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1744, 07-09
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MERCURE
DE FRANCE .
DEDIE AU ROI.
JUILLET. 1744.
URICOLLIGIT
SPARGIT
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME
ruë S. Jacques.
CAVELIER ;
La Veuve PISSOT , Quai de Conty ;
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XLIV
Avec Approbation & Privilege
LIBRAR
THE NEW YORK
1
PUBLIC LIBRARY
555244
ASTOR, LENOX AND
AVIS .
TILDEN ' FOUDRESSE générale eft à Monfieur
MAN,Commis an
100
L
Commis au Mercure , visà
vis la Comédie Françoife , à Paris. Ceux qui
pour leur commodité voudront remettre leurs
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent ſe ſervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter , & à ceux qui les
envoyent , celui , non-feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de les per
dre , s'ils n'en ont pas gardé de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir leMercure de France de la premiere main ,
plus promptement , n'auront qu'à donner leurs
adreffes à M. Moreau , qui aura foin de faire
leurs Paquets fans perte de tems , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , on aux Meſſageries
qu'on lui indiquera.
PRIX XXX, SOLS .
V.LS
MERCURE
DE
FRANCE .
DĚ DI E
1.
Αυ ROI.
JUILLET .
1744.
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
EGLOGUE
PALEMON , TIRCIS.
Che
Tircis.
Ous aimez Palémon , que je plains vo
tre fort !
Avec vous- même , hélas ! vous n'êtes
plus d'accord.
Jadis , tout vous charmoit . Nos Bois & nos Mufettes
Vous offroient chaque jour de nouvelles beautés ;"
Vous
A ij
330444
1500 MERCURE DE FRANCE.
the
SHP
Vous rêvez maintenant ; c'eſt tout ce que vous
faites.
Nos airs les plus touchans , fi fouvent répétés ,
Sont,depuis peu , de vous avec peine écoutés.
Faut-il donc que l'Amour , ce Tyran implacable ,
Afflige dans nos Bois tout ce qu'ils ont d'aimable
Tytire , ainfi que vous , pleure fa liberté ,
Er l'aimable Daphnis n'en eft pas mieux traité.
Je me vois prefque feul exemt de fes caprices.
Palémon.
Dites plûtôt , Tircis : j'ignore fes délices.
Que vous connoiffez mal l'empire de l'Amour !
Vous êtes jeune encor ; vous aimerez un jour.
Laiffés moi feul , Tircis , rêver à ma Bergere.
Tircis.
Non, je ne puis fouffrir cette humeur folitaire,
Sifur vous l'amitié me donne quelques droits ,
Je vous entretiendrai tout le jour dans ce Bois,
Repofons - nous ici ; l'agréable Sylvandre
Et l'amoureux Damis doivent bientôt s'y rendre,
Palémon .
Adieu , vous devez les attendre,
Tircis.
Où fuyez-vous ? Pourquoi ne les attendre pas
Palémon.
La plus fombre retraite a pour moi plus d'appas ;
Et d'aujourd'hui je ne veux rien entendre,
Que
JUILLET. 1744. ISO1
Que le chant des Oifeaux , amoureux comme moi.
Je vous ſuivrai
Tircis.
par tout. L'état où je vous vor ,
Malgré vous , Palémon , m'impoſe cette Loi ,
Mais pourquoi me cacher le fujet de vos peines ?
Je ne veux point rompre vos chaînes ;
J'en voudrois feulement diminuer le poids .
Nommez -moi du moins la Bergere ,
Dont votre tendreffe a fait choix.
Palémon.
Je l'aime , cher Tircis ; le nom n'importe guere ;
Ah ! que ne m'aime- t'elle , autant qu'elle m'eft
chere !
Seule , l'autre jour , dans ce Bois ,
Je l'entrevis pour la premiere fois.
Que ma furpriſe fut extrême !
De ce trouble charmant j'ignorois la douceur.
Du tendre Amour un trait vainqueur
Me fit connoître à l'inftant même
L'avantage d'avoir un coeur.
Vantez moins à mes yeux la froide indifference ;
Epris d'une oifive indolence ,
Mon coeur eut,fans l'Amour, ignoré le bonheur.
Tircis.
Vantez moins de l'Amour les douceurs homicides.
Hélas ! combien les traits perfides
N'ont-ils pas fait de malheureux ?
A iij Peut1502
MERCURE DE FRANCE.
Peut-être par d'indignes feux
Vous-même êtes -vous la victime.
Son flambeau vient luire à nos yeux ,
Souvent pour éclairer le crime.
Remontons au Berger Pâris ;
De fa tendreffe Helene fut le prix ;
Mais de leur flâme illégitime
Nâquit l'embrafement fatal , à fon Pays.
Palémon.
En vain vous m'étalez la tragique avanture
De ce Berger infortuné ;
Mon coeur n'en eſt point étonné ;
Bleffé par Cupidon , il chérit fa bleffure .
Ah ! fi ce Dieu frappoit des mêmes traits
L'aimable objet dont les naïfs attraits ,
Sans le fecours de la parure ,
Ont fçu ravir ma liberté ,
Trop fatisfait d'adorer fa beauté ,
Sans peine j'oublirois en cetre conjoncture ,
Ce qu'a pour moi de plus cher la Nature.
Tircis.
Tous me foins déformais deviendroient fuperflus ;
La
JUILLET. 1744. 150 ;
La Raifon parle envain ; vous ne l'écoutez plus.
Quoi ! de notre amitié le confeil falutaire
Ne peut de votre amour un moment vous dif
traire ?
Palémon.
Tircis , je fçais ce que je dois
A l'amitié , dont votre coeur m'honore ;
Mais quand l'Amour fait entendre ſa voix ,
C'eft en vain qu'en nos coeurs l'amitié parle encore.
Par M. Boyer.
A Lyon , ce 15 Juin 1744.
***
A iiij
RE
7504 MERCURE DE FRANCE.
REPONSE du R. P. M. Texte , Dominicain
, à la Lettre Anonyme , inferée dans
le Mercure du mois de Janvier 1743 , au
fujet de la Médaille d'un de nos Rois , qui
a pour Légende : VOTA MEA DOMINO
REDDAM .
Ous
commencez M. votre Lettre
>
contre ma Differtation , fur la Médaille
en queftion , par une Ironie , qui eft
plûtôt pour moi un fujet de louange que
de blâme. « L'Ordre de S. Dominique
>>> dites- vous , d'un certain ton , a beaucoup
» d'obligation au P. Texte , de toutes les
>> peines qu'il fe donne à compofer des Dif-
» fertations , dans lefquelles il puiffe faire
>>entrer , par occafion , quelque chofe qui
» foit à la gloire de fon Ordre , quoiqu'on
» en ait déja publié plufieurs de cette efpe-
» ce. Je doute que cette prédilection du R.
» P. fe foit mieux fait fentir que dans la
» Differtation qu'il vient de publier dans
» celui du mois d'Août dernier . On y voit
» une mention du Pape Benoît XI , qui n'eft
» faite , que pour pouvoir dire qu'il étoit
» Dominicain.
Vous
JUILLET. 1744 . 1505
Vous n'ignorez pas , M. que les Ordres
Religieux ont donné de grands Sujets à
l'Eglife , & que celui de S. Dominique , en
particulier , n'eft pas un des moindres parmi
ceux qui fe font fignalés de ce côté-là ; il
feroit aifé de faire une longue * énumeration
des Perfonnages illuftres qui en font
fortis ,
quoique les profeffions tacites
ayent dérobé à notre connoiffance les Maifons
d'affiliation à l'égard de plufieurs. Domeftica
fed tamen vera, difoit S. Gregoire de
Nazianze , en faisant l'éloge de fa propre
Famille ; fi celui que je fais quelquefois de
mon Ordre vous paroît trop affecté, prenezvous-
en à vous- même qui m'y engagez par
votre Critique. Vous ne devez donc pas
être furpris fi , perfuadé comme je le fuis
du bon accueil que l'on fait à nos Journaux
Litteraires François dans les Pays les plus
éloignés , je prends plaifir d'y inférer de
tems en tems des Differtations fur des Faits
Hiftoriques, & d'y faire entrer des Faits intéreffans
de quelques-uns de nos Religieux ,
qui y ont du rapport , & dont le mérite a
*
Quatre Papes : le Cardinal Gotti avec deux fuffrages
de plus , auroit fait le cinquième au dernier Conclave.
Soixante-trois Cardinaux. Vingt- trois Patriarches
, des Prélats fans nombre, & c.
A v été
1506 MERCURE DE FRANCE.
été d'autant plus grand , que l'obfcurité dur
Cloître d'où ils ont été tirés , n'a pû les .
cacher. Je le fais d'ailleurs , à l'exemple de
tant d'Ecrivains Séculiers & Réguliers , qui
par des Annales , ou par des Vies de Saints ,
concourent à la perfection de l'Hiſtoire Eccléfiaftique
& Profane.
Au reſte , M. ma tendreffe filiale pour
l'Ordre , dont j'ai l'honneur de porter l'habit
, prouve combien j'eftime mon état , &
fi elle s'eft fait fentir , cette prédilection ,
dans ma Differtation du Mercure du mois.
d'Août 1742 , comme vous le dites , vous
allez être convaincu que ç'a été très- àpos
, & toujours dans les bornes d'une juſte
moderation .
-pro-
Cependant à vous entendre , je n'ai fait
mention du Pape Benoit XI , que pour pouvoir
dire qu'il étoit Dominicain. Le Lecteur
impartial jugera fi je devois m'en difpenfer.
L'explication de la Médaille en queſtion
m'ayant néceffairement obligé de parler de
deux victoires , remportées par deux de nos
Rois fur les Flamans , fçavoir , Philippele-
Bel à Mons en Puelle , & Philippe de
Valois à Caffel , & des Voeux que
firent ces
Princes dans les périls où ils fe trouverent ,
j'ai rapporté d'après M. le Gendre , Hift.
de
JUILLET. 1744. 1507
de France , T.11 , p. 446 : « Que le Pape
» Benoît XI envoya , fans en être follicité ,
» un Bref à Philippe-le - Bel , pour l'abfoudre
» des cenfures fulminées par Boniface VIII
> contre fa perfonne Royale , grace ineſpe-
» rée , qui fit grand plaifir au Roi dans un
» tems oùil avoit befoin de réunir toutes fes
» forces , pour dompter les Flamans. J'ai
ajouté que Benoit X I étoit Dominicain : le
Public devoit-il ignorer l'Ordre dont étoit
ce grand Pape , depuis peu beatifié , après
une démarche fi héroïque , également avantageuſe
au Roi , & à fon Peuple , glorieuſe
à l'Etat Religieux en général , & en particulier
à l'Ordre de S. Dominique?
J
par
Je vous aurois fans doute ennuyé , M. fi
j'avois dit que Benoît XI , étant entré dans
fa jeuneffe dans l'Ordre des FF . Prêcheurs
s'y diftingua tellement par fa Science &
fa Vertu , qu'il paffa par toutes les Charges
& fût Prieur , Provincial , & enfin IX Général
, & que le Pape Boniface VIII le fit
Cardinal , &c. Hift . Eccl . par M. Fleury , T.
XIX , pp. 70 & 71.
J'ai marqué comme une fuite naturelle
de cette victoire , remportée par Philippele-
Bel fur les Flamans à Mons en Puelle
la Fondation du Monaftere des Dames Do-.
minicaines de Poiffy , faite par ce même
Roi en 1304, dès qu'il fut de retour à Pa
A vj
LIS
7
1508 MERCURE DE FRANCE.
ris , & je l'ai fait d'après l'Auteur d'un an
cien Manufcrit de l'Abbaye S. Victor , rapporté
par les Sçavans Continuateurs de
Bollandus au 25 Août , au fujet du Lieu de
la naiffance de S. Louis ; Eodem tempore
( 1304 ) Rex Philippus reverfus de Flandria
nobile Monafterium Sororum Ord. Præd. inftituit
fieri in honorem Dei & B. Ludovici apud
Piffiacum , ubi pradictus Sanctus extitit oriun
dus. *
Devois je , M. à votre avis , féparer cette
picufe Epoque que l'Auteur du Manufcrit
de S. Victor a prétendu unir avec la victoire
, les Voeux & les Fondations de Philippele-
Bel ? Eodem tempore , afin de donner un
plus grand luftre à la jufte reconnoiffance de
ce grand Prince envers Dieu , & à fa pieuſe
vénération pour la mémoire de S. Louis ,
fon Ayeul. Et pouvois- je , encore une fois
omettre cette circonftance , fans faire tort à
l'Auteur du Manufcrit , en lui ôtant le mérite
de fa bonne intention , & fans dimi-
>
* Des Sçavans en aflés bon nombre , ont prétendu
que le Saint Roi n'étoit point né a Poiffy , comme on
le croyoit communément avant eux. Le P. Texte , Dominicain
, leur a répondu avec folidité ; notre Auteur
Bollandite prend ouvertement fon parti , donne un
nouveau poids à fes preuves, nous paroit détruire fans
réplique celles de fon Adverfaire . Journal de Tréyoux
, Novembre 1743 , page 2761 .
nuer
JUILLET. 17440 1509
nuer la gloire du Vainqueur , dont la piété
eft ici fi remarquable ? Venons à Philippe de
Valois.
M. le Gendre , que j'ai déja cité , faiſant
le recit de là victoire , remportée par ce
Monarque fur les Flamans , au Siége de
Montcaffel , dit , en parlant de l'irruption
des Ennemis vers la tente du Roi : Heureufement
le Confeffeur du Roi , qui étoit Dominicain
, n'étoit pas encore endormi s fans cela tout
étoit perdu. M. l'Abbé de Choify l'a écrit à
peu près de même dans fon Hift. Eccl . T.
VII , pag. 143. Parlons , M. de bonne - foi ;
me convenoit- il , étant Dominicain , d'alterer
ou de tronquer de mon autorité le texte de
ces deux Ecrivains , & de paffer fous filence
l'ordre de ce Confeffeur , quand même j'au
rois prevû que quelqu'un n'approuveroit
pas une exactitude fi indifpenfable ?
Au refte , nous ignorions le nom de ce
Confeffeur ; je le trouvai dans le Traité de
la Chapelle de nos Rois par M. l'Abbé Archon
, T. II , p . 237. J'en fis part à l'Auteur
de l'Edition de Moreri , publiée en 1725 ,
& il en profita. L'Etat de la Maiſon du Roi
Philippe VI , de 1328 , dit Archon , nous
apprend les noms de fon Confeffeur & de
fes Eccléfiaftiques. Son Confeffeur s'appelloit
Nicolas Gorand , Gorandus , de l'Ordre
de S. Dominique , » fort eftimé , dit le P.
Mallet ,
1510 MERCURE DE FRANCE.
Mallet , du Roi Philippe de Valois , qui
lui donna la direction de fa confcience .
» Philippe , Roi de Navarre , Comte d'Evreux,
& fa Femme Jeanne de France , lui
témoignerent auffi leur affection , & à
» cette Maifon de Paris , car tous deux nous
» donnerent chacun leur coeur , lui en 1343 »
» & elle en 1349%
"
On ignoroit , comme je l'ai déja dit , ce
Gorand; il y a plus ; on le confondoit , &
on n'en faifoit qu'une même perfonne avec
un autre Dominicain , que le P. Echard
nomme Nicolaus de Gorrenno, Gorrain , Confeffeur
de Philippe-le- Bel , long- tems aupa
vant , à qui ce Prince laiffa une penfion de
quarante livres tournois par fon Teſtament
de l'année 1296. Item , F. Nicolao de Gorrenno,
quondam Confeffori noftro, legamus fingulis
annis, quandiu vixerit,quadraginta libras Turonenfes.
Il m'a fallu , comme vous le voyez , débroüiller
tous ces Faits , les expofer par ordre
, les rendre fenfibles aux Lecteurs , &
utiles aux Ecrivains futurs , les précédents
les ayant ignorés. Comprenez donc , M.
combien ce long éclairciffement étoit néceffaire
, & avouez enfin que vous avez eu
quelque tort de dire , que ma Differtation
n'étoit uniquement , que pour faire fentir la
prédilection que j'ai pour mon Ordre.
Comme
JUILLET. 1744. 1511
Comme ce fût la premiere année du Régne
de Philippe de Valois , qu'il gagna fur
les Flamans la Bataille de Mont- Caffel
le Théatre des périls & des Voeux de ce Roi ,
& que par ce même Prince la Branche Royale
des Capetiens , dite de Valois , qui a
régné pendant 261 ans , venoit de monter
fur le Trône , je ne pouvois me difpenfer
de faire voir dans une extinction fr
prompte & fi inopinée des Princes de la Famille
de Philippe-le-Bel , le droit que Philippe
VI avoit à la Couronne par le Roi S.
Louis, fon Bifayeul , après la mort des trois
fils de Philippe-le-Bel , fucceffivement Rois,
fçavoir , Louis X , Philippe V & Charles
IV , décédés fans Enfans mâles. Et pour cela
, j'ai été obligé d'entrer dans la Généalogie
de Philippe VI. Eſt- ce l'avoir
trop étendue
, & hors de propos , que de nommer
feulement fon Pere Charles I , qui eut
pour appanage le Comté de Valois , dont la
Branche prit le nom , & qui étoit frere de
Philippe le-Bel , tous deux fils de Philippe
III , dit le Hardi , & petit- fils de S. Louis ?
Me fuis -je , encore une fois , trop étendu ,
& fans un jufte motif , en ajoutant que
Philippe VI avoit pour frere unique Charles
II , Comte d'Alençon , une foeur & une
niéce , nommées Ifabeau de Valois Religieufes
Dominicaines à Poiffy , & un neveu
nommé
1512 MERCURE DE FRANCE.
nommé Charles III , Comte d'Alençon ,
Dominicain , décedé Archevêque de Lyon ,
Prince dont je devois néceffairement faire
mention , comme étant neveu de Philippe
VI , & fon fucceffeur à la Couronne de
France , en qualité d'aîné des Valois , en
cas de mort fans Enfans mâles ?
Vous me reprenez , M. d'avoir pris la défenfe
d'une Médaille qui n'en vaut pas la peine,
& qui étant pofterieure de trois fiécles à
Hiftoire qu'elle repréfente , n'eft ni fidelle , ni
du tems marqué dans l'Exergue. Cela feul me
fuffit pour convaincre le Public éclairé , que
je devois écrire fur ce fujet , quand cela ne
ferviroit qu'à faire connoître que vous êtes
vous-même dans l'erreur ; & pour le faire
folidement , je n'ai qu'à rapporter vos pro
pres termes , & ceux de M. l'Abbé Joly ,
qui vous font oppofés ; cet Auteur ne doit
pas vous être fufpect , après le grand éloge
que vous en faites & avec juftice : commençons
par ce que vous en avez écrit.
33
وو
" Le P. Texte ne devoit- il pas fe méfier
»de cette Médaille , tirée de la France Métallique
de De Bie , puifqu'elle rapporte
» en l'an 1329 , l'acquit des Voeux de Philippe
de Valois , qui , felon la Chronique
»écrite dans le tems , durent être rendus
pendant l'Automne dei 328 , que le Roi
» arriva à Paris ?
33
"
Je
JUILLET. 1744. 1513
Je remarque d'abord qu'incertain vousmême
de ce Fait , vous n'ofez pas avancer
que ces Voeuxfurent effectivement rendus
mais fimplement qu'ils durent être rendus ;
mais une foible conjecture doit ceder à l'Epoque
pofitive & réelle M. CCC. XXIX , qui
eft fur la Médaille en queftion , & avec
d'autant plus de raifon , que ce Monument
a été fait pour repréfenter , non pas l'arrivée
du Roi à Paris , mais fon offrande dans
l'Eglife de Chartres .
رو
"
ور
Vous ajoutez : ,, Je fuis donc bien éloigné
de croire que le P. Texte ait bien.
choifi fa matiere cette fois , en entre-
» prenant la défenfe d'une Médaille qui
» n'en vaut pas la peine , puifqu'elle eft
pofterieure de trois fiécles à l'Histoire
» qu'elle repréfente ....... Ce que le P. T.
» vient de traiter a été difcuté bien au long
» par M. Claude Joly , Chantre & Chanoine
» de N. D. de Paris , dans fon Voyage de
» Munster ...... Chanoine , dont l'érudi
» tion & la fagacité étoient égales , pour ne
»laiffer rien à defirer.
Voilà , M. votre texte ; voici celui de M.
l'Abbé Joly , pag . 46 . ,, M. François Meze-
» ray , Hift. de Fr. attribue à Philippe de
» Valois cette offrande à cheval , & en ar-
» mes dans l'Eglife de Paris , mais pourtant
»il reconnoît que quelques-uns tiennent
» que
1514 MERCURE DE FRANCE.
"
que c'eft celle de Philippe-le- Bel , & il ne
» les contredit pas. Ce qu'il rapporte de plus
confidérable pour prouver ce qu'il dit
eft une Médaille qu'il a prife du Livre
» intitulé : La France Métallique , où eſt la
figure du Roi armé,à cheval , qu'il prétend
être femblable à celle qui eft à N. D. de
" Paris , autour de laquelle Médaille on lit :
» Vota mea Domino reddam ; & au bas , M.
» CCC. xxix . Cette date fait voir évidem-
» ment , que cette figure eft de Philippe de
»Valois , & non pas de Philippe-le -Bel ,
dont l'offrande fut faite en 1304. On peut
obferver fur cette Médaille , qu'elle n'eft
pas tout-à-fait conforme à la repréſentation
qui eft à N. D. de Paris..... On peut
» dire , & il eft vraisemblable , qu'elle eft
»de Philippe de Valois , quand il alla à l'E-
" glife de Chartres , conformément aux
» Chroniques de S. Denis , & de ce même-
» tems.
Remarquez bien , je vous prie , la conféquence
que tire M. Joly. Cette date fait
voir , dit-il , que la figure eft de Philippe de
Valois , quand il alla à Chartres. La date de
1329 marque donc , felon cet Auteur , l'année
que le Roi accomplit fon Vou ; une
Epoque fi jufte & adoptée par un tel Ecrivain
, ne doit plus être pour vous une raifon
de profcrire , comme vous faites , la
MéJUILLET
. 1744. ISTS
Médaille en queftion , mais plûtôt un engement
à la reconnoître frappée du même
tems. M. Joly rapporte ailleurs la teneur de
la Chronique , dont voici le Texte Latin .
Rex verò in Francia exiftens Beatum Dyonifium
primitus vifitavit & poftea , fans fixer le
tems , ivit Carnotum ; » partant , ajoûte M.
Joly , qui confidérera les termes de ce Paf-
"
"
fage , jugera qu'il y eft parlé d'un Voya-
" ge & non pas d'un fimple retour à Paris.
M. Joly à donc voulu par là , faire remarquer
, que ce voyage de pieté d'un Roi
vainqueur , qui devoit accomplir folemnellement
un Vou fait dans le péril d'un combat
, demandant de grands préparatifs , la
cérémonie en fut differée. En effet , outre
les préparatifs ordinaires , & néceffaires , il
falloit que le Roi & ceux de fa fuite , fatigués
& mal équipés, après tant de travaux ,
euffent le tems de refpirer & de s'équiper
avec quelque loifir ; qu'après une longue
abfence , chacun terminât des affaires retardées
, & devenuës urgentes ; que le Roi reçut
, à caufe de fon avenement à la Couronne
, la foi & hommage de tous les Seigneurs
, & tenans Fiefs , dit Mezeray , que
fon prompt départ pour la Flandres ne lui
avoit pas permis de recevoir de tous , &
principalement d'Edouard , Roi d'Angleterre
, qu'il fallut fommer de s'acquitter de
ce
1516 MERCURE DE FRANCE.
ce devoir pour les Duchés de Guyenne &
de Ponthieu , fa Mere perfiftant à foutenir
que le fils d'un Roi ne devoit pas s'abaiffer
devant le fils d'un Comte , en parlant de
Charles , Comte de Valois , Pere du Roi
Philippe VI . Edouard rendit pourtant cet
hommage au mois de Juin 1329. Tout cela
demandoit , fans doute , un certain tems ,
& conduit infenfiblement de l'Automne
1328 , que Philippe arriva à Paris , à l'année
1329 , qu'il alla , felon M. Joly , préfenter
fon offrande à l'Eglife de N. D. de
Chartres.
Voyez , M. combien vos fentimens font
oppofés à ceux de l'Auteur , fur l'éloge duquel
vous vous étendez fi fort. Il adopte la
Médaille de la France Métalliquée , citée par
Mézeray , & vous employez une page entiere
pour la profcrire. Il infere de la date
1329 , que l'offrande fut faite cette même
année , & vous inferez de la même date
qu'elle n'eft pas fidelle , puifque l'offrande
dut fe faire en 1328. Qui faut- il donc
croire ? vous ou M. Joly , dont l'érudition
& la fagacité étoient égales , pour ne rien
laifferfur cela à defirer, & à qui par un éloge
fi accompli vous donnez votre fuffrage.
De ce que je viens de dire , il eſt aifé de
conclure
, que la Médaille en queftion , bien
loin d'être , comme il vous plaît de le dire ,
de
JUILLET. 1744, 1517
de trois fiècles après ce qu'elle repréfente , eft
de la même année M. CCC. XXIX , marquée
dans l'Exergue , & en laquelle ce qui eft
repréſenté fut accompli .
Vous finiffez , M. par cet avis que vous
me donnez , comme important , & cela eft
fingulier , que le P. Texte prenne la peine de
confulter l'Ouvrage de M. Joly , & il trouvera
toute faite la befogne qu'il a voulu entreprendre.
Mais , M. fi toute la befogne étoit faite
par M, Joly , & bien faite , puifque vous
affûrez qu'il n'arien laiſſe à defirer, comment
vous êtes-vous avifé de vouloir gâter cette
befogne , par des fentimens oppofés aux
fiens ? M. Joly adopte , après Mezeray , la
Médaille de De Bie , & par la date, il la reconnoît
fidelle & frappée de ce tems là ; &
vous , en foûtenant le contraire , vous effacez
d'un coup de plume ces deux beaux
traits de fon Ouvrage.
Toute befogne étoit faite , felon vous ; iļ
eft vrai que M. Joly avoit prouvé que la
Figure Equeftre , qui eft à N. D. de Paris
elt de Philippe le Bel , & que l'offrande de
Philippe de Valois fut faite à Chartres ,
mais le R. P. Dubois , de l'Oratoire , qui a
écrit l'Hiftoire de l'Eglife de Paris , publiée
en 1710 , dix ans après la mort de M. Joly,
décedé en 1700 , a écrit , T. II , p . 615, que
la
18 MERCURE DE FRANCE.
-
la Figure , qui eft dans cette Eglife , eft de
Philippe de Valois , & que ce Roi y fit fon
offrande , & non pas à Chartres. Rex reverfus
Parifios..... tum militari apparatu intravit
in Bafilicam B. Maria , iifdem armis indutus
quibus pugnaverat , eodem infidens equo ,
quem cum armis Ecclefia B. M. obtulit . Vetus
hujufce Religionis Regia Monumentum , effigies
fcilicet illa Equeftris Regis cataphracti ; hand
dubiè Philippi VI . patet , &c.
Il m'a fallu prouver néceffairement le
contraire de cet Expofé , afin de faire éviter
ces deux erreurs à des Ecrivains , qui , au
préjudice du fentiment fi bien fondé de M.
Joly , auroient pû fuivre celui du R. P. Dubois
, & afin d'autorifer davantage celui de
M. Joly , j'ai rapporté le témoignage de M.
de la Barre , Editeur de la Chronique de S.
Denys , que M. Joly cite , imprimée en
1723 , dans laquelle cet habile Editeur
après avoir bien examiné l'Original , &
confulté d'autres Manufcrits , Nova Editio
ad fidem Manufcriptorum codicum expurgata;
dit
que le Roi Philippe VI alla à Chartres ,
ivit Carnotum & arma & equum devotiffimè
prefentavit. S'il eût déja fait cette offrande
à Paris , il lui auroit fallu racheter le tout
pour le transferer & le laiffer à Chartres.
J'ai mis la main à la plume , pour défendre
le fentiment de M. Joly , attaqué dix ans
après
JUILLET. 1744. 1519
après la mort. Je fuis fort blâmable, à votre
avis , d'avoir rendu ce fercice à fa mémoire ,
& ce témoignage à la vérité ? Auriez - vous
voulu , M. vous donner cette peine , vous à
qui la réputation de cet Auteur paroît fi
chere , & qui cependant bien loin de le défendre
, le combattez ouvertement ?
Toute la befogne , encore une fois , étoit
faite , felon vous. Mais relifez l'Article, que
M. Joly déclare n'avoir inferé ſur cette matiere
dans fon Voyage de Munster , que comme
une fimple digreffion , & vous avoüerez
, M. qu'il n'y eft pas fait mention des
deux tiers des Faits , que j'ai expofés dans
ma Differtation , & toujours par rapport à
la Médaille. M. Joly parle , il eft vrai , au
fujet de cette Médaille , mais il s'étend
beaucoup plus fur les Fondations faites par
les deux Rois Philippe le Bel & Philippe de
Valois , fur les Terres affignées pour les
fonds des Rentes , & enfuites rachetées, &c,
Et moi je me fuis particulierement attaché à
recueillir les fentimens des Auteurs au fujet
de la Médaille , de la Figure Equeftre , du
tems de l'offrande , de l'Eglife où elle fur
faite. J'ai rapporté les motifs des Déclarations
de guerre entre les François & les Flamans,
les faintes difpofitions qui précedérent
le départ de Paris , & le Combat de Philippe
VI , avec des circonftances curieufes
&
1520 MERCURE DE FRANCE.
& particulieres , les difcours enfin tenus
contre ce Prince par fes ennemis , les artifices
qu'ils employerent pour furprendre
fa Perfonne Royale , & la vigilance heureuſe
de fon Confeffeur , Dominicain , pour
le garantir . Jugez , M. par cet Expofe , fi
toute la befogne étoit faite , & fi les quinze
pages de ma Differtation ont été auffì inutilement
employées que vous le penfez &
que vous le dites.
Je fuis , Monfieur , &c.
A Paris , le premier Avril 1744.
NOUVELLE Traduction du Diſtique de
Virgile : Nocte pluit totâ , &c.
D
Es Torrens chaque nuit femblent tomber des
Cieux ;
Chaque jour fait briller un Spectacle à nos yeux.
Notre Augufte Empereur & le Dieu du Tonnerre
Partagent tour à tour l'Empire de la Terre.
I. G. L. T. D. M,
$252
AVEU
JUILLET. 1744. 1521
2525252525252525252525252:
A VEU à M. B.
Vous,quej'aimai long-tems de l'Amour le plus
tendre ,
Vous, qui m'aimez encore avec emportement ,
Sans colere aujourd'hui pourrez- vous bien entendre
doit vous faire un infidéle Amant ?
L'aveu que
Quand vos attraits vous foumirent mon coeur ,
Quelque-tems ma Raifon féduite
Ne vit en vous d'autre mérite ,
Que la Beauté , l'Esprit , & la Douceur ,
Mais lorsqu'à vos Vertus cedent tant d'avantages ,
L'Amour & tous les feux ,
D'autant plus inconftans qu'ils font impétueux ,
Yous foumettant les coeurs , offrent de vains hommages.
De la Beauté
La Volupté
Eft le
partage,
Et l'Amitié conftante & fage
De la Vertu doit être le feul
gage .
Ne me nommez plus votre Amant ,
Mais foyez-moi l'Ami le plus fidéle ,
Car, fans changer d'objet de mon attachement }
J'ai préféré l'ardeur qui doit être éternelle.
3
B. D.
B LET1522
MERCURE DE FRANCE;
assasasasas- asésésés és és és ésésésés és és é
LETTRE écrite par M. D. L. R. au R.
P. Dom I. L. D. La C. Bénédictin , de la
Congregation de S. Maur , au fujet du Livre
de l'IMITATION DE JESUS -CHRIST ,
MON REVEREND PERE ,

Vous m'avez fait l'honneur de m'adreffer
une fçavante Differtation dans le Mercure ,
au fujet de l'Edition de l'Excellent Livre de
l'Imitation de J. C. que M. l'Abbé Lenglet
a donnée au Public en l'année 1731 , avec
fa Traduction, faite, comme porte le titre ,
fur l'ancien original François. Cette circonf-
M. R. P. vous parût finguliere , &
vous engagea à examiner les raifons que
l'Editeur donne dans fa Préface , pour foutenir
que le texte Latin de l'Imitation n'en
eft pas l'Original ; que l'Original eft François
, & que le Latin n'eft qu'une Traduction
, c. c'est-à- dire , foutenir le contraire
de ce que les Sçavans , les meilleurs Critiques
, tout le Monde enfin, a penſé jufqu'à
préfent au fujet de cet Ouvrage. On ne peut
rien ajouter à la fagacité , avec laquelle
yous avez difcuté cette efpece de Problê
me , difcuffion qui vous a obligé de conclure
JUILLET. 1744. 1523
clure, qu'il eft clair & manifefte par les plus
anciennes Editions de ce Livre , foit Latines
, foit Françoiſes , que le texte Latin en
eft le véritable Original , & conféquemment
, que le fentiment de M. l'Abbé Lenglet
eft tout-à- fait infoutenable. Votre Differtation
eft datée de Paris le 23 Septembre
1742 , & imprimée dans le Mercure du
mois de Novembre fuivant , p. 2346.
Je puis vous affûrer , M. R. P. qu'elle a
fait du bruit dans leMonde Litteraire, & que
plufieurs Sçavans ont pris hautement votre
parti , mais perfonne ne l'a fait avec plus de
⚫folidité & de profit que le R. P. Boudet ,
Chanoine Régulier de S. Antoine , par une
Lettre du 15 Janvier 1743 , imprimée dans
le Mercure du même mois , p. 103 , que
vous avez vûë dans le tems , & dont tout le
Monde a paru fatisfait.
Depuis ce tems-là , M. R. P. vous nous
avez quitté , fi c'eft quitter les amis , que
de fuivre la grace de fon Etat , obéir à ſes
Superieurs , en paffant d'un Monaftere à un
autre , & de porter par tout l'amour de la
régularité , & l'inclination à cultiver la bonne
Litterature. Je vous ai cependant promis
de vous donner avis de tout ce qui pourroit
furvenir de nouveau dans cette conteftation
, furtout de la part de M. l'Abbé l'L .
perfonnellement intéreffé. Il a couru quel-
Bij que
1524 MERCURE DE FRANCE.
que bruit qu'il préparoit une Réponſe à votre
Differtation , mais je crois qu'il y a
lieu
d'en douter , car ayant rencontré un jour
ce fçavant Abbé à S. Germain-des- Prez , il
ne m'en parla pas , & l'occafion étoit belle ,
puifqu'il me dit qu'on alloit imprimer
pour la troifiéme fois fa Traduction de l'Imitation
de J. C. & cela il y a plus de fix
mois.
Il eft à croire qu'il fupprimera dans l'Avertiffement
l'article qui fe lit dans celui de
l'Edit. de 1731. Après avoir dit
que ce Livre
eſt connu & révéré dans tous les Pays ;
qu'il eft traduit en toutes les Langues , & •
qu'il a paffé jufqu'à la connoiffance des
hommes les plus barbares , l'Auteur ajoute ;
Un Religieux, étant allé trouver un Roi de Maroc
, ce Prince le lui fit voir dans fa Bibliothe
que , traduit en Langue Turque , & lui témoigna
le préférer à tout autre Livre, Ce qui eft
copié & mal copié de prefque toutes les
Préfaces des Editions précédentes , & ce
qui eft également faux dans le fait & abfurde
, comme je l'ai démontré dans une de
mes Lettre , imprimée dans le Mercure de
Décembre 1735 , p. 2853.
J'ai rendu compte dans la même Lettre
de laTraduction de ce Livre en Langue Arabe
, par un zélé Miffionnaire , Carme Déchauffé
; j'ai dit dans quelles circonstances
&
JUILLET. 1744. 2525
& à quelle intention elle fut faite , enfin
quel en fut le fuccès à l'égard des Mahometans
, que l'Auteur avoit en vûë , lefquels
ne pûrent jamais goûter un pareil Ouvrage
, fi oppofé aux vifions de l'Alcoran , &c.
Vous avez vû , M. R. P. cette verfion Arabe
dans mon Cabinet , & vous fçavez que j'en
fais un grand cas , parce qu'elle eft d'une
élégance parfaite , & que rien n'y manque
du côté de la diction & du Style ; elle peut
être du moins très-utile pour les Chrétiens
de Syrie , qui n'entendent que la Langue
Arabe. Elle fut imprimée à Rome aux dépens
de la Congrégation de la Propagande
en l'année 1663 , c'eft-à-dire , long- tems
après qu'on a dit , contre la vérité , dans
plufieurs Ouvrages , que ce Livre avoit été
traduit en toutes les Langues , &c. mais il
s'en faut bien que cela foit exactement
vrai .
>
J'ai cependant donné une Lifte des Verfions
qui font venues à ma connoiffance
dont les principales font la Grecque du P.
Georges Mario , de la Compagnie de Jefus ,
l'Italienne de Profpero Farandi , Chanoine
Régulier de Milan , imprimée à Paris , chés
Camufat & P. le Petit en 1645 ; l'Efpagnole
par le pieux J. Eufebe de Nieremberg , Je
fuite , & l'Angloife fans nom d'Auteur , imprimée
à Londres en 1699, J'ai auffi vû
B iij plu1526
MERCURE DE FRANCE.
plufieurs belles Editions du texte Latin`,
dont la plus ancienne eft du Vénérable Georges
Pirkamen , Prieur de la Chartreufe de
Nuremberg , imprimée à Nuremberg en
l'année 1494. J'ai remarqué que prefque
tous ces Traducteurs & Editeurs donnent
çet Ouvrage à Thomas à Kempis.
L'Auteur de la Verfion Arabe , que je poffede
, eft, comme je l'ai dit ailleurs , le P. Céleftin
de Ste Ludovine , Carme Déchauffé , le
même dont il eft parlé dans mon Voyage de
Syrie & du Mont- Liban , & c . qui étoit Superieur
des Carmes Déchaux de cette Montagne
, lorfque le pieux M. de Chafteuil s'y
retira , & qu'il y mourut en l'année 1644 .
Ce Pere prononça fon Panégyrique en Arabe.
Il s'appelloit dans le monde Pierre Go-
Lius , & étoit frere du fameux Jacques Go-
Lius , Profeffeur en Arabe à Leyde , qui avoit
fuccedé à Erpenius .
Depuis votre départ de Paris , j'ai fait ,
M. R. P. l'acquifition de deux autres Traductions
du même Livre ; la premiere que
j'eſtime infiniment , eft celle du refpectable
LOUIS DE GRENADE , pieux & célébre Dominicain
Eſpagnol. Je la trouvai , par un
heureux hazard , parmi d'autres Livres mis
en vente dans un Carrefour de cette Ville .
* Il a donné une Edition entiere des Oeuvres de
Thomas à Kempis.
C'eft
JUILLET. 1744. 1527
C'est un fort épais Vol. in- 16 , relié en maroquin
, & orné des Armes de Bourbon
Vendôme , &c. Le Titre eft CONTEMPTUS
MUNDI. O Menos precio del Mundo , con un
Tratado de Oraciones y exercicios de devocion ,
de F. LUIS DE GRANADA . En Sevilla en Cafa
de fuan de Leon 1609. Il y a à la tête une
courte Préface, digne du fujet & du Traducteur.
L'Abbé Lenglet en a donné l'Analyſe
dans la premiere Edition de ſa Traduction
Françoife. La Verfion du P. de Grenade me
paroît exacte , énergique , & écrite dans la
plus grande pureté de la Langue Caftillanne.

L'autre acquifition eft un peu finguliere ,
& l'effet d'un hazard plus particulier. Mon
Domestique en allant à la Meffe cet Hyver
dernier , de grand matin, à l'Abbaye S. Germain-
des-Prez trouva fur le pavé de la
grande cour du Palais Abbatial un Livre ,
petit in- 12 , enchaffé dans une espece d'étui
de carton de couleur brune. Après quelques
démarches inutiles pour pouvoir le rendre
à ſon Maître , le Livre me fût apporté , & je
vis, non fans quelque étonnement,une Traduction
Françoiſe de L'IMITATION DE J. C.
faite pour l'ufage des Proteftans , & imprimée
en Hollande. En voici le premier titre
au bas d'une vignette , qui occupe la premiere
page : Prens L'IMITATION DE JESUSBiiij.
CHRIST
1528 MERCURE DE FRANCE.
CHRIST à coeur. Dans la vignette , le Sauveur
eft repréſenté enfeignant fur la Montagne.
A la feconde page eft ce Titre , KEMPIS
COMMUN , ou les Quatre Livres de l'Imitatation
de Jefus Chrift , traduits pour l'édification
commune de tous les Chrétiens qui defirent
de s'avancer dans la folide Piété. Nouvelle
Edition retouchée & plus correcte , I. Vol. in-
12. A Amfterdam, chés Henri Wetstein 1701 .
On voit fur la même page , par maniere
d'ornement , une autre gravûre , mais beau
coup moindre , qui repréfente J. C. montré
aux Juifs par Pilate , avec ces mots au- deffus.
Le voici l'Homme- Dieu , l'exemple qu'il faut
fuivre.
Suit un Avis au Lecteur , où l'on donne une
idée générale de cet Ouvrage. L'Auteur y déclare
d'abord, qu'il n'eft pas néceffaire de recommander
un Livre , qui l'eft déja depuis
fi long-tems par fa propre dignité , & que
cette Edition n'eft faite que pour le rendre
plus commun à toutes fortes de Chrétiens .
On fait enfuite une espece d'Analyfe des IV
Livres qui compofent cet Ouvrage . En parlant
du IV & dernier Livre , le Traducteur
dit , comme on a dû s'y attendre , » qu'il ·
» montre les mouvemens & difpofitions les
» plus enflamés d'une ame afpirante après
» la reception de l'Esprit de fefus-Christ.
"
LanJUILLET
. 1744. 1529
Langage inconnu à nos Peres , qui ont tou
jour reconnu , comme toute l'Eglife le reconnoît
dans cette Partie de l'Imitation , la
maniere dont l'Ame doit participer au plus
grand de tous les Myfteres , afin qu'elle y
trouve dequoi faire croître fans ceffe fes defirs
& fon amour pour J. C. par une fréquente
participation de fon Corps adorable
, qui purifie de plus en plus les Ames
pures , & les comble de graces toujours
nouvelles.
On trouve enfuite une longue Préface ,
dont le commencement eſt deſtiné à relever
l'excellence de ce Livre ; le refte eft rempli
par des moralités édifiantes.
A la tête de chaque Livre eft une petite
Eftampe qui a rapport au fujet , felon les
Idées de notre Auteur. Celle qui précéde le
IV Livre , repréſente J. C. à la table de Simon
le Pharifien , & la Femme Péchereffe à
fes pieds , &c. L'Eftampe est précédée d'un
Avis fur la Traduction on Paraphrafe de ce
quatrième Livre .
On apprend au commencement de cet
Avis , » que le Livre en queftion n'avoit
" pas encore été joint aux Traductions
» qu'on avoit publiées de cet Ouvrage ,
» pour ceux qui ne font point de la Com-
» munion Romaine , mais qu'il contient
» des chofes trop édifiantes , pour
, pour n'en pas
В v >> com1530
MERCURE DE FRANCE.
"» communiquer la fubftance aux bonnes
» Ames d'entre les Proteftans qui cherchent
» Dieu , &c. On fent au refte combien le
Traducteur a été gêné dans fon travail fur
ce IV Livre , & qu'il a été fouvent obligé
de paraphrafer , comme il le dit lui- même ,
plûtôt que de traduire , c'est-à- dire , s'éloigner
de la vérité de la Lettre , pour fuivre la
Doctrine erronée des Prétendus Réformateurs.
la-
Voilà , M. R. P. une Idée de ce Livre,que
vous connoiffez peut-être avant moi . Je le
garderai par une efpece de curiofité , à moins
que par l'effet d'un autre hazard , il ne retrouve
fon Maître ou fa Maîtreffe , car il
paroît qu'il a appartenu à une Dame ,
quelle le tenoit d'une autre Dame , par qua
tre lignes d'une écriture de femme , qui paroiffent
fur le revers de la premiere vignette.
Je vais les copier ici , parce que ma Lettre
fera imprimée , & que je fuis prêt à rendre
le Livre à quiconque aura droit de le recla
mer.
s prie , ma chere , de garder ce Livre ,
de penfer quelquefois à votre très fidéle Augufte
Louife Langerth de Simmern.
Il me refte , M. R. P. à vous dire un mot
d'une autre Edition de l'Imitation, que je ne
connoiffois pas , & que je trouvai dernierement
chés un de vos Confreres de S. GermainJUILLET.
1744. 1531
main-des-Prez. Le Titre eft tel THOMA à
KEMPIS , Canonici Regularis Ordinis S. Auguftini
, DE IMITATIONECHRISTI Libri IV.
Ex recenfione P. Joannis Frontonis , Canonici
Regularis Sta Genovefa Ord. S. Auguft. cum
evictione fraudis qua non nulli ufi , id operis
cuidam Gerfen afcripfere. I Vol. in- 8°. Parifiis
apud Seb. Cramoify , &c. M. DC. XLIX.
L'Ouvrage eft dédié à M. MOLE' , Premier
Préfident du Parlement , par une longue
Epitre , qui fert auffi de Préface : on y
trouve des idées & des expreffions fingulieres.
L'Auteur rappelle d'abord l'Hiftoire des
deux Femmes , qui s'adrefferent à Salomon ,
au fujet de l'Enfant dont chacune prétendoit
être la véritable Mere ; comme aujourd'hui ,
dit-il , on voit paroître deux Peres du Livre
de l'Imitation , & c. Rem non multum abfimilem
hic agimus. Siftuntur tibi duo prolis unius
nuncupati , &c. Il plaide enfuite devant le
même Juge la Caufe de Thomas à Kempis ,
fon Confrere ; il met tout en ufage pour ga
gner ce grand Procès , jufques aux Concetti
& aux jeux de mots . Je crois , M. R. P. que
la gravité du Premier Préfident Molé ne pût
gueres tenir contre cette phrafe : » Spes eft
»cos( les Adverfaires ) tantæ autoritatis Mole
» Compreffos , de Colligendis faccinis ferio
» cogitaturos , c. Qu'en pensez - vous ?
Suivant les éloges que de Grands Hommes
B vj ont
1532 MERCURE DE FRANCE.
ont donné à ce Livre , autrefois , dit il , fauffement
attribué à Jean Gerfon , principalement
en Italie. A la tête de ces éloges , font.
ceux de S. Ignace , & du Cardinal Bellarmin.
L'Auteur n'oublie pas de rapporter la
Fable , que j'ai refutée ailleurs , du Livre de
Imitation , trouvé par un Religieux dans
la Bibliotheque d'un Prince Mahometan ,
traduit en langue Turque , & très eftimé
de ce Prince , &c . Je fuis , M. R. P. & c.
A Paris , le 30 Juin 1744.
P. S. J'ai oublié , M. R. P. de vous parler
d'une très -belle Edition de l'Imitation de
J. C. faite l'année derniere en cette Ville ,
fous ce Titre , De Imitatione Chrifti Libri
Quatuor, Parifiis, Typis Antonii Boudet 1743 ,
1 Vol. in-8° . de 430 pages , fans trois Vies
de Thomas à Kempis , écrites en Latin par
differens Auteurs , & la Table des Chapitres.
Il y a à la tête , un court Avertiffement ,
auffi en Latin , qui apprend quelques circonftances
que j'ignorois. Le nouvel Editeur
affûre, que ces IV Livres de l'Imitation,
qu'il appelle avec raifon , Libros verè aureos
, ont été imprimés fur un Exemplaire
très-châtié de l'Edition du Louvre , faite
en l'année 1640 ; Edition parfaitement belle
, exécutée fur les Manufcrits les plus autenJUILLET.
1744 1533
tiques , par l'ordre du Cardinal de Richelieu
, & expreffément faite , pour fervir de
modéle & de guide à toutes les futures Editions
de cet excellent Ouvrage.
Au refte , on n'a gueres vû de Livre
mieux imprimé que celui-ci , ni en plus
gros & plus beaux caracteres , pour la commodité
des perfonnes âgées , ni fur de plus
beau papier. Une vignette très-bien gravée ,
dont les figures Symboliques répondent au
fujet général , orne le Frontifpice du I Livre.
On trouve à la fin l'Approbation de M.
de Marcilly , Docteur de Sorbonne , Cenfeur
Royal.
REPONSE de M. F ... à une propofition
de Mariage.
Sous le Drapeau d'Hymen tu veux que je m'engage
,
Ami ; je m'en défends par plus d'une raiſon .
J'ai quarante ans paffés ; je fuis déja grifon ;
Je n'ai gueres de bien ; j'entends peu le ménage,
A force de vivre garçon ,
Je m'en fuis fait un doux uſage.
Partifan du repos , j'évite volontiers
La difcorde , le bruit , l'embarras & la peine :
D'ail
1534 MERCURE DE FRANCE.
D'ailleurs , je ne crains point que mon petit Do
maine
Manque , après ma mort d'héritiers ;
J'en ai provifion , ce me femble , affés grande ,
Pour n'être , à cet égard , aucunement gêné.
Qui ne m'en croit , qu'il le demande
A Jofeph Frigot , mon aîné ,
Expert faifeur d'Enfans , fes plus cheres richeffes ,
Et fon plus précieux tréſor.
Chés lui jai , grace au Ciel , fept Neveux & trois
Niéces ,
Sans compter cependant ceux que j'attends encost
Frigot

ΜΑΝ: MAN
JUILLET. 1744. *534
MANDEMENT de M. l'Evêque
d'Auxerre , qui ordonne des Prieres publiques
, pour demander à Dieu fa protection
fur la perfonne du Roi & la profperité de
fes armes.
CEV
HARLES, par
la miféricorde de Dieu,
Evêque
d'Auxerre : A tous Doyens ,
Chanoines
, Chapitres
, Abbés , Prieurs
Curés , Vicaires , Supérieurs
, & Supérieures
de Communautés
Séculiéres
& Réguliéres
de notre Diocèfe : Salut & Bénédiction
.
Nous vous avons fouvent exhortés , mes
très-chers Freres , de recourir à la Divine
Miféricorde dans ces tems triftes & fâcheux ,
où le Royaume n'étant ni en Paix ni en
Guerre , s'eft vû privé de tous les avantages
de la paix , & plongé dans les riſques & les
défaftres d'une cruelle Guerre . Nous avons
ordonné des Prieres publiques, pour demander
au Seigneur , qu'il daignât détourner de
deffus nous le fleau de la Guerre , & nous
procurer une Paix folide & durable . Aujourd'hui
, il faut redoubler ces prieres avec une
nouvelle inftance ; des motifs encore plus
prellants nous y engagent.
Le
1536 MERCURE DE FRANCE.
Le Roi , après avoir épuifé toutes les
voyes de conciliation , & avoir reconnu l'inutilité
de fes démarches , pour procurer le
repos à fes peuples , & la Paix à l'Europe ,
a été forcé de déclarer la Guerre aux Puif- -
fances ennemies de la Paix , & ce qui doit
faire une plus vive impreffion fur des coeurs
François , le Roi , marchant fur les traces
de fes auguftes Ayeux , eft allé fe mettre à la
tête de fes armées , pour les animer par fa
préfence , & pour les faire triompher plus
sûrement de tous les dangers auxquels il
veut lui-même s'expofer.
Cette circonftance fi intéreſſante pour
nous , fait en quelque forte oublier les autres
fujets de frayeur & de crainte qu'infpire
néceffairement une Guerre générale , &
pénétrés des mêmes fentimens d'affection
& d'amour que les troupes de David lui témoignérent
, lorfqu'après les avoir rangées
en ordre de bataille , il leur dit : Je ſuis réfolu
de marcher avec vous ; Rois , c . 18 ,v. 2 , 3 .
Nous aurions tous voulu pouvoir empêcher
notre Monarque d'expofer fa perfonne facrée
, plus précieufe àfes fujets que les Arinées
entiéres.
Maintenant donc , M. T. C. F. élevons nos
voix vers le Ciel , & demandons au Tout - Puiffant
qu'il brife la force des armées ennemies.
1 Mach. c. 4 , v. 10 , Tandis que notre Roi
comJUILLET.
1744. 1537
combat pour venger les injures faites à la
Majefté de fon Trône , pour foutenir les
Droits de fes Alliés , & pour réprimer les
entrepriſes de nos ennemis , & que tant de
braves & fidéles Citoyens font prêts à répandre
leur fang fous les yeux , ne ceffons
point d'importuner le Dieu des Armées par
les cris de nos coeurs & de nos bonnes
oeuvres. » Sçachez , diſoit aux Juifs le Grand
» Prêtre Eliacim , que le Seigneur vous
» exaucera , fi vous perfeverez dans les jeû-
» nes & les prieres , & fouvenez -vous que
» Moyfe, ce fidéle ferviteur de Dieu, abbat-
» tit l'orgueil d'Amalec , en combattant ,
» non avec le fer & l'épée , mais avec l'ar-
» deur & la fainteté de la priere. Judith , c.
4. L'Ecriture remarque que les Juifs , animés
par cette exhortation , demeuroient en
la préfence du Seigneur , uniquement occupés
à le prier , & qu'en même-tems les
Prêtres fe préfentoient à l'Autel,pour offrir
les Sacrifices. Tous privient de tout leur coeur.
Tous crioient au Seigneur avec la plus grande
inftance de vifiterfon Peuple , & de venir àfon
fecours. Tous hommes & femmes , humilioient
leurs ames dans les jeûnes & dans les prieres.
De telles Prieres , M. T. C. F. fi dignes de
vous être propofées pour modéles , ne pouvoient
être infructueufes , & la délivrance
de ce Peuple , menacé d'une ruine entiere ,
en fut le fruit. Graces
T
1538 MERCURE DE FRANCE.
Graces au Seigneur , nous n'en fommes
pas à ce degré de calamité : le Royaume eſt
en état de repouffer les efforts de tous fes
ennemis , & il trouve dans fon propre
fond
des forces & des reffources capables de diffiper
leurs projets & de les en faire répentir.
Mais faut-il attendre ces extrêmités , pour
intéreffer le Ciel en notre faveur , & pour
implorer fon fecours ? Et d'ailleurs , que
peuvent les forces & les reffources des Empires
les plus floriffans , fi Dieu , Maître
Souverain de ces Empires, n'en eft le protecteur
& le rempart ? C'eſt à vous , ô mon Dieu,
qu'appartient la Grandeur , la Puiffance , la
Gloire & la Victoire.x . Paral. 29.
Commençons , M. T. C. F. par reconnoître
humblement, que ce font nos péchés qui
nous ont attiré le terrible fleau de la Guerre ,
& faifons cet aveu dans le fond de nos
coeurs : Oui , Seigneur ; vous êtes en coleparce
que nous vous avons
offenfe. If. ch. 64 , v. s . Entrons dans les
fentimens que cet aveu , s'il eft fincere , doit
nous infpirer ; travaillons férieufement à la
réformation de nos moeurs , & prevenons
par de dignes fruits de pénitence la rigueur
des Jugemens de Dieu . Alors ce Dieu de
bonté , touché de nos humiliations & de
nos larmes , arrêtera le cours de fes vengeances
, & il ordonnera à l'Ange qui nous
recontrenousو
frappe ,
JUILLET. 1744. 7539
frappe , de remettre dans le fourreau l'épée
qui a déja répandu tant de fang , & immolé
tant de victimes.
Que les ames Chrétiennes ne confiderent
pas feulement dans les horreurs de laGuerre
les pertes & les calamités temporelles , la
défolation des Campagnes , le pillage des
Lieux expofés à la fureur du foldat , les incendies
, les ravages , le fang & la mort des
guerriers , mais qu'elles s'occupent d'un objet
plus intéreffant pour la Foi , & plus affligeant
pour la Piété.La multitude des crimes,
que la Guerre la plus jufte entraîne après
elle , & qui font caufe de la perte éternelle
de tant d'ames ; voilà principalement ce
qui doit les engager à gémir , à prier , & à
faire une fainte violence au Seigneur , pour
obtenir de lui qu'il daigne mettre le Royaume
à l'abri des maux fi funeftes , & faire
refleurir fur la terre une Paix qui laiſſe aux
pécheurs le tems de faire pénitence , & aux
Juftes la liberté de mener une vie parſible &
tranquilie en toute piété & chafteté, 1. T. 2.
Surtout , M. T. C. F. uniffons nos coeurs
& nos voix , pour attirer fur notre Augufte
Monarque la protection du Dieu des Armées.
Demandons-lui avec toute la ferveur
dont nous fommes capables , qu'il le couvre
de fon amour comme d'un bouclier. Pf. 5. 13 ;
& qu'en même tems qu'il déployera contre
fes
1540 MERCURE DE FRANCE.
fes ennemis la force de fon bras , il faffe
éprouver à fon coeur la douceur & la puiffance
de fa grace , afin que chacun de nous
puiffe dire dans de faints tranfports de joye :
C'est préfentement que j'ai connu que le Seigneur
a fauvé fon Chriſt. Pf. 19 , 7.
,
A CES CAUSES , & pour nous conformer
aux intentions de Sa Majefté , après en avoir
conféré avec nos Vénérables Freres les
Doyen , Chanoines , & Chapitre de notre
Eglife Cathédrale, nous ordonnons qu'auffitôt
après la reception de notre préfent Mandement
, & jufqu'à la fin de la Campagne
on dira dans toutes les Eglifes de notre Diocèfe
, à toutes les Meffes , la Collecte , qui
eft intitulée dans le Miffel , pro Rege & ejus
exercitu , & qu'en outre à toutes les Meſſes
hautes , on chantera le Verfet Domine falvum
fac Regem & c ; que Lundi prochain , 18 du
préfent mois & les deux jours fuivans
on fera dans notre Eglife Cathédrale , les
Prieres de quarante- heures , avec expofition
du Très-Saint Sacrement ; qu'en chacun defdits
jours , lefdites Prieres commenceront
le matin par une Meffe folemnelle , & finiront
le foir par un Salut , dans lequel on
chantera l'Antienne du Saint Sacrement
Ecce Deus , p. 285 , du Proceffionel ; le
Verfet Verè tu es , p. 193. L'Oraifon Deus
qui nobis , p . 294. Le Trait Ufquequo , &c.
>
>
P₁
JUILLET. 1744. IS4
p. clxj . Le Pfeaume 19 , Exaudiat te Dominus.
Le Verfet Fiat mifericordia , p. clx .
Les Oraifons , Deus qui culpas , p. cli , &
Deus in te fperantium , p. cliv. L'Ant . de la
Sainte Vierge Peccavimus Domino , p . clx111,
Le Verfet & les trois Oraifons , p. fuivante.
Que les mêmes Prieres de quarante heures
feront faites pendant trois jours dans toutes
des autres Eglifes de la Ville , fuivant l'ordre
qui fera marqué à la fuite de notre préfent
Mandement , & pareillement dans tou
tes les autres Eglifes de notre Diocèſe , en
forte que dans les Villes où il y a plusieurs
Eglifes , la principale les fera la premiere
& les autres fucceffivement après, A l'égard
des Eglifes de la Campagne , lefdites Prieres
de quarante-heures fe feront les trois premiers
jours de Dimanches ou Fêtes chomées
qui fuivront la publication de notre Mandement.
Nous accordons quarante jours
d'Indulgence à toutes les perfonnes , qui
étant bien difpofées affifteront avec piété
aux fufdites Prieres.
>
Nous ordonnons en outre , que jufqu'au
retour de Sa Majefté , on fera dans notre
Eglife Cathédrale , & dans toutes les autres
Eglifes de notre Diocèfe , tous les Dimanches
& toutes les Fêtes chomées , entre Vêpres
& Complies , un Salut où l'on chantera
les Prieres cy-deffus marquées , à l'exception
de
1542 MERCURE DE FRANCE.
de l'Ant. Verfet & Oraifon du Très-Saint
Sacrement .
MANDONS à nos Archiprêtres de faire tenir
au plûtôt notre préfent Mandement à
tous ceux qu'il appartiendra , pour être publié
& obfervé dans toute l'étendue de notre
Diocèfe.
DONNE' à Regennes ce 1 May 1744.
Signé † CHARLES , Evêque d'Auxerre , &c.
LETTRE du Roi , à M. l'Evêque

d'Auxerre.
M l'Evêque d'Auxerre , j'ai pris la réfolution
de me rendre fur ma Frontiére
de Flandres , pour y commander en
perfonne l'armée que j'y ai fait affembler ,
& je vous fais cette Lettre , pour vous dire
que je fouhaite que vous ordonniez des prieres
publiques pour l'heureux fuccès de mon
Voyage , & pour attirer la Bénédiction du
Ciel fur mes juftes entrepriſes. La connoiffance
que j'ai de votre affection à mon fervice
, m'affûre que vous vous conformerez
avec zéle à mes intentions. Sur ce , je prie
Dieu qu'il vous ait, M. l'Evêque d'Auxerre,
en fa fainte garde. Ecrit à Verſailles le 2 Mai
1744. Signé , LOUIS . Et plus ba . PHELIPEAUX.
Et au dos eft écrit : A M. l'Evêque
d'Auxerre , Confeiller en mes Confeils.
EPITRE
JUILLET. 1744.
1543
$2925252525252
EPITRE ,
à Mad. B. en lui envoyant l'Extrait- Baptiftaire
de Mlle L.....
Sur l'âge de Florile il faut vous fatisfaire ;

Iris , après votre incredulité ,
Mon foin ne fçauroit vous déplaire ,
Et je le dois à ma fincerité ,
Dont vous avez publiquement douté .
Or , pour éclaircir cette affaire ,
La Piece jointe ici m'a paru néceffaire ;
Mais que je fçache au moins pourquoi
Sur un tel point vous m'avez fait injure ,
Car fur les jeux de la Nature
Vous paroiffez auffi docte que moi
Et vous fçavez , ne vous déplaife
Que fur les ans & fur les traits
Elle fe joue & badine à ſon aiſe ;
Ma fille à douze , en paroît ſeize ;
Vous, Itis , qu'elle orna fans doute pour jamais
1
De
544 MERCURE DE FRANCE.
De talens , d'efprit & d'attraits ;
( Quoique Veuve , Tutrice & Mere ,
Je crois de quatre ou cinq Enfans ,
Qui ferqient honneur à Cythere )
Vous ne paroillez pas vingt ans.
Ce miracle devroit vous rendre plus crédule
Sur l'âge de votre prochain ;
Qu'il ne vous refte , Iris ,aucun fcrupule
Sur le vôtre ni fur le fien.
Ne cheriffons de la jeuneffe ,
Que celle qu'à nos yeux préfentent nos Enfans,
Renaiffons par les fentimens ,
Que nous devons leur infpirer fans ceffe.
Un luftre
que l'on cache , eft-il moins écoulé
Hélas ! c'eft ajouter à nos ans un menfonge ;
C'eft oppofer l'erreur d'un fonge
Aux charmes de la Vérité.
Par M. D. L.
EPI
JUILLET. 1744 $ 545
EPIGRAMME d'Owen , Poëte Anglois
, fur le Vers à Soye.
A
Rte mea pereo , tumulumque mihi fabricox
ipfe ;
Fila mei fati fuco , necemque neo.
TRADUCTION
JEE péris par men induftrie ;
Je fabrique mon dernier port ;
Je conduis le fil de ma vie ,
Et je trame mapropre mort.
par
M. F.
C LET
1546 MERCURE DEFRANCE.
LETTRE de M. D. L. R. écrite à M.
le Marquis de B. fur quelques fujets de
Litterature.
L paroît , M. que M. le Cardinal Quirini
eft perfuadé que pour être dignement
affocié à une Académie , telle que celle des
Inferiptions & Belles- Lettres , il faut en
quelque façon faire preuve que de tout
tems on a aimé l'Etude , qu'on l'a cultivé
dès la jeuneffe , & qu'on ne l'abandonne
point dans la vieilleffe . Ce fçavant Evêque
de Breſcia avoit fait entrer dans fa Lettre à
M. Freret , Sécrétaire de cette Académie ,
un détail de tous les Ouvrages qu'il a compofés
, & publiés depuis fa jeuneffe. Dans
celle-ci , adreffée à M. de Boze , ci- devant
Sécrétaire , & aujourd'hui Directeur de la
même Académie , il continuë d'indiquer les
Ouvrages aufquels il s'applique actuellement
dans un âge , lequel quoiqu'avancé
ne ſe reffent heureufement point des incommodités
, que les années accumulées ne manquent
gueres d'amener .
Après un remercîment à M. le Directeur ,
d'avoir bien voulu procurer l'Extrait que le
Journal des Sçavans du mois d'Août dernier
2
JUILLET. 1744. 1547
a donné de la Lettre de remerciment , que
S. E. écrivit à l'Académie après la nomination
, il lui marque fon extrême fatisfaction
d'une Lettre qu'il a reçûë de M. le Chancelier
fur le même fujet, du 1 2 Septembre dernier
, dans laquelle ce digne Chef de la Juftice
fe fait un plaifir de le remercier de n'avoir
pas oublié dans fon Ouvrage le féjour
qu'il avoit fait à Fresnes , il y a plus de
trente ans.
Il remercie encore M. de Boze d'avoir
fur la fin du même Extrait rappellé fon refus
de l'Evêché de Padouë , & fon attachement
conftant à celui de Brefcia,furquoi il marque
en pallant fa reconnoillance aux Auteurs du
Mercure de France , qui dans leur Journal
du mois d'Avril dernier, ont donné en François
dans fon entier la Lettre Paftorale de S.
É. adreflée au Peuple de Brefcia , au fujet de
fon attachement à l'Eglife de ce nom .
M. le Cardinal paffe enfuite aux Eloges
que M. de Boze mérite à fi jufte titre , par
la maniere également polie , modefte &
folide , dont il s'eft exprimé fur le fentiment
de M. Mazochus , au fujet de la figure
du jeune homme qui paroît fur le Diptyque
, dont S. E. avoit propofé l'explication
à tous les Sçavans de l'Europe , & que
les mêmes Auteurs du Mercure fe font fait
un plaifir de faire graver dans celui du mois
de Novembre 1742. Cij Ces
1548 MERCURE DE FRANCE.
Ces devoirs d'une obligation indifpenfable
remplis , notre fçavant Cardinal entre
dans le détail des travaux Litteraires qui
l'ont occupé à Rome pendant près de deux
mois . Il déclare d'abord à M. de Boze, qu'il
a mis la derniere main , avec le plus de diligence
qui lui a été poffible , à fon Edition
des Euvres de S. Ephrem , enfuite qu'il s'eſt
particulierement appliqué à éclaircir la
Queftion , qui s'eft élevée de nouveau , &
avec plus de chaleur que jamais , au ſujet
de ces paroles , Dominus regnavit A LIGNO ,
comme il paroît par plufieurs Volumes du
Mercure , furquoi il a fallu confulter un
grand nombre de Manufcrits de la Bibliothéque
du Vatican . Enfin qu'il a été occupé
à réunir en un corps d'Ouvrage les Lettres
du Cardinal Reginaldus Polus.
Pour ce qui eft de l'Edition de S. Ephrem ,
il lui apprend que le V Tome , qu'il vient
de donner , eft le penultiéme de tout l'Ouvrage
, qu'il s'eft preffe de finir le VI , afin
que l'Edition entiere puiffe bientôt paroître
fous les aufpices de Benoît XIV , qui gouverne
aujourd'hui l'Eglife , dont les Livres
fur la Beatification & la Canonifation des
Saints , font fi généralement eftimés , que
les Heterodoxes même en font l'Eloge
comme il paroît par le Journal Litteraire de
Lipfic , & qu'on en prépare actuellement à
Padous
>
JUILLET. 1744. / 1549
Padoue une nouvelle Edition , avec des
augmentations confidérables .
Il ajoûte que ce grand Pape continuë de
marquer beaucoup de bienveillance aux
Seavans qui compofent des Ouvrages utiles
, foir à Rome , foit ailleurs , reconnoiffant
que le S. Siége tire fa principale gloire
de la Science , & de la Piété. Et comme les
Aureurs , qui lui dédient leurs Livres , ne
manquent gueres de comparer fon amour
pour les Lettres , à celui dont fût animé le
Pape Nicolas V. M. le Cardinal Quirini déclare
que dans fa Dédicace des OEuvres de
S. Ephrem , il a pris de-là occafion de dire
à Benoît XIV , que ce même Pape fe diftingua
furtout dans le choix qu'il fit des Perfonnes
les plus verfées dans les Langues
Grecque & Latine , pour traduire l'Iliade
& l'Odyffée d'Homere du Grec en Latin ;
& parmi ces Sçavans , il nomme par diftinction
François Philelphe, à qui Nicolas V. Pape
, propofa de donner une très- belle Maifon
dans Rome , & dix mille Ecus d'Or de
récompenfe ; & Charles Aretin qu'il demanda
par fes Lettres à la République de
Florence . Enfin , s'écrie-t'il , fi le Souverain
Pontife , qu'on vient de nommer , avoit
tant d'empreffement pour procurer une
Traduction exacte des OEuvres d'Homere ,
n'eut-il pas regardé comme un vrai bonheur
C iij
ar1550
MERCURE DE FRANCE.
arrivé à la Bibliothéque du Vatican , de lui “
voir enfanter l'Edition d'un Pere fi Saint ,
fi célébre dans toute l'Eglife Orientale , &
dont les Ecrits , au fentiment de S. Jerôme
, alloient prefque de pair avec les Livres
Canoniques .
Il revient au fecond Article de fes occupations
Litteraires durant fon dernier féjour
à Rome , Article qui eft tout-à-fait lié au
premier , concernant l'Edition des OEuvres
de Saint Ephrem , car il s'agiffoit de bien
examiner par les Manuferits du Vatican , ft
cette Leçon Dominus regnavit & LIGNO ,
étoit appuyée de l'autorité du texte de ce
Saint Docteur en fon premier Sermon de la
Reſurrection , comme quelques Sçavans
l'ont prétendu , entr'autres Gerard Voffius
dans fa Verfion du même Difcours , & non
pas tout-à-fait , dit-il , fans quelque efpece
de fondement.
Ici , M. je fuis obligé d'interrompre mon
Extrait,pour faire précéder un petit Eclairciffement
fur le fujet en queftion , fans
quoi ce que va dire le fçavant Cardinal des
Piéces inférées dans le Mercure fur cette
matiere , pourroit paroître obfcur , même
en France , à l'égard de quelques Lecteurs ,
qui font peu au fait de cette conteftation
Litteraire : voici en peu de paroles, ce qu'il
eft néceffaire de fçavoir.
J'enJUILLET.
1744. 1851
J'entendois l'Office dans le Choeur de
l'Eglife de S. Germain- des- Prez un des jours
de la femaine Sainte 1733 , & lorfqu'on
chanta l'Hymne Vexilla Regis , &c. je fus
particulierement frappé de cette Strophe :
Impleta funt que concinit
David fideli carmine ,
Dicens in Nationibus ,
Regnavit à ligna Deus.
Je n'y avois jamais fait attention , & j'ïgnorois
même que ce regnavit à ligno eut
jamais fait une difficulté parmi les Sçavans.
David, dis -je , en moi-même , felon le pieux
Auteur de l'Hymne , a donc chanté prophé
tiquement dans fes Pleaumes , que J. C.
régneroit par le bois de la Croix , & c'est ce
que d'abord après le Service , j'allai chercher
dans la Vulgate , ne me fouvenant pas d'y
avoir jamais lû rien de pareil . Il eft vrai que
dans le Pf. XCV , v. 10 , on trouve ces paroles
: Dicite in Gentibus quia Dominus regna◄
vit , & rien davantage. Eft- ce affés pour
attribuer à David la Prophétie en question
C'eft cependant Fortunat , Evêque de Poitiers
, felon la plus commune opinion , qui
a compofé cette Hymne au VI Siécle , & il
y a preuve qu'on l'a chantée en France dès
le IX.
J'ouvris tout de fuite dans mon Cabinet
C iiij
le
1552 MERCURE DE FRANCE.
le Pfeautier de Genebrard , ou fon Edition
des Pfeaumes , felon la Vulgate , accompagnée
de fçavans Commentaires , dont il y
a eu cinq Editions. La mienne eft d'Anvers
de 1592 & la derniere. Son Commentaire
fur ce 10 Verfet du Pf. 95 , eft fort long &
rempli , felon la coûtume de l'Auteur , de
beaucoup d'érudition , mais qui ne m'a ni
plainement inftruit , ni déterminé. Car fi
d'un côté Genebrard convient que regnavit
à ligno n'eft point dans le Texte Hébreu , il
prétend de l'autre que les Septante l'ont
ajoûté par un Elprit prophétique , en traduifant
ce Verfet trois cent ans avant J. C.
C'est ainsi , dit-il , que les Anciens l'ont
toûjours cité , fçavoir , S. Juftin Martyr
Lactance , Tertullien , Arnobe , S. Auguftin
, Caffiodore , (a) Theodulphe , le Pfeautier
Romain , &c. c'étoit , felon lui , la maniere
des Anciens , en traduifant l'Ecriture ,
d'inférer quelques mots en paffant , pour
fervir à l'intelligence de ce que la Lettre
renferme de mifterieux , furquoi G. donne
plufieurs exemples , &c.
Mais eft ce affés encore une fois en bonne
Critique pour admettre des paroles , qui
ne fe trouvent ni dans le Texte Hébreu
qui eft l'Original , ni dans les Exemplaires ,
(a) Theodulphe , Evêque d'Orleans , auquel Genebrard
attribue l'Hymne , Vexilla Regis. -
que
JUILLET. 1744. 1553
que nous avons aujourd'hui de la Verfion
des Septante , premiers Auteurs , felon Genebrard
, de cette Addition ? Ce qui , à
vous dire le vrai , M. me parût affés embarraffant.
Mon embarras diminua, lorfque j'eus confulté
le fçavant Dom Auguftin Calmet , dont
le travail fur les Pfeaunies , a acquis chés
moi depuis long- tems , une eftime particu
liere . Dom Calmet convient dans fon Commentaire
, que l'Addition regnavit à ligno eft
ancienne , & il ajoûte aux Autorités , citées.
par Genebrard , celles de S. Leon Pape , de
l'Auteur de l'Opufcule des Montagnes de Sina
de Sion , fous le nom de S. Cyrille , le
Pleautier Gothique , celui de S. Germaindes-
Prez , celui de Chartres , tous Monumens
, où on lit Dominus regnavit à ligno ;
mais il dit en même-tems que ces paroles
ne font ni dans l'Hébreu , ni dans le Chaldaïque
, ni dans le Syriaque , ni dans les
anciennes Verſions Grecques , faites fur
l'Hébreu , ni dans la Vulgate , l'Arabe &
l'Ethiopienne , faites fur les Septante , ni
dans la Verfion de S. Jerôme , faite fur
l'Hébreu .
Je m'abftiens , M. de rapporter ici toute
la Doctrine de D. Calmet , qui m'a beaucoup
éclairé fur ce fujet. Je me contente de
dire avec lui , & après plusieurs autres Sça-
Cy vans
1554 MERCURE DE FRANCE.
vans qu'il cite , qu'il eft très-problable que
ces paroles à ligno , ayant été mifes par
quelqu'un à la marge de fon Pfeautier , à
l'endroit de regnavit , furent enfuite inconfideremment
fourrées dans le Texte , d'où
enfin elles ont été bannies , parce qu'on a
reconnu qu'elles n'étoient ni dans les Sources
Hébraiques , ni dans les anciennes. Verfions
des Grecs.
Inftruit de la maniere que je viens de ledire
, fur un fujet qui m'avoit toujours été
étranger , & fouhaitant d'en apprendre da
vantage , j'écrivis à M. Foubert , Docteur de
Sorbonne , la Lettre qui eft imprimée dans.
le Mercure du mois d'Août 1733 , pour
L'engager à faire auffi de fon côté quelques
recherches , le priant de commencer par le
Pleautier , qui eft dans la Bibliothèque de
Sorbonne , l'un des plus beaux Monumens.
en ce genre & des plus rares..
Au lieu de la Réponse que j'attendois de
M. l'Abbé Foubert , je fus affés étonné d'en
recevoir directement , & fur ce même fujet
une du feu Pere Tournemine , avec qui j'étois
véritablement en commerce Litteraire ,
mais fans jamais avoir eu enfemble aucune
forte de conteftation . Dans cette Réponse ,
le fçavant Jefuite employa toute fon érudition
, toute fon éloquence , pour me dire &
me foutenir poliment que j'étois dans l'erreur
JUILLET. 1744. 1555
rear , & que regnavit à ligno n'eft pas une
Addition , mais que c'eft la Verfion fidelle
da Texte Original ; ainfi , conclut le P. T.
l'Auteur de l'Hymne Vexilla Regis , foit
Fortunat, foit Theodulphe , a pû regarder ces
paroles à ligno , comme Originales dans la
Sainte Ecriture .
J'avouerai cependant que fi quelque chofe
m'embarraſſa dans cette Réponſe du P. T.
c'est l'endroit que voici , écrit d'un air de
confiance & fur le ton décifif,
» Ce feroit parler trop affirmativement
»de dire que cette Addition étoit inconnue
"à tout l'Orient . S. Ephrem , Syrien , l'a ci-
» tée dans fon premier Sermon de la Réfur-
» rection. Il la lifoit donc dans les Manuf
" crits de la Verfion Syriaque de fon Eglife
» Verfion traduite fur les Septante , & auffi
>> ancienne que l'Eglife ; lés Verfions poſte
>> rieures n'ont pas la même autorité.
Vous fentez , M. comme moi , tout le
poids de cette allegation ; nous verrons en
fon lieu de quelle valeur elle fera dans notre
conteftation.
Cependant je fis imprimer la Réponfe du
P. T. dans le Mercure du mois de Septem
bre fuivant , & je pris en même tems des
mefures avec Dom Calmer , pour qu'il vou
lut bien foutenir lui-même notre caufe com
mune , contre un Adverfaire célébre , c'eft
Cvj
ar
1556 MERCURE DE FRANCE.
à-dire , répondre à la Lettre du P. Tournemine
, que je lui envoyai , avec la mienne,
écrite à M. le Docteur Foubert .
Dom Calmet , qui depuis le féjour qu'il
a fait à Paris dans l'Abbaye S. Germain ,
m'honore d'une amitié particuliere , eut
d'abord quelque peine à fe déterminer , it
le fit cependant , ne mettant qu'une clauſe
à la permiffion qu'il m'accorda d'imprimer
La Réponse.
" J'ai reçû , me dit il , dans fa Lettre du
» 2 Janvier 1734 , tant de marques de bienveillance
du R. P. Tournemine pendant
» mon féjour à Paris ; il a annoncé mes Ou-
» vrages dans fes Journaux d'une maniere
» fi honnête & fi polie , que je ne puis me
» réfoudre à entrer avec lui dans aucune
» conteftation. Si donc vous jugez à propos
» de faire quelque ufage de ce que j'ai l'hon-
»neur de vous écrire , je vous prie de le lui
communiquer auparavant , & de lui dé-
» clarer que je le rends abfolument le maî-
» tre de tout. Avec cette condition je vais
» vous expofer ce que je penfe fur le fujet
> en question.
"
"
En me conformant à cette difpofition , je
fis mon devoir à l'égard du P. T. qui répondit
par d'autres politeffes , & m'accorda toute
la liberté dont j'avois befoin . La Réponse
de D. C. fut donc imprimée dans le Mercure
JUILLET. 1744. 1557
cure du mois de Mai 1734 , fous ce titre :
LETTRE du R. P. Dom Augustin Calmet ,
Abbé de Senones , au fujet d'une Prophétie attribuée
au Roi David , &c.
Que vous dirai-je , M. de cette Réponſe
qui m'étoit directement adreffée ? Elle emporta
tous les fuffrages par la maniere folide
, lumineufe & polie , dont tous les Argnmens
du P. T. font difcutés , & en mêmetems
refutés.
Je fus charmé , fur tout , de voir l'allegation
, tirée de l'autorité de S. Ephrem , qui
m'avoit embarraflé , entierement détruite.
Il eft vrai , dit Dom Calmet , qu'on lit Dominus
regnavit à ligno , dans l'Edition Latine
du Sermon qu'on cite , mais on ne lit pas
à
ligno dans l'Edition Grecque d'Angleterre ,
c. Bientôt le Cardinal Quirini , en continuant
, comme je vais faire , l'Extrait de fa
Lettre , nous éclairera encore davantage fur
ce fair important , & ne laiffera aucun lieu
de douter de la prévention du P. T. principale
caufe de fa méprife. La Réponſe de D.
Calmet eft datée de l'Abbaye de Senones le z
Fanvier 1734.
Cependant le P. T. n'eut pas plûtôt lû
cette Réponse , qu'il fe mit en état de répliquer
par une Lettre qu'il me fit l'honneur de
m'adreffer , datée du 6 Mai 1734 , & que,
je fis imprimer tout de fuite dans le 1. Vol .

du
#558 MERCURE DE FRANCE.
du Mercure du mois de Juin 1734.
Le fçavant Jefuite la commença par ces
mots : » Vous m'avez , M. donné un Ad .
» verfaire redoutable , mais j'ai depuis long-
" tems l'honneur d'être ami du R. P. Dom
» Calmet , nous ne combattrons que de cin
vilité.
Cette civilité , en effet , & tous les égards.
poffibles font bien marqués dans la Réplique
du P. T. mais on n'y trouve rien qui
détruife les bonnes raifons de fon Illuftre
Adverfaire ; vous en jugerez , M. par l'ar
ticle qui regarde S. Ephrem , que j'eftime le
plus effentiel.
» Je conviens , dit le P. T. que la Citation
»de S. Ephrem peut être conteftée. Dans la
»Traduction Latine du Sermon de la Croix
on lit à ligno ; ces deux mots ne font point
»dans le Grec , imprimé en Angleterre , je
l'avoue. J'ai cependant de la peine à croire
»que le Traducteur Latin les eût mis dans
»fa Verfion , s'ils n'étoient pas dans le Ma-,
»nufcrit Grec ; quel intérêt l'auroit obligé
à cette falfification , dans un tems où la
» Vulgate , en laquelle ces deux mots ne
>>font point , étoit reçue par toute l'Eglife ?
&c.
Nous ne jugeâmes point à propos , D.
Calmer & moi , d'infifter fur cette Répli
que , & de fatiguer le P. T. & le Public par
JUILLET . 1744. 1559
an nouvel Ecrit , fur une Queftion qui me
paroiffoit bien difcutée & jugée par les Sçavans
en notre faveur .
Je m'avifai
peu de tems après , pour don
ner indirectement quelque fatisfaction au
P. T. de lui propofer l'éclairciffement & la
défenſe du fameux paffage de Jofeph l'Hiftorien
, qui rend un témoignage fi remarquable
en faveur de J. C. & cela parce que
Dom Calmet , dans fa Lettre citée , fembloit
douter , à l'occafion du regnavit à ligno
de l'autenticité de ce paffage de l'Hif- ,
torien Grec.
Je me dois fçavoir bon gré de ma tentative
, car elle a donné lieu à un fort bon
Ouvrage du P. T. qu'il me fit l'honneur de
m'adreffer peu de tems avant la mort , &
dont je ne manquerai pas , M. de vous rendre
compte en tems & lieu.
Les chofes étoient en cet état, lorfque j'ap
pris que l'Edition des Euvres de S. Ephrem,
entrepriſe par le Cardinal Quirini , étoit
déja fort avancée , ce qui me fit réfoudre de
le prendre pour Arbitre , & de lui déférer le
Jugement diffinitif de notre conteftation ,
tant en qualité d'Editeur de S. Ephrem
qu'en celle de Sçavant du premier Ordre, &
de Bibliotéquaire du Vatican. Vous verrez
qu'il falloit tout cela enfemble .
Vous le verrez , dis-je , par le compte
qui
1560 MERCURE DE FRANCE .
qui me reste à vous rendre de la Lettre de
M. le Cardinal à M. de Boze. Mais je m'apperçois
, M. que
la mienne excederoit certaines
bornes , fi je ne m'arrêtois ici en vous
promettant inceffamment la fuite & la fin
de mon Extrait .
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Paris , le 29 Juin 1744.
323252525232525252:5252525252525252525252525252
RONDEAU IRRÉGULIER ,
'A M. L *** , en lui envoyant fon Franc-falé.
E Sel Attique , ami , chés toi quelle abon-
DE dance !
Tes Vers par tout en font remplis.
Si richeffe ſuivoit bon coeur , Vertu , Science ,
Befoins n'aurois : mes defirs accomplis ,
On te verroit des biens , autant que tu jouis
De Sel Attique.
Apollon donne à fes chers favoris
D'infructueux Lauriers pour leurs foins , pour
leurs veilles :
Un Auteur indigent , qui produit des merveilles ,
Peut- il s'en contenter , & calmer fes foucis?
Ma foi , j'y renonce à ce prix ,
Et ne fuis pointdu tout épris
De Sel Attique.
Рах
JUILLET. 1744 .
1565
Par trop d'Etude il le faut acquerir.
Nature & l'Art , dit- on , y doivent concourir.
Ah ! que s'il s'en vendoit , j'en ferois bonne em
plette !
Je te deviendrois importun ;
Tu rccevrois de moi du Sel commun,
Et ches toi j'irois faire excellente recette
De Sel Attique.
B **. C. D. V.
*X* X* X * X * X +3X + &+++
REPONSE & Remerciment à l'Auteur
du Rondeau précédent .
Q Ue ton préſent eft fait avec aiſance !
J'en fuis charmé. Ce n'eft pas fa valeur ,
Qui de me plaire a le talent flateur ;
C'eft ton Efprit , c'eft ta douce Elégance ,
Qui me font voir jufqu'où va ta faveur.
Tes Vers naïfs me marquent la préfence
Du Dieu du Pinde : il s'eft fait un honneur
De t'infpirer , quoiqu'il n'eut pour moteur
Que ton préfent .
De Sel Attique heureux qui fait dépenſe !
Tu m'en crois riche , ami ; c'est une erreur.
Pour qu'Apollon me traite avec douceur ,
1562. MERCURE DE FRANCE.
Il n'eft qu'un but ; c'eft la reconnoiffance :
Elle s'imprime encor mieux dans mon coeur
Que ton préfent.
Laffichard.
On a dû expliquer les Enigmes & les Logogryphes
du premier Volume du mois de
Juin par le Nez , la Plume , Ut , Re , Mi , Fa,
Sol, La , Si, Ut , & Arbitre . On trouve
dans le fecond Logogryphe Taire , Rare ,
Arbre , Bate , tirer , Braire , Tibre , Air
rire , & batre.
Les mots du fecond font la Lettre A, &
Rohan. On trouve dans le Logogryphe Or ,
An, Ha, & Ah.
EXPLICATION des deux Enigmes ,
inférées dans le premier Volume du
Mercure de Juin 1744.
Premiere Enigme.
'Enigme de ce mois , agréable Mercure ,
ft de difficile nature ,
Zos plus profonds réveurs s'y trouveront génés ,
mt , dans cette matiere obfeure ,
Nénon , même Zénon , fe fût caffé le Niz.
Seconde
JUILLET. 1744. 1568
Seconde
Enigme.
roin de connoître quelque chofe ,
> l'Enigme qu'on me propoſe,
lus 'y rêve , & moins j'y comprends ;
'obfcurité de fon vrai fens
< ous feroit brouiller un Volume ;
a foi , je n'y perds plus de tems ,
t j'abandonne ici la PLUMB.
De la Dixmerie,
AUTRES Explications de la premiere
Enigme & du premier Logogryphe de Juin
premier Volume. Për M. Du **
Cent pieds , c'eft trop ; pour l'ordinaire ,
En fe moquant d'un téméraire
On dir ( & c'en eſt bien affés 】
Il en a un grand pied de NEZ.
Le Docte Muficien d'Angers
Ne court ni rifque ni dangers ,
Quand is compofe fa Mufique ;
S'il va toujours droit à fon but ,
C'eſt qu'il fçait bien mettre en pratique
UT , RE , M. , FA , SOL , LA , SI , UT.
ENIG1564
MERCURE DE FRANCE.
J
ENIGME.
E regle la Terre & l'Onde ;
Je régne fur tout le Monde ;
J'en habite tous les bords.
Sans ma joüiffance utile ,
De l'homme le corps fragile
Sent écrouler les refforts .
Aux yeux toûjours invifible ,
Je pénetre , imperceptible ,
Jufqu'aux Lieux les plus fecrets ?
A cette vive peinture ,
Tu crois entrevoir les traits
Du Maître de la Nature ,
Lecteur ; ne t'y m'éprens pas ;
Mon inconftance ordinaire
Ne fait point le caractére
D'un Dieu parfait , plein d'appas ;
De l'Eternelle Sageffe
Je tiens , j'obſerve la Loi ;
Lecteur , tu me fends fans ceffe ,
Même fans penſer à moi.
Gaudet.
LOGO:
JUILLET. 1744.
1565
LOGOGRYPHE.
D'Heauton - timorumenos ,
(Un des plus comiques mots
Que jamais notre Mercure
Pour Logogryphe (a) ait propofé , )
Je retrace à tes yeux la fertile ftructure ;
Juges en, cher Lecteur , par le feul expofé.
En tout j'ai quinze pieds ;& n'ai que deux voyelles
Si c'eſt ainfi , "dis- tu , comment former des mots
Eh bien ! ces fertiles fémelles
En donnent à tous propos.
L
Vingt & cinq en Latin , en Hébreu jufqu'à deux
Lecteur , calcule-les ; devine fi tu peux.
D'abord Arbre fameux , vanté par nos Poëtes ,
Et fur lequel Tircis grava fes amourettes ;
Lieu que jamais le Loup dans les champs n'habita ;
Un des deux Animaux qu'Homere en Vers chanta
D'un Serviteur de Dieu la femme & la fervante ;
Nom qui flata toujours une fille fçavante ;
Ce qu'on compte pour rien ; ce qui déplaît au goût
Ce qui de la nature aide à former un tout ;
( a ) Mercure de Juillet 1743.
Dea
1566 MERCURE DE FRANCE.
Des Mortels la nourriture ;
Lieu chéri de la Nature ;
Monftre qui toujours veille ; à l'homme un orne
ment ;
Unfruit délicieux, qu'on voit dans le Printems ;
D'un poltron le falut ; des pecheurs le réfuge ;
Le gage non fufpect de la fin du Déluge ;
Le nom d'un clair- voyant ; des Voyageurs l'effroi ;
Ce que la Vierge fut ; ce qu'approuve la Loi ;
La confolation de l'homme miſérable ;
(Prends courage, Lecteur ) le confident du Diable;
Signe du Pole Actique ; un Adverbe , dit - on ,
Qui de l'ambitieux nourrit la paffion ;
De nos Cadets Gafcons le plus clair héritage ;
Ce qu'une femme craint fur le retour de l'âge.
C'en est allés , Lecteur ; fuis - je Grec ou Latin
Dans un Livre , connu de tout le Genre humain
Tu trouveras mon origine ,
Que me donna l'humeur badine
De maintes gens peu férieux ;
N'eft pas trifte , qui vit comme eux.
J. B. B.P. S. P.V-g. de Bordeaux.
NOUJUILLET.
17440 1567
NOUVELLES LITTERAIRES ,
L
DES BEAUX - ARTS , &c.
E Public eft informé par plufieurs de
nos Journaux , que la Ville de Rouen
étoit à la veille d'être ornée d'un Etabliſſement
Académique , qui doit augmenter fon
luftre , & les autres avantages qui lui font
propres on aura aujourd'hui la fatisfaction
d'apprendre par le même canal , que cette
Ville a ob enu du Roi des Lettres Patentes ,
qui rendent cet Etabliffement certain. En
voici la reneur .
LOUIS , par la Grace de Dieu , Roi de
France de Navarre , à tous préfens & à
venir , SALUT. Nous avons été informé
que depuis quelques années , il s'eft formé
dans notre Ville de Rouen une Societé de
Gens de Lettres , dont l'objet eft de fe perfectionner
dans les Sciences , dans les Belles
Lettres & dans les Arts , & que quelque étendu
que puiffe paroître ce Projet , elle eft dès
à préfent très en état de le remplir avec les
lumieres & les talens de ceux qui la compofent.
Plafieurs Affembléesqui fe font déja
tenuës , en ont fait connoître l'utilité , &
le Public inftruit des Obfervations & Mémoires
7568 MERCURE DE FRANCE.
2
moires en differens genres , qui y ont été
préfentés , attend avec empreffement plufieurs
Ouvrages importans commencés fur
la Phyfique , l'Anatomie , & particulierement
fur la Chymie & la Botanique , dans
lefquels on peut fe promettre des découvertes
heureuſes , attendu l'ordre & l'abondance
qui regnent dans leJardin desPlantes, qui
eft cultivé avec autant de foin que de fuc
cès dans notredite Ville de Roüen ; le défir
que nous avons toujours eû de contribuer
aux progrés des Sciences , des Belles -Lettres,
& des Arts ; la gloire & les avantages qui
en résultent pour notre Etat , nous détermi
nent à donner des fondemens folides à cet
Etabliffement , & à feconder en cette occafion
le zéle que les Confeillers , Maire &
Echevins de notredite Ville ont marqué ,
pour que cette Société naiffante fût aufli
durable que doit l'être auffi la Mémoire de
notre amé & féal feu Louis le Gendre , Chanoine
, Sous- Chantre de l'Eglife de Notre-
Dame de Paris , des libéralités duquel ils ne
voulent profiter , que pour avoir la gloire
d'en faire eux-mêmes la diftribution en faveur
de la nouvelle Académie ; Nous avons
vû avec fatisfaction dans fon Teftament du
4 Février 1734 , les plaintes qu'il forme ſur
ce qu'une Ville , célebre par les talens & le
goût particulier de fes Citoyens pour l'Etude
JUILLET. 1744 1569
vins
de & les plus hautes Sciences , fût privée
de ce qui peut fervir à les mieux cultiver ,
& Nous avons lieu d'efperer que la difpofi
tion qu'il a faite d'onze cent livres de rente
perpétuelle en faveur defdits Maire & Echeles
Arts & les Belles- Lettres ,
pour
ayant pour objet d'animer les Sçavans , cette
Ville fera déformais diftinguée par la Littérature
& les Sciences , comme elle l'eſt par
l'étendue & l'éclat de fon Commerce ; ainſi
pour mettre les Sujets qui compofent , &
qui formeront dans la fuite cette Societé, en
état de fe foûtenir avec honneur , & à perpétuité,
Nous avons bien voulu autorifer fes
Affemblées , & les Réglemens néceffaires ,
pour en maintenir l'ordre & la fplendeur.
A CES CAUSES , voulant favorifer l'empreffement
que Nous ont marqué les premiers
Magiftrats de notredite Ville de
Rouen , & augmenter de plus en plus l'émulation
des Amateurs des Beaux - Arts , & de
ceux de nos Sujets , qui feront en état de fe
procurer par de femblables difpofitions une
forte de poftérité auffi durable , qu'utile &
glorieufe , Nous avons , de notre grace
fpéciale , pleine puiffance & autorité Royale
, permis , approuvé & autorifé , & par
ces Préfentes , fignées de notre main , permettons
, approuvons & autorifons lefdites
Affemblées & Conférences; voulons & Nous
D plaît
1570 MERCURE DE FRANCE.
plaît qu'elles foient faites & continuées
dans notredite Ville de Rouen , fous le titre
d'ACADEMIE des Sciences , des Belles - Lettres
& des Arts , que nous avons mifes & mettons
fous la protection particuliere de notre
très cher & bien amé Coufin CHARLESFRANÇOIS
de Montmorency- Luxembourg,
Duc de Luxembourg , de Piney & de Montmorency
, Pir & Premier Baron Chrétien de
France , notre Gouverneur & Lieutenant Général
de noire Province de Normandie , Lientenant
Général de nos armées , & Chevalier de
nos Ordres; VOULONS auffi que le nombre
des Sujets , qui la compoferont , foit fixé &
limité à vingt-fix Académiciens de fonction,
à douze Affociés , & à douze Adjoints , outre
les perfonnes , au même nombre de douze
qui,pour raifon de leur dignité, pourront y
avoir entrée & place honorable fous le titre
d'Académiciens Honoraires , conformément
aux Statuts & Reglemens ci- attachés fous le
contre-Scel de notre Chancellerie,que Nous
avons agréés & approuvés , ainfi que tous
autres qui feront jugés néceffaires & convenables,
fans qu'il foit befoin d'autres Lettres
de Nous, que les Préfentes,par lefquelles
Nous confirmons dès maintenant , comme
pour lors , tout ce qui fera fait pour ce
regard. PERMETTONS en outre à ladite
Académic d'avoir un Sceau , avec telle marque
JUILLET. 1744.. 1578
que , figure & Infcription qu'il lui plaira ,
pour fceller tous les Actes qui émaneront
d'elle : VOULONS en outre qu'elle foit
pour le préfent compofée des perfonnes dont
la Lifte eft ci- attachée fous le contre -fcel de
notre Chancellerie , lefquelles Nous avons
nommées & nommons pour cette fois , laiffant
auxdits Académiciens la liberté de
remplir les places qui vacquent & pourront
vacquer à l'avenir , par la voye de l'Election,
conformément auxdits Statuts , & que les
Académiciens joüiffent des mêmes honneurs,
priviléges , franchifes & libertés dont
joüiffent ceux de nos Académies de Paris , à
l'exception du Droit de Committimus. St
DONNONS EN MANDEMENT à nos
amés & féaux Confeillers , les Gens tenant
notre Cour de Parlement de Rouen . & à
tous autres nos Officiers & Jufticiers , qu'il
appartiendra , que ces Préfentes ils ayent à3
faire enregistrer , & icelles garder & obferver
, felon leur forme & teneur. Car tel eſt
notre plaiſir, & afin que ce foit choſe ferme
& ftable à toujours, Nous avons fait mettre
notre Scel à cefdites Préfentes. Donné à
Lille , au mois de Juin , l'an de grace 1744 ,
& de notre Regne le 29.
Dij A M.
1572 MERCURE DE FRANCE
A M. DE FONTENELLE, de l'A
cadémie Françoife , &c. fur l'Etabliſſement
d'une Académie des Sciences , des Belles-
Lettres & des Arts dans la Ville de Ronen,
I Lluftre neveu des Corneilles ,
Moins connu par leurs noms fameux ,
Que par l'heureux fruit de tes veilles ,
Qui te rend immortel comme eux ,
Prête une ame fenfible & tendre
'Aux Decrets qu'ils nous font entendre ,
Impatiens d'être obéïs "
Et digne héritier de leur gloire ,
Parle & fais parler leur Mémoire
Pour le bonheur de ton Pays.
Vois cette Terre , où le Génie
Forma fes dociles Enfans ,
Prête à recevoir d'Uranie
Les Arts fous fes Loix triomphans,
Ce n'eft plus leur troupe légére ,
Qui fur une Rive étrangere
Portoit les fruits nés fur nos bords ;
Citoyens devenus utiles ,
Ils vont fe fixer dans nos Villes ,
Et nous confacrer leurs tréfors .
L'Orien
JUILLET. 1744. 1573
L'Orient brillant de lumiere ,
Au lever du Dieu de Délos ,
N'a plus cette fplendeur premiere ,
Quand ce Dieu defcend fous les flots.
Privé des Héros qu'il fit naître ,
Tel un Climat voit difparoître ,
Ses honneurs ailleurs emportés ,
Et la Patric , en vain féconde ,
Regrette ces flambeaux du Monde ,
Dont elle a produit les clartés .
***
Heureux cent fois un Peuple fage ,
Qui pour la gloire épris d'ardeur ,
Tourne ce regret en préfage ,
Et hâte la propre grandeur ;
Qui prompt à réparer fes pertes ,
Sçait par mille routes ouvertes
Rappeller les Arts égarés ,
Et de leur union durable
Se faire un jour inaltérable
Dont fes voifins font éclairés !
Mais l'heure propice eſt venuë ,
Et de l'Aurore de ce jour
La lumiere , moins retenue ,
Inonde à grands flots ce féjour.
Du Palais des Dieux , qui s'entrouvre ,
D iij
Uranic
1574 MERCURE DE FRANCE.
Uranie à nos yeux
découvre
Son front d'Etoiles couronné ;
Les Sciences font autour d'elle ,
Suivant d'une courfe fidelle
Son Char dans les Airs entraîné.
***
Une voix , égale au Tonnerre ,
Dicte ces Oracles preffans.
Les Dieux defcendent fur la Terre
Peuples , faites fumer l'Encens .
Bientôt , pour prix de vos hommages,
Ce qu'ont inventé tous les âges
Doit fe dévoiler à vos yeux ;
Gravez- le fur l'Or de vos Temples ,
Et que la force des exemples
Vous rende un Peuple induſtrieux
+3x+
A cet Oracle la Patrie
Se leve & nous trace des Loix ;
Comme Rome en eut d'Egerie
Sous le plus fage de les Rois .
D'un pas , conduit par l'efperance ,
Vers le Monarque de la France
Elle porte fes voeux tremblans ;
Acheve cette oeuvre immortelle ;
Le Regne des grands Rois ( dit-elle )
Doit être celui des Talens
JUILLET .
1575 1744.
Le fiécle od Minerve préfide ,
N'entreprend que d'heureux travaux ;
Les Arts , couverts de fon Egide
Vont s'ouvrir des Climats nouveaux.
Ils font femblables à la fource ,
Dont l'Onde a creufé dans la courſe
Un lit profond & fpacieux ;
Libre , du limon & de l'herbe
Elle forme un Fleuve fuperbe ,
Qui répand la vie en tous lieux.
Fontenelle , notre Lycée
T'adreffe fes voeux aujourd'hui ;
De l'entrepriſe commencée
Sois le conducteur & l'appui ;
Sur ce Pays , qui t'a vû naître ,
Obtiens que notre Augufte Maître
Jette de propices regards ,
Et fans pefer ce que nous fommes ,
Fais que le berceau des Grands Hommes
Devienne un Temple des Beaux- Arts .
Par M. DE BETTENCOURT , Sé
crétaire des Belles- Lettres de l'Académie de
Rouen.
D iiij
LATINI
1576 MERCURE DE FRANCE.
LATINI SERMONIS Exemplaria è Scripteribus
probatiffimis , c. c'est-à-dire , vérita
bles modéles de Latinité , tirés des meilleurs
Auteurs , 4 vol . in- 12 . A Paris , chés
les Freres Guerin , rue S. Jacques , à S. Tho
mas d'Aquin , 1744 .
Ces quatre Volumes contiennent des modéles
choifis de la meilleure Latinité , tant
en Profe qu'en Vers. Dans le premier , on
trouve des Extraits d'un nombre de beaux
endroits de plufieurs Hiftoriens , & dans le
fecond , des Extraits des meilleurs Poëtes .
Le III & le IV font remplis dans le même
ordre , de pareils Extraits de Profe & de
Vers de differens Auteurs.
A la fin de chaque Volume , il y a un Vocabulaire
, pour l'explication des mots &
des endroits difficiles. Cet Ouvrage doit
avoir une fuite , dans le même arrangement
de ces premiers Volumes ; les Extraits feront
toujours faits dans l'efprit de pouvoir
être mis entre les mains de la jeuneffe
Chrétienne. On vendra chaque Volume
broché 24 fols.
DESCRIPTION du Ventilateur , par le
moyen duquel on peut renouveller facilement
& en grande quantité l'Air des Mines
, des Prifons , des Hôpitaux , des Maifons
de Force , & des Vaiffeaux , où l'on fait
voir
JUILLET. 1744. 1577
voir fon utilité pour préferver toutes fortes
de Grains d'humidité & de corruption ;
pour les garantir des Calandres , foit dans
les Greniers , foit dans les Vaiffeaux , &
pour conferver plufieurs autres fortes de
marchandiſes , comme auffi pour fécher le
Bled , la Drêche , le Houblon , la Poudre à
canon , & c. Ouvrage lû en préfence de la
Société Royale , au mois de Mai 1741 , par
M. E. Hales , Docteur en Théologie , de la
Société Royale , & c. & traduit de l'Anglois
par M. P. Demours , Docteur en Médecine ,
à Paris , chés Charles Nicolas Poirion , ruë
S. Jacques , à l'Empereur , 1744. Vol . in-
12 , de 238 pages , fans compter l'Epitre
Dédicatoire à M. Orry , Miniftre d'Etat ,
Contrôleur Général des Finances , & c. la
Préface du Traducteur de 38 pages , celle
de l'Auteur de quatorze , l'explication des
Figures & la Table des Matieres de 38 pag,
Le prix eft de 2 liv . 10 f. relié.
M. Darnaud vient de donner au Public
un nouveau Poëme , adreffé à M. de Prémonival
, intitulé : L'AMOUR de la Philofophie.
Ce titre annonce quelque chofe de férieux
, & qui pourroit n'être pas à la portée
de tout le monde, mais fous la main d'un
bon Poëte les fujets les plus triftes dépouil
Dy leng
1578 MERCURE DE FRANCE.
lent toute leur fécherelle. Voici une idée de
ce Poëme .
La Morale , la Phyſique , & la Géométrie,
tous êtres perfonnifiés , s'abandonnoient à
la douleur la plus amere fur les tombeaux
de Deſcartes & de Neuton..
Cependant aux Mortels dérobant leurs douleurs ,
Au tour d'un vain tombeau pleuroient trois chaftes
foeurs .
Leur front étoit couvert de funébres Cyprès.
En longs manteaux de deuil , pâles , échevelées ,
Cherchant pour y gémir l'ombre des Mauzolées ,
Sans ceffe elles pleuroient cet injufte trépas.
D'un côté , l'on voyoit s'échapper le compas
Des languiffantes mains de la Géométrie :
De l'autre , la Morale à cette four chérie
Dans ces deux demi-Dieux , que la terre a perdus,
Montroit en foupirant l'image des Vertus :
Et l'altiere Physique , au ſein de la pouffiére
Attachant des regards qu'offenfoit la lumiere ,
De fes Guides privée , éteignoit fon flambeau ,
Et dépofoit fon Sceptre au pied de leur tombeau .
La Vérité , qui s'étoit retirée dans le Ciel
à la mort de ces deux Grands Hommes , a
conçu l'efperance de voir fon culte rétabli ;,
elle vient confoler ces trois foeurs éplorées.
Des
2
JUILLET. 1744. 1572
Des Airs , un Char d'azur fendoit les vaftes Plaines ,
Traîné par fix Courfiers , qui volant fous les Rênes ,
Tout fiers de leur fardeau , fentent fa Dignité ,
Et refpirent la flâme , & l'Immortalité.
Impatient , des Cieux il franchit la barriere ;
Il trace dans la nuë un fillon de lumiere.
Le Difcours de la Vérité répand la joie
dans leur coeur.
Dans le détail, ce ne font que Peintures
qu'Images , tout-à - fait dans le goût des
Anciens . On fe contentera d'ajouter le morceau
ſuivant ; c'eſt le départ de la Vérité
pour retourner aux Cieux.
Cependant elle part. Ces Vierges qu'elle embraffe
Long-tems fuivent des yeux fon éclatante trace.
Un nuage , en richeffe égal à l'Arc d'Iris ,
Séme fur fon paffage & l'Or & le Rubis.
Ses Courfiers dédaigneux, foulant aux pieds la terre,
Brûlent de s'élancer au féjour du tonnerre.
Ils volent ; fous leurs pas jailliffent mille éclairs ;
Le Char fe perd enfin dans la route des Airs.
Quoique cet Ouvrage foit entierement à la
loüange de M. de Premontval , on fent cependant
que l'Auteur a eu particulierement
en vûe de l'encourager à cultiver les talens
qu'on lui reconnoît , & à en acquerir de
nouveaux.
Dvj Ce
1580 MERCURE DE FRANCE.
Ce petit Poëme a trouvé des Cenfeurs ;
quelques-uns ont cru que l'idée ne fe faififfoit
pas du premier coup : il eſt vrai que
la narration y eft coupée de tems en tems
par des Defcriptions ; mais un efprit , un
peu attentif , reprend aifément le fil : ce
font comme differentes avenues , où l'on
aime à s'égarer , & où l'on fe retrouve à la
fin , parce qu'elles aboutiffent à un même
point.
Au fond , le fujet fait honneur à fon
Auteur. Employer la Poëfie à de pareilles
matieres , ne feroit ce pas un moyen pour
la réconcilier avec certains efprits graves ,
qui la croyent incapable de traiter le vrai
& le férieux ?
Debure , l'aîné , Libraire , Quai des Auguftins
, à S. Paul , donne avis qu'il a reçû
differents Livres d'Italie ; fçavoir ,
GRÆCA divi Marci Bibliotheca Codicum
Manufcriptorum per titulos digefta , Prefide
Moderatore Laurentio Theupolo, E uite ac
D. Merci Proc. juffu Senatus ; 1 vol. in-ful.
Venetiis , 1740 , cum figuris.

LE ANTICHITA d'Aquileja Profane e Sacre
per la margin parte finora inedite raccolte
, difegrate ed utrate da Giandomenico
Bertoli de Signore di ribir , Canonico d'Aquileja
, 1 vol. jel. Ven:tiis. 1737 , avec fig.
MoJUILLET.
1744. 1581
MONUMENTA Ecclefia Aquilejenfis Commentario
Hiftorico , Chronologico , Critico il .
luftrata , cum appendice in qua vetufta Aqui-
Lejenfium Patriarcharum , rerumque foro Julienfium
Chronica , e. aut. Franc, Bernardo
Maria de Rubeis , Ordinis Prædicatorum , r
vol. in-fol, Argentina , 1740 .
PUBLII TERENTII Comedia , nunc primùm
Italicis Verfibus reddita , cum Perfonarum fi
guris ari accurate incifis ex MS . Codice Bibliotheca
Vaticana , 1 vol . fol. Urbini, 1736.
LUCERNA FICTILES Mufei Pafferii , I
vol. fol. cum figuris , Pifauri , 1739.
MUSEI THEUPOLI antiqua Numifmata ,
olim collecta à Joanne Theupolo , 2 vol. 4°.
Venetiis , 1736.
LE ARTE DI BOLOGNA difegnate da Annibale
Caracci ed intagliate da Simone Guilini
, Roma 1740 , avec figures.
MARMORA PISAURENTIA , notis illuftrata
, 1 vol . fol. figur. Pifauri , 1738 .
JOANNIS PETRI BELLORII Romani Adnotationes
, nunc primùm e vulgata in x11 priorum
Cafarum Numifmata ab Ænea Urio ,
Parmenfi olim edita , 1 vol. fol. figur. Rome
1730.
IMPERATORUM ROMANORUM Numifma
ta à Pompeio Magno ad Heraclium , ab Adolpho
Occone olim congefta , Auguftorum iconsbus
, perpetuis Hiftorico - Chronologicis noris ,
plus1582
MERCURE DE FRANCE.
pluribufque additamentis jam illuftrata à
Francifco Medio- Barbo Birago , 1 vol . fol.
Mediolani
, 1730.
LAMPAS , five Fax Artium Liberalium ,
boc eft Thefaurus Criticus , quem ex otiofâ Bibliothecarum
cuftodiâ eruit ac foras prodire
juffit Janus Gruterus, 2 v. fol.Florentia 1737.
BOUGET. Lexicon Hebraicum Chaldaico
Biblicum , 3 vol. fol. Roma 1737.
CARDINALIS BARBERINI Galeria , figur.
Roma.
VOTA Jo. Dominici Raynaldi Bafilica S.
Petri in Vaticano Canonici Opus pofthumum ,
fol. Roma 1714.
ی م
VERITAS RELIGIONIS CHRISTIANÆ,
Librorum quibus innititur contra Atheos , Polytheos
, Idololatras , Mahometanos , & Judæos
demonftrata , per Franc. Ludovicum Gotti ,
nunc Cardinalem , 12 vol. 4° . Rome , annis
1735 , fequentibus .
LE GEMME antiche , figurate di Leonardo
Agostini , 2 vol. 4º . fig. Roma 1686.
PUBLII VIRGILIA Maronis Codex antiquiffimus
in Bibliotheca Mediceo Laurentiana adfervatus
, 1 vol . 4°. Florentia 1741.
OSSERVAZIONI Iftoriche di Domenico Ma
ria Manni Accademico Fiorentino , ſopra iſigilli
antichi de fecoli Baſſi, 2 vol.4°. In Firenze
1739 feq.
J. PIOMBI ANTICHI opera di Francefco deficoroni
JUILLET. 3744. 1583
ficoroni dedicata alla fantita di noftro Signore
Papa Benedetto XIV, 1 vol. 4° . fig. in
Roma 1740.
ANTIQUI Romanorum Pontificum Denarii
notis illuftrati , I vol . 4º. fig. Roma 1738.
JUSTI FONTANINI FOROIULIENSIS de antiquitatibus
Horta Colonia Etrufcarum Libri
tres , cum figuris ari incifis , Roma 1723 .
JOH. LAMI , Publici Ecclefiaftica Hiftorie
Profefforis de rectâ Chriftianorum , in eo quod
Myfterium Divine Trinitatis adtinet , fen
tentiâ lib. VI, 1 vol. 4° . Florentia 17 3 3.
JOH. LAMII de recta Patrum Nicanorum
Fide Differtatio , 1 vol . 4° . Venetiis 1730.
DE ROMANO divi Petri itinere & Epifco
patu , ejufque antiquiffimis Imaginibus exercitationes
Hiftorico- Critica ant. Petro Franc.
Logginio. S. Theol. ad Benedictum XIV
Pontificem Maximum , 1 vol . 4º. Florentia
1741 .
NOVELLE LITTERARIE publicate in Firenze
2 vol. 4" . 1740 .
DEL MOTO chenei mobili fi rifonde , per
impulfo efteriore trattato Fifico Matematico.aut
Aleſſandro Pafcoli , 1 vol. 4°. fig. In Roma
1723.
SAGGI di Differtazioni Accademiche publicamente
lette nella nobile Accademia Etrufca
dell' antichiffima Citta di Cortona , 3. vol. 4°.
Roma 1735
&feq. tertium volumen ſeparatim.
DIS1584
MERCURE DE FRANCE.

