horiſontale , feroit précifément
dans ce cas , puifqu'alors ce centre
feroit directement fous le point où les deux
directions du tangage fe coupent. Donc &c.
ce qui ne s'accorde ni avec les loix de l'hydroitatique
ni avec l'expérience , car vous
66 MERCURE DEFRANCE ;
fçavez mieux que inoi
que ce centre n'eft
jamais moins enfoncé dans le fluide que
lorfque le vaiffeau eft dans une fituation
horifontale à caufe de la plus grande quantité
de colonnes de fluide qui contre - balancent
alors fa peſanteur , & même à la
rigueur ce centre doit conftamment garder
une même profondeur quelques variations
qu'ayent d'ailleurs les autres parties du vaiffeau
, donc &c.
La même chofe arrivera fi vous confiderez
le vaifleau dans un mouvement
de rotation autour du point que vous regardez
comme hypomoclion , parce que le
centre de gravité feroit alors dans le cas de
l'extremité des rayons d'une rouë , qui ne
font jamais plus bas ou plus hauts que lorfqu'il
paffent par la verlicale de l'axe ou du
moyeu de la rouë , donc &c.
Mais pourquoi chercher à combattre une
hypothefe fur laquelle je n'ai d'autre deſſein
que de vous demander quelques éclairciffemens
? ne devrois - je pas plutôt defirer en
bon citoyen quelle fut exactement vraie ,
car fi cela étoit , la marine vous auroit des
obligations dont elle fentiroit journellement
le prix ? En effet d'après vos principes
, & fans rien changer à la mâture ni
à la difpofition des voiles , il dependroit de
vous de donner aux vaiffeaux une figure
JUILLET 1746. 67
telle qu'ils garderoient toujours une fituation
horisontale , quelques efforts que le
vent fit fur les voiles , il ne s'agiroit pour
cela que de faire incliner la proue & la pouppe
des navires jufqu'à ce que les directions
du balancement fe, coupaffent au - deffus de
la mâture , & plus cette interſection ſe feroit
au- deffus du centre d'impulfion du
vent , plus le vaiffeau feroit bon voilier. Car
fi , Fig. 5. l'hypomoclion étoit en P. & que
le centre des impulfions du vent ou de la
force motrice fut en K , le mât deviendroit
un levier du fecond genre , & cette force
bien loin de faire incliner le vaiffeau de A.
en H , elle le fouleveroit de A. en L , enforte
que la pefanteur du navire corrigeroit ce
foulevement & lui feroit garder une fituation
à peu près horisontale ; il fuivroit de
la que plus P. feroit au-deffus de K. plus le
moment du vent feroit grand , ainſi au lieu
de donner à la proie & à la pouppe l'inclinaiſon
CL . DM , il n'y auroit qu'à leur
donner la pente CD. DS , pour lors les
lignes de direction iroient fe couper en T,
& le moment du vent en K dans ce fecond
cas feroit à celui du premier comme KT . à
KP , ainfi on parviendroit par la à un point
de perfection où toute la force du vent feroit
uniquement employée à faire cingler les
navires , d'ou vous voyez que la feule incli68
MERCURE DE FRANCE.
naifon des proües & des pouppes cauferoit
des commodités qu'on n'a point encore /
rencontrées jufqu'ici ; il ne refte , M. qu'à fçavoir
fi l'experience veut bien fe foumettre à
des idées auffi flateuſes.
Au furplus je crois devoir vous prevenir
que toutes les raifons que j'ai alléguées contre
votre hypothéfe ne font pas des motifs affés
puiflans pour m'empêcher de l'adopter,
lorfque j'en ferai convaincu par les démonftrations
que vous voudrez bien nous en
faire .
J'aurois pu ajouter encore quelques réflections
, mais je m'apperçois que ma digref
fion commence à paffer les bornes d'une
lettre , auffi la finirai-je par vous affûrer ,
Monfieur , que quoique je ne fois pas abfolument
convaincu de la réalité de quelques
articles de votre livre , je ne fais pas moins
un cas très particuler de votre ouvrage en
général , c'eft une juftice qu'on doit à la fagacité
& à la netteté avec lesquelles vous
nous avez expliqué la plupart des operations
de la manoeuvre ; je me flate que de
votre côté vous voudrez bien me rendre celle
de me croire avec une confideration très dif
tinguée &c.
De-Genlane.
JUILLET 1746. 69
***
.
Sentimens d'un jeune homme en
quittant le monde .
ADieu , monde trompeur ; adieu monde perfide ;
Un nouveau jour me luit ; la vérité me guide.
Heureux d'être échappé de vos fers criminels ,
Vous ne me verrez plus encenfer vos Autels .
Affés & trop long-tems la fureur de votre onde
A conduit à fon gré ma barque vagabonde.
Retiré des dangers , content de mon bonheur ,
Je vais pour la vertu former mon foible coeur,
Vous Mufe , dont jadis l'affiftance funefte.
A tiré de ma main des vers que je détefte :
Vous qui m'avez preté des fons licencieux
Où mon efprit trompé trouvoit un goût honteux ,
Rayez de mes portraits la fotte affeterie
De tout beneft épris de la galanterie :
Ne montez plus mon Luth fur des tons diffolus : ]
Ne faites plus rougir les timides vertus .
Mufe , craignez encor par des vers peu fublimes
D'apporter le degoût dans d'infipides rimes ,
Mais brillante fans fard , formant de faints accordsj
Venez favorifer mes timides tranſports.
70 MERCURE DE FRANCE.
Uniffez-vous à moi ; chantons ma folitude
Où libre de tous foins , fans nulle inquiétude ,
Echappé du naufrage , affûré dans le Port
Je regarde fans peur les dangers & la mort,
Déplorable enchanteur toi qui dans ma jeunefle
M'as fait fuir mes devoirs & vivre fans fageffe ,
Ceffe , monde cruel , séducteur dangereux ,
D'obfcurcir ma raifon & fafciner mes yeux.
Sur ce trifte rivage où la fourbe & l'envie
Gouvernoient à leur tour ma malheureuſe vie ,
Une funefte yvreffe , un coupable bandeau ,
Otoient à mes regards le célefte flambeau.
Dans ces lieux la raifon , ce guide néceffaire ,
N'a point pour les mortels de quoi les fatisfaire.
On voit ces infenfés avides de plaiſirs ,
Rouler à chaque inftant de defirs en defirs .
Des viles paffions la troupe forcenée
Ourdit de leurs momens la trame infortunée ;
De la vertu , comme eux , je rejettai les loix .
Dans le vice avec eux je vecus autre fois .
De leurs penchans , des miens déplorable victime ,
Cherchant de vrais plaifirs , je n'y trouvois que
crime.
, Amateur des vrais biens , formé pour le bonheur
Mon efprit inquiet n'y put trouver qu'erreur .
Sous un mafque impofant vous n'êtes qu'injuſtice¿
JUILLET 1746, 7%
Sous des dehors trompeurs vous déguiſez le vice.
Allez , vous n'êtes plus l'arbitre de mes jours :
D'un autre que de vous j'efpere du fécours
Quelle fubite horreur s'empare de mon ame ?
Quel nouveau changement me conduit & m'enflamme
?
D'un Dieu victorieux je connois la faveur :
Par fon foufle divin il a changé mon coeur ....
Oui , grand Dieu , je reponds à ta grace puiffante
Tu parles , je me rends à ta voix bienfaifante.
Quand la brillante Aurore éclairera les Cieux ,
Pour te chanter , forti d'un fommeil ennuyeux ,
Je louerai mon Sauveur ; je verrai fa puiffance ;
J'oferai par mes voeux chercher fon affiftance .
Peuples , accourez tous , célébrez le Seigneur :
Adreffez vos défirs à ce Dieu Créateur ;
Celui qui du néant a tiré la Nature ,
Exige de nos coeurs l'adoration pure ,
Ses-bienfaits , mes befoins , montreront fa douceur
Ses graces , mon repos , feront voir mon bonheur
Dans ces facrés valons au trouble inacceffibles
Sont des faintes vertus les demeures paiſibles.
Puiffai-je ainfi toujours dans ce féjour heureux ,
Satisfait de mon fort vivre pour les Cieux !
72 MERCURE DE FRANCE.
કટુ ડે મે
EPITH ALAME
Sur le mariage de M... ancien Garde du
Roi Lieutenant de Roi à ·
Sur l'air , Nous vivons dans l'innocence.
Pourquoi faire la cruelle ?
Ce font des foins fuperflus :
Paffe quand on n'eft pas belle ,
On (q) nous en aime un peu plus ,
Mais pour un joli modéle ,
Oh ! Ma foi c'eft un abus.
Vouloir dans l'indifference
Filer triftement fes jours ,
C'étoit braver la puiffance
Du tendre Dieu des Amours :
Quand il tarde ſa vengeance
Il nous punit pour toujours,
C'eft ainfi , belle Silvie ,
(a) Co couplet a été chanté par une Dame , & les
fuivans par différentes perfonnes.
Qu'en
JUILLET 1746. 73
Qu'enfin un fidel amant
Qui vous avoit poursuivie
Pendant long-tems vainement
Rend heureuſe votre vie
En finiffant fon tourment ,
***KOK******
VERS à mettre en chanson à Mile.
R ....
A Imable ver à foye ,
Que ton fort eft charmant !
Tu files dans la joye
Tes jours tranquilement ,
Et tu meurs en aimant :
Que ne puis-je de même
Jouir de ce bonheur fuprême !
Mais non ..je ne fuis point jaloux d'un pareil fort ;
Dans l'amour feul tu mets toute ta gloire ,
Mais l'amour te donne la mort ,
Et tu paffes tes jours fans boire,
Laiglon.
74 MERCURE DE FRANCE.
* *** ** ** ** ** ** ****
MADRIGAL à Mlle. Ar ... de....
V Ous m'accordez , Iris , une amitié fidelle ,
Mais fans vouloir devenir moins cruelle ,
Vous me refufez durément
La qualité d'amant :
La fincére amitié , dites- vous , dans une ame
Ne peut fouffrir une amoureufe flamme,
Eh ! pourquoi faire , Iris , les chofes à demi ?
Un tendre amant n'eft-il point un ami ?
LE PRINTEMS , IDYLLE,
D Eja de mille fleurs la campagne eft parée ;
Et déja le fougueux Borée
Qui couvroit nos vergers de neige , de frimats ,
Fuit loin de ces heureux climats ,
Déja j'entends de Philoméle
Les doux & les charmans concerts ;
Déja mille troupeaux divers
Bondiffent fur l'herbe nouvelle.
Tout refpire en ces bois les jeux & les plaiſirs ;
Ici dans un fombre bocage
JUILLET 71 1746 .
Tircis dit aux échos fes peines , fes defirs ,
Et Life qui l'entend à couvert du feuillage
De ce jeune Berger écoute les feupirs.
Des biens que le Ciel nous difpenfe
Rien n'altere en ces lieux l'aimable jouiffance,
Et nous croïons que chaque jour
Eft un don de la Providence .
Que j'aime des forêts le calme & l'innocence!
Le menfonge trompeur , la haine , la vengeance,
N'habitent.point dans ce féjour :
On fçait s'amuſer tour à tour ,
Et l'on s'inftruit fans qu'on y penſe.
Sans defirs , fans ambition ,
Sans indigence , fans richeffe
Au gré d'une aimable paroffe
Coule la converſation .
Les erreurs de l'opinion
Dont nous connoiſſons la foibleffe ,
Ne troublent point notre raifon ;
Les excès d'une paffion ,
Ni la froide & trifte fageffe
N'altérent point notre union.
Laiffons les Elemens fe faire entr'eux la guerre ,
Et laiffons les foibles humains
Trembler au feul bruit du tonnerre.
Sans s'inquiéter fi la terre
A divers mouvemens inégaux , mais certains ,
Coulons ici des jours tranquilles & fereins.
Dij
76 MERCURE DE FRANCE
De notre tourbillon franchiffent la barriere
Notre ceil peut - il appercevoir
Qui régle du Soleil l'étonnante carriere ?
Peut-on fe flater de fçavoir
Les caufes des couleurs , celles de la lumiére ?
Pourrions nous jamais concevoir
Quelle eft la forme & la matiere
De tous ces tourbillons dans l'Eter balancés ,
Qui fe pouffant toujours , font toujours repouffés
Ah ! Joüiffons des biens que donne la nature
Sans vouloir penetrer les refforts , fon fecret ;
Bornons nous à jouir fans foucis , fans murmure
Des biens que pour nous elle a fait.
A Geneve , ce 26 Février 1746.
J. B. TOLLOT.
મકાન
VERS à Mlle . Dangeville.
Dangeville , aisément qui pourroit fe deffendre
Lorfque du Dieu d'Amour yous empruntez la voix ?
Yos yeux font fi puiffants ; leur langage eft fi
tendre
Que tout , jufqu'à ce Dieu fe foumet à vos loix ,
Duclairon,
JUILLET 1746 17
…
gre-
CARACTERES de la véritable
Grandeur. Ea qui noverint de
mio computabuntur . Par M.S. de S.
AVÍS DE L'AUTEUR.
UOI qu'en deffinant ces caractéres je
me fois propofe quelqu'un à peindre , je
ferois encore plus flatte de les voir appliquer
comme à l'envi à plufieurs Grands du monde ,
que fi l'on n'y reconnoiffoit que le portrait d'un
feul. Je facrifierais avec joye la petite vanité
davoir attrappé mon modéle & d'avoir peint
d'après nature , à la fatisfaction fi douce pour
un Citoyen de vivre parmi des Héros. Heureux
le fiècle qui a vû naître tant de Grands
Hommes fi dignes de former la Cour du plus
fage , du plus aimé & du plus vaillant des
Rois !
Dij
78 MERCURE DE FRANCE.
CARACTERES de la véritable
grandeur.
Lle eft quelquefois où on ne l'at-
E tend point , elle n'eſt pas toujours où
on croit la voir.
Les dignités peuvent lui fervir de décoration
, elles font des moyens accredités de
la faire refpecter. Elles ne la font
pas ; elles
la fuppofent. La véritable grandeur étoit
avant les dignités.
Elle eft dans l'exercice de la puiſſance ,
c'eſt l'éloge du génie qui en eft chargé.
Elle eft dans l'ame , c'eft la dignité naturelle
de l'homme.
Elle est dans le maintien , c'eft l'impreffion
de la nature , fans ceffe renouvellée , ou
tou ours fubfiftante .
Elle et dans les maniéres , c'eft le fruit
de l'éducation,
La véritable grandeur n'eft pas dans le
fafte fi le fafte eft feul ; el e n'eft pas dans
un cortége nombreux s'il n'annonce qu'un
Dieu d'Egypte ; elle n'eft pas même dans la
munificence , fi une main éclairée n'en ouvie
les fources .
Mais quand la liberalité dédaignant la
JUILLET 1746. 79
profufion répand avec choix & avec nobleffe
, quand le Héros efface le cortege qui
l'environne , quand il embellit le fafte qui
l'annonce , je reconnois là même la véritable
grandeur.
Je vois alors dans les plus hautes dignités ,
moins une fucceffion continuée , qu'une récompenfe
légitime du mérite qui fe reproduit
dans le dépôt de l'autorité la plus abfolue
, & du commandement le plus décifif,
je vois un témoignage de la confiance dû à
la prudence & à la valeur .
:
-
Les plus fublimes qualités de l'ame , qui
font la véritable grandeur de l'homme ,
lui fervent en méme tems à mériter les
plus grands emplois & à les foûtenir. C'eſt
là qu'il trouve l'intrépidité dans les périls ,
la modération dans la profpérité , une prévoyance
tranquille dans les revers , la fageffe
dans les conjonctures difficiles , l'habileté
à manier les efprits, & cette hauteur de
fentimens qui éleve l'ame au- deflus des petites
intrigues , des vils intérêts & des faux
préjugés qui agitent les hommes. C'eft ainfi
que les montagnes elevées voyent les tempêtes
fe former au- deffous de leurs cimes
inconnues.
La nobleffe dans les maniéres eft encore
un des caractéres de la grandeur . Les maniéres
nobles font un compofé , & comme
Diiij
80 MERCURE DE FRANCE ,
un extrait de tout ce qu'il y a de plus exquis
, de plus délié & en apparence de plus
oppofé dans les fentimens de l'ame.
Il y entre je ne fçais quoi de facile & d'impofant
, de fouple & de fier , de franc & de
réſervé. C'eſt un mélange heureux de gravité
& d'enjouëment , de modeftie & de confiance
, d'indulgence & de févérité.
Tous ces rapports fi frapans , toutes ces
proportions fi bien gardées , font juger qu'il
y a un inftinct fublime plus fûr que la raifon
, plus prompt que la réflexion qui ſaiſit
toujours l'apropos , & qui fçait varier habilement
les tons des couleurs & leurs
nuances.
La véritable grandeur ſe déclare dans l'air
& dans le maintien , comme dans les manieres
, par une grace & une décence qui
n'appartiennent qu'à elle.
Ce n'eft pas une gravité auftére & infléxible
, qui déconcerte , qui décourage ou
qui irrite : c'eft une férénité qui promet la
condefcendance , un certain accord des
yeux entre le grand qui écoute & ceux qui
lui parlent , qui accepte leurs difcours , qui
y répond , qui invite , qui aide à penfer en
core. L'air , le maintien défignent , fi je l'ofe
dire , la contenance , le maintien de l'ame ;
elle fe peint dans les differens jeux de la machine
qui eft à fes ordres .
La véritable grandeur n'eft point dédaiJUILLET
1746. 81
gneufe . Elle fçait que chacun , que chaque
chole peut avoir fon utilité , fon application ,
fon ufage . Elle démêle dans les fujets une
valeur qui y eft toujours & qui eft dérobée
fouvent par le préjugé , par la précipitation
ou par l'injuſtice.
Comme elle est éclairée & qu'elle embraffe
tout , elle ne trouve rien de petit , de
bas & de méprifable , que l'ignorance , la
malignité , la fraude , l'envie & leurs detef
tables complots.
Il eft une grandeur fimple & fans appareil
, une grandeur interieure , qui ne ſe
décele que par des traits échapés d'une vertu
inalterable. On le fçait , elle peut le trouver
quelquefois avec l'obfcure naiffance , &
même avec la pauvreté. Je l'admire peutêtre
autant que la grandeur décorée par les
titres , & foutenue par l'autorité , mais elle
m'attache moins. Elle ne fçauroit faire des
heureux hors d'elle- même.
L'une eft un bien particulier , purement
perfonnel , tout au plus une vertu d'édification
dans une fphére très- refferrée ; l'autre
eft un bien public , une vertu active &
féconde qui fait en même -tems la gloire &
le bonheur de l'humanité.
La véritable grandeur , telle que je l'envifage
, eft généreufe , bienfaifante. Elle eft
D v
82 MERCURE DE FRANCE.
1
>
l'appui des foibles , l'azile des malheureux, la
reffource des oprimés , le fleau de l'injuſtice .
Elle fait gloire de ceder à la puiffance de la
raifon , & à la force de la vérité , mais elle
brife les vains efforts de l'envie, elle confond
les artifices du menfonge . Ainfi la véritable
grandeur couvre de gloire ceux qui en portent
la précieuſe empreinte , & elle eſt la
fource de la félicité publique.
Pour ramener à nous (a ) les reflexions
que j'ofe propofer fur la véritable grandeur
, elle regarde l'étude des Lettres comme
un bien de l'Etat , ceux qui les cultivent
comme des Citoyens dignes d'attention
. Elle fçait eftimer , chérir , rapprocher
d'elle ceux qui y excellent. Pourvû que
leus fentimens répondent à leurs talens ,
pourvû que leur cur foit digne de leur
efprit , elle ne dédaigne point leur commerce
, elle leur permet jufqu'au titre d'ami.
Dans cette fociété fi honorable principalement
pour qui l'a formée , focieté fondée
fur le vrai mérite , maintenuë par la
verta & animée de part & d'autre par le
défir de la gloire , qu'il eft beau de voir les
Héros reconnoître & montrer au monde que
le génie & la valeur menent également à
(a) Aux Gens de Lettres.
JUILLET 1746.
83
Timmortalité ! On a dit que c'étoit regner
que d'enfeigner l'art de regner : ainfi les
grands participent à la gloire des talens
qu'ils protégent.
L'ufage le plus loüable & le plus noble
que les gens de Lettres puiffent faire de
leurs talens c'eſt de célébrer leur reconnoiffance
des facrifices qu'il doivent aux
condefcendances de la grandeur. C'eft la
louer fans affectation , c'eft fe loüer foi même
avec modeftie. Ainfi Horace & Virgile
ont tranfmis leurs noms à la pofterité avec
les noms d'Augufte & de Mécene.
Ceux qui ne cherchent à gagner l'amitié
des grands que par des baffeffes , ne font
pas dignes de l'obtenir : les grands qui n'accordent
leur faveur qu'à l'adulation & à la
fervitude , ne méritent pas qu'on la leur
demande .
D'un côté le vrai , mérite & une fage liberté
, de l'autre le difcernement & la puiffance
: c'eft dequoi perpétuer l'honneur des
Lettres & la gloire des grands.
Occupé de foins importans & deftinés à
agiter les plus grands interêts , les Dieux de
la terre ne peuvent pas toujours converfer
avec les hommes. C'eft affés pour les gens
de Lettres , que les grands cherchent à les
apprécier , qu'ils veuillent juger ceux qu'ils
auroient pu farpafler , qu'ils fçachent aimer
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
ceux qu'ils doivent encourager , & qu'ils
rendent aux Lettres par leur protection ce
qu'ils en reço vent par de juftes éloges.
En me pardonnant la foibleffe de l'exécution
, on m'oppofera peut- être que mes
caractéres ne font pas vraisemblables ; je le
croirois affi , mais on ne peut déſavouer
qu'ils ne foient vrais. Je l'ai annoncé ; mon
deffein n'a pas été de compofer un tableau
d'imagination , j'ai tâché de faire un portrait
reffemblant,
A Madame la Comteffe d'A ....
Pour jouir de fanté parfaive
Secouez le joug rigoureux
D'Efculape dont l'étiquette
Eft elle feule un mal affreux.
Telle qu'Apollon loin des Cieux ,
Et gardant les troupeaux d'Admette;
Embelliffez votre retraite ,
En faifant éclore en ces lieux
L'efprit , le goût , les arts , lesjeux ;
Ranimez même un vieux Poëte ,
JUILLET 1746 . *
P
Qui jeune rimoit un peu mieux ,
Et pourroit encor fous vos yeux
Reprendre en main lyre , & mufette ,
Entonner même la trompette ,
Pour célébrer nos demi Dieux ,
De nos hommages fatisfaite
Oubliez la Cour tout à fait
Et de Paris qui vous regrette
Ne regrettez rien en fécret.
De Sallins (a la reforme eft faite,
Réformez Gaucher & Vinet , ( b)
Et prenez pour toute recolte
Propos joyeux à la toilette ,
Docte lecture au Cabinet ,
Ragoûts fins , friand entremêt ;
Sur le tout une main complette
Et même deux au lanfquenet,
(a) Habile Medecin.
(b) Apoticaire & Chirurgien ,
86 MERCURE DE FRANCE.
* SS XXXXX
A Mile. de G ...
de fa Fête.
pour le jour
DEpu's votre dernier billet ,
Qui m'apprend quelle eft votre fête ,
J'ai tenu les amours en quête
Pour vous compofer un bouquet ;
Mais c'eſt en vain belle Sylvie ,
Que j'ai compté fur leur fecours ;
Quel état plus digne d'envie
Si leurs voeux profpéroient toujours !
Honteux de rentrer les mains vuides ,
Et fur tout dans cette faifon >
Le coeur gonflé , les yeux humides ,
En tremblant l'un des moins timides ,
Vient de m'en rendre la raiſon :
C'est le Printems qui fait éclore ,
Les fruits de Zephire & de Flore ,
Et fans Sylvie , & fes atours ,
Vous fçavez s'il eft de beaux jours !
Nous en fommes inconfolables ,
M'ont dit ces petits miferables ;
Malgré nos foins & nos efforts
Nous n'avons vû que fleurs paffées ,
Et plus rien d'entier , fur'ces bords ,
Que des foucis & des pensées ,
,
Le Chevalier de P ....
JUILLET 1746.
87
LA PAIX DU COEUR ,
ODE .
Loin de moi préjugés frivoles ,
Vaine fcience , faux honneur ,
Du mortel égaré méprifables idoles ,
Tyrans de l'efprit & du coeur.
Victime trop long-tems du pouvoir de vos char
mes ,
Dans de pénibles foins & de longues allarmes
fouhaité. J'avois cru retrouver un repos
Montre toi , Dieu puiffant ; venge ma deftinée ;
Sous ton joug déſormais ma raifon enchaînée
Voit la paix & la liberté.
A de honteux travaux fidelle ,
Dévoré par la foif de l'or ,
L'avare aux yeux hagards ſe tourmente , amoncelle
Bien fur bien , tréfor fur tréfor .
Marbres , lambris dorés , vaſtes palais , richeſſes ›
En vain vos faux attraits , vos flateuſes promeſſes ,
Offrirent à fes yeux un tranquille bonheur :
$8 MERCURE DE FRANCE
Des défirs effrénés le feu le déſeſpere ;
Et dans fa paſſion inflexible mégére ,
Sa fortune fait fon malheur.
De bienfaits une main chargée
Vient couronner l'ambitieux :
Rangs , titres , dignités : il touche à l'apogée,
Objet de fes fuperbes voeux.
Du palais des grandeurs franchiffant le dédale ,
Vainement cent rivaux fous leur trame fatale
Ont crû voir fes projets & fon nom confondus :
Il triomphe, Que vois-je ? ô difgrace imprévûë !
Auffi prompt que l'éclair qui vole de la nuë
Son triomphe n'eft déja plus.
Précedé du glaive homicide
Semant l'épouvante & la mort ,
Fils & rival de Mars, le guerrier intrépide
Des peuples va fixer le fort ;
Sans ceffe couronné des mains de la victoire ,
Mille fleuves de fang portent au loin fa gloire.
Quels honneurs , quels plaifirs attendent ce vainqueur
?
Dégoûté des lauriers où fa grandeur fe fonde ,
Ce qu'il fit n'eft plus rien : il cherche un nouveau
monde
Pour théâtre de fa fureur.
Mais que la gloire & la richeffe
JUILLET 1746.
Loin d'affûrer de doux plaifirs ,
Livrent l'homme qui boit leur coupe en chante
reffe
Aux plus impetueux défirs !
