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1744, 01-04
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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROI.
JANVIER . 1744.
EXCOLLIGIT
SPARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
Chés La Veuve PISSOT , Quai de Conty ,
à la defcente du Pont - Neuf. "
JEAN. DE NULLY , au Palais .
M. DCC. XLIV.
Avec Approbation & Privilege du Ro
NEWYORK
BLOGUE des Mercures de France,
5352 depuis l'année 1721. jusqu'à préſent.
ASTOR , LENOX, AND
7 vol
16 vol.
13 vol.
14 vol.
15 vol.
14 vol.
TILDEN' FO Guillet , Août , Septembre, Octobre ,
19 Novembre & Decembre de 1721.
Années 1722 , les mois de Mars , Mai , Septembre
& Novembre doubles ,
1723 , le mois de Decembre double ,
1724 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1725 , les mois de Juin, Sept. & Dec.doubles,
1726 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1727 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1728 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1729 , les mois de Juin , Sept . & Dec. doubles , 15 vol.
1730 , les mois de Juin & Dec. doubles , 14 vol.
1731 , les mois d'Avril ,Juin & Dec. doubles, 15 vol .
les mois de Juin & Dec. doubles ,
1733 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1734 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1735 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
2000
1732 ,
14 vol.
14 vol.
14 vol.
14 Vol.
14 vol.
1736 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
14 vol.
1738 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1737 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
14 vol.
14 vol.
1743 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
Janvier 1744.
1742 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1741 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1740 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1739, les mois de Juin , Sept. & Dec. doubles, 15 vol .
14 vol.
14 vol.
14 vol.
14 vol.
14 vol.
I vol.
321 vol.
PRIX XXX. SOLS.
PRI
PRIVILEGE DU ROI.
LOUIS, par la grace de Dieu , Roi de France & de
Navarre à nos Amés & Feaux Confeillers , les Gens
tenans nos Cours de Parlement ; Maîtres des Requêtes
ordinaires de notre Hôtel , Grand- Confeil , Baillifs , Sénéchaux
, leurs Lieutenans Civils , & autres nos Jufticiers
qu'il appartiendra : SALUT. Notre cher & bien amé ANTOINE
DE LA ROQUE , Ecuyer , ancien Gendarme dans
la Compagnie des Gendarmes de notre Garde ordinaire
& Chevalier de notre Ordre Militaire de Saint Louis, nous
ayant fait remontrer que
l'applaudiffement que reçoit le
MERCURE DE FRANCE, ci - devant appellé le Mercure Galant
, compofé depuis l'année 1672 par le fieur de Vifé , &
autres Auteurs , nous a fait croire que le fieur Dufefni ,
Titulaire du dernier Brevet , étant décédé , il ne convient
pas que le Public ſoit à l'avenir privé d'un Ouvrage auffi
utile
qu'agréable , tant à nos Sujets qu'aux Etrangers ;
c'eft dans cette vûë que bien informé des talens , & de la
fageffe du Sieur de la Roque , nous l'avons choifi pour
compofer à l'avenir ,
exclufivement à tous autres , ledit
Ouvrage , fous le titre de MERCURE DE FRANCE , &
nous lui en avons à cet effet accordé notre Bréver le 17
O&obre 1724 , pour l'exécution duquel il auroit obtenu
nos Lettres de Privilége , en date du 9 Novembre enfuivant
, qui fe trouvant expirées , nous a fait fupplier de
lui en accorder de nouvelles en forme de Brévet , fur ce
néceflaires , offrant pour cet effet de le faire
réimprimer
en bon papier & beaux caractéres , fuivant la feüille imprimée
& attachée pour modéle fous le contrefcel des
Préfentes : A CES CAUSES , Voulant traiter
favorablement
ledit fieur Expofant , & étant informé de fes affiduités ,
des foins & dépenfes qu'il fait pour la perfection dudit
Mercure de France , dont nous fommes contens , & dont
nous voulons lui donner des marques de notre entiére fatisfaction
; Nous lui avons permis &
permettons par ces
Préfentes , de compofer & donner au Public à l'avenir tous
les mois , à lui feul
exclufivement à tous autres , ledit
Mercure de France , qu'il pourra faire imprimer en un ou
plufieurs volumes ,
conjointemeut ou ſéparément , & alltant
de fois que bon lui femblera , chaque mois , & de le
faire vendre & débiter par tout notre Royaume , Pays ,
A ij Terres
Terres & Seigneuries de notre obéiffance , pendant le tems & efpace de douze années confécutives , à compter du jour de la date defdites Préfentes , à condition néan- moins que chaque volume portera fon Approbation ex- preffe de l'Examinateur , qui aura été commis à cet effet, & en outre nous avons révoqué & révoquons tous autres Priviléges qui pourroient avoir été donnés ci - devant à d'autres qu'audit fieur Expoſant : Faiſons défenſes à tou- tes fortes de perfonnes , de quelque qualité & condition
d'en introduire d'impreffion ou gravúre qu'elles foient , étrangere dans aucun Lieu de notre obéïffance , comme
auffi à tous Libraires Imprimeurs , Graveurs , Impri- meurs Marchands en Taille- douces & autres, d'imprimer, faire imprimer , graver ou faire graver , vendre , faire. vendre , débiter ni contrefaire ledit Livre , ou Planches , en tout , ni en partie , ni d'en faire aucuns Extraits , fous quelque prétexte que ce foit , d'augmentations
, correc- tions , changement de titre , ou autrement , fans la per- miffion expreffe & par écrit dudit fieur Expofant , ou de ceux qui auront droit de lui ; le tout à peine de confifcation
, tant des Planches que des Exemplaires contrefaits , & des uftanciles qui auront fervi à ladite contrefaçon , que nous entendons être faifis en quelque lieu qu'ils foient trouvés , de fix mille livres d'amende contre chacun des contrevenans , dont un tiers à Nous , un tiers à l'Hôtel-
Dieu de Paris , & l'autre tiers audit fieur Expofant , & de tous dépens , dommages & interêts . à la charge que ces Préfentes feront entegiftrées tout au long fur le Regiftre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris , dans trois mois de la date d'icelles ; que l'impreffion de ce Livre fera faite dans notre Royaume , & non ailleurs. & que l'Impetrant fe conformera en tout aux Reglemens de la Librairie , & notamment à celui du 10 Avril 1725 , &c . Donne à Versailles le feptiéme jour de Décembre l'an de grace mil fept cent trente fix , & de notre Regne le
SAINSON,
vingt -deux. Par le Roi en fon Confeil , Signé ,
avec grille & paraphe , &c .
"
LISTE
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure dans les
Provinces du Royaume.
A Bordeaux, chés Raimond Labottiere , & chés Chappuis
aîné , Libraires, Place du Palais , à côté de la
Bourſe.
Nantes , chés Nicolas Verger.
Rennes , chés Jouanet Vatar , & Vatar le fils , ruë
Dauphine.
Blois , chés Maffon.
Tours , chés Gripon , & chés Bully.
Rouen , chés François- Euftache Herault , & chés
Cailloüeft.
Châlons-fur-Marne , chés Seneuze.
Amiens , chés la veuve François , & chés Godart.
Arras , chés C. Duchamp , & chés Barbier.
Orleans , chés Rouzeaux,
Angers , à la Pofte , & chés Boffard , Libraire.
Dijon , à la Pofte.
Verfailles , chés Monnier.
Besançon , chés Briffaut , à la Pofte .
Saint Germain , chés Chavepeyre.
Lyon ; à la Pofte.
Marſeille , chés Sibié , Libraire , fur le Port.
Vitry le-François , chés Vitalis .
Beauvais , chés De Saint.
Troyes , chés Michelin , Imprimeur - Libraire.
Charleville , chés Pierre Thefin.
Moulins , chés Faure.
Mâcon , chés De Saint , fils.
Auxerre , chés Fournier.
Nancy , chés Nicolas.
Touloufe , chés Biroffe.
A iij
AVERI
AVERTISSEMENT.
Ly a près de vingt-trois ans que nous travaillons
à la compofition de ce Journal , que
le Roi daigne recevoir tous les mois avec bonté ,
& que le Public continue de recevoir favora
blement. Voici le trois cent vingt-uniéme Volulume
, ce mois-ci compris , fans qu'il ait jamais
été interrompu.
d'en
Nous faifons au nom du Public , de nouvelles
inftances aux Libraires qui envoyent des
Livres , ou des Liftes pour les annoncer ,
marquer le prix au juſte ; cela fert beaucoup
fur-tout dans les Provinces , aux perfonnes qui
Je déterminent là- deffus à les acheter , & qui.
nefont pas sûres de l'exactitude des Meffagers
des autres perfonnes qu'elles chargent de
leurs commiffions , qui fouvent les font payer
plus qu'ils ne coûtent. M. Moreau pourra fe
charger de faire les Envois du Mercure , au
prix marqué.
On invite auffi les Marchands & les Ouvriers
qui ont quelques nouvelles Modes , foit
par des Etoffes nouvelles , Habits , Ajuste
mens , Perruques , Coëffures , Ornemens de tête
autres Parures , ainfi que de Meubles , Caroffes
AVERTISSEMENT.
roffes , Chaifes & autres chofes , foit pour l'uti-
Lité , foit pour l'agrément , d'en donner quelques
Mémoires , pour en avertir le Public , ce qui
pourra faireplaifir à divers particuliers, & procurer
un débit avantageux aux Marchands &
aux Ouvriers.
Plufieurs Piéces en Profe & en Vers , envoyées
pour le Mercure , font fouvent fi mal
écrites , qu'on ne peut les déchiffrer , & pour
cela elles font rejettées ; d'autres font bonnes à
quelques égards , & défectueufes en d'autres.
Lorfqu'elles peuvent en valoir la peine , nous
les retouchons avec foin , mais comme nous ne
prenons ce parti qu'avec répugnance , nous
prions les Auteurs de ne le pas trouver mauvais
, & de travailler leurs Ouvrages avec le
plus d'attention qu'il leur fera poſſible , furtout
, & nous ne fçaurions trop le recommander
, qu'on prenne garde à la ponctuation .
Les Sçavans & les Curieux font priés de
vouloir bien concourir à rendre ce Livre encore
plus utile , en communiquant les Mémoi
res & les Piéces en Profe & en Vers , qui peuvent
inftruire ou amufer. Aucun genre de Litterature
n'eft exclu de ce Recueil où l'on
tâche de faire regner une agréable variété.
Poëfie , Eloquence , nouvelles Découvertes
dans les Arts & dans les Sciences , Morale ,
Antiquités, Hiftoires Sacrée & Profane , Voyages
, Mythologie , Phyfique & Métaphyfi-
A iiij
que ,
AVERTISSEMENT.
que , Piéces de Théatre , Jurifprudence , Ana
tomie & Médecine , Botanique Botanique , Critique ,
Mathématiques , Mémoires , Projets , Traductions
, Grammaires , Piéces amufantes & récréatives
, &c. Quand les Morceaux d'une
certaine confidération feront trop longs , on
Les placera dans un Volume extraordinaire ,
& on fera enforte qu'on puiffe les en détacher
facilement , pour la fatisfaction des Auteurs
& des perfonnes qui ne veulent avoir que certaines
Piéces.
A l'égard de la Jurifprudence , nous continuërons
, autant que nous le pourrons , de faire
part au Public des Questions importantes , nouvelles
oufingulières , qui se présenteront & qui
feront difcutées & jugées dans les differens Parlemens
& autres Cours Supérieures du Royaume
, en obfervant l'ordre & la méthode que nous
avons déja pratiqués en pareil cas , fur quoi
nous prions Meffieurs les Avocats & les Parties
intereffées de vouloir bien nous fournir
les Mémoires néceffaires . Il n'est peut - être
point d' Article dans ce Livre , qui regarde
auffi directement le Bien public , que celui- là
& qui foit plus recherché de la plupart des
Lecteurs.
>
Quoiqu'on ait toujours la précaution de mettre
un Avis à la tête de chaque Mercure
pour avertir qu'on ne reçoit point de Lettres ni
de Paquets par la Pofte , dont le port ne foit
affran
AVERTISSEMENT.
affranchi , comme cela s'est toujours pratiqué ,
généralement pour tout le monde , il en vient
cependant quelquefois qu'on eft obligé de rebuter.
Ceux qui n'auront pas pris cette précaution ,
ne doivent pas être furpris de ne pas paroître
les Piéces qu'ils ont envoyées , lesquelles
font d'ailleurs perduës pour eux , s'ils n'en ont
point gardé de copie.
voir
Les Perfonnes qui défireront avoir le Mercure
des premiers , foit dans les Provinces on
dans les Pays Etrangers , n'auront qu'à s'adreffer
à M. Moreau , Commis au Mercure ,
vis-à- vis la Comédie Françoife , à Paris ,
qui le leur enverra par la voye la plus convenable,
& avant même qu'il foit en vente à
Paris.
Nous renouvellons la priere que nous avons
déja faite , quand on envoye des Piéces , foit
en Vers , foit en Profe , de les faire transcrire
tifiblement , chaque Piéce fur un papier féparé
& d'une grandeur raisonnable , avec des
marges, pour y placer les additions on corrections
convenables ; que les noms propres ,
furtout , foient exactement écrits , & que la
ponctuation ( nous le répétons ) n'y foit pas
négligée , comme cela arrive prefque toujours
ce qui contribue à multiplier les fautes d'impreffion
, quelquefois à défigurer certains
Ouvrages.
Nous aurons toujours les mêmes égards pour
Av Les
AVERTISSEMENT.
les Auteurs qui ne veulent pas se faire con
noître , mais il feroit bon qu'ils donnaſſent une
addreffe , furtout , quand il s'agit de quelque
Ouvrage qui peut demander des éclairciffemens
, car fouvent , faute d'un tel fecours , des
Piéces nous restent entre les mains , fans pouvoir
les employer.
Nous prions ceux qui par le moyen de leurs
correfpondances , reçoivent des nouvelles d'Afie
, d'Afrique , du Levant , de Perfe , de Tartarie
, du Japon , de la Chine , des Indes Orientales
& Occidentales , & d'autres Pays & Con
rées éloignées ; les Capitaines , Pilotes & Officiers
des Navires & les Voyageurs , de vou-
Loir bien nous faire part de leurs fournaux
à l'Addreffe générale du Mercure . Ces Matiéres
peuvent rouler fur les Guerres préfentes de
ces Etats & de leurs Voifins ; les Révolutions
Ses Traités de Paix ou de Tréve , les occupations
des Souverains , la Religion des Peuples ,
leurs Cérémonies , Loix , Coûtumes & Vlages
Les Phénomenes & les productions de la Nature
de l'Art , &c. comme Pierres précieuſes ,
Pierres figurées , Marcaffites rares , Pétrifications
& Cryftallifations extraordinaires , Co-
•quillages , Madrepores , Dendrides , &c. Edifices
anciens modernes , Ruines , Statuës
Bas- Reliefs , Inferiptions , Pierres gravées ,
Médailles , Tableaux , &c. Le Caractére de
chaque Nation , fon Origine , fon Gouvernement
AVERTISSEMENT.
ment , fes bonnes & ſes mauvaiſes qualités , le
Climat & la nature du Pays , fes principales
richeffes & fon Commerce ; les Manufactures ,
les Plantes , les Animaux , & c. Les Mours
des Peuples , leur maniére de fe nourrir , de
s'habiller & de s'armer ; ce que chaque Contrée
produit , pour faire connoître les differens
Climats , d'ajouter , s'il étoit poffible , des
Deffeins pour donner une parfaite intelligence
des chofes décrites.
Nous ferons plus attentifs que jamais à apprendre
au Public la mort des Sçavans & de.
tous ceux qui fe font diftingués dans les Arts
& dans les Méchaniques ; on y joindra le détail
de leurs principales ocupations , de leurs
Ouvrages & des plus confidérables actions de
leur vie. L'Hiftoire des Lettres & des Arts ,
doit cette marque de reconnoiffance à la mémoire
de ceux qui s'y font rendus célébres , ou qui les
ont cultivés avec foin. Nous efperons que les
Parens & les Amis de ces illuftres Morts feconderont
volontiers notre zéle à leur rendre ce
devoir , par les inftructions qu'ils voudront bien
nous fournir. Ce que nous venons de dire , regarde
non-feulement Paris , mais encore les
Provinces du Royaume & les Pays Etrangers .
qui peuvent fournir des Evénemens confidérables
, Morts , Mariages , Altes folemnels , Fêtes
& autres Faits , dignes d'être tranfmis à la
Pofterité.
A vj No
ר כ י
AVERTISSEMENT.
Nous donnons ordinairement des Extraits
des Pieces nouvelles qui paroiffent fur les
Théatres de Paris , & nous faifons quelques
Obfervations d'après le jugement du Public ,
fur les beautés & fur les défauts qu'on y trouve
la crainte de bleffer la délicateffe des Auteurs
, nous retient quelquefois nous empêche
d'aller plus loin ; nous craignons „d'ailleurs
, fi nous fommes plus fincères , qu'on ne
nous accufe de partialité. Si les Auteurs euxmêmes
vouloient bien prendre fur eux de faire
un Extrait ou Mémoire de leurs Ouvrages
fans diffimuler les défauts qu'on y trouve ,
nous donneroit la hardieffe d'être un peu plus
févéres , & le Lecteur leur en sçauroit gré ; ils
n'y perdroient rien par les remarques , a charge
cela
à décharge , que nous ne manquerions pas
d'ajoûter , fans oublier de faire obferver l'extrême
difficulté qu'il y a de plaire aujourd'hui
au Public , & le péril que courent tous les Ou
vrages d'efprit qu'on lui préfente. Nous faifons
avec d'autant plus de confiance cette priere aux
Auteurs Dramatiques & à tous autres , que
certainement Corneille , Quinault , Moliere ,
Racine , &c. n'auroient pas rougi d'avouer des
défauts dans leurs Piéces.
Comme il n'y a pas lieu de douter qu'il ne ſe
trouve dans les differentes Provinces du Royaume
d'heureux Génies , capables de compofer de
très-bonnes Piéces de Théatre , foit pour les Comédiens
AVERTISSEMENT.
médiens François ou Italiens , & même des
Poëmes Lyriques , on pourra ſe charger , s'ils
jugent à propos de nous les faire remettre , de
les examiner , de les préfenter aux Comédiens
d'en faire toucher les honoraires aux Auteurs
, fi leurs Ouvrages ont du fuccès. Nous
garderons auffi le fecret fur les noms des Autears
qui ne voudront pas fe faire connoître ,
&nous ferons généralement toutes les démar
ches convenables , afin que ces Ouvrages , compofés
dans les Provinces , ne foient pas perdus
pour le Public. Il eft bon auffi d'avertir ces
Auteurs qu'il feroit à propos de donner une
addreffe , pour pouvoir leur communiquer les
objections qu'on pourroit faire , & les changemens
que l'on croiroit convenables pour la repréfentation
de ces Piéces.
Nons tâcherons de foutenir le caractére de
modération , de fincerité d'impartialité ,
qu'on nous a déja fait la justice de nous attribuer.
Les Piéces feront toujours placées , fans
préférence de rang & fans diftinction , pour le
mérite & la primauté. Les premiéres reçûës
feront toujours les premiéres employées , hors le
cas qu'un Ouvrage foit tellement du tem's
qu'il mérite , pour cela feulement , la préférence.
Les bonnêtes gens nous fçavent gré d'avoir
garant ce Livre , depuis que nous y travaillons,
non-feulement de toute fatyre , mais même
de
AVERTISSEMENT.
de portraits trop ironiques , trop reffemblans &
trop fufceptibles d'applications . On aura toujours
la meme délicateffe pour tout ce qui pourra
bleffer ou défobliger.
Il nous refte à remercier au nom du Public
plufieurs fçavans du premier ordre , d'aimables
Mufes, & quantué d'autres perfonnes de
mérite de diftinction , dont les productions
●rnent cet Ouvrage & le font rechercher.
J
APPROBATION.
'Ai lû par Ordre de Monfeigneur le Chancelier ,
le Mercure de France du mois de Janvier , & j'ai
crû qu'on pouvoit en permettre l'impreffion . A Pa
zis , le premier Février 1744.
Signé , HARDION,
MER
MERCURE
DE FRANCE .
DÉDIÉ AU ROI.
JANVIER 1744.
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
EPITRE ,
A M. Deftouches de l'Académie Françoife.
T
Our homme eft Citoyen . Tout Chrétien
eft Apôtre.
Ce qu'un Empire impofe , eft exigé de
l'autre.
Servir la République , & fecourir la Foi ;
S'immoler pour leur gloire , eft la fuprême Loi.
D'où vient donc aujourd'hui , lorsqu'un Chrétien
parjure
A
2 MERCURE DE FRANCE,
A la Religion veut faire une bleffure ,
Ne peut- on, fans armer fon bizarre courroux ,
Prendre la fainte Egide , & repouffer fes coups
Son orgueil auffi tôt crie à l'inconfpétence.
D'un Docteur , dira- t'il , avez - vous la fcience,
Pour fervir de Rempart à la Religion
Qui ne riroit , Ami , de fa préfomption ?
Eft-il plus compétent , quoiqu'il ofe entreprendre ,
Pour attaquer la Foi , que nous pour la deffendre
Voudroit il comparer à fa vive clarté
De fon fyftême affreux l'épaiffe obſcurité ?
-C'eft fans doute un malheur , digne qu'on le dé
plore ,
De voir des Ecrivains , que le Ciel touche encore ,
Employer leurs travaux à faire refpecter
Un joug , que déformais on ne veut plus porter.
Hé ! ne vaut-il pas mieux qu'une Mufe élégante
Trace des paffions la peinture charmante ,
Les offre à fon Lecteur , avec tous leurs attraits ,
Et l'amufe , plûtôt que de troubler fa paix ?
Voilà , pour s'efcrimer , une brillante Lice
Non , la Piété fombre , & fa froide Milice .
D'accord. Mais d'Auteurs affés peu mefurés
que
Ont ofé fe ranger fous fes Drapeaux facrés ,
Adiflon & Pafcal , Clarville , la Bruyere ,
Quoiqu'à leur art fouvent la Foi fût étrangere ,
* Auteur du Traité du vrai mérite. Ouvrage excellent.
N'ont
JANVIER. 1744.
N'ont ils pas , d'un faint zéle également épris ,
Contre l'Impiété , fignalé leurs Ecrits ?
La Révélation , cet augufte appanage ,
Eft de tous les Chrétiens le commun héritage ;
C'eft leur bien , que chacun veille à le conferver ,
Et chaffe l'ennemi qui voudroit l'enlever.
Que jamais aucun d'eux , par l'erreur ou le crime ,
Ne perde , s'il fe peut , fa fainte légitime ,
Et que d'un fage Auteur ou la Profe ou les Vers ,
Combattent l'incrédule , & fes Dogmes pervers.
O que d'un Citoyen , qui la comble de gloire ,
L'Angleterre à jamais béniffe la mémoire !
Je ne dis pas Newton' , d'immertel ſouvenir ,
Mais un Sçavant * plus cher au pieux Avenir.
Philofophe puifant dans la fource premiére ,
Qui voulut par fes dons répandre la lumière ;
Procurer à la Foi d'illuftres Défenfeurs ,
D'âge en âge affurés d'avoir des Succeffeurs.
De la Religion les preuves abondantes -
Offrent un champ fertile à des plumes (çavantes ;
Mille , par leur labeur , n'ont pu tout moiffonner ;
Mille autres , chaque jour , y trouvent à glaner.
Que dis-je ? Il reproduit fa fémence immortelle ,
J
* M. Boile a fondé une Chaire , où il ne doit être
prononcé que des Difcours fur l'Existence de Dieu ,
l'immortalité de l'ame la vérité de la Religion , ce
qui a procuré de très - bons Ouvrages , comme la Théologie
Phifique de M. de Ram , le Traitéfur la Religion
du Docteur Clarck, ¿e.
4
MERCURE DE FRANCE.
Et de fon propre fond ce champ ſe renouvelle ,
Mais on ne voit , que trop , une infidelle main
Mefler furtivement de l'ivroye au bon grain.
Bayle , & fes partiſans , par un complot funefte ,
Ont de ce germe impur fouillé le champ céleste ;
Tu veux l'en arracher , & voilà ton forfait.
La cohorte rebelle , & t'admire & te hait .
On gémit de te voir fanctifier ta veine .
Il faut te renvoyer fur la comique fcéne .
Comme fi par l'étude un efprit dominé ,
Pour des talens divers ne pouvoit être né ,
Et que toujours reftraint à la même harmonie ,
Un feul genre épuifoit les forces du génie.
Hé ! pourquoi s'étonner que ta Muſe aujour
' hui
Rende au Ciel tous les dons que tu reçûs de lui?
Si d'abord fur la fcéne on les a vûs éclore ,
Du beau jour qui te luit ils n'étoient que l'au
rore.
Tes Ecrits , où le vice eft fi bien combattu ,
Nont-ils pas, conftamment , refpiré la vertu ?
Les moeurs ont enfanté ton fage Dramatique ;
C'eſt par lui qu'aux humains fa fageffe s'explique .
Au Printemps de nos jours , dans l'âge des plaifirs
,
L'efprit , foumis au coeur , adopte fes défirs.
Le tourbillon du monde emporte la jeuneſſe ;
La Piété n'a pas la premiére tendreffe ;
On
JANVIER. 1744. 3
On méconnoît , un tems , fes fublimes attraits ,
Mais cent fois malheureux qui n'y revient ja
mais!
Souvent un Temple Saint, naît d'un Temple prophane.
Du fameux Kempis Corneille fût l'organe.
Même ardeur enflâma notre Horace François ;
La Lyre de David réfonna fous fes doigts :
Et fes derniers Ecrits ont d'un ftyle énergique
Célébré de la Foi le triomphe autentique .
Mais non ; n'entreprends point de marcher fur
Les pas ;
Ceffe de t'engager dans ces nobles combats .
Prends les armes plûtôt , & pour le Spinoffime ,
Et pour faire regner le materialiſme.
Doute ; rêve avec Lock , prêt à tout renverser
Si la matière au fond ne pourroit point penſer.
Reconnois , fi tu veux une Toute-Puiffance ,
Mais avec Epicure éteins fa Providence.
Prêche un Dieu fans Juftice , & prompt à l'avilir ;
Détruis fon Exiſtence, en voulant l'établir.
Laiffe enfin , ( & c'eft là ton Etoile polaire , )
Le mal fans châtiment , & le bien fans falaire .
De ton efprit alors les merveilleux élans
Seront plus applaudis que tes prémiers talens.
Dans ces réduits obſcurs , où regne le Sophifme ,
Ou l'ignorance tient Ecole d'Athéisme ,
Mis
G MERCURE DE FRANCE .
Mis au rang glorieux des Livres clandeftins ,
Tes précieux Ecrits s'arracheront des mains ,
Et tu verras bien - tôt à leur cher Corifée ,
La volupté , l'orgueil , élever un trophée.
Tu frémis , je le vois , à ces propos affreux.
Ton zéle révolté devient plus généreux.
Pourfuis donc , cher ami , ton effor magnanime ;
Livre toi , j'y confens , au beau feu qui t'anime ;
Sers ta Religion ; porte-là dans ton fein ;
De fes contradicteurs brave le fier dédain ; -
Leur plainte eft ton triomphe , & leur mépris ta
gloire.
Ris des vaines rumeurs de leur Cabale noire,
Heureux , en jouiſſant d'un fort qui t'eſt bien dû ,
De n'avoir d'ennemis que ceux de la vertu !
M. Tanevot
LETTRE
JANVIER . 1744. 7
PU'ACQUAT AUDU DU QU QUQUQUNUNUNU
UQUQUQU QU
..par LETTRE écrite à M. L. C. D. L. R.
M. Liger, Commis au Bureau de la Guerre ,
aufujet de la Quadrature du Cercle.
i
› 'Ai lù , M. dans le Mercure du mois
d'Octobre dernier , un Problême fur la
Quadrature du Cercle , que je crois devoir
remettre ici fous vos yeux.
Pour démontrer géométriquement que
la circonférence du quarré du diamétre eſt
à la circonférence du Cercle , comme le
quarré du diamétre eft à la fuperficie du
Cercle , qui doit être géométriquement égal
à un quarré, dont la racine donne le côté déterminé
, qui doit être moyenne proportionnelle
géométrique entre le rayon du Cercle
& fa demie circonférence , & que le
côté de ce quarré foit commenfurable , tant
au diamétre duCercle , qu'à fa circonférence,
Tout l'embarras de ce Problême confifte à
déterminer ce côté du quarré, qui doit être
égal au Cercle, fans tomber dans les incommenfurables
,d'où l'on conclut que la circonférence
du Cercle eft à la moitié de la circonférence
du quarré du diamétre , comme
la fuperficie eft au quarré infcrit.
Voici ,
8 MERCURE DE FRANCE .
Voici, ma reponſe, ſuivant mes Principes.
B
A
D
Analife du Problême avec les nombres ,
fuivant mes Principes.
=
-
La circonférence du quarré A C = 448 ,
car A B 112 eft à la circonférence du
Cercle 350 , comme le quarré AC eft
au cercle égal au quarré , dont la racine eſt
moyenne proportionnelle entre le rayon
AO = 56 & le demi Cercle 175 .
Résultat de la Conclufion.
La circonférence 350 eft à deux côtés du
quarré du diamétre 224 , comme la fuperficie
du quarré AC = 12544 eft à celle
du quarré infcrit = 6272 .
Premiere Progreffion .
448 ,
Circonférence du
quarré A C
Circonférence
350 , du cercle
quarré du
12544>, diametre A B
198
quarré >
racine ou côté eft 98 ou 99 , attendu
198
9800 ,
Ceréle ou , dont la
que
JANVIER . 1744.
que 9800 eft un quarré double , qui peut
contenir 9801 , fi l'on compofe fes quatre
côtés d'unités , côtés des mêmes quarrés , au
lieu de diagonales ; donc 99 eft la moyenne
proportionnelle entre AO = 56 & le
demi Cercle 175 , d'où il fuit cette progreffion,
56 rayon meyenne
,99
demi Cercle
:: 99.175
Il eft manifefte que le produit de la multiplication
des deux extrêmes 9800 , par
448 , eft 4390400, ainfi que celui des deux
moyens 12544 , par 350.
Et que le produit des deux extrêmes
175 , par 56 , eft 9800 , capable d'égaler
9801 , produit de la multiplication des
moyens 99 , par 99. De la conclufion il
fuit cette progreffion
. 350
A B
AD : 12544
quarré de
A B ›
circonférence
inferit >
, 224
6272 quarré , dont la
multiplication des extrêmes eft égale à celle
des moyens , dont la fomme eft 2195200.
J'eftime , M. avoir rempli le defir de l'Auteur
du Problême , en fuivant à la lettre mes
principes . Je vous ferai obligé d'en inftruire
le Public , le plûtôt qu'il vous fera poffible.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Versailles , le 11 Decembre 1743 .
ELOGE
10to MERCURE
DE FRANCE
.
ELOGE de la vraye Nobleffe , à M. le
Duc de *
LEs perfonnes de qualité ,
Qui d'ayeux en ayeux ont reçû la Nobleffe
Qui ſoutiennent leur nom avec la dignité
Qu'exigent la vertu , la valeur , la ſageffe ;
Ces hommes , pleins de probité ,
Que n'éblouit point la Richeffe ,
Qui n'ont des yeux que pour l'intégrité ,
Que l'orgueil n'a jamais tenté ,
Et que l'honneur feul intereffe ,
Qui du vulgaire enfin n'ont aucune foibleffe ,
Pour reffembler à la Divinité ,
Ilne
leur manque rien que l'immortalité.
Que ne m'eft-il permis de faire
Ce que pour toi Jupiter n'a pas fait ?
En rendant ton bonheur parfait ,
J'aurois dequoi me fatisfaire,
J'ofe , Seigneur , te faire ſouvenir
Qu'en une lettre , à ma perfonne écrite ,
Je conferve ce Vers d'élite :
Serai toujours charmé de vousfaire plaifir.
Ah ! le beau Vers ! aux rives du Permeffe
Apollon même en eft jaloux ;
Afia
JANVIER. 1744.
II
Afin que les Dieux le foient tous ,
Acquitte aujourd'hui ta promeſſe.
Par M. Laffichard.
ETRENNES au même.
Sincére Incéres voeux , Enfans du coeur
En ce moment empruntez l'aîle
Du plus pur , du plus tendre zéle ;
Volez aux pieds d'un aimable Seigneur ;
Saluez-le humblement , il eft mon Protecteur.
De la Seine quittez la rive ,
Pour vous trouver à fon réveil ;
Modérez-vous , & que votre ardeur vive
N'interrompe point ſon ſommeil.
Mais dès que fes yeux favorables
S'ouvriront , pour voir ce beau jour
En lui témoignant votre amour ,
Goûtez des biens inexprimables.
Souhaitez-lui de la ſanté ,
Et voilà tout. Les charmes de la vie ,
Fortune , honneurs , profpérité ,
Tout cela marche à fon côté ,
Obéit & le fert , au gré de fon envie.
DS
1 MERCURE DE FRANCE.
De mes befoins ne parlez pas ,
Vous offenferiez fa prudence ;
Ne lui vantez que ma reconnoiffance ,
Qui toujours vole fur ſes pas ,
Tapi dans un coin , l'ame en tranfe
Entre la crainte & l'efperance ;
Errant dans un dédale affreux ,
Tendres fouhaits , fincéres voeux ,
J'attens l'effet de votre révérence.
Ne tremblons plus ; jamais les Dieux
N'ont méprifé le plus fincére hommage ;
Qu'il eft flateur pour eux d'entendre leur ouvrage
Leur dire que tout lui vient d'eux !
Par le même.
SUITE
JANVIER. 1744
SUITE de la Lettre de M. l'Abbé Soumille
, au fujet de la Chartreuse de Ville-
Neuve d'Avignon.
DESCRIPTION DE LA CHARTREUSE.
U qui donne dans la rue , enferme la
Ne porte doublée de lames de fer ,
principale Entrée ; elle eſt au couchant d'hyver
de l'Enclos de cette Maifon . On voit en
entrant une espece de cour, d'environ douze
toifes en quarré , dans laquelle peuvent entrer
les perfonnes du fexe , qui y viennent
pour affaires. Sur le devant , eft le logement
du Portier. A l'aîle gauche , font les Ecuties
, & à l'aîle droite des Forges , & des
greniers au-deffus. En face de cette premiére
porte , eft une autre porte d'Entrée , récemment
bâtie d'ordre compofite ; c'eft un
Edifice double , ou à deux faces. Sur la premiére
, ou celle de devant , eft élevée , au
milieu , une ftatue de pierre de la Sainte
Vierge , ayant celle de S. Bruno à ſa
che , & celle du Pape Innocent VI . à fa droite
, portant une Chartreufe dans les mains.
On lit au deffus , cetre Infcription dans un
Cartouche : DOMUS BEATA MARIA VALLIS
Bij
gau-
BE14
MERCURE DE FRANCE.
BENEDICTIONIS . Sur la face de derriére , font
quatre Pilaftres , foutenant un Balcon , qui
fert de communication d'un appartement à
l'autre.
+
De cette porte on entre dans une belle
allée , de 35 à 40 toifes de longueur , fur
une largeur proportionnée ; le terrein de
l'allée s'élève infenfiblement jufques au logement
de Dom Jofeph Pennet , Procureur ,
ayant douze piliers de chaque côté , & de
gros meuriers blancs d'efpace en efpace
qui forment deux berceaux de verdure. A
l'extrêmité de cette allée , & à travers un
Arceau , on découvre en lointain le Jardin
de D. Procureur , avec les peintures qui
font fur la muraille du fond , ce qui fait dès
la porte de la rue une agréable perſpective ,
& un coup d'oeil des plus frappans.
Quand on eft au bout de l'allée , dont je
viens de parler , on monte 4 marches , pour
entrer fous l'Arceau , & on tourne à gauthe
, pour traverſer une autre efpece de
cour , qui conduit aux Cloîtres. La porte par
laquelle on entre dans cette cour , étant cidevant
fort petite & menaçant ruine , vient
d'être aggrandie & rebâtie à neuf , par les
ordres de D, Michelon . Elle eſt entre
l'appartement de Dom Procureur à main
droite , & celui de D. Hugues Gimel , fecond
Coadjuteur , à main gauche.
Sur
JANVIER. 1744. 15
Sur la droite de cette cour , eft la façade
de l'Eglife , dont nous parlerons plus bas.
Sur la gauche eft l'appartement de D.Prieur,
& au fond une feconde porte d'entrée ,
d'une belle Architecture Dorique , avec le
logement de D. Philippe Rouviere * , Cou-.
rier , à main droite , & celui du Portier à
gauche .
Il faut de-là , monter neuf marches , pour
fe trouver au niveau du haut Cloître. On y
entre par une porte qui eft dans un des Angles.
Ce Cloître , qui eft celui de la feconde
Fondation >
eft parfaitement quarré , les
Galeries ayant chacune environ vingt toifes
de longueur , fur huit pieds de largeur , &
quantité de fenêtres vitrées , qui les éclairent.
On entre dans l'Enceinte de ce Cloître
, ou dans le terrein qu'enferment les.
Galeries par 4 portes , qui conduifent à une
belle Fontaine conftruite dans le milieu , &
couverte d'un grand toît , foutenu par quatre
piliers ; elle coule abondamment par 4
tuyaux . Les Eaux font conduites par des canaux
fouterrains , non - feulement au Cloître
inférieur , mais encore à la Boulangerie , aux
Cuifines , devant les Ecuries , & par tout
où elles peuvent être néceffaires.
De quatre Officiers qu'il y a dans cette
Maifon , trois font logés hors des Cloîtres
* C'eſt un des Officiers , pour les affaires temporelles .
Biij pour
}
16 MERCURE DE FRANCE .
>
pour vaquer plus commodement aux affaires
externes. Le feul D. Etienne Lenfan
Coadjuteur , eft logé dans le haut Cloître ,
pour donner la facilité à chaque Religieux
de venir prendre chés lui les chofes dont il
a befoin,
>
A côté de la porte , qui donne entrée
dans le haut Cloître , il y en a une autre qui
conduit au Cloître inférieur , au moyen
d'une longue defcente fans marches , mais
en glacis , pour la commodité des Religieux
d'un certain âge. Ce Cloître inférieur , qui
n'eft pas fi régulier que le premier , eft celui
de la premiére Fondation ; il eft au-deſfous
du niveau de l'autre d'environ douze
pieds , & beaucoup plus long que large. La
moindre des deux longues Galeries a environ
trente toifes de longueur fur huit pieds
de large , & l'autre en a 39. La voute de
cette derniére menaçant ruine , a été rebâtie
de neuf avec la muraille du côté oppofé
aux Cellules des Religieux , depuis 4 ou 5
ans feulement.
On trouve encore dans cette Galerie , un
point de vûë admirable. Pour en mieux
comprendre l'effet & la beauté , figurezvous
M. cette Galerie de 39 toifes de longueur
, & placez- vous en idée à fon extrêmité
Septentrionale , pour porter la vûë à
l'autre bout. Elle reçoit un grand jour du
côté
JANVIER. 1744. 17
côté du Soleil couchant , prefque dans toute
fa longueur , par vingt-cinq fenêtres ou
portes affés larges . Cette lumiére diminuë
fenfiblement fur l'autre extrêmité de la Ga→
lerie , y en ayant neuf toifes fans fenêtres.
Au bout de cette obſcurité , eft une porte
à deux battans , fouvent toute ouverte , &
pour le moins à moitié. Après la porte , fait
une feconde Galerie , bien éclairée , de dix
toifes de longueur ; à celle-ci fuccede une
autre obfcurité d'environ deux toifes ; vient
enfuite une petite porte dans le côté dé
l'Eglife , à laquelle une autre répond ,
vis-à-vis , laiffant voir le jour de l'Eglife
entre-deux , & cette feconde porte étant
ouverte , conduit la vue en lointain , jufques
au Tombeau du Fondateur : c'eft en
tour , M. une ligne droite d'environ foixante
toifes , laquelle par le mêlange d'obfcurité
& de lumiére , fouvent entrecoupées ,
produit un effet à la vûë , qu'il eft plus aifé
de fentir que de bien exprimer.
Le terrein renfermé par le Cloître inférieur
, où l'on entre par cinq pories , eft le
Cimetière de la Maifon. On diftingue la
place du dernier mort, par une petite Croix,
plantée fur fa fofle.
Entre l'Eglife & le Cloître inférieur , il y
a encore un troifiéme Cloître fort petit ; les
Galeries n'ayant que dix toifes de longueur,
В iiij
il
18 MERCURE DE FRANCE.
il eft extrêmement éclairé par quantité de
vitrages. C'eft autour de ce Cloître que les
Religieux font une Proceffion réguliérement
tous les Dimanches ; il leur fert auffi
de paffage pour fe rendre à l'Eglife. Il n'y a
dans tout ce Cloître qu'une feule Cellule
pour le Sous- Sacriftain . La Galerie du même
Cloître , qui eft le long de l'Eglife , eft appellée
le Colloque . Le Chapitre , où s'affemblent
très - fouvent les Religieux , occupe
tout le côté Oriental : on y dit la Meffe tous
les jours, & on y fait la Cene le Jeudi - Saint ;
tout y eft d'une très-grande propreté. Il y
a quatre Tableaux originaux de le Vieux.
Sçavoir , celui de l'Autel , qui eft un couronnement
d'Epines, la Sainte Vierge & une
Magdeleine,qui font aux deux côtés , & une
grande Defcente de Croix vis-à-vis la porte.
Sur le fond oppofé à l'Autel , eft un autre
grand Tableau , repréfentant la Communion
de S. Jerôme , copié par une habile
main , d'après le Carrache. La Cellule de
D. Vincent Peronnet Sacriftain , eft pratiquée
derrière le Chapitre , n'ayant que fa
porte dans la Galerie.
›
LA BIBLIOTEQUE ..
Elle eft au-deffus de l'appartement de D.
Prieur : le Vaiffeau n'en eft pas vafte , mais
outre qu'elle est bien difpofée , & que le
moinJANVIER.
1744. 19
moindre efpace y eft mis à profit , il y a
deux Dofdanes au milieu , qui contiennent
en feize rangs , une grande quantité de
moyens & de petits volumes.
Celui qui m'a le plus frappé , & qu'on
peut véritablement appeller volume , eſt un
gros rouleau de parchemin , de douze toifes,
quatre pieds de long , fur dix- huit pouces
de large , contenant une partie de la Bible
en Hébreu , que les Connoiffeurs eftiment
avoir été écrite du tems de S. Jerôme . Les
Colonnes n'ont que 4 pouces & demi de
large. Ce volume contient depuis le I. verfer
de la Genéfe, jufques au 3 2 verfet du III .
Livre des Nombres . Il eſt confervé avec foin
dans un petit coffre , fait exprès , avec deux
autres moins confiderables , dont l'un eft la
fuite du premier , mais peu étendu , & l'autre
une répétition de la Genéfe , par une autre
main.
Sous le coffre , qui contient ces rouleaux
, eft un Médailler en deux Armoires ,
dont chacune contient vingt-fept tiroirs ,
remplis de Médailles de toutes les grandeurs
, & de differents métaux. Comme je
n'entends prefque rien à cette forte de
fcience , je ne fçaurois entrer là- deffus dans
aucun détail.
Après le volume dont je viens de parler ,
on peut donner la premiére place par la
By beauté ,
20 MERCURE DE FRANCE.
beauté , & par l'étendue du travail à une
Bible en quatre grands in-folio , écrite à la
main très-proprement , en caractéres gothiques
, l'an 1414 , par un Charteux de la
Maifon. Les Livres de l'Ecriture n'y font pas
rangés fuivant l'ordre ordinaire , mais fuivant
l'ufage des Chartreux. C'eſt le fruit
d'un travail immenfe , & d'autant plus admirable
, que les Lettres initiales de chaque
verfet font peintes en miniature de plufieurs
couleurs , qui confervent encore toute leur
vivacité.
Prefque tous les Livres , dont je vais parler
, font d'une parfaite beauté & pour l'impreffion
& pour la relieure. Tels font en
premier lieu les trois Bibles Polyglottes ;
fçavoir celle du Cardinal Ximenés , celle de
Paris , & celle d'Angleterre. L'Hiftoire des
Conciles en 38 voulumes in-folio , Impreffion
du Louvre. L'Hiftoire Byzantine , 26
vol. fol. auffi du Louvre. Les Annales de
Baronius , 20 vol. fol. Le Talmuth Hébreu ,
7 vol . fol. Le grand Atlas , 6 vol. fol.
Les OEuvres de Cardan 10 vol. fol.
L'Hiftoire naturelle d'Aldrovandus , 12 vol.
fol , & une grande quantité d'autres grands
vol. fol. SS. Peres , Théologiens , Philofophes
, Mathématiciens , Canoniftes , Interprétes
, Controverfiftes, &c. dont on pourroit
faire un long Catalogue.
Il y a auffi trois volumes , qui m'ont parû
fuzJANVIER.
1744.
21
finguliers , fur-tout par leur groffeur , fa
voir , deux Bréviaires in fol. de 1650 pagi
chacun , les deux volumes faifant la in
& le Dictionnaire Latin de Robert- Etienne,
de 3200 pages , Impreffion de Paris .
Il peut y avoir dans ce Vaiffeau , environ
trois mille cinq cent volumes de toute grandeur.
La plus grande partie eft des in -fol.
& des in 4° . Les autres moindres volumes
étant plus portatifs , font difperfés dans
toute la Maiſon , car cette Bibliotheque eft
bien la plus grande , mais elle n'eft pas la
feule. D. Prieur , par exemple , en a une
fort belle , bien fournie furtout de Livres
modernes , qu'il connoît parfaitement , &
dont il fait tous les ans des acquifitions
confiderables . Celle de D. Vicaire , Jean
Crozet, de Marſeille , eft fort nombreuſe , &
bien choifie. Chaque Officier garnit d'ailleurs
la fienne fuivant fon goût , & chaque
Religieux enfin en a auffi une,plus ou moins
grande , ce qui fait encore autant de volumes
répandus dans la Maiſon , qu'il y en a
dans la Bibliotheque principale. Il y a auffi
deux beaux Globes , l'un céleste , l'autre terreftre
, de plus de cinq pieds de circonférence
, qui paroiffent fort exacts , & faits
avec beaucoup de netteté & de préciſion .
B vj
L'E22
MERCURE DE FRANCE.
L'EGLI S E.
>
La façade de cette Eglife , tournée vers le
couchant , eft d'une belle Architecture
d'Ordre Compofite . Quatre Pilaftres y foutiennent
trois Arceaux . On voit fur celui
du milieu un Chrift couché , de ronde boffe ,
avec la Sainte Vierge , S. Jean , & la Magdeleine
, à genoux , le tout parfaitement bien
exécuté . Sur les Arceaux des côtés font deux
Médaillons en Bas-relief , dont l'un repréfente
l'Annonciation de la Vierge , & l'autre
la Nativité de N. S. Les ornemens de cette
façade font d'une parfaite beauté , au jugegement
des connoiffeurs. Les chambranles
de la porte font en forme de Pilaftres , &
entrecoupés alternativement de marbre , &
d'une belle pierre blanche.
L'Eglife a une feule Nef ; elle eft d'un goût
gothique , mais bien proportionnée d'ailleurs.
Sa longueur depuis la porte jufqu'à
l'Autel eft d'environ 18 toifes fur cinq de
largeur. La voute du Sanctuaire eft en pied
d'araignée , ou plûtôt c'eſt une croiſée d'ogives
à fix branches. Le Maître Autel peut
être mis au nombre de ceux qu'on nomme
à la Romaine ; on en fait tout le tour pour
les Encenfemens , & il eft fans aucun Tableau.
On n'y voit qu'un grand Tabernacle ,
orné de petites Colonnes , & placé fous un
Arc
JANVIER . ` 1744 . 21
Arc doubleau , chargé d'une corniche Corinthienne
avec fon Attique , foutenu de
Colonnes du même Ordre , efpacées tout
autour du Sanctuaire. Sur les côtés de ce
Sanctuaire , on voit deux Tableaux originaux
, dont l'un eft une Vifitation de Champagne
, & l'autre une Annonciation du Guarchin
, Difciple des Carraches.
Tout le Choeur des Peres eft carrelé en
Echiquier , de marbre * Bardille , & blanc
veiné : les carreaux ont chacun un pied en
tout fens. C'eſt le Prieur d'aujourd'hui D.
Martial Michelon , qui vient de faire cette
importante réparation . On prepare actuellement
fous fes ordres une grande quantité
de carreaux , d'une forte de pierre bleuë &
blanche , extrêmement dure , & qui coute
prefque autant que le marbre , pour paver
le Coeur des Freres , le devant de l'Eglife ,
la Sacriftie & le Chapitre. Ce vénérable
Pére , vraiment zelé pour la Maifon du Seigneur
, médite encore d'autres réparations
effentielles , qui femblent avoir été négligées
par ceux qui l'ont précédé. Il a au
refte fi bien fçû gagner l'affection de toute
fa Communauté , que le bon ordre qu'on y
admire , eft moins l'effet de fon autorité
que celui de fa douceur , & de fes grands
exemples .
* Il eft gris cendré, avec des veines blanches' ; il
vient de Carara , en Italie.
Au
24 MERCURE DE FRANCE.
Au milieu du Coeur des Péres , on voit
le Tombeau d'Armand de Bourbon , Prince
de Conty , mort à Pezenas le 22 Février
1666 , dans la 37 année de fon âge. Il demanda
en mourant , d'être inhumé dans la
plus prochaine Chartreufe. Celles de Villeneuve
& de Valbonne fe difputerent cet
honneur , & la premiére l'emporta. On
peut bien dire que l'intérêt n'eût aucune
part dans cette difpute , puifque ce Prince
ne laiffa pas même dequoi faire fes funerailles.
Je n'entreprens pas de vous rapporter
fon Epitaphe , que fa longueur peut faire
regarder comme une Oraifon funébre. Ce
Tombeau n'eft proprement qu'une grande
Baze attique en parallelogramme , dont les
moulures font de marbre blanc veiné , & la
table eft de marbre noir. On ne lui a donné
qu'environ ſeize pouces d'élévation , pour
ne point couper la vûë du Maître Autel.
On trouve dès l'Entrée du Choeur , un
grand Lutrin de Laiton , portant une Aigle
maffive , faite à Rouen par François Gaffe en
1716 , excellent Artifte en ce genre . Après
ce Lutrin & en avançant dans le Choeur , on
voit une Lampe d'argent de trois pieds &
demi de circonférence , affés bien travaillée
mais qui ne peut pas entrer en comparaiſon
avec celle qui eft dans le Sanctuaire.
On peut dire que c'eft une des plus belles
Piéces ,
JANVIER. 1744. 25
Piéces , qu'il y ait en ce genre . Elle a cinq
pieds & demi de circonférence , & environ
deux pieds de hauteur , péfant cent vingt
marcs. Le travail en eft autant & plus eftimé
que la matiére. Outre fix têtes de Cherubins
, adoffées autour du cul-de- lampe , &
& fix Genies au- deffus des Feftons , de la
derniére beauté , il y a trois grands Termes,
parfaitement bien exécutés , où font attachées
les trois chaînes , de 3 2 pouces de long,
entremêlées de Globes & de Feftons d'une
grande délicateffe . Elle eft de la façon du fameux
Vinay , ancien Orfévre d'Avignon ,
que fes Ouvrages ont immortalifé . Cette
Lampe , autant pour la beauté du travail
que par la matiére , eft eftimée plus de dix
mille livres.
Il y a dans le Choeur dont je parle , fix
grands Tableaux de prix. Les trois , du côté
de l'Evangile , qui font de l'Ecole Lombarde
, repréfentent la Nativité de N. S. l'Adoration
des Mages , & la Préfentation de
J. C. au Temple. Čeux du côté oppofé font ,
fa difpute avec les Docteurs dans le Temple
de Nicolas Mignard , & les deux autres repréfentent
la Fuite en Egypte , & la Compaffion
de la Sainte Vierge de Jofeph Imbert ,
Marfeillois , Frere Convers de la Chartreufe
de Ville- neuve , encore vivant , lequel
depuis fa plus tendre jeuneffe a toujours
cultivé
26 MERCURE DE FRANCE.
cultivé avec fuccès , les grandes difpofitions
qu'il avoit pour la Peinture , en forte qu'il
peut aujourd'hui être égalé aux Maîtres de
l'Art , & malgré fon exacte retraite , tous
les Connoiffeurs demandent avec empreffement
la permiffion de voir fon Cabinet , &
ils admirent fes Ouvrages. Quoiqu'âgé actuellement
de 77 ans , il travaille , fans relâche
, à finir un grand Tableau , de neuf pieds
de large , fur treize à quatorze de hauteur
qui repréfente les Pélérins d'Emmaüs , &
qu'on regarde déja comme un chef- d'oeuvre.
Ce Tableau eft deftiné pour la Chartreufe
de Marſeille , où l'on en voit cinq autres de
fa façon , l'un fur la porte de l'Eglife , de 30
pieds de hauteur , repréfentant une préparation
à la Defcente de Croix , les autres la
Bâtême de N. S. l'Adoration des Mages , la
Nativité , & une Annonciation.
Au côté droit de l'Eglife , en dehors
font quatre Chapelles attenantes , pour la
commodité des Religieux , dont la premiére
auprès du Sanctuaire, renferme le Tombeau
du Fondateur. Cet Ouvrage eft , fans contredit
, ce qu'il y a de plus beau dans la
Chartreufe. Il eft d'un goût gothique , tout
conftruit d'une belle pierre blanche , qui
approche du marbre. La Figure d'Innocent
VI. y eft couchée fur une espece de lit ,
élevé de cinq pieds . Six piliers foutiennent
JANVIER . 1744. 27
nent , à 6 pieds de hauteur , une espece de
voute qui fert de couvert , & au- deffus de
la voute font quantité de Pyramides , chargées
de feuillages, entremêlées de petites figures
humaines fous des Arceaux ; & audeffus
de celles- ci , il y en a d'autres plus
petites avec d'autres figures. Tout le travail
eft d'une extrême beauté . L'Ouvrage entier
peut avoir 27 pieds de hauteur. Le bas eft
entouré d'un grillage de fer , à hauteur
d'homme .
Le Tableau de cette Chapelle eft de la
main de René d'Anjou , Roi de Naples &
de Sicile ; il repréfente la Trinité , couronnant
MARIE , & le Purgatoire au bas. Dans
la feconde Chapelle, eft un S. Bruno , peint
par le Petit Pouffin *. C'eft dans cette Chapelle
qu'eft le Tombeau du ſecond Fondateur
; il eft affés remarquable , mais fort inférieur
au précédent pour le travail ; il eſt
auffi entouré d'une grille de fer.
On voit dans la troifiéme Chapelle , un
grand Tableau de S. Michel , ou de la chûte
des Anges rébelles , peint par Mignard.
La quatrième Chapelle eft la plus petite :
un Paifage eft proprement peint fur toutes
les murailles , & le Tableau de l'Autel eft
une Annonciation , chef- d'oeuvre du Guide .
* C'est le nom qu'on a donné à un habile Peintre du
Pays, qui imitoit beaucoup le Pouffin.
D:
28 MERCURE DE FRANCE.
De l'autre côté de l'Eglife , & joignant
le Choeur des Freres , il y a deux petites
Chapelles. Le Tableau d'un des Autels , repréfente
J. C. en Croix , la Sainte Vierge ,
& S. Jean debout au pied ,, par le Vieux ;
& l'autre la Sainte Famille , & Sainte Catherine
, recevant de l'Enfant JESUS une bague
& une couronne de fleurs. C'eft un des
meilleurs Tableaux de Mignard. On lit
fon nom au bas , & l'année 1651. Voilà M.
les Tableaux les plus remarquables que j'ai
trouvés dans cette Eglife.
LA SACRISTIE .
Ce qu'on peut appeller le Tréfor de cette
Sacriftie , eft renfermé dans trois Armoires.
Dans la premiére , fe voyent la Croix Papale
du premier Fondateur , celle du Cardinal
de Pampelune , fecond Fondateur , &
quelques Reliques, parmi lesquelles eft une
Sainte Epine , que le Pape Innocent VI.
portoit dans fa Croix pectorale. Il y a auffi
une petite Chapelle de fix chandeliers , &
une Croix d'argent .
Dans la feconde Armoire , on voit ſept
beaux Calices , qui ne fervent que pour les
Fêtes folemnelles , y en ayant plus de vingt
*
Reynaud le Vieux a travaillé long- tems à Rome ,
avec réputation. Il y a plusieurs beaux morceaux de
lui à Avignon.
autres
JANVIER. 1744. 29
autres pour les Meffes journaliéres. Parmi
ces Calices diftingués , celui du Roi René ,
tout d'or de Ducats , eft le plus précieux .
Le noeud du milieu eft une efpéce de gros
Grenat , entouré d'un chapelet d'or , avec la
Devife en Langue Provençale DEVOT LI SUI .
Ce Calice avoit fervi à fon Sacre , & fûr
donné par lui-même à la Chartreufe . Ce
Calice fut autrefois volé durant la nuit , par
un domestique qui prit la fuite ; on courût
après lui , & après quelques recherches , on
retrouva le Calice , mais la Patene avoit été
dénaturée & diffipée . La Maiſon en fit faire
une autre, très- forte, & du plus bel or qu'on
pût trouver , mais elle n'approche pas
de la
beauté de celui du Calice . On voit auffi dans
la même Armoire un grand Soleil , ou Oftenfoire
, extrêmement bien travaillé , plufieurs
Baffins , Encenfoirs , Burettes , avec une
Chapelle de fix grands chandeliers d'argent
& une Croix de même , très-péfante , dont
le travail eft fort eftimé. Elle eft d'environ
4 pieds de hauteur.
Enfin , dans la troifiéme Armoire , ( ornée
d'une Mofaique , dont l'ouvrage eft admirable
, tant par la beauté du bois , entremêlé
d'yvoire & d'ébéne , que par la délicateffe
du travail , & par la jufteffe du Deſſein. )
On voit , 1 °. Quatre Statues d'argent trèspéfantes
, mais dont deux font plus précieufes
30 MERCURE DE FRANCE.
1
fes par le travail ; ce font celles de la Sainte
Vierge & de S. Jofeph , de la façon du même
Vinay d'Avignon , dont j'ai déja parlé ; la
draperie en eft inimitable , & le lys de S.
Jofeph eft un vrai chef-d'oeuvre. Les deux
autres figures font de S. Jean- Baptifte & de
S. Bruno , toutes quatre d'égale hauteur
d'environ deux pieds & demi.
2º. Deux Buftes de vermeil , des Apôtres
S. Jacques & S. Philippe. Ils ont été faits à
Rome , & font très-bien travaillés.
3. Au bas de la même Armoire , font
trois autres Buftes de vermeil , repréfentant
la Reine Marie de Médicis , & deux Princeffes
fes filles ; elles font de la main du fameux
Varin : c'eſt un Ouvrage admirable ,
avec la reffemblance la plus parfaite aux
meilleurs Portraits de ces Princeffes. Ces
trois Buftes , qui font trois chefs-d'oeuvre
d'Orfèvrerie & de Portraiture , furent trouvés
parmi les Effets du Cardinal de Richelieu ,
après la mort. Le Cardinal de Lyon , Alphonfe
Louis du Pleffis , fon frere , confervant
toujours de l'affection pour l'Ordredans
lequel il étoit entré , les fit acheter par la,
Chartreufe de Ville- neuve , qui ne paya que
le poids.
Vous fçavez , M. que ce Cardinal , étant,
Evêque de Luçon , remit fon Evêché à fon
Frere Armand,pour fe faire Chartreux. Il fit
fa
JANVIER. 1744. 3
fa Profeffion dans la grande Chartreuſe , fûr
Prieur de celle de Bon-Pas , à deux lieuës
d'Avignon , & paffa 24 ans dans l'Ordre ,
d'où il fût tiré pour être Archevêque d'Aix ,
enfuite de Lyon , & Cardinal. Il mourut
le 24 Mars 1653 .
Il y a dans cette Sacriftie quantité de
beaux Ornemens , des Chafubles précieufes
, des Pluvieux antiques & curieux , du
linge d'une grande beauté , &c. mais je ne
parlerai point de tout cela , pour finir ici
une lettre , qui doit vous paroître déja affés
longue. J'ai l'honneur d'être , &c.
A Ville-neuve lez- Avignon , le 26 Août.
1743.
P.S. Ma lettre finie, c'eft- à-dire , Monfieur,
toutes mes Remarques mifes au net , j'ai été
averti que ce qu'on appelle dans cette Maifon
, la Cave du Pape , eft une piéce trèscurieufe
, ainfi que la Boulangerie , Edifices
à triple voute , & d'une confervation parfaite
. J'ai vû l'une & l'autre , qui méritent
affurément attention , mais j'ai crû devoir
réferver ces deux Piéces pour une autre lettre,
que vous n'attendrez pas long- tems ,
& à laquelle je joindrai ce que j'aurai oublié
dans celle-ci-.
Je ne doute pas , M. R. P. que vous ne
foyez
12 MERCURE DE FRANCE .
foyez , auffi - bien que moi , content & fatisfait
de la lettre que vous venez de lire , &
que vous ne conveniez de la vérité de ce
que j'ai eu l'honneur de vous dire au commencement
de la mienne ; fçavoir , qu'en
m'adreffant à M. l'Abbé Soumille , je me
fuis adreffé à la perfonne la plus capable
de me donner une entiére fatisfaction fur ce
fujet.
pre-
J'ai lieu d'attendre un pareil fuccès à
l'égard de la Chartreufe de Marfeille , par
la lettre que je viens de recevoir du Vénérable
Prieur de cette Maiſon , écrite le
mier de ce mois , par laquelle ce très - digne
fucceffeur de D. Favière , a la bonté de
me promettre les inftructions dont j'ai befoin
pour fatisfaire à mes engagemens .
Je fuis avec refpect , M. R. P. Votre , &c.
A Paris , le 27. Septembre 1743 .
LES
JANVIER. 1744. 33
C LES ECLAIRS ,
ODE qui a remporté le Prix à l'Académie
des Feux Floraux , le premier Mai 1743 ,
par M. Taverne, cadet, Licentié ès Droits.
Mufe , pars , vole , fui le féjour de la Terre
Pourquoi retenir tes tranſports ?
Dans les Régions du Tonnerre
Cherche l'objet nouveau de tes hardis accords.
Quels prodiges offre à ta vûë
Le fein tenebreux de la nuë !
Sous le Ciel obſcurci quelle foule d'Eclairs !
Eft-ce pour nous charmer que vous les faites luire,
Grands Dieux ? Eftt-
ce pour nous détruire ,
Qu'ils femblent embrafer l'im menfité des Airs ?
Je ne puis échapper à l'active lumiére ,
Dont la clarté , de toutes parts
Affiége ma foible paupière ,
Et bleffe de mes yeux les timides regards.
En vain , entre les bras de l'Ombre ,
Dans la Retraite la plus fombre,
Je croyois éviter le feu qui me pourfuit :
Par le fentier étroit d'une route inconnuë ,
Dans cet afile il s'infinuë ;
Il m'approche, il m'atteint , il me frappe & s'enfuit .
Vifs
#4 MERCURE DE FRANCE.
Vifs Eclairs , à la fois vous percez les nuages ,
Et délivrés de vos kens ,
Vous vous montrez fur nos Rivages
De la Terre & du Ciel immenfes Citoyens
Arrêtez .... Défirs inutiles !
Dans votre courſe plus agiles ,
Que d'Eole en courroux les Sujets irrités ,
Traits ardens , feux légers , un inftant vous voit
naître ;
Un inſtant vous voit difparoître ;
Vous rentrez au Néant , dès que vous en fortez.
Mais quoi ! de fon bandeau quand une nuit obſcure
Couvrant , & la Terre & les Airs ,
Fait un cahos de la Nature ,
Un Spectacle brillant reproduit l'Univers.
Quels rayons fans ordre & fans nombre ,
Sillonnent les voiles de l'ombre !
De quels Globes nouveaux le vafte éclat nous luit. Ì
Guides du Voyageur , ils éclairent fa route ;
Près des abîmes qu'il redoute ,
Ils lui rendent le jour,au milieu de la nuit.
炒菜
Le calme difparoît ; l'horreur faifit ma vûë.
Dans ces chaînes de feux volans ,
S'offrent au travers de la nuë
De rapides brafiers , des Monts étincelans.
Tels ils partoient de l'Empirée ,
f
Lorfqué
JANVIER. 1744. 35
Lorfque dans la Plaine étherée ,
Phébus livra fon Char aux voeux de Phaëton .
De fes hardis Courfiers la marche vagabonde
Enflâma les voûtes du Monde ,
Et retraça partout l'Empire de Pluton .
Quelle eft donc dans les Airs cette ardente Chymie,
Mere de fermens allumés ?
Sa main , de la Terre ennemie >
Darde fur les Mortels des torrens enflâmés.
Du fiége bruyant des tempêtes
Jupiter fond- il fur nos têtes ,
Précédé des Eclairs , armé de ſes carreaux ?
Vulcain , du Dieu des Dieux flamboyant Satellite,
A-t'il de l'Ethna , qu'il habite ,
Dans le Ciel orageux tranfporté les fourneaux ?
Démêlez de l'Eclair l'admirable ſtructure ;
Sondez fes Traits mystérieux ,
Fiers Confidens de la Nature ;
Mais votre Déité ( a ] ſe préſente à mes yeux.
L'ignorance fuit devant elle ;
A fes regards tout le décéle ;
Sur fes pas la Raiſon marche pour l'éclairer,
Prenons à ſon aſpect un effor moins timide ;
( a ) La Phyfique.
C Si
36 MERCURE DE FRANCE.
2
Si je m'égare après ce Guide ,
Il eſt beau de fçavoir doctement s'égarer.
Echappés aux befoins des arides Campagnes ,
Quels Ruiffeaux dans l'Air fufpendus !
Et dans ces errantes Montagnes ,
Que de (a) Sels ennemis enſemble confondus
Enfans révoltés de la Terre ,
Principes ardens du Tonnerre ,
L'Eclair part , fruit foudain de leurs chocs véhemens.
Ciel , veux-tu te venger & tout réduire en poudre ?
Dans ton fein ils forment la Foudre ,
Des Dieux prêts à punir , dociles inftrumens.
炒茶
De la Nuë embrafée enfonçant la barriére ,
Mille rayons de l'Univers
Einaillent la vaſte carriére ,
Et le Monde n'eft plus qu'un long tiſſu d'Eclairs:
Déja fecouant leurs entraves ,
Des vapeurs , dont ils font Efclaves ,
Ils brifent la priſon qui flotte dans les Cieux.
Quelles vives couleurs , quel éclat me préſente
De leurs traits la chaîne brillante !
Les Aftres effacés s'éclipfent devant eux.
*XXX
(a) Le Nitre & le Souffre. Us
JANVIER.
37
1744.
Un fubtil (a) Element , ame & reffort du Monde ,
Meut l'Eclair & le fait voler.
Bientôt le Ciel , la Terre , l'Onde ,
D'un feu , que rien n'éteint , me paroiffent brûler.
O terreur ! un trait homicide
Sur les pas de l'Eclair rapide ,
Suit du Salpêtre actif
l'impétueux effort ,
Ecrafe le coupable , enterré dans fon crime ;
Du Cédre abbat l'altiére cime ;
Répand de toutes parts l'épouvante & la mort .
**
L'Eclair brille. A l'envi les nuages s'irritent.
Dans la voute obfcure des Airs
Ils fe
heurtent , fe
précipitent ; ( 6 )
Leur choc d'un Pole à l'autre ébranle
l'Univers.
L'Enfer régne-t'ilfur la Terre ?
Au bruit effrayant du
Tonnerre ,
Je crois voir cent
Tombeaux
s'entr'ouvrir ſous
mes pas.
La Foudre ... non , la Foudre épargne la victime,
L'Eclair qui me luit , me ( c ) ranime ,
Et referme fous moi les portes du trépas.
(a ) La Foudre.
Fulgentfine viribus ignes.
(b) C'est une opinion commune que le bruit du Ton
verre vient de la chute rapide d'un Nuage fur l'autre.
(c) Ce n'eft point lorsqu'on voit l'Eclair que l'on doit
craindre la Foudre ; on eft alors hors de danger.
Cij EX.
38 MERCURE DE FRANCE.
૪૨૯૨૨૭૬૨ ૨૯ ૮ ૨૯ ૨૦ ૨૦ ૨૦
၁ ဥာ
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Grenoble
, le 28 Novembre 1743 , au sujet du
Paffage de l'Infant DOM PHILIPPE, par cette
Ville.
que
E 25 du mois d'Octobre, fon Alteffe R.
D. Philippe,arriva en cette Ville au fon
des cloches & au bruit du canon . A l'entrée
de la Ville , Mrs. les Confuls eurent l'honneur
de complimenter le Prince, qui témoigna
la fatisfaction méritoit le compli
ment de M. Deybenfier , Conful , que vous
trouverez ci-joint. Les ruës par où S. A. R.
paffa , étoient bordées de troupes , fous les
armes. L'air retentiffoit des acclamations &
des cris de joye , que pouffoit le peuple, accouru
des environs , pour voir un Prince ,
que la Rénommée n'a point flaté , en l'annonçant
comme le digne héritier des vertus
de fes auguftes Ayeux.S.A.R . defcendit de fa
chaife à la porte du Jardin de M. l'Intendant
, où elle fut reçûë fous un dais magnifique.
Le foir, il y eut à l'Intendance un concours
des principales Dames & de Gens de
qualité de cette Ville. On joüa beaucoup ,
& on alla enfuite voir les illuminations du
Jardin de l'Intendance , qui formoient , de
l'aveu du Prince , un des beaux coups d'oeil
qu'on
JANVIER . 1744. 39
qu'on puiffe voir. Le lendemain 26 , S.A.R.
reçut les complimens des Cours Supérieures
& des Corps Religieux. M. de Piolenc ,
Premier Préfident du Parlement , & M. Bailly
, Marquis de Clairivaux , Premier Préfident
de la Chambre des Comptes , parlerent
avec une éloquence & une dignité , qui leur
attirerent l'approbation de tous ceux qui les
entendirent. Parmi les complimens faits par
les Religieux , le Prince parut charmé de
ceux des Peres Daru & Auffel ; le premier
eft ex-Général des Cordeliers ; vous en avez
déja fait mention dans votre Mercure , à
l'occafion du Sermon de la Cêne. Le fecond ,
je veux dire, le P. Auffel , eft Jéfuite, & fort
eftimé.
Le même jour, S. A. R. alla dîner chés M.
l'Evêque , qui lui donna un repas , où brillerent
à l'envi la magnificence , la délicateffe
& le bon-goût. Au fortir de ce repas , le
Prince reçut avec bonté le compliment que
lui fit M. de Lacy, jeune Seigneur Efpagnol,
Penfionnaire du Collège des Jéfuites . Cer
aimable Seigneur fut préfenté à S. A. R. par
les Peres Quénot & de Burtrand , Jéfuites.Le
Prince , enchanté du compliment du petit
Efpagnol , le témoigna au P. Quénot , -lui
recommanda d'avoir toujours bien foin de
cer Eléve , ajoûtant qu'il faifoit honneur à
l'éducation qu'on lui donnoit.
Ciij Le
40 MERCURE DE FRANCE.
Le 27 , S. A. R. fit l'honneur à M. de Piolenc
, Baron de Thoury , d'aller dîner chés
lui . Au deffert , le Prince voulût qu'on laiſsât
entrer tout le monde , informé de l'empreffement
qu'on avoit de le voir. Le 18 ,fur les
10 heures , ce Prince partit pour Barraux, au
bruit de l'artillerie .
Je n'oublierai pas que Don Philippe alla
ces jours paffés à la grande Chartreufe. Il fut
reçû à l'entrée de cette fainte Maiſon , par
le Vénérable Pere Dom de Larnage , Prieur
de Chartreufe & Général de l'Ordre ; fi je
puis avoir là-deffus quelque inftruction particuliére
, je vous en ferai part.
COMPLIMENT de Meffieurs les Confuls
de Grenoble.
MONSEIGNEUR ,
39
« Les Confuls de Grenoble portent aux
» pieds de Votre Alteffe Royale , les hommages
refpectueux du peuple , qu'ils repréfentent
: ce peuple , Monfeigneur , re-
» connoît & admire en votre augufte per-
» fonne , les vertus des Monarques , fes Maî
>> tres , qui gouvernent cet Empire depuis
» tant de fiécles ; l'un d'eux mérita le nom
d'Augufte ; plufieurs celui de Grand ; d'au
tres ceux de Bien-aimé,de Jufte & de Pere
»
» des
JANVIER. 1744. 41
"
"
» des peuples ; tous ces Titres précieux ne
» préfentent rien à quoi V. A. R. ne puiffe
prétendre ; femblable à Titus , qu'Elle
»paroît s'être propofée pour modéle , elle
» fera les délices du peuple fortuné , qui vi-
»vra fous fon Empire , & peu fatisfaite du
» feul avantage de régner , Elle fçaura en-
» core régner fouverainement fur les coeurs
» par ſon affabilité , fa magnanimité & ſa
» clémence. Daignez , Monfeigneur , agréer
> notre amour . Notre zéle refpectueux l'ac-
» compagne ; l'un & l'autre infpirent des
» voeux ardens pour la profpérité de Votre
» Alteſſe R. »
AUTRE compliment fait en lui offrant les
préfents.
"MONSEIGNEUR, la Ville à l'hon-
» neur de préfenter à Votre Alteffe Royale,
» ce que la Province produit de meilleur ;
fon impuiffance & le peu de tems qu'elle
» a eu , ne lui ont pas permis de fuivre tout
» ce que fon zéle lui infpiroit ; l'indulgen-
» ce de Votre Alteffe Royale & fes bontés
» voudront bien y fuppléer. »
ZAS
C iiij
RE
42 MERCURE DE FRANCE.
洗洗洗洗洗洗洗送送送送送送送洗洗
REMERCIMENT des Penfionnaires
Chinois du Collège de LOUIS -LE-Grand ,
préfenté à S. 1.S. M. le Duc de Penthievre,
Le 8 Janvier 1744.
C Harmés de tes vertus , comblés de tes préfens ,
De nos foibles remercimens ,
GRAND PRINCE ,nous ofons te préfenter l'hommage.
Etrangers dans ces Lieux , nés dans une autre Plage,
Pour exprimer nos fentimens ,
Tout nous manque , juſqu'au langage ;
Mais nous fçavons du moins parler celui du coeur ;
Nous espérons de ta clémence ,
Que feul il fuffira , fans autre introducteur ,
Pour mériter ton audience.
Nous ne pouvons de ta faveur
Célébrer la magnificence ,
Mais nous fçavons en fentir tout le prix.
Oui , ton nom à jamais gravé dans nos efprits ,
Par les traits immortels de la reconnoiffance ,
Après avoir franchi les Mers ,
Par nous retentira dans un autre Univers.
Un jour nous apprendrons à la Chine étonnée
Les grandes qualités dont ton ame eſt ornée.
Nous lui peindrons cet air plein de grandeur,
Mais temperé par la douceur ,
Ce
JANVIER. 1744. 43
Ce beau feu , cette noble ardeur ,
Qui , dès le printems de ton âge ,
D'un Héros accompli nous préfentent l'image .
Enfin , de tes bienfaits le gage précieux
Finira le portrait de ton coeur généreux .
Charmés de nos récits pompeux ,
Nos peuples de concert te rendront leur hommage,
Et fe verront forcés d'admirer à ces traits
L'Augufte fang des Monarques Français.
· DECISION d'unfameux Problême.
D
U tems de la Ligue , malgré les horreurs
d'une guerre Civile , il s'en éleva
une Littéraire , dans laquelle les perfonnes
les plus illuftres de la Cour & de la
Ville prirent parti ; tout le monde fçait
l'Hiftoire des deux célébres Sonnets de Voiture
& de Benferade ; le Prince de Condé
la Ducheffe de Longueville , fe fignalerent
par la délicateffe de leurs décifions ; la Sapho
de ce tems-là , M. Efprit , & beaucoup
d'autres , écrivirent à cette occafion les chofes
les plus fpirituelles ; rien ne prouve
mieux le caractére d'une Nation brave par
nature , & qui fçait concilier l'élégant badinage
de l'efprit avec la fierté des réfolutions
martiales ; un courage de cette trempe
eſt admirable ; on voit bien qu'il eſt moins
C v l'effet
44 MERCURE DE FRANCE.
l'effet de la eruauté d'un peuple féroce , que
celui d'une valeur dirigée , qui ne trouble
point l'oeconomie des coeurs & des efprits ,
& ne les fouftrait pas à leur urbanité naturelle.
Nous voyons aujourd'hui un nouvel exemple
de ma réflexion ; il eft queftion de réfoudre
un Problême galant ; je fçais que
plufieurs perfonnes ont déja donné leur décifion
; il eft fâcheux qu'il n'y ait plus en
France , ce qu'on nommoit jadis une Cour
d'Amour ; cette matiére eût été digne de
ce Tribunal , mais au défaut de cette Cour,
il y a plufieurs Maifons dans Paris , où des
femmes aimables & fpirituelles raffemblent
chés elles , à l'ombre de leurs graces ,
ce qu'on appelle de beaux efprits ; c'eft donc
à ces efpéces de Souveraines du goût & du
fentiment , que j'adreffe le Problême , & lat
décifion que j'ofe hazarder dans un fujet fi
délicat , & dans lequel l'amour propre eft
fi fonvent la dupe de la vérité. Voici le
Problême.
On fuppofe que dans une Fête champêtre
les Bergers & les Bergéres font une efpéce
de contrainte à l'aimable Licoris de fe décider
entre Tircis & Damon , tous deux
également épris de fes charmes , tous deux
fidéles & conftans , & tous deux enfin dignes
de mériter fon coeur ; Licoris , qui fe
plaifoit
JANVIER . 1744-
45
plaifoit peut-être , malgré fa fimplicité, dans
la concurrence de ces rivaux , effaya de ſe
tirer de ce pas , d'une maniére équivoque
& qui laifsât encore après fon action l'ambuiguité
qui lui plaifoit; elle ôta donc de fa
tête la Couronne de fleurs dont elle étoit
parée & la mit fur celle de Damon ; elle
prit enfuite celle que portoit Tircis & la
mit fur la fienne : on demande , a en juger
par ces deux actions , lequel des deux Bergers
a la préference. Je décide pour Tircis ,
voici mes raifons :
On feroit d'abord en droit de conclure ,
que Licoris n'eft qu'une coquette aimable ,
qui n'en aime aucun affés parfaitement
pour facrifier l'autre ; la Nature infpire auffi
bien ces fentimens à l'ombre des heftres ,
que fous les lambris dorés ; la Beauté eft une
efpéce de Souveraine , qui n'aime point
à voir diminuer le nombre de fes fujets ; l'amour
propre eft fon premier Miniftre , mais,
malgré cette prémiére réflexion , il eft queftion
de décider lequel des deux Bergers paroît
avoir eu la préference ; l'action de Licoris
eft - elle dans un équilibre fi parfait ,
que fon coeur n'ait point abfolument panché
? Je dis qu'il a panché en faveur de Tircis
, malgré fa précaution , & je tire mes
plus forts moyens en faveur de mon fentide
tout ce que peuvent dire les parti- ment ,
C vj
fans
46 MERCURE DE FRANCE.
fans de l'opinion contraire ; cela paroît un
nouveau Problême . Je m'explique , & je
m'en rapporte aux Dames , & à ceux qui les
ont le plus étudiées. Les femmes font naturellement
difcrettes & retenuës ; le fentiment
qui les affecte le plus , eft celui qu'elles voilent
avec le plus de foin ; en matiére de tendreffe
, elles ont plus de fatisfaction à être
dévinées , qu'à être contraintes de s'expliquer
clairement.
Le couronnement de Damon eft un action
d'éclat , capable de féduire le Berger &
l'affemblée ; l'enlèvement de la Couronne
de Tircis , eft un mouvement plus fimple ,
& qui touche d'autant plus le coeur , qu'il
femble ne rien donner à la vanité. Damon
couronné
par Licoris , peut fe dire , que je
fuis heureux de tenir de la main de ce que
j'aime , un ornement précieux , qui n'ajoute
pourtant rien à fes charmes , mais qui devient
le fceau de ma gloire & de ma félicité
, puifque je poffede ces fleurs qui ont été
les compagnes de fes attraits , & que je ne
puis douter que cette Couronne ne foit le
prix de ma tendreffe , & un véritable triomphe
fur mon rival ! j'avouerai même , fi l'on
veut , que Licoris confent que Damon fſee livre
à ces agréables réflexions ; mais auffi
que n'a pas droit de fe dire Tircis ? Mon rival
eft couronné par Licoris ! Eft- ce un motif
pour
JANVIER. 1744. 47
>
pour être jaloux ? Que je ferois injufte , &
que ce feroit mal connoître le coeur de ma
Bergére ! Elle a pris la Couronne que je portois,
& l'a fubftituée à celle qu'elle a donnée;
la mienne lui plaît donc davantage , & le
facrifice qu'elle a fait , n'eft que pour avoir
une occafion de me faire fentir qu'elle a préferée
la mienne : elle me déclare affés par cette
action qu'elle a pour moi les fentimens
qu'elle confent que Damon ait pour elle ; &
elle penfe & elle dit à qui fçait l'entendre ,
qu'elle fent pour moi , tout ce que Damon
peut fentir pour elle ; en un mot , elle paroît
confentir que Damon fe livre à l'illufion
d'être aimé , mais elle me donne une
preuve hors de tout foupçon , qu'elle m'aime.
Je crois que Tircis peut penfer de la
forte fans témérité. L'action de couronner
eft brillante par elle-même , & ne fait rien
perdre des droits de l'amour- propre , mais
celle de fe parer de la Couronne d'un autre
, eft une efpéce de foibleffe ; & tout ce
que la vanité paroît perdre en cette occafion
, eft en faveur de Tircis & de l'Amour,
qui fans s'arrêter aux petites bienséances ,
ne cherche qu'à fe fatisfaire ; il eft vrai que
pour fuivre la route de tous ces mouvemens,
il faut bien connoître celle des paffions , &
ne pas décider fur les apparences ; je conclus
donc par croire , que Licoris en couronnant
Damon,
48 MERCURE DE FRANCE.
Damon , a voulu en impofer à ce Berger par
un action d'éclat , pour mieux cacher l'aveu
qu'elle vouloit faire à Tircis , qu'il avoit la
préference , pour peu qu'il eut l'efprit de le
fentir , car il faut un certain dégré d'intelligence
pour connoître celui des faveurs , &
tout le monde ne l'a pas ; d'ailleurs quand
on veut trouver la vérité dans le coeur des
femmes , il faut fe défier de la route commune
; elle eft prefque toujours chés elles
dans quelque fentier oblique ; il faut avoir
de la pénétration pour l'appercevoir.
Par M. de Bonneval,
*X*X*X +3X+ 3X +3X +3X +3X
ETRENNE S.
P Lutus vient par un jufte choix
De nommer d'Harnoncour pour l'un de fes Quarante
Sages difpenfateurs des tréfors de nos Rois.
Puiffai-je voir bientôt , au gré de mon attente ,
Sous même titre , aux mêmes droits ,
Dans une claffe differente ,
Apollon lui donner la voix !
Oui , digne favori des filles de Mémoire ,
Ce choix nouveau manque à ta gloire
Mais ce qu'a fait Plutus , je l'attends d'Apollon ,
Avec
JANVIER. 1744. 45
Avec une juftice égale ,
Et tu n'es pas moins fait pour le facré vallon ,
Que pour la ferme générale.
Reponse faite fur le champ.
Abbé , fi j'ai quelques talens ,`
Dignes d'une fi belle place ,
C'eft que depuis plus de vingt ans ,
J'écoute les leçons qu'on te dice au Parnaffe.
QUESTION importante jugée au Parle
ment de Paris.
»
39 S
I un Contrat de Conftitution fait au
profit d'Enfans mineurs , dans lequel
on a ftipulé que le Débiteur fera tenu de
» teur rembourfer le principal à leur majo
» rité , ou établiffement , eft ufuraire ? »
FAIT.
Par Contrat du 16 Mai 1696 , paffé devant
Notaires à Châlons , Côme Henri La
boureur & fa femme , créerent & conftituerent
au profit de Claude Pichart , Pâtiffier à
Châlons , au nom & coinme Tuteur des Enfans
mineurs de défunt Hachette , acquéreur
pour lefdits Mineurs , 15 liv. de rente
annuelle
Jo MERCURE DE FRANCE.
annuelle payable par chacun an , jufqu'an
rachat extinction de ladite rente , que lef
dits conftituans feroient tenus & obligés defaire,
lofque l'un des mineurs auroit atteint l'âge de
majorité , ou pris quelque état , foit de mariage,
ou de Réligion , en rendant & remboursant audit
Sr. acquéreur audit nom , lefort principal ,
frais &loyaux coûts en un payement , fans quoi
la préfente Conftitution n'eût été faite, & n'auroit
ledit Picart audit nom prête ledit principal.
Cette conftitution faite moyennant la fomme
de 300 liv. de principal , payée à la vûë
des Notaires ; ladite rente à prendre fur tous
les biens des conftituans.
Les Mineurs Hachette , devenus Majeurs ,
ne voulurent point accepter cet emploi, qui
avoit été fait fans avis de parens , de forte
que le Contrat demeura à Pichard pour fon
compte , & après lui à fon fils , qui trouva
ce Contrat dans la fucceffion de fonpere.
Ce Contrat fut exécuté , & les arrérages
payés fans aucune contradiction , pendant
46 ans , par Côme Henri & fa femme , &
après eux , par Côme Henri leur fils , Sergent
en la Juftice de Sarry.
Il y eut même le 11 Septembre 1730 , un
Acte fous feing privé , fait double entre les
parties , par lequel Côme Henri , pere & fa
femme , reconnurent devoir au Sr. Pichard
120 liv. pour arrérages du Contrat qu'ils lui .
devoient
JANVIER. 1744. ST
devoient au principal de 300 liv.produifant
S liv. de rente par an , laquelle fomme de
120 liv. ils promirent payer folidairement ,
fans préjudice au principal de 300 liv . année
courante & loyaux coûts , & c.
,
En 1742 , le Sr. Pichart , fils , ayant fait
un tranfport de cette rente au Sr. de la Fourniére
, Confeiller au Préfidial de Châlons
& le Sr. de la Fourniére ayant affigné Henri
au Bailliage de Châlons , afin de lui paffer
titre nouvel de la rente , Henri répondit
pour défenfes , que le Contrat de 1696 n'étoit
qu'une obligation ; que les intérêts qui
en avoient éré payés , étoient ufuraires , attendu
la claufe portant obligation de rembourfer
la rente ; que ces intérêts devoient
être imputés fur le principal, & qu'on devoit
lui en rendre l'excédent.
Le Sr. de la Fourniére dénonça cette demande
au Sr. Pichart fon cédant , lequel fit
voir que la prétention d'Henri étoit mal
fondée : fur quoi intervint Sentence contradictoire,
qui condamna Henri à paffer Titre.
nouvel de la rente au Sr. de la Fourniére.
Henri ayant appellé de cette Sentence , la
caufe fut portée à l'Audience de la Grand-
Chambre.
On difoit de la part d'Henri , qu'une obli
gation dans laquelle le principal n'eft point
aliéné , ne peut produire des intérêts légitimes;
52 MERCURE DE FRANCE.
mes ; que dans l'Acte de 1696 , il n'y avoit
point d'aliénation du principal , puifqu'on
y avoit ftipulé que les conftituans feroient
tenus de faire le rachât de la rente , à la majorité
, ou établiſſement des mineurs , fans
quoi ladite Conftitution n'eût été faite ;
qu'on ne pouvoit excufer le vice de cette
claufe , en difant que le Contrat n'a jamais
appartenu aux mineurs; que cela même prouvoit
l'ufure , & que le Tuteur s'étoit fervi
du nom de fes mineurs , pour ftipuler l'intérêt
d'une fomme qu'il prêtoit , ce qu'il ne
pouvoit pas faire , même pour les mineurs ;
enfin , que quoiqu'on n'eût
fait ufage
pas
de cette claufe de rachât , elle ne vicioit
pas moins le Contrat , qui étoit nul dans
fon principe.
Au contraire de la part du Sr. Pichart , on
répondoit que la claufe du rachât n'avoit
été inferée , qu'à caufe que le Tuteur entendoit
faire l'emploi pour les mineurs ; que le
Notaire avoit crû cette claufe permiſe
comme elle l'étoit fuivant l'ancienne Jurifprudence.
Que l'intention des parties avoit été de
faire un Contrat de Conftitution , & non
une obligation , que tous les termes de l'Acte
le dénotoient ; que la claufe de rachât
étoit inutile ; que les mineurs mêmes pour
qui elle avoit été mife , n'auroient pû en
faire
JANVIER. 1744. 53
faire ufage ; que cette clauſe vitiatur & non
vitiat.
Par l'événement , les mineurs n'ayant jamais
eu aucun droit au Contrat , le Sr. Pi--
chart pouvoit encore moins faire ufage d'une
claufe , qui n'avoit jamais été faite pour
lui ; il ne pouvoit pas abufer de cette claufe,
& furabondamment il déclaroit qu'on
n'avoit jamais entendu s'en fervir .
Le principal étoit véritablement aliéné
puifque le créancier n'auroit pas pû en
exiger le remboursement en vertu d'une
claufe , qu'il ne pouvoit jamais s'adopter ,
claufe par conféquent inutile , & que l'on
doit regarder , comme fi elle n'étoit point
écrite.
D'ailleurs , comme les Actes s'expliquent
par leur exécution , il a été dérogé en tant
que befoin à cette claufe , tant par l'exécution
du Contrat , pendant 46 ans , que par
l'Acte du 11 Septembre 1730 , qui emporte
une reconnoiffance du Contrat , & dans lequel
on a diftingué les arrérages, qui étoient
exigibles , d'avec le principal qui ne l'étoit
pas ; on a promis payer les arrérages , au lieu
qu'on n'a fait qu'une fimple réferve du principal.
Enfin la prétendue obligation de racheter
la rente , feroit prefcrite par le laps de plus
de 46 années ; le débiteur a toujours payé
juſqu'au
54 MERCURE DE FRANCE.
jufqu'au tranfport ; il n'eft pas recevable
aujourd'hui à prétendre que ce Contrat foit
ufuraire.
Par Arrêt rendu en l'Audience de la
Grand- Chambre , le 26 Novembre 1743 ,
on a confirmé la Sentence , qui condamnoit
Henri à paffer Titre nouvel de la rente ;
plaidants M. Domyné, pour Henri , Appellant
, M. Boucher d'Argis , pour le Sr. Pichart
, intimé , & M. Babille , pour le Sr. de
la Fourniére, ceffionnaire de la rente.
*X* X*X +3X++3X** X**X * X
EPITRE
A Mlle. Puvigné , pour l'inviter àfaire les
Harman
Rois.
Harmante Puvigné , toi qui fais les délices
Et de la Ville & de la Cour ,
Si de fête il n'eft point fans que tu l'embelliſſes ,
Voudrois tu convenir d'un jour ,
Pour visiter mon paiſible ſéjour ?
L'amour ne va point fans fa mere ;
L'amitié tendre , obligeante & fincére
Peut auffi fe trouver où le trouve l'amour.
Sur cette Lifte , à ton goût affortie ,
Tu dois connoître ceux qui font de la partie.
Ne t'imagine pas que ce foit grand cadeau ;
It
JANVIER. 1744.
59
Il s'agit entre nous de tirer un gâteau ;
De faire un Roi , mais peut-être une Reine.
Ce qui dépend du fort , n'eft que chofe incertaine ;
Eft-il mortel qui le puiffe fixer ?
Tu ris , & je t'entends : oüii , j'en fais la gagûre ;
Tu crois que la féve t'eft sûre :
Ah ! n'eft- ce pas trop t'abuſer ?
Tu régnes fur les coeurs , & qu'en peux tu conclure
?
Cer empire n'eft dû qu'aux talens , qu'aux appas ,
Mais le fort ne les connoît pas.
Si des bienfaits , qu'il diſpenſe ,
Dans les caprices divers ,
L'efprit & la beauté regloient feuls l'excellence ;
Tu régnerois fur l'Univers.
OBSERVATIONS fur un Enfant
monftrueux, Par M. Collomb le fils , de
l'Académie des Beaux- Arts , & Chirurgien
furé à Lyon.
E 15 Juillet 1743 , je fus averti
que
la nommée Burat,de la Paroiffe de Saint
Georges , étoit accouchée au feptiéme mois
de fa groffeffe d'un Enfant d'une figure extraordinaire.
Je me tranfportai dans l'endroit
où il étoit , avec M, Deville , Ingénieur
56 MERCURE DE FRANCE.
nieur ordinaire du Roi , Membre de cette
Académie , & nous trouvâmes effectivement
une petite fille , laquelle n'avoit
qu'un oeil , placé dans la partie moyenne
inférieure du Coronal ; point de nez ,
point de bouche , & les oreilles fituées
à l'endroit du Larinx . Quant au refte du
corps , il nous parut bien configuré.
Nous nous informâmes des circonftances
qui avoient accompagné cet accouchement,
& nous apprêmes que l'Enfant , dont il eſt
ici queftion , avoit vécu trois heures , qu'il
avoit été ondoyé , enfuite porté à l'Eglife ,
pour y recevoir les Cérémonies du Baptême,
& qu'il y mourut , lorfqu'on lui donnoit
le S. Crême. *
Dans l'oeil de cet Enfant , beaucoup plus
gros qu'il ne devoit être , on y remarquoit
deux Cornées tranfparentes , deux Iris , &
deux prunelles , mais feulement un criſtalin,
une humeur vitrée & un nerf obtique ; la
conjonctive faifoit exactement le tour des
deux cornées tranfparentes , en les féparant
l'une de l'autre de l'épaiffeur environ d'un
écu de trois livres ; & les muſcles deſtinés
aux mouvemens de l'oeil , étoient confondus
autour du globe de celui- ci.
* Ce Fait eft attefté par M. Marion , Vicaire de la
Paroiffe de S Georges , qui en a délivréfon Certificat
le 17. Juillet 1743 :
Il
JANVIER. 1744. 57
Il y avoit quatre paupières pour fermer
cet oeil , lefquelles formoient quatre angles
égaux , un fupérieur , un inférieur , & deux
latéraux.
J'enlevai enfuite la peau , les muſcles, &
tout ce qui fe rencontra fur les os de la tête ,
pour en examiner fcrupuleufement la conformation.
L'on fçait que la tête eſt diſtinguée en
crâne & en face ; que le crâne eft compofé
de huit os , & la face de treize , fix pairs &
un impair , fans y comprendre la mâchoire
inférieure.
Les os qui forment le crâne , font le coronal
, les deux pariétaux , les deux temporaux,
l'occipital, l'etmoïde & le fphénoïde.
Les os qui compofent la face , font les
deux maxillaires , les deux os de la pomette,
les deux os vonguis , les deux os du nez , les
deux os du palais , les deux cornets inférieurs
du nez , & le vomer.
Au contraire , le crâne de cet Enfant n'étoit
compofé que de fept os , & la face
d'un feul.
Le coronal étoit de figure triangulaire
curviligne ; fa partie moyenne externe , féparée
perpendiculairement par une crête
offeufe , & fa partie inférieure fe replioit
en devant, de la largeur de deux lignes, environ
, formant un rebord à cet os , qui lui
donnoit
58 MERCURE DE FRANCE.
donnoit affés de reffemblance avec la partie
poftérieure d'un Cafque.
Cet os avoit fes connexions avec les
deux pariétaux, le fphénoïde & l'os qui tient
lieu de maxillaire,
Les deux pariétaux & l'occipital n'avoient
rien de particulier.
Les deux temporaux approchoient affés
du naturel ; nous obfervâmes feulement
qu'ils étoient un peu allongés , & qu'ils fe
portoient par leurs parties inférieures ,beaucoup
en avant , enforte que les apophifes
maftoïdes , & les trous auditifs externes
étoient à la partie antérieure & fupérieure
du col ; & à la place des apophifes zigomatiques
fe rencontroient deux petites éminences
arrondies.
le
Ces os étoient joints par en haut , aux pa
riétaux par future écaillcufe , en arriére &
en bas avec l'os occipital, & en devant avec
corps & les aîles de l'os fphénoïde , enforte
que ces deux os temporaux s'uniffoient
auffi par leurs apophifes pierreufes , & fermoient
le crâne dans fa partie antérieure &
inférieure.
L'os fphénoïde étoit fort uni dans fa partie
externe , & dans fa partie interne fe rencontroit
feulement la fcelle du Turc , les
apophiſes clinoïdes , & deux fentes fphénoïdales
.
Cet
ANVIE R. 1744. 19
Cer os avoit fes connexions avec le coronal
, les deux pariétaux & les deux temporaux.
Nous obfervâmes que tous les os du crâne
étoient parfaitement réunis & bien formés
, & qu'il n'y avoit point de fontenelle.
La face de cet Enfant n'étoit compofée
que d'un feul os , comme on l'a déja dit ,
lequel étoit de figure triangulaire , épais &
large d'un pouce , ayant trois angles , fçavoir
deux latéraux , qui fe terminoient par
une apophife plate , & le troifiéme , antérieur
, beaucoup plus grand , étoit arrondi
par la pointe.
Cet os avoit fes connexions avec le coronal
par fes deux apophifes plates , qui
s'uniffoient dans deux petites cavités , fituées
aux parties inférieures & latérales du
coronal , à l'endroit de fon repti , enforte
que l'union de cet os avec le coronal achevoit
le trou que l'on voyoit au milieu de
cette tête ; lequel os , par fa partie poftérieure
, étoit enchaffé dans le corps de l'os
fphénoïde ; & par fon angle antérieur un
peu incliné , il donnoit à cette face une forme
de menton .
Voulant pouffer plus loin nos recherches,
je diffequai le col , la poitrine & le ventre.
Nous ne trouvâmes au col ni trachée artére
, ni afophage , mais à la place, nous ren-
D con60
MERCURE DE FRANCE.
contrâmes une groffe glande blanche , affés
molle , nous l'ouvrîmes en plufieurs fens , &
ne pûmes y reconnoître autre chofe que
des vaiffeaux lymphatiques ; fa figure approchoit
de l'ovale , & occupoit toute la
partie antérieure du col .
J'ouvris la poitrine , & nous y trouvâmes
deux coeurs , enveloppés chacun d'un péricarde,&
féparés par le médiaftin; leurs pointes
étoient tournées l'une du côté gauche ,
l'autre du côté droit , & les vaiffeaux qui en
partoient & qui s'y rendoient, étoient doubles
, & ils fe réüniffoient à neuf lignes environ
de diſtance des coeurs , pour ne former
enfuite que les troncs ordinaires.
Nous trouvâmes encore dans cette poitrine
de petites lobules de poumon adhérantes
aux péricardes , & à la plévre , & fi compactes,
qu'elles reffembloient par leur fubftance
à des foyes de poulets.
Dans le ventre , il n'y avoit rien de fingulier
que la forme & la fituation de l'eftomac
;il étoit de figure fphéroïde , fitué dans
la partie moyenne de la région épigaftrique;
fon fond étoit attaché au centre du diaphragme
; fon col s'abouchoit au duodénum
& n'avoit que ce feul orifice , qui n'auroit
été d'aucun ufage , puifque dans cet Enfant
il n'y avoit ni bouche , ni conduits pour faire
arriver les alimens jufqu'à cet eftomac.
Je
JANVIER . 1744 . 61
Je me fuis borné dans ces Obfervations à
la defcription fimple des parties que j'ai reconnues,
fans entreprendre d'expliquer phyfiquement
les caufes du changement de conformation
dans le fujet dont il s'agit . Plufieurs
Sçavans en ont parlé avant moi. Les
uns , donnant tout à la force de l'imagination
des meres , ont rapporté à elles feules
ces fortes de productions monftraeufes ; les
autres les ont attribuées à l'effet du hazard
ou plutôt les ont confiderées comme un développement
naturel des parties de l'oeuf ,
ou l'organiſation fe trouvoit ainfi difpofée.
primitivement. Ces Systêmes ingénieux font
honneur à leurs Auteurs, ils en font même à
l'efprit humain , & font traités avec trop
fçavoir & d'érudition , pour que j'entreprenne
d'y rien ajoûter. Le fait que je viens
de rapporter s'étant préfenté à moi , j'ai crû
que je devois en recueillir les particularités,
& mecontenter de vous les expofer en Anatomiſte
exact.
de
L'Enfant , qui fait le fujet de ces Obfervations
, a été expofé fous les yeux de l'Académie
le 7 Août 1743 , pendant la lecture
de ce Mémoire , & eft actuellement entre
les mains de l'Auteur.
Dij VERS
62 MERCURE DE FRANCE.
VERS préfentés au R. P. D. J. B. F. P.
D. M. le premier jour de l'An.
O
Dieu ! que la mode éternelle
D'affommer les gens de fouhaits ,
Si- tôt que le jour étincelle
Ou l'Univers fe renouvelle ,
Eft une mode que je hais !
L'un vient , fur un ton qui vous géle ,
D'un air fotement précieux ,
Réciter par coeur à vos yeux
La formule fempiternelle
Et le compliment ennuyeux
Que fa mémoire , trop fidelle ,
Retint de fes premiers Ayeux.
L'autre , victime de l'uſage ,
Affectant le tendre langage
De l'amitié , qu'il ne ſent pas ,
Vient , pâle & gêné perfonnage ,
Vous faire l'indigne étalage
De fouhaits , qu'il dément tout bas ,
Et de baiſers , nouveau Judas ,
Ofe vous couvrir le vifage ,
Qu'il voudroit couvrir de crachats.
Si du moins , plus reconnoiffable ,
Par quelque figne bien marqué ,
L'honnête homme étoit diftingué
JAN VIE R.
63 1744.
De cette foule mépriſable ;
Si la candeur étoit palpable ;
Si le faux étoit démaſqué ;
Mais non , dans ce jour équivoque ,
Jour honteux pour l'humanité,
Ou finge de la probité ,
L'homme , d'un autre homme fe moque ;
Où l'inimitié réciproque
Se flate fans fincérité ,
Se careffe avec cruauté ;
Dans ce jour , l'époque fuprême
De l'humaine imbécillité ,
Le langage eft partout le même ,
Et l'honnête homme eft imité.
ENVOI
Prieur aimable , illuftre Père ,
Ange ,fous les traits d'un mortel ;
Vous , que j'aime & que je revére ;
Sage , que nous donna le Ciel ,
Ce premierjour , fi criminel ,
Eft l'unique jour du vulgaire ;
Mais les fouhaits , plus fructueux ,
D'un coeur vrai , d'une ame bien née
Sont de tous les jours de l'année ;
Aimer , renferme tous les voeux.
A Tours , ce 30 Decembre 1743 .
7
Diij LET.
66 MERCURE DE FRANCE.
table & très-refpecté , ( M. Dautichamp. )
J'oubliois de vous dire que cette Fortereffe
eft prefque toute bâtie de pierres d'ardoiſe ,
dont on a taillé des blocs énormes , qu'on
a liés avec le meilleur ciment.
Le Préfidial d'Angers eft un des plus beaux
du Royaume ; en réputation d'ailleurs par
fon exactitude à rendre la juftice;on y plaide -
avec politeffe , & les Loix & la Coûtume y
font défendues & foutenues par un bonnombre
d'Avocats diftingués.
Notre Univerfité eft des plus anciennes
de l'Europe , & toutes les Facultés s'y diftinguent
à l'envi,fans parler des Grands Hommes
qu'elle a produits dans les fiécles paffés ,
comme Robert d'Arbrixelle , qui y a enfeigné
la Théologie , & les fameux Marbeuf
& Ulger , l'un Evêque de Rennes , &
l'autre Evêque d'Angers, qui y ont profeffé
le Droit.
Entre plufieurs Communautés diftinguées
de filles , il y en a une extrêmement refpectée,
fçavoir l'Abbaye de Ronceray , dont Mad.
de Raffetot eft Abbeffe. Elle est toute compofée
de filles nobles d'extraction .
Nous avons auffi dans notre Capitale une
Ecole des plus renommées, dans laquelle la
jeuneNobleffe fait tous lesExercices & reçoit
toutes les inftructions qui lui conviennent,
pour fe former à l'Art Militaire & à la politeffe
JANVIER. 69 1744.
liteffe des moeurs : MM. de Pignerole font
les Chefs de cette Académie.
Voilà , Monfieur , la légere Efquiffe que
je vous avois promife : j'aurois fort defiré
qu'un Crayon ,plus délicat que le mien , eût
mis dans un plus beau jour ce que vous m'avez
demandé : mais regardez ceci comme
l'ouvrage d'un pareffeux Campagnard , dont
le plus grand mérite eft de fçavoir renoncer
à fa pareffe , quand il s'agit de vous obéir .
J'ai l'honneur d'être avec un attachement
des plus fincéres & des plus refpectueux
Monfieur , &c.
A la Soriniere en Anjou , le 15 Septembre
1743 .
LA BOUSSOLE
1
POEME , qui a remporté le Prix à l'Académie
des Jeux Floraux , en l'année 1743
par M. de Carriere.
L'Aveuglement regnoit fur ces fertiles Plaines ,
Ou jamais les Zéphirs n'ont porté leurs haleines
Cruellement docile à la Religion ,
Le Mexique fuivoit la fuperftition.
Des Prêtres meurtriers de leurs filles fanglantes
Offroient à des Dieux vains les entrailles fumantes;
Dv Les
68 MERCURE DE FRANCE.
Les Rois même , les Kois , Victimes de leur rang ,
Embraffoient les Autels arrofés de leur fang.
סכ
Courbés , s'écrioient -ils , fous vos Loix inhumai-
» nes ,
>>Sans ofer les brifer , nous déteftons vos chaînes
Prêtres cruels ; les Dieux manquent- ils de Car-
>> reaux ?
Ils font notre foutien , vous êtes nos Bourreaux.
La Piété , fenfible à leurs juftes allarmes ,
Defcend du haut des Cieux , pour effuyer leurs larmes
:
Dans le fein des Tréfors, que renferment ces Lieux ,
La Nature récéle un Rocher précieux .
La Déeffe , qu'embrafe une fureur divine ,
Pénétre fans effort juſqu'au fond de la mine ,
Et fon zéle empreffé , du féjour de la nuit ,
Entraîne avec l'Aiman le fer , qui le pourſuit.
La fuperftition frémit à ce fpectacle :
En vain à fes deffeins elle veut mettre obftacle.
Auteur de l'Univers , toi , qui créas ces corps ,
Il n'appartient qu'à toi d'expliquer leurs refforts.
Dis-nous pourquoi l'Aiman fe rapproche fans ceffe
Du fer , qui pour l'atteindre a la même vîteffe ,
Et pourquoi ces deux corps balancés dans les airs ,
Se prêtent tour à tour leurs mouvemens divers
Fiére de fes progrès , pour fauver ces Contrées ,
La Piété franchit les Plaines azurées : "
Elle fixe fes yeux fur de nombreux Vaiffeaux ,
A
Que
JANVIER. 1744. 69
Que les vents invitoient à traverser les Flots.
Déja l'Ancre tardive a délivré la Flore.
La Déeſſe auffi-tôt s'offre aux yeux du Pilote :
» Au bout de l'Univers , il eft d'autres Climats ,
» Dit-elle : vers ces Lieux tu dois tourner tes pas ;
Que tes frêles Vaiffeaux * attachés aux Rivages ,
»Volent , fans s'égarer , aux plus lointaines Plages.
» L'Eternel dans ce fer t'offre un puiffant ſecours :
» De ta Flote timide il reglera le cours.
33
23 Quand le Soleil dans l'Onde a terminé la courfe ,
» Un ** Aftre moins brillant , à la fuite de l'Ourſe ,
» Immobile , & toujours élevé fur les Flots ,
» Ne fe cache jamais aux yeux des Matelots .
» En vain , pour les tromper , les Aquilons rapides
» Etendront leurs fureurs fur les Plaines liquides ;
» Ce fer , qui de l'Aiman a toutes les vertus •
Cherche l'Ourſe , s'y fixe & ne s'agite plus.
Ces mots , dans tous les coeurs enflâment le cou
rage ,
Erdéja les Vaiffeaux ont fui loin du Rivage ;
Mais quel effroi foudain enfante mille voeux !
Quels nuages épais enveloppent les Cieux !
La Mer contre la foudre offre un funeſte afile ;
Les Mats font fracaffés ; la Rame eft inutile ;
Les Vaiffeaux engloutis dans l'abime des Meis
* Avant l'invention de la Bouffole , les Vaiſſeaux ne
faifoient que côtoyer.
** L'Etoile Polaire.
Dvj Sont
70 MERCURE DE FRANCE.
Sont vomis par les Flots & lancés dans les Airs
Loin du bord fouhaité , la Flote eft repouffée ;
De foudres redoublés la Mer eft embraſée ;
La fuperftition ,fur les aîles des vents ,
Pour deffendre fes droits , confond les Elémens .
Des Lieux
que l'Ourſe glace , aux Climats de l'Aurore
,
Du fond de l'Océan jufqu'au Rivage Maure ,
Les vents impétueux , raffemblés fur les Eaux ,
Font de nouveaux efforts , pour brifer les Vaiffeaux
:
La Piété , fenfible aux efforts de leur rage ,
Paroît , & d'un regard a diffipé l'orage.
Affife fur la Proue , un Compas à la main ,
Elle obferve , méfure & décrit leur chemin *.
Le fer obéiffant , érigé vers le Pole ,
Marque & prévient l'effort des fiers enfans d'Eole ;
Et bravant le courroux des Autans & des Flots ,
Le Pilote à fon gré dirige fes Vaiffeaux.
Les Matelots tremblans , échappés à l'orage ,
D'un regard incertain contemplent le rivage.
Ils craignent que des vents l'impétueux effort
N'ait repouffé la Flote au milieu de leur Port ;
Mais le Fer agité , fidéle Amant de l'Ourfe ,
Découvre à leurs regards le terme de leur courſe.
Ils embraffent la Terre , & foulent fous leurs pas
Les Métaux précieux qu'enfantent ces Climats ....
* La Rofe des vents,
Au
JANVIER. 1744 . វ
Au fecours des Autels , que la flâme déſole ,
Le Prêtre vainement appelle fon Idole :
La Piété détruit la fuperftition,
Confacre la Bouffole à la Religion ,
Et l'erreur abbatue aux pieds de la Déeffe ,
Du vrai Dieu, dans ce Don , reconnoît la fageffe.
C'est par cet heureux Don , qu'au gré des Matelots
,
Amphitrite & les Cieux conduifent nos Vaiffeaux.
Ne l'employez jamais , fiers fouverains des Ondes ,
Qu'à parer nos Autels des Tréfors des deux Mondes
.
Puiffiez-vous fous les Flots trouver votre cercueil ,
Si vous devez fervir à flater notre orgueil !
Et vous , qui de l'erreur diffipez le nuage ;
A qui la Piété confacra fon ouvrage ,
Miniftres du Très-Haut , partez , quittez nos Ports
Ce Fer vous conduira fur d'infidéles Bords,
Allez du Dieu de Paix faire éclater la Gloire ,
Et des mains de la Mort recevoir la Victoire.
Et lapidemfuus ardor agit , ferrumque tenetur.
Illecebris.
ME.
72 MERCURE DE FRANCE.
ཅ་
*
MEMOIRE de M. Gourdain , Maî
tre Horloger à Paris , à Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , au fujet d'une
Montre , n'allant que trente fecondes , pour
obferver en Mer, à la place de l'Ampoulette.
M
l'on a
Effieurs , l'expérience fait connoître
depuis long-tems , les erreurs fans
nombre aufquelles les Sabliers , même les
plus parfaits , font fujets . L'antiquité de
leur ufage n'a rien ajouté à leur perfection
, & les differentes façons que
données à leur conftruction , ne les ont
point encore délivrés de leurs défauts effentiels.
La féchereffe & l'humidité influent
toujours deffus confidérablement. Le mouvement
continuel du fable ou poudre , en
diminuë le volume , & élargit peu à peu le
pertuis par lequel il paffe , & l'on a recon
nu dans leur ufage plufieurs autres défauts ,
qui tous réunis , font une Horloge fur laquelle
on ne peut compter qu'à peu près .
L'Ampoulette , Meffieurs , eft dans le même
cas quoique beaucoup plus petite que
les Sabliers ordinaires , étant faite fur le
même principe , elle doit être fujette aux .
mêJANVIER.
1744. 73
mêmes erreurs. C'eit , cependant , par fon
fecours que l'on obferve en Mer , que l'on
eftime la force des vents & la vîteffe d'un
Vaiffeau , que l'on forme des Angles fuivant
le chemin que l'on tient , & que l'on juge
à quel degré l'on eft de la latitude & de la
longitude. D'où il eft aifé de voir , Meffieurs
, dans quelles erreurs un Pilote peut
tomber , quand il obferve avec une Horloge
qui n'a nulle certitude de jufteffe . On n'eſt
pas à s'en appercevoir , & la Marine ne défire
rien tant qu'une Horloge jufte , pour
opérer sûrement & affurer la navigation .
M. Duhamel , Mrs , digne membre de
votre illuftre Compagnie , ayant de gran
des lumiéres dans la Navigation , a fait
l'honneur au Sieur Gourdain de le confulter
, le 4 Août dernier , fur les moyens efficaces
pour faire quelque pièce d'Horlogerie
fimple & jufte. , que l'on pût fubftituer à
FAmpoulette.
Le St Gourdain , après y avoir réfléchi , a'
opéré de plufieurs façons , & s'eft enfin arrêté
à celle qu'il a l'honneur de vous préfenter
aujourd'hui .
Cette piéce eft des plus fimples dans fa
compofition ; elle ne renferme pas le quart
de l'ouvrage des Montres ordinaires , &
par conféquent, elle eft beaucoup moins fujette
à erreur ; l'exécution en eft facile ; elle
n'a
DE FRANCE.
74
D
MERCURE MERCURE
n'a que deux rouës , un pignon avec un Bafancier
& fes agrès ou dépendances , & un
foible reffort pour moteur , qui agit immé
diatement fur l'axe de la premiére roue.
que
Cette premiére rouë fait fon tour à chaque
demie minute , & emporte avec elle
l'aiguille qui y eft ajustée & fixe. Cette
aiguille parcourt de même avec jufteffe , la
circonférence du Cadran , pendant l'intervale
de 30 fecondes. Ce Cadran eft divifé
en 120 parties égales , qui marquent autant
de vibrations doit faire le mouvement
pour en parcourir l'efpace. Il eft encore
divifé en trente parties principales , dont
chacune fait une feconde. Chaque partie
eft divifée en quatre autres , qui font autant
de quarts de feconde ou vibration : ce
nombre a été compofé & choifi , pour faire
les obfervations avec toute l'exactitude poffible
.
L'axe de la premiére rouë porte un chaperon
d'un petit diamétre , fur lequel eft
pratiquée une entaille à un endroit détermi
né. Sur ce chaperon pofe une détente brifée
& à reffort , qui pendant le mouvement
de la Montre , fait tourner le chaperon à
frottement leger fous la détente , jufqu'à
ce qu'il rencontre l'entaille ; alors le bout de
la détente s'encoche & arrête la Montre. I
La détente a deux bras de levier ; l'un
comme
JANVIER. 1744.
73
comme il eſt dit ci- deffus , pofe fur le chas
peron , & l'autre va joindre le balancier
pour l'arrêter.
L'aiguille , au bout de fa courfe , arrête
toujours à la trentiéme feconde jufte , & ne
peut aller plus loin .
On remonte l'Horloge avec l'aiguille ,
en la rétrogradant d'un tour & plus , c'eſtà-
dire , juſqu'à réſiſtance.
L'Horloge , quoique remontée , ne part
pas , mais quand on veut obferver , on léve
la détente pendant une feconde & de fuite ,
l'aiguille fait fon tour.
Quand on remonte l'Horloge , l'aiguille
arrête quelquefois au- deffus de la trentiéme
feconde , parce que le tems du remontage
peut faire retrograder de quelques vibrations
; mais cela n'induit point en erreur ,
parce que chaque vibration , faifant un
quart de feconde , lorfqu'il arrive quel'aiguille
fe trouve au- deffus de la trentiéme
feconde , on calcule ce plus avec les 30 fecondes
; & au furplus , il y a moyen d'éviter
ces calculs , en faifant partir la détente ,
jufqu'à ce que l'aiguille fe foit remife fur la
30 feconde , & en la levant enfuite comme
ci-deffus pour obferver.
Cette Horloge , qui paroît fi utile aux
Obfervations Maritimes , peut encore fervir
très-avantageufement à toutes autres opérations
>
76 MERCURE DE FRANCE.
tions , qui demandent autant de promptitu
de que de jufteffe . Le Sr Gourdain , en la
compofant , s'eft attaché principalement à la
fimplifier , tant pour la porter à une plus
grande perfection , & en rendre l'exécution
facile , que pour en diminuer la dépenſe ,
qui fera beaucoup moindre que celle des
Montres à fecondes , qui pourroient être , à
la vérité , d'une grande utilité fur la Mer &
y tenir lieu de l'Ampoulette , mais dont le
prix excederoit celui de cet ouvrage , & que
la grande compofition ne pourroit que rendre
d'une bien moindre jufteffe.
Cet ouvrage eft fi fimple , qu'il n'eft compofé
que de deux roues , fur fefquelles il ne
Te fait qu'un feul engrénage , & dans l'ordre
ordinaire des leviers , au moyen de la fouf
traction de la rouë de champ.
L'échapement à repos &' la courbe , dont
l'Académie a bien voulu donner une Approbation
autentique au Sr Gourdain , y font
employés . Certain des grands effets de ces
deux pièces , il n'a pas balancé à leur don
ner place dans cette Horloge , à laquelle
s'il arrive qu'elle fe dérange , en avançant ,
ou en retardant , il fera facile de remédier
par la commodité de la régler , comme les
Montres ordinaires.
L'exécution de cette piéce feroit encore
plus facile , en y employant l'échapement
ordiJANVIER.
´ 1744 . 77
ordinaire, mais le Sr Gourdain, perfuadé que
le cours de 30 fecondes fe fera avec beaucoup
plus d'égalité par fon échapemenà repos
& fa courbe , qu'avec l'échapement ordinaire
, quoique l'efpace feroit parcouru
dans le même intervale de tems , a préféré
l'un à l'autre. Votre célébre Compagnie
Meffieurs , fentira aifément la grande fimplicité
& la facilité de l'exécution de cette
petite Horloge. La Boëte même qui la renferme
, peut être d'un des moindres prix.
Le S. Gourdain ne croit pas que l'on puiffe
faire une Horloge plus fimple & plus jufte
pour fon ufage ; les principes fur lefquels
elle eft compofée , lui paroiffent inconteſtable
: un feul de vos regards , Mrs , en décidera
, & il ofe efpérer qu'après un mur
examen , vous voudrez bien l'honorer de
votre Approbation ,
Lû à l'Académie , le 20 Novembre 1743.
EXTRAIT des Regiftres de l'Académie
Royale des Sciences du 27 Novembre 1743 .
Meffieurs Camus & de Fouchy , ayant
examiné par ordre de l'Académie , une Machine
qui lui a été préfentée par M. Gourdain
, Horloger , pour méfurer une demie.
minute de tems , à la place de l'Ampoulette
ou petit Sablier , dont on fe fert lorſqu'on a
jetté le Lok àla Mer , &c. & en ayant fait
leur
78 MERCURE DE FRANCE
cette
leur rapport , la Compagnie a jugé que
Machine étoit ingénieufe & propre à l'ufa
ge pour lequel elle eft deftinée ; il lui a
paru auffi qu'elle feroit plus jufte que l'Ampoulette.
En foi dequoi j'ai figné le préfent Certifi
cat. A Paris , le 28 Novembre 1743. Dor
tous de Mairan , Sécrétaire perpétuel de l'Académie
Royale des Sciences .
LE MIROIR , ET LE RAMONEUR .
FABLE.
Pour peindre les méchans , prenons notre pinceau
;
Traçons des Gens de bien le fidéle Tableau.
Faifant de la Vertu la jufte Apologie ,
Nous mettrons au grand jour la noire calomnie.
Un Ramoneur , dit-on , qu'importe quel métier ?
Le fait dont il s'agit n'eft pas moins fingulier.
Il recherchoit en mariage
Une jeune beauté , chef-d'oeuvre des Amours ;
C'étoit la Fête du Village :
Il met
pour s'embellir fes plus riches atours ;
Et n'en brile pas davantage ,
Il confulte un Miroir , & Ciel ! quelle frayeur !
LuiJANVIER.
79 1744.
Lui-même il ne fçauroit ſupportér ſa laideur
Un charbon à la main , du Miroir il ſe venge ;
Mais il n'en peut ternir l'éclat ;
Le Miroir eft fidéle ; aucun foin ne le change ,
Lui feul refte toujours dans fon premier état.
Ainfi de la Vertu voulant ternir l'image ,
Nous employons en vain la plus noire couleur
Rien ne peut obfcurcir le tein de fon vifage ;
Elle garde toujours fon aimable couleur.
దడదడదడ
*
Par l'Abbé de M ***.
LETTRE de M, de Launay, Auteur d'un
Livre qui trace une route nouvelle très-facile
, pour apprendre à lire promptement
à M. l'Abbé Berthault , Auteur du Quadrille
des Enfans , qui paroît depuis quelques
mois, ·
Otre Lettre à Mlle. de Briffac, eft très-
V bien écrite , Monfieur , & je l'ai lûë
avec d'autant plus de plaifir , que vous y
* Ce Livre a pour titre : Méthode pour apprendre à
lire le François le Latin , par un Systême si aifé &
fi naturel, qu'on y fait plus de progrès en trois mois
qu'en trois ans par la Méthode ancienne & ordinaire.
Contenant auffi un Abbregé des fons exacts de la Langue
Françoife , les differentes dénominations & variations
des Lettres & leurs ufages. Un Traité des Accens
adoptés
80 MERCURE DE FRANCE.
adoptés ouvertement la Méthode de feu
mon Pere; Méthode que j'ai étendue & perfectionnée
: je dis , Monfieur , que vous y
adoptés la Méthode de mon Pere , & en
voici la preuve :
Je remarque cinq circonftances , qui diftinguent
la Méthode que vous propofés ,
d'avec celle dont on fe fert communément,
Premiére circonftance : Vous faites prononcer
, be , ce , de , non , bé , cé , dé : Seconde
circonftance , vous faites prononcer la
filabe en un feui fon & d'une feule voix , au
lieu defaire épeller en particulier chaque lettre
qui compofe la filabe , felon la méthode vul
gaire. Troifiéme circonftance , vous réduifes
à 160 tous les fons de notre Langue. Quatriéme
circonftance , vous combinés & arrangés
vos filabes , d'une maniére differente de toutes
les Méthodes , qui ont paru jufqu'à préfent.
Cinquiéme circonftance , vous faites graver
des figuresfur desfiches , au dos , ou au bas defde
la Ponctuation. La définition des neuf parties
d Oraifon qui compofent le Difcours , avec un exemple des
Déclinaisons des Conjugaisons , &c. Ouvrage utile
à tous ceux qui veulent parler & écrire cette Langue
correctement , fans être obligés defaire une longue étude
, avec des refléxions fur la théorie & fur la pratique
de la Méthode du Bureau Typographique ; & un
Plan nouveau d'une Ortographe facile , abbregée &
réguliere.A Paris, chés Robinot l'aîné, Libraire, Quai
des grands Auguftins , attenant l'Eglife.
quelles
JANVIER. 81 1744.
quelles fe trouve la filabe , qui entre dans le
mot qui exprime la figure gravée , pour fixer ,
dites vous , l'imagination des enfans.
J'ofe vous affurer , Monfieur , que cette
Méthode eft précisément celle de feu mon
Pere : lifés fon ouvrage imprimé en 1719.
1º. Vous y verrés à la premiére page de
fon troifiéme Livre : Qu'il fait prononcer ,
be , ce , de , au lieu de bé , cé , dé. 2°. Vous
y verrés même Livre , pages 3. 4. 5.6.7.8.
9. & 10. Qu'il fait prononcer d'un feul ſon &
d'une feule voix , chaque filabe . 3° . Vous y
verrés dans les mêmes pages : Que les fons de
notre Langue , font réduits à peu près au même
nombre qué chés vous. 4º . Vous y verrés dans
les mêmes pages , Que l'arrangement & les
combinaifons des lettres & des filabes font les
mêmes que chés vous. 5. Vous verrés enfin
dans le Mémoire contre vous de feu M.
l'Abbé Danguy , pag. 5. Qu'il y a plus de 25
ans, que le Sr. de Launay, mon Pere , fe fervoit
de figures , pour apprendre à lire aux Enfans.
J'avoue que je n'ai pas foufcrit au ſyſtême
de mon Pere , dans cette derniére partie ,
parce que l'expérience m'a appris qu'avec
les enfans, il faut fimplifier les chofes autant
qu'il eft poffible , & que c'eft les fatiguer
mal-à-propos , que de les obliger à mettre
dans leur tête deux idées en même tems ;
fçavoir celle de la figure & celle de la fi
labe ,
82 MERCURE DE FRANCE.
be , tandis que celle de la fillabe feule
fuffit.
Par ce que je viens d'avoir l'honneur de
vous dire, Monfieur , vous voyés que fi vous
ne vous rencontrés pas tout à fait avec moi
vous vous rencontrés de point en point
avec mon Pére. Je conviens que mon Pére
mettoit fes figures fur des cartes , au lieu que
vous mettés les vôtres fur des fiches d'os.
Je conviens encore que fon ortographe étoit
differente de la vôtre, & qu'il n'écrivoit pas
fang , comme vous faites , cen. Il n'écrivoit
pas , Daugue , pour , Dogue , &c. comme le
remarque feu M. l'Abbé Danguy , dans la
quatrième page de fon Mémoire . Je conviens
encore , que fes figures ne reffembloient
en rien à celles que vous employés ,
ainfipour peindre le fon de la filabe qui entre
dans le mot , goëtre , il n'auroit jamais
imaginé , une bouteille attachée à la joue d'une
femme, & pour peindre le fon de la filabe ,
ex, qui eft à la tête du mot , extraordinaire ,
il ne lui feroit jamais venu dans la penſée,
de faire tracer fur fa carte , un boeufavec des
ailes ; mais à cela près , & vous ne fçauriés
en difconvenir , le fyftême de feu mon Pére
& le vôtre , c'eft la même chofe , & toute
la difference qui fe trouve entre l'un &
l'autre , confifte uniquement dans la difference
des figures que vous avés imaginées ,
&
JANVIER. 1744. 83
& dans la matiére fur laquelle ces figures
font tracées.
Puifque vos principes font les mêmes que
ceux de mon Pere & les miens , on doit
être étonné de ce que dans votre lettre , vous
n'avés pas daigné faire mention ni de mon
Pere , ni de moi. Et l'on en doit être d'autant
plus étonné , que vous avés avoué à feu
M. l'Abbé Danguy , que ma Méthode , qui
dans le fond n'eft que celle de mon Pere
étoit la vôtre , & que fi vous l'aviés embelli
de vos figures & de vos fiches , ç'avoit été
uniquement pour lui donner un air de nouveauté
, ce que M. l'Abbé Danguy a répété
d'après vous , à Monfieur Maboul , Intendant
de la Libraire , & qu'il a répété en ma
préfence à Monfieur Joly de Fleury , Avocat
Général , à Meffieurs les Abbés de Fleury
.& de Côte , Chanoines de Nôtre-Dame..
Le même Abbé Danguy a fait voir à ces
Meffieurs , votre Quadrille à la main , que
vous ne colliés fur vos fiches , que les mêmes
lettres ou filabes qui font contenues dans les
8 leçons qui font partie de la Méthode que
j'ai donnée au Public , & ce , lettre par lettre
& filabe par filabe : tous ceux qui ont
acheté vos fiches , font en état de vérifier ce
fait , en parcourant les pages , 3,4,5,6 ,
7,8,9 , 10 , 11 , 12 , 13 , 14 & 15 , de la
feconde partie de mon Livre.
1. Vol. E On
84 MERCURE DE FRANCÉ.
On doit être étonné encore qu'une pareille
découverte vous ait tant coûté , comme
vous le dites dans votre lettre , & comme
vous l'annoncés dans plufieurs Mercures. Je
n'ai garde de vous taxer ici de Plagiat : la
manière dont vous en avés ufé avec feu M.
l'Abbé Danguy , prouve d'une manière inconteftable
, que vous abhorés tout ce qui
fent le Plagiaire ; d'ailleurs , ceux qui font
ce métier , prennent des précautions que
vous avez méprifées : ils ont attention de
déguifer leurs larcins , foit en donnant
dans la Langue du Pays , des Ouvrages écrits
en des Langues étrangères , foit en mettant
fous leur nom , ou des Ouvrages , dont les
exemplaires font uniques , ou des Ouvrages
dont le laps de tems a fait perdre le fouvenir.
Vous n'êtes point dans le cas , Mr ; ce
que vous donnés aujourd'hui en François ,
mon Pere l'avoit donné en la même Langue
en 1719 , & moi en 1741. Les exemplaires
de ces Ouvrages font communs , font récens
, ainfi vous voilà à couvert du foupçon
même de Plagiat.
Je n'ai garde non plus de croire , que
mettant fous votre nom le fyftême dont il
s'agit , vous ayés prétendu en affurer la réputation
, du caractére dont vous êtes , ce
n'a pû être votre deffein. Chacun fçait
comment vous penfés fur votre compte ,
comme
JANVIER . 1744.
comme vous vous rendés affés de juftice ,
pour être perfuadé que votre nom ne fçauroit
donner un nouveau luftre à un Ouvrage
connu & accrédité , encore moins lui fervir
d'Egide contre la Cenfure, s'il la méritoit.
Je croirai encore moins , que par les Eloges
que vous donnés au fyftême en queſtion ,
vous ayés voulu enchérit fur ceux qu'il a.
déja reçûs de nos Sçavans . Car , qu'auriésvous
pû ajoûter , à ce que dit M. l'Abbé de la
Serre , Chanoine de l'Eglife de Langres , dans
fa lettre inférée dans le Mercure de France du
mois de Janvier 1742 ? Qu'auriés- vous pû.
ajoûter à ce que dit le Journal des Sçavans ? à
ce que dit le fournal de Trévoux ? à ce que dit
Le Journal de Verdun ? à ce que dit le Mercure
de France ? Qu'auriés - vous pû ajoûter
, à ce que dit M. l'Abbé Goujet , Auteur
de la Bibliotéque Françoife , dans les additions
& corrections qui font à la tête de fon
troifiéme Volume ? à ce qu'en a dit M. l'Abbé
Bignon ? à ce qu'en a dit le célébre M. Rolin ?
Qu'auriés- vous pû ajoûter fur-tout aux
Eloges que M. l'Abbé des Fontaines lui a donnés
, & directement & indirectement. Directement
, lorfque dans fes Obfervations fur mon
Livre , il s'écrie comme dans un espéce d'enthoufiafme
: FAUT-IL QUE CE TRESOR AIT
E'TE' CACHE' SI LONG- TEMS ? Indirectement
Lorfque dans fes remarques fnr votre lettre , il
Eij ram
> >
86 MERCURE DE FRANCE.
raconte les merveilles qu'a opérées la Méthode
que vous adoptés.
>
Après avoir bien réfléchi fur le filence
exact que vous gardez dans votre lettre
fur le compte de mon Pere & fur le mien ,
je n'en vois point d'autre motif , que
la
crainte que vous avez eue , d'ouvrir une
carriére trop vafte à ma vanité ; mais
permettés - moi de vous le dire , Mr
vous n'avés réuffi dans votre projet. Je pas
me fens infiniment flaté, qu'un homme qui a
eû une Ecoliére du rang de Mademoiſelle de
Briffac:qu'un homme qui s'eft annoncé dans
le Public par une lettre très -bien écrite
lettre dont il y a une grande quantité d'exemplaires
de diftribués : Je fuis , je le ré .
péte , jefuis infiniment flaté , qu'un homme
tel que vous , ait adopté ma Méthode , l'ait
exaltée , l'ait préconisée . oui , Mr , le Panégirifte
d'un Ouvrage que j'ai mis dans un
nouveau jour me donne une idée trèsavantageufe
de ce que je puis valoir .
Je fuis , & c.
,
Ce 15 Décembre 1743 .
On a dû expliquer l'Enigme & le Logogryphe
du Mercure de Décembre , premier
Vol . par l'Hyver & Pincette. On trouve dans
le Logogryphe , Cette , Pin , Epinette , Eté ,
Tête & Nice. ENIGME.
JAN VIER. 1744.
87
J
ENIG ME.
E fuis en feu , fans avoir chaud ,
J'occupe la tête des femmes ;
Je fuis le principe des flâmes ,
Et je forme un fat , comme il faut .
Demotes Mainard,
Q
LOGOGRYPHE.
Ue votre fort feroit digne d'envie ,
Foibles mortels , fi par un heureux choix
Mon culte occupoit feul le cours de votre vie !
Vous me fuyez hélas ! & dédaignant ma voix ,
Vous perdez les douceurs qui me font attachées :
Mais éloignons ces motifs de douleur ,
Et venons au but , cher lecteur .
On voit mes qualités fous huit lettres marquées.
Combinez ; je produis un ruftique inftrument :
Un Elément inconftant & perfide :
Ce qu'un voleur , au front pâle & timide ,
Reçoit enfin pour prix de fon talent :
Un adverbe , & cette prière
Que fait par coeur l'enfant de bonne mére :
E iij
Un
88 MERCURE DE FRANCE.
Un caractére Mufical ;
Ce
que
Ce qui fçait attendrir un Geolier barbare :
craint à bon titte un vieux jaloux avare
Ce qui dénote un coeur & noble & libéral .
Deux termes de Géométrie ,
Un vent dont nous éprouvons la furie.
La fille d'un Poëte aimé des doctes foeurs.
Ce qui tient fufpendu le glaive pacifique
D'un Noble , confiné dans fes Châteaux antiques.
Ce qui caufe aux Nochers de mortelles frayeurs :
Enfin , l'ame de la Juftice :
Adieu , Lecteur : je fuis une novice.
J
Par Mlle Gurbert , à Paris.
AUTRE.
E fuis Château Royal , d'une antique ſtructure ,
par differens Rois : Elevé
Mes environs , remplis de rochers & de bois ,
Sont comme s'ils fortoient des mains de la Nature.
Treize membres complets font mon- Architecture.
J'offre aux yeux du Lecteur , la mére d'un tuiffeau ,
Un Poëte François , ami da vrai , du beau ,
Qui fit parler , après le fage de Phrygie ,
La Brebis , le Corbeau , l'Eléphant & la Pie .
Le contraire du laid ; un des quatre Elémens.
Le plus grand des Poiffons. Fille que la Clôture
Dérobe prefque à toute la Nature.
Ce qui parmi le Sexe , avec des traits charmans ,
Paffè
JANVIER. 1744. 89
Paffe pour une miniature .
A la beauté ce qui donne l'éclat .
Ce qu'on voit au doigt d'un Prélat.
Ce qu'un Gaſcon fçait flairer d'une lieuë.
Très -féroce animal qui ſe bat de fa queuë.
Je brille au tems du Carnaval .
Ce qui repréſente la terre.
L'aliment de maint animal .
Ce qui mit au tombeau de grands hommes de
Guerre.
Ce qui forme le vrai Chrétien ,
La Sainte Mére d'une Mére ,
Dont le Fils partout on révére.
Ce
que
les Huffards aiment bien.
Ami Lecteur , changeons de ſtile ,
Il faut varier les plaifirs :
Allons,au gré de tes défirs ;
Arrange , en combinant , la chofe eft très- facile.
Bâteau , Fou , Lune , But , Linote , Faune , Lin ,
Tane , Ail , Futaine , Fine , Aune , Talon, Tableau ,
Butte , Bâlon , Balai , Fable , Fole , Fil , Fin ,
An , Nate , Bile , Ut , Fa , La , Lit , Tonneau ,
Noble , Fat , Foible , Bail , Foule , Bani , folie ,
Falot , Fonte , Nain , Bon , Faute , Bain , Bout & Lie.
Si j'étois fieffé babillard ,
J'en dirois beaucoup davantage ;
Mais je finis , & laiffe aux perfonnes de l'Art ,
A mettre un prix à mon Ouvrage.
Par M. Collet , de l'erfailles.
E iiij
NOU90
MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS, &c.
M
EMOIRES , concernant l'Hiftoire
Eccléfiaftique & Civile d'Auxerre ,
par M. Lebeuf, Chanoine & Souchantre de
l'Eglife Cathédrale de la même Ville , de
l'Académie Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres. A Paris , chés Durand , Libraire
, rue S. Jacques 1743 , 2 Vol . in -4° .
L'Auteur de ces Mémoires a crû devoir
témoigner à fa Patrie , que quoiqu'il en
foit éloigné depuis plufieurs années , il ne
l'a point perdue de vûë. En effet, dès l'année
1739 , on imprima dans le Mercure du mois
de Décembre 2 Vol . l'avis qu'il donna au
Public , pour le préparer à l'Edition de ces
Mémoires , afin que ceux qui auroient quelque
chofe d'important à lui communiquer
fe preffaffent de le faire. Enfin , quoique
diftrait par differentes autres occupations , il
vient de publier deux Volumes , chacun de
près de neuf cent pages , compriſes les Piéces
juftificatives , qui rempliffent 336 pag.
du fecond Volume.
Le premier ne contient que l'Hiftoire des
Evêques d'Auxerre , avec les Catalogues des
anJANVIER.
1744. ༡ ་
anciens Dignitaires , & Perfonnats de la Cathédrale
; une Hiftoire abbregée de la Collégiale
& des quatre Filles , ou Chapitres
Réguliers ,foumis à l'Eglife Matrice . On ne
fera pas étonné , que la matiére foit fi abondante
, lorfqu'on fçaura , que l'Eglife d'Auxerre
a prefque toujours eu des Hiftoriens.
Sans parler de Conftance , Prêtre de Lyon ,
à qui Cenfurius , Evêque d'Auxerre , fournit
les Mémoires pour rédiger la Vie de S.
Germain , fur la fin du cinquiéme fiécle , &
des Vies de S. Pelerin , de S. Amatre , & de
S. Aunaire , écrites dans les deux fiécles fuivans
, deux Chanoines aidés du célébre Heric
, Moine de l'Abbaye de S. Germain , entreprirent
fous Charles- le-Chauve , une Collection
des actions de tous les Evêques qui
avoient gouverné juſqu'alors cette Eglife ,
& depuis , à méfure que les Evêques mouroient
ceux qui les avoient connus plus
particuliérement , en écrivirent les Vies ,
que le Chapitre eût foin d'inférer dans fes
Archives.
,
Le Volume , où elles étoient écrites , fat
renouvellé deux fois. La premiére Copie :
faite dans l'onzième fiécle , a été perdue ,
mais il en refte une autre , écrite fur la fin
du douzième , à la fuite de laquelle font les
Vies des Prélats , morts durant le treiziéme
fiécle. Comme fur la fin de ce fiècle , le zéle ,
E v pour
92 MERCURE DE FRANCE.
pour tranfmettre à la postérité les Geftes des
Evêques , fe rallentit , ce ne fûr que vers
la fin du quatorziéme , que Nicolas d'Arcyes
, Evêque , engagea un Chanoine , que
M. Lebeuf croit être Jean de Gargenville ,
à recueillir les actions de fes Prédéceffeurs ,
en continuant d'écrire le Livre , intitulé :
Gefta Pontificum Autiffiodorenfium. Mais depuis
la mort de cet Evêque , & de ce Chanoine
, perfonne ne prit plus le foin de
continuer , jufqu'à l'an 1530 , ou environ
que quelques Chanoines écrivirent la Vie
d'un Evêque : ce qui fût fuivi par un ou
deux autres , & ceffa entiérement avec M.
Amyot , mort en 1593 .
>
Non-feulement M. Lebeuf donne ici en
notre Langue , toutes ces anciennes Vies ,
augmentées de fes Recherches , faites dans
les Conciles , dans les differentes Compilations
d'Actes , de Chroniques , d'Hiftoires
particuliéres , auffi- bien que de fes Découvertes
en differens Voyages , mais il a encore
rempli toutes les Lacunes , c'est-à - dire ,
qu'il a écrit les Vies , qui n'avoient pas encore
parû , & cela fur les Monumens confervés
dans les Archives du Pays & autres , fur
les differens morceaux inférés dans les Regiftres
, même ceux des Parlemens , dans
des Comptes , dans les Cartulaires , Martyrologes
, Nécrologes & Inventaires ; en
forte
JANVIER. 1744. 93
forte que cette Hiftoire des Evêques d'Auxerre
, doit être regardée comme un fond
d'Hiftoire Eccléfiaftique de la Ville & de
tout le Diocéſe .
Nous laiffons au Lecteur , à admirer le
grand nombre de Saints Evêques , qui ont
gouverné l'Eglife d'Auxerre. Il y en a en
effet plus de vingt , dont elle célébre la Fête.
C'eft ce qui furprenoit un Evêque Anglois
, qui en fit au douziéme fiécle , une
Note , que M. Lebeuf rapporte à la p. 16
de fes Preuves ; laquelle Note finit en cès
termes : Vix aut nunquam in alio Epifcopatu
invenies tot Sanctos Epifcopos in uno Epifcopatu
fuiffe.
a
L'Auteur avoit déja fait obſerver , que
l'Edition donnée en 1657 , par le Pere
Labbe , de l'Ouvrage intitulé : Gefta Pontificum
Autiffiod. eft pleine de fautes , & d'omiffions
, par un effet de la précipitation ,
avec laquelle il en fit tirer une copie. M.
Lebeuf à vérifié la plupart des Noms propres
fur les Manufcrits , & a remis en leur
place les faits , qui avoient échappé aux Copiftes.
Comme le nombre des Paroiffes des
Diocéfes eft toujours allé en augmentant,M .
Lebeuf donne deux Cartes de l'ancien Diocéfe
d'Auxerre , l'une pour le fixiéme fiécle ,
faite fur la Defcription , que l'Evêque S.
Aunaire en dreffa dans l'Indication des
E vj Priéres ,
94 MERCURE DE FRANCE.
"
Priéres , qu'il ordonna
pour toutes les Eglifes
vers l'an 580. On n'y reconnoît
que 37
Paroiffes
, quoique
ce Diocéfe eut dès- lors
la même étenduë
qu'aujourd'hui
. L'autre
Carte eft pour tout le tems , qui fuivit , jùfqu'au
Régne du Roi Robert.Ces
Cartes font
Latines & Françoiſes
, & fervent
beaucoup
à l'intelligence
des faits , & à fixer l'imagination
du lecteur . C'est encore un avantage
prefque fingulier
à l'Egliſe d'Auxerre
, d'être
en état de repréſenter
fon Diocéfe
, tel qu'il
étoit fous la premiére
Race de nos Rois ; ce
que S, Grégoire
, Evêque
de Tours , n'a
qu'ébauché
à l'égard de fon Eglife dans fon
Hiftoire des François , laiffant encore beaucoup
à défirer fur ce fujet.
Nous renvoyons à un autre Mercure plufieurs
particularités remarquables de cette
Hiftoire Eccléfiaftique , pour dire un mot
de l'Hiftoire Civile , & de ce qui en dépend.
Les Mémoires pour l'Hiftoire Civile d'Auxerre
, roulent principalement fur l'Hiftoire
des Comtes de cette Ville. Ces Comtes font
des plus anciens , que l'on trouve dans les
Monumens de la Monarchie. Pour s'en convaincre
, il ne faut , que fe remettre ce que
Grégoire de Tours dit de Peonius & du fameux
Mommole , mais avant que de s'étendre
fur lesComtes d'Auxerre,M. Lebeuf rapporte
JANVIER. 1744. 95
porte toutes les preuves , qu'il a pû trouver
de l'Antiquité de la Ville , fur fes diverfes
fituations , fur la conſtruction de ſes Murs ,
les differentes Infcriptions & Statues , qu'on
y a remarquées , & celles qui ont été trouvées
en terre.
Il avoit donné à la tête du premier Volume
, une Carte qui repréfente la Cité d'Auxerre
, de figure quarrée . Dans celui- ci , où
il en fait voir les augmentations de tous les
côtés , il donne le Plan de la Ville telle
qu'elle eft aujourd'hui avec fon enceinte ,
faite pour la premiére fois au douziéme fiécle
, par lequel on voit , que les Bourgs adjacens
à la Cité , & formés autour des anciennes
Abbayes , ayant été renfermés dans
cette enceinte, la Ville , de quarrée & de petite
qu'elle étoit , eft devenue grande & de
figure prefque ronde .
Les Comtes d'Auxerre furent encore plus
célébres , fous la troifiéme Race de nos Rois ,
que du tems de la premiére. Pierre de Courtenai
, au treiziéme fiècle , devint Empereur
de Conftantinople , comme tout le monde
le fçait. Ce Comté ayant paffé à la Maifon
de Challon , & ayant été poffedé fucceffivement
par plufieurs Princes de ce nom , fût
acquis par Charles le Sage , Roi de France ,
ou Charles V, & c'eft depuis ce tems-là , que
l'Histoire d'Auxerre , qui ne fourniffoit que
de
96 MERCURE DE FRANCE.
de légers traits depuis la Comteffe Mathilde ,
vers le tems de S. Louis , commence à être
plus remplie , & à devenir plus curieuſe.
L'établiſſement d'un Siége Royal , & enfuite
celui d'un Bailliage , avec la détermination
de fon Reffort : l'Hiftoire des differentes
Révolutions arrivées au Pays , qui
étoit limitrophe du terrein des Ducs de
Bourgogne , & de celui de nos Rois , celle
des mouvemens des Huguenots , auffi -bien
que le récit de tout ce qui s'y paffa du tems
de la Ligue , les fiéges de plufieurs petites
Villes des environs , & c. font autant d'événemens
, que M. Lebeuf a puifés dans les
Monumens autentiques de la Ville & dans
d'autres Archives , parmi lefquels il n'a pas
oublié d'inférer les differens Priviléges accordés
aux Auxerrois , par les Rois de France
, & autres Princes , qu'ils ont reconnus
pendant certains intervalles.
Les Mémoires pour fervir à l'Hiftoire politique
de la Ville d'Auxerre , font fuivis
du Catalogue des Baillis , Lieutenans-Généraux
, &c. des anciens Capitaines & autres
Officiers Royaux , plus modernes. La Deſcription
du Comté d'Auxerre avec la Carte ,
termine ces Catalogues. On en trouve enfuite
un plus important pour tous ceux qui
aiment l'Hiftoire Littéraire. C'eſt une eſpéce
de Bibliothèque Auxerroiſe , qui renferme
JANVIER . 1744. 97
me la Notice de tous les Ecrivains de la Ville
& du Diocèfe , que l'Auteur a pû découvrir
, outre ceux qu'il avoit fournis à M.
Papillon , pour fa Bibliothèque de Bourgogogne
, qu'il y a fait rentrer en retouchant
leur Article. Il s'eft abftenu de parler des
Ecrivains vivans , de-même que dans les
Liftes , il s'eft contenté de nommer les Sujets
qui font aujourd'hui en place.
Le dernier Catalogue de ce Volume eft
des perfonnes originaires du Diocèfe d'Auxerre
, ou dimiciliées , qui ont été élevées
aux Dignités , foit Eccléfiaftiques , foit Séculiéres
, Monaftiques , & autres , ou qui
ont procuré de pieux établiffemens dans la
Ville de Paris. On y voit en tête une Note
curieufe fur le nom d'Auxerre , ou d'Aucerre
, qui étoit celui d'une Famille affés célebre
dans Paris aux XIV. & XV. fiécles.
FABLES CHOISIES & nouvelles ,
mifes en Vers , dédiées à S. A. S. M. le
Comte de la Marche , avec la Vie d'Eſope ,
tirée de Plutarque & d'autres Auteurs , par
M. Richer. A Paris , chés la veuve Piffot ,
Quai de Conty , & Bullot , ruë S. Etienne
d'Egrès. Volume in- 8 ° . de 112 pages , non
compriſe la Vie d'Eſope .
A la tête de ce Livre eft cette Fable , que
l'Auteur addreffe au jeune Prince.
L'EN98
MERCURE DE FRANCE .
L'ENFANT ET LES ABEILLES,
FABLE
A S. A. S. M. LE COMTE DE LA MARCHE,
Dans la faifon la plus brillante ,
Un Enfant apperçut l'Abeille vigilante ,
Qui rempliffoit fon magaſin
Du doux Nectar, cueilli fur la Roſe & le Thin ;
Merveille à l'Enfant inconnuë ;
Ce Spectacle jamais n'avoit frappé fa vûë.
Il regardoit avec étonnement
Le travail & l'arrangement
De la petite République ,
Dont les Sujets laborieux , adroits ,
Se gouvernoient felon les loix
De la plus fage politique .
Votre ouvrage divin occupe mon loifir ,
Leur dit-il ; j'y prends grand plaifir
Et votre induftrie eft unique.
Une Abeille lui répondit :
Si cet objet vous divertit ,
Il doit encor plus vous inftruire ;
Nous ne travaillons pas afin qu'on nous admire.
Nos foins & notre activité
N'ont pour but que l'utilité.
L'homme profite de nos veilles ;
Cette Liqueur que nous cueillons
Sur les fleurs des Côteaux , des Plaines , des Vallons,
C'est
JANVIER . 4 29 1744.
C'estpour lui feul. Imitez les Abeilles ,
Jeune Enfant ; un jour puiffiez - vous
Etre aux Humains utile comme nous !
PRINCE , dans cet Enfant vous voyez votre image ;
Les nobles travaux des Beaux- Arts
Attirent déja vos regards.
La prudente Abeille eſt un Sage ,
Qui vous dit : imitez vos célébres Ayeux ;
Imitez votre illuftre Pere ;
Devenez utile comme eux
A la France , qui les révére .
Si le rang vous met au - deſſus
Des Mortels , vous devez les paffer en vertus.
L'amour des Arts , la valeur , la prudence ,
Sont les plus dignes fruits d'une haute naiffance.
Ces préceptes vous ſont dictés
Par un fage Mentor : Prince , vous l'écoutez ;
Votre heureux naturel nous remplit d'eſpérance ;
L'augufte Sang dont vous fortez,
Promet un Héros à la France.
Enfuite on trouve la Vie d'Efope ; c'eft
uu Morceau de Littérature intéreffant &
plein de la Critique la plus judicieufe . Celle
que Planude a écrite , eft fi remplie de
niaiferies , d'abfurdités & d'anachroniſmes ,
qu'elle ne mérite aucune croyance , & paſſe
pour un Roman parmi tous les habiles gens .
Le peu d'eftime qu'on en fait , a déterminé
M.
JT
100 MERCURE DE FRANCE.
M. Richer à compofer une Vie d'Efope , tirée
d'Auteurs , plus anciens ou plus dignes
de foi. Il vaut mieux, dit-il fort fenfément,
ne rapporter qu'un petit nombre de Faits ,
mais moins frivoles & plus certains , que de
donner au Public , comme Planude , un
long tiffu de fictions , qui n'ont pas même
fouvent le mérite de la vrai-femblance. Il
faut lire dans le Livre même cette Vie du
pere de la Fable , ou l'on verra beaucoup
d'ordre & des Recherches fçavantes. Après
la Vie d'Eſope fuivent les Fables , au nombre
de 85 , partagées en IV . Livres. La plus
grande partie eft de l'invention de M. Richer.
Si la fimplicité des fujets , la naïveté ,
la jufteffe des images , & l'élégance du
ſtyle , doivent faire eftimer les Fables qui
réüniffent toutes ces qualités , celles, dont il
s'agit ici , ont droit de prétendre à l'appro
bation du Public.
Quelques-unes de ces Fables , inférées
dans divers Ouvrages Périodiques , ont déja
obtenu fon fuffrage , entre autres le Coq
le Limaçon , la jeune Poule & la vieille' ; le
Solitaire & l'Importun. Tout le mon deſçait
l'honneur que Monfeigneur le Dauphin a
fait à cette derniére . Nous en allons donner
deux ou trois autres , qui paroiffent pour la
premiére fois dans ce nouveau Recueil .
LE
JANVIER. 1744. 101
LE SINGE ET L'ECOLIER ,
*
FABLE XVI. du Livre premier.
Un Sapajou , bouffon & grimacier
Divertiffoit un petit Ecolier ;
L'Enfant , avec tranfport , racontoit à ſa mere
Tous les tours qu'il lui voyoit faire.
Qu'il eft badin ! qu'il eft charmant !
Que fa figure eft agréable !
A fon gré , Fagotin étoit incomparable.
Un jour le petit garnement ,
( C'eft le Singe qu'il faut entendre,
On peut aisément s'y méprendre , )
Voyant dans un panier des marons & des noix ,
Déjeûner de l'Enfant , le galant les efcroque ,
Il mange tout ; n'en fait point à deux fois ;
L'Ecolier de retour , ne trouve que la coque ;
A cet afpect il demeura confus ;
Au larcin de ſes noix mille fois plus ſenſible
Qu'un fuppôt de Plutus ,
A la perte de fes écus.
Le Singe fi chéri n'est plus qu'un Monftre horrible,
A
Un mauvais plaifant , un fripon ,
Qu'il faut chaffer de la maiſon ;
porte.
coups de foüet il le met à la
Tout homme eft cet Enfant ; pareils égaremens ;
Quand la paffion nous tranfporte ,
La haine ou l'amitié dictent nos jugemens.
L'OI102
MERCURE DE FRANCE.
L'OISEAU MIANTROPE ,
FABLE VIII. du Livre IV.
Certain Oifeau fuyoit une terre fauvage;
L'homme y faifoit voler , plus vîte que l'Eclair
Des fleches , qui peuploient le ténebreux rivage
Des divers habitans de l'Air ;
Le fugitif aborde notre Plage ;
Là s'offrent à fes yeux mille objets inconnus ;
Il voit le Peuple , la Nobleffe ;
Les gens qu'il fuyoit étoient nuds ;
Sous nos habits l'Oiſeau méconnut notre eſpéce.
१
Qui font , demanda- t'il furpris ,
Ces animaux qu'ici je vois paroître ,
L
Verds comme Perroquets, rouges , bleus , noirs &grist
Je fouhaiterois les connoître.
Les uns vont lentement , tenant leur gravité ,
Et traînant une longue queue ;
Il leur faudroit un jour pour faire un quart de lieuë.
Ils me femblent des Paons avoir la vanité ;
D'autres d'un pas précipité
Courent de toutes parts ; le Spectacle eſt bizarre ;
Telle espéce en ces Lieux par malheur n'eft pas rare ,
Lui répond un Corbeau ; c'eſt l'homme que Dieu fit.
Ah ! c'eft lui dont je fuis la cruelle injuſtice ,
Dit l'Etranger ; adieu , fans doute fon habit.
Ne l'aura pas changé; c'eft un vain artifice ;
Plus cruel que le Tigre , il furpaffe en malice
Et
JANVIER.
105
1744.
Et le Singe & le Chat. Je cherche des Climats,
Où ce Tyran ne regne pas.
A ces mots , l'Oiseau Miſantrope
A tire d'aîle abandonne l'Europe.
Ce Philofophe des Oiseaux
Tiroit jufte fa conjecture ;
L'homme eft partout le même , & fa vaine parure
Ne fert qu'à voiler fes défauts.
On peut juger par cet échantillon du mérite
de ces nouvelles Fables , qui font toutes
écrites dans le même goût , & avec la
même préciſion ; nous difons , fans craindre
de nous tromper , que la plûpart de ces
Apologues , où regnent les graces & l'enjoûment
, font dignes de nos plus fameux
Fabuliftes . Ce petit Volume eft parfaitement
bien imprimé & très -correct ; il eft
orné au Frontifpice d'une jolie Eftampe
gravée par Chedel , d'après M. Oudry.
>
HISTOIRE ROMAINE , depuis la
Fondation de Rome jufqu'à la Bataille
d'Actium , c'est-à-dire , depuis la fin de la
République , par M. Rollin , Ancien Recteur
de l'Univerfité de Paris , Profeffeur
d'Eloquence au Collège Royal , & Affocié
à l'Académie Royale des Infcriptions &
Belles Lettres. Tome I X, revû , & rendu
complet par M. Crevier , Profeffeur de
Rhé104
MERCURE DE FRANCE.
Rhétorique au Collège de Beauvais . A
Paris , chés la Veuve Etienne , & Fils , Libraires
, rue S. Jacques , vis- à-vis la ruë
du Plâtre , à la Vertu , & Jean de Saint ,
ruë S. Jean de Beauvais , vis -à-vis le Collége
, 1743n- 12 , page 604 , non compris
l'Avertiffement de l'Editeur , la Table
des Matiéres , & une Carte Géographique
de la Province Romaine dans la Gaule , par
M. Danville , Géographe du Roi.
Il eft aifé de fuccéder à un homme d'un
mérite diſtingué ; il eft difficile de le remplacer
: c'eft une vérité dont l'application
ne peut que faire honneur à M. Crevier ;
c'eft ainfi que Mrs les Auteurs du Journal
des Sçavans commencent l'Extrait
du Livre , dont on vient de lire le Titre ;
& fi , ajoûtent-ils , comme M. Crevier
le dit dans fon Avertiffement le Public
s'apperçoit dans ce nouveau Volume
qu'il a perdu M. Rollin ,
croyons qu'il ne s'appercevra pas moins
qu'à l'égard de cet Ouvrage , la perte eſt
réparée.
2
>
nous
La fin de ce Volume eft entiérement de
M. Crevier , & pour ce qui eft de M. Rollin
, M. Crevier a été obligé , non-feulement
de le retoucher , mais d'y remplir
des vuides confidérables ; il a eu foin de
marquer les Additions les plus importantes
,
JANVIER. 1744. ·105
tes , & l'endroit précis , où le Manufcrit
de M. Rollin lui a manqué , pour éviter ,
dit-il , autant qu'il eft poffible , de charger
M. Rollin des fautes du Continuateur : on
reconnoît à cette modeftie le digne diſciple
de M. Rollin .
On trouve dans le x xv111. L. de cette
Hiftoire celle des Gracques , ces fameux
Romains , qui coûterent tant à leur Patrie.
Ils étoient fils de Tiberius Gracchus , & de
la célébre Cornelie , Fille du Grand Scipion
, Vainqueur d'Annibal. On nous
donne le caractére & les moeurs de ces
deux freres , qui étoient fort différens
en tout ; furquoi il y a un trait fingulier ,
& qui mérite d'être rapporté dans les termes
de notre Auteur.
» Tiberius , l'aîné , étoit doux , moderé
& poli : Caïus rude , violent , emporté
, s'abandonnant dans fes Haran-
» gues à des mouvemens exceffifs de colé-
» re , dont il n'étoit plus le maître , & à
« des termes & des tons de voix qui y
» répondoient. Pour remédier à cet in-
» convénient , toutes les fois qu'il parloit
» en public , un Joüeur de Flageolet fe
« tenoit derriere lui , & quand le Muficien
» fentoit à l'éclat de la voix de Caïus qu'il
s'emportoit , & fe laiffoit dominer
par
» fon feu , il prenoit fur fon Inftrument
un
106 MERCURE DE FRANCE.
"
›
» un ton plus doux , qui ramenoit l'Ora-
» teur à une prononciation plus modérée.
» Quand au contraire il tomboit dans la
langueur , ce qui étoit bien plus rare ,
» ce même Muficien prenant un ton plus
« haut & plus vif , le réveilloit , pour ainfi
» dire , & le ranimoit. C'étoit , ajoûte
l'Auteur une chofe bien extraor-
« dinaire , que dans une Affemblée pu-
» blique , au milieu de ces actions turbu-
» lentes , où Caius jettoit la terreur parmi
les Nobles , & où il avoit tout à crain-
» dre pour lui-même , il prêtât une oreille
» docile à cé Joueur de Flageolet , hauffant
» ou baiffant la voix , felon le ton qui
» lui étoit donné.
Quoiqu'il en foit , l'Auteur de la Théfe
de Médecine , par rapport à la Muſique
, dont il eft parlé dans le Mercure
d'Octobre 1743 , fera fans doute bien
aife d'apprendre par ce trait , jufqu'où peut
aller la force de la Mufique. Il fera encore
plus frappé de celui qui fe lit dans
un excellent Livre , dont M. l'Abbé
Guyon vient d'enrichir le Public , fous le
Titre d'Hiftoire des Indes Orientales . Voici
ce qu'il nous dit , Tom. 11 , p. 94 ,
en parlant des moyens qui font employés
pour prendre & pour apprivoifer les Éléphans
en differentes Contrées des Indes.
» Ailleurs
>
JANVIER. 1744. 107
» Ailleurs , après les avoir fait fortir de
» leurs Forêts , on les pourſuivoit pen-
» dant tout le jour , & fur le foir , on
» les repouffoit avec la même ardeur vers
> leurs retraites. Cependant , les Chaf-
» feurs qui étoient demeurés , avoient em-
» brafé la Forêt. Les Eléphans qui crai-
» gnent extrêmement le feu , faifis par
»la vûë de cette flamme , en demeuroient
» fi fort épouvantés , qu'ils fe laiffoient
prendre aifément , & alors on les fra-
» poit jufqu'à ce qu'ils fuffent domptés.
» Néanmoins ils n'étoient pas abfolument
» vaincus ; il falloit les attacher à des Pi-
» liers , & les mâter de nouveau par les
» coups & par la faim. D'autres tomboient
en langueur , & on étoit obligé de diffiper
leur mélancolie par le Chant , ou par le fon
de quelque Inftrument.
"
NOUVEAUX
LOGOGRYPHES , où
l'on trouvera les Poëtes , Sçavans , Muficiens
, Peintres , Graveurs , Sculpteurs ,
Danfeurs , Acteurs , & Symphoniftes , qui
fe font diftingués en France , avec la Clef,
pour en faciliter l'intelligence. Prix douze
fols . A Paris, chés la Veuve de Lormel , ruë
du Foin , à fainte Geneviève ; chés Morel le
jeune , au Palais ; chés Clement , Pont No-
F tre108
MERCURE DE FRANCE.
tre-Dame , à l'entrée du Quai de Gêvres ,
1744.
M. Panard , connu par un grand nombre
d'excellentes Piéces , jouées avec fuccès fur
le Théatre de l'Opéra Comique , eft l'Auteur
de cet Ouvrage. En 1734 , il donna les
premiers Logogryphes , en ce genre , dont
on a fait plufieurs Editions , & que l'on
trouve chés Clement , Quai de Gèvres. Ceux
que nous annonçons , ayant le mérite des
premiers , & celui de la nouveauté , nous
ne doutons pas que le Public ne les reçoive
favorablement.
Il paroît chés Briaffon , rue S. Jacques ,
une Traduction Françoiſe d'unLivre écrit en
Anglois , par Temple Stanian , 3 Vol. in- 12 .
L'Auteur étoit un homme profond dans
l'Hiſtoire ancienne , & d'un efprit folide ,
qui a long-tems médité fon Sujet , & qui
n'a rien épargné pour arriver à la découverte
de la vérité , foit par fes recherches
foit par la comparaifon des Auteurs les uns
avec les autres , foit les anciens monumens.
La Puiſſance des Grecs a précédé celle
des Romains , & en a été comme le prélude :
il est donc important de connoître les intérêts
, les vûës , & les actions des uns , par
/-l'Hiftoire des autres . Ainfi, il y a tout lieu de
croire que le Public fera charmé d'avoir ce t
par
OuJANVIE
R. 1744. 1091
Ouvrage imprimé dans la même forme , &
dans le même goût que l'Hiftoire Romaine ,
traduite de l'Anglois d'Echard.
MEMOIRES pour fervir à l'Hiftoire
des Gaules & de la France , dédiés à Meffieurs
de l'Académie Royale des Infcriptions
& belles Lettres , par M. Gibert
i . Vol. in- 8 ° . de 43.2 pages. A Paris , chés
Jean de Nully , Grand Sale du Palais , à
l'Ecu de France , & à la Palme , & Bernard
Brunet fils , à l'Envie , le prix relié , 2 liv .
ro f.
L'Auteur s'eft propofé dans cet Ouvrage
d'éclaircir les principales difficultés de notre
ancienne Hiftoire. On ne fçauroit donner
une idée plus exacte de ce qui eft con-,
tenu dans ce Volume , que celle qu'en donne
M. G. lui même dans fa Préface : » J'ai
» premierement examiné , dit-il , l'appli-
" cation & l'étendue des noms de Gaulois ,
» de Celtes , & de Galates : le nom d'Hy-
» perboreens , donné à une portion des Gau-
» lois m'a enfuite arrêté. J'ai crû devoir
» auffi rapporter ce qu'Herodote a dit des
» Celtes ; c'eft le plus ancien Hiftorien qui
» les ait nommés.Le nom de Terre Lycéenne,
» donné à la Gaule par Onomacrite , du
» tems de Cyrus , m'a paru remarquable ;
j'en ai cherché l'explication , de-là , j'ai
Fij
13
,,
» paffé
fio MERCURE DE FRANCE.
»
paffé à l'origine des Gaulois ; j'ai effayé
» de la découvrir dans celle des Aborigé-
» nes , que je tire des premieres peuplades
» établies dans les Alpes après le Déluge.
» J'ai cherché celle de leurs Druides chés les
» Phéniciens ; j'ai parlé des differentes Co-
» lonies qui s'étoient jointes à eux , ou éta-
» blies dans les Païs que nous comprenons
»fous le nom des Gaules. Un Critique moderne
( M. Pelloutier ) a voulu faire re-
» monter aux Celtes l'origine des Grecs :
j'ai crû devoir refuter un Auteur , dont
»l'érudition eft capable d'impofer. Des
» Gaulois , je fuis venu aux Francs . Avant
» que de propofer mon fentiment fur leur
» origine , j'ai examiné celui qu'un Ecri-
"
29
vain illuftre ( M. Legendre de S. Aubin )
» venoit de produire , & j'ai tâché de lui
» prouver , que la mauvaiſe opinion que
» l'on a fi juftement conçue de Roricon , &
» de tous ceux qui ont copié fes Fables ,
» étoit bien fondée. J'ai enfuite fixé d'une
» maniére plus particuliére , qu'on n'avoit
» encore fait , le tems oùle nom des Francs
paroît pour la premiére fois dans l'Hiftoi-
» re ; & après avoir prouvé qu'ils n'étoient
» autre chofe que les anciens Germains
je découvre dans les ufages même de ces
» derniers l'Etymologie vrai -femblable de
» leur nouveau Nom . J'ai pensé que je de-
» vois
JANVIER. 1744. III
vois auffi prévenir les queftions que l'on
» pouvoit me faire fur l'origine des Ger-
» mains eux - mêmes. Si je la cherche juf-
« ques chés les Perfes , je ne fais que fuivre
une Tradition qui s'eft perpétuée dans le
» Nord , depuis plus de 2000 ans.
» Sur l'établiſſement des Francs dans les
» Gaules , je m'en tiens à la narration de
» Procope , le plus ancien & le plus judi-
- cieux Hiftorien qui en ait parlé : mais
» comme chacun tâche de détourner le fens
» & les paroles de cet Auteur , pour les ac-
» commoder à fon fyftême , j'en donne une
» Traduction litterale , avec quelques re-
» marques fur celle qu'en a donné M. l'Ab-
» bé Dubos. ( a ) La difcuffion des difficul-
» tés qu'on fait fur la narration de Procope ,
»fuccède naturellement à cette Traduction.
La premiere difficulté concerne le nom
» des Arboruches , qui dans l'établiſſement
» des Francs dans les Gaules , s'affocierent
» & s'incorporerent , pour ainfi dire , avec
» eux. Je juſtifie la leçon ordinaire de ce
» nom ; je cherche qui étoient ceux qui le
portoient ; je wontre dans leur Hiftoire
»le fondement de quelques-unes des Fa-
«bles mêlées à nos Antiquités. La feconde
» difficulté roule fur l'Epoque de l'affocia-
» tion des Francs & des Arboruches ; on la
( a ) Hift crit. de la Mon. Fran . l. 4. c. 8.
F iij place
112 MERCURE DE FRANCE.
place après le Baptême de Clovis ; je
prouve qu'elle l'a précédé de 83 ans , &
» qu'elle eft même la date véritable du Ré-
» gne de Pharamond dans les Gaules, quoiqu'il
eût déja commencé à régner fur les
>>Francs neufans auparavant , lorfque Mar-
» comir , fon pere , avoit été pris & exilé en
»Tofcane par les Romains.Onfent aiſément
» que la date de l'affociation des Francs avec
» les Arboruches , eft auffi celle de leur éta-
»bliffement dans les Gaules ; ainfir , la pre-
»miere étant établie , l'autre eft connue &
» certaine. Mais afin d'écarter tous les nua-
» ges , je réfute également ceux qui l'ont
« avancée plûtôt , & ceux qui l'ont reculée
» plus tard ; enfin , j'examine fi les Francs
» ont eu des Rois avant Pharamond.
VOYAGES de M. Shaw M. D. dans
plufieurs Provinces de Barbarie & du Levant
, contenant des Obfervations Géographiques
, Phyfiques , Philofophiques , &
mêlées , fur les Royaumes d'Alger & de
Tunis ; fur la Syrie , l'Egypte , & l'Arabie
Petrée , avec des Cartes & des Figures , traduits
de l'Anglois , 2. Vol . in- 40 . à la Haye ,
chés Jean Neaulme , 1743 , & ſe vendent à
Paris chés Briaffon. Le prix de cet Ouvrage
relié , eft de 23 liv.
DE'-
JANVIER. 1744. 113
DE'FENSE DE LA VERITE' du Martyre
de la Légion Thébéenne , autrement de S.
Maurice , & de fes Compagnons , pour fervir
de Réponse à la Differtation Critique du
Miniftre Dubourdieu , avec l'Hiſtoire détaillée
de la même Légion . Par le R. P. Joseph
de l'Ifle , Abbé de S. Léopold de Nancy , Ordre
de S. Benoît. 1 vol. in - 12 , de 309 p.
A Nancy , & fe vend à Paris , chés Ph. Ñ.
Lottin , rue S. Jacques , 1741 .
Cet Ouvrage intérelle tout-à fait la Religion
, & il eft d'ailleurs rempli de recherches
curieuſes . On en trouvera un très -bon
Extrait dans le Journal de Trévoux , du mois
de Juin dernier : Extrait , qui peut tenir lieu
du Livre même , à ceux qui ne feront
portée de le lire.
pas à
LETTRE DU R. P. BARRE' , Prêtre , Chanoine
de la Congrégation de France , à M.
Scheid , Médecin Allemand , au fujet de
l'Histoire Générale d'Allemagne , dont les
Sieurs de Lefpine & Hériffant , Libraires ruë
S. Jacques , ont entrepris l'impreffion .
Nous avons reçû depuis peu une copie de
cette lettre , mais nous n'en ferons aucun
ufage parce qu'elle fe trouve déja imprimée
dans fon entier , conforme à la copie ,
dont on vient de parler , dans le Journal des
Sçavans, du mois de Juillet dernier , p . 440 .
F iiij Briaffon >
114 MERCURE DE FRANCE.
Briaffon , Libraire à Paris , ruë S. Jacques
à la Science & à l'Ange Gardien , vient de
publier un Ouvrage , intitulé : Les leçons de
la fageffe fur les défauts des hommes , en trois
parties. « La premiére traite des préjugés ,
qui font fouffrir pour des offenfes imagi-
» naires & des raifons de fupporter les offen-
»fes, même qu'on fuppofe réelles ; la fecon-
» de roule fur les fauffes refſources de l'im-
» patience , & les vrais moyens de prévenir
»les peines , ou de les rendre plus fupporta-
» bles ; il s'agit dans la troifiéme , des diver-
»fes utilités que nous pouvons retirer des
» défauts des autres , pour notre propre per-
» fection. Trois Volumes in- 12 , 1743.
DE L'ESPERANCE CHRETIENNE , & de la
Confiance en Dieu , par Dom Robert Morel ,
Religieux Bénédictin , de la Congrégation
de S. Maur , à Paris , chés Jacques Vincent ',
ruë S. Severin , à l'Ange.
LE CATALOGUE des Rôles Gafcons , Normands
& François , paroît chés Barois , Libraire
, Quai des Auguftins , à la Ville de
Nevers.
Le même Libraire vend auffi la nouvelle
Traduction du Poëme de Roland le Furieux ,
par l'Ariofte , en quatre Vol. in- 12 .
MELANGE AMUSANT de faillies d'efprit
&
JANVIER . 1744 irs
& de Traits Hiftoriques des plus frappans ,
par M. Lefage , chés Pierre Prault , Quai de
Gêvres , au Paradis. Volume in- 12 , de 216
pages , 1743 .
ETRENNES HISTORIQUES , ou Mélange
curieux pour l'année 1744 , contenant plufieurs
Remarques de Chronologie & d'Hif
toire , enſemble les Naiffances & Morts des
Rois , Reines , Princes , & Princeffes de
l'Europe , accompagnées d'Epoques & de
Remarques , que l'on ne trouve point dans
d'autres Calendriers , avec un Recueil de
diverſe matiéres , variées , utiles , curieufes
& amuſantes . A Paris , de l'Imprimerie
de Giffey , rue de la vieille Bouclerie , å
l'Arbre de Jeffé.
LIVRES que le . Sr Cavelier , le pere , Libraire
, rue S. Jacques à Paris , a nouvellement
reçûs des Pays Etrangers.
MUSEUM Richterianum , continens foffilia
Animalia , vegetabilia Mar, illuftrata Iconibus
& Commentariis D. fo. Ernefti Hebenf
treitii Anat, & Chirurg. P. P. O. Accedit de
Gemmis Scalptis antiquis Liber fingularis , fº .
cum figuris, Lipfia, 1743 .
LUCIANI Samofatenfis Opera , cum notis
variorum. Curavit Reitzius , 3 vol . in-4° .
Grac- Latin, Amftelodami , 1743 .
SELECTA MEDICA Francofurtenfia , Ana-
F v tomen
116 MERCURE DE FRANCE.
tomen inprimis practicam , Chirurgiam , Materiam
Medicam , ipfamque univerfam Medicinam
illuftrantia , 12 vol . in-8° . Francofurti ,
1739 & 1743.
ALBINI ( Bernardi ) Hiftoria Mufculorum
hominis , in-4°. cum fig. Leida , 1734.
LINAI ( Caroli ) Genera Plantarum, earumque
caracteres naturales , in - 89 . Lugd. Bat.
1742.
RENATI Moreau , de Sanguinis Miſſione in
Pleuritide , in- 8°. Hale , 1742.
FRANCISCI Bruckmanni Centuria Epiftolarum
Itinerariarum , de Plantis , Vegetabilibus ,
Salibus , Vinis Hungaricis , Aquis minerali
bus , &c. in-4° . cum fig. Wolfenburella ,
1742.
HALLER ( Alb. ) Pralectiones Academica
in Boerhaavii Inftitutiones. Tomus IV. in- 8°.
Gottinga , 1743 .
LECTIONES THEOLOGICA de Religione ;
auctore D. Gabriele Muffon è Regiâ Societate,
Doctore Theologo Parifienfi , Parifiis , Typis
Claudii J. B. Heriffant , apud Claudium
J. B. Heriffant filium 1743 , 3 vol . in - 12 .
Une infinité d'Ecrivains , comme le remarque
l'Auteur de ce Traité Theologique ,
ont travaillé fur la Religion , pour la défendre
contre les Athées , les Déiftes , les
Libertins , & autres ennemis de la Vérité ;
cette
JANVIER. 1744- 117
cette matiére a produit un grand nombre
d'Ouvrages contre les Juifs , contre les Mahometans
, & on a reconnu que la lecture
de plufieurs avoit fait impreffion fur les
efprits qui fe dépouilloient de toute prévention.
Ces Ecrits ont plû à quantité de
Lecteurs , par les figures dont ils étoient ornés
, & par la force des difcours employés
fur le même fujet. Dans l'Ouvrage de M.
Miffon , les chofes font dites fimplement &
uniment , fuivant la Méthode Scholaftique.
Ce fçavant Profeffeur eft le premier qui ait
employé cette Méthode dans un fujet fi important
, comme il en avertit lui même ;
mais la manière dont il s'en fert , fait voir
qu'aucunes des preuves de notre Religion ,
tirées de l'Ecriture-Sainte , des Ouvrages
des Peres , & des raifonnemens Theologiques,
ne perdent rien de leur force , étant rédigées
en Argumens en forme : au contraire,
en difputant felon cette Méthode , on eft
plûtôt en état de confondre l'Athée ou le
Déifte le plus fubtil dans l'argumentation.
D'ailleurs , elle abbrege fort le ſtyle des
controverfes , en obligeant d'admettre ou
de nier , à méfure qu'on avance en matiére ;
de forte qu'il n'eft plus permis à l'adverfaire
de reculer , lorſqu'il a une fois admis
certains principes.
M. Muffon divife fes Leçons en deux
F vj par18
MERCURE DE FRANCE.
ties. La premiére traite de la Religion naturelle
, la feconde de la Religion furnaturella.
Dans la premiére , qui eft beaucoup
moins longue que l'autre , l'Auteur parle
du doute en matiére de Religion , du parti
qu'il faut prendre dans ce doute , de l'opinion
des Politiques touchant la Religion
des principes de la Religion naturelle , de
l'existence de la Religion , du culte extérieur
attaché à la Religion , & il finit
une Leçon fur l'infuffifance de la Religion
naturelle.
>
par
La feconde partie , qui eft très-étenduë ,
& qui comprend plus de deux Volumes ,
roule fur la Religion furnaturelle , fur la
néceffité de cette Religion , fur les moyens
de chercher & de trouver la vraie Religion ,
& fur les motifs de crédibilité.
Enfuite M. Muffon parle avec ordre de
toutes les Religions , en commençant par
le Paganifme , fur lequel il eft très - concis.
Il eft plus étendu fur la Religion Mahometane
, dont il fair voir le foible , & dont
il détruit les prétendues preuves , en fe les
propofart par formes d'objections .
La Religion des Juifs , qu'il appelle la
Religion Mofaïque , eft beaucoup plus digne
d'attention. Il en fait voir la vérité ; il
prouve l'autenticité du Pentateuque , la divinité
de cette Religion ; il en décrit la nature
,
JANVIER. 1744. 119
ture , il en dévoile les ombres ; il traite de
la nature du Régne du Meffie, des promeffes
d'une nouvelle Religion , contenues dans
l'ancienne , & il finit en prouvant qu'elle
a été abrogée , & que c'eft fur de vains fon-
, que les Juifs n'en veulent rien demens
croire.
Voilà le précis du premier Volume de
cet Ouvrage. La Religion Chrétienne fournit
feule la matiére des deux autres Volumes.
Le Sçavant Profeffeur , toujours trèsclair
& très-méthodique , entame ce fujet
par la certitude des fources de cette Religion
, qui font les Ecrits du Nouveau Teftament
; il en prouve l'autorité & la verité.
Venant enfuite aux motifs de la Religion
Chrétienne , il s'étend fur fa nature , fçavoir
, fa fainteté , fon excellence au- deffus
de la Religion Judaïque, fon utilité, eu égard
à la fociété humaine , & il fait une Leçon
expreffe fur la guerre , pour prouver contre
les Anabaptiftes , que la guerre eft permife
parmi les Princes Chrétiens.
L'article des Prophéties , fur lesquelles
cette Religion eft appuyée , eft traité dans
toute fon étendue . La derniére Leçon eft
fur la vanité des Oracles des Payens. Le paragraphe
ſuivant ne roule que fur les Miracles.
C'est là qu'on voit la précifion de
la Scholaftique , pour difcuter les chofes
Les
120 MERCURE DE FRANCE.
Les cinq Leçons fur cette matiére confiftent
à examiner ce que c'eft qu'un Miracle ,
s'il eft poffible qu'il y en ait , quelle en eft
la caufe , & à faire fentir la force & le poids
dont font les Miracles , pour prouver une
vérité.
Dans le troifiéme Tome , l'Auteur traite
des Miracles de Jeſus-Chriſt , de ſa Refurrection
, de la continuation du don des Miracles
dans l'Eglife Chrétienne , de la néceffité
des Miracles , du difcernement des vrais
Miracles d'avec les faux , & il produit cinq
régles , par lefquelles on peut diftinguer les
uns d'avec les autres. Il parle auffi du rapport
mutuel des Miracles avec les Prophé
ties . Puis il traite des Martyrs , & fait fentir
la force des preuves qu'on en tire en matiére
de Religion ; il infére ici une Leçon touchant
la maniére de diftinguer les vrais Martyrs
d'avec les faux , & c'eft en quoi il démontre
qu'on ne peut pas regarder les Quakers
d'Angleterre , comme de vrais Martyrs.
Les derniéres Leçons fervent à prouver
la vérité de la Religion Chrétienne
par
›
la manière dont elle s'eft étenduë. Enfin
l'Auteur revient contre les Juifs , qui s'opiniâtrent
à ne pas vouloir reconnoître notre
Religion. Il fait une Leçon fur leur aveu
glement , une autre fur la vengeance de
Dieu contre eux , & la derniére fur ce que
Dieu les a rejettés. Il
JANVIER . 1744. 121
Il n'eft néceſſaire de faire remarquer
pas
qu'en tout ceci , notre Profeffeur n'a fait
aucune mention des Sybilles. La Critique a
fait découvrir dans le fiécle dernier , que
leurs prétendues prédictions étoient de pures
fuppofitions , dont notre Religion n'avoit
nullement béfoin , pour être folidement
appuyée.
»
On ne fçauroit mieux finir cet Extrait du
Livre de M. Muffon , qu'en traduifant l'Approbation
de M. Millet , Cenfeur Royal :
Il déclare que cet Ouvrage étoit néceffai-
» re , furtout de nos jours ; qu'il fera d'une
» très-grande utilité aux Etudians en Théo-
» logie , & à tous ceux qui s'intéreffent à
»voir triompher la Religion Chrétienne ;
» que les argumens invincibles , qui ap-
" puyent cette Religion , y font expliqués
» avec une grande clarté , & une érudition
" exquife en même-temps ; que les vaines
»fubtilités de fes adverfaires y font propo-
»fécs dans toute leur étendue , & folide-
» ment réfutées .
HISTOIRE des Indes Orientales , anciennes
& modernes. Par M. l'Abbé Guyon , 3 Vol.
in- 12 . à Paris , chés Lottin & Butard, ruë S.
Jacques, à la Vérité ; chés la Veuve Pierres ,
vis-à- vis S. Yves , & chés Defaint & Saillant
, près le Collège de Beauvais.
Dans
122 MERCURE DE FRANCE.
Dans le premier Volume , on fait remonter
l'Hiftoire des Indes , jufqu'au tems
où Aléxandre-le-Grand en fit la conquête.
On voit dans une Carte Géographique , où
l'on a corrigé fur Arrien , les fautes de quelques
Auteurs modernes , les Pays que ce
Prince parcourut , & on en donne une Defcription
Chorographique . On traite enfuite
dans des Chapitres féparés de la Religion
des anciens Indiens , de leurs Rois , des
moeurs , du caractère , des loix , & de la divifion
des Etats. L'Auteur paffe au naturalifme
du Pays , & parle affés au long des
animaux de l'air , de la terre & de l'eau .
Suit le Commerce que les Phéniciens , les
Egyptiens , & les Romains faifoient aux Indes
. On trouvera au neuviéme Chapitre, les
Révolutions qui y font arrivées dans le
moyen âge. Enfin l'interruption des Voya
ges , & leur renouvellement par la décou
verte que les Portugais en firent.
Le fecond Volume commence par une
Carte Géographique , très-bien gravée , qui
comprend toute l'Inde moderne , foir les
Ifles , foit le Continent , avec le Plan Géométrique
de Pondichery, levé en 1741. On
y verra la Ville la mieux percée & la mieux
diftribuée , qu'il y ait dans toute l'Europe ,
& peut-être dans le Monde. Ses trois grandes
rues paralleles , tirées au cordeau , ont
près
JANVIER. 1744 127
près de 1000 toifes de long ; toutes les autres
les coupent en angles droits , & font
alignées de même.
La premiére partie de ce Volume eft
une Deſcription des Royaumes , des Pays ,
& des Ifles , qui font repréfentés dans
cette Carte. La feconde traite des differentes
Religions que l'on y fuit ; le Paganifme
du Pays , le Judaïſme , le Manichéïſme , le
Neftorianifme , le Mahometifme , la Religion
Catholique & la P. Réformée .
Le troifiéme Volume roule fur le Commerce
des Européens , dont on parle féparément.
La plus grande partie eft employée
à l'Hiftoire de notre célébre Compagnie
des Indes. L'Auteur la prend dans fon
Etabliſſement en 1664 , par M. Colbert ; il
la fuit dans fes progrès , fes affoibliffemens
& fa chûte ; il en fait voir le renouvellement
en 1719 , par la réunion de toutes les
Compagnies particuliéres , enfin le détail ,
l'étendue , les progrès , & la folidité de fon
Commerce , par les Charges & le nombre
de fes Vaiffeaux , d'où il tire naturellement
des conféquences flateufes & intéreſſantes
pour les Actionnaires . Ce Volume finit par
les Acquifitions de la Compagnie des Indes ,
depuis 1736 jufqu'en 1742 , par la gloire
& l'eftime que les François y ont acquifes ,
en remettant un Roi fur le Trône , en rétabliffant
24 MERCURE DE FRANCE .
bliffant un Prince & une Princeffe dans
leurs Etats , après les avoir pris fous la protection
du pavillon François , & en délivrant
l'Inde d'une armée de 160000 Barbares
Marattes , qui y mettoient tout à feu &
à fang , ce qui nous a procuré par reconnoiffance
de grands honneurs de la part du
Mogol. Le récit de cette derniére partie ,
eft foutenu par les Actes , les Traités , Lettres
& autres Monumens en originaux , tirés
des Archives de la Compagnie des Indes.
On y a ajouté un Mémoire inftructif
fur le Caffé d'Arabie , fait par une perfonne ,
qui y avoit réfidé long-tems.
Il y a peu d'Ouvrages modernes , qui pour
la curiofité , & pour l'utilité , puiffent être
comparés à celui-ci , & on peut dire , qu'on
ne pouvoit faire un plus riche préfent à la
République des Lettres , qui fe dédommage
ainfi quelquefois de plufieurs productions
frivoles , & tout-à-fait inutiles , dont elle
eſt comme inondée depuis quelque tems.
DESCRIPTION DE LA CORSE , & Relation
de la derniére guerre . A Paris , chés Jacques
Chardon , Imprimeur - Libraire , ruë
Galande , près la Place Maubert , à la Croix
d'or , 1743 , in- 12.
GEOGRAPHIE ABBREGE'E , par Jofeph
ValJANVIER
. 1744. 125
Vallart‹, Prêtre , 1 Vol . in -12 . de 185 pag.
chés Robinot & Mufier , Quai des Auguftins
, près de l'Eglife .
M. P. Germain qui a lû cet Ouvrage par
ordre de M. le Chancelier , en a trouvé
l'Impreffion utile au Public , à caufe de l'exactitude
, de la méthode , & de la précifion
qui y régnent .
MEMOIRES , pour fervir à l'Histoire des
Gaules & de la France , dédiés à Mrs de l'Académie
Royale des Infcriptions & Belles
Lettres , par M. Gibert. Premier Volume
touchant l'ancienne Hiftoire de France , les
noms & l'origine des Celtes , des Germains ,
des Francs , &c. A Paris , chés Bernard
Brunet , fils , Grand'Sale du Palais , à
l'Envie , 1744 , in- 12.
NOUVELLE EDITION , revûë &
corrigée de l'Explication Hiftorique des Fables
, par feu M. l'Abbé Bannier , de l'Académie
des Infcriptions & Belles- Lettres.
A Paris , chés Briaffon , Libraire , ruë faint
Jacques , 1743 , 3 Volumes in- 12 .
On vient d'imprimer à Bruxelles un Livre
intitulé : Effais fur le Genre & le Caractére
des Nations , 2 Vol. in- 12 . Ceux qui
fouhaiteront l'avoir , pourront s'adreffer
chés
126 MERCURE DE FRANCE,
chés les Sieurs Barillot pere & fils , Imprimeurs-
Libraires à Genève , 1743 .
Il paroît à Londres un Projet de Soufcription
chés W. Innys , & Manby , fur le
Ludgatt-hill , & autres Libraires , pour imprimer
une Hiftoire naturelle des Oifeaux ,
par M. Eleazar Albin , Peintre . Le fuccès
de cette Hiftoire , dès qu'elle parut pour
la
premiére fois , & le grand prix des trois
Volumes donnés en même-tems , font les
raifons qui ont engagé les Propriétaires de
l'Ouvrage à le propofer de nouveau par
Soufcription . Cet Ouvrage fera en trois
grands Volumes in- 4° . imprimé fur de beau
papier Royal , & contiendra , outre l'Hiftoire
des Oifeaux , 306 Tailles-douces trèsbien
gravées & enluminées , pour repréfenter
les Oifeaux dans leur couleur naturelle .
Le tout fera divifé en 76 nombres , & chaque
nombre contiendra quatre Planches enluminées
. avec les defcriptions imprimées ,
& coûtera deux Shillings fixfols. On ne demande
point de payement d'avance , non
plus que pour la Soufcription précédente ,
mais on prie ceux qui voudroient fe procurer
des Exemplaires de cette Hiftoire ,
d'envoyer leurs noms & leurs addreſſes aux
Sieurs Innys , & Manby , & chaque nombre
leur fera fidélement envoyé , à meſure
qu'il
JANVIER, 1744 .
127
qu'il paroîtra. On mettra cet Ouvrage fous
preffe , dès que le nombre de Soufcriptions
faire les frais de fera jugé fuffifant pour
l'entrepriſe.
Jofeph Lazzarini , Imprimeur à Rome
a publié un Programme , dans lequel il
donne avis aux Amateurs des Antiquités ,
qu'il imprime actuellement un Réglement
complet des Médailles des Souverains Pontifs
, jufqu'à notre tems. M. l'Abbé Venuti ,
qui en eft l'Auteur , y fuit la méthode que
M. Vaillant a gardé dans fon Traité intitulé
: Numifmata Imperatorum Romanorum
præftantiora , dont Lazzarini publiera inceffamment
une nouvelle Edition . Il met d'abord
, fuivant l'ordre Chronologique , la
Figure avec les attributs de toutes les Médailles
de chaque Souverain Pontife , & le
revers d'une feule de ces Médailles gravés
en cuivre ; il joint à chacune de ces mêmes
Médailles fon explication , avec toute la
briéveté & la clarté poffibles ; il ajoûte ce
le P. Bonanni a omis dans fa Collection
, & afin de ne rien laiſſer à deſirer , il
donne une Table des Médailles fauffes &
des Types que le P. Bonanni a données
comme vrais & exiftans , & qui n'ont jamais
été frappés.
que
On trouvera au commencement une Préface
,
228 MERCURE DE FRANCE.
face , dans laquelle M. Venuti traite de ceux
qui ont frappé ces Médailles , & dont plus
de 40 n'ont travaillé qu'à celles des Papes ,
& qu'il fera connoître , autant que le filence
des Auteurs , & l'obfcurité des tems l'ont
permis. Cet Ouvrage formera un grand
in- 4° . enrichi de tous les ornemens qui
peuvent contribuer à embellir un Livre. Il
paroîtra au mois de Mai prochain : le prix
de la Soufcription eft d'un Sequin de Venife
environ d'onze livres , Monnoye de
France , qu'on payera , en foufcrivant , à
l'Imprimeur. La Soufcription fera ouverte
jufqu'au premier Février 1744 .
>
Thomas Aftley , Libraire à Londres , à la
Rofe , dans S. Paul's Church-Yard' , va
mettre fous-Preffe par Soufcription , avec
Privilége , & Permiffion du Roi , une nouvelle
Collection de Voyages , plus ample ,
plus méthodique , & plus exacte qu'aucune
de celles qui ont été publiées jufqu'à préfent
, confiftant en plus de 500 Relations
des plus eftimées , dont une partie confidérable
a été traduite nouvellement pour la
premiere fois de Langues étrangeres , l'objet
de cet Ouvrage étant également de fuppléer
les imperfections de la Collection du
Docteur Harris , & de la continuer juſqu'au
tems préfent. Le tout entremêlé des plus
remarJANVIER.
1744. 7
›
129
remarquables Expéditions, des Batailles navales
, des naufrages , captivités , fuites , &
d'autres avantures capables d'occuper agréablement
, tant fur Terre que fur Mer , enrichie
non- feulement de Planches choifies ,
prifes de divers Auteurs , & de Cartes Géographiques
, entiérement neuves , afforties
à l'Ouvrage , mais encore d'affés de traits
d'Hiftoire , & de Géographie moderne ,
pour fervir à faire mieux connoître l'état
préfent de toutes les Nations. Cet Ouvrage
, qui contiendra environ 400 feuilles ,
fera imprimé en 4 Volumes in- 4°. fur du
papier & en caractéres femblables ,
ceux du Profpectus , qu'on en a publié ; on
en debitera chaque Semaine pour le prix
de fix fols , trois feuilles couvertes d'un papier
bleu , lefquelles contiendront autant
d'impreffion que fix d'un in-8 ° . ou in-folio
commun . Les Cartes neuves feront eftimées
deux feuilles , quoique la dépenfe de
les graver & de les tirer foit égale à la dépenfe
de trois feuilles , & chaque demifeuille
des Planches fera eftimée une feuille.
La premiere fourniture ou le premier nombre
a été publié le Samedi , trois Décembre
1743 , V. S. & les nombres fuivans .
ont dû & doivent être publiés réguliérement
chaque Samedi au matin , jufqu'à ce
que le tout foit achevé . Ceux qui auront
acheté
130 MERCURE DE FRANCE.
acheté le premier nombre , & qui n'en ſeferont
bien venus à leront
pas contens ,
changer pour un autre Livre. On trouverá
des Soufcriptions chés les Libraires & Imprimeurs
de la Grande-Bretagne & de l'Irlande.
LE CAS SINGULIER de M. Jean
Ferguson de la Province d'Argyle, en Ecoffe,
qui a vécu plus de dix -huit années fans
prendre d'autre nourriture que l'eau , le petit
lait , ou l'eau d'Orge , avec des obfervations
, où l'on fait voir la poffibilité de ce
cas attefté à la Société Royale le Jeudi 9 Décembre
1742. V.S. par M. Charles Champbell
, Prédicateur de l'Evangile en Ecoffe ,
qui a vécu & converfé avec M. Ferguffon ;
appuyé par les Auteurs fur des cas de même
efpéce , où l'on rapporte les raifons , pourquoi
une fi modique nourriture eft capable
de foûtenir la vie fi long-tems , &c. Par M.
Thomas Vmfreville. D. M, à Londres , chés
W. Reafon , dans Fleet- Street , 1743 , in - 8 °.
L'Ouvrage eft en Anglois.
NOUVELLE EDITION des OEuvres de M.
Jean Bacquet , augmentée confidérablement
par M. de Ferriere , deux Vol . in-fol . 1743 .
A Lyon , chés les Freres Duplain , Libraires ,
ruë Merciére .
Les
JANVIER. 1744. 131
Les mêmes Libraires ont auffi publié un
fecond Volume des Effais , fur l'Hiftoire des
Belles-Lettres , des Sciences , & des Arts.
Par M. Juvenel , 1743. in- 12.
ON vient de publier à Nantes , une nouvelle
Edition de l'Ouvrage de M. de Roye ,
touchant le droit de Patronage , & touchant
les Droits honorifiques , fous ce Titre : Francifcus
de Roye , Anteceffor Andegavenfis ad
Tit. de Jure Patronatus , Lib. 3. Decretalium.
Ejufdem deJuribus honorificis in Ecclefia, Lib.
2. Nova Editio , cui plurima accefferunt , que
Prafatio declarabit. Nannetis , apud Antonium
Marie , Typograph. & Bibliopol, via magnâ
B. V. Maria Affumptionis , 1743 , in-4° .
DISSERTATIONS Hiftoriques , de M. Dominique
Marie Manni , fur les Sceaux antiques
des bas fiécles , T. XIII. in -4°. 1743 .
STORIA della Nafcita delle Scienze ; e Belle-
Lettere , colla ferie degli vomini illuſtri , che
L'ahnno accrefciute , ove fi notano le opere piu
infigni di quelle che in ciafcuna di effe hanno
Scritto , e quando quefta la prima volta ufciffero
alle Stampe , accennandone di poi la migliore ,
&piu corretta edizione ; Trattenimenti del Dot-
1ore Franceſco Argelati di Bologna . In Firenze
, 1743 , in- 8 ° . Cet Ouvrage , felon le
G plan
228 MERCURE DE FRANCE.
face , dans laquelle M. Venuti traite de ceux
qui ont frappé ces Médailles , & dont plus
de 40 n'ont travaillé qu'à celles des Papes ,
& qu'il fera connoître , autant que le filence
des Auteurs , & l'obfcurité des tems l'ont
permis. Cet Ouvrage formera un grand
in-4° . enrichi de tous les ornemens qui
peuvent contribuer à embellir un Livre . Il
paroîtra au mois de Mai prochain : le prix
de la Soufcription eft d'un Sequin de Venife
, environ d'onze livres , Monnoye de
France , qu'on payera , en foufcrivant , à
l'Imprimeur. La Soufcription fera ouverte
jufqu'au premier Février 1744 .
Thomas Aftley , Libraire à Londres , à la
Rofe , dans S. Paul's Church- Yard' , va
mettre fous-Preffe par Soufcription , avec
Privilége , & Permiffion du Roi , une nouvelle
Collection de Voyages , plus ample ,
plus méthodique , & plus exacte qu'aucune
de celles qui ont été publiées jufqu'à préfent
, confiftant en plus de 500 Relations
des plus eftimées , dont une partie confidérable
a été traduite nouvellement pour la
premiere fois de Langues étrangeres , l'objet
de cet Ouvrage étant également de fuppléer
les imperfections de la Collection du
Docteur Harris , & de la continuer jufqu'au
tems préfent. Le tout entremêlé des plus
remarJANVIER.
1744. 129 2
remarquables Expéditions, des Batailles navales
, des naufrages , captivités , fuites , &
d'autres avantures capables d'occuper agréablement
, tant fur Terre que fur Mer , enrichie
non -feulement de Planches choifies ,
prifes de divers Auteurs , & de Cartes Géographiques
, entiérement neuves , afforties
à l'Ouvrage , mais encore d'affés de traits
d'Hiftoire , & de Géographie moderne ,
pour fervir à faire mieux connoître l'état
préfent de toutes les Nations. Cet Ouvrage
, qui contiendra environ 400 feuilles ,
fera imprimé en 4 Volumes in-4° . fur du
papier , & en caractéres femblables å
ceux du Profpectus , qu'on en a publié ; on
en debitera chaque Semaine pour le prix
de fix fols , trois feuilles couvertes d'un papier
bleu , lefquelles contiendront autant
d'impreffion que fix d'un in-8 °. ou in-folio
commun. Les Cartes neuves feront eftimées
deux feuilles , quoique la dépenfe de
les graver & de les tirer foit égale à la dépenfe
de trois feuilles , & chaque demifeuille
des Planches fera eftimée une feüille .
La premiere fourniture ou le premier nombre
a été publié le Samedi , trois Décembre
1743 , V. S. & les nombres fuivans .
ont dû & doivent être publiés réguliérement
chaque Samedi au matin , jufqu'à ce
le tout foit achevé. Ceux qui auront
que
acheté
130 MERCURE DE FRANCE.
acheté le premier nombre , & qui n'en ſeront
pas contens feront bien venus à le
changer pour un autre Livre. On trouvera
des Soufcriptions chés les Libraires & Imprimeurs
de la Grande-Bretagne & de l'Irlande.
LE CAS SINGULIER de M. Jean
Ferguffon de la Province d'Argyle , en Ecoffe,
qui a vécu plus de dix-huit années fans
prendre d'autre nourriture que l'eau , le petit
lait , ou l'eau d'Orge , avec des obfervations
, où l'on fait voir la poffibilité de ce
cas atteſté à la Société Royale le Jeudi 9 Décembre
1742. V.S. par M. Charles Champbell
, Prédicateur de l'Evangile en Ecoffe
qui a vécu & converfé avec M. Ferguſon ;
appuyé par les Auteurs fur des cas de même
efpéce , où l'on rapporte les raifons , pourquoi
une fi modique nourriture eft capable
de foûtenir la vie fi long-tems , &c . Par M.
Thomas Vmfreville. D. M, à Londres , chés
W. Reafon , dans Fleet- Street , 1743 , in - 8 ° .
L'Ouvrage eft en Anglois.
NOUVELLE EDITION des OEuvres de M.
Jean Bacquet , augmentée confidérablement
M. de Ferriere , deux Vol. in -fol . 1743 .
par
A Lyon , chés les Freres Duplain , Libraires ,
ruc Merciére .
Les
JANVIER. 1744. 131
Les mêmes Libraires ont auffi publié un
fecond Volume des Effais , fur l'Hiftoire des
Belles- Lettres , des Sciences , & des Arts.
Par M. Juvenel , 1743. in-12.
ON vient de publier à Nantes , une nouvelle
Edition de l'Ouvrage de M. de Roye ,
touchant le droit de Patronage , & touchant
les Droits honorifiques , fous ce Titre : Francifcus
de Roye , Anteceffor Andegavenfis ad
Tit. de Jure Patronatus , Lib. 3. Decretalium .
Ejufdem de Furibus honorificis in Ecclefia, Lib.
2. Nova Editio , cui plurima accefferunt , que
Præfatio declarabit. Nannetis, apud Antonium
Marie, Typograph. & Bibliopol. viâ magnâ
B. V. Maria Affumptionis , 1743 , in-4° .
- DISSERTATIONS Hiftoriques , de M. Dominique
Marie Manni , fur les Sceaux antides
bas fiécles , T. XIII . in -4°. 1743 .
ques
STORIA della Nafcita delle Scienze ; e Belle-
Lettere , colla ferie degli vomini illuftri , che
l'ahnno accrefciute , ove fi notano le opere piu
infigni di quelle che in ciascuna di effe hanno
Scritto , e quando quefta la prima volta ufciffero
alle Stampe , accennandone di poi la migliore ,
&piu corretta edizione ; Trattenimenti del Dottore
Francefco Argelati di Bologna. In Firenze
, 1743 , in- 8 ° . Cet Ouvrage , felon le
plan
132 MERCURE DE FRANCE.
plan que l'Auteur en donne lui-même au
commencement , eft un abbregé de l'Hiftoire
Grecque , Romaine & Eccléfiaftique.
M. Argelati commence par l'origine des
caractéres , & par celle de l'écriture ; il
paffe enfuite aux premiers hommes , qui ont
écrit de l'Hiftoire ; dans le cours de l'Ouvrage
, il marque les principales époques ;
il parle en peu de mots des grand hommes ,
& de leurs belles actions , des Ecrivains &
de leurs Ouvrages , des premiéres & des
meilleures Editions , qu'on en a données .
Il finit par traiter de l'origine de la Langue
Italienne , & de ceux qui ont le plus contribué
à fon illuſtration.
LUCERNA FICTILES Mufei Pafferii , fump
tibus Academia Pifaurenfis. Volumen II . Pifauri
, 1743. in-fol. Ce fecond Tome , contient
104 Lampes gravées , après lefquelles
l'Auteur a mis fes Remarques.
>
François Pitteri , Imprimeur-Libraire à
Venife , qui a entrepris de donner une nouvelle
Edition du Dictionnaire de Morery , en
a publié le premier Volume contenant la
lettre A. Ce Volume eft bien imprimé , plus
étendu & plus correct que celui de la derniére
Edition de Hollande , 1743. Cette
Edition fera in-fol . & in- 4° .
Jean
JANVIER. 1744. 133
Jean Neaulme , Libraire , à la Haye , mettra
inceffamment en vente , les deux derniers
Volumes , c'est-à-dire , le neuviéme & le
dixième , du Recueil des Actes de Rymer,
Cet Ouvrage , qui comprend vingt Vol,
de l'Edition de Londres , & qui a été `imprimé
à la Haye en 10 Vol . coutera 150 Florins
en petit papier , & 300 en grand papier.
On a traduit en François dans cette
derniére Edition , les Piéces qui font en Anglois
, & on a joint au dernier Volume , une
Table générale des Matiéres , qui manquoit
dans les Editions précédentes.
ſé
NOUVELLE TRADUCTION Françoiſe en
Vers , de l'Art de conferver la fanté , compopar
l'Ecole de Salerne , à la Haye , chés
Jean Van Durex , 1743 , in- 12. Le Traduc
teur a joint àfon Ouvrage un Difcours , dans
lequel il donne l'idée & l'Hiftoire de l'Ecole
de Salerne , ainfi que de l'Ouvrage même
qu'il a traduit.
M. Th. Maugey , Chanoine de l'Eglife de
Durham , & Profeffeur en Théologie , a
donné une belle Edition des OEuvres de
Philon le Juif , en deux Vol. in-fol , à Londres,
chés Guill. Innys & Charles Bathurf
1742.
Dans la Préface , l'Auteur rejette le fenti-
Gij ment
134 MERCURE DE FRANCE.
ment de ceux qui ont crû que Philon avoit
embraffé le Chriftianifme , & qu'il y avoit
enfuite renoncé , pour retourner au Judaïfme.
Dans cette nouvelle Edition , il y a
quelques Traités, qui n'avoient point encore
été imprimés.
M. Campel a donné en Anglois les Vies
des Amiraux & autres Officiers de Mer , les
plus célébres de la Nation . L'Hiftoire de la
Marine , & du Commerce d'Angleterre ,
rend cet Ouvrage curieux & intéreſſant :
il mériteroit une bonne traduction . Ce font
deux Vol. in-8°.
par
INTRODUCTION à l'Hiftoire Univerfelle ,
le B. de Puffendorf, completée & continuée
jufqu'à l'année 1743 , par M. Bruzen
de la Martiniere , dix Vol. in- 12 , à
la Haye.
L'Ouvrage eſt tout-à- fait refondu. L'Auteur
attend la fin de la Guerre , pour augmenter
les deux derniers Volumes.
QUESTION proposée par M. P.
Th. ***
à
On demande , s'il eft plus avantageux
un homme , pour fon vrai bonheur , d'ignorer
toutes les Sciences & les Arts , ou de les
poffeder
JANVIER. 1744 135
poffeder tous , en fuppofant que l'une de
ces deux qualités donne l'exclufion à l'autre.
›
On a été mal informé , au fujet d'un Mémoire
envoyé de Nantes , & imprimé dans
le Mercure de France , du mois de Novembre
dernier , pag. 2490 concernant un
Reméde fpecifique pour la guérifon de la
goute , dont M. Keradock eft poffeffeur ; il
eft dit fur la fin du Mémoire , que ceux qui
voudront ufer de ce Remede , & écrire audit
Sr Keradock , n'auront qu'à adreffer leurs
lettres à M. de La Haye Rabux , Procureur
au Préfidial de Nantes. Cependant nous
avons reçû une lettre écrite de la même
Ville le 14 Janvier , fignée De la Haye
Rabux , par laquelle ledit Sr. Rabux nous
mande n'avoir jamais eu aucune liaiſon ni
connoiffance avec l'Auteur de ce Reméde.
On avertit auffi que toutes les lettres qu'on
pourroit écrire audit Sr Keradock , à l'adreffe
de M. De la Haye Rabux , ne feront
point retirées.
Le Gras Libraire , Grand'Sale du Palais
à Paris , vient de mettre en vente une nouvelle
Edition, confidérablement augmentée,
du Traité des Matieres Criminelles , fuivant
l'Ordonnance de 1670 , avec tous les
Edits , Arrêts & Réglemens rendus jufqu'à
G iij préfent
I
CH-AUXDENIERS
7744
SUPPETET
ER
V
ENO
AND
FOUNDATIONS
.
ET
SAPIENTIA
LARORIBUS
EXTRAORDINAIRE
DES GUERRES
1744
AGO
VIII
DESEVIE
EMS
MARINE.
1744
DECUS
JANVIER . 1744. 137
'appuyant de l'autre fur fon Egide : Propriis confidit
in armis.
V. EXTRAORDINAIRE DES GUERRES.
Hercule , couvert de la peau du Lion de Nemée,
& montrant fa Maffuë : Novis fuppetet laboribus.
VI. BATIMENS DU ROI.
Un Niveau : Fortior quo rectior.
VII. ARTILLERIE .
Le Dragon à la porte du Jardin des Hefperides ,
Non impunè tentatur aditus.
VIII. MARINE.
Thétis , qui repofe tranquillement fur le rivage.
d'une Mer agitée. Dum pelago defavit hiems.
IX. GALERES.
Des Syrennes rangées le long d'une Côte : Docta
fallere fluctus.
X. MAISON DE LA REINE.
Une Pierre d'Aiman armée . Ex virtute decus.
XI. LA VILLE DE PARIS.
Les Armes de la Ville d'un côté , celles de M.
Louis-Bazile de Bernage , Prévôt des Marchands de
l'autre ,fon nom fes qualités autour.
ESTAMPES NOUVELLE S.
Grande Eftampe en large , d'une excellente compofition
, & dont tous les caractéres font juftes &
expreffifs . C'eft un Combat de Cavalerie , l'épée à la
main , dont l'action eft très-vive . Cette Eftampe eft
fort bien gravée par Joh. Mart Preifter , d'après le
G iiij Tableau
228 MERCURE DE FRANCE.
face , dans laquelle M. Venuti traite de ceux
qui ont frappé ces Médailles , & dont plus
de 40 n'ont travaillé qu'à celles des Papes ,
& qu'il fera connoître , autant que le filence
des Auteurs , & l'obfcurité des tems l'ont
permis. Cet Ouvrage formera un grand
in-4° . enrichi de tous les ornemens qui
peuvent contribuer à embellir un Livre . Il
paroîtra au mois de Mai prochain : le prix
de la Soufcription eft d'un Sequin de Venife
, environ d'onze livres , Monnoye de
France , qu'on payera , en foufcrivant , à
I'Imprimeur. La Souſcription fera ouverte
jufqu'au premier Février 1744 .
Thomas Aftley , Libraire à Londres , à la
Rofe , dans S. Paul's Church-Yard' , va
mettre fous-Preffe par Soufcription , avec
Privilége , & Permiffion du Roi , une nouvelle
Collection de Voyages , plus ample ,
plus méthodique , & plus exacte qu'aucune
de celles qui ont été publiées jufqu'à préfent
, confiftant en plus de 500 Relations
des plus eftimées , dont une partie confidérable
a été traduite nouvellement pour la
premiere fois de Langues étrangeres , l'objet
de cet Ouvrage étant également de fuppléer
les imperfections de la Collection du
Docteur Harris , & de la continuer jufqu'au
tems préfent. Le tout entremêlé des plus
remar-
*
JANVIER. 1744. -2
>
129
remarquables Expéditions , des Batailles navales
, des naufrages , captivités , fuites , &
d'autres avantures capables d'occuper agréablement
, tant fur Terre que fur Mer ; enrichie
non-feulement de Planches choifies ,
prifes de divers Auteurs , & de Cartes Géographiques
, entiérement neuves , afforties
à l'Ouvrage , mais encore d'affés de traits
d'Hiftoire , & de Géographie moderne
pour fervir à faire mieux connoître l'état
préfent de toutes les Nations. Cet Ouvrage
, qui contiendra environ 400 feuilles ,
fera imprimé en 4 Volumes in-4°. ſur du
papier & en caractéres femblables , àહૈ
ceux du Profpectus , qu'on en a publié ; on
en debitera chaque Semaine pour le prix
de fix fols , trois feuilles couvertes d'un papier
bleu , lefquelles contiendront autant
d'impreffion que fix d'un in- 8 °. ou in -folio"
commun. Les Cartes neuves feront eftimées
deux feuilles , quoique la dépenfe de
les graver & de les tirer foit égale à la dépenfe
de trois feuilles , & chaque demifeuille
des Planches fera eftimée une feuille .
La premiere fourniture ou le premier nombre
a été publié le Samedi , trois Décembre
1743 , V. S. & les nombres fuivans .
ont dû & doivent être publiés réguliérement
chaque Samedi au matin , jufqu'à ce
le tout foit achevé . Ceux qui auront que
acheté
130 MERCURE DE FRANCE .
acheté le premier nombre , & qui n'en ſe- ·
ront pas contens , feront bien venus à le
changer pour un autre Livre. On trouvera
des Soufcriptions chés les Libraires & Imprimeurs
de la Grande-Bretagne & de l'Irlande.
LE CAS SINGULIER de M. Jean
Ferguffon de la Province d'Argyle, en Ecoffe,
qui a vécu plus de dix-huit années fans
prendre d'autre nourriture que l'eau , le petit
lait , ou l'eau d'Orge , avec des obfervations
, où l'on fait voir la poffibilité de ce
cas atteſté à la Société Royale le Jeudi 9 Décembre
1742. V.S. par M. Charles Champbell
, Prédicateur de l'Evangile en Ecoffe ,
qui a vécu & converfé avec M. Ferguffon ,
appuyé par les Auteurs fur des cas de même
efpéce , où l'on rapporte les raifons , pourquoi
une fi modique nourriture eft capable
de foûtenir la vie fi long-tems , &c. Par M.
Thomas Vmfreville. D. M, à Londres , chés
W. Reafon , dans Fleet- Street , 1743 , in- 8 ° .
L'Ouvrage eft en Anglois.
NOUVELLE EDITION des OEuvres de M.
Jean Bacquet , augmentée confidérablement
par M. de Ferriere , deux Vol. in-fol . 1743 .
A Lyon , chés les Freres Duplain , Libraires ,
ruc Merciére .
Les
JANVIER. 1744. 131
Les mêmes Libraires ont auffi publié un
fecond Volume des Effais , fur l'Hiftoire des
Belles -Lettres , des Sciences , & des Arts.
Par M. Juvenel , 1743. in-12.
ON vient de publier à Nantes , une nouvelle
Edition de l'Ouvrage de M. de Roye ,
touchant le droit de Patronage , & touchant
les Droits honorifiques , fous ce Titre : Francifcus
de Roye , Anteceffor Andegavenfis ad
Tit. de Jure Patronatus , Lib. 3. Decretalium.
Ejufdem de Juribus honorificis in Ecclefiâ , Lib.
2. Nova Editio , cui plurima accefferunt , que
Prafatio declarabit . Nannetis, apud Antonium
Marie , Typograph . & Bibliopol. viâ magnâ
B. V. Maria Affumptionis , 1743 , in-4° .
DISSERTATIONS Hiftoriques , de M. Dominique
Marie Manni , fur les Sceaux antiques
des bas fiécles , T. XIII. in -4°. 1743 •
STORIA della Nafcita delle Scienze ; e Belle-
Lettere , colla ferie degli vomini illuftri , che
l'abnno accrefciute , ove fi notano le opere piu
infigni di quelle che in ciafcuna di effe hanno
Scritto , e quando quefta la prima volta uſciſſero
alle Stampe , accennandone di poi la migliore ,
& piu corretta edizione ; Trattenimenti del Dottore
Francefco Argelati di Bologna. In Firenze
, 1743 , in- 8 ° . Cet Ouvrage , felon le
G plan
132 MERCURE DE FRANCE.
plan que l'Auteur en donne lui- même au
commencement , eft un abbregé de l'Hiftoire
Grecque , Romaine & Eccléfiaftique.
M. Argelati commence par l'origine des
caractéres , & par celle de l'écriture ; il
paffe enfuite aux premiers hommes , qui ont
écrit de l'Hiftoire ; dans le cours de l'Ouvrage
, il marque les principales époques ;
il parle en peu de mots des grand hommes ,
& de leurs belles actions , des Ecrivains &
de leurs Ouvrages , des premiéres & des
meilleures Editions , qu'on en a données.
Il finit par traiter de l'origine de la Langue
Italienne , & de ceux qui ont le plus contribué
à fon illuftration .
LUCERNE FICTILES Mufei Pafferii ,fump
tibus Academia Pifaurenfis. Volumen II . Pifauri
, 1743. in-fol. Ce fecond Tome , contient
104 Lampes gravées , après leſquelles
l'Auteur a mis fes Remarques.
François Pitteri , Imprimeur-Libraire à
Venife , qui a entrepris de donner une nouvelle
Edition du Dictionnaire de Morery , en
a publié le premier Volume , contenant la
lettre A. Ce Volume eft bien imprimé , plus
étendu & plus correct que celui de la derniére
Edition de Hollande , 1743. Cette
Edition fera in-fol. & in-4°.
Jean
JANVIER. 1744. 133
Jean Neaulme , Libraire , à la Haye , mettra
inceffamment en vente , les deux derniers
Volumes , c'eſt-à-dire , le neuviéme & le
dixième , du Recueil des Actes de Rymer,
Cet ouvrage , qui comprend vingt Vol,
de l'Edition de Londres , & qui a été imprimé
à la Haye en 10 Vol . coutera 150 Florins
en petit papier , & 300 en grand papier.
On a traduit en François dans cette
derniére Edition , les Piéces qui font en Anglois
, & on a joint au dernier Volume , une
Table générale des Matiéres , qui manquoit
dans les Editions précédentes.
NOUVELLE TRADUCTION Françoiſe en
Vers , de l'Art de conferver la fanté , compofé
par l'Ecole de Salerne , à la Haye , chés
Jean Van Durex , 1743 , in - 12 . Le Traducteur
a joint à fon Ouvrage un Difcours, dans
lequel il donne l'idée & l'Hiftoire de l'Ecole
de Salerne , ainſi que de l'Ouvrage même
qu'il a traduit.
M. Th. Maugey , Chanoine de l'Eglife de
Durham , & Profeffeur en Théologie , a
donné une belle Edition des OEuvres de
Philon le Juif , en deux Vol . in-fol. à Londres
, chés Guill . Innys & Charles Bathurf
1742.
Dans la Préface , l'Auteur rejette le ſenti-
Gij ment
134 MERCURE DE FRANCE.
ment de ceux qui ont crû que Philon avoit
embraffé le Chriftianifme , & qu'il y avoit
enfuite renoncé , pour retourner au Judaïf-
\me. Dans cette nouvelle Edition , il y a
quelques Traités, qui n'avoient point encore
été imprimés.
M. Campel a donné en Anglois les Vies
des Amiraux & autres Officiers de Mer , les'
plus célébres de la Nation . L'Hiftoire de la
Marine , & du Commerce d'Angleterre
rend cet Ouvrage curieux & intéreffant :
il mériteroit une bonne traduction . Ce font
deux Vol. in-8°.
INTRODUCTION à l'Hiftoire Univerſelle ,
par le B. de Puffendorf, completée & continuée
jufqu'à l'année 1743 , par M. Bruzen
de la Martiniere dix Vol. in- 12 , à
la Haye.
L'Ouvrage est tout-à-fait refondu . L'Auteur
attend la fin de la Guerre , pour augmenter
les deux derniers Volumes.
QUESTION proposée par M. P.
Th. ***
On demande , s'il eft plus avantageux à
un homme , pour fon vrai bonheur , d'ignorer
toutes les Sciences & les Arts , ou de les
poffeder
JANVIER. 1744 135
poffeder tous , en fuppofant que l'une de
ces deux qualités donne l'exclufion à l'autre.
On a été mal informé , au fujet d'un Mémoire
envoyé de Nantes , & imprimé dans
le Mercure de France , du mois de Novembre
dernier , pag. 2490 , , pag. 2490 , concernant un
Reméde ſpecifique pour la guérifon de la
goute , dont M. Keradock eft poffeffeur ; il
eft dit fur la fin du Mémoire , que ceux qui
voudront ufer de ce Remede , & écrire audit
Sr Keradock , n'auront qu'à adreffer leurs
lettres à M. de la Haye Rabux , Procureur
au Préfidial de Nantes. Cependant nous
avons reçû une lettre écrite de la même
Ville le 14 Janvier , fignée De la Haye
Rabux , par laquelle ledit Sr. Rabux nous
mande n'avoir jamais eu aucune liaiſon ni
connoiffance avec l'Auteur de ce Reméde .
On avertit auffi que toutes les lettres qu'on
pourroit écrire audit Sr Keradock , à l'adreffe
de M. De la Haye Rabux , ne feront
point retirées .
Le Gras Libraire , Grand'Sale du Palais
à Paris , vient de mettre en vente une nouvelle
Edition , confidérablement augmentée,
du Traité des Matieres Criminelles , fuivant
l'Ordonnance de 1670 , avec tous les
Edits , Arrêts & Réglemens rendus jufqu'à
G iij préfent
236 MERCURE DE FRANCE.
préfent fur cette matiére , par M. Guy du
Rouffeau de la Combe , 1. vol. in-4°. du prix
de 10 livres.
Le même Libraire vient auffi d'imprimer
les Tomes IX . & X. des Vies des Hommes
Illuftres de la France , par M. d'Auvigny.
L'Académie Françoiſe diftribuera , dans
l'Affemblée publique qu'elle tiendra le 25
du mois d'Août prochain , le Prix de Poëfie,
fondé par le feu Evêque de Noyon , & elle
propofe pour Sujet : Les Progrès de la Comédie
Jous le Regne de Louis le Grand.
JETTO NS frappés pour le premier jour
de Janvier M. DCC . XLIV . avec
Explication des Types , &c.
I. TRESOR ROYA L.
Un Palmier , dont les branches font chargées de
Cafques , de Boucliers , & autres Armes : Valent
in pondere vives.
II. PARTIES CASUELLES.
Le Bouclier , que les Romains nommoient ANCILE.
Vitandis uneribus .
III. CHAMBRE AUX DENIER s .
Une Couronne , foutenue par l'Abondance d'un
côté, & de l'autre par Minerve : Divitiis fapientia.
IV . ORDINAIRE DES GUERRES.
Pallas debout , tenant fa Pique d'une main , &
s'ap
THE
NEW
YORK
JETTONS DELAN
ON OST HERARY,
I
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONE
VALENT
TRESOR BOTAL
1744
IV
CONFIDIT
PONDERA
VIRES
IN
VI
ORDINAIRE DES
GUERRES.
1744
FORTIOR
ARMIS
RECTIOR
VITANDIS
REX
VII
FUNERIBUS
PARTIES
CASU ELLES
1744
IMPUNE
BATIMENS DV ROY
5744
IX
FALLERE
AL
CHRISTIANISS
TENTAATUR
ADITUS
ARTILLERIE
1744
VIRTU
F
LUCTUS
GALERES
1744
MAISON
LA R
174
INERY
LENO
AND FOUNDATIONS
.
ET
STILIATO
CH-AUXDENIERS
7744
SUPPETET
V
LARORIBUS
NOVIS
EXTRAORDINAIRE
DES GUERRES
17440
VIII
DESEVIT
PELAG
TE
MARINE .
1744
DE
EINE
DECUS
Χ
плод Г
JANVIER.¸ 1744. 137
s'appuyant de l'autre fur fon Egide : Propriis confidit
in armis.
V. EXTRAORDINAIRE DES GUERRES .
Hercule , couvert de la peau du Lion de Nemée,
& montrant la Maffuë : Novis fuppetet laboribus.
VI. BATIMENS DU ROI.
Un Niveau : Fortior quo rectior.
VII. ARTILLERIE .
Le Dragon à la porte du Jardin des Heſperides ,
Non impunè tentatur aditus.
VIII. MARINE .
Thétis , qui repofe tranquillement fur le rivage
d'une Mer agitée. Dum pelago defavit hiems.
IX. GALERES.
Des Syrennes rangées le long d'une Côte : Docta
fallere fluctus.
X. MAISON DE LA REINE .
Une Pierre d'Aiman armée. Ex virtute decus.
XI. LA VILLE DE PARIS.
Les Armes de la Ville d'un côté , celles de M.
Louis-Bazile de Bernage , Prévôt des Marchands de
l'autre , fon nom &fes qualités autour.
ESTAMPES NOUVELLES .
Grande Eftampe en large , d'une excellente compofition
, & dont tous les caractéres font justes &
expreffifs.C'eft un Combat de Cavalerie , l'épée à la
main , dont l'action eft très- vive . Cette Eftampe eft
fort bien gravée par Joh . Mart Preifter , d'après le
Giiij Tableau
138 MERCURE DE FRANCE.
Tableau original de M. Paroffel ; dédiée à S. A. S,
M. le Prince de Conty , par le Sr Jacques- Philippe
le Bas , Graveur du Roi , chés lequel elle fe vend ,
au bas de la ruë de la Harpe .
".
Le même Sr le Bas travaille fans relâche à graver
la fuite des Tableaux de D. Teniers. Il y en
actuellement trente- deux Morceaux en vente .
LE VOYAGE , Eftampe en hauteur, très - bien
gravée par C. N. Cochin , d'après le Tableau de M.
Pierre , Peintre de l'Académie ; c'eft un Payfan , qui
aide une jeune Bergére à monter fur une bourique ;
cette Eftampe fe vend chés E. Feffard , Cloître faint
Germain de l'Auxerrois.
LA BERGE'RE. Cette Eftampe fait Pendant à la
précédente; elle fe vend chés Fellard, qui l'a gravée,
ruë de la Harpe , vis - à- vis la rue Serpente .
La Suite des Rois de France , qu'Odieuvre a fait
graver , eft finie , & elle fe débite chés lui , féparément
de fa grande fuite des Perfonnes Illuftres . Il
vend le vrai Portrait de Pierre de Bourdeille , Seigneur
de Brantôme , different de celui d'André de
Bourdeille , qui a été mis dans la nouvelle Edition
d'Hollande . Le même Odieuvre vient de mettre en
vente ceux de ,
FRANÇOIS I , LVII . Roi de France , mort à Ram
boüillet le 30 Mars 1547 , après 32 ans de Régne .
HENRI II. LVIII . Roi de France , mort à Paris
le 9 Juillet 1559 , après 12 ans de Régne , deffiné
par A. Boizot , & gravé par Et. Feffard.
FRANÇOIS II. LIX . Roi de France , mort à Ore
leans en 1560, après 18 mois de Regne ,deffiné par
A. Boizot , & gravé par Filloul .
CHARLES IX. LX. Roi de France , mort à Vincennes
JANV.IE R. 1744. 139
cennes en 1574 , après 14 ans de Régne ,
par A. Boizot , & gravé par Filloul.
deffiné
HENRI III. LXI . Roi de France , mort à Saine
Cloud en 1589 , après 15 ans de Régne , defliné
& gravé par les mêmes .
HENRI IV. DIT LE GRAND , LXII. Roi de France
, mort à Paris le 14 Mai 1610 , après 21 ans de
Régne , deffiné par A. Boizot , & gravé par C.
Dupuis.
, LOUIS XIII. DIT LE JUSTB LXIII . Roi de
France , mort à S. Germain en Laye en 1643 , après
33 ans de Régne , deffiné & gravé par les mêmes.
MARIE DE MEDICIS , Reine de France , née à
Florence le 26 Avril 1575 , morte à Cologne le 3
Juillet 1642 , peinte pár A. P. & gravée par Feſſard .
ELIZABETH PETROWNA , fille de Pierre I. Impératrice
de Mofcovie , née le 29 Décembre 1710 ,
peinte par Caravage, & gravée par Pinffio.
ARTUS DE COSSE' BRISSAC , Maréchal de France,
Grand Pannetier, Chevalier des Ordres du Roi,
Miniftre d'Etat , Sur Intendant des Finances , Gollverneur
d'Anjou , Touraine , Orléans , Orléanois
de Paris , Metz , Pays Meffin , de Mariembourg ,
mort le 15 Janvier 1582 , peint par N. & gravé par
Pinffio.
CHARLES II. DE COSSE ' , DUC DE BRISSAC ,
Pair & Maréchal de France , Chevalier des Ordres
du Roi , Grand Pannetier & Grand Fauconier ,
Gouverneur de Paris , de Nantes & Pays Nantois ,
Lieutenant Général de Bretagne , mort en 1621
peint & gravé par les mêmes.
HENRI II. DUC DE MONTMORENCY , Matéchal
de France , né le 30 Avril 1595 , décapité à
Toulouſe le 30 Octobre 1632 , peint par P. & gra
vé par A. P.
PIERRE DE BOURDEILLE , A B. SEIGNEUR DE
Gy BRAN
140 MERCURE DE FRANCE.
BRANTÔME , mort dans un âge très - avancé , le 15
Juillet 1614. Portrait tiré du Cabinet de M. le Marquis
de Bourdeille , peint par D. & gravé par
Pinfio.
AXEL OXENSTIERNA , Comte de Soder- More ,
& autres Lieux , Chancelier de Suéde, Premier Miniſtre
du Grand Guítave & de Chriſtine , né le 16
Juin 1983 , mort le 28 Août 1654 , peint par N. &
gravé par Gaillard.
ALEXIS-SIMON BELLE, Peintre ordinaire du Roi
en fon Académie , mort à Paris le 21 Novembre
1734 , âgé de 60 ans , peint par lui - même en
1730 , & gravé par Tardieu , le fils.
NICOLAS HENRI TARDIBU , Graveur ordinaire
du Roi , né à Paris le 15 Janvier 1674 , peint par
Vanloo en 1725 , & gravé par Tardieu , le fils , en
1743.
SEBASTIEN LE NAIN DE TILLEMONT , né à Paris
le 30 Mai 1637 , mort le 10 Janvier 1698 , âgé
de 60 ans, peint par le Févre , & gravé par Gaillard.
MAGDELEINE DE SCUDBRY , morte à Paris le 2
Juin 1701 , âgée de 95 ans , peinte par Elizabeth
Cheron , & gravée par J. G. Will.
LOUIS BERRIER , Secrétaire du Confeil & Direction
de Finances , deffiné & gravé en 1557 par
Claude Mellan.
> MEHEMET EFFENDY TEFTERDAR Ambaffadeur
Extraordinaire de la Porte , vers le Roi T. C.
LOUIS XV.en 1721 , deffiné & gravé par Boitard.
SAID PACHA , BEGLIERBEY DE ROUMELY ,
'Ambaffadeur Extraordinaire de Sa Hauteffe vers
S. M. T. C. en 1742 , deffiné & gravé par le même.
ARCHANGE CORELLI , né à Fufignari , dans le
Boulonnois , mort à Rome le 19 Janvier 1713 , âgé
de près de 60. ans , peint par H. Howard , & gravé
par Mathey.
JEAN
JANVIER . 1744. 141
JEAN-PIERRE GUIGNON , de Turin , Roi des
Violons , peint par Vanloo , & gravé par Pinſſio .
Le fieur Petit , Graveur , rue Saint Jacques
à la Couronne d'Epines , près les Mathurins , qui
continue de graver avec fuccès la fuite des Hommes
Illuftres du feu fieur Defrochers , Graveur du
Roi , vient de mettre au jour les Portraits fuivans
TERENCE , Poëte Comique , né en Afrique , affranchi
par Terentius Lucanus. Il brilloit Rome
l'an 588 de fa fondation. On lit ces Vers au bas.
Mes Ecrits font connus depuis deux mille hy vers ;
Pamphile & Parmenon furmontent la manie ,
Le chagrin , le dépit du jaloux * Lavinie ;
Il eſt mort ce jaloux , & je vis dans mes Vers.
MARIE -MAGDELEINE PIOCHE DE LA VERGNE,
Comteffe de la Fayette , morte à Paris en Mai 1693 .
Les Vers qui fuivent ſont au bas.
Des outrages du tens plus d'un Ecrit vainqueur
Feront vivre fon nom au Temple de Mémoire ;
De fon heureux génie ils affûrent la gloire ;
Lifez chés SEVIGNE ' l'éloge de fon coeur .
Le Cabinet de feu M. de Lorangere , qui confifte en
Tableaux , Deffeins , Eftampes & Coquilles , doit
être vendu le 2 du mois de Mars prochain, dans une
des Sales des grands Auguftins. Le tout eft de choix
& en grande quantité.M.Gerfaint, qui a la direction
de cette vente, a travaillé à un Catalogue raiſonné
* Lucius Lavinius , vieux Poëte Comique , ennemi
de Terence.
G vj &
142 MERCURE DE FRANCE.
& inftructif fur les differens genres de Curiofités qui
compofent ce Cabinet. Ce Catalogue fe débite ac
tuellement chés Jacques Barois, Quai des Auguftins.
On a mis à la fin une Table Alphabétique des Maîtres
, dont les Ouvrages font contenus dans ce Catalogue
, avec quelques Notes intéreffantes fur les
principaux de ces Maîtres & fur leurs Ouvrages.
On en rendra compte le mois prochain . On a tout
lieu d'efperer que les Curieux le recevront avec
plaifir , ayant déja eû du même Auteur , fort entendu
en ces matiéres , un Catalogue très- inftructif &
très-méthodique , imprimé en 1736 , qui eft fort
recherché .
On donne avis aux Amateurs de Mufique , qu'on
grave pár foufcription fix Sonnates du premier Euvre
de Giovanni Moffi , Romain , lesquelles ont été
mifes en grand Concerto par le Sieur Michel Corrette ,
Maître de Mufique à Paris. Cet Ouvrage contient
119 Planches, divifées en fept parties féparées ; fçavoir
, quatre Violini , Alto Viola , Violoncello Obligato
e Organo. Cette derniere partie fera d'une grande
útilité pour ceux qui apprennent l'accompagnement
du Clavecin .
Ce Livre coûtera 12 francs à ceux qui n'auront pas
foufcrit , & ne reviendra aux Souſcrivans qu'à 9
livres , dont on donnera 6 livres en retirant la quittance
de la Soufcription , & 3 livres en recevant
' Ouvrage , qui fe délivrera au mois d'Avril 1744.
Cet Ouvrage renferme non-feulement toute l'excellence
de l'harmonie , mais encore le beau chant,
où toutes les parties font intéreffantes , joint au
brillant qu'ont les Solo du premier Violon ; on ne
délivrera que 150 Soufcriptions , dont chacune fera
numérotée , après lequel nombre il ne fera plus pof
fible d'acquérir ces Concerto à moins de 12 livres.
Ceux
JANVIER . ·1744. 143
Ceux qui voudront les entendre exécuter , n'auront
qu'à s'adreffer à M. Corrette , ruë d'Orléans ,
quartier S. Honoré , chés lequel on peut foufcrire.
On peut auffi fe fervir des Adreffes fuivantes ; chés
les Sieurs France , Banquier , rue S. Martin , à côté
de l'Hôtel de Vic ; chés le Sr Boivin , ruë S. Honoré
, à la Régle d'or ; chés le Sr le Clerc , rue du
Roule, à la Croix d'or ; chés le Sr Guerfant , Luthier,
à côté de la Comédie Françoiſe , & chés le Sr Ouvra,
Luthier , Quai de l'Ecole. A Verſailles , chés la
Dile Sels , Marchande Merciére. A Lyon , chés le
Sr de Bretonne , Marchand de Mufique , ruë Merciere
. A Roüen ' , chés le Sr Guerin , Marchand ,
ruë de la Vicomté, & à Amfterdam , chés le Sr Emmanuel-
Jean de la Cofte , Libraire fur le Binncnam ftel
, au coin du Paardeſtraat , 1744.
On donne auffi avis qu'on fait graver par foufcription
le premier Livre de l'Euvre fixième du célebre
George Frederic Handel , contenant fix grands
Concerto , en fept parties féparées , nouvellement
compofé , dont les Exemplaires feront délivrés au
mois de Janvier 1744 , à raifon de 24 livres chaque
Exemplaire .
12 livres feront
payée
par les Soufcrivans ,
au tems de leur foufcription , & les autres 12. livres à la livraifon de l'Ouvrage
.
On donnera des quittances pour la moitié de la
Soufcription , avec promeffe de délivrer les Exemplaires
au tems ci- deffus , en payant l'autre moitié.
On croit qu'il eft inutile de faire ici l'éloge des
Ouvrages de M. Handel ; fa capacité & fon grand
génie font univerfellement connus ; on dira feulement
que dans fes Piéces ,l'Auteur fait fen ir toute la
force de l'harmonie , foutenue par un beau chant
qui font les deux partics effentielles de la Mufique .
>
Les
144 MERCURE DE FRANCE.
Les Soufcriptions feront prifes aux endroits fuivans .
Chés M. Prault , fils , Libraire , Quai de Conty, visà-
vis la defcente du Pont neuf , à la Charité ; Mad .
Boivin , à la Régle d'or , rue S. Honoré ; M. le
Clere , alla Croix d'or , rue du Roule ; Au Caffé de
Dupuis , au Puits d'Amour , ruë S. Honoré ; au Caffé
de Foy , ruë de Richelieu ; M. Guerfant, Luthier,
à côté de la Comédie Françoife ; M. Boivin , Luthier,
rue Ticquetonne , quartier Montorgueil ; M.
Lamberth , Luthier , rue Michel - le- Comte , au Marais
; M. Corrette , ruë d'Orléans , quartier S. Honoré,
& chés Jean-Vincent Efcuyer , l'Editeur de cet
Ouvrage , rue Beaurepaire , chés M. Perrichon , au
fecond appartement fur le devant .
Ceux qui n'auront point foufcrit, ne pourront les
avoir qu'à raiſon de 30 livres.
Les Soufcriptions feront prifes jufqu'au dernier
Janvier 1744. Les Exemplaires feront délivrés dans
le mois de Février fuivant.
On avertit le Public que le Sr Exaudet , le fils ,
Premier Violon de l'Académie de Mufique de
Rouen, a compofé fix Sonnates pour le Violon & la
Baffe , dédiées à M. Chartraire de Bourbonne , Préfident
à Mortier au Parlement de Bourgogne Le prix
eft de 6 livres . Ces Sonnates fe vendent chés le Sr le
Clerc , rue du Roule , à la Croix d'or ; chés la veuve
Boivin, rue S. Honoré, à la Régle d'or; & chés l'Auteur
, rue du Four , Fauxbourg S. Germain , chés le
St Redon , Perruquier . 1744.
Second Concerto à cinq , quatre Violons , Orgue
& Violoncello , dédié à Madame ADELAIDE DE
FRANCE. Compofé par Mlle de Hauteterre , OEuvre
fecond, gravé par fon mari, Prix 6 livres. A Paris , chés
l'Auteur , rue S. Honoré , à l'Image Ste Geneviève ,
visJANVIER.
1744. 145
vis-à- vis la rue du Four; chés le Sr le Clerc, Marchand
ruë du Roule , à la Croix d'or ; & Mad. Boivin, Marchande
, ruë S. Honoré , à la Régle d'or .
Le Sr le Rouge , Ingénieur , Géographe du Roi ,
à Paris , rue des grands Auguftins , vis-à - vis le Pa
nier fleuri , vient de publier le Cours du Rhin , de
la Meuſe & de la Mofelle , en deux grandes feuilles,
depuis fa fource jufqu'à fon Embouchure ; une
nouvelle Carte de la Lorraine , en une feuille , &
une nouvelle Carte générale d'Italie, beaucoup plus
exacte que les anciennes. Il vient auffi de publier
une nouvelle Carte du Piémont & de la Savoye ,
en deux grandes feuilles , dreffée fur les nouvelles
Obfervations , & enfin une nouvelle Mappemonde,
contenant les Découvertes faites en Amérique , &
celles des Mofcovites vers le Kamſchatka , &c. ou
P'on remarque plus de 600 lieuës de Pays inconnu .
On trouve toutes les nouvelles Cartes de l'Auteur
à Lille , chés M. le Ronge , près la grande Place ; à
Nancy , chés M. Prifton ; à Strasbourg , chés le Sr le
Roux , Libraire ; à Lyon , chés M. Dodé , rue Merciére
; à la Rochelle , chés M. Salvin ; à Nantes ,
M. Verger , & à Rouën , chés M. Lagnel , fur le
Port.
Le Sr'Dernis, Garde des Archives de la Compagnie
des Indes , vient de donner au Public une Carte
, gravée par Aubin , qui a pour titre , Parités
réciproques de la Livre numéraire , ou de Compte, infit.
tuée par l'Empereur Charlemagne , depuis fon Regne
jufqu'à celui de Louis XV. à prefent regnant.
Cette Carte eft d'autant plus curieufe , que quoiqu'elle
ne contienne que 24 lignes ,fur 24 colonnes ,
elle renferme néanmoins 576 Opérations , toutes
relatives les unes aux autres , par lesquelles ont
peus
146 MERCURE DE FRANCE.
peut voir d'un coup d'oeil le progrès qu'a fait cette
Livre numéraire , proportionnément aux augmentations
du prix du marc d'argent , arrivées depuis
fon inftitution , & fa valeur refpective fous chacun
des Régnes de nos Rois .
Les Sieurs Pierre Jacquin & Louis Gillot , Maîtres
Emailleurs , affociés , ont inventé une nouvelle
compofition de Perles , nommées Ardentes & furnaturelles,
dont on forme des Coliers & d'autres Ou
vrages , qui furpaffent tout ce qu'on a vû de plus
beau en ce genre jufqu'à préfent , par la vivacité
des couleurs , & par l'imitation du parfait Orient ;
cette beauté eft d'ailleurs jointe à une folidité à l'épreuve
du tems , ce qui ne peut que
donner un furcroît
d'agrément à la parure des Dames . Ces Artif
tes demeurent à Paris , rue du Petit Lion , quartier
S. Denis , à l'Image S. Grégoire.
Le St Langlois , Ingénieur du Roi , & de l'Académie
Royale des Sciences , pour les Inftrumens de
Mathématique , qui a corrigé & perfectionné plufieurs
Inftrumens, tant pour l'Aftronomie , que pour
les autres parties de Mathématique , vient de changer
& perfectionner le PANTOGRAPHE , autrement
appellé Singe. Cet Inftrument , fi utile pour les Graveurs
, Ingénieurs , Géographes & Deffinateurs ,
même pour ceux qui fçavent ne fçavent que très - peu de
Deffein , avoit été abandonné à caufe de fon peu
d'exactitude dans les opérations . Le St Langlois
ayant été invité par plufieurs perfonnes d'examiner
s'il ne feroit pas poffible de remedier aux inconvéniens
qui fe rencontroient dans l'ufage de cet Inf
trument , s'eft déterminé , après plufieurs refléxions
& Expériences , à ne conferver que ce qu'il y avoit
de géométrique dans fon ancienne construction , &
il
JANVIER. 1744 147
i l'a totalement changé d'ailleurs , enforte qu'il eft
devenu , non feulement beaucoup plus commode
qu'il n'étoit , mais que toutes les erreurs qui fe rencontroient
dans la pratique, s'y trouvent corrigées,
de façon , que les copies que l'on fait en fe fervant
de cet Inftrument,tant celles qui font d'égale grandeur
à l'original , que celles qui font réduites de
grand en petit , ou de petit en grand , font parfaitement
femblables a l'original .
Le S. Langlois a préſenté cet Inftrument à l'Académie
Royale des Sciences , qui a bien voulu lui
donner l'Approbation , dont voici la copie .
EXTRAIT des Regiftres de l'Académie
Royale des Sciences , du 20 Décembre 1743 .
Mrs Nicole & de Montigny , ayant examiné, par
ordre de l'Académie , un Pantographe , changé &
perfectionné par le Sr Langlois , Ingénieur du Roi,
& de l'Académie des Sciences , pour les Inftrumens
de Mathématique , & en ayant fait leur rapport ,
l'Académie a jugé que les changemens & corrections
du S. Langlois étoient utiles & rendoient cet
Inftrument auffi commode qu'il peut l'être , pour
copier & réduire en grand ou en petit , toutes fortes
de Figures , Plans , Cartes , Ornemens , & c. avec
beaucoup de précifion & de promptitude. En foi
dequoi j'ai figné le préfent Certificat . A Paris ce 22
Décembre 1743. Signé DORTOUS DE MAIRAN ,
Secretaire perpétuel de l'Académie Royale des
Sciences.
On trouvera chés l'Auteur , aux Galeries da
Louvre , cet Inftrument , avec une feüille imprimée
, qui en enfeigne l'ufage. Il vend auffi toutes
fortes d'Inftrumens de Mathématique , faits
dans leur derniere perfection.
La
148 MERCURE DE FRANCE.
La Dame Lebel avertit le Public , qu'elle poffede
la véritable Pommade , qui guérit radicalement les
Dartres vives & chancreufes ; les differentes cures
qu'elle en a faites fous les yeux de Meffieurs les
Médecins du Roi , l'ont déterminée à ne pas priver
le Public de ce Reméde . Après la délibération faite
au Bureau de la Commiffion , M. Chicoyneau, Premier
Médecin du Roi , qui en a vû l'expérience ,
lui a accordé un Brevet , en datte du 4 Décembre
1743. Les effets de cette Pommade font fi grands
& fi prompts , qu'elle ofe fe flater de guérir les Dartres
les plus invétérées , & celles qui font entièrement
abandonnées ; la demeure eft rue des Poulies ,
à l'Hôtel du S. Efprit ; on la trouve tous les jours
depuis neuf heures du matin , jufqu'à une heure
après midi.
>
Le Sieur Briart , qui demeure dans la cour & ruë
'Abbatiale de S. Germain-des-Prez à Paris continuë
de compoſer une Effence d'Ognifiori , ou de tou
tes fleurs , d'une odeur agréable ; on en met quelques
goutes dans l'eau dont on fe lave après avoir
été rafé ; elle rend l'eau laiteufe ; les Dames s'en
fervent pour fe décraffer , pour rendre la peau douce
& unie ; elle ne nuit point au teint ; on la vend
fols l'once.
24
ces ,
Il continue avec fuccès à faire la véritable Effence
de favon à la Bergamotte , & autres odeurs doudont
on fe fert pour la barbe au lieu de Savonnette
; les Dames s'en fervent auffi pour fe laver le
vifage & les mains ; on la vend huit fols l'once . Il
avertit que les Bouteilles font toujours cachetées , &
qu'autour du cachet on y lit fon nom & fa demeu
re ; on voit auffi une petite Bouteille empreinte dans
le milieu du cachet , où il y a le nom de la Liqueur
, comme à l'Ognifiori. Les plus petites Bouseilles
, font d'environ cinq onces .
Il
JANVIER. 1744. 149
Il fait auffi de très bons cuirs à repaffer les rafoirs ,
avec lesquels on peut fe paffer de pierre à éguifer ;
il les vend depuis 40 fols jufqu'à 60 f. à un feul
côté , & depuis 4 liv . jufqu'à 8 liv . à deux côtés differens
; il donne la maniére de s'en fervir.
La Dlle Collet , continuë de débiter une Pommade
de fa compofition , qui foulage dans l'inftant &
guérit radicalement les Hémorroides tant internes
qu'externes. L'épreuve en a été faite par M. Morand
, Chirurgien du Roi , lequel lui a expédié fon
Certificat , après que l'épreuve en a été faite à
l'Hôtel Royal des Invalides , par ordre de feu M.
de Breteuil , Miniftre d'Etat. M. Peirard , Maître
Chirurgien & Accoucheur de la Reine , lui
a délivré un pareil Certificat , de même que plufieurs
autres Chirurgiens de Paris & perfonnes de
diftinction , après en avoir fait l'épreuve eux- mêmes.
Elle inftruira les perfonnes qui voudront en
faire ufage , de la maniére de s'en fervir. La Dlle
Collet demeure préfentement ruë S. Martin , vis - àvis
la rue de Montmorency , à l'Enſeigne de la Ville
de Poitiers , dans la porte cochere , au troifiéme fur
le devant . Les moindres Pots font de 3 liv . Il y en
a à 12 , 15 & 18 liv . pour la commodité des perfonnes
étrangères . Elle aura égard auffi pour les
pauvres qui n'auront pas les moyens d'acheter fon
Reméde.
Le véritable Suc de Régliffe & de Guimauve blanc
fans fucre , fi eftimé pour toutes les maladies du
Poulmon, inflammations, enrouëmens , toux , rhumes
, afthme , pulmonie & pituite , continue à fe
débiter depuis plus de trente ans , de l'aven & approbation
de M. le Prémier Médecin du Roi , chés
la Dile Defmoulins , qui en a le Secret de défunte
Dlle
150 MERCURE DE FRANCE .
Dile Guy , quoique depuis quelques années des Particuliers
ayent voulu le contrefaire . On peut s'en
fervir en tout tems , le tranſporter par tout , & le
garder fi long- tems que l'on veut ; il ne ſe gâte jamais
ni ne perd rien de fa qualité . La Dlle Defmou –
lins demeure rue Guenegaud , Fauxbourg S. Germain
, du côté de la rue Mazarine , chés M. Guillaume
, Marchand de Vin , aux Armes de France ,
au deuxième appartement.
1
AIR.
AL'abri des traits de l'Amour ,
Je coulois des jours pleins de charmes ;
Hélas ! aurois - je crû qu'un jour
Il m'eût fait plier ſous fes armes ?
Je fuis bleffé , mais ce vainqueur
N'en doit tirer aucune gloire ;
Le prix que lui coute mon coeur ,
Lui fera pleurer fa victoire.
*3X
Que les Mortels vivent en paix ;
Cet Enfant , qui vainquit Alcide ,
A lancé fur moi tous les traits ;
Son Carquois meurtrier eft vuide.
Que dis-je ? un trait lui refte encor ,
Le feul dont il a fçû m'atteindre .
Tant
Air
A
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY .
ASTOR,
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATION8,
THE
NEW
YORK PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILGEN
FOUNDATION3
.
JANVIER. 1744.
isi
Tant qu'Amour aura ce tréfor ,
Amour fera toujours à craindre.
***
Brune , dont les attraits piquans
Ont féduit mon ame Stoïquè ,
C'eft au feu de tes yeux brillans
Que fût forgé ce trait unique.
Il m'aura bien - tôt confumé ,
Si tu ne me guéris toi - même.
Un coeur , qui n'a jamais aimé ,
Aime avec tranſport , quand il aime.
L'Aue
SPECTACLES.
'Académie Royale de Mufique continuë
toûjours avec un très-grand fuccès
les répréſentations de Roland.
Le 3 de ce mois , le Roi , accompagné de
Monſeigneur le Dauphin , & de Meldames
de France , honora de fa préſence la répréfentation
de cet Opéra. S. M. étoit placée
dans la premiére Loge à droite , dite du
Roi , laquelle étoit richement ornée par les
Officiers du Garde-Meuble de la Couronne.
A côté du Fauteuil du Roi , à droite , & fur
la même ligne , étoient placés fur deux
2
plians
152 MERCURE DE FRANCE.
plians Monfeigneur le Dauphin , & Madame
Adelaide de France , & à la gauche du
Roi , Madame de France . Il y avoit derriére
quatre Tabourets dont M. le Duc de
Châtillon , Gouverneur de Monfeigneur le
Dauphin , occupoit le premier du côté du
Théatre , enfuite M. le Duc de Fleury ,
Premier Gentilhomme de la Chambre en
année , M. le Duc d'Ayen , Capitaine des
Gardes du Corps en Quartier , & Mad . la
Ducheffe de Tallard Gouvernante des
Enfans de France ; M. de Courtanvaux ,
Capitaine des Cent- Suiffes , refta debout
dans la Loge.
Dans la feconde Loge , attenant celle du
Roi , étoient fur le devant Mesdames les
Ducheffes de Lauraguais , de Châteauroux
, & de Luxembourg , avec Mad. la
Marquife de Flavacourt ; derriére ces Dames
, étoient les Officiers de Service.
Dans la Loge d'après , fur le devant ,
étoient les deux Sous-Gouvernantes & les
deux Dames de Compagnie de Meſdames
de France , avec les Officiers de leur Service
, placés fur la feconde Banquette . Les
quatre autres Loges du même côté , étoient
remplies par les autres Officiers de la Suite
du Roi , & de Monfeigneur le Dauphin.
Le Roi arriva dans un Carroffe en Gondolle
à huit chevaux , avec Mefdames de
France :
JANVIER. 1744. 153
France Monfeigneur le Dauphin arriva
un peu avant le Roi , accompagné des
principaux Officiers de fa Garde , & fon
Service ordinaire.
La nuit dus au 6 Janvier , Fête des Rois ,
la même Académie donna le premier Bal
public qu'on donne tous les ans à pareil
jour fur le Théatre de l'Opéra , & qu'on
continue pendant differens jours de chaque
Semaine , jufqu'au Carême.
>
Le 8 Janvier , les Comédiens François
donnérent la premiere répréſentation d'une
Tragédie nouvelle intitulée Fernand
Cortes , de la compofition de M. Piron
déja fort connu par plufieurs excellens Poëmes
Dramatiques , qui ont eu beaucoup de
fuccès au Théatre François. On parlera
plus au long de ce dernier Ouvrage , dans
lequel le Public a trouvé de grandes beautés.
Le 6 Janvier , les Comédiens Italiens
remirent au Théatre la Comédie Italienne
du Feftin de Pierre , qu'ils avoient donnée
au mois de Mai dernier , avec beaucoup
d'appareil , ainſi qu'on l'a dit dans le Mercure
du même mois.
Le 7 , ils donnerent une petite Piéce Italienne
en un Acte , intitulée le Tuteur , qui
a été
154 MERCURE DE FRANCE.
a été applaudie ; elle fut précédée d'une Co
médie Françoife , en Vers , qui a pour Titre
, les Contretems , dont le fujet eſt tiré de
l'Eſpagnol.
Le 19 , ils remirent au Théatre la Comédie
d'Arlequin Sauvage , en trois Actes ,
de M. Delifle , laquelle n'avoit pas
été reprife
depuis la mort du Sieur Thomaffin .
Elle fut fuivie d'un nouveau feu d'artifice
ingénieufement compofé , & exécuté , avec
l'aplaudiffement d'une très nombreuſe affemblée.
Le 26 , les mêmes Comédiens donnerent
la premiere repréſentation d'une Parodie
nouvelle , en un Acte , & en Vaudevilles ,
intitulée , Roland , laquelle eft terminée
par un fort joli divertiſſement ; Parodié du
quatriéme Acte de l'Opéra de Roland , &
très-bien exécuté, Cette Piéce , dont on
parlera plus au long , eft de la compofition
du Sieur Panard , & du Sieur Sticotti , Comédien
du Théatre Italien.
NOUJANVIER.
1744.
ISS
NOUVELLES
ETRANGERES ,
TURQUIE.
N mande de Conftantinople , du 4 du mois
dernier , qu'il y arriva le 30 un Officier dépèché
au Grand Seigneur , par Ab Bizzali Oglou
Huffim , Pacha de Mofoul , pour informer Sa Hauteffe
, qu'il avoit obligé les Perfans de lever le fiége
de cette Place . Voici les principales circonftances
que le Grand Seigneur a apprifes par les lettres de
ce Pacha.
L'armée Perſane s'étant avancée le 14. du mois de
Septembre , dans les environs de Mofqul , Thamas-
Koulikan établit fon quartier général à un Village
peu éloigné de la Ville ; & après avoir laiffé repofer
les troupes pendant quelques jours , il alla reconnoître
les dehors de la Place. Il fit enfuite les
difpofitions pour les approches & pour l'ouverture
de la tranchée , & il donna ordre d'établir douze
batteries de canons & de mortiers .
Ces batteries ayant été perfectionnées , le 23
elles commencerent à tirer contre la Ville , & le
27, ainfi que la nuit fuivante , les Perfans jetterent
une figrande quantité de bombes , que les affiégés
ne pouvoient prefque fe garantir des éclats qui vo -`
loient de toutes parts. Ils ne laifferent pas de fe défendre
avec beaucoup de courage , & de faire même
fouvent des forties pour interrompre les travaux
des ennemis. Le feu continua pendant huit jours
d'être très-vif de part & d'autre , & la quantité prodigieufe
de bombes que les affiégeans jetterent dans
la Ville , fut accompagnée d'un feu continuel des
batte- H
156 MERCURE DE FRANCE .
batteries de canon , & de celui de la moufqueterie.
&
Thamas Koulikan , pour incommoder de plus
en plus les affiégés , fe détermina à détourner le
cours de la riviére du Tigre du côté de Cara Saray ;
par ce moyen, il priva prefque entiérement d'eau
la Ville , dont les habitans fupporterent cette nouvelle
incommodité avec autant de conftance , que
tous les efforts des affiégeans , pour fe rendre maî
tres de la Place , ne fe contentant pas de combattre
fur leurs remparts & dans les forties avec les trou→
pes de la garnifon , mais encore les aidant à reparer
le dommage que l'artillerie des ennemis avoit
caufée aux Fortifications.
Le 4 du mois d'Octobre , jour que Thamas Koulikan
avoit fixé pour donner un affaut général ; ce
Prince fit diftribuer à fes troupes 1800 Echelles , &
les Perfans mirent le feu à deux mines qu'ils avoient
pratiquées , mais ces mines ayant produit un effet
contraire à celui qu'ils en attendoient , elles tuerent
un grand nombre des affiégeans , & mirent beaucoup
de défordre & de confufion dans le refte de
leur armée.
Thamas-Koulikan , bien loin d'être rebuté par
ce mauvais fuccès , ordonna à fes troupes de monter
à l'affaut , & elles exécutérent cet ordre avec
une extrême vivacité . Les affiégés , qui étoient préparés
à cette attaque , fe défendirent très - coura →
geufement ; ils accablérent les ennemis de bombes
& de grenades , & ils firent fur eux un feu de moufqueterie
fi continuel , que ceux- ci furent repouffés
& obligés , après avoir fait une perte confidérable ,
de repaffer précipitamment la Dizzle , qui eft un
bras du Tigre.
Le Pacha de Mofoul , & celui d'Alep , qui malgré
les efforts des Perlans , étoit entré dans la Place
avec
JANVIER. 1744. 157
avec un Corps de troupes , qu'il avoit amené au fe--
cours des affiégés , profitérent de la déroute des Perfans
, & ayant fait une fortie avec la plus grande
partie des troupes de la garnifon , ils pourfuivirent
les ennemis , dont ils taillerent en piéces une partie
de l'arriere- garde.
Les Perfans ont perdu en cette occafion près de
5500 hommes , & il n'y en a eu qu'environ 200 de
tués du côté des Turcs . Cet échec a fait prendre à
Thamas-Koulikan la réfolution de lever le fiége ,
& il a repris la route des frontiéres de Perle avec
toute fon armée .
Le Divan a fait annoncer cette nouvelle au peuple
par plufieurs décharges de l'artillerie du Serrail ,
de l'Arfenal , de la Tour de Top Hana , & de tous
les Vaiffeaux qui font dans le Port de Conftantinople
, & le Reys Effendi , ou Prémier Sécrétaire
d'Etat , a envoyé le Prémier Interpréte de la Porte ,
en donner part à tous les Miniftres Etrangers.
Ο
POLOGNE.
N apprend de Warfovie du 31 du mois dernier
, que le Comte de Tarlo , Palatin de Sandomir
, qui à été condamné par une Sentence du
Tribunal de Pétrixow , à ſe déſaiſir , avant le 6 du
préfent mois , des terres de la Succeffion de la feuë
Ducheffe de Bouillon , dont il s'étoit mis en poffef
fion , pour la sûreté du payement des fommes qui
lui font dûës fur cette Succeffion , perſiſte dans la
réfolution de ne point remettre ces terres au Prince
de Radzivil , lequel de fon côté et déterminé às'en
emparer par force.
Hij Rus158
MERCURE DE FRANCE.
RUSSIE.
N mande de Pétersbourg , que la Czarine a
envoyé plufieurs Refcripts à M. Lanczynſky ,
fon Miniftre à la Cour de Vienne , que S. M. Cz.
l'a chargé de communiquer à ceux de la Reine de
Hongrie , contenant les fujets de mécontentement ,
que la Czarine a contre le Marquis de Botta , & par
lefquels cette Princeffe demande une fatisfaction
convenable à S. M. H.
ALLEMAGNE.
Napprend de Francfort , que l'Empereur a
fait publier deux nouveaux Ecrits , touchant
les Actes qui ont été portés à la Diette ,
de la part
de la Reine de Hongrie.
On mande de Vienne , du onze de ce mois , que
le Prince Charles de Lorraine , fe rendit au Palais
le 7 , vers fept heures , & que quelques momens
après , la Reine conduifant par la main l'Archiducheffe
Eleonore Wilhemine , fe rendit à l'Eglife des
Auguftins déchauffés , accompagnée du Grand Duc
de Toſcane , & fuivie du Prince Charles de Lorrai
ne ; que le Cardinal Paulucci , Nonce du Pape ,
donna la Bénédiction nuptiale à l'Archiducheffe &
au Prince Charles de Lorraine ; qu'on chanta enfuite
le Te Deum à plufieurs choeurs de Mufique , &
au bruit d'une triple décharge de l'artillerie & des
remparts , & que la Reine ayant reconduit l'Archiducheffe
, de la même maniére qu'en allant à l'Eglife
, S. M. foupa en public , avec l'Archiducheffe,
avec le Grand Duc & avec le Prince Charles de
Lorraine .
Le même jour , la Reine déclara qu'elle donnoit
à
JANVIER: 1744. 159
ace Prince le commandement de l'armée , qui feroit
employée dans les Pays- Bas ; au Comte de Ke
venhuller le commandement de celle qui s'affeinbleroit
fur le Rhin ; au Comte de Traun le comman
dement des troupes qui doivent former un camp en
Moravie ; & que le Prince de Lobckowitz contiaueroit
de commander les troupes en Italie .
O
4
ITALI E.
N mande de l'Etat Eccléfiaftique , que l'ar
mée Espagnole avoit en abondance tout ce
qui lui eft néceffaire , & qu'au contraire celle de la
Keine de Hongrie manquoir de bois & de fourages
; qu'il y avoit beaucoup de défertion dans les
troupes de cette Princeffe , & que la plupart des
Paylans des Villages voifins de Rimini , pour fe
fouftraire aux véxations qu'ils fouffroient de ces
troupes , avoient abandonné leurs maiſons , & laiffé
leurs terres fans culture .
ESPAGNE.
Na appris de Madrid ,
que des Armateurs ELpagnols
fe font emparés des Vaiffeaux Angiois
l'Entreprife & l'Aimable Marie, & qu'ils les ont
conduits à S. Sebaftien.
L'Interdant de Marine de S. Sebaſtien , a mandé
au Roi , que l'Arinateur Don Jean -Baptifte Petre a
enlevé à cent lieues du Cap Léfard , les Vaiffeaux
Anglois , le Vernon, l'Enfayo , le Génie & le Nafareth,
chargés , les deux prémiers de fucre , d'eau de -vie ,
de limons , de gingembre , d'yvoire & d'écarlate ;
les deux autres de fel , de morue & de viande falée ,
& fur l'un defquels on a trouvé 600 livres Sterlings
en espéces , & vingt fept onces de poudre d'or.
Hiij
S.
160 MERCURE DE FRANCE.
ont
S. M. a appris par d'autres lettres de cet Intendant
, que le Brigantin le Marchand de Bedford &
le Vaiffeau la Britannia , de la même Nation ,
été pris dans les environs du Cap Finiſterre , par les
Armateurs Don Juan Blondel, & Don Juan de Tordanes.
4
2
.
Les lettres de l'Intendant de Marine du Ferol
marquent que l'Armateur Laurent Ervin avoit conduit
le premier de ce mois au Port de Marino
dans le Royaume de Galice ,un autre Brigantin Anglois
, nommé l'Amitié , dont la charge confiſtoit
en 1500 quintaux de moruë.
On a appris de S. Sebaſtien , que le 6 , le Vaiffeau
commandé par l'Armateur Don Jean Florent de
Miranda , étoit entré dans le Port de Guetaria avec
le Vaiffeau la Marie-Anne , dont il s'eft emparé fur
les Côtes d'Angleterre.
Selon des lettres écrites de Bilbao , Don Joſeph
Gordanes , Commandant une Galiotte armée en
course , s'eft rendu maître de deux Bâtimens ennemis
, du Port , l'un de 300 tonneaux , & l'autre de
90 , qui revenoient de la Jamaïque.
O
GENES ET ISLE DE CORSE.
N mande , de Gênes , du 8 de ce mois , que
l'on continuë d'ignorer les articles du nouveau
Réglement , auquel les Corfes ont conſenti de
fe foumettre , mais que la République n'a plus d'inquiétude
de ce côté.
MORTS
JANVIER. 1744. 161
諾洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
-MORTS DES PAYS ETRANGERS.
L
E 4 Décembre , George Louis de Berghes , Evê
que & Prince de Liége , Prince du S. Empire
Romain , Duc de Bouillon , Marquis de Franchimont
, &c. mourut à Liége âgé de 82 ans. Il avoit
été élu Evêque de Liége le 7 Février 1724 , au
lieu de Jofeph Clement de Bavière , Electeur de
Cologne , mort le 12 Novembre 1723 , duquel il
étoit Confeiller d'Etat & Préſident de la Chambre
de Liége , il étoit fils d'Eugene de Berghes , Comte
de Griveberghe, de Marguerite Florence de Reneffe
de Warfulé , & il avoit pour frere Philippe François
de Berghes , créé Prince de Berghes le 23 May 1686,
par le Roi d'Eſpagne Charles II , qui le nomma en
même tems Chevalier de la Toifon d'or , & Gouverneur
de Bruxelles , mort le 13 Septembre 1704 ,
laiffant de fon mariage avec Marie-Jacqueline de-
Palain , entr'autres enfans Honorine- Alexandrine-
Charlotte de Berghes , mariée le 17 Mars 1719 ,
avec Jofeph-Louis d'Albert Luynes , Comte d'Albert
à préfent, Prince de Grimberghen, & Ambaſſadeur
Extraordinaire de l'Empereur auprès du Roi de
France , depuis le mois d'Août 1743. La Maifon de
Berghes eft une Branche des anciens Ducs de Brabant
, connue sous le nom de Glinces , & marquée
entre les plus grandes Maiſons du Pays par fes alliances
, par fon illuftration & par les entrées qu'elle
a eû de tous les tems dans les Chapitres les plus
nobles ; & elle porte pour arme coupé au 1 de fable
à un Lion d'or , parti d'or à 3 pals de gueules , au 2
de finople à trois lozanges d'argent , pofées deux
Hj
&
162 MERCURE DE FRANCE.
& une. Voyez les Souverains du Monde , vol. I.
fol. 320.
Don François - Xavier Jofeph de Menezes , Comte
d'Ericeyra , Confeiller du Confeil d'Etat & du Confeil
de Guerre, Meftre de Camp Général , Député de
la Junte des trois Etats du Royaume , Directeur &
Cenfeur de l'Académie Royalede l'Hiftoire , Académicien
de l'Académie degl' Arcadi & de la Société
Royale de Londres , mourut à Liſbonne le 21,
du mois dernier , dans la foixante -onzième année
de fon âge. Ce Seigneur , qui s'eft extrêmement
diftingué dans les troupes du Roi de Portugal pendant
la dernière guerre , s'eft acquis auffi une trèsgrande
réputation par les talens , pour l'éloquence
& pour la Poëfie ; & l'on eftime beaucoup plufieurs
de fes Ouvrages dans l'un & l'autre genre , particuliérement
une Traduction de l'Art Poëtique de Def
preaux , en Vers Portugais.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Lret ,
E 14 Novembre dernier , M. de Mou-
Grand-Maître honoraire des Eaux
& Forêts de France , fut bleffé à la Chaſſe à
Fontainebleau , par un des Tireurs de fa
Compagnie , d'un coup de fufil dans l'oeil
par la réfraction d'une dragée frappée fur
une Roche voutée , laquelle dragée vint
faire un fillon en ligne traverfale , & déchirer
JANVIE R. 1744 . 165
chirer la cornée tranfparénte , & la con
jonction , à l'épaiffeur d'un cheveu de la
prunelle mais les prompts fecours & les
foins de M. de la Peyronnie , Médecin confultant
, & premier Chirurgien du Roi ,
font efperer que malgré ce grand accident
l'oeil ne fera pas privé de la vûë.
FESTE donnée par M. l'Ambaffadeur de
France à Stokolm. Extrait d'une Lettre
écrite de cette Ville.
Mradeur de France à Stokolm ,
R le Marquis de Lanmary , Ambafdonna
le 24 Novembre dernier à S. A. R. une Fête
magnifique Mrs les Miniitres Etrangers ,
& tous les Seigneurs & Dames de la plus
grande diftinction y furent invités . S. M.
Suéd. voulut bien aufli honorer la Fête de
fa préfence. M. l'Ambaſſadeur n'avoit rien
oublié pour rendre cette Fête brillante . Son
Hôtel & les Maifons voifines étoient illuminées
d'un goût charmant , & formoient
une avenue de feu.
A l'entrée de la Ville du côté du Nord
étoit conftruit un Arc de Triomphe ou
grand . Portique deffiné & exécuté par MM.:
Taraval , premier Peintre de S. M. S. Cet
édifice contenoit toute la largeur de la ruë ,
& avoit environ 80 pieds de haut ; l'Architecture
étoit d'Ordre Dorique , les Cor-
Hv
niches ,
164 MERCURE DE FRANCE.
niches , Chapiteaux , & Confoles , étoient
richement dorés . Sur les Pilaftres d'Ordre
Ruftique , étoient deux dragons qui jettoient
du vin au peuple. Sur la Corniche ,
étoit un grand Tableau tranfparent , repréfentant
trois génies , ceux de la Paix , de la
Juſtice , & de la Prudence , qui paroiffoient
préfenter à la Suéde le Chiffre de S. A. R.
Sur l'Attique, étoient deux autres Tableaux
tranfparens , dont celui à droite repréfentoit
un génie , portant un Ecuffon avec les
Armes de France , & celui à gauche , repréfentoit
un autre génie , portant un Ecuffon
avec les Armes de Suéde , le tout couronné
par un grand Soleil lumineux .
Sous le Portique , étoit un grand Veftibule
de figure octogone , & richement orné
, avec des Trophées & des Emblêmes relatifs
à la figure de la Paix , que l'on voyoit
dans le fond d'un Temple de figure ronde
, dont les Pilaftres étoient d'azur , & les
Chapiteaux , Bafes & Ornemens dorés. La
Figure de la Paix étoit debout fur un pied
d'eſtal , s'appuyant de la main droite fur un
bouclier , où étoient peints un Lis & une
Couronne , liés enfemble ; elle portoit dans
la main gauche une branche d'Olivier , entrelaffant
trois Couronnes d'or grouppées
enfemble , qui font les Armes de Suéde . Sur
je pied d'eftal étoit écrit pour Emblême :
Pax
JANVIER. 1744. 165
Pax potior triumphis. Dans un Médaillon à
gauche du côté de la Suéde : Virtuti dat Coronas.
Et dans un autre à droite , du côté
de la France : Nodum firmat amicitia.
Au-deffus du Portique , étoit pratiquée
une grande Sale , où fut placée une Symphonie
mêlée de Timballes , Trompettes ,
&c. laquelle , fur les fix heures du foir , dès
qu'on vit paroître les Caroffes du Roi &
du Prince Royal , commença à fe faire entendre.
par
S. M. S. & S. A. R. furent reçus à la portiere
du Caroffe par M. l'Ambaffadeur , &
fix Gentilshommes de fa fuite , au bruit
d'une décharge de canons , qui étoient pla
cés dans le Jardin de fon Hôtel ; & des que
le Roi & le Prince Royal furent arrivés à
la premiere porte des appartemens , on
commença un Concert magnifique de la
compofition & exécution de M. Ravenet ,
lequel dura jufqu'au fouper , que M. l'Ambaffadeur
donna à près de 300 perfonnes ,
fur plufieurs Tables de 30 & 40 couverts
chacune. Celle du Prince étoit de 30 couverts
, & ne fut occupée que par des Sénateurs
& leurs Epoufes. Cette Table , ainfi
que toutes les autres , furent fervies avec
une profufion & une délicateffe extraordinaires.
Les fantés y furent buës au bruit
des fanfares , & de toute l'artillerie du Jar-
H vj dir
166 MERCURE DE FRANCE.
din . Le fouper dura jufqu'à minuit , que
le Bal fut ouvert par M. l'Ambaffadeur &
par Mad . la Comteffe de Teffin , qui eût
enfuite l'honneur de prendre S. A. R. II
dura jufqu'à fept heures du matin , & l'on
fervit toutes fortes de rafraîchiffemens des
plus exquis.
y
Le premier de ce mois , les Chevaliers ,
Commandeurs & Officiers de l'Ordre du
Saint Efprit , s'étant affemblés vers les onze
heures du matin dans le Cabinet du Roi ,
le Duc de Briffac , le Duc de Luxembourg ,
le Duc de Boufflers , le Comte de la Mothe-
Houdancourt , le Duc de Biron , & le
Comte de Coigny , lefquels avoient été
propofés dans le Chapitre tenu le 2 du mois
de Février de l'année derniere , pour être
reçus Chevaliers , & dont les preuves ont
été admiſes le 2 du mois de Juin , furent
introduits dans le Cabinet de S. M. où ils
furent reçus Chevaliers de l'Ordre de Saint
Michel . Le Roi fortit enfuite de fon Cabinet
, pour fe rendre à la Chapelle , étant
précédé de Monfeigneur le Dauphin , du
Duc de Chartres , du Prince de Conty ,
du Prince de Dombes , du Comte d'Eu , du
Duc de Penthiévre , & des Chevaliers
Commandeurs & Officiers de l'Ordre ; le
Duc de Briffac , le Duc de Luxembourg , le
,
Duc
JANVIER . 1744 .
189
Duc de Boufflers , le Comte de la Mothe-
Houdancourt , le Duc de Biron , & le
Comte de Coigny , en habits de Novices ,
marchoient deux à deux devant les Chevaliers.
Après que le Roi eût entendu la
grande Meffe , qui fut célébrée par l'Archevêque
de Bourges , Prélat , Comman
deur de l'Ordre du Saint Efprit , S. M.
monta à fou Trône , où les fix nouveaux
Chevaliers furent reçus par le Roi , avec
les cérémonies ordinaires . Le Maréchal de
Noailles , & le Maréchal de Duras , furent
parains du Duc de Briffac & du Duc de Luxembourg;
le Duc de Bethune & le Comte
de Teffé , du Duc de Boufflers & du Comte
de la Mothe-Houdancourt ; le Duc de Tallard
; & le Maréchal de Biron , du Duc de
Biron & du Comte de Coigny. Après la
reception , les nouveaux Chevaliers ayant
pris leurs places , le Roi fortit de la Chapelle
, & fut reconduit dans fon appartement
en la maniere accoutumée .
Le 2 ,
La Reine & Mefdames de France entendirent
la même Meffe dans la Tribune.
le Roi accompagné , comme le
jour précédent , affifta au Service qui 'fut
célébré dans la Chapelle du Château de
Verfailles pour le repos des ames des Chevaliers
de l'Ordre du Saint Efprit , morts
dans le cours de l'année derniere.
Le
168 MERCURE DE FRANCE.
20
Le Corps de Ville a rendu , à l'occafion
de la nouvelle année , fes refpects au Roi ,
à la Reine , à Monfeigneur le Dauphin ,
& à Mefdames de France.
- Le Roi a donné au Duc de Richelieu la
Charge de premier Gentilhomme de la
Chambre de S. M. vacante par la mort du
Duc de Rochechouart,
Le 3 Janvier , le Sieur de S. Criftau , du
Pays de Gascogne, près de la Ville de Dax,
accompagné de cinq de fes freres , dont le
plus jeune eft à peine âgé de quatorze ans,
deux de leurs Coufins , & treize autres jeunes
Gentilshommes de la même Province ,
tous d'une taille des plus avantageuſe , furent
préfentés au Roi , pour être reçus dans
les Gardes du Corps : S. M. accorda fur le
champ leur demande , & ordonna qu'ils fuffent
placés dans la Compagnie de Villeroy .
Monfeigneur le Dauphin ayant fouhaité de
voir ces nouveaux Gardes , ils furent préfentés
le même jour à ce Prince , qui eût la
bonté de paffer en revûë cette nouvelle Recrue
, compofée d'hommes les mieux faits ,
de la plus haute taille , & de la meilleure
volonté.
Le 6 , la Reine entendit la Meffe dans la
ChaJANVIER
. 1744. 169
Chapelle du Château de Verſailles , & S. M.
y communia par les mains de
l'Archevêque
de Rouen , fon Grand Aumônier.
Le 12 , les Députés des Etats de la Province
de Bretagne eurent à Verſailles audience
du Roi ; ils furent préſentés à S. M.
par le Duc de Penthiévre , Gouverneur de
la Province , & par le Comte de Saint Florentin
, Sécrétaire d'Etat , & conduits par
le Marquis de Brezé , Grand Maître des Cérémonies
, & par M. Defgranges , Maître
des Cérémonies. La Députation étoit compofée
, pour le Clergé , de l'Evêque de
S. Malo , qui porta la parole ; du Comte
de Lorges , pour la Nobleffe ; de M. du
Bourg , pour le Tiers-Etat ; de M. de Quelen
, Procureur Général , Syndic , & de M.
de la Boiffiere , Tréforier Général des Etats
de la Province. Ces Députés furent enfuite
conduits à l'audience de la Reine , & à celles
de Monfeigneur le Dauphin & de Mefdames
de France.
Le Duc d'Antin , qui a été nommé par
le Roi Gouverneur & Lieutenant Général
des Ville & Duché d'Orleans , Pays Orleanois
& Chartrain , & Gouverneur des Ville
& Château d'Amboiſe , à la place du feu
Duc d'Antin fon pere , prêta le 12 de ce
mois ,
170 MERCURE DE FRANCE.
mois, ferment de fidélité entre les mains dè
S. M.
Le 14 , le Comte de Montijo , Ambaffadeur
Extraordinaire du Roi d'Espagne auprès
de l'Empereur , & qui étoit en France
depuis le mois d'Octobre dernier , eût une
audience particuliere du Roi , & il pric
congé de S. M. Il y fût conduit , ainfi qu'à
l'audience de la Reine , & à celles de Monfeigneur
le Dauphin , & de Mefdames.de
France , par M. de Verneuil , Introducteur
des Ambaffadeurs.
Le Roi , la Reine , Monfeigneur le Dauphin
, & Mefdames de France , partirent le
Is après midi , pour aller au Château de
Marly , où leurs Majeftés doivent paffer
quelque- tems.
On a reçû avis que le 23 de ce mois , le
Duc Théodore de Baviére , Evêque de Ratifbonne
& de Freyfingen , & frere de
l'Empereur , avoit été élu Evêque de Liége .
On a appris auffi , que l'Election de l'Evêque
de Bâle s'étoit faite le 22 , & que
les Suffrages s'étoient réunis en faveur de
M. Rinck , Chanoine du Chapitre .
Le 26 de ce mois , l'Evêque de Dijon fut
facré
JANVIER. 1744 171
facré dans l'Eglife de la Paroiffe du Château
de Verfailles par le Cardinal de Tencin
affifté des Evêques de Langres & de Saint
Malo , & le lendemain il prêta à Marly Serment
de fidélité entre les mains de S. M.
BENEFICES DONNE'S.
Le Roi a donné l'Abbaye d'Evron , Ordre
de S. Benoît , Diocèfe du Mans , à l'ancien
Evêque de Saint Paul Trois- Châteaux .
Celle d'Ebreüil , même O. D. de Clermont
, à l'Abbé de Sade , Vicaire Général
de l'Archevêque de Narbonne .
Celle de Rigni , O. de Cîteaux , D. d'Auxerre
, à l'Abbé de Poudens , Vicaire Général
de l'Evêque d'Acqs.
Celle du Mas -d'Azil , O. de S. Benoît ,
D. de Rieux , à l'Abbé de Maignol .
L'Abbaye Réguliere de S. Paul de Beauvais
, à la Dame de Clermont d'Amboife.
EXTRAIT d'une lettre écrite de Dourdan
le 9 Fanvier 1744 , au fujet des Réjouiffances
qui y ont été faites.
L
A Ville de Dourdan , toujours attentive
à marquer fon zéle & fon attachement
pour la Royale Maifon d'Orléans , &
fa reconnoiffance refpectueufe des bienfaits
qu'elle reçoit tous les jours de fon Alteffe
Séréniffime M. le Duc d'Orléans , vient
d'en
172 MERCURE DE FRANCE.
d'en donner de nouveaux témoignages , à
l'occafion du Mariage de S. A. S. M. le Duc
de Chartres.
Le Bailliage ayant ordonné , fur le réquifitoire
du Procureur du Roi , qu'il feroit
chanté un Te Deum , envoya le Vendredi 3
Janvier , fes Députés au Prieur de S. Germain
, pour le prier de le faire chanter dáns
fon Eglife ; au Curé de S. Pierre & fon Clergé
, aux Corps & Officiers de Ville , aux
Officiers de la Maîtrife Particuliére des Eaux
& Forêts ,à ceux de l'Election , & du Grenier
à Sel , pour les inviter d'y affifter.
Les , on fonna toutes les Cloches de la
Ville , ce qui fût réïteré le lendemain dès
le point du jour , & à midi ; le même jour
fur les trois heures après midi , les Officiers
du Bailliage , ceux de la Maîtrife des Eaux
& Forêts , de l'Election & du Grenier à Sel ,
s'étant affemblés au Château , dans la Chambre
d'audience , ils en fortirent ayant à leur
tête M. le Comte de Verteillac , Gouverneur
de la Ville , précédé de la Maréchauffée
des Gardes de M. le Duc d'Orleans , des
Hallebardiers de la Ville & d'une nombreuſe
fymphonie , pour fe rendre à l'Eglife de S.
Germain , en paffant entre deux hayes , que
formoit la Bourgeoifie fous les armes , commandée
par fes Officiers , les Drapeaux déployés
& les Tambours battant aux Champs.
Lorf
JANVIER. 1744. 173
Lorfque ces Corps furent entrés dans l'Eglife
& placés , les Vêpres furent chantées
en Mufique , & enfuite le Te Deum au bruit
des Cloches & d'une triple décharge de
boëttes ; on fortit dans le même ordre que
l'on étoit venu , tous les Officiers ayant chacun
un flambeau à la main , & on fe rendit
fur la place où on avoit dreffé un bucher.
On en fit trois fois le tour , & enfuite M.
le Gouverneur y mit le feu , avec ceux
portoient des flambeaux , & cela au fon des
Cloches , des Tambours & de la fymphonie
, au bruit de la Moufqueterie & aux acclamations
du Peuple , auquel M. le Gouverneur
avoit fait diftribuer de l'argent.
qui
On avoit éclairé de lampions toute la
Terraffe du Château , fur laquelle étoient
placées les boëttes , qui ne cefferent de tirer.
On y avoit auffi élevé un feu d'Artifice
, qui fût très- bien exécuté . On illumina
dans le même tems toutes les Maiſons de la
Ville , ce qui dura toute la nuit.
Après que les feux de joie & d'artifice
eurent ceffé de brûler , tous les Corps fe
rendirent chés M. le Gouverneur , où l'on
fervit un magnifique fouper. On y célébra
en cérémonie les noms & les fantés de S.
A. S. au bruit d'une triple décharge de boëttes
& de moufqueterie. Le Peuple répondoit
par fes acclamations , & prenoit part à la
joye
174 MERCURE DE FRANCE .
·
joye publique , par les fontaines de vin , qui
coulerent à la porte de plufieurs maifons.
Le fouper fini , on fe rendit au Château ,
où les Dames s'étoient affemblées , & où il
y eut Jeu , & enfuite un Bal , qui dura toute
la nuit , pendant lequel on fervit toutes fortes
de rafraîchiffemens avec abondance .
Le premier Janvier , les Hautbois de la
Chambre jouerent au lever du Roi , une
fymphonie compofée de plufieurs Airs de
differens Auteurs .
Le foir du même jour , le Roi , foupant à
fon grand couvert avec la Reine , Monſeigneur
le Dauphin, & Mefdames de France ,
M. Deftouches , Sur-Intendant de la Mufique
de la Chambre en femeftre , fit jouer
par les vingt- quatre, une grande fuite d'Airs
de fa compofition , dont l'exécution fit beaucoup
de plaifir.
Le 4 , on chanta devant la Reine , les deux
derniers Actes du Ballet des Caractéres de la
Folie , dont les paroles font de M. Duclos ,
de l'Académie des Infcriptions & Belles-
Lettres , mifes en Mufique par le Sr Bury ,
ordinaire de la Mufique de la Chambre ,
dont le génie naiffant donne de grandes
cfpérances.
Le 11 , la Reine entendit le Prologue &
la
JANVIER. 1744. 175
la troifiéme Entrée du Ballet de l'Europe Galante.
Les principaux rôles furent remplis
par les Dlles Lalande , & Mathieu , & par
le Sr Jeliot , dont on connoît les talens .
Le 13 , il y eut un grand Bal mafqué chés
Meldames de France ; il y eut un grand
nombre de fymphoniſtes fous les ordres de
M. Deftouches.
Le 15 , la Cour étant à Marly , la Reine
fouhaita d'entendre l'Opera d'Iffe , dont le
Prologue & le premier Acte furent exécurés
le 18 avec une grande précifion , les autres
Actes furent chantés le 20 , & le 22.
Les Dlles Mathieu & Fel remplirent les rôles
d'Iffé & de Boris. Les Srs Jeliot , d'Angerville
, & Dubourg , ceux de Philemon , d'Hilas
, & du Grand Prêtre de Dodone. Le reſte
de cet Opera fût très- bien exécuté.
Le 25 , le 27 , & le 29 , on chanta devant
la Reine le Ballet des Elémens , dont les
principaux rôles furent exécutés par les Srs.
Jeliot , Poirier , d'Angerville & Dubourg ,
par les Dlles Lalande , Mathieu , Fel , &
Romainville.
&
Le 2 Janvier , les Comédiens François
repréſenterent à la Cour la Tragédie d'ELectre
, de M. de Crebillon , de l'Académie
Françoife , & la petite Comédie du Triple
Mariage. i
Le
# 76 MERCURE DE FRANCE.
Le 7 , le Menteur , & la petite Piéce du
Denil.
Le 9 , la Tragédie de Britannicus , & la
Nouveauté.
Le 14 , les Horaces , & Crifpin Bel-
Elprit.
Le 8 du même mois , les Comédiens Italiens
repréſenterent auffi à la Cour , la Comédie
de la Double Inconftance , & la petite
Piéce des Billets Doux , de M. de Boiffy , laquelle
fût fuivie d'un Ballet nouveau , parfaitement
bien exécuté.
DIMENSIONS de l'Obelifque & du
Gnomon , élevés aux extrémités de la ligne
Méridienne de l'Eglife de S. Sulpice.
L'INSCRIPTION gravée fur l'Obelifque ,
indique affés l'ufage de cet Inftrument ,
l'un des plus grands qui ait jamais été
conftruit.
>
GNOMON ASTRONOMICUS ,
ad certam Pafchalis aquinoctii Explorationem
, &c.
O
Na crû devoir ſe borner ici à en donner
les diſtinctions , & à rapporter les
principaux faits hiftoriques fur ce fujet .
L'Image
JANVIER. 1744. 177
L'Image du Soleil , étant reçuë prefque
directement fur l'Obelifque , à la diftance
de 170 pieds , depuis l'ouverture de la fenêtre
Méridionale de l'Eglife , cette Image
ſe meut avec une rapidité finguliére , car
elle parcourt 2 lignes par feconde , & fon
diamétre qui répond à très-peu près au diametre
du Soleil , occupe 20 pouces un tiers,
fur l'Obelifque vers le tems du Solſtice
d'Hyver.