DISSERTATIONES HOMERICA , habite in
Florentino Lyceo ab Angelo Maria Riccio
Græcarum Litterarum Profeſſ. 3 vol . 4º . Florentia
1740 , & feq. tertium volumen feparatim
.
OPUSCULA OMNIA Actis Eruditorum Lipfienfibus
inferta , que ad univerfam Mathefim ,
Phyficam , Medicinam , Anatomiam , Chirurgiam,
& Philofophiam pertinent , 2 vol . 4º .
cum figuris , Venetiis 1740.
HISTORIA Monafterii S. Michaelis de Paf
finiano , 1 vol. fol . Luca , 1741 .
>
FR. THOMA VINCENTII Monelia , Flas
rentini Ordinis Pradicator de annis fefu
Chrifti Salvatoris & de Religione utriufque
Philippi AUG. Differtationes dua , I vol.
4°. fig. Rome 1741 .
Ι
ANTONII PACCHIONI , Regienfis Medici
& Anatomici Romani Opera ; Editio quarta ,
1 vol. 4° . fig. Roma 1541 .
LEONARDI BRUNI ARRETINT Epiftolarum
Libri VIII , adfilem Codd. MSS. fuppleti &
caftigati recente Laurentio Mehus , I vol. 8 ' .
Florentia 1744.
LINI COLUCI PIERI SALUTATI Epiftole
ex Codd. MSS. nunc primùm in lucem edita
à Jofepho Rgaccio Biliopola Florentino celeberrimo
, I vol. 8. Floren ia 1741 .
DELICIA E -u litorum , feu veterum Opufculorum
collectanea. Fo. Lamius collegit , illuftravit
JUILLET. 1744. 1585
travit , edidit , 12 vol. 8°. Florentia 1740 ,
feq. les trois derniers volumes féparément.
1
CAJETANI DE LEONARDIS ODÆ , I vol.
8. Roma 1740.
NICOLAI AVERANI Differtatio de Menfibus
Ægyptiorum , nunc primùm edita , curante
Franc, Gorio , I vol. 4°. Florentia 1737.
Le même Libraire vend & débite actuellement
le fixiéme & dernier volume du
mois d'Août des Actes des Saints , donné par
les Peres Jefuites , d'Anvers. Il donne avis
qu'il a fous preffe les trois derniers vol. de
l'Hiftoire Universelle de Diodore de Sicile
traduite par M. l'Abbé Teraffon , de l'Académie
Françoife , c'est-à - dire , les Tomes.
5, 6 & 7 , qui finiffent l'Ouvrage .
La veuve Maziere , ruë S. Jacques , à la
Providence , vis-à-vis l'Eglife S. Yves , a
imprimé le Panégyrique de S. François de
Paule , prononcé par M. Ballet , Curé de
Gif, près Verfailles , dans l'Eglife des R. R.
P. P. Minimes de la Place Royale , le 137
Avril 1744
Cette Piéce a été infiniment goûtée des
Connoiffeurs ; on a engagé l'Auteur de la
donner au Public , comme il donnera in
ceffamment plufieurs volumes de Panégyriques
choifis , qui n'ont pas été entendus
avec
#586 MERCURE DE FRANCE .
avec moins de fatisfaction dans plufieurs
Eglifes de Paris ; il s'en eft défendu quelque-
tems,afin de ne pas donner un Difcours
féparé , mais les follicitations de fes amis
l'ont enfin déterminé : on peut dire que
l'Orateur a faifi le véritable caractere de fon
Héros ; la Divifion eft aufli élevée que le
fujet qu'il traite ; il montre le Saint au-deffus
de l'homme par fes Miracles, & au-deffus
des Miracles par fes Vertus ; l'Eloquence ,
PErudition , les Images ne font point audeffous
de la magnificence des Miracles mêmes
; on eft perfuadé que cette Piéce fera
défirer les autres avec empreffement.
DISCOURS prononcé à l'Ecole Militaire le
24 Février 1744 , par M. Saverien , Ingénieur
, Profeffeur de Phyfique & d'Hydrographie
en cette Ecole , à l'ouverture de fes
Leçons publiques , fur la Navigation & fur
la Phyfique Experimentale , Brochure in-4°.
A Paris , chés Pierre Guillaume Simon , Imprimeur
du Parlement , ruë de la Harpe , à
T'Hercule 1744.
LIVRE des Affligés Pénitens , par M. Picard
de S. Admn , Docteur de Sorbonne , Doyen
de l'Eglife de Ste Croix d'Etampes , 1 vol.
in-12 , à Paris.
Ce Livre , qui depuis été augmenté de
PASSION de N. S. J.C. partagée felon les
heuJUILLET
. 1744. 1587
heures du jour , fe vend actuellement chés
le Sr Clément Libraire , Quai des Augustins ,
entre la ruë pavée & la rue des Auguftins
1744.
SERMONS du Pere Bretonneau , de la Compagnie
de Jefus , à Paris , chés Jean Coignard,
Libraire- Imprimeur , ruë S. Jacques , à la
Bible d'Or , & Louis- Hippolyte Guerin , ruë
S. Jacques , 1743 .
HISTOIRE & Defcription générale de la
Nouvelle France , contenant tout ce qui regarde
les découvertes & les conquêtes des
François dans l'Amérique Septentrionale ,
avec le Journal Hiftorique d'un Voyage fait
par
ordre du Roi dans cette même Partie
du Monde , où l'on trouvera la Defcription
Géographique & l'Hiftoire naturelle des
Pays que l'Auteur a parcourus , les Coûtumes
, le Caractere , la Religion , les Moeurs
& les Traditions des Peuples qui les habitent
, adreffé à Mad , la Ducheffe de Lefdiguieres
, avec une Differtation préliminaire
fur l'origine des Américains , par le Pere de
Charlevoix , de la Compagnie de Jefus ; à
Paris , chés Pierre François Giffard , Libraire
, rue S. Jacques , à Ste Thérefe ; ; vol .
in-4°. Cet Ouvrage dédié à S. A. S. M. le
Duc de Penthiévre , eft enrichi de Vignettes
3
en
1588 MERCURE DE FRANCE.
en taille- douce , & d'un très -grand nombre
de Cartes Géographiques & de Plans , & des
Remarques de M. Bellin , Ingénieur de la
Marine , fur ces mêmes Cartes , qu'il a été
chargé de dreffer , pour joindre à l'Hiftoire
générale de la nouvelle France du P. de
Charlevoix , & au Journal de fon Voyage
dans cette Partie du Monde.
DISSERTATIONS fur l'Hiftoire Eccléfiafti
que & Civile de Paris , fuivies de plufieurs
éclairciffemens fur l'Hiftoire de France . Ouvrage
enrichi de Figures en taille -douce.
Par M. l'Abbé Lebeuf, Chanoine & Sous-
Chantre de l'Eglife d'Auxerre , in- 12 . Tome
II. A Paris , chés Lambert & Durand ,
Libraires , ruë S. Jacques , à la Sagelſe & à
S. Landri , 1741.
"
ESSAI fur l'Esprit humain , ou Principes
naturels de l'Education , par M. Morelly.
Volume in- 12 de 369 pages , fans l'Avantpropos
& la Table des Chapitres , qui en
contiennent 24. A Paris , chés Charles-
Jean-Baptifte de l'Efpine , Imprimeur- Libraire
Ordinaire du Roi , rue S. Jacques à
la Victoire & au Palmier , 1743 .
HISTOIRE des Indes Orientales , anciennes
& modernes , par M. l'Abbé Guyon .
Trois
JUILLET . JUI 1744. 1589
Trois vol. in- 12 . Le premier Tome de 396
pages ; le deuxième , de 352 ; le 3 de 471
y compris la Table des Matieres ; à Paris
chés la Veuve Pierre , & Jacques Butard ,
rue S. Jacques ; Jean Defaint & Charles
Saillant , rue S. Jean de Beauvais , 1744 .
TABLETTES Chronologiques de l'Hiftoire
Univerſelle , Sacrée & Profane , Eccléfiaftique
& Civile , depuis la Création du
Monde , jufqu'à l'an 1743 , avec des Réfléxions
fur l'ordre qu'on doit tenir & fur les
Ouvrages néceffaires pour l'Etude de l'Hif
toire , par M. l'Abbé Lenglet du Fresnoy
Deux vol, in - 12 . Le premier contient l'Hif
toire ancienne en 344 pages , fans compter
le Difcours Préliminaire & la Lifte des Liyres
néceffaires pour l'Etude de l'Hiftoire ,
qui comprennent 208 pages, Le deuxième.
vol. contient l'Hiftoire moderne en 443
pages , outre un Avertiffement , une Table
des Papes , & un Supplément à la Colonne
des Ecrivains Eccléfiaftiques , qui comprennent
48 pages. A Paris , chés de Bure l'aîné ,
Quai des Auguftins , à S. Paul , & chés
Ganeau , rue S. Jacques , à S. Louis , 1744.
LEÇONS de Phyfique Experimentale , pas
M. l'Abbé Nollet , de l'Académie Royale
des Sciences & de la Société de Londres ;
1590 MERCURE DE FRANCE. -
à Paris , chés Guerin , ruë S. Jacques , à S.
Thomas d'Aquin. Deux vol. in- 12 de 372
pages .
NOUVELLE Edition , revûë & augmentée,
du Livre intitulé , Des Moeurs & des Vages
des Romains ; à Paris , chés Briaffon , Libraire
, ruë S. Jacques. Deux vol. 17-12 , 1744.
NOUVEAU Recueil de Poëfies , intitulé
Fables nouvelles & autres Piéces en Vers ,
par M. D. D. L. P. D. C. avec un Examen
Critique des principaux Fabuliftes , anciens
& modernes ; à Paris , chés F. G. Merigot ,
Libraire , Quai des Augustins , aux Armes
de France. Vol in- 12 , 1744.
SEPTIE'ME & huitiéme volumes de la
Bibliothéque Françoife , ou Hiftoire de la
Litterature Françoife , par M. l'Abbé Goujet
, Chanoine de S. Jacques de l'Hôpital ;
à Paris , chés Mariette & Guerin , Libraires ,
rue S. Jacques , in- 12 , 1744.
HISTOIRE de la Ville de Montpellier ,
depuis fon origine jufqu'à notre tems
avec un abregé Hiftorique de tout ce qui
précéda fon établiſſement , à laquelle on a
ajouté l'Hiftoire particulière des Jurifdictions
anciennes & modernes de cette Ville ,
&
JUILLET. 1744. 1597
& les Statuts qui lui font propres , en Latin
& en François, avec des Remarques , & une
Table des Matieres rangées fuivant l'ordre
Alphabétique , par Meffire Charles d'Aigrefeuille
, Prêtre Docteur en Théologie , &
Chanoine de l'Egliſe Cathédrale de S. Pierre
de Montpellier. A Montpellier , chés Jean
Martel , Imprimeur du Roi & des Etats de
la Province de Languedoc , 1737 , in-fol.
LE VI & dernier Tome des Actes des Saints
du mois d'Août eft imprimé. Il comprend
les cinq derniers jours & un Supplement
pour ce même mois. A la tête du volume ,
& comme hors de rang , on trouve tout ce
qu'on peut dire au fujet de l'Hiftoire & du
Culte de l'Eunuque, Intendant de la Reine
Candace , dont il eft parlé dans les Actes
des Apôtres , avec les Eloges que de Saints
Ecrivains lui ont donnés. S. Auguftin occupe
beaucoup de place dans ce volume . Ses Actes
font éclaircis avec un grand foin dans un
long Commentaire . On a tiré fa Vie en partie
de fes Confeffions , & en partie de celle
qu'a écrite Poffidius , Difciple & Ami du S.
Docteur , avec lequel il a vêcu environ 40
ans. Le Catalogue des Ouvrages de S. Auguftin
eft accompagné de beaucoup d'obſervations
folides. Pour la commodité de ceux
1
1
qui
1592 MERCURE DE FRANCE.
·
qui n'ont pas les Acta Sanctorum , on doit
diftribuer féparément ce qui regarde la Vie
& les Ecrits de S. Auguftin.
LES OUVRAGES de M. Racine , le fils
ont été raffemblés , imprimés & publiés par
Frederic Bernard , Imprimeur - Libraire à
Amfterdam , fous le titre fuivant : LA RELIGION
ET LA GRACE , Poëmes . Par M. Racine
de l'Académie Royale des Infcriptions &
Belles-Lettres. Nouvelle Edition , revûë ,
corrigée & augmentée confidérablement par
l'Auteur , 2 vol. in- 12 , 1744.
Voici les titres des Piéces qui compofent
tes deux volumes . On a marqué d'un afterif
que celles qui ont été ajoutées à cette nouvelle
Edition.
T. I. Préface fur le Poëme de la Religion ,
Poëme de la Religion divifé en vi Chants,
Avis du Libraire fur les Piéces fuivantes ,
Jugement de M. Rouffeau fur le Poëme de
la Religion. Epitre de M. Rouffeau à M,
Racine contre les Efprits forts. Avertiffement
fur la Piéce fuivante. Réponſe de M,
Racine à l'Epitre de M, Rouffeau. Lettre de
M. le Chevalier de Ramfay à M. Racine,
Réponſe de M. Racine. * Seconde Lettre de
M. le Chevalier de Ramfay à M, Racine,
Lettre de M. Pope à M , Racine, * Réponfe
de M. Racine à M. Pope. * Avertiffement
*
fur
JUILLET. 1744. 1593
fur les deux Epitres fuivantes. * Lettre de
M. le Cardinal de Polignac à M. Racine .
* L'Ame des Bêtes , I Epitre. * L'Ame des
Bêtes , II Epitre.
T. II. Odes Saintes. Ode I ,fur l'Ouvra
ge des fix jours. Ode II , tirée du Pleaume
11. Ode III , tirée du Pf. 72. Ode IV , tirée
du Chap. 14 d'Ifaïe. Cantique des Juifs
à leur délivrance de Babilone. Ode V , les
Vertus Chrétiennes . Ode VI , les Larmes
de la Pénitence. Ode VII , la Mort Chrétienne.
Odes fur divers fujets. Ode I. Ode
II , fur l'Arrivée de l'Infante d'Efpagne à
Paris , au mois de Mars 1722. Ode I. Ode
IV. Ode V , contre les Vapeurs. Ode VI ,
Turpe Senilis amor. Ode VII , aux Poëtes
que la jaloufie divife entr'eux . Ode VIII ,
fur la fufpenfion d'Armes en 1736 , lorfque
notre Armée étoit prête d'inveftir Mantouë.
Ode IX , fur l'Harmonie. * Extrait d'une
Lettre de M. Rouffeau à M. Hardion . * Lettre
de M. Racine à M, Rouffeau, * Extrait
d'une Lettre de M. Rouffeau à M. Hardion ,
* Difcours fur les caufes de la Décadence des
Efprits. Préface fur le Poëme de la Grace ,
divifé en quatre Chants. * Epitre à M. de
Valincourt. Avertiffement fur l'Epitre fuivante.
Epitre,
ESSAIS fur le Génie & le Caractere des
E Na-
1
1594 MERCURE DE FRANCE.
Nations , divifés en fix Livres ; à Bruxelles ,
chés Frederic Léonard , Libraire. Deux vol.
in-8°. 1744.
Le même Libraire débite l'Histoire générale
des Pays- Bas , contenant la Defcription
des dix- huit Provinces , en quatre vol. in- 8°
avec figures.
EUVRES de Machiavel , nouvelle Edition
augmentée de l'Anti- Machiavel & de
quelques autres Piéces . A la Haye , aux dépens
de la Compagnie. Six vol. in-12,1743 .
RECHERCHES Philofophiques fur la néceffité
de s'affûrer par foi-même de la vérîté
, fur la certitude de nos connoiffances
& fur la nature des Etres ; à la Haye , chés
Alexandre fohfon , Libraire , 1743 , in-8°.
MEMOIRES Hiftoriques , Politiques &
Littéraires , concernant le Portugal & toutes
fes dépendances , avec la Bibliothéque
des Ecrivains & des Hiftoriens de ces Etats ;
par M. le Chevalier d'Oliveyra , Gentilhomme
Portugais à la Haye , chés Adrien
Moetjens, Deux vol . in 8 ° , 1743 .
ESSAI fur l'Hiftoire naturelle des Polypes
, par M. Henri Baker , Membre de la
Société Royale de Londres & de celle des
AnJUILLET.
1744. 9595
; Antiquaires à Londres , chés R. Dodley &
M. Cooper , dans Pater - nofter - Roow , 1743 ,
in-8°. L'Ouvrage eft en Anglois.
- CONSULTATIONES MEDICA, five Sylloge
Epiftolarum , cum Refponfis Hermanni Boerhaave.
Premier vol. in- 8 ° , 1744. A Londres
, chés Jean Nourfe.
NOUVELLE EDITION de l'Introduction à
Hiftoire générale & politique de l'Univers ,
où l'on voit l'origine, les révolutions , l'état
préfent & les intérêts des Souverains , commencée
par M. le Baron de Puffendorf
completee & continuée jufqu'en 1743. A
Amfterdam , chés Zacharie Chatelain , 1743 ,
in- 12. Onze volumes , dont fix pour l'Hif
toire Univerſelle , trois pour l'Hiftoire de
Suéde , & deux pour celle de l'Afie , de l'Afrique
& de l'Amerique , pour fervir de
fuite à l'Introduction à l'Hiftoire Univer
felle du Baron de Puffendorf.
CEREMONIES & Coûtumes Religieufes de
tous les Peuples du Monde , reprefentées
par des figures deffinées de la main de Bernard
Picard & autres , avec une Explication
Hiftorique & quelques Differtations curieufes
: Tome VII , feconde-Partie , contenant
plufieurs Differtations de Mrs les Abbés
E ij Ban1596
MERCURE DE FRANCE.
Bannier & le Mafcrier , fur des Matieres qui
ont quelque rapport aux Cérémonies Religieufes
, & Tome VIII , qui contient un
parallele Hiftorique des Cérémonies Religieufes
de tous les Peuples anciens & modernes
, & la Defcription de divers ufages
finguliers prétendus Religieux , ou qui ont
quelque rapport à la Religion , in-fol . A
Amsterdam , 1743 .
ז י ן ז י ו י
TRAITE ' du Sublime de Denis Longin
accompagné d'une nouvelle Verfion Latine,
de Notes & de corrections , faites en partie
à l'aide des Manufcrits , & en partie fur des
conjectures par Zacharie Pearce . On y a
joint tous les fragmens de l'Auteur . Troie
fiéme Edition , à Londres , chés Jacques &
Richard Tonfon , & Jean Watts , 1743 , in、
8.de 301 pages , fans les Index , la Préface
& la Vie de Longin , de 35 pages . L'Ouvra
ge eft en Latin,
RECUEIL de diverfes Fables , deffinées &
gravées en taille-douce fur de beau papier
Royal , par M. Georges foffati , Architecte
Civil , à Venife, Tome I , in-4° , contenant
trente Planches enluminées , avec des Infcriptions
Italiennes & Françoiſes , tirées des
meilleurs Auteurs.
ON
JUILLET. 1744. 1597
ON donnera inceffamment à Padone une
nouvelle Edition de l'Ouvrage du Pape Benoît
XIV , fous le Titre De fervorum Dei
Beatificatione & Beatorum Canonizatione.
Cette Edition fera plus correcte que la premiere
; on y a fait des additions confiderables
, & on n'épargne rien pour la rendre
auffi parfaite qu'il eft poffible. Cette Edition
fe fait au Séminaire.
MARCI GOTTLIEBI Wernsdorffii Fac. Phi
los. in Aca lemia Wittembergenfi Affefforis
de Republica Galatarum Liber fingularis
in quo , cum Gentis origo , Status Regiminis ,
mores & res gefta, fide Scriptorum, & Numif
matum antiquorum exponuntur , tum Galatia
Regio defcribitur ; adjecta ejufdem Tabula
Geographica , cum Indice locupletiffimo. A
Nurenberg, chés Joh. Jacques Cremer. Vol.
in-4° , de 340 pages , fans y comprendre
la Préface ni la Table. Ces recherches font
divifées en fix Chapitres qui répondent à
pareil nombre de Queſtions compriſes dans
fujet que l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles-Lettres propofa pour le Prix
de l'année 1740.
ON a publié à Leipfick , il y a déja du
tems , le premier volume de la continuation
du Recueil de Piéces de Litterature , fous
le
E iij
1598 MERCURE DE FRANCE.
ad in-
Titre de Mifcellanea Lipfienfia nova ,
crementum Scientiarum ab iis qui funt in colligendis
Eruditorum novis actis occupati , per
partes publicata Lipfia , apud Joannem Fridericum
Gleditschium , 1743 , in- 8° . Cet Ouvrage
qui avoit été interrompu depuis 1717 ,
a été repris au mois d'Avril 1742 ; M.
Menkenius ,qui en eft l'Auteur , promet d'en
donner tous les trois mois douze feuilles ,
qui formeront chaque année un volume de
48 feuilles d'impreffion . Cet Ouvrage contient
des Differtations fur la Théologie , fur
quelques points de Critique & de Philologie
, & fur plufieurs endroits difficiles de
L'Ecriture- Sainte.
MEMOIRES du Comte de Guiche , concernant
les Provinces Unies des Pays- Bas , &
fervant de Supplément & de confirmation
à ceux d'Aubery du Maurier & du Comte
d'Eſtrades , in- 12 , 1744 , à Londres. Ces
Mémoires vont depuis 1665 , jufqu'en 1672 .
Ils ont été imprimés fur un Manufcrit acheté
à l'Inventaire des Livres de feu M. d'Angervilliers
, Sécrétaire d'Etat & Miniftre au
Département de la Guerre. Ce Livre n'avoit
point encore paru , & le P. de Montfaucon
n'en a point parlé dans fa Bibliothéque
de Manufcrits , ni le P. le Long dans fon
Catalogue des Ecrivains de l'Hiftoire de
France,
JUILLET. 1744 1599
France , ni M. l'Abbé Lenglet du Frefnoy ,
dans fa Méthode pour étudier l'Hiftoire.
HISTOIRE de l'Empereur Charles VI , de
glorieufe mémoire , contenant ce qui s'eſt
paffé de plus mémorable en Europe depuis
La naiffance jufqu'à fa mort , tirée des Mémoires
& autres Piéces authentiques , manuſcrites
& autres, dans lesquelles on a puiſé
des Anecdotes très-curieufes, qui n'avoient
point encore paru , à la Haye , par M. P. A.
la Lande , 1743. Six vol. in- 12 , chés Jean
Neaulme.
ESTAMPES NOUVELLES.
Le St Petit , Graveur , ruë S. Jacques , à la Couronne
d'Epine, près les Mathurins , qui continuë de
graver avec fuccès la fuite des Hommes Illuf-
Ares du feu Sr Defrochers , Graveur du Roi , vient
de mettre au jour les deux Portraits fuivans , qui fe
fervent de Pendant.
JEAN RACINE , de l'Académie Françoife ,
Gentilhomme ordinaire du Roi , mort le 22 Avril
1699 , âgé de 59 ans . On lit ces Vers au bas.
Racine , en nous touchant & l'efprit & le coeur ,
Du Théatre François devint l'autre merveille ;
Par les Vers, pleins de force, autant que de douceur,
Il fuccéda feul à Corneille ,
Et n'a point eu de fucceffeur.
LOUIS RACINE, de l'Académie Royale des
E iiij Infcrip1600
MERCURE DE FRANCE.
Infcriptions & Belles-Lettres , né à Paris le 2 No
vembre 1692. On lit ces Vers Latins au bas , de M
Coffin .
En quem Relligio fibi vindicat unica Vatem ;
Cujus Scripta velit , vel Pater , effe fua.
Et ces Vers François de M. Desforges Maillard.
Héritier de la gloire & du nom de Racine ,
Des vaines fictions il méprifa l'éclat ,
Et rappellant les Vers à leur fainte origine ,
Confondit tour à tour l'Incrédule & l'Ingrat.
Pinxit Aved Sculpfit Petit , obfequens ftudio &
amicitia Illuftriffimi viri Titon du Tillet.
On a publié depuis peu à Florence un Programme
, par lequel on donne avis au Public , qu'on va
deffiner & graver en Cuivre les Peintures qui font
fur le Plafond de la Galerie Royale de cette Ville .
Chacune de ces Peintures fera gravée ſur une Planche
, d'environ trois pieds de largeur , & d'un peu
plus de deux pieds de hauteur. Les meilleurs Graveurs
d'Italie y travaillent , & on y employe le plus
beau Papier Royal . On joindra à chaque Planche'
une Explication Hiftorique du Sujet qu'elle repréfente.
La premiere partie doit être achevée ce mois
ci. On n'en tire que 150 Exemplaires Le prix pour
les Soufcripteurs fera de deux Sequins , & de trois
pour les autres , aufquels on n'en délivrera , que
quand l'Ouvrage fera entierement achevé.
Il paroît une nouvelle Carte d'Italie , en deux
feüilles , par M. d'An ille , Géographe du Roi. Les
bienfaits de M. le Duc d'Orleans ont mis l'Auteur
en état de ne rien épargner pour l'exécution de cet
Ouvrage ,
JUILLET. 1744. 1601
Ouvrage , qui fera fuivi de plufieurs autres Morceaux
de même genre , dont un nouveau Corps de
Cartes générales fera compofé. La Carte d'Italie eft
accompagnée d'une Analyfe , Volume in 4º . imprimé
avec foin , & qui fe trouve_chés la veuve
Etienne , rue S. Jacques. Un Avertiffement mis audevant
de cette Analyfe , fournit le Plan du nouveau
Corps de Cartes , entrepris par M. d'Anville.
La Carte d'Italie fe trouve chés l'Auteur , aux Ga❤
leries du Louvre.
Le St le Route , Ingénieur Géographe du Roř
à Paris , rue des grands Auguftins , vis à vis le Pa
nier Fleuri , vient de publier le vrai Plan des Attaques
d'Ypres de Menin ; un beau Plan du Fort de
la Kenoque , & de la Ville de Tournay , avec une
nouvelle Carte de l'Empire de Ruffie , dreffée fur les
Mémoires de M Keillow , Sécretaire du Confeil de
Pétersbourg.
On écrit de Généve , qu'on doit vendre dans cette
Ville , chés les Srs Salard , pere & fils , une Collection
de Médailles , tant Grecques que Romaines ,
en Argent & en Bronze , au nombre d'environ 200 ,
& quelques Pierres gravées. M. le Profeffeur Ca
landrini y joindra une quantité de Médailles, qui ont
été envoyées d'Allemagne après la mort d'un Curieux
, qui les avoit raffemblées. Il y a entre autres
nn Othon , moyen Bronze , une Meffaline Grecque
an Galień , & une Salonine Médaillon , un Pefcen
Rius Niger , un Néron , au Revers la Tête d'Agrippine
, deux Gordiens d'Afrique , une Plotine , femme
de Trajan , un Emilianus , & plufieurs autres Médailles
rares , avec une Suite des autres Empereurs
& Célais.
A
M
1602 MERCURE DE FRANCE.
M. Chycoineau , Confeiller d'Etat , Premier Mé
decin du Roi , ayant yû la guérifon d'un grand Prélat
, des Rougeurs , Dartres & Boutons qu'il avoit
fur le vifage depuis plus de huit ans , lequel a fait àn
la Dame de Leftrade une penfion fa vie durant , &
ayant appris d'ailleurs la guérifon de plufieurs autres
Perfonnes confidérables , & qu'elle traitoit ces
Maladies depuis plus de 40. ans avec fuccès & applaudiffement
, a bien voulu donner fon Approbation
pour débiter fes Remédes , pour l'utilité & le
foulagement du Public ; fçavoir , une Eau qui guérit
les Dartres vives & farineufes , Boutons , Rougeurs,
Taches de rouffeur & autres Maladies de la Peau ;
& un Baume blanc , en confiſtance de Pomade , qui
ôte les cavités & les rougeurs après la petite vérole
; les taches jaunes & le hâle , unit & blanchit le
tein . Ces Remédes fe gardent tant que l'on veut ,
peuvent fe tranfporter par tout .
Les Bouteilles de cette Eau font de 2. 3. 4 &.
6. livres & au deffus , felon la grandeur. Les Pots
de Baume blanc font de 3 livres 10. fols , & les demi
Pots d'une livre 1 § . fols.
Mad. de Leftrade , demeure à Paris , ruë de la Comédie
Françoife, chés un Grainetier, aupremier Etage
a une Affiche au- deffus de la porte. Il
Y
방뽕뽕
CHANTHE
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JUILLET. 1744. 1003
CHANSON.
LE Dieu de la Treille & l'Amour ,
Tous deux font les plaifirs du monde ;
Sur leur empire chaque jour ,
Le bonheur le plus doux fe fonde :
Pour joüir de la volupté ,
Mon coeur fans ceffe les raffemble ;
De l'un fans l'autre peu fáté ,
Je les unis toujours enfemble.
LE
Par M. Laffichard.
AUTR E.
E plaifir eft un Dieu volage ,
Dont l'éclat trompeur nous féduit ; |
Du papillon il eft l'image ,
Qui cueille le miel , & s'enfuit :
Auffi - tôt qu'il ftate nos ames ,
Nous éprouvons de tendres flâmes ;
Mais a-t'on goûté les douceurs ?
Il s'envole , & perce nos coeurs,
Par le même.
Evj SPEC1604
MERCURE DE FRANCE.
SPECTACLES.
EXTRAIT d'un Ballet nouveau , repréfenté
par l'Académie Royale de Mufique le
11 Juin , intitulé L'ECOLE DES AMANS.
A
U Prologue , le Théatre reprefente
un Bofquet , orné des Jardins de Venus
, &c. L'Amour , en robe de Docteur de
Cythére , eft environné par les Jeux & les
Plaifirs. Les Amans célébrent fa gloire , en
attendant fes Leçons.
Choeur d'Amans.
Du Vainqueur , Dieu d'Amathonte ,
Célébrons les doux exploits , &c.
Enchantés dans ces retraites ,
Sans compter nos jours charmans ,
Nous devons à nos défaites
Les plus chers de nos momens.
L'Amour defcend de fon Trône , Il dicte
des maximes , qui fervent de Leçons aux
Amans , & aux Amantes ; entre ces Leçons
il en choifit trois qui font la divifion de ce
Ballet : les voici.
Je
JUILLET. 1744. 16095
Je prétends aujourd'hui dans des fêtes nouvelles ,
Vous guider fur les pas de mes fujets fidelles.
Vous verrez un Hymen heureux
Premiere Leçon.
De Deux Amans couronner la conftance.
Vous verrez triompher mes feux
Deuxième Leçon. Troifiéme Leçon
De la Fortune & de l'abfence.
Retenez mes Leçons ; goûtez- en les douceurs ;
Par la voix des plaifirs je vais vous les apprendre' ;
L'Amour est fait pour inftruire les coeurs ,
Et les coeurs font faits pour l'entendre.
La jaloufie vient troubler les chants & les
danfes des Amans . Elle veut les dégager les
chaînes de l'Amour , en leur rappellant is
peines qu'elle leur fera fouffrir elle-même..
Voici conime elle s'exprime :
Eft-il un plus cruel outrage
Que de trahir vos tendres feux ?
Qu'un plus digne objet vous engage ;
Fuyez des appas dangereux.
L'Amour s'oppofe aux projets de la ja
loufie ; il appelle l'Efperance au fecours des
Amans épouvantés , & dit :
Vous qui calmez les foins jaloux ,
Volez , agréable Esperance ;
Ramenez
1605 MERCURE DE FRANCE
Ramenez avec la Conftance
Les plaifirs les plus doux.
L'Efperance paroît dans le char d'Amphitrite
conduit par les Tritons ; elle en defcend
,& réunit les Amans féparés. La jaloufie
s'obſtinant à refter , l'Amour irrité lui dit :
Fui , Jaloufie affreufe ,
Tombe au fond des Enfers , & c.
Il la frappe de fon flambeau , & la précipite
dans fon féjour ordinaire.
Premiere Leçon. La Conftance conronnée.
Le Théatre repréfente un Forêt , & le
Château de Sulmone.
Zélide , Dame Napolitaine , Tutrice de
Fénife, ouvre la Scéne , par cette expofition.
Ici , de deux jeunes Amans
J'examine avec foin les tendres fentimens ...
L'Hymen ne doit qu'avec prudence
Couronner les feux de l'amour :
Une épreuve de plus d'un jour
Doit précéder leur récompenſe :
L'Hymen ne doit qu'avec prudence
Couronner les feux de l'Amour.
Valere , Seigneur François , en Chaffeur
vient prier Zélide de couronner fon amour ,
Zélide
JUILLET. 1744. 1607 .
Zélide , pour éprouver fa conftance , luj
répond :
Je me garderai bien de vous unir tous deux ;
L'Hymen vous offrira de plus utiles noeuds , & c .
Cette réponſe fait croire à Valere que
Fénife eft infidelle ; Zélide augmente fes
allarmes par ces deux Vers :
Croyez- vous que l'Amour arrête
Un coeur que la Fortune attend
Valere, toujours plus allarmé par tout ce
que Zélide lui dit , la veut quitter brufquement
pour aller chercher Fénife;fon Amante
le previent. A peine eft- elle arrivée qu'il
lui reproche fon changement par ces Vers :
Quoi vous brifez notre lien !
Je vous croyois tendre & fidele ;
Hélas ! de votre amour je jugeois par le mien.
Fénife lui répond qu'elle ne fe reproche
rien ; Zélide leur fait entendre à tous deux
que c'eft à l'intérêt à régler l'Hymen ; Féniſe
détruit cette injufte maxime par celleci.
Ah ! peut-on devenir Epoux ,
Sans confulter le Dieu de la tendreffe ?
Peut- on jamais rendre trop doux
Un noeud, qui doit durer fans ceffe ?
Va1608
MERCURE DE FRANCE.
Valere , raffaré par un fi doux langage ,
preffe Zélide de le rendre heureux avec
Fénife , dont le fort et en fa puiffance ;
après quelque réſiſtance , affailonnée de
raillerie , Zélide confent à couronner un
Amour quelle croit avoir affés éprouvé . Elle
leur dit :
Ah ! c'est trop réfifter à vos tendres regrets ;
C'est trop vous déguifer mes fentimens fecrets.
Heureux Amans , ceffez de craindre ;
Vous brûlez d'un beau feu , qu'il eft tems d'approuver
;
Je ne cherchois pas à l'éteindre ;
Je ne voulois que l'éprouver.
La Scéne finit par un Duo très-court , qui
s'adreffe à Zélide , pour la remercier de la
grace qu'elle fait à ces tendres Amans ; un
bruit de cors annonce la Chaffe dont on a
déja parlé , & c'eft par cette Chaffe ,qui fait
un très - grand plaifir , que cette premiere
Entrée eft terminée. Pendant la Chaffe
Valere chante ces Vers :
L'Amour est un Chaffeur ; cédons fans réſiſtance ;
>
En vain l'on fuit fes traits , quand il les lance ;
Préfentons lui nos coeurs , s'il vole fur nos pas ;
Dans fes filets laiffons -nous prendre ;
Que fes piéges font doux ! ne nous en plaignons
pas.
Quand
JUILLET. 1744. 1609
Quand la furpriſe a tant d'appas' ,
Feroit- on bien de s'en défendre ?
La Compofition des Ballets de cet Opera
a fait beaucoup d'honneur à M. Malterre ,
qui en a compofé les Pas.
Seconde Entrée , ou feconde Leçon , la Grandeur
facrifiée.
Le Théatre reprefente une Kermeffe , ou
Foire de Flandre .
Ifabelle , Princeffe de Flandre , ouvre la
Scéne avec Angelique fa Confidente. Angelique
lui parle ainfi , pour expofer une
partie du fujet :
Sous l'habit Paftoral prétendez -vous long- tems
Cacher une illuftre Princeffe ?
Il faut à la Grandeur des Palais éclatans ;
Les Bois & les Hameaux font faits pour la tendreffe .
Ifabelle lui répond :
Ici , des Jeux nouveaux raffemblent chaque jour
Des Mortels amenés par Plutus & l'Amour ;
De mon rang avec eux j'évite la contrainte
Sous ce déguisement ;
Tous leurs projets divers font mon amufement , & c.
Angelique lui demande fi elle n'y cherche
1610 MERCURE DE FRANCE.
che pas Philinte ; elle convient qu'elle eft
ravie d'y trouver ce Berger , & qu'elle rougit
plûtôt de l'Amour que de l'Amant.
Le prétendu Philinte vient ; c'eft encore
un Prince déguisé par le privilége attaché à
la fête de la Kermeffe ; il parle d'amour à´
Iſabelle . Elle veut lui impofer filence , en
fe faifant connoître pour ce qu'elle eft. Vojci
la réponse qu'elle lui fait :
Par un langage fi flateur
Ne vous obftinez plus à féduire mon ame ;
Philinte ; il faut éteindre une inutile flâme ;
Le Ciel pour un Berger n'a point formé mon coeur,
Cette Scéne eft remplie de fentimens de
part & d'autre ; Ifabelle dit à Philinte que
fon Pere la deftine à un Epoux digne de fa
naiffance ; Philinte la prie en vain de lui
nommer fon Rival ; elle garde un prudent
filence : le prétendu Philinte lui reproche
tendrement le facrifice qu'il lui fait par l'excès
de fon amour , & lui dit :
Ah ! connoiffez toute votre puiffance.
Je vais rompre un Hymen digne de mes Ayeux ;
Mais le brillant honneur d'une illuftre naiffance
N'eft-il pas
effacé par
l'éclat
de vos
yeux ?
Plaignez , adorable Bergere ,
Un Souverain tendre & fincere ,
Qui ne refpecte plus que vos divins appas.
34
JUILLET. 1744. 1611
Je leur immole tout ; gloire , Grandeur .....
Elle finit le Vers & lui dit :
Hélas !
Que n'eft-ce vous , Terfandre ?
Le faux Philinte fe jette à fes genoux ,
& fe fait connoître pour le véritable Terfandre.
Cette Scéne très- intéreffante finit
Duo ;
Je vous ai cedé la victoire ,
Sans confulter les Loix de la Grandeur ;
Les fideles Amans font leur unique gloire
De brûler à jamais d'une fincere ardeur.
par ce
Cette feconde Entrée finit par la fête de
la Kermeffe.
Troifiéme Leçon. L'Abfence furmontée.
La Scéne eft dans la place Saint Marc ,
Venife.
å
> Le Théatre repréſente une Colonnade
preparée pour une fête de Carnaval . On
voit au travers la place de S. Marc.
Leandro , Seigneur Romain , expofe le
fujet par ce monologue :
Ne vous verrai- je plus, vous qui formez mes noeudsa
1612 MERCURE DE FRANCE.
Ou dois -je aller , hélas ! pour calmer mes allarmes &
Dans quels Climats heureux
Voit ccon briller vos charmes ?
C'eft ici l'aimable féjour ,
Où j'aifoumis mon coeur aux attraits d'Elifmene ,&
Ici , le fort cruel nous fépara tous deux ,
....
Sans pouvoir expliquer mes voeux ..
J'ai bientôt appris fon langage ;
N'aurai -je jamais l'avantage
De m'en fervir pour expliquer mes feux >
Ne vous verrai-je plus , & c.
Leandro appercevant Elifmene , ſe retire
pour l'entendre.
Elifmene , Dame , Veuve Françoife , fe
voyant feule , fait connoître les fentimens
de fon coeur par ces Vers :
'Amour , fi quelquefois tu fais verfer des pleurs ,
En fe plaignant de tes rigueurs ,
On les adore :
En preffant la Raifon d'éteindre tes ardeurs,
On craint le fecours qu'on implore .
Leandro devient jaloux par ce monologue
, qu'il croit s'adreffer à un Rival fecret.
Elifmene continuë de chanter d'une maniere
qui n'eft pas moins capable de l'allarmer.
Preffé par fa jaloufie , Leandro s'approche
enfin ; elle le voit avec une agréable furprife
JUILLET . 1744. 1615
prife & jouit de fon embarras ; elle lui dir
en foûriant
Quand le fort me força de quitter ce rivage ,
Vous ne fçaviez pas mon langage.
Leandro lui répond vivement ; .
Je voudrois encor l'ignorer ;
Je n'aurois pâ vous déclarer
Un feu conftant ... qui vous outrage.
Et je n'apprendrois pas dans ce funefte jour ,
Qu'un Rival heureux vous engage.
Eliſmene après avoir eu quelque -tems le
plaifir de le voir jaloux & par conféquent
amoureux , le défabuſe enfin , & pour lui
prouver qu'elle l'aime , lui parle Italien ;
langage qu'elle a appris,depuis qu'ils fe font
Léparés.
Ils chantent enfemble un Duo , dont nous
mettons ici la Traduction en faveur des
Lecteurs.
Leandro,
Charmantes flâmes ,
Brûlez nos ames ;
Parmi les plaifirs & les jeux ,
Rendez-nous toûjours heureux.
Aimable tendreffe ,
Je fens tous vos attraits ;
Regnez
1614 MERCURE DE FRANCE.
Regnez fans ceffe ;
Pour vous nos coeurs font faits.
Elifmene
Gradite fiammè ,
Ardite l'almé ;
Tra Scherfi amati ,
Fate noi beati
Nume d'Amore
Tuoi vezzi fento ;
Regna nel core ,
Dite contento.
Cette troifiéme & derniere Entrée ou
Leçon , finit par le divertiffement , qui eſt
compofé de Mafques chantans & danfans .
Le Poëme de ce Ballet eft de M. Fufelier ,
très connu par d'autres Poëmes Comiques
& Lyriques qui ont eu beaucoup de fuccès
, ce dernier a été mis en Mulique par
M. Nieil , Auteur d'un autre Ballet Héroïque
, intitulé les Romans , repréſenté en
1736.
Le 9 la même Académie remit au Théatre
le Ballet Héroïque des Graces , compofé
de trois Entrées , précedées d'un Prologue.
M. Roy eft l'Auteur du Poëme , qui a été
mis en Mufique par le feu Sr Mouret . Le
même Ballet avoit été repréfenté pour la
preJUILLET.
· 1744. 1615
premiere fois le 5 Mai 1735. On peut voir
l'Extrait qui en a été donné dans le Mercure
de Mai de la même année , page 972 .
Le 13 , les Comédiens François remirent
au Théatre la Tragédie d'Hypermneftre , de
feu M. deRioupeiroux . La Dlle Dumefnil y
joue le principal rôle dans la plus grande
perfection ; les rôles de Danaus & de Lyncée
, font très bien remplis par les Srs Sarrazin
& Grandval. Cette Piéce avoit été donnée
dans fa nouveauté en 1704. Les trois
principaux rôles étoient alors joués parMlle
Duclos , & par les Srs Salé & Baron , le fils ;
elle fut repriſe en 1726 , & ces mêmes rôles
furent remplis par la même Dlle Duclos,
& par les Srs le Grand & Quinaut , l'aîné.
0- peut voir l'Argument & les Remarques
qui ont été donnés au fujet de cette Tragédie
dans le premier Volume du Mercure de Décembre
1726 , page 2747;
Le 23 , les mêmes Comédiens donnerent
ene Comédie nouvelle en Profe & en un
Ae , intitulée les Graces , par M. .....
dont le fuccès eft très -brillant . Cette
Piéce eft généralement applaudie , par le
érite du Poëme , & par la fineffe , le feu &
la légereté de l'exécution ; le tout forme un
Tableau animé , où les yeux & le coeur font
églement fatisfaits. On en parlera plus au
long.
.Le
616 MERCURE DE FRANCE.
Le 2 de ce mois , les Comédiens Italiens
donnerent la premiere repréſentation d'une
nouvelle Comédie Italienne en cinq Actes ,
intitulée Coraline Magicienne , laquelle a été
reçûë très-favorablement du Public. Cette
Piéce , qui eft ornée de differens Spectacles,
fait beaucoup de plaifir ; elle eft jouée d'ailleurs
dans le vrai goût Italien , où les lazzis
& un continuel jeu de Théatre produiſent
fort fouvent des Scénes auffi comiques que
fingulieres , lefquelles ont été généralement
applaudies, par la vivacité avec laquelle tous
les Acteurs ont joué leurs rôles . Celui de
Coraline , qui eft le principal de la Piéce, a
été rendu avec la même préciſion.
Parmi les differens Spectacles dont cette
Piéce eft ornée , on voit au cinquiéme Acte
une Décoration finguliere , qui repréſente
un Fort , dans lequel Flaminia eft enfermée.
A la fin de l'Acte , ce même Fort fe détruit
fubitement, & de tous les débris il fe forme
aux yeux des Spectateurs un Palais magnifique,
d'Ordre Ionique, quoique d'une grande
fimplicité ; il eft orné de Colonnes & de Pilaftres,
qui foutiennent l'entablement de l'Edifice.
Des Guirlandes & des feftons de fleurs
& de fruits regnent d'une Colonne à l'autre,
au bas de la Baluftrade ,dont l'entablement eft
couronné. Le fond de la Décoration eft terminé
par un Perron , d'environ douze marches
JUILLET . 1744. 1617
ches , fur lesquelles font placés à droite &
à gauche les Acteurs & Actrices, & tous ceux
qui doivent former le Divertiffement. En
effet , au premier coup d'archet de l'Orcheftre
, on voit tous ces Perfonnages defcendre
commençant la marche & le Divertiſſement ,
qui eft parfaitement bien exécuté ; le fieur
Vincent danfe un Pas de deux avec la Dlle
Veronife , cadette , foeur de la Dlle Coraline,
qui a été fort applaudie,& cette derniere en
danfe un autre avec le Sr Ballery , qui ne fait
pas moins de plaifir. La Piéce eft terminée
par un Choeur de Mufique Italienne , chantée
par la Dlle Coraline & par les autres
Acteurs. La Mufique des Divertiffemens a
été trouvée très-bien caractérisée ; elle eft
du Sr Blaife , connu par d'autres bons Ouvrages.
La compofition & l'exécution de ce magnifique
Palais , dont on vient de parler ,
eft des Srs Brunetti , pere & fils , Peintres
Italiens , que le Public a fort applaudis.
. Les Vers qu'on va lire , font adreffés à la
Dlle Coraline.
Une Mufe tendre & novice
De toi reçoit les premiers fers ;
Ce n'eft point l'injuſte caprice ,
C'est l'Amour qui dicte mes Vers.
F Les
1618 MERCURE DE FRANCE.
Les Graces , jeune & vive Actrice ,
T'embellirent de leurs attraits ,
Et Terpficore , avec juſtice ,
Leur accorda les derniers traits.
Dès que Paris vit fur la Scéne
Paroître tes heureux talens ,
Il abandonna Melpomene ,
Pour te confacrer fon encens .
Courage , aimable Coraline ;
Pourfuis ; enchanté tous les coeurs
Plus qu'aucun de tes Spectateurs ,
J'applaudis ta beauté divine.
J. P. D.
Le 19 les mêmes Comédiens remirent au
Théatre l'Amour Précepteur , Comédie , en
Profe & en trois Actes , par M. G.... Auteur
de plufieurs autres Piéces , qui ont été
jouées avec fuccès fur le même Théatre ,
dans laquelle la Dlle Rofalia Aftraudi, jeune
Actrice , âgée d'environ onze ans , qui avoit
déja parû , & dont on a parlé dans le Mer
cure de Mai dernier, joua le rôle d'Henriette
avec applaudiffement . Cette Piéce avoit été
repréfentée dans fa nouveauté aumois deJuil
let 1726. On peut voir l'Extrait qui en a été
donné
JUILLET. 1744. 1619
donné dans le Mercure d'Août de la même
année , page 1872. Le rôle de Federico , qui
étoit joué par la Dlle Flaminia, eft remplacé
par la Dlle Therefe , qui le joue fort au gré
du Public.
Le 12 , l'Opera Comique , voulant auffi
donner des marques de réjouiffances dans
les conjonctures préfentes, donna fon Spectacle
gratis , & repréſenta Pigmalion , ou la
Statue animée , & les fardins de l' Hymen ; ces
deux Piéces furent précédées d'un Prologue
& fuivies de differens Divertiffemens. Tout
s'y palla fans confufion & au grand contentement
d'une multitude de Peuple du Fauxbourg
& de la Ville . Ce Spectacle commenà
une heure & finit à trois.
ça
Le foir , les Marchands Sindics de la Foire
S. Laurent firent illuminer toutes les
ruës qui font dans l'enceinte de cette Foire,
& on y danfa une partie de la nuit.
1
Le 16 , le même Opera Comique donna
une Piéce nouvelle en un Acte & en Vaudevilles,
intitulée l'Ecole des Amours Grivois ,
Ornée de plufieurs Divertiffemens Flamands,
de Chants , de Danfes grotefques , & de
differens ,Vaudevilles convenables au ſujet
de la Piéce, le tout parfaitement bien executé.
La Dlle Puvigné , jeune Danfeufe , dont
on a eû occafion de parler avec éloge à la
F ij pré1620
MERCURE DE FRANCE;
précedente Foire S. Laurent , danſa un Menuet
avec le Sr Noverre , jeune Danſeur de
la même Troupe , avec un applaudiffement
général . La même Danfenfe avoit exécuté
quelques jours auparavant fur le même
Théatre les Caractères de la Danfe , avec
toute la préciſion & la vivacité poffibles , &
fort au- deffus de fon âge. On parlera plus
au long de cette premiere Piéce , qui attire
tous les jours de nombreufes Affemblées à
ce Spectacle.
Le 27, on donna une nouvelle Piéce d'un
Acte , ornée de Divertiffemens , de Chants
& de Danfes , intitulée le Déguisement Paftoral
, laquelle a été applaudie , & dont on
pourra parler plus au long.
J
NOUJUILLET.
1744. 1621
× ૦ ૩૨૨ ૨૩ ૨૪ ર 8 38 8 8 8 T
NOUVELLES ETRANGERES ,
TURQUIE.
N mande de Conftantinople , que le Grand
Seigneur avoit difpofé du Gouvernement du
Grand Caire en faveur du Reys Effendi , & qu'une
Efcadre confiderable avoit fait voile pour la Mer
Noire , fous les ordres du Capitan Pacha.
PRUSSE.
Na appris de Berlin du 8 de ce mois, que la
Reine de Hongrie & les Etats Généraux des
Provinces Unies ont écrit au Roi de Pruffe , pour le
féliciter fur fon avenement à la Régence de la Principauté
d'Ooft- Frife .
Le dix - fept , jour fixé pour la célébration
du mariage de la Princeffe Louife Ulrique & du
Prince Royal de Suede , les Princes de la Famille
Royale , & les autres Princes qui fe font rendus à
Berlin , pour fe trouver à cette cérémonie , s'étant
affemblés , ainsi que les Miniftres Etrangers , les
Seigneurs & les Danyes de la Cour , dans l'appartetement
du Roi , S. M. fe rendit fur les neuf heures
du foir avec les deux Reines & la Princeffe Louiſe
Ulrique dans la Sale où devoit fe faire la cérémonie.
La Princeffe Louife Ulrique fut conduite par le
Prince Guillaume , qui avoit été chargé d'une procuration
pour époufer cette Princefle au nom du
Prince Royal de Suéde. Le Prince Guillaume & la
Fiij Prin1622
MERCURE DE FRANCE.
Princeffe fe placerent fous un Dais , qui avoit été
preparé pour cet effet , & M. Rolof, Confeiller du
Confiftoire , après avoir fait un Difcours convenable
à la circonstance , leur donna la bénédiction
nuptiale , & échangea les bagues , au bruit d'une
triple falve de l'artillerie des remparts.
Le Roi & les deux Reines pafferent enfuite dans
la Sale des Chevaliers ; il y avoit huit tables , chacune
de 40 couverts , & leurs Majeftés fouperent à
la premiere avec les Princes & les Princeffes de la
Famille Royale.
Le Prince de Holftein Beeck fit les honneurs de la
feconde table , à laquelle étoient placés les autres
Princes qui avoient affifté à la cérémonie , & les
Généraux.
La troifiéme , deftinée pour les Miniftres Etrangers
& pour les Miniftres d'Etat , fur tenue par le
Comte de Podewils , Premier Miniftre .
A la quatrième , dont le Comte de Hacke fit les
honneuis , étoient les Dames & les Seigneurs de la
fuite des Princes & des Princeffes , qui ne font pas
de la Famille Royale.
Le Comte de Gotter tint la cinquième , dont les
couverts ne furent remplis que par des Dames de la
Cour.
Les trois autres tables furent occupées par le refte
de la Nobleffe , & par les Gentilshommes qui ont
accompagné à Berlin le Comte de Teffin , Ambaffadeur
Extraordinaire du Roi de Suéde , & les honneurs
de ces dernieres tables furent faits par M. de
Borck , Adjudant Général du Roi , par M. de Wedel
, Lieutenant Colonel du Régiment des Gardes
Pruffiennes , & par le Comte de Henckel , Grand
Vencur.
Le fouper fut fuivi d'un magnifique Bal , après lequel
la Princeffe Royale de Suéde fut conduite à
fon
JUILLET . 1744. 1623
fon appartement , & mife au lit avec les cérémonies
accoûtumées.
Quelques jours avant la célébration du mariage
de cette Princeffe , le Roi donna dans le Château
de Charlottenbourg une très - belle Fête , à laquelle
l'Ambaffadeur & l'Ambaffadrice de Suéde furent
invités. Après un Concert exécuté par les Muficiens
de S. M. on fervit une table de cent couverts avec
autant de profufion que de délicateffe ; le Château
& les Jardins de Charlottenbourg furent entierenen:
illuminés ; on tira un feu d'artifice , & il y eut
enfuite un Bal.
Le Roi vit repréſenter le 18 , fur le nouveau Théa
tre, l'Opera de Caton d'Utique , précédé d'un Prologue,
compofé à l'occafion du mariage de la Princeffe
fa foeur.
1
Le Comte de Gotter , Grand Maréchal de la
Cour ; le Comte de Schaffgotfch , Grand Ecuyer ,
& le Baron de Schweerts , Premier Chambellan >
ont été nommés par S. M. pour accompagner cette
Princeffe jufqu'à Stralfund.
S. M. a ordonné qu'on donnât à l'avenir au Prince
Guillaume le titre de Prince de Pruffe.
ALLEMAGNE.
N mande de Vienne du 4 de ce mois , que la
ON
l'Empire un Mémoire , dans lequel elle fe plaint de
ce que l'on a mal interpreté fa Proteftation du 23
Septembre dernier , en fuppofant qu'elle avoit voulu
attaquer les prérogatives de l'Empire.
Ce Mémoire porte , que l'intention de S. M. n'a
pas été de donner atteinte aux droits de qui que ce
foit , & qu'elle n'a cherché qu'à mettre les fiens à
Couvert , étant bien éloignée de vouloir renouveller
Fij les
1624 MERCURE DE FRANCE.
>
les anciennes querelles ; qu'après la paix faite , elle
regardera ce qui s'eft paffé , comme non avenu
dans l'efperance que les Puiffances , avec lesquelles
elle eft en guerre , en feront autant de leur côté ;
qu'elle fe tient fortement attachée aux intérêts du
College Electoral , & qu'elle s'oppoſera à tout ce
qui peut y être préjudiciable ; qu'elle répéte que
tout ce qu'elle a avancé au fujet de la Déclaration ,
faite à la Diette de l'Empire par M. de la Nouë ,
Ministre du Roi de France auprès de cette affemblée
, ne concerne point le Chef Suprême de l'Empire
; qu'elle n'a été nommée que Grande Ducheffe
de Tofcane dans les Actes émanés de la Cour de
Francfort , & que par cette railon on ne doit pas
trouver étrange qu'elle n'ait pas accordé à l'Empereur
les titres qu'il peut exiger ; qu'il y a eu lieu
d'efperer qu'on en feroit venu à une parfaite reconciliation
; que de fa part elle n'y apportera point
d'obftacle , lorsqu'on lui propofera des conditions
qui puiffent être acceptées , & qu'elle ne defire rien
avec plus d'ardeur , que de voir les Electeurs , Princes
& Etats de l'Empire , porter l'Empereur à des
moyens d'accommodement ; que S. M. déclare ,
que par fa Proteftation elle a prétendu attaquer feu .
lement la forme de l'Election de S. M. I. & non
P'Election elle - même ; qu'elle eft difpofée à fe defifter
de fon oppofition , dès qu'on lui aura donné
une fatisfaction pour le paffé , & des sûretés pour
l'avenir , touchant la voix Electorale de Bohéme , &
qu'elle perfifte dans la Déclaration qu'elle a faite le
onze du mois de Février dernier à l'affemblée des
Etats du Cercle de Suabe.
Le bruit s'eft répandu que le Roi des deux Siciles.
avoit remporté plufieurs avantages confidérables fur
les troupes commandées par le Prince de Lobc-
Kowitz .

JUILLET. 1744. 1625
Le Marquis de Botta , ci- devant Miniftre de la
-Reine de Hongrie à Pétersbourg , & qui avoit les
arrêts' dans la maifon , depuis que S. M. a nommé
de nouveaux Commiffaires , pour examiner l'affaire
de ce Marquis , fut conduit au Château de Spielberg
la nait du 27 au 28 du mois dernier ; on ne
fçait pas encore , fi c'eft en conféquence d'un juge
ment prononcé par les Commiflaires qui lui ont été
donnés.
On apprend de Francfort du 14 de ce mois , que
le Comte de Salern , Adjudant Général de l'Empereur
, y arriva le 9 au foir du Camp des troupes
Impériales & Françoifes , d'où il a été dépêché le
6 par le Comte de Seckendorf, pour informer S.
M. I. que le les ennemis avoient été chaffés de
Wiffembourg , du Village d'Altftatt & de quelques
autres poftes , dont ils s'étoient emparés .
Selon les lettres que le Comte de Salern a remifes
à l'Empereur , le Régiment des Gardes Impériales ,
celui de Truchfes & celui des Walous , font , entre
les Régimens des troupes Impériales , ceux qui ont
le plus fouffert dans l'attaque de ces poftes.
Le Comte de Salern , s'étant rendu à cheval de
Wiffembourg à Landau auffi -tôt après l'action , il
marcha enfuite à pied jufqu'à Philifbourg , étant
déguifé en Chaffeur , & accompagné de fon valet
de Chambre , qui conduifoit des chiens , & il a
évité par- là d'être pris par quelques partis qu'il a
rencontrés .
On a porté à la Dictature un Mémoire que la
Reine de Hongrie a fait préfenter depuis peu à la
Diette par le Baron de Palm , & qui regarde la
Proteftation communiquée de la part de cette
Princeffe à cette affemblée le 23 Septembre dernier.
EY I
1626 MERCURE DE FRANCE.
Il paroît des copies de deux lettres écrites , l'une
par le Comte de Bathiany au Comte de Seckendorf,
& l'autre par le Comte de Seckendorf au
Comte de Bathiany.
Selon la première , le Comte de Seckendorf
avoit fait efperer au Baron de Berencxlau , lorſque
ce dernier commandoit en Baviére , qu'on remettroit
à la Reine de Hongrie Partillerie qu'elle prétend
avoir été conduite à Philifbourg , par ordre
du feu.Empereur , & quelques autres effets qu'elle
reclame. Cette lettre ajoûte que S. M. H. n'a point
vû d'exécution de cette promeffe ; que fi dans deux
mois elle n'obtient pas fatisfaction à cet égard , elle
donnera ordre de ne plus ménager ce qui appartient
en Bavière à l'Empereur , & qu'on ne doit point
trouver mauvais qu'elle ufe de repréfailles , &
qu'elle fe ferve de fon droit fondé fur celui de la
guerre.
Le Comte de Seckendorf a répondu à cette lettre ,
que la menace faite par la Reine de Hongrie eft
d'autant plus étonnante , qu'on n'a jamais refufé de
rendre l'artillerie que la Cour de Vienne prouvera
avoir appartenu au feu Empereur ; que le Comte de
Bathiany peut juger lui - même , s'il dépend da
Gouverneur d'une Ville Impériale , furtout lorfqu'il
ne l'eft que pour un tems , d'en laiffer fortir
de l'artillerie , fans y être autorisé par l'Empereur
& par l'Empire ; qu'il eft d'autant plus effentiel de
porter cette affaire à la Diette , qu'une Fortereffe
auffi importante que Philifbourg , ne doit point
être dégarnie de l'artillerie néceffaire pour fa défenfe
; que l'Empereur n'eft pas en état de remplacer
par fa propre artillerie celle qu'on tireroit de
cette Place , puifque celle de S. M. I. eft entre les.
mains de les ennemis ; qu'ainfi il eſt abſolument
indifpenfable d'agir de concert avec les Etats de
l'EmJUILLET
. 1744. 1627
l'Empire , afin qu'ils fuppléent dans ce cas à ce
que ne peut faire l'Empereur ; que pour les autres
effets fur lefquels la Cour de Vienne forme des prétentions
, on étoit convenu avec un Commiffaire
de la Reine de Hongrie , qu'elle fe contenteroit
d'une certaine fomme pour la valeur de ces effets ,
& que depuis elle n'a pas voulu fe conformer à ce
qui avoit été réglé ; qu'au refte on a trop bonne
opinion de cette Princeffe , pour croire qu'elle
veuille exécuter la menace contenue dans la lettre
du Comte de Bathiany ; que fi cependant , contre
.toute attente , elle fe portoit à ces dernieres extrêmités
, l'Empereur fupporteroit ce dommage avec
Ja même grandeur d'ame , qui lui a fait ſupporter
les dégats inexprimables qu'on a faits dans fes Pays
Héréditaires , que puifqu'on n'a pas épargné les
Edifices confacrés à Dieu , S. M. I. ne fera point
furprise qu'on franchifle en cette nouvelle occafion
toutes les bornes des bienséances qui s'obfervent
entre les Maiſons Souveraines.
Le Comte de Seckendorf fait en même tems de
vives inftances , pour que la délivrance des prifonniers
de guerre , dont la rançon eft toute prête ,
ne foit plus renvoyée d'un tems à l'autre , & pour
que , fi la bonne foi doit encore avoir lieu entre les
Puiflances , l'exécution du Cartel , dont on eſt conne
foit pas differée ſur de vains prétextes .
.venu ,
On mande de Vienne qu'on y chanta le 12 de ce
mois dans l'Eglife Métropolitaine le Te Deum , en
action de graces du paffage du Khin .
Une partie des troupes Impériales , qui ont capitulé
à Braunau , arriva à Vienne le 9 avec une nonbreufe
eſcorte , & fut conduite dans le Royaume
de Hongrie.
On a appris de Francfort du zo de ce mois qu'il
y paroît des copies d'un Mémoire que l'Empereur
I vi
1628 MERCURE DE FRANCE.
a envoyé à fes Miniftres dans les Cours Etrangeres ,
contenant une réfutation d'un Ecrit présenté de la
part de la Reine de Hongrie à la Diette de l'Empire
dans le mois de Mai dernier.
Ce Mémoire porte que plufieurs raifons avoient
entretenu l'Empereur dans l'efperance de voir fes
juftes prétentions écoutées , & qu'il s'etoit flaté que
fil'on ne parvenoit pas d'abord à un accommodement
, du moins il ne feroit pas impoffible de convenir
fur la reftitution de fes Etats Héréditaires , &
de mettre des bornes aux procédés violens que S.
M. 1. fupporte avec tant de conftance , que l'affif
tance des troupes auxiliaires auroit ceflé de lui être
néceffaire , fi l'on avoit pû ménager une paix , à la
quelle l'Empereur, par fon amour pour la tranquillité
& pour le bonheur de l'Allemagne , apportoit
de fon côté toutes les facilités poffibles , & prêtoit
les mains avec la même bonne foi qu'il a montrée
dans toutes les occafions ; qu'on lui a oit donné
des affurances que la Reine de Hongrie étoit dans
de pareilles difpofitions que ces affûrances avoient
été confirmées par le Roi de la Grande Bretagne ,
dont cette Princeffe avoit propoſe la médiation ;
qu'il y avoit eû même quelques conférences à ce
fujet entre le Prince Guillaume de Hefle Caffel &
le Lord Carteret ; qu'on étoit allé plus loin , & que
les deux Parties étoient convenues de quelques articles
Préliminaires d'accommodement ; que ces
heureux commencemens font demeurés néanmoins
fans effet , & que les Cours de Vienne & ` de Londres
ne s'en font tenues , ni aux déclarations verbales
qu'elles avoient faites , ni niême au Projet de
Pacification qu'elles avoient approuvé , que S. M.
I. accoûtumée à ne jamais s'écarter des voyes de la
droiture & de la probité , & continuel'ement occupée
dufoin de procurer les avantages de l'Allemagne
2
JUILLET. 1744. 1629
gne , n'a point à craindre qu'on puiffe lui reprocher
d'avoir rien tenté de préjudiciable aux Droits des
Etats de l'Empire , ni d'avoir agi contre la Conftitution
& contre les Principes fondamentaux du
Corps Germanique , & que le Traité de Worms ,
fans parler d'autres exemples , qui pourroient être
cités , montre affés que les ennemis n'ont pas eû la
même délicateffe. , que le Roi de la Grande Bretagne
a perfonnellement plus d'une preuve des fentimens
de l'Empereur , & qu'il auroit été à fouhaiter , qu'on
eat eû pour S. M. I. par rapport à fes Etats Héréditaires
les mêmes ménagemens qu'elle a eus pour ce
Prince ; qu'on ne peut avec fondement prêter à
l'Empereur une intention auffi peu vraisemblable
que celle d'avoir voulu attaquer l'Electorat de Hanover
, S. M. I ayant donné au Roi de la Grande
Bretagne de fr forts témoignages de fon amitié , &
entretenant encore actuellement un Miniftre à .
Londres , quoique S. M Br. n'air pas jugé à propos
d'en envoyer un à la Cour Impériale , que la feule
taxe , exigée de la Baviére en argent par la Reine
de Hongrie , a monté , de l'aveu des troupes de
cette Princeffe , à trois millions cent foixante onze
mille deux cent vingt- huit forins , & qu'on ne
comprend pas dans cette fomme beaucoup d'autres
nillions que la Cour de Vienne a tirés du Pays ,
fous differens prétextes ; que tout l'Empire eft témoin
, que S. M. I n'en a pas ufé de même à l'égard
de la Haute- Autriche & du Royaume de Fohém
, quoique la Reine de Hongrie ait fait retentir
l'Europe de fes plaintes au fujet des ravages , des
incendies , des extorfions d'argent , & des enlevemens
d'hommes & de beftiaux , qu'elle piétend
avoir été effuyés par ces Provinces ; que ce n'est
point aux Parties intéreffées qu'il faut s'en rappor
ter fur des accufations de cette nature , mais qu'il
faut
1630 MERCURE DE FRANCE.
faut confiderer les fuites réelles ; que fi les habitans
de la Bohéme avoient éprouvé de fi mauvais traitemens
, pendant qu'ils étoient fous la domination de
l'Empereur , ils n'auroient pû payer à la Cour de
Vienne d'auffi grandes fommes que celles qu'ils lui
ont fournies après la retraite du Maréchal de Belle.
Ile.
ITALI E.
N mande de Rome du 20 du mois dernier
9
quer par trois differens endroits les retranchemens
que les troupes de la Reine de Hongrie avoient
conftruits , & les batteries qu'ils avoient établies fur
la Montagne de Notre-Dame des Anges , fituée visà-
vis de Velletri .
Le Prince de Lobckowitz , auffi -tôt qu'il en fut
averti , envoya le Régiment de Wallis & celui de
Palavicini au fecours des Huffards & des Croates ,
qui défendoient ce pofte.
Les troupes du Roi des deux Siciles ayant reçû de
leur côté un nouveau renfort , & les Régimens de
Wallis & de Palavicini ayant été ébranlés , le Prince
de Lobczowitz détacha le Régiment de Marulli
pour foutenir ces Régimens . Alors ils difputerent le
Terrain pendant quelque- tems avec beaucoup de
valeur , mais les Efpagnols & les Napolitains les
chargerent fi vivement , que le Régiment de Wallis
ayant été enfoncé & mis en déroute , & le Régiment
de Palavicini s'étant replié précipitamment
fur celui de Marulli , les troupes de la Reine de
Hongrie furent obligées de prendre la fuite , &
d'abandonner non -feulement le pofte de Notre-
Dame des Anges , mais encore deux autres poftes
dont l'un , nommé la Fontaine della Spina , leur
fervoit à entretenir la communication avec leur
camp de Faïola. Lt
JUILLET. 1744. 1631
Il y a eu en cette occafion un grand nombre
d'Officiers & de Soldats tués ou bleffés du côté des
Allemands , & les troupes , commandées par le Roi
des Deux Siciles , n'y ont perdu que très peu de
monde. Elles ont enlevé quatre piéces de canon de
bronze , & elles ont fait 600 prifonniers , du nombre
defquels font un Lieutenant Général , l'Ingénieur
en chef de l'armée de la Reine de Hongrie
le Colonel Commandant & le Lieutenant Colonel
du Régiment de Palavicini , & plufieurs autres Officiers.
L'avantage remporté par les Eſpagnols & par les
Napolitains , a jetté une extrême confternation parmi
les troupes de S. M. H. & les bagages de cette
derniere armée , arrivant à Rome avec précipitation
, y ont porté la confufion . Les portes de cette
Ville furent fermées le 17 à midi , & on ne les ouvrit
qu'une heure avant la nuit .
Le Roi des Deux Siciles , à l'attaque des poftes
retranchés des Allemands , s'eft expofé dans les endroits
les plus périlleux , & il a donné des preuves
de la plus grande intrépidité.
Le 18 , les troupes de la Reine de Hongrie attaquerent
deux fois le pofte de Notre Dame des Anges,
où les Efpagnols fe font fortifiés , & elles furent
toujours repouffées avec perte. Dans ces deux
attaques , on leur a fait plufieurs Officiers & so
Soldats prifonniers , & les Espagnols n'y ont eû
qu'un Capitaine & quatre Soldats de tués.
Les deux armées le font cantonnées depuis , fans
beaucoup d'effet de part ni d'autre .
Le Prince de Lobсkowitz , s'étant replié vers
Rome , a établi fon Quartier général à Marino , &
il a envoyé fes bagages à Monte Rotundo .
On a appris de Rome , que le Pere Raphaël de
Lucanano, Efpagnol de Nation a été élû le onze du
mois
1632 MERCURE DE FRANCE.
)
mois dernier , dans le Chapitre que l'Ordre de S.
François a tenu au Convent d'Ara Coeli , Général
de cet Ordre , à la place du Pere Gaëtan de Laurimort
le r2 Mars dernier .
no
ESPAGNE.
ONmande de Madrid du fept de ce mois , qu'il
y eft arrivé d'Oran un courier , par lequel -
Don Alexandre de la Mothe , Gouverneur de cette
Place , a donné avis au Roi , que le 25 du mois
dernier il y avoit eu une action fort vive entre un
Détachement de la Garnifon & un Corps nombreux
de Maures , qui , malgré la fupériorité de leur nonbre
, avoient été obligés de prendre la.fuite fi précipitamment
, que , contre leur coûtume , ils avoient
laiffé leurs morts fur le champ de bataille.
Le Roi a appris par des lettres de l'Intendant de
Marine de Guarnizo , que le 24 du mois dernier, le
Vaiffeau Anglois le Globe , de 80 tonneaux , chargé
de Bierre & de Salines , avoit été conduit au Port
de Santander par l'Armateur Don Antoine de Loredo
.
L'Intendant de Marine de Bilbao a mandé à S. M.
que l'Armateur Don André de Fonferrada a pris
vers le cinquante uniéme degré de Latitude Septentrionale
les Vaiffeaux le Feu & le S. André , qui
reveno ent , l'un de la Côte de Guinée , & l'autre
de la Virginie , dont les cargaifons confiftoient en
Bois pour la Teinture en Yvoire & en diverfes autres
marchandifes.
GENES
JUILLET . 1744. 1633
GENES ET ISLE DE CORSE.
O
N apprend de Génes du deux de ce mois ,
que les habitans de la Vallée de Polfevero
perfiftent à demander le rétabliſſement de leurs anciens
priviléges , & que le Gouvernement pourra
bien y confentir , afin de les faire rentrer dans l'obéiffance
.
Il eſt entré dans le Port de Génes un Vaiffeau de
guerre Anglois , de 70 piéces de canon , avec un
Bâtiment François , dont il s'eft emparé le 10 de ce
mois à la hauteur de Marfeille , & qui revenoit
d'Alger , chargé de Bled , d'Orge & d'Huile.
Les Anglois continuent de commettre beaucoup
de violences fur les Côtes de Génes , & ils vifiterent
au commencement de ce mois deux Bâtimens
Génois fous une Fortereffe , malgré plufieurs coups
de canon que le Commandant de cette Fortereffe
fit tirer contre eux. Une partie de l'équipage d'un
de leurs Vaiffeaux de guerre débarqua enfuite à
Port-Maurice , & voulut obliger le Vice Conful
d'Espagne , qui y réfide , de jetter à la Mer tout le
Bled qu'il avoit dans les greniers. Ce Vice Conful
trouva le moyen de détromper l'Officier qui commandoit
le Détachement Anglois , & qui fuppofoit.
que ces grains étoient deftinés pour les troupes de
S. M. C. & celui ci fe contenta d'emporter les clefs
du Lieu où ils ſont enfermés.
FRANCE ,
1634 MERCURE DE FRANCE.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , ¿c.
a
E premier de ce mois , le Roi a déclaré
Le
<
tal de fes armées .
ce
Le même jour, le Roi accompagné du
Duc de Chartres , du Duc de Penthiévre , &
de fes principaux Officiers , fe rendit à fix
heures du foir à l'Eglife Collégiale de Saint
Pierre de Lille , & S. M. affifta au Te Deum,
qui y fut chanté en action de graces de la
prife d'Ypres. Le Roi fut reçû à la
porte de
l'Eglife , & y fut reconduit par l'Abbé de
Valory , Prévôt de l'Eglife , lequel officia
au Te Deum. Il y eut le foir un feu dans la
Place , & les habitans de la Ville marquerent
par les plus grandes démonftrations de
joye la part qu'ils prennent au fuccès des
armes de S. M.
Le 2 , la Reine entendit la Meffe dans la
Chapelle du Château de Verſailles , & S.M.
communia par les mains de l'Archevêque de
Roüen , fon Grand Aumônier.
MonJUILLET.
1744. 1635
Monfeigneur le Dauphin & Mefdames
de France s'étant rendus les au Convent
des Capucins de Meudon , ce Prince & ces
Princeffes affifterent à la Cérémonie de la
Bénédiction d'une des cloches de l'Eglife de
ces Religieux. Cette cloche a eu Monfeigneur
le Dauphin pour Parein , & Madame
pour Maraine, & elle a été bénie par l'Abbé
Belon , Chapelain du Roi.
Monfeigneur le Dauphin , accompagné
du Duc de Chaftillon , fon Gouverneur , &
de plufieurs autres Seigneurs , vint le 12 à
l'Eglife Métropolitaine de cette Ville . L'Archevêque
de Paris, revêtu de fes habits pontificaux
, & à la tête des Chanoines , reçût
ce Prince à la porte de l'Eglife , avec les cérémonics
accoûtumées, & après l'avoir complimenté
, il le conduifit dans le Choeur.
On y chanta le Te Deum en action de graces
de la prife d'Ypres , & Monfeigneur le
Dauphin , ayant été reconduit à la porte de
l'Eglife avec les mêmes cérémonies qui
avoient été observées à ſon arrivée , remonta
en caroffe, pour fe rendre au petit Cours,
où il fe promena pendant quelque tems.
Il alla enfuite à l'Hôtel de Ville , & après
avoir vû tirer un magnifique Feu d'artifice
qui avoit été préparé dans la Place vis-àvis
, il foupa dans cet Hôtel .
M.
1636 MERCURE DE FRANCE.
M. de Bernage , Prévôt des Marchands ,
eut l'honneur de le fervir à table.
Monfeigneur le Dauphin partit vers les
onze heures du foir , pour retourner à Verfailles
; il paffa par la rue S. Honoré , qui
étoit entierement illuminée , ainfi que toutes
les autres rues de la Ville , & il fit le tour
de la Place de Vendôme , dont la décoration
uniforme offroit un très -beau Spectacle.
Ce Prince a parû extrêmement fenfible aux
acclamations réitérées, par lefquelles le peuple
s'eft empreffé de lui donner des marques
de fon amour & de fon refpect.
Le Comte de Vaffenaer , Miniftre Plénipotentiaire
de la République de Hollande
auprès du Roi , eut à Arras le 23 de ce mois
une audience particuliere , dans laquelle il
prit congé de S. M. Il fut conduit à cette
audience par le Chevalier de Sainctot , Inducteur
de Ambaffadeurs.
M. du Mefnil , Brigadier des armées du
Roi , a été fait Infpecteur de Cavalerie .
Le Roi a donné l'agrément du Régiment
Royal Dragons au Marquis de la Blache
Capitaine dans le Régiment de Cavalerie de
Rohan ; celui du Régiment de Dragons ,
dont le Comte de la Suze étoit Meftre de
Camp, au Marquis d'Asfeldt , & l'agrément
´du
JUILLET. 1744 1637
du Régiment de Cavalerie , dont le Marquis
d'Asfeldt étoit Meſtre de Camp, au Vicomte
d'Efcars , qui en étoit Major.
Le 27 , veille de la Fête de Ste Anne ,
dont M. de Vandeüil , Ecuyer Roi , porte le
nom , Mrs les jeunes Gentilshommes , Penfionnaires
de fon Académie , pour marquer
leur reconnoiffance de toutes les attentions
qu'il a pour leur Education , donnerent une
Fête , qui fut annoncée dès le matin par une
falve de foixante Boettes , placées dans le
grand Manége découvert. Le foir , on tira
un Feu d'artifice d'un appareil fuperbe ,
qu'on avoit élevé dans le même Manége ,
accompagné d'une Illumination d'un goût
diftingué , par l'arrangement d'un nombre
infini de Lampions , qui éclairoient tous les
Bâtimens , tant intérieurs , qu'extérieurs de
l'Académie.
Il y eut auffi un Concert Militaire , qui
plût beaucoup , compofé de Timballes , de
Trompettes & de Cors de Chaffe. La Fête
fut honorée de la préſence de plufieurs Perfonnes
de qualité , & d'un rang diftingué ,
: invitées par Mrs les Académiftes , lefquelles
marquerent beaucoup de fatisfaction , & en
particulier,de la noble politeffe avec laquelle
elles furent reçûës par ces jeunes Meffeurs.
Le
1638 MERCURE DE FRANCE.
Le 4 , le 11 & le 13 Juillet , il y eur Concert
chés la Reine ; M. de Blamont , Sur-
Intendant de la Mufique de la Chambre ,
en femeftre , fit chanter l'Opera d'Armide ;
les principaux rôles furent très -bien remplis
par les Dlles Lalande , Mathieu , Deſchamps
& Abec, & par les Srs Dangerville , Jelyot,
le Cler , Richer & Dubourg.
Le 15 , on concerta le Prologue & la premiere
Entrée du Ballet Héroïque des Fêtes
Grecques Romaines , de la compoſition de
M. de Blamont , dont les premiers rôles furent
chantés par les mêmes Sujets qu'on
vient de nommer , par la Dlle S. Marc &
par le Sr Poitier.
Le 27 , on exécuta la Fête de Diane, autre
Entrée ajoûtée au même Ballet ; les mêmes
Sujets rendirent parfaitement bien les principaux
rôles. Le Concert finit par une Symphonie
du même Auteur intitulée , la
Nymphe de la Seine , dont l'exécution fit
beaucoup de plaifir.
>
Le Vaiffeau Anglois le Riga , d'environ
150 tonneaux , chargé de Plomb , de Meules
& de Charbon de terre , a été conduit
dernierement à Dunkerque par le Corfaire
la Demoiselle , que commande le Capitaine
Filiers.
Quelques jours auparavant , le Vaiffeau.
JUILLET. 1744. 1639
le S. Antoine , commandé par le Capitaine
Bouvier , y avoit amené deux Bâtimens de
la même Nation , nommé; la Catherine & le
Guillaume Jean de Neufchatel , chacun dẹ
cent tonneaux. La charge du premier confiftoit
en Soude, & il alloit à Niewport ; le fecond
, qui faifoit voile pour Oftende , avoit
à bord une grande quantité de Charbon de
terre .
Le Capitaine François Augard , Commandant
le Vaiffeau la Suzanne , armé à Calais,
s'eft emparé du Navire le Hopewel , du port
d'environ 70 tonneaux , chargé de Riz , de
Bois de Campeche & de quelques autres
Marchandiſes .
Il est arrivé à Breft deux Bâtimens Anglois,
l'un de Lincefter, nommé le Trolabing,
l'autre nommé le Prince d'Orange, Ces Bâtimens
ont été pris , le premier par le Capitaine
Vivier , qui commande le Vaiffeau
PHirondelle , & le fecond par M. Grandpré,
Capitaine du Navire le Tourneur.
a-
Le Vaiffeau la Marie,de 1 20 tonneaux , qni
venoit de la nouvelle Angleterre avec une
cargaifon de Riz , de Gaudron & de Bois
de Saffafra , & le Vaiffeau le Succès , de Wa
terford , fur lequel il y avoit des Salaifons
& d'autres Marchandifes pour la Barbade ,
ont été enlevés par l'Armateur Jean Lambeye
, de Bayonne.
On
1640 MERCURE DE FRANCE.
On a appris par des lettres du Commif
faire Ordonnateur de l'Ifle Royale , que le
Navire le Phelippeaux , parti de S. Malo
dans le mois d'Avril dernier, avec un chargement
pour les Magafins du Roi , qui font
dans cette Colonie , y étoit arrivé avec un
Brigantin de Boſton , dont il s'eſt emparé à
70 lieues du grand Banc de Terre- Neuve
& qui portoit à Lifbonne 3000 Quintaux
de Moruë.
On apprend de Port-Louis , que l'Armateur
l'Aigle Volant , dont deux Corfaires
Anglois s'étoient emparés , avoit été repris
par les Vaiffeaux le Barnabas & la Veftale ,
de S. Malo .
On mande de Cherbourg , que le Vaiffeau
de Bon Larron , commandé par le Capitaine
Vincent , y a conduit un Bâtiment , dont la
cargaifon confiftoit en Charbon de terre.
Les Lettres de Dieppe marquent que le
Capitaine du Vivier , qui fait la courfe avec
le Vaiffeau l'Hirondelle , du Havre , a rançonné
dans les environs du premier de ces
'deux Ports , le Barques le Juin & le Franc
Agrément , la premiere pour ' 150 livres fterling
, & la feconde pour so.
Selon les avis reçûs de Dunkerque , le
Corfaire le Soleil, commandé par le Capitaine
Burgot, y a amené deux Navires Anglois,
l'un de 400 , & l'autre de 300 tonneaux ,
chargés
JUILLET. 1744. 1641
chargés de Bois de conftruction pour les
Vailleaux .
Un Navire, Anglois , de 140 tonneaux ,
chargé de 300 Boucaux de Tabac deVirginie,
2 été conduit à S. Jean de Luz par le Vaiffeau
le Griffon , commandé par le Capitaine
Eſteben .
M. Louis Tanel , qui monte le Vaiffeati
Le Roi Stanillas , armé à la Rochelle , s'eft
emparé de deux Bâtimens de la même Nation
. Il s'eft trouvé fur l'un , qui eft d'environ
160 tonneaux , & qui étoit deſtiné pour
Philadelphie , 130 perfonues & quelques
meubles. L'autre , de 130 tonneaux , appartenoit
à quelques Négocians d'Oftende , &
fa cargaifon étoit de Vins , d'Oranges & de
Bois de Teinture,
Le Vaiffeau la Biche , de S. Malo , commandé
par le Capitaine Donat , eft entré
dans le Port de Breft avec les trois Navires
le Poiffon Volant , de Waterford , le Mercure
& les Trois Amis , de Londres . Ces deux
derniers , qui revenoient de l'Amérique ,
avoient leur chargement en Sucre , en Coton
& en Guildive , & il y avoit à bord du
premier une grande quantité de Salines.
Le Capitaine la Grée , commandant le
Corfaire l'Hermine , de Vannes , a pris un
Vaiffeau chargé de Planches , de Liége , de
Rezine & de Gaudron.
G On
1642 MERCURE
DE FRANCE
.
On apprend de Morlaix , que le Vaiffeau
le Comte de Maurepas , armé en courſe à
S. Malo , & commandé
par de Capitaine
Mangare , s'empara le 4. de ce mois du Navire
la Jeanne , de Liwerpol , de 140 ton- neaux , armé de fix canons , & dont la charge
confifte en 210 Boucaux de Tabac.
On mande de Dunkerque , que le Capitaine
Pierre le Febvre , dit Jouin , comman
dant le Corfaire la Ste Anne , de ce Port ,
prit le 14 Juin dernier deux Bâtimens Anglois
, l'un d'environ 160 tonneaux nommé
les Deux Freres , venant de Sunderland ,
avec un chargement de Charbon de terre ,
& qui a été rançonné pour la fomme de 400
livres sterlings ; l'autre de 80 tonneaux ,
appellé la Marie , de Dublin , qui rapportoit
de la Caroline environ Barils de
Riz, & qui a été auffi rançonné pour la fomme
de 100 livres sterlings.
400
On mande de S. Malo , que le Capitaine
la Giraudais , commandant le Corfaire la
Veftale, de ce Port, y a amené le 5 de ce mois
un Bâtiment Anglois , nommé la Galere de
Londres , d'environ 160 tonneaux , armé de
huit canons & de fix pierriers , chargé de
Riz , de Bray , de Gaudron & d'autres Marchandiſes.
Le Navire Anglois la Marguerite , de
Topsham , de 80 tonneaux , a été pris par
le
JUILLET. 1744.
1643
le Capitaine du Vivier , commandant le
Corfaire l'Hirondelle , du Havre , & fut
conduit à S. Malo les de ce mois.
Les Lettres de Breft marquent que le Capitaine
Faille , qui commande le Corfaire la
Subtile , du Havre , entra le 3 de ce mois
dans ce premier Port avec le Vaiffeau Anglois
le Pacquet de la Caroline , chargé de
Riz & d'autres Marchandifes.
>
Le Capitaine la Ruë , commandant la Frégate
la Galere , eft rentré dans le Port de
Bayonne avec le Corfaire Anglois le Vautour,
dont il s'eft emparé après un long combat.
Ce Capitaine a repris le Navire la Roche
de Bordeaux , que le Corfaire Anglois conduifoit
en Angleterre , & dont on fait monter
la charge à 300000 livres . Le même Capitaine,
deux jours auparavant, avoit fait une
autre prife , eftimée 200000 livres, qui revenoit
de la Virginie.
Le Corfaire la Victoire , auffi de Bayonne
, a enlevé le Vaifleau le S. Bonaventure
qui alloit à Londres chargé de Vin de Portugal,
& il a envoyé ce Bâtiment à Bayonne.
Le Navire le Soleil , Garde Côte de Nantes
, a repris le Bâteau le Petit S. Pierre , de
Breft , dont un Armateur de Guernſey s'étoirrendu
maître .
Le Capitaine Lambaye , qui monte le Corfaire
l'Entreprenante , de Bayonne , y con-
Gij duifit
1644 MERCURE DE FRANCE.
duifit le 6 du mois dernier un Navire An
glois de 130 tonneaux , nommé la Ducheſſe,
qui venoit de la Jamaïque , chargé de Sucre
& de Taffia.
Les Lettres de Dunkerque marquent que
le Corfaire le Mercule Volant y avoit conduit
le Navire Anglois la Reine des Indes ,
qui portoit à Hambourg de l'Orge germée .
& quelques Balots de Marchandifes.
On mande d'Espagne , que le Vaiffeau la
Nymphe , armé en courfe à Bordeaux , avoir
enlevé le 25 du mois dernier un Bâtiment
François , chargé de 150 tonnes de Vin de
Canarie , à deux Armateurs de Guernſey ,
qui s'en étoient emparés , & qu'il étoit entré
avec ce Bâtiment dans le Port de San-
Iona,
On a appris du 3 , qu'une partie des troupes
dont l'armée de la Reine de Hongrie eft
compofée , a paffé le Rhin dans un endroit
gardé par un Détachement du Régiment de
Dragons de la Tour- Taxis , de l'armée Impériale.
On reçût avis le 9 de ce mois de l'armée
commandée par le Maréchal de Coigny ,
qu'un Corps de 15000 hommes des ennemis
, ayant paffé le Rhin , & ayant occupé
la Ville de Wiffembourg & plufieurs Villages
des environs , en avoit été chaffés le 6
de ce mois . Les
JUILLET. 1744% 1645
Les troupes de la Reine de Hongrie ont
fait dans cette action , qui a duré depuis
cinq heures du matin jufqu'à fept heures
du foir une perte confidérable , qu'on croit
monter à plus de 3000 hommes.
Dans le tems du départ des lettres par
lefquelles on a appris cette nouvelle , on
pourfuivoit les ennemis , qui fuyoient en
défordre du côté de Lauterbourg , & l'on fe
propofoit de les attaquer encore le jour ſuivant.
Les troupes du Roi ont montré la plus
grande ardeur , non-feulement en combattant
, mais encore en ne prenant prefque
aucun repos pendant trois jours & trois
nuits , qu'elles ont marché, pour arriver en
préfence des ennemis .
On a appris du Camp fous Furnes du 13
de ce mois , que le Comte de Clermont
qui a été choifi par le Roi pour faire le Siége
de cette Ville , l'ayant investie le 29 du mois
dernier avec 29 Compagnies de Grenadiers,
un Détachement de Cavalerie & trois Régimeus
de Dragons , s'occupa les jours fuivans
, à donner une pofition autour de la
Place aux 35 Bataillons & aux 2 2 Escadrons ,
qui ont été commandés pour le Siége avec
an Détachement des Bataillons d'Artillerie
de Valenceau & de Richecourt, & avec 300
G iij
Cano1646
MERCURE DE FRANCE.
Canoniers de la Marine , qu'on a tirés de
Dunkerque.
Le Quartier du Comte de Clermont fut
établi à l'Abbaye des Dunes , & ce Prince le
couvrir d'un Corps de troupes affés fort
pour repouffer les Détachemens que les ennemis
pouvoient faire fortir de Nieuport ; il
appuya fa gauche à la hauteur de la vieille
Abbaye des Dunes , & s'étendant enfuite fur
Valpen , il porta fa droite à une maifon qui
eft auprès du Pont de Vaeft Brugge , fur le
Canal de Loo, à Nieuport .
Lorfque le Maréchal de Noailles fit partir
du Camp fous Ypres les troupes qui devoient
être employées au Siége de Furnes , il en
voya
du côté de Loo la Maifon du Roi fous
les ordres du Comte de la Motte-Houdancourt
& de M. de Cherifey , Lieutenans Gé
néraux ; il détacha vers Dixmude le Prince
de Pons , Lieutenant Général , avec quatre
Bataillons & huit Efcadrons , & dans le même
tems 18 Bataillons partirent du Camp
fous Ypres , pour aller joindre le Maréchal
Comte de Saxe , qui étoit campé fous Courtray.
La réfolution étant prife de former devant
Furnes deux attaques , dont la principale feroit
du côté des Dunes , & la feconde par la
Porte d'Ypres , la tranchée fut ouverte le 7
de ce mois , à dix heures & demie du foir.
Le
G
JUILLET. 1744. 1647
Le Marquis de Maubourg , Lieutenant
Géneral , & le Marquis de Pontchartrain ,
Maréchal de Camp , la monterent à l'attaque
des Dunes , avec deux Bataillons du
Régiment de Navarre, le Régiment de Haynault
, deux Compagnies de Grenadiers &
cent Dragons: les travaux furent portés pendant
la nuit & pendant le jour à 80 toiſes
de la paliffade.
A l'attaque par la Porte d'Ypres , le Marquis
de Segur , Lieutenant Général , & le
Comte de Trefmes , Maréchal de Camp ,
monterent la tranchée , ayant fous leurs ordres
deux Bataillons du Régiment Royal ,
deux Compagnies de Grenadiers & un Piquet
de Dragons. Les travailleurs employés
cette tranchée , avancerent les travaux juf
qu'à 70
toiſes du chemin couvert , malgré le
feu des ennemis , lequel , quoique vif , ne
tua ou bleffa que très-peu de Soldats.
Le 8 , la tranchée fut relevée à l'attaque
des Dunes par le Duc de Biron , Lieutenant
Général , & par M. de Contades , Maréchal
de Camp , avec les deux autres Bataillons du
Régiment de Navarre , le Régiment de Bulkley
, deux Compagnies de Grenadiers &
cent Dragons. Les travaux furent pouffés
jufqu'à 40 toiles du chemin couvert , où
finiffoit l'établiſſement d'une batterie de 25
piéces de canon , qui tirerent à la pointe du
Giiij jour ,
1648 MERCURE DE FRANCE.
jour , ainfi qu'une batterie de 15 mortiers.
Un Bataillon du Régiment Royal , le Ré--
giment de la Marche , deux Compagnies de
Grenadiers & 5 Dragons releverent la tranchée
de la feconde attaque , fous les ordres
du Comte de Lowendall , Lieutenant Général
, & du Duc de Chevreufe , Maréchal de
Camp on s'avança par les fappes juſqu'à
environ 30 toifes du chemin couvert , & on
perdit par le feu de l'artillerie & de la moufqueterie
des affiégés , qui fut continuel ,
deux Canoniers de la Marine ; il y en eur
neuf de bleffés & autant de Soldats ; un Ingénieur
fut auffi bleffé très-dangereufement.
Le Comte d'Aulnay, Lieutenant Général,
& le Marquis d'Avarey, Maréchal de Camp,
monterent la tranchée à l'attaque des Dunes
avec trois Bataillons du Régiment de Bourbonnois
, & avec un nombre de Grenadiers
& de Dragons , pareil à celui des jours précedens;
les fappes furent avancées de 7 ou
8 toifes , & le feu de nos batteries ayant
fait ceffer celui de l'artillerie des affiegés ,
les travailleurs ne furent expofés qu'au feu
de la moufqueterie , qui bleffa fix Soldats.
A la feconde attaque , le Comte de Chabannes
, Lieutenant Général , & le Comte
de Fitzjames , Maréchal de Camp , releverent
la tranchée avec le Régiment Royal la
Marine, un Bataillon du Régiment de Dief
back ,
JUILLET . 1744. 1649
back , deux Compagnies de Grenadiers &
un Piquet de Dragons ; les travaux furent
portés à 15 toiles du chemin couvert , que
les ennemis abandonnerent à minuit , après
avoir fait jufqu'à ce moment un feu de
moufqueterie , plus vif encore que celui des
jours précédens. Les Grenadiers occuperent
auffi -tôt les Angles faillans du chemin couvert
, & ils s'y logerent. Il y eut cette nuit
un Ingénieur & cinq Soldats de bleffés , &
trois Soldats de tués.
Le 10 , le Marquis de Maubourg , Lieutenant
Général , & le Marquis de Pontchartrain
, Maréchal de Camp , releverent la
tranchée de l'attaque des Dunes , ayant fous
leurs ordres deux Bataillons duRégiment du
Roi , le Régiment de Clare , deux Compagnies
de Grenadiers & cent Dragons.
La tranchée de la feconde attaque fut
montée par le Comte de Clare, Lieutenant
Général , & par le Baron d'Eftrées , Maréchal
de Camp , avec le Régiment Royal
Comtois , le fecond Bataillon du Régiment
de Diefback , deux Compagnies de Grenadiers
& so Dragons.
A peine ces troupes eurent-elles occupé
les tranchées, que le Gouverneur fit arborer
le Drapeau , & demanda à capituler.
Le Comte de Clermont envoya fur le
champ à Dunkerque le Comte de Polignac
Gy en
1652 MERCURE DE FRANCE.
dans differens poftes du côté de Dixmude.
Le Roi étoit attendu à Dunkerque le 8:
de ce mois.
9
On apprend de Calais du 6 de ce mois
que le Roi partit de Lille le 2 après midi , &
qu'il arriva le foir à Bethune. S. M. y cou
cha , & fe rendit le lendemain à S. Omer ,
après avoir paffé à Aire. Elle a vifité les Fortifications
de ces Places , dont les habitans
ont fait paroître leurs fentimens pour S. M.
par toutes les preuves qu'il leur a été poffible
de donner de la fatisfaction la plus parfaite.
Le 4,le Roi entendit la Meffe dans l'Eglife
Cathédrale de S. Omer , à la porte de laquelle
il fut reçû par l'Evêque , à la tête du
Chapitre. Après la Meffe , le Roi s'embarqua
fur le Canal qui conduit de S. Omer à
Ĉalais , où S. M. arriva l'après- midi . Le Roi
vit le même jour le Port , & S. M. alla le s
à la Citadelle & aux trois Forts qui font
dans les environs de cette Place . S. M. en
partit le 6 au matin pour Boulogne , d'où
elle étoit attenduë à Calais le 7 au foir.
EX.
JUILLET. 1744. 1653
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Dunkerque
Le 12 fuillet 1.744.
E Roi arriva ici hier fur les deux heures
au
après midi , au bruit d'une triple décharge
de 140 piéces de canon , & aux acclamations
d'un Peuple infini , que la vûë
de ce grand Prince tranfportoit de joye. On
avoit élevé des Portiques & des Arcs de
triomphe par tout où S. M. devoit paffer ;
les rues étoient tapiffées , ornées de Feftons
& de Guirlandes , décorées enfin de tout ce
que l'Art & le zéle avoient pû inventer de
mieux & de plus nouveau. On lifoit partout
des Emblêmes , des Devifes & des Infcriptions
à la gloire du Roi. On avoit fufpendu
dans les mêmes rues un nombre prodigieux
d'efpeces de Luftres , de Couronnes , d'Etendards
, de Drapeaux , de Pavillons , d'Ecuffons
, & de Trophées d'Armes. Les Marchands
avoient étalé à leurs fenêtres & devant
leurs boutiques ce qu'ils avoient de
plus beau & de plus précieux. Tout Dunkerque
ne paroiffoit être qu'une grande Foire.
On avoit fablé les rues , & le Régiment
des Gardes Françoifes étoit en haye depuis
le premier Portique jufqu'au Palais où le
Roi devoit loger.
S. M. fe mit à table en arrivant; dès qu'elle
cut dîné , elle alla à pied voir le Port &
vifiter.
1654 MERCURE DE FRANCE .
vifiter les nouveaux. Forts , conftruits dans
la Mer. L'empreffement de voir le Roi étoit
grand parmi le Peuple , qu'à peine les
Gardes pouvoient lui ménager un paffage.
L'Air retentiffoit cependant d'un million de
cris de VIVE LE Ror , cent fois repetés.
Dès que le Roi fut arrivé an Port , plus
de 200 Vaiffeaux firent une falve générale
de tous leurs canons. Il n'est pas poffible de
décrire le coup d'oeil que formoit ce Port.
Tout étoit couvert de Peuple ; il y en avoit
jufques fur les toîts , les Glacis , les Remparts
, les Murailles , &c. Les cordages &
toutes les manoeuvres des Vaiffeaux fourmilloient
de jeunes Matelots , & de Mouffes
, qui voltigeoient & faifoient differens
Exercices. Tous les Matelots avoient mis
des habits neufs , faits exprès pour ce jourlà;
ils étoient divifés par Quadrilles bleues,,
rouges , &c. tous danfant , au fon des Mufettes
& des Tambourins , des Danfes Marines
; chaque Danfe étoit terminée par une
triple acclamation de VIVE LE ROI , & par
un certain gefte de la main droite , faiſant
avec leurs bonnets une espece d'Exercice ,
qui eft parmi eux la marque de la plus grande
joye. Le bruit du canon , le fon des Mu--
fettes & des Tambourins , les acclamations
du Peuple, les ris & les danfes continuerent
pendant tout le tems que le Roi vifita les
Forts.. A
ዶማ
JUILLET. 1748. 1655
A neufheures , autre Spectacle ; toute la
Ville fut éclairée dans un inftant par des
Feux & des Illuminations , qui rendirent la
nuit comparable au plus beau jour. L'ordon
nance & la variété de ces Illuminations en
relevoient beaucoup l'éclat ; Piramides ,
Colonnes , Obelifques , Emblêmes tranfparens
, tout fut mis en ufage , mais ce qui
l'emporta fur tout le refte , ce fut l'Illumination
ingénieuſe du Parterre du Palais , occupé
par le Roi. Tout le deffein du Parterre
étoit repréfenté & exactement rendu en
Lampions , dont on avoit auffi placé une
quantité fur les Charmilles & fur les Arbres,
fans compter la grande façade du Palais.
Le tout enfemble faifoit un coup d'oeil raviffant..
On mande de Dunkerque du 13 de ce
mois , que le Marquis de Croiffy , dépêché
au Roi par le Maréchal de Coigny , pour
rendre compte de l'action paffée le s , entre
les troupes de S. M. & celles de la Reine de
Hongrie , y arrivà le 9 au matin , & qu'il
apporta les nouvelles fuivantes.
Le Maréchal de Coigny , ayant appris
que les ennemis avoient paffé le Rhin , raffembla
les troupes qui font fous fes ordres ,
& il fe mit en marche , pour aller s'oppofer
aux deffeins du Prince Charles de Lorraine .
En arrivant à portée de Wiffem ourg , il
trouva
1656 MERCURE DE FRANCE.
trouva que les ennemis s'en étoient emparés,
ainfi que de Lauterbourg , de toute la partie
gauche des Lignes de la Lautern , & de
quelques Villages de la Plaine . Il réfolut fur
le champ d'attaquer les ennemis dans tous
ces poftes & dans les Lignes , & il donna
fes ordres , pour former trois attaques.
Il chargea de celle de Wiffembourg le
Marquis de Montal , Lieutenant Général ,
le Marquis de Brun & le Marquis deMaulevrier
, Maréchaux de Camp . Les troupes
commandées pour cette attaque , furent les
Régimens de Champagne , de Laval , de
Bouzols , de la Marck , & les deux Bataillons
du Régiment Royal Baviere ; cette Infanterie
fut foutenue par un Corps de Cavalerie
, & l'on donna au Marquis de Montal
quatre piéces de canon.
Le commandement de la feconde attaque,
qui étoit celle d'un Moulin , entre Willembourg
& le Village d'Altftatt , fut donné au
Comte de Clermont Tonnerre , Lieutenant
Général . Il avoit fous fes ordres le Marquis
de Reffuge & le Prince des Denx Ponts ,
Maréchaux de Camp , & il marcha avec les
Régimens de Montmorin , de Bigorre , de
Cambres , de Foreft , d'Alface , de Nice ,
les deux Bataillons du Régiment d'Enghien ,
la Gendarmerie & un Détachement de Cavalerie.
Le
JUILLET. 1744. 1637
Le Comte de Seckendorf, avec dix Bataillons
des troupes Impériales , trois de celles
du Roi , commandés par M. de la Brunie ,
Lieutenant Colonel du Régiment de Bourbon
, Infanterie , & tous les Régimens de
Dragons ,fe chargea de la troifiéme attaque,
qui étoit celle du Village d'Altftatt .
Les trois attaques commencerent en même-
tems vers les inq heures du foir , &
toutes les troupes ayant marché avec une
ardeur égale & avec le plus grand courage ,
Wiffembourg fut emporté l'épée à la main,
& fans qu'on ait été obligé de fe fervir du
canon qu'on avoit fait avancer devant ce
polte.
les
L'attaque de Moulin eut un fuccès pareil,
troupes , qui y étoient , ayant été renverfées
, & forcées de retirer leur canon
avec une grande précipitation .
Les ennemis fe défendirent quelque tems
dans le Village d'Altftatt , que le Comte de
Seckendorfattaqua , mais les troupes Impériales
fe conduifirent dans cette attaque avec
tant de force & de bravoure , que les enne
mis furent contraints d'abandonner ce pofte .
Le Maréchal de Coigny étant entré par
trois endroits dans les Lignes , il campa dans
la Plaine avec toute l'armée, la gauche étant
appuyée au Village d'Altftatt , & la droite à
La hauteur de Cockzberg,
Les
1658 MERCURE DE FRANCE.
Les troupes de la Reine de Hongrie ont
perdu en cette occafion environ 3000 hom
mes, & on leur en a pris 600 dans Wiffembourg
, avec deux Drapeaux .
La perte des Impériaux & des François eft
peu confidérable. Le Marquis de la Tour du
Pin , Colonel Lieutenant du Régiment de
Bourbon , a été bleffé légerement.
Le Roi apprit par en courier arrivé à
Dunkerque le 11 au foir , que le Maréchal
de Coigny étoit allé camper , la droite à
Drufenheim , le centre à Haguenau , & que
la gauche , occupée par l'armée Impériale ,
s'étendoit fur la Mautern .
Le Roi coucha à Boulogne le 6 de ce
mois , & S. M. y ayant dîne le lendemain ,
retourna à Calais, d'où elle fe rendit à Dunkerque
le 8 , vers les deux heures après- midi ,
après avoir paffé à Gravelines , où elle s'ar-`
rêta pour voir l'Eclufe. Elle vit auffi , avant
que de fe rendre à Dunkerque , celle de
Mardick .
Le Roi étant arrivé à cheval par la Porte
Royale , trouva deux Arcs de Triomphe à
Fentrée de Dunkerque, & un troifiéme dans
la ruë qui conduit à la Maiſon préparée pour
le Logement de S. M. Les rues par lefquetles
le Roi paffa , étoient tenduës , & remplies
des habitans , dont les acclamations de
joye ont été auffi vives & auffi continuelles
que
JUILLET. 1744. 1659
que dans toutes les Villes , qui ont été viſi
tées par S.M. depuis qu'elle eft dans ce Pays.
L'après-midi , le Roi fe promena fur le
Port , dont il examina la fituation , & il alla
à une des trois batteries qui font à la droite
du Port.
Le foir , la Maifon dans laquelle le Roi
a logé , & le Jardin de cette Maiſon , furent
illuminés avec beaucoup de magnificence ,
ainsi que l'Hôtel de Ville , les Places & tou
tes les rues de la Ville , & les réjoüiffances
publiques furent renouvellées le lendemain,
On a appris de Strasbourg du 6 de ce mois,
que l'objet du Prince Charles de Lorraine ,
depuis le commencement de la campagne ,'
ayant été de paffer le Rhin , pour pouvoir
pénétrer en Alface , il avoit fait faite à fes
troupes depuis fix femaines des mouvemens
continuels , pour fe mettre à portée d'exécuter
fon projet.
Le Maréchal de Coigny , obfervant ces
differens mouvemens des ennemis , regla
fur leurs pofitions la marche de fon armée ,
& il occupa les poftes qu'il crût les plus
capables d'empêcher le fuccès des entreprifes
du Prince Charles. Il avoit chargé le
Marquis de Montal de garder le Bas-Rhin
depuis Worms jufqu'à Oppenheim , &
voyant que les ennemis avoient jetté un
pont
1660 MERCURE DE FRANCE.
pont pour communiquer à une Ifle vis -à- vis
de Stokstatt , il avoit fait rapprocher du
Marquis de Montal les troupes qui avoient
été poftées d'abord entre Spire & Lauterbourg.
L'armée Impériale , qui avoit paffé quelques
jours auparavant le Rhin , étoit campée
fur cette partie de ce Fleuve.
Telle étoit la difpofition faite par le Machal
de Coigny contre les entreprifes que
les ennemis pourroient former , lorfque le
Prince Charles de Lorraine trouva le
moyen de faire paffer le Rhin à ſes troupes
le 29 du mois dernier , & lendemain dans les
deux extrêmités du terrain que fon armée
occupoit.
Le Maréchal de Coigny , dans le moment
qu'il apprit que les troupes de la Reine de
Hongrie paffoient le Rhin , envoya au
Comte de Seckendorf , qui étoit à Germesheim
, dix Bataillons & un Détachement de
Dragons , pour mettre ce Général plus en
état d'attaquer les ennemis , mais le Comte .
de Seckendorf, fur les avis qu'il avoit reçûs
que le Corps , qui avoit déja paffé , étoit
très- nombreux , s'étant déterminé à fe retirer
vers Landau , l'Infanterie & les Dragons
que le Comte de Coigny , le Marquis de
Croiffy & le Marquis du Chatelet avoient
amenés au Comte de Seckendorf, furent
obligés
JUILLET. 1744.
1661
obligés de prendre la même route que l'armée
Impériale , & d'aller camper à Germesheim.
Les ennemis , après avoir paffé le Rhin
s'avancerent dans le Pays,occuperent les Lignes
de la Lautern , & s'emparerent de Lauterbourg
, de Wiffembourg & du Village
d'Altftatt.
pas
Dès que le Maréchal de Coigny fut infor.
mé que l'armée de laReine de Hongrie avoit
pallé le Rhin, & que cette armée n'avoit
été attaquée par l'armée Impériale , il envoya
ordre à toutes les troupes de venir le
joindre , & il fe mit en marche pour aller
occuper les Lignes de la Lautern.
Il apprit les au matin , que le Prince
Charles étoit dans ces Lignes , & qu'il s'étoit
rendu maître des poftes ci- deffus nommés
.
Le Régiment de Cavalerie de Saluces &
celui de Dragons de l'Hôpital , qui avoient
eté détachés par le Marquis de Montal, pour
aller occuper Wiffembourg , avoient trouvé
dans le Village d'Altftatt un Corps très- confidérable
de Pandoures & de Croates , qui
les ayant attaqués , les avoit obligé de fe
replier fur l'avant-garde de l'armée .
Les troupes de cette avant-garde , com
mandée par le Comte de Coigny , marche
rent aux lennemis , les chafferent de la Plai
ne ;
1662 MERCURE DE FRANCE.
ne , & les forcerent de rentrer dans les Li
gnes.
Le Régiment du Colonel Général de la
Cavalerie & les Régimens de Dragons de
Vibraye & de Nicolay mirent pied à terre ,
& s'emparerent d'un Village occupé par
des
Pandoures , qui après s'être défendus pendant
quelque tems , rejoignirent avec beau
coup de précipitation les troupes rentrées
dans les Lignes.
Le combat finiffoit , lorfque le Maréchal
de Coigny arriva avec la Gendarmerie dans
les environs de Wiffembourg. Il reconnut
que ce pofte , le Village d'Altſtatt & la
partie
gauche des Lignes de la Lautern , étoient
occupés par un corps nombreux des ennemis
, qu'il réfolut d'attaquer fur le champ
par trois endroits.
Le parti pris par le Maréchal de Coigny a
eû beaucoup de fuccès ; les Lignes ont été
forcées ; les troupes du Roi ont repris Wiffembourg
& le Village d'Altftatt , & l'on attendoit
le 6 ou le 7 le détail de cette action.
Les Lettres de Strafbourg du 12 de ce
mois , marquent que le Maréchal de Coigny
, après avoir paffé le 6 dans le Camp
qu'il avoit occupé la veille près du Village
d'Altſtatt , avoit marché le 7 à Haguenau ;
qu'il y étoit resté depuis , ayant fa gauche
JUILLET. 1744. 1663
a l'armée Impériale , & que le Quartier Gé
néral du Maréchal de Coigny étoit à Bicheveiller.
les en
On a appris en même-tems , que
nemis , qui étoient toujours campés à Lau
terbourg , avoient deux Ponts à la hauteur
de ce Pofte ; qu'ils avoient fait avancer à
leur droite , fur les hauteurs , près de la
Montagne , un Corps de 10 à 12000 hommes
fous les ordres du Général Nadaſty , &
que le Colonel Trench étoit avec quelques
détachemens de Croates , de Pandoures &
de Huffards , près de Fribourg, d'où il pou
voit tirer trois ou quatre Bataillons,
On mande d'Aras du 21 de ce mois , que
pendant le féjour que le Roi a fair à Dunkerque
, S. M. y a vu les nouveaux ouvrages
qui y ont été faits du côté de la terre depuis
quelques années , & qu'elle en a parû trèscontente.
·
Le 14 , le Roi alla vifiter le magaſin de
la Marine & la Corderie , & l'on forma
devant S. M. un Cable.
Le Roi ayant ré de faire défiler de
nouvelles troupes vers la Mozelle , le Duc
d'Harcourt a marché avec les onze Bataillons
& les 46 Eſcadrons qu'il avoit fous fes
ordres dans le Pays entre la Meufe & la Sambre
, & l'on comptoit qu'il devoit arriver le
20
1
"
1664 MERCURE DE FRANCE.
20 à Sedan avec toutes les troupes.
S.M. en même-tems a ordonné qu'un détachement
confidérable de fon armée fe rendît
à Metz.Ce détachement qui devoit y arriver
dans les premiers jours du mois prochain,
& qui eft de 26bataillons & de 3 3 Eſcadrons,
eft compofé des Régimens des Gardes Françoifes
& Suiffes , de ceux de Navarre , de
Gondrin, de Cuftine , d'Artois , Royal Comtois
, de la Marche & de Montboiffier ; du
Bataillon d'Artillerie deValenceau ; de laMaifon
du Roi ; des Régimens de Cavalerie
Royal de Berry , de Noailles , de celui de
Huffards de Berchiny , & du Régiment de
Dragonds d'Asfeldt.
Les troupes de ce détachement marchent
fur quatre Colonnes , & fous les ordres du
Comte de la Motte Houdancourt , du Marquis
de Maubourg , de M. de Cherifei , du
Duc de Gramont , du Comte de Segur , du
Chevalier de S. André , du Duc de Biron
, du Comte de Chabannes , du Comte
Berchini , Lieutenans Généraux , & de
plufieurs Maréchaux de Camp...
Le Roi ayant déclaré il arriveroit à Metz
en même- tems que le détachement , S. M.
partit le 19 au matin , pour s'y rendre. Elle
alla ce jour-là de Dunkerque à S. Omer , &
ayant paffe par Bergues , dont elle vifita
les Fortifications , elle coucha à Béthune ,
d'où
JUILLET. 1744 : 1665
d'où elle arriva à Arras le 21 , vers les onze
heures du matin.
Le Maréchal de Noailles a fuivi le Roi à
Metz , ainfi que la plus grande partie des
Officiers , qui compofent l'Etat Major de
l'armée de S. M.
1
On mande de Laon du 27 de ce mois ,
que le Roi , après avoir reçû à la premiere
Barriere de la Ville d'Arras les refpects des
Magiftrats , alla defcendre à l'Eglife Cathédrale
, & que S. M. y ayant affifté au Te
Deum , fe rendit enfuite a l'Hôtel du Gouvernement
, où elle a logé .
Le foir & les deux jours fuivans , il y eut
dans toute la Ville des Illuminations & de
grandes marques de réjoüiffance , les ha-
Bitans n'ayant rien épargné pour fignaler
leur zéle..
Le 22 au matin , le Roi donna audience
au Confeil Supérieur d'Artois , qui fut préfenté
avec les cérémonies accoûtumées par
le Comte d'Argenfon , Miniftre & Sécrétaire
d'Etat , & à la tête duquel M. Paliſot
d'Incourt , Premier Préfident , porta la parole
.
S. M. étant partie d'Arras le 24 , alla ce
jour- là à Peronne ; elle coucha le 25 à Saint
Quentin , le 26 à la Fére , & elle arriva à
Laon le 27 au matin,
H La
1666 MERCURE DE FRANCE
La premiere Colonne du Détachement ,
que le Roi a jugé à propos de faire avan
cer du côté de Metz , eft compofée des
treize Eſcadrons de la Maiſon du Roi ,
fous les ordres du Comte de la Motte
Houdancourt & de M. de Cherifey , Lieutenans
Généraux , qui ont avec eux le
Marquis de Chiffreville , le Comte de Marignane
, M. de Montgibault , le Marquis
du Roure , M. de Chambon , M, de Gault ,
le Comte de Beaumont & le Chevalier de
Champeron , Maréchaux de Camp .
Le Duc de Gramont & le Comte de Chabannes
, Lieutenans Généraux ; le Comte de
Courtomer & le Marquis de Razilly , Ma
réchaux de Camp , commandent la feconde
Colonne , qui eft compofée des Régimens
des Gardes Françoifes & Suiffes.
La troifiéme , dans laquelle font les Régimens
d'Infanterie du Roi , de Cuftine
Royal Comtois , de la Marche & de Montboiffier
, & les Régimens de Cavalerie de
Berry & de Noailles , eft fous les ordres du
Marquis de Maubourg , du Chevalier de
S. André & du Duc de Biron , Lieutenans
Généraux ; du Comte de Trefmes & du
Prince de Tingry , Maréchaux de Camp.
La quatrième , compofée des Régimens
d'Infanterie de Navarre , de Gondrin , d'Ar
tois; du Bataillon d'Artillerie de Valenceau;
du
JUILLET . 1744. 1667
du Régiment Royal , Cavalerie ; du Régiment
de Dragons d'Asfeldt & de celui de
Huffards de Berchiny , eft commandé par le
Comte de Segur & le Comte Berchini , Lieu- .
tenans Généraux ; par le Comte de la Riviere
, M. de Contades , le Duc de Briffac , &
le Prince de Naffau , Maréchaux de Camp.
Les dernieres nouvelles que le Roi a reçues
du Maréchal de Coigny , portent que
ce Général étoit toujours campé à Bicheveiller
; qu'il avoit fait entrer le 20 de ce mois
dans le Fort Louis un Détachement de 600
hommes , commandé par le Chevalier dé
Maupeou , Colonel du Régiment de Bigorre
; que ces troupes avoient été embarquées
à Drufenheim à cinq heures après midi , &
qu'elles étaient arrivées le foir au Fort Louis.
On a appris que les Troupes , qui ont
marché fous les ordres du Duc d'Harcourt ,
fe raffembloient fur la Sarre.
Le Lord Tirconel a été dépêché au Roi
par le Prince de Conty , pour informer
S. M. que le 18. de ce mois les troupes Efpagnoles
& Françoifes , commandées par
'Infant Don Philippe , lefquelles étoient
campées fous Briançon , Guilleftre & Tournous
, & dans le Comté de Bucil , s'étoient
rendues dans la Vallée de Sture , dans celle
de Mayre & dans celle du Château Dauphin
Hij
vers
1668 MERCURE DE FRANCE.
vers Belleins , aux poftes qui leur avoient
été indiqués , & qu'elles avoient exécuté les
attaques projettées pour s'emparer des débouchés
du Piémont,
Les troupes employées à l'attaque de la
Vallé de Sture , étoient deftinées à forcer
les Barricades , pofte que les Piémontois re
gardoient comme impénétrable , & dans les
environs duquel ils avoient conftruit des
retranchemens , afin d'empêcher l'accès du
fommet des Montagnes qui le conmandent ,
Ces troupes fe porterent à Pelport , au
col de Fure , à Ferriere & à Brezés , enforte
que tous les retranchemens autour des Barricades
furent enveloppés. D'ailleurs la difpofition
particuliere des differens Corps ,
dont ces troupes étoient compofées , étoit
telle , qu'elles occupoient tous les chemins
qui conduifent aux Gorges des Barricades.
Il y avoit à cette attaque vingt Bataillons,
dont huit étoient commandés par le Marquis
de Caftellar, Lieutenant Général des armées
du Roi d'Eſpagne , fept par le Marquis de
Villemur , Lieutenant Général des armées
du Roi , & cinq par M. de Mauriac.
La Vallée de Mayre fut occupée par des
troupes placées à Affeil & dans les environs.
L'attaque de la Vallée du Château Dayphin
fut entrepriſe par un autre Corps , qui
en
JUILLET. 1744. 1669
en forçant les retranchemens de la Tour du
Pont & de Belleins , fe rendit maître de l'entrée
d'une des Branches de cette Vallée . Ce
Corps , qui étoit fous les ordres du Bailli
de Givry , étoit compofé des Régimens de
Poitou, de Conty, de Salis, de Brie & de Provence
, lefquels forment neuf Bataillons, &
ayant été placé à la tête de la Vallée de Belleins
, il couvroit cinq Bataillons , commandés
par le Marquis de Campo - Santo , & qui
étoient poftés fur la Montagne de la Traverfiere
.
Les troupes étant ainfi difpofées , les Piémontois
, qui s'apperçurent que les Barricades
dans la Vallée de Sture avoient été tournées
, ne s'y crurent pas en sûreté , & ils
prirent le parti de les abandonner. Ils chargerent,
en fe retirant, le Comte de Lautrec,
qui avec cinq Bataillons , tirés des quatorze
qu'il avoit conduits à Affeil , s'étoit avancé
vers la Gorge des Barricades , mais ce combat
fut de peu d'importance . Le Bailli de
Givry attaqua les retranchemens de la Tour
du Pont & de Belleins , & il les força .
Les Piémontois ont fait dans cette action
une perte très- confidérable ; le Lieutenant
Général , qui les commandoit en chef, &
plufieurs de leurs Officiers de diftinction
ont été tués ; on a fait prifonniers un Brigadier
de leurs troupes , beaucoup d'Officiers
Hiij &
1670 MERCURE DE FRANCE.
& un grand nombre de Soldats , & l'on a
pris deux pièces de canon .
On attend un détail plus circonftancié de
cette affaire , qui affûre un débouché dans
la Plaine de Piémont , & la liberté des communications..
Les François ont perdu à l'attaque des re-
Branchemens de Belleins le Marquis de la
Carte , Brigadier des armées du Roi , & Colonel
Lieutenant du Régiment d'Infanterie
de Conty , & M. de Salis , Colonel du Régiment
Suiffe de fon nom.
Le Bailli de Givry , le Duc d'Agenois , &
le Vicomte d'Aubeterre , Colonel du Régiment
de Provence , ont été bleffés.
On mande de Laon du 29 du mois dernier,
que le 27 le Roi , en y arrivant , alla à l'Eglife
Cathédrale , & qu'il y fut reçû par
l'Evêque , lequel étant à la tête du Chapitre
, conduifit S. M. dans le Choeur . S. M. a
paffé deux jours & deux nuits dans cette
Ville , & pendant le féjour qu'elle y a fait ,
elle a reconnu, ainfi que dans les autres endroits
de fa route , combien fes Sujets s'intéreffent
à fa gloire & à fa confervation .
Le Lord Tirconel que le Prince de Conty
a dépêché au Roi , pour apporter à S.M.
la nouvelle du fuccès de l'attaque des Barricades
qui défendoient l'entrée du Piémont
JUILLET . 1744. 1671
mont , joignit le Roi à Laon le 28 , & S. M ,
apprit par cet Officier , que les troupes Piémontoifes
, qui étoient dans les retranchemens
de la Vallée de Sture , les avoient
abandonnés ; que les Eſpagnols & les François
, ayant forcé les retranchemens de la
Vallée de Belleins & de la Tour du Pont ,
s'étoient emparés du Château Dauphin , &
que ces avantages leur affûroient le moyen
de s'avancer dans la Plaine du Piémont , &
une communication libre avec le Dauphiné
& avec la Provence; que l'Infant d'Espagne
Don Philippe , pour faciliter le tranſport
de l'artillerie , avoit ordonné de réparer
tous les chemins qui avoient été rompus
par les Piémontois ; que ce Prince étoit occupé
à faire les difpofitions néceffaires pour
le Siége du Fort de Demont, & qu'on avoit
dû commencer le 28 à jetter des bombes
dans ce Fort , qui , felon les apparences , ne
feroit pas une longue réſiſtance.
On compte que les Piémontois , dans les
differentes attaques de leurs retranchemens
& dans leur retraite , ont perdu environ
2500 hommes.
Hiiij AC1672
MERCURE DE FRANCE.
ACTIONS de Graces renduës , & Réjoiffances
faites à Paris au fujet de la priſe
des Villes d'Ypres & de Furnes par le Roi
en perfonne.
D
'Abord après la priſe de la Ville d'Ypres,
qui a fuivi de près celle deMenin,
le Roi en rendit lui-même de folemnelles
Actions de graces à Dieu ; & dans le même
efprit & avec la même diligence S. M. écrivit
à l'Archevêque de Paris & à tous les Prélats
de fon Royaume la Lettre fuivante.
Mon COUSIN , la Conquête de Menin
vient d'être fuivie de celle d'Ypres. Cette
Place , l'une des plus fortes des Pays- Bas,
rentre fous mon obéiffance après dix jours
de tranchée ouverte. Un fuccès auffi rapide ,
& qui eft encore fi fort au- deffus de ce que
je pouvois attendre de la valeur de mes
troupes , eft une nouvelle preuve de la protection
que Dieu, qui connoît mes vûës pacifiques
, continuë de donner à la juſtice de
mes armes ; & voulant lui rendre les actions
de graces qui lui font dûës , je vous fais cette
Lettre pour vous dire que mon intention
eft que vous faffiez chanter le Te Deum dans
l'Eglife Métropolitaine de ma bonne Ville
de Paris , & autres de votre Diocèfe , avec
les folemnités requifes, au jour & à l'heure
que le Grand-Maître , ou le Maître des Cérémonies
JUILLET. 1744 1673
rémonies vous le dira ma part , & que
vous y invitiez tous ceux qu'il conviendra
d'y affifter. Sur ce je prie Dieu qu'il vous ait
MON COUSIN, en fa fainte & digne garde.
Ecrit à Lille le deux Juillet 1744. Signé,
LOUIS , & plus bas , PHELIPPEAUX ,
En conféquence , l'Archevêque de Paris
donna un Mandement, dont voici la teneur.
CARLES-GASPARD-GUILLAUME DE
VINTIMILLE,&. Aux Archiprêtres de Sainte
Marie-Magdeleine , & de S. Severin , & aux
Doyens Ruraux de notre Diocèfe : Salut &
Bénédiction .
La prise de Ville d'Ypres , l'un des plus
fort remparts qui couvroient les Etats poffedés
dans la Flandre par la Reine de Hongrie
, eft un nouveau gage de la Protection.
Divine fur la France . Le fuccès de l'entreprife
qui a fait rentrer cette Place fous l'obéiffance
du Roi , a été fi prompt & fr rapi
de , qu'il a furpaffé
furpaffé , ainfi que S. M. nous
Pafûre elle-même , les efpérances que lui
avoient fait concevoir le courage de fes
troupes , & l'extrême valeur de fes Soldats,
Redevables au Dieu des Armées d'un évenement
ft heureux , ferions- nous ou aflés
aveugles pour méconnoître la main quinous.
protege , ou affés infenfibles pour n'être pas
touchés des effets redoublés de fa bonté envers
nous ?
Hy Le
1674 MERCURE DE FRANCE.
Le Roi en prenant poffeffion de cette im
portante Conquête , en a fait d'abord un
humble hommage à celui qui eft le feul & uf
fant , le Roi des Rois , & le Seigneur des Seigneurs.
Il nous ordonne aujourd'hui de nous
acquitter du même devoir , & de reconnoître
par de folemnelles actions de graces ,
que Dieu eft le principal Auteur des avantages
que S. M. aremportés fur les Puiffances .
alliées & réunies contre elle .
C'est ainsi qu'à l'imitation de David victorieux
de fes ennemis , notre religieux Mo--
narque avoue & publie hautement , qu'au
Seigneur appartient la Grandeur, la Fu Jance
la Gloire & la Victoire , & qu'à lui par confé
quent est due la bénédiction & la louange ::
C'est ainsi qu'il nous invite à nous unir à
Lui , pour publier combien le Seigneur eft grand,.
& pour célébrer la gloire de fon faint Nom..
Empreffons-nous d'obéir à des ordres fi
refpectables , & fouvenons- nous , que file
Ciel ne fe laffe point de multiplier fes bienfaits,
nous ne devons pas nous laffer de louer
fa bonté & d'exalter fa Puiffance . Il feroit
honteux que ce
ce qui doit ranimer
à cet égard
notre zéle , fervit à le ralentir , & que las
multitude
des graces que Dieu nous accor➡
de , en diminuât
le prix à nos yeux , ou en;
affoiblit le fentiment
dans nos coeurs.
A CES CAUSES
, après en avoir conferé
avec
JUILLET. 1744. 1675
avec nos vénérables Freres les Doyen , Chanoines
& Chapitre de notre Eglife Métropopolitaine
, nous ordonnons , qu'en action de
graces de la prife de la Ville d'Ypres, Dimanche
prochain 12 du préfent mois de Juillet
on chantera le Te Deum dans notredite Eglife
, après lequel on dira l'Antienne , Domine
falvumfac Regem , & c. avec le Verfet ,
Fiat manus tua , &c . & l'Oraiſon Pro Rige
& ejus Exercitu . Que Dimanche 19 du même
mois , il fera pareillement chanté avec
ladite Antienne dans toutes les Abbayes ,
Chapitres , Paroiffes & Communautés Séculieres
& Régulieres de la Ville & des
Fauxbourgs de Paris , & le Dimanche d'aprèsla
réception de notre préfent Mandement ,
dans toutes les autres Eglifes de notre Diocèfe.
SI VOUS MANDONS , que ces Préfentes
vous ayezà notifier à tous Abbés, Prieurs,
Curés , Supérieurs & Supérieures des Communautés
exemptes & non exemptes , à ce
qu'ils n'en ignorent , & qu'ils l'obfervent &
faffent obferver par les perfonnes qui leur
font foumifes. Donné à Paris en notre Palais
Archiepifcopal le 8 Juillet 1744. Signé ,
CHARLES , Archevêque de Paris , &c.
1
Le même jour , les Six Corps des Marchands
de la Ville de Paris firent chanter un
Te Deum avec beaucoup de folemnité dans
H.vj. l'Eglife
1676 MERCURE DE FRANCE.
le
l'Eglife Paroiffiale de S. Euſtache . La Céré
monie commença à fix heures du foir par
chant de quelques Hymnes , Cantiques ,
Répons , & c. enfuite defquels , M. le Curé
officiant , entonna le Te Deum , qui fut con
tinué & exécuté par les Muficiens du Roi ,
ayant à leur tête M. Blanchard , Maître de
Mufique de la Chapelle en Quartier, Auteur
de la compofition , & avec une excellente
Symphonie,
Toute l'Eglife , dont la grandeur fut à
peine fuffifante pour contenir la grande affluence
du Peuple , étoit magnifiquement décorée
. Le maître Autel,fur tout, qui étoit orné
du Parement dont S. A. R. a fait préfent
depuis peu à fa Paroiffe , & dont on a parlé
dans le Mercure.
Cet Autel étoit chargé de 42 grands
Chandeliers d'argent , & il y avoit dans le
Choeur fix Luftres de fix bougies chacun ,
autant dans la Nef, fans compter huit Guéridons
, chargés d'autant de Girandoles dans.
le Sanctuaire , où étoit placé le nombreux
Clergé de cette Eglife .
Les hautes Stales du Choeur étoient occupées
du côté du Sanctuaire , par Mrs du
Châtelet , ayant à leur tête M. le Lieutenant
Général de Police , toutes les autres Stales ,
tant hautes que baffes , par les Juges Confuls
, & par les anciens Gardes & Sindics
des
JUILLET. 1744. 1677
des fix Corps , felon leur rang & ancienneté
: 200 chaifes de tapifferie occupoient le
carreau du Choeur , pour fuppléer au défaut
des Stales.
La Nef & la croifée étoient aufli remplies
de pareilles chaifes. Le milieu de la croifée
en face du Choeur,étoit occupé par la Mufique
& par les Infpecteurs de Police , en habits
d'ordonnance.
L'ordre an refie a été merveilleux pour
éviter la confufion , & prevenir les accidens
qu'une grande foule de peuple pouvoit
caufer. On avoit difpofé des barrieres dans
les bas côtés de l'Eglife , pour les féparer entierement
de la Nef & du Choeur . Auffi
toute la Cérémonie s'eft paffée avec autant
d'ordre & de tranquilité , que de dignité
& à la fatisfaction de tout le monde.
Le 18 du même mois, le Grand Prieur de
l'Abbaye Royale de S. Germain- des- Prez
donna auffi fon Mandement fur le même
fujet , contenant ce qui fuit..
JEAN - BAPTISTE BOURDET , Grand-Prieur
de l'Abbaye Royale de S. Germain - des-
Prez , immédiate au Saint Siége , & Vicaire
Général de S. A. S. M. le Comte de Clermont
, Prince du Sang , Abbé Commandataire
de ladite Abbaye : A tous les Fidéles
dc
1678 MERCURE DE FRANCE.
de notre Jurifdiction . SALUT EN NOTRESEIGNEUR
.
Le Seigneur continuë de favorifer les Armes
du Roi , & à fe déclarer en faveur de la
caufe pleine de juftice qu'il défend . A peine
lui a t'il ouvert les Portes de Menin , qu'il
lui ouvre celles d'Ypres . Cette Place importante
, que la nature & l'art rendoient
prefqu'imprenable , auroit dû l'arrêter plu
fieurs mois , mais elle lui a prefenté les clefs
après dix jours feulement de tranchée ou
verte . Notre augufte Monarque reconnoît
ici l'oeuvre de Dieu , & moins ébloui d'un
fuccès fi rapide , que plein de reconnoiffance
envers le Dieu des Armées , il lui en rapporte
toute la gloire . Entrons dans des vûës
fi chrétiennes , & pénétrés des mêmes fentimens
de Religion , béniffons le Seigneur
qui nous donne des marques fi éclatantes de
fa protection. Que nos faints Temples retentiffent
des Actions de graces qui lui font
dûës ; mais continuons à lui demander fur-'
tout cette Paix que les Rois , que les Victoires
, que le Monde ne fçauroient donner,
& qui ne peut être que l'ouvrage de
fes Miféricordes infinies .
A CES CAUSES , pour fuivre les pieufes
intentions du Roi , & pour fatisfaire aux devoirs
de notre miniftere , nous ordonnons
que Dimanche dix-neuf du préfent mois , à
l'iffue
JUILLET. 1744 1679
Piffue des Vêpres , on chantera dans notre
Eglife le Te Deum ; le Pfeaume Exaudiat ;
F'Oraifon Pro gratiarum Actione , & celle
qui eft marquée Pro Rege & ejus exercitu .
DONNE' en l'Abbaye Royale de S Germaindes-
Prez le dix- huit Juillet 1744. Signé
F. J. B. BOURDET , Grand Prieur & Vicaire
Général de S. A. S. &c.
En conféquence de la Lettre du Roi à
l'Archevêque de Paris on chanta, le Dimanche
12 Juillet après midi , dans l'Egliſe
Métropolitaine de cette Ville , le Te Deum ,
auquel ce Prélat officia pontificalement. Le
Chancelier de France , accompagné de plufieurs
Membres du Confeil d'Etat , ainfi que
le Parlement , la Chambre des Comptes , la
Cour des Aydes & le Corps de Ville , qui
avoient reçu , felon la coûtume , des Lettres
du Roi , & qui y avoient été invités de la
part de S. M. par le Marquis de Dreux ,.
Grand Maître des Cérémonies y affifterent.
Les Prevôt des Marchands & Echevins
avoient fait travailler à l'élévation
& décoration d'un grand Edifice de charpente
qui devoit contenir le feu d'Artifice
qu'on a coûtume de tirer vis-à- vis l'Hôtel-
de-Ville en pareille occafion .
Cet Edifice repreſentoit une Fortereffe des
mieux entendues , & ornée exterieurement
de tous les Symboles & attributs de la
Guerre ,
1680 MERCURE DE FRANCE.
>
Guerre , Trophées d'Arines , entremêlés de
branches de Laurier & d'Olivier canons
, c. Elle étoit terminée par un Donjon
, duquel s'élévoient des Guérites fur
les Angles. La principale Face du Donjon
étoit ornée de l'Ecu des Armes de France, &
immédiatement au-deffous étoit peinte une
Renommée fonnant de la Trompette, d'une
main appuyée fur le Portrait du Roi enfermé
dans un Cartouche & foutenu par un
Génie.
Cet Edifice a été élevé & exécuté fous la
conduite de M. Beaufire , Architecte du Roi
& de l'Académie d'Architecture , Maître
Général , Contrôleur Infpecteur des Bâtimens
de la Ville , & peint par les Sieurs Du
Mefnil Freres , Peintres ordinaires de la
Ville.
Il fut affiché en même-tems diverfes Ordonnances
des Prevôt des Marchands &
Echevins, &du Lieutenant Général de Police
, tant pour les Illuminations qui devoient
être faites le même jour par toute la Ville ,
que pour prevenir les accidens & pour
sûreté publique. Et au moyen de ces fages
precautions , tout s'eft paffè , & a été exécuté
avec tout le fuccès & toute la tranquillité
poffibles.
la
Le 19 Juillet , jour que le Te Deum fut
folemnellement chanté dans l'Eglife de
l'AbJUILLET.
1744. 1681
l'Abbaye S. Germain , on fit dès le grand
matin,une falve de plufieurs piéces de canon
& coulevrines, placées dans le grand Jardin
dů Monaftere . A midi , on fonna les groffes
cloches & on fit une feconde falve de la
même Artillerie ; on en fit d'autres pendant
le Te Deum & vers les neuf heures du foir ,
après ane derniere falve , on illumina toute
la façade extérieure du Monaftere , & toutes
les Maifons de la Cour.
On fit la même chofe dans la Cour de
l'Abbé , & le Palais fûr tout illuminé d'une
maniere ingénieufe. Le fond du Jardin le
fût auffi . Plufieurs Piéces de vin coulerent
pour le Peuple , & il y eut quantité de rafraîchiffemens
pour les perfonnes de confideration
.
Une infinité de monde , accouru de tout
le Fauxbourg S. Germain , rempliffoit les
deux grands Enclos de l'Abbaye ; cependant
il n'y eut ni confuſion ni défordre , ce qui
eft fans doute dû à la bonne Police des Ófficiers
de Justice , qui avoient fait afficher
dès le matin une Ordonnance fur ce fujet ,
au nom de S. A. S. M. le Comte de Clermont
Prince du Sang , Abbé Commandataire
& de Mrs les Prieur & Religieux , c..
En finiffant ce que nous avions à dire fur
ces cérémonies , nous donnerons ici une
idée de la Ville , dont la prife a été le
fujet. La
1682 MERCURE DE FRANCE.
La Ville d'Ypres , l'une des plus confiderables
des Pays-Bas , eft fituée ſur la petite
Riviere Yper , qui lui a donné fon nom , à
quatre lieues de Menin , à fept de Bergues,
& de Nieuport , à neuf de Dunkerque , de,
S. Omer , & de Bruges , & à treize de Gand.
Son circuit étoit autrefois le triple de ce
qu'il eft aujourd'hui , quoiqu'encore fort
confiderable , par les differentes révolutions:
arrivées à cette Ville..
2
Les Normands la faccagerent au commencement
du IX Siècle. Après leur retraite
elle fût fortifiée par Baudouin V. Comte de
Flandre , & par fes fucceffeurs. Louis VI ,
dit le gros , Roi de France , la prit en 1128 ,
& Philippe Augufte s'en rendit le maître en
1213. Les Anglois l'affiégerent en 1383 ,
mais ils furent obligés de lever le Siége
Epoque mémorable , qui eft rappellée annuellement
par une Proceffion générale.
Philippe de Bourgogne , maître de la
Flandre , par fon mariage avec l'héritiere
du dernier Comte , fortifia Ypres , & cette
Ville demeura affés paiſible juſqu'à l'année
1557 , qu'elle tomba au pouvoir des Religionnaires
, révoltés contre Philippe II . Roi
d'Efpagne , lefquels démolirent les Convents
, chafferent les Religieux , & abolirent
prefqu'entierement la Catholicité , ce
qui dura jufqu'en 1584 , que la Ville revint
all
JUILLET. 1744- 1683
au Roi d'Espagne fous le Gouvernement
d'Alexandre Farnefe , Prince de Parme.
Le Prince de Condé, commandant l'Armée
du Roi , la prit en 1648 , mais elle fût repriſe
l'année d'après. M. de Turenne s'en
rendit maître en 1658 , & elle revint à l'Efpagne
par la Paix des Pyrenées en 1660 .
Louis XIV, en perfonne , la prit en 1678
en huit jours de tranchée ouverte , & lui
étant demeurée par le Traité de Nimegue ,
ce Prince la fit beaucoup fortifier. Elle a été
cedée à l'Empereur Charles VI , en vertu du
Traité d'Utrech ; & par celui de la Barriere
, les Hollandois y ont mis une Garni
fon.
L'Evêché d'Ypres eft fuffragant de la Métropole
de Malines ; il fut érigé en 1559 par
le Pape Paul IV. La Cathédrale , dont le Titre
eft S. Martin , eft ornée d'un Chapitre
très- nombreux , avec plufieurs Dignités
dont la premiere , qui eft le Doyen , eft à la
nomination du Roi.
Douze Echevins ayant à leur tête un
Avoüe , ou Préfident , exerçent la haute
moyenne & baffe Juftice , ainfi que la Police
& les Finances , affiftés de cinq gradués ,
nommés Confeillers Penfionnaires , ayant
voix confultative , &c. Ily a auffi un Bail-
Lage créé par le feu Roi.
C'étoit autrefois une fort grande Ville
très1684
MERCURE DE FRANCE.
1
très-peuplée & des plus marchandes, enforte
qu'au Dénombrement fait en 1242 , on y
compta deux cent mille habitans . Il y a encore
aujourd'hui fix grandes Paroiffes , huit
Convents d'Hommes , dix de Filles , trois
Hôpitaux pour les Malades , deux Maifons
pour Hommes & pour Femmes âgés , ou
invalides , deux Hôpitaux pour élever de
pauvres Enfans des deux fexes , aufquels om
fait apprendre des Métiers , &c . Un Béguinage
, ou Maifon de Retraite pour des Filles
d'un certain âge , &c. Un Séminaire enfin
pour de pauvres Eccléfiaftiques , avec
des Bourfes pour un certain nombre de
jeunes Etudians.
A peine avoit-on achevé les cérémonies
dont nous venons de rendre compte , qu'on
apprit la continuation de la profperité des
Armes du Roi , par la nouvelle de la prife
du Fort de la Kenoque & de la Ville de
Furnes voici la Lettre que S. M. écrivit
fur ce ſujet à l'Archevêque de Paris.
MON COUSIN , le même jour que mes
Troupes font entrées dansYpres , le Fort de
la Kenoque s'eft rendu au Duc de Bouflers ,
en feize heures d'attaque , & mon Coufm le
Comte de Clermont , que j'avois chargé
d'inveftir la Ville de Furnes , en a conduit le
Siége avec tant d'intelligence , qu'il a réduit
la
JUILLET. 1744: 1685
prola
Place à mon obéiffance le dix de ce mois ,
en trois jours de tranchée ouverte . Ces fuccès
qui mettent en sûreté ma Frontiere de
la Flandre maritime , depuis la Lys jufqu'à
la Mer , & qui renverfent les projets que
mes ennemis n'avoient jamais ceffé d'y former
, font des preuves réiterées de la
tection que la Divine Providence continuë
de donner à la juftice de ma Cauſe , & voulant
lui rendre les actions de graces qui lui
en font dûës , je vous écris cette Lettre ,
pour vous dire , que mon intention eft que
vous faffiez chanter le Te Deum dans l'Eglife
Métropolitaine de ma bonne Ville de Paris ,
& autres de votre Diocéfe , avec les folemnités
requifes , au jour & à l'heure que vous
dira le Grand-Maître , ou le Maître des Cérémonies
de ma part , & que vous y invitiez
tous ceux qu'il conviendra d'y affifter : fur
ce , je prie Dieu , qu'il vous ait , MON COUSIN
, en fa fainte & digne garde. Ecrit à
Dunkerque le 17 Juillet 1744. Signé
LOUIS ; Et plus bas , PHELYPEAUX .
>
Et au dos eft écrit : A mon Coufin l'Archevêque
de Paris , Duc de Saint Cloud
Pair de France , Commandeur de l'Ordre
du Saint- Efprit.
Le lendemain de la reception de cette
Lettre , l'Archevêque de Paris fit publier
le Mandement qui fuit ;
CHARLES1686
MERCURE DE FRANCE.
CHARLES - GASPARD - GUILLAUME DE
Vintimille des Comtes de Marſeille du Luc,
par la Miféricorde Divine , & par la grace
du faint Siége Apoftolique , Archevêque de
Paris , Duc de faint Cloud , Pair de France
Commandeur de l'Ordre du Saint- Efprit ,
c.Aux Archiprêtres de fainte Marie - Magdeleine
& de faint Severin , & aux Doyens
Ruraux de notre Diocèſe : SALUT ET BENEDICTION.
Pour nous conformer aux intentions da
Roi , qui comme vous l'apprendrez par la
Lettre , que Sa Majefté nous a fait l'honneur
de nous écrire , veut que nous rendions
au Seigneur de folemnelles actions de graces
pour la prife du Fort de la Kenoque &
de la Ville de Furnes , après en avoir conferé
avec nos vénérables Freres les Doyen
Chanoines & Chapitre de notre Eglife Métropolitaine
, nous ordonnons que le Te
Deum avec le Verfet Benedicamus Patrem &
Filium , &c. & l'Oraifon Pro gratiarum actione
; l'Antienne , Domine falvum fac Regem
, &c. le Verfet , Fiat manus tua , &c. &
L'Oraifon Pro Rege & ejus Exercitu , fera
chanté Jeudi prochain vingt-trois du prefent
mois de Juillet dans notredite Eglife ;
Dimanche vingt-fix du même mois , dans
toutes les Abbayes , Chapitres , Paroiffes &
Communautés Séculieres & Régulieres de
la
JUILLET. 1744. 1687
la Ville & des Fauxbourgs de Paris ; & le
Dimanche qui fuivra la reception de notre
prefent Mandement , dans toutes les autres
Eglifes de notre Diocèfe . Si vous mandons ,
que ces Préfentes vous ayez à notifier à
tous Abbés , Prieurs , Curés , Superieurs &
Superieures des Communautés exemptes &
non exemptes , à ce qu'ils n'en ignorent.
Donné à Paris en notre Palais Archiepifcopal
le vingt Juillet 1744. Signé , CHARLES ,
Archevêque de Paris .
En conféquence, le Te Deum fut folemnellement
chanté dans l'Eglife Métropolitaine
le Jeudi 20 Juillet , auquel l'Archevêque
officia pontificalement. Le Chancelier de
France,accompagné de plufieurs Confeillers
d'Etat & Maître de Requêtes , y afſiſta , ainſi
que le Parlement, les autres Cours Superieures
, & le Corps de Ville , invités de la part
du Roi par le Marquis de Dreux , Grand-
Maître des Cérémonies.
Le foir,il y eut des Illuminations généra
les par toute la Ville , ordonnées par les
Prevôt des Marchands , & Echevins , & par
le Lieutenant Général de Police. La joie fût
univerfelle , la tranquillité entiere , & il
n'arriva pas le moindre accident par les fages
précautions des Magiftrats , portées dans les
Ordonnances dont on vient de parler.
Le
1688 MERCURE DE FRANCE.
Le Dimanche fuivant 26 Juillet , le Te
Deum fût aufli chanté folemnellement dans
l'Eglife de l'Abbaye S. Germain avec les
Cérémonies accoûtumées , & le foir il y eur
les mêmes Illuminations & les mêmes marques
de réjoüiffances dont on a vu ci - devant
le détail.
La Ville de Furnes eſt ſituée dans la Partie
Occidentale de la Flandre . Elle a titre de
Vicomté , & tient aujourd'hui le premier
rang entre les Villes qui font fur la Côte
Maritime . Furnes fût cedée à la France en
1668 , par le Traité d'Aix-la- Chapelle .
Louis XIV la céda à l'Empereur Charles
VI & à la Maifon d'Autriche par les Traités
d'Utrech , de Raftad , & de Bade, Les Provinces-
Unies en ont eu fa garde & le droit
d'y tenir garnifon par le Traité de la Barriere
, aufli-bien qu'au Fort de la Kenoque ,
fitué près de Dixmude , fur le Canal qui
conduit à Nieuport , & dans l'étenduë de la
Grande Châtellenie de Furnes , laquelle
contient quarante- deux Villages,
PRIERES
JUILLET . 1744. 1689
RIERES & Réjouiffances faites à Châtillon
-fur - Seine , en Bourgogne. Extrait
d'une Lettre écrite de cette Ville , le 10
Juillet 1744-
Es RR . Peres Feuillans ont toujours
Congrégation , un zéle ardent pour la perfonne
facrée de nos Rois. C'eft dans cet
efprit que les PP. Feuillans de la Ville de
Châtillon en Bourgogne , fe font diftingués
dans les conjonctures préfentes , en célébrant
dans leur Eglife le Dimanche 5 Juil
let , une Meffe folemnelle avec expofition
du Très-Saint Sacrement , &c. pour la confervation
de la perfónne du Roi , & pour la
continuation de la profperité de fes Armes
ce qui doit être continué dans la même
Eglife par des Meffes baffes & autres Pric
res , jufqu'au retour de S. M. A l'Elévation
du S. Sacrement de la grande Meſſe , on
chanta un fort beau Motet , dont les parodes
étoient afforties à cet Augufte fujet : 0
verè digna Haftia , fpes unica Fidelium ; in
te confidit Gallia ; Da pacem , ferva Lilium.
La Meffe finie , on chanta, avec la même ſolemnité
, le Pfeaume Exaudiat , & c.
Les PP. Feuillans avoient invité à cette
Cérémonie par des Billets imprimés , tous
I les
1690 MERCURE DE FRANCE.
les Corps de la Ville , fçavoir , le Prefidial ;
le Bailliage , les Echevins & Officiers de
Ville , de forte que l'Affemblée fut des plus
nombreuſes , & le peuple y vint en foule.
Le foir,on chanta dans la même Eglife un
Te Deum folemnel pour la prife de la Ville
de Menin ; le Clocher fut illuminé , & on
tira un feu d'Artifice qui réüffit , auffi-bien
que le tems pût le permettre.
MANDEMENT de S. E. M. le Cardinal
de Tencin , au sujet de la prise de la
Ville de Menin,
IERRE DE GUERIN DE TENCIN , Car-
P dinal Prêtre de la Sainte Eglife Romaine
, du Titre des Saints Nérée & Aquilée ,
Archevêque & Comte de Lyon , Primat de
France , Commandeur de l'Ordre du Saint-
Efprit , Miniftre d'Etat , & c.
A tous Abbés , Doyens , Chapitres ;
Prieurs , Curés , Vicaires & autres Eccléfiaftiques
Séculiers & Réguliers , & à tous
les Fidéles de notre Diocèfe : SALUT & Bénédiction
en Notre - Seigneur,
Goûtez , mes très- chers Frer le fruit de
la Sageffe du Roi ; de la valeur de les Trouredoublée
encore par
pes , fon Exemple , &
fur-tout de la Protection du Seigneur :Guf
tate & videte quoniam fuavis eft Dominus ,
Pfeaume
JUILLET. 1744. 1691
·Pleaume 33 , verfet 8. Il s'eft hâté de fceller
la juftice de nos armes du fceau de fes Bénédictions
, & nos actions de graces fe confondent
prefque avec nos voeux . Elles n'en
feront fans doute que plus vives. Mais n'ou
blions pas d'y joindre des inftances plus vives
encore , s'il eft poffible , pour la Paix ;
Inquire pacem perfequere eam. Ibid, verfet
14 , & ne defirons de vaincre encore , s'il
le faut , que pour hâter le retour d'un bien ,
fi néceffaire à toute l'Europe. Demander ,
dans ces difpofitions , de nouveaux avantages
contre nos ennemis , c'eft prier pour
eux autant que pour nous- mêmes .
A CES CAUSES , Nous Cardinal Archevêque
& Comte de Lyon fufdit , après en
avoir fait conférer de notre part avec nos
vénérables Freres Meffieurs les Doyen, Chanoines
& Chapitre de l'Eglife , Comtes.de
Lyon , avons ordonné & ordonnons que le
Dimanche vingt- huit du préfent mois de
Juin , à dix heures du matin , le Te Deum
fera chanté folemnellement avec le Pleaume
Exaudiat , & les Oraifons en actions de
graces de la prife de Menin , dans notre
Eglifnatiale , où les Compagnies , qui
ont accoûtumé d'affifter à de pareilles cérémonies
,font invitées de fe rendre.
A l'égard des autres Villes , Bourgs & Villages
de notre Diocèfe , nous ordonnons
I ij que
1692 MERCURE DE FRANCE.
#
}
que le Dimanche ou la Fête , après la reception
de notre préfént Mandement , on chantera
pareillement le Te Deum , le Pfeaume
Exaudiat , & les Oraifons pour le même fujet
; & fera notre préfent Mandement lû ,
publié & affiché par tout où befoin fera.
DONNE' à Paris le 18 dumois de Juin 1744 .
Signé , P. CARD . de Tencin .
LETTRE du Roi , à M. l'Archevêque
de Sens .
M
Onfieur l'Archevêque de Sens , la
Conquête de Menin vient d'être fuivie
de celle d'Ypres ; cette Place l'une des
plus fortes des Pays- Bas rentre fous mon
obéiffance après dix jours de tranchée ouverte
; un fuccès auffi rapide & qui eft encore
fi fort au-deffus de ce que je pouvois
attendre de la valeur de mes Troupes , eſt
une nouvelle preuve de la protection que
Dieu , qui connoît mes vûës pacifiques
continuë de donner à la juftice de mes Armes
, & voulant lui rendre les actions de
graces qui lui en font dûës , je vous écris.
cette Lettre , pour vous dire que mon intention
eft , que vous faffiez chanter le Te
Deum dans votre Eglife Métropolitaine , &
autres de votre Diocèfe le plûtôt qu'il ſe
pourra , & que vous ayez à convier à cette