Pour trouver du repos le favorable azile
La fcience peut-être ouvre un chemin facile ;
L'univers n'aura plus ni voiles , ni ſecrets ,
Et bientôt enrichi d'une vive lumiere
L'efprit s'ouvrant des Cieux la ſublime carriers
Voit les cauſes & les effets,
Dupe de fon hardi génie
Je vois le Philofophe vain ,
Des aftres pénétrer les refforts , l'harmonie ,
Prendre le compas à la main :
Demander à fon Dieu raifon de ſon ouvrage ;
Ici lui refufer , là donner fon fuffrage ;
Changer dans fon délire & la terre & les Cieux ,
Et créant un ſyſtême où le menſonge regne,
Ne fe mettre audeffus du peuple qu'il dédaigne
Que par des écarts orgueilleux.
Que font , grand Dieu , nos connoiffances,
Qu'un tiffu confus , incertain ,
Si tes perfections , les dons que tu diſpenſes ,
Et ta loi n'en font pas la fin !
Que nous fert de percer des tems le voile fombre,
Parcourir les foleils & les mondes fans nombre
Dont ta main inviſible eft le fage moteur
90 MERCURE DE FRANCE.
De mille Etres fonder l'effence & la figure ,
Si nous ne nous joignons aux cris de la Nature
Pour bénir fon divin auteur.
!
Loin donc tout objet périffable
Dont je fus follement épris :
Des merveilles d'un Dieu , de fa grace adorable
Heureux qui reconnoît le prix !
Il parle , je l'entends ; un vif raïon m'éclaire ;
Sa clémence fufpend les traits dont fa colere
Frappe févérement le prévaricateur ,
Et dé a méditant fa volonté fuprême ,
Et fur elle réglant l'étude de moi- même ,
Je rencontre la paix du coeur.
Fille du Ciel , paix défirable ,
Toujours tu fuis l'homme innocent ;
Telle tu fais couler ta douceur ineffable
Sur les jours d'un Roi triomphant .
L'équité dans fes mains a remis le tonnere ;
Peu touché de fe voir l'arbitre de la terrę,
En vain fa gloire parle , il combat pour la paix.
Fuyez Héros vantés de Cartage & de Rome ;
Ce qui fait le héros dans lui releve l'homme ;
Son coeur ennoblit fes fuccès.
J. B. R. C. du Couvent de Saint Bonaventure
DE LYON.
JUILLET 1746 .
NOUVELLES LITTERAIRES,
Gro
DES BEAUX ARTS , & c.
RAMMAIRE Italienne , pratique & raifonnée
par
Mr. l'Abbé Antonini , à Paris
1746, in 12 chez Prault fils.
L'étude de la Langue Italienne eft avec
juftice en vogue parmi nous , mais il faut
avouer que la litterature de cette nation nous
eft trop peu familiere ; M. de Mirabeau nous
a fait conoître par d'excellentes traductions.
les chefs d'oeuvre du Taffe & de l'Ariofte ;
on a traduit le Decameron de Bocace , l'Hif
toire de Guicciardin , mais il s'en faut bien
que nous connoiffions tous les bons livres qui
font en grand nombre en Italie . C'eft chés
les Italiens que les Lettres & les Arts ont
commencé à renaître , elles y ont brillé avec
le plus grand éclat tandis que nous étions
encore dans la barbarie , & il le faut avouer
leurs trefors litteraires font au moins égaux
aux notres , lefquels furpaffent de beaucoup
ceux de toutes les autres nations pris enfemble
; fans parler des grands Poëtes que nous
avons cités , & d'un nombre confiderable
d'autres qui méritent quoiqu'inferieurs
un rang diftingué , l'Italie moderne a produit
autant d'excellens Hiftoriens que l'Ita
92 MERCURE DE FRANCE.
lie & la Grece ancienne. Machiavel, Nani į
Juftiniani , Guicciardin peuvent fans fanatif
me être comparés aux plus fameux Hiſtoriens
de l'antiquité ; les Italiens ont encore
cet avantage d'avoir en leur Langue d'excellentes
traductions de tous les grands Auteurs.
Tacite dont la diction ferrée , precife & forte
eft fi difficile à traduire , eft rendu en Italien
avec une préciſion égale à celle de l'original.
Si nous connoiffons trop peu cette litterature
fi abondante & fi brillante , il faut
s'en prendre au peu de commerce que nos
libraires ont avec l'Italie & non au deffaut
de notre goût ; nous ne fommes que trop
portés à rechercher les livres étrangers : combien
avons nous vû depuis 25 ans de livres
Anglois tant bons que mauvais traduits en
François ? n'attribuons cette preference qu'à
la facilité du commerce , car quoique des
gens de beaucoup d'efprit aient voulu accre
diter la prévention qu'ils avoient en faveur
de nos voisins , la diftance eft fi grande
entre la litterature Angloife & la notre qu'ils
n'ont pû reuffir à faire fecte.
M. l'Abbé Antonini Auteur de cette nouvelle
Grammaire en a déja donné deux au
public , on doit lui fçavoir gré de fe rendre
juftice fur des ouvrages qui étoie..t à bien
des égards eftimables , mais cette modeſtic
1 JUILLET
1746.
"}
+
eft l'appanage des bons efprits ; on s'avoue
fans honte qu'on a mal fait quand on ſe ſent
des reffources pour faire mieux ; nous ne
nous étendrons point fur le plan nouveau
qu'à fuivi M.l'Abbé A. Cette difcuffion nous
meneroit trop loin ; en général fa méthode
nous a paru claire & facile .
Nous nous contenterons de dire que ce
livre eft fort utile , puifque c'eft la meilleure
grammaire Italienne qui ait paru juſqu'à préfent
, & que de toutes les langues vivantes ,
c'eft celle que les amateurs des Lettres
doivent avoir le plus d'empreffement de
fçavoir , yû la grande quantité des bons
livres .
M. L. A. dit dans fa préface qu'elle eft la
plus riche & la plus abondante de toutes
& qu'elle furpaffe même la Grecque & la
Latine ; nous conviendrons de ce qu'il avance
que la langue Grecque n'a que trentedeux
mille mots , & que la premiére édition
du Dictionnaire de la Crufca en contenoit
trente-huit mille , mais quand il fait honte
aux Latins & aux Grecs de n'avoir qu'un
mot pour exprimer clout, & qu'il fe recrie
fur l'avantage qu'ont les Italiens de pou
voir diftinguer dix ou douze efpeces de
clous , nous ne pouvons nous empêcher de
regarder cette abondance plûtôt comme une
yaine oftentation de fuperfluités que com
94 MERCURE DE FRANCE.
me une richeffe & une magnificence reélle ,
& il pouvoit vanter à plus jufte titre la multiplicité
des tours de la langue Italienne.
Les Langues font faites pour rendre les idées ,
plus elles peuvent en exprimer , plus elles
peuvent en renfermer en peu de mots , plus
elles font abondantes ; voilà leur veritable
richeffe , mais qu'une langue ait mille mots
pour exprimer un clou , fi elle n'a pas un
tour de plus , elle n'en fera pas plus riche,
Ily aune reflexion importante à faire fur les
langues , elles font originairement compofées
de mots qui exprimoient des chofes materielles
telles qu'un clou une table &c , & de
mots qui expriment des actions phyſiques
telles que renverfer la table enfoncer le clou:
des mots pour exprimer les fentimens , les
penſées, il n'y en a point , on n'a pû que ſe
fervir des metaphores tirées des mouvemens
ou des chofes phyfiques. Quand on parle de
ce qui touche , qui remue , éleve l'ame , ne
font ce pas là des idées metaphoriques prifes
des mouvemens phyliques ? tout en eft
reduit là ; fi l'on veut expliquer ce que c'eſt
qu'un homme en colere , il faudroit dire les
actions phyfiques que lui fuggere la colere,
ou avoir recours à la metaphore pour expliquer
l'état de fon ame. Cela étant, comme
la quantité des idées phyfiques eft égale chés
toutes les nations policées , toutes les langues
JUILLET 1746. 95
"
font également riches à cet égard , la difference
eft dans la quantité des metaphores &
des tours qui expriment les affections de l'ef
prit & du coeur. Ces metaphores ont été
trouvées par des gens d'une imagination plus
vive & plus brillante que leurs contempo
rains , elles les ont d'abord étonnés & elles
ont enfuite paffé dans l'ufage ordinaire ; il
n'y a point d'artifan qui ne fe ferve familierement
d'expreffions qui pafferoient pour
des metaphores outrées , fi l'ufage ne nous
avoit pas, pour ainfi dire, blafés fur leur force
, & cela eft fi vrai , que ce font les langues
qui ont été plûtôt cultivées qui font les
plus riches : Quelle langue plus riche que la
Grecque ? Les Latins durent l'abondance de
la leur au commerce qu'ils eurent de bonne
heure avec les Grecs , lefquels n'avoient pas
tardé à polir leurs moeurs & leur langue ;
les Italiens fe font fentis de l'avantage d'habiter
le même pays que les Latins ; le François
, & toutes les langues des peuples venus
du Nord ont été trop long tems la langue,
d'un peuple barbare , qui s'étant policé à
demi , s'étoit fait une mauvaiſe fyntaxe , que
T'habitude avoit trop bien confacrée quand
eft venue la renaiffance des lettres pour qu'il
fut poffible d'y remedier. Il y a bien de l'apparence
que c'est là la veritable caufe de la
Superiorité reelle que la langue Italienne a
fur la nôtre.
96 MERCURE DE RRANCE.
LA BOUCLE DE CHEVEUX ENLEVE'E , Poëme
heroi comique compofé en Anglois par M.
Pope & traduit en vers François par MM . A.
Paris 1746 chés Jacques Clonfier in 12.
On a fait des traductions eftimables de
plufieurs ouvrages de M. Pope , & cet écrivain
eft connu avantageufement en France ;
ce Poëme avoit été traduit en profe il y a dejà
plufieurs années : c'eft un ouvrage dans le
genre du Lutrin & de Vertvert , & c'eft - là fi
peu le genie des Anglois qu'il n'eft pas néceffaire
de dire qu'il eft bien loin d'avoir
l'agrément de l'un ni de l'autre , mais ce n'eſt
pas le rabaiffer que de lui affigner une place
au deffous de deux Poëmes qui en tiennent
une fi honorable dans notre langue , & quelque
rang que M. Pope ait tenu en Angletere
il n'eft pas fait pour être comparé , du moins
à cet égard, ni à l'un ni à l'autre des Auteurs
que nous venons d'indiquer.
La meilleure façon de juftifier le choix
du fujet de ce Poëme feroit de dire que
c'étoit une gageure de l'Auteur , mais en
avouant que nous ne pouvons rien dire de
mieux en fa faveur , il faut rendre juſtice à
la façon dont il l'a rempli ; le public n'attend
pas de nous que nous nous étendions beaucoup
fur cette matiére , c'eſt de la traduction
plus que de l'original que nous avons
A lui parler; la verfification eft facile &
agréable
JUILLET 1746. 97
agréable ; citons- en quelques morceaux pour
mettre le lecteur en état d'en juger ; voici le
tableau de la toilette d'une belle qui fe trouve
à la fin du premier chant.
Elle approche à pas lents d'une table facrée...
Myftiquement rangés des vafes de vermeil
Des offrandes du luxe y forment l'appareil.
Belinde dévoilant fa longue chevelure
Adore en habit blanc les Dieux de la parure ;
Une image celefte éclate en un miroir.
Sur ce divin objet qu'elle ne peut trop voir
Elle attache fes yeux , l'admire & fe proferne ;
De cette Deité prêtreffe fubalterne ,
Silvie étoit au bas de l'autel enchanté ,
Brigé par le luxe & par la vanité .
L'autel eft embelli ; la timide prêtreffe
Par les rits folemnels honore la Deéffe.
Pour orner fes attraits deja font decouverts
Les précieux tributs de la terre & des mers.
: Mille flacons remplis des parfums de l'Afie
Exhalent dans les airs une odeur d'ambroifie.
On voit dans des écrains un tas éblouiffant
Des tréfors que Phoebus fait éclore en naiffant
Là l'écaille & l'yvoire en peigne font rangées ,
Et l'epingle & l'eguille en efcadrons rangées.
Parmi les billets doux font placés au hazard
* Ce foxt des Diamans que l'Auteur a fans doute
voulu dire.
E
98 MERCURE DE FRANCE
1
La poudre & les parfums , les romans & lefard,
La celefte beauté prend fes puiffantes armes ,
Son front à chaque inftant reçoit de nouveaux
charmes ;
Ses graces , fes attraits femblent fe réveiller ;
Ses yeux d'un feu plus'vifcommencent à briller ;
Son fourire eft plus doux ; le teint de l'immortelle
Prend infenfiblement une fraicheur nouvelle ;
Autour d'elle empreffés les Sylphes amoureux
Embelliffent fa tête , arrangent fes cheveux ;
Ils donnent à fa manche une forme galante ,
Ils étalént les plis de fa jupe flotante ,
Et Silvie admirant un éclat fi parfait ,
De l'adreffe d'autrui s'applaudit en fecret.
Suivons Belinde un moment & voyons
la fortir de få toilette.
Vifs comme fa penſée , & non moins inconftans
Ses yeux fur mille objets tombent en même tems.
Aux mortels empreffés qui volent fur les traces
Elle accorde un fourire , & jamais d'autres graces ;
Sans déplaire aux amans , fevere avec bonté ,
Elle fçait mettre un frein à leur témérité.
Comme l'aftre du jour dont elle eft la rivale
Elle verfe autour d'elle une lumiere égale ;
Elle fçait déguifer fous un voile charmant
Ses défauts ( en eft- il avec tant d'agréments ? )
Si de ceux de fon fexe il lui refte une trace ,
Un feul de fes regards , un fourire l'efface.
Pour le tourment des coeurs , & le plaifir des yeux
?
•
4
JUILLET 1746...
99
Elle laiffoit flotter deux boucles de cheveux
Dont les ondes roulant fur fa gorge naiffante
Ombrageoient de fon col l'yvoire éblouiffante.
L'Amour avec ces noeuds qu'on ne pouvoit briſer
Enchaînoit les mortels qui l'ofoient mépriser ,
Et dans ce labyrinthe une ame embarraſſée
Ne regretta jamais fa liberté paffée .
A l'aide des cheveux fouven: nous amorçons
Les volages oifeaux , les timides poiffons ;
Non moins imprudens qu'eux , auprès d'une inhumaine
Des cheveux quelquefois la force nous enchaîne .
Des boucles de Belinde un Marquis eft charmé,
Le Marquis trouve en effet le moyen de
couper une de ces boucles . Envain les Sylphes
veillent autour de Belinde , ils ne peuvent
empecher le coup fatal . Belinde elt défefperée.
1
Non , l'on ne pouffe point des cris fi douloureux
Lorfque la pâle mort de fes voiles affreux
D'un époux ou d'un chien va couvrir la paupiere,
Ou qu'une porcelaine eft réduite en pouffiere.
Nous allons encore citer un morceau où
M. Pope a imité le Sonnet fameux de Scarron
fur fon pourpoint percé au coude. Les
Anglois font affés fujets à nous piller , ils
mettent Corneille , Racine , Moliere, à con-
E ij
Too MERCURE DE FRANCE,
tribution , & affectent d'en parler avec mêpris
dans le temps même qu'ils les volent,
Le fer ravage enfin ce qu'épargne le tems ,
Il frappe les humains , abbat leurs monumens ;
Des mains des immortels il a détruit l'ouvrage ,
Il a caché fous l'herbe Ilion & Carthage ,
Et Rome fuccombant fous fes coups obítinés
Trois fois s'enfevelit fous fes murs ruinés .
Ne t'étonne donc plus , o Nymphe inconfolable ,
S'il foumet tes cheveux à fa force indomptable .
Le Sonnet de Scarron n'étoit pas luimême
original, On trouve dans le Poëme
de la Secchia rapita , une foule d'exemples
où du ftyle le plus fublime on deſcend au
plus comique.
NOUVEL ABREGÉ CHRONOLOGIQUE
de l'Hiftoire de France , & c.
Lorfque nous avons annoncé la feconde
dition de cet ouvrage , nous avons expofé
avec notre fincerité ordinaire le jugement
impartial que nous en avions porté. Nous
avons eu le plaifir de voir le public adopter
tous les éloges que nous avons donné à cet
excellent ouvrage , & même encherir fur
nous , mais nous avons appris que quelques
perfonnes auroient fouhaité que nous feur
JUILLET 1746 101
rendiffions un compte plus détaillé des augmentations
dont ce livre eft enrichi. Nous
ne pouvons nier que leurs plaintes ne foient
fondées , mais notre juftification eft auffi fans
replique , nous la trouvons dans les bornes
mêmes de notre livre qui ne nous permettoient
pas d'entretenir le lecteur fur cet ouvrage
auffi long tems que nous l'aurions défiré
, mais nous avons toujours la plume en
main pour nous corriger , & nous allons revenir
encore à cet ouvrage , que nous ne
quittâmes qu'à regret le mois paflè . .
On trouve à la page 138 un article où
l'Auteur renferme en peu de mots tout ce
qui concerne les appanages & où il dévelope
les differents états par lefquels ils ont
paffé ; c'est ici le réfultat d'une longue &
fçavante differtation , & ceux qui connoiffent
le prix des travaux litteraires , fentent combien
il en coute pour donner en peu de
mots , fans que la précifion nuife à la clarté,
un réſultat qui a dû couter tant de recherches.
Cette remarque eft plus ou moins appliquable
à tous les morceaux de ce livre ;
fervons nous des termes mêmes de l'Auteur .
» Loi des appanages commence à être
plus connue ( 1283 ) par un Arrêt au fujet
du Comté de Poitiers adjugé au Roi
» au préjudice de Charles d'Anjou fon oncle.
L'appanage , tel que nous le conce-
33
ود
E iij.
Toz MERCURE DE FRANCE
vons aujourd'hui ne commença a être dans
toute fa force que fous Philippe le Bel ,
» & avoit eu auparavant bien des variations
. Sous les deux premieres races les
enfans des Rois partageoient également
la Couronne entr'eux. Sous le commencement
de la troifiéme l'inconvenient de
ce partage fit prendre le parti de démem
brer quelque portion des terres , dont le
fils puîné auroit la proprieté.
50
39
Mais à mefure que les principes de la vraie
politique fe perfectionnerent , l'inconve
nient du démembrement d'une partie du
Domaine de la Couronne s'étant fait fentir
davantage , les partages ou appanages ,
dont l'appanage pouvoit auparavant difpofer
comme de fon bien , devinrent une eſ
pece de Majorat ou fubftitution , & furent
enfin chargés de retour à la Couronne à défaut
d'hoirs. C'eft là veritablement où com
mencent les appanages , dont le nom repréfentoit
une forte de conceffion , qui fans
morceler le Domaine de laCouronne,en fuf
pendoit feulement la jouiffance pour quelque
tems , & pour quelque portion , mais fans
toucher à la proprieté .
Cette Loi fe trouve établie par l'Arreft
dont on vient de parler ; ce fut entre Charles
d'Anjou Roi de Sicile & Philippe le Hardi
fon neveu au ſujet du Comté de Poitiers ;
JUILLET 1748. 103
Charles prétendoit ce Comté comme plus
proche heritier d'Alphonfe dernier décedé ,
lequel étoit fon frere , au lieu que Philippe
n'étoit que fon neveu , mais l'Arreſt prononça
en faveur de Philippe ; for ce principe que
toutes les fois que le Roi faifoit don à fes
puînés de quelque héritage , & que le donataire
ou appanagifte mouroit fans héritiers
, l'héritage retournoit au donateur Roi ,
ou à fon héritier à la Couronne , fans que
l'héritier du donataire y put rien prétendre.
Ainfi voilà les appanages reftraints aux
hoirs de l'appanagé , mais dans ces hoirs les
femelles ainfi que les mâles , étoient comprifes
, ce qui étoit dangereux , parce que
les portions des appanages pouvoient paffer
à des étrangers par mariage. Philippe le
Bel remedia à ce dernier inconvenient. Ce
fut lui , dit du Tillet , qui ordonna par fon
Codicile , ou par fes Lettres Patentes ,
fuivant
Dupuis , que le Comté de Poitou par
lui baillé en appanage à fon fils puîné Monfieur
, Philippe de France , qui fut Roi de
puis fous le nom de Philippe le long , retourneroit
à la Couronne défaillant les Hoir's
males, par où il excluoit les filles. Tel eft
le dernier état de cette jurifprudence.
Voici une remarque curieufe au futet de
la levée du fiége de Malthe par les Turcs ,
E iij
704 MERCURE DE FRANCE.
défendue par leGrand Maître Jean dela Val.
lette en 1565 ; lorfque le Chevalier de la
Roche vint faire part au Roi & à la Reine
Mere de cette nouvelle de la part du Grand
Maître, le Chancelier de l'Hopital s'adreſſant
à la Reine , lui fit remarquer que dans les
trois fiéges importans qu'avoient foutenus
les Chevaliers de Saint Jean , c'étoient trois
François qui étoient Grands Maîtres , d'Aubuffon
qui défendit Rhodes , l'Ile -Adam qui
n'en fortit qu'après des prodiges de valeur ,
& après y avoir fait perir 180000 Turcs , &
le troifiéme Parifot de la Valette.
LA'uteur explique avec beaucoup de clar
té & de préciſion les differens états par lefquels
a paffé la Milice Françoile ; la force
de nos armées fous la premiere , & fous une
grande partie de la feconde race , c'eft-à-dire
avant l'introduction des Fiefs , confiftoit
dans l'infanterie , à la difference de nos anciens
Gaulois , chés qui la cavalerie étoit
fort fuperieure , auffi la meilleure cavalerie
des armées Romaines étoit - elle tirée des
Gaules , & Céfar qui foumit ces Provinces ,
autant par les armes des Gaulois divifés que
par fa valeur , fe fervit-il toujours dans la
fuite de la cavalerie Gauloife , dont il fait
l'éloge en plus d'un endroit . On vit renaître
cet ufage avec les Fiefs , & dès avant la troifiéme
race la cavalerie reprit le deffus, mais
JUILLET 1746. 105
Charles VII. comprit le befoin d'une bonne
infanterie , qu'il ne fallût plus aller foudoyer
chés les étrangers , & après avoir
établi un corps réglé de cavalerie fous le
titre de compagnies d'Ordonnance , il créa
les Francs Archers . François I. perfectionna
fes vûes , & réfolut de mettre fur pied un
corps d'infanterie , qu'il forma fur le modéle
des légions Romaines , & qu'il appella
auffi du nom de légions. Mais cette nouvelle
milice ne dura guére & on en revint
aux bandes qui n'étoient que de cinq à fix
cent hommes , au lieu que les légions étoient
de fix mille hommes.
Nous ne finirions point fi nous voulions
remarquer toutes les chofes utiles , curieufes,
agréables , les réflexions profondes , les
portraits frappans que l'on trouve dans cet
abregé. Nous y renvoyons les lecteurs.
ASTRONOMIQUES INSTITUTIONS
ou Leçons Elementaires d'Aftronomie pour
fervir d'introduction à la Phyfique célefte
& à la fcience des longitudes avec de nou
velles tables d'équation corrigées , & particulierement
les tables du Soleil , de la Eune
& des Satellites , précédées d'un effai fur
l'Hiftoire de de l'Aftronomie moderne. Cet
ouvrage eft traduit , augmenté & enrichi
de quantité de tables très importantes pour
Ev
106 MERCURDE FRANCE.
'Aftronomie par M. Lemonnier le Fils ;
Aftronome , de l'Académie Royale des
Sciences , & fe vend à Paris chés les freres
Guerin , 1746. in-quarto avec figures.
CASTELLI LEXICON Editio novif
fima quin plurimis acceffionibus aucta, quarto,
Geneva 1746.
MEMOIRE fur la maladie des boeufs du
Vivarais , par M. Sauvages , Profeffeur en
Médecine , à Montpellier in quarto 1746...
LES ELEMENTS de la Médecine
Pratique , tirés des écrits d'Hyppocrate , où
l'on traite des maladies les plus ordinaires à
chaque âge , avec des remarques de Theorie
& de pratique par M. Bouillet , Docteur
en Médecine de la Faculté de Montpellier
in -quarto à Befiers 1744 , à Paris chés
le fieur Cavelier Pere.
L'HISTOIRE DU TARIF de 1664.
contenant l'origine de ce tarif, avec fes fixations
& celles qui ont eû lieu avant & depuis
1664 , fur chaque marchandiſe à la
fortie du Royaume, Tome premier.
•
LE TOME SECOND contenant les
Exations de ce tarif & celles qui ont eu lieu
JUILLET 1746. 107
avant & depuis le tarif de 1664 , fur chaque
marchandife , droguerie , épicerie , &c. à
l'entrée du Royaume, ouvrage dreffé fur les
piéces authentiques par M. Dufrefne de
Francheville , imprimé à Paris en 1646.
en 2 vol. inquarto , du prix de 14 1. relié.
HISTOIRE DE LA COMPAGNIE
DES INDES avec les titres de fes con
ceffions & Priviléges , dreflée fur les piéces
authentiques par le même imprimée à Paris
en 1746 , chés Debure l'aîné , comme les
deux volumes ci- deffus , du prix de fept
livres reliée .
LA METHODE ITALIENNE de Bersera
fe débitera au commencement de Septembre
prochain chés Nyon fils & Com.
pagnie,
MEMOIRE fur le laminage du Flomb
par M. Rémond de Sainte Albine , troifiéme
édition , in- 12 , pages 78 fans compter
l'avertiffement. A Paris chés facques
Guerin , ruë St. Jacques , à S. Thomas d'Aquin
, 1746.
Ce Mémoire fur publié pour la premiere
fois en 1731 , & l'acueil favorable , qu'il a
reçu du Public , l'a fait parvenir à l'honneur
d'une troifiéme édition , honneur que les
E vi
08 MERCURE DE FRANCE.
ouvrages de peu d'étendue obtiennent rare
ment , s'il ne leur eft procuré par l'avantage
d'entrer néceffairement ou par convenance
dans des recueils d'ouvrages de même nature
ou d'un même Auteur . Il avoit été compofé
pour une Académie, qui fous le nom de
Societé des Arts , & fous la protection de S.