Un autre grand avantage de cette grande
Image du Soleil , qui paroît fi vive lorfque
le Ciel eft ferein , étant reçuë fur un marbre
blanc , eft d'être prefque ronde ; elle n'eſt
donc point affoiblie vers fes bords , comme
celles des autres Gnomons , qui ne font plus
diftinctes en Hyver dans le fens du grand
Axe , parce qu'elles font fi fort allongées en
forme d'Ellipfes , qu'il eft prefqu'impoffible
d'en faifir les termes. Au contraire , les mêmes
termès ou extrémités de l'Image font fi
faciles à diftinguer fur l'Obelifque , qu'il
n'eft arrivé qu'une feule fois , fur 8 obfervations
prefque confécutives , de fe tromper
d'une ligne fur 20 pouces un tiers , ce qui
eft prefqu'infenfible. Il faut bien prendre
garde , qu'on ne parle ici que de quelques
obfervations faites avant ou après le Solſtice
d'Hyver, lorfque le Soleil n'étoit point obfpar
les vapeurs , ou par les
curci à midi
broüillards.
Quoi178
MERCURE DE FRANCE.
Quoique la hauteur du centre de l'Image
, au Solftice d'Hyver , ne monte guéres
qu'à environ 25 pieds , on s'eft déterminé
néanmoins à prolonger la ligne Méridienne
encore au-deffus , principalement à cauſe
des pleines Lunes , du Printems ou du com
mencement de l'Eté ; ce qui peut être de
quelqu'utilité , comme on le va voir par ce
qui fuit.
Pour cela , il faut fçavoir qu'à chaque révolution
des noeuds de la Lune , cet Aftre
fe trouve dans fes plus grandes latitudes
auſtrales , en parcourant les lignes Méridionaux
du Zodiaque , pendant deux ou trois
années de fuite , comme il arrive actuellement
, & qu'ainfi les pleines Lunes d'Eté
paroiffent extraordinairement baffes , de
même que celles d'Hyver prodigieufement
hautes. Ces pleines Lunes d'Eté font à la vérité
déja plongées fort avant dans les vapeurs
qui bordent l'horifon , mais cependant pour
en obferver le plus grand nombre , on a fait
enforte d'élever l'obelifque jufqu'à 30 &
même 33 pieds , y compris la boule qui lui
fert de couronnement.
On va donner içi en peu de mots une
idée générale de ce qui a pû donner occafion
à cet Ouvrage , qui vient d'être achevé ;
ce qui en fera connoître en même-tems l’utilité
, non-feulement dans l'Aftronomie &
dans
JANVIER. 1744. 179
dans les Sciences qui en dépendent , mais
encore dans ce qui concerne le Calendrier
tant Civil qu'Eccléfiaftique. On s'apperçoit
´affés d'ailleurs que les points des Equinoxes
& des Solftices , n'ont jamais été marqués
fur les autres Gnomons avec affés d'exactitude
, faute d'y avoir employé les Afcenfions
droites du Soleil & des Etoiles, qui donnent
incomparablement mieux l'entrée du Soleil
dans les points Cardinaux , que les hauteurs
abfolues , puifqu'il eft prefqu'impoffible de
les conclure avec ces fortes d'inftrumens
qui ne donnent uniquement de bien précis ,
que des differences de hauteurs , ou des paffages
du Soleil au Méridien .
>
Les principales difficultés qu'on peut donc
propoſer à réfoudre , fe réduifent aux Queftions
fuivantes ; fçavoir , 1 ° . De connoître
quelle eft la meilleure méthode de déterminer
le moment des Equinoxes , & de faire voir
qu'ils n'ont pas encore été obfervés jufqu'ici
avec alfés de précifion . 2 ° . De s'affurer fi
l'obliquité de l'Ecliptique diminuë, & fuppofé
que cette diminution foit réelle , de s'allurer
s'il eft vrai qu'elle diminuë auffi rapidement
qu'on le fuppofe. 3 °. D'obferver s'il eft vrai
qu'à chaque demi-révolution des noeuds ,
la Lune ne caufe pas un balancement fenfible
ou Nutation dans l'Axe de la Terre ;
enfin de bien diftinguer les variations, que la
I ré180
MERCURE DE FRANCE.
réfraction , plus ou moins grande du froid:
au chaud , peut produire dans les hauteurs
du Soleil au Solſtice d'Hiver.
Une Médaille frappée à Rome , par ordre.
du Pape Clément XI , il y a environ 40
ans , femble avoir renouvellé les difputes
des Mathématiciens fur la deuxième Queftion
, l'une des plus grandes , qui ait été agitée
dans les deux derniers fiécles ; cette Médaille
s'étoit répanduë prefqu'en même-tems
qu'un Ouvrage ou Differtation , intitulé de
Nummo & Gnomone Clementino . Il réfultoit
des obfervations faites à la ligne Méridienne
, conſtruite en 1702 , par Bianchini , dans
l'Eglife des Chartreux de Rome ( autrefois
les Bains de Dioclétien ) que l'Obliquité de
l'Ecliptique étoit diminuée , depuis les derniéres
tentatives faites en l'Ifle Caïenne par
Richer en 1672 ; la difpute fur cette matiére
fut très-vive en 1715 & 1716 , mais elle
ne pouvoit guéres être terminée , faute de
bonnes obfervations . On vit bien -tôt après
paroître dans les Actes de Leipfic , l'opinion
du Chevalier de Louville , qui a fait les plus
grands efforts , pour tâcher d'établir une diminution
réelle dans l'Obliquité de l'Eclip
tique , laquelle , felon cet Auteur , confondroit
dans la fuite pour quelque tems l'E
cliptique avec l'Equateur.
Le Chevalier de Louville avoit été exprès
JANVIER. 1744. 181
à Marſeille en 1714, pour vérifier les chan
gemens arrivés dans le cours du Soleil , depuis
le tems de Pytheas . On ignore cependant
fi ce fameux Navigateur , qui vivoit il
y a près de deux mille ans , a pû déterminer
avec une grande précision , la proportion
de l'ombre Solftitiale , à la hauteur perpendiculaire
du Gnomon qu'il avoit élevé dans
la Ville de Marſeille , à peu près fous la mê-
રે
me latitude où elle nous paroît aujourd'hui.
Le Chevalier de Louville fuppofe néanmoins
ces anciennes obfervations fort exac
tes.
Mais tant s'en faut qu'on doive adopter
un fyſtême fondé fur ces fortes d'obfervations
anciennes ; il n'eft pas même poffible
d'en faire ufage dans la Géographie ,
puifqu'à Bizance-Hipparque avoit obfervé.
précisément la même proportion que Py
theas à Marseille , & qu'il fe trouve néanmoins
une difference de plus de deux dégrés
dans la hauteur du Pole de ces deux
Villes.
Au refte , on ne doit pas
s'attendre à trou
ver ici un long détail fur ce qui détermina
de Pape Clément XI. à faire conftruire le
Gnomon qu'on voit encore actuellement à
Rome. L'ufage de ces fortes d'inftrumens eft
très-varié , comme on l'a expofé ci -deffus ;
& fans s'arrêter aux autres Queſtions , qui
Tij peu182
MERCURE DE FRANCE.
peuvent intéreſſer la Phyfique Célefte & la
Géographie , on n'ignore pas que fous le
Pape Grégoire XIII , on s'en étoit fervi
pour corriger le Calendrier. En effet , celui
qu'Egnatius Dantes , Religieux Dominicain ,
avoit conſtruit dans l'Egliſe de Ste Petrone
de Boulogne , en 1576 , montroit alors évidemment
l'anticipation de 10 jours , aux
tems des Equinoxes . Enfin ce grand Ouvrage
fût fuivi environ 4 ans après de la réformation
entiére du Calendrier , qui a fait abandonner
à tous les Princes Catholiques , celui
de Jules- Céfar . Ce qu'il y a de fingulier ,
c'eft que les Grecs Schifmatiques & les Proteftans
réfolurent de ne point adopter cette
Réformation , parce qu'elle venoit de Rome.
Au commencement de ce fiécle , les Proteftans
d'Allemagne fe trouverent enfin dans
la néceffité de changer de fentiment , à cauſe
de l'embarras continuel où les jettoit le Calendrier
Julien. Celui du Pape Grégoire
XIII . paroiffoit d'abord fujet à quelques
difficultés , mais on examina de nouveau le
projet que ce fouverain Pontife avoit autrefois
envoyé à tous les Princes Chrétiens ,
& qui en paroiffoit exemt. Pour cet effet ,
il fût décidé qu'on obferveroit à Rome le
moment des Equinoxes , & la longueur des
années , tant Solaires que Lunaires ; ce qui
fut
JANVIER. 1744. 183
fut exécuté en préſence du Pape Clément
XI . dans l'Eglife des Chartreux , par le
moyen d'un Gnomon, d'environ 60 pieds de
hauteur.
Ces fortes d'inftrumens étant les plus anciens
, & peut-être les plus fimples dont on
fe foit fervi dans l'Aftronomie , on ne parlé
ni de ceux qui ont été élevés depuis peu en
France , & qui n'ont guéres excédé 30 pieds,
ni de celui que feu M. Caffini rétablit dans
1 Eglife de Ste Petrone à Boulogne , lequel
égale en hauteur le Gnomon de S. Sulpice ,
P'un & l'autre ayant 80 pieds ; en un mot ,
on ne s'arrêtera ni à celui du Vatican , ni à
ceux qui furent élevés , l'un par Gaffendi ,
fous Louis XIII , & l'autre dans le Champ de
Mars , par Manlias fous Augufte , ni enfin
au plus ancien de tous , celui qui fervit autrefois
à Anaximandre dans la Ville de Sparte
, lorfqu'il imagina le premier ce cercle
incliné à l'Equateur d'environ 24 degrés ,
& qui fût nommé l'Ecliptique.
J
Mais on ne peut fe difpenfer de parler de
celui que Meton,Athenien, employa fi utilement
à déterminer ce fameux Cycle ou
Nombre d'or , dont il étoit l'inventeur , &
qui remet tous les 19 ans les nouvelles &
pleines Lunes aux mêmes jours de l'année .
Meton avoit obfervé pour cela les retours
de l'ombre , ou image du Soleil , aux mêmes
points
I iij
184 MERCURE DE FRANCE.
points avant & après le Solftice , & ayant
réiteré ces obfervations plufieurs années de
fuite , cet habile Aftronome faifit enfin pour
Epoque de fon Cycle , le moment d'un Solftice
qui fe trouva précifément le même que
celui de la nouvelle Lune. Ce Solftice d'Eté
répond , felon nos Chronologiftes , à l'anpée
432 , avant l'Ere Chrétienne .
Pour revenir à ce qui concerne le Calendrier
Grégorien , la plus grande difficulté
qui s'y foit rencontrée , vient de ce que
Clavius & les autres, qui farent chargés de
l'exécution , ne firent pas affés d'attention
à un défaut effentiel qu'on connoifloit déja
dans le Nombre d'or , ou Cycle de Meton ;
car quoique ce Cycle remette tous les 19
ans les nouvelles & pleines Lunes aux mêmes
jours de l'année , cependant après une
longue fuite de fiécles , il les ramene quelques
jours plûtôt.
Or , felon les Décrets des PP. du Concile
de Nicée , qui avoient envoyé à Alexandrie
( autrefois le fiége de l'Aftronomie ) confulter
le Patriarche & les Mathématiciens
de ce tems-là , pour la célébration de la
Pâque , l'Equinoxe du Printems devoit être
fixé conftamment au 21 Mars , & le jour de
Pâques au Dimanche , qui fuit immédiatement
la pleine Lune de l'Equinoxe . Il étoit
donc néceffaire pour s'y conformer , de corriger
JANVIER, 1744. 185
riger l'erreur qui feroit arrivée plufieurs
fois pendant le treizième fiécle , au Calendrier
Grégorien , & c'eft pour cela qu'à
Rome on obferva en 1702 & les années fuivantes
, les Solſtices , les pleines Lunes , &
Les Equinoxes.
On fût dès-lors furpris de trouver l'Obliquité
de l'Ecliptique diminuée , ce qui s'accorde
affés au fyftême qu'a publié depuis le
Chevalier de Louville , lorfqu'il l'obferva
encore plus perite de la fixième partie d'une
minute , environ 15 ans après . Il s'agit donc
aujourd'hui d'expliquer pourquoi on ne la
trouve plus diminuée depuis ces tems-là
c'eſt-à- dire , dans l'efpace d'environ 40 ans ,
mais auparavant , il s'agit de bien décider
s'il eft vrai qu'elle a paru augmenter depuis
l'année 1736.
Les proportions que l'on a obfervées dans
la hauteur de cet Obelifque , font entièrement
conformes à ce que nous lifons dans
les anciens Auteurs , fur les Obeliſques
tranfportés d'Egypte à Rome , & dont le
fuſt étoit communément en proportion de
cuple avec la bafe . D'ailleurs , le modéle
en a été conſtruit de grandeur naturelle par
M. le Chevalier Servandoni , fi diftingué
par des talens qui lui ont attiré univerfellement
en France , l'eftime & l'affection du
Public .
I inj
OB186
MERCURE DE FRANCE.
OBSERVATIONS fur la Cométe.
N
Ous avons à préfent une Cométe ,
d'une groffeur & d'une lumiére fi éclarante
, que depuis 1680 , on n'en a pas
vû
d'auffi belle. Sa Queue qui n'étoit au commencement
de Janvier que d'un demi degré
, a tellement augmenté , qu'elle a paru
de 15 degrés au commencement de Février ;
& le 4 du même mois , elle s'étendoit jufqu'au
col d'Andromede, c'est-à-dire, qu'elle
pouvoit avoir 17 degrés & demi ; elle
doit encore augmenter , à méfure qu'elle
s'approchera du Soleil .
Cette Comére a été vûë dès le 1 ; du mois
de Décembre en Suiffe & en Hollande ,
mais elle n'a été apperçue à Paris & à Londres
, que vers le commencement de l'année
; on l'a obfervée les derniers jours de
Décembre à l'Obſervatoire , mais elle étoit .
encore affés foible , n'ayant point de Queue.
Le 3 Janvier,l'ayant vû à 5 heures & demie
au Méridien , dans la lunette d'un quart de
Cercle mural de 6 pieds , & l'ayant comparée
à l'Etoile qu'on nomme la luifante du
Bélier. Sa longitude a été trouvée de 14 degrés,
11 min. & un quart,& fa Latitude Boréale
de 17 degrés 32 min. & 3 quarts.
Cette Comete paroiffoit alors faire un
triangle ifofcéle & prefqu'obtufangle , avec
les
JANVIER. 1744. 187
les deux grandes Etoiles Orientales du Quadrilatere,
repréfenté au bas du Planifphere ,
inferé pag. 144 , du Livre de la Théorie
des Cométes. Quelques jours après , elle a
paru s'avancer vers l'Occident, & l'on a remarqué
qu'elle a paffé prefqu'à égale diftance
de la tête d'Andromede & de l'aîle
de Pégafe , qui font les deux Etoiles Orientales
du Quadrilatere , dont on vient de
parler.
Le 7 Janvier , à 5 heures du foir , la Cométe
ayant encore été obfervée au Méridien
, få longitude étoit 12 degrés 3 min. &
10 fecondes , & fa latitude Boréale de 17 degrés
5 1 min. & demie. Enfin , elle s'eft avancée
depuis ce tems- là prefque parallelement
à l'Ecliptique , & doit fe trouver bien-tôt
proche l'Etoile, qui eft la plus Occidentale &
la plus proche du lieu du coucher du Soleil ,
des 4 grandes Etoiles , qui forment le Quadrilatere
qu'on voit le foir à 8 heures , affés
élevé fur l'horifon Occidental.
Il paroît par l'augmentation de la Queuë
de cette Cométe , qu'elle defcend encore
vers le Soleil , & fa conjonction en longitude
doit arriver au commencement du
mois de Mars. Il s'en faudra beaucoup que
cette Cométe n'approche du Soleil autant
que celle de 1680 , dont la Queuë furpaffoit
de 60 degrés ; cette Cométe ayant alors
Iv éprou188
MERCURE DE FRANCE.
éprouvé dans fon Perihelie , une chaleur
2000 fois plus grande que celle d'un fer
rouge. Auffi la Cométe de 1680 a-t'elle
paru effroyable par cette Queuë terrible ,
qui occupoit près de la moitié du Ciel ;
celle-ci , quoiqu'elle n'ait pas 20 degrés ,
paroît déjà d'une grandeur prodigieufe.
asassesas as ás és ésés és és és és ésés és és és
MORTS ET MARIAGE.
E 18 Novembre , M. Jacques Gilles de Kerfauzon
, Chevalier , Seigneur de Kerfauzon ,
Confeiller au Parlement de Bretagne , depuis le/31
Décembre 1696 , mourut à Paris , âgé de 72 ans
Jaiffant pofterité. La Terre de Kerfauzon , dont il
portoit le nom , eft fituée dans la Paroiffe de Guiclan
, Evêché de Leon ,& Hervé le Ny , Seigneur
de Lanivinon , en ayant épousé avant l'an 1400 ,
l'Héritière , Suzette de Kerfauzon, Jean le Ny
Hervé le Ny , & Guenolé le Ny , leurs petits- fils ,
prirent le nom & les Armes de Kerfauzon , & de
Jean , qui étoit l'aîné , & qui fut Seigneur de Kerfauzon
, defcendoit , par differens dégrés de M. de
Kerfauzon , qui donne lieu à cet article , & dont la
Maifon s'eft alliée à celles de du Chaftei ; leénéhal
de Carcado , de Ploeuc , de Guémudeux , de
Penhoet , &c. & qui porte pour Armes de gueules ,
à une boucle ou fermail rond d'argent.
Le 22 , Louis-Emanuel de Cruffol , Marquis de
Florenfac , Capitaine des Vaiffeaux du Roi , depuis
le 10 Mars 1734 , mourut à Uzés , âgé de 33 ans . Il
n'étoit point marié , & il étoit frere de M. le Duc
'd'Uzés , &c .
Le
JANVIER. 1744. 189 .
Le 7 Décembre , D. Marthe de Baudry , veuve
depuis le mois de Juillet 1715 , de M. Jean Baptifte
du Caffe , Lieutenant Général des Armées Nvales
du Roi, Capitaine général des Armées du Roi
d'Espagne , Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis , & Chevalier de l'Ordre de la
Toifon d'or , mourut à Paris , âgée de 82 ans ; elle
avoit eû pour fille D. Marthe du Caffe , mariée en
1704 , avec Louis de Roye de la Rochefoucaud ,
Marquis de Roye , Lieutenant Général des Galéres
de France , duquel mariage eft forti Jean Baptifte-
Louis Frederic de Roye de la Rochefoucaud , aujourd'hui
Duc d'Apville , & Lieutenant Général des
Galéres de France.
Le 9 , Louis de Pardaillan de Gondrin , Duc d'Ansin
, Pair de France , Maréchal des Camps & Atmées
du Roi , de la Promotion du 20 Février der,
nier , Gouverneur ,
le Roi Lieutenant Général pour
des Ville & Duché d'Orléans , Pays Orléannois &
Chartrain, Gouverneur des Ville & Château d'Amboife
, mourut à Paris , âgé de 36 ans ; il étoit fils
de Louis de Pardaillan , Marquis de Gondrin , Colonel
du Régiment d'Infanterie de Gondrin , & Brigadier
des Armées du Roi , mort les Février 1712,
& de Marie-Victoire-Sophie de Noailles , remariée
à Louis- Alexandre de Bourbon, légitimé de France ,
Comte de Touloufe , duquel elle a cû M le Duc
de Penthiévre , Pair & Amiral de France , & c . M. le
Duc d'Antin étoit petit fils de Louis- Antoine de
Pardaillan , Duc d'Antin , Pair de France , &c . mort
le 3 Novembre 1735 , & de Julie- Françoife de
Cruffol d'Uzés , morte le 6 Juillet 1742 ; il avoit
-épousé le 29 Octobre 1722 , Françoiſe Gillonne de
Montmorency-Luxembourg , Dame du Palais de la
Reine , four puînée de M. le Duc de Luxembourg,
& il en laiffe "Louis de Pardaillan de Gondrin , fils
I vj unique ,
190 MERCURE DE FRANCE.
unique , né le 15 Février 1717 , aujourd'hui Duc
d'Antin , Pair de France , Colonel du Régiment de
Gondrin , & trois filles , dont l'aînée eft Religieufe
Profeffe de l'Abbaye de Fontevrault. Voyez pour
la Généalogie de la Maifon de Pardaillan , le Volume
V. des Grands Officiers de la Couronne , folio
1742
Le 16, Mre Louis Caftel de S. Pierre , Abbé Commandataire
de l'Abbaye d'Evron , Ordre des Benoît,
Diocèſe du Mans , depuis 1719, mourut en ſon Ab.
baye , âgé de 47 ans ; il étoit frere puîné de Louis
Caftel de S. Pierre , Marquis de Crevecoeur, Meftre'de
Camp de Cavalerie, ci - devant Enfeigne de la fecon.
de Compagnie des Moufquetaires , & aujourd'hui
Premier Ecuyer de S. A. R. Madame la Ducheffe
Douairiere d'Orléans , & fils de Louis-Hiacinthe
Caftel Comte de S. Pierre , auffi premier Ecuyer
de Madame la Ducheffe d'Orléans , & de feue D.
Françoife -Jeanne de Kerven , morte le 27. Janvier
1740 , & dont la mort a été annoncée dans le Mer
cure de Mars de la même année , fol . 6c8 . Le nom
de Caftel eft marqué parmi les Nobles de la Province
de Normandie , & également diftingué par fon
ancienneté , fes alliances & fes fervices Militaires ,
& porte pour Armes de gueules , à un chevron d'argent
, accompagné de trois rofes d'or , pofées deur
en chef & une en pointe.
Le 18 , Charles - François de Boufflers, Seigneur de
Remiencourt , près d'Amiens , dit le Marquis de
Boufflers , Lieutenant Général des Armées du Roi ,
depuis le 15 Fevrier 1732 , & Commandeur de
P'Ordre Militaire de S. Louis , mourut à Paris , dans
la 63 année de fon âge. Il étoit fils de Charles de
Boufflers , Chevalier , Seigneur de Remiencourt , &
de D. Marie du Bos de Drancourt; il avoit époufé en
1713 Antoinette-Louife-Charlotte de Boufflers , fa
coufine
JANVIER. 1744. 191
coufine au cinquième degré , fille de M. le Maréchal
de Boufflers , & foeur de M. le Duc de Boufflers
, Pair de France ; il la laiffe veuve & mere de
plufieurs enfans , entre autres de Louis -François de
Boufflers , Marquis de Remiencourt , né le 22 Novembre
1714 , Mefire de Camp , Lieutenant du
Régiment de Dragons d'Orléans , du 25 Mars 1737,
marié avec D. de Beauvau. Voyez pour la Généalogie
de la Maifon de Boufflers , l'une des plus illuftres
de la Province de Normandie & dont les
Seigneurs de Remien court font la troifiéme Branche
, le Volume V. de l'Hiſtoire des Grands Offi
ciers de la Couronne , fol. 77.
Le 21 , Louis-François -Charles- Auguftin de Rochechozart
de Mortemart , Duc de Rochechouart , Pair de
France , Grand d'Efpagne de la premiére Claffe , &
Premier Gentilhomme de la Chambre du Roi, mou .
rut à Paris , dans la 4 année de fon âge. Il étoit fils
unique deCharles -Augufte deRochechouait deMortemart,
Duc de Rochechouart, Pair de France, Grand
d'Espagne de la premiére Claffe , Premier Gentil
homme de la Chambre duRoi,Colonel du Régiment
d'Infanterie de Mortemart, & Brigadier des Armées ,
du Roi , tué à l'âge de 29 ans au Combat d'Ettingen
le 27 Juin 1743 , & de D. Auguftine Coetquen
Combourg. Voyez pour la Généalogie de la Maifon
de Rochechouart , l'une des plus grandes du
Royame , le IV. Volume de l'Hiftoire des Grands
Officiers de la Couronne ,fol. 649.
Le 28 , Gabriel- Marie de Talleyrand- Périgord ,
Capitaine dans le Régiment de Normandie , né le
premier Octobre 1726 , fils de Daniel Marie- Anne.
de Talleyrand- Perigord , Comtre de Grignols , Baron
de Beauville Seigneur de Mauriac , & c.
Places , Brigadier des Armées du Roi , Colonel da
Régiment
191 MERCURE DE FRANCE.
Régiment de Normandie & de MarieGuyonne de
Rochefort Théobon , fut marié avec Dlle Marie-
Françoife- Marguerite de Talleyrand-Perigord , née
le 10 Août 1727 , fille unique de Jean Charles de
Talleyrand- Perigord , Prince de Chalais , Marquis
d'Exideuil , Baron de Mareuil , Seigneur de Rouffiac
, Iviers , Salles , & c. Grand d'Efpagne de la
premiére Claffe , Gouverneur pour le Roi de la
Province & Duché du Haut & Bas Berry ; &
de D. Marie Françoiſe de Rochechouart de Mortemart.
EXTRAIT de la Généalogie de la Maifon
de Talleyrand.
Les Ecrivains qui ont parlé des Seigneurs de Talleyrand,
Comtes de Grignols & Princes de Chalais,
conviennent qu'ils font iffus des anciens Comtes
de Perigord , du nom de Talleyrand.
M. de Baluze , dans fon Hiftoire de la Maiſon
d'Auvergne , établit la féparation de la Branche des
Comtes de Perigord , d'avec celle des Seigneurs de
Grignols , du tems de Bofon , Comte de Perigord
en 1158 , qui , dans la Chronique de Geoffroy ,
Prieur du Vigeois , eft appellé Bofon de Grainol ols
Grignols , en Latin de Granholio.
On connoit quatre fils de ce Bofon , 1º . Helie de
Talleyrand , qui fut Comte de Perigord , après lui .
2. N. de Talleyrand, Seigneur de Montignac, dont
il est fait mention dans les Poëfies de Bertrand de
Born , Poëte Perigourdin , qui écrivoit en 1182. 3 ° .
N. de Talleyrand, Seigneur de Grignols , indiqué
dans un Sirvante du même Bertrand de Born ,
qualifié dans l'argument , l'un des grands Barons du
Perigord. 4. Ramnulfe de Talleyrand , Abbé de
la Faife.
&
Helie de Talleyrand , Comte de Perigord , & fon
fils
JANVIER . 1744.
193
fils Hélie de Talleyrand , difputerent au Seigneur
de Grignols la poffeffion de cette Seigneurie, ce qui
caufa entre eux des brouilleries , qui ne furent terminées
que par la renonciation qu'Archambaud de
Talleyrand fit vers l'an 1226 , en faveur de Bolon
de Grignols , à tous les droits qu'il avoit , pouvoit ou
devoit avoir fur les Château & Châtellenie de Grignols,
& à toute prétention qu'il pourroit former contre
Bofon fur lefdits Château Châtellenie.
Helie de Talleyrand , fils d'Archambaud , ratifią
cette renonciation par un Acte du mois de Janvier
1245 , dont l'original eft parmi les Titres de la Maifon
de Talleyrand ; il y dit , entre autres chofes : Et
lefufdit Bofon & fes fucceffeurs doivent nous défendre
aider envers contre tous , comme de notre côté nons
& nos fucceffeurs , devons ſemblablement & en la même
maniére , aider ledit Bofon les fiens , enſemble
défendre & garder eux & leurs biens contre tous en
tous lieux, & le fufdit Bofon doit jurer ce que deffus
Jur les faints Evangiles , à nous & nos fucceffeurs ,
le faire jurer aux Chevaliers & autres dudit Chateau.
De notre côté , nous & nos fucceffeurs , fommes
tenus devons pareillement jurer la méme chofe au
fufdit Bofon & à fes fucceffeurs , avec les dix meilleurs
Chevaliers de notre Terre , & nous devons nous prêter
P'un à l'autre le même ferment une fois à chaque mutation
des Comtes de Perigord des Seigneurs de Grignols
, quand l'un en fera requis par l'autre , & tant
nous que le fufdit Bofon,fommes convenus de faire ledit
ferment , pour maintenir fermement entre nous les
nôtres , perpétuellement & irrévocablement une paix
fincére une bonne union & concorde.
Archambaud , fils & fucceffeur d'Helie de Talleyrand,
fit la même renonciation , & prêta le ferment
requis à Helie de Talleyrand, Seigneur de Grignols ,
par un Acte , daté du 7 des des de Juillet de l'an
1277 , dont l'original eft parmi les Titres de la
Ma.fon
194
MERCURE DE FRANCE.
Maifon de Talleyrand. Il eft à obferver que la Seigneurie
de Grignols appartient encore aujourd'hui
a la Maifon de Talleyrand.
Helie de Talleyrand , Seigneur de Grignols ,
époufa Agnès de Chalais , par qui la Terre de Cha.
Lais eft entrée dans la Maifon de Talleyrand , qui la
poffede encore aujourd'hui . Il eut de fon mariage
plufieurs enfans , dont l'aîné
Raimond de Talleyrand, Chevalier , Seigneur de
Gaignols & de Chalais , époufa l'an 1305 Marguerite
, fille aînée d'Adhemar de Beynac , dont il eut
Bofon de Talleyrand , Seigneur de Grignols & de
Chalais ; on ne connoît fa femme que par fon Tef
tament , où il la nomme Madame Barrana , & l'on
fçait feulement que fa dot avoit été conftituée en
partie fur l'Hôtel de Chateleneuf de Berbiguieres .
Il en eut plufieurs enfans , dont l'aîné
Helie de Talleyrand , Chevalier , Seigneur de
Grignols & de Chalais , Chambellan du Roi Charles
VI , époufa Affalide de Pomiers , Dame & Vicomteffe
de Fronfac. On a de lui plufieurs quittances
originales de gages qu'il a reçus pour fervices
militaires , en qualité de Chevalier Banneret , avec
deux Bacheliers & neuf Ecuyers de fa Compagnie ;
l'aîné de fes enfans fut
François de Talleyrand , Chevalier , Seigneur de
Grignols de Chalais & de Fouquerolles , Vicomte
de Fronfac , marié avec Marie de Brabant , niéce
d'Huguelin de Chalons , de qui elle eut par fucceffion
la Terre de Bafoches. Leur fils aîné fut
Charles de Talleyrand , Chevalier , Seigneur de
Grignols & de Fouquerolles , Prince de Chalais , &
Vicomte de Fronfac . Il eft le premier qui ait pris Is
Titre de Prince de Chalais . De Marie de Franche-
Jyon , Veuve de Louis Chauveron , Seigneur de Ris
& de Lauriere , qu'il époufa en fecondes nôces le 6
Mai 1443 › il eut
Jean
JANVIER 1744
195
Jean de Talleyrand , Chevalier Seigneur de Gri
gnols & de Fouquerolles , Prince de Chalais , Vicomte
de Fronfac , Chambellan du Roi Charles
VIII , Premier Maître d'Hôtel de la Reine fa femme
, Anne de Bretagne , Chevalier d'honneur de la
même Anne de Bretagne , feconde femme de Louis
XII. & de Marie d'Angleterre fa troifiéme femme,
Maire & Capitaine de Bordeaux. Il époufa en 1478
Marguerite de la Tour , fille d'Agne de la Tour
Vicomte de Turenne , & de Marie de Beaufort , &
en eut plufieurs enfans , dont l'aîné
François de Talleyrand , Seigneur de Grignols
& de Fouquerolles , Prince de Chalais & Vicomte
de Fronfac , époufa Gabrielle de Salignac , fille de
Bertrand de Salignac , & d'Ifabeau de Talleyrand ,
fa coufine germaine , dont il eut
Julien de Talleyrand, Seigneur de Grignols, Prin
ce de Chalais & Vicomte de Fronfac , marié avec
Jaquette de la Touche , fille de François de la Touche
, Seigneur de la Faye , dont le fils
Daniel de Talleyrand , Chevalier Prince de Cha-
Jais , Comte de Grignols , Marquis d'Exideüil , Baron
de Beauville & de Mareuil , Confeiller du Roi
en fes Confeils d'Etat & Privé , Capitaine de cent
hommes d'armes de fes Ordonnances , époufa en
1587 , Françoiſe de Montluc , fille de Blaiſe de Montluc
, Maréchal de France. Louis XIII . érigea en fa
faveur laTerre & Châtellenie de Grignols en Comté
, & celle d'Exideüil en Marquifat. Dans le préam
bule des Lettres d'Erection , Daniel de Talleyrand ,
eft dit iffu en ligne directe des anciens Comtes de Périgord.
Françoile de Montluc apporta dans la Maiſon
de Talleyrand, les Terres d'Exideüil , de Mareüil , &.
de Beauville .
De plufieurs garçons , qu'il eut de fa femme ,
deux ont laiffé des fils qui ont formé deux branches
de la maison de Talleyrand , dont l'aîné
Charles
198 MERCURE DE FRANCE.
Charles de Talleyrand , Prince de Chalais , Marquis
d'Exideuil , Comte de Grignols , Baron de
Beauville & de Mareuil , époufa en 1637 , Charlotte
de Pompadour , fille de Philibert de Pompadour ,
Chevalier des Ordres du Roi , fon Lieutenant- Général
dans le Haut & Bas Limofin . Il en eut trois
garçons , dont l'aîné Adrien Blaife de Talleyrand ,
avoit époufé Marie- Anne de la Tremoille , depuis
Princeffe des Urfins , dont il n'a point eu d'enfans ;
le fecond , Pierre de Talleyrand eft mort fans pofte
rité , & le troifiéme
Jean de Talleyrand , Prince de Chalais , Marquis
d'Exideuil , & c. marié en 1676 avec Julie de
Pompadour , fille de Philibert de Pompadour , Mar
quis de Ris & de Lauriere , & de Catherine de Ste
Maure , en eut
Jean Charles de Talleyrand , Prince de Chalais ,
Marquis d'Exideüil , &c. Grand d'Espagne de la
premiére Claffe , Gouverneur du Berry ; de fon ma
riage avec Marie Françoife de Rochechouart , fille
de Louis de Rochechouart Duc de Mortemart, Pair.
de France , Général des Galéres , eft née le 10
d'Août 1727 Marie- Françoife Marguerite de Talfeyrand
, dont le mariage avec le Comte de Talleyrand
a donné lieu à cet article.
André de Talleyrand , Chevalier Comte de Grignols
, Baron de Beauville , quatriéme fils de Daniel
de Talleyrand , & de Françoife de Montluc , époufa
en 1639 , Marie de Courbon , fille de Jacques de
Courbon , Seigneur de Romegou , &c. il en eut
plufieurs enfans , dont l'aîné
Adrien de Talleyrand , Comte de Grignols , Ba
ron de Beauville , eut de fon mariage avec Sufanne
Jaubert de S. Gelais , fille de Gabriel Jaubert'
de S. Gelais , Comte de Bourfac & de S. Sevrin
Gabriel de Talleyrand , Comte de Grignols , Ba-'
ron*
JANVIER. 1744. 197
>
ron de Beauville & de S. Sevrin , marié en 1704
avec Marguerite de Taillefer , Dame de Mauriac ,
fille de Daniel de Taillefer , & d'Henriette d'Aubuffon
de la Feüillade , dont il a eu
Daniel Marie- Anne de Talleyrand , Marquis de
Talleyrand , Comte de Grignols , & de Mauriac
Brigadier des Armées du Roi , Colonel du Régiment
de Normandie , qui de fon premier mariage
avec Marie Guyonne de Rochefort Théobon , fille
de Charles Bordeaux , de Rochefort , Théobon
Marquis de Théobon , & Captal de Puychagut , &
de Marie- Annę de Pons , a eu
Gabriel •
"
Comte de Talleyrand , ne
le premier Octobre 1726 , dont le mariage avec la
fille du Prince de Chalais a donné lieu à cet article.
Le Marquis de Talleyrand a épousé en fecondes
nôces en 1732 , Marie- Elifabeth Chamillard , fille
de Michel Chamillard , Marquis de Cany , Grand
Maréchal des Logis de la Maifon du Roi , Colonel
du Régiment de la vieille Marine , & de Marie-
Françoise de Rochechouart de Mortematt , épouse
en premieres nôces, de Jean- Charles de Talleyrand
Prince de Chalais. Il a de ce mariage plufieurs en
fans.
Le Marquis de Talleyrand a un frere nommé
Jean-George de Talleyrand , Baron de Beauville
, Mestre de Camp d'un Régiment de Cavalerie
de fon nom . Les Armes de la maifon de Tal
leyrand font de gueules à trois lions d'or , armés ,
lampaffés & couronnés d'azur , pofés deux & un.
Ils avoient ces armes , il y a près de 300 ans , dans
le tems de l'extinction de la Branche des anciens
Comtes de Périgord , dont le dernier ,, fur qui la
Comté de Périgord fût confifquée , fit fon Teftament
en 1425 ; ces armes font auffi celles de la
Province de Périgord.
TABLE
TABLE.
Catalogue des Mercures depuis Juin 1721 . Privilége du Roi .
Lifte des Libraires qui débitent le Mercure.
Avertiffement qu'on doit lire .
PIECES FUGITIVES . Epitre à M. Nericault Deftoches,
de l'Académie Françoife , par M. Tanevot , 1
Lettre de M. Liger, fur la Quadrature du Cercle , 7
Eloge de la vraye Nobleffe, à M. le Duc de ***
Etrennes au même ,
10
12
Suite de la Lettre de M. l'Abbé Soumille , fur la
Chartreuse de Villeneuve d'Avignon ,
Les Eclairs , Ode ;
13.
33
Extrait de Lettre,au fujet du Paffage de l'Infant Don
Philippe par la Ville de Grenoble ,
Complimens faits à ce Prince ,
38
40
Remerciment des Penſionnaires Chinois du Colléhe
de LOUIS LE GRAND à M. le Duc de Penthiévre
,
Décifion d'un fameux Problême ,
Etrennes ,
43
48
Queft. importante , jugée au Parlem . de Paris , 49
Epitre en Vers à Mlle Puvigné , pour l'inviter à
faire les Rois ,
Obfervations fur un Enfant monftrueux ,
Vers pour le premier jour de l'an ,
Lettre au fujet de la Ville d'Angers ,
La Bouffole , Poëme ,
Mémoire de M Gourdain , fur l'Horlogerie ,
Le Miroir & le Ramoneur , Fable ,
料
54
55
62
64
67
72
78
Lettre de M. de Launay, à M. l'Abbé Berthault , 79
Enigmes & Logogryphes ,
87
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS , & c,
Mémoires concernant l'Hiftoire Eccléfiaftique &
Civile d'Auxerre , Extrait ,
Fables
Fables choifies & nouvelles , par M. Richer ,
L'Enfant & les Abeilles , Fable ,
Le Singe & l'Ecolier , autre Fable ,
L'Oiseau Miſantrope , autre ,
Hiftoire Romaine , Tome IX . Extrait ,
97
98
той
102
103
Nouveaux Logogryphes, avec la clef pour en facili
ter l'intelligence , 107
Traduction Françoise d'un Livre écrit en Anglois
, 108
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Gaules , Extrait
, 109
Voyages dans plufieurs Provinces de Barbarie & du
Levant , 112
Défenſe de la vérité du Martyre de la Légion Thébéenne
,
Lettre fur l'Hiftoire générale d'Allemagne ,
Livre fur l'Espérance Chrétienne , & c .
Le Catalogue des Rôles Gafcons , &c.
Traduction du Poëme de Roland Furieux ,
Mélange amufant de faillies d'efprit . & c.
Etrennes Hiftoriques ,.
113
ibid.
114
itid.
ibide
ibid.
τις
Livres des Pays Etrangers chés Cavelier le pere , ibid.
Lectiones Theologica de Religione , Extrait ,
Hiftoire des Indes Orientales , Extrait ,
Deſcription de la Corfe , & c.
Géographie abbregée ,
Mémoires fur l'Hiftoire des Gaules,
Fables ,
116
121
124
ibid.
129
Nouvelle Edition de l'Explication Hiftorique des
ibid.
Effais fur le Genre & le Caractére des Nations , ibid.
Hiftoire naturelle des Oiseaux , proposée par Soufcription
,
126
Réglement complet des Médailles des Souverains
Pontifes , Extrait , 127
Nouvelle Collection de Voyages , propoſée par
Soufcription ,,
128
Cas fingulier d'un Ecoffois , qui a vécu plus de 18
ans
ans avec de l'eau , du petit lait ou de l'eau d'orë
ge , 130
Nouvelle Edition des OEuvres de Jean Bacquet , ibid.
Effais fur l'Hiftoire de Belles Lettres , & c . 131
Nouvelle Edition d'un Ouvrage fur le Droit de Fa
ibid. tronage , & c.
Differtation Hiftorique fur les Sceaux antiques des
bas fiécles , ibid.
Abbregé de l'Hiftoire Grecque , Romaine & Eccléfiaftique
, en Italien ,
Lucerna fictiles Mufei Paſſerii , II . Tome ,
ibid.
132
Nouvelle Edition du Dictionnaire de Morery , ibid.
IX. & X. Vol. du Recueil des Actes de Rymer , 133
Nouvelle Traduction Françoiſe de l'Art de conferver
la fanté ,
Edicion des OEuvres de Philon le Juif,
Vies des Amiraux , en Anglois ,
Introduction à l'Hiftoire universelle ,
Queſtion proposée par M. P. Th**.
Avis fur le Reméde pour la Goute ,
i
ibid.
ibid.
134
ibid.
ibid.
135
ibid.
Nouvelle Edition du Traité des Matiéres Criminelles
,
Sujet du Prix de l'Académie Françoife , pour le
mois d'Août prochain , 136
Jettons frappés pour le per, jour de cette année , ibid.
Estampes nouvelles , 137
Sonnates de Giovanni Moffi , par Soufcription , 142
Euvre VI. du célébre Handel , auffi par Soufcription
,
Second Concerto, par Mile Hauteterre ,
Nouvelles Cartes du Sr le Rouge ,
Carte du Sr Dernis ,
Nouvelle compofition de Perles,
Le Pantographe perfectionné ,
Effence d'Ognifiori du Sr Briart ,-
Pommade pour les Hemorroïdes ,
Suc de Regliffe & de Guimauve blame ,
143
ibid.
145
ibid.
146
ibid.
148
149
ibid.
Chanfon
2
Chanfon notée , 150
Spectacles. Le Roi , Monfeigneur le Dauphin &
Mesdames de France honorent de leur préfence
la repréfentation de l'Opera de Roland ,
Premier Bal à l'Opera.
*
151
153
ibid.
Fernand Cortés , nouvelle Tragédie , repréſentée
fur le Théatre François ,
Nouvelle Parodie , intitulée Roland , repréſentée à
P'Hôtel de
Bourgogne , 154
Nouvelles Etrangères, Turquie , Pologne , &c. 155
Morts des Pays Etrangers,
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
161
162
Fête donnée à Stockolm par M. le Marquis de Lanmary
, 163
Nouveaux Chevaliers de l'Ordre du S. Efprit , 166
La Charge de Premier Gentilhomme de la Chambre
de S. M. donnée au Duc de Richelieu ,
Nouveaux Gardes du Corps reçûs ,
168
ibid.
Les Députés des Etats de Bretagne ont audience da
Roi , 169
Le Duc d'Antin prête ferment de fidelité entre les
mains de S. M. ibid.
Le Comte de Montijo prend congé du Roi , 170
La Reine , Monfeigneur le Dauphin , & Mefdames
de France partent pour Marly , ibid.
Le frere de l'Empereur élû Evêque de Liége , ibid.
M. Rince élû Evêque de Bâle , ibid.
L'Evêque de Dijon eft facré & prête ferment de fidelité
entre les mains du Roi ,
Bénéfices donnés ,
171
ibid.
Extrait d'une Lettre de Dourdan au fujet des réjouiffauces
faites pour le Mariage de M. le Duc
de Chartres, ibid.
Le premier jour de l'an ,les Hautbois de la Chambre
jouent au lever du Roi , & M. Deftouches fait
jouer par les 24 ; une grande fuite d'Airs de fa
compofition ,
* 174
Concerts
Concerts chés la Reine , 174
Bal marqué chés Mefdames de France ,
Piéces joliées à la Cour ,
175
ibid.
Dimenſions de l'Obelifque & du Gnomon de l'Eglife
de S. Sulpice ,
Obfervations fur la Cométe ,
Morts & Mariage ,
Généalogie de la Maiſon de Talleyrand ,
176
186
188
192
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAges,ligne s, Kempis , lifex , à Kempis. P.
47 ,
8.
du bas , Cerele , l . Cercle. P. 24 , 1. 2
Coeur , Choeur. P. 36 , 1. 7 & 9 , ôtez le point d'admiration
après le mot confondus , mettez le après le
mot Tonnerre. P. 38 , 1. 4 , Doм , l . Don . P. 41 , 1 ,
18 , à , l. à. P. 46 , l . 12 , un , l . une. P.
1.8 &
9, préferée , 1. préferé. P. 48 , 1. 3 , un , 7. une, P.
so , l . 11 , Picart , f . Pichart. même ligne , préte , 1 .
prété. Même p. 1. 19 & 30 , Pichard , I, Pichart. P.
56 , 1. 22 , abtique , l . optique . P. 78,1 2 du bas ,
brile, l. brille.P.83 , 1,16 , Libraire , l. Libraire . P. 89,
1.8 du bas , Tonneau , l . & Tonneau . P. 97 , l . 12 ,
dimiciliées , l . domiciliées. P. Ico, l . 5 du bas , Tout
le mon defçait, L. Tout le monde fçait, P. 102 , 1. 2.
MIANTROPE , / . MISANTROPE . P. 115, ] 14, diverſe ,
1. diverles. P. 116 , l . 18 , Academica , 1. Academica.
P. 117,1. 11 , Miffon , , Muffon. P. 127 , 1. 5 da
bas , données , l . donnés. P. 130 , l . 19 & 20 , pourquoi,
l . pour lesquelles. P. 132 , 1. 19 ôtez la virgule
après Tome. P. 136 , 1.6 du bas ,funeribus , 1. funerbus.
P. 143 , 1. 6 , les l le . P. 145 , 1. 24. M. Verger,
I. chés M, Verger. P. 152 , . derniére , Gondolle
1. Gondole. P. 161 , l . 12 , de , l . & de Marg. Ibid.
1. 22 , d'Albert à préfent, L. d'Albert, à preſent . Ibid.
arme , l. armes.
1.30 ,
Les
Jertons
gravés
doivent
regarder
la page
La
Chanfon
notée
doit
regarder
la page
,
136
160
MERCURE
DE FRANCE .
1
DÉDIÉ AU ROI.
FEVRIER. 1744.
Chés
URICOLLIGIT
SPARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME
ruë S. Jacques.
CAVELIER.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
M. DCC . XLIV.
Avec Approbation & Privilege du
T
LM
A VIS.
"ADRESSE générale eft à Monfieur
MOREAU , Commis au Mercure , visà-
vis la Comédie Françoife , à Paris, Ceux qui
pour leur commodité voudront remettre leurs
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent fe fervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter & à ceux qui les
envoyent , celui , non-feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de les per
dre , s'ils n'en ont pas gardé de copie.
•
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure deFrance de lapremiere main ,
plus promptement , n'auront qu'à donner leurs
adreffes à M. Moreau , qui aura foin de faire
Leurs Paquets fans perte de tems , & de lesfaire
porter fur l'heure à la Pofte , on aux Meſſage
ries qu'on lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
2
DÉDIÉ
AU
ROI.
FEVRIER 1744 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
ACCORD DE LA RAISON ET DE LA FON
ODE ,
AM. l'Evêque de Baynx , l'un des 40 !
de l'Académie Françoife.
AISSONS les pompeufes merveilles
De Pidolâtre Antiquité;
Je ne veux confacrer mes veilles
Qu'à l'Eternelle Vérité.
Pour elle mon ardeur extrême
Me fait,jufqu'au fein de Dieu même ,
A ij Porter
204 MERCURE DE FRANCE.
Porter mes timides regards.
Que dis- je ! il m'inſpire , il m'éclaire ,
Et dans ma pénible carriére
Je ne connois plus les hazards .
**
Foi defirable , que je chante ,
Sous ton joug foumets nos efprits
C'eft peu que ma muſe te vante
Si l'on ne connoît pas ton prix .
Reads mon entrepriſe efficace ;
Fais toi précéder de la grace ;
Sans elle l'homine ne peut rien
Sans elle tu ferois fans gloire ;
Elle invite , elle engage à croire s
Elle eft la fource de tout bien , J
Quand notre débile paupière ,
N'ofant fupporter le grand jour ,
Par elle s'ouvre à ta lumiére ,
Jufqu'où ne va point notre amour !
Eft-il d'invincibles obftacles ?:
Par toi s'opérent les miracles ;
Tout cede à tes faints mouvemens ,
pour Et le foutien de ta caufe
Le plus foible mortel s'expofe
A l'horreur des plus grands tourmens.
ContemFEVRIER.
1744. 205
Contemplant la célefte voûte
Et tous ces Globes lumineux ,
Qui dans leur admirable route
Vont d'un pas fi majeſtueux ,
La terre en tréfors fi fertile ,
L'Oiſeau , le Poiffon , le Reptile ,
L'Infecte , fait avec tant d'art ;
En fecret la raifon me èrie ,
Peut-il fortir tant d'induſtrie
Des mains de l'aveugle.hazard ›
*3*
C'eſt cette même voix fecrette ,
A l'afpect du Monde & des Cieux ,
Qui dit qu'une oeuvre fiparfaite
Ne peut admettre plufieurs Dieux.
Que de Dieux ce concours étrange ,
Bizarre & fantafque mêlange ,
Révolte & choque le bon ſens ,
Qu'un Eternel & fuprême Etre ,
Qu'à tant d'ordre on doit reconnoftre
Méritefeul tout notre encens.
>
Ce grand Auteur de la Nature ,
Dans fon effence enfevelt ,
Laifferoit-il la créature
Dans les ténébres de l'oubli
A iij Satis
206 MERCURE DE FRANCE.
Satisfait de fon
propre ouvrage ,
Ne veut- il plus aucun hommage ?
Que l'homme erre au gré de fes voeux ?
Eh quoi ce Dieu fans Providence ,
Oifif & plein d'indifference
Seroit un être monftrueux.
La Raifon perçant ces nuages ,
Réfout ces fophifmes.divers.
Rendez , dit- elle , vos hommages
Au Dieu qu'annonce l'Univers.
De fes redoutables Myſteres
Jadis il inftruifit vos peres ,
Soyez dociles à ſa voix ;
Cette voix qu'on entend encore
Et qui du Couchant à l'Aurore
Soumet les Bergers & les Rois.
*3X+
Alors par la grace
éclairée
La Raifon , unie à la Foi ,
M'éleve à la voûte azurée
Plein d'amour & d'un faint effroi
Dans ce Sanctuaire adorable ,
De la Trinité refpectable
J'admire l'immenſe Splendeur ;
Mais ma Raiſon, humble & ſoumiſe,
Lai
FEVRIER. 1744 207
Laiffe la Foi qui la maîtriſe ,
En contempler la profondeur.
Pour réparer la faute extrême
Du premier Homme criminel ,
Le Fils fe fait Homme lui- même ;
Se livre au fort le plus cruel.
Sur la Croix meurt l'Auteur du Monde ,
Ce Dieu qui d'une voix féconde
Tira les Etres du néant.
Par la puiffance fouveraine ,
Il dompte la mort ; il l'enchaîne ,
Et du tombeau fort triomphant.
Prodige , & merveille inouie !
Ce Dieu remonté dans les Cieux ,
En mille endroits fe multiplie
Auffi grand , auffi glorieux .
Cet aimable & fouverain Maître
Obéit à la voix d'un Prêtre ,
Vient & defcend fur nos Autels.
Prêtre & Victime tout enfemble ,
Sous un foible voile il raffemble
L'Arbitre & le Dieu des Mortels.
炒菜
Si la Raifon n'en peut comprendre ,
Ni pénétrer l'obſcurité ,
A iiij
Elle
208 MERCURE DE FRANCE,
Elle ne fçauroit fe deffendre
D'en croire la réalité .
Que de miracles innombrables !
Que de témoins irréprochables
Et de tout fexe & de tout rang ×
Qui des Tyrans libres victimes
Ont , pour prouver ces faits fublimes ,
Rougi la terre de leur fang !
En mon coeur la Foi triomphante ,
Me rend comme un ferme rocher
Qu'une onde fiére & mugiffante
Follement tâche d'arracher.
Que l'hérétique ou l'incrédule ,
Armés d'un doute ridicule ,
Veüillent me faire balancer
En vain leur adreffe m'affiége ;
Ma foi folide rompt le piége
Que leur art m'avoit fçu dreffer.
O ! vous , qui des Tyrans féroces
Avez bravé la cruauté ,
Dans les tourmens les plus atroces
D'où vous vint cette fermeté ?
En
proye à la flâme cruelle
*
D'Enfants une troupe fidelle
* Martyre des Machabées.
Infulte
FEVRIER . 1744. 209
Infulte au vain courroux d'un Roi.
Là , les Apôtres invincibles ,
Dans les douleurs les plus horribles
Doivent leur triomphe à la Foi.
A fon gré d'une roche aride
Découlent les plus purs ruiffeaux
Je vois de la plaine liquide
Sous fes pas s'affermir les eaux.
L'effet fuit de près ſa priere ;
L'Aveugle né voit la lumiere ;
Des Muets on entend la voix ;
Du fond de fes Royaumes fombres
La mort laiſſe les pâles ombres
Sortir , & violer fes Loix.
1
**
Quel bizarre amas d'héréfies
S'éclipfe devant fon flambeau !
Aux Lieux dont elles font forties
Elles rencontrent leur tombeau.
Malgré leur attaque cruelle ,
1
Du Très- Haut l'Epoufe immortelle ,
L'Eglife , brave tous leurs traits ;
L'Enfer contre elle en vain conſpire ;
Rien ne pourra de fon Empire
Bannir l'innocence & la Paix.
AY Tei ;
210 MERCURE DE FRANCE
Toi , dont la Foi fert de modéle
'Au troupeau qui t'eft confié ,
Reçois cet hommage fidéle
Par tes vertus juftifié.
Mais , DE LUYNES , fi dans la Chaire
Tu fçais nous inftruire & nous plaire ,
En nous expofant notre Foi ,
Donne-nous auffi ton courage ,
Si tu veux qu'on ait l'avantage
De la pratiquer comme toi.
Par M. LE PETIT DE MONTFLEURY , de
Académie Royale des Belles-Lettres de Caën .
**
RE
FEVRIER. 1744. 211
REPONSE de M. Liger , Commis au
Bureau de la Guerre , à M. de la Cofte le
cadet , à Dijon.
J
'Ai lû , Mr , dans le Mercure de Septembre
1743 , pag. 2003 , vos réfléxions
fur l'idée de l'infini , qui font pleines
d'efprit & fort ingénieuſement conduites ;
mais avec ces avantages , elles n'emportent
pas la conviction & ne démontrent l'infini
que fophiftiquement . Vous dites , Mr , que
lorfque vous pensez à l'infini , vous confiderez
l'Etre par lui- même,dans lequel vous
appercevez toujours une ulterieure réalité
permettez- moi de vous dire que c'eft confondre
deux idées à la fois , celle du rien &
celle du réel , car la divifion ou l'augmenta-
´tion d'une réalité , poffibles à l'infini , enfantent
fumplement l'idée de l'infini , mais
la divifion ou l'augmentation n'étant rien
par elles-mêmes , leur produit eft un autre
rien ; donc en penfant à ces riens , c'eſt ce
me femble une idée que l'on doit diftinguer
de la penfée ou réfléxion que l'on fait fur
an quelque chofe de réel.
Votre penfée fur l'infini fait de ce rien
le réel , dans lequel vous appercevez l'infini
A vi
OW
212 MERCURE DE FRANCE.
.
ou rien , qui précéde toujours l'être , & vous
croyez fortir de cette complication obfcure
par une addition que vous admettez
voir fe continuer fans fin .
pou-
En diftinguant le non être d'avec ce qui
eft , je dis , Mr , que l'infini ne provenant
pas de chofes réelles , il ne repréfente aucune
réalité ; donc en penfant au non-être
ou à l'infini , il eft impoffible de confiderer
l'être par lui-même , ni appercevoir une réalité
où il n'y en a point.
Il n'eft pas toujours vrai , que ce qui fe
préfente à l'imagination comme chofe poffible
, foit en effet poffible , & votre idée de
l'infini eft précisément dans ce dernier cas.
Vous dites , Mr , que l'être déterminé eſt
la négation de l'infini ; cela eft vrai , puifqu'il
n'y a point d'infini , & que c'eft par
la
réalité que l'on peut prouver que l'idée de
l'infini cft l'idée du néant , dont les Infinitaires
font un être , ce qui choque la raifon ;
Un nombre exifte ou exprime une exiſtence
; vous fuppofez qu'à ce nombre ou quantité
on peut en ajouter d'autres , & vous
concevez qu'à cet amas l'on peut encore
ajouter , ce que vous affurez pouvoir être
toujours continué : voilà , dites-vous , l'infini
; cette définition eft un pur fophifme ,
dénué de tout fondement.
Je conviens qu'après beaucoup d'additions
,
FEVRIER. 1744 213
tions , on peut encore ajouter , mais je
nie affirmativement que cette accumulation
puiffe fe faire toujours réellement ; je foutiens
au contraire démonftrativement que
cette poffibilité eft une idée fophiftique
c'eft fimplement décomposer ou diviſer un
corps , une addition de matiére & recommencer
l'addition ; par exemple , Mr , Mr , prenons
une particule invifible de la matiére ;
c'eft une unité la plus approchée du néant ,
& ajoutons la à elle-même , par la penſée
autant de fois qu'il eft néceffaire pour en
former un corps de dix milliers pefant ,
certainement la fomme de l'addition fera
telle , que nous n'aurons point la poffibilité
de l'exprimer ; or toute prodigieufe & inexprimable
que foit cette fomme , vous concevrez
encore , comme vous le dites , qu'il
fera poffible d'ajouter à ce corps une addition
plus confiderable de particules de la
matiére , que n'eft la première , je l'accorde
& je dis plus , il vous eft libre , Mr , encore
par la penſée , d'ajouter à ce corps , ( compris
dans l'Univers ) tout le furplus de l'Univers
, c'eft affurément tout ce que vous
pouvez faire , car je vous crois trop raifonnable
pour vouloir créer des Univers ; cependant
, fuivant votre définition de l'infini
, il vous reſteroit encore l'idée de pouvoir
ajouter à tout l'Univers ; or il est évident
214 MERCURE DE FRANCE.
dent que cette idée fuppofe une infinité
d'autres Univer's ; de bonne foi , cette fuppofition
peut-elle être admife : donc il faut
que vous conveniez que vous ne pouvez
continuer à l'infini les additions , & il en
eft de même de la divifion.
Notre particule de matiére eft à l'Univers
comme à tout , mais au néant elle
eft comme i ào , ce qui fait trois termes ,
dont je fais cette progreffion , o 1 :: I tout.
Or je vois que rien ou o ne peut pas être à
quelque chofe d'exiftant , comme cette exiftence
eft à tout ; d'où il réfulte que tout ſe
divife par 1 & que o n'eft propre à rien , car
il ne peut divifer , donc cette forte d'unité
ou particule de matiére , eft ce qu'il y a au
plus près de rien ou o , donc indivifible ,
donc point d'infini dans la Nature.
A Fontainebleau , le 20 Novembre 1743 •
ALLE
FEVRIER . 1744. 215
ཆ
ALLEGORIE.
Jupiter ,étourdi tous les jours par Mercure
Des diffenfions , des débats ,
Qui divifent entr'eux les Mortels ici- bas,
Se réfolur , veillant fur Phumaine Nature ,
De terminer enfin ces frivoles combats.
Réformons , s'il fe peut , cette engeance inſenſée ,
Dit-il , au Dieu du Caducée ;
Une Déeffe eft ſous nos yeux ,
D'un caractere très- docile ,
Mais é foit dit entre nous ) pour moi , pour tous les
Dieux ,
C'eſt un meuble affés inutile.
Elle n'empêche pas que la Reine des Cieux
Avec moi bien fouvent ne foit en broüillerie ,
C'eft ma faute peut-être , & la galanterie ,
A laquelle je fuis enclin ,
Rend fon efprit & fâcheux & malin.
Que faire ? c'eft ma deſtinée.
Pour la feule Junon ma flâme n'eft point née.
D'autres intérêts , mille fois ,
Tu le fçais , mon cher fils , ont partagé nos voix.
Quel bruit dans les Cieux ! quelle eſclandre ,
Quand il fallut combattre aux rives du Scamandre ,
Qu'il
216 MERCURE DE FRANCE.
Qu'il fallut décider fur le fort d'Ellion !
D'un côté , l'on voyoit & Minerve & Junon ;
De l'autre Mars , & la Déeffe tendre ,
Cette Venus , fi peu propre aux combats ,
Qui d'un mortel reçut par avanture ,
Une affés legere bleffure .
Minerve avoit conduit le bras
De l'audacieux Dioméde.
Dans l'immortalité fe trouva le reméde ;
Je conclus donc que par bonté ,
Je dois envoyer fur la terre
La paisible Divinité ;
Va , porte lui les Loix du Maître du Tonnerre.
Il dit , & Mercure à l'inftant
Intime l'Ordre à la Déeffe ;
Elle part d'un efprit content ,
Et du monde bien- tôt elle devient Hôteſſe.
On l'appelle Union , & c'eſt de vous , mortels ,
Que déformais elle attend des Autels .
Sur la bouche vermeille habite le fourire ;
Le calme eft fur fon front, la douceur dans fes yeux;
Dans les mains font des fleurs , fymbole précieux
Du noeud qui nous attache à ſon aimable Empire.
Mais que dis je ? Grands Dieux , ah ! combien parmi
nous
A- t'elle réfidé , fans trouver un afile !
Et qui de fon régne tranquile ,
Jufqu'à
FEVRIER . 1744 . 217
Jufqu'à notre âge avoit paru jaloux ?
Méconnue à la Cour , étrangere à la Ville ,
Ignorée au fein des époux ,
Et des familles & du Cloître ,
A peine ofoit- elle paroître,;
Et fi par fois , de quelque grain d'encens
La Déeffe étoit honorée ,
Contre elle auffi -tôt conjurée ,
La diſcorde étouffoit fes hommages naiffants
Tel fut long-tems l'accueil funefte ,
Que firent les humains à la fille célefte ;
Rebutée , errante en tous Lieux ,
Elle étoit prête , hélas ! de retourner aux Cieux;
Les Vertus avec elle alloient être exilées ,
Lorfqu'en certain réduit les Graces raffemblées ,
Les Mufes , les Talents , la fincere amitié ,
De fon deftin eurent pitié ;
Initiés dans fes Myfteres ,
Ils s'obligerent tous , par des liens aufteres ,
De fuivre fes divines Loix.
Que fous leurs traits divers , l'Union a de charmes I
C'eft à qui lui rendra les armes ;
Chacun devient attentif à ſa voix.
Ainfi de Jupiter la fageffe profonde
A la Déeffe , à tous les droits ,
Affura l'Empire du monde.
Par M. Tanevot.
DIS
218 MERCURE DE FRANCE.
DISCOURS fur l'amour du Bien Public.
T
Out Citoyen à qui l'on confie quelque
emploi & quelque adminiftration
, fe doit entierement au Bien Public ;
efclave honorable de la dignité dont il
eft revêtu , il en doit refpecter les fonctions,
& en méditer continuellement les devoirs.
le
Il eft obligé de fe prêter à tout ce que
Bien Public peut exiger de lui ; fon tems eſt
une espéce de tréfor toujours ouvert aux
befoins de fes Concitoyens fes occupations
ne dépendent pas de fon goût ni de fon ca
price ; elles font engagées à la juftice & à
l'Etat ; c'eſt un dépôt facré qu'il doit rendre
à tout moment.
Les dons précieux qu'il peut tenir de la
Nature , ne lui ont pas été libéralement accordés
, comme un titre frivole de diftinction
& de vanité, mais comme un folide
moyen de fe rendre utile à ſa Patrie; ce font
des talens déplacés & dangereux , quand le
Public n'en profite pas.
Les Particuliers pour qui l'on s'intereffe
font fouvent ingrats ; le Public , auquel on
s'attache , ne l'eſt jamais.
Un
FEVRIER. 1744. X 219
Un homme en place qui aime le Public
Jaiffe des louanges fûres à fon nom , & une
gloire immortelle à fa pofterité.
Il voit croître fa réputation avec les an
nées , & joüit par-là du plus doux fruit de
fes travaux. L'Antiquité nous vante un bon
Prince , qui pleuroit les jours qu'il n'avoit
pû marquer de fes bienfaits ; il en doit être
de-même de celui qui exerce quelque autorité
, quoique plus bornée ; il faut qu'il occupe
la jeuneffe à acquérir les connoiffances
propres à fon état , & le refte de fa vie à en
faire ufage pour le Bien Public.
La fcience qui éclaire fon efprit, ne le féduit
point; il eſt auffi content d'appercevoir
la vérité par les lumiéres d'autrui que par
les fiennes , il ne cherche qu'à la découvrir ,
fans fe faire honneur de fa découverte ; il ne
fe confidere point lui -même dans ce qu'il
fait ;le Bien Public eft le feul objet de fes
démarches & de fes foins , pourvû que
cet objet foit rempli au gré de fes fouhaits ,
tous fes intérêts perfonnels lui font étran
gers dans fes fonctions. Ne nous imaginons
pas que le zéle ardent à fervir lePublic naiffe
en nous fortuitement, & fans qu'il en coûte
rien au coeur ; le feul amour naturel à l'hom
me c'eſt l'amour propre ; il le faut ni attention
ni effort pour s'aimer foi-même , pour
être vif fur fes intérêts & indolent fur ceux,
des
120 MERCURE DE FRANCE.
des autres ; on trouve ces goûts vicieux dans
la Nature , on les apporte en naiffant.
Les faux Sages du Paganiſme fe piquoient
en vain du détachement de toutes chofes ;
ils n'avoient que le trifte avantage de fe
contraindre , fans avoir la gloire de fe furmonter
; ils avoient beau être Philofophes
pour fes autres , ils étoient toujours hommes
pour eux- mêmes .
le
- Inutilemnt étalons-nous des dehors reglés,
lorfque l'intérieur ne l'eft pas , c'eſt par
coeur qu'il faut commencer les attaques
pour remporter une victoire folide .
C'eft fur le Théatre des paffions humai
nes que doit s'exercer le courage , pour faire
triompher la vérité ; une probité apparente,
une conduite hypocrite,font fort fujettes à fe
démentir ; mais lorfqu'à force de fe vaincre
foi -même on eft parvenu à fe mettre au- deffus
de tous les intérêts particuliers , rien
n'empêche plus qu'on ne fe livre à l'amour
du Bien Public, qui eft l'héroïsme de la Magiftrature
& des emplois municipaux .
Celui qui fort victorieux de pareilles
épreuves , femble n'en devoir plus craindre
d'autres ; il ne lui faut que des applaudiffemens
& des triomphes.
Ceux que les Concitoyens lui préparent ,
font d'autant plus fincéres , qu'ils viennent
du coeur , d'autant plus flateurs, qu'ils s'addreffent
FEVRIER. 1744. 228
dreffent à la perfonne plûtôt qu'à la dignité.
- Il doit s'aflurer par avance que l'utilité
des fervices par lui rendus au Public , parlera
après la mort , & que fon exemple
loin d'être renfermé dans le cercle de fa Patrie
, fe répandra en d'autres Climats, comme
font les pluyes univerfelles , qui fertilifent
toute la Terre, ..
Souvent les Particuliers ne tiennent pas
compte à l'homme public de ce qu'il fair
pour eux ; ils le croyent deſtiné par fa condition
à les fervir , & s'imaginent qu'ils
font en droit d'exiger de lui toutes fes attentions
& fes foins , fans être engagés à
aucun fentiment de reconnoiffance ; mais
du moins goûtera-t'il dans le tems la joye fi
pure pour les belles ames , de s'être acquitté.
de fon devoir envers le Public , & par un
noble retour , la Pofterité, qui met le fceau
aux véritables réputations , lui rendra exactement
la justice , qu'il aura renduë aux au◄
tres,
Par M. D. D. Avocat.
EPITRE
222 MERCURE DE FRANCE,
EPITRE à mes yeux , fur la maladie dont
ils ont été affligés au commencement
du Printems.
Vous ,mes yeux , dont je préferé
L'officieux miniftére
Aux trésors d'un Potentat ;
Vous , que dans mon trifte état ,
Je chéris plus que ma vie ,
Par quelle injufte manie
M'avez- vous abandonné?
Pourquoi fuis - je condamné ,
Sans fondement légitime ,
A devenir la victime
De ce que j'ai de plus doux ?
Pourquoi me refufez - vous
Le fecours que la Nature
Prétend qu'à la Créature
Vous accordiez jour & nuit?
A peine l'hyver s'enfuit ,
A la voix qui les rappelle
Des Vents la troupe fidelle
Va reprendre encor fes fers.
De mille ornemens divers
La Terre , couverte à peine,
Reçoit l'agréable haleine
De
FEVRIER. 1744.
223
De Zéphire bienfaifant ;
Déja foible & chancellant ,
Au milieu de ma carrière ,
Je fens que de la lumiére
Le flambeau va me quitter ;
Hélas ! je fens s'apprêter
L'horreur des ténebres fombres ,
Qui , de leurs fatales ombres
Vont envelopper mes jours ,
Et précipiter leur cours .
Quand le matin je me leve ,
Et que le Soleil s'éleve
Sur la tête des Humains ,
Qu'il leur donne à pleines mains
Des marques de fa tendreffe ,
De la douleur qui les preffe ,
Mes yeux enflés , abbattus ,
Ne voyent qu'objets confus
Dans les Lieux du voisinage ,
Que deüil , que funefte ombrage ,
Simboles de la terreur.
Le foir , lorfqu'à la lueur
D'une Lampe préparée ,
Les volets ferment l'entrée
Au jour qui rend fur la fin ,
Par le plus cruel deftin ,
J'erre feul dans les tenebres
Et de leurs voles funebros :
Voulang
224 MERCURE DE FRANCE.
Voulant en vain m'affranchir ,
Je fuis contraint de fléchir
Sous le poids de mon martyre.
Mes yeux ne peuvent point lire ,
Ni ma main fe délaffer
A négligemment tracer
Le délicat badinagę .
Qu'enfante un efprit volage ,
Animé de tendres feux .
Enfin , dites - moi , mes yeux ,
Dans la douleur qui m'accable,
Envers vous fuis - je coupable
De quelque dur traitement ?
D'un fatal entêtement
Suivant l'odieux caprice ,
Ai-je donc eû l'injuſtice
De vous forcer à veiller
Chaque nuit , pour débrouiller
Le vain tas d'Ecrits Gothiques ,
Et des Médailles antiques ,
Malheureux reftes du Tems ,
Les mots durs & rebutans ?
Ai-je confacré mes veilles ,
Aux fades contes de vieilles ,
Au cruel Dieu des Amours ,
Aux foupleffes , aux détours
Dont on faifoit dans la Gréce
Un mérite à la jeuneſſe ›
Non ,
FEVRIER. 1744.
225
Nón , vous ne m'avez jamais
Convaincu de tels forfaits.
Exempt de crainte & d'allarmes ,
Je goûte toûjours les charmes
Que m'offrent les doux pavots.
En vain.contre mon repos
Les cris des paffans ſe liguent ;
Vainement ils fe fatiguent
Pour hâter mon lent reveil ;
Si lorfqu'après mon fommeil ,
Il me reste encor du vuide ,
Auprès du galant Ovide
Je vais paffer ces inſtans ;
D'Horace les jeux charmans ,
Et les amours de Catule
Des tendres feux dont je brûle
Viennent aiguiler les traits :
Pourquoi donc de ces bienfaits.
M'ôtez vous la joüiffance ?
Pourquoi de votre aſſiſtance
Me priver fi triftement,
Moi , qui vis paisiblement ,
Sans foins , fans inquiétude ,
Qui fais la guerre à l'étude ,
Et confacre au doux plaifir
Mon tems , mon bien , mon loifir
Eft- ce là de ma conduite
Reconnoître le mérite ,
3 Ingrats,
226 MERCURE DE FRANCE.
Ingrats , que j'ai trop aimés ?
Par vous , mes jours parfemés
De troubles & de trifteffe ,
Dans l'été de ma jeuneſſe
Précipitent mon hyver.
Quoi donc , ce qui m'eft plus cher
Que tous les tréſors du monde ,
D'une haine fans feconde
Récompenfe mon amour !
Par l'espoir d'un prompt retour ,
Ingrats , dont l'horreur m'enflâme ,
Puiffai- je au moins dans mon ame
Verfer la férénité ,
Que votre infidélité ,
Aux plus beaux jours de ma vie ,
En a pour toujours bannie !
GAVOTY.
A Toulon , le 4
Mai
1743-
QUESFEVRIER.
1744.
227
35 36 335 35 35 35 35 32 32 32 32 32
QUESTIONpropafée dans le Mercure
de Mai 1743 .
" D Eux Bergers aiment une Bergere . La
Bergere , preffée de fe déclarer , leur
לכ
donne rendez- vous. Les Bergers y viene
» nent , l'un couronné , l'autre fans couron-
» ne.La Bergere arrive couronnée , elle ôte fa
» couronne , la met fur la tête du Berger qui
» n'en a point , prend celle du Berger cou-
» ronné & s'en couronne. On demande lequel
des deux eft préferé.
22
REPONSE.
On a déja vû dans les Mercures précédens
deux décifions fur cette Queftion , une en
Vers & une en Profe ; toutes deux établiffent
, quoique par des routes differentes ,
que le Berger à qui la Bergere donne fa couronne
, eft le Berger préferé.
Quelque rifque qu'il y ait à avancer un
fentiment contraire à deuxArrêts qui fe confirment
mutuellement , je me crois néanmoins
à couvert du reproche de témérité, &
par la liberté qui a toujours regné parmi les
Gens de Lettres , & par la perfuafion oùje
fuis
que leurs fondemens ne font pas tout à
fait inébranlables.
Bij Les
•
228 MERCURE DE FRANCE.
Les couronnes de nos Bergers étant leurs
ajuſtemens ordinaires, comme à nous autres
gens de Ville les bourfes , la poudre & la
frifure , nous ne dirons point que le Berger
à qui la Bergere donne fa couronne, eft couronné
en tout fens , enforte que par le
terme couronné , nous entendions déclaré
Roi du coeur de la Bergere ; mais nous dirons
fimplement que la Bergere lui met fur la
tête fa couronne, c'eſt-à-dire, qu'elle lui fait
un don , un préfent d'un de ſes ajuſtemens .
D'autre côté, nous dirons , conféquemment
dans le même ſens , qu'elle prend l'ornement
de tête du Berger couronné , pour en
faire l'ornement de la fienne . Tout le réduit
donc de la part de la Bergere à parer la tête
d'un des Bergers de l'ajustement qui paroît
la fienne , & à orner la fienne de l'ajustement
qui ornoit celle de l'autre; en un mot,
d'un côté, c'eft un don , de l'autre , c'eft une
prife. Or dans un cas où une femme doit ſe
déclarer entre deux rivaux , qui ne font en
fa préfence que pour cela , quel effet marque
plus l'amour , prendre ou donner ?
Pour empêcher quelques objections qu'on
pourroit faire , je crois néceffaire d'obferver
que notre Bergere va , fans doute , de pair
avec Aftrée , comme nos Bergers y vont
avec Céladon. C'eft d'un amour délicat dont
il s'agit ici , & non d'une paffion commune
&
FEVRIER. 1744. 229
& digne de la groffiereté de nos Villageois .
Tout don fait librement & avec réflexion
à un homme par une femme qui a de la délicateffe
, marque néceffairement une difpo→
fition favorable pour lui. Si fon coeur n'étoit
pas bien difpofé pour une perfonne ,
elle n'agiroit pas de façon à lui faire croire
ni même à lui faire douter qu'elle ſentît la
moindre difpofition Aateufe , furtout dans
une occafion où il s'agit de fe décider. Une
ame guidée par les fentimens , ne peut être
foupçonnée de faire la moindre chofe qui les
bleffe . Cependant , quoiqu'un don fait par
une femme , incapable de la moindre tromperie
, marque abfolument une bonne difpofition
pour la perfonne à qui elle donne ,
il fuffit , pour qu'on ne puiffe pas affùrer
qu'il marque néceffairement l'amour , qu'on
donne tous les jours à des perfonnes pour
qui on n'en fent nullement , quoique d'ailleurs
on foit très-bien difpofé pour elles ,
Une chofe qui fe fait affés ordinairement
fans être jointe à l'amour , ne le marque pas
néceffairement. Il eft donc certain que le
couronnement, qui au fond n'eft qu'un don ,
entraîne néceffairement faveur , foit d'eftime
, foit d'amitié , foit de reconnoiffance ,
ou d'autre bonne femblable difpofition , enfemble
ou féparément , dans le coeur de notre
Bergere pour le Berger couronné , mais
B iij qu'il
>
230 MERCURE DE FRANCE.
qu'il n'entraîne pas pour lui néceffairement
l'amour.
Que marque le découronnement Le découronnement
n'eft autre chofe de la part
de la Bergere, que l'action d'ôter l'ornement
de tête du Berger couronné , pour en faire
l'ornement de la fienne . Cette action enferme
deux parties à obferver ; l'une de prendre
, l'autre de faire cas de la chofe prife .
Une Bergere tendre , avec fentiment &
délicateffe , ne s'appropriera jamais la moindre
choſe d'un Amant, pour qui elle a ou du
mépris, ou de la haine, ou de l'indifference,
puifque la vanité même, fans délicateffe, fait
méprifer, haïr, ou regarder indifferemment
ce qui vient d'un objet qu'on méprife, qu'on
hait , ou qui eft indifferent ; cela eft dans la
Nature. Tout ce qui a rapport
qui a rapport à un objet ,
participe à nos difpofitions envers lui; il ne
peut donc pas fe faire que le motif qui fait
prendre à notre Bergere la couronne de fon
Amant , ne foit un fentiment favorable pour
lui.
Mais de quelle efpece eft ce fentiment ↑
Eft-il eftime , eft-il amitié , eft-il amour ?
Il est certain qu'il y a dans l'action de
prendre quelque chofe à un Amant , une
forte de hardieffe & de familiarité , qui dans
une femme délicate , ne peut abfolulument
provenir que de l'amour. Elle
fçait
FEVRIER. 1744. 231
fçait que, fe familiarifer & s'enhardir avec un
homme, c'eft lui dire clairement qu'elle eft
bien aife qu'il s'enhardiffe & qu'il fe familiarife
avec elle ; s'il ne le fait pas , c'eft
toujours lui en donner le droit. Une femme
qui a des fentimens , donne-t'elle jamais
fans amour de pareils droits ? La délicateffe
peut-elle fouffrir qu'on agiffe de façon à
faire croire qu'on aime , fi on n'aime point ?
Une ame noble & généreufe eft-elle capable
d'une tromperie fi baſſe & fi crnelle ? c'eſt
ce qu'on ne penfera jamais. Il eſt donc indubitable
que notre Bergere , en s'émancipant
jufqu'à prendre la couronne de fon
Berger , lui fait une faveur qui marque inconteftablement
l'amour,
La feconde partie , enfermée dans le découronnement,
ne le marque pas moins que
la premiere. Si l'amour feul peut engager
notre Bergere à fe livrer jufqu'à prendre la
couronne de fon Berger , le même feul
amour peut l'engager à en faire cas ; le propre
de cette paffion eft de faire eftimer tout
ce qui vient d'un objet chéri.
Qu'on n'objecte donc point que le décou
ronnement marque par lui- même le rebut
du Berger découronné ; car ce n'eft point ici
un fimple découronnement. La Bergere
ôtant la couronne à fon Berger , ne la néglige
point, comme elle auroit fans doute fait
B iiij foit
232 MERCURE DE FRANCE.
foit en la jettant à terre , foit en la donnant
à l'autre Berger, ou autrement, fi elle eût négligé
le Berger auquel elle l'avoit ôtée; mais
bien loin de faire rien qui approche ſeulement
de cela , elle fait de cette couronne
tout le cas que l'amour le plus fort & le plus
délicat puiffe fuggérer . C'eft un découronnement
dont elle fait fon couronnement ; c'eſt
un tendre larcin , ou plutôt un tendre partage
de ce qui appartient à un objet , avec lequel
elle voudroit que tout lui fûtcommun ;
c'eft une amoureufe familiarité, par laquelle
elle s'approprie , avec une tendre hardieffe,
ce qui vient de l'objet de fa tendreffe . Il eft
donc certain que le découronnement , en
tout fens , marque néceffairement l'amour
pour le Berger découronné.
Ainfi je conclus , en difant que les deux
Bergers font favorifés de notre Bergere ,
mais que celui à qui elle donne fa couronne
n'eft que l'objet de fon eftime , au lieu
celui à qui elle la prend , eft l'objet de fon
amour , & par conféquent que le Berger découronné
eft le Berger préféré.
F.... r.
que
ODE.
FEVRIER. 1744.
233
ésésésésésésésés 2è és és és és és és és as as ass
ODE
Tirée du Pleaume V. Verba mea auribus
percipe , &c.
Du Trône où ta grandeur réfide ,
Seigneur , ouvrant fur moi lés yeux ,
Permets que ma bouche timide
Eleve fes cris jufqu'aux Cieux ;
Plein du zéle qui me dévore ,
Grand Dieu , c'est toi ſeul que j'implore
Entends les accens de ma voix ;
Et prête une oreille attentive
Aux voeux que mon ame plaintive
Addreffe à l'Arbitre des Rois.
*3 +
Dès que l'Aurore diligente
Nous ramene un nouveau Soleil ,
Ma foi toujours vive & conftante
M'arrache des bras du fommeil ;
Je ne vois briller la lumiére ,
Que pour confacrer ma priére
An faint objet de mon encens ;
Mais , grand Dieu , dans ton Temple augufte
Verrai-je toujours l'homme injufte
Te fatiguer de fes préfens
BY
234 MERCURE DE FRANCE
"
De ce Tabernacle adorable
Eloignez vos profanes mains ,
Vous , dont la fourbe déteftable
S'épuife à tromper les Humains ;
Impofteurs , cruels , fanguinaires ,
Par vos offrandes mercénaires
Penfez-vous fléchir l'Eternel
Dignes objets de fa vengeance ,
Eloignez-vous de fa préfence ;
Il détefte un coeur criminel.
Pour moi , plein d'efpoir & de crainte
C'est pour expier mes forfaits ,
Que j'entre dans ta Maifon fainte ;
Seigneur ; je chante tes bienfaits.
De ta Grace goûtant les charmes ,
C'eft-là que je viens de mes larmes
Arrofer tes facrés Autels.
Là , je jouis de l'avantage
De te rendre le jufte hommage
Qui t'eft dû par tous les Mortels.
C'eſt- là que tu daignes m'abfoudre ;
Mais hélas je frémis d'effroi ;
Seigneur , fais tomber fous ta foudre
Ces monftres armés contre moi.
De l'Enfer odieux Miniftres ,
༢
It's
FEVRIER.
235 1744.
Ils trament des deffeins finiftres
Contre ma foi , contre mes jours ;
que peut leur bras homicide ;
Si ta vive clarté me guide ,
Je fuis trop fort par ton fecours .
*X
Quoi , pourrois-tu d'un ceil tranquille
Voir ces pécheurs ambitieux ,
Tandis que leur langue diſtille
Un poiſon fi pernicieux ?
Confonds leurs frivoles penſées ;
Ferme ces bouches infenſées ,
Ces abîmes toujours ouverts ,
Et pour engloutir l'innocence
Et pour vomir leur influence."
Dans tous les coins de l'Univers.
Qu'un jugement prompt & terrible
Hâte leurs tourmens préparés ;
Peux-tu laiffer un jour paiſible
A ces enfans dénaturés ?
Dans leur aveuglement extrême
Ils ofent t'attaquer toi même ,
Ils ofent braver ton courroux ;
Frappe ces coupables victimes ,
Et
que
Soit
la meſure
de tes coups.
le nombre de leurs crimes
B vj
Ainfi
236 MERCURE DE FRANCÉ.
Ainfi donc n'étant plus leur proye ,
Par ces triomphes éclattans ,
Tes Elus livrés à la joye ,
Couleront de plus doux inftans ;
En eux tu feras ta demeure ;
Ils célébreront à toute heure
Ta clémence & ton équité ;
Auteur de leur réjouiffance ,
Tu verras leur ferme espérance
Croître à l'ombre de ta bonté.
Dans tous les Climats de la Terre ,
Où regne ton Nom glorieux ,
On apprendra que ton Tonnerre
A terraffé les orgueilleux ;
L'Impie en frémira de rage ;
Le Fidéle hors d'esclavage ,
Ne ceffera de publier ,
Qu'un Dieu bon veille fur nos têtes ,
Et qu'il fçait au fort des tempêtes
Nous couvrir de fon Bouclier.
Par M. l'Abbé le Moine , Régent at
College de Versailles.
DISFEVRIER.
1744. 237
DISCOURS prononcé par M. Freydier ,
Avocat au Parlement de Toulouse , la premiére
fois qu'il porta la parole au Préfidial
de Nifmes.
MESSIEURS ,
Une coutume refpectable engage ceux
qui ont l'honneur de porter , pour la premiere
fois , la parole devant vous , à vous
remercier de la faveur de votre audience ;
mais quand cet ufage n'auroit pas été introduit
parmi les Avocats de cette Cour , je
trouverois cet engagement dans le fond de
mon propre coeur ; je ne confulte fur ce
point que ce qu'il m'infpire.
Preffé de fatisfaire à ce devoir les
par
mouvemens d'une vive reconnoiffance , je
fens tout le poids d'une entrepriſe fi difficile
, mais j'efpere de vous , Mrs , ce que je
ne pourrois que témérairement attendre de
moi-même.
De combien ne vous fuis-je pas redevable
, de vouloir fufpendre , pour un inftant ,
ces occupations toujours précieufes au Public
, ces momens que vous employez avec
tant
238 MERCURE DE FRANCE.
tant de zéle & de fuccès à raffermir la fortune
chancellante de ceux qui implorent votre
juſtice , pour m'écouter aujourd'hui dans
votre Cour en qualité d'Avocat ?
Quel emploi , dans fon origine , plus recommandable
à la fociété ! quelle profeffion
, dans fes effets , plus noble & plus
utile à l'Etat ! jufqu'où n'a-t'elle pas porté
fa gloire dans les anciennes Républiques !
l'éloquence de l'Avocat deffendoit les Rois
innocens , accufoit des Princes coupables ,
diffipoit les conjurations , décidoit du fort
des Royaumes , & bien fouvent , felon la
penfée d'un grand Orateur , l'effet d'un Plaidoyé
étoit la déliberation d'une paix ou
d'une guerre , qui changeoit la face du
monde.
Il eft vrai , Mrs , que notre profeffion
n'eft plus animée par des caufes fi éclatantes
; cependant quel honneur ne procuret'elle
pas à celui qui s'y diftingue encore ?
il eft eftimé des Grands , chéri du Peuple
écouté des Magiftrats , il termine les Procès ,
il deffend l'Innocence opprimée , il follicite
la rigueur des Loix contre ceux qui en méritent
toute la féverité , il rétablit le calme
dans les Familles , il foutient courageufement
l'honneur , la vie & les biens de ceux
qui fe confient à ſon miniſtere .
Telle eft , Mrs , l'occupation ordinaire
des
FEVRIER. 1744.
239
des Avocats de cette Cour , tout à la fois.
éloquens & folides ; on admire chés eux ce
riche fond de génie & d'érudition , cette
exactitude , cette clarté & cette énergie dans
la deffenfe de leurs Cliens , cette Nobleffe
& cette variété dans les expreffions.
*
י
Que ne puis- je , Mrs , réunir en moi de
fi beaux talens ! je ferois plus en état d'exercer
la Magiftrature & de difpenfer la juſtice
diftributive ; mais puifque le Roi m'a honoré
de la Place que j'occupe , je viendrai ,
Mrs , affifter à vos Jugemens ; vos lumiéres
m'éclaireront , votre fageffe m'inftruira , &
je tâcherai d'en approcher auffi fouvent , &
de plus près qu'il me fera poffible.
Oii , Mrs , je viendrai puifer dans ce Tribunal
des lumiéres , comme autrefois les Juges
d'Ifraël alloient , de tems en tems , confulter
celles de Moife : telle fera, Mrs , toute
mon ambition ; je n'aurai à craindre que ma
jeuneffe , ou ma propre infuffifance ; mais ,
comme le degré de vostre eftime fera toujours
celui de ma gloire , je ferai ,fans ceffe ,
de nouveaux efforts pour m'en rendre digne.
* M. Freydier a été reçu en l'Office de Confeiller dis
Rai , Juge de la Cour Royale des Conventions.
ODE
240 MERCURE DE FRANCE.
ODE XV. d'Horace , Liv . I V.
Phoebus volentem pralia me loqui , &c .
MA
ELOGE D'AUGUSTE.
A Mufe qu'excitoit l'ardeur de te louer ,
Si Phébus au Parnaffe eut daigné m'avouer ,
Céfar , dans les tranſports qu'à mon ame charmée
Infpire ta valeur , qui fait ta renommée ,
Ma Muſe alloit te fuivre au milieu des hazards ,
Célébrer & ta gloire & le nom des Céfars ,
Quand furpris des projets d'une ardeur infenſée
Quelle eft , me dit Phébus , quelle eft donc ta
penſée ,
37
» Téméraire ? crois tu que d'une foible voix
55
On puiffe des Célars raconter les exploits ?
»Né va point d'une mer trop fertile en naufrages
» Sur un Vaiffeau fragile affronter les orages.
J'ai fuivi fes confeils , en foupirant tout bas
De voir tant de vertus & de n'en parler pas ,
Et ma Mufe craignant de flétrir ta victoire ,
N'ofe t'entretenir , qu'en tremblant , de ta gloire..
Céfar , ton âge heureux , en miracles fécond ,
Voit l'opprobre du Parthe imprimé ſur ſon front ;
Nos Temples enrichis par tes mains triomphantes
Offrent de toutes parts fes dépouilles langlantes .
Enfa
FEVRIER . 1744. 241
Ce
Enfin pour couronner tes glorieux exploits ,
que fous nos Confuls on n'a vu qu'une fois ,
Les portes de Janus par tes mains font fermées ;
De la fédition les trames réprimées ;
Le bon ordre établi ; fes décrets en vigueur ;
Les moeurs regnent par tout , le crime eft en horreur
;
Les beaux Arts , ces enfans d'une heureufe abondance
,
Cimentent à jamais ton augufte puiffance ;
Ton Empire s'étend juſques aux Régions
Où du Soleil jaloux fe perdent les rayons.
On ne voit plus le feu des difcordes civiles
Troubler notre repos dans le ſein de nos Villes ;
Le Danube affervi recule devant toi ,
Et l'altier Tanaïs a reconnu ta loi.
Nous, du Pampre facré pendant nos jours de Fêtes,
En l'honneur de Bacchus nous couronnons nos têtes ;
Au fon des inftrumens nous accordons nos voix ;
Aux louanges des Dieux nous mêlons tes exploits.
Nous célébrons Venus , & nous chantons d'Enée
La race,pour jamais illuftre & fortunée .
ME'-
242 MERCURE DE FRANCE.
A
&
MEMOIRE HISTORIQUE fur
la forme ancienne des boëtres des Montres
fonnantes , & fur une maniere nouvelle de
les conftruire , par M. Julien-le-Roy ,
Horloger du Roi.
L
Es Montres , qui d'elles-mêmes fonnoient
les heures & les demies , qu'on
nommoit Horloges , étoient d'un grand uſage
en Europe , avant la découverte des répétitions
; on en voit encore de Paris & de
Blois , travaillées avec art , & dont la conftruction
, portée à un éminent degré de perfection
, femble n'y laiffer rien à défirer.
De ces Horloges , les moins anciennes ,
ont deux boëttes comme la plupart des Montres
Angloifes ; l'intérieure en eft conftruite
de maniere , que le bord qui reçoit la plaque
du Cadran , fe démonte pour y placer
le timbre , enfuite on replace ce bord par
deffus , qui laiffant peu de jour entre lui &
le timbre , fert de calote au mouvement &
le garantit de la pouffiere. Cette belle propriété,
qui fe perdit , comme je vais le faire
voir , dans le paffage des Horloges aux répétitions
, eft enfin retrouvée , & renduë
encore plus utile & plus avantageufe qu'elle
ne
FEVRIER. 1744 . 243
ne l'étoit lorfqu'elle difparut ; la reftitution
que j'en fais aujourd'hui à l'Horlogerie , eft
ce qui forme le principal objet de ce Mémoire.
Suivant la Tradition , l'invention des
Pendules à répétition fut portée en Angleterre
par un Prêtre Allemand . Tompion
& Quare , les plus habiles Horlogers de
Londres & de leur tems , furent les premiers
qui en eurent connoiffance , & qui
peu après appliquerent aux Montres cette
admirable invention. Dans les premieres
qu'ils mirent au jour , ils fuivirent en beaucoup
de chofes la conftruction ufitée des
Horloges de leur façon , & imaginerent
dès lors le pouçoir , auquel ils donnerent
un paffage dans l'intérieur du mouvement ,
en faifant les timbres de leurs répétitions ,
plus bas que ceux de leurs Horloges.
Il arrive fouvent dans les recherches ,
qu'après avoir furmonté un obftacle , on en
rencontre un autre, qui le fuit de près. Ils ne
l'éprouverent que trop ; le timbre devenu
plus bas , n'avoit plus la propriété de préferver
le mouvement de la pouffiere ; la néceffité,
mere des inventions,les fit recourir à
d'autres moyens ; ils l'entourerent d'abord
d'un cercle , & l'enveloperent enfuite d'une
calote.
Cette belle invention laiffe pourtant bien
des
244 MERCURE DE FRANCE.
des chofes à defirer , parce qu'elle oblige à
faire le mouvement plus petit , ou la boëtte
plus grande ; en voici la raifon.
Quand le mouvement eft fans calote , toutes
fes parties extérieures peuvent approcher
infiniment près du timbre , fans en
diminuer fenfiblement l'harmonie , mais il
n'en va pas de même quand il en a une ;
elle peut à la vérité approcher fort près du
cerveau du timbre , mais il faut que de-là ,
elle aille , en s'éloignant de fes bords.
Pour mieux entendre ce que je veux dire
ici , il eft bon de fçavoir que la virole d'une
calote doit être cilindrique , ou du moins la
→ portion d'un cône fort allongé , & de plus ,
que la courbe intérieure d'un timbre eft affés
femblable à celle qu'engendreroit la révolution
d'une parabole fur fon axe.
Cela pofe , fi l'on imagine que la calote
eft infcrite dans le timbre , il fonnera d'autant
mieux que les ordonnées tirées de l'un
à l'autre , croîtront dans un plus grand rapport.
La principale raifon de cet effet , conftaté
par mille expériences , eft que , quand
la plus grande ordonnée de la calote au
timbre , eft d'une ligne ou plus , le fon de
fes parties intérieures , qui forment la moitié
de fon fon total , fe tranfmet en plus
grande quantité à l'oreille .
Les Horlogers dont j'ai parlé , avoient
éprouFEVRIER
. 1744.
245
éprouvé plus d'une fois ce que je viens de
faire obferver ; ce furent ces motifs , fçavoir
l'épaiffeur de la calote, & la diſtance néceſſaire
d'elle au timbre , qui les obligerent à
croître confiderablement le volume de leurs
répétitions à doubles boëttes , afin d'en avoir
le mouvement affés grand , pour être d'un
bon ufage , mais cette fage précaution devint
inutile , car à peine le Public fut- il un
peu revenu de l'enchantement de la nouvelle
découverte , qu'il demanda des répétitions
moins groffes ; les Horlogers , par
complaifance , y ſouſcrivirent , fans même
lui faire faire attention , que leurs répétitions
à deux boettes , à timbre & à calote ,
que je nommerai déformais à l'Angloiſe
étoient bonnes étant groffes , & devenoient
défectueufes en les faifant petites , par la
raifon , qu'un trop petit mouvement eft
plus difficile à travailler , fuivant les regles
de l'art ; moins bon , moins durable , &
moins facile à remettre en état , que s'il
étoit d'une grandeur convenable . Je démontrerai
dans une autre occafion , que je
n'avance ici que la verité .
Pour éviter ces défauts , qui font tous inféparables
des petits mouvemens à répétition
, j'ai cherché conftamment les moyens
de les faire auffi grands qu'il étoit poffible ,
dans des boëttes de moyenne grandeur ;
c'eft
346 MERCURE DE FRANCE.
c'eſt dans ces vûës , & pour ces mêmes raifons
, que j'ai fait tous mes efforts , pour
engager le Public à vaincre la répugnance
qu'il avoit pour les répétitions fans timbre ;
c'est dans ces vûës , que j'imaginai en 1732
la maniere de les faire à deux poulies , & en
1740 , celle d'en conſtruire les boëttes fans
bate , dont je donnai la Deſcription détaillée
dans le Mercure de Mars 1741.
Cette maniere de conftruire les boëttes &
les fauffes plaques des répétitions , a cela
d'avantageux , qu'elle permet d'en faire le
mouvement & la cadrature beaucoup plus
grands que l'ordinaire ; elle eſt à preſent fi
connue , que je me contenterai de dire en
abbregé , qu'à l'égard des boëttes , les bates
en font fupprimées , ce qui les rend affés
femblables à l'étui d'une Montre à double
boëtte , excepté feulement qu'elles ont à
deurs lunettes , une rainure pour le criſtal.
Ceci est l'abbregé de la Defcription que
j'en donnai dans le Mercure que j'ai cité , &
dans lequel je n'ai fait nulle mention de
l'un des principaux avantages de cette conf
truction , parce que ce n'eft que depuis ce
tems- là, que je l'y ai apperçu.
Elle reftitue dans un éminent degré cette
belle propriété , que j'ai fait remarquer dans
les Horloges , laquelle concerne toutes fortes
de Montres fonnantes , & confifte dans
la
FEVRIER . 1744. 247
la maniere de placer le timbre fous le bord
des nouvelles boëtres , de façon que tenant
lieu d'une calote , il garantit fuffifamment
le mouvement de la pouffiere, d'où réſultent
les avantages fuivans.
Le mouvement en eft plus grand , parce
que le diamétre intérieur du timbre , eft
toujours égal au diamétre intérieur des nouvelles
boëttes, d'où il s'enfuit, qu'elles reçoivent
un timbre plus grand de toute fon
épaiffeur , que les boëttes ordinaires ; outre
cet avantage , il a encore celui de rendre
la calote inutile ; cela eft clair , puifqu'il a ,
comme elle , la propriété de preferver le
mouvement de la pouffiere ; les Horloges
que j'ai citées en fourniffent plus d'un exem •
ple ; on en voit de Paris & de Londres ,
dont les boëttes font toutes vuidées à jour ,
& fans gafe , qui vont cependant plufieurs
années de fuite , fans fe falir davantage
qu'une Montre fimple. D'ailleurs , fi l'on
fait attention que les calotes obligent à
groffir la boette , ou à diminuer le mouvement
, on les abandonnera fans hésiter , furtout
dans les petites répétitions à timbre ,
& dans les ouvrages qui exigent un grand
mouvement, comme les répétitions à réveil ,
ou à trois parties.
Il eft aifé de fentir par tout ce qui précé
de , qu'il feroit aiſé de faire un mouvement
à
248 MERCURE DE FRANCE.
à timbre dans la boëtte extérieure d'une répétition
Angloife , lequel feroit aufli gros ,
& à peu près auffi haut que la boëtte intérieure
de la répétition à double boëtte ; ces
avantages font frappans : voici des exemples
qui les confirment.
Une répétition à timbre , faite dans une
boëtte à la nouvelle maniere , femble être
trop petite pour être d'un bon ufage ; cependant
fon mouvement eft auffi grand ,
que celui d'une répétition Angloife , qui
fa groffeur , eft du nombre de celles qui
font incommodes à porter.
par
J'ai meſuré le diamètre de la platine des
piliers d'une répétition , qui fonne d'ellemême
les heures aux quarts , qu'on nomme
répétition à trois parties , faite par un Horloger
de Paris , dans une feule boëtte conftruite
à l'ordinaire ; j'ai mefuré auffi le diamétre
de la platine des piliers de l'une des
miennes , faifant les mêmes effets , & dans
une boëtte de même volume ; la premiere
ayoit 16 lignes , & la mienne 19 ; ce qui
donne , par le calcul , deux furfaces dont
l'une eft à l'autre , comme 24 à 17 , ce qui
rend l'une de plus d'un quart plus grande
que l'autre ; joint à cela , comme le diamétre
du rouage fuit ce même rapport , & que
dans ces Ouvrages , le plus grand obftacle
eft le manque d'étendue , pour y placer touFEVRIER.
1744. 249
.
es les piéces dont elles font compofées ; il
fuit de ces avantages , qu'on les fera déformais
d'un meilleur ufage , & plus facilement
que par le paffé.
Maniere de loger le Timbre dans les nouvelles
Boettes.
On les fait feulement comme l'étui d'une
Montre Angloife ; le bord qui reçoit la platine
des piliers , y entre à drageoir ; on en
foude feulement le tiers , depuis la charniere
du mouvement , jufques fous les 20 minutes
du cadran ; on coupe les deux tiers non-foudés
, & enfuite l'on foude la charniere du
mouvement , qui eft d'une feule pièce, avec
le canon du pouçoir.
Des deux bouts de la partie du cercle nonfoudée
, l'un eft en plan incliné , & va ſe
loger fous celui de celle qui eft foudée ; enfuite
on lime l'autre bout quarément , &
peu à peu , jufqu'à ce qu'en le faifant por-.
ter contre la charniere , on puiffe le faire
entrer à drageoir dans la boëtte , à laquelle
il tient déja fermé par ce moyen ; pour
l'affermir encore davantage , on y foude
une orcille vis-à-vis les fept heures du cadran
, laquelle paffant entre le timbre & la
boette , y eft retenuë par une vis , miſe
fous le cordon.
C TRA250
MERCURE DE FRANCE .
TRADUCTION de la XV. Ode
d'Horace , qui commence par ces mots :
Non Ebur neque aureum , &c.
DEE
l'yvoire ou de l'or l'amas ambitieux
Chés moi de fon éclat ne frappe point les yeux.
Entouré de clients , d'une robe flottante
Je ne promene point la richeffe éclatante.
Du magnifique Attale , injufte en mes projets ,
Je ne vais point briguer les fuperbes Palais ;
Une veine facile , un coeur fans esclavage ,
Une vertu fans fard , voilà mon appanage.
Pauvre , je fuis fouvent des riches ſouhaité ;
Content de mon état & de ma pauvreté ,
Je ne vais point aux Dieux , avide en mes prieres ,
Demander le furcroit de biens imaginaires.
Je porte à leurs Autels des prefens affidus ,
Et ne les laffe point par des voeux fuperflus ;
Je ne vais pas non plus , adorant la Fortune ,
Mandier chés les Grands une gloire importune ;
Content de mon Mécene , aux champs de mes
ayeux
Je
FEVRIER. 1744. 251
Je vois fans embarras couler mes jours heureux ;
Un Soleil toujours pur fe lève fur ma tête ;
Tranquile dans le Port , je ris de la tempête .
Vous , qui tout occupé d'un douteux avenir ,
Pour augmenter vos biens n'ofez pas en jouir,
De vos avares foins voyez la réüſſite.
Que fert, lorfque la mort vient nous rendre vifite,
Que fert de poffeder des biens, hélas ! trop vains ?
Pourquoi vouloir piller les champs de vos voifins ?
Votre or vous fuivra t'il dans le féjour des ombres...
Les crimes font punis dans les Royaumes fombres,
Et le pâle Acheron , de la richeffe épris ,
Ne relâcha jamais un coupable à ce prix.
Fils des Dieux & des Rois le fuperbe Tantale
Gémit avec la race en la nuit infernale ;
Et des fombres Palais le fatellite affreux
Des mortels condamnés n'écoute point les voeux.
Cij DIS252
MERCURE DE FRANCE.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
DISCOURS fur le sujet proposé par
l'Académie Françoife pour le Prix d'Eloquence
en l'année 1743. » Qu'il n'y a
» point de hazard pour un Chrétien ,
» & que tout eft dirigé par une Provi-
» dence infiniment fage , conformément
à ces paroles de l'Ecriture Sainte Sortes
mittuntur in finum , fed à Domino temperantur.
Proverb. C. XV I.
connu,
Es Payens n'ayant point connu Dieu ,
LFs
capable de remplir le coeur , ont admis un
Etre imaginaire , qu'on nomme le Hazard .
C'eft au Paganifme feul qu'il étoit réfervé
d'encenfer cette Divinité, enfantée par l'aveuglement
des hommes , qui ne connoiffoient
d'autres biens que les plaffirs fenfibles
; ce qui flatte les paflions , fatisfait
l'ambition , & remplit l'idée de la fauffe
félicité qu'ils s'étoient faite eux- mêmes.
Mais que des hommes appellés à ce qu'il
y a de plus élevé ( c'eft -à - dire , à être
Chrétiens ) ayent adopté de telles folies ,
c'eſt le comble de l'erreur , & prendre un
fonge pour la réalité.
Un défaut capital dans l'homme , eft la
fauffe idée qu'il a de ce qu'il nomme bonheur
FEVRIER. 1744. 253
heur ou malheur. On donne tout au hazard
; on attribue les bons ou mauvais
fuccès à la Fortune , & à ce que le vulgaire
appelle Sort. On s'éleve dans ces
faux principes , & plus occupé de l'effet
des caufes fecondes , qui frappent pour
l'ordinaire les fens , que de la bonté de
l'Etre fuprême , qui les fait agir comme
premier moteur , on s'accoûtume à les
voir , non en Chrétien qui rapporte tout
à fon véritable principe , mais en Payen
qui fait tout dépendre de fon génie , de fes
talens naturels & de fon induftrie , ou plus
ordinairement de la Fortune , Divinité dont
on ne connoît que le nom , & fur laquelle
on fonde vainement fes efpérances.
Mais fi l'homme , pour rentrer dans les
juftes bornes qui lui conviennent , ſe formoit
une jufte idée de ce qui eft le vrai
bonheur , malgré les ténébres où il eft
plongé depuis le péché , il découvriroit
qu'il n'y en a de véritable que dans l'amour
de la vérité & de la juftice , dans
une confiance & une efperance fans bornes
en celui qui nous promet non -feulement
des biens infinis qu'il peut feul donner
, mais encore en un bienfaiteur qui ,
ne pouvant nous tromper , nous donne
dès ici bas les biens que nous attendons
en vain d'une autre main .
C iij L'hom254
MERCURE DE FRANCE .
7
L'homme porte , il eft vrai , gravé au
milieu de fon coeur le défir naturel d'un
bonheur,fouverain , mais depuis fa chute ,
c'eft un tréfor dont la Foi ne lui laiffe entrevoir
que les foibles rayons , car il ne peut
être réellement heureux , qu'en défirant
véritablement de le devenir , & en travaillant
à ravir comme par violence cette félicité
dont il eft déchu par fa faute. Il eſt
rempli de defirs , & dans ce corps de chair ,
ils font tous contraires à ceux de l'efprit.
Mais pour rentrer dans l'ordre qui peut le
conduire fûrement au centre du vrai
bonheur , il ne doit point agir au hazard ;
c'eft la conduite des infenfés & des impies ,
mais il doit tout attendre d'une Providence
, qui ayant tout créé , peut feule tout
donner. Soyons & défirons d'être heureux,
puifque c'eft le plus bel attribut de notre
être , mais connoiffons d'où nous vient un
telavantage , & perfuadons - nous que d'admettre
le Sort , d'attendre quelque chofe
de la Fortune , & n'agir qu'au hazard
c'eft une conduite oppofée à l'ordre naturel
que Dieu a établi pour le foutien du
monde , un principe qui n'eft pas moins
injurieux à la Religion , que contraire &
préjudiciable à la Société. L'Auteur de la
Nature eft trop jufte , & la fageffe de fa
Providence trop marquée , pour ne pas
prendre
FEVRIER. 255 1744.
prendre un foin paternel de tout ce qu'il
a créé. C'eft renverser l'oeconomie de la
Religion , que d'attendre du fort les biens
que le Tout - Puiffant a feul le droit de
donner , & la Société a un intérêt particulier
de méprifer des hommes , qui n'agiſſant
pas pour une fin certaine & raifonnable ,
fe livrent au hazard des évenemens , &
attendent les bons ou les mauvais fuccès
d'une Divinité fabuleufe , qui n'étant rien
elle-même , ne peut être l'auteur ni l'arbitre
du bonheur ou du malheur de
l'homme.
PREMIERE PARTIE.
Rien n'étant l'effet du Hazard , non - feulement
le Chrétien , mais l'homme raiſonnable
doit tout attendre du Créateur &
unique difpenfateur des biens & des maux .
Nul ne peut fe rendre heureux ; Dieu feul
le peut. La félicité , ou l'état miférable
eft l'effet de fa miféricorde ou de fa juftice ,
& fi quelque chofe peut mettre obftacle à
notre bonheur , c'eft le défaut de confiance
& notre orgueil. Efperons en celui qui
ne peut nous tromper ; il a promis qu'il
auroit foin de nous plus que des lis des
champs. Humilions - nous , & admirons fa
conduite dans l'ordre des choſes créées ;
nous y verrons la preuve incontestable
C iiij qu'il
256 MERCURE DE FRANCE.
qu'il n'y a point de Hazard , parce que s'il
avoit voulu employer un tel moyen , fa
Providence deviendroit inutile ; les biens
comme les maux auroient toujours eu leur
effet , mais le Sort feul en auroit été le
maître & le difpenfateur , car admettre le
Hazard , c'eft faire injure au Tout - Puiffant
qui a prévû toutes chofes , & c'eſt établir
un fecond Etre pour arbitre des événemens.
La raifon pourroit- elle fe livrer à
de plus grands écarts ? la Miféricorde
n'annonce -t'elle pas la Bonté & la Juftice ?
n'eft-elle pas l'effet de la Toute - puiffance ?
l'une & l'autre ne font- elles pas les preuves
de la fageffe infinie d'un Etre feul & unique
, qui fait annoncer fa gloire & fignale
la force de fon bras par les créatures ,
qui font les ouvrages de fes mains , foit
dans les Cieux , foit fur la terre , & même
jufque dans les abîmes ? ne peut-il pas par
un feul mouvement de fa volonté anéantir
ce vafte Univers ? pouvons -nous fubfifter
un moment fans fon fecours ? & depuis notre
naiffance , jufqu'à l'âge le plus avancé ,
ne nous conduit- il pas comme par la main?
ne nous met- il pas à l'abri de tous les
maux qui nous menacent de toutes parts ,
& qui feroient périr une machine d'autant
plus fragile , qu'il eft plus étonnant qu'elle
puiffe fubfifter ? mais comme c'eft lui qui
entretient
FEVRIER. 1744. 257
entretient notre être , & qu'il en eft la
caufe , il le foutient , & lui fait éviter tous
les maux qui l'environnent , en faifant
fervir à fes deffeins , non-feulement les
moyens ordinaires , mais encore de furnaturels
, & comme il a promis avec ferment
d'en être le confervateur , il ne nous a
laiffé que peu de chofes à faire , qui eft de
tout attendre & efperer de lui ; d'avoir de
nous- mêmes le foin raiſonnable qui entre
dans l'ordre qu'il a établi pour notre fubfiftance
, & que dépouillés de toutes agitations
, que la feule inquiétude fait naître
, nous efperions tout de fa bonté , &
craignions tout de fa juftice , puifque nous
ne pouvons rien ajouter à notre être , &
que nous n'en pouvons point perdre la
plus petite partie fans fon ordre . Pensées
fublimes , il eft vrai ; le Paganiſme ne les
connut jamais , & de fi nobles fentimens
étoient réfervés à une Religion dans laquelle
feule les hommes peuvent être heureux
.
L'impiété feule a pu faire imaginer à
T'homme , que c'est le Hazard qui a tout tiré
du néant : une fauffe philofophie lui a dicté
que toutes chofes ont été formées par
une gradation comme naturelle & nécelfaire
, & que par une fuite de rapports &
de connexité les unes avec les autres , elles
C v
fubfif
258 MERCURE DE FRANCE.
fubfiftent , fe perpétuent & fe confervent
L'Epicurien nie la néceflité de la Providence
dans les chofes naturelles ; le Pelagien
ne l'admet point dans les chofes ſpirituelles;
le Déifte croit à la vérité qu'il y a un
Dieu , mais le dépouillant de fa qualité de
Provifeur & de Confervateur , il attribue
tout au Hazard , regarde tous les évenemens
comme émanés de lui , & vit en impie
, qui n'agit point pour une fin raiſonnable.
Mais comment ce Hazard , qui eft luimême
un néant , a-t'il pû créer ce qui fera
à jamais l'admiration des hommes de tous
les fiécles ? comment peut- il être fi exact
à procurer à tout ce qui refpire , en tout
tems & en tout lieu , ce qui eft néceſſaire
à fon accroiffement & à fa propre confervation
? eft- ce le Hazard qui commande
à la mer & aux flots ? eft- ce lui qui a pofé
les limites qu'elle ne doit franchir que par
l'ordre de fon Auteur ? eft- ce la Fortune
qui développe & qui diftribue les richefles.
la terre renferme dans fon fein ? eft - ce
le Sort qui regle le cours des Aftres , qui
a marqué au Soleil fon levant & fon couchant
? fait-il fucceder les faifons & le jour
à la nuit ? enfin la feule confervation &
que
l'exiſtence de l'homme peut - elle procéder
d'une caufe auffi idéale ?
Reviens
FEVRIER. 1744- 25.9
Reviens donc , ô homme , à ton propre
coeur ; fors des ténébres de ton efprit ; interroge
la nature ; examine tous les corps
qui t'environnent ; confulte toi - même tous
les refforts qui font agir ton être ; admire
ton ame ; connois- en la nature & toutes
les facultés ; rapproche-la de l'Etre parfait
dont elle eſt émanée ; reconnois en la dignité
& la grandeur , & comme forti d'une
léthargie dans laquelle tu t'es précipité par
les fauffes lumiéres d'une Philofophie humaine
, reconnois que toute la nature adore
le Dieu qui l'a créée ; apprends que toutes
les créatures annoncent à tout ce qui
refpire , que c'eft Dieu qui les a formées
& qu'elles beniffent le Seigneur qui les a ,
comme toi ,tirées de l'affreux'cahos où elles
étoient ensevelies ; elles publient que tous
ces biens qui font créés avant -toi , te font
deftinés , que tu dois en ufer felon l'inten
tion du Créateur , t'occuper à le remercier
de te les avoir donnés , & adorer fa Providence
qui les répand fur toi avec tant de
profufion , & fi après des marques fi éclatantes
de la bonté d'un Etre fuprême tu te
refuſes à la Religion , du moins céde à la
Loi naturelle & à la Raifon, ou ceffe d'être
hom me.
Tous les hommes ont chacun une espéce
de Philofophie à faire confifter le bonheur
C vj
en
260 MERCURE DE FRANCE.
en quelque objet dont leur coeur eft rempli.
Les uns font poffedés de l'amour des richeffes
, d'autres entraînés par les plaifirs
fenfibles , & d'autres animés de la grandeur
des avantages de la puiffance humaine
; d'autres enfin fe propofent un bonheur
philofophique , dont ils ne pourroient
rendre aucune raifon probable , fi on leur
demandoit ce qui les fait fincerement agir.
Le coeur de l'homme eft trop vafte pour être
fans action ; il eft fair pour être rempli de
quelque objet, & ce qui fait fon bonheur ou
fon malheur , c'eft le choix de cet objet ,
mais il fera toujours malheureux , tant qu'il
préférera fa volonté à celle de Dieu , car il
n'eft pas fi difficile qu'il penfe de concilier
la raifon à la Loi du Créateur ; il ne faut
que fe dépouiller des préjugés de l'orgüei! ,.
faire ufage de fa raifon , pour l'amener
par dégrés à la foumiffion que la Foi exige ,
& le voilà heureux. S'il défire les richeffes ,.
F'honneur & la grandeur , il connoîtra que
tous ces biens ayant été créés pour l'homme
, il lui eft permis d'en ufer , mais qu'il
fe perfuade que ce n'eft ni par fes propres
forces , ni par les faveurs de la Fortune.
qu'il peut les acquerir. C'eft l'Auteur de
Tous les biens qui les donne ou qui les refufe
: c'eft lui qui tire de la pouffiére , ou qui
éleve qui il lui plaît : c'eft de lui que viennent
FEVRIER. 1744. 261
nent la Science , l'Eloquence , la Valeur ,
la Grandeur d'ame , & les autres Vertus
qui font les grands hommes : c'eft enfin lui
qui rend pauvre & qui enrichit ; les biens
fpirituels & temporels ne s'acquierent que
par lui ; la raiſon & la Religion ne connoîtront
jamais d'autre Auteur , & c'eſt en
vain que les mortels efpereront en une Divinité
que l'orgueil a enfanté , & à laquelle
l'impiété & la préfomption érigeront des
Autels , tant qu'il y aura des hommes entêtés
d'une vaine Philofophie .
Ce n'eft point le grand nombre de combattans
qui affûre la victoire , & en vain
attendons-nous notre falut de la vigueur
de celui qui nous fert à la courfe. Le Dieu
des armées peut faire triompher le plus
petit nombre, & fufciter autant de Davids ,
qu'il a réfolu d'abbattre de Géans ; il fçait
quand il le veut faire fervir à fes deffeins
tous les Elémens : comme Créateur &
Bienfaiteur , il les affermit & les tient
dans fa main par la force de fon bras , &
comme Juge , lorsqu'il veut faire éclater
fa colere fur les rébelles , il les ébranle
tous, pour défoler les campagnes, moifforner
en un inftant l'attente du Laboureur
& le fruit d'un travail de plufieurs mois ;
ici, des glaces & des neiges groffiffent en un
moment les fleuves , qui emportent par
leurs
262 MERCURE DE FRANCE.
Jeurs torrens ceux qui fe croyoient le plus
en fûreté ; la terre ne paroît plus qu'une
mer ; des biens & des richeffes , qui font
peut-être toute la fubftance de plufieurs
familles , confiés au gré des flots , fondent
& périffent à la vûë de leurs propriétaires ;
des Villes & des Provinces entiéres , ou
fubmergées , ou privées des provifions
qu'elles attendoient depuis long- tems ; là ,
un feu dévorant confume tout ce qui s'oppofe
à fon paffage , fans même refpecter
les aziles les plus facrés ; des révolutions
que toute la prudence humaine ne peut
prévoir , caufent un renversement dans les
Etats les mieux affermis ; les familles les
plus opulentes fe trouvent confondues
avec les plus viles conditions. L'ambitieux
fe dépouille foi - même de fon légitime patrimoine
, en employant des moyens ruineux
, qui le précipitent dans des malheurs
réels qu'il vouloit éviter , & par une conduite
fecrette de la Juftice du Très-Haut
il fe voit rentrer dans la pouffiére d'où il
s'efforçoit de fortir ; fes projets font renverfés
, & il languit dans la vaine attente.
d'un fort toujours incertain & trompeur.
Peut-on après cela attaquer de front les
effets de la Toute - Puiffance , en difant
que c'est le Hazard qui fait agir & mouvoir
tous ces grands refforts ? apprends
donc ,
FEVRIER. 1744- 265
donc , ô homme , que l'Etre fupreme qui
les a créés , a feul le droit de leur commander
, & qu'il employe leur miniſtére
pour récompenfer les adorateurs de fes
Ordres , ou pour punir les prévaricateurs
de fa Loi . Reconnois qu'ils ne font point
les effets d'un pur Hazard , mais les exécuteurs
des volontés d'un Maître fouverain.
Ignis , grando , nix , glacies & fpiritus
procellarum , qua faciunt verbum ejus.
Si les fecours que l'homme peut tirer de
la Loi naturelle , pour le porter à tout attendre
de l'Etre Supreme , ne lui ſuffiſent
pas , quoique convaincans à la feule raifon
, peut être dans le fein du Chriftianif
me s'en trouvera- t'il , qui éclairés du flambeau
de la Religion , détefteront les impiétés
de ceux qui n'encenfent que la Fortune
, & qui faifant injure à la Foi de leurs
peres, deshonorent également la Société ,
& lui deviennent préjudiciables , car tout
rapporter au Hazard , ne connoître que le
Sort , & tout donner à la Fortune , c'eft
une injuftice manifefte contre la Loi naturelle
une injure faite à la Religion , qui
doit rapporter à Dieu toutes fes actions ,
comme à l'Auteur de tout bien , & une
prévarication des devoirs de la Société.
SE264
MERCURE DE FRANCE.
SECONDE PARTIE.
L'homme paffe facilement des ténébres
de l'efprit à la corruption du coeur ; privé
par fa faute des biens réels , il ne lui eft
refté de goût que pour les faux biens du
fiécle ; c'eft en vain que ne comptant que
fur lui - même , il employe les moyens de
les acquérir ou de les conferver ; ils difparoiffent
à l'inftant qu'il compte en jouir ,
& fouvent il eft lui-même arraché à la vie ,
avant que d'arriver au but qu'il s'eft propoſé;
Laffé & ennuyé de ne point réuffir , malgré
les refforts qu'il a fait jouer , voyant fes
projets déconcertés , il s'addreffe à la Fortune
, il s'éleve juſqu'à elle , & ayant au
milieu de fon coeur les divers degrés d'ambition
& de defirs que fait naître un avenir
trompeur & incertain , il attend d'un Etre
imaginaire ce qu'il ne donnera jamais , &
à l'exemple d'un Philofophe infenfé , il fe
perfuade que cette folle Divinité favorife
ceux qui font hardis jufqu'à être téméraires ,
& qu'elle rejette ceux qui ne s'étant pas encore
livrés à elle , n'ofent s'y confier entierement.
Audaces Fortuna juvat , timidofque repellit.
Mais la Religion n'admet point dans for
fein de tels fentimens ; elle annonce ouvertem
nt
FEVRIER . 1744.
261
tement que l'homme doit tout attendre de
Dieu , que tout doit lui être rapporté, & que
la foumiffion à la volonté de l'Etre fupréme
nous porte à la prudence qui doit diriger
nos actions & régler notre conduite , pour
éviter les malheurs où la négligence nous
précipiteroit ; cette prudence nous prefcrit
auffi les juftes bornes où notre vigilance
peut s'étendre ; elle nous engage à
adorer la Providence , même dans les plus
petits évenemens ; cette foumiffion eft
d'une force & d'une étendue fans bornes
dans les biens comme dans les maux , car
elle doit bannir de notre coeur tout murmure
, & raniner en nous la confiance.
L'impatience dans laquelle nous fommes
d'obtenir les biens préfens , nous conduit à
les rechercher avec empreffement; le moindre
délai nous précipite dans la défiance , efface
en nous l'idée d'une Providence infaillible
dans fes promeffes , & inépuifable dans
fes richeffes . Sommes-nous privés de ce que
nous défirons avec paffion? nous cherchons
des moyens étrangers pour réuffir ;
nous fommes toujours trompés , comme
nous méritons de l'être , car celui qui habite
dans les Cieux,fe rit de nos foins & de
nos travaux.
Ridebo
266 MERCURE DE FRANCE,
1
Ridebo curas hominum vanoſque labores.
Un defir affreux de fçavoir les évenemens
futurs , nous brûle fans nous confumer : à
notre réveil, nous nous trouvons dépouillés
des biens que nous croyions déja poffeder
par une espérance trompeufe , & une flatteufe
attente d'un Sort plus heureux , nous
renvoye à un lendemain qui nous laiffe encore
plus malheureux.
Nous nous plaignons que rien n'arrive
dans fon tems , c'eft que nos defirs font
toujours déplacés , & que les deffeins de la
Providence font differens des nôtres. Non
funt via mea tanquam via veftra. Mais quittons
cette voye d'erreur où marchent les
impies ; attendons le Seigneur , il s'eſt engagé
avec ferment d'avoir foin de nous ,
fi
nous nous jettons avec confiance dans le
fein de fa miféricorde , & fr il y va de fa
gloire à remplir fes promeffes , tout notre
bonheur dépend d'attendre avec patience
les momens qu'il a marqués ; reprenons
courage , réprimons des defirs & une précipitation
qui ne peuvent ni avancer ni retarder
ce qui ne doit s'exécuter que dans le
tems que l'Etre fupréme s'eft réſervé pour
faire éclater fa juftice ou fa miféricorde .
Sommes - nous exaucés ? rendons graces à
la main bienfaifante qui nous favorife de
fes dons ; l'effet de nos demandes ne répond-
il
FEVRIER . 1744. 267
pond- il point aux defirs de notre coeur ?
beniffons la main qui nous frappe , & fans
murmurer , apprenons que Dieu nous favorife
fouvent , en ne nous exauçant point.
On eft fi accoûtumé de vivre au hazard ,
& à fe conduire par des regles de fantaiſie ,
qu'il eft facile de diftinguer le principe qui
fait agir ; rien de réglé dans l'ordre des demandes
, rien de borné dans l'étenduë des
defirs ; on en attend avec impatience le
fuccès , fans examiner s'ils font juftes , &
fans fe mettre en état de s'addreſſer à celui
qui peut feul les remplir. S'agit il d'obtenir
quelques graces des hommes , preſque
toujours intéreffés ou trompeurs ? on met
tout en ufage ; il n'y a point de baffeffe où
la cupidité ne fe livre ; louanges outrées ,
difcours flatteurs , fauffes vertus ou vices
encenfés , médifances & calomnies , affiduités
qui dégénérent en fervitude ; on déguife
fes fentimens ; on s'efforce pour pa-
Foître ce que réellement on n'eft pas , &
on fe fait violence pour cacher avec foin ce
qu'on eft véritablement : fi on réüffit , on
en rapporte le fuccès à fes foins ou à fon
propre mérite , fouvent même à fa bonne
Fortune ; fi l'entrepriſe échoue , on accuſe
le Deftin ; on fe plaint de fon fort , ( heureux
même ſi on ne profere point de blafphême
contre la Providence , qu'on femble
268 MERCURE DE FRANCE.
ble ne connoître en cette occafion que
pous lui infulter ; ) on tombe dans l'accablement
, & en voilà affés pour fe dire
malheureux. Des Payens agiroient- ils autrement
? Et ne doit-on pas rougir de fe
dire Chrétien , après un attentat fi marqué
contre l'Etre infiniment bon , qui gouverne
tout avec une fageffe contre laquelle les
efforts humains ne font que folie ? ayons
confiance en la conduite de la Providence,
& elle nous mettra à l'abri des maux que
nous voulons éviter.
Si la confiance que nous devons avoir
aux promeffes infaillibles qui nous font
faites , bannit de notre coeur la défiance ,
elle en bannit auffi la présomption . Connoiffons
tout le prix d'une telle vertu , &
perfuadons- nous qu'une fois bien entenduë
, nous ferons en état d'obtenir des faveurs
d'autant plus grandes , que nous apporterons
une foumiflion fans bornes , foit
que nous foyons exaucés , ou que les défirs
de notre coeur ne foient point fatisfaits ,
car quelque dur que foit à l'homme le
refus de ces demandes , la Foi feule peut
lui tenir lieu d'une telle privation.
Si les hommes , qui n'attendent tout que
du Hazard & de la Fortune , attaquent de
front l'ordre naturel que Dieu a établi pour
le foutien de l'Univers , & renverfent l'oeconomie
FEVRIER . 1744. 269
conomie de la Religion dans le cours de la
Providence , ne font - ils pas encore dangéreux
pour un Etat ?
En effet une Société d'hommes qui n'agiffent
qu'au Hazard , qui rapportent tout
à une idée chimérique de Fortune , & qui
regardent les événemens comme un cours
de chofes néceffaires à la fubfiftance du
Monde , peut- elle être utile à un Etat où
tout doit être réglé fur la raiſon , & dans
lequel la Religion doit être le grand mobile
de ceux qui le compofent ?
Le Hazard paroît avoir plus de part à ce
qui fait agir , que ces deux liens indiffolubles
de la Société , la Raifon & la Religion
, c'eft pour l'ordinaire le defir de faire
fortune , ou l'idée de fe faire un grand nom ,
qui fait les grands Conquerans , & fouvent
auffi un Héroïsme mal entendu , eft la perte
& du prétendu Héros , & de l'Etat , qu'il
s'étoit chargé de défendre. Animé de tels
fentimens , on s'expofe aux plus grands
périls ; on s'étourdit fi fort fur la perte de
la vie , qu'on ne connoît plus aucuns dangers
; il faut réuffir ou périr ; n'eft- ce pas
cette feule idée qui a fondé les plus grands
Empires ? & ne paroît - il pas comme une
néceffité qu'il y ait des hommes animés de
cette paffion ? mais ce n'eft point à nous
à pénétrer les fecrets de la Providence ; elle
fçait
170 MERCURE DE FRANCE.
fçait tirer le bien du mal même. Dans l'exécution
de fes volontés , elle fçait faire tout
fervir à fes deffeins , mais aufli qu'il feroit
défirable pour un Etat , que ces hommes
avides de gloire , méritaffent réellement le
nom de Grands , par des actions dictées
par la raiſon , actions de grandeur , de valeur
, de clémence & de générofité , que la
Religion auroit foin d'immortalifer, comme
fes propres dons , & que la Société couronneroit
par de fi juftes titres !
Si d'agir au Hazard & attribuer au Sort
tous les évenemens , c'eft faire injure à la
bonté du Créateur & attenter à fa Majeſté;
mépriser fes promeffes & avilir fa Providence
, c'eſt auffi une difpofition dans des
Citoyens non moins condamnable , car
des hommes qui n'ont d'autres regles que
ce qu'ils regardent comme les effets du
Hazard , & qui n'agiffent point par un
principe dicté par la Religion ; des hommes
qui ne confultent que leurs paflions ,
ne peuvent être de fidéles fujets : leurs actions
varieront autant que leurs idées &
que leur intérêt; le Prince ne fera fervi qu'à
proportion que le fort ou le fuccès des évenemens
remplira l'attente des Sujets ; &
la force d'un Etat , qui ne confifte que
dans un cours d'actions réglées par la Religion
& par la juſte Raifon, tombera dans le
défordre ,
FEVRIER. 1744.
271
défordre , dès qu'on en retranchera ces
deux nerfs fi néceffaires à fa propre confervation.
La bonne Police n'étant plus obfervée
; les Sujets n'étant plus animés ni de
refpect pour le Prince , ni de l'amour de la
Patrie , il ne reftera à un Souverain auffi
malheureux , qu'un phantôme de Principauté
, deftitué d'autorité , & ne laiffera
plus qu'une foule d'hommes dépouillés
d'une obéiffance réglée , & des ufurpateurs
injuſtes du nom de Sujets. Quel intérêt tous
les hommes n'ont- ils pas de s'élever contro
des principes fi faux & fi dangéreux ?
Jufqu'à quand les mortels feront - ils enyvrés
de ces folies deHazard & de Fortune?
les régles que Dieu a établies dans l'ordre
naturel , qu'il confirme par la Religion , &
qu'il foutient par la fageffe de fa Providence
, ne font -elles pas fuffifantes pour les
rendre heureux ? Leur ignorance & leur
orgüeil les éloigne du centre de leur bonheur.
Par leur fauffe fagefle & par leur fauſſe
prudence , ils le précipitent dans les maux
qu'ils vouloient éviter ; la confiance dans
les promeffes , & la foumiffion dans les événemens
, font les feuls font les feuls moyens d'affûrer
leur félicité. Tout ce qui eft & doit arriver
dans tous les tems , eft marqué dans l'ordre
de la Providence , & par rapport à fa
fageffe , rien n'eft l'effet du Hazard. II eft
vrai
272 MERCURE DE FRANCE.
vrai que Dieu ne fe découvrant pas toujours
aux hommes d'une maniére décidée,
& étant difficile de reconnoître dans les
chofes non marquées ,ce qui eft fa volonté,
ou ce qui n'eft que l'effet de la paffion &
de l'intérêt des hommes , il eft quelquefois
permis d'avoir recours au Sort , mais ce
doit être toujours avec des précautions qui
diftinguent les motifs qui portent à agir de
la forte , & qui annoncent réellement un
moyen rare , pour confulter celui qui ne fe
montre & ne ſe dévoile qu'aux humbles ,
& qui réfifte toujours aux ambitieux .
Malheur à une Société qui fouffriroit
dans fon fein des hommes qui , poffédés de
la foif des richeffes , groffiffent ces aſſemblées
dangéreufes , & fe livrent à ces accords
meurtriers , pour dépouiller en un
inftant ( par des voyes dont le Sort paroît
l'arbitre ) des familles entiéres , qui expofent
leur patrimoine fur de fragiles effets !
ils font comme immobiles dans l'attente
d'un Sort incertain , dont le fuccès fait pâlir
le Spectateur le plus indifferent.
Pour prévenir de tels excès , foyons réglés
dans l'ordre de nos défirs ; diftinguons
celui à qui nous devons en demander l'accompliffement
, & attendons tout d'un
Etre , qui feul peut tout , comme naître
abfolu des biens & des maux. Foulons aux
pieds
FEVRIER. 1744. 273
pieds une Divinité trompeufe , efperons
en celui qui fait lever fon Soleil fur les bons
& fur les méchans . Défirons d'être heureux
, mais travaillons à le devenir , &
n'employons jamais des moyens que la Religion
& l'Etat ont tant d'intérêt de condamner
& d'anéantir.
PRIERE A JESUS - CHRIST.
Seigneur , c'eſt à vous feul qu'il appartient
de changer notre coeur & de diffiper
les ténébres de notre efprit . Juſqu'à préfent
nous avons marché dans la voye de
T'erreur , en cherchant notre félicité dans
un Etre imaginaire ; nous nous fommes
trompés , en nous éloignant de la fource
de tous les biens ; faites - nous retourner à
vous , pour obtenir ceux qui nous font néceffaires
pour foutenir ce corps de mort ;
accordez - nous la grace de bien ufer de vos
dons. Nous reconnoiffons que notre fort
eft entre vos mains , que nos efforts font
vains & inutiles , pour nous procurer les
biens ou éviter les maux ; & humiliés fous
votre main bienfaifante , nous vous adorons
comme notre unique efpérance &
notre héritage dans la terre des vivans .
Dixi : Deus meus es tu , in manibus tuis fortes mes.
Par Etienne CARRE' , de Paris.
D EP .
274 MERCURE DE FRANCE.
EPITRE ,
A Meffieurs de l'Académie Royale des Belles-
Lettres de la Rochelle.
C Elébres
Elébres Nourriffons des filles de mémoire ,
Vous qui ne connoiffez que la folide gloire ,
Et dont tous les travaux , embraffant les Beaux-
Arts ,
Au plus profond fçavoir foumettent nos Remparts ;
Ces Remparts fi fameux , où l'Héréfie en Armes
A long tems excité le trouble & les allarmes ;
Continuez vos foins ; évitez le repos ;
Faites régner les Arts fur l'empire des flots.
Il eft aifé de voir que vos fçavantes veilles ,
En dépit de l'envie , ont déja fait merveilles ;
Votre exemple , en ces Lieux , rend tout le monde
actif ,
Et l'heureux Commerçant n'eft plus un Riche oifif
Moi- même , je vous dois mon amour pour l'étude ;
Souffrez que j'en témoigne ici ma gratitude ;
Que , faifant éclater mon zéle par ces Vers ,
Je m'acquitte envers vous aux yeux de l'Univers ;
Ma mufe n'en attend aucune récompenſe ;
Elle veut vous venger des traits de l'ignorance ,
Qui ,
FEVRIER. 1744.
275
Qui , honteufe des fers que vous lui preparez ,
Souléve fes fuppôts , juftement ignorés .
Songez que , de tout tems , elle s'eft fait connoître
Sous des dehors trompeurs , on l'a bien vû paroître
,
De l'intérêt du Ciel couvrant fes attentats ,
Armer en fa faveur jufqu'à des Potentats ;
Mais , malgré les efforts de leur noire Cabale ,
Toujours a triomphé ſon aimable Rivale ;
Contre elle déchainés des peuples furieux
L'ont jadis , vainement , profcrite en tous les Lieux ;
Dans la nuit du tombeau , par eux , enfevelie ,
Bien- tôt elle reprit une plus belle vie ,
Et fe reproduifant dans un nouvel éclat ,
Elle ne craignit plus de pareil attentat.
La Science par tout , aujourd'hui répanduë ,
Et ſon utilité ſi ſouvent reconnuë ,
Font voir qu'avec raiſon on dreffe des Autels
A celle qui nous fait des hommes immortels.
O vous , qui la fervez dans ma chere Patrie ,
´Sages mortels , qu'un jour reſpectera l'envie ;
Qui marchez d'un pas sûr vers l'immortalité ;
Faites cherit vos noms à la poſterité.
Des moeurs de nos Marins écartant la rudeffe ,
Rendez - leur familier l'efprit de politeffe ;
Que devenus , enfin , des hommes differens ,
Ils s'annoncent polis , en fe montrant Sçavans.
Ce vice aux gens de Mer n'eſt que trop ordinaire ;
Dij On
276 MERCURE DE FRANCE.
On n'en voit que bien peu d'un autre caracte
re
Je ne finirois point en traitant ce ſujet ,
Et ce n'eft pas ici mon principal objet.
Comment ne point prifer votre utile entrepriſe !
Elle ne fert pas moins à l'Etat , qu'à l'Eglife.
Peut- il être douteux , que toujours le fçavoir
Eft le plus ferme appui des régles du devoir ?
Plus l'homme eft ignorant , & plus il eft crédule ;
Son ame alors faifit , exemte de fcrupule ,
Le mal comme le bien ; nos coupables ayeux
Sont de ce point conftant un exemple fameux.
L'erreur , qui féduifit leur extrême franchiſe ,
Ne les eut point armés contre le Roi , l'Eglife ,
Si leur efprit eut pû percer l'obſcurité ,
Qui leur cachoit à tous l'augufte verité ,
Et d'adroits impofteurs , fous de belles maximes ,
Ne les auroient jamais engagé dans des crimes.
Que nous reparons bien ces horribles malheurs ,
Par l'amour qu'à nos Rois nous portons dans nos
coeurs !
Non ; le Trône n'a point de fujets plus fidéles ;
Nous effaçons ces noms de traîtres , de rébelles ;
Renfermés dans nos murs , autrefois orageux ,
Paiſibles Cazaniers , nous gémiffons ſur eux ;
Et , déteſtant l'horreur du complot de nos Peres ,
Nous ne les plaignons pas , même de leurs miferes
.
Efprits
FEVRIER . 277 1744.
Efprits , qui parmi nous fixez les doctes foeurs ,
Et par qui nous goûtons leurs charmantes douceurs
;
Sans doute , que Clio , vous dicant notre Hiftoire ,
Auprès de nos revers y peindra votre gloire ;
Qu'attentive à montrer quel eft votre bonheur ,
Sa voix célébrera l'illuftre PROTECTEUR ,
Que vous a procuré la fortune équitable ;
Bienfait rare & fans prix ; faveur ineſtimable .
Vous devez à jamais benir cet heureux jour.
Ce Prince , des Guerriers & l'eftime & l'amour ,
Que le François adore , & l'Etranger admire ,
Travaille à vous donner fes Exploits à décrire ;
Digne fils des Héros , dont il tire fon fang ,
Sa valeur le décore , encor plus que fon fang ;
L'Allemagne eft témoin de fon ardeur guerriere
.
C'eft làpour votre plume une riche matiere.
Du grand nom de CONTY rempliffant vos
Ecrits ,
Vous ferez applaudis de tous les bons efprits.
J
Diij DEF178
MERCURE DE FRANCE.
DEFENSE des Incommenfurables.
Le prixaux modes , aux penfées & aux ter-
A nouveauté de tout tems a donné le
L.p
mes. Le Néologifme eft la manie de la plûpart
de nos Ecrivains modernes. Tous s'écrient
d'une voix :
Ego cur acquirere pauca
Si poffum, invideor, cum Lingua Catonis & Enni
Sermonem Patrium ditaverit , & nova rerum
Nomina protulerit ?
Quelques Sçavans voyent , même avec
regret , qu'une Académie naiffante ait couronné
de pareilles expreffions.
La République des Lettres eut été trop
heureuſe , fi la contagion ne ſe fut étenpas
duë plus loin. On a commencé par introdui
re un langage nouveau , & les précieux débris
de l'Idiome de nos Ancêtres ont été
défigurés par une ortographe récente , qui
ôte aux expreffions leur étymologie . Enfin
les verités de Mathématique les plus certaines
, les plus conftantes & le mieux démontrées
, ne font maintenant que des chimeres ::
qu'Euclide apporta du fein de l'Egypte. Quoique
je n'aye jamais été qu'un Géométre audeffous
FEVRIER. 1744. 279
deffous du médiocre , & qu'il y ait deux ans
queje n'ai vû aucune propofition de Mathématique
, cependant nouveau Sophocle , je
vais entrer en lice , & ufer de la permiffion
que M. Liger donne de faire des obfervations
fur fon fyftême .
La grandeur en général ne reprefente que
des parties , foit qu'elle foit continuë , c'eſtà-
dire , que fes parties ne foient , ni réelle
ment , ni mentalement divifées comme la
pefanteur , foit que fes parties foient réellement
divifées ou déterminées comme i 2
3,4,5 , & c.
>
L'objet de la Géométrie eft la grandeur
permanente ; c'eft celle dont toutes les parties
exiſtent en même-tems. L'eſpace eft une
grandeur permanente . Le tems , au contraire,
eft une grandeur fucceffive , parce que fes
parties fe fuccedent les unes aux autres .
>
Il eft des grandeurs , qui rapportées l'une
à l'autre , n'ont pas des mefures communes ,
c'est-à-dire , qu'elles ne font pas de nombre
à nombre ; on les appelle incommenſurables
; aucun Géométre n'a défavoué cette
propofition. La raifon d'un pied à un autre
eft un rapport de nombre à nombre. Mais
ne peut-il exifter aucune grandeur, qui n'ait
point de mefure commune avec un pied, un
pouce , une ligne , & fes parties aliquotes ou
fous multiples ? Jufques-ici j'avois cru qu'une
Diiij ali280
MERCURE DE FRANCE.
aliquote de cette grandeur pouvoit être
l'antecedent d'une raifon , dont la fous-multiple
de la ligne en queſtion , feroit le conféquent
, de forte que quelque petite qu'on
fuppofât la derniere, elle ne pourroit jamais
être continue fans refter dans fon antécédent.
Je m'étois encore perfuadé que lorfqu'un
nombre comme 1 ,, n'eft pas par un quarré
parfait , c'est- à-dire , que n'y ayant aucun
nombre , qui multiplié par lui-même donnât
la fomme de 15 , fa racine étoit fourde
ou bien Incommensurable ; il en eft de même
des racines , des nombres 18 , 50 , 24 ,
32 , &c.
La multiplication des extrêmes dans une
progreffion Géométrique , eft égale au produit
des moyens ; foit par exemple , 2 , 4 ::
3 , 6 , 12 eft le produit des deux termes. On
multiplie en effet le nombre 2 par 6 , & le
nombre 4 double de 2 par 3 , fous double de
6. Voilà la raifon de l'égalité , d'où il fuit
que dans une proportion continue, le quarré
de la moyenne proportionnelle eft égal au
rectangle des extrêmes , ainfi 2 , 4 : 4 , 8.
Le quarré 16 de proportionnelle 4 , étant le
produit des moyens , le rectangle formé de
la multiplication de 8 par 2 , doit lui être
égal.
C'eft un principe certain que les triangles
1
FEVRIER. 1744. 281
gles femblables ont leurs côtés homologues
proportionnels. Il n'eft pas moins évident
que fi du fommet de l'angle droit d'un triangle
rectangle , on mene à l'hypotenuse une
ligne perpendiculaire , ce triangle fera divifé
en deux triangles femblables entr'eux
& au triangle total ; cette propofition n'eſt
qu'un corollaire de la precédente.
De tous ces Théorêmes il réfulte que le
quarré de l'hypotenufe dans un triangle rectangle
, eſt égal aux quarrés faits fur les cô--
tés de ce même triangle , car en titant une
perpendiculaire du fommet de l'angle droit
du triangle rectangle fur fon hypotenuse ,
laquelle perpendiculaire diviſera la baſe en
deux rectangles , qui feront femblables au
triangle total , ces triangles auffi femblables
entr'eux , font en raifon doublée de leurs
côtés homologues.Donc les quarrés des côtés
homologues font entr'eux comme les triangles.
Or l'hypotenufe du grand triangle rectangle
eft homologue aux côtés fur lesquels
font faits les petits quarrés , puifqu'ils font
auffi les hypotenufes des petits triangles.
Donc enfin le triangle total , étant égal aux
deux petits , formés par la perpendiculaire ,
tirée du fommet de l'angle droit de ce triángle
fur la bafe , le quarré formé fur l'hypotenufe
de ce triangle , eft égal aux quarrés
formés fur les côtés , qui font les hypotenufes
des petits triangles.
Dv Vai282
MERCURE DE FRANCE.
Vainement M. Liger voudroit nier cette
propofition , qui eft la 47 du premier Livre
d'Euclide , & la plus importante vérité de
la Géométrie plane. M. le Ratz de Lauttfenée
l'a appliquée à toutes fortes de triangles,
& même aux figures femblables décrites
fur les côtés d'un triangle rectangle.
Dans fon quatriéme Livre des Elémens de
Géométrie , il prouve contre le fentiment
de Pelaterius , qu'on la peut démontrer autrement
que par
la voye des proportions
& par la maniere dont Euclide s'eft fervi
pour la prouver. Cette propofition eft fi utile
, que Pythagore , qu'on en dit être l'Auteur
, felon Proclus & Vetruvius , offrit aux
Mufes un hecatombe , parce qu'il croyoit
devoir à leur infpiration cette heureufe dé-
Couverte.
Outre l'utilité que l'on retire de cette
propofition , pour la conftruction des tangentes
, des finus , des fecantes , elle fert
encore à démontrer invinciblement l'exiftence
des Incommensurables ; elle prouve contre
M. Liger, que le côté d'un quarré n'a aucune
mefure commune avec fadiagonale.Soit
un quarré de 2 au côté. La diagonale le partage
en deux parties égales ; elle forme donc
un triangle Ifofcele rectangle , dont elle eft
la baſe. L'hypotenufe de ce triangle doit
avoir 8 pour fon quarré , puifque le quarré
forFEVRIER.
283 1744.
formé fur la bafe d'un triangle rectangle ,
eft égal aux quarrés formés fur fes côtés.
Les côtes de l'Ifofcele font deux , donc les
quarrés formés fur ces côtés font 4 , qui repetés
deux fois à caufe des deux côtés du
triangle Ifofcele donnent 8 , donc le quarré
de l'hypotenufe eft 8 ; or 8 n'eft pas un
nombre quarré , mais il eft contenu entre
les nombres quarrés 4 , & 9 , dont les racines
font 2 & 3 , donc le nombre 8 a plus
de 2 à fa racine , un peu moins que trois ;
donc la quantité de fa racine ne fe
peut dé--
terminer par un nombre commun , ou qui
ait un rapport avec le nombre 2 , qui exprime
la racine du quarré formé fur un des
côtés du triangle Ifofcele. Cet hypotenuſe
eft donc incommenfurable avec ce côté.
Voyons donc comment M. Liger élude
la force de ce raifonnement , ou
ou plûtôt
quelle preuve il apporte du contraire. Il
fait un quarré de 12 petits quarrés côté , la
fomme du grand quarré fera de 144 petits
quarrés , puifqu'un quarré fe forme de la
multiplication d'un nombre par lui-même.
La diagonale partageant le grand quarré en
deux , donnera deux triangles qui auront
chacun 72 petits quarrés , tant effectifs qu'en
triangle , car ils auront encore 12 triangles
fur la bafe , ce qui équivaut à 6 petits quarrés
, le quarré étant le double de fon trian-
D vj gle.
284 MERCURE DE FRANCE.
3
gle. Si dans un autre endroit on trace un
quarré fur une ligne de 17 petits quarrés
égaux aux petits quarrés du grand quarré
precédent , on aura un quarré de 289 petits
quarrés. Si encore par le moyen de deux
diagonales , qui fe couperont au centre de
ce quarré , on divife ce quarré en 4 parties
' égales , enforte enfin que i l'on place la
bafe du triangle formé par la diagonale ,
divifant le quarré fait fur 12 , fur le côté
17 du grand quarré , les deux triangles feront
précisément égaux , & comme la baſe
du triangle eft la diagonale du quarré fait
fur 12 , & qu'elle fe trouve égale au côté 17
du grand quarré 289 , compofé de petits
quarrés égaux aux petits quarrés du grand
quarré 144. La diagonale du quarré , fait
fur 12 , eft donc égale à 17 parties de ce
même quarré , ou à 17 des petits quarrés ,
formant le grand quarré 144.
144 ,
Mais ce qui dérange le fyftême , c'eft que
dans le grand quarré 289 , il eft un petit
quarré de trop . Car pour que le grand quarré
divifé en deux triangles de 72 petits
quarrés, couvrit également les deux triangles
du quarré 289 , qui en font la moitié
il faudroit que 144 fût la moitié du double
289 , & il ne l'eft que de 288 dans chaque
triangle ; il eft un quart de quarré de trop .
Cette courte refléxion fait tomber le ſyſtême
FEVRIER . 1744. 285
,
me ; fur une Carte la difference n'eft pas
fenfible. Mais fi le petit quarré dans la plaine
repréfentoit un efpace de dix lieuës
malgré la fobriété de M. Liger , qui dit qu'il
doit s'éclipfer , je crois qu'il feroit mortifié
de faire à jeun ce petit quarré ; en multipliant
les parties aliquotes , on approche de
la mefure commune , mais jamais l'efprit
de l'homme , ni le compas de M. Liger , ne
trouveront une mefure commune entre la
diagonale d'un triangle rectangle , & un des
côtés de ce même triangle.
Dans un ifofcéle rectangle ,le quarré de la
bafe eft au quarré d'un des côtés , comme 2
à 1 , donc il n'a pas pour expofant un nombre
quarré ; cependant la raifon entre ces
quarrés eft doublée , or toute raifon doublée
, qui n'a pas pour expofant des nombres
quarrés , n'eft pas doublée de nombre à
nombre. La raifon eft que deux nombres
étant premiers entr'eux , leurs quarrés le
-font auffi comme 1 & 2 ; leurs quarrés 1 &
font auffi premiers entr'eux. 4 ,
A Dijon , le dernier Octobre 1743 .
L. C. Etudiant en Droit.
LE
236 MERCURE DE FRANCE.
LE TRAVAIL ET LE PLAISIR.
Αν
FABLE ALLEGORIQUE.
bon vieux tems , fur les heureux mortels
Le travail , le plaifir régnoient d'intelligence ,
Et partageoient fur les mêmes Autels
L'encens de leur reconnoiffance.
Le travail leur donnoit la force , la fanté ,
Et des vertus pere eftimable ,
A leur élite refpectable
Il foumettoit leur coeur par son activité.
'A fon tour , le plaifir par fa douce influence
Ranimoit & leur corps & leur intelligence ;
De leurs efforts induſtrieux
Lui-même étoit la récompenfe ,
Et fes charmes délicieux ,
Qu'affaifonnoit la temperance
D'un fel piquant & gracieux ,
Les ramenoient fans répugnance
Sous l'utile & jufte puiflance
De leur Maître laborieux .
Ce fage accord formoit une fource féconde ;
D'ou couloit au fond de leur coeur
Ce
FEVRIER. 1744. 287
Ce que cherche fans ceffe , ce qu'ignore le monde,
Et qu'il appelle le bonheur.
Mais le plaifir fe laffa du partage ,
Et voulut feul donner des loix ;
Ufurpons au travail & fon trône & fes droits,
Dit-il , & qu'à moi feul l'Univers rende hommages
D'ambition follement entêté ,
Il lui déclare une guerre cruelle,
Par la voix de la volupté
Héroïne à fa loi fidelle ,
Et qui ne connoît rien d'invincible pour elle
Que les coeurs que
défend l'infenfibilité.
Sous les drapeaux flateurs à l'inftant il raffemble
Les ris , les danfes , les feftins ;
A leur afpect , fon rival tremble
Pour la gloire & pour les humains.
Là, d'amours féducteurs une troupe charmante:
S'arme de traits en ſa faveur ;
Ici , mainte fête galante
Le proclame déja vainqueur ;
Cent fpectacles divers brillent pour fa défenſe ; ,
Le jeu trompeur étale fes tréfors
Euterpe & Melpomene uniffent leurs accords ,
Et Diane avec diligence
Des paisibles Forêts va rompre le filence ,
Par le bruit perçant de ſes cors.
Pour
288 MERCURE DE FRANCE.
Pour arrêter la violence
De tant d'audacieux projets ,
En vrai pere de fes fujets ,
Le travail contre lui s'avance ;
Les Sciences , les Arts lui fervent de foldats;
La raifon éclaire fes pas ,
Que fouvent la gloire couronne ,
Que toujours l'utilité fuit ,
Et dont la fageffe eſt le fruit ;
Le fignal du combat fe donne .
On entend mille cris.... mais , ô Dieux ! quel revers !
Le travail eft vaincu ; la raiſon mife aux fers ,
Et le plaifir avec éclat moiffonne
Tous les lauriers de l'Univers.
L'homme féduit par l'apparence
Du bonheur qui le fuit , quand il croit le faifir,
Tout entier fe livre au plaifir;
Flaté de la douce eſperance
De pouvoir toujours en joüir;
Son état n'eft plus qu'un délire ,
Délicieux & raviffant ;
A tout ce qu'il goûte & qu'il fent
Son ame à peine peut fuffire ;
Ainfi qu'un Papillon au Printemps renaiffant
Vole fur chaque fleur nouvelle ,
Sans fixer fon vol inconftant ,
Ainfi
FEVRIER. 1744. 289
Ainfi du doux plaifir , qui lui prête fon aîle ,
Il parcourt , tranfporté de zéle
Chaque attrait & chaque agrément.
! Mais hélas par la joüiffance ,
Mere de la fatiété
Il s'apperçut bien- tôt qu'il s'étoit mécompté ;
Le plaifir enfanta la froide indifference ,
Le dégoût , l'infipidité ;
Il perdit fa douceur & la vivacité ;
L'ennui régnoit en fa préſence ;
Pour comble de calainité
On le cherchoit dans fon fein même
De fon art il eut beau tenter tous les fecrets ,
Bien loin de rétablir fa puiffance fuprême ,
Il n'excita que des regrets.
Un fort non moins fatal fut le honteux partage
Du travail féparé de l'aimable plaifir ;
Sa loi parut un esclavage.
Pour lui prefenter fon hommage,
Nul mortel ne trouvoit un inftant de loifir ;
Cependant dans ſa décadence ,
La preffante néceffité
Soumit plus d'un rebelle à fon obéiſſance ;
En vain de fon utilité
• Il leur démontra l'excellence ,
Elle ne fût pour eux qu'un bien trop acheté ,
Et
190 MERCURE DE FRANCE.
Et fon empire déferté
Par la gaieté , par l'allegreffe
Et même par la liberté ,
Devint celui de la trifteffe
Et de l'affreufe dureté.
>
Par la contrainte & le trop grand ufage
Tout perd fon prix & les attraits ;
Pour être heureux , pour être fage ,
Il faut allier, fans excès ,
A Putile travail le plaifir agréable ;
· C'eft la morale de ma Fable ;
Puiffe-t'elle avoir du fuccès !
Par M. de S. Roman
LET
FEVRIER. 1744. 291
AUQUQUQUNUDUDUDUDUDUDUDUDUDUDU
PUDUDUDUDUDUDU QUDUDUDURU
LETTRE de M ...... fur la Defcription
de la Haute- Normandie.
LES
Es recherches que le R. Pere Dom D.
Benedictin a faites pour la Defcription
de la Haute- Normandie ( excepté
le Diocèse d'Evreux , qu'il remplace par le
Vexin François , qui n'a jamais appartenu à
la Normandie ) ces recherches , dis-je , méritent
la reconnoiffance des Gens de Lettres.
Cependant cetOuvrage n'eft pas affés exact ,
pour ne leur pas faire defirer une révifion.
On fent dans ce Livre un homme vif & laborieux
, deux qualités néceffaires pour un
Hiftorien ; la vivacité cependant trop grande
de notre Hiſtorien le rend fouvent trop
concis. Elle lui fait abbreger ou paffer fous
filence des traits hiftoriques , dignes d'être
rapportés ; il auroit pû en paffer d'autres ,
d'autant moins intéreffans , qu'ils ne font
pas honneur à ceux dont il parle . Que d'étymologies
hafardées ! pour ce qui eft du
travail , il y en a beaucoup , mais il n'y en a
pas affés.
Il n'étoit pas fort difficile de fçavoir les
noms de tous les Sts Patrons des Paroiffes ;
Sotteville n'eft G loin de Roüen , qu'il
pas
no
292 MERCURE DE FRANCE.
ne foit facile de connoître le Patron qu'on
y honore. J'ai vû faire la fête de S. Catald à
Bondeville , comme du Patron ; l'Auteur
n'en dit rien. Il n'a point fçû que tout ce
Village dépend de la Cure qui eft dans le
Village même , & que la petite Cure de S.
Denis , qui eft une Chapelle hors de l'Eglife
des Religieufes de Bondeville , n'a pour
paroiffiens que quelques Payfans , qui ne
font pas du Village de ce nom , excepté les
domestiques de l'Abbaye , qui eft à un bon
quart de lieue du Village. Il me femble que
l'exactitude demandoit , qu'on défignât fi
c'est le Chapitre d'une Abbaye ou d'un
Prieuré , qui prefente ou qui confere un
Benefice , ou fi c'eſt l'Abbé ou le Prieur.
On fe contente fouvent de dire que c'eft
l'Abbaye , ou le Prieuré qui a ce droit . Les
Seigneurs fe multiplient fous la main du P.
Benedictin , ce qui forme dans cet Ouvrage
une oppofition entre les anciens Patrons &
les nouveaux ; les ventes des terres Seigneuriales
font un changement , que l'Auteur a
ignoré quelquefois. L'Eglife du Prieuré de
S. Lo & celle de la Paroiffe , font depuis
quelques fiécles affés féparées , pour qu'une
perfonne qui a demeuré quelque-tems à S.
Ouen , s'en apperçoive . On prefente au Roi
quelques fujets , entre lefquels Sa Majeſté
nomme unPrieur de laMagdeleine deRoiien .
ParFEVRIER.
1744. 293
Parlons de quelques chofes plus importantes.
Je ne crois pas que ce que le R. P....
dit fur le Pays de Tallon & fur le mot de
Dun , augmente le nombre des adverſaires
de M. l'Abbé Lebeuf. Cet Académicien a
fort bien prouvé que ce mot dans la Langue
Celtique marquoit un Lieu élevé , ce qui
convenoit ordinairement aux Châteaux &
aux Fortereffes ; fi on a donné ce nom à des
Lieux bas , c'eſt par rapport aux hauteurs
qui les environnent. Il étoit fi ordinaire de
mettre dans les noms des Fortereffes le mot
de Dun , à caufe de leur fituation élevée ,
qu'on leur a donné la même fignification ,
quoiqu'elles ne fuffent pas fur des hauteurs.
Comment ſe tire notre Auteur du mot de
Pifte , qui fe trouve dans le dénombrement
des differens Lieux du Tallou ? il a recours
au mot Grec , qui fignifie Foi ; mais où trouver
que les anciens habitans du Pays de
Caux ont donné des noms Grecs à leurs
Villes , Châteaux ou Villages ? nous avons
un Piftes affés fameux dans le neuviéme fiécle
,par troisConciles queCharles- le - Chauve
y fit affembler. Cet endroit , nommé depuis
Piftres , & à prefent Pitres , n'a point pour
Patron Ste Foy. C'eft un Village fur Landelle
. M. Lebeuf s'autorife encore, avec raifon
, du mot de cette riviére & du Pays de
Tellao ,
24 MERCURE DE FRANCE.
› ¸ vers la riviére d'Epte , pour étendre
jufques dans ces quartiers-là.
Ceux qui connoiffent les environs du
F -de-l'Arche, font furpris que l'anonyme
attribuë à la Ville d'Arques , ce que Guillaume
de Jumieges , l. 2. c. 10. dit d'Hafdans.
Cet endroit , qui étoit alors confiderable ,
eft un Village très- proche du Pont-de-l'Arche
, où il y a une Succurfalle , dépendante
de cette Ville ; on prétend que c'étoit le
Pont- de-l'Arche, qui n'étoit autrefois qu'une
Succurfalle de Hafdans ou Ledants , comme
on dit à prefent. C'eft là où les Normands
s'arrêterent , afin d'y former un Camp, mais
les François après avoir entendu la Meſſe à
S. Germain d'Alifai , de l'autre côté de la
Seine , vinrent les attaquer.
Suivons le R. P.... aux Deux Amans , à
cinq quarts de lieuë du Pont-de- l'Arche .
On a , dit-il , p. 331 , Tom. 2 , débité bien
des Fables fur l'origine de ce nom. Je ne
connois qu'une Hiftoire fur ce fujet , qui
paroît fabuleuſe , ſçavoir , qu'un jeune homme
obtint une fille en mariage , à condition
qu'il la porteroit jufqu'au plus haut de la
montagne ; on prétend que le garçon mourut
de fatigue & la fille de chagrin , &
les parens , pour reparer leur faute , & pour
le repos des Ames des deux Amans , fonderent
un Prieuré de Chanoines Réguliers fur
la même montagne.
que
Cela
FEVRIER.
295. 1744.
Cela fe
peut abſolument parlant , mais la
conjecture de notre Auteur eft entierement
fondée fur le défaut de connoiffance
du Lieu
dont il s'agit , & de l'Hiftoire du Prieuré
des deux Amans. Parmi la fuite des montagnes
, qui environnent
çe Lieu , il n'y en a
aucunes de jumeaux ou jumelles ( vers Châtillon
fur Seine , il y a deux montagnes nommées
jumeaux , à caufe de leur figure tout-à
fait reffemblante
) . Flipou eft à une demie
lieuë des deux Amans , dans une plaine ; à
la vérité , il y faut monter du côté du Pont
S. Pierre , mais cette petite montagne ou
colline ne fait aucune comparaiſon
avec
la montagne des deux Amans. Pour aller de
Flipou à Anfreville fous les Monts , il faut
paffer une plaine d'une demie -lieuë & defcendre
enfuite de la montagne . D'ailleurs
le nom de deux Amans n'eft point ( comme
le conjecture le R. P. Benedictin ) une prononciation
alterée pour les deux Monts ,
puifque la Charte de Hugues , Archevêque
de Rouen , pour confirmer les biens du
Prieuré des deux Amans , eft adreffée Ricardo
Priori caterifque fratribus in Loco qui
mons duorum Amantium dicitur , & c. Cette
Charte eft fans date , mais on fçait que Hugues
a tenu le Siége de Rouen depuis 1130,
jufqu'à l'année 1164. Le Pape Alexandre
III , qui confirma en 1165 les biens du même
296 MERCURE DE FRANCE.
me Monaftere , dit auffi qu'il eft fur la montagne
, qui dicitur duorum Amantium , &c.
Puifque cette étymologie de deux Amans ,
dérivée de deux montagnes , ne fe peut
foutenir , on peut croire avec quelques anciens
du Pays , que ce nom de deux Amans a
été donné à la montagne de ce Prieuré , à
caufe des Images de J.C. & de la Magdeleine
, qui étoient au portail & au grand Autel
de l'ancienne Eglife. Le Pere Pacifique ,
dans fon voyage de Perfe , appelle J. C. &
la Magdeleine deux Amans. On m'a dit que
dans le Diocèfe de Grenoble , il y avoit auffi
une Eglife de deux Amans.
Notre Auteur dit , pag. 137 , Tom. II ,
qu'aucun Concile , ni de Latran , ni d'ailleurs
, n'a interdit les Cures aux Moines ;
cependant voici ce qu'on lit dans plufieurs
Conciles , que le Pere Thomaffin , &c. cite ,
Le premier de ces Conciles , eſt celui de
Rouen , tenu en 1074 , ut , inquit , can. 5 .
nuili Monacho Parochia regenda committatur.
Cela fut confirmé par le Concile d'Autun
en 1094 , & celui de Poitiers en 1 100.
par
Calixte II , dans le premier Concile de Latran
en 1123 ( on comptoit encore 1122 en
France ) deffend aux Moines toutes les fonctions
Curiales. S. Bernard & d'autres Abbés
& Moines ( confultez le Livre intitulé :
De Canonicorum ordine difquifitiones. ) Paris
1697 ,
FEVRIER. 1744. 297
1697 , difq. tertia , p . 403 , &c. 406 , &c .
avoüent eux-mêmes que ces fonctions ne
conviennent point aux Moines , & qu'ils
doivent vivre dans la retraite & dans le filence.
Les Sçavans , qui s'intéreſſent à l'Hiftoire
d'Aumale , & notre Auteur , doivent remar
quer qu'Etienne , Comte d'Aumale , n'étoit
point fils de Henri Etienne , Comte de
Troyes & de Meaux , mais qu'il étoit fils
d'Odon , Comte de Hilderneffe , fils d'Etienne
, premier Comte de Troyes & de
Meaux. Henri Etienne , neveu d'Etienne ,
premier , céda le Comté de Troyes à Hugues
fon frere ; c'eſt ce qui fait la plûpart
des Hiftoriens ne lui donnent que le
nom de Comte de Blois ou de Chartres.
que
Il est échapé une autre faute , qui eft
moins excufable , à un fçavant Benedictin ,
c'eft de traiter S. Medard & S. Godard de
freres. Je fuis auffi furpris , qu'un Religieux
qui ne doit point être oppofé aux exemptions
, & qui furtout , doit aimer la paix
avertiffe quelquefois , quand il parle d'exemptions
, qu'il ne parle point du droit de
ces exemptions. Enfin je prie notre Auteur
de nous faire connoître les Conftitutions
d'Ives de Chartres. On fçait que ce célébre
Prélat a fait refleurir l'Ordre des Chanoines
, furtout à S. Quentin de Beauvais ; mais
E زا
298 MERCURE DE FRANCE.
il ne leur a laiffé pour Réglemens que les
Canons. Voyez fa Lettre aux Chanoines
de Lefterp .
ODE
Sur le commencement de l'année 1744.
QuUel eft ce vieillard intrépide ,
Porté fur les ailes des vents ,
Qui vient , dans fa courfe rapide ,
Dévorer fes propres enfans ?
Quel défaftre affreux , quel ravage ,
Signalent partout fon paffage !
Le Berger tombe avec les Rois ;
Aucun n'échappe à la colére ;
Tous formés par le même Pere ,
Ils font fujets aux mêmes loix.
*3**
Devant lui , ces Tours fourcilleuſes ,
Qui ſembloient menacer les Cieux ,
Baiffent leurs têtes orgueilleuſes ,
Et difparoiffent à fes yeux ;
Sa main , en ruines féconde ,
Fait tourner la maffe du Monde ;
Tout cede à fon vafte courroux ;
A fes pieds , d'immenſes abîmes
Anéantiffent
FEVRIER. 1744.
299
Anéantiffent les victimes
Qu'il précipite fous les coups.
**
Comme un Fleuve , qui de fa fource ,
Coule de Climats en Climats ,
Ce Vieillard , ferme dans fa courſe
Ne revient jamais fur fes pas ;
Les jours , les mois & les années
A fa fuite font entraînés ;
C'eſt le Tems , ce fier deftructeur ,
Qui d'une nouvelle carrière
Venant nous ouvrir la barriére ,
Nous avertit de la fureur.
Vérité , cache ton viſage ;
Abbaiffe tes voiles facrés ;
Ces jours , par un coupable uſage ,
Au menfonge font confacrés ;
Déja l'amitié défolée
Loin des Villes s'eft envolée ;
Le menfonge eft fur fes Autels ;
Enflé d'un pareil privilége ,
Il reçoit l'encens facrilége
Du coeur perfide des Mortels .
+3x+
Loin de moi , profanes Miniftres ,
E ij
Allez ,
300 MERCURE DE FRANCE.
Allez , fous un maſque impofteur ,
Accréditer les voeux finiftres ;
Dictés par votre Dieu menteur ;
Allez ; que rien ne vous arrête ;
Tout vous rit , la victime eft prête ,
Et s'offenfe de vos délais :
La pitié vous rendroit coupables ;
Vos traits font des traits refpectables ;
'Affommez- là de vos fouhaits.
Venez , venez , Troupe fidelle ,
Chers amis de la vérité ;
J'entends fa voix qui nous appelle ;
Fuyons un séjour empeſté ;
Laiffons gémir dans leurs entraves
Ces honteux , ces lâches Eſclaves ,
Vendus à de vils intérêts ,
Et loin du tumulte des Villes ,
Allons couler des jours tranquilles
Dans le filence des Forêts.
***
C'eft- là , que fans inquiétude ,
Le Sage au milieu des plaisirs ,
Fait de foi-même fon étude ,
Et vit au gré de ſes defirs .
Le grand Livre de la Nature ,
Mieux que Seneque ou qu'Epicure ,
L'inftruit
FEVRIER. 1744. 301
L'inftruit du feul & vrai bonheur ;
Aux dépens de fon petit Chaume ,
Il ne voudroit pas d'un Royaume
Acheter le fragile honneur.
C'eſt à lui feul que la fageffe ,
Déguiſée en mille façons ,
Dans des objets de toute eſpéce
Dicte fes aimables leçons ;
Les Roſes & les Violettes
Sont de fidelles interprètes
Qui naiffent pour lui dans les bois ;
Ces fleurs , au milieu des épines ,
Leur éclat , leurs promptes ruines ,
Sont
pour
l'inftruire autant de voix.
Dans le courant d'une Onde
> Unique objet de ſes amours
Il voit la fenfible figure
Du cours rapide de ſes jours ;
Une feüille étoit ſur ſa tête ,
pure .
Et fembloit braver la tempête ;
Le vent fouffle , elle eft fous fes pas ,
Et dans fa chute fymbolique ,
Il voit un exemple authentique
Des fauffes grandeurs d'ici bas.
E irj Qu'un
302 MERCURE DE FRANCE.
Qu'un autre au Char de la Fortune
Enchaîné la nuit & le jour ,
Suive la grandeur importune.
Et le faux brillant de la Cour ;
Qu'au tour de fa perfide rouë
L'aveugle Déeffe le jouë ;
Qu'il renonce à tous les plaifirs ;
Guidé par une fauffe Etoile ,
Qu'il vogue fans rame & fans voile ,
Au gré de les vagues défirs.
Mars , Plutus , Apollon , Minerve ,
Tous vos efforts font fuperflus ;
Voyez le Tems qui vous obferve ;
Il s'avance , vous n'êtes plus ;
Vos Monumens les plus fuperbes
Sont confondus parmi les herbes ;
On en perd jufqu'au fouvenir ;
C'eft l'ordre de la Providence ;
Ici bas , tout ce qui commence
Ne commence que pour finir.
RE
FEVRIER. 1744. 303
REPONSE à la Queftion propofée dans le
Mercure du mois de Juin 1743 , p. 1193 .
" Ufemme , il fçait qu'il en eft haï mor-
N homme aime éperdûment fa
» tellement ; on demande lequel des deux
» eft le plus à plaindre.
On fçait que l'amour , la haine , & toutes
les autres paffions , fe rencontrent dans tout
ce qui eft animé ; le coeur & l'efprit humain
en font même les plus remplis . Celles que
l'on nomme fupportables , ainfi celles
que
qu'on regarde comme des vices , viennent
de la même cauſe, c'eft-à-dire, qu'elles naiffent
toutes avec l'animal & font réunies
dans chaeun ; ce n'eft qu'accidentellement, fi
elles fe trouvent plus foibles dans l'un que
dans l'autre ; donc chacun eft capable d'aimer
& de haïr.
Un homme aime éperdûment fa femme,
& fa femme le hait mortellement ; cet homme
pourroit auffi haïr une autre femme dont
il feroit aimé , & fa femme , au contraire
pourroit aimer un autre homme qui la haïroit
; c'eft l'effet de l'antipathie, & dans ce
cas tous deux font à plaindre. Il faut donc
dans les mariages éviter avec foin ce difcordant
de fentimens & d'humeurs, qui fait
le malheur des Conjoints.
E iiij Rien
304 MER CURE DE FRANCE.
eft
Rien n'eft plus charmant que l'amour réciproque
ou favorifé , mais auffi il eſt le
plus fufceptible dd''aallttéérraattiioonn , & fouvent
celui qui a paru le plus violent , fe calme
& même fe diffipe tout d'un coup . Il n'en
pas de-même de l'amour méprifé ; plus il
rencontre d'obſtacles , plus il s'enflâme, & il
devient un mal fi incurable qu'il ne fe peut
guérir qu'avec la fin de celui qui en eſt attaqué.
La haine eft differente de l'amour ;
elle ne varie point ; elle s'aigrit plutôt que
de s'adoucir , & ne finit que lorfque l'objet
qui l'a occafionné , ceffe de vivre , d'où l'on
peut conclure ( pour répondre à la Queſtion
propofée ) que l'homme eft plus à plaindre
que la femme , parce que fon amour qui fe
trouve irrité par la haine de fa femme , le
conduira infenfiblement au tombeau ; au
lieu que la femme pouvant furvivre à fon
mari , a lieu de fe flåter d'être un jour délivrée
de celui pour qui elle a tant d'averſion ,
& de n'en être plus obfedée.
RE
FEVRIER. 1744. 305
* X* X* X ** X * X* X ***
REMERCIMENT à M. l'Abbé de
*** Curé de *** ,
, en Anjou.
GRand- merci de vos bons ſouhaits ,
Si bien tournés & fi bien fairs ,
Que j'ai crû que c'étoit Voiture ,
Qui du fond du fombre manoir ,
Par congé du Monarque noir ,
M'envoyoit fi docte écriture.
Où puifez- vous ces heureux tours ,
Qui , commentés par les Amours ,
Semblent dictés par la Nature ?
Vous ne faites rien à demi.
Ah ! que vous fçavez bien , ami ,
Sans trop complaire à ma foibleffe ,
Ménager ma délicateffe ,
En me difant mes vérités ,
Agréables moralités ,
Que l'amitié feule affaifonne ,
Enfans d'un Sage qui raifonne
Sur les points les moins médités !
Vous ne faites Stance ni Strophe ,
Qui ne fente fon Philoſophe ;
Partout je trouve un fens moral ,
Et la jufteffe de Paſcal .
Adieu ; vivez longues années ;
Que toujours un bonheur égal
E v Accom306
MERCURE DE FRANCE..
1
Accompagne vos deftinées ;
Recevez auffi mes fouhaits
Et les voeux , fruits de ma tendreſſe ;
Et dans des jours pleins d'allegreffe ,
Ami , ne m'oubliez jamais.
Par M. de la Soriniere , en Anjou , le z
Janvier 1744.
LE MONDE & fa fociété , Difcours de
M. D. D. Avocat à S. Etienne en Foreft.
L
E Monde eft une grande République ;
un nombre infini de Nations differentes
& de Peuples de divers Ordres la com--
pofent ; il femble que la multitude & la diverfité
desClimats & des humeurs devroient
y apporter de la confufion , mais la Natureles
a liés fi étroitement les uns aux autres ,
& en a fait une fi agréable fociété , que par
la feule Loi naturelle , gravée dans leurs
coeurs , ils doivent fans ceffe concourir
( comme ils le font en effet ) à ce qui peut
rendre cette République floriffante ; & comme
ils font tous Républicains , ce qu'ils font
en général pour fon utilité, retombe en particulier
fur eux.
2
On doit d'autant mieux fuivre les mou-.
vemens
FEVRIER.
1744: 3:07
vemens de cette Loi naturelle, qu'elle participe
de la Loi éternelle , & qu'elle eft originaire
du Ciel : Quid Natura , nifi Deus , &
divina ratio toti mundo incerta ? dit S. Auguftin.
En effet la Nature eft un extrait de la
grandeur de Dieu & un écoulement de fa
Toute-Puillance ; c'eft une fource féconde ,
d'où plufieurs Loix font dérivées ; c'eft un
principe univerfel , qui a foumis les moindres
aux plus grands , qui a infpiré à ceuxci
l'habitude des bienfaits , & à ceux-là une
reconnoiffance , laquelle en tout cas eft
fuppléée par la récompenfe qui vient d'enhaut.
Il y a dans nous-mêmes un petit état où
la justice veut que l'ame commande pour la
confervation
du corps , & que le corps
obéiffe pour les avantages de l'ame ; fi ces
deux parties , dont nous fommes compofés
agiffent pour d'autres fins , elles vont contre
les décrets d'une Providence qui les a
unies pour le même objet. L'homme qui vivroit
feul , fe trouveroit peu en état d'exercer
une juftice qui lui eft fi néceffaire ; il eſt
obligé d'entrer dans la fociété de ſes ſemblables
, pour le fortifier par des exemples que
peut lui fournir le commerce de la vie..
C'est dans une liaifon d'amitié & d'interêt
, que l'on trouve du foulagement à ſes
E vj
maux
308 MERCURE DE FRANCE.
maux ; que l'on fe donne de l'affiſtance ;
qu'on allie les differens emplois , & que
l'on partage les foins , la tranquillité , le
travail , le repos , la trifteffe & la joye .
Cependant les inclinations de l'homme le
fuivent par tout, & le font fouvent agir pour
fon utilité particuliere , au mépris , quelquefois
même au préjudice du bien public , ce
qui fait qu'on l'affujettit à des Loix qui reglent
fagement fa volonté , & ne laiffent
à fes paffions qu'un ufage légitime ; elles méfurent
fes défirs , modérent les reffentimens,
infpirent la charité , réparent les défordres
de la haine , diftribuent à chacun les avantages
qu'il doit avoir , comme ceux qu'il
doit procurer aux autres ; ainfi le premier
hommage que doit rendre le Citoyen à l'Etat
, c'eft de lui voüer fon obéiffance en tout
ce en quoi il peut fe rendre utile pour le bien
public , dont il ne manque jamais de fe retfentir
lui-même , foit comme Membre de
cet Etat , dont l'interêt lui eft commun ,
foit comme l'Auteur d'une félicité , qui le
comble d'honneur parmi fes Concitoyens.
Ce devoir fi effentiel de travailler pour
la Société civile & pour l'utilité publique ,
a pour fondement la fimple humanité ,
laquelle eft le fentiment naturel qui fait
que chacun , voyant fon image & ´ſa même
Nature dans les autres hommes, ft touché
,
FEVRIER . 1744. 309
ché, ( fuivant les differentes conjonctures )
des impreflions de tendreffe , des fentimens
de compaffion , & de tous les fages mouvemens
qu'excite en lui la vûë de fon ſemblable
, ſelon l'état où il le voit, & qui le porte
en général à faire pour les autres ce qu'il
voudroit qu'on fît pour lui.
C'eft par ce principe de l'humanité que
la fociété des hommes s'eft maintenue entre
ceux même qui n'ont parmi eux ni Religion,
ni police , ni regle de gouvernement.
Auffi Dieu fait fubfifter cette fociété des
hommes dans tout l'Univers, par trois efpeces
de liaiſons ; la premiére , eft celle qui a
pour caufe l'humanité , dont le lien formé
par le Créateur , doit unir tout le Genre
humain , indépendamment des differences
de moeurs & de Religion .
La feconde , eft celle que forme la Religion
, dont l'efprit embraffe tous les Peuples
, qui la fuivent , & unit leurs coeurs .
Et la troifiéme , eft une chaîne domeftique
, qui établit dans chaque Etat un ordre
par lequel toutes les familles , dont il eſt
compofé , le trouvent unies , vivant ſous un
même Gouvernement & fuivant les mêmes
Loix.
Le deffein qu'à eû Dieu de lier les hommes
en fociété, a été principalement , pour
les rendre mutuellement fecourables en général
3ro MERCURE DE FRANCE.
néral & en particulier , en forte que devenant
utile au compofé dont on fait partie, on
devient auffi utile à foi-même ; d'où il fuit
que la premiere & la plus effentielle regle de
la juftice , confifte dans le rétabliſſement &
dans le maintien de la félicité publique, parce
que c'eſt un bien & un bonheur commun.
L'amour propre eft même feul capable
d'infpirer à chacun le défir d'y contribuer ,
rien n'étant plus naturel à l'homme que de
confidérer la part qu'il a dans la profperité
publique , qui eft une voye ( quand on y
contribuë ) pour parvenir aux richeffes &
aux honneurs ; mais le lien de la fociété civile
confirme encore mieux chaque Particulier
dans fes engagemens
.
Toutes les Loix qui reglent la conduite:
des hommes entre eux , ne font autre chofe
que les regles de la fociété où la Providence
les a mis , & ils s'y font eennccoorree uunniiss par les
liens de la Religion & de la police temporelle.
La Religion nous les fait confidérer comme
nos freres , la Loi de l'Etat , comme nos
amis , & quelque diftinction
que faffe entre
les hommes la difference des Nations , des
Langues & des moeurs , ils fe doivent tous
réciproquement les offices & les fervices
que leurs befoins peuvent demander , felon
la fituation où ils fe trouvent..
Tout
FEVRIER. 1744: 3RF
Tout ce qui eft foumis à la divine Providence
, eft conduit & dirigé par la Loi éternelle
, & en reçoit une impreffion qui lui
donne l'inclination de fe maintenir dans
fon état & d'arriver à fa fin ; c'eft une participation
de la Loi Divine , qui infpire le
defir de la fociété ; c'eſt une mere commune
, qui demande à fes enfans qu'ils ayent
entre eux une affection mutuelle , qui les
détermine à s'entrefecourir , & ceux qui
font affés portés au bien & au travail pour
lui obéir , ne manquent jamais d'en être récompenfés
par les dons précieux qui leur
font diftribués abondamment en mêmela
Nature & la Providence les refufent
à ceux dont l'indolence & le mauvais
coeur les attachent uniquement à eux mêmes,
fans avoir jamais en vue l'utilité publique ,
qui leur procureroit de grands avantages..
tems que
›
La Morale nous apprend que la bonté eft
une vertu fufceptible d'erreur , mais jamais:
d'excès ; on ne fçauroit faire trop de bien à
ceux qui le méritent , mais on peut s'abufer
dans le choix des perfonnes aufquelles on
diftribue fes bienfaits ; la Sageffe éternelle
fait luire le Soleil fur tous les hommes, mais.
elle ne donne l'efprit , la beauté , & les autres
perfections , qu'à ceux dont elle fait
choix .
On ne fçauroit jamais fe tromper , ni par
conféquent
312 MERCURE DE FRANCE .
conféquent tomber dans ces inconvéniens,
quand on s'acquitte bien des devoirs de la
fociété hnmaine ; on eft toujours fûr de bien
faire , & cette feule confidération tient lieu
d'une récompenfe infinie, à quoi cette même
Sageffe , ( dont la juftice diftributive eſt un
attribut, ) ajoûte toûjours une réputation folide
, une eftime univerfelle , & les plus
grands honneurs.
Les Princes, dont la mémoire eft la plus précieufe,
& qui fe font rendus les plus recommandables,
ne font montés au faîte de la gloire,&
n'ont immortalifé leur nom, que quand
ils ont préferé l'intérêt des Peuples & le
bonheur des Sujets à leur propre fatisfaction
; les exemples en font fréquens dans
l'Hiftoire. Notre France en a produit un
grand nombre de ce caractére , & le Monarque
, fous la domination duquel nous
avons le bonheur de vivre , en eft un Modéle
parfait.
isisis
EPITRE A M. B ***
Ecrite de Fontainebleau le 15 Novembre 1743,
DE
E ce féjour délicieux ,
D'un puiffant Roi la demeure brillante ,
Preffé d'un defir curieux ,
Qu'une
FEVRIER. 1744 313 .
Qu'une amitié fincére enfante ,
Je t'écris , mon ami parfait ;
De ta fanté je fuis en peine.
Apprens- moi donc , par un billet ,
Infpiré par ta docte veine ,
Que toujours joyeux , gros & gras ,
Au morne ennui tu fais la nique ,
Et que ta fertile boutique
Remplit ta caiffe de ducats.
Du Marchand l'or fait l'allégreffe ;
Il ne connoît point d'autre bien ;
Mais pour toi , qui n'ignores rien ,
Qui fçais la route du Permeffe ,
Tu trouves ta félicité
Dans la fource de la fageffe .
La précieuſe volupté
Sur tes traces brille fans ceffe ,
Et ton Epoufe eft ta Maîtreffe.
Tu vois croître , au gré de tes voeux ,
Des Enfans dignes de leur Pere ,
Qui font les plaifirs de tes yeux.
L'exemple d'une tendre Mere ,
Plus qu'un foin toujours affidu ,
Sçait les guider à la vertu .
Pour moi , qui fuis fans ceſſe en butte
Aux triftes caprices du fort ;
Que l'infortune perfécute ,
L'appareil de Plutus m'endort .
Dédaż
314 MERCURE DE FRANCE.
9 Dédaignant ſes vaftes largeſſes
Malgré moi , je fuis fatisfait ;
Dans l'indigence , quel bienfait
De triompher de fes foibleffes ,
Et de méprifer les richeſſes !
Je les mépriferois bien mieux ,
Si je me voyois à ta table ;
Là , coule un vin délicieux ;
Tout enchante , tout eft affable ,
Et Philofophe gracieux ,
En toi je trouve tous les Dieux.
Laffichard.
Ton ami feroit ridicule ,
Et mille fois plus incrédule ,
Que ne fut ton Patron le bien heureux Thomas,
Si de fi tendres Vers ne le contentoient pas.
Pour moi , cher L .... j'en ai l'ame ravie ,
Y
Et je veux pour toute ma vie
Etre du meilleur de mon coeur
Ton plus fincére admirateur ,
Et ton plus zélé ferviteur.
AParis , le jour de S. Thomas.
THESE
FEVRIER . 1744.
315
THESE de Théologie , foutenue à Angers ,
Extrait d'une Lettre écrite de cette Ville
le 17 Février 1744.
M R De Feitis , Acolyte du Diocéfe
d'Agen , iffu d'une des plus illuftres
familles de ce Diocèfe , foutint les de ce
mois , dans la Sale du Palais Epifcopal de
cette Ville , la Thefe de Théologie , appellée
Tentative , qu'il avoit dédiée à M. de
Chapt de Raftignac , Archevêque de Tours..
Le Chapitre de l'Eglife Cathédrale , le Préfidial
& l'Hôtel-de-Ville , que M. de Feitis.
avoit invités , y affifterent en corps , avec la
Faculté de Théologie. M. le Recteur de l'Univerſité
ayant jugé à propos , pour quelques
confiderations particulieres , de ne
fe point trouver à cette Dédicace , l'Univerfité
n'y affifta point en corps , mais cela
n'a point empêché que les Docteurs des différentes
Facultés ne ſe foient fait un devoir
d'y affifter. C'est la premiere fois que toutes
ces Compagnies fe font rencontrées enfemble
; les arrangemens avoient été pris
avec tant de prudence , qu'aucune n'a eu ,
lieu de fe plaindre.
Le Preſident de l'Acte, dont la Chaire étoir
placées
314 MERCURE DE FR
Dédaignant fesvaftes largeffes ,
Malgré moi , je fuis fatisfait ;
Dans l'indigence , quel bienfait
De triompher de fes foibleffes ,
Et de méprifer les richeffes !
Je les mépriferois bien mieux
Si je me voyois à ta table ;
Là, coule un vin délicieux
Tout enchante , tout eft affa
Et Philofophe gracieux ,
En toi jetrouve tous les D
Ton ami feroit
Et mille fois plus
Que ne fut ton Patron
Si de fi tendres Vers
Pour moi , cher L.
Et je veux po
Etre meill
TU
ICE
le Sone
Felt Chrices
Angers
:
Chapine
LaCa
nissan-
Angles
die
medit Soutenant
,
Chanoines
,om
Je leeFaurcaill
de
Jellus diamell était
dean, pencette Che
de fure , cecile Danc de
cotesdeelieSalle ,
deline pourle Chef
en Ribfence
Heplace
Frehaiall
, Choit
In
Dans le
Univerline
Wille Des
TerCom
FEVRIER
317
44.
› affiftans . Cette
où l'on voit les
lufieurs Evêques
ocèfe , étoit ornée
autant que le per-
'on n'eut pû cacher,
plus beaux ornemens
uet étoit couvert de
s la Chaire du Préfiaces
de la Faculté de
rps de Ville.
es , le Chapitre de la Cade
fes Maffiers , ſe rendit
e Préſidial étoit déja arrie
y entra dans le mêmeque
le Corps de Ville , &
a. M. Saudubois de la Chair
& ancien Profeffeur de la
éologie , Pénitencier & ane
de la Cathédrale , Vicaire-
M. l'Evêque d'Angers , & un
l'Académie Royale des Belles-
Ville , Préſident de la Thémaniere
accoûtumée. Le
de Feitis , donna dans, fes
arques d'un efprit jufte &
bien au- deffus de fon âge.
liment , qu'il adreffa à M.
Tours , ne plût pas moins
ance du ftyle , que par les
élo316
MERCURE DE FRANCE.
placée au fond de la Sale , avoit le Soutenant
à fes pieds . Au côté droit de la Chaire,
étoit le Fauteuil de M. l'Evêque d'Angers :
de l'autre , celui du Doyen du Chapitre .
Les Dignités , & les Chanoines de la Cathédrale
, après ces deux Fauteuils , occupoient
d'un autre côté les deux Angles du
fond de la Sale . A la droite du Soutenant,
& immédiatement après les Chanoines , on
avoit élevé fur une eftrade le Fauteuil de
M. l'Archevêque , au-deffus duquel étoit
attachée une Théfe de Satin , ornée de Crépines
d'or . Tout de fuite , étoit le Banc de
I'Univerfité. Vis-à-vis du Fauteuil de M.
l'Archevêque , de l'autre côté de la Sale ,
étoit un autre Fauteuil deftiné pour le Chef
du Préfidial. Il fut rempli par M. Falloux
du Lys , Lieutenant Général , en l'abſence
des Préfidens. Le Banc fur lequel fe placérent
les autres Officiers du Préfidial , étoit
parallele à celui de l'Univerfité. Dans le
milieu de la Sale , du côté de l'Univerfité ,
étoit placée la Faculté de Théologie ; l'autre
côté fut occupé par le Corps de Ville. Les
places , qui étoient derriere ces deux Compagnies
, furent remplies , par ce qu'il y a
de plus diftingué dans la Ville. Il y eut un
efpace au milieu de la Sale , qui refta vuide ,
pour la facilité du paffage & de la diftribution
des Théfes , qui fe fit fans confufion
malgré
FEVRIER. 1744
317
malgré le grand nombre des affiftans. Cette
Sale , qui eft très -vafte , & où l'on voit les
Portraits en grand , de plufieurs Evêques
qui ont gouverné ce Diocèfe , étoit ornée
des plus belles tapifferies , autant que le permirent
les Portraits , qu'on n'eut pû cacher,
fans fe priver d'un des plus beaux ornemens
de cette Sale. Le Parquet étoit couvert de
tapis précieux , depuis la Chaire du Préfident
, jufqu'aux places de la Faculté de
Théologie & du Corps de Ville.
A l'iffuë de Vêpres , le Chapitre de la Cathédrale
, précédé de fes Maffiers , fe rendit
dans la Sale , où le Préfidial étoit déja arrivé.
M. l'Evêque y entra dans le mêmetems
, auffi-bien que le Corps de Ville , &
l'Acte commença . M. Saudubois de la Chaliniere
, Docteur & ancien Profeffeur de la
Faculté de Théologie , Pénitencier & ancien
Chanoine de la Cathédrale , Vicaire-
Général de M. l'Evêque d'Angers , & un
des trente de l'Académie Royale des Belles-
Lettres de cette Ville , Préſident de la Théfe
, l'ouvrit en la maniere accoûtumée. Le
Soutenant , M. de Feitis , donna dans fes
Réponses , des marques d'un efprit juſte &
d'une érudition bien au-deffus de fon âge.
Surtout le Compliment , qu'il adreffa à M.
l'Archevêque de Tours , ne plût pas moins
à caufe de l'élégance du ftyle , que par les
élo318
MERCURE DE FRANCE.
éloges , qu'il contenoit & que merite fi
bien cet illuftre Prélat. Le Prieur de Licence
( M. du Guiny de Khoz * ) fit auffi un
Compliment , qui fut extrêmement goûté
de toute l'Affemblée . Il ne s'acquit pas
moins d'honneur par les argumens qu'il propofa.
Après lui , plufieurs Religieux & Bacheliers
argumenterent ; tous célébrérent les
loüanges de M. l'Archevêque , & augmenterent
la gloire de M. de Feitis ; tout le monde
convient ici que cette Affemblée eſt une
des plus nombreuſes & des plus auguftes
qui s'y puiffe voir. Il n'y manquoit que la
préſence de l'illuftre Mécéne , qui en étoit
l'objet.
* Il eftfils defeu M. du Guiny de Khoz , Confeiller
au Parlement de Bretagne . M. du Guiny de Porcaro
, fon frere , eft actuellement Confeiller au même
Parlement.
A MLLE D'ALIGNY , fur fon mariage avec :
M. DE VERTON.
C'Eft au Temple du Goût qu'on célébre la Fête ,
Qui d'un couple parfait doit unir les deux coeurs ;
L'Hymen , d'un air content , pour ce beau jour
s'apprête ;
Les Graces , les Vertus , en feront les honneurs ;
L'Amour
FEVRIER . 1744.
319
L'Amour , ce fils du Ciel , fans bandeau , fans allarmes
,
De l'aimable Verton guide aujourd'hui l'ardeur ;
La Vertu , dont le front infpire la douceur ,
Prefente d'Aligny , belle & pleine de charmes.
Avec un tel cortége , allez , heureux époux ;
Allez unir des jours filés d'or & de foye ;
La Raifon , le bon Goût , la véritable joye ,
Ne peuvent vous former que le fort le plus doux.
Par Mad. Vatry.
LETTRE de M. Tanevot à M. D. L. R.
fur la mort de M. le Couturier , Maitre des
Comptes, & cy-devant Premier Commis des
Finances.
'A1 pleuré ces jours-ci , Mr , un excellent
homme , un homme qui faifoit honneur
à l'humanité ; j'ai travaillé long-tems-
Avec lui il daigna former ma jeuneſſe , &
mit le comble à toutes les obligations que je
lui avois, en me donnant à ſon fucceffeur. M.
le Couturier a merité toutes fortes d'éloges
par fa vertu,fon défintefférement, fa grande
capacité ; il avoit un efprit net & lumineux,
& s'exprimoit avec toutes les graces , & la
jufteffe imaginables. Ma Muſe a jetté quelques
320 MERCURE DE FRANCE.
ques fleurs fur fon Tombeau. Trouvez bon
que je vous faffe dépofitaire des fentimens
de ma reconnoiffance , & que je vous renouvelle
ceux avec leſquels je fuis , &c.
A Versailles , le 10 Février 1744.
Sur la mort de M. le Confturier.
Sage , laborieux , Citoyen plein de zéle ,
Il joignit au fçavoir une vertu réelle .
Jamais la volupté ne lui forgea des fers ;
Sous un Prince , tenant les rênes de la France ,
Sa rare probité trouva fa récompenſe.
Ce Prince , dont l'efprit étonna l'Univers ,
Pour lui , pour les talens , eut une eſtime infigne ;.
Il voulut l'élever aux fuprêmes emplois ;
Un modefte refus juſtifia fon choix.
En fuyant les honneurs , il s'en rendoit plus digne.
O! combien fon mérite auroit- il eu d'éclat ,
Si dans un plus haut rang il eut fervi l'Etat !
EX
FEVRIER. 1744 .
321
EXTRAIT d'une Lettre de M
•
au fujet du Diftique de Virgile : Nocte pluit
tota , & c.
LE
E fameux Diftique de Virgile , dont
on a propofé la Traduction dans le
Mercure , m'a paru très-difficile à rendre
dans notre Langue ; ce font de ces pensées
délicates , qu'on ne peut manier , pour ainfi
dire , fans les faner ; furtout quand il s'agit
de les rendre dans le même nombre de Vers,
qu'elles font renfermées dans l'original ; en
augmentant l'expreffion , on affoiblit la
penſée. J'ai cependant effayé de faire cette
Traduction , perfuadé que fi je n'ai*
réüffi , mon exemple pourra engager quelque
plus habile Ouvrier , à s'exercer fur le
même fujet. Les défauts ont fouvent fait
naître des beautés : Voici ma Traduction.
pas
L'Aurore à fon réveil nous ramene les Jeux,
Et la nuit la tempête gronde ;
Céfar avec le Roi des Cieux
Partage l'Empire du monde.
Nous profitons de cette occafion , pour
ajouter ici deux autres Traductions du mê-
F me
322 MERCURE DE FRANCE.
me Diftique de Virgile , que nous avons
reçû depuis peu , l'une de Marfeille , l'autre
de Normandie. Voici la premiere.
Pleuvoir toute la nuit ; les Jeux remis au jour ;
Jupiter & Célar vont regner tour à tour.
La feconde eft de M. Frigot.
Toute la nuit en pluye abonde ;
Le matin ramene les Jeux ;
Céfar avec le Roi des Dieux
Partage l'Empire du monde.
Don ,
Les mots de l'Enigme & des Logogryphes
du Mercure de Janvier , font la Lettre
F , Concorde & Fontainebleau . On trouve
dans le premier Logogryphe , Cor , Onde ,
Corde , Donc , Credo , Re , Or , Corne ,
Rond , Cône , Nord , Ode , Croc , Roc , Code ;
& dans le fecond , Bean , Baleine , None ,
Naine , Tein , Anneau , Table , Lion , Bal
Boule , Foin , Boulet , Foi , Anne , Butin , &
Eau.
ENIGME.
FEVRIER. 1744.
323
Simbole
ENIGM E.
Imbole de la politeffe ,
Ou bien de la rufticité ,
2
Selon que l'on me prend , ou felon qu'on me laiffe,
Je fers également , & l'Hyver & l'Eté ;
Mais rarement le petit Maître ,
Suit les Loix de mon Inftitut;"
11 ne me conduit point au but ,
Pour lequel on m'avoit fait naître .
Par ma forme & par ma couleur ,
On m'a bien vû changer en France ;
Aujourd'hui ma circonférence
Eft au dépens de ma hauteur.
Je fuis rond de mon caractere ,
Et chés beaucoup d'honnêtes- gens ,
Auffi fimple qu'uné Bergere ;
Quelquefois les métaux brillans
Relevent mon tein mortuaire
L'obfcurité triangulaire ,
1. 7
Qu'on donne à ma rotondité ,
Recele efprit , erreur , myftere ,
Malice , fcience, & bonté ,
Selon que le fort m'a jetté.
Lecteur , tu ferois un grand Maftre ,
Si tu pouvois me reconnoître ;
Fij
Je
324 MERCURE DE FRANCE.
J
Je ferois content de mon lot ,
Et ne fervirois pas un fot.
AUTRE.
E fuis auffi vieux que le monde ;
Il feroit fans moi peu connu ;
Mon Empire s'étend fur la Terre & fur l'Onde .
Et par tout je fuis bien - venu .
Je réunis en moi fix fois quatre pucelles ,
Qui fans fe reffembler , font également belles
Devine à prefent mon emploi ;
Elles n'exiftent point fans moi ,
Et je ne puis être fans elles.
Je fuis l'ame de tous difcours ;
Des enfans l'étude premiere ;
Et tout ce qui paroît de plus beau tous les jours,
Me doit la vie & la lumiere.
Le Sçavant , l'Orateur , tous cherchent mon fecours
,
Les Grands & les Petits , le Difciple , & le Maître ,
Et fans moi , cher Lecteur , tu ne peux me connoître.
C. Suicer , de Châlons-fur-Marne.
LOGOFEVRIER.
1744.
325
LOGOGRYPHE.
F Erai-je encor une folie >
Peut- être , hélas ! la derniere en ma vie ?
Ferai -je encore un ouvrage badin ,
( Derniere oeuvre de D... Ch .... )
En attendant , que la maudite Parque ,
Vienne couper le fil de mes beaux jours ,
Ou que Caron dans fa fatale Barque
Me faffe faire un trajet pour toujours ?
Sur dix pieds bien monté , je te prefente un terme
,
Qui met fans aucun doute , ami Lecteur ,
Tout le genre humain en frayeur ,
Et qui fait trembler le plus ferme ;
J'en tremble , furtout le premier.
Que faire donc , pour pouvoir me trouver ?
Sans faire tant de bruit , fans tant de badinage ,
Prens les trois premiers pieds de cet horrible nom ;
Tu remarqueras , je le gage ,
Que c'eft un très grand avantage ,
Quand on me paffe en joie & en renom ,
Jufqu'à cependant certain âge.
Le reste de mes pieds te fournit un voyage ,
Fait en l'honneur de la Reine des Cieux ,
Dans un Climat , où tous les Curieux
Fiij Ne
326 MERCURE DE FRANCE.
Ne
peuvent fe laffer d'admirer tant de voeux ,
Pour obtenir par fon fuffrage ,
D'être éternellement heureux.
D'en dire plus , ce n'eft pas être fage.
Par M. Duchemin , Muficien à Angers.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
V
DES BEAUX- ARTS, &c.
་
I E de la Venerable fervante de Dieu ,
MARIE LUMAGUE , veuve de M.
Pollalion, Gentilhomme Ordinaire du Roi ,
Inftitutrice des Filles de la Providence , fous
la conduite de S. VINCENT DE PAUL, morte
en odeur de fainteté en 1657. Avec les
Piéces juftificatives . Par M. Collin , Vicaire
perpetuel de S. Martin des Champs , dans
l'Eglife de Paris , 1 vol. in- 12 de 230 pag..
fans l'Epitre Dédicatoire à M. LE DUC D'ORLEANS
, & la Préface. A Paris , chés Cl. J.
B. Hériffant , fils , Libraire , ruë neuve Notre-
Dame , à la Croix d'or & aux trois Vertus
, 1744.
On ne trouve dans cette Vie que des
jours pleins de merites. Le zèle de Mad.
Pollalion , pour l'inftruction , & pour le
foulagement des Pauvres , fera dans tous les
fiéFEVRIER.
1744. 327
fiécles , un modéle de piété & de charité.
Le pieux Auteur , qui a pris foin de publier
fes Vertus , joint à la peinture qu'il en fait ,
des réfléxions propres à les infpirer. C'eſt le
Jugement qu'a porté de cet Ouvrage M.
Salmon,Docteur de la Maifon & Société de
Sorbonne , Cenfeur Royal.
Nous venons d'apprendre que cette Vie
a été reçûë à la Cour avec toute la diftinction
, que l'on pouvoit attendre des perfonnes
, dont la piété égale la naiffance. La
Reine en particulier , en a témoigné une extrême
fatisfaction. L'Auteur en préfentant
fon Livre à Sa Majefté , lui adreffa ces paro
les , qui plûrent beaucoup.
MADAME ,
do
Rien ne m'a paru plus convenable , que
prefenter à une grande Reine , la Vie d'une
Dame de piété , d'une grande condition ; elle
étoit , comme V. M. détachée & humble au milieu
des Grandeurs & des richeffes , facrifiant
tout ce qu'elle avoit pour pratiquer toutes fortes
d'Aumônes corporelles & fpirituelles , fous la
protection de la pienfe Reine ANNE D'AUTRIEHE
, fous la conduite de S. Vincent de
Paul.
L'Auteur de la Vie , dont il eft ici queftion
, travaille actuellement à celle de M.
l'Abbé Châtelain , petit-fils de cette illuftre
Fiiij Dame ,
328 MERCURE DE FRANCE.
Dame , Chanoine de l'Eglife de Paris , &
Auteur du Martyrologe univerfel , homme
d'une profonde érudition , furtout pour les
Liturgies , Rits & Cérémonies de l'Eglife .
Nous finirons cet article , en difant que
M. Lumague , arriere- petit neveu de cette
Ste Inftitutrice , eft fort recommandable par
fon zéle pour le fervice du Roi , & par fon
integrité dans tous les emplois qu'il a exercés
. Il eft actuellement Directeur General
des vivres de la Marine.
TRAITE' GENERAL des fubfiftances Militaires
, qui comprend la fourniture du pain
de munition , des fourages , & de la viande
aux armées & aux troupes de garnifons ; enfemble
celle des Hôpitaux & des Equipages
des vivres & de l'artillerie , par marché ou
réfultat du Confeil , à forfait ou par régie.
Dédié à M. le Comte d'Argenfon , Miniftre
& Secretaire d'Etat , ayant le département
de la Guerre. Par M. Dupré d'Aulnay
Ecuyer , Confeiller du Roi , Commiffaire.
des guerres , ancien Directeur General des .
vivres , en deux volumes in-quarto , remplis
d'un grand nombre de Tarifs & Calculs
, & de plufieurs Plans & autres gravûres
, qui y ont rapport ; à Paris , de l'Imprimerie
de Prault , Pere , Quai de Gèvres ,
au Paradis.
,
On
FEVRIER. 1744. 329
On ne peut donner une plus jufte idée de
cet ouvrage , qu'en tirant de l'ouvrage même
quelques traits qui le caracterifent .
L'Auteur , dans le Chapitre de l'établiffement
& de la forme de l'adminiftration des
vivres , s'explique ainfi :
Les munitions en général font néceffaires
pour parvenir aux fins qu'un Souverain
fe propofe , lorfqu'il veut fe faire craindre ,
fe défendre , foutenir ou entreprendre une
guerre ; mais , entre ces munitions , celles
qui fervent à la fubfiftance des hommes &
des chevaux , font les plus importantes , car
fuppofant que des provifions d'artillerie
manquaffent , il en arriveroit qu'une conquête
feroit retardée de quelques jours , ou ,
fi l'on veut , qu'elle n'auroit pas lieu , mais
fi les chofes néceffaires à la vie des hommes
& des chevaux qui compofent une armée ,
manquoient quatre ou cinq jours , non-feulement
il ne faudroit point afpirer à cette
conquête , mais il y auroit encore à craindre
la défertion & le défordre , que la que
famine cauferoit , ne ruinaffent entierement
l'armée la plus formidable , & n'expofaffent
le Royaume au pillage. Malgré cette verité
conftante , on n'a point , jufqu'à prefent ,
pratiqué de moyens fuffifans , pour que la
fubfiftance des hommes & des chevaux foit
toujours affurée:
Fv Dans
330 MERCURE DE FRANCE .
.
Dans quelque adminiftration que ce foit ,
lorfqu'une fois il s'y eft introduit de la régle
, & que ceux aufquels l'autorité eft confiée
, ont attention de la maintenir , il eſt
conftant qu'elle fe perfectionne journellement
, & que d'un fimple ufage il fe forme
une loi certaine ; au contraire , lorfque
quelque chofe n'a que le hazard pour baſe ,
le défordre & la confufion l'accompagnent
toujours , & fi l'on en tire de l'utilité , ce
n'eft que par beaucoup de foins & de grandes
dépenfes , qui tournent en partie à l'avantage
de ceux-mêmes , qui caufent ce défordre
& qui l'entretiennent..
Il eft auffi aifé de donner une forme folide
en fervice des vivres & des fourages , qu'il
Va été d'en donner à l'artillerie & à l'exercice
de l'extraordinaire des guerres.
&
Dans un autre endroit , Auteur dit que
l'examen qu'il a fait des défordres , & des
abus qui fe font introduits , & qui infenfiblement
ont paffé en ufage dans le fervice
des vivres , des fourages , de la viande ,
des Hôpitaux , l'ont engagé à chercher les
moyens de les réprimer ; il s'eft apperçu , en
méditant fur ces défordres , qu'ils avoient
pour origine le défaut de régles fixes & uni
formes dans l'adminiftration. Il a effayé , à
l'égard des vivres & des fourages , pendant
28 ans, qu'il a été chargé de l'infpection des
déFEVRIER.
1744. 331
départemens & de la direction generale
d'en établir de folides , & de les faire fuivre
le plus exactement qu'il lui a été poffible . Il
a été convaincu par l'experience , qu'il en
étoit réfulté un grand avantage pour le Roi,
pour les Troupes , & même pour les Munitionnaires.
C'eft ce qui l'a engagé à rédiger
ce Traité , pour fervir de guide à ceux qui
auront deffein de devenir Entrepreneurs ;
ils fçauront au moins la théorie , les avantages
, & les rifques d'un état qu'ils recherchent
avec empreffement , la plupart fans en
avoir la moindre notion.
L'Auteur y démontre ( la balance de l'équité
à la main ) les vraies dépenfes pour le
Roi , & les profits légitimes que doivent
mériter ceux qui s'acquittent dignement de
leur entrepriſe
.
à
En inftruifant les Employés , il a remedié
l'intelligence que la plupart ont entr'eux
pour fuppofer des dépenfes & des pertes
la charge du Roi , intéreffantes pour le fervice
, ruineufes pour les Entrepreneurs , &
par contre- coup , doublement préjudicia
bles à Sa Majefté , par rapport aux prix exhorbitans
, & aux indemnités qu'occafionne
une adminiſtration fans régles ni principes.
& fans précautions , fans conformité d'un
fervice précédent au même fervice fubfé
quent , d'un département à un autre dépar
Evj
te
332 MERCURE DE FRANCE.
tement , & d'un Magafin d'une Place à celui
d'une autre Place.
L'ouvrage eft divifé en deux parties ; la
premiere comprend l'idée generale de l'adminiftration
des vivres , des fourages , des
boucheries , des Hôpitaux , & des équipages
des vivres & de l'artillerie, aux armées ,
& dans les Places .
La feconde contient des Tarifs , qui font
connoître la jufte valeur de la ration de
pain de munition , du bifcuit , & de la
viande , felon la variation du prix des bleds ,
& du bétail , tous frais compris ; des calculs
eftimatifs de la dépenfe des vivres d'une armée
& des garnifons ordinaires, en Flandres,
en Allemagne, en Italie, &c. des modéles de
marchés pour toutes ces differentes entrepri-:
fes; des modéles & des formulesde tous lesActes
concernant les fociétés & l'adminiftration
des fubfiftances militaires , en ce qui touche
l'ordre , la conduite du fervice , & la
tabilité particuliere & generale ; des inftructions
articulées pour tous les differens Employés
, principaux & fubalternes ; un projet
d'Ordonnance pour maintenir ces Employés
dans la precifion & la fidélité de leur
devoir ; un devis des Mémoires , des Plans
& des coupes pour la conftruction des fours
& des Magafins , dans les Places & à la fuite
des armées.
comp-
Les Miniftres trouveront dans ce Traité ,
des
FEVRIER. 1744.
334
des prefervatifs contre la cupidité ou l'ignorance
des Entrepreneurs ; les Intendans feront
moins embarraffés du détail des fubfiftances
dans leurs départemens ; chaque Entrepreneur
& fes Employés , affujettis à des
régles uniformes & fimples , ne pourront
s'en écarter fans être auffi -tôt apperçûs ; les
routes furtives qu'ils ont ci-devant pratiquées
étant éclairées , les Commiffaires des
Guerres ne feront plus expofés à accorder
des Procès-verbaux de pertes imaginaires ;
les Officiers , chargés du détail des Régimens
, pareront aux furpriſes des Commis ;
& ceux- ci l'oppoferont aux difficultés malfondées
de la part des Troupes.
Les Munitionnaires & les Entrepreneurs.
futurs , fçauront gré à l'Auteur , de leur
avoir donné une idée claire & dictincte des
differentes parties de cette ample matiere ,
qui eft , pour la plupart des afpirans aux entrepriſes
& aux emplois , un véritable cahos ;
parce qu'il n'y a eu jufqu'à prefent , ni théoric'
, ni pratique écrite fur les differens objets
expliqués dans cet ouvrage.
L'Auteur dit qu'il a toujours eu deſſein .
de former une Méthode complette , furtout
ce qui concerne la fubfiftance des Troupes ;
qu'il a examiné fcrupuleufement les differentes
adminiftrations à l'armée & dans les
Places ; qu'il a confulté ceux qui avoient
le
334 MERCURE DE FRANCE.
le détail des Boucheries & des Hôpitaux
qu'il a difcerné ce qui étoit conduit avec
intelligence & extitude , d'avec ce qui
n'avoit pour guide que le hazard , l'ignorance
ou l'infidélité.
Il ajoute , que toutes les entrepriſes , qui
ont rapport aux fubfiftances militaires , ne
different entre-elles que par la denrée que
l'on fournit ; qu'elles doivent avoir dans la
conduite de l'adminiſtration une ſemblable
régle , une harmonie parfaite , une exacte
tenuë de Regiftres ; qu'il s'agit dans toutes
également de recettes , de dépenfes , d'achats
, de confommations , de foins , de
précautions , d'activité , & enfin d'une bonne
& folide comptabilité.
LES COMMENTAIRES DE CE'SAR , Traduction
nouvelle , 2 vol. in- 12 , avec figures ;
à la Haye 1743 , & fe trouve à Paris , chés
Debure , l'aîné , Libraire , Quai des Auguf
tins.
Les Traductions de M. d'Ablancourt
quoiqu'eftimées, n'ont pas empêché que de
Sçavans Litterateurs n'ayent donné de nouvelles
Traductions de quelques-uns des Anciens
Auteurs , qu'il avoit traduits en notre
Langue. Amelot de la Houffaye donna fur
la fin du fiécle paffé , une Verfion nouvelle
d'une partie de Tacite , efperant donner le
tout
FEVRIER. 1744- 3:35
tout , & M. Guerin , Ancien Profeffeur d'E
Loquence de l'Univerfité de Paris , s'eft cru
obligé de donner depuis quelques années
une Traduction complette de ce même Hiftorien
, moins chargée que celle d'Amelot
de la Houffaye , & plus fidelle que celle de
M. d'Ablancourt.
Voici un nouveau Traducteur , dont on
annonce une Verfion des Commentaires de
Céfar. Comme cet habile Hiftorien a écrit
avec une noble fimplicité , le Traducteur
moderne n'a pas cru devoir charger de notes
le Texte du Dictateur Romain ; il n'en
a mis qu'aux endroits effentiels , mais il a
eu foin de l'orner. de figures qui tiennent
lieu de notes dans ce qui regarde les opera
tions militaires , avec une fort belle Carte
de l'ancienne Gaule ;; & comme il a obfervé
que les Remarques Géographiques de-
M. Sanfon manquent dans la plupart des
Editions des Commentaires de Céfar de M.,
d'Ablancourt , il a eu foin de les placer à la
tête de fon premier Volume , afin que l'on
puiffe y avoir recours dans le befoin .
Le fieur Debure apprend au Public
qu'il a depuis peu acquis le fonds de l'Edition
des Oeuvres de S. BBaaffiillee ,, donnée
les Peres Benedictins , en Grec & en Latin
en trois vol. in-fol .
par.
Il eft pareillement poffeffeur du refte des
exem336
MERCURE DE FRANCE.
exemplaires , mais qui font en petit nombre
de Imperium Orientale , du P. Banduri , 2 vol.
in fol. grand papier avec figures ; & de l'Edition
de Liturgia Orientalis , par M. l'Abbé
Renaudot , en z vol . in-4° . Grec & Latin.
De plus , il a reçu d'Hollande & de Flandres
, beaucoup de Livres nouveaux , ſçavoir
, La Hongrie & le Danube , par M. le
Comte de Marfigli , en xxxi Planches très- fidellement
gravées d'après les deffeins Originaux
, & les Plans levés fur les Lieux par
l'Auteur mêine , Ouvrage où l'on voit toute
la Hongrie , pár rapport à fes Rivieres & à
fes Mines , & les Sources & le Cours du
Danube , & c. avec une Préface fur l'excellence
& l'ufage de ces Cartes par M. Bruzen
de la Martiniere , grand vol. in -fol. forme
d'Atlas , à la Haye , 1741.
THEOLOGIE des Infectes , ou Démonftration
des Perfections de Dieu , dans tout ce
qui concerne les Infectes , traduit de l'Allemand
de M. Leffer , avec les Remarques
de M. P. Lyonnet , en deux vol. in- 8°. avec
figures , à la Haye 1743 .
COURS de la Science Militaire , à l'ufage
de l'Infanterie , de la Cavalerie , de l'Artillerie
, du Génie & de la Marine , par M.
Bardet de Villeneuve , Capitaine & Ingenieur
ordinaire au fervice du Roi des deux Siciles
, en 11 vol. 8°. avec figures , à la Haye ,
les années 1740 & fuivantes.
DICFEVRIER.
1744. 337
,
DICTIONNAIRE de Marine contenant
les Termes de la Navigation & de l'Architecture
navale, Ouvrage enrichi de figures ,
1 vol. in - 4°. à la Haye , 1742 .
L'ART de bâtir les Vaiffeaux & d'en per
fectionner la conftruction , de les garnir de
leur apparaux , les manoeuvrer , c. 2. vol.
&c.
in-4° . avec figures ; le fecond Tome traite
des Pavillons ou Bannieres , que la plupart
des Nations arborent en Mer , à Amsterd,
1729.
,
HISTOIRE de l'origine & des premiers progrès
de l'Imprimerie , 1. vol . in- 4° . avec une
fort belle Planche fur cet Art , à la Haye ,
1740.
•
LES Oeuvres de Mariotte , de l'Académie
Royale des Sciences , en deux vol , in-4° .
contenant tous les Traités de cet Auteur
nouvelle Edition , à la Haye , 1740 .
LES Comédies de Plante , traduites par M.
Guendeville , en 10 vol . in- 12 , avec figures ;
à Leyde , 1727.
MEMOIRES Hiftoriques & Politiques , concernant
le Portugal & toutes les dépendances
, avec la Bibliothéque des Ecrivains &
Hiftoriens de Portugal , par M. le Chevalier
d'Olyveira , Gentilhomme Portugais ,
en 2 vol. in- 12 , à la Haye , 1743.
&
LETTRES de Critique , de Litterature ,
d'Hiftoire , écrites à divers Sçavans de l'Europe
>
338 MERCURE DE FRANCE.
rope , par feu M. Cuper , 1 vol . in-4°. à
Amfterdam
, 1743 .
ANACREONTES Teii Oda & fragmenta
Gracè & Latinè , cum notis Cornelii de Pauw ,
1 vol. in-4°. Trajecti ad Rhenum , 1732.
BIBLIA Graca , ex Verfione Septuagent. Interpret.
2 vol. in- 8 ° . à Amſterd. 1723.
BIBLIOTHECA Belgica , five Virorum in
Belgio Vita Scriptifque illuftrium Catalogus >
autore Valerio Andrea , nova Editio , Curis
Fappens , 2 vol . in- 4° . Cum figuris , Braxella
, 1739.
-La Citémiftique de Dieu , par Marie d'Agreda
, 3 vol. in-4° . 1715 , & en 8 vol. in◄
12 , 1717 , à Bruxelles.
HISTOIRE de la Guerre des Pays- Bas , par
le P. Strada , nouvelle Edition , avec un
Supplément , 6 volumes in- 12 . à Bruxelles
1725.
HISTOIRE Chronologique des Papes , des
Empereurs , des Rois , des Electeurs de
I'Empire , & autres Princes , par M. Malbranche,
3 vol. in- 12 , à Bruxelles , 1741 .
HISTOIRE de Jacques II. Roi de la Gran
de Bretagne , vol. in- 12 , à Bruxelles ,
1741 .
I
FRANCISCI ZIPEI Fundamenta Medicina
Reformata Phyfico - Anatomica , 1 vol. in- 1 2 ,
Bruxelle , 1731.
CORPORIS humani Anatomia , autore Phi-
Lippo
FEVRIER. 1744. 339
lippo Verheyen , Editio tertia , ab Autore Recognita
, novis Obfervationibus & inventis ,
pluribusque figuris aucta. 2 Vol. in-4 . Bruxella
, 1726.
M. d'Anville prépare au Public pour
les premiers mois de cette année une Analyfe
Géographique de l'Italie. Vol.in- 4° .avec®
une Carte de l'Italie , en deux feuilles.
TABLES CHRONOLOGIQUES de l'Hiftoire
Univerfelle Sacrée & Profane , Eccléfiafti
que & Civile , depuis la Création du Monde
, jufqu'à l'année 1743 , avec des Réflexions
fur l'ordre qu'on doit tenir , & fur
les Ouvrages néceffaires pour l'Etude de
P'Hiftoire, par M. l'Abbé Lenglet du Frefnoy,
1744 , deux Volumes in- 12. Le premier
Tome d'environ 580 pages , le fecond de
plus de 530. A Paris , chés de Bure , l'aîné ,
Quai des Auguftins , à S. Paul , & Louis
Ganean , rue S. Jacques , à S. Louis.
JOANNIS BERNOULLI Opera omnia Mathematica,
4: Vol. in- 4°. cum figuris , 1744
David , l'aîné , Libraire , rue S. Jacques ,
à la Plume d'or , débite cet Ouvrage , qui
eft orné d'un très-grand nombre de Planches
fort bien gravées. Les trois premiers.
Volumes renferment tous les Ouvrages que
M..
}
340 MERCURE DE FRANCE.
M. Bernoulli avoit déja fait paroître , foit
dans les Journaux de Leipfic , foit dans les
Mémoires des differentes Académies dont
il eft Membre . On y trouve toutes les Piéces
de cet illuſtre Auteur , qui ont concouru
pour les Prix propofés par l'Académie des
Sciences de Paris , dont plufieurs ont été
couronnées. On a auffi inferé dans cette
Edition le Traité de la Manoeuvre des Vaiffeaux
, publié en 1714 , comme un Ouvrage
à part. Le IV. Volume contient differentes
Piéces de cet Auteur , qui n'ont point
encore vû le jour . On y trouve des Méthodes
pour la folution d'une infinité de Problêmes
curieux d'Analyſe , de Géométrie ,
d'Optique . de Méchanique , & c. L'Ouvrage
eft terminé par unTraité d'Hydraulique,
fondé fur des principes nouveaux & purement
méchaniques.
Le même Libraire a auffi imprime les Livres
fuivans,
JACOBI Bernoulli Opera Mathematica ,
2 Vol. in- 4°. cum figuris , 1744.
ASTRUC Pathologia , 1 Vol. in- 8° .
THEORIE de la figure de la Terre ,
tirée des Principes de l'Hydroftatique , par
M. Clairaut , de l'Académie des Sciences ,
1 Vol. in- 8° . avec figures .
TRAITE' de Dynamique , dans lequel les
Loix de l'équilibre & du motivement des
corps
1
FEVRIER . 1744.
$ 41
corps font réduites au plus petit nombre
poffible , & démontrées d'une manière nouvelle
, &c. Par M, d'Alembert , de l'Acadé
mie des Sciences , 1 Vol. in - 4° . avec figures .
CAROLI Luski Genera Plantarum, 1 Vol .
in- 8 °. cum figuris .
I
Cet Ouvrage eft fait fur la derniére Edition
de Hollande ; on y a ajoûté les noms
François des Plantes , & un petit Traité dú
même Auteur , intitulé Fundamenta Botanica,
CATALOGUE raifonné de diverfes Curiofités
du Cabinet de feu M. Quentin de Lorangere,
compofé de Tableaux originaux des
meilleurs Maîtres de Flandres ; d'une nombreufe
Collection de Deffeins , & d'Eftampes
de toutes les Ecoles ; de plufieurs Atlas
& fuites de Cartes ; de quantité de Morceaux
de Topographie, & d'un Coquillier
fait avec choix,
On a donné à la fin une Table Alphabétique
des noms des Peintres & Graveurs , & c.
dont les Ouvrages font répandus dans ce
Catalogue , avec quelques Notes fur les
principaux Maîtres anciens & modernes ,
dont on n'avoit rien dit dans le Catalogue,
ainfi que fur leurs Ouvrages. Volume in- 12 .
par E. F. Gerfaint. A Paris , chés Barois
Quai des Auguftins , à la Ville de Nevers.
Nous
342 MERCURE DE FRANCE.
Nous nous acquittons, avec d'autant plus
de plaifir , de l'engagement que nous avons
pris dans notre dernier Mercure , de donner
l'Extrait de ce Catalogue , que nous nous
fommes apperçus que les Curieux l'ont reçû
avec avidité , & qu'ils ont fait cas des foine
que M. Gerfaint s'eft donnés pour les infftruire
de plufieurs fingularités , qui ne peuvent
être connues que par une grande pratique
& une étude réflechie fur ces matiéres.
En effet , ce n'eft point ici un Catalogue fec
& ftérile , qui ne fait qu'annoncer les differens
Effets qui doivent être vendus , mais
un détail curieux , inftructif , varié & intéreffant
, non-feulement pour ceux qui ne
font point encore initiés dans les myſtéres
de cette Curiofité , mais même pour les
Amateurs qui y font déja verfés depuis
long-tems. C'eft un Ouvrage nouveau dans
fon genre , fait avec beaucoup d'ordre , de
clarté & de fentiment, ce qui le rend néceffaire
à tous ceux qui ont du goût & de l'amour
pour les Arts de la Peinture , du Def
fein & de la Gravure.
Il eft fâcheux que M. Gerfaint n'ait pointeu
fujet de nous enrichir plus fouvent de femblables
Remarques, & nous ne nous contentons
pas feulement de louer ici fon zéle ,
mais nous l'encourageops , même indépen
damment des occafions de vente , aufquelles
il
FEVRIER. 1744. 345
il pourroit s'intéreffer, à travailler fur ces
matiéres. Nous avons tout lieu de juger par
ce Volume , de ce qu'il pourroit faire avec
de mûres réflexions , & l'on eft d'autant
plus furpris de toutes les fingularités & de
toutes les anecdotes que l'on y trouve , que
l'on voit que ce n'eft qu'un travail précipité
& borné par le tems fixe d'une vente .
Ge Catalogue commence par un Avertiſ
fement , qui rend compte de l'ordre qui y
eft obfervé , & qui en donne en même -tems
l'intelligence. On y voit que feu M. Quentin
de Lorangere étoit un Curieux , ardent
& attentif à fe procurer ce qu'il y a de plus
beau & de plus rare en chaque genre. M.
Gerfaint y établit l'avantage que pourroit
tirer le Public de pareils Catalogues ; il exhorte
à fuivre dans l'occafion la même méthode.
» Quelque inftruit & quelque expé-
» rimenté que l'on foit, dit l'Auteur , on ne
peut jamais être fûr de tout çavoir fur
» une matiére , & nous fommes nés pour
» nous inftruire les uns & les autres. Cha-
>> cun voit & examine les chofes differem-
» ment . On découvre fouvent ce qu'un plus
» habile avoit négligé , ou n'avoit pas ap-
» perçû , &c.
M. Gerfaint a eu l'attention de mettre à
la tête de chaque partie de Curiofités , qui
formoit le Cabinet de feu M. de Lorangere,
un
344 MERCURE DE FRANCE.
un Difcours fur l'avantage & l'utilité de
chacune de ces Curiofités. Les Tableaux fe
préfentent les premiers ; il y fait connoître
les agrémens dont joüit un Curieux , des
fuités ordinaires de l'amour qu'il a pour la
Peinture. » Cet amour , continuë M. Gerfaint
, fuppofe toujours dans un Curieux
» des lumières , du goût & du fentiment. Il
>>perce ordinairement dès la plus tendre
jeuneffe. On commence affés fouvent par
»la poffeffion de quelques bagatelles , dans
lefquelles , faute d'expérience , on trouve
» des beautés qui s'évanouiffent bien- tôt par
»la comparaifon qu'on eft plus en état de
faire par la fuite. Les yeux s'ouvrent en-
» fin ; le bon goût fe forme , & nous deve-
>> venons infenfiblement plus délicats dans
» notre choix. C'eft ainfi que par gradation
» on acquiert la qualité de Connoiffeur.
"
•
M. Gerfaint donne enfuite la divifion des
differentes Ecoles , en attribuant à chacune ,
avec préciſion & jufteffe , les parties dans
lefquelles elles ont , chacune ,excellé; il y louë
avec juftice , l'émulation & le bon goût qui
regnent aujourd'hui dans les Maîtres modernes
de notre Ecole. La Lifte des Tableaux
eft à la fuite de ce Difcours .
Les Deffeins forment le fecond article de
ce Catalogue. » Il y a peu d'Amateurs de
Deffeins , dit l'Auteur. On fe livre diffi-
» cilement
FEVRIER. 1744.
345
> cilement à ce genre , qui ne pique ordi-
» nairement que ceux qui ont acquis cette
> connoiffance néceffaire , pour en fentir
» toutes les beautés .... Mais à mefure que
» l'on ſe familiarife avec les Ouvrages des
» habiles gens , on y découvre des beautés
que notre peu de connoiffance voiloit à
nos yeux , & l'on convient que c'eft dans
les productions de ces Grands Hommes ,
qu'il faut apprendre à connoître le vrai
» bien, & à fe former le goût.
»
"
Enfuite viennent les Eftampes. » Lorfque
» l'on fait attention , dit M. Gerfaint , à l'utilité
& aux agrémens que procure l'Art
» de la Gravûre , on eft furpris de voir qu'il
» ne ſe forme pas un plus grand nombre de
» Curieux. Il faut être riche pour faire un
» choix délicat en Tableaux. Les Deffeins ,
dont l'ouvrage eft tout efprit , exigent une
» connoiffance confommée, pour y pouvoir
» être fenfible , mais les Eftampes font de
" tout âge , de tout état & de toute facul-
» té , &c .
›
La partie des Estampes commence par les
Euvres de plufieurs Maîtres , comme ceux
de Watteau , de Callot , de le Clerc , de la
Belle & autres. Comme celui de Callot eft
le plus beau que l'on connoiffe, M. Gerfaint
a profité de cette occafion , pour nous donner
un Catalogue complet des Ouvrages de
G Ce
346 MERCURE DE FRANCE.
ce Maître. Il eft extrêmement bien fait, & il
peut fervir de modéle pour ceux que l'on
voudroit donner par la fuite. Tout y eft détaillé
avec précifion & exactitude . L'Auteur
n'a rien oublié de ce qui pouvoit le rendfe
intéreffant , & comme il eft impoffible de
pouvoir poffeder en entier l'OEuvre d'un
Graveur , à cauſe de plufieurs Morceaux qui
Le trouvent toujours uniques , M. Gerfaint a
eu foin de mettre à la fin toutes les Piéces
qui n'étoient point dans l'Euvre de M. de
Lorangere , en citant les differens Cabinets
defquels il les a extraits .
On trouve à la tête de cet OEuvre , ainfi
que des autres , un abbregé de la Vie de chacun
de ces Maîtres , ou quelques Réflexions
fur leurs Ouvrages . Nous ne pouvons nous
empêcher de dire que les abbrégés de la Vie
de Watteau & de Pater, nous ont paru furtout
très-intéreſſans. M. Gerfaint , qui a vécu
avec ces deux Peintres , qui étoient fes
amis , fe trouvoit en état de nous inftruire
fur leur fujet, mieux que qui que ce foit . Le
ftyle de la narration en eft aifé , naturel &
au-deffus de celui que l'on croyoit trouver
dans un Commerçant , que les occupations
& l'embarras d'un Negoce brillant , privent
ordinairement de l'habitude d'écrire.
Nous apprenons dans la Vie de Watteau
une façon de peindre, aflés finguliére. On
débitoit
FEVRIER. 1744. 347
"
pepour
fe
débitoit dans ce tems-là beaucoup de
>> tits Portraits & de Sujets de dévotion aux
» Marchands de Province , qui les ache-
» toient à la douzaine , ou à la groffe . Le
>> Peintre que Watteau avoit choifi
» former , étoit le plus achalandé pour cette
forte de Peinture , dont il faifoit un débit
» confidérable.Il avoit quelquefois une dou-
» zaine de miférables Eléves , qu'il occupoit
» comme des Manoeuvres. Le feul mérite
» qu'il exigeoit de fes Compagnons , étoit
» la prompte exécution . Chacun y avoit fon
emploi , les uns faifoient les Ciels ; les au-
» tres faifoient les Têtes ; ceux -ci les Draperies
; ceux-là pofoient les blancs , enfin
"le Tableau fe trouvoit fini , quand il´ pou-
» voit parvenir entre les mains du dernier .
» Watteau ne fut alors occupé qu'à ces ou-
» vrages médiocres. Il fut cependant diftin-
» gué des autres , parce qu'il fe trouva
» pre à tout , & en même-tems expéditif.
» Il répétoit fouvent les mêmes Sujets ; il
»avoit , fur tout, le talent de rendre fi bien
» fon S. Nicolas , qui étoit un Saint que l'on
» demandoit fouvent , qu'on le réſervoit
particuliérement pour lui . Je fçavois , dit-
» il un jour à M. Gerfaint , mon S. Nicolas
» par coeur , & je me paffois de l'original .
Le Portrait de Watteau , que l'Auteur
donne à la fin de cette Vie , nous paroît fait
G ij d'après
33
pro348
MERCURE DE FRANCE.
d'après Nature , & facile à reconnoître.
» Watteau , continue l'Auteur › étoit de
» moyenne taille & d'une foible conftitu-
» tion. Il avoit le caractere inquiet & chan-
» geant. Il étoit entier dans fes volontés ; li-
» bertin d'efprit , mais fage de moeurs ; im-
"
ور
"
patient ; timide ; d'un abord froid & ein-
» baraffé ; difcret & réfervé avec les incon-
» nus ; bon , mais difficile ami ; mifantrope ;
» même critique malin & mordant ; tou-
» jours mécontent de lui-même & des au-
» tres , & pardonnant difficilement . Il par-
» loit peu , mais bien . Il aimoit beaucoup
» la lecture ; c'étoit l'unique amuſement
qu'il fe procuroit dans fon loifir. Quoique
» fans Lettres , il décidoit affés fainement
» d'un Ouvrage d'efprit , &c. La Vie de
Pater , n'eft pas moins intérellante, que celle
de Watteau fon Maître.
ور
"
Après les oeuvres que poffedoit M. de
Lorangere , viennent les differentes collections
des Maîtres , tant de l'Italie , de l'Allemagne
, de la Flandre , que de la Hollande
& de la France. M. Gerfaint n'a laiffé échapper
aucune occafion d'inftruire les Curieux ,
fur la rareté de certaines Eftampes , & il a eu
un foin exact de faire connoître avec netteté
, les marques qui quelquefois en caracterifent
les premieres épreuves. Il fuffit pour
prouver l'utilité de ce Catalogue , d'en donner
FEVRIER. 1744. 349
"
ner un exemple. Au N°. 125 des Eſtampes ,
pag. 207 , on lit : « Le maffacre des Inno-
» cens , par Marc- Antoine , avec le Chicor
» grande Piéce auffi très-rare. On donne le
» nom de Chicot à une pointe d'arbre , à peu
près dans le goût d'un If , ou d'un Palmier
, qui s'élève dans cette épreuve au-
» deſſus d'autres arbres , qui font placés au
» coin du haut de la planche , à main droite.
>> On l'appelle ainfi pour la diftinguer de la
» fuivante qui eft plus commune.
ל כ
ود
» Le même maffacre des Innocens , que
» Marc -Antoine a recommencé , & dans le-
» quel on ne voit point le Chicot , dont il
» eft parlé dans la précédente . Les connoif-
>>feurs donnent la préférence à la premiere ,
» non-feulement par rapport à fa rareté ,
» mais auffi à cauſe de la beauté de fa gravû- ·
» re , qui eft fuperieure à celle -ci .
ils
Quels avantages les Curieux ne tireroientpas
de pareilles connoiffances , qu'on ne
peut acquerir que par la grande habitude ?
Si toutes les Eftampes , qui méritent quelque
attention , tant par la beauté du travail
,
que , que par la rareté , étoient ainfi annoncées
, combien l'amour de cette curiofité ne
feroit- il pas de progrès auprès de certains
Amateurs timides , qui ne marchent qu'en
tremblant , & qui n'ofent fe livrer à cette
noble paffion , faute de connoître ce qu'ils
voudroient acquérir ? Giij Après
350 MERCURE DE FRANCE.
Après les Maîtres des differentes Ecoles ,
on trouve diverfes fuites de figures de la Bible
, le Cabinet du Roi , très -complet , differens
Volumes d'Antiques , de Fêtes , de
Médailles , d'Entrées de Villes , de Galeries ,
de Bas- Reliefs , & c. plufieurs Recueils fur
l'Hiftoire Naturelle , & enfin plufieurs Atlas
& Collections fur la Topographie. M. Gerfaint
fait auffi fentir à la tête de ces derniers
Recueils , l'utilité de ces Collections. Il paroît
furpris que cette partie foit fi négligée
de nos jours. " Si la curiofité , dit cet Au-
» teur , engage le Curieux à orner fa Géographie
, des Plans ou vûës des Villes & autres
» Lieux remarquables , ce qui compoſe ce
» que l'on appelle ordinairement Topogra
»phie , la néceffité de mettre dans ces Mor
» ceaux un ordre qui foit relatif à la fitua-
» tion des Lieux , à leur Dignité ou préro-
»gatives , devient un nouvel engagement
de faire quelques recherches fur les cir-
» conftances. C'eft ainfi que l'on peut , fans
»fortir de fon Cabinet , voyager , pour ainfi
» dire , dans les Contrées les plus éloignées ,
>> & mettre à profit les differentes fingulari-
» tés qui s'y rencontrent ; & ne s'inftruit- on
par
» pas en même -tems qu'on eft récréé les
» differens objets que ces piéces repréfen-
» tent : & c .
On trouve enfuite les Coquilles & autres
MorFEVRIER.
1744. 351
morceaux d'Hiftoire Naturelle . M. Gerfaint
renvoye ceux qui veulent s'inftruire fur
cette curiofité , à un Catalogue raifonné ,
qu'il a fait imprimer en 1736 , à l'occafion
d'une vente d'un Cabinet en ce genre , qu'il
avoit acquis en Hollande , où il a coûtume
de faire un voyage tous les ans . Ce Catalogue
fut alors reçû très-favorablement du
Public , & il eft encore fort recherché aujourd'hui.
Nous en avons donné l'Extrait
dans le tems.
M. Gerfaint finit fon Volume par une Table
Alphabétique des Maîtres , dont les productions
font comprifes dans ce Cabinet.
Cette Table n'eft pas la partie la moins intéreffante
de ce Catalogue. Il y a joint des
notes très-inftructives , tant fur les principaux
Peintres & Graveurs , que fur leurs
Ouvrages, & particulierement par rapport à
certains Maîtres Hollandois , qui ne nous
étoient point connus. Il a tâché , en pen de
mots , de nous mettre au fait du mérite &
des deffauts de chacun de ces Maîtres . Il en
parle en des termes qui ne conviennent qu'à
un homme qui poffede fa matiére , & qui
reffent toutes les beautés de ces differens
Arts. Il y a lieu d'efperer que M. Gerfaint
ne s'en tiendra pas à cet effai , & qu'il travaillera
dans la fuite à nous donner quelques
Catalogues des oeuvres des principaux Gra-
Giiij veurs ,
352 MERCURE DE FRANCE .
veurs , & qu'il cherchera à nous inftruire .
des chofes qui ne ſe font point trouvées dans
ce Cabinet , puifqu'on lui connoît affés
d'intelligence , pour entreprendre un Ouvrage
de plus longue haleine fur cette matiere.
HISTOIRE Générale de la Marine , contenant
fon Origine chés tous les Peuples du
Monde , fes progrès , ſon état actuel , & les
expéditions Maritimes anciennes & modernes.
A Paris , chés Prault , Quai de Gêvres
, & Boudet , ruë S. Jacques.
Il y a lieu de s'étonner , qu'une matiere
auffi intéreffante que celle que l'on donne
aujourd'hui au Public , foit encore neuve ,
car jufqu'à préfent il n'a point paru d'Hif
toire Générale de la Marine. La difficulté des
fecours pour la compofer , en a peut-être
été la cauſe; effectivement , fans vouloir exagerer
la difette des Monumens dont fe plaignoit
le fçavant Pere de Montfaucon , que
de difficultés d'ailleurs fe rencontrent dans
cette partie de l'Hiftoire la moins connuë
de toutes ! On avoue , par rapport aux Anciens
, qu'on trouve dans l'Hiftoire Grecque
& Romaine , des détails de leurs expéditions
Maritimes affés bien circonftanciés ;
mais l'idée qu'ils nous donnent de leur Marine,
ett fi obfcure, qu'il faut deviner aujour
d'hui
FEVRIER. 1744. 353
d'hui jufqu'à la forme de leurs Vaiffeaux
& que l'on n'eft pas même d'accord fur la
fimple difpofition de leurs rames. Quant à
la Marine moderne , fi les fources font plus
près de nous , combien d'autres inconveniens,
capables de rebuter un Hiftorien , qui
veut être exact & impartial !
Pour compofer l'Hiftoire que l'on donne ,
on a oppofé à ces difficultés une grande
étendue de recherches , & une extrême attention
à ne prendre un parti qu'après un
mur examen ; cette Hiftoire doit par cet
avantage avoir pour lecteurs ceux qui font
amis de l'exactitude ; elle peut fe
promettre
encore ceux qui font capables de refléxions.
L'Hiftoire de la Marine , tant ancienne
que moderne , fait voir ce qu'ont pû la Marine
& la Navigation , pour le profit &
pour la gloire. La réputation des Egyptiens ,
le degré de puiffance où parvinrent tout
d'un coup les Phéniciens , la magnificence
de Salomon & la prodigieufe quantité d'or
qu'il raffembla , le luxe & la fierté de Carthage
, l'accompliffement de la Puiffance
Romaine , la décadence de l'Empire d'Orient
, le mépris & la fervitude dans lefquels
tomberent peu après les Grecs , & tant
d'autres évenemens , n'ont été que les effets
d'une Marine maniée & cultivée differem-
Gy ment.
354 MERCURE DE FRANCE.
ment. Des Pays , d'une étendue & d'un éloignement
immenfes, découverts , fubjugués ,
& rendus tributaires de la plus petite partie
du Monde , font des miracles de la Naviga
tion moderne.
Les lecteurs , qui aiment l'intéreffant &
le merveilleux , trouveront auffi dans cette
Hiftoire dequoi fatisfaire leur goût. Qu'eſtce
qui peut plus attacher que le récit des pé
Fils & des combats de Mer ? On ne peut re
fufer de s'y intéreffer ; on en cherche le dé
nouement avec une agitation qui plaît ,
quoique rien n'égale l'horreur qu'ils préfen
tent , furtout dans l'Hiftoire de la Marine
moderne , car on devroit l'appeller l'Hiftoire
de l'Intrepidité des hommes ; Horace ,
au fujet du premier Navigateur s'écrioit :
Illi robur & as triplex
Circa pectus erat , qui fragilem truci
Commifit pelago ratem
Primus ..
Mais en quels termes auroit-il exprimé
fon admiration , s'il eût connu les Marins:
modernes ? Ils comptent pour rien les plus
longues Navigations , & affrontent avec
indifference les fureurs du quatriéme & du
plus redoutable élément , le feu , qui femble
avoir attendu des courages au-deffus du
caractere de l'humanité , pour déployer toute
FEVRIER. 1744 355
te la puiffance de fa colere , & fes plus effroyables
effets .
La Marine Militaire fait l'objet de cet
Ouvrage on ne donnera qu'après , l'Hiftoire
de la Marine Politique , c'eſt-à- dire
des Découvertes , du Commerce Maritime
& des Colonies.
>
Celle dont il s'agit formera deux Volumes
in- 4° . dont le fecond fera formé principalement
de la Marine Françoife ; il fera accompagné
de plufieurs Plans , gravés pour
l'intelligence de cette partie , qui doit nous
intéreffer plus qu'aucune autre. On n'en
donne pour le prefent que le premier Volume
, parce qu'on n'a pû le refufer aux
inftances des Curieux , qui ont fouhaité l'a- 、
voir , dès qu'on a eu achevé de l'imprimer.
LA MEDECINE MILITAIRE , ou l'Art de
conferver la fanté dans les Camps . Par L.
A. Portius , Med. Ouvrage très-utile , nonfeulement
aux Militaires , mais encore à
toutes fortes de perfonnes . Traduit par M.
*** , ci -devant Ingénieur des Camps & des
Armées du Ror d'Espagne , avec figures ;
I vol. in - 12 . d'environ 400 pages , fans l'Epitre
Dédicatoire à M. le Comte D'ARGENSON
, Miniftre & Secretaire d'Etat , & une
Préface utile du Traducteur.
L'Auteur a raifon de dire dès le commence-
G vj
ment ,
356 MERCURE DE FRANCE.
ment,que le titre feul de ce Livre, fuffit pour
en faire connoître l'utilité . On peut ajoûter
après le Cenfeur Royal, qui l'a lû & examiné
, que cet Ouvrage , univerfellement eftimé
dans fa langue originale , reçoit un nouveau
mérite des circonftances dans lefquelles
on le prefente , & que l'impreffion
n'en peut être que fort utile aux Militaires ,
& à tous ceux qui font chargés de veiller à
leur confervation ,
Il fe vend à Paris , chés Briaffon , Libraire
, ruë S. Jacques , à la Science , 1744.
Le même Libraire vend auffi les Livres
nouveaux fuivans .
Explication Hiftorique des Fables , par
feu M. l'Abbé Bannier , de l'Académie des
Infcriptions & Belles - Lettres. N. Edition ,
revûë & corrigée , & extrêmement differente
des précédentes , 3 vol. in- 12 .
Obfervations de Médecine pratique , par
M. de la Mettrie , in- 12 , 1743 .
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Spectacles
de la Foire , par un Acteur Forain , in-
12 , 2 vol . 1743 .
L'Ifle des Talens , Comédie , par M. Fagan
, in- 12 , 1743 ..
Sebaft. Vaillant , Botanicon Parifienfe ,
Editio nova auctior , in- 12 , 1743 .
Les Amuſemens du Coeur & de l'Efprit ,
in- 12 , 14 vol. 1743 .
Hiftoire
FEVRIER. 1744. .357
Hiftoire de Grèce , traduite de l'Anglois
de Temple Stanian , in - 12 , 3
vol. 1743
Maurs & Ufages des Grecs , par M. May-
.nard , in-12 , Lyon , 1743 .
Les Leçons de la Sageffe , fur les défauts
des hommes , in 12 , 3 vol. 1743 .
Reflexions fur le Goût , par le Marquis
d'Argens , in- 8 ° . Berlin , 1743 .
Les Commentaires fur les Institutions de
Médecine de Boerhaave , par M. de la Mettrie
, in- 12 , 3 vol . 1743 .
La Médecine raifonnée de Frederic Hoff
mann , in- 12 , Tom. 6,7,8,9 , 1743 .
Les Voyages de Schaw , traduits de l'Anglois
, contenant fes Obfervations Hiftoriques
& d'Hiftoire naturelle en Afie , Afrique
, & c. in -4° . 2 vol . fig. la Haye , 1743 .
La Collection du Journal des Sçavans , depuis
fon établiſſement en 1665 ,jufques en 1741 ,
inclufivement , eft achevée en 64 vol. in- 4° .
SERMONES IN SOLEMNI Academia Scientiarum,
& c. c'eſt- à - dire , Difcours prononcés
publiquement dans l'Affemblée folemnelle
de l'Académie Impériale des Sciences,
le 29 Avril 1742. 1 Vol. in-4°. A Peterf
bourg , de l'Imprimerie de l'Académie.
Nous n'avons pas encore vû ce Livre ,
qui doit même être rare en ce Pays -ci ;
mais nous fommes dédommagés de cette
privation
358 MERCURE DE FRANCE.
privation par
l'Extrait que. nous avons lu
de ce qui s'y trouve de plus curieux , & devéritablement
curieux , dans le Journal de-
Trévoux du mois de Mai dernier . C'eft d'après
les fçavans Auteurs de ce Journal que
nous avons le plaifir d'inftruire
nos Lecteurs
fur un Article auffi fingulier , qu'intéreffant
.
L'Académie
de Petersbourg
, dont nous
avons parlé plus d'une fois , ayant interrompu
fes Séances publiques
pendant quelques
années , vient , pour fe conformer
aux
Réglemens
du Czar PIERRE I , fon Fondateur
, & aux intentions
de la nouvelle CzARINE
, fa glorieufe
Reftauratrice
, d'en reprendre
l'ufage avec plus de folemnité
que
jamais , à l'occafion
du Couronnement
de
cette augufte Princeffe , & pour hui applaudir
à fa maniére , avec tous les Ordres de
l'Etat.
L'Affemblée fut nombreuſe & illuftre , &
après une efpéce de Dédicace , faite à leur
augufte Souveraine , fur fon Avenement au
Trône & fur fon Couronnement, M.Georges
Wolfgang Krafft, Profeffeur de Phyfique Expérimentale
& Théorique , choin par l'Académie
, pour faire éclater fes voeux & fon
application au travail , déclara que pour répondre
avec dignité aux Statuts de fa Fondation
& à la célébrité du jour , » il s'é-
» toit étudié à choisir un Sujet , qui par fa
grande
FEVRIER. 1744.
359
grande nouveauté , & par fon agrément
> naturel , portât fa recommandation auprès
d'une fi illuftre Affemblée . Dans cet ef-
» prit , ajoûte M. Krafft , j'ai crû devoir par
» ler d'une nouvelle maniére de faire des
» Concerts de Mufique. Car que peut-on
imaginer de plus convenable pour ce cé-
» lébre Panégyrique , & pour des applaú-
» diffemens folemnels, que la Mufique, qui
» eft la compagne inféparable des plaifirs
» & qui eftcomme innée à l'homme, & gra→
» vée dans tous les efprits ?
33
:
>
" Je parlerai donc , continue l'Auteur
» d'une nouvelle & très-ingénieufe inven-
» tion faite en France , c'eft -à - dire d'un Inf-
» trument , qu'on nomme une Orgue , ou
» un Clavecin de Mufique oculaire . Et tou
» te mon occupation fera , après avoir donné
la Defcription de cet Inftrument , qui
» n'eft pas encore à fa perfection , de difcu-
» ter avec modeftie , & avec tout le refpect
qui eft dû aux grandes entrepriſes ,
jufqu'où on peut porter l'efpérance & la
» confiance d'obtenir avec le tems une fi
» brillante Machine.
22
Avant que de fuivre M. Krafft dans fes
fçavantes difcuffions , Mrs du Journal de
Trévoux croyent, & avec raifon , devoir répéter
à cette occafion une réflexion de l'Auteur
du Clavecin , qui n'ayant d'abord donné
360 MERCURE DE FRANCE .
né ce Clavecin que comme une idée en paffant
, & ayant déclaré pendant plufieurs an
nées , qu'il n'avoit jamais prétendu , & ne
fe réfoudroit jamais à la réaliſer , ni à en
tenter la pratique , ne s'eft laiffé perfuader
peu à peu d'y mettre la main , que par
renouvellement continuel des difcuffions ,
des doutes , des contradictions même du
Public .
le
Cet Auteur , ajoute-t'il , a fans doute fes
raifons immédiates,tirées de la Phyfique , des
Mathématiques , de l'Optique , de la Mufique
, de la Peinture , pour être perfuadé de
la vérité de fon idée. Il en a au refte arti
culé un bon nombre d'affés fortes dans fon
Optique , & fur tout dans nos Mémoires &
dans d'autres Journaux , mais de toutes les
raifons , celle qui l'a le plus confirmé dans
fon opinion , c'eft, dit-il, que depuis 1725 ,
c'eft-à-dire , depuis près de vingt années ,
qu'il a jetté cette nouveauté comme en l'air ,
le Public n'a pas ceffé un inftant de la fuivre
, & de là lui ramener fous les yeux ,
fouvent pour l'adopter , le plus fouvent
pour la contredire.
Mais ce n'eft point cette adoption , c'eft ,
plus que toute autre chofe , cette contradiction
qui l'a tout-à- fait féduit en faveur
d'une penfée , marquée à ce coin des vérités
toutes neuves ; car fi celle-ci étoit fauffe , at'il
FEVRIER. 1744. 361
t'il dit , elle eût été fuffisamment contredite
une feule fois. Toutes les fauffes inventions,
de quelque brillant qu'elles puiffent être ,
& plus même elles font brillantes , n'ont
coûtume de faire du bruit qu'un moment.
Rien ne paroît plus jufte , plus folide , plus
modefte en même tems , qu'une telle expofition
, après laquelle les Auteurs du Journal
, en continuant de rendre juftice à l'Auteur
du Clavecin , s'expriment ainsi .
» Il manquoit pourtant à l'Auteur du Cla-
» vecin , l'épreuve juridique d'une Acadé
» mie entiére de Sçavans ralfemblés de tou- .
» tes les parties de l'Europe , tels que font
» les Hermans , les Delifles , les Bernoullis ,
» les Eulers , les Kraffts , les Weitbrechs , les
» Wols , les Bulffingers , & trente autres ,
« tous célébres , qui fiffent l'honneur à une
» vafte Méchanique , qui tient tous les efprits
en fufpens, de la difcuter une bonne
» fois pour la rejetter ou l'adopter , s'il eft
poffible , & de fçavoir enfin à quoi s'en
ور
לכ
» tenir.
Nous fommes perfuadés , continuent nos
habiles Journaliſtes , que l'Auteur fe prêtera
de bonne grace à des difcuffions qui l'honorent
, & qu'il fera même charmé d'avoir
occafion de s'en expliquer avec de fi habiles
gens , fi propres à dire , & à lui aider à dire
tout ce qu'il y a de plus profond fur cette
matiére ,
362 MERCURE DE FRANCE.
€
matiére , qui redevient par-là de plus en
plus intéreffante pour le Public.
Pour traiter à fond cette même matiere
, M. Krafft remonte à l'origine de la
Mufique , aux Hébreux , aux Grecs , à Pythagore
, ,
remarquant d'abord avec foin
qu'elle n'a pourtant jamais roulé que fur le
fon , & n'a jamais été confacrée qu'au plaifir
des oreilles . Cela eft vrai , & la nouvelle
Mufique des couleurs doir reconnoître modeftement
qu'elle n'a pas cet avantage , &
que c'est là contre elle un grand préjugé.
Toutes les nouveautés font , ou ont été dans
ce cas , la Mufique même des fons , lorf
qu'elle vint à éclore pour la premiere fois .
Elle n'attendit pas long- tems ; elle previent
les fens ; elle ébranle les corps ; le
mouvement de l'air qui lui fert de vehicule ,
eft affés groffier , & va jufqu'à faire trembler
les maifons. Nos corps en font tout
émus . Elle régne dans le bruit , c'est tout
dire. La lumiere , les couleurs , font comme
incorporelles ; elles vont droit à l'ame , la
percent , la faififfent , prefque fans en avertir
les fens. Si elles parviennent jamais à
nous donner le plaifir de la Mufique , ce fera
fans doute un plaifir bien fin , bien intime ,
& que fçait-on ? Par-là , peut-être , plus piquant
& plus faififlant.
Ce fut dans la boutique d'un Serrurier ,
qu'il
FEVRIER. 1744. 363
qu'il fut permis à Pythagore de découvrir
par hazard , en paffant , les premiers Elémens
de la Mufique fonore , aufquels remonte
ici le Sçavant Académicien de Péterfbourg.
Pythagore fut furpris de l'efpece
de Concert & d'harmonie , qui le frappa
dans les coups redoublés de 3 ou 4 Forgerons
, qui battoient le fer fur l'Enclume
fans autre deffein que de le forger.
Il preffentit ce que ce pouvoit être , entra
dans la Boutique , examina les Marteaux ,
les vit inégaux , les péfa , & les trouva , l'un
double de l'autre , & tous en un mot proportionnés
, felon les nombres naturels 1 ,
2 , 3 , 4 , 5 , &c . ou plûtôt felon ces nombres
renverfés , un , une moitié , un tiers , un
quart , un cinquième , &c. Ce font les vraies
proportions de l'Octave , de la Quinte , de la
Quarte , des Confonnances, en un mot. Tout le
monde fçait cela , ou doit le fçavoir , car
depuis Pythagore , on l'a bien répété des
fois.
Nous excederions nos bornes , fi nous
ajoûtions tout ce qui eft dit dans cet Extrait
des Pendules du celebre Galilée , d'après le
Livre de M. Krafft , de ces Pendules , dis- je,
dont les fils proportionnés , felon les mêmes
nombres, reprefentoient par leurs ofcillations
, les vibrations des cordes fonores
concordantes , & c . Nous omettons tout
cela ›
364 MERCURE DE FRANCE.
cela, d'autant plus volontiers que le Sçavant
Académicien ne paroît pas trop approuver
cette pretendue invention de Galilée.
» Une plus noble Méchanique , dit - il ,
»pour tranfporter aux yeux l'empire des
» oreilles , me rappelle , & m'oblige de laif-
» fer ces foibles effais. C'eft le Méchaniſme
» du R. P. Caftel , qui par un effort fupe-
» rieur à tous ceux là , a entrepris ce grand
"ouvrage , queje vais expliquer dans toute
» l'étendue qu'il merite.
Cette expofition , au rapport de nos Sçavans
Journaliſtes , eft pleine d'éloges , de
politeffe & d'efprit. Elle eft même affés
exacte dans les parties qu'elle embraffe ,
mais elle n'embraffe pas tout. C'est dommage
, difent- ils , avec raifon , qu'elle n'ait été
formée que de piéces d'une feconde main
& non fur les Mémoires originaux , & immediats
, dont les trois , ou quatre premiers
ont paru d'abord, en 1725 , dans le Mercure
de France , les cinq ou fix fuivans , dans nos
propres Mémoires, en 1735 , & les derniers
dans l'Optique des couleurs, en 1740.
Pour rendre fon Difcours plus fenfible à
fes illuftres Auditeurs , M. Krafft avoit fait
peindre les 12 couleurs chromatiques du P.
Caftel , le bleu , le celadon , & c. C'est un
grand coup , difent nos Auteurs du Journal ,
file Peintre les avoit attrappées dans leur
julFEVRIER.
1744. 365
jufteffe de coloris , & furtout de clair obfcur.
Depuis 8 ou 10 ans , le P. Caftel avoue
qu'il a employé toutes fortes de mains , &
d'Arts differens , pour en approcher un
peu.
Il faut trois chofes , felon M. Krafft ,
pour exciter dans notre oreille & dans notre
ame , le fentiment & le plaifir propres de la
Mufique . Il faut , 1 ° . des vibrations , 2º. des
vibrations promptes, 3 °. de la fymmetrie ,
s'il ne faut que cela , dit le P. Caftel , &
plufieurs antres , le Clavecin eft démontré.
Il l'eft pour tous ceux qui penfent que
la lumiere & les couleurs excitent des vibrations
dans l'oeil. Defcarres , Malebranche
, Grimaldi, furtout , n'en ont pas douté.
M. Weitbrecht , Profeffeur de Phyfiologie ,
répondit dans la même féance folemnelle
au nom de l'Académie à M. Krafft fur le
Clavecin , & il ne fut point traité d'autre
fujet ce jour- là .
On peut voir dans le Journal , que nous
avons prefque copié , le précis de cette Réponfe
, qui a auffi fa curiofité , mais qui ne
contient rien , qui ne tourne au fond à
l'avantage de l'Auteur de la Mufique des
couleurs,
ON mande de Berlin du 25 du mois dernier
, que la nouvelle Académie des Scien-
CES
366 MERCURE DE FRANCE.
1
çes que le Roi de Pruffe a établie , & qui a
été jointe à celle qui fubfiftcit déja , tint le
même jour une Affemblée generale.
M. Éller , Confeiller Privé , & premier
Médecin du Roi , lut un Difcours fort fçavant
fur l'Electricité des Corps. On fit enfuite
, en prefence des Princes , Freres du
Roi , des Princes du Sang , & de tout ce
qu'il y a de plus diftingué à la Cour & dans
la Ville , des Experiences fur cette Electri
cité , avec beaucoup de fuccès , & avec l'ap
plaudiffement general de toute l'Affemblée.
On célébra le 24 , l'Anniverfaire de la
Naiffance du Roi , qui eft entré dans la
trente-troifiéme année de fon âge. La Reine,
Mere donna à S. M. un magnifique repas.
Le foir , on reprefenta l'Opera de Caton , enfuite
la Reine donna une fuperbe Fête , ſuivie
d'un Bal , à toute la Maiſon Royale , &
aux perfonnes les plus diftinguées de l'un
& de l'autre fexe , qui y parurent tous en
Domino.
ESTAMPES NOUVELLES .
Le Geur Petit , Graveur , rue Saint Jacques ,
à la Couronne d'Epines , près les Mathurins , qui
continue de graver avec fuccès la fuite des Hommes
Illuftres du feu fieur Defrochers , Graveur du
Roi , vient de mettre au jour les Portraits fuivans ,
J. B. BossUET , Evêque de Meaux , ci- devant
Pré-
4
FEVRIER. 1744.
367
Précepteur de Monſeigneur le Dauphin , fils de
Louis XIV , mort le 12 Avril 1704 , âgé de
78 ans. On lit ces Vers au bas.
Ce Prélat eft zelé , fage , docte , éloquent ;
L'Eglife trouve en lui fon rempart le plus ferme ;
Enfin fon mérite eft fi grand,
Qu'il n'eft point de vertus que fon nom ne renferme.
PAUL DES FORGES MAILLARD , Poëte François ,
né au Croific en Bretagne , le 25 Avril 1699. Ces
Vers de Rouffeau font au bas.
Si fous un nom d'emprunt, autrefois fi charmant,
MAILLARD brilla fur le Parnaffe ;
Aujourd'hui fous le fien , encor plus dignement ,
Il fçait y conſerver ſa place.
Le Sr du Phly donne avis au Public qu'il vient de
mettre au jour un Livre de Piéces de Clavecin , qui
fe vendent à Paris , chés l'Auteur , rue de la Verrerie
, vis- à vis la rue du Coq ; chés Mad . Boivin , tuë
S. Honoré , à la Régle d'Or , & chés M. le Clerc ,
rue du Roule , à la Croix d'or.
,
On donne avis aux Amateurs de Mufique , que
l'on vient de mettre au jour plufieurs Ouvrages en
ce genre ,qui fe vendent chés Mad.Huë, Marchande
Lingére , rue S. Honoré , vis-à-vis le Caffé de Dupuis
, & aux Addreffes ordinaires ; fçavoir
Un Livre de Cantates de M Richer , Ordinaire
de Mufique de la Chapelle & Chambre du Roi , &
Maître
368 MERCURE DE FRANCE.
Maître de Mufique de S. A. S. le Duc de Chartres ;
dédié à ce Prince. Prix 6. livres .
Six Cantates de M. Bourgeois , qui fe vendent féparément
, 3 livres chacune ; & du même Auteur
fon troifiéme Livre d'Airs. Prix 3 livres.
Un Livre de fix Sonnates pour la Flute , du feu
Sr Lucas , 4 livres 10 fols.
Un fecond Livre pour la Mufette & la Vielle ,
du feu Sr Gui loh , 3 livres 12 fols.
Le huitiéme Recueil d'Airs du S. Bouvard , 3 liv.
Le troifiéme Livre des Nouveaux Amuſemens du
Sr Charles. Prix 3 livres .
Le premier Livre d'Airs du Sr Anfelme. 24 fols.
Les Regrets de l'Abfence , Cantatille . 24 fols.
La Féte de Thérefe , Cantatille du Sr Bouvard ,
24 fols. 1744
Le Sr Robert , Géographe ordinaire du Roi , vient
de mettre au jour une très- belle Carte , qui a pour
tité : Théatre de la guerre dans les Pays-Bas , où le
trouvent les Comtés de Flandre, de Hainaut , d'Artois
, de Cambréfis, de Namur , le Duché de Brabane
, &c. dans lequel on a marqué les campemens
des Armées du Roi , commandées par M. le Maréchal
de Luxembourg , fuivant les Mémoires de M.
Vaultier , Commiffaire ordinaire de l'Artillerie.
Cette Carte eft très-bien gravée , & paroît fort utile
& néceffaire pour Mrs les Officiers.
On trouve auffi chés le même Auteur une Carte
extrêmement détaillée du Cours du Po , depuis Milan
jufqu'à Ferrare, & une belle Alface , de fix feüilles.
L'Auteur demeure fur le Quai de l'Horloge du
Palais , proche le Pont-neuf, à Paris , 1744.
Les Héritiers de M. Homann , Géographe de Nuzemberg
, donnent avis au Public , qu'on trouvera à
Paris
FEVRIER . 1744. . 369
Paris toutes leurs Cartes Géographiques & Plans de
Villes , au nombre de plus de trois cent differentes ,
avec un Atlas Célefte , compofé de trente feuilles ,
qu'ils viennent de faire graver en Taille - douce par
les meilleurs Maîtres , le tout imprimé avec beaucoup
de foin , fur de très beau papier Chapelet ,
qu'ils ont fait venir de France. C'eft au St Belay ,
a l'Hôtel de Soubife , rue du Grand Chantier , qu'il
faut s'adreffer.
M. Chycaineau , Confeiller d'Etat , Premier Médecin
du Roi , ayant vû la guériſon d'un grand Prélat
, des Rougeurs , Dartres & Boutons qu'il avoit
fur le vifage depuis plus de huit ans , lequel a fait à
la Dame de Leftrade une penfion fa vie durant , &
ayant appris d'ailleurs la guérifon de plufieurs autres
Perfonnes confidérables , & qu'elle traitoit ces
Maladies depuis plus de 40. ans avec fuccès & applaudiffement
, a bien voulu donner fon Approbation
pour débiter fes Remédes , pour l'utilité & le
foulagement du Public ; fçavoir , une Eau qui guérit
les Dartres vives & farineufes , Boutons , Rougeurs ,
Taches de rouffeur & autres Maladies de la Peau ;
& un Baume blanc , en confiftance de Pomade , qui
Ore les cavités & les rongeurs après la petite vérole
; les taches jaunes & le hâle , unit & blanchit le
tein . Ces Remédes fe gardent tant que l'on veut ,
& peuvent fe tranfporter par tout.
Les Bouteilles de, cette Eau font de 2. , 3. 4. &.
6. livres & au deffus , felon la grandeur . Les Pots
de Baume blanc font de 3. livres 10. fols , & les demi
Pots d'une livre 15. fols.
Mad. de Leftrade , demeure à Paris , ruë ‹ de la Comédie
Françoife , chés un Grainetier, aupremier Etage.
Il y a une Affiche au- deſſus de la porte.
H CHAN-
"
370 MERCURE DE FRANCE.
CHANSON.
Pour nous faire un deftin aimable ,
A boire bornons nos plaifirs ;
'Aux agrémens d'une riante table
Employons nos heureux loiſirs ;
Faifons couler le jus d'Automne ;
Que Bacchus régne dans ces Lieux ;
Le brillant Nectar de la Tonne
Met les Mortels au rang des Dieux .
Par M. Laffichard.
SPECTACLES.
EXTRAIT d'une petite Comédie nouvelle,
en Vers & en un Alte , intitulée , Zeneïde ,
repréfentée au Théatre François , le 13
Mai 1743.
La Tre ,
Zeneïde ,
Gnidie ,
Olinde ,
ACTEURS.
la Dlle Grandval.
la Dlle Gauffin,
la Dlle Dangeville.
le Sr Grandval.
Ette Piéce eft de M. de Cahufac , Secretaire
des Commandemens de S.A.S.
M. le Comte de Clermont ; le Public lui
fit
B
D
fa
le
15
ft
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS .
ふり
34
372 MERCURE DE FRANCE.
Tous les autres , de bonne foi ,
Me paroiffoient contens d'eux- mêmes ;
Lui feul ne l'étoit que de moi.
La Fée , après lui avoir donné les confeils
les plus néceffaires pour la préferver des
malheurs dont elle fçavoit qu'elle étoit menacée
, lui apprend fon fort plus clairement.
Je croyois , lui dit- elle , quand je préfidai
à votre naiffance , que la Beauté étoit le
bien fuprême pour notre Sexe , & je ne ſongeai
qu'à vous favorifer du côté des graces ,
mais la Fée Urgande me fit connoître mon
erreur , & me dit , avec colére , que j'apprendrois
un jour comme on doit aimer ;
ce reproche fut fuivi de cet Oracle , qui ne
regardoit que vous.
Zeneïde ,tuferas belle ;
Mais craint l'Amour ; s'il bleffe un jour ton coeur ;
Ta Beauté deviendra laideur ;
Si tu ne plais à ton Amant fans elle.
Cet Oracle effraya Zeneïde ; il falloit
plaire à Olinde fans le fecours de la Beauté,
& cette Beauté fe changeroit en laideur , fi
elle ne fe faifoit aimer que par elle. La Fée
lui fait une peinture encore plus effrayante
de l'inconftance des hommes , qui cellent
d'aimer dès que cette Beauté , qui les a engagés
, vient à fe flétrir. Voici comme elle
peint les Amans. Votre
FEVRIER . 1744. 373
. Votre état m'embarraſſe ;
Les hommes font fi dangereux ' ;
left fi malaifé d'en trouver un fincére ;
Tel qui le paroît à vos yeux ,
N'eft qu'un fourbe , qui cherche à plaire
Avec des dehors spécieux.
Le caprice regle leurs voeux ,
Ou la vanité les fait naître .
Volages , ingrats , orgueilleux ,
Le coeur préfere au plaifir d'être heureux
Le faux honneur de le paroître ;
Et le plus modefte d'entre eux ,
Sur cet article , eft Petit - Maître .
Après de fi utiles leçons , la Fée en vient
an reméde , qui eft de ne paroître aux yeux
d'Olinde , que fous le mafque , & de ne lui
point faire connoître qu'elle l'aime. Cette
loi eft rigoureufe pour Zeneïde , mais il
faut s'y foumettre , ou devenir laide. Elle
prie en vain la Fée de l'adoucir. La Fée veut
la quitter pour lui épargner des prieres inutiles,
mais elle eft retenue par Gnidie , jeune
Beauté , d'un caractére bien different de celui
de Zeneïde , comme on le va voir par
fes difcours & par fes actions. En voici un
petit préambule. Elle s'adreffe d'abord à Zeneide
, fans s'appercevoir de la Fée , à qui
elle fait excufe de fon inattention ; après
cette premiere faute , elle lui dit :
H iij Rien
374 MERCURE DE FRANCE .
Rien n'eft égal au trouble de mon ame ;
J'ai vu dans les jardins.... fon air eft enchanteur.
Dieux ! que fa figure eft jolie !
Vous m'accufez peut- être de folie ,
Mais je l'ai vu , vous dis-je , & j'en crois bien mon
coeur , & c.
Je me flate bien qu'il m'a vûë ,
Mais je n'oferois l'affurer.
Il étoit encor loin .... j'étois fi négligée ....
J'ai fui , pour aller me parer...
Si j'euſſe été mieux arrangée ....
Ces derniers Vers achevent de développer
fon caractere de coquette ; Zeneïde en
eft allarmée , & la confiderant déja comme
une dangereufe Rivale , en la voyant
partir avec tant d'empreffement , elle dit à
la Fée :
Ah ! Madame ; elle lui plaira ;
Deffendez - lui . . .
La Fée donne encore quelques leçons à
Zeneide , & voyant approcher Olinde , elle
fe retire. Olinde , charmé de la retrouver ,
lui reproche tendrement le foin qu'elle
prend encore de lui cacher fes traits fous ce
mafque importun que la Fée lui a deffendu
de quitter pour obéir à l'Oracle . Zeneïde
voudroit bien lui laiffer voir tous fes ` attraits
, mais la laideur dont elle eſt menacée
par
FEVRIER. 1744. -375
1
par Urgande l'y force, elle voudroit bien fe
faire voir, mais elle n'en a pas la force.Olinde
ne pouvant obtenir d'elle qu'il puiffe la
voir , a recours à une rufe ; la voici ; il dit à
partè.
Puifque je fuis forcé d'être fincere ,
On ne fe cache point , quand on a dequoi plaire.
Zeneïde fe fert de la même rufe , pour fe
délivrer de fes empreffemens , & dit à partè.
..... Du moyen qu'il me donne
Profitons , pour fonder les replis de fon coeur.
bant.
Votre foupçon n'eft que trop véritable ,
Olinde ; à cet aveu vous forcez ma candeur.
Il eſt trop vrai , pour mon malheur ,
Que mes traits n'ont rien d'agréable.
Olinde lui protefte qu'il ne l'en croit pas , &
que fon coeur l'affure du contraire . Elle veut
abfolument en être crue ; il feint de lui
obéir par complaifance , mais à peine lui a
t'il fait connoître qu'il commence à en croire
quelque chofe , qu'elle lui en fçait mauvais
gré , & lui dit d'un ton de colere : Vous
me croirex
Voici ce qui l'appaife : c'eſt Olinde qui
parle :
Soit que le mafque favorable
Hiiij Vous
376 MERCURE DE FRANCE.
Vous prête à mes усих des appas ,
Soit qu'il couvre un vifage aimable ;
Par un penchant infurmontable ,
Auprès de vous je me ſens arrêté .
Ce ton de voix , cette ingenuité ,
Vos graces , votre efprit , ce foûrire agréable ,
Ces regards , qui malgré le maſque , qui m'accable,
Portent le fentiment jufqu'au fond de mon coeur ,
Me font trop éprouver que leur appas vainqueur
Même fans la Beauté , vous rendroit adorable .
Cette Scéne a été trouvée très- intéreffante
; pour ne pas fortir de cet intérêt qui fait
le plus grand prix de ces fortes d'Ouvrages ,
nous fupprimerons ici toutes les Scénes qui
concernent la coquetterie de Gnidie , pour
arriver plûtôt à celle où la Fée fait une derniere
épreuve des fentimens d'Olinde pour
Zeneïde ; elle veut lui perfuader que fon
Amante eft véritablement laide , & pour le
lui prouver , elle lui montre un faux por
trait , qui en fait un monftre de difformité
Olinde en eft d'abord frappé , mais fon
amour ne perd rien de fon ardeur ; il va même
jufqu'à la trouver aimable. Voici ce qu'il
dit :
Ce font pourtant fes yeux ,
Et tous les traits , a le bien prendre
Ne font point mal , & c.
Elle n'a rien dans le fond de choquant , & c.
;
Et
FEVRIER . 1744. 377
Et j'y remarque même
Quelque chofe d'affés piquant ;
Mais je vous dis fort bien ;
Elle a ce foûrire qui touche ,
Qu'on ne peut comparer qu'au fien.
La Fée eft charmée de voir qu'Olinde fera
fidéle à Zeneïde , quelque altération qui
puiffe arriver à fa beauté. Zeneïde vient ;
elle ne peut fouffrir qu'on l'ait peinte fi
monftrueufe aux yeux de fon Amant ; elle
ne fe fouvient plus des menaces de l'Oracle ;
elle ôte fon mafque ; Olinde eft enchanté
des traits dont elle brille à fes yeux . La
Fée voyant l'Oracle accompli , puifque Zeneïde
a trouvé le fecret de fe faire aimer
fans employer les charmes de la Beauté
confent à les unir pour jamais.
La Piéce finit par un Divertiffement, dont
la Mufique eft du Sr Grandval ; en voici
quelques couplets :
Quand la Beauté feule féduit ,
On s'aime un jour , puis on languit ;
L'Amour s'envole , on fe détefté ,
Mais quand le coeur céde aux talens ,
Au caractere , aux fentimens ,
Le tems feul fuit , & l'Amour refte.
Hy Coulte
370 MERCURE DE FRANCE.
CHANSON .
Pour nous faire un deftin aimable
A boire bornons nos plaifirs ;
'Aux agrémens d'une riante table
1
Employons nos heureux loifirs ;
Faifons couler le jus d'Automne ;
Que Bacchus régne dans ces Lieux ;
Le brillant Nectar de la Tonne
Met les Mortels au rang des Dieux .
Par M. Laffichard.
és és és és és és és és és és és és és és · ès és és és és és és
SPECTACLES.
EXTRAIT d'une petite Comédie nouvelle,
en Vers & en un Alte , intitulée , Zeneïde ,
représentée au Théatre François , le 13
Mai 1743.
La Te,
Zeneïde ,
Gnidie ,
Olinde ,
ACTEURS.
la Dlle Grandval.
la Dlle Gauffin.
la Dlle Dangeville.
le Sr Grandval.
Ette Piéce eft de M. de Cahuſac , Secretaire
des Commandemens de S.A.S.
M. le Comte de Clermont ; le Public lui
fit
B
D
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
FEVRIER. 1744.
3712
fit un accueil des plus favorables dans fa
naiffance , avec d'autant plus de raiſon , que
l'Auteur avoit déja mérité fes fuffrages dans
les premiers effais de fa Mufe. Le fuccès s'eft
foutenu dans toutes les repréfentations qui
ont été affés nombreuſes. Voici fur quelle
fiction ce gracieux Poëme eft fondé. La Fée,
qui préside à l'Action Théatrale , ouvre la
Scéne avec Zeneïde , Héroïne de la Piéce .
Elle fort avec la jeune Eleve, d'un Bal, dont'
cette fille adoptive lui paroît encore toute
occupée ; elle interroge fon coeur , pour fçavoir
ce qui s'y paffe . Zeneïde lui rend compte
de fes fentimens fecrets , avec une naïveté
dont la Fée eft charmée. La tendre Eco-
Hiere lui fait entendre que de tous les objets
qui fe font préfentés à fes yeux , quoique
fermés par fon ordre , rien ne lui avoit parû
fi charmant , qu'Olinde ; c'eft le nom de
l'Amant dont fon jeune coeur a fait choix.
Voici ce qui le lui rend préférable à tous
les autres.
Bien d'autres m'ont parlé , mais leur air , leur langage
,
Leur gayeté , leur ton , & leurs foins ,
Leur empreffement à me plaire ,
Ont fait juftement le contraire.
Ils avoient tant d'efprit , & c.
Quand je parloes yeux me faifoient voir
Qu'il goûtoit un plaifir, extrême ;
4 Hij Tous
1
H
372 MERCURE DE FRANCE.
Tous les autres , de bonne foi ,
Me paroiffoient contens d'eux- mêmes ;
Lui feul ne l'étoit que de moi.
La Fée , après lui avoir donné les confeils
les plus néceffaires pour la préferver des
malheurs dont elle fçavoit qu'elle étoit menacée
, lui apprend fon fort plus clairement.
Je croyois , lui dit- elle , quand je préfidai
à votre naiffance , que la Beauté étoit le
bien fuprême pour notre Sexe , & je ne fongeai
qu'à vous favorifer du côté des graces ,
mais la Fée Urgande me fit connoître mon
erreur , & me dit , avec colére , que j'apprendrois
un jour comme on doit aimer ;
ce reproche fut fuivi de cet Oracle , qui ne
regardoit que vous.
Zeneïde , tu feras belle ;
Mais craint l'Amour ; s'il bleffe un jour ton coeur ;
Ta Beauté deviendra laideur ;
Si tu neplais à ton Amant fans elle.
Çet Oracle effraya Zeneïde ; il falloit
plaire à Olinde fans le fecours de la Beauté,
& cette Beauté fe changeroit en laideur , fi
elle ne fe faifoit aimer que par elle . La Fée
lui fait une peinture encore plus effrayante
de l'inconftance des hommes , qui ceffent
d'aimer dès que cette Beauté , qui les a engagés
, vient à fe flétrir. Voici comme elle
peint les Amans.
Votre
FEVRIE R. 1744. 373
:: Votre état m'embarraffe ·
Les hommes font fi dangereux' ;
Il eft fi malaiſé d'en trouver un fincére ;
Tel qui le paroît à vos yeux ,
;
N'eft qu'un fourbe , qui cherche à plaire
Avec des dehors ſpécieux .
Le caprice regle leurs voeux ,
Ou la vanité les fait naître .
Volages , ingrats , orgueilleux ,
Le coeur préfere au plaifir d'être heureux
Le faux honneur de le paroître ;
Et le plus modefte d'entre eux
Sur cet article , eft Petit - Maître .
Après de fi utiles leçons , la Fée en vient
an reméde , qui eft de ne paroître aux yeux
d'Olinde , que fous le mafque , & de ne lui
point faire connoître qu'elle l'aime . Cette
loi eft rigoureufe pour Zeneïde , mais il
faut s'y foumettre , ou devenir laide . Elle
prie en vain la Fée de l'adoucir. La Fée veut
la quitter pour lui épargner des prieres inutiles,
mais elle eft retenue par Gnidie , jeune
Beauté , d'un caractére bien different de celui
de Zeneïde , comme on le va voir
par
fes difcours & par fes actions. En voici un
petit préambule. Elle s'adreffe d'abord à Zeneide
, fans s'appercevoir de la Fée , à qui
elle fait excufe de fon inattention ; après
cette premiere faute , elle lui dit :
H iij Rien
374 MERCURE DE FRANCE.
Rien n'eſt égal au trouble de mon ame ;
J'ai vu dans les jardins.... fon air eft enchanteur.
Dieux ! que fa figure eft jolie !
Vous m'accufez peut- être de folie ,
Mais je l'ai vu , vous dis-je , & j'en crois bien mon
coeur , & c.
Je me flate bien qu'il m'a vûë ,
Mais je n'oferois l'affurer.
Il étoit encor loin.... j'étois fi négligée....
J'ai fui , pour aller me parer...
Si j'euffe été mieux arrangée ....
Ces derniers Vers achevent de développer
fon caractere de coquette ; Zeneïde en
eft allarmée , & la confiderant déja comme
une dangereufe Rivale , en la voyant
partir avec tant d'empreffement , elle dit à
la Fée :
Ah ! Madame ; elle lui plaira ;
Deffendez -lui ..
La Fée donne encore quelques leçons à
Zeneide , & voyant approcher Olinde , elle
fe retire. Olinde , charmé de la retrouver ,
lui reproche tendrement le foin qu'elle
prend encore de lui cacher fes traits fous ce
mafque importun que la Fée lui a deffendu
de quitter pour obéir à l'Oracle. Zeneïde
voudroit bien lui laiffer voir tous fes attraits
, mais la laideur dont elle eſt menacée
par
FEVRIER. 1744. 375
C
par Urgande l'y force , elle voudroit bien fe
faire voir,mais elle n'en a pas la force.Olinde
ne pouvant obtenir d'elle qu'il puiffe la
voir , a recours à une rufe ; la voici; il dit à
partè.
Puifque je fuis forcé d'être fincere ,
On ne ſe cache point , quand on a dequoi plaire.
Zeneïde fe fert de la même rufe , pour fe
délivrer de fes empreffemens , & dit àparte.
• • Du moyen qu'il me donne
Profitons , pour fonder les replis de fon coeur.
baut.
Votre foupçon n'eft que trop véritable ,
Olinde ; à cet aveu vous forcez ma candeur.
Il est trop vrai , pour mon malheur ,
Que mes traits n'ont rien d'agréable.
Olinde lui protefte qu'il ne l'en croit pas,&
que fon coeur l'affure du contraire. Elle veut
abfolument en être crue ; il feint de lui
obéir par complaifance , mais à peine lui at'il
fait connoître qu'il commence à en croire
quelque chofe , qu'elle lui en fçait mauvais
gré, & lui dit d'un ton de colere : Vous
me croire
Voici ce qui l'appaiſe : c'eſt Olinde qui
parle :
Soit que le mafquè favorable
Hiiij Vous
$76 MERCURE DE FRANCE.
Vous prête à mes yeux des appas ,
Soit qu'il couvre un vifage aimable ;
Par un penchant infurmontable
Auprès de vous je me ſens arrêté .
Ce ton de voix , cette ingenuité ,
Vos graces , votre efprit , ce foûrire agréable ,
Ces regards , qui malgré le mafque , qui m'accable,
Portent le fentiment jufqu'au fond de mon coeur
Me font trop éprouver que leur appas vainqueur
Même fans la Beauté , vous rendroit adorable.
7
Cette Scéne a été trouvée très- intéreffante
; pour ne pas fortir de cet intérêt qui fait
le plus grand prix de ces fortes d'Ouvrages ,
nous fupprimerons ici toutes les Scénes qui
concernent la coquetterie de Gnidie , pour
arriver plûtôt à celle où la Fée fait une derniere
épreuve des fentimens d'Olinde pour
Zeneïde ; elle veut lui perfuader que fon
Amante eft véritablement laide , & pour le
lui prouver , elle lui montre un faux portrait
, qui en fait un monftre de difformité ;
Olinde en eft d'abord frappé , mais fon
amour ne perd rien de fon ardeur ; il va même
jufqu'à la trouver aimable . Voici ce qu'il
dit :
Ce font pourtant les yeux ,
Et tous les traits , a le bien prendre
Ne font point mal , & c.
Elle n'a rien dans le fond de choquant , & c .
Et
FEVRIER . 1744. 377
Et j'y remarque même
Quelque chofe d'affés piquant ;
Mais je vous dis fort bien ;
Elle a ce foûrire qui touche ,
)
Qu'on ne peut comparer qu'au fien .
La Fée eft charmée de voir qu'Olinde fera
fidéle à Zeneïde , quelque altération qui
puiffe arriver à fa beauté. Zeneïde vient ;
elle ne peut fouffrir qu'on l'ait peinte fi
monftrueufe aux yeux de fon Amant ; elle
ne fe fouvient plus des menaces de l'Oracle ;
elle ôte fon mafque ; Olinde eft enchanté
des traits dont elle brille à fes yeux . La
Fée voyant l'Oracle accompli , puifque Zeneïde
a trouvé le fecret de fe faire aimer
fans employer les charmes de la Beauté
confent à les unir pour jamais.
La Piéce finit par un Divertiffement, dont
la Mufique eft du Sr Grandval ; en voici
quelques couplets :
Quand la Beauté ſeule féduit ,
On s'aime un jour , puis on languit ;
L'Amour s'envole , on fe détefte ,
Mais quand le coeur céde aux talens
Au caractere , aux fentimens ,
Le tems feul fuit , & l'Amour refte.
>
HY Contre
378 MERCURE DE FRANCE.
Contre les parents révolté
Damon , d'une Idole enchanté ,
Va prononcer un oui funeſte ,
Mais les charmes , qui l'ont féduit ,
Bien tôt ſe fanent ; l'Amour fuit
Et par malheur , la Femme refte.
Quand le Parterre s'affoupit ,
La Piéce tombe ; l'Auteur fuit ;
L'Envieux rit , & l'Acteur pefte ,.
Mais quand le Public applaudit ,
L'Auteur fe montre ; l'Acteur rit ;
L'Envieux fuit ; la Piéce refte.
La Dlle Gautier , Actrice de ce Théatre
chante dans le Divertiffement , un Roffignol
qui a donné lieu au Madrigal qu'on va lire..
J'ai vu le Roffignol àvos pieds trébucher ;
De votre voix la douceur infinie
'A fait pour vous . la balance pancher.
Triomphez , charmante Thalie ;.
Le Roi même de l'harmonie
A votre char eft venu s'attacher .
S.D. V.
La Dlle d'Angeville , qui joue le rôle de
Gnidie , dans la même Piéce , & qui chante
un
FEVRIER. 1744
379
un des couplets du Vaudeville dans le Divertiffement
, a donné encore lieu à cet autre
Madrigal.
On m'a conté que , depuis quelque-tems,
Au Dieu d'Amour il a pris fantaiſie
De venir à Paris jouer la Comédie
Et d'attaquer les coeurs par de rares talens.
Aux Dieux toute choſe eft facile.
Or donc , fans rien changer à ſon minois fripon ,
Il a pris le fexe & le nom
De la charmante d'Angeville.
C'eft un fecret qu'au Parnaffe j'ai fçû ;
Je voulois en faire un miſtére
Mais bon ! il est bien tems de taire
Ce dont chacun s'eft apperçû .
S. D.V.
Le 3 Février , les Comédiens François reprirent
la Tragédie de Mérope de M. de Voltaire
, laquelle avoit été donnée pour la
premiere fois au mois de Février de l'année
derniere , avec un fuccès des plus éclatant ;
la repriſe n'a pas moins fait de plaifir & attire
tous les jours de nombreuſes affemblées
au Théatre François ; on en parlera plus au
long dans le prochain Mercure.