JUILLET . 1744. 1693
cérémonie ceux qui ont accoutumé d'y af- ·
fifter : fur ce , je prie Dieu qu'il vous ait ,
M. l'Archevêque de Sens , en fa fainte
de. Ecrit à Lille le 2 Juillet 1744. Signé ,
LOUIS. Et plus bas , PHELIPEAUX .
gar-
AUTRE Lettre du Roi, à M. l'Archevêque
de Sens.
Onfieur l'Archevêque de Sens , le
même jour que mes Troupes font
entrées dans Ypres , le Fort de la Kenoque
s'est rendu au Duc de Bouflers en ſeize heures
d'attaque , & mon Coufin le Comte de
Clermont que j'avois chargé d'inveftir la
Ville de Furnes , en a conduit le Siége avec
tant d'intelligence , qu'il a réduit la Place à
mon obéiffance le 10 de ce mois en trois
jours de Tranchée ouverte ; ces fuccès qui
mettent en sûreté ma Frontiere de la Flandre
maritime , depuis la Lys juſqu'à la Mer,
& qui renverfent les projets que mes ennemis
n'avoient jamais ceffé d'y former , font
des preuves réirerées de la protection que la
divine Providence continuë de donner à la
juſtice de ma cauſe , & voulant lui rendre
les actions de graces qui lui en font dûës
je vous écris cette Lettre , pour vous dire
que mon intention eft que vous faffiez
chanter le Te Deum dans votre Egliſe Mé-
I iij
tro1694
MERCURE DE FRANCE.
tropolitaine & autres de votre Diocèfe ,
avec les folemnités requifes,& que vous invitiez
tous ceux qu'il conviendra , d'y affifter
fur ce je prie Dieu qu'il vous ait , M.
l'Archevêque de Sens , en fa fainte garde.
Ecrit à Dunkerque le 17 Juillet 1744. Signé ,
LOUIS. Et plus bas , PHELIPEAUX .
MANDEMENT de M. l'Archevêque
de Sens , Primat des Gaules & de Germanie ,
&c. pour faire chanter le Te Deum en
actions de grace de la prise de la Ville
d'Ypres , du Fort de la Kenoque , & de la
Ville de Furnes .
par
& l'au-
Jtoritédu S. Silagrace dolique , Arche-
>
vêque de Sens , Primat des Gaules & de
Germanie , Supérieur de la Maifon , Collé
ge & Société Royale de Navarre , &c. A
tous Doyens , Chapitres , Abbés , Prieurs ,
Curés , Supérieurs & Supérieures des Maifons
Religieufes de notre Diocèfe : Salut &
Bénédiction .
Quel torrent de Conquêtes , mes chers.
Freres ! Nos voeux font exaucés prefqu'avant
qu'ils foient formés ; les Places fortes précipitent
leur reddition . Le Ciel ne femble-t'il
pas combattre pour nous ? Tandis que les
premieres faveurs occupent encore les juftes:
fenJUILLET.
1744. 1695
timens de notre reconnoiffance , Dieu comble
de nouveau nos efperances par la prife
fubite de trois Places , dont les Remparts
multipliés ne fervent qu'à honorer davange
la rapidité de leur conquête. Triomphe
doux au vainqueur & aux vaincus . Le fang ,
le carnage , les larmes ne l'ont point foüillé.
Triomphe glorieux à notre Roi , qui retrouve
dans des Villes ennemies , des coeurs qui lui
font dévoués ; des Peuples qui triomphent
eux-mêmes du nouveau joug qu'ils reçoivent
avec joie , & qui croyent gagner autant
à fe foumettre , que le Vainqueur qui
fe les affujettit.
C'eſt à Dieu que doit retourner la gloire
de ces heureufes conquêtes ; c'eft lui , c'eft
le Dieu des Armées , qui tient dans fa main
la victoire & qui la diſtribuë felon ſes deffeins.
C'eft ainfi que l'a penſé notre Religieux
Monarque , & les pieux fentimens de
fa reconnoiffance dans lefquels il envifage
ces fuccès inefperés , nous font exprimés
dans les Lettres dont il nous a honorés &
dont nous vous. faifons part.
Mais en goûtant ces avantages , n'oublions
pas nos péchés, qui mériteroient plûtôt
des châtimens que des fuccès. Au milieu
des Conquêtes dont nous nous applaudiffons
, reconnoiſſons que tandis que la guer-
I iiij
re
1696 MERCURE DE FRANCE.
re fubfifte , & que la Paix fuit devant nos défirs,
la fureur du Très- Haut n'eft pas
éteinte
il ne
>
que fon bras eft encore étendu , Ifa. 5.
Craignons que , plus irrité de nos crimes ,
que touché de nos actions de graces ,
tourne contre nous ce bras vengeur , qu'il
femble vouloir étendre fur nos ennemis ;
s'il les frappe à nos yeux , nous fommes intéreffés,
comme eux,à le défarmer . La guerre
quoique heureufe , eft toujours un Aéau
& un fléau terrible ; fi nous en fentons le
poids , fentons encore plus celui de nos
péchés , qui l'attirent. Ils fubfiftent jufques
dans nos actions de graces. La joie qui éclate
dans nos fuccès , n'eft fouvent qu'une joie
profane, quelquefois foüillée par l'intemperance
& la débauche. Dieu la réprouve ,
dès que nous ne ceffons de l'outrager par
nos iniquités.
Uniffant donc les fentimens d'une componction
falutaire aux Cantiques de notre
reconnoiffance , méritons par la converfion
de nos coeurs , que Dieu , exauçant les vûës
pacifiques d'un Roi moderé jufques dans fes
conquêtes , & les foûpirs d'un Peuple qui'
s'humilie dans fes profperités mêmes , accorde
enfin à nos voeux cette Paix qui, felon
l'expreffion d'un Prophéte , eft l'ouvrage de
la fuftice. Et erit opus juftitia Pax , Ifa 32 .
Paix
JUILLET. 1744. 1697
Paix aimable , qui ramenera parmi nous la
tranquillité, la sûreté & l'abondance ; & fedebit
populus in pulchritudine pacis , & in
tabernaculis fiducia & in requie opulentâ.
A CES CAUSES , conformément aux ordres
de Sa Majefté , nous chanterons un Te
Deum folemnel le Dimanche neuvième jour
du mois d'Août prochain , en notre Egliſe
Métropolitaine ; & ordonnons de le chanter
dans toutes les principales Eglifes de
notre Diocèſe , avec toute la folemnité requife
& accoûtumée , le premier Dimanche
où Fête ,après que notre prefent Mandement
Yaura été reçu. Toutes les Communautés
Séculiéres & Régulières , les Officiers & les
Magiftrats des Villes y feront invités à la
maniere ordinaire . Donné à Sens le vingtcinq
Juillet , mil fept cent quarante- quatre.
Signé , J. JOSEPH , Archevêque de Sens.
Par M. MORICE DE S. JUST.
Iv MAN1698
MERCURE DE FRANCE.
MANDEMENT de M. Edme Mongin
Evêque & Seigneur de Bazas , pour ordon
ner des Prieres publiques ,pour la conferva-`
tion du Roi & pour la profperité de fes
Armes.
E Divine,
DME MONGIN , par la miféricorde-
Divine , & la grace du Saint Siége
Apoftolique, Evêque & Seigneur de Bazas,
Confeiller du Roi en fes Confeils Au
Clergé Séculier & Régulier , & à tous les
Fidéles de norte Diocèfe , Salut & Benediction.
Nous vous annonçons, Mes chers Freres ,
une grande nouvelle . C'eft le départ précipité
du Roi que nous venons d'apprendre:
par la Lettre dont il nous a honoré , & parlaquelle
Sa Majefté nous déclare qu'elle a
pris la réfolution d'aller commander fes armées
en perfonne. Réfolution courageufe &
bien digne d'un Roi pacifique , qui , laffé
d'avoir offert tant de fois la Paix à toute
l'Europe épuifée , nous invite à la demander
à Dieu & à en attirer für fes armes & fur
fa Perfonne facrée les plus précieufes & les
plus abondantes Bénédictions ! Réfolution
tendre & paternelle ! C'eft un Pere qui va
fe dévouer pour fes Enfans. Oiii , M.C. F..
le Roi aime fes Peuples autant que fa gloire,.
&
JUILLET . 1744. 1699
& il a lui-même bien fenti jufqu'à quel
point il en étoit aimé , par tous les coeurs
qui voloient après lui fur fa route , & par
toutes ces vives acclamations , qui font les
cris & les extafes de l'amour . En effet , à
voir, mêmedu premier coup d'oeil , cet Augufte
Prince , peut on fe défendre de fentir
tous les doux mouvemens qu'infpire la fur--
prife , le refpect & l'admiration ?
Adoré de toute fa Cour , rien ne l'arrête ;
part comme un éclair qui annonce la foudre
qu'il va porter , & qui déja fait trembler
tant de Villes , & déconcerte tant de Na--
tions à la fois. Puiffances jaloufes , qui faites
tant d'efforts pour vous raffembler, quel
fut votre étonnement quand vous vites ce
Monarque intrépide arriver fi prés de vous?
Vous l'admirâtes , fans doute , & vous en
fûtes troublées.. Ipfi (a) videntes fic admirati
funt , conturbati funt , commoti funt : tremor
apprehendit eos. Mais hélas ! n'eft ce point à
nous-mêmes à trembler à la vue de tous les
périls où le courage impatient du plus grand
& du meilleur de tous les Rois va l'expofer?
Vous le difiez autrefois , Roi Prophète ,
& voici le Fils de S. Louis qui le dir après
vous. Non , ce n'eft ni fur la force , ni fur le
nombre de mes troupes , ni für la valeur &
(a) Pf. 47. v . 6.
I vj
l'acti1700
MERCURE DE FRANCE.
l'activité de mes Capitaines que je me repo
fe , c'eft dans votre nom , (b) Seigneur, c'eft
dans votre ancien amour pour la France , &
pour le Fils aîné de votre Eglife , que j'établis
ma plus ferme efpérance. Me voilà prêt,
Seigneur , & je ne veux d'autre bouclier
que celui de ma Foi . Mais fouvenez- vous de
vos anciennes miféricordes , que j'invoque
& que j'implore par la bouche de vos fidéles
Miniftres.
C'est donc à nous , mes chers Freres , à
conjurer par nos prieres & par nos voeux le
Dieu des Armées de conduire lui-même la
main du Roi , ( c ) & de lui apprendre à com
battre & à vaincre. Efprits Céleftes , veillez
fans ceffe a la garde d'une Tête fi chere. Et
yous , Saint Roi , Roi glorieux , & Pere de
tant de Rois , foutenez tous les Trônes de
vos Enfans , & hâtez vous de faire defcendre
cette Fille du Ciel , cette Paix fi defirée
& fi néceffaire au repos de toute la Terre.
ACES CAUSES , pour nous conformer
aux pieuſes intentions du Roi , & après en
avoir conferé avec nos Vénérables Freres
Dignités , Chanoines & Chapitre , nous
avons ordonné & ordonnons que les Prie-
(b) Pf. 19. v. 8.
(a ) Pf. 143. V. I.
res
JUILLET . 1744. 1701
rès de Quarante-Heures fe feront dans notre
Eglife Cathédrale pendant trois jours , avec
l'expofition du Très-Saint Sacrement . Nous
les commencerons Dimanche prochain, jour
de la Pentecôte , par une Meffe folemnelle ,
à laquelle nous officierons pontificalement.
Nous ordonnons pareillement que les mêmes
Prieres de Quarante-Heures fe feront
dans la principale Eglife Paroiffiale de toutes
les Villes & Bourgs de notre Diocèſe , à
commencer le premier Dimanche , après la
réception de notre préfent Mandement. Enjoignons
aux Paroiffes , qui font dans l'enceinte
ou dans les environs defdites Villes
& Bourgs, d'aller proceffionellement un des.
trois jours faire Station dans l'Eglife où le
S. Sacrement fera expofé.
Et à l'égard des Paroiffes de la Campagne
& des Eglifes des Communautés Religieufes
exemptés ou non exemptes , nous ordonnons
que le Saint Sacrement fera expofé ,
pendant trois Dimanches confécutifs , feulement
durant les Vêpres , après lefquelles
on chantera le Pfeaume Exândiat & l'Oraifon
pour le Roi , & on donnera la Bénédiction.
Ordonnons auffi à tous les Prêtres Séculiers
& Réguliers de notre Diocèfe , de con
tinuer de dire à la Meffe les Oraifons pour
le
1702 MERCURE DE FRANCE.
le Roi,pendant tout le tems que Sa Majefté
fera en campagne , & de prier Dieu pour la
confervation de fa Perfonne facrée , & pour
la profperité de fes Armes. Sera notre préfent
Mandement lû & publié aux Prônes
des Meffes Paroiffiales , & affiché partout
où befoin fera, Donné à Bazas , dans notre
Palais Epifcopal le 21 Mai 1744. E. Evêque
de Bazas,
LATAPY , Sécretaire.
L
MORTS ET MARIAGE.
E 16 Juin , Jean - Baptifte Durand de Romilly,
loire , Chevalier de l'Ordre de S. Lazare & de Notre
Dame de Mont Carmel , où il avoit été reçû le
20 Décembre 1700 , mourut à Paris , dans la 72.année
de fon âge , faus laiffer d'enfans de teuë D.Germaine
Brethe de Clermont , morte le 18 Juin 17155
avec laquelle il avoit été marié le 18 -Mai 1712. Il
étoit fils de feu Philbert- Alexis Durand , Seigneur
de Chaumont , Préſident de la Chambre des Comptes
de Dijon , mort le 18 Juin 1708 , & de D. Philberte
Brunet de Chailly.M. de Romilly avoit pour
foeur Jeanne Françoife Durand , mariée le 10 Décembre
1709 avec François- Hugues de siry , Seigneur
d'Efchamps Baron de Couches , Préfident
de la Chambre des Comptes de Dijon , duquel ma
riage eft venu Pierre François de Siry de Marigny,
aujourd'hui
JUILLET. 1744. , 1703
aujourd'hui Préfident de la feconde Chambre des
Enquêtes du Parlement de Paris , & marié ave Dlle
Lotin de Charny. M. de de Romilly , qui donne lieu
à cet article , avoit pour frere aîné Philippe- Alexis
Durand de S. Eugene , Préfident de la Chambre
des Comptes de Dijon , avec lequel il fut maintena
dans fa Nobleffe , par Jugement des Commiffaires
Généraux du Confeil à Paris du 4 Juillet 1715.
Le Comte Poniatousky , Colonel dans les troupes
du Ro de Pologne , lecteur de Saxe , lequel étoit
venu fervir dans l'armée du Roi , en qualité d'Aide
de Camp du Maréchal de Noailles , eft mort à Vla
merting le 29, de la bleffure qu'il avoit reçûîë à l'attaque
des chemins couverts d'Ypres , âgé d'environ
20 ans .
Edme-François Turmenyes de Montigny , Seigneur
de Nointel , &c . ancien Premier Maître d'Hôtel de
S. A. R. le Duc d'Orleans , Régent , mourut le 4
Juillet , âgé d'environ 66 ans . Son Corps fut d'abord
porté à l'Eglife de S. Euftache , fa Paroiffe , dépolé
dans une Chapelle , & deux jours après tranf
porté à l'Eglife de fa Terre de Nointel , où il fur
inhumé le même jour.
Le Marquis de Wiffecq , Exempt d'une des Com
pagnies des Gardes du Corps , mourut le & à Ypres,
de la bleffure qu'il avoit reçûé devant cette Place,à
Pattaque de la Demi Lune , qui fut emportée le 20.
du mois dernier , il étoit dans la 21 année de fon
âge.
Charles d'Orleans de Rothelin , Prêtre , Docteur de
Sorbonne , Abbé Commandataire de l'Abbaye de
Cormeilles, Ordre de S Benoît , Diocèle de Lifieux,
P'un des Quarante de l'Académie Erançoife , Honoraire
de l'Académie Royale des Infcriptions &
Belles- Lettres , mourut à Paris le 17 , âgé de 93
ans.
1704 MERCURE DE FRANCE.
ans. Il étoit fi's puîné de Henri d'Orleans, Marquis
de Rothelin , Premier Guidon des Gendarmes de la
Garde du Roi , mort en 1691 , de fes bleffures , reçûës
au Combat de Leuze , & de D. Gabrielle - Leonor
de Montaut de Navailles , fille du Maréchal
Duc de Navailles . On n'ajoûtera rien ici fur les
grandes qualités de M. l'Abbé de Rothelin , dignes
de fa haute naiffance & d'être célébrées par les
meilleures plumes des deux Académies , dont il
étoit Membre. Par cette mort la République des
Lettres fait une perte confidérable.
Jofeph Bonnier , Baron de la Moffon , Confeiller,
Sécretaire du Roi , Maiſon , Couronne de France &
de fes Finances , Tréſorier Général des Etats de la
Province de Languedoc , Bailly & Capitaine des
Chaffes de la Varenne des Tuilleries , Pont S.Cloud,
Plaines de S.Denis,de Gennevilliers & Dépendances,
ci-devant Maréchal Général des Logis des Camps
& Armées du Roi , & Meftre de Camp du Régiment
Dauphin de Dragons , mourut , âgé de 41 à 42 ans,
ne laiffant qu'une fille , âgée de 2 à 3 ans , de fon
mariage, rapporté dans le Mercure du mois d'Août
1737, avec Dlle Gabrielle-Magdeleine Conftance du
Moucel de Louraille . Il étoit fils de Jofeph Bonnier ,
Baron de la Moffon Confeiller , Sécretaire du Roi,
Maiſon , Couronne de France & de fes Finances ,
mort à Montpellier le 15 Novembre 1726 , & de D.
Anne Melon , morte à Paris le 15 Août 1727. Il
avoit pour foeur unique Dile Anne - Jofeph Bonnier
, mariée depuis le 25 Février 1734 , avec Michel
Ferdinand d'Albert d'Ailly, Duc de Picquigny,
Pair de France , depuis Capitaine - Lieutenant de la
Compagnie des Chevau -Legers de la Garde du Roi,
fur la demiffion de M. le Maréchal Duc de Chaulnes,
fon pere , &Maréchal de Camp depuis le 2. Juin
3743.
Le
JUILLET. 1744. 1705
Le 1o Juin , Henry- François de Carrion' de Nifas ;
Maaquis de Murviel , ancien Capitaine de Cavalerie,
fils de Henri de Carrion de Nifas , Marquis & Baron
de Murviel , connu fous le nom de Marquis de Nifas
, Lieutenant Général des armées du Roi , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis , Baron des
Etats de la Province de Languedoc , Lieutenant de
Roi de la même Province , & ancien Commandant
pour S. M. , & pour le dernier Duc de Mantouë ,
dans le Mont- Ferrat , & de D. Anne- Gabrielle de
Murviel , Marquife & Baronne de Murviel , fut marié
en l'Eglife Paroiffiale de S.Euftache, à Paris , avec
Dlle Henriette Magdeleine Julie Joſeph de Cruffol
d'Ufez , fille de Philippe Emmanuel de Cruffol
d'Ufez de S. Sulpice d'Amboiſe , Marquis de S. Sulpice
, Baron des Etats de la Province de Languedoc,
& de D. Marie-Louife - Antoinette d'Estaing. Voyez
pour la Généalogie de l'Illuftre Maifon de Cruffol ,
le III Volume de l'Hiftoire des Grands Officiers de
la Couronne , fol . 762 , & pour celle de Carrion de
Nifas , confulez la premiere partie du fecond Regiftre
de l'Armorial Géneral du Juge d'Armes de
France , & c.
APTABLE
.
IECES FUGITIVES. Palémon , Tircis. Eglo
PISCES
gue , 1499
Réponse du R. P. Texte à une Lettre anonymes
& c.
1504
Nouvelle Traduction du Diftique de Virgile , Note
pluit totâ ,
Aveu à Mlle B.

1520
1521 :
1522
Lettre de M. D. L. R. fur l'Imitation de Jeſus-
Chrift ,
Réponse en Vers de M. F. . . à une propofition de
Mariage , 1533
Mandement de l'Evêque d'Auxerre , qui ordonne
des Prieres pour la Perfonne du Roi & pour la
profperité de les armes , & Lettre du Roi au même
Fvêque ,
Epitre en Vers à Mad. B... , en lui envoyant l'Extrait-
Baptiftaire de Mlle L.
Epigramme Latine fur le Vers à Soye , & Traduction
,
1535
1543
1545
Lettre de M. D. L. R. fur quelques fujets de Litterature
, 15464
Rondeau
irregulier
à M. L *** , en lui envoyant
fon Franc falé ,
Réponse
& Remercîment
à l'Auteur
du Rondeau
1561
ibid.
Mots des Enigmes & des Logogryphes des deux
Volumes de Juin , 1562
Autres Explications en Vers d'Enigmes & de Logogryphes
,
Enigme & Logogryphe ,
1563
1564
NOUVELLES Litteraires, DES BEAUX ARTS , & C.
Let
Lettres Patentes pour l'Etabliffement d'une Aca
démie à Rouen , 1567
Vers à M. de Fontenelle , fur l'Etabliffement de
cette Académie ,
Véritables Modéles de Latinité ,
Defcription du Ventilateur
1572
1576
ibid.
L'Amour de la Philofophie , nouveau Poëme de
M. Darnaud , Extrait ,
Livres Etrangers , chés Debure l'aîné ,
Panegyrique de S. François de Paule ,
Difcours prononcé à l'Ecole Militaire ,
Livre des affligés Pénitens ,
Sermons du P. Bretonneau ,
1577
1580
1585
1586

ibid.
1587
Hiftoire & Defcription de la nouvelle France ,
ibid.
Differtations fur l'Hiftoire Eccléfiaftique & Civile.
de Paris ,
Effai fur l'Efprit humain ,
Hiftoire des Indes Orientales ,
Tablettes Chronologiques , & c.
Leçons de Phyfique Expérimentale ,
1588
ibid
ibid
1589
ibid.
Les Moeurs & les Ufages des Romains , nouvelle
Edition ,
Nouveau Recueil de Poëfies
15901
ibid
ibid.
ibid
Septiéme & huitiéme Volumes de la Bibliothéque
Françoife ,
Hiftoire de la Ville de Montpellier ,
Sixième & dernier Tome des Actes des Saints
Ouvrages de M. Racine , le fils ,
"
1591
1592
Effais fur le Génie & le Caractere des Nations "
15937
Hiftoire générale des Pays- Bas , 1594
Oeuvres de Machiavel , ibid.
Recherches Philofophiques , & c..
ibid.
Mémoires touchant le Portugal ibid..
?
Efai
Effai fur l'Hiftoire naturelle des Polypes ,
Confultationes Medica ,
1594
1595
Nouvelle Edition de l'Introduction à l'Hiftoire de
l'Univers , ibid.
Septiéme & huitiéme Tomes des Cérémonies &
Coûtumes Religieufes , ibid.
Traité du Sublime de Denis Longin , 1596
Recueil de diverſes Fables , ibid.
Ouvrage du Pape Benoît XIV , 1597
Liber fingularis de Republica Galatarum , ibid.
Continuation du Recueil de Piéces de Litterature
ibid .
Mémoires du Comte de Guiche • 1598
Hiftoire de l'Empereur Charles VI , 1599
Eftampes nouvelles ,
ibid.
Nouvelles Cartes , 1600
Collection de Médailles , 1601
pour
Remedes les Dartres , & c.
-ܐ160
Chanfons notées ,
31603
1604
Spectacles , Extrait de l'Ecole des Amans , nouveau
Ballet ,
Le Ballet Héroïque des Graces remis au Théatre ,
1614
Hypermnefire remiſe au Théatre François , 1615
Les Graces , nouvelle Comédie , reprefentée fur le
même Théatre , ibid.
Coraline Magicienne , nouvelle Piéce Italienne , reprefentée
à l'Hôtel de Bourgogne ,
Vers à la Dlle Coraline ,
1616
1617
L'Opera Comique donne fon Spectacle gratis ,
1619
ibid. Illuminations dans l'Enceinte de la Foire ,
L'Ecole des Amours grivois, nouvelle Piéce , jouée à
l'Opera Comique ,
ibid.
Autre Piéce nouvelle , intitulée : le Déguisement
Paftoral , joüée ſur le même Théatre , 1620
NouNouvelles
Etrangeres , Turquie , Pruffe ,
Allemagne ,
Italie ,
Espagne ,
Génes & Ile de Corfe ,
1621
1623
1630
1632
1633
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
1634
ibid.
Le Roi déclare le Duc de Boufflers Lieutenant
Général ,
ibid.
S. M. affifte au Te Deum à Lille ,
Monfeigneur le Dauphin & Madame de France ,
font Parein & Mareine d'une Cloche aux Capucins
de Meudon , 1635
Monfeigneur le Dauphin vient à N. D. entendre
le Te Deum , voit tirer le Feu d'artifice , & ſoupe
à l'Hôtel de Ville ,
Promotion d'Officiers ,"
Réjoüiffances & Fête à l'Académie de Vandeuil ,
Concerts chés la Reine ,
Prifes de Vaiffeaux Anglois ,
Paffage du Rhin par les ennemis ,
Inveſtiſſement & Siége de Furnes ,
à Boulogne ,
ibid:
1636
1637
1638
ibid.
1645
1647
Le Roi ſe rend à Béthune , à S. Omer , à Calais , &
Extrait de Lettre de Dunkerque ,>
1652
1653
Action entre les troupes de S. M, & celles de la
Reine de Hongrie , 1655
&
1658
Le Roi couche à Boulogne , retourne à Calais ,
va à Gravelines & à Dunkerque ,
Les ennemis occupent les Lignes de la Lautern , &
s'emparent de Lauterbourg , de Wiffembourg, &
du Village d'Altſtatt ,
Wiffembourg & Altftatt repris par le Maréchal de
Coigny ,
1661
1662
Le Roi vifite les nouveaux Ouvrages faits à Dun-
Kerque
xerque , &c.
1663
S. M. paffe par S. Omer , par Bergues , couche à
Béthune , & fe rend à Arras , 1664
1665
1667
Le Roi va à Péronne , à S. Quentin , à la Ferre , &
à Laon ,
Les retanchemens de Belleins & de la Tour du Pont
forcés , & le Château Dauphin emporté par les
troupes du Roi ,
'Actions de Graces & réjoüiffances pour la prife
d'Ypres & de Furnes ,
Mandement de M. l'Archevêque de Paris , 1673
Les Six Corps des Marchands font chanter le Te
Deum ,
1672
1675
Mandement du Grand Prieur de S. Germain des
Prez ,
Le Te Deum chanté à N. D.
1677
- 1679
Feu d'artifice à l'Hôtel de Ville , & Illuminations,
ibid. Le Te Deum chanté à l'Abbaye S. Germain , & Illuminations
,
Defcription de la Ville d'Ypres ,
1681
1682
Prife du Fort de la Kenoque & de la Ville de Furnes
, Lettre du Roi , & Mandement en conféquence
,
1684
Le Te Deum chanté à N. D. & Illuminations , 1687
Le Te Deum chanté à l'Abbaye de S. Germain , &
Illuminations ,
Deſcription de la Ville de Furnes ,
1688
ibid.
Prieres & Réjouiffances à Châlons fur Seine ,
1689
Mandement du Cardinal de Tencin , 1690
Lettres du Roi à l'Archevêque de Sens , 1692
Mandement du même Archevêque , 1394
Mandement de l'Evêque de Bazas , 1698
Morts & Mariage , 1702
Errata
Errata du fecond Volume de Juin.
PAge 1409 ligne 13 ,Lucrece , lifez , Salluſte P. 1476 , l . 13 , embraffe , l . embraffoit.
Ibid. même ligne , couvrent , l. couvroient.
Ibid. 1. 23 , mit , l. on mit,
P. 1477, l. 2 & 3, on a fait , l. on fit. s'eft avancé , l.
s'avança.
P. 1478 , 7 & 8 , n'a pas étenduë , l. n'étendit pasa
P. 480 , 1. s , on , l. ont.
Ibid. 1. 10 du bas , eft , l. étoit.
P. 1486,1.3 , Science , l. Sciences .
P. 1487 , 1, 16 , Chulieu , t. Chaulieu.
Ibid. 1. 25 , Nontrice de , l . Nourrice de.
P. 1488 , l . 2 , dcs , l. des.
P. 1523 , au bas , l'E , l. Lenglet.
P. 1531 , 1. 3 du bas , Saccinis , 1. Sarcinis.
Fautes à corriger dans ce Livre .
Age 1502 , ligne 9 , ôtez la virgule après fatal .
P. 1515 , 1. 4 du bas , la Flandres , L. la Flandre.
P. 1521 , 1. 2. AVEU A M. B. l. AVEU A MLLE B.
P. 1523 , 1. 2 du bas , l'L , I. L.
P. 1548 , l . 8 , qui , l. qu'il .
P. Isso , 1. 7 , Canoniques. l. Canoniques ?
P. 1561 , l. 7 , recevrois , l . recevrois.
P.1566 1.13 , Pole Actique , l . Pole Arctique.
P. 1575,1. 9 , ôtez la virgule après libre , & mettez
en une après l'herbe .
P. 1579 , 1. 2 ,êtez la virgule après Des Airs.
P. 1588 , 1. 15 , Tome II. l. Tome III.
P.
P. 1603 , 1.5 , fur leur Empire chaque jour , l.
leur Empire , chaque jour
P. 1607 , l . 17 , fidele , l. fidelle .
P. 1611 , 1. 18 & 22 , place , 1. Place.
P. 1619 , 1. 4 du bas , differens , 1. differens
P. 1620 , l . 10 , premiere , ôtez ce mot.
P. 1624,1 26 , forme , l. forme.
P. 1632 , 1. 2 du bas , Teinture l . Teinture ,
1. 9 , Maraine , 1. Mareine.
P.
1635 ,
P. 1637 , l . 6. Ecuyer Roi 1. Ecuyer du Roi
いP. 1640 , 1. 5 du bas , fterling , fterlings ; & 1.7
auffi du bas , le , l . les.
P. 1644 , 1. pénultiéme , chaffés , l . chaffé
P. 1660 , l . 15 , lendemain l. le lendemain
La Chanfon notée doit regarder la page 1603
MERCURE
DE FRANCE.
1.
DÉDIÉ AV ROI.
AO UST. 1744.
URICOLLIGITI
SPARGIT
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME
ruë S. Jacques,
CAVELIER ,
La Veuve PISSOT , Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
M. DCC . XLIV
Avec Approbation & Privilege du Ro
A VIS.
'ADRESSE générale eft à Monfieur
LA >
visà
vis la Comédie Françoife , à Paris. Ceux qui
pour leur commodité voudront remettre leurs
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent fefervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter , & à ceux qui les
envoyent , celui , non-feulement de ne
pas
paroître leurs Ouvrages , mais même de les perdre
, s'ils n'en ont pas gardé de copie .
voir
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere main ,
plus promptement , n'auront qu'à donner leurs
adreffes à M. Moreau , qui aura ſoin de faire
leurs Paquets fans perte de tems , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meſſageries
qu'on lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS
MERCURE
DE FRANCE .
DÉDIÉ AV
AU ROI.
AOUST. 1744.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
ODE ,
Sur la Police perfectionnée fous le Regne
C
de LOUIS LE GRAND.
4
'Eft à toi , Mufe , que j'adreſſe
Aujourd'hui mes nobles tranſports.
Mon Sujet ici t'intéreffe ;
Infpire-moi d'heureux accords ,
Et toi , Police , dont les charmes
Ont cent fois calmé nos allarmes ,
Dis moi quel Prince , aimé des Cieux ,
Tu fis le témoin de tes veilles ,
A ij Et
1716 MERCURE DEFRANCE
Et raconte-moi des merveilles
Qui brillent encore à nos yeux.
+3x+
Ceffez , fameux Aréopage ,
Ceffez de nous vanter vos Loix.
A LOUIS venez rendre hommage ;
Soyez attentif à ſa voix ;
Venez admirer fa prudence ;
De Thémis il tient la balance ;
Admirez fon integrité.
Voyez comme il rend la juftice ,
Et comme il tend un bras propice
A l'indigent perfecuté.
Quel eft ce Héros plein de gloire ?
Quel eft cet Hercule nouveau
Accompagné de la Victoire ,
Qui Pa fuivi dès le berceau ?
?
Ce Vainqueur eft armé de ( a) foudre ,
Pour frapper & réduire en poudre
D'aveugles & cruels Sujets ,
Qui ,fur des riens toûjours en guerre ,
De leur fang arrefent la terre ,
Souvent pour les plus vils objets .
*3**
Fuyez, induftrieux Dédales ;
(a) Edit contre les Duels.
Sortez
A O UST. 1744.
1717
Sortez du Temple de Thémis ;
Bien-tôt vos trames infernales
Sentiront les coups de L O U I S.
Je le vois ; il parle ; il s'avance ;
Il va déployer ſa (b) puiſſance
Sur l'avarice des I'laideurs ;
Et le Démon de la chicane ,
Qui de l'injuftice eft l'organe ,
N'aura plus aucuns défenſeurs,
炒菜
Venez , lumieres éclatantes ;
Venez , célebres Magiftrats ;
Prenez vos armes foudroyantes ,
Pour réprimer les attentats.
C'eft votre éloquence divine ,
C'est elle qui feule ruine
Ea plus noire malignité.
Docte Sénat , (c) c'eft ta prudence
Qui prend fans cele la défenfe
De l'honneur & de l'équité.
O vous , dont l'intérêt renvcrfe
Arts & talens & probité;
Vous , qui du précieux Commerce
Banniffez la fidélité ,
(b) Abus de la Juftice réformés.
(c) Le Parlement de Paris.
!
A iij No
1718 MERCURE DE FRANCE.
Ne craignez -vous point la colere
D'un Roi , qui fut toujours le Pere
Et le vengeur des opprimés ?
Mais fur vous fon ( d) Tonnerre éclate,
Et vous n'avez plus rien qui flate
Les vains projets que vous formez.
L'ordre, par tout fi néceffaire ,
Vient de rentrer dans tous les droits ,
Et la licence Militaire
Se foumet enfin à fes Loix .
Par des Reglemens (e ) très- folides
On retient les mains trop avides
De nos redoutables Soldats.
On leur apprend que les Provinces.
Ne font pas moins cheres aux Princes ,
Que la valeur dans les combats.
Si de plus d'un Roi, dans l'Hiftoire ,
Nous admirons la pieté ;
Dans LOUIS admirons la gloire
De venger la Divinité.
Tantôt , comme un autre Moïle ,
Il foûtient fortement l'Eglife
Contre des Dogmes ( f) odieux ;
(d) Reglemens faits fur le Commerce.
(e) Cole Militaire de Louis XIV.
(f ) L'Hérefic.
Tanta
A O
UST. 1744.
1719
Tantôt il chaffe l'Héréfie ,
Qui tombe avec ignominie
Sous fes efforts victorieux .
**
Que vois- je ? Sont -ce les Etoiles (g)
Qui nous fuivent de toutes parts ?
La nuit , avec les fombres voiles ,
N'ofe approcher de nos remparts.
Il n'eft plus de Monftres perfides ,
Armés de poignards homicides
Pour attaquer tous les paffans.
Une attentive (h) ſentinelle ,
A nous garder toujours fidelle ,
Les défend contre ces Brigans.
炒茶
Triomphe , admirable Police ;
Que chacun fente ton pouvoir ,
Et fais toujours la guerre au vice ,
Pour le ranger à fon devoir.
C'eft par toi , Police charmante ,
Qu'un de tes Favoris ( i ) invente
Mille moyens de nous fervir.
(g) Les Lanternes dans les ruës de Paris .
(h) Le Guet à pied à cheval.
1
i ) M. d'Argenfon , qui fous Louis XIV . exerça
la Charge de Lieutenant Genéral de Police , avec une
intégrité & une application dignes des plus grands
éloges.
A iiij
1720 MERCURE DE FRANCE
11 fçait par un art fecourable ,
Et par un zéle infatigable ,
De tout péril nous garantir.
DISCOURS Latin fur l'Amour de la
CE
Patrie.
EXTRAIT.
E Difcours fut prononcé le ro Février
1744 , par le R. P. Geoffroy , de la
Compagnie de Jefus , Profeffeur de Rhétorique
au Collège de LOUIS LE GRAND,
L'Orateur répondit parfaitement à l'idée
avantageufe qu'on s'étoit formée de fon mérite
& de fes talens , & parut digne , dès fon
entrée dans la carriere, de marcher àla fuire
de tant d'hommes célebres , qui ont rempli
avec gloire , prefque fans interruption , depuis
plus d'un fiècle , la place qu'il occupe
aujourd'hui. Son Difcours mérita les éloges
d'un Auditoire nombreux & choifi, & il n'a
point démenti à l'impreffion le brillant fuccès
qu'il a eu à la prononciation . Nous en
allons donner , autant qu'il eft poffible , une
analyſe exacte & un précis fidèle , fans prétendre
néanmoins en réunir toutes les beautés
il faudroit copier la Piéce même & la
mettre toute entiere fous les yeux du Lecteur;
AOUST. 1744. 172.1
teur ; c'eft un beau Tableau qu'il faut voir
dans fon jour ; quelques traits repréſentés fidélement
aux yeux du Lecteur éclairé , fuffiront
pour le mettre fur les voyes, & lui faire
juger par analogie , du mérite de tout l'Ouvrage.
ر د
Le Sujet eft vafte , mais intéreffant ,
puifqu'il n'y a point d'homme , qui n'ait des
devoirs à remplir à l'égard de la Patrie . L'E
xorde commence par une précaution' oratoire
, que l'Orateur a jugé néceffaite . » L'a-)
» mour de la Patrie , dit il , étant fi nature
» à tous les hommes , & particulierement
>> aux François , on s'étonnera peut- être de
» me voir traiter un Sujet , qui n'ayant nila
grace de la nouveauté, ni la furprife du Pa
» radoxe, n'offre rien, ce femble, qui doive
» intéreffer ou piquer l'Auditeur .... Il eſt
» vrai , M M. mais n'étant encore recom-
» mandable par aucun endroit auprès de
» vous , au défaut de tout autre mérite , j'ai
» crû que c'en feroit un pour moi, fi l'A-
» mour de la Patrie fignaloit les premiers
» efforts de mon Eloquence , & fr elle en
portoit , pour ainfi dire , l'empreinte &
» les couleurs . Si Eloquentia qualifcumque
» mea primos conatus apud vos per ipfa Patria
» veluti lineamenta effingerem.
Appellé , continue- t'il , dans ce Lycée ,
» pour y former, moins des Orateurs que
dea
A v » Ci
1722 MERCURE DE FRANCE.
» Citoyens, ai -je dû paroître Orateur à vos
» yeux,avant que d'y paroître Citoyen ? N'é-
» toit il pas jufte au contraire , &c. La jeune
Nobleffe élevée dans les Lettres & dans la
Vertu au Collège de Louis LE GRAND ,
n'eſt pas oubliée dans ce morceau .
Suit un Eloge du P. de la Sante , ancien
Maître & prédeceffeur immédiat de notre
Orateur dans l'épineux emploi de Profeffeur
de Rhétorique au Collège de LOUIS LE
GRAND. Cet Eloge eft ingénieux , & ne
fait pas moins d'honneur au Difciple reconnoiffant
, qu'au grand Maître , qui en eft
l'objet. Il mérite d'être lû.
L'Orateur paffe enſuite à ſa diviſion , &
fe propofe d'examiner 1 ° . ce que c'eft que
l'Amour de la Patrie , & combien il eſt digue
du Citoyen.
20. Ce qu'il exige du Citoyen , pour être
digne d'elle.
Il termine fon Exorde , en priant l'Auditeur
de pardonner au Citoyen tout ce qu'il
trouvera de défectueux dans l'Orateur. Orator
quidquid peccaverit condonate Civi.
La force impérieufe de l'Amour de la Patrie
, le courage invincible qu'il infpire ,
Pattrait enchanteur dont il captive & enchaîne
tous les coeurs , font les trois fubdivilions
, qui partagent & rempliffent la premiere
Partie.
» Les
AOUST . 1744.
1723
89
"
Les autres affections du coeur , dit l'O-
>>rateur , doivent bien fouvent leur origine
» à l'Education & au Préjugé , quelquefois
» à l'imagination , & prefque toujours à la
» Paffion ; elles ont leurs viciffitudes , leurs
« révolutions , leur décadence ..... L'Amour
de la Patrie ne connoît point ces
» variations bizarres ; il naît & meurt avec
» nous ... naſcitur nobifcum ... illo præeunte
»infantis cujufque apud fe nati animum tacitè
quodammodo ingreditur, Civemque defignans
» in homine vix delineato , primos fibi vendicat
» vagitus pueri , viri fingultus habitura veľ
" ultimos . Ardet ignis ifte finu nondum calente
»fervidus , vitalis anima praviofpiritu ventilatus
, infantia fafciolis impeditus non cap-
» tivus , immerſus umbris non oppreſſus , rora-
» tus lacrymis non extinctus , nec ceffat inter
» obferatos fenfuum meatus vi quâdam invictâ
obftrepere,donec per depaftos pueritia obicès
» ad rationis ufque facem eluctatus iter , eas ab
» illâ concipiat flammas , quæ fubindè ad imperii
totius fplendorem fulgeant.
"
""
Les Peuples , même les plus barbares &
les plus infenfibles à tout le refte , ne le
font point à l'Amour de la Patrie : » Scytham
fuccendit inter nives , Hircanum fovet
»inter nemora , Perfam & Indum Caucafea
interfaxafubigit, Thracem rapit ad arma,& c .
L'Orateur nous repréfente enfuite l'affec-
A vj
tion
$ 724 MERCURE DE FRANCE.
"
tion pour la Patrie, comme une Reine puif
fante, qui exerce un pouvoir abfolu für tous
les coeurs ; l'Univers eft fon Empire , tous
les Peuples fes Sujets , tous les Tréfors fes
revenus , tous les hommes fes Guerriers.
Voyez-les , dit-il , ces hommes magnani-
»mes , guidés par l'Amour de la Patrie ; ils
bravent les périls & les dangers.... Envain
« leurs Epoufes éplorées s'efforcent- elles de
les retenir ; envain leur offrent - elles les
tendres gages de leur amour ; la Patrie
» parle ; fourds à toute autre voix , à celle
» même de la tendreffe & de l'amour , ils
courent avec joye le précipiter au milieu.
» des hazards.
Vient enfuite le Caractére des differentes
Nations de l'Europe , des Anglois , des Allemands
, des Italiens , des Savoyards . Voici
ceux des Hollandois , des Eſpagnols & des .
François. « In Bataviâ , non aliter ac merca-
» tus quem exercet , intentus fænori , moras lu
»cro novit apponere ; haud tamen culpandus ,
»nifi , ut fit fæpè in mercatu , lateat infidiosa
nocte , luce ut quaftuosâ fulgeat .... In Hifpania
parturit graviter , eventum trulinat,
»&fortunam lentâ quâdamfeſtinatione concis
»liatam ad fe deducit , tunc magis ipfe timendus
cim timere magis ipfe videtur ....In Galliâ
aflu præceps , ingenitâ quâdam alacritate for-
20.1unam pracurrit , eventumque præoccupat ,.
2. bac
B
AOUST. 1744 172
hoc magis cavendus aliis , quod fibi minus
sipfi caveat.
33
La Haine d'Annibal , ce fier ennemi de
Rome , & le courage invincible du Peuple
Romain à défendre la Patrie après les fanglantes
Journées du Tefin , de Trebie & de
Cannes , offrent un beau champ à l'Orateur,
» Odium Romæ jurafti , Annibal ; aderit fua
fed nec omnis nec omni Sacramento fides
» Illam inter Ticini Undas fpectabis prop
» naufragantem , femianimem ad Trafimeni
»Lacus fpoliabis , urgebis ardentem ad Trebia
» Ripus , in agris Cannenfibus habebis propè
funeratam. Plura ne fperaveris
Te ad
» Capitoliumfiftet illa vel undique pervia ,vincet
vel indefenfa , vel attrita conteret ....
» Illa tibi opponet Cives , quos vel ipfo Larium
»fuorum intuitu & igne fuccenfa pairie fax
» ad redimendas clades fuas eo inflammabir
» aftu, qui te vel inter laureatos victoria
multiplicis aggeres clade non reparanda
» obruat , &c.
ל כ
La ruine de Sagonte mérite encore de
trouver place ici . » In Italiam properanti
» ( Annibali) occurrit Sagantus , Orl's quan-
» tula , fed quanta Civitas ! Cedit hac victori
Alpium ; arcem ingredere qua jam tus eft....
» Illam requiris in illa medias ? Rogum hunc
afpice congeftis ædibus ardentem , bic omnis
Saguntus eft.Gentem petis? hac vide hominum
»fimulacra
1726 MERCURE DE FRANCE.
39
»fimulacra fervente buſto pro mortis jure de-
»certantia ; in his ftat tota Gens . Opes repofcis
victori promiffas Militi ? Hunc cinerem oc-
»cupa , nifi hunc etiam defendant funere in
ipfo vivaces anima , & inter incendia pugnaces
umbra tueantur. Quaris hos ignes quis in-
»jecerit ? Civilis Amor .... odio tuo atrocior.
On voit par tous ces traits & par le ſtyle
qui y régne , que Pline & Seneque ne font
pas les Héros de notre Orateur .
Les Républiques Grecques & Romaine
offroient bien d'autres exemples fameux du
courage invincible, qu'infpire l'Amour de la
Patrie , mais l'Orateur , par une fage oeconomie
, n'a fait que les indiquer , & il termine
cette feconde fubdivifion par un parallele
fuivi de nos Héros François avec les Héros
Grecs & Romains. Les Caractéres de du
Guefclin , du Connétable de Montmorenci ,
du Duc de Guife , d'Alexandre, & de Henri
IV , font touchés avec une fineffe & une délicateffe
de Pinceau , peu communes . Voici
ceux de Charles XII , Roi de Suede & du
Czar Pierre le Grand , Ce morceau vientimmédiatement
après le parallele d'Alexandre
& de Henri IV. » Principem utrumque pari
» indole , exitu diffimili propè redivivum ætas
» etiam noftra fufpexit , Alexandrum in Carolo,
Succo Principe , fed fobrium, magis acrem,
» tam animoſum, æquè precipitem, Heroëmfortè
« nimis ,
AOUST. 1744. 1727
nimis , nec fatis Regem Henricum ( IV) in
» Petro , Mofcho Cafare , magis ferocem inge-
» nio , ac ftudio fubactum , humanum cultu ,
» exercitationepropè Gallum, Regem fortè ma-
»gis quam Heroëm , fed nec indigum Heroica
laudis , & laude Regiâ cumulatum : ambo
>
» bellis mutuis exercitati .... Carolus Germa-
» niam armis concufferat , Poloniam praliis
» occupaverat Mofcoviam labefactaverat
» victoriis , Orbem penè totum nominis fui ter-
» rore ità repleverat , ut praviafortitudinis fa-
» ma opera vix quidquam fortitudini relinque-
» ret. Mofchus vero Cafar victus fæpe , num-
» quam fractus , Imperio propè fuperftes Impe-
» rator , ita ftetit in adversâ forte , ut ab ipsâ
»fortunæ pertinacia conftantiam edoceretur que
» illam frangeret. Suecia Rex occidit eo demùm
faro quod Alexandri decebat amulum ....
»populisque nihil fui præter famamfactis pa-
» rem , nec minus famâ ipsâ defiderium reliquit,
» Heros major fi magis Civis. Regnavit Mof
» covia reparator eå dudum fortunâ quam
Henricus meruerat , imperia luftravit plurima
non fpectator otiofus ,fed operofus explorator ;
» Artes in eis varias didicit Tyro , tractavit
» Artifex , in Patriam afportavit redux , fua-
»fit Hortator , Magifter edocuit , illuftravit
"
Princeps , Imperator promovit , & inter illa-
» rum ftudia occumbens , Gentem reliquit inf
» tructam claffibus . ... Litteris perpolitam....
» imbutam
1728 MERCURE DE FRANCE
» imbutam Moribus .... virtutum fucco non-
» dum vegetam , fed jam earumfuffufam colorë
at nexu foederatam , maximus Princeps idem
w & Civis optimus .
L'Exemple d'Ovide , qui foupire avec tant
de grace & d'harmonie après fa Terre natale,
& celui d'Uliffe , qui cherche à travers mille
écueils fa Patrie fugitive , prouvent d'une
maniere fenfible & touchante l'attrait enchanteur
qu'a pour tout homme la Terre
qui l'a vu naître.
»
Echappé , dit le P. Geoffroy , aux fu-
" reurs & aux poifons de Circé , un heureux
» naufrage vous fait aborder , Uliffe ,à l'Iſle
» enchantée de Calypfo;là tout s'empreffe a
vous faire oublier vos malheurs . Le fommeil,
fi long- tems refufé à vos defirs , vient
affoupir fur un lit de fleurs vos fens épui-
"fés , & rendre à vos membres fatigués leur
premiere vigueur ....Tout s'offre à vos
» défirs, tout les prévient ; les ris & les jeux
»vous environnent de toutes parts & volti-
»gent fans ceffe autour de vous; des plaifirs de
» toute efpece, tels que l'imagination riante
» d'un Fenelon peut feule enfanter & décrire,
» s'offrent en foule. Pour comble de faveur,
» une Déeffe aimable vous offre l'immorta-
» lité . Joüiffez , trop heureux Uliffe , d'un
fort fi doux & fi flateur ; fixez votre féjour
dans cette Terre délicieufe ; oubliez la Mer
ל כ
30
» &
A O UST. 17.44 1729
»
'
& les écueils ; oubliez .... non , MM ;
» inſenſible à tout autre bonheur qu'à celui
" de revoir fa Patrie , l'immortalité ne le
» touche point.Ithaque eft toujours préfente
» à fon efprit; elle occupe toutes fes pensées;
elle emporte tous les défirs de fon coeur....
» mais qu'eft-ce que cette Ithaque , direz-
» vous ? Une Terre ingrate & deferte , une
" roche aride & ftérile. N'importe ; c'eft fa
» Patrie ; il aime mieux payer le tribut à la
» Nature fur ce rocher qui l'a vû naître
» que de vivre immortel , mais Etranger
» dans l'Ile fortunée de Calypfo ... Ulyffe ,
» dira - t'on, étoit Roi d'Ithaque ; l'éclat d'u-
>> ne Couronne peut éblouir ....
éblouir .... Voici ,
» continue l'Orateur , ce Sauvage nouvelle-
» ment arrivé des Forêts de l'Amérique.
» Dieux ! quelle figure ! Eft ce un hom-
» me ?... mais pourquoi cet air fombre &
» rêveur ? .... Eh quoi ! lui dit-on , l'allegreffe
de tant d'hommes qui vous envi-
» ronnent ; leurs défirs empreffés ; leurs ca-
» reffes ne peuvent- ils vous diftraire un moment?
Ne prendrez- vous aucune part à la
» joye publique , vous qui en faites la meilleure
partie ... Jettez au moins les yeux
« fur cette Ville fuperbe ; joiiffez du charmant
fpectacle qu'elle vous offre ; voyez
la majefté de fes Edifices , leur nombre ,
> leur grandeur , leur richeffe , leur magni-
» ficence ,
99
3
1730 MERCURE DE FRANCE.
» ficence , leur ftructure , leur fymmétrie ;
»voyez la multitude innombrable de fes ha-
» bitans , la largeur & la beauté de fes ruës ;
» voyez ces Places publiques , couronnées
» de Palais fomptueux ; voyez-y ces Monu-
"mens , chef-d'oeuvres de l'Art & du Goût;
» contemplez , & c ..... Que penfe- t'il de
» tout cela, M M ? Ces maffes énormés frap-
» pent à la vérité ſa vûë errante & étonnée ;
"il les regarde avec furprife ; l'éclat dont
elles brillent l'ébloüit , mais fon coeur les
» dédaigne. Quorfum verò ? Nemorofos Penates,
Lares erraticos , confcios natalium receffus
, & confignata infantia rudimentis antra
cogitat. Sed hæc vix humana ſunt , imờ
»ne humana quidem , fed in his Patria Tellus
» eft. Et que vix habitanda videntur homini ,
» Civem totum loca fibi vendicant.
Les devoirs que l'Amour de la Patrie exige
du Citoyen , ce qui fait la feconde Partie,
fe réduifent à deux. Faites pour elle tout ce
qu'elle mérite que vous faffiez. Ne faites pour
elle que ce qu'elle veut que vous faffiez . Ces
deux fubdivifions , toutes fimples qu'elles
font , fourniffent à l'Orateur l'occafion de
fe déveloper , en quelque forte , lui- même,
& de faire agir les refforts d'une Eloquence,
également ingénieuſe , délicate & enjoüée.
Il compare d'abord le Corps Politique .
avec le Corps Humain. » Les uns , dit-il
« font
AOUST. 1744. 1731
"
»font dans le Corps Politique ce qu'eſt la
» Tête dans le Corps Humain . Elevés aux
≫ premiers rangs , ils exercent un pouvoir
» abfolu fur les Membres qui leur font ſub-
» ordonnés ; fubordination précieuſe ! C'eſt
» à elle que font attachés le fort & la defti-
» née des Empires.....Vous l'avez éprou-
" vé , Rome , Ecole féconde de Vices & de
<< Vertus , en fait de Politique , comme en
» toute autre choſe. Tandis qu'une douce
» union a regné entre les Membres de votre
République , tranquille au- dedans , redou
» tée au déhors , vous avez été la Maîtreffe
» du Monde . L'harmonie a-t'elle été trou-
» blée ? La difcorde , l'ambition , la jaloufie,
» la fureur , ont- elles armé le Citoyen con-
» tre le Citoyen , & défuni les Membres de
» de vafte Corps ? quelles Scénes tragiques
» n'avez - vous pas données au Monde !
Quelles révolutions ! Quelle décadence
» n'avez-vous pas éprouvées ! ...Agité par
» le fouffle féditieux des factions oppofées,
quelles tempêtes n'a pas effuyé le Vaiffeau
» de la République ? A quels écueils n'eft- il
" pas venu fe brifer ? &c. France , tu n'as
» pas un fort pareil à craindre. Eo tenente
Sceptrum Rege, qui varia per obfequia diffufos
Regni ordines Imperio fuo ita colligit , ut te
»fatifecuram tui , alieni arbitram , Orbis par-
»tim amicus gratuletur , partim inimicus ti-
» meat,
و ر
و و
1732 MERCURE DE FRANCE.
و د
meat , Spectator omnis admiretur . Mais quel
lugubre Spectacle ne t'offriront point tes.
propres Faftes, Si ex hoc fublimiorefelicitatis
gradu oculos in eam atatem conjicias , quâ
tuis à te defcifcentibus,ruentibus in te exteris,
utrifque præda & ludibrium ità miferè jacebas
, ut tibi imperaret nemo , fervires omniwbus
, & ipfa Regnum tolleret Regnantum
» multitudo.
L'Orateur peint enfuite les qualités que
doit avoir un vrai Citoyen . Quem appellabo
Civem ? &c. A la tête de ceux qu'il juge dignes
de ce Titre flateur , on voit marcher
M. le Prince de Conty , Général de l'armée
d'Italie. » Civem appello Heroëm , qualem fran-
»genda expectant Alpium culmina , & percuſſa
»jam faxa refonant , quem , fi de ejus praftan-
» tiâ Proceres interrogaveris , dicant animo ut
genere Principem..... St fortitudinem à mi
»litibus repetas , votis efflagitent Ducem; quem
» deniqu : Aula , ut fuas delicias indicet, Civi
stas ut fuos amores exprimat , Caftra utfuam
fpem fignificent gratulatione divisâ , concor
di admiratione , CONTIUM nuncupabunt.
»
M. le Premier Préfident tient auffi un
rang diftingué parmi les vrais Citoyens.
Civem appello virum , qui in eo Senatu conftitutus
, cujus fplendor Gallia ipsâ longiùs
» diffunditur , ità in variis ejus dignitatum gra-
»dibus ftetit , ut primum autingeret excelfitate
» mentis,
A O UST. 1744. 1738
mentis , primum ità occupat , ut omnes labo-
→ rum univerfitate complectatur ; qui munus
» quàmſplendidum tam difficile tunc auſpica-
»tus cum gravia juberet gravior neceffitas , ità
2fe geffit Regi gratus ac Populo , ut alterius
»promoveret jura , alterius fuperaret vota
confuleret utriufque commodis , & amores colligeret
; dignus qui & ab Auguftiffimo Sena-
» tu ftudiorum fuorum interpres , unus præter
» morem electus, mitteretur in Regiam; & beni-
»gnè admitteretur ab eo Rege , qui optima mo-
» neri cùm velit , audire amat optimos .
Cet Eloge , où le coeur * ne parle pas
moins que l'efprit,fut extrêmement applau
di , & excita dans l'Auditoire un murmure
d'approbation , non moins flateur pour
l'illuftre Magiftrat , que pour l'Orateur.
Les Membres illuftres des trois Académies
de Paris font encore mis par le Pere
Geoffroy au nombre des Citoyens utiles .
L'Eloge de l'Académie Françoife eft fort
beau , & digne de cette brillante Societé
Littéraire.
L'Orateur termine cette feconde Partie
par une fuite de Caractéres d'hommes inutiles
à l'Etat , ou peu propres par leur ignorance
, leur peu de lumieres , leur molleffe ,
leur inconftance , leur incapacité de rendre
* M. le Premier Préfident honore l'Orateur de
fon eftime & de fon amitié.
fervice
1734 MERCURE DE FRANCE.
fervice à la Patrie.Cette feconde fubdivifion
n'eft pas la moins intéreflante. Nous en allons
citer quelques morceaux , par lefquels
nous finirons cet Extrait.
Voici ce qu'il dit d'une certaine efpece
d'hommes , qui n'eft malheureuſement que
trop commune aujourd'hui. On verra s'il
les peint d'après nature .... » Homuncio-
» nes polituli , quorum laus eft unica , ftertere
» molliter , blandiri ferociter , ineptire ſuaviter
, & cum pretio quodam vilefcere .
»fero pueri , citò fenes , numquam viri……….
Il peint ainfi ces hommes , » qui faginate
» molis intrà cancellos defidiosè revoluti , na-
» tura pinguis orbe fluenti ac nitido verfant
»fefe cum labore &fine opere , ficque in Patriå
» vrvunt , non ut ejus opes ftudio foecundo reno-
» vent veluti apes induftria , fed inertes fuci
Dvoraci otio abfumant.
"
Et ces Mifantropes , » qui fic apud fe vic-
» titant foli ac fegreges, ut nec aliis vivant nec
»fibi , in Patria Tellure hofpites , in propria
»familiâ exules , alieni apud fuos , apud fe
»ipfos peregrini , raro cum hominibus , vix
» unquam homines.
Nous ne fçavons fi le morceau fuivant
fera fort goûté par une certaine Secte de
Politiques. » Illos ejice Civilium rerum exploratores
faftiofos , qui tunc fibi maximè
m in gente fua fapiunt , cum fapit ipfis nihil
» quod
A O UST. 1744. 1735
»quod gentile fuerit , Philofophi nomine , maledici
officio , alieni ftudio , affectu propè hof-
» tes , Regionis omnis præter quam sua pracones
,fua & omnis imperiti aquè & ofores ,
» laudatores Reipublica , quoniam in Regno
» nati , futuri laudatores Regni , fi in Repu-
» blicâ editi.
Ces Peintures font ingénieufes & de bon
goût. C'est une juftice qu'on doit rendre
au P. Geoffroy ; fon Pinceau eft véridique ;
il caractériſe bien chaque chofe , & la peint
avec les couleurs qui lui font propres. Ses
Héros font tirés d'après nature , & tels que
l'Hiftoire nous les repréfente. Le brillant
du coloris ajoûte encore un nouvel éclat à
fes Portraits , en rehauffe la fineffe , & leur
communique un nouveau luftre ; on peut
dire auffi qu'il s'eft peint lui -même dans ce
Difcours , puifque tout y refpire le grand
Orateur & le bon Citoyen.
LET1736
MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. Desforges Maillard,
à M.le Préfident Bouhier , de l'Académie
Françoife.
L
Es Ouvrages des Anciens , Monfieur ,
deviennent le patrimoine des Modernes
, qui fçavent imiter. Pourquoi donc ,
quoique mon coeur ne foit pas copiſte de
fes fentimens pour vous , n'en pourrois-je
point emprunter la tournure dans l'Ode
d'Horace , Donarem pateras , & pour vous
donner vos étrennes en ce commencement
d'année ? Rouffeau s'en eft bien fervi par
original dans une Lettre à M. Duffé , que
j'ai lûe dans quelque Edition de fes Poëfies.
Je vous donnerois , cher Bouhier ,
De belle Porcelaine fine ,
Gobelets , Taffes de la Chine ,
Avec un joli Sucrier ;
Item , en guiſe de Médailles ,
Quelques boiffeaux de gros écus ,
Préfens qui ne font de refus ,
L'Auteur difant que ces clincailles
Sont agréables aux amis ,
Don
AOUST. 1744.
1737
Dont par l'efprit Philofophique
Les noeuds font les mieux affermis.
Mais comme à ce fameux Lyrique ,
Dont la fortune étoit modique ,
Ce ne fut oncques le vouloir
Qui me manqua , mais bien l'avoir.
Par ce Morceau de notre Horace ,
On voit que Rome eut ſes Gaſcons ,
Et qu'éparſe en tous les Cantons ,
C'eft une très- antique Race.
Les Critiques , qui veulent que les Odes
de M. de la Motte ne foient que de la bonne
Profe , pourroient en affirmer autant de
l'Exorde de celle Donarem pateras , mais
l'Aigle Latin ſe dreſſe enſuite fur fes
>
ergots,
& s'envole dans les nuës. J'avois deffein
M. de vous propofer quelques difficultés
Littéraires. Mes embarras , que vous fçavez,
m'en empêchent . Je connois parfaitement
la Mufe Moufquetaire de Saint Gilles , Poëte
François. C'eft de Saint Geniez , Poëte Latin ,
natif d'Avignon , que je vous ai parlé . Il eſt
extraordinaire que je vous aye adreffé une
Lettre qui eft imprimée il y a un tems infini
dans l'onziéme Volume des Amuſemens du
Coeur & de l'Efprit , & que vous n'en ayez
rien vŷ. Je voulois vous en épargner le
B port
1738 MERCURE DE FRANCE.
port, parce qu'elle eft longue , fur la promeffe
que l'Auteur du Recueil m'avoit faite
de vous en envoyer la feüille. Il n'eft pas
poffible qu'à la fin ce Volume ne parvienne
jufqu'à Dijon, Je vous remercie , M. du nouveau
Recueil de vos Poëfies. Vos Traductions
font des Originaux , & les Originaux
vous traduiroient aujourd'hui de la même
maniere , fi le deftin avoit tranfpofé vos
naiffances & vos âges.
Puiffiez-vous , reſpecté , chéri ſur l'Hélicon
Et confervant la même flâme ,
Jouir de la fanté du tendre Anacréon ,
Comme vous en poffedez l'ame !
J'ai l'honneur d'être , M. &c.
A .... ce ... Janvier 1744.
SUITE
A O UST. 1744. 1739
SUITE de l'Extrait de la Lettre de M. le
Cardinal Quirini , écrite à M. de Boze ,
Directeur de l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles- Lettres.
N
Otre Caufe , Monfieur , au fujet du
10 Verfet du Pleaume 95 , ne pouvoit
tomber en de meilleures mains. M. le
Cardinal , après avoir examiné la Queſtion ,
après avoir lû tout ce qui a été imprimé ſur
ce fujet en differens Mercures , s'arrêtant au
point important , & qui eft le plus de fa
compétence , déclare hautement , page 13 ,
que la Leçon regnavit A LIGNO , manque
abfolument dans tous les Manufcrits Grecs
du Vatican des OEuvres de S. Ephrem . Carent
ii omnes , ne uno quidem excepto , quos diligenter
infpexi. Il demande enfuite ce que
répondroit à cela le P. Tournemine , s'il
étoit encore au monde ? Quid ad hac Doctiff.
Pater Turnemenius , fi in vivis degeret ,
refponderet Il ajoûte que cette Leçon manque
pareillement aux Manufcrits d'Angleterre
, fur lefquels a été faite l'Edition d'Oxford
, ainfi qu'au Manufcrit de la Bibliothéque
de S. Mare de Venife , qu'il a eu foin
de faire confulter.
que
Et parce que
>
le P. Tournemine avoit dit
Bij affir1740
MERCURE DE FRANCE.
- affirmativement dans fa Lettre imprimée
dans le Mercure de Septembre 1733 , &
conclu que S. Ephrem lifoit cette addition
dans les Manufcrits de la Verfion Syriaque de
fon Eglife , Verfion traduite fur les Septante
&c , le fçavant Cardinal employe deux pages
in 4° . de fa Lettre , pour réfuter cette
conclufion , & l'erreur générale où étoit le
P. Tournemine fur ce fujet. Il lui démontre
qu'il a crû fans un fondement fuffifant , que
ces deux mots à ligno étoient dans le 10 V.
du Pf. 95 , même avant l'établiſſement du
Chriftianifme , puifqu'on ne les trouve pas
dans les Exemplaires Grecs , dont Origene
s'eft fervi pour rédiger fes Héxaples.