A. S. M. le Comte de Clermont, s'affembloit
chés ce Prince au petit Luxembourg, & que
divers contretems ont empêché de fubfifter.
la difperfion de cette Compagnie rendant
hors d'oeuvre la préface qui étoit à la tête
de ce Mémoire , M. Rémond de Sainte Albine
a été obligé d'en donner une nouvelle ,
c'eſt le changement le plus confidérable
qu'on remarquera - ici du côté du travail dè
Fécrivain , mais on en trouvera un fort important
pour ce qui regarde un accefloire
qui manquoit à l'ouvrage. Les anciens entrepreneurs
de la Manufacture du laminage
n'avoient point voulu confentir qu'on gravât
leur machine. Cette troifiéme édition
eft accompagnée de Planches fort bien exécutées
, qui par cet avantage la mettent
fort au-deffus des deux éditions précédentes
. D'ailleurs elle nous a paru extrêmement
belle & correcte , telle que la plûpart
de celles qui fortent de l'Imprimerie
du Sieur Guerin. On n'exigera point une
analy fe d'un ouvrage dont- il a paru de longe
JUILLET 1746. 109
"
extraits dans tous les Journeaux. Nous nous
contenterons de dire que M. Remond commence
par établir trois principes : le premier
, que le Plomb par la pefanteur eft difficile
à manier & qu'il faloit chercher un reméde
à cette inconvenient ; le fecond , que
le Plomb eft d'un ufage commun , & que
les acheteurs avoient intérêt qu'on diminuât
leur dépenfe , autant qu'il feroit poffible ;
le troifiéme , que ce métal eft de peu de
confiftence , & qu'on ne pouvoit éviter avec
trop de foin tout ce qui eft capable de lui
caufer quelque altération . M. Remond donne
enfuite une defcription exacte & claire
de la machine à laminer , & il demontre
également par l'expérience & par le raiſonnement
, non feulement qu'elle fatisfait à ces
trois conditions effentielles , mais encore
que le Plomb laminé eft de beaucoup préferable
, pour toutes fortes d'ouvrages &
même pour les Tuyaux , au Plomb forgé ou
fimplement fondu . Il fait voir en même tems
les avantages qu'il y a du côté de l'eà
fe fervir du Plomb de la manupargne
,
facture.
*
On trouve dans cet ouvrage la clarté , la
méthode & l'élegance qui caractériſent les
ouvrages de M. Rémond dont les talens font
avantageufement connus du public. On
conçoit aifément quelle étoit la difficulté
110 MERCURE
DE FRANCE
. d'expliquer
avec clarté
la conftruction
d'une machine
auffi
compliquée
que le laminoir
.
C'est
pourtant
ce que M. R. a fait avec
tant de fuccès
que dans les premieres
éditions
où l'on n'avoit
point
le fecours
d'une
figure
, la lecture
feule du Mémoire
a donné
choune
idée nette
de la machine
décrite
,
fe prefque
unique
dans ce genre
.
EXPERIENCES
ET DEMONSTRATIONS
faites à I'Hôpital
de la Salpêtriere
& à Saint Côme
,
en préfence
de l'Académie
Royale
de Chi- rurgie
, pour fervir
de fuite & de preuves
à
l'effai
fur les maladies
des dents , & une pharmacie
odontagtique
ou traité
des mé- dicamens
fimples
& compofés
propres
aux
maladies
des dents
& des differentes
parties de la bouche
, à l'ufage
des dentiſtes
. Par M. Bunon
, Chirurgien
dentiſte
, à Paris 1746
in- 12 chés Briaffon
, Chaubert
& la veuve
Hiffot. Nous
parlerons
plus amplement
de ce Livre
dont l'Auteur
éxercè
fa profeffion avec fuccès
& réputation
, & joint au talent d'operer
avec fuccès
celui
d'établir
les principes
de fon art dans des ouvrages
eltimés
des Sçavans
.
L
THE NEW YORK
PUBLIC
LIBRARY
,
ASTOR, LENOX AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
le
绪1
1
JUILLET 1.746. ΤΙΣ
½x½224X
BOUQUET.
Pour Madame la Marquise de **. Les paroles
de cet Air font de M. Fuzelier l'un
des Auteurs du Mercure de France , & la
Mufique de M, Mion compofiteur d'un Ballet
destiné pour la Cour.
Votre voix & vos yeux , jeune & charmante
Iris ,
Partagent chés les coeurs l'aimable don de plaire ;
Vous feriez une grace à la Cour de Cythere ,
Une Syréne à la Cour de Thétis.
APPLIPPEDTXDPPP
AIR dufieur Gothreau violon de la Musique
du Roi.
P Hilis , qu'il eft charmant de devoir fon bonheur
Au feul objet que l'on aime !
Vous me donnez votre coeur ;
Ah ! c'eft rendre juſtice à mon ardeur extrême.
Sans vous jamais l'Amour n'eût été mơn vain◄
queur ,
Et parvous je deviens plus heurux que lui même
112 MERCURE DE FRANCE.
htt
Lë
LETTRE écrite par M. D *** Officier
du Roi , à M. Le .... de l'Académie
Royale de Peinture en Italie.
Ous fouhaitez , Monfieur , que je vous
"
entretienne des rares talens du fieur Picault
, étant à portée de les connoître. Je
puis vous affurer fans partialité qu'ils font
uniques & qu'il n'eft guéres poffible de fe
les perfuader que par la vûe des effets qu'ils
produifent ; une découverte auffi utile qu'agréable
, & que jufqu'ici on avoit regardée
comme abfolument impoffible peut bien
encore laiffer quelques incrédules dans les
Provinces & dans Paris même.
En effet comment imaginer que tel fujet,
de quelle grandeur que ce foit , peint fur
plâtre, fur bois on fur toile , puiffe en être
tiré, levé, & remis fur une toile nouvelle, non
feulement fans aucun endommagement, mais
même avec tant de délicatefle & de propreté
, qu'il femble que le fieur Picault peigne
lui- même dans le moment ; c'est pourtant ,
Monfieur , ce qu'il a executé par ordre de
Sa Majefté au Château Royal de Choiſy,
où il vient d'achever de tirer & lever du
plafond vouté du Salon de l'Aurore les
quatre faifons d'Antoine Coypel , qu'il a ſeJUILLET
1746. 113
paré en quatre morceaux de chacun iz
pieds de long fur 8 pieds de haut , qu'il a
eu le fecret de porter fur quatre toiles differentes
, fans rien alterer de la fraicheur
du coloris , de la jufteffe des attitudes , &
fans qu'il y ait d'autres fractions que celles
qui étoient à la voute ; l'un de ces morceaux
réprefentant Zephire & Flore a été expofé
au falon du Louvre l'année derniere
où il a fait l'admiration des maîtres de l'Art
des connoiffeurs & du public ; ce morceau ,
ainfi que les trois autres font deftinés pour
le Cabinet de Sa Majesté.
Vous jugez bien , Monfieur , què les morceaux
que je vous cite , ne font pas les feuls
par lefquels le fieur Picault , occupé depuis
près de fix années , tant dans les maisons
Reyales , que dans celles des particuliers , a
fait briller fes talens , je vous obferverai
feulement que n'étant point connu lors de
la démolition de la petite galerie de Verfailles
, on fut obligé d'enfevelir dans les
décombremens les beaux morceaux de peinture
de Mignard qui ornoient cette galerie ,
morceaux infiniment regrettés des connoiffeurs
, cependant quelques-uns de ces morceaux
s'étant trouvés par hazard en entier
& le Roi ayant bien voulu en gratifier differens
Officiers de fa maifon , le fieur Pi114
MERCURE DE FRANCE.
cault dont les talens commençoient à fe
'faire connoître , fe chargea de les remettre
fur toile , ce qu'il exécuta avec tout le
fuccès poffible.
Cette nouvelle & heureufe découverte
doit être d'autant plus précieufe aux arnateurs
des beaux arts & aux curieux que la
regardant comme tout à fait impoffible , ils
l'ont néanmoins toujours ardemment defiré
pour la confervation des morceaux rares &
impayables , qui fans les fecrets de cet art ,
fe trouveroient totalement perdus pour la
pofterité. Ne devons nous pas regretter,
Monfieur, qu'il n'ait point été plûtôt décou
vert ? Combien d'excellens tableaux per
dus pour jamais , & qui nous auroient été
confervés ! Je fuis affuré que vous pentez
comme moi , qu'il feroit à fouhaiter pour le
public que ce talent devint affés utile à fon
auteur pour lui faire refufer les propofitions
avantageufes que ne manqueront pas de
lui faire les Etrangers jaloux des talens de
notre Nation , ce qui me paroît d'autant
plus à craindre à l'égard du fieur Picault
que fon génie n'eft point borné à ce
feul talent ; il poffede encore le fecrét
de nétoyer dans la derniere perfection
l'or moulu & en feuille , fur métaux , bois &
broderie. Depuis que le Roi lui a fait l'honJUILLET
1746. 115
neur de l'employer à ces ouvrages , il n'a
pas ceffé de travailler aux fuperbes dorures
des maifons Royales , & de rendre aux
plus anciennes & aux plus négligées l'éclat
le plus brillant qu'elles ont pu avoir en
fortant des mains de l'Ouvrier , vous y ferez
trompé vous même lorfque vous verrez
à Trianon les Appartemens du Roi , à Verfailles
les appariemens de la Reine , ceux de
Monfeigneur le Dauphin , les falons de Mercure
, celui de la paix ou du concert , la fale
du Trône , les dorures des tableaux reprefentans
Louis le Grand , la Reine , Philippe
V. Roi d'Espagne , Marie de Medicis , les
deux Princes Palatins , & une quantité
d'autres qui font dans les cabinets de Sa Majefté
, à la Surintendance , dans les Galeries ,
Salons & Appartemens de Versailles dont je
ne puis vous faire ici le détail , non plus que
d'un grand nombre de morceaux en ce genre,
auxquels il travaille encore à préfent
chés differens Seigneurs.
J'oubliois de vous dire , Monfieur , que
trois des quatre morceaux tirés du Salon
de Choily font actuellement dans la Sale
de Meffieurs les Secretaires du Roi au Convent
des Celeſtins , où le fieur Picault y met
la derniere main. Si vous venez à Paris in
ceffament , comme vous me le faites e perer,
Monfieur , je me flatte que M. Picault vous
116 MERCURE DE FRANCE .
les fera voir ; prefentez lui ma lettre ; il des
meure toujours rue neuve S. Paul , la porte
cochere , au coin de la rue Gerard Banquet.
J'ai l'honneur d'être &c.
EAU DE BEAUTE',
Avec la maniere de s'en fervir dans tous les
tems , à 16 livres la bouteille , & la demie
bouteille 8 livrés.
Avec fes propriétés & effets pour la petite
vérole. Les empreintes des cachets doivent
être fur les bouteilles qui ont été
faits pourla fûreté du public, & en empêcher
la contrefaçon .
La veritable EAU DE BEAUTÉ fe vend toujours
:: chés le fieur Rouffelot . Marchand Gantier-
Parfumeur du Roi , rue Tirschape , au
Gant de Paris.
Oici fes propriétés & fes effets. Elle
V nourrit peu defense unéclatde
Voici
nourrit la peau & lui donne un éclat de
blancheur parfaite , conferve la délicateffe
des traits , ranime toutes les couleurs & répand
fur tous les teints les plus fecs un air de
fraîcheur, qui eft égal & auffi naturel que ce
JUILLET 1746 117
lui que fait le fang le plus pur dans un corps
le plus fain. On peut , fans lui rien prêter ,
prouver par cent exemples que ceux & celles
qui en font ufage ne s'apperçoivent point que
Te nombre des années puifle fléttir & diminuer
la fraîcheur de leurs teints & de la gorge,
puifqu'elle en ôte toutes les rides & les
rouffeurs qui proviennent de la féchereffe di
teint. Ce qui prouve que ce n'eft point du
fard , c'eft qu'il en faut faire ufage plufieurs
jours avant que d'en connoître aucuns changemens
, mais lorsqu'on fera habitué à s'en
fervir on connoîtra bientôt que c'eft le feul
fecret qui eft capable d'ajouter des charmes
à la beauté , &de la conferver jufqu'à la mort.
Les perfonnes qui par un fang âcre&mauvais
fe voyent une peau noire & livide, & un teint.
couvert de boutons & bourgeons , convien
dront qu'il n'y a jamais eu de pareil fecret.
Il donne de la blancheur , il conferve
les traits , ranime toutes les couleurs &
fait reffentir au teint & à la gorge un air
de fraîcheur naturelle , ôtant tous les boutons
& les rides , fans qu'il en refte la moindre
marque. Il ne faut pas fe figurer que cette
Eau , toute merveilleufe qu'elle foit , opére
toutes ces qualités fur le champ , il faut
lui donner le tems.
:
3
De quelque maniere que les opérations
de ce remede fe manifeftent il n'y a rien
18 MERCURE DEFRANCE
craindre , au contraire elles font toujours
les garants d'une guérifon bien plus prompte
que lo fqu'il ne femble pas agir , mais foit
qu'il opere ou doucement ou vivement ',
ne peut jamais caufer le moindre accident.
Le prix des Boëtes eft de douze livres ; on
auerth auffi qu'il faut affranchir les lettres.
L'Académie des Jeux Floraux de Toulouſe fera
la diftribution des prix le troifiéme Mai 17 7.
Ces prix font une Amaranthe d'Or de la valeur de
400 liv. qui eft deftinée à une Ode
Une Eglantine d'or de la valeur de 450 liv . deftinée
à une piece d'Eloquence d'un quart d'heure
ou d'une petite demie heure de lecture , dont le
fujet Tera pour l'annnée prochaine 1747.
LES GRANDS TALENS SONT DANGEREUX
QUAND ILS NE SONT PAS CONDUITS
PAR LA SAGESSE .
Une Violette d'argent de la valeur de deux cent
cinquante livres , deftinée à un Poëme de ſʊixante
Vers au moins ou de cent Vers au plus, dont
de fujet doit être heroïque ou dans le genre noble,
& les Vers Alexandrins.
Un Souci d'argent de la valeur de deux cent
livres , qui eft destiné à une Elegie à une Idylle
ou à une Eglogue. Ces trois genres d'ouvrages
concourent pour le même Prix . Les Vers en doiJUILLET
1746
119
vent être auffi Alexandrins , fans mêlange de Vers
d'autre mefure .
Un Lys d'argent de la valeur de foixante livres ,
deftiné à un Sonnet à l'honneur de la SainteVierge..
Le fujet des differens genres d'ouvrages aufquels
Amaranthe , la Violette & le Souci font
destinés eft au choix des Auteurs , qui font averauffi
- bien que les Auteurs du Sonnet , de
ne pas fe négliger fur les rimes & fur toutes les régles
de la verfification .
tis >
Les ouvrages qui ne font que des traductions
ou des imitations , ceux qui traitent des fujets
donnés par d'autres Académies , ceux qui ont
quelque chofe de burleſque , de fatyrique ou d'indécent
, font exclus des prix . C'eft avec regret
que l'Académie a rejetté cette année deux ou
vrages qui avoient affés de mérite pour foutenir
le concours , les Auteurs de ces pieces y aỹant
laiffé gliffer des traits trop libres & qui pouvoient
bleffer les moeurs .
La même exclufion a lieu à l'égard des ouvra
ges qui auront paru dans le public , & de ceux dont
les Auteurs fe feront fait connoître avant le jugement
ou pour lefquels ils folliciteront ou auront
fait folliciter. L'Académie a déliberé d'obſerver
fur ce dernier article la plus exacte fevérité Tous
les Académiciens ont promis de fe recufer euxmêmes
fur le jugement des ouvrages dont
les Auteurs leur feront connus directement ou
indirectement .
Le Auteurs qui traitent des matieres Théolo
giques doivent faire mettre au bas de leurs ou
vrages l'Approbation de deux 1 octeurs en Théologie
, ce qui fera obfervé même à l'égard du
Sonnet , fans quoi ces ouvrages n'entreront pas ay
Concours.
120 MERCURE DE FRANCE
Les Auteurs font avertis de faire remettre dans
le cours du mois de Janvier de l'année 1747 , par
des perfonnes domiciliées à Toulouſe, trois copies
bien lifibles de chaque ouvrage à M. le Chevalier
d'Aliez , Secrétaire perpétuel de l'Académie ,
logé rue des Coûteliers. Son regiſtre devant être
barré dès le premier jour de Février , on ne fera
plus à tems pour lui remettre des ouvrages dès
que le mois de Janvier fera expiré.
-
Les ouvrages feront défignés , non-feulement
par leur titre , mais encore par une devife ou fentence
, que M. le Secrétaire écrira dans fon regiftre
, auffi bien que le nom , la qualité ou la
profeffion & la demeure des perfonnes qui les lui
auront remis , lefquelles figneront la réception que
M. le Secrétaire en aura écrite dans fon regiftre ,
après quoi il leur en expédiera le récépiffé.
M. le Secrétaire ne recevra point les paquets qui
lui feront adreffés par la pofte en droiture s'ils ne
font affranchis de port . Les Auteurs font avertis
que l'Académie exclut du Concours tous les ouyrages
qui n'ont pas été remis à M. le Secrétaire
par une perfonne domiciliée à Toulouſe , la voye
de la pofte en droiture étant fujette à trop d'inconveniens,
M. le Secrétaire avertira les perfonnes qui auront
remis les ouvrages que l'Académie aura couronnés
, afin que les Auteurs vieanent eux- mêmes
recevoir les prix laprès- midi du troifiéme Mai
à l'alemblée que l'Académie tient dans le grand
Confiftoire de l'Hôtel de Ville , où ils font diſtribués
; & fi les Auteurs font hors de portée de venir
les recevoir eux- mêmes , ils doivent envoyer à
une perfonne domiciliée à Touloufe une procura
tion en bonne forme , où ils fe déclarent affirmativement
les Auteurs de l'ouvrage couronné , laquelle
JUILLET 1746. 121
quelle retirera le prix des mains de M. le Secrétaire
, fur la procuration de l'Auteur & fur le récépiffé
de l'ouvrage.
On ne peut remporter que trois fois chacun des
prix que l'Académie diftribue . Les Auteurs des ouvrages
qu'elle découvrira avoir enfraint cette loi
en feront exclus , auffi bien que les ouvrages qu'on
pourra justement préfumer être préfentés fous des
noms d'Auteurs fuppofés.
Après que les Auteurs fe feront fait connoître ,
M. le Secrétaire leur donnera des atteftations ,
portant qu'un tel , une telle année , pour tel ouvage
par lui compofé , a remporté un tel prix ,
& l'ouvrage en original fera attaché à ces atteftations
fous le Contre- Scel des Jeux .
Ceux qui auront remporté trois prix , ( celui du
Sonnet excepté ) I un defquels foit ce ui de l'Ode
pourront obtenir , felon l'ancien uſage , des Lettres
de Maître des Jeux Floraux , qui leur donneront
le droit d'opiner , comme Juges & comme
étant du Corps des Jeux , dans les Affeniblées
générales & particulieres des Jeux Floraux , &
d'affifter aux Séances publiques .
Par les Lettres Patentes que l'Académie vient
d'obtenir de Sa Majesté , pour autorifer l'augmen◄
tation de deux cent livres faite à perpetuité pour
le prix d'Eloquence par M. Soubeiran de Scopon ,
Secrétaire du Roi , l'un des Quarante de l'Académie
des Jeux Floraux , & Membre de l'Académie
Royale des Sciences , Infcriptions & Belles
Lettres établie à Toulouſe , le Roi accorde aux
Auteurs qui auront remporté trois fois le prix d'Eloquence
le droit de demander des Lettres de
Maître des Jeux Floraux , fans qu'il foit néceffaire
qu'ils ayent remporté des prix de Poëſie .
- L'Ode qui a pour titre L'ENVIE , & pour de-
F
122 MERCURE DE FRANCE
vife Virtuti ut gloria comes ,fic & Invidia , a reme
porté le prix de l'année. L'Auteur de cet ouvra
ge ne s'est pas encore fait connoitre .
Le prix d'Ode refervé a été adjugé à l'Ode qui
a pour titre L'EAU , & pour devife , Stratus nunc
ad Aqua lene caput facra , dont le P. Arcére , Prêtre
de l'Oratoire , affocié à l'Académie des Belles
Lettres de la Rochelle , eft l'Auteur . Il rempor
ta le prix de ce genre en 1736 , & il s'eft déclaré
l'Auteur de l'Ode intitulée L'HISTOIRE , imprimée
dans le recueil de 1742 , & de celle SUR
LA CAMPAGNE DE S A. S. M. LE PRINCE
DE CONTY EN 1744 , inferée dans le recueil
de 1745:
L'Académie a accordé le prix d'Eloquence au
Difcours qui a pour devile , Maxime curandum eft
ut eos quibufcumfermonem conferemus , & vereri
diligere videamur, dont l'Auteur ne s'eft pas encore
déclaré.
Le prix de l'Eglogue a été adjugé à l'Idylle qui
a pour titre PAN , & pour devile , Namque canebat
uti magnam per inane coala , Semina terrarumque
animaque marifae fuiffent , M. Caftilhon , Avocat
au Parlement , habitant de Touloufe , qui en
eft l'Auteur , a reçu le prix à l'Affemblée du 3 Mai.
M. l'Abbé Peyrot Matheron , Prebendé de l'Eglife
de faint Sernin de Touloufe , Auteur du Sonnet
couronné , qui a pour devife , Fortis eft ut mors
dilectio , a auffi reçu le prix de ce genre dans la
même Affemblée .
Le P. de Sales , Jéfuite , s'eft déclaré l'Auteur
de l'Elégie intitulée PLAINTE DE FLORE.
L'Académie a encore refervé cette année les
deux prix d'Eloquence qui lui reftoient des annces
precedentes.
Par les dernieres Lettres Patentes du Roi le
JUILLET 1746. 123
prix d'Eloquence fera dorénavant , à commencer
dès l'année prochaine 1747 , une Eglantine
d'or de quatre cent cinquante livres , formée du
prix ordinaire de deux cent cinquante livres &
des deux cent livres de la nouvelle augmentation ,
& les deux prix d'Eloquence réfervés feront adjugés
par l'Académie à un feul Difcours.
L'Académie a réfervé le prix du Poëme , de
même que les deux prix de Sonnet des années
précedentes.
Elle diftribuera l'année prochaine un prix d'Ode
, deux prix d'Eloquence , deux prix de Poëme,
un prix d'Eglogue & trois prix de Sonnet , ce qui
fera en tout neuf prix.
On a du expliquer les Egnimes du fecond
Volume de Juin par Echo & Lapin.
SAPSAPSAPSAP SAPSAP SAP SAPSAP SAP SAPSAPLEXJES
E
ENIGM E.
N été nous fommes vêtus ,
Et fur l'hyver on nous dépouille .
La pluye & la neige nous mouille ,
Et des vents nous fommes battus.
Quand nous vivons deffus la terre ,
Toujours le fer nous fait la guerre ;
On nous brule quand nous mourons ,
PLEXES
Fij
124 MERCURE DE FRANCE,
Et bien que nous n'ayons point d'ames ,
Il ar ive que nous pleurons
Lors qu'on nous jette dans les flammes.
M
LOGOGRYPHE.
On fort eft de caufer à tous mes poffeffeurs
Des grincemens de dents , de cuifantes dou
leurs,
Envain m'applique t'on quelque puiffant remede ,
Envain apporte t'on fes foins :
Celle ou celui qui me poffede
Nuit & jour n'en fouffre pas moins.
De ma poffeffion tout le monde s'ennuie .
Retranche tout d'abord de mon corps le milieu ,
Ma premiere moitié te fait voir un faux Dieu
Qu'on honoroit en Arcadie.
La derniere eft un grain fort nouriffant ,
Signe de joye entendue autrement
Combine d'un autre maniere ,
Je t'offre encor racine potagere ,
Très commune dans mon pays ;
Une des merveilles du monde ,
*
Où tout le bien , où tout le mal abonde ;
Son fein eft le refuge aux grands comme aux petits ;
Un mot François, Latin , pour notre nourriture :
Un arbre de mon tout , lecteur , fait la clôture ,
L'Auteur eft Picard,
JUILLET 1746. 125
J
AUTRE.
E ne fuis point enfant de la Nature ;
L'Art m'a formé de bizarre ftructure.
Sur un long , mince , & petit corps ,
Qui n'a jambes ni bras , & qui n'eft corps de bête ,
On m'ajuste une lourde tête.
Ami lecteur , que fuis - je alors ?
Coupe mon nom , fans toucher à la choſe ;
Par plus d'une métamorphofe ,
Et par maintes combinaiſons ,
Tu trouveras le vaſte amas des ondes ,
Un animal tapi dans fes grottes profondes ;
J'entends les trous de nos maiſons.
Certain inftrument neceffaire
Pour faire voguer la galere ,
La branche de tout arbre , une arme, un vermiffeau
,
Un mur bien confiftant compofé d'un tiers d'eau
Le porte voile d'un vaiffeau ;
Un fou comptant tous les jours fa pecune ,
Inutile préfent de l'aveugle fortune ,
L'eau , puis un autre , & la trame & le rêt ,
Un animal qu'on voit en Siberie ,
De tout mon nom voilà l'anatomie .
F iij
26 MERCURE DE FRANCE.
J'ai fept lettres en tout. Lecteur , encor un trait.
Je fuis fait avec art ; j'ai beaucoup d'amertume
Prens gaide ; à deviner tu gagneras le rhûme.
Par M. le Picard.
J
AUTRE
E porte toc ; je porte mot ;
Je porte fuc ; je porte fot ;
Je porte choc ; je porte têtes ;
Lecteur je m'appelle.......
Par Plique le fils de Joinville en Champagne.
J
AUTRE.
E fus jadis une jeune beauté
Que certain Dieu , fi l'on en croit la Fable ,
Aima beaucoup fans en être écouté.
Telle avanture en verité , •
De ce tems ci paroitra peu croyable ;
Les dames ne fe piquent plus
D'une aufterité fi fevere ,
Et penfent que quand on fçait plaire ,
JUILLET 1946. 127
Ne pas aimer c'eft un abus,
Mais je vois qu'ici je t'amufe .
Pardon , Lefteur, & fans plus longue excuſe ,
Je quitte la digreſſion .
Sept membres raffemblés me donnent l'existence.
Par le moyen de la combinaiſon
On y trouve un Comté de France :
Un mot Latin qui fignifie adieu :
Deux élements ; une herbe toujours verte :
Ce dont tu redoutes la perte :
L'inftrument qu'on donne à cè Dieu
Que fur le Pinde l'on revere :
Un mois de l'an : un des treize cantons .
Deux racines, dont l'une eft de toutes faifons ,
Quoique d'un goût affés infuportable ,
Auffi n'en ue-t-on que chés les payſans ;
L'autre au contraire n'a qu'un tems ,
Mais en revanche on la fert à la table
Des petits & des grands .
On y pourroit encor trouver la femmé
D'un Patriarche & celle d'un Romain ,
Qui fe mit d'elle même un poignard dans le fein ,
Pour piquer de fermeté d'ame
Son timide mari qui craignoit pour fa peau.
Adieu , Lecteur ; il eft tems de me taire
J'ai fait ce que je devois faire ;
Devine moi ; je te le donne beau.
Par M. L ... C ** .
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE .
AUTRE.
IEcteur , je fuis une fameufe Ville ,
De plus le nom d'un très -grand Général ,
Que fa valeur rendit un autre Achille ,
Et fa prudence un fecond Annibal .
Quatre de mes pieds font connoitre
Le principe de bien des maux ,
Et par deux de plus doit paroître
Un des fept péchés capitaux ,
En un mot , lecteur , ma finale
Priſe en un fens particulier
Eft une Ville capitale
Que je te laiffe à deviner .