Le 9 , l'Académie Royale de Mufique repréfenta
le Prologue du Ballet des indes Ga-
Hvj lantes,
380 MERCURE DE FRANCE.
- Lantes , avec l'Acte des Incas du même Bal
let , ce qui fut fuivi d'un Ballet Comique ,
en trois Actes avec des Intermedes , qui a
pour titre les Amours de Ragonde, repréſenté
au mois de Février de l'année derniere fur
le même Theatre. Ces trois pieces ont été
données , avec un très- grand concours , les
trois derniers jours du Carnaval ; on reprit
le 2 1 l'Opera de Roland , qu'on voit toujours
avec plaifir.
Le 10 , la Dlle Maitz , âgée d'environ 17
ans , niéce de Mlle Antier , ci-devant premiere
Actrice & Penfionnaire de l'Académie
Royale de Mufique , parut pour la premiere
fois fur ce Théatre , & chanta , avec
une très-belle voix le rôle d'Eucharis , dans
la troifiéme Entrée du Ballet des Caractéres
de la Folie , & avec toute la préciſion & l'intelligence
qu'on peut attendre d'une jeune
perfonne , qui n'a jamais paru fur aucun
Théatre. Il y a tout lieu d'efperer que fes
talens , cultivés par Mlle Antier , feront de
très-grands progrès , & donneront à l'Académie
une Actrice du premier ordre.
Le même jour,les Comédiens Italiens donnerent
la premiere repréſentation d'une Piéce
nouvelle en Vers & en trois Actes , intitulée
les Mariages affortis , laquelle a été reçue
favorablement. Le Public a trouvé
cet
FEVRIER. 1744. 3&r
cet Ouvrage bien écrit & très -bien verfifié.
On en parlera plus au long.
Le 25 , ils remirent au Théatre la Comédie
du Je ne fçais quoi , en Vers libres & en
un Acte , ornée d'un Divertiffement de la
compofition de M. de Boiffy ; cette Piéce
fut donnée dans fa nouveauté au mois de
Septembre 1731. Elle eut un fuccès étonnant
à la Cour & à la Ville ; la repriſe ne
fait pas moins de plaifir . On peut voir l'extrait
de cet ingénieux Ouvrage dans le Mercure
de Septembre 1731 , p . 2223 .
1
Le premier Février , le Lieutenant Géné
ral de Police fit l'ouverture de la Foire S.
Germain avec les cérémonies accoûtumées .
Ce Magiftrat avoit déja rendu fon Ordonnance
le du mois dernier , concernant
ce qui doit être obfervé par les Marchands
qui y font établis , & qui renouvelle la défence
des Jeux de hazard , & c.
17
Le même jour , l'Opera Comique fit auffi
l'ouverture de fon Théatre , par une Piéce
en Vaudevilles, en trois Actes , avec des Intermedes
de chants & de danfes , intitulée-:
Achmet & Almanfine , laquelle avoit été
donnée avec un très -grand fuccès à la Foire
S. Laurent de l'année 1728. On peut voir
le fujet de cette Piéce avec toutes fes circonftances
, dans l'Hiftoire d'Almanfine
d'Ar
382 MERCURE DE FRANCE,
d'Attalide , du Vifir Amulaki , & d'Achmet
fon fils , dans le Mercure d'Août 1721 , P.
36 , & la fuite dans celui d'Octobre de la
même année , p. 29. On donna , après cette
Piéce , l'Aftrologue de Village , autre Piéce en
un Acte , Parodie du Ballet des Caracteres de
Ja Folie , terminée par un fort joli Divertiffement.
Le 8 , on repréfenta les mêmes Piéces ,
aufquelles on ajoûta la Fête de S. Cloud ,
petite Piéce d'un Acte , laquelle fut terminée
par le Ballet des Pierrots & Perrettes ,
exécuté au mieux. La Dlle Lany & le Sr
Dourdet s'y font fort diftingués.
Le 22 , on repréfenta une petite Piéce
nouvelle en un Acte & en Vaudevilles , intitulée
la Coquette fans le fçavoir , laquelle
a été reçue très-favorablement ; elle fut precedées
de deux autres petites Piéces d'un
Acte chacune , qui ont pour titre , la Reine
du Baroftan & des Jeunes Mariés. Ces trois
Piéces furent terminées par le même Ballet
des Pierrots , dont on vient de parler.
Le 26 , le même Opera Comique remit au
Theatre la Parodie de Mérope , fous le titre
de l'Enfant retrouvé. La même Piéce avoit
été donnée , pour la premiere fois , fur le
même Théatre le 16 Mars de l'année derniere
, fous le titre de Marotte..
NOU
FEVRIER. 1744. 383
NOUVELLES ETRANGERES ,
ALLEMAGNE.
Na apprisde Vienne du 18 du mois dernier,
que le onze , la Reine de Hongrie donna un
Bal dans le Manége Royal , qui avoit été orné &
éclairé pour cet effet avec la plus grande magnificence.
S. M. accompagnée de la Princeffe fa four
ainfi que du Grand Duc de Tofcane & du Prince
Charles de Lorraine , s'y rendit vers les huit heures
du foir , avec une fuite de foixante Seigneurs , dé
guifés en Americains . Elle fut jointe à la porte de
ła Sale du Bal ,.
par une autre troupe d'un pareil
nombre de Mafques , vêtus , les uns à la Hongroife,
& les autres à la Flamande , & elle entra avec
ce cortége. La Reine demeura au Bal juſqu'à minuit
, & elle retourna enfuite au Palais , où elle
foupa en public à une table de foixante couverts.
Il y eut le lendemain une courſe de trente- quatre
traîneaux , laquelle commença à trois heures après
midi , & dans laquelle le traîneau de S. M. fut conduit
par le Grand Duc de Tofcane , & celui de la
Princeffe , foeur de la Reine , par le Prince Charlesde
Lorraine.
a
On mande de Mayence du 28 du mois dernier ,
que l'Electeur a tenu plufieurs Confeils à l'occafion
du Decret de Commiffion , par lequel l'Empereur
demandé qu'on biffât des Archives de l'Empire les
Actes que la Reine de Hongrie y à fait inferer , &
qu'il a été réfolu que l'Electeur enverroit ordre au
Miniftre , qui réfide de ſa part à Francfort , de repre
384 MERCURE DE FRANCE.
prefenter à la Diette , que les Actes , dont il s'agit ,
ont pu être reçûs à la Dictature , parce que les Proteftations
font des moyens dont les loix autorifent
l'ufage ; que fi la Reine de Hongrie a traité de nulles
l'Election de l'Empereur & la Capitulation Imperiale
, elle n'a pris ce parti qu'à caufe de l'exclufion
qui lui a été donnée dans tout ce qui s'eſt paſſé
à cet égard ; que toute Proteftation par fa nature
eft bornée à l'objet pour lequel elle eft dreffée , &
qu'elle ne peut s'étendre au- delà des droits, pour la
confervation defquels elle eft deftinée , qu'ainfi celle
de S. M. H. peut être confervée dans les Regiftres
de la Diette de l'Empire , fans que par là l'Empire
femble approuver tacitement ce que cette Proteftation
contient de contraire aux droits de l'Empereur,
d'autant que la Reine de Hongrie n'a pû ſe propofer
autre chofe que de rendre fa Proteftation notoire
, & de faire connoître qu'elle eft dans la difpofition
de foutenir fes pretentions ; que cette Princeffe
ne s'eft point adreffée au Corps Germanique ,
dans le deffein d'obtenir quelque grace ni quelque
fecours , & qu'elle a voulu feulement lui expofer la
nature de fes intérêts ; qu'il n'eft point douteux
qu'on ne peut avoir voix actuelle dans l'aflemblée
de l'Empire , à moins qu'on n'admette un Empereur
& une Diette '; qu'il eſt également vrai , qu'un
Etat qui déclareroit publiquement qu'il ne veut reconnoître
ni l'Empereur ni la Dierte , ne pourroit
être confideré comme membre de l'Empire , mais
que cette question n'eft point applicable au cas prefent
, parce que la Proteftation de la Reine de Hongrie
, ne regarde que Pexclufion qui lui a été donnée.
On a appris de Vienne du 25 du mois dernier ,
que le Traité , qui a été conclu à Worms le 13 du
mois de Septembre dernier entre la Reine de Hongrie
FEVRIER. 1744.
385
grie , le Roi de la Grande Bretagne & le Roi de
Sardaigne , contient les articles fuivans.
Ces trois Puiffances s'engagent à fe fecourir mu
tuellement & conftamment , & à veiller à la sûreté
l'une de l'autre , comme à la leur propre , & elles
promettent de fe procurer tous les avantages qui
pourront refulter de leur union , & de concourir à
éloigner les prejudices dont chacune d'elles pourroit
être menacée. A cette fin , elles fe garantiffent
de la façon la plus expreffe la poffeffion de tous les
Royaumes , Etats & Pays , qui font actuellement
fous leur Domination. En conféquence de cette ga
rantie , & afin qu'il ne refte aucun fujet de difpute
entre la Cour de Vienne & celle de Turin , le Roi
de Sardaigne renonce nommément & pour toujours
, tant pour lui que pour fes Succeffeurs , mais
feulement en faveur de la Reine & de fes heritiers
à fes prétentions fur le Duché de Milan , lefquelles ,
quoiqu'elles n'ayent jamais été reconnues légitimes
par la Reine , il s'étoit réſervé , par la convention
fignée à Turin le premier Février de l'année
derniere , la liberté de faire valoir. Il garantit en
même-tems l'ordre de Succeffion établi pour les
Etats du feu Empereur par la Pragmatique Sanction
; mais la Reine n'exigera point qu'il lui envoye
des fecours hors de l'Italie , & il fera obligé
feulement de concerter avec elle & avec fes Géné-
›
raux toutes les operations
qui feront jugées les
plus convenables
, pour, s'oppofer
aux entrepriſes qu'on pourroit former contre les Etats de S. M. en Lombardie. Non -feulement la Reine entretiendra
en Italie le même nombre de troupes qu'elle y a
pour le prefent , mais elle les augmentera
jufqu'à 30000 hommes , auffi -tôt que la fituation des affaires
de l'Allemagne
le permettra , & le Roi de Şar- daigne de fon côté promet d'entretenir
40000 hommes
386 MERCURE DE FRANCE.
mes d'Infanterie , & sooo de Cavalerie , en y com
prenant les Garnifons de fes Places . Ce Prince aura
le fuprême Commandement de l'armée des deux
Puiffances , lorsqu'il s'y trouvera , & il en réglera
tous les mouvemens de concert avec la Reine , &
conformément à ce que requereront les occaſions &
l'intérêt commun.
Auffi long-tems qu'il fera néceffaire de feconder
les operations des troupes de S. M. & du Roi de
Sardaigne , & auffi long - tems que les Etats de la
Reine en Italie feront menacés , le Roi de la Grande
Bretagne aura dans la Méditerranée une Eſcadre
confidérable de Vaiffeaux de guerre , de Brulots &
de Galiottes à bombes , dont les Amiraux & autres
Officiers concoureront avec le Roi de Sardaigne ,
& avec les Généraux de la Reine , aux meſures
qu'il conviendra de prendre pour l'avantage de la
caufe commune. De plus , & afin d'aider le Roi de
Sardaigne à foutenir les dépenfes qu'il a faites &
qu'il fera obligé de faire , pour mettre fur pied plus
de troupes qu'il n'en peut entretenir , le Roi de la
Grande Bretagne lui fournira , pendant la guerre ,
un Subfide de 200000 livres Sterlings . par an , dont
chaque quartier fera payé d'avance.
La Reine voulant auffi reconnoître le zéle & la
générofité que le Roi de Sardaigne a montrés pour
la défenſe des intérêts de S. M. en expofant les Etats
& fa propre perfonne , lui cede à perpetuité , tant
pour lui que pour les Succeffeurs , le Vigevanaſque
avec la partie du Pavefan, fituée entre le Tefin & le
Pô , & la premiere de ces deux riviéres formera à
l'avenir par le milieu de fon courant la féparation
& les limites des Etats des deux Puiffances , depuis
le Lac Majeur , jufqu'à l'endroit où elle se jette
dans le Pô. Les Illes vis - à- vis la Ville de Pavie , refseront
fous la Domination de la Reine , mais les
fujets
FEVRIER. 1744. 387
fujets du Roi de Sardaigne conferveront la liberté
de naviger dans le Canal entre Pavie & ces Ifles ,
fans que leurs Barques puiffent être arrêtées ni vifitées
, & fans payer aucun droit . La partie du Pavefan
, au delà du Po Robbio , & celle du Duché de
Plaifance , laquelle eft en deçà de la Nura , & s'étend
le long de cette riviére depuis fa fource jufqu'à
fon embouchure , appartiendra au Roi de Sardaigne
, ainfi que la Ville de Plaifance & le territoire
qui en dépend . Ce Prince fera mis en mêmetems
en poffeffion du Comté d'Anghiera & de la
Vallée de Sefia , & pour l'avenir les limites des Etats
de la Reine & de ceux du Roi de Sardaigne feront
fixées de ce côté par une ligne qui cominencera aux
confins de la Suiffe , & qui paffant par le milieu du
Lac Majeur jufqu'au Teln , s'étendra jufqu'à l'em-'
bouchure de cette riviére . La divifion du cours des
riviéres n'empêchera point que la navigation ne
demeure libre pour les fujets des deux Puiffances ,
dans toute la largeur de ces riviéres , & qu'ils ne
puiffent paffer indifferemment fur les deux rives ,
pour faire remonter leurs Bâteaux . Chaque rive appartiendra
cependant , non- feulement pour la propriété
, mais encore à tous autres égards , au Souverain
duquel elle dépendra , & qui pourra y faire
conftruire tel ouvrage ou telle fortification qu'il
jugera à propos , pourvû qu'on obferve de ne point
forcer le courant de la riviére du côté oppofé , & il
ne fera jamais permis au Roi de Sardaigne , fous
quelque prétexte que ce foit , d'empêcher la libre
entrée des eaux dans le canal qui conduit à Milan.
Comme il eft important pour les intérêts des
Puiffances Contractantes , que le Roi de Sardaigne
ait la communication par Mer avec les Anglois ,
Reine lui céde tous les droits qu'elle peut avoir
P fur
338 MERCURE DE FRANCE.
fur la Ville & le Marquifat. de Final , s'attendant
que la République de Gênes facilitera , autant qu'il
fera néceffaire , cette difpofition.
Les trois Puiffances font convenuës de ne faire
aucune paix ni tréve , que de concert & avec la participation
l'une de l'autre , & de faire comprendre
en propres termes dans les Traités de pacification
toutes les ceffions ci- deffus mentionnées . Le Roi de
Sardaigne demeurera fermement & indifpenfablement
uni & attaché aux intérêts de la Reine , & à
ceux du Roi de la Grande Bretagne , non - feulement
auffi long -tems que la guerre durera en Italie,
mais encore jufqu'à la conclufion de la paix en Al-
Jemagne , & jufqu'à ce que les differends entre les
Cours de Madrid & de Londres foient terminés , &
les ceffions faites à ce Prince par S. M. feront cenfées
n'avoir une force irrevocable , qu'après l'entiere
exécution de cet article .
Si les troupes Efpagnoles fe retirens de l'Italie ,
la Reine pourra rappeller une partie des troupes
qu'elle a dans ce Pays , & le Roi de Sardaigne lui
fournira des fiennes , pour être employées à la
garde des Etats de S. M. en Lombardie , afin qu'elle
foit en étatde fe fervir d'un plus grand nombre de
fes
troupes en Allemagne . De même , la Reine fera
paffer des troupes dans les Etats du Roi de Sardaigne
, fice Prince en a befoin , pour défendre les
paffages qu'une armée ennemie pourroit tenter de
forcer.
S. M. & le Roi de Sardaigne , en reconnoiffance
de la part que le Roi de la Grande Bretagne prend
à leurs intérêts , ne confirment pas feulement les
avantages qu'ils ont accordés aux fujets de S. M.
Br . pour le Commerce dans leurs Etats refpectifs ,
mais ces deux Puiffances promettent de leur en accorder
de nouveaux , & de conclure avec le Roi de
la
FEVRIER. 1744. 389
la Grande Bretagne , un nouveau Traité de Commerce
& de Navigation , auffi- tôt que S. M. Br. le
defirera. Les Etats Généraux des Provinces unies ,
feront invités à entrer dans la prefente alliance ,
comme Parties Contractantes .
On travaille par Ordre de la Reine , à compofet
un nouvel Ecrit , relatif au Décret , par lequel
PEmpereur a demandé qu'on biffât des Archives de
P'Empire , les Actes que S. M. y a fait inférer .
On a appris de Liége , que l'Evêque , Prince de
ċette Ville , a déclaré qu'il n'exerceroit aucun acte
de Souveraineté , & qu'il ne difpoferoit d'aucune
charge , jufqu'à ce qu'il eut reçu l'Inveftiture de
P'Empereur,& fes Bulles du Pape.
Les Etats de cette Principauté lui doivent faire
prefent de 400coo florins , pour le joyeux avenement
de ce Prince , & la moitié de cette fomme
fera fournie par la Ville de Liége .
Le Comte de Horion , Grand Mayeur , eſt allé à
Cologne par ordre de ce Prince , pour remercies
l'Electeur de Cologne d'avoir contribué à ſon Elec
tion par fon fuffrage .
La Reine de Hongrie a ordonné qu'à l'avenir .
les perfonnes qui feroient pourvûes de quelques
charges , prêtéroient Serment de fidelité au Grand
Duc de Tofcane , en la même forme qu'elles le
prêteroient à S. M.
Le Comte de Dohna , Envoyé Extraordinaire du
Roi de Pruffe auprès de la Reine , a déclaré aux
Miniftres de cette Princeffe , que S. M. Pr. avoit
chargé le Miniftre , qui le reprefente dans la Diette
de l'Empire , d'infifter pour qu'on biffât des Archives
de l'Empire les Actes que la Cour de Vienne y a
fait inférer depuis peu,
1
ESPA
390 MERCURE DE FRANCE.
ESPAGNE.
ON mande de Madrid du 28 du mois dernier , que Don François Cagigal de la Vega , Gouverneur
de Cuba , a fait fçavoir au Roi , que les Armateurs
Don Jofeph Dominique Cortazar , Don
Barthelemi Valadon , Don Louis Siverio , Victoria
Hernandez, Barthelemi Lopez,& Jean Dominguez,
y ont conduit les Bâtimens Anglois l'Abygayn , le
Tigre , le Fians , le Phoenix , le Saint Etienne , la Rei
ne des Indes , l'Hector , le Robert , l'Anthenope , le
Succès , la Sainte Trinité , le Meforlan , & le Linn.
Les Lettres du même Gouverneur marquent
qu'unPacquetbot Anglois ayant attaqué l'Armateur
Barthelemi Lopez fur la Côte d'une Iſle déferte , le
Capitaine de cePacquetbot avoit fait deſcendre dans
cette Inle so hommes de fon équipage , pour mettre
l'Armateur entre deux feux , mais qu'ils avoient
été tous tués ou faits prifonniers par les Espagnols
que l'Armateur y avoit fait débarquer avant eux.
Don Juan François de Guemes y Horcafitas
Lieutenant Général des armées du Roi d'Espagne, &
Gouverneur de la Havanne , a mandé à S. M. que
Don Pédre de Garaycoechea, Commandant le Pacquetbot
le Diligent , s'étoit emparé d'un Convoi de
Bâtimens chargés de provifions pour la Floride
ainsi que d'un Brigantin , qui fervoit d'escorte à ce
Convoi.
L'Armateur Jean Fernandez est entré dans le Port
de Vigo avec une Balandre Angloife ,qu'il a enlevé
à solieues de Viana , & fur laquelle il y avoit une
grande quantité de Vin de Madére & de Tabac .
Le Vaiffeau les deux Freres , de la même Nation ,
& dont la charge confifte en fel , en vin & en eande-
vie , a été pris par la Barque le S. Jofeph , & le
S. Antoine , que le Capitaine Gren . ! a armée en
courfe. D'auFEVRIER.
1744.
391
•
D'autres Armateurs Efpagnols fe font emparés
des Vaiffeaux Anglois le Tus , le Guillaume & l'Amitié.
-Un Vaiffeau armé en courfe par les Eſpagnols de
Curaçao, s'eft emparé de trois Armateurs Anglois ,
qui étoient à Ruba , pour
fe radouber.
PORTUG A L.
N apprend de Lisbonne , qu'on a découvert
fource dont les eaux font minérales , & qui ont
guéri plufieurs perfonnes attaquées de differentes
maladies.
GENES ET ISLE DE CORSE.
N mande de Corfe , que les Députés des douze
principales Piéves de cette Ifle , s'étoient rendus
à la Baffie , pour figner au nom de leurs Piéves ,
le Réglement auquel les Rebelles fe font foumis.
Un Courier venu de Final , a rapporté qu'on y
avoit appris par quelques lettres de Nice , que le
Roi de Sardaigne avoit fait arrêter à Villefranche
plufieurs Bâtimens Génois , pour tranfporter des
troupes à Loano , & dans d'autres Lieux du voifi
nage.
Les avis reçus de Milan portent , que le 27 du
mois dernier , ce Prince avoit été mis en poffeffion
du Vigevanafque , de Haut Novarois & de la partie
du Pavefan , fituée de l'autre côté du Po , & que la
Régence du Milanois avoit fait publier une Déclaration
, par laquelle la Reine de Hongrie dégageoit
les habitans de ces Provinces du Serinent de fidélité
qu'ils lui avoient prêté, & leur annonçoit qu'ils devoient
à l'avenir reconnoître le Roi de Sardaigne
pour leur Souvain,
GRANDE
392 MERCURE DE FRANCE.
GRANDE BRETAGNE.
Na appris de la Jamaïque , que le Capitaine
Burnaby , qui commande le Vaiffeau de guerre
le Litchfield , ayant fait une defcente fur la Côte
d'Aguada , il avoit encloué quatre canons d'une
batterie des Efpagnols , & qu'ayant remis à la voile
après cette expédition , il avoit coulé à fond deux
Armateurs de la même Nation .
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E premier de ce mois , M. le Neveu ,
Ancien Rectecuer de l'Univerfité fe
rendit à Marly , étant accompagné des
Doyens des Facultés , & des Procureurs des
Nations , & fuivant l'ancien uſage , il eut
l'honneur de préfenter un Cierge au Roi ,
à la Reine , & à Monfeigneur le Dauphin .
Le même jour , le Pere Braban , Commandeur
du Convent du Marais des Religieux
de la Merci , accompagné de trois
Religieux de cette Maifon , eut l'honneur
de préfenter un Cierge à la Reine , pour
fatisfaire à une des conditions de leur Etabliffement
FEVRIER . 1744. 393
bliſſement , fait à Paris en 1615 , par la
Reine Marie de Médicis.
Le 2 , Fête de la Purification de la Sainte
Vierge , les Chevaliers , Commandeurs &
Officiers de l'Ordre du S. Efprit , s'étant
affemblés dans le Cabinet du Roi , vers les
onze heures du matin , S. M. fe rendit à la
Chapelle du Château de Verfailles , étant
precedée de Monfeigneur le Dauphin , du
Duc d'Orléans , du Comte de Clermont , du
Prince de Conty , du Prince de Dombes ,
du Comte d'Eu , du Duc du Penthiévre , &
des Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre . Le Roi affifta à la Benediction
des Cierges , à la Proceffion qui fe fit dans
la Chapelle , & à la Grande Meffe , qui fut
celebrée par l'Evêque de Langres , Prelat
Commandeur de l'Ordre du S. Efprit. La
Meffe étant finic , S. M. fut reconduite dans
fon Cabinet en la maniere accoutumée. La
Reine & Mefdames de France , entendirent
la même Meffe dans la Tribune.
L'après-midi , leurs Majeftés accompagnées
de Monfeigneur le Dauphin & de Mefdames
de France , affifterent à la Predication
du Pere Pons , de la Compagnie de Jefus ,
& enfuite aux Vêpres.
Le 6 , la Reine communia dans la Chapelle
I
394 MERCURE DE FRANCE.
pelle du Château de Verfailles, par les mains
de l'Archevêque de Roüen , fon Grand
Aumônier .
Le 12 , leurs Majeftés entendirent dans la
même Chapelle la Meffe de Requiem , pendant
laquelle le De profundis fut chanté par
la Mufique , pour l'Anniverfaire de Madame
la Dauphine , Mere du Roi.
Le Roi a donné le Gouvernement de
Condé au Comte de Danois , Lieutenant
General , lequel a remis celui du Fort Barraux
.
›
M. de Ceberet Lieutenant General ;
Gouverneur d'Aire , a été nommé Commandeur
de l'Ordre Royal & Militaire de
S. Louis , & le Marquis du Châtelet , Maréchal
de Camp , cy -devant Major de la Gendarmerie
, lequel étant Commandeur du
même Ordre , en a été fait Grand-Croix.
Le 7 , il fut celebré dans la Chapelle du
College du Pleflis , un fervice folemnel
pour PAnniverfaire de la mort du Prince
René de Rohan Soubife , Abbé de Luxeüil ,
Chanoine de l'Eglife de Strasbourg.
La Porte de la Chapelle étoit tenduë à
fix lez , & tout l'intérieur l'étoit depuis le
haut jufqu'en bas.
La repréſentation , qui en occupoit le
miFEVRIER.
1744.
395
milieu , étoit furmontée d'un Dais de velours
à crépine d'argent , chargé d'Ecuffons
aux Armes de Rohan ; cinquante chandeliers
d'argent garnis de bougies , pofés fur
trois eftrades entouroient la repréfentation
, & des girandoles placées de diftance
en diſtance , formoient un autre luminaire
autour de la Chapelle.
>
M. de la Roche , Principal du Collége ,
celebra la Meffe , & M. Guillot de Remilly
Prieur de Limours , âgé de 17 ans , prononça
un Difcours funébre qui fut extrêmement
applaudi.
M. le Coadjuteur de Strasbourg , plufieurs
Prélats , & autres perfonnes de confideration
, affifterent à ce Service .
L'Evêque de Perpignan fut facré le 9 de
ce mois dans la Chapelle du Seminaire de
S. Sulpice , par l'Archevêque de Cambrai
affifté des Evêques de Carcaffonne & de
Meaux.
Le io , le Pere Geoffroy , l'un des Profeffeurs
de Rhétorique au Collège de Louisle-
Grand , y prononça un Difcours très -éloquent
, en prefence de plufieurs Prélats &
d'un grand nombre de perfonnes de diftinction.
Le fujet de ce Difcours étoit l'Amour
de la Patrie , & le Pere Geoffroy y examina,
I ij
com396
MERCURE DE FRANCE.
combien cet Amour eft digne du Citoyen , &
combien il rend le Citoyen digne de la Patrie.
Le 13 , pendant la Meffe du Roi , l'Evêque
de Perpignan prêta Serment de fidélité
entre les mains de S. M ,
Le 14 , le Duc de Richelieu , que le Roi
a nommé Premier Gentilhomme de fa
Chambre , prêta Serment de fidelité entre
les mains de S , M ,
Le 17 & le 18 , la Reine accompagnée des
Dames de fa Cour , fe rendit à l'Eglife de la
Paroiffe du Château , où S. M. affliſta au Salut
& à la Benediction du S. Sacrement.
Le 17 de ce mois , les nouveaux Drapeaux
du Régiment des Gardes Françoifes & de
celui des Gardes Suiffes , furent portés à
l'Eglife Metropolitaine , où ils furent benits
par l'Archevêque de Paris , avec les Cérémonies
ordinaires .
Le 18 , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Verfailles la
Meffe de Requiem , pour l'Anniverſaire de
Monſeigneur le Dauphin , Pere de S. M.
Le 19 , Mercredi des Cendres , le Roi reçut
les Cendres par les mains du Cardinal
de Rohan , Grand Aumônier de France . La
Reine
FEVRIER. 1744. 397
Reine les reçût des mains de l'Archevêque
de Rouen , fon Grand Aumônier.
Le 23 , premier Dimanche de Carême , le
Roi & la Reine entendirent dans la Chapelle
du Château de Verfailles , la Meffe
chantée par la Mufique. L'après-midi , leurs
Majeftés affifterent à la Prédication du Pere
Pons , de la Compagnie de Jeſus.
M. de Vanolles , Intendant du Comté de
Bourgogne , a été nommé Intendant d'Alface.
Il a été remplacé dans l'Intendance
qu'il quitte , par M. de Serilly , Intendant
de la Généralité d'Auch , & M. Caze de la
Bove , Maître des Requêtes & Intendant du
Commerce , a été nommé à l'Intendance
d'Auch.
S. M. a donné le Gouvernement de
Thyonville au Marquis de Creil , Lieutenant
General , & celui du Fort Barraux au
Marquis d'Herouville , Lieutenant General.
Le Roi a nommé Meftre de Camp Lieutenant
du Régiment de Dragons du Roi , que
S. M. vient de créer , le Comte de Creil ,
Sous- Lieutenant de la Compagnie des Grenadiers
de la Maifon du Roi .
Le Comte d'Egmont , Meftre de Camp du
I iij
Ré398
MERCURE DE FRANCE .
Régiment de fon nom , a été nommé Meſtre
de Camp du Régiment de Dragons , dont le
Chevalier de Mailly étoit Meftre de Camp ,
& le Régiment de Cavalerie , qu'avoit le
Comte d'Egmont , a été donné au Comte
de Bifache , fon frere , Capitaine dans le
Régiment de Dragons , Meftre de Camp
General.
Le Roi a nommé le 29 Janvier dernier ,
M. le Marquis du Châtelet , Maréchal de
Camp , Grand-Croix de l'Ordre Militaire
de S. Louis , cy-devant Major de la Gendarmerie
pendant les Campagnes de 1741 ,
1742 & 1743 ; il eft de l'ancienne Maifon
du Châtelet,Branche puînée de celle de Lorraine,
fortie en 1220 de Ferry, II . Duc de ce
Pays , & de Ludomille de Pologne ; Thierry ,
furnommé du Diable , leur fils puîné , eut
pour appanage la Baronnie du Châtelet, qui
a donné le nom à cette Maifon , dont la
defcendance eft prouvée par l'Histoire Généalogique
, que le célébre Dom Calmet
Hiftorien de Lorraine en a écrite & qui a
été imprimée à Nancy , chés Cuffon en 1741 ,
1 vol. in -fol. Nous en avons donné l'Extrait
dans le 1 vol. du Mercure de Juin 1741 .
Le 2 Février , Fête de la Purification
l'Académie Royale de Mufique fit chanter
au
4
FEVRIER. 1744. 399
au Concert fpirituel du Château des Thuilleries
, le Dixit Dominus , Motet de M. de la
Lande , qui fut fuivi d'un air de Flute , exécuté
par le Sr Blavet. On chanta enfuite un
petit Motet à voix feule du Sr Gaumé
après lequel le Sr Mondonville exécuta fur
le violon , un Concerto avec beaucoup de
précifion. Il y eut encore un petit Motet
à voix feule , Alma Dei Genitrix , du Sr
le Maire , très- bien exécuté ; on termina le
Concert par un Moter à grand choeur , Do
minus Regnavit , du Sr Mondonville .
Le 8 , la Cour étant à Verſailles , M. Deftouches
, Sur- Intendant de la Mufique de la
Chambre en femeftre , fit chanter devant la
Reine , la premiere & la derniere Entrée du
Ballet de l'Europe Galante.
Le ro , le 19 & le 17 , on concertà l'Opera
d'Armide , dont le premier rôle fut exécuté
avec beaucoup de fuccès ,
mainville.
, par
la Dlle Ro-
Le 22 & le 24 , on chanta devant la Rei
ne le Prologue, & les trois premiers Actes de
l'Opera de Tarfis & Zélie , dont l'exécution
fit beaucoup de plaifir.
Le 4 Février , les Comédiens François repréfenterent
à la Cour la Comédie des Menechmes
, qui fut fuivie de la petite Piéce du
Mariage Forcé. I iiij
Le
400 MERCURE DE FRANCE.
Le 11 , le Baron d'Albikrac , & le Galant
Jardinier.
Le 13 , la Tragédie de Mérope , fuivie de
Crifpin, Rival de fon Maître. Le jeune Laval,
& la petite Dlle Puvigné , danferent une
Entrée, qui fit beaucoup de plaifir.
Le 20 , la Tragédie de Rodogune , & la
Comédie du Philantrope , ou l'Ami de tout
le Monde.
Le 27 , la Tragédie d'Oedipe , de M. de
Voltaire & le Port de Mer.
Le 12 Février , les Comédiens Italiens reprefenterent
auffi à la Cour , le Défi d'Arlequin
& de Scapin , Comédie Italienne , en
cinq Actes.
Le 26 , Arlequin Médecin volant , Comédie
Italienne , avec des Intermedes , danfés
par les meilleurs fujets de l'Académie
Royale de Mufique.
Le Carnaval a été fort célébré à la Cour &
à Paris ; il y eut un très- grand concours au
Bal , qu'on donne tous les ans à la fin du
Carnaval , fur le Théatre de l'Opera ; il y a
eu encore quantité de Bals particuliers dans
differentes maifons de la Ville , des Concerts
, des Feftins , &c.
Lé du même mois 3 , il y eut un très-beau
Bal mafqué à la Cour , chés Mefdames de
France
FEVRIER. 1744. 401
France ; & le 18 , chés Monfeigneur le Dauphin
.
SENTIMENS des Parifiens , fur la
présence du Roi & de la Famille Royale , à
la représentation de l'Opera de Rolland , le
3 Janvier 1744.
Senfible à nos plus chers défirs ,
Senfible à notre zéle , & fi tendre & fi jufte ,
LOUIS, accompagné de fa Famille Augufte ,
Daigne en ce jour heureux partager nos plaifirs.
Dans un Spectacle , où l'Art prodigue des merveil-
Ies ,
Capables d'enchanter les yeux & les oreilles ,
Chacun n'eft attentif qu'aux bontés de fon Roi ,
LOUIS , pour un Peuple , qui t'aime ,
Il n'eſt rien de ſi doux , que d'admirer en toi
Le Monarque , le Pere , & le Citoyen même .
par
On aappris de Toulon , que les Efcadres
de France & d'Espagne, compofées de trente
Vaiffeaux ou Frégates , commandées M.
de Court , Lieutenant Général des Armées
Navales du Roi , étant forties du Port de
Toulon le 20 de ce mois , elles trouverent
le 12 , à quatre lieuës en Mer du
Cap Sicié l'Eſcadre Angloiſe , commandée
par l'Amiral Mathews ; le combat entre les
Eſcadres s'engagea à une heure après midi
I v &
402 MERCURE DE FRANCE.
& il dura jufqu'à la nuit. On attend le
détail circonftancié de cette Action ; on a
feulement appris des Côtes de Provence que
le feu a été très-vif pendant le combat , &
que l'Efcadre Angloife ayant gagné le large,
celles de France & d'Efpagne la pourfuivoient.
MORTS ET MARIAGES.
LE
E 28 Decembre dernier,D. Jacqueline- Charlotte
Brulart , veuve de Henry- Louis de Lomenie ,
Comte de Brienne , mourut à Paris , âgée de 83 ans;
elle étoit fille de Nicolas Brulart , Marquis de la
Borde, Premier Préfident au Parlement de Bourgo
gne , mort le 29 Août 1692 , & de D. Marie Cazet
de Vautorte , la premiére femme , morte en 1666.
Voyez la Généalogie de Brulart, dans l'Hiftoire des
Grands Officiers de la Couronne , au Chapitre des
Chanceliers , & pour celle de Lomenie , voyez
Hiftoire des Sécrétaires d'Etat , par du Toc , & le
IX. Volume des Grands Officiers , au Chapitre de
P'Ordre du Saint Efprit.
•
Le 31 , Eustache- François le Couturier , Seigneur
de Mauregard & du Mefni ! Madame Rance , Préfident
en la cinquiéme des Enquêtes du Parlement ,
du 19 Avril 1738 , Préfident Honoraire au Grand-
Confeil & auffi Maître des Requêtes Honoraire
mourut fubitement dans la Ste Chapelle du Palais ,
où il étoit entré pour faire fa priere en allant à fa
Chambre , dans la 6 année de fon âge. Il étoit fils
d'Euftache le Coufturier , Payeur des Rentes , &
Sécrétaire du Roi , & de Bonne Magdeleine de la
Salle ,
FEVRIER. 1744. 403
Salle , fa feconde femme ; il avoit été marié en premiere
nôces au mois d'Août 1703 avec Marie- Marguerite
Bofc , morte le 25 Décembre 1727 , & de
laquelle il a eû N....le Coufturier , Seigneur de
Mauregard , Confeiller au Parlement , & Commiffaire
de la feconde Chambre des Requêtes , du 20
Decembre 1743 , & Marie-Jeanne Louiſe le Couſturier
, née le 14 Decembre 1715 , mariée le 4 No-·
vembre 1734 , avec Charles- François de Montho- "
lon , Seigneur d'Aubervilliers , Confeiller au Parle
ment , morte le 20 Avril 1742.
Le 2 Janvier , D. Catherine Bofe d'Ivry , veuve
de Pierre Nigot , Seigneur de S. Sauveur , Préfident
de la Chambre des Comptes , avec lequel elle
avoit été mariée le 16 Fevrier 1700 , mourut à Paris
, laiffant de fon mariage Jacques Nigot , Seigneur
de S. Sauveur , Préfident en la même Chanbre
des Comptes , veuf depuis le 2 Janvier 1738 , de
D. Ogier, de laquelle il a plufieurs enfans . La D: de
S. Sauveur , qui vient de mourir , étoit foeur de M
Bofc , Procureur Général de la Cour des Aides , depuis
le 30 Decembre 1702 , & fille de Claude
Bofc , Seigneur d'Yvry-fur-Seine , Procureur Géné
ral de la même Cour des Aides , Confeiller d'Etat
ordinaire , & Prévôt des Marchands de la Ville de
Paris , mort le 15 Mai 1715 , & de D. Catherine-
Marie -Jacques de Vitry .
Anne- Louis Aftruc , Avocat au Parlement de
Touloufe, & Profeffeur en Droit François dans l'Univerfité
de la même Ville , mourut à Paris le 4 Janvier
, âgé de 58 ans & quelques mois , après avoir
rempli pendant 30 ans l'Emploi d'Avocat plaidant
dans le Parlement de Toulouſe ; il avoit été nommé
il y a dix ans à la place de Profeffeur en Droic
François, dont il s'aquittoit avec diftinction . Il avoit
été Capitoul à Toulouſe, Député par cette Ville aux
I vj Etats
404 MERCURE DE FRANCE.
Etats de la Province , & chargé par les Etats de porter
le Cahier à la Cour , & il avoit rempli tous ces
Emplois à la fatisfaction du Public. Il a laiffé plu-·
fieurs Traités fur le Droit François , qu'il eft à fouhaiter
que fes Héritiers donnent au Public.
Le Pere Etienne Souciet , de la Compagnie de
Jefus, connu dans la République des Lettres par fon
érudition , mourut au Collège de Louis le Grand le
14 de ce mois.
Le 18 , Louis Ovide Chibert , Confeiller dei
la Cour des Aides , où il fut reçû le 26 Mars 1695 ,
mourut à Paris,dans la 78 année de fon âge , Il étoit
fils aîné de Louis Chibert , Auditeur en la Chambre
des Comptes de Paris , & de Marie Megillier, morte
le 32 Septembre 1710 ; il avoit été marié avec D.
Marie André , qu'il laiffe veuve & mere de Marie
Chibert , fille unique , mariée avec Antoine de
Gars , Seigneur de Fremainville , Confeiller au Parlement
de Paris , en la troifiémé des Enquêtes , depuis
le premier Septembre 1731 .
Le 19 , Etienne Canaye , Seigneur de Montereau-
fur - Montreuil , de Malval , & des Roches ,
Doyen du Parlement de Paris , depuis le mois de
Mai 1737 , où il avoit été reçû Confeiller dès le
28 Janvier 1685 , mourut à Paris , dans la 96. année
de fon âge ; il étoit fils de Jacques Canaye , Seigneur
des Roches, mort Sous Doyen du Parlement
le 23 Septembre 1686 , & de D. Esperance Fautrier
de Malval ; il avoit époufé le 20 Avril 1689 ,D . Marie-
Jeanne Garnier , Dame de Montereau , & il en
avoit eû Etienne Canaye , ci- devant Prêtre de la
Congrégation de l'Oratoire , dit aujourd'hui l'Abbé
Canaye , Affocié Véteran de l'Académie Royale
des Infcriptions & Belles Lettres , depuis l'an 1728 ,
& Jacques Etienne Canaye , Maître des Requêtes
Ordinaire de l'Hôtel du Roi , mort fans enfans le
i. 2
FEVRIER. 1744. 405
2. Juillet 1732 ; ainfi la Famille de Canaye , l'une.
des bonnes Familles de la Robe de Paris , où elle eſt
connue depuis plus de 250 ans , ne fubfifte plus que
dans la perfonne de M. l'Abbé Canaye .
Le 29. Le Sr Hyacinthe Rigaud , Chevalier de
l'Ordre de S. Michel , Peintre ordinaire du Roi ,
ancien Recteur & Directeur de l'Académie Royale
de Peinture & de Sculpture ', mourut à Paris , âgé
de 84 ans , il s'étoit acquis une grande réputation
par fes Ouvrages , & il étoit regardé , avec juftice ,
comme un des premiers Peintres de ce fiécle.
Le 30 , Alexandre-Denis de Nyert , Marquis de
Gambais , Seigneur de la Neuville , Premier Valet
de Chambre du Roi , Capitaine & Concierge du
Château du Louvre , mourut à Paris , âgé de 34 ans;
il étoit fils unique de feu Louis de Nyert , Marquis
de Gambais , Seigneur de la Neuville , Premier Va,
Jet de Chambre du Roi , Gentilhomme ordinaire de
fa Maifon , Lieutenant de Roi en Franchecomté
Gouverneur de la Ville de Limoges , Capitaine &
Concierge du Château du Louvre , mort à Paris le
27 Mars 1736 , & de N ... Marfollier ; petit- fils de
François de Nyert , Marquis de Gambais , Seigneur
de la Neuville , Premier Valet de Chambre du Roi,
Gentilhomme ordinaire de fa Maiſon , & Bailly
d'Amont , au Cointé de Bourgogne , & arriere petitfils
de Pierre de Nyert , Premier Valet de Garderobe
, puis Premier Valet de Chambre du Roi , &
Maître d'Hôtel de S. M. mort à l'âge de S5 ans , le
13 Fevrier 1682 ; ainfi M. de Nyert , qui donne lieu
à cet article , étoit le quatrième de fon nom , qui
de pere en fils poffedoit cette Charge de Premier
Valet de Chambre du Roi.
La nuit du 20 au 21 Janvier , Charles - Antoine de
Gontault-Biron , Marquis de Gontault , Colonel du
Régiment
406 MERCURE DE FRANCE.
Régiment d'Infanterie de Biron , & Brigadier des
Armées du Roi , du 20 Février 1743 , fils de Charles-
Armand de Gontault , Duc de Biron , Pair &
Maréchal de France , & Chevalier des Ordres du
Roi , &c. & de feuë D. Marie- Antonine de Bautru
Nogent , morte le 4 Août 1742 , fut marié avec Dlle
Antoinette-Euftachie Crozat du Chaftel , fille de
Louis- François Crozat, Marquis du Chaſtel, en Bretagne
, Maréchal des Camps & Armées du Roi , du
premier Mars 1738 , & de D. Marie-Thérefe - Ca .
therine Gouffier de Heilly , mariée le s Septembre
1722 , & petite - fille d'Antoine Crozat , Marquis
de Mouy & du Chaftel , Commandeur & Grand
Tréforier des Ordres du Roi , mort le 7 Juin 1738 ,
& de D. Marie- Margueritte le Gendre , morte le 91
Septembre 1742. Il fuffira de dire ici que la Maifon
de Gontault Biron eft une des plus anciennes & des
plus illuftres du Royaume , comme on le peut voir
dans la Généalogie qui en eft rapportée dans l'Hif
toire des Grands Officiers de la Couronne , Volume
VII , fol. 29.
Le 21 , René Nicolas - Charles- Auguftin de
Maupeou , Préfident à Mortier au Parlement de Paris
, fils aîné de René - Charles de Maupeou ,
Chevalier , Vicomte de Bruyeres , Premier Préfident
au même Parlement, & de D. Anne - Victoire de
la Moignon - Courfon , fut marié avec Dile Anne-
Marguerite-Thérefe de Roncherolles , fille unique
& héritière de feu Charles- Michel - François Anne-
Thomas Sibille de Roncherolles , Marquis de Roncherolles
, & de D. Angélique- Marguerite de Jaf
faud, à préfent femme de M. le Marquis de Canil- '
lac , de la Maiſon de Montboiffier.
ARFEVRIER.
17440 407
ARRESTS NOTABLES.
RDONNANCE du Roi , du 27 Septembre
dernier , portant création d'un Régiment
de Cavalerie légere de douze Compagnies de cine
quanteMaîtres chacune .
AUTRE du 30 , portant augmentation de trente
hommes en chacune des quarante Compagnies des
cinq Bataillons du Régiment Royal- Artillerie , le
réglement de leur compofition nouvelle & de leur
folde .
DECLARATION du Roi , qui régle la préfé
tence entre differens Gradués prétendant droit au
même Bénéfice . Donnée à Fontainebleau le 2 Ocbrs
1743. Registrée en Parlement le 28 Novembre
fuivant. Ladite Déclaration contenant fept Articles ,
dont S. M. ordonne l'exécution felon fa forme &
teneur,
AUTRE , pour l'inftruction des affaires Criminelles
, dans les Elections & Greniers à Sel. Donnée à
Fontainebleau le 16. Octobre 1743. Registrée en
la Cour des Aides le 4 Décembre fuivant .
ARREST du 6 Décembre , qui commet le fieur
Tapin , Lieutenant de Robe- courte , pour au lieu
& place du fieur Néel, veiller à l'exécution de l'Arrêt
du Confeil du 14 Septembre 1741 , portant Reglement
pour le tranfport des Marchand fes de Librairie
venant de Rouen à Paris , par lequel S. M.
a commis & commet le feur Tapin Lieutenant de
Robe-courte , pour au lieu & place du fieur Néel ,
veiller
408 MERCURE DE FRANCE.
veiller à l'exécution de l'Arrêt de Reglement du 14
Septembre 1741 , & pour pourfuivre à fa requête ,
devant le fieur Feydeau de Marville , Lieutenant
Général de Police , la punition detoutes les contraventions
qui auront été conftatées contre les difpofitions
dudit Arrêt de Reglement , enſemble pour
faire , tant pour l'exécution dudit Reglement , que
pour celle des Jugemens qui feront rendus par ledit
Geur de Marville , toutes les pourfuites & procédu
res qu'il jugera néceſſaires , &c .
AUTRE du 10 , qui renouvelle les défenfes
portées par les précédens Arrêts & Réglemens , à
tous Imprimeurs de Paris & des autres Villes du
Royaume , d'imprimer aucun Mémoire , fous quelque
titre & dénomination que ce foit , dans les af
faires portées dans les Confeils du Roi , ou dans les
Commiffions qui en font émanées , fans que lefdits
Mémoires foient fignés d'un Avocat au Confeil ; &
qui fupprime cinq Mémoires imprimés dans des
inftances pendantes aux Confeils du Roi, fans fignature
d'Avocat auxdits Confeils & fans nom d'Imprimeur
, avec amende , tant contre les Parties que
contre les Imprimeurs.
SENTENCE de Police du 13 , qui condam
ne le nommé Royer , Vacher , en cent livres d'amende
, pour avoir nourri fes Beftiaux de Dreſche
corrompuë , contre la difpofition des Ordonnances
de Police.
AUTRE du 20 , qui ordonne aux Maîtres
Chandeliers , de fournir fuffifamment de Chandelles
les Places qu'ils doivent occuper à la Halle , tous les
Samedis de chaque femaine ; & condamne à l'amende
les Jurés de la Communauté des Maîtres
ChanFEVRIER.
1744 409
Chandeliers , pour n'avoir pas tenu la main à l'exécution
des Réglemens de Police faits fur ce ſujet.
AUTRE du même jour , qui condamne le
nommé Lucas , Marchand Boucher , en cinq cent
livres d'amende , pour avoir contrevenu aux Réglemens
de Police , concernant la vente du Suif.
ORDONNANCE du Roi du 22 , pour aug
menter un fecond Enfeigne en chacune des Compagnies
du Régiment de fes Gardes- Suiffes , à commencer
du premier Janvier 1744 .
AUTRE du premier Janvier 1744 , portant
création d'un Régiment de Troupes légeres , tant à
pied qu'à cheval , fous le nom d'Arquebufiers de
Graffin , compofé de 1200 hommes , dont 900 à
pied , & 300 à cheval.
SENTENCE de Police du 10 , qui fait défenfes
aux Maîtres à danſer de tenir Affemblée de danfes
les jours de Dimanches & de Fêtes ; & condamne
à l'amende le nommé Chalomet , Maître à
danfer , pour y avoir contrevenu.
ORDONNANCE du Roi du 30 , pour la
formation d'un Régiment d'Infanterie , composé de
trois Bataillons avec grand Etat-Major , fous le titre
de Royal-Lorraine.
AUTRE du premier Février , pour régler un
habit uniforme aux Officiers Généraux employés
dans les Armées de Sa Majefté , par laquelle S. M.
ordonne que ceux de fes Lieutenans Généraux &
Maréchaux de Camp , qu'elle a jugé à propos d'em--
ployer à l'avenir dans fes Armées , feront tenus de
por410
MERCURE DE FRANCE.
porter pendant tout le cours de la Campagne , un
habit non croifé , de couleur vulgairement appellée
Bleu de Roi , orné d'un bordé de broderie d'or en
forme de galon , conformément à l'échantillon qui
reftera annexé à la minute de la préfente Ordonnance
: avec la feule difference entre les Lieutenans
Généraux & les Maréchaux de Camp , que les premiers
auront le bordé double fur les manches & fur
les poches , & que les Maréchaux de Camp n'auront
que le bordé fimple.
ARREST du 4 , qui accorde la remife des
deux fois pour livre des augmentations de Finance
, ordonnées être payées en vertu des Edits &
Déclaration du mois de Décembre 1743 , en payant
par les Officiers y dénommés , dans les délais preferits
, les fommes pour lefquelles ils fe trouveront
compris dans les rôles arrêtés au Confeil.
AUTRE du même jour , qui en caffe un du
Parlement de Dijon , du 12 Juillet 1743 , pour
avoir annullé un Procès- verbal , fous prétexte que
les Commiffions des Employés qui l'ont dreffé , ne
fe font pas trouvées enregistrées au Greffe des Jurif
dictions où ils ont prêté ferment , quoiqu'elles fuffent
revêtues de l'Acte de preftation de Serment , mis
fur icelles par les Greffiers defdites Jurifdictions , &
ordonne l'exécution d'une Sentence du Grenier à
Sel de Louhans , par laquelle le nommé Claude
Guillard a été condamné en deux cent livres d'amende
, pour faifie domiciliaire de Sel blanc , trouvé
chés lui.
AUTRE du même jour , qui déboute les Seigneurs
, Habitans & Communautés des Villages ,
Hameaux & Cenfes d'Argoules , Petit - chemin , Dominais
,
FEVRIER. 1744 411
minois , Beaucamp , Wailly , Berck , Groffler , Wa
ban , Verton , Saint- Aubin , Merlimont , Conchille
-temple , Noyelle , Tigny , Nampont , Vron &
Baillon , de leurs demandes ; & ordonne l'exécution
des Arrêts du Confeil , & Lettres Patentes des 13
Avril & 24 Juin 1743 , par lefquels ils ont été affujettis
aux Droits établis dans la Province de Picardie
, à laquelle ils ont été réunis.
ORDONNANCE du Roi du 7 , fur le fervice
& le rang des Ingénieurs , par laquelle S. M.
ordonne l'exécution des LXVII Articles , contenus
en ladite Ordonnance , &c.
*
ARREST du 11 , pour la prife de poffeffion
de la Ferme , tant du fol pour livre du prix de tous
les Beftiaux fans exception , qui feront vendus dans
les Marchés de Poiffy & Scéaux , encore bien que
la bourſe ne l'ait pas avancé , pour être payé par les
Vendeurs defdits Beftiaux , que des Droits actuellement
perçus dans lefdits Marchés , fous le nom de
Dominique Antoine Huel ; & pour la réfiliation dur
Bail fait à Pierre le Cocq , portant attribution au
Sr Lieutenant Général de Police , de toutes les conteftations
, tant à l'occafion du Coinmerce defdits
Marchés , que fur l'exécution de l'Edit & Déclaration
du mois de Décembre 1743 , concernant l'établiffement
dudit fol pour livre dans leſd. Marchés.
AUTRE du 18 , qui ordonne que les gages
échus & à échéoir , des Officiers des Bureaux des
Finances des Chancelleries près les Cours , & autres
dénommés dans les rôles qui font ou feront arrêtés
au Confeil , en vertu des Edits du mois de Décembre
1743 , & fur lefquels il fe trouve des oppofitions ou
autres empêchemens , feront payés par les Payeurs
defdits
412 MERCURE DE FRANCE.
defdits gages , à la décharge defdits Officiers , au
Tréforier des revenus cafuels de Sa Majeſté , juſqu'à
concurrence des augmentations de Finance que lefdits
Officiers doivent payer.
{
TABLE .
P
IECES FUGITIVES . Accord de la Raifon & de
la Foi , Ode , 203
Réponse de M. Liger à M. de la Cofte ,
211
Allégorie ,
215
218
222
Difcours fur l'amour du bien public ,
Epitre à mes yeux ,
Réponse à une Queftion propofée dans le Mercure
de Mai dernier ,
Ode tirée du Pfeaume V. Verba mea , &c
Difcours prononcé par M. Freydier , & c.
Ode XV . d'Horace , Livre IV. Traduction ,
217
233
237
240
Mémoire Hiftorique de M. Julien le Roy , fur
l'Horlogerie ,
Traduction d'une autre Ode d'Horace ,
242
250
Difcours par M. Carré, fur le Sujet proposé par l'Académie
Françoile pour le Prix d'Eloquence , en
l'année 1743. 252
Epitre en Vers à Mrs de l'Académie Royale des Belles
Lettres de Marſeille ,
Deffenfe des Incommenfurables ,
Le Travail & le Plaifir , Fable ,
274
278
286
291
298
Lettre fur la Defcription de la Haute Normandie ,
Ode fur le commencement de l'année ,
Réponse à une Queſtion propofée dans le Mercure
de Juin , 303
305
Remerciment en Vers à M. l'Abbé de ***
Le Monde & fa Societé , Difcours prononcé par un
Avocat
Avocat de S. Etienne en Foreft ,
Epitre en Vers , écrite de Fontainebleau ,
306
312
Extrait de Lettre fur une Théfe foutenue à Angers ,
f 315
Vers à Mlle d'Aligny , & c.
318
Lettre de M. Tanevot fur la mort de M. le Coufturier
, 319
Vers fur le même fujet , 320
Extrait de Lettre fur le Diftique de Virgile , Nocte
pluit tota ,
& c .
Enigmes & Logogryphe ,
321
323
¡
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS , &c,
Vie de Marie Lumague , Extrait ,
Traité général des fubfiſtances Militaires , Extrait ,
326
328
Les Commentaires de Céfar , nouvelle Traduction ,'
334
OEuvres de S Bazile , 335
Imperium Orientale , & Liturgia Orientalis , 336
La Hongrie & le Danube ,
ibid.
Théologie des Inſectes ,
ibid.
Cours de la Science Militaire ,
ibid.
Dictionnaire de Marine , 336
L'Art de bâtir les Vaiffeaux ,
ibid.
Hiftoire de l'origine de l'Imprimerie , &c.
ibid.
Les OEuvres de Mariotte ,
ibid.
Les Comédies de Plaute ,
ibid.
Mémoires fur le Portugal ,
ibid.
Lettres de Critique , & c.
ibid,
Anacreontis Teii Oda , ¿c. 338
Biblia Graca ,
ibid.
Bibliotheca Belgica ,
ibid.
La Cité miftique de Dieu ,
ibid.
Hiftoire de la Guerre ,des Pays- Bas ,
ibid.
Hiftoire Chronologique des Papes , & c.
ibid.
Hiftoire de Jacques II. Roi d'Angleterre ,
Fundamenta Medicina reformata ,
ibid.
ibid.
Anatomia
Anatomia Corporis humani ,
ibid.
Analyfe Géographique , 3394
Tables Chronologiques de l'Hiftoire Univerfel
le ,
ibid. to
Opera Joannis Bernoulli , ibid.
Traité de la Manoeuvre des Vaiffeaux 349
Jacobi Bernoulli Opera ,
ibid.
Théorie de la figure de la Terre ,
ibid.
Traité de Dynamique ,
ibid
Genera Plantarum , 347
Catalogue raifonné des Curiofités du Cabinet du
feu M de Lorangere , Extrait ,
Hiftoire Générale de la Marine , Extrait ,
ibid.
352
La Médecine Militaire , 355
Livres nouveaux chés Briaffon , 356
Difcours prononcés à l'Académie de Pétersbourg ,
Extrait , 357
Affemblée de la nouvelle Académie des Sciences de
1
› Berlin ,
Eftampes nouvelles ,
Livres de Mufique ,
Nouvelles Cartes ,
Remédes pour les Dartres , &c.
Chanfon notée ,
Spectacles , Extrait de Zeneïde , Comédie ,
365
366
367
368
369
370
ibid.
Madrigaux aux Dlles Gautier & d'Angeville , 378
Reprife de Mérope par les Comédiens François ,
379
Le Prologue du Ballet des Indes Galantes , l'Acte
des Incas , & les Amours de Radegonde , repréfentés
à l'Opera , 380
ibid.
La Dlle Maitz, nouvelle Actrice de ce Théatre ,ibid.
Les Mariages affortis , nouvelle Piéce , repréſentée
par les Comédiens Italiens ,
Reprife par les mêmes Comédiens du Je ne fçais
quoi ,
Ouverture de la Foire S. Germain , & de l'Opera
381
Comique
Comique, & les Piéces jouées fur ce Théatre, 382
Nouvelles Etrangeres , Allemagne > 383
agne ,
390
Cortugal , Génes & Iſle de Corſe , 391
392 Grande- Bretagne ,
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. ibid.
Le Recteur préſente des Cierges au Roi , à la Reine
& à Monfeigneur le Dauphin,
ibid
Le Pere Brabant en préfente un à la Reine , ibid.
Le Roi , la Reine & la Famille Royale aſſiſtent à la
Bénédict.des Cierges le jour de la Purification, 393
Leurs Majeftés entendent la Meffe de Requiem pour
l'Anniverfaire de Madame la Dauphine , Mere du
Roi ,
Gouvernement de Condé donné par le Roi au Comte
de Danois ,
394
ibid.
M. de Ceberet nommé Commandeur de l'Ordre de
S. Louis , & le Marquis du Châtelet , fait Grand
Croix du même Ordre , ibid.
Service pour l'Anniverfaire de l'Ab de Soubife, ibid.
Difcour du P.Geoffroi,fur l'Amour de la Patrie , 395
Bénédiction des Drapeaux des Gardes Françoifes &
Suiffes ,
396
La Roi & la Reine entendent la Meffe de Requiem ,
pour l'Anniverfaire de Monfeigneur le Dauphin
Pere de S. M. ibid.
M. de Vanolles , M. de Serilly , & M. de Caze ,
nommés Intendans , 397
Gouvernemens de Thionville & du Fort Barraux ,
donnés aux Marq. de Creil & d'Herouville , ibid.
Le Comte de Creil nommé Meſtre de Camp du Régiment
de Dragons du Roi , ibid.
Le Comte d'Egmont fait Meftre de Camp d'un Régimnet
de Dragons . & le Comte de Bifache fait
Colonel de Cavalerie ,
Concert Spirituel au Château des Tuilleries ,
Concerts clés la Reine,
398
399
ibid.
Piéces
ANG
ibid.
Piéces repréſentées à la Cour ,
Le Carnaval célébré à la Cour & à Paris ; Bals
chés Monſeigneur le Dauphin & Meſdames de
France , 400
Sentimens des Parifiens fur la préſence du Roi & de
la Famille Royale à la repréſentation de l'Opera
de Rolland , 401
Combat naval entre les Efcadres de France & d'Ef
pagne & , l'Efcadre Angloife ,
Morts & Mariages ,
Arrêts notables ,
P
Errata de Janvier.
ibid.
402
407-
Age 191 , ligne derniere , &c . places , lifez , &
autres Places
P. 197 , l. 13 , Gabriel , l . Gabriel - Marie.
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 223 , ligne derniere , voles , lifez , voiles ,
P. 23514 , mettez un point d'interrogance après
homicide.
P. 243 , l . 17, & p. 249, l . 16 , pouçoir , 1. pouffoir.
P. 267 , l . 19 , flatteur , l . flateurs.
P. 282 , l. 17 , un , 1. une.
P. 3.00 , 1. 3. , ne mettez
qu'une
virgule
après
finiftres
.
P. 307 , 1. 17 ,
1.Etat. état ,
Ibid
. 1.
derniere
, ft , eft.
P. 340, 1. 17 , d'Optique. l . d'Optique ,
P. 345 , l. 12 , bien , l' beau.
P. 346 , 26, croyoit , l. croiroit .
P. 348 ; 1.8 & 9 , embaraffé , l . embarraffé.
P. 365 , l . 13 , antres , I , autres.
P. 372 , 1. 19. craint , 1. crains .
Ibid. 1. 20 , ne mettez qu'une virgule après laideur.
P. 382 , 1. 19 & 20 , precedées . L. precedée.
P. 390 , 1. 7 du bas , enlevé , l . enlevée.
La Chanfon notée doit regarder lapage 370
MERCURE
DE FRANCE .
DÉDIÉ AU ROI.
MAR S.
1744 .
URICOLLIGIT
SPARGIT
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
rue S. Jacques.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XLIV .
Avec Approbation & Privilege du Ro
A VIS.
L'ADRESSE à
'ADRESSE générale eft à Monfieur
MOREAU , Commis au Mercure , visà-
vis la Comédie Françoife , à Paris. Ceux qui
leur commodité voudront remettre leurs
pour
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent fefervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eſt
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter , & à ceux qui les
envoyent , celui , non-feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de les perdre
, s'ils n'en ont pas gardé de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir leMercure de France de la premiere main ,
&plus promptement , n'auront qu'à donner leurs
adreffes à M. Moreau , qui aura foin de faire
leurs Paquets fans perte de tems , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meſſageries
qu'on lui indiquera,
PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU RO I.
MARS
1744.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LES MERVEILLES DE DIEU
DANS L'HOMME ,
ODE qui a concouru pour le Prix à l'Académie
des Jeux Floraux, en l'année 1743.
O Toi, dont la bouche infidelle
S'éleve follement contre le Dieu des Dieux ,
Faut-il , pour te confondre , à ton efprit rebelle
Tracer le Spectacle des Cieux ?
Faut- il te découvrir la ftructure des Plantes ?
T'offrir ces Machines vivantes
A ij 'Dont
A VIS.
L
' ADRESSE générale eft à Monſieur
MOREAU , Commis au Mercure , visà-
vis la Comédie Françoife , à Paris. Ceux qui
pour leur commodité voudront remettre leurs
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent fefervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter , & à ceux qui les
envoyent , celui , non-feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de les perdre
, s'ils n'en ont pas gardé de copie .
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir leMercure de France de la premiere main ,
plus promptement, n'auront qu'à donner leurs
adreffes à M. Moreau , qui aura foin de faire
leurs Paquets fans perte de tems , & de lesfaire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meſſageries
qu'on lui indiquera,
PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROI.
MARS 1744 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers en Profe.
LES MERVEILLES DE DIEU
DANS L'HOMME ,
ODE qui a concouru pour le Prix à l'Académie
des Jeux Floraux, en l'année 1743.
O Toi, dont la bouche infidelle
S'éleve follement contre le Dieu des Dieux ,
Faut- il , pour te confondre , à ton efprit rebelle
Tracer le Spectacle des Cieux ?
Faut-il te découvrir la ftructure des Plantes ?
T'offrir ces Machines vivantes
A ij Dont
420 MERCURE DE FRANCE .
Dont Dieu peupla les Eaux & la Terre & les Airs !
Non, non pour voir fans ceffe agir l'Etre fuprême,
Rentre en ton propre fein ; tu portes dans toi même
L'abbregé de tout l'Univers .
Tu voudrois fermer ta paupière ,
Pourne point rendre hommage au Soleil qui teluit
Inutiles efforts ! Une vive lumiére
Partout , malgré toi , te pourſuit.
Ici , de ta raifon la liaiſon intime
Avec la poudre qu'elle anime ,
T'annonce hautement le fage Créateur .
Là , chacun de tes pas , que fa feule main guide ,
Tes divers fentimens , aufquels lui feul préfide ,
Te rappellent à leur Auteur.
Qui prit le foin de ta naiffance ?
Eft-ce Dieu , le hazard , ou l'homme , ou le néant ?
Le hazard n'eft qu'un nom , le néant qu'impuiſfance
;
Tout Mortel d'un autre dépend.
Ne cherche donc qu'en Dieu la fource de ton Etre
Vois dans lui ce Souverain Maître ,
Qui daigna te ravir au noir ſein de la nuit .
A tout moment pour toi ſa bonté ſe ſignale ;
Il t'arrache au néant , & fa main libérale ,
En te confervant , te produit.
Tu
MARS. 1744. 42 F
Tu te meus , tu fens & tu penſes,
Compofé merveilleux & d'efprit & de corps ;
Mais dis moi , quel lien unit ces deux ſubſtances ?
Conçois-tu quels font leurs accords ?
Quel rapport peut avoir une lourde matiére
Avec cette raiſon altiére ?
Qui mefure les Cieux , qui fonde l'Océan ? -
Apprends-moi... mais en vain tu te donnes la gêne,
Il n'eft pour les unir, il n'eft point d'autre chaîne,
Que le vouloir du Tout-Puiffant.
L'odeur d'une Rofe t'enchante ;
Tu te plais à goûter un fruit délicieux ;
Une douce harmonie , une couleur brillante ,
Charment ton oreille & tes yeux .
Qu'on te bleffe ; faifi d'une douleur amére ,
Tu veux , mais en vain , t'en diftraire.
Dis-moi, d'où viennent ils ces plaifirs, ce tourment ?
Des corps , ah ! quelle erreur ! connois mieux leur
nature ;
En vain je les agite , & change leur figure ,
Je n'en tire aucun fentiment.
Diras-tu que c'eft ton adreſſe ,
Qui produit dans ton coeur ces fentimens divers ?
Fais donc taire au plûtôt la douleur qui te preffe ;
Répands mille odeurs dans les Airs .
A iij Tu
422 MERCURE DE FRANCE.
Tu ne peus,...infenfé ! pourquoi donc méconnoître
La puiſſante main de cet Etre ,
Qui verfe tour à tour & la joye & les pleurs ?
Grand Dieu , ceffe d'agir ... Ciel ! quel cahos hor
rible !
L'Aftre du jour s'éteint ; je deviens inſenſible :
Tout périt , fons , lumiére , odeurs.
Pourquoi , nourri dans l'abondance ,
Ce Créfus pouffe- t'il mille profonds ſoupirs ?
Pourquoi ce vil Mortel , au fein de l'indigence ,
Vit-il fans befoins , fans défirs ?
Ah ! je vois . Loin du toît où l'indigent habite ,
Dieu même écarte & met en fuite ,
Et les fombres chagrins & les cuifans foucis ;
Et par un ordre exprès de fà main vengereffe ,
Voltigent les remords & la noire trifteffe
Autour des plus brillans lambris.
Vaftes défirs d'un bien immenſe ,
Comment avez- vous pû vous former dans mon fein?
D'où vient que je conçois la flateufe efpérance
D'un bonheur , qui n'a point de fin ?
Moi , pareil à la fleur que le matin vit naître ,
Et que le foir voit difparoître ,
Je vole à l'infini . D'où me vient ce défir ?
Sont-ce les biens préfens vers lefquels je foupire ?
Eh.
MARS. 1744.
423
Eh ! puis- je m'y tromper ? c'eft Dieu feul qui m'inf
pire
Des voeux que Dieu feul peut remplir.
Malheureux efclave du vice ,
Comment de la Vertu puis- je honorer les traits
Même en te combattant
Juftice !
comment puis-je › &
Admirer , aimer tes attraits ?
Effet trop évident de la raifon fuprême !
Elle donne à l'injufte même ,
Dans les plus grands excès de févéres leçons ;
En vain il fe dérobe à cette pure flame :
Le Soleil éternel fçaura bien dans fon ame
Faire entrer fes brûlans
rayons.
J'apperçois une autre merveille :
Viens done ; efforçons- nous d'en connoître l'Auteur.
Je parle : l'air battu va frapper ton oreille ;
Auffi tôt tu lis dans mon coeur.
Qui peut jufques à toi tranſporter ma penféer
Eft-ce que pour t'être annoncée ,
A l'Air , à la Matiére , elle daigne s'unir ?
Quel prodige ! mais non ... ce qu'un autre homme
penfe ,
Si Dieu n'agit dans toi , jufqu'à ta connoiffance
Ne pourra jamais parvenir.
A. iiij. Ce
424 MERCURE DE FRANCE.
Ce corps , cette vivante Argile ,
Qui me fert de priſon , reconnoît mon pouvoir.
Si je veux qu'il fe meuve , à mes ordres docile ,
Il s'empreffe de le mouvoir.
Si d'un prompt mouvement au repos je l'appelle ,
Je le vois plein du même zéle ,
Se hâter à l'.nftant d'obéir à ina voix :
Pour feconder mes voeux avec lui tout confpire.
Tel un Prince abfolu voit de ſon vafte Empire
Les Sujets foumis à ſes Loix.
Mais quoi ! n'eft-ce pas trop étendre
Des droits que la Nature a pris foin de borner
Conçois-je bien qu'un corps foit capable d'entendre
L'ordre que j'ofe lui donner ? ¿
Sçais- je dans quels canaux cette flâme ſubtile ,
De mes membres premier mobile ,
Doit promptement couler ,pour ébranler mon corps?
Je l'ignore , fans doute , & ma fierté balance.
Pour reconnoître , & Dieu , que ta feule Puiffance
Peut faire mouvoir fes refforts !
Quelle eft frêle cette machine ,
Que Dieu voulut unir à mon Etre penfant !
Je ne puis qu'admirer , lorfque je l'examine ,
Que je puiffe vivre un inftant .
Mille foibles canaux dont elle eft fillonnée ,
Pour
MARS.
425 1744.
Pour abreger ſa deſtinée ,
Aiment à fe prêter un mutuel fecours.
Un rien en peut troubler l'admirable harmonie ;
Et je joüis encor d'une fort longue vie !
Grand Dieu , tu veilles fur mes jours.
**
Il eſt donc vrai ; l'Etre ſuprême
Jufqu'à de vils Mortels daigne étendre fon bras,
J'en appelle à témoin , fans fortir de moi-même,
Tous mes fentimens , tous mes pas.
Ciel !quel aveuglement de ne pas reconnoître
La main , fans laquelle notre Etre
S'écroule à tout moment , s'il n'en eft foutenu !
Qui méconnoît , ô Dieu , ton active préſence ,
Mérite d'être enflé d'une fauffe ſcience ,
Et d'être à lui- même inconnu.
Signatum eftfuper nos lumen vultus tui , Domines
PL. IV.
A v RE
426 MERCURE
DE FRANCE
.
淡淡說洗洗洗洗光光說洗洗洗洗洗洗
-REPONSE
du R. P. Dom du Pleffis ,
à la Lettre de M..... inférée dans le
J
Mercure de Février 1744.
PREMIERE PARTIE,
"Ai lû quelque part ,
Monfieur , que la
deftinée des bons Livres eft d'être critiqués.
Le mien a déja foutenu bien des affauts
; les Journalistes de Trévoux , l'Auteur
des Obfervations fur les Ecrits . modernes
, M. Clérot , Avocat de Roüen , M. Terriffe
, Abbé de S. Victor en Caux , enfin le
Sous - Bibliothécaire de la Cathédrale de
Rouen , l'ont attaqué , la plûpart à diverſes.
reprifes & fans ménagement , mais auffi
fans
du moins fans aucun avan- avantage ,
tage confidérable. Ils n'ont prefque retiré
d'autre fruit de leurs Ecritures , que celui
de nous perfuader qu'en fait de Critique ils
ont , genéralement parlant , le talent de
trouver bon ce qui eft mauvais , & mauvais
ce qui bon .. Tant d'efforts , inutilement re-
Doublés , ne vous ont point découragé, M ..
du fond de votre Séminaire , & à peine forti
de vos études Claffiques , vous avez crû
pouvoir courir les mêmes rifques & franchir
un écueil , où de plus habiles gens , que
vous ,
MAR S. 1744. 427
.
yous, ont fait naufrage . Voyons fi vous vous
en tirerez avec honneur.
D'abord , dites- vous , que d'étymologies ha
zardées ! Eh , M. laiffez-là les étymologies
elles ne font que de furcroît dans mon Livre
, dont l'effentiel & la feule chofe , à laquelle
vous deviez vous attacher , roule
uniquement fur la Géographie & fur l'Hifroire.
D'ailleurs il ne faut prefque que du
zéle pour hazarder des étymologies , &
ce zéle eft toûjours louable. Mais pour juger
fainement de celles de notre Langue
il faut fçavoir du Latin , du Grec , de l'Hébreu
, du Celtique , du Teutonique , de
l'Anglois , de l'Italien , de l'Eſpagnol ; &
très-certainement vos connoiffances ne s'étendent
pas juſques là ; enforte qu'à l'exemple
de ceux qui vous ont précédé , vous
pourriez fort bien approuver une mauvaiſe
étymologie , & en condamner une bonne .
"
Il n'étoit pas difficile , ajoûtez-vous , de
fçavoir tous les SS. Patrons des Paroiffes. La
jeuneffe ne doute de rien , comme on dit.
Pour moi j'avoue que la chofe ne m'a pas
paru aifée , & j'en ai expliqué les raifons à
la page 252 de mon premier Tome. Vous ,
M. qui y trouvez fi de difficulté , que
n'entreprenez - vous vous - même ce petit
travail Il vous coûteroit peu , & nous vous
en aurions beaucoup d'obligation ; mais êtespeu
A vj
Vous
428 MERCURE DE FRANCE.
vous bien propre à y réüffir ? Vous ne nous
donnez que le Patron d'une feule Paroiffe
de votre Diocèfe , & encore l'avez- vous
méconnu . J'ai vê , dites-vous , faire la Fête
de S. Catald à Bondeville , comme du Patron,
l'Auteur n'en dit rien. Pardonnez -moi
M. lifez ce que j'obferve à la page 253 ,
qu'en bien des endroits une Confrérie de dé
votion envers un Saint , a fait difparoître le
culte plus ancien du véritable Patron de la Paroiffe
.Voila apparemment le cas de la Paroiffe
de Bondeville ; car cette Eglife n'a jamais
eû pour Patron que la fainte Vierge ; vous
n'en trouverez point d'autre , foit fur les
Regiftres du Sécretariat de l'Archevêché ,
foit dans les aveux & dénombremens produits
aux deux Chambres des Comptes de
Paris & de Rouen ; ( ici les Monumens ne
varient point. ) Et fi cela eft ainfi , comme
je vous le garantis , il faut bien que S. Catald
ne foit plus à Bondeville qu'un Patron
poftiche. C'eft de quoi , trompé par une Fête
de Village , vous ne vous êtes pas méfié.
Prenez y done garde pour les autres Paroiffes
, fi vous êtes tenté d'entrer dans le détail;
comme la choſe ne vous paroît pas difficile,
il ne vous faudra pour cela qu'un peu
tention ..
d'at-
Je n'ai point fçû , dites - vous encore , que
tout ce Village ( de Bondeville ) dépend de la
Cure
MARS . 1744 . 429
que la
du
Cure qui eft dans le Village même ,
petite Cure de S. Denys ... n'a pour Paroiffiens
que quelques Payfans qui ne font pas
Village de ce nom , &c . J'ai fçû là - deffus
tout ce qu'il falloit fçavoir , & je l'ai dit ;
que le Territoire de Bondeville , qui formoit
anciennement un Fief entier , eft partagé
depuis long- tems en deux demi-Fiefs ;
que
fur l'un de ces deux demi-Fiefs font affis
le Village de Bondeville avec la Cure de
N. D. & fur l'autre, l'Abbaye de Bondeville
avec la Cure de S. Denys. Tout cela eft expliqué
clairement aux pages 325 & 453 de
mon fecond Tome . Que falloit- il donc dire
de plus pour l'inftruction du Lecteur? Que les
Paroiffiens de S.Denys nefont pas du Village de
Bondeville? Mais qu'est- ce que cela fignifie?
Voulez - vous nous faire entendre que les
Paroiffiens de S. Denys ne font pas Paroiffiens
de N. D ? cela va fans dire. Voulezvous
foutenir que les Paroiffiens de S.Denys
ne font pas habitans de Bondeville ? Si c'eft.
là votre penſée , dites- nous , je vous prie ,
de quel Lieu ils font habitans ? car enfin ils
demeurent à Bondeville , non pas , à la vérité
, fur le demi-Fief qui a encore aujour
d'hui fes Seigneurs Laics , & l'Eglife de
N. D. pour Paroiffe , mais fur l'autre demi-
Fief , qui appartient à l'Abbaye du même
nom , & qui a pour Paroiffe l'Eglife ou la
•
Chapelle
430 MERCURE DE FRANCE,
Chapelle de S. Denys. Mais qu'importe fur
lequel des deux demi-Fiefs ils demeurent ?
fur l'un comme fur l'autre ils font habitans
de Bondeville , avec cette feule difference ,
que les uns font de N. D. de Bondeville , &
les autres de S.Denys de Bondeville.Si quelqu'un
vous demandoit où eft fituée l'Abbaye
même de Bondeville, vous répondriez
apparemment qu'elle eft fituée près du Village
de Bondeville , & que c'est par cette
raifon qu'elle en a pris le nom. Et moi je
répondrois que cette Abbaye eft fituée à Bondeville
même. Mais le Village , direz -vous,
où eft-il donc? A Bondeville auffi.L'un eft fur
l'un des deux demi - Fiefs de Bondeville ;l’au- 、
tre fur l'autre demi -Fief. En un mot , Bondeville
eft partagé en deux demi-Fiefs & en
deux Paroiffes ; les habitans de l'un ne font
point , fans doute , habitans de l'autre ; cela
n'a pas befoin d'explication ;mais les habitans
de l'un & de l'autre font tous également habitans
de Bondeville , comme les habitans
de S. Nicaife & de S. Patrice de Rouen
font tous habitans de Roüen .
>
Il me femble , pourfuivez - vous , que
l'exactitude demandoit qu'on défignât fi c'est le
Chapitre d'une Abbaye ou d'un Prieuré , qui
préfente ou qui confere un Bénéfice, ou fi c'est
Abbéou le Prieur . On fe contente fouvent de dire
que c'est l'Abbaye ou le Prieuré qui a ce droit.
Tous
MARS. 1744. 451
Tous les coureurs de Bénéfices penfent
comme vous , M. & moi je penfe tout au
trement : auffi n'eft-ce pas pour cette efpece
de Lecteurs que j'ai écrit. Lifez la page 257
de mon premier Tome , & toutes les fuivantes
, jufqu'à la fin de l'Avertiffement , vous
y verrez pourquoi il falloit dire que c'eft
l'Abbaye ou le Prieuré qui préfente , & non
pas l'Abbé , le Prieur ou les Religieux.
Les Seigneurs , dites-vous encore , ſe_multiplient
fous la main du Bénédictin ; ce qui forme
dans fon Ouvrage une oppofition entre les
anciens Patrons & les nouveaux. Les ventes
des Terres Seigneuriales font un changement
l'Auteur a ignoré quelquefois. que
J'ignore encore plus ce que tout cela veut
dire. S'il en coûte peu pour s'inftruire de
tous les S S. Patrons des Paroiffes d'un grand
Diocèfe , en coûteroit-il tant pour s'énoncer
d'une maniere claire & intelligible ?
Franchement je n'entens rien à la multiplica
tion des Seigneurs , à l'oppofition des Patrons ,
& aux changemens faits par les ventes que j'ignore.
Un exemple ou deux , tirés de quelques
endroits de mon Livre , qui vous paroiffent
répréhenfibles , m'auroient mis au
fait de votre penſée , & j'aurois tâché alors.
de vous répondre.
Vous obfervez enfuite que l'Eglife du
Prieuré de S. Lo de Rouen , celle de la
Paroiffe
432 MERCURE - DE FRANCE .
Paroiffe , font depuis quelques fiécles affésféparées
, pour qu'une perfonne qui a demeuré quelque-
tems à S. Ouen l'apperçoive. Je n'ai eu
garde d'appercevoir deux Eglifes à S. Lo ,
où actuellement il n'y en a encore qu'une .
Il eft vrai qu'en 1344 on a partagé cette
Eglife en deux , & que le partage fubfifte
encore. Mais il faut bien que je m'en fois
apperçu , puiſqu'à la page 53 du Tome ſecond
, je parle du mur de féparation que
l'on y fit alors , & qui eft toujours fur pied ,
comme je l'obferve au même endroit.
Vous m'objectez encore , qu'on préſente
au Roi quelques fujets , entre lesquels S. M.
nomme un Prieur de la Magdeleine de Rouen.
J'ai marqué formellement , Tom. 2 , p.
744 , que le Roi nomme le Prieur des Chanoines.
Si le Roi eft forcé de choisir parmi
ceux qu'on lui préfente pour cette nomination
, j'ai eu tort d'omettre qu'on a droit
de lui préfenter 5 finon , j'ai dit tout ce qu'il
falloit dire. Expliquez - vous donc , M.
croyez-vous que dans le droit , le Roi foit
en effet obligé de s'en tenir pour ce Prieuré
à la préfentation d'autrui ?
Je ne crois pas , continuez- vous , que ce
que le R. P. dit fur le Pays de Talou & fur le
mot de Dun , augmente le nombre des adverfaires
de M. l'Abbé Lebeuf, &c. En vérité , M.
la décifion de ces fortes de queftions ne dépend
MARS. 1744. 433
pend point de ce que vous croyez , ou de ce
que vous ne croyez pas . Inutilement citezvous
ici M. Lebeuf, comme pour me compromettre
une feconde fois avec cet habile
Antiquaire ; j'honore & je refpecte fa perfonne
& fes talens , autant que qui ce foit ;
malgré cela , rien n'empêche qu'il n'ait fes
fentimens , comme moi les miens ; & je fuis
fort trompé , ou il n'eft pas plus tenté que
moi de renouveller la difpute. Je ne cherche
point non plus à augmenter le nombre de
fes adverfaires , mais d'un autre côté , il ne
feroit pas jufte de vouloir le diminuer.
Tout ce qui parle bas- Breton dans les Gaules
& dans les Ifles Britanniques , eft pour
moi. Voilà une Tradition non-interrompue
depuis le fiécle de Jules- Céfar , jufqu'à celui-
ci ; & ç'en eft bien affés. Le faux Plu
tarque qu'on m'a objecté , & tous ceux qui
ont paru depuis lui , font venus trop tard
pour pouvoir contrebalancer le poids d'une
i grande autorité. A l'égard du Pays de
Talon , je n'ai aucune connoiffance que M.
Lebeuf ait rien écrit contre ce que j'en ai
dit. Dans fes Differtations fur le mot Dun ,
il a hazardé quelques idées fur le Talou :
mon Livre a paru depuis ; j'ai combattu ces
idées , & il n'a point répliqué.
Tout ce que vous m'objectez enfuite:
au fujet du mot Pifte ou Piftis , & du Pontde434
MERCURE DE FRANCE.
de-l'Arche , ou de la Ville d'Arques , n'eft
précisément que l'écho de ce qui a déja été
dit dans quelques Mercures de 1741 ; &
cette répétition étoit devenuë très- inutile
depuis ce qui y a été répondu dans quelques
autres Mercures de la même année.
Lifez -les , M. c'eſt là que je vous renvoie
pour ne point fatiguer le Public par
des redites.
Vous paffez enfuite au Prieuré des Deux-
Amans , & tout ce que vous en dites , fe
réduit à nous apprendre , que des deux opinions
que j'ai propofées fur l'origine de ce
nom , il y en a une que vous croyez fauffe ,
& une que vous adoptez comme vraie ; car
celle-ci fe trouve mot à mot dans mon Livre
, Tom. 2 , p. 332. Mais cela pofé , M.
que nous apprenez- vous donc de nouveau
ou d'intéreffant ? Puifque je propofe deux
fentimens qui fe combattent l'un l'autre , il
eft clair que je ne puis pas les croire vrais
tous les deux , non plus que vous. Mais
vous penchez pour le premier , direz - vous ;
& moi , je penche pour le fecond . Hé bien ,
qu'est- ce que cela fait au Public ? Eft- ce votre
penchant ou le mien qui le déterminera ?
S'il fe préfentoit aujourd'hui un tiers qui ne
penchất ni
pour l'un ni pour
l'autre , que
Jui répondriez-vous ?
Nous fommes arrivés à l'endroit de votre
lettre ,
MAR S. 1744. 435
lettre , qui vous paroît fans doute le plus
triomphant. Il s'agit des Cures des Moines.
La matiere eft curieufe & intéreffante ; par
cette raiſon il faut la traiter avec un peu
d'étenduë ; je la réfervé pour une ſeconde
Partie . Paffons aux autres reproches que vous
me faites.
Les Sçavans , dites- vous , qui s'intéreſſent
al' Hiftoire d'Aumale , & notre Auteur ,
doivent
remarquer qu' Etienne Comte d'Aumale ,
n'étoit point fils de Henri-Etienne , Comte de
Troies & de Meaux , mais qu'il étoit fils d'Odon
, &c. Je ne fçais , M. fi c'eft à moi que
vous en voulez ici . J'ai bien dit , Tom . I.
p. 213 , qu'Eudes ou Odon étoit fils de
Henri- Etienne , ce qui eft vrai . J'ai dit encore
p. 60 , qu'Etienne étoit fils de la Princeffe
Adelife , foeur de Guillaume le Conquérant
; ce qui eft vrai auffi . Mais de cela
même il s'enfuit que loin d'avancer qu'Etienne
fût fils de Henri - Etienne , j'ai erû au
contraire auffi-bien que vous , qu'il étoit
fils d'Odon.
, une
Il m'eft échappé , dites- vous encore
autre faute , qui eft moins pardonnable à un
Sçavant Benedictin ; c'eft de traiter S. Medard
S. Godard de freres . Cette faute
M. fe retrouvera encore dans le nouveau
Gallia Chriftiana , Tome IX , à l'article de
S. Médard , parmi les Evêques de Noyon ;
&
436 MERCURE DE FRANCE.
& Tome X , à l'article de S. Gildard , parmi
les Archevêques de Rouen ; c'est- à-dire ,
qu'on la donnera , comme autorifée par l'opinion
commune, opinion qui à la vérité n'eſt
pas inconteftablement vraie , mais qui n'eſt
pas non plus inconteftablement fauffe, & qui
a été embraffée par de très-habiles Critiques
de notre fiécle. Et pourquoi donc le Gallia
Chriftiana , ne perpétueroit- il pas une pareille
faute ? Le P. le Cointe l'a bien perpétuée
dans fes Annales Eccléfiaftiques , Tom.
1 , p. 89. Dom Thierri Ruinart l'a bien
pétuée auffi dans fon Edition de Grégoire
de Tours , p. 1283. Croyez-moi , M. vous
ferez bien de nous la pardonner ; & nous de
notre côté , nous ferons bien auffi de la
laiffer telle qu'elle eft , & de n'y rien changer.
per-
Vous témoignez enfuite combien vous
êtes furpris qu'un Religieux qui ne doit point
être oppofe aux Exemptions , & qui furtout
doit aimer la paix , avertiffe quelquefois quand
il parle d'exemptions , qu'il ne parle point du
droit de ces exemptions. Mais , M. à quoi
tend , je vous prie , cette réfléxion , & de
quel principe part -elle Un Religieux ne
doit point être oppofe aux exemptions ! Je penfe
moi , que tout Eccléfiaftique féculier doit
refpecter une exemption légitime & autorifée,
& que dans le cas où il s'en trouveroit
2
une
MARS. 1744. 437
une fauffe ou abufive , les Réguliers mêmes
doivent la répudier, Suppofons maintenant
que j'aie cru légitime celle de l'Abbaye de
Fécan , par exemple , comme en effet je
fuis très-perfuadé qu'elle l'eft , étoit- ce dans
un Livre purement Hiftorique & Géographique
, qu'il falloit foutenir le droit de
cette exemption , & prendre parti contre
ceux qui l'ont attaquée ? ç'eût été , felon
vous , aimer la paix. Quelle étrange maniere
de penfer Selon moi , c'eût été m'attirer
une rude & fanglante guerre fur les bras ;
& vous , M. tout le premier , peut-être
étiez-vous déja très -difpofé à me la déclarer.
Mais alte- là , s'il vous plaît , contentez-
vous des préparatifs, C'est précisément
parce que j'aime la paix que je me fuis borné
, & que je me borne encore à la feule
queftion de fait.
Enfin , vous me priez de vous faire connoître
les Conftitutions d'Ives de Chartres. Me ferois
-je exprimé de maniere à faire croire
que nous ayons en effet du Prélat , un Ouvrage
qui porte ce titre ? Je n'en fçais rien ;
car vous ne citez pas , & il me feroit difficile
de rappeller à ma mémoire toutes les
expreffions de mon Livre. Peut-être n'ai -je
entendu qu'une forme de gouvernement
que cet illuftre Fondateur a preferit de vive
voix à fes Chanoines , ou les avis & les inftructions
438 MERCURE DE FRANCE.
tructions qu'il leur donnoit de tems à autre
dans fes lettres. Tous les jours , en parlant
des Chanoines Réguliers , nous difons , &
nous fommes autorifés à le dire , qu'ils vivent
fous la régle de S. Auguftin. Če Saint
Docteur n'a pourtant prefcrit aucune régle.
aux Chanoines Réguliers ; & ce feroit bien
en vain qu'on prendroit la peine de la chercher
dans fes Ouvrages.
Me voici à la fin de votre lettre , Mr , &
j'avois prefque oublié un mot du commencement
, que mon Livre n'eft pas affés exact.
C'est le jugement que vous en portez . Mais
après le peu d'exactitude qui régne dans
tout ce que vous venez de m'objecter , de
quel poids ce jugement peut-il être auprès
de vos lecteurs ? Voici , fi je ne me trompe ,
celui qu'ils porteront de votre lettre ; c'eft
que vous avez du moins très -fagement fait
de n'y pas mettre votre nom .
SECONDE PARTIE.
Il s'agit maintenant , M. d'un point qui
mérite un peu plus de difcuffion. J'ai avancé
Tom. 2 , p. 137 , qu'aucun Concile , ni de
Latran , ni d'ailleurs , n'a interdit les Cures
aux Moines. Cependant , dites- vous , voici ce
qu'on lit dans plufieurs Conciles , que le P.
Thomaffin , &c. cite : ( l'&c. eſt de vous
c'eft apparemment pour fuppléer à la citation
MAR S. 1744. 439
tion que vous n'aviez pas ; la voici , Thomaff.
Tom. 2 , Part. 4 , Liv. 1 , Chap. 51 ,
pag. 190. ) Le premier de ces Conciles eft celui
de Rouen , tenu en 1074. Ut , inquit Can. 5.
Nulli Monacho Parochia regenda committatur.
Cela fut confirmé par le Concile d' Autun
en 1094, & par celui de Poitiers en 1 100.
Calixte II, dans le premier Concile de Latran
en 1123 , défend aux Moines toutes les
fonctions Curiales . S. Bernard , & d'autres
Abbés & Moines ( confultez le Livre De Canonicorum
ordine Difquifitiones , Paris
1697 , Difq. 3 , pag. 403 , &c. 406 , &c. )
avouent eux-mêmes que ces fonctions ne conviennent
point aux Moines , & qu'ils doivent
vivre dans la retraite & le filence. Il y a dans
tout ceci , mon cher M. un fonds de raifonnement
qui porte à faux . Il faut vous le
pardonner , parce que vous êtes jeune ; mais
par la même raifon , il eft jufte auffi de vous
redreffer.
Quand on veut contredire quelqu'un , la
droite raifon demande que pour ne point
abufer de fes paroles , on s'attache précifément
& exactement à fa penfée. L'Ecrivain
que je combattois , étoit perfuadé que les
Moines par leur état , font incapables de
poffeder des Cures ; il triomphoit à l'occafion
d'un prétendu Concile de Latrán de l'an
1215 , qui felon lui , a décidé nettement la
quel.
440 MERCURE DE FRANCE.
queftion contre eux , de maniere , dit-il
qu'à la fin ils fe virent obligés de céder. Pour
détruire cette chimére , qui ne s'eft fait que
trop de partifans , j'ai foutenu qu'aucun
Concile , ni de Latran ni d'ailleurs , n'a interdit
les Cures aux Moines , c'eſt-à-dire
fans doute , pour combattre directement la
penfée de mon adverfaire , qu'aucun Concile
ne les a exclus des Cures pour caufe
d'incapacité , tirée de la nature de leur état.
Vous m'oppofez à votre tour , M. quelques
Conciles vrais ou fuppofés ; & la preuve
que vous n'êtes guéres plus éloigné que
lui de fonder les réglemens de ces Conciles
fur l'incapacité des Moines , c'eft que S.
Bernard , dites-vous avec une espece de
complaifance , a avoué lui- même que ces
fonctions ne leur conviennent pas , Voyons
donc ce qui en eſt,
Mais au moment que nous entrons dans
cet examen , n'êtes-vous pas d'abord frappé
de ce nombre prodigieux de Papes , d'Evêques
, & d'Apôtres des Nations , que l'Eglife
dans tous les fiécles a tirés de l'Etat Monaftique
? Et ne vous faites- vous pas cette
queftion à vous-même ? comment fe pourroit-
il faire que les Moines , par leur état
fuffent incapables de pofféder des Cures
pendant que je vois que l'Eglife leur confie
tous les jours la converfion des Infidéles , &
que
MAR S. 1744. 441
que fouvent même elle leur confére la plénitude
du Sacerdoce ? Ce font eux en effet ,
qui ont rempli du nom de J. C. l'Allemagne
, la Pologne , la Ruffie , la Suéde , le
Dannemark , l'Angleterre ; en un mot , toutes
les Régions du Nord ; & actuellement ils
font employés au même miniftere dans les
Miffions de l'Afie , de l'Afrique , & de l'Amerique.
Tous les Evêchés du monde Chrétien
, fans en excepter la Chaire même de S.
Pierre , ont été remplis & le font encore de
tems en tems par des Moines. Pluſieurs de
ces Evêchés enOccident, n'ont jamais eu que
des Moines pour Evêques ; en Orient , fur
quelque fiége que ce foit , il n'y en a point
d'autres. Eh quoi donc ? un Moine peut être
Evêque & Pape ; le nouveau Monde n'eſt
plein aujourd'hui que de Curés Moines ; &
cependant les Moines ne peuvent où ne
doivent pas être Curés ! cela fe comprendil
non fans doute. Mais vous êtes arrêté
par un certain nombre de Conciles , qui ,
felon le P. Thomaffin , ne permettent pas
aux Moines de pofféder des Cures. Hé bien ,
M. je vais vous arrêter auffi un moment
après quoi la difcuffion de ces Conciles ne
vous embarraſſera pas , & la folution de vos
difficultés ſe préfentera d'elle-même.
Votre P. Thomaffin , dans le Chapitre même
dont vous avez tiré vos objections , rap-
B
porte
442 MERCURE DE FRANCE.
tran ,
· non
porte le Canon fuivant du Concile de La
tenu en 1179. Monachi .
finguli per Villas & Oppida , feu ad quascunque
Parochiales ponantur Ecclefias , fed in
majori Conventu aut cum aliquibus fratribus
maneant. Canon , qui comme vous voyez ,
prouve que depuis les Conciles que vous
m'objectez , les Moines n'ont pas laillé d'oc
cuper des Cures , & qui loin de les en chaffer
ou de les en exclure , leur en a au contraire
confirmé la poffeffion , à condition
qu'ils ne quitteroient point le Cloître , ou
qu'ils vivroient dans ces Bénéfices avec
quelques- uns de leurs confreres. A la fuite
de ce Canon , le P. Thomaffin ajoute que le
Pape Innocent III l'a cité , en déclarant
que les anciens Canons ( remarquez bien
ceci ) permettent aux Moines la conduite
des Paroiffes : Per antiquos Canones etiam
Monachi poffunt ad Ecclefiarum Parochialium
regimen in Prefbyteros ordinari. Ces Canonslà
font en effet bien anciens , puifqu'ils parlent
des Moines encore laics. Dans le Chapitre
précédent , qui roule auffi en partie
fur les Cures des Moines , le même P. Thomaffin
avoit obfervé qu'au Concile de Nîmes
de l'an 1096 , le Pape Urbain II prit
leur défenſe , contre ceux qui leur difpu
toient le droit d'exercer les fonctions Curiales.
Il remontra, dit- il , à ceux-ci , que S.
GréMAR
S. 1744. 443
Grégoire Pape , que S. Auguftin de Cantorberi
, que S. Martin de Tours , avoient été
Moines , & n'avoient pas été pour cela inhabiles
à adminiſtrer les clefs de l'Eglife ;
que S. Benoît oblige les Moines à renoncer
aux vanités du fiécle , non pas à la Cléricature
; qu'enfin les plus parfaits imitateurs
de la pauvreté & des autres vertus des Apôtres
, font auffi les plus dignes Miniftres des
fonctions Apoftoliques.
M. Ces principes font inébranlables
mais aufli qu'en réfulte- t'il ? le voici . Que
s'il fe trouvoit quelque Concile qui eût déclaré
les Moines incapables par leur état de
gouverner des Cures , ce Concile fe feroit
arrogé le droit d'infirmer les anciens Cad'où
il s'enfuivroit que ce ne pourroit
être qu'une Affemblée illégitime , ou
dont les décifions en ce genre n'ont jamais
été & ne pourront jamais être d'aucun poids
dans l'Eglife.
nons ,
Pourquoi donc , me demanderez-vous , fe
trouve-t'il un affés grand nombre de Conciles
qui défendent aux Moines l'exercice
des fonctions Curiales ? Je réponds qu'il ne
s'agit point dans ces Conciles des fonctions
du miniftére en général , mais d'un certain
nombre de Cures en particulier , & qu'à
l'égard même de celles- ci , ces faintes Affemblées
ont quelquefois fous-entendu , &
Bij très444
MERCURE DE FRANCE.
très-fouvent exprimé les clauſes , les reftrictions
, & les modifications , avec lesquelles
elles vouloient que l'on entendît & que l'on
exécutât leurs Réglemens.
Dans tous les tems , les Moines ont poffédé
des Cures , & ils les ont poffédées légitimement
, puifque l'Eglife leur en a confirmé
la poffeffion . Donc par leur état ils ne
font point incapables d'en pofféder. Donc
les Réglemens qui leur défendent de pofféder
des Cures , ne peuvent pas s'entendre
de toutes fortes de Cures en général , mais
feulement d'un certain nombre de Cures en
particulier.
Il a été un tems , où fur la feule collation
des Patrons , les Moines fe mettoient en
poffeffion des Cures qu'on leur donnoit ,
fans recourir à l'Evêque Diocéfain. Pour re
médier à cet efprit d'indépendance , le Concile
de Mayence de l'an 847 , Can. 12 &
14 , défendit aux Patrons de donner des
Cures à qui que ce fût , & aux Moines en
particulier d'en recevoir , fans le confentement
de l'Evêque : Interdicendum videtur
Clericis five laicis , ne quis cuilibet Prefbyter●
prafumat dare Ecclefiam fine licentiâ & confenfu
Epifcopi fui. Nullus Monachorum ...
Parochias Ecclefiarum accipere prafumat fine
confenfu Epifcopi. Ce n'eft pas là défendre
les Cures aux Moines , ce n'eft pas non plus
les
MAR S. 1744. 445.
les croire incapables d'en poffeder ; c'eft au
contraire , leur permettre d'en poffeder ,
mais dépendamment des Evêques.
Comme ces permiffions ne fe refufoient
pas , les Moines acquirent bien-tôt un trèsgrand
nombre de nouvelles Cures , & le
Clergé féculier inférieur craignit qu'à la fin
ils ne les envahiffent toutes. Sur fes plaintes
réitérées , les Conciles prirent peutêtre
divers tempéramens , mais le Réglement
porté entr'autres , ou confirmé par le
Concile général de Latran de l'an 1 179 , eft
celui qui fut le plus univerfellement obfervé
, & qui eft encore aujourd'hui en vigueur
, du moins en France . Ce Concile
diftingua deux fortes de Cures parmi celles
que les Moines poffédoient ; les unes qui
leur appartenoient de plein droit , les autres
qui ne leur appartenoient pas d'une maniere
fi étroite. Il leur laiffa le gouvernement
des premieres , fous la condition que
j'ai marquée plus haut , mais il les obligea ,
pour les aauuttrreess ,, de préſenter des Prêtres féculiers
aux Evêques. Ce n'eft pas là interdire
les Cures aux Moines ; c'eft leur défendre
la conduite d'un certain nombre de Cures ,
en les maintenant dans l'adminiftration d'un
certain nombre d'autres.
Cependant n'y a-t'il pas quelque chofe
de plus , & cette obligation de préſenter
Biij des
446 MERCURE DE FRANCE .
des féculiers pour certaines Cures , na t'elle
jamais fouffert d'exception ? Combien de
reftrictions les Conciles , pofterieurs à celui
de Latran , n'y ont-ils pas apportées ? Je
n'en veux point d'autres que celles que vous
avez dû lire dans le P. Thomaffin même .
Premiere reſtriction ,fi ce n'est dans le cas de
néceſſité , autorifée par le Concile de Coignac
en 1238 , Can . 29. Curam Parochialium
Ecclefiarum . ... Monachis inhibemus
nifi in neceffitate , cum Abbatis & ipfius Diocefani
licentia . Seconde reftriction , fi ce n'eft
du confentement de l'Abbé & de l'Evêque ,
autorisée par le même Canon . Troifiéme
reftriction , fi ce n'eft du confentement de l'Evêque
, autorifée par le Concile de Tours
en 1239 , Can. 13. Illud duximus prohibendum
, ne Monachi in Ecclefiis Parochialibus
deferviant , nifi ab Epifcopo in cafibus permif
fis Curam receperint animarum . Quatrième
reftriction , fi on n'a pas le moyen ou la faci-
Lité de confier les fonctions Curiales à d'autres
qu'à des Moines , autorifée par le Concile de
Cologne en 1423 , Can . 7. Statuimus.
ne aliquis Rector.... deputet aliquem Religiofum
.... ad regendum .... Ecclefiam fuam
modo alter idoneus commodè haberi poterit.
Cinquiéme reftriction , fi ce n'est que
Religieux- Curé puiffe vivre en même-tems dans
fon Monaftere, & y obferver la régularité mo-
γ
naftique
....
le
MARS. 1744. 447
naftique , autorisée par les Conftitutions du
Cardinal Campége : Ecclefia tamen fuis
Monafteriis unita , ufque adeo propinque ,
quod Religiofi earumdem Curam habituri , in
Monafterio , fub debitâque obedientiâ ftare poffint
, modo fint habiles & idonei , per hujufmodi
Religiofos provideri poffint . Sixiéme reftriction
, fi ce n'est que le Monaftere , dont la
Cure dépend , foit fort pauvre , autorisée par
les mêmes Conſtitutions . Id quoque permit
timus de Monafterio quod tam tenue eft , ut debitam
fuftentationem habere nequeat ; volentes
Religiofos qualitercunque exemtos Curata
Beneficia habentes , Ordinario loci eſſe ſubjectos.
Septiéme reftriction , fi ce n'est que le
Religieux qu'on propofe , foit d'une vertu &
d'une érudition finguliére , autorisée le
Concile de Cologne en 1536 , Part . 4 , Ch.
18. Decens eft ut Monachi qui Parochiales
Ecclefias .... incorporatas Monafteriis fuis
habent , non per Religiofos .... fed per Vicarios
Prefbyteros feculares , modo haberi poffint
,
par
gubernari procurent..... Non tamen
tam duri hic erimus , quominus interdum viros
Monafticos, quos fingularis vita exemplo , &
Doctrinafalutaris diffeminatione infignes comperiemus
, apud Ecclefias Parochiales relicturi
confirmaturi fimus. Encore une fois , M.
ce n'eſt pas là interdire les Cures aux Moines
, c'eft interpréter le Canon 1x du Con-
Biiij
cile
448 MERCURE DE FRANCE.
cile de Latran , qui leur ordonnoit de préfenter
des Prêtres féculiers pour certaines
Cures de leur dépendance , & décider en
leur faveur , qu'en plufieurs cas néanmoins
ils peuvent les deffervir par eux-mêmes .
Oferois - je vous demander ici ce que
vous penfez du droit des Chanoines Réguliers
, par rapport à l'adminiſtration des Čures
? Ce droit , me direz-vous , leur eft inconteftablement
acquis ; le Concile de Poitiers
de l'an 1100 les y a confirmés en termes
exprès , pendant qu'il en a exclû formellement
les Moines : Ut Clericis regularibus
, dit-il , Can. 10 , juffu Epifcopi fui baptifare
, pradicare , poenitentiam dare , mortuos
Sepelire liceat. Et Can . 11. Ut nullus Monachorum
Parochiale minifterium Prefbyterorum ,
id eft baptifare , prædicare , poenitentiam dare
prafumat. Fort bien. Mais pourquoi donc ,
quelque tems avant ce Concile , l'Abbé de
S. Jean-des-Vignes de Soiffons , fut-il obligé
de recourir au Pape Urbain II , pour obtenir
de lui la permiffion de faire deffervir
par fes Religieux les Cures qui dépendoient
de fon Monaftere ? Prafentium literarum auctoritate
, lui répondit le Pape , concedimus , ut
in Parochianis Ecclefiis , quæ ad veftrum Monafterium
pertinent , Regulares vobis liceat
clauftri veftri Clericos Ordinare qui Ecclefiis
ipfisferviant , & populi adjacentis Parochiam
SalMAR
S. 1744. 449
falvo Epifcopi jure debito , folicite procurare.
non negligant. Cette conceffion femble nouvelle
au P. Thomaffin , car , dit- il , s'il eût
été libre ou ordinaire d'en uſer de la forte ,
cet Abbé n'eût pas eu recours au Pape , ou
il ne lui eût au plus demandé que la confirmation
de l'ufage commun. Et la raifon eft ,
ajoute-t'il , que l'Ordre des Chanoines Réguliers
étoit alors fort nouveau .
Il n'en étoit donc pas de ces nouveaux Religieux
, comme des Moines . Si ceux - ci
avoient acquis depuis deux ou trois fiécles
un grand nombre de Cures , ils en poffedoient
auffi de toute antiquité un certain
nombre d'autres qu'ils avoient fondées euxmêmes
pour la plupart , où qui avoient été
incorporées à leurs Monafteres dès les pre-.
miers tems de leur fondation , & qui leur
appartenoient de plein droit. C'étoit une
partie de leur patrimoine , & il y auroit eu.
une injuftice manifefte à les en dépouiller
fans caufe ; auffi les adminiftroient- ils fans
conteftation , ou du moins affés paiſiblement.
Mais à l'égard de toutes celles dont
les laïcs s'étoient emparés fous la feconde
Race de nos Rois , & qu'ils avoient depuis
rendues à l'Eglife entre les mains des Moines
, les féculiers ne pouvant fe diffimuler à
eux-mêmes , que c'étoit leur bien qu'on
leur avoit enlevé , & qu'on reftituoit à d'au-
B v tres
450 MERCURE DE FRANCE.
tres qu'à eux , ne négligerent rien pour le
revendiquer ; ils pourfuivirent fans relâche
les nouveaux poffeffeurs , & ne quitterent
point prife , qu'ils n'euffent enfin obtenu
avec une partie du revenu de ces Bénéfices
le droit de les deffervir .
Au milieu de ces conteftations , les Chanoines
Réguliers parurent ; on leur donna
des Cures comme aux Moines , & comme
eux ils furent inquiétés. Il ne s'en trouvoit
point entre leurs mains de la nature de celles
que les Moines poffèdoient de tems immémorial
, puifqu'ils ne faifoient que de
naître , & qu'ils étoient encore au berceau.
Ils ne tenoient done que des Cures de l'eſpece
de celles , qui avoient toujours appartenu
aux féculiers , ou qui après avoir été
enlevées à ceux -ci par les laïcs ,
les laïcs , étoient enfin
rentrées dans le Domaine de l'Eglife.
Et comme les féculiers conteftoient aux
Moines ces dernieres , ils ne crurent pas
devoir faire plus de grace aux Chanoines
Réguliers , puifque ceux- ci , au moyen de
leurs voeux , n'étoient pas moins Religieux
que les Moines ; que parconféquent ils formoient
une efpece de famille diftincte du
Clergé féculier , & qu'il ne paroiffoit pas
jufte de mettre l'une en poffeffion de l'hériage
de l'autre.
Ces raifons , qui militoient également
contre
MAR S. 1744.
451
contre tous les Réguliers , foit Moines , foit
Chanoines , fans diftinction , étoient frappantes
, & l'on fent bien que fans la protection
du S. Siége , & la condeſcendance des
Evêques , les Chanoines Réguliers couroient
rifque d'être évincés , auffi-bien que les
Moines. Mais les Papes & les Conciles eurent
égard aux demandes de toutes les Parties.
Les Moines demeurerent en poffeflion
d'adminiftrer les Cures qui leur apparte
noient de plein droit & de toute antiquité ,
comme les féculiers joüiffoient paiſiblement
de celles qui avoient toujours été entre
leurs mains. A l'égard des Cures nouvellement
données en pur don aux Monaſteres ,
ou reftituées à l'Eglife en leur faveur , comme
les Chanoines Réguliers n'en avoient
point d'autres , & que la plus grande partie
de leursMaifons ne pouvoit fubfifter qu'avec
le fecours de ces donations ou de ces reftitutions
, on leur en laiffa totalement la con
duite & la propriété. Mais on obligea les
Moines qui en avoient d'anciennes en affés
grand nombre , de fe contenter de cellesci
, & de céder l'adminiftration des nouvelles
à des Prêtres ou à des Vicaires féculiers ,
en s'en réſervant néanmoins le titre avec
une partie des revenus , l'autre partie abandonnée
à ces derniers pour leur defferte.
C'est là , M. le véritable fens du Con-
B vj
cile
452 MERCURE DE FRANCE.
cile de Poitiers , & celui des deux ou trois
autres que vous m'avez objectés . Ces Conciles
ne décident point que les Moines foient
incapables par leur état de pofféder des Cures
; ils en font tout auffi capables que les
Chanoines Réguliers & que les Prêtres féculiers
, & de tout tems ils en ont poffédé
légitimement. Mais l'invafion des Cures par
les laïcs , & leur reftitution , a donné lieu à
un nouveau droit dans l'Eglife ; il a été dit
que les Chanoines Réguliers pourroient adminiftrer
celles-ci par eux-mêmes , & que
les Moines y commettroient des Prêtres féculiers
, d'où il s'enfuit fimplement que les
Chanoines Réguliers , quoique Religieux ,
peuvent adminiftrer certaines Cures , que
les Moines précisément , parce qu'ils font
Religieux , ne peuvent plus adminiftrer
fans difpenfe.
En un mot , il y a des Cures régulieres &
des Cures féculieres. A la vérité , parmi les
régulieres , les unes le font de tems immé
morial , & la plupart dès leur origine ; celles-
ci appartiennent aux Moines de plein
droit ; les autres originairement féculieres
ne fe trouvent aujourd'hui en régle , que
parce que l'Eglife, dans des tems poftérieurs,
a permis aux Chanoines Réguliers de les
deffervir. Cependant de maniere ou d'autre ,
foit anciennes foit nouvelles , les Régulieres
font
MAR S. 1744. 453
font réfervées aux Réguliers , comme les féculieres
ne peuvent être adminiftrées que
par les féculiers. Mais de ce qu'un Chanoine
Régulier n'a aucun droit fur les Cures féculieres
ou monaftiques , feriez -vous homme
à conclure que les Cures lui font interdites ,
ou que par fon état il eft incapable d'en pofféder
? Ne tombez donc pas dans le même
vice de raifonnement à l'égard des Moines.
Voici pour parler correctement
ce qu'il
faut dire. Tout Prêtre , en vertu de fon Sacerdoce
, a le pouvoir d'exercer les fonctions
du miniftere ; nulle diftinction là-deffus
, entre le Régulier & le Séculier ; mais
foit de l'un foit de l'autre Etat , tout Prêtre
n'en a pas le droit ou l'exercice. L'Eglife
n'accorde ce droit qu'à ceux d'entr'eux à qui
elle confie la Cure des ames , & elle la confie
indiſtinctement
aux Religieux comme
aux Séculiers , aux Moines comme aux Chanoines
Réguliers . Ainfi eu égard à l'exercice
du pouvoir , elle a fait un partage des Cures
en trois Claffes ; les premieres , fout demeurées
aux Séculiers ; les fecondes , aux Moi-.
nes ; les troifiémes , aux Chanoines Réguliers.
On ne peut donc dire , ni des uns ni
des autres , qu'ils font incapables d'adminiftrer
des Cures , quoiqu'on puiffe dire de
tous féparément
, qu'il y a certaine efpece
de Cures qu'ils ne peuvent point adminif
trer.
Il
454 MERCURE DE FRANCE.
1
Il ne faut point terminer cet Ecrit , fans
vous faire obferver , M. que vous attribuez
à un Concile de Rouen de l'an 1074 ,
un Canon qui n'en fut jamais , & qui ne fe
trouve en effet , ni dans l'Edition du P.
Pommeraie , ni dans celle du P. Beffin. Il
eft vrai que le P. Labbe l'a inféré dans la
fienne , mais feulement à la fuite de ce même
Concile , comme l'ayant trouvé ainfi
dans une copie qu'il avoit entre les mains
fans fçavoir pourtant de quelle autorité il
étoit émané. Et le P.Thomaffin,votre guide ,
vous en auroit également averti , fi vous y
aviez été attentif. On trouve , dit-il , dans la
fuite d'un autre Concile de Rouen , &c. c'eſt -àdire
, dans ce que le P. Labbe a imprimé à la
fuite d'un autre Concile de Rouen , &c. Je
foupçonne donc que vous avez lû par mégarde.
On trouve dans la fuite un autre Concile
de Rouen , &c. ce qui fait un fens trèsdifferent.
Au refte , vous avez bien lû le
Texte du Canon : Ut nulli Monacho Parochia
regenda committatur , mais vous n'en
avez pas pris le fens. Après le mot Parochia ,
il faut fous-entendre , comme dans tous les
autres Canons femblables , le mot Secularis.
Je n'infifterai point fur ce que vous voulez
bien me remettre fous les yeux , touchant
S. Bernard & d'autres Saints Solitaires
MARS. 1744. 455
res , lefquels ont avoué eux-mêmes que les
fonctions curiales ne conviennent point aux Moines,
& qu'ils doivent vivre dans la retraite &
Le filence. Cependant , je ne puis m'empêcher
de vous repréfenter , que pour me mettre
au fait des fentimens de S. Bernard , il
a dû me paroître bien étrange que vous
m'ayez renvoyé à je ne fçais quelles Difquifitions
fur l'Ordre des Chanoines. Comme il
paroît que vous n'avez étudié les Conciles
que dans la Difcipline du P. Thomaffin , où
il y a cependant bien des chofes à retoucher
, vous n'avez peut-être étudié non plus
S. Bernard que dans ce Livre-là , Livre infiniment
moins connu , moins bon , moins
folide , & moins propre à nous inftruire des
fentimens du Saint Abbé , que fes propres
Ouvrages. On a dû pourtant vous remontrer
fouvent , que la vraie maniere de vous
perfectionner dans vos études , étoit de lire
les Conciles dans les Conciles mêmes , &
les Peres dans les Peres . Nous fçavons , Dieu
merci , tout ce que les ames élevées dans le
fein de l'état monaftique , & véritablement
mortes au monde , ont penfé , pour me fervir
encore une fois des termes de votre P.
Thomaffin , de cette efpece d'incompatibilité ,
que leur profonde humilité leur faifoit
trouver entre les fonctions Curiales & les exercices
du Cloitre. Mais nous fçavons auffi
que
456 MERCURE DE FRANCE .
que ce font ces fentimens-là mêmes , qui
felon le Pape Urbain II , dont nous parlions
plus haut , ne les ont rendues que plus dignes
de gouverner les Peuples , non -feulement
en qualité de fimples Curés , mais encore
en qualité de Miffionnaires des Nations
, & de premiers Pafteurs ; Apoftolicis
documentis & Sanctorum inftitutis , non folùm
Monachis , verùm Canonicis fummopere imperatur
ut mortui mundo fint . Itaque videtur nobis
, ut his qui fua relinquunt pro Deo dignius
liceat baptifare , communionem dare , poenitentiam
imponere , necnon peccata folvere.
as ésésésés és és és ésés as asas as as asses as as is ess
EPITRE à M. Nicolas Lercari , Vice - Légat
d'Avignon , nommé par S. S. Sécrétaire de
la Congrégation de Propagandâ fide .
LAA Vertu fous vos traits adorée en ces Lieux ,
Enchantoit nos regards & fixoit tous nos voeux ;
Vous partez ; elle emporte avec vous nos hommages
;
Nos jours vont déformais fe couvrir de nuages ;
Ce Peuple qui pour vous brûloit un pur encens ,
Change fes cris de joye en regrets impuiſſans ;
Nous vous perdons enfin; Rome qui vous rappelle ,
Vous couvre, malgré vous , d'une gloire nouvelle
Et conduifant vos pas au- devant des honneurs ,
Veut
MARS.
457 1744.
>
Veut au mérite feul accorder fes faveurs ;
L'Interpréte de Dieu , ce Chef du Sanctuaire
Qui du Monde Chrétien eft le Maître & le Pere ,
Ce digne Imitateur de l'Apôtre fameux ,
Dont la main fouveraine ouvre & ferme les Cieux,
Voulant que la Vertu reçoive un nouveau luftre ,
Vous éleve en la Cour au rang le plus illuftre ;
Prélat , de tes pareils le modéle éclatant ;
Va ; cours dans la carriére où la gloire t'attend ;
Augmente la fplendeur de ta haute naiffance ;
Pour toi , la vérité va rompre le filence ;
Tu l'entendras redire à Rome , à l'Univers ,
L'éloge de ce nom qui confacre mes Vers ;
Déja dans ces Climats fa voix eft entenduë ;
Quels Tableaux, en effet, viennent frapper ma vûë ,
de Monumens te peignent à nos coeurs !
Le (4) Pauvre heureux , par toi voit effuyer fes
Et que
pleurs ;
Comme fon Bienfaicteur , il t'aime , te révére ,
Et tes mains pour jamais écartent la miſére ;
Le (b) vice, en frémiffant, baiffant un front altier ,
Tombe aux pieds de la Croix, & fçait s'humilier ;
Le Cloître voit la paix habiter fon enceinte ;
La pudeur reparoît , & banniffant la crainte
N'ayant plus à rougir devant l'impureté ,
Sans voile offre à nos yeux fa modefte beauté ;
>
(a ) La conftruction d'un Hôpital à Avignon.
(b ) Les Libertins châtiés.
Thémis
458 MERCURE DE FRANCE,
Thémis (c) reprend enfin fon glaive & fa balance ;
Elle punit le crime , & foutient l'innocence ;
L'appui du malheureux , mere de l'orphelin ,
Fermant à l'intérêt & les yeux & la main ,
Elle les tient ouverts pour la feule juſtice ;
On ne doit qu'à toi feul ce changement propice ;
Le (d) Voyageur furpris , admire ces chemins ,
Qui ſemblent effacer les travaux des Romains ;
Il partage les fruits de ta rare prudence ,
Et le bonheur d'autrui devient ta récompenſe ;
Les Beaux-Arts , par tes foins , venus dans ces Climats
,
Vont nous abandonner, pour marcher fur tes pas;
De (e) la Religion contemple la triſteſſe ;
Peut - elle nous cacher la douleur qui la preffe
Elle perd en ces Lieux fon plus cher Bienfaicteur ;
Lercari fait fa gloire , ainfi que fon bonheur ;
Vas donc de fon Empire aggrandir les limites ;
Les honneurs les plus grands font ceux que tu mérites.
S* B * , Avocat à Carpentras.
(c) Lajustice & la tranquillité renduës à l'Etat.
(d) Les Chemins réparés.
(e) Les Communautés gratifiées.
LET
MARS. 1744.
459
LETTRE de M...... à M. l'Abbé
Lebeuf, Chanoine & Sous -Chantre de l'Eglife
Cathédrale d'Auxerre , de l'Académie
Royale des Belles - Lettres , au sujet des
Rogations.
A
Ux Rogations dernieres , Monfieur
je cherchai l'origine de cette Cérémonie
dans la Concordance des Bréviaires de
Rome de Paris, imprimée à Paris en 1740,
& dont on a depuis changé le titre en celui
de Calendrier Hiftorique , &c. j'y ai trouvé
à la page 49 , au 10 Mai , que S. Mamert ,
Evêque de Vienne , inftitua les Proceffions des
Rogations , fous le Regne de Clovis , & c. &
p. 183 , que ces Proceffionsfurent inftituées par
S. Mamert en 474 , & étendues par toute la
France par un Concile d'Orleans , tenu en l'an
SII.
Comme cet Ouvrage n'eft pas partout
exact , ainfi que vous l'avez fait voir dans
l'Extrait que vous en avez donné , qui a été
inferé dans le Mercure : j'ai confulté quelques
autres Auteurs .
Le Dictionnaire de Morery , au mot Rogations
, remarque pareillement que ce fut
S. Mamert qui établit ces Priéres publiques
dans fon Diocèſe en 474 ; que ce fut pour
faire
460 MERCURE DE FRANCE .
faire ceffer les tremblemens de terre & pour
délivrer le Peuple d'une infinité de Loups.
enragés , qui défoloient la Campagne , &
qui entroient même jufques dans les Villes,
où ils dévoroient tous ceux qu'ils rencontroient.
Que le jeûne & les Priéres des
trois jours , qui avoient fait cefler ce fleau ,
furent continués depuis ; que le Concile
d'Orleans , en II , les ordonna dans toute
la France , dans le même- tems qu'elles fe faifoient
à Vienne ; que cet ufage paffa en Efpagne
vers le commencement du VII . fiécle,
& même plûtôt, mais que les trois jours
étoient le Jeudi , le Vendredi & le Samedi
d'après la Pentecôte ; qu'elles ont été reçûës
plus tard dans les Eglifes d'Italie , & que ce
ne peut être que fur la fin du VIII . fiécle
qu'elles y ont été introduites ; que Charlemagne
& Charles-le-Chauve ont fait des
Loix pour l'obfervation des Rogations , &
des défenfes de travailler en ces jours , ce
qui a été long - tems obfervé dans l'Eglife
Gallicane ; que le jeûne qui s'obfervoit régulierement
dans fon origine , a dégeneré
depuis en fimple abftinence ; que ces Proceffions
ont depuis été appellées petite Litanie
, ou Litanie Gallicane , pour les diftinguer
de la grande Litanie , ou Litanie Romaine
, inftituée par le Pape Grégoire le
Grand , l'an , 90 , laquelle fe fait le 7 des
t
Calendes
MARS . 1744. 461
Calendes deMai ,c'est-à-dire le 2 5 Avril , jour
de S. Marc ; mais que comme elles avoient
été inſtituées par un Evêque, on les appella
petite Litanie , parce que l'autre avoit un
Pape pour Auteur ; enfin que les Grecs &
les Orientaux ne fçavent ce que c'est que
Rogations , & il renvoye à Grégoire de
Tours , Avitus & Baillet .
Grégoire de Tours, Lib . Hift. 2 , Can. 34 ;
dit en effet d'après S. Alcime Avit , Refert
Avitus in quadam Homilia quam de Rogationibus
fcripfit , has ipfas Rogationes quas ante
Afcenfionis Domini triumphum celebramus , à
Mamerto , ipfius urbis Epifcopo , cui & bic
boc tempore præerat inftitutas fuiſſe dum urbs
illa multis terretur prodigiis .
Le P. de Colonia , en fon Hiftoire Littéraire
de la Ville de Lyon , Tom. I. p. 145 ,
en parlant de S. Mamert , qui avoit été à
Lyon , non-feulement lui donne mal-à-propos
le titre d'Archevêque , qui n'a été connu
en France que depuis le premier Concile
de Mâcon , tenu en l'année 581 , mais il
foutient auffi que S. Mamert a été le véritable
& premier Inftituteur des Proceffions
des Rogations ; il fe fonde fur l'Homélie de
S. Avit , fucceffeur de S, Mamert , & fur le
témoignage de S, Grégoire de Tours , dont
il rapporte les termes ; il fe fonde auffi fur
ce que dit Sidoine Apollinaire, Liv.
Epit.
462 MERCURE DE FRANCE.
Epit. 14 , où il écrit à fon ami Aper , Rogationum
... nobis folemnitatem primus Mamertus
Pater & Pontifex reverentiffimo exemplo
, utiliffimo experimento , invenit , inftituit ,
invexit. Enfin il fe fonde encore fur une
Note que le P. Sirmond a mis fur cette
Lettre de Sidoine , & qui eft conforme au
Texte.
*
Je crois cependant , nonobftant ce que
difent ces Auteurs , que les Priéres qui fe
font au tems des Ragations , étoient déja
ufitées avant S. Mamert , & que ce S. Evêque
ne fit que les rétablir , en prefcrire plus
étroitement l'obligation , y donner une
meilleure forme , & rétablir l'obligation du
jeûne dont on s'étoit relâché.
La folemnité des Rogations , quoique
toute Chrétienne , a fuccedé à une Céremonie
payenne , qui avoit à peu près le même
objet , car de tout tems les Peuples ont
fait des Priéres pour la confervation des
fruits de la terre , & particulierement dans
le tems de nos Rogations , où la rouille eſt
plus à craindre pour les moiffons.
La Nourrice de Romulus , appellée Acca
Laurentia , avoit coûtume de faire tous les
ans un Sacrifice , pour demander aux Dieux
une recolte abondante , & y faifoit affifter
fes douze enfans; l'un d'eux étant mort ,
Romulus , qui étoit bien aife de feconder
la
MARS. 17.44.
463
la dévotion de fa Nourrice , prit la place du
défunt , afin de remplir le nombre de douze
, & voulut qu'on appellât cette Societé
le Collége des Freres Arvales , du mot Latin
Arvum , qui fignifie Champ ; & depuis
cette Societé retint toûjours le même nom.
Ces Freres Arvales faifoient le tour de la
Ville & des Champs , en priant Cybele de
conferver les biens de la terre ; on appelloit
cette Cérémonie Amburbium , ou Ambarvale.
Pline , Liv . 18 , dit que Numa inftitua
des Fêtes , appellées Rubigales ou Rubigalia ,
aufquelles l'on faifoit des Prieres pour détourner
de deffus les moiffons la rouille appellée
en Latin Rubigo , qui s'y attache ordinairement
dans ce tems. Jean Ravifius ,
en fon Officina , dit , parlant de ces Fêtes ,
que les Rogations y ont fuccedé , quales
funt , dit-il , noftro tempore fupplicationes amburbia
& ambarvales quæ fiunt ut fructus terra
agricolarum voto refpondeant ... que nunc
aguntur ad feptimum Calendarum Maii , quoniam
tunc ferè fegetes Rubigo occupat.
Il eft probable que les Peuples Idolâtres,
qui avoient coûtume de faire ces Priéres
publiques
à leurs faux Dieux pour la confervation
des moiffons , étant devenus Chrétiens
addrefferent leurs Priéres au vrai
Dieu pour le même ſujet,
H
464 MERCURE DE FRANCE.
Il eft vrai que les Proceffions & Stations
d'une Eglife dans l'autre, n'ont pû être pratiquées
dans les premiers tems du Chriftianilme,
où il n'y avoit point encore d'Eglife,
mais on commença à en bâtir dans les Villes
vers l'an 118 , & dans les Villages , vers
l'an 400 ; d'ailleurs les Priéres des Roga
tions ont pû être établies avant les Proceffions
, & les Proceffions même ont pû être
établies avant que le nombre des Eglifes fe
fût beaucoup multiplié ; les Proceffions de
chaque Eglife faifoit le tour des Champs de
leur Territoire , d'où elles ont été appellées
Supplicationes Amburbia ou Ambarvales.
Le P. de Colonia convient , avec le P.
Sirmond , que l'ufage des Proceffions & des
Litanies eft beaucoup plus ancien que S.
Mamert , & qu'on en trouve l'origine dans
le III. fiécle , & peut - être dans des
tems encore plus reculés , comme on le peut
voir dans l'Ouvrage fingulier de Serarius
intiulé Litaneuticus , c'eft-à- dire Recherches
ou Traités fur les Litanies.
Ils prétendent , il eft vrai , que ces Proceffions
n'étoient pas les mêmes que celles
qui fe font au tems des Rogations. Mais
quel auroit été leur objet ? Ce n'étoient pas
les Proceffions des Dimanches, qui n'ont été
inftituées qu'en l'an 550 , par le Pape Agapet
, ni celle de la Fête de S. Marc , qui n'a
été
MARS. 1744. 465
été inftituée qu'en 590 , par S. Grégoire le
Grand , à l'occafion de la pefte , qui faifoit
alors de grands ravages dans Rome . Ce n'étoit
pas non-plus la Proceffion du S. Sacrement
, qui n'a été inftituée que par Jean
XXII , au commencement du XIV fiécle ;
ce qui me fait croire que les Litanies ou
Prieres publiques & les Proceffions que l'on
faifoit dès avant le . III . fiécle , avoient le
même objet que celles que l'on fait préfentement
aux Rogations . Elle fe faifoient de
même pendant les trois jours qui précédent
la Fête de l'Afcenfion de N. S. On jeûnoit
pendant ces trois jours ; on faifoit des aumônes
, des Prieres publiques & des Proceffions
, qui duroient toute la matinée.
On trouve dans les anciennes Editions
des OEuvres de S. Auguftin , telle que celle
de Bafle en 1543 , trois Homélies intitulées
de Letania , c'est-à-dire des Prieres , fuppli .
cations & Proceffions.
La premiere de ces Homélies , qui eft le
Sermon 173 , fait mention d'un jeûne qui
étoit obfervé dans toute l'Eglife pendant
trois jours , où les Fidéles étoient obligés de
s'affembler : Nullus fe à fancto conventu fubducat.
Dans l'Homélie fuivante , qui eft le Sermon
174 , in vigilia Afcenfionis , il eft dit
que ce tems eft un tems de componction &
C de
466 MERCURE DE FRANCE.
de pénitence , Quia dies compunctionis &poenuentia
celebramus, & ideo non nos oportet nimio
rifu vel in aliquo minus cauro & congruo
cachinno diffolvi:&c.Orexhorte le Peuple de
redoubler fes prieres pendant ce tems : cum
ingenti rugutu vel gemitu , affiduis orationibus
largioribus Eleemofinis debemus Dei mifericordiam
implorare , ut ipfe nobis mifericor
diam & benedictionem aquarum cæleftium ...
profpera dignetur profuâ pietate. On aver
tit le Peuple de fe trouver à la Proceffion
& de ne point chercher d'excufe fur les af
faires ou fur la longueur du chemin , pour
n'y point afſiſter. Nullus fibi de induſtriä aliquas
occupationes inquirat per quas fe de Ecclefia
conventu fubducat ... non licet vos de Eccle
fie conventu fubftrahere , quia non tam longo
fpatiofatigamur, ut hoc fuftinere non valeamus.
La Proceffion fe faifoit le matin , & duroit
fix heures , c'eft- à-dire toute la matinée,
Qui in iftis fex horis de conventu Ecclefie non
fubducit fe , & c. Enfin le jeûne & les Prieres
duroient trois jours : Qui in iftis tribus
diebus jejunando , orando & pfallendo medicamentafpiritualia
fihi non requirit , & c. & ces
trois jours étoient avant l'Aſcenſion ; je ne
fçais où les Continuateurs de Moreri ont
trouvé que les Rogations fe faifoient le Jeudi,
le Vendredi & le Samedi d'après la Pentecôte,
à moins qu'ils n'ayent voulu dire que
cela
MARS. 1744.
457
cela fe partiquoit ainfi en Eſpagne , dont ils
parlensun peu auparavant. J'ignore fi tel
étoit l'ufage d'Espagne , mais dans les Gaules
, je crois que les Rogations ont toujours
été les trois jours d'avant l'Afcenfion . Il femble
qu'en cet endroit de Moreri on avoit
confondu les Rogations avec l'un des jeûnes
des Quatre- tems , qui arrive le Mercredi , le
Vendredi & le Samedi d'après la Pentecôte ,
quoique les Quatre - tems foient beaucoup
plus anciens que les Rogations , & qu'ils
ayent un autre objet.
Enfin dans la derniére de ces Homélies ,
il est encore parlé d'un tems de jeûne.
Si ces trois Homélies étoient en effet de
S. Auguftin , auquel on les a d'abord attribuées
, il ne faudroit pas chercher d'autre
preuve que les Rogations étoient établies
avant S. Mamert , puifque S. Auguftin fiégeoit
fur la fin du IV. fiécle & au commencement
du V. fiècle.
Mais ces trois Homélies ont été rejettées
par les Editeurs Bénedictins dans l'Edition
des OEuvres de S. Auguftin , commencée en
1679 , & continuée les années fuivantes ;
ces Sçavans les ont placées dans l'Appendix
qui eft à la fin du Tome V , imprimé en
1683 , Part. 2 , contenant les Homélies ,
mal à propos attribuées à S. Auguſtin .
Sur la premiere de ces trois Homélies,ils
Cij
ont
468 MERCURE DE FRANCE.
ont remarqué que dans la Bibliothèque des
Peres , cette Homélie eft la 37 de celles de
S. Cefaire , Evêque d'Arles , qui ne fiégea
qu'au commencement du VI fiécle , & qu'elle
lui eft pareillement attribuée dans un Manufcrit
de la Chartreufe de Portes , fituée
dans le Bugey , & dans plufieurs autres Manufcrits
; que Vignier l'avoit donnée toute
tronquée dans un Supplément des OEuvres.
de S. Auguftin , & dans la Note qui eft en
marge ; les Editeurs renvoyent au Sermon
47 de S. Cefaire , intitulé Dies Medicinales.
Sur la feconde Homélie , ils remarquent
que les Docteurs de l'Univerfité de Louvain
, dans l'Edition qu'ils ont donnée des
OEuvres de S. Auguftin , avoient déja regardé
cette Homélie comme fufpecte ; que
Verlin & Vinding , la tenoient pour fauffe:
qu'on y reconnoît le ftyle de S. Cefaire &
fes phrafes les plus ufitées , dont ils donnent
plufieurs exemples.
Enfin fur la troifiéme Homélie , ils remarquent
pareillement que les Editeurs de Louvain
l'avoient jugée douteufe ; que Verlin
& Vinding la regardoient comme fuppofée ,
à cauſe de la dureté du ftyle ; qu'il paroît
bien que ce Difcours a été prononcé dans
un tems de jeûne , mais qu'il eft incertain
que c'ait été dans le tems des Rogations ,
quoique dans les Manufcrits & dans les anciennes
MARS. 469 1744.
ciennes Editions , il foit placé avant la Fête
de l'Afcenfion .
On ne peut donc fe fonder fur ces
pas
trois Homélies
, pour établir que les Rogations
étoient déja établies avant S. Mamert
& du tems de S. Auguftin ; mais on en trouve
ailleurs quelques traces dans S. Auguſtin
même , & dans plufieurs autres Auteurs contemporains
ou même plus anciens , que le
R. P. Bonnaud , Religieux de l'Abbaye de
S. Germain- des- Prés , a eu la bonté de m'indiquer.
Il eft certain d'abord que S. Auguftin a
parlé de Proceffions & de Prieres publiques
dans fon Traité de civitate Dei, liv. 22 , chap.
8 , n. 10 & 11 , où il dit à l'occafion des
Reliques de S. Etienne , premier Martyr ,
ad aquas Tibilitinas Epifcopo afferente Reliquias
Martyris gloriofiffimi Stephani , ad ejus
memoriam veniebat magna multitudinis concurfus.
Sans avoir recours à la nouvelle Edition
de S. Auguftin , on n'a qu'à ouvrir le
Breviaire des Bénédictins au 3 Août , on y
trouve la VIIe & la VIIIe Leçons de Matines
, tirées de ce Chapitre de S. Auguſtin
& dans le nouveau Bréviaire de Paris au
même jour 3 Août , on a compofé toute la
V Ie Leçon du même Texte avec ce Titre ,
ex Lib, de civit. Dei , lib. 22 , c. 8 .
S. Chryfoftôme , qui compofa la plûpart
Ciij
de
470 MERCURE DE FRANCE.
de fes Ouvrages , depuis qu'il fut fait Dia
cre , jufqu'à ce qu'il fut élevé au Patriarchat
de Conftantinople , c'eft-à-dire , depuis l'an
380 jufqu'en 396 , parle auffi de Proceffions
& de Prieres publiques dans cinq de
fes Homélies , Tom. 2 de la nouvelle Edition
, dont les quatre premieres que l'on va
citer , ont été prononcées hors de la Ville ,
aux Oratoires & aux Tombeaux des Martyrs.
Dans l'Homélie de coemeterio & cruce , p.
392 , S. Chryfoftôme avertit que l'ufage
pour lequel le Clergé & le peuple alloient
enfemble célébrer le fervice Divin hors de
la Ville , n'étoit pas nouveau ; que c'étoient
leurs ancêtres qui l'avoient établi , ce qui
fait remonter l'origine de cet ufage ,au moins
à la paix procurée à l'Eglife , par la converfion
du Grand Conftantin.
Dans une autre Homélie , de Afcenfione ,
P. 447 , on voit que le Clergé conduifoit le
peuple hors de la Ville , vos buc adduximus ,
&c. p. 448.
Dans l'Homélie du Martyr Phocas , pag.
704 , il dit que le jour précédent on avoir
porté dans la Ville avec pompe , le S. Mar-
Phocas , c'eſt-à-dire , fes Reliques ; qu'elles
avoient beni la place publique , & qu'on
alloit procurer le même avantage à la Mer
où on alloit les conduire , vidifti eum per fotyr
rum
MARS. 1744. 471
rum ductum , cerne jam ipfum per mare navigantem
, ut Elementum utrumque ejus benedictione
repleatur ; à quoi paroît conformé l'ufage
obfervé dans le tems des Rogations , de
benir les champs , les arbres , les fruits de la
terre & les riviéres * . S. Chryfoftome exhorte
ici vivement tous les habitans de fe
trouver au moins à cette feconde Proceffion
: Saltem hodie adefto ... non Virgo domi
remaneat , &c. exhauriamus urbem & nos ad
fepulchrum Martyris conferamus , nam & Imperatores
nobifcum choreas ducunt ; quamnam
igitur veniam meretur privatus , cum regia pa-
Latia deferant Imperatores , &c.
Il parle encore de ces fortes de Proceffions
aux Tombeaux des Martyrs , dans fon Homélie
in Martyres , pag. 667 .
Enfin dans fon Homélie de terra motu ,
pag. 718 , faite à l'occafion d'un tremblement
de terre , qui étoit arrivé depuis peu ,
il releve l'utilité de la Pfalmodie , qui dans
une Proceffion , qu'on avoit faite à l'occafion
de ce terrible fléau , avoit fanctifié l'air,
le pavé , la place publique , toute la Ville
étant devenue par-là comme une Eglife ,
aër quippe fanctificatur per Pfalmodiam ..
fanctificatis folum , forum : urbem nobis Ecclefiamfeciftis.
* A Paris , le Clergé de N. D. benit la Seine , par
une fenêtre d'une des maisons du Pont- au- Change.
C iiij S.
472 MERCURE DE FRANCE.
S. Bafile , Evêque de Cefarée , qui mourut
l'an 378 , dans une de fes Homélies de
Sancto Mamante Martyre , Tom. I vet. Edit.
fait auffi mention des Proceffions qui fe faifoient
aux Tombeaux des Martyrs.
• • ..
Et S. Gregoire de Nazianze , qui étoit à
peu près contemporain de S. Bafile , & qui
fut Evêque de Conftantinople depuis l'an
379, jufqu'en 381 ou 382 , qu'il fe démit
de fon Evêché , parle auffi de Proceffions &
de Prieres publiques : Oratione 43 , de novâ
Dominicâ , de Vere, & de Santo Mamante.
Sidoine Apollinaire , qui vivoit à peu
près dans le même- tems que S. Mamert , fait
auffi mention des Rogations qui fe pratiquoient
avant Saint Mamert ; après avoir
dit , que Rogationum nobis folemnitatem
primus Mamertus... invenit , înftituit,
invexit : Il ajoute , erant quidem prius ( quod
falva fidei pacefit dictum ) vaga , tepentes , infrequentesque
, utque fic dixerim ofcitabunda
Supplicationes , qua fæpe interpellantium prandiorum
obicibus hebetabantur , maxime aut imbres
aut ferenitatem deprecature , ad quas ( ut
nil amplius dicam ) figulo pariter atque ortulano
non oportuit convenire ; in his autem quas
fupra fatusfummus Sacerdos nobis protulit
pariter & contulit , jejunatur , oratur , pfallitur
, fletur.
Les Auteurs de Gallia Chriftiana, Tom. 1,
à
MARS. 1744. 473
à l'article de S. Mamert , difent pareillement
hic ufum Rogationum & facrarum litaniarum
cultu remiffione negle&tum in Galliis feliciter
reftituit apud fuam Ecclefiam inducens
cum Viennenfis urbs terra motibus , aliisve prodigiis
turbaretur , quas difertè exponit Alcimi
viti , Epifcopi Viennenfis Homilia condita ,
à quo ufu confuetudo Rogationum procefferit.
Ils obfervent enfuite que le Concile tenu à
Vienne à ce fujet , fut vers l'an 474 , & tion
pas en 452 , comme l'a écrit Adon . Du refte ,
ils adoptent le témoignage d'Adon , qui attefte
après Sidoine , que S. Mamert ne fut
que le reftaurateur des Rogations & non
pas l'inftituteur. Has igitur non à Mamerto
primumfuiffe inftitutas ,fed tantum collapsâ difcifplina
reformatas, poft Adonem teftatur Sidonius
, & c .
M. Baillet, en fon Hiftoire des Fêtes Mobiles
, chap. des Rogations , n . 8 , remarque
auffi ce que dit Sidoine , & paroît de même
fentiment . On peut voir auffi à ce fujet , ce
qui eft dit dans le Catéchifme de Montpellier
, Part. 3 , Sect. 2 , Chap. 9 .
Il paroît donc conftant , que long-tems
avant S. Mamert , & non-feulement dans
les Eglifes d'Afrique , mais auffi probablement
dans les Eglifes d'Orient & dans les
Gaules, on faifoit déja des Proceffions & des
Prieres publiques hors des Villes & aux
Cv Tom474
MERCURE DE FRANCE.
Tombeaux des Martyrs , & que ces Proceffions
avoient le même objet que celles que
l'on fait aujourd'hui dans le tems des Rogations.
Cet ufage étoit déja ancien du tems
de S. Auguftin , puifqu'il fe plaint du relâ→
chement , & que Sidoine , qui vivoit peu de
tems après , en parle de même. Ces Proceſfions
fe faifoient , dit- il , déja avant S. Mamert
, mais elles fe faifoient fans ordre- ni
régle ; elles étoient négligées ; on ne s'y
comportoit plus décemment ; on n'y obfervoit
plus le jeûne qui avoit d'abord été
établi.
S. Mamert rétablit ces Prieres & ces Proceffions
; il en prefcrivit plus étroitement
l'obligation ; il leur donna une meilleure
forme , & rétablit le jeûne , qui n'y étoit
plus obfervé ; il affembla pour cet effet un
Concile à Vienne , non pas en 452 , comme
dit Adon , ni en 477 , comme le difent
quelques Auteurs , mais en 474 , & ce ne
fut pas pour établir le jeûne des Rogations ,
mais pour le rétablir.
Le Concile d'Orleans , tenu en 511 , qui fut
la derniere année du Régne deClovis, ordonna
pour toute la France la même chofe que
S. Mamert avoit ordonné dans fon Dioceſe,
& le Pape Leon III , qui fiégeoit fur la fin
du VIII fiécle , & au commencement du
IX , ordonna la même chofe pour toute
l'Eglife.
PréMARS.
1744. 475
Préfentement le jeûne n'eft plus d'obligation
dans le tems des Rogations ; on y obferve
feulement l'abftinence de viande , mais
je n'ai pû trouver en quel
trouver en quel tems on a difpenſé
du jeûne qui avoit été ordonné .
Pour ce qui eft du nom de Litanies Mineures
, que les continuateurs de Moreri donnent
aux Proceffions des Rogations , ce n'eft
pas la Dignité de l'Inftituteur qui a fait dif
tinguer les Litanies ou Proceffions , mais le
tems de leur inftitution ; en France , où les
Proceffions des Rogations font les plus anciennes
, on les a appellées Litanies Majeures
, & on les appelle encore ainfi à Paris ;
au lieu qu'on a appellé Litanie Mineure la
Proceffion du jour de S. Marc , qui n'a été
inftituée qu'en 590. Au contraire à Rome ,
où la Proceffion de S. Marc eft plus ancienne
que celle des Rogations , on l'appelle
Litanie Majeure , & les Proceffions des Rogations
Litanies Mineures ; ainfi ces termes
Majeures ou Mineures , doivent être entendus
relativement au lieu dont on parle.
Il ne me reste plus à obferver au fujer des
Rogations , qu'un ufage qui fe pratiquoit
autrefois dans l'Eglife de N. D. de Paris ;
on y portoit aux Proceffions des Rogations
la figure d'un grand Dragon d'ozier , qui
avoit la gueule béante ; les gens du commun
prenoient plaifir à jetter en paffant , dans la
Cvj gueule
476 MERCURE DE FRANCE.
,
gueule du Dragon , du fruit & des gâteaux ;
on tient que c'étoit en mémoire d'un Serpent
monitrueux ou Dragon , dont S.
Marcel,Evêque de Paris , délivra cette Ville,
ainfi que vous fçavez qu'il eft écrit par Fortunat.
Quelques - uns ont dit auffi qu'un
Dragon faifoit de grands ravages fur le
Quai de la Megifferie , & que c'eft de-là que
ce Quai fut appellé la Vallée de mifére , mais
il eft plus probable que ce bord de la riviére
ne fut ainfi appellé qu'à caufe des inondations
dont il étoit fouvent incommodé , le
terrein étant alors fort bas.
Le Dragon que l'on portoit à la Proceffion ,
étoit fans doute la figure du Démon , que
l'on repréſentoit ainfi dans plufieurs Eglifes
où l'on porte encore de femblables figures
de Dragons en Proceffion . Quoiqu'il en foit,
il y a environ 15 ou zo ans que l'on a ceffé
à N. D. de porter le Dragon aux Proceffions
des Rogations. On a feulement continué
l'ufage de benir la riviére , de même
dans les campagnes on benit les champs &
les fruits de la terre.
que
J'efpere , M. que vous voudrez bien fuppléer
à ce que je puis avoir omis fur ce fujet.
J'ai l'honneur d'être , & c.
ODE
MARS. 1744.
477
ODE SUR LE HAZARD.
Dieu , qui préfides fans ceffe
Aux plus petits événemens ,
Et qui créas par ta fageffe
Le Ciel & tous les élémens ;
Toi , qui fournis des nourritures
Aux plus petites créatures ,
Confonds ici l'impiété ,
Qui pour ta voix n'a pas d'oreilles,
Ei donne toujours tes merveilles
A l'aveugle fatalité.
Loin d'ici , Sectateurs antiques
Des plus folles opinions ;
Qui de vos Ecrits ſophiſtiques
Peut adopter les vifions ?
Difparoiffez , triftes fantômes
De ce choc fabuleux d'atômes ,
Agiffant fans ordre & fans art.
Serons- nous pleins de déférence
Pour une telle extravagance ,
Qui divinife le hazard?
I
од
478 MERCURE DE FRANCE.
Où court ce cruel Capitaine ,
Ce fier Nabuchodonofor ?
Eft-ce le hazard qui le méne
Avec le trépas & la mort ?
Pourquoi vient-il dans la Judée ?
Que veut-il à cette Contrée ?
Tremblons fur ce peuple obſtiné ,
Qu'il va réduire en fervitude ,
Pour fon infigne ingratitude ,
Et s'être fouvent mutiné.
Quel eft donc ce bras inviſible.
Qui conduit Cyrus au combat ?
Pourquoi le rend- il fi terrible ,
Et fait-il un fi grand éclat ?
Seigneur , tu ( a ) marches à ſa tête ;
C'est à toi qu'il doit fa conquête ,
Puifque pour punir les humains ,
Tu tournes contre Babilone
Ce Roi que tu mets fur le Trône ,
Et dont tu fçais armer les mains.
N'eft-ce pas toi , qui d'Alexandre
As prédit l'intrépidité ?
Tu voyois déja tout en cendre ,
( a ) Ego ante te ibo , & gloriofos terra humiliabs.
Ifaiæ , cap. 45 , V. 2.
Et
MARS.
1744. 479
Et le Perfe en captivité.
Là ( b ) terre même en fa préfence
Garda quelque tems le filence ,
Mais ce Roi vain & triomphant ,
Toujours fuivi de la victoire ,
Toujours environné de gloire ,
(c) Reconnut un dernier inftant.
Non , non ; la fortune intraitable
Ne renverfa pas les Romains.
Si je vois un chef implacable ,
Qui dans leur fang trempe fes mains ;
Si dans une ardente journée ,
Je vois Céfar contre Pompée
Difputer du fort des Mortels ,
C'eft que tu veux de leur Patrie ,
Seigneur , ôter l'Idolâtrie ,
Pour y placer tes Saints Autels.
***
Que dirons-nous de cette armée
Qui fut conduite par Titus ,
Ce Prince , dont la Renommée
Publie encore les vertus ?
N'eft-ce pas pour un Déïcide ,
(b ) Terra filuit in confpectu ejus. Machab. cap.
3,V.3.
c) Et cognovit quia moveretur. Ibidem , v. 6.
Qu
480 MERCURE DE FRANCE.
Que tu vas , Nation perfide
Tomber dans une affreuſe horreur ?
Hélas ! tu fécheras de crainte ,
Quand l'ennemi dans ton enceinte
Semera partout la terreur .
炒菜
Enfin l'heure fatale arrive ,
Où cette opulente Cité
Reçoit , en devenant captive ,
Tous les maux qu'elle a mérité .
Je ne vois que feu , que carnage ;
Des foldats tranſportés de rage ,
Et mille cadavres épars ;
Je vois d'homicides machines ;
Je vois du Temple les ruines
Sion , on détruit tes Remparts.
***
N'allons plus chercher dans l'Hiftoire
Les exploits les plus effrayans ;
Rappellons dans notre mémoire
Des fujets bien plus confolans.
Jettons les yeux fur ces Images ,
Qui fe font admirer des Sages ,
Et dont l'Univers eft rempli .
Eft-ce une Fée enchantereffe ,
Ou ces Dieux, forgés par la Grece ,
Qui rendent le monde accompli ?
RéMARS.
1744. 481
Répondez-moi , Flambeau célefte ,
Et vous radieux Firmament.
Oui , c'eſt vous , c'eft vous que j'atteſte ;
Vous donnez-vous le mouvement ?
Ils me diront dans leur langage ,
Nous ne fommes point notre ( d ) ouvrage ;
Mais qui meut ces globes divers ?
Et quel eft donc cet artifice ?
Seroit-ce , hazard , ton caprice ,
Qui produiroit cet Univers ?
Ceffez , Mortels , de faire injure ,
Par tous vos difcours impofteurs ,
A cet Auteur de la nature
Qui devroit regner dans vos coeurs.
N'étouffe plus , vile pouſſiére ,
Cette vive & forte lumiére ,
Que ton Dieu t'imprime en naiffant.
Rois , abbaiffez le Diadême ;
Révérez cet Etre ſuprême ,
Ou bien rentrez dans le néant.
(d ) Ipfefecit nos , & non ipfi nos .
Pfal. 99 , V. 3.
Par M. Bernard,
LETTRE
481 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. Peyffonnel à M. Jourdan ,
au fujet d'un Problême galant , décidé dans
le Recueil du Parnaffe.
Q
U'allez -vous dire , Monfieur , de voir
un jeune Eléve de Minerve , livré depuis
quelque- tems aux charmes de la Philofophie
, s'efforcer de réfoudre un Problême
galant ? l'entrepriſe eft des plus hardies , je
l'avoue, & peut-être un peu téméraire ; c'eft
beaucoup rifquer que de traiter après vous ,
une matiere auffi délicate. J'ai fort longtems
balancé , je vous affure , avant que de
mettre la main à la plume , mais après un
affés long combat , l'envie extrême de vous
faire part de ma façon de penfer , vient de
l'emporter fur ma modeftie ; je vais d'abord
expofer en peu de mots la queſtion que vous
venez de mettre au jour , avec une élégance
qui m'eft encore étrangere ; ne vous attendez
pas en effet de trouver ici cette legereté
de ftyle , ces belles phrafes , ces fleurs de
Réthorique qui ornent tous vos Ouvrages ,
& que vous ne devez pas exiger de moi .
Deux Bergers , également aimables , brû- '
loient tous deux d'une même flâme pour la
jeune Themire , qui joignoit à la beauté
touMARS.
1744-
483
toutes les qualités néceffaires pour dompter
les coeurs les plus rébelles ; tous deux fe
plaignoient également de fon indiférence ;
la Bergere qui fe fentoit du penchant pour
Fun & pour l'autre , ne fçavoit auquel des
deux accorder fon coeur ; les agrémens de la
jeuneffe , la tendreffe , l'empreffement , les
foins , qui fe trouvoient les mêmes dans l'un
& dans l'autre, la rendoient parfaitement indécife.
Ces deux Bergers , ne pouvant fupporter
plus long- tems une fi cruelle incertitude
, la preffent de terminer fon irréfolurion
; ils la conjurent de choisir fans differer
davantage , & de fe déclarer pour l'un ou
pour l'autre. Themire, laffe elle-même de fa
trop longue réfiftance , fe rend à leurs prie
res , & leur affigne le jour & l'endroit où
elle doit faire le bonheur de celui qu'elle
aime.
Les deux Amans , impatiens d'être inftruits
de leur fort , fe hâtent d'arriver au rendezvous.
Tircis, craignant toujours de manquer
d'attraits , orne la tête d'une couronne de
fleurs artiſtement arrangées ; il emprunte
tous les agrémens de la parure , fans s'écarter
cependant de la fimplicité paftorale .
Clitandre au contraire la néglige entiérement
, perfuadé que fa beauté n'a beſoin
que d'elle-même , peut- être auffi plus modefte
, croyant avoir affés de la délicateffe
de
484 MERCURE DE FRANCE.
de fes fentimens pour gagner le coeur de la
Bergere. Themire ne tarde pas de paroître
que
que
ornée d'une couronne de fleurs , ainfi
Tircis. On peut aifément juger du trouble
reffentent ces deux Amans à fon arrivée
; ils l'approchent tout tremblans . Elle
met fa couronne fur la tête de Clitandre qui
n'en a point , & prend celle de Tircis pour s'en
parer elle-même on demande lequel des
deux a été préféré.
›
Y
Permettez aimable Themire , que je
vous accufe ici d'un peu d'inhumanité.
Pourquoi laiffez-vous fouffrir à ces deux
Amans les peines les plus cruelles ? leur trouble,
l'ennui qui les dévore nedevoient-ils pas
vous toucher ? Bergers trop malheureux
vous atteigniez au moment qui devoit couronner
vos défirs , ou mettre le comble à votre
infortune ; mais que dis-je ! fi vous doutez
encore de votre fort , ne vous en prenez
qu'à vos charmes ; n'en accufez point la Bergere.
Egalement épriſe de l'un & de l'autre ,
elle voudroit fe déterminer ; elle s'efforce
en vain de choisir de Tircis ou de Clitandre ;
un certain je ne fçais quoi , l'oblige à les aimer
tous les deux ; plus elle les confidere ,
& plus elle a de peine à fe réfoudre ; chaque
regard jetté fur l'un ou fur l'autre de
ces aimables Bergers , augmente fon irréfolution
: en un mot , crainte de défobliger l'un
des
MARS. 1744. 485
des deux , elle les favorife également l'un
& l'autre .
En effet , M. tout ce qu'on peut dire à
l'avantage du premier , peut de même ſe
dire en faveur de fon Rival. Le premier
mouvement paroît favorifer Clitandre ;
c'eft lui peut-être que Themire reconnoît
pour fon vainqueur en le couronnant , peutêtre
auffi n'a-t'elle d'autre vûë , en lui donnant
fa couronne , que de faire place à celle
de Tircis , qui mieux que l'infortuné Clitandre
a fçu ſe rendre maître de fon coeur.
Mais cette action décide -t'elle plûtôt pour
T'un que pour l'autre ? point du tout ; nous
voici tout auffi embarraffés qu'auparavant.
C'eft Tircis , dites - vous , qui vous paroît
le plus favorifé ; l'empreffement avec lequel
Themire lui prend fa couronne , fans
même qu'elle lui foit offerte , eft une faveur
marquée au coin de la prédilection . Mais fi
Tircis eft l'heureux Berger qu'elle aime
pourquoi lui donner un fujet de jaloufie ?
pourquoi lui faire une efpece d'infidelité ,
en le préférant à fon Rival ? vous répondrez
à cela que ce qu'elle a fait pour Clitandre
n'eft qu'un pur effet de fa générofité ;j'y confens,
mais vous conviendrez avec moi , que
Tircis n'eft nullement obligé de le deviner ,
& qu'il fe pafferoit parfaitement bien de
cette grandeur d'ame ; je dois ici me taire ,
,
>
pour
486 MERCURE DE FRANCE.
pour ne point bleffer l'innocence de la jeune
Themire ; peut-être me trouverois- je obligé
de la croire coquette ou cruelle ; il eſt bien
difficile , en effet , de conclure autre choſe
de fa façon d'agir. Elle couronne Clitandre
& fe pare en même- tems de la couronne de
Tircis , pour ne pas mettre ce dernier dans
la dure néceffité de défefperer , & pour ménager
par ce moyen-là l'un & l'autre Amant.
Ce procédé , n'en déplaiſe à l'aimable fexe
qui s'intéreffe pour elle , me paroît tant ſoit
peu fufpect. Si c'eft Tircis qu'elle aime ,
pourquoi héfiter de lui en faire la déclaration
? pourquoi les embarraffer tous deux &
redoubler leur incertitude par des faveurs
qui paroiffent parfaitement égales il y a
de la cruauté à ne pas foulager les peines
d'autrui , quand il eft fi aifé de le faire ;
mais je m'arrête ici , craignant même d'en
avoir trop dit , pour renvoyer à votre tribunal
une décifion plus parfaite de cette
queftion , & j'ai l'honneur d'être , Monfieur
, & c.
ODE
MARS. 1744.
487
ODE , tirée du Pfeaume 111 , Domine ,
quid multiplicati funt qui tribulant
me ? &c.
DIE U Puiffant , pourquoi ma vie
Préfent de tes propres mains ,
Eft tant de fois pourſuivie
Par la fureur des humains ?
Combien d'ennemis avides
Vois- je fur mes pas timides ,
Comme des loups acharnés !
Hélas ! leur haine funefte
Va confommer ce qui refté
De mes jours infortunés.
**
Ils difent en ma préſence ;
Nous fommes maîtres de lui ;
Accablons fon impuiffance ;
Qu'ilfoit en proye à l'ennui ;
Ses foupirs , qu'un rien efface ,
Ne perceront pas l'eſpace
Qui l'éloigne du Seigneur ;
Et fon ame abandonnée
Verra fur fa deftinée
Triompher notre fureur.
Mais
488 MERCURE DE FRANCE.
Mais le difcours de l'envie
N'eft qu'un vain bruit qu'on entend ;
Contre les traits de l'impie
La juftice me défend ;
Auffi-tôt que je m'éveille ,
Le Seigneur , prêtant l'oreille ,
Eft attentif à ima voix ,
Et la vertu triomphante
Puiſe une gloire conſtante
Dans la fource de fes loix.
Lorfque le flambeau du monde.
A retiré la clarté ,
Et que dans la nuit profonde
Le crime eft en liberté ,
Sans trouble dans mon azile ,
Je dors d'un fommeil tranquile
Entre les bras du Seigneur ,
Et fauvé fous fa tutelle ,
Quand le jour le renouvelle ,
Je bénis mon défenſeur .
O Ciel ! quels regards horribles
L'Univers lance fur moi !
Mille Nations terribles
S'élévent contre ma Foi !
Dieu vengeur , prends ma deffence ;
Pour
MARS.
489 1744.
Pour fauver mon innocence
Leve la main un inftant ,
Et ces peuples homicides ,
Avec leurs complots perfides
Rentreront dans le néant.
Le Seigneur vient de m'entendre ,
Tout vient d'éprouver fon bras ,
Partout il vient de répandre
Les ténébres du trépas ;
Le Maître de la Nature
A fauvé fa Créature
Des mains de fes oppreffeurs ,
Et la vengeance divine
A , jufques dans la racine ,
Brifé les dents des pécheurs.
Ainfi donc , quand l'innocence
Appréhende pour les jours. ,
C'eſt , Seigneur , à ra Clémence
Qu'elle doit avoir recours ;
Tendre Pere de famille ,
L'éclat de tes bienfaits brille
Sur tes fidéles enfans ,
Et ta divine tendreffe ,
Dans la peine qui les preffe
Soutient leurs pas chancelans.
D LET
490 MERCURE DE FRANCE,
LETTRE écrite à M. D. L. R. au fujet
des Réponses de M. Binet , aux Critiques
defa Topographie des Bréviaires.
J'ace 1 tonfide la nouvelle
' Ai remarqué , Monfieur , que l'an-
Topographie & Chronologie du Bréviaire
de Paris , a été attaqué par trois differens
Adverfaires. L'Ecrit du premier a paru dans
le Mercure de Mai , & celui du fecond dans
le Mercure de Juin , fecond Volume . M. Binet
, Auteur du Livre attaqué , a répondu
au premier dans le Mercure de Juillet , &
au fecond dans celui de Septembre. Je
ne parle pas du troifiéme Adverfaire qui
s'eft élevé contre lui . Sa querelle ne paroît
être dans le même genre que celle
des deux premiers , & je ne m'intéreffe que
pour eux deux. J'ai attendu plufieurs mois
avant que de mettre la main à la plume
comptant que ces deux Meffieurs L. A. D. P.
& l'Anonyme , juftifieroient leurs Obfervations,
qu'ils feroient voir au Public que leurs
Rémarques font folides, & que les Réponſes
de M. Binet ne font que des fubterfuges ; je
me perfuadois que la caufe de leur filence
venoit de ce qu'ils vouloient donner un peu
de relâche à l'Auteur du Livre , & le laiffer
pas
reſpirer
MAR S. 1744. -
491
refpirer un peu , avec d'autant plus de
raifon , qu'il convenoit de lui laiffer quelque
loifir pour répondre au troifiéme Adverfaire.
Puifqu'ils ne repliquent point à M. Binet,
ils trouveront bon , qu'en époufant leur
querelle , je foutienne que ce qu'ils ont relevé
comme fautif , eft bien critiqué de leur
part ; que les Réponſes de M. Binet ne font
pas recevables , & que quelquefois , lorfqu'il
veut réparer la faute qu'il a faite, il en
commet une autre plus confidérable.
Commençons par ce qu'il dit de Mont-
Meillan. C'eft à l'occafion de la Légende de
de S. Vit , Martyr du Bréviaire de Paris au
xv Juin. On y lit ces mots : Supereft in finibus
Agri Parifienfis apudMontem- Melianum
Ecclefia Parochialis antiquiffima , fancti Viti
titulo. M. Binet a dû fe borner à une Paroiffe
du Diocèſe de Paris , laquelle , comme le
dit formellement ce Bréviaire , eft fituée à
Mont-Meillan même. La faute qu'il avoit
faite,étoit de qualifier cette Paroiffe du titre
deBourg, n'étant cependant compofée que de
cinq ou fix maiſons éparfes. Mais pour foutenir
que ce nom de Bourg doit refter dans
la Topographie , il dit qu'il fuffit qu'il y ait
unMont- Meillan tout voisin, qui puiffe porter
cette qualité. Il croit que la Paroiffe de
Mont-Meillan , du Diocèfe de Senlis , eft
D ij affés
492 MERCURE DE FRANCE.
affés confidérable , pour être appellée Bourg,
& cela fuffit , felon lui , pour dire qu'il ne
s'eft pas trompé. Mais que fait , lui dirai -je,
à la Topographie du Bréviaire de Paris la
Paroiffe de Mont- Meillan , qui eſt du Diocèfe
de Senlis ? Cette Paroiffe n'a aucun rapport
avec S. Vit , à l'occafion duquel le Bréviaire
parle de Mont-Meillan ; ainfi il n'em
falloit pas faire mention , & n'en faiſant
mention , la qualité de Bourg devient inutile
dans la defcription Topographique.
pas
Ce n'eft pas tout ; l'Auteur voulant rele
ver par un titre pompeux le Village du Diocèfe
de Senlis , qui ne fait rien à fon fujet ,
prend encore un autre parti , qui eft de contrarier
le Bréviaire de Paris , Ce Bréviaire
dit clairement , que l'Eglife Paroiffiale de
S. Vit eft à Mont- Meillan même, & lui , prétend
qu'elle eft fous Mont- Meillan , & qu'il
faut dire S. Vit fous Mont- Meillan , au lieu
de S. Vit de Mont-Meillan ; il m'a parû que
c'étoit tomber d'une erreur dans une autre ,
& il appelle cela mettre les chofes en leur ordre
naturel.
M. Binet fait ce qu'il peut,pour s'excufer
d'avoir mis des Bourgs & des Villes , où il
n'y en eut jamais. Il cite dans fa premiere
défenfe le Dictionnaire de la Martiniere ,
Dom Baunier , & même M. Baudrand, pour
fes garans, Comme on ne pourroit pas deviner
MARS. 1744. 493
pas
viner qu'il eût pris de tels garans , il a fort
bien fait de les citer dans fa Réponſe , mais
c'étoit dans fon Livre même qu'il auroit dû
les citer , & ne pas attendre qu'on l'y forçât.
La choſe étoit bien fimple , il n'avoit qu'à
mettre : Le Pere Baunier dit dans fon Pouillé
que Chaalis eft une Abbaye fituée dans un
Bourg du même nom . Prémontré , felon Baudrand
, eft un Bourg de France avec un Monaftére
qui a donné fon nom à l'Ordre de Prémontré.
Clairvaux , felon le Dictionnaire de
Trevoux , & felon celui de la Martiniere , eft
une petiteVille avec une Abbaye.Ainfi ces fautes
ne feroient retombées fur le compte
de M. Binet , mais fur les Auteurs qu'il auroit
produits . Oui , M. la Martiniere fe trompe
dans fon immenfe Dictionnaire , & plus d'une
fois , lorfque parlant de plufieurs Abbayes
d'hommes de l'Ordre de Citeaux, il les met dans
des Bourgs: c'est ce que M.Binet croit ne devoir
pas être , & qui eft cependant ; celle
d'Igny , en Champagne , n'eft point dans un
Bourg ; celle de la Ferté-fur - Grofne , en
Bourgogne , premiere fille de Cîteaux , n'eft
point dans un Bourg , mais dans la Campagne
& toute ifolée ; celle de Gimont , en
Gafcogne , n'eft nullement dans un Bourg ,
ni dans une petite Ville de même nom.
L'Abbaye eft à un demi quart de lieuë de la
petite Ville , mais fort folitaire ; elle en eft.
D iij même
494 MERCURE DE FRANCE.
même tellement féparée , qu'elle fe trouve
être du Diocèse d'Auch, tandis que le Bourg
ou petite Ville de Gimont eft du Diocèfe de
Lombez. Cîteaux , Chef de l'Ordre, & qui
a dû être le modéle de la retraite pour toutes
les autres Maiſons , eft auffi fans Ville ni
Bourg. L'Abbaye eſt toute feule.
Si M. B. prétend qu'il eft en droit de
qualifier ces Lieux du titre de Bourg , pourvû
qu'il y en ait un de même nom qui en
foit proche , qu'il retranche au moins ce titre
lorfqu'il n'y en a pas ; qu'il ne fe borne
pas à ôter le titre de Bourg à l'Abbaye de
Chaalis , mais qu'il l'ôte auffi de l'article de
Câteaux & de Clairvaux. Je ne le prefferai
pas de l'ôter à celles d'Igny , de la Ferté &
de Gimont , parce que ces trois Lieux ne
font pas dans fa Topographie des Bréviaires .
Mais à l'égard de Cîteaux & de Clairvaux ,
quand même il exifteroit un Bourg du même
nom dans leur voifinage , quelle néceffité
ou quelle convenance y auroit- il d'en
faire mention dans fa Topographie des Bréviaires
, fi dans ces mêmes Bréviaires , dont
il donne le dépouillement , il n'eſt parlé
d'aucun Evenement arrivé dans ces Bourgs?
c'eft rendre fa Topographie profane , que
de l'étendre à donner des connoiffances , qui
n'ont pas de rapport aux Légendes & aux
Conciles , & rifquer d'être obligé de parler
des
MARS. 1744. 495
des autres Lieux qui portent le même nom.
Je crains fort que la Ville de Clairvaux
que M. B. s'obtine à foutenir êrre voisine
de l'Archi Monaftére de ce nom ,fur l'autorité
de quelques modernes , ne foit Clairvaux
en Franche- Comté.
Après la confiance aveugle que M.Binet a
euë dans la Martiniere , dans Baudrand , dans
le Dictionnaire de Trévoux , &c. je ne fuis
plus furpris qu'il jure fur les paroles de Baillet,
& qu'il déclare que ce qu'il avance d'après
lui eft clair & fans réplique . Mais , encore
une fois , pouvoit- on deviner que c'est
Baillet qu'il copioit , quand il a dit que l'Eglife
de S. Crêpin , où Chilpéric fit inhumer
fon fils Clodobert , n'existe plus , puifqu'il
ne l'a pas cité dans fon Livre ? Natu
rellement on croiroit que c'eft Grégoire de
Tours, que M. Binet prend pour
fon garant;
mais non , il veut que Grégoire de Tours
foit entendu dans le fens de M. Baillet , &
comme M. Baillet dit que cette Bafilique
n'eft repréſentée , ni par celle de S. Crêpin
le Grand,poffedée par les Bénedictins , ni par
celle de S. Crêpin en Cage, ( lifez en Chaie)
il en conclut qu'il faut que c'en foit une ,
dont on ignore la fituation , mais qu'elle
devoit être fituée dans la Ville même de
Soiffons .
Je refpecte fort l'autotité de M. Baillet ,
Dij mais
496 MERCURE DE FRANCE .
mais je n'ai point fait vou de refpecter fes
fautes & fes inadvertances ; or il est évident
qu'il s'eft trompé , quand il a diftingué l'Eglife
, qui originairement étoit bâtie fur le
Tombeau de S. Crêpin , d'avec celle qui
fubfiftoit au VI ſiècle , dans laquelle Clodobert
, fils de Chilperic , fut inhumé , (a) &
à laquelle fe faifoit un concours le jour du
Martyre de ce Saint. Ce qui a trompé M.
Binet, & qui lui a perfuadé que de ces deux
Eglifes, prétendues differentes , il y en avoit
eu une renfermée dans la Cité de Soiffons ,
c'est ce que M.Baillet débute ainfi . On voyoit
à Soiffons dans le VI fiécle une Eglife bâtie en
l'honneur de S. Crêpin & S. Crêpinien , & un
peu après il ajoûte . On parle d'une autre
Eglife , fituée fur leurs Tombeaux , & l'on
croit que c'est ce qui a fervi de fondement à la
conftruction de l'Abbaye de Bénédictins qu'on
ya bâtie depuis.
M. Binet paroît n'avoir jamais été à Soiffons
, non plus que M. Baillet. Qu'il ſouffre
que je profite de l'avantage d'y avoir été une
fois. J'y ai vû deux Eglifes de S.Crêpin, tous
tes les deux affés éloignées de la Ville, l'une
dans un Fauxbourg , au Sud-Eft , l'autre
dans une Plaine folitaire , du côté du Nord.
Celle- ci , qui eft une Abbaye de Chanoines
Réguliers , n'a eu fon origine que dans le
(a) Greg. Turo. L. V, C. 35 , & L. 9. C. 9.
XII
MAR S. 497 1744.
XII fiècle. La premiére eft celle de laquelle
il faut entendre tout ce que difent Grégoire
de Tours & S. Oüen , en la Vie de S. Eloy ;
on l'entend ainfi à Soiffons , & on l'y a toujours
entendu de même . Les SS . Martyrs
avoient été inhumés en ce Lieu quelque
tems après leur mort. Depuis la Paix de l'Eglife
, on y avoit élevé une Bafilique fur
leur Sépulture . On les découvrit dans la
Crypte où ils étoient du tems de S. Eloy , &
dans la fuite il s'y forma un célebre Monaftére.
Quelques recherches que M. Binet puiffe
faire à Soiffons , il n'apprendra rien davantage.
Dormay, qui fit imprimer en 1663
l'Hiftoire de cette Ville , & qui avoit foüillé
dans toutes les Archives du Pays , n'a jamais
reconnu que S. Crêpin le Grand & S. Crêpin
en Chaie , qui font & ont toûjours été
hors des murs de Soiffons.
Il y a lieu d'être furpris que M. Baillet
n'ait pas confulté cet Ouvrage; il y auroit lû,
page 109 du premier Tome , où il eft parlé
des SS. Martyrs Crêpin & Crêpinien , le
Texte qui fuit. » Leurs Corps furent mis en
» deux Tombeaux, qui leur avoient été préparés
, & depuis on bâtit une Eglife audeffus
, que l'on croit avoir été des pre-
ןכ
» mieres de la Ville . Au même Endroit cous
" voyons encore aujourd'hui les reftes d'un
grand Edifice , qui femble avoir été au-
D v · 33 tre498
MERCURE DE FRANCE.
trefois fort fuperbe, mais il n'y a plus rien
» de la premiére Eglife , qui a été , il y a
» long- tems , détruite par la guerre
& par la
longueur des années. Vous voyez , M.
que l'Hiftorien le plus inftruit des Antiquités
de Soiffons , eft du fentiment que l'Eglife
de S. Crêpin le Grand , repréfente l'ancienne
Eglife , bâtie fur le Tombeau des
SS. Martyrs , car c'eft uniquement à elle
que convient ce qu'il dit, & M. Binet s'obftine
à la placer dans la Ville , parce que M.
Baillet dit . On voyoit à Soiſſons au VI fiécle
une Eglife , & c. Il prend ce mot à Soiffons à
la rigueur de la lettre. Qu'il faſſe attention
que Dormay , quoique parlant d'une Eglife
qu'il fçavoit bien n'avoir jamais été fituée
dans les murs de Soiffons , ne laiffe pas de
dire qu'on la croit être des premiéres de la Ville .
Une autre chofe qu'il doit confidérer , eft
qu'on n'inhumoit aucun corps dans les Cités
du tems de la domination Romaine
, & pendant les premiers tems des François.
Il est également certain qu'on n'y faifoit
point mourir non plus les Criminels.
Pour quelle raifon y auroit- il donc eu une
Bafilique de S.Crêpin & S. Crêpinien en lat
Cité de Soiffons , puifque cette Cité ne pouvoit
être regardée , ni comme le Lieu de
leur Martyre , ni comme celui de leur Sépulture
L'inhumation du fils de Chilpéric
MARS. 1744. 499
ric dans la Bafilique Soiffonnoife des Saints
Crêpin & Crêpinien , défigne aufli formellement
une Eglife fituée hors des murs. Auffi
M. Binet ne ſe tirera de l'embarras où M.
Baillet l'a jetté , qu'en fuppofant qu'outre
les Eglifes fuburbicaires de S. Crêpin le
Grand & de S. Crêpin en Chaie , il y en a
encore une autre , & égalément bâtie hors
les murs , mais c'eft ce que j'appellerai multiplier
les Etres fans néceffité , & inventer une
choſe fans fondement ; affurer un fait précifément,
parce que M. Baillet l'avance , n'eſt
pas proceder felon les principes de la bonne
Critique. Que Dieu nous préferve d'ajoûter
foi aveuglément au fujet de toutes les
Bafiliques anciennes de France , à un Ecrivain
qui , quoique d'ailleurs très-habile Critique,
avoit trop peu voyagé pour décider fur
le nombre , l'antiquité & la fituation de ces
Eglifes. Lors donc que faute d'autres Auteurs
, on eft obligé de le copier , il eft du
moins jufte d'en avertir , afin que les Lecreurs
puiffent y recourir, & voir dans quelle
fource on a puifé.
Le premier fujet de controverfe entre M.
Biner & Mrs L. A. D. P. eft celui que j'ai
réfervé
pour le dernier , parce que fur cet
article il m'a paru que tous les deux ont
tort. Il faut croire que M. Binet demeure
au bout du Fauxbourg S. Honoré , pour s'i-
Dvj maginer
500 MERCURE DE FRANCE.
que
maginer qu'il n'y a qu'une petite lieuë de
Paris à Clichy , & pour ce qui eſt de M.”
L. A. fon premier Adverfaire, je conjecture
fa demeure eft du côté de S. Paul ou du
Fauxbourg S. Antoine, ce qui lui fait compter
deux lieuës de Paris au même Clichy.
Mais dans la vraie maniere de compter les
diſtances , il y a une lieuë & demie de Paris
à ce Village , parce que c'eft du centre de
Paris , comme de l'Eglife de Notre- Dame
ou du Palais , qu'il faut commencer la fupputation
, & non d'aucun des bouts de Paris
, fans quoi il n'y auroit plus que confufion
dans les calculs des intervalles . C'eft
une pauvre raifon de la part de M. Binet ,
de dire que Clichy n'eft pas même fur le
bord du terrain où finit la Banlieuë ; il paroît
perfuadé que la Banlieuë des Villes ne
s'étend qu'à une lieuë ordinaire de diſtance
de ces mêmes Villes , en quoi il fe trompe
encore de nouveau. Qu'il examine , s'il lui
plaît , jufqu'où va la Banlieuë du côté de
Clamart , de Vitry-fur- Seine , & il reviendra
de fon préjugé . Il y auroit bien des chofes
à ajoûter à ce que Ménage & du Cange
ont dit là- deffus , & peut-être y auroit-il
de quoi réformer ce qu'ils ont avancé, quand
on le conférera avec les Quintes & les Septenes
de differentes Villes , qui étoient l'étendue
de ce qu'on appelle Banlieuë ; mais
.ce
MAR S. 1744.
for
ce feroit s'éloigner des matieres du Bréviaire
, que de pouffer plus loin ce qui refte à
dire fur la Banlieuë , dont M. Binet croit
avoir une preuve fuffifante , & en quoi il
me paroît encore fe tromper. Quoiqu'il en
foit , fon erreur fur Clichy eft la moindre
& la plus pardonnable de toutes.
L'Auteur de la feconde lettre , écrite au
fujet des fautes apperçues dans l'Ouvrage de
M. Binet , me paroît être un homme plus difficile
que le premier , & qui fouhaiteroit que
ce Chronologifte & Topographe eût fait
d'autres recherches , pour rendre fon Livre
plus curieux & plus inftructif qu'il n'eſt ;
qu'il eût évité de parler affirmativement
dans les endroits où le Bréviaire fe contente
de dire , on croit , on a cru , & que lorsqu'il
fe rencontre dans les Bréviaires quelques
faits conteftés , il en cut averti les lecteurs ,
& qu'il eut indiqué ces Ouvrages ; de même
lorfqu'on a découvert la fituation des Lieux
où les Conciles fe font tenus , mieux que
n'a fait le Pere Labbe , dont l'Ouvrage eft
déja ancien , on eût dit un mot de cette obfervation
, parce qu'il eft bon & utile de ne
pas perpétuer les méprifes , en les faifant
paffer des gros Volumes dans des Volumes
portatifs. L'adverfaire anonyme s'eft arrêté
à douze ou treize endroits du Livre de M.
Binet, afin de prémunir le public contre les
pré502
MERCURE DE FRANCE,
prétendues vérités , que M. Binet regarde
comme admifes & reçûës , & qu'il donne.
comme telles à fes lecteurs. Or de ce nombre
choifi ( car je ne voudrois pas affirmer
qu'il n'ait pu être plus grand ) M. Binet ne
fe rend qu'à deux ou trois Remarques ; le
public jugera fi fes moyens de défenfes font
bien pertinens .
,
Il fe fonde d'abord fur une raifon générale
pour autorifer ce qui eft imprimé dans
fon Livre. Il déclare qu'il n'eft que l'interpréte
& l'organe des Bréviaires , & pour
cela , dit-il , je parle du fait de la même maniere
qu'ils en ont parlé eux - mêmes. Sa modeftie
eft clairement marquée dans l'excufe
qu'il apporte , mais il eft queftion de fçavoir
fi elle eft bien placée. J'avoue que les
Bréviaires n'étant point des Livres de Controverfe
ni de Differtations , on y doit énoncer
les faits tout fimplement. Mais en traduifant
les principaux de ces faits en notre
Langue , relativement à la Topographie &
à la Chronologie , l'Ouvrage fort de la Nature
de Livre d'Office Divin ; de Livre Liturgique
, il devient Livre d'érudition ; eſtce
donc un plan dont il faille fi fort louer la
modeftie , que celui où l'on fe reftraint à
n'ofer indiquer au Public , les piéces qui
tendent à éclaircir la vérité fur quantité de
faits, & à découvrir les mépriſes de certains
fiéMAR
S. 1744 503
fiécles , ou au moins qui apprennent à mettre
dans la Claffe des chofes douteufes, quelques
fauffes Traditions , regardées mal-àpropos
comme vraies ? Ces piéces ayant eu
l'Approbation des Cenfeurs Royaux , que
pouvoit craindre M.Binet en les indiquant,
par exemple , en mettant fur le Concile
Epaonenfe , cette Apoſtille ; voyez là deffus
le Journal de Trévoux , Nov. 1737 ; fur celui
de Vernum: voyez un Ecrit imprimé à Paris
, in- 12 , chés Barois 1738. Sur la tranflation
du corps de S. Marcel : voyez une Dif
fertation imprimée à Paris , 1739 , chés Durand
, in- 12 , & de même fur Vocladum , &
ainfi des autres.
>
Mais examinons s'il eft permis à un
fimple interpréte d'alterer le Texte , comme
M. Binet l'a fait en parlant de S. Maur de
Glanfeuil. Le Bréviaire de Paris s'exprime
ainfi : Maurus Diaconus , qui à multis faculis
ut ex libro miraculorum S. Benedicti
conftatis creditus eft , quem juffu ejufdem
Patris Benedicti fuper aquas cucurriſſe , ut
puerum Placidum eriperet , narrat in Dialogis
Beatus Gregorius , cùm in Gallias veniffet
Glannofolienfe Monafterium conftruxit. Voici
la Traduction fidelle de cette période .
» Maur , Diacre , ( lequel depuis plufieurs
» fiécles , ainfi qu'il eft évident par le Livre
des Miracles de S. Benoît , on a cru être
le
504 MERCURE DE FRANCE.
» le même , dont S. Gregoire Pape raconte
>> en fes Dialogues , que fuivant le com-
» mandement du même Pere S. Benoît , il
» marcha fur les eaux pour fauver la vie au
» jeune enfant Placide ) étant venu dans les
" Gaules , y fonda le Monaftere de Glan-
» feuil . M. Binet ne fçachant pas apparemment
que la Légende du Bréviaire de 1736
eft celle du Bréviaire de 1700 , mot pour
mot ; ignorant que c'eft avec une extrême
attention & prudence que cette phrafe a
été ainfi tournée en 1700 , en conféquence
des Conférences tenues à Paris , depuis l'an
1696 , par les plus habiles du Clergé Séculier
, qui ne vouloient pas paroître ajouter
foi à la Légende fabriquée fous le nom de
Faufte , laquelle identifie le Maur des Dialogues
avec le Maur de Glanfeuil , paffe par
deffus toutes ces confidérations , & veut que
le Bréviaire de Paris ait eu intention de favorifer
certe identité . Dans cette perfuafion,
il qualifie hautement S. Maur Abbé de Glanfeuil
, de Difciple de S. Benoit , toutes &
quantesfois qu'il en parle , pag. 51 , 241
& 302 ; & pour juftifier ce procédé , il
nous dit froidement : » Quand j'ai fait S.
» Maur Difciple de S. Benoît , je me fuis
» conformé , finon à la lettre , du moins à ce
qui m'a paru être l'efprit du Bréviaire de
و د
99
» Paris.
A
MARS. 1744.
505
A la vérité , le Breviaire infinuë que l'opinion
, qui fait S. Maur Difciple de S. Benoît
, a été en vigueur durant plufieurs fiécles
, mais cela ne s'y trouve que
dans une
propofition incidente & par forme de parenthéle
; pour que l'opinion , qu'il plaît à
M. Binet de regarder comme l'efprit du Bréviaire
de Paris , fut véritablement felon l'efprit
de ce Bréviaire , il faudroit que la lettre
fut telle ; Maurus Diaconus , is eft quem
juffu P. Benedicti fuper aquas cucurriffe ut
puerum Placidum eriperet , narrat in Dialogis
Beatus Gregorius. Cùm in Gallias veniffet
Glannofolienfe Monafterium conftruxit. Mais
le qui creditus eft , avec toute fa fuite n'étant
qu'une propofition acceffoire , il s'enfuit
que , felon les régles du difcours , la propofition
principale du narré eft ainfi conçue
& reftrainte. Maurus Diaconus , cùm in Gallias
veniffet , Glannofolienfe Monafterium conftruxit
, & c. Ainfi quiconque en traduifant
le Bréviaire de Paris , au lieu de mettre fimplement
: » On a cru pendant pluſieurs fié-
» cles que S. Maur de Glanfeuil eft le Maur ,
Difciple de S. Benoît , dont parle S. Gregoire
» Pape , mettra S. Maur de Glanfeuil eft le
Maur , Difciple de S. Benoît , devra être regardé
comme un Traducteur infidelle , parce
que ces deux propofitions font fort differentes.
Mais
506 MERCURE DE FRANCE.
Mais pourquoi la premiere tournure fe
trouve-t'elle dans le Bréviaire de Paris , &
non pas la feconde ? C'est dans les Regiftres
des Conférences , qui furent tenues entre
1696 & 1700 , que M. Binet auroit pû
apprendre pourquoi on abandonna alors la
Légende fabriquée fous le nom de Faufte
quoiqu'elle fût dans le Bréviaire dé M. de
Harlay ; en forte qu'au lieu du détail fabuleux
de cette Légende , on mit pour cinquiéme
Leçon un fragment fur la Tranſla
tion des Reliques de S. Maur de Glanfeuil ,
& pour fixiéme la Charte d'Enée, Evêque de
Paris , concernant S. Maur des Foffés. Je
m'imagine ici entendre l'Abbé Chatelain
fe récrier contre M. Binet , & lui reprocher
qu'après une fuppreffion fi folemnelle de
toute la Légende de Faufte , c'eft bien malà-
propos qu'il croit fuivre l'efprit du Bréviaire
, en affirmant , comme il a fait, ce qui
n'étoit fondé que fur elle , & affurant dans
fon Livre le contraire de ce qu'ont penfé
tous ceux du Clergé Séculier , qui furent de
ces Conférences ; les motifs qui déterminerent
ces Sçavans , font déduits dans le bieftre
de Janvier du même Abbé Chaſtelain ,
au 15 de ce mois .
Je pourrois m'étendre ici un peu davantage
, s'il étoit néceffaire de faire voir à M.
Binet, que les raiſonnemens qu'il a regardés
comMARS.
1744.
507
comme convaincans , ne le font que pour
ceux qui ne connoiffent pas l'état des chofes.
Le public éclairé en fent la foibleffe , dès
qu'il eft notoire que les Conférences finies
en 1700 , aboutirent à fupprimer entierement
du Bréviaire de Paris la Légende de
S. Maur , attribuée à Faufte , & à y laiffer
feulement le fouvenir d'un fait inconteftable
, fçavoir , qu'on y avoit ajouté foi durant
plufieurs fiécles ; c'eft le parti que fuggererent
les égards où l'on crut devoir entrer
pour une Congrégation fçavante & célébre
d'autant plus que ce n'étoit que depuis
trente ans , qu'un illuftre Membre de cette
Congrégation avoit fait imprimer la Légende
en queſtion.
La fuite pour un autre Mercure.
* X*X*3X+3X +3X * X** X
REMERCIMENT à M. D. L. R. an
fujet de deux Portraits en Eftampes.
E
Nfin , mon cher L. R. on vient de me remettre
Les deux Dons annoncés dans ta derniere Lettre
Je les développe , & d'abord
Je vois l'HEROIne du Norɔ ,
Que toutes celles de la Grece
N'égalerent pas à mon gré ,
Et je te dois beaucoup , pour m'avoir procuré
Le plaifir de connoître une augufte Princeffe ,
Qui
JOS MERCURE DE FRANCE.
1
Qui , fille du plus grand des CZARS ,
Heureufement renduë au Trône d'un tel Pere ,
Veut, comme ce Héros, ne regner que pour faire
Le bonheur de fon Peuple & celui des Beaux Arts.
J'apperçois à fa fuite un Vieillard vénérable ,
Ton parent , ton ami , défunt , mais dont le nom
Bravera du trépas le pouvoir formidable ,
C'eft DOM BERNARD DE MONTFAUCON ,
Cet illuftre Ecrivain , dont les veilles célebres-
Ont de l'Antiquité débrouillé les ténébres ,
Et dont un Empereur , qui fut reconnoiffant ,
Honora le fçavoir infigne
D'un double Prix , * à la fois digne
Et du Monarque & du Sçıvant.
Cela pofé , je m'imagine
Que malgré la vieilleffe , & l'habit Monachal ,
Un Sçavant fi fameux ne figure point mal
Auprés d'une telle Héroïne .
Au refte , accepte de bon coeur
Ce petit Monument de ma reconnoiffance ,
Et bien-tôt , s'il fe peut , daigne rompre un filence
Qui m'afflige par fa longueur.
O toi , qui vivras plus que l'Epoux de l'Aurore ,
Pourvû que je fois exaucé ;
Si ce filence , hélas ! cher ami , dure encore,
reur lui
* La belle Médaille d'or , & la Lettre que l'Empeenvoya
en reconnoiffance de fes 15 Vol. in fol.
de l'ANTIQUITE' EXPLIQU'EB , &C.
Quand
MARS.
1744. 509
Quand le Soleil aura quitté
L'Archer de la célefte voûte ,
Alors ( puiffe l'augure être frivole & vain )
J'appréhenderai bien que tu ne fois en route ,
Pour aller te rejoindre à ton doce cousin.
Calme donc par deux mots l'inquiétude fombre
D'un ami , qui tremblant fur l'état de ton corps ,
Aime mieux te compter au nombre
De les amis vivans , que de fes amis morts.
FRIGOT.
AS. Marcouf de l'Ifle , dans le Cotentin ,
le 23 Novembre 1743 ,
› LETTRE de M. de la Soriniere , à M.
Deftouches , de l'Académie Françoiſe , Gouverneur
de Melun , à fon Château de Fortoifeau,
L faut que je vous l'avoue , Monfieur
;
j'ai lu tout ce qu'ont écrit fur la Religion
Chrétienne
, les Grotius , les Abbadies , les´
Pafchals , mais je n'ai rien trouvé chés eux
de plus décifif contre les incrédules
de leur
tems , que ce que vous employez
ſi avantageufement
aujourd'hui
, contre les Défenfeurs
de l'Athéïfme
. Il eft vrai qu'ils ont de
leur
110 MERCURE DE FRANCE.
leur côté ( ces nouveaux Diagoras ) de rudes
objections à vous faire. Vous n'êtes point
Docteur de Sorbonne ; vous n'êtes qu'un
Poëte aimable , un Auteur délicat , élégant ,
& fimplement un excellent Chrétien. Où
eſt , donc , difent-ils , votre compétence
pour parler des affaires de la Religion ? &
de quel droit feriez-vous l'Echo des Saints
Peres , &c.
Ah ! Meffieurs , ne vous y trompez pas ;
dans une auffi bonne caufe : omnis homo miles
* ; & j'ofe vous le dire , moi qui fuis
bien plus incompétent que M. Deftouches :
Si vous n'avez d'autre réfuge ,
En plaidant fur le mal moral ,
Que ce frivole fubterfuge ,
Meffieurs , votre Procès va mal.
Sans juger fur la Compétence ,
Qui fçait , en imitant Térence ,
Peindre fi bien le fond des coeurs ,
Sçait auffi par des traits vainqueurs
Confondre l'efprit incrédule
D'une Cabale ridicule ,
Qui fe complaît dans les erreurs.
Oui , M. je puis vous protefter que je
fuis profondément pénétré de tout ce que je
* Tertullien, Apolog.
MARS. 1744.
SIZ
vois fortir d'exquis de votre plume , fur
une matiere auffi intéreffante , que celle
dont vous enrichiffez le public depuis quel-
Une que tems. feule chofe m'inquiéte
(oferai-je le dire ? ) les forces que vous oppofez
à vos adverfaires font trop puiffantes
; ils chancellent ; je les vois qui s'ébranlent
; ils font troublés ; les voilà défaits ;
vous triomphez ; la guerre eft finie , & nous
n'aurons peut-être plus dorénavant la fatisfaction
de vous lire , de nous inftruire , &
de nous édifier.
Permettez -moi , M. de vous affurer de
la refpectueufe eftime , & des fentimens
d'admiration dans lefquels je fuis , Votre
très-humble & très-obéiffant ferviteur. Signé
, SORINIERE.
A la Soriniere , le .... 1744.
STAN
$ 12 MERCURE DE FRANCE.
STANCES de M. D. pour fon Entrée
à l'Académie de ...
M
Uſe , pour ton honneur viens échauffer ma
verve ;
Infpire moi des fons qui foient dignes de toi
Dans cette illuftre Cour , où préfide Minerve ,
Daigne guider mes pas ; j'y veux fuivre ta loi.
Que mon premier abord aux rives du Permeffe
Me donne affés d'éclat pour pouvoir m'y montrer i
Si , de mes premiers chants tu foutiens la foibleffe ,
Dans des fentiers obfcurs je ne puis m'égarer.
Sous ton aufpice heureux hardiment je m'avance ;
Quoiqu'indigne du corps où l'on veut m'aggréger ;
Mufe anime mon zéle & ma reconnoiffance ;
C'eſt par ces noeuds facrés que je veux m'engager.
Illuftres favoris des filles de mémoire ,
Mes fons à vos accords pourront- ils le mêler ?
Ouvrez -moi le chemin qui conduit à la gloire ;
Guidé par votre exemple , on eft sûr d'y voler.
Déja fur vos bontés fondant mon efperance ,
Ma généreufe ardeur tend à vous imiter ;
Vos applaudiffemens feront la récompenfe ,
Que
MAR S. 1744. 513
•
Que mon ambition tâche de mériter.
Je fçais que parmi vous plus d'un nouveau Pindare
Par de doctes efforts fignala fes talens ;
J'implore leur fecours , & plus prudent qu'Icare ,
A fuivre leurs leçons je borne mes élans.
Dufrefmoy , le cadet , Ecrivain du Roi ;
à Toulon.
L
DISCOURS fur la Navigation.
A Mer eft un Elément rébelle , qu'on
ne dompte pas aiſément , c'eſt le Théatre
de l'inconftance & des plus périlleux
événemens ; quand elle préſente fon ſein ,
( quelqu'uni & quelque paisible qu'il paroiffe
) elle préfente en même-tems un abîme
infatiable ; fes calmes font décevants
fes tempêtes font meurtrières ; elle dévore
les Flottes entiéres, & engloutit les plus fermes
Edifices , dont elle ne laiffe paroître
que quelques malheureux veftiges , pour
montrer à la terre des marques de fon empire
& de fa fureur ; & comme fi ce n'étoit
pas affés de nous cacher des écueils , où nous
voyons fouvent brifer nos Vaiffeaux , &
perdre tout le fruit de notre induſtrie , elle
E
a
514 MERCURE DE FRANCE.
a voulu encore faire échouer l'efprit humain
dans la recherche qu'il fait de la cauſe
de fon inégalité , de fon cours rapide , de
fon flux & de fes marées.
Cependant ce même Elément , qui occafionne
fi fouvent nos juftes plaintes , a de
fi beaux intervalles , & ( pour ainfi dire )
des caprices fi favorables , qu'on ne veut
pas même que ce foit un Problême à propofer
, fi la Mer nous eft plus dommageable ,
qu'utile?
Pour nous prévenir en fa faveur , on dit ▾
qu'elle eft le principal lien de la fociété
des hommes dans tout l'Univers , & la ligne
de communication qui les attache fi intimement
& fi heureuſement les uns aux autres
; que cette liaifon a perfectionné les
Arts & les Sciences ; que fans elle , tout ce
qui n'eft pas fous notre horifon , nous pa
roîtroit incroyable , & que nous ignorerions
ce qu'il y a de plus beau & de plus curieux
dans la Nature ; qu'il n'y a que la Mer qui
puiffe nous donner , avec abondance & commodité
, bien des chofes qui nous font fort
néceffaires ; que nous ne tenons les fuperfluës
que de fa profufion ; qu'elle eft libérale à
l'excès de tout ce qu'il y a dans la Nature
de plus riche , & de plus délicieux ; qu'elle
décore les Souverains de leur pompe la plus
fuperbe ; qu'elle verſe abondamment les richefMAR
S. 1744. 515
que
cheffes parmi le peuple , qui par tout ailleurs
fue & travaille beaucoup pour acquérir
peu de chofe , & qu'enfin la Navigation
eft le plus noble & le plus précieux effet de
l'induftrie des hommes , & la plus illuſtre
marque de la fermeté de leur courage; auffi ,
eft-ce un principe certain dans la politique
ancienne & moderne , rien ne peut fi
puiffamment contribuer à la grandeur d'un
Etat , que la Navigation de la Mer ; c'eft
par cette voie fi heureuſe , que les petits deiennent
grands , & que les grands peuvent
devenir les Maîtres des autres , ce qui
fe prouve évidemment par les inductions
tirées du progrès & de la décadence de plufieurs
Monarchies.
Sans recourir à une antiquité trop reculée
, & fans en aller chercher des exemples
dans celles des Affyriens & des Perfes
, qui font à préfent des Terres pref
qu'inconnues , nous fçavons que dix- huit
peuples du Continent de la Gréce & des
ifles voisines , gagnerent les uns fur les autres
l'Empire d'Orient durant huit cent ans
& ne furent les vainqueurs ou les vaincus ,
qu'à mesure qu'il étoient forts ou foibles
fur la Mer ; ce jeu de la fortune commença
par ceux de Créte fous Minos , & finit par
les Atheniens , qui recueillirent & tinrent
cette puiffance de la main des Eginetes ,
E ij qu'ils
516 MERCURE
DE FRANCE
.
›
qu'ils traiterent enfuite avec cette ingénieu
fe cruauté , de faire couper le pouce à tous
ceux qui tomboient entre leurs mains , pour
les rendre inutiles à la Navigation , & fi la
legereté naturelle des peuples de la Gréce
ou leur Commerce avec les Afiatiques ( quí
corrompit à la fin les moeurs des Athéniens )
ne les eut empêchés de fe prévaloir d'une fi
été
heureuſe fituation , ou s'ils n'euffent pas
fi entêtés de la vertu de Sparte , qui fut toujours
un contrepoids à la puiffance d'Athénes
, les Grecs n'auroient pas laiffé aux Romains
, l'avantage qu'ils ont eu de fe rendre
les Maîtres prefque de toute la Terre ,
Mais auffi eft-il certain que
firent le premier pas vers l'Empire du Monde
, lorfqu'ils prirent la réfolution de paffer
le détroit de Meffine , que les Fables de Sylla
& de Carybde , rendoient en ce tems - là ſi
formidable.
les Romains
Ce peuple ( vertueux à la vérité ) mais jufqu'alors
extrêmement
ruftique , voulut donner
du fecours à ceux de Meffine , qui lui
en avoient demandé , fans fçavoir qu'il s'agiffoit
en cette entrepriſe
de l'Empire de
Univers , entre Rome & Carthage,
Les Romains commencerent donc par la
Sicile à fubjuguer des Etats , en feignant de
les proteger , ce qu'ils fçurent depuis fi
bienpratiquer, mais ces opérations ne fe pouvoient
MARS. 1744. 517
voient faire fans de grandes forces navales ,
dont Rome n'avoit encore ni l'uſage, ni même
la connoiffance.
Il fallut pourtant équiper une Flotte ,
pour combattre les Carthaginois , qui en
avoient une en Mer , & les Hiftoriens racontent
comme un prodige , que les Romains
dans cette premiere tentative , mirent
à la voile cent foixante Vaiffeaux , pour la
conftruction defquels , & pour abbattre le
bois qu'on y devoit employer , le premier
coup de coignée ne¸ fut donné que deux
mois auparavant.
pour
Ce coup fut heureux , car cette premiere
guerre punique leur ayant réiiffi , leur puiffance
accrût avec leur ambition ; de forte
qu'en moins de deux cent ans , l'Empire du
Monde fut entre les mains de ceux , qui en
cinq fiécles avoient eu bien de la peine à fe
rendre Maîtres de l'Italie ; auffi leur politique
ne trouva pas de moyen plus affûré
fe conferver cette grandeur immenfe , que
de tenir toujours deux bonnes Flottes en
état , l'une pour faire la loi à tout l'Orient
l'autre pour tenir en bride les peuples d'Occident
, & l'Hiftoire a remarqué que dans
la décadence de cet Empire , il n'y a eu que
les Villes Maritimes qui ayent garenti l'Europe
de la domination des Goths , & arrêté
les irruptions fi fréquentes des Barbares du
Septentrion. E iij
L'Em118
MERCURE DE FRANCE.
L'Empire Ottoman n'a eu qu'une grandeur
médiocre , tant qu'il a été renfermé
dans le Continent , mais en un feul fiécle ,
depuis la priſe de la Morée & de Conftantinople
, il s'eft plus accru qu'il n'avoit fait
auparavant pendant fix cent ans.
On
n'attribue les grands
avantages que
les Anglois ont eu autrefois fur nous , qu'à
leur fupériorité
Maritime , auffi Charles- le-
Sage , s'étant apperçu de notre foibleſſe à
cet égard , fit équiper une nombreuſe
Flotte , fous le
Commandement du fameux
Amiral Jean de Vienne , laquelle lui fut d'un
grand fecours pour chaffer ces Infulaires du
Royaume , où ils ne feroient jamais rentrés ,
fi la foibleffe de fon fucceffeur, fes malheurs,
& les factions que fon état malheureux fufcita
dans le Royaume , & furtout à la Cour ,
ne leur en euffent ouvert le chemin.
Fut-il jamais une puiffance plus abbattuë
que celle des Vénitiens , après la malheureuſe
journée de la Giraddad , qui leur coûta
la
perte de tous leurs Etats de Terre- ferme ?
Mais ayant confervé leurs Ifles & leurs
Places Maritimes
, non-feulement ils réfifterent
à cette formidable Ligue , qui avoit
juré leur perte , mais par le fecours de la
Navigation
, ils trouverent encore le moyen
de reconquerir
ce qu'on leur avoit enlevé ..
Malthe ,, qui n'eft qu'un Rocher fortifié ,
&
MARS. 1744 519
& une petite Ifle , que l'ancienne Géographie
ne connoiffoit prefque pas , tient aujourd'hui
en échec toutes les Côtes d'un
grand Empire , avec un petit nombre de
Galéres & de Vaiffeaux .
La République d'Hollande , s'eft formée
du tems & fous les yeux de nos Peres ; on a
vû fa foible naiffance & fes progrès miracu→
leux dans l'ancien & dans le nouveau Monde
, progrès fi rapides & fi immenfes , qu'ils
ont forcé un des plus grands Monarques de
l'Europe , de leur céder , pour ainfi dire
l'empire de la Mer , & de traiter en Souverains
, ceux qu'il vouloit châtier comme fes
fujets rebelles , ce que ces gens , groffiers
d'ailleurs , n'ont gagné que par le moyen
de la Navigation , qui leur a procuré de fi
grands avantages , qu'ils vont aujourd'hui
de pair avec des têtes couronnées .
Enfin notre France ne doit en partie, qu'au
rétabliſſement de fes forces navales , cette
grande fupériorité , qu'elle s'eft acquife fur
fes voifins , & fur les étrangers les plus éloignés
; c'eft par le moyen de la Navigation
qu'elle a fait de fi beaux établiffemens dans
l'autre Hémifphére, & qu'elle pent encore fe
rendre redoutable aux Puiffances Maritimes
de l'un & de l'autre Monde.
En vain les rayons du Soleil , qui eft le
Pere de la nature, iroient-ils percer jufqu'aux
É iiij
abî520
MERCURE DE FRANCÉ.
abîmes de la terre , pour produire dans for
Centre le Roi des Métaux , fi nous ne pouvions
pas le faire venir jufqu'à nous , par le
moyen de la Navigation , qui fait le principal
objet des génies les plus élevés , &
des plus puiffans Souverains de la Terre.
Par M. D. D. Avocat de S. Etienne en Forêt.
QUAUQUAUAVAUNUNUNUDUQUQUNUNUDU
DUQUQUQUDUQURUFIQUQUQUQUQUQUQU
LE CORBEAU ET LE RENARD.
FABLE.
"
UN Corbeau tenant un fromage ,
Vola pour le manger fur un arbre à l'écart.
A l'odeur fous cet arbre accourut un Renard.
Le fromage étoit haut ; le matois dit : j'enrage ,
Mais chut , nous pourrons bien en avoir notre part ;
Du flateur aujourd'hui joüons le perſonnage.
Il adoucit de fon mieux fon langage
Et s'écrie : O divin Oiſeau !
Je vous vois , je ne vis jamais rien de ſi beau .
Mais de bons connoiffeurs mettent votre ramage
Au-deffus de votre plumage.
Si je pouvois pour la premiere fois
Entendre ces doux fons.... cette admirable voix ,
Affurément j'expirerois de joie.
Le
MARS.
521
1744.
Le Corbeau , pour chanter laiffe tomber fa proie;
Le Renard s'en faifit ; ne t'égofille pas ,
Lui dit alors ce rufé famelique ;
A tes dépens , l'ami , je fais un bon repas ,
Et je te tiens quitte de ta Mufique.
Saintard de Vaux.
On a dû expliquer les Enigmes & le
Logogryphe du Mercure de Février , par le
Chapeau , l'Alphabet , & la Vieilleffe . On
trouve dans le Logogryphe , Vie , Lieffe.
ဦး
Av
ENIGM E.
Vec l'Amour j'ai de la reffemblance ;
Doux , careffant en apparence ,
Mais dans le fond , traître , foarnois , malin ,
Et très-fouvent même , affaffin .
Malheur à qui dans moi met trop de confiance.
Enfin , comme l'Amour , fouvent
On me fait fuir , en,me nommant.
AUTR E.
Fils du Soleil & de la Terre ,
Au Tems j'ai fait donner un nom .
Ev Je
522 MERCURE DE FRANCE.
Je fis périr Agamemnon ,
Lorſqu'il revenoit de la guerre.
Envers ma mere fils rébelle ,
J'ofe lui déchirer le ſein ,
Mais c'eſt pour la rendre plus belle ,
Et plus utile au genre humain.
Mes freres , l'honneur des familles ,
Trouvent un bon gardien en moi ;
Parmi mille uſages je brille ;
Cher lecteur , penfe , cherche , voi.
*X*X*X* X*X*X+3X +3X+
LOGOGRYPHE..
S Ans mon fecours , un Général
Fut-il plus brave qu'Annibal ,
Ne feroit que peu de Conquêtes ;.
Les Hiftoriens , les Poëtes ,
Et prefque tous les Ecrivains ,
Seroient , fans moi ,, de petits Saints ; .
Les Marchands , les Jurifconfultes ,.
Recourent à moi tous les jours ;
Même les Sciences occultes
Empruntent fouvent mon fecours.
Dix membres compofent mon être ; .
Tranfpofe-les , lecteur benin ;
AuffiMARS.
1744.
323
Auffi-tôt tu verras paroître
Quelque chofe du corps humain.
Un Saint , qui fut grand Capitaine
Un efpiégle ; un méchant Lutin ;
Mal dangereux ; ce qu'un Pilote
Appréhende toujours en Mer ;
Un Volatile qui jabotte ;
Une Amante de Jupiter ;
Un nom en tous Lieux respectable
Droit émané du Souverain ;
Un fruit du genre féminin ;
Ville maintenant redoutable ;
Un des fept péchés Capitaux ;
Monftre qui nâquit dans la Fable ,
Et qui fit trembler un Héros ,
Autant pieux que miférable ;
Le contraire de la douceur ;
Certain Inftrument de Mufique ;
Le motif fouvent d'un malheur ;
Pacte qu'on fait lorsqu'on fe pique ; .
Nom des Etats d'un Souverain ,
Qui troubla l'Empire Romain ;
Evj Pays,
524 MERCURE DE FRANCE.
Pays , où les femmes très - belles ,
Sont moins , qu'en tout autre , cruelles ;
D'une mince tige le grain ,
Quelquefois , utile au malade ,
Et même quelquefois , au fain .
Tu trouveras encore un Grade ,
Dont un Sçavant ſe fait honneur ;
Un meuble aujourd'hui néceffaire ,
Aux Seigneurs ainfi qu'au vulgaire.
C'eft affés dit , cherche Lecteur..
E. Faure , à Metz.
NOU
MARS. 1744. 525
၁ ၁ ၁ ၁
૨૮ ૨૯ ૩૨૯>૯૨૯ ૨૯ટ૯૯૨૭ ૨૮૨
NOUVELLES LITTERAIRES ,
D
DES BEAUX - ARTS , & c.
OCTISSIMO & Clariffimo viro Nicolao
Frereto , perpetuo Secretario Gallica
Regia Academia Infcriptionum & Bonarum
Litterarum , Angelus Maria S. R. E.
Card. Quirinus Bibliothecarius Apoftolicus ,
Epifcopus Brixiens.
C'est le titre d'une Lettre écrite par M. le
Cardinal Quirini , Bibliothéquaire du Vati
can & Evêque de Brefcia , récemment choisi
par l'Académie Royale des Belles Lettres ,
pour remplir une place d'Académicien honoraire
Etranger , à M. Freret , Sécretaire
perpétuel de cette Académie.
On auroit bien de l'obligation aux Auteurs
célébres , s'ils vouloient prendre la
peine d'inftruire eux-mêmes le Public des
Ouvrages differens qu'ils ont compofés ou
qu'ils ont publiés. M. le Cardinal Quirini
commence fa Lettre à M. Freret , en rendant
compte des Etudes qu'il a faites à Florence
dans fa jeuneffe. Il ajoute qu'y ayant été
Profeffeur , il y compofa d'abord une Harangue
qu'il intitula de Mofaica Hiftoria
praftantia , & qu'il fit imprimer , auffi-bien
que
326 MERCURE DE FRANCE,
que des Obfervations fur Euclide ; qu'enfui
te il vint en France , où il refta quatre ans ;
c'eft de quoi nous avons fait mention dans
l'Extrait précédemment donné de fa Lettre
à l'Académie. De retour en Italie, il écrivit
une Differtation , ou un Plan d'Hiftoire
de l'Italie , imprimée à Rome ; un Effai fur
l'Hiftoire du célebre Monaftere de Farfe ,
fitué dans le Duché de Spolete , enfuite il
publia une Edition des Livres de l'Office
Divin , à l'ufage de l'Eglife Grécque.
Après cet Ouvrage , le Pape Innocent
XIII. lui donna l'Evêché de Corcyre , où il
écrivit de primordiis Corcyra , Ouvrage dont
il y a eu deux Editions. Il donna depuis
L'Enchiridion Græcorum , qui fut imprimé &
parut à Benevent , pendant le féjour de Benoît
XIII dans cette Ville. Ce Souverain
Pontife le fit alors Cardinal , & le transfera
de l'Evêché de Corcyre à celui de Breſcia ,
où il ne fut pas plûtôt arrivé , qu'il travailla,
comme il avoit fait à Corcyre, fur un Ouvrage
qui regardoit le Pays. Le premier eſt
Bibliotheca veterum Patrum Brixiana Eccle
fia. Le fecond , de Brixiana Litteratura renafcentium
Litterarum atate. Le troifiéme
Gefta & Epiftola Francifci Barbari , l'un des
plus illuftres Breffans , & qu'on y qualifioit
de Pere de la Patrie. M. le Cardinal Quirini,
voulant auffi illuftrer fon Titre de Cardinal
de
MARS. 1744. 527
de S. Marc , crut devoir écrire la Vie du
Pape Paul II , qui avoit été revêtu du même;
Titre , & il profita de cette occafion pour
venger fa mémoire contre Platina. Enfin
ayant été nommé Bibliothécaire du Vatican,
M. le Cardinal fe fervit utilement de cette
Place , pour travailler à une Edition des
Euvres de S. Ephrem . Etant depuis ce temslà
établi par Benoît XIV , Préfet de la Congrégation
de l'Indice , il n'oublia point ce
qu'exigeoit de lui cette nouvelle Charge ; il
parle auffi d'un petit Ouvrage qu'il a compofé
dans ce genre de Litterature,
Au refte , la raison pour laquelle M. le
Cardinal Quirini donne une énumération
de tous les Ouvrages qu'il a compofés , felon
les differentes fituations où il s'eft trouvé
, eft pour en venir à un certain nombre
de Lettres , qu'il a auffi données au Public
relativement à ces differens états , & en
particulier à celles qu'il a écrites & qu'il
lui convenoit d'écrire , en qualité de Bibliothécaire
Apoftolique , fur des Diptyques,.
qui ont appartenu au Pape Paul II , d'autant
plus que le Souverain Pontife même
avoit défigné un certain nombre de Prélats
qai compofent une Académie , deftinée à
éclaircir tout ce qui regarde les anciens
Monumens de Rome , & finguliérement
ceux du Capitole..
A
328 MERCURE DE FRANCE.
A cette occafion , le fçavant Cardinal
ajoûte qu'il auroit pû envoyer à l'Académie
des Belles- Lettres plufieurs de fes découvertes
fur les Médailles & fur les Inf
criptions de Corcyre , mais il trouve qu'il
eft plus à propos de lui faire part de toutes
les differentes explications qu'on a données
aux Diptyques en queftion.
Nous ne redonneronspoint ici la repréfentation
de ces Diptyques , qui eft déja gravée
dans le Mercure du mois de Novembre
1742. On peut y avoir recours , pour juger
dela folidité de ces diverfes explications.
M. Mazochi , Italien , eft d'avis que ce Monument
n'offre rien qui foit pris de la Fable,
mais feulement que d'un côté eft la repréfentation
de la maniere de faire offrir le Libellus
Sponfalitius par un Eunuque , & que
de l'autre c'eft fimplement l'homme & la
femme mariés , qui font figurés ; que fi
l'Eunuque eft repréfenté nud , c'eft pour
marquer la célerité avec laquelle il exécute
fa commiffion , de même qu'on repréfente
Mercure en cet état. Il rapporte des Vers de
Claudien , qui ont quelque relation à cette
nudité de l'Eunuque , & qui font voir que
M. Baldin , autre Sçavant d'Italie , a été mal
fondé à croire ces Diptyques fculptés dans
le XIV fiècle. M. Mazochi les croit au contraire
vraiment anciens , & que s'il y paroît
quelques
MAR S. 1744.
529
quelques défauts contre les Régles de l'Architecture
, c'est que l'Ouvrier étoit de ceux
qui ne s'entendent qu'aux figures humaines,
& ne peuvent , par exemple, bien repréſenter
des Animaux , des Payfages , &c.
M. Olivieri , autre Antiquaire Italien
croit pareillement l'Ouvrage d'un goût antique
, fans que les Conques qui y font ,
puiffent en faire rabaiffer l'âge , puifqu'on a
des Monumens des tems très-reculés , qui
en ont de femblables.
Ici M. le Cardinal Quirini rapporte le
fentiment de M. de Boze , dont il fait l'éloge
& celui de toute l'Académie des Belles
Lettres , qui l'a adopté , fçavoir que ce Diptyque
eft véritablement ancien & Romain ,
mais ce fentiment differe de celui de M. Mazochi
, en ce que , felon lui , la figure du
jeune homme de la premiere Table , ne repréfente
pas unEunuque,mais que s'il paroît
être tel , c'eft que la vétufté du Diptyque
n'a pas permis de conferver toutes les parties
qui le compofoient.
Par ce fimple expofé M. de Boze donne
l'exclufion à tous les differens fentimens
de plufieurs Italiens , qui veulent que ce
foit l'Hiftoire de Venus & d'Adonis , ou
celle d'Atys & de Cybele , ou de Diane &
d'Endimion , de Méléagre , & d'Atalante ,
de Paris & d'Helene , de Titus & de Bérénice.
$ 30 MERCURE DE FRANCE.
.
nice. La même fçavante Lettre où M. de
Boze réfute ces fentimens , nous apprend ,
à l'occafion du Bonnet Phrygien du jeune
homme , que quoique quelquefois chés les
Romains on repréfentoit les hommes la tête
nue , cependant ils fe fervoient aufli du
Bonnet , de même à peu près que nous nous
fervons du Chapeau , & il en donne les
preuves.
M. de Boze , dans une feconde Lettre ,
datée du Château de Plaifance , proche Paris
, perfifte à foutenir l'antiquité du Diptyque
dont il s'agit ici , & à le regarder
comme antérieur à tous les Diptyques Confulaires.
Ces Diptycha amatoria font en effet
des premiers tems . On en trouvoit, dit- il,de
tout faits chés les Marchands , comme on y
trouvoit des Bagues & autres chofes. L'acheteur
choififfoit le Morceau qui lui plaifoit
le plus , fans trop examiner fi tout convenoit
dans le détail des circonstances. M.
de Boze apporte plufieurs raifons, qui perfuadent
que , quoique l'accompagnement
d'une Gravûre ou Sculpture paroiffe groffier,
il ne faut pas en conclure que le fond de
l'Ouvrage foit nouveau & des bas fiécles.
Nous omettons ce qu'il dit,par occafion , touchant
l'Etymologie du nom de l'Ifle de Corcyre
, fournie par M. Fourmont , l'aîné , de
Académie des Belles Lettres , & pour ce
qui
MARS. 1744.
qui
eft de la Lettre inférée dans le Mercure
cité ci-deffus , que M. le Cardinal Quirini
rapporte auffi dans fon Ecrit à M. Freret ;
nous nous contenterons de renvoyer
tre Journal.
à no-
Son Eminence finit fa Lettre par un Extrait
de ce qu'un fçavantAllemand lui a écrit
touchant les mêmes Diptyques, qui ne decide
abfolument rien , & elle promet à M.
Freret une Gravûre de quelques Tables d'yvoire
, apportées à Paris par un Vénitien ,
mais originairement trouvées dans l'Archipel
, que Dom Bernard de Montfaucon s'étoit
propofé de donner dans fon grand Ouvrage
de l'Antiquité expliquée , & c.
Cettre Lettre Latine , dont M. le Cardinal
Quirini nous a fait l'honneur de nous
envoyer un Exemplaire , eft datée de Brefcia
, écrite fur la fin du mois d'Août der
nier, & imprimée à Rome.
Dans le Mercure du mois de Novembre
dernier , nous avons annoncé le Plan d'une
double Traduction Littérale & Poëtique
des Pfeaumes de David , fuivant la Vulgate.
Ce Plan n'étoit alors connu que par
une Préface , répandue dans le Public , dans
laquelle on promettoit un Effai des 25 premiers
Pleaumes.
Cet Effai ayant parû , nous devons au
Traduc
32 MERCURE DE FRANCE.
les
Traducteur la juftice de reconnoître que
Pleaumes y font préſentés dans un jour nouveau
, qui en rend l'étude agréable & utile
à ceux qui aiment à fe nourrir des vérités
du Salut. On y reconnoît des Poëlies , qui
à la folidité des inftructions , à l'onction
des fentimens , joignent le feu des penſées,
la force des expreffions , & la plus riche va
riété dans la conduite des Sujets , dont les
parties font admirablement liées ; enforte
que plus on médite ces Poëfies , infpirées
par l'Esprit Saint , plus on y découvre de
beautés , avec une fatisfaction interieure
d'autant plus grande , que l'efprit furpris &.
le coeur émû , peuvent fouvent trouver des
penſées & des fentimens a ajoûter à ce que
la Lettre exprime.
Nous avons obfervé dans fon tenis , que
pour prouver l'exactitude de la Traduction
Poëtique , dans tous les endroits , qui dans
le Texte Latin font extrêmement difficiles,
foit à lier , foit à expliquer , le Traducteur
avoit pris le parti de donner aufli une Traduction
purement Littérale. Cette nouveauté
, jointe à celles que le Plan préfente d'ailleurs,
a donné lieu à diverfes Obfervations,
fur l'uniformité des deux Traductions , en
bien des endroits , fur la fimplicité confervée
avec fcrupule dans le ftyle Poëtique
fur la liberté prife d'introduire fouvent des
InterMARS.
1744.
333
Interlocuteurs , & enfin fur la ponctuation ,
qui en quelques endroits n'eft fuivie dans
aucune autre Traduction .
Pour fatisfaire le Public fur toutes ces refléxions
le Traducteur a fait imprimer une
Lettre qu'il écrit fur ce fujet à un ami.
L'Extrait que nous en donnerions , ou feroit
trop long , ou laifferoit trop à defirer à tous
ceux qui pourroient fouhaiter un plein
éclairciffements nous obferverons feulement
qu'il nous paroît qu'elle répond folidement
tout , & qu'elle eft d'autant plus intéreſ
fante , que l'Auteur y fait une comparaiſon
exacte du Pfeaume XV , fuivant la Traduction
Poëtique , avec ce même Pfeaume , fuivant
les deux dernieres Traductions qui ont
paru , & que l'on doit préfumer travaillées
avec le plus grand foin , les plus exactes recherches
, & le plus férieux examen , facili-
τές par toutes les autres Traductions précédentes
,les unes fuivant la Vulgate, les autres,
& en bien plus grand nombre fuivant
l'Hébreu .
›
Cette comparaifon eft un exemple de celle
que
l'on peut faire de même pour chacun
des XXV Pleaumes , contenus dans l'Effai
, en attendant les 50 fuivans , dont la
moitié a déja ſubi l'examen , & fera inceſfamment
fuivie de l'autre , pour paffer à
l'impreffion , dès que l'on aura lieu de croire
534 MERCURE DE FRANCE.
re que le Public fera au Traducteur la grace
de les recevoir avec quelque empreffement.
Plufieurs, comme il l'obferve dans fa Lettre
, aimant fans prévention les vérités du
Salut , & s'exerçant dans la priere, peuvent
être tentés du defir infiniment loüable , de
méditer les Pleaumes , & de bien comprendre
les inftructions qui y font renfermées ;
nous ajoûterons que dans la comparaiſon
des XXV premiers Pfeaumes, ils trouveront
à s'occuper utilement , en commençant un
examen , qui deviendra de plus en plus intéreffant.
C'eft faciliter cet examen , qu'il a
pour
donné une Traduction Littérale , qui met
les Sçavans en état de juger , & qui donne ,
à ceux même , qui n'entendent pas le Latin ,
la fatisfaction de reconnoître l'exactitude
avec laquelle il a travaillé , pour ne pas
abonder dans fon fens.
L'Effai , qui eft en fimple Brochure , belle
impreffion & beau papier , fe vend 24 fols ,
chés Thibouft , Imprimeur du Roi , Place de
Cambray , non compris la Lettre , qui fe
vend féparément 4 fols , & qui cependant
peut être jointe au Livre , à la fuite de la
Préface , par ceux qui achetant la Lettre ,
voudront acheter le Livre . Le premier Volume
contiendra LXXV Pfeaumes , & ne
coûtera en feuilles que trois livres.
LE
MARS.
535
1744.
,
LE GUERRIER PHILOSOPHE , ou Mémoires
de M. le Duc de ** contenant des Réflé-
Kions fur divers caractéres de l'Amour, avec
quelques Anecdoctes curieufes de la derniere
Guerre des François en Italie, Par M,
Jourdan , 2 Vol. in- 12 , 2 Vol. in- 12 , à la Haye , chés
Pierre de Hondt, 1744 ; on le trouve chés
plufieurs Libraires à Paris.
Nous avons annoncé cet Ouvrage dans le
Mercure de Décembre dernier. L'accueil
favorable que le Public lui a fait , juftifie ce
que nous en avions déja dit ; depuis longtems
il n'avoie rien paru d'auffi folide &
d'auffi amuſant tout à la fois ; ce n'eft point
un Journal d'amourettes ; ce ne font point de
ces Réfléxions qui vous affomment par leur
longueur ; en un mot , ce n'eft point ici un
de ces Livres, enfantés par une imagination
fterile , qui fe fauve dans les Dialogues ou
dans des Lettres multipliées à l'infini ; M,
Jourdan proméne fes lecteurs dans un champ
vafte , femé de mille avantures toutes plus
finguliéres ; il enchaîne fes Evénemens avec
tant d'art , qu'ils femblent fortir tout naturellement
les uns des autres , & il vous conduit
jufqu'au bout par une efpece de petite
trahifon , dont on ne peut s'empêcher de
lui fçavoir gré. Tout ce qui eft Hiftorique ,
paroît fcrupuleufement traité fous les aufpices
de la vérité , & la Guerre d'Italie , qu'il
y
$ 36 MERCURE DE FRANCE.
y a enchaffée avec beaucoup d'adreffe , doit
être regardée comme un morceau curieux ,
qui renferme des Anecdotes & des détails
très-intéreffants ; le tout eft écrit avec une
noble fimplicité , que l'Auteur , ainſi qu'il
le dit lui-même dans fa Préface , s'eft propofée
pour but , de forte que la douce harmonie
de fon ftyle ne fait pas le moindre
mérite de l'Ouvrage ; enfin pour achever
de le peindre en peu de mots , c'eft un de
'ces Livres que tout le monde lit , que tout
le monde veut lire , & que perfonne ne fe
répent d'avoir lu ; on pourroit feulement
reprocher à l'Auteur d'avoir , peut- être en
quelques endroits , facrifié l'exacte vraifemblance
, au plaifir de fe ménager des furpri
fes & des fituations agréables ; mais quand
on plaît , tout , juſqu'aux défauts , devient
pardonnable,
LIVRE des Affligés Pénitens. Par M. Picard
de S. Adon, Docteur de Sorbonne, & Doyen
de l'Eglife de Sainte Croix d'Eftampes ,
vol. in- 12 de 189 pages , fans compter la
Préface , & un Supplément. A Paris , chés
la Veuve Brocas , rue S. Jacques , au Chef
S. Jean , 1741 .
La piété & les fentimens de l'Auteur , paroiffent
dès le commencement de la Préface ,
qu'il adreffe : Au LECTEUR qui foupire après
la
MAR S. 1744.
537
"
وو
, par
la délivrance de fes maux , & la poffeffion du
fouverain bien, » Ce qui le frappe , dit-il ,
» infiniment , c'eft de voir qu'il y a , beaucoup
d'Affligés & peu de Pénitens ; on
» fouffrefans mérite , parce qu'on n'eft point'
» animé de l'Eſprit de Pénitence , & c . On
peut juger du mérite de ce petit Livre
des paroles fi édifiantes , & fi Chrétiennes.
Le Supplément eft tout-à-fait afforti à ce
grand fujet. Il eft intitulé , LA PASSION DE
N. S. JESUS -CHRIST , partagée felon les heures
du jour, & fuivi de quelques Réfléxions
fur les Myſteres de la Paffion . Le Livre finit
par une PRIERE pour demander à Dieu la
converfion du coeur , par les Mérites de la
Mort & Paffion de JESUS - CHRIST,
>
LE PARFAIT COCHER , ou l'art d'entretenir
, & de conduire un Equipage à Paris
& en Campagne. Avec une inftruction aux
Cochers fur les chevaux de caroffe , & une
connoiffance abbregée des principales maladies
, aufquelles les chevaux font ſujets.
Ouvrage utile , tant aux Maîtres qu'aux Cochers
, I vol. in- 8°. d'environ 400 pages
y compris l'Epitre à M. de la Gueriniere ;
une Préface inftructive , & les Tables. A
Paris , chés F. G. Merigot , Quai des Auguſ
tins , près la rue Gift-le-Coeur , aux Armes
de France , 1744.
F Si
538 MERCURE
DE FRANCE
.
Si ce Livre n'enrichit pas la République
des Lettres , toutes les perfonnes fenfées
conviendront qu'il peut être d'une grande .
utilité dans la Société Civile , c'eſt- à-dire
à une infinité de gens que cette matiere intéreffe.
Nous avons , il eft vrai , plufieurs
Ouvrages fur tout ce qui regarde la Maréchalerie
, mais perfonne ne s'étoit encore
avifé d'en compofer un pour inftruire des
Cochers. L'Auteur de celui -ci nous apprend
que
c'eft fur les Mémoires d'un ancien Cocher
qu'il l'a compofé. Pour donner toute la
perfection poffible à fon Ouvrage , il a confulté
les plus habiles Cochers de Paris , &
les plus fameux Ouvriers , lefquels en con- tribuant enfemble à la bonté & à la beauté
des Equipages d'aujourd'hui
, ont auffi contribué
à rendre ce Livre intéreffant pour
Maîtres , & utile pour les Cochers,
les
Ce qui n'eft pas un petit augure pour cet
Ouvrage , c'eft que l'Auteur l'a dédié à M.
de la Gueriniere , fi connu par fa belle Ecole
de Cavalerie , & l'un des meilleurs Ecuyers
du Royaume ; il l'a vû en Manufcrit ; on
croit même qu'il a été fait fous les yeux ; dụ
moins l'a-t'on confulté en tout.
La premiere
Partie traite de la maniere
de mener à Paris & en Campagne
, & du foin qu'on doit avoir de l'Equipage
& des chevaux
; la feconde
donne une connoiffance
MARS.
1744. 539
> fance abbregée des chevaux de caroffes
François & Etrangers. La troifiéme contient
une lifte des principales maladies aufquelles
les chevaux font fujets , & enfin une
courte inftruction fur ce que les Cochers
doivent faire , en attendant le fecours des
Maréchaux , s'ils en ont befoin .
Il y a au Frontifpice de ce Livre , une belle
Vignette , ingénieufement inventée , & fort
bien gravée.
On vient de publier un Programme , qui
fera fans doute plaifir aux Amateurs de la
Poëfie Françoiſe. En voici le contenu .
BIBLIOTHEQUE Poëtique , ou nouveau choix
des plus belles Piéces de Vers en tout genre ,
depuis Marot jufqu'aux Poëtes de nos jours,
avec leurs Vies , & des Remarques fur leurs
Ouvrages , 4 vol. in-4° . propofés par foufcription.
A Paris , chés Briaffon , Libraire ,
ruë S. Jacques , à la Science , 1743 .
>
Parmi tant de Recueils de Poëfies , qui
ont paru jufqu'à préfent en notre Langue
& qui femblent avoir été faits comme à
l'envi les uns des autres , depuis plus d'un
fiécle , il y en a deux furtout que l'on eftime
encore aujourd'hui . Le premier ( a ) fut
donné au Public en 1671 , fous le nom du
"
( a ) Imprimé en trois vol. in- 12 , chés Pierre le-
Petit.
Fij
célébre
540 MERCURE DE FRANCE.
célébre la Fontaine. Le fecond , ( b ) fans
nom d'Auteur , vit le jour en 1692. Celui
qui paroît depuis quelques années , ſous le
titre de ( c ) Choix de Poëfies Morales & Chrétiennes
, a eu fes Partifans & fes Cenfeurs.
Inftruit par les derniers , l'Editeur a cru ne
pouvoir mieux leur en marquer fa reconnoiffance
, qu'en mettant à profit leur critique
dans cette nouvelle Collection. Trois
chofes contribuëront , ce femble , à la rendre
également utile & agréable. Les Vies des
Poëtes qui la compofent ; la diverfité des
matieres qu'elle contient , & enfin les Remarques
fur les endroits qui ont paru avoir
befoin d'éclairciffement. On ne s'eft pas
contenté de puifer dans les fources les plus
connues ; partout où le beau s'eit offert , on
l'a pris fans acception de noms plus ou
moins accredités. Chapelain a fait un Poëme
auffi dur qu'allongé , d'accord ; mais ce
même Chapelain , de l'aveu du fameux Deſpreaux
, a fait une belle Ode ; ( d ) la mépriferons-
nous, parce qu'elle n'eft pas de Malherbe
ou de Rouffeau ? Eh ! combien d'Auteurs
ont échoué dans certains genres , qui
(b ) Imprimé ens vol. chés Barbin , & attribué à
M. de Fontenelle.
(c ) Imprimé en 1739 , 3 vol. in- 8 ° . grand & petit
papier , par Prault , Pere , & qui se vend chés
Briaffon , rue S. Jacques.
( d ) Son Ode au Cardinal de Richelieu .
ont
MARS. 1744.
`541
ont réuffi , qui ont même excellé en d'autres
! Oublier ce qu'ils ont fait de médiocre
, c'eft raifon ; leur tenir compte de ce
qu'ils ont fait d'eftimable , & faifir même
l'occafion de le faire valoir , c'eſt juſtice.
On a obſervé , autant qu'il a été poffible ,
l'ordre Chronologique , afin de donner au
lecteur comme une Hiftoire fuivie de la
Poëfie Françoife , & de le mettre plus à portée
d'en connoître les differens progrès , depuis
Marot jufqu'aux Poëtes de nos jours .
On s'eft fait un devoir de ne rien emprunter
des vivans , & cela pour des raifons dont le
détail feroit d'autant plus inutile , qu'elles
font plus faciles à deviner.
Plaire aux gens de goût , & fatisfaire en
même-tems les gens de bien , eft le double
objet du travail de l'Editeur . S'il ne réüffit
pas au gré des uns , il est au moins sûr de
T'approbation des autres , pour n'avoir inféré
dans ce Recueil , aucune Piéce qui ne puiffe
être lûë de ceux-mêmes qui ont la confcience
la plus délicate & la plus timorée . Périſfent
à jamais l'art des Vers & tous les dons
du génie Poëtique , pour quiconque ne les
employe qu'à flétrir le mérite , ou à faire
rougir la vertu !
CONDITIONS.
L'Editeur de cet Ouvrage fe propofe de le
Fiij faire
542 MERCURE DE FRANCE .
faire imprimer auffi parfaitement qu'il eft
poffible. Son but eft d'en réferver les Exemplaires
pour un certain nombre de Curieux ,
qui connoiffent le prix des belles Editions ;
& la voie qu'il a cru la plus facile pour y
parvenir , a été de le propofer par Soufcription
.
L'Ouvrage fera partagé en 4 vol. in-4° .
imprimés fur du papier , & en caracteres
conformes au modéle ; le prix fera paur
les Soufcripteurs , de 32 liv. qui ferone
payées , fçavoir , 18 liv . en foufcrivant , &
14 liv. en retirant l'Exemplaire en feüilles.
Il fera tiré un très- petit nombre d'Exemplaires
en plus grand papier , très-fin &
très-beau , qui feront auffi donnés par Soufcription
à 48 liv. dont il fera payé 30 liv .
en foufcrivant , & 18 liv. en retirant l'Exemplaire
en feuilles.
Les perfonnes qui voudront foufcrire
font priées de fe préfenter au plûtôt , pour
affûrer leur Exemplaire.
L'Ouvrage fera fini au plus tard en Septembre
, 1744.
ASTRONOMI E Nautique , ou Elémens
d'Aftronomie , tant pour un Obfervatoire
fixe , que pour un Obfervatoire mobile.
Par M. de Maupertuis , 1 vol . in- 8° . de l'Imprimerie
Royale , 1743 .
HISMARS
. 1744.
543
HISTOIRE de la Grèce , traduite de
l'Anglois de Temple Stanyam , 3 vol . in- 12.
à Paris , chés Briaſſon , 1743 .
LE TEMPLE de Mémoire , Poëme Allégorique.
Brochure in- 12 , à Paris , chés Couftelier
, 1744.
On trouve chés le même Libraire un autre
Poëme , beaucoup plus férieux , intitulé :
Le Bâtiment de S. Sulpice, ODE. En voici
la premiere Strophe.
Augufte & pompeux Edifice ,
Digne Palais du Roi des Rois ,
Que votre voute retentiffe
t
Des fons éclatans de ma voix !
De l'Efprit- Saint , qui vous habite ,
Une infpiration fubite
Excite en moi d'heureux tranfports
Et de la Harpe renommée ,
Honneur de l'Antique Idumée ,
Me tranfmet les divins accords.
On écrit de Rome , qu'il vient de paroître
une Bulle du Pape , de l'Imprimerie de la
Propagande , datée du 24 Décembre 1743 ,
adreffée au Patriarche d'Antioche , des Grecs
Melchites , & aux Evêques Catholiques du
même Rit , foumis à ce Patriarche. Cette
Bulle contient quelques Réglemens au fujet
F iiij
des
344 MERCURE DE FRANCE.
des jeûnes pratiqués par ces Peuples ; & encore
fur la Liturgie , fur la Jurifdiction
du Patriarche , & des Evêques. La Bulle annonce
auffi une Edition du Miffel à l'ufage
des Grecs Melchites , & une autre des Livres
Eccléfiaftiques du Rit Copre.
EUVRES de Meffire Jacques Benigne
Boffuet , Evêque de Meaux , Confeiller du
Roi en fes Confeils & ordinaire en fon Confeil
d'Etat , Précepteur de Monfeigneur le
Dauphin , &c. Quatre vol. petit in -fol. Le
premier Tome de 820 pages , le fecond de
940 , le troifiéme de 707 , & le quatriéme
de 632 , non compris les Préfaces & autres
Difcours Préliminaires , dont quelques- uns
ont plufieurs feuilles d'impreffion . AParis ,
chés le Mercier , rue S. Jacques ; la. Veuve
Alix , Cloître S. Benoît ; Barois , fils , Quai
des Auguſtins , & Boudet , ruë S. Jacques.
HISTOIRE de l'Académie des Scien
ces , 1739 , avec les Mémoires de Mathématique
& de Phyfique , pour la même année ,
tirés des Regiftres de cette Académie , de
475 pages , Planches détachées 21. A Paris
, de l'Imprimerie Royale , 1743 , in-4°.
DISCOURS fur les follicitations , prononcé
à l'ouverture du Parlement de Rouen ,
le
MARS. 1744. 545
le 12 Novembre 1742 , par un de Mrs les
Avocats Généraux , in- 40. de 20 pages.
ON a donné à Rome , depuis la mort de
M. l'Abbé Lazzarini , deux Editions de fes
Ouvrages ; la premiere , à Veniſe en 1736 ,
chés Jean Gabriel Herts ; l'autre , l'année
fuivante , chés Lélio Della Volpe , à Boulogne.
Ces deux Editions font très- défectueufes
, foit parce qu'on y a fait entrer des
Piéces qui ne font pas de l'Auteur , foit
parce qu'on en a omis plufieurs qui font
véritablement de lui . M. François Banaglio a
entrepris d'en donner une nouvelle,plus ample
& plus exacte. Il en a donné depuis peu
le premier Volume , & il promet qu'il pu
bliera fucceffivement tout ce qui eft forti de
la plume de cet Auteur . Le Volume qui pa
roît , a pour titre : Offervazioni fopra la
Merope del fig. S. M. Maffei , ed altre operette
del Sig. Abbate Domenico Lazzarini
di Moro Patrizio Macerateze raccolte da
Francefco Banaglia Trivigiano , in Roma appreffo
i Pagliarini , 1743 , in- 4°. Les autres
Piéces qui forment Volume , font : 1 .
Des Obfervations fur la Traduction Italierne
de Lucrece . 2º. Trois Harangues Latines
touchant les meilleures Etudes & une
Orarfon Funebre , prononcée à la mort de
M. F. Morofini , Evêque de Breffe . Le refte,
F v се
546 MERCURE DE FRANCE.
1
ce font differentes Piéces qui regardent la
Diplomatique du P. Mabillon.
On trouve chés le même Libraire , une
Differtation de M. le Marquis Poleni , fur
le Temple de Diane d'Ephéfe , intitulée :
Differtazione del Marchefe Giovanni Poleni
publico Profeffore nell' Univerfita di Padova
Sopra il Tempio di Diana d'Efefo , & c . in Roma
, 1942 , in- 4° . avec figures.
ON prépare à Tournay , une feconde
Edition du Poëme du P. le Vaillant , de la
Compagnie de Jefus , fur l'Accord de la
Grace & de la Liberté. Elle fera en caracteres
neufs & en très- beau papier . On y joint
d'autres Poëfies du même Auteur. 1 ° . Un
Poëme en deux Chants , intitulé : Le Triomphe
de la Charité Divine fur le coeur de l'homme.
2° . Un Poëme , qui a pour titre : La
Patience du fufte couronnée dans Job . 3º . Des
Sonnets fur des Matieres de Piété , & fur les
Mysteres de la Foi. 4°. Les xvj premiers
Pfeaumes de David , paraphrafes en Odes , de
Stances differentes . Ces quatre Articles feront
un fecond Volume & les deux enfemble
fe donneront à très-bon marché . Deux Volumes
in 8°.
Il paroît à Breffe , une Differtation qui a
pour objet d'éclaircir l'ancienne Coûtume
des
MAR S. 1744.
547
des Romains , d'évoquer les Dieux Tutelaires
des Villes dont ils faifoient le fiége , de
tranfporter à Rome leurs Statues & leurs
Simulacres , avec des Cérémonies par lefquelles
ils invitoient ces Dieux à quitter la
place , à venir dans de nouvelles demeures ,
à prendre poffeffion de Temples plus auguftes
, & d'Autels plus faints. La Differtation
eft intitulée : P. C. Anfaldi O. P. de
Diis multarum Gentium Romam evocatis , five
de obtinente olim apud Romanos Deorum Prafi-s
dum in oppugnationibus Urbium evocatione
Liberfingularis , Vol . in -8 ° . Brixiæ 1743 .
On a publié à Venife depuis peu , la feconde
Partie du Recueil des Statues Grecques
& Romaines , que l'on Y conferve dans le
Veſtibule de la Bibliothèque de S. Marc. La
premiere a été donnée en 1640 , & a été annoncée
dans les Nouvelles du Journal des
Sçavans de Juillet de l'année fuivante ; on
en a rendu un compte exact dans le Mercure
de France.
Ce fecond Volume , grand in fol. comme
le précédent , contient so Planches gravées
par les meilleurs Maîtres , & font accompagnées
d'explications & d'obfervations critiques
& Philologiques , les 48 & 49 Planches
repréfentent deux Lions , que le Géné
ral François Morofini , furnommé le Péle-
F vj ponef
$48 MERCURE DE FRANCE.
poneffique , après avoir fait la conquête de
la Morée , tranfporta du Temple de Jupiter
& de Minerve d'Athénes dans fa Patrie , &
qu'il plaça parmi les autres anciens Monumens
, avec deux Infcriptions également
glorieufes à la Nation Vénitienne , & à la
Maifon Morofini.
On a publié à Londres une Traduction
Angloife des Effais de Morale & de Litterature
de M. l'Abbé Trublet , faite fur l'Edit.
de 1737 , la plus ample & la plus exacte.
Jean Brindley , Libraire à Londres , & de
S. A. R. le Prince de Galles , a publié depuis
peu un Projet pour imprimer par foufcription
les Auteurs fuivans ; fçavoir , Horace
, Virgile , Terence , Juvenal & Perfe.
Pour cet effet , il a acheté une fonte de trèsbeaux
caracteres neufs , & il n'a rien néglide
tout ce qui dépendoit de lui , pour
que
fon Edition fût au -deffus de toutes celles
qui ont paru des mêmes Auteurs. 1 °. Par
la correction du Texte. 2 ° . Par la beauté &
netteté des caracteres. 3 ° . Par la bonté du
papier. 4°. Par la petiteffe du Volume. Il
s'eft engagé à n'employer que du papier
très-fin , & des caracteres fondus exprès
pour cette entrepriſe , lefquels , au jugement
des connoiffeurs , furfaffent par leur
netMARS.
1744.
$49
netteté tout ce qui a paru jufqu'à préfent en
ce genre , & l'effai qu'il donne de l'exécution
de fon Projet , répond pleinement à ce qu'il
promet. Le prix pour les Soufcripteurs eft
de dix Shillings , dont ils payeront la moitié
en foufcrivant , & l'autre en retirant
l'exemplaire en blanc. Ceux qui auront
foufcrit pour fix Exemplaires , en auront un
feptiéme gratuitement. On trouvera des
Soufcriptions chés J. Brindley , Libraize
dans New-bond- Street, & chés les autres Libraires
, tant de la Ville que de la Province.
L'Ouvrage devoit être délivré dans le courant
du mois de Janvier 1744.
Il paroît à Londres une nouvelle Traduction
de Lucrece en Anglois , avec des Notes
, & des figures en Taille-douce , 1. vol .
in-8°.
•
MANIERE facile de purifier l'Air dans
les Lieux où le mauvais Air eft ordinairement
nuifible , & d'y en introduire du nouveau
, comme dans les Mines , dans les Prifons
, dans les Hôpitaux , & dans les Vaiffeaux
, par M. Hales , dans la même l'ille ,
vol, in-8°.
Il paroît à Amfterdam , une nouvelle Edition
d'un Ouvrage , intitulé : Joannis Rofini
An
350 MERCURE DE FRANCE.
Antiquitatum Romanarum Corpus abfolutiffi
mum , cum Notis Doctiffimis ac locupletiffimis
Thoma Dempsteri J. C. cui accedunt Pauli
Manutii Libri duo de Legibus & Senatu , cum
Adrea Schotti Electis , I. de Prifcis Romanis
Gentibus ac Familiis . 11. de Trib. Roman.
xxxv. Rufticis atque Urbanis. 111. de Ludis
Feftifque Roman. & Kalendario vetere. Cum
Indice locupletiffimo rerum ac verborum , &
aneis figuris accuratiffimis , &c. Editio noviſſi
ma , prioribus omnibus longè emendatior , apud
Salomonem Schouten , 1743 , in-4°. Cette
Edition a été revûë & corrigée exactement
par M. Jean Frederic Reitzius , qui l'a comparée
à celle de Paris de 1613 , & avec celle
de Pitifcus.
DISCOURS Hiftoriques , Critiques &
Politiques fur Tacite , traduits de l'Anglois
de M. Th. Gordon , par M. D. G. L. à imf
terdam , 2 vol. in- 12.
Le premier Difcours trace le Portrait de
Tacite. Cet Hiftorien Romain a peu de part
aux autres Difcours , qui roulent fur le caractere
& le Gouvernement des Empereurs
Romains & fur des points de Politique.
Pierre Goffe , Libraire à la Haye , vient de
publier L'ESPRIT DE FONTENELLE , ou Recueil
de Penfees , tirées de fes Ouvrages , 1 vol.
in-12,
MARS, 1744.
in-12 , précédé d'une longue Préface.
Ces Penſées font rangées fous differens
Titres , fuivant les matieres aufquelles elles
ont rapport. On y voit la fécondité & l'heureux
tour d'efprit de l'illuftre Académicien ,
qui fuivant les occafions , produit fur les
mêmes objets , tant de penfées ingénieuſes ,
toujours exprimées d'une maniere neuve &
finguliere.
NOUVELLE EDITION de l'Expofition Anatomique
de la Structure du corps humain , par
M. Winflow , enrichie de figures . On a mis
à leur place les Additions qui étoient à la
fin , 4 vol. in- 12 , chés Weftein , Libraire à
Amfterdam.
LUCIANI Samofatenfis Opera , cum nova
Verfione Tiber. Hemſterhufii , & 70. Matthie
Gefneri , Gracis Scholiis , ac Notis omnium
proxime Editionis Commentatorum , additis
Jo. Brodæi , Jo . Jenfii , Lud. Kufteri ,
Lamb. Bofii , Horatii Vitringa , Jo. de la
Faye , Ed. Leedes , aliifque ineditis , ac pracipuè
Mofis Solani & J. M. Gefneri . Amftelodami
, fumptibus Jacobi Weftenii , 1743
3 vol. in-4° . Cet Ouvrage eft dédié à la
Reine de Hongrie.
Henri Albert Goffe & Compagnie , Librai552
MERCURE DE FRANCE.
que
braires à Genève , débitent un Livre intitu
lé : Abbregé de la Chronologie des anciens
Royaumes , par M. Newton , traduit de l'Anglois
de M. Reid. M. Newton avoit donné
lui-même un Abbregé de fon Ouvrage , mais
le nouvel Abbregé que nous annonçons , eft
compofé dans des vues toutes differentes.
Celui de M. Newton n'eft prefque autre
chofe qu'une Chronique des principaux
Evénemens de l'Hiftoire Ancienne , fixés
au tems où ils font arrivés , au lieu celui
de M. Reid a pour but d'expofer diftinctement
au lecteur les fondemens fur lesquels
on a bâti le nouveau fyfteme deChronologie,
afin que les voyant d'un coup d'oeil rappro
chés l'un de l'autre , & mis quelquefois dans
un nouveau jour , il puiffe juger plus facilement
de leur folidité . L'Auteur s'y eſt un
peu étendu fur les faits les plus remarquables
de l'Hiftoire Ancienne , en faveur de ceux
qui n'en ont point une profonde connoiffance.
Il y a joint plufieurs Remarques de
fa façon , qui rappellent & comparent les
dates les plus importantes , & qui éclairciffent
ce qui dans fon analyfe pourroit avoir
quelque obfcurité. Il tâche auffi de juftifier
M. Newton fur quelques-unes des difficul
tés qu'on lui a faites , mais il n'a pas rτéέрρoοnπ-
du aux principales objections qu'on a faites
contre le Syftême , & il les a peut-être ignorécs.
Il
MARS. 1744. 559
ll a paru au mois de Juin dernier , un Livre
fous le titre d'Elémens de l'Education >
imprimé avec foin chés Prault , pere ,
Quai de Gêvres , au Paradis . Mrs les Journaliſtes
de Paris & de Trévoux , en ont parlé
d'une manière à encourager l'Auteur à pourfuivre
fon Projet , c'eft ce qu'il vient de faire
fous le titre de Progrès de l'Education ; nous
foufcrivons avec plaifir , au Jugement qui a
été porté par Mrs les Journaliſtes , fur la
premiere partie de cet Ouvrage , qui n'étoit
pas venue affés - tôt à notre connoiffance ;
nous dirons quelque chofe de plus de la feconde.
Ce qui paroît d'abord le plus fenfible dans
cette Partie , c'eft la préciſion , & un certain
tour dans l'expreffion que donne l'ufage
du monde , c'eft le Livre que l'Auteur
paroît avoir étudié par préférence ; toutes
fes maximes tendent au grand , & au vrai
il entre peu dans les détails ; il a évité d'ap-
-puyer fes principes fur des exemples , il en
dit la raifon ; nous croyons que ces deux
petits Livres peuvent fuppléer à de plus
gros Volumes fur cette matiere importante ,
& nous penfons rendre juftice à l'Auteur ,
fans vouloir le flater , en affûrant que fes
réfléxions font juftes , fages , mefurées , &
propres à développer dans l'efprit , & dans
le coeur les idées & les fentimens du fublime
, pour les mettre enfuite en action .
PRIX
554 MERCURE DE FRANCE.
PRIX propofe par l'Académie Royale de
Chirurgie , pour l'année 1745.
'ACADEMIE Royale de Chirurgie prode
déterminer ce que c'eft que les Rémédes Anodins
, d'expliquer leur maniere d'agir , de
diftinguer leurs differentes efpèces , & de
marquer leur ufage dans les Maladies Chirurgicales.
L'Académie defireroit que ceux qui travailleront
fur ce fujet , s'attachaffent furtout
à ranger par Claffes les differens genres de
Remédes Anodins fimples & compofés , à
diftinguer , foit par le dégré d'activité , foit
par les differentes qualités de ces Remédes ,
les diverfes efpeces que chaque genre peut
renfermer ; à prefcrire les préparations , les
formules & l'ufage de ces Remédes dans les
maladies , felon leurs genres , leurs differentes
complications , leurs differens tems , &
les differentes parties où elles arrivent.
L'Académie, qui n'a en vûë que l'avancement
de la Chirurgie , n'adopte que les
connoiffances qui peuvent conduire sûrement
dans la Pratique ; elle rejette toutes
opinions , toutes explications purement ingénieufes
, & tous raifonnemens qui ne font
adés
MARS. 1744. 555
fondés que fur des conjectures ou fur des
vraisemblances. Ainfi elle prie ceux qui lui
envoyeront des Mémoires , d'établir leur
théorie fur des connoiffances sûres ; de l'enrichir
de découvertes prouvées par des faits ;
de fonder leur pratique fur l'expérience &
fur les obfervations, des meilleurs Praticiens.
Le Prix eft une Médaille d'or de la valeur
de deux cent livres , qui fera donnée à celui
qui , au jugement de l'Académie , aura fait
le meilleur Ouvrage fur le Sujet propofé .
L'Auteur du Mémoire qui remportera le
Prix , fera aggregé à l'Académie , s'il a fatisfait
aux conditions qu'elle prefcrit.
Ceux qui envoyeront des Mémoires , font
priés de les écrire en Latin ou en François ,
& d'avoir attention qu'ils foient fort lifibles
. }
Ils mettront à leurs Mémoires une marque
diftinctive , comme Sentence , Deviſe , Paraphe
ou Signature , & cette marque fera
couverte d'un papier collé ou cacheté , qui
ne fera levé, qu'en cas que la Piéce ait remporté
le Prix.
Ils adrefferont leurs Ouvrages francs de
port à M. Quefnay , Sécrétaire de l'Académie
de Chirurgie , ou à M. Hevin , Sécrétaire
pour les correfpondances , ou les leur feront
remettre entre les mains.
Toutes
356 MERCURE DE FRANCE.
Toutes perfonnes de quelques qualité &
Pays qu'elles foient , pourront afpirer au
Prix ; on n'excepte que les Membres de l'Académie.
Le Prix fera délivré à l'Auteur même , ou
au Porteur d'une Procuration de ſa part ,
l'un ou l'autre repréſentant la marque diftinctive
, & une copie nette du Mémoire.
Les Ouvrages feront reçûs jufqu'au dernier
Janvier 1745 inclufivement , & l'Académie
à fon Affemblée publique de la même année
, qui fe tiendra le Mardi d'après la Fête
de la Trinité , proclamera la Piéce qui aura
remporté le Prix.
QUESTION.
On demande pourquoi le lait a la vertu
d'éteindre le feu du Ciel , & pourquoi l'eau
ne l'a pas ; voici un fait qui donne lieu à
cette Queſtion.
Le Tonnerre étant tombé au mois de Décembre
dernier à Senlis , fur la Maifon des
Chanoines Réguliers , où il a caufé du dommage
; on fit ce que l'on put pour empêcher
le progrès du feu ; l'eau ne fût point épargnée
, mais fans aucun fuccès ; quelqu'un
s'avifa de fe fervir de lait ; & au moyen de
vingt ſeaux de lait , on éteignit entiérement
le feu.
ESTAMMAR
S. 1744. 557
ESTAMPES NOUVELLES .
Le Sr Odieuvre , Marchand d'Eftampes , ruë
d'Anjou , vient de mettre en vente les Portraits de
MARTIN LUTHER , né à Iſlébe , dans le Comté
de Mansfeld , le 10 Novembre 1483 , mort à Iflébe
le 18 Février 1546 , peint par P. L. & gravé par
Pinffio.
ADRIEN BAILLET , né à la Neuville , près Beauvais
, le 13 Juin 1649 , mort à Paris le 21 Janvier
1706 , peint par N. G. & gravé par Et . Fellard.
JEAN -BAPTISTE COLBERT , Miniftre & Sécretaire
d'Etat , &c . né à Paris le 31 Août 1619 , mort le 6
Septembre 1683 , peint par Mignard , & gravé par
Pinffio.
PHILIPPE GOIBAULT , SIEUR DU BOIs , de l'Académie
Françoiſe , mort le premier Juillet 1694 , âgé
de 75 ans , peint par Varry , & gravé par Pinffio .
ROGER DE RABUTIN , Comte de Buffy , Meftre
de Camp Général de la Cavalerie Françoise &
Etrangere , Lieutenant Général des Armées du Roi ,
peint à 55 ans par le Febvre , mort en Avril 1693 ,
& gravé par R. Gaillard.
Le feur Petit , Graveur , rue Saint Jacques ,
à la Couronne d'Epines , près les Mathurins , qui
continue de graver avec fuccès la fuite des Hommes
Illuftres du feu fieur Defrochers , Graveur du
Roi , vient de mettre au jour les Portraits fuivans
HIPPOCRATE , Médecin, né dans l'Ifle de Cos ; les
Ecrits qu'il a laiffés fervent de bafe à l'étude de la
Médecine ; il vivoit l'an du monde 3560 ; on lit ces
Vers au bas,
Chés les Grecs , qu'étonna ſon rare & docte effor
Dans un art, inventé pour être falutaire ,
II
$ 58 MERCURE DE FRANCE.
Il fut des Médecins & le Prince & le Pere ,
Et parmi nous il l'eft encor.
SOCRATE , Fondateur de la Philofophie Morale
chés les Grecs . Il mourut l'an du monde 3572 , âgé
de 72 ans. On lit ces Vers au bas.
Par la Philofophie à jamais revêtu
D'un nom , que fuit la gloire & l'amour & l'eftime
Sa mort fut le triomphe & l'opprobre du crime ,
Et le feul prix de fa vertu.
AIR.
C Effez Printemps , votre parure ,
Et vous Frimats , défolez l'Univers ;
Par la rigueur des plus affreux Hyvers ,
Faites horreur à la Nature ;
Que la Foudre éclate en tous Lieux ;
Qu'elle ravage la faifon de Fiore ,
Et qu'elle écrafe un malheureux ,
Qui vient de voir expirer à fes yeux
La beauté que fon coeur adore !
Par M. C. d'Orleans.
SPECMY...
font
1.
n.
il.
THE
NEW
YORK
d.
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX- AND
ILDEN
FOUNDATIONS,
1.
7.
V.
il
a
i
: on
560 MERCURE DE FRANCE .
a remarqué que c'eft celle qui a fait verfer
plus de larmes.
६
On peut dire que Mlle Dumefnil , qui
repréfente le principal perfonnage de Mérope
, ne joue pas ; c'eft , pour ainſi dire ,
une véritable mere. La Nature s'exprime
dans elle avec cette voix , ces attitudes ,
ces fanglots , ces caracteres qui étonnent ,
qui attendriffent & qui déchirent le coeur ;
elle pleure & elle fait verfer des larmes à
toute l'Affemblée ; ces pleurs , qui fe fechent
fi vîte d'ordinaire , coulent dans prefque
toute la Piéce. Avant elle , il s'eft trouvé
des Actrices qui ont déclamé , qui ont
ému, mais nulle, qui ait tranfporté à ce point,
& on peut regarder cette repréfentation
comme une époque bien mémorable dans
l'Hiftoire du Théatre François , qui eſt affûrément
le premier de l'Europe .
On a vûun rôle de Confidente intéreffer &
exciter de plus grands applaudiffemens, que
le rôle même deMérope .Nous difons de plus
grands applaudiffemens , car les récits intéreffans
font battre des mains , & les larmes
font une approbation d'un genre fupérieur.
Mlle Clairon , l'une des plus grandes
Actrices qui ait jamais orné notre Scéne
, a bien voulu joiier ce rôle de Confidente,
Elle a fait voir que les grands ta
lens font comme les Rois qui defcendent
fans
MARS. 1744.
561
fans s'abbaiffer. Elle a mis une expreffion &
une énergie étonnante dans un perfonnage
qu'on n'eût prefque point apperçû fans elle.
Heft à fouhaiter que cet exemple foit ſuivi ,
que celles qui prétendent toujours à être
les premiéres Actrices , faffent valoir les
feconds rôles .. !
&
M. Grandval n'a jamais joué avec plus de
vérité , de nobleffe , & de fimplicité , que
dans cette Piéce. Le Vieillard repréſenté
par M. Sarrazin , a été exécuté de la maniére
la plus attendriffante ; enfin tout a concouru
au fuccès prodigieux de cette Tragédie.
Elle a été jouée quatre fois à la Cour ,
& honorée le Jeudi 13 du mois dernier de la
préfence du Roi , qui a marqué combien il
daignoit s'intéreffer au fuccés des Arts qui
contribuent à la gloire de fon Royaume.
Au refte , on n'a trouvé dans cette Piéce
ni de ces tirades , ni de ces morceaux détachés
, qui font en poffeflion d'être applaudis.
Le ftyle ne nous a pas parû pompeux ;)
tout y eft fimple , tout y eft naturel . L'Art
qu'on y a le plus remarqué , eft de cacher
l'Art ; de laiffer prefque tout aux fituations,
& de faire difparoître l'Auteur, pour mettre
l'Acteur en liberté ; l'intelligence du Théatre
& des coups qui doivent frapper le coeur,
a parû aux Connoiffeurs faire le principal
mérite de l'Ouvrage. On ne peut gueres
G pouffer
562 MERCURE DE FRANCE.
•
pouffer plus loin la fimplicité. Il n'y a proprement
que trois Perfonnages principaux ,
Mérope , fon fils , & Polifonte.
La Reine , au premier Acte , efpere qu'elle
retrouvera enfin ce fils , le feul bien qui
lui refte .
On lui amène , au fecond Acte , un jeune
homme , accufé d'un meurtre ; elle s'attendrit
à fa vûë , & malheureuſement elle voit
l'inftant d'après des preuves apparentes que
ce jeune homme eft l'affaflin de fon fils
même.
Au troifiéme Acte , elle eft prête a immoler
ce meurtrier fur le Tombeau de fon
Epoux , lorfque le Vieillard , qui a élevé
fon fils Egyfte , paroît , lui arrête le bras, &
lui apprend que c'eft fon fils qu'elle alloit
faire mourir.
*
Au quatriéme Acte , le Tyran , déja déclaré
Roi par le Peuple , à condition qu'il
époufera Mérope, commençant à avoir quelques
foupçons , veut éprouver la Reine , &
eft prêt de facrifier ce jeune homme , qu'il
feint toûjours de prendre pour le meurtrier
d'Egyfte . La Reine au défefpoir , & emportée
par la violence de fon amour maternel ,
fe jette au-devant du Tyran ; s'écrie , il eft
mon fils , & met ainfi dans un nouveau danger
ce fils qu'elle a voulu d'abord immoler,
qu'elle a reconnu & qu'elle expofe à la
cruauté
MARS. 1744.
563
cruauté de Polifonte , par fon aveu malheu
reux .
Au cinquiéme Acte , elle eft forcée d'aller
au Temple épouſer le Tyran pour fauver
fon fils , & c'eft dans ce Temple même qu'Egyfte
, fecouru de fa feule audace , tuë le
Tyran. Voila l'expofé fuccint d'un Ouvrage
qui femble ne comporter rien que d'ordinaire
, & qui cependant a furpris.
Ce n'eft point une Traduction de la Mérope
de M. le Marquis Scipion Maffey ,
comme on l'avoit annoncé. Nous avons confronté
les deux Méropes ; il n'y a rien de fi
different; caractéres , ordonnance , intrigue,
fituations , penſées , détail de fentimens , ftyle
, rien ne ſe reffemble. Il n'y a que quelques
endroits , dont l'Auteur François femble
avoir emprunté le fond de l'Auteur Italien
, ou que la matiére du fujet a fournis à
l'un & à l'autre .
C Par exemple , Mérope , en parlant de fon
fils , s'exprime ainfi dans la Mérope Italienne.
In tal povero ftato
Ohi me ! che , anche il mio figlio vive !
E credi pure , Ifmenia che fe lo sguardo ,
Giunger poteffe da fi lontana parte
Tale à punto , il vedrei , che le fue vefti
Da quelle di costui poco
faranno
Gij
Diffo564
MERCURE DE FRANCE
Diffomiglianti piaccia almeno al Cielo
Che anche eï fi ben comp! effo , edi fue membra
Si ben difpofto , divenuto ſia . . . .
Rozo garzon folo inefperto , ignaro
Delle vie , de coftumi , de perigli ,
Ch' appogio alcun non ha , povero , e privo
D'ofpitii , qual di vitto , e qual d'albergo
Non patirà diffagio ? quante volte
A l'altrui menfe accofteraffi , un pane
Chiedendo umile e ne farà fors' anche
Scacciato ; Egli , il cui padre à ricca menſa
Tanta genet accogleva. Mà poi fe infermo
Cade , com'è pur troppo agevol cofa.
Chi n'avrà cura ? ei giaceràſſi in terra
Languente , affitto , abbandonato , ed un forfo
D'acqua non farà chi pur gli porga.
Hélas ! ce fils que je cache à toute la Terre
, eft élevé dans la même condition &
dans la même mifére ; n'en doutez point ,
Ifmene , fi mes regards pouvoient penetrer
jufqu'aux Lieux éloignés qu'il habite , je le
verrois femblable à celui- ci , & couvert des
mêmes vêtemens. Plaife au Ciel que ce fils
ait acquis la même force & la même taille ;
qu'il foit enfin tel que je vois celui - ci. , . .
Hélas ! jeune & fans expérience , fans compagnie
, ignorant les chemins, les coûtumes ,
& jufqu'aux dangers qui le menaceront ,
fans
MARS. 1744.
555
fans appui , pauvre , fans amis , quelles peines
cruelles le manque de logement & de
nourriture ne lui feront- ils pas effuyer ?
Combien de fois , s'approchant d'une table
étrangère , demandera- t'il humblement du
pain qu'on lui refufera peut-être , lui , dont
le Pere recevoit tant de gens à fa riche table?
Mais s'il tombe malade , comme il ne peut
que trop arriver , qui prendra foin de lui ?
Hélas ! il languira couché fur la terre , accablé
de fon mal , abandonné de tout , fans
trouver même qui lui offre de l'eau.
Voici comment s'exprime l'Auteur de la
Mérope Françoiſe.
Tendons à la jeuneffe une main bienfaifante ;
C'eft un infortuné que le Ciel me préfente ;
Il fuffit qu'il foit homme & qu'il foit malheureux ;
Mon fils peut éprouver un fort plus rigoureux ;
Il me rapelle Egyfte , Egyfte eft de ſon âge ;
Peut-être , comme lui , de rivage en rivage ,
Inconnu , fugitif, & partout rebuté ,
Il fouffre le mépris qui fuit la pauvreté ;
L'opprobre avilit l'ame & flétrit le courage ;
Pour le pur fang des Dieux quel horrible partage !
Nous donnerons encore pour objet de
comparaifon le récit de la fin , déclamé par
Mlle Clairon .
G iij
Hora
$ 58 MERCURE DE FRANCE.
Il fut des Médecins & le Prince & le Pere ,
Et parmi nous il l'eſt encor.
SOCRATE , Fondateur de la Philofophie Morale
chés les Grecs . Il mourut l'an du monde 3572 , âgé
de 72 ans. On lit ces Vers au bas.
Par la Philofophie à jamais revêtu
D'un nom , que fuit la gloire & l'amour & l'eftime
Sa mort fut le triomphe & l'opprobre du crime ,
Et le feul prix de fa vertu.
AIR.
C Effez Printemps , votre parure ,
Et vous Frimats , défolez l'Univers ;
Par la rigueur des plus affreux Hyvers ,
Faites horreur à la Nature ;
Que la Foudre éclate en tous Lieux ;
Qu'elle ravage la faifon de Flore ,
Et qu'elle écrafe un malheureux ,
Qui vient de voir expirer à les yeux
: La beauté que fon coeur adore !
Par M. C. d'Orleans.
SPEC19
1.
n.
il.
THE
NEW
YORK
d.
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX- AND
TILDEN
FOUNDATIONS,
7 .
1.
LZ
*
: on
THE
NE
PUBLIC
ASTOR
, LENOX
, AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
MAR S. 1744.
559
1
ésésesésésés ésésés
SPECTACLES.
ACTEURS de Mérope , Tragédie de M.
de Voltaire , remife au Théatre le 3
Polifonte
Erox ,
Euriclés
Egyfthe ,
Narbas ,
Mérope ,
Ifmenie ,
Sacrificateurs
.
Romains.
CE
du mois dernier.
le Sr Paulin.
le Sr Dubreuil.
le Sr le Grand.
le Sr Grandval.
le Sr Sarrafin.
Mlle Dumefnil.
Mlle Clairon.
Etre Tragédie a été reçûë du Public
avec les mêmes applaudiffemens , qu'il
lui avoit prodigués l'année paffée. Il n'y a
gueres d'exemple au Théatre d'un fuccès
auffi complet & auffi univerfel ; les Spectateurs
ont également admiré la beauté du
Poëme & l'art admirable de l'exécution dans
tous les Acteurs qui l'ont repréſentée. Ce
qui eft bien remarquable , c'eft qu'il y a des
femmes dans la Tragédie de Mérope , &
point d'amour. Nous croyons pouvoir affûrer
que c'est la feule Tragédie profane , qui
foit dénuée de cette paffion, Cependant on
560 MERCURE DE FRANCE .
a remarqué que c'eft celle qui a fait verfer
plus de larmes .
On peut dire que
Mlle Dumefnil , qui
repréfente le principal perfonnage de Mérope
, ne joue pas ; c'eft , pour ainfi dire ,
une véritable mere. La Nature s'exprime
dans elle avec cette voix , ces attitudes ,
ces fanglots , ces caracteres qui étonnent ,
qui attendriffent & qui déchirent le coeur ;
elle pleure & elle fait verfer des larmes à
toute l'Affemblée ; ces pleurs , qui fe fechent
fi vîte d'ordinaire , coulent dans prefque
toute la Piéce. Avant elle , il s'eft trouvé
des Actrices qui ont déclamé , qui ont
émû , mais nulle, qui ait tranfporté à ce point,
& on peut regarder cette repréfentation
comme une époque bien mémorable dans
l'Hiftoire du Théatre François , qui eſt affûrément
le premier de l'Europe.
On a vûun rôle de Confidente intéreffer &
exciter de plus grands applaudiffemens, que
le rôle même deMérope . Nous difons de plus
grands applaudiffemens , car les récits intéreffans
font battre des mains , & les larmes
font une approbation d'un genre fupérieur.
Mlle Clairon l'une des plus grandes
Actrices qui ait jamais orné notre Scéne
, a bien voulu jouer ce rôle de Confidente,
Elle a fait voir que les grands talens
font comme les Rois qui defcendent
>
fans
MARS. 1744.
561
fans s'abbaiffer. Elle a mis une expreffion &
une énergie étonnante dans un perfonnage
qu'on n'eût prefque point apperçû fans elle .
Heft àfouhaiter que cet exemple foit fuivi,
& que celles qui prétendent toujours à être
les premiéres Actrices , faffent valoir les
feconds rôles ..
M. Grandval n'a jamais joué avec plus de
vérité , de nobleffe , & de fimplicité , que
dans cette Piéce. Le Vieillard repréſenté
par
M. Sarrazin , a été exécuté de la maniére
la plus attendriffante ; enfin tout a concouru
au fuccès prodigieux de cette Tragédie.
Elle a été jouée quatre fois à la Cour ,
& honorée le Jeudi 13 du mois dernier de la
préfence du Roi , qui a marqué combien il
daignoit s'intéreffer au fuccés des Arts qui
contribuent à la gloire de fon Royaume.
Au refte , on n'a trouvé dans cette Piéce
ni de ces tirades , ni de ces morceaux détachés
, qui font en poffeflion d'être applaudis
. Le ftyle ne nous a pas parû pompeux ;
tout y eft fimple , tout y eft naturel. L'Art
qu'on y a le plus remarqué , eft de cacher
l'Art ; de laiffer prefque tout aux fituations ,
& de faire difparoître l'Auteur, pour mettre
l'Acteur en liberté ; l'intelligence du Théatre
& des coups qui doivent frapper le coeur,
a parû aux Connoiffeurs faire le principal
mérite de l'Ouvrage. On ne peut gueres
G pouffer
562 MERCURE DE FRANCE.
pouffer plus loin la fimplicité. Il n'y a proprement
que trois Perfonnages principaux ,
Mérope ,fon fils , & Polifonte.
La Reine , au premier Acte , efpere qu'elle
retrouvera enfin ce fils , le feul bien qui
lui refte.
On lui amène , au ſecond Acte , un jeune.
homme , accufé d'un meurtre ; elle s'attendrit
à fa vûë , & malheureuſement elle voit
l'inftant d'après des preuves apparentes que
ce jeune homme eft l'affaffin de fon fils
même.
Au troifiéme Acte , elle eft prête a immoler
ce meurtrier fur le Tombeau de fon
Epoux , lorfque le Vieillard , qui a élevé
fon fils Egyfte , paroît , lui arrête le bras, &
lui apprend que c'eft fon fils qu'elle alloit
faire mourir.
Au quatriéme Acte , le Tyran , déja déclaré
Roi par le Peuple , à condition qu'il
époufera Mérope , commençant à avoir quelques
foupçons , veut éprouver la Reine , &
eft prêt de facrifier ce jeune homme , qu'il
feint toûjours de prendre pour le meurtrier
d'Egyfte. La Reine au défefpoir , & emportée
la violence de fon amour maternel ,
par
fe jette au-devant du Tyran ; s'écrie , il eſt
monfils , & met ainfi dans un nouveau danger
ce fils qu'elle a voulu d'abord immoler,
qu'elle a reconnu & qu'elle expoſe à la
cruauté
MARS. 1744.
563
, par fon aveu malheu . cruauté de Polifonte , par
reux.
Au cinquième Acte , elle est forcée d'aller
au Temple épouser le Tyran pour fauver
fon fils, & c'eft dans ce Temple même qu'Egyfte
, fecouru de fa feule audace , tuë le
Tyran . Voila l'expofé fuccint d'un Ouvrage
qui femble ne comporter rien qne d'ordinaire
, & qui cependant afurpris.
Ce n'eft point une Traduction de la Mérope
de M. le Marquis Scipion Maffey ,
comme on l'avoit annoncé. Nous avons confronté
les deux Méropes ; il n'y a rien de fi
different; caractéres, ordonnance , intrigue,
fituations , penſées , détail de fentimens , ftyle
, rien ne ſe reffemble. Il n'y a que quelques
endroits , dont l'Auteur François femble
avoir emprunté le fond de l'Auteur Italien
, ou que la matiére du fujet a fournis à
l'un & à l'autre .
Par exemple , Mérope , en parlant de fon
fils , s'exprime ainfi dans la Mérope Italienne.
In tal povero ftato
Ohi me ! che , anche il mio figlio vive !
E credi pure , Ifmenia che fe lo fguardo ,
Giunger poteffe da fi lontana parte
Tale à punto , il vedrei , che le fue vefti
Da quelle di coftui poco faranno
Gij Diffo564
MERCURE DE FRANCE
Diffomiglianti piaccia almeno al Cielo
Che anche ei fi ben comp ! effo , edi fue membra
Si ben difpofto , divenuto ſia ....
Rozo garzon folo inesperto , ignaro
Delle vie , de coftumi , de perigli ,
Ch' appogio alcun non ha , povero , e privo
D'ofpitii , qual di vitto , e qual d'albergo
Non patirà diffagio ? quante volte
A l'altrui menfe accofteraffi , un pane
Chiedendo umile e ne farà fors' anche
Scacciato ; Egli , il cui padre à ricca menſa
Tanta genet accogleva. Mà poi fe infermo
Cade , com'è pur troppo agevol cofa ,
Chi n'avrà cura ? ei giaceràſſi in terra
Languente , afflitto , abbandonato , ed un forfo
D'acqua non farà chi pur gli porga.
Hélas ! ce fils que je cache à toute la Terre
, eſt élevé dans la même condition &
dans la même mifére ; n'en doutez point ,
Ifmene , fi mes regards pouvoient penetrer
jufqu'aux Lieux éloignés qu'il habite , je le
verrois femblable à celui-ci , & couvert des
mêmes vêtemens. Plaife au Ciel que ce fils
ait acquis la même force & la même taille ;
qu'il foit enfin tel que je vois celui- ci . , . . .
Hélas ! jeune & fans expérience , fans compagnie
, ignorant les chemins, les coûtumes,
& jufqu'aux dangers qui le menaceront ,
fans
MARS . 1744.
565
peifans
appui , pauvre , fans amis , quelles
nes cruelles le manque de logement & de
nourriture ne lui feront- ils pas effuyer ?
Combien de fois , s'approchant d'une table
étrangère , demandera- t'il humblement du
pain qu'on lui refufera peut-être , lui , dont
le Pere recevoit tant de gens à fa riche table?
Mais s'il tombe malade , comme il ne peut
que trop arriver , qui prendra foin de lui ?
Hélas ! il languira couché fur la terre , accablé
de fon mal , abandonné de tout , fans
trouver même qui lui offre de l'eau.
Voici comment s'exprime l'Auteur de la
Mérope Françoiſe .
Tendons à la jeuneffe une main bienfaifante ;
C'est un infortuné que le Ciel me préſente ;
Il fuffit qu'il foit homme & qu'il foit malheureux ;
Mon fils peut éprouver un fort plus rigoureux ;
Il me rapelle Egyfte , Egyfte eft de ſon âge ;
Peut- être , comme lui , de rivage en rivage ,
Inconnu , fugitif, & partout rebuté ,
Il fouffre le mépris qui fuit la pauvreté ;
L'opprobre avilit l'ame & flétrit le courage ;
Pour le pur fang des Dieux quel horrible partage !
Nous donnerons encore pour objet de
comparaifon le récit de la fin , déclamé par
Mlle Clairon.
G iij Hora
566 MERCURE DE FRANCE.
Hora chi la madre
Pinger potrebbe ? fi ſcagliò qual tigre ,
Si pofe innanzi al figlio , ed' à chi incontro
Veniagli , opponea il petto , alto gridava
In tronche voci : è figlio mio ; è cresfonte ,
Quefti è vofiro Rê , mà il rumor , la calca
Tutto opprimea. Chi vuol fuggir , chi innanzi
Vuol farfi. Hor ſpinta , hor riffpinta ondeggia ,
Qual meffe al vento ; la confufa turba ;
Ed' il perche non fà . Correr , ritraffi ,
Urare , interrogar , fremer , dolerfi ,
Urli , ftridi , terror , fanciulli oppreffi ;
Donne foffopra , oh fiera ſcena ! il toro
Laſciato in fua balia fpavento accrefce ,
E falta , e mugge , Eccheggia d'alto il tempio,
Chi s'affanna d'ufcir , preme , e s'ingorga ,
affrettar ritarda. In vano
E per troppo
Le guardie , che cuſtodian le porte ,
Si sforzan d'entrar , la corrente
Le fvolfe , & feco al fin le traffe , in tanto
Erafi intorno à noi drappel ridotto
D'antichi amici. Sfavillavan gl' occhi
Dell' ardico cresfonte ; e d'altero , e franco
S'aviò per ufcir frà fuoi ristretto.
Io che difgiunta ne rimafi al fofco
Adito angufto , ch' al Palaggio guida ,
Corfi ; e gl' occhi rivolgendo , vidi
Sfigurato , e convolto ( ch' orribil viſta ! )
Spaccato il capo , e'l fianco , in mar di fangue
Polifonte
MAR S. 1744. 567
Polifonte giacer : proftefo Adrafto ,
Ingombrava la terra , e femivivo
Contorcendofi ancor , mi fè ſparentó ,
Gl' occhi appanati nel finghiozzo apprendo ,
Rovefciata era làra ; e fparfi , e in franti
Caneftri , e vafi , e tripodi , e coltelli.
Mà che bado io più qui ? Dar l'armi ai fervi ,
Afficurar le porte , e far ripari
Tofto converrà , ch' afpro , frà poco
Senz' alcun dubbio , ſoffriremo affalto.
Qui pourroit repréſenter ſa Mere ? Plus
furieufe qu'une Tigreffe , elle s'élance audevant
de fon fils , & préfentant fa poitrine
à ceux qui vouloient l'attaquer , elle crioit ,
quoique d'une voix entrecoupée : c'est mon
fils , c'eft Cresfonte : oui , c'est votre Roi ; mais
le fracas & la foule empêchoient de rien entendre
; l'un veut fuir ,l'autre veut avancer.
La multitude confuſe , ſemblable aux Epis
ondoyans , agités par le vent , pouffe & eft
repouffée , fans qu'elle fçache le fujet qui la
trouble ; celui-là court , cer autre , en le
heurtant , l'arrête dans fa courfe ; les uns
demandent la caufe de ce tumulte , les autres
ne penfent qu'à s'en fauver ; la terreur ,
les cris , les hurlemens ; les enfans étouffés,
les femmes renversées ; tout contribuoit à
former un spectacle épouventable. Le Taureau
abandonné à lui-même , augmente la
G iiij frayeur
568 MERCURE DE FRANCE.
frayeur par les fauts & par fes mugiffemens.
Le Temple retentit ; le Peuplequi fe preffe
pour fortir,engage la porte,& retarde fa fortie
par les mêmes efforts qu'il fait pour la hâter.
En vain lesGardes,mis aux portes, s'efforcent
d'entrer ; le torrent s'y oppofe & les
entraîne à la fin. Cependant un gros des anciens
ferviteurs de Mérope fe joint à nous
& nous entoure. Le feu brilloit dans les
yeux de Cresfonte . Il s'avance fierement au
milieu de fa troupe , vers la porte. Moi, qui
m'en trouvai féparée , je courus à un paffage
obfcur qui conduit au Palais , & retournant
la tête , quel affreux fpectacle s'offrit à mes
yeux ! Polifonte , la tête & la poitrine ouvertes
, renversé & nâgeant dans des ruiffeaux
de fon fang , étoit à peine reconnoiffable.
Le corps d'Adrafte , tout étendu , occupoit
un grand efpace , & comme il refpiroit
encore , il augmenta mon effroi Les
par
horribles convulfions & par fes yeux prefque
éteints , qu'il entr'ouvroit , en rendant
les derniers foupirs. L'Autel étoit renversé,
les Corbeilles facrées, les Vaſes, les trépieds,
les couteaux ; tout étoit brifé ou épars. Mais
à quoi m'arrêtai-je ici ? Il faudra au plûtôt
armer les Efclaves , s'affûrer des portes & fe
mettre en état de deffenſe , car , fans doute,
nous allons avoir à foutenir un rude affaut.
Le même évenement produit chés notre
ComMAR
S. 1744. 569
、
Compatriote une Deſcription à peu près
femblable , mais dans laquelle tout Lecteur
délicat fentira des differences.
La victime étoit prête , & de fleurs couronnée ;
L'Autel étinceloit des flambeaux d'Hymenée .
Polifonte l'oeil fixe , & d'un front inhumain ,
Préfentoit à Mérope une odieufe main.
Le Prêtre prononçoit les paroles facrées ,
Et la Reine , au milieu des femmes éplorées ,
S'avançant triftement , tremblante entre mes bras,
Au lieu de l'Hymenée , invoquoit le trépas.
Le Peuple obfervoit tout dans un profond filence ;
Dans l'enceinte facrée en ce moment s'avance
Un jeune homme , un Héros , femblable aux immortels
;
Il court , c'étoit Egyfte. Il s'élance aux Autels;
Il monte , il y faifit d'une main affûrée
Pour la Fête des Dieux la hache préparée .
Les Eclairs font moins prompts . Je l'ai vu de mes
yeux ,
Je l'ai vû qui frappoit ce Monftre audacieux .
Meurs , Tyran, difoit-il ; Dieux prenez vos victimes
Erox, qui de fon Maître a fervi tous les crimes ,
Erox , qui dans fon fang voit ce Monftre nâger ,
Leve une main hardie , & penfe le venger.
Egyfte fe retourne , enflâmé de furie ;
A côté de fon Maître il le jette fans vie ;
Le Tyran fe releve , il bleffe le Héros ;
G V
De
570 MERCURE DE FRANCE.
De leur fang confondu j'ai vâ couler les flots.
Déja la Garde accourt avec des cris de rage ;
Sa mere ... ah ! que l'amour inſpire de courage !
Quels tranſports animoient les efforts & fes pas !
Sa mere ... elle s'élance au milieu des Soldats .
C'est monfils ; arrêtez ; ceffez troupe inhumaine ,
Ceft mon fils ; déchirez fa mere & votre Reine ;
Ce fein qui l'a nourri , ces flancs qui l'ont porté.
A ces cris douloureux , le Peuple eſt agité ;
Un gros de nos amis , que fon danger excite ,
Entre elle & fes Soldats vole & ſe précipite.
Vous euffiez vû foudain les Autels renversés ,
Dans des ruiffeaux de fang leurs débris difperfés ;
Les enfans écrasés dans les bras de leurs meres ;
Les freres méconnus , immolés par leurs freres ;
Soldats , Prêtres , amis , l'un fur l'autre expirans ;
On marche ; on eft porté fur les corps des mourans
On veut fuir , on revient , & la foule preſſee ,
•
D'un bout du Temple à l'autre eft vingt fois repouffée.
De ces flots confondus le flux impétueux
Roule, & dérobe Egyfte & la Reine à mes yeux ;
Parmi les combattans je vole enfanglantée ;
J'interroge à grands cris la foule épouvantée ;
Tout ce qu'on me répond, redouble mon horreur;
On s'écrie , il eft mort, il tombe, il eft vainqueur;
Je cours, je me confume , & le Peuple m'entraîne ,
Me jette en ce Palais , éplorée , incertaine
Ан
MARS. 1744.
571
Au milieu des mourans , des morts & des débris.
Venez , fuivez mes pas , joignez- vous à mes cris ;
Venez , j'ignore encor fi la Reine eſt ſauvée ,
Si de fon digne fils la vie eft confervée ,
Si le Tyran n'eft plus ; le trouble , la terreur ,
Tout ce défordre horrible eft encor dans mon coeur.
Nous ne dirons rien de plus de cet Ouvrage
qui paroît imprimé chés Prault , fils , Quai
de Conty, avec quelques autres Piéces Fugitives
du même Auteur . L'Edition de cette
Tragédie eft prefque épuifée par le grand
débit qu'elle a.
Le 9 Mars , les mêmes Comédiens don ୨
nerent la premiere repréſentation d'une Comédie
nouvelle en Vers & en deux Actes ,
qui a pour titre l'Epoux par fupercherie.
Cette Piéce , qui eft de la compofition de
M. de Boiffy , a été reçûë très-favorablement.
On en parlera plus au long.
Le 21 , jour de la clôture du Théatre ,
on donna la Tragédie de Zaire de M. de
Voltaire , & la petite Piéce nouvelle dont
on vient de parler. Le Sr Defchamps pro→
nonça le Compliment qu'on fait ordinairement
au Public toutes les années à la clôtu→
re du Théatre.
G vj
Le
572 MERCURE DE FRANCE.
Le 3 de ce mois , l'Académie Royale
de Mufique remit au Théatre la Tragédie
de fephté , que le Public reçoit toûjours
avec un applaudiffement unanime.Cette Piéce,
qu'on n'avoit pas donnée depuis le mois
de Mars 1740 , a été parfaitement bien remiſe
au Théatre & exécutée au mieux ; les
principaux rôles de la Tragédie , qui font
ceux de Jephté , du Grand Prêtre & d'Ammon
, ont été remplis par les Srs Chaffé , le
Page & Jeliot ; ceux d'Almafie & d''phife',
par les Dlles Chevalier & le Maure. On a
donné huit repréſentations de cette Piéce
'avant la clôture du Théatre .