A l'égard de la Verfion Syriaque de
l'Eglife d'Edeffe , dans laquelle le P. Î, prétendoit
que S. Ephrem lifoit regnavit à
ligno , je rapporterai ici la réponſe du Cardinal
Q. dans fes propres termes. Primo non
aliam Verfionem Syriacam novimus prater
eam in
qua additio illa non comparet ; deinde
textus Syriacus ejus Sermonis , nec in Vaticana
Bibliotheca , nec alibi ( quod fciamus ) reperitur.
Demum Manufcripti Gracum ejufdem
textum afferentes , ii certe quos fuperius laudavi
, ea additione deftituuntur.
L'Argument que tiroit le P. T. du filence
de Tryphon , difputant avec S. Juftin , ne
paroît auffi d'aucune conféquence. Enfin ces
mots
AOUST. 1744. 1741
mots à ligno manquant dans la Vulgate de
S. Jerôme , dans le texte Grec de l'ancien
Teftament des MM. du Vatican , plus autentiques
, imprimé en 1588 par les foins
du fçavant Cardinal Antoine Caraffa , Bibliotéquaire
, il eft aifé de voir , dit M.
Quirini , que le Fevre d'Etaples , Auguftin
Juftinien , Simon de Muiz , & en dernier
lieu , fans parler de plufieurs autres Sçavans,
Dom Auguſtin Calmet , ont eu grande raifon
de foupçonner que c'eft une note ajoutée
d'abord par quelque pieux Chrétien à la
marge du Pleaume , laquelle a depuis paffé
dans le Texte , par l'ignorance de quelque
Copiſte , ou autrement.
J
L'Illuftre Auteur de cette Lettre parle enfuite
des foins qu'il s'eft donnés & qu'il fe
donne encore pour le Recueil des Lettres
du Cardinal Reginaldus Polus , Archevêque
de Cantorbery , Grand Défenfeur de la Religion
Catholique , dans le commencement
des troubles d'Angleterre . L'Abbé Schanar
Allemand , avoit commencé d'en former un
Recueil , mais le Cardinal Quirini en a découvert
trois ou quatre fois davantage. Il
eft vrai que ces Lettres ne fe trouvent que
dans un Volume de la Bibliotéque Vaticane
, dont l'Ecriture eft très-difficile à lire.
mais aucune difficulté n'étant capable de le
rebuter dans fon entrepriſe , il a fi fort
Biij avancé
>
1742 MERCURE DE FRANCE.
>
avancé cette Collection, que les préliminai
res font déja imprimés , fçavoir , la Vie de
Reginald Polus traduite en Latin par
André Dudith , fur l'Edition Italienne de
Louis Beccatelli ; la Préface de fon Ouvrage
, De unitate Ecclefia , adreffé à l'Empereur
Charles V. une autre Préface du même Ouvrage
au Roi d'Ecoffe , enfin une Epitre
apologétique au Parlement d'Angleterre ,
&c. Il fe propofe à cette occafion de faire
voir clairement la fauffeté de tout ce que
Burnet a écrit contre Polus , dans fon Hiftoire
de la Réformation d'Angleterre .
Pour faire juger de quelle importance
font ces Lettres de Polus , le Docte Editeur
en rapporte ici deux en entier , la premiere
écrite en Latin à André Gritti , Doge de
Venife , par laquelle on voit que Polus fe
regardoit plûtôt comme Vénitien , que
comme Anglois , à caufe de fa longue réftdence
à Venife. Cette Lettre eft datée de
Rome 1536. La feconde en Langue Italienne
, eft écrite au Cardinal Contarini
Légat à Bologne , & datée auffi de Rome le
2 Juin 1542 .
On trouvera dans ce même Recueil une
autre Lettre de Polus , écrite au même Cardinal
Contarini , où fe lit un Fait fingulier
& bien honorable à la Ville de Modene ,
fçavoir la création de trois Cardinaux
en un même jour tous trois nés à
2
MoA
O UST. 1744. 1743
>
Modene , & tous trois
diftingués
par
une éminente
Vertu
tels furent
Gregoire
Cortez
, Abbé Bénédictin
, Thomas
Badi
de l'Ordre
de S. Dominique
, Maître
du S.
Palais , & Jean Moron
. Mi allegro
, dit
Polus dans cette Lettre , Con V. S. Rma una
altra volta di questa trinita
di novi Cardinali
, dali quali non afpetto major frutto chè
quefto che fiano uniti fempre » in eodem Spi-
» ritu & non tres , fed unum cor & una
»anima
in illo , cujus Spiritus
illos electos
effe mihi perfuadeo
, & quefta
é la mia
allegrezza
, &c.
C'eſt le Pape Paul III , qui fit cette création
remarquable , ce qui donne occafion
au Cardinal Quirini de parler de la finguliere
attention de ce fouverain Pontife , à
donner le Chapeau de Cardinal à des fujets
Sçavans & Vertueux , tels que furent Contarini
, Polus , Bembe , Caraffe , depuis Pape
, fous le nom de Paul IV ; Sadolet , Evêque
de Carpentras ; Frederic Fregofe , Evêque
d'Engubio , qu'il fallut contraindre &
forcer par un Commandement exprès du
Pape , d'accepter cette dignité , & plufieurs
autres qui ont illuftré le tems heureux auquel
le Pape Paul III, & le Cardinal Polus ,
qui en fait fouvent mention dans fes Lettres
, ont vêcu .
Sur la fin de cette Lettre à M. de Boze ,
Biiij
il.
1744 MERCURE DE FRANCE.
il est encore parlé du Pape Benoît XIV , lequel
, outre fa fcience parfaite des Saintes
Ecritures, poffede aufli les Auteurs de la belle
Litterature , & n'a pas même oublié les Sentences
& les Fleurs des Anciens Poëtes
qu'il recite auffi facilement dans l'occafion' ,
que s'il ne faifoi que d'achever fes Humanités.
Il femble que le Cardinal Quirini ait
quelque regret de finir fa Lettre , déja affés
étendue & remplie de tant de matieres différentes
, car après avoir fait à M. de Boze
le Compliment laconique , ufité dans la
Langue Latine , Vale , il le faluë une feconde
fois , Vale iterum , le priant en même-
tems , de vouloir bien faluer de fa part
le Chancelier de France : Virum Ampliſſimum
, cui quantum debeam , initium hujus
Epiftola declaravit , & de lui dire qu'il fe
rappelle encore agréablement le féjour qu'il
a fait autrefois dans fa magnifique Maiſon
de Frefne , & les entretiens qu'il y a eû
avec plufieurs Sçavans , &c . Mais ajoutez ,
s'il vous plaît , dit-il , que furtout je n'oublierai
jamais ce qui fût dit la premiere fois
que j'entrai dans cette Maifon , dont l'Illuftre
Seigneur étoit alors Procureur Général
du Parlement. Je dis en riant : Me voici
dans le Château où l'on forge les foudres contre
le Vatican. Pardonnez-moi , me réponditil
A OUST. 1744. 1743
il , ce font les Boucliers contre les foudres du
Vatican , que l'on forge dans cette Maifon.
» Hæc , ajoute-t'il , non ita bene meminif
» fem , nifi fingularem adverfus Virum il-
» lum , & munere quo fungitur , & fuis vir-
» tutibus Clariffimum , obfervantiam me-
» cum in Italiam exportaffem.
La Lettre eft enfin terminée par un troifiéme
falut à M. de Boze. Vale tertium , Vir
Doctiffime & amiciffime . Elle eft datée de
Brefcia le 23 Décembre 1743 .
Vous avez vû , M. dans la premiere partie
de cet Extrait , l'état ou la diligence du fçavant
Cardinal , & fon amour pour le travail
, avoient conduit l'Edition des OEuvres
de S. Ephrem. Depuis la date de fa Lettre ,
il y a lieu de croire que l'impreffion du VI
& dernier Tome eft bien avancée , peutêtre
même achevée , cependant on a vû ici
depuis peu , avec autant de plaifir que d'édification
, la Traduction Françoife des Euvres
de Piété de S. Ephrem , tirées des premiers
Volumes de la nouvelle Edition de
Rome. Je me fais un devoir de vous en parler
ici , par
le rapport effentiel qu'a cette
Traduction avec le principal fujet de ma
Lettre.
Ce Livre eft intitulé OEUVRES de Piété de
S..EPHREM , Diacre d'Edeffe , & Docteur de
l'Eglife , traduites en François fur la nouvelle
Edi-
Bv
1746 MERCURE DE FRANCE.
Elition de Rome , 2 Vol . 8 ° . d'environ 500
pages chacun. A Paris , chés Didot , Quai des
Auguftins , à la Bible d'Or , MDCC XLIV .
L'Auteur de cette Traduction , au lieu
d'une longue Préface que fembloient exiger
de lui le mérite de S. Ephrem, & celui de
fes Ouvrages , nous donne à la tête du premier
Tome un EXTRAIT des Mémoires de
M. de Tillemont , Tome VIII , 1713 , pour
donner , dit-il , une connoiffance de l'Auteur
& de fes Ouvrages. Il ne pouvoit fans
doute mieux faire , car M. de Tillemont
d'ailleurs Ecrivain également folide & poli,
a épuifé ce grand fujet.Il a fuivi S. Ephrem ,
depuis fa naiffance jufqu'à fa mort , & jufqu'après
fa mort , puifqu'il nous parle de
fon Teftament , d'un miracle fait en mourant
, d'un autre miracle après fa mort , &
enfin des Difciples du Saint Docteur , ce qui
fait un morceau d'Hiftoire varié , également
curieux , & édifiant..
Après cet EXTRAIT de M. de Tillemont
qui occupe 88 pages , fuit le TE'MOIGNAGE
de S. Gregoire de Nyffe , tiré de fon Panégyrique
de S. Ephrem. Ce Témoignage eft fort
court , mais il contient des chofes, admirables
fur l'énergie & fur l'efficacité de fon
Eloquence , &c .
Vous n'attendez pas fans doute de moi ,
M. un Extrait de ces OEuvres de Piété ; ce
n'eft
AOUST. 1744 1747
n'eft pas là le fujet d'une fimple Lettre. Je
me bornerai à vous indiquer les principales
matieres , qui y font traitées , en vous rapportant
quelques- uns des différens Titres ,
qui font à la tête de chaque OEuvre.
Dans le I Volume il eft traité des Vertus
des Vices. De la crainte de Dien. De la
Charité. De la Longanimité. De la Douceur
De la Vérité. Du Menfonge. De l'Obéiſſance.
De la Défobéiffance , & du Murmure. De la
Médifance & des Médifans. De la Temperan
ce & de la Continence. Difcours de Piété ou
de la véritable & parfaite vie Religieufe , &
de la Componition . Difcours contre ceux qui
vivant mal , recherchent ambitieusement les
bonneurs & les dignités.
Le II Volume contient un Difcours des
Paffions & des troubles de l'ame. Sermon de la
Pénitence. Exhortation à la Piété. Difcours:
fur le fecond avénement. Difcours fur les
Saints Peres , morts en paix. Eloges des Pafteurs
, & des Solitaires de la Mésopotamie.
Lettre de S. Ephrem à un jeune Religieux.
Inftructions fur la Piété, en IV Parties. Traité
de la Vertu en X Chapitres. Maximes fur
la Vie Spirituelle.Elévation & Priere à JESUSCHRIST.
J'ai entrepris , M. la lecture de ces deux
Volumes , & je fuis fort fatisfait de ce que
j'en ai déja vû. Je fouhaite que vous ayez
B vj
la
#
1748 MERCURE DE FRANCE.
même curiofité que moi . J'ai l'honneur
d'être , Monfieur , &c.
A Paris , le rs Juillet 1744.
P.S. Je ne fçais , M. comment j'ai oublié
de vous obferver que pour faciliter l'intelligence
des Oeuvres de Piété de S. Ephrem ,
dont on vient de donner la Traduction
l'habile Traducteur a mis à la tête de prefque
chaque Traité le fujet ou l'Analyfe du
Traité , tiré de l'Article de S. Ephrem , tel
qu'il eft compofé dans la Bibliotéque des
Auteurs Eccléfiaftiques , par Dom Remy
Ceillier , Bénédictin de la Congrégation de
S. Vanne.
Il me reste à exhorter ce pieux Traducteur
d'achever fon entrepriſe , c'est- à- dire ,
de nous donner de la même maniere , la fuite
des Oeuvres de Piété de S. Ephrem , tirée
de l'Edition entiere de fes Ouvrages , pour
l'honneur de la Religion , & pour l'avancement
fpirituel des Fidéles.
茶茶
D'EAOUST.
1744. 1749
DECLARATION D'AMOUR ,
A Mlle Ponchard.
Plein du defir ambitieux
De me fouftraire aux loix de Famoureux Empire ,..
J'avois juré , chere Thémire ,
De repouffer les traits que lancent vos beaux
yeux ;
Déjà , fans vous rendre les armes ,
Contre mon foible coeur m'irritant chaque jour ,
Trois fois mon oeil furpris avoit vû tant de chats
mes ;
Trois fois j'avois bravé ces foudres de l'Amour ;
Déjà , couvert d'une apparente gloire ,
A l'exemple de ces Guerriers ,
Qui femblent à leur gré maîtriſer la Victoire
Je ceignois mon front de Lauriers :
Mais que vous fçavez bien , cruelle ,
Réparer les affronts que vous avez reçûs ,
Et qu'un coeur à vos coups rebelle
Paye ,
1750 MERCURE DE FRANCE
Paye, hélas ! cherement fes injuftes refus !
Vains & triftes efforts de ma Philoſophie ;
Foibles projets , détruits auffi tôt que conçûs ,
Vous , de qui j'attendois le bonheur de ma vie ,
Vous ceffez de régner fur mes fens éperdus :
L'auftere Raiſon vous fit naître ;
Vous fûtes parl'orgueil nourris & foutenus :
L'Amour dans un inftant vous a fait difparoître.
Foibles projets, hélas ! qu'êtes-vous devenus !
Et toi , fombre Dieu d'Hymenée ,
Dont un deftin cruel me fit fubir la loi ,
Tu prétendrois en vain régler ma deſtinées
Un Dieu , plus aimable que toi ,
En préfentant Thémire à ma vue étonnée
Te ravit en cette journée
Mon coeur ,
mesfermens & ma foi.
Par M. Petitjean de S. Martin , le jeune.
d'Ifoudun ,.en Berry ..
ESSAI
AOUST. 1744. 1751
ESSAI d'une Traduction libre des Paftorales
de Virgile , à l'usage des Perfonnes
du Monde , par M. le Tort.
H
PREMIERE EGLOGUE.
Tityre , Melibée.
Melibée
Eureux Tityre ! affis à l'ombre de ce
feuillage , vous effayez un Air champêtre
fur vos tendres Chalumeaux . Pour
nous , malheureux ! nous quittons notre féjour
natal ; nous abandonnons nos cheres
Campagnes nous fuyons notre Patrie ,
& vous , à l'abri de nos malheurs , feul
au frais délicieux de ce Hêtre , vous apprenez
aux Echos d'alentour a répeter le
doux nom de votre chere Amaryllis ..
Tityre.
Un Dieu , Melibée , dont la tendreffe
vient de s'étendre jufqu'à moi , un Dieu
a bien voulu accorder ce précieux loifir
aux jours de ma vieilleffe. Oui , j'honorerai
toujours ce Héros comme un Dieu ,
&
# 752 MERCURE DE FRANCE.
& fur l'Autel que mon coeur & ma main
lui ont dreffé; pour qu'il me foit à jamais
propice , j'ai fait vou de lui immoler fouvent
le plus tendre de mes Agneaux. Si mes
Troupeaux , commme vous voyez , paiffent
librement dans ces Pâturages, fi moi-même,
fimple Berger que je fuis , j'exécute encore
les Airs qui me plaiſent , c'eft un bienfait
de ce Dieu , c'eft à lui feul que je dois un
deltin fi favorable.
Melibée.
Certes, mon cher Tityre , je ne fuis point
jaloux de votre bonheur , mais que je fuis
étonné de trouver un heureux au milieu des
malheurs & des troubles , qui rempliffent
aujourd'hui nos Campagnes ! Se peut- il que
vous foyez le feul que la Fortune épargne ,
lorfqu'elle ravage tout dans notre malheu
reufe Patrie ! Pour moi , trifte & déplorable
victime des caprices du fort , je n'ai pûr fauver
du pillage & de la fureur d'un barbare
Soldat , que quelques Chévres languifſantes
; encore ai - je bien de la peine à les conduire
avec moi. Pour comble de maux , en
voici une qu'il faut que je porte.Elle vient de
mettre bas deux petits , qu'elle a laiffés fans
vie fur un Rocher efcarpé , dans une touffe
de Coudriers. Hélas ! avec ces deux Jumeaux
A O UST. 1744 1753
meaux je perds l'unique eſpoir qui me reftoit
, de voir un jour renaître mon Troupeau.
Déjà dans les tranfports de ma dou
feur j'ai brifé mes Chalumeaux . Pourquoi
te tiens-je encore en main, inutile Houlette?
Hélas ! je m'en fouviens à préfent. Le Ciel ....
infenfé que j'étois , à quoi penfai-je pour
fors ? Le Ciel , irrité contre nous , m'avoit
donné plus d'un préfage de ce malheur.
Tantôt la foudre étoit tombée à mes yeux
fur des Chênes , & les avoit réduits en cendres.
Tantôt une finiftre Corneille m'avoit
fait entendre fes cris funeftes du creux d'un
vieux Arbre. D'autres fignes auffi frappans,
m'auroient inftruit , fi je n'avois pas eu l'efprit
frappé d'aveuglement. Mais puifque
nos maux font fans remede , pourquoi en
rappeller les douloureux préfages ? Tityre, de
grace , apprenez-moi , quel eft le Dieu propice
pour qui vous fignalez votre reconnoiffance.
Tityre.
Simple Berger que j'étois ! il faut que j'a
voue mon ignorance ; il n'y a pas encore
long-tems que je me repréfentois Rome
comme une Ville , femblable à notre Mantouë,
où nous autres Bergers avons coûtume
de mener vendre les tendres Petits de nos
Trou1754
MERCURE DE FRANCE.
Troupeaux
. C'eft ainfi que confondant
les
petites chofes avec les grandes , je comparois
les pétits Chiens à leurs Peres & lesChevreaux
à leurs Meres . Mais quelle étoit mon
erreur ! Rome l'emporte autant fur les autres
Villes de l'Univers , que le plus fuperbe
Cyprès fur le plus humble Arbriſſeau de ces
Contrées .
Melibée.
Mais , qui vous infpira le défir d'aller
voir cette grande Ville ?
Tityre.
Celui d'y recouvrer la Liberté. Après un
long Efclavage, * au tems d'une languiffante
vieilleffe ,lorfque le Rafoir dans ma main
tremblante ne me faifoit plus tomber du
menton que de la barbe blanche , cette Divinité,
fenfible à mes maux , a daigné jetter
fur moi des regards propices. C'eft bien
tard , à la vérité , mais enfin j'ai éprouvé fes
faveurs , après que j'ai eu quitté l'ingrate
Galatée , pour me donner tout entier à la
belle Amaryllis. J'ofe le dire à ma confufion
, tant que j'ai été l'Amant de Galatée ,
* J'ai copié cet endroit du P. Catrou ; fije n'en
avertiffois pas de bonne foi , je ferois trahi par la beauté
& l'elegance du fiyle.
affervi
A OUST. 1744. 1753
affervi fans nul efpoir dans fes honteux liens,
je n'ai pris aucun foin de mes affaires ; cependant
pour
fournir des victimes aux Sacrifices
de l'ingrate , je dépeuplois mon Bercail
d'Agneaux , qui auroient pû être offerts
aux Dieux. Je lui portois affidûment des
fromages délicats, & pour prix de mon hommage
& de mes foins , je ne retournois jamais
plus riche en nos Hameaux.
Mélibée.
Voilà donc , trifte Galatée , voilà le ſujet
de vos douleurs & de votre abattement. Tityre
, votre Amante , au défefpoir de votre
départ , pouffoit vers le Ciel de continuels
foupirs ; négligente , elle laiffoit périr fes
fruits fur les Arbres. Je ne pénétrois point
la caufe de fes chagrins ; c'étoit , je le vois
bien, que vous n'étiez plus auprès d'elle, &
qu'elle n'avoit plus d'efpérance de vous revoir
, ni d'entendre vos tendres Chanſons.
Cependant ces Eaux , dont le crifſtal rece--
voit fi fouvent votre image , dont les bords
enchantés préfentoient le fommeil à vos
fens, ces Echos tant de fois ravis de vos Airs
tendres , ces Prés , ces Pins , ces Vergers, qui
partageoient fes mortels ennuis , vous rappelloient
auprès d'elle .
Tityre
$ 796 MERCURE DE FRANCE.
Tityre.
Qu'aurois - pû faire de mieux ? Comment
fortir autrement d'Efclavage ? Où
trouver ailleurs des Dieux auffi puiffans ?
Rome feule étoit mon unique recours , &
fes Dieux pouvoient feuls rompre mes fers ,
me rendre à moi- même , & me faire d'heureux
jours. Là j'ai vû , comme je vous vois,
ce jeune Dieu qu'adore mon coeur , & que
chante ma tendreffe , Oui , j'ai fait vou
d'offrir toutes les années , à douze jours differens
, des Victimes fur fes Autels ; là ce
Dieu , fi digne de nos fleurs & de notre
Encens , prévenant mon humble demande
par un foûrire gracieux , m'a fait entendre
cette réponſe favorable : » Berger , joiſſez
» en paix de l'héritage de vos Peres ; faites
> paître vos Troupeaux ; chantez , & culti-
» vez vos terres , comme auparavant .
Melibée
Heureux Vieillard ! vous voilà donc pour
toujours paifible poffeffeur de vos Champs ;
il font fuffifans pour votre ufage & celui
de votre chere famille , quoique environnés
d'un côté par des Rochers ftériles ; & de
l'autre par des Marais hériffés de Joncs ; vos
Brebis
A O UST. 1744. 1757
pas
Brebis qui feront pleines , ne fe fentiront
point du changement de pâturages , & le
voifinage d'un Troupeau mal fain ne mettra
pas la maladie parmi celles qui auront mis
bas . Encore une fois , heureux Vieillard
vous prendrez le frais fous ces Arbres qui
ombragent ces Rivieres , & le long de ces
Fontaines facrées. La haye qui fépare votre
Champ de celui de votre voifin , cette
haye , où des Abeilles , animées au travail
viennent au retour du matin fucer la fleur
de vos Saules , par leur murmure égal au
gazouillement d'un petit Ruiffeau , qui fe
joue à travers nos Prairies , vous invitera
fouvent à vous livrer aux douceurs du fommeil.
Vous continuerez auffi d'être agréablement
réjoui par la voix des Bucherons , qui quí
en émondant les Arbres de la Colline
prochaine
, feront retentir les Airs de leurs
naïves Chanfons , & les Ramiers , vos délices
, mêleront leurs tendres gémiſſemens
à ceux de la plaintive Tourterelle,
Tityre.
Puifque vous fentez le prix de mon bon
heur , jugez , mon cher Melibée , de la vivacité
de ma reconnoiffance. Oiii , l'on yerxa
les Cerfs paître dans les Mers , & les
Mers
1758 MERCURE DE FRANCE.
Mers deffechées , laiffer les Poiffons à fec
fur le fable ; on verra encore les Fleuves
abandonner leurs anciens rivages, & fertilifer
de nouveaux Climats ; la Saone dormante
éteindre la foif des Parthes , & le Tygre
rapide défaltérer les Germains , avant que
mon coeur , ingrat de tant de bienfaits, efface
de ma mémoire les moindres traits de ce
jeune Dieu , qui en eft l'Auteur.
Melibée.
Hélas ! Tityre , que notre fort eft different
du vôtre !Infortunés Citoyens que nous
fommes , toûjours livrés à des deftins contraires
, nous abandonnons notre chere Patrie
, & nous fuyons difperfés. Les uns vont
périr de langueur dans les fables brulans de
l'Afrique , les autres dans les glaces de la
Scythie, ou en Créte fur les bords de l'Oaxe,
ou dans ces Iſles féparées par les Mers du
refte du Monde. Hélas ! faut-il perdre l'efperance
de voir un jour finir nos maux
N'aurai-je point , après quelques années
paffées dans le plus rude efclavage,n'aurai-je
point l'heureux plaifir de revoir le féjour
de mes Ayeux? Ne pourrai-je point recréer
ma vûë
par le fpectacle agréable de mon petit
Patrimoine , où exempt d'ambition , je
>
vivois
A O UST. 1744
17595
ne ,
vivois fi content ? Quoi ! Dieux Puiffans
dont j'éprouve la colere , ma petite Cabancouverte
par mes mains de chaume &
de mouffe , mes Champs fi bien cultivés , &
couverts des plus belles gerbes , vont deve
nir la proye d'un Soldat inhumain ! Avide,
il recueillera ces belles moiffons , mon efpoir
& ma joye ! O cruelle Difcorde , voilà
à quelles fatales extrémités tu as réduit nos
malheureux Citoyens ! voilà ceux pour qui
nous avons enfemencé nos Terres ! Ah !
malheureufes Campagnes , que l'habitude
nous avoit rendu fi précieufes ; ah ! infortuné
Berger , prends plaifir , après tous ces défaftres
, à enter les Poiriers , à planter tes
Vignes , & les façonner avec foin ; mais
que dis-je ? pourquoi me confumer en d'inutiles
regrets ? Pourquoi faire des voeux fuperflus
? Partez , mes Chévres , partez , éloignez-
vous de ces Lieux ; vous fûtes autrefois
un Troupeau heureux , aujourd'hui votre
bonheur n'eft plus. Non , du fond de
ces Vallons , couchés fur l'herbe tendre , au
frais délicieux d'une Grotte tapiffée de verdure
, vous n'entendrez plus le doux fon
de mes Chalumeaux , je ne vous verrai plus,
comme fufpenduës fur ces Collines, tantôt
bondir dans la Prairie , tantôt broûter la
feuille du Cythife , ni la feüille du Saule.
Tityre
760 MERCURE DE FRANCE.
Tityre.
Cependant , Melibée , rien ne vous oblige
de tant précipiter votre départ. On ne
vous défend pas , du moins pour cette nuit,
de goûter avec moi les faveurs dont me
comblent les Dieux , ni d'attendre entre les
bras du repos le retour de la nouvelle Aurore.
Si vous penfez trouver auprès de moi
ces momens heureux , qui coulent ſi douce,
ment entre deux amis , regagnons le Ha- :
meau. Un tendre feüillage vous fervira de
lit dans mon humble Chaumiere . Vous
prendrez auparavant un repas frugal & fans
apprêts. Je vous fervirai du lait frais , des
Raifins vermeils , des Pommes douces , &
du Miel délicieux , que mes Abeilles ont
cueilli fur les fleurs de mon Verger . Il eft
trop tard pour aller plus loin. Déja la fumée
qui fort des toîts de nos Cabannes ,
déja l'ombre des Côteaux , qui s'étend dans
les Plaines , nous avertiffent que Phébus, au
bout de fa carriere , va fe repofer dans
l'Onde , & qu'il eft tems que nous rega
gnions la maiſon.
EPITRE
A O UST.
1744. 1761
सोय काय लेख DU C
EPITRE ,
A M. H..... Chanoine de ..... fur foo
Sermon du
Dimanche de la Paffion.
L Orfque je vois H .... en Chaire ,
'Animé d'une fainte ardeur ,
S'élever contre le Pécheur ,
Il me femble voir , fous Tibere ;
De Jefus le Saint Précurseur ,
Dans le Défert , avec douceur ,
Nous remontrer notre miſere.
Hélas ! quand je le confidere ,
Quelle jufteffe en fes difcours !
Quelle pureté de Doctrine !
La Grace vient à fon fecours ;
Ah ! c'eſt en vain que je m'obſtine ;
C'eſt un vrai
mouvement du Ciel ,
Qui , pour que je te pûffe entendre
M'a fait entrer à Saint Michel:
Oui , c'eſt - là que je te vis prendre
La défenfe de l'Eternel ,
Et commeun autre Samuel ,
J
Pa
1762 MERCURE DE FRANCE
Par tes difcours faire répandre
Des larmes à tout Ifraël.
Ce n'eft pas la voix d'un Mortel ;
C'eft Dieu qui me force à me rendre.
Pourfuis , digne Prédicateur ;
Déclare hardiment la guerre
Aux crimes , au vice , à l'erreur ,
Qui , plus que jamais , fur la terre
Exerce à préſent ſa fureur ;
Pénetre jufqu'au fond du coeur
Du libertin , de ce faux frere ,
Qui , malgré le jour qui l'éclaire ,
Recherche encore avec ardeur ,
Comment il pourra faire taire
Cette voix , ce remords vengeur ,
Qui combat dans fon intérieur
Une femence falutaire ;
Exerce ta fainte ferveur ;
C'eft à la Vigne du Seigneur
Que tu dois travailler fans ceffe ,
Exhorte , parle , preffe ;
N'appréhende point les Cenfeurs ;
Imite tes Prédéceffeurs
Dans
A OUST. 1744.
1765
Dans cette carriere éclatante ;
La moiffon devient abondante ,
Et l'on a beſoin d'Ouvriers ;
Vole fur les pas des premiers ,
Qui , lors de l'Egliſe naiſſante ,
Kemporterent tant de Lauriers .
Par leur conduite édifiante.
Accepte ce petit Bouquet ,
Que de ma part on te préſente ;
Si ton ame eft reconnoiffante ,
Tu me garderas le fecret.
?
Ne cherche point à me connoître
Car ce feroit un tems perdu ;
Si mon nom ne t'eſt pas connu ,
Le tems te l'apprendra peut-être.
$2$292
$2$2
Cij
RE'
1764 MERCURE DE FRANCE.
૮ ૨૮ ૨૯ ૩≥ ૨૯ ૨૯ ૮ 36 3૯ ૮ ૨૪ ૩૯
૨૩૯૩૮૪૪
22
REPONSE de M. l'Abbé Berthault ,
Auteur du Quadrille des Enfans , à la Lettre
de M. de Launay , inferée dans le Mercure
de Fanvier 1744.
MA
A Réponse à votre Lettre , M. vient
un peu tard , mais n'en foyez point
fâché ; ce retardement m'a laiffé le loifir d'achever
un Ouvrage qui vous convaincra, de
même que le Public , que mon Syſtême de
lecture n'a pas la moindre reffemblance avec
celui dont vous avez hérité de M.votre Pere.
Vous êtes furpris de ce qu'en publiant l'idée
& le plan de na Méthode de lecture ,
je n'aye fait aucune mention de celle de
M. Py- Poulain de Launay , votre Pere ,
parce que vous prétendez que cette derniere
eft précisément celle que j'ai annoncée .
Je vous dirai d'abord qu'il ne feroit pas
étonnant que je n'euffe eu aucune connoiffancede
la Méthode de M. Py- Poulain , lorſque
je formai le plan de la mienne, Son Ouvrage
fut, imprimé en 1719 , mais il n'en
étoit pas content lui - même ; il mourut
avant que de le refondre ; le peu d'Exemplaires
qu'il en avoit fait imprimer,ne furent
pas débités , & fa Méthode demeura inconnu
A OUST. 1744.
1765
connue au Public. Je ne parle que d'après
vous. Ce ne fut qu'en 1742 qu'elle commença
à fe faire connoître par l'Edition
que vous en donnâtes , après l'avoir réformée
& perfectionnée , comme vous nous
l'avez appris vous-même . Mais le projet de
la mienne étoit conçû avant ce tems - là . **
Cela foit dit en paffant; paffons aux preuves
de votre accufation. 1 ° . Vous dites que
fi je fais prononcer be , ce , de , & c. au lieu
de bé , cé , dé , & c. M. votre Pere l'a fait de
même; premier point de reffemblance . Mais
M. de Launay eft-il le premier qui ait eu
cette idée ? Pourquoi voudriez - vous que
j'aye appris cela de lui,plutôt que de l'Auteur
de la Grammairegénérale & raisonnée, imprimée
en 1660 , qui peut-être a fervi de guide
en cela à M. votre Pere lui-même ? Car cet
Auteur dans le Chapitre 6 de la premiere
partie , donne aux Lettres cette dénomination
, & il a été fuivi par la plupart des Ecrivains
qui font venus après lui. Vous conviendrez
donc qu'on ne peut raisonnable-
*Voyez la Préface de cet Ouvrage , publié par les
foins de M. de Launay , fils , en 1742 , page 3.
** Cet Ouvrage eft intitulé , la Théorie & la Pratique
du nouveau Quadrille des Enfans , ou d'une nouvelle
Méthode pour apprendre à lire par le moyen de
160 Figures , contenues en 8 Planches , &c. Il fe vend
chés Jacques Vincent , ruë S. Severin , à l'Ange .
Cij
ment
1768 MERCURE DEFRANCE.
14
de Louvain , que je vous indique ; * depuis
la page 2 jufqu'à la 12 , vous en trouverez
plufieurs. L'Ouvrage a paru en 1717 , avant
celui de M. votre Pere , mais fi vous voulez
faire une plus ample moiffon , jettez les yeux
fur les Regles de la Prononciation pour la Lan-¸
gue Françoife, par M. B. Paris, 1711 ,fur les
Principes de l'Ortographe Françoife , Paris ,
1725 , & fur le Traité de l'Ortographe Françoife
du Sr le Roy, ou fi vous voulez , contentezvous
de parcourir le Livre de M. Hindret ,
imprimé en 1688 , fous ce titre : L'art de
prononcer & de bien parler la Langue Françoife
, & réimprimé en 1696 ; vous y remarquerez
prefque tous les fons de la Méthode
que vous avez fait connoître au Public , &
plufieurs autres dont vous pourrez faire votre
profit. C'est un Ouvrage que M. votre
Pere a pû confulter . L'accufera-t'on de plagiat
?
Secondement , fuffit- il que ma Méthode
employe quelques fons qui fe trouvent dans
celle de M. Py- Poulain , pour être en droit
d'affurer que ces deux Méthodes ne different
point ? L'ufage que j'en fais eft- il le même?
C'est ce qu'il faudroit montrer, & que vous
ne montrerez jamais . Non , M. ne croyez
* Principia Lingua Burgundica felectis Hiftoria exemplis
exornata per Anton. Francifc. de Pratel, &c. Brivellis,
1717.
pas
A O UST. 1744 . 1769
que
pas que mes Principes foient les mêmes
ceux de feu M. votre Pere . L'analogic qui
regne dans ma Méthode eft totalement differente
de celle qui domine dans l'Ouvrage
de M. Py- Poulain ; daignez faire la comparaifon
de celui que je publie , pour enfeigner
la théorie & la pratique de ma Méthode
, & du fien ; je fuis fûr que vous conviendrez
que notre plan n'eft pas le même ,
que nos vûës font tout-à-fait differentes , &
que nous fuivons l'un & l'autre une route
bien oppofée. Vous pourrez remarquer 1 °.
les combinaiſons dont une Lettre eft fufcep
tible . 2 °. Une infinité d'exemples
, pour affermir
les Enfans fur la diftinction des pluriers
& des finguliers , tant des Verbes que
des Noms adjectifs & fubftantifs. 3 ° . Des
Tables de mots , propres à donner auxEnfans
la facilité de joindre les nrots les uns
aux autres ; habitude qu'ils n'acquerroient
autrement qu'avec beaucoup de peine, 4°.
Tous les fons répétés , tant en Lettres majufcules
, qu'en Lettres Italiques , avec plufieurs
Piéces de Lecture , pour exercer les
Enfans fur ces deux Caractéres , afin d'éviter
les défauts de toutes les autres Méthodes
, qui m'apprennent aux Enfans qu'à lire
le Caractére Romain , défaut qui dégoûte le
Public de ces Méthodes , & dont la vôtre
C v n'eſt
1770 MERCURE DE FRANCE.
n'eft pas exempte . 4° . N'attendez de moi
aucune réponse à ce que vous ajoûtez , que
je combine & que j'arrange les fyllabes d'une
maniere differente de toutes les Méthodes qui
ont paru jufqu'ici , ce que M. votre Pere a
fait , dites- vous , de la même maniere . Car
je vous avouë que je ne fçais ce que vous.
voulez dire ; tout ce que je puis vous affûrer
, c'eft que ma Méthode eft auffi différen
te de celle de M. Py -Poulain , quoiqu'elle
renferme quelques fons qui me font communs
avec lui , que la fienne différe des anciennes
, quoiqu'elle en renferme tous les
fons.
5°. Nous voici arrivés à un article important
, & qui fait le caractere diftinctif de
ma Méthode de celles qui l'ont précédée ;
c'eft d'avoir imaginé de peindre en quelque
forte les fons & les fyllabes de la Langue
, pour les faire retenir par le moyen de
figures gravées ; mais , fi l'on vous en croit ,
je ne fuis encore ici que le Copiſte de M.
Py-Poulain car il y a plus de vingt - cing
ans , dites- vous , que M. de Launay , mon
Pere fe fervoit de figures pour apprendre à
lire.
Voilà une Anecdocte curieufe ; d'où l'avez-
vous déterrée ? Je fuis un peu furpris
que vous alléguiez ce fait , fans en donner
de
AOUS T. 1744. 17711
de
preuve ; vous nous renvoyez au Mémoire
de M. Danguy , & vous fçavezbien
que ce fait n'y eft nullement prouvé ;
vous voulez donc qu'on vous en croye fur
votre parole. Je ne m'y oppofe pas , pourvû
que vous ne mne faffiez pas un crime d'avoir
ignoré avec toute la terre , lorfque je publiai
le plan de ma Méthode , une chofe que
vous & M. Danguy deviez reveler dans
la fuite ; mais , M. eft- il bien poffible que
M. votre pere en faifant part au public de
fes idées , ait oublié de lui communiquer
cette partie de fon fyftême ? Car dans l'Ou
vrage qu'il a publié , il n'y a pas un feul miot,
qui puiffe faire foupçonner qu'il fe foit jamais
avifé de fe fervir de figures pour ap
prendre à lire ; vous avez vous- même donné
une feconde Edition de cet Ouvrage ; vous
avez réformé quelques-unes des idées de
F'Auteur , & en avez perfectionné quelques
autres. C'est vous-même qui nous l'apprenez
vous défapprouvez d'ailleurs l'ufage
des figures pour apprendre à lire , & vous
n'avez point averti que vous aviez réformé
le fyftême de M. votre pere fur un article
auffi important;que cela eft modefte ! Après
cela , pouvois-je fçavoir qu'en peignant les
fons de la Langue par des figures , dont les
objets font familiers aux Enfans , je ne fai-
Cvj
fois
1772 MERCURE DE FRANCE.
fois fuivre les traces de M. de Launay ? que
& avec quelle raifon pouvez - vous vous
plaindre , fi je ne lui
pas fait honneur
d'une découverte dont je ne pouvois fçavoir
qu'il fût le pere , & dont vraisembla
blement le Public refufera encore de lui accorder
la gloire , fi vous ne vous efforcez
de la lui affurer par des preuves convainquantes
?
Pour moi , je me contente de l'aveu que
vous faites , que les figures de feu M. votre
étoient differentes des miennes ; il fapere
tiguoit fans doute les Enfans mal- à- propos ,
en les obligeant à mettre dans leur tête deux
idées en même-tems , celle de la figure &
celle de la fyllabe ; peut- être fes figures
étoient tirées de la Fable ou de l'Hiftoire :
s'eft-il fervi d'un Janus à deux vifages pour
exprimer le fon ge , du Cefte de Venus pour
ft , d'Acteon changé en Cerf pour fe , de la
Barque à Caron pour que , comme dernierement
M.l'Abbé Danguy a voulu l'entreprendre,
contre les droits de mon privilége.Si cela
eft , je conviens que fa Méthode manquoit
de fimplicité , & qu'il furchargeoit inutile
ment la mémoire de fes éléves. C'étoit vouloir
leur apprendre une choſe par le moyen
d'une autre , qui ne leur étoit pas plus connuë
: il falloit leur apprendre plufieurs faits
Hif
AOUST. 1744. 1773
exempte
Hiftoriques ou Fabuleux pour leur faire re
tenir un feul fon de la Langue ; que d'idées
ne falloit- il pas mettre dans leur tête en
même-tems heureuſement ma Méthode eft
de ce défaut ; elle n'oblige point
Les Enfans à fe charger la mémoire de deux
idées en même- tems. Comme je n'employe
que des objets qui leur font familiers , tels
que font Eventail , Montre , Liv , Soleil
&c. elle ne fait que fe fervir des idées qu'ils
ont déja , fans que je m'en fois mêlé , pour
leur faire retenir des fons que je veux leur
apprendre. S'il eft vrai que M. de Eaunay
ait employé des figures pour apprendre
à lire , je fuis bien aife de l'avoir ignoré
& je m'eftime heureux que ma Méthode
foit en ce point fi différente de la fienne.
Que M. Py - Poulain jouiffe donc de
la gloire qu'il a méritée, en publiant ſa Méthode
de lecture , & vous de celle que vous
avez pû acquérir à la réformer & à la perfectionner
; je ne fuis point affés injufte pour
vouloir m'attribuer , ou partager avec vous
les éloges qu'elle a reçus de nos Sçavans ;
mais convenez auffi que ceux dont on a honoré
la Méthode que j'ai annoncée , ne vous
touchent ni directement ni indirectement ; des
Cenfeurs publics ne l'ont préconisée , que
parce qu'ils lui ont vû operer des merveilles ;
or , remarquez que ces prodiges , qui ont
étonné
1774 MERCURE DE FRANCE.
étonné , n'ont été opérés que par une Méthode
, qui , par l'ufage qu'on y fait de plufieurs
figures, n'eft propre , felon vous , qu'à
fatiguer inutilement les Enfans , & à retarder
leurs progrès à quoi penfiez -vous donc,
quand vous avez cru pouvoir faire honneur
à votre Méthode , & de ces Merveilles , &
des éloges qui en ont été la fuite ? Quelle
contradiction !
Vous me reprochez , après M. Dand'introduire
une réforme dans l'ortoguy
,
graphe , & d'écrire Cen pour Sang. Dange
pour Dogue. C'est une méprife qui ne vous
fait pas honneur ; en voici l'origine . Ces
fyllabes Ang & Og , quoique compofées de
différentes lettres , rendent le même fon
c'est pourquoi j'ai cru devoir les peindre
par une même figure. J'en dis autant de ces
autres , San & Cen. Mais il ne s'enfuit pas.
de-là que j'écrive Dangue , au lieu de Dogue ,
ni Cenguin , au lieu de Sanguin . Vous voyez
à quoi on s'expofe , quand on s'aviſe de
ler d'une matiere qu'on n'entend pas ; pour
moi je ne me fuis jamais avifé de réformer
fur cet article les anciens ufages , & il ne
m'arrivera certainement jamais de propofer
d'écrire Cien ,Cat , Ceval , jamê , Anglê , ils
èmê , Pijon , axès , fuxès , egziler , otorifer ,
& c. au lieu de Chien , Chat , Cheval, jamais,
par-
An
AOUST. 1744.
$775
Anglois , ils aimoient , Pigeon , accès , fuccès ,
exiler , autorifer , &c. comme vous l'avez
fait dans le Plan nouveau d'ortographe que
vous avez publié , pag. 178 , 179 , 182 ,
194 , 210.
Au refte , M. étoit-il néceffaire de troubler
la cendre des morts , & de faire paroître ſur
la Scéne une perfonne qui n'eft plus & que
je regrette , pour avoir occafion de lâcher
quelques traits de mauvaiſe plaifanterie ? à
Dieu ne plaife qu'elles me déterminent à
rompre le filence que je me fuis impofé du
vivant même de feu M. l'Abbé Danguy.
Un refte d'amitié pour un jeune homme à qui
je n'ai jamais ceffé de rendre tous les fervices
qui ont dépendu de moi ; l'efperance bien fondée
que j'avois conçue de fon retour , les regrets
•·qu'il a fait paroître àfa mort , pour en avoir fi
mal ufe avec moi , font des motifs trop preſſans,
qui m'obligent encore à me taire. J'avoue , qu'il
m'a beaucoup coûté dans le tems de me détermi
ner au filence , mais il me coûtera
pen
nant de le garder , & l'occafion favorable de
vous rendre vos plaifanteries , ne fera pas capable
de mele faire rompre.
mainte-
C'est même à regret que je releverai ce que
vous avancez , que M. D. a dit à des perfonnes
refpectables, que je lui avois avoué que
votre Méthode n'étoit autre que la mienne ;
qu'il
1776 MERCURE DE FRANCE.
qu'il l'ait dit , ou non , cela m'inquiéte fort
peu. Mais comment avez- vous ofe alleguer en
preuve des faits de cette nature , qu'il eft impoffible
de vérifier ? car enfin il s'agit defçavoir
s'il eft vrai quej'ayejamais fait un pareil aveu;
comment aurois-je pû le faire ? connoiſſois -je
affés peu les principes de ma Méthode & ceux
de la vôtre , pour ignorer l'extrême différence
qu'il y a entre les uns & les autres ?
Voilà , M. les réfléxions que j'ai cru devoir
publier pour répondre à votre Lettre ;
j'augure trop bien des difpofitions favora
bles où je vous vois maintenant à l'égard de
ma Méthode , puifque vous effayez de vous
l'approprier , pour ne pas les feconder ;
déja vous en goûtez le fond ; c'eft beaucoup ;
il ne vous refte plus qu'un pas à faire ; il ne
s'agit que d'approuver l'ufage que je fais des
figures ; rien n'eft plus aife ; le facrifice que
vous ferez pour cela de vos préjugés ne ſera
pas grand.
Je m'attens que bien- tôt vous ferez connoître
que vous êtes docile à la voix de la
Raifon , & que vous fçavez rendre hommage
à la vérité. Penfez - y. Je fuis , & c.
Je perfifte dans les mêmes fentimens que
je vous marquai dans une vifite dont vous
m'honorâtes un jour , fans vous faire connoître.
Vous voulûtes parier que je ne ferois
jamais
AOUST. 1744.
1777
jamais lire en un mois , par le moyen de ma
Méthode & de mes figures , comme je l'a
vois annoncé ; j'acceptai le défi , & vous
propofai de dépofer chacun pareille fomme
raifonnable chés un Notaire ; fi mon Effai
réuffit , vous difois-je , j'ai gagné , finon j'ai
perdu . Ne trouvez pas mauvais , s'il vous
plaît , que dorénavant je ne réponde point
vos Lettres , fi vous m'en adrellez encore ,
que vous n'acceptiez la propofition que
vous m'avez obligé de vous faire.
Je profite de cette occafion pour avertir
le public que ceux , qui enfeignent fuivant
les principes de ma Méthode , s'offrent d'enfeigner
gratis pendant quinze jours , & au
cas qu'au bout de ce tems- là les parens ne
foient pas contens des progrès , ils pourront
remercier les Maîtres : finon , ils feront
obligés de s'en tenir au marché dont ils feront
convenus. L'expérience confirme que
cette Méthode eft très-propre à apprendre
aux Etrangers à bien prononcer le François
, & à réformer leur accent en très- peu
de tems.
Voilà ma nouvelle adreſſe , au cas que vous
vouliez , M. me venir trouver pour m'annoncer
que vous acceptez le défi que je vous fais.
L'Abbé Berthaud , rue de Richelieu , visà-
vis celle de Villedot.
LE
1778 MERCURE DE FRANCE.
LE VAUTOUR ,
FABLE .
APrès avoir croqué Poulardes & Pigeons ,
Détruit Canards & Canetons ,
Meffer Vautour , l'effroi d'une lieuë à la ronde ,
Fût malade ; il penſa partir pour l'autre mondes
Incertain de fon trifte fort ,
Il attendoit le moment de la mort ,
Et cependant il n'avoit nulle envie
D'abandonner les douceurs de la vie :
Il eut voulu trouver quelque remede heureux ,
Qui pût guerir fa maladie ;
Il chercha , mais en vain , il eût recours aux
Dieux :
O,Jupiter , dit-il , j'implore ta clémence ;
Rends-moi la vie ; elle eft en ta puiffance ;
Si j'ai croqué Pigeons , fi j'ai détruit Poulets ,
Avec eux je jure la paix ;
Mais n'écoute pas ta Juftice ;
Je fais que pour tous mes forfaits
A
AOUST. 1744.
1779
Il n'eft point fous les Cieux d'affés cruel fupplice :
Oui, je jure par toi , Pere des Immortels ,
Par tes redoutables Autels ,
De vivre déformais plus fage.
Jupiter à fes cris lui rendit la fanté ,
Mais mon gaillard fût-il en liberté
Il fit dans tout fon voisinage
Plus de dégât , plus de dommage.
Par le fujet que j'ai traité ,
J'ai voulu faire voir que des gens dans la vie ,
Aux approches cruels de la mort ennemie ,
Redoutant une Eternité ,
*
Promettent tout à Dieu ; mais la bonté propice
Les tire- t'elle du danger ,
On fuit les paffions , on brave fa Juftice ;
Enfin on ne veut pas changes.
LETTRE
1780 MERCURE DE FRANCE .
::
LETTRE de M. Boyer , Médecin ordinaire
du Roi , & de S. A. S. Mad, la Ducheffe
du Maine , Docteur Régent de la Faculté
de Médecine de Paris , Cenfeur Royal,
écrite à M. Malouin , Docteur- Régent de
la même Faculté de l'Académie Royale des
Sciences, Cenfeur Royal.
Vfrere ,d'être
Ous avez raifon , M. & très-cher Confree,
terrefurpris que M. Bruyere ,
Editeur d'une Collection de divers Ouvrages
& Piéces fugitives de feu MM. Chirac
& Silva , ait mis fur le compte de ce dernier
une Differtation fur la néceffité des faignées
révulfives dans les maladies inflammatoires
, dont vous êtes l'Auteur.
*
M. Bruyere vous dira fans doute, qu'ayant
trouvé dans les papiers de M. Silva , une
Theſe où il n'a vû votre nom qu'en qualité
deRépondant, tandis que M.Silva préfidoit à
l'Acte où elle fût agitée dans nos Ecoles , il
n'avoit pas héfiré d'en croire M. Silva l'Auteur
, parce que les Préfidens dans nos Eco-
* On appelle faignée révulfive , celle qui fe prati
que toutes les fois qu'on veut dégager une partie , où le
Sang fe porte en trop grande abondance , en l'attirant
dans une partie opposée.
les ,
AOUST. 1744. 1781
?
les , font , comme l'on fçait , cenfès être les
Auteurs des Théfes qui s'y foutiennent , &
ils le font prefque toujours , à moins qu'il
ne fe rencontre des Bacheliers capables de
les compofer , comme vous l'êtiez dès -lors .
D'ailleurs , le fujet de la Théfe favorifoit
cette croyance , parce qu'il rouloit fur une
Doctrine , dont M. Silva venoit de fe déclarer
publiquement le Défenfeur , au point
d'employer le peu de loifir que lui laiffoient
fes affaires , à établir par un calcul hydrauli
que , une Théorie qui pût rendre raifon des
fuccès d'une pratique , qui lui avoit réüffi
dans tant d'occafions. Ainfi M. Bruyere ,
comme vous voyez , a pû facilement fe
tromper fur la Théfe dont vous êtes l'Auteur
; l'Elégance avec laquelle elle eft écrite ,
en fait l'éloge , & on reconnoît aisément au
ftyle l'Auteur de la Differtation fur la Mufique
, qui a été fi applaudie .
On revient de toutes les erreurs , à plus
forte raifon des méprifes , & je fuis sûr ,
comme j'ai eu l'honneur de vous le dire ,
que M. Bruyere vous rendra toute la Juſtice
qui vous eft dûë. Il est tombé dans une
bien plus grande faute à l'égard de M. Helvetius
, Premier Médecin de la Reine , notre
digne Confrere , dans le Mémoire qu'il
a publié pour fervir à l'Hiftoire de la Vie de
M. Silva , pag. 91 , en difant ce qui fuit :
» Sa
1782 MERCURE DE FRANCE.
Sa réputation déjà établie le fit appeller
par M. le Duc d'Orleans Régent , dans les
» Confultations qui furent faites au Châtean
» des Tuilleries fur le danger où le Roi fe trou-
» voit alors ; la faignée du pied , qui avoit fi
» bien fervi M. Silva dans la Cure de M. le
» Duc de Beauvilliers , ne lui manqua pas dans
» cette occafion importante ; ce remède qu'il
» confeilla , comme le plus jeune des Conful-
» tans , ayant été adopté par les autres , lui
procura la gloire de rendre à la France un
» Roi , l'objet de fes inquiétudes & de fes allar-
» mes , qui lui marqua fon eftime & Sa reconnoiffance
par un Brévet de 1500 liv. de
» pension , & c.
Quoi de plus fimple & de plus natufel
en apparence , que cette narration ? & qui,
de ceux, qui n'ont pas été témoins de ce fait,
n'y ajouteroit pas une foi entiere ? Je fuis
moi-même de ce nombre , étant alors enfermé
par ordre du Roi dans Marſeille , affligée
de la pefte , où j'ai été pendant plus de deux
ans , fans fçavoir ce qui fe paffoit à Paris. A
mon retour , j'entendis parler de ce fait à
M. Silva , avec qui , vous fçavez , que j'étois
extrêmement lié , & d'une maniere approchante
du recit de M. Bruyere ; ce fait
étoit affés flateur pour vouloir y avoir quelque
part.
Il eft vrai que M. Silva fut appellé aux
ConAOUST.
1744: 1783
Confultations , qui furent faites pour le
Roi au Château des Tuilleries ; il est vrai
auffi qu'il fe trouva le plus jeune des Confultans
; il n'eft pas moins vrai qu'il fut gratifié
d'un Brévet de 1500 1. de penfion
mais tout ce raifonnement de M. B. fe trouve
détruit par la feule date de la faignée du
pied , qui fût faite la veille du jour que M.
Silva fut appellé. Elle fut propofée par M.
Helvétius , adoptée par M. Dodart , Premier
Médecin de S. A. R. Mad. la Ducheffe
d'Orleans. Cette faignée trouva bien des
contradictions de la part des Courtisans ,
mais elle fut foutenue avec tant de chaleur ,
& par de fi bonnes raifons par M.Helvétius,
qu elle fut faite à l'inftant , & fuivie de tout
le fuccès qu'on en pouvoit attendre.
Voilà , mon très -cher Confrere , à quoi
font exposés les Editeurs , qui n'approfondiffent
pas affés la vérité des faits , furtout
quand ils font auffi récents que celui- ci , &
qu'on peut les apprendre de perfonnes encore
vivantes , qui en ont été les témoins.
Je ne doute pas que M. Bruyere ne reconnoiffe
l'erreur où il eft tombé à l'égard
de M. Helvétius , au fujet de la faignée du
pied , qui prevint le danger où étoit la
France de perdre un Roi , l'objet de fon
Amour , l'admiration aujourd'hui de toute
l'Europe. Ce fujet eft trop confiderable , &
trop
#784 MERCURE DE FRANCE.

trop flateur pour n'en pas rapporter la
gloire à celui qui la mérite. J'efpere que
I'Editeur rectifiera en même- tems ce qui
vous regarde. Pour moi , qui ai lû ce Livre,
par ordre de M. le Chancelier , j'ai rempli
mon devoir de Cenfeur : à l'égard des faits ,
je n'en fuis garant , comme vous fçavez ,
qu'autant qu'ils peuvent intéreffer l'État oy
la Religion. J'ai l'honneur d'être , &c.
A Paris , le 10 Juin 1744,
*X*X* X* X* X*3X+3X+3X
EPITRE ,
A Monfieur Darnaud,
Pour répondre , Darnaud , à ta galante Epitre ,
Si , comme à toi , Venus me dreffoit mon Pupître ,
Apollon , comme à toi , me dicteroit des Vers,
Qu'admireroit tout l'Univers.
Mais , vrai difciple d'Epicure,
Contente de pourvoir à mes autres befoins ,
Venus pour moi ne prend tels foins .
Je fuis donc la fimple Nature ,
( Non celle- là , qui fait les Sçavans confommés ,
Çes Auteurs , fi fort renommés ;
Non celle qui fait un Poëte ,
Comme toi , digne des leçons
Qu'Apoflon
A OU´S T. 1744. 1785
Qu'Apollon fait aux heureux nourriffons ,
Dont il prétend orner la tête
Du Laurier immortel , qui couronne fon front ,
Et qu'on moiffonne au double Mont , )
Mais celle qui nous fait connoître
Pour quelle fin elle nous a fait naître ,
Qui nous apprend qu'il faut jouir ,
Que l'inftant , qui fuit , & qui paffe
Eft en effet paffé , pour ne plus revenir ,
Et ne laiffe après lui d'autre fruit , d'autre trace ;
Qu'un incommode fouvenir.
Voilà inon Maître . Arnaud , dis - moi de grace ,
Eft-ce celui- là que tu fers?
Oui , mais ce n'eft celui qui t'inſpire ces Vers ,
Qui te procurent notre hommage ,
Ces Vers qu'un jeune homme à ton âge
Sçait lire à peine , & que tu fais ,
Ce font morceaux finis que tes premiers Effais,
Que ne puis-je du moins louer ce que j'admire
Mais la Nature , qui m'inſpire ,
Ne m'a doué de ce talent.
La louange eft un Don d'Apollon , qui te guide ,'
Qui t'apprend à chanter & les travaux d'Alcide
Et la gloire d'un Conquérant ;
A peindre les plaifirs où l'Amour nous invite ,
A mettre fur la Scéne un Héros , un Amant ,
A louer un ami charmé de ton mérite ,
Et qui t'eftime infiniment.
Mais
1786 MERCURE DE FRANCE.
Mais ce n'eft fur ce point qu'il faut que je réponde
A l'Epitre que je reçois.
Soumis & docile à ta voix
Qu'on m'applaud fſe , ou qu'on me fronde ,
Je me rendrai demain à l'endroit indiqué ,
A l'heure que tu m'as marqué .
Mais comment y mener tout le charmant Cortége
Qu'as demandé ? Las ! les plaifirs ,
Les ris , les jeux font- ils gens de Collége ?
Je n'y connois que des défirs.
Engeance incommode & maudite ,
Qui du foir au matin fans ceffe nous agite.
Avec moi je les menerai ,
Et, point ne me feront à charge ;

En te voyant je les fatisferai :
Mais lorsque je te quitterai ,
Ils reviendront , les cruels , à la charge ,
Et plus ne m'abandonneront
Ains toujours me tourmenteront ,
Jufqu'à ce que dans ma Cellule
Tu revienne appaifer leur indifcrete ardeur ;
Viens donc , Darnaud , fans façon , fans ſcrupule ¿
Chés ton ami , chés ton admirateur .
LET
AOUST . 1744.
1787
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. le
Marquis de B. fur l'Apologie des
Normands , & c.
Lya , M. quelque tems qu'en me fai-
I fant plufieurs questions au fujet de mon
Voyage Litteraire de Normandie , dont vous
avez depuis lû tout le Manuſcrit , vous me
fîtes auffi l'honneur de me propofer de donner
dans cet ouvrage un mot d'Apologie de
la Nation Normande ; je n'ignore pas le
bien & le mal qu'on en a dit & qu'on en dit
encore tous les jours , Nation , dis-je , fi in- .
genieufe , fi fage , fi vertueufe. Je pris , M.
la liberté de répondre que je me garderois
bien de me donner cette peine , & qu'elle
n'en a pas béfoin , pour détruire , une prévention
des plus mal fondées. Si j'avois été
alors mieux inftruit , ma réponſe auroit été
plus précife & plus fatisfaiſante. Oüi , M.
j'ignorois alors qu'un habile Profeffeur de
Rhétorique du Collège des Jéfuites de Caën
avoit prononcé un fort beau Difcours fur
ce fujet au mois de Novembre 1743.J'ignorois
en même-tems qu'un de mes amis de
cette Ville m'en avoit envoyé , peu de jours
après la prononciation , un fort bon Extrait,
Dij le1788
MERCURE DE FRANCE .
lequel Extrait je n'ai cependant reçû qu'au
commencement de ce mois d'Août. Je vais
M. le mettre ici fous vos yeux , perfuadé
que vous en ferez content , & que le Public ,
& toute la Nation , fi folidement juſtifiée ,
m'en fçauront gré.
APOLOGIE DES NORMANDS , par le
R. P. Du Parc , Profeffeur de Rhétorique
an College des Jéfuites de Caën , prononcée
au mois de Novembre 1743 .
que
dit
L'Orateur n'en veut qu'à des Cenfeurs
l'Envie arme contre les Normands : adverfus
invidos Normannorum Cenfores , c'eſt
le Titre de fa Harangue : pour le juftifier
il s'appuye de l'autorité d'un Ancien , qui a
que l'Envie s'élève toujours contre la fupériorité
du inérite , ou du rang . Non moins
étonné de la patience inépuifable de fes Compatriotes
, que de l'acharnement de leurs
Cenfeurs , il remonte jufqu'à l'origine de
ces injuftes préventions , & il en fixe l'Epoque
( que peut-être on pourroit reculer
un peu plus loin ) à ces Siècles où les Normands
, unis aux Neuftriens , effrayoient
également la France & l'Allemagne , l'Italie
& la Sicile. Les Peuples vaincus ne fe vengerent
de leurs défaites , qu'en faifant paffer
la bravoure de ces Vainqueurs pour fureur
barAOUST.
17440 1789
› barbare & leur Sageffe pour fourberie
odieufe. Depuis ces Siècles fameux , on n'a
point rendu juftice aux Normands ; on a
décrié ou diffimulé leurs Vertus , on a groffi
leurs défauts. L'Orateur entreprend , 1º. de
venger ce mérite calomnié ; 2 °. d'excufer
ces défauts exagerés.
Par la fimplicité de ce début , on voit
bien qu'on n'aura point à effuyer les clameurs
& l'enthoufiafme d'un Apologiſte
outré. Trop fage & trop judicieux pour
fuppofer que la Patrie ait befoin d'une
Apologie fort véhémente , l'Orateur laiffe
fentir , fans le dire , que le Préjugé qu'il
attaque , n'eft plus gueres que populaire ; il
mefure fes efforts à la foibleffe de fon ennemi.
PREMIERE PARTIE.
La valeur dans la Guerre , le fuccès dans
les Arts Liberaux , la ferveur dans la Piété
& dans la Religion , voilà les Vertus don't
nos differentes Provinces ont fait entr'elles
un partage abfolu , à l'exclufion de la Normandie
, à qui on n'a laiffé d'autre mérite
que celui d'une frauduleufe induſtrie &
d'une mauvaiſe foi , contraires aux Loix de
la Société. L'Orateur , pour faire fentir Finjuftice
d'une excluſion fi honteuſe à fa Pa-
Diij trie
1790 MERCURE DE FRANCE.
trie , commence par établir fon droit aux
Vertus Militaires.
Les hauts faits d'Armes du fameux Guifcard
, qui n'avoit pour efcorte que dix braves
Normands ; les Exploits merveilleux de
Guillaume le Conquérant , du vaillant Richard
, & de l'intrépide Robert , Ducs de
Normandie , font des Titres immortels &
inconteftables de la bravoure Normande.
Le P. Du Parc joint ici une ingénieux recit
d'une Expédition , dans laquelle de jeunes
Normands défirent une troupe nombreuſe
& formidable de Brigands. Les Camillis
les d'Eftampes , les d'Harcourts , les Louvignis
, les Brezés , les Tourvilles ne font pas
oubliés , non plus que M. de Guerchois
Eléve de Vendôme , & Compagnon de
Villars , & le Maréchal de Coigny , le
Vainqueur de Guaftalle. Quoique l'Encens ,
que l'on donne ici à ces Héros , ne doive
brûler qu'en l'honneur de leur Province
cependant la vapeur en eft fi douce , qu'ils
ne fçauroient manquer d'y être fenfibles.
>
Des Champs de Mars , l'Orateur paffe
dans les Temples de Pallas & des Muſes , où
fes Compatriotes ne figurent pas avec moins
d'avantage. On décrit ici le caractere de la
plupart des Auteurs , qui ont illuftré la Normandie
, Alexandre , Daniel , Legendre
Vertot, Brébeuf, les deux Corneilles, Porée,
FonAOUST.
1744. 1791
,
Fontenelle , &c. font repréfentés fi heureu
fement , qu'on ne fçait lequel on doit le
plus admirer , ou l'Erudition & l'Intelli-
-gence , ou le Pinceau & le Coloris du Peintre
Orateur. Voici le Parallele qu'on y fait
des Peres Alexandre & Daniel. Les gens
inftruits connoiffent le mérite fupérieur
quoiqu'inégal ,de ces deux Rivaux ; on fera
charmé de les voir péfés dans la même Balance
, & plus encore de voir que fi elle
panche d'un côté , c'eft une Critique fage &
éclairée qui l'y détermine , fans recevoir le
poids qu'un intérêt particulier auroit pû y
jetter.
Si je gardois le filence fur ces deux cé-
» lébres Ecrivains , l'Hiftoire s'en plaindroit
» avec juftice. L'un fut un prodige incroya
» ble de Mémoire & d'Erudition ; fon ftyle
>> eft auffi grave que fon fujet ; toujours vaf-
» te , toujours fécond dans fes fçavantes élu-
>> cubrations , il ne lui a manqué que d'être
»toujours également fain dans fa Doctrine ,
de forte que fi on retranchoit quelque
chofe de fon Ouvrage , ce feroit en aug-
»menter le prix. L'autre eft un Sçavant ,
>> dont le goût eft sûr , le jugement exquis ,
» l'efprit net , & l'érudition bien digerée .
» Sincére dans fon Hiftoire , en rendant
juftice au mérite des François , il n'a fait
»aucune grace à leurs défauts. Partout il
>>
Diiij »>y
1792 MERCURE DE FRANCE.
» y porte fi loin la précifion & l'exacti-
» tude , qu'on ne peut y rien ajoûter ,
» ni en rien retrancher , fans que la Vé-
» rité en fouffre . Ces deux. Grands Hom-
: mes méfurerent leurs forces dans un Combat
fingulier , l'Action für vive , & fit
honneur aux deux Rivaux. L'un comptoit
moins fur la bonté de fes armes , que fur fa
vigueur perfonnelle ; l'autre, avec autant de
courage , & plus de précaution , combattoit
fans frayeur , comme il triomphoit fans
fafte ; auffi étoit- ce un Athléte éprouvé ,
dont la Philofophie & la Théologie avoient
fouvent couronné la valeur & l'adreffe ..
L'Orateur , en nous difant que l'un des
deux Athlétes fe défioit de fes propres armes
, veut fans doute , excufer le premier ,
& nous infinuer qu'étant voilé par état à un
Systême , il donnoit nécellairement trop de
prix à fon Emule , qui pour prendre mieux
fon avantage
s'étoit fagement borné à
comparer Systême à Systême , & à oppoſer
principe à principe , conféquence à confé-
-quence .
Après l'Hiftoire & l'Epopée , le P. Du
Parc introduit la Tragédie. " Ellc me re-
» procheroit , dit -il , ce filence injurieux au
grand Corneille , cet Illuftre Normand ,
dont le mérite eft trop élevé , pour que
nos Eloges ou nos Cenfures puiffent l'at-
» teindre.
A OUST. 1744. 1793
>>
>>
, י
» teindre. D'autres ont peut-être la Verfifi-
» cation plus coulante , l'expreffion plus pu--
» re , le ftyle plus chatié , mais aucun n'a ,
» comme lui , cette grandeur dans les idées ,
>> cette élévation dans les fentimens , cette
>> nobleffe dans les Maximes , cette variété
» dans les Intrigues , qui frappe l'efprit ,
» étonne l'imagination , ébranle l'ame toute
» entiere , & tranfporte un Lecteur hors de
»lui-même ,fans qu'il puiffe réfifter au mou
» vement qui l'entraîne. Quelle vivacité ,
quelle richeffe dans les couleurs qu'il em
»ploye pour peindre les Héros ! Non que
»fes Portraits foient , comme on le lui a re-
>> proché , l'Ouvrage d'une heureufe Imagi
» nation , qui repréfente les Perfonnages ,
» moins tels qu'ils furent , que tels qu'ils
» dûrent être. Le Pinceau de Corneille est
>> fi vrai , fes traits conviennent fi-bien au
caractere de chaque Nation , qu'en lifant
fes Tragédies , on fe croit dans la compa-
>> gnie des Héros qu'il fait parler. Rome &
»Carthage exiftent dans l'efprit du Lecteus ,
»ou plûtôt fon coeur devient le Théatre des
>>>Guerres cruelles , que la Rivalité alluma
entre ces Républiques ennemies , & des
» Combats furieux , où leur haine invétérée
» s'affouvit de fang. Corneille trouva la Scé-
»ne Françoife fouillée par la licence , déf
» gurée par la barbarie , dégradée par lar
D.Yv Druf
1794 MERCURE DE FRANCE .
"
&
» rufticité . On ne peut lui difputer la gloire
» d'en avoir été le Pere , en la purgeant
» la délivrant de ces monftres , & d'y avoir
» ramené la pudeur , la décence & le bon
goût , en prenant pour modéle le févére
» & vertueux Sophocle . Corneille fçavoit
» que l'Amour , quand il joue le premier
» rôle au Théatre , ne peut s'y affujettir aux
» régles de la bienféance , & qu'il prétend
» y tyrannifer toutes les autres paffions ; loin
» de flater fon injurieufe molleffe , il ofa lui
arracher fon flambeau , dont l'ardeur avoit
déja commencé fes ravages fur la Scéne..
» Parmi plufieurs avantages finguliers , ce
génie fublime & divin a celui de s'élever
» haut , quand il prend fon effor , que fi
"perfonne ne peut en approcher , & celui
""
de nous forcer à l'admirer , fouvent même
» jufques dans fa chûte ou dans fes écarts.
» Le Frere du Grand Corneille ne lui fut
» pas plus uni par les liens du fang , que par
» la conformité d'inclinations. Nulle diffe-
» rence entre leur caractere ; dans le com-
» merce de la vie ils avoient l'efprit auff
plein de droiture & d'équité , que de fail-
»lies & d'agrémens dans leurs ingénieufes
»fictions ; leurs talens cependant ne font
»pas comparables. L'un , né pour le Tragi-
» que , fait fur le Théatre trembler le vice-
» au bruit de fon tonnerre. L'autre , Comi-
99
» que
AOUST. 1744.
1795
*99*
que & enjoué, l'y fait rougir & fe cacher
» à l'éclat des rifées , qui l'y accueillent .
» Cependant l'un n'a pas feulement plus de
magnificence & de majesté que l'autre , il
» a encore plus de nerf & de force . On di-
» roit que la Nature a partagé les talens entre
les deux Corneilles , comme la Coûtu-
» me de Normandie partage les biens entre
les freres uniquement jaloufe de bien
» pourvoir les aînés , elle laiffe le foin des
»cadets & de leur fortune à leur travail &
» à leur induſtrie. "
La troifiéme Subdivifion roule fur la Piété
des Normands . Le P. D. s'y trouve trop
chargé de matiere , pour pouvoir s'étendre
beaucoup . L'Eglife eft aflés magnifique dans
les Edifices & affés riche dans les revenus
qu'elle poffede en Normandie , pour qu'on
ne puiffe refufer aux Normands la gloire
d'une Piété généreufe & folide. L'Orateur ,
fans prefque s'y arrêter , à l'occafion des
inondations qui défolerent cette Province:
il y a peu d'années, rappelle à fes auditeurs
le fouvenir des pieufes contributions , que
M. l'Evêque de Bayeux , par la voye de
l'exemple & du zéle , impofa fur l'opulence
charitable de fes Diocèfains. On croiroit
voir l'ardeur de l'Illuftre Prélat , dont le
zéle tendre , humble , actif , univerfel , fent
toutes les miſéres , defcend dans tous les dé-
D vj
tails ,
#796 MERCURE DE FRANCE.
tails , fe multiplie dans tous les Lieux ,
pourvoit à tous les befoins ..
&
On pourroit demander pourquoi l'Orateur
ne s'étend pas davantage fur les loiianges
de M .. l'Evêque de Bayeux ; il avoit
prévenu cette objection ; il en parle dans
I'Epitre dédiée à ce Prélar , dans laquelle il
paroît craindre & la mauvaiſe humeur de
quelques Cenfeurs chagrins , qui lui feront
un crime d'avoir trop vanté la Normandie ,
& la foibleffe de quelques Normands , qui
penferont peut- être qu'il devoit prendre
fes intérêts de fa Patrie avec plus de chaleur
, & ne pas fe contenter de l'excufer en
badinant..
Il vient enſuite à un autre reproche qu'il
appréhende, plus que tout le refte . Ĉ'eſt
d'avoir paffé fous filence dans le Compliment
qu'il fit à M. l'Evêque de Bayeux.,
Illuftre Maifon de Luynes , les : Grands
Hommes qu'elle a produits , leurs actions ,
leurs vertus , les qualités du coeur & de l'efprit
qui la diftinguent ; de n'avoir rien dit
de M. le Duc de Chevreufe , fi connu au
Siége de Prague par fa générofité , ſa libéralité
, fon courage , & par quatre bleffures
qu'il y reçût ; de n'avoir pas fait mention
de cette fermeté d'ame , jointe à la plus folide
piété , qui rend M. de Bayeux le foûtien
& l'appui de la Religion , dont il venge les
droits ,
A O UST. 1744. 1797
droits , fans aigreur & fans amertume , mais
conftamment & fans foibleffe ; de cette Eloquence
douce & infinuante , qui a ramené
plus d'une fois au fein de la Vérité les Efprits
les plus opiniâtres ; de cette affabilité
charmante , qui lui gagne tous les coeurs ,
& donne un nouveau prix à fes bienfaits ;
de cette vigilance Paftorale , de ce zéle pur
& univerfel , qui fe livre aux petits comme
aux grands , qui porte l'Illuftre Pafteur à
prêcher fon peuple jufqu'au milieu même
des Campagnes , expofé aux injures de l'Air,
& uniquement occupé des intérêts de fon
Troupeau : voilà , dit le P. D. ce qu'on me
reprochera , fans doute , d'avoir oublié
mais pour louer fi dignement une . Maifon
fi diftinguée , un Prélat d'un fi rare mérite ,
un Difcours auroit- il fuffi ? Et que feroit
alors devenue la Caufe des Normands ? Il
ajoûte encore une autre raifon qui doit l'exeufer
, c'eft que M. de Luynes , malgré cette
bonté facile , qui le rend fi affable envers
tout le monde , n'écoute pas volontiers ceux.
qui le loüent , & qu'il eft auffi attentif à
éviter les louanges qu'à les mériter. Ainfi il
y avoit deux écueils à craindre ; s'étendre
fur les louanges de ce digne Prélát , c'étoit
vouloir lui déplaire ; omettre des Vertus ,
fi univerfellement eftimées , c'étoit s'attirer
L'indignation du Public. Le P. D. a uſé de
i
l'à
1798 MERCURE DE FRANCE.
L
Padreffe ordinaire des Orateurs , pour tromper
la modeftie de M. de Luynes ; fon zéle ,
fa vigilance , fa bonté , fa charité , fes talens
Académiques , toutes ces qualités font
loüées fans affectation par des traits répandus
dans la premiere & dans la feconde
Partie ainfi " dans l'Epitre Dédicatoire.
que
Cette premiere Partie finit par l'Eloge de
'de M. le Cardinal de Fleury , que M. de
Bayeux a fi dignement remplacé à l'Acadé
mie Françoife , & dont la mémoire fera
toujours chere à la Ville de Caën , par les
aumônes que S. E. y répandoit , & par la
protection dont elle honoroit tous les Ordres
de la Province , & en particulier l'Univerfité
de Caën. Les fleurs que l'Orateur
jette en paffant fur le Tombeau de ce Miniftre
, font affés choifies être mêlées:
pour
aux plus belles dont on ait orné ſon Maufolée.
SECONDE PARTIE
En changeant de matiere , le P. D. change
de ton . Jufqu'ici il nous a enchanté ,
maintenant il va nous amufer . Pour loüer
fes Compatriotes , il a déployé les charmes
du génie le plus gracieux ; pour les excufer ,
il prodigue le fel de l'efprit le plus enjoué.
Là , c'eft un Difcours rempli de gravité &
de
AOUST. 1744. 1799
"
"
de nobleſſe ; ici , ce n'eft qu'une converſation
, j'ai prefque dit un badinage , plein de
légéreté & de fineffe. Ces genres , ſí éloignés
& fi oppofés , femblent fe rapprocher
& fe réconcilier pour prendre l'air élégant
& agréable , que l'Auteur donne à tous fes:
Portraits. On trouve celui d'un Normand
tiré d'après l'idée que s'en font les Cenfeurs
qu'on va confondre . « Ils le repréfentent
»ce Normand , toujours élevé fur une Rouë
»mobile , d'où il obferve de quel côté ſouf-
»fle le vent de la fortune ; les fraudes volti
»gent à l'entour de fa tête , & font rétentir
» à fes oreilles un bruit flateur ; la diffimula-
»tion compofe l'air de fon vifage , & régle
» le mouvement de fa langue ; la fineffe di-
» rige tous les regards , & préfide au jeu des
» muſcles moteurs , d'où dépend l'action ,
»ou plûtôt le langage des yeux , dociles aux
impreffions qu'elle leur tranfmet. Ceux ci
parlent & fe taifent à fon gré , fans jamais
trahir le fécret des fentimens & des pen-
» fées , dont ils font les interprétes naturels.
»Formé à l'école de la flaterie & de la poli-
» telſe , ſon coeur reçoit de l'une le miel
» qu'il diſtille , & de l'autre le mafque dont
»il fe couvre : Mercure y joint fes bons offi-
» ces , qui ne font pas indifferens ; ce Dieu ,
» d'un vol careffant , jouë & folâtre fans
»ceffe près du cher nourriffon ; il fecoue
»
66
» fur
1800 MERCURE DE FRANCE.
fur lui fes aîles légères , & en fait tomber
une pluye de rufes & d'artifices , dont
"Pavide Normand ne laiffe rien échaper.
Ici , on trouve en détail les differens défauts
qu'on reproche aux Normands ; pour
montrer la fauffeté de ces préjugés , le P. D.
fe contente d'en indiquer la vraye fource.
Les Normands , plus actifs qu'aucun autre
Peuple pour amaffer du bien , plus attentifs
à le conferver , plus habiles à l'augmenter ,
ont fertilifé jufqu'aux Rocs arides de leurs
Montagnes , & par la commodité de leurs.
Ports ont rendu leur Province le Magaſin
de l'Europe , & le centre de fon Commerce.
Voilà tout le fondement du reproched'intérêt
, dont on les a chargés.
On fe plaint que dans la Société ils ne
font ni affés francs , ni affés ouverts ; qu'en
amitié ils font froids ou infidéles. La plus
rapide excurfion en leurs Villes feroit bientôt
rendre juſtice à leur exacte politeffe & .à
leur louable fincerité. On ne fçauroit leur
en demander davantage , fans exiger ou plus
de rufticité , ou moins de difcrétion dans
leurs manieres.
On les accufe encore d'être peu fcrupuleux
fur les intérêts de la bonne- foi & de la
vérité , accufation fondée uniquement fur
leur attention à ne point parler d'eux - mêmes
, ni de leurs affaires , & à éviter par là
less
AOUST. 1744. 1801
les difputes où l'on s'expofe , en fatisfaiſant
une curiofité fotte & déplacée .
Sont-ils donc fi ennemis de la difpute &
des Procès ? Oui fans doute , & ce n'eft que
pour les éviter que toutes leurs affaires fe
traitent & fe terminent en Juftice réglée.
C'est ici que F'Orateur touche finement l'article
des témoins de Normandie , en faisant
obferver que nulle part ils ne s'expliquent
avec plus de jufteffe , de reſpect & de Religion
, & que pulle part leurs fautes ne
font punies avec tant de févérité que dans
la Jurifprudence Normande.
Enfin l'air de la Normandie eft , dit- on ,
fi contagieux , qu'aucun Etranger ne peut y
féjourner , fans gagner le mal du Pays . Mais
ce prétendu mal eft un vrai bien pour ces
Etrangers. En Normandie les Bretons deviennent
plus laborieux & plus induſtrieux;
les Gafcons plus modeftes , & moins fanfarons
, les Champenois plus fins & plus déliés
, &c.
A propos des préventions que les Parifiens
, malgré leur bonté naturelle , ne laiffent
pas de conferver contre les Normands ,
le P.D. nous fait le Portrait de certains Seigneurs
de cette Capitale , qui font leur féjour
en Normandie , & qui font exempts
des préjugés populaires.
22 Nous les voyons , dit-il , auffi élevés
í
»par
1802 MERCURE DE FRANCE

»
par leur Dignité qué par leur Naiffance.
»L'éclat qui les couvre eft fi temperé par la
bonté de leur caractere & par la douceur
de leurs manieres , qu'il nous eft permis
»de les approcher avec confiance , & de
jouir , fans contrainte , des charmes de
» leur commerce. Nous admirons dans leurs
»difcours & dans leurs Ecrits l'Erudition la
plus recherchée , qui s'y produit avec ces
graces faciles & aifées , qui ne coulent
» qu'avec le fang des Dieux dans les plus
»beaux génies ; nous y fentons ces tours.
>> heureux qu'une noble fimplicité leur four-
» nit , pour éclaircir les plus fombres matieres
, & pour embellir les plus abftraites.
»L'Orateur avoue qu'ils ne doivent point
»ces belles qualités au féjour de la Normandie
, mais qu'ils les ont apportées avec
» eux.
A ces traits , il eft aifé de reconnoître M.
l'Evêque de Bayeux , quoique le P. D. ne
l'ait pas nommé ; furtout l'Académie de
Caën , dont il eft le reftaurateur , ne peut
s'y méprendre.
Mais encore , d'où vient cette réputation
de duplicité , qu'on nous reproche , dit l'Orateur
? Apparemment de l'alliance des Normands
avec les Neuftriens , alliance qui forma
entre eux une union fi étroite , qu'un
Normand & un Neuftrien fembloient ne
faire
A O UST. 1744. 1803
faire qu'une même perfonne. Je fuis fâché
d'être obligé d'omettre dans cet Extrait les
beautés d'un Difcours , qui n'eft pas fufceptible
d'abrégé ; j'en demande pardon au P.
du Parc , fi ennemi de la diffufion & de la
prolixité , & en même- tems fi jaloux de la
propreté & du bon goût , qu'on diroit qu'en
Pere fage & oeconome, il ne refuſe à aucune
des idées qu'il enfante , la parure qui lui ,
convient le mieux , mais fans vouloir y
ajoûter aucun de ces ornemens qui , fans relever
une véritable beauté , ne peuvent flater
qu'une vanité capricieufe. On doit juger
de- là quels font le choix & la pureté du
Latin , la clarté & l'exactitude du ſtyle .
Le fuccès de cette Piéce prouve que le
goût de la faine Antiquité a encore des Partifans.
Je crois , M. en finiffant ma Lettre , que
non feulement vous conviendrez de cette
vérité , mais que vous avonerez qu'on ne
peut pas difculper plus avantageufement
une Nation , dont le mérite ne vous est pas
inconnu , vous , MM.. qquuii poffedez des Domaines
confidérables dans cette belle &
grande Province , qui d'ailleurs n'avez jamais
donné dans les Préjugés vulgaires , &
qui êtes également équitable & éclairé.
J'ai l'honneur d'être , M. &c.
A Paris ,le 14 Août 1744.
L'AU
1804 MERCURE DE FRANCE.
།་
C
*********3X+3X ++++
L'AURORE ,
IDYLLE.
Et Oifeau , dont le chant prévient toujours
l'Aurore ,
M'annonce que bien- tôt nous la verrons éclore.
Viens , Ifmene ; montons fur ce Côteau voifin ,
Sois témoin avec moi d'un Spectacle divin .
De Rofes parfemant fa brillante carriere ,
Elle ouvre du matin l'immortelle barriere ;
Emule en même - tems & fille du Soleil ,
Elle offre à nos regards un viſage vermeil.
Tout s'émeut ; fon aſpect ranime la Nature.
C'eſt en vain que Tithon, en la quittant , murmure
Divinité , propice aux Humains malheureux ,
Elle aime ; elle fe plait à leur porter fes feux ;
Par tout ces feux vainqueurs fe forment des iffuës ;
La nuit leur cede ; au loin ils vont dorer les nuës ;
Tithon n'eft pas le feul épris de fes appas.
Quel Mortel, chere Ifmene , & quel Dieu ne l'eft
pas ?
De fes cheveux flottans l'Or remplit les efpaces.
Son vêtement fuperbe eft l'ouvrage des Graces ;
La joye eft fur fon front , & dans les yeux le jour.
Ses Pages font les Ris , précédés par l'Amour.
La Campagne reprend fes couleurs , fa parure ;
Le Ciel répand fur elle une Eau fubtile & pure ,
Qui
AOUST. 1744.
1805
Qui penetrant bien -tôt l aride fein des fleurs ,
Releve leur éclat , augmente leurs odeurs,
Zéphire fait fentir fes aimables haleines ;
Je l'entends badiner fur le bord des Fontaines,
Je vois de toutes parts les Jeux & les Plaifirs
Se préfenter en foûle & combler les Defirs.
Château Jardin , Verger , Bois, Prairie & Riviere
Que d'objets differens produits par fa Lumiere !
Vois-tu ce Laboureur , actif , impatient ,
Qui preffe de fes Boeufs le pas tardif & lent ?
Envoyant aux Echos fa Chanſon ingénuë ,
Au Lieu de fon travail il conduit fa charruë ;
Vois plus loin Palémon avec Amarillis ,
De la Danfe déja ſe diſputer le Prix ;
Et plus près des Chaffeurs , dont la meute rapide
Avec ardeur pourfuit un Animal timide ;
Mais il la fuit en vain ; on le force ; il fe rend ,
Et tombe fous les coups d'une mortelle dent .
L'Agneau quitte l'Etable ; il court aux pâturages
Le Pipeau des Bergers attendrit les Rivages.
Regarde un Voyageur que l'allegreffe fuir ,
Qui répare le tems dérobé par la nuit .
Des Echos attentifs entends la voix légere ,
Répeter les amours d'une jeune Bergere.
Dans cette Eau vois Progné reprendre ſa vigueur
Son aîle fur fon corps en répand la fraîcheur.
Au bord de ce Bofquet obferve Philomele ,
Confacrant fon ramage à l'Aurore nouvelle ;
S'élançant d'un vol fûr vers la Plaine des Airs ,
Mille
1306 MERCURE DE FRANCE.
Mille Oifeaux à ſon chant uniffent leurs Concerts;
Sur mainte fleur , au gré du badin fils d'Eole ,
De jeunes Papillons la troupe active vole.
L'induftrieufe Abeille à l'illet , au Jafmin ,
Diligente , va faire un innocent larcin .
Ifmene , ces objets ; cet éclat me rappelle
Ces tems fi regrettés , où l'homme étoit fidelle.
Repos , Ans fans Hyvers, Plaifirs purs, Jours fereins,
Mille douceurs failoient le bonheur des Humains.
Cérès abondamment prodiguoit fes richeffes ;
Sans peine de Bacchus on cueilloit les largeffes.
La fageffe , les moeurs des Mortels innocens ,
Faifoient regner fur eux un éternel Printems .
Revenez , Siécle heureux d'Aftrée & de Cibelle ;
Le brûlant Syrius , la froidure cruelle ,
Nous viennent aujourdhui tourmenter tour à tour.
Vain eſpoir , vains défirs , vous fuyez ſans retour ;
De vos jours fortunés il ne nous reste encore
Que les inftans légers d'une riante Aurore.
Le crime répandu , le crime audacieux
A fait ceffer ces biens dont nous combloient les
Dieux ,
Et rendant la Nature en miféres fertile ,
Il ne nous a laiffé qu'un regret inutile.
Par Mad. de R.....
A Lyon , ce premier Août 1744.
SEANA
O UST. 1744. 1807,
BUDUDUDUDUDU
SEANCE PUBLIQUE de l'Académie
Royale de Chirurgie , à laquelle préfida
M. de Malaval , Directeur , en l'abfence
de M. de la Peyronie , Premier
Chirurgien Médecin Confultant de Sa
Majefté , le 2 Juin 1744.
M
R Hévin , Sécretaire pour les correfpondances
, fit en l'abſence de M.
Quefnay , Sécretaire , l'ouverture de la
Séance . Il déclara que l'Académie avoit adjugé
le Prix fur la matiére des Remedes
Emolliens , au Mémoire N °. 7 , qui a pour
Deviſe les treize Lettres fuivantes , P. F. G.
M. E. A. C. P. D. L. D. D. L. Ce Mémoire
eft de M. Graffot , Maître ès Arts , & Chirurgien
Major de l'Hôtel- Dieu de Lyon.
L'Académie lui a auffi accordé des Lettres
d'Affocié Correfpondant . De tous les autres
Ouvrages , qui ont mérité d'être admis au
concours , les Mémoires Nº . 11 , & N °. IV,
ont le plus approché de celui qui a remporté
le Prix . Le No. 11 a pour Devile Sat cito,
fi fat bene ; le Mémoire eft de M. Guyot ,
Maître en Chirurgie à Genéve ; le N°.IV ,
eft terminé ces trois Vers de Lucrece.
par
Animi
808 MERCURE DE FRANCE.
Animi tenebras neceffe eft
Non radii Solis , nec lucida tela diei
Discutiant ,fed NaturaSpecies , ratioque.
Le dernier Mémoire eft de M. Louis ,
Maître ès Arts , fils du Lieutenant de M. le
Premier Chirurgien du Roi à Metz , ancien
Chirurgien , Aide - Major des Camps & Armées
du Roi , ancien Chirurgien Major du
Régiment du Commiflaire Général de la
Cavalerie , & aujourd'hui Chirurgien gagnant
Maîtrife à l'Hôpital Général de Paris
, en la Maifon de la Salpêtriere.
M. Hevin lût enfuite les Eloges de M.
'Andoüillé, le pere , Membre de l'Académie,
ancien Prévôt de fa Compagnie , & Démonftrateur
Royal pour les Maladies des
Os , & de M. Perron , le pere , Confeiller
du Committé perpétuel de l'Académie ,
Chirurgien Herniaire de l'Hôtel Royal des
Invalides , & de tous les Hôpitaux Militaires
du Royaume , tous deux morts depuis la
Séance publique de l'année derniere .
M. Levret fit la lecture du précis d'un
très-long Mémoire , lû dans les Séances particulieres
de l'Académie , dans lequel il démontre
, par un grand nombre d'Expériences
Phyfiques , & par quelques Faits de pratique
, la poffibilité de fondre ou réfoudre
les Tumeurs Squirrenfes , Scrophuleuſes ,
CanA
O UST. 1744. 1809
Cancereufes & autres , faites par l'engorgement
ou par l'extravafation de la Lymphe
épaiffie & endurcie , foit dans les glandes ,
foit dans le tiffu cellulaire des graiffes.
M. Levret commençe par expofer dans
ce Mémoire , qu'il a travaillé à l'imitation
de Mrs de la Peyronie , Petit , Quefnay ,
Bouquot , Faget & Dufoüart , qui ont fait
une quantité d'Expériences pour découvrir
la nature des humeurs , qui entroient dans
la compofition de ces fortes de Tumeurs ,
tant pour en diftinguer l'état contre nature,
d'avec l'état fain , que pour reconnoître les
divers degrés de dépravation , où ces humeurs
pouvoient être parvenuës. M. Levret
a repeté les mêmes Expériences , & il s'eft
convaincu , ainfi que ces Meffieurs , 1 ° . que
les Tumeurs Squirreufes, Cancereufes , &c.
étoient faites de fucs , en partie albumineux
, & en partie gelatineux , & il croit
avoir découvert leurs juftes proportions relatives
. 2 °. Que la ftagnation de ces fucs, &
la diffipation de leur Serum , fuffifoit pour
produire le Squirre. 3 ° . Que la perverſion
de ces mêmes fucs , occafionnée par le mouvement
fpontané de putréfaction , étoit laˆ
caufe des cruelles douleurs, & autres grands
accidens , qui font périr les Malades , lorfque
l'Opération ( feul fecours qui refte en
pareil cas ) n'eft plus praticable . Ces decou-
E vertes
1810 MERCURE DE FRANCE:
vertes l'ont conduit à pouvoir déterminer
le tems où l'on peut effayer de traiter ces
fortes de Tumeurs , par la voye de la Réfolution.
L'Auteur donne enfuite la Deſcription de
fon Médicament diffolvant ou fondant, qui
a pour baze le Sel fixe de Tartre , & pour
véhicule l'Eau de pluye diftillée ; ce Remede
eft une Liqueur potable , auffi lympide
que la plus belle Eau ; elle n'a nulle odeur ,
& fa faveur eft très-fupportable. Comme M.
Levret, lors de la découverte de fon Diffolvant
, n'avoit pas en main des Tumeurs
Squirreufes, Cancereufes, &c. pour faire fes
Expériences , il fe détermina à le mettre en
épreuve fur des fubftances reconnuës , en
quelque forte , analogues à l'humeur qui
produit ces efpeces de Tumeurs ; il choifit
pour cet effet des Coënes lymphatiques ,
qui fe forment fur le fang que l'on tire dans
les Maladies inflammatoires, du blanc d'oeuf,
cuit & crud , de la lymphe , du lait frais
caillé , &c .
M. Levret prit d'abord une de ces Coënes
lymphatiques ; il la mit fur le feu , dans un
vaiffeau de terre , avec huit onces de fon
Diffolvant ; dès que la liqueur fut prête
à bouillir , il s'apperçut que la Coëne
s'étoit gonflée , & qu'elle étoit devenuë
tranfparente, & en un quart d'heure d'ébullition
A O UST. 1744. 1811
Jition , elle fut exactement diffoute . L'Auteur
fait obferver qu'il étoit resté à la Coëne
quelques petits caillots de fang ; il fe trouva
au fond du vafe , après la parfaite diffolu
tion de cette Coëne , de petits grumeaux
noirs , qu'il foupçonna être la partie rouge
du fang, qui y étoit demeurée incrustée ; pour
s'en affûrer , il recommença l'Expérience
avec une Coëne lavée & bien blanchie ; il
ne refta aucuns grumeaux , ce qui le perfuada
de la réalité de fon foupçon ; on verra
ailleurs les conféquences qu'il tire de ce
Phénomene. M. Levret a répeté ces Expériences
, tant à froid , qu'à la chaleur du fumier,
avec des Coënes fraîches & feches , lavécs,
ou non lavées; elles ont été toutes diffoutes,
fans avoir acquis de mauvaiſe odeur,
les unes plûtôt , les autres plus tard , fuivant
leur plus ou moins de denfité,la température
de la liqueur ou de l'air, le repos, ou le mouvement
qui leur avoit été communiqué.
L'Auteur n'étoit pas content d'avoir vu
diffoudre parfaitement ces Coënes ; il voulut
fçavoir fi le même moyen qui les fondoit
, pourroit empêcher qu'elles ne fe formaffent.
Pour s'en affûrer , il profita de l'occafion
d'un Pleuretique , à qui il avoit déja
tiré à plufieurs reprifes , un fang extrêmement
coëneux. La Maladie exigeant de nouvelles
faignées , il tira deux palettesde fang
E ij
1812 MERCURE DE FRANCE.
à l'ordinaire, & une troifiéme dans une pin
te de fon Diffolvant tiéde . Il eut la fatifaction
de voir que le fang y refta en diffolution
, & que celui qui avoit été tiré dans
les palettes , devint coëneux. Cette Expérience
, qu'il répeta une feconde fois , lui fit
imaginer de donner fonDiffolvant en boiffon
au Malade , le fixième jour de la Maladie
, après neuf faignées , qui n'avoient
point diminué les accidens ; il arriva en
vingt-quatre heures un changement manifefte
en mieux ; les urines , qui n'avoient
coulé jufques- là qu'en petite quantité &
roufsâtres , devinrent abondantes & faffranées
; il furvint des fueurs foetides , qui terminerent
la Maladie en peu de jours.
M. Levret avoüe de bonne foi , que ce
fuccès apparent ne le flata
ne le flata pas beaucoup , &
qu'il ne fe crut pas autorifé à regarder comme
l'effet de fon Reméde , une Guérifon
qu'on pouvoit auffi attribuer aux faignées ,
au Régime , aux autres Remedes dont on
s'étoit fervi , & même au tems qu'avoit duré
la Maladie . En homme fage , il fufpendit
fon Jugement jufqu'à- ce qu'il fe préſentât
de nouvelles occafions de faire ufage de fon
Remede. Il en donna fucceffivement à trois
Pleuretiques , avec le même fuccès , à l'un
après fix faignées , à l'autre , après cinq , &
au dernier , après quatre . Une Erefipele au
vifage
A O UST. 1744. 1813
1
vifage fournit auffi à peu près dans le même
tems à l'Auteur une autre occafion de
preuve. Après avoir fait plufieurs faignée
des bras & des pieds , fans aucun changement,
( le fang fe trouvant fort coëneux ) il
fit ufage de fon Diffolvant , tant intérieurement
, qu'en topique , & le Malade fut parfaitement
guéri le feptiéme jour. M. Levret
ne voulut pas être feul témoin des bons effets
de fon Remede ; il en fournit à plufieurs
de fes Confreres , qui tous s'en font
très-bien trouvés dans diverfes Maladies in-
Aammatoires. Il termine ces premieres Expériences
, en avertiffant qu'il eft bien éloigné
de croire que fon Diffolvant ait la propriété
de faire feul ces Cures , mais qu'il le
regarde comme un moyen qui peut concourir
puillamment à cet effet , étant aidé de la
diette , des faignées , &c. & dirigé avec
beaucoup de prudence.
M. Levret n'a pas oublié de rapporter une
chofe affés finguliere , qui arriva au Malade
de l'Erefipele au vifage , & à qui il tira du
fang du pied dans fon Diffolvant . Cet homme
portoit depuis trente ans fur le tarfe
un ganglion très-dur , & gros comme une
aveline. Le bain feul du pied dans le Diffolvant
chaud pour la faignée,ramollit beaucoup
cette Tumeur; l'application de compref-
Les imbues de la même Liqueur , en procure→
E iij
rent
1814 MERCURE DE FRANCE.
rent la refolution parfaite dans l'efpace de
trois semaines.
Satisfait en quelque maniere du fuccès
de fes Expériences fur les Coënes lymphatiques
, il voulut les effayer fur le blanc
d'oeuf, que l'on fçait être fort analogue
avec la partie albumineufe de la lymphe ,
qui furabonde dans lesTumeurs Squirreufes,
Ĉancereufes , &c. Il mit le blanc d'un oeuf
frais crud , dans une bouteille , avec huit
onces de Diffolvant ; il les mêlangea exactement
, & les mit au bain-marie ; la Liqueur
fut une heure en ébullition , fans que
le blanc d'oeuf prît aucune confiftance ; le
mêlange refta lympide & de couleur de
paille ; il fe fit feulement , en refroidif
fant , une espece de précipité dont on va
parler.
M. Levret obferva dans cette Expérience
trois chofes remarquables , 1 ° . que le blanc
d'oeuf n'a pû prendre aucune confiftance ,
quoiqu'il ait bouilli dans la Liqueur pendant
une heure. 2 ° . Que les ligamens qui
attachent le jaune de l'oeuf au blanc , & que
quelques-uns nomment le germe de l'oeuf,
devinrent auffi durs que des ganglions.
3 °. Que la pellicule lucide , qui enveloppe
la partie la plus folide du blanc d'oeuf , ne
fut point détruite par le Diffolvant. Elle
étoit feulement devenuë opaque , & elle
Y
formoir
AOUST. 1744 1815
le
formoit avec les ligamens ou le germe ,
précipité dont on a parlé. Ces trois Phénoménes
femblent devoir faire naître les refléxions
fuivantes. 1 °. Que cette Liqueur paroît
être le vrai Diffolvant des fucs albumineux
, puiſqu'elle les tient en fonte , malgré
l'action du feu, z ° . Qu'elle ne paroît
attaquer que ces fucs , puifqu'elle ne fond
pas la pellicule lucide , qui enveloppe immédiatement
le blanc d'auf. 3 ° . Qu'elle
donne du reffort aux parties folides , puif-
'elle durcit les ligamens ou le germe, qui
font de ce genre .
qu'elle
Il ne fuffifoit pas d'avoir éprouvé que le
Diffolvant tenoit le blanc d'oeuf en fonte
ou fluide ; il falloit voir s'il pourroit fondre
ce même blanc d'oeuf , durci par la cuiffon.
On va voir par l'Expérience fuivante , que
M. Levret y a réiiffi. Il fit durcir un oeuf
frais , il le dépouilla de fa coque , il fépara
le jaune du blanc , il coupa ce dernier par
lardons , qu'il mit au bain-marie dans une
bouteille de verre blanc, avec huit onces de
Diffolvant ; le blanc d'oeuf s'y diffout peu
peu,& il fe trouva en fonte parfaite après fix
heures d'ébullition ; on voyoit dans la Liqueur
les portions de pellicules qui couvroient
le blanc d'oeuf dans fon état naturel ;
elles avoient confervé la forme qui leur
avoit été donnée en le coupant par mor-
E iiij ceaux ;
1816 MERCURE DE FRANCE.
ceaux ; ce qui prouve encore que le Diffolvant
n'agit point fur les parties folides . L'Expérience
qui fuit en fournit une nouvelle
preuve. Il mit un jaune d'oeuf crud dans
du Diffolvant boüillant ; il y prit une
confiftance dure & folide , comme il arrive
dans l'eau commune bouillante . Le Diffol
vant fit en cette occafion ce qu'il avoit déja
fait à la Coëne , mife en ébullition ; la partie
rouge du fang , qui y étoit incruftée , s'y
étoit cuite & endurcie. De tout l'oeuf, il ne
fe diffout donc que le blanc , & des Coënes
que les Coënes mêmes.
Ce qui s'eft paffé dans les Coënes & le
blanc d'oeuf peut être mis en parallele avec
les Expériences particulieres que M. Levret
fit enfuite für la Lymphe. En effet il a éprou
vé , 1 ° . que la Lymphe , mêlée avec le Dif
folvant , & mife en ébullition , n'a pû prendre
aucune confiftance. 2 ° . Que cette même
Lymphe durcie au feu , comme le blanc
d'oeuf , s'eft parfaitement fondue dans le
Diffolvant. 3 ° . Que quand la Lymphe ſe
trouve chyleufe , la diffolution refte louche,
tant qu'elle eft chaude , & qu'en refroidiffant
, elle s'éclaircit par la précipitation des
parties chyleufes , qui y étoient fufpenduës,
& non altérées par l'action du Diffolvant.
Mais , continue M. Levret , » ces fubftances
» étant naturellement diaphanes , il étoit
" difficile
A O UST. 1744. 1817
>>
"
par
» difficile d'apperce voir à la vûë , fi aprè
»l'action du Diffolvant leurs molécules
» avoient été alterées ou non. Je conjectu-
» rois la fluidité , qu'elles avoient con-
»fervée , ou qui leur avoit été renduë ,
qu'elles étoient reftées, ou qu'elles étoient
» rentrées dans leur état naturel , mais cela
» ne m'affûroit pas démonftrativement que
» dans le dernier de ces deux cas , ces ſubf-
» tances euffent été rétablies dans leur premiere
intégrité. Pour en être certain , il
» étoit donc néceffaire de l'éprouver fur
quelque fubftance qui pût mieux tomber
» fous les fens. Le Lait , qui a des parties dif
» tinctes & très-perceptibles à la vûë , m'a
file convaincu Diffolvant détruit que
» quelque chofe dans les compofés acciden-
» tels , ce n'eft que pour leur rendre leur
» forme naturelle , en mettant en liberté
>> leurs molécules ftagnantes , aufquelles , en
>> rendant le mouvement , il femble , pour
» ainfi-dire , rendre la vie.
»
»
M. Levret mêla enſemble parties égales
de Lait & de Diffolvant ; il les laiffa à froid
pendant vingt- quatre heures , fans y apperaucun
changement ; il mit enfuite le
mêlange fur le feu . Le Lait , ainfi mixtionné
, monta au premier moment de l'ébulli
tion , comme s'il eût été feul ; il perdit feulement
fa grande blancheur , & devint un
E v peu
1818 MERCURE DE FRANCE
peu roux, M. Levret, curieux de voir fi dans
cet état le Lait tourneroit en y jettant un acide,
y verfa quelques gouttes de vinaigre, qui
le cailleboterent fur le champ. Mais ce qu'il
Y a de fingulier , c'eft que ces mêmes caillebots
, jettés dans du Diffolvant chaud ou
froid , s'y fondent , & le lait reprend fa
premiere forme , fur tout à froid , comme
cela eft prouvé par l'Expérience qui fait.
M. Levret mit une cueillerée de caillé.
fait avec la préfure ordinaire , dans un Vaſe
de verre , avec huit onces de Diffolvant
froid ; au bout d'une heure , la Liqueur devint
blanchâtre , ce qui continua d'augmen
ter toujours de plus en plus ; douze heures.
après , il ne pouvoir plus voir le morceau de
caillé que par deffus la Liqueur, parce qu'el
le s'étoit rendue opaque , en devenant laiteufe.
Le lendemain à pareille heure , il
trouva à la place du caillé , une pellicule de
crême , d'un blanc laiteux , comme fi l'on
eût ajoûté au Diffolvant autant de Lait qu'on
y avoit mis de caillé.
Content de cet effet , qui fe paffa à froid
en 36 heures , il voulut éprouver ce qui
arriveroit à la chaleur ; il mit fur le feu un
pareil volume de caillé , avec une pareille
quantité de Diffolvant dans un vaiffeau de
terre. A mefure que la Liqueur s'échauffoit,
le caillé fe fondoit , & au premier moment
de
AOUS T. 1744 1819
de l'ébullition , le mêlange s'éleva , comme
auroit fait du Lait coupé ; il fe fit à la furface
une pellicule de crême cuite , & la Liqueur
laiteufe refta uniforme , quoique
refroidie. Il a repeté cette derniere Expérience
avec differens Fromages , tels
que ceux de Brie , Saffenage , Roquefort ,
Gruyere , Hollande , Parmefan , &c. ils
ont été tous diffouts très- promptement , &
ont confervé fous cette nouvelle forme leur
couleur , leur odeur & leur goût ; on peut
donc conclure que cet Agent ne fait que
défunir les molécules des fubftances , fansles
altérer ni les détruire .
L'Auteur , en fuivant cette idée , conjectura
que l'application de ce Médicament
pourroit produire de bons effets fur les Tumeurs
laiteufes, qui arrivent aux mammelles
des femmes après leurs couches ; il l'éprou
va avec beaucoup de fuccès fur une Dame
attaquée de cette Maladie , dont elle fouf
froit confidérablement depuis trois femaines
; elle fut guérie en huit jours , par le
moyen de compreffes imbibées de cette Liqueur
, pofées fur la partie , & que l'on
avoit foin d'entretenir chaudes & humides .
Il avoit tout lieu d'être fatisfait du fuccès
de fes Expériences fur les diverfes fubftances
qu'il y avoit employées ; mais il lui reftoit
à éprouver fon Diffolvant fur de v ayes
E vj Tu1820
MERCURE DE FRANCE.
Tumeurs Cancereufes ; c'étoit même fon objet
principal . Enfin il eut occafion d'avoir
trois de ces Tumeurs ; il répeta fucceffivement
fur ces trois Tumeurs les Expériences
que nous avons vûës , en préſence de Mrs
Moreau , Hevin , Bruyere , Defpuech , tous
Membres de l'Académie;ils furent témoins de
la parfaite diffolution de ces Tumeurs ,laquel
le s'acheva de la même maniere que celle des
Coënes , du Lait caillé , caillebotté , de la
Lymphe , & du blanc d'oeuf cuit , fans endommager
les parties que ces fucs albumineux
avoient abreuvées & diftenduës . Ces
Expériences , qui furent faites à l'aide du
feu , à la chaleur du fumier , & à l'air temperé
, fouffrirent quelques variations , par
rapport à l'étendue du tems , fuivant le degré
de chaleur , & la quantité des mouvemens
communiqués au Médicament. Par
exemple , la diffolution ſe fit au bain-marie
bouillant , en fix heures , à l'air temperé, en
fix femaines , & à la chaleur du fumier , en
quinze jours ; il eft bon d'obferver que toutes
ces diffolutions fe font faites fans putréfaction
, & fans altérer le tiffu des parties
folides engorgées de fues .
» N'est- ce pas-là , dit M. Levret , ce qu'a
» fait d'une part ce Médicament avec le
» blanc d'oeuf cuit , puifqu'il n'a pas diffous
» la pellicule qui l'enveloppe , ni les liga-
» mens
AOUS T. 1744. 182
"
mens, non plus que le jaune , ces trois der-
» nieres fubftances étant en quelque forte,du
»genre des parties folides & non des liqui-
» des. Si l'on fe rappelle d'autre part , con-
» tinue ce Chirurgien , l'Expérience de la
» diffolution de la Coëne , où il étoit resté
quelques petits caillots de fang , qui dans
l'épreuve s'étoient endurcis , & celle de la
Lymphe chyleufe , où le chyle s'étoit dépofé
en forme de précipité , il fera aifé de là
» de conclure, que non -feulement ce Médica-
» ment ne détruit point les parties folides ,
» mais qu'entre les particules même qui
compofent les fluides , il n'agit fpéciale-
» ment que fur l'albumineufe & fur la géla-
» tineufe , en leur rendant leur premiere
»forme & leur fluidité , de-même qu'au
» Lait caillé , & c.
35
93
L'Auteur a reconnu par le moyen de fon
Diffolvant , que les fucs qui entroient dans
la compofition
des trois Tumeurs Cancereufes,
qui lui fervirent pour fes épreuves , furpaffoient
vingt-quatre fois ou environ , le
poids des folides qui les contenoient ; que
ces fucs étoient la Lymphe même condenfée ,
épaiffie , & folidifiée par la féparation & la
fouftraction de faférofité, & que dans cet état,
qui la rend quelquefois
affés femblable à de
la corne , & très-élaftique , elle fe trouve
compofée de quatre parties de fucs albumineuxfur
une partie de gélatineux.
M.
1822 MERCURE DE FRANCE.
M. Levret auroit pû dans la fuite de ce
Mémoire rapporter quelques exemples des
bons effets de fon Remede , tant intérieurement
qu'extérieurement fur des Tumeurs
Scrophuleufes , & fur des Cancers , foit occultes
, foit confirmés , & même ulcerés ;
mais il a jugé à propos d'en réferver le détail
pour une autre occafion. Il fit obferver , en
finiffant fon Mémoire , quoiqu'il fe foit ſervi
de fon Diffolvant bouillant , pour parve
nir plus promptement à la diffolution des
fucs endurcis qu'il a mis en épreuve , il n'a
pas entendu que ce dernier degré de chaleur
dût s'employer dans la pratique, mais qu'el
le aide beaucoup l'action de ce Médicament;
il est même d'autant plus fingulier que fon
Diffolvant agiffe fi puiffamment dans ce der
nier degré de chaleur , que fans ce Médica
ment c'eft un moyen für pour endurcir plus .
promptement ces fortes de fucs albumineux..
La fuite pour le prochain Mercure.
1
Ex
A O UST. 1744 1823
EXPLICATION des deux Logogry
phes du Mercure de Juin , premier volume .
Par M. l'Abbé D. S. 7.
Q
Ui peur fçavoir quel eft ton but,
Ou des Vers ou de l'harmonie
Car fçais- tu moins la Poëfie ,
Qu'ut , re , mi ,fa ,fol „ la , fi , ut ?
Quiconque , à jufte titre ,
Veut paffer pour fçavant ,
Doit du goût & du ſentiment
Etre cenfé l'Arbitre.
EXPLICATIONS des trois Enigmes
du fecond volume .. Par M. Du **
Trois Enigmes dans un ſeul trait !.
S'il faut qu'ici je les devine ,
Parbleu je n'aurai jamais fait.
Qu'en dis - tu , ma belle Couſine ≥
Tâchons d'abreger tout cela ;
Pour les trois il ne faut qu'un A….
On a dû expliquer l'Enigme & le Logogryphe
du Mercure de Juillet par l'Air &
Parafaragaramus , nom d'un certain Perfonnage
dans le Roman de Don Quichotte . On
trouve dans le Logogryphe Fagus , Pagus ,.
Mus , Sara & Agar , Mufa , Parùm , Amarum
, Pars , Far , Rus , Fama , Sura , Fraga,
Fuga,
1
2824 MERCURE DE FRANCE.
Fuga , Ara , Ramus , Argus , Fur , Pura ;
Fas , Par , Magus , Urfa , Supra , Arma ,
Ruga.
M
ENIGM E.
On être n'eſt formé que de fang & de chair .
Et j'habite toujours fous un Palais humide :
Quand je fers la fureur de celui qui me guide ,
Freres , parens , amis , voifins , rien ne m'eft cher.
Je noircis les Vertus , j'attaque l'innocence ,
Qui fuccombent fouvent fous l'effort de mes coups ;
Je fouffle les foupçons dans le coeur d'un Epoux ,
Qui , par les traits malins que lâche ma licence ,
De fa moitié devient un ennemi jaloux ;
Je fuis l'organe impur des baffes calomnies ,
Qui couvrent la Vertu de mille ignominies.
A des vices fi noirs , mais , trop peu déteſtés ,
Je joins de belles qualités ;
Et fi fouvent je caufe un mal irréparable ,
Je fais auffi beaucoup de bien .
Tel ne me fait fervir , généreux , équitable ,
Qu'à repouffer les traits dont l'impoſture accable
Le mérite opprimé , dont il eft le foûtien ;
Tel autre , à terraffer les vices & le crime ,
Et payer aux Vertus leur tribut légitime.
Les Apôtres jadis eûrent befoin de moi ,
Pour
AOUST. 1744. 1829
Pour prêcher aux mortels les différens Myfteres ,
Aufquels Dieu ,fans fonder , veut qu'on ajoûte foi
Aujourd'hui même dans les Chaires
Les plus grands Orateurs ne fçauroient diſcourir ,
L'Avocat au Barreau garderoit le filence ,
Si je n'aidois leur Eloquence.
Je finis par un trait , qui va me découvrir ;
Beau fexe , daignez le fouffrir :
N'eft-il pas vrai ( ceci foit dit fans nulle offenfe >
Que vous feriez au défeſpoir ,
Si l'on vous empêchoit de me faire valoir.
Par M. Boran de S. Domingue.
LOGOGRYPHE.
Quoique d'origine affés vile ,
Aux Champs , à la Cour , à la Ville ,
Et jufqu'au Cabinet des Rois ,
Je fers à différens emplois.
Mes membres combinés font quantité de choſes ;
Qu'ici tu vas trouver écloſes .
Le tout fait un Dieu des Payens.
Deux tiers , un Pape des Chrétiens ,
Un apprêt de Raifin , un Poiffon , double Ville ,
La folde d'un foldat , Grand Seigneur , uftencile ,
Un nid , une mefure , ou bien un inftrument ,
Dans
1826 MERCURE DE FRANCE.
Dans les siècles paffés inconnu sûrement.
Moitié donne une Plante , un Oifeau peu paisible ;
Mois des Hébreux , corps invifible.
Vingt autres mots ici pourroient être placés ,
Mais pour qu'on me devine , en voilà bien affés.
L. D. C.
AUTRE.
Accord entier , fans chef , Plante & nom d'une
femme ,
Qu'un lecteur attentif verra par anagramme.
Un quart ôté du tout , j'ai fouvent avec moi
Au milieu des plaifirs une Reine & ſon Roi ,
Et fans craindre la colere
D'un critique trop ſévere ,
Toujours contre fon fentiment ,
Je permets le déguiſement.
Par Luc Duhamel de Rochefort de Lingevres .
près de Bayeux.
NOU,
AOUST. 1744 1827
NOUVELLES LITTERAIRES ,
M
DES BEAUX- ARTS , &c.
fervir à l'Hiſtoire
EMOIRES рour
des Gaules & de la France , dédiés à
MM . de l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles- Lettres , par M. Gibert , 1 vol. in-
12. A Paris , chés B. Brunet fils , grande
Sale du Palais , à l'Envie .
Ces Mémoires forment un Recueil de
quinze Differtations fur des fujets importans
de notre Hiftoire ancienne , traités avec
beaucoup d'ordre & de folidité. On fe contentera
d'en rapporter ici les Titres.
I. Remarques fur les Noms des Celtes ,
des Galates & des Gaulois . II. Recherches
nouvelles fur les Hyperboréens. III. Obfervations
fur un paffage d'Herodote , le plus
ancien où les Celtes foyent nommés . Ì V.
Paffage d'Onomacrite , où la Gaule eft appellée
Pays Lycéen . V. Effai de Differtation
fur l'Origine des Gaulois . V I. Examen
du Ch. IX . du L. I. de l'Hiftoire des
Celtes ,, par M. Pelloutier . VII. Fragmens
de Critique fur un Livre intitulé , Antiquités
de la Nation & de la Monarchie Françoi
Leg
1828 MERCURE DE FRANCE.
fe , par M. le Gendre de S. Aubin. VIII
Remarques fur l'Origine des Francs , &
l'Etymologie de leur nom. IX . Obfervations
finguliéres fur l'origine des Germains .
X. Explication d'un Endroit de Procope ,
qui concerne l'établiffement des Francs dans
les Gaules , T. I. de la Guerre des Goths.
XI. S'il faut lire Armoriques ( Appogines
ou Arboruches ( ApСopuxo ) dans Procope.
XII. De l'affociation des Francs & des Arboruches.
XIII . De l'Epoque du Régne
de Pharamond. XIV . Examen des differens
fentimens fur l'Epoque de l'Etabliffement
des Francs dans les Gaules. X V. Si
les Francs avoient des Rois avant que de
paffer le Rhin.
Le feptiéme & le huitiéme Volumes de
la Collection des Oeuvres de M. Boffuet
Evêque de Meaux , paroiffent depuis peu
Paris , chés le Mercier , la veuve Alix , Barois
, fils , & Boudet , Libraires , in-fol . 1744.
Le feptiéme Volume contient les Ecrits de
M. Boffuet , à l'occafion des difputes , qui fe
font élevées au fujet du Livre des Maximes
des Saints , la Politique tirée des propres paroles
de l'Ecriture-Sainte , & fon Traité fur
la Comédie. Le huitiéme comprend le Difcoursfur
l'Hiftoire Universelle , une Lettre
au Pape Innocent XI , avec la Réponſe .?
les
AOUST. 1744. 1829
les Oraifons Funébres , & le Difcours que
M. Boffuet prononça lorfqu'il fut reçû à
l'Académie Françoiſe,
LES VIES des Hommes Illuftres de la
France , &c. Par M. d'Auvigny. T. X. contenant
la fuite des Grands Capitaines , à
Amfterdam , & fe vend à Paris , chés le Gras,
Grand'Sale du Palais , à l'L couronnée ,
1744.
Nous avons rendu compte du IX Tome
de cet Ouvrage dans le I. Vol. du Mercure
de Juin dernier , p. 1164. Celui- ci contient
les Vies de l'Amiral de Bonivet , de
Charles Duc de Bourbon , premier Prince
du Sang , Pair & Grand Chambellan de
France , &c. de Claude de Lorraine , Duc
de Guife , & c. & de François , Duc de
Guife.
On fe contentera de rapporter ici l'Article
qui regarde l'Amiral de Bonivet , Capitaine
de cent Hommes d'Armes , Chevalier de
l'Ordre du Roi & Gouverneur de Provence
fous le Régne de François I , parce que cet
Article eft moins étendu , & n'excedera
point les bornes que nous fommes obligés
de nous prefcrire.
On a vû dans quelques-unes des Vies
précédentes que
l'Amiral de Bonivet avoit
commis de grandes fautes dans le Confeil
dont
1830 MERCURE DE FRANCE.
gneur ,
n'étoit

dont la faveur du Roi l'avoit rendu l'ame ,
& à la tête des armées que ce Monarque
avoit confiées à fa conduite. Cependant
l'inclination qu'il reffentoit pour ce Seipas
feulement Pouvrage de
la prévention. Il étoit moins néceſſaire d'ajoûter
que de retrancher du caractere de
Bonivet , pour en former un grand homme
; fa préfomption feule caufa fon malheur
& fes fautes . Les difgraces de la Fortune
n'étant point fuivies de celle du Prince
, il en fut moins humilié , & moins en
état de faire les réfléxions , dont certains ef
prits ne font capables que dans l'abattement.
Le fuccès du Siége de Fontarabie , où il
montra des talens pour la guerre , acheva
de le gâter. On a vû que de tous les favoris
de François I , Anne de Montmorenci ,
feul corrigé par de grands accidens , mérita
le nom de grand Capitaine. Chabot , Seigneur
de Brion , l'un de ceux qui partageoient
les bonnes graces du Roi , pour
avoir affifté à la défenſe de Marſeille , & à
la levée de ce Siége , formé par le Connétable
, fe crût le modéle des Généraux , &
commit depuis beaucoup de fautes.Les hommes
qui n'ont rien à défirer , méritent rarement
un pareil bonheur . L'eftime du grand
nombre s'accorde trop aifément à la faveur ,
pour que ceux qui la poffédent prennent les
moyens
A O UST. 1744: 1831
moyens néceffaires de fe rendre véritablement
utiles & eftimables. L'Hiftoire n'offre
en aucun Pays de la terre un Favori réellement
grand homme ; il ne faut que du bonheur
& de l'efprit pour gagner l'ame d'un
Prince , mais l'autre Titre ne s'acquiert qu'à
l'aide de la crainte , de l'efperance & de la
contradiction. Je n'appelle point Favoris
des hommes tels que les Cardinaux de Volfey
& de Richelieu ; ces puiffans génies
domptoient leur Maître & leur Nation
fans être aimés & fans efperer d'être excu
fés dans leur difgrace, lorfqu'elle arriveroit.
Bonivet fût donc malheureux dans fes entrepriſes
militaires , & infiniment dangereux
à l'Etat , parce qu'il fut trop affùré de
l'inclination du Roi , non de celle qui vient
de la connoiffance des talens & qui doit être
la récompenfe de la fidélité & des fervices ,
mais de ce goût du coeur qui fe déclare fouvent
fans motif, & dont on ne manque
prefque jamais d'abufer. Bonivet fut longtems
attaché à la Régente , Mere du Roi ,
qui fe fervoit de lui , pour faire paffer à fon
fils les idées qu'elle ne vouloit pas lui préfenter
elle- même. Il ne la fervit que trop
bien. Et que pouvoit-on attendre d'un Gouvernement
foumis à une femme hautaine &
capricieuſe , foûtenue dans tous fes deſſeins ,
& que fes paffions feules dirigeoient ? Bonivet
1832 MERCURE DE FRANCE.
vet fut plus heureux dans fes négociations
en Allemagne, où le Roi l'envoya au commencement
de fon Régne , & c'eft affés l'efprit
des Cours de juger un homme capable
de tout , parce qu'il a réuffi dans un genre,
Son Commandement en Italie lors de la retraite
du Connétable , & fes fuccès fâcheux ,
dont cette expédition fut fuivie , ne détromperent
point le Roi fur l'idée qu'il avoit dẹ
fes talens. Il préféra fes confeils à ceux des
plus grands Capitaines de fon Royaume , &
fon aveugle confiance en un homme , aveuglé
lui-même par fa préfomption , les perdit
l'un & l'autre. Le Roi fut pris , & Bonivet ,
devenu éclairé fur le bord du précipice ,
connut toutes les fautes, dans l'inftant qu'el
les produifoient leur plus malheureux effet
; enfin , n'écoutant plus que fon défefpoir
, il fe fit tuer à la Bataille de Pavie , les
armes à la main , ne voulant point furvivre
à la
perte du Roi , & à fa réputation . Ainfi
le défefpoir finit les jours d'un homme , à
qui rien n'avoit ofé faire ombrage pendant
le cours de fa vie , dont la faveur avoit été
continuelle , que toutes les fautes n'avoient
point rendu coupable aux yeux de celui qui
auroit pû l'en punir , & à qui fon Roi ,
prevenu de la plus forte inclination , auroit
peut-être pardonné fa propre perte , s'il
avoit
AOUST. 1744. 18 ; 3
avoit pû le réfoudre à fe la pardonner luimême.