Par M. de Lanevere , ancien Mousquetaire
du Roi à Dax.
JUILLET 1746. 129
SPECTACLES:
OPERA.
E Jeudi 14 Juillet l'Académie Royale
de Mufique a remis fur fon Théâtre le
Triomphe de l'Harmonie , Ballet en trois actes
precédés d'un prologue, repréſenté pour
la premiere fois le neuf Mai 1737 ; les paroles
font de l'Auteur de Didon , Tragédie
jouée & repriſe avec un fuccès marqué
à la Comédie Françoife , & la Mufique eft
de M. Grenet Directeur du Concert de
Lyon.
La paix ouvre le prologue en defcendant
du Ciel au bruit des trompettes & des
tymballes. Elle appelle l'amour & l'harmonie
par ces quatre vers.
Enfans de mes loifirs , accourez l'un & l'autre ;
Mere des doux accords , Dieu fouverain des coeurs
Rendez à ces climats vos plaifirs enchanteurs ;
Ces lieux font faits pour vous ; mon empire eft le
votre .
La paix remonte au Ciel après l'arrivée
Fy
1 :0 MERCURE DE FRANCE.
de l'harmonie & de l'amour qui conduiſent
les plaifirs & les jeux ; les peuples les fuivent
en danfant.
L'amour eft repreſenté parfaitement par
la charmante petite Puvigne & les graces ne
la quittent jamais .
Premiere Entrée:
La célébre fable d'Orphée qui entrainé
aux Enfers par la tendreffe conjugale rara
avis in terris , y va chercher la chere Euridice
, eft le fujet de la premiere entrée ; le
fpectacle de Pluton fur fon trône accompagné
de Minos , d'Eaque & deRadamante, du
Stix fur fon urne fatale ouvre l'acte , une
fymphonie mélodieufe annonce l'Epoux
Phenix. Il eft inutile de détailler le refte ,
cette avanture incroyable eft connue de tous
nos lecteurs .
Seconde Entrée.
Cette fable - ci eft moins publiée quoique
citée par Virgile. Voici comme l'Auteur
des paroles la conte dans fa préface.
L'avanture d'Hilas Argonaute & compagnon
d' ercule fait le fujet du fecond acte ; cejeu
ne homme s'étant écarté de fa troupe pour
ler puifer de l'eau dans une fontaine voisine
du rivage tomba dans cette même fontaine &
alJUILLET
1745. 131
noya. Hercule & les Argonautes le cherl'appellerent
en vain . eberent
His ad jungit Hilan nautæ quo fonte reli&um
Clamaffent ut littus Hola , Hila omne fonaret.
Virgil . Egl . VI,
Après avoir pleuréfa mort , ils continue–
rent leur navigation. Les Poëtes ont cru que
cette maniere de raconter la mort d'Hilas étoit
trop fimple ils ont imaginé imaginé que les Nymphes
amoureufes de fa beauté l'entrainerent dans
leur demeure . Properce qui a décrit cette avanture
, ajoute que les Nymphes fufpendirent
leurs concerts pour admirer Hilas.
Cujus & accenfa driades candore pmella
Mirata folitos deftituere choros. Pro. 1. L. Egl . XX .
Troifiéme Entrée.
Les murs de Thebes , ouvrage miraculeux
, bâti par les accords mélodieux de la
lyre d'Amphion , font le fujet intereſſant
de la troifiéme entrée. Ce prodige eft auffi
celebre que les enchantemens de la lyre
d'Orphée , qui attiroit fur fes pas les animaux
les plus feroces. Nous ne rappellerons pas
ici des idées fi connues , nous aimons mieux
repeter un endroit de la préface du ballet
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
du Triomphe de l'Harmonie , où l'Auteur
rend au modele de la Poëfie lyrique un hommage
que lui doivent le gout & le difcernement
, hommage que fon fiécle lui a rendu
trop tard. Voici cet éloge mérité qui honore
autant celui qui le donne que celui qui
l'obtient.
Malgré les foins que l'on s'est donné pour
rendre ce ballet digne des fuffrages du public ,
on n'ofe point encore fe flater qu'il les mérite
au point de reconcilier la Poëfie Lyrique avec
ceux qui ne jug. nt de ce genre d'écrit que fur
le fentiment partial de Meffieurs de S. Evremot
& Defpreaux . Ce dernier tout refpectable
qu'il est d'ailleurs , a bien ofé placer dans
fes fatyres le nom d'un Ecrivain confacré depuis
par le fuffrage unarime de toute l'Europe
Litteraire . On est d'accord fur le mérite de
Quinaut ; pourquoi donc mépriser un genre
qui a été dans fes mains une fource inépuisable
des plus grandes beautés de la Poëfier Peut-on
avoir lû avec attention des Poëmes tels que
Proferpine , Thefe , Atis , Armide , & ne
pas fentir &c ....
M. le Page qu'une maladie avoit banni
du Théatre y a reparu dans le dernier ballet
avec l'app audiffement du public.
On prépare pour la rentrée des Théatres
fermés par une jufte douleur , Hipermnestre
Tragédie de M. de la Font,, miſe en muſique
JUILLET 1746. ~ * 33
par M. Gervais Surintendant de la mufique
de M. le Regent.
COMEDIE ITALIENNE.
Le 10 Juin on a donné fur le Théatre
Italien la premiere répreſentation du Prince
de Surene , Parodie en un acte & en vers ,
de M. Riccoboni . C'eft une critique ingenieufe
du Duc de Surrei , Comédie en cinq
actes donnée fur le Théatre François.
On ne donnera point un extrait de cette
Parodie qui eft perpetuellement relative à
la piece Françoife , & dont les plaifanteries
ne peuvent être bien goutées que par les
lecteurs qui fçavent l'ouvrage parodié.
On vend cette Parodie imprimée chés de
Lormel , à la defcente du Pont Neuf du
côté du Quai des Auguftins , au Nom de
Jefus.
Il y a à la fuite un difcours fur la Parodie
ou brillent l'efprit & le jugement ; la
feule idée de critique , dit cet Ecrivain ſenſé ,
revolte un Auteur. C'est décourager les talens ,
difent quelques-uns , que de les expofer à être
baffoués par un mauvaisplaifant , & c'est mestre
un obstacle au progrès de l'efprit que
de
fouffrir que l'on feme des ridicules fur des ouvrages
refpectable quifont honneur à laNation.
fe repondrai à cela , premierement queja134
MERCURE DE FRANCE.
mais Parodie n'a donné un ridicule à une
Tragédie , qui n'en avoit pointpar elle -même ;
le parodijte ne crée point les ridicules , il les
fait feulement appercevoir. La critique ne doit
point décourager les talens , elle fert au contraire
à les perfectioner , en les obligeant d'être
fur leurs gardes , lorsqu'ils veulent s'expofer
aux yeux du public &c.
Toute cette courte differtation eſt remplie
de penſées juftes & qui ne peuvent naî--
tre que dans un efprit lumineux qui a examiné
bien exactement la matiere qu'il traite,
cependant il voudra bien qu'au fujet de ce
qu'il établit comme démontré fur les Opefa
& leurs Parodies , je ne fois pas abfolument
de fon avis , & que je le renvoye
à la préface du ballet du Triomphe de l'Harmonie
, qui fe trouve prefque une réfutation
de fes idées fur la Poefie lyrique. L'Opera
, dit il , eft une
eft une forte de compofition qui ne
fouffre ni ne mérite la critique ; l'on eft obligé
de tout facrifier au plaifir de la vûe & de
Louie , on n'a prefque jamais occaſion d'y parler
à l'efprit , & les morceaux qui femblent parler
au coeur ,font privés de ce mérite dès qu'ils
ne font pas rendus par une voix touchante. La
Parodie d'un Opera eft dans le cas de l'original
, otez en la gaieté des airs bouffons fur lef
quels on la chante , la plaifanterie d'un refrain
amenégrotesquement , il ne reste plus rien
à l'ouvrage.
•
JUILLET 1746. 135
If eft furprenant que M. Riccoboni qui
montre tant de jufteffe dans le refte de fon
difcours ait avancé des propofitions fi peu
foutenables ; fans repeter ici tout ce qui eft
fi bien expliqué dans la préface du ballet du
Triomphe de l'Harmonie , nous ne repondrons
feulement qu'à cette phrafe ci , les morceaux
qui femblent parler au coeur font privés
de ce mérite desqu'ils nefont pas rendus par une
voix touchante ; que fignifie fembler parler
au coeur, & font privés de ce mérite de fembler
uniquement parler au coeur ? Quoi ! des
penſées tendres ceffent de l'être dès qu'eties
ne font pas chantées ? les belles fcenes d'Atis
& de Sangaride , d'Epaphus & de fon
amante dans Phaeton , & cent morceaux où
le fentiment eft peint avec délicateffe , tant
dans Quinaut que dans quelques- uns de fes
émules perdent tout leur mérite dès qu'ils
ne font plus chantés?c'eft comme fi on avançoit
que les vers fublimes de Corneille perdent
leur éclat dès qu'ils ne font plus dans
la bouche pompeufe d'un Acteur François.
La Parodie d'un Opera eft dans le cas de l'original.
Cela eft vrai ; une penfée critique
& fine perd elle auffi fon mérite pour fe
trouver enchaffée dans un vaudeville plai
fant , & celles qui tirent leur agrément d'un
refrain grotesquement amené , font- elles à méprifer
, parce que ce refrain eft auffi judi136
MERCURE DE FRANCE.
cieuſement que groteſquement amené . La
mufique tant ferieufe que bouffone , habilleroit
en vain de certaines productions . Le
Théatre lyrique fournit plus d'une preuve
autentique , contre le pius grand nombre de
fes Poëtes , qui n'ont pu derober leur défauts
au public, quoique cachés fous une modulation
gracieuſe & fçavante.
JOURNAL DE LA COUR ,
DE PARIS , &c.
E 24 Mai le Roi nomma fon Ambaſſa-
Pologne auprès
teur de Saxe & de la République dePologne
Charles Hyacinte de Galean Marquis des
Iffars & de Salerne , Procureur - Syndic
député de la Nobleffe & des Etats de Provence
.
La maifon de Galean eft originaire d'Italie
; differens auteurs parlent de fes illuftrations
, & ne fixent point fon ancienneté ;
elle eft connue en Provence & à Avignon
depuis 400 ans. Elle y a toujours tenu un
rang diftingué : le Duc de Gadagne , ci-devant
Enfeigne des Gendarmes de la Garde
du Roi , qui en eft le chef , eft neveu du feu
JUILLET 1746. 137
Duc de Cadagne Galean , Lieutenant Général
des Armées du Roi , de la plus grande
réputation , & depuis Généraliffime des
troupes de la République de Veniſe. La
branche des Iffars qui a pris ce nom d'une
terre qu'elle poffede en Languedoc depuis
300 ans , a eu auffi plufieurs Officiers de
merite , & revêtus de grades diftingués au
fervice du Roi. Les deux derniers Marquis
des Iffars y fonts mort Brigadiers de fes armées.
Les branches de cette maifon qui font à
Nice , & en Piémont comptent dans leurs
ancêtres plufieurs hommes illuftres , entr'autres
Raphaël de Galean Ambaffadeur extraordinaire
de la Ducheffe Blanche de Savoye
auprès du Roi d'Arragon en 1492 ;
plufieurs tombeaux & monumens élevés en
İtalie depuis l'an 1200 qualifient ceux de
cette maiſon du titre de Nobiles & generofi
Milites.
Le Baillif de Galean Grand Prieur de
Saint Gilles , le Chevalier de Galean & le
Comte de Galean , Ayde de Camp du Roi
de Sardaigne , aujourd'hui régnant , font les
derniers de la Branche de cette maiſon établie
à Nice.
Le premier de ce mois pendant la Meſſe
du Roi l'Evêque de Treguier prêta ſerment
de fidélité entre les mains de S. M.
138 MERCURE DE FRANCE.
Le Maréchal Duc de Noailles , Miniftre
Etat , que le Roi avoit chargé d'une commiffion
particuliere auprès du Roi d'Efpagne
, arriva à Verfailles le 6 , & le même
jour il falua S. M. qui le reçut très favorablement.
Leurs Majeftés affifterent le 14 au matin
dans la Chapelle du Château au Te Deum
qui y fut chanté en action de graces de la
prife de Mons.
Le 8 Monfeigneur le Dauphin donna
au nom du Roi d'Efpagne le Colier de l'Or
dre de la Toiſon d'Or au Comte de Noailles
, Grand d'Espagne , lequel a été nommé
Chevalier de cet Ordre pendant le féjour
qu'il a fait à la Cour du Roi d'Eſpagne , où
il étoit allé avec le Maréchal Duc de Noailles
fon pere . Cette cérémonie s'eſt faite dans
l'appartement de Monfeigneur le Dauphin,
& plufieurs Chevaliers de l'Ordre de la Toifon
d'Or qui avoient été invités , y ont affifté
.
Le 19 le Prince de Campo Florido
Ambaffadeur d'Efpagne eut une Audience
particuliere du Roi dans le Cabinet de S.
M. & il lui préfenta le Marquis de Saint
Gilles , ci- devant Ambaffadeur de S. M. C.
auprès des Etats Généraux des Provinces
JUILLET 1746.. 139
Unies , lequel retourne à Madrid. Le Prin
ce de Campo Florido fut conduit à cette
> audience , ainſi qu'à celles de la Reine , de
Monfeigneur le Dauphin & de Mesdames
de France par le Chevalier de Sainctot , Introducteur
des Ambaffadeurs .
Le Roi ayant écrit à l'Archevêque de
Paris pour faire rendre à Dieu de folémnelles
actions de graces de la priſe de la
Ville de Mons , on chanta le 16 de ce mois
dans l'Eglife Métropolitaine le Te Deum
auquel l'Archevêque de Paris officia . Le
Parlement , la Chambre des Comptes , la
Cour des Aydes , & le Corps de Ville qui
y avoient été invités de la part de S. M.
par M. Defgranges , Maître des Cérémonies ,
y affifterent.
Le foir on tira un feu d'artifice dans la
place de l'Hotel de Ville , & il y eut des illuminations
dant toutes les ruës.
La nuit du 18 au 19 à minuit Madame
la Dauphine fentit quelques douleurs ; elle
fut faignée à cinq heures du matin & vers
les dix heures elle accoucha d'une Princeffe
qui fut ondoyée fur le champ par
le Cardinal de Rohan Grand Aumonier
de France , en préfence de leurs Majeftés
lefquelles s'étoient rendues chés Ma- .
dame la Dauphine dans le moment qu'elle
140 MERCURE DE FRANCE.
4
fentit des douleurs , & y font reftées jufqu'à
ce qu'elle ait été accouchée .
Madame la Dauphine paffa la nuit du 21
au 22 de ce mois dans une grande agitation
, & la fiévre devint fi forte à fix heures
du matin , qu'on fut obligé d'avoir recours
à une faignée du pied , à laquelle cette Princeffe
ne le détermina qu'après s'être confeffée
. Cette faignée par laquelle on avoit
efperé de diminuer la violence du mal , &
une feconde qui fut faite peu de tems après
n'ayant produit aucun effet , Madame la
Dauphine tomba dans un état qui ne permit
pas de lui adminiftrer le Viatique , &
après avoir reçû l'Extreme-Onction elle
mourut vers les onze heures & demie du
matin , âgée de vingt-ans un mois & onze
jours , étant née le onze Juin 1726. Cette
Princeffe qui fe nommoit Marie- Therefe-
Antoinette Raphaelle , étoit fille de Philippe
V. Roi d'Efpagne & d'Elizabeth Farnefe
. La célébration de fon mariage avec
Monſeigneur le Dauphin avoit été faite à
Madrid le 18 Décembre 1744 , & elle
avoit reçû la feconde bénédiction nuptiale
dans la Chapelle du Chateau de Veríailles
le 23 Fevrier de l'année derniere . Madame
la Dauphine joignoit aux fentimens d'une
pieté folide toutes les qualités d'une gran
JUILLET 1746. 141
de Princeffe. L'élevation de l'efprit , la nobleffe
& la bonté du coeur formoient fon
caractére . Elle s'étoit rendue par fes vertus
ainfi que pour fon attachement aux perfonnes
auxquelles elle devoit fa tendreffe ,
auffi chere à leurs Majeftés & à Monfeigneur
le Dauphin , que refpectable à toute la
Cour , & les regrets univerfels que caufe la
mort de cette Princefle feront toujours
plus d'honneur à fa mémoire que tous les
éloges qu'on pourroit lui donner.
Le même jour après midi le Roi & la
Reine partirent avec Monfeigneur le Dauphin
& Mefdames de France pour Choify ,
où leurs Majeftés font restées pour quelquesjours.
Madame la Dauphine ayant été vûë à
viſage découvert le jour & le lendemain de
fa mort , elle fut embaumée le 23 au foir &
miſe dans le cercuëil,
Le 26 fon corps fut expofé dans le
grand cabinet de fon appartement , lequel
étoit tendu de noir avec tout l'appareil
accoûtumé en femblable occafion . Aux
deux côtés de l'eftrade on avoit dreffé deux
Autels où l'on difoit des Melles jufqu'à midi."
Quatre Evêques , les Officiers de la Chapelle
de la Princeffe & un grand nombre
de Religieux qui faifoient des prieres
étoient autour du corps , près duquel étoient
142 MERCURE DE FRANCE.
auffi les Officiers de fa Maiſon & les Dames
de Madame la Dauphine ainfi que plu
fieurs Dames de qualité.
Le 28 du mois dernier Mefdames de
France vinrent de Choifi à Verſailles & l'après-
midi étant accompagnées des Princes
& Princeffes elles jetterent de l'eau . bénite
fur le corps de Madame la Dauphine. Mefdames
furent reçues avec les céremonies ordinaires
par la Ducheffe de Brancas Dame
d'honneur de cette Princeffe & par tous les
Officiers de fa Maiſon.
Madame la Dauphine ayant été exposée
dans fon appartement depuis le 26 du mois
dernier , & tous les honneurs funebres lui
ayant été rendus les jours fuivans , fon corps
fut porté le premier de ce mois à l'Eglife
de l'Abbaye Royale de S. Denis. L'ancien ,
Evêque de Mirepoix Premier Aumonier de
cette Princeffe , accompagné de quatre Evêques
fit la cérémonie de lever le corps , lequel
ayant été porté dans le Char funébre,
le Convoi le mit en marche dans lordre
fuivant. Des Gardes du Corps du Roi ; 150
Pauvres , les Garçons d'Offices à pied , les
Officiers de Madame la Dauphine à cheval ,
les caroffes des Ecuyers des Princeſſes du
Sang qui faifoient le deuil ; quatre autres
caroffes dans lesquels étoient la Ducheffe
de Chartres , la Princeffe de Conty DouaiJUILLET
1746. 143
riere , Mademoiſelle de Sens & Mademoifelle
de la Roche- Sur-Yon accompagnées
de la Ducheffe de Brancas Dame d'honneur,
de la Duchéfle de Lauraguais Dame d'atour
, des Dames de Madame la Dauphine
ainfi que de plufieurs autres Dames que les
Princelles du Sang avoient amenées avec
elles ; le caroffe dans lequel étoit l'ancien
1 Evêque de Mirepoix avec quatre autres
Evêques & le Curé de la Paroiffe du Château
de Verſailles ; les Pages de Madame
la Dauphine , ceux de la Reine , ceux du
Roi ; quatre Trompettes de la Chambre ;
les Herauts d'armes marchant deux à deux ;
le Roi darmes ; M. Defgranges Maître des
Cérémonies ; le Marquis de Dreux Grand
Maître des Cérémonies ; le Char funebre lequel
étoit entouré d'un grand nombre de Valets
de pied deMadame la Dauphine qui portoient
des flambeaux, ainfi que tous ceux qui
formoient le Convoi. Les quatre Aumôniers
de Madame la Dauphine portoient les quatre
coins du poële qui couvroit le Char. Le
Comte de Rubempré Premier Ecuyer de la
Princeffe fit dans cette cérémonie les fonctions
de Chevalier d'honneur , à caufe de
l'abfence du Marquis de la Farre. Les Gardes
du Corps ayant leurs Officiers à leur
tête fuivoient le Char , & la marche étoit
fermée par les carofles des Princeffes & par
144 MERCURE DE FRANCE.
ceux des Dames qui affifterent à cette cérémonie,
Le Convoi paffa fur les remparts de cette
Ville , & il arriva à S. Denis vers les deux
heures & demie du matin . Les Religieux de
l'Abbaye vinrent recevoir le corps de Madame
la Dauphine à la porte de la Ville ;
& l'ancien Evêque de Mirepoix étant deſcendu
de caroffè ainfi que les autres Evêques
, ils marcherent devant le Char juſqu'à
l'Eglife à la porte de laquelle l'ancien Evêque
de Mirepoix préfenta au Prieur de l'Abbaye
le corps qui fut expofé dans le Choeur
où l'on chanta les prieres ordinaires auxquelles
les Princeffes du Sang & toutes les perfonnes
qui s'étoient trouvées au Convoi afliſterent.
Après cette cérémonie le coeur de Madame
la Dauphine fut apporté à l'Abbaye
Royale du Val de Grace avec un très grand
cortége , & l'ancien Evêque de Mirepoix le
préfenta à l'Abbeffe. La Ducheffe de Chartres
, La Princeffe de Conty Douairiere &
Mademoiſelle de Sens , accompagnées de
toutes les Dames & des Officiers de la Maifon
de Madame la Dauphine , qui s'étoient
trouvés au Convoi , affifterent à cette céré
monie , ainfi que le Marquis de Dreux &
M. Defgranges.
Le même jour pendant Vêpres les Religieux
JUILLET 1746 .
145
gieux de l'Abbaye de S. Denis defcendirent
le corps de Madame la Dauphine de
deffus l'eftrade pour le placer dans le Sanc
tuaire ; l'eftrade fut transportée auffitôt dans
le chevet de l'Eglife où le corps fut tranſporté
par les Gardes du Corps . Sur les fept heures
du foir après Complies chaque Religieux
prit un chandelier du catafalque & préceda
le corps proceffionnellement en recitant
des Pfeaumes & autres prieres d'un ton lugubre.
Le P. Soufprieur marchoit derriere
le corps portant la Couronne fur un carreau .
Le corps fut pofé fur le catafalque où il
doit refter jufqu'au jour de l'inhumation . I.e
Choeur eft tranfporté dans cette partie fuperieure
de l'Eglife où les Religieux font
tout leur office. On chante tous les jours
une grande Meffe de Requiem , à laquelle
affifte un certain nombre des principaux-
Officiers de la Princeffe , un Aumônier , un
Chapelain & un Clerc de la même.Princeffe
, ce qui fe fait auffi à Vêpres. On portera
le deuil de Mad . la Dauphine fix mois.
Le 25 de ce mois le Prince de Campo
Florido , Ambaffadeur d'Espagne , fe rendit
à Choify où il eut en long manteau de
deuil une audience particuliere du Roi , &
il donna part à S. M. de la mort du R › i
d'Efpagne Philippe V. il fut conduit à cette
audience ainfi qu'à celles de la Reine , de
G
146 MERCURE DE FRANCE
Monfeigneur le Dauphin & de Meſdames
de France par le Chevalier de Saintot Introducteur
des Ambaffadeurs.
Le lendemain le Roi & la Reine prirent
le deuil du Roi d'Eſpagne , & le même jour
la Cour prit le grand deüil pour la mort de
Madame la Dauphine .
Le 27 le Roi reçut à Choify par le Che
valier de Pont , Colonel du Régiment de
Baffigny , la nouvelle de la prife de Saint
Guilain .
M. Gilbert de Voifins , Avocat Géné
ral , auquel le Roi a accordé l'agrément de
la Charge de Préfident du Parlement vacante
par la démiffion de M, Chauvelin
fut reçu dans cette charge le 15 de ce mois
avec les cérémonies ordinaires.
M. Joly de Fleury , Procureur Général
du Parlement , ayant obtenu du Roi la
permiffion de fe démettre dès apréſent de
cette charge , M. Joly de Fleury , Avocat
Géneral , fon fils ainé , auquel S. M. en
avoit accordé il y a déja quelque tems la
furvivance , a commencé à en exercer les
fonctions. Il eft remplacé dans la charge
d'Avocat Général par M Joly de Fleury
Avocat Général du Grand Confeil , & M,
le Bret , Avocat Général de la même Com
pagnie a fuccedé à M. Gilbert de Voiſir
dans celle d'Avocat Général du Parlement,
JUILLET 1746. 141 .
867636 163614068606 367698
MANDEMENT de Meffieurs les Doyen,
Chanoines & Chapitre de l'Eglife de Paris
pour l'administration & régime de l'Archevêché
de Paris.
LFEglife Cathédrale & Métropolitaine de
Es Doyen , Chanoines & Chapitre de
Paris , à tous ceux qui ces préfentes Lettres
verront , Salut en notre Seigneur. Dieu ayant
affligé l'Eglife de Paris par le décès d'Illuftrif
fime & Révérendiffime Seigneur Jacques-
Bonne Gigault de Bellefont , Archevêque
de Paris , Duc de Saint- Cloud , Pair de France
, &c. Nous avons cru que pour fatisfaire à
ce que nous devons à Dieu & à l'Eglife , il
étoit néceffaire de prendre l'adminiftration
du Diocéfe , ainfi qu'elle nous appartient felon
la difpofition des faints Décrets , & des
Conftitutions Canoniques . A ces cauſes après
avoir mis l'affaire en délibération en notre
Chapitre , nous avons déclaré & déclarons
Zar ces Préfentes , que la Jurifdiction Spirituelle
& Eccléfiaftique de l'Archevêché de
Paris nous eft dévolue , & qu'il nous appartient
de régir & gouverner ledit Archevêché
tant au fpirituel qu'au temporel , pendant
fadite vacance. Et pour cet effet nous
Gij
248 MERCURE DE RFANCE.
-
avons nommé & inftitué Meffieurs Louis-
Abraham de Harcourt de Beuvron Doyen ,
Jean - Cyprien de Saint Exupery Chantre ,
Nicolas- Bonaventure Thierry Chancelier ,
Jean-Antoine Dagoult , Urbain Robinet , &
Jofeph-Jean - Baptifte - Gafpart - Hubert de
Coriolis d'Efpinoufe , tous Chanoines de ladite
Eglife de Paris , Vicaires Généraux pour
conjointement avec nos Confreres Meffieurs
les Archidiacres de l'Eglife de Paris , régir
& adminiftrer ledit Diocéfe , ainfi qu'il eſt
de tout tems accoûtumé. Si mandons aux
Archiprêtres de fainte Marie - Magdeleine &
de faint Severin , & aux Doyens ruraux du
Diocéfe de Paris qu'ils ayent à notifier ces
Préfentes à tous Abbés , Chapitres , Curés
Convents & Communautés de cette Ville &
Dlocéfe , & autres qu'il appartiendra , à ce
qu'ils n'en ignorent & ayent à s'y conformer
; & fera notre préfent Mandément lû ,
publié & affiché . En foi de quoi nous avons
fait appofer à ces Préfentes le Scel de notre -
dite Eglife , & icelles figner par notre Secré
taire ordinaire. Donné à Paris en notre
Chapitre le 21 Juillet 1746. Pár Ordonnance
de Mefdits fieurs les Doyen , Chanoinés
& Chapitre de l'Eglife de Paris . Robert
, Secrétaire du Chapitre.