Le 14 & le 16 , on donna deux repréfentations
de Roland , pour la Capitation
des Acteurs , comme cela fe pratique toutes
les années ; on en retrancha le quatrième
Acte , & on donna à la place le Ballet Co
mique des Amours de Ragonde , qu'on avoit
repréſenté les trois derniers jours du Carnaval.
Le 19 & le 21 , on donna encore deux
repréſentations pour les Acteurs. On joua
l'Acte des Incas du Ballet des Indes Galantes;
le troifiéme Acte du Ballet des Caractères de
la Folie , & les Amours de Ragonde. La Dlle
Fel chanta un Air Italien , qui fit beaucoup
de plaifir ; le Sr Dupré , qui a été abfent du
Theatre pendant quelque mois , danſa un
Air
MARS. 1744. 573
Air de l'Acte des Sauvages , du même Ballet
des Indes Galantes , qui fut extrêmement
applaudi.
Le premier de ce mois , les Comédiens
Italiens donnerent la Comédie des Mariages
Affortis , & celle du Je ne fçais quoi ,
dont on a déja parlé. A la fin de ces deux
Piéces , on donna un nouveau Feu d'artifice ,
auffi extraordinaire que fingulier , qu'on a
intitulé le Berceau , lequel a été généralement
goûté.
Le 2 , on donna la premiére repréfentation
d'une Comédie nouvelle en Profe &
en un Acte , qui a pour titre l'Apparence
trompeufe , laquelle a été très-bien jouée &
fort applaudie. Cette Piéce , dont on parlera
plus au long , eft de la compofition de
M. de Merville.
Le 21 , jour de la clôture du Théatre , ils
donnerent une repréfentation de la Comédie
intitulée , la **** , qui fut fuivie de
la Piéce nouvelle de l'Apparence trompeuse ,
dont on vient de parler ; on donna encore
le même jour le nouveau Feu d'artifice, avec
un concours prodigieux . M. le Comte de la
Marche , Prince du Sang , honora ces differens
Spectacles de ſa préſence.
COM174
MERCURE DE FRANCE.
COMPLIMENT dialogué par M. Ro
chard & par Mlle Riccoboni , Acteurs du
Théatre Italien,à la clôture de ce Theatre.
SCENE PREMIERE.
M. Rochard.
M Effeurs, fidans nos Jeux le Deftin méſaroit
Notre fuccès à notre zéle ,
Votre bonté pour nous bien- tôt nous combleroit
D'un bonheur auffi flateur qu'elle.
SCENE SECONDE.
M. Rochard , Mlle Riccoboni , fous le
nom d'une Marquife.
La Marquife.
Que faites- vous , Monfieur Rochard ..
·M. Rochard.
Ah Madame , qu'ofez - vous faire
Interrompre un difcours ......
La Marquife.
Par ce difcours fans art
Vous allez révolter , Monfieur , en voulant plaire.
C'eſt ce qui de ma Loge ici me fait courir ,
Car je prends à votre Théatre ,
Dont mon Sexe d'ailleurs n'eſt pas fort idolâtre ,
Trop d'intérêt, pour le fouffrir.
1
M.
M AR S. 1744. 575
Mais , Madame • •
M. Rochard.
La Marquife.
On diroit , Monfieur , fur votre Exorde ,
Que malgré le concours & nombreux & conftant ,
Qu'une fois par ſemaine à vos voeux on accorde , I
Vous feriez encor mécontent.
M. Rochard.
2
Au fond, fi je le fuis , c'eft ( foit dit fans fcandale ).
Que de nos nouveautés , même avec votre appui
Aucune en tout un an n'ait orné notre Sale
D'autant de monde qu'aujourd'hui.
· La Marquife.
Que ne les donnez vous meilleures ?
M. Rochard
A merveille ;
Mais où les trouve -t'on ? Et n'avez- vous pas vû
Qu'au Théatre , enrichi par Racine & Corneille ,
Hors Mérope , toutes ont eût
Une réüffite pareille ?
La Marquife.
Eh , de quoi donc vous plaignez-vous ?
M. Rochard
De ce que nos Auteurs , n'étant pas des Moliéres ,
Ne peuvent ( quelqu'ardeur qui les anime tous )
Rien offrir au Public , qui foit digne , entre nous ,
De fon goût & de fes lumières.
La
$ 76 MERCURE DE FRANCE.
La Marquife.
De vos Piéces pourtant , Monfieur , les deux derniéres
Ont dû répondre à votre espoir ;
La petite , fur tout , de chacun vient d'avoir
Le même accueil que ceux , qui peut être en ſoupirent
,
Seroient charmés de recevoir.
Tout le monde la louë , & bien des gens l'admirent.
M. Rochard.
Et perfonne ne la vient voir.
La Marquife
.
En revanche, à l'Auteur la Troupe rend juftice .
Vous le foutenez bien, & voila le grand point ;
Auffi
Quand l'art ne vous réuffit point ,
Vous vous fauvez par l'artifice.
M. Rochard .
› pour enfanter un plaifir qui ſaiſiſſe ,
Il faut qu'avec les fens l'efprit fe trouve joint.
La
Marquife.
Songez , pour rappeller la foule diſparuë ,
A remplacer les feux , qui .....
M. Rochard.
C'est notre deffein ;
Et d'Italie au mois prochain
Nous attendons une recruë.
La
MARS.
1744. 577
La Marquife.
C'estbien fait. Après tout il regne un préjugé ,
Que vous devez travailler à détruire.
On pense qu'un morceau par Phébus protegé ,
Chés vous ne fçauroit le produire.
La plupart au mauvais prétendent vous réduire ;
Et le bon aux François eſt toujours adjugé ,
Quoique plus d'un Ecrit , sûrement bien jugé ,
Du contraire eût pû nous inftruire.
Montrez donc , en dépit de ce bruit abufif ,
A qui la vérité veut que l'on remédie ,
Que pour la bonne Comédie
Il n'ont point de bail exclufif.
Revendiquez vos droits , qui ne font point frivoles;
Dans quelques bons morceaux , que vous nous préparez
,
Jouez le mieux que vous pourrez.
A vos geftes , à vos paroles
Donnez le ton & l'ame , & le feu defirés ,
*Et fur tout fçachez bien vos rôles ;
Je vous promets que vous plairez .
Voulez-vous qu'en deux mots ici je vous ménage
Le Parterre pour protecteur ?
M. Rochard.
)
Le haranguer , Madame ! Ah ! vous n'êtes pas lage.
La Marquife.
J'ai pour autorité l'exemple d'un Auteur ...
Meffieurs,fi de l'honneur de quelque deference.
Par
578 MERCURE DE FRANCE.
Par vous mon fexe eft illuftré ,
Des Acteurs d'un Théatre, à votre appui livré ,
Soutenez la foible eſperance.
Ce font de bonnes gens , effrayés des dangers
Où plonge votre indifference ;
Mais fur vous néanmoins fondant leur affûrance ,
D'autant plus qu'ils font étrangers ,
Italiens , enfin , nés prefque tous en France ;
Vousles avez formés , vous les avés inftruits ;
Que de votre bonté l'attrait les encourage !
Leur zéle, leurs travaux , leurs talens font vos fruits
Daignez cultiver votre ouvrage.
M. Rochard.
Oui , Meffieurs , c'eft l'eſpoir qu'en ce jour je
conçois ;
Votre propre interêt nous engage à le croire.
Vos coeurs font notre but ; vos plaifirs notre emploi
,
Et vos fuffrages notre gloire.
Les Mars , l'Opera Comique donna la
premiére repréſentation d'une Piéce en un
Acte , en Vaudevilles , avec des Divertiffemens
de Chants & de Danfes , intitulée les
Jardins
MARS. 1744. 579
Jardins de l'Hymen ; cette Piéce , qui a été
reçûë favorablement , fut précédée de deux
autres Piéces , intitulées la fauffe Ridicule &
le Saut du Foffé.
-
› Le 17 on
donna
une
autre
Piéce
nouvelle
en un Acte
, en Vaudevilles
, avec
des
Divertiffemens
, laquelle
a pour
titre
Aca
jou
; cette
nouveauté
a été
fort
goûtée
&
fuivie
; elle
fut
précédée
de
deux
autres
Piéces
, intitulées
la Servante
juftifiée
, & les
Jardins
de l'Hymen
; ces
trois
Piéces
furent
terminées
par
le Divertiffement
des
Men
niers
, dont
on a déja
parlé
; la Dlle
Lany
& le Sr Noverre
, tous
les
deux
très-jeunes
,
& qui
ont
beaucoup
de talens
pour
laDanſe
,
s'y font
fort
diftingués
.
Le 28 , on fit la clôture de la Foire
S. Germain , avec les cérémonies accoûtumées.
L'Opera Comique donna auffi la
derniére repréſentation de fon Spectacle ,
par les mêmes Piéces qui avoient été données
le 17 , avec un grand concours.
NOU480
MERCURE DE FRANCE.
•
NOUVELLES ETRANGERES ,
O
TURQUI E.
N mande de Conftantinople , que le Kan de
Crimée a été déposé par le Grand Seigneur ,
pour n'avoir pas prévenu les fuites de quelques dif
ferends qui font lurvenus entre les Sujets & les Cofaques
foumis à la domination de la Czarine.
On a appris en même tems que la nouvelle de la
levée du siége de Mofoul & de la retraite de Thamas
Kouli kan , a rétabli la tranquillité dans Conf
tantinople ; qu'on travailloit en Turquie avec toute
la diligence poffible , aux préparatifs pour l'ouverture
de la Campagne , & que les troupes de Sa Hau.
teffe devoient s'aflembler avant la fin du mois de
Mars.
On a appris depuis , que les fuites de la levée du
Siége de Mofoul n'avoient pas été auffi favorables
qu'on s'en étoit faté ; que Thamas Kouli- kan ,
après avoir abandonné les environs de cette Place ,
ne s'étoit pas retiré en Perfe , comme le bruit en
avoit couru , mais qu'il étoit allé rejoindre les troupes
, qui , par fon ordre , avoient formé le blocus
de Bagdad ; qu'après avoir fait toutes les difpofitions
néceffaires pour affiéger la Ville dans les formes,
& après avoir vifité le Tombeau d'Ali , qui n'en eſt
éloigné que de deux journées , il avoit marché du
côté de Sigirla, à la tête d'un Corps de 30000 hom
mes ; qu'il avoit fait avancer deux autres Corps de
fes
troupes à Kerkut & à Ervel , & qu'il étoit occupé
à faire fortifier ces trois poftes , afin d'ôter aux
troupes Ottomanes les moyens de fecourir Bagdad.
Ces
MARS. 1744. 581
Ces avis ajoûtent que le Schah Rade , qui a été
proclamé Roi de Perfe à la tête de l'armée du Grand
Seigneur , étoit à Kars , & qu'on craignoit qu'il n'y
fut furpris par une armée Perfanne , commandée
par le neveu de Thamas Kouli kan .
"
Le Schah Rade a dépêché un courier au Grand
Seigneur , pour le plaindre de ce que Sa Hauteffe
ne lui a pas fourni les fecours qu'elle lui avoit promis
, & pour repréfenter que le nombre de troupes
qui fe font avancées fur les frontiéres de Perfe , n'eſt
pas fuffifant pour encourager les Perfans à fe déclarer
en fa faveur.
Ce Prince eft déterminé à renoncer à fon entreprife
, & à retourner dans la retraite d'où la Porte
ja tiré , fi elle ne lui envoye des renforts confidérables
.
Le Divan s'eft affemblé plufieurs fois , pour déliberer
fur la demande du Schah Rade , & il a été
réfolu de faire marcher du côté de Bagdad une nouvelle
armée , tant pour favorifer les deffeins de co
Prince , que pour s'oppofer à ceux de Thamas
Kouli-kan.
On n'a reçû aucunes nouvelles de cette Place
depuis l'arrivée du courier que le Grand Seigneur
reçut le 7 Janvier dernier , & qui a rapporté qu'il
n'y avoit pas d'apparence qu'elle pût faire encore
une longue réfiftance .
Les progrès des armes des Perfans caufent à Conftantinople
beaucoup de mécontentement parmi le
peuple , & le Grand Vifir a befoin de toute fa prudence
& de toute fon habileté , pour le contenir
dans le devoir. On a donné ordre aux Janniffaires ,
de fe tenir prêts à marcher au commencement de
Mars , & l'on en a puni féverement quelques uns
qui avoient ofé déclarer hautement qu'ils ne vouloient
point aller en Asie.
RUSSIE.
582 MERCURE DE FRANCE.
RUSSIE.
N mande de Pétersbourg du 4 du mois dernier
, que l'Extrait des Actes qui regardent
J'affaire du Marquis de Botta , vient d'être rendu
public , & que cet Extrait , qui eft de 150 pages ,
contient toutes les dépofitions faites contre ce Miniftre
par le Knées Putatin , par la Comteffe de Beftuchef
& par fa fille , par la Dame de Lilienfeld ,
par M. Lapouchin , par la femme & par fon fils.
Le Comte de Sparre, qui eft arrivé à Pétersbourg
de Stockolm , a été chargé par le Roi de Suede , de
remettre au Duc de Holſtein les Médailles des Princes
& des Princeffes de la Maiſon de Vaſa.
Il court un bruit que la Princeffe de Brunſwick
Bevern fera transferée avec le Prince & les Princeffes
les enfans , à Orangem, & que le Prince fon
époux aura la permiffion de retourner en Allemagne.
Les domeftiques Allemands , qui étoient auprés
de ce Prince & de cette Princeffe , ont été renvoyés,
& on les a remplacés par des Mofcovites.
POLOGNE.
Na appris de Dantzică du 9 du mois dernier,
que les Sénateurs , qui s'étoient affemblés à
Leopol , dans le deffein de procurer un accommodement
entre la Maifon de Radzivil & celle de
Tarlo , n'ont pú y réüffir , & que le Palatin de Sandomir
refufe abfolument de fe conformer au Jugement
du Grand Tribunal du Royaume , & de ceder
les Terres de la fucceffion du Prince Sobiesky au
Prince de Radzivil .
On mande de Warfovie du 23. du mois dernier ,
que les parens & les amis du Palatin de Sandomir &
du
M AR S. 1744.
583
du petit Général de Lithuanie, ont tenu plufieurs af
femblées ches le Cardinal Lipzki , pour chercher
les moyens de terminer les differends furvenus entre
ces deux Seigneurs , mais qu'ils n'ont pû y réüf.
fir. Le Palatin de Sandomir s'eft emparé à main armée
d'une Terre fituée près de Leopol , qui eft de
la fucceffion du Prince Sobieskу , & il y a eu en
cette occafion plufieurs perfonnes de bleſſées , ainfi
que quelques prifonniers faits de part & d'autre.
ALLEMAGNE.
O'N &
*
N mande de Vienne du 8 du mois dernier ,
que la Reine de Hongrie fit le 7 , une courfe
de traîneaux , & que celui de cette Princeffe fut
conduit par le Comte d'Averfperg , fon Grand
Ecuyer.
Le Marquis de Prié , Miniftre de la Reine auprès
du Corps Helvetique , a mandé à S. M. que le Canton
de Zurich n'avoit point confenti à la demande
qu'elle avoit faite de pouvoir lever quelques troupes
dans le Territoire de ce Canton.
On a appris de Francfort , que le Confeil de Régence
, établi en Baviére par la Reine de Hongrie,
avoit reçû ordre de cette Princeffe , d'exiger avec la
derniére rigueur les contributions qui ont été demandées
aux habitans de cet Electorat .
On mande de Hambourg du premier de ce mois,
que l'on a appris de Riga , qu'on avoit fait partir de
Dunamunde le Prince & la Princeffe de Brunſwick
Bevern , fous une nombreuſe eſcorte › pour les
transferer à Pétersbourg,
On appris de Vienne du 26 du mois dernier , que
la Princeffe , Soeur de la Reine de Hongrie & le
Prince Charles Lorraine , partirent de cette Ville le
, pour fe rendre à Bruxelles. *23
· La
$ 84 MERCURE DE FRANCE.
La Reine a fait remettre à ce Prince & à cette
Princeffe plufieurs Médailles d'or & d'argent , qui
ont été frappées à l'occafion de leur mariage , &
'qu'ils doivent diftribuer aux perfonnes de diftinction
dans les Villes par lefquelles ils pafferont .
PRUSSE,
N mande de Berlin , que le Comte de Truchfes
eut le 4 du mois dernier une audience du Roi
de Pruffe , & qu'il remit à ce Prince le Diplome ,
par lequel l'Empereur accorde une difpenfe d'âge
au Ducde Wirtenrberg , pour prendre le Gouverne.
ment de fes Etats , & qu'après cette audience , le Duc
de Wirtemberg ayant été introduit dans le Cabinet,
S. M. Pr. lui donna ce Diplome , en l'exhortant à
demeurer fidéllement attaché aux interêts de S.M. I.
& du Corps Germanique.
ON
ESPAGNE.
Na appris de Madrid , que l'Armateur Sebaftien
de Morales ayant été attaqué près de
la Côte d'Afrique par une Frégate Angloise de 35
canons , non-feulement il s'eft défendu avec une extrême
valeur , mais qu'il a abordé ce Bâtiment , &
qu'il s'en feroit emparé , fi l'approche d'un autre
Vaiffeau de guerre des ennemis , qui vint avec le
Pacquetbot de Gibraltar au fecours de la Frégate ,
ne l'eût obligé de fe retirer , & de regagner la Côte
de Malaga.
Les quatre Vaiffeaux Anglois le Mercure , le S.
Thomas , le Tids & la Belle Vue de Bristol , ont été
conduits à Cadix par les Armateurs Barthelemi Romero
, Pierre Mafcalet & Michel Pinero Fernandez.
Le
MARS. 1744. 585
#
Le 24 du mois dernier, la Frégate la Notre Dame
de Begona , arriva dans le Port de Bilbao avec un
Bâtiment ennemi , de 110 tonneaux , qu'elle a enlevé
vers le 48 degré de Latitude Septentrionale , &
cette Frégate ayant remis le 26 à la voile , elle
rentra deux jours après dans le même Port avec un
autre Vaiffeau , chargé de camelots , de bierre & de
morue.
Don Jofeph Gordanes , commandant la Frégate
la Fulminante , a foutenu un fort long combat contre
un Vaiffeau Anglois , dont il n'a pû ſe rendre
maître , ce Vaiffeau ayant été fecouru par un autre
Bâtiment de la Nation.
: L'Intendant de Marine du Ferol a mandé au Roi ,
que le Vaiffeau la Marie , qui portoit de Londres à
Porto 1800 facs de bled avoit été pris à cinq lieuës
de Viana , par l'Armateur Martin Pequeno.
Les Vaiffeaux le Marchand de la nouvelle Angleterre
, le S. Pierre , l'Aigle , le S. Patrice , & un autre
Bâtiment , ont été pris par les Espagnols .
Un Armateur de cette Nation a obligé trois Bâtimens
Anglois d'échouer près du Cap Lézard.
On mande de Madrid , qu'on y a appris de Lif
bonne , que l'Archevêque de Lacedemone avoit
fait la Cérémonie de confacrer la nouvelle Chapelle
, que les Religieux du Tiers- Ordre de la Pénitence
ont fait conftruire , qu'on avoit célébré dans
l'Eglife de la Maiſon Profeffe des Jefuites , pour le
repos de l'ame du Comte d'Ericeyra , un Service
folemnel , auquel la plupart des Seigneurs de la
Cour du Roi de Portugal , avoient affifté , & que le
26 Janvier dernier , l'Académie des Efprits choifis
avoit tenu une Affemblée publique dans le Palais
du Comte de Cocolim .
. On a appris de Madrid , du 2 de ce mois , que
les Efcadres de France & d'Espagne , compofées ,
H celle
586 MERCURE DE FRANCE.
celle de France de 15 Vaiffeaux de ligne , de quatre
Frégates & des trois Brulots , & celle d'Espagne de
douze Vaiffeaux , fortirent du Port de Toulon le 20
du mois dernier ; qu'elles profiterent du vent qui
leur étoit favorable , pour joindre l'Eſcadre Angloife
, commandée par l'Amiral Mathews , &
compofée de 45 Navires , dans le nombre defquels
il y avoit 30 Vaiffeaux de Ligne & onze de trois
Ponts , mais qu'elles ne purent avant la nuit approcher
des Anglois qui s'étoient mis au large , & que
le vent étant tombé , le calme , qui dura le 21 ,
obligea ces Efcadres de paffer tout le jour en panne
vis-à-vis de celle des Anglois .
Le 22 , l'Amiral Mathews , ayant l'avantage du
vent , fit fes difpofitions pour aller attaquer les deux
Efcadres , & il mit fes plus gros Vaiffeaux dans le
corps de bataille & à l'avantgarde . Les Anglois commencerent
entre midi & une heure le combat , &
attaquerent l'Eſcadre Espagnole , laquelle deſtinée
à former l'avantgarde des deux Efcadres , étoit par
le changement du vent devenue l'arriere garde.
L'Amiral Mathews avec cinq de fes plus gros Vaif.
feaux de trois Ponts attaqua le Vaiffeau le Real &
fes Matelots , mais M. de Court , Lieutenant Général
des Armées Navales du Roi de France , & qui
montoit le Terrible , obligea les trois Vaiſſeaux Anglois
de fe retirer.
Pendant le combat du Vaiffeau de l'Amiral Mathews
& des autres de fa divifion , avec le Vaiffeau
le Real & fes Matelots , M. de Court fit fignal à fon
avantgarde , de virer de bord pour fecourir les Efpagnols
, & comme il jugea que la fumée pouvoit
empêcher cette avantgarde , qui étoit un peu éloignée
, de voir le fignal , il alla avec fa divifion au
fecours du Vaiffeau le Real , fur lequel Don Juan
Jofeph de Navarro , Chef d'Efcadre , commandant
PEFMARS.
1744. 587
FEfcadre Espagnole, avoit reçû deux bleffures legeres
, & le Capitaine du Pavillon étoit bleffé à mort.
Ce mouvement de M. de Court rallentit l'attaque
des Anglois , & les détermina à abandonner le
Vaiffeau Eipagnol le Poder , lequel étant entierement
démâté , avoit été obligé de fe rendre. L'Amiral
Mathews s'éloigna pour lors le plus qu'il lui
fut poffible , fans ofer pourfuivre le Vaiffeau le Real
ni les autres Vaiffeaux Eſpagnols , quoiqu'il y en
eut plufieurs de maltraités dans leurs mâtures , principalement
le Real .
Le combat finit vers les cinq heures & demie ; le
refte du jour , ainfi que pendant la nuit , l'Eſcadre
de France couvrit celle d'Espagne , & on envoya à
Don Navarro des Charpentiers & des Calfats pour
reparer fon Vaiffeau.
Le 23 , à la pointe du jour , M. de Court , au bruit
du canon qu'il entendit , alla délivrer le Vaiffeau
Efpagnol l'Hercule de trois Vaiffeaux Anglois , parmi
lefquels il s'étoit mêlé pendant la nuit , les
ayant crû Vaiffeaux de fon Efcadre . M. de Court
donna enfuite fes ordres pour faire retirer du Vaiffeau
le Poder 3 à 400 Eſpagnols , & les Anglois qui
y avoient paffé , pour le manoeuvrer , & enfuite on
y mit le feu .
Vers le milieu du jour , l'Amiral Mathews parut
en ordre de bataille ,mais à une diftance très-graude
des Efcadres de France & d'Espagne , lesquelles
ayant le vent contre elles , ne purent prendre d'autre
parti que celui d'attendre que les Anglois vinf
fent les atraquer.
Le 24 , M. de Court , continuant toujours de couvrir
avec les Vaiffeaux l'Efcadre Efpagnole , il s'éleva
un vent de Nord- Eft très fort , qui lui fit perdre
de vue l'Amiral Mathews , & qui obligea les Vaiffeaux
François & Efpagnols de fe retirer vers les
Côtes de Catalogae.
Hij Les
588 MERCURE DE FRANCE.
Les deux Efcadres navigerent enfemble pendant
tout le jour , & le foir M. de Court mit à la Cape ,
après en avoir fait le fignal par le canon & par les
fanaux ; les Vaiffeaux François apperçurent le fignal
, & joignirent M. de Court , mais les Efpagnols
fuivirent leur route , le Vaiffeau la Sainte Elizabeth
remorquant le Real.
On a vu le lendemain l'Eſcadre Eſpagnole audeffous
de Barcelonne , mais quoiqu'on n'en ait eu
depuis aucune nouvelle , on eft perfuadé que l'Amiral
Mathews n'a pas fuivi les Eſpagnols , & que les
Anglois ne leur ont pris aucun Vaiffeau , à l'excep
tion du Vaiffeau le Poder,qu'ils ont été obligés d'àbandonner.
Les Relations , par lefquelles on a reçû à Madrid
ces nouvelles , font remplies des éloges de Don
Navarro , & des Capitaines des Vaiffeaux de fon
Efcadre , qui ont en cette occafion donné les plus
grandes marques de courage.
On a fçû depuis , que le Vaiffeau le Neptune étoit
arrivé à Barcelonne ; que les Vaiffeaux le Conftant ,
l'Hercule , & l'Orient étoient à Cartagene , & on
s'attend d'apprendre inceffamment l'arrivée des
Vaiffeaux le Real & la Ste Elixabeth , ainfi que des
autres Vaiffeaux de l'Eſcadre ; on compte recevoir
en même tems un détail de tout ce qui s'eft paffé
dans ce combat , pendant lequel chaque Vaiffeau
Efpagnol a été attaqué par deux ou trois , & même
par quatre & cinq Vaiffeaux Anglois.
L'Intendant de Marine du Ferol a mandé au Roi ,
que l'Armateur Don Pedre Dabrocal a conduit au
Port de Corcubion un Brigantin Anglois , de cent
tonneaux , chargé de vin , de fucre & d'épices ;
que le Pacquetbot le Prince d'Orange , commandé
par le Capitaine Forſtall , fur lequel il y avoit 2000
muids de grain , a été pris dans les environs de la
Barre
MARS. 1744.
589
Barre d'Aveyro , par l'Armateur Don Juan Fernan
dez del Villar , que le 27 du mois dernier , l'Armateur
Don André de Larruë eft entré dans le Port de
la Corrogne , avec les Vaiffeaux le Diamant , la Galere
de Londres , l'Osburn , le Robert & l'Elie , & que
la valeur de ces prifes eft eftimée 40000 piaftres ,
fans y comprendre le prix des Bâtimens ; que la
Frégate , armée en courfe par Don Louis Olivier ,
s'eft emparée d'un autre Vaiffeau , dont la charge
confifte en orge, en cuirs , en gomnie , & en drogues
médicinales ; qu'il eft arrivé à Bayona un Pacquetbot
, à bord duquel on a trouvé 600 barriques
de fardines , qui a été pris par Don Etienne du Broca
, & que l'Armateur Don Auguſtin de Samano a
enlevé trois Vaiffeaux de la nïême Nation.
Les avis reçûs de l'Intendant de Marine de Cadix ,
portent que la Frégate la Notre-Dame du Rofaire
commandée par Don Jofeph Artur , & la Barque
armée en courfe par Don François Martin Valenzuela
, s'étoient emparées, la premiere, du Vaiffeau
la Méditerannée , qui alloit de Lisbonne à Gibraltar
, & la feconde,de la Balandre l'Heureufe Jeanne ,
qui portoit de Waterford à Marseille de la morue
& d'autres falines.
L'Intendant de la Principauté des Afturies a
mandé au Roi , que les deux Vaiffeaux Anglois ,
l'Aigle Imperial & la Petite Tortuë , chargées de
2000 feptiers de bled , de 1500 barils de moruë , de
240 piéces de camelot d'Irlande & de quelques autres
marchandifes , ont été enlevés par les Armateurs
Don Auguftin de Samano , & Don André de
Larruë.
H iij SA190
MERCURE DE FRANCE.
SAVOY E.
Na appris de Chamberry , du 14 du mois der
pes Efpagnoles , qui étoient en Savoye , eft fortie
de ce Duché , & qu'elle a pris la route de Provence
; que l'Infant Don Philippe eft auffi parti , pour
fe rendre dans la même Province , & qu'il a dû
paffer par la Ville de Lyon , dont les habitans ont
fait de grands préparatifs pour la reception de ce
Prince , qui fe propofoit d'y demeurer quelques
jours. Avant fon départ , le Parlement lui envoya
une Députation , pour lui repréfenter que le Peuple
de ce Pays étoit dans l'impoffibilité de payer les
dernieres contributions qui lui avoient été impofées
, & l'Infant ayant reçû les Députés avec beau
coup de bonté , leur promit de faire examiner avec
foin cette affaire.
L'Intendant de l'armée de S. M. C. s'eft rendu
depuis au Parlement , pour annoncer à cette Com →
pagnie , que l'Infant en confideration des remonfrances
qui lui ont été faites , confentoit à une diminution
du tiers des impofitions , & qu'il remettoit
aux habitans la moitié de ce qu'ils devoient
pour l'année derniere .
Selon des avis reçûs de Toulon , tous les Matelots
qui y étoient attendus d'Efpagne pour rendre
complets les équipages des Vaiffeaux de l'Efcadre
de S. M. C. y font arrivés , & cette Efcadre , ainfi
que celle dont le Roi Très- Chrétien a donné le
Commandement au Marquis de Court , devoit être
aquellement prête à mettre à la voile,
GENES
MARS. 591 ·1744.
GENES ET ISLE DE CORSE,
la
ONmande de Gênes du 12 du mois dernier
felon les lettres écrites du Plaiſantin , que
Ville de Plaifance a été remife le 4 , au Roi de Sardaigne
, & que le Marquis de San Giulio en a pris
poffeffion au nom de ce Prince , qui l'en a nommé
Gouverneur.
GRANDE BRETAGNE.
ONa apprisde Londres du 20 Janvier dernier,
par le Capitaine Broderick , qui commande le
Vaiffeau le Phoenix , & qui arriva
en
cette Ville le
13 , que l'Efcadre Françoiſe qui a été armée à Breſt ,
avoit mis à la voile le 6 , & que ce Capitaine , après
l'avoir fuivie pendant 24 heures , l'avoit laiffée faifant
route au Nord .
On apprend du 24 du mois dernier , que les Seigneurs
ont fait plufieurs Proteftations , par lefquelles
ils ont fait leurs efforts pour empêcher que la
réfolution de garder à la folde de la Grande Bretague
les troupes Hanoveriennes , ne paſſât à la pluralité
des voix.
Le Gouvernement a mis un Embargo fur tous les
Bâtimens François , dans les Ports du Royaume
d'Irlande .
On mande de Londres du 9 de ce mois , que tous
les Catholiques Romains ont reçû ordre de ſe retirer
à dix milles de cette Ville , avant le 14.
Le Colonel Cecil & quelques autres perfonnes
furent arrêtés le 7 , & l'on dit qu'on s'eft affusé auffi
de plufieurs perfonnes dans le Royaume d'Ecoffe .
Hiiij FRAN592
MERCURE DE FRANCE .
GYD GYD GYD GYD 838
L
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E premier de ce mois , fecond Dimanche
de Carême , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de
Verſailles la Meffe , chantée par la Mufique.
L'après-midi , leurs Majeftés , accompagnées
de Monfeigneur le Dauphin , affiſterent
à la Prédication du Pere Pons , de la
Compagnie de Jeſus.
Le 28 du mois dernier , & le 4 de ce mois,
le Roi & la Reine affifterent au Sermon du
inême Prédicateur.
Le Comte de Baviére , que le Roi a nommé
, il y a déja quelque - tems , fon Ambaſfadeur
Extraordinaire & Plénipotentiaire auprès
de l'Empereur , a pris congé de S. M.
& il devoit partir inceffamment , pour fe
rendre à Francfort .
Le 8 de ce mois , troifiéme Dimanche de
Carême , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Verſailles
la Meffe , chantée
par la Mufique. L'aprèsmidi
,
MARS. 1744.
593
midi leurs Majeftés , accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Meſdames
de France , affifterent à la Prédication du
Pere Pons , de la Compagnie de Jefus .
• Le 6 , le Roi & la Reine entendirent le
Sermon du même Prédicateur , & le onze , la
Reine y affifta.
Le Duc de Penthiévre , qui commence à.
exercer les fonctions de la Charge de Grand
Veneur de France , que le Roi lui avoit accordée
dès le mois de Décembre 1737 .
prêta le 8 , Serment de fidélité entre les
mains de S. M.
Le Prince de Conty , auquel le Roi a donné
le Commandement des troupes que S.
M. fait affembler en Provence , a pris congé
du Roi le 4 de ce mois , & il eft parti le 7 ,
pour fe rendre à Aix. Les Officiers Généraux
, qui doivent fervir fous les ordres du
Prince de Conty , font le Marquis de Maulevrier
Langeron le Marquis de Senecterre
, le Comte de Lautrec , le Bailly de
Givry , le Marquis du Cayla & le Comte
de Danois , Lieutenans Généraux ; le
Marquis d'Argouges , le Marquis du Chatel
, le Marquis de Mirepoix , M. de Villemeur
, le Marquis de Biffy , le Chevalier
de Courten & M. de Larnage , Maréchaux
de Camp. Le Marquis de Maillebois
H v fera
594 MERCURE DE FRANCE.
fera Maréchal Général des Logis de cette
armée ; le Comte de Tirconel fera Maréchal
Général des Logis de la Cavalerie , & M.
Chauvelin , Major Général de l'Infanterie .
M. Bertier de Sauvigny , Intendant de
Dauphiné , a été nommé Intendant de la
même armée .
Le 1s de ce mois , quatriéme Dimanche
de Carême , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château la Meffe
chantée par la Mufique , & l'après- midi la
Reine , accompagnée de Monfeigneur le
Dauphin , affifta à la Prédication du Pere
Pons , de la Compagnie de Jefus .
Leurs Majeftés entendirent le 18 , le Sermon
du même Prédicateur , & la Reine l'entendit
auffi le 13.
Le 17 , M. Tempi , Archevêque de Nicomédie
, Nonce du Pape auprès du Roi de
-Portugal , ayant paffé en France ,⚫ pour fe
rendre à Lisbonne , eut une audience particuliere
du Roi. Il y fut conduit , ainfi qu'à
celles de la Reine , de Monfeigneur le Dauphin
, & de Meſdames de France par M. de
Verneuil , Introducteur des Ambaffadeurs.
Le Roi a accordé au Marquis de Biffy ,
Maréchal de Camp & Commiſſaire Général
de
MAR S. 1744. 595
de la Cavalerie , le Gouvernement de Pontarlier
, vacant par la mort de M. de Bearnez .
Le Marquis de Creil , Lieutenant Géné
ral & Capitaine Lieutenant de la Compagnie
des Grenadiers de la Maiſon du Roi ,
ayant donné à S. M. la démiffion de cette
Place , le Roi a nommé Capitaine Lieutenant
de cette Compagnie le Chevalier de
Grille , qui étoit Capitaine d'une des Compagnies
du Régiment des Gardes Françoiſes.
Le 22 , Dimanche de la Paffion , le Roi
& la Reine entendirent dans la Chapelle du
Château de Verſailles la Meffe , chantée par
la Mufique, L'après-midi leurs Majeftés accompagnées
de Monfeigneur le Dauphin &
de Mefdames de France , affifterent aux Vêpres
, & à la Prédication du Pere Pons , de
la Compagnie de Jefus.
Le 23 , pendant la Meffe du Roi , l'Evêque
de S. Paul Trois Châteaux , prêta Serment
de fidelité entre les mains de S. M.
Le 24 , le Comte d'Ekeblad , Envoyé
Extraordinaire du Roi de Suéde , eut fon
audience publique de congé du Roi , & enfuite
de la Reine , de Monfeigneur le Dau-
H vj phin
596 MERCURE DE FRANCE.
phin & de Meſdames de France. Il fut conduit
à ces audiences par M. de Verneuil ,
Introducteur des Ambaffadeurs , lequel étoit
allé le prendre dans les caroffes du Roi &
de la Reine , & ayant été traité par les Officiers
du Roi , il fut reconduit à Paris dans
les caroffes de leurs Majeftés avec les cérémonies
accoutumées.
Le 25 , Fête de l'Annonciation de la Ste
Vierge , le Roi & la Reine entendirent dans
la même Chapelle la Meffe , & enfuite les
Vêpres . Leurs Majeftés , accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Mefdames
de France , affifterent l'après- midi au Sermon
du même Prédicateur , dont la Reine
entendit auffi la Prédication le 20 de ce
mois.
Le 26 , le Roi fit dans la Plaine des Sablons
, la revûë du Régiment des Gardes
Françoifes & de celui des Gardes Suiffes ,
lefquels , après avoir fait l'exercice , défilérent
en préfence de S. M. Monfeigneur le
Dauphin , & Mefdames de France fe trouverent
à cette revûë.
Le Roi a donné la Charge de Préſident du
Parlement , vacante par la mort de M. Talon
, à M. Chauvelin , lequel a déja exercé
une
MARS. 1744 .
597
une pareille Charge dans le Parlement.
PASSAGE par Lyon de l'Infant D. PHILIPPE.
Extrait d'une lettre écrite de cette
Ville , le 24 Février
1744
.
DON
ON PHILIPPE , Infant d'Efpagne ,
arriva en cette Ville le 17 Février dernier.
M. le Marquis de Rochebaron commandant
le Gouvernement de Lyonnois
Forêts, Beaujolais, alla au- devant de ce Prince
à une lieuë de la Ville , accompagné de
plus de foixante Gentilshommes , tous richement
habillés & fort bien montés. Il y
eut auffi uné troupe de plus de 200 jeunes
gens de la Ville , habillés tous uniformement
de drap écarlate , qui alla au - devant
du Prince , & un grand nombre de
Caroffes rempli de Dames , & d'autres perfonnes
de diftinction , ce qui formoit un
très-beau cortége. Les 35 Pennonages ou
Quartiers de Milice Bourgeoife, étoient fous
les armes ; chaque Pennonage eft d'environ
hommes , de forte que les 3: 5 Pennofont
environ 18000 hommes . La Compagnie
franche du Régiment Lyonnois , qui
eft prepofée à la garde des portes de la Ville,
étoit auffi fous les armes , ainfi que la
Compagnie des 200 Arquebufiers , commandée
par le Capitaine de la Ville , & la
५००
ges
Com$
98 MERCURE DE FRANCE .
Compagnie du Chevalier du Guet. Toutes
ces Compagnies étoient rangées en haye depuis
le Pont du Rhofne , par lequel le Prince
entra , jufqu'au Palais Archiepifcopal où
il alla defcendre , & où il a demeuré pendant
fon féjour en cette Ville ; le jour même
de fon arrivée , la Ville fit tirer le foir
un feu d'artifice fur la riviére de Saone devant
l'Archevêché , & toutes les maifons de
la Ville furent illuminées , ce qui a continué
pendant trois jours . Il y eut le lendemain
18 Février Bal dans la grande Sale de
l'Hôtel -de -Ville , où l'on avoit dreffé des
deux côtés trois rangs de gradins pour placer
les Dames , ce qui faifoit un très-beau
coup d'oeil. Il n'y avoit perfonne de maſqué
; le Prince danfa avec plufieurs Dames ,
& parut fort content de cette fête ; les Seigneurs
de fa fuite danferent auffi .
Le 19 , le Prince s'occupa à voir ce qu'il
y a de plus curieux dans la Ville , comme
les Eglifes , Hôpitaux , Edifices publics
Bibliothèques, les Manufactures d'étoffes de
foye , d'or & d'argent,dont il parut fort fatisfait
; il repartit de cette Ville le 20 Février
, pour le rendre en Provence .
Le 22 ,Dimanche de la Paffion , on donna
le premier Concert fpirituel au Château des
Tuilleries , qui fut continué le 25 , jour de
la
MARS. 1744. 599
la Fête de la Vierge , on y chanta le Dixit
Dominus , Motet à grand choeur de M. de la
Lande , qui fut fuivi d'un morceau de Mufique
pour le Hautbois, exécuté par le fieur
Selle , ordinaire de la Mufique du Roi . On
chanta enfuite un petit Motet à voix feule
de M. le Maire , & on termina le Concert
par le Motet Jubilate , de M. de Mondonville.
.
Le 29 , Dimanche des Rameaux , on donna
le dernier Concert de ce mois ; on doit
les reprendre le mois prochain.
Le 3 Mars , les Comédiens François repréfenterent
à la Cour , l'Homme à bonnes Fortunes,
& la petite Piéce de l'Etourderie.
Les , la Tragédie de Zaire de M. de
Voltaire , qui fut fuivie du Fat puni.
Le 10 , le Philofophe Marié , & la petite
Comédie des Vacances.
Le 12 , la Tragédie de Bajazet , & l'ESprit
de contradiction ..
Le 17 , le Misantrope de Moliére , & la
Comédie d'Amour pour Amour , fuivie d'un
divertiffement dans lequel la Dlle Lolotte
Cammaffe , premiere Danfeufe du Roi de
Pologne , Duc de Lorraine , jeune perfonne
, dont nous avons eu occafion de parler
plufieurs fois avec éloge , danfa une Sarabande
noble & gracieuſe , fur un Air du ſecond
600 MERCURE DE FRANCE.
cond Acte de l'Opera de Roland , la Chaconne
de l'Opera de Jepht , & après les
Vaudevilles du divertiffement , les trois
tambourins du Ballet des Caracteres de la
Folie , qu'elle exécuta dans la plus grande
perfection. Le Roi , la Reine , & toute la
Cour en parurent très-fatisfaits.
Le 4 , les Comédiens Italiens repréfenterent
aufli à la Cour , Arlequin perfecuté par
la Dame invifible , Comédie Italienne en
cinq Actes , terminée par le Ballet des Guirlandes.
Le 11 , la Comédie des Mariages Affortis ,
& la petite Piéce Italienne d'Arlequin , Baron
Suiffe.
Le 18 , l'Epreuve , Comédie Françoife ,
fuivie d'Arlequin Scanderberg , Piéce Italienne
en un Acte , & l'Apparence Trompeufe
, Piéce nouvelle joüée en dernier lieu
au Théatre Italien , laquelle a été auffi applaudie
à la Cour , qu'elle l'avoit été à l'Hatel
de Bourgogne .
MORT
MAR S. 1744.
601
823 ? 25252525252
J
MORT ET MARIAGES.
Ofeph de Thomas de la Valette , Chef d'Eſcadre
des Armées Navales , mourut à Toulon le 19
Janvier dernier , âgé d'environ 70 ans. Il étoit fils
de François de Thomas de la Valette , & de Lucrece
de Cadenet ; frere de Gafpard de Thomas
de la Valette , Evêque d'Autun , & de Louis de
Thomas de la Valette , Supérieur Général de la
Congrégation de l'Oratoire. Il entra dès fes premieres
années au fervice de la Marine , où il donna
dans plufieurs occafions des preuves de fa bravoure,
entr'autres ,dans la defcente des Anglois àCamaret;ce
fut lui qui propofa à fon Commandant, & qui obtint
de fervir à la tête d'une fortie fur les Ennemis ,
quoique très-fupérieurs en nombre. Ceux - ci furent
tous tués , noyés ou faits prifonniers . La Valette y
reçût dix bleffures , & fit le Commandant prifonnier
; il n'avoit encore que 19 ans , & il fut fait
Lieutenant deVaiffeau. Il a fervi enfuite avec un égal
fuccès , & a été fait Capitaine d'une maniere diftinguće.
Il fut nominé Chef d'Eſcadre des Armées Navales
le 20 Octobre 1741. Il étoit très-aimé & trèseftimé
, auffi a-t'il été géneralement regretté ; fes
obfeques , faites à Toulon , ont été magnifiques ;
tous les Officiers de l'Armée Navale , qui étoient
fur le point de s'embarquer , y affifterent. Il avoit
été marié à N... de Ripert de Carqueyrane , Famille
de condition de Toulon , dont il n'eut qu'un fils
mort très- jeune , lequel de fon mariage avec N ....
de Bruny Entrecafteaux , n'a laiffé qu'un fils , at
préfent Garde de la Marine , le même dont nous
avons parlé dans le Mercure d'Octobre dernier , au
ſujet
602 MERCURE DE FRANCE.
fujet de fa Théfe de Mathématique , foûtenue à
Juilly. Il eft actuellement de ſervice , embarqué
fur la Flotte de Toulon.
-
Le 29 , Henri Gabriel de Bery ; Seigneur
d'Efferteaux , au Diocèse d'Amiens , Mestre de
Camp de Cavalerie , Sous- Lieutenant des Chevau-
Legers de Monfeigneur le Dauphin , fils de Chriftophe
de Bery , Chevalier Seigneur d'Efferteaux , &
de D. Catherine - Marguerite- Françoiſe Moret de
Bournonville , épouſa D. Anne- Marie-Claude Berbier
du Metz , veuve de François - Jofeph d'Hautefort
, Comte d'Ajat , en Périgord , Meftre de Camp
Lieutenant au Régiment de Toulouſe , Cavalerie ,
& fille de Claude- Gedeon Berbier du Metz , Comte
de Rofnay , en Champagne , Préfident en la Cham.
bre des Comptes de Paris , & de D. Geneviève-
Claude Ragain. Cette Famille , originaire d'Amiens ,
& qui fe trouve alliée aux Maiſons de Brouilly , de
Saveufe , de Bufpe , &c. porte pour Armes , d'argent
, à une feuille de Scie de fable , poſée en face ,
les dents en haut, accompagnée de trois têtes de Levriers
, de même accolées d'or , pofées deux en chef
& une en pointe.
La nuit du 4 aus Février , fut marié dans la Chapelle
de l'Hôtel de Villars , Guy- Felix d'Egmont-
Pignatelli , né en 1720 , Duc de Gueldres & de Julliers
, Comte d'Egmont & de Zutphen , de Moeurs,
de Horne , de Buren & de Léerdam , Seigneur Souverain
du Pays d'Arkel , de la Ville & Territoire de
Malines , d'Ifelftein & de Wert , Prince de Gavre
& du S. Empire Romain , Comte de Barlemont ,
Marquis de Renty & de la Longueville , Sire de
Chievres , & d'Armentieres, Duc de Bifachia , Comte
de S. Jean & de la Cerignolle , Baron de la Hamayde
, de Sotteghem , d'Efcornaix , d'Auxi - le-
Château ,
MARS. 603
1744.
Château , de Rumenghem , d'Abarcq , d'Adinfer ,:
des deux Aulignies , d'Averdoing , d'Eperlegues ,
des Coupelles , de Wavrin ; d'Erquinghem, de Mezerolles
, & Grand d'Efpagne de la premiere Création
& de la premiers Claffe , Meftre de Camp d'un
Régiment de Cavalerie de fon nom , avec Dlle
Amable- Angélique de Villars , née le 19 Mars
1723 , fille unique & héritiere d'Honoré- Armand de
Villars , Duc de Villars , Pair de France , Prince de
Martigues , Grand d'Efpagne de la premiere Claffe,'
Chevalier de l'Ordre de la Toifon d'or , Gouverneur
de Provence , & Brigadier des Armées du Roi,
& de D. Amable- Gabrielle de Noailles , aujourd'hui
Dame d'Atours de la Reine , & petite fille de feu
Louis- Hector de Villars , Duc de Villars , Pair de
France , Grand d'Efpagne de la premiere Claffe
Prince de Martigues , Vicomte de Melun , & c . Miniftre
d'Etat , Maréchal Général des Camps & Armées
du Roi , Doyen des Maréchaux de France ,
Chevalier des troisOrdres du Roi , & de laToifon d'or,
Géneral des troupes Françoifes en Italie , Gouverneur
& Lieutenant Général de Provence , & c. mort
à Turin le 17 Juin 1734 , âgé d'environ 82 ans , &
de D. Jeanne Angélique Rocque de Varengeville ,
' fa veuve , ci- devant Dame du Palais de la Reine.
M. le Comte d'Egmont eft fils aîné de feu Procope-
Marie-Antonin -Philippes - Charles - Nicolas - Auguf
tin d'Egmont Pignatelli , Duc de Gueldres , & de
Julliers , Comte d'Egmont & de Zutphen , & Prince
de Gavre & du S. Empire Romain , Duc de Bifachia
, Grand d'Eſpagne de la premiere Création &
de la premiere Claffe , mort à Naples la nuit du 21
au 22 Mai 1743 , & dont la mort a été annoncée
dans le Mercure de Juin fuivant , Vol . II . fol . 1423 ,
& de Dame Henriette -Julie de Durfort Duras , aujourd'hui
fa veuve , Comteffe de Braine , Baronne
de
604 MERCURE DE FRANCE.
de Serignan & de Pontarcy Il eft petit - fils
de Don Nicolas Pignatelli , Duc de Bifachia au
Royaume de Naples , Comte de S. Jean & de la Cerignolle
, Grand d'Efpagne de la premiere Claffe ,
Chevalier de l'Ordre de la Toiſon d'or, Général des
Armées du Roi d'Efpagne , & Lieutenant Général
des Armées du Roi Tiès Chrétien , mort à Villeneuve
, fur le chemin de Lyon en 1719 , & de D.
Marie-Claire- Angeline d'Egmont , née Comteffe
d'Egmont , Frinceffe de Gavre & du S. Empire , fille
aînée de feu Philippes , Comte d'Egmont , Duc de
Gueldres & de Julliers , Prince de Gavre & du Saint
Empire , & de D. Marie Ferdinand de Croy , Marquife
héritiere de Renty , & par le Contrat de mariage
de M. le Duc de Bifachia avec Dlle d'Egmont,
leur fils , qui eft du 10 Février 1695 , il fut convenu
que fi ladite Dlle venoit à fucceder & atteindre la
fubftitution établie par le Teftament conjonctif,
contenant auffi avis de pere & de mere , fait par lefdits
Comte & Comteffe d'Egmont le 30 Mai 1680
des Maifons d'Egmont & de Croy-Renty , le fils aîné,
provenu dudit mariage defdits fieur & Dame Ducheffe
de Bifachia , feroit obligé de porter le nom
& les Armes de la Maifon d'Egmont , & le cas étant
arrivé par la mort fans enfans de François -Procope,
Comte d'Egmont, frere de ladite Dame de Bifachia,
mort à Fraga en Espagne , le 15 Septembre 1707.
Procope- Marie Antonin - Philippes Charles - Nicolas-
Auguftin Pignatelli , fon neveu , comme fils aîné de
fa foeur, fucceda de fon chef , en vertu de cette fubf
titution , du vivant même de fa mere , à tous les
Titres , Honneurs , Droits , Dignités & Biens de
la Maifon d'Egmont, & en prit les Armes, telles que
les porte aujourd'hui le Comte d Egmont , qui donne
lieu à cet article , qui font écartelées au premier
&
MARS. 1744. 605
& 4 , chevronné d'or & de gueules de 10 aliàs de
12 piéces , qui eft d'Egmont , au 2 d'or à 3 marmites
de fable , pofées 2 & une , qui eft de Pignatelli , au
3 d'argent , à deux fafles breteffées & contre- breteffées
de gueules qui eft d'Arkel , & fur le tout parti
au i d'azur , à un Lion d'or , lampaffé, armé & couronné
de gueules , qui eft du Duché de Gueldres ,
au 2 d'or , à un Lion de fable lampaffé , armé &
couronné de gueules , qui eft du Duché de Julliers.
M. le Comte d'Egmont , quelques jours aprés fon
mariage , a été fait Meftre de Camp du Régiment
de Mailly , Dragons , & celui d'Egmont , Čavalerie
, dont il étoit Meftre de Camp , a été donné en
même.tems au Duc de Bifachia , fon frere puîné.
Ils font freres de Mad . la Ducheffe de Chevreufe
dont le Contrat de mariage eft du 27 Avril 1738 .
La Maiſon d'Egmont a été traitée par tant d'Auteurs
, qu'il fuffit de dire qu'elle a toujours tenu un
rang confidérable entre les Souveraines, par
fon ancienneté
& par fes Alliances . Pour celle de Pignatelli
, elle eft des plus anciennes & des plus illuftres .
du Royaume de Naples , où elle eft connue dès l'an
1100 , par fes grandes Alliances , par les grandes
Terres qu'elle a poffedées , & par le grand nombre
des Branches qu'elle a produites , qui font toutes
décorées des Titres attachés à la plus haute Nobleffe
, & ont toutes l'honneur du Siége de Nido
à Naples , qui eft le Siége de la plus haute Nobleffe
de ce Royaume. Ces Branches font celles des Marquis
de Cafalnovo ; des Marquis de S. Marc ; des
Ducs de la Rocca , des Ducs d'Allifta , & de Tolve ;
des Princes de Strongoli ; des Marquis de Palletta ;
des Ducs de Montecalvo ; des Ducs du Monteleone;
des Comtes de Borello ; des Marquis de Cerchiara ;
des Princes de Noja , de Mondorvino , de laquelle
étoit le Pape Innocent XII , élu le 12 Juillet 1691 ,
mort
606 MERCURE DE FRANCE .
mort le 27 Septembre 1700 ; des Princes de Marficonovo
; des Marquis de Lauro & des Ducs de Biſachia
, Terre érigée en Duché par Lettres du Roi
Philippe II , du 17 Octobre 1600 , en faveur d'Afcanio
Pignatelli , IV Ayeul de M. le Comte d'Egmont.
Voyez pour cette Généalogie Lelio , Borello
, & Campanele , qui ont traité de la Nobleſſe
Napolitaine , & fur tout Ymhoff, dans fon Livre ,
intitulé , Genealogia viginti illuftrium in Italia Familiarum
, imprimé à Amfterdam en 1710 , dans lequel
, au fol. 251 , le trouve toute cette Généalogie
en fept Tables. Pour celle de Villars , voyez le Vol .
V des Grands Officiers de la Couronne , fol . 95.
& 101 .
Le 17 , Louis- Emanuel de Coetlogon , Vicomté
de Loyac , dit le Comte de Coetlogon , Brigadier
des Armées du Roi & Colonel Lieutenant au Régiment
de Penthiévre , Infanterie , fils de René- Charles-
Elizabeth de Coetlogon, Comte de Loyac, Syndic
Général des Etats de la Province de Bretagne ,
mort à Paris le 19 Fevrier 1734 , & de D. Anne
Auvril de la Roche , & petit- neveu de feu le Maréchal
de Coetlogon , fut marié avec Dlle Thomas
Celefte Efter Rivié , fille d'Etienne Rivié , Baron de
Chars , Chevalier , Grand Maître des Eaux & Forêts
de France , au Département de l'Ile de France
& du Soiffonnois , & de D. Agathe-Marguerite de
la Riviere , de l'ancienne Maifon de la Riviere , en
Bretagne . M. Rivié , pere de Mad. de Coetlogon ,
a été l'unique héritier de l'opulente fucceffion de
feu M. Rivié , fon oncle , Sécretaire du Roi , connu
par les grands fervices par lui rendus à l'Etat
fous le Miniftere de M M. de Louvois & de Barbefieux
, par les grands biens que ces mêmes fervices
lui avoient fi juftement fait acquérir , & par l'ufage
noble & généreux qu'il avoit fait toute la vie de
cette
MARS, 1744 . 607
cette grande fortune , & qui lui avoit fait mériter
l'eftime de la plupart des Seigneurs de la Cour
& de la Ville , dont il étoit connu . Voyez pour la
Généalogie de la Maifon de Coetlogon , l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne. Vol . 7. fol.
717.
ARRESTS NOTABLES.
ORDONNANCE DU ROI
du 15 Mars , portant déclaration de guerre
contre le Roi d'Angleterre , dont la teneur
Suit,
E S le commencement des troubles qui fe font
élevés après la mort de l'Empereur Charles
VI, le Roi n'a rien omis pour faire connoître que
Sa Majefté ne defiroit rien avec plus d'ardeur que
de les voir promptement appaifer par un accommo.
dement équitable entre les parties belligerantes. La
conduite qu'elle a tenue depuis , a ſuffiſamment
montré qu'elle perfiftoit conſtamment dans les mêmes
difpofitions , & Sa Majefté voulant bien ne
former pour elle même , aucune prétention qui pût
mettre le moindre obſtacle au rétabliffement de la
tranquilité de l'Europe , ne comptoit pas d'être
obligée de prendre part à la guerre autrement
qu'en fourniflant à fes Alliés les fecours qu'elle fe
trouvoit engagée à leur donner, Des vûës auffi défintéreffées
auroient bien-tôt ramené la paix , fi la
Cour de Londres avoit penſé avec autant d'équité
& de modération , & fi elle n'eût confulté que le
bien & l'avantage de la Nation Angloife ; mais le
>
Roi
60S MERCURE DE FRANCE .
Roi d'Angleterre , Electeur d'Hannover , avoit
des intentions bien oppofées , & on ne fut pas longtems
às'appercevoir qu'elles ne tendoient qu'à allumer
une guerre générale. Non content de détourner
la Cour de Vienne de toute idée de conciliation
, & de nourrir fon animofité par les confeils
les plus violens , il n'a cherché qu'à provoquer la
France , en faisant troubler par tout fon Commerce
Maritime , au mépris du droit des gens & des Traités
les plus folemnels . La convention d'Hannower ,
du mois d'Octobre 1741 , fembla cependant devoir
raffurer Sa Majefté fur la continuation de pareils
excès ; le Roi d'Angleterre , pendant le féjour qu'il
fit dans fes Etats d'Allemagne , parut écouter les
plaintes qui lui en furent portées , & en fentir la
juftice ; il donna fa parole Royale de les faire ceffer
, & il s'engagea formellement à ne point troubler
les Alliés du Roi dans la pourfuite de leurs
Droits ; mais à peine fut-il retourné à Londres ,
qu'il oublia toutes fes promeffes , & auffi-tôt qu'il
fut certain que l'armée du Roi quittoit entiérement
la Weftphalie , il fit déclarer par fes Miniftres , que
la convention ne fubfiftoit plus , & qu'il s'en tenoit
dégagé. Alors il fe crut difpenfé de tout ménagement
; ennemi perfonnel de la France , il n'eut plus
d'autres vûës que de lui en fufciter par tout ; cet
objet devint le point principal des inftructions de
fes Miniftres dans toutes les Cours de l'Europe ; les
pirateries des Vaiffeaux de guerre Anglois fe multipliérent
avec cruauté & barbarie ; les Ports du
Royaume ne furent plus même un afyle contre
leurs infultes ; enfin les Elcadres Angloifes ont ofé
entreprendre de venir bloquer le Port de Toulon ,
arrêtant tous les Bâtimens , s'emparant de toutes les
marchandifes qu'ils portoient , enlevant même les
recrues & les munitions que Sa Majesté envoyoit
dans fes Places . Tant d'injures & d'outrages répétés
,
MARS. 1744 . 609
tés , ont enfin laffé la patience de Sa Majefté ; elle
ne pourroit les fupporter plus long tems fans manquer
à la protection qu'elle doit à fes Sujets , à ce
qu'elle doit à fes Alliés , à ce qu'elle fe doit à ellemême
, à ſon honneur & à fa gloire . Tels font les
juftes motifs qui ne permettent plus à Sa Majesté
de refter dans les bornes de la modération qu'elle
s'étoit prefcrite , & qui la forcent de déclarer la
guerre , comme elle la déclare par la préfente , par
Mer & par Terre , au Roi d'Angleterre , Electeur
d'Hannower. Ordonne , & enjoint Sa Majefté à
tous fes ſujets , vaffaux & ferviteurs , de courre fus
aux fujets du Roi d'Angleterre , Electeur d'Hannower
; leur fait très- expreffes inhibitions & défenfes
d'avoir ci- après avec eux aucune communieation
, Commerce ni intelligence , à peine de la
`vie ; & en conféquence , Sa Majelté a dès -à- préfent
révoqué & révoque toutes Permiffions , Paffeports ,
Sauvegardes & Saufconduits , qui pourroient avoir
été accordés par elle ou par fes Lieutenans Généraux
& autres les Officiers, contraires à la préfente ,
& les a déclarés & déclare nuls & de nul effet & valeur
, défendant à qui que ce foit d'y avoir aucun
égard. MANDB & ordonne Sa Majesté à M. le Duc
de Penthiévre Amiral de France , aux Maréchaux de
France , Gouverneurs & Lieutenans Généraux pour
Sa Majefté en fes Provinces & Armées , Maréchaux
de Camp , Colonels , Meftres de Camp , Capitaines
, Chefs & Conducteurs de fes gens de guerre ,
tant de cheval que de pied , François & Etrangers ,
& tous autres les Officiers qu'il appartiendra , que
le contenu en la préfente ils faffent exécuter , chacun
à fon égard , dans l'étendue de leurs pouvoirs
& Jurifdictions : CAR telle eft la volonté de Sa Majefté
, laquelle veut & entend que la préfente foit
publiée & affichée en toutes les Villes , tant Maritimes
610 MERCURE DE FRANCE..
times qu'autres,& en tous les Ports , Havres & autres
Lieux de fon Royaume , & Terres de fon obéiffance
que befoin fera , à ce qu'aucun n'en prétende
caufe d'ignorance , & c.
ARREST du 17 Septembre 1743 , portant
défenfes aux Chaudronniers de la Ville & Fauxbourgs
de Paris , d'employer du plomb dans l'étamage
des batteries de cuifine & vaiffelle de cuivre ,
à peine contre ceux defdits Chaudronniers qui feront
trouvés en contravention , de confiſcation des
piéces de Chaudronnerie , dans l'étamage defquelles
il y aura du plomb , de cinq cent livres d'amende
, & de déchéance pour toujours de leur
Maîtrife.
AUTRE du 29 Octobre , qui ordonne que les
Négocians & Armateurs de la Ville de Marſeille ,
feront tenus de faire conduire au Bureau du Domaine
d'Occident , actuellement établi à la rive
neuve , toutes les Marchandifes arrivant des Ifies
Françoifes de l'Amérique , de même que celles
qu'ils embarqueront pour lefdites Ifles , pour y être
vifitées & les Droits acquittés.
pour
DECLARATION du Roi , portant Réglement
les comptes qui doivent être rendus à la Chambre
des Comptes , par les munitionnaires des vivres
aux armées de Sa Majesté . Donnée à Fontainebleau
le même jour. Regiftrée en la Chambre des Comptes
, le 29 Novembre fuivant .
ARREST du Confeil d'Etat du 10 Décentbre
, qui rétablit les Gouverneur & Echevins de la
Ville de Senlis , dans la poffeffion & jouiffance des
Droits de Péage ou Chauffée en ladite Ville , aux
charges
MARS. GIL
1744.
charges & conditions , & fuivant le Tarif y énoncé.
Vu par le Roi étant en fon Confeil , la Requête
préfentée en icelui par les Gouverneur & Echevins
de la Ville de Senlis , par laquelle , pour les cauſes
y contenues , ils font leurs très- humbles repréfentations
à Sa Majefté , contre l'Arrêt du Confeil du 20
Décembre 1740 , & demandent d'être rétablis dans
le droit de Péage ou de Chauffée , qu'ils percevoient
en ladite Ville , Généralité de Paris ; ledit
Arrêt du Confeil du 20 Décembre 1740 , par lequel
, faute par les Echevins & Habitans de la Ville
de Senlis , d'avoir fatisfait aux Arrêts du Confeil des
29 Août 1724 , 24 Avril 1725 , & 4 Mars 1727 , les
droits de Péage par eux prétendus à Senlis , ont été
fupprimés , avec très- expreffes inhibitions & défenfes
d'en continuer la perception audit Lieu ni ailleurs
, à peine contr'eux de reftitution des fommes
qui auroient été exigées , d'une amende arbitraire
au profit de S. M. & contre leurs Fermiers ou Receveurs
, d'être pourfuivis extraordinairement comme
concuffionnaires , & punis comme tels fuivant
la rigueur des Ordonnances ; Commiffion du grand
fceau expédiée fur ledit Arrêt ledit jour 20 Décem
bre 1740. Exploit du 6 Avril 1741 , contenant la fignification
qui a été faite defdits Arrêt & Commifaufdits
Echevins de Senlis , enſemble la publication
& affiche d'iceux , aux Places & Caire
fours de ladite Ville ; Titres & Piéces jointes à ladite
Requête , fçavoir , Copie collationnée de Lettres
Patentes du mois de Mars 1322 , par lesquelles
le Roi Charles IV. a déclaré qu'il vouloit que le
Bailli de Senlis permît aux Habitans de ladite Ville
de lever comme par le paffé , un droit de Barrage
ou Parrage , pour la réparation des Ponts , Chauf
fées & Fontaines de ladite Ville ; Etat contenant les
revenus & charges de la Ville de Senlis , de l'année
Iij
tion ,
1455 ,
612 MERCURE DE FRANCE.
1455 , donné aux Habitans d'icelle par les Gouverneurs
de ladite Ville , dans lequel il a été fait recette
du produit des droits de Chauffée appartenans à ladite
Ville , fçavoir , aux portes de Rieul , de Ruebellon
, de Meaux , de Paris , & de Creil ; lefquels
droits appartenoient à ladite Ville , à la charge
d'entretenir les Chauffées : deux autres Etats des
années 1456 & 1458 , dans lesquels il a pareillement
été fait recette du produit defdits droits de
Chauffée , aux mêmes portes fpécifiées en l'état
précédent : Compte arrêté le 27 Novembre 1482 ,
contenant la recette du produit des revenus de la
Ville de Senlis , depuis le 24 Juin 1480 , juſqu'à pareil
jour de l'année 1481 , dans lequel eft employé
ledit droit de Chauflée aux portes de Rieul , de
Rue -bellon , de Meaux , de Paris & de Creil ; autre
compte arrêté le 20 Novembre 1528 , contenant
la recette des droits de Chauffée de la Ville de Senlis
, aux portes de Rieul , Bellon , de Paris , de Creil
& de Meaux : Autre compte arrêté le 31 Décembre
1575 , en l'Hôtel- de Ville de Senlis , contenant le
produit du droit de Chauffée des portes de Paris ,
de Saint-Rieul , de Creil & de Bellon : Autre compte
des revenus de ladite Ville de Senlis , pour les années
1588 , 1589 , 1590 , 1591 , 1592 & 1593 ,
dans lequel il eft fait recette du produit des droits
de Chauffée appartenans à ladite Ville , aux portes
de Paris , de Saint -Rieul , de Bellon , de Creil &
de Meaux : Autres comptes contenant la recette
defdits droits , pendant les années 1595 & ſuivantes
, jufqu'en l'année 1611. Treize adjudications
defdits droits de Chauffée aufdites portes de la Ville
de Senlis , des années 1625 , 1626 , 1627 , 1628 , &
fuivantes , jufques & compris 1636. Bail fait le 19
Juin 1633. Trois autres adjudications defdits droits ,
des 23 Juin 1669 , 19 Juin 1672 , & 18 Juin 1673 .
Deux
MARS. 1744. 613
"
Deux Requêtes préfentées les 15 & 29 Août 1673 ,
aux Gouverneur & Echevins de la Ville de Senlis ;
la premiere par Pierre Cheron , & la deuxième par
Charles Bauvent , aux fins d'avoir la permiffion de
bâtir des voûtes en ladite Ville de Senlis ; au bas
defdites Requêtes font les Ordonnances defdits
Gouverneur & Echevins , portant lesdites permif
fions . Bail fait le 29 Août 1673 , par les Gouverneur
& Echevins de la Ville de Senlis , à Paul Alix ,
d'un espace de terre fitué en ladite Ville , depuis la
Poterne jufqu'au moulin des Carmes , entre le mur
de la Ville & la Chauffée de la riviére , pour dixhuit
années , moyennant cinq livres par an : Permiffion
accordée le 2 Février 1674 , par les Gouverneur
& Echevins de la Ville de Senlis , à Pierre
Lequoy , de conftruire une voûte en ladite Ville
à la charge de payer 40 fols de rente . Bail fait le
17 Avril 1675 , par lefdits Gouverneur & Echevins
de Senlis , à Roch Letellier , d'un petit jardin &
voûte étant proche la porte de Meaux : cinquantecinq
adjudications defdits droits de Chauffée aux
cinq portes de Senlis , depuis l'année 1676 , jufques
& compris 1739. Adjudication faite le 21
Avril 1742 , pardevant le fieur Dufrêne , Subdélé--
gué de l'Intendance de Paris , en l'Election de Senlis
, en exécution de l'Ordonnance du fieur d'Argenfon
, Intendant en ladite Généralité , des réparations
qui étoient à faire à la grande ruë de Senlis ,
dite de Paris , enſemble au Pont étant au milieu de
ladite ruë , ladite adjudication faite moyennant la
fomme de cinq mille livres : Certificat donné le 11
Août 1742 , par ledit fieur Dufrêne , Subdélégué à
Senlis , portant que fur la réquifition des Gouver
neur & Echevins de la Ville de Senlis , il s'étoitransporté
en l'Hôtel commun de la Ville de Senlis t
où les Echevins de ladite Ville lui avoient repréfent ,
I iij
deé
614 MERCURE DE FRANCE.
des comptes y énoncés , depuis 1435 jufqu'en 1623,
dans lesquels eft fait recette des droits de Chauffée
des cinq portes de la Ville de Senlis , qui font les
portes de Paris , de Saint- Rieul , de Creil , de Bellon
& de Meaux : Conclufions du fieur Maboul ,
Maître des Requêtes , Procureur Général de S. M.
en cette partie. Vû auſſi l'avis des fieurs Commiſſaires
nommés par l'Arrêt du Confeil du 29 Aoûr
1724 , & autres rendus en conféquence ; Ouï le
rapport du fieur Orry Confeiller d'Etat ordinaire ,
& au Confeil Royal , Contrôleur Général des Finances
, le Roi étant en fon Confeil , conformément
à l'avis defdits fieurs Commiffaires , ayant égard
aux repréſentations des Gouverneur & Échevins de
la Ville de Senlis , les rétablit dans la poffeflion &
jouiffance du droit de Péage ou Chauffée en l
Ville de Senlis , pour être perçû fur les chariots ,
charettes & bêtes de fommes , entrant par les portes
-de Saint-Rieul , de Bellon , de Meaux , de Paris &
de Creil , pour paffer par ladite Ville , aux charges
& conditions , & fuivant le Tarif ci après , fçavoir ,
1º. Par chariot chargé ou non chargé , huit deniers
tournois . 2 °. Par charrette chargée ou nan
chargée quatre deniers. 3 ° . Par cheval ou autre
bête de fomme , chargée ou non chargée , deux
deniers . Fait S. M. très -expreffes inhibitions & défenfes
aux Gouverneur & Echevins de Senlis , de
percevoir pour raifon dudit Péage , d'autres & plus
grands droits que ceux compris dans le Tarif cideffus
, nonobftant tous Arrêts , Jugemens , Sentences
, Tarifs ou Pancartes à ce contraires , aufquels
5. M. a dérogé par le préfent Arrêt . Enjoint
S. M. aufdits Gouverneur & Echevins de Senlis
d'entretenir en bon état les Ponts , Chauffées & pavé
de ladite Ville , d'acquitter les autres Charges dont
ils font tenus , pour faifon dudit droit de Péage , &
de
MARS. 1744. 618
1
de fe conformer dans la perception d'icelui , aux
Edits , Déclarations , Arrêts & Réglemens concernant
les droits de Péage ; le tout à peine contr'eux
de reftitution des fommes qui auroient été induement
éxigées , d'une amende arbitraire au profit de
S. M. & de fuppreffion dudit droit , & contre leurs
Fermiers ou Receveurs , d'être pourlaivis extraor
dinairement comme concuffionnaires, & punis comme
tels , fuivant la rigueur des Ordonnances , &c.
AUTRE de la Cour des Monnoyes du 14 , qui
condamne le nommé Julien Coconnier , Compagnon
Orfévre , & la Veuve Desjardins , folidairement
en trois cent livres d'amende , pour raiſon de
Jeurs contraventions , & protection accordée par
ladite Veuve Desjardins audit Coconnier ; Fait défenfes
audit Cocounier de pouvoir afpirer à la Maî
trife , & à ladite Veuve de jouir & ufer du privilége
de fa viduité , pendant le temps & espace de fix années
; condamne pareillement le nommé Véron
Compagnon Orfèvre , en cinquante livres d'amende
, pour avoir travaillé fans qualité ; & le nommé
Maffon , Marchand Mercier , auffi en cinquante livres
d'amende , pour avoir acheté des ouvrages
d'or & d'argent d'ouvriers fans qualité.
>
AUTRE du 24 , portant évocation & renvoi
pardevant Meffieurs les Commiffaires du Confeil ,
de toutes les affaires concernant la fucceffion de
Jean Baptifte Gally de Turqueville , enfemble de
Louis Copin de Valaupuy , Jean Tremizard & Simon
Viaut , fes Cautions & Affociés.
ORDONNANCE du Roi du 27 , pour régler
le rang que tiendront à l'avenir dans l'Infanterie,
les Commandans de bataillons .
I iiij
AU616
MERCURE DE FRANCE.
1
AUTRE du-même jour , portant nouveau Rêglement
fur le Port & l'ufage des Cuiraffes .
ARREST du 31 , qui prefcrit les formalités a
obferver pour l'entrée des ouvrages de Verrerie ,
fabriqués en Alface & Franche- Comté , & einpêcher-
la fraude qui fe pratique fur ceux venant de
l'Etranger.
AUTRE du 3 Janvier 1744 , qui renvoie pardevant
M. Feydeau de Marville , Lieutenant Général
de Police , la connoiffance des faifies qui feroat
faites des Veaux & Vaches faifis, en exécution de
l'Arrêt du Confeil du 4 Avril 1720.
AUTRE du 12 , qui permet aux Fabriquans de
la Manufacture de Sedan , d'augmenter d'un trentedeuxième
d'aune , fur le métier , la largeur des
Draps de la feconde qualité.
ORDONNANCE du Roi du 24 , pour former
le Régiment de Dragons du Roi , des quinze
Compagnies fortant des Régimens de Dragons ,
actuellement fur pied , conformément à l'Ordonnance
du 20 Juillet 1743 , par laquelle S. M. ordonne
l'exécution des onze articles contenus en
ladite Ordonnance .
ARREST du 25 Février , qui ordonne qu'à
l'avenir , toutes les piéces de Draps & autres étoffes
que les Infpecteurs des Manufactures vifiteront &
qu'ils trouveront graffes , feront par eux failies ,
pour en faire prononcer la confifcation .
AUTRE du même jour , qui fait défenſes aux
Tondeurs d'humecter d'huile , ni d'aucune forte de
graifle ,
1
MAR S. 1744. 617
graiffe , les piéces de Draps & autres étoffes qui
leur feront confiées pour les apprêter , à peine en
cas de contravention , de confifcation defdits Draps
& autres étoffes .
AUTRE du même jour , qui ordonne la fuppreffion
des Droits de fix fols huit deniers à la fortie
, fur les Marchandiſes d'oeuvre & non oeuvre de
poids , compris au Tarif du 24 Décembre 1743 , dont
le rétabliſſement avoit été ordonné par l'article
XIII de l'Edit defdits mois & an.
1
SENTENCE de Police du 28 , qui condamne
le fieur Maugis , Marchand Limonadier , en trois
mille livres d'amende , pour avoir tenu chés lui une
Aflemblée de jeu.
ARREST du premier Mars , portant Réglement
fur le Comnrerce des Colonies Françoifes de
l'Amérique , par lequel S. M. ordonne aux Intendans
& Commiffaires départis pour l'exécution de
fes ordres dans les Provinces & Généralités du
Royaume , & aux Intendans & Commiffaires Ordonnateurs
des Ifles & Colonies Françoifes de l'Amérique
de tenir la main chacun en droit foi à l'exécution
de l'Arrêt , & aux vingt articles qui y font
contenus , & c.
ORDONNANCE du même jour de M. l'Intendant
de la Généralité de Paris , pour faire écheniller
les arbres fruitiers & tous autres arbres dans les jardins
, Terres , Vignes , prés , hayes & fur les grands
chemins.
ORDONNANCE du Roi du même jout
pour créer un nouveau Régiment de Dragons, fous
le
618 MERCURE DE FRANCE .
le nom de Septimanie , dont voici la teneur.
Sa Majesté ayant eu très- agréable la délibération
que les Etats de fa Province de Languedoc ont arrêtée
le 20 Janvier de la préfente année, par laquelle
ils ont offert à S. M. de lever , habiller , armer ,
équiper , monter , & même de fubvenir pendant la
guerre à l'entretien d'un Régiment de Dragons ,
qui fervira fous le titre de Septimanie , ainſi qu'il eft
plus particuliérement expliqué par leur délibération
annexée à l'original de la préfente , a ordonné &
ordonne .
ART. I. Que ce Régiment fera composé de ſept
cent cinquante Dragons , partagés en quinze Compagnies
de cinquante chacune.
II. Chaque Compagnie fera compofée d'un Capitaine
, d'un Lieutenant, d'un Cornette , d'un Ma
réchal des Logis , avec trois Brigadiers , quarantefx
Dragons & un Tambour.
III. Ce Régiment fera monté fur des chevaux
de la taille reglée pour les Régimens de Dragons ,
armé & équipé de même , & généralement de tout
ce qui fera le plus convenable au genre de fervice
où il eft deftiné.
IV. L'habillement fera d'Etoffe rouge , avec
doublure , vefte , paremens & boutonniéres jaunes ,
boutons d'Orfévrerie ; la houffe & les chaperons
des Dragons , rouges , bordés d'un galon de fil de
couleur d'or , avec une Croix de Languedoc de
même couleur dans les deux coins de la houffe &
fur chacun des chaperons.
V. Afin que ce Régiment foit mis fur pied auffi
promptement que le bien du fervice l'exige , &
qu'il foit compofé d'hommes qui en ayent eu quel
que teinture, Sa Majefté, en conféquence de l'Ordon-
Dance particuliére qui fera rendue à cet effet , fera
tizer
MARS. 1744. 619
sirer de chacune des Compagnies Garde- Côtes le
nombre d'hommes néceffaire pour former les Com .
pagnies dudit Régiment , au nombre fixé ci- deffus.
VI. L'Etat-Major de ce Régiment fera compofé
d'un Meftre de Camp , d'un Lieutenant- Colonel ,
d'un Major, d'un Aide- Major & d'un Aumônier, &
payé de même que ceux des autres Régimens de
Dragons actuellement fur pied , conformément à
ce qui eft porté par l'Ordonnance qui régle le payement
des troupes : Mandant S. M. au Sieur Comte
de Coigny , Colonel Général de fes Dragons , & au
Sieur Duc de Chevreufe , Meftre de Camp Général
defdits Dragons , de tenir la main à l'exécution de
la préfente.
Mande & ordonne Sa Majefté aux Maréchaux ,
de France , commandant fes armées , à fes Lieutenans
Généraux & autres Officiers ayant commandement
fur les troupes , aux Intendans en fes
Provinces & armées , aux Inspecteurs Généraux fur
lefdites troupes , aux Gouverneurs de fes Villes &
Places , & aux Commiffaires des Guerres , chargés
de leur police , de tenir la main , chacun ainſi qu'il
lui appartiendra , à l'exécution de la préfente , &c.
ARREST du 3 , concernant le droit de Réfignation
des Offices des Contrôleurs Généraux des
Finances , Notaires , Procureurs , Huiffiers & Sergens
Royaux.
AUTRE du même jour, qui modere à cinq fols
par piéce de quinze aunes , les droits d'entrée des
cinq groffes Fermes fur les Toiles , Batiftes écrues
de Cambray & autres Pays conquis : ordonne que
les Tifferans ou Mulquiniers feront tenus de mettre
à la tête & à la queue de chaque piéce defdites.
I vj Toiles
620 MERCURE DE FRANCE.
Toiles , leur nom & celui du lieu de leur demeure ;
régle la forme des Certificats qui feront délivrés
aufdits Tifferans , & prefcrit les formalités qui dovent
être obfervées à l'entrée defdites Toiles , & c .
Louis
DECLARATION du Roi , qui réunit au Domaine
de l'Hôtel de ville de Paris , les Droits far
les vins entrant tant par terre que par eau , rétablis
par l'Edit du mois de Décembre 1743. Donnée à
Verfailles le 15 Mars 1744 , regiftrée en Parlement.
par la grace de Dieu , & c . Nous aurions
par notre Edit du mois de Décembre 1743 , regiftré
en Parlement le 23 , rétabli pour quinze années
feulement , les droits fur les marchandifes & denrées
entrant dans la ville , faux - bourgs & banlieuë
de Paris , pour être perçus fur le même pied qu'ils
l'étoient avant l'Edit du mois de Mai 1715 , & par
notre Déclaration rendue le 21 defdits mois & an ,
en interprétation dudit Edit , & regiſtrée en Parlement
le même jour , nous aurions réduit & mederé
plufieurs defdits droits fur differentes parties de
marchandifes & denrées les plus néceffaires à la fubfiftance
des peuples , en conféquence defquels Edit
& Déclaration , nous aurions arrêté en notre Confeil
, le 24 du même mois de Décembre , un tarif général
des droits à percevoir far lefdites marchand?-
fes & denrées , dans lequel ceux fur chaque muid
de vin entrant à Paris par terre ou par eau pour les
Marchands ou Cabaretiers , ont été fixés à deux 1.- ,
vres feize fols huit deniers ; ceux fur chaque muid
de vin entrant auffi par terre ou par eau pour les
Bourgeois de Paris , ont été fixés à vingt- un fols
huit deniers , & ceux fur chaque muid de vin entrant
comme deffus , pour les Communautés Religieufes
employées fur l'Etat du Roi feulement , &
jufqu'à
MARS. 621
1744.
jufqu'à la concurrence de leurs privileges , ont été
fixés à dix fols lefquels droits font partie du bail
fait par réfultat du Confeil du 24 dudit mois de Décembre
1743 à Jofeph Melet , que nous avons d'a-
-bondant autorifé par notre Arrêt du même jour , à
faire pendant fix années , commencées au premier
Janvier dernier , la perception de tous les droits
compris audit tarif. Mais notre intention , en ordonnant
le rétabliffement defdits droits pour le
tems de quinze années feulement , ayant été de
trouver dans les aliénations que nous en pourrions
faire pour ledit tems , en faveur des differentes
Communautés & autres qui ont ci-devant acquis
& réuni de pareils droits attribués aux Offices
créés & rétablis par notre Edit du mois de Jun
1730 , regiſtré en Parlement le 31 Août fuivant , les
fecours que les circonftances prefentes nous rendent
actuellement néceffaires , & l'Hôtel de notre
bonne ville de Paris ayant par notre Déclaration
du 16 Août 1733 , regiſtrée en Parlement le 18 ,
& par notre Edir du mois de Juin 1741 , regiſtré
en Parlement le 7 Juillet fuivant , fait l'acquisition
& réunion des quinze fols & vingt fols de dioit
par muid de vin , qui avoient été attribués par ledit
Edit du mois de Juin 1730 aux Offices de Rouleurs
, Chargeurs & Déchargeurs de vin , ainfi que
des vingt- deux fols de droits par muid de vin ,
qui avoient auffi été attribués par le même Edit ,
aux Offices de Jurés- Vendeurs & Contrôleurs des
vins & liqueurs , des dix fols attribués aux Courtiers
-Commiffionnaires fur les vins, & de treize fols
faifant partie de dix-huit fols attribués aux Offices
de Jaugeurs & Mefureurs fur les vins & autres
boiffons ; les Prevôt des Marchands & Echevins de
notredite bonne ville de Paris nous auroient offert.
622 MERCURE DE FRANCE.
fert de nous donner encore de nouvelles preuves
de leur zéle pour le bien de notre fervice , en acquérant
& réuniffant , s'il nous plaifoit de les diftraire
du bail fait à Jofeph Melet , les droits de
deux livres feize fols huit deniers fur les vins marchands
, ceux de une livre un fol huit deniers fur
les vins bourgeois , & ceux de dix fols fur les vins
des Communautés Religieufes , pour en faire la
perception au profit de ladite Ville , pendant les
quinze années fixées par notre Edit du mois de
Décembre dernier , & concourir à nos vûës en remettant
actuellement és mains du Tréforier de nos
parties cafuelles , les fommes qu'il nous plaira de
fixer pour le montant principal de la joüiffance
defdits droits. Sur quoi voulant traiter favorablement
lefdits Prevôt des Marchands & Echevins de
notre bonne ville de Paris , & continuer par de
nouvelles marques de notre protection & de nos
bienfaits , les moyens que nous leur avons toujours
procurés , non -feulement de fatisfaire aux engagemens
qu'ils ont contractés pour notre ſervice ,
mais encore de pourvoir fucceffivement aux ouvrages
& embéliffemens néceffaires à la décoration
de la capitale de notre Royaume . A ces cauſes &
autres à ce nous mouvant , de notre certaine
fcience , pleine puiffance & autorité royale , Nous
avons par ces Préfentes fignées de notre main , dit
& ordonné , difons & ordonnons , voulous & noas
plaît.
ART. I. Que les droits de deux livres feize fols
huit deniers fur chaque muid de vin entrant à
Paris par terre ou par eau pour les Marchands ou
Cabaretiers , ceux de une livre un fol huit deniers
fur chaque muid devin entrant auffi par terre ou par
eau pour les Bourgeois , & les droits de dix fols fur
chaque
MAR S. 1744. 623
pour
leschaque
muid de vin entrant comme deffus
Communautés Religieufes employées fur l'Etat du
Roi feulement , & juſqu'à la concurrence de leurs
privileges , compris au tarif arrêté au Confeil le
24 Décembre 1743 , en conféquence de l'Edit defdits
mois & an , feront & demeureront réunis pour
Les quinze années feulement , fixées par ledit Edit ,.
au domaine de notre bonne ville de Paris , pour en
jouir par elle à titre de deniers & revenus patrimoniaux
à tems : à la charge de payer en nos parties
cafuelles la fomme qui fera fixée par le rôle qui
en fera arrêté en notre Confeil .
com-
II. Ordonnons que ladite Ville jouira desdits
droits conformément audit Edit & tarif , à
mencer du premier Janvier de l'année préfente , duquel
jour il lui en fera donné compte , & le montant
de leur produit remis par Jofeph Melet , chargé
du recouvrement actuel defdits droits : Voulons
qu'à l'avenir la perception en foit faite au profit de
ladite Ville par les Receveurs & Commis aux aides
& entrées de Paris , qui feront tenus d'en remettre
le produit au Receveur de la Ville , ou autres prépofés
par lefdits Prevôt des Marchands & Echevins,
fans que lefdits Receveurs & Commis aux aides &
entrées de Paris puiffent s'en difpenfer , ni prétendre
pour raifon de ces droits aucuns appointemens
ni remiſes : Et au cas qu'ils fuffent redevables ou
en demeure de payer lefdits droits par eux perçus ,
nous voulons qu'ils foient contraints au payement
d'iceux, comme pour nos propres deniers & affaires,
en vertu des contraintes qui feront contr'eux décernées
par les Prevôt des Marchands & Echevins.
III. Permettons néanmoins aufdits Prevôt des
Marchands & Echevins , d'affermer & faire bail
defdits droits , s'ils le jugent plus convenable aux
avantages de la Ville..
IV .
624 MERCURE DE FRANCE.
IV. Au moyen de la finance qui fera payée
par ladite Ville , & de la réunion des droits poités
par ces Préfentes , pour en jouir à titre de revenus
patrimoniaux à tems , voulons que le Receveur de
notredite Ville ne foit tenu de compter defdits
droits , que pardevant les Prevôt des Marchands
& Echevins de notre bonne ville de Paris conjointement
avec les autres revenus patrimoniaux ,
fans qu'il foit tenu d'en compter en notre Chambre
des Comptes ni ailleurs , dont nous l'avons difpenfé
& difpenfous par ces Préfentes .
V. Et pour mettre lefdits Prevôt des Marchands
& Echevins en état de nous payer la finance qui
fera réglée par le rôle qui fera arrêté en notre Confeil
, leur permettons d'emprunter par contrat de
conftitution fur le domaine de la Ville , à raifon du
denier vingt , jufqu'à concurrence de la fomme de
cinq millions cinq cent mille livres , & d'affecter
obliger & hypotéquer fpecialement & par privilege
, le produit defdits droits de deux livres feize
fols huit deniers , de une livre un fol huit deniers ,
& de dix fols , réunis à ladite Ville par l'article premier
des Prefentes , & generalement tous fes autres
biens & revenus , au payement defdites rentes
& à la fureté des capitaux d'icelles , pour raifon de
quoi toutes déclarations néceffaires feront faites
dans la quittance qui fera expédiée par le Tréforier
de nos parties cafuelles.
VI. Tous les Etrangers non naturalifés demeu
rans en notre Royaume , Pais , Terres & Seigneu
ries de notre obéiffance , même ceux demeurans
hors de notre Royaume , pourront acquérir lefdites
rentes , ainfi que nos propres Sujets , pour en
jouir & difpofer entre -vifs , par teftament ou autrement,
MARS. 1744. 629
ment , en principaux & arrerages : Et en cas qu'ils
n'en euffent pas difpofé de leur vivant , voulons
que leurs héritiers , donataires , légataires ou autres
les repréfentans , leur fuccedent , encore qu'ils
fuffent étrangers & non regnicoles , même qu'ils
fuffent fujets des Princes & Etats avec lesquels
nous pourrions être en guerre ; & en conféquence,
qne lefdites rentes foient exemptes de toutes lettres
de marque & de reprefailles , droits d'aubaines , bâtardife
, confifcation , ou autres qui pourroient nous
appartenir , aufquels nous avons renoncé & renonçons.
VII. Exemptons & déchargeons par ces Préfentes
ladite Ville , du payement du dixième à notre
profit , pour raifon du produit defdits droits ; &
voulons en conféquence , que lefdites rentes qui
feront par elle conftituées pour raifon du fufdit emprunt
, foient & demeurent exemptes de toute retenue
du dixiéme .
VIII. Permettons aux Communautés féculiéres &
régulières , Hôpitaux , Fabriques & autres gens de
mainmorte , d'acquerir defdites rentes , fans être
tenus de payer pour raifon d'icelles , aucuns droits
d'amortiffement.
IX. Voulant procurer aufdits Prevôt des Marchands
& Echevins , le moyen de libérer , fuivant
leur défir , notredite Ville dans le même tems de
quinze années , des emprunts que nous leur avons
permis de faire par l'article IV . des Préfentes , juf
qu'à concurrence de la fomme de cinq millions
cinq cent mille livres , en appliquant annuellement
aux rembourfemens des capitaux des rentes qu'ils
auront conftituées , partie du produit des droits dont
nous leur avons accordé par le premier article , la
réunion au domaine de ladite Ville ; nous les avons
par
626 MERCURE DE FRANCE.
par ces Préfentes , autorifés & autorifons à faire
lefdits rembourfemens par la voye du fort, enforme
de Loterie , dont la premiere fera tirée dans les dix
premiers jours du mois d'Avril de l'année 1945 , &
les autres fucceffivement d'année en année , ainfi
qu'il fera ci- après expliqué : à l'effet de quoi les
contrats qui feront paffés pour raifon du ſufdit emprunt
, feront numerotés , & les numeros remis
dans une roue , pour être publiquement tirés au
fort dans les premiers jours du mois d'Avril de chacune
année , dans une des Sales de l'Hôtel de notre
bonne ville de Paris , en préfence du Sieur Prevôt
des Marchands & des Echevins de notredite Ville' ;
& les rembourfemens des contrats dont les numeros
feront fortis de la rouë , feront faits dans le 10
du mois de Mai fuivant , pour tout délai , par le
Receveur de notredite Ville , auquel les rentiers
rapporteront les Groffes de leurs contrats de conftitution
avec bonne & fuffifante décharge. Les
jours aufquels lefdites loteries devront être tirées ,
feront annoncés tous les ans au Public , un mois
auparavant les tirages , & il fera dreffé par lefdits
Sieurs Prevôr des Marchands & Echevins , procès
verbal de chaque tirage .
›
X. Le montant des fonds qui feront employés
par les Prevôt des Marchands & Echevins , aufdits
rembourfemens , fera de la fomme de cinq millions
cinq cent mille livres , & fera partagé en quatorze
loteries , qui feront fucceffivement & confécutivement
tirées d'année en année , dans les dix premiers
jours du mois d'Avril de chaque année , à
commencer en la prochaine 1745. La premiere
defdites loteries fera de trois cent mille livres
, la feconde & la troifiéme de trois cent vingt
mille livres chacune , la quatriéme de trois cent
quarante
MARS. 1744. 627
quarante mille livres , la cinquiéme de trois cent
foixante mille livres , la fixiéme de trois cent quatre
- vingt mille livres , la feptiéme de quatre cent
mille livres , la huitiéme de quatre cent vingt mille
livres , la neuviéme de quatre cent quarante mille
livres , la dixiéme de quatre cent foixante mille
livres , la onzième de quatre cent quatre - vingt
mille livres , la douzième de cinq cent mille livres,
la treizième de cinq cent vingt mille livres , & la
quatorziéme & derniere , qui fera tirée au mois
d'Avril 1758 , de deux cent foixante mille livres .
Les propriétaires des contrats dont les numeros auront
été tirés de la roue par le fort , feront tenus de
recevoir leurs rembourfemens dans le délai preferit
par l'article précédent , au moyen de quoi notredite
Ville fe trouvera entiérement libérée defdits emprunts
lors de la ceffation des droits dont nous lui
avons accordé la réunion par ces préfentes.
XI. Voulons que la connoiffance de toutes les
conteftations qui pourront furvenir au fujet de la
perception deflits droits , appartienne en premiére
inftance au Bureau de la Ville , ſauf l'appel en notre
Cour du Parlement , & que tous les Jugemens qui
feron rendus par ledit Bureau , foient exécutés par
provifion , nonobftant toutes oppofitions ou appellations
, & fans préjudice d'icelles . Si donnons en
mandement , & c.
AP
J
APPROBATION.
'Ai lû par Ordre de Monfeigneur le Chancelier,
le Mercure de France du mois de Mars , & j'ai
crû qu'on pouvoit en permettre l'impreffion . A Pa
ris , le premier Avril 1744.
Signé , HARDION
P
TABLE.
IECES FUGITIVES. Les Merveilles de Dica
dans l'Homme , Ode , 419
Réponse du P. Dupleffis à une Lettre inferée dans
le dernier Mercure ,
426
Epitre à M. Lercari , Vice Légat d'Avignon , 456
Lettre à M. Lebeuf , fur les Rogations ,
Ode fur le Hazard ,
Lettre fur un Problème galant ,
459
477
482
Ode tirée du Pleaume III . Domine , quid multiplicati
funt , & c. 487
Lettre au fujet des Réponfes de M. Binet , aux Cri
tiques de fa Topographic des Bréviaires , 490
Remercîment au fujet de deux Portraits en Eßam.
pes ,
Lettre à M. Deftouches ,
576
Stances de M. D. pour fon Entrée à l'Académie
de ....
Difcours fur la Navigation ,
Le Corbeau & le Renard , Fable ,
Enigmes & Logogryphe ,
509
512
513
520
521
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS , & c.
Extrait
Extrait de la Lettre du Cardinal Quirini à M.
Freret , 525
Extrait d'une Traduction des Pfeaumes de David ,
Le Guerrier Philofophe , Extrait,
Livre des affligés Pénitens ,
Le Parfait Cocher ,
531
535
136
$ 37
539
542
Bibliotheque Poëtique , propofée par ſouſcription ,
Aftronomie Nautique ,
Hiftoire de la Grèce , traduite de l'Anglois , 543
Le Temple de Mémoire , & le Bâtiment de S. Sulpice
, Poëmes ,
Euvres de M. Boffuet , Evêque de Meaux,
Bulle du Pape fur le Jeûne ,
Hiftoire de l'Académie des Sciences ,
Difcours fur les Sollicitations ,
Obfervations fur la Mérope de M. Maffei ,
Grace & de la Liberté ,
ibid.
ibid.
544
itid:
ibid
545
Seconde Edition d'un Poëme fur l'Accord de la
546
Differtation fur une ancienne Coûtume des Romains
,
ibid.
Seconde Partie du Recueil des Statues Grecques &
Romaines , 547
Traduction Angloife des Effais de Morale & de Lit
terature de M. l'Abbé Trublet ,
Projet pour imprimer Horace , Virgile , Terence ,
Juvenal & Perfe ,
Nouvelle Traduction de Lucrece ,
Maniére facile de purifier l'Air ,
548
ibid.
549
ibid.
ibid.
550
ibid
Nouvelle Edition du Corps entier des Antiquités
Romaines ,
Difcours (ur Tacite ,
L'Esprit de Fontenelle ,
Nouvelle Edition de l'Expofition Anatomique de la
Struce
Structure du Corps humain , 55x
Luciani Samofatenfis Opera , &c.
Abbregé de la Chronologie des anciens Royaumes,
Progrès de l'Education ,
ibid.
552
553
Prix proposé par l'Académie de Chirurgie pour
l'année 1745 ,
Queſtion propofée ,
Eftampes nouvelles ,
554
556
557
558
Chanfon notée ,
Spectacles , Extrait de Mérope , Tragédie de M. de
Voltaire , 559
L'Epoux par fupercherie , Comédie nouvelle , repréfentée
fur le Théatre François ,
Jephté remis à l'Opera ,
Le Sieur Dupré rentré à l'Opera ,
571
572
ibid.
573
L'Apparence trompeufe , Piéce nouvelle , repréſentée
par les Comédiens Italiens ,
Compliment dialogué par M. Rochard & Mlle Ric
coboni , à la clôture du Théatre , 574
Les Jardins de l'Hymen , Piéce nouvelle à l'Opera
Comique , & c .
Clôture de la Foire S. Germain ,
Nouvelles Etrangeres , Turquie ,
Ruffie , Pologne ,
Allemagne ,
Pruffe , Espagne ,
Savoye ,
Génes & Ifle de Corfe ,
579
ibid.
580
582
583
584
590
591
ibid. Grande- Bretagne ,
"
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 592
Le Duc de Penthiévre commence à exercer les
fonctions de Grand Veneur de France , 593
Départ du Prince de Conty ,
ibid.
Le Gouvernement de Pontarlier donné par le Roi
ац
au Marquis de Biffy , 594
LeMarquis de Grille nommé Capitaine -Lieutenant
de la Compagnie des Grenadiers de la Maifon
du Roi , à la place du Marquis de Creil, qui s'en'
eft démis , 595
Le Roi fait la Revûë des Gardes Françoiſes &
Suiffes , 596
M. Chauvelin nommé Préſident du Parlement
ibid.
Paffage de l'Infant Don Philippe par Lyon , Extrait
de lettre ,
Concert Spirituel au Château des Tailleries ,
Piéces repréfentées à la Cour ,
Mort & Mariages ,
197
198
199
601
dé
>
607
Arrêts notables , Ordonnance du Roi , portant
claration de guerre contre le Roi d'Angleterre
Errata de Janvier.
PAge 176 ,ligne 3 du bas , diſtinctions , lifez , dimenfions.
Errata de Fevrier.
PAge 244 , ligne 9 , n'en va , liſez , n'en eft.
P. 268 , 1. 3 , pous , l, pour.
P. 393 , 1. 5. bougies , 1. cierges.
P. 406 , 1. 2 Régimenr , I. Régiment.
Fantes
Fautes à corriger dans ce Livre,
PAge 422 , ligne 2 , peus , lifez , peux.
P. 426 1. 22 & 23 , reDoublés , . redoublés.
Ibid. 1. 24 , du l. Du.
P. 464 , l . 13 , faifoit , 1. faifoient.
P. 466 , l . 6 , du bas , Sihi , 1. Sibi..
P. 476 , l . 10 du bas , foir , l. foit.
P. 496 , l . 14 , ce , ôtez ce mot.
P. 502, 1.9 & 10 du bas , Nature . 1. nature,
P. sos , l. 4 du bas , infidelle , infidele . l
P. 534 , 1. 16 , de juger , l. de le juger .
P. 572 , 1. derniére , quelque , l . quelques.
P. 581 , 1.6 du bas , eontenir . 1. contenir,
La Chanfon notée doit regarder la page 518
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
AVRIL.
1744.
દેશ
મ
AURICOLLIGIT
0
SPARGIT
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
rue S. Jacques.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XLIV.
Avec Approbation& Privilege du j
A VIS.
L'ADRESSE à
'ADRESSE générale eft à Monfieur
MOREAU , Commis au Mercure , visà-
vis la Comédie Françoife , à Paris. Ceux qui
pour leur commodité voudront remettre leurs
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent fe fervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
envoyent , celui , non-feulement de ne pas voparoître
leurs Ouvrages , mais même de les p..
dre , s'ils n'en ont pas gardé de copie .
Les Libraires des Provinces & des Pave
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteror:
avoir le Mercure de France de la premierema .
&plus promptement , n'auront qu'à donner le´s
adreffes à M. Moreau , qui aura foin de fare
Leurs Paquets fans perte de tems , & de lesfure
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meſſageries
qu'on lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AURO I.
AVRIL 1744.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
ODE ,
Sur l'endurciffement des Impies.
E Roi des Rois, dans fa colere,
Defcend pour juger les humains
Un épouventable Tonnerre
Arme fes redoutables mains.
Impie , il va brifer ta tête ;
Déja fon bras vengeur s'apprête ..
2
Mais quelsfons ont frappé les airs ? I
Sa voix, comme un foudre qui gronde , 67
A ij
Ebranle
636 MERCURE DE FRANCE.
Ebranle les poles du monde.
Ecoute , & tremble , homme pervers.
Long-tems ma bonté paternelle
Ferma les yeux à tes forfaits ;
Dès-lors ton ame criminelle
Crût qu'ils ne s'ouvriroient jamais ;
Déja tu difois en toi- même ,
Non , il n'eft point d'Etre ſuprême ;
Qui régne la haut dans les Cieux ;
Ceffons nos voeux , nos facrifices ;
Vivons au gré de nos caprices ;
Que nos paffions foient nos Dieux,
Contre ta conduite infenfée
Mon Tonnere n'eut point d'emploi ;
Ingrat , ma bonté mépriſée
S'intéreffoit encor pour toi ;
Mais voici le jour de vengeance ;
Affés long- tems ma patience
Prolongea tes malheureux jours,
Contre mes fléches éternelles
Que tes Divinités nouvelles
Viennent te donner du ſecours.
+3+
Enfin , ma trop lente juftice
Va venger l'honneur de fes loix ;
Puniffons
AVRIL. 1744. 637
Puniffons du même fupplice
Tous les criminels à la fois.
Anéantiffons la mémoire
De tous ceux , qui mettoient leur gloire
A braver la main du Très -Haut ;
Les crimes inondent la terre ;
Tonnez , éclatez ma colere
Sur le monde entier , s'il le faut.
*3*+
Fiers Miniftres de ma Puiffance ,
Foudres embrafez l'Univers ;
Portez vos feux & ma vengeance
Jufqu'au plus profond des Enfers.
Que votre fureur dévorante
Seme le trouble , l'épouvante ,
L'horreur & la mort , en tout lieu.
Et qu'enfin le mortel coupable
Au coup foudroyant , qui l'accable,
Connoiffe qu'il existe un Dieu.
Par M. l'Abbé Durand D. L. Chanoine
de Metz.
A йíj LET638
MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le
Marquis de B. fur quelques fujets de
Litterature.
N répondant , Monfieur , à l'honneur
de votre derniere lettre , je fuis obligé
de commencer par le dernier article , qui
confifte à demander obligeamment des nouvelles
de ma fanté ; je préviens par là un
reproche , que vous êtes en droit de me
faire fur la longueur de mon filence , & je
me difculpe en même-tems auprès de vous.
Oui , M. j'ai été malade pendant un mois
prefque entier ; j'étois enfin prefque fur
pied , lorfqu'une équivoque de Médecine ,
occafionnée par ma
par ma fimplicité d'une part ,
& de l'autre par la bêtife de celui , qui s'aviſa
de m'enfeigner un certain Réméde , &
qui me l'enfeigna mal , opera tout le contraire
d'une parfaite guérifon. Vous ririez
trop , M. fi je vous expofois ici , ce mal entendu
galénique ; fçachez toujours par provifion
, que cet incident rifible m'a procuré
la Traduction Françoiſe du plaifant Diftique,
qu'on lit dans le petit Recueil des Poëfies
Latines du fameux Poëte Anglois
Owen , Odanus.
Fingunt
AVRIL. 1744. 639
Fingunt fe cuncti Medicos , Idiota, Sacerdos ,
Judaus , Monachus , Hiftrio , Rafor , Anus.
Je dois cette Traduction à un Poëte de
votre connoiffance , & de la même Province
où vous êtes actuellement ; elle fait le dernier
article de fa lettre , laquelle contient
auffi les Vers que vous avez vûs dans le Mercure
de Février, fur la préſence du Roi , à la
repréſentation de l'Opera de Rolland , &c.
Vous croyez donc , M. me dit M. F. fur la
fin de cette lettre , qu'il faut fe donner au
Diable , pour bien rendre ou imiter le Diftique
d'Owen : Fingunt ſe cuncti Medicos ,
&c. Je vous affure pourtant , que rien
ne m'a jamais moins coûté que l'Imitation
fuivante , laquelle , quoique moins laconique
que l'original , ce qui ne peut gueres
arriver autrement , me paroît néanmoins en
conferver fidélement le fens . Lifez & jugez.
Chacun eft Médecin , ou du moins prétend l'être ;
L'Idiot , le Moine , le Prêtre ,
Le Juif, le Bâteleur , la Vieille , le Barbier ,
Si nous les en croyons , fçavent tous le métier.
Donnons , M, avant que de paffer à un
autre article , encore une autre preuve de
l'habileté de M. F. dans la Traduction des
petites Piéces Latines , en Vers François. Je
lui propofai dernierement celle de l'Epita-
A iiij
phe
640 MERCURE DE FRANCE.
phe du Maréchal de
Montmorency , décapité
à Toulouſe en 1632 ; l'exécution fe fit ,
comme vous fçavez , dans , le veſtibule de
f'Hôtel-de-Ville , les portes fermées , vis-àvis
d'un Bufte de marbre de Henri-le-
Grand .
Ante Patris Statuam Nati implacabilis irâ
Occubui, indignâ morte manuque cadens.
Neuter illorum ingemuit mea Fata videndo ;
Ora Patris , Nati vifcera , Marmor erant.
TRADUCTION.
Devant le Buſte vénérable
D'un Prince , à jamais cher à l'Empire des Lys ,
L'infléxibilité du courroux de fon Fils
Eclata par ma mort , honteufe & déplorable ;
Sams daigner s'attendrir , & l'un & l'autre Roi
Virent de mon deftin la rigueur trop févére.
Comme le vifage du Pere ,
Le coeur du Fils hélas ! fut de marbre pour moi.
Vous me faites , M. plufieurs queftions au
fujet de mon Voyage litteraire de Normandie
, dont vous avez lû la plus confidérable
partie , & que j'ai depuis augmentée de plufieurs
lettres , fans compter la Topographie
Hiftorique du Cotentin & du Pays d'Auge ,
que vous m'aviez confeillé de ne pas omettre.
Je répons d'abord "que j'ai mis la derniere
AVRIL.
1744.
641
>
niere main à cet Ouvrage , que je fuis dans
l'intention de n'y plus rien ajouter , & de
le publier
inceffamment. Pour ce qui eft de
l'Eloge & du Blâme de la Nation , qui occupe
aujourd'hui ce beau Pays , c'eſt- à- dire ,
toute
l'ancienne Neuftrie , je n'ignore pas le
bien & le mal qu'on en a dit , & qu'on en
dit encore tous les jours , fur quoi vous me
propofez de donner un mot d'Apologie de
cette Nation , fi
ingénieufe , fi fage , fi vertueufe.
Je me garderai bien , M. de me donner
cette peine ; elle n'en a pas befoin , pour détruire
une prévention des plus mal -fondées.
Je me contente d'avoir rendu juftice à la
vérité & à la mémoire d'un ( a ) des plus
grands hommes qui foit né dans cette Province
, dont un Auteur ( b ) moderne , qui
ne le connoiffoit pas , a parlé indifcretement
, en donnant dans le Préjugé vulgaire.
Ce Préjugé , au refte , eft affés ancien , & a
donné lieu à un Auteur de réputation , que
vous connoiffez , de m'écrire depuis peu
une lettre , dont je m'affure que vous ne ferez
pas fâché de trouver ici un Extrait ,
ne fera rien moins que déplacé.
qui
Il n'eft pas , M. qu'avec les grandes relaque
vous avez par tout Paris , vous ne tions
( a ) M. Huet , Evêque d'Avranches .
( b ) Le P. Niceron,
A v foyez
642 MERCURE DE FRANCE .
foyez informé qu'il y a en cette Ville certains
Corps,où l'on n'admet pas des perfonnes
de toutes les Provinces de la France , &
qu'il y a en particulier une certaine Nation ,
qui a l'exclufion de plufieurs fortes d'emplois.
Je ne vous la nomme point , crainte
de faire de la peine à ceux de cette Province
, qui n'eft pas moins compofée d'honnêtes
-gens que les autres , Province qui excelle
en beaux Efprits , & laquelle il feroit
injufte de rendre refponfable des fautes &
du caractere de quelques particuliers.
Vous fçavez que parmi les Religieux , la
difference des Elprits a fait former differentes
Provinces , & qu'il eft rare de voir tirer
un Religieux d'une de ces Provinces , pour
le placer dans une autre. Tout le monde eſt
d'ailleurs informé que c'eft cette difference
d'humeurs & de génies , qui a contribué à
divifer l'Univerfité de Paris en quatre Nations.
Je n'en dirai pas davantage. J'ai feulement
cru ce petit préambule néceffaire ,
pour vous préparer à la lecture du Texte
d'une ancienne Charte , rapportée dans les
preuves du premier Tome du nouveau Gallia
Chriftiana.
Vous , M. qui recherchez avec empreffement
tout ce qui regarde la Ville de Marfeille
, & par conféquent la célébre Abbaye
de S. Victor de la même Ville , ne feriez-
Vous
A VRIL. 1744. 643
vous jamais tombé fur l'Acte , par lequel
l'Eglife , dite la Canourgue , au Diocèſe de
Mende,fut donnée au Monaſtere de S. Victor
? la Charte eft d'ELDEBERT , qui fe qua- -
lifie : Sancta Ecclefia Mimatenfis Dei Gratia
Epifcopus. Cet Evêque , & Berenger Richard
, Vicomte , de l'avis & du confentement
du Doyen & des membres de cette
Eglife , laquelle les uns croyoient avoir été
anciennement un Monaftere , & les autres
un Chapitre de Chanoines convaincus
qu'on ne pouvoit la tirer des mains des Simoniaques
, autrement que par une bonne
Réforme , déclarent qu'ils en font Donation
au Monaftere de Notre -Dame de S.
Victor de Marfeille : » Car * , ajoutent- ils
»nous avons oüi dire , & nous fçavons en
›
>
* Nam , ficut audivimus & ex parte didicimus , Co
nobium illud , cum tanta antiquitas Nobilitatis effet ,
ut quinque millia Monachorum inibi habitantium
Abbas Beatus Caffianus , Doctor praclariffimus , in es
nunc corpore requiefcens , exifteret , ficut in Libris reperitur
quos ipfe compofuit , ceterorum Monaßeriorum in
totâ Gallia pofitorum potiores rivuli fapientia & Regularis
Difciplina ordo proceffit , & nunc & omni faculo
jam pene lapfo , fi non ficut antiquitus , tamen in tantùm
viget , ut de quacumque Patriâ in eo , caufâ Religionis
venientes , & actum in eo habitantium cognof
cere volentes accefferint , dicant cùm recefferint , hoc
porius regulariter degere , quam cetera Monafteria totius
Gallia . Gall . Chrift. Tom. 1 , inter Inftrum.
Eccl. Mimat. pag. 23.
Аҹј partie
644 MERCURE DE FRANCE.
partie par nous -mêmes , que ce Monaftere
» étoit autrefois fi Aoriffant , qu'il y avoit
» 5000 Moines , dont fut Abbé le Bienheu-
» reux Caffien , Sçavant Docteur , comme
» on lit dans fes Ouvrages , lequel Caffien
»y eft inhumé ; que c'étoit de certe Maifon
» que couloient les principaux ruiffeaux de
»la Difcipline Réguliére dans toutes les
» Gaules ; que quoique dans ce préfent fié-
» cle , ce Monaftere ne joüiffe pas du même
» éclat , de quelques Pays qu'on s'y renpour
examiner la maniere de vivre des
» Religieux , on étoit obligé d'avoüer , en
» s'en retournant , que cette Abbaye étoit
» encore celle de toutes les Gaules qui étoit
» la mieux réglée . Cet Evêque parloit ainſi
l'an 1060.
و ر
>> dit ככ
C'est pourquoi , l'Evêque & les Eccléfiaftiques
confentent & déclarent que l'Eglife
de S. Martin de la Canourgue , fera déformais
foumife à l'Abbaye de S. Victor ; que
l'Abbé y enverra des Moines , pour y célébrer
l'Office Divin ; que ce fera dans la fuite
un Monaftere , & qu'il dépendra de l'Abbé
& de la Congrégation de S. Victor , de forte
même que
que s'ils le jugent à propos , ils pourront
y prépofer un Abbé , tiré d'entre eux ;
mais voici une Claufe & une Restriction
qui regardent cet Abbé qu'on enverra , &
c'eft où j'en voulois venir , pour vous faire
fentir ,
AVRIL. 1744. 649
fentir , que ce n'eft pas d'aujourd'hui qu'il
y a des Nations qui font excluës de certaines
Dignités en certains Pays , & qu'on a
cru dès-lors que le Lieu de la Naiffance
pouvoit influer fur le bon ou le mauvais
Gouvernement. Que dit donc la Charte de
plus ? Il y eft fpecifié pofitivement , que le
Religieux de S. Victor de Marfeille , que la
Communauté enverrà , pour être Abbé de
la Canourgue , ne fera pas natif du Territoire
qui fe trouve entre la riviére de Tarn
& celle de l'Allier : Ita tamen , ut quem miferint,
non fit natus à Fluvio, qui dicitur Tarne
, ufque ad fluvium , qui dicitur Vlerius ,
fuppofé même que par Ulerins , il faille entendre
le fleuve d'Allier , ainfi que je crois
qu'on doit faire. Vous voyez que par cette
Charte de Donation & d'Inftitution , une
très-grande partie de l'Aquitaine étoit exclue
de l'honneur de fournir un Abbé à la
Canourgue , fçavoir prefque toute l'Auvergne
& le Bourbonnois , le Berri , le Limofin
, le Périgord , &c. Provinces qui , trois
fiécles après , ont fourni à l'Eglife tant de
perfonnages , qui ont occupé les premieres
places.
Oferois-je , M. vous prier de conferer
fur cela avec M. le Fournier , fçavant Religieux
de S. Victor de Marſeille , avec qui
vous êtes en relation ? je compte qu'il pour
roit
646 MERCURE DE FRANCE.
roit nous inftruire , fi la claufe ci-deffus a
eu lieu , & fi l'Abbé qu'on a pû envoyer de
S. Victor , étoit amovible , ou de l'efpece
de ceux qu'on appelle aujourd'hui Triennaux
, ou enfin , fi au défaut d'Abbé , l'Eglife
Matrice a eu foin d'envoyer un Prévôt ,
Prieur , ou Doyen , qui ne fut pas natif des
Pays fitués entre le Tarn & l'Allier.
Telle eft M. à peu près la fubftance de la
lettre qui m'a été écrite par M. l'Abbé L.
B. lequel me prie. d'écrire fur ce fujet à
M. le Fournier , Religieux de S. Victor de
Marſeille , c'est-à-dire , à la perfonne du
monde la plus capable de nous donner les
éclairciffemens néceffaires , c'eft auffi ce que
je n'ai pas manqué de faire dans le tems ,
mais par malheur , ce fçavant . Religieux
étoit mourant , lorfqu'il reçut ma lettre , &
fa mort me fut annoncée par l'ordinaire fuivant.
Permettez-moi , M. de l'apprendre
ici à tous les gens de Lettres dont il étoit
connu , & de rendre à fa mémoire le tribut
qu'elle a droit d'exiger de moi , en attendant
un éloge dans les formes dans la premiere
Affemblée publique de l'Académie ,
dont il étoit un des plus dignes membres.
Thomas le Fournier , originaire de la Ville
de Dieppe , Diocèle de Rouen , & iffu d'une
des meilleures familles du Pays , mourut
dans l'Abbaye de S. Victor de Marſeille ,
dont
AVRIL. 1744. 647
dont il étoit Religieux , le 20 Décembre
1743 , âgé d'environ 70 ans , regretté de
tout le Corps & de toute la Ville. Il a toujours
vécu dans une très-grande régularité ,
& dans la réputation d'une capacité confommée
dans toutes fortes de bonne Littérature
, finguliérement dans celle de l'Hiftoire
& des Monumens Eccléfiaftiques . Il
étoit bon ami , & d'une exactitude charmante
à l'égard de tous les Gens de Lettres ,
avec lefquels il étoit en Commerce , ce que
j'ai éprouvé en particulier pendant plus de
vingt années d'une étroite liaiſon , & d'une
agréable correfpondance.
J'ai gardé pour le dernier article de ma
lettre , la confirmation de la vérité d'un Evénement
des plus finguliers , & peut-être unique
dans l'Hiftoire . Le fait nous parut d'abord
fabuleux à vous , M. & à moi , en le
lifant dans la lettre , dont je vous fis part
dans le tems ; vous me chargeâtes d'en approfondir
la vérité , & de n'en jamais parler
, qu'au cas que cette vérité fe trouvât
bien conftatée. C'eft , M. le cas où je me
trouve aujourd'hui , & par conféquent le
tems de rendre à cette vérité la juſtice
qu'il eft toujours tems & toujours bon de
lui rendre..
EX.
648 MERCURE DE FRANCE.
EXTRAIT d'une Lettre de M. E. écrite
de Warfovie le 20 fanvier 1742 .
Je profite du départ de M. le Baron de
Bezenval , qui retourne à Paris , pour vous
donner de mes nouvelles . .. .. Je vous
envoye en même -tems deux articles tirés du
Journal de mon voyage, qui intéreſſeront, à
-ce que je crois , votre curiofité & celle du
Public , fi vous les jugez dignes d'occuper
une place dans votre Journal .
La petite Ville de Thorn , en Pruffe , eft
affés connue aujourd'hui par l'Hiftoire des
Guerres de Charles XII , Roi de Suéde
pour que je m'arrête à vous en parler . Vous
fçavez que ce Conquérant n'eut pas pour la
Patrie du célébre Copernic , la même vénération
, qu'eut Aléxandre pour la Ville de
Thebes , qu'il épargna en faveur de Pindare,
à qui elle avoit donné naiffance. Thorn fut
bombardée , & réduite dans un état fi déplorable
, qu'elle n'a pû jufqu'aujourd'hui fe
relever.
J'arrivai le 14 Juillet dernier dans cette
Ville , & M. Schwerdtmann , qui en eft
Bourguemeftre , m'ayant invité à dîner chés
lui , il me mena l'après-midi au Palais , qui
eft l'endroit de la Ville que les bombes endommagerent
le plus , car il fut prefqu'entiérement
brûlé & ce n'eft que depuis
quelAVRIL
. 1744
649
1
ques années qu'on l'a rebâti . Parmi les Portraits
des Bourguemeftres qu'il me montra
dans la Sale de l'audience , il me fit remar
quer celui d'une femme qui naquit à Elfenaw
, à deux milles de Thorn , avec le bec
d'un Corbeau , & telle qu'elle eft repréfentée
dans le Deffein que je vous en envoye ,
& que j'ai fait fur le Tableau original même.
Cette femme cependant , toute affreufe
qu'elle étoit , époufa à caufe de fes grands
biens un Bourguemeftre de cette Ville , duquel
elle eut des enfans,
Nous allâmes de -là à la Cathédrale , qui
eft dédiée à S. Jean-Baptifte , pour y voir le
Fombeau de Copernic. Il eft contre le Pilier
, qui eft le premier en entrant à la droite
de la principale porte. Il eft repréſenté
au naturel fur une toile à genoux , les mains
jointes devant un Crucifix. Ce Portrait eft
entierement reffemblant à celui que l'on
vend à Paris. J'ai tranfcrit la principale Epitaphe
qui orne ce Tombeau .
#
Quem cernis vivô retinet Copernicus ore ,
Cui decus eximiumforma perfecit imago.
Os rubeum , pulchrique oculi , pulchrique capilli ;
Cultaque Appelleas imitantia membra figuras.
Illumfcrutanti fimilem , fimilemque docenti
Afpiceres , qualisfuerat dum fiderajuffit,
Et
650 MERCURE DE FRANCE.
Et coelum conftare loco , Terramque rotare
Finxit & in medio Mundi Titana locavit.
D. O. M.
Atque in ampliorem tanti viri Gloriam obtulit , &
Dedicavit idem qui reftauravit
Mortuus in fuo Canonicatu Wormia anno 1943. Die
II. Julii , atatis 73.
C'eft le Bourguemeftre de cette Ville ,
duquel j'ai parlé , qui a fait réparer ce
Tombeau. On voit encore à Thorn la Maifon
de ce Philofophe , qui n'a rien de remarquable.
J'attens , M. avec beaucoup d'impatience
la nouvelle de votre départ pour Paris , &
j'ai toujours l'honneur d'être avec reſpect
votre , &c.
A Paris le
15
Mars 1744
LE
AVRIL. 1744.. GS1
LE SECOND JO B.
SONNET.
Job , ce modèle incomparable
De maux , de trifteffes , d'ennuis ,
Ne fut jamais fi miférable ,
Ni fi chagrin que je le fuis.
S'il fut perfécuté du Diable ,
Si tous les biens furent détruits ,
Nul Créancier inexorable
Ne troubla fes jours ou les nuits.
Mon malheur fur le fien l'emporte ;
Nuit & jour j'entends à ma porte
Les Créanciers à qui je dois.
Mais Deftin ! à tort je te blâme ;
Puifque Job avoit une femme ,
Il fut plus malheureux que moi.
Le Maire.
EX652
MERCURE DE FRANCE.
,
EXTRAITS de quelques lettres , écrites
des Indes Orientales contenant plufieurs
particularités fur les moeurs du Pays ,fingulierement
du Royaume de Travancour , & de
la Côte de Malabar.
L
E Royaume de Travancour a fes premieres
limites dans le Sud , au Cap Camorain
, & s'étend en remontant dans le
Nord au-delà de Coylan , ce qui fait 30
lieuës de côte ou environ. A l'Oueft , il eft
borné par la Mer , & à l'Eſt par les Montagnes
de Cardamone. Le Roi de Coylan eft
Souverain , mais Vaffal & Tributaire du Roi
de Travancour ; les Hollandois ont établi
un Comptoir, & bâti une petite Fortereſſe à
Coylan , & ils ont engagé le Roi de Coylan
à prendre leur parti contre celui de Travancour.
Enjaingue eft une Province de Travancour
; les Anglois y ont une conceffion ,
qu'ils tiennent d'un des Prédéceffeurs du
Roi Régnant. La fituation de l'établiſſement
d'Enjaingue eft charmante ; les Anglois y
ont conftruit un Fort , entre le rivage de la
Mer , & une belle riviére qui lui eft parallele
, & qui n'en eft pas éloignée de plus
de 150 toifes.
Le
AVRIL. 1744. 653
Le Fort eft un petit quarré régulier en
pierre ; il n'y a de terre- plein que dans les
quatre Baftions , dont chacun porte huir canons
, deux de douze à chaque flanc , &
deux de huit à chaque face ; le Rempart qui
régne fans interruption le long des quatre
côtés de ce Fort , eft d'Argamafte , & fert de
couverture aux Logemens & Magafins , qui
font deffous , adoffés aux courtines, On voit
au milieu de la courtine & au-deffus de la
porte qui fait face à la Mer , un Pavillon
diftribué en une Sale & un Cabinet , oùle
Gouverneur tient fes affifes de jour , y écrit ,
donne audience , & obferve dans la belle
faifon les Vaiffeaux & embarquations , qui
paffent continuellement le long de la côte
à vûë de terre ; les murs de cette petite For
tereffe , quoique bien conftruits , ont peu
d'épaiffeur , & ne feroient pas de grande
réſiſtance contre le canon. La garniſon n'eſt
que de 30 foldats Européens, au plus, & 60
& quelques Topaz.
La riviére qui eft près de- là , baigne les
murs d'un joli Salon , & d'un Jardin bien
entretenu , qui n'eſt diſtant
qui n'eft diftant que de demiportée
de fufil du Fort ; les cafes de la Colonie
Angloife font alignées fur les deux côtés
d'une rue longue , large & droite , où
on a établi une corderie de Caire , qui eft
une espece de chanvre, qu'on tire du Coco
tier
654 MERCURE DE FRANCE.
tier & qui fait l'enveloppe de ce fruit.Cette
rüe ombragée d'Arquiers , de Cocotiers &
autres arbres du Pays , eft terminée par une
grande Eglife , auprès de laquelle eft la
maifon d'un Evêque Portugais , & d'un
Miffionnaire Jéfuite de la même Nation ;
un Fortin , tout joignant , couvre l'Eglife ,
la Maifon Epifcopale & la Colonie , & défend
les approches du Fort du côté du Nord.
Il y aun femblable Fortin à la même diftance
au Sud , qui défend l'entrée de la riviére
; enfin on voit partout beaucoup de
fymmétrie , de propreté & d'arrangement .
Le refte du Royaume de Travancour, tant
dans fon intérieur , que fur le bord de la
Mer , eft divifé en pluſieurs Provinces , dans
lefquelles font enclavés les Domaines de
plufieurs petits Rois,qui relevent du Roi de
Travancour. Tous les Souverains du Malabar
lui donnent unanimement le titre de
grand Roi , parce qu'il eft plus grand terrien
qu'aucun d'eux , qu'il compte parmi fes
Vaffaux quantité de Rajas , de Princes & de
Seigneurs , & que fes forces font fupérieures,
& par le nombre de fes Sujets & par les
richeffes. En effet le Royaume eft extrêmement
peuplé , & peut fournir so ou bo
mille hommes en armes , dans le befoin , ce
qui fait une puiffance formidable pour les
Nations voisines. Mais , ni cette multitude
d'homAVRIL
1744
655
mes , ni les armes qui font en uſage parmi
eux , ne pourroient pas réfifter long- tems à
des troupes Européennes bien conduites ,
quoiqu'en nombre très- inférieur.
Ce Pays fe fuffit à lui- même , fans tirer
prefque aucune denrée de dehors ; il eſt
très - fertile & dans la meilleure valeur qu'il
puiffe être , par les attentions du Roi & par
la bonne police qu'il a mife dans toutes les
parties de fon adminiſtration , particuliérement
dans l'Agriculture ; outre le Ris & les
autres productions néceffaires à la vie , il a
eu foin d'y faire multiplier les plantations
de Cottoniers , de Poivriers & de Canelliers.
Les Manufactures de Toiles du Royaume
de Travancour font très-confidérables ; la
matiére fe tire du Pays même , affés abondamment
, pour n'avoir pas befoin de fecours
étrangers.
Colleche , Capitale du Royaume , eft le
Bazar général pour la vente des Toiles
non-feulement de ce Royaume , mais même
de celui de Cottale & de tous les Pays circonvoisins
où l'on en fabrique. Les Toiles
de Travancour font de diverfes qualités ,
fuivant les differens ufages aufquels on les
deftine , il y en a d'auffi fines que des Guinés
d'Yanaon de 36 conjons. Il s'y fait auffi
beaucoup de Toiles claires , à peu près come
me
656 MER CURE DE FRANCE.
me la groffe Mouffeline , & des Mouchoirs
rayés , dans le goût de ceux de Bengale ,
mais inférieurs par la teinture & par la fabrique
à ceux de Mazulipatan & de Paliacal.
Quant aux Moeurs & Coûtumes des Malabars
, il y a des chofes fort ânguliéres ; l'ordre
des fucceffions n'y eft pas le même qu'en
Europe ; le fils n'hérite pas de fon pere ,
c'eft le neveu qui fuccéde à fon oncle maternel
. Les enfans ne portent point le nom de
leur pere & ne font point réputés de faCaſte,
mais de celle de leur mere ; cette Coûtume
eft fondée fur le principe physique , que la
filiation eftfûre de la mere à fon enfant,mais
incertaine & purement putative du pere au
fils , d'autant plus que le mariage dans ces
Pays eft une focieté libre entre un homme
& une femme , & pour le choix réciproque
& pour la durée du tems.
Les femmes de haute naiffance ont toujours
auprès d'elles un Brame Namboury
ou de quelqu'autre Cafte noble , qui eft réputé
leur mari , mais ce mariage apparent
n'empêche pas qu'elles ne choififfent parmi
les hommes les mieux faits , ceux de qui elles
efperent des enfans beaux & bien conftitués,
fans
que le mari en titre , ait droit de jaloufie
ou de reproches fur la pluralité de ſes
Lieutenans , très -fouvent réformés.
Les
AVRIL. 1744. 657
Les Rois & la Religion partagent le refpect
& la vénération fans bornes de ces Peuples
; l'amour & l'attachement qu'ils témoignent
pour leurs Souverans eft légitime ,
& par le caractére refpectable d'une fouveraineté
extraordinairement ancienne dans
les familles de la plupart de ceux qui regnent
aujourd'hui dans ce Pays , & par la
douceur & la benignité de prefque tous les
Rois Malabars .
Quoique leurs Loix défignent des peines
afflictives & des fupplices pour les differens
crimes , cependant l'effufion du fang d'un
coupable eit rare.
Le Roi de Travancour , moins foible ,
plus politique & plus déterminé par fes
bonnes reflexions fur l'art de regner , eft
moins indulgent que tous ces Princes fainéans
, perfuadé que l'impunité engendre
le crime , que le crime trouble l'ordre &
l'harmonie de la fociété , il eft rigide & inexorable
fur la punition des crimes ; mais à
l'égard de la Religion , il paroît donner
dans les erreurs & les fuperftitions les plus
populaires ; il obferve religieufement depuis
fon enfance un régime auffi auftére que
celui de nos Anachoretes les plus mortifiés ;
il n'a jamais rien mangé qui ait eu vie , ni
chair ni poiffon , ni même des oeufs , parce
qu'ils font fufceptibles de vie ; il fe nourrit
B unique658
MERCURE DE FRANCE.
ces
uniquement de légumes , de racines , de
fruits & de laitage ; cependant avec
maigres alimens & malgré l'agitation & les
fatigues que la guerre & fon activité lui occafionnent
perpétuellement , il entretient
fon embonpoint , une très- bonne ſanté &
un fort tempérament ; il confulte les Devins
fur la réüffite ou le mauvais fuccès de
fes moindres entrepriſes ; il a la patience de
leur voir tirer leurs augures des fruits , des
plantes , des animaux , de leur Pagode , &
fe détermine fouvent fuivant le réſultat de
ces frivoles cérémonies & fur les réponſes
de ces Charlatans.
Ces Peuples croyent s'affûrer de la vérité
des faits par l'épreuve du feu , égarement
qui mérite plûtôt notre compaffion que
nos railleries , fi nous nous fouvenons que
l'épreuve du feu étoit admife en jugement
parmi nous il y a plus de 400 ans , & que
celle du duel a fubfifté encore long-tems
depuis .
La Religion des Gentils de la Côte de
Malabar , de Coromandel & du Gange , eſt, à
pea de chofe près , la même, & une des plus
anciennes du Monde. Cette antiquité eft prefque
la feule preuve fur laquelle le fonde leur
entêtement & leur vénération pour cette
Religion , qui d'ailleurs eft un tiffu d'abfurdités
& de Fables monftrucufes & infames
dans
AVRIL. 659 1744.
dans toutes leurs circonstances. Elle fait cependant
un grand nombre de Martyrs. Le
régime rigoureux du Roi de Travancour eft
obfervé par une infinité d'autres Brames ,
mais on peut foupçonner cette obfervance
d'être purement extérieure , parce que leur
naiffance & leur état leur en impofe l'obligation,
à laquelle ils ne pouroient fe fouftraire
fans deshonorer leurs Caftes , perdre les
prérogatives & l'autorité que cette fingularité
leur donne , & encourir le mépris du
Public.
Il n'en eft pas de même du Sacrifice ,
que quelques femmes de Brames font à l'amour
& àla fidélité conjugale, en ſe brûlant
vives après la mort de leurs maris ; comme
ce Sacrifice eft volontaire , il ne peut être
dans un Sexe fi foible & fi délicat , l'ef- .
fort d'un efprit & d'un coeur intimement
perfuadés du mérite de cette action & des
récompenfes que fa Religion lui promet dans
une autre vie.
Cette étonnante cérémonie , qui paffe
parmi nos Dames Françoifes pour une
fiction des Voyageurs , qui veulent embellir
leurs Relations de merveilles , eft une
vérité conftante , dont on a vû un exemple
en 1740 à Vilnour , près de Pondichery
dans une jeune perfonne de 24 ou 25 ans ;
la fermeté , la préſence d'efprit & même la
Bij févérité
660 MERCURE DE FRANCE.
févérité , que cette malheureuſe victime de
la fuperftition conferva pendant les funérailles
de fon mari , les triftes adieux de
toute fa famille en pleurs, les apprêts du Bucher
, la diftribution de fes joyaux à fes parens
& amis , & au milieu des flâmes , eft
une chofe incroyable , fi elle n'étoit atteſté e
par plufieurs témoins dignes de foi , & particuliérement
par M. Dumas ,
M. Dumas , alors Gouverneur
Général dans l'Inde , qui y étoit
préfent,
Les dévotions extraordinaires , les pénitences
longues & perfévérantes , les auftérités
, qui ne peuvent être imaginées , & le
dévouement à la mort , font communs , &
pouffés plus loin dans cette Religion que
dans aucune autre de l'Univers ; mais ce ne
font que pratiques matérielles & charnelles,
qu'aucun principe métaphyfique ne dirige.
Ĉes Indiens font étonnés de notre fpiritualité
Chrétienne , qui cherche à anéantir
l'homme dans l'homme même , à déprimer
par la mortification des fens , l'efprit & le
coeur , & en les affranchiffant d'orgueil &
de concupifcence , les rendre plus fufceptibles
de la contemplation & du pur amour
de l'Etre fouverain & de la pratique des
vertus. Mais furtout ils ne conçoivent pas
notre fyftême Evangelique d'humilité & du
pardon des injures.
On
AVRIL. 1744. 661
On trouve parmi les Indiens des veftiges
des Sciences & des Arts , attribués aux anciens
Gymnofophiftes ; ils connoiffent les fupputations
aftronomiques & calculent les
révolutions des Aftres & les Eclipfes du Soleil
& de la Lune , avec une jufteffe allés.
approchante de la précifion ; mais ce n'eſt
que par des pratiques fans théorie & fans
démonftration géométrique.
Ils ont auffi des Médecins, plus charlatans
& moins habiles que nos Médecins d'Europe
; ils fçavent un peu d'Anatomie , ils connoiffent
la vertu desDrogues & des Plantes,
& les appliquent avec affés de fuccès aux
maladies fimples & générales ; cependant ils
ne font ni Phyficiens ni Chymiftes ;ils ignorent
prefqu'entierement le méchanifme du
corps humain ; leur Pharmacie eft purement
galénique & bornée à un petit nombre
de formules , & leur Chirurgie fe réduit
à quelques opérations triviales & de peu de
conféquence.Dans les maladies compliquées
ils font incapables , non-feulement de les
guérir, mais même de faire un raifonnement
vrai-femblable fur leurs cauſes , leurs effets
& leur cure.
Ils ont des Poëfies myftérieufes & Enigmatiques
, dont il font grand cas ; les Topayes
, a qui j'en ai demandé l'explication ,
m'ont dit qu'elles étoient entendues de peu
B iij de
662 MERCURE DE FRANCE.
>
de perfonnes , & que la Traduction ne pouvoit
les rendre bien intelligibles , parce
que tous leurs fens , leur fineſſe & leur fel
confiftent dans les équivoques du Langage,
dans des métaphores relatives aux moeurs
aux ufages des gens du Pays , ou à des faits
de leurs Hiftoires & de leur Théologie,dont
il faudroit avoir une connoiffance parfaite
pour en faire l'application & en développer
la penſée.
J'ai vû quelques Sçavans en France , qui
prétendent que toutes les Sciences dérivent
des Indes ; qu'elles ont paffé d'un côté à la
Chine & de l'autre en Perfe , en Arabie , en
Ethiopie & en Egypte , de-là en Grece , d'où
elles fe font répandues en Italie & dans le
refte de l'Europe ; cette opinion n'eſt pas
deftituée de preuves, qui ont au moins bien
de la vraisemblance , fi elles ne font pas abfolument
convaincantes.
J'ai entre les mains une Differtation fort
ingénieufe d'un Académicien , fur le Jeu des
Echets , qui en attribue l'invention aux
Indiens , & j'ai vû effectivement un grand
nombre de Brames & de Nairs ou Gentilshommes
du Pays , qui fçavoient ce Jeu &
qui l'affirmoient originaire de leur Pays , fuivant
leurs Hiftoires & leurs Faftes, dont les
époques fabuleufes remontent dans les tems
bien au- delà de celles de nos Hiftoriens Sacrés
& Profanes. S'il
AVRIL. 1744. 663
S'il eft vrai que les Sciences ayent pris
naiffance dans cette partie du Monde , il ne
l'eft pas moins qu'elles y font très-abatardies;
mais les Arts s'y font bien mieux confervés;
il y a même plus de probabilité de leurs
progrès que de leur décadence. On voit en
plufieurs endroits de l'Inde , des Pagodes ,
qui font des prodiges d'Architecture pour
leur immenfité , leur élevation , leur diftribution
, l'énormité furprenante des pierres ,
la façon inconcevable dont elles ont été
pofées dans le haut de ces grands Edifices
la fingularité de leur coupe & de leur ſculp
ture & la folidité de leur conſtruction .
3
Les premiers Navigateurs Européens, qui
ont pénetré dans les Indes , y ont trouvé les
Manufactures de Coton établies de tems immémorial,
à peu près dans la même perfection
que nous les voyons aujourd'hui pour
la fabrique & la fineffe des Toiles & des
Mouffelines , & pour le fecret des bonnes
teintures.
Les autres Arts méchaniques , auffi anciens
que les Manufactures , n'y font pas dans une
moindre perfection .
Mais ce qui fait plus particulierement notre
étonnement , c'eft la fimplicité & le petit
nombre des Outils dont les Ouvriers fe
fervent.
Un Forgeron François croira-t'il qu'un
B iiij Mala664
MERCURE DE FRANCE.
Malabar de même profeffion , avec un jeune
garçon , porte d'Aldées en Aldées ( ce
font les Villages ) tout ce qui lui eſt néceffaire
pour forger , fon enclume , fon marteau
, fon foufflet & les menus uſtanciles ,
& qu'il établit fa forge à platte terre en
une heure de tems ?
Pourra-t'on perfuader à un Cordonnier
& à un Tanneur de Paris , qu'un Malabar
écorchera un Cabry en leur préfence & leur
rapportera dans les 24 heures des Souliers
de la peau de cet animal ? Ce font cependant
des faits conftans.
Pour dernier exemple de l'induftrie de ces
Peuples , je ferai mention de la fabrique des
Monnoyes. On fçait corabien cette opération
eft compofée en France ; les Indiens
y procedent bien differemment. La fonte ,
les effais , l'affinage , l'alliage , l'ajuftage &
la marque , fe font par des moyens fi fimples
, fi faciles , fi abrégés , avec fi peu de
monde , à fi peu de frais , & cependant avec
tant de préciſion , que nos Monnoyeurs Européens
ne pourroient fe le perfuader ſur la
foi de qui que ce foit.
C'eft fur des Mémoires fidéles , fournis
par ceux qui ont voyagé dans l'Inde , qu'on
a fait à Paris des Vernis auffi beaux que la
plus précieufe & la plus ancienne Laque
du Japon , & qu'on a fait en Saxe des Porcelaine's
AVRIL. 1744 . 665
celaines auffi fines , d'un auffi bel émail
d'un plus beau modéle , d'une forme plus
élegante & infiniment mieux peinte, que ce
qui nous vient de plus rare en ce genre de
Kanton & de Meaco , & que l'on a fait à
Chantilly des Chittes ou Toiles peintes ,
plus fines , de meilleur goût & de couleur
auffi éclatante que celles de Mazulipatan.
Les Malabars font plus ignorans , moins
induftrieux & moins laborieux que les Indiens
de la Côte de Coromandel ; quoiqu'ils
ne foient qu'un même Peuple & qu'ils
n'ayent qu'une même origine & une même
Religion , les révolutions , les diverfes dominations
, fous lefquelles ils ont paffé , &
la conftitution differente du Gouvernement,
ont mis une difference remarquable entre
eux .
Lorſque le célebre Aurengzeb eut fait la
conquête du Decan , des Royaumes de Golconde,
de Vizapour & de Carnatte, & qu'il
eut chaffé au- delà desMontagnes les Princes
& les Seigneurs Marates , & les foibles débris
de leur armée,échappés à fes armes victorieufes
, il ne refta dans ces Pays conquis
que quelques Brames & la populace.
Aurengzeb & fes fucceffeurs ont concedé
epuis , fous condition d'un tribut annuel ,
des Seigneurs Maures , Mahometans comme
eux , avec le titre de Nababes , les diver-
B v fes
666 MERCURE DE FRANCE.
fes Provinces de ces Royaumes , dont ils fe
font réfervé la fouveraineté . Ces Nababes >
foit pour fe maintenir dans l'indépendance
contre les Empereurs Mogols , leurs Souverains
foit pour contenir les Peuples fur
lefquels ils avoient acquis une domination
ufurpée , foir pour foutenir les guerres fréquentes
que la jaloufie & l'ambition allument
entre eux , foit auffi par un air de
grandeur , de fomptuofité & d'oftentation
qui eft dans leurgénie, ont toujours fur pied
autant de troupes qu'ils en peuvent entretenir
, & levent pour cet effet de groffes
contributions dans les Pays de leur obéiffance.
Les Indiens de la Côte de Coromandel
dans cet état de dépendance & d'oppreffion
fous une Puiffance étrangere , qui les avoir
dépouillés de la proprieté de leurs Terres ,
n'ont point eu d'autre reffource,pour fe procurer
le néceffaire & les aifances de la vie
que dans les Arts les plus méchaniques &
PAgriculture.
Leurs Brames , à qui l'éducation donnoit
plus de connoiffances & de talens qu'aux
Peuples , n'ayant plus de part au miniftére
& aux affaires publiques , comme fous le
Regne de leurs Princes , fe font adonnés au
Commerce , que le luxe & la magnificence
des Maures , & les Etabliffemens Européen
Lu
AVRIL. 1744. 667
fur la Côte, ont rendu très-floriffant & trèslucratif.
La fervitude& les occupations mercenaires
ont amolli & abbâtardi les Naturels de cette
partie de l'Inde ; ils font timides , rampans,
lâches, & ennemis du trouble & des armes ;
mais ces mêmes occupations les ont rendus
laborieux , induſtrieux, & le commerce avec
les Européens les a enrichis des biens de la
fortune & de quantité de connoiffances utiles
dans les Arts & dans les Sciences. Ceux
qui habitent les Villes ,portent la toque , les
mouftaches & l'habillement,à peu près femblable
à celui des Maures , dont ils imitent
affés les maniéres , les moeurs & le luxe ,
proportion de leurs moyens & de leur opulence.
La Côte Malabare préfente un fpectacle
bien different. Les Naturels des Royaumes
qui partagent ce Pays , ont toujours été
gouvernés par des Princes de leur Nation.
Les Nairs , qui après les Brames & les Seigneurs
, font la plus haute Cafte & la plus
nombreufe , font tous profeffion des armes
& fe piquent de nobleffe & de bravoure.
Un Nair nud , à la réferve d'une paigne
autour des reins , qui lui defcend jufqu'aux
genoüils, fes longs cheveux tortillés & noués
fur le haut de la rète en forme d'un bourrelet,
qu'ils nomment Condé , le fabre à la main
droite,& la rondelle au bras gauche,paffe fa
B vj
vie
668 MERCURE DE FRANCE.
vie entiére dans cet état, & fe fait un point
d'honneur de cette oifiveté , & ſa fainéantiſe
va juſqu'à ſe refufer à lui-même , pour
ainfi-dire , le fecours de fes mains , dans les
actions ordinaires de la vie , parce que la
moindre oeuvre fervile le feroit déroger &
déchoüer de fa Cafte . Ces Nairs , lorſqu'ils
vont en guerre , portent des fufils à méche ,
longs de cinq pieds , de petit calibre , qui
au lieu de croffe , n'ont qu'une poignée
recourbée & qu'ils ajuftent à un bout de
bras , ce qui fait que les coups en font mal
affurés ; mais la plupart ont actuellement des
fufils Européens ; leur arme blanche eſt le
fabre ou une ferpe , dont l'extrême pefanteur
rend les coups mortels ; ils ne peuvent
s'en fervir que de fort près.
Leurs armes deffenfives font des Boucliers
de bois , couverts de cuir , ronds , concaves
en dedans & fe terminans en cône en-dehors
, ce qui les rend forts , quoique légers ;
ils fçavent s'en fervir avec affés d'adreffe ,
pour détourner la balle d'un fufil , en leur
donnant un efpece de frémiffement par une
agitation continuelle du poignet ; leur façon
de s'allonger le corps & de ſe mettre
prefqu'entierement à l'abri de ce Bouclier ,
leur infpire de la hardieffe , & il ne leur
manque qu'un peu de régle & de difcipline
pour en faire de bons Soldats. On jugera
aifément
AVRIL. 1744. 669
aifément qu'il n'en regne aucune parmi eux,
car 1 ° , ils ne portent jamais , que pour un
ou deux jours , de vivres & de munitions ,
& afin de pourvoir à leur défenfe & fubfiftance
, ils ont toujours des détachemens en
marche , de forte que le quart de leurs troupes
fe trouve fucceffivement & perpétuellement
détourné. 2 ° . Dans le combat , chacun
avance ou recule , fuivant fon plus ou moins
de bravoure ; ils voltigent ordinairement de
brouffaille en brouffaille , faifant le coup de
fufil , ainfi ils ne font pas à craindre pour un
corps en rafe campagne , mais la difpofition
de leur terrein , qui n'eft que montagnes ,
leur agilité & leur façon de combattre , leur
donneroit un grand avantage fur les Etrangers
, s'ils en fçavoient profiter , & s'ils
étoient affés fermes, pour faire regner parmi
leurs troupes le bon ordre , au lieu de la
confufion.
Prefque toutes leurs Montagnes ou Mondrins,
font fortifiées de quarrés de terre de
15 à 18 pieds de hauteur , revêtus & bordés
de paliffades , & comme les plaines & vallées
appartiennent à differens Particuliers,
qui font toujours , en difcuffion , à peine un
homme poffede-t'il un arpent de terre , que
pour le mettre en fûreté contre fes voifins ,
fon premier foin eft de creuſer des foflés de
15 à 18 pieds de profondeur autour de fon
domaine
670 MERCURE DE FRANCE.
domaine , qui fervent de chemin , & dont
le haut , entouré de hayes de Bambons mâles,
( bois femblable au Jet ) dont les touffes font
ferrées, qu'un chat n'y pourroit pas paffer,
fi ce n'eft par une petite porte où ils montent
par un pied d'arbre entaillé , & lorfqu'on
les accule dans ces retranchemens &
qu'on les y force, ils combattent jufqu'au dernier
moment avec tant de réfolution , qu'à
quelque extremité qu'ils puiffent être, ils ne
demandent jamais quartier. Une conſtance fi
opiniâtre rend la guerre meurtriere & trèsdifficile
pour des Européens , qui veulent
pénetrer dans les terres ; ils courent un rifque
évident , ils s'engagent dans le labyrinthe
de tous ces petits chemins , qui font des
coupe-gorge,ou fi l'on veut entreprendre
de les élargir , c'eft un travail auffi long
que pénible pour des gens déja fatigués des
grandes chaleurs.
vrais
Pour revenir aux Nairs , la guerre fréquente
entre les Rois Malabars , les fait fubfifter
affés frugalement de ce qu'ils reçoivent
des Princes qu'ils fervent & du revenu de
quelques Palmars , qu'ils afferment aux Tives
, Calte inferieure , qui leur eft extrêmement
fubordonnée.
Les Tives cultivent les Cocotiers , en tirent
le Caire pour faire des cordages , les
olles ou feuilles , pour les couvertures des
maiſons.
AVRIL. 1744- 671
maifons. Les Malabars fe fervent auffi de
ces feuilles pour écrire , & c'eft de là qu'une
lettre s'appelle une olle ; ils tirent auffi du
Cocotier une liqueur qu'ils nomment Calou,
efpéce de lait qu'ils laiffent fermenter , qui
devient piquant & aigre , doux , & qui
enyvre. Tous ces Pays ne font qu'une Forêt
de Cocotiers , & il eft difficile de croire la
variété des ufages & le produit du Commerce
des chofes qu'on tire de cet arbre ; ils
cultivent auffi le Poivrier & les autres productions.
Ils font travailler à la terre par les Poulias ,
Cafte très-baffe , fi vile & fi extraordinairement
méprifée , qu'un Nair eft en droit
de couper la tête à un Poulias qui paffe audevant
de lui , ce qui affujettit ces pauvres
miférables à crier continuellement dans les
chemins , afin que ceux qui viennent à leur
rencontre prennent le deffus du vent , où les
avertiffent de leurs approches par un cri réciproque
, pour , pour leur donner le tems de fe
mettre hors du chemin.
Les Maures qui fe font établis fur cette
Côte depuis long-tems , & qui s'y font beaucoup
multipliés , y font une figure bien differente
de ceux de la Côte de Coromandel ;
ils font ou Marchands ou Artifans , & tous:
fujets des Rois Malabares ; ils vont la plûpart
nuds , comme la Nation dominante
chés
?
672 MERCURE DE FRANCE.
chés laquelle ils fe font naturalifés , & en
ont auffi adopté les Moeurs , les Coûtumes
& le Langage ; il eft aifé cependant de les
diftinguer par la barbe qu'ils faiffent croître ,
par leurs cheveux courts , & par une petite
calote ronde qu'ils portent fur la tête .
On voit dans ces deux Tableaux contraftés
, une espèce d'échange , de génie , de
caractere & de temperamment , entre les
Indiens & les Maures , de l'une & l'autre
partie de la prefqu'Ifle de l'Inde ; on les voit
dans une oppofition finguliére de Moeurs ,
d'ufages , d'inclinations , de profeffions &
d'occupations, chacun réciproquement avec
fa propre Nation aux deux côtés de l'Eft &
de l'Oüeft d'un même continent , féparés
feulement par une chaîne de Montagnes ,
qui n'empêchent point que la communication
& la correfpondance mutuelle ne foit
très - aifée , très rapprochée & très - fréquente.
Il faut excepter de ces obfervations générales
, le Royaume de Travancour , dont le
Roi , fans égard pour l'ancienneté des Coû
tumes qu'il a trouvé établies dans fon Pays ,
choifit parmi les ufages des differentes Nations,
ce qui lui paroît meilleur & le fait adopter
par fes fujets ; la nudité prefque univerfelle
dans le Malabar , en eft un exemple ; ce
Prince l'a réformée ; il porte des habits ; les
Grands
AVRIL. 1744. 673
Grands & ceux qui l'approchent, s'habillent,
à fon imitation , & il a vétu uniformement
fes foldats à l'Européenne , d'un caleçon ,
d'une camifole & d'un grand bonnet en pain
de fucre d'une toile du Pays , rayée bleu &
blanc . Nous en vîmes 25 ou 30 , quelques
heures avant notre départ d'Ainjaingue
faire l'exercice à l'Allemande , marquer les
tems avec préciſion , & brufquer les mouvemens
avec une fierté admirable dans des
gens auffi nouveaux dans cet Art.
A M.
EPITRE ,
>
Mde D. S. A. qui chargés d'envoyer
à l'Auteur quelques Bouteilles de Ratafia
de Leprince , fameux Diftillateur , en'
vuiderent une , & infinuerent dans la Bouteille
deux charmantes lettres avec cette
étiquette : Ratafia de paroles , pour M. &c.
>
P Enfif &coi comme un Stylite ,
J'étois dans ma fombre Guérite ,
Entre la Bruyère , Arrouët ,
Rolin , Renel , & le tendre Greffet ,
Quand tout à coup du fouci qui m'obféde
Dans les mains portant le reméde ,
Miniftre d'un coeur généreux ,
1
A
674 MERCURE DE FRANCE.
A mes yeux s'offre un Ganymede.
Parés d'un Titre glorieux
Maints Vafes vont verfer le Nectar falutaire
Mais , qu'apperçois- je ? Juftes Dieux !
D'un Elixir encor plus précieux
Il en eft un dépofitaire .
J'ouvre , je lis ; Ciel ! quels effets heureux
Produit , dis- je d'abord , cette liqueur divine !
Urbanité, fel , tours harmonieux ,
Saillie , élégance badine ;
Vit- on jamais éclore rien de mieux
D'Anacréon , & de Corine
C'à de ce jus délicieux
E tôt & largement humectons la poitrine ;
Puiffe le mortel gracieux ,
Dont la bonté me le deſtine ,
Voir remplir fes plus tendres voeux,
Vivre fain , fortuné , joyeux ,
Jufques à l'inftant qui confine
A la deftruction de la ronde machine !
Serviteur au Dieu radieux ,
A l'Eau de fa docte Colline ;
Le Prince déformis , ce digne Enfant des Cieux ,
Sera l'objet de mes lyriques feux ,
Et la fource de ma Doctrine.
A l'inftant maints coups redoublés
Suivent cet amoureux langage ;
Reines du Pinde , à moi , courage ;
De
AVRIL. 679
1744.
De tous ces verres avalés
Faites-moi tirer avantage.
Vainement dans leur fein je cherche des tranfports
,
Vos Miffives , dans mes remords ,
Me font voir que ce n'eft la faute du breuvage ,
Mais bien la faute des refforts.
Tel qu'il eft cependant , ce remerciment tendre,
Agréez- le , couple charmant ,
Sans compter rigoureufement
Le tems qu'il a fallu l'attendre .
Dans le Code des amis vrais ,
Dont à des coeurs auffi bien faits
Les Loix furent toujours cheres ,
J'ai lu jadis quelque part ,
Que remercimens finceres
Ne vinrent jamais trop tard.
P. S.
Surcroît de bien , en quatre mots ,
Veut furcroît de reconnoiffance ;
Cent grands-mercis des chapons gras & gros
Dont vous avez bourré ma panſe ;
Jamais Grecourt & fon ami Brunet
N'en virent de pareils fortir de leur crochet.
Auffi , mille fois ma tendreffe
A fait pour vous ce voeu du tems ;
Puiffe de nos jours la Maîtreffe
676 MERCURE DE FRANCE.
Clotho , pour ces coeurs bien -faifans
Sans fe laffer filer fans ceffe ;
Que pour eux Lachéfis prenne fon fufeau d'or
Qu'elle égale leurs jours à ceux que vit Neſtor ,
Comme tous deux ils en ont la fageſſe.
Par M. le Chevalier de Franville.
A Ville-Franche en Beaujolois , le 18 Janvier
1744 • .
SUITE de la lettre , au fujet de la Topographie
des Breviaires.
Ja
E perdrois le tems , M. fi je m'étendois
à faire voir qu'un Ecrivain n'eft pas excufable
de vouloir perfifter dans ce qu'il a
avancé fur certains Lieux d'Affemblées , de
Conciles ,
, par la raifon précisément que
d'autres Auteurs ont dit la même choſe
avant lui , & de ne vouloir pas prendre la
peine de s'inftruire dans les Livres qui ont
été compofés depuis ces Auteurs , furtout
lorfqu'on lui fait l'amitié de les lui indiquer.
Ainfi je paffe légerement fur Concilium
Vernenfe & fur Concilium Epaonenſe. Il faut
efperer que l'Anonyme , s'il eft encore vivant
,
AVRIL. 1744. 677
vant , produira les raifons qu'il a de redreffer
M. Baillet au fujet de la Tranflation de
S. Verain ; car je crois qu'il eft fort au fait
de ce qui regarde le Nivernois ,
Pour moi , qui ne me vante point de connoître
parfaitement cette Province , je n'ai
rien à dire là-deffus ; mais fans la connoître
à fond , j'ai fait réfléxion à un moyen immanquable
, de fçavoir fi le Village de Bouy
cft renfermé dans la Bourgogne , comme le
prétend M. Binet , ou s'il doit en être exclus
comme le foutient l'Anonyme , qui a écrit
contre lui ; c'eft que M. Binet ait la bonté
d'indiquer l'Election de Bourgogne , dont
eft ce Village . S'il ne peut pas l'indiquer ,
il faut qu'il paffe condamnation fur cet article
, comme il a fait fur Sancy , fur la Carentonne
& fur le Mont Faune , Je vois bien
ce qui l'a induit en erreur, Bouy eft une
Paroiffe du Diocèfe d'Auxerre ; c'est le Lieu
où S. Peregrin , premier Evêque de cette
Ville , a fouffert le Martyre ; or Auxerre eft
une Ville de Bourgogne , cela eft hors de
doute ; donc , a- t'il conclu , Bouy eft auffi
de la Bourgogne. Mais il ne fait pas attention
qu'il n'y a qu'un très -petit nombre de
Paroiffes du Diocèfe d'Auxerre , qui avec la
Capitale foient de la Bourgogne ; le refte
eft de la Province de Nivernois , ou du
Gouvernement Orleannois , ou même de la
Géné678
MERCURE DE FRANCE.
Généralité de Paris. Comme Bouy eſt à dix
lieues d'Auxerre , fur la route de Nevers ou
de Bourgogne , il me paroît décidé qu'il
n'eft pas & qu'il n'a jamais été de Bourgogne.
On m'a dit qu'il eft de l'Election de
Gien , ce qui le déclareroit de la Généralité
d'Orleans. Il fera toujours bon que M. Binet
s'abftienne de confondre le territoire
des Diocèfes avec celui des Provinces , fans
quoi fon Livre feroit plus nuifible qu'utile .
A l'égard du Lieu du Poitou , que M. Binet
croit avoir eu nom Vocladum en Latin ,
qui a dû être fitué fur la riviére de Clain ,
je ne vois pas furquoi il fe fonde pour l'appeller
en François Vouillé , puifque des deux
Vouillés , qui font dans le Poitou , l'un eſt
à trois lienës du Clain , l'autre à plus de
douze. D'ailleurs , ni l'un ni l'autre de ces
deux Vouillés n'ont été appellés Voulon ;
c'est donc Voulon , fitué au midi de Vivonne
, qu'il a en vûë ; en ce cas là il a encore
tort de l'appeller Vouillé , comme il perfifte
dans fa réponſe à l'Anonyme , puifqu'il n'a
jamais été appellé Vouillé , mais feulement
Alonne , ainfi que l'appelle la Carte du Diocèfe
de Poitiers , ou Voulon la Boulaye ,
comme le défigne la Carte du Poitou par
Jaillot. L'exactitude dont M. Binet a dû
faire profeffion , doit l'empêcher d'ufer , à
l'égard des noms de Lieux , d'alternatives ,
dont
AVRIL. 1744. • 679
dont on ne fe fert pas dans les Pays dont il
parle.
>
Il faut dire encore là-deffus que M. Binet
porte trop de refpect aux fautes du Bréviaire.
Dès qu'il avoit été averti par l'Anonyme
, que Salices n'eſt pas le nom Latin de
Seaux ou Sceaux proche Paris , où eft le
culte de S. Mammès , il auroit dû écrire au
Curé du Lieu , ou s'y tranfporter , & il auroit
appris que Salices eft Saulx , au- delà de
Long- jumeau,Terre appartenante aux Chartreux
de Paris ; comme il ne lui paroît pas
qu'on ait pu écrire primitivement Seaux
dérivé du Latin Cella , il imagine dans fa
réplique à l'Anonyme , une autre étymologie
, & il penfe que le mot de Sceaux feroit
mieux formé du mot Sigilla , qui fignifie
des Sceaux véritablement , mais quel rapport
voudroit- il , qu'il y eut entre un Lieu
& des Sceaux , en tant qu'ils fignifient des
cachets , pour pouvoir propofer raifonnablement
une telle étymologie ? Apparemment
que felon lui , ceux qui appellent le
Village de Huiffons , en Latin Villa Cereris ,
font auffi dans l'erreur ; il dira que ces deux
mots Villa cereris , ne défignent rien d'approchant
de Huiffous , & que ce nom fera
mieux formé de Octo affes , que cela s'entend
& que cela est tout naturel.
Au refte , quoique je ne me fois étendu
ici
680 MERCURE DE FRANCE .
ici que fur les articles où M. Binet perfifte à
foutenir qu'il a été exact , je ne prétends
pas que dans tout le refte de fon Livre , il
n'y ait rien à redire ; je n'ai vû ce Livre
qu'en paffant , & je n'ai pas affés de loifir
pour en examiner les articles l'un après
Ï'autre .
En général , il m'a paru marquer fouvent
peu exactement les diftances qu'il y a d'un
Lieu à un autre. Je ne parle pas de Montmartre
, qu'il dit n'être qu'à demie lieuë de
Paris , parce que , felon fa maniere particuliere
de compter , il ne prend la diſtance
que de la porte S. Denis , ou de l'endroit
où étoit à Paris la porte dite de Montmartre.
Mais
par exemple , comment lui paffer
pag. 83 , qu'il n'y a que 4 lieuës de S. Flour
au Puy en Vellay ; qu'il n'y a que vingt
lieues de Paris à Troyes , comme il dit pag.
323 ? Sa fupputation eft moins mauvaiſe p .
295 , lorfque plaçant Provins entre Paris
& Troyes , il le met à 14 lieues de la premiere
Ville , & à treize de la dernière ,
quoiqu'en cela il y ait encore de l'inexactitude
, puifque tout le monde compte dixhuit
lieues de Paris à Provins. En parcourant
ce qu'il a écrit fur quelques Villages
voiſins de Paris , j'ai remarqué p . 465 , qu'il
dit que Villers-le- Bel n'eft qu'à une lieuë de
Louvre ; toutes les Cartes en marquent
deux .
AVRIL. 1744. 681
deux. Lorfqu'il parle de l'Ile-Adam , p.
405 , il déclare qu'il eft éloigné de Pontoife ,
d'environ une lieuë ; les bonnes Cartes marquent
deux grandes lieuës, En fuivant la riviére
d'Oife , voyons ce qu'il dit fur Creil ;
pag. 388 , il le marque fimplement à trois
quarts de lieuë de Pont Sainte Maxence ; il
a voulu dire 2 lieuës . Pouffons un peu plus
loin du côté de Rouen ; il fait mention de
S. Clair fur Epte , où l'on conferve les Reliques
de S. Clair, Martyr , & il dit pag. 383,
que cette Paroiffe eft fituée à demie lieuë
au - deffus de Gournay ; voilà deux fautes
, puifque fi c'eft le cours de la riviére
d'Epte qui le détermine pour le deffus & le
deffous , S. Clair eft au-deffous & non audeffus
de Gournay , & la diftance de ces
deux Lieux n'eft pas d'une demie lieuë feulement
, mais de cinq ou fix lieuës . Il n'eſt
pas étonnant après cela de le voir dire pag.
417 , que l'Abbaye de Marmoutier eft à
une lieuë de Tours ; il ne fe trompe que
des trois du chemin ; ni à la p. 439 ,
quarts
que l'Abbaye de Pontlevoy eft à fix lieuës de
Blois ; il ne fe trompe que de la moitié :
voici une autre faute , qui peut-être n'eft
que de fon Imprimeur , à la pag. 314 ,
qu'il dit que la Ville de Sully, fur Loire , eft
8 lieues au-deffous d'Orleans ; on a voulu
dire au-deffus. Peut-être auffi eft-ce l'Imlorf-
C pri682
MERCURE DE FRANCE.
primeur qui a confondu deux autres Lieux
differens , auffi fitués fur la Loire dans le
Diocèle de Blois ; je fçavois bien que Mers
fait partie du Marquifat de Menars , mais
j'ignorois que Mers fut Menars même , ainſi
que M. Binet l'infinue pag . 426. Cependant
il y a une lieuë & demie de diftance de Mers
à Menars ; les Villages ou Bourgs de Suévre
& de Cours fe trouvent entre les deux,
fuivante 427 ,
page 427 , l'Auteur affûre
pofitivement que Montfaucon , où fut fondé
un Monaftere au VIIe fiécle par S. Balderic
ou Bandry , eft fitué au Diocèfe de Verdun ;
cependant il est très-certain , par la Defcription
du Diocèfe de Reims , que Montfaucon
y eft compris dans le Doyenné de
Dieu , tant la Paroiffe de S. Laurent de
Montfaucon , que la Collegiale de S. Germain
qui a fuccedé à l'Abbaye.
Dans la
M. Binet auroit fans doute fouhaité donner
une pofition claire & évidente aux Lieux
de la Normandie, qu'on appelle Algia, Oximenfis
Pagus , Uticum. Il en parle aux pages
184,435 , 460. Mais ce qu'il en dit,paroît
conduire à confondre tous ces Lieux. Si ces
noms Latins fe donnoient autrefois indifféremment
, les noms François indiquent aujourd'hui
des Cantons ou Contrées qui font
limités. J'aurois fouhaité qu'il eut jetté les
yeux fur la Carte de Normandie du fieur de
Lifle
AVRIL. 1744. 683
Lifle de 1716 , & cela n'auroit pas peu contribué
à le mettre au fait du Pays d'Auge
qu'il auroit vû être bien different de celui
d'Ouche ; par là il fe feroit abftenu , furtout
par rapport à celui d'Ouche , de la défignation
qu'il en fait en ces termes : Pays en
la Baffe Normandie entre la Mer & Séez :
car il femble que cela fignifie que l'Auge &
l'Ouche s'étendent jufqu'à la Mer , quoiqu'il
foit notoire que le Pays Lieuvin les
barre tous les deux du côté du Nord..
Avant d'en venir aux Remarques
que
Hiftoriques , je dirai un petit mot fur quelques
riviéres , à l'occafion defquelles il n'y
auroit point de mal que M. Binet fe fut exprimé
plus exactement ; faifant à la pag.
412 , la defcription du cours de la riviére
de Loid qu'on écrit Loir , il dit qu'elle coule
dans le Perche , le Blaifois , le Vendômois
& l'Anjou. Ne feroit-il pas plus vrai
de dire qu'elle paffe dans le Perche , la Beauſfe
, le Dunois , le Vendômois , le Maine &
l'Anjou ? Il eft certain qu'elle n'entre point
dans le Blaifois, mais elle traverſe quelques
parties des autres Pays. En parlant de la.
Ville d'Etampes , il dit qu'elle eft fituée fur
une riviére , appellée la Juine ou l'Yonne.
Pourquoi donner ainfi occafion à diftinguer
deux rivieres d'Yonne Jufqu'ici on n'a
connu que la riviére d'Yonne, qui vient de
Cij la
684 MERCURE DE FRANCE .
la Bourgogne & qui fe jette dans la Seine à
Montereau. Enfin , je ne fçais fi c'est que je
demande trop , & que je fuis trop fcrupuleux
; je ne fçaurois approuver le langage
dont notre Auteur fe fert pour marquer
l'endroit où l'Oife fe jette dans la Seine.
L'Oife , dit-il , pag . 246 , fe décharge dans
la Seine , entre Pontoife Poiffy. Si je ne ſçavois
pas ou Pontoife eft fitué , cette expreffion
me feroit croire qu'il eft placé fur le
bord de la Seine au rivage droit.
Quant à l'Historique du Livre de M. Binet
, j'ai paffé deffus fort légerement ; je me
fuis cependant apperçu encore qu'il n'eſt
pas fi véritable que cet Auteur le protefte ,
qu'il n'ait rien ajouté aux Légendes des Bréviaires.
De ce qu'il a lû dans le Bréviaire de
Paris , par exemple , que le corps de S. Thibaud
y fut dépofé, quand on le rapporta d'Italie
, il en conclut qu'il y eft encore , & il
fait imprimer pag. 252 , de fon Volume , en
parlant de Lagny : On y conferve le corps de
S. Thibaud Hermite. Il n'eft pas apparemment
informé des horribles dégats que les
Calviniftes ont fait en ce Lieu . C'eft à peu
près par un effet de l'ufage où il eft de conclure
du tems paffé au tems préfent , qu'il
parle pag. 412 , de la Collégiale de S. Léonard
de Bellême au Perche , comme fi le
Château & cette Eglife fubfiftoient encore.
Page
AVRIL 1744 685
Pag. 2,9 , & dans fa Chronologie p . 64 , il
n'ole par refpect , dire que S. Landry , Evê
que de Paris , fut inhumé dans la Bafilique
de S. Germain , au rivage droit de la
Seine ; il entretient l'erreur populaire ,
gliffée dans le Bréviaire , qui fait dire que
cette Eglife a porté le nom de S. Vincent
avant celui de S. Germain , ce que Sauval &
d'autres ont démontré être faux . En parlant
de l'Eglife de Notre-Dame de Paris , à la
page 420 , il l'a dit achevée fous le Régne
de Philippe-Augufte. Qu'il prenne , s'il lui
plaît , la peine de lire l'Infcription qui s'y
voit en relief , au Portail Méridional du
côté de l'Archevêché , il apprendra qu'on
travailloit encore fortement du tems de
S. Louis. Dans fa Chronologie à l'an 1194 ,
on lit ces mots : Etabliſſement de la vénération
des Saintes Reliques du Diocèse de Paris ,
célébrée le 8 Novembre , jour de l'Octave de la
Touffaint. Une perfonne qui n'auroit jamais
vû d'anciens Bréviaires de Paris , croiroit
que cette Fête auroit , dès l'an 1194 ,été fixée
au 8 Novembre , ce qui n'eft cependant
arrivé qu'en 1736 , puifqu'auparavant on la
célébroit le 4 Décembre ; & c'eft ce qu'il
falloit dire . Je ne vois pas qu'après toutes
ces obfervations , feulement ébauchées , il
foit néceffaire d'exhorter M. Binet à rectifier
ce qu'il a dit de l'Abbaye de S. Bertin à
C iij
y
S.
686 MERCURE DE FRANCE
S.Omer,fçavoir qu'elle appartient aux Bénédictins
de la Congrégation de Cluny . Il eft
bien vrai que les Cluniciens yont mis la Réforme
, vers le commencement du x11 fiécle ,
mais elle n'a jamais été pour cela foumife à
Cluny.
,
Je fens par avance que fur la plupart des
articles que je lui propofe de nouveau
comme dignes de Réforme , il va ſe récrier ,
& dire qu'il a vû telle chofe dans la Martiniere
, telle autre dans Baudrand , celle-là
dans le Dictionnaire de Trévoux , cette autre
dans Moreri, ou dans l'Ouvrage de Dom
Beaunier , telle circonftance Historique
dans le Pere Dubois cette autre dans
quelque Géographe ; en un mot , qu'il n'a
rien dit de lui-même. Si ces excuſes ne font
pas valables , elles prouveront au moins ,
que ce n'eft pas dans le Bréviaire même
qu'il a trouvé dequoi donner des Commentaires
à cet Ouvrage , ainfi qu'il paroiffoit
l'affurer , & qu'il a été obligé de recourir à
d'autres Livres & à des Cartes Géographi
ques , fouvent infidelles , ce qui a donné occafion
d'écrire , pour réfuter les méprifes
des fources où il a puifé.
Je fuis , Mr , & c.
A Saint Martin de *** , le 1 5 fanvier 1744.
POUR
AVRIL 1744. 687
POUR LE VENDREDI - SAINT.
O
STANCES fur la Ste Croix.
Croix ! figne nouveau de la fainte Alliance ,
Qui nous promets un heureux fort ,
Croix , Arche du falut , dans notre défaillance ,
Quand nous allons périr , tu nous conduits au Port.
Tu défarmes la main du vengeur redoutable ,
Du Juge irrité contre nous ;
Tu fçais lui préparer un regard favorable ,
Et dès que tu parois , il n'a plus de courroux.
Si du ferpent d'Enfer la fatale morfure
Porte dans nos coeurs fon poiſon ,
Nous n'avons qu'à le voir , & de notre bleffure
Nous trouvons auffi- tôt l'heureuſe guérifon.
Sur cet Autel facré la divine Victime
S'immole à la Divinité ;
Sur ce fiége le Fils , notre Avocat fublime ,
Appaiſe le courroux de fon Pere irrité.
O Croix ! ô fainte Croix ! des Fidéles chérie ,
Croix teinte du Sang du Sauveur ,
Ciiij
Fais
688 MERCURE DE FRANCE.
Fais qu'en trouvant dans toi la fource de la vie ,
Nous trouvions dans ce Sang la fource du bonheur !
D'un Dieu mourant pour nous confidente diſcrette ,
Apprens nous les vives douleurs ;
O Croix , raconte - nous de fa peine ſecrette
Les accens , les friffons , les foupirs , les langueurs,
Il attend le trépas ; dans cette trifte attente ,
Privé de tous fecours humains ,
En repofant fur toi fa tête languiffante ,
On le voit attaché par les pieds , par les mains.
Sur le point d'expirer , JESUS à l'Agonie ,
Pour accomplir tous les défirs ,
Dépofant dans ton fein une fi belle vie ,
Te donne & fon eſprit & fes derniers ſoupirs.
C'eſt en toi que ce Dieu nous enfante la grace ;
Il montre par toi fon amour ;
C'est par toi qu'il confond la criminelle audace ,
Et tu lui ferviras de Tribunal un jour.
D.D. Avocat du Forêt.
REAVRIL.
1744. 689
REPONSE à une Lettre écrite d'Avignon ,
inferée dans le premier Volume du Mercure
de Decembre 1743 , fur la Question propofee
dans celui du mois de fuin de la même année.
JA
'Avois réfolu , Monfieur , de garder le
filence fur la Queſtion dont il s'agit
perfuadé que la décifion n'en appartenoit
qu'aux Dames , mais puifque vous ne leur
en attribuez le jugement qu'après l'avoir
décidée , permettez -moi de vous propofer
mon fentiment fur cette Queftion.
Il faut fuppofer Celimene ornée des principales
qualités du corps & de l'efprit ; je
vois que la Nature l'a foumife aux loix de
l'Amour , qu'elle cherche à s'engager , mais
qu'elle fçait modérer fes defirs , & qu'elle
ne foupire qu'après un objet digne de fa
tendreffe. Damon & Licidas lui témoignent-
ils de l'amour ? Le fimple rapport
de fes yeux n'eft pas capable de fixer fon
coeur ; les differens agrémens du corps ne
lui fuffifent pas ; elle confulte les fentimens
, en fonde les motifs , étudie les caracteres
& leurs rapports avec le fien ;
tout eft fage dans fa conduite . Doit - elle décider
entre ces deux Bergers ? Eft - elle preffée
par eux de s'expliquer : Elle craint de ſe
C v rendre
690 MERCURE DE FRANCE.
rendre à leurs empreffemens ; fon choix eft
fait , mais peut-être n'eft -il pas digne d'elle?
elle prend du tems pour fe déterminer; telle
eft notre Bergere .
Par rapport aux Bergers , leur mérite ne
me paroît pas égal ; examinons- les au moment
critique qui doit décider de leur fort.
Damon marche au rendez -vous en vainqueur;
fier de fon mérite , il s'eft couronné
d'avance ; Celimene eft fa conquête ; Licidas
n'a pas la même confiance , il a ofé prétendre
au coeur de Celimene , mais il n'ofe
fe flater de l'obtenir , & il ne paroît devant
elle qu'avec un air humble & foumis. Les
caracteres de ces deux Bergers font donc abfolument
differens ; qu'on leur fuppofe un
mérite affés proportionné d'ailleurs , ils font
fous les yeux d'une Bergere , qui met à profit
toutes les circonstances, & qui ne laiffera
pas échapper dans fon examen la vanité de
Damon.
Enfin le fort eft jetté ; Celimene eft an
rendez- vous ; fur qui va tomber fon choix ?
Sa main eft l'interpréte de fon coeur ; elle fe
dépouille de fa couronne , & la met fur la
tête de Licidas ; il a fçû lui plaire, pourroitelle
lui refufer ce gage de fon amour ? Lui
en faut-il une preuve plus éclatante ? Elle
humilie fon Rival, lui prend fa couronne &
s'en couvre. Que Damon rougiffe du larcin
qu'elle
AVRIL. 1744. 691
qu'elle vient de lui faire ; ces fleurs qui flatoient
fa vanité , couvrent un front qui n'a
été découvert que pour couronner fon Rival
; qu'il le voye triomphant , paré d'une
couronne précieufe à Celimene ; qu'il juge
du prix de cette couronne par l'empreffement
qu'elle témoigne à la remplacer , &
s'il croit devoir encore s'applaudir , qu'il fe
vante d'avoir reçû de fa Bergere une leçon
d'humilité .
Je ne crois pas , M. qu'il foit befoin de
fe livrer à un long détail pour établir que
Licidas eft le Berger préferé; Celimene pouvoit-
elle être embarraffée fur le choix Le
caractere orgueilleux de Damon ne parloitil
pas affés en faveur de Licidas ? Mais je
veux prévenir toutes les objections , & je
fuppofe aux deux Bergers un mérite égal ,
qui les rende également chers à Celimene ;
clle arrive au rendez - vous , elle eſt déterminée
fur fon choix , elle a arrêté en ellemême
la maniere de manifefter fa réfolution
; quel eft fon premier mouvement ?
c'eft d'ôter fa couronne & d'en parer Licidas
; ne s'enfuit -il pas qu'il eft l'objet chéri ?
Celimene a-t'elle pû prévoir que Damon fe
couronneroit,pour écouter fon Arrêt ? a- t'elle
pû former le deffein de lui prendre ſa
couronne , pour lui témoigner fon amour ?
non , fans doute , puifqu'elle n'étoit pas
C vj inftruite
692 MERCURE DE FRANCE.
inftruite de ce nouveau trait de vanité; mais
elle couronne Licidas ; fon deffein étoit
donc de le favorifer ; toutes les actions
poftérieures ne peuvent être attribuées qu'à
fon caprice ou à l'occafion ; elle voit fur la
tête de Damon une couronne , l'image de
celle qu'elle vient d'abandonner , pour gage
de fon amour ; elle peut auffi- tôt defirer de
la poffeder ; l'occafion peut n'offrir à ſes
yeux Damon couronné , que comme un objet
de mépris qu'elle veut humilier ; en un
mot , cette action , de quelque côté qu'on
l'envifage , ne peut être regardée que comme
indifferente ; mais fi elle étoit capable
d'infpirer quelques foupçons à Licidas, pourroit-
il railonnablement les écouter > ne
vient-il pas de recevoir de Celimene , & fon
coeur , & les témoignages les moins fufpects
de fon amour ?
rai-
Qu'on confulte préfentement fa propre
fon, qu'on examine que l'action de donner,
tire toujours fa fource du coeur , & qu'au
contraire l'action d'ôter témoigne rarement
de l'eftime pour la perfonne qu'on dépouille ,
mais témoigne ordinairement l'envie qu'on
a de poffeder le bien dont on la prive , par
rapport au bien feul ; & qu'on rapproche
ces obfervations générales des circonftances
particulieres , on verra bien-tôt toutes les
difficultés de la Queftion s'évanouir .
DiraAVRIL.
1744. 693
}
Dira-t'on que Celimene , encore incertaine
, fe trouve au rendez -vous fans être
déterminée ? La queftion n'en fera pas plus
difficile à réfoudre , car enfin fi fon coeur
balance entre les deux Bergers , l'air audacieux
de Damon va la déterminer ; elle s'en
apperçoit, & bien-tôt elle prend fa couronne
, en couvre Licidas, & découvre Damon;
peut- elle mieux punir celui - ci , qu'en lui
enlevant une couronne qu'il croyoit avoir
méritée mais non contente de l'avoir humilié
, elle veut encore rendre complet le
triomphe de Licidas ; elle ne s'intereffe plus
pour un Berger qu'elle a crû indigne de fon
amour ; elle lui refufera jufqu'au fouvenir ;
toutes les actions fe rapporteront déformais
à Licidas ; fon coeur est tout à lui , mais eftelle
encore digne de lui ? Elle lui a donné
un ornement précieux , qui rehauffoit
être l'éclat de fa beauté; ( une Bergere peutelle
paroître trop belle aux yeux de celui
?
peutque
fon coeur a choifi ? ) Peut-être lui reftetil
quelque chofe à defirer ? elle fe couvre
de la couronne de Damon , dût-il s'en applaudir
? qu'importe ; tout doit contribuer
à la fatisfaction de Licidas; Celimene amoureufe
, fçait fe dépouiller de ce qu'elle a de
plus cher ,mais Ĉelimene ambitieuſe , ſaiſit
toutes les occafions de plaire à fon Berger .
Permettez- moi , M. encore une refléxion :
fi
694 MERCURE DE FRANCE ..
fiCélimene eût feulement pris la couronne de
Damon pour en parer Licidas , la queſtion
feroit trop fimple pour mériter une contef
tation , mais la double action ne lui ôte
rien de cette fimplicité ; Damon eft toujours
le Berger rejetté. Moins malheureux ,fi fa
couronne ne couvroit que le front de fon
Rival , au moins connoîtroit il fa mifere ;
mais plus l'abîme eft couvert , plus il eſt
dangereux ; Damon chérit une erreur qui
le flate ; il voit fa couronne fur la tête de
fa Bergere , quelle fatisfaction pour fon
coeur ! mais qu'il craigue .... fixez- là vos
regards orgueilleux , Damon ; quoi ! votre
vanité demande un examen plus exact ? eh
bien ! ouvrez les yeux ... la main qui vous
a ravi votre couronne , avoit déja couronné
Licidas. Le front qui en eft couvert , en
portoit une autre, gage précieux d'un amour
que vous n'avez pas fçû mériter ; l'ouvrage
de vos mains fert à augmenter la gloire de
votre Rival ; connoiffez votre erreur
Damon eft-il détrompé quel défefpoir !
Celimene , il faut vous rendre ;
Couronnez votre vainqueur ;
Damon vouloit vous furprendre ;
Il n'a pas fçû fe défendre ;
Prenez fa couronne & fon coeur.
Toi qui fçais nous donner des loix
Beau
AVRIL. 1744. 695
Beau Sexe ; un air foumis ne te féduit il pas è
Celimene à Damon préfere Licidas ;
Pourrois- tu faire un autre choix ?
J. B. F. GAUDIE' , de Rozelis..
A Paris ce 25 Janvier 1744.
ODE.
Sur la Mort de Mlle De. **
E- pris des attraits de Silvie ,
Dans la plus douce volupté
Je paffois les jours de la vie ,
Sans regretter ma liberté .
Ses graces , fa beauté naiffante ,
D'une paffion innocente
Nourriffoient en moi le poifon ;
Je fentois augmenter ma flâme ,
Sans que ce penchant dans mon ame
Fût combattu par la raison.
Jamais les chagrins & la peine
Ne venoient troubler mes plaifirs ;
Je ne trouvois rien dans ma chaîne ,
Qui ne fatisfît mes defirs :
Notre amour , formé dès l'enfance ,
N'avoit
696 MERCURE DE FRANCE.
N'avoit jamais vû l'innocence
Se bleffer d'aucuns de nos voeux ;
Jamais un inftant de foibleffe ,
En furprenant notre tendreffe ,
Ne nous vit rougir de nos feux .
Une jaloufe incertitude
茶
Ne troubloit point nos heureux jours ;
Une pure béatitude
Nous fuivoit dans tous les féjours.
Content d'être aimé , fûr de plaire ,
Je n'exigeois point un falaise ,
Qui pût alterer mon bonheur ,
Et ma tendreffe intimidée ,
Ecartoit loin de mon idée
L'appas d'un plaifir ſéducteur .
>
Si l'abfence livroit mon ame
Aux tendres foucis , aux tourmens ,
Que loin des objets de leur flâme
L'Amour fait fentir aux Amans ;
Ces ombres , ces legers nuages ,
N'étoient de foibles orages
que
Qui préparoient un plus beau jour .
Raffuré par notre conftance ,
Mon coeur triomphoit de l'abfence ,
Par l'efpérance du retour.
Non ;
AVRIL. 697
1744.
Non ; l'homme n'a rien qui reffemble ,
Dans les plaifirs dont il joüit ,
Aux douceurs que goûtent enſemble
Deux coeurs que l'Amour réiinit.
Auffi-tôt que l'on fe retrouve ,
Les mouvemens qu'un coeur éprouve
Sont au- deffus de tous plaifirs ;
L'ame dans ces inftans aimables ,
A des fentimens ineffables ,
Qui rempliffent tous les defirs.
Amans , votre erreur eſt extrême ,
Lorfque dans la poffeffion
Vous placez le bonheur fuprême ;
C'est l'écueil de la paſſion ,
L'Amour vous fait , pour l'ordinaire ,
Dans cet objet imaginaire
Contempler la félicité ;
Craignez cette trompeufe amorce ;
L'Amour n'a jamais plus de force
Que loin de la réalité.
****
Quand on voit l'Hymen , qui s'approche ,
Allumer fon brillant flambeau ,
L'Amour languit ; fa fin eft proche ;
L'Hymen lui creuſe ſon tombeau.
Beautés , l'Amant le plus fincere
N'eft
698 MERCURE DE FRANCE .
N'eft conftant qu'autant qu'il efpere ;
N'attend-il plus rien ? il vous fuit ;
C'eſt en vain qu'il jure & proteſte ;
S'il trouve le moment funefte ,
Sa tendreffe s'évanouit.
*3 **
Pour nous , qui d'un feu légitime
Sçavions connoître tout le prix ,
Par l'appas féduifant du crime
Nos coeurs n'étoient jamais furpris .
Et nous livrant à la tendreffe ,
Notre borne étoit la fageffe ,
Et notre guide la vertu .
Sans ceffe , quoique fans contrainte ,
Par une falutaire crainte
Notre amour étoit combattu.
炒菜
Tandis qu'en proye à tant de charmes ,
Sans foins , fans foucis , fans rivaux ,
Mes jours s'écouloient fans allarmes ,
Marqués par des plaiſirs nouveaux ;
Qui l'eût dit ? qu'un deſtin barbare ,
Par le revers le plus biſarre ,
Eût fini des momens fi doux ?
Coup terrible ! inftant déplorable !
Tu m'apprens qu'un bonheur durable
N'a jamais été fait pour nous.
Eh !
AVRIL. 699
1744.
Eh ! comment ai - je pû me feindre
Un malheur qu'annonçoient les Dieux ?
Tout fembloit me donner à craindre ,
Et fur la Terre & dans les Cieux.
Chaque jour , un nouveau préfage
Me faifoit redouter l'orage ,
Qui menaçoit des jours fi beaux ;
Et dans l'épaiffeur des tenebres ,
Mille preffentimens funebres
M'offroient l'image de mes maux.
Un jour qu'un fommeil ſalutaire
Calmoit mon agitation ,
Je crus dans un bois folitaire
Voir l'objet de ma paffion ;
Toûjours enchanté de fes graces ,
L'Amour me fait fuivre les
traces ;
J'atteins l'idole de mon coeur.
L'éclat de ſa beauté me touche ;
Sa main , que je porte à ma bouche,
Lui fait fentir ma vive ardeur.
***
La tendre & fenfible Silvie
Partageoit mes empreffemens ;
Nous n'avions jamais dans la vie
Goûté de plaifirs plus charmans.
Touchés d'une fi belle chaîne ,
Les
1
700 MERCURE DE FRANCE.
Les vents retenoient leur haleine
Les Oiseaux célebroient nos feux ;
Les Ruiffeaux joignoient leur murmure ;
Tout paroiffoit dans la Nature
Applaudir à nos coeurs heureux.
Mais tandis qu'à notre tendreffe
Nous donnons des momens fi doux ,
Le Ciel , jaloux de notre yvreſſe ,
Contre nous arme fon courroux ;
Bien- tôt fa brillante lumiere
Se dérobe à notre paupiere ;
La nuit fuccede au plus beau jour ,
Et l'horreur de fes voiles fombres
Nous fait voir le féjour des Ombres
Dans un Lieu formé pour l'Amour.
****
Cependant le Tonnerre gronde ,
Et roule à grand bruit dans les Airs ;
Les Nuages s'ouvrent , & l'Onde
Brille du feu de mille Eclairs .
Tout tremble ; on diroit que la Foudre
Se prépare à réduire en poudre
Tout ce que fa fureur pourſuit ,
Et que les Elémens en guerre
Sont prêts à replonger la Terre
Au fond de l'éternelle nuit ,
Pendant
AVRIL .
701 1744
Pendant ce défordre funeſte
Que fufcitoit un fort jaloux ,
Je veille au feul bien qui me refte
Je veux le fouftraire à fes coups .
Mais tandis que je me prépare
A fauver d'un deftin barbare
Ce cher objet de ma douleur ,
La Foudre tombe fur Silvie ,
Et ce coup qui finit ſa vie ,
M'éveille au comble du malheur.
Dans le trouble affreux qui me preffe ,
Le jour me frappe en vain les yeux ;
Mon coeur ferré par la trifteffe ,
Déplore la rigueur des Cieux,
Je la vois encore expirante ,
Me tendre une main chancelante ,
Pouffer vers moi des cris perçans ....
A peine conçois-je qu'un fonge
Eft l'Artifan de ce menfonge ,
Et du défordre de mes fens.
Enfin , le Soleil qui m'éclaire
Diffipe mon émotion ;
L'éclat de fa vive lumiere
Me fait voir mon illufion .
Mon efprit calme ſes allarmes ;
Mes
702 MERCURE DE FRANCE.
:
Mes yeux mettent fin à leurs larmes ,
Mon coeur s'ouvre au plus doux eſpoir ;
Mon ame enchantée & ravie , -
N'afpire plus qu'après Silvie ;
Mon feul defir eft de la voir,
Plein d'une flateuſe eſpérance ,
Je marche vers l'heureux féjour ,
Où fous les loix de l'innocence
Elle avoit fçû fixer l'Amour .
J'approche auffi-tôt auprès d'elle
Pour lui faire un récit fidéle
Des maux que m'a caufé fon fort ;
Je trouve ( ô Dieux ! puis - je le dire ? )
Que Silvie à peine refpire ,
Et touche aux portes de la mort.
Je vois cette Beauté charmante ,
Pâle , défaite , fans vigueur ;
Le mal cruel qui la tourmente
Lui donne une morne langueur.
Ces traits brillans , ce fein d'albâtre ,
Dont mon coeur étoit idolâtre ,
Ne font plus que des Lys flétris.
Mon oeil , en voyant fon tein blême ,
Semble méconnoître lui - même
Tant d'attraits qui l'avoient furpris.
Malgré
AVRIL. 1744.
703
Malgré la douleur qui l'oppreffe ,
Silvie ouvre fes yeux mourans.
Les pleurs qu'excitent ma tendreffe ,
Fixent fes regards expirans.
C'est vous qui vous faites entendre ,
Vous , dont le coeur fincére & tendre
A toujours fait mon feul plaifir ;
Digne objet de ma complaifance ,
Ne venez-vous en ma préſence
Que pour voir mon dernier foupir
Il n'eft plus tems de fe contraindre ;
La Parque a fixé mon trépas ;
Mon fort ne feroit point à plaindre ,
Si le vôtre ne l'étoit pas.
Gardez chérement ma mémoire ;
J'ai toujours recherché la gloire
D'affervir feule votre coeur ;
Les Cieux puniffent cette injure ;
fur la Créature
Et vengent
L'outrage fait au Créateur.
X3X茶
Pendant ce difcours plein de charmes ,
Mes yeux étoient baignés de pleurs ;
J'arrofois de toutes mes larmes
L'objet qui cauſoit mes douleurs ,
Mais tandis que mon coeur ſoupire
Survient
704 MERCURE DE FRANCE.
Survient un funefte délire ;
Je la vois réduite aux abois ;
C'eft vainement que je m'écrie ,
Silvie ... ah ! ma chere Silvie ....
La Mort lui fait fubir les loix .
Dieux ! quelle catastrophe horrible
Pour un coeur vraiment amoureux !
Accablé de ce coup terrible ,
Je pouffe des cris douloureux .
La parole expire en ma bouche ;
Mon oeil devient fombre & farouche ;
Je fens mon efprit ſe troubler ;
Mon corps tremble ; mon fang fe glace ;
J'attends du Ciel comme une grace ,
L'heureux coup qui doit m'accabler .
Tandis qu'interdit , immobile ,
Mon coeur fait des voeux impuiffans ,
Un espoir frivole , inutile ,
Vient encore exciter mes fens.
Plein du feu dont l'amour m'anime ,
Je prends cette triſte Victime ,
Je tiens fon corps entre mes bras ;
En lui communiquant ma flâme ,
Je tâche d'évoquer fon ame
Du fein funefte du trépas.
Mais
AVRIL.
705 1744 .
Mais hélas ! efpérance vaine ,
Que formoit mon coeur abufé ;
J'échauffe en vain de mon haleine
Ce corps que la mort a glacé ;
Le Deftin eft inexorable.
En vain pour fléchir l'implacable ,
J'offre l'échange de mes jours ;
Le Ciel de tous mes maux complice ,
Ne fait qu'aggraver mon fupplice ,
En prolongeant leur trifte cours.
Depuis ce tems fatal , j'appelle
L'injufte Mort à mon fecours ;
La Parque, infléxible & cruelle,
Se montre fourde à mes difcours .
Mais fi fon oreille fe ferme ,
Ma douleur hâtera le terme
Qu'elle donne à mon trifte fort.
J'ai trop long-tems aimé Silvie ,
Pour ne pas confacrer ma vie
Au plaifir de pleurer la mort .
Bruhier d'Ablaincourt.
D LET
706 MERCURE DE FRANCE.
525232325252525252:5252 52523252
LETTRE de M. D. L. R. écrite au R. P.
M. TEXTE , Dominicain , Sous- Prieur
du Noviciat général de Paris. Suite du Sujet
traité dans le Mercure du mois de Janvier
page 13 .
J
E réponds , mon Réverend Pere , à votre
louable empreſſement , & j'ai l'honneur
de vous envoyer ce que je viens de
recevoir de la part de M. l'Abbé Soumille ,
c'eft- à -dire , le Supplément qu'il m'avoit
promis , & qui manquoit à fa Defcription
Hiftorique de la Chartreufe de Villeneuve ,
que vous avez lûe avec tant de fatisfaction,
Comme ce digne Eccléfiaftique a plus d'un
efprit , & qu'il eft particuliérement verfé
dans les Méchaniques , celles , fur tout qui
regardent l'utilité publique , il m'a envoyé
en même-tems le Deffein d'une nouvelle
Machine , dont on fe fert à cette Chartreuſe ,
& qui peut fervir à plus d'un ufage dans les
grandes Communautés & ailleurs à la Campagne
vous verrez , M. R. P. ce qu'il en
dit lui-même dans fa Narration , à laquelle
- le Deffein dont je viens de vous parler , eft
joint , parfaitement bien exécuté.
Dans le tems qu'on nous préparoit à Villeneuve
ce que vous allez lire , l'Abbé
D.
AVRIL. 1744. 707
D. L. R. mon frere , continuoit fes foins
pour avoir tout ce que j'avois demandé au
fujet de la Chartreufe de Marſeille , illuftre
Fille de celle de Villeneuve , & ces foins
m'ont enfin procuré un ample Mémoire
que je mettrai inceffamment en oeuvre , pour
remplir l'engagement que je me fuis fait de
donner une connoiffance exacte de ces deux
Maifons . J'ai été édifié furtout de la Defcription
de la nouvelle Eglife de celle de
Marſeille , Defcription qui en donne une
grande idée , & faite de main de Maître . Le
refte , qui regarde les deux Cloîtres, & tout
l'intérieur de la Maiſon , à peu de chofe
près , eft fort bien détaillé .
Il me manque quelque chofe fur les Faits
hiftoriques , qui demandent de ma part un
nouveau Mémoire , que je vais préparer. Il
eft étonnant , M. R. P. que l'Auteur de la
premiere Edition de l'Hiftoire de Marſeille,
publiée en 1644, c'eſt- à-dire , environ dix ans
après l'arrivée des premiers Chartreux dans
le Territoire de cette Ville, il eft dis - je , étonnant
que
l'Auteur , qui avoit alors un certain
âge , & qui étoit , pour ainfi dire , témoin
oculaire , ne nous ait rien dit du Lieu
où les Chartreux fixerent leur premiere demeure.
Il faudra tâcher de l'apprendre d'ailleurs.
Vons fçavez que les premiers Chartreux
qui vinrent à . Paris n'occuperent pas
Dij d'abord
708 MERCURE DE FRANCE.
d'abord le Château de Vauvert & fes dépen
dances , ce qui fait aujourd'hui la Chartreufe
de Paris ; ils demeurerent un affés longtems
à Gentilly , comme je l'ai dit ailleurs.
Il est arrivé la même chofe aux Chartreux
de Villeneuve , qui vinrent les premiers à
Marſeille , pour exécuter cette Fondation ,
Mais il eft tems , M. R. P. de laiffer parler
M. l'Abbé Soumille , fur ce qui nous reſtoit
à fçavoir au fujet de la Chartreufe de Villeneuve.
SUITE de la Defcription de la Chartreufe
de Villeneuve- lez- Avignon.
Je ne connoiffois pas affés bien, Monſieur
,
les difficultés que j'aurois à vaincre , quand
je m'engageai à vous donner la Defcription
de la Boulangerie & de la Cave du Pape, &
fans le fecours d'un ftratagême , je doute
fort qu'il m'eût jamais été poffible d'y pénetrer
, encore moins d'en prendre les dimenfions.
La Boulangerie , dont le bas étoit autrefois
la Cuifine du Pape Fondateur , eft une
piéce de 10 toifes de long, fur trois & demi
de large , compofée de deux fortes voûtes
l'une fur l'autre , & d'un couvert ordinaire
à une feule pente. La voûte inférieure , de
deux toifes de hauteur fous clef, eft encore
en très-bon état , quoique fort enfumée, à
caufe
AVRIL. 1744. 709
caufe des deux fours qui font deffous , où
l'on cuit du pain frais tous les jours ouvriers .
On trouve à main gauche en entrant une
Fontaine avec un gros robinet, pour tous les
ufages néceffaires ; cette eau paffe par la
Cuifine dans des tuyaux de plomb , & vient
de la grande Fontaine du haut Cloître .
On pétrit dans un petit cabinet placé entre
les deux fours , où regne une chaleur uniforme
, capable de faire pouffer la pâte au
point qu'on veut , & la farine dont on a
befoin y coule par une manche qui vient du
premier étage. Auffi le premier pain de cette
Maifon eft-il d'une blancheur , d'une légereté
& d'un goût admirables.
Le deffus ou premier étage eft deftiné à
contenir la farine néceffaire pour une fi
nombreufe famille. La longueur & la largeur
font égales au rez - de- chauffée , & la
voûte peut avoir fous clef 10 à 11 pieds
de hauteur. Elle eft fi bien confervée, qu'on
diroit qu'elle fort de la main de l'Ouvrier,
Enfin le fecond étage , entre la feconde
voûte & le couvert, qui peut avoir 10 pieds
de hauteur moyenne , eft un grenier bien
éclairé , où l'on tient le bled néceffaire pour
les Religieux feulement , ( car le bled pour
les Domeftiques & les aumônes , eft dans
d'autres greniers , àà ccôôttéé ddee llaa porte d'entrée
; ) celui qu'on veut porter au moulin ,
D iij
coule
710 MERCURE DE FRANCE.
coule par une manche de bois , qui perce
les deux voûtes .
L'efcalier à vis , par où l'on monte aux
étages, eft dans une tour ronde exterieure &
attenante , laquelle s'éleve encore plus de
3 toifes au-deffus du grenier , & peut être
appellée un Belvedere.
La Cave du Pape , qu'on appelle encore
aujourd'hui de ce nom , pour la diftinguer
de deux autres , qui font dans la Chartreuse,
eft une piéce qui doit avoir coûté des fommes
confidérables. C'eft une excavation faite
dans le Rocher , de 7 toifes de long , fur
3 & demie de large , & 5 toifes de profondeur.
Il y a deux caves l'une fur l'autre , 3
voûtes & un jardin au - deffus .
Entre la plus baffe & la moyenne voûte ,
eft la cave fupérieure , où l'on entre par une
porte du côté du Nord , au moyen d'un glacis
de 4 à 5 pieds de pente . Il y a dans cette
cave fupérieure quatre rangs de tonneaux ,
où le vin fe conferve auffi long-tems qu'on
veut.
De- là , par un efcalier placé dans un coin,
on defcend à la cave baffe, dont voici la conftruction.
La voûte a 9 pieds de hauteur fous
clef ; elle eft foutenue au milieu par quatre
arceaux alligués , du Midi au Septentrion ,
te qui partage cette cave en deux portions
égales. De ces quatre arceaux , les deux extrêmes
AVRIL. 1744. 711
trêmes fervent de paffage pour faire le tour
de la cave , & les deux du milieu couvrent
chacun deux grands tonneaux. Il n'y a dans
chaque moitié de cette cave qu'un rang de
tonneaux à découvert , mais ils font d'une
groffeur extraordinaire pour le Pays , puifqu'ils
contiennent 35 à 40 Barals piéces
le Baral eft compofé de 48 Pichets , & le
Pichet pefe 3 livres , poids de Montpellier.
Tous ces tonneaux font cerclés de fer en fix
endroits , & on ne les ôte jamais de place.
Un homme peut entrer dedans par le moyen
d'une porte quarrée , faite exprès , dont les
extrêmités font maftiquées avec de la chaux
vive & du fang de Boeuf.
Outre les deux rangs de grands tonneaux ,
& les quatre qui font fous les arceaux ,
il y
en a encore to , placés dans des niches de
7 à 8 pieds de profondeur , creufés dans le
Roc , au- deffous des vouffoirs , 5 de chaque
côté, ce qui fait 5 rangs de gros tonneaux
fous une voûte qui n'a que trois toifes
& demie de large .
Le fond de la cave étant tout Rocher , on
a fait un petit canal en pente tout autour ,
lequel vient aboutir à un grand creux , capable
de contenir tout le vin d'un tonneau ,
enforte que de tout celui qui pourroit fe
répandre , tant en haut qu'en bas , il ne s'en
perdroit pas une goute , & ferviroit toujours
pour brûler. Diiij
Cette
712 MERCURE DE FRANCE.
Cette cave baffe étoit fi humide autrefois
qu'on ne pouvoit pas s'en fervir ; tout y
pourriffoit en très-peu de tems ; mais depuis
qu'on y a fait deux lucarnes fort longues &
inclinées , qui prennent jour du côté du
Nord , elle eft auffi feche qu'on peut le defirer.
Les lucarnes font vitrées , & le Frere
qui eft chargé de ce foin , donne toute fon
attention à ne les ouvrir qu'à propos. Il a
remarqué , par exemple , qu'en les ouvrant
par un vent de Nord ou par un grand froid,
le maftic des tonneaux fe fendoit en pulfieurs
endroits , & lui donnoit bien de la
befogne ; c'eft pour cela qu'il n'ouvre les lucarnes
que pendant les jours fereins , ou par
le vent de Midi..
Les deux lucarnes dont je viens de parler,
n'auroient pû fecher cette cave que médiocrement
, fi l'on n'eût fait une autre ouverture
du côté du Midi en forme de puits , laquelle
aboutit dans le haut Cloître , fous un
pavillon fait exprès. Cette ouverture eft à
trois ufages , 1 ° . Elle donne paffage à l'air
qui entre par les lucarnes , 2 ° . Elle fert journellement
à tirer , par le moyen d'un tour ,
les brocs de vin néceffaires pour la Maiſon ,
& l'on abrége par là un fort long circuit ,
qu'il faudroit faire en paffant par la porte.
3 °. On y a conftruit un petit eſcalier tournant,
fans oeil , par où l'on peut monter, quand
on
AVRIL. 1744.
713
on veut. Cette cave baffe eft exceffivement
fraiche en été , & affés chaude en hyver ,
mais toujours très-feche , & le vin s'y conferveroit
dix ans.
Au-deffus de la troifiéme voûte , qui n'eft
féparée de la feconde que par 3 ou 4 pieds
d'intervalle, il y a plus de fix pieds de terre,
fervant de jardin à un Religieux , enforte
que cette troifiéme voûte n'a été faite probablement
que pour conferver la feconde ,
que le terrein & les pluyes auroient pû endommager.
L'entre-deux eft fermé actuellement
, mais on apperçoit fous la clef de
la moyenne voûte,un trou fraîchement bouché
de 18 pouces en quarré , par où l'on
voyoit autrefois l'efpace dont je parle.
Comme il n'y a point de cuve à la Cave
du Pape , on eft obligé d'y tranfporter le
vin qu'on tire des cuves près l'Ecurie. On
ne le porte que jufqu'à la cave fupérieure ,
& de-là , par le moyen de deux petits trous,
qu'on afaits à la voûte, & de certains tuyaux
de fer blanc , le vin paffe de lui -même dans
tous les tonneaux d'en bas.
Outre la Cave du Pape , il y en a deux
autres le long de l'allée , dont une qui eft
pleine de tonneaux à deux rangs , eft de 25
toifes de long , fur 3 de large. Elle eft voûtée,
& reçoit l'air d'un bout par la porte da
côté des Ecuries , & de l'autre par une
D v
fenetre
714 MERCURE DE FRANCE.
tre , qui perce au - devant de l'Eglife . A côté
de celle-là il en eft une autre , voûtée de
même , mais fi humide , qu'on n'y met abfolument
rien que des bouteilles .
M.
Après vous avoir entretenu & peut-être
ennuyé par un détail , où vous ne pouvez
prendre un grand intérêt , permettez ,
que je vous faffe part d'une invention toute
récente , qui pourroit tourner à l'avantage
du Public.
2
Je vous ai dit dans ma premiere Lettre que
le R. P. Dom Michelon , Prieur de la Chartreufe
, faifoit préparer une grande quantité
de carreaux , d'une pierre auffi dure que le
marbre , pour paver le Choeur des Freres ,
la Sacriftie , le Chapitre & le devant de
P'Eglife . Le Choeur des Freres eft déja fait ,
& le refte fuivra de près , mais les carreaux ,
après avoir été fciés , donnoient tant de
peine à polir fur le grès , qu'un homme n'en
faifoit ordinairement qu'un par jour. C'étoit
une dépenſe confidérable & un retard
qui auroit fait traîner l'ouvrage en longueur ,
quand un Donné de la Maiſon , nommé Frere
Joachim , a trouvé le fecret de faire en un
quart d'heure , avec un cheval , ce qu'un
homme ne faifoit que dans un jour. Il eft
vrai que la Machine étoit prefque toute faite
, mais on n'avoit pas fongé à l'appliquer à
cette forte d'ouvrage. Le Moulin à huile ,
qui
AVRIL. 1744. TIS
qui eft dans la Maifon , a fait naître cette
idée , & fert actuellement à l'exécuter.
1
. Cette Machine confifte en une grande
rouë horizontale , qui porte 120 fufeaux
dans fa circonférence , en une lanterne de
27 dents ou fufeaux , dont l'arbre entraîne
la meule , & une roue moyenne de 60
dents , qui engraine dans l'une & dans l'autre ,
enforte que quand la grande rouë & le cheval
qui tourne deffous , ont fait un tour , la
meule a fait quatre tours & la cinquième
partie d'un autre. Voilà l'abregé de la Machine
qui étoit faite pour l'huile , & en
voici le changement.
la
On a ôté la meule de fa place ; on a garni
coupe d'une affife de pierres de grès , bien
unies & bien affemblées. Enfuite on a fait
un fort chaffis qui traverfe la coupe diamétralement
, & qui eft fixé folidement fur
l'arbre de la lanterne , à environ un pouce
au-deffus de l'affife de grès ; les carreaux
qu'on veut polir, ont 16 pouces en quarré,
& deux ou trois pouces d'épaiffeur. On en
met deux à la fois dans les deux parties oppofées
du chaffis , & le cheval faifant tournet
la Machine, les deux carreaux font tra
nés fur la coupe de grès avec vne vîteffe
quadruple de la marche du cheval. On y
jette de l'eau de tems en tems , avec un peu
de fable ; on les tourne deux ou trois fois
D vj
en
716 MERCURE DE FRANCE.
en differens fens , pour qu'ils fe poliffent
également de tous côtés , & dans une demie
heure , ou trois quarts d'heure au plus ,
les deux carreaux font fuffifamment polis.
A A , Grande rouë horisontale , qui porte
120 fufeaux ; le cheval eft deffous ,
attaché à une forte barre qui traverſe
l'arbre.
BB, Roue Б , moyenne de 60 dents.
CC, Petite rouë , ou lanterne , qui porte
27 fufeaux.C'eft contre l'arbre de cette
lanterne , qu'eft appuyée la meule à
écrafer les Olives , & c'eft contre le
même arbre qu'on a arrêté le chaffis
E E , après en avoir ôté la meule.
DDD , Circonférence de la coupe . C'est un
affemblage de pierres de taille bien
ajuftées & bien unies , où l'on met
les Olives pour être écrasées & réduites
en pâte. C'eft fur cette coupe
qu'on a mis une affife de pierre de
grès pour fervir à polir les carreaux .
E E , Chaffis qu'on a fixé fur l'arbre de la
lanterne , à un pouce au-deffus de la
coupe .
"
12 , Sont les deux endroits oppofés du
chaffis où l'on met les carreaux qu'on
veut polir. Les carreaux ont un peu de
jeu entre les bois du chaffis , afin qu'ils
foient traînés & non pas foutenus .
PLAN
A VRIL.
717 1744.
PLAN géométral de la Machine à polir
les Carreaux de Marbre.
E
D
D.....
B
24 E
Je
718 MERCURE DE FRANCE.
Je compte , M. qu'une pareille Machine
pourroit avoir fes avantages , furtout dans
les endroits ou l'eau & le vent pourroient
tenir lieu de cheval ; mais en tout cas la dépenfe
de ce cheval fera toujours bien moindre
que le profit de la prompte expédition.
Il feroit tems de finir ici ma lettre , mais
j'ai encore à vous parler de deux articles
qui pourront vous faire quelque plaiſir.
Il s'agit de Peinture , & ce fujet ne vous eſt
pas indifferent.
Le Frere Imbert , dont il eft parlé dans ma
premiere lettre , a fait en differens tems des
Eléves qui lui font honneur. Il en a un actuellement
dans la Maifon , nommé Frere
Benoit Borrely , natif d'Avignon , dont les
difpofitions pour la Peinture donnent de
grandes efpérances. Il s'eft furtout appliqué
au Paftel , & femble devoir porter un jour
ce genre de Peinture à fa perfection . Je ne
vous parlerai point de deux Païfages & d'une
Magdeleine , qui font eftimés ; beaucoup
d'autres perfonnes en ont fait avant lui
mais ce que je ne crois pas qu'on aye encore
vû , ce font deux Marines de 2 pieds 9
pouces de large , fur 18 pouces de hauqui
peuvent paffer pour des chefs
d'oeuvre , ce qui paroît furtout bien difficile
, c'eft une quantité de petites figures huteur
,
maines
A V RIL. 719 1744.
maines , occupées à differentes manoeuvres ,
dont la plupart n'ont pas fix lignes de hauteur.
Le fond eft parfaitement beau ; le
lointain eft exprimé avec la derniere fineſſe ;
on y voit des Tours , des Citadelles , & les
nuances y font auffi bien ménagées qu'on
pourroit le faire à l'huile. Tous les Connoiffeurs
avoient que ces deuxMarines font parfaites
, foit pour la vivacité & la force des
couleurs , foitpour la petiteffe des figures ,
foit pour la fraîcheur de tout l'Ouvrage.
J'ai fçû de bonne part que deux Peintres de
l'Académie de Paris , qui pafferent il y a un
an par Villeneuve , en allant à Rome , regarderent
ces deux Marines comme quelque
chofe de rare & d'exquis .
Voilà , M. le premier des deux articles.
dont j'avois à vous parler ; je n'entreprends
le fecond qu'en tremblant , parce que je
fens bien qu'il m'eft impoffible de bien exprimer
ce que j'ai vû , mais la chofe eſt ſi
belle par elle- même & fi généralement
applaudie , que vous feriez en droit de me
reprocher mon filence , fi vous l'appreniez
un jour par un autre canal .
"
C'eft un Tableau fans bordure, qu'on voit
dans le Cabinet du Frere Imbert , où toutes
les perfonnes du métier fe trompent pour
quelque chofe, les uns plus les autres moins,
Ce Tableau , qu'on affûre avoir été fait pour
pré720
MERCURE DE FRANCE.
préfenter à Louis XIV , & qui refta entre
les mains d'un Peintre d'Avignon , par la
mort funefte de fon Auteur , qui tomba d'un
échaffaut dans l'Eglife de S. Pierre de la même
Ville , fut acheté par les Chartreux il y a
environ 46 ans , & ils le confervent , avec
raiſon , comme un Ouvrage inimitable & fans
prix.
Ce Tableau , qui ne femble pas en être
un , repréſente un chevalet de Peintre avec
tout l'attirail de la profeffion . Il a 5 pieds
de hauteur , 3 pieds de largeur en bas , &
le haut finit prefqu'en pointe , comme c'eft
l'ordinaire des chevalets. On voit en haut
un deffein à la fanguine , de 22 pouces de
large fur 14 pouces de hauteur fans les marges
, repréfentant l'Empire de Flore d'après
le Pouffin. Le Deffein paroît volant , & ne
tient en haut que par la pointe d'un canif à
manche rouge. Ce Deffein , qui femble avoir
été plié par le milieu , froiffé en quelques
endroits , & même un peu déchiré par le
bas , s'applique fi inal en apparence fur le
chevalet , que prefque tous les fpectateurs
y portent la main , pour n'être pas féduits.
Cependant ce Deffein eft peint à l'huile fur
toile. Je dois encore vous faire obferver
qu'une partie de ce Deffein déborde le chevalet
des deux côtés , étant foutenue derriere
par un traverfier , ce qui fait encore
plus d'illuſion . AuAVRIL.
1744. 721
Au-deffous du Deffein , qui femble être
l'Original , on voit la copie peinte à l'huile ,
mais ne paroiffant qu'ébauchée , comme un
Ouvrage qui n'eft pas encore terminé. A
main gauche de cette Copie & au-deffous
du Deffein , on voit un cayer de Marine ,
acroché par le dos . Il eft fans couverture &
pend négligemment. La feiiille qui fe voit
repréfente un Moulin à vent & d'autres chofes
, imitant fi-bien la gravûre qu'il n'eft
perfonne qui ne s'y trompe.
Au-deffous de la Copie , on voit le bord
d'une petite tablette de bois , foutenuë par
deux chevilles aux deux extrémités , laquelle
femble fortir de deux pouces & fou,
tenir le chaffis de la Copie. Sur la même tablette,
on voit étendus fept à huit pinceaux,
les uns fur les autres , avec un couteau , fibien
imités , qu'on les croit réels , ainfi que
la tablette , jufqu'à ce que la main faffe convenir
du contraire .
A la cheville du côté gauche eft penduë
la Palette par le trou du pouce. Sur les petits
tas des differentes couleurs , on diftingue
les petites pointes que le pinceau fait
en prenant la couleur , & cela d'une maniere
fi naturelle , qu'après même qu'on eft
averti , on eft tenté de paffer la main deffus ,
pour fentir fi rien ne releve .
On voit à main droite , fur la tablette , un
petit
722 MERCURE DE FRANCE.
petit Tableau de Teniers , avec fa bordure ,
repréfentant un fumeur. Ce petit Tableau
femble fi-bien détaché du refte , & fi enfumé
, que bien des perfonnes effayent de le
prendre,, pour mieux diftinguer le fujet.
L'efpace au-deffous de la tablette juſqu'à
terre , eft occupé par un Tableau tourné ,
dont on ne voit que le chaffis & la toile.
Le chaffis eft de fapin ; les veines du bois
font parfaitement diftinetes & colorées d'après
nature ; il y a un traverfier du haut en
bas qui paroît cloué fur le chaffis , & les
clous , tout petits qu'ils font , ont fait éclater
le bois. La toile du Tableau paroît une
groffe toile d'Italie , approchante du canevas.
On diftingue les fils , on connoît par
la couleur de la toile , que le Tableau doit
être peint à l'huile ; ce qui le fait encore
mieux juger , eft une pièce de la même toile
, grande comme la paume de la main ,
qui paroît collée fur l'autre comme pour
boucher un trou ; fa couleur grife qui la
fait paroître neuve , en comparaifon de
l'autre , donne à connoître qu'elle a été mife
long-tems après. Au refte , il ne faudroit
pas croire que la toile qu'on voit fût la même
fur laquelle on a peint tout l'Ouvrage ,
car la toile apparente eft fort groffiere , & la
véritable eft fort fine , comme on le voit en
regardant le chevalet par derriere.
Entre
A VRI L. 1744. 723
Entre le traverfier & la toile du Tableau
tourné , cft une petite Eftampe de Perrelle
en Païlage , imitant la gravûre , auffi parfaitement
qu'il fe puiffe. Elle eft placée un peu
obliquement & fi négligemment , que jamais
perfonne , fans être averti , n'a pû s'imaginer
que ce foit une Peinture à l'huile.
Enfin , à deux pouces de diftance du chaffis
, dont je viens de parler , à main gauche &
à terre , on voit un des pieds du chevalet f
reffemblant au bois , & percé en apparence
de trois trous , fi bien imités , que tout le
monde s'y trompe. On n'a qu'à dire à la perfonne
que ces trous font plus petits qu'ils
ne paroiffent , & que le bout du doigt n'y
peut pas entrer ; c'en eft affés pour qu'elle
Le baiffe & qu'elle en faffe l'épreuve.
Voilà , M. un très-beau morceau de Peinture
, qui perd toute fa grace par l'expofi
tion que j'ai tâché de vous en faire. Il faudroit
le voir pour en juger. La meilleure
idée que je puiffe vous en donner , eft de
dire que tout le monde s'y trompe , les Peintres
comme les autres.
L'Auteur étoit Italien , & s'appelloit Antoine
Fort -Bras. Il a mis les lettres initiales
de fon nom au bas de la feuille de Marine ,
qui paroît à découvert , de cette forte.
A. F. B. pinxit , A. 1686 .
Je ne crois pas M. R. P. qu'on puiffe rien
१
exi724
MERCURE DE FRANCE.
exiger de plus , ni de mieux , du zéle & de
la fagacité de M. l'Abbé Soumille , an fujet
de la Chartreufe de Villeneuve , fi ce n'eft ,
peut-être , de voir dans les Archives de cette
Maifon , ce qui peut s'y trouver d'Hiftorique
, & d'inftructif , par rapport à la fondation
de la Chartreufe de Marfeille . Celleci
fera toute la matiere de ma premiere lettre
, & peut-être d'une feconde , fi le ſujet
le demande. En attendant , & par anticipa
tion , permettez-moi de finir par une nouvelleTraduction
de l'EpigrammeLatine : Non
lufit pictura manum , & c. faite fur le S. Bruno
du fameux Puget , qui eft imprimée dans
le Mercure d'Avril 1743 , fuivie d'une Traduction
qui a été univerfellement goûtée ,
Traduction que M. F. n'avoit pas vûë , &
qui l'auroit abfolument empêché de travailler
fur le même fujet , à ce qu'il m'a écrit depuis.
Voici cependant ſa Traduction , qui
n'eft pas fans mérite .
SUR le S. Bruno , de la Chartreuse de
Marfeille.
Il n'emprupte point fes attraits L
De la féduifante Peinture .
Il eft vivant , & tous fes traits
Sont l'Ouvrage de la Nature.
Oui, fans doute , il refpire , il voit réellement.
Si
AVRIL 1744. 725
Si fon
C'eft
corps , fi fes
que par
yeux n'ont aucun mouvement
modeftie il fe fait violence ;
On l'entendroit même parler ,
S'il craignoit moins de violer
L'étroite régle du filence.
Par M, Frigot,
Je fuis , M. R. P. avec beaucoup d'atta
chement & de refpect , votre , &c.
A Paris , le 21 Mars 1744.
LA COMETE.
ALLEGORIE.
UNE Etoile paroit , fous le nom de Cométe ;
Ses rayons en gerbe elle jette ;
On en jaze dans tout Paris ,
Et chacun quitte fon logis ,
Pour regarder ce Phénomene.
de peine !
Mortels , que vous prenez
Confiderez la Lune & le Soleil ,
Vous ne verrez jamais rien de pareil.
La Nouveauté , furtout en France ,
Sur
726 MERCURE DE FRANCE
Sur l'homme a beaucoup de puiffance .
On s'empreffe fouvent , pour admirer un rien ,
Une Brochure , une Piéce nouvelle ,
Avortons infenfés d'une creufe cervelle ,
De qui quelque fou dit du bien ,
Et l'on néglige la Fontaine ,
Boileau , la Bruyere , Chaulieu ,
Et trois Enfans de Melpomene ,
Dont le moindre eft un demi-Dieu.
OM ME rien de ce qui concerne les.
CoArts n'eft indifferent aux vrais Curieux
, nous avons crû devoir inferer ici
une lettre d'un Horloger de Paris , qui
nous eft tombée entre les mains , & qui
contient des faits intéreffans par rapport à
notre Horlogerie , dont l'Hiftoite devient
parmi nous un objet. important.
LETTRE de M, Pierre- le - Roy , Horloger
de la Société des Arts , à M.... Membre
de la même Société.
MONSIEUR,
f 1
LE Mémoire que j'ai eu l'honneur de
préAVRIL.
727
1744.
préfenter à l'Académie des Sciences , à l'occafion
de la Montre à répétition de Mylord.
dont le travail vous a plû, D....
a eu tout l'effet que je pouvois défirer.
Vous fçavez que les changemens pratiqués
dans cette Montre ont pour objet , 1º
D'en augmenter la jufteffe , & de rendre
cette jufteffe durable , autant qu'il eft poffible,
2 °. De rendre toutes les parties de la
Montre moins fujettes à l'ufure.
Avant que de rien entreprendre fur cette
matiere , j'ai remarqué que les changemens
qui arrivent indifpenfablement dans les
frotemens des roues & des autres parties
qui compofent les Montres ordinaires , font
les principales cauſes de leur irrégularité ;
parce que ces frotemens , qui ôtent toujours
une partie confidérable des forces mouvantcs
, venant à changer , changent néceffairement
les forces reftantes , & alterent parconféquent
la jufteffe de la Montre. Car ces
forces reftantes, ou plûtôt les forces , que le
mouvement tranfmet à la roue de rencontre,
changeant de quantité cette roüe, accelerent
plus ou moins les vibrations du Balancier
Laivant que fes forces font augmentées ou
diminuées , ce qui fait avancer ou retarder
la Montre. C'eft pourquoi on ne doit rien
négliger pour rendre les frotemens auffi
conftans, qu'il eft poffible, & le moyen d'y
par28
MERCURE DE FRANCE.
parvenir , eft de les réduire à la plus petite
quantité ,, ppaarrccee que leur changement eft
toujours fuivant le rapport de cette quantité.
eſt
L'ufure qui fe fait dans les Montres , eſt
encore une autre caufe de leur irrégularité ,
auffi grande que la premiere , car non-feulement
elle change les forces reftantes , mais
elle change auffi la fonction des roües & des
autres parties qui les compofent.
Pour remédier , autant qu'il eft poffible, à
ces caufes principales d'irrégularité , il eſt
néceffaire :
1. D'empêcher le plus qu'on peut , que
le changement des forces reftantes ne communique
fon irrégularité aux vibrations du
Balancier. 2 °. De mettre les parties , dont
l'ufure peut déranger la juſteſſe , à l'abri de
cette ufure , & de rendre leur frotement le
plus conftant qu'il eft poffible.
Suivant ces principes , les principaux
changemens que j'ai faits dans la Montre en
queftion , font dans l'échapement , & c'eſt
de lui que dépend prefque toute fa juſtelle.
Pour juger du fuccès de ces changemens,
il faut examiner d'abord quelle eft la
détermination propre du mouvement du Balancier
, c'est-à-dire , du mouvement qu'il
doit conferver , étant dégagé de la rouë de
renA
V RIL. 1744. 729
rencontre , & du reffort fpiral . Il faut confiderer
auffi quelle eft la détermination de
ce reffort dégagé réciproquement du Balancier
, & enfin lorfqu'ils font réunis enfemble
, ce qui doit réfulter dans les vibrations
du mêlange de leur action.
Pour cet effet , fuppofons un Balancier
dans le vuide fans frotement fur fes pivots,&
fans aucun obftacle à fon mouvement.Si l'on
fait tourner le Balancier , par la Loi générale
des corps mûs horisontalement , il confervera
la même viteffe qui lui aura été imprimée
, c'eſt-à- dire , une viteffe uniforme , &
parconféquent les differens efpaces qu'il
parcourera
feront comme les tems employés
à les parcourir , ou , ce qui eft la même
chofe , dans des tems égaux il parcourera
des efpaces égaux.
,
Ainfi comme le Balancier d'une Montre
eft déterminé par fon mouvement , propre à
rendre les tems des vibrations égaux à leur
grandeur , cette montre avanceroit , & retarderoit
, fuivant que les vibrations diminueroient
ou augmenteroient leur grandeur
, fi l'action du reffort fpiral , & l'acceleration
de la roue de rencontre ne détruifoient
point l'uniformité de fon mouvement.
Le reffort fpiral eft déterminé, par fon
mouvement propre , comme tous les autres
refforts,à faire fes vibrations petites & gran-
E des
' 730 MERCURE DE FRANCE.
des dans des tems égaux , ce qui fe prouve
par le ton égal & conftant des cordes d'inf
trument. Il pourroit donc parconféquent
rendre une Montre parfaitement réguliére ,
en l'appliquant fimplement à la Verge de
fon Balancier , c'eſt-à- dire , à une Verge dont
on auroit ôté le Balancier , fi ce reffort pouvoit
acquérir affés de mouvement pour n'être
pas fenfible à tous les changemens d'acceleration
de la roue de rencontre , & au
changement de refiftance du frotement des
pivots de cette Verge.
Si l'on confidere maintenant le Balancier :
& le reffort fpiral , réunis enſemble fans lat
roue de rencontre , il eft aifé de voir l'effer
que doit produire le mélange de leurs differentes
actions fur les vibrations.
Le Balancier & le reffort fpiral exercent
leur puiffance alternativement l'un fur l'autre
, pour le communiquer leur mouvement,
Le Balancier exerce d'abord la fienne fur le :
fpiral , pour lui communiquer toute l'uniformité
de fon mouvement , & parconféquent
l'irrégularité des tems de fes vibrations.
Le reffort fpiral exerce à ſon tour ſa
puiffance fur le Balancier , pour en corriger
l'inégalité en accelerant ſes vibrations , mais
la puiffance du Balancier étant confidérable
, cette acceleration du reffort fpiral n'eſt
rendre les tems des granfuffifante
pour pas
des
AVRIL. 1744. 731-
des vibrations égaux à ceux des petites ; elle
ne peut corriger leur inégalité , que comme
la puiffance de ce reffort eft à celle du Ba-,
lancier.
Il faut donc chercher une rouë de rencontre
, qui puiffe donner , par
, par le moyen d'un
échapement quelconque , le refte d'acceleration
qui manque aux vibrations , pour en
rendre les tems égaux.
La roue de rencontre ordinaire n'eft point
propre à cette opération , parce qu'elle s'oppofe
à la grandeur des vibrations du Balancier
, & le maîtriſe fi fort par cette oppofition
, qu'elle communique à fes vibrations
toutes les inégalités des forces qui lui font
tranfmifes par le mouvement de la Montre.
Car lorfque la force de cette roue augmen-,
te , ou , ce qui eft la même chofe, lorfqu'elle
accelere davantage les vibrations , au lieu
de les laiffer accroître dans le rapport de
cette acceleration , elle s'oppofe encore avec,
plus de force à leur accroiffement , qu'elle
ne les accelere. De-là vient que les Montres ,
ordinaires avancent & retardent , fuivant ,
que la force de leur mouvement augmente
ou diminuë.
Cette oppofition de la roue de rencontre
à la grandeur des vibrations du Balancier ,
eft caufe que les dents des roües , leurs pivots
, & les trous de ces pivots s'ufent da-
E ij vantage
732 MERCURE DE FRANCE.
vantage , parce que le Balancier à chaque
vibration force la roue de rencontre à reculer
, lorfqu'elle s'oppose à la grandeur de
fes vibrations , & parconféquent oblige
aufli toutes les autres roues à reculer , à proportion
de leurs révolutions or ce recul
imprime trop de mouvement aux roües ,
De plus , la preffion confidérable des aîles
des pignons fur les dents des roües , pour
les obliger à reculer , & l'augmentation de
la charge que reçoivent les pivots par cette
preffion ,, augmentent beaucoup le frotement
, & ces caufes fuffisent pour produire
beaucoup d'ufure .
La Montre en queſtion au contraire , eſt
exempte de ces défauts , par la conftruction
de l'échapement qui eft à repos. Car la roue
de rencontre après avoir acceleré les vibra→
tions du Balancier , n'eft point forcée de reculer
, & ne s'oppofe point à leur grandeur.
Elle les laiffe accroître librement , à la
réfiſtance près du petit frotement des pivots
du Balancier , & de celui de la roue de rencontre
, fur le repos de l'échapement. Cette
roiie ne s'oppofant point à la grandeur des
vibrations on peut en rendre les tems
égaux. Il ne s'agit pour cela , que de réduire
la puiffance du Balancier en telle forte , que
celle du reffort fpiral , & celle de la roue de
rencontre puiffent l'accelerer au point , que
>
A VRIL 1744 733
1
les grandes vibrations foient renduës ifochrones
aux petites .
Pour donner une idée de la diminution
de l'ufure dans la Montre en queſtion , il
faut diftinguer dans une Montre l'arc de
vibration qui eft ordinairement de 180 degrés
dans les Montres bien faites , de l'arc
d'échapement , c'est-à- dire , de l'arc que la
dent de la roue de rencontre fait parcourir
au Balancier , pour échaper de la palette ;
cet arc eft d'environ 45 degrés , & il divife
l'arc de vibration en deux parties égales ,
parconféquent l'excès du branle du Balancier
, au-deffus de cet arc , eft de chaque
côté de 67 degrés & demi ou environ
tellement qu'on peut fuppofer l'arc de vibration
compofé de trois arcs , fçavoir de
deux arcs de 67 degrés & demi chacun
& de l'arc d'échapement qui eft, comme j'ai
dit , de 45 degrés , le tout enfemble faifant
la fomme des 180 degrés , compris ordinaiment
dans l'arc de vibration . Voyons maintenant
le mouvement que la roue de rencontre
eft obligée de faire à chaque vibration.
Suppofons pour cet effet , que le Balancier
commence la première vibration à l'extrémité
de l'arc à droite , allant ainſi de la
droite à la gauche , la roue de rencontre le
pourſuivra dans toute l'étendue du premier
E iij
arc
734 MERCURE DE FRANCE.
arc ,
qui eft de 67 degrés & demi , &
dans tout l'arc d'échapement qui eft de 45
degrés , aprés quoi la dent de cette roüe venant
à échaper de la palette , le Balancier
fera retrograder cette même rouë , pendant
qu'il parcourera le dernier arc , où les 67
degrés & demi , qu'il faut pour achever
l'arc de vibration.
Or dans la Montre en queſtion , la roue
de rencontre n'agit point dans toute l'étenduë
de l'arc de 180 degrés , qui eft l'arc de
vibration , mais feulement dans l'arc d'échapement
, qui n'eſt
que d'environ 45 degrés.
Ainfi la diminution de l'ufure eft,comme
45 eft à 180 , fans compter qu'elle eſt
encore exempte de l'ufure , caufée par le
recul , que la roue de rencontre eft obligée
de faire dans les échapemens ordinaires.
à
x
Cette grande diminution d'ufure eft un
avantage confidérable , que , que les échapemens
repos ont fur ceux à roues de rencontre
car la fource principale de la régularité &
de la durée des Montres , vient de l'état
conftant de toutes les parties qui les compofent.
Quant à la quadrature de cette répétition
, je l'ai conſtruite, de façon qu'elle n'occupe
que les deux tiers de la hauteur de
celle des répétitions ordinaires ; j'ai donné
au rouage cette hauteur de plus , que j'ai '
reAVRIL.
739 1744.
retranchée de cette quadrature , au moyen
dequoi la roue de rencontre eft plus grande,
& parconféquent l'échapement meilleur, &
le grand barillet plus haut. De plus , cette
conftruction donne la facilité de démonter
le roüage , fans rien démonter de la quadrature
.
Je vous laiffe appliquer , M. à la Montre
que vous connoiffez , l'utilité de ces principes
, qui me paroît bien juſtifiée , tant par
le témoignage de l'Académie, que par le fuccès
de l'éxécution.
Extrait des Regiftres de l'Académie Royale
>>
des Sciences ,
M
du
17 Mars 1742.
>
R S Camus & de Fouchy , ayant été
nommés par l'Académie , pour exa-
» miner un Mémoire de M. Pierre- leRoy
Horloger , contenant la defcription de
» quelques changemens qu'il a faits à l'échapement
des Montres , pour parvenir à
» une plus grande régularité , & en ayant
» fait leur rapport , l'Académie a jugé que
» ce Mémoire étoit rempli de Remarques
» curieuſes & utiles , & que la maniere que
» l'Auteur y propoſe , & qu'il a déja miſe
» en pratique , pour perfectionner l'échapement
à repos , & les répétitions, étoit d'au-
» tant meilleure , qu'elle pouvoit être aiſé-
E iiij » ment
736 MERCURE DE FRANCE.
ور
» ment confirmée par l'expérience. En foi
dequoi j'ai figné le préfent Certificat. A
» Paris , le 18 Mars 1742. Signé , d'Or
>> tous de Mayran , Sécretaire perpétuel de
» l'Académie Royale des Sciences.
Permettez-moi de joindre à ce Certificat ,
une lettre de M. de *** . Vous fçavez qu'il
a expérimenté une Montre faite dans les
principes de mon échapement. Voici ce qu'il
m'écrit à cette occafion .
» Vous me demandez M. que je vous
» marque mon fentiment fur la Montre que
» je vous renvoye . Je vais tâcher de vous
»fatisfaire, & cela d'autant plus volontiers,
» que je n'ai affûrément que du bien à vous
en dire. Depuis quatre mois & demi , que
je l'ai entre les mains , je n'ai pû y remarquer
aucune inégalité , fenfible pour une
» Montre . Souvent après des femaines en-
» tieres de mauvais tems , je l'ai retrouvée
» dans la même minute avec le Soleil , & le
ود
»
و ر
plus grand dérangement que j'y aye ob.
»fervé , a été d'une minute ou deux en qua-
» tre ou cinq jours. Encore ce dérangement
» a- t'il toujours été dans le fens du retard ,
»auquel la Montre paroiffoit incliner. Ainſi
» je ne doute nullement que l'échapement
» que vous y avez employé , & fur lequel
» l'Académie a porté un jugement favora-
ور
ble ,
AVRIL. 1744. 737
» ble , ne procure à cette Montre une régu-
» larité auffi conftante qu'il eft permis de
» l'attendre d'une pièce d'Horlogerie.
Je fuis , &c. Le 8 Décembre 1742.
Voilà , comme vous voyez , une expérience
qui confirme celle de Mylord D.
***. Je vais en ajouter une , qui a précédé
ces deux dernieres .
A la fin de Novembre 1737 , je reçus
une lettre de M. de Villeneuve , Graveur du
Roi de Portugal & de l'Académie de Lisbonne.
Il me marquoit , qu'ayant eu une
difpute au fujet de l'Horlogerie avec des
Anglois , qui prétendoient qu'il n'y avoit
qu'à Londres où l'on fit de bonnes Montres
, & conféquemment que leurs Horlogers
étoient fort fupérieurs aux nôtres , piqué
de la mauvaife opinion qu'ils avoient
de notre Horlogerie , il avoit parié cent
monnoyes d'or, valant mille écus de France ,
qu'il fe faifoit d'auffi bonnes Montres à Paris.
Il ajoutoit que le pari ayant été accepté
par les Anglois , on étoit convenu fur le.
champ d'en faire faire de part & d'autre ,
aux conditions que celui qui fe trouveroit
avoir la meilleure Montre , gagneroit celle
de fon adverfaire , & les cent monnoyes
d'or qui furent dépofées ; que fes parieurs
en conféquence avoient écrit à Londres ,
Ev pour
738 MERCURE DE FRANCE.
pour faire faire une Montre , & qu'il s'a
dreffoit à moi pour lui en faire une de ma
main à boëte d'argent , la meilleure qu'il
me feroit poffible , marquant feulement les
heures & les minutes , fans répétition &
fans ornement ,parce que dans leur gageure,
il n'étoit queftion que de la jufteffe , qui eft
le plus grand objet de l'Horlogerie , & de
la perfection du travail. Le zéle de ce célébre
Graveur , pour l'honneur de la Nation ,
excita le mien, & je regardai fa gageure com
me mon affaire propre. Dans la Réponse que
je lui fis , après avoir loué ce coeur François ,
fi fenfible aux intérêts de fa Patrie , & l'avoir
remercié pour mon compte de l'honneur
d'un choix qui me flatoit beaucoup , je lui
mandai que je me regardois comme de moitié
dans cette affaire , & que pour répondre
à fa confiance , avant que de faire la Montre
en queſtion , j'avois deffein d'en faire un
modéle , fur lequel je puffe rectifier mes
idées , afin de n'y laiffer , s'il étoit poffible ,
aucun défaut , furtout dans le travail particulier
que je comptois faire pour augmenter
la jufteffe de cette Montre . J'ajoutois
que comme fes adverfaires ne manqueroient
pas de s'adreffer à M. Graham , dont tous
les Horlogers de l'Europe reconnoiffent le
fçavoir & l'habilité , fans me flater de l'emporter
fur lui , je comptois qu'au moins l'émulation
AVRIL. 1744. 739
mulation me feroit faire de nouveaux efforts
, qui tourneroient à l'avantage de notre
Horlogerie ; qu'au furplus , ce qui me
donnoit la hardieffe d'entrer en lice avec
un fi grand homme , étoit la confiance que
j'avois dans un échapement de mon invention
, dont le modéle avoit été préſenté à
l'Académie des Sciences , & dont l'exécu
tion me promettoit une plus grande régularité
dans les Montres; que j'employerois cet
échapement dans la fienne , & qu'enfin je
ne négligerois rien de tout ce qui dépendoit
de moi , pour rendre du moins la Balance
égale , fi je ne pouvois la faire pancher
en fa faveur.
En conféquence de cet engagement , je
me mis à travailler à fa Montre , avec toute
l'application poffible , & j'y pratiquai tous
les changemens que je crus pouvoir concourir
à fa jufteffe & à fa durée. Elle fut faite
au commencement de Mars 1739 , & je
l'envoyai le mois fuivant. J'y joignis peu de
tems après un Mémoire , contenant une explication
Phyfique & Méchanique de mon
travail. Au mois d'Octobre de la même année
, M. Morin , Contrôleur du Greffe du
Châtelet de Paris , frere de M. de Villeneuve
, me communiqua une lettre , où il
lui marquoit la décifion de la gageure, conçûë
expreffément en ces termes : » J'ai re-
E vj » çû ,
740 MERCURE DE FRANCE.
.99
ور
çû , mon frere , la Differtation Phyfique
» & Méchanique de M. le Roy, qui eft arri-
» vée
trop tard pour me faire gagner mon
»pari . Car le tems qui s'eft écoulé fans l'a-
»voir , & la crainte que l'Anglois a peut-
»être euë de perdre , l'a engagé à précipi-
» ter la décifion qui a été favorable à tous
» les deux par les éloges & les applaudiffe-
» mens qui ont été donnés aux deux Ouvra-
»ges , en préſence du Prince du Brefil ;
»ainfi les fommes dépofées ayant été ren-
» duës à l'un & à l'autre , les deux Montres
» ont été jugées également parfaites en leur
» genre..
Cet incident a donné lieu au même Prince
du Brefil , de faire examiner en mêmetems
une répétition qu'il a de M. Julien- le-
Roy , & qu'on a généralement applaudic.
Ce n'étoit pas la premiere fois que je m'étois
éprouvé contre les Anglois , & toutes
les circonftances qui peuvent contribuer à
la gloire de la Nation , me font trop précieufes
pour diffimuler un autre événement,
que je me garderois bien de vous rappor
ter , s'il n'avoit intéreflé que moi.
En 1719 , un célébre Horloger de Paris
me fit l'honneur de m'écrire à Tours , Lieu
de ma naiffance , où j'étois alors , qu'on venoit
d'établir à Versailles une Manufacture
d'Horlogerie , protegée par M. Law , & que.
les Directeurs , en préſentant au Roi & à
M.
AVRIL. 1744. 741
M. le Duc d'Orleans , les prémices de
cette Manufacture , qui confiftoient en une
petite Montre d'or pour le Roi , & une Répétition
à quarts & demi - quarts pour M. le
Régent , avoient eu foin d'exagerer la fupériorité
de leurs Ouvrages fur ceux de France
, & qu'ils avoient porté la confiance juf
qu'à faire inférer dans le Mercure un Difcours
où ils s'efforçoient d'établir cette fupériorité
d'une maniere peu honorable
pour nous. Il ajoutoit qu'il étoit queſtion
de convaincre M. le Régent par nos propres
Ouvrages , que nous n'étions point inférieurs
aux Anglois ; qu'il me jugeoit capablè
de cette entreprife , qu'il me prioit en
conféquence de lui faire une Répétition à
quarts & demi- quarts fur les principes d'une
certaine Montre qu'il avoit vue de ma façon,
& qu'il ne la payeroit tout ce que je voudrois
, parce qu'il étoit réfolu de ne rien
épargner ,
, pour pouvoir oppofer aux Anglois
un Ouvrage capable de difputer le
prix au leur. Je crus devoir feconder le zéle
de ce bon Citoyen ; j'entrai dans fes vûës ,
& je travaillai fans relâche à faire la Répétition
qu'il me demandoit. Un Livre d'Horlogerie
qui a paru depuis , & qui rapporte
le fait , marque que cette même Montre
fut faite fous les yeux de ce célébre
Horloger mais la vérité eft qu'elle
fut faite à Tours , & qu'il n'y eut d'autre
>
part
742 MERCURE DE FRANCE.
part que le choix qu'il voulut bien faire de
moi , pour exécuter fon deffein , quoiqu'il
eut pû s'en difpenfer plus aifément qu'un
autre , s'il avoit eu le loifir comme moi. En
effet , s'il n'eut été queftion que de diriger
un Ouvrier , on fent bien qu'il n'en manquoit
pas à Paris. Enfin la Montre fut préfentée
à M. le Régent qui l'acheta , & nonfeulement
ce Prince nous rendit Juftice , en
lui marquant fa fatisfaction , mais elle produifit
encore par la fuite l'effet qu'on en
avoit attendu.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
EPITRE ,
A Mlle de G · • • pour Réponse
à
quelques lettres , par lesquelles elle preffe
l'Auteur de lui envoyer ſon Portrait.
S Eroit- il vrai que ma
figure
Pût vous intéreffer affés 2
Pour être le motif des défirs empreffés
Qui m'en demandent la peinture ?
Hé bien , je vais fans répliquer ,
Obéir & vous fatisfaire ,
Car pour rien , je ne veux rifquer ,
De
AVRIL. 1744. 743
De vous aigrir , & vous déplaire.
Na comptez pourtant pas qu'ici
Je m'avife d'entrer en lice ,
Pour chercher à faire une Efquiffe ,
Selon les régles de Vinci ;
L'entrepriſe pour moi feroit infoutenable ;
Il faut qu'avec trop d'art un Portrait foit traité ,
Et le mien , plus qu'un autre , à moins d'être flaté ,
Vous paroîtroit inſupportable ,
Au point que votre coeur en feroit révolté ;
Mais , vous n'y perdrez rien , & je vais , en re
vanche ,
Profiter de la Carte blanche ,
Pour vous montrer le beau côté ,
Et vous donner , fans m'en deffendre ,
Au lieu d'un Bufte de couleur ,
Ce que la toile ne peut rendre ,
J'entends les qualités & de l'ame , & du coeur ;.
Ces traits , mieux que ceux du vifage-
Caracterifent les mortels ,
Et ne fçauroient être l'Ouvrage ,
Ni des Pinceaux , ni des Paſtels.
Mes couleurs , il eft vrai , ne feront
pas fi vives
Que celies , nommément, qu'employent les Rigauds,.
Mais plus fimples & plus naïves ,
Elles exprimeront jufques à mes défauts.
Se glorifier , par exemple ,
D'être aux pieds de Venus , à fa fuite , à la Cour ,
Et
744 MERCURE DE FRANCE.
Et même jufques dans fon Temple ,
Raifonnable , Difcret , fans rufe & fans détour ,
C'eſt un crime de léze- Amour ,
Dont jamais fat , ni petit Maître
Ne fçut accorder de pardon.
Quelques efprits auffi fe récriéront peut- être,
Que la Rime eft un pauvre don ,
Plus dangereux , que néceffaire ,
Plus difficile , que brillant ,
Et que le mérite de plaire-
Peut feul ériger en talent ;
Mais , fort peu jaloux du fuffrage
Et du petit Maître , & du fat ,
Je laiffe à d'autres le débat ,
Et je reviens à mon image ;
J'efpere que fur fon Croquis ,
Vous ne pourrez me méconnoître ,
Et me retrouverez , finon tel que je fuis ,
Du moins tel que je voudrois être .
Me voici donc , tant bien
Un caractere affés égal ,
que
mal ;
Un naturel uni , fimple , doux & paisible ,
Un coeur droit , élevé , délicat , & fenfible ,
Point encore infecté de la contagion
De l'air de Cour que je refpire ,
Qui ne connoît point , c'eft tout dire ,
La voix de l'adulation ;.
Ces traits font le plus vrai des hommes ,
ConAVRIL.
745 1744.
Conféquemment trop franc , pour le fiécle où nous
fommes ;
Mais ,fur le monde & fes erreurs
Je n'ai point le ton dogmatique ,
Et je déplore fes malheurs ,
En Platonicien beaucoup plus qu'en Cynique .
Idolâtre du fentiment ,
Du penchant pour la folitude ;
Avec quelque difcernement
Un goût décidé pour l'étude ;
Un peu de pénétration
Un défir inquiet de plaire ,
Et peut- être auffi de me faire
Un grain de réputation ;
Une ame du beau feul avide ,
Qui toujours au brillant préfére le folide ,
Au diffus la préciſion ,
A l'air avantageux celui de retenuë
Et la vérité toute nuë
Aux charmes de l'illufion
Un genre d'émulation ,
Tourné vers la Litterature ;
Voilà quelles faveurs je dois à la Nature ,
Ainfi qu'à l'éducation ;
Pylade en anitié , quand je trouve un Orefte ;
En amour , tendre , vif , femillant & le refte ,
Mais ennemi de la fadeur ;
Sans aveuglement , fans foibleffe ,
II
746 MERCURE DE FRANCE.
Il eft jufqu'à préfent entré dans ma tendreffe
Autant de raifon que d'ardeur
Du fage admirer la conduite ,
Refpecter les vertus , honorer le mérite ,
Et confiderer les talens ,
Sous la plus miférable étoffe
Voilà de ma morale & l'efprit , & le fens ;
Aifé dans le Commerce , & pourtant Philofophe ,
Mais Philofophe mitigé ,
Libre du joug du préjugé ,
J'aime que la délicateffe
Sçache quelquefois , fans rougir ,
Faire badiner la Sageffe ,
Et moralifer le plaifir.
Le Chev, de P.....
Explications des deux Enigmes du Mercure
de Février 1744 , par M. Du V ** .
Ne fuis ni grand ni petit Maître ,
Mais quand je rencontre Iſabeau ,
D'abord que je la vois paroître ,
Je lui donne un coup de Chapeau.
La feconde d'autre façon ,
Comment faire pour la connoître ?
De
AVRIL. 1744.
747
De l'Alphabet elle tient l'être ;
Ou je ne fçais pas ma leçon.
Explication du Logogryphe du même
M. C. Suicer , de Châlons.
Mercure , par
Par tout la Vieilleſſe fait peur ;
Chacun la méprife & s'en moque ;
Ami , n'en fais point le railleur ,
Tu n'auras pas peut- être le bonheur
De parvenir à cette époque.
Les mots des Enigmes & du Logogryphe
du Mercure de Mars , font le Chat , le Fer ,
& la Géographie. On trouve dans le Logo
gryphe , Gorge , George , Page , Rage , Orage
, Pie , Jo , Pere , Péage , Poire , Egra , Ire ,
Harpie , Aigre , Harpe , Or , Pari , Epire ,
Georgie , Orge , Agregé , & Rape.
2
ENIGM E.
UN Pays , que le Nil arrofe,
A vû ſes habitans trop fuperftitieux ,
Quoique je fois bien peu de chofe ,
Me placer au rang de leurs Dieux .
Ce tems n'eft plus ; depuis la mauvaife maxime
D'im
748 MERCURE DE FRANCE.
D'immoler tout à l'appétit.
On m'écorche , on me coupe , on me grille , on
me frit ,
Et la Divinité n'eft plus qu'une victime .
Mais d'abord que je fens le tranchant des couteaux,
Mes efprits envolés frappent l'Auteur du crime
Et de les yeux alors font couler deux ruiffeaux.
AUTRE.
Je fuis un animal mordant ;
Mon fexe eft féminin ; pour dilater ma rate ,
J'épluche fouvent , en grondant ,
Tout ce qui tombe ſous ma pate.
Si quelquefois ( rarement cependant )
Je fuis fage & judicieuſe ,
Alors je fuis officieuſe ,
Je découvre la vérité ;
Je purge l'impofteur de fa fauffe monnoye ,
Le trop hardi conteur de fa témérité ;
Je fçais réprimander celui qui fe fourvoye ;
Je rends fervice à la poſterité .
Quelqu'un me dit , fans doute , eh ! quel est donc
ton être ?
Un corps animé ? point ; un corps fans ame ? non ;
Jufques aux ignorans fe parent de mon nom .
En voilà bien affés , pour me faire connoître.
D. B. C. G. d'Entrevaux.
LOAVRIL.
1744. 749
LOGOGRYPHE.
Sous mes pas naiffent mille fleurs ,
Et la verdure me couronne ;
De l'Aurore , qui m'environne ,
C'est moi qui fais couler les pleurs ,
En deux fyllabes fe partage
Mon nom , pere des doux plaifirs ;
Les plus parfaits Amans me doivent leurs foupirs ,
Et les Oifeaux leur plus tendre ramage ;
Mais , fi je leur infpire un chant flateur & doux ,
( Chant que Rameau n'imite qu'avec peine )
Par un malheur , que mon devoir enchaîne ,
J'ouvre auffi le bec aux Coucous.
Ma tête offre un Acteur , chéri dans les Provinces
Qu'au Théatre François on vit faire les Princes ;
S'il revient jamais à Paris ,
Il me plaira comme jadis.
Ma derniere fyllabe épouvante les yeux ;
Elle fçait peindre un tyran furieux ;
Ah ! fi par fon fecours on touche une inhumaine ,
On brife auffi par fois la plus aimable chaîne ;
Il voit tout périr fous les Cieux.
Rien dans mon fein ſe voit encore.
Sem s'y trouve fort aifément ;
La
750 MERCURE DE FRANCE.
La Rime y brille affûrément ,
Et Tein , qui la beauté décore .
Sans doute que , fi je cherchois ,
Mes huit lettres feroient autre métamorphofe
Mais , cher lecteur , je me repoſe ;
Car , peut- être , je t'ennuirois .
Laffichard.
૩૯ ૨૯ ૩૨૯ ૨૯ ર૯૯ર૨૯૪રહ૩ે ર૮હે૨૨૮૬ ૨૯૫૮૨૮૬ ૨૦
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS , &c.
ERECUEIL DU PARNASSE , ou noudePiécesfugitives,
en Profe
& en Vers. A Paris , chés Briaſſon , ruë
S. Jacques , à la Science. Deux Vol . in- 12 ,.
divifés en quatre parties , 1743 .
Extrait du premier Volume.
On trouve dans ce Recueil , des morceaux
achevés en tout genre ; Poëfie , Eloquence ,
Hiftoire , Differtation , Médecine , tout y
tient fa place. A l'ouverture du premier Volume
, eft une lettre de Mde la P. F. à M.
l'Abbé R. Docteur de Sorbonne. La réputation
de Mde Dacier eft trop grande , pour
qu'on ne life point avec plaifir une lettre
dont
AVRIL. 1744. 751
dont elle eft l'objet . Elle n'y eft point peinte
du côté de fes talens pour les Sciences ; Mde
la P. F. ne s'attache qu'à décrire fes qualités
perfonnelles ; c'eft dans fon deshabillé qu'elle
la montre , ou , pour fe fervir de fes termes
, dans fon à tous lesjours.
Le langage de la paffion fe fait aisément
fentir dans une Piéce qu'on trouve quelques
pages après , & qui a pour titre : Les foupirs
d'Olimpe mourante, Ce font des Stances
irrégulières ; en voici quelques-unes .
» Ah ! quand tu me jurois une flâme éternelle ,
Je croyois tes fermens , & tu n'y penfois pas ,
» Car enfin quelle loi cruelle
T'oblige , en me quittant , à caufer mon trépas ?
» C'eſt toi qui m'arraches la vie ;
» Avide faim de l'or , déteftable manie ,
Ebloui de tes faux appas ,
» C'eſt à toi qu'il me facrifie.
Mais que dis -je , Daphnis ? Non , je connois ta foi ;
Excufe les fureurs d'une Amante éperduë.
J'ai vu ton ame combattuë
Balancer plus d'un an entre ton pere & moi.
Rebelle aux loix de la Nature ,
Tu ne reconnoiffois que celles de l'Amour ;
Quels affauts ton efprit foutenoit chaque jour !
Rien ne pouvoit détruire une flâme fi pure.
Après
752 MERCURE DE FRANCE .
Aprés tant de combats , accablé de langueur ,
Tu fus prefque expirant. Hélas ! Quelle douleur i
Quel défefpoir pour une ame amoureuſe ,
La mort dans cet inftant me paroiffoir affreuſe ,
Et quand je meurs pour toi , je la vois fans frayeur ,
& c.
Le fentiment & la paffion ne fe font pas
moins fentir dans quelques Elégies de M,
Cocquard , p. 34 & fuiv, Il femble que
l'Empire lui foit dévolu dans ce genre de
Poëfie. Peut- on mieux peindre les divers
mouvemens d'un coeur déchiré par l'Amour?
De mes plaifirs paffés mon ame poffedée ,
Du malheur , qui me fuit , éloigne fon idée ;
Et pour une inconftante , hélas ! trop prévenu ,
Je regrette les fers où j'étois retenu .
L'Amour combat pour elle , & quoique tout l'accufe
,
Dans le fond de mon coeur il lui trouve une excuſe.
Il me dit en fecret , qu'eſclave du devoir ,
Elle n'ofe à préfent s'expofer à me voir ,
Mais que fa paffion croiffant dans le filence ,
Lui peint de ma douleur toute la violence ,
Et la croyant en proïe à des maux fuperflus ,
J'aime affés pour vouloir qu'elle ne m'aime plus.
Dans quels égaremens te jette ta folie ?
Plus que tu ne voudrois la cruelle t'oublie , &c.
E:
AVRIL. 1744.
753 :
E plus bas.
Il me fouvient du jour qu'à ma perte entraîné ,
En efclave à fon char je me vis enchaîné .
Je crois la voir encore , avec grace à la danſe ,
D'un pas lent ou léger lent ou léger en marquer la cadence .
Quel modefte enjoûment ! Quel aimable fouris !
Que de naiffans appas s'offroient aux yeux furpris !
Elle feule ignoroit le pouvoir de fes charmes , & c.
Jamais peut- être préjugé n'a été mieux
établi que celui de l'avantage de la vie ruftique
fur la vie civile , & jamais préjugé n'a
été mieux attaqué que l'eft celui-ci , p. 51
& fuiv. dans un petit Difcours qui a pour
titre La Vie Civile eft- elle préférable à la
Vie Rustique ? L'Auteur ( M. Peffelier ) y décide
en faveur de la vie civile.
Le Style aifé & délicat , avec lequel eft
écrite une petite Differtation fur la politeffe
, p. 85 , fait fouhaiter d'en connoître
l'Auteur. Il s'agit de décider , fi la Politeffe
tient du vice ou de la vertu . L'Auteur la définit
d'abord ainfi :
Pour connoître , il faut définir.
La Politeffe eft fans caprice ,
Et c'eft un art fans artifice ;
Comment peut- elle donc tenir
Moins de la vertu que du vice ?
B Et
754 MERCURE DE FRANCE.
Et plus bas.
Pour la bien dévoiler , il nous faut convenir
Qu'elle doit s'ajuſter aux loix , aux bienſéances ,
A certains agrémens joints à des prévoyances
Pour la fociété qu'on veut entretenir ;
A l'eſprit attentif, à la prudence extrême
De fçavoir l'art d'unir ce qu'on doit au prochain ,
Et ce qu'on fe doit à ſoi -même ;
Ce raisonnement eft certain.
Enfuite il avertit de ne point confondre
la Politeffe avec la civilité & la flaterie , &
après avoir avoüé que la politeffe , étant corrompuë,
devient un inftrument des plus dangereux
de l'Amour déréglé , il finit ainſi :
>>Elle éprouve le fort de mille fleurs naifantes ,
» Dont un air venimeux vient infecter les plantes ;
» Elle eft comme l'efprit , le fçavoir , la beauté ,
Qui confervent toujours leur luftre & leur bonté ,
>>Quoiqu'ils foient corrompus par un mauvais
» uſage ;
» Elle eft comme une épée , entre les mains du ſage,
» Et d'un homme rebelle , ardent & furieux ;
ככ »L'uns'enfertpourlapaix,qu'ilaffûreentous
» Lieux ,
» Et l'autre en fon courroux , s'abandonnant aux
» crimes ,
» Porte par tout ſa rage & s'en fait des victimes.
On
AVRIL. 1744. 755
On trouve , pag. 101 , un Sonnet fait
par M. l'Abbé du Claux , fur un jeune Marquis
qui avoit fervi de Cocher à deux aimables
Dames. Ce Sonnet , où l'allufion eft
prefque la même que celle de celui de Voiture
, en a les graces , fans en avoir les défauts
; le voici .
" Les chevaux du Soleil fçavoient bien leur leçon ;
Attelés dès long-tems au char de la lumiere ,
» Ils ne quittoient jamais leur chemin ordinaire ;
Et quel fut cependant le fort de Phaeton ?
» Prenez donc garde à vous , trop hardi Céladon ;
»Ceux que vous conduifez ignorent leur carriere ;
» Quand le coeur vous dira de regarder derriere ,
» N'allez pas fuccomber à la démangeaifon,
Le péril en eft grand ; vous avez plus à faire
Que n'avoit autrefois ce Cocher téméraire ,
Dont partout l'imprudence alluma tant de feux.
" Son emploi demandoit moins de foin , moins de
» peine ,
Car , pour fon coup d'effai , ce beau fils de Cli
» mene
»Ne menoit qu'un Soleil , & vous en menez deux.
La noble fimplicité qui régne dans les
Poëfies de M. de la Lane , qui fe trouvent
Fij P.
756 MERCURE DE FRANCE .
p. 110 & fuiv. en font regreter le petit
nombre. Ses Stances fur la mort de fa temme
, peuvent être regardées comme le vrai
Tableau de l'Amour conjugal . Elles commencent
ainfi.
» Voici la folitude , où fur l'herbe couchés ,
» D'un inviſible trait également touchés ,
»Mon Amarante & moi prenions le frais à l'ombre
De cette Forêt fombre,
Nous goûterions encore en cet heureux séjour
» Les tranquilles douceurs d'une parfaite amour ,
>> Si la rigueur du fort ne me l'eût point ravie
» Au plus beau de fa vie, &c.
3
page
On verra ici avec plaisir le Portrait qui
fuit. C'est celui de M. de Fontenelle , par
feuë Mlle le Couvreur. Il fe trouve à la
169 , du Recueil .
» Les perfonnes ignorées font trop peu
» d'honneur à ceux dont elles parlent , pour
ofer mettre au grand jour ce que je pen-
» fe de M. de Fontenelle , mais je ne puis me
» refufer en fecret le plaifir de le peindre
» ici , tel qu'il me paroît.
ور
3
» Sa phyfionomie annonce d'abord fon cfprit;
un air du monde , répandu dans toute
» fa perfonne , le rend aimable dans toutes
» fes actions.
» Les
AVRIL. 1744. 757
و ر
""
> Les agrémens de l'efprit en excluent
»fouvent les parties effentielles . Unique en
fon
genre, il raffemble tout ce qui fait aimer
& refpecter ; la probité , la droiture ,
l'équité compofent fon caractere . Une
imagination vive , brillante ; tours fins &
» délicats ; expreffions nouvelles & toujours
» heureufes en font l'ornement . Le coeur
»pur , les procédés nets ; la conduite uni-
» forme , & par tout des principes ; éxigeant
» peu , juftifiant tout , faiſiſſant toujours le
» bon , abandonnant fi fort le mauvais, que
»l'on pourroit douter s'il l'a apperçû . Dif-
» ficile à acquérir , mais plus difficile à
» dre ; exact en amitié ; fcrupuleux en amour ;
» l'honnête-homme n'eft négligé nulle part ;
" propre aux Commerces les plus délicats ,
» quoique les délices des Sçavans ; modefte
» dans les difcours ; fimple dans fes actions ;
»la fupériorité de fon mérite fe montre ,
» mais il ne la fait jamais fentir.
"
per-
» De pareilles difpofitions perfuadent ai-
» fément du calme de fon ame ; auffi la pof-
» fede-t'il fi fort en paix , que toute la mali-
»gnité de l'envie n'a point eu encore le
»pouvoir de l'ébranler .
» Enfin , on pourroit dire de lui ce qui a
» été déja dit d'un autre illuftre ; qu'il fait
» honneur à l'homme , & que fi fes vertus
»ne le rendent pás immortel , elles le ren-
» dent au moins digne de l'être. F iij Oa
758 MERCURE DE FRANCE.
On remarque dans la lettre qui fuit ce
Portrait , & qui eft de M. Ricaud , une érudition
peu commune. Elle eft adreffée à M.
Dazinery del Cafcavo , de l'Académie de Gli
Infenfati de Péroufe , & a pour objet l'explication
d'un Phénomene de Médecine .
On trouve encore dans la premiere partie
de ce Recueil , plufieurs morceaux excellens
; entr'autres , une Paraphraſe du Cantique
d'Ezechias ; une Copie d'un Manuſcrit
du Maréchal de Rozen , ou Inftructions
à fon fils ; les Spectacles , Ode ; des Obfervations
nouvelles fur la vraie Eloquence ,
& plufieurs autres productions. L'idée du
Vuide, Ode Métaphyfique, ferme cette premiere
partie. Le but de cette Ode , eft de
prouver que l'Idée de l'Etendue, ou de l'Efpace
pur , n'eft venue que de la décompofition
purement intellectuelle de la matiere.
On ne peut citer aucune Strophe de cette
Piéce, parce qu'elles font trop enchaînées les
unes aux autres , & qu'il faudroit rapporter
l'Ouvrage en entier .
On voit au commencement de la feconde
partie , quelques Fables de M. Peffelier.
Tout ce qu'on en peut dire , c'est qu'on ne
fçauroit s'empêcher en les lifant , de fonger
au naturel toujours copié , mais toujours
inimitable de la Fontaine.
Il feroit à fouhaiter qu'on trouvât beaucoup
AVRIL. 1744. 759
coup de morceaux femblables à celui qui
fuit ces Fables. C'eft une lettre écrite à M.
Chapelas , Curé de S. Jacques de la Boucherie
, par un Philofophe. Elle roule fur la
Médecine. L'Auteur qui eft diamnétralement
oppofé aux principes de l'Ecole , traite d'abord
des Elémens & en reconnoit cinq ; la
Terre , l'Eau , le Sel , l'Esprit & le Soufre ;
le feu & l'air font exclus de leur Claffe ; il
regarde l'air comme rempliffant les interſtices
des mixtes , & non comme en étant une
fubftance ; peut-être que les raifons qu'il apporte
pour prouver contre l'air comme Elément
, font plus folides que celles qu'il
apporte contre le feu. Il paffe enfuite aux
quatre humeurs qu'il détruit entierement ,
& continue avec le même ordre & la même
méthode .
La Poëfie vengée , p. 327. Le feu qui régne
dans cette Piéce , n'en dément point le titre.
La Poëfie y deffend fa propre caufe. Tout
le monde ne pense pas de même que l'Auteur
fur certaines perfonnes qu'il louë &
qu'il blâme , mais tout le monde est forcé
de reconnoître l'élévation des penſées , la
beauté & la jufteffe d'expreffion, la hardieffe
de tours , qui font réunies dans ce morceau.
En voici une Efquiffe. Il s'agit de l'abus
de la Poëfie.
Fiiij » Faut760
MERCURE DE FRANCE.
>> Faut- il donc que toujours l'efprit le plus fublime
» Se dégrade , en cherchant à briller par le crime ?
» Hélas ! ignore- t'il que ce honteux honneur
» N'illuftre fon efprit qu'aux dépens de ſon coeur
Quelle Mufe en ce fiécle , où régne la molleffe ,
» Dans les Vers épurés nous chante la fageſſe ?
›› Tantôt pour vous féduire un Lucrece nouveau ,
» Peintre des voluptés dont il tient fon pinceau ,
» Sous le mafque impoſant de la Philoſophie ,
» Et couronné des fleurs qu'offre la Poëfie ,
» Viendra vous débiter , fur un Stoïque ton ,
» Ses principes puifés dans le fein d'Albion ,
37
Séjour où la raifon de tout joug affranchie ,
» Venge par fes excès la foi qu'elle a trahie , &c.
Le Difcours fur la fimplicité des moeurs ,
qu'on trouve pag. 345 , & qui d'ailleurs eft
fort beau , n'a peut-être point toute la méthode
qu'on pourroit défirer. On ne peut
point dire la même chofe des Stances d'une
Amante à un Amant , dont elle devoit fe
féparer , pag. 368. Elles font de M. Cocquard
; foit du côté des fentimens , foit de
celui de la Poëfie , il n'y manque rien , & fi
elles avoient quelque défaut , ce ne pourroit
être que de trop reffembler à l'Amarillis de
Mde de la Suze. En voici quelques - unes.
ל כ
Quelle épreuve pour ma vertu !
Amour , pourquoi la féduis-tu
» Contre
AVRIL. 761 1744.
Contre le choix qu'a fait mon Pere ?
Ou pourquoi mon pere , en ce jour ,
» Sur le choix qu'il avoit à faire
N'a- t'il pas confulté l'Amour ?
Que ce funefte hymen te va couter de larmes !
Cher Amant ! je frémis déja de tes allarmes ,
Et mon coeur,qui pour toi craint de fe démentir ,
» Succombant à regret à fon fort déplorable ,
» Sent bien moins le coup qui l'accable ,
Que celui que tu vas fentir.
On reconnoît pag. 404 , dans une Ode
qui a pour titre : Les inégalités du coeur bumain
, fixées par la Foi , le même feu qui régne
dans la Poefte vengée. Les idées y font
fortes, & les images y font vives. En voici
une.
"Je nâge dans l'incertitude ,
Et veux percer la nuit de ma fombre priſon ;
» Dans un Dédale obfcur ma vive inquiétude
» Ne fait qu'égarer ma raiſon ;
33 Impétueux , ardent , avide de lumieres
Je vois en frémiffant de jaloufes barrieres
» Borner mon effor criminel ;
En m'échapant du cercle où le Deſtin m'enferme ,
Je ne trouve au delà que mille erreurs pour terme,
» Et pour fruit qu'un trouble éternel , & c.
Fv
Z&-
762 MERCURE DE FRANCE.
Zephire & Flore , Hiftoire Allégorique ,
p. 377. Le Triomphe de la Charité, Poëme
P. 411. L'Hiftoire abregée de Jacques II. Roi
d'Angleterre , d'Ecoffe & d'Irlande , p. 46 ;.
& fuiv. Une Obfervation Litteraire fur une
Edition des Oeuvres de M. Rouffeau , p. 529,
ne font pas à méprifer , auffi bien que plufieurs
autres Morceaux , dont l'étendue de
ce Volume , ne permet point de parler.
On donnera inceffamment l'Extrait du fecond
Volume de ce Recueil.
CUISINES AMBULANTES & portatives
, on Machine de nouvelle invention ,
en forme de Poële , propre aux differentes opérations
de Cuifine , fur laquelle fe mettent Marmite
, Cafferole , Four , Poiffonniere , Poële à
frire , Broche , Caffetiere & Gril ; elle eft
commode , tant à la Ville qu'à la Campagne
à la Chaffe , à l'Armée & fur la Mer , pour
toutes fortes de repas & de Mets , fans ufer de
charbon & avec très- peu de bois . Cette Machine
fert auffi à échauffer les Chambres dans
PHyver.
Le Sr François Frefneau , ancien Chirurgien
des Vaiffeaux du Roi , & Chirurgien
Major des Hôpitaux de S. M. eft l'Auteur
de cette Machine. Après l'avoir préfentée à
Mrs de l'Académie Royale des Sciences ,
qui lui ont accordé un Certificat favorable,
daté
AVRIL. 1744. 763
daté du 10 Juillet 1739 , il a obtenu du
Roi des Lettres Parentes , données à Verfailles
le 26 Octobre 1742 , qui accordent
audit Sr Frefneau le Privilége exclufif de
faire vendre & débiter la Machine ou Poële
en queſtion , avec les défenſes , & fous les
peines ordinaires .
Ces Lettres portées au Parlement , la
Cour a ordonné par Arrêt du 11 Février
1743 , qu'avant faire droit fur l'Enregistrement
d'icelles , elles feront communiquées,
avec le Plan y attaché , au Lieutenant Général
de Police , & au Subftitut du Procureur
Général du Roi au Châtelet , aux Prévôt
des Marchands & Echevins , & au
Subftitut du Procureur Général du Roi au
Bureau de la Ville , enfemble à l'Académie
des Sciences , pour donner tous leurs avis
fur le contenu defdites Lettres Patentes ,
&c. pour le tout fait , rapporté & communiqué
au P. G. du Roi , &c. être par la Cour
ordonné ce qu'il appartiendra.
En conféquence , M. de Vatan , Prévôt
des Marchands , enſemble le Procureur du
Roi au Bureau de la Ville , après avoir vû
& examiné avec des yeux intelligens la
Machine en queſtion , ont donné leur avis
au bas d'un long Procès verbal , daté du
Mars 1743 , dont on ne donnera ici que
l'effentiel & la conclufion.
Favj
Sous
30
764 MERCURE DE FRANCE.
Sous ces Obfervations, nows eftimons, fous le
bon plaifir de laCour, que bien loin qu'il puiffey
avoir aucun inconvénient de proceder à l'Enregiftrement
des Lettres obtenues par l'Impétrant,
il n'en peut, au contraire, résulter que de trèsgrands
avantages ; que les Sujets du Roi recevront
cette nouveauté avec la fatisfaction , qui
fera une fuite de l'usage qu'ils feront de ce Poële
, & que l'Impétrant recueillera le fruit , que
La Cour autorife en de pareilles occafions , comme
le prix accordé à l'émulation , qui doit animer
tous ceux à qui les talens naturels , fecondés
par des Etudes auffi profondes que bien
dirigées , infpirent de perfectionner les Arts.
Le 12 Juillet fuivant , M. Feydeau de
Marville , Lieutenant Général de Police , &
M. le Procureur du Roi au Châtelet de Paris
, ont auffi donné leur avis en la même
forme. L'avis qui termine leur Procès verbal
, eft exprimé en ces termes.
Par ces confdérations , notre avis eft , fous le
bon plaifir de la Cour , que lesdites Lettres
Patentes peuvent être enregistrées , fans aucun
inconvénient , pour être exécutées felon leur
farme teneur.
A l'égard de l'Académie Royale des Sciences
, cette Compagnie , pour fatisfaire auffi
de fa part à l'Arrêt du Parlement , a donné
un nouveau Certificat , dont il ne fera
inutile d'inférer ici la teneur.
pas
Mrs
AVRIL. 1744. 765
Mrs d'Onfembray , de Reaumur & Hellot ,
ayant lû , par ordre de l'Académie , les Lettres
Patentes du 26 Octobre 1742 , par lesquelles
les Roi accorde au Sr François Frefneau , ancien
Chirurgien fur les Vaiffeaux de S. M. le
Privilege exclufif de faire conftruire , vendre
& débiter , pendant l'espace de trente années
un Poële par lui inventé , pour faire les differentes
opérations de la Cuiſine avec un ſeul &
même feu , ayant lû pareillement l'Arrêt de la
Cour de Parlement du 11 du préfent mois ,
qui ordonne qu'avant faire droit fur l'Enregiftrement
demandé defdites Lettres Patentes,
elles feront communiquées à l'Académie des
Sciences , pour par elle donner fon avis fur le
contenu d'icelles , ayant auffi reconnu que te
Deffein en profil , qui y eft attaché , fous le contrefcel
defdites Lettres , eft celui du Poële , dont
ils ont vu les opérations au mois de Juillet
1739.
Et en ayantfait leur rapport , l'Académie a
adheré au Jugement favorable qu'elle en rendit
alors , & déclaré de nouveau que ce Poële pent
être très utile , pourvû que l'Auteur n'en multiplie
pas trop les opérations.
En foi de quoi j'ai figné le préfent Cer
tificat. A Paris le 24 Fevrier 1743. Signé
DORTELS DE MAIRAN , Sécretaire perpétuel
de l'Académie des Sciences.
Sur tout ce que deffus , le Parlement a
rendu
766 MERCURE DE FRANCE.
rendu fon Arrêt diffinitif , dont voici le
Prononcé. LA COUR ordonne que lesdites Lettres
Patentes feront registrées au Greffe d'icelle,
pour jouir par ledit Impétrant, fes Hoirs, Cef
fionnaires , Affocies ayant caufe , de l'effet
& contenu en icelles , & être exécutées felon
leur forme & teneur. Fait en Parlement le 14
Août 1743. Collationné , Langele . Signé ,
DUF RANC.
Le Sr Freſneau a cédé depuis fon Privilége
au Sr Veddi , Serrurier des menus plaifirs
du Roi , rue Fromenteau , lequel a l'Attelier
de ces Poëles ou Cuifines portatives , à
la Barriére de Charenton.
EXTRAIT d'un Mémoire particulier ,
communiqué par M. Hellot , de l'Académie
Royale des Sciences.
Je me fouviens que nous avons vû
cuire au même feu , tant deffus que
deffous , & aux deux côtés de cette efpece
de Poële , en trois heures de tems , un Alloyau
de 16 livres , huit Poulets , douze
Pigeons , deux Lapreaux rotis , 24 petites
Tourtes de patifferie , 24 Cottelettes de
Mouton grillées , une Soupe pour 8 perfonnes
, & deux Ragoûts. On n'a confumé pour
tout ce que deffus , que les deux tiers d'une
falourde de bois blanc.
Nous avons obfervé que ces Cuifines
peuvent
AVRIL. 1744. 767
peuvent être utiles aux petites Communautés
& aux petits Ménages , en ce qu'elles
fervent de Poële en même tems , & qu'il
feroit bon d'ailleurs , d'en faire l'effai fur les
Vaiffeaux du Roi .
EPHEMERIDES des Mouvemens Céleftes
pour dix années , depuis 1745 , jufqu'en
1755 , & pour le Méridien de la
Ville de Paris , où l'on trouve les Longitudes
& les Latitudes des Planettes , leurs
paffages au Méridien , & leurs déclinaiſons,
leurs conjonctions entre elles & avec les
Etoiles , leurs occultations & celles des
principales , fixes par la Lune , les Eclipfes
des Satellites de Jupiter , & généralement
tous les Calculs qui font néceffaires pour
connoître l'état actuel du Ciel , & pour faciliter
les Obfervations Aftronomiques.
Avec un Difcours qui contient l'explica
tion de tous ces Calculs , & des pratiques
faciles pour en faire ufage. Pour fervir de
fuite aux Ephémérides de M. Defplaces . Par
M. DE LA CAILLE , de l'Académie Royale
des Sciences , Profeffeur de Mathématiques
au Collège Mazarin . Tome IV. in -4° . A
Paris , rue S. Jacques , des Caractéres & de
I'Imprimerie de la veuve Collombar & fils ,
premier Imprimeur ordinaire du Roi , du
Cabinet , Maiſon , Bâtimens , Académie des
Arts,
68 MERCURE DE FRANCE .
Arts , & Manufactures de Sa Majefté , 1744-
Ces Ephémérides , qui fervent de fuite à
celles de M. Defplaces , font beaucoup plus
amples & plus utiles que celles- ci, & même
qu'aucune de celles qui ont parû jufqu'ici ,
Prefque tous ceux qui en ont publié , paroiffent
avoir eu principalement en vûë de
faciliter les Opérations néceffaires pour les
prédictions Aftrologiques , car ils ont eu
grand foin d'y mettre jour par jour les mouvemens
des Planettes en Longitude feulement,
leurs aspects , les Eclipfes & les Phafes
de la Lune , les figures & Thêmes Célestes
à ces Inftans , le mouvement de la Lune ,
qu'ils appellent la Tète du Dragon, & furtout
tous les differens afpects de la Lune , avec
les principales Etoiles fixes & les Planettes .
M.Defplaces avoit cependant mis en faveur
des Aftronomes , le paffage de la Lune par
le Méridien , & les Eclipfes du premier Satellite
de Jupiter , & feu M. Manfredi , Profeffeur
d'Aftronomie à Bologne , y avoit
ajouté les paffages des Planettes par le Méridien
, leurs déclinaifons , les conjonctions
de la Lune avec les Etoiles & avec le Plahettes
& des figures générales des Eclipfes
de Soleil.
M. de la Caille a banni entierement tout ce
qui n'étoit qu'Aftrologique, & s'eft propofé
uniquement le progrès de l'Aftronomie , en
rapportant
AVRIL.
1744. 769
rapportant ,non-feulement toutes les circonftances
des mouvemens des Aftres , mais furtout
en annonçant & en préparant toutes
les Obfervations qu'il eft important de
faire.
Voici donc en abregé le plan de cet Ouvrage.
On y trouvera bien plus de choſes
que le titre n'en détaille , & qui font renfermées
dans ces mots , & généralement tous les
Calculs , &c.
A chaque ouverture du Livre, on trouve
dans les deux pages qui fe préfentent aux
yeux , les Calculs néceffaires pour un des
mois de l'année . La premiere contient les Fêtes
des Saints,fuivant le nouveau Bréviaire de
Paris ; l'Equation de l'Horloge pour chaque
jour ; le tems du paffage du premier point
de l'Ecliptique par le Méridien; la Longitude
& la déclinaifon du Soleil ; la Longitude
& la Latitude de la Lune ; fon paffage par
le Méridien & fa déclinaifon ; fes Phafes; fes
demi diametres & fes parallaxes ; de deux
jours en deux jours, & les demi diametres du
Soleil , de cinq jours en cinq jours.
La feconde page contient les Longitudes
& les Latitudes , les paffages par le Méridien
& la déclinaifon des cinq autres Planettes,
de trois jours en trois jours ; toutes les
éclipfes des quatre Satellites de Jupiter , &
un Journal de tous les Phénomenes remar
quables ,
770 MERCURE DE FRANCE.
quables , & qui méritent l'attention des Af
tronomes..
On trouve à la tête de ce Livre deux Dif
cours. Le premier eft une Introduction , où
on explique en détail les ufages de tous ces
Calculs , & on y apporte des regles , pour
s'en fervir , avec des exemples pour les
éclaircir & en faciliter l'application.
Le fecond Difcours contient differentes
manieres de faire exactement les principales
Obfervations Aftronomiques , indépendamment
des grands Inftrumens. M. de la
Caille s'eft propofé principalement de faire
voir à ceux qui font des voyages de long
cours , & qui féjournent dans des Ports ou
Villes , dont la pofition Géographique n'eft
connuë que par eftime , qu'ils pourroient
en déterminer la Longitude & la Latitude ,
fans avoir d'autre connoiffance de l'Aftronomie,
que celles qu'ont ordinairement les
gens de Mer. Il y enfeigne même differentes
manieres d'obferver les Phénomenes Céleftes
, qui échappent aux Aftronomes de
l'Europe , quand ils arrivent dans l'Hémifphere
Auftral. Ce Difcours eft terminé par
un Catalogue des pofitions de toutes les
Etoiles fixes de la premiere , feconde &
troifiéme grandeur, qui font dans le Ciel, &
qui font néceffaires pour pratiquer les Méthodes
qui yfont enfeignées. Quant à l'impreffion
AVRIL. 1744. 771
preffion de ce Livre , les Connoiffeurs en
jugeront très-avantageuſement.
L'HISTOIRE & la Defcription Générale de
la nouvelle France du R. P. de Charlevoix ,
commence à paroître en trois Vol . in-4°. &
en fix Vol . in- 12 . chés Giffart , Didot , Rollin,
Nyon , fils , & la veuve Ganean . Le troifiémeVolume
comprend leJOURNAL du Voyage
que l'Auteur a fait , par ordre du Roi , dans
l'Amérique Septemtrionale. Cet Ouvrage eft
enrichi de 28 Cartes Géographiques & d'un
grand nombre de Plantes gravées , accompagnées
de leur Deſcription.
Les deux Differtations qui ont remporté
les deux Prix adjugés par l'Académie de
Soiffons l'année derniere , paroiffent chés
Chaubert , Libraire , à la Providence , Quai
des Auguftins. La premiere eft fur la Conquête
de la Bourgogne par le Fils de Clovis 1 ,
fur les accroiffemens que reçût le Royaume
de Soiffons fous Clotaire I. & c. Par M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglife Métropolitaine
de Sens.
La feconde Differtation eft pour fervir
d'éclairciffement à plufieurs Points de l'Hiftoire
des Enfans de Clovis I. Par M. Gouye
de Longuemare , Greffier de la Prévôté de
l'Hôtel , in- 12. 1744.
E s72
MERCURE DE FRANCE.
ESSA1 fur les Hieroglyphes des Egyp
tiens , où l'on voit l'origine & le progrès
du Langage & de l'Ecriture , l'antiquité des
Sciences en Egypte , & l'origine du Culte
des Animaux , traduit de l'Anglois de M.
Warburthon ; avec des Obfervations fur
l'antiquité des Hieroglyphes Scientifiques ,
& des Remarques fur la Chronologie & fur
la premiere Ecriture des Chinois , avec plu
fieurs figures gravées , 2 Volumes in- 12. A
Paris , chés Hyppolyte-Louis Guerin , Imprimeur-
Libraire , ruë S. Jacques , à S. Tho
mas d'Aquin , 1744.
LETTRE écrite à M. N*** , fur une
nouvelle Edition de Lucrece,
J'ai , Monfieur , à vous annoncer une
nouvelle Edition de Lucrece . C'est une efpece
de Phénomene que l'impreffion d'un
Poëte Philofophe , dans un tems où
le goût pour les Romans femble donner le
ton à la Litterature . Le mérite de ce Poëme
vous eft connu , c'eft pourquoi je ne vous
en entretiendrai point, & je ne vous rendrai
compte que du matériel de l'Ouvrage . C'eſt
un petit in- 12 . du format des Elzeviers ; la
beauté du caractere ne s'y fait pas moins remarquer
que celle du papier , & que l'ordre
qui regne dans l'execution . On reconnoît
par tout la main habile qui en a pris
foin.
AVRIL . 1744.
773
tes ,
foin. Chaque Livre eft précédé d'un Argument
, & eft orné d'Estampes & de Vignet
elles font de Duflos , Eleve du fameux
Picart. Tous ces avantages , quoiqu'ils ne
foient point à méprifer , n'auroient après
tout que le premier coup d'oeil
pour eux ,
s'ils n'étoient foutenus par d'autres plus
réels , tels que font , 1º. L'exactitude du
Texte , qui eft auffi correct qu'on peut le
defirer , l'Editeur n'ayant adopté que les
leçons qui femblent décider le fens propre
du Poëte. 2 °. Des Variantes en petit nombre
, mais recueillies avec choix & difcernement
; on n'y trouve que celles qui font
abfolument néceffaires , comme pouvant
former un fens oppofé , foit par la difference
de la ponctuation , foit par celle des
mots ; ajoûtez à cela qu'elles font tirées des
meilleurs Commentateurs , comme Havercamp,
Preigius , Creech , Nardi , Marulle
Gifanius , Lambin , &c. 3 ° . Une Préface qui
eft à la tête de l'Ouvrage , & qui ne doit
pas être regardée comme un hors d'oeuvre ,
mais comme abfolument néceffaire . La Latinité
en eft exquife , auffi -bien que le ſtyle.
L'Editeur y fait parler les fcrupules d'une
confcience , qui , quoique delicate, ne s'allarme
point mal-à - propos. Après avoir annoncé
modeftement l'exactitude de fon Ouvrage
, il paffe au reproche qu'on pourroit
lui
774 MERCURE DE FRANCE.
lui faire , d'avoir pris foin de l'Edition d'un
Poëte tel que Lucrece , qui pour avoir orné
de tous les attraits de la Poëfie la Philofophie
impie d'Epicure , paffe avec quelque
raifon pour le moteur de l'impiété ; reproche
, dit-il , qui tombe de lui -même , fi l'on
confidere que la Philofophie de Lucrece ou
plûtôt d'Epicure , n'eft regardée que comme
une fable ingénieufe par ceux qui ont du
bon fens ; voici les termes : At cum Lucretii
aut potius Epicuri Philofophia à cordato quoque
viro delirantis ingenii commentis annumeretur
, non fuit quod vereremur ne magis in re
rum inanitate,quam in Poëfeos leporibus Lector
fana mentis immoraretur .
Il annonce enfuite , comme l'antidote du
mal que cette lecture pourroit produire ,
l'Antilucrece du Cardinal de Polignac , dont
il fait l'éloge, auffi -bien que de M. l'Abbé de
Rothelin , qui doit inceffamment le donner
au Public ; je me fervirai encore de fes termes
: Si quid tamen meticulofis hominibus fupereffe
videbitur , quod ab exquifitis illis Lucretii
carminibus timere Religio jure poffit ,
faciet profectò ne error latiùs graffetur , utque
fidem ,fi quam invenerit , amittat expetitus ille
tandiù Eminentiffimi Cardinalis ANTILUCRETIUS
mox in lucem emittendus , fingulari , nec
fatis prædicando , illuftriffimi ac eruditiffimi
Abbatis Beneficio.
Cette
AVRIL. 1744. 775
me ,
Cette Préface qui eft traitée avec la même
délicateffe depuis le commencement jufqu'à
la fin , feroit fouhaiter que la vie de
Lucrece qui fuit , fut fortie de la même plumais
, foit modeftie , foit refpect pour
l'Antiquité , l'Editeur s'eft contenté de nous
donner celle de Lambin ; voici ce qu'il nous
apprend de notre Poëte. « Lucrece étoit
" natif de Rome , comme on peut le prou-
» ver par plufieurs endroits de fes Ouvra-
" ges ; fa famille étoit illuftre & fort an-
» cienne ; il ne tint cependant que le rang
» de Chevalier , ce que Lambin établit contre
un paffage de Céfar , qui qualifie un
Lucrece du nom de Sénateur . Ses moeurs
» douces & infinuantes lui gagnerent l'ami-
» tié de tout le monde . Il étudia la Philofo-
» phie fous Zénon , ce Coriphée de la Secte
Epicurienne , & eut pour contemporains
Catulle , Ciceron , Pomponius , Atticus ,
» & plufieurs autres . Les éloges que tous les
Sçavans lui ont donnés à la fuite de l'Antiquité
, font des preuves de l'élévation &
» de la pénétration de fon génie , de la majefté
de ſon ſtyle & des graces de fa verfi-
» fication ; il eft étonnant que Quintilien en
" ait fait fi peu de cas .