ESSAIS d'Exhortations , avant & après
l'Adminiſtration du très - faint Viatique'
des Sacremens de Batême , de l'Extrême-
Onction , & du Mariage , avec divers motifs.
& Actes pour la confolation des Malades ,
& des Mourans , & quelques Exhortations
pour les Fiançailles. Par un Prêtre de l'Oratoire
, 1 vol. in- 12 . de 544 pag . fans la Table
, & l'Avertiffement ; à Paris , chés le
Mercier , Imprimeur-Libraire de l'Hôtelde-
Ville , ruë S. Jacques , au Livre d'Or ,
M. DCC . XLIV .
Le feul Titre de ce Livre en fait connoître
l'importance , & marque la modeftie du
pieux Auteur , qui , fous le nom d'Eſſais ,
nous donne un Ouvrage achevé & des plus
édifians que la Piété Chrétienne puiffe défirer.
و د
» Il y a lieu de croire , dit * un des Doc-
» teurs en Théologie de la Faculté de Paris ,
qui l'ont approuvé , que cet Ouvrage fera
» très- utile à ceux qui font chargés de l'Ad-
»miniftration des Sacremens , & que l'onction
qui accompagne les paroles de la
* M. le Boyer , Théologal de l'Eglife de Toulouse.
F » Sain1834
MERCURE DE FRANCE.
» Sainte Ecriture , que l'Auteur a ramaffées
»avec foin , produira dans les Fidéles les
>> fentimens , dans lefquels ils doivent
» être , lorfqu'ils approchent des Sacremens.
On trouve à Paris , chés Briaffon , Libraire
, rue S. Jacques , le Catalogue d'une
Bibliothèque de Livres très-rares , où il fe
trouve plufieurs remarques curieufes fur les
Editions de ces mêmes Livres : cette Bibliothéque
eft à vendre à Bafle : voici le Titre
de ce Catalogue ,
Bibliotheca Selectiſſima , five Catalogus Librorum
in omni genere Scientiarum rariſſimorum
,, quos maximis fumptibus , fummoque
ftudio ac cura per plurimos annos collegit ,
nunc vero venum exponit Samuel Engel , ex
Rep. Helv. Bernenfi Biblioth. Primarius , qui
buncce Catalogum Ordine alphabetico concinnavit
, fimul ac notis perpetuis illuftravit ,
8°.1743 .
On vendra cette Bibliothéque en gros ,
ou en détail , avant le mois d'Octobre , mil
fept cent quatante- quatre.
ASSEM
AOUST. 1744. 1835
ASSEMBLE'E publique de l'Académie dès
Beaux Arts de la Ville de Lyon , du quatre
Décembre 1743 .
M des Mémoiresqui avoient été lús à l'Acadé-
Borde , préfident , rapporta l'Extrait fuivant
mie , depuis la précédente Affemblée publique.
Difcours fur l'inutilité du Systême des Génies.
M Rey combat , dans ce Difcours , le fentiment
de quelques anciens qui donnoient à chaque Aftre
un Génie , pour le conduire ; & ne croyoient pas
les Loix Méchaniques fuffifantes , pour maintenir
l'Univers dans l'état où nous le voyons . Les Phyficiens
modernes font bien éloignés d'avoir recours
à de telles explications ; les loix du mouvement , la
configuration des corps . la différente difpofition de
leurs parties,font les feuls refforts qu'ils employent.
Differtation fur les trois inégalités des mouvêmens
de la Lune.
Le P. Béraud examine , dans la premiere Partie
de cet Ouvrage , les différentes hypotéfes ; propofe
une Méthode fimple , pour déterminer les deux dernieres
inégalités des mouvemens lunaires , & croit
pouvoir prouver dans la fuite , par des obfervations
sûres & récentes , qu'il s'en faut de beaucoup qu'elles
s'accordent avec le calcul fondé fur les Tables
Aftronomiques.
Dans la feconde Partie , il cherche la caufe Phyfi
que de ces irrégularités conftantes , & penfe qu'avec
l'aide des découvertes de M. Newton , on peut
démontrer qu'elle eft dans lesLoix du mouvement,
établies par le Créateur.
Fij Nous
1836 MERCURE DE FRANCE.
Nous voyons , avec étonnement , les progrès de
P'Aftronomie , depuis environ un Siécle ; cependant
il lui reste encore bien des ténébres à percer ; les
grands hommes qui ont inventé des hypotéfes ,
pour rendre raifon des inégalités des mouvemens
de la Lune & des autres Planettes , n'ont point levé
les difficultés .L'hypotéfe circulaire donne l'acceleration
des Planettes , en raifon des diamétres apparens
, tandis que par les obfervations , elle devroit
être en raifon double des diamétres L'hypotéfe Elliptique
de Kepler corrige ce défaut ; mais pour éviter
une erreur de calcul , ce grand homme s'eft jetté
dans une erreur de fait , en fuppofant l'excentricité
de la Lune,moindre qu'elle n'eft réellement . M. de
la Hyre , en adoptant les Ellipfes de Kepler , a reconnu
cette erreur , & a cru pouvoir la détruire .
Il place pour cela le centre du mouvement des Planettes
dans un point éloigné des foyers , mais ce
point ne peut le trouver que par l'ufage des Tables
des anciens , qui font défectueules . La Courbe de
M. Caffini détermine aifément le Lieu des Planettes
, mais elle eft différente de l'Ellipfe ; l'une &
l'autre hypotéfe place le centre de la Lune , dans
le même inftant, dans des Lieux différens , qui ofera
décider laquelle eft la vraye ?
Differtation fur la falubrité de l'air.
M. Moëgling , l'un de nos Académiciens affociés
étrangers , Auteur de cette Differtation , nous
y préfente un examen des principes actifs répandus
dans l'air , fon action fur nos corps , & les effets
qu'elle y produit ; un grand nombre d'exemples ,
appuyés d'autorités refpectables , lui fervent à établir
, que l'air humide & froid eft extrêmement
nuifible à la fanté. La tention néceffaire aux fibres
de pos corps eft néceffairement relâchée par l'humidité
AOUST. 1744. 1837
dité de l'air , & le froid , en refferrant les pores ,
arrête la tranfpiration . Ces deux qualités nuifibles
de l'air , font elles réunies ? le danger augmente
& il eft difficile de fe défendre de fes impreffions. Il
fuit done , de cet examen , que l'air fec & chaud
eft le plus analogue à nos corps , & tel qu'il le
faut ,, pour entretenir le jeu de les parties.
7
Mémoire fur l'harmonie & fur les régles de la
compofition.
-M. Cheinet , dans la premiere Partie de ce Mémoire
, préfente des recherches Phyfiques fur le
principe de l'harmonie ; il établit le rapport des
confonnances qui la forment , l'origine des modes
principaux , quelles en doivent être les bornes ; & il
finit cette premiere Partie , par la néceffité du tempérament
, pour tous les inftrumens à touches.
M. Cheinet s'eft propofé , dans la feconde Partie ,
d'examiner quelles font les véritables régles de la
compofition , qu'il déduit des principes qu'il a établis
; quels doivent être les accords d'une bonne -
Mufique & leurs juftes bornes.
Difcours fur les Régules Métalliques.
M. Gavinet , après une explication du mot de
Régule , un détail des différentes efpéces & de leur
utilité , dans l'art de décompofer les Métaux & les
Minéraux , établit une nouvelle maniere de procéder
à l'opération du Régule Martial , qui abrege de
moitié le travail ordinaire. L'explication du Méchanifme
de cette opération y répand des lumieres
intéreffantes. L'Etoile qui paroît fur la furface de ce
Régule après la fufion , perd ici tous fes droits d'Af
tre bienfaifant , d'Etoile lumineufe , que lui avoit
Fiij donné
1838 MERCURE DE FRANCE.
donné l'imagination échauffée & peu habile de
quelques anciens Philofophes & Alchymiftes. I
préfente une expérience fur la chaux d'antimoine ,
qui n'eft la terre vitrefcible de cè minéral , déque
pouillée de fon huile & de fon fouffre , par le fel vo
lasil du Salpêtre à laquelle il a rendu la forme de
Régule. La maniere de procéder aux Régules d'étain
& de cuivre,& leur utilité dans la compofition
de l'Elixir Solaire , que Paracelfe & Vanhelmont
ont donné fous des noms mystérieux , terminent ce
difcours . Des Méthodes fimples , des expériences
bien conduites , tendent toutes également à la perfection
des Arts ; rien n'eft à négliger.
Mémoire fur les Théatres des anciens, comparés
à ceux des Modernes.
M. Clapaffon , après avoir fait dans ce Mémoire ,
une defcription exacte des Théatres des anciens ,
qu'il a tirée de Vitruve & des meilleurs Auteurs
qui en ont traité , les compare à ceux des Modernes
, & trouve dans cette comparaiſon , des raiſons
de préférence en faveur de ces derniers .
L'étendue , la folidité , la magnificence des Théatres
anciens , les marbres les plus précieux qu'on
employoit dans leur conftruction , & ces fuperbes
Portiques qu'on élevoit aux environs les rendoient
fupérieurs à ceux des Modernes , mais il en réfultoit
néceffairement des défauts , contre l'ufage auquel
on les deftinoit .
La grandeur de leur enceinte empêchoit la voix
des Acteurs de parvenir diftinctement aux oreilles
des Spectateurs , ou du moins ce n'étoit pas fans
altérer le naturel , qui en fait le plus grand charme.
Ils n'empruntoient pas le fecours des lumieres artificielles
, qui donnent aux Spectacles, des Modernes
A O UST. 1744. 1839
nes un air d'enchantement . Le genre de leur conf
truction ne leur permettoit pas , fans doute , l'artifice
de nos décorations , leur variété , l'entente de
la perfpective , & furtout la promptitude dans les
changemens de nos décorations , puifqu'ils étoient
en ufage de baiffer le rideau , toutes . les fois que la
Scéne devoit changer.
Nous avons fouvent l'occafion de comparer nos
ufages , nos coûtumes , nos découvertes à celles des ,
Anciens : fi nous y trouvons des raifons de préféren
ce , elles ne doivent pas altérer notre estime pour
eux , & nous faire regarder comme plus habiles ,
mais feulement plus heureux.
M. Colomb lut la Defcription Anatomique d'un
Enfant monftrueux né & mort , depuis quelques
mois , dans la Paroiffe de S. George , dont il avoit
fait la diffection . Il en expofa le réfultat ; ce n'eft
Pas là le feul exemple des bizarreries & des égaremens
de la Nature.
Differtationfur la fuperftition des nombres , ou
Les années Climatériques .
Le P. Tolomas préfente trois points de vûë inté
reflans , dans cet Ouvrage . Le premier contient des
recherches fur la prétendue vertu des nombres ,
P'origine de cette opinion ; & en remontant , par
des traces prefque effacées , à la plus haute Anti- .
quité , il fuit le fil des penfees, qui ont conduit les
hommes à regarder certaines années comme funef .
tes , ou du moins comme périlleuses. Le fecond:
point de vue nous offre une définition des années
Climatériques , un examen des raifons prétendues
des craintes que ces années avoient infpirées , &
dont bien des gens ne font pas encore affranchis .
Enfin , le troifiéme objet de ce Mémoire , eft de ré-
Fiij futer
1840 MERCURE DE FRANCE.
futer & détruire ces préjugés , qui tout frivoles &
déraisonnables qu'ils font , n'ont pas laiffé d'être
adoptés par les plus grands Philofophes de la
Gréce & de l'Italie , & mème par quelques Peres
de l'Eglife.
Quel doit être le but d'un Ouvrage de ce genre !
D'inftruire la raiſon humaine , en l'éclairant ; de
rendre fervice à la Société , en diffipant fes v . ines
terreurs , & de fortifier l'efprit contre les attaques
des préjugés.
Difcours fur les progrès de la Phyſique
moderne.
M. Dugas établit dans ce Difcours les avantages
confidérables que l'Anatomie , les Méchaniques &
l'Aftronomie ont retiré des nouvelles découvertes •
que la Phyfique ne fe laffe point de nous préfenter.
Il examine enfuite , d'où peut naître la différence
des progrès de la Phyſique moderne , comparée à
celle des Anciens . En fuivant les réfléxions de M.
Dugas , on doit chercher cette différence , & on la
trouvera infailliblement dans la maniere dont les
anciens faifoient ufage de leurs connoiffances . Ils
affujet iffoient la Nature à leurs idées & à leurs
fens ; les Modernes , au contraire , la cherchent en
elle même. Des faits certains , des expériences réiterées
, travaillent tous les jours au fondement d'un
Systême univerfel , lequel , s'il eft accordé aux connoiffances
humaines , ne peut être trouvé que par
gette voye.
Réfléxions fur la Génération.
M. Olivier fait fes premieres réfléxions fur la néceffité
de reconnoître les Loix de la création
dans
AOUST. 1744.
1841
dans la difproportion étonnante entre les parties de
l'Embrion , contenues dans l'oeuf , & les parties d'un
corps adulte.
L'accroiffement de l'Embrion , la nourriture qu'il
prend dans le fein de fa mere , & les fecours que là
Nature lui prête pour en fortis, font une fuite de ces
mêmes réfléxions qui étonnent plus la raiſon, qu'elles
n'éclairent l'efprit , auffi M. Olivier en fait ik
ufage , lorfqu'en comparant les fonctions & les divers
mouvemens du corps humain avec ceux
dont une machine , compofée avec tout l'art poffible
, feroit capable , il croit pouvoir conclure que
l'Edifice du corps humain eft véritablement leChef
d'oeuvre de l'Auteur de la Nature.
1
Hiftoire & Analyfe des Eaux de Hauterive
en Bourbonnois , par le P. Godin.
De toutes les maladies qui attaquent la vie de
l'homme , il n'en eft point de plus cruelle , que la
Pierre. Les Eaux Minérales d'Hauterive femblent
nous offrir les diffolvans propres à réfoudre la Pier
re. La diftiflation exacte de ces Eaux a préfenté au
P. Godin , un fel vitriolé fulphureux & nitreux ,
dont la mare , en ſe déffechant, eft devenu verdâtre.
Le hazard feul a part à la découverte de ces Eaux ,
dont les qualités bienfaifantes furent feulement con .
nuës à quelques Païfans du voifinage , pendant un affés
long- tems ; des expériences ont fuccedé à cette découverte
, on en- voit l'Hiftoire dans le Mémoire du
P. Godin. Quel bonheur , fi de nouvelles guérifons
viennent affûrer la réputation naiffante de ces .
Eaux !
M. Chriftin , Sécretaire perpétuel , prononça l'Elo
ge du P. Duclos Jéfuite , Académicien affocié , an
cien Ordinaire , mort dans le mois de Juillet 1743
F v étap
3842 MERCURE DE FRANCE
etam Recteur de la Mafon d'Ax . Il étoit né à
Lyon , il avoit profile la Phytique , & dans le même
tems qu' profit les Mathématiques au
gand College , il occupoit avec diftrction une
place d'Aftronome dans cette Académie . Il a donné
piafieurs Mémoires très intéreilans , truts de fes
grandes connoiffances dans ies Mathématiques. Il
avoit l'efprit vif & pénétrant , & les moeurs fort
douces ; il a été univerfe lement regretté .
M. Dugas lût un Mémoire fur les moyens de
conferver de la Lumiere pendant la nuit & la
Séance finit par la lecture d'un Mémoire du P.
Godin fur la Caufe & les effets de la Maladie des
Vapeurs.
ASSEMBLE' E publique de la même
Académie , du 22 Avril 1744.
I
Es grandes occupat ons de M. Pallu , Inten
dant de Lyon , ne lui ayant pas permis de donner,
en qualité de Directeur de l'Académie, les Extraits
des Mémoires qui y ont été lûs depuis la
derniere Aff mblée publique il avoit prié M.
Borde,President de la précédente année , d'en faire
le Recueil & la lecture. Voici les Extraits qu'il a
rapportés.
?
Mémoire , contenant la Defcription de plufieurs
Machines de Guerre.
Les avantages que le Public peut retirer des ingénieufes
inventions , & des Machines qui forment
le curieux Cabinet de M. Grollier de Servieres
viennent infentiblen: ent orner nos Regifties. Ce
Mémoire contient des détails de conftruction &
d'apAOUST.
1744. 1.843
application. 1 : D'une Machine qui fert à forer
des Canons. Le Canon eft jetté en tonte tout maffif,
eft placé fur cette Machine & y ett fufpendu , dans
une fituation renventée & perpendiculaire , fur des
piéces de bois , qui lui permettent de defcendre infenfiblement
fur des forets de diferentes grandeurs
& force , qui en détachent ia natiere , en
tournant rapidement fur leur centre , par l'action
des chevaux , ou de tout utre moteur. Une feconde
Machiné faire paffer du Canon > pour au travers
d'une Riviere , loifqu'il n'y a point de Pont.
Une troifiéme , pour transporter ailément du Canon
fur divers endroits du Rempart ; moyen etile lorf
que les batteries des affiégés ont été démontées en
partie , & qu'il eft néceffaire de taire feu en plu-
Geurs endroits 4. Un Pont volant , pour trav.rfer
un foflé 5 ° . & 6 ° Deux moyens différens & d'une
grande fimplicité , pour éventer les Mines des affié--
geans , les prevenir & les inonder.
Sur les fractions des Nombres.
Les opérations d'Arithmetique préfentent fou
vent des fractions , dont il eit neceflaire de connoître
la valeur relativement à l'efpéce dont elles font
parties aliquotes , il faut pour y parvenir, employer
des réductions , qui fouvent , par la longueur du
calcul , deviennent fufceptibles d'erreur. M. l'Abbé
Dugaiby, qui a fenti ces difficultés , a cru pouvoir
les lever , en. imaginant des tables & des échelles
où ces reductions ie trouvent toutes faites , au premier
coup d'oeil ; un Inftrument qui a quelque rap- .
port au Compas de proportion , & inventé pour faciliter
la conftruction de ces échelles lui a fervi uti- >
lement. I elt compofé de deux régles , donc l'une
eft divifée fuivant la fuite naturelle des Nombres ,
I vj
&
1844 MERCURE DE FRANCE.
& l'autre , felon l'ordre des Nombres impairs ; le
centre de mouvement des deux régles eft variable
fur l'une des deux . Cet Inftrument divife tout cercle
& tout, fecteur à volonté , felon les différentes gradations
des Nombres , marqués fur la principale.
régle , & réfout méchaniquement & fans calcul le
Problême de Papus , fans avoir recours aux lignes
du fecond genre.
Obfervations du Paffage de la Planette de
Mercure fur le Soleil , le matin du 5
Novembre 1743 .
que
2
Un Phenomene fenfible & obfervé avec exactitude
, préſente aux Aftronomes des preuves de la
jufteffe , ou de la fauffeté de leurs hypotéfes . Il leur
eft donc extrêmement important de n'en pas laiffer
échapper l'heureux inftant. Le Paffage de Mercure
fur le Soleil , eft d'autant plus utile à l'Aftronomie,
le mouvement de cette Planette n'eft pas encore
bien connu , fes révolutions , quoique promp
tes , ne le placent que rarement dans une fiuation
propre à être obfervé. Le Phénomene annoncé par
les Ephemerides , avertit le P. Beraud de le précautionner
pour l'Obfervation Une Lunette de 20
pieds un quart de cercle , une Machine parallactique
& une Pendule réglée fur le mouvement vrai ,
furent préparées pour cette Obfervation ; le tems la
favorifa parfaitement . Mercure parut par la Lunette
de 20 pieds, exactement rond , fort noir , & fa circonférence
bien terminée , fans nebulofité , & fans
anneau lumineux. L'inftant de fon immerſion totale
fut à 8 heures du matin , 49' f1 " , tems vrai , &
celui de l'émerfion totale à i heures après midi ,
21' 20" , le tems de fon immerfion . totale à fon
émerfion entiere fut de 4 heures 3.1 ' 29" , & le tems
I
que
A O UST. 1744. . 1845
que fon diamétre mit à paffer le bord occidental dư
Soleil de z ' 6" , d'où l'on a conclu , que le moment
de for entrée fur le bord oriental , fut à 8 heures 47°
45" , qui différe du tems de l'entrée déterminée ,
par les Tables de 14' 33 " dont il a avancé , le diamétre
apparent du Soleil ce jour-là , étant de 32 °
30" ; la route entiere de Mercure comparée à ce
diamétre eft de 27 ' 14" . Le P. Beraud , par un calcul
intéreffant & tiré de cette Obfervation , donne
le rapport de la grandeur véritable de Mercure &
fon diamétre ; comparée à celle de la Terre , elle
eft comme 388 à 1200, c'eft- à-dire, que fon diamètre
eft un peu plus d'un tiers de celui de la Terre ; fa
furface un neuvième , & ſa ſolidité un vingt - feptiéme:
ce qui fe trouve très conforme aux précédentes
déterminations données par les Aftronomes les
plus exacts. Cette Obfervation annonce donc une
erreur dans les Tables, mais le P. Beraud ne fe preffe
pas de la conclure ; c'eft à la conformité des Obfervations
du même Phénomene à décider de la justef
fe ou de l'erreur des Tables qui les prédiſent.
Obfervation de l'Eclipfe de Lune , du z
Novembre 1743-
Le moment de cette Eclipfe a encore précédé le
tems où elle devoit arriver , felon les Ephémerides
de 15' 42 " , différence trop confidérable & qui auroit
pu faire douter de l'exactitude de l'Obfervation
, fi le P. Beraud n'avoit eu la fatisfaction de
voit la fienne ne différer que de peu de fecondes de
celles qui ont été faites en même-tems , à Toulon ,
par le P. du Chatelard , l'un de nos Académiciens
affociés , & à Marseille , par le P. Permas . Tel eft
P'ufage de ces fortes de comparaifons . Eiles font à
l'Aftro1846
MERCURE DE FRANCE.
FAftronomie , ce que les démonftrations font à la
Géométrie .
Sur les proportions dans l'Arithmetique.
M. l'Abbé Dugaiby préfenta un fecond Inftrument
qu'il a inventé , pour faciliter l'intelligence &
P'ufage des régles de proportions . Le quatrieme
proportionnel à trois nombres donnés, vient comme
de lui même fe placer fur l'Inftrument , par une
opération fimple ,immédiate & fans calcul , qui ne
demande que beaucoup de précifion dans l'inftru
ment.
Sur la perfection des Arts Libéraux.
L'Architecture , la Peinture , la Sculpture & la
Gravure , font des Arts infiniment précieux , la perfection
où nous les voyons , a conduit M. de la
Monce à en pénétrer la caufe . Les Analyfes qu'il
en a faites , lui font voir par tout , que les habiles.
Maîtres n'ont été tels que par une étude fuivie &
attentive des beaux Arts & des Sciences , qui conduifent
à leur intelligence. Il fait voir que les cinq
ordres d'Architecture doivent être confiderés com
me les lettres de l'Alphabet , c'eft - à- dire fufceptibles
d'une combinaiſon étonnante , laquelle bien enten
duë ne manquera jamais de plaire . Que le Pinceau
guidé par l'H ftoire , la Fable & les diverfes productions
de la Nature , préfentera tout à la fois , le
bon goût , la vérité la nobleffe de l'exécution
& enfin que le Cifeau & le Burin conduits par des
mains attentives , produiront ces Chefs-d'oeuvres
d'une pratique haoile & d'une fçavante imitation..
Sur
AOUST. 1847
1744.
Sur la conftruction des Cadrans Solaires , Verticaux
, Méridionaux déclinans ; & la
connoiffance de la Méridienne fur des Plans
Verticaux.
&
La Géométrie fe place par tout avec fuccès ; le
calcul différentiel vient au fecours d'une pratique
de Gnomonique , & fournit par une formule , une
Méthode fimple & exacte , pour trouver la déclinaifon
d'un Plan vertical , & en conféquence , la
ligne méridienne fur ce Plan . M., Mathon , à l'aide
de cette méthode , tire une tangente à la ligne
d'ombre d'un ftyle droit , élevé perpendiculairemert
fur le Plan , au point le lus près de midi ,
en conclut , par le calcul , le vrai point du midi , &
Ja hauteur du Pôle. Une feconde méthode pour
trouver la même méridienne , fans avoir befoin de
connoître la déclinaifon du Plan , fuppofe la maniere
ordinaire pour tracer la meridienne fur des
Plans horifontaux , par des cercles concentriques ,
décrits du pied d'un ftyle droit mais pour éviter
les erreurs , produites par le changemen de déclimaifon
du Soleil , M. Mathon propoſe de tirer une
tangente à la ligne d'ombre , au point trouvé part
Poble vation le complement de l'Angle de cette
tangente , avec une ligne verticale fera l'Angle
cherché entre la fous- litaire & la ligne de midi Les
petits arcs de la Courbe décrite , par l'extrêmité de
P'ombre , peuvent être pris , fans erreur fenfible
pour des lignes droites , furtout lorfqu'on fera ufage
de ftyles un peu longs.
:
Sur
1848 MERCURE DE FRANCE.
Sur l'ufage du Sucre de lait , dans l'Emoptifie
&les fueurs immédiates qui accompagnent
ordinairement la Phibyfi .
M. Moegling , l'un des Académiciens affociés ,
nous fit part de la maniere fitée en fon Pays , pour
la compofition du Sucre de lait ; elle est peu diffé
tente de celle des Suiffes . D'heureuſes applications
qu'il afaites de ceRemede à l'Emoptyfie & à l'Eryfie ,
l'ont perfuadé , qu'il n'opéroit efficacement dans
l'une & l'autre maladie , que par les fels abondans
qu'il renferme , lefquels fe mêlant avec le fang ,
l'embaraffent , en arrêtent la fougue, & l'empêchent
de monter avec impétuofité dans les poulmons ,
& par leur qualité aftringeante , confolident les petits
vaiffeaux , & font ceffer les vomiffemens & crachemens
de fang . Il rafraîchit la chaleur immoderée,
& refferre les pores qui laiffent échapper avec
trop de facilité la Lymphe qui circule avec le fang-
Obfervations météorologiques faites à Lyon en
l'année 1743 »
comparées avec celles de
Provence , qui nous ont été envoyées par Le
P. du Chatelard & par M. Boeuf , Confeiller
au Parlement d'Aix.
Le plus grand froid a été à Lyon le 28 Janvier ,
de 7 dégrés au deffous de la congélation , & en Provence
le 23 , feulement de deux dégrés tous la congélation
, donc le froid de l'Hyver 1743.à Lyon , a
été plus grand que celui de Provence des dégrés .
La plus grande chaleur à Lyon de l'Eté 1743 , a
été le 18 Juin de 29 dégrés au - deffus de la congélation
& en Provence le 1 Août de 23 dégrés ,

donc
AOUST. 1744. 1849
donc l'Eté de Lyon a été plus chaud que celui de
Provence de 6 dégrés , & à peu près dans la même
proportion du froid. Nous avons déja remarqué ,
dans les années précédentes , des différences prelque
auffi fenfibles .
Les hauteurs du Barométre ont été à peu près les
mêmes à Lyon & en Provence , & les mêmes jours
relativement à la hauteur des Lieux.
3
La déclinaifon de l'Aiguille aimantée a été affés
conftamment de 16 dégrés à Toulon , & à Lyon
de 15 dégrés 30' Nord - Ouest.
Sur la meilleure maniere d'enfeigner
l'Arithmétique.
l'or-
Il eft certain que plufieurs perfonnes fe plaignent
d'avoir oublié à chiffrer , prefqu'auffi- tôt qu'ils l'avoient
appris . M. Cheinet fait voir évidemment que
ce défaut ne vient pas feulement du peu d'habitude
qu'on en conferve , mais bien plus encore de la
maniere dont on a été enſeigné. Il ne faut que fentir
la différence qu'il y a entre un Arithméticien &
un Chiffreur. Les Maîtres n'enfeignent , pour
dinaire , que la fimple pratique de l'Arithinétique ,
qui s'oublie fort aisément , au lieu que les principes
de certe Science ne pénétrent dans l'entendeinent ,
que pour s'y affûrer une place conftante , & y former
des traces inéfaçables. Plufieurs raifons enga
gent M. Cheinet à donner des inſtructions aux Maî.
tres & aux Difciples , pour les conduire sûrement
dans la théorie & dans la pratique de cette Scien-
EC.
Obfer
1850 MERCURE DE FRANCE.
Obfervations fur la réforme de la Severonde ,
en ufage dans cette Ville , & nommée communément
Forget.
C'est ici une espéce de reproche fait à l'habitude ,
au mauvais goût & au préjugé ; la Severonde ou le
Forget des Toits de cette Ville , a préfenté à M.
Delorme des fujets d'Obfervations critiques , qui
paroiffent bien fondées. Elles portent fur la faillie
défectueufe que cette Severonde préfente à la vûë ,
fur fon inutilité pour préferver de la pluye le mûr
de face & les paffans : fur l'oeconomie de fa rétorme
, dans la conftruction & dans les réparations fré
quentes : fur les dangers aufquels expofe la faillie
hors-d'oeuvre , en facilitant à la flâme la communication
d'une maison à l'autre ; fur la diminution du
jour , nuifible aux Ouvriers & aux Manufactures ;
& enfin fur l'humidité & le mauvais air qu'elle
maintient dans les appartemens , par fon oppofition
à une circulation aifée . M. Delorme ajoute à toutes
cès Obfervations , deux modéles tirés de la belle
& fimple Architecture , qu'il feroit à fouhaiter
qu'on voulut imiter , mais une certaine fatalité veut
que l'indiférence pour le bien public , piévale pref
que toûjours.
M. Cheinet lût un Mémoire fur l'harmonie & fur
les régles de la compofition ; l'Extrait en a été
donné dans la précédente Affemblée publique.
M. Delamonce fit la lecture d'un Mémoire fur
plufieurs anciens Temples , & leur comparaiſon avec
nos Eglifes modernes . L'Extrait fe trouve avec ceux
de la Séance publique du 8 Mai 1743 .
M. Gaviner termina la Séance , par un Mémoire
fur les Régules Métalliques , dont on a vû l'Extrait
avec ceux de la précédente Aſſemblée publique.
ESTAMPES
AOUST. 1744. 1851
ESTAMPES NOUVELLES.
Le St Petit , Graveur , ruë S. Jacques , à la Cou
ronne d'Epine, près les Mathurins , qui continuë de
graver avec fuccès la fuite des Hommes Illuftres
du feu Sr Defrochers , Graveur du Roi , vient
de mettre au jour les deux Portraits fuivans .
FRANÇOIS- XAVIER DU PLESSIS , Miffionnaire de
la Compagnie de Jéfus , né à Quebec , en Canada ,
le 13 Janvier 1694. On lit au bas ,
Miffus fumEvangelizare vobis verbum Crucis , up
non evacuetur Crux Chrifti. I. ad Cor . 1 .
Traduction.
-Je fuis envoyé pour annoncer l'excellence & la
vertu de la Croix , afin que vous lui rendiez les honneurs
qui lui font dûs. Chap. I. de La premiere Epitre
de S. Paul aux Cor.
ANNIBAL CARRACHI , Peintre, né à Boulogne en
1560, mort à Rome en 1609. On lit ces Vers au basa
De l'Ecole de Lombardie
Voici l'ornement fi vanté ;
Aux Figures qu'il fit il fçût donner la vie ,
Et parvenir lui- même à l'immortalité.
Le St Odieuvre vient de mettre en vente les Por
traits fuivans.
MAXIMILIEN DE BETHUNE , Duc de Sully ,
Grand Maître de l'Artillerie , Pair & Maréchal de
France , & c. né au Château de Rofny en 1919 ►
mort en fon Château de Villebon , au Pays Chartrain
, le 21 Décembre 1641.
PHI
1852 MERCURE DE FRANCE.
PHILIPPE DU PLESSIS MORNAY , Gouverneur
de Saumur , né à Buhi les Novembre 1549 , mort
en la Baronie de la Forêt , le 11 Novembre 1623 .
ANDRE - HERCULE, CARDINAL DE FLEURY, Mi.
niftre d'Etat. C'est d'après le grand Tableau Allégorique
peint par M.Rigaud, gravé par Pinſſio , dont
il a été parlé dans le tems.
Il vient de paroître une parfaitement belle Eftampe
en hauteur. C'eft le Portrait de Pierre Mignard ,
Ecuyer , Premier Peintre du Roi , Directeur &
Chancelier de l'Académie Royale de Peinture &
Sculpture , peint par Hyacinthe Rigaud , qu'on peut
appeller à juste titre , le Van Dyck de la France , la
Figure eft repréfentée jufqu'aux genoux & affife dans
un Fauteuil , la main droite appuyée fur un Portefeuille
, & tenant de la main gauche un Crayon.
Cette Eftampe eft la derniere production de l'excellent
Burin de M . . .. Smith , Peintre & Graveur
Allemand , avant fon départ de Paris pour Berlin ,
fa Patrie. Il a été reçû depuis peu du Corps de l'Académie
, où la Planche en Cuivre eft confervée ,
cuforte que les Curieux ne peuvent poffeder cette
précieufe Eftampe que par une faveur particuliere
de l'Académie : elle ne fe vend point.
CORIOLAN , grande Eftampe en large , gravée par
H. Simon Thomaffia , d'après le Tableau original
de feu GHARLES DE LA FOSSE , d'une très riche
& très ingénieufe compofition ; on lit au bas ces
paroles d'après Vigenere.
Quan armis viri deffendere Urbem non poffunt , mulieres
precibus lacrymisque defendunt , & la Traduc
tion fuivante.
Les femmes par leurs pleurs & par leurs prieres
fauvent la Vilie , que les hommes ne pouvoient défendre
avec leurs armes. Cette
AOUST. 1744. 1858
Cette Eftampe fait encore un très- magnifique
morceau; elle fe vend chés le St Lépicié, Graveur da
Roi , au coin de lAbreuvoir du Quai des Orfévres ,
& chés L. Surugue , auſſi Graveur du Roi , ruë des
Noyers.
Vue DE HOLLANDE , Payfage en large , gravé
par C. N. Cochin Graveur du Roi , d'après Ph . Vauvremens
; elle fe vend chés C. N. Cochin , ruë S. Jacques
, à S. Charles.
Le même Graveur vient auffi de graver un autre
Payfage en large , d'après le mêine Vauvremens
fous le titre d'ACCIDENT DE VOYAGE , & qu'on
vend chés lui ; elle peut faire pendant à la précédente
, quoiqu'un peu plus large.
Voici encore une Eftampe nouvelle , d'un goût
galant , fimple & très ingénieux , gravée par
Te Sieur Lépicie , Graveur du Roi , d'après le
Tableau original de M. A. Boucher , Peintre &
Profeffeur de l'Académie. Cette Eftampe , qui eft
en hauteur , porte pour titre LE DEJEUNER ; elle
fe vend chés le Sr Lépicié , au coin de l'Abreuvoir
du Quai des Orfévres , & chés L. Surugue , auffi
Graveur du Roi , rue des Noyers.
Il paroît une nouvelle Carte de la France , qui
comprend toutes les Opérations que M. Caffini de
Thury a faites , par ordre du Roi , dans l'intérieur
du Royame. On y trouve des Tables de la Longitude
, Latitude & diftance de Paris à toutes
les principales Villes du Royaume. Cette Carte
fe vend chés d'Heulland , rue Serpente , attenant
P'Hôtel de la Serpente , chés M. Martiu , Officier
du Roi.
EX
1854 MERCURE DE FRANCE.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de l'Abbaye
Royale d'Ambournay , Ordre de S. Benoît,
Diocèfe de Lyon , le 4 Août 1744 , au ſujet
d'un Remede éprouvé contre la Goute invéterée
, &c.
A
Potiquaire de ma Profeffion , & gouteux par
tempérament , j'ai cherché par les fecours de
PArt , à guérir de cette cruelle maladie ; la prétendue
impoffibilité ne m'a point rebuté. J'ai pensé ,
j'ai cherché , j'ai diffous , j'ai compofé , & c'eſt enfin
fur moi-même que j'ai fait mes Epreuves . Il eft
peu de perfonnes dont la Goute fût plus violente &
plus fréquente que la mienne. Ce n'étoit pas feulement
aux pieds , mais encore aux genoux & aux
mains qu'elle me tenoit tout à la fois , & pendant
des tems confidérables. Quelques prochaines qu'en
fuffent les attaques l'une de l'autre , je n'en ai eu
aucune , depuis que j'ai fait ufage du Remede que
j'ai inventé, & voici la fixième année qui court, fans
que j'aye eu le moindre reffentiment de ce mal.
Une Religieufe Bénédictine , gouteuſe , autant
qu'on puiffe l'être , dans l'efpérance d'une pareille
guérifon , ayant fait ufage de mon Opiate , s'eft
trouvée parfaitement délivrée du même mal , & deux
ans font déja expirés , fans qu'elle en ait fenti le
moindre retour.
Enfin , un Religieux de notre Abbaye , gouteux
depuis l'âge de quinze ans , & qui depuis
plufieurs années , en avoit deux attaques reglées , fe
trouve aujourd'hui radicalement guéri , & en état
d'attefter la bonté de mon Remede.
Perfuadé qu'il peut opérer auffi heureuſement fur
d'autres Sujets, en obfervant les regles faciles que
je fuis en état de prefcrire , j'ai cru qu'il étoit de
mon
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ASTOR
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A O UST. 1744. 1855
mon devoir de l'annoncer au Public , s'agiffant d'un
bien général , avec d'autant plus de raifon , que la
Goute étant fouvent compliquée d'autres maux ,
comme Rhumatifme , Gravelle , & c . le même Remede
agit encore efficacement à cet égard , par la
nature de fa compofition.

Ceux qui voudront ufer de ce Remede , fe ferviront
de cette Adreffe , en affranchiffant les Lettres,
Au Frere Etienne Joubert , Apotiquaire de 1 Abbaye
Royale d'Ambournay , en Bugey , par S. Jean le Vieux ,
Route de Geneve.
Ou bien au même , chés M. Franquon , Marchand
Droguifte , ruë de l'Enfant qui piſſe , à Lyon.
Il donnera avec le Remede , l'Inftruction néceffaire
pour l'employer utilement.
CHANSON.
T Endres Amans , dans l'ardeur qui vous preffe,
Flatez l'objet qui caufe vos foupirs ;
Quand fes faveurs comblent votre tendreffe ,
N'y bornez pas vos voeux & vos défirs ;
Tous les plaifirs qu'on peut goûter fans ceffe
Ceffent bien-tôt d'être plaifirs.
Pourquoi languir dans la perfévérance ?
Amans , preffez la fin de vos tourmens
Mais fi l'amour remplit votre espérance ,
- Quittez l'objet qui rend vos voeux contens,
Vous accorder le prix de la conftance ,
C'est vous dire d'être inconftans.
SPEC
#856 MERCURE DE FRANCE.
SPECTACLES.
E 18 Août, l'Académie Royale de Muroïque
d'Acis & Galatée , dont le Poëme
eft de M. de Capiſtron , mis en Mufique par
M. de Lully. Cette Piéce , qui vient d'être
reçûe très -favorablement , avoit été donnée
la derniere fois au mois d'Avril 1734 , &
le Public la revoit aujourd'hui avec le même
plaifir. Les principaux rôles , qui font
ceux de Galatée, d'Acis & de Polypheme ,font
fort bien remplis par la Dile le Maure , &
par les Srs Jelyot & Chaffé ; les Ballets ont
été trouvés bien deffinés & exécutés au
mieux ; ils font de la compofition de M.
Malter l'aîné.
Les Comédiens François ont ceffé les repréfentations
de la Comédie des Graces ,
quoique le Public la redemande avec empreffement.
Cette Piéce eft dans un nouveau
genre , que l'Auteur a introduit au Théatre,
& qui paroît difficile à manier,par les nuances
fines & délicates qu'il y faut employer
avec ménagement; le ftyle en eft vif, léger,
badin , rempli de traits & de détails agréa-
Eles ,
A O UST. 1744. 1857
bles. L'idée en eft ingénieuſe & riante. L'Amour
au pied d'un Arbre , au milieu des
trois Graces , qui l'ont lié avec des guirlandes
de fleurs , forme un des Tableaux
des plus gracieux & des plus piquans
qu'on air encore vû fur la Scéne. Après
avoir rendu juftice à l'Ouvrage , on ne
peut donner trop d'applaudiffement à la
façon dont il eft joué par les Dlles Gauffin
& Dangeville , qui ont les principaux
rôles.On affûre que l'Auteur dit partout que
le fuccès de pareilles Piéces eft abfolument
dû au jeu des Acteurs ; il eft certain qu'il
faut avoir vu les repréfentations , pour s'imaginer
le feu , l'efprit , l'enjoûment , toutes
les graces & la varieté continuelle des
tons que la Dile Dangeville met dans le
rôle de l'Amour , qu'elle joie dans la plus
grande perfection & avec une extrême légereté.
Après avoir donné la Comédie des
Graces à la fuite de differentes Tragédies ,
les Comédiens l'ont jouée le 3 de ce mois
avec le Magnifique , Comédie de M. de la
Mothe, & avec l'Oracle, & les deux petites,
Piéces ne fe font point fait de tort l'une à
l'autre . On en donnera un Extrait plus détaillé
, quand on reprendra la Piéce .
Le 13 , les mêmes Comédiens remirent
auffi au Théatre la Comédie fans titre , ou le
Mercure Galant , Piéce en cinq Actes & en
G Vers
1858 MERCURE DE FRANCE.
Vers , de M. Bourfaut , laquelle n'avoit pas
été jouée depuis le mois de Novembre 1723 ;
le Public l'a revûë avec plaifir. Cette Piéce
eft très-bien écrite , & parfaitement bien
repréſentée.
Le 20 ,-les Comédiens Italiens donnerent
la premiere repréſentation d'une Piéce nouvelle
, en Vers & en un Acte , qui a pour
titre les Talens déplacés , laquelle fut reçûë
très-favorablement .Elle eft de la compofition
de M. G. de Merville , Auteur de l'Apparence
Trompeuse , petite Piéce en un Acte ,
jouée au mois de Mars dernier fur le même
Théatre . La jeune Dlle Aftraudi , dont on a
déja parlé avec éloge , joue un rôle dans la
Piéce nouvelle avec autant de grace que
d'intelligence . Elle exécute auffi parfaitement
bien un Morceau de Symphonie fur le
Violoncelle , avec beaucoup d'applaudiffement
; elle chante enfuite un Duo avec le Sr
Rochard, qu'elle accompagne du même Inſtrument
; ce Morceau a été généralement applaudi.
Cette Piéce eft terminée par un Divertiffement
comique & fingulier ; la Dlle
Caroline y danfe un Pas de deux avec le Sr
Balleti ; le Sr Vincent , en Polichinelle , & le
Sr Deshayes , en femme , en danfent un autre
; ils font partie du Divertiſſement
lequel eft exécuté tout au mieux. On par-
·
lera
A O UST. 1744 1839
lera plus au long du fujet de la Piéce.
Le 25 , les mêmes Comédiens repréſenterent
la Comédie du Mari Garçon , & celle
de l'Amant Auteur & Valet. La même jeune
Actrice joüa le rôle de Suivante dans la premiere
Piéce, au gré du Public. Ces deux Comédies
furent fuivies d'un nouveau Feu d'artifice
, dont la compofition & l'exécution
furent fort applaudies.
3
Le 19 , l'Opera Comique remit au Théatre
une Piéce en un Acte , toute en Vaudevilles
, avec un Divertiffement de Chants &
de Danſes , intitulée la Coquette fans le fçavoir
, ou la Fauffe Coquette , laquelle fut fuivie
du Déguisement Paftoral , dont il a été
parlé dans le dernier Journal. On donna enfuite
la petite Comédie des Amours Grivois,
qu'on voit toûjours avec le même plaifir.
Elle fut fuivie d'un Divertiffement Provençal
, exécuté au mieux . La Dlle Puvigné &
le Sr Noverre danſerent enfuite un Pas de
deux , qui a pour titre la Jardiniere , lequel
fut généralement applaudi.
Cette derniere Piéce , qui vient d'être imprimée
, a été repréſentée à l'Opera Comique
le 16 du mois dernier avec beaucoup
de fuccès , ainſi qu'on l'a dit dans le Mercure
de Juillet. Trois Auteurs ont travaillé à
cet Ouvrage ; en voici les noms tels qu'on
Gij les
1860 MERCURE DE FRANCE.
les a donnés à l'Impreffion , Par Mrs F. D.
L. G. & L. S.
On n'a pas cru devoir donner un Extrait
dans les formes de cette Piéce , attendu que
c'eft plûtôt un Recueil de Chanfons qu'un
Opera Comique régulier; ils le caractériſent
par ce Vers des Bucoliques de Virgile .
Q Meliboe ! Deus nobis hac ctia fecit.
Ils achevent d'en tracer une idée
ee Quatrain.
Trois bons François , avec naïveté ,
par
De leur Grand Roi célebrent le courage ;
Du Bel-Efprit ils n'ont rien emprunté ;
Dans leur coeur feul ils ont puifé l'Ouvrage .
Cet Ouvrage n'en a pas moins de prix
pour n'avoir, rien emprunté du bel Efprit ,
qui n'auroit fervi peut-être qu'à le gâter,
Ôn en va juger par l'Extrait de quelques
Couplets .
Le Théatre repréſente un Hameau Flamand;
on voit dans l'éloignement une Ville ,
dont les Remparts font détruits par le canon
; de l'autre côté un camp,, à la tête duquel
est une batterie de canons. Les aîles
repréfentent des Maifons, des Payfans, & des
Eftaminets. Le milieu de la Scéne eft occupé
par plufieurs Flamands , dont les uns
joüent de divers Inftrumens, fous un grand
Arbre ,
.4
A O UST. 1744. 1861
Arbre , pendant que les autres , autour de
plufieurs tables , boivent , fument , joüent
& danfent.
Un Bûveur Flamand chante
L'Amour troublé
Par le bruit des Trompettes ,
S'eft envolé
De ces retraites ;
Courons le chercher dans nos Bois ;
Qu'il entende nos voix ;
Revien dans cet azile ,
Amour , tout eft tranquile ;
LOUIS y donne des Loix.
JOLICOU K.
Nos Ennemis ont pris le large ;
Quand on les entend battre aux champs ,
Ratapataplan , ratapataplan ,
Nos Amours battent la charge.
Ce Couplet eft fuivi d'une Marche de
Grenadiers & de Vivandieres .
Le même Jolicoeur , le plus fier Héros des
Amours Grivois , en qualité de Tambour ,
chante le Couplet ſuivant.
Au fon du Tambour
Célebrez l'Amour ;
Que chacun en ce jour
A ma voix obéïſſe.
G iij Au
1862 MERCURE DE FRANCE.
Au fon du Tambour ,
Célebrez l'Amour ;
Que chacun en ce jour
Faffe l'Exercice ;
Qu'ici chaque Amant
Soit prêt au Commandement.
Montrez-nous ici comment
On prend les Belles ;
Prenez garde à vous
Grivois ; écoutez- moi tous.
x
Que les coeurs les plus rebelles
Tombent fous vos coups.
Voici l'Exercice des Amans Grivois , au
fon du Tambour , chanté par Jolicoeur.
Préfentez-vous
A genoux
Baifez la main
Remettez-vous

-
·
Offrez le Bouquet
Parez- en le Sein
Prenez un baifer
Alte- là . . .
Remettez- vous
·
.. •
• ..
• .. • • •

Nous finiffons cet Extrait par le Branle
géneral au bruit du canon ; il eſt chanté alternativement
par la Dlle Darimath , Dame
Flamande , traveftie en Servante , & par le
Sr
A OUST. 1744. 1863
Sr de Lécluse , Tambour , dont on vient de
parler.
Amis , chantons à pleine voix ,
Vive le bon Roi de France !
Enfin nous voilà fous fes Loix ,
Au gré de notre eſpérance ;
Enfin nous voilà fous les Loix
De ce bon Roi de France .
**
YPRES & MENIN , en moins d'un mois ,
Sont à lui par fa vaillance ,
Et déja FURNES , çà fait trois ;
Morgué quelle diligence !
Enfin , & c .
C'étoit malgré tous nos Bourgeois
Qu'on lui faifoit réfiftance ;
Chacun lui crioit fur les toîts ,
Y avance , y avance , y avance.
Enfin , & c.
**
Je n'étions avec ces Hongrois
Jamais en pleine allûrance ;
Giiij
LOUIS
1864 MERCURE DE FRANCE.
LOUIS fçaura mieux qu'eux , je crois ,
Veiller à notre défenſe.
Enfin , & c.
*3X
་་
Sur tous nos coeurs il a des droits ,
En vertu de fa clémence ;
Je goûtons , grace à les Exploits ,
Le repos & l'abondance ;
Enfin , & c.
>
La Bierre nous rendoit fournois ;
Du Vin j'ignorions l'uſance ;
Il nous fait boire du l'ivois ;
Morgué quelle difference !
Soyons à jamais fous les Loix
De ce bon Roi de France .
Dès qu'on le voit , on l'aime tant ,
Que l'on fe fent l'ame épriſe ;
Sur tout , le beau Sexe Flamand
Le mettroit dans fa chemife ;
Pour moi , je l'aime franchement ;
Chacun loue à fa guife.
Si
AOUST . 1744. 1865
Si pour célébrer les grands Rois
Je n'avons pas d'Eloquence ;
Tout Flamand , comme un franc Gaulois ,
Ne dit rien que ce qu'il penfe :
Parquoi j ' difons , vivent les Loix
De ce bon Roi de France !
****
Meffieurs , la Critique a des droits
Mais qu'ici l'on s'en diſpenſe :
;
Nous chantons le plus grand des Rois ;.
Le zéle vaut l'Eloquence.
Répetez tous à haute voix ,
Vive le bon Roi de France !
Au refte l'ingénieux Triumvirat , qui a
fait ce joli préfent au Public , peut fe vanter
fur tout du choix du Sujet ; il n'en eft point
de plus intéreffant , & qui foit plus du tems
préfent .
On peutaffurer d'ailleurs, que cette agréable
Piéce a été exécutée dans toutes fes parties
, foit pour le Chant , foit pour la Danfe
& pour l'Action Théatrale,d'une maniere à
ne rien laiffer à défirer. M. Boifmortier ,
Maître de Mufique , connu par plufieurs
G V bons
1866 MERCURE DEFRANCE.
bons Ouvrages , a compofé les Airs de la
Symphonie & des Vaudevilles.
Cette Piéce eft très-bien imprimée chés
Prault , le fils , Quai de Conty , vis- à - vis la
defcente du Pont-Neuf, à la Charité, 1744.
On a dit dans le dernier Mercure , que
P'Opera Comique de la Foire S. Laurent
avoit donné fon Spectacle gratis à l'occafion
de la priſe de Furnes. Ce Divertiffement populaire
fut encore marqué ce jour là , par
quelques circonstances , auffi fingulieres
qu'inattendues. Une Marchande Bouquetiere
, voulant contribuer en quelque chofe
à la Fête qu'on donnoit fur ce Théatre , s'y
rendit, & fit porter plufieurs corbeilles , remplies
de toutes fortes de fleurs & de Bouquets
, qu'elle préſenta à cette nombreuſe
Affemblée , qui fçût très bon gré à la Marchande
, de cette galanterie ..
Après la repréſentation de la premiere-
Piéce , un Acteur de la Troupe s'avança fur
le bord du Théatre pour annoncer aux Spectateurs
qu'ils ne pouvoient pas donner la feconde
Piéce qu'ils avoient promife , l'Acteur,
qui devoit remplir un des rôles ,fe trouvant
indifpofé , qu'ils étoient tous très-fâchés
de ce contre tems , & c. Le Sr de Léclufe
, Acteur des plus comiques du même
Théatre , avoit pris la précaution de ſe placer
,
AOUST. 1744. 1867
eer, comme Spectateur ,pendant la premiere
Piéce , dans une des premieres Loges , en habit
de Jardinier , confondu avec toutes fortes
de gens , de tous états ; toute l'Affemblée
fe récria fort fur cette annonce de ne pas
jouer la Piéce promiſe ; le feint Jardinier ſe
leva , comme tous les autres , porta la parole
au nom de l'Affemblée,& dit qu'on prétendoit
que la Piéce fût joüée , puifqu'on l'avoit
promife. Cette Scéne fut jouée avec
tant d'art & d'apparence & de vérité , que
tous les Spectateurs donnerent parfaitement
dans l'illufion . L'Acteur , qni avoit déja fait
l'annonce , propofa enfin au feint Jardinier,
qui étoit toujours dans la Loge , de vouloir
bien fe charger du rôle de l'Acteur malade
puifqu'il en avoit l'habit ; le défi fut accepté
; le fuppofé Jardinier quitta fa place ,
pour paffer au Théatre , & joüa fon rôle
avec l'applaudiffement de toute l'Affemblée.
G vj
NOU1868
MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES ETRANGERES ,
TURQUIE.
Na appris de Conftantinople , que Thamas
Kouli- Kan ayant fait de nouvelles propofitions
d'accommodement au Grand Seigneur , Sa
Hauteffe avoit envoyé des pleins pouvoirs au Pacha
de Bagdad , pour traiter de la paix avec ce
Prince.
SUEDE.
ONmande de que se per non
N mande de Stockolm , que le Prince Royal
dans la Ville de Warberg , au bruit d'une falve
générale de l'artillerie de la Place , & de la Moufqueterie
de la garnifon qui étoit fous les armes.
RUSSIE.
Na appris de Mofcou, que la Princeffe d'An-
"
été déclarée habile à fucceder au Trône de Ruffie .
O
1
PRUSSE.
N mande de Berlin du 25 du mois dernier ,
que le lendemain du jour auquel s'eft faite la
célébration du Mariage de la Princeffe Royale de
Suede , le Comte de Teffin , Ambaffadeur Extraordinaire
de S. M. Sued. fe rendit au Palais avec une
fuite de 14
caroffes , pour rendre les refpects à cette
Princeffe ; que le Roi & la Reine affifterent le foir
avec
AOUST. 1744. 1869
avec les Princes & Princeffes de la Famille Royale
à une repréſentation de l'Opera de Caton d'Utique ,
& que leurs Majeftés fouperent enfuite en public
dans la Maifon de la Redoutę .
Le 19 , la Reine Douairiere donna à leurs Majefté
& à la Princeffe Royale de Suede dans le Château
de Montbijou une Fête des plus magnifiques . Ce
Château & les Jardins qui en dépendent , furent entierement
illuminés ; on tira un très - beau Feu d'artifice,&
outre la table deftinée pour le Roi & pour les
deux Reines , laquelle étoit de 60 couverts , on en
fervit plufieurs autres , dont les moindres étoient de
40 couverts chacune.
Après le fouper , la Cour defcendit dans les Jardins
, & vit repréfenter une Comédie Françoise fur
un Théatre de verdure , éclairé d'un grand nombre
de luftres & de girandoles. Ce Spectacle fut fuivi
d'un Fal , qui dura toute la nuit , & pendant
lequel on diftribua des rafraîchiffemens en abondance.
La Fête que le Roi donna le 21 à Charlottembourg
, furpaffa encore en magnificence celle de la
Reine Douairiere. Elle commença par un grand dîner
, auquel 150 Seigneurs & Dames furent invités,
& le foir on fervit une table de 350 couverts dans
Orangerie , dont l'illumination , ainfi que celle du
Jardin , formoir un Spectacle des plus furprenans
en ce genre. L'Artificier , chargé de l'exécution du
Feu qui fut tiré fur la Sprée après le fouper , fe diftingua
par plufieurs nouvelles manieres de faire
níage de la poudre.
Le Roi ouvrit avec la Princeffe Royale de Suede
le Bal qui fuivit le Feu d'artifice , & auquel on admit
tous les Mafques qui fe préfenterent . Il y eut
auffi le jour fuivant un fouper & un Bal chés la Reine
, dans fa Maiſon de plaifance de Schonhauſen,
Cette
1870 MERCURE DE FRANCE.
Cette Princeffe donna le 24 à Berlin une feconde
Fête , qui commença par la repréfentation d'une
Comédie Françoife , & qui fut terminée par un
Concert , après lequel leurs Majeftés , accompagnées
des Princes & des Princeffes de la Famille
Royale , ainfi que des autres Princes & des Princeffes
, qui s'étoient rendus à Berlin pour prendre part
aux réjouiflances publiques , allerent fouper chés
la Reine Douairiere .
La Princeffe Royale de Suede a dû partir le 26 ,
pour fe rendre à Stralfund , où elle devoit s'embar
quer.
On a appris de Berlin du 9 de ce mois , que le
Roi de Pruffe a envoyé à tous fes Miniftres dans
les Cours Etrangeres un Manifefte , qu'ils doivent
communiquer aux Puiffances , auprès defquelles ils
réfident.
S. M. expofe dans ce Manifefte , les motifs qui
l'obligent de donner des troupes auxiliaires à l'Empereur
, & elle y déclare , que ne pouvant plus voir
avec indifference les troubles qui défolent l'Alle
magne , elle a réfolu , après avoir inutilement tenté
toutes les voyes de conciliation , de fe fervir des
forces que Dieu lui a données , pour rétablir la paix
& l'ordre, pour remettre les Loix dans leur vigueur,
& le Chefde l'Empire dans fon autorité.
Elle ajoute que la Reine de Hongrie a conçû des
deffeins démesurés d'ambition , & que ne perdant
point de vue ce qui a fait depuis plus d'un fiécle
l'objet de fa Maifon , elle a pour but d'enchaîner
pour jamais la liberté Germanique ; que pour juger
des intentions de cette Princeffe , il fuffit d'examiner
les faits qui fe font paffés ; que l'Allemagne
s'eft vûë inondée de troupes Etrangeres ; qu'on les
a fait fubfifter aux dépens des Princes neutres de
l'Empire , & marcher , fans envoyer préalablement
au
A OUST. 1744. 1871
Aucunes Lettres Requifitoriales ; que les dédommagemens
, accordés par la Reine de Hongrie à
certains Princes pour les fécours extraordinaires
qu'ils lui ont fournis , ont confifté dans des Fiefs de
PEmpire , ou dans des efperances de leur en faire
obtenir d'autres ; que les Généraux de cette Princeffe
ont voulu s'emparer par force de plufieurs
Villes Impériales , & que fes Miniftres ont ofé menacer
des Electeurs ; qu'elle s'eft jouée de la Foi
publique , en violant la Capitulation de Braunau ,
& en attaquant les troupes Impériales , retranchées
fous les Fortereffes de l'Empire ; que dans les Proteftations
, remiſes à la Dictature , elle a porté le
mépris de la Majefté de l'Empire , juſqu'à déclarer
l'Election de l'Empereur nulle , & la Diette de
Francfort illégitime ; que tant de démarches , ouvertement
contraires à la gloire & aux Conftitutions
du Corps Germanique , dénotent affés clairement
que la Cour de Vienne fe propofe de faire paffer à
un Prince Etranger , & non poffeffionné en Allemagne
, la Dignité Impériale ; qu'il eft contre
Phonneur de tout Electeur & de tout Prince de
l'Empire , de tolerer de pareils attentats , & que ce
feroit une lâcheté de fouffrir plus long- tems le Defpotifme
& les violences de S. M. H. que le Roi ne
forme aucune prétention à la charge de cette Prin
ceffe , mais que la guerre ouverte , qu'elle vient de
déclarer à l'Allemagne par les hoftilités que fes
troupes y ont commiſes , autorife fuffifamment S.
M. à entrer , en qualité d'auxiliaire ,
dans une querelle
qui intéreffe la liberté de l'Empire ; que fi S.
M. prend un parti violent , ce n'eft qu'à regret ;
qu'elle a fait inutilement plufieurs tentatives auprès
des Cours de Londres & de Vienne , pour procurer
un accommodement ; que l'Empereur lui - même a
offert en vain de renoncer à toutes fes prétentions
fur
1872 MERCURE DE FRANCE.
fur la Succeffion de la Maifon d'Autriche , & à facrifier
les propres intérêts à la tranquillité de l'Allemagne
, par une générofité qui juftifie à jamais le
choix que l'Empire a fait de lui ; que plus S. M. I.
a montré de modération , plus la Reine de Hongrie
a fait voir une fierté infléxible .
Il eſt dit à la fin du même Manifefte , que fi cette
Princeffe attaque les libertés du Corps Germanique,
elle en réveille les défenfeurs ; que la race de ces
anciens Germains , qui ont défendu leur Patrie &
leur liberté contre l'Empire Romain , fubfifte toujours
, & qu'elle les défendra encore contre ceux
qui veulent y donner atteinte ; que c'eſt dans cette
vue , que les Princes les plus refpectables de l'Allemagne
fe font unis par la Ligue de Francfort , pour
s'oppofer au bouleversement de l'Empire , & que
S. M. s'eft jointe à ces Princes , jugeant qu'il eft du
devoir & de l'intérêt de tout Membre du Corps
Germanique , d'en foutenir le Syftême , & que l'u-
Lage le plus noble qu'elle puiffe faire de fes forces ,
eft de les employer à empêcher l'oppreffion de fa
Patrie , à laquelle la Reine de Hongrie veutdonner
des fers ; à venger l'honneur & les droits des Electeurs
, à qui cette Princeffe veut ravir leurs prérogatives
, & à donner des fécours puiffans à l'Empereur
, pour le maintenir dans toute fa Dignité &
fur ce Trône , dont S. M. H. veut le faire defcendre.
Toutes les troupes , qui étoient en Pruffe , en
Pomeranie & dans la Weftphalie , s'étant rapprochées
de Berlin , depuis le commencement de ce
mois par ordre du Roi , celles qui étoient deftinées
à former l'armée que S M. devoit commander , recommencerent
le 6 à fe mettre en mouvemcat , &
elles ont marché fur quatre Colonnes , chacune del
20000 hommes , pour fe rendre devant Prague , où
elles devoient toutes arriver le 28.
La
'
AOUST. 1744. 1873
La premiere Colonne a dû paffer l'Elbe à Magdebourg
, & elle a pris fa route par Torgau & par le
Cercle de Saatz ; la feconde , qui a paffé l'Elbe à
Meyffen , a dû aller par Auffig & par Leutmeritz
la troifiéme , après avoir traversé la Haute & la
Baffe Luface , a dû entrer en Bohéme près de Zittau
, & elle a dû paffer par le Cercle de Buntzclau ;
la quatrième , qui a dû aller par Clatz Koenigingratz
, devoit s'emparer d'abord de Pardubitz , &
continuer enfuite fa marche par Czaſlau .
Le Prince Leo : old d'Anhalt Deffau & le Maréchal
de Schwerin commandent , le premier l'Infanterie
, & le fecond la Cavalerie , fous les ordres du
Roi.
L'armée , qui devoit entrer en Moravie , confifte
en 22000 hommes ; elle eft commandée par le Gé
néral Marwitz , & elle a dû marcher fur deux Colonnes
par Gegersdorff & par Troppau . Le Général
Marwitz devoit , en paffant , fe rendre maître de la
premiere de ces deux Villes , & toutes les troupes ,
dont il a le commandement , devoient être raffemblées
le 28 devant Olmutz.
On a appris que la Princeffe Royale de Suede
étoit arrivée le 30 du mois dernier fur la Frontiere
de la Pomeranie Suédoife , où elle avoit été reçûë
par le Grand Veneur de Suede , qui étoit venu audevant
d'elle avec un grand nombre de Seigneurs ,
étant précédé de douze Poftillons fonnans du Cor' ;
qu'elle avoit trouvé au Château de Gnatzxow les
Sénateurs nommés pour la conduire à Stockolm ;
qu'on lui avoit fervi un magnifique dîner dans ce
Château , & qu'ayant été remife par les Commiffaires
Pruffiens à ceux de S M. Suedoife , lefquels
leur avoient fait des préfens très- conſidérables de la
part du Prince Royal de Suede , elle avoit continué
par Greipfwalde fa route vers Stralfund.
ALLE
1
1874 MERCURE DE FRANCE
ALLEMAGNE.
Nn a appris de Hambourg du 29 du mois der
a
nier , que les avis reçûs de Mofcow portoient
que l'Empereur avoit créé Comtes de l'Empire Mrs
de Leftock & de Brunmer , Confeillers Privés de la
Czarine & que cette Princeffe confenti
ayant
qu'ils acceptaffent cette grace , le Baron de Neuhaus
, Miniftre Plénipotentiaire de S. M. I. leur en
>
avoit remis les Patentes.
Suivant les avis reçûs d'Ingolftadt , un Corps de
10000 hommes des troupes de la Reine de Hongrie
étoit affemblé fur le bord de la Lech , où il devoit
s'arrêter jufqu'à l'arrivée de quelques Kégimens
qui devoient le joindre.
On mande de Francfort du 6 de ce mois , que
l'Empereur a envoyé à fes Miniftres dans les Cours
Etrangeres un Refcrit au fujet de la violence exercée
par ordre de la Reine de Hongrie , contre les
troupes Impériales qui ont capitulé dans la Ville de
Braunau.
Ce Refcrit porte , que l'Empereur a montré dans
toutes les occafions , combien il défiroit fineerement
le rétabliffement de la tranquillité en Allemagne
; qu'il n'a pu donner des preuves plus convainquantes
de fes difpofitions pacifiques , qu'en
déclarant les troupes neutres ; que cette neutralité
a été observée de leur part avec l'exactitude la plus
rigoureufe ; qu'il n'a point voulu s'opposer à la
prife d'Ingolstadt , quoiqu'il fut en état de fauver
eette Place , dont la perte étoit pour lui un défavantage
confidérable ; qu'il a retiré volontairement fes
garnifons de Straubingen & de Reichenhall , & que
fes troupes , depuis la Signature de la Convention
conclue avec la Reine de Hongrie , fe font tenuës
dans
AOUST. 1744 1879
dans les bornes d'une défenfe permife ; que perfonne
n'auroit imaginé qu'après tant de marques
de patience & de modération , S. M. I. n'éprouveroit
point un jufte retour de la Reine de Hongrie ;
que cependant elles n'ont produit d'autre effet que
d'exciter cette Princeffe à violer toutes les régles
de la guerre & de la bonne foi , & à fe porter à des
excès , dont on n'avoit point encore entendu parler
entre des Nations policées ; que S. M. I. paffe fous
filence plufieurs traits d'une conduite infoutenable ,
& qu'elle ne veut faire mention que de quelques
événemens , dans lefquels la Cour de Vienne ne
s'eft fait aucun fcrupule de contrevenir aux engage
mens les plus folemnels ; que les troupes, qui étoient
dans Braunau , avoient ftipulé dans leur Capitulation
, fignée le 30 du mois de Juin de l'année der
niere , qu'elles demeureroient libres , à condition
de ne point fervir pendant un an & un jour contre
la Reine de Hongrie ; que par un exemple inoui
dans le tems que la Capitulation accordée à ces
troupes étoit prête d'expirer , S. M. H. fans avoir
aucun égard à fes promeffes , a ordonné d'enfermer
dans des Cazernes les foldats dont ces troupes:
étoient com ofées , de les charger de fers , & de
les tranfporter hors de la Bavière ; que le Comte de
Seckendorf ayant fait des repréſentations au Prince
Charles de Lorraine à ce fujet , toute la réponſe de
ce Prince a été qu'il n'avoit aucune connoiffance
de ce qui fe paffoit ; qu'on ne juſtifiera jamais devant
le monde équitable une pareille infraction
d'une Capitulation revêtuë de toutes les formes
prefcrites par les Loix de la guerre ; qu'il eft également
étrange que nonobftant la Déclaration , par
laquelle la Cour de Vienne s'étoit engagée à n'exercer
aucune hoftilité contre les troupes de l'Empereur
dans les Cercles neutres de l'Empire , l'armée
1876 MERCURE DE FRANCE.
mée commandée par le Prince Charles de Lorraine
ait attaqué en plufieurs occafions les Gardes avancées
de l'armée de S. M I. tandis que cette derniere
étoit campée fous Philifbourg ; que ces deux
nouveaux incidens , fans qu'il fort befoin d'en citer
d'autres , prouvent affés le peu de fond qu'on doit
faire fur les promeffes de la Reine de Hongrie , &
le mépris qu'elle fait du Droit des Gens . L'Empereur
recommande à fes Miniftres , de faire confiderer
aux Puiffances , auprès defquelles ils réfident ,
quelles fuites importantes & dangereufes peuvent
réfulter des exemples que donne la Cour de Vienne.
S. M I. ajoute qu'il importe à tout l'Empire & à
toutes les Puiffances d'employer des mesures efficaces
, pour réprimer des excès fi pernicieux.
On mande de Francfort du 10 de ce mois , que
le Miniftre du Roi de Pruffe auprès de la Diette de
l'Empire a préfenté à cette affemblée un Mémoire ,
qui porte que ce Prince , ayant pris poffeffion de la
Principauté d'Ooft - Frife , & en ayant demandé
l'Inveftiture à l'Empereur , en vertu de " expectative
accordée par l'Empereur Leopold à la Maiſon
de Brandebourg , pour fucceder à cette Principauté
après l'extinction des defcendans mâles de la Maifon
d'Ooft Frife, S. M. Pr. efpere que les Electeurs,
Princes & Etats de l'Empire , ne lui refuferont point
la poffeffion des prérogatives & de la voix , dont le
dernier Prince d'Ooft- Friſe a joüi dans le Collége
des Princes .
ESPAGNE.
ON apprend de Madrid du 21 du mois dernier
que l'Intendant de Bilbao a mandé au Roi ,
que PArmateur Don Juan Florent de Miranda s'étoit
emparé du Vaiffeau Anglois le S. Jean l'Evangelifte
, qui revenoit de l'Amérique , & dont la
charge
A OUST. 1877
1744 .
charge confiftoit en Sucre , en Indigo , en Caff ,
en Eau -de-vie de Riz , & en Vin de Madere , &
que le Vaiffeau l'Union , de la même Nation , & du
port de 140 tonneaux , à bord duquel il y avoit
une grande quantité de Riz , de Bois de Cédre , &
du Gaudron , avoit été pris par un Armateur Elpagnol
entre le quarante- neuviéme & le cinquantiéme
dégré de Latitude Septentrionale .
"
On a appris de Lifbonne , que des Ouvriers en
fouillant la terre dans un Lieu voifin de Braga
avoient trouvé plus de 300 Médailles d'Or , extrêmement
belles & toutes parfaitement confervées ,
dont la plupart font de Neron , de Galba , de Vitellius
, de Vefpafien , de Tite , & quelques- unes d'Antonin
, de Marc-Aurele , de Fanftine & de Plau
tine.
Deux Vaiffeaux de guerre Efpagnols fe font emparés
d'un Navire Anglois , de 200 tonneaux , qui
venoit de la Baye des Honduras.
On mande de Madrid du 4 de ce mois , que le
Comte Flegui , Exemt de la Compagnie Flamande
des Gardes du Corps , & le Colonel Don François
Caudron de Cantin , y arriverent l'un le 29 & l'autre
le 31 du mois dernier , de l'armée commandée
par l'Infant Don Philippe.
Le premier a appris au Roi , que les troupes com
binées d'Efpagne & de France s'étoient emparées
du Château Dauphin , ainfi que de toutes les Gorges
qui conduifent dans le Piedmont,
Le fecond a informé S. M. du détail de ce qui
s'eft paflé dans les differentes attaques des retranchemens
, par lefquels ces Gorges étoient défenduës.
Le premier de ce mois & les deux jours fuivans
il y eut à Madrid des Illuminations & des Réjouif-
Lances publiques à l'occaſion du ſuccès des armes
EL
1878 MERCURE DE FRANCE.
Efpagnoles & Françoifes , & le 2 on chanta le Te
Deum en action de graces.
L'Intendant de Marine de la Principauté des Afturies
a mandé au Roi , que l'Armateur Don Florent
de Miranda avoit pris vers le quarante-neuviéme
dégré de Latitude le Vaiffeau Anglois la Jeanne
Marie , de 180 tonneaux , chargé de Sucre , de Coton
, & d'Eau-de- vie de Canne , lequel revenoit de
l'Ifle de S. Chriftophe , & qu'il l'avoit conduit au
Port de Rivadefella .
S. M. a été informée par des lettres de l'Intendant
de Marine du Férol , que le 9 du mois dernier
l'Armateur Mafclet étoit entré dans le Port de
Bayona avec un Brigantin de la même Nation , fur
lequel il y avoit une grande quantité d'Etoffes & de
Salines.
Les lettres du Subdélégué de la Marine d'Almuneçar
marquent qu'une Balandre Angloife , de 150
tonneaux , & dont la charge confiftoit en Sel, avoit
été enlevée fur la Côte de Malaga par l'Armateur
Don Sebaſtien de Morales .
Selon les lettres du Subdélégué de la Marine de
Caftro d'Urdiales , un Armateur s'eft emparé d'un
autre Bâtiment nommé le Rubis , qui portoit du Sucre
& du Coton à Londres.
GENES ET ISLE DE CORSE.
N apprend de Génes du 22 du mois dernier
côte Occidentale de cet
Etat plufieurs Frégates Angloifes , qui y commettent
beaucoup de violences , & que le Commandant
d'une de ces Frégates a obligé les habitans de
Final de lui livrer 1500 quintaux de foin , qu'il a
fait embarquer fur divers Bâtimens de transport.
Selon les avis reçûs de l'Etat Eccléfiaftique , un
IngéA
O UST. 1744. 1879
Ingénieur Espagnol a trouvé dans les environs de
Velletri une fource très- abondante , dont la découverte
a fait d'autant plus de plaifir à S. M. Sic . que
l'eau commençoit à devenir rare dans fon camp.
On mande de Gaëtte , que la Reine des Deux Siciles
y eft accouchée d'une Princeffe , & qu'elle ſe
porte auffi-bien qu'on puiffe le défirer .
On a appris de Génes du premier de ce mois ,
que la Cérémonie du Couronnement du Doge , laquelle
, felon la coûtume , fe renouvelle tous les
deux ans après l'Election , s'y fit le 25 du mois dernier
, & que le lendemain le Doge donna un repas
auquel 300 perfonnes de la Nobleffe furent invitées.
Les habitans de plufieurs Piéves de l'Iſle de Corſe ,'
continuent de vivre dans une parfaite indépendance
, & leurs Chefs leur ont fait défendre fous peine
de confifcation de leurs biens , de s'enrôler dans les
troupes de la République .
Il a paffé par Génes un courier , dépêché par l'Infant
Don Philippe , pour donner avis au Roi des
Deux Siciles , que les retranchemens des Vallées de
Belleins & du Château Dauphin ayant été forcés ,
& les Piedmontois ayant abandonné ceux de la
Vallée de Sture , les troupes Efpagnoles & Françoifes
, que commande l'Infant Don Philippe , avoient
à préfent le paffage libre en Italie.
GRANDE BRETAGNE.
Na apprisde Londres du 27 du mois dernier ,
que neuf Armateurs , tant François qu'Elpagnols
, avoient été pris par les Armateurs de la Jamaïque
, & qu'ils avoient été conduits à Port-
Royal.
Quelques Armateurs François , qui croifent fur les
Côtes
1880 MERCURE DE FRANCE.
Côtes du Royaume d'Ecoffe , ont enlevé un Vaiffeau
de Cromarty , un de Peterhead , un de Fraferbourg,
un de Newcastle , & 14 autres Bâtimens de differens
Ports du Royaume d'Angleterre.
Les Vaiffeaux le Succez & la Ducheffe , commandés
par les Capitaines Jordan & Canck , font auffi
tombés entre les mains des François en revenant
de la Jamaïque en Angleterre , & ils ont été conduits
à Bayonne .
Un Vaiffeau de guerre du Roi de France donna
au commencement du mois dernier la chaffe , depuis
Oueffant jufqu'à l'Ile de S Marc , à la Frégate
la Dépefche , qui a été armée en courfe à Briftol.
Quelques Négocians Juifs ont armé un Bâtiment
de 28 canons & de 24 pierriers , pour aller croiſer
contre les François.
HOLLANDE ET PAYS BAS.
Nmandede la Haye du 29 du moisdernier.
qu'on y a reçû avis que le 23 , le Comte de
Vaffenaër , Miniftre Plénipotentiaire de cette République
auprès du Roi de France , avoit eû à Arras
fon audience de congé de S. M. T. C.
On apprend de Bruxelles du 30 , que l'Archidu
cheffe Gouvernante reçût le 23 du Prince Charles
de Lorraine un courier extraordinaire , depuis l'arrivée
duquel on a publié qu'un Détachement des
troupes , commandées par ce Prince , avoit formé
le Siége de Fort- Louis .
Plufieurs lettres reçûës de divers endroits , confirment
que les troupes de S. M. H. qui font en Baviére
, ont reçû ordre de le mettre en marche , pour
fe rendre fur le Rhin.
FRANCE ,
A O UST. 1744 VISSI
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
O
N apprend de Rheims du premier de
ce mois , que le Roi , étant parti de
Laon le 29 du mois dernier , y arriva le
même jour vers les deux heures après - midi ,
& qu'il entra dans cette Ville par la Porte
Neuve , que S. M. defcendit à l'Eglife Métropolitaine
, où elle fut reçûë par le Chapitre
avec les cérémonies ordinaires , &
qu'elle fe rendit enfuite au Palais Archiepiſcopal.
Les rues par lesquelles elle paffa, étoient
tendues de tapifferies , & on y avoit élevé
plufieurs Arcs de Triomphe . Le foir il y eut
des illuminations à l'Hôtel-de-Ville & dans
la Place , ainfi que dans toutes les rues, Ces
marques de réjoüiffance publique furent
renouvellées les deux jours fuivans , & les
habitans ont témoigné par leur concours &
par leurs acclamations continuelles les fentimens
que leur infpiroit la préfence du
Roi,
H Le
1882 MERCURE DE FRANCE.
Le 30 au foir , S. M. alla voir le feu
d'artifice que le Corps de Ville fit tirer dans
la Place , cù il y avoit quatre fontaines de
vin , qui coulerent pendant toute la nuit.
Le Roi entendit le 31 la Meffe dans l'Eglife
de l'Abbaye de S. Remy , & en y allant
, S. M. paffa fous l'Arc de Triomphe
que les Peres de la Compagnie de Jefus
avoient fait élever près de leur Maiſon.
Le Roi partit le premier de ce mois au
matin & alla coucher à Chaalons - fur- Marne
, le 2 à Ste Menehould , le 33 à Verdun ,
& S., M. étant en parfaite ſanté , devoit ſe
rendre le 4 à Metz , & y trouver arrivé le
Détachement de troupes , parti de l'armée
de Flandre .
S. M. a nommé le Lord Tirconel , Brigadier
de fes armées.
MANDEMENT de S. E. M. le Cardinal
de Tencin , au fujet de la priſe d'Ypres .
PIERRE DE GUERIN DE TENCIN , Cardinal
, Prêtre de la Sainte Eglife Romaine
, du Titre des Saints Nérée & Aquilée ,
Archevêque & Comte de Lyon , Primat de
France , Commandeur de l'Ordre du Saint-
Efprit , Miniftre d'Etat , &c . ,
A tous Abbés , Doyens , Chapitres
Prieurs , Curés , Vicaires & autres Eccléfiaftii
AOUST. 1744. 1885
tiques Séculiers & Réguliers , & à tous les
Fidéles de notre Diocéfe : SALUT & Bénédiction
en Notre- Seigneur.
Nos Voeux unis à ceux de notre Augufte
Monarque, mes très chers Freres , font montés
jufqu'au Trône du Tout- Puiffant , & en
ont obtenu de nouveaux fuccès , plus rapides
que nous n'ofons peut-être les efperer.
Ils ne font pas cependant le principal fujet
des actions de graces que nous devons au
Seigneur. Ce qui les exige infiniment da
vantage , c'eft la confervation de la Perfonne
Sacrée du Roi au milieu des périls , ou
fa valeur & fon amour pour les Peuples
l'ont exposé. Qui de nous , mes très-chers
Freres , n'a pas tremblé au recit de ces périls
? Et la joyce de voir ceffer , du moins
pour quelque tems , les frayeurs qu'ils nous
infpiroient , n'a-t'elle pas été le premier
mouvement qui s'eft élevé dans tous les
coeurs à la nouvelle de la Prife d'Ypres ?
Puiffe une prompte & folide Paix bannir
pour toujours ces vives allarmes ! Jufqueslà
nous aurons acheté trop chérement les
plus glorieufes Conquêtes.
A CES CAUSES , Nous Cardinal Archevêque
& Comte de Lyon fufdit , après en
avoir fait conférer de notre part avec nos
vénérables Freres Meffieurs les Doyen , Cha
noines & Chapitre de l'Eglife Comtes de
Hij Lyon ,
1884 MERCURE DE FRANCE.
Lyon , avons ordonné & ordonnons que le
Dimanche dix -neuf du préfent mois de
Juillet , à dix heures du matin , le Te Deum
fera chanté folemnellement avec le Pfeaume
Exaudiat , & les Oraifons en Actions de
Graces de la Prife d'Ypres , dans notre Egli
fe Primatiale , où les Compagnies , qui ont
accoûtumé d'affifter à de pareilles cérémonies
font invitées , de fe rendre .
A l'égard des autres Villes , Bourgs &
Villages de notre Diocèfe , nous ordonnons
que le Dimanche ou la Fête après la reception
de notre préfent Mandement , on chantera
pareillement le Te Deum , le Pfeaume
Exaudiat , & les Oraifons pour le même
fujer : Et fera notre préfent Mandement lû ,
publié & affiché par tout où befoin ſera .
DONNE' à Paris le huit du mois de Juillet
1744. Signé , P. CARD, DE TENCIN .
S. M. ayant écrit à l'Archevêque de Paris ,
pour faire rendre à Dieu des actions de graces
folemnelles des avantages remportés par
les armées de France & d'Efpagne fur les
troupes du Roi de Sardaigne , on chanta le
12 après-midi dans l'Eglife Métropolitaine
le Te Deum , auquel l'Archevêque de Paris
officia pontificalement. Le Chancelier de
France , accompagné de plufieursConfeillers
d'Etat & Maîtres des Requêtes , y affifta
ainfi
AOUST. 1744. 1885
ainfi que le Parlement , la Chambre des
Comptes , la Cour des Aydes & le Corps
de Ville , qui y avoient été invités de la
part du Roi par M. Defgranges , Maître des
Cérémonies . Voici la teneur de la Lettre du
Roi & du Mandement de M. l'Archevêque
de Paris , en conféquence defquels on a
chanté le Te Deum.
LETTRE du Roi , écrite à M. l'Arche
vêque de Paris , pour faire chanter le Te
Deum en actions de graces des avantages
remportés par les Armées de France &
d'Espagne fur les Troupes du Roi de Sardaigne.
ON COUSIN , après la perte que le
M Roi de Sardaigne a faire du Comté
de Nice , il avoit raffemblé toutes fes forces
pour fermer l'entrée du Piedmont à mon
Frere , Coufin & Gendre l'Infant Dom Philippe
, & pour l'empêcher de pénétrer dans
les Etats qui lui font dévolus par les droits
du Sang. Mais mon Armée réunie à celle
d'Espagne , fous le commandement de mondit
Frere & de mon Coufin le Prince de
Conty , vient de furmonter tous les obſtacles
, que la nature & l'art oppofoient à ce
paffage. Les Retranchemens des Vallées de
Sture & du Château Dauphin ont été forcés
les 18 & 19 du mois dernier ; les Trou-
H iij pes
1886 MERCURE DE FRANCE.
pes qui les défendoient ont été défaites ,
leurs principaux Officiers tués ou faits prifonniers
, & le Château Dauphin abandonné
, avec l'Artillerie dont il étoit muni. Les
avantages qui réfultent de cette operation ,
en ouvrant à nos Armées les débouchés de
la Plaine de Piedmont , font une fuite de la
protection que Dieu accorde à la juftice de
mes armes ; & voulant lui rendre les actions
de graces qui lui en font dûës , je vous
écris cette Lettre pour vous dire , que mon
intention eft , que vous faffiez chanter le
Te Deum dans l'Eglife Métropolitaine de ma
bonne Ville de Paris , & autres de votre
Diocéfe , avec les folemnités requifes , au
jour & à l'heure que le Grand-Maître , ou
le Maître des Cérémonies vous dira de ma
part , & invitiez tous ceux qu'il que vous y
conviendra d'y affifter . Sur ce , je prie Dieu ,
qu'il vous ait , MON COUSIN , en fa fainte
& digne garde. Ecrit à Metz les Août
1744. Signé , LOUIS ; Et plus bas , PHELYPEAUX
.
En conféquence l'Archevêque de Paris
donna un Mandement , dont voici la teneur.
CHARLES - GASPARD-GUILLAUME DE
Vintimille des Comtes de Marfeille du Luc ,
par la Miféricorde Divine , & par la grace
du S. Siége Apoftolique , Archevêque de
Paris , &c.
Les
A O UST. 1744. 1987
Les Armées de France & d'Efpagne , après
la Conquête du Comté de Nice , viennent
de s'ouvrir l'entrée du Piedmont , & par
des prodiges de valeur , elles ont triomphé
de tous les obftacles , que l'Art & la Nature
fembloient oppofer de concert à leurs projets.
S'il eft jufte d'applaudir & à la fageffe des
Chefs qui ont conduit l'entrepriſe , & à la
valeur des Soldats qui l'ont exécutée , il
l'eft encore plus de benir & de louer celui ,
qui a donné aux uns cette fuperiorité de
génie propre à tout entreprendre avec ſuccès
, & aux autres cette intrépidité & cette
ardeur , qui ont fait l'étonnement & la furpriſe
de l'ennemi vaincu & mis en fuite.
C'eft en Dieu , que résident La fageffe & la
force :l'une & l'autre ne font dans l'hommet
que des biens émanés de cette fource iné
puifable , & tous les avantages qui en font
les fuites & les effets , doivent être regardés
comme autant de faveurs du Ciel , qui exigent
de notre part un tribut de louanges &
d'actions de
graces.
Convaincu de ces vérités, David fe voyant
délivré des mains de tous fes ennemis , s'écrioit
dans un faint tranfport : Le Seigneur
eft mon appui , mon réfuge & mon libérateur
mon aide , mon protecteur & mon afyle . Vous
m'avez donné , ajoûtoit ce faint Roi , parlant
Hiiij
à
1888 MERCURE DE FRANCE.
à Dieu , la force pour combattre , & vous avez
abattu fous moi ceux qui s'élevoient contre moi ,
c'est pourquoije publierai vos louanges , & je
chanterai des Cantiques à la gloire de votre
Saint Nom.
Entrons dans ces fentimens & imitons
cet exemple. Redevables à Dieu de l'évenement
qui fait aujourd'hui le füjet de l'allegreffe
publique , faifons retentir nos faints
Temples des témoignages de notre reconnoillance
envers lui.
Mais au milieu de notre joye , fouvenonsnous
, que notre augufte Monarque eft actuellement
occupé à repouffer les efforts de
fes ennemis , & qu'il ne fut jamais plus convenable
de redoubler nos voeux & nos prieres
pour la profpérité de fès armes , & pour
la confervation de fa Perfonne facrée. Puiffe
le fuccès répondre à fes défirs ! que le Nom
du Dieu de Jacob foit fa protection & la défenfe
; que du San&iuaire de fa gloire & du
haut de la céleste Sion , le Seigneur lui envoye
un puiffant fecours ; qu'il lui accorde
toutes chofes felon fon coeur , & qu'il ne lui refufe
aucune de fes demandes ; qu'enfin il fauve
de tout accident fâcheux un Roi , qui fupporte
les fatigues de la guerre & s'expofe
aux plus grands périls , pour procurer &
faire goûter à fes Peuples les fruits de la
Paix !
A
AOUST. 1744. 1889
A CES CAUSES , & pour nous conformer
aux intentions de Sa Majefté , après en avoir
conféré avec nos vénérables Freres les
Doyen , Chanoines & Chapitre de notre
Eglife Métropolitaine : Nous ordonnons ,
qu'en actions de graces des avantages remportés
par les armées de France & d'Efpagne
fur les Troupes du Roi de Sardaigne ,
Mercredi prochain douze du préſent mois
d'Août , on chantera le Te Deum dans notredite
Eglife, après lequel on dira l'Antienne ,
Domine falvum fac Regem , & c. avec le Verfet
, Fiat manus tua , & c . & l'Oraiſon Pro
Rege & ejus Exercitu . Que Dimanche ſeize
du même mois , il fera pareillement chanté ,
avec ladite Antienne , dans toutes les Abbayes
, Chapitres , Paroiffes , Communautés
Séculiéres & Régulieres de la Ville & des
Fauxbourgs de Paris , & le Dimanche qui
fuivra la reception de notre préfent Mande
ment , dans toutes les autres Eglifes de notre
Diocèfe. SI VOUS MANDONS , que ces
Préfentes vous ayez à notifier à tous Abbés,
Prieurs , Curés , Superieurs & Superieures
des Communautés exemptes & non exemp
tes , à ce qu'ils n'en ignorent . DONNE ' à
Paris en notre Palais Archiépiſcopal le 10
Août 1744. Signé , CHARLES , Archevêque
de Paris , &c.
Hv Le
1890 MERCURE DE FRANCE.
> Le Maréchal de Schmettau Grand-
Maître de l'Artillerie du Roi de Pruffe , &
fon Miniftre Plénipotentiaire auprès du
Roi , arriva à Metz le 7 , & le même jour
il eut une audience particuliere de S. M.
étant conduit par M. de Verneüil , Introducteur
des Ambaffadeurs . Ce Maréchal a
été envoyé à S. M. pour lui apprendre que
le Roi de Pruffe avoit pris la réfolution de
faire marcher toutes fes troupes comme auxiliaires
de l'Empereur , & que le Miniftre
de Pruffe à la Cour de Vienne avoit reçûr
ordre de déclarer le 6 de ce mois à la Reine
de Hongrie les motifs qui ont déterminé
S. M. P. à cette réfolution , en conféquencede
laquelle les troupes Pruffiennes fe font
mifes en marche , pour entrer en Bohéme
par la Saxe , & en Moravie par la Siléfie.
L'armée qui doit fe rendre devant Prague
, eft compofée de Soooo hommes , &
elle fera commandée par le Roi de Pruffe.
Celle que ce Prince fait paffer en Moravie
, eft de 22000 hommes , & on doit aſfembler
entre Magdebourg & Halberstadt
un Corps de troupes confidérable , lequel fe
portera , où S. M. le jugera néceffaire.
Le Duc de Deux Ponts s'étant rendu à
Metz le jour que le Roi y arriva , il eut le
5 au matin une audience de S. M. dont il
prit congé le lendemain . Il fut conduit à ces
deux
A-OUST. 1744. 1891
deux audiences par M. de Verneüil , Introducteur
des Ambaffadeurs.
Le même jour , le Comte de Piofafque ,
Chambellan & Confeiller d'Etat de l'Empereur
, Général de Cavalerie & Capitaine des
Gardes du Corps de S. M. I. remit au Roi
une lettre de l'Empereur. Il fut préfenté au
Roi dans la Chambre de S. M. par le même
Introducteur.
Le S de ce mois , le Roi s'éveilla vers les:
cinq heures du matin avec un mouvement
de fiévre & une douleur de tête , qui déterminerent
à une faignée du bras. Elle fut faite
à deux heures après midi , & elle procura
à S. M. un peu de foulagement & de la
tranquillité pendant le refte du jour.
La nuit fuivante , le Roi dormit quelques
heures , mais d'un fommeil fort interrompu.
Cependant la fiévre & la douleur de tête
étant fort diminuées le lendemain matin ,
on profita de ce calme pour purger S. M.
qui fe trouva mieux vers les fix heures du
foir , lorfque la Médecine eut produit fon
effet.
Le 10 à deux heures du matin , la fièvre
& la douleur de tête augmenterent , & on
fit au Roi une faignée du pied , laquelle diminua
confidérablement les accidens qui
l'avoient fait juger néceffaire .
Hvj
S.
1892 MERCURE DE FRANCE.
S. M. prit le onze une feconde médecine
, qui facilita l'écoulement de la bile
qu'on regardoit comme la principale cauſe
de cette maladie .
On mande de Metz du 9 de ce mois , que
le Roi , après avoir été reçû à Chaalons- fur-
Marne , à Sainte Menehould & à Verdun ,
avec les mêmes démonftrations de joye ,
par lefquelles les habitans des Villes , où le
Roi a paffé , ont fait éclater leurs fentimens
pour S. M. arriva en cette Ville le 4 de ce
mois vers une après midi. S. M. trouva ,
poftés de diſtance en diftance fur le grand
chemin depuis Malatour jufqu'à la vue de
cette Ville , 16 Bataillons de la Milice , qui
a été rétablie fur le pied de l'ancienne Milice
du Pays Meffin . Depuis le Village de
Longueville jufqu'à Metz on avoit placé 4
Bataillons de la Milice Bourgeoife de cette
Ville , qui font chacun de 1000 hommes
& dont les Officiers étoient vêtus uniformement.
Un Bataillon , compofé de 400
des plus notables Bourgeois , & un autre ,
compofé de 300 Enfans de l'âge de douze
ans , étoient en bataille fur le Glacis.
Le Maréchal de Belle Ifle , Gouverneur du
Pays Meffin & de Metz , lequel attendoit
le Roi à la premiere Barriere , lui ayant préfenté
les Clefs de la Ville , S. M. y entra ,
& étant allée deſcendre à l'Egliſe Cathédrale
,
AOUST. 1744. 1893
le , elle y fut reçûë par l'Evêque , accompagné
du Chapitre. Au fortir de l'Eglife Ĉathédrale
, le Roi fe rendit au Gouvernement
, où S. M. eft logée. Le Roi ayant traverfé
la Ville Neuve & le grand Pont des
Morts , paffa fous un Arc de Triomphe trèsmagnifique
, qui avoit été élevé au bout du
Pont , & aux deux côtés duquel couloient
deux fontaines de vin , & S. M. trouva un
fecond Arc de Triomphe à l'entrée de l'Efplanade.
Toutes les rues , par lefquelles le
Roi paffa pour fe rendre à la Cathédrale &
enfuite au Gouvernement , étoient tenduës
de tapifferies. Il y eut le foir des illuminations
dans toute la Ville ; on tira un grand
nombre de fufées fur l'Efplanade , & les habitans
n'ont rien oublié pour faire paroître
la fatisfaction que leur caufoit le bonheur
de voir le Roi. Les illuminations & les réjoiffances
publiques furent renouvellées
les deux jours fuivans .
Les au matin , le Parlement de Metz ,
ayant à fa tête M. de Montholon , Premier
Préfident , qui porta la parole , rendit fes
reſpects au Roi , étant préſenté par le Maréchal
de Belle- Ifle , & par le Comte d'Argenfon
, Miniftre & Sécretaire d'Etat , &
étant conduit par M. Defgranges , Maîtie
des Cérémonies.
Le même jour & les deux fuivans , S. M.
monta
1894 MERCURE DE FRANCE.
monta à cheval à fix heures après midi ,
pour vifiter la Citadelle , les fortifications
de la Place , & les nouveaux Ouvrages qui
y ont été ajoutés depuis quelques années ,
& elle en parut très- fatisfaite.
Le Maréchal de Noailles , qui avoit quitté
le Roi à la Ferre pour ſe rendre à Metz , y
attendit S. M. & après avoir reçû fes ordres
, il partit le 6 , pour fe rendre à l'armée
du Roi , qui eft fur le Rhin , où il devoit
arriver le 9.
2
Les troupes qui ont marché de Flandre
pour aller fur le Rhin , arriverent près de
Metz le z & le 4 de ce mois , & elles en
font parties fur trois Colonnes , pour aller
joindre l'armée commandée par
de Coigny.
le Maréchal
On chanta le 8 après midi dans l'Eglife
Cathédrale le Te Deum en action de graces
de la priſe du Château Dauphin & des retranchemens
de la Vallée de Sture , & l'Evêque
de Metz y officia pontificalement.
Toutes les Maifons de cette Ville furent
illuminées pendant la nuit , & il y eut des
feux & des réjouiffances publiques.
Le Roi ne put aflifter au Te Deum , parce
qu'il s'étoit trouvé incommodé pendant la
nuit pécédente. S. M. ayant de la fievre , accomAOUST.
1744. 1895
compagnée d'une douleur de tête , fut faignée
au bras dans l'après midi . La fiévre
étant très- médiocre le 9 au matin , S. M.
prit une médecine , dont l'effet lui procura
beaucoup de foulagement par la diminution
des accidens de la maladie , ce qui donnoit
lieu d'efpérer que le Roi feroit bien- tôt entierement
rétabli.
Le Maréchal de Coigny , occupe toujours
le camp qu'il a pris derriere la Riviere de
Brufch , & par fa difpofition il couvre toute
la Haute-Alface , & les Débouchés de la
Gorge de Schirmeck , de celle de Ville , &
de celle de Ste Marie aux Mines , par laquelle
les troupes que le Roi a fait partir
de Flandre , ont marché pour joindre l'armée
commandée par ce Maréchal . Toutes
ces troupes ont dû y être arrivées le 10 de
ce mois , à l'exception des 13 Efcadrons de
la Maifon du Roi , qui ne devoient joindre
l'armée que le 12. Le Maréchal de Coigny
tient par fa droite à la Riviere d'Ill & au
Rhin , & il a établi des communications .
avec la Ville de Strasbourg.
Le Duc d'Harcourt eft campé à Phalfbourg
avec les troupes qui font fous les ordres , &
par le pofte qu'il occupe , il ôte aux ennemis
les moyens de pouvoir pénetrer en deçà des
Vauges dans la Lorraine & dans les Trois
Evêchés.
Le
1896 MERCURE DE FRANCE.
·
1
Le Prince Charles de Lorraine étoit le g
dans fon même camp d'Hochfeld, ayant devant
lui la Riviere de Sorn , qu'il n'avoit
pas encore paffée , & depuis quelques jours
il n'avoit fait aucun mouvement.
Le Corps de troupes que commande le
Comte de Nadafti , & qui eft compofé de
10 à 12000 hommes , eft toujours à Saverne
, & il occupe une partie de la Montagne
qui conduit à Phalfbourg , & dans laquelle
ce Général a fait faire des abbatis d'arbres
& des retranchemens .
Le Comte de Berencklau eft avec un
Corps de troupes à Enheim , entre Strafbourg
& Drufenheim. Les ennemis continuent
de combler les Lignes de la Lautern ,
& de détruire les Ouvrages de Lauterbourg.
Ayant replié les ponts qu'ils avoient fur le
Rhin , ils les ont fait remonter , & il paroît
que le Comte de Berencklau a pour objet
de couvrir les nouveaux ponts que les ennemis
ont deffein d'établir . On a eû ces
nouvelles de la pofition des troupes du Roi
& de celle des ennemis par des lettres de
Metz du 10 de ce mois,
On mande de Phalfbourg du 14 de ce mois,
que le 13 , fur l'avis d'un mouvement fait
par l'armée que commande le Prince Charles
de Lorraine , le Duc d'Harcourt jugea à
propos de chaffer de leur camp les 10 ou
3
12000
AOUST. 1744. 1897
12000 hommes , qui étoient à Saverne fous
les ordres du Comte de Nadafti .
Il fit attaquer de front & par les revers
tous les retranchemens que les ennemis
avoient faits fur la hauteur & qui étoient
gardés par des Pandoures & par des Croates,
& ces retranchemens furent emportés l'épée
à la main. On pourfuivit les ennemis jufques
à Saverne , où l'on entrá pefle-mêle
avec eux; ils furent contraints d'abandonner
auffi ce pofte , & le Duc d'Harcourt , les
ayant pouffés à un quart de lieuë par de-là ,
fit halte pour fe remettre en bataille.
Le Prince Charles , dont le mouvement
n'avoit eû pour objet que de
procurer plus
facilement des fubfiftances à fon armée, ayant
été informé par des Aides de Camp & par
les fuyards, de l'avantage que le Duc d'Harcourt
venoit remporter , détacha fous le
commandement du Baron de Berenklau ,'
pour aller au fecours du Comte de Nadafti ,
toute l'aîle droite de fon armée laquelle
n'étoit qu'à deux lieues de Saverne.”
A l'approche d'un nombre fi fupérieur , qui
marchoit fur deux Colonnes , le Duc d'Harcourt
fe retira , & ayant pris de fi juftes inéfures
, que fon arriere garde ne pût être entamée
, il ramena fes troupes dans fon
camp, qui n'avoit point été détendu.

Tous les Déferteurs & les Payfans rapportent
1898 MERCURE DE FRANCE.
portent
unanimement que les ennemis on
perdu en cette occafion près de 1200 hommes.
Les François ont eû 128 hommes de
bleffés , & 71 de tués , du nombre defquels
font trois Officiers.
Depuis cette action , le Baron de Beren-
Klau eft refté à Saverne avec un Corps de
14000 hommes.
La Reine partit du Château de Verfailles
le 15 de ce mois à fept heures du matin,
pour fe rendre à Metz auprès du Roi.
Monfeigneur le Dauphin & Mefdames de
France font auffi partis , pour ſe rapprocher
de S. M.
Le même jour , Fête de l'Affomption de la
Ste Vierge , la Proceffion folemnelle qui ſe
fait tous les ans à pareil jour , en exécution
du Vou de Louis XIII , fe fit avec les cérémonies
ordinaires , & l'Abbé d'Harcourt ,
Doyen du Chapitre de l'Eglife Métropolitaine
, y officia. Le Parlement , la Chambre
, y
des Comptes , la Cour des Aides & le Corps
de Ville , y affifterent , ainfi qu'au Salut ,
qui fut célébré à l'occafion des Prieres de
Quarante- heures , ordonnées par l'Archevêque
de Paris , pour demander à Dieu le rétabliffement
de la fanté du Roi , & qu'on
commença le même jour.
Оп
A O UST. 1744. 1899
>
On a appris de Metz du 18 de ce mois ,
que la médecine qu'on fit prendre au Roi le
onze , eut un effet affés heureux , & qu'elle
procura des évacuations très- abondantes ,
mais qu'elle ne diminua pas , ainfi qu'on l'avoit
efperé , la fiévre & la douleur de tête.
L'une & l'autre étant confidérablement augmentées
, vers les cinq heures après midi
on fe détermina à une feconde faignée du
pied , qui fut faite à huit heures du foir ,
lorfqu'on put juger que l'opération du
gatif étoit finie. Cette faignée procura au
Roi pendant la nuit & le jour fuivant , de la
tranfpiration , du calme dans le poulx , &
quelques heures de fommeil , & elle affoiblit
un peu la douleur de tête , laqueile
avoit été très- vive la veille , & avoit parû
s'être fixée à la tempe droite.
pur-
Les évacuations continuerent le 12 avec
affés d'abondance , & elles donnerent lieu
de croire que l'état de foulagement , dans
lequel le Roi fe trouvoit , pourroit ſe foûtenir
, mais le 13 à trois heures du matin
S. M. eut un redoublement de fiévre trèsviolent
, & la douleur de tête , qui l'accompagnoit
, étant fort augmentée , on chercha
à en prévenir les fuites par une troifiéme faignée
du pied , à laquelle on eut recours à
fept heures du matin , & qui ne diminua
point les deux caufes , qui pouvoient rendre
la maladie dangereufe , Le
1900 MERCURE DE FRANCE.
Le Roi l'ayant reconnu & jugeant de fon
état , fit appeller le Pere Peruffeau , & après
avoir entendu la Meffe , il le confefla. S.M.
demanda enfuite le Viatique , qui lui fut
apporté par l'Evêque de Soiffons , fon Premier
Aumônier , & elle le reçût vers les trois
heures après midi en préfence de toute la
Cour , avec beaucoup de pieté , & avec des
fentimens de Religion , auffi dignes d'un
Chrétien , que capables de faire juger de fa
parfaite réfignation à la volonté de Dieu . A
fix heures du foir , la douleur de tête & la
fiévre fe foûtenant avec la plus grande violence
, on fit au Roi une quatrième faignée
du pied. On fe fervit encore du même remede
le 14 à fix heures du matin ; on chercha
à entretenir la liberté du ventre , & le
foir du même jour , on appliqua des Sancfuës
fur la tempe droite , où le Roi fentoit
la plus grande douleur . Toutes ces précautions
prifes contre l'augmentation de la maladie,
ne procurerent aucun foulagement aut
Roi , & ne diminuerent point la fiévre ; elle
redoubla à dix heures & demie du foir avec
une douleur de tête infupportable , accompagnée
d'une grande agitation , & le Roi
ayant fouhaité vers les deux heures du matin
de recevoir l'Extrême- Onction , elle lui
fut adminiftrée par l'Evêque de Soiſſons. A
ce redoublement , il s'en joignit à quatre
heures
A O UST. 1744. 1901'
heures du matin un fecond , qui fut encore
plus confidérable , & pendant lequel le Roi
étant, tombé dans un affoupiffement trèseffrayant
, on employa avec fuccès le fecours
des vefficatoires, On donna auffi au Roi un
purgatif qui produifit beaucoup d'effet , &
les vives allarmes que l'état , dans lequel
S. M. étoit le matin , ayoit cauſées , diminuerent
un peu vers les deux heures après
midi.
Depuis ce moment le Roi a eu la tête libre,
& il a dormi à plufieurs repriſes ; la
fiévre a été moins violente ; les évacuations
qui ont été entretenues , ont répondu à ce
qu'on efperoit , & S. M. a été beaucoup
mieux le 15 au foir & le lendemain . Le redoublement
qu'on craignoit pour le 16 au
foir , a retardé de quelques heures , & il n'a
commencé le 17 qu'à une heure & demie du
matin ; il a été moins violent que les précédens
, mais il a été marqué par un très grand
affoupiffement , à la fin duquel on a donné
au Roi un léger purgatif, pour entretenir
Les évacuations. Il y en a eû plufieurs qui
ont rendu la tête très-libre , & ont diminué
l'émotion du poulx.
Le Roi a pallé la nuit du 17 affés tranquillement
; le redoublement de fiéyre a été médiocre
, & il a fini à cinq heures du matin.
On a continué l'ufage des purgatifs , & les
évacua1902
MERCURE DE FRANCE.
évacuations , qu'ils ont procurées , ont fait
efperer que le redoublement qu'on craignoit
pour la nuit du 19 , feroit moins fort que
précédens , le poulx du Roi n'ayant pas
encore été en auffi bon état qu'il l'a été depuis
le 18 au matin , & qu'il a continué de
l'être le foir.
La Reine arriva à Metz le 17 , vers minuit.
La nuit du 15 au 16 de ce mois , le Prince
Charles de Lorraine a repaffé la Riviere
de Sorn , & eft allé camper entre Bicheveiller
& Drufenheim , pour être plus à portée
ponts , fur lefquels il a déja fait paffer
une partie de l'aîle gauche de l'armée de
la Reine de Hongrie.
de fes
Le Corps commandé par le Baron de Berenklau
, ayant abandonné Saverne le 15 à
dix heures du foir , le Duc d'Harcourt a fait
occuper ce pofte le lendemain au matin.
On a jetté deux ponts fur le Rhin par ordre
du Maréchal de Noailles , mais une
grande crue d'eau les ayant dérangés,on n'a
dû en faire ufage que le is au foir , & ce
jour- là toutes les troupes venues de Flandre
ont traversé Strafbourg , afin d'aller ſe poſ
ter fous le Ruiffeau de Foufflevierge.
Le Maréchal de Coigny & le Maréchal de
Seckendorf ont paffé le même jour la Bruch,
&
A O UST. 1744. 1903
C
ils ont établi leur camp à la gauche des
troupes qui font fous les ordres du Maréchal
de Noailles. Le Duc d'Harcourt devoit
les aller joindre , & toute l'armée devoit
marcher enfuite , pour s'approcher des ennemis.
On a appris de S. Malo , que le Navire le
Comte de Maurepas , qui y a été armé en
courſe , avoit conduit à Morlaix le Corfaire
Anglois le Fermer , de 75 hommes d'équipage
, duquel il s'eft emparé après un combat
de deux heures.
Suivant les avis reçûs de Dunkerque , le
Capitaine Omaert-Valeck , qui commande
le Vailleau l'Amitié , a pris les Bâtimens la
Jeune Elizabeth & la Demoiselle Marianne ,
dont la charge confiftoit en Merrains , & le
Boxton , qui avoit la fienne en Charbon de
terre.
Ces avis ajoûtent que le Corfaire le Mercure
volant s'étoit rend maître de trois autres
Navires Anglois , nommés l'un le Thomas
Elizabeth , l'autre le Guilaume & Sara , & le
troifiéme le Friendshys , qu'il a rançonnés
les deux premiers pour la fomme de cent
livres fterlings, le dernier pour 415 , & que
le Vaiffeau le Phoenix , de Witheafen , armé
de dix canons & de dix pierriers , fur lequel
on a trouvé 237 Boucaux de Tabac
avoit
1902 MERCURE DE FRANCE .
évacuations , qu'ils ont procurées , ont fait
efperer que le redoublement qu'on craignoit
pour la nuit du 19 , feroit moins fort que
les précédens , le poulx du Roi n'ayant pas
encore été en auffi bon état qu'il l'a été depuis
le 18 au matin , & qu'il a continué de
l'être le foir.
La Reine arriva à Metz le 17 , vers minuit.
La nuit du 15 au 16 de ce mois , le Prince
Charles de Lorraine a repaffé la Riviere
de Sorn , & eft allé camper entre Bicheveiller
& Drufenheim , pour être plus à portée
de fes ponts , fur lefquels il a déja fait paffer
une partie de l'aîle gauche de l'armée de
la Reine de Hongrie.
Le Corps commandé par le Baron de Berenklau
, ayant abandonné Saverne le 15 à
dix heures du foir , le Duc d'Harcourt a fait
occuper ce pofte le lendemain au matin.
On a jetté deux ponts fur le Rhin par or
dre du Maréchal de Noailles , mais une
grande cruë d'eau les ayant dérangés,on n'a
dû en faire ufage que le is au foir , & ce
jour-là toutes les troupes venues de Flandre
ont traverfé Strafbourg , afin d'aller ſe poſ
ter fous le Ruiffeau de Foufflevierge.
Le Maréchal de Coigny & le Maréchal de
Seckendorf ont paffé le même jour la Bruch,
&
A O UST. 1744. 1903
& ils ont établi leur camp à la gauche des
troupes qui font fous les ordres du Maréchal
de Noailles. Le Duc d'Harcourt devoit
les aller joindre , & toute l'armée devoit
marcher enfuite , pour s'approcher des ennemis
.
On a appris de S. Malo , que le Navire le
Comte de Maurepas , qui y a été armé en
courſe , avoit conduit à Morlaix le Corfaire
Anglois le Fermer , de 75 hommes d'équipage
, duquel il s'eft emparé après un combat
de deux heures.
Suivant les avis reçûs de Dunkerque , le
Capitaine Omaert- Valeck , qui commande
le Vaifleau l'Amitié , a pris les Bâtimens la
Jeune Elizabeth & la Demoiselle Marianne ,
dont la charge confiftoit en Merrains , & le
Boxton , qui avoit la fienne en Charbon de
terre .
Ces avis ajoûtent que le Corfaire le Mercure
volant s'étoit rend maître de trois autres
Navires Anglois , nommés l'un le Thomas
Elizabeth , l'autre le Guilaume & Sara , & le
troifiéme le Friendshys , qu'il a rançonnés
les deux premiers pour la fomme de cent
livres fterlings, le dernier pour 415 , & que
le Vaiffeau le Phoenix , de Witheafen , armé
de dix canons & de dix pierriers , fur lequel
on a trouvé 237 Boucaux de Tabac ,
:
avoit
1904 MERCURE DE FRANCE.
avoit été enlevé par le Corfaire le Harang
couronné,
Les lettres de Calais marquent que le
Capitaine Noël Guillaume Denis , Commandant
le Corfaire la Suzanne s'eft emparé
des Navires le Hopwel , le Hofpetil , le Strafford
, le Saly , les Trois Amis , l'Helene
Marguerite l'Unité , la Marguerite & l'Alexandre
, chargés de Riz , de Taffia , de Sel ,
de Stocfish , de Fer , de Gayaç & de Bois de
Campeche ; qu'il a rançonné les fept derniers
pour la fomme de 855 livres fterlings:
qu'il a conduit les deux premiers à Dunkerque
, & qu'après avoir fait paffer fur fon
bord l'équipage & les marchandiſes du Vaiffeau
l'Alexandre , il l'a fait couler à fond à
caufe du mauvais état de ce Bâtiment.
ARRIVEE & féjour du Roi à Arras,
Le Roi arriva le 21 Juillet fur les dix heures
du matin à la Ville d'Arras. Le chemin ,
qui fe trouve entre la Porte de Meaulens &
le Fauxbourg , étoit bordé par les Archers
& les Arbalètriers , habillés uniformement ,
avec leurs Drapeaux & leurs Tambours. On
y avoit aufli fait rraannggeerr en haye le Corps
des Bouchers & celui des Portefaix , qui font
en poffeffion d'escorter le Magiftrat dans les
grandes Cérémonies. Les uns & les autres
étoient vêtus proprement, & armés de fufils,
A O UST. 1744 . 1905
à l'exception d'un certain nombre de Bouchers
, qui , outre leurs habits finguliers ,
portoient de grands couteaux au lieu d'épées
, & des haches au lieu de moufquets .
On avoit placé près de la Barriere tous les
Joueurs d'Inftrumens qu'on avoit pû raffembler.
Au pied du Glacis étoit le Corps de
Ville en Robes noires & en Boucles , * qui
fut préfenté au Roi par M, de la Roque ,
Commandant de la Place , en l'abſence
du Gouverneur & du Lieutenant Général
de la Province , ainfi que du Gouverneur
Particulier de la Ville. A la vûë du Roi,
qui fit fon entrée à cheval , les Echevins &
les autres Officiers du Magiftrat , mirent un
genou en terre , & M. Anfart , Confeiller-
Penfionnaire , complimenta S. M, en ces
termes.
SIRE ,
» Permettez qu'au nom des Habitans de
« votre Ville d'Arras , nous nous jettions
» aux pieds de V. M. pour lui renouveller
» les proteftations de notre fincere obéïffan-
» ce & de notre inviolable fidelité. La joye
» que nous infpire votre augufte préfence ,
» eft d'autant plus vive , que nous pouvons
aujourd'hui par nous -mêmes vous offrir
»
La Boucle eft une bande de velours rouge, brodée
d'or , que le Mayeur , les Echevins & les Affeffeurs
portent fur l'épaule.
I » nos
1906 MERCURE DE FRANCE.
و ر
> nos coeurs , nos fortunes & notre vie ,
» & admirer en la Perfonne facrée de V. M.
l'éclat de fes nouvelles victoires . Tels font,
« SIRE , les vrais fentimens d'un Peuple,
» qui vous eft inviolablement attaché , &
» qui ne ceffera de former des voeux pour la
» confervation de V. M, & pour la profpé-
» rité de fes armes,
La Harangue finie , M. Boucquel du Valhuon
, Moufquetaire de la Garde du Roi, &
Mayeur de la Ville , remit au Commandant
un Baffin d'argent , où étoient deux clefs du
même métail , fur lefquelles étoient gravées
les Armes de la Ville . Le Commandant préfenta
ce Baffin à S. M. qui prit les Clefs , &
les remit au Duc de Villeroi.
Enfuite le Roi entra dans la Ville au fon
des Violons , des Hautbois , des Tambours ,
& au bruit des acclamations du Peuple
; on fonna auffi toutes les cloches , &
il fe fit une triple décharge de l'artillerie
des Remparts.
Le Roi ayant traverſé une partie de la Ville
, prit fa route par la Porte de la Cité , *
dont les Echevins rendirent en cet endroit
leurs refpects à S. M. De-là elle alla faire ſa
priere à l'Eglife Cathédrale , où elle fut
* La Cité eft un Quartier féparé du reste de la Ville
ar une muraille & un foffé. Elle eft ſoumise à la Juifdiction
de l'Evêque , qui en nomme les Echevins,
comAO
UST. 1744. 1907
complimentée par l'Evêque & par le Prévôt
du Chapitre.
Ce Prince étant rentré dans la Ville , fe
rendit au Gouvernement , que le Magiftrat
avoit fait meubler , & S. M. y reçût, fuivant
l'ancien ufage , les préfens de la Ville , confiftant
en quatre douzaines de pains , & en
autant de bouteilles de vin de Bourgogne.
Le lendemain 22 Juillet , le Confeil Provincial
& Supérieur d'Artois fut admis à
l'audience du Roi , M. Palifor d'Incourt .
Premier Préfident , porta la parole en ces .
termes .
SIRE ,
» La guerre , qui attire après elle tant de
» malheurs , procure aujourd'hui à votre
» Confeil Supérieur d'Artois le plus grand
» de tous les bonheurs , celui de vous préfenter
fes plus refpectueux hommages , &
» de porter devant V. M. les voeux ardens ,
que chaque jour nous faifons pour elle
» aux pieds du Trône de l'Eternel.
"
»
L'Europe, aveugle jufqu'à ce jour fur fes
» véritables intérêts & fur toutes les vûës
"pacifiques de V. M. j'ajoûte , SIRE ,
» l'Europe étonnée du progrès glorieux de
» de vos armes , reconnoît avec furpriſe par
» la conquête rapide de Furnes , Ypres &
» Menin , qu'il n'y a pas d'ennemis qui
» ofent foutenir la force de votre bras, quand
I ij » vous
1908 MERCURE DE FRANCE.
» vous portez vous- même les coups dont
» vous les terraffez, La Juftice , qui marche
» à la tête de toutes vos entreprifes le lui
» fait fentir de plus en plus ; elle l'en con-
» vaincra encore davantage , en continuant
» d'accroître vos victoires & vos triomphes .
و ر
» Parmi la joye que caufent dans les coeurs
» de tous vos Sujets vos glorieux Exploits ,
»V.M. nous permettra de l'affûrer qu'il n'y
»en a pas de plus pure & de plus fincere
» que celle que les Habitans de cette Province
reflentent aujourd'hui de poffeder
» votre Perfonne facrée dans la Capitale.
» Le caractere de votre Peuple d'Artois ,
SIRE , eft de refpecter , d'aimer, de fer-
>> vir & d'adorer en quelque forte fon Sou-
» verain , fans le voir. Que ne ferons-nous
point , après avoir contemplé les graces ,
»fenti les bontés , & admiré les vertus de
» V.M !
"
Le Magiftrat avoit fait fabler toutes les
rues où le Roi devoit paffer. La plupart
des maiſons étoient ornées de Tapifleries ,
de Peintures , d'Inſcriptions , de fleurs & de
feuillages.
On éleva au carrefour de S. Aubert un Arc
de triomphe à deux faces . L'une étoit décorée
d'un Ordre Dorique, furmonté d'un Attique
, avec une Balustrade , au- deffus de laquelle
on avoit placé les Armes du Roi dans
le
A O UST. 1744. 1909
le milieu , & aux côtés , des Palmiers por
tant des Drapeaux & toutes fortes d'Inftru
mens Militaires. L'autre face étoit compo
fée d'un Ravalement , fur lequel étoit auffi
un Attique en Baluftrade , dont le milieu of
froit les Armes de la Ville d'Arras ; on voyoit
au-deffus le Chiffre du Roi , accompagné
de Trophées.
Cet Edifice , qui étoit chargé de differens
Emblêmes à la louange de S. M. a été
dreffé fur les Deffeins & exécuté par les foins
du Sr d'Huez , Peintre de l'Académie de
Rome , Sculpteur & Architecte.
Le 21 au foir & les deux jours fuivans ,
la façade de l'Hôtel de Ville fut illuminée
d'une quantité prodigieufe de Lampions, difpofés
en forme de Soleils , d'Etoiles , de
Fleurs - de- Lys , de Lettres de cinq pieds de
hauteur , qui compofoient plufieurs Vive le
Ri , &c. Dix grandes Niches vuides , qui
fe trouvent à ce Bâtiment , étoient remplies
de Lanternes de toile fort bien éclairées . On
avoit peint fur cinq de ces Lanternes , plus
élevées que les autres, des Perfonnages fymboliques
, repréfentant les principales Vertus
du Roi , fçavoir la Religion , la Bonté , la
Justice , la Val: ur & la Prudence . L'une des
cinq Figures d'en bas offroit la Victoire , tenant
une Palme & une branche d'Olivier ,
avec ces mots : Pariet victoria Pacem. D'un
I iij côté
1910 MERCURE DE FRANCE.
côté étoit une Renommée , embouchant fa
Trompette , dont la banderole portoit Proavum
aquavit , & aux pieds de la Figure étoit
écrit Nuntia veri. On avoit mis de l'autre
côté une feconde Renommée , qui préfentoit
fur fa banderole les noms des quatre
Places fortes , conquiſes en Flandre par
le
Roi , Menin , Ypres , la Kenoque & Furnes :
Au bas étoit cette Infcription , Uno hæc omnia
menfe. L'Hiftoire paroiffoit plus loin ,fous
la forme d'une femme tenant une plume &
un Livre , & regardant fixement le Portrait
du Roi , avec ces paroles , Hiftoria quanta
materies ! Enfin on voyoit un Apollon , touchant
fa Lyre , aux pieds duquel étoit le
Vers fuivant.
Vix rapidos poterit Regis cantare triumphos .
Il y avoit encore à l'Hôtel de Ville plu
feurs Cartouches illuminés , où on lifoit entre
autres ces Infcriptions :
LV DOVICI regls VISV eX V Ltat
atrebatVM. reX IVLIO SIMILIS VenIt ,
VIDet , atqVe VInCIt.
Tot vix Ipra dies quot reftitit Ilion annos.
Le Béfroi , Clocher remarquable par ſa
hauteur , par fa délicateffe & par fon Architecture
, quoique Gothique, fut auffi éclairé
d'un
A O UST. 1744. 1911