AUTRE de Meffieurs les Doyen , Cha
>
JUILLET 1746. 149
noines & Chapitre de l'Eglife de Paris , pour
Ja nomination & inftitution des Officiers de
l'Officialité du Diocèfe de Paris , le Siege vacant.
Les Doyen , Chanoines & Chapitre de
l'Eglife de Paris , au Clergé Séculier & Régulier
, & aux Fidéles de ce Diccèſe , Salut.
Vous avez été informés par notre Mandement
du 21 de ce mois , que nous avons
nommé & inftitué des Vicaires Généraux
paur régir & adminiftrer en notre nom l'Archevêché
de Paris , le Siége vacant. Et comme
il n'eft pas moins néceflaire que vous
foyés informés du choix que nous avons fait
de ceux qui doivent exercer en notre hom
la Jurifdiction contentieuse pendant la va→
cance du Siége Archiepifcopal , nous vous
faiſons fçavoir que ledit jour 21 de ce mois
nous avons nommé & inftitué Meffieurs Nicolas
Regnauld , Archidiacre de Paris Offi-
´cial Diocéfain , Louis - Charles Baudouin
Vice-gerent , Pierre de la Chaffe ſous-Chantre
Official Métropolitain , Claude Robert
Vice-gerent , Nicolas Jeanfon Théologal
Promoteur en l'une & l'autre Officialité , tous
Chanoines de notre Eglife , & Me Claude-
Philippe-Romain Gervais Avocat en Parlement
, Greffier : tous lefquels ont été inftallés
au Prêtoire de l'Officialité en la maniere
accoûtumée . Et afin que ces Préfentes
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
foyent notoires , avons ordonné qu'elles feront
publiées & affichées dans tous les quartiers
de cette Ville , même dans le fauxbourg
Saint- Germain. Donné à Paris en notre
Chapitre extraordinairement aſſemblé ,
le Samedi 23 Juillet 1746 , par Mellieurs
les Doyen , Chanoines & Chapitre de l'Eglife
de Paris , Robert , Secrétaire .
AUTRE de Meffieurs les Vicaires Généraux
du Chapitre , & Archidiacres de l'Eglife
de Paris , Administrateurs de l'Archevêché ,
le Siege vacant : portant ordre de faire des
prieres & fervices pour le repos de l'ame de
feu Monfeigneur Jacques- Bonne Gigault de
Bellefont , Archevêque de Paris.
Les Vicaires Généraux du Chapitre &
Archidiacres de l'Eglife de Paris , Adminif
trateurs de l'Archevêché de Paris , le Siége
vacant : Aux Arcipretres de fainte Marie-
Magdeleine & de faint Severin , & aux
Doyens ruraux du Diocéfe , Salut .
Le Pafteur que Dieu avoit appellé à la
conduite de ce Diocéfe vient de nous être
enlevé prefqu'auffitôt qu'il nous avoit été
donné . Son gouvernement a été fi court ,
qu'il a pû dire avec le Prophête , à la vûe
du coup imprévu qui l'a frape : Seigneur
-vous m'avez élevé , & dans le même inftant
vous avez brife & détruit votre propre ouJUILLET
1746. 151
rage ; mes jours fe font diffipés comme une
ombre fugitive , qui difparoît tout-à coup ,
leur durée a été femblable à celle de l'herbe
qui croît dans les prairies , & quife deffeche
bientôt après.
Rien de plus trifte & de plus attendriffant
qu'un pareil ſpectacle , mais en même tems
rien de plus propre à nous édifier
que les
fentimens dans lesquels ce Prélat a enviſagé
fon dernier moment. Dès qu'il fut inftruit
de la nature de fa maladie , avant même
que ceux qui l'environnoient , regardallent
fa mort comme prochaine , il crut devoir s'y
préparer par la réception des derniers Sa
cremens , par de continuels retours vers
Dieu , & par le génereux facrifice de fa vie.
"
Adorons les deffeins de la divine Providence
, qui a fait évanouir fi promptement
les efpérances que nous avions conçues du
gouvernement d'un fi digne P'afteur. Et pour
nous acquitter de ce que nous devons à fa
mémoire , offrons des voeux & des Sacrifices
, afin qu'il jouiffe dans le fein de Dien
du repos que lui ont juſtement mérité cette
application & ce zéle aufquels il s'étoit tel-
⚫lement livré , que nous avons lieu de croire
qn'il en a été la victime.
A ces cauſes , nous avons ordonné & ordonnons
que dans les Eglifes de ce Diocéfe ,
Seculiéres & Réguliéres , exemptes & non
Giiij
152 MER CURE DE FRANCE.
exemptes , il fera célebré une Meffe folemnelle
, précedée la veille de Vêpres & de Vigiles
, pour le repos de l'ame du Prélat que
nous venons de perdre , & que pendant trois
jours les Prétres réciteront à la Meſſe la
Collecte , Deus , qui inter Apoftolicos Sacerdotes
, avec la Secrette & la Poftcommunion ,
Nous recommandons à tous les Fidelles de
ce Diocéfe de joindre leurs priéres particuliéres
à celles du Clergé. Si vous mandons.
&c.
ORDONNANCE de Meffieurs les
Vicaires Généraux du Chapitre , & Archidiacres
de l'Eglife de Paris , Administrateurs
de l'Archevêché , le Siége vacant.
Les Vicaires Généraux & Archidiacres ,
Adminiftrateurs de l'Archevêché de Paris ,
le Siége vacant : Au fieur Curé de faint Sulpice
, à tous Prêtres , Recteurs , Supérieurs
& Supérieures des Eglifes , Monaftéres
Hôpitaux , Communautés Séculiéres & Réguliéres
du Fauxbourg Saint - Germain
Salut.
>
Le Promoteur Général de l'Archevêché
de Paris , le Siége vacant , nous a repréſenté
, que par un Imprimé qui a pour titre ,
Mandement du Grand- Prieur de l'Abbaye
Royale de S. Germain - des- Prés , immédiate an
aint Siége , exerçant la Jurifdiction ſpirituelle
JUILLET 1746. 155
dans le Fauxbourg Saint - Germain , le Siege
vacant , en date du 21 du préfent mois , le
lendemain du decès de feu Monfeigneur
l'Archevêque de Paris ; l'auteur dudit Imprimé
fe difant Vicaire Général de S. A. S.
Monfeigneur le Comte de Clermont , Prince
du Sang , Abbé de S. Germain-des-Prés ,
auroit enjoint au ſieur Caré de faint Sulpice
, & à tous Prêtres , Recteurs , & Supérieurs
des Eglifes & Communautés dudit Fauxbourg
, de faire des prieres publiques pour
le repos de l'ame de feu Monfeigneur l'Archevêque
de Paris , & auroit ordonné de
publier & afficher ledit Mandement par
tout où befoin feroit : Qu'une telle entrepriſe
eft un attentat manifefte aux droits
du Chapitre de l'Eglife de Paris , à qui feul
appartient la Jurifdiction dans tout le Diocéle
même dans l'étendue du Fauxbourg
Saint-Germain , pendant la vacance du Siege.
A ces caufes nous requeroit ledit Promoteur
de déclarer nuls & attentatoires ledit
Imprimé en forme de Mandement , tous
autres actes de Jurifdiction (pirituelle fur le
Fauxbourg Saint Germain , qui pourroient
émaner de la part dudit Prieur & de toute
autre part que de celle des Adminiſtrateurs
de l'Archevêché de Paris le Siége vacant ,
& de faire inhibitions & défenfes tant audit
fieur Curé qu'à tous autres , de les mettre
>
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
à éxécution , fous les peines de droit .
y
Vu ledit Imprimé qui a pour titre :
Mandement du Grand Prieur de l'Abbaye
Royale de Saint Germain- des Prés immédiate
au faint Siége , exerçant la Jurifdiction fpirituelle
dans le Fauxbourg Saint-Germain , le
Siege vacant , en date du 21 du préfent
mois enfemble le préfent requifitoire :
Nous fufdits Vicaires Généraux & Archidiacres
, Adminiftrateurs de l'Archevêché de
Paris le Siége vacant , avons déclaré & déclarons
tant ledit Mandement que tous au
tres actes qui pourroient étre faits pendant
la vacance du Siége par l'autorité dudit Prieur
ou en vertu de toute autre autorité que
celle du Chapitre de l'Eglife de Paris , fous
prétexte d'une Jurifdiction fpirituelle fur
edit Fauxbourg pendant ladite vacance ,
nuls , téméraires , & attentatoires à l'autorité
du Chapitre de l'Eglife de Paris , le Siége
vacant. Vous faifons inhibitions & défenfes
de les mettre à éxécution , fous les peines
de droit : vous enjoignons fous les mêmes
peines de vous conformer à notre Mandement
du jour d'hier z ; du préfent mois
Et fera notre préfente Ordonnance lue , publiée
& affichée par tout où befoin fera ,
même dans ledit Fauxbourg Saint- Germain.
Lonné à Paris le 24 Juillet 1746 ,› par Ordonnance
de mefdits Sieurs les Vicaires Généraux
& Archidiacres , Robert , Secrétaire,
JUILLET 1746. 155
PRISES DE VAISSEAUX.
LECorfaire le Comte
E Corfaire le Comte de Maurepas , do
S. Malo commandé par le Capitaine
Blondelas y eft rentré avec le Navire la Depefche
de Briftol.
Le Capitaine Gobin commandant un autre
Corſaire nommé la Salle du même Port ,
y a mené le Navire le Jean de Jerſey,
On a reçu avis de Morlaix, que le vaiffeau
la Comteffe de la Marckmonté par le CapitaineAnthon
, s'eft emparé des bâtimens ,laFidelité
& le Rochester , & qu'il a rançonné pour
cent livres fterlings le Navire la Marie de
Falmouth.
Le Bâtiment l'Anne Galley de Londres
chargé de fucre , de caffé , de cacao & d'au
tres marchandiles a été conduit à Granville
par le Corfaire le Grand Grenot que monte
le Capitaine Clement .
Suivant les avis reçus de Dieppe le Capitaine
Flahaut qui monte le Corfaire la
Mauve , s'eft rendi maître du Corfaire le
Fox de Guernefy & du Navire la Providence
de Jerſey.
On apprend du Havre que le Navire le
Charmant Polley a été prisar le Corſairele
G vj
156 MERCURE DE FRANCE
H
Dauphin que commande le Capitaine Cauchois.
Les Coifaires l'Attrape fi tu peux & la Marie
Bernard font arrivés à Boulogne avec le
Navire Anglais la Princeffe Caroline de 145
tonneaux , dont la carguaifon eft compofée
de fucre & de coton.
Les Lettres de Bordeaux marquent que
le Corfaire la Marquise de Tourny y a fait
conduire le Corfaire le Levrier de Jerſey.
On a été informé par celles de Bayonne
que les Corfaires la Levrette & l'Alexandre
de ce Port on pris les Navires le Dauphin
de Londres , chargé de falaiſons , & le Yarmouth
, à bord duquel il y avoit une grande
quantité de fucre.
O nous a pries dinferer dans le Mercure
l'article qui fuit.
A
Yant été imprimé dans les Editions des
nouveaux Mémoires de Sully , page
21:38 216 de l'édition in- 12 , qu'un d'Efpueilles
, qu'on y traite de lâche Gouver-
,pour avoir mal defendu S. Bafile contre
le Duc de Mayenne , étoit de la Maiſon
de Courtenay , Madame de Beaufremont
qui refte feule de fa maiſon , fenfible à l'honneur
de fon nom s'eft plainte de l'outrage
JUILLET 1746. 157
qu'on y faifoit & en a écrit à M. le Duc de
Sully , qui en a fait fes plaintes à l'Editeur
lequel lui a repondu que c'étoit une faute ,
ou du Copiſte ou de l'Imprimeur , & a promis
de faire changer cette méprife à la premiere
Edition defdits Mémoires de Sully.Les
anciens Mémoires deSully imprimés à Rouen
en 1663 , qui fevendent à Paris au Palais chés
Thomas Jolly , prouvent que le fieur Def
pueilles n'étoit point de la Maifon de Courtenay,&
font d'accord avec Madame de Beaufremont,
on trouvera la preuve dans la généalogie
de la Maifon de Courtenay par M. Dubouchet
imprimée à Paris en 1661 dediée &
préſentée au feu Roi , que jamais Prince de
Courtenay n'a porté le nom de d'Efpneilles .
Create devant Saint- Guilain pouren con- Harleroy a été inveſti le 16 , & il n'eft
continuer le fiége , que quatre bataillons
aux ordres du Marquis de la Farre , Lieutenant
Général. La Garnifon qui a défendu.
Mons en étant fortie le 13 de ce mois pour
être conduite dans le Hainaut , on a fait.
entrer dans cette Place quatre bataillons.
Le 12 il y eut une efcarmouche entre
un détachement de Huffards de l'armée du
Roi & un de celle des alliés. Un autre détachement
de cette derniere attaqua le 14
une grand- Garde , mais il fut obligé de fe
18 MERCURE DE FRANCE.
retirer avec précipitation. La Maiſon du
Roi eft reftée le long de la rive droite
de l'Escault depuis Dendermonde jufqu'à
Vibroeck , à portée de joindre en huit heures
l'armée de fa Majefté. Le Corps de troupes
, qui avoit marché à Braine le Comte &
à Soignies , & qui eft commandé par le Duc
de Boufflers , Lieutenant Général , s'eft
porté le 15 à Malines , pour camper près
de cette Place , & par cette pofition il pourra
joindre l'armée , s'il eft néceffaire , ou fe
rendre fur la Durme , & couvrir Anvers , fi
les ennemis veulent former quelque entrepriſe
contre cette Place. Leur Infanterie
s'eſt avancée à la tête des bruyeres de Breda
, & une partie de leurs troupes legeres
eft venue fe pofter entre Turnhout , Berin
ghem , Ageel & Mool ,tant pour obferver la
droite de l'armée du Roi , que pour veiller
fur la Demer , mais leur Cavalerie eftreftée
dans le camp de Ter- Heyden Les Partis
d'Infanterie , par lefquels le Maréchal Comte
de Saxe fait batt e fans ceffe la campagne ,
ont empêché jufquà préfent les Huffards
ennemis de prendre aucun établiffement
dans le Baffin d'Anvers. Quoique lordre
donné par le Feldt- Maréchal Comte de Bahiany
& par le Prince de Waldeck, de conftruire
des fours à Maetricht & à Ruremonde
, annonce qu'ils penfoient à faire un mouJUILLET
1746. 859
:
vement vers la Meufe , on ne peut encore
former aucune conjecture certaine fur leur
véritable deſſein. Ils paroiffent craindre que
les troupes Françoifes , qui ont formé un
camp de l'autre côté de Louvain près l'Abbaye
du Parc , ne tentent de leur couper
la communication avec les troupes qui viennent
du Rhin fous les ordres du Prince de
Lobckowitz , & dont il n'y a encore que
deux Régimens de Huffards, qui ayent joint
l'armée des All és.
Sur l'avis que les ennemis marchoient
vers Endhoven , l'armée du Roi décampa
de Liere le 19 de ce mois , & ayant paffé la.
Dyle fur quatre colonnes , elle alla fe pofter
derriere cette riviere , la droite à Rouffelaër
& la gauche à Eure. Le Maréchal Comte de
Saxe établit le Quartier général à Velplaër ,
& il fit mafquer le pont de Vikmole par les
Croates , & celui de Rouffelaër par le Régiment
de Beaufobre. Dans le mouvement
que fit l'armée pour fe rendre à ce camp ,
les troupes de l'arriere - garde furent commandées
par e Vicomte du Chayla & par
le Comte de Loigny Montmorency , & elles
ne découvrirent que quelques Huffards qui
fe tinrent toûjours à une certaine diſtance.
En même tems que le Maréchal Comte de
Saxe quitta les environs de Lierre , le corps
de troupes qui eft fous les ordres du Comte
160 MERCURE DE FRANCE
de Clermont , & qui a été renforcé de la
Brigade de Crillon , paffa la Demer , & fe
porta à Piclar entre Arfchot & Zichem. Ce
dernier endroit fut occupé par le Régiment
de la Morliere que le Comte de Clermont
deux jours auparavant avoit fait avancer à
Vecteren , & le Régiment de Graffin entra
dans Diet , qu'il trouva abandonné . Pour
être à portée de marcher fur la Geſte , en
cas que les ennemis vouluffent s'approcher
de Haffelt , le Maréchal Comte de Saxe ordonna
de jetter des Ponts entre Louvain &
Vikmole. Cette précaution étoit d'autant
plus néceffaire qu'on n'étoit point certain fi
les Généraux des alliés vouloient aller du
côté de la Meufe , ou fi leur mouvement
n'étoit pas une feinte pour s'approcher d'Anvers
. Ces Généraux par leurs difpofitions
n'ayant pas laiffé lieu de douter qu'il n'euf
fent le deffein de prendre le premier parti ,
le Maréchal Comte de Saxe fit repaffer hier
la Dyle à l'armée fur cinq co lona &
elle campa fur deux lignes , le centre à
l'Abbaye du Parc , la gauche à Wlivvlierbeck
, & la droite mafquant le chemin de
Mecodal. L'artillerie fut parquée fur le glacis
de Louvain à droite de la Porte de Tirlemont.
La Brigade des Gardes dans
Louvain , les Carabiniers & le Régiment
de Dragons de Septimanie , au Pont d'Eure,
JUILLET 1746. 161
C
le Régiment de Beaufobre près de Bubek ,
* & les Uhlans à Alvertrick. Le Maréchal
Conte de Saxe ayant voulu avoir plus près
de lui la Maifon du Roi , elle vint camper le
24 entre Noffeghem & Corteberg , & par
cette pofition elle pourra proteger la com-
Emunication de Bruxelles. Toute l'armée ,
commandée par le Prince de Conty , eft devant
Charleroy , à l'exception du corps détaché
fous les ordres du Comte d'Eftrées
& de celui avec lequel le Marquis de la Farre
a fait le fiége de Saint Guilain.
D
Le Prince de Heffe-Philips- Thal , commandant
des troupes Hollandoifes qui étoient
en Garnifon dans Mons , a dépêché
aux Etats Généraux le fieur Dophf , Capitaine
dans le Régiment de Canifius , pour
les informer que le 10 de ce mois le Comte
de Nava , qui commandoit dans la Place
pour la Reine de Hongrie , avoit été obligé
de faire arborer le Drapeau blanc. On eft
convenu par la Capitulation , que la Garnifon
feroit prifonniere de guerre , & que
tous les Militaires , qui le trouveroient dans
la Ville, fubiroient le même fort , quoiqu'ils
ne fuffent pas de la Garniſon ; que la Porte
d'Havré feroit remife aux troupes Franço
fes , mais que çoiſes , le Prince de Conty empêcheroit
que les foldats n'entraflent dans la
Ville tant que la Garnifon y refteroit; qu'elle
62 MERCURE DE FRANCE.
en fortiroit le 13 avant-midi , pour être con
duite dans les lieux , où il plairoit à ſa Majefté
Très- Chrétienne d'ordonner ; que les
Officiers conferveroient leurs équipages , &
qu'on leur fourniroit la facilité de les faire
tranfporter , que les malades & les bleffés
refteroient dans la Ville ; qu'ils y feroient
foignés aux dépens de leurs Souverains , &
que les Généraux , aux ordres defquels ils
font , pourroient leur laiffer les Médecins &
les Chirurgiens néceffaires , lefquels conformément
au cartel , figné à Francfort le 8
Juillet 1743 ne feroient point prifonniers ,
qu'il feroit permis à un nombre d'Officiers ,
proportionné à celui des foldats malades ou
bleffés , de demeurer dans la ville pour veiller
tant fur leurs interêts que fur leur conduite
, qu'on accorderoit en route à la Garnifon
les étapes , de même qu'aux troupes
Françoiſes , à condition que tout ce qui lui
feroit fourni , feroit remboursé par la Reine
de Hongrie & par cette République ; que
les Officiers Généraux & les Brigadiers des
troupes de la Gatnifon , ainfi què les Officiers
de l'Etat Major de la Place & les Ingenieurs
, auroient la liberté de fe retirer
où bon leur fembleroit , en donnant leur
parole d'honneur de ne point fervir jufqu'à
ce qu'ils fuffent échangés ; que les Officiers
& les foldats de la Garnifon feroient échan
JUILLET 1746. 163
•
gés ou rançonnés , le plûtôt qu'il feroit poffible
, fur le pied du Cartel de Francfort ,
qn'il feroit remis un état exact des chevaux
de toutes les troupes de Cavalerie : & que
s'il y en avoit eu quelques - uns d'achetés ou
de changés depuis le commencement du fiege
, ils feroient rendus par les Officiers ou
par les Bourgeois qui les auroient achetés
ou troqués ; que le Comte de Nava & le
Prince de Heffe Philips-Thal laifferoient des
ôtages & donneroient caution , foit pour les
dettes du Fifc , foit pour celles des troupes ;
que la Reine de Hongrie tiendroit compte
des défordres que les troupes pouroient,
avoir commis dans les villages de France
foumis aux contributions , & qui ont payé
fidélement chaque terme ; que les magafins
de vivres & de munitions de guerre fans aucune
exception feroient livrés au Commiffaire
autorifé pour cet effet par le Prince de
Conty ; que les femmes , enfans & domeſ
tiques des Officiers & autres , pourroient
fortir de la ville , en même tems que la Garnifon
ou dans le terme de fix mois avec
leurs meubles & effets , & qu'il leur feroit
donné gratis des paffeports & des eſcortes ;
le Directeur de la Pofte & fes Commis
ne feroient inquiettés en aucune façon au
fujet de leur adminiftration , non plus que
pour les commiffions dont ils auroient pâ
que
164 MERCURE DE FRANCE.
être chargés , mais qu'ils feroient obligez de
fe retirer avant le 15 du mois prochain ;
que tous les meubles & les équipages du
Duc d'Aremberg , Grand Bailly du Hainaut
, & Gouverneur de Mons , y refteroient
fous la garde des Domeſtiques prépolés
à cet effet , & que lorfqu'il le défireroit
, on lui fourniroit des paffeports ,
des eſcortes & des voitures , pour les faire
tranfporter . Le Comte de Nava & le Prince
de Heffe Philips - Thal avoient demandé
qu'il fût accordé à la Garnifon deux Chariots
couverts , qui ne puffent être vifités
fous aucun prétexte ; que les Officiers &
foldats de la Garnifon , faits prifonniers pendant
1 : fiege, fuffent échangés contre les prifonniers
que la Garnifon avoit faits fur les
Affiégeans avant la reddition de la Place ,
& que les foldats des troupes de la Garnifon
ne puffent être mis dans des prifons ou autres
lieux fermés lorfqu'ils feroient arrivez aux
lieux où il plairoit à Sa Majesté Très - Chrétie
ne de les faire conduire. Les deux premiers
articles ont été refufés , & le Prince de
Conty a répondu fur le troifiéme ,,
que le
Roi en ordonneroit , mais que les traitements
faits aux Garniſons des autres
Places dont Sa Majesté Très-Chrétienne s'eft
emparée , devoient raffurer la Garniſon fur
celui qu'on lui feroit éprouver. Ce Prince a
JUILLET 1746. 165
donné au Comte de Nava une peuve d'efti.
me particuliere , en confentant qu'il ne fût
point prifonnier de guerre , & qu'il pût à
fon choix rendre libre un Officier au deffous
du grade de Colonel . Les troupes Hollandoifes
qui étoient en garnifon dans Mons ,
étoient compofées des Regiments d'Infanterie
de Kinfchot , de Swanembourg , de
Schwartzemberg , de Bronckhorft , de Mulert
& d'Oranhe Groningue , & de trois Efcadrons
du Régiment de Dragons de Matha.
Il n'y a eu , tant de ces troupes que du
refte de la Garnifon , que 400 hommes tués,
bleflés ou faits prifonniers pendant le fiege.
Le 9 de ce mois à deux heures après midi
, Philippe de France , Roi d'Efpagne &
des Indes , mourut prefque . fubitement au
Palais de Buen Retiro , dans la 45e , année
de fon regne. Il étoit âgé de foixante & deux
ans , fix mois & vingtjours , étant né le 19
Décembre 1683 , & il étoit le fecond
fils de Louis Dauphin, & de Marie Anne
de Baviere , & oncle du Roi Ce Prince
portcit le nom de Duc d'Anjou , lorſ
que Charles II le déclara fon heritier univerfel.
Etant parti de Verfailles le 4 Décembre
1700 pour aller prendre poffeffion
de cette Couronne , il arriva à Madrid le 17
-Février de l'année fuivante,&il. fut proclamé
Roi fous le nom de Philippe V dans tous
166 MERCURE DE FRANCE.
les pays de la Monarchie d'Efpagne. Pendant
quelques années il ne put jouir paifiblement
de fes Etats , & il eut une vive
guerre à foutenir , mais il fut reconnu Roi
d'Efpagne & des Indes par la Grande Bretagne
& par la Hollande en 171-3 , & par
l'Empereur Charles VI en 1725. Le 15 Janvier
de l'année précedente il avoit abdiqué
la Couronne en faveur de Louis , Prince
des Afturies , & s'étoit retiré au Château
de Saint Ildephonfe , mais le jeune Roi
étant mort quelques mois après , Philippe V
reprit le Gouvernement de cette Monarchie.