"
38
Pour ce qui regarde la mort de Lucrece ,
& l'âge auquel il mourut , Lambin ne dit
rien de pofitif , & ne décide point s'il mourut
976 MERCURE DE FRANCE.
rut de maladie , ou d'un philtre que lui
donna Lucile , ou fi , felon quelques-uns ,
il fe tua. La mort des grands hommes offre
prefque toujours quelque catastrophe ; il
femble , dit Lamothe le Vayer , qu'ils ne
puiffent entrer dans le Monde , ni en fortir
comme les hommes ordinaires. Voilà un
extrait en abregé , de la vie que Lambin a
donnée de Lucrece. La coûtume , plûtôt
peut-être que la néceffité , demandoit qu'on
y joignit les témoignages des Sçavans fur
ce Poëte ; l'Editeur les y a joints avec un Catalogue
des differentes Editions de ce Poëme.
Elles font au nombre de 56 , en comptant
cette derniere . Il auroit ſuffi pour vous
en faire l'éloge , de vous apprendre quel
eft l'Editeur. C'eft M. Philippe , qui , quoijeune
, eft fort connu par fa capacité
dus les Belles- Lettres , & furtout dans
dans
l'Hiftoire qu'il enfeigne à Paris avec fuccès.
Je ne vous parle point de celle qu'il a dans
la Géographie , me réfervant à vous en entretenir
, lorfque je vous rendrai compte
d'un Livre qu'il vient de donner au Public ,
& qui a pour titre : Effai de Géographie pour
Les Commençans.
Je fuis , & c.
›
A Paris , ce 10 Décembre 1743 .
ON
AVRIL. 1744. 777
ESTAMPES NOUVELLES.
AVIS au fujet d'un Recueil d'Estampes , qui
Je débite actuellement chés Pierre - Jean Mariette
, Libraire à Paris.
ON attendoit depuis long- tems , avec une juſte
impatience , le Recueil des Eftampes , gravées d'après
les Tableaux du Cabinet de M. BOYER D'AGUILLES
, Confeiller au Parlement de Provence.
Quoique ce Recueil n'ait pas encore été rendu pu-
* blic , il n'en eft pas moins connu ; l'éloge qu'en a
fait M. de Tournefort dans les premieres pages de
la Relation de fon Voyage du Levant , un très- petit
nombre d'Exemplaires qui fe font échappés , & que
M. d'Aguilles avoit fait imprimer pour quelques
amis , ont déja annoncé cet Ouvrage , & ont prévenu
favorablement les efprits en fa faveur. Il a
même tellement gagné auprès des Connoiffeurs ,
que toutes les fois qu'il en a été exposé en vente ,
le prix en a été porté très- haut .
Ce Recueil qui eft en deux grands Volumes infol.
compofés de 118 Planches , dont plufieurs occupent
la feuille entiere , préfente en effet un objet
auffi utile qu'agréable. C'eſt une fuite de Tableaux
de prefque tous les plus fameux Peintres ; c'eft un
affemblage de fujets extrêmement variés ; ce font
des Gravures exécutées au Burin avec beaucoup de
foin , & qui rendent la maniere de chaque Maître
avec fidelité . Le premier Volume contient les Ecoles
Italienne & Flamande , en 58 Planches , & le fecond
l'Ecole de France , en 60 Planches ; le tout
précédé d'une Defcription imprimée de chaque Tableau
, & de quelques refléxions , dans lesquelles
G on
778 MERCURE DE FRANCE.
on a tâché de tracer en peu de mots le caractere
de ceux qui les ont peint.
Ces Gravûres font prefque toutes l'ouvrage d'un
Graveur d'Anvers nommé Jacques Coelemans ,
Difciple de Corneille Vermeulen , auffi d'Anvers , &
Graveur de réputation . M. d'Aguilles l'avoit fait venir
à Aix pour être plus à portée de diriger fon travail;
& de l'aider de fes confeils . Et, qui pouvoit lui
en donner de plus utiles ? Quel eft , je ne dis pas le
Curieux , mais le véritable Connoiffeur , qui joignant
la pratique à la théorie , pouvoit , comme M.
d'Aguilles , non-feulement conduire le Graveur ,
mais mettre lui - même la main à l'oeuvre , & le Bu
rin à la main , retoucher les Planches , pour leur
donner l'entiere perfection , & en graver même
quelques-unes entierement ?
Voilà ce qu'il fera aiſé d'appercevoir dans le Recueil
d'Eftampes qui,reparoît, ou qui pour parler avec
plus de vérité , eft préfenté au Public pour la premiere
fois , puifque le peu d'Exemplaires , qui s'en
étoient répandus , ne peuvent être regardés que
comme des effais , & qu'ils font même preſque tous
imparfaits . Ceux que l'on propofe aujourd'hui, font
imprimés avec beaucoup plus de foin que les premiers
, & par de meilleurs Ouvriers ; le papier en eft
plus grand & plus beau . On s'eft déterminé pour
l'efpece de papier qui a été employé au Recueil
d'Eftampes publié par M. Crozat , parce que le Recueil
de M. d'Aguilles en eft naturellement la fuite,
& que ces deux Ouvrages étant de même genre , il
eft à préfumer que ceux qui ont pris le premier ,
voudront y joindre le ſecond. On en trouvera donc
d'imprimés fur le papier de Colombier , ou fur le
papier de grand Aigle , au choix des Acheteurs. Le
prix du premier fera moderé à 72 livres , & celui du
fecond a 80 livres. Ceux qui voudront en acquérir
dès.
AVRIL. 1744. 779
dès-à- préfent , peuvent s'adreffer à Pierre-Jean Ma-
Tiette , Libraire , rue S. Jacques , à Paris ; ils en trouveront
chés lui des Exemplaires tout prêts. Et pour
en faciliter l'acquifition aux autres qui voudroient
en retenir un ou plufieurs Exemplaires , le même Libraire
confent de partager le payement en deux
termes , fçavoit , 30 livres qui lui feront payées d'avance
, pour les Exemplaires imprimés fur le papier
de grand Aigle , ou 24 livres pour ceux imprimés
fur le papier de Colombier , dont il donnera fa Reconnoiffance
, & les so livres reftantes pour le papier
de grand Aigle , ou les 48 livres pour le papier
de Colombier , lorsqu'on retirera l'Exemplaire.
On ne recevra de ces Affurances que juſqu'au dernier
Août 1744, paffé lequel tems les Exemplaires
imprimés fur le papier de Colombier feront vendus
fans remife 96 livres , & ceux fur le grand Aigle ,
110 livres .
Ceux qui auront affuré des Exemplaires , feront
tenus de les faire retirer dans trois mois , à
compter
du jour de la date de la Reconnoiffance dont ils feront
porteurs , faute de quoi leurs avances feront
perdues pour eux , & ils ne feront plus admis à répeter
leurs Exemplaires.
6
On trouvera des Exemplaires de ce Recueil , &
on pourra auffi prendre des Affurances, à Paris, chés
Pierre-Jean Mariette , Imprimeur - Libraire , ruë
S. Jacques , aux Colonnes d'Hercule . A Londres,
chés Paul Vaillant. A la Haye , chés Neaulme . A
Amfterdam, chés Changuion . A Leyde, chés les Freres
Beck. A Bruxelles , chés George Friex. A Cologne ,
chés les Freres Metternich . A Nurembreg , chés Jean-
George Lochner. A Lille , chés Henri. A Lion , chés
les Freres Duplain. A Toulouse , chés Gafpard Henaud.
A Bordeaux , chés La Bottiere. A Aix , chés
David.
Gij Vás 4
780 MERCURE DE FRANCE.
VUE DES ENVIRONS DE BEAUVAIS . Eftampe en
large , gravée par J. P. le Bas , Graveur du Roi ,
d'après le Tableau original de F. Boucher , de l'Académie
Royale de Peinture , du Cabinet de M. le
Noir ; elle eft dédiée à M. le Febvre , Intendant &
Contrôleur Général des Affaires de la Chambre &
Menus Plaiſirs de S- M. Tréforier Général de la
Maifon de la Reine . Cette Eftampe fe vend chés
'P'Auteur , rue de la Harpe .
..
LES TOURS DE CARTES , autre Eftampe , gravée
par P. L. Surugue , le fils , d'après le Tableau
original de M. Chardin , Confeiller de l'Académie
Royale de Peinture , du Cabinet de M. Defpuechs .
Elle fe vend chés L. Surugue , Graveur du Roi , ruë
des Noyers , vis - à - vis S. Yves . On lit ces Vers au
bas.
On vous féduit , foible Jeuneffe ,
Par ces tours que vos yeux ne ceffent d'admirer ;
Dans le cours du bel âge , où vous allez entrer ,
Craignez pour votre coeur mille autres tours d'adreffe
.
LE SIFLEUR DE LINOTE , Eftampe en hauteur
gravée par J. P. le Bas , Graveur du Roi , d'après le
Tableau original de D. Teniers , du Cabinet de M.
Orry de Fulvy , Confeiller d'Etat , Intendant des
Finances. C'eft la 34 Eſtampe gravée par cet habile
Graveur , d'après cet illuftre Maître. Elle fe vend
chés l'Auteur , ruë de la Harpe. On lit ces Vers au
bas de M. Moraine.
Quand, fans avoir appris ni Mufique ni Note ,
Ton flexible gofier imite en tous leurs tons
Mes joyeux fiflemens , mes gaillardes Chansons
Je
A V RIL . 781 1744.
Je me fens tout ravi , ma petite Linote.
Ah ! je t'aime bien mieux que ma femme Aliſon ,
Qui jamais avec moi ne fut à l'uni-fon ,
Et qui ne manque point dans fon humeur bizarre ,
Si je chante en Bé- mol , de chanter en Béquarre.
Autre Eftampe , fous le titre de PETITE VûE DB
FLANDRES , gravée par le même Graveur , d'après
le même D. Teniers , de la Collection de M. Boitens.
C'eft la 33 Eftampe gravée d'après cet habile
Maître Elle fe vend chés l'Auteur. On lit ces Vers
au bas.
Le vrai m'a toujours plú. Tout groffier que puiffe
être
Le paifible entretien de ces deux Payfans ,
J'aimerois beaucoup moins celui d'un petit Maître,
Ou les difcours Alateurs des rufés Courtifans.
Le fieur Odieuvre , Marchand d'Eftampes , rue
d'Anjou , en entrant par la rue Dauphine , vient de
mettre en vente les Portraits de
S. JEAN NEPOMUCENE , Martyr , deffiné & gravé
par ..... Renn.
CHARLES , SURNOMME ' LE HARDI , ET LE
TEMERAIRE , DERNIER DUC DE BOURGOGNE "
& c. né le 10 Novembre 1433 , tué au Siége devant
Nancy , les Janvier 1474 , tiré du Cabinet de M.
d'Affry , Capitaine aux Gardes Suiffes .
DU- ANNE MADAME LOUISE D'ORLEANS
CHESSE DE MONTPENSIER , née le 29 Mai 1627 ,
morte à Paris les Avril 1593 , peinte par Hyacinte
Rigaud , & gravée par Filleul.
G iij Le
782 MERCURE DE FRANCE.
Le Sr Petit , Graveur , ruë S. Jacques , à la Cou
ronne d'Epines , près les Mathurins , qui continuë
de graver la Suite des Hommes Illuftres du feu
Sr Defrochers , Graveur du Roi , vient de mettre au
jour les Portraits fuivans .
P. CH. PORE' , Prêtre de la Compagnie de
Jefus , Régent de Rhétorique à Paris , mort en
1741 , âgé de 65 ans. On lit ces Vers au bas.
Avec ce Profeffeur habile,
Qui du Public charmé gagna toutes les voix ,
Horace , Ciceron , Démosthènes , Virgile ,
Sont morts une feconde fois.
LE PHILOSOPHE PLATON , furnommé le
Divin , né à Athènes la premiere année de la 88
Olimpiade , & mort la premiere de la 108 , âgé de
81 ans. On lit ces Vers au bas.
Chefde tant d'illuftres Sçavans ,
Tu fus , divin Platon , l'un de ces Phénoménes ,
Que la Nature enfante avec de telles peines ,
Que pour en reproduire il lui faut des mille ans.
M. Vion , Prêtre , Ordinaire de la Mufique de
l'Eglife de Paris , vient de donner une nouvelle Edition
de la Méthode de Mufique , qu'il a préfentée au
Public en 1742 , fous le titre de MUSIQUE PRATIQUE
Théorique , réduite à fes principes naturels ,
où nouvelle Méthode pour apprendre facilement & en
peu de tems l'Art de la Mufique , divisée en deux parties
, la premiere traitant de la Mufique Pratique , la
feconde , de la Mufique Théorique ; nouvelle Edition ,
augmentée d'un nouveau Chapitre , ou Maniere de connoitre
les Modes & les Tons , ainsi que leurs mutations,
Secours
A V RI L..
1744. 783
fecours très-nécessaire pour chanter toute forte de Mufique
à Livre ouvert & fans hésiter.
Le fuccès avec lequel ce premier Ouvrage a été
reçû , fait tout efperer de cette nouvelle Edition ,
dans laquelle l'Auteur n'a rien oublié de ce qui
peut faciliter l'avancement de ceux qui défirent apprendre
la Mufique.
On trouve à la fuite de cette Méthode beaucoup
d'Airs choifis à une & deux voix , avec & fans accompagnement
; un Vol. in-4° . de 80 pages , & 52
pages d'Exemples , en tout 132 pages. Prix en Brochure
4 livres, & fe vend à Paris , au Mont Parnaffe,
rue S. Jean de Beauvais ; à la Régle d'or , rue Saint
Honoré, & à la Croix d'or , rue du Roule.
Le Sr le Rouge , Ingénieur Géographe du Roi , rue
des grands Auguftins , vis - à - vis le Panier fleuri ,
vient de donner au Public une nouvelleCarte de toute
la Mofcovie , d'après Kirilow , Sécretaire du Conſeil
de Pétersbourg , contenant l'Empire de Ruffie , &
où on trouve les nouvelles Découvertes faites par
les Mofcovites , depuis environ quinze ans. Cette
Carte eft très-bien gravée , & eft fort au - deffus de
ce qui a parû jufqu'à préfent fur cette Partie.
Il a auffi publié une Mappe Monde nouvelle, dédiée
à M. le Comte de Maurepas , Miniftre & Sécretaire
d'Etat. Elle eft auffi parfaitement gravée , fort ornée
& accompagnée des inftructions convenables .
Nous avons parlé dans le Mercure du mois de
Janvier dernier , page 145 , d'une Carte, qui a pour
titre : Parités réciproques de la Livre Numéraire ou de
Compte , inftituée par l'Empereur Charlemagne , proportionnément
à l'augmentation du prix du Mare d'argent
, arrivée depuis fon Regne , jusqu'à celui de
LOUIS XV. à préfent regnant. Par le Sr Dernis
G iiij
Chef
784 MERCURE DE FRANCE.
Chef du Bureau des Archives de la Compagnie des
Indes Nous avertiffons ici le Public qu'on la trouve
chés l'Auteur , à l'Hôtel de cette Compagnie ,
& chés le Sr Baumont , fur le Pont Notre-Dame , au
Griffon d'or.
Cette Carte eft le fruit d'un plus grand Ouvrage,
qui traite non feulement des Monnoyes des François,
mais encore de celles des Hébreux , des Grecs,
des Romains, & enfin de toutes les Monnoyes des
quatre Parties du Monde , qui font venuës à la connoiffance
de l'Auteur , mais que , par des raiſons
qu'on détaillera quelque jour , & qui feroient ici
trop longues à déduire , l'Auteur n'a pu donner an
Public .
Elle eft divifée en 24 colonnes , fur 24 lignes. Ea
tête de chaque colonne on voit le nom de chaque
Roi, & le prix du Marc d'argent fous chaque Regne.
Les noms des Rois font auffi marqués à la marge,
avec les Epoques de la durée de leur Regne , enforte
que Charlemagne , fur la premiere ligne , répond
à lui-même , dans la premiere colonne , * &
enfuite à tous les Rois qui lui ont fuccedé. Louis
VII , deuxième ligne , répond à Charlemagne , premiere
colonne , à lui- même Louis VII , deuxième
colonne , & à tous fes Succeffeurs fur la même
deuxième ligne. Il en eft ainfi de tous les autres
Rois jufqu'à Louis XV , qui répond à lui - même ,
lignes & colonnes 23 & 24 , & à tous les autres
Rois qui l'ont précédé , en remontant juſqu'à Charlemagne
>
Il y a dans cette Carte une Diagonale , qui marque
les 20 fols dont la Livre étoit compofée fous
chaque Regne , en commençant par Charlemagne ,
*
Depuis Charlemagne jufques & compris Louis VI ,
la Livre a toujours été d'égale valeur."
jufqu'à
AVRIL. 785 1744.
jufqu'à Louis XV. C'eft de ces 20.fols que l'Auteur
a foulignés par un trait , qu'il faut partir , pour
trouver la valeur de la Livre de tel Roi qu'on voudra
choifir ,à volonté, en Monnoye des Rois qui l'ont
précédé , & de ceux qui lui ont fuccedé.
*
L'explication , qui eft au bas de cette Carte , fait
voir ce qu'étoit dans fon origine la Livre de Charlemagne
, & en quelle proportion elle étoit avec
la Livre des autres Rois ; enfuite la maniere avec
laquelle on peut trouver , d'un coup d'oeil , les l'arités
réciproques en Monnoye numéraire fous chaque
Regne.
>
Quelques- uns de Mrs des Académies de Paris ,
qui ont vu & examiné cette Carte , en ont fait un
rapport favorable à M le Chancelier , qui a bien.
voulu accorder à l'Auteur un Privilége pour neuf
années. Nous pouvons affurer que par fon exacte
précifion & fa fingularité , qui , dans 24 lignes
renferme un espace de près de mille ans , & dont ,
pour l'expliquer en difcours , il auroit fallu des
Volumes , cette Carte a mérité une place dans le
Cabinet de ce Magiftrat célebre , dans ceux des
Miniftres & Sécretaire d'Etat , & dans les trois fameufes
Académies.
Une perfonne croit devoir informer le Public
qu'elle vient d'être radicalement guérie d'un Cancer
ouvert au fein , pour lequel deux des plus habiles
Chirurgiens de Paris l'avoient condamnée à l'Opération
, fans efpérance d'autre Remede.
Le Sr Chonnet , Chirur. Privil . à Paris , a extirpé la
Glande de ce Cancer, par le moyen d'une Emplâtre
en exigeant feulement du Malade un régime très-
* Elle avoit trois qualités , de poids , réelle & numeraire,
GY facile
786
786 MERCURE DE FRANCE.
Facile à obferver , qui n'empêche point de voyager
ni de vaquer à fes affaires ; le même Remede opére
la guérifon de tous Ulcéres cancereux , même au
nez & aux levres .
Le Sr Chonnér eft en état de prouver par plufieurs
guérifons , la bonté de fon Remede. Il demeure ruë
de la Pelleterie , près le Palais , à Paris ; ceux qui
auront befoin de lui , auront la fatisfaction de voir
la guérifon de la perfonne qui donne cet Avertiffement
au Public .
LePublic eft auffi averti que laCompagnie desMattres
Apotiquaires de Paris , fait actuellement vendre
& diftribuer en leur Maiſon , ruë de l'Arbalêtre ,
Fauxbourg S. Marcel , & en leur Bureau , Cloître
S. Opportune , la Thériaque , qui a été composée
l'année derniere , en préfence de Mrs les Magiftrats
& de Mrs de la Faculté de Médecine. Les Boëttes
feront ficellées & fcelées du Sceau de la Compagnie
; on y joindra un Imprimé , contenant les vertus
& proprietés de ce Médicament , pour l'inf
truction de ceux qui voudront en faire uſage.
NOUVELLE Lettre au fujet du Spécifique
du Sieur Arnoult , écrite par M. D. Médecin
de Montpellier , à M. P. Médecin de
La Rochelle.
MONSIEUR ,
Une Lettre qui parut au mois d'Avril 1743 , contre
le Spécifique du Sieur Arnoult , & que je vous envoyai
alors , me donna des inquiétudes , au fujet des
rifques que couroient plufieurs perfonnes , à qui j'a
vois confeillé l'ufage de ce préfervatif. Je fuppofai
alors ,
AVRIL. 1744: 787
afors, comme un fait réel & inconteftable , que le
Sachet tant vanté ne garantifoit point d'attataque
d'apoplexie ceux qui le portent ; que M. du Cholet
en avoit eu deux en le portant , & qu'il étoit mort
fubitement de la derniere ; que c'étoit une charlatanerte
averée , qui méritoit au moins un fouverain mépris
. Telles font les paroles de l'Auteur de la Lettre .
Le point de la queftion , pour prononcer fur les
qualités d'un Remede , n'eft pas de fçavoir fi le débit
enrichit l'Inventeur ; il s'agit de la nature & de
l'efficacité du Remede , par rapport à la maladie. Si
ce Remede eft compofé d'ingrédiens inconnus &
impénétrables , n'eft - ce pas aux effets que l'on doit
s'en rapporter.
Pour combattre ceux du Remede du Sr Arnoult ,
' Auteur allegue certains faits , qui étant fuppofés
réels , tendent à renverfer les idées favorables du
Public fur la vertu du Spécifique . Ce font donc ces
faits que je vais examiner. Nous verrons enfuite les
conféquences qui en réfulteroient , dans la fuppofition
qu'ils feroienr véritables.
Je fçais que la Lettre de l'Anonyme eft peu connuë
; mais la moindre atteinte donnée à la vérité ,
même obfcurément , ne doit point être négligée
furtout quand il s'agit de la vie des Citoyens , &
qu'on s'efforce de décrier un Remede falutaire , qui
n'a pour ennemis que l'incrédulité ou la mauvaiſe
foi.
Pour m'inftruire de la vérité du fait fur lequel
roule la Lettre de l'Anonyme , j'allai ces jours paffés
trouver une perfonne de cette Ville , qui fait
ufage du Préfervatif du Sr Arnoult , & je la priai de
m'accompagner chés Mad. du Cholet , pour m'informer
des circonftances de la mort de M. fon mari..
M'étant donc rendu chés elle , j'appris les circonftances
de la mort de M. du Choler, telles à peu près
G vj qu'elles
788 MERCURE DE FRANCE.
qu'elles font expofées dans la Lettre de l'Anonyme,
mais on me dit qu'on s'étoit apperçû après la mort
de M. du Cholet , qu'il fortoit du fang purulent des
narines, & on ajoûta que les attaques de fa maladie
avoient toujours été fuivies de convulfions.
De-là je me tranfportai chés M , Mouton , Chirurgien
du défunt . Je le priai de diffiper mes doutes
fur la nature de la maladie de feu M.du Cholet , c'e
qu'il fit. M. du Cholet eft mort d'apoplexie , me
dit-il , je fus mandé dans le tems de fa dernière attaque
, & je le trouvai dans une grande agitation.
Il fut faigné du pied & mourut deux heures après.
Je priai alors ce Chirurgien de me dire quels Médecins
le voyoient ordinairement. Mrs Sylva & da
Moulin , me répondit il , furent mandés dans fa
premiere attaque , mais ils ne la jugerent point attaque
d'apoplexie , ils décidérent l'un & l'autre que
c'étoit une attaque d'Epilepfie .
Je demandai à M. Mouton la permiffion de faire
ufage de fa déclaration . Il m'affura qu'il étoit prêt
de la figner , mais que fon opinion particuliere étoit
que M. du Cholet étoit mort d'une apoplexie caracterifée.
Aprés cet éclairciffement , il reftoit à fçavoir fi
M. le Comte de Froullay , ci -devant Ambaſſadeur
du Roi à Venife , avoit été auſſi attentif à porter
le Sachet , qu'on le fuppofe dans la Lettre de l'Anonyme.
Le hazard ne m'a point éclairci fur ce
point. Trois perfonnes attachées à ce Seigneur depuis
10 30 & 40 ans , qui ne l'ont quitté qu'après
fa mort , m'ont certifié que M. le Comte de Froullay,
étant à Venife, eut deux attaques d'Apoplexie, il
y a deux ans & demi, qu'alors il ne faifoit point ufage
du Remede du Sr Arnoult ; que ce Seigneur écrivit
après ces deux accidens à M. Thiriot, Marchand
de Drap à Paris , qui lui envoya le Remede du Sr
9
Arnoult,
AVRIL. 1744. 789
Arnoult , dont il fit ufage dès qu'il l'eut reçû ; que
depuis qu'il eut commencé à le porter , il n'eut plus
aucunesrechutes d'Apoplexie. Voilà ce qu'ils me certifierent
. & peu de jours après j'apris qu'ils en avoient
délivré un Certificat dans les formes au Sr Arnoult.
Raifonnons maintenant fur ces deux faits , que l'Anonyme
a alterés dans fa Lettre.
Je vous demande à vous , M. qui connoiſſez fi
parfaitement le Diagnoftic des maladies ; avez - vous
jamais vû quelque Apoplectique qui eût des convulfions
dans le paroxyme de l'Apoplexie Cette
maladie n'eft- elle pas définie ftupor nervorum omnium
fenfus ce font cependant ces convulfions que
l'Anonyme repréfente comme une fuite de l'Apoplexie
dans la maladie de M. du Cholet , avouant
que ce Malade eft mort au milieu de ces convulfions.
Cependant Mrs Sylva & Dumoulin , au rapport
même du Chirurgien , n'y furent pas trompés;
ils regarderent M. du Cholet comme Epileptique ,
& vous fçavez , M. le peu de reffource que nous
avons dans la pratique contre l'Epilepfie qui fe ma
nifefte à so ans. Quoique le Chirurgien ait qualifié
d'Apoplexie ces accidens qui enleverent M.du Cholet
, je ne vous crois pas difpofé à trahir vos propres
lumiéres , & à méconnoître celles de ces deux
fçavans Médecins , pour adopter l'opinion folitaire
d'un Chirurgien , qui a d'ailleurs affés d'experience
& de réputation.
L'acquifition du Sachet antiapoplectique du Sr
Arnoult fut donc , de la part de M.du Cholet , une
précaution inutile & un préfervatif fuperflu ; c'eft
fur ceux qui lui confeillerent le vain ufage du préfervatif
en cette occafion , que l'Auteur devoit faire
* tomber fa cenfure , & non fur le Sr Arnoult , qui
denne à fon Remede les bornes que fes qualités exigent
; c'eft de l'Apoplexie qu'il préſerve & non
d'aucun
790 MERCURE DE FRANCE.
d'aucun autre mal ; il eſt abſolument inutile pour
l'Epilepfie.
or-
Pourriez-vous maintenant , M. ne vous pas ranger
du parti d'un Remede , que l'on attaque auffi
férieufement que s'il étoit démontré être inutile , ou
foupçonné d'être dangereux , quoique les faits allegués
dans la Lettre de l'Anonyme foient hazardés
& dépourvus de toutes preuves ? Quel fort auroient
eu , dans la pratique , l'Epixacuena , le Quinquina ,
le Mercure , le Kermès , & c . fi de vains Obfervateurs
euffent raffemblé les cas où ces Remedes ,
donnés à contre- tems , ont donné la mort aux Malades
, ou qui étant adminiftrés dans le cas d'un mak
violent & incurable , n'ont pû produire leurs effets
ordinaires Tout Remede qui n'eft point déplacé ,
& qui eft appliqué à une maladie fufceptible de gué
rifon , procure fon effet ; & celui du Sr Arnoult a ce
même avantage, il eft démontré par le Jugement de
Mrs Sylva & Dumoulin , que M. du Cholet étoit
Epileptique; donc le Sachet lui étoit inutile , fans cependant
le devenir pour l'Apoplexie .
Mais , dira- t'on , le Chirurgien que vous reconnoiffez
pour homme de pratique , n'a remarqué
dans tous les accidens de cette maladie , que ceux
qui caractérifent l'Apoplexie , donc M. du Cholet
eft mort Apopletique.
Cette opinion finguliere d'un Chirurgien , qui
tend à infirmer celle de deux Sçavans Médecins ,
vous féduiroit- elle , M. fi ce Chirurgien eût déclaré
Epilepfie une maladie que les deux Médecins euffent
qualifié d'Apoplexie ? Le Sr Arnoult feroit- il reçû à
oppofer à leur décifion celle d'un Chirurgien , dont
les maladies internes ne font pas l'objet? Un Chirurgien
peut quelquefois bien raifonner fur ces ma
ladies , mais fon raifonnement , lorfqu'il fe trouve
en contradiction avec deux célebres Médecins , qui
joignent
AVRIL. 1744. 79'
joignent à une pratique étendue une profonde théo
rie , n'éclaire pas plus qu'une bougie en plein Soleil
Je ne m'arrêterai point aux autres faits contenus
dans la Lettre,parce qu'ils ne prouvent rien . Que le
Curé de Romagny foit mort d'Apoplexie, quoiqu'ar
mé d'un Sachet , dois- je conclure que ce foit celui
du Sr Arnoult , lorfqu'on m'annonce que le frere du
défunt eft Apoticaire ? Ne fçait-on pas que ce Sachet
a été plufieurs fois contrefait par des gens de cette
Profeffion & autres , qui n'ont pas rougi de l'imiter
& de le diftribuer dans le monde fous le nom
d'Arnoult je pourrois tirer de la feule Ville de
Caën des preuves de ce que j'avance . Mais comme
ce feroit travailler pour l'avantage du Sr Arnoult
& que je ne me charge que de celui du Public , je
pafferai fous filence quantité de preuves qui dépofent
en faveur du Sr Arnoult , & je me borne à vous
rapporter les noms de quelques Particuliers conmus
, qui ont fait un aveu public des expériences
heureufes qu'ils avoient faites de ce Remede . Tels
font M. Garnier , Médecin de la Faculté de Paris ,
aujourd'hui premier Médecin du Roi à la Martinique
; M. Mauran, Médecin à Bergerac ; M. le Mercier
, Médecin de Rheims , & aujourd'hui Médecin
Confeiller ordinaire du Roi à l'Hôpital d'Huningue
; M. Desjours , Chirurgien Juré de cette Ville
& M. Février , auffi Chirurgien Juré , &c.
>
Mais il y a une voye plus fûre pour s'affurer des
effets certains d'un Remede c'eft le cri public
; or il eft certain que le Préfervatif du Sr Arnoult
a le fuffrage de la Cour & de la Ville , & il eft
démontré que ce Remede a operé plus de cures qu'il
n'en a manqué. Donc ce n'eft pas de la part du Se
Arnoult une charlatannerie avérée , comme le dit
témérairement l'Auteur Anonyme de la Lettre.
Cependant fuppofons pour un moment que les.
faits.
792 MERCURE DE FRANCE.
faits qu't allegue contre le Préfervatif du Sr Arnoult,
foient vrais & autentiques , qu'en réfulte- t'ib
autre chofe , finon que ce Remede n'a pas contre
l'Apoplexie plus de verta que le Quinquina contre
la fievre , & l'Epikacuena ou le Simarouba contre
la Diffenterie ? Il eft conftant qu'il n'y a point de
Remede abfolument & généralement infaillible . It
eft des maladies rebelles , qui ne cedent à aucun
Spécifique. Il fuffit pour l'honneur de ces Spécifiques
, qu'en général ils produifent tel effet , & que
rarement ils forent inéficaces . Ce feul raifonnement
met en poudre toute la Lettre de l'Anonyme. Ceffet'on
en Médecine d'ordonner le Quinquina , le Stibium
, le Kermés , l'Epixacuena , le Simarouba ,
parce que malgré l'adminiſtration de ces excellens
Remedes , le Malade ne laiffe pas quelquefois de
mourir ? S'il y avoit des Spécifiques abfolument infaillibles,
en tout tems , en tout lieu , & en toute
occafion , le Médecin n'auroit qu'à connoître le
genre de la maladie , dès- lors le Malade feroit fauvé
, & perfonne ne mourroit. Le raifonnement de
P'Anonyme eft donc peu fenfé , puifqu'en admettant
même les faits dont il triomphe , il n'en réfulte rien .
Que peut- on conclure de deux ou trois faits contraires
à l'efficacité du Préſervatif ( en les fuppofant
vrais ) contre une foule d'autres faits , & contre une
nuée de témoins , & de témoins de la plus haute
confidération & les plus dignes de foi , parmi lefquels
fe trouvent des perfonnes de l'Art , qui attef
tent mille guérifons opérées par le moyen de ce
Spécifique
Le Sr Arnoult n'eft point obligé de réfuter les faits
qu'on lui oppofe, & quand on pourroit lui en objecter
plufieurs autres pareils , la réputation de fon
Remede ne fouffriroit aucun déchet ; mais il s'en
faut bien qu'il convienne avec l'Anonyme , que les
faits
AVRIL. 1744. 793
faits allegués dans fa Lettre foient vrais & autentiques.
Par rapport à la maladie de feu M. le Comte
de Froullai , voici la preuve du contraire de ce que
l'Anonyme a ofé avancer. C'eſt le Certificat de trois
perfonnes , entre les mains defquelles ce Seigneur
eft mort. Je vous l'envoye , M. tel que je l'ai copié
fur l'original.
» Nous fouffignés , Guyard , Douillet & Bizel ,
» certifions à qui il appartiendra , que moi Guyard,
»ily a quarante ans que j'ai l'honneur d'être attaché
à Son Excellence M. le Comte de Froullai
» ci-devant Ambaffadeur du Roi à Venife ; que moi
Douillet, j'ai le même honneur depuis trente ans ,
» ainfi que moi Bizel depuis dix ans , que nous ne
» l'avons point quitté depuis ce tems , jufqu'à fa
" mort, & que nous avons une parfaite connoiffance
de deux accidens d'Apoplexie qui lui font arrivés
à Venife , il y a deux ans & demi , & qu'a-
» lors il ne faifoit point d'ufage du Sachet du Sr Ar-
" noult ; que dans le tems , & après ces deux acci-
"dens d'Apoplexie , S. E. écrivit à M. Thirior ;
" Marchand de Drap à Paris , & fon homme de con
ל כ
fiance , qui lui envoya auffi-tôt le Remede du Sr
" Arnoult ; que mondit Seigneur en a fait ufage de-
" puis , & qu'il est très conftant , que depuis l'ufage
qu'il a fait de ce Remede , il ne lui eft arrivé
aucun accident d'Apoplexie. Nous croyons
"devoir rendre ce témoignage en confcience & en
» honneur , d'autant plus que le reproche que l'on
» a fait au Sr Arnoult , dans le Journal des Sçavans
» du mois d'Août 1743 , page 1529 , par forme
» d'Extrait d'une Lettre anonyme , porte précifé-
> ment , que S. E. le Comte de Froullai a eu quatre
» atteintes d'Apoplexie , quoique depuis la premiere
il ait été bien attentif à porter le Sachet ; ce qui
» eſt une accuſation des ennemis du Sø Arnoult ,
» très794
MERCURE DE FRANCE.
» très-fauffe , & tout à fait contraire à la vérité ; en
» foi de quoi nous en donnons la préſente déclara-
" tion en notre ame & confcience , & tel que
" nous le ferions en Juftice , fi nous en étions requis.
Le tout pour fervir & valoir ce que de raifon.
A Paris le 17 Mars 1744. Signé , BIZEL ,
FRANÇOIS GUYARD , & DOUILLET .
ar
သ
Je finirai par une refléxion qui fervira de reponfe
à une frivole objection de l'Anonyme; le Remede
du Sr Arnoult , felon lui , eft pernicieux . Pourquoi ?
C'eft qu'il infpire une fauffe confiance , & empêche
ceux qui font menacés d'accidens d'Apoplexie , de
fe précautionner par les moyens ordinaires de la
Médecine. Je réponds que le Sr Arnoult ne prétend
point difpenfer ceux qu'il arme de fon Sachet , de
fe précautionner de la même maniere que s'ils ne le
portoient point. Au contraire il croit , avec raiſon ,
que fon Remede en fera plus efficace , fi on y joint
un fage régime prefcrit par un habile Médecin.
Le Sachet perd beaucoup de fa vertu , fi l'on s'abandonne
à des excès , & fi l'on mépriſe les utiles
précautions que la Médecine confeille. Arnoult
foumet fon Sachet à la prudence de la fçavante Faculté.
C'eft une arme qu'il lui fournit , pour joindre
à fes autres armes contre l'Apoplexic .
Je fuis , Monfieur , &c .
CHANSON
Avril
1744.
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
ASTOR
, LENOXAND
TILEEN
FOUNDATIONE
THE
NEW
YORK
PUBLICHERARY
.
AND
ROUNDATIONS
.
G
AVRIL. 1744. 795
CHANSON
E pouvante tes bords , gronde, Mer orageuſe ,
Jufqu'aux Cieux éleve tes flots ;
Et , pour nous étaler la richeffe trompeuſe ,
Ramene du Pérou nos orgueilleux Vaiffeaux.
Tranquile, heureux , aux bords d'une Onde pure ,
L'ambition n'entre point dans mon ſein ;
Je dois tous mes tréfors à la fimple Nature ;
Ma Bergere fe plaît à me verfer du vin.
Laffichard.
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Comédie des Mariages
Affortis , en Vers & en trois Acles , repréfentée
par les Comédiens Italiens le 10 Fe
vrier dernier.
ACTEURS.
Dorimon , pere de Damon & du Chevalier,
amon ,
Le Chevalier ,
le Sr Mario.
le Sr Riccoboni.
Le Sr Deshayes..
raminte, foeur de Lifimon , la Dlle Belmont.
Lifumon
796 MERCURE DE FRANCE.
Lifimon, pere d'Angélique , le Sr Sticotti
Angélique, fille de Lifimon , la Dlle Silvia.
Beauval , ami de Damon , le Sr Rochard.
Hortenfe , fille de Beauval, la Dlle Riccoboni.
Finette , Suivante d'Angélique & d'Araminte
,
Un Notaire.
L
la Dlle Deshayes.
le Sr Ciavarelli.
La Scine eft à Paris.
'Auteur de cette Piéce ne s'eft pas encore
nommé ; quel qu'il foit , nous ne
pouvons nous difpenfer de lui rendre, avec
tout le Public , la juftice qui lui eft dûë ; fa
verfification a été généralement applaudie ,
& fi le fond de fon fujet n'eſt pas également
approuvé par ce qu'on appelle vis Comica,
on ne peut difconvenir qu'il ne brille par
les beautés de détail. Ses traits , fes portraits,
fes maximes & fes définitions lui ont fait un
honneur infini. En voici l'Extrait.
Au premier Acte , Dorimon , pere de Damon
,
Héros de la Piéce , reproche à ce fils
vertueux une maniére de vivre, qui tient un
peu de la fingularité. Damon convient qu'il
n'eft pas tout-à-fait exempt du défaut dont
fon pere entreprend de le corriger , mais il
le fait d'une maniere à faire connoître à Dorimon
que ce défaut apparent eft une vertu
réelle . Voici commentil fe définit lui-même.
Oui,
AVRIL.
797 1744 .
Qui , je ſuis accufé de fingularité ,
Car tout homme à talens eft par moi respecté.
La plupart , il eft vrai, ne vont point dans le Monde
On s'y pique , à l'envi d'ignorance profonde ;
On déclare la guerre au feul titre d'eſprit ,
Et l'on paroît méchant lorsqu'on approfondit.
Dans le Monde faut- il qu'un Sçavant , ſe rép ande?
Quels difcours découfus voulez - vous qu'il entende
J'efperois rencontrer dans ce Monde charmant
Des vertus où l'efprit féme fon agrément ;
Dans ce qu'on nomme ici la bonne Compagnie ,
J'ai crû qu'on le formoit le coeur & le génie ,
Et que ce qui faifoit une bonne maifon ,
C'étoit l'art d'être aimable avec de la raiſon ;
Je l'ai connu ce Monde ; ah ! grands Dieux , quelle
Ecole !
C'eſt de nos jeunes gens une cohorte folle ,
Sans principes , fans goût , s'accrochant à des mots ,
Révoltans dans leurs airs , libres dans leurs propos
Dont l'efprit effrené, fans reſpect , fans prudence ,
Fait rire la folie , & rougir la décence ;
J'ai cru que je pouvois, fans me faire aucun tort ,
Laiffer ces Meffieurs- là , qui me déplaiſent fort , & c.
Dorimon n'a garde de contredire des
fentimens fi raifonnables , mais il fait
entendre à ſon fils qu'il y a un milieu
à prendre dans les portraits divers qu'il
vient de faire; ce qu'il explique par ces Vers .
Damon ,
798 MERCURE DE FRANCE.
Damon, on penſe bien quand on fçait fe conduire,
Et ce grand art confifte à fçavoir ſe produire.
Fréquentez ces maiſons , où , fans être foûmis ,
Dans l'éclat des honneurs, on fe fait des amis.
Tous les vôtres , mon fils , plus chagrins que fauvages
,
Au Dieu de la Fortune ont offert des hommages
;
Ces hommes rebutés , méprifent par dépit
Ceux dont le crime fut d'effacer leur crédit ;
Libres en apparence , ambitieux dans l'ame ,
C'est l'animofité qui fronde & qui déclame ;
Ils haïffent les Grands par pure paffion ,
Et leur mifantropie eft de l'ambition ;
Leur efprit dédaigneux que leur difgrace entraîne ,
Paroît brifer leurs fers , tandis qu'il les enchaîne ;
Ce qu'on nomme vertu , je le vois d'un autre oeil ;
On ne hait l'Univers que par efprit d'orgueil.
Ces deux Portraits , quoiqu'oppofés , ne
fe détruifent pas l'un l'autre , & juftifient le
jufte milieu dont nous venons de parler.
Dorimon ne laiffe pas d'être très-fatisfait
de l'efpece de mifantropie de Damon , mifantropie
à laquelle on pourroit à juſte titre
donner le nom de Philofophie ; il eft ravi
d'apprendre que fon fils n'a aucune répugnance
pour le mariage. Voici comment
Damon s'explique quand il lui en parle :
Non
AVRIL. 1744.
799
Non, je n'ai pour l'Hymen aucun éloignement ;
Je ne me fuis jamais lié d'aucun ferment ,
Et même mon plaifir feroit inexprimable
De faire le bonheur d'une perfonne aimable .
Voici où le noeud de la Piéce commence.
Dorimon a déja chargé le Chevalier , auffi
fuperficiel que fon frere eft folide , de trouver
un parti fortable à Damon ; il arrive ce
Chevalier étourdi ; il fait entendre à Dorimon,
fon pere , que la future est toute trouvée.
Voici le portrait qu'il en fait.
C'est une fille riche ; elle n'a plus de mere ;
C'est toujours une avance , & furtout point de frere;
Elle n'a qu'une four, qui fait choix du Convent ;
Le pere fera mort dans un an , même avant , & c.
• Oui ; fa face eft mourante ;
Cette fille a de plus une affés vieille tante ,
Décrépite & coquette , & dont le tein fané
Cache les paffions fous un front fillonné ;
Le tems chés elle encor n'a point éteint leur braife ;
Sa mine a foixante ans , fon coeur n'en a que feize ;
Elle a du bien vraiment ; il feroit dangereux
Qu'un jeune homme parût trop afmable à fes yeux ;
Il s'en empareroit par un bon mariage ,
Et c'eſt à quoi je veux pourvoir en homme fage,
Ce portrait fert à faire connoître le caractere
800 MERCURE DE FRANCE.
.
ractere des Interlocuteurs qui doivent entrer
dans la Piéce .
Damon n'eſt pas trop fatisfait du portrait
que le Chevalier lui fait d'Angélique , c'eſt
le nom de la femme qu'il lui propofe, quoiqu'il
ait deffein de l'époufer lui-même. Il
veut aller l'informer de ce qu'il a fait ; elle
lui en épargne la peine ; elle vient lui té,
moigner fa furpriſe par ces Vers,
Je viens vous faire part de ma furpriſe extrême;
Vous m'aimez, dites-vous,& malgré votre amour,
Vous voulez que Damon m'époufe dans ce jour !
La façon de penfer eſt tout- à- fait nouvelle ;
Je dois vous fçavoir gré d'un tel excès de zele ;
LeChevalier lui dit que la propofition qu'il
vient de faire à Dorimon & à Damon , n'eft
qu'un jeu , un badinage , une rufe dont il
efpere un fuccès infaillible. Voici fur quoi
il fe fonde , en parlant de Damon comme
d'un pédant.
C'est un homme à fouhait, pour fervir notre flâme ;
Car, fût- il au moment de vous prendre pour femme,
Il s'en défiftera fans aucun repentir ,
Si Monfieur votre pere y veut bien confentir.
Or, il ne faut qu'un point , afin qu'il y confente ,
C'eft de pouvoir jouir du bien de votre tante ;
Car cet article feul doit être notre objet.
1}
AVRIL. 1744.
801
Il faut donc vous prêter à fervir mon projet.
Jouez l'impertinence aifée & nonchalante
D'une femme à grands airs dont l'époux repréfente ;
Vous verrez auſſi tôt mon frere épouvanté.
Voilà tout votre rôle , & moi de mon côté ,
Je ferai l'Amoureux de la bonne Ariminte ;
Avec fuccès déja j'ai commencé la feinte ;
Son ame s'adoucit & ne doute de rien
Et quand j'aurai fon coeur , j'aurai bien- tôt fon bien.
Nous allons voir dans l'Acte fuivant
comment il s'y prendra pour avoir le fuccès
dont il fe flate dans fa fourberie,
Damon ouvre le fecond Acte, avec Beauval,
fon ami, perfonnage qui n'a point paru
dans le premier , & qui donne lieu à une
expofition , laquelle trouvera fa place dans
le dernier Acte , & fervira à remplir le titre
de la Piéce , puifqu'il fera un mariage bien
afforti . Ce Beauval n'approuve pas la facilité
avec laquelle Damon confent au mariage
fon pere ,ou plutôt fon frere le Chevalier
a projetté pour des vûës qui ne regardent
que lui-même. Voici comment ce fidéle
ami fait connoître qu'il eft digne de la
confiance de notre Philofophe , crû homme
fingulier :
que
Je fuis trop votre ami, pour n'être pas fincére ;
L'Hymen & le bonheur ne fe rencontrent guere;
H De
802 MERCURE DE FRANCE.
De l'Hymen aujourd'hui l'on ne ferre les noeuds ,
Que pour être opulent, & non pour être heureux;
Cette foi, qu'on fe donne , eft un voeu mercenaire,
Qu'on forme effrontément,fans amour & fans plaire.
C'eſt à la foif du bien qu'on cherche à l'immoler ;
Ce font des chaînes d'or dont on veut s'accabler ;
Ce lien , dépouillé de tendreffe & d'eftime ,
N'a point cette vertu, qui le rend légitime ,
Qui produit des Epoux le charme naturel ,
Et ce bonheur fe change en un malheur réel.
Beauval , par cette maxime fi fage , ne
prétend pas fronder le mariage mais
l'abus qu'on en fait ; il a été marié , & regrette
tous les jours la vertueuſe moitié que
la mort lui a enlevée , cependant les fuites
de ce mariage n'ont pas laiffé d'être fâcheufes
pour lui , par le malheur qu'il a eu de
perdre tous fes biens. Sa pauvreté l'a réduit
à confentir qu'un de fes parens fe chargeât
de fa fille , mais avec tant de dureté, qu'il ne
lui eft pas même permis de la voir,tant fa mifere
le rend méprifable à ce parent , qui lui
à prêté un azile , moins par générofité que
oftentation . Damon lui demande le nom
de ce cruel parent , mais le Chevalier , qui
arrive fubitement ,lui coupe la parole, & ce filence
étoitutile&même néceffaire à l'Auteur,
pour allonger fa Piéce.. Le Chevalier prend
Beauval pour un faifeur de harangues. 11 a
par
befoin
AVRIL. 1744. 803
befoin d'un compliment , & il voudroit
en acheter un qui fût bien tourné . Dans
cette croyance il dit à Beauval , le voyant
affés mal vétu :
Si j'en crois l'apparence ,
Monfieur ne paroît pas être dans l'opulence ;
Les Lettres, je le vois , ne font pas en crédit ;
J'en fuis , ma foi, fâché ; j'aime beaucoup l'esprit.
Beauval n'eft pas fi fort abbattu par la
mauvaiſe fortune , qu'il n'ait , malgré toutes
fes peines , confervé la noble audace de
repouffer une injure ; il répond dédaigneufement
au Chevalier :
Monfieur , on ne doit pas trouver la chofe étrange ;
Vous le fçavez affés , fur tout la mode change ;
C'eſt en votre faveur qu'elle regne en ce jour ;
Le Sage en fe taifant , doit attendre fon tour.
Beauval s'étant retiré après ce petit trait,
Damon fait connoître à fon frere , qu'il n'a
pas à s'en plaindre , puifqu'il fe l'eft attiré fi
mal à propos. Le Chevalier n'en devient
plus fage , & demande à fon frere qui eft
cet homme-là ; Damon lui répond qu'il eft
fon ami , & très-digne de l'être .
pas
Dorimon , leur pere , interrompt leur
conteftation, & annonce à Damon fa future
épouse & fon futur beau-pere. En effet, ils
Hij ne
804 MERCURE DE FRANCE.
ne fe font pas long-tems attendre ; ils font
fuivis d'une vieille tante & d'une prétenduë
foeur d'Angélique , dont nous apprendrons
le véritable fort au dernier Acte.
Cette Scéne entre les Parties contractantes
, eft du nombre de celles qu'on appelle
remplies de jeu comique. L'équivoque continuelle
qui en fait tout le prix, eft de convention
entre le Chevalier & Angélique.
La vieille tante , qui y eft jouée , fe croit
aimée du Chevalier , qui n'en veut qu'à
Angélique , pour Hortenfe , qui ne trempe
nullement dans la fourberie du Chevalier ,
la bonne Araminte lui donne ce conſeil :
Hortenfe, écoutez bien , & fentez cet honneur ;
D'Angélique , ma niéce , il faut vous dire foeur ;
Il faut enfévelir l'état de votre pere ;
De peur de vous tromper, ayez foin de vous taire.
Toutes ces mefures étant prifes , & bien
obfervées , il n'en peut réfulter qu'une Scéne
très-amufante. Lifimon , Pere d'Angé--
lique , paroît affés content de Damon , fon
gendre futur , ce qui l'oblige de dire à Dorimon
fon
pere :
Je ne vois pas en lui ce que j'avois penfé ;
Pour homme fingulier vous l'aviez annoncé.
Voici ce que Damon lui répond en vrai
Philofophe : Si
AVRIL. 1744. 805
Si j'ofois me charger d'un pareil perſonnage ,
Pour pouvoir m'approuver, je vous trouve trop fage;
Qui cherche à s'annoncer fous ce titre affecté ,
N'eſt fouvent dans le fond qu'un efprit avorté ,
Qui veut en impoſer , à la faveur d'un terme ,
Sur l'incapacité qu'en foi-même il renferme,
Mais celui qui s'applique à n'avoir jamais tort ,
Qui, malgré fes talens , paroît fimple à l'abord ,
Qui , pour faire plaifir , defire des richeffes ,
Qui connoît l'amitié , qui paffe les foibleffes ,
Qui des travers publics rit en particulier ,
Voilà ce que j'appelle un homme fingulier.
Dans tout le cours de cette Scéne voici
ce qu'il y a de plus folide , c'eſt que Damon
ne paroit touché que de la phyfionomie
d'Hortenfe ; elle feule lui paroît capable de
faire un mariage bien afforti , c'eft ce qui
l'oblige à l'entretenir en particulier. Sa
fageffe acheve de la rendre aimable à fes
yeux . Nous allons voir le projet de cette
paffion naiffante dans le troifiéme & dernier
Acte.
Il n'a pas été bien difficile à l'Auteur de
certe Comédie de parvenir au dénoûment
& de faire deux mariages bien affortis.
Commençons par celui du Chevalier avec
Angélique , dont les caractéres fe conviennent
parfaitement. Dès les premieres Scénes
de cet Acte , il a pris foin d'obtenir le con-
H iij fente806
MERCURE DE FRANCE
fentement de Lifimon , pere d'Angélique .
Voici comment ce bon père s'explique :
En faisant le bonheur d'une fille que j'aime ,
Dans cette affaire -là , mon plaifir eft extrême ,
De voir qu'avec adreſſe on attrape ma foeur ,
Et lorfque de fon bien vous ferez poffeffeur ,
De concert avec vous , je me moquerai d'elle.
4
Le Notaire que le Chevalier a mis dans
fes interêts , parle ainfi à Liſimon :
De la donation la forme fera telle ,
Qu'Araminte fera fruftrée entierement ,
Et ne touchera rien , que par votre agrément.
Je fçais , graces au Ciel , mon métier de Notaire.
Araminte vient confirmer ce que le Notaire
vient d'affûrer à Lifimon ; voici la forme
de la Donation qu'Araminte veut dicter
elle-même.
Ayant de tous les tems eu du goût pour l'épée ,
Aimant du Chevalier la perfonne & l'état ,
Ecrivez; pour donner force à cet Acte - là ,
Que , fi du mariage il ne fort pas lignée ,
Malheur, dont, grace au Ciel, je fuis bien éloignée ,
Je donne néanmoins mon bien au Chevalier ,
Sans qu'aucun autre puiffe en être l'héritier.
Voila Araminte aufli bien liée qu'on le
peur
AVRIL. 1744. 807
peut être dans un mariage de Comédie ; venons
à Damon ; fon mariage eft bien mieux
afforti & du moins les moeurs n'y font point
bleffées . Il cherche & trouve en Hortenfe
de la vertu ; c'eft la feule dot qui peut rendre
un honnête homme heureux . Cette vertu
éclate furtout dans ce qu'elle dit à Beauval,
qu'elle croit être fon vrai pere; le voici .
Mon pere, à votre aſpect , que mon amé eft ravie !
Ah ! ne prononcez pas le malheur de ma vie ;
Je ne voudrois jamais de Damon pour époux ,
S'il faut pour l'obtenir que je renonce à vous ;
Votre feule amitié pour mon coeur a des charmes ;
Nommez-moi votre fille & calmez mes allarmes.
Cette reconnoiffance fait un plaifir extrême
à Damon ; il le fait connoître pár cos
deux Vers :
Ciel ! qu'entends-je ? fa fille ! ô bonheur inoüi !
Quoi le pere d'Hortenfe eft mon meilleur ami !
Beauval , charmé de la joye que Damon
fait éclater , y répond par ces quatre Vers :
Comblé de vos bienfaits , j'étois dans l'impuiffance
De vous rendre certain de ma reconnoiffance ;
f
Trop heureux qu'aujourd'hui l'amour foit de moitié,
Et vienne à mon fecours pour payer l'amitié !
C'eft par-là que finit la Comédie des Ma-
Hiiij riages
808 MERCURE DE FRANCE.
riages affortis ; toutes les Parties contractantes
y font fatisfaites ; Araminte y eft facrifiée,
mais il y a apparence qu'elle prendra
fon parti ; du moins il le faudra bien , ne
pouvant mieux faire.
Le 13 , les mêmes Comédiens firent l'ouverture
de leur Théatre par la Comédie des
Fées , Piéce en Vers & en trois Actes , fuivic
d'un Divertiffement & d'un Vaudeville. On
donna enfuite la premiere repréſentation
d'une petite Piéce Italienne en un Acte ,
intitulée , la Joûte d'Arlequin & de Scapin
laquelle a été fort applaudie & parfaitement
bien joüée. On donna après le même Feu
d'artifice , intitulé le Bercean , qui avoit été
donné à la clôture du Théatre , avec un trèsgrand
concours.
On prononça le même jour , fuivant l'ufage
, à l'ouverture du Théatre , le Compliment
, qu'on donnera le mois prochain .
Le 23 , les mêmes Comédiens donnerent
la premiere repréſentation d'une Comédie
nouvelle en Profe & en trois Actes , intitulée
, les Combats de l'Amour & de l'Amitié,
de la compofition de M.... & fon premier
Ouvrage pour le Théatre Italien . Cette Piécft
, dont on parlera plus au long , eft ornée
d'un Divertiffement , & terminée par un
Vaudeville .
Le
AVRIL. 1744.
809
Le 13 Avril , les Comédiens François ouvrirent
leur Théatre par la Tragédie de Zaire
, de M. de Voltaire , laquelle fut ſuivie
de la petite Comédie du Port de Mer ; le
fieur Defchamps , qui avoit prononcé le
Compliment qu'on fait ordinairement à la
clôture du Théatre , prononça celui de l'ouverture.
Le 27 , les mêmes Comédiens donnerent
la premiere repréſentation d'une Comédie
nouvelle , en Vers & en cinq Actes , intitulée
l'Ecole des Meres , de la compofition
de M. de la Chauffée , de l'Académie Françoife.
On parlera plus au long de cette nouveauté
, qui a été généralement applaudie.
EPITRE à Mile Dumefnil , au fujet dn
Rôle de Mérope,Tragédie de M. de Voltaire.
AH! fans doute , c'eft Melpomene ,
Qui des Vers d'Apollon fait retentir la Scéne ;
Sa préfence embellit ces Lieux ;
Ses pas guidés par la nobleffe ,
Ses regards , tout enfin m'annonce une Déeffe ;
Le goût , le fentiment triomphent dans les yeux ;
Le tendre amour y prend les traits dont il me bleffe,
Dieu puiffant, offre -lui mes voeux & mon encens ;
Fais quelle accepte mon hommage ;
Lui préfenter ces Vers, ces tranfports que je fens ,
Hv C'eft
810 MERCURE DE FRANCE.
C'eſt lui préſenter ſon ouvrage ;
L'Amour , offrant le coeur d'un profane mortel ,
N'avilit point des Dieux le redoutable Autel.
Par toi , la jalouſe Roxane
Nous a fait trembler mille fois ;
A la fureur de Phédre , aux plaintes d'Ariane ,
Quelle autre eût mieux prêté la voix ?
Tes yeux fçavent verfer les pleurs de Cornelie ,
Et lancer ful Joas les regards d'Athalie.
Oui , chere Dumefn.l , c'eſt toi ,
Qui , fans fard & fans impofture ,
Sçais fibien peindre la Nature ;
Tu remplis tous nos fens de tendreffe & d'effroi ;
Par fes pleurs , par un fort ſi triſte ,
Mérope pour fon fils a fçû nous allarmer ;
Eh ! qui pourroit ne point aimer
La veuve de Crefphonte & la mere d'Egyfte a
Tu parles , & foudain l'efprit eſt enchanté
Le Spectateur épouvanté ,
D'un Tyran foupçonneux redoute la colere ;
L'inquiétude d'une mere
Intereffe mon coeur , tendrement agité.
Melpomene
, apprens- moi ce fecret fi vanté ,
Le talent féducteur d'émouvoir & de plaire ;
Sans tes divins talens , Apollon eût douté
Qu'on pût prêter encor des charmes à Voltaire.
LE CLERC , de
Montmercy.
Le .
AVRIL. 1744. 811
Le 14 Avril , l'Académie Royale de Muſique
fit l'ouverture du Théatre par l'Opera
de Roland , lequel a été continué jufques &
compris le 21 de ce mois .
Le 23 , on remit au Théatre la Tragédie
de Dardanus , qui avoit été donnée pour la
premiere fois le 19 Novembre 1739. Le
Poëme eft de M. la Bruere , mis en Mufique
par M. Rameau ; on peut voir l'Extrait qui
en a été donné dans le premier Vol . de Décembre
de la même année , pag. 2890 .
Le 18 Mars , le Roi , par Arrêt de fon
Confeil d'Etat , du même jour , a accordé
le Privilége de l'Académie Royale de Mufique
à M. Berger , qu'avoit ci-devant M. de
Thuret , qui s'eft retiré.
NOUVELLES ETRANGERES ,
TURQUI E.
Na appris deConftantinople , que le bruit y
couroit qu'il y avoit une négociation renouée
pour un accommodement entre le Grand Seigneur
& Thamas-Kouiikan , & que la ſignature du Traité
de Paix n'étoit retardée , que parce que ce dernier
demandoit que le Schach -Rade fut obligé de fortir
des Etats de Sa Hauteffe.
H vj SUEDE
812 MERCURE DE FRANCE.
SUEDE.
N mande de Stockolm du 2 du mois dernier ,
qu'un courier qui y eft arrivé de Coppenhague
le 29 du mois précédent , a apporté la Convention
qui y a été fignée le 24 au nom du Roi de
Suéde par le Comte de Teflin , Ambaffadeur Extraordinaire
de S. M. auprès du Roi de Dannemarck
, & au nom de S. M. Danoife par Mts de
Holften , de Berkentin & de Schulin , fes Miniftres
Plénipotentiaires.
On affûre qu'il a été ftipulé par un des articles
de cette Convention , que l'une & l'autre des Puiffances
Contractantes donneroient les ordres néceffaires
, pour que dans l'efpace de trois ſemaines
leurs troupes fe féparaffent ,& que leurs Flotes fuffent
défarmées. Le Roi a envoyé à la Czarine une copie
de cette Convention , afin de la faire approuver
par S. M. Cz.
*
On a appris le 9 du mois dernier , que la Ratification
de cette Convention a été fignée par le Roi
& envoyée au Comte de Teffin , pour être remife
par cet Ambaffadeur à S. M. Danoife.
RUSSIE.
ONmande de Pétersbourg du 26 Février dernier
, que la Czarine
a fait
remettre
au Réfident
de la Reine de Hongrie une Déclaration par
laquelle S. M. Cz . demande à cette Princeffe une
fatisfaction convenable au fujet des dépofitions faites
contre le Marquis de Botta .
Les Négocians , qui font venir des marchandifes
de Perfe , ont pris des mesures pour faire à l'avenir
transporter directement à Archangel toutes celles
qu'ils
AVRIL. 1744. 813
qu'ils tirent d'Ifpahan , & par ce moyen elles arriveront
beaucoup plûtôt que lorsqu'on étoit obligé
de leur faire paffer les Montagnes de Derbent , &
de les voiturer par le Volga , qui eft gelé pendant
plufieurs mois de l'année.
On a conduit fous une eſcorte jufqu'à la Frontiére
de la Curlande , les domeftiques Allemands , qui
étoient auprès du Prince & de la Princeffe de Brunfwick
Bevern , & on leur a défendu de rentrer en
Ruffie , fans une permiffion expreffe de la Czarine.
ALLEMAGNE.
Na appris de Vienne du 4 du mois dernier ,
que la Reine ayant réfolu d'avoir trois armées
pendant cette campagne , la premiere , qui fera la
plus confiderable , s'affemblera vers le Rhin , &
& qu'elle fera commandée par le Prince Charles de
Lorraine , & par le Comte de Traun ; que le Général
Bathyani aura le commandement de celle qui
doit s'affembler en Bavière , & qui fera compofée
de 30000 hommes , qu'il y aura en Moravie un
Corps de dix- fept Bataillons , auquel on joindra les
Régimens de Dragons de Ballagra & de Saxe Gotha
, 2000 Varadins , & les Milices de la Province ,
avec une partie de celles du Royaume de Bohême.
Les nouvelles inftances , faites par la Czarine
pour obtenir une fatisfaction fur les plaintes qu'elle
a portées contre le Marquis de Botta , ont déterminé
la Reine , à faire inftruire le procès de ce
Marquis , & à lui ordonner les arrêts , jufqu'à ce
qu'on ait examiné les preuves alleguées contre lui .
Les Commiffaires nommés pour le juger , font les
Comtes de Wurmbrand & de Hartig , dont le premier
a été Préſident du Confeil Aulique , & Mis
Pal814
MERCURE DE FRANCE.
Paltzer , Hutner & Jordan, Confeillers de la Chancellerie
.
Les eaux du Danube étant augmentées confiderablement
par la fonte des neiges , ce fleuve eft débordé
, & il a fubmergé deux Fauxbourgs de Vienne
& un grand nombre de Villages , dont les habitans
ont été obligés de fe fauver fur les toits de leurs maifons.
La Reine a ordonné qu'on ne négligeât aucun
moyen de les fecourir , & plus de cent barques ont
été employées à tranfporter dans cette Ville les uns ;
& à porter aux autres des vivres .
On mande de Francfort du 29 du mois dernier ,
que l'Empereur a fait remettre à la Diette de l'Empire
un Mémoire , portant qu'il y a actuellement
56 Bataillons & 19 Régimens de Cavalerie des
troupes de la Reine de Hongrie dans les Etats Héréditaires
de S. M. I. que rien n'eft plus touchant
que les Relations qu'on reçoit de la fituation déplorable
à laquelle la Baviére eft réduite ; que le Clergé
fuccombant fous le poids des impofitions , n'a
plus d'autre reffource que dans l'argenterie qui refte
aux Eglifes ; que la Nobleffe , épuifée par des vexations
continuelles , eft dans une défolation , dont
les fujets augmentent tous les jours ; qu'un grand
nombre de Bourgeois , dont les maiſons ont été
brûlées ou pillées , ont pris le parti d'aller mandier
avec leurs familles ; que la plupart des Payfans ont
abandonné leurs terres , & que les autres font
dans une fi grande indigence , qu'à peine ont ils de
quoi le préferver de la famine ; qu'il y a plus d'un
endroit où ce Fleau s'eft déja fait fentir , & où les
habitans ont éprouvé les extremités les plus fâcheufes
; que les Fondations pieufes n'ayant pas été à
P'abri de la perfécution & de l'avarice des ennemis ,
il n'y a plus d'afile ni de foulagement pour les pauvres
ni pour les malades , qui périffent faute des
LeAVRIL.
815
1744.
fecours les plus néceffaires ; qu'enfin il ſemble que
la Reine de Hongrie , par une conduite fi éloignée
de tout ménagement , fe propofe de mettre la Baviére
hors d'état de fe relever jamais des maux
qu'elle fouffre ; que c'est pour en arrêter le cours
ou du moins pour les faire diminuer , que l'Empereur
s'adreffe aux Etats de l'Empire , dans l'efpela
Diette prendra des mesures efficaces ,
pour faire ceffer cette oppreffion .
rance que
On a appris de Francfort du 6 de ce mois , qu'il
y paroît des copies d'une nouvelle lettre que l'Empereur
a écrite au Roi de la Grande Bretagne , &
qui porte que S. M. I. auroit fouhaité de pouvoir
être convaincue par les raifons alleguées dans les
réponſes de ce Prince , que la Dignité du Corps
Germanique n'étoit point compromife par les Actes
que la Reine de Hongrie a fait inferer dans les Archives
de la Diette de l'Empire ; que la décifion de
cette affaire ne dépend point de quelques queſtions
incidentes ; que le Roi de la Grande Bretagne ,
conjointement avec les autres Electeurs a élû l'Empereur
, qui a été reconnu en cette qualité , fans aucune
contradiction , non-feulement par les Etats de
l'Empire , mais encore par toutes les Puiffances
Etrangeres , que la Reine de Hongrie refufe feule
de fe conformer à l'exemple du refte de l'Allemagne
, & qu'elle attaque la validité de l'Election de
S. M. I. dans les Actes qu'elle a fait recevoir à la
Dictature ; que l'Empereur laiffe à juger à tout le
monde impartial , fi un Prince , qui occupe dans le
College Electoral & dans l'Empire un rang auffi
confiderable que le Roi de la Grande Bretagne ,
peut approuver & défendre des Ecrits , qui tendent
à détruire fon propre ouvrage & celui des autres
Electeurs ; que fi l'Election de l'Empereur eft valide
, comme le Roi de la Grande Bretagne en convient
,
1816 MERCURE DE FRANCE.
vient , S. M. Br. ne doit point donner four approbation
à des Actes , dans lefquels cette Election eft
traitée d'illégitime ; que fi le Roi de la Grande Bretagne
fe croit obligé de prendre ces Actes fous fa
protection , on demande comment il concilie cette
opinion avec ce qu'il doit en qualité d'Etat de l'Empire
au Chef Suprême du Corps Germanique , &
comment la réfolution d'admettre dans les Archives
de l'Empire les Actes dont il s'agit , s'accorde avec
les prérogatives du Collége Electoral , & avec les
Conftitutions de l'Allemagne ; qu'il en eft de la
Diette de l'Empire comme de l'Election de l'Empereur
; que le Koi de la Grande Bretagne regarde ,
& eft dans la néceffité de regarder cette Affemblée ,
comme légitime , & les réfolutions qui s'y prennent
, comme ayant force de Loix ; que cependant
la Reine de Hongrie ofe foutenir directement
le contraire , & qu'elle prétend que l'Empire reçoi
ve des Ecrits dans lefquels elle combat ouvertement
ces maximes ; qu'il eft difficile de concevoir comment
S. M. Br. peut adopter à la fois deux Systêmes
fi oppofés , reconnoître pour légitime ce qui eft reconnu
pour tel par l'Empire , & en même- tems favorifer
une prétention , doar l'objet eft de traiter
de nul ce que l'Empire regarde comme irrévocable
, qu'il n'y a point de diftinctions ni de fubterfuges
, capables de juftifier une contradiction fi
manifefte.
L'Empereur , après avoir rappellé au Roi de la
Grande Bretagne , que S. M. Br . elle- même a prétendu
, auffi bien que tous les autres Electeurs , que
la Proteftation préfentée par le Baron de Prandau ,
au fujet de la voix Electorale de Bohênìe , ne pouvoit
être admife dans les Actes de l'Empire , finit
fa lettre , en faifant obferver au Roi de la Grande
Bretagne , que les principes avancés par ce Prince
dans
AVRIL. 1744. 817
dans fes réponses à S. M. I. doivent paroître aux
Electeurs avoir des conféquences dangereufes , &
être préjudiciables à leurs droits , & S. M. I. ajoute
qu'elle efpere que les lumieres de S. M Br. lui feront
prévoir les fuites qui peuvent réfulter de fes
démarches.
ITALI E.
ON mande de Rome du 15 du mois dernier ,
que les diverfes lettres qu'on y a reçûës de
la Marche d'Ancone , portent que le Duc de Modéne
eft retourné à Fano joindre l'armée Espagno
le ; qu'il en a repris le commandement ; que ces,
troupes continuoient leur marche vers les Frontiéres
de l'Abbruzze , & que le 10 du mois dernier il y
avoit eu entre leur arriere- garde & les Huffards de
l'armée de la Reine de Hongrie une action affés vive
, dans laquelle chacune des deux armées avoit
perdu environ 120 hommes.
On a appris du 22 du mois dernier , que l'armée
Efpagnole , commandée par le Duc de Modéne
ayant continué fa marche vers l'Abbruzze , elle
paffa le 18 , la riviere de Tronto , qui ſépare l'Etat
Eccléfiaftique du Royaume de Naples , & qu'elle
étoit allée fe pofter fous le canon de Pefcara. Le
Prince de Lobekowitz a fuivi cette armée jufqu'à
Fermo , où il s'eft arrêté avec les troupes qui font
fous les ordres , & il devoit y attendre le retour
d'un courier qu'il avoit dépêché à la Reine de
Hongrie. Il y a eu plufieurs efcarmouches entre les
troupes du Roi d'Efpagne & celles de cette Princeffe
, & ces derniers ont fait 80 prifonniers.
Depuis que le Prince de Lobekowitz eft entré
dans la Marche d'Ancone , il a envoyé ordre de
rompre tous les fours qu'il avoit établis dans le
Bolonois.
Selon
818 MERCURE DE FRANCE.
-
Selon les avis reçus de Naples , le Roi des deux
Siciles , auffi tôt qu'il a été inftruit de l'approche de
l'armée de la Reine de Hongrie , a fait avancer du
côté de Pescara un Corps de troupes , compofé de
14 Bataillons & de 15 Eſcadrons , pour obſerver les
mouvemens de cette armée , & pour veiller à la
défenſe du Royaume de Naples.
GENES ET ISLE DE CORSE.
ON mande de Génes du premier du mois dernier
, qu'on a enfin reçû des lettres de l'ffle de
Corfe , les unes écrites de la Baſtie le 6 , & les autres
de Calvi le 11 , lefquelles marquent que la tranquil
lité n'eft pas encore auffi affermie dans cette Ifle
qu'on le fouhaiteroit , & que les habitans de la
Province de la Balagna font difficulté d'accepter le
Réglement figné par les Députés des autres Piéves.
On a appris depuis que les Députés de quelques
Piéves , qui s'étoient foumifes à ce Réglement
faifoient à préfent de nouvelles demandes , qui
donnoient lieu de craindre que le feu de la révolte
ne fut pas encore entierement éteint.
Un Matelot Génois , qui étoit fur un Vaiffeau de
guerre Anglois , de 70 piéces de canon , de l'Eſcadre
commandée par l'Amiral Mathews ; eft arrivé à
Gênes. Le Vaiffeau , à bord duquel étoit ce Matelot
, ayant été coulé à fond par les Elpagnols dans
le combat qui s'eft donné le 22 Février dernier en
tre les Efcadres combinées de France & d'Espagne ,
& celle d'Angleterre , ce Matelot a en le bonheur
de fe fauver & de gagner un Bâteau de Pêcheur dè
S. Tropez. Il a affûré les Inquifiteurs d'Etat , que
plufieurs Vaiffeaux de l'Efcadre Angloife ont été
confidérablement endommagés par l'artillerie des
Vaiffeaux François & Espagnols.
On
AVRIL. 1744. 819-
On mande de Génes du 28 du mois dernier ,
qu'il y eft arrivé un Bâtiment Anglois , dont l'équi
page a rapporté qu'il avoit laiffé à Port- Mahon
I'Elcadre commandée par PAmiral Mathews , &
que cet Amiral avoit fait defcendre à terre 700 de
fes Soldats & de fes Matelots , qui ont été bleffés
dans le combat du 22 Février dernier.
ESPAGNE.
Napprend de Madrid du ro du moisdernier ,
que felon les dernieres lettres que le Roi a re
çûës du Gouverneur d'Alicante , dattées du 4 , M.
de Court , Commandant de l'Efcadre Françoife ,
ayant appris par une Frégate , qu'il avoit détachée
pour avoir des nouvelles de l'Efcadre Eſpagnole ,
commandée par Don Juan Jofeph Navarro , que
cette Efcadre étoit arrivée à la hauteur du Cap de
Palos , il avoit remis auffi - tôt à la voile , pour aller
la joindre.
S'il n'eſt point furvenu de calme ou de vents con
traires , les deux Efcadres combinées doivent être
arrivées à Cartagene.
L'Intendant de Marine de S. Sebaftien a mandé
au Roi , que les Frégates l'Esperance & l'Extravagante
y ont conduit deux Vaiffeaux Anglois , nom
més l'un le S. Jean , l'autre le Jeanne Gibraltar
chargés de Vin & de diverfes autres marchan
difes.
•
S. M, a été informée par des dépêches du Commiffaire
de Marine de Santona , que le 22 du mois
dernier le Vaiffeau le Milner , de la même Nation ,
à bord duquel il y avoit une grande quantité de
Tabac de Virginie & de Vin de Madére , avoit été
pris par la Frégate la Notre-Dame de Begona , &
que cette Frégate s'étoit auffi emparée d'un autre
Bâti
820 MERCURE DE FRANCE.
Bâtiment , dont la charge confiftoit en goudron.
1 On mande de Madrid du 17 du mois dernier
qu'il y eft arrivé de Cartagene un courier , par lequel
on a appris que le 11 l'Efcadre qui eft fous
les ordres de Don Joſeph Navarro, étoit entrée dans
ce Port avec l'Eſcadre Françoife , commandée par
M. de Court , lequel a rejoint l'Eſcadre du Roi près ,
du Cap de Palos.
Le Vaiffeau le Neptune , qui avoit été obligé de
relâcher à Barcelonne , eft auffi arrivé à Cartagene,
& l'on travaille avec toute la diligence poffible à le
réparer , ainfi que les autres Vaifleaux de l'Efcadre ,
qui n'ont pû que beaucoup fouffrir , vû la fupériorité
du nombre des Vaiffeaux par lesquels ils ont
été attaqués.
Don Jofeph Navarro a envoyé au Roi , par le
Courier qui a apporté ces nouvelles , une Relation
circonftanciée de tout ce qui s'eft paffé par rapport
aux deux Efcadres combinées , depuis leur fortie de
Toulon jufqu'à leur arrivée à Cartagene. Cette
Relation confirme. que l'Eſcadre de S. M. a coulé à
fond un Vaiffeau de trois ponts de l'Eſcadre Angloife
, nommé le Marlborough , & un Brulot , qui
s'étoit approché du Vaiffeau le Real , pour y mettre
le feu ; qu'un autre Vaiffeau de guerre Anglois a
été entierement démâté , & plufieurs extrêmement
maltraités , entr'autres un de 90 canons ; que les
deux Efcadres Françoifes & d'Eſpagne ont mis deux
fois l'Amiral Mathews dans la néceffité de repren
dre le large , & que le lendemain du combat elles
demeurerent en ligne pendant tout le jour à la vûë
des Anglois , qui fe tinrent éloignés à une trèsgrande
diftance , quoiqu'ils euffent le deffus du
vent .
Depuis que le vent violent de Nord Eft , qui s'éleva
le 24 du mois dernier , a contraint les deux Ef.
cadres
AVRIL. 1744. 823
cadres de faire voile vers les Côtes de ce Royaume ,
elles n'ont découvert aucun Vaiffeau des ennemis
mais on a été informé que leur Efcadre a regagné
Port Mahon .
Le Roi a nommé Lieutenant Général de fes armées
Navales , Don Jofeph Navarro , qui s'eft conduit
avec une habileté & une valeur , aufquelles on
ne peut donner trop d'éloges.
On a appris d'Aviles dans la Principauté des Alturies
, que le 9 Février dernier l'Armateur Don
Juan Blond y a conduit le Vaiffeau Anglois la Ste
Anne , chargé de Tabac de Virginie , dont il s'eft
emparé entre le 48 & le 49 Degré de Latitude
Septentrionale.
L'Intendant de Marine du Ferol a mandé au Roi ,
que deux Vaiffeaux & un Brigantin de la même
Nation , à bord defquels on a trouvé une grande
quantité de bled & de riz , ont été pris par les Armateurs
Don Olivier Colan , Salvador de Barros
& Antonin de Juana , & que le dernier de ces Armateurs
a attaqué feul un autre Vaiffeau marchand ,
dont il s'eft rendu maître.
Selon les lettres écrites au Roi par l'Intendant de
Marine de S. Sebaftien , l'Armateur Don Julien
Defayes entra le 10 du mois dernier dans ce Port
avec le Vaiffeau Anglois la Princeffe , de 150 ton→
neaux , chargé de bled , dont il s'eft emparé le 26
Février dernier à 40 lieuës du Cap de Finisterre
& qui avoit fait voile de Pool pour Génes .
>
Le Vaiffeau le S. Jean , allant de Liverpool à Gibraltar
, a été pris par les Eſpagnols , ainfi que le
Vaiffeau le Dauphin , & une Chaloupe , qui avoient
fait voile de la Jamaïque.
GRANDE
822 MERCURE DE FRANCE.
GRANDE BRETAGNE.
Na apprisde Londres du 19 du mois dernier,
que le Koi d'Angleterre a réfolu de faire affembler
une armée dans le Royaume , & qu'elle
fera commandée par le Comte de Stairs , qui aura
fous fes ordres le Lord Marker , Général d'Infanterie
; le Duc de Montagu , le Chevalier Robert
Rich & M. Charles Churchill , Lieutenans Généraux
; le Lord Cadogan , M. Jean Folliot , le Duc
de Richmond & M. Jean Guife , Majors Généraux ;
le Duc de Marlborough , Mrs Oglethorpe , Blackeney,
Wolfe & Lowther , Brigadiers ..
On a détaché par ordre du Roi , pour les faire
paffer en Angleterre , cent huit hommes de chacun
des Régimens qui font en Irlande , & S. M. a envoyé
de nouveaux ordres à Dublin , pour qu'on détachât
de plus quatre hommes de chaque Compa
gnie de tous ces Régimens. Il a été réfolu de faire
revenir auffi , s'il eft néceffaire , 6000 hommes des
troupes Angloifes , qui font dans les Pays- Bas.
Les avis reçûs de la Jamaïque portent que le
Vaiffeau de guerre l'Oxford , commandé par le Capitaine
Henri- Maine , a enlevé un Vaiffeau Efpagnol
, à bord duquel on a trouvé 80000 piéces de
huit.
Le Roi a été informé par fon Réfident à Turin ,
du combat qui s'eft donné le 22 Février dernier entre
les Efcadres combinées de France & d'Espagne ,
& celle de la Grande Bretagne ; que les Amiraux
Mathews & Rowley ont été bleffés legerement par
quelques éclats de bois ; que le Lord Forbes l'a été
affés confiderablement au pied ; que M. Ruffel ,
Capitaine de Pavillon de l'Amiral , a eu le bras
droit emporté , & que le Capitaine Cornwall ,
ComAVRIL
. 823 1744.
Commandant d'un Vaiffeau de trois ponts , a été
tué.
L'équipage d'un Bâtiment , arrivé de l'Amérique,
a rapporté que deux Armateurs de S. Chriftophe
s'étoient rendus maîtres d'un Vaiffeau Eſpagnol
richement chargé.
>
Le 31 du mois dernier , les Commiffaires de l'Amirauté
reçûrent enfin le courier qu'ils attendoient
de l'Amiral Mathews , avec la Relation du combar
qui s'eft donné le 22 du mois de Février entre les
Élcadres combinées de France & d'Espagne, & celle
que commmande cet Amiral .
Il paroît par cette Relation , que le 21 , au matin ,
les Elcadres ennemies étant en préſence de celle de
la Grande Bretagne , l'Amiral Mathews fit le fignal
à tous les Vaiffeaux qui étoient fous les ordres , de
s'avancer en bataille , mais qu'il ne pût être joint
par le Vice- Amiral Leftock , qui ayant jetté l'ancre
à cinq milles au deffous du vent , le trouvoit à une
trop grande diftance ; que le Contre- Amiral Rovvley
, qui étoit à l'avantgarde , fit tous fes efforts ;
pour le mettre à portée d'attaquer l'Efcadre Françoife
, mais qu'il ne pût y réüffir ; que le 22 , à
onze heures & demie du matin , l'Amiral Mathews
s'approcha de l'Efcadre d'Efpagne , & qu'entre midi
& une heute il attaqua le Vaiffeau le Real , qui eft
le Vaiffeau Amiral de cette Efcadre ; que la plûpart
des Vaiffeaux de la divifion , que commandoit
l'Amiral Mathews , attaquerent en même-tems les
autres Vailleaux Espagnols , & que trois Vaiffeaux
de la même divifion s'attacherent au Vaiffeau Amniral
de l'Efcadre Françoiſe & aux deux Vaiffeaux qui
lui fervoient de Matelots , mais que M. de Court ,
qui commandoit les deux Efcadres ennemies , &
qui étoit à bord de ce Vaiffeau , obligea les trois
Vaiffeaux Anglois de fe retirer ; que peu de tems
après
24 MERCURE DE FRANCE.
après que l'action fut engagée , le Vaiffeau Anglois
le Marlborough fe trouva proche du Vaiffeau le
Real , que pour éviter d'en être abordé , il fut obligé
de déployer promptement toutes les voiles ; que
l'Amiral Mathews ne pût dans ce moment lui donner
du fecours , fon Vaiffeau n'étant pas en état de
manoeuvrer facilement , à caufe du dommage qu'il
avoit reçû dans fes agrez & dans fa mâture , & le
vent d'ailleurs n'ayant que très - peu de force, quoique
la Mer fut extrêmement agitée ; que le grand
mâts du Vaiffeau le Marlborough fut abbattu , pendant
que ce Vaiffeau fe retiroit ,
& que l'artillerie
des ennemis , laquelle étoit parfaitement bien fervie
, coupa le mâts de Beaupré & perça le grand
mâts du Vaiffeau que montoit l'Amiral Mathews ;
que cet Amiral fit avancer le Brulot l'Anne Galley ,
avec ordre de tâcher de mettre le feu au Vaiffeau le
Real , mais que le Capitaine du Brulot donna le
tems à quatre Vaiffeaux Efpagnols de s'approcher ,
& que le feu de leur canon le fit fauter en l'air ; que
l'Amiral Mathews , en revenant contre le Vaiffeau
le Real , fut attaqué par ces quatre Vaiffeaux ; que
pendant ce tems M. de Court fit fignal à l'avantgarde
de l'Efcadre Françoife de virer de bord , pour
fecourir les Efpagnols , & qu'il vint lui- même avec
fa divifion au fecours du Vaiffeau le Real ; qu'il tâcha
de prendre le deflus du vent , mais que le Contre
Amiral Rowley le prevint , & que l'avantgarde
de l'Eſcadre Françoife ne put joindre M. de Court ;
que le mouvement de M. de Court mit cependant
les Auglois dans la néceffité d'abandonner le Vaiffeau
Elpagnol le Poder , dont ils s'étoient emparés ,
& que la nuit qui furvint , fit ceffer le combat ; que
le lendemain 'Amiral Mathews , qui avoit paffé
fur le Vaiffeau le Ruffels , parce que le Vaiffeau
qu'il montoit , avoit perdu tous fes mâts , avoit fait
de
1
AVRIL. 1744. 825
de nouvelles difpofitions pour recommencer le
combat , mais qu'il s'étoit élevé un vent fi violent,
qu'il avoit été contraint de renoncer à ce deffein ;
qu'il ne lui avoit pas même été poffible de regagner
les parages des Inles d'Hyeres , & qu'il avoit été
pouffé vers le Port - Mahon , où il avoit relâché .
L'Amiral Mathews mande aux Commiffaires de
l'Amirauté , qu'il ne peut encore leur envoyer une
lifte exacte des Officiers , des Soldats & des Matelots
, qui ont été tués ou bleffés à bord des Vaiffeaux
de l'Elcadre qu'il commande ; qu'il n'a eu fur fon
bord que neuf hommes de tués & 40 de bleffés , &
que fon Capitaine de Pavillon a eu dès le commencement
du combat un bras emporté d'un coup de
Canon ; que le Capitaine Cornwall , qui commandoit
le Vaiffeau le Marlborough , a été tué ; qu'un
Vaiffeau a été entierement démâté , & qu'il y en a
outre cela , deux autres , qui ont befoin de fi grandes
réparations , qu'on ne croit pas qu'ils foient de
long- tems en état de remettre à la voile.
L'Amiral Mathews donne beaucoup d'éloges à
plufieurs des Officiers de l'Efcadre du Roi , furtout
au Contre- Amiral Rowley & au feu Capitaine
Cornwall , mais il fe plaint du Vice- Amiral Leftock
& de divers autres Officiers .
Le Roi apprit le 3 de ce mois par un courier de
M. Thompſon , chargé des affaires de S. M. à la
Cour de France , que le 30 du mois dernier le Roi
Très Chrétien avoit fait publier une Ordonnance ,
portant Déclaration de guerre contre le Roi de la
Grande Bretagne , Electeur de Hanover , & le même
jour S. M.tint à ce fujet un Confeil extraordinaire
au Palais de Saint James.
I HOL826
MERCURE DE FRANCE.
O
HOLLANDE ET PAYS BAS.
N mande de Bruxelles du 21 du mois dernier ,
qu'un courier arrivé de Londres le 15 , a apporté
au Général Honeywood , Commandant des
troupes Angloifes pendant l'abfence du Général
Wade , un ordre portant que douze Bataillons de
ces troupes fe tinffent prêts à fe rembarquer , en cas
que le Roi de la Grande Bretagne jugeât à propos
de les renvoyer en Angleterre ; qu'en conféquence
de cet ordre le Général Honeywood a fait partir
les trois Régimens des Gardes de S. M. Br. pour
Gand , afin qu'ils fuffent à portée d'Oftende , s'ils
font obligés de retourner à Londres .
Suivant les avis reçus de Liége , l'Evêque Prince
de Liége ayant reçû de Rome fes Bulles , la cérémonie
de l'Inauguration de ce Prince fe fit le 10
du mois dernier avec la folemnité accoûtumée ;
on chanta enfuite le Te Deum dans l'Eglife Cathédrale
, au bruit d'une triple décharge de l'artillerie
des remparts , & le Baron de Breidbach Buresheim
& le Comte d'Horion ont été nommés pour
prendre poffeffion de la Principauté de Liége au nom
de ce Prince.
Les Etats Généraux ayant décidé le 2 de ce mois ,
qu'ils continueroient de fournir à la Reine de Hongrie
un Corps de troupes auxiliaires de 20000 hommes
, ils firent le même jour donner part de cette
réfolution au Baron de Reifchach , Envoyé Extraor
dinaire de cette Princeffe .
Le Confeil d'Etat a réglé que les 3000 hommes
des troupes du Duc de Saxe Gotha , que la République
a pris à fon fervice , feroient la campagne
dans les Pays-Bas,
Le 2 de ce mois , l'Abbé de la Ville , chargé des
affaires
AVRIL. 827
1744 .
affaires du Roi de France auprès de la République
de Hollande , informa les Miniftres des Etats Gé
néraux , que S M. T. C. avoit déclaré la guerre au
Roi de la Grande Bretagne.
AYQYQUDU DU DU DU DU DU DU DU DU DUDUQU
RUPUNU
L
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 29 du mois dernier , Dimanche des
accoun
Rameaux , le Roi & la Reine accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin & de
Mefdames de France , affifterent dans la
Chapelle du Château de Verſailles à la bénédiction
des Palmes , qui fut faite par
l'Abbé Broffeau , Chapelain de la Chapelle
de Mufique , lequel en préfenta au Roi & à
la Reine. Leurs Majeftés affifterent à la Proceffion
, & adorerent la Croix . Le Roi &
la Reine entendirent enfuite la grande Meffe
, célébrée par le même Chapelain . L'aprèsmidi
, leurs Majeſtés , accompagnées comme
le matin , affifterent à la Prédication du
Pere Pons , de la Compagnie de Jefus , &
aux Vêpres qui furent chantées par la Mufique.
Le 30 , la Reine fe rendit à l'Eglife de la
Paroiffe du Château , & S. M. y communia-
I ij par
828 MERCURE DE FRANCE.
par les mains de l'Abbé de Fleury , fon Premier
Aumônier.
On a publié à Paris le 30 du mois dernier
l'Ordonnance du Roi , portant Déclaration
de guerre contre le Roi de la Grande Bretagne
, Electeur de Hanover.
Le premier de ce mois , Mercredi - Saint
le Roi & la Reine , accompagnés de Monfeigneur
le Dauphin & de Mefdames , entendirent
dans la Chapelle du Château l'Office
des Ténébres.
Le 2 , Jeudi- Saint , le Roi entendit le
Sermon de la Céne du Pere Hyacinte , Capucin
du Convent de la rue S. Honoré , &
l'Evêque de Lavaur fit l'Abfoute. Enfuite
le Roi lava les pieds à 12 Pauvres , & S. M.
les fervit à table . Le Comte de Charolois ,
faifant les fonctions de la Charge de Grand-
Maître de la Maiſon du Roi , étoit à la tête
des Maîtres d'Hôtel , & il précédoit le Service
, dont les plats étoient portés par Monfeigneur
le Dauphin , par le Duc de Chartres
, par le Comte de Clermont par le
Prince de Dombes , par le Comte d'Eu , par
le Duc de Penthiévre , &
par les principaux
Officiers de S. M. Après cette cérémonie
, le Roi & la Reine fe rendirent à la
Chapelle du Château , où leurs Majeftés en-
,
tenAVRIL.
1744. 829
tendirent la grande Meffe , & affifterent enfuite
à la Proceffion.
Le 2 de ce mois , après midi , la Reine entendit
le Sermon de la Céne , de l'Abbé de
S. Hilaire , Vicaire Général de l'Archevêque
de Rouen , & l'Evêque de Lavaur
ayant fait l'Abſoute , S. M. lava les pieds à
douze pauvres filles qu'elle fervit à table.
Le Marquis de Chalmazel , Premier Maître
d'Hôtel de la Reine , précédoit le Service ,
dont les plats furent portés par Madame ,
par Madame Adelaïde , par la Ducheffe de
Chartres , & par les Dames du Palais.
Le même jour , le Roi & la Reine affifterent
dans la Chapelle du Château à l'Office
des Ténébres .
Le 3 , Vendredi- Saint, le Roi & la Reine ,
accompagnés de Monfeigneur le Dauphin
& de Mefdames , entendirent le Sermon de
la Paffion du Pere Pons , de la Compagnie
de Jefus. Leurs Majeftés affifterent enfuite
à l'Office , & elles allerent à l'Adoration de
la Croix . L'après- midi , le Roi & la Reine
affifterent à l'Office des Ténébres .
Le 4 , Samedi- Saint , la Reine, accompagnée
de Monfeigneur le Dauphin & de
Mefdames , affifta aux Complies & au Salut
, pendant lequel l'O Filii fut chanté
la Mufique .
par
Le 5 , Fête de Pâques , le Roi & la Reine ,
I iij
ac830
MERCURE DE FRANCE .
accompagnés de Monfeigneur le Dauphin
& de Mefdames , entendirent la grande
Meffe , célébrée pontificalement par l'Evêque
de Lavaur. L'après-midi , leurs Majeſtés
, accompagnées comme le matin , entendirent
la Prédication du Pere Pons , de la
Compagnie de Jefus , & enfuite les Vêpres ,
aufquelles le même Prélat officia .
Le 7 , après midi , le Roi , accompagné de
Monfeigneur le Dauphin , fit dans la Place
d'armes , qui eft devant le Château de Verfailles
, la revûë des deux Compagnies des
Moufquetaires de la Garde de S. M. Le Roi
paffa dans les rangs , & enfuite S. M. les
vit défiler.
Le Comte Arminius-Maurice de Saxe ,
Lieutenant Général des armées du Roi , du
premier Août 1734 , Colonel du Régiment
d'Infanterie Saxe Allemand , au fervice de
France depuis 1720 , & Chevalier de l'Ordre
de l'Aigle blanc , en Pologne , a été nommé
par le Roi , Maréchal de France. Il eft
né en 1691 .
Le Roi a accordé au Comte de la Marck ,
Maréchal de Camp & Colonel du Régiment
d'Infanterie Allemand de fon nom , le Gouvernement
de Cambray , dont le Comte de
la Mark , fon pere , s'eft démis.
Le
AVRIL. 1744. 831
Le Marquis de Caftries , Gouverneur de
Montpellier , & Lieutenant dans le Régiment
du Roi , Infanterie , a été nommé Meftre
de Camp , Lieutenant du Régiment de
Cavalerie du Roi , dont le Comte de Fournez
étoit Meſtre de Camp Lieutenant .
M. de Saint Perier , Lieutenant Général
des armées du Roi , & Lieutenant Général
d'Artillerie , a été nommé Commandeur
de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis.
Le 12 , Dimanche de Quafimodo , on célébra
dans l'Eglife des Révérends Peres Cordeliers
du grand Convent de Paris , la Cérémonie
ordinaire de la Confrerie des Che
valiers , Voyageurs & Palmiers du S. Sépulchre
de ferufalem. Les Confreres s'affemblerent à
huit heures du matin , & partirent avec
la Proceffion , pour ſe rendre à l'Eglife du
S. Sépulchre , ruë S. Denis , en paffant par
le grand Châtelet , où , fuivant le pieux ufage
de cette Confrerie , commencée en 1727,
& heureuſement continué jufqu'à préfent ,
ils délivrerent plufieurs prifonniers pour
dettes , lefquels accompagnerent la Proceffion.
Au retour de l'Eglife du S. Sépulchre à
celle des Cordeliers , la Meffe fut chantée
au grand Autel , en Grec , fuivant la coûtume.
Après l'Offertoire , il y eut un Sermon
I iiij pro832
MERCURE DE FRANCE .
prononcé en François par M. l'Abbé de la
Vergne. Toute cette Cérémonie , fut terminée
avec beaucoup de folemnité .
Le 16 , pendant la Meſſe du Roi , l'Archevêque
de Bordeaux prêta Serment de fidelité
entre les mains de S. M.
Le 18 , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Verſailles
la Meffe de Requiem , pendant laquelle le
De Profundis fut chanté par la Mufique
pour l'Anniverſaire de Monfeigneur le Dauphin
, Ayeul de S. M.
Le 20 , leurs Majeſtés entendirent dans la
même Chapelle la Meffe de Requiem , pendant
laquelle le De Profundis fut chanté
la Mufique , pour l'Anniverfaire de Madame
la Dauphine , Ayeule du Roi.
BENEFICES DONNES.
par
Le Roi a donné l'Abbaye de Valence , O.
de Cîteaux , D. de Poitiers , à l'Abbé de
Villevielle , Vicaire Général de l'Evêque de
S.Brieux .
Celle d'Hambie , O. de S. Benoît , D. de
Coutances , à l'Abbé de Scepeaux , Vicaire
Général de l'Evêque de Langres.
L'Abbaye Régulière d'Almeneches , même
O. D. de Séez , à la Dame de Chambray.
Celle
AVRIL. 1744.
833
Celle de la Régle à Limoges , O. de S.
Benoît , à la Dame de Cofnac .
Le Duc de Nivernois , Brigadier des armées
du Roi , ayant remis le Régiment
d'Infanterie de Limofin dont il étoit Colonel
, S. M. en a donné l'agrément au Comte
d'Efterre , fils du Prince de Robecque.
Le Maréchal Duc de Noailles , que le
Roi a nommé pour commander l'armée de
S. M. qui s'affemble en Flandres , prit congé
du Roi le 19 de ce mois , & il partit le 21 ,
pour fe rendre en Flandres .
Les Officiers Généraux , choifis par S. M.
pour fervir dans cette armée , font Mrs de
Ceberet , de Valliere , le Comte de la Mothe
-Houdancourt , le Comte de Clermont ,
le Marquis de Maubourg , de Cherifey , de
Bulkley , le Duc de Gramont , le Marquis
de Segur , le Marquis de Fenelon , le Chevalier
de S. André , de Varennes , le Duc de
Biron & le Comte de Loewandal , Lientenans
Généraux. Le Comte d'Aulnay , le
Marquis de Balleroy , le Comte de Chaban-
> le Duc de Richelieu , le Prince de
Pons , le Duc de Luxembourg , de Berchiny,
le Comte de Clare , le Marquis de Chiffreville
, le Marquis de Marignane , de Montgibaut
, le Marquis de S. Jal , le Marquis de
Pont-
Iv
834 MERCURE DE FRANCE.
Pontchartrain , le Marquis d'Hautefort , de
Monnin , le Comte de Courtomer , le Comte
de Trêmes , le Duc de Boufflers , de Contades
, le Marquis du Roure , le Duc de
Briffac , le Duc de Chevreuſe , le Marquis
de la Cofte , le Marquis de Beauveau , le
Duc d'Aumont , le Duc d'Ayen , le Prince
de Soubife , le Duc de Picquigny , le Duc
de Chartres , le Duc de Penthiévre , & M.
du Brocard , Maréchaux de Camp.
M. de Lutteaux , le Marquis du Chaila ,
& M. Desgranges , Lieutenans Généraux ;
le Comte de Beranger , le Marquis de Brezé,
le Comte d'Eftrées , le Chevalier d'Apcher ,
le Marquis de Langeron , le Marquis de
Rambures , le Comte de Graville , le Marquis
d'Armentieres & le Marquis de Souvré
, Maréchaux de Camp , ferviront dans
le Corps de troupes , commandé par le Maréchal
Comte de Saxe.
mon ,
Le Marquis de Creil , le Chevalier de
Belleifle & le Chevalier de la Roche-Ay-
Lieutenans Généraux ; M. de Bombelles
, le Marquis de Rennepont , le Comte
de Beuvron , le Comte d'Harcourt , & le
Comte d'Arros , Maréchaux de Camp , font
employés dans le Corps de troupes que le
Duc d'Harcourt , Lieutenant Général , commande
.
Les Officiers Généraux , nommés par le
Roi ,
AVRIL. 1744. 835
Roi , pour fervir dans l'armée de S. M.commandée
par le Maréchal de Coigny , font le
Marquis de Montal , le Marquis de Balincourt
, le Marquis de la Farre , le Comte de
Clermont Tonnerre , de Louvigny , le Marquis
d'Epinay , le Prince de Dombes , le
Comte d'Eu , de Genfac, Phelippes , le Marquis
de Clermont Gallerande , le Comte de
Bavière , le Marquis de Putanges , de Malezieux
, le Comte de Coigny , le Prince de
Montauban , Lieutenans Généraux ; le Marquis
de Brun , le Marquis de Reffuges , de
la Ravoye , le Duc de Boutteville , le Marquis
de Chazeron , le Marquis du Chatelet-
Lomont , le Comte de Rieux , de Salieres ,
le Marquis de Clermont d'Amboife , de
Quefneau , le Marquis de Maupeou , le
Comte de Maulevrier , le Marquis de Croiffy
, le Comte de la Marck , le Duc de Randan
, le Comte de Rupelmonde , le Chevalier
de la Luzerne , de Mauroy , le Marquis
de Mon-confeil , le Marquis du Chatelet ,
le Marquis de Rubempre , & le Prince des
Deux-Ponts , Maréchaux de Camp.
Les troupes Efpagnoles , commandées
par l'Infant Don Philippe , & celles du Roi ,
qui font fous les ordres du Prince de Conty ,
ont paffé le Var le premier de ce mois & le
Ivj len836
MERCURE DE FRANCE.
lendemain , & elles ont fait en cette occafion
80 prifonniers . Toutes ces troupes
ayant campé le 3 à Ste Marguerite , elles
s'avancerent les fur les hauteurs de la Vallée
de S. Jean. Elles fe font emparées fucceffivement
des Châteaux d'Apremont &
d'Utelle , de Nice , de Caftelnovo , de la
Scarenne , de Peglia , de Caſtillon & de la
Turbie , & le 12 elles environnoient les
retranchemens de Villefranche & de Montalban
.
L'Eſcadre des Vaiffeaux du Roi , qui étoit
fortie du Port de Toulon le 19 Février dernier
fous les ordres de M. de Court , Lieutenant
Général des armées navales de S. M.
& qui depuis le combat du 22 du même
mois s'étoit rendue à Cartagéne avec l'Efcadre
d'Espagne , eft revenue fur la Côte de
Provence ; elle a mouillé le 13 de ce mois
dans la grande Rade de Toulon , & elle
a amené quatre Bâtimens Marchands Anglois
, qu'elle a rencontrés dans ſa route.
Le premier Avril , on reprit les Concerts
fpirituels qui avoient été donnés au Château
des Tuilleries le mois dernier , depuis le
Dimanche de la Paffion jufqu'à la fin du même
mois , lefquels ont été continués pendant
AVRIL. 1744. 837
dant differens jours , à compter du premier
Avril , jufques & compris le Dimanche de
Quafimodo ; on y a chanté differens Motets
de Mrs de la Lande & Mondonville , & du
fieur Peliffier le fils ; on y a exécuté encore
un Motet à grand choeur Venite exultemus
de la compofition du fieur Cardonne ,jeune
homme âgé feulement de 13 ans , Page de
la Mufique de la Chambre du Roi , lequel a
été généralement applaudi ; ce dernier Motet
avoit déja été exécuté à la Chapelle du
Roi avec les mêmes applaudiffemens ; on a
aufli chanté au même Concert differens petits
Motets à voix feule des fieurs Mouret ,
Lemaire , Dubouffet , & Cordelet . On y
a donné differens morceaux de Symphonie
, exécutés , fçavoir , pour le Hautbois ,
par le fieur de Selle , ordinaire de la Mufique
du Roi ; pour le Violoncelle , par le
fieur Chrétien , âgé de 14 ans , & de la Mufique
du Roi. Le fieur Labbé, le fils , exécuta
très-bien dans la derniere femaine , un Concerto
, de la compofition de M., le Clair. Les
fieurs Blavet & Mondonville ont auffi donné
differens Concerto fur la Flute Traverfiere
& fur le deffus de Violon dans la plus grande
perfection. Le fieur Poirier , ordinaire
de la Mufique du Roi , s'eft fort diftingué ,
fa belle voix , dans les differens recits
par
qu'il
38 MERCURE DE FRANCE.
qu'il a chantés dans prefque tous les Motets.
Le 13 , le 15 & le 18 Avril , il y eut
Concert chés la Reine. M. Deftouches
Sur- Intendant de la Mufique de la Chambre
en femeftre , fit chanter l'Opera d'Omphale
, de fa compofition , dont les principaux
Rôles furent très-bien remplis par
les Dlles Mathieu , la Lande , & Romainville
, & par les fieurs Poirier , Jelyot &
Benoît.
Le 20 , le 22 & le 25 , on concerta devant
la Reine l'Opera de Telemaque , exécupar
les mêmes fujets. té
Le 27 & le 29 , on chanta l'Opera de
Callirhoé , dont les premiers Rôles furent
bien rendus par les mêmes fujets de
la Mufique du Roi. Ces deux dernieres
Piéces font auffi de la compofition de M.
Deftouches.
MORTS
AVRIL. 1744.
839
MORTS ET MARIAGE.
E 20 Janvier 1744 , D. Marie - Anne - Nicole
Y
>
-
Seigneur de Condé, en Brie , Préſident à Mortier au
Parlement de Metz , depuis le 22 Mai 1720, auparavantConfeiller
en laCour des Aides de Paris , mourut
fans laiffer d'enfans ; elle étoit foeur de François-
Michel Petit , Seigneur de Marivats , Commiſſaire
ordinaire des guerres , & Ordonnateur en Franche
Comté , & de Nicolas- Paſcal Petit , Seigneur du
Bois d'Aunay ,ancien Gentilhomme ordinaire de la
Maiſon du Roi , & fille de Nicolas Petit , Seigneur
de la Galenderie Secrétaire du Roi , Maiſon ,
Couronne de France & de fes Finances , reçû en
1688 , & Directeur de la Monnoye des Médailles
aux Galeries du Louvre , & de Marie Crancy. M.
de Condé , fon mari , eft fils de Claude Porcher ,
Seigneur de Condé , élû Conful des Marchands de
Ja Ville de Paris le 30 Janvier 1685 , puis Secrétaire
des Finances de S. A. R. Madame Ducheffe d'Or
leans, & de Catherine Yon. Voyez la Généalogie de
la Famille de la défunte dans le II.Vol.du 2 Regiftre
de l'Armorial général de France , par le Sr d'Hozier
, Généalogifte de la Maifon du Roi , & c.
C
Le 24, D. Jofephine- Louife Chevalier d'Amfernel,
Veuve depuis le vingt-deux Mars 1736 de François-
Louis le Conte de Nonant , Marquis de Nery ,
mourut à Paris , âgée de trente ans , laiffant
an fils unique , Jean-Jofeph le Conte de Nonaut ,
Marquis de Nery, né le 30 Octobre 1731 ; elle avoit
été mariée avec M. de Nery le 11 Mars 1731-
Elle étoit fille deJacques-Amable-Claude, Chevalier,
Baron
840 MERCURE DE FRANCE.
". Baron d'Amfernel Seigneur de Courtavan ,
Grand-Maître des Eaux & Forêts de Picardie , Artois
& Flandres , auparavant Confeiller en la Cour des
Aides de Paris , & de D. Louife Françoife d'Ailly
d'Ennery. Voyez ce qui eft dit de la Maifon de le
Conte Nonant dans le I. Volume du Mercure de
Décembre 1743 , fol . 2751 , en rapportant la mort
de M.de Pierrecourt , oncle de feu M le Marquis
de Nery.
Le 29 , Jacques de Thyard , Marquis de Bily ,
Lieutenant Général des Armées du Roi , depuis le
10 Février 1704 , & Gouverneur des Ville & Châ
teau d'Auxonne, mourut en fon Château de Pierre ,
en Bourgogne , âgé de 96 ans ;
il étoit frere aîné du
Cardinal de Biffy , mort à l'âge de 80 ans le 26 Juillet
1737 , & fils aîné de Claude de Thiard , Comte
de Biffy, Lieutenant Général des Armées du Roi,
Gouverneur des Ville & Château d'Auxonne , &
nommé Chevalier des Ordres de Sa Majesté dans le
Chapitre tenu le 2 Décembre 1688 , & reçû le premier
Janvier 1693 , mort le 3. Novembre 1701 , âgé
de 80 ans , & de D. Eleonor -Angelique de Nuchezes.
Il avoit épousé Bonne- Marguerite d Haraucourt
, Marquile d'Haraucourt , morte le 11 Mars
1682,héritiere en partie de la Maiſon d'Haraucourt ,
P'une des premiéres de Lorraine , & de ce mariage
eft forti Claude- Anne de Thyard, Marquis de B:ffy,
Lieut . Gen. des Armées du Roi , depuis le premier
Août 1734 , Gouverneur des Ville & Château d'Au•
xonne , marié le premier Mai 1712 , avec D. Angélique-
Henriette Thérele Chauvelin , foeur de M.
Chauvelin , ci- devant Garde des Sceaux de France ,
duquel mariage il a pour fils unique Anne -Lous
de Thyard , Marquis de Biffy , Maréchal de Camp
& Commiffaire Général de la Cavalerie. Voyez
pour la Généalogie de Thyard Billy , le Vol. IX
des
AVRIL. 1744. 841
des Grands Officiers de la Couronne , à l'article des
Chevaliers de l'Ordre du S. Efprit , & le II . Vol .
de l'Hiftoire in 4° . de la Ville de Meaux , dans laquelle
cette même Généalogie eft rapportée ei
entier.
La nuit du 22 au 23 Mars , fut marié à Paris
dans la Chapelle de l'Hôtel de Condé , par M. Poncet
de la Riviere , Evêque de Troyes , Jofeph- Gabriel
Tancrede de Felix, Chevalier Marquis du Mug,
Brigadier des armées du Roi , Capitaine - Lieutenant
des Chevau- Légers de Monfeignent le Dauphin ,
fils de Jean- Baptifte de Felix , Chevalier Marquis du
Muy , la Roquette , Marfan , Comte de Grignan &
de la Reynarde , Seigneur de Monfegur , Colomfelles
, Salles , Chantemerle , en Provence , & de
Cranfage & Chamaret , en Dauphiné , Commandant
pour S. M. en Provence, Confeiller d'Etat d'Epée
, & Sous Gouverneur de Monfeigneur le Dauphin
, & de D. Marie Thérefe d'Armand de Mizon,
Sous-Gouvernante des Enfans de France , avec Dile
Louife-Elizabeth-Jacqueline d'Alface d'HenninLietard
, Marquife de S, Fal , fille unique de Jean Louis
d'Alface d'Hennin Lietard , Chevalier Marquis de
S. Fal , Seigneur de Creffentine , Machy , Pomery ,
l'Etang , le Perchoy , Blaincourt , Vaubery , Epagne
, Capitaine de Gendarmerie , d'une ancienne
Nobleffe , établie depuis très long- tems en France
dans les Provinces de Bourgogne & de Champagne,
& de D. Marie Elizabeth d'Anglebermer , D` de
Lagny , d'Haution & de Beaurepere. Le nouveau
marié eft frere de Louis-Nicolas Victor de Felix du
Muy , Chevalier de l'Ordre de Malthe , auffi Brigadier
des Armées du Roi , Enfeigne de Gen.
darmerie. Trois des oncles Paternels du nouveau
marié étoient , Jofeph- Côme de Felix , Marquis
642 MERCURE DE FRANCE.
quis de la Reynarde , Capitaine de Cavalerie au
Régiment du Chevalier Duc . Le fecond Philippe de
Felix de la Reynarde , Chevalier de l'Ordre de Mal
the , Capitaine de Cavalerie du Régiment de Roquefpine;
& le troifiéme , Jean- Baptifte de Felix
de la Reynarde , auffi Chevalier de Malthe . Son
Ayeul étoit Jean - Baptifte de Felix , Marquis du
Muy & de la Reynarde , Capitaine de Galere , frere
d'Antoine de Felix de la Reynarde , auffi Capitaine
de Galére , & de Louis de Felix de la Reynarde , Baron
Seigneur d'Olliéres , qui forme une feconde
Branche. Son Bifayeul, Philippe de Felix , Seigneur
de la Reynarde , mourut Capitaine de Galere . Ses
grands oncles & arriere grands oncles paternels
étoient Pierre de Felix de la Reynarde,Commandeur
de Beaulieu , & de Raiffac, Bailli & Grand Croix de
l'Ordre de Malthe ; Scipion de Felix de la Reynarde
, Chevalier du même Ordre , Commandeur de
Baftic , & Jofeph de Felix de la Reynarde , Commandeur
de Ste Luce , Grand- Croix de l'Ordre
de Malthe, Grand Prieur de S. Gilles , Capitaine de
Galere . Il eft parlé de cette Famille , & de l'ancienneté
de fa Nobleffe dans des précédens Mercures.
Elle eſt établie depuis très- long-tems en Provence .
ORDONNANCE
Du 26 Avril , portant déclaration de guerre
contre la Reine de Hongrie , dont la
teneur fuit.
Orfque Sa Majefté s'eft trouvée dans l'obligation
, après que toutes les voies de conciliation
ont été épuisées , d'accorder à la Maiſon de Bavière
les
AVRIL. 1744. 843
les fecours qu'elle étoit engagée à lui fournir , pour
P'aider à foutenir fes droits fur quelques- uns des
Etats de la fucceffion du feu Empereur Charles VI ,
Elle n'avoit aucun deffein de fe rendre partie principale
dans la guerre. Si le Roi eût voulu profiter
des circonstances , pour étendre les frontieres de fon
Royaume , perfonne n'ignore combien il lui eût été
facile d'y parvenir , foit par la voie des armes , qui
n'auroient alors éprouvé qu'une foible réfiftance ,
foit en acceptant les offres avantageufes & réitérées
qui lui ont été faites par la Reine de Hongrie, pour
le détacher de fes Alliés , mais , bien loin que la
modération de S.M. ait produit les effets qu'on devoit
s'en promettre , les procedés de la Cour de
Vienne envers la France ont été portés à un tel point
d'aigreur & de violence , que S. M. ne peut differer
plus long-tems d'en faire éclater fon jufte reffentiment.
Les Ecrits fcandaleux dont cette Cour & fes
Miniftres ont inondé l'Europe , l'infraction de toutes
les capitulations , la dureté des traitemens qu'elle
a exercés envers les prifonniers François , qu'el
le retient contre les ftipulations expreffes du
cartel , enfin fes efforts pour pénetrer en Alface ,
précédés des déclarations auffi téméraires qu'indécentes,
qu'elle a fait répandre fur les frontieres ,pour
exciter les peuples à la révolte ; tant d'excès redoublés
forcent aujourd'hui S.M. pour la vengeance de
fa propre injure , la défenſe de ſes Etats & le foûtien
des droits de fes Alliés , de déclarer laguerre , comme
elle la déclare par la préſente , à la Reine de
Hongrie , tant pat terre que par mer , & d'attaquer
indiftinctement toutes les poffeffions . Ordonne
& enjoint Sa Majesté à tous les Sujets ,
Vaffaux & Serviteurs de courre fus aux Sujets
de la Reine de Hongrie ; leur fait trèsexpreffes
inhibitions & défenfes d'avoir ci - après
"
avec
844 MERCURE DE FRANCE.
avec eux aucune communication , commerce ni
intelligence , à peine de la vie ; & en conféquence ,
S. M. a dès-à- préfent révoqué & révoque toutes
permiffions, paffeports, fauvegardes & faufconduits
qui pourroient avoir été accordés par Elle ou par fes
Lieutenans Généraux & autres Officiers , contraires
à la préfente , & les a déclarés & déclare nuls & de
nul effet & valeur , défendant à qui que ce foit d'y
avoir aucun égard Mande & ordonne S. M. à M. le
Duc de Penthiévre , Amiral de France , aux Maréchaux
de France , Gouverneurs & Lieutenans Généraux
pour S M. en fes Provinces & armées , Maréchaux
de Camp , Colonels , Meftres de Camp ,
Capitaines , Chefs & Conducteurs de fes gens de
guerre , tant de cheval que de pied , François &
Etrangers , & tous autres fes Officiers qu'il appar
tiendra , que le contenu en la préfente ils faffent
exécuter , chacun à fon égard dans l'étenduë de
leurs pouvoirs & Jurifdictions ; car telle eft la volonté
de S. M. laquelle veut & entend que la préfente
foit publiée & affichée en toutes les Villes ,
tant maritimes qu'autres , & en tous fes Ports , Havres
& autres Lieux de fon Royaume & Terres de
fon obéiffance que befoin fera , à ce qu'aucun n'en
prétende caufe d'ignorance.
P
TABLE .
IECES FUGITIVES . Ode fur l'endurciflement
des Impies , 635
Lettre de M D.L.R. fur quelques Sujets de Littérature
,
Le fecond Job , Sonnet ,
638
651
Extrait de Lettres écrites des Indes Orientales , 65 %
Epit.o
Epitre en Vers à M. & Mad . D. S. A. 673
Suite de la Lettre fur la Topographie des Bréviaires
,
Stances fur la Sainte Croix ,
676
687
Réponse à une Lettre fur une Queftion , proposée
dans le Mercure de Juin dernier ,
Ode fur la mort de Mlle de * * *
689
695
Lettre de M. D. L. R. au P. Texte . Suite de la Decription
Hiftorique de la Chartreuse de Villeneuve-
les-Avignon ,
La Comete , Allégorie ,
706
725
Lettre de M. Pierre le Roy , fur l'Horlogerie , 726
Epitre à Mlle de G ..... 742
Explications des Enigmes & du Logogryphe de
Février ,
Celles des Enigmes & du Logogryphe de Mars, 747
Enigmes & Logogryphe ,
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS ,
Le Recueil du Parnafle , Extrait ,
Cuifines ambulantes & portatives , Extrait,
Ephemerides des mouvemens Céleftes pour 10
Hiftoire de la nouvelle France ,
746
ibid .
& c.
750
ibid.
762
ans
767
771
"
Differtations, qui ont remporte les deux Prix à l'Académie
de Soiffons ,
Lettre fur une nouvelle Edition de Lucrece ,
Eftampes nouvelles ,
Nouvelle Edition de la Mufique pratique ,
Nouvelle Carte de la Mofcovie ,
ibid.
772
777
782
783
Parités réciproques de la Livre numéraire ,
ibid.
Guérifon d'un Cancer , 785
Lettre fur le Spécifique du Sr Arnoult ,
Chanlon notée ,
Spectacles. Extrait de la Comédie des Mariages
786
795
affortis ,
ibid.
La
La Joute d'Arlequin & de Scapin , nouvelle Piéce ,
repréſentée à l'Hôtel de Bourgogne 808
Les Combats de l'Amour & de l'Amitié , autre nouvelle
Piéce ,repréſentée ſur le même Théatre, ibid.
L'Ecole des Meres , nouvelle Comédie , repréſentée
fur le Théatre François , 809
ibid.
Epitre à Mlle Dumefnil , au fujet du Rôle de Mérope
,
Le Privilege de l'Académie Royale de Muſique
accordé par le Roi à M. Berger ,
Nouvelles Etrangeres , Turquie ,
Suede , Ruffie ,
Allemagne ,
Italie ,
>
Génes & Ifle de Corfe ,
Eſpagne ,
Grande- Bretagne ,
Hollande & Pays - Bas ,
811
ibid.
812
813
817
818
819
822
826
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , & c. 827
Le Roi fait la Revue des deux Compagnies des
Moufquetaires à Versailles ,
830
Le Comte de Saxe fait Maréchal de France , ibid.
Le Gouvernement de Cambray donné au Comte de
la Mark le fils , ibid.
831
M. de S. Perier nommé Commandeur de l'Ordre
Royal & Militaire de S. Louis
Proceffion de la Confrerie du S. Sépulchre ,
Bénéfices donnés ,
ibid.
832
L'agrément du Régiment d'Infanterie de Limofin
donné par le Roi au Comte d'Efterre , 833
Officiers Généraux , choifis par S. M. pour fervir
dans les armées commandées par le Maréchal
Duc de Noailles , par le Comte de Saxe , par le
Duc d'Harcourt & par le Maréchal de Coigny ,
ibid.
Concert Spirituel au Château des Tuilleries , 836
Concerts
Concerts chés la Reine , 838
Morts & Mariage , 839
Ordonnance portant Déclaration de guerre contre
842 la Reine de Hongrie ,
Page
Errata de Mars.
Age 486 , ligne ro , par ce moyen là , lifez ,
par là. P. 564 , l . 13 , genet , l . gente. P. 566 , 1.
11 , ritraffi , 1. ritiraffi . P. 567 , 1.4 & 6 , Sparento , 1 .
Spavento. Lara , 1. L'ara.
P
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 639 , ligne 9, il ne faut qu'une virgule après
fuprême.
P. 657 , 1. s , Souverans , lifez , Souverains.
P. 659 , 1. 8 , impofe , l . impofent
Ibid. 1. 9 , pouroient , l. pourroient.
P. 656 , 1. derniére , Européen , l. Européens , & à
la reclame , fu , l, fur.
P. 668,1 8 , déchoiier , l . déchoir.
P. 669 , 1. 5 & 6 , ſubſiſtance , l . à leur fubfiftance,
Ibid. 1. 17 , donneroit , l. donneroient.
P.
671 , 1. 14 , par , ôtez ee mot.
P. 682 , 1. 17 , Dieu , l. Dun .
P. 685 , l . 12 , l'a , l. la.
P. 691 , l . 12 , foit befoin , l. foit néceffaire,
P. 709 , 1. 11 , pouffer , l . lever.
Ibid. 1. 18 , contenir , l. garder.
Ibid. 1. 27 , tient , l . garde.
P.710 , 1. 8. Belvedere , 1. Belveder.
Ibid. 1. 14 , de long , l . de profondeur.
Ibid. 1, derniere , extrêmes , l. les deux derniers.
P
.7111. 7 , pour le Pays , effacez ces mots.
Ibid. 1. 8 du bas , le trou , l . l'ouverture.
P. 713 , 1. 8 du bas , paffe de lui - même , l . coule.
Ibid. 1. 15 , un trou , &c. une ouverture nouvel
lement bouchée.
Ibid. 1. 20 , près l'Ecurie , l . qui font près l'Ecurie .
Ibid. 1. 27 , le long de l'allée , ôtez ces mots.
P. 714 , 1. 3 , il en eft , l . il y en a.
Ibid. 1. 4 & s , abſolument rien , ôtez ces mots.
P. 721,1. 3 , l'huile , 1. huile.
Ibid. 1. 11 , n'eft , n'y a .
Ibid. 1. 18 , étendus , ôtez ce mót.
P. 722 , 1. 19 , l'huile , 1. huile.
P. 725 , 1. 15 , jaze , l . jaſe.
P. 729 , l . 16 & 18 , parcourera , 1.
P. 742,1. 16 , pour , 1. en.
·P. 743 , 1. 2 , & , l. ni.
Ibid. 1. 6 , de Vinci , 1. du Vinci.
P. 758 , l. 16 , ferme , l , termine.
P. 764 , 1. 2 , fous , 1. fur.
parcourra.
Ibid. 1. 24 , ôtez la virgule après peuvent.
P. 767 , l. 15 , principales , ajoûtez , Etoiles.
P. 778 , 1. 9 , Et , l. Eh !
P. 781 , 1.4 , à l'uni -fon , l. à l'uniffon,
P. 786 , 1. 19 , fcelées , l. fcellées.
P. 787 , 1. 3 , d'attataque , 1. d'attaque,
Ibid. 1. 15 , mettez un point d'interrogance après ráp
porter?
P. 794 , 1. 4 , tel , l. telle . & 1. 6 , le , I la.
P. 797 , 1. 8 , ôtez la virgule après fçavant,
La Chanfon notée doit regarder lapage #792
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROI.
JANVIER . 1744.
EXCOLLIGIT
SPARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
Chés La Veuve PISSOT , Quai de Conty ,
à la defcente du Pont - Neuf. "
JEAN. DE NULLY , au Palais .
M. DCC. XLIV.
Avec Approbation & Privilege du Ro
NEWYORK
BLOGUE des Mercures de France,
5352 depuis l'année 1721. jusqu'à préſent.
ASTOR , LENOX, AND
7 vol
16 vol.
13 vol.
14 vol.
15 vol.
14 vol.
TILDEN' FO Guillet , Août , Septembre, Octobre ,
19 Novembre & Decembre de 1721.
Années 1722 , les mois de Mars , Mai , Septembre
& Novembre doubles ,
1723 , le mois de Decembre double ,
1724 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1725 , les mois de Juin, Sept. & Dec.doubles,
1726 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1727 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1728 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1729 , les mois de Juin , Sept . & Dec. doubles , 15 vol.
1730 , les mois de Juin & Dec. doubles , 14 vol.
1731 , les mois d'Avril ,Juin & Dec. doubles, 15 vol .
les mois de Juin & Dec. doubles ,
1733 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1734 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1735 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
2000
1732 ,
14 vol.
14 vol.
14 vol.
14 Vol.
14 vol.
1736 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
14 vol.
1738 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1737 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
14 vol.
14 vol.
1743 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
Janvier 1744.
1742 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1741 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1740 , les mois de Juin & Dec. doubles ,
1739, les mois de Juin , Sept. & Dec. doubles, 15 vol .
14 vol.
14 vol.
14 vol.
14 vol.
14 vol.
I vol.
321 vol.
PRIX XXX. SOLS.
PRI
PRIVILEGE DU ROI.
LOUIS, par la grace de Dieu , Roi de France & de
Navarre à nos Amés & Feaux Confeillers , les Gens
tenans nos Cours de Parlement ; Maîtres des Requêtes
ordinaires de notre Hôtel , Grand- Confeil , Baillifs , Sénéchaux
, leurs Lieutenans Civils , & autres nos Jufticiers
qu'il appartiendra : SALUT. Notre cher & bien amé ANTOINE
DE LA ROQUE , Ecuyer , ancien Gendarme dans
la Compagnie des Gendarmes de notre Garde ordinaire
& Chevalier de notre Ordre Militaire de Saint Louis, nous
ayant fait remontrer que
l'applaudiffement que reçoit le
MERCURE DE FRANCE, ci - devant appellé le Mercure Galant
, compofé depuis l'année 1672 par le fieur de Vifé , &
autres Auteurs , nous a fait croire que le fieur Dufefni ,
Titulaire du dernier Brevet , étant décédé , il ne convient
pas que le Public ſoit à l'avenir privé d'un Ouvrage auffi
utile
qu'agréable , tant à nos Sujets qu'aux Etrangers ;
c'eft dans cette vûë que bien informé des talens , & de la
fageffe du Sieur de la Roque , nous l'avons choifi pour
compofer à l'avenir ,
exclufivement à tous autres , ledit
Ouvrage , fous le titre de MERCURE DE FRANCE , &
nous lui en avons à cet effet accordé notre Bréver le 17
O&obre 1724 , pour l'exécution duquel il auroit obtenu
nos Lettres de Privilége , en date du 9 Novembre enfuivant
, qui fe trouvant expirées , nous a fait fupplier de
lui en accorder de nouvelles en forme de Brévet , fur ce
néceflaires , offrant pour cet effet de le faire
réimprimer
en bon papier & beaux caractéres , fuivant la feüille imprimée
& attachée pour modéle fous le contrefcel des
Préfentes : A CES CAUSES , Voulant traiter
favorablement
ledit fieur Expofant , & étant informé de fes affiduités ,
des foins & dépenfes qu'il fait pour la perfection dudit
Mercure de France , dont nous fommes contens , & dont
nous voulons lui donner des marques de notre entiére fatisfaction
; Nous lui avons permis &
permettons par ces
Préfentes , de compofer & donner au Public à l'avenir tous
les mois , à lui feul
exclufivement à tous autres , ledit
Mercure de France , qu'il pourra faire imprimer en un ou
plufieurs volumes ,
conjointemeut ou ſéparément , & alltant
de fois que bon lui femblera , chaque mois , & de le
faire vendre & débiter par tout notre Royaume , Pays ,
A ij Terres
Terres & Seigneuries de notre obéiffance , pendant le tems & efpace de douze années confécutives , à compter du jour de la date defdites Préfentes , à condition néan- moins que chaque volume portera fon Approbation ex- preffe de l'Examinateur , qui aura été commis à cet effet, & en outre nous avons révoqué & révoquons tous autres Priviléges qui pourroient avoir été donnés ci - devant à d'autres qu'audit fieur Expoſant : Faiſons défenſes à tou- tes fortes de perfonnes , de quelque qualité & condition
d'en introduire d'impreffion ou gravúre qu'elles foient , étrangere dans aucun Lieu de notre obéïffance , comme
auffi à tous Libraires Imprimeurs , Graveurs , Impri- meurs Marchands en Taille- douces & autres, d'imprimer, faire imprimer , graver ou faire graver , vendre , faire. vendre , débiter ni contrefaire ledit Livre , ou Planches , en tout , ni en partie , ni d'en faire aucuns Extraits , fous quelque prétexte que ce foit , d'augmentations
, correc- tions , changement de titre , ou autrement , fans la per- miffion expreffe & par écrit dudit fieur Expofant , ou de ceux qui auront droit de lui ; le tout à peine de confifcation
, tant des Planches que des Exemplaires contrefaits , & des uftanciles qui auront fervi à ladite contrefaçon , que nous entendons être faifis en quelque lieu qu'ils foient trouvés , de fix mille livres d'amende contre chacun des contrevenans , dont un tiers à Nous , un tiers à l'Hôtel-
Dieu de Paris , & l'autre tiers audit fieur Expofant , & de tous dépens , dommages & interêts . à la charge que ces Préfentes feront entegiftrées tout au long fur le Regiftre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris , dans trois mois de la date d'icelles ; que l'impreffion de ce Livre fera faite dans notre Royaume , & non ailleurs. & que l'Impetrant fe conformera en tout aux Reglemens de la Librairie , & notamment à celui du 10 Avril 1725 , &c . Donne à Versailles le feptiéme jour de Décembre l'an de grace mil fept cent trente fix , & de notre Regne le
SAINSON,
vingt -deux. Par le Roi en fon Confeil , Signé ,
avec grille & paraphe , &c .
"
LISTE
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure dans les
Provinces du Royaume.
A Bordeaux, chés Raimond Labottiere , & chés Chappuis
aîné , Libraires, Place du Palais , à côté de la
Bourſe.
Nantes , chés Nicolas Verger.
Rennes , chés Jouanet Vatar , & Vatar le fils , ruë
Dauphine.
Blois , chés Maffon.
Tours , chés Gripon , & chés Bully.
Rouen , chés François- Euftache Herault , & chés
Cailloüeft.
Châlons-fur-Marne , chés Seneuze.
Amiens , chés la veuve François , & chés Godart.
Arras , chés C. Duchamp , & chés Barbier.
Orleans , chés Rouzeaux,
Angers , à la Pofte , & chés Boffard , Libraire.
Dijon , à la Pofte.
Verfailles , chés Monnier.
Besançon , chés Briffaut , à la Pofte .
Saint Germain , chés Chavepeyre.
Lyon ; à la Pofte.
Marſeille , chés Sibié , Libraire , fur le Port.
Vitry le-François , chés Vitalis .
Beauvais , chés De Saint.
Troyes , chés Michelin , Imprimeur - Libraire.
Charleville , chés Pierre Thefin.
Moulins , chés Faure.
Mâcon , chés De Saint , fils.
Auxerre , chés Fournier.
Nancy , chés Nicolas.
Touloufe , chés Biroffe.
A iij
AVERI
AVERTISSEMENT.
Ly a près de vingt-trois ans que nous travaillons
à la compofition de ce Journal , que
le Roi daigne recevoir tous les mois avec bonté ,
& que le Public continue de recevoir favora
blement. Voici le trois cent vingt-uniéme Volulume
, ce mois-ci compris , fans qu'il ait jamais
été interrompu.
d'en
Nous faifons au nom du Public , de nouvelles
inftances aux Libraires qui envoyent des
Livres , ou des Liftes pour les annoncer ,
marquer le prix au juſte ; cela fert beaucoup
fur-tout dans les Provinces , aux perfonnes qui
Je déterminent là- deffus à les acheter , & qui.
nefont pas sûres de l'exactitude des Meffagers
des autres perfonnes qu'elles chargent de
leurs commiffions , qui fouvent les font payer
plus qu'ils ne coûtent. M. Moreau pourra fe
charger de faire les Envois du Mercure , au
prix marqué.
On invite auffi les Marchands & les Ouvriers
qui ont quelques nouvelles Modes , foit
par des Etoffes nouvelles , Habits , Ajuste
mens , Perruques , Coëffures , Ornemens de tête
autres Parures , ainfi que de Meubles , Caroffes
AVERTISSEMENT.
roffes , Chaifes & autres chofes , foit pour l'uti-
Lité , foit pour l'agrément , d'en donner quelques
Mémoires , pour en avertir le Public , ce qui
pourra faireplaifir à divers particuliers, & procurer
un débit avantageux aux Marchands &
aux Ouvriers.
Plufieurs Piéces en Profe & en Vers , envoyées
pour le Mercure , font fouvent fi mal
écrites , qu'on ne peut les déchiffrer , & pour
cela elles font rejettées ; d'autres font bonnes à
quelques égards , & défectueufes en d'autres.
Lorfqu'elles peuvent en valoir la peine , nous
les retouchons avec foin , mais comme nous ne
prenons ce parti qu'avec répugnance , nous
prions les Auteurs de ne le pas trouver mauvais
, & de travailler leurs Ouvrages avec le
plus d'attention qu'il leur fera poſſible , furtout
, & nous ne fçaurions trop le recommander
, qu'on prenne garde à la ponctuation .
Les Sçavans & les Curieux font priés de
vouloir bien concourir à rendre ce Livre encore
plus utile , en communiquant les Mémoi
res & les Piéces en Profe & en Vers , qui peuvent
inftruire ou amufer. Aucun genre de Litterature
n'eft exclu de ce Recueil où l'on
tâche de faire regner une agréable variété.
Poëfie , Eloquence , nouvelles Découvertes
dans les Arts & dans les Sciences , Morale ,
Antiquités, Hiftoires Sacrée & Profane , Voyages
, Mythologie , Phyfique & Métaphyfi-
A iiij
que ,
AVERTISSEMENT.
que , Piéces de Théatre , Jurifprudence , Ana
tomie & Médecine , Botanique Botanique , Critique ,
Mathématiques , Mémoires , Projets , Traductions
, Grammaires , Piéces amufantes & récréatives
, &c. Quand les Morceaux d'une
certaine confidération feront trop longs , on
Les placera dans un Volume extraordinaire ,
& on fera enforte qu'on puiffe les en détacher
facilement , pour la fatisfaction des Auteurs
& des perfonnes qui ne veulent avoir que certaines
Piéces.
A l'égard de la Jurifprudence , nous continuërons
, autant que nous le pourrons , de faire
part au Public des Questions importantes , nouvelles
oufingulières , qui se présenteront & qui
feront difcutées & jugées dans les differens Parlemens
& autres Cours Supérieures du Royaume
, en obfervant l'ordre & la méthode que nous
avons déja pratiqués en pareil cas , fur quoi
nous prions Meffieurs les Avocats & les Parties
intereffées de vouloir bien nous fournir
les Mémoires néceffaires . Il n'est peut - être
point d' Article dans ce Livre , qui regarde
auffi directement le Bien public , que celui- là
& qui foit plus recherché de la plupart des
Lecteurs.
>
Quoiqu'on ait toujours la précaution de mettre
un Avis à la tête de chaque Mercure
pour avertir qu'on ne reçoit point de Lettres ni
de Paquets par la Pofte , dont le port ne foit
affran
AVERTISSEMENT.
affranchi , comme cela s'est toujours pratiqué ,
généralement pour tout le monde , il en vient
cependant quelquefois qu'on eft obligé de rebuter.
Ceux qui n'auront pas pris cette précaution ,
ne doivent pas être furpris de ne pas paroître
les Piéces qu'ils ont envoyées , lesquelles
font d'ailleurs perduës pour eux , s'ils n'en ont
point gardé de copie.
voir
Les Perfonnes qui défireront avoir le Mercure
des premiers , foit dans les Provinces on
dans les Pays Etrangers , n'auront qu'à s'adreffer
à M. Moreau , Commis au Mercure ,
vis-à- vis la Comédie Françoife , à Paris ,
qui le leur enverra par la voye la plus convenable,
& avant même qu'il foit en vente à
Paris.
Nous renouvellons la priere que nous avons
déja faite , quand on envoye des Piéces , foit
en Vers , foit en Profe , de les faire transcrire
tifiblement , chaque Piéce fur un papier féparé
& d'une grandeur raisonnable , avec des
marges, pour y placer les additions on corrections
convenables ; que les noms propres ,
furtout , foient exactement écrits , & que la
ponctuation ( nous le répétons ) n'y foit pas
négligée , comme cela arrive prefque toujours
ce qui contribue à multiplier les fautes d'impreffion
, quelquefois à défigurer certains
Ouvrages.
Nous aurons toujours les mêmes égards pour
Av Les
AVERTISSEMENT.
les Auteurs qui ne veulent pas se faire con
noître , mais il feroit bon qu'ils donnaſſent une
addreffe , furtout , quand il s'agit de quelque
Ouvrage qui peut demander des éclairciffemens
, car fouvent , faute d'un tel fecours , des
Piéces nous restent entre les mains , fans pouvoir
les employer.
Nous prions ceux qui par le moyen de leurs
correfpondances , reçoivent des nouvelles d'Afie
, d'Afrique , du Levant , de Perfe , de Tartarie
, du Japon , de la Chine , des Indes Orientales
& Occidentales , & d'autres Pays & Con
rées éloignées ; les Capitaines , Pilotes & Officiers
des Navires & les Voyageurs , de vou-
Loir bien nous faire part de leurs fournaux
à l'Addreffe générale du Mercure . Ces Matiéres
peuvent rouler fur les Guerres préfentes de
ces Etats & de leurs Voifins ; les Révolutions
Ses Traités de Paix ou de Tréve , les occupations
des Souverains , la Religion des Peuples ,
leurs Cérémonies , Loix , Coûtumes & Vlages
Les Phénomenes & les productions de la Nature
de l'Art , &c. comme Pierres précieuſes ,
Pierres figurées , Marcaffites rares , Pétrifications
& Cryftallifations extraordinaires , Co-
•quillages , Madrepores , Dendrides , &c. Edifices
anciens modernes , Ruines , Statuës
Bas- Reliefs , Inferiptions , Pierres gravées ,
Médailles , Tableaux , &c. Le Caractére de
chaque Nation , fon Origine , fon Gouvernement
AVERTISSEMENT.
ment , fes bonnes & ſes mauvaiſes qualités , le
Climat & la nature du Pays , fes principales
richeffes & fon Commerce ; les Manufactures ,
les Plantes , les Animaux , & c. Les Mours
des Peuples , leur maniére de fe nourrir , de
s'habiller & de s'armer ; ce que chaque Contrée
produit , pour faire connoître les differens
Climats , d'ajouter , s'il étoit poffible , des
Deffeins pour donner une parfaite intelligence
des chofes décrites.
Nous ferons plus attentifs que jamais à apprendre
au Public la mort des Sçavans & de.
tous ceux qui fe font diftingués dans les Arts
& dans les Méchaniques ; on y joindra le détail
de leurs principales ocupations , de leurs
Ouvrages & des plus confidérables actions de
leur vie. L'Hiftoire des Lettres & des Arts ,
doit cette marque de reconnoiffance à la mémoire
de ceux qui s'y font rendus célébres , ou qui les
ont cultivés avec foin. Nous efperons que les
Parens & les Amis de ces illuftres Morts feconderont
volontiers notre zéle à leur rendre ce
devoir , par les inftructions qu'ils voudront bien
nous fournir. Ce que nous venons de dire , regarde
non-feulement Paris , mais encore les
Provinces du Royaume & les Pays Etrangers .
qui peuvent fournir des Evénemens confidérables
, Morts , Mariages , Altes folemnels , Fêtes
& autres Faits , dignes d'être tranfmis à la
Pofterité.
A vj No
ר כ י
AVERTISSEMENT.
Nous donnons ordinairement des Extraits
des Pieces nouvelles qui paroiffent fur les
Théatres de Paris , & nous faifons quelques
Obfervations d'après le jugement du Public ,
fur les beautés & fur les défauts qu'on y trouve
la crainte de bleffer la délicateffe des Auteurs
, nous retient quelquefois nous empêche
d'aller plus loin ; nous craignons „d'ailleurs
, fi nous fommes plus fincères , qu'on ne
nous accufe de partialité. Si les Auteurs euxmêmes
vouloient bien prendre fur eux de faire
un Extrait ou Mémoire de leurs Ouvrages
fans diffimuler les défauts qu'on y trouve ,
nous donneroit la hardieffe d'être un peu plus
févéres , & le Lecteur leur en sçauroit gré ; ils
n'y perdroient rien par les remarques , a charge
cela
à décharge , que nous ne manquerions pas
d'ajoûter , fans oublier de faire obferver l'extrême
difficulté qu'il y a de plaire aujourd'hui
au Public , & le péril que courent tous les Ou
vrages d'efprit qu'on lui préfente. Nous faifons
avec d'autant plus de confiance cette priere aux
Auteurs Dramatiques & à tous autres , que
certainement Corneille , Quinault , Moliere ,
Racine , &c. n'auroient pas rougi d'avouer des
défauts dans leurs Piéces.
Comme il n'y a pas lieu de douter qu'il ne ſe
trouve dans les differentes Provinces du Royaume
d'heureux Génies , capables de compofer de
très-bonnes Piéces de Théatre , foit pour les Comédiens
AVERTISSEMENT.
médiens François ou Italiens , & même des
Poëmes Lyriques , on pourra ſe charger , s'ils
jugent à propos de nous les faire remettre , de
les examiner , de les préfenter aux Comédiens
d'en faire toucher les honoraires aux Auteurs
, fi leurs Ouvrages ont du fuccès. Nous
garderons auffi le fecret fur les noms des Autears
qui ne voudront pas fe faire connoître ,
&nous ferons généralement toutes les démar
ches convenables , afin que ces Ouvrages , compofés
dans les Provinces , ne foient pas perdus
pour le Public. Il eft bon auffi d'avertir ces
Auteurs qu'il feroit à propos de donner une
addreffe , pour pouvoir leur communiquer les
objections qu'on pourroit faire , & les changemens
que l'on croiroit convenables pour la repréfentation
de ces Piéces.
Nons tâcherons de foutenir le caractére de
modération , de fincerité d'impartialité ,
qu'on nous a déja fait la justice de nous attribuer.
Les Piéces feront toujours placées , fans
préférence de rang & fans diftinction , pour le
mérite & la primauté. Les premiéres reçûës
feront toujours les premiéres employées , hors le
cas qu'un Ouvrage foit tellement du tem's
qu'il mérite , pour cela feulement , la préférence.
Les bonnêtes gens nous fçavent gré d'avoir
garant ce Livre , depuis que nous y travaillons,
non-feulement de toute fatyre , mais même
de
AVERTISSEMENT.
de portraits trop ironiques , trop reffemblans &
trop fufceptibles d'applications . On aura toujours
la meme délicateffe pour tout ce qui pourra
bleffer ou défobliger.
Il nous refte à remercier au nom du Public
plufieurs fçavans du premier ordre , d'aimables
Mufes, & quantué d'autres perfonnes de
mérite de diftinction , dont les productions
●rnent cet Ouvrage & le font rechercher.
J
APPROBATION.
'Ai lû par Ordre de Monfeigneur le Chancelier ,
le Mercure de France du mois de Janvier , & j'ai
crû qu'on pouvoit en permettre l'impreffion . A Pa
zis , le premier Février 1744.
Signé , HARDION,
MER
MERCURE
DE FRANCE .
DÉDIÉ AU ROI.
JANVIER 1744.
PIECES FUGITIVES
en Vers & en Profe.
EPITRE ,
A M. Deftouches de l'Académie Françoife.
T
Our homme eft Citoyen . Tout Chrétien
eft Apôtre.
Ce qu'un Empire impofe , eft exigé de
l'autre.
Servir la République , & fecourir la Foi ;
S'immoler pour leur gloire , eft la fuprême Loi.
D'où vient donc aujourd'hui , lorsqu'un Chrétien
parjure
A
2 MERCURE DE FRANCE,
A la Religion veut faire une bleffure ,
Ne peut- on, fans armer fon bizarre courroux ,
Prendre la fainte Egide , & repouffer fes coups
Son orgueil auffi tôt crie à l'inconfpétence.
D'un Docteur , dira- t'il , avez - vous la fcience,
Pour fervir de Rempart à la Religion
Qui ne riroit , Ami , de fa préfomption ?
Eft-il plus compétent , quoiqu'il ofe entreprendre ,
Pour attaquer la Foi , que nous pour la deffendre
Voudroit il comparer à fa vive clarté
De fon fyftême affreux l'épaiffe obſcurité ?
-C'eft fans doute un malheur , digne qu'on le dé
plore ,
De voir des Ecrivains , que le Ciel touche encore ,
Employer leurs travaux à faire refpecter
Un joug , que déformais on ne veut plus porter.
Hé ! ne vaut-il pas mieux qu'une Mufe élégante
Trace des paffions la peinture charmante ,
Les offre à fon Lecteur , avec tous leurs attraits ,
Et l'amufe , plûtôt que de troubler fa paix ?
Voilà , pour s'efcrimer , une brillante Lice
Non , la Piété fombre , & fa froide Milice .
D'accord. Mais d'Auteurs affés peu mefurés
que
Ont ofé fe ranger fous fes Drapeaux facrés ,
Adiflon & Pafcal , Clarville , la Bruyere ,
Quoiqu'à leur art fouvent la Foi fût étrangere ,
* Auteur du Traité du vrai mérite. Ouvrage excellent.
N'ont
JANVIER. 1744.
N'ont ils pas , d'un faint zéle également épris ,
Contre l'Impiété , fignalé leurs Ecrits ?
La Révélation , cet augufte appanage ,
Eft de tous les Chrétiens le commun héritage ;
C'eft leur bien , que chacun veille à le conferver ,
Et chaffe l'ennemi qui voudroit l'enlever.
Que jamais aucun d'eux , par l'erreur ou le crime ,
Ne perde , s'il fe peut , fa fainte légitime ,
Et que d'un fage Auteur ou la Profe ou les Vers ,
Combattent l'incrédule , & fes Dogmes pervers.
O que d'un Citoyen , qui la comble de gloire ,
L'Angleterre à jamais béniffe la mémoire !
Je ne dis pas Newton' , d'immertel ſouvenir ,
Mais un Sçavant * plus cher au pieux Avenir.
Philofophe puifant dans la fource premiére ,
Qui voulut par fes dons répandre la lumière ;
Procurer à la Foi d'illuftres Défenfeurs ,
D'âge en âge affurés d'avoir des Succeffeurs.
De la Religion les preuves abondantes -
Offrent un champ fertile à des plumes (çavantes ;
Mille , par leur labeur , n'ont pu tout moiffonner ;
Mille autres , chaque jour , y trouvent à glaner.
Que dis-je ? Il reproduit fa fémence immortelle ,
J
* M. Boile a fondé une Chaire , où il ne doit être
prononcé que des Difcours fur l'Existence de Dieu ,
l'immortalité de l'ame la vérité de la Religion , ce
qui a procuré de très - bons Ouvrages , comme la Théologie
Phifique de M. de Ram , le Traitéfur la Religion
du Docteur Clarck, ¿e.
4
MERCURE DE FRANCE.
Et de fon propre fond ce champ ſe renouvelle ,
Mais on ne voit , que trop , une infidelle main
Mefler furtivement de l'ivroye au bon grain.
Bayle , & fes partiſans , par un complot funefte ,
Ont de ce germe impur fouillé le champ céleste ;
Tu veux l'en arracher , & voilà ton forfait.
La cohorte rebelle , & t'admire & te hait .
On gémit de te voir fanctifier ta veine .
Il faut te renvoyer fur la comique fcéne .
Comme fi par l'étude un efprit dominé ,
Pour des talens divers ne pouvoit être né ,
Et que toujours reftraint à la même harmonie ,
Un feul genre épuifoit les forces du génie.
Hé ! pourquoi s'étonner que ta Muſe aujour
' hui
Rende au Ciel tous les dons que tu reçûs de lui?
Si d'abord fur la fcéne on les a vûs éclore ,
Du beau jour qui te luit ils n'étoient que l'au
rore.
Tes Ecrits , où le vice eft fi bien combattu ,
Nont-ils pas, conftamment , refpiré la vertu ?
Les moeurs ont enfanté ton fage Dramatique ;
C'eſt par lui qu'aux humains fa fageffe s'explique .
Au Printemps de nos jours , dans l'âge des plaifirs
,
L'efprit , foumis au coeur , adopte fes défirs.
Le tourbillon du monde emporte la jeuneſſe ;
La Piété n'a pas la premiére tendreffe ;
On
JANVIER. 1744. 3
On méconnoît , un tems , fes fublimes attraits ,
Mais cent fois malheureux qui n'y revient ja
mais!
Souvent un Temple Saint, naît d'un Temple prophane.
Du fameux Kempis Corneille fût l'organe.
Même ardeur enflâma notre Horace François ;
La Lyre de David réfonna fous fes doigts :
Et fes derniers Ecrits ont d'un ftyle énergique
Célébré de la Foi le triomphe autentique .
Mais non ; n'entreprends point de marcher fur
Les pas ;
Ceffe de t'engager dans ces nobles combats .
Prends les armes plûtôt , & pour le Spinoffime ,
Et pour faire regner le materialiſme.
Doute ; rêve avec Lock , prêt à tout renverser
Si la matière au fond ne pourroit point penſer.
Reconnois , fi tu veux une Toute-Puiffance ,
Mais avec Epicure éteins fa Providence.
Prêche un Dieu fans Juftice , & prompt à l'avilir ;
Détruis fon Exiſtence, en voulant l'établir.
Laiffe enfin , ( & c'eft là ton Etoile polaire , )
Le mal fans châtiment , & le bien fans falaire .
De ton efprit alors les merveilleux élans
Seront plus applaudis que tes prémiers talens.
Dans ces réduits obſcurs , où regne le Sophifme ,
Ou l'ignorance tient Ecole d'Athéisme ,
Mis
G MERCURE DE FRANCE .
Mis au rang glorieux des Livres clandeftins ,
Tes précieux Ecrits s'arracheront des mains ,
Et tu verras bien - tôt à leur cher Corifée ,
La volupté , l'orgueil , élever un trophée.
Tu frémis , je le vois , à ces propos affreux.
Ton zéle révolté devient plus généreux.
Pourfuis donc , cher ami , ton effor magnanime ;
Livre toi , j'y confens , au beau feu qui t'anime ;
Sers ta Religion ; porte-là dans ton fein ;
De fes contradicteurs brave le fier dédain ; -
Leur plainte eft ton triomphe , & leur mépris ta
gloire.
Ris des vaines rumeurs de leur Cabale noire,
Heureux , en jouiſſant d'un fort qui t'eſt bien dû ,
De n'avoir d'ennemis que ceux de la vertu !
M. Tanevot
LETTRE
JANVIER . 1744. 7
PU'ACQUAT AUDU DU QU QUQUQUNUNUNU
UQUQUQU QU
..par LETTRE écrite à M. L. C. D. L. R.
M. Liger, Commis au Bureau de la Guerre ,
aufujet de la Quadrature du Cercle.
i
› 'Ai lù , M. dans le Mercure du mois
d'Octobre dernier , un Problême fur la
Quadrature du Cercle , que je crois devoir
remettre ici fous vos yeux.
Pour démontrer géométriquement que
la circonférence du quarré du diamétre eſt
à la circonférence du Cercle , comme le
quarré du diamétre eft à la fuperficie du
Cercle , qui doit être géométriquement égal
à un quarré, dont la racine donne le côté déterminé
, qui doit être moyenne proportionnelle
géométrique entre le rayon du Cercle
& fa demie circonférence , & que le
côté de ce quarré foit commenfurable , tant
au diamétre duCercle , qu'à fa circonférence,
Tout l'embarras de ce Problême confifte à
déterminer ce côté du quarré, qui doit être
égal au Cercle, fans tomber dans les incommenfurables
,d'où l'on conclut que la circonférence
du Cercle eft à la moitié de la circonférence
du quarré du diamétre , comme
la fuperficie eft au quarré infcrit.
Voici ,
8 MERCURE DE FRANCE .
Voici, ma reponſe, ſuivant mes Principes.
B
A
D
Analife du Problême avec les nombres ,
fuivant mes Principes.
=
-
La circonférence du quarré A C = 448 ,
car A B 112 eft à la circonférence du
Cercle 350 , comme le quarré AC eft
au cercle égal au quarré , dont la racine eſt
moyenne proportionnelle entre le rayon
AO = 56 & le demi Cercle 175 .
Résultat de la Conclufion.
La circonférence 350 eft à deux côtés du
quarré du diamétre 224 , comme la fuperficie
du quarré AC = 12544 eft à celle
du quarré infcrit = 6272 .
Premiere Progreffion .
448 ,
Circonférence du
quarré A C
Circonférence
350 , du cercle
quarré du
12544>, diametre A B
198
quarré >
racine ou côté eft 98 ou 99 , attendu
198
9800 ,
Ceréle ou , dont la
que
JANVIER . 1744.
que 9800 eft un quarré double , qui peut
contenir 9801 , fi l'on compofe fes quatre
côtés d'unités , côtés des mêmes quarrés , au
lieu de diagonales ; donc 99 eft la moyenne
proportionnelle entre AO = 56 & le
demi Cercle 175 , d'où il fuit cette progreffion,
56 rayon meyenne
,99
demi Cercle
:: 99.175
Il eft manifefte que le produit de la multiplication
des deux extrêmes 9800 , par
448 , eft 4390400, ainfi que celui des deux
moyens 12544 , par 350.
Et que le produit des deux extrêmes
175 , par 56 , eft 9800 , capable d'égaler
9801 , produit de la multiplication des
moyens 99 , par 99. De la conclufion il
fuit cette progreffion
. 350
A B
AD : 12544
quarré de
A B ›
circonférence
inferit >
, 224
6272 quarré , dont la
multiplication des extrêmes eft égale à celle
des moyens , dont la fomme eft 2195200.
J'eftime , M. avoir rempli le defir de l'Auteur
du Problême , en fuivant à la lettre mes
principes . Je vous ferai obligé d'en inftruire
le Public , le plûtôt qu'il vous fera poffible.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Versailles , le 11 Decembre 1743 .
ELOGE
10to MERCURE
DE FRANCE
.
ELOGE de la vraye Nobleffe , à M. le
Duc de *
LEs perfonnes de qualité ,
Qui d'ayeux en ayeux ont reçû la Nobleffe
Qui ſoutiennent leur nom avec la dignité
Qu'exigent la vertu , la valeur , la ſageffe ;
Ces hommes , pleins de probité ,
Que n'éblouit point la Richeffe ,
Qui n'ont des yeux que pour l'intégrité ,
Que l'orgueil n'a jamais tenté ,
Et que l'honneur feul intereffe ,
Qui du vulgaire enfin n'ont aucune foibleffe ,
Pour reffembler à la Divinité ,
Ilne
leur manque rien que l'immortalité.
Que ne m'eft-il permis de faire
Ce que pour toi Jupiter n'a pas fait ?
En rendant ton bonheur parfait ,
J'aurois dequoi me fatisfaire,
J'ofe , Seigneur , te faire ſouvenir
Qu'en une lettre , à ma perfonne écrite ,
Je conferve ce Vers d'élite :
Serai toujours charmé de vousfaire plaifir.
Ah ! le beau Vers ! aux rives du Permeffe
Apollon même en eft jaloux ;
Afia
JANVIER. 1744.
II
Afin que les Dieux le foient tous ,
Acquitte aujourd'hui ta promeſſe.
Par M. Laffichard.
ETRENNES au même.
Sincére Incéres voeux , Enfans du coeur
En ce moment empruntez l'aîle
Du plus pur , du plus tendre zéle ;
Volez aux pieds d'un aimable Seigneur ;
Saluez-le humblement , il eft mon Protecteur.
De la Seine quittez la rive ,
Pour vous trouver à fon réveil ;
Modérez-vous , & que votre ardeur vive
N'interrompe point ſon ſommeil.
Mais dès que fes yeux favorables
S'ouvriront , pour voir ce beau jour
En lui témoignant votre amour ,
Goûtez des biens inexprimables.
Souhaitez-lui de la ſanté ,
Et voilà tout. Les charmes de la vie ,
Fortune , honneurs , profpérité ,
Tout cela marche à fon côté ,
Obéit & le fert , au gré de fon envie.
DS
1 MERCURE DE FRANCE.
De mes befoins ne parlez pas ,
Vous offenferiez fa prudence ;
Ne lui vantez que ma reconnoiffance ,
Qui toujours vole fur ſes pas ,
Tapi dans un coin , l'ame en tranfe
Entre la crainte & l'efperance ;
Errant dans un dédale affreux ,
Tendres fouhaits , fincéres voeux ,
J'attens l'effet de votre révérence.
Ne tremblons plus ; jamais les Dieux
N'ont méprifé le plus fincére hommage ;
Qu'il eft flateur pour eux d'entendre leur ouvrage
Leur dire que tout lui vient d'eux !
Par le même.
SUITE
JANVIER. 1744
SUITE de la Lettre de M. l'Abbé Soumille
, au fujet de la Chartreuse de Ville-
Neuve d'Avignon.
DESCRIPTION DE LA CHARTREUSE.
U qui donne dans la rue , enferme la
Ne porte doublée de lames de fer ,
principale Entrée ; elle eſt au couchant d'hyver
de l'Enclos de cette Maifon . On voit en
entrant une espece de cour, d'environ douze
toifes en quarré , dans laquelle peuvent entrer
les perfonnes du fexe , qui y viennent
pour affaires. Sur le devant , eft le logement
du Portier. A l'aîle gauche , font les Ecuties
, & à l'aîle droite des Forges , & des
greniers au-deffus. En face de cette premiére
porte , eft une autre porte d'Entrée , récemment
bâtie d'ordre compofite ; c'eft un
Edifice double , ou à deux faces. Sur la premiére
, ou celle de devant , eft élevée , au
milieu , une ftatue de pierre de la Sainte
Vierge , ayant celle de S. Bruno à ſa
che , & celle du Pape Innocent VI . à fa droite
, portant une Chartreufe dans les mains.
On lit au deffus , cetre Infcription dans un
Cartouche : DOMUS BEATA MARIA VALLIS
Bij
gau-
BE14
MERCURE DE FRANCE.
BENEDICTIONIS . Sur la face de derriére , font
quatre Pilaftres , foutenant un Balcon , qui
fert de communication d'un appartement à
l'autre.
+
De cette porte on entre dans une belle
allée , de 35 à 40 toifes de longueur , fur
une largeur proportionnée ; le terrein de
l'allée s'élève infenfiblement jufques au logement
de Dom Jofeph Pennet , Procureur ,
ayant douze piliers de chaque côté , & de
gros meuriers blancs d'efpace en efpace
qui forment deux berceaux de verdure. A
l'extrêmité de cette allée , & à travers un
Arceau , on découvre en lointain le Jardin
de D. Procureur , avec les peintures qui
font fur la muraille du fond , ce qui fait dès
la porte de la rue une agréable perſpective ,
& un coup d'oeil des plus frappans.
Quand on eft au bout de l'allée , dont je
viens de parler , on monte 4 marches , pour
entrer fous l'Arceau , & on tourne à gauthe
, pour traverſer une autre efpece de
cour , qui conduit aux Cloîtres. La porte par
laquelle on entre dans cette cour , étant cidevant
fort petite & menaçant ruine , vient
d'être aggrandie & rebâtie à neuf , par les
ordres de D, Michelon . Elle eſt entre
l'appartement de Dom Procureur à main
droite , & celui de D. Hugues Gimel , fecond
Coadjuteur , à main gauche.
Sur
JANVIER. 1744. 15
Sur la droite de cette cour , eft la façade
de l'Eglife , dont nous parlerons plus bas.
Sur la gauche eft l'appartement de D.Prieur,
& au fond une feconde porte d'entrée ,
d'une belle Architecture Dorique , avec le
logement de D. Philippe Rouviere * , Cou-.
rier , à main droite , & celui du Portier à
gauche .
Il faut de-là , monter neuf marches , pour
fe trouver au niveau du haut Cloître. On y
entre par une porte qui eft dans un des Angles.
Ce Cloître , qui eft celui de la feconde
Fondation >
eft parfaitement quarré , les
Galeries ayant chacune environ vingt toifes
de longueur , fur huit pieds de largeur , &
quantité de fenêtres vitrées , qui les éclairent.
On entre dans l'Enceinte de ce Cloître
, ou dans le terrein qu'enferment les.
Galeries par 4 portes , qui conduifent à une
belle Fontaine conftruite dans le milieu , &
couverte d'un grand toît , foutenu par quatre
piliers ; elle coule abondamment par 4
tuyaux . Les Eaux font conduites par des canaux
fouterrains , non - feulement au Cloître
inférieur , mais encore à la Boulangerie , aux
Cuifines , devant les Ecuries , & par tout
où elles peuvent être néceffaires.
De quatre Officiers qu'il y a dans cette
Maifon , trois font logés hors des Cloîtres
* C'eſt un des Officiers , pour les affaires temporelles .
Biij pour
}
16 MERCURE DE FRANCE .
>
pour vaquer plus commodement aux affaires
externes. Le feul D. Etienne Lenfan
Coadjuteur , eft logé dans le haut Cloître ,
pour donner la facilité à chaque Religieux
de venir prendre chés lui les chofes dont il
a befoin,
>
A côté de la porte , qui donne entrée
dans le haut Cloître , il y en a une autre qui
conduit au Cloître inférieur , au moyen
d'une longue defcente fans marches , mais
en glacis , pour la commodité des Religieux
d'un certain âge. Ce Cloître inférieur , qui
n'eft pas fi régulier que le premier , eft celui
de la premiére Fondation ; il eft au-deſfous
du niveau de l'autre d'environ douze
pieds , & beaucoup plus long que large. La
moindre des deux longues Galeries a environ
trente toifes de longueur fur huit pieds
de large , & l'autre en a 39. La voute de
cette derniére menaçant ruine , a été rebâtie
de neuf avec la muraille du côté oppofé
aux Cellules des Religieux , depuis 4 ou 5
ans feulement.
On trouve encore dans cette Galerie , un
point de vûë admirable. Pour en mieux
comprendre l'effet & la beauté , figurezvous
M. cette Galerie de 39 toifes de longueur
, & placez- vous en idée à fon extrêmité
Septentrionale , pour porter la vûë à
l'autre bout. Elle reçoit un grand jour du
côté
JANVIER. 1744. 17
côté du Soleil couchant , prefque dans toute
fa longueur , par vingt-cinq fenêtres ou
portes affés larges . Cette lumiére diminuë
fenfiblement fur l'autre extrêmité de la Ga→
lerie , y en ayant neuf toifes fans fenêtres.
Au bout de cette obſcurité , eft une porte
à deux battans , fouvent toute ouverte , &
pour le moins à moitié. Après la porte , fait
une feconde Galerie , bien éclairée , de dix
toifes de longueur ; à celle-ci fuccede une
autre obfcurité d'environ deux toifes ; vient
enfuite une petite porte dans le côté dé
l'Eglife , à laquelle une autre répond ,
vis-à-vis , laiffant voir le jour de l'Eglife
entre-deux , & cette feconde porte étant
ouverte , conduit la vue en lointain , jufques
au Tombeau du Fondateur : c'eft en
tour , M. une ligne droite d'environ foixante
toifes , laquelle par le mêlange d'obfcurité
& de lumiére , fouvent entrecoupées ,
produit un effet à la vûë , qu'il eft plus aifé
de fentir que de bien exprimer.
Le terrein renfermé par le Cloître inférieur
, où l'on entre par cinq pories , eft le
Cimetière de la Maifon. On diftingue la
place du dernier mort, par une petite Croix,
plantée fur fa fofle.
Entre l'Eglife & le Cloître inférieur , il y
a encore un troifiéme Cloître fort petit ; les
Galeries n'ayant que dix toifes de longueur,
В iiij
il
18 MERCURE DE FRANCE.
il eft extrêmement éclairé par quantité de
vitrages. C'eft autour de ce Cloître que les
Religieux font une Proceffion réguliérement
tous les Dimanches ; il leur fert auffi
de paffage pour fe rendre à l'Eglife. Il n'y a
dans tout ce Cloître qu'une feule Cellule
pour le Sous- Sacriftain . La Galerie du même
Cloître , qui eft le long de l'Eglife , eft appellée
le Colloque . Le Chapitre , où s'affemblent
très - fouvent les Religieux , occupe
tout le côté Oriental : on y dit la Meffe tous
les jours, & on y fait la Cene le Jeudi - Saint ;
tout y eft d'une très-grande propreté. Il y
a quatre Tableaux originaux de le Vieux.
Sçavoir , celui de l'Autel , qui eft un couronnement
d'Epines, la Sainte Vierge & une
Magdeleine,qui font aux deux côtés , & une
grande Defcente de Croix vis-à-vis la porte.
Sur le fond oppofé à l'Autel , eft un autre
grand Tableau , repréfentant la Communion
de S. Jerôme , copié par une habile
main , d'après le Carrache. La Cellule de
D. Vincent Peronnet Sacriftain , eft pratiquée
derrière le Chapitre , n'ayant que fa
porte dans la Galerie.
›
LA BIBLIOTEQUE ..
Elle eft au-deffus de l'appartement de D.
Prieur : le Vaiffeau n'en eft pas vafte , mais
outre qu'elle est bien difpofée , & que le
moinJANVIER.
1744. 19
moindre efpace y eft mis à profit , il y a
deux Dofdanes au milieu , qui contiennent
en feize rangs , une grande quantité de
moyens & de petits volumes.
Celui qui m'a le plus frappé , & qu'on
peut véritablement appeller volume , eſt un
gros rouleau de parchemin , de douze toifes,
quatre pieds de long , fur dix- huit pouces
de large , contenant une partie de la Bible
en Hébreu , que les Connoiffeurs eftiment
avoir été écrite du tems de S. Jerôme . Les
Colonnes n'ont que 4 pouces & demi de
large. Ce volume contient depuis le I. verfer
de la Genéfe, jufques au 3 2 verfet du III .
Livre des Nombres . Il eſt confervé avec foin
dans un petit coffre , fait exprès , avec deux
autres moins confiderables , dont l'un eft la
fuite du premier , mais peu étendu , & l'autre
une répétition de la Genéfe , par une autre
main.
Sous le coffre , qui contient ces rouleaux
, eft un Médailler en deux Armoires ,
dont chacune contient vingt-fept tiroirs ,
remplis de Médailles de toutes les grandeurs
, & de differents métaux. Comme je
n'entends prefque rien à cette forte de
fcience , je ne fçaurois entrer là- deffus dans
aucun détail.
Après le volume dont je viens de parler ,
on peut donner la premiére place par la
By beauté ,
20 MERCURE DE FRANCE.
beauté , & par l'étendue du travail à une
Bible en quatre grands in-folio , écrite à la
main très-proprement , en caractéres gothiques
, l'an 1414 , par un Charteux de la
Maifon. Les Livres de l'Ecriture n'y font pas
rangés fuivant l'ordre ordinaire , mais fuivant
l'ufage des Chartreux. C'eſt le fruit
d'un travail immenfe , & d'autant plus admirable
, que les Lettres initiales de chaque
verfet font peintes en miniature de plufieurs
couleurs , qui confervent encore toute leur
vivacité.
Prefque tous les Livres , dont je vais parler
, font d'une parfaite beauté & pour l'impreffion
& pour la relieure. Tels font en
premier lieu les trois Bibles Polyglottes ;
fçavoir celle du Cardinal Ximenés , celle de
Paris , & celle d'Angleterre. L'Hiftoire des
Conciles en 38 voulumes in-folio , Impreffion
du Louvre. L'Hiftoire Byzantine , 26
vol. fol. auffi du Louvre. Les Annales de
Baronius , 20 vol. fol. Le Talmuth Hébreu ,
7 vol . fol. Le grand Atlas , 6 vol. fol.
Les OEuvres de Cardan 10 vol. fol.
L'Hiftoire naturelle d'Aldrovandus , 12 vol.
fol , & une grande quantité d'autres grands
vol. fol. SS. Peres , Théologiens , Philofophes
, Mathématiciens , Canoniftes , Interprétes
, Controverfiftes, &c. dont on pourroit
faire un long Catalogue.
Il y a auffi trois volumes , qui m'ont parû
fuzJANVIER.
1744.
21
finguliers , fur-tout par leur groffeur , fa
voir , deux Bréviaires in fol. de 1650 pagi
chacun , les deux volumes faifant la in
& le Dictionnaire Latin de Robert- Etienne,
de 3200 pages , Impreffion de Paris .
Il peut y avoir dans ce Vaiffeau , environ
trois mille cinq cent volumes de toute grandeur.
La plus grande partie eft des in -fol.
& des in 4° . Les autres moindres volumes
étant plus portatifs , font difperfés dans
toute la Maiſon , car cette Bibliotheque eft
bien la plus grande , mais elle n'eft pas la
feule. D. Prieur , par exemple , en a une
fort belle , bien fournie furtout de Livres
modernes , qu'il connoît parfaitement , &
dont il fait tous les ans des acquifitions
confiderables . Celle de D. Vicaire , Jean
Crozet, de Marſeille , eft fort nombreuſe , &
bien choifie. Chaque Officier garnit d'ailleurs
la fienne fuivant fon goût , & chaque
Religieux enfin en a auffi une,plus ou moins
grande , ce qui fait encore autant de volumes
répandus dans la Maiſon , qu'il y en a
dans la Bibliotheque principale. Il y a auffi
deux beaux Globes , l'un céleste , l'autre terreftre
, de plus de cinq pieds de circonférence
, qui paroiffent fort exacts , & faits
avec beaucoup de netteté & de préciſion .
B vj
L'E22
MERCURE DE FRANCE.
L'EGLI S E.
>
La façade de cette Eglife , tournée vers le
couchant , eft d'une belle Architecture
d'Ordre Compofite . Quatre Pilaftres y foutiennent
trois Arceaux . On voit fur celui
du milieu un Chrift couché , de ronde boffe ,
avec la Sainte Vierge , S. Jean , & la Magdeleine
, à genoux , le tout parfaitement bien
exécuté . Sur les Arceaux des côtés font deux
Médaillons en Bas-relief , dont l'un repréfente
l'Annonciation de la Vierge , & l'autre
la Nativité de N. S. Les ornemens de cette
façade font d'une parfaite beauté , au jugegement
des connoiffeurs. Les chambranles
de la porte font en forme de Pilaftres , &
entrecoupés alternativement de marbre , &
d'une belle pierre blanche.
L'Eglife a une feule Nef ; elle eft d'un goût
gothique , mais bien proportionnée d'ailleurs.
Sa longueur depuis la porte jufqu'à
l'Autel eft d'environ 18 toifes fur cinq de
largeur. La voute du Sanctuaire eft en pied
d'araignée , ou plûtôt c'eſt une croiſée d'ogives
à fix branches. Le Maître Autel peut
être mis au nombre de ceux qu'on nomme
à la Romaine ; on en fait tout le tour pour
les Encenfemens , & il eft fans aucun Tableau.
On n'y voit qu'un grand Tabernacle ,
orné de petites Colonnes , & placé fous un
Arc
JANVIER . ` 1744 . 21
Arc doubleau , chargé d'une corniche Corinthienne
avec fon Attique , foutenu de
Colonnes du même Ordre , efpacées tout
autour du Sanctuaire. Sur les côtés de ce
Sanctuaire , on voit deux Tableaux originaux
, dont l'un eft une Vifitation de Champagne
, & l'autre une Annonciation du Guarchin
, Difciple des Carraches.
Tout le Choeur des Peres eft carrelé en
Echiquier , de marbre * Bardille , & blanc
veiné : les carreaux ont chacun un pied en
tout fens. C'eſt le Prieur d'aujourd'hui D.
Martial Michelon , qui vient de faire cette
importante réparation . On prepare actuellement
fous fes ordres une grande quantité
de carreaux , d'une forte de pierre bleuë &
blanche , extrêmement dure , & qui coute
prefque autant que le marbre , pour paver
le Coeur des Freres , le devant de l'Eglife ,
la Sacriftie & le Chapitre. Ce vénérable
Pére , vraiment zelé pour la Maifon du Seigneur
, médite encore d'autres réparations
effentielles , qui femblent avoir été négligées
par ceux qui l'ont précédé. Il a au
refte fi bien fçû gagner l'affection de toute
fa Communauté , que le bon ordre qu'on y
admire , eft moins l'effet de fon autorité
que celui de fa douceur , & de fes grands
exemples .
* Il eft gris cendré, avec des veines blanches' ; il
vient de Carara , en Italie.
Au
24 MERCURE DE FRANCE.
Au milieu du Coeur des Péres , on voit
le Tombeau d'Armand de Bourbon , Prince
de Conty , mort à Pezenas le 22 Février
1666 , dans la 37 année de fon âge. Il demanda
en mourant , d'être inhumé dans la
plus prochaine Chartreufe. Celles de Villeneuve
& de Valbonne fe difputerent cet
honneur , & la premiére l'emporta. On
peut bien dire que l'intérêt n'eût aucune
part dans cette difpute , puifque ce Prince
ne laiffa pas même dequoi faire fes funerailles.
Je n'entreprens pas de vous rapporter
fon Epitaphe , que fa longueur peut faire
regarder comme une Oraifon funébre. Ce
Tombeau n'eft proprement qu'une grande
Baze attique en parallelogramme , dont les
moulures font de marbre blanc veiné , & la
table eft de marbre noir. On ne lui a donné
qu'environ ſeize pouces d'élévation , pour
ne point couper la vûë du Maître Autel.
On trouve dès l'Entrée du Choeur , un
grand Lutrin de Laiton , portant une Aigle
maffive , faite à Rouen par François Gaffe en
1716 , excellent Artifte en ce genre . Après
ce Lutrin & en avançant dans le Choeur , on
voit une Lampe d'argent de trois pieds &
demi de circonférence , affés bien travaillée
mais qui ne peut pas entrer en comparaiſon
avec celle qui eft dans le Sanctuaire.
On peut dire que c'eft une des plus belles
Piéces ,
JANVIER. 1744. 25
Piéces , qu'il y ait en ce genre . Elle a cinq
pieds & demi de circonférence , & environ
deux pieds de hauteur , péfant cent vingt
marcs. Le travail en eft autant & plus eftimé
que la matiére. Outre fix têtes de Cherubins
, adoffées autour du cul-de- lampe , &
& fix Genies au- deffus des Feftons , de la
derniére beauté , il y a trois grands Termes,
parfaitement bien exécutés , où font attachées
les trois chaînes , de 3 2 pouces de long,
entremêlées de Globes & de Feftons d'une
grande délicateffe . Elle eft de la façon du fameux
Vinay , ancien Orfévre d'Avignon ,
que fes Ouvrages ont immortalifé . Cette
Lampe , autant pour la beauté du travail
que par la matiére , eft eftimée plus de dix
mille livres.
Il y a dans le Choeur dont je parle , fix
grands Tableaux de prix. Les trois , du côté
de l'Evangile , qui font de l'Ecole Lombarde
, repréfentent la Nativité de N. S. l'Adoration
des Mages , & la Préfentation de
J. C. au Temple. Čeux du côté oppofé font ,
fa difpute avec les Docteurs dans le Temple
de Nicolas Mignard , & les deux autres repréfentent
la Fuite en Egypte , & la Compaffion
de la Sainte Vierge de Jofeph Imbert ,
Marfeillois , Frere Convers de la Chartreufe
de Ville- neuve , encore vivant , lequel
depuis fa plus tendre jeuneffe a toujours
cultivé
26 MERCURE DE FRANCE.
cultivé avec fuccès , les grandes difpofitions
qu'il avoit pour la Peinture , en forte qu'il
peut aujourd'hui être égalé aux Maîtres de
l'Art , & malgré fon exacte retraite , tous
les Connoiffeurs demandent avec empreffement
la permiffion de voir fon Cabinet , &
ils admirent fes Ouvrages. Quoiqu'âgé actuellement
de 77 ans , il travaille , fans relâche
, à finir un grand Tableau , de neuf pieds
de large , fur treize à quatorze de hauteur
qui repréfente les Pélérins d'Emmaüs , &
qu'on regarde déja comme un chef- d'oeuvre.
Ce Tableau eft deftiné pour la Chartreufe
de Marſeille , où l'on en voit cinq autres de
fa façon , l'un fur la porte de l'Eglife , de 30
pieds de hauteur , repréfentant une préparation
à la Defcente de Croix , les autres la
Bâtême de N. S. l'Adoration des Mages , la
Nativité , & une Annonciation.
Au côté droit de l'Eglife , en dehors
font quatre Chapelles attenantes , pour la
commodité des Religieux , dont la premiére
auprès du Sanctuaire, renferme le Tombeau
du Fondateur. Cet Ouvrage eft , fans contredit
, ce qu'il y a de plus beau dans la
Chartreufe. Il eft d'un goût gothique , tout
conftruit d'une belle pierre blanche , qui
approche du marbre. La Figure d'Innocent
VI. y eft couchée fur une espece de lit ,
élevé de cinq pieds . Six piliers foutiennent
JANVIER . 1744. 27
nent , à 6 pieds de hauteur , une espece de
voute qui fert de couvert , & au- deffus de
la voute font quantité de Pyramides , chargées
de feuillages, entremêlées de petites figures
humaines fous des Arceaux ; & audeffus
de celles- ci , il y en a d'autres plus
petites avec d'autres figures. Tout le travail
eft d'une extrême beauté . L'Ouvrage entier
peut avoir 27 pieds de hauteur. Le bas eft
entouré d'un grillage de fer , à hauteur
d'homme .
Le Tableau de cette Chapelle eft de la
main de René d'Anjou , Roi de Naples &
de Sicile ; il repréfente la Trinité , couronnant
MARIE , & le Purgatoire au bas. Dans
la feconde Chapelle, eft un S. Bruno , peint
par le Petit Pouffin *. C'eft dans cette Chapelle
qu'eft le Tombeau du ſecond Fondateur
; il eft affés remarquable , mais fort inférieur
au précédent pour le travail ; il eſt
auffi entouré d'une grille de fer.
On voit dans la troifiéme Chapelle , un
grand Tableau de S. Michel , ou de la chûte
des Anges rébelles , peint par Mignard.
La quatrième Chapelle eft la plus petite :
un Paifage eft proprement peint fur toutes
les murailles , & le Tableau de l'Autel eft
une Annonciation , chef- d'oeuvre du Guide .
* C'est le nom qu'on a donné à un habile Peintre du
Pays, qui imitoit beaucoup le Pouffin.
D:
28 MERCURE DE FRANCE.
De l'autre côté de l'Eglife , & joignant
le Choeur des Freres , il y a deux petites
Chapelles. Le Tableau d'un des Autels , repréfente
J. C. en Croix , la Sainte Vierge ,
& S. Jean debout au pied ,, par le Vieux ;
& l'autre la Sainte Famille , & Sainte Catherine
, recevant de l'Enfant JESUS une bague
& une couronne de fleurs. C'eft un des
meilleurs Tableaux de Mignard. On lit
fon nom au bas , & l'année 1651. Voilà M.
les Tableaux les plus remarquables que j'ai
trouvés dans cette Eglife.
LA SACRISTIE .
Ce qu'on peut appeller le Tréfor de cette
Sacriftie , eft renfermé dans trois Armoires.
Dans la premiére , fe voyent la Croix Papale
du premier Fondateur , celle du Cardinal
de Pampelune , fecond Fondateur , &
quelques Reliques, parmi lesquelles eft une
Sainte Epine , que le Pape Innocent VI.
portoit dans fa Croix pectorale. Il y a auffi
une petite Chapelle de fix chandeliers , &
une Croix d'argent .
Dans la feconde Armoire , on voit ſept
beaux Calices , qui ne fervent que pour les
Fêtes folemnelles , y en ayant plus de vingt
*
Reynaud le Vieux a travaillé long- tems à Rome ,
avec réputation. Il y a plusieurs beaux morceaux de
lui à Avignon.
autres
JANVIER. 1744. 29
autres pour les Meffes journaliéres. Parmi
ces Calices diftingués , celui du Roi René ,
tout d'or de Ducats , eft le plus précieux .
Le noeud du milieu eft une efpéce de gros
Grenat , entouré d'un chapelet d'or , avec la
Devife en Langue Provençale DEVOT LI SUI .
Ce Calice avoit fervi à fon Sacre , & fûr
donné par lui-même à la Chartreufe . Ce
Calice fut autrefois volé durant la nuit , par
un domestique qui prit la fuite ; on courût
après lui , & après quelques recherches , on
retrouva le Calice , mais la Patene avoit été
dénaturée & diffipée . La Maiſon en fit faire
une autre, très- forte, & du plus bel or qu'on
pût trouver , mais elle n'approche pas
de la
beauté de celui du Calice . On voit auffi dans
la même Armoire un grand Soleil , ou Oftenfoire
, extrêmement bien travaillé , plufieurs
Baffins , Encenfoirs , Burettes , avec une
Chapelle de fix grands chandeliers d'argent
& une Croix de même , très-péfante , dont
le travail eft fort eftimé. Elle eft d'environ
4 pieds de hauteur.
Enfin , dans la troifiéme Armoire , ( ornée
d'une Mofaique , dont l'ouvrage eft admirable
, tant par la beauté du bois , entremêlé
d'yvoire & d'ébéne , que par la délicateffe
du travail , & par la jufteffe du Deſſein. )
On voit , 1 °. Quatre Statues d'argent trèspéfantes
, mais dont deux font plus précieufes
30 MERCURE DE FRANCE.
1
fes par le travail ; ce font celles de la Sainte
Vierge & de S. Jofeph , de la façon du même
Vinay d'Avignon , dont j'ai déja parlé ; la
draperie en eft inimitable , & le lys de S.
Jofeph eft un vrai chef-d'oeuvre. Les deux
autres figures font de S. Jean- Baptifte & de
S. Bruno , toutes quatre d'égale hauteur
d'environ deux pieds & demi.
2º. Deux Buftes de vermeil , des Apôtres
S. Jacques & S. Philippe. Ils ont été faits à
Rome , & font très-bien travaillés.
3. Au bas de la même Armoire , font
trois autres Buftes de vermeil , repréfentant
la Reine Marie de Médicis , & deux Princeffes
fes filles ; elles font de la main du fameux
Varin : c'eſt un Ouvrage admirable ,
avec la reffemblance la plus parfaite aux
meilleurs Portraits de ces Princeffes. Ces
trois Buftes , qui font trois chefs-d'oeuvre
d'Orfèvrerie & de Portraiture , furent trouvés
parmi les Effets du Cardinal de Richelieu ,
après la mort. Le Cardinal de Lyon , Alphonfe
Louis du Pleffis , fon frere , confervant
toujours de l'affection pour l'Ordredans
lequel il étoit entré , les fit acheter par la,
Chartreufe de Ville- neuve , qui ne paya que
le poids.
Vous fçavez , M. que ce Cardinal , étant,
Evêque de Luçon , remit fon Evêché à fon
Frere Armand,pour fe faire Chartreux. Il fit
fa
JANVIER. 1744. 3
fa Profeffion dans la grande Chartreuſe , fûr
Prieur de celle de Bon-Pas , à deux lieuës
d'Avignon , & paffa 24 ans dans l'Ordre ,
d'où il fût tiré pour être Archevêque d'Aix ,
enfuite de Lyon , & Cardinal. Il mourut
le 24 Mars 1653 .
Il y a dans cette Sacriftie quantité de
beaux Ornemens , des Chafubles précieufes
, des Pluvieux antiques & curieux , du
linge d'une grande beauté , &c. mais je ne
parlerai point de tout cela , pour finir ici
une lettre , qui doit vous paroître déja affés
longue. J'ai l'honneur d'être , &c.
A Ville-neuve lez- Avignon , le 26 Août.
1743.
P.S. Ma lettre finie, c'eft- à-dire , Monfieur,
toutes mes Remarques mifes au net , j'ai été
averti que ce qu'on appelle dans cette Maifon
, la Cave du Pape , eft une piéce trèscurieufe
, ainfi que la Boulangerie , Edifices
à triple voute , & d'une confervation parfaite
. J'ai vû l'une & l'autre , qui méritent
affurément attention , mais j'ai crû devoir
réferver ces deux Piéces pour une autre lettre,
que vous n'attendrez pas long- tems ,
& à laquelle je joindrai ce que j'aurai oublié
dans celle-ci-.
Je ne doute pas , M. R. P. que vous ne
foyez
12 MERCURE DE FRANCE .
foyez , auffi - bien que moi , content & fatisfait
de la lettre que vous venez de lire , &
que vous ne conveniez de la vérité de ce
que j'ai eu l'honneur de vous dire au commencement
de la mienne ; fçavoir , qu'en
m'adreffant à M. l'Abbé Soumille , je me
fuis adreffé à la perfonne la plus capable
de me donner une entiére fatisfaction fur ce
fujet.
pre-
J'ai lieu d'attendre un pareil fuccès à
l'égard de la Chartreufe de Marfeille , par
la lettre que je viens de recevoir du Vénérable
Prieur de cette Maiſon , écrite le
mier de ce mois , par laquelle ce très - digne
fucceffeur de D. Favière , a la bonté de
me promettre les inftructions dont j'ai befoin
pour fatisfaire à mes engagemens .
Je fuis avec refpect , M. R. P. Votre , &c.
A Paris , le 27. Septembre 1743 .
LES
JANVIER. 1744. 33
C LES ECLAIRS ,
ODE qui a remporté le Prix à l'Académie
des Feux Floraux , le premier Mai 1743 ,
par M. Taverne, cadet, Licentié ès Droits.
Mufe , pars , vole , fui le féjour de la Terre
Pourquoi retenir tes tranſports ?
Dans les Régions du Tonnerre
Cherche l'objet nouveau de tes hardis accords.
Quels prodiges offre à ta vûë
Le fein tenebreux de la nuë !
Sous le Ciel obſcurci quelle foule d'Eclairs !
Eft-ce pour nous charmer que vous les faites luire,
Grands Dieux ? Eftt-
ce pour nous détruire ,
Qu'ils femblent embrafer l'im menfité des Airs ?
Je ne puis échapper à l'active lumiére ,
Dont la clarté , de toutes parts
Affiége ma foible paupière ,
Et bleffe de mes yeux les timides regards.
En vain , entre les bras de l'Ombre ,
Dans la Retraite la plus fombre,
Je croyois éviter le feu qui me pourfuit :
Par le fentier étroit d'une route inconnuë ,
Dans cet afile il s'infinuë ;
Il m'approche, il m'atteint , il me frappe & s'enfuit .
Vifs
#4 MERCURE DE FRANCE.
Vifs Eclairs , à la fois vous percez les nuages ,
Et délivrés de vos kens ,
Vous vous montrez fur nos Rivages
De la Terre & du Ciel immenfes Citoyens
Arrêtez .... Défirs inutiles !
Dans votre courſe plus agiles ,
Que d'Eole en courroux les Sujets irrités ,
Traits ardens , feux légers , un inftant vous voit
naître ;
Un inſtant vous voit difparoître ;
Vous rentrez au Néant , dès que vous en fortez.
Mais quoi ! de fon bandeau quand une nuit obſcure
Couvrant , & la Terre & les Airs ,
Fait un cahos de la Nature ,
Un Spectacle brillant reproduit l'Univers.
Quels rayons fans ordre & fans nombre ,
Sillonnent les voiles de l'ombre !
De quels Globes nouveaux le vafte éclat nous luit. Ì
Guides du Voyageur , ils éclairent fa route ;
Près des abîmes qu'il redoute ,
Ils lui rendent le jour,au milieu de la nuit.
炒菜
Le calme difparoît ; l'horreur faifit ma vûë.
Dans ces chaînes de feux volans ,
S'offrent au travers de la nuë
De rapides brafiers , des Monts étincelans.
Tels ils partoient de l'Empirée ,
f
Lorfqué
JANVIER. 1744. 35
Lorfque dans la Plaine étherée ,
Phébus livra fon Char aux voeux de Phaëton .
De fes hardis Courfiers la marche vagabonde
Enflâma les voûtes du Monde ,
Et retraça partout l'Empire de Pluton .
Quelle eft donc dans les Airs cette ardente Chymie,
Mere de fermens allumés ?
Sa main , de la Terre ennemie >
Darde fur les Mortels des torrens enflâmés.
Du fiége bruyant des tempêtes
Jupiter fond- il fur nos têtes ,
Précédé des Eclairs , armé de ſes carreaux ?
Vulcain , du Dieu des Dieux flamboyant Satellite,
A-t'il de l'Ethna , qu'il habite ,
Dans le Ciel orageux tranfporté les fourneaux ?
Démêlez de l'Eclair l'admirable ſtructure ;
Sondez fes Traits mystérieux ,
Fiers Confidens de la Nature ;
Mais votre Déité ( a ] ſe préſente à mes yeux.
L'ignorance fuit devant elle ;
A fes regards tout le décéle ;
Sur fes pas la Raiſon marche pour l'éclairer,
Prenons à ſon aſpect un effor moins timide ;
( a ) La Phyfique.
C Si
36 MERCURE DE FRANCE.
2
Si je m'égare après ce Guide ,
Il eſt beau de fçavoir doctement s'égarer.
Echappés aux befoins des arides Campagnes ,
Quels Ruiffeaux dans l'Air fufpendus !
Et dans ces errantes Montagnes ,
Que de (a) Sels ennemis enſemble confondus
Enfans révoltés de la Terre ,
Principes ardens du Tonnerre ,
L'Eclair part , fruit foudain de leurs chocs véhemens.
Ciel , veux-tu te venger & tout réduire en poudre ?
Dans ton fein ils forment la Foudre ,
Des Dieux prêts à punir , dociles inftrumens.
炒茶
De la Nuë embrafée enfonçant la barriére ,
Mille rayons de l'Univers
Einaillent la vaſte carriére ,
Et le Monde n'eft plus qu'un long tiſſu d'Eclairs:
Déja fecouant leurs entraves ,
Des vapeurs , dont ils font Efclaves ,
Ils brifent la priſon qui flotte dans les Cieux.
Quelles vives couleurs , quel éclat me préſente
De leurs traits la chaîne brillante !
Les Aftres effacés s'éclipfent devant eux.
*XXX
(a) Le Nitre & le Souffre. Us
JANVIER.
37
1744.
Un fubtil (a) Element , ame & reffort du Monde ,
Meut l'Eclair & le fait voler.
Bientôt le Ciel , la Terre , l'Onde ,
D'un feu , que rien n'éteint , me paroiffent brûler.
O terreur ! un trait homicide
Sur les pas de l'Eclair rapide ,
Suit du Salpêtre actif
l'impétueux effort ,
Ecrafe le coupable , enterré dans fon crime ;
Du Cédre abbat l'altiére cime ;
Répand de toutes parts l'épouvante & la mort .
**
L'Eclair brille. A l'envi les nuages s'irritent.
Dans la voute obfcure des Airs
Ils fe
heurtent , fe
précipitent ; ( 6 )
Leur choc d'un Pole à l'autre ébranle
l'Univers.
L'Enfer régne-t'ilfur la Terre ?
Au bruit effrayant du
Tonnerre ,
Je crois voir cent
Tombeaux
s'entr'ouvrir ſous
mes pas.
La Foudre ... non , la Foudre épargne la victime,
L'Eclair qui me luit , me ( c ) ranime ,
Et referme fous moi les portes du trépas.
(a ) La Foudre.
Fulgentfine viribus ignes.
(b) C'est une opinion commune que le bruit du Ton
verre vient de la chute rapide d'un Nuage fur l'autre.
(c) Ce n'eft point lorsqu'on voit l'Eclair que l'on doit
craindre la Foudre ; on eft alors hors de danger.
Cij EX.
38 MERCURE DE FRANCE.
૪૨૯૨૨૭૬૨ ૨૯ ૮ ૨૯ ૨૦ ૨૦ ૨૦
၁ ဥာ
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Grenoble
, le 28 Novembre 1743 , au sujet du
Paffage de l'Infant DOM PHILIPPE, par cette
Ville.
que
E 25 du mois d'Octobre, fon Alteffe R.
D. Philippe,arriva en cette Ville au fon
des cloches & au bruit du canon . A l'entrée
de la Ville , Mrs. les Confuls eurent l'honneur
de complimenter le Prince, qui témoigna
la fatisfaction méritoit le compli
ment de M. Deybenfier , Conful , que vous
trouverez ci-joint. Les ruës par où S. A. R.
paffa , étoient bordées de troupes , fous les
armes. L'air retentiffoit des acclamations &
des cris de joye , que pouffoit le peuple, accouru
des environs , pour voir un Prince ,
que la Rénommée n'a point flaté , en l'annonçant
comme le digne héritier des vertus
de fes auguftes Ayeux.S.A.R . defcendit de fa
chaife à la porte du Jardin de M. l'Intendant
, où elle fut reçûë fous un dais magnifique.
Le foir, il y eut à l'Intendance un concours
des principales Dames & de Gens de
qualité de cette Ville. On joüa beaucoup ,
& on alla enfuite voir les illuminations du
Jardin de l'Intendance , qui formoient , de
l'aveu du Prince , un des beaux coups d'oeil
qu'on
JANVIER . 1744. 39
qu'on puiffe voir. Le lendemain 26 , S.A.R.
reçut les complimens des Cours Supérieures
& des Corps Religieux. M. de Piolenc ,
Premier Préfident du Parlement , & M. Bailly
, Marquis de Clairivaux , Premier Préfident
de la Chambre des Comptes , parlerent
avec une éloquence & une dignité , qui leur
attirerent l'approbation de tous ceux qui les
entendirent. Parmi les complimens faits par
les Religieux , le Prince parut charmé de
ceux des Peres Daru & Auffel ; le premier
eft ex-Général des Cordeliers ; vous en avez
déja fait mention dans votre Mercure , à
l'occafion du Sermon de la Cêne. Le fecond ,
je veux dire, le P. Auffel , eft Jéfuite, & fort
eftimé.
Le même jour, S. A. R. alla dîner chés M.
l'Evêque , qui lui donna un repas , où brillerent
à l'envi la magnificence , la délicateffe
& le bon-goût. Au fortir de ce repas , le
Prince reçut avec bonté le compliment que
lui fit M. de Lacy, jeune Seigneur Efpagnol,
Penfionnaire du Collège des Jéfuites . Cer
aimable Seigneur fut préfenté à S. A. R. par
les Peres Quénot & de Burtrand , Jéfuites.Le
Prince , enchanté du compliment du petit
Efpagnol , le témoigna au P. Quénot , -lui
recommanda d'avoir toujours bien foin de
cer Eléve , ajoûtant qu'il faifoit honneur à
l'éducation qu'on lui donnoit.
Ciij Le
40 MERCURE DE FRANCE.
Le 27 , S. A. R. fit l'honneur à M. de Piolenc
, Baron de Thoury , d'aller dîner chés
lui . Au deffert , le Prince voulût qu'on laiſsât
entrer tout le monde , informé de l'empreffement
qu'on avoit de le voir. Le 18 ,fur les
10 heures , ce Prince partit pour Barraux, au
bruit de l'artillerie .
Je n'oublierai pas que Don Philippe alla
ces jours paffés à la grande Chartreufe. Il fut
reçû à l'entrée de cette fainte Maiſon , par
le Vénérable Pere Dom de Larnage , Prieur
de Chartreufe & Général de l'Ordre ; fi je
puis avoir là-deffus quelque inftruction particuliére
, je vous en ferai part.
COMPLIMENT de Meffieurs les Confuls
de Grenoble.
MONSEIGNEUR ,
39
« Les Confuls de Grenoble portent aux
» pieds de Votre Alteffe Royale , les hommages
refpectueux du peuple , qu'ils repréfentent
: ce peuple , Monfeigneur , re-
» connoît & admire en votre augufte per-
» fonne , les vertus des Monarques , fes Maî
>> tres , qui gouvernent cet Empire depuis
» tant de fiécles ; l'un d'eux mérita le nom
d'Augufte ; plufieurs celui de Grand ; d'au
tres ceux de Bien-aimé,de Jufte & de Pere
»
» des
JANVIER. 1744. 41
"
"
» des peuples ; tous ces Titres précieux ne
» préfentent rien à quoi V. A. R. ne puiffe
prétendre ; femblable à Titus , qu'Elle
»paroît s'être propofée pour modéle , elle
» fera les délices du peuple fortuné , qui vi-
»vra fous fon Empire , & peu fatisfaite du
» feul avantage de régner , Elle fçaura en-
» core régner fouverainement fur les coeurs
» par ſon affabilité , fa magnanimité & ſa
» clémence. Daignez , Monfeigneur , agréer
> notre amour . Notre zéle refpectueux l'ac-
» compagne ; l'un & l'autre infpirent des
» voeux ardens pour la profpérité de Votre
» Alteſſe R. »
AUTRE compliment fait en lui offrant les
préfents.
"MONSEIGNEUR, la Ville à l'hon-
» neur de préfenter à Votre Alteffe Royale,
» ce que la Province produit de meilleur ;
fon impuiffance & le peu de tems qu'elle
» a eu , ne lui ont pas permis de fuivre tout
» ce que fon zéle lui infpiroit ; l'indulgen-
» ce de Votre Alteffe Royale & fes bontés
» voudront bien y fuppléer. »
ZAS
C iiij
RE
42 MERCURE DE FRANCE.
洗洗洗洗洗洗洗送送送送送送送洗洗
REMERCIMENT des Penfionnaires
Chinois du Collège de LOUIS -LE-Grand ,
préfenté à S. 1.S. M. le Duc de Penthievre,
Le 8 Janvier 1744.
C Harmés de tes vertus , comblés de tes préfens ,
De nos foibles remercimens ,
GRAND PRINCE ,nous ofons te préfenter l'hommage.
Etrangers dans ces Lieux , nés dans une autre Plage,
Pour exprimer nos fentimens ,
Tout nous manque , juſqu'au langage ;
Mais nous fçavons du moins parler celui du coeur ;
Nous espérons de ta clémence ,
Que feul il fuffira , fans autre introducteur ,
Pour mériter ton audience.
Nous ne pouvons de ta faveur
Célébrer la magnificence ,
Mais nous fçavons en fentir tout le prix.
Oui , ton nom à jamais gravé dans nos efprits ,
Par les traits immortels de la reconnoiffance ,
Après avoir franchi les Mers ,
Par nous retentira dans un autre Univers.
Un jour nous apprendrons à la Chine étonnée
Les grandes qualités dont ton ame eſt ornée.
Nous lui peindrons cet air plein de grandeur,
Mais temperé par la douceur ,
Ce
JANVIER. 1744. 43
Ce beau feu , cette noble ardeur ,
Qui , dès le printems de ton âge ,
D'un Héros accompli nous préfentent l'image .
Enfin , de tes bienfaits le gage précieux
Finira le portrait de ton coeur généreux .
Charmés de nos récits pompeux ,
Nos peuples de concert te rendront leur hommage,
Et fe verront forcés d'admirer à ces traits
L'Augufte fang des Monarques Français.
· DECISION d'unfameux Problême.
D
U tems de la Ligue , malgré les horreurs
d'une guerre Civile , il s'en éleva
une Littéraire , dans laquelle les perfonnes
les plus illuftres de la Cour & de la
Ville prirent parti ; tout le monde fçait
l'Hiftoire des deux célébres Sonnets de Voiture
& de Benferade ; le Prince de Condé
la Ducheffe de Longueville , fe fignalerent
par la délicateffe de leurs décifions ; la Sapho
de ce tems-là , M. Efprit , & beaucoup
d'autres , écrivirent à cette occafion les chofes
les plus fpirituelles ; rien ne prouve
mieux le caractére d'une Nation brave par
nature , & qui fçait concilier l'élégant badinage
de l'efprit avec la fierté des réfolutions
martiales ; un courage de cette trempe
eſt admirable ; on voit bien qu'il eſt moins
C v l'effet
44 MERCURE DE FRANCE.
l'effet de la eruauté d'un peuple féroce , que
celui d'une valeur dirigée , qui ne trouble
point l'oeconomie des coeurs & des efprits ,
& ne les fouftrait pas à leur urbanité naturelle.
Nous voyons aujourd'hui un nouvel exemple
de ma réflexion ; il eft queftion de réfoudre
un Problême galant ; je fçais que
plufieurs perfonnes ont déja donné leur décifion
; il eft fâcheux qu'il n'y ait plus en
France , ce qu'on nommoit jadis une Cour
d'Amour ; cette matiére eût été digne de
ce Tribunal , mais au défaut de cette Cour,
il y a plufieurs Maifons dans Paris , où des
femmes aimables & fpirituelles raffemblent
chés elles , à l'ombre de leurs graces ,
ce qu'on appelle de beaux efprits ; c'eft donc
à ces efpéces de Souveraines du goût & du
fentiment , que j'adreffe le Problême , & lat
décifion que j'ofe hazarder dans un fujet fi
délicat , & dans lequel l'amour propre eft
fi fonvent la dupe de la vérité. Voici le
Problême.
On fuppofe que dans une Fête champêtre
les Bergers & les Bergéres font une efpéce
de contrainte à l'aimable Licoris de fe décider
entre Tircis & Damon , tous deux
également épris de fes charmes , tous deux
fidéles & conftans , & tous deux enfin dignes
de mériter fon coeur ; Licoris , qui fe
plaifoit
JANVIER . 1744-
45
plaifoit peut-être , malgré fa fimplicité, dans
la concurrence de ces rivaux , effaya de ſe
tirer de ce pas , d'une maniére équivoque
& qui laifsât encore après fon action l'ambuiguité
qui lui plaifoit; elle ôta donc de fa
tête la Couronne de fleurs dont elle étoit
parée & la mit fur celle de Damon ; elle
prit enfuite celle que portoit Tircis & la
mit fur la fienne : on demande , a en juger
par ces deux actions , lequel des deux Bergers
a la préference. Je décide pour Tircis ,
voici mes raifons :
On feroit d'abord en droit de conclure ,
que Licoris n'eft qu'une coquette aimable ,
qui n'en aime aucun affés parfaitement
pour facrifier l'autre ; la Nature infpire auffi
bien ces fentimens à l'ombre des heftres ,
que fous les lambris dorés ; la Beauté eft une
efpéce de Souveraine , qui n'aime point
à voir diminuer le nombre de fes fujets ; l'amour
propre eft fon premier Miniftre , mais,
malgré cette prémiére réflexion , il eft queftion
de décider lequel des deux Bergers paroît
avoir eu la préference ; l'action de Licoris
eft - elle dans un équilibre fi parfait ,
que fon coeur n'ait point abfolument panché
? Je dis qu'il a panché en faveur de Tircis
, malgré fa précaution , & je tire mes
plus forts moyens en faveur de mon fentide
tout ce que peuvent dire les parti- ment ,
C vj
fans
46 MERCURE DE FRANCE.
fans de l'opinion contraire ; cela paroît un
nouveau Problême . Je m'explique , & je
m'en rapporte aux Dames , & à ceux qui les
ont le plus étudiées. Les femmes font naturellement
difcrettes & retenuës ; le fentiment
qui les affecte le plus , eft celui qu'elles voilent
avec le plus de foin ; en matiére de tendreffe
, elles ont plus de fatisfaction à être
dévinées , qu'à être contraintes de s'expliquer
clairement.
Le couronnement de Damon eft un action
d'éclat , capable de féduire le Berger &
l'affemblée ; l'enlèvement de la Couronne
de Tircis , eft un mouvement plus fimple ,
& qui touche d'autant plus le coeur , qu'il
femble ne rien donner à la vanité. Damon
couronné
par Licoris , peut fe dire , que je
fuis heureux de tenir de la main de ce que
j'aime , un ornement précieux , qui n'ajoute
pourtant rien à fes charmes , mais qui devient
le fceau de ma gloire & de ma félicité
, puifque je poffede ces fleurs qui ont été
les compagnes de fes attraits , & que je ne
puis douter que cette Couronne ne foit le
prix de ma tendreffe , & un véritable triomphe
fur mon rival ! j'avouerai même , fi l'on
veut , que Licoris confent que Damon fſee livre
à ces agréables réflexions ; mais auffi
que n'a pas droit de fe dire Tircis ? Mon rival
eft couronné par Licoris ! Eft- ce un motif
pour
JANVIER. 1744. 47
>
pour être jaloux ? Que je ferois injufte , &
que ce feroit mal connoître le coeur de ma
Bergére ! Elle a pris la Couronne que je portois,
& l'a fubftituée à celle qu'elle a donnée;
la mienne lui plaît donc davantage , & le
facrifice qu'elle a fait , n'eft que pour avoir
une occafion de me faire fentir qu'elle a préferée
la mienne : elle me déclare affés par cette
action qu'elle a pour moi les fentimens
qu'elle confent que Damon ait pour elle ; &
elle penfe & elle dit à qui fçait l'entendre ,
qu'elle fent pour moi , tout ce que Damon
peut fentir pour elle ; en un mot , elle paroît
confentir que Damon fe livre à l'illufion
d'être aimé , mais elle me donne une
preuve hors de tout foupçon , qu'elle m'aime.
Je crois que Tircis peut penfer de la
forte fans témérité. L'action de couronner
eft brillante par elle-même , & ne fait rien
perdre des droits de l'amour- propre , mais
celle de fe parer de la Couronne d'un autre
, eft une efpéce de foibleffe ; & tout ce
que la vanité paroît perdre en cette occafion
, eft en faveur de Tircis & de l'Amour,
qui fans s'arrêter aux petites bienséances ,
ne cherche qu'à fe fatisfaire ; il eft vrai que
pour fuivre la route de tous ces mouvemens,
il faut bien connoître celle des paffions , &
ne pas décider fur les apparences ; je conclus
donc par croire , que Licoris en couronnant
Damon,
48 MERCURE DE FRANCE.
Damon , a voulu en impofer à ce Berger par
un action d'éclat , pour mieux cacher l'aveu
qu'elle vouloit faire à Tircis , qu'il avoit la
préference , pour peu qu'il eut l'efprit de le
fentir , car il faut un certain dégré d'intelligence
pour connoître celui des faveurs , &
tout le monde ne l'a pas ; d'ailleurs quand
on veut trouver la vérité dans le coeur des
femmes , il faut fe défier de la route commune
; elle eft prefque toujours chés elles
dans quelque fentier oblique ; il faut avoir
de la pénétration pour l'appercevoir.
Par M. de Bonneval,
*X*X*X +3X+ 3X +3X +3X +3X
ETRENNE S.
P Lutus vient par un jufte choix
De nommer d'Harnoncour pour l'un de fes Quarante
Sages difpenfateurs des tréfors de nos Rois.
Puiffai-je voir bientôt , au gré de mon attente ,
Sous même titre , aux mêmes droits ,
Dans une claffe differente ,
Apollon lui donner la voix !
Oui , digne favori des filles de Mémoire ,
Ce choix nouveau manque à ta gloire
Mais ce qu'a fait Plutus , je l'attends d'Apollon ,
Avec
JANVIER. 1744. 45
Avec une juftice égale ,
Et tu n'es pas moins fait pour le facré vallon ,
Que pour la ferme générale.
Reponse faite fur le champ.
Abbé , fi j'ai quelques talens ,`
Dignes d'une fi belle place ,
C'eft que depuis plus de vingt ans ,
J'écoute les leçons qu'on te dice au Parnaffe.
QUESTION importante jugée au Parle
ment de Paris.
»
39 S
I un Contrat de Conftitution fait au
profit d'Enfans mineurs , dans lequel
on a ftipulé que le Débiteur fera tenu de
» teur rembourfer le principal à leur majo
» rité , ou établiffement , eft ufuraire ? »
FAIT.
Par Contrat du 16 Mai 1696 , paffé devant
Notaires à Châlons , Côme Henri La
boureur & fa femme , créerent & conftituerent
au profit de Claude Pichart , Pâtiffier à
Châlons , au nom & coinme Tuteur des Enfans
mineurs de défunt Hachette , acquéreur
pour lefdits Mineurs , 15 liv. de rente
annuelle
Jo MERCURE DE FRANCE.
annuelle payable par chacun an , jufqu'an
rachat extinction de ladite rente , que lef
dits conftituans feroient tenus & obligés defaire,
lofque l'un des mineurs auroit atteint l'âge de
majorité , ou pris quelque état , foit de mariage,
ou de Réligion , en rendant & remboursant audit
Sr. acquéreur audit nom , lefort principal ,
frais &loyaux coûts en un payement , fans quoi
la préfente Conftitution n'eût été faite, & n'auroit
ledit Picart audit nom prête ledit principal.
Cette conftitution faite moyennant la fomme
de 300 liv. de principal , payée à la vûë
des Notaires ; ladite rente à prendre fur tous
les biens des conftituans.
Les Mineurs Hachette , devenus Majeurs ,
ne voulurent point accepter cet emploi, qui
avoit été fait fans avis de parens , de forte
que le Contrat demeura à Pichard pour fon
compte , & après lui à fon fils , qui trouva
ce Contrat dans la fucceffion de fonpere.
Ce Contrat fut exécuté , & les arrérages
payés fans aucune contradiction , pendant
46 ans , par Côme Henri & fa femme , &
après eux , par Côme Henri leur fils , Sergent
en la Juftice de Sarry.
Il y eut même le 11 Septembre 1730 , un
Acte fous feing privé , fait double entre les
parties , par lequel Côme Henri , pere & fa
femme , reconnurent devoir au Sr. Pichard
120 liv. pour arrérages du Contrat qu'ils lui .
devoient
JANVIER. 1744. ST
devoient au principal de 300 liv.produifant
S liv. de rente par an , laquelle fomme de
120 liv. ils promirent payer folidairement ,
fans préjudice au principal de 300 liv . année
courante & loyaux coûts , & c.
,
En 1742 , le Sr. Pichart , fils , ayant fait
un tranfport de cette rente au Sr. de la Fourniére
, Confeiller au Préfidial de Châlons
& le Sr. de la Fourniére ayant affigné Henri
au Bailliage de Châlons , afin de lui paffer
titre nouvel de la rente , Henri répondit
pour défenfes , que le Contrat de 1696 n'étoit
qu'une obligation ; que les intérêts qui
en avoient éré payés , étoient ufuraires , attendu
la claufe portant obligation de rembourfer
la rente ; que ces intérêts devoient
être imputés fur le principal, & qu'on devoit
lui en rendre l'excédent.
Le Sr. de la Fourniére dénonça cette demande
au Sr. Pichart fon cédant , lequel fit
voir que la prétention d'Henri étoit mal
fondée : fur quoi intervint Sentence contradictoire,
qui condamna Henri à paffer Titre.
nouvel de la rente au Sr. de la Fourniére.
Henri ayant appellé de cette Sentence , la
caufe fut portée à l'Audience de la Grand-
Chambre.
On difoit de la part d'Henri , qu'une obli
gation dans laquelle le principal n'eft point
aliéné , ne peut produire des intérêts légitimes;
52 MERCURE DE FRANCE.
mes ; que dans l'Acte de 1696 , il n'y avoit
point d'aliénation du principal , puifqu'on
y avoit ftipulé que les conftituans feroient
tenus de faire le rachât de la rente , à la majorité
, ou établiſſement des mineurs , fans
quoi ladite Conftitution n'eût été faite ;
qu'on ne pouvoit excufer le vice de cette
claufe , en difant que le Contrat n'a jamais
appartenu aux mineurs; que cela même prouvoit
l'ufure , & que le Tuteur s'étoit fervi
du nom de fes mineurs , pour ftipuler l'intérêt
d'une fomme qu'il prêtoit , ce qu'il ne
pouvoit pas faire , même pour les mineurs ;
enfin , que quoiqu'on n'eût
fait ufage
pas
de cette claufe de rachât , elle ne vicioit
pas moins le Contrat , qui étoit nul dans
fon principe.
Au contraire de la part du Sr. Pichart , on
répondoit que la claufe du rachât n'avoit
été inferée , qu'à caufe que le Tuteur entendoit
faire l'emploi pour les mineurs ; que le
Notaire avoit crû cette claufe permiſe
comme elle l'étoit fuivant l'ancienne Jurifprudence.
Que l'intention des parties avoit été de
faire un Contrat de Conftitution , & non
une obligation , que tous les termes de l'Acte
le dénotoient ; que la claufe de rachât
étoit inutile ; que les mineurs mêmes pour
qui elle avoit été mife , n'auroient pû en
faire
JANVIER. 1744. 53
faire ufage ; que cette clauſe vitiatur & non
vitiat.
Par l'événement , les mineurs n'ayant jamais
eu aucun droit au Contrat , le Sr. Pi--
chart pouvoit encore moins faire ufage d'une
claufe , qui n'avoit jamais été faite pour
lui ; il ne pouvoit pas abufer de cette claufe,
& furabondamment il déclaroit qu'on
n'avoit jamais entendu s'en fervir .
Le principal étoit véritablement aliéné
puifque le créancier n'auroit pas pû en
exiger le remboursement en vertu d'une
claufe , qu'il ne pouvoit jamais s'adopter ,
claufe par conféquent inutile , & que l'on
doit regarder , comme fi elle n'étoit point
écrite.
D'ailleurs , comme les Actes s'expliquent
par leur exécution , il a été dérogé en tant
que befoin à cette claufe , tant par l'exécution
du Contrat , pendant 46 ans , que par
l'Acte du 11 Septembre 1730 , qui emporte
une reconnoiffance du Contrat , & dans lequel
on a diftingué les arrérages, qui étoient
exigibles , d'avec le principal qui ne l'étoit
pas ; on a promis payer les arrérages , au lieu
qu'on n'a fait qu'une fimple réferve du principal.
Enfin la prétendue obligation de racheter
la rente , feroit prefcrite par le laps de plus
de 46 années ; le débiteur a toujours payé
juſqu'au
54 MERCURE DE FRANCE.
jufqu'au tranfport ; il n'eft pas recevable
aujourd'hui à prétendre que ce Contrat foit
ufuraire.
Par Arrêt rendu en l'Audience de la
Grand- Chambre , le 26 Novembre 1743 ,
on a confirmé la Sentence , qui condamnoit
Henri à paffer Titre nouvel de la rente ;
plaidants M. Domyné, pour Henri , Appellant
, M. Boucher d'Argis , pour le Sr. Pichart
, intimé , & M. Babille , pour le Sr. de
la Fourniére, ceffionnaire de la rente.
*X* X*X +3X++3X** X**X * X
EPITRE
A Mlle. Puvigné , pour l'inviter àfaire les
Harman
Rois.
Harmante Puvigné , toi qui fais les délices
Et de la Ville & de la Cour ,
Si de fête il n'eft point fans que tu l'embelliſſes ,
Voudrois tu convenir d'un jour ,
Pour visiter mon paiſible ſéjour ?
L'amour ne va point fans fa mere ;
L'amitié tendre , obligeante & fincére
Peut auffi fe trouver où le trouve l'amour.
Sur cette Lifte , à ton goût affortie ,
Tu dois connoître ceux qui font de la partie.
Ne t'imagine pas que ce foit grand cadeau ;
It
JANVIER. 1744.
59
Il s'agit entre nous de tirer un gâteau ;
De faire un Roi , mais peut-être une Reine.
Ce qui dépend du fort , n'eft que chofe incertaine ;
Eft-il mortel qui le puiffe fixer ?
Tu ris , & je t'entends : oüii , j'en fais la gagûre ;
Tu crois que la féve t'eft sûre :
Ah ! n'eft- ce pas trop t'abuſer ?
Tu régnes fur les coeurs , & qu'en peux tu conclure
?
Cer empire n'eft dû qu'aux talens , qu'aux appas ,
Mais le fort ne les connoît pas.
Si des bienfaits , qu'il diſpenſe ,
Dans les caprices divers ,
L'efprit & la beauté regloient feuls l'excellence ;
Tu régnerois fur l'Univers.
OBSERVATIONS fur un Enfant
monftrueux, Par M. Collomb le fils , de
l'Académie des Beaux- Arts , & Chirurgien
furé à Lyon.
E 15 Juillet 1743 , je fus averti
que
la nommée Burat,de la Paroiffe de Saint
Georges , étoit accouchée au feptiéme mois
de fa groffeffe d'un Enfant d'une figure extraordinaire.
Je me tranfportai dans l'endroit
où il étoit , avec M, Deville , Ingénieur
56 MERCURE DE FRANCE.
nieur ordinaire du Roi , Membre de cette
Académie , & nous trouvâmes effectivement
une petite fille , laquelle n'avoit
qu'un oeil , placé dans la partie moyenne
inférieure du Coronal ; point de nez ,
point de bouche , & les oreilles fituées
à l'endroit du Larinx . Quant au refte du
corps , il nous parut bien configuré.
Nous nous informâmes des circonftances
qui avoient accompagné cet accouchement,
& nous apprêmes que l'Enfant , dont il eſt
ici queftion , avoit vécu trois heures , qu'il
avoit été ondoyé , enfuite porté à l'Eglife ,
pour y recevoir les Cérémonies du Baptême,
& qu'il y mourut , lorfqu'on lui donnoit
le S. Crême. *
Dans l'oeil de cet Enfant , beaucoup plus
gros qu'il ne devoit être , on y remarquoit
deux Cornées tranfparentes , deux Iris , &
deux prunelles , mais feulement un criſtalin,
une humeur vitrée & un nerf obtique ; la
conjonctive faifoit exactement le tour des
deux cornées tranfparentes , en les féparant
l'une de l'autre de l'épaiffeur environ d'un
écu de trois livres ; & les muſcles deſtinés
aux mouvemens de l'oeil , étoient confondus
autour du globe de celui- ci.
* Ce Fait eft attefté par M. Marion , Vicaire de la
Paroiffe de S Georges , qui en a délivréfon Certificat
le 17. Juillet 1743 :
Il
JANVIER. 1744. 57
Il y avoit quatre paupières pour fermer
cet oeil , lefquelles formoient quatre angles
égaux , un fupérieur , un inférieur , & deux
latéraux.
J'enlevai enfuite la peau , les muſcles, &
tout ce qui fe rencontra fur les os de la tête ,
pour en examiner fcrupuleufement la conformation.
L'on fçait que la tête eſt diſtinguée en
crâne & en face ; que le crâne eft compofé
de huit os , & la face de treize , fix pairs &
un impair , fans y comprendre la mâchoire
inférieure.
Les os qui forment le crâne , font le coronal
, les deux pariétaux , les deux temporaux,
l'occipital, l'etmoïde & le fphénoïde.
Les os qui compofent la face , font les
deux maxillaires , les deux os de la pomette,
les deux os vonguis , les deux os du nez , les
deux os du palais , les deux cornets inférieurs
du nez , & le vomer.
Au contraire , le crâne de cet Enfant n'étoit
compofé que de fept os , & la face
d'un feul.
Le coronal étoit de figure triangulaire
curviligne ; fa partie moyenne externe , féparée
perpendiculairement par une crête
offeufe , & fa partie inférieure fe replioit
en devant, de la largeur de deux lignes, environ
, formant un rebord à cet os , qui lui
donnoit
58 MERCURE DE FRANCE.
donnoit affés de reffemblance avec la partie
poftérieure d'un Cafque.
Cet os avoit fes connexions avec les
deux pariétaux, le fphénoïde & l'os qui tient
lieu de maxillaire,
Les deux pariétaux & l'occipital n'avoient
rien de particulier.
Les deux temporaux approchoient affés
du naturel ; nous obfervâmes feulement
qu'ils étoient un peu allongés , & qu'ils fe
portoient par leurs parties inférieures ,beaucoup
en avant , enforte que les apophifes
maftoïdes , & les trous auditifs externes
étoient à la partie antérieure & fupérieure
du col ; & à la place des apophifes zigomatiques
fe rencontroient deux petites éminences
arrondies.
le
Ces os étoient joints par en haut , aux pa
riétaux par future écaillcufe , en arriére &
en bas avec l'os occipital, & en devant avec
corps & les aîles de l'os fphénoïde , enforte
que ces deux os temporaux s'uniffoient
auffi par leurs apophifes pierreufes , & fermoient
le crâne dans fa partie antérieure &
inférieure.
L'os fphénoïde étoit fort uni dans fa partie
externe , & dans fa partie interne fe rencontroit
feulement la fcelle du Turc , les
apophiſes clinoïdes , & deux fentes fphénoïdales
.
Cet
ANVIE R. 1744. 19
Cer os avoit fes connexions avec le coronal
, les deux pariétaux & les deux temporaux.
Nous obfervâmes que tous les os du crâne
étoient parfaitement réunis & bien formés
, & qu'il n'y avoit point de fontenelle.
La face de cet Enfant n'étoit compofée
que d'un feul os , comme on l'a déja dit ,
lequel étoit de figure triangulaire , épais &
large d'un pouce , ayant trois angles , fçavoir
deux latéraux , qui fe terminoient par
une apophife plate , & le troifiéme , antérieur
, beaucoup plus grand , étoit arrondi
par la pointe.
Cet os avoit fes connexions avec le coronal
par fes deux apophifes plates , qui
s'uniffoient dans deux petites cavités , fituées
aux parties inférieures & latérales du
coronal , à l'endroit de fon repti , enforte
que l'union de cet os avec le coronal achevoit
le trou que l'on voyoit au milieu de
cette tête ; lequel os , par fa partie poftérieure
, étoit enchaffé dans le corps de l'os
fphénoïde ; & par fon angle antérieur un
peu incliné , il donnoit à cette face une forme
de menton .
Voulant pouffer plus loin nos recherches,
je diffequai le col , la poitrine & le ventre.
Nous ne trouvâmes au col ni trachée artére
, ni afophage , mais à la place, nous ren-
D con60
MERCURE DE FRANCE.
contrâmes une groffe glande blanche , affés
molle , nous l'ouvrîmes en plufieurs fens , &
ne pûmes y reconnoître autre chofe que
des vaiffeaux lymphatiques ; fa figure approchoit
de l'ovale , & occupoit toute la
partie antérieure du col .
J'ouvris la poitrine , & nous y trouvâmes
deux coeurs , enveloppés chacun d'un péricarde,&
féparés par le médiaftin; leurs pointes
étoient tournées l'une du côté gauche ,
l'autre du côté droit , & les vaiffeaux qui en
partoient & qui s'y rendoient, étoient doubles
, & ils fe réüniffoient à neuf lignes environ
de diſtance des coeurs , pour ne former
enfuite que les troncs ordinaires.
Nous trouvâmes encore dans cette poitrine
de petites lobules de poumon adhérantes
aux péricardes , & à la plévre , & fi compactes,
qu'elles reffembloient par leur fubftance
à des foyes de poulets.
Dans le ventre , il n'y avoit rien de fingulier
que la forme & la fituation de l'eftomac
;il étoit de figure fphéroïde , fitué dans
la partie moyenne de la région épigaftrique;
fon fond étoit attaché au centre du diaphragme
; fon col s'abouchoit au duodénum
& n'avoit que ce feul orifice , qui n'auroit
été d'aucun ufage , puifque dans cet Enfant
il n'y avoit ni bouche , ni conduits pour faire
arriver les alimens jufqu'à cet eftomac.
Je
JANVIER . 1744 . 61
Je me fuis borné dans ces Obfervations à
la defcription fimple des parties que j'ai reconnues,
fans entreprendre d'expliquer phyfiquement
les caufes du changement de conformation
dans le fujet dont il s'agit . Plufieurs
Sçavans en ont parlé avant moi. Les
uns , donnant tout à la force de l'imagination
des meres , ont rapporté à elles feules
ces fortes de productions monftraeufes ; les
autres les ont attribuées à l'effet du hazard
ou plutôt les ont confiderées comme un développement
naturel des parties de l'oeuf ,
ou l'organiſation fe trouvoit ainfi difpofée.
primitivement. Ces Systêmes ingénieux font
honneur à leurs Auteurs, ils en font même à
l'efprit humain , & font traités avec trop
fçavoir & d'érudition , pour que j'entreprenne
d'y rien ajoûter. Le fait que je viens
de rapporter s'étant préfenté à moi , j'ai crû
que je devois en recueillir les particularités,
& mecontenter de vous les expofer en Anatomiſte
exact.
de
L'Enfant , qui fait le fujet de ces Obfervations
, a été expofé fous les yeux de l'Académie
le 7 Août 1743 , pendant la lecture
de ce Mémoire , & eft actuellement entre
les mains de l'Auteur.
Dij VERS
62 MERCURE DE FRANCE.
VERS préfentés au R. P. D. J. B. F. P.
D. M. le premier jour de l'An.
O
Dieu ! que la mode éternelle
D'affommer les gens de fouhaits ,
Si- tôt que le jour étincelle
Ou l'Univers fe renouvelle ,
Eft une mode que je hais !
L'un vient , fur un ton qui vous géle ,
D'un air fotement précieux ,
Réciter par coeur à vos yeux
La formule fempiternelle
Et le compliment ennuyeux
Que fa mémoire , trop fidelle ,
Retint de fes premiers Ayeux.
L'autre , victime de l'uſage ,
Affectant le tendre langage
De l'amitié , qu'il ne ſent pas ,
Vient , pâle & gêné perfonnage ,
Vous faire l'indigne étalage
De fouhaits , qu'il dément tout bas ,
Et de baiſers , nouveau Judas ,
Ofe vous couvrir le vifage ,
Qu'il voudroit couvrir de crachats.
Si du moins , plus reconnoiffable ,
Par quelque figne bien marqué ,
L'honnête homme étoit diftingué
JAN VIE R.
63 1744.
De cette foule mépriſable ;
Si la candeur étoit palpable ;
Si le faux étoit démaſqué ;
Mais non , dans ce jour équivoque ,
Jour honteux pour l'humanité,
Ou finge de la probité ,
L'homme , d'un autre homme fe moque ;
Où l'inimitié réciproque
Se flate fans fincérité ,
Se careffe avec cruauté ;
Dans ce jour , l'époque fuprême
De l'humaine imbécillité ,
Le langage eft partout le même ,
Et l'honnête homme eft imité.
ENVOI
Prieur aimable , illuftre Père ,
Ange ,fous les traits d'un mortel ;
Vous , que j'aime & que je revére ;
Sage , que nous donna le Ciel ,
Ce premierjour , fi criminel ,
Eft l'unique jour du vulgaire ;
Mais les fouhaits , plus fructueux ,
D'un coeur vrai , d'une ame bien née
Sont de tous les jours de l'année ;
Aimer , renferme tous les voeux.
A Tours , ce 30 Decembre 1743 .
7
Diij LET.
66 MERCURE DE FRANCE.
table & très-refpecté , ( M. Dautichamp. )
J'oubliois de vous dire que cette Fortereffe
eft prefque toute bâtie de pierres d'ardoiſe ,
dont on a taillé des blocs énormes , qu'on
a liés avec le meilleur ciment.
Le Préfidial d'Angers eft un des plus beaux
du Royaume ; en réputation d'ailleurs par
fon exactitude à rendre la juftice;on y plaide -
avec politeffe , & les Loix & la Coûtume y
font défendues & foutenues par un bonnombre
d'Avocats diftingués.
Notre Univerfité eft des plus anciennes
de l'Europe , & toutes les Facultés s'y diftinguent
à l'envi,fans parler des Grands Hommes
qu'elle a produits dans les fiécles paffés ,
comme Robert d'Arbrixelle , qui y a enfeigné
la Théologie , & les fameux Marbeuf
& Ulger , l'un Evêque de Rennes , &
l'autre Evêque d'Angers, qui y ont profeffé
le Droit.
Entre plufieurs Communautés diftinguées
de filles , il y en a une extrêmement refpectée,
fçavoir l'Abbaye de Ronceray , dont Mad.
de Raffetot eft Abbeffe. Elle est toute compofée
de filles nobles d'extraction .
Nous avons auffi dans notre Capitale une
Ecole des plus renommées, dans laquelle la
jeuneNobleffe fait tous lesExercices & reçoit
toutes les inftructions qui lui conviennent,
pour fe former à l'Art Militaire & à la politeffe
JANVIER. 69 1744.
liteffe des moeurs : MM. de Pignerole font
les Chefs de cette Académie.
Voilà , Monfieur , la légere Efquiffe que
je vous avois promife : j'aurois fort defiré
qu'un Crayon ,plus délicat que le mien , eût
mis dans un plus beau jour ce que vous m'avez
demandé : mais regardez ceci comme
l'ouvrage d'un pareffeux Campagnard , dont
le plus grand mérite eft de fçavoir renoncer
à fa pareffe , quand il s'agit de vous obéir .
J'ai l'honneur d'être avec un attachement
des plus fincéres & des plus refpectueux
Monfieur , &c.
A la Soriniere en Anjou , le 15 Septembre
1743 .
LA BOUSSOLE
1
POEME , qui a remporté le Prix à l'Académie
des Jeux Floraux , en l'année 1743
par M. de Carriere.
L'Aveuglement regnoit fur ces fertiles Plaines ,
Ou jamais les Zéphirs n'ont porté leurs haleines
Cruellement docile à la Religion ,
Le Mexique fuivoit la fuperftition.
Des Prêtres meurtriers de leurs filles fanglantes
Offroient à des Dieux vains les entrailles fumantes;
Dv Les
68 MERCURE DE FRANCE.
Les Rois même , les Kois , Victimes de leur rang ,
Embraffoient les Autels arrofés de leur fang.
סכ
Courbés , s'écrioient -ils , fous vos Loix inhumai-
» nes ,
>>Sans ofer les brifer , nous déteftons vos chaînes
Prêtres cruels ; les Dieux manquent- ils de Car-
>> reaux ?
Ils font notre foutien , vous êtes nos Bourreaux.
La Piété , fenfible à leurs juftes allarmes ,
Defcend du haut des Cieux , pour effuyer leurs larmes
:
Dans le fein des Tréfors, que renferment ces Lieux ,
La Nature récéle un Rocher précieux .
La Déeffe , qu'embrafe une fureur divine ,
Pénétre fans effort juſqu'au fond de la mine ,
Et fon zéle empreffé , du féjour de la nuit ,
Entraîne avec l'Aiman le fer , qui le pourſuit.
La fuperftition frémit à ce fpectacle :
En vain à fes deffeins elle veut mettre obftacle.
Auteur de l'Univers , toi , qui créas ces corps ,
Il n'appartient qu'à toi d'expliquer leurs refforts.
Dis-nous pourquoi l'Aiman fe rapproche fans ceffe
Du fer , qui pour l'atteindre a la même vîteffe ,
Et pourquoi ces deux corps balancés dans les airs ,
Se prêtent tour à tour leurs mouvemens divers
Fiére de fes progrès , pour fauver ces Contrées ,
La Piété franchit les Plaines azurées : "
Elle fixe fes yeux fur de nombreux Vaiffeaux ,
A
Que
JANVIER. 1744. 69
Que les vents invitoient à traverser les Flots.
Déja l'Ancre tardive a délivré la Flore.
La Déeſſe auffi-tôt s'offre aux yeux du Pilote :
» Au bout de l'Univers , il eft d'autres Climats ,
» Dit-elle : vers ces Lieux tu dois tourner tes pas ;
Que tes frêles Vaiffeaux * attachés aux Rivages ,
»Volent , fans s'égarer , aux plus lointaines Plages.
» L'Eternel dans ce fer t'offre un puiffant ſecours :
» De ta Flote timide il reglera le cours.
33
23 Quand le Soleil dans l'Onde a terminé la courfe ,
» Un ** Aftre moins brillant , à la fuite de l'Ourſe ,
» Immobile , & toujours élevé fur les Flots ,
» Ne fe cache jamais aux yeux des Matelots .
» En vain , pour les tromper , les Aquilons rapides
» Etendront leurs fureurs fur les Plaines liquides ;
» Ce fer , qui de l'Aiman a toutes les vertus •
Cherche l'Ourſe , s'y fixe & ne s'agite plus.
Ces mots , dans tous les coeurs enflâment le cou
rage ,
Erdéja les Vaiffeaux ont fui loin du Rivage ;
Mais quel effroi foudain enfante mille voeux !
Quels nuages épais enveloppent les Cieux !
La Mer contre la foudre offre un funeſte afile ;
Les Mats font fracaffés ; la Rame eft inutile ;
Les Vaiffeaux engloutis dans l'abime des Meis
* Avant l'invention de la Bouffole , les Vaiſſeaux ne
faifoient que côtoyer.
** L'Etoile Polaire.
Dvj Sont
70 MERCURE DE FRANCE.
Sont vomis par les Flots & lancés dans les Airs
Loin du bord fouhaité , la Flote eft repouffée ;
De foudres redoublés la Mer eft embraſée ;
La fuperftition ,fur les aîles des vents ,
Pour deffendre fes droits , confond les Elémens .
Des Lieux
que l'Ourſe glace , aux Climats de l'Aurore
,
Du fond de l'Océan jufqu'au Rivage Maure ,
Les vents impétueux , raffemblés fur les Eaux ,
Font de nouveaux efforts , pour brifer les Vaiffeaux
:
La Piété , fenfible aux efforts de leur rage ,
Paroît , & d'un regard a diffipé l'orage.
Affife fur la Proue , un Compas à la main ,
Elle obferve , méfure & décrit leur chemin *.
Le fer obéiffant , érigé vers le Pole ,
Marque & prévient l'effort des fiers enfans d'Eole ;
Et bravant le courroux des Autans & des Flots ,
Le Pilote à fon gré dirige fes Vaiffeaux.
Les Matelots tremblans , échappés à l'orage ,
D'un regard incertain contemplent le rivage.
Ils craignent que des vents l'impétueux effort
N'ait repouffé la Flote au milieu de leur Port ;
Mais le Fer agité , fidéle Amant de l'Ourfe ,
Découvre à leurs regards le terme de leur courſe.
Ils embraffent la Terre , & foulent fous leurs pas
Les Métaux précieux qu'enfantent ces Climats ....
* La Rofe des vents,
Au
JANVIER. 1744 . វ
Au fecours des Autels , que la flâme déſole ,
Le Prêtre vainement appelle fon Idole :
La Piété détruit la fuperftition,
Confacre la Bouffole à la Religion ,
Et l'erreur abbatue aux pieds de la Déeffe ,
Du vrai Dieu, dans ce Don , reconnoît la fageffe.
C'est par cet heureux Don , qu'au gré des Matelots
,
Amphitrite & les Cieux conduifent nos Vaiffeaux.
Ne l'employez jamais , fiers fouverains des Ondes ,
Qu'à parer nos Autels des Tréfors des deux Mondes
.
Puiffiez-vous fous les Flots trouver votre cercueil ,
Si vous devez fervir à flater notre orgueil !
Et vous , qui de l'erreur diffipez le nuage ;
A qui la Piété confacra fon ouvrage ,
Miniftres du Très-Haut , partez , quittez nos Ports
Ce Fer vous conduira fur d'infidéles Bords,
Allez du Dieu de Paix faire éclater la Gloire ,
Et des mains de la Mort recevoir la Victoire.
Et lapidemfuus ardor agit , ferrumque tenetur.
Illecebris.
ME.
72 MERCURE DE FRANCE.
ཅ་
*
MEMOIRE de M. Gourdain , Maî
tre Horloger à Paris , à Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , au fujet d'une
Montre , n'allant que trente fecondes , pour
obferver en Mer, à la place de l'Ampoulette.
M
l'on a
Effieurs , l'expérience fait connoître
depuis long-tems , les erreurs fans
nombre aufquelles les Sabliers , même les
plus parfaits , font fujets . L'antiquité de
leur ufage n'a rien ajouté à leur perfection
, & les differentes façons que
données à leur conftruction , ne les ont
point encore délivrés de leurs défauts effentiels.
La féchereffe & l'humidité influent
toujours deffus confidérablement. Le mouvement
continuel du fable ou poudre , en
diminuë le volume , & élargit peu à peu le
pertuis par lequel il paffe , & l'on a recon
nu dans leur ufage plufieurs autres défauts ,
qui tous réunis , font une Horloge fur laquelle
on ne peut compter qu'à peu près .
L'Ampoulette , Meffieurs , eft dans le même
cas quoique beaucoup plus petite que
les Sabliers ordinaires , étant faite fur le
même principe , elle doit être fujette aux .
mêJANVIER.
1744. 73
mêmes erreurs. C'eit , cependant , par fon
fecours que l'on obferve en Mer , que l'on
eftime la force des vents & la vîteffe d'un
Vaiffeau , que l'on forme des Angles fuivant
le chemin que l'on tient , & que l'on juge
à quel degré l'on eft de la latitude & de la
longitude. D'où il eft aifé de voir , Meffieurs
, dans quelles erreurs un Pilote peut
tomber , quand il obferve avec une Horloge
qui n'a nulle certitude de jufteffe . On n'eſt
pas à s'en appercevoir , & la Marine ne défire
rien tant qu'une Horloge jufte , pour
opérer sûrement & affurer la navigation .
M. Duhamel , Mrs , digne membre de
votre illuftre Compagnie , ayant de gran
des lumiéres dans la Navigation , a fait
l'honneur au Sieur Gourdain de le confulter
, le 4 Août dernier , fur les moyens efficaces
pour faire quelque pièce d'Horlogerie
fimple & jufte. , que l'on pût fubftituer à
FAmpoulette.
Le St Gourdain , après y avoir réfléchi , a'
opéré de plufieurs façons , & s'eft enfin arrêté
à celle qu'il a l'honneur de vous préfenter
aujourd'hui .
Cette piéce eft des plus fimples dans fa
compofition ; elle ne renferme pas le quart
de l'ouvrage des Montres ordinaires , &
par conféquent, elle eft beaucoup moins fujette
à erreur ; l'exécution en eft facile ; elle
n'a
DE FRANCE.
74
D
MERCURE MERCURE
n'a que deux rouës , un pignon avec un Bafancier
& fes agrès ou dépendances , & un
foible reffort pour moteur , qui agit immé
diatement fur l'axe de la premiére roue.
que
Cette premiére rouë fait fon tour à chaque
demie minute , & emporte avec elle
l'aiguille qui y eft ajustée & fixe. Cette
aiguille parcourt de même avec jufteffe , la
circonférence du Cadran , pendant l'intervale
de 30 fecondes. Ce Cadran eft divifé
en 120 parties égales , qui marquent autant
de vibrations doit faire le mouvement
pour en parcourir l'efpace. Il eft encore
divifé en trente parties principales , dont
chacune fait une feconde. Chaque partie
eft divifée en quatre autres , qui font autant
de quarts de feconde ou vibration : ce
nombre a été compofé & choifi , pour faire
les obfervations avec toute l'exactitude poffible
.
L'axe de la premiére rouë porte un chaperon
d'un petit diamétre , fur lequel eft
pratiquée une entaille à un endroit détermi
né. Sur ce chaperon pofe une détente brifée
& à reffort , qui pendant le mouvement
de la Montre , fait tourner le chaperon à
frottement leger fous la détente , jufqu'à
ce qu'il rencontre l'entaille ; alors le bout de
la détente s'encoche & arrête la Montre. I
La détente a deux bras de levier ; l'un
comme
JANVIER. 1744.
73
comme il eſt dit ci- deffus , pofe fur le chas
peron , & l'autre va joindre le balancier
pour l'arrêter.
L'aiguille , au bout de fa courfe , arrête
toujours à la trentiéme feconde jufte , & ne
peut aller plus loin .
On remonte l'Horloge avec l'aiguille ,
en la rétrogradant d'un tour & plus , c'eſtà-
dire , juſqu'à réſiſtance.
L'Horloge , quoique remontée , ne part
pas , mais quand on veut obferver , on léve
la détente pendant une feconde & de fuite ,
l'aiguille fait fon tour.
Quand on remonte l'Horloge , l'aiguille
arrête quelquefois au- deffus de la trentiéme
feconde , parce que le tems du remontage
peut faire retrograder de quelques vibrations
; mais cela n'induit point en erreur ,
parce que chaque vibration , faifant un
quart de feconde , lorfqu'il arrive quel'aiguille
fe trouve au- deffus de la trentiéme
feconde , on calcule ce plus avec les 30 fecondes
; & au furplus , il y a moyen d'éviter
ces calculs , en faifant partir la détente ,
jufqu'à ce que l'aiguille fe foit remife fur la
30 feconde , & en la levant enfuite comme
ci-deffus pour obferver.
Cette Horloge , qui paroît fi utile aux
Obfervations Maritimes , peut encore fervir
très-avantageufement à toutes autres opérations
>
76 MERCURE DE FRANCE.
tions , qui demandent autant de promptitu
de que de jufteffe . Le Sr Gourdain , en la
compofant , s'eft attaché principalement à la
fimplifier , tant pour la porter à une plus
grande perfection , & en rendre l'exécution
facile , que pour en diminuer la dépenſe ,
qui fera beaucoup moindre que celle des
Montres à fecondes , qui pourroient être , à
la vérité , d'une grande utilité fur la Mer &
y tenir lieu de l'Ampoulette , mais dont le
prix excederoit celui de cet ouvrage , & que
la grande compofition ne pourroit que rendre
d'une bien moindre jufteffe.
Cet ouvrage eft fi fimple , qu'il n'eft compofé
que de deux roues , fur fefquelles il ne
Te fait qu'un feul engrénage , & dans l'ordre
ordinaire des leviers , au moyen de la fouf
traction de la rouë de champ.
L'échapement à repos &' la courbe , dont
l'Académie a bien voulu donner une Approbation
autentique au Sr Gourdain , y font
employés . Certain des grands effets de ces
deux pièces , il n'a pas balancé à leur don
ner place dans cette Horloge , à laquelle
s'il arrive qu'elle fe dérange , en avançant ,
ou en retardant , il fera facile de remédier
par la commodité de la régler , comme les
Montres ordinaires.
L'exécution de cette piéce feroit encore
plus facile , en y employant l'échapement
ordiJANVIER.
´ 1744 . 77
ordinaire, mais le Sr Gourdain, perfuadé que
le cours de 30 fecondes fe fera avec beaucoup
plus d'égalité par fon échapemenà repos
& fa courbe , qu'avec l'échapement ordinaire
, quoique l'efpace feroit parcouru
dans le même intervale de tems , a préféré
l'un à l'autre. Votre célébre Compagnie
Meffieurs , fentira aifément la grande fimplicité
& la facilité de l'exécution de cette
petite Horloge. La Boëte même qui la renferme
, peut être d'un des moindres prix.
Le S. Gourdain ne croit pas que l'on puiffe
faire une Horloge plus fimple & plus jufte
pour fon ufage ; les principes fur lefquels
elle eft compofée , lui paroiffent inconteſtable
: un feul de vos regards , Mrs , en décidera
, & il ofe efpérer qu'après un mur
examen , vous voudrez bien l'honorer de
votre Approbation ,
Lû à l'Académie , le 20 Novembre 1743.
EXTRAIT des Regiftres de l'Académie
Royale des Sciences du 27 Novembre 1743 .
Meffieurs Camus & de Fouchy , ayant
examiné par ordre de l'Académie , une Machine
qui lui a été préfentée par M. Gourdain
, Horloger , pour méfurer une demie.
minute de tems , à la place de l'Ampoulette
ou petit Sablier , dont on fe fert lorſqu'on a
jetté le Lok àla Mer , &c. & en ayant fait
leur
78 MERCURE DE FRANCE
cette
leur rapport , la Compagnie a jugé que
Machine étoit ingénieufe & propre à l'ufa
ge pour lequel elle eft deftinée ; il lui a
paru auffi qu'elle feroit plus jufte que l'Ampoulette.
En foi dequoi j'ai figné le préfent Certifi
cat. A Paris , le 28 Novembre 1743. Dor
tous de Mairan , Sécrétaire perpétuel de l'Académie
Royale des Sciences .
LE MIROIR , ET LE RAMONEUR .
FABLE.
Pour peindre les méchans , prenons notre pinceau
;
Traçons des Gens de bien le fidéle Tableau.
Faifant de la Vertu la jufte Apologie ,
Nous mettrons au grand jour la noire calomnie.
Un Ramoneur , dit-on , qu'importe quel métier ?
Le fait dont il s'agit n'eft pas moins fingulier.
Il recherchoit en mariage
Une jeune beauté , chef-d'oeuvre des Amours ;
C'étoit la Fête du Village :
Il met
pour s'embellir fes plus riches atours ;
Et n'en brile pas davantage ,
Il confulte un Miroir , & Ciel ! quelle frayeur !
LuiJANVIER.
79 1744.
Lui-même il ne fçauroit ſupportér ſa laideur
Un charbon à la main , du Miroir il ſe venge ;
Mais il n'en peut ternir l'éclat ;
Le Miroir eft fidéle ; aucun foin ne le change ,
Lui feul refte toujours dans fon premier état.
Ainfi de la Vertu voulant ternir l'image ,
Nous employons en vain la plus noire couleur
Rien ne peut obfcurcir le tein de fon vifage ;
Elle garde toujours fon aimable couleur.
దడదడదడ
*
Par l'Abbé de M ***.
LETTRE de M, de Launay, Auteur d'un
Livre qui trace une route nouvelle très-facile
, pour apprendre à lire promptement
à M. l'Abbé Berthault , Auteur du Quadrille
des Enfans , qui paroît depuis quelques
mois, ·
Otre Lettre à Mlle. de Briffac, eft très-
V bien écrite , Monfieur , & je l'ai lûë
avec d'autant plus de plaifir , que vous y
* Ce Livre a pour titre : Méthode pour apprendre à
lire le François le Latin , par un Systême si aifé &
fi naturel, qu'on y fait plus de progrès en trois mois
qu'en trois ans par la Méthode ancienne & ordinaire.
Contenant auffi un Abbregé des fons exacts de la Langue
Françoife , les differentes dénominations & variations
des Lettres & leurs ufages. Un Traité des Accens
adoptés
80 MERCURE DE FRANCE.
adoptés ouvertement la Méthode de feu
mon Pere; Méthode que j'ai étendue & perfectionnée
: je dis , Monfieur , que vous y
adoptés la Méthode de mon Pere , & en
voici la preuve :
Je remarque cinq circonftances , qui diftinguent
la Méthode que vous propofés ,
d'avec celle dont on fe fert communément,
Premiére circonftance : Vous faites prononcer
, be , ce , de , non , bé , cé , dé : Seconde
circonftance , vous faites prononcer la
filabe en un feui fon & d'une feule voix , au
lieu defaire épeller en particulier chaque lettre
qui compofe la filabe , felon la méthode vul
gaire. Troifiéme circonftance , vous réduifes
à 160 tous les fons de notre Langue. Quatriéme
circonftance , vous combinés & arrangés
vos filabes , d'une maniére differente de toutes
les Méthodes , qui ont paru jufqu'à préfent.
Cinquiéme circonftance , vous faites graver
des figuresfur desfiches , au dos , ou au bas defde
la Ponctuation. La définition des neuf parties
d Oraifon qui compofent le Difcours , avec un exemple des
Déclinaisons des Conjugaisons , &c. Ouvrage utile
à tous ceux qui veulent parler & écrire cette Langue
correctement , fans être obligés defaire une longue étude
, avec des refléxions fur la théorie & fur la pratique
de la Méthode du Bureau Typographique ; & un
Plan nouveau d'une Ortographe facile , abbregée &
réguliere.A Paris, chés Robinot l'aîné, Libraire, Quai
des grands Auguftins , attenant l'Eglife.
quelles
JANVIER. 81 1744.
quelles fe trouve la filabe , qui entre dans le
mot qui exprime la figure gravée , pour fixer ,
dites vous , l'imagination des enfans.
J'ofe vous affurer , Monfieur , que cette
Méthode eft précisément celle de feu mon
Pere : lifés fon ouvrage imprimé en 1719.
1º. Vous y verrés à la premiére page de
fon troifiéme Livre : Qu'il fait prononcer ,
be , ce , de , au lieu de bé , cé , dé. 2°. Vous
y verrés même Livre , pages 3. 4. 5.6.7.8.
9. & 10. Qu'il fait prononcer d'un feul ſon &
d'une feule voix , chaque filabe . 3° . Vous y
verrés dans les mêmes pages : Que les fons de
notre Langue , font réduits à peu près au même
nombre qué chés vous. 4º . Vous y verrés dans
les mêmes pages , Que l'arrangement & les
combinaifons des lettres & des filabes font les
mêmes que chés vous. 5. Vous verrés enfin
dans le Mémoire contre vous de feu M.
l'Abbé Danguy , pag. 5. Qu'il y a plus de 25
ans, que le Sr. de Launay, mon Pere , fe fervoit
de figures , pour apprendre à lire aux Enfans.
J'avoue que je n'ai pas foufcrit au ſyſtême
de mon Pere , dans cette derniére partie ,
parce que l'expérience m'a appris qu'avec
les enfans, il faut fimplifier les chofes autant
qu'il eft poffible , & que c'eft les fatiguer
mal-à-propos , que de les obliger à mettre
dans leur tête deux idées en même tems ;
fçavoir celle de la figure & celle de la fi
labe ,
82 MERCURE DE FRANCE.
be , tandis que celle de la fillabe feule
fuffit.
Par ce que je viens d'avoir l'honneur de
vous dire, Monfieur , vous voyés que fi vous
ne vous rencontrés pas tout à fait avec moi
vous vous rencontrés de point en point
avec mon Pére. Je conviens que mon Pére
mettoit fes figures fur des cartes , au lieu que
vous mettés les vôtres fur des fiches d'os.
Je conviens encore que fon ortographe étoit
differente de la vôtre, & qu'il n'écrivoit pas
fang , comme vous faites , cen. Il n'écrivoit
pas , Daugue , pour , Dogue , &c. comme le
remarque feu M. l'Abbé Danguy , dans la
quatrième page de fon Mémoire . Je conviens
encore , que fes figures ne reffembloient
en rien à celles que vous employés ,
ainfipour peindre le fon de la filabe qui entre
dans le mot , goëtre , il n'auroit jamais
imaginé , une bouteille attachée à la joue d'une
femme, & pour peindre le fon de la filabe ,
ex, qui eft à la tête du mot , extraordinaire ,
il ne lui feroit jamais venu dans la penſée,
de faire tracer fur fa carte , un boeufavec des
ailes ; mais à cela près , & vous ne fçauriés
en difconvenir , le fyftême de feu mon Pére
& le vôtre , c'eft la même chofe , & toute
la difference qui fe trouve entre l'un &
l'autre , confifte uniquement dans la difference
des figures que vous avés imaginées ,
&
JANVIER. 1744. 83
& dans la matiére fur laquelle ces figures
font tracées.
Puifque vos principes font les mêmes que
ceux de mon Pere & les miens , on doit
être étonné de ce que dans votre lettre , vous
n'avés pas daigné faire mention ni de mon
Pere , ni de moi. Et l'on en doit être d'autant
plus étonné , que vous avés avoué à feu
M. l'Abbé Danguy , que ma Méthode , qui
dans le fond n'eft que celle de mon Pere
étoit la vôtre , & que fi vous l'aviés embelli
de vos figures & de vos fiches , ç'avoit été
uniquement pour lui donner un air de nouveauté
, ce que M. l'Abbé Danguy a répété
d'après vous , à Monfieur Maboul , Intendant
de la Libraire , & qu'il a répété en ma
préfence à Monfieur Joly de Fleury , Avocat
Général , à Meffieurs les Abbés de Fleury
.& de Côte , Chanoines de Nôtre-Dame..
Le même Abbé Danguy a fait voir à ces
Meffieurs , votre Quadrille à la main , que
vous ne colliés fur vos fiches , que les mêmes
lettres ou filabes qui font contenues dans les
8 leçons qui font partie de la Méthode que
j'ai donnée au Public , & ce , lettre par lettre
& filabe par filabe : tous ceux qui ont
acheté vos fiches , font en état de vérifier ce
fait , en parcourant les pages , 3,4,5,6 ,
7,8,9 , 10 , 11 , 12 , 13 , 14 & 15 , de la
feconde partie de mon Livre.
1. Vol. E On
84 MERCURE DE FRANCÉ.
On doit être étonné encore qu'une pareille
découverte vous ait tant coûté , comme
vous le dites dans votre lettre , & comme
vous l'annoncés dans plufieurs Mercures. Je
n'ai garde de vous taxer ici de Plagiat : la
manière dont vous en avés ufé avec feu M.
l'Abbé Danguy , prouve d'une manière inconteftable
, que vous abhorés tout ce qui
fent le Plagiaire ; d'ailleurs , ceux qui font
ce métier , prennent des précautions que
vous avez méprifées : ils ont attention de
déguifer leurs larcins , foit en donnant
dans la Langue du Pays , des Ouvrages écrits
en des Langues étrangères , foit en mettant
fous leur nom , ou des Ouvrages , dont les
exemplaires font uniques , ou des Ouvrages
dont le laps de tems a fait perdre le fouvenir.
Vous n'êtes point dans le cas , Mr ; ce
que vous donnés aujourd'hui en François ,
mon Pere l'avoit donné en la même Langue
en 1719 , & moi en 1741. Les exemplaires
de ces Ouvrages font communs , font récens
, ainfi vous voilà à couvert du foupçon
même de Plagiat.
Je n'ai garde non plus de croire , que
mettant fous votre nom le fyftême dont il
s'agit , vous ayés prétendu en affurer la réputation
, du caractére dont vous êtes , ce
n'a pû être votre deffein. Chacun fçait
comment vous penfés fur votre compte ,
comme
JANVIER . 1744.
comme vous vous rendés affés de juftice ,
pour être perfuadé que votre nom ne fçauroit
donner un nouveau luftre à un Ouvrage
connu & accrédité , encore moins lui fervir
d'Egide contre la Cenfure, s'il la méritoit.
Je croirai encore moins , que par les Eloges
que vous donnés au fyftême en queſtion ,
vous ayés voulu enchérit fur ceux qu'il a.
déja reçûs de nos Sçavans . Car , qu'auriésvous
pû ajoûter , à ce que dit M. l'Abbé de la
Serre , Chanoine de l'Eglife de Langres , dans
fa lettre inférée dans le Mercure de France du
mois de Janvier 1742 ? Qu'auriés- vous pû.
ajoûter à ce que dit le Journal des Sçavans ? à
ce que dit le fournal de Trévoux ? à ce que dit
Le Journal de Verdun ? à ce que dit le Mercure
de France ? Qu'auriés - vous pû ajoûter
, à ce que dit M. l'Abbé Goujet , Auteur
de la Bibliotéque Françoife , dans les additions
& corrections qui font à la tête de fon
troifiéme Volume ? à ce qu'en a dit M. l'Abbé
Bignon ? à ce qu'en a dit le célébre M. Rolin ?
Qu'auriés- vous pû ajoûter fur-tout aux
Eloges que M. l'Abbé des Fontaines lui a donnés
, & directement & indirectement. Directement
, lorfque dans fes Obfervations fur mon
Livre , il s'écrie comme dans un espéce d'enthoufiafme
: FAUT-IL QUE CE TRESOR AIT
E'TE' CACHE' SI LONG- TEMS ? Indirectement
Lorfque dans fes remarques fnr votre lettre , il
Eij ram
> >
86 MERCURE DE FRANCE.
raconte les merveilles qu'a opérées la Méthode
que vous adoptés.
>
Après avoir bien réfléchi fur le filence
exact que vous gardez dans votre lettre
fur le compte de mon Pere & fur le mien ,
je n'en vois point d'autre motif , que
la
crainte que vous avez eue , d'ouvrir une
carriére trop vafte à ma vanité ; mais
permettés - moi de vous le dire , Mr
vous n'avés réuffi dans votre projet. Je pas
me fens infiniment flaté, qu'un homme qui a
eû une Ecoliére du rang de Mademoiſelle de
Briffac:qu'un homme qui s'eft annoncé dans
le Public par une lettre très -bien écrite
lettre dont il y a une grande quantité d'exemplaires
de diftribués : Je fuis , je le ré .
péte , jefuis infiniment flaté , qu'un homme
tel que vous , ait adopté ma Méthode , l'ait
exaltée , l'ait préconisée . oui , Mr , le Panégirifte
d'un Ouvrage que j'ai mis dans un
nouveau jour me donne une idée trèsavantageufe
de ce que je puis valoir .
Je fuis , & c.
,
Ce 15 Décembre 1743 .
On a dû expliquer l'Enigme & le Logogryphe
du Mercure de Décembre , premier
Vol . par l'Hyver & Pincette. On trouve dans
le Logogryphe , Cette , Pin , Epinette , Eté ,
Tête & Nice. ENIGME.
JAN VIER. 1744.
87
J
ENIG ME.
E fuis en feu , fans avoir chaud ,
J'occupe la tête des femmes ;
Je fuis le principe des flâmes ,
Et je forme un fat , comme il faut .
Demotes Mainard,
Q
LOGOGRYPHE.
Ue votre fort feroit digne d'envie ,
Foibles mortels , fi par un heureux choix
Mon culte occupoit feul le cours de votre vie !
Vous me fuyez hélas ! & dédaignant ma voix ,
Vous perdez les douceurs qui me font attachées :
Mais éloignons ces motifs de douleur ,
Et venons au but , cher lecteur .
On voit mes qualités fous huit lettres marquées.
Combinez ; je produis un ruftique inftrument :
Un Elément inconftant & perfide :
Ce qu'un voleur , au front pâle & timide ,
Reçoit enfin pour prix de fon talent :
Un adverbe , & cette prière
Que fait par coeur l'enfant de bonne mére :
E iij
Un
88 MERCURE DE FRANCE.
Un caractére Mufical ;
Ce
que
Ce qui fçait attendrir un Geolier barbare :
craint à bon titte un vieux jaloux avare
Ce qui dénote un coeur & noble & libéral .
Deux termes de Géométrie ,
Un vent dont nous éprouvons la furie.
La fille d'un Poëte aimé des doctes foeurs.
Ce qui tient fufpendu le glaive pacifique
D'un Noble , confiné dans fes Châteaux antiques.
Ce qui caufe aux Nochers de mortelles frayeurs :
Enfin , l'ame de la Juftice :
Adieu , Lecteur : je fuis une novice.
J
Par Mlle Gurbert , à Paris.
AUTRE.
E fuis Château Royal , d'une antique ſtructure ,
par differens Rois : Elevé
Mes environs , remplis de rochers & de bois ,
Sont comme s'ils fortoient des mains de la Nature.
Treize membres complets font mon- Architecture.
J'offre aux yeux du Lecteur , la mére d'un tuiffeau ,
Un Poëte François , ami da vrai , du beau ,
Qui fit parler , après le fage de Phrygie ,
La Brebis , le Corbeau , l'Eléphant & la Pie .
Le contraire du laid ; un des quatre Elémens.
Le plus grand des Poiffons. Fille que la Clôture
Dérobe prefque à toute la Nature.
Ce qui parmi le Sexe , avec des traits charmans ,
Paffè
JANVIER. 1744. 89
Paffe pour une miniature .
A la beauté ce qui donne l'éclat .
Ce qu'on voit au doigt d'un Prélat.
Ce qu'un Gaſcon fçait flairer d'une lieuë.
Très -féroce animal qui ſe bat de fa queuë.
Je brille au tems du Carnaval .
Ce qui repréſente la terre.
L'aliment de maint animal .
Ce qui mit au tombeau de grands hommes de
Guerre.
Ce qui forme le vrai Chrétien ,
La Sainte Mére d'une Mére ,
Dont le Fils partout on révére.
Ce
que
les Huffards aiment bien.
Ami Lecteur , changeons de ſtile ,
Il faut varier les plaifirs :
Allons,au gré de tes défirs ;
Arrange , en combinant , la chofe eft très- facile.
Bâteau , Fou , Lune , But , Linote , Faune , Lin ,
Tane , Ail , Futaine , Fine , Aune , Talon, Tableau ,
Butte , Bâlon , Balai , Fable , Fole , Fil , Fin ,
An , Nate , Bile , Ut , Fa , La , Lit , Tonneau ,
Noble , Fat , Foible , Bail , Foule , Bani , folie ,
Falot , Fonte , Nain , Bon , Faute , Bain , Bout & Lie.
Si j'étois fieffé babillard ,
J'en dirois beaucoup davantage ;
Mais je finis , & laiffe aux perfonnes de l'Art ,
A mettre un prix à mon Ouvrage.
Par M. Collet , de l'erfailles.
E iiij
NOU90
MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS, &c.
M
EMOIRES , concernant l'Hiftoire
Eccléfiaftique & Civile d'Auxerre ,
par M. Lebeuf, Chanoine & Souchantre de
l'Eglife Cathédrale de la même Ville , de
l'Académie Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres. A Paris , chés Durand , Libraire
, rue S. Jacques 1743 , 2 Vol . in -4° .
L'Auteur de ces Mémoires a crû devoir
témoigner à fa Patrie , que quoiqu'il en
foit éloigné depuis plufieurs années , il ne
l'a point perdue de vûë. En effet, dès l'année
1739 , on imprima dans le Mercure du mois
de Décembre 2 Vol . l'avis qu'il donna au
Public , pour le préparer à l'Edition de ces
Mémoires , afin que ceux qui auroient quelque
chofe d'important à lui communiquer
fe preffaffent de le faire. Enfin , quoique
diftrait par differentes autres occupations , il
vient de publier deux Volumes , chacun de
près de neuf cent pages , compriſes les Piéces
juftificatives , qui rempliffent 336 pag.
du fecond Volume.
Le premier ne contient que l'Hiftoire des
Evêques d'Auxerre , avec les Catalogues des
anJANVIER.
1744. ༡ ་
anciens Dignitaires , & Perfonnats de la Cathédrale
; une Hiftoire abbregée de la Collégiale
& des quatre Filles , ou Chapitres
Réguliers ,foumis à l'Eglife Matrice . On ne
fera pas étonné , que la matiére foit fi abondante
, lorfqu'on fçaura , que l'Eglife d'Auxerre
a prefque toujours eu des Hiftoriens.
Sans parler de Conftance , Prêtre de Lyon ,
à qui Cenfurius , Evêque d'Auxerre , fournit
les Mémoires pour rédiger la Vie de S.
Germain , fur la fin du cinquiéme fiécle , &
des Vies de S. Pelerin , de S. Amatre , & de
S. Aunaire , écrites dans les deux fiécles fuivans
, deux Chanoines aidés du célébre Heric
, Moine de l'Abbaye de S. Germain , entreprirent
fous Charles- le-Chauve , une Collection
des actions de tous les Evêques qui
avoient gouverné juſqu'alors cette Eglife ,
& depuis , à méfure que les Evêques mouroient
ceux qui les avoient connus plus
particuliérement , en écrivirent les Vies ,
que le Chapitre eût foin d'inférer dans fes
Archives.
,
Le Volume , où elles étoient écrites , fat
renouvellé deux fois. La premiére Copie :
faite dans l'onzième fiécle , a été perdue ,
mais il en refte une autre , écrite fur la fin
du douzième , à la fuite de laquelle font les
Vies des Prélats , morts durant le treiziéme
fiécle. Comme fur la fin de ce fiècle , le zéle ,
E v pour
92 MERCURE DE FRANCE.
pour tranfmettre à la postérité les Geftes des
Evêques , fe rallentit , ce ne fûr que vers
la fin du quatorziéme , que Nicolas d'Arcyes
, Evêque , engagea un Chanoine , que
M. Lebeuf croit être Jean de Gargenville ,
à recueillir les actions de fes Prédéceffeurs ,
en continuant d'écrire le Livre , intitulé :
Gefta Pontificum Autiffiodorenfium. Mais depuis
la mort de cet Evêque , & de ce Chanoine
, perfonne ne prit plus le foin de
continuer , jufqu'à l'an 1530 , ou environ
que quelques Chanoines écrivirent la Vie
d'un Evêque : ce qui fût fuivi par un ou
deux autres , & ceffa entiérement avec M.
Amyot , mort en 1593 .
>
Non-feulement M. Lebeuf donne ici en
notre Langue , toutes ces anciennes Vies ,
augmentées de fes Recherches , faites dans
les Conciles , dans les differentes Compilations
d'Actes , de Chroniques , d'Hiftoires
particuliéres , auffi- bien que de fes Découvertes
en differens Voyages , mais il a encore
rempli toutes les Lacunes , c'est-à - dire ,
qu'il a écrit les Vies , qui n'avoient pas encore
parû , & cela fur les Monumens confervés
dans les Archives du Pays & autres , fur
les differens morceaux inférés dans les Regiftres
, même ceux des Parlemens , dans
des Comptes , dans les Cartulaires , Martyrologes
, Nécrologes & Inventaires ; en
forte
JANVIER. 1744. 93
forte que cette Hiftoire des Evêques d'Auxerre
, doit être regardée comme un fond
d'Hiftoire Eccléfiaftique de la Ville & de
tout le Diocéſe .
Nous laiffons au Lecteur , à admirer le
grand nombre de Saints Evêques , qui ont
gouverné l'Eglife d'Auxerre. Il y en a en
effet plus de vingt , dont elle célébre la Fête.
C'eft ce qui furprenoit un Evêque Anglois
, qui en fit au douziéme fiécle , une
Note , que M. Lebeuf rapporte à la p. 16
de fes Preuves ; laquelle Note finit en cès
termes : Vix aut nunquam in alio Epifcopatu
invenies tot Sanctos Epifcopos in uno Epifcopatu
fuiffe.
a
L'Auteur avoit déja fait obſerver , que
l'Edition donnée en 1657 , par le Pere
Labbe , de l'Ouvrage intitulé : Gefta Pontificum
Autiffiod. eft pleine de fautes , & d'omiffions
, par un effet de la précipitation ,
avec laquelle il en fit tirer une copie. M.
Lebeuf à vérifié la plupart des Noms propres
fur les Manufcrits , & a remis en leur
place les faits , qui avoient échappé aux Copiftes.
Comme le nombre des Paroiffes des
Diocéfes eft toujours allé en augmentant,M .
Lebeuf donne deux Cartes de l'ancien Diocéfe
d'Auxerre , l'une pour le fixiéme fiécle ,
faite fur la Defcription , que l'Evêque S.
Aunaire en dreffa dans l'Indication des
E vj Priéres ,
94 MERCURE DE FRANCE.
"
Priéres , qu'il ordonna
pour toutes les Eglifes
vers l'an 580. On n'y reconnoît
que 37
Paroiffes
, quoique
ce Diocéfe eut dès- lors
la même étenduë
qu'aujourd'hui
. L'autre
Carte eft pour tout le tems , qui fuivit , jùfqu'au
Régne du Roi Robert.Ces
Cartes font
Latines & Françoiſes
, & fervent
beaucoup
à l'intelligence
des faits , & à fixer l'imagination
du lecteur . C'est encore un avantage
prefque fingulier
à l'Egliſe d'Auxerre
, d'être
en état de repréſenter
fon Diocéfe
, tel qu'il
étoit fous la premiére
Race de nos Rois ; ce
que S, Grégoire
, Evêque
de Tours , n'a
qu'ébauché
à l'égard de fon Eglife dans fon
Hiftoire des François , laiffant encore beaucoup
à défirer fur ce fujet.
Nous renvoyons à un autre Mercure plufieurs
particularités remarquables de cette
Hiftoire Eccléfiaftique , pour dire un mot
de l'Hiftoire Civile , & de ce qui en dépend.
Les Mémoires pour l'Hiftoire Civile d'Auxerre
, roulent principalement fur l'Hiftoire
des Comtes de cette Ville. Ces Comtes font
des plus anciens , que l'on trouve dans les
Monumens de la Monarchie. Pour s'en convaincre
, il ne faut , que fe remettre ce que
Grégoire de Tours dit de Peonius & du fameux
Mommole , mais avant que de s'étendre
fur lesComtes d'Auxerre,M. Lebeuf rapporte
JANVIER. 1744. 95
porte toutes les preuves , qu'il a pû trouver
de l'Antiquité de la Ville , fur fes diverfes
fituations , fur la conſtruction de ſes Murs ,
les differentes Infcriptions & Statues , qu'on
y a remarquées , & celles qui ont été trouvées
en terre.
Il avoit donné à la tête du premier Volume
, une Carte qui repréfente la Cité d'Auxerre
, de figure quarrée . Dans celui- ci , où
il en fait voir les augmentations de tous les
côtés , il donne le Plan de la Ville telle
qu'elle eft aujourd'hui avec fon enceinte ,
faite pour la premiére fois au douziéme fiécle
, par lequel on voit , que les Bourgs adjacens
à la Cité , & formés autour des anciennes
Abbayes , ayant été renfermés dans
cette enceinte, la Ville , de quarrée & de petite
qu'elle étoit , eft devenue grande & de
figure prefque ronde .
Les Comtes d'Auxerre furent encore plus
célébres , fous la troifiéme Race de nos Rois ,
que du tems de la premiére. Pierre de Courtenai
, au treiziéme fiècle , devint Empereur
de Conftantinople , comme tout le monde
le fçait. Ce Comté ayant paffé à la Maifon
de Challon , & ayant été poffedé fucceffivement
par plufieurs Princes de ce nom , fût
acquis par Charles le Sage , Roi de France ,
ou Charles V, & c'eft depuis ce tems-là , que
l'Histoire d'Auxerre , qui ne fourniffoit que
de
96 MERCURE DE FRANCE.
de légers traits depuis la Comteffe Mathilde ,
vers le tems de S. Louis , commence à être
plus remplie , & à devenir plus curieuſe.
L'établiſſement d'un Siége Royal , & enfuite
celui d'un Bailliage , avec la détermination
de fon Reffort : l'Hiftoire des differentes
Révolutions arrivées au Pays , qui
étoit limitrophe du terrein des Ducs de
Bourgogne , & de celui de nos Rois , celle
des mouvemens des Huguenots , auffi -bien
que le récit de tout ce qui s'y paffa du tems
de la Ligue , les fiéges de plufieurs petites
Villes des environs , & c. font autant d'événemens
, que M. Lebeuf a puifés dans les
Monumens autentiques de la Ville & dans
d'autres Archives , parmi lefquels il n'a pas
oublié d'inférer les differens Priviléges accordés
aux Auxerrois , par les Rois de France
, & autres Princes , qu'ils ont reconnus
pendant certains intervalles.
Les Mémoires pour fervir à l'Hiftoire politique
de la Ville d'Auxerre , font fuivis
du Catalogue des Baillis , Lieutenans-Généraux
, &c. des anciens Capitaines & autres
Officiers Royaux , plus modernes. La Deſcription
du Comté d'Auxerre avec la Carte ,
termine ces Catalogues. On en trouve enfuite
un plus important pour tous ceux qui
aiment l'Hiftoire Littéraire. C'eſt une eſpéce
de Bibliothèque Auxerroiſe , qui renferme
JANVIER . 1744. 97
me la Notice de tous les Ecrivains de la Ville
& du Diocèfe , que l'Auteur a pû découvrir
, outre ceux qu'il avoit fournis à M.
Papillon , pour fa Bibliothèque de Bourgogogne
, qu'il y a fait rentrer en retouchant
leur Article. Il s'eft abftenu de parler des
Ecrivains vivans , de-même que dans les
Liftes , il s'eft contenté de nommer les Sujets
qui font aujourd'hui en place.
Le dernier Catalogue de ce Volume eft
des perfonnes originaires du Diocèfe d'Auxerre
, ou dimiciliées , qui ont été élevées
aux Dignités , foit Eccléfiaftiques , foit Séculiéres
, Monaftiques , & autres , ou qui
ont procuré de pieux établiffemens dans la
Ville de Paris. On y voit en tête une Note
curieufe fur le nom d'Auxerre , ou d'Aucerre
, qui étoit celui d'une Famille affés célebre
dans Paris aux XIV. & XV. fiécles.
FABLES CHOISIES & nouvelles ,
mifes en Vers , dédiées à S. A. S. M. le
Comte de la Marche , avec la Vie d'Eſope ,
tirée de Plutarque & d'autres Auteurs , par
M. Richer. A Paris , chés la veuve Piffot ,
Quai de Conty , & Bullot , ruë S. Etienne
d'Egrès. Volume in- 8 ° . de 112 pages , non
compriſe la Vie d'Eſope .
A la tête de ce Livre eft cette Fable , que
l'Auteur addreffe au jeune Prince.
L'EN98
MERCURE DE FRANCE .
L'ENFANT ET LES ABEILLES,
FABLE
A S. A. S. M. LE COMTE DE LA MARCHE,
Dans la faifon la plus brillante ,
Un Enfant apperçut l'Abeille vigilante ,
Qui rempliffoit fon magaſin
Du doux Nectar, cueilli fur la Roſe & le Thin ;
Merveille à l'Enfant inconnuë ;
Ce Spectacle jamais n'avoit frappé fa vûë.
Il regardoit avec étonnement
Le travail & l'arrangement
De la petite République ,
Dont les Sujets laborieux , adroits ,
Se gouvernoient felon les loix
De la plus fage politique .
Votre ouvrage divin occupe mon loifir ,
Leur dit-il ; j'y prends grand plaifir
Et votre induftrie eft unique.
Une Abeille lui répondit :
Si cet objet vous divertit ,
Il doit encor plus vous inftruire ;
Nous ne travaillons pas afin qu'on nous admire.
Nos foins & notre activité
N'ont pour but que l'utilité.
L'homme profite de nos veilles ;
Cette Liqueur que nous cueillons
Sur les fleurs des Côteaux , des Plaines , des Vallons,
C'est
JANVIER . 4 29 1744.
C'estpour lui feul. Imitez les Abeilles ,
Jeune Enfant ; un jour puiffiez - vous
Etre aux Humains utile comme nous !
PRINCE , dans cet Enfant vous voyez votre image ;
Les nobles travaux des Beaux- Arts
Attirent déja vos regards.
La prudente Abeille eſt un Sage ,
Qui vous dit : imitez vos célébres Ayeux ;
Imitez votre illuftre Pere ;
Devenez utile comme eux
A la France , qui les révére .
Si le rang vous met au - deſſus
Des Mortels , vous devez les paffer en vertus.
L'amour des Arts , la valeur , la prudence ,
Sont les plus dignes fruits d'une haute naiffance.
Ces préceptes vous ſont dictés
Par un fage Mentor : Prince , vous l'écoutez ;
Votre heureux naturel nous remplit d'eſpérance ;
L'augufte Sang dont vous fortez,
Promet un Héros à la France.
Enfuite on trouve la Vie d'Efope ; c'eft
uu Morceau de Littérature intéreffant &
plein de la Critique la plus judicieufe . Celle
que Planude a écrite , eft fi remplie de
niaiferies , d'abfurdités & d'anachroniſmes ,
qu'elle ne mérite aucune croyance , & paſſe
pour un Roman parmi tous les habiles gens .
Le peu d'eftime qu'on en fait , a déterminé
M.
JT
100 MERCURE DE FRANCE.
M. Richer à compofer une Vie d'Efope , tirée
d'Auteurs , plus anciens ou plus dignes
de foi. Il vaut mieux, dit-il fort fenfément,
ne rapporter qu'un petit nombre de Faits ,
mais moins frivoles & plus certains , que de
donner au Public , comme Planude , un
long tiffu de fictions , qui n'ont pas même
fouvent le mérite de la vrai-femblance. Il
faut lire dans le Livre même cette Vie du
pere de la Fable , ou l'on verra beaucoup
d'ordre & des Recherches fçavantes. Après
la Vie d'Eſope fuivent les Fables , au nombre
de 85 , partagées en IV . Livres. La plus
grande partie eft de l'invention de M. Richer.
Si la fimplicité des fujets , la naïveté ,
la jufteffe des images , & l'élégance du
ſtyle , doivent faire eftimer les Fables qui
réüniffent toutes ces qualités , celles, dont il
s'agit ici , ont droit de prétendre à l'appro
bation du Public.
Quelques-unes de ces Fables , inférées
dans divers Ouvrages Périodiques , ont déja
obtenu fon fuffrage , entre autres le Coq
le Limaçon , la jeune Poule & la vieille' ; le
Solitaire & l'Importun. Tout le mon deſçait
l'honneur que Monfeigneur le Dauphin a
fait à cette derniére . Nous en allons donner
deux ou trois autres , qui paroiffent pour la
premiére fois dans ce nouveau Recueil .
LE
JANVIER. 1744. 101
LE SINGE ET L'ECOLIER ,
*
FABLE XVI. du Livre premier.
Un Sapajou , bouffon & grimacier
Divertiffoit un petit Ecolier ;
L'Enfant , avec tranfport , racontoit à ſa mere
Tous les tours qu'il lui voyoit faire.
Qu'il eft badin ! qu'il eft charmant !
Que fa figure eft agréable !
A fon gré , Fagotin étoit incomparable.
Un jour le petit garnement ,
( C'eft le Singe qu'il faut entendre,
On peut aisément s'y méprendre , )
Voyant dans un panier des marons & des noix ,
Déjeûner de l'Enfant , le galant les efcroque ,
Il mange tout ; n'en fait point à deux fois ;
L'Ecolier de retour , ne trouve que la coque ;
A cet afpect il demeura confus ;
Au larcin de ſes noix mille fois plus ſenſible
Qu'un fuppôt de Plutus ,
A la perte de fes écus.
Le Singe fi chéri n'est plus qu'un Monftre horrible,
A
Un mauvais plaifant , un fripon ,
Qu'il faut chaffer de la maiſon ;
porte.
coups de foüet il le met à la
Tout homme eft cet Enfant ; pareils égaremens ;
Quand la paffion nous tranfporte ,
La haine ou l'amitié dictent nos jugemens.
L'OI102
MERCURE DE FRANCE.
L'OISEAU MIANTROPE ,
FABLE VIII. du Livre IV.
Certain Oifeau fuyoit une terre fauvage;
L'homme y faifoit voler , plus vîte que l'Eclair
Des fleches , qui peuploient le ténebreux rivage
Des divers habitans de l'Air ;
Le fugitif aborde notre Plage ;
Là s'offrent à fes yeux mille objets inconnus ;
Il voit le Peuple , la Nobleffe ;
Les gens qu'il fuyoit étoient nuds ;
Sous nos habits l'Oiſeau méconnut notre eſpéce.
१
Qui font , demanda- t'il furpris ,
Ces animaux qu'ici je vois paroître ,
L
Verds comme Perroquets, rouges , bleus , noirs &grist
Je fouhaiterois les connoître.
Les uns vont lentement , tenant leur gravité ,
Et traînant une longue queue ;
Il leur faudroit un jour pour faire un quart de lieuë.
Ils me femblent des Paons avoir la vanité ;
D'autres d'un pas précipité
Courent de toutes parts ; le Spectacle eſt bizarre ;
Telle espéce en ces Lieux par malheur n'eft pas rare ,
Lui répond un Corbeau ; c'eſt l'homme que Dieu fit.
Ah ! c'eft lui dont je fuis la cruelle injuſtice ,
Dit l'Etranger ; adieu , fans doute fon habit.
Ne l'aura pas changé; c'eft un vain artifice ;
Plus cruel que le Tigre , il furpaffe en malice
Et
JANVIER.
105
1744.
Et le Singe & le Chat. Je cherche des Climats,
Où ce Tyran ne regne pas.
A ces mots , l'Oiseau Miſantrope
A tire d'aîle abandonne l'Europe.
Ce Philofophe des Oiseaux
Tiroit jufte fa conjecture ;
L'homme eft partout le même , & fa vaine parure
Ne fert qu'à voiler fes défauts.
On peut juger par cet échantillon du mérite
de ces nouvelles Fables , qui font toutes
écrites dans le même goût , & avec la
même préciſion ; nous difons , fans craindre
de nous tromper , que la plûpart de ces
Apologues , où regnent les graces & l'enjoûment
, font dignes de nos plus fameux
Fabuliftes . Ce petit Volume eft parfaitement
bien imprimé & très -correct ; il eft
orné au Frontifpice d'une jolie Eftampe
gravée par Chedel , d'après M. Oudry.
>
HISTOIRE ROMAINE , depuis la
Fondation de Rome jufqu'à la Bataille
d'Actium , c'est-à-dire , depuis la fin de la
République , par M. Rollin , Ancien Recteur
de l'Univerfité de Paris , Profeffeur
d'Eloquence au Collège Royal , & Affocié
à l'Académie Royale des Infcriptions &
Belles Lettres. Tome I X, revû , & rendu
complet par M. Crevier , Profeffeur de
Rhé104
MERCURE DE FRANCE.
Rhétorique au Collège de Beauvais . A
Paris , chés la Veuve Etienne , & Fils , Libraires
, rue S. Jacques , vis- à-vis la ruë
du Plâtre , à la Vertu , & Jean de Saint ,
ruë S. Jean de Beauvais , vis -à-vis le Collége
, 1743n- 12 , page 604 , non compris
l'Avertiffement de l'Editeur , la Table
des Matiéres , & une Carte Géographique
de la Province Romaine dans la Gaule , par
M. Danville , Géographe du Roi.
Il eft aifé de fuccéder à un homme d'un
mérite diſtingué ; il eft difficile de le remplacer
: c'eft une vérité dont l'application
ne peut que faire honneur à M. Crevier ;
c'eft ainfi que Mrs les Auteurs du Journal
des Sçavans commencent l'Extrait
du Livre , dont on vient de lire le Titre ;
& fi , ajoûtent-ils , comme M. Crevier
le dit dans fon Avertiffement le Public
s'apperçoit dans ce nouveau Volume
qu'il a perdu M. Rollin ,
croyons qu'il ne s'appercevra pas moins
qu'à l'égard de cet Ouvrage , la perte eſt
réparée.
2
>
nous
La fin de ce Volume eft entiérement de
M. Crevier , & pour ce qui eft de M. Rollin
, M. Crevier a été obligé , non-feulement
de le retoucher , mais d'y remplir
des vuides confidérables ; il a eu foin de
marquer les Additions les plus importantes
,
JANVIER. 1744. ·105
tes , & l'endroit précis , où le Manufcrit
de M. Rollin lui a manqué , pour éviter ,
dit-il , autant qu'il eft poffible , de charger
M. Rollin des fautes du Continuateur : on
reconnoît à cette modeftie le digne diſciple
de M. Rollin .
On trouve dans le x xv111. L. de cette
Hiftoire celle des Gracques , ces fameux
Romains , qui coûterent tant à leur Patrie.
Ils étoient fils de Tiberius Gracchus , & de
la célébre Cornelie , Fille du Grand Scipion
, Vainqueur d'Annibal. On nous
donne le caractére & les moeurs de ces
deux freres , qui étoient fort différens
en tout ; furquoi il y a un trait fingulier ,
& qui mérite d'être rapporté dans les termes
de notre Auteur.
» Tiberius , l'aîné , étoit doux , moderé
& poli : Caïus rude , violent , emporté
, s'abandonnant dans fes Haran-
» gues à des mouvemens exceffifs de colé-
» re , dont il n'étoit plus le maître , & à
« des termes & des tons de voix qui y
» répondoient. Pour remédier à cet in-
» convénient , toutes les fois qu'il parloit
» en public , un Joüeur de Flageolet fe
« tenoit derriere lui , & quand le Muficien
» fentoit à l'éclat de la voix de Caïus qu'il
s'emportoit , & fe laiffoit dominer
par
» fon feu , il prenoit fur fon Inftrument
un
106 MERCURE DE FRANCE.
"
›
» un ton plus doux , qui ramenoit l'Ora-
» teur à une prononciation plus modérée.
» Quand au contraire il tomboit dans la
langueur , ce qui étoit bien plus rare ,
» ce même Muficien prenant un ton plus
« haut & plus vif , le réveilloit , pour ainfi
» dire , & le ranimoit. C'étoit , ajoûte
l'Auteur une chofe bien extraor-
« dinaire , que dans une Affemblée pu-
» blique , au milieu de ces actions turbu-
» lentes , où Caius jettoit la terreur parmi
les Nobles , & où il avoit tout à crain-
» dre pour lui-même , il prêtât une oreille
» docile à cé Joueur de Flageolet , hauffant
» ou baiffant la voix , felon le ton qui
» lui étoit donné.
Quoiqu'il en foit , l'Auteur de la Théfe
de Médecine , par rapport à la Muſique
, dont il eft parlé dans le Mercure
d'Octobre 1743 , fera fans doute bien
aife d'apprendre par ce trait , jufqu'où peut
aller la force de la Mufique. Il fera encore
plus frappé de celui qui fe lit dans
un excellent Livre , dont M. l'Abbé
Guyon vient d'enrichir le Public , fous le
Titre d'Hiftoire des Indes Orientales . Voici
ce qu'il nous dit , Tom. 11 , p. 94 ,
en parlant des moyens qui font employés
pour prendre & pour apprivoifer les Éléphans
en differentes Contrées des Indes.
» Ailleurs
>
JANVIER. 1744. 107
» Ailleurs , après les avoir fait fortir de
» leurs Forêts , on les pourſuivoit pen-
» dant tout le jour , & fur le foir , on
» les repouffoit avec la même ardeur vers
> leurs retraites. Cependant , les Chaf-
» feurs qui étoient demeurés , avoient em-
» brafé la Forêt. Les Eléphans qui crai-
» gnent extrêmement le feu , faifis par
»la vûë de cette flamme , en demeuroient
» fi fort épouvantés , qu'ils fe laiffoient
prendre aifément , & alors on les fra-
» poit jufqu'à ce qu'ils fuffent domptés.
» Néanmoins ils n'étoient pas abfolument
» vaincus ; il falloit les attacher à des Pi-
» liers , & les mâter de nouveau par les
» coups & par la faim. D'autres tomboient
en langueur , & on étoit obligé de diffiper
leur mélancolie par le Chant , ou par le fon
de quelque Inftrument.
"
NOUVEAUX
LOGOGRYPHES , où
l'on trouvera les Poëtes , Sçavans , Muficiens
, Peintres , Graveurs , Sculpteurs ,
Danfeurs , Acteurs , & Symphoniftes , qui
fe font diftingués en France , avec la Clef,
pour en faciliter l'intelligence. Prix douze
fols . A Paris, chés la Veuve de Lormel , ruë
du Foin , à fainte Geneviève ; chés Morel le
jeune , au Palais ; chés Clement , Pont No-
F tre108
MERCURE DE FRANCE.
tre-Dame , à l'entrée du Quai de Gêvres ,
1744.
M. Panard , connu par un grand nombre
d'excellentes Piéces , jouées avec fuccès fur
le Théatre de l'Opéra Comique , eft l'Auteur
de cet Ouvrage. En 1734 , il donna les
premiers Logogryphes , en ce genre , dont
on a fait plufieurs Editions , & que l'on
trouve chés Clement , Quai de Gèvres. Ceux
que nous annonçons , ayant le mérite des
premiers , & celui de la nouveauté , nous
ne doutons pas que le Public ne les reçoive
favorablement.
Il paroît chés Briaffon , rue S. Jacques ,
une Traduction Françoiſe d'unLivre écrit en
Anglois , par Temple Stanian , 3 Vol. in- 12 .
L'Auteur étoit un homme profond dans
l'Hiſtoire ancienne , & d'un efprit folide ,
qui a long-tems médité fon Sujet , & qui
n'a rien épargné pour arriver à la découverte
de la vérité , foit par fes recherches
foit par la comparaifon des Auteurs les uns
avec les autres , foit les anciens monumens.
La Puiſſance des Grecs a précédé celle
des Romains , & en a été comme le prélude :
il est donc important de connoître les intérêts
, les vûës , & les actions des uns , par
/-l'Hiftoire des autres . Ainfi, il y a tout lieu de
croire que le Public fera charmé d'avoir ce t
par
OuJANVIE
R. 1744. 1091
Ouvrage imprimé dans la même forme , &
dans le même goût que l'Hiftoire Romaine ,
traduite de l'Anglois d'Echard.
MEMOIRES pour fervir à l'Hiftoire
des Gaules & de la France , dédiés à Meffieurs
de l'Académie Royale des Infcriptions
& belles Lettres , par M. Gibert
i . Vol. in- 8 ° . de 43.2 pages. A Paris , chés
Jean de Nully , Grand Sale du Palais , à
l'Ecu de France , & à la Palme , & Bernard
Brunet fils , à l'Envie , le prix relié , 2 liv .
ro f.