d'un grand nombre de lanternes & de ter
rines remplies de gaudron .
De plus ,le Magiftrat fit conftruire dans les
trois Places de la Ville , de grandes Piramides
, qui furent entierement garnies de
Lampions.
Il y eut outre cela de très belles Illumina
tions à l'Hôtel des Etats , au Confeil d'Artois
, à la Cathédrale & à l'Hôtel des Echevins
de la Cité , fans compter celles de toutes
les maifons particulieres , entre lefquelles
il s'en eft trouvé beaucoup de frappantes
par le nombre , l'arrangement & la vivacité
des lumieres. On fit des Feux par toute la
Ville & la Cité ; enfin les Habitans n'ont
rien épargné pour témoigner la joye qu'ils
reffentoient de la préfence de leur Souverain;
les rues les plus écartées & , pour ainf
dire, les plus pauvres , retentiffoient des mêmes
acclamations , brilloient des mêmes, fignes
de réjouiffance , que les quartiers les
plus beaux & les mieux habités.
Le Roi,pendant fon féjour à Arras, donna
plufieurs marques de fatisfaction & de
bonté.
Ce Prince partit le 24 vers les fix heures
du matin. Le Magiftrat en Corps l'attendoit
depuis quatre heures à la Barriere de Ronville
, avec le même cortége , dont il étoit
accompagné à l'entrée de S. M. qui prit le
chemin de Bapaume. I iiij VERS
1912 MERCURE DE FRANCE.
VERS de M. Bauvin , Avocat , & Membre
de la Societé Littéraire d'Arras
l'arrivée du Roi en cette Ville.
DE la fplendeur qui l'environne
Sur
LOUIS daigne nous honorer ;
Profitons des inftans que ce Héros nous donne ,
Pour le voir & pour l'admirer.
Où font donc ces regards menaçans & terribles
Dont il frappoit nos ennemis ?
Ils ofoient fe croire invincibles ;
Son ſeul aſpect les a ſoumis.
De fa préfence formidable
1
Nous ne fentons pas les effets ;
Contre fes ennemis c'eft un Roi redoutable ;
C'eft un Pere pour les Sujers.
PASSAGE du Roi par la Ville de Bapaume.
Le 24 Juillet , fur les neuf heures du matin , le
Roi paffant à Bapaume , en Artois , pour se rendre
de la Frontiere de Flandre à fon armée d'Alface ,
Sa Majesté fut reçûë hors de la Ville par le Magiftrat
en Corps & en habits de cérémonie , ayant à ſa
tête M. Dubois , Lieutenant de Roi & Commandant
de la Place.
Les Compagnies des Archers & des Arbalêtriers
étoient rangées en haye pour contenir le Peuple,qui
s'etoit raffemblé de toutes parts , & qui faifoit éclatex
A O US. T. 1744. 1913
er la joye par des cris réiterés de Vive le Roi. On
fi ceffer le plûtôt qu'il fut poffible , ces premieres
acclamations , & M. Lorin , Subdelegué de l'Intendance
, qui s'étoit chargé de porter la parole , ayant
mis un genou en terre , dit au Roi :
כ כ
>>
SIRE ,
Quel bonheur pour la petite Ville de Bapaume
d'apporter ces foibles marques de fon relpect &
» de fon obéiffance jufqu'aux pieds d'un Roi pré-
» cieux à fes Sujets & réveré de fes ennemis même,
plus grand encore par la pureté de les motifs, que
par la rapidité de les fuccès , dont l'augufte pré-
» fence affûre partout le repos de fes Frontieres , &
» fait respecter par les Nations , les plus jaloufes de
notre bonheur , la fageffe & la fupériorité de fes
» Vûës pour le bien général de l'Europe !
, כ
Puiffe , SIRE , le Dieu des Victoires & de la
" Paix combler Votre Majefté de fes Bénédictions
les plus abondantes , & les mefurer fur les Voeux
" ardens d'un Peuple dont vous emportez tous les
" coeurs !
Le Roi parut fatisfait de cette courte Harangue ,
qu'il avoit écoutée avec bonté , & S. M. ayant pris
deux Clefs d'argent , qui lui furent préfentées dans
un Baffin par M. Devife , Mayeur de la Ville , à genoux
, auffi bien que le reste du Magiftrat , elle les
remit au Duc de Villeroi , Capitaine de fes Gardes
, après quoi ayant reçû le Plan de cette Place
de M de Salmon , Ingénieur en Chef, S. M. traverfa
la Ville au bruit du canon des Remparts &
aux acclamations d'un Peuple nombreux.
-Les rues par où le Roi paffa , & prefque toutes cel
les de la Ville , étoient fablées & ornées de feuillages
, de Guirlandes & de Couronnes de fleurs , entremêlées
d'Infcriptions & de Devifes à la gloire de
S. M. On avoit préparé en face de l'Hôtel de Ville
un Feu de tonneaux , à la maniere du Pays , embelli
LY de
1914 MERCURE DE FRANCE.
de Peintures & de Banderoles , mais ce feu ne fut
allumé que le 26 au foir , les habitans de cette petite
Ville ayant continué pendant trois jours entiers
les marques publiques qu'ils ont données d'une
fatisfaction inexprimable.
TEDEUM chanté à la Chapelle du Palais
à Paris , pour la Convalescence du Roi,
L
E Parlement été informé de la maladie ayant
du Roi , s'affembla le 17 Août & arrêta que M.
Dufranc , le plus ancien des quatre Sécretaires du
Roi , fervant près la Cour de Parlement , feroit député
en cette qualité pour aller à Metz s'informer
au nom de la Cour de la fanté du Roi , & témoigner
à S. M. la part que fon Parlement prenoit à fa maladie.
M. Dufranc ,étant parti le lendemain 18 , arriva
à Metz le 19 , & fat introduit dans la chanbre
du Roi par le Duc de Bouillon , Grand Chambellan
de France. Il rendit compte à S. M. du fujer
de fa députation . Le Roi répondit qu'il étoit trèsfenfible
aux inquiétudes de fon Parlement , que gra
ces à Dieu , fa fanté étoit beaucoup meilleure , &
& qu'il pouvoit en affûrer le Parlement. M. Dufranc
, étant de retour à Paris le 21 au foir , M.
le Premier Préfident fut auffi - tôt avertir le Corps
`du Parlement , de fe trouver le lendemain à l'affem .
blée des Chambres.
Le 22 à 10 heures du matin, les Chambres étant
affemblées , M. Dufranc rendit compte de fa députation
& de la réponſe du Roi , dont il fut fait regiftre
, & il fut arrêté que la Cour feroit chanter
fur le champ un Te Deum en la Chapelle de la
grand'Salle du Palais , en actions de graces de la
Convalescence du Roi : les ordres ayant été donnés
auffiA
OUST. 17.44. 1915
auffi - tôt pour faire les difpofitions néceffaires & tout
étant prêt vers l'heure de midi , Mrs du Parlement
fortirent de la Grand'Chambre en Corps de Cour
précédés du premier Huiffier , & de huit autres Huif
fiers de fervice & du Greffier , qui tenoit ce jour la
plume à la Grand'Chambre.
M. le Premier Préſident & MM . les Préſidens à
Mortier fe placerent fur lesBanquettes qui étoient à
gauche du côté de l'Evangile , enfuite MM. les
Confeillers d'honneur , quatre de MM . les Maîtres
des Requêtes , MM. les Préfidens des Enquêtes &
Requêtes , & Mrs les Confeillers de Grand- Chambre
des Enquêtes & des Requêtes fe placerent du
même côté fur le refte des Banquettes , & fur celles
qui étoient du côté de l'Epitre . L'affemblée étant
fort nombreuſe , on fut obligé de doubler & de tripler
les rangs.
Les Avocats étoient fur un Banc à gauche , der
riere M. le Premier Préfident & Mrs les autres Préfidens
& Confeillers.
M. Feydeau de Marville , Lieutenant Général de
Police , affifta à cette cérémonie & prit place parmi
MM. du Parlement , en qualité de Maître des Requêtes
.
Sur un Banc , dans le fond de la Salle , en face de
la Chapelle, étoient Mrs les Gens du Roi , & à côté
d'eux , MM . les Sécretaires de la Cour . Sur deux
autres Bancs derriere celui - ci , étoient les Subſtituts
de M. le Procureur Général , & fur un quatrième
Banc plufieurs Greffiers du Parlement .
Les Huiffiers du Parlement étoient fur un Banc à
gauche , proche la Chapelle , le premier Huiffier
ayant un Siége à part pour lui & un Prie - Dieu.
M. Duval , Commandant du Guet , qui étoit préfent
à cette cérémonie , avoit pofé derriere les Bancs,
depuis la Chapelle jufqu'à la porte de la Grand-
I vj Cham-
+
1916 MERCURE DE FRANCE.
Chambre , un double rang de Soldats du Guet pour
empêcher la confufion.
Lorfque le Parlement fut arrivé , le Clergé de la
Ste Chapelle , qui avoit été invité pour venir chanter
le Te Deum , vint proceffionnellement ; M. de
Vichy de Chanron , qui en eft le Tréforier , étant
revêtu de les habits Pontificaux , entonna le Te
Deum , qui fut continué par le Choeur de Mufique
de la Ste Chapelle, auquel s'étoient joints beaucoup
d'autres Chantres , Muticiens , & quantité d'Inftruimens.
Après le Te Deum, on chanta Domine falvum
fac Regem auffi en Mufique ; ces deux morceaux
qui étoient l'un & l'autre de la compofition de
l'Abbé de la Croix , Maître de Mufique de la Ste
Chapelle , furent très - bien exécutés. M. le Tréfo-
Tier ayant dit les Oraifons & Pricres accoutumées
& donné la Bénédiction , s'en retourna avec fon
Clergé dans le même ordre qu'il étoit venu .
Le Roi a appris par le Comte de Montmorency ,
que le Prince de Conty a envoyé à S. M. & qui arriva
à Metz le 24 au matin , que le Château de
Démont s'étoit rendu le 17 ; que la Garniſon compofée
d'onze cent hommes , étoit prifonniere de
guerre ,& qu'on avoit trouvé dans ce Château 150
milliers de poudre , & 56 piéces de canon , dont il
il n'y en avoit que 8 de fer.
Le Maréchal de Noailles étant arrivé le 21 de ce
mois à Brumpt avec l'armée du Roi , il fut obligé de
I'y laiffer repofer le lendemain , & il envoya feulement
trois Détachemens , compofés chacun de
2020 hommes d'Infanterie & de 1000 de Cavalerie
, fous les ordres du Chevalier de Belle- Ifle , du
Comte de Lowendalh , & de M. de Berchiny ,
Lieutenans Généraux , pour inquiéter l'arrieregarde
AOUST. 1744. 1917
garde des ennemis , dont la marche faifoit juger
que le Prince Charles fe difpofoit à repaffer le
Rhin.
Le Maréchal de Noailles reçût avis le 23 , que les
ennemis fe retiroient , mefure que les Détachemens
s'approchoient d'eux , & fur cette nouvelle ik
Le porta fur les hauteurs de Haguenau ; il trouva à
Bicheveillers les troupes qui étoient aux ordres du
Comte de Lowendall , & il les fit paffer par Drufenheim
; il donna ordre aux deux autres Détachemens
, de s'avancer vers le Fort - Louis , en marchant
par Suffelsheim . Les ennemis étant dans ce
Village en grand nombre , & dans des retranchemens
formés par des abbatis d'Arbres , le Maréchal
de Noailles envoya au Chevalier de Belle Ifle
de nouvelles troupes , il fit marcher en même tems
la Brigade des Gardes par Drufenheim , pour toutenir
le Détachement commandé par le Comte de
Lowendalh , & il fe mit en marche avec le refte de
l'armée , pour aller attaquer le Prince Charles , lequel
étoit campé , la gauche à fes ponts de Benheim
, & la droite au Village de Rechvangle
.
Les retranchemens de Suffelsheim ayant été attaqués
, ils furent emportés avec la plus grande valeur.
Les ennemis y ont perdu beaucoup de monde
, & on y a fait plus de 200 prifonniers.
L'attaque des retranchemens que les ennemis
avoient formés près du Village d'Angenheim , n'a
pas eu moins de fuccès ; & les Grenadiers , après
les avoir forcés , ont pourſuivi les ennemis jufqu'à
dix heures du foir.
L'armée du Roi étant restée en bataille toute la
nuit , elle marcha à la pointe du jour , & elle commençoit
à paffer le défilé qui conduit à Benheim ,
lorfque le Maréchal de Noailles apprit que le Prin
ce Charles avoit profité de la nuit , pour repaffer le
Rhin.
Les
1918 MERCURE DE FRANCE. -
Les ennemis ont perdu aux attaques de leurs re
tranchemens environ 3000 hommes ; on leur a fait
un grand nombre de prifonniers , & il n'y a eû de
notre côté que 200 hommes de tués ou de bleffés .
Le Grand Prieur de France a reçû dans la cuiffe
un coup de fufil , qu'on ne croit pas dangereux.
Ces nouvelles ont été apportées au Roi par le
Marquis de Croiffy , que le Maréchal de Noailles a
dépêché à S. M. & qui eft arrivé à Metz le 25 ,
vers midi.
Le 22 au foir , les Ambaffadeurs & les Miniftres
Etrangers , lefquels fur la premiere nouvelle de la
maladie du Roi , fe rendirent avec empreffement à
Metz , furent admis à faire à S. M. leur compliment
fur la guérifon. Ils furent conduits tous enfemble
chés le Roi par M. de Verneuil , Introducteur des
Ambaffadeurs.
Le même jour , le Comte de Tering , que l'Empereur
a envoyé au Roi , pour fçavoir des nouvelles
de la fanté de S. M. s'acquitta de cette commiffion
& préfenta au Roi une Lettre de S. M. I.
Le Comte de Vactendonck , Grand Chambellan
de l'Electeur Palatin , & fon Miniftre d'Etat , ayant
été envoyé à Metz par ce Prince pour le même fujet
, il eut le 23 l'honneur de voir le Roi , & il félicita
S. M. de la part de l'Electeur Palatin . Ils furent
préfentés par le même Introducteur , ainfi que le
Comte de Spada , Grand - Maître de la Ducheffe de
Lorraine Doiiairiere , lequel fit le 24 , au nom de
cette Princeffe , fon compliment fur la guériſon
de S. M.
On a appris de Metz du 25 de ce mois , que le
calme , dans lequel le Roi fe trouva le 18 après
midi , fe foûtint tout le jour , & que le redoublement
AOUST . 1744. 1919
"
ment de fiévre , qu'on craignoit dans la nuit fuivante
fut fi peu marqué , qu'il n'empêcha pas S.
M. de dormit huit heures , fans autre interruption
que celle du tems néceffaite pour prendre deux
bouillons , & pour changer de lit.
Cet heureux état de la ſanté du Roi , bien diffe
rent de celui des jours précédens , & la ceffation
des accidens de la maladie , firent juger le 19 au
matin , avec fondement , que S. M. toit hors de
danger , & qu'elle alloit entrer dans la Convalef
cence .
La joye inexprimable , que cet événement a répandu
dans tous les coeurs , fe fortifie de jour en
jour. J
La médecine douce qu'on fit prendre au Roi le
22 , pour prévenir le retour d'un mouvement de
fiévre , ayant emporté le refte de la bile , qui auroit
pú occafionner quelque accident , le Roi s'eft trou
vé depuis de mieux en mieux ; le poulx eft dans
fon état naturel , & il a permis de commencer le
à donner au Roi deux potages. S. , M . en a pris
un le 25 à midi ; elle a été levée l'après- midi près
de quatre heures , & le progrès de fa Convalefcence
annonce que le rétabliffement de fa fanté fera
prompt & auffi parfait qu'on puiffe le défirer.
24
La nuit du 24 , le Roi a fait dire la Meffe dans fa
Chambre à minuit , & il y a communié par les
mains de l'Evêque de Soiffons , Premier Aumônier
de S. M.
La Reine , qui fur les nouvelles , qu'elle avoit
reçûës de l'état du Roi , étoit partie de Verſailles le
15 au matin , pour fe rendre à Metz , y arriva le
17 , vers les onze heures & demie du foir , & elle
entra dès le moment chés le Roi.
Monfeigneur le Dauphin & Mefdames de France.
eurent le 20 la fatisfaction de le voir , & de le trouver
guéri.
Les
424
1920 MERCURE DE FRANCE.
Les Prévôt des Marchands & Echevins de la Ville
de Paris , allarmés des nouvelles arrivées le 15 au
matin de la fanté du Roi , & touchés vivement de
l'extrême inquiétude qu'elles caufoient dans toute
la Ville , firent partir fur le champ deux des Officiers
des Gardes de la Ville , afin que ces Officiers ,
pour fatisfaire le Public , pûffent envoyer de Metz
des nouvelles du Roi , par des couriers extraordinaires
établis fur la route. Deux de ces couriers
font partis chaque jour de Metz avec les nouvelles
de la fanté du Roi , que leur donnoit le Duc de Gêvres
, Gouverneuf de Paris , lequel ayant appris
que le Roi avoit été faigné du pied le 12 , pour la
feconde fois , le rendit auprès du Roi , & arriva à
Metz le ry.
>
La guérifon de S. M. a infpiré à ceux qui ont
P'honneur de lui être particulierement attachés
une joye dont on ne peut juger , que par les fentimens
qu'ils ont toujours fait paroître pour S. M. &
dont la défolation , dans laquelle la Cour a été pendant
la maladie du Roi , eft une nouvelle preuve .
La Ville de Metz & les habitans du Pays Meffin ,
qui dans le moment de l'arrivée du Roi à Metz , &
pendant qu'il y étoit en bonne fanté , fe font entierement
occupés du loin de prouver à S. M. leur
amour & leur refpect , lui ont marqué dans fa maladie
F'un & l'autre , de la maniere la plus éclatante
, par leurs prieres continuelles pour la confervation
du Roi , par l'empreffement avec lequel ils fe
mettoient à portée d'apprendre à tout inftant des
nouvelles de S. M. par leurs tranfports de joye ,
dès qu'ils ont été certains de fa guérifon , & par
tout ce qu'ils ont crû le plus capable de faire connoître
leur fidélité & leut affection pour le Roi.
Toutes les Villes du Royaume ont donné pendant
AOUS T. 1921
1744 .
dant la maladie du Roi les plus fortes preuves de
leur refpectueux attachement pour S. M. & celle
de Paris , qui s'eft toujours fait un devoir de fe diftinguer
par fon zéle , a fait éclater fes fentimens ,
d'une maniere , qui depuis long - tems n'a point eú
d'exemple.
>
La premiere nouvelle de la maladie de S. M.
avoit répandu à Paris une affliction générale , & de
vives allarmes fe joignirent à cette affliction , lorfqu'on
fut informé par les lettres de Metz du 11 au
foir & par celles des jours fuivans , que les faignées
du pied , faites à S. M. n'avoient pas eû plus de fuccès
que les autres remédes employés , pour lui procurer
du foulagement.
On tomba dans une défolation inexprimable , en
apprenant que le 13 le Roi avoit reçû le Viatique ;
le furlendemain on lui avoit donné l'Extrêmeque
Onction , & qu'on avoit perdu prefque entierement
l'efperance de la guérifon de S. M. Les Eglifes ,
pendant les Prieres de Quarante - Heures , ordonnées
pour demander à Dieu la confervation du Roi ,
furent remplies le jour & la nuit par les perfonnes
de tous les Ordres , lefquelles par la ferveur dont
elles prioient , montroient combien elles défiroient
d'être exaucées. La plupart ne fe contentant pas de
mêler aux chants du Clergé leurs voix entrecou
pées de foupirs & de fanglots , & mettant en ufage
toutes les bonnes oeuvres que la Piété pouvoit leur
infpirer , diftribuoient d'abondantes aumônes aux
Pauvres , & elles portoient des fommes confidérables
aux Sacrifties , pour faire dire des Mefles. Des
perfonnes même , à qui leur peu de fortune fembloit
ne permettre que d'adreffer des voeux au
Ciel , pour en obtenir la grace qui faifoit l'objet
des fouhaits publics , employoient à ces ufages
pieux tout l'argent dont leurs befoins leur laiffoient
la
1922 MERCURE DE FRANCE.
la liberté de difpofer. On ne fortoit des Eglifes ,
que pour aller chercher des nouvelles de la fanté du
Roi chés ceux qu'on jugeoit être plus à portée d'en
être inftruits , & il y avoit une affluence conti
nuelle aux portes des Miniftres , ainsi qu'au Bureau
de la Pofte.
Le Peuple arrêtoit tous les couriers qu'il croyoit
arriver de Metz ; il les queftionnoit avec crainte
& felon leurs réponſes , il ſe livroit à la confterna
tion ou à l'efperance . Il fembloit que tous les habitans
de cette Ville partageaffent le danger avec le
Roi , & qu'ils éprouvaffent les mêmes orages que
S. M.
Cette agitation diminua par les nouvelles qu'on
reçût de l'état dans lequel le Roi s'étoit trouvé le
18 au foir , & elle fit place à la joye la plus parfaite
dès qu'on fut affûré que le 19 au matin S. M. étoit
hors de danger. Alors , on retourna aux Eglifes ,
pour rendre des actions de graces , avec le même
empreffement qu'on avoit eeuû ,, pour demander la
guérifon du Roi. La Ville ne retentit plus que de
cris d'allegreffe ; on voyoit de tous côtés des gens
courir dans les rues , & fe dire avec transport : Le
Roi eft guéri , & ces mots étoient accompagnés de
voeux ardens pour la confervation de S. M. La fatisfaction
augmente , à mesure qu'on apprend que
le Roi avance dans fa convalefcence , & il ne manque
à la joye des Parifiens que le plaifir d'avoir S.
pour témoin des démonſtrations de leur amour
& de leur refpect , lefquelles leur font autant d'honneur
, qu'elles font flateufes pour notre Augufte
Monarque.
M.
M. Dufranc , Sécretaire du Roi , fervant près de
la Cour de Parlement , & que cette Compagnie
avoit envoyé à Metz , pour fçavoir des nouvelles
de
A O UST. 1744 . 1923
de la fanté de S. M. étant revenu à Paris , & ayant
informé le Parlement , que tous les accidens de la
maladie du Roi étoient entierement ceffés , le Parlement
fe rendit le 23 au matin dans l'Eglife de la
Ste Chapelle pour remercier Dieu d'avoir rendu S.
M. aux voeux de la France , & il Y affifta au Te
Deum , auquel le Tréforier de la Ste Chapelle officia
pontificalement.
Le même jour au foir , il y eut à Paris des réjoäiffances
publiques , par ordre du Parlement , à l'oc
cafion de la Convalefcence du Roi , & toutes les
rues furent illuminées. Il feroit difficile d'exprimer
en combien de manieres le Peuple témoigna fa
joye. La Ville fut en mouvement pendant toute la
nuit , & peu d'événemens ont été célébrés par des
acclamations fi générales & fi réitérées.
Le 25 , Fête de S. Louis , la Proceffion des Car
mes du Grand Convent , à laquelle le Corps de
Ville affifta , alla fuivant la coûtume , à la Chapelle
des Thuilleries , où ces Religieux chanterent la
Meffe.
Le même jour , l'Académie Françoiſe célébra la
Fête de S. Louis dans la Chapelle du Louvre. Pendant
la Meffe ,on chanta un Pleaume en Mufique, &
l'Abbé de l'Eclufe des Loges prononça le Panégyrique
du Saint.
L'Académie Royale des Infcriptions & Belles
Lettres , & celle des Sciences , célébrerent la même
Fête dans l'Eglife des Prêtres de l'Oratoire , où le
Panégyrique du Saint fut prononcé par M. Adam
Curé de la Paroiffe de S. Barthelemi.
Le Jeudi 27 Août , jour de la Clôture de la Neuvaine
,
1924 MERCURE DE FRANCE.
vaine, & du Vou fait par la Ville de Verfailles, pour
le rétabliſſement de la fanté de S. M. le Clergé de la
Paroiffe de Verfailles , fuivi de tout le Peuple , alla
en Proceſſion à 6 heures du matin , à Ste Geneviève
de Nanterre. On y célébra une grande Meffe . M.
de Blamont , Sur Intendant de la Mufique du Roi ,
y avoit raffemblé une partie des Muficiens de S. M.
& fit exécuter à l'Elévation , le beau recit de M de
la Lande , Adorate eum omnes Angeli ejus ; il fut
chanté admirablement bien par M. l'Abbé Dotta ,
& l'accompagnement ne laiffa rien à défirer. Le
jeune M. de Bury , neveu de M. de Blamont , & furvivancier
d'une de fes Charges , toucha l'Orgue ,
& n'oublia rien de fon heureux talent , pour feconder
le zéle de fon oncle.
La Proceffion à fon retour à Versailles , fut reçûê
dans l'Eglife par une Symphonie de la Compofition
de M. de Blamont , qu'il fit exécuter avec Timballes
& Trompettes. M. l'Abbé Dotta y chanta le
même recit Adorate , &c. qui fut fuivi d'un Domine
Jalvum, c. compofé par M. de Blamont , lequel
donna à la derniere Rénédiction un autre morceau
de fes Symphonies , dont l'execution fut parfaite .
On ne peut être trop édifié de la part , que la Piété
du Peuple & fon amour pour le Roi prit à ces ac
tions de graces .
L'Académie Françoife tint le 25 , Fête de S.
Louis une Affemblée publique , dans laquelle elle
diſtribua le Prix de Poëfie qu'elle avoit reſervé l'année
derniere , & qui a été remporté par M. Linand.
C'eft pour la troifiéme fois que cet Auteur eft cou
ronné par cette Académie.
Le 26 , dans l'Affemblée générale du Corps de
Ville , M. de Bernage , Confeiller d'Etat Ordinaire ,
fut
A OUST. 1744: 1925
fut élû Prévôt des Marchands , & l'on nomma pous
Echevins Mrs Sauvage & Huet.
*****************
MORTS,
E 21 Juillet , D. Claire -Charlotte- Seraphine du
Tillet de S.Mathieu, femme de François du Prat,
Comte de Barbançon , Brigadier des Armées du
Roi , du premier Février 1719 , ci -devant premier
Veneur de M. le Duc d'Orleans , Régent du Royaume
, avec lequel elle avoit été mariée le 8 Octobre
1712 , mourut à Bourbon , âgée de 61 ans , laiffant
plufieurs enfans , entre autres le Comte de Barbançon
, Meftre de Camp d'un Régiment de fon nom ,
depuis 1735 , Brigadier d'Armée de la derniere Promotion
. Elle étoit fille de Jean- François du Tillet ,
Vicomte de S. Mathieu , & de D. Jeanne-Marguerite
de Botrant-Nanteuil. La Famille du Tillet eft
une des premieres de la Robe ; pour celle de du Prat,
voyez la Généalogie, qui en eft rapportée dans l'Hif
toire des Grands Officiers de la Couronne ,Vol . VI .
fol . 456 .
3.
Le 23 , D. Marguerite Ferrant de S. Dizant
femme de Raoul- Antoine de S. Simon , Comte de
Courtomer , Capitaine d'une Compagnie dans le
Régiment des Gardes Françoifes , & Maréchal des
Camps & Armées du Roi , avec lequel elle étoit
mariée depuis 1719 , mourut en fon Château de
Flain , âgée de 46 ans , laiffant plufieurs enfans. Ele
étoit fille d'Etienne Ferrant, Seigneur de S. Dizant ,
Intendant & Contrôleur Général de l'Argenterie ,
Menus plaifirs & Affaires de la Chambre du Roi , &
d'Anne Beffet de la Chapelle.
TABLE
TABLE.
P
IECES FUGITIVES . Ode fur la Police perfectionnée
fous le Regne de LOUIS LE GRAND, 1715
Extrait d'un Difcours Latin fur l'Amour de la Patrie
,
1720
Lettre de M. Desforges Maillard à M. le Préfident
Bouhier ,
1736
Suite de l'Extrait de la Lettre du Cardinal Quirini à
M. de Boze ,
Déclaration d'Amour à Mlle Ponchard ,
1739
1749
Effai d'une Traduction libre des Paftorales de Vir-
1751
gile ,
Epitre fur un Sermon du Dim. de la Paffion , 1761
Réponſe de M. l'Abbé Bertault à la Lettre de M. de
Launay ,
Le Vautour , Fable 1
Lettre de M. Boyer à M. Maloüin
Epitre à M. Darnaud ,
1764
1778
1780
Я
1784
1787
1804
Lettre fur l'Apologie des Normands ,
L'Aurore , Idylle ,
Séance publique de l'Académie de Chirurgie, 1807
Explications des deux Logogryphes du prem. Volume
de Juin, & des trois Enigmes du fecond , 1823
Mots de l'Enigme & du Logogryphe de Juillet, ibid.
Enigme & Logogryphes , 1824
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX ARTS , & C.
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Gaules , & c.
Extrait , 1827
VII & VIII Vol. de la Collection des OEuvres de
M. Boffuet ,
X Tome des Vies des Hommes Illuftres ,
Effais d'Exhortations , & c.
Catalogue d'une Bibliothéque de Livres
res ,
Affemblées publiques de l'Academie des
Arts de Lyon ,
1828
1829
1833
très- ra-
1834
Beaux-
1835
Eftampes nouvelles , 1851
Nouvelle Carte de la France , 1853
Extrait de Lettre fur un Remede éprouvé contre la
Goute invéterée ,
Chanfon notée ,
Spectacles ,
1854
1855
1856
Les Talens déplacés , nouvelle Piéce , jouée à la Co-
1858
1860
Nouvelles Etrangeres , Turquie , Suede , Ruffie ,
médie Italienne ,
Extrait des Amours Grivois ,
Pruffe ,
Manifefte du Roi de Pruffe ,
Allemagne ,
Espagne ,
Génes & Ile de Corfe ,
Grande Bretagne ,
Hollande & Pays - Bas
1868
1870
1874
1876
1879
1879
1880
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 188г
Mandement du Cardinal de Tencin ,
Le Te Deum chanté à N. D.
1882
1884
Lettres du Roi à M. l'Archevêque de Pariss , 1885
Mandement en conféquence ,
Maladie du Roi ,
Le Te Deum chanté à Metz ,
1886
1891
1894
Départ de Verfailles de la Reine,de Manfeigneur le
Dauphin & de Mefd. de France pour Metz, 1898
Suite de la Maladie du Roi ,
Arrivée de la Reine à Metz ,
Arrivée & féjour du Roi à Arras ,
Vers fur l'arrivée du Roi en cette Ville ,
Paffage du Roi par la Ville de Bapaume ,
Le Te Deum chanté au Palais à Paris
Convalescence du Roi ,
>
1899
1902
1903
1912
ibid.
1914
1919
Arrivée de la Reine & de la Famille Royale à
ibid.
Metz ,
Morts ,
1925 ,
Errata
Errata d'Avril,
PAge 765 , ligne antépénultiéme , Dortels de
Mairan , lifez , Dortous de Mairan.
Errata de Mai.
Age 963 , ligne 10 , Ruhard Cumberland , li
fez Richard Cumberland. P. 1059 , 1. 30 , Alexis
Barfol , 1. Alexis Barjot.
Errata du premier Volume de Juin.
Age 1276 ,ligne 25 , le vieux Marquis de Rouvroy
époufa en fecondes nôces la fille de Jean
Prevôt, Capitaine des Gardes du Maréchal de Boufflers
, & de Marie Claire Adam , à préſent ſa veuve
fans enfans . P. 1275 , I. 9. ce n'eſt pas le Marquis
de Goefbriant qui eft mort en 1736 , mais fa fenime
Rofalie de Châtillon,
Errata de fuillet.
PBaiques. P. 1687 , 1. 15 , Maitre ,deities.
Age 1640 , ligne 7 du bas , le Barques , 1. les
>
Fautes à corriger dans ce Livre,
Age 1710 , ligne 16 , qni , lifez , qui . P. 1779 ,
1. 15 , danger , l . danger ? P. 1780 , l . 7 , Faculté
. Faculté , P. 1782 , 1. 20 , fuis , 1. fuis. P.
1783 , l. 12 , de S. A. R. Mad. la Ducheffe d'Orleans
ôtez ces mots , & mettez, du Roi , par M. Boudin
, Teret & Falconet . P. 1813,1 . 4 , faignée , l .
faignées. P. 1817 , 1. 2 , aprè , l. après . P. 1822 , 1 .
10 , Mémoire , ajoûtez , que. P. 1844 , l . 5 , ôtez la
virgule après tout . P. 1853 , 1. 6 du bas , Royame ,
J. Royaume. P. 1867 , l . 14 , qni , l. qui. P. 1884,1 .
10 , ôtez la virgule après invitées . P. 1897 , l . 20 ,
remporter , 1. de remporter. P. 1900 , l. 19 & 20 ,
Sanclues , I. Sangfues.
La Chanjon notée doit regarder la page 1855
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROI.
SEPTEMBRE .
1744 .
COLLIGIT
|
SPARGIT
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME
ruë S. Jacques.
CAVELIER ,
La Veuve PISSOT , Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
M. DCC. XLIV
Avec Approbation & Privilege da
A VI S.
L'MORES,Commisan Mercatofrour
' ADRESSE générale eft à Monfieur
"
à vis la Comédie Françoife , à Paris. Ceux qui
pour leur commodité voudront remettre leurs
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent fe fervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter , & à ceux qui les
envoyent , celui , non-feulement de ne voir
pas
paroître leurs Ouvrages , mais même de les perdre
, s'ils n'en ont pas gardé de copie.
Les Libraires des Provinces des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir leMercure de France de la premiere main ,
&plus promptement , n'auront qu'à donner leurs
adreffes à M. Moreau , qui aura foin de faire
leurs Paquets fans perte de tems , & de lesfaire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meſſage
ries qu'on lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS
MERCURE
DE FRANCE,
1
DÉDIÉ AU ROI.
SEPTEMBRE. 1744.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe
LES Progrès de la Comédie , fous le Regne
de LOUIS LE GRAN D.
L
OD E.
AISSE tomber ce mafque , ô divine
THALIS ;
Ton front pour le triomphe eft déja
couronné ,
Et derriere ton char , par P'humaine folic
Je vois l'Univers enchaîné .
Par tes rians attraits des Mortels adorée ,
Par de fages leçons à jamais révérée ,
1
A ij
Parois ,
1932 MERCURE DE FRANCE.
Parois ; tout fléchit fous tes Loix ;
Si le plus grand des Dieux te donna la naiffance ,
Tes rapides progrès , ta gloire , & ta puiſſance
Sont les dons du plus grand des Rois.
+34
Quels Cyniques appas t'avoit prêté la Gréce !
Tu les vis , & ton front rougit de tant d'excès.
La pudeur diffipa cette honteufe yvreffey
Mais le tems borna tes fuccès .
Au mépris de ton nom , l'Ignorance groffiere
Sur les vils brodequins rampa dans la pouffiere ,
Du peuple amulant les regards :
Louis te fait renaître , & fçait venger ta gloire ;
Louis , qui remporta les fruits de la victoire ,
La Paix , l'Abondance , & les Arts,
**
Ton éclat a banni l'aveugle barbarie ;
L'Ordre , le Vrai , le Goût , rétabliffent tes droits
La décence , les moeurs , la fine raillerie ,
Donnent des charmes à ta voix.
Mais quels nobles accords ont frappé mon oreille ?
MELPOMENE eft jalouſe , & t'enleve Corneille ;
Par toi Moliere eft infpiré.
Dignes du premier rang , où l'un & l'autre aſpire ;
A l'envi , du Théatre ils partagent l'empire ,
De nos Ancêtres ignoré .
Dans
SEPTEMBRE. 1744. 1933
Dans un étroit efpace , & dans un champ fterile ,
Le Comique jadis épuifa fes travaux.
Quels modéles heureux & la Cour & la Ville
Offrent à fes riches tableaux !
C'eft ainfi que la Terre , ouvrant fon fein avare
Prodigua des tréfors , ignorés du Barbare ,
A nos talens induftrieux .
Prends ton Pinceau , Moliere , & d'une main fçavante
Exprime de nos moeurs la Peinture vivante ;
Rends nous rifibles à nos yeux.
*3 *X
Trace dans l'Etourdi la fougueufe imprudence ;
La Jeuneffe indifcrette , & le fourbe intérêt ;
Surmonte par degrés l'Envie & l'Ignorance ;
Qu'elles t'admirent à regret !
Diffame pour toujours la fade Précieuſe ,
La Sçavante au ton fier , la Prude impérieufe ,
La Coquette aux yeux féduifans :
Peins du fombre jaloux les foupçons , les fupplices ,
D'un fexe déguisé les fubtils artifices ,
Et les faux airs des Courtifans.
炒菜
C'eft peu ; donne à ta Mufe un effor digne d'elle ;
Rends dans un feul tableau mille tableaux divers ;
Fais de ton Misantrope un fi parfait modéle ,
Qu'il foit l'amour de l'Univers .
A iij Par
1934 MERCURE DE FRANCE.
Par quel heureux contrafte , enfant de ton génie,
As-tu fait de ce tout adorer l'harmonie ,
En tendant les ris férieux ?
Ces objets oppofés , dont tå bile s'enflâme ,'
Enchantent la Raifon , & ne portent dans l'Ame
Que des plaifirs dignes des Dieux .
32
Riche de ces tréfors , que la France idolâtre ,
Et qui feront envie à la Pofterité ,
Ira- t'il dépouiller le fterile Théatre
De la fuperbe Antiquité ?
Tout eft neuffous fa main , tout renaît de ſes veilles.
Les déferts à ſa voix font féconds en merveilles ; '
La Beauté germe , & reproduit :
L'Avare qu'il retrace , eft il le même Avare ?
De quels divins attraits , belle Alcmene , il te pare
Jupiter même en eſt ſéduit ..
Rival de Rofcius , de Plaute , & de Menandre,
Seul tu fçais encherir fur leur Art fi vanté ;
Dans cette aimable Ecole , où tu te fais entendre ,
Que de grace , & de nouveauté !
Quel Comique , avant toi , joüa fans retenuë
L'Art douteux , dont l'abus impunément nous tuë ,
Nous égorgeant avec froideur ?
Le Citoyen d'Athéne apprit-il de THALIE ,
A
SEPTEMBRE. 1744. 1935
A fur le fol excès du Bourgeois qui s'oublie ,
Singe & duppe de la Grandeur ?
Qu'on eût acquis de gloire & ravi le Parterre ,
Si de traits enjoüés armant la Vérité ,
Aux Dandins de la Gréce on avoit fait la Guerre ,
Et ri d'un fot de qualité !
Quel Mime eût mieux atteint l'Art fortuné de plaire,
Qu'un Malade expirant d'un mal imaginaire ,
Aux yeux des Romains expofé ?
Eh ! Rome auroit peut - être applaudi fans fcrupule
Au bizarre Scapin , dont le fac ridicule
Sur notre Scéne eft mépriſé .
Xxxx
Quoi ! ta gloire effaça la Gréce & l'Italie ;
Siécle heureux de Louis , &, déja tu n'es plus !
Ramene tes beaux jours , immortelle THALIE ;
Calme nos regrets fuperAus..
Nos voeux font exaucés ; ton flambeau ſe rallume ;
Tes fucceffeurs , Moliere , héritent de ta plume ;
Tu fembles revivre à nos yeux :
Brueis, de l'Ifle & Renard t'ont choisi pour modéle
Marivaux , la Chauffée , épris du même zéle ,
Eternifent encor nos jeux.
****
A iiij
LA
1936 MERCURE DE FRANCE.
LA SUPERIORITE' des Dames fur
les Hommes. Extrait d'un Difcours de
M. La Cofte , le Cadet.
Hommes paroiffent quelquefois
Sinjuftes dans leurs décifions , c'eft , furtout
, à l'égard des Dames. La Nature ayant
donné aux premiers un corps plus robufte ,
ils ont crû que la raifon du plus fort étoit
la meilleure : convaincus de la Superiorité
d'un Sexe qu'ils eftimoiert hier , qu'ils mépriſent
aujourd'hui , & qu'ils adorent tous
les jours , ils ont voulu , pour autorifer
leurs caprices , obtenir de la force , ce que
le mérite leur refufoit. Fiers du Defpotifme
qu'ils ont ufurpé , ils s'imaginent que les
Dames doivent foufcrire à des Loix , où jamais
elles n'ont eu de

part.
,
Quoique le préjugé & la mode me foyent
favorables , la vérité m'excite à prendre la
défenſe d'un Sexe , qui fe feroit déja juſtifié
, fi nous n'avions eû foin d'écarter de fon
éducation l'Art d'écrire. Il falloit en venir
là. En effet , il auroit bien - tôt recouvré la
place qui lui avoit été marquée par la Sageffe
, mais dont nous l'avons chaffé , fi on
lui avoit enfeigné l'Art de fe défendre
com-
1
SEPTEMBRE . 1744 . 1937
comme on nous a inftruit dans la maniere
de l'attaquer.
Nous ne pouvons afpirer à la Superiorité
fur les Dames , que par l'Efprit & par le
Coeur. La force eft étrangere au mérite ,
parce qu'elle ne dépend pas de nous . D'ailleurs
, la Beauté étant le partage des Dames ,
& l'écueil où vient échouer tous les jours
l'orgueil de l'Homme , nous n'avons jufqu'ici
aucun reproche à leur faire. Au contraire
, fi moins robuftes que nous , elles ont
pris un afcendant fur notre fexe , cela caracteriſe
allés notre foibleffe .
Je vais donc tâcher d'établir que les Da
mes ont beaucoup plus d'Efprit , & les fentimens
plus nobles que les Hommes. Ces
deux Propofitions feront l'economie de ce
Difcours. Je ne me fervirai que du Raiſonnement
, laiffant la pitié à l'écart ; le coupable
l'employe comme le jufte , & ce feroit
deshonorer l'innocent que de le juftifier
par des moyens qui lui feroient communs
avec le criminel . D'ailleurs , l'Homme eſt
trop endurci fur ce point , pour ſe laiffer
fléchir ; heureux fi la Raifon peut encore ſe
faire entendre , & fi on ne l'étouffe pas ,
avant qu'elle prenne la parole !
- PREMIERE PARTIE.
Une Perfonne qui a l'imagination vive ,
A v les
1938 MERCURE DE FRANCE.
les penfées fines , les expreffions naturelles ,
polies & délicates , peut paffer pour avoir
de l'Efprit. La Science , l'Erudition , la Litterature
s'acquierent avec le tems . Il ne faut
pas beaucoup de génie , pour être Jurifconfulte
, encore moins , pour fçavoir l'Hiſtoire
, & peut- être point du tout , pour devenir
grand Géométre . L'Etude eft la Mere
des Connoiffances. On pourroit même penfer
de quelques Sçavans, ce que difoit Scarron
des Sots , qu'ils mourront fans rendre
l'efprit .
Qu'est- ce qu'Efprit ? Raiſon aſſaiſonnée.
Efprit fans fel eft fade nourriture ;
Sel fans Raifon eft folide pâture ;
De tous les deux fe forme Eſprit parfait ,
De l'un fans l'autre un Monftre contrefait.
Or , 1. il n'eft pas douteux que les Dames
n'ayent beaucoup plus de fel & de prudence
que les Hommes. Ayant les fibres plus
déliées , elles doivent avoir les faillies plus
agréables que nous . Auffi voit- on tous les
jours que les Hommes ne fçavent ce qu'on
appelle bien vivre , que lorfque les Dames
s'en font mêlées. Le Monde eft une Ecole
où l'on apprend à faire ufage de ce que l'on
a vû dans les Livres ; cependant , fans les
Dames,où en feroient la plupart de nos Sçavans
,
SEPTEMBRE. 1744. 1939
" vans , renfermés dans leur mifantropie
n'ayant pour régle que leurs caprices ? On
les verroit comme les anciens Humains
Errants au gré de la Nature ,
Avec les Ours difputer la pâture .
Leur génie qui , felon S. Evremond , eſt
ennuyeux & péfant , connoîtroit-il ce que
c'eft que l'Amitié , la Douceur , la Politeffe ?
L'Homme , né pour la Société , l'éviteroit
comme fa perte , fi fes bizarreries n'étoient
temperées par les manieres gracieufes d'un
objet qu'il croit inférieur à lui . 11 ne frequenteroit
point fes pareils , ou bien - tôt le
flambeau de la Difcorde romproit une union ,
qui ne peut être bien cimentée que par le
Commerce des Dames..
A peine un jeune Homme a-t'il du monde
, qu'il s'imagine s'acquerir l'eftime du
Public , en déchirant un Sexe qui l'a formé.
D'autres accufent les Dames d'être comme
imbecilles , parce qu'elles ne font ni impies
, ni dépourvûës de fens commun ; ces
traits partent des prétendus efprits forts.
Les Dames , accoûtumées à parler d'un air
poli , ingénieufes à relever leurs penfées par
des expreffions vives , s'abftiennent avec
foin de ces termes équivoques , de ces paroles
groffieres , dont fe fervent nos jeunes
Libertins. La modeftie des Dames , loin de
A vj
les
1940 MERCURE DE FRANCE.
les juftifier , paroît un crime. Elles font açcufées
de n'avoir point d'efprit par ceux ,
qui n'en ayant pas
affés pour
voir qu'ils en
manquent , ne font pas Juges compétens en
pareille matiere.
Si l'Esprit doit briller quelque part , c'eſt
fans doute dans la converfation . Les entretiens
familiers , quoiqu'ils ne doivent pas
occuper toute notre vie , fervent beaucoup
à maintenir la Société. En effet , la converfation
, comme le remarque Balzac , a du
rapport au Gouvernement Populaire ; chacun
y a droit de fuffrages ; tous y jouiffent
de la liberté. On peut dire avec S. Evremont
, que fi l'Etude augmente les talens de
la Nature , c'eſt la converfation qui les met
en oeuvre & qui les perfectionne.
Combien d'avantages les Dames n'ontelles
pas fur nous dans ce lien de la Société ?
Avec quelle énergie leurs Efprits fe communiquent-
ils leurs penfées ? Avec quelles graces
leurs coeurs expriment- ils leurs mouvemens
? Les Doctes n'avancent rien qui ne
foit étudié ; les Ignorans difent tout au hazard
; l'Efprit & la Nature parlent avec les
Dames .
C'eſt peu d'être agréable & charmant dans un Livre;
Il faut fçavoir encor & converfer & vivre.
Auffi , pour fuivre le Précepte de Boileau,
Legifte ,
SEPTEMBRE. 1744. 1941
Legifte , Cadet , Moufquetaire , Robin , tout
vient à l'Ecole des Dames. Ciceron avouë
que , quoiqu'il eût étudié l'Eloquence fous
Molon , la Poëfie fous Archias , la Jurifprudence
fous Scævola , que quoiqu'il eut
eû pour Maîtres de Philofophie Phédre ,
Philon & Diodore le Stoicien , il eft en partie
redevable de fon fuccès dans l'Art oratoire
au Commerce qu'il a eû avec la Mere
de Gracchus , la fille de Caïus , l'Epoufe de
Craffus , & les deux Licinies.
N'est- ce pas manquer de prudence , que
de faire profeffion de ne point eftimer les
Dames , quand on fent qu'on peut les aimer?
Auffi arrive-t'il fouvent qu'on eft puni de
fon imprudence. Les Dames font ignorantes
pour la plûpart ; je l'avouë ; mais , injuftes
que nous fommes , n'avons- nous pas
eû foin d'éloigner de leur éducation les
Maîtres , qui auroient pû leur donner les
lumieres que nous avons acquifes ? Nous
avons borné leur Science à être belles ; l'Etude
nous les rendroit infupportables .
>
Il s'eft cependant trouvé des Dames , qui
ont percé l'obscurité des ténébres dont
nous avions eû foin de les envelopper.
Quelle Erudition dans une Chriftine ! Quelle
délicateffe dans les Poëfies d'une Deshoulieres
& d'une Villedieu ! Quelle legereté dans
la plume d'une la Suze , d'une Scudery !
1
20%
1942 MERCURE DE FRANCE.
2º. Une des preuves les plus convaincantes
de l'Eſprit des Dames ,
c'est que dépourvûës
de la force & de la Science , avec
ces Braffelets , ces Coëffures , ces Coliers ,
ces foibles armes que nous méprifons , elles
enchaînent les plus redoutables Guerriers ,
ces Hommes dont le bras étoit invaincu
& dont le coeur eut été invincible , s'il n'y
eut point eû de femmes. Le Philofophe s'at
tendrit ; la Raifon s'égare , elle autorife fouvent
une Paffion qu'elle condamnoit , avant
que de la connoître .
Si nous aimons les Femmes avec leurs dé
fauts , fi la Coquetterie même n'eſt pas un
antitode fouverain contre nos foibleffes
ou il y a dans le Sexe quelque chofe de fupérieur
, qui nous attire , ou les plus honteufes
Paffions nous dominent . De quelque
côté que l'Homme fe tourne , il trouvera
dans ce Dilemme une preuve de fon infériorité.
D'ailleurs , il eft sûr que les Dames ont
naturellement plus de retenuë que les Hommes
; fi donc nous rampons devant celles
qui ont perdu ce caractere pour mener une
vie licentieufe , à plus forte raiſon devonsnous
fléchir le genou devant celles , qui joignent
aux dons de la Nature une Vertu à
toute épreuve. Le contraire , dit- on , arrive
jourSEPTEMBRE.
1744. 1943
journellement ; je l'avoue , & c'eft en cela
que nous faifons paroître moins d'Efprit &
de Raifon que le beau Sexe . Les Hommes
préférent les Concubines à des femmes reſpectables
; les Dames préférent les Hommes
vertueux aux débauchés , quelle difference
de goût !
Une troifiéme preuve de l'Efprit des Dames
, c'eft que , plus foibles que nous , elles
viennent plûtôt à bout de leurs entrepriſes.
Sçais- tu bien ce que peut une femme en fureur è
S'écrie l'expérience avec Corneille ; auffi
lorfque la Confidente de Medée lui dit :
Votre Pays vous hait ; votre Epoux eft fans foi
Dans ce revers fatal que vous refte- t'il ?
Medée répond :
Moi.
Quel reffort , quelle adreffe dans une
Femme qui aime !
Thefée eut été immolé aux Manes d'Andragée,
fans le fecours d'Ariane , & s'il fortit
du Labyrinthe , c'eft que cette Princeſſe
lui confeilla d'attacher un fil dès l'entrée ,
qui le conduifit dans tous les détours & le
reconduifit ,
Un
1944 MERCURE DE FRANCE .
Un jeune Homme , magnifique au dehors,
petit en lui-même , extravagant par tout ,
refufera dans fes fottes décifions la Superiorité
aux Dames pour l'Efprit , mais s'il eft
encore capable de refléxions , il embraffera
le fentiment contraire ; ce n'eft pas à dire
qu'il n'en eft point qui n'en foient dépourvues
, mais en général les Dames ont plus
de faillies , & en même-tems plus de retenuë
, plus de prudence que les Hommes.
Parce que dans une Ville il fe trouvera peutêtre
vingt Femmes , qui n'auront jamais
penfé délicatement , il ne faut pas que l'affront
rejailliffe fur tout le Sexe.
SECONDE PARTIE.
Doit- on refufer le Courage aux Dames ?
Non fans doute. Sémiramis ajoûta aux Conquêtes
de Ninus la Lybie , la Perfe , l'Egypte
; elle recula les Frontieres de fon Empire
jufqu'à l'Inde. Babylone lui dût fes Jardins
admirables & en quelque façon fufpendus ,
la triple enceinte de fes Murs , ces fameufes
Tours , qui l'emportoient fur celle de Ninive
, & les so Portes d'Airain maffif. La fier-
50
témodefte de Syfigambis rendit refpectueux
le redoutable vainqueur de Darius. Avec
quel courage Polixéne brava- t'elle la fureur
du
SEPTEMBRE. 1744. 1945
du fils d'Achille , qui l'immola aux Mânes
de fon Pere ! L'intrépide Judith , en abattant
la tête coupable d'Holopherne , délivra
Béthulie , que le Général Affyrien , envoyé
par Nabuchodonofor , tenoit affiégée . Le
corps enfanglanté de Lucrece chaffa les Tarquins
de Rome , & cette Dame violée , en
fe donnant la mort , affranchit fa Patrie de
l'esclavage où l'avoient tenu ſept Rois confécutifs
. Coriolan , ayant battu plufieurs fois
les Romains , alloit réduire leur Capitale
en cendres , fi fa Mere n'eût parlé. Elle
adoucit l'humeur de fon fils ; le vainqueur
admire fon courage ; Rome eft délivrée , &
les Volfques fe retirent. Paroiffez Illuftre
Matrone , qui dans une pareille conjoncture,
fauvâtes votre Patrie, en parlant en Mere
courroucée à votre fils rebelle . Dans peu
fe feroit emparé de Babylone , fi Balthazar
eût hérité de la grandeur d'Ame de Nitocris
?
il
J'avoue que les Dames n'étant pas dans
l'ufage d'aller à la guerre , leurs exploits
font plus rares , mais fi les Hommes font
chargés du foin de défendre les Etats , ce
font eux qui les ont troublés. L'ambition
de vaincre fes pareils , eft le partage des Héros.
Les femmes s'attachent à donner de l'éducation
à leurs enfans , à entretenir la paix
dans
1946 MERCURE DE FRANCE.
dans leur famille , voilà où fe borne leur
ambition. Le tumulte des affaires , l'horreur
que les armes entraînent après elles , ne troublent
point leur vie paifible, mais auffi lorfqu'elles
font forcées à fe défendre , quelle
intrépidité ! Sans aller chercher dans l'Hiftoire
ces Illuftres Héroïnes , qui de leurs
cheveux firent des cordes pour les Machines
de guerre , confultons l'expérience . Repréfentons-
nous ces Meres furieufes , arrachant
leurs filles tremblantes des mains effrenées
d'un Soldat qui s'eft emparé d'une
Ville , & c.
La véritable grandeur d'Ame confifte à
vaincre fes Paflions , à triompher du vice ,
à remplir les devoirs de l'Amitié , à pratiquer
les Vertus Morales ; on accorde auffi
aux Dames , avec l'Eglife , la Dévotion .
Rien n'eft d'ailleurs plus héroïque que la
fidélité dont fe pique une Dame de 15 à
20 ans , envers un Mari plus que fexagenaire.
La choſe arrive cependant tous les jours.
L'intérêt eft ordinairement l'origine & la
baze de la fidélité dans les Hommes. Maffiniffa
, vaincu par les charmes de l'Epouſe
de Syphax , auroit peut-être toujours aimé
Sophoniſbe , fi l'intérêt n'eût agi fur lui .
Allié des Romains , il leur immola le foir
de fes nôces cette Princeffe Africaine.
Les
SEPTEMBRE. 1744. 1947
Les femmes ont naturellement le coeur
plus tendre que nous. Nul objet férieux ne
les attache , auffi rempliffent- elles , mieux que
les hommes , les devoirs de l'Amitié . Ce
fuperbe Monument , qu'érigea Artemife en
l'honneur de fon cher Maufole , ne fubfifte
plus , quoiqu'il fût une des fept Merveilles
du Monde , mais la tendreffe de cette Reine
de Carie a bravé les injures du tems , & nous
a mieux fait connoître le Roi , fon Epoux
que l'Eloquence d'Ifocrate & de Théopompe.
Toutes les Dames font bien aifes de plaire,
mais c'eſt un effet de l'amour propre, auquel
les hommes font moins fujets , parce
qu'ils ont plus d'occupations.
On n'a peut-être jamais vû de femme qui
fe foit glorifiée du titre d'Athée ou de Déifte
, tandis qu'on voit de jeunes Gens , encore
couverts de la pouffiere des Bancs , qui
donnent dans ces abominables Principes.

Les Dames ont ordinairement plus de
foin de l'honneur de leurs Maris , que les
Hommes n'en ont de celui de leurs Epouſes.
Elles s'efforcent de fe cacher à elles- mêmes
leurs défauts , qu'elles dérobent aux yeux
du Public. Un Jaloux inftruit tout le monde
de fes foupçons mal fondés ; il s'expofe
par- là à la rifée publique; fa femme , dit- on,
en eft la caufe ; fuppofons un inftant qu'elle
1948 MERCURE DE FRANCE.
sûr ,
le fût coquette ; l'Homme , à coup
manque plus fouvent à fes engagemens que
la Femme , Quelle Loi lui accorde ce Privilége
?
Enfin il s'écoula fept cent ans , fans qu'au
cune Femme de l'Ile de Chio eût donné le
moindre foupçon fur fa vertu . Les Matrônes
Grecques poufferent fi loin la fageffe & la
chafteté , que Pétrone , n'en trouvant aucune
à qui il pût reprocher quelque incontinence
, fut forcé d'inventer l'Hiftoire de
la Matrône d'Ephéfe . Je ferois infini , fi
j'entreprenois de rapporter ici tout ce qui
peut entrer dans la défenſe des Dames , que
je crois , en général , fupérieures aux Hommes.
A Dijon le 6 Juin 1744.
EPITRE
SEPTEMBRE, 1744. 1949
EPITRE ,
De M. Nericault Deftouches , à M. Frigot.
Qu'exiges-tu de ma veine afſoupie ?
Que je l'excite à combattre l'Impie
Veux-tu toujours que ma Profe & mes Vers ,
Pour l'attaquer , parcourent l'Univers ?
N'eft-il pas tems de finir cette guerre ?
Si l'Incrédule affronte le Tonnerre
Si du fophifme il ofe fe munir,
Pour braver Dieu, toûjours lent à punir ,
Quelle recette affés bien préparée
Pourra guérir la raiſon égarée ,
Et
Y
Ouvrir les yeux bleffés par le grand jour ,
que l'erreur a fermés fans retour ?
A de tels maux il n'eft point de remede ,
Que d'implorer la Grace à qui tout cede
Pour obtenir qu'elle daigne frapper
Un coeur ingrat , qui lui veut échapper.
Qu'opéreront nos argumens fans elle ?
Sans ce fecours l'ardeur du plus beau zéle
Eft ridicule aux yeux d'un vain Docteur ,
Fier partifan d'un orgueil impofteur
Qui le fafcine , & qui lui perfuade
Que tout Chrétien eft un efprit malade ,
- Un vil eſclave au ſcrupule enchaîné ,
Pat
1950 MERCURE DE FRANCE
Par les frayeurs follement entraîné .
Oui , plus l'Impie au Ciel eft redevable ,
Plus il s'efforce à fe rendre coupable ;
Efprit , talens , fçavoir , fagacité ,
Tout s'arme en lui contre la Vérité ;
Pour l'obfcurcir fans ceffe il les déploye ;
La décrier eft fa plus douce joye,
Son vrai triomphe , & fon parfait bonheur.
Il fait le faire un malheureux honneur
De s'illuftrer par de fameux blafphêmes:
Charmé d'un nom , fruit de cent anathêmes ,
Il s'applaudit de ſe voir révéré
Par mille fous dont il eft entouré.
Comment matter cet efprit frénétique ?
Contre les Faits il n'eft point de répliques`
Tout doit s'y rendre avec foumiffion ,
Mais rien n'impoſe à la préfomption,
Qui ne connoît aucune Loi fuptême ,
Que les decrets qu'elle dicte elle- même.
Tu vois , ami , qu'à cet aveuglement
En vain j'oppofe un zele véhément ;
D'un fol orgueil l'Incrédule s'enyvre ;
La Providence à lui - même le livre ,
Terrible prix de fa témérité ,
Qui loin de lui fait fair la Vérité.
Déplore donc fon aveugle manie ,
Sans exiger que mon foible génie ,
Quifit contre elle un aflés vain effort ,
Pour
SEPTEMBRE. 1744. 1951
Pour la dompter prenne un nouvel effor .
Que m'ont produit mon ardeur & mon zéle
Mille ennemis : Querelle fur querelle.
Mes amis même entre eux ont murmuré ,
Quand ils m'ont vû d'un viſage aſſûré
Livrer bataille à la Raifon perverfe ,
Qui contre Dieu dans ce fiéclé s'exerce ,
Et fur la foi de Bayle , fon Docteur ,
Ofe douter de fon divin Auteur ;
Car le Démon , pour vaincre mon courage ,
Toujours fur moi fait tomber quelque orage ,
Et pour venger fes fideles fuppôts ,
Uſe ſes traits à troubler mon repos.
Tantôt d'un Poëte , impudent Anonyme ,
Et froid railleur , il exerce la rime
Pour m'infulter , & veut faire d'un fot ,
D'un ignorant , un Singe de Marot.
Tantôt il pouffe un rêveur lunatique
A m'excéder de ſa Métaphysique ,
Dont il oppofe à mes raiſonnemens
La profondeur & les fins argumens ,
Amas confus de chimeres fubtiles ,
Contre les Faits reffources inutiles.
Une autrefois il me fait
envoyer
Un vil monceau du plus fale papier ,
Affaifonné d'un billet , qui me marque
Que ce papier , digne d'un Ariſtarque ,
Et d'un Prêcheur auffi profond que moi ,
Mérite bien que j'en faffe l'emploi,
Pour
1952 MERCURE DE FRANCE.
Pour fignaler mon efprit fec & trifte ,
Contre l'Impie & contre le Déifte .
Ce n'eft pas tout. Il fufcite un pié plat ,
Efprit Normand , qui pourtant n'eſt qu'un fat ,
( Si par le ftyle on connoît la perfonne )
Pour m'attefter que chacun me foupçonne
De n'être au fond qu'un hypocrite altier ;
Que contre Bayle en vain j'oſe crier ,
Que je ne fuis qu'un Nain pufillanime ,
Près d'un Géant , qu'une éternelle eftime
Fera paffer pour le plus bel efprit ,

Et le plus grand , qui jamais ait écrit ;
Que s'il vivoit , fa plume , comme un foudre,
Dupremier coup me réduiroit en poudre ,
Prompt châtiment par moi trop mérité
Par mon audace & par ma vanité ;
Qu'en mes Ecrits mon orgueil fe décelle ,
Quoique caché fous le mafque du zéle ;
so Et taifez-vous , plat Théologien ,
» Laiffez en paix vivre l'anti - Chrétien
Ajoûte-t'il ; & d'un ftyle folâtre ,
» Allez plûtôt prêcher fur le Théâtre ,
>> Où quelquefois on vous a fupporté.
Fixez-vous-là . Votre zéle emporté
» Contre l'Impie & contre l'Incrédule ,
>> Paroît en vous un tic fort ridicule ,
» Loin d'impoſer , vous nous faites pitié.
Suis je , Frigot ,
affés humilié
יכ
C.x
SEPTEMBRE. 1744.
1953
Car chaque jour, par cent routes obfcures ,
Il pleut fur moi des volumes d'injures ;
Tous les matins c'eft mon plus doux régal.
Mes ennemis n'endurciffent au mal .
De tant d'efforts tu vois la récompenfe ;
Voilà les traits que le Démon me lance ,
Pour le venger de mes vives clameurs ,
Contre l'effain de fes noirs Sectateurs ,
Que tour à tour en fecret il déchaîne ,
Pour amortir le zéle qui m'entraîne ,
Et me forcer à reprendre un métier ,
Que malgré lui , j'ai fait voeu d'oublier.
Eh ! plût à Dieu qu'un rayon de lumiere
M'eût fait moins tard fortir d'une carriere ,
Où , trop jaloux d'un frivole talent ,
Je n'ai jamais couru qu'en chancelant ,
Pour acquérir , avide de fumée ,
Le foible éclat d'un peu de renommée!
A ce trait-ci , mes ennemis fecrets
Vont s'écrier : D'hypocrites regrets
Notre Précheur veut faire en vain parade ¿
Son air pieux n'eft qu'une maſcarade,
Pour impoſer aux crédules Dévots ,
Sots Partifans de fes maigres travaux :
Son Orviétan n'eft fait que pour des gruësi
Qu'il le débite à tous les coins des ruës,
Où la canaille en fera fon profit; ·
Mais quant à nous,que la Naturefit ,
>
3
B Grace
1954 MERCURE DE FRANCE.
Grace au hazard , d'une plus fine étoffe
Nous voyons tout d'un oeil trop philoſophe ,
Pour nous laiffer éblouir aujargon
De ce Tartuffe. Il lui faut un Orgon ,
Pour favourer fes fades balivernes.
2. 71.
Gens , tels que nous, ne vont point fans lanternes.
Nous voyons clair dans la plus fombre nuit.
Un beau dehors jamais ne nous féduit ;
Le moindrefard nous frappe , nous irrite,
Et de cent pas nous flairons l'hypocrite.
Eh ! par quel art peut-on venir à bout
De nous tromper , nous qui doutons de tout?
Doute éclairé: fource du Pyrrhonisme ,
Tu fais regner tout au moins le Déiſme !
Doute charmant , par qui la Vérité ,
S'il en eft une eft dans l'obſcurité ,.
Pénétre nous jufqu'en nos moindres fibres ,
Et fais de nous des Etres toujours libres ,
Aux préjugés, aux vulgaires fraycurs ,
Par ton pouvoir toujoursfupérieurs ,
Et le que nom de Bayle notre Maître ,
Vive à jamais ,pour t'avoir fait renaître..
Un tel propos te furprend & t'aigrit ,
Cu tu le crois un jeu de mon efprit ;
Non , cher ami , c'eft le fuc d'une Lettre
Qu'on s'empreffa de me faire remettre ,
Huit jours après que je t'eus répondu
Par le Mercure, & qui m'eût confondu ,
S'il
SEPTEMBRE. 1744. 1955
S'il étoit vrai que mon orgueil fantafque
D'un vrai Chrétien m'eût fait prendre le mafque ,,:
Pour ajoûter au vain titre d'Auteur,
L'air d'un Sçavant , & d'un Prédicateur.
Heureufement, ma candeur eft connuë ,
Et mon humeur n'eft que trop ingénuë.
Mon coeur ouvert m'a fouvent compromis ,
Et m'a privé d'un grand nombre d'amis.
Si Bayle en moi trouve un vif Adverfaire ,
C'eft que j'ai crû cet effor néceffaire ,
Pour décrier un Philofophe adroit ,
Qui croit douteux tout ce qu'un Chrétien croit
Differtateur d'autant plus redoutable ,
Qu'il cache mieux fon venin déteftable ,
Et que le ton qu'il prend , quand il écrit,
Corrompt le coeur , en amulant l'efprit
J'en fis d'abord l'épreuve malheureuſe.
Duppe , autrefois de fa candeur trompeuſe ,
Je me jettai , le fuivant pas à pas ,
Dans un bourbier que je ne voyois pas ;
Heureux enfin d'avoir ſçû reconnoître
L'objet affreux d'un fi dangereux Maître ;
Mais non content de l'avoir déteſté ,
Je fis la guerre au Docteur empeſté ,
Dont les talens , féduifant l'innocence ,
Jettent partout le doute & la licence ,
Et d'un Chrétien, peu précautionné ,
Font un impie , au vice abandonné.
Bij Oui ,
1956 MERCURE DE FRANCE.
Oui ; je l'ai dit , & je le dis encore ,
Un faux fçavant le révére , l'adore ,
Mais un coeur pur , muni d'un vrai fçavoir ,
Ne voit en lui qu'un efprit fouple & noir ,
Qui toujours cache & vomit le blafphême ,
Et j'oferois l'en convaincre lui -même ,
En m'expofant à ſon foudre irrité.
Quand pour appui l'on a la Vérité ,
Qu'a-t'on à craindre ? un Nain très- ridicule,
Peut avec elle attaquer un Hercule.
Après m'avoir enfeigné mon chemin ,
Elle m'a mis les armes à la main ,
Pour la défendre , & rempli d'un vrai zéle ,
J'ai rifqué tout, en combattant pour elle.
Et plût au Ciel qu'un auffi long débat ,
Eût mis enfin l'impie hors de Combat !
Mais à Dieu feul appartient cette gloire ;
C'eft de Dieu feul que j'attends la victoire,
Pour me venger de mes Perfécuteurs ,
Je la demande à ce Maître des coeurs.
ZA
OBA
SEPTEMBRE . 1744 1957
OBSERVATIONS fur l'ufage de la
Critique, par M. L. Tart.
ON fçait que la Critique conſiſte à juger
des Ouvrages , & à marquer
précisément leurs beautés & leurs défauts ;
cet Art bien exercé, eft d'une grande utilité ;
il s'oppofe au mauvais goût ; il perfectionne
les Sciences ; il forme & il éclaire les Gens
de Lettres , mais dès qu'on en fait un mauvais
ufage , il décourage les Auteurs ; il divife
les Sçavans ; il trouble le repos de la-
Société.
Il n'eſt point d'hommes qui nous foient
plus odieux que ces Cenfeurs , qui n'ou
vrent les yeux que pour découvrir nos défauts
, qui n'ont que des avis à donner , &
qui nous font appercevoir à chaque inftant
qu'ils fentent la fupériorité de leurs lumicres
, & la foibleffe des nôtres . Boileau fe fit
beaucoup d'ennemis par fes Satyres ; il ne
fut jamais tranquille, & il eut toujours à ef
fuyer des médifances , des calomnies , de
mauvais traitemens. Les Académies , le Gouvernement
, les Auteurs , & tous les honnêtes
gens ont horreur de ces hommes dangereux
, qui, de l'obfcurité où ils fe cachent,
répandent de tous côtés des Critiques que
B iij
la
1958 MERCURE DE FRANCE.
la demangeaifon d'écrire , le vil intérêt , la
haine du mérite , l'habitude de contredire
de médire, de railler , leur infpirent , & qui
fous prétexte de réfifter au mauvais goût ,
s'oppofent à la tranquillité publique .
Tyrans de la République des Lettres , ils
regardent bien moins les Auteurs comme
Feurs Confreres , que comme leurs ennemis ,
& fous prétexte de vouloir perfectionner
fes Arts , ils n'ont pour but que l'abbaiffe
ment de ceux qui les cultivent ; s'ils portent
leur jugement fur un Livre , ils employent
toutes les lumieres de leur efprit , pour en
démêler les défauts , & parce qu'ils défirent
en trouver , ils en trouvent toujours ; ils ne
font
grace ni au fond , ni au ſtyle ; ils foüillent
chés les Ecrivains Anciens & Modernes
, chés nos voifins dans leurs
Ecrits , pour faire des paralleles défavantageux
à l'Auteur , ou pour avoir le plaifir de
Tui reprocher qquu''iill les a pillés , lorfque le
plus fouvent il ne les a point lûs. S'ils font
affés heureux pour faire quelque découverte
contre la réputation d'un homme de Lettres
; s'il tombe entre leurs mains quelque
Epigramme qui le deshonore , quelque
Anecdote qui l'humilie , ils la répetent à
toute la terre ; ils la font imprimer , & ils
ont grand foin que celui , contre qui ils écrivent
, en foit inftruit des premiers.
propres
Ils
SEPTEMBRE. 1952

1744.
Ils n'en veulent , difent- ils , qu'aux Ou
vrages , mais ils attaquent les perfonnes ; ils
font ce qu'ils peuvent pour leur enlever l'eftime
du Public ; ils jettent fur eux un ridicule
que l'impreffion rend fouvent immortel,
& ils les humilient dans ce qui diftingue
le plus tous les hommes dans leur efprit.
Quel courage ne faut-il pas avoir , pour
écrire de fang froid contre des gens aimables
, qui s'efforcent d'être utiles à leur Patrie
! Quelle fureur pour s'attacher aux endroits
foibles d'un Ouvrage , pour en diffimuler
ou en défigurer les beautés , comme ces
Harpies , qui corrompoient tout par leurs
attouchemens !
Immando.
Contactu que omniafoedans
Et quelle folie que de fe confumer d'érudes
& de recherches pour dire du mal de
tout le monde, & fe faire détefter ! Le plaifir
de critiquer peut-il donc confoler quelqu'un
du fupplice d'être hai ?
Si ces Critiques ont réellement pour but
de perfectionner les Lettres , & d'éclairer
ceux qui les cultivent , ne peuvent- ils pas y
parvenir par des moyens plus fürs & plus
raifonnables ?
Le premier feroit de fournir aux Ecrivains
des Modéles qu'ils puffent imiter ; un
Bij Ouvrage
iiij
1960 MERCURE DE FRANCE.
Ouvrage de génie & d'invention inftruit
mieux que tant d'avis & de préceptes. Je
fens plus le fublime dans les Poëtes que
dans les fçavantes Explications que Longin
m'en donne . L'Art avec lequel les Vers de
Boileau font faits , a plus formé de Verfificateurs
, que tous les traits fatyriques ; les
Odes de Rouffeau ont plus infpiré de Poëtes
Lyriques , que fes Epigrammes contre
celles de M. de la Motte , & s'il m'eft
permis de nommer après eux un Poëte
qui ne fut jamais fatyrique , & qui n'a été
Critique que dans un Ouvrage fort court,
M. de V. a plus fait d'Ecrivains par l'harmonie
de fès Vers & l'élégante précision
de fa Profe , que par fon Temple du Goût.
Une Bataille d'Alexandre , par le Brun; une
Tête deRubens,perfectionnent plus un Peintre
, que tout ce que Félibien a jamais écrit
fur la Peinture . Une Phyfique de M. l'Abbé
Nollet ; une Piéce d'Eloquence du Pere de
Neuville , un Morceau d'Hiftoire de M.
Rollin ; une Tragédie de M. de Voltaire ,
contribuent plus au progrès des Arts & du
Goût , que toutes les Critiques qu'on a faites
en chacun de ces genres. L'exemple eſt
toûjours sûr de fon effet. Ariftote & Quintilien
n'ont fait qu'enfeigner les Regles aux
Poëtes & aux Orateurs. Homere & Démolthéne
leur ont élevé le génie ; l'un a enfanté
Virgile , l'autre Ciceron, Les
SEPTEM BRE. 1744. 1961
Les Préceptes font un autre moyen de
perfectionner les Arts , mais il n'appartient
qu'aux Artistes d'en donner ; eux feuls en
connoiffent les fecrets, puifqu'ils les ont mis
en oeuvre ; les autres ne font que les deviner
; il feroit avantageux pour les Arts , que
tous les Artiſtes ajoûtaflent aux grands
Exemples qu'ils donnent , les Remarques
qu'ils font. Comme il ne convient qu'au
Militaire de parler deCampemens ,de Siéges,
de Batailles , il ne devroit être permis qu'au
Poëte d'écrire fur la Poëfie , qu'à l'Hiftorien
de raifonner fur l'Hiftoire , & c. J'ai une
plus grande idée de l'Eloquence dans l'Orateur
de Ciceron , que dans les Préceptes des
Rhéteurs. Je préfere l'Art Poëtique d'Horace
aux Sçavantes Poëtiques d'Ariftote , &
j'aime beaucoup mieux lire les Remarques
ingénieufes de M. de V. fur le Poëme Epique
, que le long Traité du Pere le Boffu .
Cependant il y auroit de l'injuftice à profcrire
de la République des Lettres tant de
Traités , d'Obfervations , de Remarques ,
de Differtations , de Commentaires , qui
ont leur utilité. Ces differensEcrits peuvent
arrêter le progrès du mauvais goût , & combattre
les défauts dominans de la plupart de
nos Auteurs , le ftyle précieux ou empoulé
de prefque toutes nos Piéces de Théatre ,
les fictions chimériques de nos Romans
B v l'inu1962
MERCURE DE FRANCE.
l'inutilité de ces petites Brochures , qui ne
fervent qu'à entretenir le goût des riens , &
de la plupart de ces Recherches fçavantes
qui ne font qu'appéfantir l'efprit ; tel a été
le but des Ouvrages immortels des meilleurs
Critiques ; ils ont tous attaqué les défauts
de leur Siècle. Ariftote , Longin , Denis
d'Halicarnaffe , Quintilien , parmi les Anciens;
M. de Fenelon , le P. Bouhours , le P.
Rapin , le P. Buffier , Mrs de la Motte, Rollin
, de Fontenelle , &c . parmi les Modernes
, ont donné des Préceptes pour parvenir
à la perfection en chaque genre ,
& ils ont
porté leurs jugemens fur les Ecrivains célébres
, mais la plupart d'entre eux n'ont propofé
que des doutes , ou ils n'ont parû approfondir
les matieres que pour s'inftruire
eux-mêmes; ils ont trouvé le fecret de crititiquer
& d'être aimables.
C'eft prefque toujours déplaire , que de
donner des Préceptes ; c'eft offenfer, que de
nommer publiquement ceux à qui on les
donne ; c'eft infulter , que de les donner
impoliment ; c'eft fe faire méprifer , que de
les donner mal- à- propos. Quelle attention
un Critique ne doit-il donc pas avoir à ne
jamais donner des Préceptes , fur tout avec
le ton de Maitre ; à ne nommer jamais publiquement
ceux qu'il critique avec févéri-
-té, à être d'autant plus poli , que ſes avis
font
SEPTEMBRE. 1744. 1953
font plus raisonnables , & peuvent plus mor
tifier l'amour propre ; enfin à refléchir
long-tems avant que de décider , ou plûtôt
à ne jamais décider , quelques refléxions
qu'il ait faites , de peur de fe tromper honteufement
2
Les petits efprits décident toujours , n'étant
jamais frappés que d'un petit nombre
d'objets , & ne pouvant les confidérer de
plufieurs côtés differens , ils ne font jamais
embarraffés ni partagés entre le pour & le
contre. Voilà pourquoi ceux, qui n'ont que
des préjugés & de la prévention , qu'une
lecture fans ordre , & qu'une étude fans génje
, décident de tout , apprécient le mérite
des plus grands hommes , blâment prefque
toujours les vivans , & ne loüent ordinairement
que les morts . Cependant les morts
ne fentent point nos louanges.
Id cineres credis aut manes curare ſepultos ?
J
Elles ne font point perdues pour les vivans;
elles peuvent les encourager au travail , orner
les vérités qu'on leur dit , & leur adoucir
la rigueur de la Critique.
Nous ne fommes plus aux fiécles des Scaligers
, des Burmans & de ces Sçavans , qui
fe difoient les plus groffieres injures ; la Societé
Civile a poli la Societé Littéraire. Un
Critique , qui veut être eftimé , fait entrer
' B vj
dans
1964 MERCURE DE FRANCE.
-
dans fes Ecrits toute la politeffe des François
, la douceur de leurs moeurs , & furtout
cette attention que les honnêtes gens ont à
ne fe rien dire qui puiffe les offenfer.
Tels font nos bons Ecrivains. Mrs les
Journaliſtes de France ne font jamais appercevoir
dans leurs Critiques ni hauteur , ni
ironie , ni mépris ; ils dédaignent de faire
des Extraits d'Ouvrages mauvais ou médiocres
, & ils ne rendent compte que de
ceux dont la Critique peut être utile au Public
, & agréable aux Auteurs ; ils caractérifent
autant la Nation Françoife par lear
modération & leur politeffe , que par leur
fcience & leur goût.
M. de la Motte , dans fa difpute contre
Madame Dacier & fon illuftre Ami M. de
Fontenelle ,feront des Modéles immortels
de douceur & de modtefte . L'adreffe avec
laquelle M. de V. réfute M. de la Motte ,
fur fes differens Systêmes de Poëfie , en rendant
juftice à fes talens , l'habileté avec laquelle
il louie M. le Marquis Maffei , en
critiquant la Tragédie de Mérope , font
bien voir que les plus grands Génies
font les hommes les plus doux & les plus
modeftes. J'ai toujours penfe , dit notre Poëte
Epique , j'ai dit , j'ai écrit que
les gens de
Lettres devroient être Confreres; ne les perfecute-
t'on pas affés , fans qu'ils fe perfecutent
euxSEPTEMBRE
. 1744. 1968
eux-mêmes les uns les autres ? Plût à Dien
qu'ils puffent s'aider , fe foûtenir , fe confoler
mutuellement !
Les Académies font encore des moyens
sûrs d'épurer le goût & de perfectionner
les Sciences ; elles fourniffent aux gens de
Lettres des fecours de toute efpece , des
confeils qui les éclairent , & des amis qui
les critiquent. L'ufage où l'on eft dans ces
Affemblées fçavantes , de lire fes Ouvrages,
& de les foûmettre à l'examen ,avant que de
les mettre au jour , contribuë déja beaucoup
à diminuer le nombre des mauvais
Livres , & à augmenter celui des bons Auteurs.
Il manquoit à la Patrie du grand Corneille
, des Fontenelles , des Durenels , un
fi grand avantage. Il y a lieu d'efpérer que
la Ville de Rouen , fi féconde en Grands
Hommes , va te devenir de plus en plus ,
étant éclairée par fa nouvelle Académie .
EX1966
MERCURE DE FRANCE.
1
525252525252525252 252525252:5252 5252 5232 52
EXTRAIT d'une Ode fur les Conquêtes
L
du Roi,
A réfolution que le Roi a prife de le
mettre à la tête de fes armées , pour
avancer le grand Ouvrage de la Paix
ayant ranimé les Mufes en France , a fait
éclore un nombre infini de Piéces de Poëfie.
>
M. l'Abbé Freron a fait part au Public d'une
Ode de fa façon , affés belle
pour exciter la
Critique nous avons cru qu'on nous fçauroit
bon gré d'en donner une idée dans ce
Journal par un Extrait.
,
Cette Ode qu'on peut dire belle , fans la
garantir bonne dans toutes fes parties a
pour objet & pour titre les Conquêtes du
Ro : commençons par l'oeconomie que l'ingénieux
Auteur y à mife. La Guerre vient
Le préfenter au jeune Monarque , & l'invite
à ne plus differer de venger les droits violés.
L'Auteur , avant que de la faire parler ,
la peint fous ces horribles traits :
Quelle Divinité barbare
S'offre à mes yeux épouvantés !
Deux glaives , forgés au Tarrare ,
Arment fes bras enfanglantés ;
Des
SEPTEMBRE. 1744. 1967
Des Serpens forment la Couronne ;
L'ombre du trépas l'environne ;
Le tonnerre gronde à l'entour
Les inexorables furies ,
;
Les Gorgones , de fang nourries ',
Compolent fon horrible Cour.
On a trouvé cette image trop noire ; on
auroi : voulu , que cette Guerre que l'Auteur
confond avec Pallas ou Bellonne dans
les autres Strophes , infpirât plus de terreur
que d'horreur , furtout devant fervir de
guide à un Roi , dont il fait cette aimable
peinture dans fa troifiéme Strophe.
Je fçais que mon pouvoir ſuprême
Ne fut jamais l'appui du tien ;
Que l'éclat de ton Diadême
A la clémence pour ſoutien ;
Mais fur des Rivaux mercénaires ,
Yvres d'exploits imagina: res ,
C'eft affés verfer de bienfaits ;
L'ennemi , que ta vertu bleſſe ,
Taxeroit enfin de foibleffe
La jufte horreur de mes forfaits.
B llonne animeroit le vengeur des droits ,
par l'exemple de Titus devant Soline , &
furtout par celui de fes plus grands Ayeux
comme on le voit dans la feptiéme Strophe :
>
Tes
1968 MERCURE DE FRANCE.
Tes Peres , Souverains Arbitres
Des querelles des Potentats ,
Ne t'ont eux - mêmes qu'à ces titres
Tranfmis de fi vaftes Etats ;
Ce n'eft qu'en marchant fur la trace
Du Dieu Conquerant de la Thrace ,
Que leurs pas fe font annoblis ;
Au haut du Temple de la Gloire ,
Sur les ailes de la victoire ,
Ils n'euffent point porté tes Lis.
LOUIS , inftruit par des leçons fi nobles
, fuit Bellonne dans la Flandre. Voici
quels font les Guerriers , à la tête defquels
il va fe mettre :
LOUIS apperçoit dans fa courfe
Ces vieux Guerriers , Maîtres du Sort ,
Avides de tarir la fource
D'un fang refpecté par la Mort .
Ce Sang dans leurs veines bouillonne ;
De leur Prince , aux Champs de Bellonne,
Ils brûlent de fuivre les pas ;
Dans fes yeux leur ame ravie
Puifant une nouvelle vie ,
Ne refpire que le trépas .
Nous fupprimons , pour abbreger , plufieurs
Strophes , & nous paffons à la dixiéme
, où il s'agit de la prife de Menin ; voici
la
SEPTEMBRE. 1744 1969
la Deſcription de cette premiere Place conquife
:
Sufpendant fon deſtin tragique ,
A l'abri des retranchemens ,
Vainement le Lion Belgique
Remplit l'air de rugiffemens ;
Vainement-fa gueule enflâmée
Vomit le fang & la fumée ;
Effrayé de nos appareils ,
Il héfite , il tremble , il recule ;
Dans LOUIS il croit voir Hercule ,
Le Destructeur de fes pareils.
la flâme
'Armé de la terrible Lance,
Que la Guerre mit dans ſa main ,
Le Héros s'approche & s'élance
A travers cent foudres d'airain ;
Le bruit , l'horreur , les eaux ,
Rien n'épouvante fa grande Ame ;
Ses Soldats en font éblouis ;
Bellonne elle- même l'admire,
Orgueilleufe quefon Empire
Ait un Guerrier tel que Louis.
La douziéme Strophe eft confacrée à la
gloire d'un de nos vaillans Princes ; le Public
la verra avec fatisfaction .
Mais
T
1970 MERCURE DEFRANCE.
Mais tandis que ma voix rapide
T'arrête au milieu des hazards ,
Quel eft ce Guerrier intrépide
Qui brave les horreurs de Mars ?
Mes yeux peuvent- ils méconnoître
L'Augufte Sang qui le fit naître ?
C'eſt le tien ; c'eft le Sang des Dieux ;
Clermont tonne ; le Ciel s'embrafe
La foudre gronde , tombe , écrase
L'antre du Lion furieux.
L'Auteur ayant paffé avec le même feu ,
de la réduction de Menin à celle d'Ypres ,
& aux autres Conquêtes du Roi , pourſuit
ainfi :
Sur les débris de ces murailles
Bellonne s'éleve foudain.
D'affreux monceaux de funerailles -
Soûtiennent fon Trône d'airain ;
Son oeil farouche au loin contemple
Tous les Peuples , qui dans fon Temple
Rendent hommage à fes fureurs ;
Son ame de joye enyvrée ,
Voit la terre aux combats livrée ,
Et s'applaudit de ces horreurs.
Quelques Profateurs ont critiqué le terme
prifes pour des enterre- de funerailles , priſes pour
mens ,
SEPTEMBRE. 1744 1971
mens , & non pour la mort même . Mais
l'exemple de Corneille dans le Cid , autorife
l'Auteur à s'exprimer , comme il a fait ;
eh ! que deviendroit le langage des Dieux ,
fi l'on le réduifoit à s'en tenir à celui des
Hommes : paffons à une Strophe qui a réuni
tous les fuffrages ; c'eft Bellonne qui parle :
Ah ! dit-elle , quel doux ſpectacle
Les Alpes offrent à mes fens !
CONTY s'indigne de l'obſtacle
Des Rocs fous fes pas renaiffans.
Kival du Héros de Carthage ,
Sa gloire devient, ton partage ;
L'orgueil des Monts eft démenti ,
Et ces roches du Ciel voiſines ,
Dans l'Hiftoire de leurs ruines
Verront Annibal & CONTY.
L'Hiftoire ne fait point paffer les Alpes à
Annibal , mais de cette Critique , quelque
jufte quelle foit , il n'en revient que plus
de gloire au Prince que l'Auteur veut célé
brer , puifqu'il a plus fait qu'Annibal.
Bellonne finit l'Ode par cette Strophe ,
adreffée aux François :
François , fous de plus doux aufpices
Vous verrez renaître ces jours ,
Don
1972 MERCURE DE FRANCE
Dont les Dieux , jadis fi propices ,
Prenoient foin d'embellir le cours ;
Et moi , plongeant aux noirs abîmes
L'horrible amas de mes victimes ,
La Mort , le Tumulte & l'Effroi ,
J'irai dans les demeures fombres
Etonner les plus fiéres ombres
Des triomphes de votre Roi.
Les voix recueillies fur cette Piéce , on
dire que fi elle a eu des Contradicpeut
teurs , l'Auteur doit fe flater que les vrais
Connoiffeurs lui ont rendu avec éloge la
juſtice qui lui eſt dûë.
A
SEPTEMBRE. 1744. 1973
AM. B**. C. D, V. à l'occafion du jour
de fa Fête.
RONDE A U.
Tout eft dit , en Vers comme en Profe ;
Tout eft donné , Tulipe & Role ;
Tout gentil Bouquet eft écrit ;
Tout s'eft offert à quelque efprit ,
Et l'Art d'inventer fe repoſe.
On fe reffemble en quelque chofes
Jufquesfur Voltaire l'on gloſe ;
Soit en grand , ou foit en petit ,
Tout eft dit.
Même toute fleur eſt écloſe.
Tendre amitié , malgré fa dofe ,
Dans tout mortel enfin périt :
La mienne , que le coeur régit ,
Ne craint point de Métamorphofe
Tout eft dit.
Laffichard.
SUITE
1974 MERCURE DE FRANCE.
SUITE de la Séance publique de l'Académie
Royale de Chirurgie.
E fecond Mémoire qui fut lû dans cette
Affemblée , eft de M. Puzos ; il traite
de l'inverfion ou du renverfement de la
Matrice : c'eft une maladie , dit ce Chirurgien
, qui n'a été bien connue avant nous ,
que quand elle a été portée à la plus fâcheufe
extrêmité , & qu'elle eft devenue
fenfible à la vûe & au toucher , par l'inverfion
totale de la Matrice , c'est-à- dire , que
cette partie étoit pendante au- dehors.
La caufe d'une tele maladie, dépendante
immédiatement de l'extraction du Placenta,
adhérent au fond de la Matrice , ne devoit
pas être alors plus ignorée que la maladie
même , puifque le moment qui produifoit
la caufe , étoit commun à la naiffance de
l'effet ; enfin, le danger qui fuivoit la maladie
de très-près , ne fouffroit aucune équivoque
fur le parti qu'il y avoit à prendre ;
ou réduire fur le champ la Matrice , pour
fauver une femme ainfi maltraitée , ou la
voir périr une heure ou deux après l'accident
, fi le fecours lui manquoit. L'Auteur
conclut de-là que les Anciens n'ont réelle-

ment
SEPTEMBRE. 1744. 1973
mentconnu que le renversement de Matrice
porté au dernier degré , & fait par une
caufe externe , c'eft-à-dire , fait dans l'extraction
forcée du Placenta , adhérent au
fond de la Matrice.
C'est par rapport à une connoiffance fi bornée
fur une maladie , qui peut furvenir par
d'autres caufes , & qui a differens degrés
d'inverfion , que M. Puzos a crû néceffaire
de donner tous les éclairciffemens dont elle
a befoin ; il efpere par là rendre les gens
qui s'adonnent à l'Art des accouchemens ,
plus circonfpects pour prevenir cet accident
; mieux inftruits pour le connoître
dans les cas où il peut être ignoré , & plus
hardis pour y rémédier , dans quelque degré
d'inverfion que foit la Matrice.
Avant que d'entrer en matiere , il avertit
que , quoique le renversement de la Matrice
ait communément pour cauſe l'impéritie
, ce malheur peut néanmoins arriver à
des gens prudens , & raisonnablement inftruits
, foit que la Matrice y foit difpofée par
foibleffe , foit qu'elle foit forcée d'obéir , &
de fuivre un Placenta charnu, & trop péfant
pour le plancher qui le foutient. Cependant
l'Auteur met une difference effentielle entre
la main expérimentée , & la main téméraire
: la premiere, dit- il , s'apperçoit bien- tôt
du défordre qu'elle a fait ; elle y rémédie
fur
1976 MERCURE DE FRANCE.
fur le champ ; l'autre, au contraire , igno
rant le déplacement des parties , les entraî
ne jufqu'au dernier degré ; elle n'a pas le
courage , ni la capacité d'y mettre ordre ,
& faute d'un fecours prompt , elle met la
femme en danger de périr peu de tems
après.
A la fuite d'une diftinction qui paroiffoit
néceffaire , & qui fe trouve autorisée par
l'aveu du fçavant Ruifch , & de plufieurs
bons Praticiens , à qui pareil malheur eft
arrivé plus d'une fois dans le cours de leur
vie , l'Auteur pafle au renversement de Matrice
par caufe interne , cauſe inconnuë jufqu'ici
, & tellement indépendante de l'ac
couchement , que la maladie qu'elle produit
, a été reconnue à des filles hors de tour
foupçon , à des femmes qui n'avoient jamais
cu d'enfans , à d'autres qui , depuis quinze
ou vingt ans , qu'elles étoient accouchées
pour la derniere fois , n'avoient fenti aucune
incommodité , fi ce n'eft vers le tems
où la maladie avoit commencé à prendre
naiffance.
Pour prouver l'existence de ces renverfemens
, il rapporte des faits dont il a été témoin,
& qu'on ne peut révoquer en doute ,
par
les circonstances qui les ont accompa
gnées ; pour ce qui regarde la caufe qui ne
peut pas être auffi fenfiblement démontrée
que
SEPTEMBRE. 1744. 1977
que la maladie , il l'établit fur des fignes qui
fe font trouvés communs à toutes les femmes
, attaquées de renverſement par cauſe
interne , & qui doivent autorifer le jugement
qu'en porte l'Auteur.
. Pour mettre le Public en état d'en décider
, on rapporte l'endroit du Mémoire où
il eft dit , que tous les renverfemens reconnus
pour être de caufe interne , ne fe font
déclarés que dans l'âge Critique des femmes
, qu'à des perfonnes extrêmement graffes
, & à qui l'exercice ou le marcher coûtoit
beaucoup de peines . En conféquence
il affure que la graiffe énorme , & le poids
confidérable des vifceres du bas ventre , qui
porte perpendiculairement fur le fond de
la Matrice , principalement dans le tems de
fon affaiffement , l'enfonce peu à peu , &
fait paffer ce fond de la Matrice au travers
de l'orifice, en forme de hernie, par fucceffion
de tems . Cette maladie , dit M. Puzos , eft
incurable , parce qu'on ne peut en détruire
la caufe , qui eft le poids énorme des vifceres
fur la Matrice ; & quand bien même on
pourroit réuffir à la replacer dans fon lieu
naturel , le fuccès ne feroit pas de longue
durée : expofée à foûtenir comme auparavant
une charge au- deffus de fes forces , elle
fuccomberoit de nouveau , & fon enfoncement
ne tarderoit pas à reparoître , comme
C il
1978 MERCURE DE FRANCE.
il arrive aux hernies d'inteftins , qui retom
bent toujours , quoique bien réduites , ſi
on ne foutient l'effort & le poids des parties
par un bandage convenable.
Auffi l'Auteur dit-il naturellement , que
mal-à- propos il a tenté deux fois cette ef
péce de réduction fans fuccès ; il confeille
d'abandonner cette maladie aux foins de la
Nature , plûtôt qu'à l'événement de l'opération
, parce qu'il a l'expérience , que le
tems a fouvent adouci la plus grande partie
de ces incommodités , & que l'opération ,
abfolument inutile , peut- être funefte par
les douleurs qu'elle cauſe .
A l'égard des renverfemens de Matrice
par caufe externe , caufe immédiatement attachée
à l'accouchement dans l'extraction
du Placenta , l'Auteur y diftingue differens
dégrés , qu'il croit très-effentiel de reconnoître
pour la curation .
Le renverſement au premier degré , ſe
nomme incomplet . Dans cette efpéce , l'enfoncement
du fond de la Matrice eft queiquefois
fi léger , & fi éloigné de fon orifice
après l'extraction du Placenta , qu'il eft trèspoffible
d'ignorer ce déplacement de partie ;
de croire au contraire l'opération heureufe
ment terminée , fi on ne prend , pour s'en
affûrer , les précautions qu'on preſcrit dans
Je Mémoire , & qu'il feroit trop long de
"rapSEPTEMBRE.
1744. 1979
A
rapporter ici . Or ce renversement ignoré ,
qui forme une maladie , à laquelle on rémédieroit
fur l'heure avec facilité , fi on s'en
appercevoit, devient dans la fuite incurable,
tant par fon accroiffement › que par les
adhérences qu'il contracte avec des parties
d'où il ne feroit pas prudent de le féparer.
Le renverſement au fecond degré eſt prefque
complet. La tumeur qu'il forme eft encore
renfermée dans le Vagin , mais elle y
préfente un-fi gros volume , qu'il faut être
abfolument fans expérience pour ne pas
connoître que la Matrice eft renverfée . On
l'a cependant prife en cet état , pour une
Môle , ou une tête d'enfant , & tirée trèsmal-
à-propos. Quoique cette maladie ait
des accidens affés urgens , & qu'elle ait befoin
d'une prompte réduction , elle a quelquefois
foutenu les délais de plufieurs jours ,
après lefquels la réduction n'a pas été moins
heureufe , que fi elle avoit été faite fur le
-champ .
Enfin le renverſement complet & au dernier
degré , eft lorfque la Matrice a été entraînée
hors des parties naturelles , lorfque
toutàfait retournée,elle repréfente en dehors
la figure qu'elle avoit auparavant au-dedans .
Cette maladie auffi effrayante à voir , que
funefte , lorfqu'on eft une ou deux heures
fans lui donner le fecours dont elle a be-
Cij foin ,
1980 MERCURE DE FRANCE.
foin > eft cependant plus communément
guérie radicalement , que celle de la premiere
efpéce dont nous avons parlé , parce
que cette grande maladie faute aux yeux , &
qu'elle femble demander elle- même l'opération
qui lui eft néceffaire , au lieu que
l'autre , inconnue dans fa naiffance , ne fe
manifefte que lorsqu'il n'eft plus poffible
d'y rémédier,
Une réfléxion faite par l'Auteur fur les
differens accidens qui accompagnent & fuivent
les accouchemens , lui fait croire que
le défaut d'inftructions , n'y a que trop fou
vent part : il fe plaint de ce que cetre partie
de la Chirurgie eft la feule pour laquelle
l'Etat n'a point établi de Leçons publiques ;
que les connoiffances en font commiſes ,
pour la plupart de ceux qui l'exercent , au
hazard ou par habitudes que pour beaucoup
d'autres , trois mois paffés dans un Hôpital,
où le difficile fe voit rarement , dans un efpace
fi court , & où l'on n'apporte aucune
théorie , fuffisent pour obtenir le droit de
pratiquer l'Art des accouchemens,
Enfin , M. Puzos exhorte à ne point craindre
de bleffer la Matrice , quand il eft queftion
de la replacer . Il affure , d'après l'expérience
, qu'il eft plus avantageux de la
meurtrir , de l'entamer même , quand on ne
peut s'en difpenfer, pour la remettre dans fa
place ,
SEPTEMBRE. 1744. 1981
place ,, que de la laiffer renverfée , par la
crainte d'y faire quelque défordre. La Matrice,
dit- il , eft une partie charnue qui fuppure
, qui s'exfolie & fe cicatrife comme
fait un muſcle ; & c'eſt bien mal-à -propos
que la Tradition a confervé de Siécles en
Siécles , le faux Aviome , que la moindre
écorchûre à la Matrice eft mortelle , quand
il s'en eft trouvé d'extrêmement
maltraitées
, foit par entamûre , foit par renverfement
, qui peu de tems après avoir été rétablies
, font devenues fufceptibles de conception
, & ont apporté des enfans à terme
& bien vivans. C'eft à l'appui de plufieurs
exemples qu'en a l'Auteur , qu'il eft en droit
de détruire le faux préjugé qu'on avoit eu
de tous tems fur la Matrice.
que
M. Verdier lut enfuite la feconde partie
d'un Mémoire fur la hernie de la Veffie ,
dont il avoit donné la premiere partie dans
l'Affemblée publique de l'année précédente.
Après avoir combattu dans cette feconde
partie le fentiment de ceux qui veulent
la hernie de la Veffie foit toujours un vice
de la premiere conformation , M. Verdier
explique comment la dilatation confidérable
qui arrive à la Veffie dans la rétention
d'urine , peut produire la hernie , en occafionnant
le paffage d'une portion de la Veffie.
e , par les anneaux des muſcles du bas ven-
C iij tre
2
$ 982 MERCURE DE FRANCE.
tre , & c. Il y indique enfuite les fignes qui
diftinguent cette hernie particuliere ; le
moins équivoque lui paroît être l'augmentation
du volume de la hernie , lorfque le
malade a été long- tems fans uriner , & fa
diminution par la fortie des urines.
A l'égard du prognoftic , ou jugement
que
l'on doit faire fur les fuites de cette maladie
, il fait connoître qu'elle n'eft pas dangereufe
, lorfqu'il y a une communication
libre entre la partie de la Veffie deſcenduë
dans les bourſes , & celle qui eft restée dans
le baffin , & qu'il n'y a de danger , que lorfque
cette communication vient à celler, foit
par quelque pierre arrêtée dans la portion
de la Veffie qui répond à l'anneau , foir
foir par
une inflammation furvenue à cette même
portion de la Veffie.
Dans le traitement de la hernie de la Vef
fie , M. Verdier confeille l'ufage du ſuſpenfoir
, lorfqu'elle s'avance jufques dans le
Serotum , que fon volume eft confidérable ,
& qu'elle ne peut fe vuider , qu'en la foulevant
, & la comprimant avec les mains.
Mais fi la hernie fe bornoit à l'aine , il
penfe qu'on doit employer le bandage ordinaire
, ou Brayer , pour contenir la portion
de la Vellie qu'on aura fait rentrer . Si
la hernie fe trouve accompagnée d'étranglement
, on aura recours à l'opération .
L'AuSEPTEMBRE
. 1744. 1983
L'Auteur finit , en avertiſſant les jeunes
Chirurgiens de ne jamais entreprendre l'opération
d'une hernie , foit d'inteftin , foit
d'épiploon , defcendus dans les boutfes
fans s'être affûrés , fi la Veffie n'eft pas comprife
dans la tumeur , ce qu'ils reconnoîtront
aisément par le figne indiqué ci - devant.
Car s'ils fe déterminoient à emporter
une portion du Scrotum & du fac herniaire
, ou étoit renfermé l'inteftin ou l'épiploon
, & qu'il y eut complication de la
hernie de la Veffie avec celle de l'inteftin ou
de l'épiploon , ils rifqueroient d'emporter
une portion de la Veffie , qui fe trouveroit
alors cachée immédiatement derriere le fac
herniaire ; on fent bien que ce retrancheiment
d'une portion de la Vellie , feroit capable
de faire périr le malade .
M. Baffuel termina la Séance par la lecture
d'un Mémoire fur la fracture de la rotule
: l'objet de la premiere partie de ce
Mémoire , eft d'achever de diffiper l'efpece
de furprife où l'on eft refté touchant cette
fracture , parce que la caufe n'en avoit pas
été apparemment affés développée ; & c'eſt
ce que M. Baffuel a entrepris , de faire. A
cette occafion. , il publie avec reconnoiffan
ce dès le commencement du Memoire , ce
qui eft dû à un grand Chirurgien ( M. Petit)
qui a mis le premier fur la voye qu'il falloit
Ċ iiij
te1984
MERCUREDE FRANCE.
pour découvrir les agens de cette frac tenir
ture .
Afin de mieux conduire à fon but, il rappelle
d'abord toutes les parties relatives à
cette fracture ; os , articulation , ligamens ,
mufcles , tendons , & c. & il tâche de mettre
à profit la ftructure & la pofition par
rapport à fon fujet , ce qui le fait entrer
plus avant dans differens effets méchaniques
: effets qui ne doivent pas moins réfulter
des mouvemens les plus déréglés qui
peuvent conduire à une chûte prochaine ,
que des mouvemens réguliérement combipour
l'action naturelle d'une partie. nés
M. Baffuel fait fentir que l'on avoit raiſon
de n'être pas entierement rendu fur la force
admife pour déterminer cette fracture : effectivement
tout bien examiné , les quatre
mufcles extenfeurs de la jambe qui s'attachent
à la rotule , qui eft un os très - court
pour fon épaiffeur ,, ne devoient point paroître
fuffire , quelque contraction qui y
arrivât ; encore peut-elle n'être pas fi grande
qu'on le croiroit bien , dans le fens dont
l'accident a été conçû. Un changement d'attitude
qui doit arriver en un inftant aux os
du baffin, eu égard à ceux des cuiffes , quand
on eft prêt à tomber , fait préfumer à l'Auteur
, que d'autres mufcles pofterieurs viennent
en même-tems à la charge contre la
roSEPTEMBRE.
1744. 1985
rotule. Ceux - ci en faififfant dans le fort de
leur contraction le point avantageux du balancement
imprimé par la péfanteur du
corps , . entraînent tout d'une pièce
les muſcles extenfeurs contractés : car il juge
qu'alors tous les muſcles environnans font
tout à la fois & fubitement en action ; c'eft
furquoi il a crû devoir infifter .
On ne peut fuivre , ni même parcourir
dans les bornes d'un Extrait , le détail où
eft entré M. Baffuel , par rapport aux preuves
méchaniques de tout ce qu'il avance.
En général , il confidere dans l'os des hanches
un lévier qui traverſe fon articulation
avec la cuiffe : à ce lévier inégalement pofé ,
felon qu'il le fait voir , s'attachent les mufcles
qui en deviennent les moteurs ; les extenfeurs
au bras le plus court , les fléchif
feurs au plus long. C'eft de- là , à ce que prétend
M. Baffuel , que doit fe tirer tout le
dénoûment , à l'égard des forces multipliées
qui exécutent fi précipitamment la rupture
de la rotule la longue branche du lévier
ne peut être abaillée , par un renversement
en arrière du baffin , qu'elle n'entraîne inpérieufement
en haut les mufcles qui s'inferent
en devant à la courte branche , qui
s'élève pour lors aux dépens de la rotule.