Il avoit été marié en 1701 à Marie-
Louife - Gabrielle de Savoye , fille du feu
Roi de Sardaigne Victor Amedée , née le
17 Septembre 1685 , & morte le 14 Fevriér
1714 , & dans la même année il époufa
en fecondes noces Elifabeth Farneſe , fille
d'Odouard Farnefe II Duc de Parme & de
Plaifance , née le 25 Octobre 1692. De
fon premier mariage il a eu Louis I Roi
d'Efpagne & des Indes , né à Madrid le 25
Août 1707 , & mort dans la méme ville le
31 Août 1724 ; Don Philippe Infant d'Efpagne,
né le 2 Juillet 1709 & mort le 8 du
même mois ; Don Philippe- Pierre - Gabriel
Infant né le 7 Juin 1712 , mort le 29 Décembre
1719 , & Ferdinand né le 23 Septembre
1713 , qui par la mort des Princes
JUILLET. 1746. 167
·
fes freres ainés étant devenu Prince des Af
turies , vient de fucceder àla Couronne fous
le nom de Ferdinand VI. Philippe V a eu
de fon fecond mariage le Roi des deux Siciles
, né le 20 Janvier 716 ; Philippe Infant
né le 15 Mars ; 1720 Louis- Antoine-Jacques
Infant , Cardinal , Archevêque de Tolede
& de Seville né le 25 Juillet 17273 Marie-
Anne -Victoire Infante , née le 30 Mars
1718 , mariée le 19 Janvier 1729 au Prin
ce du Brefil ; Marie- Th refe-Antoinette-
Raphaëlle Infante , née le Juin 1726 , mariée
l'année derniere à Monfeigneur le Dauphin,&
morte le 22 de ce mois & l'Infante
Marie-Antoinette Ferdinande , née le 17 Novembre
1729. L'Infant Don François né dų
même mariagele 21 Mars 1717 eft mort le
25 du mois d'Avril fuivant. Le zéle d Philippe
V pour la Religion & fon attachement à
l'obſervation de tous les devoirs qu'elle preſ
crit; la fermeté heroique & chrétienne qu'il
fait éclater dans les plus grandes adverfités ,
& les preuves qu'il a données defon intrep:-
dité dans les occafions les plus perilleuses ,
particulierement dans les batailles de Luzara
& de Vil aviciofa , l'ont fait refpecter de
toute l'Europe. La tendreffe paternelle qu'il
a témoignée conftament pour fes fujets ; fon
attention continuelle à procurer leur bonheur
& leur repos , autant que les circonf
168 MERCURE DE FRANCE.
tences l'ont permis ; fon amour pour la juf
tice & l'exactitude avec laquelle il a fait obferver
les loix ; la fageffe des reglements
qu'il a faits pour proteger & pour augmenter
le commerce ; le grand nombre d'établiffements
dont les fciences & les arts lui
font redevables , rendront à jamais fa mémoire
chere à l'Espagne. Le corps de ce
Prince doit être inhumé dans l'Eglife Collegiale
de Saint Ildelfonſe , ainfi qu'il l'a ordonné
par fon Teſtament , qui a été ouvert
avec les cérémonies accoûtumées . On ne
peut exprimer par des termes affés forts la
douleur dans laquelle la perte que l'Eſpagne
vient de faire , a plongé le Roi & toute la famille
Royale. La Reine Douairiere n'a point
quitté le Palais du Buen Retiro , & elle reçoit
de frequentes vifites de la Reine,
JOURNAL
JUILLET 1746. 169
¿EXGES EXHESEXSEX
JOURNAL
Du fiége de Charleroy du 28 au 29. Juillet.
LAtranchée a été ouverte en trois endroits
' differens devant Charleroy la nuit du
23 au 19 Juillet au centre devant le Poligone
des Baftions d'Orleans & de Dauphin
par M. de la Farre Lieutenant Général , M.
le Duc de Brifac Maréchal de Camp , 1200
travail eurs foutenus du premier & du troifiéme
bataillons de Navarre & deux compagnies
de Grenadiers.
Les travailleurs conduits par la demie.
Brigade des Ingenie rs de Franquet commandée
par M. de S. Paul Sous- Brigadier ,
ont fait 2 paralleles en deçà du Ravin des
petits étangs de 420 toiles de lo gueur visà-
vis la redoute des payfans ; la premiere
parallele traverſe le Ravin par fa droite &
joint la feconde qui eft appuyée par fes extrémités
au fufdit Ravin , & à celui en avant
dit des grands étangs ; ele a 350 toifes de
longueur & par fa gauche elle eft à 9ʊtofes
de la Redoute ; la communica: on à
ces paralleles par la droite a 350 toifs de
Longueur, de forte que la longueur totale du
H
170 MERCURE DE FRANCE,
travail fait cette nuit à l'attaque de Montigny
eft de 1120 toifes ; il n'y a eu que deux
Eommes bleffés.
A la droite la tranchée a été ouverte par
M.de la Motte Houdancorrt Lieutenant gé
néral & par M. de Fontenay Brigadier, 1200
travailleurs foutenus du premier & troifié.
me Bataillons de Mailly & quatre Compa
gnies de Grenadiers.
Les travailleurs conduits par la premiere
demie Brigade d'Ingenieurs de Franquet ont
fait vis à- vis les redoutes avancées du front
de la porte de Bruxelles une parallele d'environ
300 toifes de longueur à 40 toifes de
diftance du faillant de la Redoute la plus
avancée. Les communications de cette paral
lele à la droite & vers le centre ont enfemble
160 toifes & tout le travail 460 .
Le feu a été plus vif dans cette partie
qu'aux autres , il y a eu environ 50 hommes
tués ou bleffés , M. de Verville chef de
Brigade a eu le bras percé d'un coup de
biſcayen.
La tranchée a été ouverte à la gauche visà
-vis la porte de Mareinelle de la baffe-ville
par M. de Maubourg Lieutenant Général &
M. de la Motte Brigadier, 600 travailleurs
foutenus par un Bataillon & deux piquets de
Dragons.
Les travailleurs commandés par la pre
JUILLET 1746 171
<
miere demie Brigade de Chaville ont fait
une paral ele de 270 toifes de longueur dont
la droite eft appuyée à la Sambre , & traverfe
par la gauche la chauffée de Mareinelle
, laiffant derriere elle la bariere de l'avancée
; les communications à cette parallele
ont 360 toifes de longueur & tout le
travail 60 dont la plus grande partie eſt à
la fappe à caufe de la proximité de la redoute
qui n'eft diftante de la parallele que
d'environ
80 toiles , & malgré le feu vif des ennemis
il n'y a eu ni tués ni bleffés.
Du 29 au 30 attaque de Montigny du centre.
La tranchée a été relevée le 29 par, M. le
Comte de Ségur Lieutenant Général M. de
Pumbeck Brigadier , deux Bataillons & deux
compagnies des Grenadiers Auxiliaires .
Quatre cent travailleurs conduits par une
demie brigade d'Ingenieurs commandée par
M. du Portail Brigadier ont perfectionné les
deux paralleles de la nuit précedente , prolongé
la feconde de 80 toiſes vers la redoute
des payfans qui ne s'en trouve éloignée
que de trente à quarante toifes , on a aufſi
prolongé la communication de deux
cent toifes , & l'on a travaillé à l'emplacement
des batteries néceffaires , l'une
au centre de la premiere pa allele , deux à
J'extrêmité de la feconde , & une derniere ;
celle- ci fera deftinée à ruiner les défenfes &
172 MERCURE DE FRANCE.
prendre les ricochets fur le front attaqué,
Attaque de la porte de Bruxelles ou de la
droite.
M. de la Cofte Meffeliere , Maréchal de
Camp a relevé la tranchée avec deux Bataillons
& deux Compagnies de Grenadiers auxiliaires
; 500 travailleurs conduits par une
demie Brigade d'Ingénieurs, commandée par
M. de la Cheze , fous- Brigadier ont perfe-
Aionné le travail de la nuit précédente , &
prolongé de so toifes à la fape la gauche de
la parallele , dans laquelle on a placé deux
mortiers , & prolongé pareillement de 150
toifes la communication de la droite. Il y
a en trois hommes bleffés , dont un Officier
de Mailly, & deux foldats , & un foldat tue.
eu
Attaque de Mareinelle ou de lagauche.
La tranchée a été relevée par M. le Comte
de baviere , Lieutenant Général, M. de Ruffe,
Brigadier , 2 Bataillons & 2 piquets de Dragons
. 300 travailleurs commandés par M.
Ploteau ont de même perfectionné le travail
fait la nuit précédente , prolongé la parallele
de 111 toifes fur la gauche , à l'extré
mité de laquelle on a commencé une batterie
pour battre de revers & d'enfilade le
JUILLET 1745- 1731
front attaqué de la baffe ville , tandis que
notre batterie vers le centre de cette paralleie
eft deftinée à ruiner la communication
& battre la redoute : on a de même prolongé
de 32 toifes la droite de cette para lele.
jufqu'à la Sambre , elle eft pareillement terminée
par une batterie qui enfilera la porte
& battra la redoute,
M. de la Rigaudiere , Capitaine au Régiment
de Soiffonnois , a été bleffé d'un coup
de fufil dans le bas-ventre , & il y a eu deuxfoldats
bleffés,
Du 30 au 31 Attaque de Montigni ou dy,
centre .
La tranchée a été relevée le 30 par M. de
Fénelon , Lieutenant général , M. de Rougel
, Brigadier , deux Bataillons , une Compagnie
de Grenadiers Auxiliaires , & un piquet
de dragons. 300 travailleurs conduits.
par une demie Brigade d'ingénieurs, aux ordres
de M. Damonville , ont prolongé la
gauche de la feconde parallele jufqu'à hauteur
du faillant de la redoute des payfans ,
& retournés de l'extrémité parallelement à
la face de la redoute d'environ cent toifes ,
ils ont embraflé auffi la face gauche de la
dite redoute , au pied de fon glacis fur 40
toiles de longueur , & fait une nouvelle ccm-
Hiij
14 MERCURE DE FRANCE ,
munication des deux paralleles de 70 de lon-.
gueur entre les deux étangs . On a perfectionné
les batteries , le mineur cft attaché
au ravin & chemine fur la redoute ; il eft enfoncé
de 18 pieds.
Attaque de la porte de Bruxelles on de l'a
droite.
La tranchée a été relevée par M. Duchâ
telet , Maréchal de camp , deux bataillons &
deux compagnies de Grenadiers auxiliaires ;
les travailleurs conduits par la demie brigade
d'Ingénieurs , commandée par M.le Che--
valier de Clermont , ont prolongé de 110
toifes la gauche de la parallele , pour foutenir
une batterie placée avantageulement derriere
, qui bat d'enfilade la face droite du
Baftion du Roi , celle de la contregarde &.
fon chemin couvert. Cette batterie eft de
cinq pieces. On en a établi deux autres, une
de trois , & une de quatre , vers le centre de
la paralele , pour battre ces deux redoutes
& la communication. Deux Officiers de
Royal Artillerie y ont été dangereulement
bleflés , & einq foldats.
Attaque de Mareinelle ou de la gauche.
La tranchée a été relevée par M. de LauJUILLET
1746 193
trec , Lieutenant général , le Prince de Guife
, Brigadier , un bataillon , une compagnie
de Grenadiers auxiliaires & un piquet de
dragons. Quatre cent travailleurs conduits
par une demie - brigade d'Ingénieurs , commandée
par M. de Filey , ont fait la com
munication directe en fappe debout & traverfe
tournante de la premiere paralelle au
chemin couvert de la redoute , au retour pa
rallel à une des faces , & un autre retour qui
communique en couvrant celui- ci fur le
milieu d'une des faces de ladite redoute
en 'traverfant fon foffé plein d'eau que l'on a
comblé.
M. de Roche , Lieutenant au Régiment
de Bourbonnois à la tête de 30 volontaires
foutenus de M. de la Merliere Capitaine
de Grenadiers du même Régiment, s'eft
rendu maître de cette redoute l'épée à la
main , en traverfant le foffé de zo toifes de
largeur , dans lequel il y avoit quatre pieds
& demi d'eau. On a fait 28 prifonniers , partie
Autrichiens , partie Hollandois , & un
Oficier qui la gardoit. Commê l'attaque de
cette redoute n'étoit pas abfolument certai
ne , on avoit commencé un travail pour s'en
approcher , partant de la premiere paralele
, & dirigée fur la barriere de la chauffée ;
it a 60 toiles de longueur. La communication
dont on a parlé en premier heu a 105
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE
toifes. Il y a eu deux hommes tués à cette
attaque , & fept bleffes .
Du 31 au 1 Août , Attaque de Montigny ou
du centre .
La tranchée a été relevée par M M. de S.
André , Lieutenant Général , & de la Motte
Brigadier , deux Bataillons , une compagnie
de Grenadiers Auxiliaires & un piquet de
dragons
.
la
Les travailleurs conduits par une demie-
Brigade d'Ingénieurs , commandée par M.
Duportail Brigadier , ont prolongé par
droite la fappe de la nit précédente de 45
toiles , &pouffé en avant une parallele partant
de la com.nunication de la redoute des
payfans , & qui pince le faillant du chemin
couvert de la redoute de Vauban . Cette parallele
fera jointe dans le jour avec la prolongation
dont on vient de parler ; elle a
120 toifes de longueur. On a de plus prolongé
la feconde parallele de 90 toiles du
côté de la Sambre , on a pareillement marqué
la communication de la redoute des
Payfans à fon extrémité vers la place , & l'on
s'eft logé dans la place d'armes faillantè du
chemin couvert de la petite redoute qui y
communique . M. de la Bretonniere , Ingénieur
volontaire , a été bleffé d'un coup de
JUILLET 1746. 177
feu au vifage ; 2 hommes tués & 12 bleffés
Attaque de la porte de Bruxelles.
La tranchée a été relevée par M.de Fien-
› Maréchal de camp , 2 Bataillons , 2
Compagnies de Grenadiers Auxiliaires. Les
travailleurs conduits par M. Ducorei !, Ingénieur
, ont fait la communication derriere
les batteries du centre , elles ont enfemble
cent toifes de longueur , & l'on a perfectionné
le travail de la nuit précédente.
Il y a eu trois travailleurs bleffés.
Attaque de Mareinelle.
M M. de Coigny , Lieutenant Général , &
de Fontenay , Brigadier , ont relevé la tranchée
avec un Bataillon , une compagnie de
Grenadiers auxiliaires , & un piquet de
Dragons.
Les travailleurs conduits par une demiebrigade
d'Ingénieurs , commandée par M.
de Saracher , Chef de brigade , ont perfectionné
les communications parallelement à
la face , & venant s'appuyer à la Sambre par
un bout de parallele ; on a fait auffi le paffage
du foffé de la petite redoute dont on
s'eft emparé , & l'on's'y eft logé. Il y a eu 2
foldats bleffés .
HY.
178 MERCURE DE FRANCE.
La garnifon qui étoit dans la ville baffe ,
l'évacua le fur les quatres heures , & monta
dans la haute ; le magiftrat arbara fur le
champ le drapeau blanc & voulur fare quelques
propofitious , on lui déclara qu'on n'en
vouloit écouter aucunes ; fur ce refu , il bailfa
les ponts & ouvrit les portes & les troupes
s'en emparereat for le champ.
1 Le z M. de Chabannes ayant fair tater
les lunettes Vauban par quelques Grenadiers
foutenus de leurs Compagnies , ils les
ont emporté à la premiere tentative ; cette
ardeur a donné tant d'émulation aux troupes
des autres tranchées que tout ce qui étoit
commandé grenadiers, piquets & travailleurs
à marché aux ouvrages avec une fermeté
& une vivacité incroyable rien n'a réfifté à
leur impétuofité , les travailleurs ont pénétré
dans l'ouvrage à corne de Namur entre
le Sambre & la haute ville , les Grenadiers
Ics
y ont fuivis malgré le feu des ennemis ,
& l'affaut auroit été donné au corps de la
place fi M. de Chabannes & de Nicolai n'avoient
employé toute leur autorité , à contraindre
les foldats de fe retirer des Paliffades
du chemin couvert . Cette audacea tellement
intimidé lennemi qu'il a fur le champ arboré
le drapeau blanc .
La capitulation vient d'être fignée &
la garniſon eft prifonniere de guerre,
JUILLET 1746. 172
Il y a eu un Officier tué & trois Soldats 3
Officiers & 11 Soldats bleffés .
J.Ai
LE COUSIN.
FABLE.
A M. LETEXIER.
Ai promis une fable , & j'y vais atisfaire :
Bonne digne de toi ? ... je n'aurois p/ la faire
Je n'entends acquitter ici que la moitié
De la dette que j'ai trop vite contractée .
Si la piece n'eft pas goutée ,
Ne t'en prends qu'à ton amitié
De me l'avoir follicitée ;
J'éprouve en cette occaſion
Que l'efprit aisément ſe fait illuſion
Lorfque l'ame eft bien affectée.
Un infecte , de ceux que l'on nomme Coufitis.
Avoit eu le fecret de fe mettre à la mode,
Quoiqu'un bour onnement auffi fou qu'incommode
Lerendit redoutable à fes plus chers voisins.
Dans les bofquets , dans les prairies
Les foirs il voloit tour à tour ,
N'épargnant en faiſant ſon tour
Hvj
180 MERCURE DE FRANCE
Ni les hôtes des bergeries
Ni ceux des châteaux d'alentour.
Quand il vit , en faifant fa ronde ,
Que fon bruit importun n'étoit point évité,
même d'un certain monde Et
que
Il amufoit l'oifiveté ,
Ce fuccès lui donna de la témerité ;
Au bruit il joignit la piqûre ;
Il divertit encor ceux qu'il ne piquoit pas ;'
Car du mal d'autrui l'on n'a cure ,
Et même les malins y trouvent des appas.
Ceux là donc n'en firent que rire ,
Mais les gens offenfés le prirent tout de bon ,
Et par malheur pour notre fire ,
Il ofa piquer un barbon .
Rarement à cet âge , entend-t'on raillerie.
Notre bon homme prit la choſe au criminel :
Je te paffois , dit-il , ton caquet éternel ,
Effet de ton étourderie
Mais non content dans ta folie
D'étourdir tout le genre humain ,
Tu piques ? c'en eft trop , ô miferable engeance ;
Redoute ma jufte vengeance .
Si tu me tombes fous la main.
Que Fon pardonne au pet it maître ,
De quelque claffe qu'il puiffe être ,
(J'y comprens le Robin avec l'Abbé coquet )
L'ennuyeux perfifflage & le bruyant caquet
JUILLET 1748
C'eft fon lot ; le Ciel l'a fait naître
Pour être fot & freluquet ;
Mais que tant de fats qu'on renomme
Joignent les traits du méchant homme
Au rôle infipide du fot ,
C'en est trop , & fouvent pour leurs propos cauftiques
Ils mériteroient bien qu'on leur fit éprouver
Le petit accident que maints auteurs critiques
N'ont pas eu de nos jours le bonheur d'efquiver.
Par M. Peffelier.
*** ] || ** ]] ** [ [********** ]
A Mlle. D'AVIGNON
Pour l'engager à apprendre les regles de la
Poëfie Françoife.
LA NATURE ET L'ART.
FABLE.
Dans le fond d'un jar in , à côté d'un berceau ,
Sans foin , fans peine , fans culture ,
Naquit un charmant arbriffeau,
Enfant de la belle Nature ,
182 MERCURE DE FRANCE.
Mo éle digne du pinceau
Si le travail de la peinture
Pouvoit dignement rendre un ſi joli morceau.
Vous feriez , lui dit on , bien plus aimable encore
Si l'art dirigeoit vos rameaux ;
Permettez- donc qu'il vous décore ,
Et vous en recevrez mille charmes nouveaux .
Dans fes habiles mains tout vous fera poffible,
Que d'ar uites feront jaloux !
Vous êtes né doux & flexible ;
La moitié de l'ouvrage eft déja fait pour vous .
L'arbriffeau fe rendit , & bientôt fans obſtacle
Prenant du jardinier un agréable tour ,
D'ignoré qu'il étoit , il devint un ſpectacle
Pour les curieux d'alentour .
ENVOL..
Vous qui réuniffez la fageffe & les graces
Au talent naturel des enfans d'Apollon ,
De l'art daignez fuivre les traces,
Il guiderà vos pas dans le lacré vallon.
Il fçait orner la beauté même ;
Plus d'une toilette en fait foi ;
Pourquoi résister à fa loi ,
Quand tout cede ici bas à on pouvoir fuprême ?
Votre efprit à produire en ferat- il plus lent
Non , loin d'étendre le talent
Trop de liberté le refferre ,
i
JUILLET 1748. 183
Les talens , il eft vrai , font l'ouvrage des Dieux ,
Et l'homme a fait cet art qui vous eft odieux :
Mais fans nous en faire la guerre ,
Partagez avee nous ce guide précieux ;
On peut bien emprunter quelque chofe à la terre
Quand on a tant reçu des Cieux.
Par le même.
On auroit voulu pouvoir offrir à Mlle.
d'Avignon le tribut qu'elle mérite , mais
l'Auteur de la Fable l'a fi bien louée qu'il ne
refte plus que de foufcrire à fon éloge ou de
le répeter,
184 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES ETRANGERES.
ALLEMAGNE.
E 25 du mois paflé , la Reine de Hongrie
Lannonça à anciennes
tions concluës avec la Ruffie venoient d' . tre renouvellées
, & que la bonne intelligence entre
Les deux Puiffances étoit affermie d'une maniere
également avantageufe pour l'une & pour l'autre.
Depuis l'audience que le Comte de Podevvils , Envoyé
extraordinaire du Roi de ruffe , a eu de ſa
Majefté , ce Miniftre a conferé deux fois avec le
Comte d'Uhlefeldt , Grand Chancellier , & il lui
a fait part des ordres éxprès qu'il a reçus de fa
Majefté Pruffienne d'engager la Reine à fe prêter
aux voyes de conciliation , par lefquelles on pourroit
parvenir à rétablir la tranquillité en Europe.
Le Comte d'Ulefeldt a répondu que fa Majefté ne
pouvoit rien faire à cet égard que de concert avec
fes Alliés , & qu'elle s'en rapporteroit , fur tout
ce qui regarde des propofitions d'accomodement ,
aux Confeil du Roi de la Grande Bretagne. Le
même Miniftre a déclaré par ordre de la Reine au
Miniftre de fa Majefté Britannique & à celui de
la République des Provinces Unies , que Sa Majefté
avoit réfolu d'ajouter un nouveau renfort à celui
qu'elle faifoit marcher vers les Pays Bas fous les
ordres du Prince de Lobckovvitz Ön a reçu avis
de Petesbourg que le 16 du mois dernier , pour
la premiere fois depuis que l'Impératrice de Ruffie
eft à Petersshoff , les Miniftres Etrangers qui réJUILLET
1746.
185
fident auprès de cette Princeffe , avoient été admis
a fon audience , & que le foir ils avoient été
invités à fouper chés la Grande Ducheffe de Ruffie
. Ces avis ajoutent que la Flotte , qui a été
équipée par ordre de l'Impératrice de Ruffie , &
qui eft compofée de vingt -quatre Vaiffeaux de
guerre & de plufieurs tant Fregates que Galeres ,
avoit ordre de mettre inceffamment à la voile. Les
mêmes avis portent que le Grand Duc de Ruffie
avoit fait le 20 la cérémonie de donner les marques
de l'Ordre de Sainte Anne au Comte Nafamotsky
, cy-devant Preſident de l'Académie des
Sciences de Petersbourg.
#
Suivant les avis reçus de Vienne , la Reine de
Hongrie & le Grand Duc de Tolcane , apres avoir
paffe quelques jours au Château de Mannerfthoff ,
font retournés à celui de Schombrun. Les mêmes
avis affurent que fa Majeft Hongroife n'a point
voulu accepter les propofitions qui ui avoient été
faites pour parvenir à un accommodement general ,
& qu'en donnant part à fes Alliés des raifons qui
l'avoient engagée à les rejetter , elle avoit fait fçavoir
à ces Puiffances , qu'elle eftoit dans la refolution
d'agir en tout de concert avec elles , & qu'elle
efperoit de les voir tenir à ſon égard la même
conduite. Le Prince Charles de Lorraine eft parti,
pour fe rendre dans les Pays Bas . Cinq mille hom
mes , nouvellement levés en Croatie , ont dû fe
mettre en marche vers l'Italie . Le bruit court à
Vienne que M. Lancz nsky a déclaré aux Mi
niftres de la Reine de Hongrie , qu'un Corps de
troupes Ruffiennes étoit prêt à marcher à fon fecours,
fi quelque Pu flance étrangere attaquoit les
Etats que cette Princeffe poffede en Allemagne.
On a appris de Berlin , que le Roi de Pruffe étoit
actuellement à Poftdam , la Reine à Schonhaufen ,
186 MERCURE DE FRANCE
•
& la Reine Douairiere à Oranienbourg , & que pen
dant le fejour du Roi de Pruffe à Reinsberg , où.
ce Prince a demeuré jufqu'au de ce mois , il y
avoit eu plufieurs feftes très magnifiques. Le Ro
de Fruffe a nommé le omte de Finckenftein , pour
aller réfider à Petersbourg en qualité de fon Envoyé
Extraordinaire , à la place du Baron de Mardefeldt.
Le Baron de Danckelman Miniftre du
Confeil Privé d'Etat & de Guerre de fa Majesté
Pruffienne , eft mort à Berlin le 12 , dans la foixante-
quatrième année de fon âge . Les nouvelles
de Dreide portent que le Comte de Hennique ,
Miniftre de Conference du Roi de Pologne Electeur
de saxe , étoit allé à Weffeinfels par ordre
de ce Prince , pour regler ce qui concerne le
Douaire de la Ducheffe de Saxe Weffeinfels &
l'appanage de la Princeffe fa fille . Sa Majesté Polonoife
a rappellé dans fon Electorat les troupes
Saxones qui étoient reftées en Boheme . Elle a fait
demander aux Etats de Saxe 1 continuation des
fubfides accordés pendant la guerre , en leur laiffant
la liberté de prendre de nouveaux moyens
pour en procurer le paye nent . Selon les lettres de
Hanover , le Comte & la Comteffe de Woronzoff
en font partis le 13 & ils comptoient d'arriver le
15 à Berlin. Les lettres de Bonn confirment que
la fanté de l'Electeur de Cologne eft beaucoup
meilleure , depuis que ce Prince prend les bains
de Slangenbad. On a été informé par celles de
Venlo , que le 16 les troupe , qui font fous les
ordres du Prince de Lobockovvitz , avoient commencé
à y paffer la Meufe , & qu'elles devoient
marcher par Amelen , Aften , Heele & Stripp ,
à Peer où fe feroit leur jonction avec l'armée
que commande le Feldt- Marefchal Comte dẹ
Bathiany.
JUILLET 1746. 187
Le Cercle du Haut Rhin a reçu des Lettres Requifitoriales
, par lesquelles la Reine de Hongrie
lui demande le paffage pour un nouveau Corps de
troupes qu'elle fe propofe d'envoyer dans les Pays-
Bas , & qui fera compofé des Regimens d'In anterie
de Grune & de Leopold Daun ; de deux Bataillons
du Régiment de Hildburfghaufen ; de deux
autres Bataillous qui viennent du Tirol ; des Régimens
de Cavalerie d'Olonne , de Perneff &
de Cordoue ; de celui de Huffards de Fe eritz , &
de qu lques troupes irregulieres Les lettres de.