L'Auteur s'eft propofé dans cet Ouvrage
d'éclaircir les principales difficultés de notre
ancienne Hiftoire. On ne fçauroit donner
une idée plus exacte de ce qui eft con-,
tenu dans ce Volume , que celle qu'en donne
M. G. lui même dans fa Préface : » J'ai
» premierement examiné , dit-il , l'appli-
" cation & l'étendue des noms de Gaulois ,
» de Celtes , & de Galates : le nom d'Hy-
» perboreens , donné à une portion des Gau-
» lois m'a enfuite arrêté. J'ai crû devoir
» auffi rapporter ce qu'Herodote a dit des
» Celtes ; c'eft le plus ancien Hiftorien qui
» les ait nommés.Le nom de Terre Lycéenne,
» donné à la Gaule par Onomacrite , du
» tems de Cyrus , m'a paru remarquable ;
j'en ai cherché l'explication , de-là , j'ai
Fij
13
,,
» paffé
fio MERCURE DE FRANCE.
»
paffé à l'origine des Gaulois ; j'ai effayé
» de la découvrir dans celle des Aborigé-
» nes , que je tire des premieres peuplades
» établies dans les Alpes après le Déluge.
» J'ai cherché celle de leurs Druides chés les
» Phéniciens ; j'ai parlé des differentes Co-
» lonies qui s'étoient jointes à eux , ou éta-
» blies dans les Païs que nous comprenons
»fous le nom des Gaules. Un Critique moderne
( M. Pelloutier ) a voulu faire re-
» monter aux Celtes l'origine des Grecs :
j'ai crû devoir refuter un Auteur , dont
»l'érudition eft capable d'impofer. Des
» Gaulois , je fuis venu aux Francs . Avant
» que de propofer mon fentiment fur leur
» origine , j'ai examiné celui qu'un Ecri-
"
29
vain illuftre ( M. Legendre de S. Aubin )
» venoit de produire , & j'ai tâché de lui
» prouver , que la mauvaiſe opinion que
» l'on a fi juftement conçue de Roricon , &
» de tous ceux qui ont copié fes Fables ,
» étoit bien fondée. J'ai enfuite fixé d'une
» maniére plus particuliére , qu'on n'avoit
» encore fait , le tems oùle nom des Francs
paroît pour la premiére fois dans l'Hiftoi-
» re ; & après avoir prouvé qu'ils n'étoient
» autre chofe que les anciens Germains
je découvre dans les ufages même de ces
» derniers l'Etymologie vrai -femblable de
» leur nouveau Nom . J'ai pensé que je de-
» vois
JANVIER. 1744. III
vois auffi prévenir les queftions que l'on
» pouvoit me faire fur l'origine des Ger-
» mains eux - mêmes. Si je la cherche juf-
« ques chés les Perfes , je ne fais que fuivre
une Tradition qui s'eft perpétuée dans le
» Nord , depuis plus de 2000 ans.
» Sur l'établiſſement des Francs dans les
» Gaules , je m'en tiens à la narration de
» Procope , le plus ancien & le plus judi-
- cieux Hiftorien qui en ait parlé : mais
» comme chacun tâche de détourner le fens
» & les paroles de cet Auteur , pour les ac-
» commoder à fon fyftême , j'en donne une
» Traduction litterale , avec quelques re-
» marques fur celle qu'en a donné M. l'Ab-
» bé Dubos. ( a ) La difcuffion des difficul-
» tés qu'on fait fur la narration de Procope ,
»fuccède naturellement à cette Traduction.
La premiere difficulté concerne le nom
» des Arboruches , qui dans l'établiſſement
» des Francs dans les Gaules , s'affocierent
» & s'incorporerent , pour ainfi dire , avec
» eux. Je juſtifie la leçon ordinaire de ce
» nom ; je cherche qui étoient ceux qui le
portoient ; je wontre dans leur Hiftoire
»le fondement de quelques-unes des Fa-
«bles mêlées à nos Antiquités. La feconde
» difficulté roule fur l'Epoque de l'affocia-
» tion des Francs & des Arboruches ; on la
( a ) Hift crit. de la Mon. Fran . l. 4. c. 8.
F iij place
112 MERCURE DE FRANCE.
place après le Baptême de Clovis ; je
prouve qu'elle l'a précédé de 83 ans , &
» qu'elle eft même la date véritable du Ré-
» gne de Pharamond dans les Gaules, quoiqu'il
eût déja commencé à régner fur les
>>Francs neufans auparavant , lorfque Mar-
» comir , fon pere , avoit été pris & exilé en
»Tofcane par les Romains.Onfent aiſément
» que la date de l'affociation des Francs avec
» les Arboruches , eft auffi celle de leur éta-
»bliffement dans les Gaules ; ainfir , la pre-
»miere étant établie , l'autre eft connue &
» certaine. Mais afin d'écarter tous les nua-
» ges , je réfute également ceux qui l'ont
« avancée plûtôt , & ceux qui l'ont reculée
» plus tard ; enfin , j'examine fi les Francs
» ont eu des Rois avant Pharamond.
VOYAGES de M. Shaw M. D. dans
plufieurs Provinces de Barbarie & du Levant
, contenant des Obfervations Géographiques
, Phyfiques , Philofophiques , &
mêlées , fur les Royaumes d'Alger & de
Tunis ; fur la Syrie , l'Egypte , & l'Arabie
Petrée , avec des Cartes & des Figures , traduits
de l'Anglois , 2. Vol . in- 40 . à la Haye ,
chés Jean Neaulme , 1743 , & ſe vendent à
Paris chés Briaffon. Le prix de cet Ouvrage
relié , eft de 23 liv.
DE'-
JANVIER. 1744. 113
DE'FENSE DE LA VERITE' du Martyre
de la Légion Thébéenne , autrement de S.
Maurice , & de fes Compagnons , pour fervir
de Réponse à la Differtation Critique du
Miniftre Dubourdieu , avec l'Hiſtoire détaillée
de la même Légion . Par le R. P. Joseph
de l'Ifle , Abbé de S. Léopold de Nancy , Ordre
de S. Benoît. 1 vol. in - 12 , de 309 p.
A Nancy , & fe vend à Paris , chés Ph. Ñ.
Lottin , rue S. Jacques , 1741 .
Cet Ouvrage intérelle tout-à fait la Religion
, & il eft d'ailleurs rempli de recherches
curieuſes . On en trouvera un très -bon
Extrait dans le Journal de Trévoux , du mois
de Juin dernier : Extrait , qui peut tenir lieu
du Livre même , à ceux qui ne feront
portée de le lire.
pas à
LETTRE DU R. P. BARRE' , Prêtre , Chanoine
de la Congrégation de France , à M.
Scheid , Médecin Allemand , au fujet de
l'Histoire Générale d'Allemagne , dont les
Sieurs de Lefpine & Hériffant , Libraires ruë
S. Jacques , ont entrepris l'impreffion .
Nous avons reçû depuis peu une copie de
cette lettre , mais nous n'en ferons aucun
ufage parce qu'elle fe trouve déja imprimée
dans fon entier , conforme à la copie ,
dont on vient de parler , dans le Journal des
Sçavans, du mois de Juillet dernier , p . 440 .
F iiij Briaffon >
114 MERCURE DE FRANCE.
Briaffon , Libraire à Paris , ruë S. Jacques
à la Science & à l'Ange Gardien , vient de
publier un Ouvrage , intitulé : Les leçons de
la fageffe fur les défauts des hommes , en trois
parties. « La premiére traite des préjugés ,
qui font fouffrir pour des offenfes imagi-
» naires & des raifons de fupporter les offen-
»fes, même qu'on fuppofe réelles ; la fecon-
» de roule fur les fauffes refſources de l'im-
» patience , & les vrais moyens de prévenir
»les peines , ou de les rendre plus fupporta-
» bles ; il s'agit dans la troifiéme , des diver-
»fes utilités que nous pouvons retirer des
» défauts des autres , pour notre propre per-
» fection. Trois Volumes in- 12 , 1743.
DE L'ESPERANCE CHRETIENNE , & de la
Confiance en Dieu , par Dom Robert Morel ,
Religieux Bénédictin , de la Congrégation
de S. Maur , à Paris , chés Jacques Vincent ',
ruë S. Severin , à l'Ange.
LE CATALOGUE des Rôles Gafcons , Normands
& François , paroît chés Barois , Libraire
, Quai des Auguftins , à la Ville de
Nevers.
Le même Libraire vend auffi la nouvelle
Traduction du Poëme de Roland le Furieux ,
par l'Ariofte , en quatre Vol. in- 12 .
MELANGE AMUSANT de faillies d'efprit
&
JANVIER . 1744 irs
& de Traits Hiftoriques des plus frappans ,
par M. Lefage , chés Pierre Prault , Quai de
Gêvres , au Paradis. Volume in- 12 , de 216
pages , 1743 .
ETRENNES HISTORIQUES , ou Mélange
curieux pour l'année 1744 , contenant plufieurs
Remarques de Chronologie & d'Hif
toire , enſemble les Naiffances & Morts des
Rois , Reines , Princes , & Princeffes de
l'Europe , accompagnées d'Epoques & de
Remarques , que l'on ne trouve point dans
d'autres Calendriers , avec un Recueil de
diverſe matiéres , variées , utiles , curieufes
& amuſantes . A Paris , de l'Imprimerie
de Giffey , rue de la vieille Bouclerie , å
l'Arbre de Jeffé.
LIVRES que le . Sr Cavelier , le pere , Libraire
, rue S. Jacques à Paris , a nouvellement
reçûs des Pays Etrangers.
MUSEUM Richterianum , continens foffilia
Animalia , vegetabilia Mar, illuftrata Iconibus
& Commentariis D. fo. Ernefti Hebenf
treitii Anat, & Chirurg. P. P. O. Accedit de
Gemmis Scalptis antiquis Liber fingularis , fº .
cum figuris, Lipfia, 1743 .
LUCIANI Samofatenfis Opera , cum notis
variorum. Curavit Reitzius , 3 vol . in-4° .
Grac- Latin, Amftelodami , 1743 .
SELECTA MEDICA Francofurtenfia , Ana-
F v tomen
116 MERCURE DE FRANCE.
tomen inprimis practicam , Chirurgiam , Materiam
Medicam , ipfamque univerfam Medicinam
illuftrantia , 12 vol . in-8° . Francofurti ,
1739 & 1743.
ALBINI ( Bernardi ) Hiftoria Mufculorum
hominis , in-4°. cum fig. Leida , 1734.
LINAI ( Caroli ) Genera Plantarum, earumque
caracteres naturales , in - 89 . Lugd. Bat.
1742.
RENATI Moreau , de Sanguinis Miſſione in
Pleuritide , in- 8°. Hale , 1742.
FRANCISCI Bruckmanni Centuria Epiftolarum
Itinerariarum , de Plantis , Vegetabilibus ,
Salibus , Vinis Hungaricis , Aquis minerali
bus , &c. in-4° . cum fig. Wolfenburella ,
1742.
HALLER ( Alb. ) Pralectiones Academica
in Boerhaavii Inftitutiones. Tomus IV. in- 8°.
Gottinga , 1743 .
LECTIONES THEOLOGICA de Religione ;
auctore D. Gabriele Muffon è Regiâ Societate,
Doctore Theologo Parifienfi , Parifiis , Typis
Claudii J. B. Heriffant , apud Claudium
J. B. Heriffant filium 1743 , 3 vol . in - 12 .
Une infinité d'Ecrivains , comme le remarque
l'Auteur de ce Traité Theologique ,
ont travaillé fur la Religion , pour la défendre
contre les Athées , les Déiftes , les
Libertins , & autres ennemis de la Vérité ;
cette
JANVIER. 1744- 117
cette matiére a produit un grand nombre
d'Ouvrages contre les Juifs , contre les Mahometans
, & on a reconnu que la lecture
de plufieurs avoit fait impreffion fur les
efprits qui fe dépouilloient de toute prévention.
Ces Ecrits ont plû à quantité de
Lecteurs , par les figures dont ils étoient ornés
, & par la force des difcours employés
fur le même fujet. Dans l'Ouvrage de M.
Miffon , les chofes font dites fimplement &
uniment , fuivant la Méthode Scholaftique.
Ce fçavant Profeffeur eft le premier qui ait
employé cette Méthode dans un fujet fi important
, comme il en avertit lui même ;
mais la manière dont il s'en fert , fait voir
qu'aucunes des preuves de notre Religion ,
tirées de l'Ecriture-Sainte , des Ouvrages
des Peres , & des raifonnemens Theologiques,
ne perdent rien de leur force , étant rédigées
en Argumens en forme : au contraire,
en difputant felon cette Méthode , on eft
plûtôt en état de confondre l'Athée ou le
Déifte le plus fubtil dans l'argumentation.
D'ailleurs , elle abbrege fort le ſtyle des
controverfes , en obligeant d'admettre ou
de nier , à méfure qu'on avance en matiére ;
de forte qu'il n'eft plus permis à l'adverfaire
de reculer , lorſqu'il a une fois admis
certains principes.
M. Muffon divife fes Leçons en deux
F vj par18
MERCURE DE FRANCE.
ties. La premiére traite de la Religion naturelle
, la feconde de la Religion furnaturella.
Dans la premiére , qui eft beaucoup
moins longue que l'autre , l'Auteur parle
du doute en matiére de Religion , du parti
qu'il faut prendre dans ce doute , de l'opinion
des Politiques touchant la Religion
des principes de la Religion naturelle , de
l'existence de la Religion , du culte extérieur
attaché à la Religion , & il finit
une Leçon fur l'infuffifance de la Religion
naturelle.
>
par
La feconde partie , qui eft très-étenduë ,
& qui comprend plus de deux Volumes ,
roule fur la Religion furnaturelle , fur la
néceffité de cette Religion , fur les moyens
de chercher & de trouver la vraie Religion ,
& fur les motifs de crédibilité.
Enfuite M. Muffon parle avec ordre de
toutes les Religions , en commençant par
le Paganifme , fur lequel il eft très - concis.
Il eft plus étendu fur la Religion Mahometane
, dont il fair voir le foible , & dont
il détruit les prétendues preuves , en fe les
propofart par formes d'objections .
La Religion des Juifs , qu'il appelle la
Religion Mofaïque , eft beaucoup plus digne
d'attention. Il en fait voir la vérité ; il
prouve l'autenticité du Pentateuque , la divinité
de cette Religion ; il en décrit la nature
,
JANVIER. 1744. 119
ture , il en dévoile les ombres ; il traite de
la nature du Régne du Meffie, des promeffes
d'une nouvelle Religion , contenues dans
l'ancienne , & il finit en prouvant qu'elle
a été abrogée , & que c'eft fur de vains fon-
, que les Juifs n'en veulent rien demens
croire.
Voilà le précis du premier Volume de
cet Ouvrage. La Religion Chrétienne fournit
feule la matiére des deux autres Volumes.
Le Sçavant Profeffeur , toujours trèsclair
& très-méthodique , entame ce fujet
par la certitude des fources de cette Religion
, qui font les Ecrits du Nouveau Teftament
; il en prouve l'autorité & la verité.
Venant enfuite aux motifs de la Religion
Chrétienne , il s'étend fur fa nature , fçavoir
, fa fainteté , fon excellence au- deffus
de la Religion Judaïque, fon utilité, eu égard
à la fociété humaine , & il fait une Leçon
expreffe fur la guerre , pour prouver contre
les Anabaptiftes , que la guerre eft permife
parmi les Princes Chrétiens.
L'article des Prophéties , fur lesquelles
cette Religion eft appuyée , eft traité dans
toute fon étendue . La derniére Leçon eft
fur la vanité des Oracles des Payens. Le paragraphe
ſuivant ne roule que fur les Miracles.
C'est là qu'on voit la précifion de
la Scholaftique , pour difcuter les chofes
Les
120 MERCURE DE FRANCE.
Les cinq Leçons fur cette matiére confiftent
à examiner ce que c'eft qu'un Miracle ,
s'il eft poffible qu'il y en ait , quelle en eft
la caufe , & à faire fentir la force & le poids
dont font les Miracles , pour prouver une
vérité.
Dans le troifiéme Tome , l'Auteur traite
des Miracles de Jeſus-Chriſt , de ſa Refurrection
, de la continuation du don des Miracles
dans l'Eglife Chrétienne , de la néceffité
des Miracles , du difcernement des vrais
Miracles d'avec les faux , & il produit cinq
régles , par lefquelles on peut diftinguer les
uns d'avec les autres. Il parle auffi du rapport
mutuel des Miracles avec les Prophé
ties . Puis il traite des Martyrs , & fait fentir
la force des preuves qu'on en tire en matiére
de Religion ; il infére ici une Leçon touchant
la maniére de diftinguer les vrais Martyrs
d'avec les faux , & c'eft en quoi il démontre
qu'on ne peut pas regarder les Quakers
d'Angleterre , comme de vrais Martyrs.
Les derniéres Leçons fervent à prouver
la vérité de la Religion Chrétienne
par
›
la manière dont elle s'eft étenduë. Enfin
l'Auteur revient contre les Juifs , qui s'opiniâtrent
à ne pas vouloir reconnoître notre
Religion. Il fait une Leçon fur leur aveu
glement , une autre fur la vengeance de
Dieu contre eux , & la derniére fur ce que
Dieu les a rejettés. Il
JANVIER . 1744. 121
Il n'eft néceſſaire de faire remarquer
pas
qu'en tout ceci , notre Profeffeur n'a fait
aucune mention des Sybilles. La Critique a
fait découvrir dans le fiécle dernier , que
leurs prétendues prédictions étoient de pures
fuppofitions , dont notre Religion n'avoit
nullement béfoin , pour être folidement
appuyée.
»
On ne fçauroit mieux finir cet Extrait du
Livre de M. Muffon , qu'en traduifant l'Approbation
de M. Millet , Cenfeur Royal :
Il déclare que cet Ouvrage étoit néceffai-
» re , furtout de nos jours ; qu'il fera d'une
» très-grande utilité aux Etudians en Théo-
» logie , & à tous ceux qui s'intéreffent à
»voir triompher la Religion Chrétienne ;
» que les argumens invincibles , qui ap-
" puyent cette Religion , y font expliqués
» avec une grande clarté , & une érudition
" exquife en même-temps ; que les vaines
»fubtilités de fes adverfaires y font propo-
»fécs dans toute leur étendue , & folide-
» ment réfutées .
HISTOIRE des Indes Orientales , anciennes
& modernes. Par M. l'Abbé Guyon , 3 Vol.
in- 12 . à Paris , chés Lottin & Butard, ruë S.
Jacques, à la Vérité ; chés la Veuve Pierres ,
vis-à- vis S. Yves , & chés Defaint & Saillant
, près le Collège de Beauvais.
Dans
122 MERCURE DE FRANCE.
Dans le premier Volume , on fait remonter
l'Hiftoire des Indes , jufqu'au tems
où Aléxandre-le-Grand en fit la conquête.
On voit dans une Carte Géographique , où
l'on a corrigé fur Arrien , les fautes de quelques
Auteurs modernes , les Pays que ce
Prince parcourut , & on en donne une Defcription
Chorographique . On traite enfuite
dans des Chapitres féparés de la Religion
des anciens Indiens , de leurs Rois , des
moeurs , du caractère , des loix , & de la divifion
des Etats. L'Auteur paffe au naturalifme
du Pays , & parle affés au long des
animaux de l'air , de la terre & de l'eau .
Suit le Commerce que les Phéniciens , les
Egyptiens , & les Romains faifoient aux Indes
. On trouvera au neuviéme Chapitre, les
Révolutions qui y font arrivées dans le
moyen âge. Enfin l'interruption des Voya
ges , & leur renouvellement par la décou
verte que les Portugais en firent.
Le fecond Volume commence par une
Carte Géographique , très-bien gravée , qui
comprend toute l'Inde moderne , foir les
Ifles , foit le Continent , avec le Plan Géométrique
de Pondichery, levé en 1741. On
y verra la Ville la mieux percée & la mieux
diftribuée , qu'il y ait dans toute l'Europe ,
& peut-être dans le Monde. Ses trois grandes
rues paralleles , tirées au cordeau , ont
près
JANVIER. 1744 127
près de 1000 toifes de long ; toutes les autres
les coupent en angles droits , & font
alignées de même.
La premiére partie de ce Volume eft
une Deſcription des Royaumes , des Pays ,
& des Ifles , qui font repréfentés dans
cette Carte. La feconde traite des differentes
Religions que l'on y fuit ; le Paganifme
du Pays , le Judaïſme , le Manichéïſme , le
Neftorianifme , le Mahometifme , la Religion
Catholique & la P. Réformée .
Le troifiéme Volume roule fur le Commerce
des Européens , dont on parle féparément.
La plus grande partie eft employée
à l'Hiftoire de notre célébre Compagnie
des Indes. L'Auteur la prend dans fon
Etabliſſement en 1664 , par M. Colbert ; il
la fuit dans fes progrès , fes affoibliffemens
& fa chûte ; il en fait voir le renouvellement
en 1719 , par la réunion de toutes les
Compagnies particuliéres , enfin le détail ,
l'étendue , les progrès , & la folidité de fon
Commerce , par les Charges & le nombre
de fes Vaiffeaux , d'où il tire naturellement
des conféquences flateufes & intéreſſantes
pour les Actionnaires . Ce Volume finit par
les Acquifitions de la Compagnie des Indes ,
depuis 1736 jufqu'en 1742 , par la gloire
& l'eftime que les François y ont acquifes ,
en remettant un Roi fur le Trône , en rétabliffant
24 MERCURE DE FRANCE .
bliffant un Prince & une Princeffe dans
leurs Etats , après les avoir pris fous la protection
du pavillon François , & en délivrant
l'Inde d'une armée de 160000 Barbares
Marattes , qui y mettoient tout à feu &
à fang , ce qui nous a procuré par reconnoiffance
de grands honneurs de la part du
Mogol. Le récit de cette derniére partie ,
eft foutenu par les Actes , les Traités , Lettres
& autres Monumens en originaux , tirés
des Archives de la Compagnie des Indes.
On y a ajouté un Mémoire inftructif
fur le Caffé d'Arabie , fait par une perfonne ,
qui y avoit réfidé long-tems.
Il y a peu d'Ouvrages modernes , qui pour
la curiofité , & pour l'utilité , puiffent être
comparés à celui-ci , & on peut dire , qu'on
ne pouvoit faire un plus riche préfent à la
République des Lettres , qui fe dédommage
ainfi quelquefois de plufieurs productions
frivoles , & tout-à-fait inutiles , dont elle
eſt comme inondée depuis quelque tems.
DESCRIPTION DE LA CORSE , & Relation
de la derniére guerre . A Paris , chés Jacques
Chardon , Imprimeur - Libraire , ruë
Galande , près la Place Maubert , à la Croix
d'or , 1743 , in- 12.
GEOGRAPHIE ABBREGE'E , par Jofeph
ValJANVIER
. 1744. 125
Vallart‹, Prêtre , 1 Vol . in -12 . de 185 pag.
chés Robinot & Mufier , Quai des Auguftins
, près de l'Eglife .
M. P. Germain qui a lû cet Ouvrage par
ordre de M. le Chancelier , en a trouvé
l'Impreffion utile au Public , à caufe de l'exactitude
, de la méthode , & de la précifion
qui y régnent .
MEMOIRES , pour fervir à l'Histoire des
Gaules & de la France , dédiés à Mrs de l'Académie
Royale des Infcriptions & Belles
Lettres , par M. Gibert. Premier Volume
touchant l'ancienne Hiftoire de France , les
noms & l'origine des Celtes , des Germains ,
des Francs , &c. A Paris , chés Bernard
Brunet , fils , Grand'Sale du Palais , à
l'Envie , 1744 , in- 12.
NOUVELLE EDITION , revûë &
corrigée de l'Explication Hiftorique des Fables
, par feu M. l'Abbé Bannier , de l'Académie
des Infcriptions & Belles- Lettres.
A Paris , chés Briaffon , Libraire , ruë faint
Jacques , 1743 , 3 Volumes in- 12 .
On vient d'imprimer à Bruxelles un Livre
intitulé : Effais fur le Genre & le Caractére
des Nations , 2 Vol. in- 12 . Ceux qui
fouhaiteront l'avoir , pourront s'adreffer
chés
126 MERCURE DE FRANCE,
chés les Sieurs Barillot pere & fils , Imprimeurs-
Libraires à Genève , 1743 .
Il paroît à Londres un Projet de Soufcription
chés W. Innys , & Manby , fur le
Ludgatt-hill , & autres Libraires , pour imprimer
une Hiftoire naturelle des Oifeaux ,
par M. Eleazar Albin , Peintre . Le fuccès
de cette Hiftoire , dès qu'elle parut pour
la
premiére fois , & le grand prix des trois
Volumes donnés en même-tems , font les
raifons qui ont engagé les Propriétaires de
l'Ouvrage à le propofer de nouveau par
Soufcription . Cet Ouvrage fera en trois
grands Volumes in- 4° . imprimé fur de beau
papier Royal , & contiendra , outre l'Hiftoire
des Oifeaux , 306 Tailles-douces trèsbien
gravées & enluminées , pour repréfenter
les Oifeaux dans leur couleur naturelle .
Le tout fera divifé en 76 nombres , & chaque
nombre contiendra quatre Planches enluminées
. avec les defcriptions imprimées ,
& coûtera deux Shillings fixfols. On ne demande
point de payement d'avance , non
plus que pour la Soufcription précédente ,
mais on prie ceux qui voudroient fe procurer
des Exemplaires de cette Hiftoire ,
d'envoyer leurs noms & leurs addreſſes aux
Sieurs Innys , & Manby , & chaque nombre
leur fera fidélement envoyé , à meſure
qu'il
JANVIER, 1744 .
127
qu'il paroîtra. On mettra cet Ouvrage fous
preffe , dès que le nombre de Soufcriptions
faire les frais de fera jugé fuffifant pour
l'entrepriſe.
Jofeph Lazzarini , Imprimeur à Rome
a publié un Programme , dans lequel il
donne avis aux Amateurs des Antiquités ,
qu'il imprime actuellement un Réglement
complet des Médailles des Souverains Pontifs
, jufqu'à notre tems. M. l'Abbé Venuti ,
qui en eft l'Auteur , y fuit la méthode que
M. Vaillant a gardé dans fon Traité intitulé
: Numifmata Imperatorum Romanorum
præftantiora , dont Lazzarini publiera inceffamment
une nouvelle Edition . Il met d'abord
, fuivant l'ordre Chronologique , la
Figure avec les attributs de toutes les Médailles
de chaque Souverain Pontife , & le
revers d'une feule de ces Médailles gravés
en cuivre ; il joint à chacune de ces mêmes
Médailles fon explication , avec toute la
briéveté & la clarté poffibles ; il ajoûte ce
le P. Bonanni a omis dans fa Collection
, & afin de ne rien laiſſer à deſirer , il
donne une Table des Médailles fauffes &
des Types que le P. Bonanni a données
comme vrais & exiftans , & qui n'ont jamais
été frappés.
que
On trouvera au commencement une Préface
,
228 MERCURE DE FRANCE.
face , dans laquelle M. Venuti traite de ceux
qui ont frappé ces Médailles , & dont plus
de 40 n'ont travaillé qu'à celles des Papes ,
& qu'il fera connoître , autant que le filence
des Auteurs , & l'obfcurité des tems l'ont
permis. Cet Ouvrage formera un grand
in- 4° . enrichi de tous les ornemens qui
peuvent contribuer à embellir un Livre. Il
paroîtra au mois de Mai prochain : le prix
de la Soufcription eft d'un Sequin de Venife
environ d'onze livres , Monnoye de
France , qu'on payera , en foufcrivant , à
l'Imprimeur. La Soufcription fera ouverte
jufqu'au premier Février 1744 .
>
Thomas Aftley , Libraire à Londres , à la
Rofe , dans S. Paul's Church-Yard' , va
mettre fous-Preffe par Soufcription , avec
Privilége , & Permiffion du Roi , une nouvelle
Collection de Voyages , plus ample ,
plus méthodique , & plus exacte qu'aucune
de celles qui ont été publiées jufqu'à préfent
, confiftant en plus de 500 Relations
des plus eftimées , dont une partie confidérable
a été traduite nouvellement pour la
premiere fois de Langues étrangeres , l'objet
de cet Ouvrage étant également de fuppléer
les imperfections de la Collection du
Docteur Harris , & de la continuer juſqu'au
tems préfent. Le tout entremêlé des plus
remarJANVIER.
1744. 7
›
129
remarquables Expéditions, des Batailles navales
, des naufrages , captivités , fuites , &
d'autres avantures capables d'occuper agréablement
, tant fur Terre que fur Mer , enrichie
non- feulement de Planches choifies ,
prifes de divers Auteurs , & de Cartes Géographiques
, entiérement neuves , afforties
à l'Ouvrage , mais encore d'affés de traits
d'Hiftoire , & de Géographie moderne ,
pour fervir à faire mieux connoître l'état
préfent de toutes les Nations. Cet Ouvrage
, qui contiendra environ 400 feuilles ,
fera imprimé en 4 Volumes in- 4°. fur du
papier & en caractéres femblables ,
ceux du Profpectus , qu'on en a publié ; on
en debitera chaque Semaine pour le prix
de fix fols , trois feuilles couvertes d'un papier
bleu , lefquelles contiendront autant
d'impreffion que fix d'un in-8 ° . ou in-folio
commun . Les Cartes neuves feront eftimées
deux feuilles , quoique la dépenfe de
les graver & de les tirer foit égale à la dépenfe
de trois feuilles , & chaque demifeuille
des Planches fera eftimée une feuille.
La premiere fourniture ou le premier nombre
a été publié le Samedi , trois Décembre
1743 , V. S. & les nombres fuivans .
ont dû & doivent être publiés réguliérement
chaque Samedi au matin , jufqu'à ce
que le tout foit achevé . Ceux qui auront
acheté
130 MERCURE DE FRANCE.
acheté le premier nombre , & qui n'en ſeferont
bien venus à leront
pas contens ,
changer pour un autre Livre. On trouverá
des Soufcriptions chés les Libraires & Imprimeurs
de la Grande-Bretagne & de l'Irlande.
LE CAS SINGULIER de M. Jean
Ferguson de la Province d'Argyle, en Ecoffe,
qui a vécu plus de dix -huit années fans
prendre d'autre nourriture que l'eau , le petit
lait , ou l'eau d'Orge , avec des obfervations
, où l'on fait voir la poffibilité de ce
cas attefté à la Société Royale le Jeudi 9 Décembre
1742. V.S. par M. Charles Champbell
, Prédicateur de l'Evangile en Ecoffe ,
qui a vécu & converfé avec M. Ferguffon ;
appuyé par les Auteurs fur des cas de même
efpéce , où l'on rapporte les raifons , pourquoi
une fi modique nourriture eft capable
de foûtenir la vie fi long-tems , &c. Par M.
Thomas Vmfreville. D. M, à Londres , chés
W. Reafon , dans Fleet- Street , 1743 , in - 8 °.
L'Ouvrage eft en Anglois.
NOUVELLE EDITION des OEuvres de M.
Jean Bacquet , augmentée confidérablement
par M. de Ferriere , deux Vol . in-fol . 1743 .
A Lyon , chés les Freres Duplain , Libraires ,
ruë Merciére .
Les
JANVIER. 1744. 131
Les mêmes Libraires ont auffi publié un
fecond Volume des Effais , fur l'Hiftoire des
Belles-Lettres , des Sciences , & des Arts.
Par M. Juvenel , 1743. in- 12.
ON vient de publier à Nantes , une nouvelle
Edition de l'Ouvrage de M. de Roye ,
touchant le droit de Patronage , & touchant
les Droits honorifiques , fous ce Titre : Francifcus
de Roye , Anteceffor Andegavenfis ad
Tit. de Jure Patronatus , Lib. 3. Decretalium.
Ejufdem deJuribus honorificis in Ecclefia, Lib.
2. Nova Editio , cui plurima accefferunt , que
Prafatio declarabit. Nannetis , apud Antonium
Marie , Typograph. & Bibliopol, via magnâ
B. V. Maria Affumptionis , 1743 , in-4° .
DISSERTATIONS Hiftoriques , de M. Dominique
Marie Manni , fur les Sceaux antiques
des bas fiécles , T. XIII. in -4°. 1743 .
STORIA della Nafcita delle Scienze ; e Belle-
Lettere , colla ferie degli vomini illuſtri , che
L'ahnno accrefciute , ove fi notano le opere piu
infigni di quelle che in ciafcuna di effe hanno
Scritto , e quando quefta la prima volta ufciffero
alle Stampe , accennandone di poi la migliore ,
&piu corretta edizione ; Trattenimenti del Dot-
1ore Franceſco Argelati di Bologna . In Firenze
, 1743 , in- 8 ° . Cet Ouvrage , felon le
G plan
228 MERCURE DE FRANCE.
face , dans laquelle M. Venuti traite de ceux
qui ont frappé ces Médailles , & dont plus
de 40 n'ont travaillé qu'à celles des Papes ,
& qu'il fera connoître , autant que le filence
des Auteurs , & l'obfcurité des tems l'ont
permis. Cet Ouvrage formera un grand
in-4° . enrichi de tous les ornemens qui
peuvent contribuer à embellir un Livre . Il
paroîtra au mois de Mai prochain : le prix
de la Soufcription eft d'un Sequin de Venife
, environ d'onze livres , Monnoye de
France , qu'on payera , en foufcrivant , à
l'Imprimeur. La Soufcription fera ouverte
jufqu'au premier Février 1744 .
Thomas Aftley , Libraire à Londres , à la
Rofe , dans S. Paul's Church- Yard' , va
mettre fous-Preffe par Soufcription , avec
Privilége , & Permiffion du Roi , une nouvelle
Collection de Voyages , plus ample ,
plus méthodique , & plus exacte qu'aucune
de celles qui ont été publiées jufqu'à préfent
, confiftant en plus de 500 Relations
des plus eftimées , dont une partie confidérable
a été traduite nouvellement pour la
premiere fois de Langues étrangeres , l'objet
de cet Ouvrage étant également de fuppléer
les imperfections de la Collection du
Docteur Harris , & de la continuer jufqu'au
tems préfent. Le tout entremêlé des plus
remarJANVIER.
1744. 129 2
remarquables Expéditions, des Batailles navales
, des naufrages , captivités , fuites , &
d'autres avantures capables d'occuper agréablement
, tant fur Terre que fur Mer , enrichie
non -feulement de Planches choifies ,
prifes de divers Auteurs , & de Cartes Géographiques
, entiérement neuves , afforties
à l'Ouvrage , mais encore d'affés de traits
d'Hiftoire , & de Géographie moderne ,
pour fervir à faire mieux connoître l'état
préfent de toutes les Nations. Cet Ouvrage
, qui contiendra environ 400 feuilles ,
fera imprimé en 4 Volumes in-4° . fur du
papier , & en caractéres femblables å
ceux du Profpectus , qu'on en a publié ; on
en debitera chaque Semaine pour le prix
de fix fols , trois feuilles couvertes d'un papier
bleu , lefquelles contiendront autant
d'impreffion que fix d'un in-8 °. ou in-folio
commun. Les Cartes neuves feront eftimées
deux feuilles , quoique la dépenfe de
les graver & de les tirer foit égale à la dépenfe
de trois feuilles , & chaque demifeuille
des Planches fera eftimée une feüille .
La premiere fourniture ou le premier nombre
a été publié le Samedi , trois Décembre
1743 , V. S. & les nombres fuivans .
ont dû & doivent être publiés réguliérement
chaque Samedi au matin , jufqu'à ce
le tout foit achevé. Ceux qui auront
que
acheté
130 MERCURE DE FRANCE.
acheté le premier nombre , & qui n'en ſeront
pas contens feront bien venus à le
changer pour un autre Livre. On trouvera
des Soufcriptions chés les Libraires & Imprimeurs
de la Grande-Bretagne & de l'Irlande.
LE CAS SINGULIER de M. Jean
Ferguffon de la Province d'Argyle , en Ecoffe,
qui a vécu plus de dix-huit années fans
prendre d'autre nourriture que l'eau , le petit
lait , ou l'eau d'Orge , avec des obfervations
, où l'on fait voir la poffibilité de ce
cas atteſté à la Société Royale le Jeudi 9 Décembre
1742. V.S. par M. Charles Champbell
, Prédicateur de l'Evangile en Ecoffe
qui a vécu & converfé avec M. Ferguſon ;
appuyé par les Auteurs fur des cas de même
efpéce , où l'on rapporte les raifons , pourquoi
une fi modique nourriture eft capable
de foûtenir la vie fi long-tems , &c . Par M.
Thomas Vmfreville. D. M, à Londres , chés
W. Reafon , dans Fleet- Street , 1743 , in - 8 ° .
L'Ouvrage eft en Anglois.
NOUVELLE EDITION des OEuvres de M.
Jean Bacquet , augmentée confidérablement
M. de Ferriere , deux Vol. in -fol . 1743 .
par
A Lyon , chés les Freres Duplain , Libraires ,
ruc Merciére .
Les
JANVIER. 1744. 131
Les mêmes Libraires ont auffi publié un
fecond Volume des Effais , fur l'Hiftoire des
Belles- Lettres , des Sciences , & des Arts.
Par M. Juvenel , 1743. in-12.
ON vient de publier à Nantes , une nouvelle
Edition de l'Ouvrage de M. de Roye ,
touchant le droit de Patronage , & touchant
les Droits honorifiques , fous ce Titre : Francifcus
de Roye , Anteceffor Andegavenfis ad
Tit. de Jure Patronatus , Lib. 3. Decretalium .
Ejufdem de Furibus honorificis in Ecclefia, Lib.
2. Nova Editio , cui plurima accefferunt , que
Præfatio declarabit. Nannetis, apud Antonium
Marie, Typograph. & Bibliopol. viâ magnâ
B. V. Maria Affumptionis , 1743 , in-4° .
- DISSERTATIONS Hiftoriques , de M. Dominique
Marie Manni , fur les Sceaux antides
bas fiécles , T. XIII . in -4°. 1743 .
ques
STORIA della Nafcita delle Scienze ; e Belle-
Lettere , colla ferie degli vomini illuftri , che
l'ahnno accrefciute , ove fi notano le opere piu
infigni di quelle che in ciascuna di effe hanno
Scritto , e quando quefta la prima volta ufciffero
alle Stampe , accennandone di poi la migliore ,
&piu corretta edizione ; Trattenimenti del Dottore
Francefco Argelati di Bologna. In Firenze
, 1743 , in- 8 ° . Cet Ouvrage , felon le
plan
132 MERCURE DE FRANCE.
plan que l'Auteur en donne lui-même au
commencement , eft un abbregé de l'Hiftoire
Grecque , Romaine & Eccléfiaftique.
M. Argelati commence par l'origine des
caractéres , & par celle de l'écriture ; il
paffe enfuite aux premiers hommes , qui ont
écrit de l'Hiftoire ; dans le cours de l'Ouvrage
, il marque les principales époques ;
il parle en peu de mots des grand hommes ,
& de leurs belles actions , des Ecrivains &
de leurs Ouvrages , des premiéres & des
meilleures Editions , qu'on en a données .
Il finit par traiter de l'origine de la Langue
Italienne , & de ceux qui ont le plus contribué
à fon illuſtration.
LUCERNA FICTILES Mufei Pafferii , fump
tibus Academia Pifaurenfis. Volumen II . Pifauri
, 1743. in-fol. Ce fecond Tome , contient
104 Lampes gravées , après lefquelles
l'Auteur a mis fes Remarques.
>
François Pitteri , Imprimeur-Libraire à
Venife , qui a entrepris de donner une nouvelle
Edition du Dictionnaire de Morery , en
a publié le premier Volume contenant la
lettre A. Ce Volume eft bien imprimé , plus
étendu & plus correct que celui de la derniére
Edition de Hollande , 1743. Cette
Edition fera in-fol . & in- 4° .
Jean
JANVIER. 1744. 133
Jean Neaulme , Libraire , à la Haye , mettra
inceffamment en vente , les deux derniers
Volumes , c'est-à-dire , le neuviéme & le
dixième , du Recueil des Actes de Rymer,
Cet Ouvrage , qui comprend vingt Vol,
de l'Edition de Londres , & qui a été `imprimé
à la Haye en 10 Vol . coutera 150 Florins
en petit papier , & 300 en grand papier.
On a traduit en François dans cette
derniére Edition , les Piéces qui font en Anglois
, & on a joint au dernier Volume , une
Table générale des Matiéres , qui manquoit
dans les Editions précédentes.
ſé
NOUVELLE TRADUCTION Françoiſe en
Vers , de l'Art de conferver la fanté , compopar
l'Ecole de Salerne , à la Haye , chés
Jean Van Durex , 1743 , in- 12. Le Traduc
teur a joint àfon Ouvrage un Difcours , dans
lequel il donne l'idée & l'Hiftoire de l'Ecole
de Salerne , ainfi que de l'Ouvrage même
qu'il a traduit.
M. Th. Maugey , Chanoine de l'Eglife de
Durham , & Profeffeur en Théologie , a
donné une belle Edition des OEuvres de
Philon le Juif , en deux Vol. in-fol , à Londres,
chés Guill. Innys & Charles Bathurf
1742.
Dans la Préface , l'Auteur rejette le fenti-
Gij ment
134 MERCURE DE FRANCE.
ment de ceux qui ont crû que Philon avoit
embraffé le Chriftianifme , & qu'il y avoit
enfuite renoncé , pour retourner au Judaïfme.
Dans cette nouvelle Edition , il y a
quelques Traités, qui n'avoient point encore
été imprimés.
M. Campel a donné en Anglois les Vies
des Amiraux & autres Officiers de Mer , les
plus célébres de la Nation . L'Hiftoire de la
Marine , & du Commerce d'Angleterre ,
rend cet Ouvrage curieux & intéreſſant :
il mériteroit une bonne traduction . Ce font
deux Vol. in-8°.
par
INTRODUCTION à l'Hiftoire Univerfelle ,
le B. de Puffendorf, completée & continuée
jufqu'à l'année 1743 , par M. Bruzen
de la Martiniere , dix Vol. in- 12 , à
la Haye.
L'Ouvrage eſt tout-à- fait refondu. L'Auteur
attend la fin de la Guerre , pour augmenter
les deux derniers Volumes.
QUESTION proposée par M. P.
Th. ***
à
On demande , s'il eft plus avantageux
un homme , pour fon vrai bonheur , d'ignorer
toutes les Sciences & les Arts , ou de les
poffeder
JANVIER. 1744 135
poffeder tous , en fuppofant que l'une de
ces deux qualités donne l'exclufion à l'autre.
›
On a été mal informé , au fujet d'un Mémoire
envoyé de Nantes , & imprimé dans
le Mercure de France , du mois de Novembre
dernier , pag. 2490 concernant un
Reméde fpecifique pour la guérifon de la
goute , dont M. Keradock eft poffeffeur ; il
eft dit fur la fin du Mémoire , que ceux qui
voudront ufer de ce Remede , & écrire audit
Sr Keradock , n'auront qu'à adreffer leurs
lettres à M. de La Haye Rabux , Procureur
au Préfidial de Nantes. Cependant nous
avons reçû une lettre écrite de la même
Ville le 14 Janvier , fignée De la Haye
Rabux , par laquelle ledit Sr. Rabux nous
mande n'avoir jamais eu aucune liaiſon ni
connoiffance avec l'Auteur de ce Reméde.
On avertit auffi que toutes les lettres qu'on
pourroit écrire audit Sr Keradock , à l'adreffe
de M. De la Haye Rabux , ne feront
point retirées.
Le Gras Libraire , Grand'Sale du Palais
à Paris , vient de mettre en vente une nouvelle
Edition, confidérablement augmentée,
du Traité des Matieres Criminelles , fuivant
l'Ordonnance de 1670 , avec tous les
Edits , Arrêts & Réglemens rendus jufqu'à
G iij préfent
I
CH-AUXDENIERS
7744
SUPPETET
ER
V
ENO
AND
FOUNDATIONS
.
ET
SAPIENTIA
LARORIBUS
EXTRAORDINAIRE
DES GUERRES
1744
AGO
VIII
DESEVIE
EMS
MARINE.
1744
DECUS
JANVIER . 1744. 137
'appuyant de l'autre fur fon Egide : Propriis confidit
in armis.
V. EXTRAORDINAIRE DES GUERRES.
Hercule , couvert de la peau du Lion de Nemée,
& montrant fa Maffuë : Novis fuppetet laboribus.
VI. BATIMENS DU ROI.
Un Niveau : Fortior quo rectior.
VII. ARTILLERIE .
Le Dragon à la porte du Jardin des Hefperides ,
Non impunè tentatur aditus.
VIII. MARINE.
Thétis , qui repofe tranquillement fur le rivage.
d'une Mer agitée. Dum pelago defavit hiems.
IX. GALERES.
Des Syrennes rangées le long d'une Côte : Docta
fallere fluctus.
X. MAISON DE LA REINE.
Une Pierre d'Aiman armée . Ex virtute decus.
XI. LA VILLE DE PARIS.
Les Armes de la Ville d'un côté , celles de M.
Louis-Bazile de Bernage , Prévôt des Marchands de
l'autre ,fon nom fes qualités autour.
ESTAMPES NOUVELLE S.
Grande Eftampe en large , d'une excellente compofition
, & dont tous les caractéres font juftes &
expreffifs . C'eft un Combat de Cavalerie , l'épée à la
main , dont l'action eft très-vive . Cette Eftampe eft
fort bien gravée par Joh. Mart Preifter , d'après le
G iiij Tableau
228 MERCURE DE FRANCE.
face , dans laquelle M. Venuti traite de ceux
qui ont frappé ces Médailles , & dont plus
de 40 n'ont travaillé qu'à celles des Papes ,
& qu'il fera connoître , autant que le filence
des Auteurs , & l'obfcurité des tems l'ont
permis. Cet Ouvrage formera un grand
in-4° . enrichi de tous les ornemens qui
peuvent contribuer à embellir un Livre . Il
paroîtra au mois de Mai prochain : le prix
de la Soufcription eft d'un Sequin de Venife
, environ d'onze livres , Monnoye de
France , qu'on payera , en foufcrivant , à
I'Imprimeur. La Souſcription fera ouverte
jufqu'au premier Février 1744 .
Thomas Aftley , Libraire à Londres , à la
Rofe , dans S. Paul's Church-Yard' , va
mettre fous-Preffe par Soufcription , avec
Privilége , & Permiffion du Roi , une nouvelle
Collection de Voyages , plus ample ,
plus méthodique , & plus exacte qu'aucune
de celles qui ont été publiées jufqu'à préfent
, confiftant en plus de 500 Relations
des plus eftimées , dont une partie confidérable
a été traduite nouvellement pour la
premiere fois de Langues étrangeres , l'objet
de cet Ouvrage étant également de fuppléer
les imperfections de la Collection du
Docteur Harris , & de la continuer jufqu'au
tems préfent. Le tout entremêlé des plus
remar-
*
JANVIER. 1744. -2
>
129
remarquables Expéditions , des Batailles navales
, des naufrages , captivités , fuites , &
d'autres avantures capables d'occuper agréablement
, tant fur Terre que fur Mer ; enrichie
non-feulement de Planches choifies ,
prifes de divers Auteurs , & de Cartes Géographiques
, entiérement neuves , afforties
à l'Ouvrage , mais encore d'affés de traits
d'Hiftoire , & de Géographie moderne
pour fervir à faire mieux connoître l'état
préfent de toutes les Nations. Cet Ouvrage
, qui contiendra environ 400 feuilles ,
fera imprimé en 4 Volumes in-4°. ſur du
papier & en caractéres femblables , àહૈ
ceux du Profpectus , qu'on en a publié ; on
en debitera chaque Semaine pour le prix
de fix fols , trois feuilles couvertes d'un papier
bleu , lefquelles contiendront autant
d'impreffion que fix d'un in- 8 °. ou in -folio"
commun. Les Cartes neuves feront eftimées
deux feuilles , quoique la dépenfe de
les graver & de les tirer foit égale à la dépenfe
de trois feuilles , & chaque demifeuille
des Planches fera eftimée une feuille .
La premiere fourniture ou le premier nombre
a été publié le Samedi , trois Décembre
1743 , V. S. & les nombres fuivans .
ont dû & doivent être publiés réguliérement
chaque Samedi au matin , jufqu'à ce
le tout foit achevé . Ceux qui auront que
acheté
130 MERCURE DE FRANCE .
acheté le premier nombre , & qui n'en ſe- ·
ront pas contens , feront bien venus à le
changer pour un autre Livre. On trouvera
des Soufcriptions chés les Libraires & Imprimeurs
de la Grande-Bretagne & de l'Irlande.
LE CAS SINGULIER de M. Jean
Ferguffon de la Province d'Argyle, en Ecoffe,
qui a vécu plus de dix-huit années fans
prendre d'autre nourriture que l'eau , le petit
lait , ou l'eau d'Orge , avec des obfervations
, où l'on fait voir la poffibilité de ce
cas atteſté à la Société Royale le Jeudi 9 Décembre
1742. V.S. par M. Charles Champbell
, Prédicateur de l'Evangile en Ecoffe ,
qui a vécu & converfé avec M. Ferguffon ,
appuyé par les Auteurs fur des cas de même
efpéce , où l'on rapporte les raifons , pourquoi
une fi modique nourriture eft capable
de foûtenir la vie fi long-tems , &c. Par M.
Thomas Vmfreville. D. M, à Londres , chés
W. Reafon , dans Fleet- Street , 1743 , in- 8 ° .
L'Ouvrage eft en Anglois.
NOUVELLE EDITION des OEuvres de M.
Jean Bacquet , augmentée confidérablement
par M. de Ferriere , deux Vol. in-fol . 1743 .
A Lyon , chés les Freres Duplain , Libraires ,
ruc Merciére .
Les
JANVIER. 1744. 131
Les mêmes Libraires ont auffi publié un
fecond Volume des Effais , fur l'Hiftoire des
Belles -Lettres , des Sciences , & des Arts.
Par M. Juvenel , 1743. in-12.
ON vient de publier à Nantes , une nouvelle
Edition de l'Ouvrage de M. de Roye ,
touchant le droit de Patronage , & touchant
les Droits honorifiques , fous ce Titre : Francifcus
de Roye , Anteceffor Andegavenfis ad
Tit. de Jure Patronatus , Lib. 3. Decretalium.
Ejufdem de Juribus honorificis in Ecclefiâ , Lib.
2. Nova Editio , cui plurima accefferunt , que
Prafatio declarabit . Nannetis, apud Antonium
Marie , Typograph . & Bibliopol. viâ magnâ
B. V. Maria Affumptionis , 1743 , in-4° .
DISSERTATIONS Hiftoriques , de M. Dominique
Marie Manni , fur les Sceaux antiques
des bas fiécles , T. XIII. in -4°. 1743 •
STORIA della Nafcita delle Scienze ; e Belle-
Lettere , colla ferie degli vomini illuftri , che
l'abnno accrefciute , ove fi notano le opere piu
infigni di quelle che in ciafcuna di effe hanno
Scritto , e quando quefta la prima volta uſciſſero
alle Stampe , accennandone di poi la migliore ,
& piu corretta edizione ; Trattenimenti del Dottore
Francefco Argelati di Bologna. In Firenze
, 1743 , in- 8 ° . Cet Ouvrage , felon le
G plan
132 MERCURE DE FRANCE.
plan que l'Auteur en donne lui- même au
commencement , eft un abbregé de l'Hiftoire
Grecque , Romaine & Eccléfiaftique.
M. Argelati commence par l'origine des
caractéres , & par celle de l'écriture ; il
paffe enfuite aux premiers hommes , qui ont
écrit de l'Hiftoire ; dans le cours de l'Ouvrage
, il marque les principales époques ;
il parle en peu de mots des grand hommes ,
& de leurs belles actions , des Ecrivains &
de leurs Ouvrages , des premiéres & des
meilleures Editions , qu'on en a données.
Il finit par traiter de l'origine de la Langue
Italienne , & de ceux qui ont le plus contribué
à fon illuftration .
LUCERNE FICTILES Mufei Pafferii ,fump
tibus Academia Pifaurenfis. Volumen II . Pifauri
, 1743. in-fol. Ce fecond Tome , contient
104 Lampes gravées , après leſquelles
l'Auteur a mis fes Remarques.
François Pitteri , Imprimeur-Libraire à
Venife , qui a entrepris de donner une nouvelle
Edition du Dictionnaire de Morery , en
a publié le premier Volume , contenant la
lettre A. Ce Volume eft bien imprimé , plus
étendu & plus correct que celui de la derniére
Edition de Hollande , 1743. Cette
Edition fera in-fol. & in-4°.
Jean
JANVIER. 1744. 133
Jean Neaulme , Libraire , à la Haye , mettra
inceffamment en vente , les deux derniers
Volumes , c'eſt-à-dire , le neuviéme & le
dixième , du Recueil des Actes de Rymer,
Cet ouvrage , qui comprend vingt Vol,
de l'Edition de Londres , & qui a été imprimé
à la Haye en 10 Vol . coutera 150 Florins
en petit papier , & 300 en grand papier.
On a traduit en François dans cette
derniére Edition , les Piéces qui font en Anglois
, & on a joint au dernier Volume , une
Table générale des Matiéres , qui manquoit
dans les Editions précédentes.
NOUVELLE TRADUCTION Françoiſe en
Vers , de l'Art de conferver la fanté , compofé
par l'Ecole de Salerne , à la Haye , chés
Jean Van Durex , 1743 , in - 12 . Le Traducteur
a joint à fon Ouvrage un Difcours, dans
lequel il donne l'idée & l'Hiftoire de l'Ecole
de Salerne , ainſi que de l'Ouvrage même
qu'il a traduit.
M. Th. Maugey , Chanoine de l'Eglife de
Durham , & Profeffeur en Théologie , a
donné une belle Edition des OEuvres de
Philon le Juif , en deux Vol . in-fol. à Londres
, chés Guill . Innys & Charles Bathurf
1742.
Dans la Préface , l'Auteur rejette le ſenti-
Gij ment
134 MERCURE DE FRANCE.
ment de ceux qui ont crû que Philon avoit
embraffé le Chriftianifme , & qu'il y avoit
enfuite renoncé , pour retourner au Judaïf-
\me. Dans cette nouvelle Edition , il y a
quelques Traités, qui n'avoient point encore
été imprimés.
M. Campel a donné en Anglois les Vies
des Amiraux & autres Officiers de Mer , les'
plus célébres de la Nation . L'Hiftoire de la
Marine , & du Commerce d'Angleterre
rend cet Ouvrage curieux & intéreffant :
il mériteroit une bonne traduction . Ce font
deux Vol. in-8°.
INTRODUCTION à l'Hiftoire Univerſelle ,
par le B. de Puffendorf, completée & continuée
jufqu'à l'année 1743 , par M. Bruzen
de la Martiniere dix Vol. in- 12 , à
la Haye.
L'Ouvrage est tout-à-fait refondu . L'Auteur
attend la fin de la Guerre , pour augmenter
les deux derniers Volumes.
QUESTION proposée par M. P.
Th. ***
On demande , s'il eft plus avantageux à
un homme , pour fon vrai bonheur , d'ignorer
toutes les Sciences & les Arts , ou de les
poffeder
JANVIER. 1744 135
poffeder tous , en fuppofant que l'une de
ces deux qualités donne l'exclufion à l'autre.
On a été mal informé , au fujet d'un Mémoire
envoyé de Nantes , & imprimé dans
le Mercure de France , du mois de Novembre
dernier , pag. 2490 , , pag. 2490 , concernant un
Reméde ſpecifique pour la guérifon de la
goute , dont M. Keradock eft poffeffeur ; il
eft dit fur la fin du Mémoire , que ceux qui
voudront ufer de ce Remede , & écrire audit
Sr Keradock , n'auront qu'à adreffer leurs
lettres à M. de la Haye Rabux , Procureur
au Préfidial de Nantes. Cependant nous
avons reçû une lettre écrite de la même
Ville le 14 Janvier , fignée De la Haye
Rabux , par laquelle ledit Sr. Rabux nous
mande n'avoir jamais eu aucune liaiſon ni
connoiffance avec l'Auteur de ce Reméde .
On avertit auffi que toutes les lettres qu'on
pourroit écrire audit Sr Keradock , à l'adreffe
de M. De la Haye Rabux , ne feront
point retirées .
Le Gras Libraire , Grand'Sale du Palais
à Paris , vient de mettre en vente une nouvelle
Edition , confidérablement augmentée,
du Traité des Matieres Criminelles , fuivant
l'Ordonnance de 1670 , avec tous les
Edits , Arrêts & Réglemens rendus jufqu'à
G iij préfent
236 MERCURE DE FRANCE.
préfent fur cette matiére , par M. Guy du
Rouffeau de la Combe , 1. vol. in-4°. du prix
de 10 livres.
Le même Libraire vient auffi d'imprimer
les Tomes IX . & X. des Vies des Hommes
Illuftres de la France , par M. d'Auvigny.
L'Académie Françoiſe diftribuera , dans
l'Affemblée publique qu'elle tiendra le 25
du mois d'Août prochain , le Prix de Poëfie,
fondé par le feu Evêque de Noyon , & elle
propofe pour Sujet : Les Progrès de la Comédie
Jous le Regne de Louis le Grand.
JETTO NS frappés pour le premier jour
de Janvier M. DCC . XLIV . avec
Explication des Types , &c.
I. TRESOR ROYA L.
Un Palmier , dont les branches font chargées de
Cafques , de Boucliers , & autres Armes : Valent
in pondere vives.
II. PARTIES CASUELLES.
Le Bouclier , que les Romains nommoient ANCILE.
Vitandis uneribus .
III. CHAMBRE AUX DENIER s .
Une Couronne , foutenue par l'Abondance d'un
côté, & de l'autre par Minerve : Divitiis fapientia.
IV . ORDINAIRE DES GUERRES.
Pallas debout , tenant fa Pique d'une main , &
s'ap
THE
NEW
YORK
JETTONS DELAN
ON OST HERARY,
I
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONE
VALENT
TRESOR BOTAL
1744
IV
CONFIDIT
PONDERA
VIRES
IN
VI
ORDINAIRE DES
GUERRES.
1744
FORTIOR
ARMIS
RECTIOR
VITANDIS
REX
VII
FUNERIBUS
PARTIES
CASU ELLES
1744
IMPUNE
BATIMENS DV ROY
5744
IX
FALLERE
AL
CHRISTIANISS
TENTAATUR
ADITUS
ARTILLERIE
1744
VIRTU
F
LUCTUS
GALERES
1744
MAISON
LA R
174
INERY
LENO
AND FOUNDATIONS
.
ET
STILIATO
CH-AUXDENIERS
7744
SUPPETET
V
LARORIBUS
NOVIS
EXTRAORDINAIRE
DES GUERRES
17440
VIII
DESEVIT
PELAG
TE
MARINE .
1744
DE
EINE
DECUS
Χ
плод Г
JANVIER.¸ 1744. 137
s'appuyant de l'autre fur fon Egide : Propriis confidit
in armis.
V. EXTRAORDINAIRE DES GUERRES .
Hercule , couvert de la peau du Lion de Nemée,
& montrant la Maffuë : Novis fuppetet laboribus.
VI. BATIMENS DU ROI.
Un Niveau : Fortior quo rectior.
VII. ARTILLERIE .
Le Dragon à la porte du Jardin des Heſperides ,
Non impunè tentatur aditus.
VIII. MARINE .
Thétis , qui repofe tranquillement fur le rivage
d'une Mer agitée. Dum pelago defavit hiems.
IX. GALERES.
Des Syrennes rangées le long d'une Côte : Docta
fallere fluctus.
X. MAISON DE LA REINE .
Une Pierre d'Aiman armée. Ex virtute decus.
XI. LA VILLE DE PARIS.
Les Armes de la Ville d'un côté , celles de M.
Louis-Bazile de Bernage , Prévôt des Marchands de
l'autre , fon nom &fes qualités autour.
ESTAMPES NOUVELLES .
Grande Eftampe en large , d'une excellente compofition
, & dont tous les caractéres font justes &
expreffifs.C'eft un Combat de Cavalerie , l'épée à la
main , dont l'action eft très- vive . Cette Eftampe eft
fort bien gravée par Joh . Mart Preifter , d'après le
Giiij Tableau
138 MERCURE DE FRANCE.
Tableau original de M. Paroffel ; dédiée à S. A. S,
M. le Prince de Conty , par le Sr Jacques- Philippe
le Bas , Graveur du Roi , chés lequel elle fe vend ,
au bas de la ruë de la Harpe .
".
Le même Sr le Bas travaille fans relâche à graver
la fuite des Tableaux de D. Teniers. Il y en
actuellement trente- deux Morceaux en vente .
LE VOYAGE , Eftampe en hauteur, très - bien
gravée par C. N. Cochin , d'après le Tableau de M.
Pierre , Peintre de l'Académie ; c'eft un Payfan , qui
aide une jeune Bergére à monter fur une bourique ;
cette Eftampe fe vend chés E. Feffard , Cloître faint
Germain de l'Auxerrois.
LA BERGE'RE. Cette Eftampe fait Pendant à la
précédente; elle fe vend chés Fellard, qui l'a gravée,
ruë de la Harpe , vis - à- vis la rue Serpente .
La Suite des Rois de France , qu'Odieuvre a fait
graver , eft finie , & elle fe débite chés lui , féparément
de fa grande fuite des Perfonnes Illuftres . Il
vend le vrai Portrait de Pierre de Bourdeille , Seigneur
de Brantôme , different de celui d'André de
Bourdeille , qui a été mis dans la nouvelle Edition
d'Hollande . Le même Odieuvre vient de mettre en
vente ceux de ,
FRANÇOIS I , LVII . Roi de France , mort à Ram
boüillet le 30 Mars 1547 , après 32 ans de Régne .
HENRI II. LVIII . Roi de France , mort à Paris
le 9 Juillet 1559 , après 12 ans de Régne , deffiné
par A. Boizot , & gravé par Et. Feffard.
FRANÇOIS II. LIX . Roi de France , mort à Ore
leans en 1560, après 18 mois de Regne ,deffiné par
A. Boizot , & gravé par Filloul .
CHARLES IX. LX. Roi de France , mort à Vincennes
JANV.IE R. 1744. 139
cennes en 1574 , après 14 ans de Régne ,
par A. Boizot , & gravé par Filloul.
deffiné
HENRI III. LXI . Roi de France , mort à Saine
Cloud en 1589 , après 15 ans de Régne , defliné
& gravé par les mêmes .
HENRI IV. DIT LE GRAND , LXII. Roi de France
, mort à Paris le 14 Mai 1610 , après 21 ans de
Régne , deffiné par A. Boizot , & gravé par C.
Dupuis.
, LOUIS XIII. DIT LE JUSTB LXIII . Roi de
France , mort à S. Germain en Laye en 1643 , après
33 ans de Régne , deffiné & gravé par les mêmes.
MARIE DE MEDICIS , Reine de France , née à
Florence le 26 Avril 1575 , morte à Cologne le 3
Juillet 1642 , peinte pár A. P. & gravée par Feſſard .
ELIZABETH PETROWNA , fille de Pierre I. Impératrice
de Mofcovie , née le 29 Décembre 1710 ,
peinte par Caravage, & gravée par Pinffio.
ARTUS DE COSSE' BRISSAC , Maréchal de France,
Grand Pannetier, Chevalier des Ordres du Roi,
Miniftre d'Etat , Sur Intendant des Finances , Gollverneur
d'Anjou , Touraine , Orléans , Orléanois
de Paris , Metz , Pays Meffin , de Mariembourg ,
mort le 15 Janvier 1582 , peint par N. & gravé par
Pinffio.
CHARLES II. DE COSSE ' , DUC DE BRISSAC ,
Pair & Maréchal de France , Chevalier des Ordres
du Roi , Grand Pannetier & Grand Fauconier ,
Gouverneur de Paris , de Nantes & Pays Nantois ,
Lieutenant Général de Bretagne , mort en 1621
peint & gravé par les mêmes.
HENRI II. DUC DE MONTMORENCY , Matéchal
de France , né le 30 Avril 1595 , décapité à
Toulouſe le 30 Octobre 1632 , peint par P. & gra
vé par A. P.
PIERRE DE BOURDEILLE , A B. SEIGNEUR DE
Gy BRAN
140 MERCURE DE FRANCE.
BRANTÔME , mort dans un âge très - avancé , le 15
Juillet 1614. Portrait tiré du Cabinet de M. le Marquis
de Bourdeille , peint par D. & gravé par
Pinfio.
AXEL OXENSTIERNA , Comte de Soder- More ,
& autres Lieux , Chancelier de Suéde, Premier Miniſtre
du Grand Guítave & de Chriſtine , né le 16
Juin 1983 , mort le 28 Août 1654 , peint par N. &
gravé par Gaillard.
ALEXIS-SIMON BELLE, Peintre ordinaire du Roi
en fon Académie , mort à Paris le 21 Novembre
1734 , âgé de 60 ans , peint par lui - même en
1730 , & gravé par Tardieu , le fils.
NICOLAS HENRI TARDIBU , Graveur ordinaire
du Roi , né à Paris le 15 Janvier 1674 , peint par
Vanloo en 1725 , & gravé par Tardieu , le fils , en
1743.
SEBASTIEN LE NAIN DE TILLEMONT , né à Paris
le 30 Mai 1637 , mort le 10 Janvier 1698 , âgé
de 60 ans, peint par le Févre , & gravé par Gaillard.
MAGDELEINE DE SCUDBRY , morte à Paris le 2
Juin 1701 , âgée de 95 ans , peinte par Elizabeth
Cheron , & gravée par J. G. Will.
LOUIS BERRIER , Secrétaire du Confeil & Direction
de Finances , deffiné & gravé en 1557 par
Claude Mellan.
> MEHEMET EFFENDY TEFTERDAR Ambaffadeur
Extraordinaire de la Porte , vers le Roi T. C.
LOUIS XV.en 1721 , deffiné & gravé par Boitard.
SAID PACHA , BEGLIERBEY DE ROUMELY ,
'Ambaffadeur Extraordinaire de Sa Hauteffe vers
S. M. T. C. en 1742 , deffiné & gravé par le même.
ARCHANGE CORELLI , né à Fufignari , dans le
Boulonnois , mort à Rome le 19 Janvier 1713 , âgé
de près de 60. ans , peint par H. Howard , & gravé
par Mathey.
JEAN
JANVIER . 1744. 141
JEAN-PIERRE GUIGNON , de Turin , Roi des
Violons , peint par Vanloo , & gravé par Pinſſio .
Le fieur Petit , Graveur , rue Saint Jacques
à la Couronne d'Epines , près les Mathurins , qui
continue de graver avec fuccès la fuite des Hommes
Illuftres du feu fieur Defrochers , Graveur du
Roi , vient de mettre au jour les Portraits fuivans
TERENCE , Poëte Comique , né en Afrique , affranchi
par Terentius Lucanus. Il brilloit Rome
l'an 588 de fa fondation. On lit ces Vers au bas.
Mes Ecrits font connus depuis deux mille hy vers ;
Pamphile & Parmenon furmontent la manie ,
Le chagrin , le dépit du jaloux * Lavinie ;
Il eſt mort ce jaloux , & je vis dans mes Vers.
MARIE -MAGDELEINE PIOCHE DE LA VERGNE,
Comteffe de la Fayette , morte à Paris en Mai 1693 .
Les Vers qui fuivent ſont au bas.
Des outrages du tens plus d'un Ecrit vainqueur
Feront vivre fon nom au Temple de Mémoire ;
De fon heureux génie ils affûrent la gloire ;
Lifez chés SEVIGNE ' l'éloge de fon coeur .
Le Cabinet de feu M. de Lorangere , qui confifte en
Tableaux , Deffeins , Eftampes & Coquilles , doit
être vendu le 2 du mois de Mars prochain, dans une
des Sales des grands Auguftins. Le tout eft de choix
& en grande quantité.M.Gerfaint, qui a la direction
de cette vente, a travaillé à un Catalogue raiſonné
* Lucius Lavinius , vieux Poëte Comique , ennemi
de Terence.
G vj &
142 MERCURE DE FRANCE.
& inftructif fur les differens genres de Curiofités qui
compofent ce Cabinet. Ce Catalogue fe débite ac
tuellement chés Jacques Barois, Quai des Auguftins.
On a mis à la fin une Table Alphabétique des Maîtres
, dont les Ouvrages font contenus dans ce Catalogue
, avec quelques Notes intéreffantes fur les
principaux de ces Maîtres & fur leurs Ouvrages.
On en rendra compte le mois prochain . On a tout
lieu d'efperer que les Curieux le recevront avec
plaifir , ayant déja eû du même Auteur , fort entendu
en ces matiéres , un Catalogue très- inftructif &
très-méthodique , imprimé en 1736 , qui eft fort
recherché .
On donne avis aux Amateurs de Mufique , qu'on
grave pár foufcription fix Sonnates du premier Euvre
de Giovanni Moffi , Romain , lesquelles ont été
mifes en grand Concerto par le Sieur Michel Corrette ,
Maître de Mufique à Paris. Cet Ouvrage contient
119 Planches, divifées en fept parties féparées ; fçavoir
, quatre Violini , Alto Viola , Violoncello Obligato
e Organo. Cette derniere partie fera d'une grande
útilité pour ceux qui apprennent l'accompagnement
du Clavecin .
Ce Livre coûtera 12 francs à ceux qui n'auront pas
foufcrit , & ne reviendra aux Souſcrivans qu'à 9
livres , dont on donnera 6 livres en retirant la quittance
de la Soufcription , & 3 livres en recevant
' Ouvrage , qui fe délivrera au mois d'Avril 1744.
Cet Ouvrage renferme non-feulement toute l'excellence
de l'harmonie , mais encore le beau chant,
où toutes les parties font intéreffantes , joint au
brillant qu'ont les Solo du premier Violon ; on ne
délivrera que 150 Soufcriptions , dont chacune fera
numérotée , après lequel nombre il ne fera plus pof
fible d'acquérir ces Concerto à moins de 12 livres.
Ceux
JANVIER . ·1744. 143
Ceux qui voudront les entendre exécuter , n'auront
qu'à s'adreffer à M. Corrette , ruë d'Orléans ,
quartier S. Honoré , chés lequel on peut foufcrire.
On peut auffi fe fervir des Adreffes fuivantes ; chés
les Sieurs France , Banquier , rue S. Martin , à côté
de l'Hôtel de Vic ; chés le Sr Boivin , ruë S. Honoré
, à la Régle d'or ; chés le Sr le Clerc , rue du
Roule, à la Croix d'or ; chés le Sr Guerfant , Luthier,
à côté de la Comédie Françoiſe , & chés le Sr Ouvra,
Luthier , Quai de l'Ecole. A Verſailles , chés la
Dile Sels , Marchande Merciére. A Lyon , chés le
Sr de Bretonne , Marchand de Mufique , ruë Merciere
. A Roüen ' , chés le Sr Guerin , Marchand ,
ruë de la Vicomté, & à Amfterdam , chés le Sr Emmanuel-
Jean de la Cofte , Libraire fur le Binncnam ftel
, au coin du Paardeſtraat , 1744.
On donne auffi avis qu'on fait graver par foufcription
le premier Livre de l'Euvre fixième du célebre
George Frederic Handel , contenant fix grands
Concerto , en fept parties féparées , nouvellement
compofé , dont les Exemplaires feront délivrés au
mois de Janvier 1744 , à raifon de 24 livres chaque
Exemplaire .
12 livres feront
payée
par les Soufcrivans ,
au tems de leur foufcription , & les autres 12. livres à la livraifon de l'Ouvrage
.
On donnera des quittances pour la moitié de la
Soufcription , avec promeffe de délivrer les Exemplaires
au tems ci- deffus , en payant l'autre moitié.
On croit qu'il eft inutile de faire ici l'éloge des
Ouvrages de M. Handel ; fa capacité & fon grand
génie font univerfellement connus ; on dira feulement
que dans fes Piéces ,l'Auteur fait fen ir toute la
force de l'harmonie , foutenue par un beau chant
qui font les deux partics effentielles de la Mufique .
>
Les
144 MERCURE DE FRANCE.
Les Soufcriptions feront prifes aux endroits fuivans .
Chés M. Prault , fils , Libraire , Quai de Conty, visà-
vis la defcente du Pont neuf , à la Charité ; Mad .
Boivin , à la Régle d'or , rue S. Honoré ; M. le
Clere , alla Croix d'or , rue du Roule ; Au Caffé de
Dupuis , au Puits d'Amour , ruë S. Honoré ; au Caffé
de Foy , ruë de Richelieu ; M. Guerfant, Luthier,
à côté de la Comédie Françoife ; M. Boivin , Luthier,
rue Ticquetonne , quartier Montorgueil ; M.
Lamberth , Luthier , rue Michel - le- Comte , au Marais
; M. Corrette , ruë d'Orléans , quartier S. Honoré,
& chés Jean-Vincent Efcuyer , l'Editeur de cet
Ouvrage , rue Beaurepaire , chés M. Perrichon , au
fecond appartement fur le devant .
Ceux qui n'auront point foufcrit, ne pourront les
avoir qu'à raiſon de 30 livres.
Les Soufcriptions feront prifes jufqu'au dernier
Janvier 1744. Les Exemplaires feront délivrés dans
le mois de Février fuivant.
On avertit le Public que le Sr Exaudet , le fils ,
Premier Violon de l'Académie de Mufique de
Rouen, a compofé fix Sonnates pour le Violon & la
Baffe , dédiées à M. Chartraire de Bourbonne , Préfident
à Mortier au Parlement de Bourgogne Le prix
eft de 6 livres . Ces Sonnates fe vendent chés le Sr le
Clerc , rue du Roule , à la Croix d'or ; chés la veuve
Boivin, rue S. Honoré, à la Régle d'or; & chés l'Auteur
, rue du Four , Fauxbourg S. Germain , chés le
St Redon , Perruquier . 1744.
Second Concerto à cinq , quatre Violons , Orgue
& Violoncello , dédié à Madame ADELAIDE DE
FRANCE. Compofé par Mlle de Hauteterre , OEuvre
fecond, gravé par fon mari, Prix 6 livres. A Paris , chés
l'Auteur , rue S. Honoré , à l'Image Ste Geneviève ,
visJANVIER.
1744. 145
vis-à- vis la rue du Four; chés le Sr le Clerc, Marchand
ruë du Roule , à la Croix d'or ; & Mad. Boivin, Marchande
, ruë S. Honoré , à la Régle d'or .
Le Sr le Rouge , Ingénieur , Géographe du Roi ,
à Paris , rue des grands Auguftins , vis-à - vis le Pa
nier fleuri , vient de publier le Cours du Rhin , de
la Meuſe & de la Mofelle , en deux grandes feuilles,
depuis fa fource jufqu'à fon Embouchure ; une
nouvelle Carte de la Lorraine , en une feuille , &
une nouvelle Carte générale d'Italie, beaucoup plus
exacte que les anciennes. Il vient auffi de publier
une nouvelle Carte du Piémont & de la Savoye ,
en deux grandes feuilles , dreffée fur les nouvelles
Obfervations , & enfin une nouvelle Mappemonde,
contenant les Découvertes faites en Amérique , &
celles des Mofcovites vers le Kamſchatka , &c. ou
P'on remarque plus de 600 lieuës de Pays inconnu .
On trouve toutes les nouvelles Cartes de l'Auteur
à Lille , chés M. le Ronge , près la grande Place ; à
Nancy , chés M. Prifton ; à Strasbourg , chés le Sr le
Roux , Libraire ; à Lyon , chés M. Dodé , rue Merciére
; à la Rochelle , chés M. Salvin ; à Nantes ,
M. Verger , & à Rouën , chés M. Lagnel , fur le
Port.
Le Sr'Dernis, Garde des Archives de la Compagnie
des Indes , vient de donner au Public une Carte
, gravée par Aubin , qui a pour titre , Parités
réciproques de la Livre numéraire , ou de Compte, infit.
tuée par l'Empereur Charlemagne , depuis fon Regne
jufqu'à celui de Louis XV. à prefent regnant.
Cette Carte eft d'autant plus curieufe , que quoiqu'elle
ne contienne que 24 lignes ,fur 24 colonnes ,
elle renferme néanmoins 576 Opérations , toutes
relatives les unes aux autres , par lesquelles ont
peus
146 MERCURE DE FRANCE.
peut voir d'un coup d'oeil le progrès qu'a fait cette
Livre numéraire , proportionnément aux augmentations
du prix du marc d'argent , arrivées depuis
fon inftitution , & fa valeur refpective fous chacun
des Régnes de nos Rois .
Les Sieurs Pierre Jacquin & Louis Gillot , Maîtres
Emailleurs , affociés , ont inventé une nouvelle
compofition de Perles , nommées Ardentes & furnaturelles,
dont on forme des Coliers & d'autres Ou
vrages , qui furpaffent tout ce qu'on a vû de plus
beau en ce genre jufqu'à préfent , par la vivacité
des couleurs , & par l'imitation du parfait Orient ;
cette beauté eft d'ailleurs jointe à une folidité à l'épreuve
du tems , ce qui ne peut que
donner un furcroît
d'agrément à la parure des Dames . Ces Artif
tes demeurent à Paris , rue du Petit Lion , quartier
S. Denis , à l'Image S. Grégoire.
Le St Langlois , Ingénieur du Roi , & de l'Académie
Royale des Sciences , pour les Inftrumens de
Mathématique , qui a corrigé & perfectionné plufieurs
Inftrumens, tant pour l'Aftronomie , que pour
les autres parties de Mathématique , vient de changer
& perfectionner le PANTOGRAPHE , autrement
appellé Singe. Cet Inftrument , fi utile pour les Graveurs
, Ingénieurs , Géographes & Deffinateurs ,
même pour ceux qui fçavent ne fçavent que très - peu de
Deffein , avoit été abandonné à caufe de fon peu
d'exactitude dans les opérations . Le St Langlois
ayant été invité par plufieurs perfonnes d'examiner
s'il ne feroit pas poffible de remedier aux inconvéniens
qui fe rencontroient dans l'ufage de cet Inf
trument , s'eft déterminé , après plufieurs refléxions
& Expériences , à ne conferver que ce qu'il y avoit
de géométrique dans fon ancienne construction , &
il
JANVIER. 1744 147
i l'a totalement changé d'ailleurs , enforte qu'il eft
devenu , non feulement beaucoup plus commode
qu'il n'étoit , mais que toutes les erreurs qui fe rencontroient
dans la pratique, s'y trouvent corrigées,
de façon , que les copies que l'on fait en fe fervant
de cet Inftrument,tant celles qui font d'égale grandeur
à l'original , que celles qui font réduites de
grand en petit , ou de petit en grand , font parfaitement
femblables a l'original .
Le S. Langlois a préſenté cet Inftrument à l'Académie
Royale des Sciences , qui a bien voulu lui
donner l'Approbation , dont voici la copie .
EXTRAIT des Regiftres de l'Académie
Royale des Sciences , du 20 Décembre 1743 .
Mrs Nicole & de Montigny , ayant examiné, par
ordre de l'Académie , un Pantographe , changé &
perfectionné par le Sr Langlois , Ingénieur du Roi,
& de l'Académie des Sciences , pour les Inftrumens
de Mathématique , & en ayant fait leur rapport ,
l'Académie a jugé que les changemens & corrections
du S. Langlois étoient utiles & rendoient cet
Inftrument auffi commode qu'il peut l'être , pour
copier & réduire en grand ou en petit , toutes fortes
de Figures , Plans , Cartes , Ornemens , & c. avec
beaucoup de précifion & de promptitude. En foi
dequoi j'ai figné le préfent Certificat . A Paris ce 22
Décembre 1743. Signé DORTOUS DE MAIRAN ,
Secretaire perpétuel de l'Académie Royale des
Sciences.
On trouvera chés l'Auteur , aux Galeries da
Louvre , cet Inftrument , avec une feüille imprimée
, qui en enfeigne l'ufage. Il vend auffi toutes
fortes d'Inftrumens de Mathématique , faits
dans leur derniere perfection.
La
148 MERCURE DE FRANCE.
La Dame Lebel avertit le Public , qu'elle poffede
la véritable Pommade , qui guérit radicalement les
Dartres vives & chancreufes ; les differentes cures
qu'elle en a faites fous les yeux de Meffieurs les
Médecins du Roi , l'ont déterminée à ne pas priver
le Public de ce Reméde . Après la délibération faite
au Bureau de la Commiffion , M. Chicoyneau, Premier
Médecin du Roi , qui en a vû l'expérience ,
lui a accordé un Brevet , en datte du 4 Décembre
1743. Les effets de cette Pommade font fi grands
& fi prompts , qu'elle ofe fe flater de guérir les Dartres
les plus invétérées , & celles qui font entièrement
abandonnées ; la demeure eft rue des Poulies ,
à l'Hôtel du S. Efprit ; on la trouve tous les jours
depuis neuf heures du matin , jufqu'à une heure
après midi.
>
Le Sieur Briart , qui demeure dans la cour & ruë
'Abbatiale de S. Germain-des-Prez à Paris continuë
de compoſer une Effence d'Ognifiori , ou de tou
tes fleurs , d'une odeur agréable ; on en met quelques
goutes dans l'eau dont on fe lave après avoir
été rafé ; elle rend l'eau laiteufe ; les Dames s'en
fervent pour fe décraffer , pour rendre la peau douce
& unie ; elle ne nuit point au teint ; on la vend
fols l'once.
24
ces ,
Il continue avec fuccès à faire la véritable Effence
de favon à la Bergamotte , & autres odeurs doudont
on fe fert pour la barbe au lieu de Savonnette
; les Dames s'en fervent auffi pour fe laver le
vifage & les mains ; on la vend huit fols l'once . Il
avertit que les Bouteilles font toujours cachetées , &
qu'autour du cachet on y lit fon nom & fa demeu
re ; on voit auffi une petite Bouteille empreinte dans
le milieu du cachet , où il y a le nom de la Liqueur
, comme à l'Ognifiori. Les plus petites Bouseilles
, font d'environ cinq onces .
Il
JANVIER. 1744. 149
Il fait auffi de très bons cuirs à repaffer les rafoirs ,
avec lesquels on peut fe paffer de pierre à éguifer ;
il les vend depuis 40 fols jufqu'à 60 f. à un feul
côté , & depuis 4 liv . jufqu'à 8 liv . à deux côtés differens
; il donne la maniére de s'en fervir.
La Dlle Collet , continuë de débiter une Pommade
de fa compofition , qui foulage dans l'inftant &
guérit radicalement les Hémorroides tant internes
qu'externes. L'épreuve en a été faite par M. Morand
, Chirurgien du Roi , lequel lui a expédié fon
Certificat , après que l'épreuve en a été faite à
l'Hôtel Royal des Invalides , par ordre de feu M.
de Breteuil , Miniftre d'Etat. M. Peirard , Maître
Chirurgien & Accoucheur de la Reine , lui
a délivré un pareil Certificat , de même que plufieurs
autres Chirurgiens de Paris & perfonnes de
diftinction , après en avoir fait l'épreuve eux- mêmes.
Elle inftruira les perfonnes qui voudront en
faire ufage , de la maniére de s'en fervir. La Dlle
Collet demeure préfentement ruë S. Martin , vis - àvis
la rue de Montmorency , à l'Enſeigne de la Ville
de Poitiers , dans la porte cochere , au troifiéme fur
le devant . Les moindres Pots font de 3 liv . Il y en
a à 12 , 15 & 18 liv . pour la commodité des perfonnes
étrangères . Elle aura égard auffi pour les
pauvres qui n'auront pas les moyens d'acheter fon
Reméde.
Le véritable Suc de Régliffe & de Guimauve blanc
fans fucre , fi eftimé pour toutes les maladies du
Poulmon, inflammations, enrouëmens , toux , rhumes
, afthme , pulmonie & pituite , continue à fe
débiter depuis plus de trente ans , de l'aven & approbation
de M. le Prémier Médecin du Roi , chés
la Dile Defmoulins , qui en a le Secret de défunte
Dlle
150 MERCURE DE FRANCE .
Dile Guy , quoique depuis quelques années des Particuliers
ayent voulu le contrefaire . On peut s'en
fervir en tout tems , le tranſporter par tout , & le
garder fi long- tems que l'on veut ; il ne ſe gâte jamais
ni ne perd rien de fa qualité . La Dlle Defmou –
lins demeure rue Guenegaud , Fauxbourg S. Germain
, du côté de la rue Mazarine , chés M. Guillaume
, Marchand de Vin , aux Armes de France ,
au deuxième appartement.
1
AIR.
AL'abri des traits de l'Amour ,
Je coulois des jours pleins de charmes ;
Hélas ! aurois - je crû qu'un jour
Il m'eût fait plier ſous fes armes ?
Je fuis bleffé , mais ce vainqueur
N'en doit tirer aucune gloire ;
Le prix que lui coute mon coeur ,
Lui fera pleurer fa victoire.
*3X
Que les Mortels vivent en paix ;
Cet Enfant , qui vainquit Alcide ,
A lancé fur moi tous les traits ;
Son Carquois meurtrier eft vuide.
Que dis-je ? un trait lui refte encor ,
Le feul dont il a fçû m'atteindre .
Tant
Air
A
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY .
ASTOR,
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATION8,
THE
NEW
YORK PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILGEN
FOUNDATION3
.
JANVIER. 1744.
isi
Tant qu'Amour aura ce tréfor ,
Amour fera toujours à craindre.
***
Brune , dont les attraits piquans
Ont féduit mon ame Stoïquè ,
C'eft au feu de tes yeux brillans
Que fût forgé ce trait unique.
Il m'aura bien - tôt confumé ,
Si tu ne me guéris toi - même.
Un coeur , qui n'a jamais aimé ,
Aime avec tranſport , quand il aime.
L'Aue
SPECTACLES.
'Académie Royale de Mufique continuë
toûjours avec un très-grand fuccès
les répréſentations de Roland.
Le 3 de ce mois , le Roi , accompagné de
Monſeigneur le Dauphin , & de Meldames
de France , honora de fa préſence la répréfentation
de cet Opéra. S. M. étoit placée
dans la premiére Loge à droite , dite du
Roi , laquelle étoit richement ornée par les
Officiers du Garde-Meuble de la Couronne.
A côté du Fauteuil du Roi , à droite , & fur
la même ligne , étoient placés fur deux
2
plians
152 MERCURE DE FRANCE.
plians Monfeigneur le Dauphin , & Madame
Adelaide de France , & à la gauche du
Roi , Madame de France . Il y avoit derriére
quatre Tabourets dont M. le Duc de
Châtillon , Gouverneur de Monfeigneur le
Dauphin , occupoit le premier du côté du
Théatre , enfuite M. le Duc de Fleury ,
Premier Gentilhomme de la Chambre en
année , M. le Duc d'Ayen , Capitaine des
Gardes du Corps en Quartier , & Mad . la
Ducheffe de Tallard Gouvernante des
Enfans de France ; M. de Courtanvaux ,
Capitaine des Cent- Suiffes , refta debout
dans la Loge.
Dans la feconde Loge , attenant celle du
Roi , étoient fur le devant Mesdames les
Ducheffes de Lauraguais , de Châteauroux
, & de Luxembourg , avec Mad. la
Marquife de Flavacourt ; derriére ces Dames
, étoient les Officiers de Service.
Dans la Loge d'après , fur le devant ,
étoient les deux Sous-Gouvernantes & les
deux Dames de Compagnie de Meſdames
de France , avec les Officiers de leur Service
, placés fur la feconde Banquette . Les
quatre autres Loges du même côté , étoient
remplies par les autres Officiers de la Suite
du Roi , & de Monfeigneur le Dauphin.
Le Roi arriva dans un Carroffe en Gondolle
à huit chevaux , avec Mefdames de
France :
JANVIER. 1744. 153
France Monfeigneur le Dauphin arriva
un peu avant le Roi , accompagné des
principaux Officiers de fa Garde , & fon
Service ordinaire.
La nuit dus au 6 Janvier , Fête des Rois ,
la même Académie donna le premier Bal
public qu'on donne tous les ans à pareil
jour fur le Théatre de l'Opéra , & qu'on
continue pendant differens jours de chaque
Semaine , jufqu'au Carême.
>
Le 8 Janvier , les Comédiens François
donnérent la premiere répréſentation d'une
Tragédie nouvelle intitulée Fernand
Cortes , de la compofition de M. Piron
déja fort connu par plufieurs excellens Poëmes
Dramatiques , qui ont eu beaucoup de
fuccès au Théatre François. On parlera
plus au long de ce dernier Ouvrage , dans
lequel le Public a trouvé de grandes beautés.
Le 6 Janvier , les Comédiens Italiens
remirent au Théatre la Comédie Italienne
du Feftin de Pierre , qu'ils avoient donnée
au mois de Mai dernier , avec beaucoup
d'appareil , ainſi qu'on l'a dit dans le Mercure
du même mois.
Le 7 , ils donnerent une petite Piéce Italienne
en un Acte , intitulée le Tuteur , qui
a été
154 MERCURE DE FRANCE.
a été applaudie ; elle fut précédée d'une Co
médie Françoife , en Vers , qui a pour Titre
, les Contretems , dont le fujet eſt tiré de
l'Eſpagnol.
Le 19 , ils remirent au Théatre la Comédie
d'Arlequin Sauvage , en trois Actes ,
de M. Delifle , laquelle n'avoit pas
été reprife
depuis la mort du Sieur Thomaffin .
Elle fut fuivie d'un nouveau feu d'artifice
ingénieufement compofé , & exécuté , avec
l'aplaudiffement d'une très nombreuſe affemblée.
Le 26 , les mêmes Comédiens donnerent
la premiere repréſentation d'une Parodie
nouvelle , en un Acte , & en Vaudevilles ,
intitulée , Roland , laquelle eft terminée
par un fort joli divertiſſement ; Parodié du
quatriéme Acte de l'Opéra de Roland , &
très-bien exécuté, Cette Piéce , dont on
parlera plus au long , eft de la compofition
du Sieur Panard , & du Sieur Sticotti , Comédien
du Théatre Italien.
NOUJANVIER.
1744.
ISS
NOUVELLES
ETRANGERES ,
TURQUIE.
N mande de Conftantinople , du 4 du mois
dernier , qu'il y arriva le 30 un Officier dépèché
au Grand Seigneur , par Ab Bizzali Oglou
Huffim , Pacha de Mofoul , pour informer Sa Hauteffe
, qu'il avoit obligé les Perfans de lever le fiége
de cette Place . Voici les principales circonftances
que le Grand Seigneur a apprifes par les lettres de
ce Pacha.
L'armée Perſane s'étant avancée le 14. du mois de
Septembre , dans les environs de Mofqul , Thamas-
Koulikan établit fon quartier général à un Village
peu éloigné de la Ville ; & après avoir laiffé repofer
les troupes pendant quelques jours , il alla reconnoître
les dehors de la Place. Il fit enfuite les
difpofitions pour les approches & pour l'ouverture
de la tranchée , & il donna ordre d'établir douze
batteries de canons & de mortiers .
Ces batteries ayant été perfectionnées , le 23
elles commencerent à tirer contre la Ville , & le
27, ainfi que la nuit fuivante , les Perfans jetterent
une figrande quantité de bombes , que les affiégés
ne pouvoient prefque fe garantir des éclats qui vo -`
loient de toutes parts. Ils ne laifferent pas de fe défendre
avec beaucoup de courage , & de faire même
fouvent des forties pour interrompre les travaux
des ennemis. Le feu continua pendant huit jours
d'être très-vif de part & d'autre , & la quantité prodigieufe
de bombes que les affiégeans jetterent dans
la Ville , fut accompagnée d'un feu continuel des
batte- H
156 MERCURE DE FRANCE .
batteries de canon , & de celui de la moufqueterie.
&
Thamas Koulikan , pour incommoder de plus
en plus les affiégés , fe détermina à détourner le
cours de la riviére du Tigre du côté de Cara Saray ;
par ce moyen, il priva prefque entiérement d'eau
la Ville , dont les habitans fupporterent cette nouvelle
incommodité avec autant de conftance , que
tous les efforts des affiégeans , pour fe rendre maî
tres de la Place , ne fe contentant pas de combattre
fur leurs remparts & dans les forties avec les trou→
pes de la garnifon , mais encore les aidant à reparer
le dommage que l'artillerie des ennemis avoit
caufée aux Fortifications.
Le 4 du mois d'Octobre , jour que Thamas Koulikan
avoit fixé pour donner un affaut général ; ce
Prince fit diftribuer à fes troupes 1800 Echelles , &
les Perfans mirent le feu à deux mines qu'ils avoient
pratiquées , mais ces mines ayant produit un effet
contraire à celui qu'ils en attendoient , elles tuerent
un grand nombre des affiégeans , & mirent beaucoup
de défordre & de confufion dans le refte de
leur armée.
Thamas-Koulikan , bien loin d'être rebuté par
ce mauvais fuccès , ordonna à fes troupes de monter
à l'affaut , & elles exécutérent cet ordre avec
une extrême vivacité . Les affiégés , qui étoient préparés
à cette attaque , fe défendirent très - coura →
geufement ; ils accablérent les ennemis de bombes
& de grenades , & ils firent fur eux un feu de moufqueterie
fi continuel , que ceux- ci furent repouffés
& obligés , après avoir fait une perte confidérable ,
de repaffer précipitamment la Dizzle , qui eft un
bras du Tigre.
Le Pacha de Mofoul , & celui d'Alep , qui malgré
les efforts des Perlans , étoit entré dans la Place
avec
JANVIER. 1744. 157
avec un Corps de troupes , qu'il avoit amené au fe--
cours des affiégés , profitérent de la déroute des Perfans
, & ayant fait une fortie avec la plus grande
partie des troupes de la garnifon , ils pourfuivirent
les ennemis , dont ils taillerent en piéces une partie
de l'arriere- garde.
Les Perfans ont perdu en cette occafion près de
5500 hommes , & il n'y en a eu qu'environ 200 de
tués du côté des Turcs . Cet échec a fait prendre à
Thamas-Koulikan la réfolution de lever le fiége ,
& il a repris la route des frontiéres de Perle avec
toute fon armée .
Le Divan a fait annoncer cette nouvelle au peuple
par plufieurs décharges de l'artillerie du Serrail ,
de l'Arfenal , de la Tour de Top Hana , & de tous
les Vaiffeaux qui font dans le Port de Conftantinople
, & le Reys Effendi , ou Prémier Sécrétaire
d'Etat , a envoyé le Prémier Interpréte de la Porte ,
en donner part à tous les Miniftres Etrangers.
Ο
POLOGNE.
N apprend de Warfovie du 31 du mois dernier
, que le Comte de Tarlo , Palatin de Sandomir
, qui à été condamné par une Sentence du
Tribunal de Pétrixow , à ſe déſaiſir , avant le 6 du
préfent mois , des terres de la Succeffion de la feuë
Ducheffe de Bouillon , dont il s'étoit mis en poffef
fion , pour la sûreté du payement des fommes qui
lui font dûës fur cette Succeffion , perſiſte dans la
réfolution de ne point remettre ces terres au Prince
de Radzivil , lequel de fon côté et déterminé às'en
emparer par force.
Hij Rus158
MERCURE DE FRANCE.
RUSSIE.
N mande de Pétersbourg , que la Czarine a
envoyé plufieurs Refcripts à M. Lanczynſky ,
fon Miniftre à la Cour de Vienne , que S. M. Cz.
l'a chargé de communiquer à ceux de la Reine de
Hongrie , contenant les fujets de mécontentement ,
que la Czarine a contre le Marquis de Botta , & par
lefquels cette Princeffe demande une fatisfaction
convenable à S. M. H.
ALLEMAGNE.
Napprend de Francfort , que l'Empereur a
fait publier deux nouveaux Ecrits , touchant
les Actes qui ont été portés à la Diette ,
de la part
de la Reine de Hongrie.
On mande de Vienne , du onze de ce mois , que
le Prince Charles de Lorraine , fe rendit au Palais
le 7 , vers fept heures , & que quelques momens
après , la Reine conduifant par la main l'Archiducheffe
Eleonore Wilhemine , fe rendit à l'Eglife des
Auguftins déchauffés , accompagnée du Grand Duc
de Toſcane , & fuivie du Prince Charles de Lorrai
ne ; que le Cardinal Paulucci , Nonce du Pape ,
donna la Bénédiction nuptiale à l'Archiducheffe &
au Prince Charles de Lorraine ; qu'on chanta enfuite
le Te Deum à plufieurs choeurs de Mufique , &
au bruit d'une triple décharge de l'artillerie & des
remparts , & que la Reine ayant reconduit l'Archiducheffe
, de la même maniére qu'en allant à l'Eglife
, S. M. foupa en public , avec l'Archiducheffe,
avec le Grand Duc & avec le Prince Charles de
Lorraine .
Le même jour , la Reine déclara qu'elle donnoit
à
JANVIER: 1744. 159
ace Prince le commandement de l'armée , qui feroit
employée dans les Pays- Bas ; au Comte de Ke
venhuller le commandement de celle qui s'affeinbleroit
fur le Rhin ; au Comte de Traun le comman
dement des troupes qui doivent former un camp en
Moravie ; & que le Prince de Lobckowitz contiaueroit
de commander les troupes en Italie .
O
4
ITALI E.
N mande de l'Etat Eccléfiaftique , que l'ar
mée Espagnole avoit en abondance tout ce
qui lui eft néceffaire , & qu'au contraire celle de la
Keine de Hongrie manquoir de bois & de fourages
; qu'il y avoit beaucoup de défertion dans les
troupes de cette Princeffe , & que la plupart des
Paylans des Villages voifins de Rimini , pour fe
fouftraire aux véxations qu'ils fouffroient de ces
troupes , avoient abandonné leurs maiſons , & laiffé
leurs terres fans culture .
ESPAGNE.
Na appris de Madrid ,
que des Armateurs ELpagnols
fe font emparés des Vaiffeaux Angiois
l'Entreprife & l'Aimable Marie, & qu'ils les ont
conduits à S. Sebaftien.
L'Interdant de Marine de S. Sebaſtien , a mandé
au Roi , que l'Arinateur Don Jean -Baptifte Petre a
enlevé à cent lieues du Cap Léfard , les Vaiffeaux
Anglois , le Vernon, l'Enfayo , le Génie & le Nafareth,
chargés , les deux prémiers de fucre , d'eau de -vie ,
de limons , de gingembre , d'yvoire & d'écarlate ;
les deux autres de fel , de morue & de viande falée ,
& fur l'un defquels on a trouvé 600 livres Sterlings
en espéces , & vingt fept onces de poudre d'or.
Hiij
S.
160 MERCURE DE FRANCE.
ont
S. M. a appris par d'autres lettres de cet Intendant
, que le Brigantin le Marchand de Bedford &
le Vaiffeau la Britannia , de la même Nation ,
été pris dans les environs du Cap Finiſterre , par les
Armateurs Don Juan Blondel, & Don Juan de Tordanes.
4
2
.
Les lettres de l'Intendant de Marine du Ferol
marquent que l'Armateur Laurent Ervin avoit conduit
le premier de ce mois au Port de Marino
dans le Royaume de Galice ,un autre Brigantin Anglois
, nommé l'Amitié , dont la charge confiſtoit
en 1500 quintaux de moruë.
On a appris de S. Sebaſtien , que le 6 , le Vaiffeau
commandé par l'Armateur Don Jean Florent de
Miranda , étoit entré dans le Port de Guetaria avec
le Vaiffeau la Marie-Anne , dont il s'eft emparé fur
les Côtes d'Angleterre.
Selon des lettres écrites de Bilbao , Don Joſeph
Gordanes , Commandant une Galiotte armée en
course , s'eft rendu maître de deux Bâtimens ennemis
, du Port , l'un de 300 tonneaux , & l'autre de
90 , qui revenoient de la Jamaïque.
O
GENES ET ISLE DE CORSE.
N mande , de Gênes , du 8 de ce mois , que
l'on continuë d'ignorer les articles du nouveau
Réglement , auquel les Corfes ont conſenti de
fe foumettre , mais que la République n'a plus d'inquiétude
de ce côté.
MORTS
JANVIER. 1744. 161
諾洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
-MORTS DES PAYS ETRANGERS.
L
E 4 Décembre , George Louis de Berghes , Evê
que & Prince de Liége , Prince du S. Empire
Romain , Duc de Bouillon , Marquis de Franchimont
, &c. mourut à Liége âgé de 82 ans. Il avoit
été élu Evêque de Liége le 7 Février 1724 , au
lieu de Jofeph Clement de Bavière , Electeur de
Cologne , mort le 12 Novembre 1723 , duquel il
étoit Confeiller d'Etat & Préſident de la Chambre
de Liége , il étoit fils d'Eugene de Berghes , Comte
de Griveberghe, de Marguerite Florence de Reneffe
de Warfulé , & il avoit pour frere Philippe François
de Berghes , créé Prince de Berghes le 23 May 1686,
par le Roi d'Eſpagne Charles II , qui le nomma en
même tems Chevalier de la Toifon d'or , & Gouverneur
de Bruxelles , mort le 13 Septembre 1704 ,
laiffant de fon mariage avec Marie-Jacqueline de-
Palain , entr'autres enfans Honorine- Alexandrine-
Charlotte de Berghes , mariée le 17 Mars 1719 ,
avec Jofeph-Louis d'Albert Luynes , Comte d'Albert
à préfent, Prince de Grimberghen, & Ambaſſadeur
Extraordinaire de l'Empereur auprès du Roi de
France , depuis le mois d'Août 1743. La Maifon de
Berghes eft une Branche des anciens Ducs de Brabant
, connue sous le nom de Glinces , & marquée
entre les plus grandes Maiſons du Pays par fes alliances
, par fon illuftration & par les entrées qu'elle
a eû de tous les tems dans les Chapitres les plus
nobles ; & elle porte pour arme coupé au 1 de fable
à un Lion d'or , parti d'or à 3 pals de gueules , au 2
de finople à trois lozanges d'argent , pofées deux
Hj
&
162 MERCURE DE FRANCE.
& une. Voyez les Souverains du Monde , vol. I.
fol. 320.
Don François - Xavier Jofeph de Menezes , Comte
d'Ericeyra , Confeiller du Confeil d'Etat & du Confeil
de Guerre, Meftre de Camp Général , Député de
la Junte des trois Etats du Royaume , Directeur &
Cenfeur de l'Académie Royalede l'Hiftoire , Académicien
de l'Académie degl' Arcadi & de la Société
Royale de Londres , mourut à Liſbonne le 21,
du mois dernier , dans la foixante -onzième année
de fon âge. Ce Seigneur , qui s'eft extrêmement
diftingué dans les troupes du Roi de Portugal pendant
la dernière guerre , s'eft acquis auffi une trèsgrande
réputation par les talens , pour l'éloquence
& pour la Poëfie ; & l'on eftime beaucoup plufieurs
de fes Ouvrages dans l'un & l'autre genre , particuliérement
une Traduction de l'Art Poëtique de Def
preaux , en Vers Portugais.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Lret ,
E 14 Novembre dernier , M. de Mou-
Grand-Maître honoraire des Eaux
& Forêts de France , fut bleffé à la Chaſſe à
Fontainebleau , par un des Tireurs de fa
Compagnie , d'un coup de fufil dans l'oeil
par la réfraction d'une dragée frappée fur
une Roche voutée , laquelle dragée vint
faire un fillon en ligne traverfale , & déchirer
JANVIE R. 1744 . 165
chirer la cornée tranfparénte , & la con
jonction , à l'épaiffeur d'un cheveu de la
prunelle mais les prompts fecours & les
foins de M. de la Peyronnie , Médecin confultant
, & premier Chirurgien du Roi ,
font efperer que malgré ce grand accident
l'oeil ne fera pas privé de la vûë.
FESTE donnée par M. l'Ambaffadeur de
France à Stokolm. Extrait d'une Lettre
écrite de cette Ville.
Mradeur de France à Stokolm ,
R le Marquis de Lanmary , Ambafdonna
le 24 Novembre dernier à S. A. R. une Fête
magnifique Mrs les Miniitres Etrangers ,
& tous les Seigneurs & Dames de la plus
grande diftinction y furent invités . S. M.
Suéd. voulut bien aufli honorer la Fête de
fa préfence. M. l'Ambaſſadeur n'avoit rien
oublié pour rendre cette Fête brillante . Son
Hôtel & les Maifons voifines étoient illuminées
d'un goût charmant , & formoient
une avenue de feu.
A l'entrée de la Ville du côté du Nord
étoit conftruit un Arc de Triomphe ou
grand . Portique deffiné & exécuté par MM.:
Taraval , premier Peintre de S. M. S. Cet
édifice contenoit toute la largeur de la ruë ,
& avoit environ 80 pieds de haut ; l'Architecture
étoit d'Ordre Dorique , les Cor-
Hv
niches ,
164 MERCURE DE FRANCE.
niches , Chapiteaux , & Confoles , étoient
richement dorés . Sur les Pilaftres d'Ordre
Ruftique , étoient deux dragons qui jettoient
du vin au peuple. Sur la Corniche ,
étoit un grand Tableau tranfparent , repréfentant
trois génies , ceux de la Paix , de la
Juſtice , & de la Prudence , qui paroiffoient
préfenter à la Suéde le Chiffre de S. A. R.
Sur l'Attique, étoient deux autres Tableaux
tranfparens , dont celui à droite repréfentoit
un génie , portant un Ecuffon avec les
Armes de France , & celui à gauche , repréfentoit
un autre génie , portant un Ecuffon
avec les Armes de Suéde , le tout couronné
par un grand Soleil lumineux .
Sous le Portique , étoit un grand Veftibule
de figure octogone , & richement orné
, avec des Trophées & des Emblêmes relatifs
à la figure de la Paix , que l'on voyoit
dans le fond d'un Temple de figure ronde
, dont les Pilaftres étoient d'azur , & les
Chapiteaux , Bafes & Ornemens dorés. La
Figure de la Paix étoit debout fur un pied
d'eſtal , s'appuyant de la main droite fur un
bouclier , où étoient peints un Lis & une
Couronne , liés enfemble ; elle portoit dans
la main gauche une branche d'Olivier , entrelaffant
trois Couronnes d'or grouppées
enfemble , qui font les Armes de Suéde . Sur
je pied d'eftal étoit écrit pour Emblême :
Pax
JANVIER. 1744. 165
Pax potior triumphis. Dans un Médaillon à
gauche du côté de la Suéde : Virtuti dat Coronas.
Et dans un autre à droite , du côté
de la France : Nodum firmat amicitia.
Au-deffus du Portique , étoit pratiquée
une grande Sale , où fut placée une Symphonie
mêlée de Timballes , Trompettes ,
&c. laquelle , fur les fix heures du foir , dès
qu'on vit paroître les Caroffes du Roi &
du Prince Royal , commença à fe faire entendre.
par
S. M. S. & S. A. R. furent reçus à la portiere
du Caroffe par M. l'Ambaffadeur , &
fix Gentilshommes de fa fuite , au bruit
d'une décharge de canons , qui étoient pla
cés dans le Jardin de fon Hôtel ; & des que
le Roi & le Prince Royal furent arrivés à
la premiere porte des appartemens , on
commença un Concert magnifique de la
compofition & exécution de M. Ravenet ,
lequel dura jufqu'au fouper , que M. l'Ambaffadeur
donna à près de 300 perfonnes ,
fur plufieurs Tables de 30 & 40 couverts
chacune. Celle du Prince étoit de 30 couverts
, & ne fut occupée que par des Sénateurs
& leurs Epoufes. Cette Table , ainfi
que toutes les autres , furent fervies avec
une profufion & une délicateffe extraordinaires.
Les fantés y furent buës au bruit
des fanfares , & de toute l'artillerie du Jar-
H vj dir
166 MERCURE DE FRANCE.
din . Le fouper dura jufqu'à minuit , que
le Bal fut ouvert par M. l'Ambaffadeur &
par Mad . la Comteffe de Teffin , qui eût
enfuite l'honneur de prendre S. A. R. II
dura jufqu'à fept heures du matin , & l'on
fervit toutes fortes de rafraîchiffemens des
plus exquis.
y
Le premier de ce mois , les Chevaliers ,
Commandeurs & Officiers de l'Ordre du
Saint Efprit , s'étant affemblés vers les onze
heures du matin dans le Cabinet du Roi ,
le Duc de Briffac , le Duc de Luxembourg ,
le Duc de Boufflers , le Comte de la Mothe-
Houdancourt , le Duc de Biron , & le
Comte de Coigny , lefquels avoient été
propofés dans le Chapitre tenu le 2 du mois
de Février de l'année derniere , pour être
reçus Chevaliers , & dont les preuves ont
été admiſes le 2 du mois de Juin , furent
introduits dans le Cabinet de S. M. où ils
furent reçus Chevaliers de l'Ordre de Saint
Michel . Le Roi fortit enfuite de fon Cabinet
, pour fe rendre à la Chapelle , étant
précédé de Monfeigneur le Dauphin , du
Duc de Chartres , du Prince de Conty ,
du Prince de Dombes , du Comte d'Eu , du
Duc de Penthiévre , & des Chevaliers
Commandeurs & Officiers de l'Ordre ; le
Duc de Briffac , le Duc de Luxembourg , le
,
Duc
JANVIER . 1744 .
189
Duc de Boufflers , le Comte de la Mothe-
Houdancourt , le Duc de Biron , & le
Comte de Coigny , en habits de Novices ,
marchoient deux à deux devant les Chevaliers.
Après que le Roi eût entendu la
grande Meffe , qui fut célébrée par l'Archevêque
de Bourges , Prélat , Comman
deur de l'Ordre du Saint Efprit , S. M.
monta à fou Trône , où les fix nouveaux
Chevaliers furent reçus par le Roi , avec
les cérémonies ordinaires . Le Maréchal de
Noailles , & le Maréchal de Duras , furent
parains du Duc de Briffac & du Duc de Luxembourg;
le Duc de Bethune & le Comte
de Teffé , du Duc de Boufflers & du Comte
de la Mothe-Houdancourt ; le Duc de Tallard
; & le Maréchal de Biron , du Duc de
Biron & du Comte de Coigny. Après la
reception , les nouveaux Chevaliers ayant
pris leurs places , le Roi fortit de la Chapelle
, & fut reconduit dans fon appartement
en la maniere accoutumée .
Le 2 ,
La Reine & Mefdames de France entendirent
la même Meffe dans la Tribune.
le Roi accompagné , comme le
jour précédent , affifta au Service qui 'fut
célébré dans la Chapelle du Château de
Verfailles pour le repos des ames des Chevaliers
de l'Ordre du Saint Efprit , morts
dans le cours de l'année derniere.
Le
168 MERCURE DE FRANCE.
20
Le Corps de Ville a rendu , à l'occafion
de la nouvelle année , fes refpects au Roi ,
à la Reine , à Monfeigneur le Dauphin ,
& à Mefdames de France.
- Le Roi a donné au Duc de Richelieu la
Charge de premier Gentilhomme de la
Chambre de S. M. vacante par la mort du
Duc de Rochechouart,
Le 3 Janvier , le Sieur de S. Criftau , du
Pays de Gascogne, près de la Ville de Dax,
accompagné de cinq de fes freres , dont le
plus jeune eft à peine âgé de quatorze ans,
deux de leurs Coufins , & treize autres jeunes
Gentilshommes de la même Province ,
tous d'une taille des plus avantageuſe , furent
préfentés au Roi , pour être reçus dans
les Gardes du Corps : S. M. accorda fur le
champ leur demande , & ordonna qu'ils fuffent
placés dans la Compagnie de Villeroy .
Monfeigneur le Dauphin ayant fouhaité de
voir ces nouveaux Gardes , ils furent préfentés
le même jour à ce Prince , qui eût la
bonté de paffer en revûë cette nouvelle Recrue
, compofée d'hommes les mieux faits ,
de la plus haute taille , & de la meilleure
volonté.
Le 6 , la Reine entendit la Meffe dans la
ChaJANVIER
. 1744. 169
Chapelle du Château de Verſailles , & S. M.
y communia par les mains de
l'Archevêque
de Rouen , fon Grand Aumônier.
Le 12 , les Députés des Etats de la Province
de Bretagne eurent à Verſailles audience
du Roi ; ils furent préſentés à S. M.
par le Duc de Penthiévre , Gouverneur de
la Province , & par le Comte de Saint Florentin
, Sécrétaire d'Etat , & conduits par
le Marquis de Brezé , Grand Maître des Cérémonies
, & par M. Defgranges , Maître
des Cérémonies. La Députation étoit compofée
, pour le Clergé , de l'Evêque de
S. Malo , qui porta la parole ; du Comte
de Lorges , pour la Nobleffe ; de M. du
Bourg , pour le Tiers-Etat ; de M. de Quelen
, Procureur Général , Syndic , & de M.
de la Boiffiere , Tréforier Général des Etats
de la Province. Ces Députés furent enfuite
conduits à l'audience de la Reine , & à celles
de Monfeigneur le Dauphin & de Mefdames
de France.
Le Duc d'Antin , qui a été nommé par
le Roi Gouverneur & Lieutenant Général
des Ville & Duché d'Orleans , Pays Orleanois
& Chartrain , & Gouverneur des Ville
& Château d'Amboiſe , à la place du feu
Duc d'Antin fon pere , prêta le 12 de ce
mois ,
170 MERCURE DE FRANCE.
mois, ferment de fidélité entre les mains dè
S. M.
Le 14 , le Comte de Montijo , Ambaffadeur
Extraordinaire du Roi d'Espagne auprès
de l'Empereur , & qui étoit en France
depuis le mois d'Octobre dernier , eût une
audience particuliere du Roi , & il pric
congé de S. M. Il y fût conduit , ainfi qu'à
l'audience de la Reine , & à celles de Monfeigneur
le Dauphin , & de Mefdames.de
France , par M. de Verneuil , Introducteur
des Ambaffadeurs.
Le Roi , la Reine , Monfeigneur le Dauphin
, & Mefdames de France , partirent le
Is après midi , pour aller au Château de
Marly , où leurs Majeftés doivent paffer
quelque- tems.
On a reçû avis que le 23 de ce mois , le
Duc Théodore de Baviére , Evêque de Ratifbonne
& de Freyfingen , & frere de
l'Empereur , avoit été élu Evêque de Liége .
On a appris auffi , que l'Election de l'Evêque
de Bâle s'étoit faite le 22 , & que
les Suffrages s'étoient réunis en faveur de
M. Rinck , Chanoine du Chapitre .
Le 26 de ce mois , l'Evêque de Dijon fut
facré
JANVIER. 1744 171
facré dans l'Eglife de la Paroiffe du Château
de Verfailles par le Cardinal de Tencin
affifté des Evêques de Langres & de Saint
Malo , & le lendemain il prêta à Marly Serment
de fidélité entre les mains de S. M.
BENEFICES DONNE'S.
Le Roi a donné l'Abbaye d'Evron , Ordre
de S. Benoît , Diocèfe du Mans , à l'ancien
Evêque de Saint Paul Trois- Châteaux .
Celle d'Ebreüil , même O. D. de Clermont
, à l'Abbé de Sade , Vicaire Général
de l'Archevêque de Narbonne .
Celle de Rigni , O. de Cîteaux , D. d'Auxerre
, à l'Abbé de Poudens , Vicaire Général
de l'Evêque d'Acqs.
Celle du Mas -d'Azil , O. de S. Benoît ,
D. de Rieux , à l'Abbé de Maignol .
L'Abbaye Réguliere de S. Paul de Beauvais
, à la Dame de Clermont d'Amboife.
EXTRAIT d'une lettre écrite de Dourdan
le 9 Fanvier 1744 , au fujet des Réjouiffances
qui y ont été faites.
L
A Ville de Dourdan , toujours attentive
à marquer fon zéle & fon attachement
pour la Royale Maifon d'Orléans , &
fa reconnoiffance refpectueufe des bienfaits
qu'elle reçoit tous les jours de fon Alteffe
Séréniffime M. le Duc d'Orléans , vient
d'en
172 MERCURE DE FRANCE.
d'en donner de nouveaux témoignages , à
l'occafion du Mariage de S. A. S. M. le Duc
de Chartres.
Le Bailliage ayant ordonné , fur le réquifitoire
du Procureur du Roi , qu'il feroit
chanté un Te Deum , envoya le Vendredi 3
Janvier , fes Députés au Prieur de S. Germain
, pour le prier de le faire chanter dáns
fon Eglife ; au Curé de S. Pierre & fon Clergé
, aux Corps & Officiers de Ville , aux
Officiers de la Maîtrife Particuliére des Eaux
& Forêts ,à ceux de l'Election , & du Grenier
à Sel , pour les inviter d'y affifter.
Les , on fonna toutes les Cloches de la
Ville , ce qui fût réïteré le lendemain dès
le point du jour , & à midi ; le même jour
fur les trois heures après midi , les Officiers
du Bailliage , ceux de la Maîtrife des Eaux
& Forêts , de l'Election & du Grenier à Sel ,
s'étant affemblés au Château , dans la Chambre
d'audience , ils en fortirent ayant à leur
tête M. le Comte de Verteillac , Gouverneur
de la Ville , précédé de la Maréchauffée
des Gardes de M. le Duc d'Orleans , des
Hallebardiers de la Ville & d'une nombreuſe
fymphonie , pour fe rendre à l'Eglife de S.
Germain , en paffant entre deux hayes , que
formoit la Bourgeoifie fous les armes , commandée
par fes Officiers , les Drapeaux déployés
& les Tambours battant aux Champs.
Lorf
JANVIER. 1744. 173
Lorfque ces Corps furent entrés dans l'Eglife
& placés , les Vêpres furent chantées
en Mufique , & enfuite le Te Deum au bruit
des Cloches & d'une triple décharge de
boëttes ; on fortit dans le même ordre que
l'on étoit venu , tous les Officiers ayant chacun
un flambeau à la main , & on fe rendit
fur la place où on avoit dreffé un bucher.
On en fit trois fois le tour , & enfuite M.
le Gouverneur y mit le feu , avec ceux
portoient des flambeaux , & cela au fon des
Cloches , des Tambours & de la fymphonie
, au bruit de la Moufqueterie & aux acclamations
du Peuple , auquel M. le Gouverneur
avoit fait diftribuer de l'argent.
qui
On avoit éclairé de lampions toute la
Terraffe du Château , fur laquelle étoient
placées les boëttes , qui ne cefferent de tirer.
On y avoit auffi élevé un feu d'Artifice
, qui fût très- bien exécuté . On illumina
dans le même tems toutes les Maiſons de la
Ville , ce qui dura toute la nuit.
Après que les feux de joie & d'artifice
eurent ceffé de brûler , tous les Corps fe
rendirent chés M. le Gouverneur , où l'on
fervit un magnifique fouper. On y célébra
en cérémonie les noms & les fantés de S.
A. S. au bruit d'une triple décharge de boëttes
& de moufqueterie. Le Peuple répondoit
par fes acclamations , & prenoit part à la
joye
174 MERCURE DE FRANCE .
·
joye publique , par les fontaines de vin , qui
coulerent à la porte de plufieurs maifons.
Le fouper fini , on fe rendit au Château ,
où les Dames s'étoient affemblées , & où il
y eut Jeu , & enfuite un Bal , qui dura toute
la nuit , pendant lequel on fervit toutes fortes
de rafraîchiffemens avec abondance .
Le premier Janvier , les Hautbois de la
Chambre jouerent au lever du Roi , une
fymphonie compofée de plufieurs Airs de
differens Auteurs .
Le foir du même jour , le Roi , foupant à
fon grand couvert avec la Reine , Monſeigneur
le Dauphin, & Mefdames de France ,
M. Deftouches , Sur-Intendant de la Mufique
de la Chambre en femeftre , fit jouer
par les vingt- quatre, une grande fuite d'Airs
de fa compofition , dont l'exécution fit beaucoup
de plaifir.
Le 4 , on chanta devant la Reine , les deux
derniers Actes du Ballet des Caractéres de la
Folie , dont les paroles font de M. Duclos ,
de l'Académie des Infcriptions & Belles-
Lettres , mifes en Mufique par le Sr Bury ,
ordinaire de la Mufique de la Chambre ,
dont le génie naiffant donne de grandes
cfpérances.
Le 11 , la Reine entendit le Prologue &
la
JANVIER. 1744. 175
la troifiéme Entrée du Ballet de l'Europe Galante.
Les principaux rôles furent remplis
par les Dlles Lalande , & Mathieu , & par
le Sr Jeliot , dont on connoît les talens .
Le 13 , il y eut un grand Bal mafqué chés
Meldames de France ; il y eut un grand
nombre de fymphoniſtes fous les ordres de
M. Deftouches.
Le 15 , la Cour étant à Marly , la Reine
fouhaita d'entendre l'Opera d'Iffe , dont le
Prologue & le premier Acte furent exécurés
le 18 avec une grande précifion , les autres
Actes furent chantés le 20 , & le 22.
Les Dlles Mathieu & Fel remplirent les rôles
d'Iffé & de Boris. Les Srs Jeliot , d'Angerville
, & Dubourg , ceux de Philemon , d'Hilas
, & du Grand Prêtre de Dodone. Le reſte
de cet Opera fût très- bien exécuté.
Le 25 , le 27 , & le 29 , on chanta devant
la Reine le Ballet des Elémens , dont les
principaux rôles furent exécutés par les Srs.
Jeliot , Poirier , d'Angerville & Dubourg ,
par les Dlles Lalande , Mathieu , Fel , &
Romainville.
&
Le 2 Janvier , les Comédiens François
repréſenterent à la Cour la Tragédie d'ELectre
, de M. de Crebillon , de l'Académie
Françoife , & la petite Comédie du Triple
Mariage. i
Le
# 76 MERCURE DE FRANCE.
Le 7 , le Menteur , & la petite Piéce du
Denil.
Le 9 , la Tragédie de Britannicus , & la
Nouveauté.
Le 14 , les Horaces , & Crifpin Bel-
Elprit.
Le 8 du même mois , les Comédiens Italiens
repréſenterent auffi à la Cour , la Comédie
de la Double Inconftance , & la petite
Piéce des Billets Doux , de M. de Boiffy , laquelle
fût fuivie d'un Ballet nouveau , parfaitement
bien exécuté.
DIMENSIONS de l'Obelifque & du
Gnomon , élevés aux extrémités de la ligne
Méridienne de l'Eglife de S. Sulpice.
L'INSCRIPTION gravée fur l'Obelifque ,
indique affés l'ufage de cet Inftrument ,
l'un des plus grands qui ait jamais été
conftruit.
>
GNOMON ASTRONOMICUS ,
ad certam Pafchalis aquinoctii Explorationem
, &c.
O
Na crû devoir ſe borner ici à en donner
les diſtinctions , & à rapporter les
principaux faits hiftoriques fur ce fujet .
L'Image
JANVIER. 1744. 177
L'Image du Soleil , étant reçuë prefque
directement fur l'Obelifque , à la diftance
de 170 pieds , depuis l'ouverture de la fenêtre
Méridionale de l'Eglife , cette Image
ſe meut avec une rapidité finguliére , car
elle parcourt 2 lignes par feconde , & fon
diamétre qui répond à très-peu près au diametre
du Soleil , occupe 20 pouces un tiers,
fur l'Obelifque vers le tems du Solſtice
d'Hyver.
Un autre grand avantage de cette grande
Image du Soleil , qui paroît fi vive lorfque
le Ciel eft ferein , étant reçuë fur un marbre
blanc , eft d'être prefque ronde ; elle n'eſt
donc point affoiblie vers fes bords , comme
celles des autres Gnomons , qui ne font plus
diftinctes en Hyver dans le fens du grand
Axe , parce qu'elles font fi fort allongées en
forme d'Ellipfes , qu'il eft prefqu'impoffible
d'en faifir les termes. Au contraire , les mêmes
termès ou extrémités de l'Image font fi
faciles à diftinguer fur l'Obelifque , qu'il
n'eft arrivé qu'une feule fois , fur 8 obfervations
prefque confécutives , de fe tromper
d'une ligne fur 20 pouces un tiers , ce qui
eft prefqu'infenfible. Il faut bien prendre
garde , qu'on ne parle ici que de quelques
obfervations faites avant ou après le Solſtice
d'Hyver, lorfque le Soleil n'étoit point obfpar
les vapeurs , ou par les
curci à midi
broüillards.
Quoi178
MERCURE DE FRANCE.
Quoique la hauteur du centre de l'Image
, au Solftice d'Hyver , ne monte guéres
qu'à environ 25 pieds , on s'eft déterminé
néanmoins à prolonger la ligne Méridienne
encore au-deffus , principalement à cauſe
des pleines Lunes , du Printems ou du com
mencement de l'Eté ; ce qui peut être de
quelqu'utilité , comme on le va voir par ce
qui fuit.
Pour cela , il faut fçavoir qu'à chaque révolution
des noeuds de la Lune , cet Aftre
fe trouve dans fes plus grandes latitudes
auſtrales , en parcourant les lignes Méridionaux
du Zodiaque , pendant deux ou trois
années de fuite , comme il arrive actuellement
, & qu'ainfi les pleines Lunes d'Eté
paroiffent extraordinairement baffes , de
même que celles d'Hyver prodigieufement
hautes. Ces pleines Lunes d'Eté font à la vérité
déja plongées fort avant dans les vapeurs
qui bordent l'horifon , mais cependant pour
en obferver le plus grand nombre , on a fait
enforte d'élever l'obelifque jufqu'à 30 &
même 33 pieds , y compris la boule qui lui
fert de couronnement.
On va donner içi en peu de mots une
idée générale de ce qui a pû donner occafion
à cet Ouvrage , qui vient d'être achevé ;
ce qui en fera connoître en même-tems l’utilité
, non-feulement dans l'Aftronomie &
dans
JANVIER. 1744. 179
dans les Sciences qui en dépendent , mais
encore dans ce qui concerne le Calendrier
tant Civil qu'Eccléfiaftique. On s'apperçoit
´affés d'ailleurs que les points des Equinoxes
& des Solftices , n'ont jamais été marqués
fur les autres Gnomons avec affés d'exactitude
, faute d'y avoir employé les Afcenfions
droites du Soleil & des Etoiles, qui donnent
incomparablement mieux l'entrée du Soleil
dans les points Cardinaux , que les hauteurs
abfolues , puifqu'il eft prefqu'impoffible de
les conclure avec ces fortes d'inftrumens
qui ne donnent uniquement de bien précis ,
que des differences de hauteurs , ou des paffages
du Soleil au Méridien .
>
Les principales difficultés qu'on peut donc
propoſer à réfoudre , fe réduifent aux Queftions
fuivantes ; fçavoir , 1 ° . De connoître
quelle eft la meilleure méthode de déterminer
le moment des Equinoxes , & de faire voir
qu'ils n'ont pas encore été obfervés jufqu'ici
avec alfés de précifion . 2 ° . De s'affurer fi
l'obliquité de l'Ecliptique diminuë, & fuppofé
que cette diminution foit réelle , de s'allurer
s'il eft vrai qu'elle diminuë auffi rapidement
qu'on le fuppofe. 3 °. D'obferver s'il eft vrai
qu'à chaque demi-révolution des noeuds ,
la Lune ne caufe pas un balancement fenfible
ou Nutation dans l'Axe de la Terre ;
enfin de bien diftinguer les variations, que la
I ré180
MERCURE DE FRANCE.
réfraction , plus ou moins grande du froid:
au chaud , peut produire dans les hauteurs
du Soleil au Solſtice d'Hiver.
Une Médaille frappée à Rome , par ordre.
du Pape Clément XI , il y a environ 40
ans , femble avoir renouvellé les difputes
des Mathématiciens fur la deuxième Queftion
, l'une des plus grandes , qui ait été agitée
dans les deux derniers fiécles ; cette Médaille
s'étoit répanduë prefqu'en même-tems
qu'un Ouvrage ou Differtation , intitulé de
Nummo & Gnomone Clementino . Il réfultoit
des obfervations faites à la ligne Méridienne
, conſtruite en 1702 , par Bianchini , dans
l'Eglife des Chartreux de Rome ( autrefois
les Bains de Dioclétien ) que l'Obliquité de
l'Ecliptique étoit diminuée , depuis les derniéres
tentatives faites en l'Ifle Caïenne par
Richer en 1672 ; la difpute fur cette matiére
fut très-vive en 1715 & 1716 , mais elle
ne pouvoit guéres être terminée , faute de
bonnes obfervations . On vit bien -tôt après
paroître dans les Actes de Leipfic , l'opinion
du Chevalier de Louville , qui a fait les plus
grands efforts , pour tâcher d'établir une diminution
réelle dans l'Obliquité de l'Eclip
tique , laquelle , felon cet Auteur , confondroit
dans la fuite pour quelque tems l'E
cliptique avec l'Equateur.
Le Chevalier de Louville avoit été exprès
JANVIER. 1744. 181
à Marſeille en 1714, pour vérifier les chan
gemens arrivés dans le cours du Soleil , depuis
le tems de Pytheas . On ignore cependant
fi ce fameux Navigateur , qui vivoit il
y a près de deux mille ans , a pû déterminer
avec une grande précision , la proportion
de l'ombre Solftitiale , à la hauteur perpendiculaire
du Gnomon qu'il avoit élevé dans
la Ville de Marſeille , à peu près fous la mê-
રે
me latitude où elle nous paroît aujourd'hui.
Le Chevalier de Louville fuppofe néanmoins
ces anciennes obfervations fort exac
tes.
Mais tant s'en faut qu'on doive adopter
un fyſtême fondé fur ces fortes d'obfervations
anciennes ; il n'eft pas même poffible
d'en faire ufage dans la Géographie ,
puifqu'à Bizance-Hipparque avoit obfervé.
précisément la même proportion que Py
theas à Marseille , & qu'il fe trouve néanmoins
une difference de plus de deux dégrés
dans la hauteur du Pole de ces deux
Villes.
Au refte , on ne doit pas
s'attendre à trou
ver ici un long détail fur ce qui détermina
de Pape Clément XI. à faire conftruire le
Gnomon qu'on voit encore actuellement à
Rome. L'ufage de ces fortes d'inftrumens eft
très-varié , comme on l'a expofé ci -deffus ;
& fans s'arrêter aux autres Queſtions , qui
Tij peu182
MERCURE DE FRANCE.
peuvent intéreſſer la Phyfique Célefte & la
Géographie , on n'ignore pas que fous le
Pape Grégoire XIII , on s'en étoit fervi
pour corriger le Calendrier. En effet , celui
qu'Egnatius Dantes , Religieux Dominicain ,
avoit conſtruit dans l'Egliſe de Ste Petrone
de Boulogne , en 1576 , montroit alors évidemment
l'anticipation de 10 jours , aux
tems des Equinoxes . Enfin ce grand Ouvrage
fût fuivi environ 4 ans après de la réformation
entiére du Calendrier , qui a fait abandonner
à tous les Princes Catholiques , celui
de Jules- Céfar . Ce qu'il y a de fingulier ,
c'eft que les Grecs Schifmatiques & les Proteftans
réfolurent de ne point adopter cette
Réformation , parce qu'elle venoit de Rome.
Au commencement de ce fiécle , les Proteftans
d'Allemagne fe trouverent enfin dans
la néceffité de changer de fentiment , à cauſe
de l'embarras continuel où les jettoit le Calendrier
Julien. Celui du Pape Grégoire
XIII . paroiffoit d'abord fujet à quelques
difficultés , mais on examina de nouveau le
projet que ce fouverain Pontife avoit autrefois
envoyé à tous les Princes Chrétiens ,
& qui en paroiffoit exemt. Pour cet effet ,
il fût décidé qu'on obferveroit à Rome le
moment des Equinoxes , & la longueur des
années , tant Solaires que Lunaires ; ce qui
fut
JANVIER. 1744. 183
fut exécuté en préſence du Pape Clément
XI . dans l'Eglife des Chartreux , par le
moyen d'un Gnomon, d'environ 60 pieds de
hauteur.
Ces fortes d'inftrumens étant les plus anciens
, & peut-être les plus fimples dont on
fe foit fervi dans l'Aftronomie , on ne parlé
ni de ceux qui ont été élevés depuis peu en
France , & qui n'ont guéres excédé 30 pieds,
ni de celui que feu M. Caffini rétablit dans
1 Eglife de Ste Petrone à Boulogne , lequel
égale en hauteur le Gnomon de S. Sulpice ,
P'un & l'autre ayant 80 pieds ; en un mot ,
on ne s'arrêtera ni à celui du Vatican , ni à
ceux qui furent élevés , l'un par Gaffendi ,
fous Louis XIII , & l'autre dans le Champ de
Mars , par Manlias fous Augufte , ni enfin
au plus ancien de tous , celui qui fervit autrefois
à Anaximandre dans la Ville de Sparte
, lorfqu'il imagina le premier ce cercle
incliné à l'Equateur d'environ 24 degrés ,
& qui fût nommé l'Ecliptique.
J
Mais on ne peut fe difpenfer de parler de
celui que Meton,Athenien, employa fi utilement
à déterminer ce fameux Cycle ou
Nombre d'or , dont il étoit l'inventeur , &
qui remet tous les 19 ans les nouvelles &
pleines Lunes aux mêmes jours de l'année .
Meton avoit obfervé pour cela les retours
de l'ombre , ou image du Soleil , aux mêmes
points
I iij
184 MERCURE DE FRANCE.
points avant & après le Solftice , & ayant
réiteré ces obfervations plufieurs années de
fuite , cet habile Aftronome faifit enfin pour
Epoque de fon Cycle , le moment d'un Solftice
qui fe trouva précifément le même que
celui de la nouvelle Lune. Ce Solftice d'Eté
répond , felon nos Chronologiftes , à l'anpée
432 , avant l'Ere Chrétienne .
Pour revenir à ce qui concerne le Calendrier
Grégorien , la plus grande difficulté
qui s'y foit rencontrée , vient de ce que
Clavius & les autres, qui farent chargés de
l'exécution , ne firent pas affés d'attention
à un défaut effentiel qu'on connoifloit déja
dans le Nombre d'or , ou Cycle de Meton ;
car quoique ce Cycle remette tous les 19
ans les nouvelles & pleines Lunes aux mêmes
jours de l'année , cependant après une
longue fuite de fiécles , il les ramene quelques
jours plûtôt.
Or , felon les Décrets des PP. du Concile
de Nicée , qui avoient envoyé à Alexandrie
( autrefois le fiége de l'Aftronomie ) confulter
le Patriarche & les Mathématiciens
de ce tems-là , pour la célébration de la
Pâque , l'Equinoxe du Printems devoit être
fixé conftamment au 21 Mars , & le jour de
Pâques au Dimanche , qui fuit immédiatement
la pleine Lune de l'Equinoxe . Il étoit
donc néceffaire pour s'y conformer , de corriger
JANVIER, 1744. 185
riger l'erreur qui feroit arrivée plufieurs
fois pendant le treizième fiécle , au Calendrier
Grégorien , & c'eft pour cela qu'à
Rome on obferva en 1702 & les années fuivantes
, les Solſtices , les pleines Lunes , &
Les Equinoxes.
On fût dès-lors furpris de trouver l'Obliquité
de l'Ecliptique diminuée , ce qui s'accorde
affés au fyftême qu'a publié depuis le
Chevalier de Louville , lorfqu'il l'obferva
encore plus perite de la fixième partie d'une
minute , environ 15 ans après . Il s'agit donc
aujourd'hui d'expliquer pourquoi on ne la
trouve plus diminuée depuis ces tems-là
c'eſt-à- dire , dans l'efpace d'environ 40 ans ,
mais auparavant , il s'agit de bien décider
s'il eft vrai qu'elle a paru augmenter depuis
l'année 1736.
Les proportions que l'on a obfervées dans
la hauteur de cet Obelifque , font entièrement
conformes à ce que nous lifons dans
les anciens Auteurs , fur les Obeliſques
tranfportés d'Egypte à Rome , & dont le
fuſt étoit communément en proportion de
cuple avec la bafe . D'ailleurs , le modéle
en a été conſtruit de grandeur naturelle par
M. le Chevalier Servandoni , fi diftingué
par des talens qui lui ont attiré univerfellement
en France , l'eftime & l'affection du
Public .
I inj
OB186
MERCURE DE FRANCE.
OBSERVATIONS fur la Cométe.
N
Ous avons à préfent une Cométe ,
d'une groffeur & d'une lumiére fi éclarante
, que depuis 1680 , on n'en a pas
vû
d'auffi belle. Sa Queue qui n'étoit au commencement
de Janvier que d'un demi degré
, a tellement augmenté , qu'elle a paru
de 15 degrés au commencement de Février ;
& le 4 du même mois , elle s'étendoit jufqu'au
col d'Andromede, c'est-à-dire, qu'elle
pouvoit avoir 17 degrés & demi ; elle
doit encore augmenter , à méfure qu'elle
s'approchera du Soleil .
Cette Comére a été vûë dès le 1 ; du mois
de Décembre en Suiffe & en Hollande ,
mais elle n'a été apperçue à Paris & à Londres
, que vers le commencement de l'année
; on l'a obfervée les derniers jours de
Décembre à l'Obſervatoire , mais elle étoit .
encore affés foible , n'ayant point de Queue.
Le 3 Janvier,l'ayant vû à 5 heures & demie
au Méridien , dans la lunette d'un quart de
Cercle mural de 6 pieds , & l'ayant comparée
à l'Etoile qu'on nomme la luifante du
Bélier. Sa longitude a été trouvée de 14 degrés,
11 min. & un quart,& fa Latitude Boréale
de 17 degrés 32 min. & 3 quarts.
Cette Comete paroiffoit alors faire un
triangle ifofcéle & prefqu'obtufangle , avec
les
JANVIER. 1744. 187
les deux grandes Etoiles Orientales du Quadrilatere,
repréfenté au bas du Planifphere ,
inferé pag. 144 , du Livre de la Théorie
des Cométes. Quelques jours après , elle a
paru s'avancer vers l'Occident, & l'on a remarqué
qu'elle a paffé prefqu'à égale diftance
de la tête d'Andromede & de l'aîle
de Pégafe , qui font les deux Etoiles Orientales
du Quadrilatere , dont on vient de
parler.
Le 7 Janvier , à 5 heures du foir , la Cométe
ayant encore été obfervée au Méridien
, få longitude étoit 12 degrés 3 min. &
10 fecondes , & fa latitude Boréale de 17 degrés
5 1 min. & demie. Enfin , elle s'eft avancée
depuis ce tems- là prefque parallelement
à l'Ecliptique , & doit fe trouver bien-tôt
proche l'Etoile, qui eft la plus Occidentale &
la plus proche du lieu du coucher du Soleil ,
des 4 grandes Etoiles , qui forment le Quadrilatere
qu'on voit le foir à 8 heures , affés
élevé fur l'horifon Occidental.
Il paroît par l'augmentation de la Queuë
de cette Cométe , qu'elle defcend encore
vers le Soleil , & fa conjonction en longitude
doit arriver au commencement du
mois de Mars. Il s'en faudra beaucoup que
cette Cométe n'approche du Soleil autant
que celle de 1680 , dont la Queuë furpaffoit
de 60 degrés ; cette Cométe ayant alors
Iv éprou188
MERCURE DE FRANCE.
éprouvé dans fon Perihelie , une chaleur
2000 fois plus grande que celle d'un fer
rouge. Auffi la Cométe de 1680 a-t'elle
paru effroyable par cette Queuë terrible ,
qui occupoit près de la moitié du Ciel ;
celle-ci , quoiqu'elle n'ait pas 20 degrés ,
paroît déjà d'une grandeur prodigieufe.
asassesas as ás és ésés és és és és ésés és és és
MORTS ET MARIAGE.
E 18 Novembre , M. Jacques Gilles de Kerfauzon
, Chevalier , Seigneur de Kerfauzon ,
Confeiller au Parlement de Bretagne , depuis le/31
Décembre 1696 , mourut à Paris , âgé de 72 ans
Jaiffant pofterité. La Terre de Kerfauzon , dont il
portoit le nom , eft fituée dans la Paroiffe de Guiclan
, Evêché de Leon ,& Hervé le Ny , Seigneur
de Lanivinon , en ayant épousé avant l'an 1400 ,
l'Héritière , Suzette de Kerfauzon, Jean le Ny
Hervé le Ny , & Guenolé le Ny , leurs petits- fils ,
prirent le nom & les Armes de Kerfauzon , & de
Jean , qui étoit l'aîné , & qui fut Seigneur de Kerfauzon
, defcendoit , par differens dégrés de M. de
Kerfauzon , qui donne lieu à cet article , & dont la
Maifon s'eft alliée à celles de du Chaftei ; leénéhal
de Carcado , de Ploeuc , de Guémudeux , de
Penhoet , &c. & qui porte pour Armes de gueules ,
à une boucle ou fermail rond d'argent.
Le 22 , Louis-Emanuel de Cruffol , Marquis de
Florenfac , Capitaine des Vaiffeaux du Roi , depuis
le 10 Mars 1734 , mourut à Uzés , âgé de 33 ans . Il
n'étoit point marié , & il étoit frere de M. le Duc
'd'Uzés , &c .
Le
JANVIER. 1744. 189 .
Le 7 Décembre , D. Marthe de Baudry , veuve
depuis le mois de Juillet 1715 , de M. Jean Baptifte
du Caffe , Lieutenant Général des Armées Nvales
du Roi, Capitaine général des Armées du Roi
d'Espagne , Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis , & Chevalier de l'Ordre de la
Toifon d'or , mourut à Paris , âgée de 82 ans ; elle
avoit eû pour fille D. Marthe du Caffe , mariée en
1704 , avec Louis de Roye de la Rochefoucaud ,
Marquis de Roye , Lieutenant Général des Galéres
de France , duquel mariage eft forti Jean Baptifte-
Louis Frederic de Roye de la Rochefoucaud , aujourd'hui
Duc d'Apville , & Lieutenant Général des
Galéres de France.
Le 9 , Louis de Pardaillan de Gondrin , Duc d'Ansin
, Pair de France , Maréchal des Camps & Atmées
du Roi , de la Promotion du 20 Février der,
nier , Gouverneur ,
le Roi Lieutenant Général pour
des Ville & Duché d'Orléans , Pays Orléannois &
Chartrain, Gouverneur des Ville & Château d'Amboife
, mourut à Paris , âgé de 36 ans ; il étoit fils
de Louis de Pardaillan , Marquis de Gondrin , Colonel
du Régiment d'Infanterie de Gondrin , & Brigadier
des Armées du Roi , mort les Février 1712,
& de Marie-Victoire-Sophie de Noailles , remariée
à Louis- Alexandre de Bourbon, légitimé de France ,
Comte de Touloufe , duquel elle a cû M le Duc
de Penthiévre , Pair & Amiral de France , & c . M. le
Duc d'Antin étoit petit fils de Louis- Antoine de
Pardaillan , Duc d'Antin , Pair de France , &c . mort
le 3 Novembre 1735 , & de Julie- Françoife de
Cruffol d'Uzés , morte le 6 Juillet 1742 ; il avoit
-épousé le 29 Octobre 1722 , Françoiſe Gillonne de
Montmorency-Luxembourg , Dame du Palais de la
Reine , four puînée de M. le Duc de Luxembourg,
& il en laiffe "Louis de Pardaillan de Gondrin , fils
I vj unique ,
190 MERCURE DE FRANCE.
unique , né le 15 Février 1717 , aujourd'hui Duc
d'Antin , Pair de France , Colonel du Régiment de
Gondrin , & trois filles , dont l'aînée eft Religieufe
Profeffe de l'Abbaye de Fontevrault. Voyez pour
la Généalogie de la Maifon de Pardaillan , le Volume
V. des Grands Officiers de la Couronne , folio
1742
Le 16, Mre Louis Caftel de S. Pierre , Abbé Commandataire
de l'Abbaye d'Evron , Ordre des Benoît,
Diocèſe du Mans , depuis 1719, mourut en ſon Ab.
baye , âgé de 47 ans ; il étoit frere puîné de Louis
Caftel de S. Pierre , Marquis de Crevecoeur, Meftre'de
Camp de Cavalerie, ci - devant Enfeigne de la fecon.
de Compagnie des Moufquetaires , & aujourd'hui
Premier Ecuyer de S. A. R. Madame la Ducheffe
Douairiere d'Orléans , & fils de Louis-Hiacinthe
Caftel Comte de S. Pierre , auffi premier Ecuyer
de Madame la Ducheffe d'Orléans , & de feue D.
Françoife -Jeanne de Kerven , morte le 27. Janvier
1740 , & dont la mort a été annoncée dans le Mer
cure de Mars de la même année , fol . 6c8 . Le nom
de Caftel eft marqué parmi les Nobles de la Province
de Normandie , & également diftingué par fon
ancienneté , fes alliances & fes fervices Militaires ,
& porte pour Armes de gueules , à un chevron d'argent
, accompagné de trois rofes d'or , pofées deur
en chef & une en pointe.
Le 18 , Charles - François de Boufflers, Seigneur de
Remiencourt , près d'Amiens , dit le Marquis de
Boufflers , Lieutenant Général des Armées du Roi ,
depuis le 15 Fevrier 1732 , & Commandeur de
P'Ordre Militaire de S. Louis , mourut à Paris , dans
la 63 année de fon âge. Il étoit fils de Charles de
Boufflers , Chevalier , Seigneur de Remiencourt , &
de D. Marie du Bos de Drancourt; il avoit époufé en
1713 Antoinette-Louife-Charlotte de Boufflers , fa
coufine
JANVIER. 1744. 191
coufine au cinquième degré , fille de M. le Maréchal
de Boufflers , & foeur de M. le Duc de Boufflers
, Pair de France ; il la laiffe veuve & mere de
plufieurs enfans , entre autres de Louis -François de
Boufflers , Marquis de Remiencourt , né le 22 Novembre
1714 , Mefire de Camp , Lieutenant du
Régiment de Dragons d'Orléans , du 25 Mars 1737,
marié avec D. de Beauvau. Voyez pour la Généalogie
de la Maifon de Boufflers , l'une des plus illuftres
de la Province de Normandie & dont les
Seigneurs de Remien court font la troifiéme Branche
, le Volume V. de l'Hiſtoire des Grands Offi
ciers de la Couronne , fol. 77.
Le 21 , Louis-François -Charles- Auguftin de Rochechozart
de Mortemart , Duc de Rochechouart , Pair de
France , Grand d'Efpagne de la premiére Claffe , &
Premier Gentilhomme de la Chambre du Roi, mou .
rut à Paris , dans la 4 année de fon âge. Il étoit fils
unique deCharles -Augufte deRochechouait deMortemart,
Duc de Rochechouart, Pair de France, Grand
d'Espagne de la premiére Claffe , Premier Gentil
homme de la Chambre duRoi,Colonel du Régiment
d'Infanterie de Mortemart, & Brigadier des Armées ,
du Roi , tué à l'âge de 29 ans au Combat d'Ettingen
le 27 Juin 1743 , & de D. Auguftine Coetquen
Combourg. Voyez pour la Généalogie de la Maifon
de Rochechouart , l'une des plus grandes du
Royame , le IV. Volume de l'Hiftoire des Grands
Officiers de la Couronne ,fol. 649.
Le 28 , Gabriel- Marie de Talleyrand- Périgord ,
Capitaine dans le Régiment de Normandie , né le
premier Octobre 1726 , fils de Daniel Marie- Anne.
de Talleyrand- Perigord , Comtre de Grignols , Baron
de Beauville Seigneur de Mauriac , & c.
Places , Brigadier des Armées du Roi , Colonel da
Régiment
191 MERCURE DE FRANCE.
Régiment de Normandie & de MarieGuyonne de
Rochefort Théobon , fut marié avec Dlle Marie-
Françoife- Marguerite de Talleyrand-Perigord , née
le 10 Août 1727 , fille unique de Jean Charles de
Talleyrand- Perigord , Prince de Chalais , Marquis
d'Exideuil , Baron de Mareuil , Seigneur de Rouffiac
, Iviers , Salles , & c. Grand d'Efpagne de la
premiére Claffe , Gouverneur pour le Roi de la
Province & Duché du Haut & Bas Berry ; &
de D. Marie Françoiſe de Rochechouart de Mortemart.
EXTRAIT de la Généalogie de la Maifon
de Talleyrand.
Les Ecrivains qui ont parlé des Seigneurs de Talleyrand,
Comtes de Grignols & Princes de Chalais,
conviennent qu'ils font iffus des anciens Comtes
de Perigord , du nom de Talleyrand.
M. de Baluze , dans fon Hiftoire de la Maiſon
d'Auvergne , établit la féparation de la Branche des
Comtes de Perigord , d'avec celle des Seigneurs de
Grignols , du tems de Bofon , Comte de Perigord
en 1158 , qui , dans la Chronique de Geoffroy ,
Prieur du Vigeois , eft appellé Bofon de Grainol ols
Grignols , en Latin de Granholio.
On connoit quatre fils de ce Bofon , 1º . Helie de
Talleyrand , qui fut Comte de Perigord , après lui .
2. N. de Talleyrand, Seigneur de Montignac, dont
il est fait mention dans les Poëfies de Bertrand de
Born , Poëte Perigourdin , qui écrivoit en 1182. 3 ° .
N. de Talleyrand, Seigneur de Grignols , indiqué
dans un Sirvante du même Bertrand de Born ,
qualifié dans l'argument , l'un des grands Barons du
Perigord. 4. Ramnulfe de Talleyrand , Abbé de
la Faife.
&
Helie de Talleyrand , Comte de Perigord , & fon
fils
JANVIER . 1744.
193
fils Hélie de Talleyrand , difputerent au Seigneur
de Grignols la poffeffion de cette Seigneurie, ce qui
caufa entre eux des brouilleries , qui ne furent terminées
que par la renonciation qu'Archambaud de
Talleyrand fit vers l'an 1226 , en faveur de Bolon
de Grignols , à tous les droits qu'il avoit , pouvoit ou
devoit avoir fur les Château & Châtellenie de Grignols,
& à toute prétention qu'il pourroit former contre
Bofon fur lefdits Château Châtellenie.
Helie de Talleyrand , fils d'Archambaud , ratifią
cette renonciation par un Acte du mois de Janvier
1245 , dont l'original eft parmi les Titres de la Maifon
de Talleyrand ; il y dit , entre autres chofes : Et
lefufdit Bofon & fes fucceffeurs doivent nous défendre
aider envers contre tous , comme de notre côté nons
& nos fucceffeurs , devons ſemblablement & en la même
maniére , aider ledit Bofon les fiens , enſemble
défendre & garder eux & leurs biens contre tous en
tous lieux, & le fufdit Bofon doit jurer ce que deffus
Jur les faints Evangiles , à nous & nos fucceffeurs ,
le faire jurer aux Chevaliers & autres dudit Chateau.
De notre côté , nous & nos fucceffeurs , fommes
tenus devons pareillement jurer la méme chofe au
fufdit Bofon & à fes fucceffeurs , avec les dix meilleurs
Chevaliers de notre Terre , & nous devons nous prêter
P'un à l'autre le même ferment une fois à chaque mutation
des Comtes de Perigord des Seigneurs de Grignols
, quand l'un en fera requis par l'autre , & tant
nous que le fufdit Bofon,fommes convenus de faire ledit
ferment , pour maintenir fermement entre nous les
nôtres , perpétuellement & irrévocablement une paix
fincére une bonne union & concorde.
Archambaud , fils & fucceffeur d'Helie de Talleyrand,
fit la même renonciation , & prêta le ferment
requis à Helie de Talleyrand, Seigneur de Grignols ,
par un Acte , daté du 7 des des de Juillet de l'an
1277 , dont l'original eft parmi les Titres de la
Ma.fon
194
MERCURE DE FRANCE.
Maifon de Talleyrand. Il eft à obferver que la Seigneurie
de Grignols appartient encore aujourd'hui
a la Maifon de Talleyrand.
Helie de Talleyrand , Seigneur de Grignols ,
époufa Agnès de Chalais , par qui la Terre de Cha.
Lais eft entrée dans la Maifon de Talleyrand , qui la
poffede encore aujourd'hui . Il eut de fon mariage
plufieurs enfans , dont l'aîné
Raimond de Talleyrand, Chevalier , Seigneur de
Gaignols & de Chalais , époufa l'an 1305 Marguerite
, fille aînée d'Adhemar de Beynac , dont il eut
Bofon de Talleyrand , Seigneur de Grignols & de
Chalais ; on ne connoît fa femme que par fon Tef
tament , où il la nomme Madame Barrana , & l'on
fçait feulement que fa dot avoit été conftituée en
partie fur l'Hôtel de Chateleneuf de Berbiguieres .
Il en eut plufieurs enfans , dont l'aîné
Helie de Talleyrand , Chevalier , Seigneur de
Grignols & de Chalais , Chambellan du Roi Charles
VI , époufa Affalide de Pomiers , Dame & Vicomteffe
de Fronfac. On a de lui plufieurs quittances
originales de gages qu'il a reçus pour fervices
militaires , en qualité de Chevalier Banneret , avec
deux Bacheliers & neuf Ecuyers de fa Compagnie ;
l'aîné de fes enfans fut
François de Talleyrand , Chevalier , Seigneur de
Grignols de Chalais & de Fouquerolles , Vicomte
de Fronfac , marié avec Marie de Brabant , niéce
d'Huguelin de Chalons , de qui elle eut par fucceffion
la Terre de Bafoches. Leur fils aîné fut
Charles de Talleyrand , Chevalier , Seigneur de
Grignols & de Fouquerolles , Prince de Chalais , &
Vicomte de Fronfac . Il eft le premier qui ait pris Is
Titre de Prince de Chalais . De Marie de Franche-
Jyon , Veuve de Louis Chauveron , Seigneur de Ris
& de Lauriere , qu'il époufa en fecondes nôces le 6
Mai 1443 › il eut
Jean
JANVIER 1744
195
Jean de Talleyrand , Chevalier Seigneur de Gri
gnols & de Fouquerolles , Prince de Chalais , Vicomte
de Fronfac , Chambellan du Roi Charles
VIII , Premier Maître d'Hôtel de la Reine fa femme
, Anne de Bretagne , Chevalier d'honneur de la
même Anne de Bretagne , feconde femme de Louis
XII. & de Marie d'Angleterre fa troifiéme femme,
Maire & Capitaine de Bordeaux. Il époufa en 1478
Marguerite de la Tour , fille d'Agne de la Tour
Vicomte de Turenne , & de Marie de Beaufort , &
en eut plufieurs enfans , dont l'aîné
François de Talleyrand , Seigneur de Grignols
& de Fouquerolles , Prince de Chalais & Vicomte
de Fronfac , époufa Gabrielle de Salignac , fille de
Bertrand de Salignac , & d'Ifabeau de Talleyrand ,
fa coufine germaine , dont il eut
Julien de Talleyrand, Seigneur de Grignols, Prin
ce de Chalais & Vicomte de Fronfac , marié avec
Jaquette de la Touche , fille de François de la Touche
, Seigneur de la Faye , dont le fils
Daniel de Talleyrand , Chevalier Prince de Cha-
Jais , Comte de Grignols , Marquis d'Exideüil , Baron
de Beauville & de Mareuil , Confeiller du Roi
en fes Confeils d'Etat & Privé , Capitaine de cent
hommes d'armes de fes Ordonnances , époufa en
1587 , Françoiſe de Montluc , fille de Blaiſe de Montluc
, Maréchal de France. Louis XIII . érigea en fa
faveur laTerre & Châtellenie de Grignols en Comté
, & celle d'Exideüil en Marquifat. Dans le préam
bule des Lettres d'Erection , Daniel de Talleyrand ,
eft dit iffu en ligne directe des anciens Comtes de Périgord.
Françoile de Montluc apporta dans la Maiſon
de Talleyrand, les Terres d'Exideüil , de Mareüil , &.
de Beauville .
De plufieurs garçons , qu'il eut de fa femme ,
deux ont laiffé des fils qui ont formé deux branches
de la maison de Talleyrand , dont l'aîné
Charles
198 MERCURE DE FRANCE.
Charles de Talleyrand , Prince de Chalais , Marquis
d'Exideuil , Comte de Grignols , Baron de
Beauville & de Mareuil , époufa en 1637 , Charlotte
de Pompadour , fille de Philibert de Pompadour ,
Chevalier des Ordres du Roi , fon Lieutenant- Général
dans le Haut & Bas Limofin . Il en eut trois
garçons , dont l'aîné Adrien Blaife de Talleyrand ,
avoit époufé Marie- Anne de la Tremoille , depuis
Princeffe des Urfins , dont il n'a point eu d'enfans ;
le fecond , Pierre de Talleyrand eft mort fans pofte
rité , & le troifiéme
Jean de Talleyrand , Prince de Chalais , Marquis
d'Exideuil , & c. marié en 1676 avec Julie de
Pompadour , fille de Philibert de Pompadour , Mar
quis de Ris & de Lauriere , & de Catherine de Ste
Maure , en eut
Jean Charles de Talleyrand , Prince de Chalais ,
Marquis d'Exideüil , &c. Grand d'Espagne de la
premiére Claffe , Gouverneur du Berry ; de fon ma
riage avec Marie Françoife de Rochechouart , fille
de Louis de Rochechouart Duc de Mortemart, Pair.
de France , Général des Galéres , eft née le 10
d'Août 1727 Marie- Françoife Marguerite de Talfeyrand
, dont le mariage avec le Comte de Talleyrand
a donné lieu à cet article.
André de Talleyrand , Chevalier Comte de Grignols
, Baron de Beauville , quatriéme fils de Daniel
de Talleyrand , & de Françoife de Montluc , époufa
en 1639 , Marie de Courbon , fille de Jacques de
Courbon , Seigneur de Romegou , &c. il en eut
plufieurs enfans , dont l'aîné
Adrien de Talleyrand , Comte de Grignols , Ba
ron de Beauville , eut de fon mariage avec Sufanne
Jaubert de S. Gelais , fille de Gabriel Jaubert'
de S. Gelais , Comte de Bourfac & de S. Sevrin
Gabriel de Talleyrand , Comte de Grignols , Ba-'
ron*
JANVIER. 1744. 197
>
ron de Beauville & de S. Sevrin , marié en 1704
avec Marguerite de Taillefer , Dame de Mauriac ,
fille de Daniel de Taillefer , & d'Henriette d'Aubuffon
de la Feüillade , dont il a eu
Daniel Marie- Anne de Talleyrand , Marquis de
Talleyrand , Comte de Grignols , & de Mauriac
Brigadier des Armées du Roi , Colonel du Régiment
de Normandie , qui de fon premier mariage
avec Marie Guyonne de Rochefort Théobon , fille
de Charles Bordeaux , de Rochefort , Théobon
Marquis de Théobon , & Captal de Puychagut , &
de Marie- Annę de Pons , a eu
Gabriel •
"
Comte de Talleyrand , ne
le premier Octobre 1726 , dont le mariage avec la
fille du Prince de Chalais a donné lieu à cet article.
Le Marquis de Talleyrand a épousé en fecondes
nôces en 1732 , Marie- Elifabeth Chamillard , fille
de Michel Chamillard , Marquis de Cany , Grand
Maréchal des Logis de la Maifon du Roi , Colonel
du Régiment de la vieille Marine , & de Marie-
Françoise de Rochechouart de Mortematt , épouse
en premieres nôces, de Jean- Charles de Talleyrand
Prince de Chalais. Il a de ce mariage plufieurs en
fans.
Le Marquis de Talleyrand a un frere nommé
Jean-George de Talleyrand , Baron de Beauville
, Mestre de Camp d'un Régiment de Cavalerie
de fon nom . Les Armes de la maifon de Tal
leyrand font de gueules à trois lions d'or , armés ,
lampaffés & couronnés d'azur , pofés deux & un.
Ils avoient ces armes , il y a près de 300 ans , dans
le tems de l'extinction de la Branche des anciens
Comtes de Périgord , dont le dernier ,, fur qui la
Comté de Périgord fût confifquée , fit fon Teftament
en 1425 ; ces armes font auffi celles de la
Province de Périgord.
TABLE
TABLE.
Catalogue des Mercures depuis Juin 1721 . Privilége du Roi .
Lifte des Libraires qui débitent le Mercure.
Avertiffement qu'on doit lire .
PIECES FUGITIVES . Epitre à M. Nericault Deftoches,
de l'Académie Françoife , par M. Tanevot , 1
Lettre de M. Liger, fur la Quadrature du Cercle , 7
Eloge de la vraye Nobleffe, à M. le Duc de ***
Etrennes au même ,
10
12
Suite de la Lettre de M. l'Abbé Soumille , fur la
Chartreuse de Villeneuve d'Avignon ,
Les Eclairs , Ode ;
13.
33
Extrait de Lettre,au fujet du Paffage de l'Infant Don
Philippe par la Ville de Grenoble ,
Complimens faits à ce Prince ,
38
40
Remerciment des Penſionnaires Chinois du Colléhe
de LOUIS LE GRAND à M. le Duc de Penthiévre
,
Décifion d'un fameux Problême ,
Etrennes ,
43
48
Queft. importante , jugée au Parlem . de Paris , 49
Epitre en Vers à Mlle Puvigné , pour l'inviter à
faire les Rois ,
Obfervations fur un Enfant monftrueux ,
Vers pour le premier jour de l'an ,
Lettre au fujet de la Ville d'Angers ,
La Bouffole , Poëme ,
Mémoire de M Gourdain , fur l'Horlogerie ,
Le Miroir & le Ramoneur , Fable ,
料
54
55
62
64
67
72
78
Lettre de M. de Launay, à M. l'Abbé Berthault , 79
Enigmes & Logogryphes ,
87
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS , & c,
Mémoires concernant l'Hiftoire Eccléfiaftique &
Civile d'Auxerre , Extrait ,
Fables
Fables choifies & nouvelles , par M. Richer ,
L'Enfant & les Abeilles , Fable ,
Le Singe & l'Ecolier , autre Fable ,
L'Oiseau Miſantrope , autre ,
Hiftoire Romaine , Tome IX . Extrait ,
97
98
той
102
103
Nouveaux Logogryphes, avec la clef pour en facili
ter l'intelligence , 107
Traduction Françoise d'un Livre écrit en Anglois
, 108
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Gaules , Extrait
, 109
Voyages dans plufieurs Provinces de Barbarie & du
Levant , 112
Défenſe de la vérité du Martyre de la Légion Thébéenne
,
Lettre fur l'Hiftoire générale d'Allemagne ,
Livre fur l'Espérance Chrétienne , & c .
Le Catalogue des Rôles Gafcons , &c.
Traduction du Poëme de Roland Furieux ,
Mélange amufant de faillies d'efprit . & c.
Etrennes Hiftoriques ,.
113
ibid.
114
itid.
ibide
ibid.
τις
Livres des Pays Etrangers chés Cavelier le pere , ibid.
Lectiones Theologica de Religione , Extrait ,
Hiftoire des Indes Orientales , Extrait ,
Deſcription de la Corfe , & c.
Géographie abbregée ,
Mémoires fur l'Hiftoire des Gaules,
Fables ,
116
121
124
ibid.
129
Nouvelle Edition de l'Explication Hiftorique des
ibid.
Effais fur le Genre & le Caractére des Nations , ibid.
Hiftoire naturelle des Oiseaux , proposée par Soufcription
,
126
Réglement complet des Médailles des Souverains
Pontifes , Extrait , 127
Nouvelle Collection de Voyages , propoſée par
Soufcription ,,
128
Cas fingulier d'un Ecoffois , qui a vécu plus de 18
ans
ans avec de l'eau , du petit lait ou de l'eau d'orë
ge , 130
Nouvelle Edition des OEuvres de Jean Bacquet , ibid.
Effais fur l'Hiftoire de Belles Lettres , & c . 131
Nouvelle Edition d'un Ouvrage fur le Droit de Fa
ibid. tronage , & c.
Differtation Hiftorique fur les Sceaux antiques des
bas fiécles , ibid.
Abbregé de l'Hiftoire Grecque , Romaine & Eccléfiaftique
, en Italien ,
Lucerna fictiles Mufei Paſſerii , II . Tome ,
ibid.
132
Nouvelle Edition du Dictionnaire de Morery , ibid.
IX. & X. Vol. du Recueil des Actes de Rymer , 133
Nouvelle Traduction Françoiſe de l'Art de conferver
la fanté ,
Edicion des OEuvres de Philon le Juif,
Vies des Amiraux , en Anglois ,
Introduction à l'Hiftoire universelle ,
Queſtion proposée par M. P. Th**.
Avis fur le Reméde pour la Goute ,
i
ibid.
ibid.
134
ibid.
ibid.
135
ibid.
Nouvelle Edition du Traité des Matiéres Criminelles
,
Sujet du Prix de l'Académie Françoife , pour le
mois d'Août prochain , 136
Jettons frappés pour le per, jour de cette année , ibid.
Estampes nouvelles , 137
Sonnates de Giovanni Moffi , par Soufcription , 142
Euvre VI. du célébre Handel , auffi par Soufcription
,
Second Concerto, par Mile Hauteterre ,
Nouvelles Cartes du Sr le Rouge ,
Carte du Sr Dernis ,
Nouvelle compofition de Perles,
Le Pantographe perfectionné ,
Effence d'Ognifiori du Sr Briart ,-
Pommade pour les Hemorroïdes ,
Suc de Regliffe & de Guimauve blame ,
143
ibid.
145
ibid.
146
ibid.
148
149
ibid.
Chanfon
2
Chanfon notée , 150
Spectacles. Le Roi , Monfeigneur le Dauphin &
Mesdames de France honorent de leur préfence
la repréfentation de l'Opera de Roland ,
Premier Bal à l'Opera.
*
151
153
ibid.
Fernand Cortés , nouvelle Tragédie , repréſentée
fur le Théatre François ,
Nouvelle Parodie , intitulée Roland , repréſentée à
P'Hôtel de
Bourgogne , 154
Nouvelles Etrangères, Turquie , Pologne , &c. 155
Morts des Pays Etrangers,
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
161
162
Fête donnée à Stockolm par M. le Marquis de Lanmary
, 163
Nouveaux Chevaliers de l'Ordre du S. Efprit , 166
La Charge de Premier Gentilhomme de la Chambre
de S. M. donnée au Duc de Richelieu ,
Nouveaux Gardes du Corps reçûs ,
168
ibid.
Les Députés des Etats de Bretagne ont audience da
Roi , 169
Le Duc d'Antin prête ferment de fidelité entre les
mains de S. M. ibid.
Le Comte de Montijo prend congé du Roi , 170
La Reine , Monfeigneur le Dauphin , & Mefdames
de France partent pour Marly , ibid.
Le frere de l'Empereur élû Evêque de Liége , ibid.
M. Rince élû Evêque de Bâle , ibid.
L'Evêque de Dijon eft facré & prête ferment de fidelité
entre les mains du Roi ,
Bénéfices donnés ,
171
ibid.
Extrait d'une Lettre de Dourdan au fujet des réjouiffauces
faites pour le Mariage de M. le Duc
de Chartres, ibid.
Le premier jour de l'an ,les Hautbois de la Chambre
jouent au lever du Roi , & M. Deftouches fait
jouer par les 24 ; une grande fuite d'Airs de fa
compofition ,
* 174
Concerts
Concerts chés la Reine , 174
Bal marqué chés Mefdames de France ,
Piéces joliées à la Cour ,
175
ibid.
Dimenſions de l'Obelifque & du Gnomon de l'Eglife
de S. Sulpice ,
Obfervations fur la Cométe ,
Morts & Mariage ,
Généalogie de la Maiſon de Talleyrand ,
176
186
188
192
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAges,ligne s, Kempis , lifex , à Kempis. P.
47 ,
8.
du bas , Cerele , l . Cercle. P. 24 , 1. 2
Coeur , Choeur. P. 36 , 1. 7 & 9 , ôtez le point d'admiration
après le mot confondus , mettez le après le
mot Tonnerre. P. 38 , 1. 4 , Doм , l . Don . P. 41 , 1 ,
18 , à , l. à. P. 46 , l . 12 , un , l . une. P.
1.8 &
9, préferée , 1. préferé. P. 48 , 1. 3 , un , 7. une, P.
so , l . 11 , Picart , f . Pichart. même ligne , préte , 1 .
prété. Même p. 1. 19 & 30 , Pichard , I, Pichart. P.
56 , 1. 22 , abtique , l . optique . P. 78,1 2 du bas ,
brile, l. brille.P.83 , 1,16 , Libraire , l. Libraire . P. 89,
1.8 du bas , Tonneau , l . & Tonneau . P. 97 , l . 12 ,
dimiciliées , l . domiciliées. P. Ico, l . 5 du bas , Tout
le mon defçait, L. Tout le monde fçait, P. 102 , 1. 2.
MIANTROPE , / . MISANTROPE . P. 115, ] 14, diverſe ,
1. diverles. P. 116 , l . 18 , Academica , 1. Academica.
P. 117,1. 11 , Miffon , , Muffon. P. 127 , 1. 5 da
bas , données , l . donnés. P. 130 , l . 19 & 20 , pourquoi,
l . pour lesquelles. P. 132 , 1. 19 ôtez la virgule
après Tome. P. 136 , 1.6 du bas ,funeribus , 1. funerbus.
P. 143 , 1. 6 , les l le . P. 145 , 1. 24. M. Verger,
I. chés M, Verger. P. 152 , . derniére , Gondolle
1. Gondole. P. 161 , l . 12 , de , l . & de Marg. Ibid.
1. 22 , d'Albert à préfent, L. d'Albert, à preſent . Ibid.
arme , l. armes.
1.30 ,
Les
Jertons
gravés
doivent
regarder
la page
La
Chanfon
notée
doit
regarder
la page
,
136
160
MERCURE
DE FRANCE .
1
DÉDIÉ AU ROI.
FEVRIER. 1744.
Chés
URICOLLIGIT
SPARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME
ruë S. Jacques.
CAVELIER.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
M. DCC . XLIV.
Avec Approbation & Privilege du
T
LM
A VIS.
"ADRESSE générale eft à Monfieur
MOREAU , Commis au Mercure , visà-
vis la Comédie Françoife , à Paris, Ceux qui
pour leur commodité voudront remettre leurs
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent fe fervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter & à ceux qui les
envoyent , celui , non-feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de les per
dre , s'ils n'en ont pas gardé de copie.
•
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure deFrance de lapremiere main ,
plus promptement , n'auront qu'à donner leurs
adreffes à M. Moreau , qui aura foin de faire
Leurs Paquets fans perte de tems , & de lesfaire
porter fur l'heure à la Pofte , on aux Meſſage
ries qu'on lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
2
DÉDIÉ
AU
ROI.
FEVRIER 1744 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
ACCORD DE LA RAISON ET DE LA FON
ODE ,
AM. l'Evêque de Baynx , l'un des 40 !
de l'Académie Françoife.
AISSONS les pompeufes merveilles
De Pidolâtre Antiquité;
Je ne veux confacrer mes veilles
Qu'à l'Eternelle Vérité.
Pour elle mon ardeur extrême
Me fait,jufqu'au fein de Dieu même ,
A ij Porter
204 MERCURE DE FRANCE.
Porter mes timides regards.
Que dis- je ! il m'inſpire , il m'éclaire ,
Et dans ma pénible carriére
Je ne connois plus les hazards .
**
Foi defirable , que je chante ,
Sous ton joug foumets nos efprits
C'eft peu que ma muſe te vante
Si l'on ne connoît pas ton prix .
Reads mon entrepriſe efficace ;
Fais toi précéder de la grace ;
Sans elle l'homine ne peut rien
Sans elle tu ferois fans gloire ;
Elle invite , elle engage à croire s
Elle eft la fource de tout bien , J
Quand notre débile paupière ,
N'ofant fupporter le grand jour ,
Par elle s'ouvre à ta lumiére ,
Jufqu'où ne va point notre amour !
Eft-il d'invincibles obftacles ?:
Par toi s'opérent les miracles ;
Tout cede à tes faints mouvemens ,
pour Et le foutien de ta caufe
Le plus foible mortel s'expofe
A l'horreur des plus grands tourmens.
ContemFEVRIER.
1744. 205
Contemplant la célefte voûte
Et tous ces Globes lumineux ,
Qui dans leur admirable route
Vont d'un pas fi majeſtueux ,
La terre en tréfors fi fertile ,
L'Oiſeau , le Poiffon , le Reptile ,
L'Infecte , fait avec tant d'art ;
En fecret la raifon me èrie ,
Peut-il fortir tant d'induſtrie
Des mains de l'aveugle.hazard ›
*3*
C'eſt cette même voix fecrette ,
A l'afpect du Monde & des Cieux ,
Qui dit qu'une oeuvre fiparfaite
Ne peut admettre plufieurs Dieux.
Que de Dieux ce concours étrange ,
Bizarre & fantafque mêlange ,
Révolte & choque le bon ſens ,
Qu'un Eternel & fuprême Etre ,
Qu'à tant d'ordre on doit reconnoftre
Méritefeul tout notre encens.
>
Ce grand Auteur de la Nature ,
Dans fon effence enfevelt ,
Laifferoit-il la créature
Dans les ténébres de l'oubli
A iij Satis
206 MERCURE DE FRANCE.
Satisfait de fon
propre ouvrage ,
Ne veut- il plus aucun hommage ?
Que l'homme erre au gré de fes voeux ?
Eh quoi ce Dieu fans Providence ,
Oifif & plein d'indifference
Seroit un être monftrueux.
La Raifon perçant ces nuages ,
Réfout ces fophifmes.divers.
Rendez , dit- elle , vos hommages
Au Dieu qu'annonce l'Univers.
De fes redoutables Myſteres
Jadis il inftruifit vos peres ,
Soyez dociles à ſa voix ;
Cette voix qu'on entend encore
Et qui du Couchant à l'Aurore
Soumet les Bergers & les Rois.
*3X+
Alors par la grace
éclairée
La Raifon , unie à la Foi ,
M'éleve à la voûte azurée
Plein d'amour & d'un faint effroi
Dans ce Sanctuaire adorable ,
De la Trinité refpectable
J'admire l'immenſe Splendeur ;
Mais ma Raiſon, humble & ſoumiſe,
Lai
FEVRIER. 1744 207
Laiffe la Foi qui la maîtriſe ,
En contempler la profondeur.
Pour réparer la faute extrême
Du premier Homme criminel ,
Le Fils fe fait Homme lui- même ;
Se livre au fort le plus cruel.
Sur la Croix meurt l'Auteur du Monde ,
Ce Dieu qui d'une voix féconde
Tira les Etres du néant.
Par la puiffance fouveraine ,
Il dompte la mort ; il l'enchaîne ,
Et du tombeau fort triomphant.
Prodige , & merveille inouie !
Ce Dieu remonté dans les Cieux ,
En mille endroits fe multiplie
Auffi grand , auffi glorieux .
Cet aimable & fouverain Maître
Obéit à la voix d'un Prêtre ,
Vient & defcend fur nos Autels.
Prêtre & Victime tout enfemble ,
Sous un foible voile il raffemble
L'Arbitre & le Dieu des Mortels.
炒菜
Si la Raifon n'en peut comprendre ,
Ni pénétrer l'obſcurité ,
A iiij
Elle
208 MERCURE DE FRANCE,
Elle ne fçauroit fe deffendre
D'en croire la réalité .
Que de miracles innombrables !
Que de témoins irréprochables
Et de tout fexe & de tout rang ×
Qui des Tyrans libres victimes
Ont , pour prouver ces faits fublimes ,
Rougi la terre de leur fang !
En mon coeur la Foi triomphante ,
Me rend comme un ferme rocher
Qu'une onde fiére & mugiffante
Follement tâche d'arracher.
Que l'hérétique ou l'incrédule ,
Armés d'un doute ridicule ,
Veüillent me faire balancer
En vain leur adreffe m'affiége ;
Ma foi folide rompt le piége
Que leur art m'avoit fçu dreffer.
O ! vous , qui des Tyrans féroces
Avez bravé la cruauté ,
Dans les tourmens les plus atroces
D'où vous vint cette fermeté ?
En
proye à la flâme cruelle
*
D'Enfants une troupe fidelle
* Martyre des Machabées.
Infulte
FEVRIER . 1744. 209
Infulte au vain courroux d'un Roi.
Là , les Apôtres invincibles ,
Dans les douleurs les plus horribles
Doivent leur triomphe à la Foi.
A fon gré d'une roche aride
Découlent les plus purs ruiffeaux
Je vois de la plaine liquide
Sous fes pas s'affermir les eaux.
L'effet fuit de près ſa priere ;
L'Aveugle né voit la lumiere ;
Des Muets on entend la voix ;
Du fond de fes Royaumes fombres
La mort laiſſe les pâles ombres
Sortir , & violer fes Loix.
1
**
Quel bizarre amas d'héréfies
S'éclipfe devant fon flambeau !
Aux Lieux dont elles font forties
Elles rencontrent leur tombeau.
Malgré leur attaque cruelle ,
1
Du Très- Haut l'Epoufe immortelle ,
L'Eglife , brave tous leurs traits ;
L'Enfer contre elle en vain conſpire ;
Rien ne pourra de fon Empire
Bannir l'innocence & la Paix.
AY Tei ;
210 MERCURE DE FRANCE
Toi , dont la Foi fert de modéle
'Au troupeau qui t'eft confié ,
Reçois cet hommage fidéle
Par tes vertus juftifié.
Mais , DE LUYNES , fi dans la Chaire
Tu fçais nous inftruire & nous plaire ,
En nous expofant notre Foi ,
Donne-nous auffi ton courage ,
Si tu veux qu'on ait l'avantage
De la pratiquer comme toi.
Par M. LE PETIT DE MONTFLEURY , de
Académie Royale des Belles-Lettres de Caën .
**
RE
FEVRIER. 1744. 211
REPONSE de M. Liger , Commis au
Bureau de la Guerre , à M. de la Cofte le
cadet , à Dijon.
J
'Ai lû , Mr , dans le Mercure de Septembre
1743 , pag. 2003 , vos réfléxions
fur l'idée de l'infini , qui font pleines
d'efprit & fort ingénieuſement conduites ;
mais avec ces avantages , elles n'emportent
pas la conviction & ne démontrent l'infini
que fophiftiquement . Vous dites , Mr , que
lorfque vous pensez à l'infini , vous confiderez
l'Etre par lui- même,dans lequel vous
appercevez toujours une ulterieure réalité
permettez- moi de vous dire que c'eft confondre
deux idées à la fois , celle du rien &
celle du réel , car la divifion ou l'augmenta-
´tion d'une réalité , poffibles à l'infini , enfantent
fumplement l'idée de l'infini , mais
la divifion ou l'augmentation n'étant rien
par elles-mêmes , leur produit eft un autre
rien ; donc en penfant à ces riens , c'eſt ce
me femble une idée que l'on doit diftinguer
de la penfée ou réfléxion que l'on fait fur
an quelque chofe de réel.
Votre penfée fur l'infini fait de ce rien
le réel , dans lequel vous appercevez l'infini
A vi
OW
212 MERCURE DE FRANCE.
.
ou rien , qui précéde toujours l'être , & vous
croyez fortir de cette complication obfcure
par une addition que vous admettez
voir fe continuer fans fin .
pou-
En diftinguant le non être d'avec ce qui
eft , je dis , Mr , que l'infini ne provenant
pas de chofes réelles , il ne repréfente aucune
réalité ; donc en penfant au non-être
ou à l'infini , il eft impoffible de confiderer
l'être par lui-même , ni appercevoir une réalité
où il n'y en a point.
Il n'eft pas toujours vrai , que ce qui fe
préfente à l'imagination comme chofe poffible
, foit en effet poffible , & votre idée de
l'infini eft précisément dans ce dernier cas.
Vous dites , Mr , que l'être déterminé eſt
la négation de l'infini ; cela eft vrai , puifqu'il
n'y a point d'infini , & que c'eft par
la
réalité que l'on peut prouver que l'idée de
l'infini cft l'idée du néant , dont les Infinitaires
font un être , ce qui choque la raifon ;
Un nombre exifte ou exprime une exiſtence
; vous fuppofez qu'à ce nombre ou quantité
on peut en ajouter d'autres , & vous
concevez qu'à cet amas l'on peut encore
ajouter , ce que vous affurez pouvoir être
toujours continué : voilà , dites-vous , l'infini
; cette définition eft un pur fophifme ,
dénué de tout fondement.
Je conviens qu'après beaucoup d'additions
,
FEVRIER. 1744 213
tions , on peut encore ajouter , mais je
nie affirmativement que cette accumulation
puiffe fe faire toujours réellement ; je foutiens
au contraire démonftrativement que
cette poffibilité eft une idée fophiftique
c'eft fimplement décomposer ou diviſer un
corps , une addition de matiére & recommencer
l'addition ; par exemple , Mr , Mr , prenons
une particule invifible de la matiére ;
c'eft une unité la plus approchée du néant ,
& ajoutons la à elle-même , par la penſée
autant de fois qu'il eft néceffaire pour en
former un corps de dix milliers pefant ,
certainement la fomme de l'addition fera
telle , que nous n'aurons point la poffibilité
de l'exprimer ; or toute prodigieufe & inexprimable
que foit cette fomme , vous concevrez
encore , comme vous le dites , qu'il
fera poffible d'ajouter à ce corps une addition
plus confiderable de particules de la
matiére , que n'eft la première , je l'accorde
& je dis plus , il vous eft libre , Mr , encore
par la penſée , d'ajouter à ce corps , ( compris
dans l'Univers ) tout le furplus de l'Univers
, c'eft affurément tout ce que vous
pouvez faire , car je vous crois trop raifonnable
pour vouloir créer des Univers ; cependant
, fuivant votre définition de l'infini
, il vous reſteroit encore l'idée de pouvoir
ajouter à tout l'Univers ; or il est évident
214 MERCURE DE FRANCE.
dent que cette idée fuppofe une infinité
d'autres Univer's ; de bonne foi , cette fuppofition
peut-elle être admife : donc il faut
que vous conveniez que vous ne pouvez
continuer à l'infini les additions , & il en
eft de même de la divifion.
Notre particule de matiére eft à l'Univers
comme à tout , mais au néant elle
eft comme i ào , ce qui fait trois termes ,
dont je fais cette progreffion , o 1 :: I tout.
Or je vois que rien ou o ne peut pas être à
quelque chofe d'exiftant , comme cette exiftence
eft à tout ; d'où il réfulte que tout ſe
divife par 1 & que o n'eft propre à rien , car
il ne peut divifer , donc cette forte d'unité
ou particule de matiére , eft ce qu'il y a au
plus près de rien ou o , donc indivifible ,
donc point d'infini dans la Nature.
A Fontainebleau , le 20 Novembre 1743 •
ALLE
FEVRIER . 1744. 215
ཆ
ALLEGORIE.
Jupiter ,étourdi tous les jours par Mercure
Des diffenfions , des débats ,
Qui divifent entr'eux les Mortels ici- bas,
Se réfolur , veillant fur Phumaine Nature ,
De terminer enfin ces frivoles combats.
Réformons , s'il fe peut , cette engeance inſenſée ,
Dit-il , au Dieu du Caducée ;
Une Déeffe eft ſous nos yeux ,
D'un caractere très- docile ,
Mais é foit dit entre nous ) pour moi , pour tous les
Dieux ,
C'eſt un meuble affés inutile.
Elle n'empêche pas que la Reine des Cieux
Avec moi bien fouvent ne foit en broüillerie ,
C'eft ma faute peut-être , & la galanterie ,
A laquelle je fuis enclin ,
Rend fon efprit & fâcheux & malin.
Que faire ? c'eft ma deſtinée.
Pour la feule Junon ma flâme n'eft point née.
D'autres intérêts , mille fois ,
Tu le fçais , mon cher fils , ont partagé nos voix.
Quel bruit dans les Cieux ! quelle eſclandre ,
Quand il fallut combattre aux rives du Scamandre ,
Qu'il
216 MERCURE DE FRANCE.
Qu'il fallut décider fur le fort d'Ellion !
D'un côté , l'on voyoit & Minerve & Junon ;
De l'autre Mars , & la Déeffe tendre ,
Cette Venus , fi peu propre aux combats ,
Qui d'un mortel reçut par avanture ,
Une affés legere bleffure .
Minerve avoit conduit le bras
De l'audacieux Dioméde.
Dans l'immortalité fe trouva le reméde ;
Je conclus donc que par bonté ,
Je dois envoyer fur la terre
La paisible Divinité ;
Va , porte lui les Loix du Maître du Tonnerre.
Il dit , & Mercure à l'inftant
Intime l'Ordre à la Déeffe ;
Elle part d'un efprit content ,
Et du monde bien- tôt elle devient Hôteſſe.
On l'appelle Union , & c'eſt de vous , mortels ,
Que déformais elle attend des Autels .
Sur la bouche vermeille habite le fourire ;
Le calme eft fur fon front, la douceur dans fes yeux;
Dans les mains font des fleurs , fymbole précieux
Du noeud qui nous attache à ſon aimable Empire.
Mais que dis je ? Grands Dieux , ah ! combien parmi
nous
A- t'elle réfidé , fans trouver un afile !
Et qui de fon régne tranquile ,
Jufqu'à
FEVRIER . 1744 . 217
Jufqu'à notre âge avoit paru jaloux ?
Méconnue à la Cour , étrangere à la Ville ,
Ignorée au fein des époux ,
Et des familles & du Cloître ,
A peine ofoit- elle paroître,;
Et fi par fois , de quelque grain d'encens
La Déeffe étoit honorée ,
Contre elle auffi -tôt conjurée ,
La diſcorde étouffoit fes hommages naiffants
Tel fut long-tems l'accueil funefte ,
Que firent les humains à la fille célefte ;
Rebutée , errante en tous Lieux ,
Elle étoit prête , hélas ! de retourner aux Cieux;
Les Vertus avec elle alloient être exilées ,
Lorfqu'en certain réduit les Graces raffemblées ,
Les Mufes , les Talents , la fincere amitié ,
De fon deftin eurent pitié ;
Initiés dans fes Myfteres ,
Ils s'obligerent tous , par des liens aufteres ,
De fuivre fes divines Loix.
Que fous leurs traits divers , l'Union a de charmes I
C'eft à qui lui rendra les armes ;
Chacun devient attentif à ſa voix.
Ainfi de Jupiter la fageffe profonde
A la Déeffe , à tous les droits ,
Affura l'Empire du monde.
Par M. Tanevot.
DIS
218 MERCURE DE FRANCE.
DISCOURS fur l'amour du Bien Public.
T
Out Citoyen à qui l'on confie quelque
emploi & quelque adminiftration
, fe doit entierement au Bien Public ;
efclave honorable de la dignité dont il
eft revêtu , il en doit refpecter les fonctions,
& en méditer continuellement les devoirs.
le
Il eft obligé de fe prêter à tout ce que
Bien Public peut exiger de lui ; fon tems eſt
une espéce de tréfor toujours ouvert aux
befoins de fes Concitoyens fes occupations
ne dépendent pas de fon goût ni de fon ca
price ; elles font engagées à la juftice & à
l'Etat ; c'eſt un dépôt facré qu'il doit rendre
à tout moment.
Les dons précieux qu'il peut tenir de la
Nature , ne lui ont pas été libéralement accordés
, comme un titre frivole de diftinction
& de vanité, mais comme un folide
moyen de fe rendre utile à ſa Patrie; ce font
des talens déplacés & dangereux , quand le
Public n'en profite pas.
Les Particuliers pour qui l'on s'intereffe
font fouvent ingrats ; le Public , auquel on
s'attache , ne l'eſt jamais.
Un
FEVRIER. 1744. X 219
Un homme en place qui aime le Public
Jaiffe des louanges fûres à fon nom , & une
gloire immortelle à fa pofterité.
Il voit croître fa réputation avec les an
nées , & joüit par-là du plus doux fruit de
fes travaux. L'Antiquité nous vante un bon
Prince , qui pleuroit les jours qu'il n'avoit
pû marquer de fes bienfaits ; il en doit être
de-même de celui qui exerce quelque autorité
, quoique plus bornée ; il faut qu'il occupe
la jeuneffe à acquérir les connoiffances
propres à fon état , & le refte de fa vie à en
faire ufage pour le Bien Public.
La fcience qui éclaire fon efprit, ne le féduit
point; il eſt auffi content d'appercevoir
la vérité par les lumiéres d'autrui que par
les fiennes , il ne cherche qu'à la découvrir ,
fans fe faire honneur de fa découverte ; il ne
fe confidere point lui -même dans ce qu'il
fait ;le Bien Public eft le feul objet de fes
démarches & de fes foins , pourvû que
cet objet foit rempli au gré de fes fouhaits ,
tous fes intérêts perfonnels lui font étran
gers dans fes fonctions. Ne nous imaginons
pas que le zéle ardent à fervir lePublic naiffe
en nous fortuitement, & fans qu'il en coûte
rien au coeur ; le feul amour naturel à l'hom
me c'eſt l'amour propre ; il le faut ni attention
ni effort pour s'aimer foi-même , pour
être vif fur fes intérêts & indolent fur ceux,
des
120 MERCURE DE FRANCE.
des autres ; on trouve ces goûts vicieux dans
la Nature , on les apporte en naiffant.
Les faux Sages du Paganiſme fe piquoient
en vain du détachement de toutes chofes ;
ils n'avoient que le trifte avantage de fe
contraindre , fans avoir la gloire de fe furmonter
; ils avoient beau être Philofophes
pour fes autres , ils étoient toujours hommes
pour eux- mêmes .
le
- Inutilemnt étalons-nous des dehors reglés,
lorfque l'intérieur ne l'eft pas , c'eſt par
coeur qu'il faut commencer les attaques
pour remporter une victoire folide .
C'eft fur le Théatre des paffions humai
nes que doit s'exercer le courage , pour faire
triompher la vérité ; une probité apparente,
une conduite hypocrite,font fort fujettes à fe
démentir ; mais lorfqu'à force de fe vaincre
foi -même on eft parvenu à fe mettre au- deffus
de tous les intérêts particuliers , rien
n'empêche plus qu'on ne fe livre à l'amour
du Bien Public, qui eft l'héroïsme de la Magiftrature
& des emplois municipaux .
Celui qui fort victorieux de pareilles
épreuves , femble n'en devoir plus craindre
d'autres ; il ne lui faut que des applaudiffemens
& des triomphes.
Ceux que les Concitoyens lui préparent ,
font d'autant plus fincéres , qu'ils viennent
du coeur , d'autant plus flateurs, qu'ils s'addreffent
FEVRIER. 1744. 228
dreffent à la perfonne plûtôt qu'à la dignité.
- Il doit s'aflurer par avance que l'utilité
des fervices par lui rendus au Public , parlera
après la mort , & que fon exemple
loin d'être renfermé dans le cercle de fa Patrie
, fe répandra en d'autres Climats, comme
font les pluyes univerfelles , qui fertilifent
toute la Terre, ..
Souvent les Particuliers ne tiennent pas
compte à l'homme public de ce qu'il fair
pour eux ; ils le croyent deſtiné par fa condition
à les fervir , & s'imaginent qu'ils
font en droit d'exiger de lui toutes fes attentions
& fes foins , fans être engagés à
aucun fentiment de reconnoiffance ; mais
du moins goûtera-t'il dans le tems la joye fi
pure pour les belles ames , de s'être acquitté.
de fon devoir envers le Public , & par un
noble retour , la Pofterité, qui met le fceau
aux véritables réputations , lui rendra exactement
la justice , qu'il aura renduë aux au◄
tres,
Par M. D. D. Avocat.
EPITRE
222 MERCURE DE FRANCE,
EPITRE à mes yeux , fur la maladie dont
ils ont été affligés au commencement
du Printems.
Vous ,mes yeux , dont je préferé
L'officieux miniftére
Aux trésors d'un Potentat ;
Vous , que dans mon trifte état ,
Je chéris plus que ma vie ,
Par quelle injufte manie
M'avez- vous abandonné?
Pourquoi fuis - je condamné ,
Sans fondement légitime ,
A devenir la victime
De ce que j'ai de plus doux ?
Pourquoi me refufez - vous
Le fecours que la Nature
Prétend qu'à la Créature
Vous accordiez jour & nuit?
A peine l'hyver s'enfuit ,
A la voix qui les rappelle
Des Vents la troupe fidelle
Va reprendre encor fes fers.
De mille ornemens divers
La Terre , couverte à peine,
Reçoit l'agréable haleine
De
FEVRIER. 1744.
223
De Zéphire bienfaifant ;
Déja foible & chancellant ,
Au milieu de ma carrière ,
Je fens que de la lumiére
Le flambeau va me quitter ;
Hélas ! je fens s'apprêter
L'horreur des ténebres fombres ,
Qui , de leurs fatales ombres
Vont envelopper mes jours ,
Et précipiter leur cours .
Quand le matin je me leve ,
Et que le Soleil s'éleve
Sur la tête des Humains ,
Qu'il leur donne à pleines mains
Des marques de fa tendreffe ,
De la douleur qui les preffe ,
Mes yeux enflés , abbattus ,
Ne voyent qu'objets confus
Dans les Lieux du voisinage ,
Que deüil , que funefte ombrage ,
Simboles de la terreur.
Le foir , lorfqu'à la lueur
D'une Lampe préparée ,
Les volets ferment l'entrée
Au jour qui rend fur la fin ,
Par le plus cruel deftin ,
J'erre feul dans les tenebres
Et de leurs voles funebros :
Voulang
224 MERCURE DE FRANCE.
Voulant en vain m'affranchir ,
Je fuis contraint de fléchir
Sous le poids de mon martyre.
Mes yeux ne peuvent point lire ,
Ni ma main fe délaffer
A négligemment tracer
Le délicat badinagę .
Qu'enfante un efprit volage ,
Animé de tendres feux .
Enfin , dites - moi , mes yeux ,
Dans la douleur qui m'accable,
Envers vous fuis - je coupable
De quelque dur traitement ?
D'un fatal entêtement
Suivant l'odieux caprice ,
Ai-je donc eû l'injuſtice
De vous forcer à veiller
Chaque nuit , pour débrouiller
Le vain tas d'Ecrits Gothiques ,
Et des Médailles antiques ,
Malheureux reftes du Tems ,
Les mots durs & rebutans ?
Ai-je confacré mes veilles ,
Aux fades contes de vieilles ,
Au cruel Dieu des Amours ,
Aux foupleffes , aux détours
Dont on faifoit dans la Gréce
Un mérite à la jeuneſſe ›
Non ,
FEVRIER. 1744.
225
Nón , vous ne m'avez jamais
Convaincu de tels forfaits.
Exempt de crainte & d'allarmes ,
Je goûte toûjours les charmes
Que m'offrent les doux pavots.
En vain.contre mon repos
Les cris des paffans ſe liguent ;
Vainement ils fe fatiguent
Pour hâter mon lent reveil ;
Si lorfqu'après mon fommeil ,
Il me reste encor du vuide ,
Auprès du galant Ovide
Je vais paffer ces inſtans ;
D'Horace les jeux charmans ,
Et les amours de Catule
Des tendres feux dont je brûle
Viennent aiguiler les traits :
Pourquoi donc de ces bienfaits.
M'ôtez vous la joüiffance ?
Pourquoi de votre aſſiſtance
Me priver fi triftement,
Moi , qui vis paisiblement ,
Sans foins , fans inquiétude ,
Qui fais la guerre à l'étude ,
Et confacre au doux plaifir
Mon tems , mon bien , mon loifir
Eft- ce là de ma conduite
Reconnoître le mérite ,
3 Ingrats,
226 MERCURE DE FRANCE.
Ingrats , que j'ai trop aimés ?
Par vous , mes jours parfemés
De troubles & de trifteffe ,
Dans l'été de ma jeuneſſe
Précipitent mon hyver.
Quoi donc , ce qui m'eft plus cher
Que tous les tréſors du monde ,
D'une haine fans feconde
Récompenfe mon amour !
Par l'espoir d'un prompt retour ,
Ingrats , dont l'horreur m'enflâme ,
Puiffai- je au moins dans mon ame
Verfer la férénité ,
Que votre infidélité ,
Aux plus beaux jours de ma vie ,
En a pour toujours bannie !
GAVOTY.
A Toulon , le 4
Mai
1743-
QUESFEVRIER.
1744.
227
35 36 335 35 35 35 35 32 32 32 32 32
QUESTIONpropafée dans le Mercure
de Mai 1743 .
" D Eux Bergers aiment une Bergere . La
Bergere , preffée de fe déclarer , leur
לכ
donne rendez- vous. Les Bergers y viene
» nent , l'un couronné , l'autre fans couron-
» ne.La Bergere arrive couronnée , elle ôte fa
» couronne , la met fur la tête du Berger qui
» n'en a point , prend celle du Berger cou-
» ronné & s'en couronne. On demande lequel
des deux eft préferé.
22
REPONSE.
On a déja vû dans les Mercures précédens
deux décifions fur cette Queftion , une en
Vers & une en Profe ; toutes deux établiffent
, quoique par des routes differentes ,
que le Berger à qui la Bergere donne fa couronne
, eft le Berger préferé.
Quelque rifque qu'il y ait à avancer un
fentiment contraire à deuxArrêts qui fe confirment
mutuellement , je me crois néanmoins
à couvert du reproche de témérité, &
par la liberté qui a toujours regné parmi les
Gens de Lettres , & par la perfuafion oùje
fuis
que leurs fondemens ne font pas tout à
fait inébranlables.
Bij Les
•
228 MERCURE DE FRANCE.
Les couronnes de nos Bergers étant leurs
ajuſtemens ordinaires, comme à nous autres
gens de Ville les bourfes , la poudre & la
frifure , nous ne dirons point que le Berger
à qui la Bergere donne fa couronne, eft couronné
en tout fens , enforte que par le
terme couronné , nous entendions déclaré
Roi du coeur de la Bergere ; mais nous dirons
fimplement que la Bergere lui met fur la
tête fa couronne, c'eſt-à-dire, qu'elle lui fait
un don , un préfent d'un de ſes ajuſtemens .
D'autre côté, nous dirons , conféquemment
dans le même ſens , qu'elle prend l'ornement
de tête du Berger couronné , pour en
faire l'ornement de la fienne . Tout le réduit
donc de la part de la Bergere à parer la tête
d'un des Bergers de l'ajustement qui paroît
la fienne , & à orner la fienne de l'ajustement
qui ornoit celle de l'autre; en un mot,
d'un côté, c'eft un don , de l'autre , c'eft une
prife. Or dans un cas où une femme doit ſe
déclarer entre deux rivaux , qui ne font en
fa préfence que pour cela , quel effet marque
plus l'amour , prendre ou donner ?
Pour empêcher quelques objections qu'on
pourroit faire , je crois néceffaire d'obferver
que notre Bergere va , fans doute , de pair
avec Aftrée , comme nos Bergers y vont
avec Céladon. C'eft d'un amour délicat dont
il s'agit ici , & non d'une paffion commune
&
FEVRIER. 1744. 229
& digne de la groffiereté de nos Villageois .
Tout don fait librement & avec réflexion
à un homme par une femme qui a de la délicateffe
, marque néceffairement une difpo→
fition favorable pour lui. Si fon coeur n'étoit
pas bien difpofé pour une perfonne ,
elle n'agiroit pas de façon à lui faire croire
ni même à lui faire douter qu'elle ſentît la
moindre difpofition Aateufe , furtout dans
une occafion où il s'agit de fe décider. Une
ame guidée par les fentimens , ne peut être
foupçonnée de faire la moindre chofe qui les
bleffe . Cependant , quoiqu'un don fait par
une femme , incapable de la moindre tromperie
, marque abfolument une bonne difpofition
pour la perfonne à qui elle donne ,
il fuffit , pour qu'on ne puiffe pas affùrer
qu'il marque néceffairement l'amour , qu'on
donne tous les jours à des perfonnes pour
qui on n'en fent nullement , quoique d'ailleurs
on foit très-bien difpofé pour elles ,
Une chofe qui fe fait affés ordinairement
fans être jointe à l'amour , ne le marque pas
néceffairement. Il eft donc certain que le
couronnement, qui au fond n'eft qu'un don ,
entraîne néceffairement faveur , foit d'eftime
, foit d'amitié , foit de reconnoiffance ,
ou d'autre bonne femblable difpofition , enfemble
ou féparément , dans le coeur de notre
Bergere pour le Berger couronné , mais
B iij qu'il
>
230 MERCURE DE FRANCE.
qu'il n'entraîne pas pour lui néceffairement
l'amour.
Que marque le découronnement Le découronnement
n'eft autre chofe de la part
de la Bergere, que l'action d'ôter l'ornement
de tête du Berger couronné , pour en faire
l'ornement de la fienne . Cette action enferme
deux parties à obferver ; l'une de prendre
, l'autre de faire cas de la chofe prife .
Une Bergere tendre , avec fentiment &
délicateffe , ne s'appropriera jamais la moindre
choſe d'un Amant, pour qui elle a ou du
mépris, ou de la haine, ou de l'indifference,
puifque la vanité même, fans délicateffe, fait
méprifer, haïr, ou regarder indifferemment
ce qui vient d'un objet qu'on méprife, qu'on
hait , ou qui eft indifferent ; cela eft dans la
Nature. Tout ce qui a rapport
qui a rapport à un objet ,
participe à nos difpofitions envers lui; il ne
peut donc pas fe faire que le motif qui fait
prendre à notre Bergere la couronne de fon
Amant , ne foit un fentiment favorable pour
lui.
Mais de quelle efpece eft ce fentiment ↑
Eft-il eftime , eft-il amitié , eft-il amour ?
Il est certain qu'il y a dans l'action de
prendre quelque chofe à un Amant , une
forte de hardieffe & de familiarité , qui dans
une femme délicate , ne peut abfolulument
provenir que de l'amour. Elle
fçait
FEVRIER. 1744. 231
fçait que, fe familiarifer & s'enhardir avec un
homme, c'eft lui dire clairement qu'elle eft
bien aife qu'il s'enhardiffe & qu'il fe familiarife
avec elle ; s'il ne le fait pas , c'eft
toujours lui en donner le droit. Une femme
qui a des fentimens , donne-t'elle jamais
fans amour de pareils droits ? La délicateffe
peut-elle fouffrir qu'on agiffe de façon à
faire croire qu'on aime , fi on n'aime point ?
Une ame noble & généreufe eft-elle capable
d'une tromperie fi baſſe & fi crnelle ? c'eſt
ce qu'on ne penfera jamais. Il eſt donc indubitable
que notre Bergere , en s'émancipant
jufqu'à prendre la couronne de fon
Berger , lui fait une faveur qui marque inconteftablement
l'amour,
La feconde partie , enfermée dans le découronnement,
ne le marque pas moins que
la premiere. Si l'amour feul peut engager
notre Bergere à fe livrer jufqu'à prendre la
couronne de fon Berger , le même feul
amour peut l'engager à en faire cas ; le propre
de cette paffion eft de faire eftimer tout
ce qui vient d'un objet chéri.
Qu'on n'objecte donc point que le décou
ronnement marque par lui- même le rebut
du Berger découronné ; car ce n'eft point ici
un fimple découronnement. La Bergere
ôtant la couronne à fon Berger , ne la néglige
point, comme elle auroit fans doute fait
B iiij foit
232 MERCURE DE FRANCE.
foit en la jettant à terre , foit en la donnant
à l'autre Berger, ou autrement, fi elle eût négligé
le Berger auquel elle l'avoit ôtée; mais
bien loin de faire rien qui approche ſeulement
de cela , elle fait de cette couronne
tout le cas que l'amour le plus fort & le plus
délicat puiffe fuggérer . C'eft un découronnement
dont elle fait fon couronnement ; c'eſt
un tendre larcin , ou plutôt un tendre partage
de ce qui appartient à un objet , avec lequel
elle voudroit que tout lui fûtcommun ;
c'eft une amoureufe familiarité, par laquelle
elle s'approprie , avec une tendre hardieffe,
ce qui vient de l'objet de fa tendreffe . Il eft
donc certain que le découronnement , en
tout fens , marque néceffairement l'amour
pour le Berger découronné.
Ainfi je conclus , en difant que les deux
Bergers font favorifés de notre Bergere ,
mais que celui à qui elle donne fa couronne
n'eft que l'objet de fon eftime , au lieu
celui à qui elle la prend , eft l'objet de fon
amour , & par conféquent que le Berger découronné
eft le Berger préféré.
F.... r.
que
ODE.
FEVRIER. 1744.
233
ésésésésésésésés 2è és és és és és és és as as ass
ODE
Tirée du Pleaume V. Verba mea auribus
percipe , &c.
Du Trône où ta grandeur réfide ,
Seigneur , ouvrant fur moi lés yeux ,
Permets que ma bouche timide
Eleve fes cris jufqu'aux Cieux ;
Plein du zéle qui me dévore ,
Grand Dieu , c'est toi ſeul que j'implore
Entends les accens de ma voix ;
Et prête une oreille attentive
Aux voeux que mon ame plaintive
Addreffe à l'Arbitre des Rois.
*3 +
Dès que l'Aurore diligente
Nous ramene un nouveau Soleil ,
Ma foi toujours vive & conftante
M'arrache des bras du fommeil ;
Je ne vois briller la lumiére ,
Que pour confacrer ma priére
An faint objet de mon encens ;
Mais , grand Dieu , dans ton Temple augufte
Verrai-je toujours l'homme injufte
Te fatiguer de fes préfens
BY
234 MERCURE DE FRANCE
"
De ce Tabernacle adorable
Eloignez vos profanes mains ,
Vous , dont la fourbe déteftable
S'épuife à tromper les Humains ;
Impofteurs , cruels , fanguinaires ,
Par vos offrandes mercénaires
Penfez-vous fléchir l'Eternel
Dignes objets de fa vengeance ,
Eloignez-vous de fa préfence ;
Il détefte un coeur criminel.
Pour moi , plein d'efpoir & de crainte
C'est pour expier mes forfaits ,
Que j'entre dans ta Maifon fainte ;
Seigneur ; je chante tes bienfaits.
De ta Grace goûtant les charmes ,
C'eft-là que je viens de mes larmes
Arrofer tes facrés Autels.
Là , je jouis de l'avantage
De te rendre le jufte hommage
Qui t'eft dû par tous les Mortels.
C'eſt- là que tu daignes m'abfoudre ;
Mais hélas je frémis d'effroi ;
Seigneur , fais tomber fous ta foudre
Ces monftres armés contre moi.
De l'Enfer odieux Miniftres ,
༢
It's
FEVRIER.
235 1744.
Ils trament des deffeins finiftres
Contre ma foi , contre mes jours ;
que peut leur bras homicide ;
Si ta vive clarté me guide ,
Je fuis trop fort par ton fecours .
*X
Quoi , pourrois-tu d'un ceil tranquille
Voir ces pécheurs ambitieux ,
Tandis que leur langue diſtille
Un poiſon fi pernicieux ?
Confonds leurs frivoles penſées ;
Ferme ces bouches infenſées ,
Ces abîmes toujours ouverts ,
Et pour engloutir l'innocence
Et pour vomir leur influence."
Dans tous les coins de l'Univers.
Qu'un jugement prompt & terrible
Hâte leurs tourmens préparés ;
Peux-tu laiffer un jour paiſible
A ces enfans dénaturés ?
Dans leur aveuglement extrême
Ils ofent t'attaquer toi même ,
Ils ofent braver ton courroux ;
Frappe ces coupables victimes ,
Et
que
Soit
la meſure
de tes coups.
le nombre de leurs crimes
B vj
Ainfi
236 MERCURE DE FRANCÉ.
Ainfi donc n'étant plus leur proye ,
Par ces triomphes éclattans ,
Tes Elus livrés à la joye ,
Couleront de plus doux inftans ;
En eux tu feras ta demeure ;
Ils célébreront à toute heure
Ta clémence & ton équité ;
Auteur de leur réjouiffance ,
Tu verras leur ferme espérance
Croître à l'ombre de ta bonté.
Dans tous les Climats de la Terre ,
Où regne ton Nom glorieux ,
On apprendra que ton Tonnerre
A terraffé les orgueilleux ;
L'Impie en frémira de rage ;
Le Fidéle hors d'esclavage ,
Ne ceffera de publier ,
Qu'un Dieu bon veille fur nos têtes ,
Et qu'il fçait au fort des tempêtes
Nous couvrir de fon Bouclier.
Par M. l'Abbé le Moine , Régent at
College de Versailles.
DISFEVRIER.
1744. 237
DISCOURS prononcé par M. Freydier ,
Avocat au Parlement de Toulouse , la premiére
fois qu'il porta la parole au Préfidial
de Nifmes.
MESSIEURS ,
Une coutume refpectable engage ceux
qui ont l'honneur de porter , pour la premiere
fois , la parole devant vous , à vous
remercier de la faveur de votre audience ;
mais quand cet ufage n'auroit pas été introduit
parmi les Avocats de cette Cour , je
trouverois cet engagement dans le fond de
mon propre coeur ; je ne confulte fur ce
point que ce qu'il m'infpire.
Preffé de fatisfaire à ce devoir les
par
mouvemens d'une vive reconnoiffance , je
fens tout le poids d'une entrepriſe fi difficile
, mais j'efpere de vous , Mrs , ce que je
ne pourrois que témérairement attendre de
moi-même.
De combien ne vous fuis-je pas redevable
, de vouloir fufpendre , pour un inftant ,
ces occupations toujours précieufes au Public
, ces momens que vous employez avec
tant
238 MERCURE DE FRANCE.
tant de zéle & de fuccès à raffermir la fortune
chancellante de ceux qui implorent votre
juſtice , pour m'écouter aujourd'hui dans
votre Cour en qualité d'Avocat ?
Quel emploi , dans fon origine , plus recommandable
à la fociété ! quelle profeffion
, dans fes effets , plus noble & plus
utile à l'Etat ! jufqu'où n'a-t'elle pas porté
fa gloire dans les anciennes Républiques !
l'éloquence de l'Avocat deffendoit les Rois
innocens , accufoit des Princes coupables ,
diffipoit les conjurations , décidoit du fort
des Royaumes , & bien fouvent , felon la
penfée d'un grand Orateur , l'effet d'un Plaidoyé
étoit la déliberation d'une paix ou
d'une guerre , qui changeoit la face du
monde.
Il eft vrai , Mrs , que notre profeffion
n'eft plus animée par des caufes fi éclatantes
; cependant quel honneur ne procuret'elle
pas à celui qui s'y diftingue encore ?
il eft eftimé des Grands , chéri du Peuple
écouté des Magiftrats , il termine les Procès ,
il deffend l'Innocence opprimée , il follicite
la rigueur des Loix contre ceux qui en méritent
toute la féverité , il rétablit le calme
dans les Familles , il foutient courageufement
l'honneur , la vie & les biens de ceux
qui fe confient à ſon miniſtere .
Telle eft , Mrs , l'occupation ordinaire
des
FEVRIER. 1744.
239
des Avocats de cette Cour , tout à la fois.
éloquens & folides ; on admire chés eux ce
riche fond de génie & d'érudition , cette
exactitude , cette clarté & cette énergie dans
la deffenfe de leurs Cliens , cette Nobleffe
& cette variété dans les expreffions.
*
י
Que ne puis- je , Mrs , réunir en moi de
fi beaux talens ! je ferois plus en état d'exercer
la Magiftrature & de difpenfer la juſtice
diftributive ; mais puifque le Roi m'a honoré
de la Place que j'occupe , je viendrai ,
Mrs , affifter à vos Jugemens ; vos lumiéres
m'éclaireront , votre fageffe m'inftruira , &
je tâcherai d'en approcher auffi fouvent , &
de plus près qu'il me fera poffible.
Oii , Mrs , je viendrai puifer dans ce Tribunal
des lumiéres , comme autrefois les Juges
d'Ifraël alloient , de tems en tems , confulter
celles de Moife : telle fera, Mrs , toute
mon ambition ; je n'aurai à craindre que ma
jeuneffe , ou ma propre infuffifance ; mais ,
comme le degré de vostre eftime fera toujours
celui de ma gloire , je ferai ,fans ceffe ,
de nouveaux efforts pour m'en rendre digne.
* M. Freydier a été reçu en l'Office de Confeiller dis
Rai , Juge de la Cour Royale des Conventions.
ODE
240 MERCURE DE FRANCE.
ODE XV. d'Horace , Liv . I V.
Phoebus volentem pralia me loqui , &c .
MA
ELOGE D'AUGUSTE.
A Mufe qu'excitoit l'ardeur de te louer ,
Si Phébus au Parnaffe eut daigné m'avouer ,
Céfar , dans les tranſports qu'à mon ame charmée
Infpire ta valeur , qui fait ta renommée ,
Ma Muſe alloit te fuivre au milieu des hazards ,
Célébrer & ta gloire & le nom des Céfars ,
Quand furpris des projets d'une ardeur infenſée
Quelle eft , me dit Phébus , quelle eft donc ta
penſée ,
37
» Téméraire ? crois tu que d'une foible voix
55
On puiffe des Célars raconter les exploits ?
»Né va point d'une mer trop fertile en naufrages
» Sur un Vaiffeau fragile affronter les orages.
J'ai fuivi fes confeils , en foupirant tout bas
De voir tant de vertus & de n'en parler pas ,
Et ma Mufe craignant de flétrir ta victoire ,
N'ofe t'entretenir , qu'en tremblant , de ta gloire..
Céfar , ton âge heureux , en miracles fécond ,
Voit l'opprobre du Parthe imprimé ſur ſon front ;
Nos Temples enrichis par tes mains triomphantes
Offrent de toutes parts fes dépouilles langlantes .
Enfa
FEVRIER . 1744. 241
Ce
Enfin pour couronner tes glorieux exploits ,
que fous nos Confuls on n'a vu qu'une fois ,
Les portes de Janus par tes mains font fermées ;
De la fédition les trames réprimées ;
Le bon ordre établi ; fes décrets en vigueur ;
Les moeurs regnent par tout , le crime eft en horreur
;
Les beaux Arts , ces enfans d'une heureufe abondance
,
Cimentent à jamais ton augufte puiffance ;
Ton Empire s'étend juſques aux Régions
Où du Soleil jaloux fe perdent les rayons.
On ne voit plus le feu des difcordes civiles
Troubler notre repos dans le ſein de nos Villes ;
Le Danube affervi recule devant toi ,
Et l'altier Tanaïs a reconnu ta loi.
Nous, du Pampre facré pendant nos jours de Fêtes,
En l'honneur de Bacchus nous couronnons nos têtes ;
Au fon des inftrumens nous accordons nos voix ;
Aux louanges des Dieux nous mêlons tes exploits.
Nous célébrons Venus , & nous chantons d'Enée
La race,pour jamais illuftre & fortunée .
ME'-
242 MERCURE DE FRANCE.
A
&
MEMOIRE HISTORIQUE fur
la forme ancienne des boëtres des Montres
fonnantes , & fur une maniere nouvelle de
les conftruire , par M. Julien-le-Roy ,
Horloger du Roi.
L
Es Montres , qui d'elles-mêmes fonnoient
les heures & les demies , qu'on
nommoit Horloges , étoient d'un grand uſage
en Europe , avant la découverte des répétitions
; on en voit encore de Paris & de
Blois , travaillées avec art , & dont la conftruction
, portée à un éminent degré de perfection
, femble n'y laiffer rien à défirer.
De ces Horloges , les moins anciennes ,
ont deux boëttes comme la plupart des Montres
Angloifes ; l'intérieure en eft conftruite
de maniere , que le bord qui reçoit la plaque
du Cadran , fe démonte pour y placer
le timbre , enfuite on replace ce bord par
deffus , qui laiffant peu de jour entre lui &
le timbre , fert de calote au mouvement &
le garantit de la pouffiere. Cette belle propriété,
qui fe perdit , comme je vais le faire
voir , dans le paffage des Horloges aux répétitions
, eft enfin retrouvée , & renduë
encore plus utile & plus avantageufe qu'elle
ne
FEVRIER. 1744 . 243
ne l'étoit lorfqu'elle difparut ; la reftitution
que j'en fais aujourd'hui à l'Horlogerie , eft
ce qui forme le principal objet de ce Mémoire.
Suivant la Tradition , l'invention des
Pendules à répétition fut portée en Angleterre
par un Prêtre Allemand . Tompion
& Quare , les plus habiles Horlogers de
Londres & de leur tems , furent les premiers
qui en eurent connoiffance , & qui
peu après appliquerent aux Montres cette
admirable invention. Dans les premieres
qu'ils mirent au jour , ils fuivirent en beaucoup
de chofes la conftruction ufitée des
Horloges de leur façon , & imaginerent
dès lors le pouçoir , auquel ils donnerent
un paffage dans l'intérieur du mouvement ,
en faifant les timbres de leurs répétitions ,
plus bas que ceux de leurs Horloges.
Il arrive fouvent dans les recherches ,
qu'après avoir furmonté un obftacle , on en
rencontre un autre, qui le fuit de près. Ils ne
l'éprouverent que trop ; le timbre devenu
plus bas , n'avoit plus la propriété de préferver
le mouvement de la pouffiere ; la néceffité,
mere des inventions,les fit recourir à
d'autres moyens ; ils l'entourerent d'abord
d'un cercle , & l'enveloperent enfuite d'une
calote.
Cette belle invention laiffe pourtant bien
des
244 MERCURE DE FRANCE.
des chofes à defirer , parce qu'elle oblige à
faire le mouvement plus petit , ou la boëtte
plus grande ; en voici la raifon.
Quand le mouvement eft fans calote , toutes
fes parties extérieures peuvent approcher
infiniment près du timbre , fans en
diminuer fenfiblement l'harmonie , mais il
n'en va pas de même quand il en a une ;
elle peut à la vérité approcher fort près du
cerveau du timbre , mais il faut que de-là ,
elle aille , en s'éloignant de fes bords.
Pour mieux entendre ce que je veux dire
ici , il eft bon de fçavoir que la virole d'une
calote doit être cilindrique , ou du moins la
→ portion d'un cône fort allongé , & de plus ,
que la courbe intérieure d'un timbre eft affés
femblable à celle qu'engendreroit la révolution
d'une parabole fur fon axe.
Cela pofe , fi l'on imagine que la calote
eft infcrite dans le timbre , il fonnera d'autant
mieux que les ordonnées tirées de l'un
à l'autre , croîtront dans un plus grand rapport.
La principale raifon de cet effet , conftaté
par mille expériences , eft que , quand
la plus grande ordonnée de la calote au
timbre , eft d'une ligne ou plus , le fon de
fes parties intérieures , qui forment la moitié
de fon fon total , fe tranfmet en plus
grande quantité à l'oreille .
Les Horlogers dont j'ai parlé , avoient
éprouFEVRIER
. 1744.
245
éprouvé plus d'une fois ce que je viens de
faire obferver ; ce furent ces motifs , fçavoir
l'épaiffeur de la calote, & la diſtance néceſſaire
d'elle au timbre , qui les obligerent à
croître confiderablement le volume de leurs
répétitions à doubles boëttes , afin d'en avoir
le mouvement affés grand , pour être d'un
bon ufage , mais cette fage précaution devint
inutile , car à peine le Public fut- il un
peu revenu de l'enchantement de la nouvelle
découverte , qu'il demanda des répétitions
moins groffes ; les Horlogers , par
complaifance , y ſouſcrivirent , fans même
lui faire faire attention , que leurs répétitions
à deux boettes , à timbre & à calote ,
que je nommerai déformais à l'Angloiſe
étoient bonnes étant groffes , & devenoient
défectueufes en les faifant petites , par la
raifon , qu'un trop petit mouvement eft
plus difficile à travailler , fuivant les regles
de l'art ; moins bon , moins durable , &
moins facile à remettre en état , que s'il
étoit d'une grandeur convenable . Je démontrerai
dans une autre occafion , que je
n'avance ici que la verité .
Pour éviter ces défauts , qui font tous inféparables
des petits mouvemens à répétition
, j'ai cherché conftamment les moyens
de les faire auffi grands qu'il étoit poffible ,
dans des boëttes de moyenne grandeur ;
c'eft
346 MERCURE DE FRANCE.
c'eſt dans ces vûës , & pour ces mêmes raifons
, que j'ai fait tous mes efforts , pour
engager le Public à vaincre la répugnance
qu'il avoit pour les répétitions fans timbre ;
c'est dans ces vûës , que j'imaginai en 1732
la maniere de les faire à deux poulies , & en
1740 , celle d'en conſtruire les boëttes fans
bate , dont je donnai la Deſcription détaillée
dans le Mercure de Mars 1741.
Cette maniere de conftruire les boëttes &
les fauffes plaques des répétitions , a cela
d'avantageux , qu'elle permet d'en faire le
mouvement & la cadrature beaucoup plus
grands que l'ordinaire ; elle eſt à preſent fi
connue , que je me contenterai de dire en
abbregé , qu'à l'égard des boëttes , les bates
en font fupprimées , ce qui les rend affés
femblables à l'étui d'une Montre à double
boëtte , excepté feulement qu'elles ont à
deurs lunettes , une rainure pour le criſtal.
Ceci est l'abbregé de la Defcription que
j'en donnai dans le Mercure que j'ai cité , &
dans lequel je n'ai fait nulle mention de
l'un des principaux avantages de cette conf
truction , parce que ce n'eft que depuis ce
tems- là, que je l'y ai apperçu.
Elle reftitue dans un éminent degré cette
belle propriété , que j'ai fait remarquer dans
les Horloges , laquelle concerne toutes fortes
de Montres fonnantes , & confifte dans
la
FEVRIER . 1744. 247
la maniere de placer le timbre fous le bord
des nouvelles boëtres , de façon que tenant
lieu d'une calote , il garantit fuffifamment
le mouvement de la pouffiere, d'où réſultent
les avantages fuivans.
Le mouvement en eft plus grand , parce
que le diamétre intérieur du timbre , eft
toujours égal au diamétre intérieur des nouvelles
boëttes, d'où il s'enfuit, qu'elles reçoivent
un timbre plus grand de toute fon
épaiffeur , que les boëttes ordinaires ; outre
cet avantage , il a encore celui de rendre
la calote inutile ; cela eft clair , puifqu'il a ,
comme elle , la propriété de preferver le
mouvement de la pouffiere ; les Horloges
que j'ai citées en fourniffent plus d'un exem •
ple ; on en voit de Paris & de Londres ,
dont les boëttes font toutes vuidées à jour ,
& fans gafe , qui vont cependant plufieurs
années de fuite , fans fe falir davantage
qu'une Montre fimple. D'ailleurs , fi l'on
fait attention que les calotes obligent à
groffir la boette , ou à diminuer le mouvement
, on les abandonnera fans hésiter , furtout
dans les petites répétitions à timbre ,
& dans les ouvrages qui exigent un grand
mouvement, comme les répétitions à réveil ,
ou à trois parties.
Il eft aifé de fentir par tout ce qui précé
de , qu'il feroit aiſé de faire un mouvement
à
248 MERCURE DE FRANCE.
à timbre dans la boëtte extérieure d'une répétition
Angloife , lequel feroit aufli gros ,
& à peu près auffi haut que la boëtte intérieure
de la répétition à double boëtte ; ces
avantages font frappans : voici des exemples
qui les confirment.
Une répétition à timbre , faite dans une
boëtte à la nouvelle maniere , femble être
trop petite pour être d'un bon ufage ; cependant
fon mouvement eft auffi grand ,
que celui d'une répétition Angloife , qui
fa groffeur , eft du nombre de celles qui
font incommodes à porter.
par
J'ai meſuré le diamètre de la platine des
piliers d'une répétition , qui fonne d'ellemême
les heures aux quarts , qu'on nomme
répétition à trois parties , faite par un Horloger
de Paris , dans une feule boëtte conftruite
à l'ordinaire ; j'ai mefuré auffi le diamétre
de la platine des piliers de l'une des
miennes , faifant les mêmes effets , & dans
une boëtte de même volume ; la premiere
ayoit 16 lignes , & la mienne 19 ; ce qui
donne , par le calcul , deux furfaces dont
l'une eft à l'autre , comme 24 à 17 , ce qui
rend l'une de plus d'un quart plus grande
que l'autre ; joint à cela , comme le diamétre
du rouage fuit ce même rapport , & que
dans ces Ouvrages , le plus grand obftacle
eft le manque d'étendue , pour y placer touFEVRIER.
1744. 249
.
es les piéces dont elles font compofées ; il
fuit de ces avantages , qu'on les fera déformais
d'un meilleur ufage , & plus facilement
que par le paffé.
Maniere de loger le Timbre dans les nouvelles
Boettes.
On les fait feulement comme l'étui d'une
Montre Angloife ; le bord qui reçoit la platine
des piliers , y entre à drageoir ; on en
foude feulement le tiers , depuis la charniere
du mouvement , jufques fous les 20 minutes
du cadran ; on coupe les deux tiers non-foudés
, & enfuite l'on foude la charniere du
mouvement , qui eft d'une feule pièce, avec
le canon du pouçoir.
Des deux bouts de la partie du cercle nonfoudée
, l'un eft en plan incliné , & va ſe
loger fous celui de celle qui eft foudée ; enfuite
on lime l'autre bout quarément , &
peu à peu , jufqu'à ce qu'en le faifant por-.
ter contre la charniere , on puiffe le faire
entrer à drageoir dans la boëtte , à laquelle
il tient déja fermé par ce moyen ; pour
l'affermir encore davantage , on y foude
une orcille vis-à-vis les fept heures du cadran
, laquelle paffant entre le timbre & la
boette , y eft retenuë par une vis , miſe
fous le cordon.
C TRA250
MERCURE DE FRANCE .
TRADUCTION de la XV. Ode
d'Horace , qui commence par ces mots :
Non Ebur neque aureum , &c.
DEE
l'yvoire ou de l'or l'amas ambitieux
Chés moi de fon éclat ne frappe point les yeux.
Entouré de clients , d'une robe flottante
Je ne promene point la richeffe éclatante.
Du magnifique Attale , injufte en mes projets ,
Je ne vais point briguer les fuperbes Palais ;
Une veine facile , un coeur fans esclavage ,
Une vertu fans fard , voilà mon appanage.
Pauvre , je fuis fouvent des riches ſouhaité ;
Content de mon état & de ma pauvreté ,
Je ne vais point aux Dieux , avide en mes prieres ,
Demander le furcroit de biens imaginaires.
Je porte à leurs Autels des prefens affidus ,
Et ne les laffe point par des voeux fuperflus ;
Je ne vais pas non plus , adorant la Fortune ,
Mandier chés les Grands une gloire importune ;
Content de mon Mécene , aux champs de mes
ayeux
Je
FEVRIER. 1744. 251
Je vois fans embarras couler mes jours heureux ;
Un Soleil toujours pur fe lève fur ma tête ;
Tranquile dans le Port , je ris de la tempête .
Vous , qui tout occupé d'un douteux avenir ,
Pour augmenter vos biens n'ofez pas en jouir,
De vos avares foins voyez la réüſſite.
Que fert, lorfque la mort vient nous rendre vifite,
Que fert de poffeder des biens, hélas ! trop vains ?
Pourquoi vouloir piller les champs de vos voifins ?
Votre or vous fuivra t'il dans le féjour des ombres...
Les crimes font punis dans les Royaumes fombres,
Et le pâle Acheron , de la richeffe épris ,
Ne relâcha jamais un coupable à ce prix.
Fils des Dieux & des Rois le fuperbe Tantale
Gémit avec la race en la nuit infernale ;
Et des fombres Palais le fatellite affreux
Des mortels condamnés n'écoute point les voeux.
Cij DIS252
MERCURE DE FRANCE.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
DISCOURS fur le sujet proposé par
l'Académie Françoife pour le Prix d'Eloquence
en l'année 1743. » Qu'il n'y a
» point de hazard pour un Chrétien ,
» & que tout eft dirigé par une Provi-
» dence infiniment fage , conformément
à ces paroles de l'Ecriture Sainte Sortes
mittuntur in finum , fed à Domino temperantur.
Proverb. C. XV I.
connu,
Es Payens n'ayant point connu Dieu ,
LFs
capable de remplir le coeur , ont admis un
Etre imaginaire , qu'on nomme le Hazard .
C'eft au Paganifme feul qu'il étoit réfervé
d'encenfer cette Divinité, enfantée par l'aveuglement
des hommes , qui ne connoiffoient
d'autres biens que les plaffirs fenfibles
; ce qui flatte les paflions , fatisfait
l'ambition , & remplit l'idée de la fauffe
félicité qu'ils s'étoient faite eux- mêmes.
Mais que des hommes appellés à ce qu'il
y a de plus élevé ( c'eft -à - dire , à être
Chrétiens ) ayent adopté de telles folies ,
c'eſt le comble de l'erreur , & prendre un
fonge pour la réalité.
Un défaut capital dans l'homme , eft la
fauffe idée qu'il a de ce qu'il nomme bonheur
FEVRIER. 1744. 253
heur ou malheur. On donne tout au hazard
; on attribue les bons ou mauvais
fuccès à la Fortune , & à ce que le vulgaire
appelle Sort. On s'éleve dans ces
faux principes , & plus occupé de l'effet
des caufes fecondes , qui frappent pour
l'ordinaire les fens , que de la bonté de
l'Etre fuprême , qui les fait agir comme
premier moteur , on s'accoûtume à les
voir , non en Chrétien qui rapporte tout
à fon véritable principe , mais en Payen
qui fait tout dépendre de fon génie , de fes
talens naturels & de fon induftrie , ou plus
ordinairement de la Fortune , Divinité dont
on ne connoît que le nom , & fur laquelle
on fonde vainement fes efpérances.
Mais fi l'homme , pour rentrer dans les
juftes bornes qui lui conviennent , ſe formoit
une jufte idée de ce qui eft le vrai
bonheur , malgré les ténébres où il eft
plongé depuis le péché , il découvriroit
qu'il n'y en a de véritable que dans l'amour
de la vérité & de la juftice , dans
une confiance & une efperance fans bornes
en celui qui nous promet non -feulement
des biens infinis qu'il peut feul donner
, mais encore en un bienfaiteur qui ,
ne pouvant nous tromper , nous donne
dès ici bas les biens que nous attendons
en vain d'une autre main .
C iij L'hom254
MERCURE DE FRANCE .
7
L'homme porte , il eft vrai , gravé au
milieu de fon coeur le défir naturel d'un
bonheur,fouverain , mais depuis fa chute ,
c'eft un tréfor dont la Foi ne lui laiffe entrevoir
que les foibles rayons , car il ne peut
être réellement heureux , qu'en défirant
véritablement de le devenir , & en travaillant
à ravir comme par violence cette félicité
dont il eft déchu par fa faute. Il eſt
rempli de defirs , & dans ce corps de chair ,
ils font tous contraires à ceux de l'efprit.
Mais pour rentrer dans l'ordre qui peut le
conduire fûrement au centre du vrai
bonheur , il ne doit point agir au hazard ;
c'eft la conduite des infenfés & des impies ,
mais il doit tout attendre d'une Providence
, qui ayant tout créé , peut feule tout
donner. Soyons & défirons d'être heureux,
puifque c'eft le plus bel attribut de notre
être , mais connoiffons d'où nous vient un
telavantage , & perfuadons - nous que d'admettre
le Sort , d'attendre quelque chofe
de la Fortune , & n'agir qu'au hazard
c'eft une conduite oppofée à l'ordre naturel
que Dieu a établi pour le foutien du
monde , un principe qui n'eft pas moins
injurieux à la Religion , que contraire &
préjudiciable à la Société. L'Auteur de la
Nature eft trop jufte , & la fageffe de fa
Providence trop marquée , pour ne pas
prendre
FEVRIER. 255 1744.
prendre un foin paternel de tout ce qu'il
a créé. C'eft renverser l'oeconomie de la
Religion , que d'attendre du fort les biens
que le Tout - Puiffant a feul le droit de
donner , & la Société a un intérêt particulier
de méprifer des hommes , qui n'agiſſant
pas pour une fin certaine & raifonnable ,
fe livrent au hazard des évenemens , &
attendent les bons ou les mauvais fuccès
d'une Divinité fabuleufe , qui n'étant rien
elle-même , ne peut être l'auteur ni l'arbitre
du bonheur ou du malheur de
l'homme.
PREMIERE PARTIE.
Rien n'étant l'effet du Hazard , non - feulement
le Chrétien , mais l'homme raiſonnable
doit tout attendre du Créateur &
unique difpenfateur des biens & des maux .
Nul ne peut fe rendre heureux ; Dieu feul
le peut. La félicité , ou l'état miférable
eft l'effet de fa miféricorde ou de fa juftice ,
& fi quelque chofe peut mettre obftacle à
notre bonheur , c'eft le défaut de confiance
& notre orgueil. Efperons en celui qui
ne peut nous tromper ; il a promis qu'il
auroit foin de nous plus que des lis des
champs. Humilions - nous , & admirons fa
conduite dans l'ordre des choſes créées ;
nous y verrons la preuve incontestable
C iiij qu'il
256 MERCURE DE FRANCE.
qu'il n'y a point de Hazard , parce que s'il
avoit voulu employer un tel moyen , fa
Providence deviendroit inutile ; les biens
comme les maux auroient toujours eu leur
effet , mais le Sort feul en auroit été le
maître & le difpenfateur , car admettre le
Hazard , c'eft faire injure au Tout - Puiffant
qui a prévû toutes chofes , & c'eſt établir
un fecond Etre pour arbitre des événemens.
La raifon pourroit- elle fe livrer à
de plus grands écarts ? la Miféricorde
n'annonce -t'elle pas la Bonté & la Juftice ?
n'eft-elle pas l'effet de la Toute - puiffance ?
l'une & l'autre ne font- elles pas les preuves
de la fageffe infinie d'un Etre feul & unique
, qui fait annoncer fa gloire & fignale
la force de fon bras par les créatures ,
qui font les ouvrages de fes mains , foit
dans les Cieux , foit fur la terre , & même
jufque dans les abîmes ? ne peut-il pas par
un feul mouvement de fa volonté anéantir
ce vafte Univers ? pouvons -nous fubfifter
un moment fans fon fecours ? & depuis notre
naiffance , jufqu'à l'âge le plus avancé ,
ne nous conduit- il pas comme par la main?
ne nous met- il pas à l'abri de tous les
maux qui nous menacent de toutes parts ,
& qui feroient périr une machine d'autant
plus fragile , qu'il eft plus étonnant qu'elle
puiffe fubfifter ? mais comme c'eft lui qui
entretient
FEVRIER. 1744. 257
entretient notre être , & qu'il en eft la
caufe , il le foutient , & lui fait éviter tous
les maux qui l'environnent , en faifant
fervir à fes deffeins , non-feulement les
moyens ordinaires , mais encore de furnaturels
, & comme il a promis avec ferment
d'en être le confervateur , il ne nous a
laiffé que peu de chofes à faire , qui eft de
tout attendre & efperer de lui ; d'avoir de
nous- mêmes le foin raiſonnable qui entre
dans l'ordre qu'il a établi pour notre fubfiftance
, & que dépouillés de toutes agitations
, que la feule inquiétude fait naître
, nous efperions tout de fa bonté , &
craignions tout de fa juftice , puifque nous
ne pouvons rien ajouter à notre être , &
que nous n'en pouvons point perdre la
plus petite partie fans fon ordre . Pensées
fublimes , il eft vrai ; le Paganiſme ne les
connut jamais , & de fi nobles fentimens
étoient réfervés à une Religion dans laquelle
feule les hommes peuvent être heureux
.
L'impiété feule a pu faire imaginer à
T'homme , que c'est le Hazard qui a tout tiré
du néant : une fauffe philofophie lui a dicté
que toutes chofes ont été formées par
une gradation comme naturelle & nécelfaire
, & que par une fuite de rapports &
de connexité les unes avec les autres , elles
C v
fubfif
258 MERCURE DE FRANCE.
fubfiftent , fe perpétuent & fe confervent
L'Epicurien nie la néceflité de la Providence
dans les chofes naturelles ; le Pelagien
ne l'admet point dans les chofes ſpirituelles;
le Déifte croit à la vérité qu'il y a un
Dieu , mais le dépouillant de fa qualité de
Provifeur & de Confervateur , il attribue
tout au Hazard , regarde tous les évenemens
comme émanés de lui , & vit en impie
, qui n'agit point pour une fin raiſonnable.
Mais comment ce Hazard , qui eft luimême
un néant , a-t'il pû créer ce qui fera
à jamais l'admiration des hommes de tous
les fiécles ? comment peut- il être fi exact
à procurer à tout ce qui refpire , en tout
tems & en tout lieu , ce qui eft néceſſaire
à fon accroiffement & à fa propre confervation
? eft- ce le Hazard qui commande
à la mer & aux flots ? eft- ce lui qui a pofé
les limites qu'elle ne doit franchir que par
l'ordre de fon Auteur ? eft- ce la Fortune
qui développe & qui diftribue les richefles.
la terre renferme dans fon fein ? eft - ce
le Sort qui regle le cours des Aftres , qui
a marqué au Soleil fon levant & fon couchant
? fait-il fucceder les faifons & le jour
à la nuit ? enfin la feule confervation &
que
l'exiſtence de l'homme peut - elle procéder
d'une caufe auffi idéale ?
Reviens
FEVRIER. 1744- 25.9
Reviens donc , ô homme , à ton propre
coeur ; fors des ténébres de ton efprit ; interroge
la nature ; examine tous les corps
qui t'environnent ; confulte toi - même tous
les refforts qui font agir ton être ; admire
ton ame ; connois- en la nature & toutes
les facultés ; rapproche-la de l'Etre parfait
dont elle eſt émanée ; reconnois en la dignité
& la grandeur , & comme forti d'une
léthargie dans laquelle tu t'es précipité par
les fauffes lumiéres d'une Philofophie humaine
, reconnois que toute la nature adore
le Dieu qui l'a créée ; apprends que toutes
les créatures annoncent à tout ce qui
refpire , que c'eft Dieu qui les a formées
& qu'elles beniffent le Seigneur qui les a ,
comme toi ,tirées de l'affreux'cahos où elles
étoient ensevelies ; elles publient que tous
ces biens qui font créés avant -toi , te font
deftinés , que tu dois en ufer felon l'inten
tion du Créateur , t'occuper à le remercier
de te les avoir donnés , & adorer fa Providence
qui les répand fur toi avec tant de
profufion , & fi après des marques fi éclatantes
de la bonté d'un Etre fuprême tu te
refuſes à la Religion , du moins céde à la
Loi naturelle & à la Raifon, ou ceffe d'être
hom me.
Tous les hommes ont chacun une espéce
de Philofophie à faire confifter le bonheur
C vj
en
260 MERCURE DE FRANCE.
en quelque objet dont leur coeur eft rempli.
Les uns font poffedés de l'amour des richeffes
, d'autres entraînés par les plaifirs
fenfibles , & d'autres animés de la grandeur
des avantages de la puiffance humaine
; d'autres enfin fe propofent un bonheur
philofophique , dont ils ne pourroient
rendre aucune raifon probable , fi on leur
demandoit ce qui les fait fincerement agir.
Le coeur de l'homme eft trop vafte pour être
fans action ; il eft fair pour être rempli de
quelque objet, & ce qui fait fon bonheur ou
fon malheur , c'eft le choix de cet objet ,
mais il fera toujours malheureux , tant qu'il
préférera fa volonté à celle de Dieu , car il
n'eft pas fi difficile qu'il penfe de concilier
la raifon à la Loi du Créateur ; il ne faut
que fe dépouiller des préjugés de l'orgüei! ,.
faire ufage de fa raifon , pour l'amener
par dégrés à la foumiffion que la Foi exige ,
& le voilà heureux. S'il défire les richeffes ,.
F'honneur & la grandeur , il connoîtra que
tous ces biens ayant été créés pour l'homme
, il lui eft permis d'en ufer , mais qu'il
fe perfuade que ce n'eft ni par fes propres
forces , ni par les faveurs de la Fortune.
qu'il peut les acquerir. C'eft l'Auteur de
Tous les biens qui les donne ou qui les refufe
: c'eft lui qui tire de la pouffiére , ou qui
éleve qui il lui plaît : c'eft de lui que viennent
FEVRIER. 1744. 261
nent la Science , l'Eloquence , la Valeur ,
la Grandeur d'ame , & les autres Vertus
qui font les grands hommes : c'eft enfin lui
qui rend pauvre & qui enrichit ; les biens
fpirituels & temporels ne s'acquierent que
par lui ; la raiſon & la Religion ne connoîtront
jamais d'autre Auteur , & c'eſt en
vain que les mortels efpereront en une Divinité
que l'orgueil a enfanté , & à laquelle
l'impiété & la préfomption érigeront des
Autels , tant qu'il y aura des hommes entêtés
d'une vaine Philofophie .
Ce n'eft point le grand nombre de combattans
qui affûre la victoire , & en vain
attendons-nous notre falut de la vigueur
de celui qui nous fert à la courfe. Le Dieu
des armées peut faire triompher le plus
petit nombre, & fufciter autant de Davids ,
qu'il a réfolu d'abbattre de Géans ; il fçait
quand il le veut faire fervir à fes deffeins
tous les Elémens : comme Créateur &
Bienfaiteur , il les affermit & les tient
dans fa main par la force de fon bras , &
comme Juge , lorsqu'il veut faire éclater
fa colere fur les rébelles , il les ébranle
tous, pour défoler les campagnes, moifforner
en un inftant l'attente du Laboureur
& le fruit d'un travail de plufieurs mois ;
ici, des glaces & des neiges groffiffent en un
moment les fleuves , qui emportent par
leurs
262 MERCURE DE FRANCE.
Jeurs torrens ceux qui fe croyoient le plus
en fûreté ; la terre ne paroît plus qu'une
mer ; des biens & des richeffes , qui font
peut-être toute la fubftance de plufieurs
familles , confiés au gré des flots , fondent
& périffent à la vûë de leurs propriétaires ;
des Villes & des Provinces entiéres , ou
fubmergées , ou privées des provifions
qu'elles attendoient depuis long- tems ; là ,
un feu dévorant confume tout ce qui s'oppofe
à fon paffage , fans même refpecter
les aziles les plus facrés ; des révolutions
que toute la prudence humaine ne peut
prévoir , caufent un renversement dans les
Etats les mieux affermis ; les familles les
plus opulentes fe trouvent confondues
avec les plus viles conditions. L'ambitieux
fe dépouille foi - même de fon légitime patrimoine
, en employant des moyens ruineux
, qui le précipitent dans des malheurs
réels qu'il vouloit éviter , & par une conduite
fecrette de la Juftice du Très-Haut
il fe voit rentrer dans la pouffiére d'où il
s'efforçoit de fortir ; fes projets font renverfés
, & il languit dans la vaine attente.
d'un fort toujours incertain & trompeur.
Peut-on après cela attaquer de front les
effets de la Toute - Puiffance , en difant
que c'est le Hazard qui fait agir & mouvoir
tous ces grands refforts ? apprends
donc ,
FEVRIER. 1744- 265
donc , ô homme , que l'Etre fupreme qui
les a créés , a feul le droit de leur commander
, & qu'il employe leur miniſtére
pour récompenfer les adorateurs de fes
Ordres , ou pour punir les prévaricateurs
de fa Loi . Reconnois qu'ils ne font point
les effets d'un pur Hazard , mais les exécuteurs
des volontés d'un Maître fouverain.
Ignis , grando , nix , glacies & fpiritus
procellarum , qua faciunt verbum ejus.
Si les fecours que l'homme peut tirer de
la Loi naturelle , pour le porter à tout attendre
de l'Etre Supreme , ne lui ſuffiſent
pas , quoique convaincans à la feule raifon
, peut être dans le fein du Chriftianif
me s'en trouvera- t'il , qui éclairés du flambeau
de la Religion , détefteront les impiétés
de ceux qui n'encenfent que la Fortune
, & qui faifant injure à la Foi de leurs
peres, deshonorent également la Société ,
& lui deviennent préjudiciables , car tout
rapporter au Hazard , ne connoître que le
Sort , & tout donner à la Fortune , c'eft
une injuftice manifefte contre la Loi naturelle
une injure faite à la Religion , qui
doit rapporter à Dieu toutes fes actions ,
comme à l'Auteur de tout bien , & une
prévarication des devoirs de la Société.
SE264
MERCURE DE FRANCE.
SECONDE PARTIE.
L'homme paffe facilement des ténébres
de l'efprit à la corruption du coeur ; privé
par fa faute des biens réels , il ne lui eft
refté de goût que pour les faux biens du
fiécle ; c'eft en vain que ne comptant que
fur lui - même , il employe les moyens de
les acquérir ou de les conferver ; ils difparoiffent
à l'inftant qu'il compte en jouir ,
& fouvent il eft lui-même arraché à la vie ,
avant que d'arriver au but qu'il s'eft propoſé;
Laffé & ennuyé de ne point réuffir , malgré
les refforts qu'il a fait jouer , voyant fes
projets déconcertés , il s'addreffe à la Fortune
, il s'éleve juſqu'à elle , & ayant au
milieu de fon coeur les divers degrés d'ambition
& de defirs que fait naître un avenir
trompeur & incertain , il attend d'un Etre
imaginaire ce qu'il ne donnera jamais , &
à l'exemple d'un Philofophe infenfé , il fe
perfuade que cette folle Divinité favorife
ceux qui font hardis jufqu'à être téméraires ,
& qu'elle rejette ceux qui ne s'étant pas encore
livrés à elle , n'ofent s'y confier entierement.
Audaces Fortuna juvat , timidofque repellit.
Mais la Religion n'admet point dans for
fein de tels fentimens ; elle annonce ouvertem
nt
FEVRIER . 1744.
261
tement que l'homme doit tout attendre de
Dieu , que tout doit lui être rapporté, & que
la foumiffion à la volonté de l'Etre fupréme
nous porte à la prudence qui doit diriger
nos actions & régler notre conduite , pour
éviter les malheurs où la négligence nous
précipiteroit ; cette prudence nous prefcrit
auffi les juftes bornes où notre vigilance
peut s'étendre ; elle nous engage à
adorer la Providence , même dans les plus
petits évenemens ; cette foumiffion eft
d'une force & d'une étendue fans bornes
dans les biens comme dans les maux , car
elle doit bannir de notre coeur tout murmure
, & raniner en nous la confiance.
L'impatience dans laquelle nous fommes
d'obtenir les biens préfens , nous conduit à
les rechercher avec empreffement; le moindre
délai nous précipite dans la défiance , efface
en nous l'idée d'une Providence infaillible
dans fes promeffes , & inépuifable dans
fes richeffes . Sommes-nous privés de ce que
nous défirons avec paffion? nous cherchons
des moyens étrangers pour réuffir ;
nous fommes toujours trompés , comme
nous méritons de l'être , car celui qui habite
dans les Cieux,fe rit de nos foins & de
nos travaux.
Ridebo
266 MERCURE DE FRANCE,
1
Ridebo curas hominum vanoſque labores.
Un defir affreux de fçavoir les évenemens
futurs , nous brûle fans nous confumer : à
notre réveil, nous nous trouvons dépouillés
des biens que nous croyions déja poffeder
par une espérance trompeufe , & une flatteufe
attente d'un Sort plus heureux , nous
renvoye à un lendemain qui nous laiffe encore
plus malheureux.
Nous nous plaignons que rien n'arrive
dans fon tems , c'eft que nos defirs font
toujours déplacés , & que les deffeins de la
Providence font differens des nôtres. Non
funt via mea tanquam via veftra. Mais quittons
cette voye d'erreur où marchent les
impies ; attendons le Seigneur , il s'eſt engagé
avec ferment d'avoir foin de nous ,
fi
nous nous jettons avec confiance dans le
fein de fa miféricorde , & fr il y va de fa
gloire à remplir fes promeffes , tout notre
bonheur dépend d'attendre avec patience
les momens qu'il a marqués ; reprenons
courage , réprimons des defirs & une précipitation
qui ne peuvent ni avancer ni retarder
ce qui ne doit s'exécuter que dans le
tems que l'Etre fupréme s'eft réſervé pour
faire éclater fa juftice ou fa miféricorde .
Sommes - nous exaucés ? rendons graces à
la main bienfaifante qui nous favorife de
fes dons ; l'effet de nos demandes ne répond-
il
FEVRIER . 1744. 267
pond- il point aux defirs de notre coeur ?
beniffons la main qui nous frappe , & fans
murmurer , apprenons que Dieu nous favorife
fouvent , en ne nous exauçant point.
On eft fi accoûtumé de vivre au hazard ,
& à fe conduire par des regles de fantaiſie ,
qu'il eft facile de diftinguer le principe qui
fait agir ; rien de réglé dans l'ordre des demandes
, rien de borné dans l'étenduë des
defirs ; on en attend avec impatience le
fuccès , fans examiner s'ils font juftes , &
fans fe mettre en état de s'addreſſer à celui
qui peut feul les remplir. S'agit il d'obtenir
quelques graces des hommes , preſque
toujours intéreffés ou trompeurs ? on met
tout en ufage ; il n'y a point de baffeffe où
la cupidité ne fe livre ; louanges outrées ,
difcours flatteurs , fauffes vertus ou vices
encenfés , médifances & calomnies , affiduités
qui dégénérent en fervitude ; on déguife
fes fentimens ; on s'efforce pour pa-
Foître ce que réellement on n'eft pas , &
on fe fait violence pour cacher avec foin ce
qu'on eft véritablement : fi on réüffit , on
en rapporte le fuccès à fes foins ou à fon
propre mérite , fouvent même à fa bonne
Fortune ; fi l'entrepriſe échoue , on accuſe
le Deftin ; on fe plaint de fon fort , ( heureux
même ſi on ne profere point de blafphême
contre la Providence , qu'on femble
268 MERCURE DE FRANCE.
ble ne connoître en cette occafion que
pous lui infulter ; ) on tombe dans l'accablement
, & en voilà affés pour fe dire
malheureux. Des Payens agiroient- ils autrement
? Et ne doit-on pas rougir de fe
dire Chrétien , après un attentat fi marqué
contre l'Etre infiniment bon , qui gouverne
tout avec une fageffe contre laquelle les
efforts humains ne font que folie ? ayons
confiance en la conduite de la Providence,
& elle nous mettra à l'abri des maux que
nous voulons éviter.
Si la confiance que nous devons avoir
aux promeffes infaillibles qui nous font
faites , bannit de notre coeur la défiance ,
elle en bannit auffi la présomption . Connoiffons
tout le prix d'une telle vertu , &
perfuadons- nous qu'une fois bien entenduë
, nous ferons en état d'obtenir des faveurs
d'autant plus grandes , que nous apporterons
une foumiflion fans bornes , foit
que nous foyons exaucés , ou que les défirs
de notre coeur ne foient point fatisfaits ,
car quelque dur que foit à l'homme le
refus de ces demandes , la Foi feule peut
lui tenir lieu d'une telle privation.
Si les hommes , qui n'attendent tout que
du Hazard & de la Fortune , attaquent de
front l'ordre naturel que Dieu a établi pour
le foutien de l'Univers , & renverfent l'oeconomie
FEVRIER . 1744. 269
conomie de la Religion dans le cours de la
Providence , ne font - ils pas encore dangéreux
pour un Etat ?
En effet une Société d'hommes qui n'agiffent
qu'au Hazard , qui rapportent tout
à une idée chimérique de Fortune , & qui
regardent les événemens comme un cours
de chofes néceffaires à la fubfiftance du
Monde , peut- elle être utile à un Etat où
tout doit être réglé fur la raiſon , & dans
lequel la Religion doit être le grand mobile
de ceux qui le compofent ?
Le Hazard paroît avoir plus de part à ce
qui fait agir , que ces deux liens indiffolubles
de la Société , la Raifon & la Religion
, c'eft pour l'ordinaire le defir de faire
fortune , ou l'idée de fe faire un grand nom ,
qui fait les grands Conquerans , & fouvent
auffi un Héroïsme mal entendu , eft la perte
& du prétendu Héros , & de l'Etat , qu'il
s'étoit chargé de défendre. Animé de tels
fentimens , on s'expofe aux plus grands
périls ; on s'étourdit fi fort fur la perte de
la vie , qu'on ne connoît plus aucuns dangers
; il faut réuffir ou périr ; n'eft- ce pas
cette feule idée qui a fondé les plus grands
Empires ? & ne paroît - il pas comme une
néceffité qu'il y ait des hommes animés de
cette paffion ? mais ce n'eft point à nous
à pénétrer les fecrets de la Providence ; elle
fçait
170 MERCURE DE FRANCE.
fçait tirer le bien du mal même. Dans l'exécution
de fes volontés , elle fçait faire tout
fervir à fes deffeins , mais aufli qu'il feroit
défirable pour un Etat , que ces hommes
avides de gloire , méritaffent réellement le
nom de Grands , par des actions dictées
par la raiſon , actions de grandeur , de valeur
, de clémence & de générofité , que la
Religion auroit foin d'immortalifer, comme
fes propres dons , & que la Société couronneroit
par de fi juftes titres !
Si d'agir au Hazard & attribuer au Sort
tous les évenemens , c'eft faire injure à la
bonté du Créateur & attenter à fa Majeſté;
mépriser fes promeffes & avilir fa Providence
, c'eſt auffi une difpofition dans des
Citoyens non moins condamnable , car
des hommes qui n'ont d'autres regles que
ce qu'ils regardent comme les effets du
Hazard , & qui n'agiffent point par un
principe dicté par la Religion ; des hommes
qui ne confultent que leurs paflions ,
ne peuvent être de fidéles fujets : leurs actions
varieront autant que leurs idées &
que leur intérêt; le Prince ne fera fervi qu'à
proportion que le fort ou le fuccès des évenemens
remplira l'attente des Sujets ; &
la force d'un Etat , qui ne confifte que
dans un cours d'actions réglées par la Religion
& par la juſte Raifon, tombera dans le
défordre ,
FEVRIER. 1744.
271
défordre , dès qu'on en retranchera ces
deux nerfs fi néceffaires à fa propre confervation.
La bonne Police n'étant plus obfervée
; les Sujets n'étant plus animés ni de
refpect pour le Prince , ni de l'amour de la
Patrie , il ne reftera à un Souverain auffi
malheureux , qu'un phantôme de Principauté
, deftitué d'autorité , & ne laiffera
plus qu'une foule d'hommes dépouillés
d'une obéiffance réglée , & des ufurpateurs
injuſtes du nom de Sujets. Quel intérêt tous
les hommes n'ont- ils pas de s'élever contro
des principes fi faux & fi dangéreux ?
Jufqu'à quand les mortels feront - ils enyvrés
de ces folies deHazard & de Fortune?
les régles que Dieu a établies dans l'ordre
naturel , qu'il confirme par la Religion , &
qu'il foutient par la fageffe de fa Providence
, ne font -elles pas fuffifantes pour les
rendre heureux ? Leur ignorance & leur
orgüeil les éloigne du centre de leur bonheur.
Par leur fauffe fagefle & par leur fauſſe
prudence , ils le précipitent dans les maux
qu'ils vouloient éviter ; la confiance dans
les promeffes , & la foumiffion dans les événemens
, font les feuls font les feuls moyens d'affûrer
leur félicité. Tout ce qui eft & doit arriver
dans tous les tems , eft marqué dans l'ordre
de la Providence , & par rapport à fa
fageffe , rien n'eft l'effet du Hazard. II eft
vrai
272 MERCURE DE FRANCE.
vrai que Dieu ne fe découvrant pas toujours
aux hommes d'une maniére décidée,
& étant difficile de reconnoître dans les
chofes non marquées ,ce qui eft fa volonté,
ou ce qui n'eft que l'effet de la paffion &
de l'intérêt des hommes , il eft quelquefois
permis d'avoir recours au Sort , mais ce
doit être toujours avec des précautions qui
diftinguent les motifs qui portent à agir de
la forte , & qui annoncent réellement un
moyen rare , pour confulter celui qui ne fe
montre & ne ſe dévoile qu'aux humbles ,
& qui réfifte toujours aux ambitieux .
Malheur à une Société qui fouffriroit
dans fon fein des hommes qui , poffédés de
la foif des richeffes , groffiffent ces aſſemblées
dangéreufes , & fe livrent à ces accords
meurtriers , pour dépouiller en un
inftant ( par des voyes dont le Sort paroît
l'arbitre ) des familles entiéres , qui expofent
leur patrimoine fur de fragiles effets !
ils font comme immobiles dans l'attente
d'un Sort incertain , dont le fuccès fait pâlir
le Spectateur le plus indifferent.
Pour prévenir de tels excès , foyons réglés
dans l'ordre de nos défirs ; diftinguons
celui à qui nous devons en demander l'accompliffement
, & attendons tout d'un
Etre , qui feul peut tout , comme naître
abfolu des biens & des maux. Foulons aux
pieds
FEVRIER. 1744. 273
pieds une Divinité trompeufe , efperons
en celui qui fait lever fon Soleil fur les bons
& fur les méchans . Défirons d'être heureux
, mais travaillons à le devenir , &
n'employons jamais des moyens que la Religion
& l'Etat ont tant d'intérêt de condamner
& d'anéantir.
PRIERE A JESUS - CHRIST.
Seigneur , c'eſt à vous feul qu'il appartient
de changer notre coeur & de diffiper
les ténébres de notre efprit . Juſqu'à préfent
nous avons marché dans la voye de
T'erreur , en cherchant notre félicité dans
un Etre imaginaire ; nous nous fommes
trompés , en nous éloignant de la fource
de tous les biens ; faites - nous retourner à
vous , pour obtenir ceux qui nous font néceffaires
pour foutenir ce corps de mort ;
accordez - nous la grace de bien ufer de vos
dons. Nous reconnoiffons que notre fort
eft entre vos mains , que nos efforts font
vains & inutiles , pour nous procurer les
biens ou éviter les maux ; & humiliés fous
votre main bienfaifante , nous vous adorons
comme notre unique efpérance &
notre héritage dans la terre des vivans .
Dixi : Deus meus es tu , in manibus tuis fortes mes.
Par Etienne CARRE' , de Paris.
D EP .
274 MERCURE DE FRANCE.
EPITRE ,
A Meffieurs de l'Académie Royale des Belles-
Lettres de la Rochelle.
C Elébres
Elébres Nourriffons des filles de mémoire ,
Vous qui ne connoiffez que la folide gloire ,
Et dont tous les travaux , embraffant les Beaux-
Arts ,
Au plus profond fçavoir foumettent nos Remparts ;
Ces Remparts fi fameux , où l'Héréfie en Armes
A long tems excité le trouble & les allarmes ;
Continuez vos foins ; évitez le repos ;
Faites régner les Arts fur l'empire des flots.
Il eft aifé de voir que vos fçavantes veilles ,
En dépit de l'envie , ont déja fait merveilles ;
Votre exemple , en ces Lieux , rend tout le monde
actif ,
Et l'heureux Commerçant n'eft plus un Riche oifif
Moi- même , je vous dois mon amour pour l'étude ;
Souffrez que j'en témoigne ici ma gratitude ;
Que , faifant éclater mon zéle par ces Vers ,
Je m'acquitte envers vous aux yeux de l'Univers ;
Ma mufe n'en attend aucune récompenſe ;
Elle veut vous venger des traits de l'ignorance ,
Qui ,
FEVRIER. 1744.
275
Qui , honteufe des fers que vous lui preparez ,
Souléve fes fuppôts , juftement ignorés .
Songez que , de tout tems , elle s'eft fait connoître
Sous des dehors trompeurs , on l'a bien vû paroître
,
De l'intérêt du Ciel couvrant fes attentats ,
Armer en fa faveur jufqu'à des Potentats ;
Mais , malgré les efforts de leur noire Cabale ,
Toujours a triomphé ſon aimable Rivale ;
Contre elle déchainés des peuples furieux
L'ont jadis , vainement , profcrite en tous les Lieux ;
Dans la nuit du tombeau , par eux , enfevelie ,
Bien- tôt elle reprit une plus belle vie ,
Et fe reproduifant dans un nouvel éclat ,
Elle ne craignit plus de pareil attentat.
La Science par tout , aujourd'hui répanduë ,
Et ſon utilité ſi ſouvent reconnuë ,
Font voir qu'avec raiſon on dreffe des Autels
A celle qui nous fait des hommes immortels.
O vous , qui la fervez dans ma chere Patrie ,
´Sages mortels , qu'un jour reſpectera l'envie ;
Qui marchez d'un pas sûr vers l'immortalité ;
Faites cherit vos noms à la poſterité.
Des moeurs de nos Marins écartant la rudeffe ,
Rendez - leur familier l'efprit de politeffe ;
Que devenus , enfin , des hommes differens ,
Ils s'annoncent polis , en fe montrant Sçavans.
Ce vice aux gens de Mer n'eſt que trop ordinaire ;
Dij On
276 MERCURE DE FRANCE.
On n'en voit que bien peu d'un autre caracte
re
Je ne finirois point en traitant ce ſujet ,
Et ce n'eft pas ici mon principal objet.
Comment ne point prifer votre utile entrepriſe !
Elle ne fert pas moins à l'Etat , qu'à l'Eglife.
Peut- il être douteux , que toujours le fçavoir
Eft le plus ferme appui des régles du devoir ?
Plus l'homme eft ignorant , & plus il eft crédule ;
Son ame alors faifit , exemte de fcrupule ,
Le mal comme le bien ; nos coupables ayeux
Sont de ce point conftant un exemple fameux.
L'erreur , qui féduifit leur extrême franchiſe ,
Ne les eut point armés contre le Roi , l'Eglife ,
Si leur efprit eut pû percer l'obſcurité ,
Qui leur cachoit à tous l'augufte verité ,
Et d'adroits impofteurs , fous de belles maximes ,
Ne les auroient jamais engagé dans des crimes.
Que nous reparons bien ces horribles malheurs ,
Par l'amour qu'à nos Rois nous portons dans nos
coeurs !
Non ; le Trône n'a point de fujets plus fidéles ;
Nous effaçons ces noms de traîtres , de rébelles ;
Renfermés dans nos murs , autrefois orageux ,
Paiſibles Cazaniers , nous gémiffons ſur eux ;
Et , déteſtant l'horreur du complot de nos Peres ,
Nous ne les plaignons pas , même de leurs miferes
.
Efprits
FEVRIER . 277 1744.
Efprits , qui parmi nous fixez les doctes foeurs ,
Et par qui nous goûtons leurs charmantes douceurs
;
Sans doute , que Clio , vous dicant notre Hiftoire ,
Auprès de nos revers y peindra votre gloire ;
Qu'attentive à montrer quel eft votre bonheur ,
Sa voix célébrera l'illuftre PROTECTEUR ,
Que vous a procuré la fortune équitable ;
Bienfait rare & fans prix ; faveur ineſtimable .
Vous devez à jamais benir cet heureux jour.
Ce Prince , des Guerriers & l'eftime & l'amour ,
Que le François adore , & l'Etranger admire ,
Travaille à vous donner fes Exploits à décrire ;
Digne fils des Héros , dont il tire fon fang ,
Sa valeur le décore , encor plus que fon fang ;
L'Allemagne eft témoin de fon ardeur guerriere
.
C'eft làpour votre plume une riche matiere.
Du grand nom de CONTY rempliffant vos
Ecrits ,
Vous ferez applaudis de tous les bons efprits.
J
Diij DEF178
MERCURE DE FRANCE.
DEFENSE des Incommenfurables.
Le prixaux modes , aux penfées & aux ter-
A nouveauté de tout tems a donné le
L.p
mes. Le Néologifme eft la manie de la plûpart
de nos Ecrivains modernes. Tous s'écrient
d'une voix :
Ego cur acquirere pauca
Si poffum, invideor, cum Lingua Catonis & Enni
Sermonem Patrium ditaverit , & nova rerum
Nomina protulerit ?
Quelques Sçavans voyent , même avec
regret , qu'une Académie naiffante ait couronné
de pareilles expreffions.
La République des Lettres eut été trop
heureuſe , fi la contagion ne ſe fut étenpas
duë plus loin. On a commencé par introdui
re un langage nouveau , & les précieux débris
de l'Idiome de nos Ancêtres ont été
défigurés par une ortographe récente , qui
ôte aux expreffions leur étymologie . Enfin
les verités de Mathématique les plus certaines
, les plus conftantes & le mieux démontrées
, ne font maintenant que des chimeres ::
qu'Euclide apporta du fein de l'Egypte. Quoique
je n'aye jamais été qu'un Géométre audeffous
FEVRIER. 1744. 279
deffous du médiocre , & qu'il y ait deux ans
queje n'ai vû aucune propofition de Mathématique
, cependant nouveau Sophocle , je
vais entrer en lice , & ufer de la permiffion
que M. Liger donne de faire des obfervations
fur fon fyftême .
La grandeur en général ne reprefente que
des parties , foit qu'elle foit continuë , c'eſtà-
dire , que fes parties ne foient , ni réelle
ment , ni mentalement divifées comme la
pefanteur , foit que fes parties foient réellement
divifées ou déterminées comme i 2
3,4,5 , & c.
>
L'objet de la Géométrie eft la grandeur
permanente ; c'eft celle dont toutes les parties
exiſtent en même-tems. L'eſpace eft une
grandeur permanente . Le tems , au contraire,
eft une grandeur fucceffive , parce que fes
parties fe fuccedent les unes aux autres .
>
Il eft des grandeurs , qui rapportées l'une
à l'autre , n'ont pas des mefures communes ,
c'est-à-dire , qu'elles ne font pas de nombre
à nombre ; on les appelle incommenſurables
; aucun Géométre n'a défavoué cette
propofition. La raifon d'un pied à un autre
eft un rapport de nombre à nombre. Mais
ne peut-il exifter aucune grandeur, qui n'ait
point de mefure commune avec un pied, un
pouce , une ligne , & fes parties aliquotes ou
fous multiples ? Jufques-ici j'avois cru qu'une
Diiij ali280
MERCURE DE FRANCE.
aliquote de cette grandeur pouvoit être
l'antecedent d'une raifon , dont la fous-multiple
de la ligne en queſtion , feroit le conféquent
, de forte que quelque petite qu'on
fuppofât la derniere, elle ne pourroit jamais
être continue fans refter dans fon antécédent.
Je m'étois encore perfuadé que lorfqu'un
nombre comme 1 ,, n'eft pas par un quarré
parfait , c'est- à-dire , que n'y ayant aucun
nombre , qui multiplié par lui-même donnât
la fomme de 15 , fa racine étoit fourde
ou bien Incommensurable ; il en eft de même
des racines , des nombres 18 , 50 , 24 ,
32 , &c.
La multiplication des extrêmes dans une
progreffion Géométrique , eft égale au produit
des moyens ; foit par exemple , 2 , 4 ::
3 , 6 , 12 eft le produit des deux termes. On
multiplie en effet le nombre 2 par 6 , & le
nombre 4 double de 2 par 3 , fous double de
6. Voilà la raifon de l'égalité , d'où il fuit
que dans une proportion continue, le quarré
de la moyenne proportionnelle eft égal au
rectangle des extrêmes , ainfi 2 , 4 : 4 , 8.
Le quarré 16 de proportionnelle 4 , étant le
produit des moyens , le rectangle formé de
la multiplication de 8 par 2 , doit lui être
égal.
C'eft un principe certain que les triangles
1
FEVRIER. 1744. 281
gles femblables ont leurs côtés homologues
proportionnels. Il n'eft pas moins évident
que fi du fommet de l'angle droit d'un triangle
rectangle , on mene à l'hypotenuse une
ligne perpendiculaire , ce triangle fera divifé
en deux triangles femblables entr'eux
& au triangle total ; cette propofition n'eſt
qu'un corollaire de la precédente.
De tous ces Théorêmes il réfulte que le
quarré de l'hypotenufe dans un triangle rectangle
, eſt égal aux quarrés faits fur les cô--
tés de ce même triangle , car en titant une
perpendiculaire du fommet de l'angle droit
du triangle rectangle fur fon hypotenuse ,
laquelle perpendiculaire diviſera la baſe en
deux rectangles , qui feront femblables au
triangle total , ces triangles auffi femblables
entr'eux , font en raifon doublée de leurs
côtés homologues.Donc les quarrés des côtés
homologues font entr'eux comme les triangles.
Or l'hypotenufe du grand triangle rectangle
eft homologue aux côtés fur lesquels
font faits les petits quarrés , puifqu'ils font
auffi les hypotenufes des petits triangles.
Donc enfin le triangle total , étant égal aux
deux petits , formés par la perpendiculaire ,
tirée du fommet de l'angle droit de ce triángle
fur la bafe , le quarré formé fur l'hypotenufe
de ce triangle , eft égal aux quarrés
formés fur les côtés , qui font les hypotenufes
des petits triangles.
Dv Vai282
MERCURE DE FRANCE.
Vainement M. Liger voudroit nier cette
propofition , qui eft la 47 du premier Livre
d'Euclide , & la plus importante vérité de
la Géométrie plane. M. le Ratz de Lauttfenée
l'a appliquée à toutes fortes de triangles,
& même aux figures femblables décrites
fur les côtés d'un triangle rectangle.
Dans fon quatriéme Livre des Elémens de
Géométrie , il prouve contre le fentiment
de Pelaterius , qu'on la peut démontrer autrement
que par
la voye des proportions
& par la maniere dont Euclide s'eft fervi
pour la prouver. Cette propofition eft fi utile
, que Pythagore , qu'on en dit être l'Auteur
, felon Proclus & Vetruvius , offrit aux
Mufes un hecatombe , parce qu'il croyoit
devoir à leur infpiration cette heureufe dé-
Couverte.
Outre l'utilité que l'on retire de cette
propofition , pour la conftruction des tangentes
, des finus , des fecantes , elle fert
encore à démontrer invinciblement l'exiftence
des Incommensurables ; elle prouve contre
M. Liger, que le côté d'un quarré n'a aucune
mefure commune avec fadiagonale.Soit
un quarré de 2 au côté. La diagonale le partage
en deux parties égales ; elle forme donc
un triangle Ifofcele rectangle , dont elle eft
la baſe. L'hypotenufe de ce triangle doit
avoir 8 pour fon quarré , puifque le quarré
forFEVRIER.
283 1744.
formé fur la bafe d'un triangle rectangle ,
eft égal aux quarrés formés fur fes côtés.
Les côtes de l'Ifofcele font deux , donc les
quarrés formés fur ces côtés font 4 , qui repetés
deux fois à caufe des deux côtés du
triangle Ifofcele donnent 8 , donc le quarré
de l'hypotenufe eft 8 ; or 8 n'eft pas un
nombre quarré , mais il eft contenu entre
les nombres quarrés 4 , & 9 , dont les racines
font 2 & 3 , donc le nombre 8 a plus
de 2 à fa racine , un peu moins que trois ;
donc la quantité de fa racine ne fe
peut dé--
terminer par un nombre commun , ou qui
ait un rapport avec le nombre 2 , qui exprime
la racine du quarré formé fur un des
côtés du triangle Ifofcele. Cet hypotenuſe
eft donc incommenfurable avec ce côté.
Voyons donc comment M. Liger élude
la force de ce raifonnement , ou
ou plûtôt
quelle preuve il apporte du contraire. Il
fait un quarré de 12 petits quarrés côté , la
fomme du grand quarré fera de 144 petits
quarrés , puifqu'un quarré fe forme de la
multiplication d'un nombre par lui-même.
La diagonale partageant le grand quarré en
deux , donnera deux triangles qui auront
chacun 72 petits quarrés , tant effectifs qu'en
triangle , car ils auront encore 12 triangles
fur la bafe , ce qui équivaut à 6 petits quarrés
, le quarré étant le double de fon trian-
D vj gle.
284 MERCURE DE FRANCE.
3
gle. Si dans un autre endroit on trace un
quarré fur une ligne de 17 petits quarrés
égaux aux petits quarrés du grand quarré
precédent , on aura un quarré de 289 petits
quarrés. Si encore par le moyen de deux
diagonales , qui fe couperont au centre de
ce quarré , on divife ce quarré en 4 parties
' égales , enforte enfin que i l'on place la
bafe du triangle formé par la diagonale ,
divifant le quarré fait fur 12 , fur le côté
17 du grand quarré , les deux triangles feront
précisément égaux , & comme la baſe
du triangle eft la diagonale du quarré fait
fur 12 , & qu'elle fe trouve égale au côté 17
du grand quarré 289 , compofé de petits
quarrés égaux aux petits quarrés du grand
quarré 144. La diagonale du quarré , fait
fur 12 , eft donc égale à 17 parties de ce
même quarré , ou à 17 des petits quarrés ,
formant le grand quarré 144.
144 ,
Mais ce qui dérange le fyftême , c'eft que
dans le grand quarré 289 , il eft un petit
quarré de trop . Car pour que le grand quarré
divifé en deux triangles de 72 petits
quarrés, couvrit également les deux triangles
du quarré 289 , qui en font la moitié
il faudroit que 144 fût la moitié du double
289 , & il ne l'eft que de 288 dans chaque
triangle ; il eft un quart de quarré de trop .
Cette courte refléxion fait tomber le ſyſtême
FEVRIER . 1744. 285
,
me ; fur une Carte la difference n'eft pas
fenfible. Mais fi le petit quarré dans la plaine
repréfentoit un efpace de dix lieuës
malgré la fobriété de M. Liger , qui dit qu'il
doit s'éclipfer , je crois qu'il feroit mortifié
de faire à jeun ce petit quarré ; en multipliant
les parties aliquotes , on approche de
la mefure commune , mais jamais l'efprit
de l'homme , ni le compas de M. Liger , ne
trouveront une mefure commune entre la
diagonale d'un triangle rectangle , & un des
côtés de ce même triangle.
Dans un ifofcéle rectangle ,le quarré de la
bafe eft au quarré d'un des côtés , comme 2
à 1 , donc il n'a pas pour expofant un nombre
quarré ; cependant la raifon entre ces
quarrés eft doublée , or toute raifon doublée
, qui n'a pas pour expofant des nombres
quarrés , n'eft pas doublée de nombre à
nombre. La raifon eft que deux nombres
étant premiers entr'eux , leurs quarrés le
-font auffi comme 1 & 2 ; leurs quarrés 1 &
font auffi premiers entr'eux. 4 ,
A Dijon , le dernier Octobre 1743 .
L. C. Etudiant en Droit.
LE
236 MERCURE DE FRANCE.
LE TRAVAIL ET LE PLAISIR.
Αν
FABLE ALLEGORIQUE.
bon vieux tems , fur les heureux mortels
Le travail , le plaifir régnoient d'intelligence ,
Et partageoient fur les mêmes Autels
L'encens de leur reconnoiffance.
Le travail leur donnoit la force , la fanté ,
Et des vertus pere eftimable ,
A leur élite refpectable
Il foumettoit leur coeur par son activité.
'A fon tour , le plaifir par fa douce influence
Ranimoit & leur corps & leur intelligence ;
De leurs efforts induſtrieux
Lui-même étoit la récompenfe ,
Et fes charmes délicieux ,
Qu'affaifonnoit la temperance
D'un fel piquant & gracieux ,
Les ramenoient fans répugnance
Sous l'utile & jufte puiflance
De leur Maître laborieux .
Ce fage accord formoit une fource féconde ;
D'ou couloit au fond de leur coeur
Ce
FEVRIER. 1744. 287
Ce que cherche fans ceffe , ce qu'ignore le monde,
Et qu'il appelle le bonheur.
Mais le plaifir fe laffa du partage ,
Et voulut feul donner des loix ;
Ufurpons au travail & fon trône & fes droits,
Dit-il , & qu'à moi feul l'Univers rende hommages
D'ambition follement entêté ,
Il lui déclare une guerre cruelle,
Par la voix de la volupté
Héroïne à fa loi fidelle ,
Et qui ne connoît rien d'invincible pour elle
Que les coeurs que
défend l'infenfibilité.
Sous les drapeaux flateurs à l'inftant il raffemble
Les ris , les danfes , les feftins ;
A leur afpect , fon rival tremble
Pour la gloire & pour les humains.
Là, d'amours féducteurs une troupe charmante:
S'arme de traits en ſa faveur ;
Ici , mainte fête galante
Le proclame déja vainqueur ;
Cent fpectacles divers brillent pour fa défenſe ; ,
Le jeu trompeur étale fes tréfors
Euterpe & Melpomene uniffent leurs accords ,
Et Diane avec diligence
Des paisibles Forêts va rompre le filence ,
Par le bruit perçant de ſes cors.
Pour
288 MERCURE DE FRANCE.
Pour arrêter la violence
De tant d'audacieux projets ,
En vrai pere de fes fujets ,
Le travail contre lui s'avance ;
Les Sciences , les Arts lui fervent de foldats;
La raifon éclaire fes pas ,
Que fouvent la gloire couronne ,
Que toujours l'utilité fuit ,
Et dont la fageffe eſt le fruit ;
Le fignal du combat fe donne .
On entend mille cris.... mais , ô Dieux ! quel revers !
Le travail eft vaincu ; la raiſon mife aux fers ,
Et le plaifir avec éclat moiffonne
Tous les lauriers de l'Univers.
L'homme féduit par l'apparence
Du bonheur qui le fuit , quand il croit le faifir,
Tout entier fe livre au plaifir;
Flaté de la douce eſperance
De pouvoir toujours en joüir;
Son état n'eft plus qu'un délire ,
Délicieux & raviffant ;
A tout ce qu'il goûte & qu'il fent
Son ame à peine peut fuffire ;
Ainfi qu'un Papillon au Printemps renaiffant
Vole fur chaque fleur nouvelle ,
Sans fixer fon vol inconftant ,
Ainfi
FEVRIER. 1744. 289
Ainfi du doux plaifir , qui lui prête fon aîle ,
Il parcourt , tranfporté de zéle
Chaque attrait & chaque agrément.
! Mais hélas par la joüiffance ,
Mere de la fatiété
Il s'apperçut bien- tôt qu'il s'étoit mécompté ;
Le plaifir enfanta la froide indifference ,
Le dégoût , l'infipidité ;
Il perdit fa douceur & la vivacité ;
L'ennui régnoit en fa préſence ;
Pour comble de calainité
On le cherchoit dans fon fein même
De fon art il eut beau tenter tous les fecrets ,
Bien loin de rétablir fa puiffance fuprême ,
Il n'excita que des regrets.
Un fort non moins fatal fut le honteux partage
Du travail féparé de l'aimable plaifir ;
Sa loi parut un esclavage.
Pour lui prefenter fon hommage,
Nul mortel ne trouvoit un inftant de loifir ;
Cependant dans ſa décadence ,
La preffante néceffité
Soumit plus d'un rebelle à fon obéiſſance ;
En vain de fon utilité
• Il leur démontra l'excellence ,
Elle ne fût pour eux qu'un bien trop acheté ,
Et
190 MERCURE DE FRANCE.
Et fon empire déferté
Par la gaieté , par l'allegreffe
Et même par la liberté ,
Devint celui de la trifteffe
Et de l'affreufe dureté.
>
Par la contrainte & le trop grand ufage
Tout perd fon prix & les attraits ;
Pour être heureux , pour être fage ,
Il faut allier, fans excès ,
A Putile travail le plaifir agréable ;
· C'eft la morale de ma Fable ;
Puiffe-t'elle avoir du fuccès !
Par M. de S. Roman
LET
FEVRIER. 1744. 291
AUQUQUQUNUDUDUDUDUDUDUDUDUDUDU
PUDUDUDUDUDUDU QUDUDUDURU
LETTRE de M ...... fur la Defcription
de la Haute- Normandie.
LES
Es recherches que le R. Pere Dom D.
Benedictin a faites pour la Defcription
de la Haute- Normandie ( excepté
le Diocèse d'Evreux , qu'il remplace par le
Vexin François , qui n'a jamais appartenu à
la Normandie ) ces recherches , dis-je , méritent
la reconnoiffance des Gens de Lettres.
Cependant cetOuvrage n'eft pas affés exact ,
pour ne leur pas faire defirer une révifion.
On fent dans ce Livre un homme vif & laborieux
, deux qualités néceffaires pour un
Hiftorien ; la vivacité cependant trop grande
de notre Hiſtorien le rend fouvent trop
concis. Elle lui fait abbreger ou paffer fous
filence des traits hiftoriques , dignes d'être
rapportés ; il auroit pû en paffer d'autres ,
d'autant moins intéreffans , qu'ils ne font
pas honneur à ceux dont il parle . Que d'étymologies
hafardées ! pour ce qui eft du
travail , il y en a beaucoup , mais il n'y en a
pas affés.
Il n'étoit pas fort difficile de fçavoir les
noms de tous les Sts Patrons des Paroiffes ;
Sotteville n'eft G loin de Roüen , qu'il
pas
no
292 MERCURE DE FRANCE.
ne foit facile de connoître le Patron qu'on
y honore. J'ai vû faire la fête de S. Catald à
Bondeville , comme du Patron ; l'Auteur
n'en dit rien. Il n'a point fçû que tout ce
Village dépend de la Cure qui eft dans le
Village même , & que la petite Cure de S.
Denis , qui eft une Chapelle hors de l'Eglife
des Religieufes de Bondeville , n'a pour
paroiffiens que quelques Payfans , qui ne
font pas du Village de ce nom , excepté les
domestiques de l'Abbaye , qui eft à un bon
quart de lieue du Village. Il me femble que
l'exactitude demandoit , qu'on défignât fi
c'est le Chapitre d'une Abbaye ou d'un
Prieuré , qui prefente ou qui confere un
Benefice , ou fi c'eſt l'Abbé ou le Prieur.
On fe contente fouvent de dire que c'eft
l'Abbaye , ou le Prieuré qui a ce droit . Les
Seigneurs fe multiplient fous la main du P.
Benedictin , ce qui forme dans cet Ouvrage
une oppofition entre les anciens Patrons &
les nouveaux ; les ventes des terres Seigneuriales
font un changement , que l'Auteur a
ignoré quelquefois. L'Eglife du Prieuré de
S. Lo & celle de la Paroiffe , font depuis
quelques fiécles affés féparées , pour qu'une
perfonne qui a demeuré quelque-tems à S.
Ouen , s'en apperçoive . On prefente au Roi
quelques fujets , entre lefquels Sa Majeſté
nomme unPrieur de laMagdeleine deRoiien .
ParFEVRIER.
1744. 293
Parlons de quelques chofes plus importantes.
Je ne crois pas que ce que le R. P....
dit fur le Pays de Tallon & fur le mot de
Dun , augmente le nombre des adverſaires
de M. l'Abbé Lebeuf. Cet Académicien a
fort bien prouvé que ce mot dans la Langue
Celtique marquoit un Lieu élevé , ce qui
convenoit ordinairement aux Châteaux &
aux Fortereffes ; fi on a donné ce nom à des
Lieux bas , c'eſt par rapport aux hauteurs
qui les environnent. Il étoit fi ordinaire de
mettre dans les noms des Fortereffes le mot
de Dun , à caufe de leur fituation élevée ,
qu'on leur a donné la même fignification ,
quoiqu'elles ne fuffent pas fur des hauteurs.
Comment ſe tire notre Auteur du mot de
Pifte , qui fe trouve dans le dénombrement
des differens Lieux du Tallou ? il a recours
au mot Grec , qui fignifie Foi ; mais où trouver
que les anciens habitans du Pays de
Caux ont donné des noms Grecs à leurs
Villes , Châteaux ou Villages ? nous avons
un Piftes affés fameux dans le neuviéme fiécle
,par troisConciles queCharles- le - Chauve
y fit affembler. Cet endroit , nommé depuis
Piftres , & à prefent Pitres , n'a point pour
Patron Ste Foy. C'eft un Village fur Landelle
. M. Lebeuf s'autorife encore, avec raifon
, du mot de cette riviére & du Pays de
Tellao ,
24 MERCURE DE FRANCE.
› ¸ vers la riviére d'Epte , pour étendre
jufques dans ces quartiers-là.
Ceux qui connoiffent les environs du
F -de-l'Arche, font furpris que l'anonyme
attribuë à la Ville d'Arques , ce que Guillaume
de Jumieges , l. 2. c. 10. dit d'Hafdans.
Cet endroit , qui étoit alors confiderable ,
eft un Village très- proche du Pont-de-l'Arche
, où il y a une Succurfalle , dépendante
de cette Ville ; on prétend que c'étoit le
Pont- de-l'Arche, qui n'étoit autrefois qu'une
Succurfalle de Hafdans ou Ledants , comme
on dit à prefent. C'eft là où les Normands
s'arrêterent , afin d'y former un Camp, mais
les François après avoir entendu la Meſſe à
S. Germain d'Alifai , de l'autre côté de la
Seine , vinrent les attaquer.
Suivons le R. P.... aux Deux Amans , à
cinq quarts de lieuë du Pont-de- l'Arche .
On a , dit-il , p. 331 , Tom. 2 , débité bien
des Fables fur l'origine de ce nom. Je ne
connois qu'une Hiftoire fur ce fujet , qui
paroît fabuleuſe , ſçavoir , qu'un jeune homme
obtint une fille en mariage , à condition
qu'il la porteroit jufqu'au plus haut de la
montagne ; on prétend que le garçon mourut
de fatigue & la fille de chagrin , &
les parens , pour reparer leur faute , & pour
le repos des Ames des deux Amans , fonderent
un Prieuré de Chanoines Réguliers fur
la même montagne.
que
Cela
FEVRIER.
295. 1744.
Cela fe
peut abſolument parlant , mais la
conjecture de notre Auteur eft entierement
fondée fur le défaut de connoiffance
du Lieu
dont il s'agit , & de l'Hiftoire du Prieuré
des deux Amans. Parmi la fuite des montagnes
, qui environnent
çe Lieu , il n'y en a
aucunes de jumeaux ou jumelles ( vers Châtillon
fur Seine , il y a deux montagnes nommées
jumeaux , à caufe de leur figure tout-à
fait reffemblante
) . Flipou eft à une demie
lieuë des deux Amans , dans une plaine ; à
la vérité , il y faut monter du côté du Pont
S. Pierre , mais cette petite montagne ou
colline ne fait aucune comparaiſon
avec
la montagne des deux Amans. Pour aller de
Flipou à Anfreville fous les Monts , il faut
paffer une plaine d'une demie -lieuë & defcendre
enfuite de la montagne . D'ailleurs
le nom de deux Amans n'eft point ( comme
le conjecture le R. P. Benedictin ) une prononciation
alterée pour les deux Monts ,
puifque la Charte de Hugues , Archevêque
de Rouen , pour confirmer les biens du
Prieuré des deux Amans , eft adreffée Ricardo
Priori caterifque fratribus in Loco qui
mons duorum Amantium dicitur , & c. Cette
Charte eft fans date , mais on fçait que Hugues
a tenu le Siége de Rouen depuis 1130,
jufqu'à l'année 1164. Le Pape Alexandre
III , qui confirma en 1165 les biens du même
296 MERCURE DE FRANCE.
me Monaftere , dit auffi qu'il eft fur la montagne
, qui dicitur duorum Amantium , &c.
Puifque cette étymologie de deux Amans ,
dérivée de deux montagnes , ne fe peut
foutenir , on peut croire avec quelques anciens
du Pays , que ce nom de deux Amans a
été donné à la montagne de ce Prieuré , à
caufe des Images de J.C. & de la Magdeleine
, qui étoient au portail & au grand Autel
de l'ancienne Eglife. Le Pere Pacifique ,
dans fon voyage de Perfe , appelle J. C. &
la Magdeleine deux Amans. On m'a dit que
dans le Diocèfe de Grenoble , il y avoit auffi
une Eglife de deux Amans.
Notre Auteur dit , pag. 137 , Tom. II ,
qu'aucun Concile , ni de Latran , ni d'ailleurs
, n'a interdit les Cures aux Moines ;
cependant voici ce qu'on lit dans plufieurs
Conciles , que le Pere Thomaffin , &c. cite ,
Le premier de ces Conciles , eſt celui de
Rouen , tenu en 1074 , ut , inquit , can. 5 .
nuili Monacho Parochia regenda committatur.