:
La feconde partie du Mémoire renferme
des réfléxions Hiftoriques , & enfuite cura-
Cv tives
1986 MERCURE DE FRANCE.
tives touchant la fracture de la rotule.
M. Baffuel dit que par la lecture des Auteurs
de Chirurgie , à remonter jufqu'à
Hypocrate , il a vû que l'on a été pendant
bien des Siècles , fans donner , ou au moins
fans avoir de véritables fecours pour cette
forte de dérangement : quelques guérifons ,
à ce qu'il croit , s'opéroient fans doute quelquefois
, fi les difficultés n'étoient pas trop
grandes , encore falloit- il les mains rares
des plus habiles : il ajoûte que c'eft feulement
dans le dernier Siécle que des Chirurgiens
de Paris , entr'autres M. Verduc , le
pere , ont procuré à leur Art , des moyens
prefque sûrs pour réuffir , qui fouvent depuis
par des changemens arbitraires & malentendus
, fe font affoiblis dans la Pratique.
M. Baitue termine fon Mémoire par
la
defcription
d'un
bandage
qu'il
a rendu
fort
fimple
, & d'autant
plus
utile
pour
la gué
rifon
de
cette
fracture
, que
des
Chirur
giens
moins
expérimentés
peuvent
l'employer
aisément
& avec
fuccès
.
L'HONSEPTEMBRE.
1744. 1987
J
L'HONNESTE - HOMME ,
ODE ,
E chante cet homme héroïque ,
Qu'à la honte du genre humain ,
En plein je ur, un fameux Cynique
Cherchoit la lanterne à la main.
Si ce n'est point un vain phantôme ,
Sous des lambris ou ſous le chaume
En quel Lieu qu'il frappe mes fens ,
Pour lui feul je monte ma Lyre;
C'eft le feul mortel que j'admire ,
Le feul digne de mon encens.
+3x+
Que vois- je ? d'an mortel fi rare
Chacun veut ufurper le nom .
Mais c'eft vainement qu'on le pare
D'une adroite imitation.
Ainfi qu'aifément on démêle
D'avec la beauté naturelle
1516 -
La beauté qui provient du fard ,.
On reconnoît la difference
De l'honnête-homme par effence
D'avec l'honnête-homme par art.
....
C vj
1988 MERCURE DE FRANCE.
Que le Public fe préoccupe
Pour d'apparentes qualités ,
Je ne ferai jamais la dupe
De quelques dehors empruntés.
Dans le Sage que j'imagine
La Vertu doit prendre racine ,
Et germer au fond de fon coeur.
Il doit , toujours droit , équitable,
Sçavoir de l'honneur véritable
Bien diftinguer le faux honneur.
La paffion , qu'on s'eft permife ,
Croit fouvent que tout eft permis.
Afoi-même l'on le déguiſe
Les crimes que l'on a commis.
Jadis un Prince formidable
Crût être un Héros respectable
Par les excès de fa valeur ;
Il ne vit
N'étoit
pas que fon courage
que fureur & que rage
Et lui , qu'un infigne voleur.
+34
Qu'on foit au rang le plus fuprême ,
Qu'on foit affis au dernier rang ,
Tout mortel d'un autre lui -même
Doit craindre de verſer je fang.
Il doit à toute autre victoire
PréféSEPTEMBRE.
1744.
1989
Préférer la folide gloire
D'avoir vaincu fes paffions
Et déteftant toute avarice ,
Régler fur l'exacte juftice
Ses defirs & les actions.
*X3X+
Celui que la Vertu dirige ,
Ami de la tranquillité ,
Aucun intérêt ne l'oblige
A troubler la Societé .
Une ambition importune
De voir accroître fa fortune ,
Ne caufa jamais ſon ennui ;
Toujours content de fon partage ,
Tout Terme d'un autre héritage
Eft encore un vrai Dieu pour lui.
*
*3X+
Jaloux l'un de l'autre , on ne ceffe
De s'envier de vains honneurs .
L'honnête- homme aime la fageffe , 40
Plus que les biens & les grandeurs.
Dans un fort propice ou contraire ,
Son coeur , que jamais rien n'altere ,
Les Romains , pour marquer combien les bornes qui
Séparent les Domaines les Héritages devoient être faz
crées & refpectables , en avoient fait une Divinité ,
qu'on révéroit fous le nom du Dieu Terme.
Tou
1990 MERCURE DE FRANCE
Toujours grand , toujours généreux ,
Souffre des maux du miférable ,
Goûte une joye inexprimable
A la rencontre d'un heureux.
Porté de lui-même à bien faire ,
Il n'a befoin de nul attrait ,
Et ne prétend d'autre falaire
Que le plaifir d'avoir bien fait .
Puiffant , il n'aime fa puiffance
Que pour proteger l'innocence ,
La juftice , & la vérité ,
Et s'il fait cas de la richeffe ,
C'eft pour fournir avec largeffe
Aux befoins de la pauvreté.
4x3x+
Abhorrant toute politique
Contraire à l'auftere Vertu ,
Le Sage jamais ne s'explique
Par un difcours feint ou tortu
Né l'efclave de fa parole ,
Dans aucun cas il ne viole
Ses promefles & fes Serinens
Fidéle à la foi qu'il engage ,
Regulus retourne à Carthage
Sûr d'y fouffrir mille tourmens,
Exempt
SEPTEMBRE. 1744. 1991
Exempt des préjugés vulgaires ,
Mon Héros n'eft pas moins foumis
Au divin culte , que fes peres
Des uns aux autres ont tranſmis.
Exact à fuivre leurs exemples ,
A l'Eternel dans fes faints Temples
Il rend des refpects affidus ,
Mais il croit que de tout hommage ,
Celui qui lui plaît davantage
Eft la pratique des Vertus.
***
Les Jugemens irrévocables
Du Créateur de l'Univers ,
A des peines épouventables
Livrent les méchans , les pervers ;
Conftant dans la Vertu qu'il aime
Le vrai Sage contre lui même
N'irritera jamais les Cieux ,
Non par la crainte des fupplices ,
Mais par la feule horreur des vices
S'abftenant d'être vicieux. }
J'ai peint la Vertu l'a plus pure ,
Cher Maffiere , & tonfouvenir
Dans le cours de cette Peinture
N'a ceffé de me revenir .
Il convient que je te l'adreſſes
N'as
1991 MERCURE DE FRANCE.
N'as - tu pas droit fur une Piéce
Dont tu m'asfourni chaque trait ;
Quandje te préfente l'image
De l'honnête- homme , du vrai Sage ,
C'eft te préfenter ton Portrait.
LE PLANou l'Idée générale d'un nouveau
Systême du Monde , qui fera inceffamment
mis aujour par le Baron de Carbonnieres.
L'nées
' Auteur fe défend depuis plufieurs années
de rendre fon Systême public ,
mais les inftances réiterées de plufieurs
bons Phyficiens , & l'explication qui fe fait
par fes principes de tous les Phénomenes ,
qui fe préfentent journellement fous les
fens , l'ayant parfaitement convaincu ,
n'ayant rien trouvé d'ailleurs dans les Obfervations
& les Expériences anciennes &
modernes , qui combatte fon Syftême , &
qui au contraire ne lui ferve de preuve , il
s'eft enfin déterminé à le mettre au jour
par le feul motif, que pouvant être adopté
par quelque perfonne capable , il pourra
être perfectionné , au point de devenir utile
, foit pour la Chymie , la Médecine , la
Navigation, l'Agriculture , &c.
L'Auteur ne penfoit point à faire un
SylEMBRE.
1744. 1995
Systême, car il ne s'eft appliqué, depuis plus
de 12 ans , à la recherche de la Vérité , que
pour fa fatisfaction particuliere ; il étoit
d'ailleurs fi prévenu de certains faits que
la Philofophie Scholaftique a toujours regardés
comme indubitables, qu'il eut lui - même
pris pour une abfurdité de les révoquer
en doute.
En effet , lorfque fes fens & fa raiſon ſe
révoltoient contre l'opacité de la Lune ,
ainfi que fur plufieurs autres Phénomenes ,
que la Phyſique lui avoit expliqués, par des
preuves qui avoient été jufqu'ici univer-
Tellement reconnues pour indubitables , fes
préjugés décidoient fouverainement.
Cependant , à force de combattre , il parvint
à fufpendre la violence des préjugés ,
pour laiffer fes fens & fa raiſon agir en
pleine liberté.
Ce fut dans cette nouvelle fituation , que
fe trouvant comme régénéré dans un nouveau
Monde , il conçut le Systême dont il
s'agit ici , lequel fappe par le fondement tous
ceux qui ont parû juſqu'à préſent.
Deux motifs le déterminent d'en faire
inférer une idée générale dans les Journaux
publics ; le premier eft ,
eft , que comme il en a
conféré avec beaucoup de Philofophes , &
qu'il a même communiqué fes cahiers , il
ne feroit pas impoffible que quelqu'un ne
pûr
3
994 MERCURE DE FRANCE.
pût le l'adopter , & qu'il ne fût
figuré.
par
là dé-
Le fecond eft , qu'après que ce Systême
aura effuyé dans cet abbregé la Critique
publique , il aura plus de force pour pénétrer
au travers des préjugés , par ſon évidence
, dans la raifon du Public.
Voici donc l'Idée générale & fuperficielle
du nouveau Systême . Cet Ouvrage n'eft autre
chofe que l'Anatomie fimple & facile
du Monde , par laquelle l'efprit le plus borappercevra
diſtinctement , fans peine , ni
méditation ,

1. Que le Monde eft un feul Corps , renfermé
dans une boëtte , qui eſt le Ciel , qui
lui fert comme de peau ; que cette boëtteeft
immobile , que fa matiere peut être confiderée
comme une glace aqueufe , & d'une
épaiffeur prodigieufe & fans pores.
2. Que le Soleil , la Lune , les Etoiles &
tous les Aftres avec la Terre , qui eft immobile
au Centre , font les parties qui compo
fent ce Corps.
3. Qu'une flâme obfcure ou ténébreuſe ,
fluide & univerfelle , extrêmement compreffée
dans cette boëtte Célefte , ne pou
vant y laiffer aucun vuide , unit toutes les
parties de ce Corps , & le rend continu .
4. Que pour avoir une notion fenfible
de cette flâme ténébreuſe , on peut la confiderer
SEPTEMBRE. 1744. 1999
derer comme de la fumée extrêmement rarefiée.
5. Que de même que d'un Vin noir il
s'en fépare la fubftance la plus fubtile , &
qui eft clair à proportion de fa fubtilité ,
comme l'Eau-de- Vie , l'Efprit de Vin , &c.
ainfi s'exprime-t'il de la flâme ténébreuſe
une fubftance , d'autant plus ou moins fubtile
, que les pores où elle eft filtrée , font
plus ou moins ferrés.
6. Que la matiere exprimée de la flâme
ténébreufe , eft une flâme de même fubftance
, mais d'autant plus ou moins lumineufe
& ardente , qu'elle a été plus ou moins fubtilifée
, fuivant que les pores où elle a été
filtrée , font plus ou moins ferrés .
7. Que c'eft la compreffion extrême &
univerfelle où eft la flâme ténébreufe , qui
opere cette filtration.
8. Que c'eft de cette même compreffion
que dérive l'élafticité de la flâme fubtile ou
lumineufe , laquelle étant dégagée des
parties homogénes où elle étoit enfermée
par le brifement de ces mêmes parties , trouve
du vuide , pour s'étendre dans les pores
de la flâme ténébreufe , laquelle étant plus
groffiere , a fes pores affés grands , pour y
recevoir la flâme fubtile.
9. Que conféquemment l'élafticité eſt
proportionnée à la ſubtilité de la flâme lumineufe,
10.
1996 MERCURE DE FRANCE.
10. Que les Corps ne font inflâmables &
combuftibles , que parce qu'il s'eft filtré dans
leurs parties matérielles de la flâme fubtilifée
par cette filtration , & qui en reffort par
fon élasticité , à mefure que les particules
qui la contenoient , font brifées ; tels font
le Nitre , le Souffre , le Bithume , le Bois ,
l'Huile , e.
11. Que le Soleil , la Lune , les Etoiles ,
& généralement tous les Aftres , ne font
autre chofe que des flâmes lumineufes &
ardentes .
12. Que la matiere qui produit ces flâmes
, n'eft autre chofe que le Souffre , le
Nitre , le Bithume , l'Huile , &c . dont les
Cercles afpiraux fimples ou doublés que par
courent ces flâmes , font imbibés ou impregnés.
13. Que la difference de lumiere ou de
lueur & ardeur, qui fe trouve entre ces flâmes
, ne provient que de celle qu'il y a entre
les pores de la matiere qui les produit.
14. Qu'à mefure que la matiere
qui produit
ces flâmes eft réduite en combuftion
,
elle eft remplacée par de ſemblable maticre
, dont les Cercles s'imbibent de nouveau.
15. Que ce remplacement fe fait par une
circulation continuelle de la flâme ténébreuſe
, laquelle eft chaffée & pouffée par
l'élafticité de toutes ces flâmes lumineufes ,
lef
SEPTEMBRE. 1744. 1997
lefquelles ayant leurs cours parallele à la
Ligne Equinoctiale , font prendre fon cours
à la flâme ténébreufe vers les deux Poles
Céleftes ,
16. Que comme la boëtte Célefte eft faite
en façon d'un OEuf , n'étant pas abfolument
ronde , à mesure que la flâme ténébreuſe ,
remplit ou compreſſe les Poles Céleſtes , elle
ne peut prendre d'autre cours que par le
centre où eft la Terre ; & c'eft aux approches
de la Ligne Terreftre que ces cours
Polaires fe rencontrent
, enforte que ne
pouvant rétrograder , ils ne font plus qu'un
feul cours , qui ne peut être que vers les
Aftres,où ils reprennent de nouveau le cours
de chaque Pole , & ainfi fueceffivement il
s'enfuit une circulation continuelle.
17. Que comme la flâme lumineuse ou ardente
ne confomme rien , ne faiſant
que
brifer & divifer les parties de la matiere qui
eft réduite en combustion , & que rien de ce
qui eft contenu dans la boëtte Célefte , ne
fçauroit en fortir ni fe perdre , il s'enfuit
que la matiere inflâmable , dont les Cercles
s'imbibent continuellement de nouveau , ne
fçauroit rien diminuer du volume de matiere
dont le Monde eft rempli .
18. Qu'à mesure que la matiere combufrible
des Cercles eft réduite en cendres , en
poulliere , en fumée , &c , ces mêmes cendres
,
1998 MERCURE DE FRANCE.
drés , cette même pouffiere , & c. font rap- гар-
portées par la même circulation à la Terre ,
où elles remplacent la matiere inflâmable ,
qui en eft continuellement féparée , en s'imbibant
dans la flâme ténébreufe , qui y circule
toujours.
19. Car de même que la Terre morte qui
a été dépouillée de fon Nitre ou Salpêtre ,
étant miſe dehors , s'imprégne de nouveau
-Salpêtre que la flâme ténébreufe y dépofe ,
en la traverfant par la circulation , ainſi la
flâme ténébreufe s'imbibe , en paffant par la
Terre , d'autant de matiere inflâmable qu'elle
en avoit dépofé , & les Cercles qu'elle
traverſe par la même circulation , en font
de même , s'imbibant d'autant de matiere
inflâmable , dont ils ont été dépouillés , &
qu'ils font capables d'en contenir , laquelle
ils reçoivent de la flâme ténébreuſe.
20. De même que fi on met dans une
Cuvette de l'Eau , de l'Huile & autres Liqueurs
, & qu'on imprégne de petites piéces
de Drap de chacune de ces Liqueurs , chaque
morceau de Drap ne s'imbibera dans la
Cuvette que de la même Liqueur dont il
étoit imbibé , & dont la glutinofité étoit
conforme , auffi chaque Cercle ne s'imbibet'il
que de la même matiere dont il avoit
été imprégné , & dont la glutinofité ſe trouve
de même nature ou pareille.
21.
SEPTEMBRE. 1744. 1999
21. Comme l'eau dans laquelle on fait
diffoudre du fel , s'en imbibe d'autant qu'elle
eft capable d'en contenir , après quoi elle
n'en peut plus diffoudre , auffi la Åâme ténébreuſe
, ainfi que les Cercles s'imbibentils
continuellement par la circulation d'au
tant de matiere inflamable , dont ils avoient
été dépouillés & qu'ils en peuvent contenir.
22. La prodigieufe quantité de matiere
inflâmable qui eft réduite en combuſtion
par tant de differens Cercles enflâmés, n'empêche
pas qu'il ne s'en trouve toujours la
même quantité pour la remplacer , parce
que cette matiere , brifée , en paffant par la
circulation dans tant de differens Cercles,
dont la chaleur eft differente , elle y reçoit
une nouvelle trituration & concoction , qui
la difpofent à recevoir fa premiere figure
d'inflamable , en paffant par la Terre .
23. Il s'enfuit donc que toutes les parties.
du Corps du Monde s'entretiennent mutuellement
par la circulation , & que la matiere
qui leur fert de nourriture , reçoit la même
trituration concoction & digeftion , de
-même que s'entretient le corps de l'Animal
irraifonnable , qui eft le feul dont l'Auteur
entend parler dans fon Ouvrage , comme
de la Vie materielle d'une Plante ou autre
Végétal : car pour l'Animal raifonnable
qui
2000 MERCURE DE FRANCE.
qui eſt l'Homme , dont la Vie n'eft pas materielle
, mais pure , fpirituelle , & qui vient
immédiatement de Dieu , il n'a garde de
toucher à ce qui eft purement Métaphysi
que , & dont il fe reconnoît fi indigne d'ap
procher.
24. Ainfi le Monde eft un grand Animal ,
& l'Animal eft un petit Monde , ne differant
entr'eux que par la grandeur & la fenfibilité
, la Vie Végétative de l'un & de l'autre
s'entretenant par les régles d'un feul &
même Méchanifme , qui confifte uniquement
dans la compreffion , où Dieu a mis la
Hâme ténébreufe dans la boëtte Célefte , car
cette compreffion caufe l'élafticité , & celleci
produit la circulation , & conféquem
ment le mouvement , qui eft le fiége de la
Vie , ou plutôt la Vie même du Corps mondain
& du Corps animal , ainfi c'eft cette
compreffion univerfelle de la flâme ténébreufe
qui eft le grand reffort , qui fait agir
toute la Nature.
25. Comme la matiere inflâmable eſt l'humide
radical , ou le Chyle qui entretient
dans les vaiffeaux de l'Animal , qui repréfentent
les Cercles du Corps mondain , la
Alâme fubtile , qui par fon élasticité produit
la circulation & le mouvement qui vivifie
materiellement l'Animal , eft une matiere
dont les pores
font plus groffiers ou moins
ferSEPTEMBRE.
1744. 2001
ferrés que ceux du Nitre , du Souffre , &c.
elle produit auffi une flâme moins fubtile, &
conféquemment moins ardente , laquelle fe
trouve proportionnée au tempérament de
l'Animal , & n'en peut brûler ni alterer les
parties , de même que la flâme ,produite par
l'Eau-de- Vie, ne brûle pas le linge.
26. Mais s'il s'engendre parmi le liquide
du corps Animal d'autre matiere , qui ait fes
pores plus ferrés que celle du Chyle ou de
l'humide radical , & qu'elle vienne à s'en-
Alâmer, la flâme qu'elle produira , étant plus
fubtile , occafionnera une circulation plus
rapide & plus ardente , conféquemment
une pulfation du poulx plus vive ; c'eft ce
que l'on nomme la fiévre , laquelle durera
autant qu'il y aura de cette matiere étrangere
difpofée à s'enflâmer ; & comme il faut
enfuite du tems , pour qu'il fe forme de
femblable matiere , & qu'elle s'enflâme de
nouveau , c'eft ce tems qu'on appelle l'intervalle
des accès .
27. Lorsque cette matiere étrangere commence
à s'enflâmer peu à peu , elle bouche
par fon élasticité les conduits , & empêche
la flâme naturelle ou du Chyle d'avoir fon
cours libre ; c'est ce qui occafionne les friffons
au commencement de la fiévre , qui durent
jufqu'à ce qu'il y ait une fuffifante
quantité de cette matiere étrangere, qui foit
D en2002
MERCURE DE FRANCE.
enflâmée
rapide.
, pour produire une circulation
28. Si l'Animal avale d'autre matiere
dont les pores foient groffiers , elle produira
une flâme moins fubtile , laquelle étant
mêlée avec celle qui occafionne la fiévre ,
en temperera l'ardeur & l'activité &
pourra la rendre conforme à la flâme naturelle
, & guerir le Malade ; mais fi la matiere
étrangere , qui produit la fiévre, eft tropabondante
, elle pourra fuffoquer par fon élafticité
la flâme naturelle ; enforte que l'accès
finiffant défaut de matiere étrangere
l'Animal fe trouvera fans flâme , conféquemment
fans circulation , fans mouvement
& fans vie.
par
29. Comme la flâme ténébreuſe eft univerfellement
compreffée dans la boëtte Célefte
, elle ne sçauroit avoir d'élafticité , n'y
ayant aucun vuide pour s'étendre ; mais la
Alâme fubtile trouve moyen de s'étendre
dans les pores de la flâme ténébreuſe , lefquels
font affés grands pour la recevoir :
c'eft pourquoi fi l'on bouchoit un four allumé
, la flâme feroit fuffoquée , dès qu'elle
feroit privée de la flâme exterieure , qui eft
la ténébreufe , qui lui fournit des pores.
pour s'étendre , & de même, dès que la flâine
fubtile du corps Animal a bouché les
pores de la flâme ténébreufe , il repouffe en
dehors celle-ci pour en refpirer de nouvelle
SEPTEMBRE. 1744. 2003
velle à la place , fans quoi la flâme naturelle
feroit fans action , ne pouvant s'étendre , &
l'Animal mourroit.
de tou-
30. Toutes les fermentations , en général ,
font le pur effet d'une matiere qui s'enflâme ,
auffi voit - on que lorfque les particules
du levain commencent à s'enflâmer , l'élafticité
de leur flâme fait peu à peu gon
fler la pâte, jufqu'à ce que la matiere du levain
ayant fini , la pâte s'affaiffe & reprend
fa premiere fituation . Il en eft de même du
Mouft ou Vin nouveau , ainfi que
tes fortes de fermentations , qui font plus
ou moins grandes & violentes , que la matiere
, qui s'enflâme , a fes pores plus ou
moins ferrés, d'où peuvent s'enfuivre l'efferveſcence,
& une infinité de Phénomenes qui
arrivent par le mêlange de certaines Liqueurs
, lefquels font expliqués naturellement
par ce principe , fans avoir recours à
des acides & à des alkalis chimeriques.
de 31. Puifque rien n'eft fi naturel que
concevoir , que la compreffion extrême où
Dieu a mis le fluide ou flâme ténébreufe
dans la boëtte Célefte , doit néceffairement
operer une filtration de la fubftance la plus
rafinée dans les pores de la matiere , où la
Alâme ténébreufe eft trop groffiere pour s'y
filtrer , que cette flame rafinée doit néceffairement
, à cauſe de la compreffion géné-
Dij
ra2004
MERCURE DE FRANCE.
rale , être élastique , dès qu'elle trouve une
efpece de vuide pour s'étendre dans les pores
de la flâme ténébreuſe , à mesure qu'elle
eft dégagée de la matiere où elle s'étoit filtrée
, par le briſement de fes parties , que
>
cette élasticité met néceffairement la matiere
en action & en mouvement il est donc
abfurde d'admettre aucune vertu dans la
matiere , pour expliquer les Phénomenes
& pour démontrer la caufe du mouvement
des Aftres & autres , ni de donner au feu
qui eft une matiere , la vertu ou propriété
d'échauffer, puifqu'il eft ridicule, encore un
coup , d'admettre quelque vertu ou propriété
dans la matiere , rien n'étant fi facile
à démontrer que ce n'eft point par une propriété
que le feu produit la chaleur , mais
par un pur eeffffeett ddee ll''ééllaaffttiicciittéé , comme on
le trouvera démontré par le nouveau Syftême
.
32. Si les Anciens Philofophes euffent
compris ce qui eft démontré dans le nouveau
Systême ; fçavoir , que la Lune eft une
pure flame , quelle eft la caufe de fa variation
à notre afpect , quelle eft celle de fes
taches invariables , & celle de fon Eclipfe
par l'abſence des rayons du Soleil , ils n'euffent
pas abandonné la raifon , pour fe livrer
à une opacité Lunaire , auſſi impoſſible
qu'elle eft abfurde,
33. C'eſt cependant de cette erreur où
l'on
SEPTEMBRE . 1744. 2005
l'on a demeuré enfeveli jufqu'à préfent, que
fe font engendrés Systêmes fur Systêmes, tous
contraires au fens & à la raifon , & qui pis
eft , à la Religion , pour la plûpart ; mais
comme l'erreur ne fçauroit être ſtable , tous
ces Systêmes erronnés fe font fucceffivement
détruits , & fe détruifent journellement les
uns les autres .
34. La feule Académie Royale des Sciences
, invariable dans fes fublimes lumieres ,
n'en a encore adopté aucun , regardant jufqu'à
préfent la Phyfique , comme enfevelie
dans les ténébres , & comme étant du moins
encore au berceau , comme le dit un Sçavant
Auteur Moderne * ; c'eſt par cette raifon
qu'elle eft obligée de propofer annuellement
des Prix pour l'explication des Phénomenes
les plus fimples , & que le nouveau
Systême mettroit un Villageois , même
fans étude , en état de les expliquer fur le
champ , fans héfiter .
35. En effet , l'homme le plus borné verra
dans le nouveau Systême, d'un feul trait, que
l'élafticité des flâmes Céleftes , dont le cours
eft parallele à la Ligne Equinoctiale , doit
néceffairement produire un cours de fluide
d'un Pole à l'autre , que ce cours doit produire
un flux d'environ fix heures , & fuc-
* M. Rollin , dans fon Extrait de l'Hift . des Egypt.
Carthag. &c. Edit. 1735. Tom, x111 . p. 75.
Diij ceffi2006
MERCURE DE FRANCE.
ceffivement un reflux , que les Marées doivent
être plus grandes aux Equinoxes qu'aux
Solftices , qu'elles doivent auffi être plus
hautes aux nouvelles & pleines Lunes qu'aux
Quadratures , que le flux & le reflux doivent
être conformes au cours journalier de
la Lune , qu'ils devoient arriver à differentes
heures fur les Côtes , & que celles du
Midi devoient l'avoir avant celles duNord ,
que dans les mêmes Lieux & à la même
heure , où les Marées font les plus hautes
en nouvelle & pleine Lune , elles devoient
être les plus baffes dans les Quadratures ,
que fans le flux & le reflux , le Monde finiroit
néceffairement , qu'il doit Y avoir des
cours variables dans la Mer , que le flux &
le reflux de la Méditerranée ne peut être
fenfible que dans l'embouchure de l'Euripe,
qui eft à fon Levant ; il verra enfin que
tous ces effets font produits par une feule
cauſe.
36. De cette même caufe , il concevra la
fource des vents & celle des rivieres & fontaines
, & l'explication de tous les Phénomenes
de l'Aimant.
37. Enfin on verra par ce nouveau Syftême
, qu'on n'a pas befoin d'avoir recours.
à tous ces prétendus miracles Philofophiques
, pour appercevoir diftinctement la
propagation & la vivification de l'Animal ,
celSEPTEMBRE.
1744. 2007
celles du Végétal , & la formation du Mineral.
L'Auteur refutera exactement les Objections
qui lui feront faites par le même Journal
public. Il avoit même le deffein de commencer
l'attaque , en mettant en pleine évidence
l'impoffibilité de l'opacité & folidité
de la Lune , & en prouvant tout de fuite
fa lumiere , mais il differera cet article pour
placer celui de l'Aimant.
Cette préférence qu'il donne à l'Aimant
provient de l'émulation qu'il a euë ,
voyant dans la Gazette de France du 23 Mai
1744 , que depuis 1742 , l'Académie des
Sciences n'ait pû parvenir à avoir aucun
Mémoire fuffifant fur ce fujet,& qu'elle foit
obligée d'en renvoyer fa décifion jufqu'en
1746.
1
Il y a déja long-tems que l'Auteur auroit
envoyé un Traité à l'Académie des Sciences
fur ce fujet , s'il n'avoit crû que fon
Ouvrage eut été imparfait , s'il n'eut prouvé
la caufe du cours d'un fluide d'un Pole à
F'autre , & c'est ce qu'il ne pouvoit faire
qu'en mettant au jour tout fon Systême.
Mais comme d'un côté , il a donné ici une
idée , du moins fuperficielle , de la caufe de
ce cours de fluide Polaire, & que de l'autre,
ce cours eft reconnu & n'eft conteſté

perſonne , l'Auteur va fur ce principe ex-
Diiij pliquer
par
2008 MERCURE DE FRANCE.
pliquer en détail tous les Phénomenes de
l'Aimant ; il le rend public , afin que fon
fentiment ayant effuyé pendant deux ans la
Critique & les objections du Public, l'Académie
des Sciences foit mieux à portée de
donner fa décision en 1746.
L'Auteur foûtient en premier lieu , que
l'Aimant étant une matiere , elle ne fçauroit
avoir ni vertu ni proprieté attractive , ni
autre, non plus que le Fer ni le Pole, ni aucune
autre forte de matiere .
Il s'agit d'examiner fi , fans s'écarter de
ce principe indubitable , on peut expliquer
quelle eft la caufe de la direction de l'Aiguille
Aimantée vers le Nord , à la difference
de toute autre matiere , & celle de
l'attraction du Fer par l'Aimant , qui eſt
exclufive de toute autre matiere , & enfin
la caufe de tous les autres Phénoménes de
l'Aimant.
L'explication de ces Phénomenes n'eft cependant
pas la Pierre Philofophale , car il
n'y a rien de furprenant ni de merveilleux ,
rien au contraire n'eft fi fimple , ni plus à la
portée de tout le monde. Voici donc de
quoi il s'agit.
Tout le mystere confifte à fçavoir que le
Fer eft un compofé de petites lamilles ,
couchées les unes fur les autres , à la difference
des autres matieres qui ont leurs Poles
droits ;
SEPTEMBRE. 1744. 2009
droits ; l'Analyfe que les Chymiftes ont
faite du Fer , qui eft imprimée , & qui n'eft
conteſtée , rend ce fait certain . pas
L'Aimant eft une matiere dont les pores
font extraordinairement plus ferrés que
ceux de toute autre matiere enforte
que le fluide Polaire n'y fçauroit pénétrer.
L'Aimant , dont on frotte l'Aiguille de
Fer , s'infinuant entre les petites lamilles qui
le compofent , en bouchent étroitement
tous les pores , & de même que l'on voit un
bâton mis en façon d'Aiguille Aimantée fur
un pivot dans le courant rapide d'un Ruiffeau
, ce bâton tournera toujours tandis que
l'eau le frappera obliquement , & il n'aura
d'affiette ftable que lorfque fa pointe regardera
la fource , de même qu'un Coq qui fert
de girouette au haut d'un Clocher , n'a de
ftabilité que lorfque la pointe de fon bec
regarde la fource du vent.
C'eft ainfi que le cours rapide du fluide
Polaire , ne pouvant traverfer l'Aiguille de
Fer , parce que l'Aimant en bouche les pores
, cette Aiguille ne peut avoir d'affiette
fixe , tandis que ce fluide la frappe obliquement
, & ne devient ftable que lorfque fa
pointe regarde la fource du fluide, qui vient
directement du Nord.
Comme deux Ruiffeaux qui auroient leur
fource oppofée , recevroient néceffairement
Dy de
2010 MERCURE DE FRANCE.
8
de la variation dans leur cours , lors de leur
rencontre , ainfi les deux cours de fluide
Polaire étant directement oppofés , & venant
à fe rencontrer aux environs de la Ligne
Equinoxiale , leur cours reçoit néceffairement
de la variation à leur rencontre , &
conféquemment l'Aiguille Aimantée ; c'eſt
ce que l'on nomme déclinaifon & inclinaifon
de l'Aiguille Aimantée , qui arrive aux
environs de la Ligne , plus ou moins près ,
fuivant la fituation où fe trouve le Soleil ,
par la raison qui en eft expliquée par le
Systême.
A l'égard de l'attraction , nous voyons par
expérience que la matiere qui a fes pores
très -ferrés , comme la Cire d'Eſpagne , le
Corail , & c. ne pouvant recevoir que le
plus fubtil de la flâme ténebreuſe , fi l'on
frotte cette matiere , on agite par conféquent
cette flâme fubtile , qui la pénetre ,
laquelle fortant & fe trouvant très rarefiée ,
donne moyen à la flâme ténébreufe de s'étendre
pour remplir cette rarefaction , enforte
qu'elle enleve avec elle la paille , le
fétu , qui en étcient pénetrés.
L'Aimant ayant les pores encore plus
ferrés que ces matieres , n'eft traversé que
par une flâme encore plus fubtile , & dont
la rarefaction eft encore plus grande
mais elle ne l'eft cependant pas affés , pour
enlever
SEPTEMBRE. 1744 2011
enlever le Fer , à caufe de fa pefanteur , elle
n'enleveroit même pas la paille , parce que
fa flâme étant infiniment fubtile , elle fe
gliffe dans les pores de la flâme ténébreuſe ,
fans violence & fans lui caufer d'agitation ,
ainfi celle- ci n'en peut donner à la paille ,
qui en eft remplie .
Il faut donc chercher une rarefaction
plus grande que ne l'eft celle qui fe trouve
dans la flâme qui pénetre l'Aimant , & qui
augmente la force de l'attraction .
En voici une expérience bien facile ; prenez
un fufil , bouchez-en la lumiere , rempliffez-
le d'eau , pliez le bout de la baguette
à la groffeur du calibre avec de l'étoupe de
filaffe , enfoncez- là dans le fufil jufqu'à un
pied du fond , il en tombera de l'eau , parce
que le canon eft trop plein , mais il reftera
de l'eau au-deffus du bouchon de la baguette
; agitez la baguette , comme pour nettoyer
le canon , en la retirant d'environ un
pied , il fe forme entre l'eau du fond &
celle d'au- deffus du bouchon , une rarefaction
qui eft comme une efpece de vuide.
Comme la flâme , dont la baguette eft remplie
, trouve moyen de s'étendre dans cette
efpece de vuide ou de rarefaction , vous ſentirez
une attraction fi violente , qu'à peine
aurez-vous la force de tenir la baguette , &
fi vous la lâchez , elle s'enfoncera avec tant
D vj de
2012 MERCURE DE FRANCE.
de violence , qu'elle enleveroit un poids de
plus de 20 livres , qui feroit attaché à l'autre
bout , & elle heurte avec force & avec
grand bruit contre l'eau du fond.
De-même que dans le cours rapide d'un
Ruiffeau , y mettant un caillou ou autre
maffe, que l'eau ne puiffe pas penetrer , l'eau
rejaillira contre & laiffera un vuide derriere
cette maffe ; c'eſt ainfi que le cours du
fluide Polaire ne pouvant pénétrer la Pierre
d'Aimant , rejaillit contre , & laille à l'oppofite
une espece de vuide ou rarefaction ,
qui augmente celle de la flâme fubtile , qui
pénetre l'Aimant , réciproquement celleci
augmente la premiere par le choc qu'elle
lui donne en fortant de l'Aimant , & c'est
à la faveur de cette rarefaction que la flâme
ténebreuſe , dont le fer eft rempli , trouve
moyen de s'étendre , & comme elle ne peut
facilement fe débarraffer d'entre ces couches
de lamilles de Fer , elle entraîne le Fer
avec elle , & c'eft là l'attraction du Fer.
Comme ce fluide , qui venant du Nord ,
rejaillit contre l'Aimant , comme s'il rétrogradoit,
ce fluide Polaire repouffe en arriere
la limaille de Fer , ce qui a fait croire que
l'Aimant avoit deux vertus magnétiques ,
l'une attractive & l'autre expulfive.
,
Lorfque la Pierre d'Aimant eft armée
c'eft-à- dire , qu'elle eft bordée de Fer aux
deux
SEPTEMBRE. 1744. 2013
・ツ
deux côtés , l'attraction en eft plus grande ,
parce que le fluide fubtil qui pénétre l'Aimant
, ne pouvant facilement pénétrer ces
couches de lamilles de fer , gliffe entre le
Fer & l'Aimant, & fort avec plus d'abondance
par les deux bouts de la ferrure ; c'eſt
pour cela que c'eſt à ces deux bouts que le
Fer s'accroche , parce que la rarefaction y
eft plus grande.
>
Ce Sujet demanderoit un plus ample détail
, tel qu'il eft dans le Systême nouveau
mais l'Auteur fe flate qu'il y en a affés ici
pour exciter la Critique & les Objections ,
dont la réfutation éclairera la matiere , au
point de pouvoir être décidée
par l'Académie
des Sciences.
Les mots de l'Enigme & des Logogryphes
du Mercure d'Août font la Langue , Bail &
le Papier. On trouve dans le premier Logogryphe
Ail , Lia & Bal.
ENIGME
2014 MERCURE DE FRANCE.
MXXX+ 3X +3XX*X*XX****
ENIGM E.
Lecteur
Ecteur , je fuis un excrement ,
A tout le monde fort utile ,
Et , quoique de nature vile ,
Je fers à l'Homme d'ornement.
9"
On exprime par moi ce qu'on fçait fûrement
J'embarraffe fort les Poëtes ;
Je change de nom chés les Bêtes ,.
A qui je fers également.
Pour peu de progrès que je faffe ,
D'abord on m'arrête fans bruit ,
Et je crois que pour toute grace ,
On dit que l'on me fait , lorsque l'on me détruit.
Auffi je détruis à mon tour ,
Et dans ma faiſon favorite ,
Quoique de taille bien petite ,.
J'en fais mourir plus de mille par jour.
AUTRE.
Quoique dépourvá d'exiſtence ,
J'ai bien des attributs divers ;
Quand Dieu conftruifit l'Univers ,
Entre les mains je pris naiffance ;
Ici bas , comme dans les Airs ,.
Je fuis en tous lieux néceſſaire ;
Je
SEPTEMBRE . 1744 2015
Je fais des maux dans les Enfers ;
Je fais des heureux fur la Terre ;
Je fais la paix , je fais la guerre ,
Et je fais gronder le Tonnerre ;
Sans moi , fur leurs Trônes les Rois
N'auroient ni bonheur ni puiffance ;;
Toute la Nature aux abois ,
Se fentiroit de mon abſence ;
L'Univers s'anéantiroit ,
Que dis-je ? Rien ne finiroit ,
Et quand Dieu même le voudroit ,,
A peine en feroit- il le maître ;
Vous me voyez partout paroître ,
Mais trouvez mon nom feulement ;,
Ce qui définit mon Effence ,
N'eft point à votre connoiffance ;
On la recherche vainement..
LOGOGRYPHE.
E marche für neuf pieds , Lecteur ; c'eſt mon
JE
marallure ,
Mais pour ne point d'abord te montrer ma figure ,.
Je partage mon tout en differens Portraits .
Un , quatre , trois , neuf , cinq , d'un Tyran font
les traits ;
Six ,fept, neuf, font un nom qu'un ignorant mérite,
Et dont , pour l'ordinaire , il s'offenſe & s'irrite.
Trois
2016 MERCURE DE FRANCE.
Trois, deux, cinq, neuf, je fais les defirs d'un Joueur;
Cinq , deux , trois , quatre & huit , font un mauvais
Sauteur ;
Ajufte à mon milieu la moitié de ma tête ,
Je fupporte dans l'Homme , ainfi que dans la Bête,
Ce qui le plus il importe à fon tout ,
Joins cinq , fix , quatre & hujt , je fais plaifir au goût ;
Et fans moi , quelque bien qu'un Rotiffeur travaille,
Dans fon métier fouvent, ne feroit rien qui vaille .
Cinq , trois, fept , joints à neuf , je fuis un corps
brillant
Servant également le Riche & le Manant ;
Affemblant quatre, fix , huit & neuf , un Pilote
Me defire ardemment , quand la mer le balotte.
Un , deux , quatre , fept , neuf, une fois réunis ,
Je deviens la terreur des malheureux Maris ;
Sept & fix, quatre & huit , font enfemble une Plante ,
Dont l'odeur eft toujours très-odoriferante ;
Pour ne plus t'ennuyer , en me décompofant ,
Mon tout dépend d'un Grand, devine maintenant.
L. C. D. M.
NOUSEPTEMBRE.
1744. 2017
NOUVELLES LITTERAIRES ,
M
DES BEAUX - ARTS, &c.
R Fontaine des Crutes , vient de faire
imprimer chés Quillau, Libraire, ruë
Galande , près la Place Maubert à Paris, un
Traité complet fur l'Aberration apparente
des Etoiles fixes, qu'il avoit annoncé dans le
fecondVolume duMercure & dans le Journal
de Trévoux du mois de Juin de l'année derniere
, à l'occafion de l'Occultation d'une
Etoile du Sagittaire par la Lune , arrivée le
2 Août , vers les dix heures & demie du
foir.
Cet Ouvrage , qui eft in 8 ° . imprimé ſur
de bon papier & en beaux Caractéres , eſt
orné de huit Planches , & diftribué en
quatre Parties , lefquelles font précédées
d'une Hiftoire Générale de l'Aftronomie
ancienne.
La premiere partie contient un Expofé du
Systême Général du Monde , felon les Principes
de la Philofophie ancienne & moderd'où
l'on déduit le mouvement annuel
de la Terre autour du Soleil , & fa rotation
en 24 heures autour de fon Axe.
ne ,
La
2018 MERCURE DE FRANCE.
La feconde Partie eft un Abregé de la
Sphère, où il eft feulement traité des principaux
Cercles , Lignes & Points les plus
néceffaires pour l'intelligence du refte de
P'Ouvrage on y traite auffi , en peu de
mots , des réfractions , de la parallaxe & de
leurs effets.
On trouve enfuite un Traité complet &
fort étendu fur l'Aberration des Etoiles fixes
, avec plufieurs Tables qui ont rapport
à cette matiere , ce qui fait le fujet de la
troifiéme Partie ; on y fait voir dans quel
tems , & qui ont été les Aftronomes , qui
les premiers , fe font apperçus de l'Aberration
; qui font ceux , qui , en conféquence
de cette heureufe découverte , ont fait des
Obfervations innombrables pour la confirmer
; enfin , après avoir été convaincu de
ces apparences , & avoir rejetté differentes
hypothéfes , qu'on auroit formées pour les
expliquer , on verra comment on fauve ces
apparences , & de quelle façon on vient à
bout de les expliquer , au moyen du mouvement
annuel de la Terre autour du Soleil
, comparé au mouvement fucceffif de
la lumiere.
On fçait de quelle importance font les
corrections que l'on fait ordinairement
dans les hauteurs des Aftres , par rapport
aux réfractions , & à la parallaxe , & que
l'effet
SEPTEMBRE. 1744. 2019
l'effet de celle- ci détruit toujours une partie
, très-petite à la vérité , de l'effet de
l'autre , parce qu'elles font en fens contraires
; mais enfin quoique la parallaxe produife
un effet d'autant plus petit , que l'AL
tre eft proche du Zénith , fi néanmoins il
faut y avoir égard , combien , à plus forte
raifon , doit- on tenir compte de l'Aberration
, qui influë , non-feulement fur la Latitude
d'un Aftre, comme les deux caufes précédentes
, mais encore fait varier fa Longitude
fon Afcenfion droite & fa Déclinaifon
?
,
Cela fait voir qu'on étoit très -éloigné
d'avoir la vraie fituation des Etoiles fixes ,
& qu'on auroit été perpétuellement dans
F'erreur , fans cette admirable découverte ;
en effet , fi la paral'axe ne caufe que quelques
fecondes d'erreur dans les hauteurs ,
Aberration a un effet bien plus confidérable
, & on voit fouvent qu'elle peut déran
ger en apparence , d'une certaine quantité ,
non - feulement de fecondes , mais même
de plufieurs minutes , certaines Etoiles
de leur vrai lieu . C'eft ainfi que dans l'E
toile Polaire fon Aberration annuelle en
Latitude eft de 36 fecondes & demie ; elle eſt
d'une minute 40 fecondes en Longitude ,
d'environ 40 fecondes pour la Déclinaifon,
& l'Afcenfion droite de cette Etoile eft prefde
17. minutes. Après que
2020 MERCURE DE FRANCE.
Après que l'Auteur de cet Ouvrage a démontré
dans le courant de cette Partie
toutes les regles & les formules qu'on doit
fuivre pour calculer les differentes Aberrations
d'une Etoile quelconque , après avoir
averti de l'ordre qu'il convient de fuivre , &
même avoir fait l'application des regles an
Calcul d'une Etoile , il a jugé à propos ,
afin que le Lecteur ne fût point embarrallé
dans la recherche de toutes ces regles , de
les récapituler dans un Chapitre particulier,
& de renfermer dans des Cartouches , les
formules qu'il a déduites de la Théorie .
44
Il a de plus calculé & donné dans l'Ouvrage
une Table des plus grandes Aberrations
des Etoiles en Latitude , felon leurs diftances
de l'Ecliptique , de 10 minutes en
10 minutes , & depuis o jufqu'à 90 degrés.
Il a auffi donné deux autres Tables , l'une
des Longitudes & des Latitudes , & l'antre
des Afcenfions droites & Déclinaifons
de 20 des principales Etoiles, telles qu'elles
étoient au commencement de l'année 1740,
& vis-à-vis de chaque Etoile , il a eu foin de
placer fon mouvement annuel , tant en Afcenfion
droite , qu'en Déclinaiſon , afin
qu'on puiffe faire les réductions convenables
pour d'autres années , foit précédentes
ou à venir.
Deux autres Tables fuccedent à celles
dont
SEPTEMBRE, 1744. 2021
que
dont on vient de parler ; la premiere contient
les Lieux où fe trouve le Soleil , lorfl'Aberration
des mêmes 20 Etoiles eft
nulle en Afcenfion droite , elle contient
encore leurs plus grandes variations en
Aberration , qu'on trouve pofées entre les
deux tems de l'année où elles arrivent ; la
Partie du Monde yers laquelle ces variations
fe font , eft indiquée par ces mots Or.
& Occ. , c'est- à-dire Orient & Occident,
La deuxième Table contient l'Aberration
en Déclinaison de ces 20 Etoiles ,avec le mê
me ordre qu'on vient de dire pour l'Afcenfion
droite.Toutes ces Tables font fuivies de
leurs ufages, c'eft- à- dire, de la maniere d'appliquer
l'Aberration ,foit par rapport auxCalculs
, ou par rapport aux Obfervations Aftronomiques
; avec des Remarques très-curieufes
touchant les proprietés de la lumiere
lancée par les Etoiles.
Enfin la quatriéme & derniere partie traite
de l'Occultation des Etoiles fixes par la Lune.
On a déja fait remarquer dans le Mercure
& dans le Journal dont on a parlé cidevant
, de combien ces fortes d'Occultations
étoient préférables aux Phaſes obfervées
dans une Eclipfe de Lune , & même
aux Eclipfes des Satellites de Jupiter dans la
détermination des Longitudes ; car dans les
premieres Obfervations , on eft au moins
une
2022 MERCURE DE FRANCE
une minute ou deux dans l'incertitude du
commencement ou de la fin d'une Phaſe , &'
dans les Eclipfes des Satellites , une demie
minute & plus ; joint à cela que pour obferver
ces fortes d'Eclipfes , il faut employer
des Lunettes depuis 7 ou 8 pieds jufqu'à 18
& 20 de longueur. Les Occultations , des
Etoiles par la Lune , ne font point fujettes
à tous ces inconvéniens, car à caufe de la rapidité
du mouvement de la Lune, lorfqu'el
le paffe au-deffous d'une Etoile , l'Eclipſe eſt
inſtantanée , c'eſt- à -dire , qu'elle ſe fair ſi lubitement
, qu'il n'eft pas poffible qu'un Obfervateur
foit une demie feconde de tems
dans l'incertitude, ce qui eft un grand avantage,
fans compter qu'une Lunette de deux
ou trois pieds fuffit pour l'obferver.
Toutes ces confidérations ont engagé
l'Auteur à donner une Methode courte &
aifée pour déterminer facilement ces fortes
d'Eclipfes , au moyen d'une projection ; il
conduit même fon Lecteur dans la conftruction
de cette figure , & lui en fait faire l'application
, en prenant pour exemple une
Etoile du Sagittaire dont l'Eclipfe eft arrivée
le 2 Août 1743 , & à l'occafion de laquelle
il lui en fait détermir er toutes les
Phaſes ; cependant malgré la fimplicité de
cette Méthode , elle deviendroit ſouvent
inutile, fi , avant que d'entreprendre le Calcul
,
SEPTEMBRE. 1744. 1023
cul , on ne pouvoit pas s'affûrer fi une conjonction
de la Lune avec une Etoile fera
Ecliptique & de plus , vifible fur l'Horifon ,
c'eft à quoi l'Auteur s'eft attaché , de façon
qu'il efpere que le Public n'aura plus rien
à défirer fur cette matiere.
L'Auteur avertit encore les Curieux qu'ils
vont avoir la plus belle occafion de s'exercer
avec utilité fur cette matiere , qu'on puiffe
fouhaiter; car la Lune pendant trois ou quacre
années de fuite , va rencontrer chaque
mois quelques unes des 72 Etoiles qui compofent
la Conſtellation des Pleïades ; peuton
rien trouver de plus favorable à la Géographie
, pour la rétablir & la porter au plus
haut degré de perfection ? En effet , fi l'on
obferve ces Occultations avec foin dans les
Villes principales & dans tous les Ports de
Mer,pour enfuite fe les communiquer , il eſt
hors de doute qu'on aura la fituation de tous
ces Lieux , les uns à l'égard des autres ,
dans la derniere exactitude ; c'eft ce qu'on
a lieu d'efperer dans la fuite , & ce qui a
été le but de l'Auteur.
On doit bien obferver que le Lecteur aura
la fatisfaction de voir comment on peut faire
application de l'Aberration dans de
reils Calculs.
pa-
DISSERTATIONS & Confultations
Médi2024
MERCURE DE FRANCE.
Médicinales de Mrs Chirac , Confeiller d'Etat
, & Premier Médecin du Roi , & Silva ,
Médecin Confultant du Roi , & Premier
Médecin de M. le Duc ; à Paris , chés Durand
, tue S. Jacques , à S. Landry , & au
Griffon. Deux vol . in- 12. Le premier Tome
de 342 pag. fans les commencemens de
107 pag. le fecond de 420 , y compris la
Table des Matieres des deux vol . 1744.
HISTOIRE de la Conquête du Mexique
& de la Nouvelle Efpagne , par Fernand
Cortez , traduite de l'Efpagnol de Dom Antoine
de Solis , par l'Auteur du Triumvirat.
Deux volumes in- 12 , à Paris , chés Didot ,
Libraire , Quai des Auguftins , à la Bible
d'Or.
NOUVELLE EDITION des Lettres S. Jerôme
, traduites en François fur 1 Edition
Latine des Bénédictins , avec des Maximes
morales & des Remarques fur les endroits
difficiles ,,
par Don Guillaume Rouffel , Religieux
de la Congrégation de S. Maur ; à Paris
, chez Giffey , Libraire , ruë de la vieille
Bouclerie , à l'Arbre de Jeſſé .
LA RELIGION CHRETIENNE éclairée des
lumieres de l'intelligence , par le Dogme &
par la Prophétie. Deux vol. in- 12 ; le premier
SEPTEMBRE . 1744. 2025
mier de 405 pages , & le fecond de 266 ;
à Paris , chés la Veuve de la Tour , ruë de la
Harpe , aux trois Rois.
LA SALAMANDRE , Nouvelle Allegori-Comique
, petite Brochure in- 12 , de 62 pages ;
P'Auteur de cet Ouvrage dédie fon Livre à la
Dile Coraline , Actrice du Théatre Italien ,
& lui adreffe l'Epitre fuivante , placée à la
tête.
A Ceptez , belle Coraline ,
Le préfent que mon coeur vous fait ,
Ma Mufe , pour qu'il fût parfait ,
Voudroit pouvoir être divine :
Son vol rapide , dans les Cieux
Devroit aller puifer la rime ,
Et pour mieux le mettre en eftime ,
Yous parler, comme on parle aux Dieux.
En vous je vois une Déeffe ,
Pour la beauté , pour les talens :
Chés
d'Art ! que de fineffe !
vous que
pas flateurs & brillans !
Que de
En vous offrant ma Salamandre ,
C'eft fans doute vous offrir peu ;
Mais quel préfent peut-on attendre ,
Qui, comme le mien, foit tout-feu ?
Quand on vous voit fur le Théatre ,
Chaque coeur de vous idolâtre ,
E Forme
2026 MERCURE DE FRANCE.
Forme des voeux à tout moment :
Epris de vos graces naïves ,
De vos façons nobles & vives ,
Tout Spectateur eft votre Amant .
Je ne prétends de mon Ouvrage ,
En vous rendant un jufte hommage ,
Que le plus délicat plaifir ;
C'eft de voir s'accroître mon zéle ;
De vous voir toujours auffi belle ,
Et le Public vous applaudir.
Ce Livre mérite de la part du Public un
favorable accueil , par la maniere enjoüée
dont il est écrit ; il ſe vend à Paris , chés
de Lormel , à l'entrée du Quai des Auguſtins,
au Nom de Jefus ; chés Prault , Fils , à la
Charité , Quai de Conty , & chés Morel , le
jeune , au Palais.
ON débite actuellement chés Piallanes,
Libraire , à Clermont-Ferrand , en Auvergne
, une nouvelle Edition de la Coutume de
la Marche , avec des Notes & des Obfervations
très-utiles , pour en entendre le véritable
fens , & corriger les fautes qui fe trouvent
dans l'Edition de Jabely , & une Préface
curieufe fur l'Origine de la Comté- Pairie
de la Marche , par M. Couturier de Fournouë
, Ecuyer , Confeiller , ancien Procureur
du Roi de Gueret , Capitale de la Marche.
HISSEPTEMBRE.
1744.
2017
n
HISTOIRE du Traité de Weftphalie ,
ou des Négociations qui fe firent à Munſter
& à Ofnabrug , pour établir la Paix entre
toutes les Puillances de l'Europe , compofée
principalement fur les Mémoires de la
Cour & des Plénipotentiaires de France ,
par le P. Bugeant , de la Compagnie de Jefus.
Quatre vol . in- 12 . Le premier Tome
de 506 pages , le fecond de 493 , le troifiéme
de 457 , & le quatrième de 5 10. A Paris
, chés P. J. Mariette , ruë S. Jacques ,
aux Colonnes d'Hercule , 1744.
Le Clerc , Libraire au Palais , & Prault ,
fils , à la defcente du Pont- Neuf , débitent
une nouvelle Edition , revûë , corrigée , &
augmentée du MEMORIAL de Paris , & de
fes Environs , à l'usage des Voyageurs , par
M. l'Abbé Antonini , 1 vol. in- 12 . 1744.
Jean & Paul Knapton , Imprimeurs-Libraires
à Londres, dans Ludgate- Street , impriment
& débitent par Soufcription laContinuation
de l'Histoire d'Angleterre de M.
Rapin de Thoyras , en Anglois , depuis la révolution
arrivée en 1688 , jufqu'à l'avènement
du Roi Georges II , à quoi on ajoutera
un ample Sommaire , ou Epitome de toute
cette Hiftoire , depuis la defcente de Jules-
Céfar en Angleterre , jufqu'à la mort de
E ij Geor2028
MERCURE DE FRANCE
Georges I , par M, Tindal , M. A. & c.
Cet Ouvrage qui fera imprimé in -folio &
in-octavo , fera orné des Eftampes des Rois ,
des Reines & de plufieurs grands Perſonnages
, gravées par M. Houbraken & par
d'autres habiles Maîtres , avec des Cartes ,
des Médailles & d'autres tailles - douces . On
en débite chaque femaine un Cahier de
quatre feuilles pour fix fols. Les Eftampes
gravées par M. Houbraken , font payées fur
le pied de fix fols chacunes les Cartes &
les autres tailles- douces en coûtent trois . Ce
débit eft ouvert du premier Samedi de Mai
de cette année , & continuera jufqu'à ce
que l'Ouvrage foit achevé.
L'Hiftoire entiere de cet Auteur fe débite
chés les mêmes Libraires,
M. Engel , premier Bibliotécaire de la
République de Berne, en Suiffe , ayant réfolu
de vendre fa belle Collection de Livres
rares , en a publié un Catalogue raifonné ,
qui fe trouve chés Briaffon , Libraire à Paris ,
& comme, malgré les inftances de plufieurs
Perfonnes de grande confideration , il ne
leur en a pas voulu céder des parties , quoique
fort confiderables , mais il préfére de
vendre cette Collection en détail par une
Vente publique , Argent comptant , & fuivant
la coûtume ; il donne Avis aux Curieux
,
SEPTEMBRE. 1744. 2029
rieux , qui fouhaiteroient de s'en procurer
quelques Livres , qui ne fe trouvent , que
très-rarement , qu'il a fait tranſporter ces
Livres à Leipfick , & que la Vente s'en
fera le 14 de ce mois & jours fuivans , dans
ladite Ville , priant tous les Amateurs , de
donner leurs Coinmiffions de bonne heure ;
& en cas qu'on change de réſolution , ſoit
pour le tems ou le lieu de cette Vente , le
Public en fera averti par un Avis inféré dans
le Supplément de ce Catalogue , actuellement
fous Preffe , & qu'on trouvera chés le
même Libraire.
Il paroît à Leipfick , un Ouvrage intitulé
Hora Hebraica & Talmudica , in Theologiam
Judeorum Dogmaticam antiquam & Orthodo
xim de Meffia impenfa . Accedunt Rabbinicarum
Lectionum Libri duo , & Indices neceffaria
, apud Frederic Hekel , deuxième
vol. in-4° . de 996 pag. 1742 .
On a entrepris à Londres une nouvelle
Edition du grand Dictionnaire Latin de
Robert- Etienne , fous ce Titre : Roberti Stephani
Lexicographorum Principis Thefaurus
Lingua Latina , in IV Tomos divifus , cui poft
noviffimam Londinenfem Editionem , complurium
eruditorum virorum curis infigniter auctam
, accefferunt nunc primum Henrici Ste-
E iij phani ,
2030 MERCURE DE FRANCE.
phani , Robert. Fil. Annotationes autographa
ex codice Bibliotheca Pub. Civitatis Genevenfis.
Nova cura recenfuit , digeffit , ab Auctorum
cutationibus fupervacuis , mendisque quam
plurimis repurgavit , fuafque paffim Animadverfiones
adjecit Antonius Birrius Philiater
Fafil . Typis & impenfis , E. & J. Thurnifiorum
Fratrum , 1740.
INSTITUTIONES CATHOLICA in modum
Catechefeos , in quibus quidquid ad Religionis
Hiftoriam , & Ecclefia Dogmata , Mores , Sacramenta
, Preces , Ufus & Ceremonias pertinet
, totum id brevi compendio ex Sacris fontibus
Scriptura & Traditionis explanatur , ex
Gallico idiomate in Latinum fermonem tranflata
, &c. Auctore Francifco Amato Pouget
Montifpeffulaneo Prefbytero Congregat . Oratorii
Gallic. &c. A Venife , chés Jean- Baptifte
Pafquels , Imprimeur-Libraire . Deux
vol. in fol. 1743 .
ABREGE' de la Vie d'une Ste Religienfe ,
par M. André Danti , Prévôt de l'Eglife
Collégiale de S. Pierre au Diocèfe de S.
Miniato , dédiée au Souverain Pontife Benoît
XIV . A Lúcques , chés Jofeph Salani
& Vincent Giuntini , Libraires , 1743 ,
in-octavo.
LET
SEPTEMBRE. 1744. 2031
LETTERA all' Eminentiffimo e Reverendiffimo
Signor Cardinale Angelo Maria Quirini
Bibliothecario della Santa Romana Chiefa,
Vefcovo di Brescia , intorno agli Italiani , che
de Secolo XI. infino verso la fine del XIV Seppero
di Greco. In Venezia , 1743 , in- 8 °.
DOMINICI GEORGII de Liturgia Romani
Pontificis , in folemni celebratione Miffarum
Lib.111 , ubi Sacra Myfteria ex antiquis Codicibus
, præfertim Vaticanis , aliisque Monu→
mentis plurimum illuftrantur. Romæ. Troi
fiéme Volume in-4° , 1743 .
SYNOPSIS LAURETANA , hoc eft. Summorum
Pontificum Conftitutiones Soc. Congregat.
Lauretana Refolutiones fuper controverfiis furifdictionalibus
inter Epifcopum & Gubernatorem
Lauretanos , ac plurima dubia à SS. D.
N. Benedicto XIV decifa , cum alphabetica
Synopfi , omnia ejufdem Pontificis Maximi
auctoritate edita & confirmata, Romæ, 1743,
in-4°.
IL paroît à Rome un Volume in -4° .conte
nant des Obfervations fur la Mérope dut
Marquis Scipion Maffei , & fur la Traduction
de Lucrece del Marchetti quelques
Harangues , & des Lettres Latines qui n'avoient
pas encore été imprimées , 1743 .
E iiij
LET2032
MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. Beauvais , à M. l'Abbé
de Matigney , Chanoine de la Métropole de
Befançon , fur la Mort de M. l'Abbé de
Rothelin.
E vous ai annoncé , Monfieur , avec beau
coup de douleur par ma derniere Lettre,
la mort de l'Illuftre Abbé de Rothelin ; vous
connoiffez les Relations que j'avois avec
lui , l'amitié & la confiance dont il m'a honoré
pendant les quatorze dernieres années
de fa Vie , & je crois vous faire plaifir , en
vous apprenant les particularités que je fçais
de la Vie d'un fi grand homme ; c'eſt la
moindre chofe à laquelle la reconnoiffance
m'engage , en attendant que l'Académie
Françoife , & celle des Infcriptions & Belles-
Lettres célébrent fa mémoire & faffent
connoître à la République des Lettres la
perte qu'elle vient de faire.
CHARLES D'ORLEANS ROTHELIN nâquit
les Août 1691 d'Henri d'Orleans , Marquis
de Rothelin , & de Gabrielle Eleonore
de Montaud , fille de Philippe de Montaud ,
Duc de Navailles , Maréchal de France . Il
n'avoit que fix femaines , lorfque le Marquis
de Rothelin fon Pere , fut tué à la Bataille
de Leuze , en combattant à la tête de
la Gendarmerie , où il fut bleffé de 32
coups ,
SEPTEMBRE . 1744. 2033
coups , dont quatre étoient mortels
.
M. de Rothelin , dont il s'agit ici , qui
étoit le dernier des trois fils , que le Marquis
avoit laiffés , fe détermina dès la jeunelle
à embrafler l'Etat Eccléfiaftique , plû-
τότ que celui des Armes , où fes Ancêtres
avoient beaucoup brillé : ce choix ne lui
fut point infpiré par fa famille , comme on
Pinfpire affés ordinairement aux Cadets
des Maifons Illuftres ; il s'y fentit porté par
l'amour qu'il conçût pour l'Etude , & em
général pour toutes les Sciences , & on auroit
pû prévoir alors, qu'il feroit un jour en
France un des plus zélés Protecteurs des
Belles- Lettres & des Sciences , ce qui s'eft
vérifié après le Régne , à cet égard , le plus
brillant , qu'il y ait jamais eû.
Il fit fes Etudes avec un fuccès étonnant
& il devint en peu de tems excellent Humanifte
, Philofophe profond , & un des plus
grands Théologiens ; on fçait que fes Cahiers
de Théologie fervent encore aujourd'hui
de modéles aux perfonnes , qui veulent
étudier avec fuccès une Science où il
faut joindre la folidité du jugement avec la
vivacité de l'efprit .
Comme notre Illuftre Abbé étoit un de
ces hommes rares , qui naiffent pour faire
honneur aux Siécles où ils vivent , & qui
font sûrs de réüffir & de plaire dans tous
E v les
2034 MERCURE DE FRANCE.
les genres qu'ils embraffent , fon mérite
frappa , entr'autres , dès ce tems- là , M. le
Cardinal de Polignac , & ces deux hommes
d'un génie fuperieur , s'infpirerent récipro
quement ces fentimens d'eftime & de vénération
que le vrai mérite produit . Leur amitié
, qui faifoit l'admiration de tous ceux
qui avoient l'avantage de les connoître particulierement
, a duré juſqu'à la fin de leurs
Vies.
Le Cardinal de Polignac , ayant été obligé
d'aller à Rome après la mort du Pape
Innocent XIII , pour affifter à une nouvelle
Election , M. de Rothelin , qui avoit achevé
, il y avoit quelques années , le cours de
fes Etudes Eccléfiaftiques , & reçû l'Ordre
de Prêtrife , fit le voyage d'Italie , & fe renferma
dans le Conclave avec fon ami . Lorfqu'il
en fut forti après l'Election de Benoît
XIII , les Négociations dont M. de Polignac
fut chargé de la part de la Cour de
France , & dans lefquelles notre Illuftre
Abbé eut beaucoup de part , ne l'empêcherent
pas de fuivre fon goût & de vifiter
avec attention toutes les.Merveilles de cette
ancienne Capitale du Monde , principalement
les Monumens Antiques , que fon
imagination jufte & pénétrante lui repréfentoit
dans l'Etat majeftueux , où les Romains
les avoient autrefois élevés. Cette
idée
SEPTEMBRE. 1744. 2035
idée brillante de Rome Ancienne , qu'il faifoit
renaître fur fes propres débris , lui inf
pira pour les Médailles Antiques , fur leſquelles
la plupart de ces Monumens font repréfentés
, ce goût qui l'a rendu un des plus
Sçavans Antiquaires, & sûrement le premier
Médaillifte de fon tems.
Il commença dès- lors à amaffer ces fameufes
fuites de Médailles Impériales d'Argent
, de Médaillons de même Métal , & de
Quinaires, qu'il a perfectionnées pendant le
le refte de la Vie , par l'acquifition de plus
de trente Cabinets de Médailles Antiques
que differens Particuliers avoient recueillis
avec beaucoup de foin & de dépenfe , & qui
lui avoient à la fin formés ces trois Collections
, qui ne font égalées par aucun Cabinet
en ce genre , qu'il y ait en Europe..
y
Elles font aujourd'hui l'admiration dess
Connoiffeurs , & les Sçavans peuvent les
regarder comme les fources les plus sûres
& les plus curieufes de l'Hiftoire Ancienne
.
Il s'étoit auffi formé une Bibliotéque
qu'on peut confiderer comme une des plus:
précieufes qu'il y ait à Paris , foit par less
Manuferits , foit par les Livres rares, dont
elle eft compofée ; elle feroit plus compler--
te , fi fon amour pour les Sçavans , & pour
lebien public ne l'avoit pas engagé à dépo
Evj
Lex
2036 MERCURE DE FRANCE .
fer dans celle du Roi les Manufcrits & les
autres Livres , qu'il poffedoit , & qui y manquoient.
Quoiqu'il femblât que M. de Rothelin
donnoit beaucoup de fon tems à amaffer des
Médailles & à former fa Bibliotéque , ces
objets n'étoient cependant qu'un amuſement
pour lui , lefquels lui fervoient de délaffedans
des occupations
, qu'il regardoit
comme plus effentielles à l'Etat qu'il
avoit embraffé.
ment ,
Il fut reçû à l'Académie Françoiſe le 28
Juin 1728 , & enfuite dans celle des Infcriptions
& Belles- Lettres , en qualité d'Honoraire.
Nous avons le Difcours qu'il prononça
dans la premiere de ces deux Académies ,
& ceux qu'il a compofés depuis à l'occafion
de differentes Receptions : on y remarque
avec plaifir cette éloquence qui lui étoit naturelle
; en effet M. de Rothelin étoit , de
l'aveu de tous les Connoiffeurs , un des Seigneurs
qui parloit avec le plus de graces, &
qui compofoit avec le plus de facilité fur
toutes fortes de fujets. Son ftyle Epiftolaire
a un naturel qui frappe & qui ne permet
pas de lire fes Lettres , fans être charmé de
la façon dont elles font écrites ; j'en parle,
M. avec certitude , puifqu'il m'a fait l'honneur
de m'en écrire plus de 300 , que je
poffède , & qui auroient dû me former un
style ,
SEPTEMBRE. 1744. 2.037
ftyle , s'il étoit poffible , aux perfonnes qui
naiffent avec des talens bornés , d'imiter les
Grands Hommes .
Il fembloit , dans le tems qu'il fut reçû à
l'Académie Françoife , qu'il ne fut pas fixé
pour toujours à Paris , & cette Compagnie
lui fit fentir dans le Difcours qu'elle lui
adreffa , l'appréhenfion qu'elle avoit de le
perdre ; elle le regardoit comme un fujet
qui lui feroit bientôt enlevé , pour briller
dans une de ces Places où la Vertu & les
talens doivent paroître dans tout leur
éclat.
M. de Rothelin avoit des idées bien differentes
; il avoit accepté à la fin de 1726 , la
fimple Abbaye de Cormeilles , mais on fçait
aufli qu'il avoit conftamment refufé l'Epifcopat
, & que le goût univerfel qui le dominoit
pour les Sciences , le fit renoncer à
toutes les idées de Grandeur & de Fortune ,
pour ne pas quitter Paris , & pour paffer
une partie de la vie dans fon Cabinet , qui
étoit un véritable Sanctuaire des Mufes , le
rendez - vous des Sçavans , & furtout des
hommes rares & finguliers dans chaque
Science .
C'est dans cette fituation , où il a paffé
les quinze dernieres années de fa vie , que
j'ai eu lieu de le connoître plus particulierement
& de l'admirer , où j'ai tâché deprofiter
2038 MERCURE DE FRANCE.
fiter de fes lumieres fur le goût commun qui
nous unifoit. C'eſt dans cet état d'un homme
, qui n'ambitionnoit que la qualité d'Amateur
des Belles - Lettres , que je fouhaite
vous le faire connoître , & vous repréfenter
un de ces hommes d'un caractere aimable
, & de la politeffe la plus parfaite , dont
les qualités du coeur furpaffoient encore celles
de l'efprit , qui faifoit fon bonheur d'encourager
& de favorifer les Gens de Lettres
& de cultiver de véritables amis , qui fe livroit
entierement à eux , qui les charmoit
dans fes Difcours , par des graces qui lui
étoient naturelles , & qui auroient fuffi feules
,pour perfuader , indépendamment de la
folidité de fes raifonnemens ;un de ces hommes
univerfels , nés pour connoître à fond
la plupart des Sciences , & en même-tems
d'un caractere à ne jamais faire fentir à ceux
qui paroiffoient y briller davantage , la fu
périorité qu'il avoit fur eux ; un de ces hommes
enfin , qu'on n'abordoit jamais fans:
plaifir , qu'on n'écoutoit qu'avec un charme
infini , & qu'on ne pouvoit quitter fans emporter
de lui une idée qu'aucun objet ne
pouvoit effacer.
Outre les talens que M. de Rothelin poffédoit
, foit du côté des Sciences , foit du
côté de la Politique , où il étoit regardé
comme un Génie fupérieur ,,qui connoiffoit
SEPTEMBRE. 1744. 2039
à fond les intérêts des differentes Nations ,
il avoit encore celui de fçavoir plufieurs
Langues ; il fçavoit parfaitement la Langue
Grecque ; il connoiffoit toutes les beautés
& les délicateffes de la Latine ; il parloit
& écrivoit l'Italienne, comme fi elle avoit
été fa Langue Maternelle ; je lui ai vû apprendre
l'Anglois en moins d'un mois , &
il m'a dit qu'il en avoit conçû le deffein
uniquement pour pouvoir lire dans l'Origi
nal les Poëmes de Milton . Tout le monde
fçait combien il excelloit dans la Langue-
Françoife , & l'Académie en étoit fi perfuadée
, qu'elle l'engagea , il y a fix années , &
fe charger en partie de la correction du Dic
tionnaire dont elle a donné une nouvelle
Edition en 1740.
L'année fuivante , M. de Rothelin accep
ta une Place dans la focieté Litteraire d'Or
leans , qui venoit de fe former fous les auf
pices de M. l'Evêque de cette Ville , & dont
M. le Duc d'Orleans fe déclara enfuite Protecteur.
Notre Illuftre Abbé eut le malheur de
perdre dans ce tems-là , M. le Cardinal de
Polignac , qui lui remit fon Poëme de l'Anti-
Lucrece , dans lequel ce fameux Cardinal a
fçû par des Vers auffi harmonieux que ceux
de l'Auteur qu'il combat , vaincre Lucrece
par fes propres armes , & faire fentir le faux
de
2040 MERCURE DE FRANCE.
de la Morale d'Epicure, fur laquelle il avoit
fondé fon Systême .
Il m'écrivit le 23 Novembre 1741 , au
fujet de cette mort en ces termes.
» J'ai eu le malheur de perdre , depuis
»peu de jours , M. le Cardinal de Poli-
»gnac , homme fupérieur & au -deffus de
>> tous les Eloges . Il m'a remis , en mourant ,
>>fon Poëme de l'Anti-Lucrece ; je vais faire
»de mon mieux pour le mettre en état d'être
» imprimé ; ce fera un hommage que je ren-
» drai à notre Académie ( d'Orleans ) dès
que je pourrai en avoir des Exemplaires .
Il me communiqua dans mon dernier
voyage de Paris , une partie des corrections
qu'il avoit faites à ce Poëme , & il me lût
la Traduction en Profe Françoife qu'il en
avoit entrepris ; je ne puis mieux vous la
comparer pour le ftyle , qu'à celle du Paradis
perdu de Milton , & même je crois qu'il
s'y trouve plus de fublime . Il eft à fouhaiter
que quelque habile Ecrivain continue
cette Traduction , qui feroit tant d'honneur
à notre Langue ; c'eft , comme l'a dit
un Auteur célébre , prolonger la vie des
Grands Hommes , que de continuer dignement
leurs Ouvrages.
La mauvaiſe fanté de M. de Rothelin ne
lui a pas permis de faire imprimer l'Anti-
Lucrece , qui étoit prefque entierement corrigé
;
SEPTEMBRE . 1744. 204
rigé ; il fut attaqué , il y a quelques mois ,
par une langueur & par un épuiſement ,
qui l'a conduit au Tombeau ; je lui écrivis
pour lui témoigner l'affliction où j'étois de
fa fituation ; il n'étoit plus en état de me
faire réponſe lui-même , mais il eut encore
l'attention de me faire faire fes derniers
adieux .
Comme il avoit toujours rempli fes devoirs
d'Eccléfiaftique & de véritable
Chrétien avec la derniere exactitude , &
qu'il avoit vécu avec la Piété la plus édifiante
, & la Sageffe la plus exemplaire , il
a vû venir avec un courage tranquille la
mort, qui l'a ravi à fes amis & au monde, le
17 de ce mois , âgé de près de 53 ans.
A Orleans , ce 30 Juillet 1744.
Le 10 Août , Nicolas Gédoyn , Prêtre ,
Abbé de Notre-Dame de Beaugency , O.
S. A. Congrégation de France , Diocèfe
d'Orleans , à laquelle il avoit été nommé en
1730 , Chanoine de la Ste Chapelle de Paris,
depuis 1701 , l'un des Quarante de l'Académie
Françoiſe, depuis 1719 , & Penfionnaire
de l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles- Lettres, depuis 1711 , mourut en fon
Abbaye,dans la foixante-dix -feptiéme année
de fon âge. Il étoit fils de Philippe Gédoyn ,
Seigneur de Bellan , & de Pully , Maréchal
des
2042 MERCURE DE FRANCE.
des Camps & Armées du Roi , & Sous-Lieu
tenant de la Compagnie des Gendarmes de
Gafton de France , Duc d'Orleans , & de
Dame Marie de Mareau , Dame de Pully ,
mariés le 26 Mars 1653. Les Armes de Mrs
Gédoyn,de Bellan & de Pully font écartelées
d'or & d'azur à la Croix recroifetée de l'un en
Pautre.
M. l'Abbé Gédoyn s'étoit fait connoître
dans la République des Lettres , par une excellente
Traduction de Quintilien , par celle
de Paufanias , & par plufieurs Differtations
imprimées dans les Mémoires de l'Académic
des Belles- Lettres , & c.
ASSEMBLEE publique de l'Académie
Royale des Belles- Lettres de Marfeille.
'Académie des Belles Lettres de Marſeille tint ,
fuivant la coûtume , fon Affemblée publique le
25 Août , Fête de S. Louis. M. Dulard , Directeur
de l'Académie ouvrit la Séance par un Difcours ,
dont le ſujet eſt qu'un Ecrivain nuit presque toujours
à fa réputation , lorsque fortant de la ſphere , que la
Nature lui a affignée , il entre dans une Carriere , que
fon génie n'eft point propre à fournir.
On lut enfuite le Difcours qui a remporté le prix
de cette année , dont l'Auteur eft le R. P. d'Ardine
, Prêtre de l'Oratoire .
Après cette lecture, M. de la Vifclede , Sécrétaire
perpétuel , fit celle de l'Eloge de M. l'Abbé le Fournier
, de l'Abbaye S. Victor , Académicien , mort
dans le cours de l'année , & très - connu par fon
érudition
SEPTEMBRE. 1744. 2043
érudition dans toute la République des Lettres.
Eloge qui mérita les applaudiflemens d'une trèsnombreuſe
Affemblée.
M. Artaud , Orateur de la Ville , & Académi¬
eien , lut une Differtation fur la Légiſlation ancienne
& moderne de Marfeille , Morceau intereffant
& très -bien écrit .
La Séance fût terminée par la lecture de deux
Piéces de Pocfie , fçavoir , une Ode de M. de la
Vifclede contre les Athées , & une Fable de M.
Sinety , fur le peu de cas qu'on doit faire de la
mauvaife Critique
L'Académie a donné pour fujet de Poëfie , pour
le Prix de l'année prochame , le Rétabliſſement de
laSanté du Roi.
ESTAMPES NOUVELLE S.
LA fuite des Portraits des Hommes Illuftres dans
les Arts & dans les Sciences , continnë de paroître
avec fuccès chés Odieuvre , Marchand d'Eftampes ,
ruë d'Anjou . Il vient de mettre en vente ceux de
HENRI DE LORRAINE , COMTE DE HARCOURT ,
Chevalier des Ordres du Roi , Grand Ecuyer de
France , né le 20 Mars 1601 , mort le 25 Juillet
1666 , peint par Nic. Mignard & gravé par Fiquet.
FRANÇOIS DE LA MOTHE LE VAYER , de l'Acadé
mie Françoiſe , mort en 1672 , âgé de 86 ans , def
finé par Nanteuil & gravé par Etienne Feffard.
SCEVOLE DE Ste MARTHE , né à Loudun le 2 Fé
vrier 1536 , mort le 29 Mars 1623 , âgé de 87 ans
gravé par le même.
JEAN LAURENT BERNIN , Sculpteur , Architecte
& Peintre , né à Naples le 7 Décembre 1598 , mort
à Rome le 28 Novembre 1680 , peint par J. B
Gaulli & gravé par Pinffio.
Le
2044 MERCURE DEFRANCE.
Le Sr Petit , Graveur , rue S. Jacques , à la Couronne
d'Epines , près les Mathurins , qui continuë
de graver avec fuccès la fuite des Hommes Illuf
tres du feu Sr Defrochers , Graveur du Roi , vient
de mettre en vente les deux Portraits fuivans , qui
font Pendant .
LOUIS-FR.RANÇOIS DE BOURBON , PRINCE DE CONTY
, né à Paris le 13 Août 1717. On lit ces Vers an
bas de M. Moraine.
Digne fils des Héros qui t'ont donné naiffance ,
Terreur des Ennemis , amour de nos Soldats ,
Prince , auffi bien faifant , que fier dans les Combats,
Après LOUIS , tu fais la gloire de la France.
NICOLAS DE CATINAT , Maréchal de France , né
à Paris le premier Septembre 1637 , mort dans fon
Château de S. Gratien , près S. Denis en France , le
25 Février 1712. On lit ces Vers au bas, auſſi de M.
Moraine.
Grand Général , dont la mémoire
Sera toûjours pleine de gloire ,
Dont Marfal & Staffarde éternifent l'honneur ,
Du Prince Savoyard brave & fage vainqueur ,
Il ne tint pas à ton courage
Que notre Grand Conty n'eût plus trouvé d'ouvrage
Autre Portrait en hauteur , jufqu'aux genoux de
DON BERNARD DE MONTFAUCON , de la Congrégation
de S. Maur , né au Château de Soulage le 17
Janvier 1655 , mort à Paris le 21 Décembre 1741 ,
fort bien gravé par B. Audran , d'après le Portrait
original de M. Geuſlin. Il fe yend à Paris chés l'Auteur
,
SEPTEMBRE . 1744
2045'
teur , rue S. Jacques , à la Ville de Paris. On lit ces
Vers au bas.
Objetde fes fçavantes veilles
La docte Antiquité cachoit peu de merveilles ,
Qu'en vrai Critique il n'ait fçû voir,
Et par un fort, digne d'envie,
L'Or * , dont un Grand Monarque honora fon fça
yoir ,
Brille moins que l'éclat des Vertus de ſa vie. ·
REPRESENTATION DU FEU D'ARTIFICE , élevé
dans la Place de Gréve , par ordre de Mrs les Prévôt
des Marchands & Echevins de la Ville de Paris , en
réjouiffance de l'heureux rétabliffement de la fanté
du Roi , le 8 Septembre 1744. Ce feu a été exécuté
fous la conduite de M. Beaufire , Architecte du Roi
& de fon Académie d'Architecture , Maître Général
Contrôleur , Infpecteur des Bâtimens de la Ville ,
inventé & peint par les Sieurs Dumefnil , freres ,
Peintres ordinaires de la Ville , fe vend chés de Peilly,
rue S. Jacques , à l'Image S. Benoît , & chés Heriffet
, le Pere , Graveur , rue S, Jacques , vis-à - vis
les Jefuites.
On vend au même endroit une autre Eftampe en
large & plus grande : c'eſt la repréſentation du Fau
D'ARTIFICE ET DE L'ILLUMINATION , élevé dans la
même Place , par l'ordre des mêmes Magiftrats , &
pour le même fujet. L'Illumination eftdu même M.
Beaufire , & l'artifice a été compofé & exécuté par
les Srs Rugieri , freres , Italiens de Bologne.
* La Médaille d'Or , que l'Empereur lui envoya ;
accompagnée d'une Lettre.
La
2046 MERCURE DE FRANCE.
Le Sr Moyreau vient de mettre au jour une fort
belle Etampe en large , qu'on veni chés lui , ruë
S. Jacques , à la vieiile Poite , d'après le Tableau
Original de Ph. Vauvremens , de 20 pouces & demi
de haut fur 25 de large , qui eft dans le Cabinet
de M. le Préſident de Tugny . Cette Eftampe qui
porte pour Titre L'EMERASEMENT DU MOULIN , eft
dédiée au même Président de Tugny , 1744.
M. Chycoineau , Confeiller d'Etat , Premier Médecin
du Roi , ayant vû la guérifon d'un grand Prélat
, des Rougeurs , Dartres & Boutons qu'il avoit
fur le vifage depuis plus de huit ans , lequel a fait à
la Dame de Leftrade une penfion fa vie durant , &
ayant appris d'ailleurs la guérifon de plufieurs autres
Perfonnes confidérables , & qu'elle traitoit ces
Maladies depuis plus de 40. ans avec fuccès & applaudiffement
, a bien voulu donner fon Approbation
pour déb te fes Remédes , pour l'utilité & le
foulagement du Public ; fçavoir , une Eau qui guérit
les Dartres vives & farineules , Boutons , Rougeurs ,
Taches de rouffeur & autres Maladies de la Peau ;
& un Baume blanc , en confiftance de Pomade , qui
ôte les cavités & les rougeurs après la petite vérole
; les aches jaunes & le hâle , unit & blanchit le
tein. Ces Remédes fe gardent tant que l'on veut
& peuvent fe tranfporter par tout.
Les Bouteilles de cette Eau font de 2. 3. 4 &
6. livres & au deffus , felon la grandeur. Les Pots
de Baume blanc font de 3 livres 10. fols , & les demi
Pots d'une livre 15 fols
Mad. de Lefirade , demeure à Paris , ruë de la Comédie
Françoife, ci és un Grainetier, aupremier Etage.
Il y a une Affiche au deffus de la porte .
La veuve Bailly renouvelle au Public ſes affûrances
,
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY.
ABTOR,
LENOX AND
TILDEN
FOUNDATIONS.
Septembre 1744
SEPTEMBRE. 1744. 2047
ces ,qu'elle n'a point quitté fon commerce , & que
les véritables Savonettes de pure crême de Savon ,
dont elle feule a le fecret , fe diftribuent toujours
chés elle , rue du Petit Lion . à l'Image S. Nicolas,
proche la rue Françoife , Quartier de la Comédie
Italienne.
* X * X* X+ 3X +3X +3X +3X+ 3X+
CHANSON.
Dont les Paroles font tirées du Paftor- Fido .
Q Ue notre fort eft rigoureux ,
Et que notre Sexe eft à plaindre !
La Nature , elle-même , allume en nous des feux
Qu'une trifte pudeur nous commande d'éteindre.
Pourquoi ce trifte Amour , fi cher à nos défirs ,
N'eft-il pas lévitime
Hélas ! pourquoi faut il que la Loi faſſe un crime
De ce qui fait pour nous le plus grand des pla firs ?
Quels que foient les appas qui viennent nous furprendre
,
On nous condamne à réſiſter ,
Quoique faciles à tenter ,
Et
trop foibles pour nous deffendre.
BRAN
2048 MERCURE DE FRANCE.
BRANLE ,
Dont la Mufique eft de M. Grandval.
QUe chacun ici gambade ;
Faut tous fe mettre en train ;
Le bon Roi n'eft plus malade ;
Je n'ons plus de chagrin ;
Gai , gai , gai ,
Et le coeur gai ;
Haut le pied , Camarade ;
Point d'fouci ,
Que tout ici
Crie avec moi ,
Vive le Roi.
**
Quand je craignions pour la vie ,
J'étions comme des foux ;
Le bon Vin & l'Eau de vie
Aviont perdu leur goût ;
Gai, gai , gai ,
Et le coeur gai ;
Bûvons ; faifons la vie ;
Point d'fouci , & c .
+34
On oublioit la Guinguette ;
On pleuroit tout le jour ;
La Grand' Dame & la Grifette
Ne
SEPTEMBRE . 1744 2049.
Ne faifoient plus l'amour ;
Gai , gai , gai ,
Et le coeur gai ;
Haut le pied , Guillemette ,
Point d'fouci , & c.
Le Marquis , l'Apoticaire ;
Mrs les Porteux d'Eau ;
La Fille & le Commiffaire ,
Aujourd'hui font égaux
Viens , Fanchon ;
Viens , Margoton ;
Viens auffi ma Comere ;
Point d'fouci , & c.
Je gagnons journée entiere ;
Pour rien on eft nourri ;
Comme l'Eau à la Riviere ,
Le Vin coule à Paris ; i
Gai , gai , gai ,
Et le coeur gai ;
Haut le pied , mon Compere ;
Point d'fouci , & c.
Je ferons tout des premieres
Affifes à l'Opera ;
J'en avons eu la priere ,
Et
2050 MERCURE DE FRANCE.
Et de par Ecrit d'a ;"
Gai , gai , gai ,
Et le coeur gai ;
Haut le pied , ma Comere ;
Point d'fouci , &c.
J'avons un Mariage à faire ,
Et nos voeux font remplis .
Nous allons le voir grand Pere
De par Monfieur fon Fils ;
Gai , gai , gai ,
Et le coeur gai ;
*
Haut le pied , ma Comere ;
Point d'fouci , & c..
Pour une fanté fi chere
Tout le monde joyeux ,
Vient de recouvrer fon Pere
Dans ce moment heureux ;'
Gai , gai , gai ,
Et le coeur gai ;
Gai , Mrs du Parterre ;
Point d'fouci ;
Que tout ici
Crie avec moi ;
Vive le Roi,
SPECSEPTEMBRE.
1744. 2051
69 69 19 09899
SPECTACLES.
SE'SOSTRIS Tragédie , repréſentée au
College des féfuites , pour la diftribution des
Prix fondés par le Roi , le 5 Août 1744.
'Auteur eft le R. P. du Baudory , Pro-
Lfeffeur de Rhétorique au Collège de
LOUIS LE GRAND , déja connu dans la belle
Littérature par deux Harangues Latines, que
le Public a honorées d'un favorable accueil.
Cette Piéce n'eft point inférieure, en fon
genre, à tout ce qui a parû jufqu'ici du même
Auteur. Outre l'Elégance de l'expreffion ,
la force du Vers , la nobleffe & l'élevation
des pensées , on y remarque une tendreffe
de fentimens , qui a contribué , plus que
toute autre chofe, au fuccès qu'elle a cû. On
accufe l'Auteur d'un peu de profufion à cet
égard ; un peu d'oeconomie n'eût peut-être
pas moins plû , mais ce défaut, fuppoſé même
qu'il foit bien réel , eft fi rare dans une
Piéce de cette efpece , où le Poëte fe trouve
refferré fur ce point dans des bornes fi étroites
, qu'il peut paffer , en quelque forte ,
pour une beauté , & que bien loin d'être
une occafion de reproche pour l'Auteur , on
Fij
doit
2052 MERCURE DE FRANCE.
doit au contraire prendre une grande idée
de fon goût pour le Théatre , & de fon talent
pour la Poëfie Dramatique.
Le Plan & la conduite de la Piéce , l'ordre
& la liaiſon des Scénes, ce fil impercep
tible , qui lie entre elles toutes les parties
du Poëme , & qui en fait un tout bien afforti
, eft un autre genre de beauté , qu'il eft
réfervé aux feuls Connoiffeurs de bien diftinguer
, ce qui ne manque point à celle- ci.
Le Jeu des Acteurs a mérité auffi le fuffrage
du Public. M, de Palacia , qui foutenoit
le rôle de Sefoftris , a répondu à la dignité
de fon caractére & à fa réputation. M. du
Peron s'eft fait beaucoup d'honneur par la
maniere tendre , délicate & variée, avec la¬
quelle il eft entré dans toutes les fineffes
d'un rôle , fort difficile à exécuter. M. de
Kerfallo n'a pas moins plû . M. Patri s'eſt fait
écouter avec plaifir. Quelle ame dans M. de
Fargés l'étendue de fa voix répondoit à la
vivacité de fon action , M. Seguy a également
réülli dans le Prologue de la Piéce & dans
le rôle d'Apriés , dont il étoit chargé.
SUIET Analyse de la Piéce.
Séfoftris , vainqueur de l'Europe & de
l'Afie , prend la réfolution de s'affocier au
Trône fon fils Rhamniticus. Quelques bruits,
injurieux à la fidelité du jeune Prince,l'obligent
SEPTEMBRE. 1744. 2053
gent à fufpendre l'exécution de ce projet.
Réfolu d'éclaircir lui-même fes foupçons ,
& de mettre l'innocence de fon fils à la
plus rigoureufe épreuve , il rentre fecrettement
dans fa Capitale , découvre fon deffein
à Ozimas , concerte avec lui toute l'intrigue
, & lui déclare que , fous le nom emprunté
d'Aribas , il veut être témoin du fuccès
qu'il ofe s'en promettre. Il lui ordonne
de faire courir dans la Ville le bruit de fon
arrivée prochaine , & de lui ménager une
entrevûe avec Rhamniticus , qui n'étant encore
qu'au berceau,lorfqu'il quitta l'Egypte,
ne fera pas en état de le reconnoître. Ozimas
exécute les ordres de Séſoftris.Sur le bruit qui
vient de fe répandre tout-à- coup que Séfoftris
, chargé de gloire & de lauriers , fe prépare
à rentrer en triomphe dans la Capitale,
Rhamniticus fe livre aux tranfports de la
joye la plus vive ; fon cher Amafis vient
partager avec lui fon bonheur , mais cette
idée- là même , lui rappellant le fouvenir
d'un Pere , qu'il croit avoir perdu dans fon
enfance , rouvre une playe que le tems n'avoit
pû bien fermer ; il ne peut refuſer des
larmes à fon malheur . Séfoftris faifit ce moment
pour apprendre à Ozimas , qu'Amafis ,
qui pleure depuis long-tems un Pere qu'il
n'a jamais connû , eft fon propre fils , que
des raifons d'Etat l'avoient obligé de le te-
Fij nir
2054 MERCURE DE FRANCE.
nit éloigné de la Cour , & à lui cacher à luimême
la propre grandeur.
A la vue d'Aribas ( Séfoftris ) Rhamniticus
fent au fond de fon coeur une agitation
fecrette , dont il n'a garde de développer le
principe ; apprenant qu'il eft cet Officier dépêché
par Séfoftris , dont lui a parlé Ozimas,
il lui demande avec empreffément des nouvelles
de fon Pere. Ah ! Prince , s'écrie Aribas
, qu'allez -vous entendre ! & que fuis- je
obligé de vous annoncer ! Séfoftris n'eft plus;
ce Héros magnanime , qui mit à la chaîne
tant de Peuples & de Nations , qui conquit
tant de Provinces & de Royaumes , qui brifa
tant de Sceptres & de Couronnes , n'a pû
dérobet fa tête au coup meurtrier d'une main
parricide & inconnue; percé d'un trait mortel
dans la Forêt voifine , il vient d'expirer
à nos yeux. Rhamniticus éperdu ... furieux
& hors de lui-même , jure par l'Ombre fanglante
de fon Pere , de venger fa mort par
celle du coupable ; on lui préfente le trait
fatal qui vient de le priver du meilleur de
tous les Peres ; il le faifit avec fureur , mais
quelle eft fa furprife , lorfqu'il reconnoît
que c'eft celui-là même dont il a fait préſent
à Amafis , comme un gage de fon amitié ;
pénétré de la plus amere douleur , il éprou
ve les cruelles alternatives de l'amour filial
& de l'amitié la plus tendre. Séfoftris , témoin
1
SEPTEMBRE. 1744. 2015
moin des allarmes de fon fils , foupçonne
que Rameffés pourroit bien être l'Auteur des
bruits qui l'ont allarmé lui -même. Rameffés
eft un jeune Seigneur , iffu d'un Sang illuftre
, qui regna autrefois dans Memphis , &
donna des Loix à l'Egypte . Séfoftris , pour
le fonder , fait briller en quelque forte la
Couronne à fes yeux ; il lui repréfente combien
il lui feroit facile de remonter fur un
Trône,que fes Ancêtres ont occupé autrefois
avec gloire. L'occafion eft belle, lui dit- il' ;
déclarez -vous ; je m'offre à vous feconder.
Rameffés , ébloui par les offres d'Aribas , lui
ouvre fon coeur, & lui déclare que l'abſence
de Séfoftris lui a fouvent fait naître l'efpérance
de reprendre une Place à laquelle fa
naiffance l'appelloit ; que fa mort inopinée
femble lui applanir toutes les voyes , & qu'il
eft enfin réfolu à remettre fur fa tête une
Couronne ,qu'il croit lui appartenir.Cet aveu
fait faire des refléxions à Séſoftris , aux yeux
duquel l'innocence de fon fils ſe dévoile de
plus en plus.
Rhamniticus , toujours partagé entre fon
Pere & fon Ami , chancelant & irréfolu
ne fçait à quoi fe déterminer. Tantôt il
veut condamner Amafis ; fon coeur s'y oppofe;
l'Arrêt expire fur fes levres ; tantôt
il veut l'abfoudre ; la Nature fe fait entendre
, & réclame ſes droits. Dans ce moment
F iiij d'irré2056
MERCURE DE FRANCE .
d'irréfolution ,il croit voir l'Ombre plaintive
de fon Pere , qui lui reproche fa lâcheté ;
faifi tout-à-coup d'une généreufe indignation
contre lui-même , il mande Amafis. A
la vûë de ce cher objet , toute fa tendreffe
fe réveille. Amafis demande quel eft fon crime.
Rhamniticus lui préſente le trait fatal, encore
teint du fang de Séfoftris ; Amafis s'écrie
qu'il eft un parricide ; Rhamniticus veut
le percer ; Ozimas s'y oppofe. Séfoftris , qui
veut pouffer l'épreuve jufqu'où elle peut aller
, fait remettre à Rhamniticus un Ecrit,
qu'il dit avoir reçû de la main de fon Pere
mourant ; le Prince lit , & jettant les yeux
fur Amafis , s'écrie : Ah ! mon frere . .Amafis
, effrayé , veut fe percer lui-même ; dans
ce moment de trouble & d'effroi , on annonce
que le perfide Rameffés a levé le mafque,
& qu'il s'avance en armes vers le Palais ; les
deux freres veulent courir pour le repouffer;
Ozimas les retient. Rhamniticus reparoît
plus agité qu'auparavant ; Aribas l'aborde ;
Rhamniticus , qui le croit du nombre des
conjurés , lui fait les plus fanglants reproches
, & dans le tranfport de fa fureur, leve
fur lui un bras parricide ; faifi tout-à- coup
d'une horreur fecrette , il s'arrête ; la Nature
s'explique affes pour fufpendre fon bras ,
trop peu pour lui deffiller les yeux ; fon
trouble recommence ; la vue d'Amafis , qui
paroît
SEPTEMBRE. 1744. 2057
paroît chargé de chaînes , l'augmente ; Ozimas
y met le comble ; il feint d'exécuter un
ordre de fon Maître expirant, & fait apporter
fur la Scéne le Trône de Séfoftris même.
Rhamniticus , qui croit que ce Trône eft
préparé pour Rameffés , reproche à Ozimas
fa perfidie. Rameffés paroît dans ce moment,
fuivi d'une troupe de factieux ; il accable
d'injures les deux freres , les traite d'ufurpateurs
, & pour affermir de plus en plus
un Trône , dont il fe croit déja le maître, il
ordonne qu'on immole l'un & l'autre à ſes
yeux .
>
Un bruit effrayant de Trompettes Guerrieres
, qui fe fait entendre tout-à- coup
fufpend l'exécution ; Séfoftris , la Couronne
en tête , paroît environné d'une nombreuſe
troupe de Gardes & d'Officiers ; à la vûe
du Héros , Rameffés glacé d'effroi , n'a
pas même le courage de fuir ; Séfoftris l'envoye
au fupplice, embraffe fes Enfans , couronne
l'aîné , & fait rentrer Amafis dans
tous les droits , que fa naiffance & ſa vertu
lui ont fi légitimement mérités.
Le Ballet , fuivant l'ufage ordinaire , fervit
d'Interméde à la Piéce Latine ; il eft intitulé
les Merveilles de l'Art ; en voici le
plan & la diviſion , telle le Profeffeur
l'expofe dans fon Programme.
que
La Danfe eft elle-même une des Merveilles
F V
de
2058 MERCURE DE FRANCE.
de l'Art ; c'est à lui qu'elle eft redevable de
cette richeffe de cette varieté de Peintures
mouvantes, qu'elle préfente aux yeux ; pourroitelle
refufer àfa gloire des talens qu'elle a reçûs
de lui ? C'est donc pour s'acquitter d'un devoir
de reconnoiffance , qu'elle prend pour objet de
fes figures l'Art & fes Merveilles , mais comme
il eft impoffible à l'Art lui-même, de raffembler
dans un Portrait tout ce qu'il a de merveilleux
, on s'eft borné à ces quatre objets differens
, qui ont fait les quatre Parties du
Ballet.
1°. L'Art imite les beautés de la Nature.
2 ° . L'Art corrige les défauts de la Nature.
3°. L'Artforce les obftacles de la Nature.
4. L'Artfurpaffe les efforts de la Nature.
OUVERTURE.
Des hommes , nouvellement fortis des
mains dePromethée, apperçoivent avec étonnement
ce vafte Univers , qu'ils viennent
habiter. La Nature , arrive fur un Trône de
Gazon , & environnée de Divinités Champêtres
, elle s'offre d'abord à leurs regards, &
fixe leur admiration ; l'Art vient à ſon tour
difputer à fa rivale l'hommage des Mortels ,
& c'eft par le Spectacle pompeux de fes
Merveilles qu'il prétend s'affûrer la victoire.
PRE+
1744. 2059 SEPTEMBRE.
PREMIERE PARTIE.
L'Art imite les beautés de la Nature.
PREMIERE ENTRE' E.
Sémiramis raffemble fur la cime de fes
Palais les beautés naïves du Printems. Les
preftiges de l'Art font paroître tout-à-coup
des Prairies émaillées. L'Hyver & fes frimats
viennent détruire les fleurs naiffantes ,
mais on fe fert de ces fleurs pour les enchaî
ner eux-mêmes , & l'Hyver eft tout furpris
de ſe voir métamorphofé en Printems.
SECONDE ENTRE'E.
L'Art imite les beautés terribles & majestueuses.
Salmonée fait briller aux yeux de fes Courtifans
des feux , avant-coureurs d'un nouveau
foudre. L'Elide retentit des éclats
d'un Tonnerre artificiel ; l'orage creve ; la
flâme ferpente au milieu des Airs , & attire
au nouveau Jupiter les refpects & l'admiration
des Peuples.
TROISIEME ENTRE' E.
L'Art imite les beautés nobles & gracienfes.
La Peinture , pour donner une idée des
beautés gracienfes , repréſente par l'affortiment
de fes couleurs MoNSEIGNEUR LE
F vj DAU2060
MERCURE DE FRANCE.
DAUPHIN ; la Sculpture , pour exprimer les
beautés nobles , fait naître fous le cifeau les
traits de notre AUGUSTE MONARQUE ; la
Renommée fe charge de faire voir à toute
l'Europe ces deux Chefsd'oeuvre de l'Art.
SECONDE PARTIE,
L'Art corrige les défauts de la Nature.
PREMIERE ENTRE'E.
L'Art déguife les défauts de la Nature.
Des Vieillards , à qui l'âge a dépouillé la
tête & affoibli la vûe , fe trouvent exposés
aux infultes d'une Jeuneffe folâtre . Des
Merciers viennent à propos préfenter aux
Vieillards outragés , des yeux artificiels , qui
en leur épurant la vûë , font difparoître les
rieurs. Pour achever de les rajeunir , l'Art
leur fournit encore des chevelures étrangéres
, & des Miroirs pour contempler leurs
graces renaiffantes.
SECONDE . ENTRE' E.
L'Art corrige les défauts de la Nature.
Efchyle & Ariftophane tranſportent fur
la Scéne les Paffions & les Ridicules des
hommes . Efchyle évoque des Enfers les Ombres
ennemies d'Eteocle & de Polinice,
& peint les attentats de la haine & de la
vengeance,
SEPTEMBRE. 1744. 2061¹
vengeance . Ariftophane introduit des Pantomimes
, qui font rire les Spectateurs aux
dépens de leurs propres défauts.
TROISIEME ENTREE .
L'Art guérit les défauts de la Nature.
Des Malades paroiffent en tremblant , &
expriment par la difference de leurs attitudes
, celle de leurs maux ; ils invoquent la
Mort ; les Parques fe préfentent ; Efculape
& fa fuite arrivent fur la Scéne , forcent la
troupe Infernale d'abandonner fa proye , &
appliquent aux Malades raffûrés , la vertu
toute puiffante de leur Art.
TROISIE'ME PARTIE.
L'Art force les obftacles de la Nature,
PREMIERE ENTREE.
L'Art enchaîne la Mer.
Jafon , à la tête de fes Braves , part pour
la Conquête de la Toifon d'Or , Neptune ,
les Tritons & les Vents , obligent les Argonautes
de céder pour un tems à l'effort de la
tempête. L'Art des Matelots vient au fecours
des Guerriers ; ils enchaînent Neptu
ne & les Tritons ; ils emprifonnent les
Vents , & les forcent de concourir eux-mêmêmes
à l'Expédition .
Se2062
MERCURE DE FRANCE.
SECONDE ENTRE'E.
L'Art ouvre le fein de la Terre.
Cérès & fes Laboureurs , Bacchus & fes
Vendangeurs forcent la Terre à leur livrer
les tréfors que la Nature avare avoit enfermés
dans fon fein. Plutus paroît à fon tour,
& fait briller le précieux Métail qu'il vient
d'arracher aux entrailles de la Terre . Les
Vignerons & les Laboureurs , charmés de
fon éclat, offrent en échange leurs richelles;
on s'accorde de part & d'autre , & Bacchus
fournit le Vin du marché.
TROISIEME ENTREE.
L'Art efcalade le Ciel.
Dédale conſtruit le fameux Labyrinthe ,
l'un des Chefsd'oeuvre de l'Art ; on lui
donne pour prifon l'Edifice merveilleux ,
fon propre ouvrage ; fon Art l'y accompagne
, & lui trace , pour s'enfuir , une route
encore plus merveilleufe ; pendant qu'on
infulte à fa diſgrace , il s'éleve tout-à- coup ,
fuit au milieu des Airs , & difparoît.
QUAL
SEPTEMBRE. 1744. 2063
QUARTIE'ME PARTIE.
L'Artfurpaffe les efforts de la Nature.
PREMIERE ENTREE.
L'Art enchérit fur les Ouvrages de la Nature.
Des Peuples , déja défendus par la fituation
des Lieux , ajoûtent les Ouvrages de l'Art à
ceux de la Nature ; les Baſtions s'élevent, &
préfentent aux Affigeans une barriere infurmontable
, mais ceux-ci oppofent l'Art à luimême
; on ouvre la tranchée , on fait les approches
, on emporte fucceffivement les dehors
de la Place , qui fe voit enfin réduite
à battre la chamade.
SECONDE ENTRE'E.
L'Art enchérit fur les fecrets de la Nature.
La Nature avoit enfeigné aux hommes
l'admirable fecret de fe communiquer leurs
penſées par le fon de la voix ; l'Art va plus
loin ; il ordonne à Vulcain de fondre des
Caractéres parlans , qui tranfmettent aux
fiécles futurs les noms & les actions des Hétos;
pour donner un effai & un Chefd'oeuvre
tout à la fois , il trace en Caractéres ineffaçables
l'Augufte nom de notre GRAND
MONARQUE. Des Peuples de toutes les
Nations viennent partager leur admiration
entre
2064 MERCURE DE FRANCE.
entre l'Invention merveilleufe, & le Héros
qu'elle immortalife.
TROISIEME ENTRE'E.
L'Art enchérit fur les Jeux de la Nature .
De jeunes gens , n'ayant que la Nature
pour guide , expriment par des Danfes naïves
mais irrégulieres , les tranfports d'une
joye vive & folâtre ; des Maîtres habiles ,
viennent polir ce que la Nature n'avoit fait
qu'ébaucher ; ils forment leurs Eleves aux
differens Caractéres de la Danfe , communiquent
à tous leurs mouvemens de la grace
& de la régularité , & leur donnent ces
graces naturelles qui doivent d'autant plus
à l'Art , qu'elles paroiffent plus tenir de la
Nature.
BALLET GE'NE'RA L.
Charmés des merveilles que l'Art vient
d'étaler à leurs yeux , des hommes s'empreffent
à lui rendre l'hommage de leur admiration.
Quelques-uns font d'avis qu'on enchaîne
à fon Char de Triomphe la Nature;
les plus moderés opinent à unir enſemble
P'un & l'autre , & fe promettent les plus
heureux fruits d'une fi belle union.
L'ordre & l'exécution du Ballet ; la juftelle
& la promptitude des évolutions , ont
fait
SEPTEMBRE. 1744. 2065
fait honneur au Profeffeur , & lui ont mérité
de la part d'une nombreuſe troupe de
Spectateurs , des éloges , aufquels il eft tems
qu'il commence à s'accoûtumer .
Les Danfes font de la compofition de M.
Malter , l'aîné , dont on connoît le talent
pour ces fortes d'Exercices.
Le 7 Septembre , les Comédiens François
remirent au Théatre la Tragédie de Manlius
Capitolinus , Tragédie de M. de la Foffe ,
qui n'avoit pas été repréfentée depuis le
mois de Septembre 1729. Certe Piéce ,
qu'on juge la meilleure des quatre , que cet
excellent Auteur a données au Public , fut
reçûe très- favorablement , & parfaitement
bien repréfentée ; on peut voir l'Extrait
qui en a été donné ,dans le Mercure de Septembre
, fecond Volume , page 2247.
Le 11 , les mêmes Comédiens donnerent
leur Spectacle gratis. Ils repréfenterent la
Comédie fans titre , ou le Mercure Galant , &
les Vendanges de Surefne tout s'y paffa
avec beaucoup d'ordre & fans confufion.
Sur les neuf heures , toute la façade de l'Hôtel
fut illuminée d'une maniere très- ingénicufe.
On avoit placé aux deux extré
mités du Balcon , qui regne fur toute la
longueur de cette façade , deux Piéces de
Vin , qui coulerent pendant la plus grande
partie de la nuit. Lc
2066 MERCURE DE FRANCE.
Le 15 , ils donnerent la premiere repré
fentation d'une Piéce nouvelle en Vers , &
en trois Actes , précédée d'un Prologue , laquelle
a pour titre , l'Algérien , ou les Mu
Les Coné liennes , Comédie-Ballet , terminée
par un Divertiffement fait au fujet de la
Convalescence du Roi ; cette Comédie , qui
a été généralement applaudie , eft de M.
de Cabufat. Elle ne fe reffent point de la
hâte avec laquelle elle a été faite , foit
pour le ftyle , l'élégance des Vers , & la délicateffe
des Eloges du Roi & de la Nation ;
l'Auteur a rempli les efpérances que fes premiers
Ouvrages avoient fait concevoir de
ſes talens ; on ne manquera pas d'en parler
plus au long.
Le même jour, l'Académie Royale de Mu
que , voulant prendre part à l'allegreffe publique
, donna l'Opera gratis , & repréſenta
Acis & Galatée , ancienne Piéce de M. de
Lully. On n'aura pas de peine à croire que
l'Affemblée fut des plus nombreuſes , cependant
tout fe paffa fans confufion ni défordre
, par les bons ordres que M. Berger ,
préfentement Directeur Général de l'Académie
Royale de Mufique , avoit donnés ;
il y eur fur le foir une très-belle Illumina
tion fur la Porte d'entrée, qui fert de fortie,
du côté de la Place du Palais Royal.
Le
SEPTEMBRE. 1744. 2067
Le 16 , les Comédiens Italiens , qui n'ont
pas été des derniers à marquer leur zéle à
l'occafion de la Convalefcence du Roi , donnerent
la Comédie gratis. Ils repréfenterent
les Payfans de qualité , le Fleuve d'oubli , &
Arlequin toujours Arlequin, Piéces ornées de
Divertiffemens , de Chants & de Danfes ,
qui attirerent un concours prodigieux à
l'Hôtel de Bourgogne. Le foir, il y eut encore
une très-belle Illumination ; on avoit
placé fur le Balcon de cet Hôtel , quatre
Piéces de Vin , qu'on fit couler pendant la
plus grande partie de la nuit. On y avoit
placé auffi differens Symphoniftes , qui exécutérent
plufieurs beaux Morceaux de Mufique
, anciens & modernes.
Les mêmes Comédiens avoient déja donné
le 10 du même mois , jour que le Te
Deum fut chanté à N. D. une très - belle Illumination
fur toute la façade de leur Hôtel,
accompagnée d'une Décoration peinte en
détrempe , laquelle repréfentoit le Temple
d'Iris , de forme circulaire , furmonté par
un Arc- en-Ciel , fur le haut duquel paroiffoit
la Déeffe Iris , affife , avec les attributs
qui lui conviennent , & dans l'action de répandre
la rofée pour rendre la Terre féconde.
Les Illuminations , qui accompagnoient
ce grand Tableau , formoient trois Arcades
d'Ordre
2068 MERCURE DE FRANCE.
d'Ordre Ruftique , foûtenuës par des Pilaftres
du même Ordre. Entre les Arcades , regnoit
une espece de frife , fur laquelle on lifoit
en très-gros Caractéres , VIVE LE ROI.
Au -deffous des Pilaftres , on avoit pofé quatre
Pyramides de lumiere. L'intérieur du
Temple étoit d'une Architecture noble , &
tout tranfparant , ainfi
ainfi que l'Arc-en-Ciel &
la Figure d'Iris. On avoit auffi placé au milieu
du Temple le Portrait du Roi , ſous la
figure du Soleil , avec fes Symboles ordinaires
; on lifoit cette Infcription , POST NUBILA
PHOBÚ S.
Aux deux côtés du Soleil , étoient deux
Niches ; dans l'une étoit repréfentée la figure
de la Paix , & dans l'autre celle de
P'Abondance. Aux deux extremités & fur le
même Plan de l'Edifice , on avoit élevé deux
grandes Pyramides , qui faifoient un effet
merveilleux . Cette grande Décoration , qui
avoit s pieds de hauteur , fur so de large,
& qui a été goûtée des Connoiffeurs , a été
deffinée , peinte & conduite par les Sieurs
Brunetti , Pere & fils , Peintres Italiens, qui
ont déja donné des marques de leurs talens
fur ce même Théatre.
50
Le 17 , les mêmes Comédiens donnerent
la premiere repréſentation de trois Piéces
nouvelles , en Vers , & en un Acte chacune ,
composées au fujet de la Convalescence du
Roi ; la premiere , intitulée l'illumination
la
SEPTEMBRE. 1744. 2069
la feconde,la Noce de Villagé, & la troiſième,
les Fêtes fincéres. Ces Piéces ont été parfaitemeet
bein executées , de-même que les Divertiffemens
& quelques Airs détachés , qui
ont fait beaucoup de plaifir , fans compter le
Vaudeville de la troifiéme Piéce , qui a été
auffi fort applaudi .
Le Septembre , l'Opera Comique ,
voulant auffi donner des marques de réjoüiffance
fur le même fujet donna fon
Spectacle gratis , & repréfenta l'Ecole des
Amour Grivois , Opera Comique Ballet ,
qu'on a repréfenté pendant plus de deux
mois , & toujours avec le même fuccès ,
fur le même Théatre. On donna enfuite la
Coquette fans le fçavoir , & les Bateliers de
S, Cloud. Ces Piéces font ornées de differens
Divertiffemens comiques & finguliers , qui
amuferent tout-à-fait une foule de Peuple
de la Ville & des Fauxbourgs.
Le foir , les Marchands Syndics de la Foi.
re S, Laurent firent illuminer toutes les
ruës, qui font dans l'enceinte de cette Foire ,
& on ydanfa la plus grande partie de la nuit,
Le 28 , le même Opera Comique remit
au Théatre la Piéce d'Acajou , en trois Actes
, laquelle avoir été donnée pour la premiere
fois à la derniere Foire S. Germain ,
avec grand fuccès.
NOU2070
MERCURE DE FRANCE.
132 32 332 32 32 32 32 32 32 32 32 39 ટ ટ ટ
રટ
NOUVELLES ETRANGERES ,
SUEDE.
Na appris de Stockolm , que le Roi de Suéde,
pour fatisfaire aux engagemens qu'il a contractés
, comme Landgrave de Heffe , en entrant
dans la Ligue de Francfort , avoit envoyé ordre à la
Régence de Caffel , de faire marcher un Corps de
troupes Heffoifes au fecours de l'Empereur.
Suivant les mêmes avis , on a tondu à Stockolm
cent piéces de canon de fer , chacune de 18 livres .
de balles , pour le ſervice du Roi de Pruffe .
On a appris depuis , que la Princeffe Royale
de Suede avoit fait le premier du mois dernier fon
Entrée publique à Stralfund ; qu'elle s'y toit embarquée
le 2 fur le Vaiffeau de l'Efcadre que le Roi
de Suede y a envoyée pour la tranfporter en Suede,
& qu'elle étoit arrivée à Carelfcroon , d'où elle devoit
partir le 11 ou le 12 , avec le Prince Royal de
Sucde , pour aller à Stockolm .
*
RUSSIE.
N mande de Mofcou , que la Czarine avoit
affigné à la Princeffe , fiancée au Duc de Holl
tein une Penfion de 300co Roubles, & qu'elle avoit
envoyé à tous les Tribunaux de Ruffie le Decret ,
par lequel elle déclare cette Princeffe habile à fucceder
au Trône .
On a appris depuis , que la Publication de la Paix
entre la Ruffie & la Suede s'y fit le 26 .
La Czarine a donné ordre de remettre en liberté
les Comtes Charles & Guftave Biron.
Оа
SEPTEMBRE. 1744. 2071
On inande de Mofcou du 14 du mois dernier,
que
le 8 , un Officier des Gardes du Corps fe rendit à
Jaroflow par ordre de S. M. Cz . pour annoncer aux
Comtes Charles & Guftave Biron , & au Général
Bismarck , qu'elle vouloit bien leur rendre la liberté
; elle a fait déclarer en même tems au dernier ,
qu'elle fouhaitoit qu'il demeurât à fon fervice , &
qu'elle lui deftinoit un emploi confidérable.
Les deux premiers ont la permiffion de le retirer
en Curlande , ou dans tel autre Pays qu'ils jugeront
à propos , à condition de ne jamais porter les armes
contre la Ruffie.
On ne doute point que le Comte Erneſt Biron
& fes Enfans n'éprouvent auffi bien- tôt les effets de
la clémence de S. M. Cz.
PRUSSE.
Es lettres reçûës de Berlin portent que le Roi
Lde Pruffe fe préparoit à partir le 15 du mois
dernier , pour aller fe mettre à la tête de la premiere
Colonne des troupes , avec lesquelles il doit entrer
en Boheme.
On mande de Berlin du 27 du mois dernier que
le Koi de Pruffe , en envoyant ordre à M. Andrié ,
fon Miniftre à Londres , de remettre aux Miniftres
du Roi de la Grande - Bretagne le Manifeſte
publié par S. M. au fujet de la réfolution qu'elle a
prife de faire marcher les troupes au fecours de
l'Empereur , a adreffé à ce Miniftre un Refcrit ,
contenant la Déclaration particuliere que S. M. le
charge de faire de fa part à la Cour d'Angleterre .
Ce Refcrit porte que depuis la conclufion du Trai.
té de Breslau , le principal objet de l'attention du
Roi a été de cultiver l'amitié de la Reine de Hongrie
, de travailler à rétablir la bonne intelligence
entre
1072 MERCURE DE FRANCE.
entre l'Empereur & cette Princeffe , & d'arrêter le
cours des troubles que leurs differends fur la fucceffion
du feu Empereur ont occafionnés , & dont les
meilleures Provinces des Puiffances Belligerentes ,
auffi bien que plufieurs Etats neutres de l'Allemagne
, n'ont que trop reffenti les funeftes effers ; que
Le Roi ne peut donner trop d'éloges à la générosité
avec laquelle l'Empereur a offert de facrifier fes prétentions
au defir de rendre la tranquillité à l'Empire;
que la Reine de Hongrie a montré des difpofitions
bien differentes de celles de S. M. I. & que cette
Princeffe a fait voir clairement par fa conduite ,
qu'elle ne vouloit point de paix , qui ne la rendît
l'arbitre de l'Allemagne , & qui ne lui affujettft le
Corps Germanique ; que les vaftes & pernicieux
deffeins de S. M. H. fe font développés , à mefure
que la profperité de fes armes a parû affûrer le fuccès
de fon ambition ; qu'elle n'a plus gardé aucun
ménagement pour les Chef de l'Empire , ni aucun
égard pour les prérogatives du College Electoral ;
qu'envain le Roi l'a avertie qu'aucun des Princes de
P'Empire , qui prennent à coeur le maintien des
Conftitutions de l'Allemagne , ne pourroit fouffrir
qu'on attaquât ainfi la Dignité Impériale ; que le
Roi a repréſenté auffi inutilement à cette Princeffe ,
qu'il ne pourroit enfin fe difpenfer de remplir les
devoirs primitifs , qui lui font impofés par le rang
qu'il tient entre les Membres du Corps Germani
que , & aufquels toute autre confidération doit cé
der ; que la Reine de Hongrie , trop entêtée de fes
projets , pour prêter l'oreille à des repréfentations
dictées par l'amitié , a traité de nulle & d'invalide
PElection de l'Empereur ; qu'elle n'a pas prétendu
moins , que de le faire defcendre du Trône Impérial
, ou bien de le forcer à y recevoir un Affocié ,
qui en auroit ufurpé toute l'autorité ; qu'après avoir
envahi
SEPTEMBRE. 1744. 2073
envahi rous les Etats de l'Empereur , elle a , par un
attentat fans exemple , chaffé du Territoire de l'Empire
les troupes impériales ; que les Princes , qui ont
refulé de favorifer les démarches téméraires de
S. M. H. ont été traités avec autant d'indignité
que d'injustice , & qu'elle n'a épargné ni menaces
ni intrigues , pour former une Confédération contre
eux & contre l'Empereur ; que toutes ces entreprifes
n'ayant pû que révolter étrangement les
Membres du Corps Germanique , zélés pour la gloire
de leur Patrie , plufieurs des plus puiffans de ces
Membres ont jugé néceffaire de s'unir étroitement
avec le Chef de l'Empire , & d'affembler leurs forces
, pour foûtenir la Dignité & fes Droits , & pour
s'opposer aux entreprifes de ceux dont les vues tendent
manifeſtement à la ruine de la liberté de l'Allemagne
que l'honneur & le devoir du Roi lui
ont fait une loi indifpenfable d'entrer dans cette
union , & de fecourir efficacement l'Empereur; que
Pintention de S. M. n'eft pas cependant de rompre
la paix concluë à Breslau , ni de déclarer la guerre à
la Reine de Hongrie ; qu'il n'entre dans la réfolution
du Roi ni paffion ni intérêt ; que S. M. ne le
propofe point d'étendre les limites de fes Etats , mais
qu'elle veut défendre l'Empereur , maintenir la liberté
de l'Empire & affûrer le repos de l'Allemagne ;
que comme aucun Prince de l'Empire n'eft en droit
de fe mêler de la Conftitution du Gouvernement , ni
des affaires de l'intérieur de la Grande- Bretagne ;
on a lieu de s'attendre que la Nation Angloife ne
ſe mêlera pas non plus des affaires qui ne regardent
que le Corps Germanique ; que le Roi eft d'autant
plus fondé à s'en flater , que la Grande- Bretagne
n'a aucune raifon de prendre part à cette querelle ,
ni par l'interêt de fon commerce , ni par d'autres
motifs,qui puiffent lui fournir un prétexte légitime ,
G .&
2074 MERCURE DE FRANCE.
& que quand même la Nation Britannique feroit
portée de defirer plûtôt l'avantage d'une Cour d'Allemagne
que celui d'une autre , elle est trop éclairée
& trop jufte , pour prétendre que des Princes ,
auffi puiffans & auffi refpectables que ceux de l'Empire
, doivent fe régler fur les inclinations d'un
peuple étranger ; qu'au furplus la résolution prife
par le Roi de donner des fecours à l'Empereur ne
regarde en rien la guerre dans laquelle les Anglois
fe trouvent engagés avec d'autres Puiffances , &
que S. M. ne penfe nullement à faire agir les forces
offenfivement contre la Grande Bretagne ; que cette
réſolution ne dérangera pas non plus l'exécution des
engagemens que le Roi a pris avec la Cour de Lordres
; qu'il compte toujours de les remplir avec
toute l'exactitude poffible , & qu'il acquittera entierement
toutes les fommes , dont il s'eft rendų
redevable envers l'Angleterre par le Traité de
Breſlau , pourvû que les Anglois par leurs démar
ches ne contribuent pas eux-mêmes à la rupture des
liens , qui fubfiftent entre les deux Puiffances .
ALLEMAGNE.
N apprend de Vienne , que le 6 du mois der-

Pruffe auprès de la Reine de Hongrie , avoit eû fon
audience de congé de S. M. H. & lui avoit déclaré
que le Roi de Pruffe avoit pris la réſolution de contribuer
de toutes les forces , à rétablir l'Empereur
dans la poffeffion de les Etats Héréditaires , & à lui
faire rendre juftice fur fes autres prétentions.
La Reine de Hongrie tint le lendemain un Confeil
d'Etat , après lequel on dépêcha avec précipitation
un courier au Prince Charles de Lorraine ; on
fit partir en même tenis deux autres couriers , pour
por
SEPTEMBRE. 1744. 2075
porter ordre au Général Bathiany , de marcher en
Bohême avec toutes les troupes qu'il commande
en Bavière , & au Gouverneur de Prague , de prendre
les mesures convenables pour mettre cette Pla-:
ce en état de foûtenir le nouveau Siége dont elle.
étoit menacée.