Duffeldorp marquent que la derniere Diviſion de
l'armée , qui eft fous les ordres du Prince de Lobc
ko itz , avoit paffé le 5 de ce mois le Rhin près
de Keizerferth. On a reçu avis que l'Evêquet
Prince de Bamberg & de Wurtzbourg avoit fait
publier un Edit , qui porte que les droits de Douane
& de Péage , qui fe perçoivent dans fes Etats ,
feront diminués d'un quart ; que les marchandifes
& les denrées , qui feront conduites par terre à
Kitzinge pour defcendre le Mein , ne payeront
que les deux tiers de ces droits ; que de quinze
jours en quinze jours il partira de Wurtzebourg
tous les Lundis à midi un Bâtiment , fur lequel les
proprietaires de ces marchandifes pourront les em-.
barquer ; que dans le temps de la Foire établie ici
on fera partir , outre la barque ordinaire , trois
autresBâtiments pour la commodité des Négocians;
que fi dans l'intervalle du départ de ces Bâtiments
quelque Commerçant veut faire paffer des mar
chandifes à Kitzinge , on lui fournira une voiture
d'eau à un prix modique , pourvu que le poids
de ces marchandifes n'excede pas quatre-vingtdix
quintaux qu'il fera permis aux marchands des
toutes nations d'avoir des Facteurs à Kitzinge , &
que les Magiftrats auront ordre de punir ſevere :
188 MERCURE DE FRANCE.
ment les moindres infidélités que ces Facteurs
Fourront commettre ; que pour accelerer la navigation
& le tranfport des marchandifes , il fera
defendu aux Bateliers de Kitzinge , qui defcendront
le Mein , de demeurer jamais plus de huit
jours en cette Ville , ni dans celles de Mayence
& de Cologne ; que les Officiers de l'Evêque de
Bamberg & de Wurtzbourg feront déchargés
d'empêcher que les marchandifes ne foient retenues
trop long- temps dans les Douanes , & qu'ils
auront des ordres particuliers de procurer aux Negocians
toutes les facilités & tous les avantages
dont il fera poffible de les faire jouir.
On a appris de Coppenhague , que le 3 de ce
mois au foir la Princeffe de Dannemarck étoit
accouchée d'une Princeffe , qui a été nommée Sc
phie Mag- elain . Selon les mêmes lettres , le bruit
court que le Traité de fubfide entre le Roi de
France & fa Majefté Danoiſe vient d'être renouvellé
. Les nouvelles de Stockolm portent que le
zi du mois dernier le Roi de Suéde avoit eu une
violente attaque de gravelle , mais que ce Prince
s'étoit trouvé le lendemain fort foulagé , & qu'à
préfent fa fanté étoit entierrement rétablie . On
mande de Berlin , que le Roi de Pruffe s'étoit
rendu les au Château d'Oranienbourg , dont il a
fait préfent au Prince de Pruffe , & où il a paffé
quelques jours. Leurs Majeftés Pruffiennes doivent
être depuis le neuf à celui de Reinsberg avec
la Reine Douairiere de Pruffe les Princes & Princeffes
de la Famille Royale. Le Genéral Bernes
que la Reine de Hongrie a nommé fon Envoyé
Extraordinaire auprès du Roi de Pruffe , eft attendu
à Berlin , ainfi que le Comte de Woronzoff , Vice-
Chancellier de Ruffie , qui doit y pafler en retournant
à Petersbourg
JUILLET 1746. 189
On écrit de Varfovie que les Dietes particu
lieres des Palatinats du Royaume de Pologne
· étoient affemblées pour délibérer fur les ordres
qu'elles donneroient aux députés qui devoient af
fterde leur part a la Diette Générale.
ITALI E.
On fit le 2 avec beaucoup de magnificençe la cérémonie
du Couronnement du Doge , qui a donné
Je trois un repas ? auquel deux cent perfonnes
de la Nobleffe onr été invitées . Le Saint Sacrement
a été expofe pendant trois jours dans toutes les
Eglifes de cette V lle , & l'on a fait des prieres
publiques , pour demander à Dieu de protéger la
République dans les circonstances préfentes, & de
vouloir rendre la paix à l'Europe. Depuis l'arrivée
d'une lettre que M. Guymont , Envoyé Extraordinaire
du Roi , a reçue du Maréchal
de Maillebois , on affûre que dans l'action du
16 du mois dernier les troupes de la Reine de
Hongrie ont fait une perte pour le moins aufli
confidérable que les François & les Efpagnols.
Les derniers , après avoir pallé le Po , le font
avancés du côté de Pizzighitone avec un train
d'artillerie , mais on ne fçait pas encore fi l'Infant
elt effectivemenr dans la réfolution d'affiéger cette
Place , ou s'il fe propofe feulement d'engager
les ennemis à fortir de leurs retranchemens , pour
la fecourir. La grande quantité de deferteurs qui
ont paffé à l'armée commandée par ce Prince
l'ont mis en état d'en rendre tous les Régimens
complets. Le Roi de Sardaigne et toujours campé
fur le bord de la Trebia avec la fienne , qui a
fa droite appuyée à la Stradella & fa gauche à
Caftel San Giovanni. Ce Prince a ordonné fous de
190 MERCURE DE FRANCE
Q
rigoureuſes peines aux habitans de Novi de déclarer
les terres , maiſons & autres effets , qui appartiennent
dans les environs à des Nobles Génois .
Trois Vaiffeaux de Guerre de l'Efcadre Angloife ,
que commande l'Amiral Thownshend , font actuellement
à la vue de ce Port , & l'on a reçu
avis qu'une Galiotte à bombes de cette Eſcadre
avoit fait naufrage près de Livourne.
GRANDE BRETAGNE.
de
Les Seigneurs ordonnerent le 5 , que les accufations
portées contre les Comtes de Kilmarnock &
de Cromarty & contre le Lord Balmerino , pour
haute trahifon , fuflent remifes devant la Chambre
; & ils fe font affemblés aujourd'hui pour entendre
le premier rapport des Commiffaires qui
inftruifent lu procès des prifonniers . Hier ils pafferent
un Bill pour tenir conftamment fur pied un
Corps de Milices en Angleterre , & par lequel il
eft réglé que le Comté d'Yorck fournira trois mille
hommes ; le Comté de Middleſex , deux mille ;
celui de Devon , un pareil nombre ; celui de incoln
, quinze cent ; ceux d'Effex , de Kent ,
Norfolck , de Sommerfet , de Suffolck & de Southampton
, chacun douze cent ; ceux de Wills ,
de Suffex , de Surrey , de Lancastre & de Glocefter
, chacun mille ceux de Cornouailles , de Northampton
, de Salop , de Warwick & de Dorfet ,
chacun huit cent ; ceux de Cheſter , de Stafford ,
de Leiceſter , de Darby , de Worcester , d'Oxford,
de Bucks , de Northumberland & de Bercks , chacun
fept cent ; ceux de Cambridge , de Nottingham
& de Hereford , chacun fix cent ; ceux de
Bedford & de Durham , chacun cinq cent ; celui
de Glamorgan , quatre cent cinquante ; ceux de
JUILLET 1716, 1716, 191
Cumberland & de Houtingdon , chacun quatre
cent ; celui de Denbigh , trois cent cinquante ;
ceux de Westmoreland , de Monmouth & de Mongommery
chacun trois cent ; celuide Carmarthen,
deux cent cinquante ; ceux de Pembrocke & de
Brecknoch , chacun deux cent ; ceux de Rutland,
.de Radnor , de Flint & de Cardigan , chacun cent
cinquante ; & ceux de Merioneth , de Carnarvan
& d'Angleſea chacun cent , ce qui compofera
ensemble trente-huit mille cinq cent cinquante
hommes. Ceux qui poffederont un franc fief qui
jouiront de vingt livres sterlings de revenu , qui le
ront dans le commerce , ou qui exerceront un emploi
, ne pourront être obligés de fervir dans la .
Milice . Ce Corps fera envoyé dans telle partie de
l'Angleterre , de la Principauté de Galles ou du
pays de Berwick , qu'on jugera néceffaire , & il y
demeurera jufqu'à ce que les Partiſans de la Mai.
fon de Stuard foient entiérement foumis. Les changemens
faits au Bill qui autorife les Commiffaires
de la Marine à acheter pour le ſervice de la Flotte
du Roi les provifions apportées dans ce Royaume
des Vaiffeaux de Nations neutres , furent appouvés
le 5 par la Chambre des Communes. Il eft
dit dans ce Bill , qu'on n'y prétend point déroger
à l'Acte du Parlement du 9 Octobre 1651 , par
lequel il eft dé endu à tout Navire étranger de dé
barquer d'autres marchandiſes ou denrées que celles
de fon pays dans la Grande Bretagne. A la fin
du même Bill on a ajouté que les Négocians Hollandois
ont tort de fe perfuader que cet Acte avoit
été révoqué en 1660 , & il eft expreffément énoncé
qu'ils feront obligés , ainfi que ceux des autres
Nations , de s'y conformer. La même Chambre a
décidé qu'on éliroit quatre nouveaux Membres ,
pour remplacer le Lord Duncannon , & MMrs.
par
192 MERCURE DE FRANCE.
Richard Arondel , Henry Legge & Jean Campbell.
Le Roy a accordé au Duc de Cumberland
la charge de Grand Veneur de la Foreft de Winfor
, vacante par la mort de M. Jean Spencer.
Sa Majesté a nommé M Henry Pelham , le
Comte de Middlefex , MMrs . Georges Littleton
, Henri Legge & Jean Campbell , Commiffaires
de la Tréforerie ; le Duc de Bedford , le
Comte de Sand ich , le Lord Vere Beauclere ,
MMrs . Georges Anfon & Georges Greenville , le
Vicomte Barrington & le Lord Duncannon , Cemmiffaires
de l'Amirauté . Quatre Régimens Anglois
fe font embarqués pour repaffer dans les Pays
Bas , & l'on a équipé un Yacht pour y tranfporter
le Général Ligonier qui doit y commander les
troupes d la Grande Bretagne. Le Régiment d'Infanterie
& celui de Cavalerie , que le Lord Herbert
& le Duc de Montaigu avoient levés pour fervir
contre le Prince Edouard , ont été congédiés.
Le bruit court que ce Prince eft oujours dans une
des Ifles du Nord du Royaume d'Ecoffe , & qu'il
n'attend qu'une occafion favorable pour former
une nouvelle en repriſe . Un Parti de les troupes
a enlevé derniérement tous les équipages du Lord
Georges Sackville. Celles commandées par le
Duc de Cumberland ont fait prifonnier le Lord
Lovat & quatre Chefs des Tribus attachées aux
intérêts de 1. Maifon de Stuard . L'épouſe du Lord
Ogilvy , laquelle avoit fuivi ce Seigneur à l'armée
du Prince Edouard , a eu le même fort , & elle a
été cor duite au Château d'Edimbourg. Le Lord
Glengary s eft rendu avec foixante & quatorze
de fes Vafiaux au Camp du Duc de Cumberland ,
& s'eft foumis au Roy. Les les Vaiffeaux de guerre
& les Bâtimens de tranfport , deftinés pour ' le
Cap Breton , firent voile de la Rade de Sainte
·
Helene,
JUILLET 1746. 193
Helene , mais les vents contraires les obligerent
le même jour d'y retourner. Il arriva le 29 du mois
dernier à Plymouth un Navire , par lequel on fut
informé que l'Efcadre Françoife commandée par
le Duc d'Anville , étoit partie le 22 de l'Ile de
Daix , & depuis on a fçu que celle qui eft fous
les ordres de l'Amiral Martin , la fuivoit. Cette
derniere a été rencontrée vers le quarante-fixieme
dégré de Latitude , à trente lieues à l'Ouest
de l'embouchure de la Garonne . Les Commiffaires
de l'Amirauté ont reçu avis qu'il revenoit de Lisbonne
quatre- vingt-cinq Vaiffeaux Marchands
fous l'escorte des Vaiffeaux de guerre l'orch & le
Folchstone. Le Confeil de guerre , qui doit juger
l'Amiral Matthews , s'eft affemblé le 7. & le 30
du mois dernier, Cet Amiral a recufé trois de fes
Juges , & a demandé qu'on lui nommât les accufateurs
.
Les Seigneurs ordonnerent le 8 de ce mois que
les Comtes de Kilmarnock & de Cromarty & le
Lord Balmerino feroient interrogés & jugés dans
la Salle de Weftminster. Le lendemain ils préfenterent
une Adreffe au Roi , pour le fupplier de
rommer un Grand Stewart , & le 11 Sa Majefté
leur fit fçavoir par fon Grand Chambellan qu'elle
fe conformeroit à leur demande : on croit que ce
tire fera accordé au Lord Chancelier , qui fera
créé en même tems Pair de la Grande Bretagne.
le 13 les Seigneurs pafferent le Bill qui regarde
les affûrances pour les Vaiffeaux & les marchandifes
dont ils font chargés. La Chambre des
Communes entendit le 8 le rapport des Commiffaires
chargés de donner leur avis fur le Bill
contre les perfonnes qui favoriferont les Contrebandiers
Le 13 cette Chambre lut pour la premiere
fois un Bill , par lequel il eft défendu aux
I
194 MERCURE DE FRANCE,
la
Montagnards d'Ecoffe de garder des armes à feu ,
& qui contient divers réglemens , tendans à préve
nir les nouvelles entrepriſes que pourroient former
les Partifans de la Maifon de Stuard , Le jugement
des Comtes de Kilmarnock & de Cromarty fera
prononcé le 8 du mois prochain , & l'on commencera
le 18 de ce mois- ci à inftruire le procès des
autres prifonniers qui ont été amenés d'Ecoffe .On
fait monter tous les jours devant la priſon où il
font détenus , une garde de trente foldats , dont
quinze font continuellement fous les armes ,
bayonnette au bout du fufil . Le Gouveruement a
promis une récompenfe confidérable à ceux qui
arrêteront Mrs. Pierre Morfe Jean Holker
& Jeen Betts , M. Murray Secretaire du
Prince Edouard , a été pris depuis peu en Ecoffe ,
& conduit au Château d'Edimbourg . Il eft arrivé
à Falmouth une Chaloupe de guerre , dont l'équipage
a rapporté que l'Efcadre , commandée par
' Amiral Martin , continuoit de croifer au Sud-
Ouest de l'ile d'Oüeffant . Les Bâtiments , à bord
defquels un Corps de troupes s'étoit embarqué à
Portſmouth fous les ordres du Lieutenant Général
Sinclair , fe font rendus de Sainte Helene à Spithead
, & le 10 le Regiment de Bragg , qui faifoit
partie de ces troupes , eit debarqué pour aller à Petersfield
. On a reçu nouvelle que le Convoi , qu'on
attendoit de Portugal , avoit mouillé le 14 aux
Dunes. Ce Convoi eft compofé de foixante & cinq
Navires , & il a été eſcorté par les Vaiffeaux de
guerre Yorck & le Folckftone .
L A HA YE .
Le 11 du mois leGénéral de Debrofe , Envoyé
Extraordinaire & Plenipotentiaire du Roi de Pologne
Electeur de Saxe , eut une conference avec
M Buttoux , Président de l'Affemblée des Etats
JUILLET 1746. 195
Géneraux , & Don Pedra Sécretaire d'ambaffade
chargé icy des affaires du Roi d'Efpagne depuis lë
départ du Marquis de Saint Gilles , en eût une
après-midi avec le même Préfident . Le Général
Ligonier , à qui le Roi de la Grande Bretagne a
donné le commandement de fes troupes dans les
Pays-Bas , débarqua le 7 à Willemstad avec quatre
Régiments Anglois que S. M. Britanique a envoyé
à l'armée des Alliés, il s'eft rendu , ainfi que ces
Regiments , à cette armée , qui auffi - tôt après
l'arrivé de ce renfort a reçu ordre de fe tenir
prête a marcher. On croit qu'elle fe portera dans
la Mairie de Bois- le-Duc , pour aller au devant du
Corps de troupes , que le Prince de Lobckowitz
amene d - Allemagne . & dont les deux premieres
Divifions fe font déja avancées à Venlo . Le Comte
de Rofemberg , Miniftre de la Reine de Hongrie
eft revenu du camp de Ter- Heyden . Il a paffé ici
un courier , defpeché au Roi de la Grande Breragne
par M Titley , fon Miniftre à Coppenhague
, pour lui porter la nouvelle de la naiſſance
de la Princeffe , dont la Princeffe Royale de Dannemarck
eft accouchée depuis peu .
Le 17 le Comte de Rosemberg , Miniſtre Plenipotentiaire
de la Reine de Hongrie , a reçu du
Feldt -Marefchal Comte de Bathiany un courier
par lequel on a appris que le même jour l'armée
des Alliés s'étoit miſe en marche . On conjecture
qu'elle fe rendra du côté de la Meufe , pour cou
vrir Maeftricht , & pour être à portée de fecourir
Namur , fi cette derniere place eft attaquée par
les François . Les Députés des Etats de Hollande
& de Weftfrife fe font aflemblés le 20 , & ils ont
difpofé de la charge de Garde du Grand Sceau
de la Province de Hollande en faveur de M.
Adam Adrien Vander Duin Seigneur des Grave-
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
moe , Premier membre du Corps de la Nobleffe
& Prefident du College des Confeillers Deputez
de la Hollande Meridionale Les Vaiffeaux le Reygerfdaal
& le t'Hyfte Pern , qui appartiennent à
la Compagnie des Indes Orientales , arriverent
le 9 au Texel. M. Antoine Vander Heym
Confeiller Penfionnaire , Garde du Grand Sceau ,
Stadhouder & Maître des Rolles des Fiefs de la
Province de Hollande , mourut le 16 à Bois- le-
Duc , âgé de cinquante deux ans . Il étoit parti de
La Haye quelques jours auparavant , pour aller
prendre les eaux de Spa , & pendant fon abfenoe
le fieur Buis , Secretaire des Etats de Hollande &
Weftfrife , devoit exercer dans l'Affemblée des
Etats Généraux 1. s fonctions de la charge de Confeiller
Penfionnaire .
MEMORIÆ
STEPHANI FOURMONTII
REGIS CONSILIARII ,
Bibliothecæ Regiæ fubbibliothecarii ac in linguis
Orientalibus interpretis ,
Regii in Linguâ Arabicâ Profefforis ,
Regiæ infcriptionurn & humaniorum litterarum
Parifienfis Academiæ focii ,
Nec non è Regiis Londinenfi atque Berolinenfi
focietatibus , & c.
Plenis honorum muneribus
Perennandæ.
JUILLET 1746. 197
Omnium temporum linguarum & fcientiarum
Hominem tulit Fourmontium Gallia,
Optimis Artibus imbuit
Lutetia ,
A cerrimum fui fectatorem ,
Ætate puerum, judicii maturitate virum
Ab Ephebis redamavere pierides ,
f
Senem non deftituere .
Adolefcens vix , Orientalium apprimè jam fcius
Linguarum
Litteris omnem operam navavit promovendis ;
Propriam laurum illi in juventute detulit quæque
difciplina.
Officioforum nemini fecundum charites
genuere.
Inter celeberrimos Litteraturæ proceres ingenio
validus illuxit .
Superbie faftu non ductum ,
Ambitione non erectum ;
Sequebatur gloria Minime appetita.
Notus in fratrem animi pateřni ,
Amicos ex animo amavit , inimicos benefciis
vicit , non ultus eft.
Prodeffe , non præeffe fategit.
Privatam rem fervandam quam augendam
curare maluit .
Extraneorum obfervantiffimus ,
Patriam déperiit .
I
198 MERCURE DE FRANCE
Tantum hominem latere non fcivit oculata fe
dulitas Abbatis Bignonii
Quem appellaffe , laudaffe eft .
Singularem hujus in fingulis linguis eruditionem
,
Regio Sereniffimus Princeps Dux Aurelianenfis
favore profecutus eft.
Infignem hunc eruditum
Vigenti gentium linguas callentem
. Benevolentiâ nobilitavit Ruffia Imperator Pe
trus Magnus
Cui expofcenti
Chartam Thibitianam explanavit,
Fourmontius
Incitante Illuftriffimo Abbate Bignonio Doctorum
Tutore ipfomet Doctiffimo ,
Faventibus Eminentiffimo Cardinale de Fleury
& D. D. de Maurepas ,
Ludovico XIV . & Ludovico XV . jubentibus
Linguam Sinarum , quos nunquam convenit,
Galliæ ,
Per Galliam Europe tradidit
Primus .
Dignitates politicas promeritum ,
Antiquitatis admiratorem fapientiffimum , indagatorem
fagaciffimum , cultorem diligentiffimum
,
Veræ Religionis Chriftianum ftudiofiorem
}
JUILLET 1746. 199
i
Innumeris cumulavit coronis virtutum coetus
Fourmontium ,
Qui
Nominis celebritate , fcriptorum gloriâ
1 Menfus Orbem >
Nunc
Amici honoratiffimi Abbatis Bignonii cineribus
fociatur .
Illo
Nihil præftantius à multis retro fæculis munde
Deus immifit anno 1683 ,
Abftulit 18 die Decembri 1745 ,
Reddidit immortalem
In operibus plus centum
Quæ non minus Religionis amorem , quam Reipu
blicæ admirationem
Eliciunt.
In mufae Marchiano. Compendiofum illud
Encommium inperenne memoris animi monumentum
Mandat Car. Fr. Garnier Doctor
Theologus , &c.
200 MERCURE DE FRANCE
BAPTESME MARIAGES ET MORTS.
L
E Lundi 27 Juin 1746 Dame Suſanne Françoife
de Bafchi époufe de Jean François de
Bafchi Marquis du Cayla accoucha à Montpellier
d'un garçon qui fut baptifé le jeudi fuivant dans
l'Eglife de N. D. des Tables , préfenté par fon
grand pere maternel , & fa grande mere maternelle
, & nommé Henri Louis. La Marquife du
Cayla fille unique d'Henri de Bafchi Marquis de
Pignan Baron de Las Ribes , Seigneur de Sauflan,
de la Vacareffe & c . & de feu Dame Anne Renée
d'Eftrades morte à Montpellier le 4 Novembre
1725. fut mariée dans l'Eglife de Pignan le 11
Août 1745 par difpenfe du Pape du 16 Juin precedent
, avec Jean François de Bafchi Marquis de
Cayla fon coufin au troifiéme degré : & frere de
Dianne Henriette de Bafchi épouſe de Jofeph de
Montarnard Marquis de Montfrin , & de Jacqueline
Marie de Bafchi mariée le 29 Novembre 1741 à
Alexandre François Jofeph Conte d'Urre ( Les Généalogies
de Montainard & d'Urre fe trouveront dans
le nouveau fuplément du Dictionnaire de Moreri )
Ils font enfans de Charle des Comtes de Baſchi ,
Marquis d'Aubais , Baron dù Cayla , Seigneur de
Junas , Gaverne , la Tour d'Angle , S. Nazaire de
Marinargues & c & de Dianne de Rofel Dame de
Cors & de Beaumont .
Jeanne Marie Magdeleine Sufanne de Bafchi coufine
germaine de la Marquife du Cayla eft fille unique
de François de Bafchi , dit le Marquis du Cayla
Lieutenant Général des armées du Roi , Infpecteur
JUILLET 1746. 201
de Cavalerie , Gouverneur de Montdauphin depuis
le mois de Janvier dernier , & de feue Damę
Marie Guillot , époufa le 8 Mars de cette année
François de Roquefeuil Seigneur de Gabriac & de
la Roque dit le Marquis de Roquefeuil , Capitaine
de Cavalerie dans le Régiment de Beauvilliers
neveu de Louis de Roquefeuil Lieutenant Colonel
du même Regiment fait Brigadier au mois d'Octobre
1745. Le Marquis de Roquefeuil dont la
généalogie fera raportée dans le nouveau fuplément
du Dictionnaire Hiftorique de Moreri , a
pour 14. Ayeul Grillaume , de Roquefeuil qui ayant
rendu de grands fervice à Jacques Roi d'Arragon
dans la conquête des Royaumes de Valence & de
Murcie, reçut en récompenfe au mois de Janvier
1265 , les Seigneuries de Cornonfec , de Miraval
& de Gremian au Diocèfe de Montpellier .
La Maifon de Bafchi eft originaire de Lombrie
où eft fitué le Château de Bafchi , qu'elle poffede
depuis la fin du 1. fiecle . Ce Château & la Comté
auquel il donne fon nom eft aujourd'hui poffedé
par les Comtes François , & François Marie de
Bafcht coufins;ce dernier dont la foeur a époufé le
Comte Raimond Mazzanti Gonfalonier d'Orviette
eft agé de 30 ans , & fils du Comte Cefar Sforze
de Bafchi decedé au mois de Mars dernier , & de
Portie Negroni d'Orviette .
Le 8 Mai M. Gilbert Charles Legendre
Marquis de S, Aubin fur Loire , cidevant Maître
des Requêtes ordinaire du l'Hôtel du Roi charge
dont il fut pourvu par Lettres du 19 Septembre
1714 , & avant Confeiller au Parlement , mourat
à Paris fans avoir été marié dans la foixantieme
année de fon âge étant né le 9 Avril 1688
fils de Charles le Gendre Chevalier Seigneur de
Iy
202 MERCURE DE FRANCE
Saint Aubin Confeiller au Grand Confeil mort le
18 Avril 1702 & de Dame Marguerite Vialet aujourd'hui
vivante & retirée dans le Convent des
Dames de Trefnel , & petit fils de Charles le
Gendre Seigneur de S. Aubin fur la Loire Ecuyer
de quartier de S. A. R. Madame Henriette Anne
d'Angleterre , & de Dame Marie du Buiffon de
Beauregard.
Feu Monfieur de Saint Aubin étoit l'auteur du
Traité de l'opinion dont il y a eu plufieurs Edition
differentes & d'autres traités ; ouvrages qui ont
tous eu leurs partiſans , & leurs critiques , il étoit
cadet & de même famille que feu M. le Gendre
de Lormoi Préſident de la Chambre des Comptes
de Paris dont nous vous avons annoncé la mort
dans le Mercure du mois d'Avril de cette année
folio 206.
Le 15 Juin dernier Ferdinand Augufte d'Alpaz-
20 Marquis de la Trouffe époufa Demoiſelle Marie
Anne Auguftine de la Vieuville , fille de René-
Jean-Baptifte , Marquis de la Vieuvi le & de Dame
Anne Charlotte de Creil , voyez pour la Généalogie
de la Maiſon de la Vieuville le Mercure de
Novembre 1745 & l'Hiftoire des Grands Officiers
Le Marquis de la Trouffe eft fils d'Amedée Alfonfe
d'Al Pozzo Prince de la Cifterne en Pie-,
mont Marquis de Voghere Grand Veneur & Grand
Fauconnier du feu Roi de Sardaigne , Maréchal
des Camps & Armées de fa Majefté & Colonel
du Régiment de Salluce , & de Dame Henriette
le Hardy de la Trouffe , qui étoit fille de Philippe
Augufte le Hardy Marquis de la Trouffe
Gouverneur d'Ypres Chevalier des ordres Roi
Lieutenant Général de fes Armees & Commandant
en chef celle d'Italie.