Cela fut confirmé par le Concile d'Autun
en 1094 , & celui de Poitiers en 1 100.
par
Calixte II , dans le premier Concile de Latran
en 1123 ( on comptoit encore 1122 en
France ) deffend aux Moines toutes les fonctions
Curiales. S. Bernard & d'autres Abbés
& Moines ( confultez le Livre intitulé :
De Canonicorum ordine difquifitiones. ) Paris
1697 ,
FEVRIER. 1744. 297
1697 , difq. tertia , p . 403 , &c. 406 , &c .
avoüent eux-mêmes que ces fonctions ne
conviennent point aux Moines , & qu'ils
doivent vivre dans la retraite & dans le filence.
Les Sçavans , qui s'intéreſſent à l'Hiftoire
d'Aumale , & notre Auteur , doivent remar
quer qu'Etienne , Comte d'Aumale , n'étoit
point fils de Henri Etienne , Comte de
Troyes & de Meaux , mais qu'il étoit fils
d'Odon , Comte de Hilderneffe , fils d'Etienne
, premier Comte de Troyes & de
Meaux. Henri Etienne , neveu d'Etienne ,
premier , céda le Comté de Troyes à Hugues
fon frere ; c'eſt ce qui fait la plûpart
des Hiftoriens ne lui donnent que le
nom de Comte de Blois ou de Chartres.
que
Il est échapé une autre faute , qui eft
moins excufable , à un fçavant Benedictin ,
c'eft de traiter S. Medard & S. Godard de
freres. Je fuis auffi furpris , qu'un Religieux
qui ne doit point être oppofé aux exemptions
, & qui furtout , doit aimer la paix
avertiffe quelquefois , quand il parle d'exemptions
, qu'il ne parle point du droit de
ces exemptions. Enfin je prie notre Auteur
de nous faire connoître les Conftitutions
d'Ives de Chartres. On fçait que ce célébre
Prélat a fait refleurir l'Ordre des Chanoines
, furtout à S. Quentin de Beauvais ; mais
E زا
298 MERCURE DE FRANCE.
il ne leur a laiffé pour Réglemens que les
Canons. Voyez fa Lettre aux Chanoines
de Lefterp .
ODE
Sur le commencement de l'année 1744.
QuUel eft ce vieillard intrépide ,
Porté fur les ailes des vents ,
Qui vient , dans fa courfe rapide ,
Dévorer fes propres enfans ?
Quel défaftre affreux , quel ravage ,
Signalent partout fon paffage !
Le Berger tombe avec les Rois ;
Aucun n'échappe à la colére ;
Tous formés par le même Pere ,
Ils font fujets aux mêmes loix.
*3**
Devant lui , ces Tours fourcilleuſes ,
Qui ſembloient menacer les Cieux ,
Baiffent leurs têtes orgueilleuſes ,
Et difparoiffent à fes yeux ;
Sa main , en ruines féconde ,
Fait tourner la maffe du Monde ;
Tout cede à fon vafte courroux ;
A fes pieds , d'immenſes abîmes
Anéantiffent
FEVRIER. 1744.
299
Anéantiffent les victimes
Qu'il précipite fous les coups.
**
Comme un Fleuve , qui de fa fource ,
Coule de Climats en Climats ,
Ce Vieillard , ferme dans fa courſe
Ne revient jamais fur fes pas ;
Les jours , les mois & les années
A fa fuite font entraînés ;
C'eſt le Tems , ce fier deftructeur ,
Qui d'une nouvelle carrière
Venant nous ouvrir la barriére ,
Nous avertit de la fureur.
Vérité , cache ton viſage ;
Abbaiffe tes voiles facrés ;
Ces jours , par un coupable uſage ,
Au menfonge font confacrés ;
Déja l'amitié défolée
Loin des Villes s'eft envolée ;
Le menfonge eft fur fes Autels ;
Enflé d'un pareil privilége ,
Il reçoit l'encens facrilége
Du coeur perfide des Mortels .
+3x+
Loin de moi , profanes Miniftres ,
E ij
Allez ,
300 MERCURE DE FRANCE.
Allez , fous un maſque impofteur ,
Accréditer les voeux finiftres ;
Dictés par votre Dieu menteur ;
Allez ; que rien ne vous arrête ;
Tout vous rit , la victime eft prête ,
Et s'offenfe de vos délais :
La pitié vous rendroit coupables ;
Vos traits font des traits refpectables ;
'Affommez- là de vos fouhaits.
Venez , venez , Troupe fidelle ,
Chers amis de la vérité ;
J'entends fa voix qui nous appelle ;
Fuyons un séjour empeſté ;
Laiffons gémir dans leurs entraves
Ces honteux , ces lâches Eſclaves ,
Vendus à de vils intérêts ,
Et loin du tumulte des Villes ,
Allons couler des jours tranquilles
Dans le filence des Forêts.
***
C'eft- là , que fans inquiétude ,
Le Sage au milieu des plaisirs ,
Fait de foi-même fon étude ,
Et vit au gré de ſes defirs .
Le grand Livre de la Nature ,
Mieux que Seneque ou qu'Epicure ,
L'inftruit
FEVRIER. 1744. 301
L'inftruit du feul & vrai bonheur ;
Aux dépens de fon petit Chaume ,
Il ne voudroit pas d'un Royaume
Acheter le fragile honneur.
C'eſt à lui feul que la fageffe ,
Déguiſée en mille façons ,
Dans des objets de toute eſpéce
Dicte fes aimables leçons ;
Les Roſes & les Violettes
Sont de fidelles interprètes
Qui naiffent pour lui dans les bois ;
Ces fleurs , au milieu des épines ,
Leur éclat , leurs promptes ruines ,
Sont
pour
l'inftruire autant de voix.
Dans le courant d'une Onde
> Unique objet de ſes amours
Il voit la fenfible figure
Du cours rapide de ſes jours ;
Une feüille étoit ſur ſa tête ,
pure .
Et fembloit braver la tempête ;
Le vent fouffle , elle eft fous fes pas ,
Et dans fa chute fymbolique ,
Il voit un exemple authentique
Des fauffes grandeurs d'ici bas.
E irj Qu'un
302 MERCURE DE FRANCE.
Qu'un autre au Char de la Fortune
Enchaîné la nuit & le jour ,
Suive la grandeur importune.
Et le faux brillant de la Cour ;
Qu'au tour de fa perfide rouë
L'aveugle Déeffe le jouë ;
Qu'il renonce à tous les plaifirs ;
Guidé par une fauffe Etoile ,
Qu'il vogue fans rame & fans voile ,
Au gré de les vagues défirs.
Mars , Plutus , Apollon , Minerve ,
Tous vos efforts font fuperflus ;
Voyez le Tems qui vous obferve ;
Il s'avance , vous n'êtes plus ;
Vos Monumens les plus fuperbes
Sont confondus parmi les herbes ;
On en perd jufqu'au fouvenir ;
C'eft l'ordre de la Providence ;
Ici bas , tout ce qui commence
Ne commence que pour finir.
RE
FEVRIER. 1744. 303
REPONSE à la Queftion propofée dans le
Mercure du mois de Juin 1743 , p. 1193 .
" Ufemme , il fçait qu'il en eft haï mor-
N homme aime éperdûment fa
» tellement ; on demande lequel des deux
» eft le plus à plaindre.
On fçait que l'amour , la haine , & toutes
les autres paffions , fe rencontrent dans tout
ce qui eft animé ; le coeur & l'efprit humain
en font même les plus remplis . Celles que
l'on nomme fupportables , ainfi celles
que
qu'on regarde comme des vices , viennent
de la même cauſe, c'eft-à-dire, qu'elles naiffent
toutes avec l'animal & font réunies
dans chaeun ; ce n'eft qu'accidentellement, fi
elles fe trouvent plus foibles dans l'un que
dans l'autre ; donc chacun eft capable d'aimer
& de haïr.
Un homme aime éperdûment fa femme,
& fa femme le hait mortellement ; cet homme
pourroit auffi haïr une autre femme dont
il feroit aimé , & fa femme , au contraire
pourroit aimer un autre homme qui la haïroit
; c'eft l'effet de l'antipathie, & dans ce
cas tous deux font à plaindre. Il faut donc
dans les mariages éviter avec foin ce difcordant
de fentimens & d'humeurs, qui fait
le malheur des Conjoints.
E iiij Rien
304 MER CURE DE FRANCE.
eft
Rien n'eft plus charmant que l'amour réciproque
ou favorifé , mais auffi il eſt le
plus fufceptible dd''aallttéérraattiioonn , & fouvent
celui qui a paru le plus violent , fe calme
& même fe diffipe tout d'un coup . Il n'en
pas de-même de l'amour méprifé ; plus il
rencontre d'obſtacles , plus il s'enflâme, & il
devient un mal fi incurable qu'il ne fe peut
guérir qu'avec la fin de celui qui en eſt attaqué.
La haine eft differente de l'amour ;
elle ne varie point ; elle s'aigrit plutôt que
de s'adoucir , & ne finit que lorfque l'objet
qui l'a occafionné , ceffe de vivre , d'où l'on
peut conclure ( pour répondre à la Queſtion
propofée ) que l'homme eft plus à plaindre
que la femme , parce que fon amour qui fe
trouve irrité par la haine de fa femme , le
conduira infenfiblement au tombeau ; au
lieu que la femme pouvant furvivre à fon
mari , a lieu de fe flåter d'être un jour délivrée
de celui pour qui elle a tant d'averſion ,
& de n'en être plus obfedée.
RE
FEVRIER. 1744. 305
* X* X* X ** X * X* X ***
REMERCIMENT à M. l'Abbé de
*** Curé de *** ,
, en Anjou.
GRand- merci de vos bons ſouhaits ,
Si bien tournés & fi bien fairs ,
Que j'ai crû que c'étoit Voiture ,
Qui du fond du fombre manoir ,
Par congé du Monarque noir ,
M'envoyoit fi docte écriture.
Où puifez- vous ces heureux tours ,
Qui , commentés par les Amours ,
Semblent dictés par la Nature ?
Vous ne faites rien à demi.
Ah ! que vous fçavez bien , ami ,
Sans trop complaire à ma foibleffe ,
Ménager ma délicateffe ,
En me difant mes vérités ,
Agréables moralités ,
Que l'amitié feule affaifonne ,
Enfans d'un Sage qui raifonne
Sur les points les moins médités !
Vous ne faites Stance ni Strophe ,
Qui ne fente fon Philoſophe ;
Partout je trouve un fens moral ,
Et la jufteffe de Paſcal .
Adieu ; vivez longues années ;
Que toujours un bonheur égal
E v Accom306
MERCURE DE FRANCE..
1
Accompagne vos deftinées ;
Recevez auffi mes fouhaits
Et les voeux , fruits de ma tendreſſe ;
Et dans des jours pleins d'allegreffe ,
Ami , ne m'oubliez jamais.
Par M. de la Soriniere , en Anjou , le z
Janvier 1744.
LE MONDE & fa fociété , Difcours de
M. D. D. Avocat à S. Etienne en Foreft.
L
E Monde eft une grande République ;
un nombre infini de Nations differentes
& de Peuples de divers Ordres la com--
pofent ; il femble que la multitude & la diverfité
desClimats & des humeurs devroient
y apporter de la confufion , mais la Natureles
a liés fi étroitement les uns aux autres ,
& en a fait une fi agréable fociété , que par
la feule Loi naturelle , gravée dans leurs
coeurs , ils doivent fans ceffe concourir
( comme ils le font en effet ) à ce qui peut
rendre cette République floriffante ; & comme
ils font tous Républicains , ce qu'ils font
en général pour fon utilité, retombe en particulier
fur eux.
2
On doit d'autant mieux fuivre les mou-.
vemens
FEVRIER.
1744: 3:07
vemens de cette Loi naturelle, qu'elle participe
de la Loi éternelle , & qu'elle eft originaire
du Ciel : Quid Natura , nifi Deus , &
divina ratio toti mundo incerta ? dit S. Auguftin.
En effet la Nature eft un extrait de la
grandeur de Dieu & un écoulement de fa
Toute-Puillance ; c'eft une fource féconde ,
d'où plufieurs Loix font dérivées ; c'eft un
principe univerfel , qui a foumis les moindres
aux plus grands , qui a infpiré à ceuxci
l'habitude des bienfaits , & à ceux-là une
reconnoiffance , laquelle en tout cas eft
fuppléée par la récompenfe qui vient d'enhaut.
Il y a dans nous-mêmes un petit état où
la justice veut que l'ame commande pour la
confervation
du corps , & que le corps
obéiffe pour les avantages de l'ame ; fi ces
deux parties , dont nous fommes compofés
agiffent pour d'autres fins , elles vont contre
les décrets d'une Providence qui les a
unies pour le même objet. L'homme qui vivroit
feul , fe trouveroit peu en état d'exercer
une juftice qui lui eft fi néceffaire ; il eſt
obligé d'entrer dans la fociété de ſes ſemblables
, pour le fortifier par des exemples que
peut lui fournir le commerce de la vie..
C'est dans une liaifon d'amitié & d'interêt
, que l'on trouve du foulagement à ſes
E vj
maux
308 MERCURE DE FRANCE.
maux ; que l'on fe donne de l'affiſtance ;
qu'on allie les differens emplois , & que
l'on partage les foins , la tranquillité , le
travail , le repos , la trifteffe & la joye .
Cependant les inclinations de l'homme le
fuivent par tout, & le font fouvent agir pour
fon utilité particuliere , au mépris , quelquefois
même au préjudice du bien public , ce
qui fait qu'on l'affujettit à des Loix qui reglent
fagement fa volonté , & ne laiffent
à fes paffions qu'un ufage légitime ; elles méfurent
fes défirs , modérent les reffentimens,
infpirent la charité , réparent les défordres
de la haine , diftribuent à chacun les avantages
qu'il doit avoir , comme ceux qu'il
doit procurer aux autres ; ainfi le premier
hommage que doit rendre le Citoyen à l'Etat
, c'eft de lui voüer fon obéiffance en tout
ce en quoi il peut fe rendre utile pour le bien
public , dont il ne manque jamais de fe retfentir
lui-même , foit comme Membre de
cet Etat , dont l'interêt lui eft commun ,
foit comme l'Auteur d'une félicité , qui le
comble d'honneur parmi fes Concitoyens.
Ce devoir fi effentiel de travailler pour
la Société civile & pour l'utilité publique ,
a pour fondement la fimple humanité ,
laquelle eft le fentiment naturel qui fait
que chacun , voyant fon image & ´ſa même
Nature dans les autres hommes, ft touché
,
FEVRIER . 1744. 309
ché, ( fuivant les differentes conjonctures )
des impreflions de tendreffe , des fentimens
de compaffion , & de tous les fages mouvemens
qu'excite en lui la vûë de fon ſemblable
, ſelon l'état où il le voit, & qui le porte
en général à faire pour les autres ce qu'il
voudroit qu'on fît pour lui.
C'eft par ce principe de l'humanité que
la fociété des hommes s'eft maintenue entre
ceux même qui n'ont parmi eux ni Religion,
ni police , ni regle de gouvernement.
Auffi Dieu fait fubfifter cette fociété des
hommes dans tout l'Univers, par trois efpeces
de liaiſons ; la premiére , eft celle qui a
pour caufe l'humanité , dont le lien formé
par le Créateur , doit unir tout le Genre
humain , indépendamment des differences
de moeurs & de Religion .
La feconde , eft celle que forme la Religion
, dont l'efprit embraffe tous les Peuples
, qui la fuivent , & unit leurs coeurs .
Et la troifiéme , eft une chaîne domeftique
, qui établit dans chaque Etat un ordre
par lequel toutes les familles , dont il eſt
compofé , le trouvent unies , vivant ſous un
même Gouvernement & fuivant les mêmes
Loix.
Le deffein qu'à eû Dieu de lier les hommes
en fociété, a été principalement , pour
les rendre mutuellement fecourables en général
3ro MERCURE DE FRANCE.
néral & en particulier , en forte que devenant
utile au compofé dont on fait partie, on
devient auffi utile à foi-même ; d'où il fuit
que la premiere & la plus effentielle regle de
la juftice , confifte dans le rétabliſſement &
dans le maintien de la félicité publique, parce
que c'eſt un bien & un bonheur commun.
L'amour propre eft même feul capable
d'infpirer à chacun le défir d'y contribuer ,
rien n'étant plus naturel à l'homme que de
confidérer la part qu'il a dans la profperité
publique , qui eft une voye ( quand on y
contribuë ) pour parvenir aux richeffes &
aux honneurs ; mais le lien de la fociété civile
confirme encore mieux chaque Particulier
dans fes engagemens
.
Toutes les Loix qui reglent la conduite:
des hommes entre eux , ne font autre chofe
que les regles de la fociété où la Providence
les a mis , & ils s'y font eennccoorree uunniiss par les
liens de la Religion & de la police temporelle.
La Religion nous les fait confidérer comme
nos freres , la Loi de l'Etat , comme nos
amis , & quelque diftinction
que faffe entre
les hommes la difference des Nations , des
Langues & des moeurs , ils fe doivent tous
réciproquement les offices & les fervices
que leurs befoins peuvent demander , felon
la fituation où ils fe trouvent..
Tout
FEVRIER. 1744: 3RF
Tout ce qui eft foumis à la divine Providence
, eft conduit & dirigé par la Loi éternelle
, & en reçoit une impreffion qui lui
donne l'inclination de fe maintenir dans
fon état & d'arriver à fa fin ; c'eft une participation
de la Loi Divine , qui infpire le
defir de la fociété ; c'eſt une mere commune
, qui demande à fes enfans qu'ils ayent
entre eux une affection mutuelle , qui les
détermine à s'entrefecourir , & ceux qui
font affés portés au bien & au travail pour
lui obéir , ne manquent jamais d'en être récompenfés
par les dons précieux qui leur
font diftribués abondamment en mêmela
Nature & la Providence les refufent
à ceux dont l'indolence & le mauvais
coeur les attachent uniquement à eux mêmes,
fans avoir jamais en vue l'utilité publique ,
qui leur procureroit de grands avantages..
tems que
›
La Morale nous apprend que la bonté eft
une vertu fufceptible d'erreur , mais jamais:
d'excès ; on ne fçauroit faire trop de bien à
ceux qui le méritent , mais on peut s'abufer
dans le choix des perfonnes aufquelles on
diftribue fes bienfaits ; la Sageffe éternelle
fait luire le Soleil fur tous les hommes, mais.
elle ne donne l'efprit , la beauté , & les autres
perfections , qu'à ceux dont elle fait
choix .
On ne fçauroit jamais fe tromper , ni par
conféquent
312 MERCURE DE FRANCE .
conféquent tomber dans ces inconvéniens,
quand on s'acquitte bien des devoirs de la
fociété hnmaine ; on eft toujours fûr de bien
faire , & cette feule confidération tient lieu
d'une récompenfe infinie, à quoi cette même
Sageffe , ( dont la juftice diftributive eſt un
attribut, ) ajoûte toûjours une réputation folide
, une eftime univerfelle , & les plus
grands honneurs.
Les Princes, dont la mémoire eft la plus précieufe,
& qui fe font rendus les plus recommandables,
ne font montés au faîte de la gloire,&
n'ont immortalifé leur nom, que quand
ils ont préferé l'intérêt des Peuples & le
bonheur des Sujets à leur propre fatisfaction
; les exemples en font fréquens dans
l'Hiftoire. Notre France en a produit un
grand nombre de ce caractére , & le Monarque
, fous la domination duquel nous
avons le bonheur de vivre , en eft un Modéle
parfait.
isisis
EPITRE A M. B ***
Ecrite de Fontainebleau le 15 Novembre 1743,
DE
E ce féjour délicieux ,
D'un puiffant Roi la demeure brillante ,
Preffé d'un defir curieux ,
Qu'une
FEVRIER. 1744 313 .
Qu'une amitié fincére enfante ,
Je t'écris , mon ami parfait ;
De ta fanté je fuis en peine.
Apprens- moi donc , par un billet ,
Infpiré par ta docte veine ,
Que toujours joyeux , gros & gras ,
Au morne ennui tu fais la nique ,
Et que ta fertile boutique
Remplit ta caiffe de ducats.
Du Marchand l'or fait l'allégreffe ;
Il ne connoît point d'autre bien ;
Mais pour toi , qui n'ignores rien ,
Qui fçais la route du Permeffe ,
Tu trouves ta félicité
Dans la fource de la fageffe .
La précieuſe volupté
Sur tes traces brille fans ceffe ,
Et ton Epoufe eft ta Maîtreffe.
Tu vois croître , au gré de tes voeux ,
Des Enfans dignes de leur Pere ,
Qui font les plaifirs de tes yeux.
L'exemple d'une tendre Mere ,
Plus qu'un foin toujours affidu ,
Sçait les guider à la vertu .
Pour moi , qui fuis fans ceſſe en butte
Aux triftes caprices du fort ;
Que l'infortune perfécute ,
L'appareil de Plutus m'endort .
Dédaż
314 MERCURE DE FRANCE.
9 Dédaignant ſes vaftes largeſſes
Malgré moi , je fuis fatisfait ;
Dans l'indigence , quel bienfait
De triompher de fes foibleffes ,
Et de méprifer les richeſſes !
Je les mépriferois bien mieux ,
Si je me voyois à ta table ;
Là , coule un vin délicieux ;
Tout enchante , tout eft affable ,
Et Philofophe gracieux ,
En toi je trouve tous les Dieux.
Laffichard.
Ton ami feroit ridicule ,
Et mille fois plus incrédule ,
Que ne fut ton Patron le bien heureux Thomas,
Si de fi tendres Vers ne le contentoient pas.
Pour moi , cher L .... j'en ai l'ame ravie ,
Y
Et je veux pour toute ma vie
Etre du meilleur de mon coeur
Ton plus fincére admirateur ,
Et ton plus zélé ferviteur.
AParis , le jour de S. Thomas.
THESE
FEVRIER . 1744.
315
THESE de Théologie , foutenue à Angers ,
Extrait d'une Lettre écrite de cette Ville
le 17 Février 1744.
M R De Feitis , Acolyte du Diocéfe
d'Agen , iffu d'une des plus illuftres
familles de ce Diocèfe , foutint les de ce
mois , dans la Sale du Palais Epifcopal de
cette Ville , la Thefe de Théologie , appellée
Tentative , qu'il avoit dédiée à M. de
Chapt de Raftignac , Archevêque de Tours..
Le Chapitre de l'Eglife Cathédrale , le Préfidial
& l'Hôtel-de-Ville , que M. de Feitis.
avoit invités , y affifterent en corps , avec la
Faculté de Théologie. M. le Recteur de l'Univerſité
ayant jugé à propos , pour quelques
confiderations particulieres , de ne
fe point trouver à cette Dédicace , l'Univerfité
n'y affifta point en corps , mais cela
n'a point empêché que les Docteurs des différentes
Facultés ne ſe foient fait un devoir
d'y affifter. C'est la premiere fois que toutes
ces Compagnies fe font rencontrées enfemble
; les arrangemens avoient été pris
avec tant de prudence , qu'aucune n'a eu ,
lieu de fe plaindre.
Le Preſident de l'Acte, dont la Chaire étoir
placées
314 MERCURE DE FR
Dédaignant fesvaftes largeffes ,
Malgré moi , je fuis fatisfait ;
Dans l'indigence , quel bienfait
De triompher de fes foibleffes ,
Et de méprifer les richeffes !
Je les mépriferois bien mieux
Si je me voyois à ta table ;
Là, coule un vin délicieux
Tout enchante , tout eft affa
Et Philofophe gracieux ,
En toi jetrouve tous les D
Ton ami feroit
Et mille fois plus
Que ne fut ton Patron
Si de fi tendres Vers
Pour moi , cher L.
Et je veux po
Etre meill
TU
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Felt Chrices
Angers
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dean, pencette Che
de fure , cecile Danc de
cotesdeelieSalle ,
deline pourle Chef
en Ribfence
Heplace
Frehaiall
, Choit
In
Dans le
Univerline
Wille Des
TerCom
FEVRIER
317
44.
› affiftans . Cette
où l'on voit les
lufieurs Evêques
ocèfe , étoit ornée
autant que le per-
'on n'eut pû cacher,
plus beaux ornemens
uet étoit couvert de
s la Chaire du Préfiaces
de la Faculté de
rps de Ville.
es , le Chapitre de la Cade
fes Maffiers , ſe rendit
e Préſidial étoit déja arrie
y entra dans le mêmeque
le Corps de Ville , &
a. M. Saudubois de la Chair
& ancien Profeffeur de la
éologie , Pénitencier & ane
de la Cathédrale , Vicaire-
M. l'Evêque d'Angers , & un
l'Académie Royale des Belles-
Ville , Préſident de la Thémaniere
accoûtumée. Le
de Feitis , donna dans, fes
arques d'un efprit jufte &
bien au- deffus de fon âge.
liment , qu'il adreffa à M.
Tours , ne plût pas moins
ance du ftyle , que par les
élo316
MERCURE DE FRANCE.
placée au fond de la Sale , avoit le Soutenant
à fes pieds . Au côté droit de la Chaire,
étoit le Fauteuil de M. l'Evêque d'Angers :
de l'autre , celui du Doyen du Chapitre .
Les Dignités , & les Chanoines de la Cathédrale
, après ces deux Fauteuils , occupoient
d'un autre côté les deux Angles du
fond de la Sale . A la droite du Soutenant,
& immédiatement après les Chanoines , on
avoit élevé fur une eftrade le Fauteuil de
M. l'Archevêque , au-deffus duquel étoit
attachée une Théfe de Satin , ornée de Crépines
d'or . Tout de fuite , étoit le Banc de
I'Univerfité. Vis-à-vis du Fauteuil de M.
l'Archevêque , de l'autre côté de la Sale ,
étoit un autre Fauteuil deftiné pour le Chef
du Préfidial. Il fut rempli par M. Falloux
du Lys , Lieutenant Général , en l'abſence
des Préfidens. Le Banc fur lequel fe placérent
les autres Officiers du Préfidial , étoit
parallele à celui de l'Univerfité. Dans le
milieu de la Sale , du côté de l'Univerfité ,
étoit placée la Faculté de Théologie ; l'autre
côté fut occupé par le Corps de Ville. Les
places , qui étoient derriere ces deux Compagnies
, furent remplies , par ce qu'il y a
de plus diftingué dans la Ville. Il y eut un
efpace au milieu de la Sale , qui refta vuide ,
pour la facilité du paffage & de la diftribution
des Théfes , qui fe fit fans confufion
malgré
FEVRIER. 1744
317
malgré le grand nombre des affiftans. Cette
Sale , qui eft très -vafte , & où l'on voit les
Portraits en grand , de plufieurs Evêques
qui ont gouverné ce Diocèfe , étoit ornée
des plus belles tapifferies , autant que le permirent
les Portraits , qu'on n'eut pû cacher,
fans fe priver d'un des plus beaux ornemens
de cette Sale. Le Parquet étoit couvert de
tapis précieux , depuis la Chaire du Préfident
, jufqu'aux places de la Faculté de
Théologie & du Corps de Ville.
A l'iffuë de Vêpres , le Chapitre de la Cathédrale
, précédé de fes Maffiers , fe rendit
dans la Sale , où le Préfidial étoit déja arrivé.
M. l'Evêque y entra dans le mêmetems
, auffi-bien que le Corps de Ville , &
l'Acte commença . M. Saudubois de la Chaliniere
, Docteur & ancien Profeffeur de la
Faculté de Théologie , Pénitencier & ancien
Chanoine de la Cathédrale , Vicaire-
Général de M. l'Evêque d'Angers , & un
des trente de l'Académie Royale des Belles-
Lettres de cette Ville , Préſident de la Théfe
, l'ouvrit en la maniere accoûtumée. Le
Soutenant , M. de Feitis , donna dans fes
Réponses , des marques d'un efprit juſte &
d'une érudition bien au-deffus de fon âge.
Surtout le Compliment , qu'il adreffa à M.
l'Archevêque de Tours , ne plût pas moins
à caufe de l'élégance du ftyle , que par les
élo318
MERCURE DE FRANCE.
éloges , qu'il contenoit & que merite fi
bien cet illuftre Prélat. Le Prieur de Licence
( M. du Guiny de Khoz * ) fit auffi un
Compliment , qui fut extrêmement goûté
de toute l'Affemblée . Il ne s'acquit pas
moins d'honneur par les argumens qu'il propofa.
Après lui , plufieurs Religieux & Bacheliers
argumenterent ; tous célébrérent les
loüanges de M. l'Archevêque , & augmenterent
la gloire de M. de Feitis ; tout le monde
convient ici que cette Affemblée eſt une
des plus nombreuſes & des plus auguftes
qui s'y puiffe voir. Il n'y manquoit que la
préſence de l'illuftre Mécéne , qui en étoit
l'objet.
* Il eftfils defeu M. du Guiny de Khoz , Confeiller
au Parlement de Bretagne . M. du Guiny de Porcaro
, fon frere , eft actuellement Confeiller au même
Parlement.
A MLLE D'ALIGNY , fur fon mariage avec :
M. DE VERTON.
C'Eft au Temple du Goût qu'on célébre la Fête ,
Qui d'un couple parfait doit unir les deux coeurs ;
L'Hymen , d'un air content , pour ce beau jour
s'apprête ;
Les Graces , les Vertus , en feront les honneurs ;
L'Amour
FEVRIER . 1744.
319
L'Amour , ce fils du Ciel , fans bandeau , fans allarmes
,
De l'aimable Verton guide aujourd'hui l'ardeur ;
La Vertu , dont le front infpire la douceur ,
Prefente d'Aligny , belle & pleine de charmes.
Avec un tel cortége , allez , heureux époux ;
Allez unir des jours filés d'or & de foye ;
La Raifon , le bon Goût , la véritable joye ,
Ne peuvent vous former que le fort le plus doux.
Par Mad. Vatry.
LETTRE de M. Tanevot à M. D. L. R.
fur la mort de M. le Couturier , Maitre des
Comptes, & cy-devant Premier Commis des
Finances.
'A1 pleuré ces jours-ci , Mr , un excellent
homme , un homme qui faifoit honneur
à l'humanité ; j'ai travaillé long-tems-
Avec lui il daigna former ma jeuneſſe , &
mit le comble à toutes les obligations que je
lui avois, en me donnant à ſon fucceffeur. M.
le Couturier a merité toutes fortes d'éloges
par fa vertu,fon défintefférement, fa grande
capacité ; il avoit un efprit net & lumineux,
& s'exprimoit avec toutes les graces , & la
jufteffe imaginables. Ma Muſe a jetté quelques
320 MERCURE DE FRANCE.
ques fleurs fur fon Tombeau. Trouvez bon
que je vous faffe dépofitaire des fentimens
de ma reconnoiffance , & que je vous renouvelle
ceux avec leſquels je fuis , &c.
A Versailles , le 10 Février 1744.
Sur la mort de M. le Confturier.
Sage , laborieux , Citoyen plein de zéle ,
Il joignit au fçavoir une vertu réelle .
Jamais la volupté ne lui forgea des fers ;
Sous un Prince , tenant les rênes de la France ,
Sa rare probité trouva fa récompenſe.
Ce Prince , dont l'efprit étonna l'Univers ,
Pour lui , pour les talens , eut une eſtime infigne ;.
Il voulut l'élever aux fuprêmes emplois ;
Un modefte refus juſtifia fon choix.
En fuyant les honneurs , il s'en rendoit plus digne.
O! combien fon mérite auroit- il eu d'éclat ,
Si dans un plus haut rang il eut fervi l'Etat !
EX
FEVRIER. 1744 .
321
EXTRAIT d'une Lettre de M
•
au fujet du Diftique de Virgile : Nocte pluit
tota , & c.
LE
E fameux Diftique de Virgile , dont
on a propofé la Traduction dans le
Mercure , m'a paru très-difficile à rendre
dans notre Langue ; ce font de ces pensées
délicates , qu'on ne peut manier , pour ainfi
dire , fans les faner ; furtout quand il s'agit
de les rendre dans le même nombre de Vers,
qu'elles font renfermées dans l'original ; en
augmentant l'expreffion , on affoiblit la
penſée. J'ai cependant effayé de faire cette
Traduction , perfuadé que fi je n'ai*
réüffi , mon exemple pourra engager quelque
plus habile Ouvrier , à s'exercer fur le
même fujet. Les défauts ont fouvent fait
naître des beautés : Voici ma Traduction.
pas
L'Aurore à fon réveil nous ramene les Jeux,
Et la nuit la tempête gronde ;
Céfar avec le Roi des Cieux
Partage l'Empire du monde.
Nous profitons de cette occafion , pour
ajouter ici deux autres Traductions du mê-
F me
322 MERCURE DE FRANCE.
me Diftique de Virgile , que nous avons
reçû depuis peu , l'une de Marfeille , l'autre
de Normandie. Voici la premiere.
Pleuvoir toute la nuit ; les Jeux remis au jour ;
Jupiter & Célar vont regner tour à tour.
La feconde eft de M. Frigot.
Toute la nuit en pluye abonde ;
Le matin ramene les Jeux ;
Céfar avec le Roi des Dieux
Partage l'Empire du monde.
Don ,
Les mots de l'Enigme & des Logogryphes
du Mercure de Janvier , font la Lettre
F , Concorde & Fontainebleau . On trouve
dans le premier Logogryphe , Cor , Onde ,
Corde , Donc , Credo , Re , Or , Corne ,
Rond , Cône , Nord , Ode , Croc , Roc , Code ;
& dans le fecond , Bean , Baleine , None ,
Naine , Tein , Anneau , Table , Lion , Bal
Boule , Foin , Boulet , Foi , Anne , Butin , &
Eau.
ENIGME.
FEVRIER. 1744.
323
Simbole
ENIGM E.
Imbole de la politeffe ,
Ou bien de la rufticité ,
2
Selon que l'on me prend , ou felon qu'on me laiffe,
Je fers également , & l'Hyver & l'Eté ;
Mais rarement le petit Maître ,
Suit les Loix de mon Inftitut;"
11 ne me conduit point au but ,
Pour lequel on m'avoit fait naître .
Par ma forme & par ma couleur ,
On m'a bien vû changer en France ;
Aujourd'hui ma circonférence
Eft au dépens de ma hauteur.
Je fuis rond de mon caractere ,
Et chés beaucoup d'honnêtes- gens ,
Auffi fimple qu'uné Bergere ;
Quelquefois les métaux brillans
Relevent mon tein mortuaire
L'obfcurité triangulaire ,
1. 7
Qu'on donne à ma rotondité ,
Recele efprit , erreur , myftere ,
Malice , fcience, & bonté ,
Selon que le fort m'a jetté.
Lecteur , tu ferois un grand Maftre ,
Si tu pouvois me reconnoître ;
Fij
Je
324 MERCURE DE FRANCE.
J
Je ferois content de mon lot ,
Et ne fervirois pas un fot.
AUTRE.
E fuis auffi vieux que le monde ;
Il feroit fans moi peu connu ;
Mon Empire s'étend fur la Terre & fur l'Onde .
Et par tout je fuis bien - venu .
Je réunis en moi fix fois quatre pucelles ,
Qui fans fe reffembler , font également belles
Devine à prefent mon emploi ;
Elles n'exiftent point fans moi ,
Et je ne puis être fans elles.
Je fuis l'ame de tous difcours ;
Des enfans l'étude premiere ;
Et tout ce qui paroît de plus beau tous les jours,
Me doit la vie & la lumiere.
Le Sçavant , l'Orateur , tous cherchent mon fecours
,
Les Grands & les Petits , le Difciple , & le Maître ,
Et fans moi , cher Lecteur , tu ne peux me connoître.
C. Suicer , de Châlons-fur-Marne.
LOGOFEVRIER.
1744.
325
LOGOGRYPHE.
F Erai-je encor une folie >
Peut- être , hélas ! la derniere en ma vie ?
Ferai -je encore un ouvrage badin ,
( Derniere oeuvre de D... Ch .... )
En attendant , que la maudite Parque ,
Vienne couper le fil de mes beaux jours ,
Ou que Caron dans fa fatale Barque
Me faffe faire un trajet pour toujours ?
Sur dix pieds bien monté , je te prefente un terme
,
Qui met fans aucun doute , ami Lecteur ,
Tout le genre humain en frayeur ,
Et qui fait trembler le plus ferme ;
J'en tremble , furtout le premier.
Que faire donc , pour pouvoir me trouver ?
Sans faire tant de bruit , fans tant de badinage ,
Prens les trois premiers pieds de cet horrible nom ;
Tu remarqueras , je le gage ,
Que c'eft un très grand avantage ,
Quand on me paffe en joie & en renom ,
Jufqu'à cependant certain âge.
Le reste de mes pieds te fournit un voyage ,
Fait en l'honneur de la Reine des Cieux ,
Dans un Climat , où tous les Curieux
Fiij Ne
326 MERCURE DE FRANCE.
Ne
peuvent fe laffer d'admirer tant de voeux ,
Pour obtenir par fon fuffrage ,
D'être éternellement heureux.
D'en dire plus , ce n'eft pas être fage.
Par M. Duchemin , Muficien à Angers.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
V
DES BEAUX- ARTS, &c.
་
I E de la Venerable fervante de Dieu ,
MARIE LUMAGUE , veuve de M.
Pollalion, Gentilhomme Ordinaire du Roi ,
Inftitutrice des Filles de la Providence , fous
la conduite de S. VINCENT DE PAUL, morte
en odeur de fainteté en 1657. Avec les
Piéces juftificatives . Par M. Collin , Vicaire
perpetuel de S. Martin des Champs , dans
l'Eglife de Paris , 1 vol. in- 12 de 230 pag..
fans l'Epitre Dédicatoire à M. LE DUC D'ORLEANS
, & la Préface. A Paris , chés Cl. J.
B. Hériffant , fils , Libraire , ruë neuve Notre-
Dame , à la Croix d'or & aux trois Vertus
, 1744.
On ne trouve dans cette Vie que des
jours pleins de merites. Le zèle de Mad.
Pollalion , pour l'inftruction , & pour le
foulagement des Pauvres , fera dans tous les
fiéFEVRIER.
1744. 327
fiécles , un modéle de piété & de charité.
Le pieux Auteur , qui a pris foin de publier
fes Vertus , joint à la peinture qu'il en fait ,
des réfléxions propres à les infpirer. C'eſt le
Jugement qu'a porté de cet Ouvrage M.
Salmon,Docteur de la Maifon & Société de
Sorbonne , Cenfeur Royal.
Nous venons d'apprendre que cette Vie
a été reçûë à la Cour avec toute la diftinction
, que l'on pouvoit attendre des perfonnes
, dont la piété égale la naiffance. La
Reine en particulier , en a témoigné une extrême
fatisfaction. L'Auteur en préfentant
fon Livre à Sa Majefté , lui adreffa ces paro
les , qui plûrent beaucoup.
MADAME ,
do
Rien ne m'a paru plus convenable , que
prefenter à une grande Reine , la Vie d'une
Dame de piété , d'une grande condition ; elle
étoit , comme V. M. détachée & humble au milieu
des Grandeurs & des richeffes , facrifiant
tout ce qu'elle avoit pour pratiquer toutes fortes
d'Aumônes corporelles & fpirituelles , fous la
protection de la pienfe Reine ANNE D'AUTRIEHE
, fous la conduite de S. Vincent de
Paul.
L'Auteur de la Vie , dont il eft ici queftion
, travaille actuellement à celle de M.
l'Abbé Châtelain , petit-fils de cette illuftre
Fiiij Dame ,
328 MERCURE DE FRANCE.
Dame , Chanoine de l'Eglife de Paris , &
Auteur du Martyrologe univerfel , homme
d'une profonde érudition , furtout pour les
Liturgies , Rits & Cérémonies de l'Eglife .
Nous finirons cet article , en difant que
M. Lumague , arriere- petit neveu de cette
Ste Inftitutrice , eft fort recommandable par
fon zéle pour le fervice du Roi , & par fon
integrité dans tous les emplois qu'il a exercés
. Il eft actuellement Directeur General
des vivres de la Marine.
TRAITE' GENERAL des fubfiftances Militaires
, qui comprend la fourniture du pain
de munition , des fourages , & de la viande
aux armées & aux troupes de garnifons ; enfemble
celle des Hôpitaux & des Equipages
des vivres & de l'artillerie , par marché ou
réfultat du Confeil , à forfait ou par régie.
Dédié à M. le Comte d'Argenfon , Miniftre
& Secretaire d'Etat , ayant le département
de la Guerre. Par M. Dupré d'Aulnay
Ecuyer , Confeiller du Roi , Commiffaire.
des guerres , ancien Directeur General des .
vivres , en deux volumes in-quarto , remplis
d'un grand nombre de Tarifs & Calculs
, & de plufieurs Plans & autres gravûres
, qui y ont rapport ; à Paris , de l'Imprimerie
de Prault , Pere , Quai de Gèvres ,
au Paradis.
,
On
FEVRIER. 1744. 329
On ne peut donner une plus jufte idée de
cet ouvrage , qu'en tirant de l'ouvrage même
quelques traits qui le caracterifent .
L'Auteur , dans le Chapitre de l'établiffement
& de la forme de l'adminiftration des
vivres , s'explique ainfi :
Les munitions en général font néceffaires
pour parvenir aux fins qu'un Souverain
fe propofe , lorfqu'il veut fe faire craindre ,
fe défendre , foutenir ou entreprendre une
guerre ; mais , entre ces munitions , celles
qui fervent à la fubfiftance des hommes &
des chevaux , font les plus importantes , car
fuppofant que des provifions d'artillerie
manquaffent , il en arriveroit qu'une conquête
feroit retardée de quelques jours , ou ,
fi l'on veut , qu'elle n'auroit pas lieu , mais
fi les chofes néceffaires à la vie des hommes
& des chevaux qui compofent une armée ,
manquoient quatre ou cinq jours , non-feulement
il ne faudroit point afpirer à cette
conquête , mais il y auroit encore à craindre
la défertion & le défordre , que la que
famine cauferoit , ne ruinaffent entierement
l'armée la plus formidable , & n'expofaffent
le Royaume au pillage. Malgré cette verité
conftante , on n'a point , jufqu'à prefent ,
pratiqué de moyens fuffifans , pour que la
fubfiftance des hommes & des chevaux foit
toujours affurée:
Fv Dans
330 MERCURE DE FRANCE .
.
Dans quelque adminiftration que ce foit ,
lorfqu'une fois il s'y eft introduit de la régle
, & que ceux aufquels l'autorité eft confiée
, ont attention de la maintenir , il eſt
conftant qu'elle fe perfectionne journellement
, & que d'un fimple ufage il fe forme
une loi certaine ; au contraire , lorfque
quelque chofe n'a que le hazard pour baſe ,
le défordre & la confufion l'accompagnent
toujours , & fi l'on en tire de l'utilité , ce
n'eft que par beaucoup de foins & de grandes
dépenfes , qui tournent en partie à l'avantage
de ceux-mêmes , qui caufent ce défordre
& qui l'entretiennent..
Il eft auffi aifé de donner une forme folide
en fervice des vivres & des fourages , qu'il
Va été d'en donner à l'artillerie & à l'exercice
de l'extraordinaire des guerres.
&
Dans un autre endroit , Auteur dit que
l'examen qu'il a fait des défordres , & des
abus qui fe font introduits , & qui infenfiblement
ont paffé en ufage dans le fervice
des vivres , des fourages , de la viande ,
des Hôpitaux , l'ont engagé à chercher les
moyens de les réprimer ; il s'eft apperçu , en
méditant fur ces défordres , qu'ils avoient
pour origine le défaut de régles fixes & uni
formes dans l'adminiftration. Il a effayé , à
l'égard des vivres & des fourages , pendant
28 ans, qu'il a été chargé de l'infpection des
déFEVRIER.
1744. 331
départemens & de la direction generale
d'en établir de folides , & de les faire fuivre
le plus exactement qu'il lui a été poffible . Il
a été convaincu par l'experience , qu'il en
étoit réfulté un grand avantage pour le Roi,
pour les Troupes , & même pour les Munitionnaires.
C'eft ce qui l'a engagé à rédiger
ce Traité , pour fervir de guide à ceux qui
auront deffein de devenir Entrepreneurs ;
ils fçauront au moins la théorie , les avantages
, & les rifques d'un état qu'ils recherchent
avec empreffement , la plupart fans en
avoir la moindre notion.
L'Auteur y démontre ( la balance de l'équité
à la main ) les vraies dépenfes pour le
Roi , & les profits légitimes que doivent
mériter ceux qui s'acquittent dignement de
leur entrepriſe
.
à
En inftruifant les Employés , il a remedié
l'intelligence que la plupart ont entr'eux
pour fuppofer des dépenfes & des pertes
la charge du Roi , intéreffantes pour le fervice
, ruineufes pour les Entrepreneurs , &
par contre- coup , doublement préjudicia
bles à Sa Majefté , par rapport aux prix exhorbitans
, & aux indemnités qu'occafionne
une adminiſtration fans régles ni principes.
& fans précautions , fans conformité d'un
fervice précédent au même fervice fubfé
quent , d'un département à un autre dépar
Evj
te
332 MERCURE DE FRANCE.
tement , & d'un Magafin d'une Place à celui
d'une autre Place.
L'ouvrage eft divifé en deux parties ; la
premiere comprend l'idée generale de l'adminiftration
des vivres , des fourages , des
boucheries , des Hôpitaux , & des équipages
des vivres & de l'artillerie, aux armées ,
& dans les Places .
La feconde contient des Tarifs , qui font
connoître la jufte valeur de la ration de
pain de munition , du bifcuit , & de la
viande , felon la variation du prix des bleds ,
& du bétail , tous frais compris ; des calculs
eftimatifs de la dépenfe des vivres d'une armée
& des garnifons ordinaires, en Flandres,
en Allemagne, en Italie, &c. des modéles de
marchés pour toutes ces differentes entrepri-:
fes; des modéles & des formulesde tous lesActes
concernant les fociétés & l'adminiftration
des fubfiftances militaires , en ce qui touche
l'ordre , la conduite du fervice , & la
tabilité particuliere & generale ; des inftructions
articulées pour tous les differens Employés
, principaux & fubalternes ; un projet
d'Ordonnance pour maintenir ces Employés
dans la precifion & la fidélité de leur
devoir ; un devis des Mémoires , des Plans
& des coupes pour la conftruction des fours
& des Magafins , dans les Places & à la fuite
des armées.
comp-
Les Miniftres trouveront dans ce Traité ,
des
FEVRIER. 1744.
334
des prefervatifs contre la cupidité ou l'ignorance
des Entrepreneurs ; les Intendans feront
moins embarraffés du détail des fubfiftances
dans leurs départemens ; chaque Entrepreneur
& fes Employés , affujettis à des
régles uniformes & fimples , ne pourront
s'en écarter fans être auffi -tôt apperçûs ; les
routes furtives qu'ils ont ci-devant pratiquées
étant éclairées , les Commiffaires des
Guerres ne feront plus expofés à accorder
des Procès-verbaux de pertes imaginaires ;
les Officiers , chargés du détail des Régimens
, pareront aux furpriſes des Commis ;
& ceux- ci l'oppoferont aux difficultés malfondées
de la part des Troupes.
Les Munitionnaires & les Entrepreneurs.
futurs , fçauront gré à l'Auteur , de leur
avoir donné une idée claire & dictincte des
differentes parties de cette ample matiere ,
qui eft , pour la plupart des afpirans aux entrepriſes
& aux emplois , un véritable cahos ;
parce qu'il n'y a eu jufqu'à prefent , ni théoric'
, ni pratique écrite fur les differens objets
expliqués dans cet ouvrage.
L'Auteur dit qu'il a toujours eu deſſein .
de former une Méthode complette , furtout
ce qui concerne la fubfiftance des Troupes ;
qu'il a examiné fcrupuleufement les differentes
adminiftrations à l'armée & dans les
Places ; qu'il a confulté ceux qui avoient
le
334 MERCURE DE FRANCE.
le détail des Boucheries & des Hôpitaux
qu'il a difcerné ce qui étoit conduit avec
intelligence & extitude , d'avec ce qui
n'avoit pour guide que le hazard , l'ignorance
ou l'infidélité.
Il ajoute , que toutes les entrepriſes , qui
ont rapport aux fubfiftances militaires , ne
different entre-elles que par la denrée que
l'on fournit ; qu'elles doivent avoir dans la
conduite de l'adminiſtration une ſemblable
régle , une harmonie parfaite , une exacte
tenuë de Regiftres ; qu'il s'agit dans toutes
également de recettes , de dépenfes , d'achats
, de confommations , de foins , de
précautions , d'activité , & enfin d'une bonne
& folide comptabilité.
LES COMMENTAIRES DE CE'SAR , Traduction
nouvelle , 2 vol. in- 12 , avec figures ;
à la Haye 1743 , & fe trouve à Paris , chés
Debure , l'aîné , Libraire , Quai des Auguf
tins.
Les Traductions de M. d'Ablancourt
quoiqu'eftimées, n'ont pas empêché que de
Sçavans Litterateurs n'ayent donné de nouvelles
Traductions de quelques-uns des Anciens
Auteurs , qu'il avoit traduits en notre
Langue. Amelot de la Houffaye donna fur
la fin du fiécle paffé , une Verfion nouvelle
d'une partie de Tacite , efperant donner le
tout
FEVRIER. 1744- 3:35
tout , & M. Guerin , Ancien Profeffeur d'E
Loquence de l'Univerfité de Paris , s'eft cru
obligé de donner depuis quelques années
une Traduction complette de ce même Hiftorien
, moins chargée que celle d'Amelot
de la Houffaye , & plus fidelle que celle de
M. d'Ablancourt.
Voici un nouveau Traducteur , dont on
annonce une Verfion des Commentaires de
Céfar. Comme cet habile Hiftorien a écrit
avec une noble fimplicité , le Traducteur
moderne n'a pas cru devoir charger de notes
le Texte du Dictateur Romain ; il n'en
a mis qu'aux endroits effentiels , mais il a
eu foin de l'orner. de figures qui tiennent
lieu de notes dans ce qui regarde les opera
tions militaires , avec une fort belle Carte
de l'ancienne Gaule ;; & comme il a obfervé
que les Remarques Géographiques de-
M. Sanfon manquent dans la plupart des
Editions des Commentaires de Céfar de M.,
d'Ablancourt , il a eu foin de les placer à la
tête de fon premier Volume , afin que l'on
puiffe y avoir recours dans le befoin .
Le fieur Debure apprend au Public
qu'il a depuis peu acquis le fonds de l'Edition
des Oeuvres de S. BBaaffiillee ,, donnée
les Peres Benedictins , en Grec & en Latin
en trois vol. in-fol .
par.
Il eft pareillement poffeffeur du refte des
exem336
MERCURE DE FRANCE.
exemplaires , mais qui font en petit nombre
de Imperium Orientale , du P. Banduri , 2 vol.
in fol. grand papier avec figures ; & de l'Edition
de Liturgia Orientalis , par M. l'Abbé
Renaudot , en z vol . in-4° . Grec & Latin.
De plus , il a reçu d'Hollande & de Flandres
, beaucoup de Livres nouveaux , ſçavoir
, La Hongrie & le Danube , par M. le
Comte de Marfigli , en xxxi Planches très- fidellement
gravées d'après les deffeins Originaux
, & les Plans levés fur les Lieux par
l'Auteur mêine , Ouvrage où l'on voit toute
la Hongrie , pár rapport à fes Rivieres & à
fes Mines , & les Sources & le Cours du
Danube , & c. avec une Préface fur l'excellence
& l'ufage de ces Cartes par M. Bruzen
de la Martiniere , grand vol. in -fol. forme
d'Atlas , à la Haye , 1741.
THEOLOGIE des Infectes , ou Démonftration
des Perfections de Dieu , dans tout ce
qui concerne les Infectes , traduit de l'Allemand
de M. Leffer , avec les Remarques
de M. P. Lyonnet , en deux vol. in- 8°. avec
figures , à la Haye 1743 .
COURS de la Science Militaire , à l'ufage
de l'Infanterie , de la Cavalerie , de l'Artillerie
, du Génie & de la Marine , par M.
Bardet de Villeneuve , Capitaine & Ingenieur
ordinaire au fervice du Roi des deux Siciles
, en 11 vol. 8°. avec figures , à la Haye ,
les années 1740 & fuivantes.
DICFEVRIER.
1744. 337
,
DICTIONNAIRE de Marine contenant
les Termes de la Navigation & de l'Architecture
navale, Ouvrage enrichi de figures ,
1 vol. in - 4°. à la Haye , 1742 .
L'ART de bâtir les Vaiffeaux & d'en per
fectionner la conftruction , de les garnir de
leur apparaux , les manoeuvrer , c. 2. vol.
&c.
in-4° . avec figures ; le fecond Tome traite
des Pavillons ou Bannieres , que la plupart
des Nations arborent en Mer , à Amsterd,
1729.
,
HISTOIRE de l'origine & des premiers progrès
de l'Imprimerie , 1. vol . in- 4° . avec une
fort belle Planche fur cet Art , à la Haye ,
1740.
•
LES Oeuvres de Mariotte , de l'Académie
Royale des Sciences , en deux vol , in-4° .
contenant tous les Traités de cet Auteur
nouvelle Edition , à la Haye , 1740 .
LES Comédies de Plante , traduites par M.
Guendeville , en 10 vol . in- 12 , avec figures ;
à Leyde , 1727.
MEMOIRES Hiftoriques & Politiques , concernant
le Portugal & toutes les dépendances
, avec la Bibliothéque des Ecrivains &
Hiftoriens de Portugal , par M. le Chevalier
d'Olyveira , Gentilhomme Portugais ,
en 2 vol. in- 12 , à la Haye , 1743.
&
LETTRES de Critique , de Litterature ,
d'Hiftoire , écrites à divers Sçavans de l'Europe
>
338 MERCURE DE FRANCE.
rope , par feu M. Cuper , 1 vol . in-4°. à
Amfterdam
, 1743 .
ANACREONTES Teii Oda & fragmenta
Gracè & Latinè , cum notis Cornelii de Pauw ,
1 vol. in-4°. Trajecti ad Rhenum , 1732.
BIBLIA Graca , ex Verfione Septuagent. Interpret.
2 vol. in- 8 ° . à Amſterd. 1723.
BIBLIOTHECA Belgica , five Virorum in
Belgio Vita Scriptifque illuftrium Catalogus >
autore Valerio Andrea , nova Editio , Curis
Fappens , 2 vol . in- 4° . Cum figuris , Braxella
, 1739.
-La Citémiftique de Dieu , par Marie d'Agreda
, 3 vol. in-4° . 1715 , & en 8 vol. in◄
12 , 1717 , à Bruxelles.
HISTOIRE de la Guerre des Pays- Bas , par
le P. Strada , nouvelle Edition , avec un
Supplément , 6 volumes in- 12 . à Bruxelles
1725.
HISTOIRE Chronologique des Papes , des
Empereurs , des Rois , des Electeurs de
I'Empire , & autres Princes , par M. Malbranche,
3 vol. in- 12 , à Bruxelles , 1741 .
HISTOIRE de Jacques II. Roi de la Gran
de Bretagne , vol. in- 12 , à Bruxelles ,
1741 .
I
FRANCISCI ZIPEI Fundamenta Medicina
Reformata Phyfico - Anatomica , 1 vol. in- 1 2 ,
Bruxelle , 1731.
CORPORIS humani Anatomia , autore Phi-
Lippo
FEVRIER. 1744. 339
lippo Verheyen , Editio tertia , ab Autore Recognita
, novis Obfervationibus & inventis ,
pluribusque figuris aucta. 2 Vol. in-4 . Bruxella
, 1726.
M. d'Anville prépare au Public pour
les premiers mois de cette année une Analyfe
Géographique de l'Italie. Vol.in- 4° .avec®
une Carte de l'Italie , en deux feuilles.
TABLES CHRONOLOGIQUES de l'Hiftoire
Univerfelle Sacrée & Profane , Eccléfiafti
que & Civile , depuis la Création du Monde
, jufqu'à l'année 1743 , avec des Réflexions
fur l'ordre qu'on doit tenir , & fur
les Ouvrages néceffaires pour l'Etude de
P'Hiftoire, par M. l'Abbé Lenglet du Frefnoy,
1744 , deux Volumes in- 12. Le premier
Tome d'environ 580 pages , le fecond de
plus de 530. A Paris , chés de Bure , l'aîné ,
Quai des Auguftins , à S. Paul , & Louis
Ganean , rue S. Jacques , à S. Louis.
JOANNIS BERNOULLI Opera omnia Mathematica,
4: Vol. in- 4°. cum figuris , 1744
David , l'aîné , Libraire , rue S. Jacques ,
à la Plume d'or , débite cet Ouvrage , qui
eft orné d'un très-grand nombre de Planches
fort bien gravées. Les trois premiers.
Volumes renferment tous les Ouvrages que
M..
}
340 MERCURE DE FRANCE.
M. Bernoulli avoit déja fait paroître , foit
dans les Journaux de Leipfic , foit dans les
Mémoires des differentes Académies dont
il eft Membre . On y trouve toutes les Piéces
de cet illuſtre Auteur , qui ont concouru
pour les Prix propofés par l'Académie des
Sciences de Paris , dont plufieurs ont été
couronnées. On a auffi inferé dans cette
Edition le Traité de la Manoeuvre des Vaiffeaux
, publié en 1714 , comme un Ouvrage
à part. Le IV. Volume contient differentes
Piéces de cet Auteur , qui n'ont point
encore vû le jour . On y trouve des Méthodes
pour la folution d'une infinité de Problêmes
curieux d'Analyſe , de Géométrie ,
d'Optique . de Méchanique , & c. L'Ouvrage
eft terminé par unTraité d'Hydraulique,
fondé fur des principes nouveaux & purement
méchaniques.
Le même Libraire a auffi imprime les Livres
fuivans,
JACOBI Bernoulli Opera Mathematica ,
2 Vol. in- 4°. cum figuris , 1744.
ASTRUC Pathologia , 1 Vol. in- 8° .
THEORIE de la figure de la Terre ,
tirée des Principes de l'Hydroftatique , par
M. Clairaut , de l'Académie des Sciences ,
1 Vol. in- 8° . avec figures .
TRAITE' de Dynamique , dans lequel les
Loix de l'équilibre & du motivement des
corps
1
FEVRIER . 1744.
$ 41
corps font réduites au plus petit nombre
poffible , & démontrées d'une manière nouvelle
, &c. Par M, d'Alembert , de l'Acadé
mie des Sciences , 1 Vol. in - 4° . avec figures .
CAROLI Luski Genera Plantarum, 1 Vol .
in- 8 °. cum figuris .
I
Cet Ouvrage eft fait fur la derniére Edition
de Hollande ; on y a ajoûté les noms
François des Plantes , & un petit Traité dú
même Auteur , intitulé Fundamenta Botanica,
CATALOGUE raifonné de diverfes Curiofités
du Cabinet de feu M. Quentin de Lorangere,
compofé de Tableaux originaux des
meilleurs Maîtres de Flandres ; d'une nombreufe
Collection de Deffeins , & d'Eftampes
de toutes les Ecoles ; de plufieurs Atlas
& fuites de Cartes ; de quantité de Morceaux
de Topographie, & d'un Coquillier
fait avec choix,
On a donné à la fin une Table Alphabétique
des noms des Peintres & Graveurs , & c.
dont les Ouvrages font répandus dans ce
Catalogue , avec quelques Notes fur les
principaux Maîtres anciens & modernes ,
dont on n'avoit rien dit dans le Catalogue,
ainfi que fur leurs Ouvrages. Volume in- 12 .
par E. F. Gerfaint. A Paris , chés Barois
Quai des Auguftins , à la Ville de Nevers.
Nous
342 MERCURE DE FRANCE.
Nous nous acquittons, avec d'autant plus
de plaifir , de l'engagement que nous avons
pris dans notre dernier Mercure , de donner
l'Extrait de ce Catalogue , que nous nous
fommes apperçus que les Curieux l'ont reçû
avec avidité , & qu'ils ont fait cas des foine
que M. Gerfaint s'eft donnés pour les infftruire
de plufieurs fingularités , qui ne peuvent
être connues que par une grande pratique
& une étude réflechie fur ces matiéres.
En effet , ce n'eft point ici un Catalogue fec
& ftérile , qui ne fait qu'annoncer les differens
Effets qui doivent être vendus , mais
un détail curieux , inftructif , varié & intéreffant
, non-feulement pour ceux qui ne
font point encore initiés dans les myſtéres
de cette Curiofité , mais même pour les
Amateurs qui y font déja verfés depuis
long-tems. C'eft un Ouvrage nouveau dans
fon genre , fait avec beaucoup d'ordre , de
clarté & de fentiment, ce qui le rend néceffaire
à tous ceux qui ont du goût & de l'amour
pour les Arts de la Peinture , du Def
fein & de la Gravure.
Il eft fâcheux que M. Gerfaint n'ait pointeu
fujet de nous enrichir plus fouvent de femblables
Remarques, & nous ne nous contentons
pas feulement de louer ici fon zéle ,
mais nous l'encourageops , même indépen
damment des occafions de vente , aufquelles
il
FEVRIER. 1744. 345
il pourroit s'intéreffer, à travailler fur ces
matiéres. Nous avons tout lieu de juger par
ce Volume , de ce qu'il pourroit faire avec
de mûres réflexions , & l'on eft d'autant
plus furpris de toutes les fingularités & de
toutes les anecdotes que l'on y trouve , que
l'on voit que ce n'eft qu'un travail précipité
& borné par le tems fixe d'une vente .
Ge Catalogue commence par un Avertiſ
fement , qui rend compte de l'ordre qui y
eft obfervé , & qui en donne en même -tems
l'intelligence. On y voit que feu M. Quentin
de Lorangere étoit un Curieux , ardent
& attentif à fe procurer ce qu'il y a de plus
beau & de plus rare en chaque genre. M.
Gerfaint y établit l'avantage que pourroit
tirer le Public de pareils Catalogues ; il exhorte
à fuivre dans l'occafion la même méthode.
» Quelque inftruit & quelque expé-
» rimenté que l'on foit, dit l'Auteur , on ne
peut jamais être fûr de tout çavoir fur
» une matiére , & nous fommes nés pour
» nous inftruire les uns & les autres. Cha-
>> cun voit & examine les chofes differem-
» ment . On découvre fouvent ce qu'un plus
» habile avoit négligé , ou n'avoit pas ap-
» perçû , &c.
M. Gerfaint a eu l'attention de mettre à
la tête de chaque partie de Curiofités , qui
formoit le Cabinet de feu M. de Lorangere,
un
344 MERCURE DE FRANCE.
un Difcours fur l'avantage & l'utilité de
chacune de ces Curiofités. Les Tableaux fe
préfentent les premiers ; il y fait connoître
les agrémens dont joüit un Curieux , des
fuités ordinaires de l'amour qu'il a pour la
Peinture. » Cet amour , continuë M. Gerfaint
, fuppofe toujours dans un Curieux
» des lumières , du goût & du fentiment. Il
>>perce ordinairement dès la plus tendre
jeuneffe. On commence affés fouvent par
»la poffeffion de quelques bagatelles , dans
lefquelles , faute d'expérience , on trouve
» des beautés qui s'évanouiffent bien- tôt par
»la comparaifon qu'on eft plus en état de
faire par la fuite. Les yeux s'ouvrent en-
» fin ; le bon goût fe forme , & nous deve-
>> venons infenfiblement plus délicats dans
» notre choix. C'eft ainfi que par gradation
» on acquiert la qualité de Connoiffeur.
"
•
M. Gerfaint donne enfuite la divifion des
differentes Ecoles , en attribuant à chacune ,
avec préciſion & jufteffe , les parties dans
lefquelles elles ont , chacune ,excellé; il y louë
avec juftice , l'émulation & le bon goût qui
regnent aujourd'hui dans les Maîtres modernes
de notre Ecole. La Lifte des Tableaux
eft à la fuite de ce Difcours .
Les Deffeins forment le fecond article de
ce Catalogue. » Il y a peu d'Amateurs de
Deffeins , dit l'Auteur. On fe livre diffi-
» cilement
FEVRIER. 1744.
345
> cilement à ce genre , qui ne pique ordi-
» nairement que ceux qui ont acquis cette
> connoiffance néceffaire , pour en fentir
» toutes les beautés .... Mais à mefure que
» l'on ſe familiarife avec les Ouvrages des
» habiles gens , on y découvre des beautés
que notre peu de connoiffance voiloit à
nos yeux , & l'on convient que c'eft dans
les productions de ces Grands Hommes ,
qu'il faut apprendre à connoître le vrai
» bien, & à fe former le goût.
»
"
Enfuite viennent les Eftampes. » Lorfque
» l'on fait attention , dit M. Gerfaint , à l'utilité
& aux agrémens que procure l'Art
» de la Gravûre , on eft furpris de voir qu'il
» ne ſe forme pas un plus grand nombre de
» Curieux. Il faut être riche pour faire un
» choix délicat en Tableaux. Les Deffeins ,
dont l'ouvrage eft tout efprit , exigent une
» connoiffance confommée, pour y pouvoir
» être fenfible , mais les Eftampes font de
" tout âge , de tout état & de toute facul-
» té , &c .
›
La partie des Estampes commence par les
Euvres de plufieurs Maîtres , comme ceux
de Watteau , de Callot , de le Clerc , de la
Belle & autres. Comme celui de Callot eft
le plus beau que l'on connoiffe, M. Gerfaint
a profité de cette occafion , pour nous donner
un Catalogue complet des Ouvrages de
G Ce
346 MERCURE DE FRANCE.
ce Maître. Il eft extrêmement bien fait, & il
peut fervir de modéle pour ceux que l'on
voudroit donner par la fuite. Tout y eft détaillé
avec précifion & exactitude . L'Auteur
n'a rien oublié de ce qui pouvoit le rendfe
intéreffant , & comme il eft impoffible de
pouvoir poffeder en entier l'OEuvre d'un
Graveur , à cauſe de plufieurs Morceaux qui
Le trouvent toujours uniques , M. Gerfaint a
eu foin de mettre à la fin toutes les Piéces
qui n'étoient point dans l'Euvre de M. de
Lorangere , en citant les differens Cabinets
defquels il les a extraits .
On trouve à la tête de cet OEuvre , ainfi
que des autres , un abbregé de la Vie de chacun
de ces Maîtres , ou quelques Réflexions
fur leurs Ouvrages . Nous ne pouvons nous
empêcher de dire que les abbrégés de la Vie
de Watteau & de Pater, nous ont paru furtout
très-intéreſſans. M. Gerfaint , qui a vécu
avec ces deux Peintres , qui étoient fes
amis , fe trouvoit en état de nous inftruire
fur leur fujet, mieux que qui que ce foit . Le
ftyle de la narration en eft aifé , naturel &
au-deffus de celui que l'on croyoit trouver
dans un Commerçant , que les occupations
& l'embarras d'un Negoce brillant , privent
ordinairement de l'habitude d'écrire.
Nous apprenons dans la Vie de Watteau
une façon de peindre, aflés finguliére. On
débitoit
FEVRIER. 1744. 347
"
pepour
fe
débitoit dans ce tems-là beaucoup de
>> tits Portraits & de Sujets de dévotion aux
» Marchands de Province , qui les ache-
» toient à la douzaine , ou à la groffe . Le
>> Peintre que Watteau avoit choifi
» former , étoit le plus achalandé pour cette
forte de Peinture , dont il faifoit un débit
» confidérable.Il avoit quelquefois une dou-
» zaine de miférables Eléves , qu'il occupoit
» comme des Manoeuvres. Le feul mérite
» qu'il exigeoit de fes Compagnons , étoit
» la prompte exécution . Chacun y avoit fon
emploi , les uns faifoient les Ciels ; les au-
» tres faifoient les Têtes ; ceux -ci les Draperies
; ceux-là pofoient les blancs , enfin
"le Tableau fe trouvoit fini , quand il´ pou-
» voit parvenir entre les mains du dernier .
» Watteau ne fut alors occupé qu'à ces ou-
» vrages médiocres. Il fut cependant diftin-
» gué des autres , parce qu'il fe trouva
» pre à tout , & en même-tems expéditif.
» Il répétoit fouvent les mêmes Sujets ; il
»avoit , fur tout, le talent de rendre fi bien
» fon S. Nicolas , qui étoit un Saint que l'on
» demandoit fouvent , qu'on le réſervoit
particuliérement pour lui . Je fçavois , dit-
» il un jour à M. Gerfaint , mon S. Nicolas
» par coeur , & je me paffois de l'original .
Le Portrait de Watteau , que l'Auteur
donne à la fin de cette Vie , nous paroît fait
G ij d'après
33
pro348
MERCURE DE FRANCE.
d'après Nature , & facile à reconnoître.
» Watteau , continue l'Auteur › étoit de
» moyenne taille & d'une foible conftitu-
» tion. Il avoit le caractere inquiet & chan-
» geant. Il étoit entier dans fes volontés ; li-
» bertin d'efprit , mais fage de moeurs ; im-
"
ور
"
patient ; timide ; d'un abord froid & ein-
» baraffé ; difcret & réfervé avec les incon-
» nus ; bon , mais difficile ami ; mifantrope ;
» même critique malin & mordant ; tou-
» jours mécontent de lui-même & des au-
» tres , & pardonnant difficilement . Il par-
» loit peu , mais bien . Il aimoit beaucoup
» la lecture ; c'étoit l'unique amuſement
qu'il fe procuroit dans fon loifir. Quoique
» fans Lettres , il décidoit affés fainement
» d'un Ouvrage d'efprit , &c. La Vie de
Pater , n'eft pas moins intérellante, que celle
de Watteau fon Maître.
ور
"
Après les oeuvres que poffedoit M. de
Lorangere , viennent les differentes collections
des Maîtres , tant de l'Italie , de l'Allemagne
, de la Flandre , que de la Hollande
& de la France. M. Gerfaint n'a laiffé échapper
aucune occafion d'inftruire les Curieux ,
fur la rareté de certaines Eftampes , & il a eu
un foin exact de faire connoître avec netteté
, les marques qui quelquefois en caracterifent
les premieres épreuves. Il fuffit pour
prouver l'utilité de ce Catalogue , d'en donner
FEVRIER. 1744. 349
"
ner un exemple. Au N°. 125 des Eſtampes ,
pag. 207 , on lit : « Le maffacre des Inno-
» cens , par Marc- Antoine , avec le Chicor
» grande Piéce auffi très-rare. On donne le
» nom de Chicot à une pointe d'arbre , à peu
près dans le goût d'un If , ou d'un Palmier
, qui s'élève dans cette épreuve au-
» deſſus d'autres arbres , qui font placés au
» coin du haut de la planche , à main droite.
>> On l'appelle ainfi pour la diftinguer de la
» fuivante qui eft plus commune.
ל כ
ود
» Le même maffacre des Innocens , que
» Marc -Antoine a recommencé , & dans le-
» quel on ne voit point le Chicot , dont il
» eft parlé dans la précédente . Les connoif-
>>feurs donnent la préférence à la premiere ,
» non-feulement par rapport à fa rareté ,
» mais auffi à cauſe de la beauté de fa gravû- ·
» re , qui eft fuperieure à celle -ci .
ils
Quels avantages les Curieux ne tireroientpas
de pareilles connoiffances , qu'on ne
peut acquerir que par la grande habitude ?
Si toutes les Eftampes , qui méritent quelque
attention , tant par la beauté du travail
,
que , que par la rareté , étoient ainfi annoncées
, combien l'amour de cette curiofité ne
feroit- il pas de progrès auprès de certains
Amateurs timides , qui ne marchent qu'en
tremblant , & qui n'ofent fe livrer à cette
noble paffion , faute de connoître ce qu'ils
voudroient acquérir ? Giij Après
350 MERCURE DE FRANCE.
Après les Maîtres des differentes Ecoles ,
on trouve diverfes fuites de figures de la Bible
, le Cabinet du Roi , très -complet , differens
Volumes d'Antiques , de Fêtes , de
Médailles , d'Entrées de Villes , de Galeries ,
de Bas- Reliefs , & c. plufieurs Recueils fur
l'Hiftoire Naturelle , & enfin plufieurs Atlas
& Collections fur la Topographie. M. Gerfaint
fait auffi fentir à la tête de ces derniers
Recueils , l'utilité de ces Collections. Il paroît
furpris que cette partie foit fi négligée
de nos jours. " Si la curiofité , dit cet Au-
» teur , engage le Curieux à orner fa Géographie
, des Plans ou vûës des Villes & autres
» Lieux remarquables , ce qui compoſe ce
» que l'on appelle ordinairement Topogra
»phie , la néceffité de mettre dans ces Mor
» ceaux un ordre qui foit relatif à la fitua-
» tion des Lieux , à leur Dignité ou préro-
»gatives , devient un nouvel engagement
de faire quelques recherches fur les cir-
» conftances. C'eft ainfi que l'on peut , fans
»fortir de fon Cabinet , voyager , pour ainfi
» dire , dans les Contrées les plus éloignées ,
>> & mettre à profit les differentes fingulari-
» tés qui s'y rencontrent ; & ne s'inftruit- on
par
» pas en même -tems qu'on eft récréé les
» differens objets que ces piéces repréfen-
» tent : & c .
On trouve enfuite les Coquilles & autres
MorFEVRIER.
1744. 351
morceaux d'Hiftoire Naturelle . M. Gerfaint
renvoye ceux qui veulent s'inftruire fur
cette curiofité , à un Catalogue raifonné ,
qu'il a fait imprimer en 1736 , à l'occafion
d'une vente d'un Cabinet en ce genre , qu'il
avoit acquis en Hollande , où il a coûtume
de faire un voyage tous les ans . Ce Catalogue
fut alors reçû très-favorablement du
Public , & il eft encore fort recherché aujourd'hui.
Nous en avons donné l'Extrait
dans le tems.
M. Gerfaint finit fon Volume par une Table
Alphabétique des Maîtres , dont les productions
font comprifes dans ce Cabinet.
Cette Table n'eft pas la partie la moins intéreffante
de ce Catalogue. Il y a joint des
notes très-inftructives , tant fur les principaux
Peintres & Graveurs , que fur leurs
Ouvrages, & particulierement par rapport à
certains Maîtres Hollandois , qui ne nous
étoient point connus. Il a tâché , en pen de
mots , de nous mettre au fait du mérite &
des deffauts de chacun de ces Maîtres . Il en
parle en des termes qui ne conviennent qu'à
un homme qui poffede fa matiére , & qui
reffent toutes les beautés de ces differens
Arts. Il y a lieu d'efperer que M. Gerfaint
ne s'en tiendra pas à cet effai , & qu'il travaillera
dans la fuite à nous donner quelques
Catalogues des oeuvres des principaux Gra-
Giiij veurs ,
352 MERCURE DE FRANCE .
veurs , & qu'il cherchera à nous inftruire .
des chofes qui ne ſe font point trouvées dans
ce Cabinet , puifqu'on lui connoît affés
d'intelligence , pour entreprendre un Ouvrage
de plus longue haleine fur cette matiere.
HISTOIRE Générale de la Marine , contenant
fon Origine chés tous les Peuples du
Monde , fes progrès , ſon état actuel , & les
expéditions Maritimes anciennes & modernes.
A Paris , chés Prault , Quai de Gêvres
, & Boudet , ruë S. Jacques.
Il y a lieu de s'étonner , qu'une matiere
auffi intéreffante que celle que l'on donne
aujourd'hui au Public , foit encore neuve ,
car jufqu'à préfent il n'a point paru d'Hif
toire Générale de la Marine. La difficulté des
fecours pour la compofer , en a peut-être
été la cauſe; effectivement , fans vouloir exagerer
la difette des Monumens dont fe plaignoit
le fçavant Pere de Montfaucon , que
de difficultés d'ailleurs fe rencontrent dans
cette partie de l'Hiftoire la moins connuë
de toutes ! On avoue , par rapport aux Anciens
, qu'on trouve dans l'Hiftoire Grecque
& Romaine , des détails de leurs expéditions
Maritimes affés bien circonftanciés ;
mais l'idée qu'ils nous donnent de leur Marine,
ett fi obfcure, qu'il faut deviner aujour
d'hui
FEVRIER. 1744. 353
d'hui jufqu'à la forme de leurs Vaiffeaux
& que l'on n'eft pas même d'accord fur la
fimple difpofition de leurs rames. Quant à
la Marine moderne , fi les fources font plus
près de nous , combien d'autres inconveniens,
capables de rebuter un Hiftorien , qui
veut être exact & impartial !
Pour compofer l'Hiftoire que l'on donne ,
on a oppofé à ces difficultés une grande
étendue de recherches , & une extrême attention
à ne prendre un parti qu'après un
mur examen ; cette Hiftoire doit par cet
avantage avoir pour lecteurs ceux qui font
amis de l'exactitude ; elle peut fe
promettre
encore ceux qui font capables de refléxions.
L'Hiftoire de la Marine , tant ancienne
que moderne , fait voir ce qu'ont pû la Marine
& la Navigation , pour le profit &
pour la gloire. La réputation des Egyptiens ,
le degré de puiffance où parvinrent tout
d'un coup les Phéniciens , la magnificence
de Salomon & la prodigieufe quantité d'or
qu'il raffembla , le luxe & la fierté de Carthage
, l'accompliffement de la Puiffance
Romaine , la décadence de l'Empire d'Orient
, le mépris & la fervitude dans lefquels
tomberent peu après les Grecs , & tant
d'autres évenemens , n'ont été que les effets
d'une Marine maniée & cultivée differem-
Gy ment.
354 MERCURE DE FRANCE.
ment. Des Pays , d'une étendue & d'un éloignement
immenfes, découverts , fubjugués ,
& rendus tributaires de la plus petite partie
du Monde , font des miracles de la Naviga
tion moderne.
Les lecteurs , qui aiment l'intéreffant &
le merveilleux , trouveront auffi dans cette
Hiftoire dequoi fatisfaire leur goût. Qu'eſtce
qui peut plus attacher que le récit des pé
Fils & des combats de Mer ? On ne peut re
fufer de s'y intéreffer ; on en cherche le dé
nouement avec une agitation qui plaît ,
quoique rien n'égale l'horreur qu'ils préfen
tent , furtout dans l'Hiftoire de la Marine
moderne , car on devroit l'appeller l'Hiftoire
de l'Intrepidité des hommes ; Horace ,
au fujet du premier Navigateur s'écrioit :
Illi robur & as triplex
Circa pectus erat , qui fragilem truci
Commifit pelago ratem
Primus ..
Mais en quels termes auroit-il exprimé
fon admiration , s'il eût connu les Marins:
modernes ? Ils comptent pour rien les plus
longues Navigations , & affrontent avec
indifference les fureurs du quatriéme & du
plus redoutable élément , le feu , qui femble
avoir attendu des courages au-deffus du
caractere de l'humanité , pour déployer toute
FEVRIER. 1744 355
te la puiffance de fa colere , & fes plus effroyables
effets .
La Marine Militaire fait l'objet de cet
Ouvrage on ne donnera qu'après , l'Hiftoire
de la Marine Politique , c'eſt-à- dire
des Découvertes , du Commerce Maritime
& des Colonies.
>
Celle dont il s'agit formera deux Volumes
in- 4° . dont le fecond fera formé principalement
de la Marine Françoife ; il fera accompagné
de plufieurs Plans , gravés pour
l'intelligence de cette partie , qui doit nous
intéreffer plus qu'aucune autre. On n'en
donne pour le prefent que le premier Volume
, parce qu'on n'a pû le refufer aux
inftances des Curieux , qui ont fouhaité l'a- 、
voir , dès qu'on a eu achevé de l'imprimer.
LA MEDECINE MILITAIRE , ou l'Art de
conferver la fanté dans les Camps . Par L.
A. Portius , Med. Ouvrage très-utile , nonfeulement
aux Militaires , mais encore à
toutes fortes de perfonnes . Traduit par M.
*** , ci -devant Ingénieur des Camps & des
Armées du Ror d'Espagne , avec figures ;
I vol. in - 12 . d'environ 400 pages , fans l'Epitre
Dédicatoire à M. le Comte D'ARGENSON
, Miniftre & Secretaire d'Etat , & une
Préface utile du Traducteur.
L'Auteur a raifon de dire dès le commence-
G vj
ment ,
356 MERCURE DE FRANCE.
ment,que le titre feul de ce Livre, fuffit pour
en faire connoître l'utilité . On peut ajoûter
après le Cenfeur Royal, qui l'a lû & examiné
, que cet Ouvrage , univerfellement eftimé
dans fa langue originale , reçoit un nouveau
mérite des circonftances dans lefquelles
on le prefente , & que l'impreffion
n'en peut être que fort utile aux Militaires ,
& à tous ceux qui font chargés de veiller à
leur confervation ,
Il fe vend à Paris , chés Briaffon , Libraire
, ruë S. Jacques , à la Science , 1744.
Le même Libraire vend auffi les Livres
nouveaux fuivans .
Explication Hiftorique des Fables , par
feu M. l'Abbé Bannier , de l'Académie des
Infcriptions & Belles - Lettres. N. Edition ,
revûë & corrigée , & extrêmement differente
des précédentes , 3 vol. in- 12 .
Obfervations de Médecine pratique , par
M. de la Mettrie , in- 12 , 1743 .
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Spectacles
de la Foire , par un Acteur Forain , in-
12 , 2 vol . 1743 .
L'Ifle des Talens , Comédie , par M. Fagan
, in- 12 , 1743 ..
Sebaft. Vaillant , Botanicon Parifienfe ,
Editio nova auctior , in- 12 , 1743 .
Les Amuſemens du Coeur & de l'Efprit ,
in- 12 , 14 vol. 1743 .
Hiftoire
FEVRIER. 1744. .357
Hiftoire de Grèce , traduite de l'Anglois
de Temple Stanian , in - 12 , 3
vol. 1743
Maurs & Ufages des Grecs , par M. May-
.nard , in-12 , Lyon , 1743 .
Les Leçons de la Sageffe , fur les défauts
des hommes , in 12 , 3 vol. 1743 .
Reflexions fur le Goût , par le Marquis
d'Argens , in- 8 ° . Berlin , 1743 .
Les Commentaires fur les Institutions de
Médecine de Boerhaave , par M. de la Mettrie
, in- 12 , 3 vol . 1743 .
La Médecine raifonnée de Frederic Hoff
mann , in- 12 , Tom. 6,7,8,9 , 1743 .
Les Voyages de Schaw , traduits de l'Anglois
, contenant fes Obfervations Hiftoriques
& d'Hiftoire naturelle en Afie , Afrique
, & c. in -4° . 2 vol . fig. la Haye , 1743 .
La Collection du Journal des Sçavans , depuis
fon établiſſement en 1665 ,jufques en 1741 ,
inclufivement , eft achevée en 64 vol. in- 4° .
SERMONES IN SOLEMNI Academia Scientiarum,
& c. c'eſt- à - dire , Difcours prononcés
publiquement dans l'Affemblée folemnelle
de l'Académie Impériale des Sciences,
le 29 Avril 1742. 1 Vol. in-4°. A Peterf
bourg , de l'Imprimerie de l'Académie.
Nous n'avons pas encore vû ce Livre ,
qui doit même être rare en ce Pays -ci ;
mais nous fommes dédommagés de cette
privation
358 MERCURE DE FRANCE.
privation par
l'Extrait que. nous avons lu
de ce qui s'y trouve de plus curieux , & devéritablement
curieux , dans le Journal de-
Trévoux du mois de Mai dernier . C'eft d'après
les fçavans Auteurs de ce Journal que
nous avons le plaifir d'inftruire
nos Lecteurs
fur un Article auffi fingulier , qu'intéreffant
.
L'Académie
de Petersbourg
, dont nous
avons parlé plus d'une fois , ayant interrompu
fes Séances publiques
pendant quelques
années , vient , pour fe conformer
aux
Réglemens
du Czar PIERRE I , fon Fondateur
, & aux intentions
de la nouvelle CzARINE
, fa glorieufe
Reftauratrice
, d'en reprendre
l'ufage avec plus de folemnité
que
jamais , à l'occafion
du Couronnement
de
cette augufte Princeffe , & pour hui applaudir
à fa maniére , avec tous les Ordres de
l'Etat.
L'Affemblée fut nombreuſe & illuftre , &
après une efpéce de Dédicace , faite à leur
augufte Souveraine , fur fon Avenement au
Trône & fur fon Couronnement, M.Georges
Wolfgang Krafft, Profeffeur de Phyfique Expérimentale
& Théorique , choin par l'Académie
, pour faire éclater fes voeux & fon
application au travail , déclara que pour répondre
avec dignité aux Statuts de fa Fondation
& à la célébrité du jour , » il s'é-
» toit étudié à choisir un Sujet , qui par fa
grande
FEVRIER. 1744.
359
grande nouveauté , & par fon agrément
> naturel , portât fa recommandation auprès
d'une fi illuftre Affemblée . Dans cet ef-
» prit , ajoûte M. Krafft , j'ai crû devoir par
» ler d'une nouvelle maniére de faire des
» Concerts de Mufique. Car que peut-on
imaginer de plus convenable pour ce cé-
» lébre Panégyrique , & pour des applaú-
» diffemens folemnels, que la Mufique, qui
» eft la compagne inféparable des plaifirs
» & qui eftcomme innée à l'homme, & gra→
» vée dans tous les efprits ?
33
:
>
" Je parlerai donc , continue l'Auteur
» d'une nouvelle & très-ingénieufe inven-
» tion faite en France , c'eft -à - dire d'un Inf-
» trument , qu'on nomme une Orgue , ou
» un Clavecin de Mufique oculaire . Et tou
» te mon occupation fera , après avoir donné
la Defcription de cet Inftrument , qui
» n'eft pas encore à fa perfection , de difcu-
» ter avec modeftie , & avec tout le refpect
qui eft dû aux grandes entrepriſes ,
jufqu'où on peut porter l'efpérance & la
» confiance d'obtenir avec le tems une fi
» brillante Machine.
22
Avant que de fuivre M. Krafft dans fes
fçavantes difcuffions , Mrs du Journal de
Trévoux croyent, & avec raifon , devoir répéter
à cette occafion une réflexion de l'Auteur
du Clavecin , qui n'ayant d'abord donné
360 MERCURE DE FRANCE .
né ce Clavecin que comme une idée en paffant
, & ayant déclaré pendant plufieurs an
nées , qu'il n'avoit jamais prétendu , & ne
fe réfoudroit jamais à la réaliſer , ni à en
tenter la pratique , ne s'eft laiffé perfuader
peu à peu d'y mettre la main , que par
renouvellement continuel des difcuffions ,
des doutes , des contradictions même du
Public .
le
Cet Auteur , ajoute-t'il , a fans doute fes
raifons immédiates,tirées de la Phyfique , des
Mathématiques , de l'Optique , de la Mufique
, de la Peinture , pour être perfuadé de
la vérité de fon idée. Il en a au refte arti
culé un bon nombre d'affés fortes dans fon
Optique , & fur tout dans nos Mémoires &
dans d'autres Journaux , mais de toutes les
raifons , celle qui l'a le plus confirmé dans
fon opinion , c'eft, dit-il, que depuis 1725 ,
c'eft-à-dire , depuis près de vingt années ,
qu'il a jetté cette nouveauté comme en l'air ,
le Public n'a pas ceffé un inftant de la fuivre
, & de là lui ramener fous les yeux ,
fouvent pour l'adopter , le plus fouvent
pour la contredire.
Mais ce n'eft point cette adoption , c'eft ,
plus que toute autre chofe , cette contradiction
qui l'a tout-à- fait féduit en faveur
d'une penfée , marquée à ce coin des vérités
toutes neuves ; car fi celle-ci étoit fauffe , at'il
FEVRIER. 1744. 361
t'il dit , elle eût été fuffisamment contredite
une feule fois. Toutes les fauffes inventions,
de quelque brillant qu'elles puiffent être ,
& plus même elles font brillantes , n'ont
coûtume de faire du bruit qu'un moment.
Rien ne paroît plus jufte , plus folide , plus
modefte en même tems , qu'une telle expofition
, après laquelle les Auteurs du Journal
, en continuant de rendre juftice à l'Auteur
du Clavecin , s'expriment ainsi .
» Il manquoit pourtant à l'Auteur du Cla-
» vecin , l'épreuve juridique d'une Acadé
» mie entiére de Sçavans ralfemblés de tou- .
» tes les parties de l'Europe , tels que font
» les Hermans , les Delifles , les Bernoullis ,
» les Eulers , les Kraffts , les Weitbrechs , les
» Wols , les Bulffingers , & trente autres ,
« tous célébres , qui fiffent l'honneur à une
» vafte Méchanique , qui tient tous les efprits
en fufpens, de la difcuter une bonne
» fois pour la rejetter ou l'adopter , s'il eft
poffible , & de fçavoir enfin à quoi s'en
ور
לכ
» tenir.
Nous fommes perfuadés , continuent nos
habiles Journaliſtes , que l'Auteur fe prêtera
de bonne grace à des difcuffions qui l'honorent
, & qu'il fera même charmé d'avoir
occafion de s'en expliquer avec de fi habiles
gens , fi propres à dire , & à lui aider à dire
tout ce qu'il y a de plus profond fur cette
matiére ,
362 MERCURE DE FRANCE.
€
matiére , qui redevient par-là de plus en
plus intéreffante pour le Public.
Pour traiter à fond cette même matiere
, M. Krafft remonte à l'origine de la
Mufique , aux Hébreux , aux Grecs , à Pythagore
, ,
remarquant d'abord avec foin
qu'elle n'a pourtant jamais roulé que fur le
fon , & n'a jamais été confacrée qu'au plaifir
des oreilles . Cela eft vrai , & la nouvelle
Mufique des couleurs doir reconnoître modeftement
qu'elle n'a pas cet avantage , &
que c'est là contre elle un grand préjugé.
Toutes les nouveautés font , ou ont été dans
ce cas , la Mufique même des fons , lorf
qu'elle vint à éclore pour la premiere fois .
Elle n'attendit pas long- tems ; elle previent
les fens ; elle ébranle les corps ; le
mouvement de l'air qui lui fert de vehicule ,
eft affés groffier , & va jufqu'à faire trembler
les maifons. Nos corps en font tout
émus . Elle régne dans le bruit , c'est tout
dire. La lumiere , les couleurs , font comme
incorporelles ; elles vont droit à l'ame , la
percent , la faififfent , prefque fans en avertir
les fens. Si elles parviennent jamais à
nous donner le plaifir de la Mufique , ce fera
fans doute un plaifir bien fin , bien intime ,
& que fçait-on ? Par-là , peut-être , plus piquant
& plus faififlant.
Ce fut dans la boutique d'un Serrurier ,
qu'il
FEVRIER. 1744. 363
qu'il fut permis à Pythagore de découvrir
par hazard , en paffant , les premiers Elémens
de la Mufique fonore , aufquels remonte
ici le Sçavant Académicien de Péterfbourg.
Pythagore fut furpris de l'efpece
de Concert & d'harmonie , qui le frappa
dans les coups redoublés de 3 ou 4 Forgerons
, qui battoient le fer fur l'Enclume
fans autre deffein que de le forger.
Il preffentit ce que ce pouvoit être , entra
dans la Boutique , examina les Marteaux ,
les vit inégaux , les péfa , & les trouva , l'un
double de l'autre , & tous en un mot proportionnés
, felon les nombres naturels 1 ,
2 , 3 , 4 , 5 , &c . ou plûtôt felon ces nombres
renverfés , un , une moitié , un tiers , un
quart , un cinquième , &c. Ce font les vraies
proportions de l'Octave , de la Quinte , de la
Quarte , des Confonnances, en un mot. Tout le
monde fçait cela , ou doit le fçavoir , car
depuis Pythagore , on l'a bien répété des
fois.
Nous excederions nos bornes , fi nous
ajoûtions tout ce qui eft dit dans cet Extrait
des Pendules du celebre Galilée , d'après le
Livre de M. Krafft , de ces Pendules , dis- je,
dont les fils proportionnés , felon les mêmes
nombres, reprefentoient par leurs ofcillations
, les vibrations des cordes fonores
concordantes , & c . Nous omettons tout
cela ›
364 MERCURE DE FRANCE.
cela, d'autant plus volontiers que le Sçavant
Académicien ne paroît pas trop approuver
cette pretendue invention de Galilée.
» Une plus noble Méchanique , dit - il ,
»pour tranfporter aux yeux l'empire des
» oreilles , me rappelle , & m'oblige de laif-
» fer ces foibles effais. C'eft le Méchaniſme
» du R. P. Caftel , qui par un effort fupe-
» rieur à tous ceux là , a entrepris ce grand
"ouvrage , queje vais expliquer dans toute
» l'étendue qu'il merite.
Cette expofition , au rapport de nos Sçavans
Journaliſtes , eft pleine d'éloges , de
politeffe & d'efprit. Elle eft même affés
exacte dans les parties qu'elle embraffe ,
mais elle n'embraffe pas tout. C'est dommage
, difent- ils , avec raifon , qu'elle n'ait été
formée que de piéces d'une feconde main
& non fur les Mémoires originaux , & immediats
, dont les trois , ou quatre premiers
ont paru d'abord, en 1725 , dans le Mercure
de France , les cinq ou fix fuivans , dans nos
propres Mémoires, en 1735 , & les derniers
dans l'Optique des couleurs, en 1740.
Pour rendre fon Difcours plus fenfible à
fes illuftres Auditeurs , M. Krafft avoit fait
peindre les 12 couleurs chromatiques du P.
Caftel , le bleu , le celadon , & c. C'est un
grand coup , difent nos Auteurs du Journal ,
file Peintre les avoit attrappées dans leur
julFEVRIER.
1744. 365
jufteffe de coloris , & furtout de clair obfcur.
Depuis 8 ou 10 ans , le P. Caftel avoue
qu'il a employé toutes fortes de mains , &
d'Arts differens , pour en approcher un
peu.
Il faut trois chofes , felon M. Krafft ,
pour exciter dans notre oreille & dans notre
ame , le fentiment & le plaifir propres de la
Mufique . Il faut , 1 ° . des vibrations , 2º. des
vibrations promptes, 3 °. de la fymmetrie ,
s'il ne faut que cela , dit le P. Caftel , &
plufieurs antres , le Clavecin eft démontré.
Il l'eft pour tous ceux qui penfent que
la lumiere & les couleurs excitent des vibrations
dans l'oeil. Defcarres , Malebranche
, Grimaldi, furtout , n'en ont pas douté.
M. Weitbrecht , Profeffeur de Phyfiologie ,
répondit dans la même féance folemnelle
au nom de l'Académie à M. Krafft fur le
Clavecin , & il ne fut point traité d'autre
fujet ce jour- là .
On peut voir dans le Journal , que nous
avons prefque copié , le précis de cette Réponfe
, qui a auffi fa curiofité , mais qui ne
contient rien , qui ne tourne au fond à
l'avantage de l'Auteur de la Mufique des
couleurs,
ON mande de Berlin du 25 du mois dernier
, que la nouvelle Académie des Scien-
CES
366 MERCURE DE FRANCE.
1
çes que le Roi de Pruffe a établie , & qui a
été jointe à celle qui fubfiftcit déja , tint le
même jour une Affemblée generale.
M. Éller , Confeiller Privé , & premier
Médecin du Roi , lut un Difcours fort fçavant
fur l'Electricité des Corps. On fit enfuite
, en prefence des Princes , Freres du
Roi , des Princes du Sang , & de tout ce
qu'il y a de plus diftingué à la Cour & dans
la Ville , des Experiences fur cette Electri
cité , avec beaucoup de fuccès , & avec l'ap
plaudiffement general de toute l'Affemblée.
On célébra le 24 , l'Anniverfaire de la
Naiffance du Roi , qui eft entré dans la
trente-troifiéme année de fon âge. La Reine,
Mere donna à S. M. un magnifique repas.
Le foir , on reprefenta l'Opera de Caton , enfuite
la Reine donna une fuperbe Fête , ſuivie
d'un Bal , à toute la Maiſon Royale , &
aux perfonnes les plus diftinguées de l'un
& de l'autre fexe , qui y parurent tous en
Domino.
ESTAMPES NOUVELLES .
Le Geur Petit , Graveur , rue Saint Jacques ,
à la Couronne d'Epines , près les Mathurins , qui
continue de graver avec fuccès la fuite des Hommes
Illuftres du feu fieur Defrochers , Graveur du
Roi , vient de mettre au jour les Portraits fuivans ,
J. B. BossUET , Evêque de Meaux , ci- devant
Pré-
4
FEVRIER. 1744.
367
Précepteur de Monſeigneur le Dauphin , fils de
Louis XIV , mort le 12 Avril 1704 , âgé de
78 ans. On lit ces Vers au bas.
Ce Prélat eft zelé , fage , docte , éloquent ;
L'Eglife trouve en lui fon rempart le plus ferme ;
Enfin fon mérite eft fi grand,
Qu'il n'eft point de vertus que fon nom ne renferme.
PAUL DES FORGES MAILLARD , Poëte François ,
né au Croific en Bretagne , le 25 Avril 1699. Ces
Vers de Rouffeau font au bas.
Si fous un nom d'emprunt, autrefois fi charmant,
MAILLARD brilla fur le Parnaffe ;
Aujourd'hui fous le fien , encor plus dignement ,
Il fçait y conſerver ſa place.
Le Sr du Phly donne avis au Public qu'il vient de
mettre au jour un Livre de Piéces de Clavecin , qui
fe vendent à Paris , chés l'Auteur , rue de la Verrerie
, vis- à vis la rue du Coq ; chés Mad . Boivin , tuë
S. Honoré , à la Régle d'Or , & chés M. le Clerc ,
rue du Roule , à la Croix d'or.
,
On donne avis aux Amateurs de Mufique , que
l'on vient de mettre au jour plufieurs Ouvrages en
ce genre ,qui fe vendent chés Mad.Huë, Marchande
Lingére , rue S. Honoré , vis-à-vis le Caffé de Dupuis
, & aux Addreffes ordinaires ; fçavoir
Un Livre de Cantates de M Richer , Ordinaire
de Mufique de la Chapelle & Chambre du Roi , &
Maître
368 MERCURE DE FRANCE.
Maître de Mufique de S. A. S. le Duc de Chartres ;
dédié à ce Prince. Prix 6. livres .
Six Cantates de M. Bourgeois , qui fe vendent féparément
, 3 livres chacune ; & du même Auteur
fon troifiéme Livre d'Airs. Prix 3 livres.
Un Livre de fix Sonnates pour la Flute , du feu
Sr Lucas , 4 livres 10 fols.
Un fecond Livre pour la Mufette & la Vielle ,
du feu Sr Gui loh , 3 livres 12 fols.
Le huitiéme Recueil d'Airs du S. Bouvard , 3 liv.
Le troifiéme Livre des Nouveaux Amuſemens du
Sr Charles. Prix 3 livres .
Le premier Livre d'Airs du Sr Anfelme. 24 fols.
Les Regrets de l'Abfence , Cantatille . 24 fols.
La Féte de Thérefe , Cantatille du Sr Bouvard ,
24 fols. 1744
Le Sr Robert , Géographe ordinaire du Roi , vient
de mettre au jour une très- belle Carte , qui a pour
tité : Théatre de la guerre dans les Pays-Bas , où le
trouvent les Comtés de Flandre, de Hainaut , d'Artois
, de Cambréfis, de Namur , le Duché de Brabane
, &c. dans lequel on a marqué les campemens
des Armées du Roi , commandées par M. le Maréchal
de Luxembourg , fuivant les Mémoires de M.
Vaultier , Commiffaire ordinaire de l'Artillerie.
Cette Carte eft très-bien gravée , & paroît fort utile
& néceffaire pour Mrs les Officiers.
On trouve auffi chés le même Auteur une Carte
extrêmement détaillée du Cours du Po , depuis Milan
jufqu'à Ferrare, & une belle Alface , de fix feüilles.
L'Auteur demeure fur le Quai de l'Horloge du
Palais , proche le Pont-neuf, à Paris , 1744.
Les Héritiers de M. Homann , Géographe de Nuzemberg
, donnent avis au Public , qu'on trouvera à
Paris
FEVRIER . 1744. . 369
Paris toutes leurs Cartes Géographiques & Plans de
Villes , au nombre de plus de trois cent differentes ,
avec un Atlas Célefte , compofé de trente feuilles ,
qu'ils viennent de faire graver en Taille - douce par
les meilleurs Maîtres , le tout imprimé avec beaucoup
de foin , fur de très beau papier Chapelet ,
qu'ils ont fait venir de France. C'eft au St Belay ,
a l'Hôtel de Soubife , rue du Grand Chantier , qu'il
faut s'adreffer.
M. Chycaineau , Confeiller d'Etat , Premier Médecin
du Roi , ayant vû la guériſon d'un grand Prélat
, des Rougeurs , Dartres & Boutons qu'il avoit
fur le vifage depuis plus de huit ans , lequel a fait à
la Dame de Leftrade une penfion fa vie durant , &
ayant appris d'ailleurs la guérifon de plufieurs autres
Perfonnes confidérables , & qu'elle traitoit ces
Maladies depuis plus de 40. ans avec fuccès & applaudiffement
, a bien voulu donner fon Approbation
pour débiter fes Remédes , pour l'utilité & le
foulagement du Public ; fçavoir , une Eau qui guérit
les Dartres vives & farineufes , Boutons , Rougeurs ,
Taches de rouffeur & autres Maladies de la Peau ;
& un Baume blanc , en confiftance de Pomade , qui
Ore les cavités & les rongeurs après la petite vérole
; les taches jaunes & le hâle , unit & blanchit le
tein . Ces Remédes fe gardent tant que l'on veut ,
& peuvent fe tranfporter par tout.
Les Bouteilles de, cette Eau font de 2. , 3. 4. &.
6. livres & au deffus , felon la grandeur . Les Pots
de Baume blanc font de 3. livres 10. fols , & les demi
Pots d'une livre 15. fols.
Mad. de Leftrade , demeure à Paris , ruë ‹ de la Comédie
Françoife , chés un Grainetier, aupremier Etage.
Il y a une Affiche au- deſſus de la porte.
H CHAN-
"
370 MERCURE DE FRANCE.
CHANSON.
Pour nous faire un deftin aimable ,
A boire bornons nos plaifirs ;
'Aux agrémens d'une riante table
Employons nos heureux loiſirs ;
Faifons couler le jus d'Automne ;
Que Bacchus régne dans ces Lieux ;
Le brillant Nectar de la Tonne
Met les Mortels au rang des Dieux .
Par M. Laffichard.
SPECTACLES.
EXTRAIT d'une petite Comédie nouvelle,
en Vers & en un Alte , intitulée , Zeneïde ,
repréfentée au Théatre François , le 13
Mai 1743.
La Tre ,
Zeneïde ,
Gnidie ,
Olinde ,
ACTEURS.
la Dlle Grandval.
la Dlle Gauffin,
la Dlle Dangeville.
le Sr Grandval.
Ette Piéce eft de M. de Cahufac , Secretaire
des Commandemens de S.A.S.
M. le Comte de Clermont ; le Public lui
fit
B
D
fa
le
15
ft
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS .
ふり
34
372 MERCURE DE FRANCE.
Tous les autres , de bonne foi ,
Me paroiffoient contens d'eux- mêmes ;
Lui feul ne l'étoit que de moi.
La Fée , après lui avoir donné les confeils
les plus néceffaires pour la préferver des
malheurs dont elle fçavoit qu'elle étoit menacée
, lui apprend fon fort plus clairement.
Je croyois , lui dit- elle , quand je préfidai
à votre naiffance , que la Beauté étoit le
bien fuprême pour notre Sexe , & je ne ſongeai
qu'à vous favorifer du côté des graces ,
mais la Fée Urgande me fit connoître mon
erreur , & me dit , avec colére , que j'apprendrois
un jour comme on doit aimer ;
ce reproche fut fuivi de cet Oracle , qui ne
regardoit que vous.
Zeneïde ,tuferas belle ;
Mais craint l'Amour ; s'il bleffe un jour ton coeur ;
Ta Beauté deviendra laideur ;
Si tu ne plais à ton Amant fans elle.
Cet Oracle effraya Zeneïde ; il falloit
plaire à Olinde fans le fecours de la Beauté,
& cette Beauté fe changeroit en laideur , fi
elle ne fe faifoit aimer que par elle. La Fée
lui fait une peinture encore plus effrayante
de l'inconftance des hommes , qui cellent
d'aimer dès que cette Beauté , qui les a engagés
, vient à fe flétrir. Voici comme elle
peint les Amans. Votre
FEVRIER . 1744. 373
. Votre état m'embarraſſe ;
Les hommes font fi dangereux ' ;
left fi malaifé d'en trouver un fincére ;
Tel qui le paroît à vos yeux ,
N'eft qu'un fourbe , qui cherche à plaire
Avec des dehors spécieux.
Le caprice regle leurs voeux ,
Ou la vanité les fait naître .
Volages , ingrats , orgueilleux ,
Le coeur préfere au plaifir d'être heureux
Le faux honneur de le paroître ;
Et le plus modefte d'entre eux ,
Sur cet article , eft Petit - Maître .
Après de fi utiles leçons , la Fée en vient
an reméde , qui eft de ne paroître aux yeux
d'Olinde , que fous le mafque , & de ne lui
point faire connoître qu'elle l'aime. Cette
loi eft rigoureufe pour Zeneïde , mais il
faut s'y foumettre , ou devenir laide. Elle
prie en vain la Fée de l'adoucir. La Fée veut
la quitter pour lui épargner des prieres inutiles,
mais elle eft retenue par Gnidie , jeune
Beauté , d'un caractére bien different de celui
de Zeneïde , comme on le va voir par
fes difcours & par fes actions. En voici un
petit préambule. Elle s'adreffe d'abord à Zeneide
, fans s'appercevoir de la Fée , à qui
elle fait excufe de fon inattention ; après
cette premiere faute , elle lui dit :
H iij Rien
374 MERCURE DE FRANCE .
Rien n'eft égal au trouble de mon ame ;
J'ai vu dans les jardins.... fon air eft enchanteur.
Dieux ! que fa figure eft jolie !
Vous m'accufez peut- être de folie ,
Mais je l'ai vu , vous dis-je , & j'en crois bien mon
coeur , & c.
Je me flate bien qu'il m'a vûë ,
Mais je n'oferois l'affurer.
Il étoit encor loin .... j'étois fi négligée ....
J'ai fui , pour aller me parer...
Si j'euſſe été mieux arrangée ....
Ces derniers Vers achevent de développer
fon caractere de coquette ; Zeneïde en
eft allarmée , & la confiderant déja comme
une dangereufe Rivale , en la voyant
partir avec tant d'empreffement , elle dit à
la Fée :
Ah ! Madame ; elle lui plaira ;
Deffendez - lui . . .
La Fée donne encore quelques leçons à
Zeneide , & voyant approcher Olinde , elle
fe retire. Olinde , charmé de la retrouver ,
lui reproche tendrement le foin qu'elle
prend encore de lui cacher fes traits fous ce
mafque importun que la Fée lui a deffendu
de quitter pour obéir à l'Oracle . Zeneïde
voudroit bien lui laiffer voir tous fes ` attraits
, mais la laideur dont elle eſt menacée
par
FEVRIER. 1744. -375
1
par Urgande l'y force, elle voudroit bien fe
faire voir, mais elle n'en a pas la force.Olinde
ne pouvant obtenir d'elle qu'il puiffe la
voir , a recours à une rufe ; la voici ; il dit à
partè.
Puifque je fuis forcé d'être fincere ,
On ne fe cache point , quand on a dequoi plaire.
Zeneïde fe fert de la même rufe , pour fe
délivrer de fes empreffemens , & dit à partè.
..... Du moyen qu'il me donne
Profitons , pour fonder les replis de fon coeur.
bant.
Votre foupçon n'eft que trop véritable ,
Olinde ; à cet aveu vous forcez ma candeur.
Il eſt trop vrai , pour mon malheur ,
Que mes traits n'ont rien d'agréable.
Olinde lui protefte qu'il ne l'en croit pas , &
que fon coeur l'affure du contraire . Elle veut
abfolument en être crue ; il feint de lui
obéir par complaifance , mais à peine lui a
t'il fait connoître qu'il commence à en croire
quelque chofe , qu'elle lui en fçait mauvais
gré , & lui dit d'un ton de colere : Vous
me croirex
Voici ce qui l'appaife : c'eſt Olinde qui
parle :
Soit que le mafque favorable
Hiiij Vous
376 MERCURE DE FRANCE.
Vous prête à mes усих des appas ,
Soit qu'il couvre un vifage aimable ;
Par un penchant infurmontable ,
Auprès de vous je me ſens arrêté .
Ce ton de voix , cette ingenuité ,
Vos graces , votre efprit , ce foûrire agréable ,
Ces regards , qui malgré le maſque , qui m'accable,
Portent le fentiment jufqu'au fond de mon coeur ,
Me font trop éprouver que leur appas vainqueur
Même fans la Beauté , vous rendroit adorable .
Cette Scéne a été trouvée très- intéreffante
; pour ne pas fortir de cet intérêt qui fait
le plus grand prix de ces fortes d'Ouvrages ,
nous fupprimerons ici toutes les Scénes qui
concernent la coquetterie de Gnidie , pour
arriver plûtôt à celle où la Fée fait une derniere
épreuve des fentimens d'Olinde pour
Zeneïde ; elle veut lui perfuader que fon
Amante eft véritablement laide , & pour le
lui prouver , elle lui montre un faux por
trait , qui en fait un monftre de difformité
Olinde en eft d'abord frappé , mais fon
amour ne perd rien de fon ardeur ; il va même
jufqu'à la trouver aimable. Voici ce qu'il
dit :
Ce font pourtant fes yeux ,
Et tous les traits , a le bien prendre
Ne font point mal , & c.
Elle n'a rien dans le fond de choquant , & c.
;
Et
FEVRIER . 1744. 377
Et j'y remarque même
Quelque chofe d'affés piquant ;
Mais je vous dis fort bien ;
Elle a ce foûrire qui touche ,
Qu'on ne peut comparer qu'au fien.
La Fée eft charmée de voir qu'Olinde fera
fidéle à Zeneïde , quelque altération qui
puiffe arriver à fa beauté. Zeneïde vient ;
elle ne peut fouffrir qu'on l'ait peinte fi
monftrueufe aux yeux de fon Amant ; elle
ne fe fouvient plus des menaces de l'Oracle ;
elle ôte fon mafque ; Olinde eft enchanté
des traits dont elle brille à fes yeux . La
Fée voyant l'Oracle accompli , puifque Zeneïde
a trouvé le fecret de fe faire aimer
fans employer les charmes de la Beauté
confent à les unir pour jamais.
La Piéce finit par un Divertiffement, dont
la Mufique eft du Sr Grandval ; en voici
quelques couplets :
Quand la Beauté feule féduit ,
On s'aime un jour , puis on languit ;
L'Amour s'envole , on fe détefté ,
Mais quand le coeur céde aux talens ,
Au caractere , aux fentimens ,
Le tems feul fuit , & l'Amour refte.
Hy Coulte
370 MERCURE DE FRANCE.
CHANSON .
Pour nous faire un deftin aimable
A boire bornons nos plaifirs ;
'Aux agrémens d'une riante table
1
Employons nos heureux loifirs ;
Faifons couler le jus d'Automne ;
Que Bacchus régne dans ces Lieux ;
Le brillant Nectar de la Tonne
Met les Mortels au rang des Dieux .
Par M. Laffichard.
és és és és és és és és és és és és és és · ès és és és és és és
SPECTACLES.
EXTRAIT d'une petite Comédie nouvelle,
en Vers & en un Alte , intitulée , Zeneïde ,
représentée au Théatre François , le 13
Mai 1743.
La Te,
Zeneïde ,
Gnidie ,
Olinde ,
ACTEURS.
la Dlle Grandval.
la Dlle Gauffin.
la Dlle Dangeville.
le Sr Grandval.
Ette Piéce eft de M. de Cahuſac , Secretaire
des Commandemens de S.A.S.
M. le Comte de Clermont ; le Public lui
fit
B
D
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
FEVRIER. 1744.
3712
fit un accueil des plus favorables dans fa
naiffance , avec d'autant plus de raiſon , que
l'Auteur avoit déja mérité fes fuffrages dans
les premiers effais de fa Mufe. Le fuccès s'eft
foutenu dans toutes les repréfentations qui
ont été affés nombreuſes. Voici fur quelle
fiction ce gracieux Poëme eft fondé. La Fée,
qui préside à l'Action Théatrale , ouvre la
Scéne avec Zeneïde , Héroïne de la Piéce .
Elle fort avec la jeune Eleve, d'un Bal, dont'
cette fille adoptive lui paroît encore toute
occupée ; elle interroge fon coeur , pour fçavoir
ce qui s'y paffe . Zeneïde lui rend compte
de fes fentimens fecrets , avec une naïveté
dont la Fée eft charmée. La tendre Eco-
Hiere lui fait entendre que de tous les objets
qui fe font préfentés à fes yeux , quoique
fermés par fon ordre , rien ne lui avoit parû
fi charmant , qu'Olinde ; c'eft le nom de
l'Amant dont fon jeune coeur a fait choix.
Voici ce qui le lui rend préférable à tous
les autres.
Bien d'autres m'ont parlé , mais leur air , leur langage
,
Leur gayeté , leur ton , & leurs foins ,
Leur empreffement à me plaire ,
Ont fait juftement le contraire.
Ils avoient tant d'efprit , & c.
Quand je parloes yeux me faifoient voir
Qu'il goûtoit un plaifir, extrême ;
4 Hij Tous
1
H
372 MERCURE DE FRANCE.
Tous les autres , de bonne foi ,
Me paroiffoient contens d'eux- mêmes ;
Lui feul ne l'étoit que de moi.
La Fée , après lui avoir donné les confeils
les plus néceffaires pour la préferver des
malheurs dont elle fçavoit qu'elle étoit menacée
, lui apprend fon fort plus clairement.
Je croyois , lui dit- elle , quand je préfidai
à votre naiffance , que la Beauté étoit le
bien fuprême pour notre Sexe , & je ne fongeai
qu'à vous favorifer du côté des graces ,
mais la Fée Urgande me fit connoître mon
erreur , & me dit , avec colére , que j'apprendrois
un jour comme on doit aimer ;
ce reproche fut fuivi de cet Oracle , qui ne
regardoit que vous.
Zeneïde , tu feras belle ;
Mais craint l'Amour ; s'il bleffe un jour ton coeur ;
Ta Beauté deviendra laideur ;
Si tu neplais à ton Amant fans elle.
Çet Oracle effraya Zeneïde ; il falloit
plaire à Olinde fans le fecours de la Beauté,
& cette Beauté fe changeroit en laideur , fi
elle ne fe faifoit aimer que par elle . La Fée
lui fait une peinture encore plus effrayante
de l'inconftance des hommes , qui ceffent
d'aimer dès que cette Beauté , qui les a engagés
, vient à fe flétrir. Voici comme elle
peint les Amans.
Votre
FEVRIE R. 1744. 373
:: Votre état m'embarraffe ·
Les hommes font fi dangereux' ;
Il eft fi malaiſé d'en trouver un fincére ;
Tel qui le paroît à vos yeux ,
;
N'eft qu'un fourbe , qui cherche à plaire
Avec des dehors ſpécieux .
Le caprice regle leurs voeux ,
Ou la vanité les fait naître .
Volages , ingrats , orgueilleux ,
Le coeur préfere au plaifir d'être heureux
Le faux honneur de le paroître ;
Et le plus modefte d'entre eux
Sur cet article , eft Petit - Maître .
Après de fi utiles leçons , la Fée en vient
an reméde , qui eft de ne paroître aux yeux
d'Olinde , que fous le mafque , & de ne lui
point faire connoître qu'elle l'aime . Cette
loi eft rigoureufe pour Zeneïde , mais il
faut s'y foumettre , ou devenir laide . Elle
prie en vain la Fée de l'adoucir. La Fée veut
la quitter pour lui épargner des prieres inutiles,
mais elle eft retenue par Gnidie , jeune
Beauté , d'un caractére bien different de celui
de Zeneïde , comme on le va voir
par
fes difcours & par fes actions. En voici un
petit préambule. Elle s'adreffe d'abord à Zeneide
, fans s'appercevoir de la Fée , à qui
elle fait excufe de fon inattention ; après
cette premiere faute , elle lui dit :
H iij Rien
374 MERCURE DE FRANCE.
Rien n'eſt égal au trouble de mon ame ;
J'ai vu dans les jardins.... fon air eft enchanteur.
Dieux ! que fa figure eft jolie !
Vous m'accufez peut- être de folie ,
Mais je l'ai vu , vous dis-je , & j'en crois bien mon
coeur , & c.
Je me flate bien qu'il m'a vûë ,
Mais je n'oferois l'affurer.
Il étoit encor loin.... j'étois fi négligée....
J'ai fui , pour aller me parer...
Si j'euffe été mieux arrangée ....
Ces derniers Vers achevent de développer
fon caractere de coquette ; Zeneïde en
eft allarmée , & la confiderant déja comme
une dangereufe Rivale , en la voyant
partir avec tant d'empreffement , elle dit à
la Fée :
Ah ! Madame ; elle lui plaira ;
Deffendez -lui ..
La Fée donne encore quelques leçons à
Zeneide , & voyant approcher Olinde , elle
fe retire. Olinde , charmé de la retrouver ,
lui reproche tendrement le foin qu'elle
prend encore de lui cacher fes traits fous ce
mafque importun que la Fée lui a deffendu
de quitter pour obéir à l'Oracle. Zeneïde
voudroit bien lui laiffer voir tous fes attraits
, mais la laideur dont elle eſt menacée
par
FEVRIER. 1744. 375
C
par Urgande l'y force , elle voudroit bien fe
faire voir,mais elle n'en a pas la force.Olinde
ne pouvant obtenir d'elle qu'il puiffe la
voir , a recours à une rufe ; la voici; il dit à
partè.
Puifque je fuis forcé d'être fincere ,
On ne ſe cache point , quand on a dequoi plaire.
Zeneïde fe fert de la même rufe , pour fe
délivrer de fes empreffemens , & dit àparte.
• • Du moyen qu'il me donne
Profitons , pour fonder les replis de fon coeur.
baut.
Votre foupçon n'eft que trop véritable ,
Olinde ; à cet aveu vous forcez ma candeur.
Il est trop vrai , pour mon malheur ,
Que mes traits n'ont rien d'agréable.
Olinde lui protefte qu'il ne l'en croit pas,&
que fon coeur l'affure du contraire. Elle veut
abfolument en être crue ; il feint de lui
obéir par complaifance , mais à peine lui at'il
fait connoître qu'il commence à en croire
quelque chofe , qu'elle lui en fçait mauvais
gré, & lui dit d'un ton de colere : Vous
me croire
Voici ce qui l'appaiſe : c'eſt Olinde qui
parle :
Soit que le mafquè favorable
Hiiij Vous
$76 MERCURE DE FRANCE.
Vous prête à mes yeux des appas ,
Soit qu'il couvre un vifage aimable ;
Par un penchant infurmontable
Auprès de vous je me ſens arrêté .
Ce ton de voix , cette ingenuité ,
Vos graces , votre efprit , ce foûrire agréable ,
Ces regards , qui malgré le mafque , qui m'accable,
Portent le fentiment jufqu'au fond de mon coeur
Me font trop éprouver que leur appas vainqueur
Même fans la Beauté , vous rendroit adorable.
7
Cette Scéne a été trouvée très- intéreffante
; pour ne pas fortir de cet intérêt qui fait
le plus grand prix de ces fortes d'Ouvrages ,
nous fupprimerons ici toutes les Scénes qui
concernent la coquetterie de Gnidie , pour
arriver plûtôt à celle où la Fée fait une derniere
épreuve des fentimens d'Olinde pour
Zeneïde ; elle veut lui perfuader que fon
Amante eft véritablement laide , & pour le
lui prouver , elle lui montre un faux portrait
, qui en fait un monftre de difformité ;
Olinde en eft d'abord frappé , mais fon
amour ne perd rien de fon ardeur ; il va même
jufqu'à la trouver aimable . Voici ce qu'il
dit :
Ce font pourtant les yeux ,
Et tous les traits , a le bien prendre
Ne font point mal , & c.
Elle n'a rien dans le fond de choquant , & c .
Et
FEVRIER . 1744. 377
Et j'y remarque même
Quelque chofe d'affés piquant ;
Mais je vous dis fort bien ;
Elle a ce foûrire qui touche ,
)
Qu'on ne peut comparer qu'au fien .
La Fée eft charmée de voir qu'Olinde fera
fidéle à Zeneïde , quelque altération qui
puiffe arriver à fa beauté. Zeneïde vient ;
elle ne peut fouffrir qu'on l'ait peinte fi
monftrueufe aux yeux de fon Amant ; elle
ne fe fouvient plus des menaces de l'Oracle ;
elle ôte fon mafque ; Olinde eft enchanté
des traits dont elle brille à fes yeux . La
Fée voyant l'Oracle accompli , puifque Zeneïde
a trouvé le fecret de fe faire aimer
fans employer les charmes de la Beauté
confent à les unir pour jamais.
La Piéce finit par un Divertiffement, dont
la Mufique eft du Sr Grandval ; en voici
quelques couplets :
Quand la Beauté ſeule féduit ,
On s'aime un jour , puis on languit ;
L'Amour s'envole , on fe détefte ,
Mais quand le coeur céde aux talens
Au caractere , aux fentimens ,
Le tems feul fuit , & l'Amour refte.
>
HY Contre
378 MERCURE DE FRANCE.
Contre les parents révolté
Damon , d'une Idole enchanté ,
Va prononcer un oui funeſte ,
Mais les charmes , qui l'ont féduit ,
Bien tôt ſe fanent ; l'Amour fuit
Et par malheur , la Femme refte.
Quand le Parterre s'affoupit ,
La Piéce tombe ; l'Auteur fuit ;
L'Envieux rit , & l'Acteur pefte ,.
Mais quand le Public applaudit ,
L'Auteur fe montre ; l'Acteur rit ;
L'Envieux fuit ; la Piéce refte.
La Dlle Gautier , Actrice de ce Théatre
chante dans le Divertiffement , un Roffignol
qui a donné lieu au Madrigal qu'on va lire..
J'ai vu le Roffignol àvos pieds trébucher ;
De votre voix la douceur infinie
'A fait pour vous . la balance pancher.
Triomphez , charmante Thalie ;.
Le Roi même de l'harmonie
A votre char eft venu s'attacher .
S.D. V.
La Dlle d'Angeville , qui joue le rôle de
Gnidie , dans la même Piéce , & qui chante
un
FEVRIER. 1744
379
un des couplets du Vaudeville dans le Divertiffement
, a donné encore lieu à cet autre
Madrigal.
On m'a conté que , depuis quelque-tems,
Au Dieu d'Amour il a pris fantaiſie
De venir à Paris jouer la Comédie
Et d'attaquer les coeurs par de rares talens.
Aux Dieux toute choſe eft facile.
Or donc , fans rien changer à ſon minois fripon ,
Il a pris le fexe & le nom
De la charmante d'Angeville.
C'eft un fecret qu'au Parnaffe j'ai fçû ;
Je voulois en faire un miſtére
Mais bon ! il est bien tems de taire
Ce dont chacun s'eft apperçû .
S. D.V.
Le 3 Février , les Comédiens François reprirent
la Tragédie de Mérope de M. de Voltaire
, laquelle avoit été donnée pour la
premiere fois au mois de Février de l'année
derniere , avec un fuccès des plus éclatant ;
la repriſe n'a pas moins fait de plaifir & attire
tous les jours de nombreuſes affemblées
au Théatre François ; on en parlera plus au
long dans le prochain Mercure.
Le 9 , l'Académie Royale de Mufique repréfenta
le Prologue du Ballet des indes Ga-
Hvj lantes,
380 MERCURE DE FRANCE.
- Lantes , avec l'Acte des Incas du même Bal
let , ce qui fut fuivi d'un Ballet Comique ,
en trois Actes avec des Intermedes , qui a
pour titre les Amours de Ragonde, repréſenté
au mois de Février de l'année derniere fur
le même Theatre. Ces trois pieces ont été
données , avec un très- grand concours , les
trois derniers jours du Carnaval ; on reprit
le 2 1 l'Opera de Roland , qu'on voit toujours
avec plaifir.
Le 10 , la Dlle Maitz , âgée d'environ 17
ans , niéce de Mlle Antier , ci-devant premiere
Actrice & Penfionnaire de l'Académie
Royale de Mufique , parut pour la premiere
fois fur ce Théatre , & chanta , avec
une très-belle voix le rôle d'Eucharis , dans
la troifiéme Entrée du Ballet des Caractéres
de la Folie , & avec toute la préciſion & l'intelligence
qu'on peut attendre d'une jeune
perfonne , qui n'a jamais paru fur aucun
Théatre. Il y a tout lieu d'efperer que fes
talens , cultivés par Mlle Antier , feront de
très-grands progrès , & donneront à l'Académie
une Actrice du premier ordre.
Le même jour,les Comédiens Italiens donnerent
la premiere repréſentation d'une Piéce
nouvelle en Vers & en trois Actes , intitulée
les Mariages affortis , laquelle a été reçue
favorablement. Le Public a trouvé
cet
FEVRIER. 1744. 3&r
cet Ouvrage bien écrit & très -bien verfifié.
On en parlera plus au long.
Le 25 , ils remirent au Théatre la Comédie
du Je ne fçais quoi , en Vers libres & en
un Acte , ornée d'un Divertiffement de la
compofition de M. de Boiffy ; cette Piéce
fut donnée dans fa nouveauté au mois de
Septembre 1731. Elle eut un fuccès étonnant
à la Cour & à la Ville ; la repriſe ne
fait pas moins de plaifir . On peut voir l'extrait
de cet ingénieux Ouvrage dans le Mercure
de Septembre 1731 , p . 2223 .
1
Le premier Février , le Lieutenant Géné
ral de Police fit l'ouverture de la Foire S.
Germain avec les cérémonies accoûtumées .
Ce Magiftrat avoit déja rendu fon Ordonnance
le du mois dernier , concernant
ce qui doit être obfervé par les Marchands
qui y font établis , & qui renouvelle la défence
des Jeux de hazard , & c.
17
Le même jour , l'Opera Comique fit auffi
l'ouverture de fon Théatre , par une Piéce
en Vaudevilles, en trois Actes , avec des Intermedes
de chants & de danfes , intitulée-:
Achmet & Almanfine , laquelle avoit été
donnée avec un très -grand fuccès à la Foire
S. Laurent de l'année 1728. On peut voir
le fujet de cette Piéce avec toutes fes circonftances
, dans l'Hiftoire d'Almanfine
d'Ar
382 MERCURE DE FRANCE,
d'Attalide , du Vifir Amulaki , & d'Achmet
fon fils , dans le Mercure d'Août 1721 , P.
36 , & la fuite dans celui d'Octobre de la
même année , p. 29. On donna , après cette
Piéce , l'Aftrologue de Village , autre Piéce en
un Acte , Parodie du Ballet des Caracteres de
Ja Folie , terminée par un fort joli Divertiffement.
Le 8 , on repréfenta les mêmes Piéces ,
aufquelles on ajoûta la Fête de S. Cloud ,
petite Piéce d'un Acte , laquelle fut terminée
par le Ballet des Pierrots & Perrettes ,
exécuté au mieux. La Dlle Lany & le Sr
Dourdet s'y font fort diftingués.
Le 22 , on repréfenta une petite Piéce
nouvelle en un Acte & en Vaudevilles , intitulée
la Coquette fans le fçavoir , laquelle
a été reçue très-favorablement ; elle fut precedées
de deux autres petites Piéces d'un
Acte chacune , qui ont pour titre , la Reine
du Baroftan & des Jeunes Mariés. Ces trois
Piéces furent terminées par le même Ballet
des Pierrots , dont on vient de parler.
Le 26 , le même Opera Comique remit au
Theatre la Parodie de Mérope , fous le titre
de l'Enfant retrouvé. La même Piéce avoit
été donnée , pour la premiere fois , fur le
même Théatre le 16 Mars de l'année derniere
, fous le titre de Marotte..
NOU
FEVRIER. 1744. 383
NOUVELLES ETRANGERES ,
ALLEMAGNE.
Na apprisde Vienne du 18 du mois dernier,
que le onze , la Reine de Hongrie donna un
Bal dans le Manége Royal , qui avoit été orné &
éclairé pour cet effet avec la plus grande magnificence.
S. M. accompagnée de la Princeffe fa four
ainfi que du Grand Duc de Tofcane & du Prince
Charles de Lorraine , s'y rendit vers les huit heures
du foir , avec une fuite de foixante Seigneurs , dé
guifés en Americains . Elle fut jointe à la porte de
ła Sale du Bal ,.
par une autre troupe d'un pareil
nombre de Mafques , vêtus , les uns à la Hongroife,
& les autres à la Flamande , & elle entra avec
ce cortége. La Reine demeura au Bal juſqu'à minuit
, & elle retourna enfuite au Palais , où elle
foupa en public à une table de foixante couverts.
Il y eut le lendemain une courſe de trente- quatre
traîneaux , laquelle commença à trois heures après
midi , & dans laquelle le traîneau de S. M. fut conduit
par le Grand Duc de Tofcane , & celui de la
Princeffe , foeur de la Reine , par le Prince Charlesde
Lorraine.
a
On mande de Mayence du 28 du mois dernier ,
que l'Electeur a tenu plufieurs Confeils à l'occafion
du Decret de Commiffion , par lequel l'Empereur
demandé qu'on biffât des Archives de l'Empire les
Actes que la Reine de Hongrie y à fait inferer , &
qu'il a été réfolu que l'Electeur enverroit ordre au
Miniftre , qui réfide de ſa part à Francfort , de repre
384 MERCURE DE FRANCE.
prefenter à la Diette , que les Actes , dont il s'agit ,
ont pu être reçûs à la Dictature , parce que les Proteftations
font des moyens dont les loix autorifent
l'ufage ; que fi la Reine de Hongrie a traité de nulles
l'Election de l'Empereur & la Capitulation Imperiale
, elle n'a pris ce parti qu'à caufe de l'exclufion
qui lui a été donnée dans tout ce qui s'eſt paſſé
à cet égard ; que toute Proteftation par fa nature
eft bornée à l'objet pour lequel elle eft dreffée , &
qu'elle ne peut s'étendre au- delà des droits, pour la
confervation defquels elle eft deftinée , qu'ainfi celle
de S. M. H. peut être confervée dans les Regiftres
de la Diette de l'Empire , fans que par là l'Empire
femble approuver tacitement ce que cette Proteftation
contient de contraire aux droits de l'Empereur,
d'autant que la Reine de Hongrie n'a pû ſe propofer
autre chofe que de rendre fa Proteftation notoire
, & de faire connoître qu'elle eft dans la difpofition
de foutenir fes pretentions ; que cette Princeffe
ne s'eft point adreffée au Corps Germanique ,
dans le deffein d'obtenir quelque grace ni quelque
fecours , & qu'elle a voulu feulement lui expofer la
nature de fes intérêts ; qu'il n'eft point douteux
qu'on ne peut avoir voix actuelle dans l'aflemblée
de l'Empire , à moins qu'on n'admette un Empereur
& une Diette '; qu'il eſt également vrai , qu'un
Etat qui déclareroit publiquement qu'il ne veut reconnoître
ni l'Empereur ni la Dierte , ne pourroit
être confideré comme membre de l'Empire , mais
que cette question n'eft point applicable au cas prefent
, parce que la Proteftation de la Reine de Hongrie
, ne regarde que Pexclufion qui lui a été donnée.
On a appris de Vienne du 25 du mois dernier ,
que le Traité , qui a été conclu à Worms le 13 du
mois de Septembre dernier entre la Reine de Hongrie
FEVRIER. 1744.
385
grie , le Roi de la Grande Bretagne & le Roi de
Sardaigne , contient les articles fuivans.
Ces trois Puiffances s'engagent à fe fecourir mu
tuellement & conftamment , & à veiller à la sûreté
l'une de l'autre , comme à la leur propre , & elles
promettent de fe procurer tous les avantages qui
pourront refulter de leur union , & de concourir à
éloigner les prejudices dont chacune d'elles pourroit
être menacée. A cette fin , elles fe garantiffent
de la façon la plus expreffe la poffeffion de tous les
Royaumes , Etats & Pays , qui font actuellement
fous leur Domination. En conféquence de cette ga
rantie , & afin qu'il ne refte aucun fujet de difpute
entre la Cour de Vienne & celle de Turin , le Roi
de Sardaigne renonce nommément & pour toujours
, tant pour lui que pour fes Succeffeurs , mais
feulement en faveur de la Reine & de fes heritiers
à fes prétentions fur le Duché de Milan , lefquelles ,
quoiqu'elles n'ayent jamais été reconnues légitimes
par la Reine , il s'étoit réſervé , par la convention
fignée à Turin le premier Février de l'année
derniere , la liberté de faire valoir. Il garantit en
même-tems l'ordre de Succeffion établi pour les
Etats du feu Empereur par la Pragmatique Sanction
; mais la Reine n'exigera point qu'il lui envoye
des fecours hors de l'Italie , & il fera obligé
feulement de concerter avec elle & avec fes Géné-
›
raux toutes les operations
qui feront jugées les
plus convenables
, pour, s'oppofer
aux entrepriſes qu'on pourroit former contre les Etats de S. M. en Lombardie. Non -feulement la Reine entretiendra
en Italie le même nombre de troupes qu'elle y a
pour le prefent , mais elle les augmentera
jufqu'à 30000 hommes , auffi -tôt que la fituation des affaires
de l'Allemagne
le permettra , & le Roi de Şar- daigne de fon côté promet d'entretenir
40000 hommes
386 MERCURE DE FRANCE.
mes d'Infanterie , & sooo de Cavalerie , en y com
prenant les Garnifons de fes Places . Ce Prince aura
le fuprême Commandement de l'armée des deux
Puiffances , lorsqu'il s'y trouvera , & il en réglera
tous les mouvemens de concert avec la Reine , &
conformément à ce que requereront les occaſions &
l'intérêt commun.
Auffi long-tems qu'il fera néceffaire de feconder
les operations des troupes de S. M. & du Roi de
Sardaigne , & auffi long - tems que les Etats de la
Reine en Italie feront menacés , le Roi de la Grande
Bretagne aura dans la Méditerranée une Eſcadre
confidérable de Vaiffeaux de guerre , de Brulots &
de Galiottes à bombes , dont les Amiraux & autres
Officiers concoureront avec le Roi de Sardaigne ,
& avec les Généraux de la Reine , aux meſures
qu'il conviendra de prendre pour l'avantage de la
caufe commune. De plus , & afin d'aider le Roi de
Sardaigne à foutenir les dépenfes qu'il a faites &
qu'il fera obligé de faire , pour mettre fur pied plus
de troupes qu'il n'en peut entretenir , le Roi de la
Grande Bretagne lui fournira , pendant la guerre ,
un Subfide de 200000 livres Sterlings . par an , dont
chaque quartier fera payé d'avance.
La Reine voulant auffi reconnoître le zéle & la
générofité que le Roi de Sardaigne a montrés pour
la défenſe des intérêts de S. M. en expofant les Etats
& fa propre perfonne , lui cede à perpetuité , tant
pour lui que pour les Succeffeurs , le Vigevanaſque
avec la partie du Pavefan, fituée entre le Tefin & le
Pô , & la premiere de ces deux riviéres formera à
l'avenir par le milieu de fon courant la féparation
& les limites des Etats des deux Puiffances , depuis
le Lac Majeur , jufqu'à l'endroit où elle se jette
dans le Pô. Les Illes vis - à- vis la Ville de Pavie , refseront
fous la Domination de la Reine , mais les
fujets
FEVRIER. 1744. 387
fujets du Roi de Sardaigne conferveront la liberté
de naviger dans le Canal entre Pavie & ces Ifles ,
fans que leurs Barques puiffent être arrêtées ni vifitées
, & fans payer aucun droit . La partie du Pavefan
, au delà du Po Robbio , & celle du Duché de
Plaifance , laquelle eft en deçà de la Nura , & s'étend
le long de cette riviére depuis fa fource jufqu'à
fon embouchure , appartiendra au Roi de Sardaigne
, ainfi que la Ville de Plaifance & le territoire
qui en dépend . Ce Prince fera mis en mêmetems
en poffeffion du Comté d'Anghiera & de la
Vallée de Sefia , & pour l'avenir les limites des Etats
de la Reine & de ceux du Roi de Sardaigne feront
fixées de ce côté par une ligne qui cominencera aux
confins de la Suiffe , & qui paffant par le milieu du
Lac Majeur jufqu'au Teln , s'étendra jufqu'à l'em-'
bouchure de cette riviére . La divifion du cours des
riviéres n'empêchera point que la navigation ne
demeure libre pour les fujets des deux Puiffances ,
dans toute la largeur de ces riviéres , & qu'ils ne
puiffent paffer indifferemment fur les deux rives ,
pour faire remonter leurs Bâteaux . Chaque rive appartiendra
cependant , non- feulement pour la propriété
, mais encore à tous autres égards , au Souverain
duquel elle dépendra , & qui pourra y faire
conftruire tel ouvrage ou telle fortification qu'il
jugera à propos , pourvû qu'on obferve de ne point
forcer le courant de la riviére du côté oppofé , & il
ne fera jamais permis au Roi de Sardaigne , fous
quelque prétexte que ce foit , d'empêcher la libre
entrée des eaux dans le canal qui conduit à Milan.
Comme il eft important pour les intérêts des
Puiffances Contractantes , que le Roi de Sardaigne
ait la communication par Mer avec les Anglois ,
Reine lui céde tous les droits qu'elle peut avoir
P fur
338 MERCURE DE FRANCE.
fur la Ville & le Marquifat. de Final , s'attendant
que la République de Gênes facilitera , autant qu'il
fera néceffaire , cette difpofition.
Les trois Puiffances font convenuës de ne faire
aucune paix ni tréve , que de concert & avec la participation
l'une de l'autre , & de faire comprendre
en propres termes dans les Traités de pacification
toutes les ceffions ci- deffus mentionnées . Le Roi de
Sardaigne demeurera fermement & indifpenfablement
uni & attaché aux intérêts de la Reine , & à
ceux du Roi de la Grande Bretagne , non - feulement
auffi long -tems que la guerre durera en Italie,
mais encore jufqu'à la conclufion de la paix en Al-
Jemagne , & jufqu'à ce que les differends entre les
Cours de Madrid & de Londres foient terminés , &
les ceffions faites à ce Prince par S. M. feront cenfées
n'avoir une force irrevocable , qu'après l'entiere
exécution de cet article .
Si les troupes Efpagnoles fe retirens de l'Italie ,
la Reine pourra rappeller une partie des troupes
qu'elle a dans ce Pays , & le Roi de Sardaigne lui
fournira des fiennes , pour être employées à la
garde des Etats de S. M. en Lombardie , afin qu'elle
foit en étatde fe fervir d'un plus grand nombre de
fes
troupes en Allemagne . De même , la Reine fera
paffer des troupes dans les Etats du Roi de Sardaigne
, fice Prince en a befoin , pour défendre les
paffages qu'une armée ennemie pourroit tenter de
forcer.
S. M. & le Roi de Sardaigne , en reconnoiffance
de la part que le Roi de la Grande Bretagne prend
à leurs intérêts , ne confirment pas feulement les
avantages qu'ils ont accordés aux fujets de S. M.
Br . pour le Commerce dans leurs Etats refpectifs ,
mais ces deux Puiffances promettent de leur en accorder
de nouveaux , & de conclure avec le Roi de
la
FEVRIER. 1744. 389
la Grande Bretagne , un nouveau Traité de Commerce
& de Navigation , auffi- tôt que S. M. Br. le
defirera. Les Etats Généraux des Provinces unies ,
feront invités à entrer dans la prefente alliance ,
comme Parties Contractantes .
On travaille par Ordre de la Reine , à compofet
un nouvel Ecrit , relatif au Décret , par lequel
PEmpereur a demandé qu'on biffât des Archives de
P'Empire , les Actes que S. M. y a fait inférer .
On a appris de Liége , que l'Evêque , Prince de
ċette Ville , a déclaré qu'il n'exerceroit aucun acte
de Souveraineté , & qu'il ne difpoferoit d'aucune
charge , jufqu'à ce qu'il eut reçu l'Inveftiture de
P'Empereur,& fes Bulles du Pape.
Les Etats de cette Principauté lui doivent faire
prefent de 400coo florins , pour le joyeux avenement
de ce Prince , & la moitié de cette fomme
fera fournie par la Ville de Liége .
Le Comte de Horion , Grand Mayeur , eſt allé à
Cologne par ordre de ce Prince , pour remercies
l'Electeur de Cologne d'avoir contribué à ſon Elec
tion par fon fuffrage .
La Reine de Hongrie a ordonné qu'à l'avenir .
les perfonnes qui feroient pourvûes de quelques
charges , prêtéroient Serment de fidelité au Grand
Duc de Tofcane , en la même forme qu'elles le
prêteroient à S. M.
Le Comte de Dohna , Envoyé Extraordinaire du
Roi de Pruffe auprès de la Reine , a déclaré aux
Miniftres de cette Princeffe , que S. M. Pr. avoit
chargé le Miniftre , qui le reprefente dans la Diette
de l'Empire , d'infifter pour qu'on biffât des Archives
de l'Empire les Actes que la Cour de Vienne y a
fait inférer depuis peu,
1
ESPA
390 MERCURE DE FRANCE.
ESPAGNE.
ON mande de Madrid du 28 du mois dernier , que Don François Cagigal de la Vega , Gouverneur
de Cuba , a fait fçavoir au Roi , que les Armateurs
Don Jofeph Dominique Cortazar , Don
Barthelemi Valadon , Don Louis Siverio , Victoria
Hernandez, Barthelemi Lopez,& Jean Dominguez,
y ont conduit les Bâtimens Anglois l'Abygayn , le
Tigre , le Fians , le Phoenix , le Saint Etienne , la Rei
ne des Indes , l'Hector , le Robert , l'Anthenope , le
Succès , la Sainte Trinité , le Meforlan , & le Linn.
Les Lettres du même Gouverneur marquent
qu'unPacquetbot Anglois ayant attaqué l'Armateur
Barthelemi Lopez fur la Côte d'une Iſle déferte , le
Capitaine de cePacquetbot avoit fait deſcendre dans
cette Inle so hommes de fon équipage , pour mettre
l'Armateur entre deux feux , mais qu'ils avoient
été tous tués ou faits prifonniers par les Espagnols
que l'Armateur y avoit fait débarquer avant eux.
Don Juan François de Guemes y Horcafitas
Lieutenant Général des armées du Roi d'Espagne, &
Gouverneur de la Havanne , a mandé à S. M. que
Don Pédre de Garaycoechea, Commandant le Pacquetbot
le Diligent , s'étoit emparé d'un Convoi de
Bâtimens chargés de provifions pour la Floride
ainsi que d'un Brigantin , qui fervoit d'escorte à ce
Convoi.
L'Armateur Jean Fernandez est entré dans le Port
de Vigo avec une Balandre Angloife ,qu'il a enlevé
à solieues de Viana , & fur laquelle il y avoit une
grande quantité de Vin de Madére & de Tabac .
Le Vaiffeau les deux Freres , de la même Nation ,
& dont la charge confifte en fel , en vin & en eande-
vie , a été pris par la Barque le S. Jofeph , & le
S. Antoine , que le Capitaine Gren . ! a armée en
courfe. D'auFEVRIER.
1744.
391
•
D'autres Armateurs Efpagnols fe font emparés
des Vaiffeaux Anglois le Tus , le Guillaume & l'Amitié.
-Un Vaiffeau armé en courfe par les Eſpagnols de
Curaçao, s'eft emparé de trois Armateurs Anglois ,
qui étoient à Ruba , pour
fe radouber.
PORTUG A L.
N apprend de Lisbonne , qu'on a découvert
fource dont les eaux font minérales , & qui ont
guéri plufieurs perfonnes attaquées de differentes
maladies.
GENES ET ISLE DE CORSE.
N mande de Corfe , que les Députés des douze
principales Piéves de cette Ifle , s'étoient rendus
à la Baffie , pour figner au nom de leurs Piéves ,
le Réglement auquel les Rebelles fe font foumis.
Un Courier venu de Final , a rapporté qu'on y
avoit appris par quelques lettres de Nice , que le
Roi de Sardaigne avoit fait arrêter à Villefranche
plufieurs Bâtimens Génois , pour tranfporter des
troupes à Loano , & dans d'autres Lieux du voifi
nage.
Les avis reçus de Milan portent , que le 27 du
mois dernier , ce Prince avoit été mis en poffeffion
du Vigevanafque , de Haut Novarois & de la partie
du Pavefan , fituée de l'autre côté du Po , & que la
Régence du Milanois avoit fait publier une Déclaration
, par laquelle la Reine de Hongrie dégageoit
les habitans de ces Provinces du Serinent de fidélité
qu'ils lui avoient prêté, & leur annonçoit qu'ils devoient
à l'avenir reconnoître le Roi de Sardaigne
pour leur Souvain,
GRANDE
392 MERCURE DE FRANCE.
GRANDE BRETAGNE.
Na appris de la Jamaïque , que le Capitaine
Burnaby , qui commande le Vaiffeau de guerre
le Litchfield , ayant fait une defcente fur la Côte
d'Aguada , il avoit encloué quatre canons d'une
batterie des Efpagnols , & qu'ayant remis à la voile
après cette expédition , il avoit coulé à fond deux
Armateurs de la même Nation .
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E premier de ce mois , M. le Neveu ,
Ancien Rectecuer de l'Univerfité fe
rendit à Marly , étant accompagné des
Doyens des Facultés , & des Procureurs des
Nations , & fuivant l'ancien uſage , il eut
l'honneur de préfenter un Cierge au Roi ,
à la Reine , & à Monfeigneur le Dauphin .
Le même jour , le Pere Braban , Commandeur
du Convent du Marais des Religieux
de la Merci , accompagné de trois
Religieux de cette Maifon , eut l'honneur
de préfenter un Cierge à la Reine , pour
fatisfaire à une des conditions de leur Etabliffement
FEVRIER . 1744. 393
bliſſement , fait à Paris en 1615 , par la
Reine Marie de Médicis.
Le 2 , Fête de la Purification de la Sainte
Vierge , les Chevaliers , Commandeurs &
Officiers de l'Ordre du S. Efprit , s'étant
affemblés dans le Cabinet du Roi , vers les
onze heures du matin , S. M. fe rendit à la
Chapelle du Château de Verfailles , étant
precedée de Monfeigneur le Dauphin , du
Duc d'Orléans , du Comte de Clermont , du
Prince de Conty , du Prince de Dombes ,
du Comte d'Eu , du Duc du Penthiévre , &
des Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre . Le Roi affifta à la Benediction
des Cierges , à la Proceffion qui fe fit dans
la Chapelle , & à la Grande Meffe , qui fut
celebrée par l'Evêque de Langres , Prelat
Commandeur de l'Ordre du S. Efprit. La
Meffe étant finic , S. M. fut reconduite dans
fon Cabinet en la maniere accoutumée. La
Reine & Mefdames de France , entendirent
la même Meffe dans la Tribune.
L'après-midi , leurs Majeftés accompagnées
de Monfeigneur le Dauphin & de Mefdames
de France , affifterent à la Predication
du Pere Pons , de la Compagnie de Jefus ,
& enfuite aux Vêpres.
Le 6 , la Reine communia dans la Chapelle
I
394 MERCURE DE FRANCE.
pelle du Château de Verfailles, par les mains
de l'Archevêque de Roüen , fon Grand
Aumônier .
Le 12 , leurs Majeftés entendirent dans la
même Chapelle la Meffe de Requiem , pendant
laquelle le De profundis fut chanté par
la Mufique , pour l'Anniverfaire de Madame
la Dauphine , Mere du Roi.
Le Roi a donné le Gouvernement de
Condé au Comte de Danois , Lieutenant
General , lequel a remis celui du Fort Barraux
.
›
M. de Ceberet Lieutenant General ;
Gouverneur d'Aire , a été nommé Commandeur
de l'Ordre Royal & Militaire de
S. Louis , & le Marquis du Châtelet , Maréchal
de Camp , cy -devant Major de la Gendarmerie
, lequel étant Commandeur du
même Ordre , en a été fait Grand-Croix.
Le 7 , il fut celebré dans la Chapelle du
College du Pleflis , un fervice folemnel
pour PAnniverfaire de la mort du Prince
René de Rohan Soubife , Abbé de Luxeüil ,
Chanoine de l'Eglife de Strasbourg.
La Porte de la Chapelle étoit tenduë à
fix lez , & tout l'intérieur l'étoit depuis le
haut jufqu'en bas.
La repréſentation , qui en occupoit le
miFEVRIER.
1744.
395
milieu , étoit furmontée d'un Dais de velours
à crépine d'argent , chargé d'Ecuffons
aux Armes de Rohan ; cinquante chandeliers
d'argent garnis de bougies , pofés fur
trois eftrades entouroient la repréfentation
, & des girandoles placées de diftance
en diſtance , formoient un autre luminaire
autour de la Chapelle.
>
M. de la Roche , Principal du Collége ,
celebra la Meffe , & M. Guillot de Remilly
Prieur de Limours , âgé de 17 ans , prononça
un Difcours funébre qui fut extrêmement
applaudi.
M. le Coadjuteur de Strasbourg , plufieurs
Prélats , & autres perfonnes de confideration
, affifterent à ce Service .
L'Evêque de Perpignan fut facré le 9 de
ce mois dans la Chapelle du Seminaire de
S. Sulpice , par l'Archevêque de Cambrai
affifté des Evêques de Carcaffonne & de
Meaux.
Le io , le Pere Geoffroy , l'un des Profeffeurs
de Rhétorique au Collège de Louisle-
Grand , y prononça un Difcours très -éloquent
, en prefence de plufieurs Prélats &
d'un grand nombre de perfonnes de diftinction.
Le fujet de ce Difcours étoit l'Amour
de la Patrie , & le Pere Geoffroy y examina,
I ij
com396
MERCURE DE FRANCE.
combien cet Amour eft digne du Citoyen , &
combien il rend le Citoyen digne de la Patrie.
Le 13 , pendant la Meffe du Roi , l'Evêque
de Perpignan prêta Serment de fidélité
entre les mains de S. M ,
Le 14 , le Duc de Richelieu , que le Roi
a nommé Premier Gentilhomme de fa
Chambre , prêta Serment de fidelité entre
les mains de S , M ,
Le 17 & le 18 , la Reine accompagnée des
Dames de fa Cour , fe rendit à l'Eglife de la
Paroiffe du Château , où S. M. affliſta au Salut
& à la Benediction du S. Sacrement.
Le 17 de ce mois , les nouveaux Drapeaux
du Régiment des Gardes Françoifes & de
celui des Gardes Suiffes , furent portés à
l'Eglife Metropolitaine , où ils furent benits
par l'Archevêque de Paris , avec les Cérémonies
ordinaires .
Le 18 , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Verfailles la
Meffe de Requiem , pour l'Anniverſaire de
Monſeigneur le Dauphin , Pere de S. M.
Le 19 , Mercredi des Cendres , le Roi reçut
les Cendres par les mains du Cardinal
de Rohan , Grand Aumônier de France . La
Reine
FEVRIER. 1744. 397
Reine les reçût des mains de l'Archevêque
de Rouen , fon Grand Aumônier.
Le 23 , premier Dimanche de Carême , le
Roi & la Reine entendirent dans la Chapelle
du Château de Verfailles , la Meffe
chantée par la Mufique. L'après-midi , leurs
Majeftés affifterent à la Prédication du Pere
Pons , de la Compagnie de Jeſus.
M. de Vanolles , Intendant du Comté de
Bourgogne , a été nommé Intendant d'Alface.
Il a été remplacé dans l'Intendance
qu'il quitte , par M. de Serilly , Intendant
de la Généralité d'Auch , & M. Caze de la
Bove , Maître des Requêtes & Intendant du
Commerce , a été nommé à l'Intendance
d'Auch.
S. M. a donné le Gouvernement de
Thyonville au Marquis de Creil , Lieutenant
General , & celui du Fort Barraux au
Marquis d'Herouville , Lieutenant General.
Le Roi a nommé Meftre de Camp Lieutenant
du Régiment de Dragons du Roi , que
S. M. vient de créer , le Comte de Creil ,
Sous- Lieutenant de la Compagnie des Grenadiers
de la Maifon du Roi .
Le Comte d'Egmont , Meftre de Camp du
I iij
Ré398
MERCURE DE FRANCE .
Régiment de fon nom , a été nommé Meſtre
de Camp du Régiment de Dragons , dont le
Chevalier de Mailly étoit Meftre de Camp ,
& le Régiment de Cavalerie , qu'avoit le
Comte d'Egmont , a été donné au Comte
de Bifache , fon frere , Capitaine dans le
Régiment de Dragons , Meftre de Camp
General.
Le Roi a nommé le 29 Janvier dernier ,
M. le Marquis du Châtelet , Maréchal de
Camp , Grand-Croix de l'Ordre Militaire
de S. Louis , cy-devant Major de la Gendarmerie
pendant les Campagnes de 1741 ,
1742 & 1743 ; il eft de l'ancienne Maifon
du Châtelet,Branche puînée de celle de Lorraine,
fortie en 1220 de Ferry, II . Duc de ce
Pays , & de Ludomille de Pologne ; Thierry ,
furnommé du Diable , leur fils puîné , eut
pour appanage la Baronnie du Châtelet, qui
a donné le nom à cette Maifon , dont la
defcendance eft prouvée par l'Histoire Généalogique
, que le célébre Dom Calmet
Hiftorien de Lorraine en a écrite & qui a
été imprimée à Nancy , chés Cuffon en 1741 ,
1 vol. in -fol. Nous en avons donné l'Extrait
dans le 1 vol. du Mercure de Juin 1741 .
Le 2 Février , Fête de la Purification
l'Académie Royale de Mufique fit chanter
au
4
FEVRIER. 1744. 399
au Concert fpirituel du Château des Thuilleries
, le Dixit Dominus , Motet de M. de la
Lande , qui fut fuivi d'un air de Flute , exécuté
par le Sr Blavet. On chanta enfuite un
petit Motet à voix feule du Sr Gaumé
après lequel le Sr Mondonville exécuta fur
le violon , un Concerto avec beaucoup de
précifion. Il y eut encore un petit Motet
à voix feule , Alma Dei Genitrix , du Sr
le Maire , très- bien exécuté ; on termina le
Concert par un Moter à grand choeur , Do
minus Regnavit , du Sr Mondonville .
Le 8 , la Cour étant à Verſailles , M. Deftouches
, Sur- Intendant de la Mufique de la
Chambre en femeftre , fit chanter devant la
Reine , la premiere & la derniere Entrée du
Ballet de l'Europe Galante.
Le ro , le 19 & le 17 , on concertà l'Opera
d'Armide , dont le premier rôle fut exécuté
avec beaucoup de fuccès ,
mainville.
, par
la Dlle Ro-
Le 22 & le 24 , on chanta devant la Rei
ne le Prologue, & les trois premiers Actes de
l'Opera de Tarfis & Zélie , dont l'exécution
fit beaucoup de plaifir.
Le 4 Février , les Comédiens François repréfenterent
à la Cour la Comédie des Menechmes
, qui fut fuivie de la petite Piéce du
Mariage Forcé. I iiij
Le
400 MERCURE DE FRANCE.
Le 11 , le Baron d'Albikrac , & le Galant
Jardinier.
Le 13 , la Tragédie de Mérope , fuivie de
Crifpin, Rival de fon Maître. Le jeune Laval,
& la petite Dlle Puvigné , danferent une
Entrée, qui fit beaucoup de plaifir.
Le 20 , la Tragédie de Rodogune , & la
Comédie du Philantrope , ou l'Ami de tout
le Monde.
Le 27 , la Tragédie d'Oedipe , de M. de
Voltaire & le Port de Mer.
Le 12 Février , les Comédiens Italiens reprefenterent
auffi à la Cour , le Défi d'Arlequin
& de Scapin , Comédie Italienne , en
cinq Actes.
Le 26 , Arlequin Médecin volant , Comédie
Italienne , avec des Intermedes , danfés
par les meilleurs fujets de l'Académie
Royale de Mufique.
Le Carnaval a été fort célébré à la Cour &
à Paris ; il y eut un très- grand concours au
Bal , qu'on donne tous les ans à la fin du
Carnaval , fur le Théatre de l'Opera ; il y a
eu encore quantité de Bals particuliers dans
differentes maifons de la Ville , des Concerts
, des Feftins , &c.
Lé du même mois 3 , il y eut un très-beau
Bal mafqué à la Cour , chés Mefdames de
France
FEVRIER. 1744. 401
France ; & le 18 , chés Monfeigneur le Dauphin
.
SENTIMENS des Parifiens , fur la
présence du Roi & de la Famille Royale , à
la représentation de l'Opera de Rolland , le
3 Janvier 1744.
Senfible à nos plus chers défirs ,
Senfible à notre zéle , & fi tendre & fi jufte ,
LOUIS, accompagné de fa Famille Augufte ,
Daigne en ce jour heureux partager nos plaifirs.
Dans un Spectacle , où l'Art prodigue des merveil-
Ies ,
Capables d'enchanter les yeux & les oreilles ,
Chacun n'eft attentif qu'aux bontés de fon Roi ,
LOUIS , pour un Peuple , qui t'aime ,
Il n'eſt rien de ſi doux , que d'admirer en toi
Le Monarque , le Pere , & le Citoyen même .
par
On aappris de Toulon , que les Efcadres
de France & d'Espagne, compofées de trente
Vaiffeaux ou Frégates , commandées M.
de Court , Lieutenant Général des Armées
Navales du Roi , étant forties du Port de
Toulon le 20 de ce mois , elles trouverent
le 12 , à quatre lieuës en Mer du
Cap Sicié l'Eſcadre Angloiſe , commandée
par l'Amiral Mathews ; le combat entre les
Eſcadres s'engagea à une heure après midi
I v &
402 MERCURE DE FRANCE.
& il dura jufqu'à la nuit. On attend le
détail circonftancié de cette Action ; on a
feulement appris des Côtes de Provence que
le feu a été très-vif pendant le combat , &
que l'Efcadre Angloife ayant gagné le large,
celles de France & d'Efpagne la pourfuivoient.
MORTS ET MARIAGES.
LE
E 28 Decembre dernier,D. Jacqueline- Charlotte
Brulart , veuve de Henry- Louis de Lomenie ,
Comte de Brienne , mourut à Paris , âgée de 83 ans;
elle étoit fille de Nicolas Brulart , Marquis de la
Borde, Premier Préfident au Parlement de Bourgo
gne , mort le 29 Août 1692 , & de D. Marie Cazet
de Vautorte , la premiére femme , morte en 1666.
Voyez la Généalogie de Brulart, dans l'Hiftoire des
Grands Officiers de la Couronne , au Chapitre des
Chanceliers , & pour celle de Lomenie , voyez
Hiftoire des Sécrétaires d'Etat , par du Toc , & le
IX. Volume des Grands Officiers , au Chapitre de
P'Ordre du Saint Efprit.
•
Le 31 , Eustache- François le Couturier , Seigneur
de Mauregard & du Mefni ! Madame Rance , Préfident
en la cinquiéme des Enquêtes du Parlement ,
du 19 Avril 1738 , Préfident Honoraire au Grand-
Confeil & auffi Maître des Requêtes Honoraire
mourut fubitement dans la Ste Chapelle du Palais ,
où il étoit entré pour faire fa priere en allant à fa
Chambre , dans la 6 année de fon âge. Il étoit fils
d'Euftache le Coufturier , Payeur des Rentes , &
Sécrétaire du Roi , & de Bonne Magdeleine de la
Salle ,
FEVRIER. 1744. 403
Salle , fa feconde femme ; il avoit été marié en premiere
nôces au mois d'Août 1703 avec Marie- Marguerite
Bofc , morte le 25 Décembre 1727 , & de
laquelle il a eû N....le Coufturier , Seigneur de
Mauregard , Confeiller au Parlement , & Commiffaire
de la feconde Chambre des Requêtes , du 20
Decembre 1743 , & Marie-Jeanne Louiſe le Couſturier
, née le 14 Decembre 1715 , mariée le 4 No-·
vembre 1734 , avec Charles- François de Montho- "
lon , Seigneur d'Aubervilliers , Confeiller au Parle
ment , morte le 20 Avril 1742.
Le 2 Janvier , D. Catherine Bofe d'Ivry , veuve
de Pierre Nigot , Seigneur de S. Sauveur , Préfident
de la Chambre des Comptes , avec lequel elle
avoit été mariée le 16 Fevrier 1700 , mourut à Paris
, laiffant de fon mariage Jacques Nigot , Seigneur
de S. Sauveur , Préfident en la même Chanbre
des Comptes , veuf depuis le 2 Janvier 1738 , de
D. Ogier, de laquelle il a plufieurs enfans . La D: de
S. Sauveur , qui vient de mourir , étoit foeur de M
Bofc , Procureur Général de la Cour des Aides , depuis
le 30 Decembre 1702 , & fille de Claude
Bofc , Seigneur d'Yvry-fur-Seine , Procureur Géné
ral de la même Cour des Aides , Confeiller d'Etat
ordinaire , & Prévôt des Marchands de la Ville de
Paris , mort le 15 Mai 1715 , & de D. Catherine-
Marie -Jacques de Vitry .
Anne- Louis Aftruc , Avocat au Parlement de
Touloufe, & Profeffeur en Droit François dans l'Univerfité
de la même Ville , mourut à Paris le 4 Janvier
, âgé de 58 ans & quelques mois , après avoir
rempli pendant 30 ans l'Emploi d'Avocat plaidant
dans le Parlement de Toulouſe ; il avoit été nommé
il y a dix ans à la place de Profeffeur en Droic
François, dont il s'aquittoit avec diftinction . Il avoit
été Capitoul à Toulouſe, Député par cette Ville aux
I vj Etats
404 MERCURE DE FRANCE.
Etats de la Province , & chargé par les Etats de porter
le Cahier à la Cour , & il avoit rempli tous ces
Emplois à la fatisfaction du Public. Il a laiffé plu-·
fieurs Traités fur le Droit François , qu'il eft à fouhaiter
que fes Héritiers donnent au Public.
Le Pere Etienne Souciet , de la Compagnie de
Jefus, connu dans la République des Lettres par fon
érudition , mourut au Collège de Louis le Grand le
14 de ce mois.
Le 18 , Louis Ovide Chibert , Confeiller dei
la Cour des Aides , où il fut reçû le 26 Mars 1695 ,
mourut à Paris,dans la 78 année de fon âge , Il étoit
fils aîné de Louis Chibert , Auditeur en la Chambre
des Comptes de Paris , & de Marie Megillier, morte
le 32 Septembre 1710 ; il avoit été marié avec D.
Marie André , qu'il laiffe veuve & mere de Marie
Chibert , fille unique , mariée avec Antoine de
Gars , Seigneur de Fremainville , Confeiller au Parlement
de Paris , en la troifiémé des Enquêtes , depuis
le premier Septembre 1731 .
Le 19 , Etienne Canaye , Seigneur de Montereau-
fur - Montreuil , de Malval , & des Roches ,
Doyen du Parlement de Paris , depuis le mois de
Mai 1737 , où il avoit été reçû Confeiller dès le
28 Janvier 1685 , mourut à Paris , dans la 96. année
de fon âge ; il étoit fils de Jacques Canaye , Seigneur
des Roches, mort Sous Doyen du Parlement
le 23 Septembre 1686 , & de D. Esperance Fautrier
de Malval ; il avoit époufé le 20 Avril 1689 ,D . Marie-
Jeanne Garnier , Dame de Montereau , & il en
avoit eû Etienne Canaye , ci- devant Prêtre de la
Congrégation de l'Oratoire , dit aujourd'hui l'Abbé
Canaye , Affocié Véteran de l'Académie Royale
des Infcriptions & Belles Lettres , depuis l'an 1728 ,
& Jacques Etienne Canaye , Maître des Requêtes
Ordinaire de l'Hôtel du Roi , mort fans enfans le
i. 2
FEVRIER. 1744. 405
2. Juillet 1732 ; ainfi la Famille de Canaye , l'une.
des bonnes Familles de la Robe de Paris , où elle eſt
connue depuis plus de 250 ans , ne fubfifte plus que
dans la perfonne de M. l'Abbé Canaye .
Le 29. Le Sr Hyacinthe Rigaud , Chevalier de
l'Ordre de S. Michel , Peintre ordinaire du Roi ,
ancien Recteur & Directeur de l'Académie Royale
de Peinture & de Sculpture ', mourut à Paris , âgé
de 84 ans , il s'étoit acquis une grande réputation
par fes Ouvrages , & il étoit regardé , avec juftice ,
comme un des premiers Peintres de ce fiécle.
Le 30 , Alexandre-Denis de Nyert , Marquis de
Gambais , Seigneur de la Neuville , Premier Valet
de Chambre du Roi , Capitaine & Concierge du
Château du Louvre , mourut à Paris , âgé de 34 ans;
il étoit fils unique de feu Louis de Nyert , Marquis
de Gambais , Seigneur de la Neuville , Premier Va,
Jet de Chambre du Roi , Gentilhomme ordinaire de
fa Maifon , Lieutenant de Roi en Franchecomté
Gouverneur de la Ville de Limoges , Capitaine &
Concierge du Château du Louvre , mort à Paris le
27 Mars 1736 , & de N ... Marfollier ; petit- fils de
François de Nyert , Marquis de Gambais , Seigneur
de la Neuville , Premier Valet de Chambre du Roi,
Gentilhomme ordinaire de fa Maiſon , & Bailly
d'Amont , au Cointé de Bourgogne , & arriere petitfils
de Pierre de Nyert , Premier Valet de Garderobe
, puis Premier Valet de Chambre du Roi , &
Maître d'Hôtel de S. M. mort à l'âge de S5 ans , le
13 Fevrier 1682 ; ainfi M. de Nyert , qui donne lieu
à cet article , étoit le quatrième de fon nom , qui
de pere en fils poffedoit cette Charge de Premier
Valet de Chambre du Roi.
La nuit du 20 au 21 Janvier , Charles - Antoine de
Gontault-Biron , Marquis de Gontault , Colonel du
Régiment
406 MERCURE DE FRANCE.
Régiment d'Infanterie de Biron , & Brigadier des
Armées du Roi , du 20 Février 1743 , fils de Charles-
Armand de Gontault , Duc de Biron , Pair &
Maréchal de France , & Chevalier des Ordres du
Roi , &c. & de feuë D. Marie- Antonine de Bautru
Nogent , morte le 4 Août 1742 , fut marié avec Dlle
Antoinette-Euftachie Crozat du Chaftel , fille de
Louis- François Crozat, Marquis du Chaſtel, en Bretagne
, Maréchal des Camps & Armées du Roi , du
premier Mars 1738 , & de D. Marie-Thérefe - Ca .
therine Gouffier de Heilly , mariée le s Septembre
1722 , & petite - fille d'Antoine Crozat , Marquis
de Mouy & du Chaftel , Commandeur & Grand
Tréforier des Ordres du Roi , mort le 7 Juin 1738 ,
& de D. Marie- Margueritte le Gendre , morte le 91
Septembre 1742. Il fuffira de dire ici que la Maifon
de Gontault Biron eft une des plus anciennes & des
plus illuftres du Royaume , comme on le peut voir
dans la Généalogie qui en eft rapportée dans l'Hif
toire des Grands Officiers de la Couronne , Volume
VII , fol. 29.
Le 21 , René Nicolas - Charles- Auguftin de
Maupeou , Préfident à Mortier au Parlement de Paris
, fils aîné de René - Charles de Maupeou ,
Chevalier , Vicomte de Bruyeres , Premier Préfident
au même Parlement, & de D. Anne - Victoire de
la Moignon - Courfon , fut marié avec Dile Anne-
Marguerite-Thérefe de Roncherolles , fille unique
& héritière de feu Charles- Michel - François Anne-
Thomas Sibille de Roncherolles , Marquis de Roncherolles
, & de D. Angélique- Marguerite de Jaf
faud, à préfent femme de M. le Marquis de Canil- '
lac , de la Maiſon de Montboiffier.
ARFEVRIER.
17440 407
ARRESTS NOTABLES.
RDONNANCE du Roi , du 27 Septembre
dernier , portant création d'un Régiment
de Cavalerie légere de douze Compagnies de cine
quanteMaîtres chacune .
AUTRE du 30 , portant augmentation de trente
hommes en chacune des quarante Compagnies des
cinq Bataillons du Régiment Royal- Artillerie , le
réglement de leur compofition nouvelle & de leur
folde .
DECLARATION du Roi , qui régle la préfé
tence entre differens Gradués prétendant droit au
même Bénéfice . Donnée à Fontainebleau le 2 Ocbrs
1743. Registrée en Parlement le 28 Novembre
fuivant. Ladite Déclaration contenant fept Articles ,
dont S. M. ordonne l'exécution felon fa forme &
teneur,
AUTRE , pour l'inftruction des affaires Criminelles
, dans les Elections & Greniers à Sel. Donnée à
Fontainebleau le 16. Octobre 1743. Registrée en
la Cour des Aides le 4 Décembre fuivant .
ARREST du 6 Décembre , qui commet le fieur
Tapin , Lieutenant de Robe- courte , pour au lieu
& place du fieur Néel, veiller à l'exécution de l'Arrêt
du Confeil du 14 Septembre 1741 , portant Reglement
pour le tranfport des Marchand fes de Librairie
venant de Rouen à Paris , par lequel S. M.
a commis & commet le feur Tapin Lieutenant de
Robe-courte , pour au lieu & place du fieur Néel ,
veiller
408 MERCURE DE FRANCE.
veiller à l'exécution de l'Arrêt de Reglement du 14
Septembre 1741 , & pour pourfuivre à fa requête ,
devant le fieur Feydeau de Marville , Lieutenant
Général de Police , la punition detoutes les contraventions
qui auront été conftatées contre les difpofitions
dudit Arrêt de Reglement , enſemble pour
faire , tant pour l'exécution dudit Reglement , que
pour celle des Jugemens qui feront rendus par ledit
Geur de Marville , toutes les pourfuites & procédu
res qu'il jugera néceſſaires , &c .
AUTRE du 10 , qui renouvelle les défenfes
portées par les précédens Arrêts & Réglemens , à
tous Imprimeurs de Paris & des autres Villes du
Royaume , d'imprimer aucun Mémoire , fous quelque
titre & dénomination que ce foit , dans les af
faires portées dans les Confeils du Roi , ou dans les
Commiffions qui en font émanées , fans que lefdits
Mémoires foient fignés d'un Avocat au Confeil ; &
qui fupprime cinq Mémoires imprimés dans des
inftances pendantes aux Confeils du Roi, fans fignature
d'Avocat auxdits Confeils & fans nom d'Imprimeur
, avec amende , tant contre les Parties que
contre les Imprimeurs.
SENTENCE de Police du 13 , qui condam
ne le nommé Royer , Vacher , en cent livres d'amende
, pour avoir nourri fes Beftiaux de Dreſche
corrompuë , contre la difpofition des Ordonnances
de Police.
AUTRE du 20 , qui ordonne aux Maîtres
Chandeliers , de fournir fuffifamment de Chandelles
les Places qu'ils doivent occuper à la Halle , tous les
Samedis de chaque femaine ; & condamne à l'amende
les Jurés de la Communauté des Maîtres
ChanFEVRIER.
1744 409
Chandeliers , pour n'avoir pas tenu la main à l'exécution
des Réglemens de Police faits fur ce ſujet.
AUTRE du même jour , qui condamne le
nommé Lucas , Marchand Boucher , en cinq cent
livres d'amende , pour avoir contrevenu aux Réglemens
de Police , concernant la vente du Suif.
ORDONNANCE du Roi du 22 , pour aug
menter un fecond Enfeigne en chacune des Compagnies
du Régiment de fes Gardes- Suiffes , à commencer
du premier Janvier 1744 .
AUTRE du premier Janvier 1744 , portant
création d'un Régiment de Troupes légeres , tant à
pied qu'à cheval , fous le nom d'Arquebufiers de
Graffin , compofé de 1200 hommes , dont 900 à
pied , & 300 à cheval.
SENTENCE de Police du 10 , qui fait défenfes
aux Maîtres à danſer de tenir Affemblée de danfes
les jours de Dimanches & de Fêtes ; & condamne
à l'amende le nommé Chalomet , Maître à
danfer , pour y avoir contrevenu.
ORDONNANCE du Roi du 30 , pour la
formation d'un Régiment d'Infanterie , composé de
trois Bataillons avec grand Etat-Major , fous le titre
de Royal-Lorraine.
AUTRE du premier Février , pour régler un
habit uniforme aux Officiers Généraux employés
dans les Armées de Sa Majefté , par laquelle S. M.
ordonne que ceux de fes Lieutenans Généraux &
Maréchaux de Camp , qu'elle a jugé à propos d'em--
ployer à l'avenir dans fes Armées , feront tenus de
por410
MERCURE DE FRANCE.
porter pendant tout le cours de la Campagne , un
habit non croifé , de couleur vulgairement appellée
Bleu de Roi , orné d'un bordé de broderie d'or en
forme de galon , conformément à l'échantillon qui
reftera annexé à la minute de la préfente Ordonnance
: avec la feule difference entre les Lieutenans
Généraux & les Maréchaux de Camp , que les premiers
auront le bordé double fur les manches & fur
les poches , & que les Maréchaux de Camp n'auront
que le bordé fimple.
ARREST du 4 , qui accorde la remife des
deux fois pour livre des augmentations de Finance
, ordonnées être payées en vertu des Edits &
Déclaration du mois de Décembre 1743 , en payant
par les Officiers y dénommés , dans les délais preferits
, les fommes pour lefquelles ils fe trouveront
compris dans les rôles arrêtés au Confeil.
AUTRE du même jour , qui en caffe un du
Parlement de Dijon , du 12 Juillet 1743 , pour
avoir annullé un Procès- verbal , fous prétexte que
les Commiffions des Employés qui l'ont dreffé , ne
fe font pas trouvées enregistrées au Greffe des Jurif
dictions où ils ont prêté ferment , quoiqu'elles fuffent
revêtues de l'Acte de preftation de Serment , mis
fur icelles par les Greffiers defdites Jurifdictions , &
ordonne l'exécution d'une Sentence du Grenier à
Sel de Louhans , par laquelle le nommé Claude
Guillard a été condamné en deux cent livres d'amende
, pour faifie domiciliaire de Sel blanc , trouvé
chés lui.
AUTRE du même jour , qui déboute les Seigneurs
, Habitans & Communautés des Villages ,
Hameaux & Cenfes d'Argoules , Petit - chemin , Dominais
,
FEVRIER. 1744 411
minois , Beaucamp , Wailly , Berck , Groffler , Wa
ban , Verton , Saint- Aubin , Merlimont , Conchille
-temple , Noyelle , Tigny , Nampont , Vron &
Baillon , de leurs demandes ; & ordonne l'exécution
des Arrêts du Confeil , & Lettres Patentes des 13
Avril & 24 Juin 1743 , par lefquels ils ont été affujettis
aux Droits établis dans la Province de Picardie
, à laquelle ils ont été réunis.
ORDONNANCE du Roi du 7 , fur le fervice
& le rang des Ingénieurs , par laquelle S. M.
ordonne l'exécution des LXVII Articles , contenus
en ladite Ordonnance , &c.
*
ARREST du 11 , pour la prife de poffeffion
de la Ferme , tant du fol pour livre du prix de tous
les Beftiaux fans exception , qui feront vendus dans
les Marchés de Poiffy & Scéaux , encore bien que
la bourſe ne l'ait pas avancé , pour être payé par les
Vendeurs defdits Beftiaux , que des Droits actuellement
perçus dans lefdits Marchés , fous le nom de
Dominique Antoine Huel ; & pour la réfiliation dur
Bail fait à Pierre le Cocq , portant attribution au
Sr Lieutenant Général de Police , de toutes les conteftations
, tant à l'occafion du Coinmerce defdits
Marchés , que fur l'exécution de l'Edit & Déclaration
du mois de Décembre 1743 , concernant l'établiffement
dudit fol pour livre dans leſd. Marchés.
AUTRE du 18 , qui ordonne que les gages
échus & à échéoir , des Officiers des Bureaux des
Finances des Chancelleries près les Cours , & autres
dénommés dans les rôles qui font ou feront arrêtés
au Confeil , en vertu des Edits du mois de Décembre
1743 , & fur lefquels il fe trouve des oppofitions ou
autres empêchemens , feront payés par les Payeurs
defdits
412 MERCURE DE FRANCE.
defdits gages , à la décharge defdits Officiers , au
Tréforier des revenus cafuels de Sa Majeſté , juſqu'à
concurrence des augmentations de Finance que lefdits
Officiers doivent payer.
{
TABLE .
P
IECES FUGITIVES . Accord de la Raifon & de
la Foi , Ode , 203
Réponse de M. Liger à M. de la Cofte ,
211
Allégorie ,
215
218
222
Difcours fur l'amour du bien public ,
Epitre à mes yeux ,
Réponse à une Queftion propofée dans le Mercure
de Mai dernier ,
Ode tirée du Pfeaume V. Verba mea , &c
Difcours prononcé par M. Freydier , & c.
Ode XV . d'Horace , Livre IV. Traduction ,
217
233
237
240
Mémoire Hiftorique de M. Julien le Roy , fur
l'Horlogerie ,
Traduction d'une autre Ode d'Horace ,
242
250
Difcours par M. Carré, fur le Sujet proposé par l'Académie
Françoile pour le Prix d'Eloquence , en
l'année 1743. 252
Epitre en Vers à Mrs de l'Académie Royale des Belles
Lettres de Marſeille ,
Deffenfe des Incommenfurables ,
Le Travail & le Plaifir , Fable ,
274
278
286
291
298
Lettre fur la Defcription de la Haute Normandie ,
Ode fur le commencement de l'année ,
Réponse à une Queſtion propofée dans le Mercure
de Juin , 303
305
Remerciment en Vers à M. l'Abbé de ***
Le Monde & fa Societé , Difcours prononcé par un
Avocat
Avocat de S. Etienne en Foreft ,
Epitre en Vers , écrite de Fontainebleau ,
306
312
Extrait de Lettre fur une Théfe foutenue à Angers ,
f 315
Vers à Mlle d'Aligny , & c.
318
Lettre de M. Tanevot fur la mort de M. le Coufturier
, 319
Vers fur le même fujet , 320
Extrait de Lettre fur le Diftique de Virgile , Nocte
pluit tota ,
& c .
Enigmes & Logogryphe ,
321
323
¡
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS , &c,
Vie de Marie Lumague , Extrait ,
Traité général des fubfiſtances Militaires , Extrait ,
326
328
Les Commentaires de Céfar , nouvelle Traduction ,'
334
OEuvres de S Bazile , 335
Imperium Orientale , & Liturgia Orientalis , 336
La Hongrie & le Danube ,
ibid.
Théologie des Inſectes ,
ibid.
Cours de la Science Militaire ,
ibid.
Dictionnaire de Marine , 336
L'Art de bâtir les Vaiffeaux ,
ibid.
Hiftoire de l'origine de l'Imprimerie , &c.
ibid.
Les OEuvres de Mariotte ,
ibid.
Les Comédies de Plaute ,
ibid.
Mémoires fur le Portugal ,
ibid.
Lettres de Critique , & c.
ibid,
Anacreontis Teii Oda , ¿c. 338
Biblia Graca ,
ibid.
Bibliotheca Belgica ,
ibid.
La Cité miftique de Dieu ,
ibid.
Hiftoire de la Guerre ,des Pays- Bas ,
ibid.
Hiftoire Chronologique des Papes , & c.
ibid.
Hiftoire de Jacques II. Roi d'Angleterre ,
Fundamenta Medicina reformata ,
ibid.
ibid.
Anatomia
Anatomia Corporis humani ,
ibid.
Analyfe Géographique , 3394
Tables Chronologiques de l'Hiftoire Univerfel
le ,
ibid. to
Opera Joannis Bernoulli , ibid.
Traité de la Manoeuvre des Vaiffeaux 349
Jacobi Bernoulli Opera ,
ibid.
Théorie de la figure de la Terre ,
ibid.
Traité de Dynamique ,
ibid
Genera Plantarum , 347
Catalogue raifonné des Curiofités du Cabinet du
feu M de Lorangere , Extrait ,
Hiftoire Générale de la Marine , Extrait ,
ibid.
352
La Médecine Militaire , 355
Livres nouveaux chés Briaffon , 356
Difcours prononcés à l'Académie de Pétersbourg ,
Extrait , 357
Affemblée de la nouvelle Académie des Sciences de
1
› Berlin ,
Eftampes nouvelles ,
Livres de Mufique ,
Nouvelles Cartes ,
Remédes pour les Dartres , &c.
Chanfon notée ,
Spectacles , Extrait de Zeneïde , Comédie ,
365
366
367
368
369
370
ibid.
Madrigaux aux Dlles Gautier & d'Angeville , 378
Reprife de Mérope par les Comédiens François ,
379
Le Prologue du Ballet des Indes Galantes , l'Acte
des Incas , & les Amours de Radegonde , repréfentés
à l'Opera , 380
ibid.
La Dlle Maitz, nouvelle Actrice de ce Théatre ,ibid.
Les Mariages affortis , nouvelle Piéce , repréſentée
par les Comédiens Italiens ,
Reprife par les mêmes Comédiens du Je ne fçais
quoi ,
Ouverture de la Foire S. Germain , & de l'Opera
381
Comique
Comique, & les Piéces jouées fur ce Théatre, 382
Nouvelles Etrangeres , Allemagne > 383
agne ,
390
Cortugal , Génes & Iſle de Corſe , 391
392 Grande- Bretagne ,
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. ibid.
Le Recteur préſente des Cierges au Roi , à la Reine
& à Monfeigneur le Dauphin,
ibid
Le Pere Brabant en préfente un à la Reine , ibid.
Le Roi , la Reine & la Famille Royale aſſiſtent à la
Bénédict.des Cierges le jour de la Purification, 393
Leurs Majeftés entendent la Meffe de Requiem pour
l'Anniverfaire de Madame la Dauphine , Mere du
Roi ,
Gouvernement de Condé donné par le Roi au Comte
de Danois ,
394
ibid.
M. de Ceberet nommé Commandeur de l'Ordre de
S. Louis , & le Marquis du Châtelet , fait Grand
Croix du même Ordre , ibid.
Service pour l'Anniverfaire de l'Ab de Soubife, ibid.
Difcour du P.Geoffroi,fur l'Amour de la Patrie , 395
Bénédiction des Drapeaux des Gardes Françoifes &
Suiffes ,
396
La Roi & la Reine entendent la Meffe de Requiem ,
pour l'Anniverfaire de Monfeigneur le Dauphin
Pere de S. M. ibid.
M. de Vanolles , M. de Serilly , & M. de Caze ,
nommés Intendans , 397
Gouvernemens de Thionville & du Fort Barraux ,
donnés aux Marq. de Creil & d'Herouville , ibid.
Le Comte de Creil nommé Meſtre de Camp du Régiment
de Dragons du Roi , ibid.
Le Comte d'Egmont fait Meftre de Camp d'un Régimnet
de Dragons . & le Comte de Bifache fait
Colonel de Cavalerie ,
Concert Spirituel au Château des Tuilleries ,
Concerts clés la Reine,
398
399
ibid.
Piéces
ANG
ibid.
Piéces repréſentées à la Cour ,
Le Carnaval célébré à la Cour & à Paris ; Bals
chés Monſeigneur le Dauphin & Meſdames de
France , 400
Sentimens des Parifiens fur la préſence du Roi & de
la Famille Royale à la repréſentation de l'Opera
de Rolland , 401
Combat naval entre les Efcadres de France & d'Ef
pagne & , l'Efcadre Angloife ,
Morts & Mariages ,
Arrêts notables ,
P
Errata de Janvier.
ibid.
402
407-
Age 191 , ligne derniere , &c . places , lifez , &
autres Places
P. 197 , l. 13 , Gabriel , l . Gabriel - Marie.
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 223 , ligne derniere , voles , lifez , voiles ,
P. 23514 , mettez un point d'interrogance après
homicide.
P. 243 , l . 17, & p. 249, l . 16 , pouçoir , 1. pouffoir.
P. 267 , l . 19 , flatteur , l . flateurs.
P. 282 , l. 17 , un , 1. une.
P. 3.00 , 1. 3. , ne mettez
qu'une
virgule
après
finiftres
.
P. 307 , 1. 17 ,
1.Etat. état ,
Ibid
. 1.
derniere
, ft , eft.
P. 340, 1. 17 , d'Optique. l . d'Optique ,
P. 345 , l. 12 , bien , l' beau.
P. 346 , 26, croyoit , l. croiroit .
P. 348 ; 1.8 & 9 , embaraffé , l . embarraffé.
P. 365 , l . 13 , antres , I , autres.
P. 372 , 1. 19. craint , 1. crains .
Ibid. 1. 20 , ne mettez qu'une virgule après laideur.
P. 382 , 1. 19 & 20 , precedées . L. precedée.
P. 390 , 1. 7 du bas , enlevé , l . enlevée.
La Chanfon notée doit regarder lapage 370
MERCURE
DE FRANCE .
DÉDIÉ AU ROI.
MAR S.
1744 .
URICOLLIGIT
SPARGIT
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
rue S. Jacques.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XLIV .
Avec Approbation & Privilege du Ro
A VIS.
L'ADRESSE à
'ADRESSE générale eft à Monfieur
MOREAU , Commis au Mercure , visà-
vis la Comédie Françoife , à Paris. Ceux qui
leur commodité voudront remettre leurs
pour
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent fefervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eſt
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter , & à ceux qui les
envoyent , celui , non-feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de les perdre
, s'ils n'en ont pas gardé de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir leMercure de France de la premiere main ,
&plus promptement , n'auront qu'à donner leurs
adreffes à M. Moreau , qui aura foin de faire
leurs Paquets fans perte de tems , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meſſageries
qu'on lui indiquera,
PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU RO I.
MARS
1744.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LES MERVEILLES DE DIEU
DANS L'HOMME ,
ODE qui a concouru pour le Prix à l'Académie
des Jeux Floraux, en l'année 1743.
O Toi, dont la bouche infidelle
S'éleve follement contre le Dieu des Dieux ,
Faut-il , pour te confondre , à ton efprit rebelle
Tracer le Spectacle des Cieux ?
Faut- il te découvrir la ftructure des Plantes ?
T'offrir ces Machines vivantes
A ij 'Dont
A VIS.
L
' ADRESSE générale eft à Monſieur
MOREAU , Commis au Mercure , visà-
vis la Comédie Françoife , à Paris. Ceux qui
pour leur commodité voudront remettre leurs
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent fefervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter , & à ceux qui les
envoyent , celui , non-feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de les perdre
, s'ils n'en ont pas gardé de copie .
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir leMercure de France de la premiere main ,
plus promptement, n'auront qu'à donner leurs
adreffes à M. Moreau , qui aura foin de faire
leurs Paquets fans perte de tems , & de lesfaire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meſſageries
qu'on lui indiquera,
PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROI.
MARS 1744 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers en Profe.
LES MERVEILLES DE DIEU
DANS L'HOMME ,
ODE qui a concouru pour le Prix à l'Académie
des Jeux Floraux, en l'année 1743.
O Toi, dont la bouche infidelle
S'éleve follement contre le Dieu des Dieux ,
Faut- il , pour te confondre , à ton efprit rebelle
Tracer le Spectacle des Cieux ?
Faut-il te découvrir la ftructure des Plantes ?
T'offrir ces Machines vivantes
A ij Dont
420 MERCURE DE FRANCE .
Dont Dieu peupla les Eaux & la Terre & les Airs !
Non, non pour voir fans ceffe agir l'Etre fuprême,
Rentre en ton propre fein ; tu portes dans toi même
L'abbregé de tout l'Univers .
Tu voudrois fermer ta paupière ,
Pourne point rendre hommage au Soleil qui teluit
Inutiles efforts ! Une vive lumiére
Partout , malgré toi , te pourſuit.
Ici , de ta raifon la liaiſon intime
Avec la poudre qu'elle anime ,
T'annonce hautement le fage Créateur .
Là , chacun de tes pas , que fa feule main guide ,
Tes divers fentimens , aufquels lui feul préfide ,
Te rappellent à leur Auteur.
Qui prit le foin de ta naiffance ?
Eft-ce Dieu , le hazard , ou l'homme , ou le néant ?
Le hazard n'eft qu'un nom , le néant qu'impuiſfance
;
Tout Mortel d'un autre dépend.
Ne cherche donc qu'en Dieu la fource de ton Etre
Vois dans lui ce Souverain Maître ,
Qui daigna te ravir au noir ſein de la nuit .
A tout moment pour toi ſa bonté ſe ſignale ;
Il t'arrache au néant , & fa main libérale ,
En te confervant , te produit.
Tu
MARS. 1744. 42 F
Tu te meus , tu fens & tu penſes,
Compofé merveilleux & d'efprit & de corps ;
Mais dis moi , quel lien unit ces deux ſubſtances ?
Conçois-tu quels font leurs accords ?
Quel rapport peut avoir une lourde matiére
Avec cette raiſon altiére ?
Qui mefure les Cieux , qui fonde l'Océan ? -
Apprends-moi... mais en vain tu te donnes la gêne,
Il n'eft pour les unir, il n'eft point d'autre chaîne,
Que le vouloir du Tout-Puiffant.
L'odeur d'une Rofe t'enchante ;
Tu te plais à goûter un fruit délicieux ;
Une douce harmonie , une couleur brillante ,
Charment ton oreille & tes yeux .
Qu'on te bleffe ; faifi d'une douleur amére ,
Tu veux , mais en vain , t'en diftraire.
Dis-moi, d'où viennent ils ces plaifirs, ce tourment ?
Des corps , ah ! quelle erreur ! connois mieux leur
nature ;
En vain je les agite , & change leur figure ,
Je n'en tire aucun fentiment.
Diras-tu que c'eft ton adreſſe ,
Qui produit dans ton coeur ces fentimens divers ?
Fais donc taire au plûtôt la douleur qui te preffe ;
Répands mille odeurs dans les Airs .
A iij Tu
422 MERCURE DE FRANCE.
Tu ne peus,...infenfé ! pourquoi donc méconnoître
La puiſſante main de cet Etre ,
Qui verfe tour à tour & la joye & les pleurs ?
Grand Dieu , ceffe d'agir ... Ciel ! quel cahos hor
rible !
L'Aftre du jour s'éteint ; je deviens inſenſible :
Tout périt , fons , lumiére , odeurs.
Pourquoi , nourri dans l'abondance ,
Ce Créfus pouffe- t'il mille profonds ſoupirs ?
Pourquoi ce vil Mortel , au fein de l'indigence ,
Vit-il fans befoins , fans défirs ?
Ah ! je vois . Loin du toît où l'indigent habite ,
Dieu même écarte & met en fuite ,
Et les fombres chagrins & les cuifans foucis ;
Et par un ordre exprès de fà main vengereffe ,
Voltigent les remords & la noire trifteffe
Autour des plus brillans lambris.
Vaftes défirs d'un bien immenſe ,
Comment avez- vous pû vous former dans mon fein?
D'où vient que je conçois la flateufe efpérance
D'un bonheur , qui n'a point de fin ?
Moi , pareil à la fleur que le matin vit naître ,
Et que le foir voit difparoître ,
Je vole à l'infini . D'où me vient ce défir ?
Sont-ce les biens préfens vers lefquels je foupire ?
Eh.
MARS. 1744.
423
Eh ! puis- je m'y tromper ? c'eft Dieu feul qui m'inf
pire
Des voeux que Dieu feul peut remplir.
Malheureux efclave du vice ,
Comment de la Vertu puis- je honorer les traits
Même en te combattant
Juftice !
comment puis-je › &
Admirer , aimer tes attraits ?
Effet trop évident de la raifon fuprême !
Elle donne à l'injufte même ,
Dans les plus grands excès de févéres leçons ;
En vain il fe dérobe à cette pure flame :
Le Soleil éternel fçaura bien dans fon ame
Faire entrer fes brûlans
rayons.
J'apperçois une autre merveille :
Viens done ; efforçons- nous d'en connoître l'Auteur.
Je parle : l'air battu va frapper ton oreille ;
Auffi tôt tu lis dans mon coeur.
Qui peut jufques à toi tranſporter ma penféer
Eft-ce que pour t'être annoncée ,
A l'Air , à la Matiére , elle daigne s'unir ?
Quel prodige ! mais non ... ce qu'un autre homme
penfe ,
Si Dieu n'agit dans toi , jufqu'à ta connoiffance
Ne pourra jamais parvenir.
A. iiij. Ce
424 MERCURE DE FRANCE.
Ce corps , cette vivante Argile ,
Qui me fert de priſon , reconnoît mon pouvoir.
Si je veux qu'il fe meuve , à mes ordres docile ,
Il s'empreffe de le mouvoir.
Si d'un prompt mouvement au repos je l'appelle ,
Je le vois plein du même zéle ,
Se hâter à l'.nftant d'obéir à ina voix :
Pour feconder mes voeux avec lui tout confpire.
Tel un Prince abfolu voit de ſon vafte Empire
Les Sujets foumis à ſes Loix.
Mais quoi ! n'eft-ce pas trop étendre
Des droits que la Nature a pris foin de borner
Conçois-je bien qu'un corps foit capable d'entendre
L'ordre que j'ofe lui donner ? ¿
Sçais- je dans quels canaux cette flâme ſubtile ,
De mes membres premier mobile ,
Doit promptement couler ,pour ébranler mon corps?
Je l'ignore , fans doute , & ma fierté balance.
Pour reconnoître , & Dieu , que ta feule Puiffance
Peut faire mouvoir fes refforts !
Quelle eft frêle cette machine ,
Que Dieu voulut unir à mon Etre penfant !
Je ne puis qu'admirer , lorfque je l'examine ,
Que je puiffe vivre un inftant .
Mille foibles canaux dont elle eft fillonnée ,
Pour
MARS.
425 1744.
Pour abreger ſa deſtinée ,
Aiment à fe prêter un mutuel fecours.
Un rien en peut troubler l'admirable harmonie ;
Et je joüis encor d'une fort longue vie !
Grand Dieu , tu veilles fur mes jours.
**
Il eſt donc vrai ; l'Etre ſuprême
Jufqu'à de vils Mortels daigne étendre fon bras,
J'en appelle à témoin , fans fortir de moi-même,
Tous mes fentimens , tous mes pas.
Ciel !quel aveuglement de ne pas reconnoître
La main , fans laquelle notre Etre
S'écroule à tout moment , s'il n'en eft foutenu !
Qui méconnoît , ô Dieu , ton active préſence ,
Mérite d'être enflé d'une fauffe ſcience ,
Et d'être à lui- même inconnu.
Signatum eftfuper nos lumen vultus tui , Domines
PL. IV.
A v RE
426 MERCURE
DE FRANCE
.
淡淡說洗洗洗洗光光說洗洗洗洗洗洗
-REPONSE
du R. P. Dom du Pleffis ,
à la Lettre de M..... inférée dans le
J
Mercure de Février 1744.
PREMIERE PARTIE,
"Ai lû quelque part ,
Monfieur , que la
deftinée des bons Livres eft d'être critiqués.
Le mien a déja foutenu bien des affauts
; les Journalistes de Trévoux , l'Auteur
des Obfervations fur les Ecrits . modernes
, M. Clérot , Avocat de Roüen , M. Terriffe
, Abbé de S. Victor en Caux , enfin le
Sous - Bibliothécaire de la Cathédrale de
Rouen , l'ont attaqué , la plûpart à diverſes.
reprifes & fans ménagement , mais auffi
fans
du moins fans aucun avan- avantage ,
tage confidérable. Ils n'ont prefque retiré
d'autre fruit de leurs Ecritures , que celui
de nous perfuader qu'en fait de Critique ils
ont , genéralement parlant , le talent de
trouver bon ce qui eft mauvais , & mauvais
ce qui bon .. Tant d'efforts , inutilement re-
Doublés , ne vous ont point découragé, M ..
du fond de votre Séminaire , & à peine forti
de vos études Claffiques , vous avez crû
pouvoir courir les mêmes rifques & franchir
un écueil , où de plus habiles gens , que
vous ,
MAR S. 1744. 427
.
yous, ont fait naufrage . Voyons fi vous vous
en tirerez avec honneur.
D'abord , dites- vous , que d'étymologies ha
zardées ! Eh , M. laiffez-là les étymologies
elles ne font que de furcroît dans mon Livre
, dont l'effentiel & la feule chofe , à laquelle
vous deviez vous attacher , roule
uniquement fur la Géographie & fur l'Hifroire.
D'ailleurs il ne faut prefque que du
zéle pour hazarder des étymologies , &
ce zéle eft toûjours louable. Mais pour juger
fainement de celles de notre Langue
il faut fçavoir du Latin , du Grec , de l'Hébreu
, du Celtique , du Teutonique , de
l'Anglois , de l'Italien , de l'Eſpagnol ; &
très-certainement vos connoiffances ne s'étendent
pas juſques là ; enforte qu'à l'exemple
de ceux qui vous ont précédé , vous
pourriez fort bien approuver une mauvaiſe
étymologie , & en condamner une bonne .
"
Il n'étoit pas difficile , ajoûtez-vous , de
fçavoir tous les SS. Patrons des Paroiffes. La
jeuneffe ne doute de rien , comme on dit.
Pour moi j'avoue que la chofe ne m'a pas
paru aifée , & j'en ai expliqué les raifons à
la page 252 de mon premier Tome. Vous ,
M. qui y trouvez fi de difficulté , que
n'entreprenez - vous vous - même ce petit
travail Il vous coûteroit peu , & nous vous
en aurions beaucoup d'obligation ; mais êtespeu
A vj
Vous
428 MERCURE DE FRANCE.
vous bien propre à y réüffir ? Vous ne nous
donnez que le Patron d'une feule Paroiffe
de votre Diocèfe , & encore l'avez- vous
méconnu . J'ai vê , dites-vous , faire la Fête
de S. Catald à Bondeville , comme du Patron,
l'Auteur n'en dit rien. Pardonnez -moi
M. lifez ce que j'obferve à la page 253 ,
qu'en bien des endroits une Confrérie de dé
votion envers un Saint , a fait difparoître le
culte plus ancien du véritable Patron de la Paroiffe
.Voila apparemment le cas de la Paroiffe
de Bondeville ; car cette Eglife n'a jamais
eû pour Patron que la fainte Vierge ; vous
n'en trouverez point d'autre , foit fur les
Regiftres du Sécretariat de l'Archevêché ,
foit dans les aveux & dénombremens produits
aux deux Chambres des Comptes de
Paris & de Rouen ; ( ici les Monumens ne
varient point. ) Et fi cela eft ainfi , comme
je vous le garantis , il faut bien que S. Catald
ne foit plus à Bondeville qu'un Patron
poftiche. C'eft de quoi , trompé par une Fête
de Village , vous ne vous êtes pas méfié.
Prenez y done garde pour les autres Paroiffes
, fi vous êtes tenté d'entrer dans le détail;
comme la choſe ne vous paroît pas difficile,
il ne vous faudra pour cela qu'un peu
tention ..
d'at-
Je n'ai point fçû , dites - vous encore , que
tout ce Village ( de Bondeville ) dépend de la
Cure
MARS . 1744 . 429
que la
du
Cure qui eft dans le Village même ,
petite Cure de S. Denys ... n'a pour Paroiffiens
que quelques Payfans qui ne font pas
Village de ce nom , &c . J'ai fçû là - deffus
tout ce qu'il falloit fçavoir , & je l'ai dit ;
que le Territoire de Bondeville , qui formoit
anciennement un Fief entier , eft partagé
depuis long- tems en deux demi-Fiefs ;
que
fur l'un de ces deux demi-Fiefs font affis
le Village de Bondeville avec la Cure de
N. D. & fur l'autre, l'Abbaye de Bondeville
avec la Cure de S. Denys. Tout cela eft expliqué
clairement aux pages 325 & 453 de
mon fecond Tome . Que falloit- il donc dire
de plus pour l'inftruction du Lecteur? Que les
Paroiffiens de S.Denys nefont pas du Village de
Bondeville? Mais qu'est- ce que cela fignifie?
Voulez - vous nous faire entendre que les
Paroiffiens de S. Denys ne font pas Paroiffiens
de N. D ? cela va fans dire. Voulezvous
foutenir que les Paroiffiens de S.Denys
ne font pas habitans de Bondeville ? Si c'eft.
là votre penſée , dites- nous , je vous prie ,
de quel Lieu ils font habitans ? car enfin ils
demeurent à Bondeville , non pas , à la vérité
, fur le demi-Fief qui a encore aujour
d'hui fes Seigneurs Laics , & l'Eglife de
N. D. pour Paroiffe , mais fur l'autre demi-
Fief , qui appartient à l'Abbaye du même
nom , & qui a pour Paroiffe l'Eglife ou la
•
Chapelle
430 MERCURE DE FRANCE,
Chapelle de S. Denys. Mais qu'importe fur
lequel des deux demi-Fiefs ils demeurent ?
fur l'un comme fur l'autre ils font habitans
de Bondeville , avec cette feule difference ,
que les uns font de N. D. de Bondeville , &
les autres de S.Denys de Bondeville.Si quelqu'un
vous demandoit où eft fituée l'Abbaye
même de Bondeville, vous répondriez
apparemment qu'elle eft fituée près du Village
de Bondeville , & que c'est par cette
raifon qu'elle en a pris le nom. Et moi je
répondrois que cette Abbaye eft fituée à Bondeville
même. Mais le Village , direz -vous,
où eft-il donc? A Bondeville auffi.L'un eft fur
l'un des deux demi - Fiefs de Bondeville ;l’au- 、
tre fur l'autre demi -Fief. En un mot , Bondeville
eft partagé en deux demi-Fiefs & en
deux Paroiffes ; les habitans de l'un ne font
point , fans doute , habitans de l'autre ; cela
n'a pas befoin d'explication ;mais les habitans
de l'un & de l'autre font tous également habitans
de Bondeville , comme les habitans
de S. Nicaife & de S. Patrice de Rouen
font tous habitans de Roüen .
>
Il me femble , pourfuivez - vous , que
l'exactitude demandoit qu'on défignât fi c'est le
Chapitre d'une Abbaye ou d'un Prieuré , qui
préfente ou qui confere un Bénéfice, ou fi c'est
Abbéou le Prieur . On fe contente fouvent de dire
que c'est l'Abbaye ou le Prieuré qui a ce droit.
Tous
MARS. 1744. 451
Tous les coureurs de Bénéfices penfent
comme vous , M. & moi je penfe tout au
trement : auffi n'eft-ce pas pour cette efpece
de Lecteurs que j'ai écrit. Lifez la page 257
de mon premier Tome , & toutes les fuivantes
, jufqu'à la fin de l'Avertiffement , vous
y verrez pourquoi il falloit dire que c'eft
l'Abbaye ou le Prieuré qui préfente , & non
pas l'Abbé , le Prieur ou les Religieux.
Les Seigneurs , dites-vous encore , ſe_multiplient
fous la main du Bénédictin ; ce qui forme
dans fon Ouvrage une oppofition entre les
anciens Patrons & les nouveaux. Les ventes
des Terres Seigneuriales font un changement
l'Auteur a ignoré quelquefois. que
J'ignore encore plus ce que tout cela veut
dire. S'il en coûte peu pour s'inftruire de
tous les S S. Patrons des Paroiffes d'un grand
Diocèfe , en coûteroit-il tant pour s'énoncer
d'une maniere claire & intelligible ?
Franchement je n'entens rien à la multiplica
tion des Seigneurs , à l'oppofition des Patrons ,
& aux changemens faits par les ventes que j'ignore.
Un exemple ou deux , tirés de quelques
endroits de mon Livre , qui vous paroiffent
répréhenfibles , m'auroient mis au
fait de votre penſée , & j'aurois tâché alors.
de vous répondre.
Vous obfervez enfuite que l'Eglife du
Prieuré de S. Lo de Rouen , celle de la
Paroiffe
432 MERCURE - DE FRANCE .
Paroiffe , font depuis quelques fiécles affésféparées
, pour qu'une perfonne qui a demeuré quelque-
tems à S. Ouen l'apperçoive. Je n'ai eu
garde d'appercevoir deux Eglifes à S. Lo ,
où actuellement il n'y en a encore qu'une .
Il eft vrai qu'en 1344 on a partagé cette
Eglife en deux , & que le partage fubfifte
encore. Mais il faut bien que je m'en fois
apperçu , puiſqu'à la page 53 du Tome ſecond
, je parle du mur de féparation que
l'on y fit alors , & qui eft toujours fur pied ,
comme je l'obferve au même endroit.
Vous m'objectez encore , qu'on préſente
au Roi quelques fujets , entre lesquels S. M.
nomme un Prieur de la Magdeleine de Rouen.
J'ai marqué formellement , Tom. 2 , p.
744 , que le Roi nomme le Prieur des Chanoines.
Si le Roi eft forcé de choisir parmi
ceux qu'on lui préfente pour cette nomination
, j'ai eu tort d'omettre qu'on a droit
de lui préfenter 5 finon , j'ai dit tout ce qu'il
falloit dire. Expliquez - vous donc , M.
croyez-vous que dans le droit , le Roi foit
en effet obligé de s'en tenir pour ce Prieuré
à la préfentation d'autrui ?
Je ne crois pas , continuez- vous , que ce
que le R. P. dit fur le Pays de Talou & fur le
mot de Dun , augmente le nombre des adverfaires
de M. l'Abbé Lebeuf, &c. En vérité , M.
la décifion de ces fortes de queftions ne dépend
MARS. 1744. 433
pend point de ce que vous croyez , ou de ce
que vous ne croyez pas . Inutilement citezvous
ici M. Lebeuf, comme pour me compromettre
une feconde fois avec cet habile
Antiquaire ; j'honore & je refpecte fa perfonne
& fes talens , autant que qui ce foit ;
malgré cela , rien n'empêche qu'il n'ait fes
fentimens , comme moi les miens ; & je fuis
fort trompé , ou il n'eft pas plus tenté que
moi de renouveller la difpute. Je ne cherche
point non plus à augmenter le nombre de
fes adverfaires , mais d'un autre côté , il ne
feroit pas jufte de vouloir le diminuer.
Tout ce qui parle bas- Breton dans les Gaules
& dans les Ifles Britanniques , eft pour
moi. Voilà une Tradition non-interrompue
depuis le fiécle de Jules- Céfar , jufqu'à celui-
ci ; & ç'en eft bien affés. Le faux Plu
tarque qu'on m'a objecté , & tous ceux qui
ont paru depuis lui , font venus trop tard
pour pouvoir contrebalancer le poids d'une
i grande autorité. A l'égard du Pays de
Talon , je n'ai aucune connoiffance que M.
Lebeuf ait rien écrit contre ce que j'en ai
dit. Dans fes Differtations fur le mot Dun ,
il a hazardé quelques idées fur le Talou :
mon Livre a paru depuis ; j'ai combattu ces
idées , & il n'a point répliqué.
Tout ce que vous m'objectez enfuite:
au fujet du mot Pifte ou Piftis , & du Pontde434
MERCURE DE FRANCE.
de-l'Arche , ou de la Ville d'Arques , n'eft
précisément que l'écho de ce qui a déja été
dit dans quelques Mercures de 1741 ; &
cette répétition étoit devenuë très- inutile
depuis ce qui y a été répondu dans quelques
autres Mercures de la même année.
Lifez -les , M. c'eſt là que je vous renvoie
pour ne point fatiguer le Public par
des redites.
Vous paffez enfuite au Prieuré des Deux-
Amans , & tout ce que vous en dites , fe
réduit à nous apprendre , que des deux opinions
que j'ai propofées fur l'origine de ce
nom , il y en a une que vous croyez fauffe ,
& une que vous adoptez comme vraie ; car
celle-ci fe trouve mot à mot dans mon Livre
, Tom. 2 , p. 332. Mais cela pofé , M.
que nous apprenez- vous donc de nouveau
ou d'intéreffant ? Puifque je propofe deux
fentimens qui fe combattent l'un l'autre , il
eft clair que je ne puis pas les croire vrais
tous les deux , non plus que vous. Mais
vous penchez pour le premier , direz - vous ;
& moi , je penche pour le fecond . Hé bien ,
qu'est- ce que cela fait au Public ? Eft- ce votre
penchant ou le mien qui le déterminera ?
S'il fe préfentoit aujourd'hui un tiers qui ne
penchất ni
pour l'un ni pour
l'autre , que
Jui répondriez-vous ?
Nous fommes arrivés à l'endroit de votre
lettre ,
MAR S. 1744. 435
lettre , qui vous paroît fans doute le plus
triomphant. Il s'agit des Cures des Moines.
La matiere eft curieufe & intéreffante ; par
cette raiſon il faut la traiter avec un peu
d'étenduë ; je la réfervé pour une ſeconde
Partie . Paffons aux autres reproches que vous
me faites.
Les Sçavans , dites- vous , qui s'intéreſſent
al' Hiftoire d'Aumale , & notre Auteur ,
doivent
remarquer qu' Etienne Comte d'Aumale ,
n'étoit point fils de Henri-Etienne , Comte de
Troies & de Meaux , mais qu'il étoit fils d'Odon
, &c. Je ne fçais , M. fi c'eft à moi que
vous en voulez ici . J'ai bien dit , Tom . I.
p. 213 , qu'Eudes ou Odon étoit fils de
Henri- Etienne , ce qui eft vrai . J'ai dit encore
p. 60 , qu'Etienne étoit fils de la Princeffe
Adelife , foeur de Guillaume le Conquérant
; ce qui eft vrai auffi . Mais de cela
même il s'enfuit que loin d'avancer qu'Etienne
fût fils de Henri - Etienne , j'ai erû au
contraire auffi-bien que vous , qu'il étoit
fils d'Odon.
, une
Il m'eft échappé , dites- vous encore
autre faute , qui eft moins pardonnable à un
Sçavant Benedictin ; c'eft de traiter S. Medard
S. Godard de freres . Cette faute
M. fe retrouvera encore dans le nouveau
Gallia Chriftiana , Tome IX , à l'article de
S. Médard , parmi les Evêques de Noyon ;
&
436 MERCURE DE FRANCE.
& Tome X , à l'article de S. Gildard , parmi
les Archevêques de Rouen ; c'est- à-dire ,
qu'on la donnera , comme autorifée par l'opinion
commune, opinion qui à la vérité n'eſt
pas inconteftablement vraie , mais qui n'eſt
pas non plus inconteftablement fauffe, & qui
a été embraffée par de très-habiles Critiques
de notre fiécle. Et pourquoi donc le Gallia
Chriftiana , ne perpétueroit- il pas une pareille
faute ? Le P. le Cointe l'a bien perpétuée
dans fes Annales Eccléfiaftiques , Tom.
1 , p. 89. Dom Thierri Ruinart l'a bien
pétuée auffi dans fon Edition de Grégoire
de Tours , p. 1283. Croyez-moi , M. vous
ferez bien de nous la pardonner ; & nous de
notre côté , nous ferons bien auffi de la
laiffer telle qu'elle eft , & de n'y rien changer.
per-
Vous témoignez enfuite combien vous
êtes furpris qu'un Religieux qui ne doit point
être oppofe aux Exemptions , & qui furtout
doit aimer la paix , avertiffe quelquefois quand
il parle d'exemptions , qu'il ne parle point du
droit de ces exemptions. Mais , M. à quoi
tend , je vous prie , cette réfléxion , & de
quel principe part -elle Un Religieux ne
doit point être oppofe aux exemptions ! Je penfe
moi , que tout Eccléfiaftique féculier doit
refpecter une exemption légitime & autorifée,
& que dans le cas où il s'en trouveroit
2
une
MARS. 1744. 437
une fauffe ou abufive , les Réguliers mêmes
doivent la répudier, Suppofons maintenant
que j'aie cru légitime celle de l'Abbaye de
Fécan , par exemple , comme en effet je
fuis très-perfuadé qu'elle l'eft , étoit- ce dans
un Livre purement Hiftorique & Géographique
, qu'il falloit foutenir le droit de
cette exemption , & prendre parti contre
ceux qui l'ont attaquée ? ç'eût été , felon
vous , aimer la paix. Quelle étrange maniere
de penfer Selon moi , c'eût été m'attirer
une rude & fanglante guerre fur les bras ;
& vous , M. tout le premier , peut-être
étiez-vous déja très -difpofé à me la déclarer.
Mais alte- là , s'il vous plaît , contentez-
vous des préparatifs, C'est précisément
parce que j'aime la paix que je me fuis borné
, & que je me borne encore à la feule
queftion de fait.
Enfin , vous me priez de vous faire connoître
les Conftitutions d'Ives de Chartres. Me ferois
-je exprimé de maniere à faire croire
que nous ayons en effet du Prélat , un Ouvrage
qui porte ce titre ? Je n'en fçais rien ;
car vous ne citez pas , & il me feroit difficile
de rappeller à ma mémoire toutes les
expreffions de mon Livre. Peut-être n'ai -je
entendu qu'une forme de gouvernement
que cet illuftre Fondateur a preferit de vive
voix à fes Chanoines , ou les avis & les inftructions
438 MERCURE DE FRANCE.
tructions qu'il leur donnoit de tems à autre
dans fes lettres. Tous les jours , en parlant
des Chanoines Réguliers , nous difons , &
nous fommes autorifés à le dire , qu'ils vivent
fous la régle de S. Auguftin. Če Saint
Docteur n'a pourtant prefcrit aucune régle.
aux Chanoines Réguliers ; & ce feroit bien
en vain qu'on prendroit la peine de la chercher
dans fes Ouvrages.
Me voici à la fin de votre lettre , Mr , &
j'avois prefque oublié un mot du commencement
, que mon Livre n'eft pas affés exact.
C'est le jugement que vous en portez . Mais
après le peu d'exactitude qui régne dans
tout ce que vous venez de m'objecter , de
quel poids ce jugement peut-il être auprès
de vos lecteurs ? Voici , fi je ne me trompe ,
celui qu'ils porteront de votre lettre ; c'eft
que vous avez du moins très -fagement fait
de n'y pas mettre votre nom .
SECONDE PARTIE.
Il s'agit maintenant , M. d'un point qui
mérite un peu plus de difcuffion. J'ai avancé
Tom. 2 , p. 137 , qu'aucun Concile , ni de
Latran , ni d'ailleurs , n'a interdit les Cures
aux Moines. Cependant , dites- vous , voici ce
qu'on lit dans plufieurs Conciles , que le P.
Thomaffin , &c. cite : ( l'&c. eſt de vous
c'eft apparemment pour fuppléer à la citation
MAR S. 1744. 439
tion que vous n'aviez pas ; la voici , Thomaff.
Tom. 2 , Part. 4 , Liv. 1 , Chap. 51 ,
pag. 190. ) Le premier de ces Conciles eft celui
de Rouen , tenu en 1074. Ut , inquit Can. 5.
Nulli Monacho Parochia regenda committatur.
Cela fut confirmé par le Concile d' Autun
en 1094, & par celui de Poitiers en 1 100.
Calixte II, dans le premier Concile de Latran
en 1123 , défend aux Moines toutes les
fonctions Curiales . S. Bernard , & d'autres
Abbés & Moines ( confultez le Livre De Canonicorum
ordine Difquifitiones , Paris
1697 , Difq. 3 , pag. 403 , &c. 406 , &c. )
avouent eux-mêmes que ces fonctions ne conviennent
point aux Moines , & qu'ils doivent
vivre dans la retraite & le filence. Il y a dans
tout ceci , mon cher M. un fonds de raifonnement
qui porte à faux . Il faut vous le
pardonner , parce que vous êtes jeune ; mais
par la même raifon , il eft jufte auffi de vous
redreffer.
Quand on veut contredire quelqu'un , la
droite raifon demande que pour ne point
abufer de fes paroles , on s'attache précifément
& exactement à fa penfée. L'Ecrivain
que je combattois , étoit perfuadé que les
Moines par leur état , font incapables de
poffeder des Cures ; il triomphoit à l'occafion
d'un prétendu Concile de Latrán de l'an
1215 , qui felon lui , a décidé nettement la
quel.
440 MERCURE DE FRANCE.
queftion contre eux , de maniere , dit-il
qu'à la fin ils fe virent obligés de céder. Pour
détruire cette chimére , qui ne s'eft fait que
trop de partifans , j'ai foutenu qu'aucun
Concile , ni de Latran ni d'ailleurs , n'a interdit
les Cures aux Moines , c'eſt-à-dire
fans doute , pour combattre directement la
penfée de mon adverfaire , qu'aucun Concile
ne les a exclus des Cures pour caufe
d'incapacité , tirée de la nature de leur état.
Vous m'oppofez à votre tour , M. quelques
Conciles vrais ou fuppofés ; & la preuve
que vous n'êtes guéres plus éloigné que
lui de fonder les réglemens de ces Conciles
fur l'incapacité des Moines , c'eft que S.
Bernard , dites-vous avec une espece de
complaifance , a avoué lui- même que ces
fonctions ne leur conviennent pas , Voyons
donc ce qui en eſt,
Mais au moment que nous entrons dans
cet examen , n'êtes-vous pas d'abord frappé
de ce nombre prodigieux de Papes , d'Evêques
, & d'Apôtres des Nations , que l'Eglife
dans tous les fiécles a tirés de l'Etat Monaftique
? Et ne vous faites- vous pas cette
queftion à vous-même ? comment fe pourroit-
il faire que les Moines , par leur état
fuffent incapables de pofféder des Cures
pendant que je vois que l'Eglife leur confie
tous les jours la converfion des Infidéles , &
que
MAR S. 1744. 441
que fouvent même elle leur confére la plénitude
du Sacerdoce ? Ce font eux en effet ,
qui ont rempli du nom de J. C. l'Allemagne
, la Pologne , la Ruffie , la Suéde , le
Dannemark , l'Angleterre ; en un mot , toutes
les Régions du Nord ; & actuellement ils
font employés au même miniftere dans les
Miffions de l'Afie , de l'Afrique , & de l'Amerique.
Tous les Evêchés du monde Chrétien
, fans en excepter la Chaire même de S.
Pierre , ont été remplis & le font encore de
tems en tems par des Moines. Pluſieurs de
ces Evêchés enOccident, n'ont jamais eu que
des Moines pour Evêques ; en Orient , fur
quelque fiége que ce foit , il n'y en a point
d'autres. Eh quoi donc ? un Moine peut être
Evêque & Pape ; le nouveau Monde n'eſt
plein aujourd'hui que de Curés Moines ; &
cependant les Moines ne peuvent où ne
doivent pas être Curés ! cela fe comprendil
non fans doute. Mais vous êtes arrêté
par un certain nombre de Conciles , qui ,
felon le P. Thomaffin , ne permettent pas
aux Moines de pofféder des Cures. Hé bien ,
M. je vais vous arrêter auffi un moment
après quoi la difcuffion de ces Conciles ne
vous embarraſſera pas , & la folution de vos
difficultés ſe préfentera d'elle-même.
Votre P. Thomaffin , dans le Chapitre même
dont vous avez tiré vos objections , rap-
B
porte
442 MERCURE DE FRANCE.
tran ,
· non
porte le Canon fuivant du Concile de La
tenu en 1179. Monachi .
finguli per Villas & Oppida , feu ad quascunque
Parochiales ponantur Ecclefias , fed in
majori Conventu aut cum aliquibus fratribus
maneant. Canon , qui comme vous voyez ,
prouve que depuis les Conciles que vous
m'objectez , les Moines n'ont pas laillé d'oc
cuper des Cures , & qui loin de les en chaffer
ou de les en exclure , leur en a au contraire
confirmé la poffeffion , à condition
qu'ils ne quitteroient point le Cloître , ou
qu'ils vivroient dans ces Bénéfices avec
quelques- uns de leurs confreres. A la fuite
de ce Canon , le P. Thomaffin ajoute que le
Pape Innocent III l'a cité , en déclarant
que les anciens Canons ( remarquez bien
ceci ) permettent aux Moines la conduite
des Paroiffes : Per antiquos Canones etiam
Monachi poffunt ad Ecclefiarum Parochialium
regimen in Prefbyteros ordinari. Ces Canonslà
font en effet bien anciens , puifqu'ils parlent
des Moines encore laics. Dans le Chapitre
précédent , qui roule auffi en partie
fur les Cures des Moines , le même P. Thomaffin
avoit obfervé qu'au Concile de Nîmes
de l'an 1096 , le Pape Urbain II prit
leur défenſe , contre ceux qui leur difpu
toient le droit d'exercer les fonctions Curiales.
Il remontra, dit- il , à ceux-ci , que S.
GréMAR
S. 1744. 443
Grégoire Pape , que S. Auguftin de Cantorberi
, que S. Martin de Tours , avoient été
Moines , & n'avoient pas été pour cela inhabiles
à adminiſtrer les clefs de l'Eglife ;
que S. Benoît oblige les Moines à renoncer
aux vanités du fiécle , non pas à la Cléricature
; qu'enfin les plus parfaits imitateurs
de la pauvreté & des autres vertus des Apôtres
, font auffi les plus dignes Miniftres des
fonctions Apoftoliques.
M. Ces principes font inébranlables
mais aufli qu'en réfulte- t'il ? le voici . Que
s'il fe trouvoit quelque Concile qui eût déclaré
les Moines incapables par leur état de
gouverner des Cures , ce Concile fe feroit
arrogé le droit d'infirmer les anciens Cad'où
il s'enfuivroit que ce ne pourroit
être qu'une Affemblée illégitime , ou
dont les décifions en ce genre n'ont jamais
été & ne pourront jamais être d'aucun poids
dans l'Eglife.
nons ,
Pourquoi donc , me demanderez-vous , fe
trouve-t'il un affés grand nombre de Conciles
qui défendent aux Moines l'exercice
des fonctions Curiales ? Je réponds qu'il ne
s'agit point dans ces Conciles des fonctions
du miniftére en général , mais d'un certain
nombre de Cures en particulier , & qu'à
l'égard même de celles- ci , ces faintes Affemblées
ont quelquefois fous-entendu , &
Bij très444
MERCURE DE FRANCE.
très-fouvent exprimé les clauſes , les reftrictions
, & les modifications , avec lesquelles
elles vouloient que l'on entendît & que l'on
exécutât leurs Réglemens.
Dans tous les tems , les Moines ont poffédé
des Cures , & ils les ont poffédées légitimement
, puifque l'Eglife leur en a confirmé
la poffeffion . Donc par leur état ils ne
font point incapables d'en pofféder. Donc
les Réglemens qui leur défendent de pofféder
des Cures , ne peuvent pas s'entendre
de toutes fortes de Cures en général , mais
feulement d'un certain nombre de Cures en
particulier.
Il a été un tems , où fur la feule collation
des Patrons , les Moines fe mettoient en
poffeffion des Cures qu'on leur donnoit ,
fans recourir à l'Evêque Diocéfain. Pour re
médier à cet efprit d'indépendance , le Concile
de Mayence de l'an 847 , Can. 12 &
14 , défendit aux Patrons de donner des
Cures à qui que ce fût , & aux Moines en
particulier d'en recevoir , fans le confentement
de l'Evêque : Interdicendum videtur
Clericis five laicis , ne quis cuilibet Prefbyter●
prafumat dare Ecclefiam fine licentiâ & confenfu
Epifcopi fui. Nullus Monachorum ...
Parochias Ecclefiarum accipere prafumat fine
confenfu Epifcopi. Ce n'eft pas là défendre
les Cures aux Moines , ce n'eft pas non plus
les
MAR S. 1744. 445.
les croire incapables d'en poffeder ; c'eft au
contraire , leur permettre d'en poffeder ,
mais dépendamment des Evêques.
Comme ces permiffions ne fe refufoient
pas , les Moines acquirent bien-tôt un trèsgrand
nombre de nouvelles Cures , & le
Clergé féculier inférieur craignit qu'à la fin
ils ne les envahiffent toutes. Sur fes plaintes
réitérées , les Conciles prirent peutêtre
divers tempéramens , mais le Réglement
porté entr'autres , ou confirmé par le
Concile général de Latran de l'an 1 179 , eft
celui qui fut le plus univerfellement obfervé
, & qui eft encore aujourd'hui en vigueur
, du moins en France . Ce Concile
diftingua deux fortes de Cures parmi celles
que les Moines poffédoient ; les unes qui
leur appartenoient de plein droit , les autres
qui ne leur appartenoient pas d'une maniere
fi étroite. Il leur laiffa le gouvernement
des premieres , fous la condition que
j'ai marquée plus haut , mais il les obligea ,
pour les aauuttrreess ,, de préſenter des Prêtres féculiers
aux Evêques. Ce n'eft pas là interdire
les Cures aux Moines ; c'eft leur défendre
la conduite d'un certain nombre de Cures ,
en les maintenant dans l'adminiftration d'un
certain nombre d'autres.
Cependant n'y a-t'il pas quelque chofe
de plus , & cette obligation de préſenter
Biij des
446 MERCURE DE FRANCE .
des féculiers pour certaines Cures , na t'elle
jamais fouffert d'exception ? Combien de
reftrictions les Conciles , pofterieurs à celui
de Latran , n'y ont-ils pas apportées ? Je
n'en veux point d'autres que celles que vous
avez dû lire dans le P. Thomaffin même .
Premiere reſtriction ,fi ce n'est dans le cas de
néceſſité , autorifée par le Concile de Coignac
en 1238 , Can . 29. Curam Parochialium
Ecclefiarum . ... Monachis inhibemus
nifi in neceffitate , cum Abbatis & ipfius Diocefani
licentia . Seconde reftriction , fi ce n'eft
du confentement de l'Abbé & de l'Evêque ,
autorisée par le même Canon . Troifiéme
reftriction , fi ce n'eft du confentement de l'Evêque
, autorifée par le Concile de Tours
en 1239 , Can. 13. Illud duximus prohibendum
, ne Monachi in Ecclefiis Parochialibus
deferviant , nifi ab Epifcopo in cafibus permif
fis Curam receperint animarum . Quatrième
reftriction , fi on n'a pas le moyen ou la faci-
Lité de confier les fonctions Curiales à d'autres
qu'à des Moines , autorifée par le Concile de
Cologne en 1423 , Can . 7. Statuimus.
ne aliquis Rector.... deputet aliquem Religiofum
.... ad regendum .... Ecclefiam fuam
modo alter idoneus commodè haberi poterit.
Cinquiéme reftriction , fi ce n'est que
Religieux- Curé puiffe vivre en même-tems dans
fon Monaftere, & y obferver la régularité mo-
γ
naftique
....
le
MARS. 1744. 447
naftique , autorisée par les Conftitutions du
Cardinal Campége : Ecclefia tamen fuis
Monafteriis unita , ufque adeo propinque ,
quod Religiofi earumdem Curam habituri , in
Monafterio , fub debitâque obedientiâ ftare poffint
, modo fint habiles & idonei , per hujufmodi
Religiofos provideri poffint . Sixiéme reftriction
, fi ce n'est que le Monaftere , dont la
Cure dépend , foit fort pauvre , autorisée par
les mêmes Conſtitutions . Id quoque permit
timus de Monafterio quod tam tenue eft , ut debitam
fuftentationem habere nequeat ; volentes
Religiofos qualitercunque exemtos Curata
Beneficia habentes , Ordinario loci eſſe ſubjectos.
Septiéme reftriction , fi ce n'est que le
Religieux qu'on propofe , foit d'une vertu &
d'une érudition finguliére , autorisée le
Concile de Cologne en 1536 , Part . 4 , Ch.
18. Decens eft ut Monachi qui Parochiales
Ecclefias .... incorporatas Monafteriis fuis
habent , non per Religiofos .... fed per Vicarios
Prefbyteros feculares , modo haberi poffint
,
par
gubernari procurent..... Non tamen
tam duri hic erimus , quominus interdum viros
Monafticos, quos fingularis vita exemplo , &
Doctrinafalutaris diffeminatione infignes comperiemus
, apud Ecclefias Parochiales relicturi
confirmaturi fimus. Encore une fois , M.
ce n'eſt pas là interdire les Cures aux Moines
, c'eft interpréter le Canon 1x du Con-
Biiij
cile
448 MERCURE DE FRANCE.
cile de Latran , qui leur ordonnoit de préfenter
des Prêtres féculiers pour certaines
Cures de leur dépendance , & décider en
leur faveur , qu'en plufieurs cas néanmoins
ils peuvent les deffervir par eux-mêmes .
Oferois - je vous demander ici ce que
vous penfez du droit des Chanoines Réguliers
, par rapport à l'adminiſtration des Čures
? Ce droit , me direz-vous , leur eft inconteftablement
acquis ; le Concile de Poitiers
de l'an 1100 les y a confirmés en termes
exprès , pendant qu'il en a exclû formellement
les Moines : Ut Clericis regularibus
, dit-il , Can. 10 , juffu Epifcopi fui baptifare
, pradicare , poenitentiam dare , mortuos
Sepelire liceat. Et Can . 11. Ut nullus Monachorum
Parochiale minifterium Prefbyterorum ,
id eft baptifare , prædicare , poenitentiam dare
prafumat. Fort bien. Mais pourquoi donc ,
quelque tems avant ce Concile , l'Abbé de
S. Jean-des-Vignes de Soiffons , fut-il obligé
de recourir au Pape Urbain II , pour obtenir
de lui la permiffion de faire deffervir
par fes Religieux les Cures qui dépendoient
de fon Monaftere ? Prafentium literarum auctoritate
, lui répondit le Pape , concedimus , ut
in Parochianis Ecclefiis , quæ ad veftrum Monafterium
pertinent , Regulares vobis liceat
clauftri veftri Clericos Ordinare qui Ecclefiis
ipfisferviant , & populi adjacentis Parochiam
SalMAR
S. 1744. 449
falvo Epifcopi jure debito , folicite procurare.
non negligant. Cette conceffion femble nouvelle
au P. Thomaffin , car , dit- il , s'il eût
été libre ou ordinaire d'en uſer de la forte ,
cet Abbé n'eût pas eu recours au Pape , ou
il ne lui eût au plus demandé que la confirmation
de l'ufage commun. Et la raifon eft ,
ajoute-t'il , que l'Ordre des Chanoines Réguliers
étoit alors fort nouveau .
Il n'en étoit donc pas de ces nouveaux Religieux
, comme des Moines . Si ceux - ci
avoient acquis depuis deux ou trois fiécles
un grand nombre de Cures , ils en poffedoient
auffi de toute antiquité un certain
nombre d'autres qu'ils avoient fondées euxmêmes
pour la plupart , où qui avoient été
incorporées à leurs Monafteres dès les pre-.
miers tems de leur fondation , & qui leur
appartenoient de plein droit. C'étoit une
partie de leur patrimoine , & il y auroit eu.
une injuftice manifefte à les en dépouiller
fans caufe ; auffi les adminiftroient- ils fans
conteftation , ou du moins affés paiſiblement.
Mais à l'égard de toutes celles dont
les laïcs s'étoient emparés fous la feconde
Race de nos Rois , & qu'ils avoient depuis
rendues à l'Eglife entre les mains des Moines
, les féculiers ne pouvant fe diffimuler à
eux-mêmes , que c'étoit leur bien qu'on
leur avoit enlevé , & qu'on reftituoit à d'au-
B v tres
450 MERCURE DE FRANCE.
tres qu'à eux , ne négligerent rien pour le
revendiquer ; ils pourfuivirent fans relâche
les nouveaux poffeffeurs , & ne quitterent
point prife , qu'ils n'euffent enfin obtenu
avec une partie du revenu de ces Bénéfices
le droit de les deffervir .
Au milieu de ces conteftations , les Chanoines
Réguliers parurent ; on leur donna
des Cures comme aux Moines , & comme
eux ils furent inquiétés. Il ne s'en trouvoit
point entre leurs mains de la nature de celles
que les Moines poffèdoient de tems immémorial
, puifqu'ils ne faifoient que de
naître , & qu'ils étoient encore au berceau.
Ils ne tenoient done que des Cures de l'eſpece
de celles , qui avoient toujours appartenu
aux féculiers , ou qui après avoir été
enlevées à ceux -ci par les laïcs ,
les laïcs , étoient enfin
rentrées dans le Domaine de l'Eglife.
Et comme les féculiers conteftoient aux
Moines ces dernieres , ils ne crurent pas
devoir faire plus de grace aux Chanoines
Réguliers , puifque ceux- ci , au moyen de
leurs voeux , n'étoient pas moins Religieux
que les Moines ; que parconféquent ils formoient
une efpece de famille diftincte du
Clergé féculier , & qu'il ne paroiffoit pas
jufte de mettre l'une en poffeffion de l'hériage
de l'autre.
Ces raifons , qui militoient également
contre
MAR S. 1744.
451
contre tous les Réguliers , foit Moines , foit
Chanoines , fans diftinction , étoient frappantes
, & l'on fent bien que fans la protection
du S. Siége , & la condeſcendance des
Evêques , les Chanoines Réguliers couroient
rifque d'être évincés , auffi-bien que les
Moines. Mais les Papes & les Conciles eurent
égard aux demandes de toutes les Parties.
Les Moines demeurerent en poffeflion
d'adminiftrer les Cures qui leur apparte
noient de plein droit & de toute antiquité ,
comme les féculiers joüiffoient paiſiblement
de celles qui avoient toujours été entre
leurs mains. A l'égard des Cures nouvellement
données en pur don aux Monaſteres ,
ou reftituées à l'Eglife en leur faveur , comme
les Chanoines Réguliers n'en avoient
point d'autres , & que la plus grande partie
de leursMaifons ne pouvoit fubfifter qu'avec
le fecours de ces donations ou de ces reftitutions
, on leur en laiffa totalement la con
duite & la propriété. Mais on obligea les
Moines qui en avoient d'anciennes en affés
grand nombre , de fe contenter de cellesci
, & de céder l'adminiftration des nouvelles
à des Prêtres ou à des Vicaires féculiers ,
en s'en réſervant néanmoins le titre avec
une partie des revenus , l'autre partie abandonnée
à ces derniers pour leur defferte.
C'est là , M. le véritable fens du Con-
B vj
cile
452 MERCURE DE FRANCE.
cile de Poitiers , & celui des deux ou trois
autres que vous m'avez objectés . Ces Conciles
ne décident point que les Moines foient
incapables par leur état de pofféder des Cures
; ils en font tout auffi capables que les
Chanoines Réguliers & que les Prêtres féculiers
, & de tout tems ils en ont poffédé
légitimement. Mais l'invafion des Cures par
les laïcs , & leur reftitution , a donné lieu à
un nouveau droit dans l'Eglife ; il a été dit
que les Chanoines Réguliers pourroient adminiftrer
celles-ci par eux-mêmes , & que
les Moines y commettroient des Prêtres féculiers
, d'où il s'enfuit fimplement que les
Chanoines Réguliers , quoique Religieux ,
peuvent adminiftrer certaines Cures , que
les Moines précisément , parce qu'ils font
Religieux , ne peuvent plus adminiftrer
fans difpenfe.
En un mot , il y a des Cures régulieres &
des Cures féculieres. A la vérité , parmi les
régulieres , les unes le font de tems immé
morial , & la plupart dès leur origine ; celles-
ci appartiennent aux Moines de plein
droit ; les autres originairement féculieres
ne fe trouvent aujourd'hui en régle , que
parce que l'Eglife, dans des tems poftérieurs,
a permis aux Chanoines Réguliers de les
deffervir. Cependant de maniere ou d'autre ,
foit anciennes foit nouvelles , les Régulieres
font
MAR S. 1744. 453
font réfervées aux Réguliers , comme les féculieres
ne peuvent être adminiftrées que
par les féculiers. Mais de ce qu'un Chanoine
Régulier n'a aucun droit fur les Cures féculieres
ou monaftiques , feriez -vous homme
à conclure que les Cures lui font interdites ,
ou que par fon état il eft incapable d'en pofféder
? Ne tombez donc pas dans le même
vice de raifonnement à l'égard des Moines.
Voici pour parler correctement
ce qu'il
faut dire. Tout Prêtre , en vertu de fon Sacerdoce
, a le pouvoir d'exercer les fonctions
du miniftere ; nulle diftinction là-deffus
, entre le Régulier & le Séculier ; mais
foit de l'un foit de l'autre Etat , tout Prêtre
n'en a pas le droit ou l'exercice. L'Eglife
n'accorde ce droit qu'à ceux d'entr'eux à qui
elle confie la Cure des ames , & elle la confie
indiſtinctement
aux Religieux comme
aux Séculiers , aux Moines comme aux Chanoines
Réguliers . Ainfi eu égard à l'exercice
du pouvoir , elle a fait un partage des Cures
en trois Claffes ; les premieres , fout demeurées
aux Séculiers ; les fecondes , aux Moi-.
nes ; les troifiémes , aux Chanoines Réguliers.
On ne peut donc dire , ni des uns ni
des autres , qu'ils font incapables d'adminiftrer
des Cures , quoiqu'on puiffe dire de
tous féparément
, qu'il y a certaine efpece
de Cures qu'ils ne peuvent point adminif
trer.
Il
454 MERCURE DE FRANCE.
1
Il ne faut point terminer cet Ecrit , fans
vous faire obferver , M. que vous attribuez
à un Concile de Rouen de l'an 1074 ,
un Canon qui n'en fut jamais , & qui ne fe
trouve en effet , ni dans l'Edition du P.
Pommeraie , ni dans celle du P. Beffin. Il
eft vrai que le P. Labbe l'a inféré dans la
fienne , mais feulement à la fuite de ce même
Concile , comme l'ayant trouvé ainfi
dans une copie qu'il avoit entre les mains
fans fçavoir pourtant de quelle autorité il
étoit émané. Et le P.Thomaffin,votre guide ,
vous en auroit également averti , fi vous y
aviez été attentif. On trouve , dit-il , dans la
fuite d'un autre Concile de Rouen , &c. c'eſt -àdire
, dans ce que le P. Labbe a imprimé à la
fuite d'un autre Concile de Rouen , &c. Je
foupçonne donc que vous avez lû par mégarde.
On trouve dans la fuite un autre Concile
de Rouen , &c. ce qui fait un fens trèsdifferent.
Au refte , vous avez bien lû le
Texte du Canon : Ut nulli Monacho Parochia
regenda committatur , mais vous n'en
avez pas pris le fens. Après le mot Parochia ,
il faut fous-entendre , comme dans tous les
autres Canons femblables , le mot Secularis.
Je n'infifterai point fur ce que vous voulez
bien me remettre fous les yeux , touchant
S. Bernard & d'autres Saints Solitaires
MARS. 1744. 455
res , lefquels ont avoué eux-mêmes que les
fonctions curiales ne conviennent point aux Moines,
& qu'ils doivent vivre dans la retraite &
Le filence. Cependant , je ne puis m'empêcher
de vous repréfenter , que pour me mettre
au fait des fentimens de S. Bernard , il
a dû me paroître bien étrange que vous
m'ayez renvoyé à je ne fçais quelles Difquifitions
fur l'Ordre des Chanoines. Comme il
paroît que vous n'avez étudié les Conciles
que dans la Difcipline du P. Thomaffin , où
il y a cependant bien des chofes à retoucher
, vous n'avez peut-être étudié non plus
S. Bernard que dans ce Livre-là , Livre infiniment
moins connu , moins bon , moins
folide , & moins propre à nous inftruire des
fentimens du Saint Abbé , que fes propres
Ouvrages. On a dû pourtant vous remontrer
fouvent , que la vraie maniere de vous
perfectionner dans vos études , étoit de lire
les Conciles dans les Conciles mêmes , &
les Peres dans les Peres . Nous fçavons , Dieu
merci , tout ce que les ames élevées dans le
fein de l'état monaftique , & véritablement
mortes au monde , ont penfé , pour me fervir
encore une fois des termes de votre P.
Thomaffin , de cette efpece d'incompatibilité ,
que leur profonde humilité leur faifoit
trouver entre les fonctions Curiales & les exercices
du Cloitre. Mais nous fçavons auffi
que
456 MERCURE DE FRANCE .
que ce font ces fentimens-là mêmes , qui
felon le Pape Urbain II , dont nous parlions
plus haut , ne les ont rendues que plus dignes
de gouverner les Peuples , non -feulement
en qualité de fimples Curés , mais encore
en qualité de Miffionnaires des Nations
, & de premiers Pafteurs ; Apoftolicis
documentis & Sanctorum inftitutis , non folùm
Monachis , verùm Canonicis fummopere imperatur
ut mortui mundo fint . Itaque videtur nobis
, ut his qui fua relinquunt pro Deo dignius
liceat baptifare , communionem dare , poenitentiam
imponere , necnon peccata folvere.
as ésésésés és és és ésés as asas as as asses as as is ess
EPITRE à M. Nicolas Lercari , Vice - Légat
d'Avignon , nommé par S. S. Sécrétaire de
la Congrégation de Propagandâ fide .
LAA Vertu fous vos traits adorée en ces Lieux ,
Enchantoit nos regards & fixoit tous nos voeux ;
Vous partez ; elle emporte avec vous nos hommages
;
Nos jours vont déformais fe couvrir de nuages ;
Ce Peuple qui pour vous brûloit un pur encens ,
Change fes cris de joye en regrets impuiſſans ;
Nous vous perdons enfin; Rome qui vous rappelle ,
Vous couvre, malgré vous , d'une gloire nouvelle
Et conduifant vos pas au- devant des honneurs ,
Veut
MARS.
457 1744.
>
Veut au mérite feul accorder fes faveurs ;
L'Interpréte de Dieu , ce Chef du Sanctuaire
Qui du Monde Chrétien eft le Maître & le Pere ,
Ce digne Imitateur de l'Apôtre fameux ,
Dont la main fouveraine ouvre & ferme les Cieux,
Voulant que la Vertu reçoive un nouveau luftre ,
Vous éleve en la Cour au rang le plus illuftre ;
Prélat , de tes pareils le modéle éclatant ;
Va ; cours dans la carriére où la gloire t'attend ;
Augmente la fplendeur de ta haute naiffance ;
Pour toi , la vérité va rompre le filence ;
Tu l'entendras redire à Rome , à l'Univers ,
L'éloge de ce nom qui confacre mes Vers ;
Déja dans ces Climats fa voix eft entenduë ;
Quels Tableaux, en effet, viennent frapper ma vûë ,
de Monumens te peignent à nos coeurs !
Le (4) Pauvre heureux , par toi voit effuyer fes
Et que
pleurs ;
Comme fon Bienfaicteur , il t'aime , te révére ,
Et tes mains pour jamais écartent la miſére ;
Le (b) vice, en frémiffant, baiffant un front altier ,
Tombe aux pieds de la Croix, & fçait s'humilier ;
Le Cloître voit la paix habiter fon enceinte ;
La pudeur reparoît , & banniffant la crainte
N'ayant plus à rougir devant l'impureté ,
Sans voile offre à nos yeux fa modefte beauté ;
>
(a ) La conftruction d'un Hôpital à Avignon.
(b ) Les Libertins châtiés.
Thémis
458 MERCURE DE FRANCE,
Thémis (c) reprend enfin fon glaive & fa balance ;
Elle punit le crime , & foutient l'innocence ;
L'appui du malheureux , mere de l'orphelin ,
Fermant à l'intérêt & les yeux & la main ,
Elle les tient ouverts pour la feule juſtice ;
On ne doit qu'à toi feul ce changement propice ;
Le (d) Voyageur furpris , admire ces chemins ,
Qui ſemblent effacer les travaux des Romains ;
Il partage les fruits de ta rare prudence ,
Et le bonheur d'autrui devient ta récompenſe ;
Les Beaux-Arts , par tes foins , venus dans ces Climats
,
Vont nous abandonner, pour marcher fur tes pas;
De (e) la Religion contemple la triſteſſe ;
Peut - elle nous cacher la douleur qui la preffe
Elle perd en ces Lieux fon plus cher Bienfaicteur ;
Lercari fait fa gloire , ainfi que fon bonheur ;
Vas donc de fon Empire aggrandir les limites ;
Les honneurs les plus grands font ceux que tu mérites.
S* B * , Avocat à Carpentras.
(c) Lajustice & la tranquillité renduës à l'Etat.
(d) Les Chemins réparés.
(e) Les Communautés gratifiées.
LET
MARS. 1744.
459
LETTRE de M...... à M. l'Abbé
Lebeuf, Chanoine & Sous -Chantre de l'Eglife
Cathédrale d'Auxerre , de l'Académie
Royale des Belles - Lettres , au sujet des
Rogations.
A
Ux Rogations dernieres , Monfieur
je cherchai l'origine de cette Cérémonie
dans la Concordance des Bréviaires de
Rome de Paris, imprimée à Paris en 1740,
& dont on a depuis changé le titre en celui
de Calendrier Hiftorique , &c. j'y ai trouvé
à la page 49 , au 10 Mai , que S. Mamert ,
Evêque de Vienne , inftitua les Proceffions des
Rogations , fous le Regne de Clovis , & c. &
p. 183 , que ces Proceffionsfurent inftituées par
S. Mamert en 474 , & étendues par toute la
France par un Concile d'Orleans , tenu en l'an
SII.
Comme cet Ouvrage n'eft pas partout
exact , ainfi que vous l'avez fait voir dans
l'Extrait que vous en avez donné , qui a été
inferé dans le Mercure : j'ai confulté quelques
autres Auteurs .
Le Dictionnaire de Morery , au mot Rogations
, remarque pareillement que ce fut
S. Mamert qui établit ces Priéres publiques
dans fon Diocèſe en 474 ; que ce fut pour
faire
460 MERCURE DE FRANCE .
faire ceffer les tremblemens de terre & pour
délivrer le Peuple d'une infinité de Loups.
enragés , qui défoloient la Campagne , &
qui entroient même jufques dans les Villes,
où ils dévoroient tous ceux qu'ils rencontroient.
Que le jeûne & les Priéres des
trois jours , qui avoient fait cefler ce fleau ,
furent continués depuis ; que le Concile
d'Orleans , en II , les ordonna dans toute
la France , dans le même- tems qu'elles fe faifoient
à Vienne ; que cet ufage paffa en Efpagne
vers le commencement du VII . fiécle,
& même plûtôt, mais que les trois jours
étoient le Jeudi , le Vendredi & le Samedi
d'après la Pentecôte ; qu'elles ont été reçûës
plus tard dans les Eglifes d'Italie , & que ce
ne peut être que fur la fin du VIII . fiécle
qu'elles y ont été introduites ; que Charlemagne
& Charles-le-Chauve ont fait des
Loix pour l'obfervation des Rogations , &
des défenfes de travailler en ces jours , ce
qui a été long - tems obfervé dans l'Eglife
Gallicane ; que le jeûne qui s'obfervoit régulierement
dans fon origine , a dégeneré
depuis en fimple abftinence ; que ces Proceffions
ont depuis été appellées petite Litanie
, ou Litanie Gallicane , pour les diftinguer
de la grande Litanie , ou Litanie Romaine
, inftituée par le Pape Grégoire le
Grand , l'an , 90 , laquelle fe fait le 7 des
t
Calendes
MARS . 1744. 461
Calendes deMai ,c'est-à-dire le 2 5 Avril , jour
de S. Marc ; mais que comme elles avoient
été inſtituées par un Evêque, on les appella
petite Litanie , parce que l'autre avoit un
Pape pour Auteur ; enfin que les Grecs &
les Orientaux ne fçavent ce que c'est que
Rogations , & il renvoye à Grégoire de
Tours , Avitus & Baillet .
Grégoire de Tours, Lib . Hift. 2 , Can. 34 ;
dit en effet d'après S. Alcime Avit , Refert
Avitus in quadam Homilia quam de Rogationibus
fcripfit , has ipfas Rogationes quas ante
Afcenfionis Domini triumphum celebramus , à
Mamerto , ipfius urbis Epifcopo , cui & bic
boc tempore præerat inftitutas fuiſſe dum urbs
illa multis terretur prodigiis .
Le P. de Colonia , en fon Hiftoire Littéraire
de la Ville de Lyon , Tom. I. p. 145 ,
en parlant de S. Mamert , qui avoit été à
Lyon , non-feulement lui donne mal-à-propos
le titre d'Archevêque , qui n'a été connu
en France que depuis le premier Concile
de Mâcon , tenu en l'année 581 , mais il
foutient auffi que S. Mamert a été le véritable
& premier Inftituteur des Proceffions
des Rogations ; il fe fonde fur l'Homélie de
S. Avit , fucceffeur de S, Mamert , & fur le
témoignage de S, Grégoire de Tours , dont
il rapporte les termes ; il fe fonde auffi fur
ce que dit Sidoine Apollinaire, Liv.
Epit.
462 MERCURE DE FRANCE.
Epit. 14 , où il écrit à fon ami Aper , Rogationum
... nobis folemnitatem primus Mamertus
Pater & Pontifex reverentiffimo exemplo
, utiliffimo experimento , invenit , inftituit ,
invexit. Enfin il fe fonde encore fur une
Note que le P. Sirmond a mis fur cette
Lettre de Sidoine , & qui eft conforme au
Texte.
*
Je crois cependant , nonobftant ce que
difent ces Auteurs , que les Priéres qui fe
font au tems des Ragations , étoient déja
ufitées avant S. Mamert , & que ce S. Evêque
ne fit que les rétablir , en prefcrire plus
étroitement l'obligation , y donner une
meilleure forme , & rétablir l'obligation du
jeûne dont on s'étoit relâché.
La folemnité des Rogations , quoique
toute Chrétienne , a fuccedé à une Céremonie
payenne , qui avoit à peu près le même
objet , car de tout tems les Peuples ont
fait des Priéres pour la confervation des
fruits de la terre , & particulierement dans
le tems de nos Rogations , où la rouille eſt
plus à craindre pour les moiffons.
La Nourrice de Romulus , appellée Acca
Laurentia , avoit coûtume de faire tous les
ans un Sacrifice , pour demander aux Dieux
une recolte abondante , & y faifoit affifter
fes douze enfans; l'un d'eux étant mort ,
Romulus , qui étoit bien aife de feconder
la
MARS. 17.44.
463
la dévotion de fa Nourrice , prit la place du
défunt , afin de remplir le nombre de douze
, & voulut qu'on appellât cette Societé
le Collége des Freres Arvales , du mot Latin
Arvum , qui fignifie Champ ; & depuis
cette Societé retint toûjours le même nom.
Ces Freres Arvales faifoient le tour de la
Ville & des Champs , en priant Cybele de
conferver les biens de la terre ; on appelloit
cette Cérémonie Amburbium , ou Ambarvale.
Pline , Liv . 18 , dit que Numa inftitua
des Fêtes , appellées Rubigales ou Rubigalia ,
aufquelles l'on faifoit des Prieres pour détourner
de deffus les moiffons la rouille appellée
en Latin Rubigo , qui s'y attache ordinairement
dans ce tems. Jean Ravifius ,
en fon Officina , dit , parlant de ces Fêtes ,
que les Rogations y ont fuccedé , quales
funt , dit-il , noftro tempore fupplicationes amburbia
& ambarvales quæ fiunt ut fructus terra
agricolarum voto refpondeant ... que nunc
aguntur ad feptimum Calendarum Maii , quoniam
tunc ferè fegetes Rubigo occupat.
Il eft probable que les Peuples Idolâtres,
qui avoient coûtume de faire ces Priéres
publiques
à leurs faux Dieux pour la confervation
des moiffons , étant devenus Chrétiens
addrefferent leurs Priéres au vrai
Dieu pour le même ſujet,
H
464 MERCURE DE FRANCE.
Il eft vrai que les Proceffions & Stations
d'une Eglife dans l'autre, n'ont pû être pratiquées
dans les premiers tems du Chriftianilme,
où il n'y avoit point encore d'Eglife,
mais on commença à en bâtir dans les Villes
vers l'an 118 , & dans les Villages , vers
l'an 400 ; d'ailleurs les Priéres des Roga
tions ont pû être établies avant les Proceffions
, & les Proceffions même ont pû être
établies avant que le nombre des Eglifes fe
fût beaucoup multiplié ; les Proceffions de
chaque Eglife faifoit le tour des Champs de
leur Territoire , d'où elles ont été appellées
Supplicationes Amburbia ou Ambarvales.
Le P. de Colonia convient , avec le P.
Sirmond , que l'ufage des Proceffions & des
Litanies eft beaucoup plus ancien que S.
Mamert , & qu'on en trouve l'origine dans
le III. fiécle , & peut - être dans des
tems encore plus reculés , comme on le peut
voir dans l'Ouvrage fingulier de Serarius
intiulé Litaneuticus , c'eft-à- dire Recherches
ou Traités fur les Litanies.
Ils prétendent , il eft vrai , que ces Proceffions
n'étoient pas les mêmes que celles
qui fe font au tems des Rogations. Mais
quel auroit été leur objet ? Ce n'étoient pas
les Proceffions des Dimanches, qui n'ont été
inftituées qu'en l'an 550 , par le Pape Agapet
, ni celle de la Fête de S. Marc , qui n'a
été
MARS. 1744. 465
été inftituée qu'en 590 , par S. Grégoire le
Grand , à l'occafion de la pefte , qui faifoit
alors de grands ravages dans Rome . Ce n'étoit
pas non-plus la Proceffion du S. Sacrement
, qui n'a été inftituée que par Jean
XXII , au commencement du XIV fiécle ;
ce qui me fait croire que les Litanies ou
Prieres publiques & les Proceffions que l'on
faifoit dès avant le . III . fiécle , avoient le
même objet que celles que l'on fait préfentement
aux Rogations . Elle fe faifoient de
même pendant les trois jours qui précédent
la Fête de l'Afcenfion de N. S. On jeûnoit
pendant ces trois jours ; on faifoit des aumônes
, des Prieres publiques & des Proceffions
, qui duroient toute la matinée.
On trouve dans les anciennes Editions
des OEuvres de S. Auguftin , telle que celle
de Bafle en 1543 , trois Homélies intitulées
de Letania , c'est-à-dire des Prieres , fuppli .
cations & Proceffions.
La premiere de ces Homélies , qui eft le
Sermon 173 , fait mention d'un jeûne qui
étoit obfervé dans toute l'Eglife pendant
trois jours , où les Fidéles étoient obligés de
s'affembler : Nullus fe à fancto conventu fubducat.
Dans l'Homélie fuivante , qui eft le Sermon
174 , in vigilia Afcenfionis , il eft dit
que ce tems eft un tems de componction &
C de
466 MERCURE DE FRANCE.
de pénitence , Quia dies compunctionis &poenuentia
celebramus, & ideo non nos oportet nimio
rifu vel in aliquo minus cauro & congruo
cachinno diffolvi:&c.Orexhorte le Peuple de
redoubler fes prieres pendant ce tems : cum
ingenti rugutu vel gemitu , affiduis orationibus
largioribus Eleemofinis debemus Dei mifericordiam
implorare , ut ipfe nobis mifericor
diam & benedictionem aquarum cæleftium ...
profpera dignetur profuâ pietate. On aver
tit le Peuple de fe trouver à la Proceffion
& de ne point chercher d'excufe fur les af
faires ou fur la longueur du chemin , pour
n'y point afſiſter. Nullus fibi de induſtriä aliquas
occupationes inquirat per quas fe de Ecclefia
conventu fubducat ... non licet vos de Eccle
fie conventu fubftrahere , quia non tam longo
fpatiofatigamur, ut hoc fuftinere non valeamus.
La Proceffion fe faifoit le matin , & duroit
fix heures , c'eft- à-dire toute la matinée,
Qui in iftis fex horis de conventu Ecclefie non
fubducit fe , & c. Enfin le jeûne & les Prieres
duroient trois jours : Qui in iftis tribus
diebus jejunando , orando & pfallendo medicamentafpiritualia
fihi non requirit , & c. & ces
trois jours étoient avant l'Aſcenſion ; je ne
fçais où les Continuateurs de Moreri ont
trouvé que les Rogations fe faifoient le Jeudi,
le Vendredi & le Samedi d'après la Pentecôte,
à moins qu'ils n'ayent voulu dire que
cela
MARS. 1744.
457
cela fe partiquoit ainfi en Eſpagne , dont ils
parlensun peu auparavant. J'ignore fi tel
étoit l'ufage d'Espagne , mais dans les Gaules
, je crois que les Rogations ont toujours
été les trois jours d'avant l'Afcenfion . Il femble
qu'en cet endroit de Moreri on avoit
confondu les Rogations avec l'un des jeûnes
des Quatre- tems , qui arrive le Mercredi , le
Vendredi & le Samedi d'après la Pentecôte ,
quoique les Quatre - tems foient beaucoup
plus anciens que les Rogations , & qu'ils
ayent un autre objet.
Enfin dans la derniére de ces Homélies ,
il est encore parlé d'un tems de jeûne.
Si ces trois Homélies étoient en effet de
S. Auguftin , auquel on les a d'abord attribuées
, il ne faudroit pas chercher d'autre
preuve que les Rogations étoient établies
avant S. Mamert , puifque S. Auguftin fiégeoit
fur la fin du IV. fiécle & au commencement
du V. fiècle.
Mais ces trois Homélies ont été rejettées
par les Editeurs Bénedictins dans l'Edition
des OEuvres de S. Auguftin , commencée en
1679 , & continuée les années fuivantes ;
ces Sçavans les ont placées dans l'Appendix
qui eft à la fin du Tome V , imprimé en
1683 , Part. 2 , contenant les Homélies ,
mal à propos attribuées à S. Auguſtin .
Sur la premiere de ces trois Homélies,ils
Cij
ont
468 MERCURE DE FRANCE.
ont remarqué que dans la Bibliothèque des
Peres , cette Homélie eft la 37 de celles de
S. Cefaire , Evêque d'Arles , qui ne fiégea
qu'au commencement du VI fiécle , & qu'elle
lui eft pareillement attribuée dans un Manufcrit
de la Chartreufe de Portes , fituée
dans le Bugey , & dans plufieurs autres Manufcrits
; que Vignier l'avoit donnée toute
tronquée dans un Supplément des OEuvres.
de S. Auguftin , & dans la Note qui eft en
marge ; les Editeurs renvoyent au Sermon
47 de S. Cefaire , intitulé Dies Medicinales.
Sur la feconde Homélie , ils remarquent
que les Docteurs de l'Univerfité de Louvain
, dans l'Edition qu'ils ont donnée des
OEuvres de S. Auguftin , avoient déja regardé
cette Homélie comme fufpecte ; que
Verlin & Vinding , la tenoient pour fauffe:
qu'on y reconnoît le ftyle de S. Cefaire &
fes phrafes les plus ufitées , dont ils donnent
plufieurs exemples.
Enfin fur la troifiéme Homélie , ils remarquent
pareillement que les Editeurs de Louvain
l'avoient jugée douteufe ; que Verlin
& Vinding la regardoient comme fuppofée ,
à cauſe de la dureté du ftyle ; qu'il paroît
bien que ce Difcours a été prononcé dans
un tems de jeûne , mais qu'il eft incertain
que c'ait été dans le tems des Rogations ,
quoique dans les Manufcrits & dans les anciennes
MARS. 469 1744.
ciennes Editions , il foit placé avant la Fête
de l'Afcenfion .
On ne peut donc fe fonder fur ces
pas
trois Homélies
, pour établir que les Rogations
étoient déja établies avant S. Mamert
& du tems de S. Auguftin ; mais on en trouve
ailleurs quelques traces dans S. Auguſtin
même , & dans plufieurs autres Auteurs contemporains
ou même plus anciens , que le
R. P. Bonnaud , Religieux de l'Abbaye de
S. Germain- des- Prés , a eu la bonté de m'indiquer.
Il eft certain d'abord que S. Auguftin a
parlé de Proceffions & de Prieres publiques
dans fon Traité de civitate Dei, liv. 22 , chap.
8 , n. 10 & 11 , où il dit à l'occafion des
Reliques de S. Etienne , premier Martyr ,
ad aquas Tibilitinas Epifcopo afferente Reliquias
Martyris gloriofiffimi Stephani , ad ejus
memoriam veniebat magna multitudinis concurfus.
Sans avoir recours à la nouvelle Edition
de S. Auguftin , on n'a qu'à ouvrir le
Breviaire des Bénédictins au 3 Août , on y
trouve la VIIe & la VIIIe Leçons de Matines
, tirées de ce Chapitre de S. Auguſtin
& dans le nouveau Bréviaire de Paris au
même jour 3 Août , on a compofé toute la
V Ie Leçon du même Texte avec ce Titre ,
ex Lib, de civit. Dei , lib. 22 , c. 8 .
S. Chryfoftôme , qui compofa la plûpart
Ciij
de
470 MERCURE DE FRANCE.
de fes Ouvrages , depuis qu'il fut fait Dia
cre , jufqu'à ce qu'il fut élevé au Patriarchat
de Conftantinople , c'eft-à-dire , depuis l'an
380 jufqu'en 396 , parle auffi de Proceffions
& de Prieres publiques dans cinq de
fes Homélies , Tom. 2 de la nouvelle Edition
, dont les quatre premieres que l'on va
citer , ont été prononcées hors de la Ville ,
aux Oratoires & aux Tombeaux des Martyrs.
Dans l'Homélie de coemeterio & cruce , p.
392 , S. Chryfoftôme avertit que l'ufage
pour lequel le Clergé & le peuple alloient
enfemble célébrer le fervice Divin hors de
la Ville , n'étoit pas nouveau ; que c'étoient
leurs ancêtres qui l'avoient établi , ce qui
fait remonter l'origine de cet ufage ,au moins
à la paix procurée à l'Eglife , par la converfion
du Grand Conftantin.
Dans une autre Homélie , de Afcenfione ,
P. 447 , on voit que le Clergé conduifoit le
peuple hors de la Ville , vos buc adduximus ,
&c. p. 448.
Dans l'Homélie du Martyr Phocas , pag.
704 , il dit que le jour précédent on avoir
porté dans la Ville avec pompe , le S. Mar-
Phocas , c'eſt-à-dire , fes Reliques ; qu'elles
avoient beni la place publique , & qu'on
alloit procurer le même avantage à la Mer
où on alloit les conduire , vidifti eum per fotyr
rum
MARS. 1744. 471
rum ductum , cerne jam ipfum per mare navigantem
, ut Elementum utrumque ejus benedictione
repleatur ; à quoi paroît conformé l'ufage
obfervé dans le tems des Rogations , de
benir les champs , les arbres , les fruits de la
terre & les riviéres * . S. Chryfoftome exhorte
ici vivement tous les habitans de fe
trouver au moins à cette feconde Proceffion
: Saltem hodie adefto ... non Virgo domi
remaneat , &c. exhauriamus urbem & nos ad
fepulchrum Martyris conferamus , nam & Imperatores
nobifcum choreas ducunt ; quamnam
igitur veniam meretur privatus , cum regia pa-
Latia deferant Imperatores , &c.
Il parle encore de ces fortes de Proceffions
aux Tombeaux des Martyrs , dans fon Homélie
in Martyres , pag. 667 .
Enfin dans fon Homélie de terra motu ,
pag. 718 , faite à l'occafion d'un tremblement
de terre , qui étoit arrivé depuis peu ,
il releve l'utilité de la Pfalmodie , qui dans
une Proceffion , qu'on avoit faite à l'occafion
de ce terrible fléau , avoit fanctifié l'air,
le pavé , la place publique , toute la Ville
étant devenue par-là comme une Eglife ,
aër quippe fanctificatur per Pfalmodiam ..
fanctificatis folum , forum : urbem nobis Ecclefiamfeciftis.
* A Paris , le Clergé de N. D. benit la Seine , par
une fenêtre d'une des maisons du Pont- au- Change.
C iiij S.
472 MERCURE DE FRANCE.
S. Bafile , Evêque de Cefarée , qui mourut
l'an 378 , dans une de fes Homélies de
Sancto Mamante Martyre , Tom. I vet. Edit.
fait auffi mention des Proceffions qui fe faifoient
aux Tombeaux des Martyrs.
• • ..
Et S. Gregoire de Nazianze , qui étoit à
peu près contemporain de S. Bafile , & qui
fut Evêque de Conftantinople depuis l'an
379, jufqu'en 381 ou 382 , qu'il fe démit
de fon Evêché , parle auffi de Proceffions &
de Prieres publiques : Oratione 43 , de novâ
Dominicâ , de Vere, & de Santo Mamante.
Sidoine Apollinaire , qui vivoit à peu
près dans le même- tems que S. Mamert , fait
auffi mention des Rogations qui fe pratiquoient
avant Saint Mamert ; après avoir
dit , que Rogationum nobis folemnitatem
primus Mamertus... invenit , înftituit,
invexit : Il ajoute , erant quidem prius ( quod
falva fidei pacefit dictum ) vaga , tepentes , infrequentesque
, utque fic dixerim ofcitabunda
Supplicationes , qua fæpe interpellantium prandiorum
obicibus hebetabantur , maxime aut imbres
aut ferenitatem deprecature , ad quas ( ut
nil amplius dicam ) figulo pariter atque ortulano
non oportuit convenire ; in his autem quas
fupra fatusfummus Sacerdos nobis protulit
pariter & contulit , jejunatur , oratur , pfallitur
, fletur.
Les Auteurs de Gallia Chriftiana, Tom. 1,
à
MARS. 1744. 473
à l'article de S. Mamert , difent pareillement
hic ufum Rogationum & facrarum litaniarum
cultu remiffione negle&tum in Galliis feliciter
reftituit apud fuam Ecclefiam inducens
cum Viennenfis urbs terra motibus , aliisve prodigiis
turbaretur , quas difertè exponit Alcimi
viti , Epifcopi Viennenfis Homilia condita ,
à quo ufu confuetudo Rogationum procefferit.
Ils obfervent enfuite que le Concile tenu à
Vienne à ce fujet , fut vers l'an 474 , & tion
pas en 452 , comme l'a écrit Adon . Du refte ,
ils adoptent le témoignage d'Adon , qui attefte
après Sidoine , que S. Mamert ne fut
que le reftaurateur des Rogations & non
pas l'inftituteur. Has igitur non à Mamerto
primumfuiffe inftitutas ,fed tantum collapsâ difcifplina
reformatas, poft Adonem teftatur Sidonius
, & c .
M. Baillet, en fon Hiftoire des Fêtes Mobiles
, chap. des Rogations , n . 8 , remarque
auffi ce que dit Sidoine , & paroît de même
fentiment . On peut voir auffi à ce fujet , ce
qui eft dit dans le Catéchifme de Montpellier
, Part. 3 , Sect. 2 , Chap. 9 .
Il paroît donc conftant , que long-tems
avant S. Mamert , & non-feulement dans
les Eglifes d'Afrique , mais auffi probablement
dans les Eglifes d'Orient & dans les
Gaules, on faifoit déja des Proceffions & des
Prieres publiques hors des Villes & aux
Cv Tom474
MERCURE DE FRANCE.
Tombeaux des Martyrs , & que ces Proceffions
avoient le même objet que celles que
l'on fait aujourd'hui dans le tems des Rogations.
Cet ufage étoit déja ancien du tems
de S. Auguftin , puifqu'il fe plaint du relâ→
chement , & que Sidoine , qui vivoit peu de
tems après , en parle de même. Ces Proceſfions
fe faifoient , dit- il , déja avant S. Mamert
, mais elles fe faifoient fans ordre- ni
régle ; elles étoient négligées ; on ne s'y
comportoit plus décemment ; on n'y obfervoit
plus le jeûne qui avoit d'abord été
établi.
S. Mamert rétablit ces Prieres & ces Proceffions
; il en prefcrivit plus étroitement
l'obligation ; il leur donna une meilleure
forme , & rétablit le jeûne , qui n'y étoit
plus obfervé ; il affembla pour cet effet un
Concile à Vienne , non pas en 452 , comme
dit Adon , ni en 477 , comme le difent
quelques Auteurs , mais en 474 , & ce ne
fut pas pour établir le jeûne des Rogations ,
mais pour le rétablir.
Le Concile d'Orleans , tenu en 511 , qui fut
la derniere année du Régne deClovis, ordonna
pour toute la France la même chofe que
S. Mamert avoit ordonné dans fon Dioceſe,
& le Pape Leon III , qui fiégeoit fur la fin
du VIII fiécle , & au commencement du
IX , ordonna la même chofe pour toute
l'Eglife.
PréMARS.
1744. 475
Préfentement le jeûne n'eft plus d'obligation
dans le tems des Rogations ; on y obferve
feulement l'abftinence de viande , mais
je n'ai pû trouver en quel
trouver en quel tems on a difpenſé
du jeûne qui avoit été ordonné .
Pour ce qui eft du nom de Litanies Mineures
, que les continuateurs de Moreri donnent
aux Proceffions des Rogations , ce n'eft
pas la Dignité de l'Inftituteur qui a fait dif
tinguer les Litanies ou Proceffions , mais le
tems de leur inftitution ; en France , où les
Proceffions des Rogations font les plus anciennes
, on les a appellées Litanies Majeures
, & on les appelle encore ainfi à Paris ;
au lieu qu'on a appellé Litanie Mineure la
Proceffion du jour de S. Marc , qui n'a été
inftituée qu'en 590. Au contraire à Rome ,
où la Proceffion de S. Marc eft plus ancienne
que celle des Rogations , on l'appelle
Litanie Majeure , & les Proceffions des Rogations
Litanies Mineures ; ainfi ces termes
Majeures ou Mineures , doivent être entendus
relativement au lieu dont on parle.
Il ne me reste plus à obferver au fujer des
Rogations , qu'un ufage qui fe pratiquoit
autrefois dans l'Eglife de N. D. de Paris ;
on y portoit aux Proceffions des Rogations
la figure d'un grand Dragon d'ozier , qui
avoit la gueule béante ; les gens du commun
prenoient plaifir à jetter en paffant , dans la
Cvj gueule
476 MERCURE DE FRANCE.
,
gueule du Dragon , du fruit & des gâteaux ;
on tient que c'étoit en mémoire d'un Serpent
monitrueux ou Dragon , dont S.
Marcel,Evêque de Paris , délivra cette Ville,
ainfi que vous fçavez qu'il eft écrit par Fortunat.
Quelques - uns ont dit auffi qu'un
Dragon faifoit de grands ravages fur le
Quai de la Megifferie , & que c'eft de-là que
ce Quai fut appellé la Vallée de mifére , mais
il eft plus probable que ce bord de la riviére
ne fut ainfi appellé qu'à caufe des inondations
dont il étoit fouvent incommodé , le
terrein étant alors fort bas.
Le Dragon que l'on portoit à la Proceffion ,
étoit fans doute la figure du Démon , que
l'on repréſentoit ainfi dans plufieurs Eglifes
où l'on porte encore de femblables figures
de Dragons en Proceffion . Quoiqu'il en foit,
il y a environ 15 ou zo ans que l'on a ceffé
à N. D. de porter le Dragon aux Proceffions
des Rogations. On a feulement continué
l'ufage de benir la riviére , de même
dans les campagnes on benit les champs &
les fruits de la terre.
que
J'efpere , M. que vous voudrez bien fuppléer
à ce que je puis avoir omis fur ce fujet.
J'ai l'honneur d'être , & c.
ODE
MARS. 1744.
477
ODE SUR LE HAZARD.
Dieu , qui préfides fans ceffe
Aux plus petits événemens ,
Et qui créas par ta fageffe
Le Ciel & tous les élémens ;
Toi , qui fournis des nourritures
Aux plus petites créatures ,
Confonds ici l'impiété ,
Qui pour ta voix n'a pas d'oreilles,
Ei donne toujours tes merveilles
A l'aveugle fatalité.
Loin d'ici , Sectateurs antiques
Des plus folles opinions ;
Qui de vos Ecrits ſophiſtiques
Peut adopter les vifions ?
Difparoiffez , triftes fantômes
De ce choc fabuleux d'atômes ,
Agiffant fans ordre & fans art.
Serons- nous pleins de déférence
Pour une telle extravagance ,
Qui divinife le hazard?
I
од
478 MERCURE DE FRANCE.
Où court ce cruel Capitaine ,
Ce fier Nabuchodonofor ?
Eft-ce le hazard qui le méne
Avec le trépas & la mort ?
Pourquoi vient-il dans la Judée ?
Que veut-il à cette Contrée ?
Tremblons fur ce peuple obſtiné ,
Qu'il va réduire en fervitude ,
Pour fon infigne ingratitude ,
Et s'être fouvent mutiné.
Quel eft donc ce bras inviſible.
Qui conduit Cyrus au combat ?
Pourquoi le rend- il fi terrible ,
Et fait-il un fi grand éclat ?
Seigneur , tu ( a ) marches à ſa tête ;
C'est à toi qu'il doit fa conquête ,
Puifque pour punir les humains ,
Tu tournes contre Babilone
Ce Roi que tu mets fur le Trône ,
Et dont tu fçais armer les mains.
N'eft-ce pas toi , qui d'Alexandre
As prédit l'intrépidité ?
Tu voyois déja tout en cendre ,
( a ) Ego ante te ibo , & gloriofos terra humiliabs.
Ifaiæ , cap. 45 , V. 2.
Et
MARS.
1744. 479
Et le Perfe en captivité.
Là ( b ) terre même en fa préfence
Garda quelque tems le filence ,
Mais ce Roi vain & triomphant ,
Toujours fuivi de la victoire ,
Toujours environné de gloire ,
(c) Reconnut un dernier inftant.
Non , non ; la fortune intraitable
Ne renverfa pas les Romains.
Si je vois un chef implacable ,
Qui dans leur fang trempe fes mains ;
Si dans une ardente journée ,
Je vois Céfar contre Pompée
Difputer du fort des Mortels ,
C'eft que tu veux de leur Patrie ,
Seigneur , ôter l'Idolâtrie ,
Pour y placer tes Saints Autels.
***
Que dirons-nous de cette armée
Qui fut conduite par Titus ,
Ce Prince , dont la Renommée
Publie encore les vertus ?
N'eft-ce pas pour un Déïcide ,
(b ) Terra filuit in confpectu ejus. Machab. cap.
3,V.3.
c) Et cognovit quia moveretur. Ibidem , v. 6.
Qu
480 MERCURE DE FRANCE.
Que tu vas , Nation perfide
Tomber dans une affreuſe horreur ?
Hélas ! tu fécheras de crainte ,
Quand l'ennemi dans ton enceinte
Semera partout la terreur .
炒菜
Enfin l'heure fatale arrive ,
Où cette opulente Cité
Reçoit , en devenant captive ,
Tous les maux qu'elle a mérité .
Je ne vois que feu , que carnage ;
Des foldats tranſportés de rage ,
Et mille cadavres épars ;
Je vois d'homicides machines ;
Je vois du Temple les ruines
Sion , on détruit tes Remparts.
***
N'allons plus chercher dans l'Hiftoire
Les exploits les plus effrayans ;
Rappellons dans notre mémoire
Des fujets bien plus confolans.
Jettons les yeux fur ces Images ,
Qui fe font admirer des Sages ,
Et dont l'Univers eft rempli .
Eft-ce une Fée enchantereffe ,
Ou ces Dieux, forgés par la Grece ,
Qui rendent le monde accompli ?
RéMARS.
1744. 481
Répondez-moi , Flambeau célefte ,
Et vous radieux Firmament.
Oui , c'eſt vous , c'eft vous que j'atteſte ;
Vous donnez-vous le mouvement ?
Ils me diront dans leur langage ,
Nous ne fommes point notre ( d ) ouvrage ;
Mais qui meut ces globes divers ?
Et quel eft donc cet artifice ?
Seroit-ce , hazard , ton caprice ,
Qui produiroit cet Univers ?
Ceffez , Mortels , de faire injure ,
Par tous vos difcours impofteurs ,
A cet Auteur de la nature
Qui devroit regner dans vos coeurs.
N'étouffe plus , vile pouſſiére ,
Cette vive & forte lumiére ,
Que ton Dieu t'imprime en naiffant.
Rois , abbaiffez le Diadême ;
Révérez cet Etre ſuprême ,
Ou bien rentrez dans le néant.
(d ) Ipfefecit nos , & non ipfi nos .
Pfal. 99 , V. 3.
Par M. Bernard,
LETTRE
481 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. Peyffonnel à M. Jourdan ,
au fujet d'un Problême galant , décidé dans
le Recueil du Parnaffe.
Q
U'allez -vous dire , Monfieur , de voir
un jeune Eléve de Minerve , livré depuis
quelque- tems aux charmes de la Philofophie
, s'efforcer de réfoudre un Problême
galant ? l'entrepriſe eft des plus hardies , je
l'avoue, & peut-être un peu téméraire ; c'eft
beaucoup rifquer que de traiter après vous ,
une matiere auffi délicate. J'ai fort longtems
balancé , je vous affure , avant que de
mettre la main à la plume , mais après un
affés long combat , l'envie extrême de vous
faire part de ma façon de penfer , vient de
l'emporter fur ma modeftie ; je vais d'abord
expofer en peu de mots la queſtion que vous
venez de mettre au jour , avec une élégance
qui m'eft encore étrangere ; ne vous attendez
pas en effet de trouver ici cette legereté
de ftyle , ces belles phrafes , ces fleurs de
Réthorique qui ornent tous vos Ouvrages ,
& que vous ne devez pas exiger de moi .
Deux Bergers , également aimables , brû- '
loient tous deux d'une même flâme pour la
jeune Themire , qui joignoit à la beauté
touMARS.
1744-
483
toutes les qualités néceffaires pour dompter
les coeurs les plus rébelles ; tous deux fe
plaignoient également de fon indiférence ;
la Bergere qui fe fentoit du penchant pour
Fun & pour l'autre , ne fçavoit auquel des
deux accorder fon coeur ; les agrémens de la
jeuneffe , la tendreffe , l'empreffement , les
foins , qui fe trouvoient les mêmes dans l'un
& dans l'autre, la rendoient parfaitement indécife.
Ces deux Bergers , ne pouvant fupporter
plus long- tems une fi cruelle incertitude
, la preffent de terminer fon irréfolurion
; ils la conjurent de choisir fans differer
davantage , & de fe déclarer pour l'un ou
pour l'autre. Themire, laffe elle-même de fa
trop longue réfiftance , fe rend à leurs prie
res , & leur affigne le jour & l'endroit où
elle doit faire le bonheur de celui qu'elle
aime.
Les deux Amans , impatiens d'être inftruits
de leur fort , fe hâtent d'arriver au rendezvous.
Tircis, craignant toujours de manquer
d'attraits , orne la tête d'une couronne de
fleurs artiſtement arrangées ; il emprunte
tous les agrémens de la parure , fans s'écarter
cependant de la fimplicité paftorale .
Clitandre au contraire la néglige entiérement
, perfuadé que fa beauté n'a beſoin
que d'elle-même , peut- être auffi plus modefte
, croyant avoir affés de la délicateffe
de
484 MERCURE DE FRANCE.
de fes fentimens pour gagner le coeur de la
Bergere. Themire ne tarde pas de paroître
que
que
ornée d'une couronne de fleurs , ainfi
Tircis. On peut aifément juger du trouble
reffentent ces deux Amans à fon arrivée
; ils l'approchent tout tremblans . Elle
met fa couronne fur la tête de Clitandre qui
n'en a point , & prend celle de Tircis pour s'en
parer elle-même on demande lequel des
deux a été préféré.
›
Y
Permettez aimable Themire , que je
vous accufe ici d'un peu d'inhumanité.
Pourquoi laiffez-vous fouffrir à ces deux
Amans les peines les plus cruelles ? leur trouble,
l'ennui qui les dévore nedevoient-ils pas
vous toucher ? Bergers trop malheureux
vous atteigniez au moment qui devoit couronner
vos défirs , ou mettre le comble à votre
infortune ; mais que dis-je ! fi vous doutez
encore de votre fort , ne vous en prenez
qu'à vos charmes ; n'en accufez point la Bergere.
Egalement épriſe de l'un & de l'autre ,
elle voudroit fe déterminer ; elle s'efforce
en vain de choisir de Tircis ou de Clitandre ;
un certain je ne fçais quoi , l'oblige à les aimer
tous les deux ; plus elle les confidere ,
& plus elle a de peine à fe réfoudre ; chaque
regard jetté fur l'un ou fur l'autre de
ces aimables Bergers , augmente fon irréfolution
: en un mot , crainte de défobliger l'un
des
MARS. 1744. 485
des deux , elle les favorife également l'un
& l'autre .
En effet , M. tout ce qu'on peut dire à
l'avantage du premier , peut de même ſe
dire en faveur de fon Rival. Le premier
mouvement paroît favorifer Clitandre ;
c'eft lui peut-être que Themire reconnoît
pour fon vainqueur en le couronnant , peutêtre
auffi n'a-t'elle d'autre vûë , en lui donnant
fa couronne , que de faire place à celle
de Tircis , qui mieux que l'infortuné Clitandre
a fçu ſe rendre maître de fon coeur.
Mais cette action décide -t'elle plûtôt pour
T'un que pour l'autre ? point du tout ; nous
voici tout auffi embarraffés qu'auparavant.
C'eft Tircis , dites - vous , qui vous paroît
le plus favorifé ; l'empreffement avec lequel
Themire lui prend fa couronne , fans
même qu'elle lui foit offerte , eft une faveur
marquée au coin de la prédilection . Mais fi
Tircis eft l'heureux Berger qu'elle aime
pourquoi lui donner un fujet de jaloufie ?
pourquoi lui faire une efpece d'infidelité ,
en le préférant à fon Rival ? vous répondrez
à cela que ce qu'elle a fait pour Clitandre
n'eft qu'un pur effet de fa générofité ;j'y confens,
mais vous conviendrez avec moi , que
Tircis n'eft nullement obligé de le deviner ,
& qu'il fe pafferoit parfaitement bien de
cette grandeur d'ame ; je dois ici me taire ,
,
>
pour
486 MERCURE DE FRANCE.
pour ne point bleffer l'innocence de la jeune
Themire ; peut-être me trouverois- je obligé
de la croire coquette ou cruelle ; il eſt bien
difficile , en effet , de conclure autre choſe
de fa façon d'agir. Elle couronne Clitandre
& fe pare en même- tems de la couronne de
Tircis , pour ne pas mettre ce dernier dans
la dure néceffité de défefperer , & pour ménager
par ce moyen-là l'un & l'autre Amant.
Ce procédé , n'en déplaiſe à l'aimable fexe
qui s'intéreffe pour elle , me paroît tant ſoit
peu fufpect. Si c'eft Tircis qu'elle aime ,
pourquoi héfiter de lui en faire la déclaration
? pourquoi les embarraffer tous deux &
redoubler leur incertitude par des faveurs
qui paroiffent parfaitement égales il y a
de la cruauté à ne pas foulager les peines
d'autrui , quand il eft fi aifé de le faire ;
mais je m'arrête ici , craignant même d'en
avoir trop dit , pour renvoyer à votre tribunal
une décifion plus parfaite de cette
queftion , & j'ai l'honneur d'être , Monfieur
, & c.
ODE
MARS. 1744.
487
ODE , tirée du Pfeaume 111 , Domine ,
quid multiplicati funt qui tribulant
me ? &c.
DIE U Puiffant , pourquoi ma vie
Préfent de tes propres mains ,
Eft tant de fois pourſuivie
Par la fureur des humains ?
Combien d'ennemis avides
Vois- je fur mes pas timides ,
Comme des loups acharnés !
Hélas ! leur haine funefte
Va confommer ce qui refté
De mes jours infortunés.
**
Ils difent en ma préſence ;
Nous fommes maîtres de lui ;
Accablons fon impuiffance ;
Qu'ilfoit en proye à l'ennui ;
Ses foupirs , qu'un rien efface ,
Ne perceront pas l'eſpace
Qui l'éloigne du Seigneur ;
Et fon ame abandonnée
Verra fur fa deftinée
Triompher notre fureur.
Mais
488 MERCURE DE FRANCE.
Mais le difcours de l'envie
N'eft qu'un vain bruit qu'on entend ;
Contre les traits de l'impie
La juftice me défend ;
Auffi-tôt que je m'éveille ,
Le Seigneur , prêtant l'oreille ,
Eft attentif à ima voix ,
Et la vertu triomphante
Puiſe une gloire conſtante
Dans la fource de fes loix.
Lorfque le flambeau du monde.
A retiré la clarté ,
Et que dans la nuit profonde
Le crime eft en liberté ,
Sans trouble dans mon azile ,
Je dors d'un fommeil tranquile
Entre les bras du Seigneur ,
Et fauvé fous fa tutelle ,
Quand le jour le renouvelle ,
Je bénis mon défenſeur .
O Ciel ! quels regards horribles
L'Univers lance fur moi !
Mille Nations terribles
S'élévent contre ma Foi !
Dieu vengeur , prends ma deffence ;
Pour
MARS.
489 1744.
Pour fauver mon innocence
Leve la main un inftant ,
Et ces peuples homicides ,
Avec leurs complots perfides
Rentreront dans le néant.
Le Seigneur vient de m'entendre ,
Tout vient d'éprouver fon bras ,
Partout il vient de répandre
Les ténébres du trépas ;
Le Maître de la Nature
A fauvé fa Créature
Des mains de fes oppreffeurs ,
Et la vengeance divine
A , jufques dans la racine ,
Brifé les dents des pécheurs.
Ainfi donc , quand l'innocence
Appréhende pour les jours. ,
C'eſt , Seigneur , à ra Clémence
Qu'elle doit avoir recours ;
Tendre Pere de famille ,
L'éclat de tes bienfaits brille
Sur tes fidéles enfans ,
Et ta divine tendreffe ,
Dans la peine qui les preffe
Soutient leurs pas chancelans.
D LET
490 MERCURE DE FRANCE,
LETTRE écrite à M. D. L. R. au fujet
des Réponses de M. Binet , aux Critiques
defa Topographie des Bréviaires.
J'ace 1 tonfide la nouvelle
' Ai remarqué , Monfieur , que l'an-
Topographie & Chronologie du Bréviaire
de Paris , a été attaqué par trois differens
Adverfaires. L'Ecrit du premier a paru dans
le Mercure de Mai , & celui du fecond dans
le Mercure de Juin , fecond Volume . M. Binet
, Auteur du Livre attaqué , a répondu
au premier dans le Mercure de Juillet , &
au fecond dans celui de Septembre. Je
ne parle pas du troifiéme Adverfaire qui
s'eft élevé contre lui . Sa querelle ne paroît
être dans le même genre que celle
des deux premiers , & je ne m'intéreffe que
pour eux deux. J'ai attendu plufieurs mois
avant que de mettre la main à la plume
comptant que ces deux Meffieurs L. A. D. P.
& l'Anonyme , juftifieroient leurs Obfervations,
qu'ils feroient voir au Public que leurs
Rémarques font folides, & que les Réponſes
de M. Binet ne font que des fubterfuges ; je
me perfuadois que la caufe de leur filence
venoit de ce qu'ils vouloient donner un peu
de relâche à l'Auteur du Livre , & le laiffer
pas
reſpirer
MAR S. 1744. -
491
refpirer un peu , avec d'autant plus de
raifon , qu'il convenoit de lui laiffer quelque
loifir pour répondre au troifiéme Adverfaire.
Puifqu'ils ne repliquent point à M. Binet,
ils trouveront bon , qu'en époufant leur
querelle , je foutienne que ce qu'ils ont relevé
comme fautif , eft bien critiqué de leur
part ; que les Réponſes de M. Binet ne font
pas recevables , & que quelquefois , lorfqu'il
veut réparer la faute qu'il a faite, il en
commet une autre plus confidérable.