On mande de Francfort du 17 de ce mois , qu'on.
porta le 9 à la Dictature un Décret de Commiffion>
Impériale , dans lequel il eft dit que la démarche
hafardée par l'Electeur de Mayence , pour donner
place dans les Actes de la Diette à la Proteſtation del
la Cour de Vienne , du 23 Septembre dernier , ne
peut être confiderée que comme un fait inoui juſ
qu'à prefent dans l'Empire ; que l'Empereur auroit
pû dès -lors marquer fon julte reffentiment d'une
léfion fi manifefte de fes droits , mais que fa modération
lui a fait préferer de s'adreffer à la Diette ,
pour avoir l'avis de cette affemblée fur les moyens
de pourvoir efficacement au foûtien de l'autorité
Imperiale & aux intérêts du Corps Germanique ;
que la Cour de Vienne , loin de profiter de cet
exemple, a accumulé excès fur excès ; que fans aucun
égard pour les ufages établis dans les Colléges
de la Diette , & pour le refpect dû par les Membres
de l'Empire à leur Chef , elle a repeté dans
deux Ecrits du 3 & du 6 du mois dernier les expreffons
indécentes qu'elle avoit employées dans fa
Proteftation & dans d'autres Ecrits antérieurs ; qu'el
le y invite les Electeurs , Princes & Etats de l'Empire
, à contracter des Alliances contre l'Empereur,
& qu'elle y montre ouvertement le deffein qu'elle
a formé de renverser la Conſtitution fondamentale
du Corps Germanique , que l'Empereur ne peur
differer plus long-tems de fe fervir de l'autorité
Jui donne fa Dignité Suprême , & qu'il déclare inadmiffibles
& nulles la Proteftation de la Reine de
Gij Hon2076
MERCURE DE FRANCE:
Hongrie & les Piéces qui y ont été jointes ; que
connoiffant les lumieres des Electeurs & des Princes
& Etats de l'Empire , il ne doute point que leur
zéle pour le maintien des Loix de l'Empire ne leur
faffe défaprouver unanimement des Ecrits fcandaleux
, qui attaquent fon Election & la validité de la
Diette ; que S. M. I. s'attend auffi qu'ils ne prendront
point de part à ce qu'elle s'eft reſervée de
faire fçavoir à l'Electeur de Mayence touchant l'irrégularité
de la conduite qu'il a tenuë , en recevant
les Actes , qu'elle fupprime par le prefent Décret.
L'Empereur a envoyé à fes Miniftres dans les
Cours Etrangeres une Réponſe à deux nouvelles
Lettres Circulaires de la Reine de Hongrie , dattées
du 13 & du 18 du mois dernier.
Le Baron de Wafner , Miniftre Plénipotentiaire
de S. M. H. a dépêché un courier à cette Princefle ,
duquel elle a reçû la nouvelle de la conclufion
d'un Traité , par lequel il eft ftipulé que la Grande
Bretagne fournira à S. M. H. une augmentation de
Subfides , & un Corps de 12000 hommes , outre les
Troupes auxiliaires , que S. M. Br. a déja fait paffer
dans les Pays-Bas.
On a appris de Drefde , que le Roi de Pruffe a
fait demander le paffage pour les troupes par l'Electorat
de Saxe , & que la Régence de cet Electorat
ayant répondu qu'on ne pouvoit accorder ce
paffage fans des ordres exprès du Roi de Pologne
Electeur de Saxe , S. M. Pr. a mandé à fes Généraux
, que cette difficulté ne devoit point retarder
la marche de l'armée Pruffienne , & que les circonf
tances ne permettoient point d'attendre le retour
du courier que les Miniftres du Roi de Pologne , Electeur
de Saxe avoient dépêché à S. M. Pol . Les
troupes Pruffiennes font entrées en conféquence
dans l'Electorat de Saxe , dont la Régence a fait des
Pro
SEPTEMBRE. 1744 2077
Proteftations , ainfi que le Roi de Pruffe s'y étoit
attendu .
On mande de Francfort qu'on y a porté à la
Dictature un Décret de l'Empereur , pour exhorter
les Electeurs , Princes & Etats de l'Empire , à prendre
des mesures efficaces , pour faire ceffer les trou
bles qui défolent l'Allemagne.
On a appris depuis , que le Roi de Pruffe , le Roi
de Suede , en qualité de Landgrave de Heffe - Caffel,
& l'Electeur Palatin , font convenus par le premier
& par le fecond des articles du Traité qu'ils ont
conclu avec l'Empereur , d'employer toutes leurs
forces , pour défendre l'autorité & les prérogatives
attachées à la Dignité Imperiale , pour maintenir
les Loix & les Conftitutions fondamentales de
l'Allemagne , & pour contraindre la Reine de Hongrie
de reconnoître l'Empereur , de remettre les
Archives de l'Empire , & de reftituer à S. M. I. fes
Etats Héréditaires , que cette Princeffe retient contre
tous les Pactes obfervés ci- devant entre les
Electeurs..
Le troifiéme article porte , que les Puiffances
Contractantes agiront de concert , afin que les differends
furvenus à l'occafion de la fucceffion du feu
Empereur Charles VI , foient terminés par la médiation
des Etats de l'Empire , ou décidés par le Jugement
que ces mêmes Etats prononceront après un
examen Juridique , & qu'en attendant , il y ait
une Sufpenfion d'armes entre l'Empereur & la Reine
de Hongrie.
Par le quatriéme & par le cinquiémé , elles fe garantiffent
réciproquement tous leurs Etats , & elles
s'engagent , en cas que l'une d'elles foit attaquée
par l'une des Puiffances , aufquelles leur union peut
déplaire , à fécourir fans délai & de tout leur pouvoir
la Partie léfée , júfqu'à ce qu'elle ait reçû de
G iij Pa2078
MERCURE DE FRANCE.
Pagreffeur toute la fatisfaction qu'elle fera en droit
d'exiger.
Il eft dit dans le frxiéme & dernier article , qu'elles
inviteront tous les Electeurs , particulierement
ceux de Cologne & de Saxe , d'acceder au Traité ,
& qu'on admettra dans l'Alliance tous les autres
Etats de l'Empire , qui voudront y entrer.
ITALI E.
Na appris de Rome du 18 du mois dernier ,
que le grand nombre de Bâtimens de tranfport,
que les Anglois avoient pris foin de raflembler
a Fiumicino , & les mouvemens de plufieurs Régimens,
que le Prince de Lobckowitz avoit envoyés
du côté de la Mer , avoient donné lieu de croire que
ce Général penfoit à faire un embarquement , &
que l'on étoit prefque perfuadé qu'il le propofot
de tenter une defcente fur la Côte du Royaume de
Naples , lorsqu'il a fait éclater le véritable deſſein
que cachoit la feinte .
La nuit du 10 au 11 du mois dernier , un Corps
de l'armée de la Reine de Hongrie , commandé par
le Comte de Braun , & composé de fix Bataillons ,
de deux Régimens de Cavalerie , de quatre Régimens
de Huffards , & de mille Efclavons , lequel
faifoit partie des troupes que le Prince de Lobcxovvitz
avoit détachées de cette armée , & qui paroiffoient
deftinées à s'embarquer , changea fubitement
de route , & ayant fait une marche forcée , il attàqua
à la pointe du jour la gauche du camp du Roi
des deux Siciles .
Le quartier , où la Brigade d'Irlande étoit avec
deux Régimens de Dragons , fut furpris , & cette
Brigade fut extrêmement maltraitée . Le Comte de
Braun pénétra jufques dans la Ville de Velletri , qui
n'étoit
SEPTEMBRE. 1744. 2079
n'étoit défenduë que par un petit nombre de troupes
, parce que S. M. Sic . avoit donné toute fon attention
à la garde de la Montagne de la Fayola.
Pendant que le Détachement du Comte de Braun
pilloit Velletri , & y brûloit les maifons dans lefquelles
plufieurs des principaux Officiers Espagnols
& Napolitains étoient logés , le Prince de Lobcкovvitz
de fon côté attaqua la Montagne par differens
endroits.
Le Comte de Gages , à la tête de quelques Brigades
de l'armée Espagnole , foutint toutes ces attaques
, & repouffa par tout les Allemands . La Brigade
de la Reine & le Régiment des Albanois fe
font diftingués particulierement en cette occafion.
Le Roi des deux Siciles , étant allé au fecours da
Comte de Gages , & ayant chargé les Allemands
avec le Régiment des Gardes Efpagnoles , la préfence
de S. M. Sic. anima rellement les Efpagnols
& les Napolitains , que non feulement ils rendirent
inutiles tous les efforts que le Corps commandé par
le Prince de Lobсkowitz fit pour les déloger de in
Montagne , mais encore qu'ils obligerent ce Géné
Jal à la retraite .
Le Corps , qui étoit entré dans Velletri , & qui
étoit fous les ordres du Comte de Braun , ne fut
pas plus heureux , & il en fut chaffé par le Duc de
Caftro Pignano , qui fecondé de Don Placide de
Sangro , Lieutenant Général , & de Don Guillaume
Lecy , Maréchal de Camp , tomba fur ce Corps.
avec tant de vivacité , qu'à peine les Allemands
eurent le tems de fe reconnoître.
Le Duc d'Atrifco , qui commandoit un Corps de
Cavalerie Espagnole , le joignit au Duc de Caftro
Pignano , pour les pourfuivre , & toutes les troupes
de la Reine de Hongrie , tant celles , qui avoient
G iiij fur2080
MERCURE DE FRANCE.
furpris la gauche du camp , que celles à la tête de
quelles le Prince de Lobckowitz avoit voulu force
Ja droite , furent pouflées fans relâche jufques audelà
de leur camp
Les Efpagnols & les Napolitains ont fait prifonniers
8co Soldats & beaucoup d'Officiers, du nombre
defquels eft le Général Novati, & quoique quelques
unes des troupes combinées ayent beaucoup
fouffert , leur perte n'eft pas fi confidérable que celle
des Allemands , qui ont eû environ 3000 hommes
tués ou bleffés . On compte le Général d'Olonne
parmi les premiers , & le Comte de Braun parmi
les feconds .
Du côté des Espagnols & des Napolitains , le
Comte de Beaufort , Lieutenant Général , eft mort
de fes bleffures , & le Comte Mariani , qui étoit
malade de la goute à Velletri , a été fait prifonnier.
Il y a eû plufieurs Officiers de bleffés , particulierement
dans le Régiment des Gardes Walonnes , qui
a combattu avec une valeur digne de fa réputation,
& qui a fait un grand nombre de prifonniers.
La prudence , avec laquelle le Roi des deux Sici
les a donné les ordres , à contribué , autant que les
exemples d'intrépidité qu'il a donnés à fes troupes ,
à faire tourner au défavantage des Allemands une
entreprife , à laquelle les mesures prifes par le Prince
de Lobckowitz fembloient promettre un meilleur
fuccès , & dans laquelle ce Général avoit été
fort aidé par l'exactitude de fes efpions.
L'ardeur & l'animofité que cette affaire a inſpirées
à l'armée de S. M. Sic . & la diminution qu'elle
a caufée dans celle de la Reine de Hongrie , ont
fait préfumer que les Allemands ne fe trouveroient
pas long- tems en sûreté dans leur camp.
ESPASEPTEMBRE.
1744. 2081
ESPAGNE.
Napprend de Madrid dupremierde cemois,
qu'on y a partagé avec les François toutes
les allarmes que la Maladie du Roi de France leur a
caulées , & que quoiqu'il arrivât tous les jours un
courier dépêché de Metz par le Prince de Campo
Florido ,,pour informer le Roi d'Efpagne de l'état
de S. M. T. C. la diftance des Lieux , qui ne permettoit
pas de recevoir des nouvelles de ce Prince ,
auffi fouvent qu'on l'auroit defiré , ajoûtoit à la
douleur publique .
De vifs tranfports de joye ont fuccedé à cette
douleur , lorsqu'on a fçu qu'il étoit hors de danger ;
on a rendu à Dieu de folemnelles actions de graces
d'un événement fi favorable & fi peu attendu , en
chantant le Te Deum dans toutes les Eglifes , & il y
a cû des illuminations & des réjouiffances à Madrid
pendant trois nuits confécutives.
GENES ET ISLE DE CORSE.
ONmandedeGénes du 16 du moisdernier
qu'on a appris par un Capitaine d'une Frégate
Angloife , que l'Efcadre de la Grande Bretagne
ayant été obligée par le mauvais tems , de s'éloigner
de Toulon , fept Vaiffeaux de guerre du Roi
de France étoient fortis da Port , pour faire voile
vers le Couchant , & que l'Amiral Mathews avoit
détaché cinq Vaiffeaux , pour obferver la route que
tiendroient les Vaiffeaux François , parce qu'il
craignoit que ces derniers ne fe rendiffent fur la
Côte du Royaume de Naples
Les équipages de divers Bâtimens ont rapporté
que l'Efcadre Espagnole , qui étoit à Cartagene , &
Gy qui
2082 MERCURE DE FRANCE.
qui eft composée de onze Vaiffeaux de guerre , de
deux Galeres , & de trois autres Bâtimens , s'étoit
remiſe en Mer le 19 Juillet dernier.
On a reçû avis que la prife inopinée du Fort de
Démont avoit jetté la plus vive confternation parmi
les Piedmontois , & que le Roi de Sardaigne
ayant repaffé le Pô à l'approche de l'armée de
France & d'Efpagne , qui s'eft avancée pour l'attaquer
, il n'a laiffé de l'autre côté de cette Riviere
que neuf Bataillons , qui font à San Damiano ,fous
les ordres du Marquis Palavicini .
Ce Prince a fait prendre les armes à tous les
Payfans , & 400 , qui s'étoient attroupés , ayant été
enveloppés , la plupart ont été pris & pendus.
HOLLANDE ET PAYS BAS.
ONmande de la Haye du 19 du moisdernier ?
que le Comte de Podewils , Miniftre du Roi
de Pruffe , ayant conclu avec les Etats Généraux ,
avant que de partir pour Berlin , une Convention
au fujet des Garnifons Hollandoifes , qui font dans
les Villes d'Embden & de Lierot , M. Beck , Sécretaire
de Légation , chargé à la Haye des affaires de
S. M. Pr. pendant l'abſence du Comité de Podewils,
a remis aux Etats Généraux , la Ratification de cette
Convention , fignée par le Roi de Prufſe.
On affûre que ce Prince a promis de payer 120000
Florins , avancés par la République aux Etats d'Ooft-
Frife & à la Ville d'Embden , & 300000 , qui ont
été prêtés au feu Prince d'Ooft -Frife fur les Domaines
, & que les Etats Généraux s'engagent , de
beur côté , à retirer dans un mois leurs troupes des
Villes d'Embden & de Lierot.
Le 1s du mois dernier , M. Beck préfenta aux
Etats Généraux le Manifefte dans lequel le Roi de
Pruffe
SEPTEMBRE. 1744. 2083
Pruffe expofe les motifs qui l'ont déterminé à fournir
des troupes auxiliaires à l'Empereur , & il leur
donna part en même tems de la réfolution que S.
M. Pr . avoit priſe de faire tous les efforts , pour
rendre la Dignité à l'Empereur , la liberté à l'Empire
, & le repos à l'Europe.
M. Trevor , Envoyé du Roi de la Grande Bretagne
, a remis aux Etats Généraux un Mémoire de
S. M. Br. au fujet des mouvemens des troupes Pruffiennes.
L. H. P. ont envoyé aux Provinces refpectives
ce Mémoire , dans lequel le Roi de la Grande
Bretagne témoigne qu'il regarde l'amitié de la République
comme un des plus folides appuis de fa
Couronne , & qu'il efpere que cette République
voudra bien joindre toutes les forces de terre &
de mer à celles des Anglois , pour fécourir S.
M. H.
On apprend de Bruxelles du 20 du mois dernier ,
que l'armée des Alliés , par la pofition que les Généraux
lui ont donnée , eft adoffée à la Riviere de
Marque ; que l'aile droite , compofée des troupes
de la Grande Bretagne , eft appuyée à Pont Treflin ;
que le centre eft à S. Gin Melantois , & que l'aile
gauche s'étend jufqu'à Freting.
Le quartier du Duc d'Aremberg , qui commande
les troupes de la Reine de Hongrie , placées au
centre , eft à S. Gin Melantois ; le Général Wade ,
fous les ordres duquel font les troupes Angloifes &
Hanoveriennes , a le fien à Auftein , & celui du
Comte Maurice de Naffau , Général des troupes
Hollandoifes , qui forment l'aîle gauche , eft à Cifoing.
Ces trois Généraux firent le 15 la revûë générale
de l'armée , qui étoit rangée en bataille für deux
Lignes , & qu'on affûre être de plus de 60000
hommes. Ils ont pofté un Corps d'Infanterie , de
G vj Ca2084
MERCUREDE FRANCE.
Cavalerie & de Dragons , entre le camp & la Ville
de Tournay , afin de conferver la communication
avec cette Place.
Un Parti de Huffards , qui s'étoit avancé dans les
environs de Maubeuge , a été enveloppé par un
Détachement des troupes Françoiſes , & tous les
Huffards , dont ce Parti étoit compofé , ont été
tués ou faits prifonniers.
Les François ont enlevé un Détachement de la
Compagnie Franche , levée par le Droffard de
Brabant.
On apprend de la Haye du 26 du mois dernier
que l'Abbé de la Ville , chargé des affaires du Roi
Très- Chrétien auprès de la République de Hollande
, a communiqué au Président de l'Affemblée
des Etats Généraux quelques dépêches qu'il a reçûës
de la Cour de France.
Oa mande de Bruxelles du 29 , que les lettres de
l'armée des Alliés marquent qu'elle étoit_toujours
dans la même poſition , & qu'elle ne paroiffoit point
encore le préparer à former aucune entreprife importante
; qu'elle eft actuellement compolée de 70
Bataillons & de 114 Efcadrons , fans y comprendre
dix Escadrons de Huffards & fix Compagnies Franches
, & que le 20 elle fit un fourage général du
côté de Temple Mars & de Siclin.
L'artillerie des troupes Hollandoifes arriva au
camp le 17 , fous l'escorte du Régiment de Veltman
, & le même jour on fit un Détachement de
2000 hommes d'Infanterie & de 600 de Cavalerie ,
pour aller reconnoître les environs de Lille .
Les François ont enlevé douze Dragons & 34
chevaux du Régiment de Ligne dans un fourage ,
qui s'eft fait auprès de Condé.
FRANCE ,

SEPTEM BRE. 1744. 2085
1005000
RCAL
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LE24 du mois dernier , le Parlement de
Metz rendit fes refpects à la Reine , &
enfuite à Monfeigneur le Dauphin , M. de
Montholon , Premier Préfident , portant la
parole . Ce Parlement fut préfenté & conduit
chés la Reine & ches Monfeigneur le
Dauphin avec les mêmes cérémonies , obfervées
, lorfqu'il eut audience du Roi , le
lendemain de l'arrivée de S. M. à Metz. Le
même jour , les Députés de ce Parlement eurent
l'honneur de rendre leurs refpects à
Mefdames de France .
La nouvelle EglifeCollégiale de S.Louis du
Louvre,laquelle a été rebâtie par les liberalités
du Roi , étant entierement achevée , M.
Robinet , Vicaire Général de l'Archevêque
de Paris , fit le 24 du mois dernier la cérémonie
de bénir cette Eglife.
Le lendemain , jour de la Fête de Saint
Louis , le Panégyrique de ce Saint y fut prononcé
par l'AbbéArtaud,Chanoine du même
Cha2088
MERCURE DE FRANCE.
ment par ordre du Roi de Sardaigne , qui
y a fait travailler pendant quatre années entieres
. On y a trouvé 56 piéces de canon ,
dont 48 font de bronze , & 14 de 24 livres
de balles .
Quelques jours avant que le Fort de Démont
fe foit rendu , le feu avoit pris en quatre
endroits différens au Village d'Ifon , où
l'Infant Don Philippe & le Prince de Conty
avoient établi leur quartier. La perte caufée
par cet accident , qu'on ne regarde point
comme l'effet d'un fimple hazard , & à l'occafion
duquel on a arrêté quelques perfonnes
, qu'on foupçonne en être les auteurs ,
eft très- confiderable. L'Infant Don Philippe
& le Prince de Conty ont couru rifque d'être
enveloppés par les flâmes , & 6o che-
-vaux ou mulets du Prince de Conty ont été
brûlés .
Depuis que l'Infant eft maître du Fort de
Démont , la plus grande partie des troupes
Espagnoles & Françoifes a marché pour attaquer
le Roi de Sardaigne , qui étoit campé
en deçà du Pô avec fon armée , mais ce
Prince n'a pas jugé à propos de hazarder un
combat , & il a repaffé précipitamment cette
Riviere.
On a fait toutes les difpofitions néceſſaires
, pour affiéger la Ville de Coni , qui devoit
être inveftie fur la fin du mois dernier.
On
SEPTEMBRE. 1744 2089
On apprend de Strasbourg du 29 du mois
dernier , que le Maréchal de Noailles , après
avoir campé pendant quelques jours près de
cette Ville avec le Corps de troupes que S.
M. a fait partir de Flandre pour fe rendre
fur le Rhin , a été joint par l'armée qui étoit
aux ordres du Maréchal de Coigny , par
l'armée Impériale , & par les troupes que
commandoit le Duc d'Harcourt.
Toutes les troupes s'étant mifes enfemble
en marche , elles arriverent le 21 au camp
de Brumpt , & comme elles étoient très fariguées
, le Maréchal de Noailles jugea indifpenfable
de les y faire féjourner le 22 ,
mais il détacha trois Corps , chacun de 2000
hommes d'Infanterie & de 1000 hommes
de Cavalerie , dont il donna le commandement
au Chevalier de Belle - Ifle , au Comte
de Lowendahl & an Comte de Berchiny ,
Lieutenans Généraux. Son objet étoit de
faire inquiéter par ces Détachemens l'arriere-
garde des ennemis , qui fe retirerent , à
mefure que ces Détachemens avancerent fur
eux .
Le 23 , le Maréchal de Noailles fe porta
fur les hauteurs de Haguenau , & ayant
trouvé à Bicheveiller le Détachement du
Comte de Lowendahl , il le fit paffer par
Drufenheim , que les ennemis avoient abandonné.
Le Comte de Lowendahl y trouva
quatre
2090 MERCURE DE FRANCE.
quatre piéces de canon qu'ils y avoient laiffées
, & il apprit qu'ils avoient jetté dans la
Mautern 7 à 800 fufils & une grande quantité
de barils de poudre.
Le Maréchal de Noailles envoya ordre
aux deux autres Détachemens que commandoient
le Chevalier de Belle - Ifle & leComte
de Berchiny , de paffer la Mautern à Kalkenhaufen
, & de marcher du côté du Fort-
Louis par Schiren & par Suffelsheim . Vers
le midi , le Chevalier de Belle-Ifle lui manda
que les ennemis occupoient ce dernier Pofte
, & qu'ils y avoient un Corps de troupes ,
retranché derriere des abbatis d'Arbres , &
fur cet avis , le Maréchal de Noailles détacha
auffi-tôt fous les ordres du Comte d'Eu
& du Marquis de Clermont-Tonnerre
Lieutenans-Généraux , 16 Bataillons à la
tête defquels étoit la Brigade de Champagne
, & 16 Eſcadrons , avec fix piéces de
canon , pour foutenir le Chevalier de Belle-
Ifle , qui s'étant joint au Comte de Berchiny
, attaqua les retranchemens conſtruits
par les ennemis en deçà de Suffelsheim , &
dans lefquels il y avoit 4 à 5000 hommes ,
commandés par le Prince de Bade-Dourlach.
Ces retranchemens furent emportés l'épée à
la main , après une réſiſtance d'environ une
heure , & les troupes , qui les gardoient ,
furent pourfuivies jufqu'à l'entrée de la petite
SEPTEMBRE. 1744 2091
C
tite Plaine , qui eft entre la Forêt de Haguenau
& Suffelsheim .
Le Chevalier de Belle-lfle , après avoir
rallié fes troupes , attaqua auffi ce Village ,
qui étoit paliffadé, & dans lequel les ennemis
étoient en grand nombre , & il s'en empara.
Les ennemis , fuivant le rapport de tous
les prifonniers , ont perdu environ 1500
hommes dans ces deux actions , & il n'y a
eû , du côté des François , que 170 hommes
tués ou bleffés.
Le Comte de Lowendalh , qui étoit à une
lieuë fur la droite , ayant trouvé les ennemis
retranchés dans le Village d'Angenheim
, & jugeant qu'ils lui étoient trop fupericurs,
pour qu'il pût entreprendre de les
y forcer avec fon Détachement , il en donna
avis au Maréchal de Noailles , qui fit
avancer le Duc de Gramont à la tête de la
Brigade des Gardes Françoifes , avec ordre
de gagner la grande chauffée du Fort-Louis.
Le Maréchal de Noailles fit marcher en même-
tems de ce côté une Brigade d'artillerie
& dix piéces de canon , & ayant appris que
l'armée ennemie étoit campée , fa gauche à
fes Ponts de Benheim , & fa droite à Rechvangle
, Village fitué vis-à-vis du Fort-
Louis , il ordonna à toute l'armée , de joindre
le Détachement du Comte de Lowendalh
,
2092 MERCURE DE FRANCE
dalh , ce qui s'exécuta avec tant d'activité ,
que les troupes firent cette marche en trois
heures.
La Brigade des Gardes Françoifes s'étoit
renduë quelque-tems auparavant à Drufenheim
, & elle fe difpofoit à attaquer Angenheim
, lorfqu'elle s'apperçût que ce Village
étoit tout en feu . On y marcha fur le champ,
& comme il étoit prefque nuit , on ne penfoit
à fe former qu'au de là du Village. En
arrivant près d'un Ruiffeau bordé de Prai
ries marécageufes , & qui fe jette dans le
Rhin , un peu au- deffus du Fort- Louis , on
rencontra 32 Compagnies de Grenadiers ,
& un pareil nombre de Compagnies de Fufiliers
des ennemis , avec leurs troupes irregulieres
, qui étoient placées fur les aîles
dans les bois , & qui firent une décharge
fur nos troupes.
Les Grenadiers de l'armée du Roi franchirent
le Ruiffeau & le Foffé fur lequel les
ennemis avoient un retranchement ; ils
s'emparerent de deux redoutes ; ils pénétrerent
dans le retranchement , & ayant mis
les ennemis en fuite , il les pourfuivirent
jufqu'à dix heures du foir. La trop grande
obfcurité obligea les troupes de S. M. de
faire halte , & elles demeurerent en bataille
toute la nuit.
Le lendemain , à la pointe du jour , l'armée
SEPTEMBRE . 1744. 209
mée ayant commencé à paffer le Défilé , pour
marcher à Benheim , on reçût avis que le
Prince Charles avoit repaffé le Rhin , &
qu'il avoit brûlé fes Ponts.
Les troupes dans l'action du 23 au foir
& dans les deux attaques des retranchemens
& du Village de Suffelsheim , ont fait des
prodiges de valeur , & elles ont combattu
avec autant de bonheur que d'intrépidité
les ennemis ne nous ayant tué ou bleflé
qu'environ 200 hommes. Le Grand Prieur
de France a reçû un coup de fufil dans la
cuiffe ; M. de Fremur , Maréchal de Camp ,
a été bleffé dangereufement , ainfi que M.
Quenaut de Clermont , Maréchal de Camp
& Ingénieur , lequel eft mort depuis de fes
bleffures. M. de la Serre , Lieutenant Colonel
du Régiment du Roi , Infanterie , eft
bleffé à la jambe. M. du Tillet , Capitaine
d'une Compagnie du Régiment des Gardes
Françoifes , M. d'Amfreville , Lieutenant
de Grenadiers dans ce Régiment , & le Che
valier de la Cofte Meffeliere , Officier dans
le même Régiment , ont été tués.
La perte des ennemis monte à 3000 hommes
, tués ou bleffés , fans y comprendre les
prifonniers , dont le nombre augmentoir
tous les jours , beaucoup de Soldats ennemis
, qui n'avoient pû rejoindre leur armée ,
fortant des bois où ils s'étoient réfugiés , &
venant fe rendre à difcrétion. On
2094 MERCURE DE FRANCE.
On fit paffer le 24 une partie de l'armée
du Roi dans l'Ifle du Marquifat , & l'armée
Impériale marcha vers Germersheim , où elle
devoit paffer le Rhin fur les Ponts de Bâteaux
qu'on avoit laiffés à Philifbourg.
Le 25 & le 26 , on travailla à jetter des
Ponts vis-à- vis du Fort-Louis.
Le Chevalier de Belle Ifle fut détaché le
27 avec 22 Compagnies de Grenadiers
cinq Régimens de Dragons , trois de Huffards
, & toutes les Compagnies Franches ,
aller à la pourfuite de l'arriere-garde
pour
des ennemis.

Le Maréchal de Seckendorf a fait un Détachement
de l'armée Impériale , lequel devoit
joindre le 29 celui du Chevalier de
Belle - Ifle au-delà de Philifbourg.
Le Marquis de Croiffy a été nommé Lieutenant
Général des armées du Roi , & le
Comte de Montmorency , Colonel du Régiment
d'Infanterie de Flandre , a été fait
Brigadier.
,
Le premier Septembre , on célébra avec
les cérémonies accoûtumées dans l'Eglife
de l'Abbaye Royale de S. Denis , le
Service folemnel qui s'y fait tous les ans
pour le repos de l'Ame du feu Roi LOUIS
XIV , & l'Evêque de Meaux y officia pontificalement.
On
SEPTEMBRE. 1744.
2095
On mande de Strasbourg du S de ce
mois , que le Maréchal de Noailles ayant
fait jetter au Fort-Louis deux Ponts fur le
Rhin , l'armée du Roi paffa ce Fleuve depuis
le vingt-fix jufqu'au 29 du mois dernier , &
qu'ayant marché en plufieurs Divifions elle
a campé dans differens Poftes fur la route de
Stoloffen à Mulberg.
La premiere Divifion , compofée de 22
Compagnies de Grenadiers , de 36 Efca--
drons de Dragons & de Huffards , & des
Compagnies Franches , partit le 31 de Staf- ,
furt fous les ordres du Chevalier de Belle-
Ifle , Lieutenant Général , pour tâcher de
joindre l'arriere-garde des troupes de la
Reine de Hongrie.
,
L'armée Impériale , à laquelle fe font
joints les Régimens Allemands , qui font au
fervice du Roi , a paffé le Rhin à Germerfheim
, & le Comte de Seckendorf en a détaché
4000 hommes d'Infanterie & 2000,
de Cavalerie , qui font commandés par le
Comte de Piofafque , Général de Cavalerie
des troupes de l'Empereur , & par le Comte
de Segur , Lieutenant Général de celles du
Roi . Če Détachement arriva le 31 à Bretten
, & fur l'avis que les ennemis s'étoient
retirés le matin de Phortzheim , & , étoient
allés à Cauftadt , il dirigea fa marche , pour
aller paffer la Riviere d'Entz à Bietigheim.
Un
96 MERCURE DE FRANCE.
Un grand nombre de Déferreurs de l'armée
des ennemis s'eft rendu à celle du
Roi.
Le Maréchal de Noailles a paffé par Strafbourg
, en allant à Metz , où il devoit arriver
les de ce mois.
-On apprend de Metz du 8 du même mois,
que le progrès du rétabliſſement de la ſanté
du Roi étoit plus marqué depuis quelques
jours , qu'il ne l'avoit été dans ceux qui ont
fuivi les momens de la guérifon de S. M.
le Roi fe levoit vers le midi , fe promenoit
dans fon appartement , & ne ſe recouchoit
qu'à dix heures du foir,
que
S. M. dormit très-bien la nuit du 7 ; elle
s'habilla le 8 , & elle étoit dans l'état de
convalefcenee , le plus favorable qu'on pût
defirer ; ainfi l'on comptoit qu'elle fortiroit
inceffamment , & qu'en prenant l'air , elle
avanceroit beaucoup l'entier recouvrement
'de fes forces.
Le 3 de ce mois après midi , la Reine ,
Monfeigneur le Dauphin & Mefdames de
France , accompagnés de toute la Cour , entendirent
dans l'Eglife Cathédrale de Metz
le Te Deum , qui fut chanté en action de graces
de la guérifon du Roi. L'Evêque de Metz
y officia pontificalement , & le Parlement
de cette Ville , le Bureau des Finances , le
PréSEPTEMBRE
. 1744 . 2097
Préfidial & le Corps de Ville , y affifterent
Il y eut le foir des Illuminations dans toute
la Ville , & les habitans ont donné des témoignages
auffi vifs que finceres de leur
joye , laquelle éclatera encore davantage ,
dès que le Roi
pourra en être témoin.
par
de ce
On a appris de Strasbourg du 15
mois , que les lettres de l'armée.commandée
le Maréchal de Coigny , marquent que
le 12 elle étoit décampée de Korch , pour
aller à Hoffweils , & qu'elle avoit marché
le 13 à Ettenheim & le 14 à Emdingen.
Les Détachemens , qui étoient fous les or
dres du Comte de Segur & du Chevalier de
Belle-Ifle , Lieutenans- Généraux , & qui
ont pourſuivi l'armée de la Reine de Hongrie
jufques à Cauftatt , n'ayant pû atteindre
l'arriere-garde des ennemis , le Maréchal
de Seckendorfa envoyé ordre auComte
de Segur , d'aller rejoindre les troupes Imperiales
fur le Neckre à Lauffen , où elles
étoient campées le 7 .
Le Chevalier de Belle- Ifle a reçû auffi
ordre du Maréchal de Coigny , de fe rendre
à Vilingen , où ce Lieutenant Général eft
arrivé le 10 , & qu'il a trouvé évacué.
Le 12 , la Maifon du Roi & la Gendarmerie
font parties d'Offenbourg , pour repaffer
le Rhin , & pour aller prendre des
H quar1098
MERCURE DE FRANCE.
quartiers de cantonnement fur la Sarre &
dans la Lorraine.
-On apprend de Flandre , que le Maréchal
Comte de Saxe étoit campé à Courtray ;
que l'armée des Alliés , qui l'étoit en avant
de la Riviere de Marque , s'étoit étenduë
par fa gauche du côté d'Orchies , où étoient
les Compagnies Franches de cette armée ,
& que cette pofition des ennemis avoit déterminé
le Maréchal Comte de Saxe à faire
avancer des troupes fur la Deule , afin de
couvrir le Pays qui eft en deçà de la Scarpe .
Des Partis du Régiment de Graflin ont
brûlé des magaſins confidérables de fourage,
que les ennemis avoient dans les environs
de Gand & de Bruges.
Suivant des avis reçûs de Flandre , les
Alliés occupoient leur même camp , mais on
conjecturoit par leurs difpofitions , qu'ils
penfoient à retourner de l'autre côté de
I'Efcaut.
Le Prince de Pons, Lieutenant Général ,
fut détaché le 3 de ce mois par le Maréchal
Comte de Saxe avec une Brigade d'Infanterie
, deux Brigades de Cavalerie , un Régiment
de Dragons , & fix piéces de canon. Il
campa le même jour devant Oudenarde , &
ayant marché le lendemain à S.Denis , vis-àvis
de Gand , où le Régiment de Grallin le
joignit avec des Pontons , il paffa le 5 lạ
Lys ,
SEPTEMBRE. 1744. 2099
Lys , pour aller camper à Marikerke , &
pour proteger un fourage que le Maréchal
Comte de Saxe a fait faire entre l'Escaut &
la Lys.
Le même jour , le Comte d'Eſtrées , Lieutenant
Général , ayant été averti que les
Alliés devoient en faire un , dans les environs
du Village d'Auchy , fitué entre Or
chies & leur camp , il fe porta de ce côté-là
avec un Détachement de 600 homines de
Cavalerie & de 250 d'Infanterie , & il mit
en fuite les Gardes avancées des ennemis
aufquels on enleva 80 chevaux , & l'on fit
so prifonniers , fans compter les morts &
les bleffés. Un Capitaine & un Cornette
des troupes Hollandoifes font du nombre
des prifonniers.
On a appris de l'armée du Roi de Pruffe
par des lettres du 31 du mois dernier , que
la Ville de Prague étoit pour lors investie
du côté Septentrional de la Moldaw , &
que S. M. Pr. devoit arriver le 2 de ce
mois avec la quatriéme Colonne de fon armée
devant cette Place , pour achever de
f'enfermer de l'autre côté. Ce Prince étant
parvenu par fes foins infatigables & avec
beaucoup de peine , à faire nettoyer l'Elbe
des rochers & des groffes pierres que les
ennemis y avoient jettés , & ayant fur-
Hij mon-
·
1100 MERCURE DE FRANCE.
monté tous les obftacles par lefquels ils
avoient crû rendre impraticable la navigation
de cette riviere , les Bâteaux chargés
de la groffe artillerie & des munitions de
guerre & de bouche ont paffé quatre jours
plûtôt qu'on ne devoit l'efperer . On comptoit
que la tranchée feroit ouverte les do
ce mois devant Prague.
Le Roi de Pruffe s'eft propofé de faire
trois differentes attaques , & il ne doute
pas que malgré les efforts de la garniſon ,
laquelle eft de 8000 hommes , en y com
prenant les Milices-, cette Place ne fe rende
vers le 20 .
Les mêmes lettres ajoûtent que ce Prince
fe flatoit d'être , à peu près dans le même,
tems , maître de Troppau , de Jegersdorf &
d'Olmutz , dans la Province de Moravie ,
où le Général de Marwitz eft entré avec un
Corps de 25000 hommes , pendant qu'une
armée , compofée d'un pareil nombre de
troupes , s'eft affemblée près de Magdebourg.
On mande de Metz du premier de ce mois ,
que le Roi continuant d'avancer heureuſement
dans fa convalefcence , S. M. fe levoit
tous les jours ; qu'elle paffoit la plus grande
partie de l'après-midi fur une chaife longue
ou dans un fauteuil , & qu'elle s'eft déja promeSEPTEMBRE.
1744. ΣΙΟΣ
1
menée plufieurs fois dans fa chambre ; que
depuis trois jours , le Roi a mangé à fon
dîner un peu de viande , & que S. M. a dormi
la nuit du 3 1 du mois dernier ,plus qu'elle
n'avoit fait les trois précédentes , qu'ainfi
on efperoit que fes forces feroient bien-tôt
rétablies.
Le Duc d'Orleans , le Comte de Charo-
Jois , & Mademoifelle fe font rendus à
Metz , auffi - bien que le Cardinal de Rohan,
le Cardinal d'Auvergne , le Cardinal de
Tencin , plufieurs Seigneurs de la Cour &
les Miniftres d'Etat , pour faire au Roi leurs
complimens fur la guériſon .
J
Les Députés que le Parlement , la Chambre
des Comptes , la Cour des Aides & la
Cour des Monnoyes ont envoyés à Metz
pour fçavoir des nouvelles de la fanté du
Roi , & pour leur en apprendre , ont eû
l'honneur de voir S. M. ainfi que le Député
du Grand Confeil & celui du Corps de
Ville .
S. M. entendit le premier de ce mois la
Meffe de Requiem , pour l'Anniverfaire dur
feu Roi LOUIS XIV .
Le 2 Septembre à quatre heures du foir
on chanta dans l'Eglife de l'Hôpital Royal
des Quinze-Vingt , pour la Convalefcence
du Roi, un Te Deum , en Mufique, avec Sym-
...l Hiij pho
2102 MERCURE DE FRANCE.
phonie , exécuté par les Freres Aveugles de
cet Hôpital . Le foir il y eut une grande illumination
dans la grande cour de cette Maifon
, avec un Concert , compofé des plus
beaux morceaux de Muſique du célébre Lully
, exécutés par les mêmes Freres- Aveugles
, lefquels étoient placés fur un Amphitéatre
, conftruit exprès. Ce Concert
fut parfaitement
bien exécuté & très- applaudi
par les plus grands connoiffeurs
. Le
tout avoit été ordonné & dirigé par les foins
du Maître de cet Hôpital , qui en a l'Infpection
fous les ordres de M. le Cardinal de
Rohan , Grand Aumônier
de France , Superieur
de cette Maifon . Entre les grandes illuminations
qu'on y voyoit , celle qui étoit
à la façade de la Maifon du Maître de cet
Hôpital , fe faifoit remarquer principalement
par un VIVE LE ROI , en Lampions, artiftement
difpofés. On avoit fufpendu au
milieu de la Cour un cercle lumineux , autour
duquel on diftinguoit le Soleil & la
Lune , en mouvement
; le tout fut trouvé
très ingénieufement
compofé. Pendant
qu'on chantoit le Te Deum , on fit plufieurs
falves de petit canon, ce qu'on répéta quand
il fut fini.
--
Le Baron de Donop , Général Major dans
les troupes de Heffe , & que le Prince Guillaume
SEPTEMBRE. 1744. 2103
laume de Heffe a envoyé à Metz , pour , au
nom du Roi de Suede , fon Frere , faire au
Roi un compliment fur le rétabliffement
de la fanté de S. M. s'eft acquitté de cette
commiffion le 8 de ce mois , & il a été préfenté
au Roi par le Chevalier de Sainctot ,
Introducteur des Ambaffadeurs .
Le Capitaine Pierre Thomas , comman
dant le Vaiffeau le Duteillay , armé en courfe
à Nantes , a délivré le Bâtiment la Vierge,
d'Olonne , qui avoit été pris par un Arma-
-teur Anglois.
On mande de Granville , que le Vaiffeau
le Charles Grenot , dont le Capitaine Jacques
Clement a le commandement , y a conduit
-un Navire Anglois , de 160 tonneaux, nonmé
la Marie , dont la charge confiftoit en
200 Boucaux de Sucre fin , en Coton & en
Bois de Gayac.
Un autre Bâtiment de la même Nation a
été mené à Cherbourg par le Corfaire la
Subtile.
Le Corfaire le Harang Couronné , armé à
Dunkerque ,,
par le Capitaine Billevalt
s'eft emparé d'un Vaiffeau de Limerick .
>
On a appris de Bayonne , qu'un Armateur
de ce Port avoit enlevé un Bâtiment
de Philadelphie , chargé de Farines , de Fer
& de Merrains.
Hiiij Les
2104 MERCURE DE FRANCE.
Les lettres de Breft marquent que les
Vaiffeaux la Malice , de Granville , & le
Barnabas , de S. Malo , commandés par les
Capitaines Sorel & Defmarais , ont repris le
Navire le Charles , de Bordeaux , dont les
Anglois s'étoient emparés , & que les Capitaines
Donat & Charon , qui montent les
Vaiffeaux la Biche , de S. Malo , & la Va-
Leur , de Nantes , fe font rendus maîtres des
Bâtimens Anglois l'Elizabeth & le Rubis ,
chargés de Riz , de Terebentine & de Pelleteries
.
Suivant les avis reçûs de S. Malo , le Corfaire
la Veftale , que commande le Capitaine
Garnier de Fougeray , a enlevé le Brigantin
Le Guillaume & Marie , de Waterford , à
bord duquel on a trouvé une grande quantité
de Salaifons.
On a appris de Nantes & de Bayonne ,
deux Vaiffeaux François en ont pris 25
de la Jamaïque.
que
Le Capitaine du Ler , commandant le
Corfaire la Victoire , eft entré dans le Pott
de Bayonne avec le Vaiffeau Anglois la
Marie - Anne , de Philadelphie , armé de
quatre canons & de deux pierriers, & chatgé
de Farines , de Fer & de Merrains. Ce
Capitaine s'eft auffi rendu maître d'un autre
Navire Anglois , à deux ponts , dont la cargaifon
confiftoit en Gaudron & en Cacao ,
&
SEPTEMBRE. 1744 . 2105
& qu'il a conduit à Ribadeos , en Espagne.
Le 10 , on chanta le Te Deum dans l'Eglife
Métropolitaine , pour remercier Dieu d'avoir
accordé la confervation du Roi aux
voeux de fes Sujets,, & l'Archevêque de
Paris y officia pontificalement. Le Chancelier
de France , accompagné d'un grand
nombre de Confeillers d'Etat & de Maîtres
des Requêtes , y affifta , ainfi que le Parlement
, la Chambre des Comptes , la Cour
des Aides & le Corps de Ville , qui avoient
été invités par M. Desgranges , Maître des
Cérémonies. Il s'y trouva un concours extraordinaire
de perfonnes de tous les Ordres
, que le plaifir de remplir un devoir ,
& non le defir de fatisfaire une vaine curiofité
, conduifit à cette Cérémonie .
FESTE donné à l'Hôtel Royal des Invalides.
Le Dimanche 13 Septembre , on chanta
proceffionnellement dans la grande Cour de
Î'Hôtel Royal des Invalides , pour la Convalefcence
du Roi un , Te Deum folemnel au
bruit des Timballes , des Trompettes , du
canon & de la moufqueterie. M. Milon
Evêque de Valence , y officia enfuite pontificalement
au Salut , & donna la Bénédic
tion du S. Sacrement. Le Curé de l'Hôtel fe
Hv char-

2106 MERCURE DE FRANCE.
chargea de conduire la Proceflion , qu'il fit
marcher dans un très bel ordre . Le Clergé ,
foutenu des plus belles Baffes de la Muſique
de la Cathédrale , & accompagné d'un grand
nombre d'autres Eccléfiaftiques , tous en
Chapes & converts de ces magnifiques
Ornemens en broderie, qui font une des
curiofités de l'Hôtel , étoit precedé de 20
jeunes Clercs , couronnés de fleurs , & revêtus
de belles Aubes & de ceintures couleur
de feu . Le bruit de guerre qui fe faifoit
entendre dans l'intervalle des Verfets du
Te Deum , joint à la modeftie de tous les
Soldats de l'Hôtel , qui précédoient la Proceffion
, ou qui marchoient à la fuite , ayant
à leur tête M. de la Courneufve , Gouverneur
, accompagné de l'Erat Major , infpiroit
tout enfemble la joie & la dévotion au
grand nombre de Peuple , qui fut attiré par
la beauté & par la nouveauté de cette Cérémonie.
Elle fut fuivie à l'entrée de la nuit , d'une
Illumination la plus brillante & la mieux
entendue , que l'on eût encore offerte aux
yeux du Public ; la face immenfe de l'Hôtel
étoit parfaitement bien éclairée de plus de
10 mille gros Lampions , arrangés fuivant
l'ordre de fon Architecture ; les vaftes côtés
de la grande Porte d'entrée , appellée la
Porte Royale , ceux des Portes collaterales ,
les
SEPTEMBRE. 1744. 2107
, les les chambranles de toutes les croifées
pilaftres & généralement toutes les principales
piéces de l'Edifice en étoient remplies.
Les plintes de chaque étage formoient fans
interruption de grandes lignes de lumieres ,
les corniches & tout l'entablement étoient
garnis de grands pots à feu , & le vuide des
croifées du corps avancé , orné de magnifiques
Girandoles.
Les deux petits Pavillons , qui accompagnent
la grille de la premiere Porte d'entrée,
auffi - bien que les Trophées qui les couronnent
, étoient illuminés en plein , & les
parapets des foffés garnis de groffes terrines,
à très-peu de distance l'une de l'autre. Sur
le devant de l'avant cour , étoient rangées
fur des piédeftaux feize grandes & hautes
Girandoles , en forme d'Epicias , dont
la lumiere éclatante , jointe à celle de l'Illumination
, changeoit la nuit en un trèsbeau
jour.
Le Periftile de l'entrée de la cour Royale
étoit auffi illuminé en dedans par des pots à
feu , des Lampions & des Luftres .
Les trois grandes Portes de l'Eglife , en,
tierement fermées , étoient auffi éclairées-
& toute l'Architecture du Portail , ornée de
Lampions & de pots à feu ; une grande al+
lée d'autres pots à feu > l'on avoit tra
cée dans toute la longueur de la cour Roya→
H vj
que
le ,
L108 MERCURE DE FRANCE.
le , réuniffoit l'Illumination du Portail de
l'Eglife à celle du Périftile , ce qui formoit
dans l'éloignement une charmante perſpecti
ve , & faifoit paroître tout l'interieur de
l'Hôtel en feu .
Un Monde prodigieux rempliffoit toute
l'étendue du Cours la Reine , où étoit le
plus beau coup d'oeil , & la chauffée du chemin
de Verfailles , qui paffe devant ce
Cours , étoit occupée de fix rangs de caroffes
de Spectateurs diftingués. Tous les environs
de l'Hôtel n'en étoient pas moins rémplis
, & le Peuple à qui l'on permit d'entrer
dans les cours , s'y réjouit bien avant dans
la nuit , à la brillante lumiere de ces Illuminations
, en faifant à plufieurs repriſes des
acclamations de VIVE LE ROI.
Plufieurs Maréchaux de France , les Familles
des Ambaſſadeurs Etrangers & grand
nombre de Dames du premier rang , voulurent
honorer cette Fête de leur préfence.
On fit au Peuple une diftribution de plufieurs
piéces de Vin hors l'enceinte de l'Hôtel
, où tout ſe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& de tranquillité.
Le Grand Confeil fit chanter le 27 du
mois dernier le Te Deum dans fa Chapelle.
Les Sécretaires du Roi & les Payeurs des
Rentes l'ont fait chanter , les premiers dans
I'ESEPTEMBRE.
1744. 2109

l'Eglife des Céleftins , & les feconds dans
celle des Religieux de Notre-Dame de la
Mercy.
Le 11 de ce mois , le Marquis Doria , Envoyé
Extraordinaire de la République de
Génes , eut une audience particuliere du
Roi , & il préfenta à S. M. le Marquis Pallavicini
, qui fut la nouvelle de la marche
du Roi , pour aller en Allemagne , avoit
reçû ordre de la République de Génes , de
fe rendre auprès de S. M. en qualité d'Envoyé
Extraordinaire , & qui après avoir
rempli la commiflion pour laquelle il eft
allé à Metz , félicita le Roi de la part de la
République fur la guérifon de S. M. Ces
deux Miniftres furent conduits à cette audience
par le Chevalier de Sainctot , Introducteur
des Ambaffadeurs.
>
On mande de Metz du 15 de ce mois ,
que le Roi fe portoit de mieux en mieux
qu'il avoit de l'appetit , qu'il paffoit les
nuits , auffi tranquillement qu'on pouvoit
le defirer , que fes forces fe rétablilfoient
chaque jour fenfiblement , & que S. M.
avoit tenu depuis huit jours deux Confeils
d'Etat , & elle a travaillé plufieurs fois
avec fes Miniftres .
-
Elle s'eft promenée le 14 en caroffe dans
les dehors de la Vilie , fans en être fatiguée
,
2110 MERCURE DE FRANCE.
guée , & elle eft allée le 15 après midi jufqu'à
Frefcati , qui eft à une lieuë de Metz.
>
Le 29 Août , Mrs les Prévôt des Marchands
, Echevins & Corps de Ville de Paris
firent célébrer folemnellement une
grande Meffe , en actions de graces , dans
l'Eglife Paroiffiale de S. Jean en Greve , à la
fin de laquelle on chanta , à l'occafion de la
Convalefcence du Roi , un T: Denn en Mufique
à grand choeur , avec Symphonie
Trompettes & Timbales , de la Compoſition
de M. Dornel , Organiſte de Ste Geneviéve
, qui fut applandi par une nombreuſe
Affemblée . L'Eglife étoit extrêmement ornée
, décorée fur tout , par une tenture de
Damas Cramoifi à galons & franges d'Or ,
& éclairée d'un grand nombre de Luftres des
plus magnifiques.
Le jour qu'on tira le Feu d'artifice de
l'Hôtel - de-Ville , toutes les maiſons furent
illuminées. Chaque Quai , chaque Place publique,
offrit cette nuit là un Spectacle qu'on
ne voyoit qu'avec furprife , & qu'on ne
quittoit qu'avec regret . Après avoir parcouru
une partie de Paris , on croyoit avoir
épuifé fon admiration , & on trouvoit en
arrivant dans une autre partie , un nouveau
fujet d'admirer. L'ardeur du zéle chés plufieurs
habitans de cette Ville , paroiffoit
avoir
SEPTEMBRE. 1744 211
avoir eû prefque les mêmes reffources que
l'opulence . Dans plus d'un endroit , on étoit
étonné , en confiderant l'élégance & le goût
d'une Illumination , d'apprendre qu'elle
avoit été ordonnée par un particulier , connu
de fes feuls voifins . Par tout on remarquoit
des objets, qui , s'ils n'étoient pas tous
également frappans par la magnificence , du
moins étoient tous également intéreffans
par ce qu'ils avoient de flateur pour le Roi.
Les habitans qui avoient été obligés de fe
tenir dans les bornes de la fimplicité , s'étoient
efforcés de montrer qu'ils ne cédoient
aux autres que par la dépenfe , & non par
les fentimens , & ce qui n'étoit peut-être
pas encore arrivé , la plupart des Boutiques
des moindres Artifans étoient ornées d'Inf
criptions , qui loiioient d'autant mieux S.
M. qu'elles étoient moins recherchées : ces
mots , Vive Louis le Bien- Aimé , tracés prefque
par tout en caracteres de feu , annonçoient
que la Nation déféroit à notre Monarque
un Titre , qui eft au- deffus de tous
les autres , & qui les renferme tous . Pendant
toute la nuit , les rues furent remplies ,
non-feulement de peuple , qui faifoit retentir
l'air de fes cris d'allegreffe , mais encore
de perfonnes de tous les Ordres , attirées par
le plaifir de partager la joie publique. On
entendoit de toutes parts , les unes expliquer
, à celles qui n'entendoient pas le Latim
,
2112 MERCURE DE FRANCE.
tin , les Inſcriptions & les Devifes , compofées
en cette Langue ; les autres applaudir à
la jufteffe de ces Infcriptions & de ces Devifes
, les répéter plufieurs fois , les faire redire
à leurs enfans . Ce qu'on lifoit , il fembloit
qu'on l'appercevoit gravé dans tous
les coeurs. Jamais il n'y eut une plus grande
agitation dans Paris , & jamais il n'y régna
plus d'ordre , malgré la multitude prodigieufe
de caroffes qui furent en mouvement
jufqu'à trois heures du matin . Cette
Fête , à jamais mémorable par fon objet ,
par fes circonftances & par fon éclat , doit
l'ètre encore plus par l'avantage fingulier
qu'elle a eû de n'être troublée par aucun
accident ni par aucune querelle . On auroit
dit que la joie ne laiffoit place à nul autre
fentiment ; que tous les Parifiens ne compofoient
qu'une feule Famille , unie par les
liens de la tendreffe ,autant que par ceux du
Sang , & qu'ils étoient des Freres , occupés
de l'unique foin de fe réjouir de ce que leur
Pere leur étoit rendu .
Les Etrangers , qui ont été témoins de
tous les tranfports aufquels les habitans de
cette Capitale fe font livrés , ont dû , en
voyant les marques de l'affection des François
pour le Roi , trouver la France bien redoutable
à fes ennemis .
Le 8 de ce mois , Fête de la Nativité de
la Ste Vierge , la Reine ſe rendit à l'Eglife
du
SEPTEMBRE . 1744. 2113
du Monaftere des Carmélites de Metz , &
S. M. y communia par les mains de l'Archevêque
de Rouen , fon Grand Aumônier.
Depuis 15 jours , les Eglifes de cette Ville
retentiffent des actions de graces que l'on
rend à Dieu pour la guérifon du Roi , les
differens Corps des Officiers de S. M. &
ceux des habitans de la Ville , s'étant également
empreffés de remercier la Bonté Di
vine d'avoir confervé le Roi pour le bonheur
de la France , & pour celui des
perfonnes
, qui font particulierement attachées
au fervice de S. M.
La Reine , Monfeigneur le Dauphin &
Mefdames de France ont entendu les Te
Deum , qui ont été chantés à cette occafion .
Le 13 après midi , la Reine , accompa
gr ée de Monfeigneur le Dauphin & de
Mefdames & fuivie de toute la Cour
> >
affifta à celui que le Prince de Campo
Florido
, Ambaffadeur
du Roi d'Efpagne
auprès
du Roi , fit chanter
dans l'Eglife
de l'Abbaye
de S. Arnoul
de Metz , qui étoit éclaipar
un grand
nombre
de lumieres
.
rée
Le foir , le même Ambaffadeur fit illuminer
, avec autant de magnificence que le
Lieu pouvoit le permettre , la maifon qu'il
occupe en cette Ville , & la rue qui y conduit
, & après un feu d'artifice on fervit un
fouper très-fplendide pour toutes les perfonnes
de la Cour , que le Prince de Campo
Florido avoit invitées à cette Fête .
2114 MERCURE DE FRANCE.
MANDEMENT de S. E. M. le Cardinal
de Tencin , au fujet de la prife de la Ville
de Furnes.
Pl
IERRE DE GUERIN DE TENCIN ,
Cardinal , & c.
Le Seigneur ne fe laffe point de nous exaucer ,
mes très chers Freres , & nous comptons fes bienfaits
par nos voeux. La rapidité de nos Conquêtes a
furpaffé nos efpérances mêmes , & le prodige des
murs de Jéricho tombant au feul bruit des trompettes
du Peuple de Dieu , s'eft prefque renouvellé
en notre faveur. Puiffent nos ennemis reconnoître
enfin dans ces fuccès la juftice de nos armes , & y
voir, comme nous , la récompenfe & la preuve de
la droiture des intentions du Roi , & de fon amour
pour la Paix ! C'eft elle feule qu'il veur conquérir
dans une guerre qu'il n'a entrepriſe que par fidélité
pour fes Alliés, & après avoir inutilement tenté toutes
les voyes de la prévenir , guerre dès - lors également
jufte & néceffaire .
Mais plus S. M. a cherché à l'éviter , plus elle eſt
réfoluë à la faire avec vigueur , afin de la terminer
plus promptement . De- là le deffein qu'elle forma
d'abord , & qu'elle a exécuté avec tant de fageffe
& de courage , de commander ſes armées en perfonne:
Egredietur ante nos Rex nofter & pugnabit bel
la noftra pro nobis . Que ne devons- nous point attendre
de fa préfence en Allemagne , après ce qu'elle
à opéré en Flandre ! Mais cette jufte confiance ne
doit fervir qu'à redoubler la ferveur de nos prieres.
Jofué vainqueur alloit être vaincu à son tour , f
Moyfe avoit ceffé de tenir fes mains élevées vers le
Ciel .
Aces caules , &c.après en avoir fait conférer de notre
part avec nos vénérables Freres Mrs les Doyen ,
Chanoines
1
SEPTEMBRE. 1744. 2119
Chanoines & Chapitre de l'Eglife Comtes de Lyon,
avons ordonné & ordonnons que le Dimanche 2 du
mois d'Août , à 10 heures du matin , le TeDeum fera
chanté folemnelièment , avec le Pleaume Exau→
diat, & les Oraifons en actions de graces de la prife
de Furnes, dans notre Eglife Primatiale ,où les Com→
pagnies qui ont accoûtumé d'affifter à de pareilles
cérémonies , font invitées de fe rendre.
A l'égard des autres Villes , Bourgs & Villages
de notre Diocèfe , nous ordonnons que le Dimanche
ou la Fête après la réception de notre préfent
Mandement, on chantera pareillement le Te Deum,
le Pfeaume Exaudiat , & les Oraiſons pour le même
fujet , & c. Donné à Paris le 26 de Juillet 1744-
Signé , P. CARD . DE TENCIN .
AUTRE du même Cardinal , au sujet de
la prife du Château Dauphin.
IERRE GUERIN DE TENCIN , & C.
Pla Victoire dont nous allons rendre graces au
Seigneur , mes très chers Freres , renferme tout ce
qui pouvoit en relever le prix & l'éclat . Elle a été
remportée par deux. Princes de la Maifon de France
, & elle n'eft pas moins glorieuſe par la valeur
que les troupes des deux Nations ont montrée ,
qu'avantageule par les facilités qu'elle donne au
Roi d'Espagne de faire valoir la justice de fes droits
fur les Etats que le feu Empereur poffedoit en Italie.
Quelle joye pour des coeurs vraiment François ,
mes très chers Freres , & en même- teins quel puif
fant motif de confiance , de penser que nous avons
toujours été victorieux partout où le Roi & les
Princes de fon Sang ont commandé en Perfonne
Quelle fatisfaction pour Sa Majesté de voir ſe développer
fi rapidement dans ces jeunes Hé os ce
germe de bravoure & de fageffe qu'ils tiennent de
leurs
2116 MERCURE DE FRANCE.
leurs Ancêtres ! mais que notre jufte admiration
pour nos Princes, n'affoibliffe pas la reconnoiffance
que nous devons au Seigneur . Quelques naturelles
que paroiffent dans certains hommes privilegiés les
qualités & les vertus qui font les grands Hommes ,
elles n'en font pas moins des dons de Dieu . Quelque
fort que foit le bras du Vainqueur , c'est tou
jours celui de Dieu qui l'a fait vaincre . Ainfi en demandant
au Seigneur de nouveaux fuccès qui hâtent
le retour de la Paix , attendons- les de få feula
Bonté , & que nos voeux foient auffi humbles que
purs & défintereflés .
A ces caufes , &c.
AUTRE du même , au ſujet du rétabliſſement
de la fanté du Roi.
TERRE DR TENCÍN , & C.
PLARAK GUEROANDes très-chers Freres,
frappé toute la France de la plus vive terreur . Le
péril n'a point été gioffi par nos craintes ; il étoit
extrême: Les idées les plus funeftes s'empatoient de
tous les efprits. Beni foit le Pere des miféricordes &
le Dieu de toate confolation . Il a rendu au Roi
cette fanté que lui demandoient tant de voeux, fi ardens
& fi fincéres . Dans les vues de fa Providence ,
cette effrayante maladie n'étoit qu'un nouveau
moyen de faire encore mieux connoître au Prince
combien il eft aimé de fes Sujets , & aux Sujets
combien le Prince eft digne de leur amour. Ce religieux
Monarque fait éclatter aux pieds du Roi des
Rois fon humble reconnoiffance; il protefte qu'il ne
veut employer les jours qui lui font confervés , qu'à
travailler pour la gloire de ce fouverain Maître , &
pour le bonheur des Peuples qui lui font foumis.
Quel heureux avenir ne promettent point des difpotions
également héroiques & Chrétiennes ! U
niffonsSEPTEMBRE.
1744. 2117
niffons-nous donc , mes très chers Freres , pour
rendre à Dieu de folemnelles actions de grace d'une
fi précieufe faveur , & conjurons- le en même tems
de nous épargner déformais de fi cruelles allarmes,
A ces caufes , &c.
Donné à Metz le premier Septembre 1744.
MANDEMENT de. M, P'Evêque
de Bayeux,
P
AUL D'ALBERT DE LUYN ES , &C.
Ce n'eft plus , mes chers Freres , uné fimple
protection que Dieu accorde aux troupes de France
& d'Efpagne ; il paroît que ce font des miracles
qu'il opére en leur faveur ; on arrive au fommet des
rochers qu'on regardoit comme inacceffibles , on
franchit des barrieres redoutables ; des Fortere fles
que la Nature & l'Art fembloient avoir rendues
imprenables , font emportées d'affaut , malgré la
multitude & le courage des Soldats qui les défendent
; tout cède à la valeur & l'impétuofité des
troupes Françoifes & Efpagnoles ; chaque Soldat
eft un Heros , dont les actions prodigieufes méritent
qu'on les tranfmette à la poftérité , les corps
morts fervent d'échelle aux François pour escalader
les Remparts & pour arriver à la Victoire .
? Les Philiftins étant campés à Machmas , infultoient
au Peuple d'Ifraël , fe confiant dans les 10-
chers efcarpés qui les couvroient , erant autem inter
afcenfus ... eminentes petra ex utraque parte &
quafi in modum dentium fcopuli hinc inde prarurpti.
Jonathas , plein de confiance dans la protection
du Seigneur , entreprend d'aller les attaquer
par des chemins qui paroiffoient impraticables ; il
arrive au haut des rochers , grimpant avec les pieds
Philiftins;
les mains ; la terreur fe met dans le camp des
2118 MERCURE DE FRANCE.
Philiftios ; leur armée eft taillée en piéces ; tout le
Pays fut faifi d'effroi , dit l'Ecriture , & il parut
que c'étoit Dieu qui avoit fait un miracle : Conturbata
eft terra & accidit quafi miraculum à Deo.
Ne femble-t'il pas , mes chers Freres , que ce foit là
l'hiftoire des prodiges dont nous allors rendre à
Dieu nos actions de grace ? le Seigneur Dieu des
Armées a fufcité dans le Prince de Conty un autre
Jonathas pour la gloire de fon Peuple , & a livré
nos ennemis entre nos mains : Tradidit enim eos Dominus
in manus Ifraël . Marquons lui avec effufion de
coeur notre vive reconnoiffance.
A ces caufes , après en avoir conferé avec nos vénérables
Freres les Chanoines & Chapitre de notre
Eglife Cathédrale , nous chanterons Dimanche 23
Août , folemnellement le Te Deum dans notre dite
Eglife , après les Vêpres , avec les cérémonies accoûtumées,
en actions de grace de la profperité des
armes du Roi , & le Dimanche ſuivant 30 du même
mois , dans l'Eglife de S. Pierre de Caen, às heures
du foir , où tout le Clergé Séculier & Régulier fe
rendra , felon l'ufage.
Ordonnons que le premier Dimanche après la réception
de notre préfent Mandement , on chantera
dans toutes les autres Eglifes de notre Diocèfe le
Te Deum, avec l'Orailon pro gratiarum actioné , & le
-Pleaume Exaudiat , avec l'Oraifon pro Rege & ejus
exercitu. Si mandons , &c . Donné à Bayeux dan's
notre Palais Epifcopal , le 22 Août 1744. Signé,
PAUL , Evêque de Bayeux.
Le Samedi 15 Août, la nouvelle de la maladie du
"Roi s'étant répanduë , l'Abbé de Ste Geneviève ordonna
que la Châffe de la Ste Patronne de Paris ,
feroit découverte par devant, & qu'on chanteroit des
Saluts , pour demander à Dieu le rétabliſſement de
la
SEPTEMBRE. 1744. 2119
-
la fanté de S. M. En conféquence la Châffe fut découverte
au fon de toutes les cloches de l'Abbaye.
Le même jour , fur les 9 heures du foir , M. Dufranc
, Greffier du Parlement , & l'un des Sécretai
res du Roi , fervant en la Cour , fe rendit à Ste Geneviève
, & dit que MM. les Premier Préfident &
Procureur Général , ayant confulté les Registres du
Parlement , y avoient remarqué qu'on avoit ordon
né en pareil cas la découverte de la Châffe , avant
même que le Parlement eût rendu Arrêt , &que devant
être infailliblement rendu le Lundi 17 , les
circonstances actuelles exigeoient provifionellement
cette découverte .
Le Dimanche 16 , cela fut promptement exécuté
pour la grand-Meffe , & le tout annoncé par une
volée des 10 cloches , qui fut repetée le foir à 8
heures.
Le Lundi 17 , M. Yfabeau , auffi Greffier du Parlement
, & Sécretaire du Roi , fervant en cette
Cour , apporta l'Arrêt , portant que ce même jour
M. le Premier Préfident avoit dit à la Cour que la
nouvelle du fâcheux étar ou étoit le Roi , étant arrivée
à Paris , il avoit crû pouvoir ordonner , de concert
avec M. le Procurer Général , que la Chaffe de
Ste Genevieve feroit découverte , afin d'obtenir par
le fecours de la Patronne de la Ville capitale & du
Royaume , la confervation d'un fi grand Monarque
dont la vie eft fi précieuſe à la France ; o ü ile Pro.
cureur Général du Roi, la matiére miſe en délibération
, LA COUR a arrêté & ordonné , que conformément
aux Mandemens qui feront donnés par l'Archevêque
de Paris , il fera fait des Prieres publiques
pour le rétabliſſement de la fanté du Rol , pendant
lefquelles la Châffe de Ste Genevieve demanrera
découverte, ce qui fera mandé aux Abbé & Religieux
de ladite Abbaye, par l'un des Sécretaires du
Roi , fervant en la Cour.
Auffi-tôr
120 MERCURE DE FRANCE.
Auffi tôt l'Abbé de Ste Geneviève donna le Mandement
imprimé , qui va être rapporté.
Ce même jour 17 , fut célebrée , comme le porte
le Mandement , une Meffe folemnelle pour commencer
la Neuvaine .
Mrs les Prevôt des Marchands & Echevins de la
Ville de Paris , toujours attentifs à reclamer leur
Ste Patronne, & à témoigner leur zéle pour la Perfonne
facrée de S. M. avertirent que le lendemain
ils affifteroient à la grande Meffe & qu'ils continue
roient pendant toute la Neuvaine.
Le Mardi 18 , ces Meffieurs furent reçûs à la porte
de l'Eglife par le R. P. Abbé , à la tête de toute fa
Communauté, au fon des cloches & de l'orgue Ils y
font revenus les jours fuivans jufqu'au 26 inclufivement
, & pour témoigner leur joye & leur reconnoiffance
du meilleur état de la fanté du Roi , ils
parurent en Robes rouges de Cérémonie . La Meſſe
d'actions de graces fut célebrée ; on avoit chanté le
Te Deum la veille , auquel avoit pareillement affisté
le Corps de Ville.
Le Mandement du R. P. Abbé de Ste Genevieve
contenoit ce qui fuit.
FRANÇOIS PATOT , Abbé de l'Abbaye
Royale de Ste Geneviève au Mont de Paris , &c.
Nous venons de faire retentir les Temples facrés des
chants de joye & d'allegreffe , & nous avons rendų
de folemnelles actions de graces au Dieu des Armées
, de la protection qu'il a accordée à celles de
notre invincible Monarque , qui lui en a rapporté
toute la gloire ,fans l'attribuer ni à ſon courage, ni
à la valeur de les troupes. Aujourd'hui nos vænx
ont pour objet la fanté de ce Prince , fi chere & fi
précieuse à tous les Sujets ; la moindre altération
qu'elle peut fouffrir , nous allarme & nous engage
à recourir au fouverain Arbitre de nos vies , afin
que
SEPTEMBRE . 1744. 2121
que fléchi par nos prieres , il conferve des jours
d'où dépendent notre bonheur & notre tranquillité .
La Religion & la reconnoiffance exigent de nous
ce tribut. Les fatigues & les travaux que l'amour du
Roi pour fes Sujets l'a porté à effuyer , afin de les
mettre à couvert de la fureur de les ennemis ; les
dangers qu'il a courus , les longs & pénibles voyages
qu'il a entrepris dans cette faifon , tant de preuves
de fa tendreffe , demandent de nous un retour
qui nous rende fenfibles au parfait rétabliſſement
d'une fanté qu'il n'a point craint de facrifier au bien
particulier & commun de fes Peuples . Le Ciel qui
nous a donné ce Prince ficher dans les jours de les
miféricordes , les prolongera pour le bien de la Religion
& de l'Etat , & diffipera les juftes fujets de
nos craintes . Cette Protectrice de la France , qui a
toujours été l'objet de la confiance & de la pieté de
nos Rois , & de celle de leurs Sujets , comme un autre
Ifaïe , nous dira, attendrie fur nos gémiflemens ,
que le Seigneur a écouté les voeux que nous lui
avons adreflés , & que déja celui pour lequel nous
les avons formés en reffent les effets. Renouvellons.
les fans ceffe; nous ne pouvons les interrompre, fans
nous rendre coupables de l'ingratitude la plus condamnable.
A ces caufes , pour nous conformer à l'Arrêt de
ce jour , rendu par la Cour de Parlement , nous ordonnons
que la Châffe de Ste Geneviève , Patronne
de Paris & du Royaume , fera découverte cejourd'hui
, dont la Ville fera avertie par le fon de toutes
les cloches de notre Abbaye ; que le même jour on
célébrera une Meffe folemnelle à neuf heures du
matin ; que pendant le tems que la Châffe demeurera
découverte , on dira au grand Autel des Mefles ,
depuis cinq heures du matin jufqu'à midi ; que quatre
Chanoines Réguliers de cette Eglife iront faire
leurs
2122 MERCURE DE FRANCE.
leurs prieres fucceffivement , felon l'ordre qui leur
fera marqué , devant ladite Châffe , hors le tems des
Meffes qui fe diront au grand Autel , & que tous
lés foirs après Complies fera fait un Salut , qui com .
mencera par une Proceffion dans l'Eglife , à laquelle
on chantera , 1° . les Litanies Aufer à nobis , &c.2°.
l'Antienne de Ste Geneviève , O felix Ancilla , &c.
3°. le Répons , Virtutes ; l'Antienne de la Ste Vierge
, Sub tuum prafidium , & Domine falvum fac Regem
, & l'Antienne Da Pacem ; le y . Dominus opem
ferat illi ; R. Super lectum doloris ejus. Les Orailous ,
la premiere pour le rétablissement de la fanté du
Roi , Omnipotens fempiterne Deus, &c . la deuxième ,
de la Ste Vierge , Concede nos famulos , &c . la troiféme
, de Ste Geneviève , Prafta quafumus , &c. &
la quatrième , pour la Paix , Deus, à quo fanita defideria
, c.
- Nous ordonnons de plus , que pendant que la
Châffe demeurera exposée à la dévotion des Fidéles ,
tous les Prêtres qui célébreront la Meſſe dans notre
Eglife , continueront de dire les Oraifons , Secrettes
& Poftcommunions intitulées dans le Miffel , Pro
Infirmis , pour le Roi . Donné à Paris , en notre Ab.
baye Royale de Ste Geneviève , le 17 Août 1744.
Signé , Fr. François Paror , Abbé de Ste Genevieve
, &c.
LETTRE du Roi , écrite à M. l'Archeque
de Paris , pour faire chanter le Te
Deum , en actions de graces du rétabliffe
ment de lafanté de Sa Majesté.
ON COUSIN , les graces fignalées que je
fant , dans la maladie dont il a permis que je fulle
attaqué , font une nouvelle preuve bien fentible de
la
SEPTEMBRE. 1744. 2123
Ja protection finguliere dont il daigne me favorifer .
Je ne puis mieux employer les premiers momens de
ma convalefcence , qu'à lui donner des témoigna
ges publics de ma vive reconnoiffance , & le lupplier
de m'accorder pendant le rette des jours qu'il
voudra bien me conferver , les fecours qui me font
néceffaires , pour n'être occupé que de la gloire &
du bonheur de mes Sujets . Les marques & touchantes
d'attachement que j'ai reçues d'eux dans cette
conjoncture , m'ont rempli de la plus douce confolation
; elles me font efperer , que la ferveur de
leurs prieres attirera fur moi & fur mon Royaume
de nouvelles bénédictions , que je defire principalement
, pour les rendre heureux. C'eft dans ces fentimens
que je vous écris cette Lettre, pour vous dire
que mon intention eft , que vous falliez chanter le
Te Deum dans l'Eglife Métropolitaine de ma bonne
Ville de Paris , le jour que le Grand-Maître ou le
Maître des Cérémonies vous dira de ma part ; fur ce,
je prie Dieu , qu'il vous ait , MoN COUSIN , en fa
fainte & digne garde. Ecrite à Metz le 4 Septembre
· 1744. Signé , LOUIS , & plus bas , PHELY PEAUX .
En conféquence l'Archevêque de Paris donna un
Mandement , dont voici la teneur.
CHARLES GASPARD- GUILLAUME DE VINTI .
MILLE , & c. Au Clergé Séculier & Régulier , & aux
Fidéles de notre Diocèfe : Salut & Bénédiction.
Dans un tems , mes très- Chers Freres , où nous
attendions de jour en jour , que le Roi , à la tête de
fon armée , attaqueroit fes ennemis , & les forceroit
d'abandonner cette riche Province, de laquelle
ils s'étoient flatés de faire le théatre de leurs triomphes
, quelle fût notre affliction d'apprendre , que
S. M. réduite fur un lit de douleur, par une maladie
violente , étoit dans l'impuiflance d'exécuter la généreuse
réfolution qu'elle avoit prife !.
I ij Mais
2124 MERCURE DE FRANCE.
Mais quel furcroît de déſolation & d'accablement
pour nous , lorfque nous ne pûmes ignorer , que
malgré la vigueur de l'âge & tous les fecours humains
, ce Frince fe trouvoit dans une extrêmité ,
femblable à celle qui fit dire autrefois au Roi Ezechias
: N'étant encore qu'à la moitié de mes jours , je
me vois aux portes de la mort . . Je ne verrai plus le
-Seigneur dans la terre des vivans ; les hommes qui l'kabitent
vont difparoître à mes yeux , & ma vie n'eft plus
que comme la tente d'un Berger , qu'on plie, pour l'emporter
ailleurs.
·
Au bruit du péril auquel le trouvoit exposée une
vie dont dépendent le bonheur & le falut de la
France , la confternation fut générale ; les Grands
comme les Petits , les Riches comme les Pauvres ,
tous firent éclater leur douleur, & donnerent à l'envi
des marques de leur attachement pour la Perfon-
' ne facrée de leur Roi .On accouroit en foule dans nos
Eglifes , & furtout dans ce célebre Temple dédié
fous l'invocation de la Mere de Dieu , où les Miniftres
du Seigneur , profternés jour & nuit au pied
de l'Autel , s'efforçoient de fléchir la colere du Ĉiel,
& de détourner le coup terrible dont nous étions
menacés.
S'il en coûte à notre coeur de rouvrir dans le vôtre
, par le fouvenir de ces triftes objets , une
playe douloureufe , il est bien confolant de pouvoir
vous affûrer , que le fujer de nos allarmes eft entierement
diffipé, & que l'Augufte Monarque , que
nous avons pleuré comme mort , aujourd'hui plein
de vie & de fanté, eft en état d'accomplir les glorieux
projets que lui dicteront fon amour pour fesPeuples,
& fon zèle pour le rétabliſſement de la tranquillité
de l'Europe.
Beni foit , mille & mille fois le Seigneur , qui n'a
pas rejetté notre priere , ni éloigné fa miféricorde do
defus
SEPTEMBRE. 1744. 2125
deffus nous ! C'est lui , c'eft le Tout - Puiffant qui
conduit ce Prince jufqu'aux portes de la mort , & qui
l'en a retiré : la même main qui nous avoit bleffés ,
nous a guéris . Le Dieu de toute confolation a fait
fucceder à la tempête , aux larmes aux soupirs le
calme la joye : touché de tant de voeux , de tant
de prieres , de tant d'oeuvres de mortification & de
pénitence , il nous rend ce Monarque , plus digne
que jamais & de notre reſpect & de notre amour.
Dans ces circonftances , S. M. perfuadée comme
nous , que fa vie renouvellée , eft un bienfait de
celui qui a fur les Souverains comme fur les Sujets ,
un pouvoir abfolu de vie de mort , veut que nous
lui en rendions de très-humbles actions de graces ,
& par une fuite des fentimens qu'elle a fait paroître ,
dans le tems de la tribulation , elle nous ordonne de
demander les fecours dont elle a befoin , pour n'être
déformais occupée que de la gloire du Seigneur & du
bonheur defes Peuples.
לג
Obéiffons à des ordres fi refpectables . Remercions
Dieu de nous avoir épargné le plus redoutable trait
de la colere , que nous n'avions peut- être que trop
mérité. Demandons lui qu'il comble ce Monarque
de fes faveurs céleftes & des dons inestimables de fa
grace ; qu'il lui faffe goûter de plus en plus cette
belle Maxime de S. Auguftin , que la condition
des Souverains n'eft véritablement heureuſe , que
quand ils commandent avec juſtice ; qu'ils ne s'élevent
point avec orgueil , ni des éloges flateurs , ni
» des hommages féduifans de ceux qui les environ-
>>nent ; qu'ils fe fervent de leur autorité pour éten-
» dre le culte Divin ; qu'ils craignent Dieu , l'ai-
» ment & le fervent avec fidelité , qu'ils font plus
» de cas du Royaume qu'ils efperent dans le Ciel ,
» que de celui qu'ils poffedent fur la Terre ; qu'ils
répriment leurs paffions avec d'autant plus de loin .
I iij » qu'il
37
2126 MERCURE DE FRANCE.
» qu'il leur eft plus facile de les fatisfaire , & qu'ils
préferent l'avantage de les foûmettre & de les
dompter , à celui de commander au monde entier.
Enfin conjurons le Seigneur de nous conferver
long-tems le Tréfor qu'il nous a rendu , & de nous
faire jouir avec tranquillité , pendant une longue
fuite d'années , du fruit de nos voeux , en ajoûtant de
nouveaux jours à ceux d'un Roi , qui par un des plus
nobles fentimens que la Religion & l'Héroïfie
Chrétien peuvent infpirer , ne veut vivre que pour
faire honorer Dieu & pour nous rendre heureux-
A ces caufes , après en avoir conferé avec nos
vénérables Freres les Doyen , Chanoines & Chapitre
de notre Eglife Métropolitaine,Nous ordonnons
que le Te Deum avec le Verfet Benedicamus Patrem
Filium , &c. & l'Oraifon Pro reftituta Regis fani.
tate ; l'Antienne , Domine falvum fac Regem , &c. le
Verfet Fiat manus tua , &c . & l'Orailon Pro Ree
& ejus Exercitu , fera chanté Jeudi 10 Septembre ,
dans notredite Eglife; Dimanche 13 du même mois,
dans toutes les Abbayes , Chapitres , Patoiffes &
Communautés Séculieres & Régulieres de la Ville
& des Fauxbourgs de Paris , & le Dimanche qui fuivra
la réception de notre préfent Mandement , dans
toutes les autres Eglifes de notre Diocèfe . Nous ordonnons
en outre , que depuis le jour que le Te
Deum aura été chanté dans notredite Eglife Métropolitaine
, jufqu'au premier du mois d'Octobre exclufivement
, on récitera à toutes les Meffes la fufdite
Oraiſon avec la Secrete & la Poftcommunion
qui la fuivent. Nous recommandons aux Curés &
Vicaires de notre Diocèle , d'exhorter les Fidéles
dans leurs Prônes & autres Inftructions , de demander
au Ciel , ainfi que S. M. le défire , l'aſſiſtance
dont elle a befoin , pour faire de la fanté qu'elle a
recouvrée , un ufage agréable à Dieu & utile à fes
Peuples.
Si
SEPTEMBRE. 1744. 2127
Si mandons aux Archiprêtres , &c . Donné à Patis
en notre Palais Archiepifcopal le 6 Septembte
1744. Signé, CHARLES, Archevêque de Paris , & c.
Le 12 du même mois , le Grand - Prieur de l'Abbaye
Royale de S. Germain des Prez donna auffi fon
Mandement fur le même fujet , contenant ce qui fuit.
JEAN BOURD E T , Grand- Prieur de l'Abbaye
Royale de S. Germain des Prez , & c.
Le Ciel , flechi par nos Prieres , vient enfin de tarir
nos larmes ; il les a fait couler pour nous porter
à l'appaifer , & la grandeur de la Victime qu'il a
menacé de frapper , nous montre combien il étoit
irrité contre nous. Nos profperités nos éblouiffoient;
nous mettions notre confiance dans nos Chars , dans
nos armées. Nous avions oublié que le nom du
Seigneur doit être toute notre efpérance , & que
celui qui la fonde fur un bras de chair , eft foumis à
Panathême & à la malédiction . Lafageffe qui préfide
au Confeil de notre Augufte Monarque , fes Allian
ces , le courage qu'il infpire à fes troupes , les Lau
Fiers qui ceignoient fon front , enlevoient notre encens
& nos hommages . En vain nous ordonnoit - il
lui même d'en rapporter la gloire à celui par qui regnent
les Rois , qui infpire aux Législateurs toute
juftice ; nous avons manqué de nous conformer à de
fi pieufes intentions , & tandis qu'au dehors nos
Temples retentiffoient d'actions de graces adreffées
au Très-Haut , comme à l'Auteur de nos fuccès ,
nous nourriffions peut - être dans le fond de nos
coeurs unpeu trop de complaifance & d'admiration
pour celui qui n'en étoit que le glorieux inftrument.
Le Seigneur peu content de nos difpofitions , a changé
nos Fêtes en deuil , & nos Cantiques de triomphe
en lamentations . Il a paru vouloir convertir nos
Lauriers en Cyprès , en renverfant le fondement de
notre
2128 MERCURE DE FRANC .
notre orgueil ; il a fait briller fon &
la foudre , il a élevé fon bras , & il a ún. ~ ejo
moi qui fuis le Seigneur , c'est moi qui frape
& qui guéris ; qui ote & qui donne la vie , qui
conduis au tombeau & qui en retire ; reconnoiffez qu'il
n'eft point d'autre Dieu que moi. Sa voix s'eft fait entendre
à l'oreille de notre coeur ; nous nous fommes
humiliés fous fa puiffante main . Cet heureux changement
a détourné le coup terriblequi menaçoit une
Tête fi chere. Aux jours de deüil & d'amertume ont
fuccedé des jours ferains ; le nouvel Ezechias nous
a été rendu , & l'ombre du Soleil eft retourné en arrie◄
re de dix dégrés en notre faveur. Hâtons - nous donc ,
mes très- chers Freres , de redoubler les Actions de
graces que nous devons au Seigneur , qui rend à
nos voeux & à nos befoins ce Prince bien - aimé , &
faifons éclatter notre reconnoiffance à proportion
du bienfait que nous avons reçû. A ces caufes , nous
ordonnons que le Te Deum fera chanté dans notre
Eglife Dimanche 13 Septembre , & que jufqu'au
premier jour d'Octobre exclusivement , on récitera
à toutes les Meffes l'Oraifon , la Secrette & la Poftcommunion
Pro reftituta Regis fanitate . Donné en
l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez le 12 de
Septembre 1744. Signé, Fr. JEAN BOURDET, Grand-
Prieur & Vicaire Général de S. A. S. & c .
Le 13 , le Grand- Prieur & les Religieux de l'Eglife
de l'Abbaye de S. Germain des Prez rendirent
à Dieu leurs publiques actions de graces , & il y eut
pendant la journée plufieurs falves de canon . Le foir,
on tira une grande quantité d'Artifice dans la cour
du Palais Abbatial , dont la façade , ainfi que
celle de la maifon des Religieux , fut illuminée
avec beaucoup de magnificence . Les enceintes des
deux cours , dans lefquelles on avoit fufpendu des
Luftres de Criſtal , à la place des Lanternes ordinaires
,
SEPTEMBRE. 1744. 2129
res , le furent pareillement , & un concours extraordinaire
de peuple pr : t part aux réjoüiffances de
cette Abbaye.
On voyoit fous le principal Portique du Palais
Abbatial ,un grand Tableau Allégorique fur le retour
de la fanté du Roi , fanté qui fait le bonheur ,
& pour ainfi-dire , le falut de fon Peuple, ce qui étoit
exprimé par ces mots , SALUS A SALUT 6 .
Dans la cour des Religieux , un autre grand Tableau
Allégorique ornoit le milieu de la façade de
leur Maifon , les Symboles , quoique differens
ávoient le mêine objet , & on y lifoit cette Infcription
REGI REDIVIVO.PIO.VICTORI.PATRI PATRIÆ.
>
On peut dire que le zéle du R.P.René Laneau , Supérieur
Général des Bénédictins de la Congrégation
de S. Maur , qui fait fa réfidence dans cette Abbaye ,
n'a pas peu contribué à rendre cette Fête l'une des
plus brillantes de la Ville,furtout par la magnifique
& ingénieufe Illumination de la cour , dont on vient
de parler , Illumination dont ce R. P. a fait les
frais , ayant d'ailleurs préfidé à tout l'ordre qui a
été obfervé .
Le 28 du mois dernier , la Chambre des Comptes,
en action de graces du rétabliffement de la fanté du
Roi , fit chanter dans la Ste Chapelle le Te Deum
auquel leChantre du Chapitre de cette Eglife officia.
La Cour des Aides & la Cour des Monnoyes ont
montré , en s'acquittant du même devoir , la part
qu'elles prennent à la joye publique.
Les Préfidens Tréforiers de France affifterent auffi
le 29 dans la même Eglife, au Te Deum , qu'ils y firent
chanter à la mème occafion .
Le premier Septembre , la Compagnie des Avocats
aux Confeils du Roi , fit chanter folemnellement
le Te Deum en l'Eglife des Grands Auguftins , en ac
tions de graces de l'heureufe convalefcence de S. M.
I v L'A2130
MERCURE DE FRANCE.
L'Académie Royale des Infcriptions & Belles
Lettres , & celle des Sciences , s'acquitterent le 9
de ce mois , du même devoir dans l'Eglife des Prêtres
de l'Oratoire .
Quelques difficultés ayant empêché l'Académie
Françoife de donner dès les de ce mois, comme elle
l'avoit réfolu , des marques publiques de fon zéle &
de fon attachement pour fon Augufte Protecteur ,
elle n'a pu jouir que le 12 de cette fatisfaction . Elle
fit chanter ce jour- là le Te Deum en Mufique , dans
la Chapelle du Louvre, auquel l'Evêque de Bayeux,
l'un des Quarante de l'Académie , officia .
L'Académie d'Architecture s'en acquitta le 14
dans l'Eglife des Prêtres de l'Oratoire , où les fix
Corps des Marchands avoient auffi le 12 fait chanter le
Te Deum,pour remercier Dieu d'avoir confervé Š.M.
2
EPIGRAMME fur la convalescence dis
Roi , envoyée à M. le Premier Président.
LA mort , aveugle en fes fureurs ,
Sans refpecter le Diadême ,
Alloit fraper l'objet de notre amour extrême.
Son bras s'arrête , en entendant nos pleurs ;
Elle vit bien à nos frayeurs ,
Que malgré la mort même ,
LOUIS vivroit dans tous les coeurs,
ENVO I
En lifant le Bultin qu'apporte le courier ,
Mon coeur peint dans ces Vers toute fon allegreſſe.
DeMaupeon , pour fon Roi je connois la tendreffe ;
C'est à Maupeon de les voir le premier.
LET-
1
11

PUBLIC DLC
LISTANY
ASTOR,
LENOX AND
TILDEN
FOUNDATIONS
DEO
OMNIA
XV. AUG. M.DCCXLIV.
SINE
DEO
NIHIL
ESSAY DE MEDAILLON
,
Sur la convalescence
du Roy.
A.Gosmond jne . et del. D. Sornique . Sculp
SEPTEMBRE. 1744. 2131
LETTRE à M. L. C. D. L. R. en lui
envoyant un Effai de Médaillon fur la
convalefcence du Roi.
D
සා
ce
A
U milieu des tranfports du plus tendre & du
plus fidéle des Peuples, avec lequel j'ai paffé
fucceffivement , ( par le danger où étoit le Roi ,
& par la convalefcence de ce grand Prince , ) de la
plus grande affliction à la joye la plus exceffive ;
j'ai , M. comme fon fidéle Sujet , partagé des fen-
» timens fi juftes , & mon zéle m'a fuggeré cet Effai
» de Médaillon , que je vous envoye . Je fçais bien
que mon Ouvrage eft fort au- deffous de mon ab
jet , mais enfin , c'eft un Enfant de l'amour que
" tous les François ont pour leur Pere & pour le plus
aimable des Rois . J'attends de votre amitié que
vous en ferez l'ufage qu'elle vous dictera ; vous
en trouverez l'Explication au bas de ma Lettre . Je
vous prie de me continuer les bontés dont vous
m'honorez , & de me croire avec tous les fentimens
queje vous dois, M. Votre , & c. GOSMOND.
A Paris , ce 3 Septembre 1744-
30
Explication du Médaillon.
Ce Médaillon repréfente la France à genoux ,
qui a dépofé fon Sceptre & fa Couronne au pied
d'un Autel , fur la face duquel on voit gravé un Anchre
, Symbole de l'Efperance qu'on a toûjours eû
que
la bonté du Tout- Puiffant retireroit le Roi du
danger où il fe trouvoit . Au deffous de cet Autel ,
font deux Enfans , qui caractériſent l'innocence &
la fincérité des voeux de toute la Nation pour le Roi,
& qui levent les mains au Ciel , pour implorer fa
mifericorde en faveur de ce Prince & de nous.
* Dieu , exauçant des voeux fi purs & fi juftes , fair:
I vj defcen2132
MERCURE DE FRANCE.
defcendre la Santé du Giel . Elle porte dans un Mé
daillon le Portrait du Roi , qu'elle remet entre les
mains de la France , pour lui marquer que la Divine
Providence a bien voulu lui rendre fon Monarque :
la France le reçoit avec transport .
La Religion , avec les attributs , paroît au- deffus.
Elle montre le S. Nom de Dieu dans fa gloire , &
nous fait voir par- là que ce n'eft qu'à Dieu feul
qui l'on doit la vie du Roi.
On remarque du côté oppofé , l'Ange du Seigneur
, qui , avec un glaive de feu , précipite la
Mort dans les abîmes .
Dans le fond du Médaillon , on voit plufieurs petits
Autels flamboyans , qui marquent que les voeux
que l'on faifoit pour ce Prince , étoient univerfels.
Au haut du Médaillon , on lit cette Infcription :
CUM DEO OMNIA , SINE DEO NIHIL ,
c'est-à dire , Tout vient de Dieu , fans lui il n'y a rien.
Autour du Portrait du Roi eft cette autre Infcription :
LUDOVICUS QUINDECIMUS ,
REX OPTIMUS
GENTIUM CONSENSU
MAXIMUS.
炒菜
LOUIS QUINZIEME ,
ROI TRE'S- Bon ,
ROI TRE's - GRAND ,
DE L'AVEU DE TOUS LES PEUPLES.
Il y a dans l'Exergue : X V. AUG . M. DCC . XLIV.
Jour à jamais mémorable pour la France , puifque
c'eſt dans ce jour fortuné pour elle , qué Dieu lui a
rendu fon Monarque BIEN - AIM E.
LA
SEPTEMBRE. 1744. 2133
LA Convalescence du Ro1.
ILs font paffés ces jours de douleur & d'effroi ,
Et l'empire François renaît avec fon Roi.
Avions- nous mérité que le courroux Céleste
Fit fubir à nos coeurs cette épreuve funeſte ?
Nous perdions pour jamais ce tréfor précieux ,
Au moment qu'il étoit le plus cher à nos yeux.
Nos coeurs tournés vers lui dès fa plus tendre enfance
,
S'étoient liés encor par la reconnoiffance ;
Nos befoins en tout tems remplis , ou prevenus ;
Le Commerce affermi , nos voifins foutenus ;
Nos Champs fertilifés par une paix profonde ;
Tout immortalifoit le bienfaiteur du monde .
Mais enfin l'Univers s'eſt laffé d'être heureux ;
La Diſcorde s'éveille ; elle exhale fes feux ;
La grandeur du Héros bien- tôt fe développe ;
Le danger l'encourage , il fait trembler l'Europe :
Des rives de l'Escaut , il vole aux bords du Rhin.
A la fureur impie il va donner un frein......
Ciel ! Quelle affreuſe ſcéne à nos regards offerte !
Là , le Char de Triomphe , ici , la Tombe ouverte
De funébres clameurs s'élèvent jufqu'aux Cieux.
Ceffez bruyans Concerts d'an camp victorieux ;
La foudre va tomber ; l'inftant fatal s'avance ','
Et le coup retentit aux deux bouts de la France .
Lévi2134
MERCURE DE FRANCE.
Lévites , Magiftrats , Citoyens confternés ,
Et tout fexe , & tout âge aux Autels profternés ,
Attendent le ſecours que leur ferveur implore :
Le jour meurt , & renaît ; ils gémiffent encore.
La vieilleffe s'épuiſe en foûpirs languiffans ;
L'enfance étouffe & perd ſes timides accens.
Un peuple qu'adopta la Sageffe éternelle ,
Heureux , favorisé , tant qu'il reſta fidéle ,
Dans fes Temples profcrits reclame les bontés
D'un Dieu , qui dès long-tems les a deshérités :
Il femble qu'à Louis ils s'empreffent de rendre
L'hommage , qu'autrefois reçut d'eux Alexandre
Des Mortels féparés , & de culte & de loix ,
Un intérêt fi cher a réuni les voix.
Des Remparts de Paris & Vierge tutélaire ,
De tes concitoyens n'es- tu donc plus la Mere ?
Et ce Roi dans les Cieux couronné de nos Lys ,
Ne reconnoît- il plus fes fujets & fon Fils ?
Quelle nouvelle horreur nous frape , & nous ac
cable !
L'objet le plus augufte & le plus déplorable
Une Epouſe ... Elle part... Quel ſpectacle l'attend ?
Et toi , digne foutien de ce Trône flotant ,
Tu la fuis... Faudra t'il craindre auffi pour ta vie
Ton défeſpoir , tes pleurs te l'ont presque ravie.
Volez , volez tous deux à fes embraffemens ;
Recevez-les... Hélas ! Peut- être il n'eſt plus tems.
La
SEPTEMBRE . 1744: 2135
La Nature s'éteint ; l'Art n'a plus de reffource ;
Nouvel Ezéchias , au milieu de fa courſe ,
Il tombe ; courageux fans fafte & ſans effort ,
Il nous plaint , & ne craint , ni ne brave la mort.
Grand Dieu , qui nous êtois toute ombre d'eſpé
rance ,
Tu voulois au miracle affûrer l'évidence ;
Tu te voiles fouvent fous les fecours humains ;
Ici tu fais briller l'Ouvrage de tes mains.
LOUIS refpire enfin , objet de tant d'allarmes ,
Une feconde fois racheté pat nos larmes.
Que fes premiers périls nous en firent verſer ,
Quand cer Aftre naiffant fut près de s'éclipfer !
Les plus ardens tranfports, les Fêtes les plus belles;
Signalerent la fin de nos frayeurs mortelles .
Plus fortunés encor , & plus reconnoiſſans ,
Allons offrir au Ciel nos voeux & notre encens :
Le Sénat a donné le fignal d'allegreffe ;
L'organe de nos Loix , l'eft de notre tendreffe.
France , adore la main , qui rend en ce grand
jour ,
Un Héros à ta gloire , un Pere à ton amour.
Par M. Roy , Chevalier de l'Ordre de
Saint Michel.
LET
136 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE écrite de CHOISI - LE -ROL,
le 18 Septembre , par M. G *** , au fujer
de la Fête qui y a été donnée .
S
Í tous les sujets de S. M. ont donné des marques
de la plus vive douleur , en apprenant fa maladie
, ceux de Choifi - le-Roi ont été des premiers à
témoigner combien ils y étoient fenfibles ; à peine le
Curé de cette Paroiffe Royale eut-il annoncé les
Prietes que l'on devoit faire pour que Dieu rendir
ce Monarque aux voeux de toute la France, que fon
Eglife fe trouva remplie d'Officiers du Château , de
Bourgeois & d'Habitans , qui par des larmes bien
finceres , faifoient connoître jufqu'à quel point ils
s'intéreffoient à la fanté de S. M. Ce ne fut plus dès
ce moment qu'un concours étonnant ; toutes les
maifons fe trouverent vuides , & l'Eglife n'étant pas
aflés grande , pour contenir tous les Paroiffiens , on
voyoit autant de monde en-dehors qu'en- dedans , &
pendant les neuf jours qu'on a continué les Prieres,
perfonne du Village ne s'eft difpenfé d y affifter.
L'heureufe nouvelle du rétabliffement de la fanté
du Roi ayant été annoncée , & qu'il n'y avoit plus
rien à craindre pour une vie aufli précieuſe, tous les
Officiers du Château , les perfonnes employées dans
les Bâtimens, les Bourgeois , les Habitans de Choifile-
Roi , & tous les Ouvriers qui font occupés aux
differens travaux , donnerent en général & en particulier
, des marques de la joye la plus parfaite.
La veille de la Fête de S. Louis , vers les fept heures
du foir, on tira le canon en préfence du jeuneMarquis
de Coigny & de Mrs fes freres,qui allumerent en mè
me-tems le Feu qu'on avoit placé à la demi -Lune ,
qui donne fur la riviere ; M. Filleul , Concierge du
Château de Choifi , avoit fait illuminer très ingé
nieu-
1
SEPTEMBRE. 1744. 2137
Menfement une grande partie des Jardins de ce cô
à , & toute la façade du Château. A fon exem
ple , Mrs Tiphaine , Gueullette , Guilier de Nonac,
Triperet , & la Dlle Brachet , qui ont leurs maifons
dans ce Village, firent auffi illuminer , à l'envi les uns.
des autres , leurs maiſons , ce qui faifo t un très bel
effet , par l'heureuſe difpofition du Lieu ; tous les
Particuliers , employés dans les Bâtimens du Roi ,
firent à peu près les mêmes Illuminations.M.deJanfon
, qui en eft l'Inspecteur , s'y diftingua par un Feu
particulier , qu'on renouvella depuis huit heures du
foir jufqu'à deux heures du matin. On ne voyoir
partout que des Danfes & des réjouiffances au bas
de fa maiſon , fituée fur le bord de la Seine , & on
préfenta du vin & des rafraîchiffemens à tout le
monde .
Comme les nouvelles qui arrivoient tous les jours
de Metz , confirmoient la convalefcence du Roi , &
que S. M. étoit entierement hors de danger , Mrs
Filleul , Mautuits , le Noble , & Aubry , Officiers
du Château , & M. Bayard , Chirurgien du Roi à
Choifi , réfolurent de témoigner plus particuliere->
ment leur joye par un grand repas & une Fête qu'ils
donnerent le 8 de ce mois, à laquelle les Dames &
les principaux Bourgeois furent invités.
Ce même jour, à dix heures du matin , conformé
ment aux ordres de M. l'Archevêque , on partir de
la Paroiffe en Proceffion , pour aller célébrer la
gtande Meffe à la Chapelle du Château , où le S.
Sacrement fut expoſé juſqu'à ſix heures du foir ; l'a- "
près midi on y chanta les Vêpres , le Salut , le Te-
Deum & l'Exaudiat , au bruit de plufieurs décharges
de canon.
La Dile Filleul , fille aînée du Concierge , fit une
quête abondante pour les Pauvres.
A l'entrée de la nuit , la Cour des Princes fut illuminée
2138 MERCURE DE FRANCE.
luminée par un grand nombre de Terrines , artiſtes
ment diftribuées ; la Colonade qui regne le longde
de la Galerie & de la Sale à manger du Roi , ornée
de Tapifferies de la Couronne , fut éclairée par fix
Luftres , garnis de Bougies.
On n'avoit rien omis pour rendre la Fête des plus
brillantes ; on avoit placé fur des Gradins un nombre
fuffifant de Symphoniftes ; on ouvrit le Bal de
bonne heure , & il , ne finit qu'à 5 heures du natin.
On avoit dreffé au milieu de la cour de la maiſon
une Table de 30 couverts . Cette Table fe trouva directement
au- deffous de la Marquife de la Tente qu'on
yavoit tendue; c'eft la même Tente que l'Ambaffadeur
de la Porte préfenta au Roi de la part du G. S.
A côté , on avoit dreffé un Buffet en ligne circulaire
, fort orné , & garni de tout ce qu'on pouvois
fouhaiter en Vins & en Liqueurs.
Deux autres Tables , l'une de quinze & l'autre de
dix couverts , étoient placées , la premiere à côté de
la grande Table fous la Marquife , & l'autre fous la
Tente du Buffet ; ces Tables étoient occupées par
des jeunes Gens priés de la Fête ; la grande Table
étoit éclairée par un Luftre magnifique & par un
Surtout de Cristal , fur lequel on avoit placé des Girandoles
& des Bras garn's de Bougies.
Le Repas étoit compofé de quatre Services , de
feize plats chacun , & le tout fut fervi abondamment
& avec autant d'ordre que de propreté.
Tous les Convives firent parfaitement bien les
honneurs du Repas . La fanté du Roi ayant été portée
aux Conviés par M. Filleul , on la but debout &
découvert , au bruit du canon & des acclamations
réiterées ; le Souper dura au moins trois grandes
heures , & toujours avec la même gayeté ; on avoit
mis plufieurs banquettes autour de la grande Table,
pour pouvoir y placer plufieurs perfonnes , que la
Fête
SEPTEMBRE. 1744. 2139
Fêre avoit attirées ; &on fit diftribuer généralement
à tout le monde des rafraîchiffemens . Au bout de la
cour , on diftribuoit auffi du Pain , du Vin ,' des Langues
& de la Viande aux Habitans & aux Ouvriers
qui fe préfenterent , & à deux heures du matin on
fervit du Caffé .
Pour maintenir l'ordre & contenir le Peuple , outre
les Suiffes du Château de Choifi, les Brigades des
Maréchauffées de Villejuif & de Charenton étoient
dans la cour , & tout s'y paffa dans la plus grande
tranquillité & fans le moindre défordre . La jeune
Dile Filleul , qui eft remplie d'agrémens , & d'une
très jolie figure , s'y eft fort diftinguée , & fur tour
dans la Danfe , par un grand nombre de differentes
contre-danfes , qu'elle exécuta avec autant de grace
que de vivacité ,lesquelles terminerent la Fête.
MORTS.
E .... Août , Charles de Tarnean , Lieutenant
LGénéral des Armées du Roi du 20 Février 1734,
Gouverneur des Ville & Château de Béthune , cidevant
Inspecteur Général de Cavalerie , mourut à
Courbevoye , âgé de 76 ans. Il avoit été reçû Page
du Roi en fa Grande Ecurie en 1684. Il étoit fils de
Jofeph de Tarneau , Confeiller au Parlement de
Bourdaux , & de D. Catherine de Merignac , &
fortoit d'une Famille qui a donné des Confeillers
& des Préfidens à ce Parlement depuis l'an 1573 ,
dont les Armes font d'Azur , à une bande d'or
un Chef auffi d'or, émanché de trois piéces d'Azur.
Les , Robert Machet ( du Canton de Soleure )
Lieutenant Général des armées du Roi du 23 Mars
17362
1140 MERCURE DE FRANCE.
1736 , ci devant Lieutenant Colonel du Régimens
des Gardes Suiffes du mois de Septembre 1726 ,
mourut à Paris , âgé de 80 ans ; il étoit veuf depuis
le 15 Mars 1741 ,de D. Françoife, Gabrielle Macher,
dont la mort eft rapportée dans le Mercure d'Avril
1741 .
Le 8 , D. Marie Louife -Magdeleine de Lamoignon,
veuve depuis le 11 Juillet 1740 de Robert le Peletier
, Seigneur des Foits , Miniftre d'Etat , & ci devant
Contrôleur Général des Finances , avec lequel
elle avoit été mariée le 12 Septembre 1706 , mourut
à Paris , âgée de 57 ans . Elle étoit fille de Nicolas de
Lamoignon Bafville , Comte de Launay Courfon ,
Confeiller d'Etat ordinaire , & Intendant de la Province
de Languedoc , & de D. Anne Louiſe Bonnin
de Chalucet . Elle avoit eû pour fils unique Anne-
Louis Michel le Peletier , Comte de S. Fargeau ,
Confeiller au Parlement de Paris , mort à l'âge de
26 ans le 4 Juillet 1739 , laiffant des enfans de D.
Maric Charlotte- Marguerite d'Aligre , qu'il avoit
épousée le 21 Février 1735. Voyez pour la Généa
logie de la Famille de Lamoignon , l'Hiftoire da
Parlement de Paris par Blanchard , & le Dictionnai
re Hiftorique de Morery , derniere Edition , dans
lequel fe trouve auffi partie de la Généologie de la
Famille de le Peletier.
J
APPROBATION.
'Ai lû par Ordre de Monfeigneur le Chancelier,,
le Mercure de France du mois de Septembre , & j'a¹
crû qu'on pouvoit en permettre l'impreflion . A Paris
, le premier Octobre 1744.
Signé , HARDION.
TABLE
TABLE.
4141
Placas FUGITIVES. Les Progrès de la Comédie
fous le Regne de LOUIS LE GRAND , Ode, 1931
La Supériorité des Dames fur les Hommes , Extrait
,
1936
Epitre en Vers de M. Nericault Deftouches , 1949
Obfervations fur l'ufage de la Critique ,
Extrait d'une Ode fur les Conquêtes du Roi , 1966
Rondeau à M. B ** C. D. V.
1957
1973
Suite de la Séance publique de l'Académie Royale
de Chirurgie ,
Enigme & Logogryphes ,
1974
2014
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX ARTS , & C.
Traité fur l'Aberration apparente des Etoiles ,
Extrait ,
Differtations & Confultations Médicinales de Mis
Chirac & Silva ,
2017
2024
ibid.
Hiftoire de la Conquête du Mexique ,
Nouvelle Edition des Lettres de S. Jérôme , ibid.
La Religion Chrétienne éclairée par le Dogme, ibid,
La Salamandre , nouvelle Allégori -Comique , &
Vers à ce fujet à la Dlle Coraline , 2025
Nouvelle Edition de la Coûtume de la Marche , 2026
Hiftoire du Traité de Weftphalie ,
Mémorial de Paris , nouvelle Edition ,
2027
ibid,
Continuation de l'Hiftoire d'Angleterre , propofée
par foufcription ,
Collection de Livres rares à vendre ,
ibid.
2028
Hora Hebraica , & c. 2029
Nouvelle Edition du Dictionnaire Latin de Robert
Etienne ,
ibid.
Inftitutiones Catholica , 2030
Abregé de la Vie d'une Ste Religieuſe ,
Lettera al Cardinale Quirini ,
Liber tertius de Liturgia Rom. Pontificis ,
ibid.
2038
ibid.
Synopfis
2142
Synopfis Lauretana ;
Obfervations fur la Mérope de M. Maffei ,
ibid:
ibid.
Lettre fur la mort de M. l'Abbé de Rothelin , 2032
Mort de l'Abbé Gédoyn , 2041
Affemblée publique de l'Académie de Marſeille , &
Sujet proposé pour le Prix de 1745 ,
Eftampes nouvelles ,
Remede pour les Dartres ,
Savonnettes de pure Créme de Savon ,
Chanfons notées ,
2042
2043
2046
ibid.
2047
Spectacles, Extrait de la Tragédie des Jéfuites, 2051
Les Comédiens François donnent leur Spectacle
gratis , 2065
L'Algérien , nouvelle Piéce joüée ſur le Théatre
François , 2066
L'Académie Royale de Mufique donne l'Opera
gratis ,
ibid.
Les Comédiens Italiens font la même chofe , &
donnent une très-belle Illumination , 2067
Les mêmes Comédiens repréſentent trois Piéces
nouvelles , intitulées , l'Illumination , la Noce de
Village & les Fêtes finceres ,
2068
L'Opera Comique donne fon Spectacle gratis , &
Illumination dans l'Enceinte de la Foire , 2069
Nouvelles Etrangeres , Suede , Rufſie ,
Pruffe ,
Allemagne ,
Italie ,
Elpagne , Génes & Iſle de Corfe ,
Hollande & Pays - Bas ,
Prife du Fort de Démont ,
Victoires remportées fur les ennemis ,
2070
2671
2074
2078
2081
2082
France , Nouvelles de la Cour , de Paris, &c. 2085
2086
2090
Te Deum chanté à Metz pour la guériſon du Roi ,
2096
Te Deum chanté aux Quinze-Vingt , & exécuté par
les Freres Aveugles ,
2101
Te
4
Te Deum chanté à N. D. 210
Fête donnée à l'Hôtel Royal des Invalides , ibid.
Grande Meffe & Te Deum chantés à S. Jean en
Greve ,
Illuminations dans toutes les rues de Paris ,
Mandemens ,
Lettre du Roi à M. l'Archevêque de Paris',
Mandement en conféquence ,
2110
ibid.
2114
2122
2123
Illuminations & tejoüiffances à l'Abbaye S. Germain
,
Te Deum chanté dans plufieurs Eglifes ,
Epigramme fur la convalefcence du Roi ,
2128
2129
2130
Lettre à M. L. C. D. L. R. en lui envoyant un
Effai de Médaillon fur le même fujet , & Explication
de ce Médaillon , 2131
La Convalescence du Roi , Ode par M. Roy , 2133
Lettre écrite de Choifi le Roi , fur une Fête qui y a
été donnée pour le même ſujet ,
Morts ,
*
2136
2139
P Age 1545
P
Errata de fuillet.
Age 1549 , tumulumque , ôtez que.
Errata d'Août.
Age 1774 , ligne 12 , Dauge , lifez , Daugue.
Page 1792 , 1. 20 , prix , l. prife
P. 1855 , à la Chanfon notée , Parodiées , l. Parodiés
.
2
P. 1858 , 1. 26 , Caroline , 1. Coraline.
Page 1925 , 1gne 16 , Bottrant-Nanteüil, lifez &
ajoutez , de Boham , Comteffe de Nanteuil la
Foffe , remariée au Comte de la Roüerre . La
Maiſon
Maifon de Boham eft iffue des anciens Comtes
d'Ardennes ; elle eft éteinte en la perfonne de la
Dame Comteffe de Nanteuil , la Terre de Nanteüil
la Foffe eft un ancien partage de la Maifon
de Chaſtillon furMarne. Confultez Duchefne & le
Procès verbal de Caumartin .
Fantes à corriger dans ce Livre.
P Age 1945 , lign. 21 & 22 , ôtez le point interrog
P. 1971 1.6 , l'on , l . on ; lign . 7 , mettez un poing
interrogant après Hommes .
P. 1993 , 1. 6 & 7 , regardés , l . regardé.
P. 2013 , 1. 15 , éclairera , l . éclaircira.
P. 2028 , 1. 4 du bas , mais , ôtez ce mot.
P. 2035 , l . 12 , le , ôtez ce mot.
Ibid. 1. 17 , formés , l . formé.
P. 2069 , l . 4 , bein , l . bien .
Ibid, Lantepenultieme , avoir , l, avoit
La Chanfon notée doit regarder la page
La Planche gravée ,la page
2047
2138
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le