L'Ayeul Paternel du Marquis de la Trouffe qui
JUILLET 1746. 203
donne lieu à cette article étoit Jacques d'Alpozzo
Prince de la Cifterne Chevalier de l'ordre de l'Annonciade
Gouverneur de la Province de Bielle &
Grand Ecuyer des derniers Ducs de Savoye , &
fon Ayeulle étoit Anne Litta Visconty Dame
d'honneur de la Reine de Sardaigne .
La maiſon Dal Pozzo eft une des plus anciennes
& des plus illuftres de Piémont , elle remonte
jufqu'au douziéme fiecle & à fourni grand nombre
d'hommes illuftres dans l'Eglife , à la Cour ,
& dans les Armées des Ducs de Savoye , entre
lefquels étoient Charles Antoine Archevêque de
Pize & Amedée Marquis de Voghere major
d'homme major du Duc de Savoye qui avoit époufé
N. de Valperge dont la maifon eft une des
quatres premieres de Piémont Il y a plufieurs branches
de la maifon dal Pozzo établies à Rome à
Florence & à Nice elle s'est toujours alliée aux
' premieres maifons d'Italie notamment à celles
de Valperge , de Conty , de Scalia de la Tour
de Vaffala di Favria , de Salluce &c.
"Cette maiſon porte écartelé au premier & qua-
'trieme d'or au puits maçonné de gueulle gardé
par deux dragons de Synople , au deuxiéme &
troifiéme d'or à l'Aigle déployé & couronné de
fable.
Gabriel Comte de Borstel , Marêchal des Camps
& Armées du Roi de la promotion du 2 Mai 1744
premier Lieutenant Général de l'Artillerie &
commandant celle du Roi en fon Armée d'Italie "
mourut à Plaifance le 24 Juin , de la bleffure
qu'il avoit reçue à la Bataille donnée le 16 dư
même mois , âgé d'environ 60 ans . Il en avoit
déja reçu autrefois deux fort confidérables , l'une
au Siege de Landau en 1703 ; & l'autre au fiege
Lvj
204 MERCURE DE FRANCE.
de Lerida en 1707 On peut voir dans le Mercure
Galant, Mars 1705 , ce qui eft dit fur la Maifon
de Borftel , originaire de Zélande , & illuftrée dès
le temps de l'Empereur Othon mort en 973 .
Adolphe de Borstel fut envoyé en France par le
Roi de Bohême , & par les Princes de l'Empire
fous le Regne de Louis XIII , & fes négociations
étant finies , il obtint des lettres de naturalité ,
& s'établit dans le Royaume. Adolphe Hardouin
fon fils avoit époufé Magdelene Taſchereau de Li
nyeres , foeur du Pere de Linyeres . confeffeur de
fa Majefté , most le 31 Mai dernier. Il en eut
Adobe Armand , qui n'a point été marié , & qui
mourat dans un Voyage de long cours Lieutenant
de Vaiffeaux ; & Gabriel , qui donne lieu
à cet article. Gabriel ne laiffe qu'une fille , &
deux foeurs. Sa fille , ci -devant fille d'honneur de
la feue Reine d'Eſpagne , eft à préfent Carmelite
dans le Monaftere de la rue de Grenelle . De fes
deux foeurs l'aîneé a époufé M. de Pyemont ,
Gentilhomme du Roi de Pologne Duc de Lor.
raine & de Bar. La cadette a époufé M. de Beaumont
l'un des quarante Fermiers Généraux du
Roi.
Le 3 de ce mois eft morte en fon Château de
Neuville au Plain en Baffe Normandie , Dame
Magdeleine Defontaines Cardonville , veuve
de Mefire Charles Claude Andrey Chevalier
Comte Defontaines , Seigneur de Baudieuville ,
aucien Capitaine au Régiment de Picardie , Lieutenant
de Roi de Carentan , & Gouverneur en
la même Ville des Fons d'Oures & Fort de Tautes,
* & Commiffaire de la Nobleffe de ladite Election
de Carentan Fille de Meffire Cæfar Defontaines
Cardouville Chevalier Baron de Cardouville , SeiJUILLET
1746. 205
gneur & Patron d'Amanville , Prelle , S. Martin
l'Aiguillon , de Fonteney en Beffein , & de Negville
au Plain & de Dame Marie Demy Dorge
âgée de 89 ans.
Elle laiffe pour enfans Chretien - Jean - François
Andrey de Fonteney Soûdiacre , François
Céfar Andrey , Comte de Fonteney , Seigneur
& Patron de Baudieuville , cidevant Moufquetaire
du Roi en la premiere Compagnie , marié
à Mademoiſelle de Mefnillury , fille du Marquis
de Gonneville Mefnillury ; Louis Andrey de Fonteney
dit le Chevalier de Fonteney , Brigadier
des armées de fa Majefté , de l'année derniere ,
Lieutenant d'artillerie & Chevalier de l'ordre
Militaire & Royal de S. Louis ; François - Hilaiçe
Andrey de Fonteney veuve de Meffire Charle
Alexandre le Fevre Chevalier Seigneur & Patron
de Graintheville , & de Clitourp , & Madame de
Fonteney Neuville Abeffe de l'Abbaye Royale
de Protection de Valognes.
a Madame de Fonteney fujet de cet article
encore une four vivante ( dont on va parler ) &
font toutes deux filles & héritieres du Baron de
Cardonville , famille éteinte , originaire de Bre
tagne , & qui ont donné en 923 des Banerets à
leur Province , les armes de cette famille font
"d'or à la bande d'azur ; elle eft alliée aux maifons
de Mailly- Néelle , de Noailles , d'Entragues ,
de la Haye Ventelet , de Ventadour , de Phe-.
lipeaux , de Lamoignon , de Vertamont & Demy
Dorge &c.
Jeanne, Françoife de Fontiues Cardouville
foeur de Madame de Fontenay eft veuve de Meſfire
Jean de Briqueville Chevalier Seigneur & Patron
de Briqueville en Beffin , & de Bréteville fur la
mer ; de fon mariage eft forti N. de Briqueville
206 MERCURE D EFRANCE.
Moufquetaire en la premiere Compagnie de fa
·Majefté mort en 1705 de fes bleffures , N. de Briqueville
nommé le Chevalier de Briqueville Capitaine
au Régiment de Touraine Infanterie tué
au Siége de l'lfle , Guillaume Antoine de Briqueville
Chevalier Seigneur & Patron de Bréteville
fur la mer , ci-devant Lieutenant au Régiment
de Touraine , & à préfent major d'Infanterie
milice garde côte , mariée avec noble Dame Magdeleine
de la Motte Pontroges. On parlera à la
fin de leurs enfans ; Louis Adrien de Briqueville
Prêtré Bachelier de Sorbonne , Louis de Briqueville
Chevalier Seigneur de Briqueville en Beffin
ci- devant Moufquetaire du Roi en la premiere
Compagnie de fa Majefté , connu à prefent fous
le nom de Baron de Briqueville veuf de Noble
Dame Marie de Juiliac , il y a eu quatres filles
de ce mariage dont trois religieufes ,& une nommée
Marie Françoife de Briqueville mariée en 1718 à
Meffire Jean Pierre Alexandre le Févre Chevalier
Seigneur & Patron de Clitourp , & de Grainteville
, dont il n'eft forti qu'un fils nommé Jean
Antoine , Alexandre le Févre Chevalier Seigneur
& Patron de Clitourp , & de Grainteville
Cu page du Roi en fa grande Ecurie ler Avril
1737 & forti le 1. Avril 1740 pour être Lieutenant
au Régiment de Périgord Infanterie , à préfent
Capitaine d'Infanterie milice Garde-côte ;
reil
M. le Comte de Fonteney n'a point d'enfans
de fon mariage , ni M. le Baron de Briqueville
, pour M. de Briqueville fon frere
en a cin deux garçons & trois filles , fçavoir
Claude Marie de Briqueville dit le Compte de
Briqueville , Capitaine de Cavalerie au Régiment
d'Efcarts , lequel a été page du Roi en fa petite
Ecurie , Bon Chrétien de Briqueville , dit is Che
JILLET 1746. 207
valier de Briqueville garde de la marine du RoF
à Breft ; Jeanne Françoiſe de Briqueville , Louife
Magdelainnede Briqueville , & Françoiſe Hilairede
Briqueville , toutes trois non encore mariée.
La maifon de Briqueville tient un rang entre les
plus illuftres de la Provincetant par toutes les grandes
alliances , que fes fervices militaires , & fon
ancienne nobleſſe , elle eft connue dès l'an 1066
où un Guillaume Sire de Briqueville , étoit un des
Généraux deGuillaumeDuc de Normandie , lorfqu'il
conquit l'Angleterre , & fon arriere petit fils nommé
Guillaume de Briqueville fire de Briqueville ,
&c. paffoit pour un brave guerrjer , & époufa en
1298 Jeanne de Meulan , fille & héritiere de Jean
de Meulan fire & Comte de Meulan , & d'Elizabeth
de Vermandois petite fille de Henry premier
Roi de France , cette famille a continué toujours
à fervir , & à s'allier avec diftinction . Un Chrétien
de Briqueville grand oncle de ceux d'aprefent
fut Lieutenant Général des armées navalles,
Chevalier Commandeur des ordres Royal ,
militaire & hofpitalier de N. D. du Mont-Carmel
& de S. Lazare de Jérufalem , & auffi Chevalier
de l'ordre du Roi , lequel mourut en Négritie
en 1614 , lorfqu'il étoit en ce pays-là , avec
fon efcadre , deux de fes freres Capitaine de Vaiffeauy
moururent auffi . Cette famille originaire de
baffe Normandie & qui y fait auffi fa demeure porte
pour armes , d'argent à fix feuilles de chênes:
de Cynople , pofées trois deux , & une ;
Le 16 Juillet Jacques Louis de S. Simon Duc
de Ruffec Pair de France Chevalier de la Toifon
d'or depuis le 20 Janvier 1722 Brigadier des Armées
du Roi du 20 Fevrier 1-34 étant alors
Mestre de camp du Régiment de Cavalerie de fon
208 MERCURE DE FRANCE.
nom Gouverneur des ville , Châteaux & Citadelle
de Glaye& du Fort de Medoc , Vidame de Chartres
& grand Bailly de Senlis , mourut à Paris
dans la 49 année de fon âge étant né le 29 Juillet
1698. Il étoit devenu Duc de S. Simon Pair
de France par la démiffion volontaire que M. le
Duc de S. Simon fon pere en avoit faite en fa faveur
en 1722, & fut reçu en certe qualité au Parlement
de Paris le 12 Janvier 1743 ; il étoit fils
aîné de Louis de S , Simon Duc de S. Simon , Pair
de France , Grand d'Efpagne de la premierre claffe
Chevalier des ordres du Roi , cidevant Ambaſſadeur
Extraordinaire en Eſpagne & de feue Genevieve
Françoiſe de Durefort Lorges.
Il avoit épousé le 25 Mars 1727 Čatherine Charlotte
Therefe de Grammont veuve de Philippes
Alexandre Prince de Bournonville & fille de feu
Antoine Duc de Grammont Pair & Marêchal de
France, Colonel du Régiment des Gardes Françoiſes
, Gouverneur de Navarre & de Béarn , & de
Marie Chriftine de Noailles fa veuve , & de ce
mariage eft née Marie Chriftine de S. Simon née
le 7 Mai 1728. non encore mariée , feu M. le Duc
de Ruffec avoit pour frere puîné Armand Jean de
S. Simon Marquis de Ruffec né le 12 Aout 1649
Grand d'Espagne de la premiere claffe fur la
démiffion du Duc de S. Simon fon pere en 1722
Meftre de camp du Regiment de Cavalerie de S.
Simon , & Brigadier des armées du Roi du 20
Février 1734 , lequel n'a point d'enfans de Dame
Marie Jeanne Louiſe Baüin d'Angervilliers avec
lequelle il eft marié depuis le 22 Janvier 1753
veuve alors de Jean René de Longueil Marquis de
·Maiſons. Préſident à Mortier du Parlement de
Paris , Voyez pour la Généalogie de la Maifon
de S. Simon , l'une des premieres de Picardie
JUILLET 1746, 20
par fon ancienneté , fes alliances & fer fervices
militaires & de laquelle les Ducs de S. Simon
font puinés le vol . 4 de l'hiftoire des Grands Of
ficiers de la Couronne fol . 395.
Le 17 de ce mois Dame Catherine Therefe le
Royer veuve depuis le 5 Avril 1723 de René
Brandelis de Champagne Marquis de Villaines
& de l'Avarenne, avec lequel il avoit été marié le
29 Mai 1702 mourut à Paris dans la 56 année de
fon âge ayant eu de fon mariage Marie de Cham
pagne Villaines mariée le 30 Avril 1732 avec
Céfar Gabriel de Choifeul Comte de la Rivierre
& de Chevigni dit le Comte de Choifeul Marschal
de camp , & ci devant Meſtre de camp Lieutenant
du Régiment de Conty Cavalerie , &
Anne Catherine de Champagne Villaines mariée
le 26 Mai 1739 avec Louis Céfar le Tellier de
Courtenvaux à préfent Comte d'Eftrées Chevalier
des ordres du Roi & Lieutenant Général de fes
Armées , morte fans enfans le 19 Juillet 1743 à
l'âge de 28 ans Brandelis de Champagne Marquis
de Villaines Confeiller d'Etat Capitaine de
cent hommes d'armes des Ordonnances du Roi ,
fait Chevalier de l'Ordre du S. Efprit à la promotion
du 2 Janvier 1699 étoit l'Ayeul de feu
M. le Marquis de Villaine.
J
Le 18 de ce mois Louis Claude Maurice de la
Tour d Auvergne dit le Comte de la Tour Colɔnel
du Régimen d'infanterie de fon nom depuis
le mois de Décembre 745 mourut au camp fous
Mons âgé d'environ 27 ans , étant née le 28 Mai
1719 il étoit fils aîné de feu Jean Maurice de la
Tour d'Auvergne Baron de Thouras Seigneur de
Merdogne & Capitaine dans le Régiment de Li210
MERCURE DEFRANCE,
-
*
mofin d'Infanterie & Chevalier de l'ordre mili
taire de S. Louis mort le 31 Janvier 1739 & de
Dame Claude Catherine de Sainctot foeur de M.
de Sainctot Introducteur des Ambaffadeurs. M.
le Comte de la Tour laiffe pour frere unique Nicolas
François Julie de la Tour d'Auvergne né le
10 Août 720 reçu Chevalier de Malthe au Berçeau
, & aprefent Capitaine de Cavalerie , &
le feul male qui refte de cette branche cas
dette de celles de Ducs de Bouillon d'avec
Jaquelle elle eft féparée depuis environ 240 ans .
La maifon de la Tour eft fi connue par fon ancienneté
par le haut rang qu'elle tient en France
.& par fes alliances qu'on fe contentera de
renvoyer pour la Généalogie au vol . 4 de l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne fol . 514
aux Hiftoires de cette maifon donnée au Public
par les fieurs Juftes & Baluze.
Le 20 de ce mois Jacques Bonne Gigault de
Bellefont Archevêque de Paris Duc de S. Cloud
Pair de France & Abbé de l'Abbaye de la Cour
Dieu mourut dans fon Palais Archiepifcopal , âgé
de quarante huit ans , il avoit été Evêque de
Bayonne , & il étoit Archevêque d'Arles lorfqu'au
mois de Mars dernier le Roi le nomma à l'Archevéché
de Paris Voyez ceque nous en avons dit
dans le Mercure de Mars de la préſente année
folio 183.
Le 23 de cemois D Marie- Louife de Beringhen
veuve de Guillaume- Alexandre de Vieux Pont ,
Marquis de Vieux Pont & de Senecé , Lieutenant
! Général des Armées du Roi , Chevalier de l'Ordre
de S. Louis , Lieutenant pour S. Majesté au
-Gouvernement d'Aunis & Gouverneur de Charle
JUILLET 1746. 21Y
mont , avec lequel elle avoit été mariée en 713
mourut dans fa terre près d'Orleans âgée de 50
ans ou environ & fans laiffer d'enfans ; elle étoit
foeur de M. Henri Camille de Ber nghen , Marquis
de Beringhen premier Ecuyer du Roi , Chevalier
de fes Ordres & c & fille de Jacques- Louis
de Beringhen Comte de Châteauneuf & du Pleffis
Bertrand , premier Ecuyer du Roi , Chevalier de
fes Ordres , Gouverneur de la Citadelle & du
Fort de S Jean de Marſeille , Président du Confeil
du dedans du Royaume durant la Regence , Di
recteur Général des Pons & Chauffées de France
mort le premier Mai 1723 , & de D. Marie- Magdelaine
- Elifabeth Fare d'Aumont mariée le 14.
Octobre 1677 & morte le 18 Octobre 1728 , &
petite fille de Henri de Beringhen Seigneur d'Armanvilliers
& de Grez fai premier Ecuyer de la
petite Ecurie du Roi le 10 Août 1645 , Gouverneur
des Citadelles de Marfeille fait Chevalier
de l'Ordre du S. Efprit à la promotion du 8 Juin
1654 , mort le 30 Avril 1692 , & de D. Anne du
Blé d'Uxelles Voyez pour la Généalogie de Mrs.
de Beringhen originaires du Pays de Cleves , ce
qui en eft dit dans le Dictionaire Hiftorique de
Moreri Edition de 1732 , & dans le neuvieme
volume de l'Hiftoire des Grands Officiers de la
Couronne fol. 197 , 228 & 292 pour la Généa
logie de la Maifon de Vieux Pont marquée en
Normandie entre les premieres pour fon ancienneté
, fes alliances & fes fervices militaires , ce
qui en eft dit dans l'Hiftoire de la Maifon de
Harcourt par le fieur de la Roque en 4 volumes
in-folio.
Le 29 de ce mois Louis-Hyacinthe Cafel de
S. Pierre , Comte de Crevecoeur , Enfeigne d'une
112 MERCURE DE FRANCE,
Compagnie de Gendarmerie mourût au Camp fous
Charleroy âgé d'environ 24 ans & fans être marié
; il étoit fils unique de Louis Caftel de S. Pierre
Marquis de Crevecoeur , Meftre de Camp de Ca
valerie , Chevalier de l'Ordre de S. Louis , cidevant
premier Enfeigne de la feconde Compagnie
des Mofquetaires de la Garde du Roi . &
à préfent premier Ecuyer de S. A. R. Madame
la Ducheffe d'Orleans & de D. Marie - Anne Fargés
, & petit fils de Louis- Hyacinte Caffel Com
te de S. Pierre Capitaine de Vaiffeaux du Roi ,
puis p emier Ecuyer de S. A. R. Madame la Ducheffe
Douairiere d'Orleans & de D. Françoiſe-
Jeanne de Kerven ; le nom de Caftel S. Pierre
eft marqué en Normandie entre les Nobles par
fon ancienneté , par fes alliances & par fes fervi
čes Militaires , fes armes font de gueules à un
chevron d'argent accompagué de trois roſes d'or
Fofées de chef en chef& l'autre en pointe.
Le 30 Louis de Rochechouard Duc de Mortemart
Pair de France , Tonnay - Charente , Chevalier des
Ordres du Roi , Lieutenant Général de fes Armëes
, ci-devant Premier Gentilhomme de la
Chambre de Sa Majefté, Prince & Gouverneur des
Ville & Citadelle du Havre de Grace , mourut dans
la 65 année de fon âge,étant né le 3 Octobre 1681
Il avoit commencé à fervir dans la premiere Compagnie
des Moufquetaires , & fut enfuite Capitaine
dans le Régiment Royal Rouffillon Cavalerie
en 1700 , Colonel d'un Regiment d'Infan
terie de fon nom en 170 , Brigadier des Armécs
du Roi en 1708 , Maréchal de Camp en 1710 &
enfin Lieutenant Général le 30 Mars 1720. Le
Roi lui avoit accordé dès l'an 1710 la charge de
Premier Gentilhomme de fa Chambre en furyis
JUILLET 213 1746.
vance du Duc de Beauvilliers fon beau- pere ; il
fut reçu au Parlement en qualité de Luc & Pair
de France le 15 Juin 1714 & Chevalier des Ordres
du Roi le 3 Fevrier 1724 ; il étoit fils aîné
de Louis de Rochechouard Duc de Mortemart
Pair & Général des Galeres de France mort à
Paris le 3 Avril 1688 , & de Marie-Anne Colbert
morte le .. ; il avoit époufé 10 le 20 Décembre
1703 Marie- Henriette de Beauvilliers ,
morte le 4 Septembre 1718 , fille de Paul de
Beauvilliers , Duc de S. Aignan , Pair de France ,
Grand d'Espagne , Chevalier des Ordres du Roi ,
Premier Gentilhomme de fa Chambre , Chef du
Confeil Royal des Finances , Miniftre d'Etat ,
Gouverneur des Ville & Citadelle du Havre de
Grace &c. & d'Henriette- Louiſe Colbert . 2° .
le 3 Mars 1732 avec Marie-Charlotte - Elizabeth
de Nicolai , veuve de Jules Malo de Coetquen
Comte de Combourg Gouverneur en furvivance
des Ville & Château de S. Malo , mort le 13:
Janvier 727 , & fille unique de Nicolas de Nicolai
Marquis de Profles , Brigadier des Armées du Roi ,
ancien Colonel du Régiment d'Auvergne & de
Marie de Brion , duquel dernier mariage il n'a
point lai é d'enfans , mais du premier il avoit eu
entr'autres Paul- Louis de Rochechouard né le 24
Octobre 1711 , Duc de Mortemart , Pair de France
, appellé le Duc de Rochechouard , Premier
Gentilhomme de la Chambre du Roi , Colonel
d'un Regiment d'Infanterie de fon nom , mort
le 4 Décembre 173. fans laiffer d'enfans de Marie-
Anne Elifabeth de Beauvau du Rivau , avec
laquelle il avoit été marié le 4 Mai 1730 & Charles .
Augufte de Rochechouard né le 10 Octobre 7 : 4,
Duc de Mortemart , Pair de France , appellé le
Duc de Rochechouard , Grand d'Espagne , Pre214
MERCURE DE FBANCE.
mier Ge til'homme de la Chambre du Roi & Colonel
du Régiment d'Infanterie de Mortemart après
la mort de fon frere aîné , & Brigadier d'Armée
tué au combat d'Ettingen le 17 Juin 1743 , n'ayant
eu de fon mariage avec Auguftine de Coetquen
Combourg fille unique de Madame la Ducheffe de
Mortemart fa belle mere , remariée le 29 Decem,
bre 1744 avec Louis- Charles de Lorraine Comte
de Brionne , Grand Ecuyer de France , & morte
le 3 Juin dernier , que Louis -François - Charles-
Auguftin de Rochechouard Mortemart , Duc de
Rochechouard , Pair de France , Grand d'Efpagne
de la premiere Claffe , mort à l'âge de 4 ans le 21
Decembre 1743. Par la mort de M. le Duc de
Mortemart , Jean- Baptifte de Rochechouard fon
frere puiné , Comte de Mauve , Marquis de Blanville
dit le Comte de Rochechouard , ci-devant
Colonel du Regiment Dauphin , Infanterie , fe
trouve le feul mâle reftant de fa branche , qui eft
la derniere de toutes les branches de cette illuſtre
Maiſon dont la Généalogie ſe trouve dans l'Hif
toire des Grands Officiers de la Couronne Vol
fol 649.
Errata du fecond vol . de Juin.
pAge 68 lig. 15 Tannegui , le Veneur , lifex
Tanneguy le Veneur .
Pag. 86. lign. derniere , s'amffant lifez s'agif
fant.
Pag . 91 lig. 22. pourroient être plûtôt des pains ,
life , pourroient être des pains.
Ibad lig. 25 torches , chandelles , lifex fouches,
torches , chandelles
Ilia lig. 26, fup, rimes tournées telles que les petits
pains qu'on porte à la main , attendu que l'on ne
connoitra pas l'ufage anciennement de ces pains là.
1
TABL E.
IECES
à M. Barentin ,
Intendant de la Rochelle.
Pag.
Autres à M. l'Abbé Vatry .
Traduction Françoife d'un original Italien .
Epitre à un ami.
Defcription de la Caverne de Grandville,
Soupirs d'un Penitent.
I otterie de la vie humaine ,
23.
25
41
42
Obfervations fur les hommes d'efprit & en général
fur les grands hommes Ibid.
Lettre de M.de Genffane à M. Saverien fur fa nouvelle
theorie de fa
manoeuvre des Vaiffeaux 47
Sentiment d'un jeune homme en quittant le monde
.
Epithalame fur un mariage.
Vers à mettre en chanson.
Madrigal à Mlle Ar .... de ...
Le Printems , Idylle
Vers à Mlle
Dangeville.›
Caracteres de la
veritable
grandeur
Vers à Madame la Comteffe d'A... ,
Autres à Mlle de G ...
La paix du coeur , Ode.
69
72,
73
74
Ibid.
76
77
84
86.
87
Nouvelles
Litteraires , des Beaux Arts & c . Gram◄
maire
Italienne , Extrait.
91
Traduction du Poëme intitulé la Boucle des cheveux
enlevée , Extrait.
96
Nouvel abregé
chronologique de l'Hiftoire de
France , Extrait.
Inftitutions
Aftronomiques, & c.
100
105 fuv.
Bouquet pour Madame la Marquife de ... & air
du fieur Gothreau
111
Lettre de M D... à M. le …….
Eau de beauté .
112
116
Programme de l'Académie des Jeux Ploraux pour
l'année prochaine. 118
Mots des Enigmes du 2e. vol. de Juin . 123
Enigme & Logogryphes .
Ibid.
Spectacles , Opera , Extrait du Triomphe de l'Harmonie.
129
133
Comédie Italienne , Le Prince de Surene.
Journal de la Cour , de Paris. Le Marquis des .
Iffars & de Salerne nommé Ambaffadeur en
Pologne .
Coliers de l'Ordre de la Toifon d'Or donné au nom
du Roi d'Efpagne par Monſeigneur le Dauphin
- au Comte de Noailles .
136
139:
138
Te Deum chanté à N. D. & feu d'artifice dans la
place de l'Hôtel de Ville
Accouchement de Madame la Dauphine. lb.d.
Mort de cette Princeffe & fa pompe funebre. 140
Mandement des Doyen, Chanoines & Chapitre de
N. D.
Autre des Vicaires Généraux du Chapitre.
Ordonnance des mêmes.
Prifes de Vaille.nx .
Inveftiffenient de Charleroi.
Mort du Roi d'Espagne .
1-7
150
152
155
157
165
169
179
La Nature & l'Art , autre Fable ,
181
Nouvelles Etrangeres .
184
Memoria St-phani Fourmontii Sc. 195
200
Journal du fiége de Charleroi,
Le Coufin , Fable,
Baptêmes , Mariages & Morts .
Ees Chanfons notées doivent regarder la page 111
Qualité de la reconnaissance optique de caractères