Commençons par ce qu'il dit de Mont-
Meillan. C'eft à l'occafion de la Légende de
de S. Vit , Martyr du Bréviaire de Paris au
xv Juin. On y lit ces mots : Supereft in finibus
Agri Parifienfis apudMontem- Melianum
Ecclefia Parochialis antiquiffima , fancti Viti
titulo. M. Binet a dû fe borner à une Paroiffe
du Diocèſe de Paris , laquelle , comme le
dit formellement ce Bréviaire , eft fituée à
Mont-Meillan même. La faute qu'il avoit
faite,étoit de qualifier cette Paroiffe du titre
deBourg, n'étant cependant compofée que de
cinq ou fix maiſons éparfes. Mais pour foutenir
que ce nom de Bourg doit refter dans
la Topographie , il dit qu'il fuffit qu'il y ait
unMont- Meillan tout voisin, qui puiffe porter
cette qualité. Il croit que la Paroiffe de
Mont-Meillan , du Diocèfe de Senlis , eft
D ij affés
492 MERCURE DE FRANCE.
affés confidérable , pour être appellée Bourg,
& cela fuffit , felon lui , pour dire qu'il ne
s'eft pas trompé. Mais que fait , lui dirai -je,
à la Topographie du Bréviaire de Paris la
Paroiffe de Mont- Meillan , qui eſt du Diocèfe
de Senlis ? Cette Paroiffe n'a aucun rapport
avec S. Vit , à l'occafion duquel le Bréviaire
parle de Mont-Meillan ; ainfi il n'em
falloit pas faire mention , & n'en faiſant
mention , la qualité de Bourg devient inutile
dans la defcription Topographique.
pas
Ce n'eft pas tout ; l'Auteur voulant rele
ver par un titre pompeux le Village du Diocèfe
de Senlis , qui ne fait rien à fon fujet ,
prend encore un autre parti , qui eft de contrarier
le Bréviaire de Paris , Ce Bréviaire
dit clairement , que l'Eglife Paroiffiale de
S. Vit eft à Mont- Meillan même, & lui , prétend
qu'elle eft fous Mont- Meillan , & qu'il
faut dire S. Vit fous Mont- Meillan , au lieu
de S. Vit de Mont-Meillan ; il m'a parû que
c'étoit tomber d'une erreur dans une autre ,
& il appelle cela mettre les chofes en leur ordre
naturel.
M. Binet fait ce qu'il peut,pour s'excufer
d'avoir mis des Bourgs & des Villes , où il
n'y en eut jamais. Il cite dans fa premiere
défenfe le Dictionnaire de la Martiniere ,
Dom Baunier , & même M. Baudrand, pour
fes garans, Comme on ne pourroit pas deviner
MARS. 1744. 493
pas
viner qu'il eût pris de tels garans , il a fort
bien fait de les citer dans fa Réponſe , mais
c'étoit dans fon Livre même qu'il auroit dû
les citer , & ne pas attendre qu'on l'y forçât.
La choſe étoit bien fimple , il n'avoit qu'à
mettre : Le Pere Baunier dit dans fon Pouillé
que Chaalis eft une Abbaye fituée dans un
Bourg du même nom . Prémontré , felon Baudrand
, eft un Bourg de France avec un Monaftére
qui a donné fon nom à l'Ordre de Prémontré.
Clairvaux , felon le Dictionnaire de
Trevoux , & felon celui de la Martiniere , eft
une petiteVille avec une Abbaye.Ainfi ces fautes
ne feroient retombées fur le compte
de M. Binet , mais fur les Auteurs qu'il auroit
produits . Oui , M. la Martiniere fe trompe
dans fon immenfe Dictionnaire , & plus d'une
fois , lorfque parlant de plufieurs Abbayes
d'hommes de l'Ordre de Citeaux, il les met dans
des Bourgs: c'est ce que M.Binet croit ne devoir
pas être , & qui eft cependant ; celle
d'Igny , en Champagne , n'eft point dans un
Bourg ; celle de la Ferté-fur - Grofne , en
Bourgogne , premiere fille de Cîteaux , n'eft
point dans un Bourg , mais dans la Campagne
& toute ifolée ; celle de Gimont , en
Gafcogne , n'eft nullement dans un Bourg ,
ni dans une petite Ville de même nom.
L'Abbaye eft à un demi quart de lieuë de la
petite Ville , mais fort folitaire ; elle en eft.
D iij même
494 MERCURE DE FRANCE.
même tellement féparée , qu'elle fe trouve
être du Diocèse d'Auch, tandis que le Bourg
ou petite Ville de Gimont eft du Diocèfe de
Lombez. Cîteaux , Chef de l'Ordre, & qui
a dû être le modéle de la retraite pour toutes
les autres Maiſons , eft auffi fans Ville ni
Bourg. L'Abbaye eſt toute feule.
Si M. B. prétend qu'il eft en droit de
qualifier ces Lieux du titre de Bourg , pourvû
qu'il y en ait un de même nom qui en
foit proche , qu'il retranche au moins ce titre
lorfqu'il n'y en a pas ; qu'il ne fe borne
pas à ôter le titre de Bourg à l'Abbaye de
Chaalis , mais qu'il l'ôte auffi de l'article de
Câteaux & de Clairvaux. Je ne le prefferai
pas de l'ôter à celles d'Igny , de la Ferté &
de Gimont , parce que ces trois Lieux ne
font pas dans fa Topographie des Bréviaires .
Mais à l'égard de Cîteaux & de Clairvaux ,
quand même il exifteroit un Bourg du même
nom dans leur voifinage , quelle néceffité
ou quelle convenance y auroit- il d'en
faire mention dans fa Topographie des Bréviaires
, fi dans ces mêmes Bréviaires , dont
il donne le dépouillement , il n'eſt parlé
d'aucun Evenement arrivé dans ces Bourgs?
c'eft rendre fa Topographie profane , que
de l'étendre à donner des connoiffances , qui
n'ont pas de rapport aux Légendes & aux
Conciles , & rifquer d'être obligé de parler
des
MARS. 1744. 495
des autres Lieux qui portent le même nom.
Je crains fort que la Ville de Clairvaux
que M. B. s'obtine à foutenir êrre voisine
de l'Archi Monaftére de ce nom ,fur l'autorité
de quelques modernes , ne foit Clairvaux
en Franche- Comté.
Après la confiance aveugle que M.Binet a
euë dans la Martiniere , dans Baudrand , dans
le Dictionnaire de Trévoux , &c. je ne fuis
plus furpris qu'il jure fur les paroles de Baillet,
& qu'il déclare que ce qu'il avance d'après
lui eft clair & fans réplique . Mais , encore
une fois , pouvoit- on deviner que c'est
Baillet qu'il copioit , quand il a dit que l'Eglife
de S. Crêpin , où Chilpéric fit inhumer
fon fils Clodobert , n'existe plus , puifqu'il
ne l'a pas cité dans fon Livre ? Natu
rellement on croiroit que c'eft Grégoire de
Tours, que M. Binet prend pour
fon garant;
mais non , il veut que Grégoire de Tours
foit entendu dans le fens de M. Baillet , &
comme M. Baillet dit que cette Bafilique
n'eft repréſentée , ni par celle de S. Crêpin
le Grand,poffedée par les Bénedictins , ni par
celle de S. Crêpin en Cage, ( lifez en Chaie)
il en conclut qu'il faut que c'en foit une ,
dont on ignore la fituation , mais qu'elle
devoit être fituée dans la Ville même de
Soiffons .
Je refpecte fort l'autotité de M. Baillet ,
Dij mais
496 MERCURE DE FRANCE .
mais je n'ai point fait vou de refpecter fes
fautes & fes inadvertances ; or il est évident
qu'il s'eft trompé , quand il a diftingué l'Eglife
, qui originairement étoit bâtie fur le
Tombeau de S. Crêpin , d'avec celle qui
fubfiftoit au VI ſiècle , dans laquelle Clodobert
, fils de Chilperic , fut inhumé , (a) &
à laquelle fe faifoit un concours le jour du
Martyre de ce Saint. Ce qui a trompé M.
Binet, & qui lui a perfuadé que de ces deux
Eglifes, prétendues differentes , il y en avoit
eu une renfermée dans la Cité de Soiffons ,
c'est ce que M.Baillet débute ainfi . On voyoit
à Soiffons dans le VI fiécle une Eglife bâtie en
l'honneur de S. Crêpin & S. Crêpinien , & un
peu après il ajoûte . On parle d'une autre
Eglife , fituée fur leurs Tombeaux , & l'on
croit que c'est ce qui a fervi de fondement à la
conftruction de l'Abbaye de Bénédictins qu'on
ya bâtie depuis.
M. Binet paroît n'avoir jamais été à Soiffons
, non plus que M. Baillet. Qu'il ſouffre
que je profite de l'avantage d'y avoir été une
fois. J'y ai vû deux Eglifes de S.Crêpin, tous
tes les deux affés éloignées de la Ville, l'une
dans un Fauxbourg , au Sud-Eft , l'autre
dans une Plaine folitaire , du côté du Nord.
Celle- ci , qui eft une Abbaye de Chanoines
Réguliers , n'a eu fon origine que dans le
(a) Greg. Turo. L. V, C. 35 , & L. 9. C. 9.
XII
MAR S. 497 1744.
XII fiècle. La premiére eft celle de laquelle
il faut entendre tout ce que difent Grégoire
de Tours & S. Oüen , en la Vie de S. Eloy ;
on l'entend ainfi à Soiffons , & on l'y a toujours
entendu de même . Les SS . Martyrs
avoient été inhumés en ce Lieu quelque
tems après leur mort. Depuis la Paix de l'Eglife
, on y avoit élevé une Bafilique fur
leur Sépulture . On les découvrit dans la
Crypte où ils étoient du tems de S. Eloy , &
dans la fuite il s'y forma un célebre Monaftére.
Quelques recherches que M. Binet puiffe
faire à Soiffons , il n'apprendra rien davantage.
Dormay, qui fit imprimer en 1663
l'Hiftoire de cette Ville , & qui avoit foüillé
dans toutes les Archives du Pays , n'a jamais
reconnu que S. Crêpin le Grand & S. Crêpin
en Chaie , qui font & ont toûjours été
hors des murs de Soiffons.
Il y a lieu d'être furpris que M. Baillet
n'ait pas confulté cet Ouvrage; il y auroit lû,
page 109 du premier Tome , où il eft parlé
des SS. Martyrs Crêpin & Crêpinien , le
Texte qui fuit. » Leurs Corps furent mis en
» deux Tombeaux, qui leur avoient été préparés
, & depuis on bâtit une Eglife audeffus
, que l'on croit avoir été des pre-
ןכ
» mieres de la Ville . Au même Endroit cous
" voyons encore aujourd'hui les reftes d'un
grand Edifice , qui femble avoir été au-
D v · 33 tre498
MERCURE DE FRANCE.
trefois fort fuperbe, mais il n'y a plus rien
» de la premiére Eglife , qui a été , il y a
» long- tems , détruite par la guerre
& par la
longueur des années. Vous voyez , M.
que l'Hiftorien le plus inftruit des Antiquités
de Soiffons , eft du fentiment que l'Eglife
de S. Crêpin le Grand , repréfente l'ancienne
Eglife , bâtie fur le Tombeau des
SS. Martyrs , car c'eft uniquement à elle
que convient ce qu'il dit, & M. Binet s'obftine
à la placer dans la Ville , parce que M.
Baillet dit . On voyoit à Soiſſons au VI fiécle
une Eglife , & c. Il prend ce mot à Soiffons à
la rigueur de la lettre. Qu'il faſſe attention
que Dormay , quoique parlant d'une Eglife
qu'il fçavoit bien n'avoir jamais été fituée
dans les murs de Soiffons , ne laiffe pas de
dire qu'on la croit être des premiéres de la Ville .
Une autre chofe qu'il doit confidérer , eft
qu'on n'inhumoit aucun corps dans les Cités
du tems de la domination Romaine
, & pendant les premiers tems des François.
Il est également certain qu'on n'y faifoit
point mourir non plus les Criminels.
Pour quelle raifon y auroit- il donc eu une
Bafilique de S.Crêpin & S. Crêpinien en lat
Cité de Soiffons , puifque cette Cité ne pouvoit
être regardée , ni comme le Lieu de
leur Martyre , ni comme celui de leur Sépulture
L'inhumation du fils de Chilpéric
MARS. 1744. 499
ric dans la Bafilique Soiffonnoife des Saints
Crêpin & Crêpinien , défigne aufli formellement
une Eglife fituée hors des murs. Auffi
M. Binet ne ſe tirera de l'embarras où M.
Baillet l'a jetté , qu'en fuppofant qu'outre
les Eglifes fuburbicaires de S. Crêpin le
Grand & de S. Crêpin en Chaie , il y en a
encore une autre , & égalément bâtie hors
les murs , mais c'eft ce que j'appellerai multiplier
les Etres fans néceffité , & inventer une
choſe fans fondement ; affurer un fait précifément,
parce que M. Baillet l'avance , n'eſt
pas proceder felon les principes de la bonne
Critique. Que Dieu nous préferve d'ajoûter
foi aveuglément au fujet de toutes les
Bafiliques anciennes de France , à un Ecrivain
qui , quoique d'ailleurs très-habile Critique,
avoit trop peu voyagé pour décider fur
le nombre , l'antiquité & la fituation de ces
Eglifes. Lors donc que faute d'autres Auteurs
, on eft obligé de le copier , il eft du
moins jufte d'en avertir , afin que les Lecreurs
puiffent y recourir, & voir dans quelle
fource on a puifé.
Le premier fujet de controverfe entre M.
Biner & Mrs L. A. D. P. eft celui que j'ai
réfervé
pour le dernier , parce que fur cet
article il m'a paru que tous les deux ont
tort. Il faut croire que M. Binet demeure
au bout du Fauxbourg S. Honoré , pour s'i-
Dvj maginer
500 MERCURE DE FRANCE.
que
maginer qu'il n'y a qu'une petite lieuë de
Paris à Clichy , & pour ce qui eſt de M.”
L. A. fon premier Adverfaire, je conjecture
fa demeure eft du côté de S. Paul ou du
Fauxbourg S. Antoine, ce qui lui fait compter
deux lieuës de Paris au même Clichy.
Mais dans la vraie maniere de compter les
diſtances , il y a une lieuë & demie de Paris
à ce Village , parce que c'eft du centre de
Paris , comme de l'Eglife de Notre- Dame
ou du Palais , qu'il faut commencer la fupputation
, & non d'aucun des bouts de Paris
, fans quoi il n'y auroit plus que confufion
dans les calculs des intervalles . C'eft
une pauvre raifon de la part de M. Binet ,
de dire que Clichy n'eft pas même fur le
bord du terrain où finit la Banlieuë ; il paroît
perfuadé que la Banlieuë des Villes ne
s'étend qu'à une lieuë ordinaire de diſtance
de ces mêmes Villes , en quoi il fe trompe
encore de nouveau. Qu'il examine , s'il lui
plaît , jufqu'où va la Banlieuë du côté de
Clamart , de Vitry-fur- Seine , & il reviendra
de fon préjugé . Il y auroit bien des chofes
à ajoûter à ce que Ménage & du Cange
ont dit là- deffus , & peut-être y auroit-il
de quoi réformer ce qu'ils ont avancé, quand
on le conférera avec les Quintes & les Septenes
de differentes Villes , qui étoient l'étendue
de ce qu'on appelle Banlieuë ; mais
.ce
MAR S. 1744.
for
ce feroit s'éloigner des matieres du Bréviaire
, que de pouffer plus loin ce qui refte à
dire fur la Banlieuë , dont M. Binet croit
avoir une preuve fuffifante , & en quoi il
me paroît encore fe tromper. Quoiqu'il en
foit , fon erreur fur Clichy eft la moindre
& la plus pardonnable de toutes.
L'Auteur de la feconde lettre , écrite au
fujet des fautes apperçues dans l'Ouvrage de
M. Binet , me paroît être un homme plus difficile
que le premier , & qui fouhaiteroit que
ce Chronologifte & Topographe eût fait
d'autres recherches , pour rendre fon Livre
plus curieux & plus inftructif qu'il n'eſt ;
qu'il eût évité de parler affirmativement
dans les endroits où le Bréviaire fe contente
de dire , on croit , on a cru , & que lorsqu'il
fe rencontre dans les Bréviaires quelques
faits conteftés , il en cut averti les lecteurs ,
& qu'il eut indiqué ces Ouvrages ; de même
lorfqu'on a découvert la fituation des Lieux
où les Conciles fe font tenus , mieux que
n'a fait le Pere Labbe , dont l'Ouvrage eft
déja ancien , on eût dit un mot de cette obfervation
, parce qu'il eft bon & utile de ne
pas perpétuer les méprifes , en les faifant
paffer des gros Volumes dans des Volumes
portatifs. L'adverfaire anonyme s'eft arrêté
à douze ou treize endroits du Livre de M.
Binet, afin de prémunir le public contre les
pré502
MERCURE DE FRANCE,
prétendues vérités , que M. Binet regarde
comme admifes & reçûës , & qu'il donne.
comme telles à fes lecteurs. Or de ce nombre
choifi ( car je ne voudrois pas affirmer
qu'il n'ait pu être plus grand ) M. Binet ne
fe rend qu'à deux ou trois Remarques ; le
public jugera fi fes moyens de défenfes font
bien pertinens .
,
Il fe fonde d'abord fur une raifon générale
pour autorifer ce qui eft imprimé dans
fon Livre. Il déclare qu'il n'eft que l'interpréte
& l'organe des Bréviaires , & pour
cela , dit-il , je parle du fait de la même maniere
qu'ils en ont parlé eux - mêmes. Sa modeftie
eft clairement marquée dans l'excufe
qu'il apporte , mais il eft queftion de fçavoir
fi elle eft bien placée. J'avoue que les
Bréviaires n'étant point des Livres de Controverfe
ni de Differtations , on y doit énoncer
les faits tout fimplement. Mais en traduifant
les principaux de ces faits en notre
Langue , relativement à la Topographie &
à la Chronologie , l'Ouvrage fort de la Nature
de Livre d'Office Divin ; de Livre Liturgique
, il devient Livre d'érudition ; eſtce
donc un plan dont il faille fi fort louer la
modeftie , que celui où l'on fe reftraint à
n'ofer indiquer au Public , les piéces qui
tendent à éclaircir la vérité fur quantité de
faits, & à découvrir les mépriſes de certains
fiéMAR
S. 1744 503
fiécles , ou au moins qui apprennent à mettre
dans la Claffe des chofes douteufes, quelques
fauffes Traditions , regardées mal-àpropos
comme vraies ? Ces piéces ayant eu
l'Approbation des Cenfeurs Royaux , que
pouvoit craindre M.Binet en les indiquant,
par exemple , en mettant fur le Concile
Epaonenfe , cette Apoſtille ; voyez là deffus
le Journal de Trévoux , Nov. 1737 ; fur celui
de Vernum: voyez un Ecrit imprimé à Paris
, in- 12 , chés Barois 1738. Sur la tranflation
du corps de S. Marcel : voyez une Dif
fertation imprimée à Paris , 1739 , chés Durand
, in- 12 , & de même fur Vocladum , &
ainfi des autres.
>
Mais examinons s'il eft permis à un
fimple interpréte d'alterer le Texte , comme
M. Binet l'a fait en parlant de S. Maur de
Glanfeuil. Le Bréviaire de Paris s'exprime
ainfi : Maurus Diaconus , qui à multis faculis
ut ex libro miraculorum S. Benedicti
conftatis creditus eft , quem juffu ejufdem
Patris Benedicti fuper aquas cucurriſſe , ut
puerum Placidum eriperet , narrat in Dialogis
Beatus Gregorius , cùm in Gallias veniffet
Glannofolienfe Monafterium conftruxit. Voici
la Traduction fidelle de cette période .
» Maur , Diacre , ( lequel depuis plufieurs
» fiécles , ainfi qu'il eft évident par le Livre
des Miracles de S. Benoît , on a cru être
le
504 MERCURE DE FRANCE.
» le même , dont S. Gregoire Pape raconte
>> en fes Dialogues , que fuivant le com-
» mandement du même Pere S. Benoît , il
» marcha fur les eaux pour fauver la vie au
» jeune enfant Placide ) étant venu dans les
" Gaules , y fonda le Monaftere de Glan-
» feuil . M. Binet ne fçachant pas apparemment
que la Légende du Bréviaire de 1736
eft celle du Bréviaire de 1700 , mot pour
mot ; ignorant que c'eft avec une extrême
attention & prudence que cette phrafe a
été ainfi tournée en 1700 , en conféquence
des Conférences tenues à Paris , depuis l'an
1696 , par les plus habiles du Clergé Séculier
, qui ne vouloient pas paroître ajouter
foi à la Légende fabriquée fous le nom de
Faufte , laquelle identifie le Maur des Dialogues
avec le Maur de Glanfeuil , paffe par
deffus toutes ces confidérations , & veut que
le Bréviaire de Paris ait eu intention de favorifer
certe identité . Dans cette perfuafion,
il qualifie hautement S. Maur Abbé de Glanfeuil
, de Difciple de S. Benoit , toutes &
quantesfois qu'il en parle , pag. 51 , 241
& 302 ; & pour juftifier ce procédé , il
nous dit froidement : » Quand j'ai fait S.
» Maur Difciple de S. Benoît , je me fuis
» conformé , finon à la lettre , du moins à ce
qui m'a paru être l'efprit du Bréviaire de
و د
99
» Paris.
A
MARS. 1744.
505
A la vérité , le Breviaire infinuë que l'opinion
, qui fait S. Maur Difciple de S. Benoît
, a été en vigueur durant plufieurs fiécles
, mais cela ne s'y trouve que
dans une
propofition incidente & par forme de parenthéle
; pour que l'opinion , qu'il plaît à
M. Binet de regarder comme l'efprit du Bréviaire
de Paris , fut véritablement felon l'efprit
de ce Bréviaire , il faudroit que la lettre
fut telle ; Maurus Diaconus , is eft quem
juffu P. Benedicti fuper aquas cucurriffe ut
puerum Placidum eriperet , narrat in Dialogis
Beatus Gregorius. Cùm in Gallias veniffet
Glannofolienfe Monafterium conftruxit. Mais
le qui creditus eft , avec toute fa fuite n'étant
qu'une propofition acceffoire , il s'enfuit
que , felon les régles du difcours , la propofition
principale du narré eft ainfi conçue
& reftrainte. Maurus Diaconus , cùm in Gallias
veniffet , Glannofolienfe Monafterium conftruxit
, & c. Ainfi quiconque en traduifant
le Bréviaire de Paris , au lieu de mettre fimplement
: » On a cru pendant pluſieurs fié-
» cles que S. Maur de Glanfeuil eft le Maur ,
Difciple de S. Benoît , dont parle S. Gregoire
» Pape , mettra S. Maur de Glanfeuil eft le
Maur , Difciple de S. Benoît , devra être regardé
comme un Traducteur infidelle , parce
que ces deux propofitions font fort differentes.
Mais
506 MERCURE DE FRANCE.
Mais pourquoi la premiere tournure fe
trouve-t'elle dans le Bréviaire de Paris , &
non pas la feconde ? C'est dans les Regiftres
des Conférences , qui furent tenues entre
1696 & 1700 , que M. Binet auroit pû
apprendre pourquoi on abandonna alors la
Légende fabriquée fous le nom de Faufte
quoiqu'elle fût dans le Bréviaire dé M. de
Harlay ; en forte qu'au lieu du détail fabuleux
de cette Légende , on mit pour cinquiéme
Leçon un fragment fur la Tranſla
tion des Reliques de S. Maur de Glanfeuil ,
& pour fixiéme la Charte d'Enée, Evêque de
Paris , concernant S. Maur des Foffés. Je
m'imagine ici entendre l'Abbé Chatelain
fe récrier contre M. Binet , & lui reprocher
qu'après une fuppreffion fi folemnelle de
toute la Légende de Faufte , c'eft bien malà-
propos qu'il croit fuivre l'efprit du Bréviaire
, en affirmant , comme il a fait, ce qui
n'étoit fondé que fur elle , & affurant dans
fon Livre le contraire de ce qu'ont penfé
tous ceux du Clergé Séculier , qui furent de
ces Conférences ; les motifs qui déterminerent
ces Sçavans , font déduits dans le bieftre
de Janvier du même Abbé Chaſtelain ,
au 15 de ce mois .
Je pourrois m'étendre ici un peu davantage
, s'il étoit néceffaire de faire voir à M.
Binet, que les raiſonnemens qu'il a regardés
comMARS.
1744.
507
comme convaincans , ne le font que pour
ceux qui ne connoiffent pas l'état des chofes.
Le public éclairé en fent la foibleffe , dès
qu'il eft notoire que les Conférences finies
en 1700 , aboutirent à fupprimer entierement
du Bréviaire de Paris la Légende de
S. Maur , attribuée à Faufte , & à y laiffer
feulement le fouvenir d'un fait inconteftable
, fçavoir , qu'on y avoit ajouté foi durant
plufieurs fiécles ; c'eft le parti que fuggererent
les égards où l'on crut devoir entrer
pour une Congrégation fçavante & célébre
d'autant plus que ce n'étoit que depuis
trente ans , qu'un illuftre Membre de cette
Congrégation avoit fait imprimer la Légende
en queſtion.
La fuite pour un autre Mercure.
* X*X*3X+3X +3X * X** X
REMERCIMENT à M. D. L. R. an
fujet de deux Portraits en Eftampes.
E
Nfin , mon cher L. R. on vient de me remettre
Les deux Dons annoncés dans ta derniere Lettre
Je les développe , & d'abord
Je vois l'HEROIne du Norɔ ,
Que toutes celles de la Grece
N'égalerent pas à mon gré ,
Et je te dois beaucoup , pour m'avoir procuré
Le plaifir de connoître une augufte Princeffe ,
Qui
JOS MERCURE DE FRANCE.
1
Qui , fille du plus grand des CZARS ,
Heureufement renduë au Trône d'un tel Pere ,
Veut, comme ce Héros, ne regner que pour faire
Le bonheur de fon Peuple & celui des Beaux Arts.
J'apperçois à fa fuite un Vieillard vénérable ,
Ton parent , ton ami , défunt , mais dont le nom
Bravera du trépas le pouvoir formidable ,
C'eft DOM BERNARD DE MONTFAUCON ,
Cet illuftre Ecrivain , dont les veilles célebres-
Ont de l'Antiquité débrouillé les ténébres ,
Et dont un Empereur , qui fut reconnoiffant ,
Honora le fçavoir infigne
D'un double Prix , * à la fois digne
Et du Monarque & du Sçıvant.
Cela pofé , je m'imagine
Que malgré la vieilleffe , & l'habit Monachal ,
Un Sçavant fi fameux ne figure point mal
Auprés d'une telle Héroïne .
Au refte , accepte de bon coeur
Ce petit Monument de ma reconnoiffance ,
Et bien-tôt , s'il fe peut , daigne rompre un filence
Qui m'afflige par fa longueur.
O toi , qui vivras plus que l'Epoux de l'Aurore ,
Pourvû que je fois exaucé ;
Si ce filence , hélas ! cher ami , dure encore,
reur lui
* La belle Médaille d'or , & la Lettre que l'Empeenvoya
en reconnoiffance de fes 15 Vol. in fol.
de l'ANTIQUITE' EXPLIQU'EB , &C.
Quand
MARS.
1744. 509
Quand le Soleil aura quitté
L'Archer de la célefte voûte ,
Alors ( puiffe l'augure être frivole & vain )
J'appréhenderai bien que tu ne fois en route ,
Pour aller te rejoindre à ton doce cousin.
Calme donc par deux mots l'inquiétude fombre
D'un ami , qui tremblant fur l'état de ton corps ,
Aime mieux te compter au nombre
De les amis vivans , que de fes amis morts.
FRIGOT.
AS. Marcouf de l'Ifle , dans le Cotentin ,
le 23 Novembre 1743 ,
› LETTRE de M. de la Soriniere , à M.
Deftouches , de l'Académie Françoiſe , Gouverneur
de Melun , à fon Château de Fortoifeau,
L faut que je vous l'avoue , Monfieur
;
j'ai lu tout ce qu'ont écrit fur la Religion
Chrétienne
, les Grotius , les Abbadies , les´
Pafchals , mais je n'ai rien trouvé chés eux
de plus décifif contre les incrédules
de leur
tems , que ce que vous employez
ſi avantageufement
aujourd'hui
, contre les Défenfeurs
de l'Athéïfme
. Il eft vrai qu'ils ont de
leur
110 MERCURE DE FRANCE.
leur côté ( ces nouveaux Diagoras ) de rudes
objections à vous faire. Vous n'êtes point
Docteur de Sorbonne ; vous n'êtes qu'un
Poëte aimable , un Auteur délicat , élégant ,
& fimplement un excellent Chrétien. Où
eſt , donc , difent-ils , votre compétence
pour parler des affaires de la Religion ? &
de quel droit feriez-vous l'Echo des Saints
Peres , &c.
Ah ! Meffieurs , ne vous y trompez pas ;
dans une auffi bonne caufe : omnis homo miles
* ; & j'ofe vous le dire , moi qui fuis
bien plus incompétent que M. Deftouches :
Si vous n'avez d'autre réfuge ,
En plaidant fur le mal moral ,
Que ce frivole fubterfuge ,
Meffieurs , votre Procès va mal.
Sans juger fur la Compétence ,
Qui fçait , en imitant Térence ,
Peindre fi bien le fond des coeurs ,
Sçait auffi par des traits vainqueurs
Confondre l'efprit incrédule
D'une Cabale ridicule ,
Qui fe complaît dans les erreurs.
Oui , M. je puis vous protefter que je
fuis profondément pénétré de tout ce que je
* Tertullien, Apolog.
MARS. 1744.
SIZ
vois fortir d'exquis de votre plume , fur
une matiere auffi intéreffante , que celle
dont vous enrichiffez le public depuis quel-
Une que tems. feule chofe m'inquiéte
(oferai-je le dire ? ) les forces que vous oppofez
à vos adverfaires font trop puiffantes
; ils chancellent ; je les vois qui s'ébranlent
; ils font troublés ; les voilà défaits ;
vous triomphez ; la guerre eft finie , & nous
n'aurons peut-être plus dorénavant la fatisfaction
de vous lire , de nous inftruire , &
de nous édifier.
Permettez -moi , M. de vous affurer de
la refpectueufe eftime , & des fentimens
d'admiration dans lefquels je fuis , Votre
très-humble & très-obéiffant ferviteur. Signé
, SORINIERE.
A la Soriniere , le .... 1744.
STAN
$ 12 MERCURE DE FRANCE.
STANCES de M. D. pour fon Entrée
à l'Académie de ...
M
Uſe , pour ton honneur viens échauffer ma
verve ;
Infpire moi des fons qui foient dignes de toi
Dans cette illuftre Cour , où préfide Minerve ,
Daigne guider mes pas ; j'y veux fuivre ta loi.
Que mon premier abord aux rives du Permeffe
Me donne affés d'éclat pour pouvoir m'y montrer i
Si , de mes premiers chants tu foutiens la foibleffe ,
Dans des fentiers obfcurs je ne puis m'égarer.
Sous ton aufpice heureux hardiment je m'avance ;
Quoiqu'indigne du corps où l'on veut m'aggréger ;
Mufe anime mon zéle & ma reconnoiffance ;
C'eſt par ces noeuds facrés que je veux m'engager.
Illuftres favoris des filles de mémoire ,
Mes fons à vos accords pourront- ils le mêler ?
Ouvrez -moi le chemin qui conduit à la gloire ;
Guidé par votre exemple , on eft sûr d'y voler.
Déja fur vos bontés fondant mon efperance ,
Ma généreufe ardeur tend à vous imiter ;
Vos applaudiffemens feront la récompenfe ,
Que
MAR S. 1744. 513
•
Que mon ambition tâche de mériter.
Je fçais que parmi vous plus d'un nouveau Pindare
Par de doctes efforts fignala fes talens ;
J'implore leur fecours , & plus prudent qu'Icare ,
A fuivre leurs leçons je borne mes élans.
Dufrefmoy , le cadet , Ecrivain du Roi ;
à Toulon.
L
DISCOURS fur la Navigation.
A Mer eft un Elément rébelle , qu'on
ne dompte pas aiſément , c'eſt le Théatre
de l'inconftance & des plus périlleux
événemens ; quand elle préſente fon ſein ,
( quelqu'uni & quelque paisible qu'il paroiffe
) elle préfente en même-tems un abîme
infatiable ; fes calmes font décevants
fes tempêtes font meurtrières ; elle dévore
les Flottes entiéres, & engloutit les plus fermes
Edifices , dont elle ne laiffe paroître
que quelques malheureux veftiges , pour
montrer à la terre des marques de fon empire
& de fa fureur ; & comme fi ce n'étoit
pas affés de nous cacher des écueils , où nous
voyons fouvent brifer nos Vaiffeaux , &
perdre tout le fruit de notre induſtrie , elle
E
a
514 MERCURE DE FRANCE.
a voulu encore faire échouer l'efprit humain
dans la recherche qu'il fait de la cauſe
de fon inégalité , de fon cours rapide , de
fon flux & de fes marées.
Cependant ce même Elément , qui occafionne
fi fouvent nos juftes plaintes , a de
fi beaux intervalles , & ( pour ainfi dire )
des caprices fi favorables , qu'on ne veut
pas même que ce foit un Problême à propofer
, fi la Mer nous eft plus dommageable ,
qu'utile?
Pour nous prévenir en fa faveur , on dit ▾
qu'elle eft le principal lien de la fociété
des hommes dans tout l'Univers , & la ligne
de communication qui les attache fi intimement
& fi heureuſement les uns aux autres
; que cette liaifon a perfectionné les
Arts & les Sciences ; que fans elle , tout ce
qui n'eft pas fous notre horifon , nous pa
roîtroit incroyable , & que nous ignorerions
ce qu'il y a de plus beau & de plus curieux
dans la Nature ; qu'il n'y a que la Mer qui
puiffe nous donner , avec abondance & commodité
, bien des chofes qui nous font fort
néceffaires ; que nous ne tenons les fuperfluës
que de fa profufion ; qu'elle eft libérale à
l'excès de tout ce qu'il y a dans la Nature
de plus riche , & de plus délicieux ; qu'elle
décore les Souverains de leur pompe la plus
fuperbe ; qu'elle verſe abondamment les richefMAR
S. 1744. 515
que
cheffes parmi le peuple , qui par tout ailleurs
fue & travaille beaucoup pour acquérir
peu de chofe , & qu'enfin la Navigation
eft le plus noble & le plus précieux effet de
l'induftrie des hommes , & la plus illuſtre
marque de la fermeté de leur courage; auffi ,
eft-ce un principe certain dans la politique
ancienne & moderne , rien ne peut fi
puiffamment contribuer à la grandeur d'un
Etat , que la Navigation de la Mer ; c'eft
par cette voie fi heureuſe , que les petits deiennent
grands , & que les grands peuvent
devenir les Maîtres des autres , ce qui
fe prouve évidemment par les inductions
tirées du progrès & de la décadence de plufieurs
Monarchies.
Sans recourir à une antiquité trop reculée
, & fans en aller chercher des exemples
dans celles des Affyriens & des Perfes
, qui font à préfent des Terres pref
qu'inconnues , nous fçavons que dix- huit
peuples du Continent de la Gréce & des
ifles voisines , gagnerent les uns fur les autres
l'Empire d'Orient durant huit cent ans
& ne furent les vainqueurs ou les vaincus ,
qu'à mesure qu'il étoient forts ou foibles
fur la Mer ; ce jeu de la fortune commença
par ceux de Créte fous Minos , & finit par
les Atheniens , qui recueillirent & tinrent
cette puiffance de la main des Eginetes ,
E ij qu'ils
516 MERCURE
DE FRANCE
.
›
qu'ils traiterent enfuite avec cette ingénieu
fe cruauté , de faire couper le pouce à tous
ceux qui tomboient entre leurs mains , pour
les rendre inutiles à la Navigation , & fi la
legereté naturelle des peuples de la Gréce
ou leur Commerce avec les Afiatiques ( quí
corrompit à la fin les moeurs des Athéniens )
ne les eut empêchés de fe prévaloir d'une fi
été
heureuſe fituation , ou s'ils n'euffent pas
fi entêtés de la vertu de Sparte , qui fut toujours
un contrepoids à la puiffance d'Athénes
, les Grecs n'auroient pas laiffé aux Romains
, l'avantage qu'ils ont eu de fe rendre
les Maîtres prefque de toute la Terre ,
Mais auffi eft-il certain que
firent le premier pas vers l'Empire du Monde
, lorfqu'ils prirent la réfolution de paffer
le détroit de Meffine , que les Fables de Sylla
& de Carybde , rendoient en ce tems - là ſi
formidable.
les Romains
Ce peuple ( vertueux à la vérité ) mais jufqu'alors
extrêmement
ruftique , voulut donner
du fecours à ceux de Meffine , qui lui
en avoient demandé , fans fçavoir qu'il s'agiffoit
en cette entrepriſe
de l'Empire de
Univers , entre Rome & Carthage,
Les Romains commencerent donc par la
Sicile à fubjuguer des Etats , en feignant de
les proteger , ce qu'ils fçurent depuis fi
bienpratiquer, mais ces opérations ne fe pouvoient
MARS. 1744. 517
voient faire fans de grandes forces navales ,
dont Rome n'avoit encore ni l'uſage, ni même
la connoiffance.
Il fallut pourtant équiper une Flotte ,
pour combattre les Carthaginois , qui en
avoient une en Mer , & les Hiftoriens racontent
comme un prodige , que les Romains
dans cette premiere tentative , mirent
à la voile cent foixante Vaiffeaux , pour la
conftruction defquels , & pour abbattre le
bois qu'on y devoit employer , le premier
coup de coignée ne¸ fut donné que deux
mois auparavant.
pour
Ce coup fut heureux , car cette premiere
guerre punique leur ayant réiiffi , leur puiffance
accrût avec leur ambition ; de forte
qu'en moins de deux cent ans , l'Empire du
Monde fut entre les mains de ceux , qui en
cinq fiécles avoient eu bien de la peine à fe
rendre Maîtres de l'Italie ; auffi leur politique
ne trouva pas de moyen plus affûré
fe conferver cette grandeur immenfe , que
de tenir toujours deux bonnes Flottes en
état , l'une pour faire la loi à tout l'Orient
l'autre pour tenir en bride les peuples d'Occident
, & l'Hiftoire a remarqué que dans
la décadence de cet Empire , il n'y a eu que
les Villes Maritimes qui ayent garenti l'Europe
de la domination des Goths , & arrêté
les irruptions fi fréquentes des Barbares du
Septentrion. E iij
L'Em118
MERCURE DE FRANCE.
L'Empire Ottoman n'a eu qu'une grandeur
médiocre , tant qu'il a été renfermé
dans le Continent , mais en un feul fiécle ,
depuis la priſe de la Morée & de Conftantinople
, il s'eft plus accru qu'il n'avoit fait
auparavant pendant fix cent ans.
On
n'attribue les grands
avantages que
les Anglois ont eu autrefois fur nous , qu'à
leur fupériorité
Maritime , auffi Charles- le-
Sage , s'étant apperçu de notre foibleſſe à
cet égard , fit équiper une nombreuſe
Flotte , fous le
Commandement du fameux
Amiral Jean de Vienne , laquelle lui fut d'un
grand fecours pour chaffer ces Infulaires du
Royaume , où ils ne feroient jamais rentrés ,
fi la foibleffe de fon fucceffeur, fes malheurs,
& les factions que fon état malheureux fufcita
dans le Royaume , & furtout à la Cour ,
ne leur en euffent ouvert le chemin.
Fut-il jamais une puiffance plus abbattuë
que celle des Vénitiens , après la malheureuſe
journée de la Giraddad , qui leur coûta
la
perte de tous leurs Etats de Terre- ferme ?
Mais ayant confervé leurs Ifles & leurs
Places Maritimes
, non-feulement ils réfifterent
à cette formidable Ligue , qui avoit
juré leur perte , mais par le fecours de la
Navigation
, ils trouverent encore le moyen
de reconquerir
ce qu'on leur avoit enlevé ..
Malthe ,, qui n'eft qu'un Rocher fortifié ,
&
MARS. 1744 519
& une petite Ifle , que l'ancienne Géographie
ne connoiffoit prefque pas , tient aujourd'hui
en échec toutes les Côtes d'un
grand Empire , avec un petit nombre de
Galéres & de Vaiffeaux .
La République d'Hollande , s'eft formée
du tems & fous les yeux de nos Peres ; on a
vû fa foible naiffance & fes progrès miracu→
leux dans l'ancien & dans le nouveau Monde
, progrès fi rapides & fi immenfes , qu'ils
ont forcé un des plus grands Monarques de
l'Europe , de leur céder , pour ainfi dire
l'empire de la Mer , & de traiter en Souverains
, ceux qu'il vouloit châtier comme fes
fujets rebelles , ce que ces gens , groffiers
d'ailleurs , n'ont gagné que par le moyen
de la Navigation , qui leur a procuré de fi
grands avantages , qu'ils vont aujourd'hui
de pair avec des têtes couronnées .
Enfin notre France ne doit en partie, qu'au
rétabliſſement de fes forces navales , cette
grande fupériorité , qu'elle s'eft acquife fur
fes voifins , & fur les étrangers les plus éloignés
; c'eft par le moyen de la Navigation
qu'elle a fait de fi beaux établiffemens dans
l'autre Hémifphére, & qu'elle pent encore fe
rendre redoutable aux Puiffances Maritimes
de l'un & de l'autre Monde.
En vain les rayons du Soleil , qui eft le
Pere de la nature, iroient-ils percer jufqu'aux
É iiij
abî520
MERCURE DE FRANCÉ.
abîmes de la terre , pour produire dans for
Centre le Roi des Métaux , fi nous ne pouvions
pas le faire venir jufqu'à nous , par le
moyen de la Navigation , qui fait le principal
objet des génies les plus élevés , &
des plus puiffans Souverains de la Terre.
Par M. D. D. Avocat de S. Etienne en Forêt.
QUAUQUAUAVAUNUNUNUDUQUQUNUNUDU
DUQUQUQUDUQURUFIQUQUQUQUQUQUQU
LE CORBEAU ET LE RENARD.
FABLE.
"
UN Corbeau tenant un fromage ,
Vola pour le manger fur un arbre à l'écart.
A l'odeur fous cet arbre accourut un Renard.
Le fromage étoit haut ; le matois dit : j'enrage ,
Mais chut , nous pourrons bien en avoir notre part ;
Du flateur aujourd'hui joüons le perſonnage.
Il adoucit de fon mieux fon langage
Et s'écrie : O divin Oiſeau !
Je vous vois , je ne vis jamais rien de ſi beau .
Mais de bons connoiffeurs mettent votre ramage
Au-deffus de votre plumage.
Si je pouvois pour la premiere fois
Entendre ces doux fons.... cette admirable voix ,
Affurément j'expirerois de joie.
Le
MARS.
521
1744.
Le Corbeau , pour chanter laiffe tomber fa proie;
Le Renard s'en faifit ; ne t'égofille pas ,
Lui dit alors ce rufé famelique ;
A tes dépens , l'ami , je fais un bon repas ,
Et je te tiens quitte de ta Mufique.
Saintard de Vaux.
On a dû expliquer les Enigmes & le
Logogryphe du Mercure de Février , par le
Chapeau , l'Alphabet , & la Vieilleffe . On
trouve dans le Logogryphe , Vie , Lieffe.
ဦး
Av
ENIGM E.
Vec l'Amour j'ai de la reffemblance ;
Doux , careffant en apparence ,
Mais dans le fond , traître , foarnois , malin ,
Et très-fouvent même , affaffin .
Malheur à qui dans moi met trop de confiance.
Enfin , comme l'Amour , fouvent
On me fait fuir , en,me nommant.
AUTR E.
Fils du Soleil & de la Terre ,
Au Tems j'ai fait donner un nom .
Ev Je
522 MERCURE DE FRANCE.
Je fis périr Agamemnon ,
Lorſqu'il revenoit de la guerre.
Envers ma mere fils rébelle ,
J'ofe lui déchirer le ſein ,
Mais c'eſt pour la rendre plus belle ,
Et plus utile au genre humain.
Mes freres , l'honneur des familles ,
Trouvent un bon gardien en moi ;
Parmi mille uſages je brille ;
Cher lecteur , penfe , cherche , voi.
*X*X*X* X*X*X+3X +3X+
LOGOGRYPHE..
S Ans mon fecours , un Général
Fut-il plus brave qu'Annibal ,
Ne feroit que peu de Conquêtes ;.
Les Hiftoriens , les Poëtes ,
Et prefque tous les Ecrivains ,
Seroient , fans moi ,, de petits Saints ; .
Les Marchands , les Jurifconfultes ,.
Recourent à moi tous les jours ;
Même les Sciences occultes
Empruntent fouvent mon fecours.
Dix membres compofent mon être ; .
Tranfpofe-les , lecteur benin ;
AuffiMARS.
1744.
323
Auffi-tôt tu verras paroître
Quelque chofe du corps humain.
Un Saint , qui fut grand Capitaine
Un efpiégle ; un méchant Lutin ;
Mal dangereux ; ce qu'un Pilote
Appréhende toujours en Mer ;
Un Volatile qui jabotte ;
Une Amante de Jupiter ;
Un nom en tous Lieux respectable
Droit émané du Souverain ;
Un fruit du genre féminin ;
Ville maintenant redoutable ;
Un des fept péchés Capitaux ;
Monftre qui nâquit dans la Fable ,
Et qui fit trembler un Héros ,
Autant pieux que miférable ;
Le contraire de la douceur ;
Certain Inftrument de Mufique ;
Le motif fouvent d'un malheur ;
Pacte qu'on fait lorsqu'on fe pique ; .
Nom des Etats d'un Souverain ,
Qui troubla l'Empire Romain ;
Evj Pays,
524 MERCURE DE FRANCE.
Pays , où les femmes très - belles ,
Sont moins , qu'en tout autre , cruelles ;
D'une mince tige le grain ,
Quelquefois , utile au malade ,
Et même quelquefois , au fain .
Tu trouveras encore un Grade ,
Dont un Sçavant ſe fait honneur ;
Un meuble aujourd'hui néceffaire ,
Aux Seigneurs ainfi qu'au vulgaire.
C'eft affés dit , cherche Lecteur..
E. Faure , à Metz.
NOU
MARS. 1744. 525
၁ ၁ ၁ ၁
૨૮ ૨૯ ૩૨૯>૯૨૯ ૨૯ટ૯૯૨૭ ૨૮૨
NOUVELLES LITTERAIRES ,
D
DES BEAUX - ARTS , & c.
OCTISSIMO & Clariffimo viro Nicolao
Frereto , perpetuo Secretario Gallica
Regia Academia Infcriptionum & Bonarum
Litterarum , Angelus Maria S. R. E.
Card. Quirinus Bibliothecarius Apoftolicus ,
Epifcopus Brixiens.
C'est le titre d'une Lettre écrite par M. le
Cardinal Quirini , Bibliothéquaire du Vati
can & Evêque de Brefcia , récemment choisi
par l'Académie Royale des Belles Lettres ,
pour remplir une place d'Académicien honoraire
Etranger , à M. Freret , Sécretaire
perpétuel de cette Académie.
On auroit bien de l'obligation aux Auteurs
célébres , s'ils vouloient prendre la
peine d'inftruire eux-mêmes le Public des
Ouvrages differens qu'ils ont compofés ou
qu'ils ont publiés. M. le Cardinal Quirini
commence fa Lettre à M. Freret , en rendant
compte des Etudes qu'il a faites à Florence
dans fa jeuneffe. Il ajoute qu'y ayant été
Profeffeur , il y compofa d'abord une Harangue
qu'il intitula de Mofaica Hiftoria
praftantia , & qu'il fit imprimer , auffi-bien
que
326 MERCURE DE FRANCE,
que des Obfervations fur Euclide ; qu'enfui
te il vint en France , où il refta quatre ans ;
c'eft de quoi nous avons fait mention dans
l'Extrait précédemment donné de fa Lettre
à l'Académie. De retour en Italie, il écrivit
une Differtation , ou un Plan d'Hiftoire
de l'Italie , imprimée à Rome ; un Effai fur
l'Hiftoire du célebre Monaftere de Farfe ,
fitué dans le Duché de Spolete , enfuite il
publia une Edition des Livres de l'Office
Divin , à l'ufage de l'Eglife Grécque.
Après cet Ouvrage , le Pape Innocent
XIII. lui donna l'Evêché de Corcyre , où il
écrivit de primordiis Corcyra , Ouvrage dont
il y a eu deux Editions. Il donna depuis
L'Enchiridion Græcorum , qui fut imprimé &
parut à Benevent , pendant le féjour de Benoît
XIII dans cette Ville. Ce Souverain
Pontife le fit alors Cardinal , & le transfera
de l'Evêché de Corcyre à celui de Breſcia ,
où il ne fut pas plûtôt arrivé , qu'il travailla,
comme il avoit fait à Corcyre, fur un Ouvrage
qui regardoit le Pays. Le premier eſt
Bibliotheca veterum Patrum Brixiana Eccle
fia. Le fecond , de Brixiana Litteratura renafcentium
Litterarum atate. Le troifiéme
Gefta & Epiftola Francifci Barbari , l'un des
plus illuftres Breffans , & qu'on y qualifioit
de Pere de la Patrie. M. le Cardinal Quirini,
voulant auffi illuftrer fon Titre de Cardinal
de
MARS. 1744. 527
de S. Marc , crut devoir écrire la Vie du
Pape Paul II , qui avoit été revêtu du même;
Titre , & il profita de cette occafion pour
venger fa mémoire contre Platina. Enfin
ayant été nommé Bibliothécaire du Vatican,
M. le Cardinal fe fervit utilement de cette
Place , pour travailler à une Edition des
Euvres de S. Ephrem . Etant depuis ce temslà
établi par Benoît XIV , Préfet de la Congrégation
de l'Indice , il n'oublia point ce
qu'exigeoit de lui cette nouvelle Charge ; il
parle auffi d'un petit Ouvrage qu'il a compofé
dans ce genre de Litterature,
Au refte , la raison pour laquelle M. le
Cardinal Quirini donne une énumération
de tous les Ouvrages qu'il a compofés , felon
les differentes fituations où il s'eft trouvé
, eft pour en venir à un certain nombre
de Lettres , qu'il a auffi données au Public
relativement à ces differens états , & en
particulier à celles qu'il a écrites & qu'il
lui convenoit d'écrire , en qualité de Bibliothécaire
Apoftolique , fur des Diptyques,.
qui ont appartenu au Pape Paul II , d'autant
plus que le Souverain Pontife même
avoit défigné un certain nombre de Prélats
qai compofent une Académie , deftinée à
éclaircir tout ce qui regarde les anciens
Monumens de Rome , & finguliérement
ceux du Capitole..
A
328 MERCURE DE FRANCE.
A cette occafion , le fçavant Cardinal
ajoûte qu'il auroit pû envoyer à l'Académie
des Belles- Lettres plufieurs de fes découvertes
fur les Médailles & fur les Inf
criptions de Corcyre , mais il trouve qu'il
eft plus à propos de lui faire part de toutes
les differentes explications qu'on a données
aux Diptyques en queftion.
Nous ne redonneronspoint ici la repréfentation
de ces Diptyques , qui eft déja gravée
dans le Mercure du mois de Novembre
1742. On peut y avoir recours , pour juger
dela folidité de ces diverfes explications.
M. Mazochi , Italien , eft d'avis que ce Monument
n'offre rien qui foit pris de la Fable,
mais feulement que d'un côté eft la repréfentation
de la maniere de faire offrir le Libellus
Sponfalitius par un Eunuque , & que
de l'autre c'eft fimplement l'homme & la
femme mariés , qui font figurés ; que fi
l'Eunuque eft repréfenté nud , c'eft pour
marquer la célerité avec laquelle il exécute
fa commiffion , de même qu'on repréfente
Mercure en cet état. Il rapporte des Vers de
Claudien , qui ont quelque relation à cette
nudité de l'Eunuque , & qui font voir que
M. Baldin , autre Sçavant d'Italie , a été mal
fondé à croire ces Diptyques fculptés dans
le XIV fiècle. M. Mazochi les croit au contraire
vraiment anciens , & que s'il y paroît
quelques
MAR S. 1744.
529
quelques défauts contre les Régles de l'Architecture
, c'est que l'Ouvrier étoit de ceux
qui ne s'entendent qu'aux figures humaines,
& ne peuvent , par exemple, bien repréſenter
des Animaux , des Payfages , &c.
M. Olivieri , autre Antiquaire Italien
croit pareillement l'Ouvrage d'un goût antique
, fans que les Conques qui y font ,
puiffent en faire rabaiffer l'âge , puifqu'on a
des Monumens des tems très-reculés , qui
en ont de femblables.
Ici M. le Cardinal Quirini rapporte le
fentiment de M. de Boze , dont il fait l'éloge
& celui de toute l'Académie des Belles
Lettres , qui l'a adopté , fçavoir que ce Diptyque
eft véritablement ancien & Romain ,
mais ce fentiment differe de celui de M. Mazochi
, en ce que , felon lui , la figure du
jeune homme de la premiere Table , ne repréfente
pas unEunuque,mais que s'il paroît
être tel , c'eft que la vétufté du Diptyque
n'a pas permis de conferver toutes les parties
qui le compofoient.
Par ce fimple expofé M. de Boze donne
l'exclufion à tous les differens fentimens
de plufieurs Italiens , qui veulent que ce
foit l'Hiftoire de Venus & d'Adonis , ou
celle d'Atys & de Cybele , ou de Diane &
d'Endimion , de Méléagre , & d'Atalante ,
de Paris & d'Helene , de Titus & de Bérénice.
$ 30 MERCURE DE FRANCE.
.
nice. La même fçavante Lettre où M. de
Boze réfute ces fentimens , nous apprend ,
à l'occafion du Bonnet Phrygien du jeune
homme , que quoique quelquefois chés les
Romains on repréfentoit les hommes la tête
nue , cependant ils fe fervoient aufli du
Bonnet , de même à peu près que nous nous
fervons du Chapeau , & il en donne les
preuves.
M. de Boze , dans une feconde Lettre ,
datée du Château de Plaifance , proche Paris
, perfifte à foutenir l'antiquité du Diptyque
dont il s'agit ici , & à le regarder
comme antérieur à tous les Diptyques Confulaires.
Ces Diptycha amatoria font en effet
des premiers tems . On en trouvoit, dit- il,de
tout faits chés les Marchands , comme on y
trouvoit des Bagues & autres chofes. L'acheteur
choififfoit le Morceau qui lui plaifoit
le plus , fans trop examiner fi tout convenoit
dans le détail des circonstances. M.
de Boze apporte plufieurs raifons, qui perfuadent
que , quoique l'accompagnement
d'une Gravûre ou Sculpture paroiffe groffier,
il ne faut pas en conclure que le fond de
l'Ouvrage foit nouveau & des bas fiécles.
Nous omettons ce qu'il dit,par occafion , touchant
l'Etymologie du nom de l'Ifle de Corcyre
, fournie par M. Fourmont , l'aîné , de
Académie des Belles Lettres , & pour ce
qui
MARS. 1744.
qui
eft de la Lettre inférée dans le Mercure
cité ci-deffus , que M. le Cardinal Quirini
rapporte auffi dans fon Ecrit à M. Freret ;
nous nous contenterons de renvoyer
tre Journal.
à no-
Son Eminence finit fa Lettre par un Extrait
de ce qu'un fçavantAllemand lui a écrit
touchant les mêmes Diptyques, qui ne decide
abfolument rien , & elle promet à M.
Freret une Gravûre de quelques Tables d'yvoire
, apportées à Paris par un Vénitien ,
mais originairement trouvées dans l'Archipel
, que Dom Bernard de Montfaucon s'étoit
propofé de donner dans fon grand Ouvrage
de l'Antiquité expliquée , & c.
Cettre Lettre Latine , dont M. le Cardinal
Quirini nous a fait l'honneur de nous
envoyer un Exemplaire , eft datée de Brefcia
, écrite fur la fin du mois d'Août der
nier, & imprimée à Rome.
Dans le Mercure du mois de Novembre
dernier , nous avons annoncé le Plan d'une
double Traduction Littérale & Poëtique
des Pfeaumes de David , fuivant la Vulgate.
Ce Plan n'étoit alors connu que par
une Préface , répandue dans le Public , dans
laquelle on promettoit un Effai des 25 premiers
Pleaumes.
Cet Effai ayant parû , nous devons au
Traduc
32 MERCURE DE FRANCE.
les
Traducteur la juftice de reconnoître que
Pleaumes y font préſentés dans un jour nouveau
, qui en rend l'étude agréable & utile
à ceux qui aiment à fe nourrir des vérités
du Salut. On y reconnoît des Poëlies , qui
à la folidité des inftructions , à l'onction
des fentimens , joignent le feu des penſées,
la force des expreffions , & la plus riche va
riété dans la conduite des Sujets , dont les
parties font admirablement liées ; enforte
que plus on médite ces Poëfies , infpirées
par l'Esprit Saint , plus on y découvre de
beautés , avec une fatisfaction interieure
d'autant plus grande , que l'efprit furpris &.
le coeur émû , peuvent fouvent trouver des
penſées & des fentimens a ajoûter à ce que
la Lettre exprime.
Nous avons obfervé dans fon tenis , que
pour prouver l'exactitude de la Traduction
Poëtique , dans tous les endroits , qui dans
le Texte Latin font extrêmement difficiles,
foit à lier , foit à expliquer , le Traducteur
avoit pris le parti de donner aufli une Traduction
purement Littérale. Cette nouveauté
, jointe à celles que le Plan préfente d'ailleurs,
a donné lieu à diverfes Obfervations,
fur l'uniformité des deux Traductions , en
bien des endroits , fur la fimplicité confervée
avec fcrupule dans le ftyle Poëtique
fur la liberté prife d'introduire fouvent des
InterMARS.
1744.
333
Interlocuteurs , & enfin fur la ponctuation ,
qui en quelques endroits n'eft fuivie dans
aucune autre Traduction .
Pour fatisfaire le Public fur toutes ces refléxions
le Traducteur a fait imprimer une
Lettre qu'il écrit fur ce fujet à un ami.
L'Extrait que nous en donnerions , ou feroit
trop long , ou laifferoit trop à defirer à tous
ceux qui pourroient fouhaiter un plein
éclairciffements nous obferverons feulement
qu'il nous paroît qu'elle répond folidement
tout , & qu'elle eft d'autant plus intéreſ
fante , que l'Auteur y fait une comparaiſon
exacte du Pfeaume XV , fuivant la Traduction
Poëtique , avec ce même Pfeaume , fuivant
les deux dernieres Traductions qui ont
paru , & que l'on doit préfumer travaillées
avec le plus grand foin , les plus exactes recherches
, & le plus férieux examen , facili-
τές par toutes les autres Traductions précédentes
,les unes fuivant la Vulgate, les autres,
& en bien plus grand nombre fuivant
l'Hébreu .
›
Cette comparaifon eft un exemple de celle
que
l'on peut faire de même pour chacun
des XXV Pleaumes , contenus dans l'Effai
, en attendant les 50 fuivans , dont la
moitié a déja ſubi l'examen , & fera inceſfamment
fuivie de l'autre , pour paffer à
l'impreffion , dès que l'on aura lieu de croire
534 MERCURE DE FRANCE.
re que le Public fera au Traducteur la grace
de les recevoir avec quelque empreffement.
Plufieurs, comme il l'obferve dans fa Lettre
, aimant fans prévention les vérités du
Salut , & s'exerçant dans la priere, peuvent
être tentés du defir infiniment loüable , de
méditer les Pleaumes , & de bien comprendre
les inftructions qui y font renfermées ;
nous ajoûterons que dans la comparaiſon
des XXV premiers Pfeaumes, ils trouveront
à s'occuper utilement , en commençant un
examen , qui deviendra de plus en plus intéreffant.
C'eft faciliter cet examen , qu'il a
pour
donné une Traduction Littérale , qui met
les Sçavans en état de juger , & qui donne ,
à ceux même , qui n'entendent pas le Latin ,
la fatisfaction de reconnoître l'exactitude
avec laquelle il a travaillé , pour ne pas
abonder dans fon fens.
L'Effai , qui eft en fimple Brochure , belle
impreffion & beau papier , fe vend 24 fols ,
chés Thibouft , Imprimeur du Roi , Place de
Cambray , non compris la Lettre , qui fe
vend féparément 4 fols , & qui cependant
peut être jointe au Livre , à la fuite de la
Préface , par ceux qui achetant la Lettre ,
voudront acheter le Livre . Le premier Volume
contiendra LXXV Pfeaumes , & ne
coûtera en feuilles que trois livres.
LE
MARS.
535
1744.
,
LE GUERRIER PHILOSOPHE , ou Mémoires
de M. le Duc de ** contenant des Réflé-
Kions fur divers caractéres de l'Amour, avec
quelques Anecdoctes curieufes de la derniere
Guerre des François en Italie, Par M,
Jourdan , 2 Vol. in- 12 , 2 Vol. in- 12 , à la Haye , chés
Pierre de Hondt, 1744 ; on le trouve chés
plufieurs Libraires à Paris.
Nous avons annoncé cet Ouvrage dans le
Mercure de Décembre dernier. L'accueil
favorable que le Public lui a fait , juftifie ce
que nous en avions déja dit ; depuis longtems
il n'avoie rien paru d'auffi folide &
d'auffi amuſant tout à la fois ; ce n'eft point
un Journal d'amourettes ; ce ne font point de
ces Réfléxions qui vous affomment par leur
longueur ; en un mot , ce n'eft point ici un
de ces Livres, enfantés par une imagination
fterile , qui fe fauve dans les Dialogues ou
dans des Lettres multipliées à l'infini ; M,
Jourdan proméne fes lecteurs dans un champ
vafte , femé de mille avantures toutes plus
finguliéres ; il enchaîne fes Evénemens avec
tant d'art , qu'ils femblent fortir tout naturellement
les uns des autres , & il vous conduit
jufqu'au bout par une efpece de petite
trahifon , dont on ne peut s'empêcher de
lui fçavoir gré. Tout ce qui eft Hiftorique ,
paroît fcrupuleufement traité fous les aufpices
de la vérité , & la Guerre d'Italie , qu'il
y
$ 36 MERCURE DE FRANCE.
y a enchaffée avec beaucoup d'adreffe , doit
être regardée comme un morceau curieux ,
qui renferme des Anecdotes & des détails
très-intéreffants ; le tout eft écrit avec une
noble fimplicité , que l'Auteur , ainſi qu'il
le dit lui-même dans fa Préface , s'eft propofée
pour but , de forte que la douce harmonie
de fon ftyle ne fait pas le moindre
mérite de l'Ouvrage ; enfin pour achever
de le peindre en peu de mots , c'eft un de
'ces Livres que tout le monde lit , que tout
le monde veut lire , & que perfonne ne fe
répent d'avoir lu ; on pourroit feulement
reprocher à l'Auteur d'avoir , peut- être en
quelques endroits , facrifié l'exacte vraifemblance
, au plaifir de fe ménager des furpri
fes & des fituations agréables ; mais quand
on plaît , tout , juſqu'aux défauts , devient
pardonnable,
LIVRE des Affligés Pénitens. Par M. Picard
de S. Adon, Docteur de Sorbonne, & Doyen
de l'Eglife de Sainte Croix d'Eftampes ,
vol. in- 12 de 189 pages , fans compter la
Préface , & un Supplément. A Paris , chés
la Veuve Brocas , rue S. Jacques , au Chef
S. Jean , 1741 .
La piété & les fentimens de l'Auteur , paroiffent
dès le commencement de la Préface ,
qu'il adreffe : Au LECTEUR qui foupire après
la
MAR S. 1744.
537
"
وو
, par
la délivrance de fes maux , & la poffeffion du
fouverain bien, » Ce qui le frappe , dit-il ,
» infiniment , c'eft de voir qu'il y a , beaucoup
d'Affligés & peu de Pénitens ; on
» fouffrefans mérite , parce qu'on n'eft point'
» animé de l'Eſprit de Pénitence , & c . On
peut juger du mérite de ce petit Livre
des paroles fi édifiantes , & fi Chrétiennes.
Le Supplément eft tout-à-fait afforti à ce
grand fujet. Il eft intitulé , LA PASSION DE
N. S. JESUS -CHRIST , partagée felon les heures
du jour, & fuivi de quelques Réfléxions
fur les Myſteres de la Paffion . Le Livre finit
par une PRIERE pour demander à Dieu la
converfion du coeur , par les Mérites de la
Mort & Paffion de JESUS - CHRIST,
>
LE PARFAIT COCHER , ou l'art d'entretenir
, & de conduire un Equipage à Paris
& en Campagne. Avec une inftruction aux
Cochers fur les chevaux de caroffe , & une
connoiffance abbregée des principales maladies
, aufquelles les chevaux font ſujets.
Ouvrage utile , tant aux Maîtres qu'aux Cochers
, I vol. in- 8°. d'environ 400 pages
y compris l'Epitre à M. de la Gueriniere ;
une Préface inftructive , & les Tables. A
Paris , chés F. G. Merigot , Quai des Auguſ
tins , près la rue Gift-le-Coeur , aux Armes
de France , 1744.
F Si
538 MERCURE
DE FRANCE
.
Si ce Livre n'enrichit pas la République
des Lettres , toutes les perfonnes fenfées
conviendront qu'il peut être d'une grande .
utilité dans la Société Civile , c'eſt- à-dire
à une infinité de gens que cette matiere intéreffe.
Nous avons , il eft vrai , plufieurs
Ouvrages fur tout ce qui regarde la Maréchalerie
, mais perfonne ne s'étoit encore
avifé d'en compofer un pour inftruire des
Cochers. L'Auteur de celui -ci nous apprend
que
c'eft fur les Mémoires d'un ancien Cocher
qu'il l'a compofé. Pour donner toute la
perfection poffible à fon Ouvrage , il a confulté
les plus habiles Cochers de Paris , &
les plus fameux Ouvriers , lefquels en con- tribuant enfemble à la bonté & à la beauté
des Equipages d'aujourd'hui
, ont auffi contribué
à rendre ce Livre intéreffant pour
Maîtres , & utile pour les Cochers,
les
Ce qui n'eft pas un petit augure pour cet
Ouvrage , c'eft que l'Auteur l'a dédié à M.
de la Gueriniere , fi connu par fa belle Ecole
de Cavalerie , & l'un des meilleurs Ecuyers
du Royaume ; il l'a vû en Manufcrit ; on
croit même qu'il a été fait fous les yeux ; dụ
moins l'a-t'on confulté en tout.
La premiere
Partie traite de la maniere
de mener à Paris & en Campagne
, & du foin qu'on doit avoir de l'Equipage
& des chevaux
; la feconde
donne une connoiffance
MARS.
1744. 539
> fance abbregée des chevaux de caroffes
François & Etrangers. La troifiéme contient
une lifte des principales maladies aufquelles
les chevaux font fujets , & enfin une
courte inftruction fur ce que les Cochers
doivent faire , en attendant le fecours des
Maréchaux , s'ils en ont befoin .
Il y a au Frontifpice de ce Livre , une belle
Vignette , ingénieufement inventée , & fort
bien gravée.
On vient de publier un Programme , qui
fera fans doute plaifir aux Amateurs de la
Poëfie Françoiſe. En voici le contenu .
BIBLIOTHEQUE Poëtique , ou nouveau choix
des plus belles Piéces de Vers en tout genre ,
depuis Marot jufqu'aux Poëtes de nos jours,
avec leurs Vies , & des Remarques fur leurs
Ouvrages , 4 vol. in-4° . propofés par foufcription.
A Paris , chés Briaffon , Libraire ,
ruë S. Jacques , à la Science , 1743 .
>
Parmi tant de Recueils de Poëfies , qui
ont paru jufqu'à préfent en notre Langue
& qui femblent avoir été faits comme à
l'envi les uns des autres , depuis plus d'un
fiécle , il y en a deux furtout que l'on eftime
encore aujourd'hui . Le premier ( a ) fut
donné au Public en 1671 , fous le nom du
"
( a ) Imprimé en trois vol. in- 12 , chés Pierre le-
Petit.
Fij
célébre
540 MERCURE DE FRANCE.
célébre la Fontaine. Le fecond , ( b ) fans
nom d'Auteur , vit le jour en 1692. Celui
qui paroît depuis quelques années , ſous le
titre de ( c ) Choix de Poëfies Morales & Chrétiennes
, a eu fes Partifans & fes Cenfeurs.
Inftruit par les derniers , l'Editeur a cru ne
pouvoir mieux leur en marquer fa reconnoiffance
, qu'en mettant à profit leur critique
dans cette nouvelle Collection. Trois
chofes contribuëront , ce femble , à la rendre
également utile & agréable. Les Vies des
Poëtes qui la compofent ; la diverfité des
matieres qu'elle contient , & enfin les Remarques
fur les endroits qui ont paru avoir
befoin d'éclairciffement. On ne s'eft pas
contenté de puifer dans les fources les plus
connues ; partout où le beau s'eit offert , on
l'a pris fans acception de noms plus ou
moins accredités. Chapelain a fait un Poëme
auffi dur qu'allongé , d'accord ; mais ce
même Chapelain , de l'aveu du fameux Deſpreaux
, a fait une belle Ode ; ( d ) la mépriferons-
nous, parce qu'elle n'eft pas de Malherbe
ou de Rouffeau ? Eh ! combien d'Auteurs
ont échoué dans certains genres , qui
(b ) Imprimé ens vol. chés Barbin , & attribué à
M. de Fontenelle.
(c ) Imprimé en 1739 , 3 vol. in- 8 ° . grand & petit
papier , par Prault , Pere , & qui se vend chés
Briaffon , rue S. Jacques.
( d ) Son Ode au Cardinal de Richelieu .
ont
MARS. 1744.
`541
ont réuffi , qui ont même excellé en d'autres
! Oublier ce qu'ils ont fait de médiocre
, c'eft raifon ; leur tenir compte de ce
qu'ils ont fait d'eftimable , & faifir même
l'occafion de le faire valoir , c'eſt juſtice.
On a obſervé , autant qu'il a été poffible ,
l'ordre Chronologique , afin de donner au
lecteur comme une Hiftoire fuivie de la
Poëfie Françoife , & de le mettre plus à portée
d'en connoître les differens progrès , depuis
Marot jufqu'aux Poëtes de nos jours .
On s'eft fait un devoir de ne rien emprunter
des vivans , & cela pour des raifons dont le
détail feroit d'autant plus inutile , qu'elles
font plus faciles à deviner.
Plaire aux gens de goût , & fatisfaire en
même-tems les gens de bien , eft le double
objet du travail de l'Editeur . S'il ne réüffit
pas au gré des uns , il est au moins sûr de
T'approbation des autres , pour n'avoir inféré
dans ce Recueil , aucune Piéce qui ne puiffe
être lûë de ceux-mêmes qui ont la confcience
la plus délicate & la plus timorée . Périſfent
à jamais l'art des Vers & tous les dons
du génie Poëtique , pour quiconque ne les
employe qu'à flétrir le mérite , ou à faire
rougir la vertu !
CONDITIONS.
L'Editeur de cet Ouvrage fe propofe de le
Fiij faire
542 MERCURE DE FRANCE .
faire imprimer auffi parfaitement qu'il eft
poffible. Son but eft d'en réferver les Exemplaires
pour un certain nombre de Curieux ,
qui connoiffent le prix des belles Editions ;
& la voie qu'il a cru la plus facile pour y
parvenir , a été de le propofer par Soufcription
.
L'Ouvrage fera partagé en 4 vol. in-4° .
imprimés fur du papier , & en caracteres
conformes au modéle ; le prix fera paur
les Soufcripteurs , de 32 liv. qui ferone
payées , fçavoir , 18 liv . en foufcrivant , &
14 liv. en retirant l'Exemplaire en feüilles.
Il fera tiré un très- petit nombre d'Exemplaires
en plus grand papier , très-fin &
très-beau , qui feront auffi donnés par Soufcription
à 48 liv. dont il fera payé 30 liv .
en foufcrivant , & 18 liv. en retirant l'Exemplaire
en feuilles.
Les perfonnes qui voudront foufcrire
font priées de fe préfenter au plûtôt , pour
affûrer leur Exemplaire.
L'Ouvrage fera fini au plus tard en Septembre
, 1744.
ASTRONOMI E Nautique , ou Elémens
d'Aftronomie , tant pour un Obfervatoire
fixe , que pour un Obfervatoire mobile.
Par M. de Maupertuis , 1 vol . in- 8° . de l'Imprimerie
Royale , 1743 .
HISMARS
. 1744.
543
HISTOIRE de la Grèce , traduite de
l'Anglois de Temple Stanyam , 3 vol . in- 12.
à Paris , chés Briaſſon , 1743 .
LE TEMPLE de Mémoire , Poëme Allégorique.
Brochure in- 12 , à Paris , chés Couftelier
, 1744.
On trouve chés le même Libraire un autre
Poëme , beaucoup plus férieux , intitulé :
Le Bâtiment de S. Sulpice, ODE. En voici
la premiere Strophe.
Augufte & pompeux Edifice ,
Digne Palais du Roi des Rois ,
Que votre voute retentiffe
t
Des fons éclatans de ma voix !
De l'Efprit- Saint , qui vous habite ,
Une infpiration fubite
Excite en moi d'heureux tranfports
Et de la Harpe renommée ,
Honneur de l'Antique Idumée ,
Me tranfmet les divins accords.
On écrit de Rome , qu'il vient de paroître
une Bulle du Pape , de l'Imprimerie de la
Propagande , datée du 24 Décembre 1743 ,
adreffée au Patriarche d'Antioche , des Grecs
Melchites , & aux Evêques Catholiques du
même Rit , foumis à ce Patriarche. Cette
Bulle contient quelques Réglemens au fujet
F iiij
des
344 MERCURE DE FRANCE.
des jeûnes pratiqués par ces Peuples ; & encore
fur la Liturgie , fur la Jurifdiction
du Patriarche , & des Evêques. La Bulle annonce
auffi une Edition du Miffel à l'ufage
des Grecs Melchites , & une autre des Livres
Eccléfiaftiques du Rit Copre.
EUVRES de Meffire Jacques Benigne
Boffuet , Evêque de Meaux , Confeiller du
Roi en fes Confeils & ordinaire en fon Confeil
d'Etat , Précepteur de Monfeigneur le
Dauphin , &c. Quatre vol. petit in -fol. Le
premier Tome de 820 pages , le fecond de
940 , le troifiéme de 707 , & le quatriéme
de 632 , non compris les Préfaces & autres
Difcours Préliminaires , dont quelques- uns
ont plufieurs feuilles d'impreffion . AParis ,
chés le Mercier , rue S. Jacques ; la. Veuve
Alix , Cloître S. Benoît ; Barois , fils , Quai
des Auguſtins , & Boudet , ruë S. Jacques.
HISTOIRE de l'Académie des Scien
ces , 1739 , avec les Mémoires de Mathématique
& de Phyfique , pour la même année ,
tirés des Regiftres de cette Académie , de
475 pages , Planches détachées 21. A Paris
, de l'Imprimerie Royale , 1743 , in-4°.
DISCOURS fur les follicitations , prononcé
à l'ouverture du Parlement de Rouen ,
le
MARS. 1744. 545
le 12 Novembre 1742 , par un de Mrs les
Avocats Généraux , in- 40. de 20 pages.
ON a donné à Rome , depuis la mort de
M. l'Abbé Lazzarini , deux Editions de fes
Ouvrages ; la premiere , à Veniſe en 1736 ,
chés Jean Gabriel Herts ; l'autre , l'année
fuivante , chés Lélio Della Volpe , à Boulogne.
Ces deux Editions font très- défectueufes
, foit parce qu'on y a fait entrer des
Piéces qui ne font pas de l'Auteur , foit
parce qu'on en a omis plufieurs qui font
véritablement de lui . M. François Banaglio a
entrepris d'en donner une nouvelle,plus ample
& plus exacte. Il en a donné depuis peu
le premier Volume , & il promet qu'il pu
bliera fucceffivement tout ce qui eft forti de
la plume de cet Auteur . Le Volume qui pa
roît , a pour titre : Offervazioni fopra la
Merope del fig. S. M. Maffei , ed altre operette
del Sig. Abbate Domenico Lazzarini
di Moro Patrizio Macerateze raccolte da
Francefco Banaglia Trivigiano , in Roma appreffo
i Pagliarini , 1743 , in- 4°. Les autres
Piéces qui forment Volume , font : 1 .
Des Obfervations fur la Traduction Italierne
de Lucrece . 2º. Trois Harangues Latines
touchant les meilleures Etudes & une
Orarfon Funebre , prononcée à la mort de
M. F. Morofini , Evêque de Breffe . Le refte,
F v се
546 MERCURE DE FRANCE.
1
ce font differentes Piéces qui regardent la
Diplomatique du P. Mabillon.
On trouve chés le même Libraire , une
Differtation de M. le Marquis Poleni , fur
le Temple de Diane d'Ephéfe , intitulée :
Differtazione del Marchefe Giovanni Poleni
publico Profeffore nell' Univerfita di Padova
Sopra il Tempio di Diana d'Efefo , & c . in Roma
, 1942 , in- 4° . avec figures.
ON prépare à Tournay , une feconde
Edition du Poëme du P. le Vaillant , de la
Compagnie de Jefus , fur l'Accord de la
Grace & de la Liberté. Elle fera en caracteres
neufs & en très- beau papier . On y joint
d'autres Poëfies du même Auteur. 1 ° . Un
Poëme en deux Chants , intitulé : Le Triomphe
de la Charité Divine fur le coeur de l'homme.
2° . Un Poëme , qui a pour titre : La
Patience du fufte couronnée dans Job . 3º . Des
Sonnets fur des Matieres de Piété , & fur les
Mysteres de la Foi. 4°. Les xvj premiers
Pfeaumes de David , paraphrafes en Odes , de
Stances differentes . Ces quatre Articles feront
un fecond Volume & les deux enfemble
fe donneront à très-bon marché . Deux Volumes
in 8°.
Il paroît à Breffe , une Differtation qui a
pour objet d'éclaircir l'ancienne Coûtume
des
MAR S. 1744.
547
des Romains , d'évoquer les Dieux Tutelaires
des Villes dont ils faifoient le fiége , de
tranfporter à Rome leurs Statues & leurs
Simulacres , avec des Cérémonies par lefquelles
ils invitoient ces Dieux à quitter la
place , à venir dans de nouvelles demeures ,
à prendre poffeffion de Temples plus auguftes
, & d'Autels plus faints. La Differtation
eft intitulée : P. C. Anfaldi O. P. de
Diis multarum Gentium Romam evocatis , five
de obtinente olim apud Romanos Deorum Prafi-s
dum in oppugnationibus Urbium evocatione
Liberfingularis , Vol . in -8 ° . Brixiæ 1743 .
On a publié à Venife depuis peu , la feconde
Partie du Recueil des Statues Grecques
& Romaines , que l'on Y conferve dans le
Veſtibule de la Bibliothèque de S. Marc. La
premiere a été donnée en 1640 , & a été annoncée
dans les Nouvelles du Journal des
Sçavans de Juillet de l'année fuivante ; on
en a rendu un compte exact dans le Mercure
de France.
Ce fecond Volume , grand in fol. comme
le précédent , contient so Planches gravées
par les meilleurs Maîtres , & font accompagnées
d'explications & d'obfervations critiques
& Philologiques , les 48 & 49 Planches
repréfentent deux Lions , que le Géné
ral François Morofini , furnommé le Péle-
F vj ponef
$48 MERCURE DE FRANCE.
poneffique , après avoir fait la conquête de
la Morée , tranfporta du Temple de Jupiter
& de Minerve d'Athénes dans fa Patrie , &
qu'il plaça parmi les autres anciens Monumens
, avec deux Infcriptions également
glorieufes à la Nation Vénitienne , & à la
Maifon Morofini.
On a publié à Londres une Traduction
Angloife des Effais de Morale & de Litterature
de M. l'Abbé Trublet , faite fur l'Edit.
de 1737 , la plus ample & la plus exacte.
Jean Brindley , Libraire à Londres , & de
S. A. R. le Prince de Galles , a publié depuis
peu un Projet pour imprimer par foufcription
les Auteurs fuivans ; fçavoir , Horace
, Virgile , Terence , Juvenal & Perfe.
Pour cet effet , il a acheté une fonte de trèsbeaux
caracteres neufs , & il n'a rien néglide
tout ce qui dépendoit de lui , pour
que
fon Edition fût au -deffus de toutes celles
qui ont paru des mêmes Auteurs. 1 °. Par
la correction du Texte. 2 ° . Par la beauté &
netteté des caracteres. 3 ° . Par la bonté du
papier. 4°. Par la petiteffe du Volume. Il
s'eft engagé à n'employer que du papier
très-fin , & des caracteres fondus exprès
pour cette entrepriſe , lefquels , au jugement
des connoiffeurs , furfaffent par leur
netMARS.
1744.
$49
netteté tout ce qui a paru jufqu'à préfent en
ce genre , & l'effai qu'il donne de l'exécution
de fon Projet , répond pleinement à ce qu'il
promet. Le prix pour les Soufcripteurs eft
de dix Shillings , dont ils payeront la moitié
en foufcrivant , & l'autre en retirant
l'exemplaire en blanc. Ceux qui auront
foufcrit pour fix Exemplaires , en auront un
feptiéme gratuitement. On trouvera des
Soufcriptions chés J. Brindley , Libraize
dans New-bond- Street, & chés les autres Libraires
, tant de la Ville que de la Province.
L'Ouvrage devoit être délivré dans le courant
du mois de Janvier 1744.
Il paroît à Londres une nouvelle Traduction
de Lucrece en Anglois , avec des Notes
, & des figures en Taille-douce , 1. vol .
in-8°.
•
MANIERE facile de purifier l'Air dans
les Lieux où le mauvais Air eft ordinairement
nuifible , & d'y en introduire du nouveau
, comme dans les Mines , dans les Prifons
, dans les Hôpitaux , & dans les Vaiffeaux
, par M. Hales , dans la même l'ille ,
vol, in-8°.
Il paroît à Amfterdam , une nouvelle Edition
d'un Ouvrage , intitulé : Joannis Rofini
An
350 MERCURE DE FRANCE.
Antiquitatum Romanarum Corpus abfolutiffi
mum , cum Notis Doctiffimis ac locupletiffimis
Thoma Dempsteri J. C. cui accedunt Pauli
Manutii Libri duo de Legibus & Senatu , cum
Adrea Schotti Electis , I. de Prifcis Romanis
Gentibus ac Familiis . 11. de Trib. Roman.
xxxv. Rufticis atque Urbanis. 111. de Ludis
Feftifque Roman. & Kalendario vetere. Cum
Indice locupletiffimo rerum ac verborum , &
aneis figuris accuratiffimis , &c. Editio noviſſi
ma , prioribus omnibus longè emendatior , apud
Salomonem Schouten , 1743 , in-4°. Cette
Edition a été revûë & corrigée exactement
par M. Jean Frederic Reitzius , qui l'a comparée
à celle de Paris de 1613 , & avec celle
de Pitifcus.
DISCOURS Hiftoriques , Critiques &
Politiques fur Tacite , traduits de l'Anglois
de M. Th. Gordon , par M. D. G. L. à imf
terdam , 2 vol. in- 12.
Le premier Difcours trace le Portrait de
Tacite. Cet Hiftorien Romain a peu de part
aux autres Difcours , qui roulent fur le caractere
& le Gouvernement des Empereurs
Romains & fur des points de Politique.
Pierre Goffe , Libraire à la Haye , vient de
publier L'ESPRIT DE FONTENELLE , ou Recueil
de Penfees , tirées de fes Ouvrages , 1 vol.
in-12,
MARS, 1744.
in-12 , précédé d'une longue Préface.
Ces Penſées font rangées fous differens
Titres , fuivant les matieres aufquelles elles
ont rapport. On y voit la fécondité & l'heureux
tour d'efprit de l'illuftre Académicien ,
qui fuivant les occafions , produit fur les
mêmes objets , tant de penfées ingénieuſes ,
toujours exprimées d'une maniere neuve &
finguliere.
NOUVELLE EDITION de l'Expofition Anatomique
de la Structure du corps humain , par
M. Winflow , enrichie de figures . On a mis
à leur place les Additions qui étoient à la
fin , 4 vol. in- 12 , chés Weftein , Libraire à
Amfterdam.
LUCIANI Samofatenfis Opera , cum nova
Verfione Tiber. Hemſterhufii , & 70. Matthie
Gefneri , Gracis Scholiis , ac Notis omnium
proxime Editionis Commentatorum , additis
Jo. Brodæi , Jo . Jenfii , Lud. Kufteri ,
Lamb. Bofii , Horatii Vitringa , Jo. de la
Faye , Ed. Leedes , aliifque ineditis , ac pracipuè
Mofis Solani & J. M. Gefneri . Amftelodami
, fumptibus Jacobi Weftenii , 1743
3 vol. in-4° . Cet Ouvrage eft dédié à la
Reine de Hongrie.
Henri Albert Goffe & Compagnie , Librai552
MERCURE DE FRANCE.
que
braires à Genève , débitent un Livre intitu
lé : Abbregé de la Chronologie des anciens
Royaumes , par M. Newton , traduit de l'Anglois
de M. Reid. M. Newton avoit donné
lui-même un Abbregé de fon Ouvrage , mais
le nouvel Abbregé que nous annonçons , eft
compofé dans des vues toutes differentes.
Celui de M. Newton n'eft prefque autre
chofe qu'une Chronique des principaux
Evénemens de l'Hiftoire Ancienne , fixés
au tems où ils font arrivés , au lieu celui
de M. Reid a pour but d'expofer diftinctement
au lecteur les fondemens fur lesquels
on a bâti le nouveau fyfteme deChronologie,
afin que les voyant d'un coup d'oeil rappro
chés l'un de l'autre , & mis quelquefois dans
un nouveau jour , il puiffe juger plus facilement
de leur folidité . L'Auteur s'y eſt un
peu étendu fur les faits les plus remarquables
de l'Hiftoire Ancienne , en faveur de ceux
qui n'en ont point une profonde connoiffance.
Il y a joint plufieurs Remarques de
fa façon , qui rappellent & comparent les
dates les plus importantes , & qui éclairciffent
ce qui dans fon analyfe pourroit avoir
quelque obfcurité. Il tâche auffi de juftifier
M. Newton fur quelques-unes des difficul
tés qu'on lui a faites , mais il n'a pas rτéέрρoοnπ-
du aux principales objections qu'on a faites
contre le Syftême , & il les a peut-être ignorécs.
Il
MARS. 1744. 559
ll a paru au mois de Juin dernier , un Livre
fous le titre d'Elémens de l'Education >
imprimé avec foin chés Prault , pere ,
Quai de Gêvres , au Paradis . Mrs les Journaliſtes
de Paris & de Trévoux , en ont parlé
d'une manière à encourager l'Auteur à pourfuivre
fon Projet , c'eft ce qu'il vient de faire
fous le titre de Progrès de l'Education ; nous
foufcrivons avec plaifir , au Jugement qui a
été porté par Mrs les Journaliſtes , fur la
premiere partie de cet Ouvrage , qui n'étoit
pas venue affés - tôt à notre connoiffance ;
nous dirons quelque chofe de plus de la feconde.
Ce qui paroît d'abord le plus fenfible dans
cette Partie , c'eft la préciſion , & un certain
tour dans l'expreffion que donne l'ufage
du monde , c'eft le Livre que l'Auteur
paroît avoir étudié par préférence ; toutes
fes maximes tendent au grand , & au vrai
il entre peu dans les détails ; il a évité d'ap-
-puyer fes principes fur des exemples , il en
dit la raifon ; nous croyons que ces deux
petits Livres peuvent fuppléer à de plus
gros Volumes fur cette matiere importante ,
& nous penfons rendre juftice à l'Auteur ,
fans vouloir le flater , en affûrant que fes
réfléxions font juftes , fages , mefurées , &
propres à développer dans l'efprit , & dans
le coeur les idées & les fentimens du fublime
, pour les mettre enfuite en action .
PRIX
554 MERCURE DE FRANCE.
PRIX propofe par l'Académie Royale de
Chirurgie , pour l'année 1745.
'ACADEMIE Royale de Chirurgie prode
déterminer ce que c'eft que les Rémédes Anodins
, d'expliquer leur maniere d'agir , de
diftinguer leurs differentes efpèces , & de
marquer leur ufage dans les Maladies Chirurgicales.
L'Académie defireroit que ceux qui travailleront
fur ce fujet , s'attachaffent furtout
à ranger par Claffes les differens genres de
Remédes Anodins fimples & compofés , à
diftinguer , foit par le dégré d'activité , foit
par les differentes qualités de ces Remédes ,
les diverfes efpeces que chaque genre peut
renfermer ; à prefcrire les préparations , les
formules & l'ufage de ces Remédes dans les
maladies , felon leurs genres , leurs differentes
complications , leurs differens tems , &
les differentes parties où elles arrivent.
L'Académie, qui n'a en vûë que l'avancement
de la Chirurgie , n'adopte que les
connoiffances qui peuvent conduire sûrement
dans la Pratique ; elle rejette toutes
opinions , toutes explications purement ingénieufes
, & tous raifonnemens qui ne font
adés
MARS. 1744. 555
fondés que fur des conjectures ou fur des
vraisemblances. Ainfi elle prie ceux qui lui
envoyeront des Mémoires , d'établir leur
théorie fur des connoiffances sûres ; de l'enrichir
de découvertes prouvées par des faits ;
de fonder leur pratique fur l'expérience &
fur les obfervations, des meilleurs Praticiens.
Le Prix eft une Médaille d'or de la valeur
de deux cent livres , qui fera donnée à celui
qui , au jugement de l'Académie , aura fait
le meilleur Ouvrage fur le Sujet propofé .
L'Auteur du Mémoire qui remportera le
Prix , fera aggregé à l'Académie , s'il a fatisfait
aux conditions qu'elle prefcrit.
Ceux qui envoyeront des Mémoires , font
priés de les écrire en Latin ou en François ,
& d'avoir attention qu'ils foient fort lifibles
. }
Ils mettront à leurs Mémoires une marque
diftinctive , comme Sentence , Deviſe , Paraphe
ou Signature , & cette marque fera
couverte d'un papier collé ou cacheté , qui
ne fera levé, qu'en cas que la Piéce ait remporté
le Prix.
Ils adrefferont leurs Ouvrages francs de
port à M. Quefnay , Sécrétaire de l'Académie
de Chirurgie , ou à M. Hevin , Sécrétaire
pour les correfpondances , ou les leur feront
remettre entre les mains.
Toutes
356 MERCURE DE FRANCE.
Toutes perfonnes de quelques qualité &
Pays qu'elles foient , pourront afpirer au
Prix ; on n'excepte que les Membres de l'Académie.
Le Prix fera délivré à l'Auteur même , ou
au Porteur d'une Procuration de ſa part ,
l'un ou l'autre repréſentant la marque diftinctive
, & une copie nette du Mémoire.
Les Ouvrages feront reçûs jufqu'au dernier
Janvier 1745 inclufivement , & l'Académie
à fon Affemblée publique de la même année
, qui fe tiendra le Mardi d'après la Fête
de la Trinité , proclamera la Piéce qui aura
remporté le Prix.
QUESTION.
On demande pourquoi le lait a la vertu
d'éteindre le feu du Ciel , & pourquoi l'eau
ne l'a pas ; voici un fait qui donne lieu à
cette Queſtion.
Le Tonnerre étant tombé au mois de Décembre
dernier à Senlis , fur la Maifon des
Chanoines Réguliers , où il a caufé du dommage
; on fit ce que l'on put pour empêcher
le progrès du feu ; l'eau ne fût point épargnée
, mais fans aucun fuccès ; quelqu'un
s'avifa de fe fervir de lait ; & au moyen de
vingt ſeaux de lait , on éteignit entiérement
le feu.
ESTAMMAR
S. 1744. 557
ESTAMPES NOUVELLES .
Le Sr Odieuvre , Marchand d'Eftampes , ruë
d'Anjou , vient de mettre en vente les Portraits de
MARTIN LUTHER , né à Iſlébe , dans le Comté
de Mansfeld , le 10 Novembre 1483 , mort à Iflébe
le 18 Février 1546 , peint par P. L. & gravé par
Pinffio.
ADRIEN BAILLET , né à la Neuville , près Beauvais
, le 13 Juin 1649 , mort à Paris le 21 Janvier
1706 , peint par N. G. & gravé par Et . Fellard.
JEAN -BAPTISTE COLBERT , Miniftre & Sécretaire
d'Etat , &c . né à Paris le 31 Août 1619 , mort le 6
Septembre 1683 , peint par Mignard , & gravé par
Pinffio.
PHILIPPE GOIBAULT , SIEUR DU BOIs , de l'Académie
Françoiſe , mort le premier Juillet 1694 , âgé
de 75 ans , peint par Varry , & gravé par Pinffio .
ROGER DE RABUTIN , Comte de Buffy , Meftre
de Camp Général de la Cavalerie Françoise &
Etrangere , Lieutenant Général des Armées du Roi ,
peint à 55 ans par le Febvre , mort en Avril 1693 ,
& gravé par R. Gaillard.
Le feur Petit , Graveur , rue Saint Jacques ,
à la Couronne d'Epines , près les Mathurins , qui
continue de graver avec fuccès la fuite des Hommes
Illuftres du feu fieur Defrochers , Graveur du
Roi , vient de mettre au jour les Portraits fuivans
HIPPOCRATE , Médecin, né dans l'Ifle de Cos ; les
Ecrits qu'il a laiffés fervent de bafe à l'étude de la
Médecine ; il vivoit l'an du monde 3560 ; on lit ces
Vers au bas,
Chés les Grecs , qu'étonna ſon rare & docte effor
Dans un art, inventé pour être falutaire ,
II
$ 58 MERCURE DE FRANCE.
Il fut des Médecins & le Prince & le Pere ,
Et parmi nous il l'eft encor.
SOCRATE , Fondateur de la Philofophie Morale
chés les Grecs . Il mourut l'an du monde 3572 , âgé
de 72 ans. On lit ces Vers au bas.
Par la Philofophie à jamais revêtu
D'un nom , que fuit la gloire & l'amour & l'eftime
Sa mort fut le triomphe & l'opprobre du crime ,
Et le feul prix de fa vertu.
AIR.
C Effez Printemps , votre parure ,
Et vous Frimats , défolez l'Univers ;
Par la rigueur des plus affreux Hyvers ,
Faites horreur à la Nature ;
Que la Foudre éclate en tous Lieux ;
Qu'elle ravage la faifon de Fiore ,
Et qu'elle écrafe un malheureux ,
Qui vient de voir expirer à fes yeux
La beauté que fon coeur adore !
Par M. C. d'Orleans.
SPECMY...
font
1.
n.
il.
THE
NEW
YORK
d.
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX- AND
ILDEN
FOUNDATIONS,
1.
7.
V.
il
a
i
: on
560 MERCURE DE FRANCE .
a remarqué que c'eft celle qui a fait verfer
plus de larmes.
६
On peut dire que Mlle Dumefnil , qui
repréfente le principal perfonnage de Mérope
, ne joue pas ; c'eft , pour ainſi dire ,
une véritable mere. La Nature s'exprime
dans elle avec cette voix , ces attitudes ,
ces fanglots , ces caracteres qui étonnent ,
qui attendriffent & qui déchirent le coeur ;
elle pleure & elle fait verfer des larmes à
toute l'Affemblée ; ces pleurs , qui fe fechent
fi vîte d'ordinaire , coulent dans prefque
toute la Piéce. Avant elle , il s'eft trouvé
des Actrices qui ont déclamé , qui ont
ému, mais nulle, qui ait tranfporté à ce point,
& on peut regarder cette repréfentation
comme une époque bien mémorable dans
l'Hiftoire du Théatre François , qui eſt affûrément
le premier de l'Europe .
On a vûun rôle de Confidente intéreffer &
exciter de plus grands applaudiffemens, que
le rôle même deMérope .Nous difons de plus
grands applaudiffemens , car les récits intéreffans
font battre des mains , & les larmes
font une approbation d'un genre fupérieur.
Mlle Clairon , l'une des plus grandes
Actrices qui ait jamais orné notre Scéne
, a bien voulu joiier ce rôle de Confidente,
Elle a fait voir que les grands ta
lens font comme les Rois qui defcendent
fans
MARS. 1744.
561
fans s'abbaiffer. Elle a mis une expreffion &
une énergie étonnante dans un perfonnage
qu'on n'eût prefque point apperçû fans elle.
Heft à fouhaiter que cet exemple foit ſuivi ,
que celles qui prétendent toujours à être
les premiéres Actrices , faffent valoir les
feconds rôles .. !
&
M. Grandval n'a jamais joué avec plus de
vérité , de nobleffe , & de fimplicité , que
dans cette Piéce. Le Vieillard repréſenté
par M. Sarrazin , a été exécuté de la maniére
la plus attendriffante ; enfin tout a concouru
au fuccès prodigieux de cette Tragédie.
Elle a été jouée quatre fois à la Cour ,
& honorée le Jeudi 13 du mois dernier de la
préfence du Roi , qui a marqué combien il
daignoit s'intéreffer au fuccés des Arts qui
contribuent à la gloire de fon Royaume.
Au refte , on n'a trouvé dans cette Piéce
ni de ces tirades , ni de ces morceaux détachés
, qui font en poffeflion d'être applaudis.
Le ftyle ne nous a pas parû pompeux ;)
tout y eft fimple , tout y eft naturel . L'Art
qu'on y a le plus remarqué , eft de cacher
l'Art ; de laiffer prefque tout aux fituations,
& de faire difparoître l'Auteur, pour mettre
l'Acteur en liberté ; l'intelligence du Théatre
& des coups qui doivent frapper le coeur,
a parû aux Connoiffeurs faire le principal
mérite de l'Ouvrage. On ne peut gueres
G pouffer
562 MERCURE DE FRANCE.
•
pouffer plus loin la fimplicité. Il n'y a proprement
que trois Perfonnages principaux ,
Mérope , fon fils , & Polifonte.
La Reine , au premier Acte , efpere qu'elle
retrouvera enfin ce fils , le feul bien qui
lui refte .
On lui amène , au fecond Acte , un jeune
homme , accufé d'un meurtre ; elle s'attendrit
à fa vûë , & malheureuſement elle voit
l'inftant d'après des preuves apparentes que
ce jeune homme eft l'affaflin de fon fils
même.
Au troifiéme Acte , elle eft prête a immoler
ce meurtrier fur le Tombeau de fon
Epoux , lorfque le Vieillard , qui a élevé
fon fils Egyfte , paroît , lui arrête le bras, &
lui apprend que c'eft fon fils qu'elle alloit
faire mourir.
*
Au quatriéme Acte , le Tyran , déja déclaré
Roi par le Peuple , à condition qu'il
époufera Mérope, commençant à avoir quelques
foupçons , veut éprouver la Reine , &
eft prêt de facrifier ce jeune homme , qu'il
feint toûjours de prendre pour le meurtrier
d'Egyfte . La Reine au défefpoir , & emportée
par la violence de fon amour maternel ,
fe jette au-devant du Tyran ; s'écrie , il eft
mon fils , & met ainfi dans un nouveau danger
ce fils qu'elle a voulu d'abord immoler,
qu'elle a reconnu & qu'elle expofe à la
cruauté
MARS. 1744.
563
cruauté de Polifonte , par fon aveu malheu
reux .
Au cinquiéme Acte , elle eft forcée d'aller
au Temple épouſer le Tyran pour fauver
fon fils , & c'eft dans ce Temple même qu'Egyfte
, fecouru de fa feule audace , tuë le
Tyran. Voila l'expofé fuccint d'un Ouvrage
qui femble ne comporter rien que d'ordinaire
, & qui cependant a furpris.
Ce n'eft point une Traduction de la Mérope
de M. le Marquis Scipion Maffey ,
comme on l'avoit annoncé. Nous avons confronté
les deux Méropes ; il n'y a rien de fi
different; caractéres , ordonnance , intrigue,
fituations , penſées , détail de fentimens , ftyle
, rien ne ſe reffemble. Il n'y a que quelques
endroits , dont l'Auteur François femble
avoir emprunté le fond de l'Auteur Italien
, ou que la matiére du fujet a fournis à
l'un & à l'autre .
C Par exemple , Mérope , en parlant de fon
fils , s'exprime ainfi dans la Mérope Italienne.
In tal povero ftato
Ohi me ! che , anche il mio figlio vive !
E credi pure , Ifmenia che fe lo sguardo ,
Giunger poteffe da fi lontana parte
Tale à punto , il vedrei , che le fue vefti
Da quelle di costui poco
faranno
Gij
Diffo564
MERCURE DE FRANCE
Diffomiglianti piaccia almeno al Cielo
Che anche eï fi ben comp! effo , edi fue membra
Si ben difpofto , divenuto ſia . . . .
Rozo garzon folo inefperto , ignaro
Delle vie , de coftumi , de perigli ,
Ch' appogio alcun non ha , povero , e privo
D'ofpitii , qual di vitto , e qual d'albergo
Non patirà diffagio ? quante volte
A l'altrui menfe accofteraffi , un pane
Chiedendo umile e ne farà fors' anche
Scacciato ; Egli , il cui padre à ricca menſa
Tanta genet accogleva. Mà poi fe infermo
Cade , com'è pur troppo agevol cofa.
Chi n'avrà cura ? ei giaceràſſi in terra
Languente , affitto , abbandonato , ed un forfo
D'acqua non farà chi pur gli porga.
Hélas ! ce fils que je cache à toute la Terre
, eft élevé dans la même condition &
dans la même mifére ; n'en doutez point ,
Ifmene , fi mes regards pouvoient penetrer
jufqu'aux Lieux éloignés qu'il habite , je le
verrois femblable à celui- ci , & couvert des
mêmes vêtemens. Plaife au Ciel que ce fils
ait acquis la même force & la même taille ;
qu'il foit enfin tel que je vois celui - ci. , . .
Hélas ! jeune & fans expérience , fans compagnie
, ignorant les chemins, les coûtumes ,
& jufqu'aux dangers qui le menaceront ,
fans
MARS. 1744.
555
fans appui , pauvre , fans amis , quelles peines
cruelles le manque de logement & de
nourriture ne lui feront- ils pas effuyer ?
Combien de fois , s'approchant d'une table
étrangère , demandera- t'il humblement du
pain qu'on lui refufera peut-être , lui , dont
le Pere recevoit tant de gens à fa riche table?
Mais s'il tombe malade , comme il ne peut
que trop arriver , qui prendra foin de lui ?
Hélas ! il languira couché fur la terre , accablé
de fon mal , abandonné de tout , fans
trouver même qui lui offre de l'eau.
Voici comment s'exprime l'Auteur de la
Mérope Françoiſe.
Tendons à la jeuneffe une main bienfaifante ;
C'eft un infortuné que le Ciel me préfente ;
Il fuffit qu'il foit homme & qu'il foit malheureux ;
Mon fils peut éprouver un fort plus rigoureux ;
Il me rapelle Egyfte , Egyfte eft de ſon âge ;
Peut-être , comme lui , de rivage en rivage ,
Inconnu , fugitif, & partout rebuté ,
Il fouffre le mépris qui fuit la pauvreté ;
L'opprobre avilit l'ame & flétrit le courage ;
Pour le pur fang des Dieux quel horrible partage !
Nous donnerons encore pour objet de
comparaifon le récit de la fin , déclamé par
Mlle Clairon .
G iij
Hora
$ 58 MERCURE DE FRANCE.
Il fut des Médecins & le Prince & le Pere ,
Et parmi nous il l'eſt encor.
SOCRATE , Fondateur de la Philofophie Morale
chés les Grecs . Il mourut l'an du monde 3572 , âgé
de 72 ans. On lit ces Vers au bas.
Par la Philofophie à jamais revêtu
D'un nom , que fuit la gloire & l'amour & l'eftime
Sa mort fut le triomphe & l'opprobre du crime ,
Et le feul prix de fa vertu.
AIR.
C Effez Printemps , votre parure ,
Et vous Frimats , défolez l'Univers ;
Par la rigueur des plus affreux Hyvers ,
Faites horreur à la Nature ;
Que la Foudre éclate en tous Lieux ;
Qu'elle ravage la faifon de Flore ,
Et qu'elle écrafe un malheureux ,
Qui vient de voir expirer à les yeux
: La beauté que fon coeur adore !
Par M. C. d'Orleans.
SPEC19
1.
n.
il.
THE
NEW
YORK
d.
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX- AND
TILDEN
FOUNDATIONS,
7 .
1.
LZ
*
: on
THE
NE
PUBLIC
ASTOR
, LENOX
, AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
MAR S. 1744.
559
1
ésésesésésés ésésés
SPECTACLES.
ACTEURS de Mérope , Tragédie de M.
de Voltaire , remife au Théatre le 3
Polifonte
Erox ,
Euriclés
Egyfthe ,
Narbas ,
Mérope ,
Ifmenie ,
Sacrificateurs
.
Romains.
CE
du mois dernier.
le Sr Paulin.
le Sr Dubreuil.
le Sr le Grand.
le Sr Grandval.
le Sr Sarrafin.
Mlle Dumefnil.
Mlle Clairon.
Etre Tragédie a été reçûë du Public
avec les mêmes applaudiffemens , qu'il
lui avoit prodigués l'année paffée. Il n'y a
gueres d'exemple au Théatre d'un fuccès
auffi complet & auffi univerfel ; les Spectateurs
ont également admiré la beauté du
Poëme & l'art admirable de l'exécution dans
tous les Acteurs qui l'ont repréſentée. Ce
qui eft bien remarquable , c'eft qu'il y a des
femmes dans la Tragédie de Mérope , &
point d'amour. Nous croyons pouvoir affûrer
que c'est la feule Tragédie profane , qui
foit dénuée de cette paffion, Cependant on
560 MERCURE DE FRANCE .
a remarqué que c'eft celle qui a fait verfer
plus de larmes .
On peut dire que
Mlle Dumefnil , qui
repréfente le principal perfonnage de Mérope
, ne joue pas ; c'eft , pour ainfi dire ,
une véritable mere. La Nature s'exprime
dans elle avec cette voix , ces attitudes ,
ces fanglots , ces caracteres qui étonnent ,
qui attendriffent & qui déchirent le coeur ;
elle pleure & elle fait verfer des larmes à
toute l'Affemblée ; ces pleurs , qui fe fechent
fi vîte d'ordinaire , coulent dans prefque
toute la Piéce. Avant elle , il s'eft trouvé
des Actrices qui ont déclamé , qui ont
émû , mais nulle, qui ait tranfporté à ce point,
& on peut regarder cette repréfentation
comme une époque bien mémorable dans
l'Hiftoire du Théatre François , qui eſt affûrément
le premier de l'Europe.
On a vûun rôle de Confidente intéreffer &
exciter de plus grands applaudiffemens, que
le rôle même deMérope . Nous difons de plus
grands applaudiffemens , car les récits intéreffans
font battre des mains , & les larmes
font une approbation d'un genre fupérieur.
Mlle Clairon l'une des plus grandes
Actrices qui ait jamais orné notre Scéne
, a bien voulu jouer ce rôle de Confidente,
Elle a fait voir que les grands talens
font comme les Rois qui defcendent
>
fans
MARS. 1744.
561
fans s'abbaiffer. Elle a mis une expreffion &
une énergie étonnante dans un perfonnage
qu'on n'eût prefque point apperçû fans elle .
Heft àfouhaiter que cet exemple foit fuivi,
& que celles qui prétendent toujours à être
les premiéres Actrices , faffent valoir les
feconds rôles ..
M. Grandval n'a jamais joué avec plus de
vérité , de nobleffe , & de fimplicité , que
dans cette Piéce. Le Vieillard repréſenté
par
M. Sarrazin , a été exécuté de la maniére
la plus attendriffante ; enfin tout a concouru
au fuccès prodigieux de cette Tragédie.
Elle a été jouée quatre fois à la Cour ,
& honorée le Jeudi 13 du mois dernier de la
préfence du Roi , qui a marqué combien il
daignoit s'intéreffer au fuccés des Arts qui
contribuent à la gloire de fon Royaume.
Au refte , on n'a trouvé dans cette Piéce
ni de ces tirades , ni de ces morceaux détachés
, qui font en poffeflion d'être applaudis
. Le ftyle ne nous a pas parû pompeux ;
tout y eft fimple , tout y eft naturel. L'Art
qu'on y a le plus remarqué , eft de cacher
l'Art ; de laiffer prefque tout aux fituations ,
& de faire difparoître l'Auteur, pour mettre
l'Acteur en liberté ; l'intelligence du Théatre
& des coups qui doivent frapper le coeur,
a parû aux Connoiffeurs faire le principal
mérite de l'Ouvrage. On ne peut gueres
G pouffer
562 MERCURE DE FRANCE.
pouffer plus loin la fimplicité. Il n'y a proprement
que trois Perfonnages principaux ,
Mérope ,fon fils , & Polifonte.
La Reine , au premier Acte , efpere qu'elle
retrouvera enfin ce fils , le feul bien qui
lui refte.
On lui amène , au ſecond Acte , un jeune.
homme , accufé d'un meurtre ; elle s'attendrit
à fa vûë , & malheureuſement elle voit
l'inftant d'après des preuves apparentes que
ce jeune homme eft l'affaffin de fon fils
même.
Au troifiéme Acte , elle eft prête a immoler
ce meurtrier fur le Tombeau de fon
Epoux , lorfque le Vieillard , qui a élevé
fon fils Egyfte , paroît , lui arrête le bras, &
lui apprend que c'eft fon fils qu'elle alloit
faire mourir.
Au quatriéme Acte , le Tyran , déja déclaré
Roi par le Peuple , à condition qu'il
époufera Mérope , commençant à avoir quelques
foupçons , veut éprouver la Reine , &
eft prêt de facrifier ce jeune homme , qu'il
feint toûjours de prendre pour le meurtrier
d'Egyfte. La Reine au défefpoir , & emportée
la violence de fon amour maternel ,
par
fe jette au-devant du Tyran ; s'écrie , il eſt
monfils , & met ainfi dans un nouveau danger
ce fils qu'elle a voulu d'abord immoler,
qu'elle a reconnu & qu'elle expoſe à la
cruauté
MARS. 1744.
563
, par fon aveu malheu . cruauté de Polifonte , par
reux.
Au cinquième Acte , elle est forcée d'aller
au Temple épouser le Tyran pour fauver
fon fils, & c'eft dans ce Temple même qu'Egyfte
, fecouru de fa feule audace , tuë le
Tyran . Voila l'expofé fuccint d'un Ouvrage
qui femble ne comporter rien qne d'ordinaire
, & qui cependant afurpris.
Ce n'eft point une Traduction de la Mérope
de M. le Marquis Scipion Maffey ,
comme on l'avoit annoncé. Nous avons confronté
les deux Méropes ; il n'y a rien de fi
different; caractéres, ordonnance , intrigue,
fituations , penſées , détail de fentimens , ftyle
, rien ne ſe reffemble. Il n'y a que quelques
endroits , dont l'Auteur François femble
avoir emprunté le fond de l'Auteur Italien
, ou que la matiére du fujet a fournis à
l'un & à l'autre .
Par exemple , Mérope , en parlant de fon
fils , s'exprime ainfi dans la Mérope Italienne.
In tal povero ftato
Ohi me ! che , anche il mio figlio vive !
E credi pure , Ifmenia che fe lo fguardo ,
Giunger poteffe da fi lontana parte
Tale à punto , il vedrei , che le fue vefti
Da quelle di coftui poco faranno
Gij Diffo564
MERCURE DE FRANCE
Diffomiglianti piaccia almeno al Cielo
Che anche ei fi ben comp ! effo , edi fue membra
Si ben difpofto , divenuto ſia ....
Rozo garzon folo inesperto , ignaro
Delle vie , de coftumi , de perigli ,
Ch' appogio alcun non ha , povero , e privo
D'ofpitii , qual di vitto , e qual d'albergo
Non patirà diffagio ? quante volte
A l'altrui menfe accofteraffi , un pane
Chiedendo umile e ne farà fors' anche
Scacciato ; Egli , il cui padre à ricca menſa
Tanta genet accogleva. Mà poi fe infermo
Cade , com'è pur troppo agevol cofa ,
Chi n'avrà cura ? ei giaceràſſi in terra
Languente , afflitto , abbandonato , ed un forfo
D'acqua non farà chi pur gli porga.
Hélas ! ce fils que je cache à toute la Terre
, eſt élevé dans la même condition &
dans la même mifére ; n'en doutez point ,
Ifmene , fi mes regards pouvoient penetrer
jufqu'aux Lieux éloignés qu'il habite , je le
verrois femblable à celui-ci , & couvert des
mêmes vêtemens. Plaife au Ciel que ce fils
ait acquis la même force & la même taille ;
qu'il foit enfin tel que je vois celui- ci . , . . .
Hélas ! jeune & fans expérience , fans compagnie
, ignorant les chemins, les coûtumes,
& jufqu'aux dangers qui le menaceront ,
fans
MARS . 1744.
565
peifans
appui , pauvre , fans amis , quelles
nes cruelles le manque de logement & de
nourriture ne lui feront- ils pas effuyer ?
Combien de fois , s'approchant d'une table
étrangère , demandera- t'il humblement du
pain qu'on lui refufera peut-être , lui , dont
le Pere recevoit tant de gens à fa riche table?
Mais s'il tombe malade , comme il ne peut
que trop arriver , qui prendra foin de lui ?
Hélas ! il languira couché fur la terre , accablé
de fon mal , abandonné de tout , fans
trouver même qui lui offre de l'eau.
Voici comment s'exprime l'Auteur de la
Mérope Françoiſe .
Tendons à la jeuneffe une main bienfaifante ;
C'est un infortuné que le Ciel me préſente ;
Il fuffit qu'il foit homme & qu'il foit malheureux ;
Mon fils peut éprouver un fort plus rigoureux ;
Il me rapelle Egyfte , Egyfte eft de ſon âge ;
Peut- être , comme lui , de rivage en rivage ,
Inconnu , fugitif, & partout rebuté ,
Il fouffre le mépris qui fuit la pauvreté ;
L'opprobre avilit l'ame & flétrit le courage ;
Pour le pur fang des Dieux quel horrible partage !
Nous donnerons encore pour objet de
comparaifon le récit de la fin , déclamé par
Mlle Clairon.
G iij Hora
566 MERCURE DE FRANCE.
Hora chi la madre
Pinger potrebbe ? fi ſcagliò qual tigre ,
Si pofe innanzi al figlio , ed' à chi incontro
Veniagli , opponea il petto , alto gridava
In tronche voci : è figlio mio ; è cresfonte ,
Quefti è vofiro Rê , mà il rumor , la calca
Tutto opprimea. Chi vuol fuggir , chi innanzi
Vuol farfi. Hor ſpinta , hor riffpinta ondeggia ,
Qual meffe al vento ; la confufa turba ;
Ed' il perche non fà . Correr , ritraffi ,
Urare , interrogar , fremer , dolerfi ,
Urli , ftridi , terror , fanciulli oppreffi ;
Donne foffopra , oh fiera ſcena ! il toro
Laſciato in fua balia fpavento accrefce ,
E falta , e mugge , Eccheggia d'alto il tempio,
Chi s'affanna d'ufcir , preme , e s'ingorga ,
affrettar ritarda. In vano
E per troppo
Le guardie , che cuſtodian le porte ,
Si sforzan d'entrar , la corrente
Le fvolfe , & feco al fin le traffe , in tanto
Erafi intorno à noi drappel ridotto
D'antichi amici. Sfavillavan gl' occhi
Dell' ardico cresfonte ; e d'altero , e franco
S'aviò per ufcir frà fuoi ristretto.
Io che difgiunta ne rimafi al fofco
Adito angufto , ch' al Palaggio guida ,
Corfi ; e gl' occhi rivolgendo , vidi
Sfigurato , e convolto ( ch' orribil viſta ! )
Spaccato il capo , e'l fianco , in mar di fangue
Polifonte
MAR S. 1744. 567
Polifonte giacer : proftefo Adrafto ,
Ingombrava la terra , e femivivo
Contorcendofi ancor , mi fè ſparentó ,
Gl' occhi appanati nel finghiozzo apprendo ,
Rovefciata era làra ; e fparfi , e in franti
Caneftri , e vafi , e tripodi , e coltelli.
Mà che bado io più qui ? Dar l'armi ai fervi ,
Afficurar le porte , e far ripari
Tofto converrà , ch' afpro , frà poco
Senz' alcun dubbio , ſoffriremo affalto.
Qui pourroit repréſenter ſa Mere ? Plus
furieufe qu'une Tigreffe , elle s'élance audevant
de fon fils , & préfentant fa poitrine
à ceux qui vouloient l'attaquer , elle crioit ,
quoique d'une voix entrecoupée : c'est mon
fils , c'eft Cresfonte : oui , c'est votre Roi ; mais
le fracas & la foule empêchoient de rien entendre
; l'un veut fuir ,l'autre veut avancer.
La multitude confuſe , ſemblable aux Epis
ondoyans , agités par le vent , pouffe & eft
repouffée , fans qu'elle fçache le fujet qui la
trouble ; celui-là court , cer autre , en le
heurtant , l'arrête dans fa courfe ; les uns
demandent la caufe de ce tumulte , les autres
ne penfent qu'à s'en fauver ; la terreur ,
les cris , les hurlemens ; les enfans étouffés,
les femmes renversées ; tout contribuoit à
former un spectacle épouventable. Le Taureau
abandonné à lui-même , augmente la
G iiij frayeur
568 MERCURE DE FRANCE.
frayeur par les fauts & par fes mugiffemens.
Le Temple retentit ; le Peuplequi fe preffe
pour fortir,engage la porte,& retarde fa fortie
par les mêmes efforts qu'il fait pour la hâter.
En vain lesGardes,mis aux portes, s'efforcent
d'entrer ; le torrent s'y oppofe & les
entraîne à la fin. Cependant un gros des anciens
ferviteurs de Mérope fe joint à nous
& nous entoure. Le feu brilloit dans les
yeux de Cresfonte . Il s'avance fierement au
milieu de fa troupe , vers la porte. Moi, qui
m'en trouvai féparée , je courus à un paffage
obfcur qui conduit au Palais , & retournant
la tête , quel affreux fpectacle s'offrit à mes
yeux ! Polifonte , la tête & la poitrine ouvertes
, renversé & nâgeant dans des ruiffeaux
de fon fang , étoit à peine reconnoiffable.
Le corps d'Adrafte , tout étendu , occupoit
un grand efpace , & comme il refpiroit
encore , il augmenta mon effroi Les
par
horribles convulfions & par fes yeux prefque
éteints , qu'il entr'ouvroit , en rendant
les derniers foupirs. L'Autel étoit renversé,
les Corbeilles facrées, les Vaſes, les trépieds,
les couteaux ; tout étoit brifé ou épars. Mais
à quoi m'arrêtai-je ici ? Il faudra au plûtôt
armer les Efclaves , s'affûrer des portes & fe
mettre en état de deffenſe , car , fans doute,
nous allons avoir à foutenir un rude affaut.
Le même évenement produit chés notre
ComMAR
S. 1744. 569
、
Compatriote une Deſcription à peu près
femblable , mais dans laquelle tout Lecteur
délicat fentira des differences.
La victime étoit prête , & de fleurs couronnée ;
L'Autel étinceloit des flambeaux d'Hymenée .
Polifonte l'oeil fixe , & d'un front inhumain ,
Préfentoit à Mérope une odieufe main.
Le Prêtre prononçoit les paroles facrées ,
Et la Reine , au milieu des femmes éplorées ,
S'avançant triftement , tremblante entre mes bras,
Au lieu de l'Hymenée , invoquoit le trépas.
Le Peuple obfervoit tout dans un profond filence ;
Dans l'enceinte facrée en ce moment s'avance
Un jeune homme , un Héros , femblable aux immortels
;
Il court , c'étoit Egyfte. Il s'élance aux Autels;
Il monte , il y faifit d'une main affûrée
Pour la Fête des Dieux la hache préparée .
Les Eclairs font moins prompts . Je l'ai vu de mes
yeux ,
Je l'ai vû qui frappoit ce Monftre audacieux .
Meurs , Tyran, difoit-il ; Dieux prenez vos victimes
Erox, qui de fon Maître a fervi tous les crimes ,
Erox , qui dans fon fang voit ce Monftre nâger ,
Leve une main hardie , & penfe le venger.
Egyfte fe retourne , enflâmé de furie ;
A côté de fon Maître il le jette fans vie ;
Le Tyran fe releve , il bleffe le Héros ;
G V
De
570 MERCURE DE FRANCE.
De leur fang confondu j'ai vâ couler les flots.
Déja la Garde accourt avec des cris de rage ;
Sa mere ... ah ! que l'amour inſpire de courage !
Quels tranſports animoient les efforts & fes pas !
Sa mere ... elle s'élance au milieu des Soldats .
C'est monfils ; arrêtez ; ceffez troupe inhumaine ,
Ceft mon fils ; déchirez fa mere & votre Reine ;
Ce fein qui l'a nourri , ces flancs qui l'ont porté.
A ces cris douloureux , le Peuple eſt agité ;
Un gros de nos amis , que fon danger excite ,
Entre elle & fes Soldats vole & ſe précipite.
Vous euffiez vû foudain les Autels renversés ,
Dans des ruiffeaux de fang leurs débris difperfés ;
Les enfans écrasés dans les bras de leurs meres ;
Les freres méconnus , immolés par leurs freres ;
Soldats , Prêtres , amis , l'un fur l'autre expirans ;
On marche ; on eft porté fur les corps des mourans
On veut fuir , on revient , & la foule preſſee ,
•
D'un bout du Temple à l'autre eft vingt fois repouffée.
De ces flots confondus le flux impétueux
Roule, & dérobe Egyfte & la Reine à mes yeux ;
Parmi les combattans je vole enfanglantée ;
J'interroge à grands cris la foule épouvantée ;
Tout ce qu'on me répond, redouble mon horreur;
On s'écrie , il eft mort, il tombe, il eft vainqueur;
Je cours, je me confume , & le Peuple m'entraîne ,
Me jette en ce Palais , éplorée , incertaine
Ан
MARS. 1744.
571
Au milieu des mourans , des morts & des débris.
Venez , fuivez mes pas , joignez- vous à mes cris ;
Venez , j'ignore encor fi la Reine eſt ſauvée ,
Si de fon digne fils la vie eft confervée ,
Si le Tyran n'eft plus ; le trouble , la terreur ,
Tout ce défordre horrible eft encor dans mon coeur.
Nous ne dirons rien de plus de cet Ouvrage
qui paroît imprimé chés Prault , fils , Quai
de Conty, avec quelques autres Piéces Fugitives
du même Auteur . L'Edition de cette
Tragédie eft prefque épuifée par le grand
débit qu'elle a.
Le 9 Mars , les mêmes Comédiens don ୨
nerent la premiere repréſentation d'une Comédie
nouvelle en Vers & en deux Actes ,
qui a pour titre l'Epoux par fupercherie.
Cette Piéce , qui eft de la compofition de
M. de Boiffy , a été reçûë très-favorablement.
On en parlera plus au long.
Le 21 , jour de la clôture du Théatre ,
on donna la Tragédie de Zaire de M. de
Voltaire , & la petite Piéce nouvelle dont
on vient de parler. Le Sr Defchamps pro→
nonça le Compliment qu'on fait ordinairement
au Public toutes les années à la clôtu→
re du Théatre.
G vj
Le
572 MERCURE DE FRANCE.
Le 3 de ce mois , l'Académie Royale
de Mufique remit au Théatre la Tragédie
de fephté , que le Public reçoit toûjours
avec un applaudiffement unanime.Cette Piéce,
qu'on n'avoit pas donnée depuis le mois
de Mars 1740 , a été parfaitement bien remiſe
au Théatre & exécutée au mieux ; les
principaux rôles de la Tragédie , qui font
ceux de Jephté , du Grand Prêtre & d'Ammon
, ont été remplis par les Srs Chaffé , le
Page & Jeliot ; ceux d'Almafie & d''phife',
par les Dlles Chevalier & le Maure. On a
donné huit repréſentations de cette Piéce
'avant la clôture du Théatre .
Le 14 & le 16 , on donna deux repréfentations
de Roland , pour la Capitation
des Acteurs , comme cela fe pratique toutes
les années ; on en retrancha le quatrième
Acte , & on donna à la place le Ballet Co
mique des Amours de Ragonde , qu'on avoit
repréſenté les trois derniers jours du Carnaval.
Le 19 & le 21 , on donna encore deux
repréſentations pour les Acteurs. On joua
l'Acte des Incas du Ballet des Indes Galantes;
le troifiéme Acte du Ballet des Caractères de
la Folie , & les Amours de Ragonde. La Dlle
Fel chanta un Air Italien , qui fit beaucoup
de plaifir ; le Sr Dupré , qui a été abfent du
Theatre pendant quelque mois , danſa un
Air
MARS. 1744. 573
Air de l'Acte des Sauvages , du même Ballet
des Indes Galantes , qui fut extrêmement
applaudi.
Le premier de ce mois , les Comédiens
Italiens donnerent la Comédie des Mariages
Affortis , & celle du Je ne fçais quoi ,
dont on a déja parlé. A la fin de ces deux
Piéces , on donna un nouveau Feu d'artifice ,
auffi extraordinaire que fingulier , qu'on a
intitulé le Berceau , lequel a été généralement
goûté.
Le 2 , on donna la premiére repréfentation
d'une Comédie nouvelle en Profe &
en un Acte , qui a pour titre l'Apparence
trompeufe , laquelle a été très-bien jouée &
fort applaudie. Cette Piéce , dont on parlera
plus au long , eft de la compofition de
M. de Merville.
Le 21 , jour de la clôture du Théatre , ils
donnerent une repréfentation de la Comédie
intitulée , la **** , qui fut fuivie de
la Piéce nouvelle de l'Apparence trompeuse ,
dont on vient de parler ; on donna encore
le même jour le nouveau Feu d'artifice, avec
un concours prodigieux . M. le Comte de la
Marche , Prince du Sang , honora ces differens
Spectacles de ſa préſence.
COM174
MERCURE DE FRANCE.
COMPLIMENT dialogué par M. Ro
chard & par Mlle Riccoboni , Acteurs du
Théatre Italien,à la clôture de ce Theatre.
SCENE PREMIERE.
M. Rochard.
M Effeurs, fidans nos Jeux le Deftin méſaroit
Notre fuccès à notre zéle ,
Votre bonté pour nous bien- tôt nous combleroit
D'un bonheur auffi flateur qu'elle.
SCENE SECONDE.
M. Rochard , Mlle Riccoboni , fous le
nom d'une Marquife.
La Marquife.
Que faites- vous , Monfieur Rochard ..
·M. Rochard.
Ah Madame , qu'ofez - vous faire
Interrompre un difcours ......
La Marquife.
Par ce difcours fans art
Vous allez révolter , Monfieur , en voulant plaire.
C'eſt ce qui de ma Loge ici me fait courir ,
Car je prends à votre Théatre ,
Dont mon Sexe d'ailleurs n'eſt pas fort idolâtre ,
Trop d'intérêt, pour le fouffrir.
1
M.
M AR S. 1744. 575
Mais , Madame • •
M. Rochard.
La Marquife.
On diroit , Monfieur , fur votre Exorde ,
Que malgré le concours & nombreux & conftant ,
Qu'une fois par ſemaine à vos voeux on accorde , I
Vous feriez encor mécontent.
M. Rochard.
2
Au fond, fi je le fuis , c'eft ( foit dit fans fcandale ).
Que de nos nouveautés , même avec votre appui
Aucune en tout un an n'ait orné notre Sale
D'autant de monde qu'aujourd'hui.
· La Marquife.
Que ne les donnez vous meilleures ?
M. Rochard
A merveille ;
Mais où les trouve -t'on ? Et n'avez- vous pas vû
Qu'au Théatre , enrichi par Racine & Corneille ,
Hors Mérope , toutes ont eût
Une réüffite pareille ?
La Marquife.
Eh , de quoi donc vous plaignez-vous ?
M. Rochard
De ce que nos Auteurs , n'étant pas des Moliéres ,
Ne peuvent ( quelqu'ardeur qui les anime tous )
Rien offrir au Public , qui foit digne , entre nous ,
De fon goût & de fes lumières.
La
$ 76 MERCURE DE FRANCE.
La Marquife.
De vos Piéces pourtant , Monfieur , les deux derniéres
Ont dû répondre à votre espoir ;
La petite , fur tout , de chacun vient d'avoir
Le même accueil que ceux , qui peut être en ſoupirent
,
Seroient charmés de recevoir.
Tout le monde la louë , & bien des gens l'admirent.
M. Rochard.
Et perfonne ne la vient voir.
La Marquife
.
En revanche, à l'Auteur la Troupe rend juftice .
Vous le foutenez bien, & voila le grand point ;
Auffi
Quand l'art ne vous réuffit point ,
Vous vous fauvez par l'artifice.
M. Rochard .
› pour enfanter un plaifir qui ſaiſiſſe ,
Il faut qu'avec les fens l'efprit fe trouve joint.
La
Marquife.
Songez , pour rappeller la foule diſparuë ,
A remplacer les feux , qui .....
M. Rochard.
C'est notre deffein ;
Et d'Italie au mois prochain
Nous attendons une recruë.
La
MARS.
1744. 577
La Marquife.
C'estbien fait. Après tout il regne un préjugé ,
Que vous devez travailler à détruire.
On pense qu'un morceau par Phébus protegé ,
Chés vous ne fçauroit le produire.
La plupart au mauvais prétendent vous réduire ;
Et le bon aux François eſt toujours adjugé ,
Quoique plus d'un Ecrit , sûrement bien jugé ,
Du contraire eût pû nous inftruire.
Montrez donc , en dépit de ce bruit abufif ,
A qui la vérité veut que l'on remédie ,
Que pour la bonne Comédie
Il n'ont point de bail exclufif.
Revendiquez vos droits , qui ne font point frivoles;
Dans quelques bons morceaux , que vous nous préparez
,
Jouez le mieux que vous pourrez.
A vos geftes , à vos paroles
Donnez le ton & l'ame , & le feu defirés ,
*Et fur tout fçachez bien vos rôles ;
Je vous promets que vous plairez .
Voulez-vous qu'en deux mots ici je vous ménage
Le Parterre pour protecteur ?
M. Rochard.
)
Le haranguer , Madame ! Ah ! vous n'êtes pas lage.
La Marquife.
J'ai pour autorité l'exemple d'un Auteur ...
Meffieurs,fi de l'honneur de quelque deference.
Par
578 MERCURE DE FRANCE.
Par vous mon fexe eft illuftré ,
Des Acteurs d'un Théatre, à votre appui livré ,
Soutenez la foible eſperance.
Ce font de bonnes gens , effrayés des dangers
Où plonge votre indifference ;
Mais fur vous néanmoins fondant leur affûrance ,
D'autant plus qu'ils font étrangers ,
Italiens , enfin , nés prefque tous en France ;
Vousles avez formés , vous les avés inftruits ;
Que de votre bonté l'attrait les encourage !
Leur zéle, leurs travaux , leurs talens font vos fruits
Daignez cultiver votre ouvrage.
M. Rochard.
Oui , Meffieurs , c'eft l'eſpoir qu'en ce jour je
conçois ;
Votre propre interêt nous engage à le croire.
Vos coeurs font notre but ; vos plaifirs notre emploi
,
Et vos fuffrages notre gloire.
Les Mars , l'Opera Comique donna la
premiére repréſentation d'une Piéce en un
Acte , en Vaudevilles , avec des Divertiffemens
de Chants & de Danfes , intitulée les
Jardins
MARS. 1744. 579
Jardins de l'Hymen ; cette Piéce , qui a été
reçûë favorablement , fut précédée de deux
autres Piéces , intitulées la fauffe Ridicule &
le Saut du Foffé.
-
› Le 17 on
donna
une
autre
Piéce
nouvelle
en un Acte
, en Vaudevilles
, avec
des
Divertiffemens
, laquelle
a pour
titre
Aca
jou
; cette
nouveauté
a été
fort
goûtée
&
fuivie
; elle
fut
précédée
de
deux
autres
Piéces
, intitulées
la Servante
juftifiée
, & les
Jardins
de l'Hymen
; ces
trois
Piéces
furent
terminées
par
le Divertiffement
des
Men
niers
, dont
on a déja
parlé
; la Dlle
Lany
& le Sr Noverre
, tous
les
deux
très-jeunes
,
& qui
ont
beaucoup
de talens
pour
laDanſe
,
s'y font
fort
diftingués
.
Le 28 , on fit la clôture de la Foire
S. Germain , avec les cérémonies accoûtumées.
L'Opera Comique donna auffi la
derniére repréſentation de fon Spectacle ,
par les mêmes Piéces qui avoient été données
le 17 , avec un grand concours.
NOU480
MERCURE DE FRANCE.
•
NOUVELLES ETRANGERES ,
O
TURQUI E.
N mande de Conftantinople , que le Kan de
Crimée a été déposé par le Grand Seigneur ,
pour n'avoir pas prévenu les fuites de quelques dif
ferends qui font lurvenus entre les Sujets & les Cofaques
foumis à la domination de la Czarine.
On a appris en même tems que la nouvelle de la
levée du siége de Mofoul & de la retraite de Thamas
Kouli kan , a rétabli la tranquillité dans Conf
tantinople ; qu'on travailloit en Turquie avec toute
la diligence poffible , aux préparatifs pour l'ouverture
de la Campagne , & que les troupes de Sa Hau.
teffe devoient s'aflembler avant la fin du mois de
Mars.
On a appris depuis , que les fuites de la levée du
Siége de Mofoul n'avoient pas été auffi favorables
qu'on s'en étoit faté ; que Thamas Kouli- kan ,
après avoir abandonné les environs de cette Place ,
ne s'étoit pas retiré en Perfe , comme le bruit en
avoit couru , mais qu'il étoit allé rejoindre les troupes
, qui , par fon ordre , avoient formé le blocus
de Bagdad ; qu'après avoir fait toutes les difpofitions
néceffaires pour affiéger la Ville dans les formes,
& après avoir vifité le Tombeau d'Ali , qui n'en eſt
éloigné que de deux journées , il avoit marché du
côté de Sigirla, à la tête d'un Corps de 30000 hom
mes ; qu'il avoit fait avancer deux autres Corps de
fes
troupes à Kerkut & à Ervel , & qu'il étoit occupé
à faire fortifier ces trois poftes , afin d'ôter aux
troupes Ottomanes les moyens de fecourir Bagdad.
Ces
MARS. 1744. 581
Ces avis ajoûtent que le Schah Rade , qui a été
proclamé Roi de Perfe à la tête de l'armée du Grand
Seigneur , étoit à Kars , & qu'on craignoit qu'il n'y
fut furpris par une armée Perfanne , commandée
par le neveu de Thamas Kouli kan .
"
Le Schah Rade a dépêché un courier au Grand
Seigneur , pour le plaindre de ce que Sa Hauteffe
ne lui a pas fourni les fecours qu'elle lui avoit promis
, & pour repréfenter que le nombre de troupes
qui fe font avancées fur les frontiéres de Perfe , n'eſt
pas fuffifant pour encourager les Perfans à fe déclarer
en fa faveur.
Ce Prince eft déterminé à renoncer à fon entreprife
, & à retourner dans la retraite d'où la Porte
ja tiré , fi elle ne lui envoye des renforts confidérables
.
Le Divan s'eft affemblé plufieurs fois , pour déliberer
fur la demande du Schah Rade , & il a été
réfolu de faire marcher du côté de Bagdad une nouvelle
armée , tant pour favorifer les deffeins de co
Prince , que pour s'oppofer à ceux de Thamas
Kouli-kan.
On n'a reçû aucunes nouvelles de cette Place
depuis l'arrivée du courier que le Grand Seigneur
reçut le 7 Janvier dernier , & qui a rapporté qu'il
n'y avoit pas d'apparence qu'elle pût faire encore
une longue réfiftance .
Les progrès des armes des Perfans caufent à Conftantinople
beaucoup de mécontentement parmi le
peuple , & le Grand Vifir a befoin de toute fa prudence
& de toute fon habileté , pour le contenir
dans le devoir. On a donné ordre aux Janniffaires ,
de fe tenir prêts à marcher au commencement de
Mars , & l'on en a puni féverement quelques uns
qui avoient ofé déclarer hautement qu'ils ne vouloient
point aller en Asie.
RUSSIE.
582 MERCURE DE FRANCE.
RUSSIE.
N mande de Pétersbourg du 4 du mois dernier
, que l'Extrait des Actes qui regardent
J'affaire du Marquis de Botta , vient d'être rendu
public , & que cet Extrait , qui eft de 150 pages ,
contient toutes les dépofitions faites contre ce Miniftre
par le Knées Putatin , par la Comteffe de Beftuchef
& par fa fille , par la Dame de Lilienfeld ,
par M. Lapouchin , par la femme & par fon fils.
Le Comte de Sparre, qui eft arrivé à Pétersbourg
de Stockolm , a été chargé par le Roi de Suede , de
remettre au Duc de Holſtein les Médailles des Princes
& des Princeffes de la Maiſon de Vaſa.
Il court un bruit que la Princeffe de Brunſwick
Bevern fera transferée avec le Prince & les Princeffes
les enfans , à Orangem, & que le Prince fon
époux aura la permiffion de retourner en Allemagne.
Les domeftiques Allemands , qui étoient auprés
de ce Prince & de cette Princeffe , ont été renvoyés,
& on les a remplacés par des Mofcovites.
POLOGNE.
Na appris de Dantzică du 9 du mois dernier,
que les Sénateurs , qui s'étoient affemblés à
Leopol , dans le deffein de procurer un accommodement
entre la Maifon de Radzivil & celle de
Tarlo , n'ont pú y réüffir , & que le Palatin de Sandomir
refufe abfolument de fe conformer au Jugement
du Grand Tribunal du Royaume , & de ceder
les Terres de la fucceffion du Prince Sobiesky au
Prince de Radzivil .
On mande de Warfovie du 23. du mois dernier ,
que les parens & les amis du Palatin de Sandomir &
du
M AR S. 1744.
583
du petit Général de Lithuanie, ont tenu plufieurs af
femblées ches le Cardinal Lipzki , pour chercher
les moyens de terminer les differends furvenus entre
ces deux Seigneurs , mais qu'ils n'ont pû y réüf.
fir. Le Palatin de Sandomir s'eft emparé à main armée
d'une Terre fituée près de Leopol , qui eft de
la fucceffion du Prince Sobieskу , & il y a eu en
cette occafion plufieurs perfonnes de bleſſées , ainfi
que quelques prifonniers faits de part & d'autre.
ALLEMAGNE.
O'N &
*
N mande de Vienne du 8 du mois dernier ,
que la Reine de Hongrie fit le 7 , une courfe
de traîneaux , & que celui de cette Princeffe fut
conduit par le Comte d'Averfperg , fon Grand
Ecuyer.
Le Marquis de Prié , Miniftre de la Reine auprès
du Corps Helvetique , a mandé à S. M. que le Canton
de Zurich n'avoit point confenti à la demande
qu'elle avoit faite de pouvoir lever quelques troupes
dans le Territoire de ce Canton.
On a appris de Francfort , que le Confeil de Régence
, établi en Baviére par la Reine de Hongrie,
avoit reçû ordre de cette Princeffe , d'exiger avec la
derniére rigueur les contributions qui ont été demandées
aux habitans de cet Electorat .
On mande de Hambourg du premier de ce mois,
que l'on a appris de Riga , qu'on avoit fait partir de
Dunamunde le Prince & la Princeffe de Brunſwick
Bevern , fous une nombreuſe eſcorte › pour les
transferer à Pétersbourg,
On appris de Vienne du 26 du mois dernier , que
la Princeffe , Soeur de la Reine de Hongrie & le
Prince Charles Lorraine , partirent de cette Ville le
, pour fe rendre à Bruxelles. *23
· La
$ 84 MERCURE DE FRANCE.
La Reine a fait remettre à ce Prince & à cette
Princeffe plufieurs Médailles d'or & d'argent , qui
ont été frappées à l'occafion de leur mariage , &
'qu'ils doivent diftribuer aux perfonnes de diftinction
dans les Villes par lefquelles ils pafferont .
PRUSSE,
N mande de Berlin , que le Comte de Truchfes
eut le 4 du mois dernier une audience du Roi
de Pruffe , & qu'il remit à ce Prince le Diplome ,
par lequel l'Empereur accorde une difpenfe d'âge
au Ducde Wirtenrberg , pour prendre le Gouverne.
ment de fes Etats , & qu'après cette audience , le Duc
de Wirtemberg ayant été introduit dans le Cabinet,
S. M. Pr. lui donna ce Diplome , en l'exhortant à
demeurer fidéllement attaché aux interêts de S.M. I.
& du Corps Germanique.
ON
ESPAGNE.
Na appris de Madrid , que l'Armateur Sebaftien
de Morales ayant été attaqué près de
la Côte d'Afrique par une Frégate Angloise de 35
canons , non-feulement il s'eft défendu avec une extrême
valeur , mais qu'il a abordé ce Bâtiment , &
qu'il s'en feroit emparé , fi l'approche d'un autre
Vaiffeau de guerre des ennemis , qui vint avec le
Pacquetbot de Gibraltar au fecours de la Frégate ,
ne l'eût obligé de fe retirer , & de regagner la Côte
de Malaga.
Les quatre Vaiffeaux Anglois le Mercure , le S.
Thomas , le Tids & la Belle Vue de Bristol , ont été
conduits à Cadix par les Armateurs Barthelemi Romero
, Pierre Mafcalet & Michel Pinero Fernandez.
Le
MARS. 1744. 585
#
Le 24 du mois dernier, la Frégate la Notre Dame
de Begona , arriva dans le Port de Bilbao avec un
Bâtiment ennemi , de 110 tonneaux , qu'elle a enlevé
vers le 48 degré de Latitude Septentrionale , &
cette Frégate ayant remis le 26 à la voile , elle
rentra deux jours après dans le même Port avec un
autre Vaiffeau , chargé de camelots , de bierre & de
morue.
Don Jofeph Gordanes , commandant la Frégate
la Fulminante , a foutenu un fort long combat contre
un Vaiffeau Anglois , dont il n'a pû ſe rendre
maître , ce Vaiffeau ayant été fecouru par un autre
Bâtiment de la Nation.
: L'Intendant de Marine du Ferol a mandé au Roi ,
que le Vaiffeau la Marie , qui portoit de Londres à
Porto 1800 facs de bled avoit été pris à cinq lieuës
de Viana , par l'Armateur Martin Pequeno.
Les Vaiffeaux le Marchand de la nouvelle Angleterre
, le S. Pierre , l'Aigle , le S. Patrice , & un autre
Bâtiment , ont été pris par les Espagnols .
Un Armateur de cette Nation a obligé trois Bâtimens
Anglois d'échouer près du Cap Lézard.
On mande de Madrid , qu'on y a appris de Lif
bonne , que l'Archevêque de Lacedemone avoit
fait la Cérémonie de confacrer la nouvelle Chapelle
, que les Religieux du Tiers- Ordre de la Pénitence
ont fait conftruire , qu'on avoit célébré dans
l'Eglife de la Maiſon Profeffe des Jefuites , pour le
repos de l'ame du Comte d'Ericeyra , un Service
folemnel , auquel la plupart des Seigneurs de la
Cour du Roi de Portugal , avoient affifté , & que le
26 Janvier dernier , l'Académie des Efprits choifis
avoit tenu une Affemblée publique dans le Palais
du Comte de Cocolim .
. On a appris de Madrid , du 2 de ce mois , que
les Efcadres de France & d'Espagne , compofées ,
H celle
586 MERCURE DE FRANCE.
celle de France de 15 Vaiffeaux de ligne , de quatre
Frégates & des trois Brulots , & celle d'Espagne de
douze Vaiffeaux , fortirent du Port de Toulon le 20
du mois dernier ; qu'elles profiterent du vent qui
leur étoit favorable , pour joindre l'Eſcadre Angloife
, commandée par l'Amiral Mathews , &
compofée de 45 Navires , dans le nombre defquels
il y avoit 30 Vaiffeaux de Ligne & onze de trois
Ponts , mais qu'elles ne purent avant la nuit approcher
des Anglois qui s'étoient mis au large , & que
le vent étant tombé , le calme , qui dura le 21 ,
obligea ces Efcadres de paffer tout le jour en panne
vis-à-vis de celle des Anglois .
Le 22 , l'Amiral Mathews , ayant l'avantage du
vent , fit fes difpofitions pour aller attaquer les deux
Efcadres , & il mit fes plus gros Vaiffeaux dans le
corps de bataille & à l'avantgarde . Les Anglois commencerent
entre midi & une heure le combat , &
attaquerent l'Eſcadre Espagnole , laquelle deſtinée
à former l'avantgarde des deux Efcadres , étoit par
le changement du vent devenue l'arriere garde.
L'Amiral Mathews avec cinq de fes plus gros Vaif.
feaux de trois Ponts attaqua le Vaiffeau le Real &
fes Matelots , mais M. de Court , Lieutenant Général
des Armées Navales du Roi de France , & qui
montoit le Terrible , obligea les trois Vaiſſeaux Anglois
de fe retirer.
Pendant le combat du Vaiffeau de l'Amiral Mathews
& des autres de fa divifion , avec le Vaiffeau
le Real & fes Matelots , M. de Court fit fignal à fon
avantgarde , de virer de bord pour fecourir les Efpagnols
, & comme il jugea que la fumée pouvoit
empêcher cette avantgarde , qui étoit un peu éloignée
, de voir le fignal , il alla avec fa divifion au
fecours du Vaiffeau le Real , fur lequel Don Juan
Jofeph de Navarro , Chef d'Efcadre , commandant
PEFMARS.
1744. 587
FEfcadre Espagnole, avoit reçû deux bleffures legeres
, & le Capitaine du Pavillon étoit bleffé à mort.
Ce mouvement de M. de Court rallentit l'attaque
des Anglois , & les détermina à abandonner le
Vaiffeau Eipagnol le Poder , lequel étant entierement
démâté , avoit été obligé de fe rendre. L'Amiral
Mathews s'éloigna pour lors le plus qu'il lui
fut poffible , fans ofer pourfuivre le Vaiffeau le Real
ni les autres Vaiffeaux Eſpagnols , quoiqu'il y en
eut plufieurs de maltraités dans leurs mâtures , principalement
le Real .
Le combat finit vers les cinq heures & demie ; le
refte du jour , ainfi que pendant la nuit , l'Eſcadre
de France couvrit celle d'Espagne , & on envoya à
Don Navarro des Charpentiers & des Calfats pour
reparer fon Vaiffeau.
Le 23 , à la pointe du jour , M. de Court , au bruit
du canon qu'il entendit , alla délivrer le Vaiffeau
Efpagnol l'Hercule de trois Vaiffeaux Anglois , parmi
lefquels il s'étoit mêlé pendant la nuit , les
ayant crû Vaiffeaux de fon Efcadre . M. de Court
donna enfuite fes ordres pour faire retirer du Vaiffeau
le Poder 3 à 400 Eſpagnols , & les Anglois qui
y avoient paffé , pour le manoeuvrer , & enfuite on
y mit le feu .
Vers le milieu du jour , l'Amiral Mathews parut
en ordre de bataille ,mais à une diftance très-graude
des Efcadres de France & d'Espagne , lesquelles
ayant le vent contre elles , ne purent prendre d'autre
parti que celui d'attendre que les Anglois vinf
fent les atraquer.
Le 24 , M. de Court , continuant toujours de couvrir
avec les Vaiffeaux l'Efcadre Efpagnole , il s'éleva
un vent de Nord- Eft très fort , qui lui fit perdre
de vue l'Amiral Mathews , & qui obligea les Vaiffeaux
François & Efpagnols de fe retirer vers les
Côtes de Catalogae.
Hij Les
588 MERCURE DE FRANCE.
Les deux Efcadres navigerent enfemble pendant
tout le jour , & le foir M. de Court mit à la Cape ,
après en avoir fait le fignal par le canon & par les
fanaux ; les Vaiffeaux François apperçurent le fignal
, & joignirent M. de Court , mais les Efpagnols
fuivirent leur route , le Vaiffeau la Sainte Elizabeth
remorquant le Real.
On a vu le lendemain l'Eſcadre Eſpagnole audeffous
de Barcelonne , mais quoiqu'on n'en ait eu
depuis aucune nouvelle , on eft perfuadé que l'Amiral
Mathews n'a pas fuivi les Eſpagnols , & que les
Anglois ne leur ont pris aucun Vaiffeau , à l'excep
tion du Vaiffeau le Poder,qu'ils ont été obligés d'àbandonner.
Les Relations , par lefquelles on a reçû à Madrid
ces nouvelles , font remplies des éloges de Don
Navarro , & des Capitaines des Vaiffeaux de fon
Efcadre , qui ont en cette occafion donné les plus
grandes marques de courage.
On a fçû depuis , que le Vaiffeau le Neptune étoit
arrivé à Barcelonne ; que les Vaiffeaux le Conftant ,
l'Hercule , & l'Orient étoient à Cartagene , & on
s'attend d'apprendre inceffamment l'arrivée des
Vaiffeaux le Real & la Ste Elixabeth , ainfi que des
autres Vaiffeaux de l'Eſcadre ; on compte recevoir
en même tems un détail de tout ce qui s'eft paffé
dans ce combat , pendant lequel chaque Vaiffeau
Efpagnol a été attaqué par deux ou trois , & même
par quatre & cinq Vaiffeaux Anglois.
L'Intendant de Marine du Ferol a mandé au Roi ,
que l'Armateur Don Pedre Dabrocal a conduit au
Port de Corcubion un Brigantin Anglois , de cent
tonneaux , chargé de vin , de fucre & d'épices ;
que le Pacquetbot le Prince d'Orange , commandé
par le Capitaine Forſtall , fur lequel il y avoit 2000
muids de grain , a été pris dans les environs de la
Barre
MARS. 1744.
589
Barre d'Aveyro , par l'Armateur Don Juan Fernan
dez del Villar , que le 27 du mois dernier , l'Armateur
Don André de Larruë eft entré dans le Port de
la Corrogne , avec les Vaiffeaux le Diamant , la Galere
de Londres , l'Osburn , le Robert & l'Elie , & que
la valeur de ces prifes eft eftimée 40000 piaftres ,
fans y comprendre le prix des Bâtimens ; que la
Frégate , armée en courfe par Don Louis Olivier ,
s'eft emparée d'un autre Vaiffeau , dont la charge
confifte en orge, en cuirs , en gomnie , & en drogues
médicinales ; qu'il eft arrivé à Bayona un Pacquetbot
, à bord duquel on a trouvé 600 barriques
de fardines , qui a été pris par Don Etienne du Broca
, & que l'Armateur Don Auguſtin de Samano a
enlevé trois Vaiffeaux de la nïême Nation.
Les avis reçûs de l'Intendant de Marine de Cadix ,
portent que la Frégate la Notre-Dame du Rofaire
commandée par Don Jofeph Artur , & la Barque
armée en courfe par Don François Martin Valenzuela
, s'étoient emparées, la premiere, du Vaiffeau
la Méditerannée , qui alloit de Lisbonne à Gibraltar
, & la feconde,de la Balandre l'Heureufe Jeanne ,
qui portoit de Waterford à Marseille de la morue
& d'autres falines.
L'Intendant de la Principauté des Afturies a
mandé au Roi , que les deux Vaiffeaux Anglois ,
l'Aigle Imperial & la Petite Tortuë , chargées de
2000 feptiers de bled , de 1500 barils de moruë , de
240 piéces de camelot d'Irlande & de quelques autres
marchandifes , ont été enlevés par les Armateurs
Don Auguftin de Samano , & Don André de
Larruë.
H iij SA190
MERCURE DE FRANCE.
SAVOY E.
Na appris de Chamberry , du 14 du mois der
pes Efpagnoles , qui étoient en Savoye , eft fortie
de ce Duché , & qu'elle a pris la route de Provence
; que l'Infant Don Philippe eft auffi parti , pour
fe rendre dans la même Province , & qu'il a dû
paffer par la Ville de Lyon , dont les habitans ont
fait de grands préparatifs pour la reception de ce
Prince , qui fe propofoit d'y demeurer quelques
jours. Avant fon départ , le Parlement lui envoya
une Députation , pour lui repréfenter que le Peuple
de ce Pays étoit dans l'impoffibilité de payer les
dernieres contributions qui lui avoient été impofées
, & l'Infant ayant reçû les Députés avec beau
coup de bonté , leur promit de faire examiner avec
foin cette affaire.
L'Intendant de l'armée de S. M. C. s'eft rendu
depuis au Parlement , pour annoncer à cette Com →
pagnie , que l'Infant en confideration des remonfrances
qui lui ont été faites , confentoit à une diminution
du tiers des impofitions , & qu'il remettoit
aux habitans la moitié de ce qu'ils devoient
pour l'année derniere .
Selon des avis reçûs de Toulon , tous les Matelots
qui y étoient attendus d'Efpagne pour rendre
complets les équipages des Vaiffeaux de l'Efcadre
de S. M. C. y font arrivés , & cette Efcadre , ainfi
que celle dont le Roi Très- Chrétien a donné le
Commandement au Marquis de Court , devoit être
aquellement prête à mettre à la voile,
GENES
MARS. 591 ·1744.
GENES ET ISLE DE CORSE,
la
ONmande de Gênes du 12 du mois dernier
felon les lettres écrites du Plaiſantin , que
Ville de Plaifance a été remife le 4 , au Roi de Sardaigne
, & que le Marquis de San Giulio en a pris
poffeffion au nom de ce Prince , qui l'en a nommé
Gouverneur.
GRANDE BRETAGNE.
ONa apprisde Londres du 20 Janvier dernier,
par le Capitaine Broderick , qui commande le
Vaiffeau le Phoenix , & qui arriva
en
cette Ville le
13 , que l'Efcadre Françoiſe qui a été armée à Breſt ,
avoit mis à la voile le 6 , & que ce Capitaine , après
l'avoir fuivie pendant 24 heures , l'avoit laiffée faifant
route au Nord .
On apprend du 24 du mois dernier , que les Seigneurs
ont fait plufieurs Proteftations , par lefquelles
ils ont fait leurs efforts pour empêcher que la
réfolution de garder à la folde de la Grande Bretague
les troupes Hanoveriennes , ne paſſât à la pluralité
des voix.
Le Gouvernement a mis un Embargo fur tous les
Bâtimens François , dans les Ports du Royaume
d'Irlande .
On mande de Londres du 9 de ce mois , que tous
les Catholiques Romains ont reçû ordre de ſe retirer
à dix milles de cette Ville , avant le 14.
Le Colonel Cecil & quelques autres perfonnes
furent arrêtés le 7 , & l'on dit qu'on s'eft affusé auffi
de plufieurs perfonnes dans le Royaume d'Ecoffe .
Hiiij FRAN592
MERCURE DE FRANCE .
GYD GYD GYD GYD 838
L
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E premier de ce mois , fecond Dimanche
de Carême , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de
Verſailles la Meffe , chantée par la Mufique.
L'après-midi , leurs Majeftés , accompagnées
de Monfeigneur le Dauphin , affiſterent
à la Prédication du Pere Pons , de la
Compagnie de Jeſus.
Le 28 du mois dernier , & le 4 de ce mois,
le Roi & la Reine affifterent au Sermon du
inême Prédicateur.
Le Comte de Baviére , que le Roi a nommé
, il y a déja quelque - tems , fon Ambaſfadeur
Extraordinaire & Plénipotentiaire auprès
de l'Empereur , a pris congé de S. M.
& il devoit partir inceffamment , pour fe
rendre à Francfort .
Le 8 de ce mois , troifiéme Dimanche de
Carême , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Verſailles
la Meffe , chantée
par la Mufique. L'aprèsmidi
,
MARS. 1744.
593
midi leurs Majeftés , accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Meſdames
de France , affifterent à la Prédication du
Pere Pons , de la Compagnie de Jefus .
• Le 6 , le Roi & la Reine entendirent le
Sermon du même Prédicateur , & le onze , la
Reine y affifta.
Le Duc de Penthiévre , qui commence à.
exercer les fonctions de la Charge de Grand
Veneur de France , que le Roi lui avoit accordée
dès le mois de Décembre 1737 .
prêta le 8 , Serment de fidélité entre les
mains de S. M.
Le Prince de Conty , auquel le Roi a donné
le Commandement des troupes que S.
M. fait affembler en Provence , a pris congé
du Roi le 4 de ce mois , & il eft parti le 7 ,
pour fe rendre à Aix. Les Officiers Généraux
, qui doivent fervir fous les ordres du
Prince de Conty , font le Marquis de Maulevrier
Langeron le Marquis de Senecterre
, le Comte de Lautrec , le Bailly de
Givry , le Marquis du Cayla & le Comte
de Danois , Lieutenans Généraux ; le
Marquis d'Argouges , le Marquis du Chatel
, le Marquis de Mirepoix , M. de Villemeur
, le Marquis de Biffy , le Chevalier
de Courten & M. de Larnage , Maréchaux
de Camp. Le Marquis de Maillebois
H v fera
594 MERCURE DE FRANCE.
fera Maréchal Général des Logis de cette
armée ; le Comte de Tirconel fera Maréchal
Général des Logis de la Cavalerie , & M.
Chauvelin , Major Général de l'Infanterie .
M. Bertier de Sauvigny , Intendant de
Dauphiné , a été nommé Intendant de la
même armée .
Le 1s de ce mois , quatriéme Dimanche
de Carême , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château la Meffe
chantée par la Mufique , & l'après- midi la
Reine , accompagnée de Monfeigneur le
Dauphin , affifta à la Prédication du Pere
Pons , de la Compagnie de Jefus .
Leurs Majeftés entendirent le 18 , le Sermon
du même Prédicateur , & la Reine l'entendit
auffi le 13.
Le 17 , M. Tempi , Archevêque de Nicomédie
, Nonce du Pape auprès du Roi de
-Portugal , ayant paffé en France ,⚫ pour fe
rendre à Lisbonne , eut une audience particuliere
du Roi. Il y fut conduit , ainfi qu'à
celles de la Reine , de Monfeigneur le Dauphin
, & de Meſdames de France par M. de
Verneuil , Introducteur des Ambaffadeurs.
Le Roi a accordé au Marquis de Biffy ,
Maréchal de Camp & Commiſſaire Général
de
MAR S. 1744. 595
de la Cavalerie , le Gouvernement de Pontarlier
, vacant par la mort de M. de Bearnez .
Le Marquis de Creil , Lieutenant Géné
ral & Capitaine Lieutenant de la Compagnie
des Grenadiers de la Maiſon du Roi ,
ayant donné à S. M. la démiffion de cette
Place , le Roi a nommé Capitaine Lieutenant
de cette Compagnie le Chevalier de
Grille , qui étoit Capitaine d'une des Compagnies
du Régiment des Gardes Françoiſes.
Le 22 , Dimanche de la Paffion , le Roi
& la Reine entendirent dans la Chapelle du
Château de Verſailles la Meffe , chantée par
la Mufique, L'après-midi leurs Majeftés accompagnées
de Monfeigneur le Dauphin &
de Mefdames de France , affifterent aux Vêpres
, & à la Prédication du Pere Pons , de
la Compagnie de Jefus.
Le 23 , pendant la Meffe du Roi , l'Evêque
de S. Paul Trois Châteaux , prêta Serment
de fidelité entre les mains de S. M.
Le 24 , le Comte d'Ekeblad , Envoyé
Extraordinaire du Roi de Suéde , eut fon
audience publique de congé du Roi , & enfuite
de la Reine , de Monfeigneur le Dau-
H vj phin
596 MERCURE DE FRANCE.
phin & de Meſdames de France. Il fut conduit
à ces audiences par M. de Verneuil ,
Introducteur des Ambaffadeurs , lequel étoit
allé le prendre dans les caroffes du Roi &
de la Reine , & ayant été traité par les Officiers
du Roi , il fut reconduit à Paris dans
les caroffes de leurs Majeftés avec les cérémonies
accoutumées.
Le 25 , Fête de l'Annonciation de la Ste
Vierge , le Roi & la Reine entendirent dans
la même Chapelle la Meffe , & enfuite les
Vêpres . Leurs Majeftés , accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Mefdames
de France , affifterent l'après- midi au Sermon
du même Prédicateur , dont la Reine
entendit auffi la Prédication le 20 de ce
mois.
Le 26 , le Roi fit dans la Plaine des Sablons
, la revûë du Régiment des Gardes
Françoifes & de celui des Gardes Suiffes ,
lefquels , après avoir fait l'exercice , défilérent
en préfence de S. M. Monfeigneur le
Dauphin , & Mefdames de France fe trouverent
à cette revûë.
Le Roi a donné la Charge de Préſident du
Parlement , vacante par la mort de M. Talon
, à M. Chauvelin , lequel a déja exercé
une
MARS. 1744 .
597
une pareille Charge dans le Parlement.
PASSAGE par Lyon de l'Infant D. PHILIPPE.
Extrait d'une lettre écrite de cette
Ville , le 24 Février
1744
.
DON
ON PHILIPPE , Infant d'Efpagne ,
arriva en cette Ville le 17 Février dernier.
M. le Marquis de Rochebaron commandant
le Gouvernement de Lyonnois
Forêts, Beaujolais, alla au- devant de ce Prince
à une lieuë de la Ville , accompagné de
plus de foixante Gentilshommes , tous richement
habillés & fort bien montés. Il y
eut auffi uné troupe de plus de 200 jeunes
gens de la Ville , habillés tous uniformement
de drap écarlate , qui alla au - devant
du Prince , & un grand nombre de
Caroffes rempli de Dames , & d'autres perfonnes
de diftinction , ce qui formoit un
très-beau cortége. Les 35 Pennonages ou
Quartiers de Milice Bourgeoife, étoient fous
les armes ; chaque Pennonage eft d'environ
hommes , de forte que les 3: 5 Pennofont
environ 18000 hommes . La Compagnie
franche du Régiment Lyonnois , qui
eft prepofée à la garde des portes de la Ville,
étoit auffi fous les armes , ainfi que la
Compagnie des 200 Arquebufiers , commandée
par le Capitaine de la Ville , & la
५००
ges
Com$
98 MERCURE DE FRANCE .
Compagnie du Chevalier du Guet. Toutes
ces Compagnies étoient rangées en haye depuis
le Pont du Rhofne , par lequel le Prince
entra , jufqu'au Palais Archiepifcopal où
il alla defcendre , & où il a demeuré pendant
fon féjour en cette Ville ; le jour même
de fon arrivée , la Ville fit tirer le foir
un feu d'artifice fur la riviére de Saone devant
l'Archevêché , & toutes les maifons de
la Ville furent illuminées , ce qui a continué
pendant trois jours . Il y eut le lendemain
18 Février Bal dans la grande Sale de
l'Hôtel -de -Ville , où l'on avoit dreffé des
deux côtés trois rangs de gradins pour placer
les Dames , ce qui faifoit un très-beau
coup d'oeil. Il n'y avoit perfonne de maſqué
; le Prince danfa avec plufieurs Dames ,
& parut fort content de cette fête ; les Seigneurs
de fa fuite danferent auffi .
Le 19 , le Prince s'occupa à voir ce qu'il
y a de plus curieux dans la Ville , comme
les Eglifes , Hôpitaux , Edifices publics
Bibliothèques, les Manufactures d'étoffes de
foye , d'or & d'argent,dont il parut fort fatisfait
; il repartit de cette Ville le 20 Février
, pour le rendre en Provence .
Le 22 ,Dimanche de la Paffion , on donna
le premier Concert fpirituel au Château des
Tuilleries , qui fut continué le 25 , jour de
la
MARS. 1744. 599
la Fête de la Vierge , on y chanta le Dixit
Dominus , Motet à grand choeur de M. de la
Lande , qui fut fuivi d'un morceau de Mufique
pour le Hautbois, exécuté par le fieur
Selle , ordinaire de la Mufique du Roi . On
chanta enfuite un petit Motet à voix feule
de M. le Maire , & on termina le Concert
par le Motet Jubilate , de M. de Mondonville.
.
Le 29 , Dimanche des Rameaux , on donna
le dernier Concert de ce mois ; on doit
les reprendre le mois prochain.
Le 3 Mars , les Comédiens François repréfenterent
à la Cour , l'Homme à bonnes Fortunes,
& la petite Piéce de l'Etourderie.
Les , la Tragédie de Zaire de M. de
Voltaire , qui fut fuivie du Fat puni.
Le 10 , le Philofophe Marié , & la petite
Comédie des Vacances.
Le 12 , la Tragédie de Bajazet , & l'ESprit
de contradiction ..
Le 17 , le Misantrope de Moliére , & la
Comédie d'Amour pour Amour , fuivie d'un
divertiffement dans lequel la Dlle Lolotte
Cammaffe , premiere Danfeufe du Roi de
Pologne , Duc de Lorraine , jeune perfonne
, dont nous avons eu occafion de parler
plufieurs fois avec éloge , danfa une Sarabande
noble & gracieuſe , fur un Air du ſecond
600 MERCURE DE FRANCE.
cond Acte de l'Opera de Roland , la Chaconne
de l'Opera de Jepht , & après les
Vaudevilles du divertiffement , les trois
tambourins du Ballet des Caracteres de la
Folie , qu'elle exécuta dans la plus grande
perfection. Le Roi , la Reine , & toute la
Cour en parurent très-fatisfaits.
Le 4 , les Comédiens Italiens repréfenterent
aufli à la Cour , Arlequin perfecuté par
la Dame invifible , Comédie Italienne en
cinq Actes , terminée par le Ballet des Guirlandes.
Le 11 , la Comédie des Mariages Affortis ,
& la petite Piéce Italienne d'Arlequin , Baron
Suiffe.
Le 18 , l'Epreuve , Comédie Françoife ,
fuivie d'Arlequin Scanderberg , Piéce Italienne
en un Acte , & l'Apparence Trompeufe
, Piéce nouvelle joüée en dernier lieu
au Théatre Italien , laquelle a été auffi applaudie
à la Cour , qu'elle l'avoit été à l'Hatel
de Bourgogne .
MORT
MAR S. 1744.
601
823 ? 25252525252
J
MORT ET MARIAGES.
Ofeph de Thomas de la Valette , Chef d'Eſcadre
des Armées Navales , mourut à Toulon le 19
Janvier dernier , âgé d'environ 70 ans. Il étoit fils
de François de Thomas de la Valette , & de Lucrece
de Cadenet ; frere de Gafpard de Thomas
de la Valette , Evêque d'Autun , & de Louis de
Thomas de la Valette , Supérieur Général de la
Congrégation de l'Oratoire. Il entra dès fes premieres
années au fervice de la Marine , où il donna
dans plufieurs occafions des preuves de fa bravoure,
entr'autres ,dans la defcente des Anglois àCamaret;ce
fut lui qui propofa à fon Commandant, & qui obtint
de fervir à la tête d'une fortie fur les Ennemis ,
quoique très-fupérieurs en nombre. Ceux - ci furent
tous tués , noyés ou faits prifonniers . La Valette y
reçût dix bleffures , & fit le Commandant prifonnier
; il n'avoit encore que 19 ans , & il fut fait
Lieutenant deVaiffeau. Il a fervi enfuite avec un égal
fuccès , & a été fait Capitaine d'une maniere diftinguće.
Il fut nominé Chef d'Eſcadre des Armées Navales
le 20 Octobre 1741. Il étoit très-aimé & trèseftimé
, auffi a-t'il été géneralement regretté ; fes
obfeques , faites à Toulon , ont été magnifiques ;
tous les Officiers de l'Armée Navale , qui étoient
fur le point de s'embarquer , y affifterent. Il avoit
été marié à N... de Ripert de Carqueyrane , Famille
de condition de Toulon , dont il n'eut qu'un fils
mort très- jeune , lequel de fon mariage avec N ....
de Bruny Entrecafteaux , n'a laiffé qu'un fils , at
préfent Garde de la Marine , le même dont nous
avons parlé dans le Mercure d'Octobre dernier , au
ſujet
602 MERCURE DE FRANCE.
fujet de fa Théfe de Mathématique , foûtenue à
Juilly. Il eft actuellement de ſervice , embarqué
fur la Flotte de Toulon.
-
Le 29 , Henri Gabriel de Bery ; Seigneur
d'Efferteaux , au Diocèse d'Amiens , Mestre de
Camp de Cavalerie , Sous- Lieutenant des Chevau-
Legers de Monfeigneur le Dauphin , fils de Chriftophe
de Bery , Chevalier Seigneur d'Efferteaux , &
de D. Catherine - Marguerite- Françoiſe Moret de
Bournonville , épouſa D. Anne- Marie-Claude Berbier
du Metz , veuve de François - Jofeph d'Hautefort
, Comte d'Ajat , en Périgord , Meftre de Camp
Lieutenant au Régiment de Toulouſe , Cavalerie ,
& fille de Claude- Gedeon Berbier du Metz , Comte
de Rofnay , en Champagne , Préfident en la Cham.
bre des Comptes de Paris , & de D. Geneviève-
Claude Ragain. Cette Famille , originaire d'Amiens ,
& qui fe trouve alliée aux Maiſons de Brouilly , de
Saveufe , de Bufpe , &c. porte pour Armes , d'argent
, à une feuille de Scie de fable , poſée en face ,
les dents en haut, accompagnée de trois têtes de Levriers
, de même accolées d'or , pofées deux en chef
& une en pointe.
La nuit du 4 aus Février , fut marié dans la Chapelle
de l'Hôtel de Villars , Guy- Felix d'Egmont-
Pignatelli , né en 1720 , Duc de Gueldres & de Julliers
, Comte d'Egmont & de Zutphen , de Moeurs,
de Horne , de Buren & de Léerdam , Seigneur Souverain
du Pays d'Arkel , de la Ville & Territoire de
Malines , d'Ifelftein & de Wert , Prince de Gavre
& du S. Empire Romain , Comte de Barlemont ,
Marquis de Renty & de la Longueville , Sire de
Chievres , & d'Armentieres, Duc de Bifachia , Comte
de S. Jean & de la Cerignolle , Baron de la Hamayde
, de Sotteghem , d'Efcornaix , d'Auxi - le-
Château ,
MARS. 603
1744.
Château , de Rumenghem , d'Abarcq , d'Adinfer ,:
des deux Aulignies , d'Averdoing , d'Eperlegues ,
des Coupelles , de Wavrin ; d'Erquinghem, de Mezerolles
, & Grand d'Efpagne de la premiere Création
& de la premiers Claffe , Meftre de Camp d'un
Régiment de Cavalerie de fon nom , avec Dlle
Amable- Angélique de Villars , née le 19 Mars
1723 , fille unique & héritiere d'Honoré- Armand de
Villars , Duc de Villars , Pair de France , Prince de
Martigues , Grand d'Efpagne de la premiere Claffe,'
Chevalier de l'Ordre de la Toifon d'or , Gouverneur
de Provence , & Brigadier des Armées du Roi,
& de D. Amable- Gabrielle de Noailles , aujourd'hui
Dame d'Atours de la Reine , & petite fille de feu
Louis- Hector de Villars , Duc de Villars , Pair de
France , Grand d'Efpagne de la premiere Claffe
Prince de Martigues , Vicomte de Melun , & c . Miniftre
d'Etat , Maréchal Général des Camps & Armées
du Roi , Doyen des Maréchaux de France ,
Chevalier des troisOrdres du Roi , & de laToifon d'or,
Géneral des troupes Françoifes en Italie , Gouverneur
& Lieutenant Général de Provence , & c. mort
à Turin le 17 Juin 1734 , âgé d'environ 82 ans , &
de D. Jeanne Angélique Rocque de Varengeville ,
' fa veuve , ci- devant Dame du Palais de la Reine.
M. le Comte d'Egmont eft fils aîné de feu Procope-
Marie-Antonin -Philippes - Charles - Nicolas - Auguf
tin d'Egmont Pignatelli , Duc de Gueldres , & de
Julliers , Comte d'Egmont & de Zutphen , & Prince
de Gavre & du S. Empire Romain , Duc de Bifachia
, Grand d'Eſpagne de la premiere Création &
de la premiere Claffe , mort à Naples la nuit du 21
au 22 Mai 1743 , & dont la mort a été annoncée
dans le Mercure de Juin fuivant , Vol . II . fol . 1423 ,
& de Dame Henriette -Julie de Durfort Duras , aujourd'hui
fa veuve , Comteffe de Braine , Baronne
de
604 MERCURE DE FRANCE.
de Serignan & de Pontarcy Il eft petit - fils
de Don Nicolas Pignatelli , Duc de Bifachia au
Royaume de Naples , Comte de S. Jean & de la Cerignolle
, Grand d'Efpagne de la premiere Claffe ,
Chevalier de l'Ordre de la Toiſon d'or, Général des
Armées du Roi d'Efpagne , & Lieutenant Général
des Armées du Roi Tiès Chrétien , mort à Villeneuve
, fur le chemin de Lyon en 1719 , & de D.
Marie-Claire- Angeline d'Egmont , née Comteffe
d'Egmont , Frinceffe de Gavre & du S. Empire , fille
aînée de feu Philippes , Comte d'Egmont , Duc de
Gueldres & de Julliers , Prince de Gavre & du Saint
Empire , & de D. Marie Ferdinand de Croy , Marquife
héritiere de Renty , & par le Contrat de mariage
de M. le Duc de Bifachia avec Dlle d'Egmont,
leur fils , qui eft du 10 Février 1695 , il fut convenu
que fi ladite Dlle venoit à fucceder & atteindre la
fubftitution établie par le Teftament conjonctif,
contenant auffi avis de pere & de mere , fait par lefdits
Comte & Comteffe d'Egmont le 30 Mai 1680
des Maifons d'Egmont & de Croy-Renty , le fils aîné,
provenu dudit mariage defdits fieur & Dame Ducheffe
de Bifachia , feroit obligé de porter le nom
& les Armes de la Maifon d'Egmont , & le cas étant
arrivé par la mort fans enfans de François -Procope,
Comte d'Egmont, frere de ladite Dame de Bifachia,
mort à Fraga en Espagne , le 15 Septembre 1707.
Procope- Marie Antonin - Philippes Charles - Nicolas-
Auguftin Pignatelli , fon neveu , comme fils aîné de
fa foeur, fucceda de fon chef , en vertu de cette fubf
titution , du vivant même de fa mere , à tous les
Titres , Honneurs , Droits , Dignités & Biens de
la Maifon d'Egmont, & en prit les Armes, telles que
les porte aujourd'hui le Comte d Egmont , qui donne
lieu à cet article , qui font écartelées au premier
&
MARS. 1744. 605
& 4 , chevronné d'or & de gueules de 10 aliàs de
12 piéces , qui eft d'Egmont , au 2 d'or à 3 marmites
de fable , pofées 2 & une , qui eft de Pignatelli , au
3 d'argent , à deux fafles breteffées & contre- breteffées
de gueules qui eft d'Arkel , & fur le tout parti
au i d'azur , à un Lion d'or , lampaffé, armé & couronné
de gueules , qui eft du Duché de Gueldres ,
au 2 d'or , à un Lion de fable lampaffé , armé &
couronné de gueules , qui eft du Duché de Julliers.
M. le Comte d'Egmont , quelques jours aprés fon
mariage , a été fait Meftre de Camp du Régiment
de Mailly , Dragons , & celui d'Egmont , Čavalerie
, dont il étoit Meftre de Camp , a été donné en
même.tems au Duc de Bifachia , fon frere puîné.
Ils font freres de Mad . la Ducheffe de Chevreufe
dont le Contrat de mariage eft du 27 Avril 1738 .
La Maiſon d'Egmont a été traitée par tant d'Auteurs
, qu'il fuffit de dire qu'elle a toujours tenu un
rang confidérable entre les Souveraines, par
fon ancienneté
& par fes Alliances . Pour celle de Pignatelli
, elle eft des plus anciennes & des plus illuftres .
du Royaume de Naples , où elle eft connue dès l'an
1100 , par fes grandes Alliances , par les grandes
Terres qu'elle a poffedées , & par le grand nombre
des Branches qu'elle a produites , qui font toutes
décorées des Titres attachés à la plus haute Nobleffe
, & ont toutes l'honneur du Siége de Nido
à Naples , qui eft le Siége de la plus haute Nobleffe
de ce Royaume. Ces Branches font celles des Marquis
de Cafalnovo ; des Marquis de S. Marc ; des
Ducs de la Rocca , des Ducs d'Allifta , & de Tolve ;
des Princes de Strongoli ; des Marquis de Palletta ;
des Ducs de Montecalvo ; des Ducs du Monteleone;
des Comtes de Borello ; des Marquis de Cerchiara ;
des Princes de Noja , de Mondorvino , de laquelle
étoit le Pape Innocent XII , élu le 12 Juillet 1691 ,
mort
606 MERCURE DE FRANCE .
mort le 27 Septembre 1700 ; des Princes de Marficonovo
; des Marquis de Lauro & des Ducs de Biſachia
, Terre érigée en Duché par Lettres du Roi
Philippe II , du 17 Octobre 1600 , en faveur d'Afcanio
Pignatelli , IV Ayeul de M. le Comte d'Egmont.
Voyez pour cette Généalogie Lelio , Borello
, & Campanele , qui ont traité de la Nobleſſe
Napolitaine , & fur tout Ymhoff, dans fon Livre ,
intitulé , Genealogia viginti illuftrium in Italia Familiarum
, imprimé à Amfterdam en 1710 , dans lequel
, au fol. 251 , le trouve toute cette Généalogie
en fept Tables. Pour celle de Villars , voyez le Vol .
V des Grands Officiers de la Couronne , fol . 95.
& 101 .
Le 17 , Louis- Emanuel de Coetlogon , Vicomté
de Loyac , dit le Comte de Coetlogon , Brigadier
des Armées du Roi & Colonel Lieutenant au Régiment
de Penthiévre , Infanterie , fils de René- Charles-
Elizabeth de Coetlogon, Comte de Loyac, Syndic
Général des Etats de la Province de Bretagne ,
mort à Paris le 19 Fevrier 1734 , & de D. Anne
Auvril de la Roche , & petit- neveu de feu le Maréchal
de Coetlogon , fut marié avec Dlle Thomas
Celefte Efter Rivié , fille d'Etienne Rivié , Baron de
Chars , Chevalier , Grand Maître des Eaux & Forêts
de France , au Département de l'Ile de France
& du Soiffonnois , & de D. Agathe-Marguerite de
la Riviere , de l'ancienne Maifon de la Riviere , en
Bretagne . M. Rivié , pere de Mad. de Coetlogon ,
a été l'unique héritier de l'opulente fucceffion de
feu M. Rivié , fon oncle , Sécretaire du Roi , connu
par les grands fervices par lui rendus à l'Etat
fous le Miniftere de M M. de Louvois & de Barbefieux
, par les grands biens que ces mêmes fervices
lui avoient fi juftement fait acquérir , & par l'ufage
noble & généreux qu'il avoit fait toute la vie de
cette
MARS, 1744 . 607
cette grande fortune , & qui lui avoit fait mériter
l'eftime de la plupart des Seigneurs de la Cour
& de la Ville , dont il étoit connu . Voyez pour la
Généalogie de la Maifon de Coetlogon , l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne. Vol . 7. fol.
717.
ARRESTS NOTABLES.
ORDONNANCE DU ROI
du 15 Mars , portant déclaration de guerre
contre le Roi d'Angleterre , dont la teneur
Suit,
E S le commencement des troubles qui fe font
élevés après la mort de l'Empereur Charles
VI, le Roi n'a rien omis pour faire connoître que
Sa Majefté ne defiroit rien avec plus d'ardeur que
de les voir promptement appaifer par un accommo.
dement équitable entre les parties belligerantes. La
conduite qu'elle a tenue depuis , a ſuffiſamment
montré qu'elle perfiftoit conſtamment dans les mêmes
difpofitions , & Sa Majefté voulant bien ne
former pour elle même , aucune prétention qui pût
mettre le moindre obſtacle au rétabliffement de la
tranquilité de l'Europe , ne comptoit pas d'être
obligée de prendre part à la guerre autrement
qu'en fourniflant à fes Alliés les fecours qu'elle fe
trouvoit engagée à leur donner, Des vûës auffi défintéreffées
auroient bien-tôt ramené la paix , fi la
Cour de Londres avoit penſé avec autant d'équité
& de modération , & fi elle n'eût confulté que le
bien & l'avantage de la Nation Angloife ; mais le
>
Roi
60S MERCURE DE FRANCE .
Roi d'Angleterre , Electeur d'Hannover , avoit
des intentions bien oppofées , & on ne fut pas longtems
às'appercevoir qu'elles ne tendoient qu'à allumer
une guerre générale. Non content de détourner
la Cour de Vienne de toute idée de conciliation
, & de nourrir fon animofité par les confeils
les plus violens , il n'a cherché qu'à provoquer la
France , en faisant troubler par tout fon Commerce
Maritime , au mépris du droit des gens & des Traités
les plus folemnels . La convention d'Hannower ,
du mois d'Octobre 1741 , fembla cependant devoir
raffurer Sa Majefté fur la continuation de pareils
excès ; le Roi d'Angleterre , pendant le féjour qu'il
fit dans fes Etats d'Allemagne , parut écouter les
plaintes qui lui en furent portées , & en fentir la
juftice ; il donna fa parole Royale de les faire ceffer
, & il s'engagea formellement à ne point troubler
les Alliés du Roi dans la pourfuite de leurs
Droits ; mais à peine fut-il retourné à Londres ,
qu'il oublia toutes fes promeffes , & auffi-tôt qu'il
fut certain que l'armée du Roi quittoit entiérement
la Weftphalie , il fit déclarer par fes Miniftres , que
la convention ne fubfiftoit plus , & qu'il s'en tenoit
dégagé. Alors il fe crut difpenfé de tout ménagement
; ennemi perfonnel de la France , il n'eut plus
d'autres vûës que de lui en fufciter par tout ; cet
objet devint le point principal des inftructions de
fes Miniftres dans toutes les Cours de l'Europe ; les
pirateries des Vaiffeaux de guerre Anglois fe multipliérent
avec cruauté & barbarie ; les Ports du
Royaume ne furent plus même un afyle contre
leurs infultes ; enfin les Elcadres Angloifes ont ofé
entreprendre de venir bloquer le Port de Toulon ,
arrêtant tous les Bâtimens , s'emparant de toutes les
marchandifes qu'ils portoient , enlevant même les
recrues & les munitions que Sa Majesté envoyoit
dans fes Places . Tant d'injures & d'outrages répétés
,
MARS. 1744 . 609
tés , ont enfin laffé la patience de Sa Majefté ; elle
ne pourroit les fupporter plus long tems fans manquer
à la protection qu'elle doit à fes Sujets , à ce
qu'elle doit à fes Alliés , à ce qu'elle fe doit à ellemême
, à ſon honneur & à fa gloire . Tels font les
juftes motifs qui ne permettent plus à Sa Majesté
de refter dans les bornes de la modération qu'elle
s'étoit prefcrite , & qui la forcent de déclarer la
guerre , comme elle la déclare par la préfente , par
Mer & par Terre , au Roi d'Angleterre , Electeur
d'Hannower. Ordonne , & enjoint Sa Majefté à
tous fes ſujets , vaffaux & ferviteurs , de courre fus
aux fujets du Roi d'Angleterre , Electeur d'Hannower
; leur fait très- expreffes inhibitions & défenfes
d'avoir ci- après avec eux aucune communieation
, Commerce ni intelligence , à peine de la
`vie ; & en conféquence , Sa Majelté a dès -à- préfent
révoqué & révoque toutes Permiffions , Paffeports ,
Sauvegardes & Saufconduits , qui pourroient avoir
été accordés par elle ou par fes Lieutenans Généraux
& autres les Officiers, contraires à la préfente ,
& les a déclarés & déclare nuls & de nul effet & valeur
, défendant à qui que ce foit d'y avoir aucun
égard. MANDB & ordonne Sa Majesté à M. le Duc
de Penthiévre Amiral de France , aux Maréchaux de
France , Gouverneurs & Lieutenans Généraux pour
Sa Majefté en fes Provinces & Armées , Maréchaux
de Camp , Colonels , Meftres de Camp , Capitaines
, Chefs & Conducteurs de fes gens de guerre ,
tant de cheval que de pied , François & Etrangers ,
& tous autres les Officiers qu'il appartiendra , que
le contenu en la préfente ils faffent exécuter , chacun
à fon égard , dans l'étendue de leurs pouvoirs
& Jurifdictions : CAR telle eft la volonté de Sa Majefté
, laquelle veut & entend que la préfente foit
publiée & affichée en toutes les Villes , tant Maritimes
610 MERCURE DE FRANCE..
times qu'autres,& en tous les Ports , Havres & autres
Lieux de fon Royaume , & Terres de fon obéiffance
que befoin fera , à ce qu'aucun n'en prétende
caufe d'ignorance , & c.
ARREST du 17 Septembre 1743 , portant
défenfes aux Chaudronniers de la Ville & Fauxbourgs
de Paris , d'employer du plomb dans l'étamage
des batteries de cuifine & vaiffelle de cuivre ,
à peine contre ceux defdits Chaudronniers qui feront
trouvés en contravention , de confiſcation des
piéces de Chaudronnerie , dans l'étamage defquelles
il y aura du plomb , de cinq cent livres d'amende
, & de déchéance pour toujours de leur
Maîtrife.
AUTRE du 29 Octobre , qui ordonne que les
Négocians & Armateurs de la Ville de Marſeille ,
feront tenus de faire conduire au Bureau du Domaine
d'Occident , actuellement établi à la rive
neuve , toutes les Marchandifes arrivant des Ifies
Françoifes de l'Amérique , de même que celles
qu'ils embarqueront pour lefdites Ifles , pour y être
vifitées & les Droits acquittés.
pour
DECLARATION du Roi , portant Réglement
les comptes qui doivent être rendus à la Chambre
des Comptes , par les munitionnaires des vivres
aux armées de Sa Majesté . Donnée à Fontainebleau
le même jour. Regiftrée en la Chambre des Comptes
, le 29 Novembre fuivant .
ARREST du Confeil d'Etat du 10 Décentbre
, qui rétablit les Gouverneur & Echevins de la
Ville de Senlis , dans la poffeffion & jouiffance des
Droits de Péage ou Chauffée en ladite Ville , aux
charges
MARS. GIL
1744.
charges & conditions , & fuivant le Tarif y énoncé.
Vu par le Roi étant en fon Confeil , la Requête
préfentée en icelui par les Gouverneur & Echevins
de la Ville de Senlis , par laquelle , pour les cauſes
y contenues , ils font leurs très- humbles repréfentations
à Sa Majefté , contre l'Arrêt du Confeil du 20
Décembre 1740 , & demandent d'être rétablis dans
le droit de Péage ou de Chauffée , qu'ils percevoient
en ladite Ville , Généralité de Paris ; ledit
Arrêt du Confeil du 20 Décembre 1740 , par lequel
, faute par les Echevins & Habitans de la Ville
de Senlis , d'avoir fatisfait aux Arrêts du Confeil des
29 Août 1724 , 24 Avril 1725 , & 4 Mars 1727 , les
droits de Péage par eux prétendus à Senlis , ont été
fupprimés , avec très- expreffes inhibitions & défenfes
d'en continuer la perception audit Lieu ni ailleurs
, à peine contr'eux de reftitution des fommes
qui auroient été exigées , d'une amende arbitraire
au profit de S. M. & contre leurs Fermiers ou Receveurs
, d'être pourfuivis extraordinairement comme
concuffionnaires , & punis comme tels fuivant
la rigueur des Ordonnances ; Commiffion du grand
fceau expédiée fur ledit Arrêt ledit jour 20 Décem
bre 1740. Exploit du 6 Avril 1741 , contenant la fignification
qui a été faite defdits Arrêt & Commifaufdits
Echevins de Senlis , enſemble la publication
& affiche d'iceux , aux Places & Caire
fours de ladite Ville ; Titres & Piéces jointes à ladite
Requête , fçavoir , Copie collationnée de Lettres
Patentes du mois de Mars 1322 , par lesquelles
le Roi Charles IV. a déclaré qu'il vouloit que le
Bailli de Senlis permît aux Habitans de ladite Ville
de lever comme par le paffé , un droit de Barrage
ou Parrage , pour la réparation des Ponts , Chauf
fées & Fontaines de ladite Ville ; Etat contenant les
revenus & charges de la Ville de Senlis , de l'année
Iij
tion ,
1455 ,
612 MERCURE DE FRANCE.
1455 , donné aux Habitans d'icelle par les Gouverneurs
de ladite Ville , dans lequel il a été fait recette
du produit des droits de Chauffée appartenans à ladite
Ville , fçavoir , aux portes de Rieul , de Ruebellon
, de Meaux , de Paris , & de Creil ; lefquels
droits appartenoient à ladite Ville , à la charge
d'entretenir les Chauffées : deux autres Etats des
années 1456 & 1458 , dans lesquels il a pareillement
été fait recette du produit defdits droits de
Chauffée , aux mêmes portes fpécifiées en l'état
précédent : Compte arrêté le 27 Novembre 1482 ,
contenant la recette du produit des revenus de la
Ville de Senlis , depuis le 24 Juin 1480 , juſqu'à pareil
jour de l'année 1481 , dans lequel eft employé
ledit droit de Chauflée aux portes de Rieul , de
Rue -bellon , de Meaux , de Paris & de Creil ; autre
compte arrêté le 20 Novembre 1528 , contenant
la recette des droits de Chauffée de la Ville de Senlis
, aux portes de Rieul , Bellon , de Paris , de Creil
& de Meaux : Autre compte arrêté le 31 Décembre
1575 , en l'Hôtel- de Ville de Senlis , contenant le
produit du droit de Chauffée des portes de Paris ,
de Saint-Rieul , de Creil & de Bellon : Autre compte
des revenus de ladite Ville de Senlis , pour les années
1588 , 1589 , 1590 , 1591 , 1592 & 1593 ,
dans lequel il eft fait recette du produit des droits
de Chauffée appartenans à ladite Ville , aux portes
de Paris , de Saint -Rieul , de Bellon , de Creil &
de Meaux : Autres comptes contenant la recette
defdits droits , pendant les années 1595 & ſuivantes
, jufqu'en l'année 1611. Treize adjudications
defdits droits de Chauffée aufdites portes de la Ville
de Senlis , des années 1625 , 1626 , 1627 , 1628 , &
fuivantes , jufques & compris 1636. Bail fait le 19
Juin 1633. Trois autres adjudications defdits droits ,
des 23 Juin 1669 , 19 Juin 1672 , & 18 Juin 1673 .
Deux
MARS. 1744. 613
"
Deux Requêtes préfentées les 15 & 29 Août 1673 ,
aux Gouverneur & Echevins de la Ville de Senlis ;
la premiere par Pierre Cheron , & la deuxième par
Charles Bauvent , aux fins d'avoir la permiffion de
bâtir des voûtes en ladite Ville de Senlis ; au bas
defdites Requêtes font les Ordonnances defdits
Gouverneur & Echevins , portant lesdites permif
fions . Bail fait le 29 Août 1673 , par les Gouverneur
& Echevins de la Ville de Senlis , à Paul Alix ,
d'un espace de terre fitué en ladite Ville , depuis la
Poterne jufqu'au moulin des Carmes , entre le mur
de la Ville & la Chauffée de la riviére , pour dixhuit
années , moyennant cinq livres par an : Permiffion
accordée le 2 Février 1674 , par les Gouverneur
& Echevins de la Ville de Senlis , à Pierre
Lequoy , de conftruire une voûte en ladite Ville
à la charge de payer 40 fols de rente . Bail fait le
17 Avril 1675 , par lefdits Gouverneur & Echevins
de Senlis , à Roch Letellier , d'un petit jardin &
voûte étant proche la porte de Meaux : cinquantecinq
adjudications defdits droits de Chauffée aux
cinq portes de Senlis , depuis l'année 1676 , jufques
& compris 1739. Adjudication faite le 21
Avril 1742 , pardevant le fieur Dufrêne , Subdélé--
gué de l'Intendance de Paris , en l'Election de Senlis
, en exécution de l'Ordonnance du fieur d'Argenfon
, Intendant en ladite Généralité , des réparations
qui étoient à faire à la grande ruë de Senlis ,
dite de Paris , enſemble au Pont étant au milieu de
ladite ruë , ladite adjudication faite moyennant la
fomme de cinq mille livres : Certificat donné le 11
Août 1742 , par ledit fieur Dufrêne , Subdélégué à
Senlis , portant que fur la réquifition des Gouver
neur & Echevins de la Ville de Senlis , il s'étoitransporté
en l'Hôtel commun de la Ville de Senlis t
où les Echevins de ladite Ville lui avoient repréfent ,
I iij
deé
614 MERCURE DE FRANCE.
des comptes y énoncés , depuis 1435 jufqu'en 1623,
dans lesquels eft fait recette des droits de Chauffée
des cinq portes de la Ville de Senlis , qui font les
portes de Paris , de Saint- Rieul , de Creil , de Bellon
& de Meaux : Conclufions du fieur Maboul ,
Maître des Requêtes , Procureur Général de S. M.
en cette partie. Vû auſſi l'avis des fieurs Commiſſaires
nommés par l'Arrêt du Confeil du 29 Aoûr
1724 , & autres rendus en conféquence ; Ouï le
rapport du fieur Orry Confeiller d'Etat ordinaire ,
& au Confeil Royal , Contrôleur Général des Finances
, le Roi étant en fon Confeil , conformément
à l'avis defdits fieurs Commiffaires , ayant égard
aux repréſentations des Gouverneur & Échevins de
la Ville de Senlis , les rétablit dans la poffeflion &
jouiffance du droit de Péage ou Chauffée en l
Ville de Senlis , pour être perçû fur les chariots ,
charettes & bêtes de fommes , entrant par les portes
-de Saint-Rieul , de Bellon , de Meaux , de Paris &
de Creil , pour paffer par ladite Ville , aux charges
& conditions , & fuivant le Tarif ci après , fçavoir ,
1º. Par chariot chargé ou non chargé , huit deniers
tournois . 2 °. Par charrette chargée ou nan
chargée quatre deniers. 3 ° . Par cheval ou autre
bête de fomme , chargée ou non chargée , deux
deniers . Fait S. M. très -expreffes inhibitions & défenfes
aux Gouverneur & Echevins de Senlis , de
percevoir pour raifon dudit Péage , d'autres & plus
grands droits que ceux compris dans le Tarif cideffus
, nonobftant tous Arrêts , Jugemens , Sentences
, Tarifs ou Pancartes à ce contraires , aufquels
5. M. a dérogé par le préfent Arrêt . Enjoint
S. M. aufdits Gouverneur & Echevins de Senlis
d'entretenir en bon état les Ponts , Chauffées & pavé
de ladite Ville , d'acquitter les autres Charges dont
ils font tenus , pour faifon dudit droit de Péage , &
de
MARS. 1744. 618
1
de fe conformer dans la perception d'icelui , aux
Edits , Déclarations , Arrêts & Réglemens concernant
les droits de Péage ; le tout à peine contr'eux
de reftitution des fommes qui auroient été induement
éxigées , d'une amende arbitraire au profit de
S. M. & de fuppreffion dudit droit , & contre leurs
Fermiers ou Receveurs , d'être pourlaivis extraor
dinairement comme concuffionnaires, & punis comme
tels , fuivant la rigueur des Ordonnances , &c.
AUTRE de la Cour des Monnoyes du 14 , qui
condamne le nommé Julien Coconnier , Compagnon
Orfévre , & la Veuve Desjardins , folidairement
en trois cent livres d'amende , pour raiſon de
Jeurs contraventions , & protection accordée par
ladite Veuve Desjardins audit Coconnier ; Fait défenfes
audit Cocounier de pouvoir afpirer à la Maî
trife , & à ladite Veuve de jouir & ufer du privilége
de fa viduité , pendant le temps & espace de fix années
; condamne pareillement le nommé Véron
Compagnon Orfèvre , en cinquante livres d'amende
, pour avoir travaillé fans qualité ; & le nommé
Maffon , Marchand Mercier , auffi en cinquante livres
d'amende , pour avoir acheté des ouvrages
d'or & d'argent d'ouvriers fans qualité.
>
AUTRE du 24 , portant évocation & renvoi
pardevant Meffieurs les Commiffaires du Confeil ,
de toutes les affaires concernant la fucceffion de
Jean Baptifte Gally de Turqueville , enfemble de
Louis Copin de Valaupuy , Jean Tremizard & Simon
Viaut , fes Cautions & Affociés.
ORDONNANCE du Roi du 27 , pour régler
le rang que tiendront à l'avenir dans l'Infanterie,
les Commandans de bataillons .
I iiij
AU616
MERCURE DE FRANCE.
1
AUTRE du-même jour , portant nouveau Rêglement
fur le Port & l'ufage des Cuiraffes .
ARREST du 31 , qui prefcrit les formalités a
obferver pour l'entrée des ouvrages de Verrerie ,
fabriqués en Alface & Franche- Comté , & einpêcher-
la fraude qui fe pratique fur ceux venant de
l'Etranger.
AUTRE du 3 Janvier 1744 , qui renvoie pardevant
M. Feydeau de Marville , Lieutenant Général
de Police , la connoiffance des faifies qui feroat
faites des Veaux & Vaches faifis, en exécution de
l'Arrêt du Confeil du 4 Avril 1720.
AUTRE du 12 , qui permet aux Fabriquans de
la Manufacture de Sedan , d'augmenter d'un trentedeuxième
d'aune , fur le métier , la largeur des
Draps de la feconde qualité.
ORDONNANCE du Roi du 24 , pour former
le Régiment de Dragons du Roi , des quinze
Compagnies fortant des Régimens de Dragons ,
actuellement fur pied , conformément à l'Ordonnance
du 20 Juillet 1743 , par laquelle S. M. ordonne
l'exécution des onze articles contenus en
ladite Ordonnance .
ARREST du 25 Février , qui ordonne qu'à
l'avenir , toutes les piéces de Draps & autres étoffes
que les Infpecteurs des Manufactures vifiteront &
qu'ils trouveront graffes , feront par eux failies ,
pour en faire prononcer la confifcation .
AUTRE du même jour , qui fait défenſes aux
Tondeurs d'humecter d'huile , ni d'aucune forte de
graifle ,
1
MAR S. 1744. 617
graiffe , les piéces de Draps & autres étoffes qui
leur feront confiées pour les apprêter , à peine en
cas de contravention , de confifcation defdits Draps
& autres étoffes .
AUTRE du même jour , qui ordonne la fuppreffion
des Droits de fix fols huit deniers à la fortie
, fur les Marchandiſes d'oeuvre & non oeuvre de
poids , compris au Tarif du 24 Décembre 1743 , dont
le rétabliſſement avoit été ordonné par l'article
XIII de l'Edit defdits mois & an.
1
SENTENCE de Police du 28 , qui condamne
le fieur Maugis , Marchand Limonadier , en trois
mille livres d'amende , pour avoir tenu chés lui une
Aflemblée de jeu.
ARREST du premier Mars , portant Réglement
fur le Comnrerce des Colonies Françoifes de
l'Amérique , par lequel S. M. ordonne aux Intendans
& Commiffaires départis pour l'exécution de
fes ordres dans les Provinces & Généralités du
Royaume , & aux Intendans & Commiffaires Ordonnateurs
des Ifles & Colonies Françoifes de l'Amérique
de tenir la main chacun en droit foi à l'exécution
de l'Arrêt , & aux vingt articles qui y font
contenus , & c.
ORDONNANCE du même jour de M. l'Intendant
de la Généralité de Paris , pour faire écheniller
les arbres fruitiers & tous autres arbres dans les jardins
, Terres , Vignes , prés , hayes & fur les grands
chemins.
ORDONNANCE du Roi du même jout
pour créer un nouveau Régiment de Dragons, fous
le
618 MERCURE DE FRANCE .
le nom de Septimanie , dont voici la teneur.
Sa Majesté ayant eu très- agréable la délibération
que les Etats de fa Province de Languedoc ont arrêtée
le 20 Janvier de la préfente année, par laquelle
ils ont offert à S. M. de lever , habiller , armer ,
équiper , monter , & même de fubvenir pendant la
guerre à l'entretien d'un Régiment de Dragons ,
qui fervira fous le titre de Septimanie , ainſi qu'il eft
plus particuliérement expliqué par leur délibération
annexée à l'original de la préfente , a ordonné &
ordonne .
ART. I. Que ce Régiment fera composé de ſept
cent cinquante Dragons , partagés en quinze Compagnies
de cinquante chacune.
II. Chaque Compagnie fera compofée d'un Capitaine
, d'un Lieutenant, d'un Cornette , d'un Ma
réchal des Logis , avec trois Brigadiers , quarantefx
Dragons & un Tambour.
III. Ce Régiment fera monté fur des chevaux
de la taille reglée pour les Régimens de Dragons ,
armé & équipé de même , & généralement de tout
ce qui fera le plus convenable au genre de fervice
où il eft deftiné.
IV. L'habillement fera d'Etoffe rouge , avec
doublure , vefte , paremens & boutonniéres jaunes ,
boutons d'Orfévrerie ; la houffe & les chaperons
des Dragons , rouges , bordés d'un galon de fil de
couleur d'or , avec une Croix de Languedoc de
même couleur dans les deux coins de la houffe &
fur chacun des chaperons.
V. Afin que ce Régiment foit mis fur pied auffi
promptement que le bien du fervice l'exige , &
qu'il foit compofé d'hommes qui en ayent eu quel
que teinture, Sa Majefté, en conféquence de l'Ordon-
Dance particuliére qui fera rendue à cet effet , fera
tizer
MARS. 1744. 619
sirer de chacune des Compagnies Garde- Côtes le
nombre d'hommes néceffaire pour former les Com .
pagnies dudit Régiment , au nombre fixé ci- deffus.
VI. L'Etat-Major de ce Régiment fera compofé
d'un Meftre de Camp , d'un Lieutenant- Colonel ,
d'un Major, d'un Aide- Major & d'un Aumônier, &
payé de même que ceux des autres Régimens de
Dragons actuellement fur pied , conformément à
ce qui eft porté par l'Ordonnance qui régle le payement
des troupes : Mandant S. M. au Sieur Comte
de Coigny , Colonel Général de fes Dragons , & au
Sieur Duc de Chevreufe , Meftre de Camp Général
defdits Dragons , de tenir la main à l'exécution de
la préfente.
Mande & ordonne Sa Majefté aux Maréchaux ,
de France , commandant fes armées , à fes Lieutenans
Généraux & autres Officiers ayant commandement
fur les troupes , aux Intendans en fes
Provinces & armées , aux Inspecteurs Généraux fur
lefdites troupes , aux Gouverneurs de fes Villes &
Places , & aux Commiffaires des Guerres , chargés
de leur police , de tenir la main , chacun ainſi qu'il
lui appartiendra , à l'exécution de la préfente , &c.
ARREST du 3 , concernant le droit de Réfignation
des Offices des Contrôleurs Généraux des
Finances , Notaires , Procureurs , Huiffiers & Sergens
Royaux.
AUTRE du même jour, qui modere à cinq fols
par piéce de quinze aunes , les droits d'entrée des
cinq groffes Fermes fur les Toiles , Batiftes écrues
de Cambray & autres Pays conquis : ordonne que
les Tifferans ou Mulquiniers feront tenus de mettre
à la tête & à la queue de chaque piéce defdites.
I vj Toiles
620 MERCURE DE FRANCE.
Toiles , leur nom & celui du lieu de leur demeure ;
régle la forme des Certificats qui feront délivrés
aufdits Tifferans , & prefcrit les formalités qui dovent
être obfervées à l'entrée defdites Toiles , & c .
Louis
DECLARATION du Roi , qui réunit au Domaine
de l'Hôtel de ville de Paris , les Droits far
les vins entrant tant par terre que par eau , rétablis
par l'Edit du mois de Décembre 1743. Donnée à
Verfailles le 15 Mars 1744 , regiftrée en Parlement.
par la grace de Dieu , & c . Nous aurions
par notre Edit du mois de Décembre 1743 , regiftré
en Parlement le 23 , rétabli pour quinze années
feulement , les droits fur les marchandifes & denrées
entrant dans la ville , faux - bourgs & banlieuë
de Paris , pour être perçus fur le même pied qu'ils
l'étoient avant l'Edit du mois de Mai 1715 , & par
notre Déclaration rendue le 21 defdits mois & an ,
en interprétation dudit Edit , & regiſtrée en Parlement
le même jour , nous aurions réduit & mederé
plufieurs defdits droits fur differentes parties de
marchandifes & denrées les plus néceffaires à la fubfiftance
des peuples , en conféquence defquels Edit
& Déclaration , nous aurions arrêté en notre Confeil
, le 24 du même mois de Décembre , un tarif général
des droits à percevoir far lefdites marchand?-
fes & denrées , dans lequel ceux fur chaque muid
de vin entrant à Paris par terre ou par eau pour les
Marchands ou Cabaretiers , ont été fixés à deux 1.- ,
vres feize fols huit deniers ; ceux fur chaque muid
de vin entrant auffi par terre ou par eau pour les
Bourgeois de Paris , ont été fixés à vingt- un fols
huit deniers , & ceux fur chaque muid de vin entrant
comme deffus , pour les Communautés Religieufes
employées fur l'Etat du Roi feulement , &
jufqu'à
MARS. 621
1744.
jufqu'à la concurrence de leurs privileges , ont été
fixés à dix fols lefquels droits font partie du bail
fait par réfultat du Confeil du 24 dudit mois de Décembre
1743 à Jofeph Melet , que nous avons d'a-
-bondant autorifé par notre Arrêt du même jour , à
faire pendant fix années , commencées au premier
Janvier dernier , la perception de tous les droits
compris audit tarif. Mais notre intention , en ordonnant
le rétabliffement defdits droits pour le
tems de quinze années feulement , ayant été de
trouver dans les aliénations que nous en pourrions
faire pour ledit tems , en faveur des differentes
Communautés & autres qui ont ci-devant acquis
& réuni de pareils droits attribués aux Offices
créés & rétablis par notre Edit du mois de Jun
1730 , regiſtré en Parlement le 31 Août fuivant , les
fecours que les circonftances prefentes nous rendent
actuellement néceffaires , & l'Hôtel de notre
bonne ville de Paris ayant par notre Déclaration
du 16 Août 1733 , regiſtrée en Parlement le 18 ,
& par notre Edir du mois de Juin 1741 , regiſtré
en Parlement le 7 Juillet fuivant , fait l'acquisition
& réunion des quinze fols & vingt fols de dioit
par muid de vin , qui avoient été attribués par ledit
Edit du mois de Juin 1730 aux Offices de Rouleurs
, Chargeurs & Déchargeurs de vin , ainfi que
des vingt- deux fols de droits par muid de vin ,
qui avoient auffi été attribués par le même Edit ,
aux Offices de Jurés- Vendeurs & Contrôleurs des
vins & liqueurs , des dix fols attribués aux Courtiers
-Commiffionnaires fur les vins, & de treize fols
faifant partie de dix-huit fols attribués aux Offices
de Jaugeurs & Mefureurs fur les vins & autres
boiffons ; les Prevôt des Marchands & Echevins de
notredite bonne ville de Paris nous auroient offert.
622 MERCURE DE FRANCE.
fert de nous donner encore de nouvelles preuves
de leur zéle pour le bien de notre fervice , en acquérant
& réuniffant , s'il nous plaifoit de les diftraire
du bail fait à Jofeph Melet , les droits de
deux livres feize fols huit deniers fur les vins marchands
, ceux de une livre un fol huit deniers fur
les vins bourgeois , & ceux de dix fols fur les vins
des Communautés Religieufes , pour en faire la
perception au profit de ladite Ville , pendant les
quinze années fixées par notre Edit du mois de
Décembre dernier , & concourir à nos vûës en remettant
actuellement és mains du Tréforier de nos
parties cafuelles , les fommes qu'il nous plaira de
fixer pour le montant principal de la joüiffance
defdits droits. Sur quoi voulant traiter favorablement
lefdits Prevôt des Marchands & Echevins de
notre bonne ville de Paris , & continuer par de
nouvelles marques de notre protection & de nos
bienfaits , les moyens que nous leur avons toujours
procurés , non -feulement de fatisfaire aux engagemens
qu'ils ont contractés pour notre ſervice ,
mais encore de pourvoir fucceffivement aux ouvrages
& embéliffemens néceffaires à la décoration
de la capitale de notre Royaume . A ces cauſes &
autres à ce nous mouvant , de notre certaine
fcience , pleine puiffance & autorité royale , Nous
avons par ces Préfentes fignées de notre main , dit
& ordonné , difons & ordonnons , voulous & noas
plaît.
ART. I. Que les droits de deux livres feize fols
huit deniers fur chaque muid de vin entrant à
Paris par terre ou par eau pour les Marchands ou
Cabaretiers , ceux de une livre un fol huit deniers
fur chaque muid devin entrant auffi par terre ou par
eau pour les Bourgeois , & les droits de dix fols fur
chaque
MAR S. 1744. 623
pour
leschaque
muid de vin entrant comme deffus
Communautés Religieufes employées fur l'Etat du
Roi feulement , & juſqu'à la concurrence de leurs
privileges , compris au tarif arrêté au Confeil le
24 Décembre 1743 , en conféquence de l'Edit defdits
mois & an , feront & demeureront réunis pour
Les quinze années feulement , fixées par ledit Edit ,.
au domaine de notre bonne ville de Paris , pour en
jouir par elle à titre de deniers & revenus patrimoniaux
à tems : à la charge de payer en nos parties
cafuelles la fomme qui fera fixée par le rôle qui
en fera arrêté en notre Confeil .
com-
II. Ordonnons que ladite Ville jouira desdits
droits conformément audit Edit & tarif , à
mencer du premier Janvier de l'année préfente , duquel
jour il lui en fera donné compte , & le montant
de leur produit remis par Jofeph Melet , chargé
du recouvrement actuel defdits droits : Voulons
qu'à l'avenir la perception en foit faite au profit de
ladite Ville par les Receveurs & Commis aux aides
& entrées de Paris , qui feront tenus d'en remettre
le produit au Receveur de la Ville , ou autres prépofés
par lefdits Prevôt des Marchands & Echevins,
fans que lefdits Receveurs & Commis aux aides &
entrées de Paris puiffent s'en difpenfer , ni prétendre
pour raifon de ces droits aucuns appointemens
ni remiſes : Et au cas qu'ils fuffent redevables ou
en demeure de payer lefdits droits par eux perçus ,
nous voulons qu'ils foient contraints au payement
d'iceux, comme pour nos propres deniers & affaires,
en vertu des contraintes qui feront contr'eux décernées
par les Prevôt des Marchands & Echevins.
III. Permettons néanmoins aufdits Prevôt des
Marchands & Echevins , d'affermer & faire bail
defdits droits , s'ils le jugent plus convenable aux
avantages de la Ville..
IV .
624 MERCURE DE FRANCE.
IV. Au moyen de la finance qui fera payée
par ladite Ville , & de la réunion des droits poités
par ces Préfentes , pour en jouir à titre de revenus
patrimoniaux à tems , voulons que le Receveur de
notredite Ville ne foit tenu de compter defdits
droits , que pardevant les Prevôt des Marchands
& Echevins de notre bonne ville de Paris conjointement
avec les autres revenus patrimoniaux ,
fans qu'il foit tenu d'en compter en notre Chambre
des Comptes ni ailleurs , dont nous l'avons difpenfé
& difpenfous par ces Préfentes .
V. Et pour mettre lefdits Prevôt des Marchands
& Echevins en état de nous payer la finance qui
fera réglée par le rôle qui fera arrêté en notre Confeil
, leur permettons d'emprunter par contrat de
conftitution fur le domaine de la Ville , à raifon du
denier vingt , jufqu'à concurrence de la fomme de
cinq millions cinq cent mille livres , & d'affecter
obliger & hypotéquer fpecialement & par privilege
, le produit defdits droits de deux livres feize
fols huit deniers , de une livre un fol huit deniers ,
& de dix fols , réunis à ladite Ville par l'article premier
des Prefentes , & generalement tous fes autres
biens & revenus , au payement defdites rentes
& à la fureté des capitaux d'icelles , pour raifon de
quoi toutes déclarations néceffaires feront faites
dans la quittance qui fera expédiée par le Tréforier
de nos parties cafuelles.
VI. Tous les Etrangers non naturalifés demeu
rans en notre Royaume , Pais , Terres & Seigneu
ries de notre obéiffance , même ceux demeurans
hors de notre Royaume , pourront acquérir lefdites
rentes , ainfi que nos propres Sujets , pour en
jouir & difpofer entre -vifs , par teftament ou autrement,
MARS. 1744. 629
ment , en principaux & arrerages : Et en cas qu'ils
n'en euffent pas difpofé de leur vivant , voulons
que leurs héritiers , donataires , légataires ou autres
les repréfentans , leur fuccedent , encore qu'ils
fuffent étrangers & non regnicoles , même qu'ils
fuffent fujets des Princes & Etats avec lesquels
nous pourrions être en guerre ; & en conféquence,
qne lefdites rentes foient exemptes de toutes lettres
de marque & de reprefailles , droits d'aubaines , bâtardife
, confifcation , ou autres qui pourroient nous
appartenir , aufquels nous avons renoncé & renonçons.
VII. Exemptons & déchargeons par ces Préfentes
ladite Ville , du payement du dixième à notre
profit , pour raifon du produit defdits droits ; &
voulons en conféquence , que lefdites rentes qui
feront par elle conftituées pour raifon du fufdit emprunt
, foient & demeurent exemptes de toute retenue
du dixiéme .
VIII. Permettons aux Communautés féculiéres &
régulières , Hôpitaux , Fabriques & autres gens de
mainmorte , d'acquerir defdites rentes , fans être
tenus de payer pour raifon d'icelles , aucuns droits
d'amortiffement.
IX. Voulant procurer aufdits Prevôt des Marchands
& Echevins , le moyen de libérer , fuivant
leur défir , notredite Ville dans le même tems de
quinze années , des emprunts que nous leur avons
permis de faire par l'article IV . des Préfentes , juf
qu'à concurrence de la fomme de cinq millions
cinq cent mille livres , en appliquant annuellement
aux rembourfemens des capitaux des rentes qu'ils
auront conftituées , partie du produit des droits dont
nous leur avons accordé par le premier article , la
réunion au domaine de ladite Ville ; nous les avons
par
626 MERCURE DE FRANCE.
par ces Préfentes , autorifés & autorifons à faire
lefdits rembourfemens par la voye du fort, enforme
de Loterie , dont la premiere fera tirée dans les dix
premiers jours du mois d'Avril de l'année 1945 , &
les autres fucceffivement d'année en année , ainfi
qu'il fera ci- après expliqué : à l'effet de quoi les
contrats qui feront paffés pour raifon du ſufdit emprunt
, feront numerotés , & les numeros remis
dans une roue , pour être publiquement tirés au
fort dans les premiers jours du mois d'Avril de chacune
année , dans une des Sales de l'Hôtel de notre
bonne ville de Paris , en préfence du Sieur Prevôt
des Marchands & des Echevins de notredite Ville' ;
& les rembourfemens des contrats dont les numeros
feront fortis de la rouë , feront faits dans le 10
du mois de Mai fuivant , pour tout délai , par le
Receveur de notredite Ville , auquel les rentiers
rapporteront les Groffes de leurs contrats de conftitution
avec bonne & fuffifante décharge. Les
jours aufquels lefdites loteries devront être tirées ,
feront annoncés tous les ans au Public , un mois
auparavant les tirages , & il fera dreffé par lefdits
Sieurs Prevôr des Marchands & Echevins , procès
verbal de chaque tirage .
›
X. Le montant des fonds qui feront employés
par les Prevôt des Marchands & Echevins , aufdits
rembourfemens , fera de la fomme de cinq millions
cinq cent mille livres , & fera partagé en quatorze
loteries , qui feront fucceffivement & confécutivement
tirées d'année en année , dans les dix premiers
jours du mois d'Avril de chaque année , à
commencer en la prochaine 1745. La premiere
defdites loteries fera de trois cent mille livres
, la feconde & la troifiéme de trois cent vingt
mille livres chacune , la quatriéme de trois cent
quarante
MARS. 1744. 627
quarante mille livres , la cinquiéme de trois cent
foixante mille livres , la fixiéme de trois cent quatre
- vingt mille livres , la feptiéme de quatre cent
mille livres , la huitiéme de quatre cent vingt mille
livres , la neuviéme de quatre cent quarante mille
livres , la dixiéme de quatre cent foixante mille
livres , la onzième de quatre cent quatre - vingt
mille livres , la douzième de cinq cent mille livres,
la treizième de cinq cent vingt mille livres , & la
quatorziéme & derniere , qui fera tirée au mois
d'Avril 1758 , de deux cent foixante mille livres .
Les propriétaires des contrats dont les numeros auront
été tirés de la roue par le fort , feront tenus de
recevoir leurs rembourfemens dans le délai preferit
par l'article précédent , au moyen de quoi notredite
Ville fe trouvera entiérement libérée defdits emprunts
lors de la ceffation des droits dont nous lui
avons accordé la réunion par ces préfentes.
XI. Voulons que la connoiffance de toutes les
conteftations qui pourront furvenir au fujet de la
perception deflits droits , appartienne en premiére
inftance au Bureau de la Ville , ſauf l'appel en notre
Cour du Parlement , & que tous les Jugemens qui
feron rendus par ledit Bureau , foient exécutés par
provifion , nonobftant toutes oppofitions ou appellations
, & fans préjudice d'icelles . Si donnons en
mandement , & c.
AP
J
APPROBATION.
'Ai lû par Ordre de Monfeigneur le Chancelier,
le Mercure de France du mois de Mars , & j'ai
crû qu'on pouvoit en permettre l'impreffion . A Pa
ris , le premier Avril 1744.
Signé , HARDION
P
TABLE.
IECES FUGITIVES. Les Merveilles de Dica
dans l'Homme , Ode , 419
Réponse du P. Dupleffis à une Lettre inferée dans
le dernier Mercure ,
426
Epitre à M. Lercari , Vice Légat d'Avignon , 456
Lettre à M. Lebeuf , fur les Rogations ,
Ode fur le Hazard ,
Lettre fur un Problème galant ,
459
477
482
Ode tirée du Pleaume III . Domine , quid multiplicati
funt , & c. 487
Lettre au fujet des Réponfes de M. Binet , aux Cri
tiques de fa Topographic des Bréviaires , 490
Remercîment au fujet de deux Portraits en Eßam.
pes ,
Lettre à M. Deftouches ,
576
Stances de M. D. pour fon Entrée à l'Académie
de ....
Difcours fur la Navigation ,
Le Corbeau & le Renard , Fable ,
Enigmes & Logogryphe ,
509
512
513
520
521
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS , & c.
Extrait
Extrait de la Lettre du Cardinal Quirini à M.
Freret , 525
Extrait d'une Traduction des Pfeaumes de David ,
Le Guerrier Philofophe , Extrait,
Livre des affligés Pénitens ,
Le Parfait Cocher ,
531
535
136
$ 37
539
542
Bibliotheque Poëtique , propofée par ſouſcription ,
Aftronomie Nautique ,
Hiftoire de la Grèce , traduite de l'Anglois , 543
Le Temple de Mémoire , & le Bâtiment de S. Sulpice
, Poëmes ,
Euvres de M. Boffuet , Evêque de Meaux,
Bulle du Pape fur le Jeûne ,
Hiftoire de l'Académie des Sciences ,
Difcours fur les Sollicitations ,
Obfervations fur la Mérope de M. Maffei ,
Grace & de la Liberté ,
ibid.
ibid.
544
itid:
ibid
545
Seconde Edition d'un Poëme fur l'Accord de la
546
Differtation fur une ancienne Coûtume des Romains
,
ibid.
Seconde Partie du Recueil des Statues Grecques &
Romaines , 547
Traduction Angloife des Effais de Morale & de Lit
terature de M. l'Abbé Trublet ,
Projet pour imprimer Horace , Virgile , Terence ,
Juvenal & Perfe ,
Nouvelle Traduction de Lucrece ,
Maniére facile de purifier l'Air ,
548
ibid.
549
ibid.
ibid.
550
ibid
Nouvelle Edition du Corps entier des Antiquités
Romaines ,
Difcours (ur Tacite ,
L'Esprit de Fontenelle ,
Nouvelle Edition de l'Expofition Anatomique de la
Struce
Structure du Corps humain , 55x
Luciani Samofatenfis Opera , &c.
Abbregé de la Chronologie des anciens Royaumes,
Progrès de l'Education ,
ibid.
552
553
Prix proposé par l'Académie de Chirurgie pour
l'année 1745 ,
Queſtion propofée ,
Eftampes nouvelles ,
554
556
557
558
Chanfon notée ,
Spectacles , Extrait de Mérope , Tragédie de M. de
Voltaire , 559
L'Epoux par fupercherie , Comédie nouvelle , repréfentée
fur le Théatre François ,
Jephté remis à l'Opera ,
Le Sieur Dupré rentré à l'Opera ,
571
572
ibid.
573
L'Apparence trompeufe , Piéce nouvelle , repréſentée
par les Comédiens Italiens ,
Compliment dialogué par M. Rochard & Mlle Ric
coboni , à la clôture du Théatre , 574
Les Jardins de l'Hymen , Piéce nouvelle à l'Opera
Comique , & c .
Clôture de la Foire S. Germain ,
Nouvelles Etrangeres , Turquie ,
Ruffie , Pologne ,
Allemagne ,
Pruffe , Espagne ,
Savoye ,
Génes & Ifle de Corfe ,
579
ibid.
580
582
583
584
590
591
ibid. Grande- Bretagne ,
"
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 592
Le Duc de Penthiévre commence à exercer les
fonctions de Grand Veneur de France , 593
Départ du Prince de Conty ,
ibid.
Le Gouvernement de Pontarlier donné par le Roi
ац
au Marquis de Biffy , 594
LeMarquis de Grille nommé Capitaine -Lieutenant
de la Compagnie des Grenadiers de la Maifon
du Roi , à la place du Marquis de Creil, qui s'en'
eft démis , 595
Le Roi fait la Revûë des Gardes Françoiſes &
Suiffes , 596
M. Chauvelin nommé Préſident du Parlement
ibid.
Paffage de l'Infant Don Philippe par Lyon , Extrait
de lettre ,
Concert Spirituel au Château des Tailleries ,
Piéces repréfentées à la Cour ,
Mort & Mariages ,
197
198
199
601
dé
>
607
Arrêts notables , Ordonnance du Roi , portant
claration de guerre contre le Roi d'Angleterre
Errata de Janvier.
PAge 176 ,ligne 3 du bas , diſtinctions , lifez , dimenfions.
Errata de Fevrier.
PAge 244 , ligne 9 , n'en va , liſez , n'en eft.
P. 268 , 1. 3 , pous , l, pour.
P. 393 , 1. 5. bougies , 1. cierges.
P. 406 , 1. 2 Régimenr , I. Régiment.
Fantes
Fautes à corriger dans ce Livre,
PAge 422 , ligne 2 , peus , lifez , peux.
P. 426 1. 22 & 23 , reDoublés , . redoublés.
Ibid. 1. 24 , du l. Du.
P. 464 , l . 13 , faifoit , 1. faifoient.
P. 466 , l . 6 , du bas , Sihi , 1. Sibi..
P. 476 , l . 10 du bas , foir , l. foit.
P. 496 , l . 14 , ce , ôtez ce mot.
P. 502, 1.9 & 10 du bas , Nature . 1. nature,
P. sos , l. 4 du bas , infidelle , infidele . l
P. 534 , 1. 16 , de juger , l. de le juger .
P. 572 , 1. derniére , quelque , l . quelques.
P. 581 , 1.6 du bas , eontenir . 1. contenir,
La Chanfon notée doit regarder la page 518
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
AVRIL.
1744.
દેશ
મ
AURICOLLIGIT
0
SPARGIT
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
rue S. Jacques.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XLIV.
Avec Approbation& Privilege du j
A VIS.
L'ADRESSE à
'ADRESSE générale eft à Monfieur
MOREAU , Commis au Mercure , visà-
vis la Comédie Françoife , à Paris. Ceux qui
pour leur commodité voudront remettre leurs
Paquets cachetés aux Libraires qui vendent le
Mercure , à Paris , peuvent fe fervir de cette
voye pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous le
déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
envoyent , celui , non-feulement de ne pas voparoître
leurs Ouvrages , mais même de les p..
dre , s'ils n'en ont pas gardé de copie .
Les Libraires des Provinces & des Pave
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteror:
avoir le Mercure de France de la premierema .
&plus promptement , n'auront qu'à donner le´s
adreffes à M. Moreau , qui aura foin de fare
Leurs Paquets fans perte de tems , & de lesfure
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meſſageries
qu'on lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AURO I.
AVRIL 1744.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
ODE ,
Sur l'endurciffement des Impies.
E Roi des Rois, dans fa colere,
Defcend pour juger les humains
Un épouventable Tonnerre
Arme fes redoutables mains.
Impie , il va brifer ta tête ;
Déja fon bras vengeur s'apprête ..
2
Mais quelsfons ont frappé les airs ? I
Sa voix, comme un foudre qui gronde , 67
A ij
Ebranle
636 MERCURE DE FRANCE.
Ebranle les poles du monde.
Ecoute , & tremble , homme pervers.
Long-tems ma bonté paternelle
Ferma les yeux à tes forfaits ;
Dès-lors ton ame criminelle
Crût qu'ils ne s'ouvriroient jamais ;
Déja tu difois en toi- même ,
Non , il n'eft point d'Etre ſuprême ;
Qui régne la haut dans les Cieux ;
Ceffons nos voeux , nos facrifices ;
Vivons au gré de nos caprices ;
Que nos paffions foient nos Dieux,
Contre ta conduite infenfée
Mon Tonnere n'eut point d'emploi ;
Ingrat , ma bonté mépriſée
S'intéreffoit encor pour toi ;
Mais voici le jour de vengeance ;
Affés long- tems ma patience
Prolongea tes malheureux jours,
Contre mes fléches éternelles
Que tes Divinités nouvelles
Viennent te donner du ſecours.
+3+
Enfin , ma trop lente juftice
Va venger l'honneur de fes loix ;
Puniffons
AVRIL. 1744. 637
Puniffons du même fupplice
Tous les criminels à la fois.
Anéantiffons la mémoire
De tous ceux , qui mettoient leur gloire
A braver la main du Très -Haut ;
Les crimes inondent la terre ;
Tonnez , éclatez ma colere
Sur le monde entier , s'il le faut.
*3*+
Fiers Miniftres de ma Puiffance ,
Foudres embrafez l'Univers ;
Portez vos feux & ma vengeance
Jufqu'au plus profond des Enfers.
Que votre fureur dévorante
Seme le trouble , l'épouvante ,
L'horreur & la mort , en tout lieu.
Et qu'enfin le mortel coupable
Au coup foudroyant , qui l'accable,
Connoiffe qu'il existe un Dieu.
Par M. l'Abbé Durand D. L. Chanoine
de Metz.
A йíj LET638
MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le
Marquis de B. fur quelques fujets de
Litterature.
N répondant , Monfieur , à l'honneur
de votre derniere lettre , je fuis obligé
de commencer par le dernier article , qui
confifte à demander obligeamment des nouvelles
de ma fanté ; je préviens par là un
reproche , que vous êtes en droit de me
faire fur la longueur de mon filence , & je
me difculpe en même-tems auprès de vous.
Oui , M. j'ai été malade pendant un mois
prefque entier ; j'étois enfin prefque fur
pied , lorfqu'une équivoque de Médecine ,
occafionnée par ma
par ma fimplicité d'une part ,
& de l'autre par la bêtife de celui , qui s'aviſa
de m'enfeigner un certain Réméde , &
qui me l'enfeigna mal , opera tout le contraire
d'une parfaite guérifon. Vous ririez
trop , M. fi je vous expofois ici , ce mal entendu
galénique ; fçachez toujours par provifion
, que cet incident rifible m'a procuré
la Traduction Françoiſe du plaifant Diftique,
qu'on lit dans le petit Recueil des Poëfies
Latines du fameux Poëte Anglois
Owen , Odanus.
Fingunt
AVRIL. 1744. 639
Fingunt fe cuncti Medicos , Idiota, Sacerdos ,
Judaus , Monachus , Hiftrio , Rafor , Anus.
Je dois cette Traduction à un Poëte de
votre connoiffance , & de la même Province
où vous êtes actuellement ; elle fait le dernier
article de fa lettre , laquelle contient
auffi les Vers que vous avez vûs dans le Mercure
de Février, fur la préſence du Roi , à la
repréſentation de l'Opera de Rolland , &c.
Vous croyez donc , M. me dit M. F. fur la
fin de cette lettre , qu'il faut fe donner au
Diable , pour bien rendre ou imiter le Diftique
d'Owen : Fingunt ſe cuncti Medicos ,
&c. Je vous affure pourtant , que rien
ne m'a jamais moins coûté que l'Imitation
fuivante , laquelle , quoique moins laconique
que l'original , ce qui ne peut gueres
arriver autrement , me paroît néanmoins en
conferver fidélement le fens . Lifez & jugez.
Chacun eft Médecin , ou du moins prétend l'être ;
L'Idiot , le Moine , le Prêtre ,
Le Juif, le Bâteleur , la Vieille , le Barbier ,
Si nous les en croyons , fçavent tous le métier.
Donnons , M, avant que de paffer à un
autre article , encore une autre preuve de
l'habileté de M. F. dans la Traduction des
petites Piéces Latines , en Vers François. Je
lui propofai dernierement celle de l'Epita-
A iiij
phe
640 MERCURE DE FRANCE.
phe du Maréchal de
Montmorency , décapité
à Toulouſe en 1632 ; l'exécution fe fit ,
comme vous fçavez , dans , le veſtibule de
f'Hôtel-de-Ville , les portes fermées , vis-àvis
d'un Bufte de marbre de Henri-le-
Grand .
Ante Patris Statuam Nati implacabilis irâ
Occubui, indignâ morte manuque cadens.
Neuter illorum ingemuit mea Fata videndo ;
Ora Patris , Nati vifcera , Marmor erant.
TRADUCTION.
Devant le Buſte vénérable
D'un Prince , à jamais cher à l'Empire des Lys ,
L'infléxibilité du courroux de fon Fils
Eclata par ma mort , honteufe & déplorable ;
Sams daigner s'attendrir , & l'un & l'autre Roi
Virent de mon deftin la rigueur trop févére.
Comme le vifage du Pere ,
Le coeur du Fils hélas ! fut de marbre pour moi.
Vous me faites , M. plufieurs queftions au
fujet de mon Voyage litteraire de Normandie
, dont vous avez lû la plus confidérable
partie , & que j'ai depuis augmentée de plufieurs
lettres , fans compter la Topographie
Hiftorique du Cotentin & du Pays d'Auge ,
que vous m'aviez confeillé de ne pas omettre.
Je répons d'abord "que j'ai mis la derniere
AVRIL.
1744.
641
>
niere main à cet Ouvrage , que je fuis dans
l'intention de n'y plus rien ajouter , & de
le publier
inceffamment. Pour ce qui eft de
l'Eloge & du Blâme de la Nation , qui occupe
aujourd'hui ce beau Pays , c'eſt- à- dire ,
toute
l'ancienne Neuftrie , je n'ignore pas le
bien & le mal qu'on en a dit , & qu'on en
dit encore tous les jours , fur quoi vous me
propofez de donner un mot d'Apologie de
cette Nation , fi
ingénieufe , fi fage , fi vertueufe.
Je me garderai bien , M. de me donner
cette peine ; elle n'en a pas befoin , pour détruire
une prévention des plus mal -fondées.
Je me contente d'avoir rendu juftice à la
vérité & à la mémoire d'un ( a ) des plus
grands hommes qui foit né dans cette Province
, dont un Auteur ( b ) moderne , qui
ne le connoiffoit pas , a parlé indifcretement
, en donnant dans le Préjugé vulgaire.
Ce Préjugé , au refte , eft affés ancien , & a
donné lieu à un Auteur de réputation , que
vous connoiffez , de m'écrire depuis peu
une lettre , dont je m'affure que vous ne ferez
pas fâché de trouver ici un Extrait ,
ne fera rien moins que déplacé.
qui
Il n'eft pas , M. qu'avec les grandes relaque
vous avez par tout Paris , vous ne tions
( a ) M. Huet , Evêque d'Avranches .
( b ) Le P. Niceron,
A v foyez
642 MERCURE DE FRANCE .
foyez informé qu'il y a en cette Ville certains
Corps,où l'on n'admet pas des perfonnes
de toutes les Provinces de la France , &
qu'il y a en particulier une certaine Nation ,
qui a l'exclufion de plufieurs fortes d'emplois.
Je ne vous la nomme point , crainte
de faire de la peine à ceux de cette Province
, qui n'eft pas moins compofée d'honnêtes
-gens que les autres , Province qui excelle
en beaux Efprits , & laquelle il feroit
injufte de rendre refponfable des fautes &
du caractere de quelques particuliers.
Vous fçavez que parmi les Religieux , la
difference des Elprits a fait former differentes
Provinces , & qu'il eft rare de voir tirer
un Religieux d'une de ces Provinces , pour
le placer dans une autre. Tout le monde eſt
d'ailleurs informé que c'eft cette difference
d'humeurs & de génies , qui a contribué à
divifer l'Univerfité de Paris en quatre Nations.
Je n'en dirai pas davantage. J'ai feulement
cru ce petit préambule néceffaire ,
pour vous préparer à la lecture du Texte
d'une ancienne Charte , rapportée dans les
preuves du premier Tome du nouveau Gallia
Chriftiana.
Vous , M. qui recherchez avec empreffement
tout ce qui regarde la Ville de Marfeille
, & par conféquent la célébre Abbaye
de S. Victor de la même Ville , ne feriez-
Vous
A VRIL. 1744. 643
vous jamais tombé fur l'Acte , par lequel
l'Eglife , dite la Canourgue , au Diocèſe de
Mende,fut donnée au Monaſtere de S. Victor
? la Charte eft d'ELDEBERT , qui fe qua- -
lifie : Sancta Ecclefia Mimatenfis Dei Gratia
Epifcopus. Cet Evêque , & Berenger Richard
, Vicomte , de l'avis & du confentement
du Doyen & des membres de cette
Eglife , laquelle les uns croyoient avoir été
anciennement un Monaftere , & les autres
un Chapitre de Chanoines convaincus
qu'on ne pouvoit la tirer des mains des Simoniaques
, autrement que par une bonne
Réforme , déclarent qu'ils en font Donation
au Monaftere de Notre -Dame de S.
Victor de Marfeille : » Car * , ajoutent- ils
»nous avons oüi dire , & nous fçavons en
›
>
* Nam , ficut audivimus & ex parte didicimus , Co
nobium illud , cum tanta antiquitas Nobilitatis effet ,
ut quinque millia Monachorum inibi habitantium
Abbas Beatus Caffianus , Doctor praclariffimus , in es
nunc corpore requiefcens , exifteret , ficut in Libris reperitur
quos ipfe compofuit , ceterorum Monaßeriorum in
totâ Gallia pofitorum potiores rivuli fapientia & Regularis
Difciplina ordo proceffit , & nunc & omni faculo
jam pene lapfo , fi non ficut antiquitus , tamen in tantùm
viget , ut de quacumque Patriâ in eo , caufâ Religionis
venientes , & actum in eo habitantium cognof
cere volentes accefferint , dicant cùm recefferint , hoc
porius regulariter degere , quam cetera Monafteria totius
Gallia . Gall . Chrift. Tom. 1 , inter Inftrum.
Eccl. Mimat. pag. 23.
Аҹј partie
644 MERCURE DE FRANCE.
partie par nous -mêmes , que ce Monaftere
» étoit autrefois fi Aoriffant , qu'il y avoit
» 5000 Moines , dont fut Abbé le Bienheu-
» reux Caffien , Sçavant Docteur , comme
» on lit dans fes Ouvrages , lequel Caffien
»y eft inhumé ; que c'étoit de certe Maifon
» que couloient les principaux ruiffeaux de
»la Difcipline Réguliére dans toutes les
» Gaules ; que quoique dans ce préfent fié-
» cle , ce Monaftere ne joüiffe pas du même
» éclat , de quelques Pays qu'on s'y renpour
examiner la maniere de vivre des
» Religieux , on étoit obligé d'avoüer , en
» s'en retournant , que cette Abbaye étoit
» encore celle de toutes les Gaules qui étoit
» la mieux réglée . Cet Evêque parloit ainſi
l'an 1060.
و ر
>> dit ככ
C'est pourquoi , l'Evêque & les Eccléfiaftiques
confentent & déclarent que l'Eglife
de S. Martin de la Canourgue , fera déformais
foumife à l'Abbaye de S. Victor ; que
l'Abbé y enverra des Moines , pour y célébrer
l'Office Divin ; que ce fera dans la fuite
un Monaftere , & qu'il dépendra de l'Abbé
& de la Congrégation de S. Victor , de forte
même que
que s'ils le jugent à propos , ils pourront
y prépofer un Abbé , tiré d'entre eux ;
mais voici une Claufe & une Restriction
qui regardent cet Abbé qu'on enverra , &
c'eft où j'en voulois venir , pour vous faire
fentir ,
AVRIL. 1744. 649
fentir , que ce n'eft pas d'aujourd'hui qu'il
y a des Nations qui font excluës de certaines
Dignités en certains Pays , & qu'on a
cru dès-lors que le Lieu de la Naiffance
pouvoit influer fur le bon ou le mauvais
Gouvernement. Que dit donc la Charte de
plus ? Il y eft fpecifié pofitivement , que le
Religieux de S. Victor de Marfeille , que la
Communauté enverrà , pour être Abbé de
la Canourgue , ne fera pas natif du Territoire
qui fe trouve entre la riviére de Tarn
& celle de l'Allier : Ita tamen , ut quem miferint,
non fit natus à Fluvio, qui dicitur Tarne
, ufque ad fluvium , qui dicitur Vlerius ,
fuppofé même que par Ulerins , il faille entendre
le fleuve d'Allier , ainfi que je crois
qu'on doit faire. Vous voyez que par cette
Charte de Donation & d'Inftitution , une
très-grande partie de l'Aquitaine étoit exclue
de l'honneur de fournir un Abbé à la
Canourgue , fçavoir prefque toute l'Auvergne
& le Bourbonnois , le Berri , le Limofin
, le Périgord , &c. Provinces qui , trois
fiécles après , ont fourni à l'Eglife tant de
perfonnages , qui ont occupé les premieres
places.
Oferois-je , M. vous prier de conferer
fur cela avec M. le Fournier , fçavant Religieux
de S. Victor de Marſeille , avec qui
vous êtes en relation ? je compte qu'il pour
roit
646 MERCURE DE FRANCE.
roit nous inftruire , fi la claufe ci-deffus a
eu lieu , & fi l'Abbé qu'on a pû envoyer de
S. Victor , étoit amovible , ou de l'efpece
de ceux qu'on appelle aujourd'hui Triennaux
, ou enfin , fi au défaut d'Abbé , l'Eglife
Matrice a eu foin d'envoyer un Prévôt ,
Prieur , ou Doyen , qui ne fut pas natif des
Pays fitués entre le Tarn & l'Allier.
Telle eft M. à peu près la fubftance de la
lettre qui m'a été écrite par M. l'Abbé L.
B. lequel me prie. d'écrire fur ce fujet à
M. le Fournier , Religieux de S. Victor de
Marſeille , c'est-à-dire , à la perfonne du
monde la plus capable de nous donner les
éclairciffemens néceffaires , c'eft auffi ce que
je n'ai pas manqué de faire dans le tems ,
mais par malheur , ce fçavant . Religieux
étoit mourant , lorfqu'il reçut ma lettre , &
fa mort me fut annoncée par l'ordinaire fuivant.
Permettez-moi , M. de l'apprendre
ici à tous les gens de Lettres dont il étoit
connu , & de rendre à fa mémoire le tribut
qu'elle a droit d'exiger de moi , en attendant
un éloge dans les formes dans la premiere
Affemblée publique de l'Académie ,
dont il étoit un des plus dignes membres.
Thomas le Fournier , originaire de la Ville
de Dieppe , Diocèle de Rouen , & iffu d'une
des meilleures familles du Pays , mourut
dans l'Abbaye de S. Victor de Marſeille ,
dont
AVRIL. 1744. 647
dont il étoit Religieux , le 20 Décembre
1743 , âgé d'environ 70 ans , regretté de
tout le Corps & de toute la Ville. Il a toujours
vécu dans une très-grande régularité ,
& dans la réputation d'une capacité confommée
dans toutes fortes de bonne Littérature
, finguliérement dans celle de l'Hiftoire
& des Monumens Eccléfiaftiques . Il
étoit bon ami , & d'une exactitude charmante
à l'égard de tous les Gens de Lettres ,
avec lefquels il étoit en Commerce , ce que
j'ai éprouvé en particulier pendant plus de
vingt années d'une étroite liaiſon , & d'une
agréable correfpondance.
J'ai gardé pour le dernier article de ma
lettre , la confirmation de la vérité d'un Evénement
des plus finguliers , & peut-être unique
dans l'Hiftoire . Le fait nous parut d'abord
fabuleux à vous , M. & à moi , en le
lifant dans la lettre , dont je vous fis part
dans le tems ; vous me chargeâtes d'en approfondir
la vérité , & de n'en jamais parler
, qu'au cas que cette vérité fe trouvât
bien conftatée. C'eft , M. le cas où je me
trouve aujourd'hui , & par conféquent le
tems de rendre à cette vérité la juſtice
qu'il eft toujours tems & toujours bon de
lui rendre..
EX.
648 MERCURE DE FRANCE.
EXTRAIT d'une Lettre de M. E. écrite
de Warfovie le 20 fanvier 1742 .
Je profite du départ de M. le Baron de
Bezenval , qui retourne à Paris , pour vous
donner de mes nouvelles . .. .. Je vous
envoye en même -tems deux articles tirés du
Journal de mon voyage, qui intéreſſeront, à
-ce que je crois , votre curiofité & celle du
Public , fi vous les jugez dignes d'occuper
une place dans votre Journal .
La petite Ville de Thorn , en Pruffe , eft
affés connue aujourd'hui par l'Hiftoire des
Guerres de Charles XII , Roi de Suéde
pour que je m'arrête à vous en parler . Vous
fçavez que ce Conquérant n'eut pas pour la
Patrie du célébre Copernic , la même vénération
, qu'eut Aléxandre pour la Ville de
Thebes , qu'il épargna en faveur de Pindare,
à qui elle avoit donné naiffance. Thorn fut
bombardée , & réduite dans un état fi déplorable
, qu'elle n'a pû jufqu'aujourd'hui fe
relever.
J'arrivai le 14 Juillet dernier dans cette
Ville , & M. Schwerdtmann , qui en eft
Bourguemeftre , m'ayant invité à dîner chés
lui , il me mena l'après-midi au Palais , qui
eft l'endroit de la Ville que les bombes endommagerent
le plus , car il fut prefqu'entiérement
brûlé & ce n'eft que depuis
quelAVRIL
. 1744
649
1
ques années qu'on l'a rebâti . Parmi les Portraits
des Bourguemeftres qu'il me montra
dans la Sale de l'audience , il me fit remar
quer celui d'une femme qui naquit à Elfenaw
, à deux milles de Thorn , avec le bec
d'un Corbeau , & telle qu'elle eft repréfentée
dans le Deffein que je vous en envoye ,
& que j'ai fait fur le Tableau original même.
Cette femme cependant , toute affreufe
qu'elle étoit , époufa à caufe de fes grands
biens un Bourguemeftre de cette Ville , duquel
elle eut des enfans,
Nous allâmes de -là à la Cathédrale , qui
eft dédiée à S. Jean-Baptifte , pour y voir le
Fombeau de Copernic. Il eft contre le Pilier
, qui eft le premier en entrant à la droite
de la principale porte. Il eft repréſenté
au naturel fur une toile à genoux , les mains
jointes devant un Crucifix. Ce Portrait eft
entierement reffemblant à celui que l'on
vend à Paris. J'ai tranfcrit la principale Epitaphe
qui orne ce Tombeau .
#
Quem cernis vivô retinet Copernicus ore ,
Cui decus eximiumforma perfecit imago.
Os rubeum , pulchrique oculi , pulchrique capilli ;
Cultaque Appelleas imitantia membra figuras.
Illumfcrutanti fimilem , fimilemque docenti
Afpiceres , qualisfuerat dum fiderajuffit,
Et
650 MERCURE DE FRANCE.
Et coelum conftare loco , Terramque rotare
Finxit & in medio Mundi Titana locavit.
D. O. M.
Atque in ampliorem tanti viri Gloriam obtulit , &
Dedicavit idem qui reftauravit
Mortuus in fuo Canonicatu Wormia anno 1943. Die
II. Julii , atatis 73.
C'eft le Bourguemeftre de cette Ville ,
duquel j'ai parlé , qui a fait réparer ce
Tombeau. On voit encore à Thorn la Maifon
de ce Philofophe , qui n'a rien de remarquable.
J'attens , M. avec beaucoup d'impatience
la nouvelle de votre départ pour Paris , &
j'ai toujours l'honneur d'être avec reſpect
votre , &c.
A Paris le
15
Mars 1744
LE
AVRIL. 1744.. GS1
LE SECOND JO B.
SONNET.
Job , ce modèle incomparable
De maux , de trifteffes , d'ennuis ,
Ne fut jamais fi miférable ,
Ni fi chagrin que je le fuis.
S'il fut perfécuté du Diable ,
Si tous les biens furent détruits ,
Nul Créancier inexorable
Ne troubla fes jours ou les nuits.
Mon malheur fur le fien l'emporte ;
Nuit & jour j'entends à ma porte
Les Créanciers à qui je dois.
Mais Deftin ! à tort je te blâme ;
Puifque Job avoit une femme ,
Il fut plus malheureux que moi.
Le Maire.
EX652
MERCURE DE FRANCE.
,
EXTRAITS de quelques lettres , écrites
des Indes Orientales contenant plufieurs
particularités fur les moeurs du Pays ,fingulierement
du Royaume de Travancour , & de
la Côte de Malabar.
L
E Royaume de Travancour a fes premieres
limites dans le Sud , au Cap Camorain
, & s'étend en remontant dans le
Nord au-delà de Coylan , ce qui fait 30
lieuës de côte ou environ. A l'Oueft , il eft
borné par la Mer , & à l'Eſt par les Montagnes
de Cardamone. Le Roi de Coylan eft
Souverain , mais Vaffal & Tributaire du Roi
de Travancour ; les Hollandois ont établi
un Comptoir, & bâti une petite Fortereſſe à
Coylan , & ils ont engagé le Roi de Coylan
à prendre leur parti contre celui de Travancour.
Enjaingue eft une Province de Travancour
; les Anglois y ont une conceffion ,
qu'ils tiennent d'un des Prédéceffeurs du
Roi Régnant. La fituation de l'établiſſement
d'Enjaingue eft charmante ; les Anglois y
ont conftruit un Fort , entre le rivage de la
Mer , & une belle riviére qui lui eft parallele
, & qui n'en eft pas éloignée de plus
de 150 toifes.
Le
AVRIL. 1744. 653
Le Fort eft un petit quarré régulier en
pierre ; il n'y a de terre- plein que dans les
quatre Baftions , dont chacun porte huir canons
, deux de douze à chaque flanc , &
deux de huit à chaque face ; le Rempart qui
régne fans interruption le long des quatre
côtés de ce Fort , eft d'Argamafte , & fert de
couverture aux Logemens & Magafins , qui
font deffous , adoffés aux courtines, On voit
au milieu de la courtine & au-deffus de la
porte qui fait face à la Mer , un Pavillon
diftribué en une Sale & un Cabinet , oùle
Gouverneur tient fes affifes de jour , y écrit ,
donne audience , & obferve dans la belle
faifon les Vaiffeaux & embarquations , qui
paffent continuellement le long de la côte
à vûë de terre ; les murs de cette petite For
tereffe , quoique bien conftruits , ont peu
d'épaiffeur , & ne feroient pas de grande
réſiſtance contre le canon. La garniſon n'eſt
que de 30 foldats Européens, au plus, & 60
& quelques Topaz.
La riviére qui eft près de- là , baigne les
murs d'un joli Salon , & d'un Jardin bien
entretenu , qui n'eſt diſtant
qui n'eft diftant que de demiportée
de fufil du Fort ; les cafes de la Colonie
Angloife font alignées fur les deux côtés
d'une rue longue , large & droite , où
on a établi une corderie de Caire , qui eft
une espece de chanvre, qu'on tire du Coco
tier
654 MERCURE DE FRANCE.
tier & qui fait l'enveloppe de ce fruit.Cette
rüe ombragée d'Arquiers , de Cocotiers &
autres arbres du Pays , eft terminée par une
grande Eglife , auprès de laquelle eft la
maifon d'un Evêque Portugais , & d'un
Miffionnaire Jéfuite de la même Nation ;
un Fortin , tout joignant , couvre l'Eglife ,
la Maifon Epifcopale & la Colonie , & défend
les approches du Fort du côté du Nord.
Il y aun femblable Fortin à la même diftance
au Sud , qui défend l'entrée de la riviére
; enfin on voit partout beaucoup de
fymmétrie , de propreté & d'arrangement .
Le refte du Royaume de Travancour, tant
dans fon intérieur , que fur le bord de la
Mer , eft divifé en pluſieurs Provinces , dans
lefquelles font enclavés les Domaines de
plufieurs petits Rois,qui relevent du Roi de
Travancour. Tous les Souverains du Malabar
lui donnent unanimement le titre de
grand Roi , parce qu'il eft plus grand terrien
qu'aucun d'eux , qu'il compte parmi fes
Vaffaux quantité de Rajas , de Princes & de
Seigneurs , & que fes forces font fupérieures,
& par le nombre de fes Sujets & par les
richeffes. En effet le Royaume eft extrêmement
peuplé , & peut fournir so ou bo
mille hommes en armes , dans le befoin , ce
qui fait une puiffance formidable pour les
Nations voisines. Mais , ni cette multitude
d'homAVRIL
1744
655
mes , ni les armes qui font en uſage parmi
eux , ne pourroient pas réfifter long- tems à
des troupes Européennes bien conduites ,
quoiqu'en nombre très- inférieur.
Ce Pays fe fuffit à lui- même , fans tirer
prefque aucune denrée de dehors ; il eſt
très - fertile & dans la meilleure valeur qu'il
puiffe être , par les attentions du Roi & par
la bonne police qu'il a mife dans toutes les
parties de fon adminiſtration , particuliérement
dans l'Agriculture ; outre le Ris & les
autres productions néceffaires à la vie , il a
eu foin d'y faire multiplier les plantations
de Cottoniers , de Poivriers & de Canelliers.
Les Manufactures de Toiles du Royaume
de Travancour font très-confidérables ; la
matiére fe tire du Pays même , affés abondamment
, pour n'avoir pas befoin de fecours
étrangers.
Colleche , Capitale du Royaume , eft le
Bazar général pour la vente des Toiles
non-feulement de ce Royaume , mais même
de celui de Cottale & de tous les Pays circonvoisins
où l'on en fabrique. Les Toiles
de Travancour font de diverfes qualités ,
fuivant les differens ufages aufquels on les
deftine , il y en a d'auffi fines que des Guinés
d'Yanaon de 36 conjons. Il s'y fait auffi
beaucoup de Toiles claires , à peu près come
me
656 MER CURE DE FRANCE.
me la groffe Mouffeline , & des Mouchoirs
rayés , dans le goût de ceux de Bengale ,
mais inférieurs par la teinture & par la fabrique
à ceux de Mazulipatan & de Paliacal.
Quant aux Moeurs & Coûtumes des Malabars
, il y a des chofes fort ânguliéres ; l'ordre
des fucceffions n'y eft pas le même qu'en
Europe ; le fils n'hérite pas de fon pere ,
c'eft le neveu qui fuccéde à fon oncle maternel
. Les enfans ne portent point le nom de
leur pere & ne font point réputés de faCaſte,
mais de celle de leur mere ; cette Coûtume
eft fondée fur le principe physique , que la
filiation eftfûre de la mere à fon enfant,mais
incertaine & purement putative du pere au
fils , d'autant plus que le mariage dans ces
Pays eft une focieté libre entre un homme
& une femme , & pour le choix réciproque
& pour la durée du tems.
Les femmes de haute naiffance ont toujours
auprès d'elles un Brame Namboury
ou de quelqu'autre Cafte noble , qui eft réputé
leur mari , mais ce mariage apparent
n'empêche pas qu'elles ne choififfent parmi
les hommes les mieux faits , ceux de qui elles
efperent des enfans beaux & bien conftitués,
fans
que le mari en titre , ait droit de jaloufie
ou de reproches fur la pluralité de ſes
Lieutenans , très -fouvent réformés.
Les
AVRIL. 1744. 657
Les Rois & la Religion partagent le refpect
& la vénération fans bornes de ces Peuples
; l'amour & l'attachement qu'ils témoignent
pour leurs Souverans eft légitime ,
& par le caractére refpectable d'une fouveraineté
extraordinairement ancienne dans
les familles de la plupart de ceux qui regnent
aujourd'hui dans ce Pays , & par la
douceur & la benignité de prefque tous les
Rois Malabars .
Quoique leurs Loix défignent des peines
afflictives & des fupplices pour les differens
crimes , cependant l'effufion du fang d'un
coupable eit rare.
Le Roi de Travancour , moins foible ,
plus politique & plus déterminé par fes
bonnes reflexions fur l'art de regner , eft
moins indulgent que tous ces Princes fainéans
, perfuadé que l'impunité engendre
le crime , que le crime trouble l'ordre &
l'harmonie de la fociété , il eft rigide & inexorable
fur la punition des crimes ; mais à
l'égard de la Religion , il paroît donner
dans les erreurs & les fuperftitions les plus
populaires ; il obferve religieufement depuis
fon enfance un régime auffi auftére que
celui de nos Anachoretes les plus mortifiés ;
il n'a jamais rien mangé qui ait eu vie , ni
chair ni poiffon , ni même des oeufs , parce
qu'ils font fufceptibles de vie ; il fe nourrit
B unique658
MERCURE DE FRANCE.
ces
uniquement de légumes , de racines , de
fruits & de laitage ; cependant avec
maigres alimens & malgré l'agitation & les
fatigues que la guerre & fon activité lui occafionnent
perpétuellement , il entretient
fon embonpoint , une très- bonne ſanté &
un fort tempérament ; il confulte les Devins
fur la réüffite ou le mauvais fuccès de
fes moindres entrepriſes ; il a la patience de
leur voir tirer leurs augures des fruits , des
plantes , des animaux , de leur Pagode , &
fe détermine fouvent fuivant le réſultat de
ces frivoles cérémonies & fur les réponſes
de ces Charlatans.
Ces Peuples croyent s'affûrer de la vérité
des faits par l'épreuve du feu , égarement
qui mérite plûtôt notre compaffion que
nos railleries , fi nous nous fouvenons que
l'épreuve du feu étoit admife en jugement
parmi nous il y a plus de 400 ans , & que
celle du duel a fubfifté encore long-tems
depuis .
La Religion des Gentils de la Côte de
Malabar , de Coromandel & du Gange , eſt, à
pea de chofe près , la même, & une des plus
anciennes du Monde. Cette antiquité eft prefque
la feule preuve fur laquelle le fonde leur
entêtement & leur vénération pour cette
Religion , qui d'ailleurs eft un tiffu d'abfurdités
& de Fables monftrucufes & infames
dans
AVRIL. 659 1744.
dans toutes leurs circonstances. Elle fait cependant
un grand nombre de Martyrs. Le
régime rigoureux du Roi de Travancour eft
obfervé par une infinité d'autres Brames ,
mais on peut foupçonner cette obfervance
d'être purement extérieure , parce que leur
naiffance & leur état leur en impofe l'obligation,
à laquelle ils ne pouroient fe fouftraire
fans deshonorer leurs Caftes , perdre les
prérogatives & l'autorité que cette fingularité
leur donne , & encourir le mépris du
Public.
Il n'en eft pas de même du Sacrifice ,
que quelques femmes de Brames font à l'amour
& àla fidélité conjugale, en ſe brûlant
vives après la mort de leurs maris ; comme
ce Sacrifice eft volontaire , il ne peut être
dans un Sexe fi foible & fi délicat , l'ef- .
fort d'un efprit & d'un coeur intimement
perfuadés du mérite de cette action & des
récompenfes que fa Religion lui promet dans
une autre vie.
Cette étonnante cérémonie , qui paffe
parmi nos Dames Françoifes pour une
fiction des Voyageurs , qui veulent embellir
leurs Relations de merveilles , eft une
vérité conftante , dont on a vû un exemple
en 1740 à Vilnour , près de Pondichery
dans une jeune perfonne de 24 ou 25 ans ;
la fermeté , la préſence d'efprit & même la
Bij févérité
660 MERCURE DE FRANCE.
févérité , que cette malheureuſe victime de
la fuperftition conferva pendant les funérailles
de fon mari , les triftes adieux de
toute fa famille en pleurs, les apprêts du Bucher
, la diftribution de fes joyaux à fes parens
& amis , & au milieu des flâmes , eft
une chofe incroyable , fi elle n'étoit atteſté e
par plufieurs témoins dignes de foi , & particuliérement
par M. Dumas ,
M. Dumas , alors Gouverneur
Général dans l'Inde , qui y étoit
préfent,
Les dévotions extraordinaires , les pénitences
longues & perfévérantes , les auftérités
, qui ne peuvent être imaginées , & le
dévouement à la mort , font communs , &
pouffés plus loin dans cette Religion que
dans aucune autre de l'Univers ; mais ce ne
font que pratiques matérielles & charnelles,
qu'aucun principe métaphyfique ne dirige.
Ĉes Indiens font étonnés de notre fpiritualité
Chrétienne , qui cherche à anéantir
l'homme dans l'homme même , à déprimer
par la mortification des fens , l'efprit & le
coeur , & en les affranchiffant d'orgueil &
de concupifcence , les rendre plus fufceptibles
de la contemplation & du pur amour
de l'Etre fouverain & de la pratique des
vertus. Mais furtout ils ne conçoivent pas
notre fyftême Evangelique d'humilité & du
pardon des injures.
On
AVRIL. 1744. 661
On trouve parmi les Indiens des veftiges
des Sciences & des Arts , attribués aux anciens
Gymnofophiftes ; ils connoiffent les fupputations
aftronomiques & calculent les
révolutions des Aftres & les Eclipfes du Soleil
& de la Lune , avec une jufteffe allés.
approchante de la précifion ; mais ce n'eſt
que par des pratiques fans théorie & fans
démonftration géométrique.
Ils ont auffi des Médecins, plus charlatans
& moins habiles que nos Médecins d'Europe
; ils fçavent un peu d'Anatomie , ils connoiffent
la vertu desDrogues & des Plantes,
& les appliquent avec affés de fuccès aux
maladies fimples & générales ; cependant ils
ne font ni Phyficiens ni Chymiftes ;ils ignorent
prefqu'entierement le méchanifme du
corps humain ; leur Pharmacie eft purement
galénique & bornée à un petit nombre
de formules , & leur Chirurgie fe réduit
à quelques opérations triviales & de peu de
conféquence.Dans les maladies compliquées
ils font incapables , non-feulement de les
guérir, mais même de faire un raifonnement
vrai-femblable fur leurs cauſes , leurs effets
& leur cure.
Ils ont des Poëfies myftérieufes & Enigmatiques
, dont il font grand cas ; les Topayes
, a qui j'en ai demandé l'explication ,
m'ont dit qu'elles étoient entendues de peu
B iij de
662 MERCURE DE FRANCE.
>
de perfonnes , & que la Traduction ne pouvoit
les rendre bien intelligibles , parce
que tous leurs fens , leur fineſſe & leur fel
confiftent dans les équivoques du Langage,
dans des métaphores relatives aux moeurs
aux ufages des gens du Pays , ou à des faits
de leurs Hiftoires & de leur Théologie,dont
il faudroit avoir une connoiffance parfaite
pour en faire l'application & en développer
la penſée.
J'ai vû quelques Sçavans en France , qui
prétendent que toutes les Sciences dérivent
des Indes ; qu'elles ont paffé d'un côté à la
Chine & de l'autre en Perfe , en Arabie , en
Ethiopie & en Egypte , de-là en Grece , d'où
elles fe font répandues en Italie & dans le
refte de l'Europe ; cette opinion n'eſt pas
deftituée de preuves, qui ont au moins bien
de la vraisemblance , fi elles ne font pas abfolument
convaincantes.
J'ai entre les mains une Differtation fort
ingénieufe d'un Académicien , fur le Jeu des
Echets , qui en attribue l'invention aux
Indiens , & j'ai vû effectivement un grand
nombre de Brames & de Nairs ou Gentilshommes
du Pays , qui fçavoient ce Jeu &
qui l'affirmoient originaire de leur Pays , fuivant
leurs Hiftoires & leurs Faftes, dont les
époques fabuleufes remontent dans les tems
bien au- delà de celles de nos Hiftoriens Sacrés
& Profanes. S'il
AVRIL. 1744. 663
S'il eft vrai que les Sciences ayent pris
naiffance dans cette partie du Monde , il ne
l'eft pas moins qu'elles y font très-abatardies;
mais les Arts s'y font bien mieux confervés;
il y a même plus de probabilité de leurs
progrès que de leur décadence. On voit en
plufieurs endroits de l'Inde , des Pagodes ,
qui font des prodiges d'Architecture pour
leur immenfité , leur élevation , leur diftribution
, l'énormité furprenante des pierres ,
la façon inconcevable dont elles ont été
pofées dans le haut de ces grands Edifices
la fingularité de leur coupe & de leur ſculp
ture & la folidité de leur conſtruction .
3
Les premiers Navigateurs Européens, qui
ont pénetré dans les Indes , y ont trouvé les
Manufactures de Coton établies de tems immémorial,
à peu près dans la même perfection
que nous les voyons aujourd'hui pour
la fabrique & la fineffe des Toiles & des
Mouffelines , & pour le fecret des bonnes
teintures.
Les autres Arts méchaniques , auffi anciens
que les Manufactures , n'y font pas dans une
moindre perfection .
Mais ce qui fait plus particulierement notre
étonnement , c'eft la fimplicité & le petit
nombre des Outils dont les Ouvriers fe
fervent.
Un Forgeron François croira-t'il qu'un
B iiij Mala664
MERCURE DE FRANCE.
Malabar de même profeffion , avec un jeune
garçon , porte d'Aldées en Aldées ( ce
font les Villages ) tout ce qui lui eſt néceffaire
pour forger , fon enclume , fon marteau
, fon foufflet & les menus uſtanciles ,
& qu'il établit fa forge à platte terre en
une heure de tems ?
Pourra-t'on perfuader à un Cordonnier
& à un Tanneur de Paris , qu'un Malabar
écorchera un Cabry en leur préfence & leur
rapportera dans les 24 heures des Souliers
de la peau de cet animal ? Ce font cependant
des faits conftans.
Pour dernier exemple de l'induftrie de ces
Peuples , je ferai mention de la fabrique des
Monnoyes. On fçait corabien cette opération
eft compofée en France ; les Indiens
y procedent bien differemment. La fonte ,
les effais , l'affinage , l'alliage , l'ajuftage &
la marque , fe font par des moyens fi fimples
, fi faciles , fi abrégés , avec fi peu de
monde , à fi peu de frais , & cependant avec
tant de préciſion , que nos Monnoyeurs Européens
ne pourroient fe le perfuader ſur la
foi de qui que ce foit.
C'eft fur des Mémoires fidéles , fournis
par ceux qui ont voyagé dans l'Inde , qu'on
a fait à Paris des Vernis auffi beaux que la
plus précieufe & la plus ancienne Laque
du Japon , & qu'on a fait en Saxe des Porcelaine's
AVRIL. 1744 . 665
celaines auffi fines , d'un auffi bel émail
d'un plus beau modéle , d'une forme plus
élegante & infiniment mieux peinte, que ce
qui nous vient de plus rare en ce genre de
Kanton & de Meaco , & que l'on a fait à
Chantilly des Chittes ou Toiles peintes ,
plus fines , de meilleur goût & de couleur
auffi éclatante que celles de Mazulipatan.
Les Malabars font plus ignorans , moins
induftrieux & moins laborieux que les Indiens
de la Côte de Coromandel ; quoiqu'ils
ne foient qu'un même Peuple & qu'ils
n'ayent qu'une même origine & une même
Religion , les révolutions , les diverfes dominations
, fous lefquelles ils ont paffé , &
la conftitution differente du Gouvernement,
ont mis une difference remarquable entre
eux .
Lorſque le célebre Aurengzeb eut fait la
conquête du Decan , des Royaumes de Golconde,
de Vizapour & de Carnatte, & qu'il
eut chaffé au- delà desMontagnes les Princes
& les Seigneurs Marates , & les foibles débris
de leur armée,échappés à fes armes victorieufes
, il ne refta dans ces Pays conquis
que quelques Brames & la populace.
Aurengzeb & fes fucceffeurs ont concedé
epuis , fous condition d'un tribut annuel ,
des Seigneurs Maures , Mahometans comme
eux , avec le titre de Nababes , les diver-
B v fes
666 MERCURE DE FRANCE.
fes Provinces de ces Royaumes , dont ils fe
font réfervé la fouveraineté . Ces Nababes >
foit pour fe maintenir dans l'indépendance
contre les Empereurs Mogols , leurs Souverains
foit pour contenir les Peuples fur
lefquels ils avoient acquis une domination
ufurpée , foir pour foutenir les guerres fréquentes
que la jaloufie & l'ambition allument
entre eux , foit auffi par un air de
grandeur , de fomptuofité & d'oftentation
qui eft dans leurgénie, ont toujours fur pied
autant de troupes qu'ils en peuvent entretenir
, & levent pour cet effet de groffes
contributions dans les Pays de leur obéiffance.
Les Indiens de la Côte de Coromandel
dans cet état de dépendance & d'oppreffion
fous une Puiffance étrangere , qui les avoir
dépouillés de la proprieté de leurs Terres ,
n'ont point eu d'autre reffource,pour fe procurer
le néceffaire & les aifances de la vie
que dans les Arts les plus méchaniques &
PAgriculture.
Leurs Brames , à qui l'éducation donnoit
plus de connoiffances & de talens qu'aux
Peuples , n'ayant plus de part au miniftére
& aux affaires publiques , comme fous le
Regne de leurs Princes , fe font adonnés au
Commerce , que le luxe & la magnificence
des Maures , & les Etabliffemens Européen
Lu
AVRIL. 1744. 667
fur la Côte, ont rendu très-floriffant & trèslucratif.
La fervitude& les occupations mercenaires
ont amolli & abbâtardi les Naturels de cette
partie de l'Inde ; ils font timides , rampans,
lâches, & ennemis du trouble & des armes ;
mais ces mêmes occupations les ont rendus
laborieux , induſtrieux, & le commerce avec
les Européens les a enrichis des biens de la
fortune & de quantité de connoiffances utiles
dans les Arts & dans les Sciences. Ceux
qui habitent les Villes ,portent la toque , les
mouftaches & l'habillement,à peu près femblable
à celui des Maures , dont ils imitent
affés les maniéres , les moeurs & le luxe ,
proportion de leurs moyens & de leur opulence.
La Côte Malabare préfente un fpectacle
bien different. Les Naturels des Royaumes
qui partagent ce Pays , ont toujours été
gouvernés par des Princes de leur Nation.
Les Nairs , qui après les Brames & les Seigneurs
, font la plus haute Cafte & la plus
nombreufe , font tous profeffion des armes
& fe piquent de nobleffe & de bravoure.
Un Nair nud , à la réferve d'une paigne
autour des reins , qui lui defcend jufqu'aux
genoüils, fes longs cheveux tortillés & noués
fur le haut de la rète en forme d'un bourrelet,
qu'ils nomment Condé , le fabre à la main
droite,& la rondelle au bras gauche,paffe fa
B vj
vie
668 MERCURE DE FRANCE.
vie entiére dans cet état, & fe fait un point
d'honneur de cette oifiveté , & ſa fainéantiſe
va juſqu'à ſe refufer à lui-même , pour
ainfi-dire , le fecours de fes mains , dans les
actions ordinaires de la vie , parce que la
moindre oeuvre fervile le feroit déroger &
déchoüer de fa Cafte . Ces Nairs , lorſqu'ils
vont en guerre , portent des fufils à méche ,
longs de cinq pieds , de petit calibre , qui
au lieu de croffe , n'ont qu'une poignée
recourbée & qu'ils ajuftent à un bout de
bras , ce qui fait que les coups en font mal
affurés ; mais la plupart ont actuellement des
fufils Européens ; leur arme blanche eſt le
fabre ou une ferpe , dont l'extrême pefanteur
rend les coups mortels ; ils ne peuvent
s'en fervir que de fort près.
Leurs armes deffenfives font des Boucliers
de bois , couverts de cuir , ronds , concaves
en dedans & fe terminans en cône en-dehors
, ce qui les rend forts , quoique légers ;
ils fçavent s'en fervir avec affés d'adreffe ,
pour détourner la balle d'un fufil , en leur
donnant un efpece de frémiffement par une
agitation continuelle du poignet ; leur façon
de s'allonger le corps & de ſe mettre
prefqu'entierement à l'abri de ce Bouclier ,
leur infpire de la hardieffe , & il ne leur
manque qu'un peu de régle & de difcipline
pour en faire de bons Soldats. On jugera
aifément
AVRIL. 1744. 669
aifément qu'il n'en regne aucune parmi eux,
car 1 ° , ils ne portent jamais , que pour un
ou deux jours , de vivres & de munitions ,
& afin de pourvoir à leur défenfe & fubfiftance
, ils ont toujours des détachemens en
marche , de forte que le quart de leurs troupes
fe trouve fucceffivement & perpétuellement
détourné. 2 ° . Dans le combat , chacun
avance ou recule , fuivant fon plus ou moins
de bravoure ; ils voltigent ordinairement de
brouffaille en brouffaille , faifant le coup de
fufil , ainfi ils ne font pas à craindre pour un
corps en rafe campagne , mais la difpofition
de leur terrein , qui n'eft que montagnes ,
leur agilité & leur façon de combattre , leur
donneroit un grand avantage fur les Etrangers
, s'ils en fçavoient profiter , & s'ils
étoient affés fermes, pour faire regner parmi
leurs troupes le bon ordre , au lieu de la
confufion.
Prefque toutes leurs Montagnes ou Mondrins,
font fortifiées de quarrés de terre de
15 à 18 pieds de hauteur , revêtus & bordés
de paliffades , & comme les plaines & vallées
appartiennent à differens Particuliers,
qui font toujours , en difcuffion , à peine un
homme poffede-t'il un arpent de terre , que
pour le mettre en fûreté contre fes voifins ,
fon premier foin eft de creuſer des foflés de
15 à 18 pieds de profondeur autour de fon
domaine
670 MERCURE DE FRANCE.
domaine , qui fervent de chemin , & dont
le haut , entouré de hayes de Bambons mâles,
( bois femblable au Jet ) dont les touffes font
ferrées, qu'un chat n'y pourroit pas paffer,
fi ce n'eft par une petite porte où ils montent
par un pied d'arbre entaillé , & lorfqu'on
les accule dans ces retranchemens &
qu'on les y force, ils combattent jufqu'au dernier
moment avec tant de réfolution , qu'à
quelque extremité qu'ils puiffent être, ils ne
demandent jamais quartier. Une conſtance fi
opiniâtre rend la guerre meurtriere & trèsdifficile
pour des Européens , qui veulent
pénetrer dans les terres ; ils courent un rifque
évident , ils s'engagent dans le labyrinthe
de tous ces petits chemins , qui font des
coupe-gorge,ou fi l'on veut entreprendre
de les élargir , c'eft un travail auffi long
que pénible pour des gens déja fatigués des
grandes chaleurs.
vrais
Pour revenir aux Nairs , la guerre fréquente
entre les Rois Malabars , les fait fubfifter
affés frugalement de ce qu'ils reçoivent
des Princes qu'ils fervent & du revenu de
quelques Palmars , qu'ils afferment aux Tives
, Calte inferieure , qui leur eft extrêmement
fubordonnée.
Les Tives cultivent les Cocotiers , en tirent
le Caire pour faire des cordages , les
olles ou feuilles , pour les couvertures des
maiſons.
AVRIL. 1744- 671
maifons. Les Malabars fe fervent auffi de
ces feuilles pour écrire , & c'eft de là qu'une
lettre s'appelle une olle ; ils tirent auffi du
Cocotier une liqueur qu'ils nomment Calou,
efpéce de lait qu'ils laiffent fermenter , qui
devient piquant & aigre , doux , & qui
enyvre. Tous ces Pays ne font qu'une Forêt
de Cocotiers , & il eft difficile de croire la
variété des ufages & le produit du Commerce
des chofes qu'on tire de cet arbre ; ils
cultivent auffi le Poivrier & les autres productions.
Ils font travailler à la terre par les Poulias ,
Cafte très-baffe , fi vile & fi extraordinairement
méprifée , qu'un Nair eft en droit
de couper la tête à un Poulias qui paffe audevant
de lui , ce qui affujettit ces pauvres
miférables à crier continuellement dans les
chemins , afin que ceux qui viennent à leur
rencontre prennent le deffus du vent , où les
avertiffent de leurs approches par un cri réciproque
, pour , pour leur donner le tems de fe
mettre hors du chemin.
Les Maures qui fe font établis fur cette
Côte depuis long-tems , & qui s'y font beaucoup
multipliés , y font une figure bien differente
de ceux de la Côte de Coromandel ;
ils font ou Marchands ou Artifans , & tous:
fujets des Rois Malabares ; ils vont la plûpart
nuds , comme la Nation dominante
chés
?
672 MERCURE DE FRANCE.
chés laquelle ils fe font naturalifés , & en
ont auffi adopté les Moeurs , les Coûtumes
& le Langage ; il eft aifé cependant de les
diftinguer par la barbe qu'ils faiffent croître ,
par leurs cheveux courts , & par une petite
calote ronde qu'ils portent fur la tête .
On voit dans ces deux Tableaux contraftés
, une espèce d'échange , de génie , de
caractere & de temperamment , entre les
Indiens & les Maures , de l'une & l'autre
partie de la prefqu'Ifle de l'Inde ; on les voit
dans une oppofition finguliére de Moeurs ,
d'ufages , d'inclinations , de profeffions &
d'occupations, chacun réciproquement avec
fa propre Nation aux deux côtés de l'Eft &
de l'Oüeft d'un même continent , féparés
feulement par une chaîne de Montagnes ,
qui n'empêchent point que la communication
& la correfpondance mutuelle ne foit
très - aifée , très rapprochée & très - fréquente.
Il faut excepter de ces obfervations générales
, le Royaume de Travancour , dont le
Roi , fans égard pour l'ancienneté des Coû
tumes qu'il a trouvé établies dans fon Pays ,
choifit parmi les ufages des differentes Nations,
ce qui lui paroît meilleur & le fait adopter
par fes fujets ; la nudité prefque univerfelle
dans le Malabar , en eft un exemple ; ce
Prince l'a réformée ; il porte des habits ; les
Grands
AVRIL. 1744. 673
Grands & ceux qui l'approchent, s'habillent,
à fon imitation , & il a vétu uniformement
fes foldats à l'Européenne , d'un caleçon ,
d'une camifole & d'un grand bonnet en pain
de fucre d'une toile du Pays , rayée bleu &
blanc . Nous en vîmes 25 ou 30 , quelques
heures avant notre départ d'Ainjaingue
faire l'exercice à l'Allemande , marquer les
tems avec préciſion , & brufquer les mouvemens
avec une fierté admirable dans des
gens auffi nouveaux dans cet Art.
A M.
EPITRE ,
>
Mde D. S. A. qui chargés d'envoyer
à l'Auteur quelques Bouteilles de Ratafia
de Leprince , fameux Diftillateur , en'
vuiderent une , & infinuerent dans la Bouteille
deux charmantes lettres avec cette
étiquette : Ratafia de paroles , pour M. &c.
>
P Enfif &coi comme un Stylite ,
J'étois dans ma fombre Guérite ,
Entre la Bruyère , Arrouët ,
Rolin , Renel , & le tendre Greffet ,
Quand tout à coup du fouci qui m'obféde
Dans les mains portant le reméde ,
Miniftre d'un coeur généreux ,
1
A
674 MERCURE DE FRANCE.
A mes yeux s'offre un Ganymede.
Parés d'un Titre glorieux
Maints Vafes vont verfer le Nectar falutaire
Mais , qu'apperçois- je ? Juftes Dieux !
D'un Elixir encor plus précieux
Il en eft un dépofitaire .
J'ouvre , je lis ; Ciel ! quels effets heureux
Produit , dis- je d'abord , cette liqueur divine !
Urbanité, fel , tours harmonieux ,
Saillie , élégance badine ;
Vit- on jamais éclore rien de mieux
D'Anacréon , & de Corine
C'à de ce jus délicieux
E tôt & largement humectons la poitrine ;
Puiffe le mortel gracieux ,
Dont la bonté me le deſtine ,
Voir remplir fes plus tendres voeux,
Vivre fain , fortuné , joyeux ,
Jufques à l'inftant qui confine
A la deftruction de la ronde machine !
Serviteur au Dieu radieux ,
A l'Eau de fa docte Colline ;
Le Prince déformis , ce digne Enfant des Cieux ,
Sera l'objet de mes lyriques feux ,
Et la fource de ma Doctrine.
A l'inftant maints coups redoublés
Suivent cet amoureux langage ;
Reines du Pinde , à moi , courage ;
De
AVRIL. 679
1744.
De tous ces verres avalés
Faites-moi tirer avantage.
Vainement dans leur fein je cherche des tranfports
,
Vos Miffives , dans mes remords ,
Me font voir que ce n'eft la faute du breuvage ,
Mais bien la faute des refforts.
Tel qu'il eft cependant , ce remerciment tendre,
Agréez- le , couple charmant ,
Sans compter rigoureufement
Le tems qu'il a fallu l'attendre .
Dans le Code des amis vrais ,
Dont à des coeurs auffi bien faits
Les Loix furent toujours cheres ,
J'ai lu jadis quelque part ,
Que remercimens finceres
Ne vinrent jamais trop tard.
P. S.
Surcroît de bien , en quatre mots ,
Veut furcroît de reconnoiffance ;
Cent grands-mercis des chapons gras & gros
Dont vous avez bourré ma panſe ;
Jamais Grecourt & fon ami Brunet
N'en virent de pareils fortir de leur crochet.
Auffi , mille fois ma tendreffe
A fait pour vous ce voeu du tems ;
Puiffe de nos jours la Maîtreffe
676 MERCURE DE FRANCE.
Clotho , pour ces coeurs bien -faifans
Sans fe laffer filer fans ceffe ;
Que pour eux Lachéfis prenne fon fufeau d'or
Qu'elle égale leurs jours à ceux que vit Neſtor ,
Comme tous deux ils en ont la fageſſe.
Par M. le Chevalier de Franville.
A Ville-Franche en Beaujolois , le 18 Janvier
1744 • .
SUITE de la lettre , au fujet de la Topographie
des Breviaires.
Ja
E perdrois le tems , M. fi je m'étendois
à faire voir qu'un Ecrivain n'eft pas excufable
de vouloir perfifter dans ce qu'il a
avancé fur certains Lieux d'Affemblées , de
Conciles ,
, par la raifon précisément que
d'autres Auteurs ont dit la même choſe
avant lui , & de ne vouloir pas prendre la
peine de s'inftruire dans les Livres qui ont
été compofés depuis ces Auteurs , furtout
lorfqu'on lui fait l'amitié de les lui indiquer.
Ainfi je paffe légerement fur Concilium
Vernenfe & fur Concilium Epaonenſe. Il faut
efperer que l'Anonyme , s'il eft encore vivant
,
AVRIL. 1744. 677
vant , produira les raifons qu'il a de redreffer
M. Baillet au fujet de la Tranflation de
S. Verain ; car je crois qu'il eft fort au fait
de ce qui regarde le Nivernois ,
Pour moi , qui ne me vante point de connoître
parfaitement cette Province , je n'ai
rien à dire là-deffus ; mais fans la connoître
à fond , j'ai fait réfléxion à un moyen immanquable
, de fçavoir fi le Village de Bouy
cft renfermé dans la Bourgogne , comme le
prétend M. Binet , ou s'il doit en être exclus
comme le foutient l'Anonyme , qui a écrit
contre lui ; c'eft que M. Binet ait la bonté
d'indiquer l'Election de Bourgogne , dont
eft ce Village . S'il ne peut pas l'indiquer ,
il faut qu'il paffe condamnation fur cet article
, comme il a fait fur Sancy , fur la Carentonne
& fur le Mont Faune , Je vois bien
ce qui l'a induit en erreur, Bouy eft une
Paroiffe du Diocèfe d'Auxerre ; c'est le Lieu
où S. Peregrin , premier Evêque de cette
Ville , a fouffert le Martyre ; or Auxerre eft
une Ville de Bourgogne , cela eft hors de
doute ; donc , a- t'il conclu , Bouy eft auffi
de la Bourgogne. Mais il ne fait pas attention
qu'il n'y a qu'un très -petit nombre de
Paroiffes du Diocèfe d'Auxerre , qui avec la
Capitale foient de la Bourgogne ; le refte
eft de la Province de Nivernois , ou du
Gouvernement Orleannois , ou même de la
Géné678
MERCURE DE FRANCE.
Généralité de Paris. Comme Bouy eſt à dix
lieues d'Auxerre , fur la route de Nevers ou
de Bourgogne , il me paroît décidé qu'il
n'eft pas & qu'il n'a jamais été de Bourgogne.
On m'a dit qu'il eft de l'Election de
Gien , ce qui le déclareroit de la Généralité
d'Orleans. Il fera toujours bon que M. Binet
s'abftienne de confondre le territoire
des Diocèfes avec celui des Provinces , fans
quoi fon Livre feroit plus nuifible qu'utile .
A l'égard du Lieu du Poitou , que M. Binet
croit avoir eu nom Vocladum en Latin ,
qui a dû être fitué fur la riviére de Clain ,
je ne vois pas furquoi il fe fonde pour l'appeller
en François Vouillé , puifque des deux
Vouillés , qui font dans le Poitou , l'un eſt
à trois lienës du Clain , l'autre à plus de
douze. D'ailleurs , ni l'un ni l'autre de ces
deux Vouillés n'ont été appellés Voulon ;
c'est donc Voulon , fitué au midi de Vivonne
, qu'il a en vûë ; en ce cas là il a encore
tort de l'appeller Vouillé , comme il perfifte
dans fa réponſe à l'Anonyme , puifqu'il n'a
jamais été appellé Vouillé , mais feulement
Alonne , ainfi que l'appelle la Carte du Diocèfe
de Poitiers , ou Voulon la Boulaye ,
comme le défigne la Carte du Poitou par
Jaillot. L'exactitude dont M. Binet a dû
faire profeffion , doit l'empêcher d'ufer , à
l'égard des noms de Lieux , d'alternatives ,
dont
AVRIL. 1744. • 679
dont on ne fe fert pas dans les Pays dont il
parle.
>
Il faut dire encore là-deffus que M. Binet
porte trop de refpect aux fautes du Bréviaire.
Dès qu'il avoit été averti par l'Anonyme
, que Salices n'eſt pas le nom Latin de
Seaux ou Sceaux proche Paris , où eft le
culte de S. Mammès , il auroit dû écrire au
Curé du Lieu , ou s'y tranfporter , & il auroit
appris que Salices eft Saulx , au- delà de
Long- jumeau,Terre appartenante aux Chartreux
de Paris ; comme il ne lui paroît pas
qu'on ait pu écrire primitivement Seaux
dérivé du Latin Cella , il imagine dans fa
réplique à l'Anonyme , une autre étymologie
, & il penfe que le mot de Sceaux feroit
mieux formé du mot Sigilla , qui fignifie
des Sceaux véritablement , mais quel rapport
voudroit- il , qu'il y eut entre un Lieu
& des Sceaux , en tant qu'ils fignifient des
cachets , pour pouvoir propofer raifonnablement
une telle étymologie ? Apparemment
que felon lui , ceux qui appellent le
Village de Huiffons , en Latin Villa Cereris ,
font auffi dans l'erreur ; il dira que ces deux
mots Villa cereris , ne défignent rien d'approchant
de Huiffous , & que ce nom fera
mieux formé de Octo affes , que cela s'entend
& que cela est tout naturel.
Au refte , quoique je ne me fois étendu
ici
680 MERCURE DE FRANCE .
ici que fur les articles où M. Binet perfifte à
foutenir qu'il a été exact , je ne prétends
pas que dans tout le refte de fon Livre , il
n'y ait rien à redire ; je n'ai vû ce Livre
qu'en paffant , & je n'ai pas affés de loifir
pour en examiner les articles l'un après
Ï'autre .
En général , il m'a paru marquer fouvent
peu exactement les diftances qu'il y a d'un
Lieu à un autre. Je ne parle pas de Montmartre
, qu'il dit n'être qu'à demie lieuë de
Paris , parce que , felon fa maniere particuliere
de compter , il ne prend la diſtance
que de la porte S. Denis , ou de l'endroit
où étoit à Paris la porte dite de Montmartre.
Mais
par exemple , comment lui paffer
pag. 83 , qu'il n'y a que 4 lieuës de S. Flour
au Puy en Vellay ; qu'il n'y a que vingt
lieues de Paris à Troyes , comme il dit pag.
323 ? Sa fupputation eft moins mauvaiſe p .
295 , lorfque plaçant Provins entre Paris
& Troyes , il le met à 14 lieues de la premiere
Ville , & à treize de la dernière ,
quoiqu'en cela il y ait encore de l'inexactitude
, puifque tout le monde compte dixhuit
lieues de Paris à Provins. En parcourant
ce qu'il a écrit fur quelques Villages
voiſins de Paris , j'ai remarqué p . 465 , qu'il
dit que Villers-le- Bel n'eft qu'à une lieuë de
Louvre ; toutes les Cartes en marquent
deux .
AVRIL. 1744. 681
deux. Lorfqu'il parle de l'Ile-Adam , p.
405 , il déclare qu'il eft éloigné de Pontoife ,
d'environ une lieuë ; les bonnes Cartes marquent
deux grandes lieuës, En fuivant la riviére
d'Oife , voyons ce qu'il dit fur Creil ;
pag. 388 , il le marque fimplement à trois
quarts de lieuë de Pont Sainte Maxence ; il
a voulu dire 2 lieuës . Pouffons un peu plus
loin du côté de Rouen ; il fait mention de
S. Clair fur Epte , où l'on conferve les Reliques
de S. Clair, Martyr , & il dit pag. 383,
que cette Paroiffe eft fituée à demie lieuë
au - deffus de Gournay ; voilà deux fautes
, puifque fi c'eft le cours de la riviére
d'Epte qui le détermine pour le deffus & le
deffous , S. Clair eft au-deffous & non audeffus
de Gournay , & la diftance de ces
deux Lieux n'eft pas d'une demie lieuë feulement
, mais de cinq ou fix lieuës . Il n'eſt
pas étonnant après cela de le voir dire pag.
417 , que l'Abbaye de Marmoutier eft à
une lieuë de Tours ; il ne fe trompe que
des trois du chemin ; ni à la p. 439 ,
quarts
que l'Abbaye de Pontlevoy eft à fix lieuës de
Blois ; il ne fe trompe que de la moitié :
voici une autre faute , qui peut-être n'eft
que de fon Imprimeur , à la pag. 314 ,
qu'il dit que la Ville de Sully, fur Loire , eft
8 lieues au-deffous d'Orleans ; on a voulu
dire au-deffus. Peut-être auffi eft-ce l'Imlorf-
C pri682
MERCURE DE FRANCE.
primeur qui a confondu deux autres Lieux
differens , auffi fitués fur la Loire dans le
Diocèle de Blois ; je fçavois bien que Mers
fait partie du Marquifat de Menars , mais
j'ignorois que Mers fut Menars même , ainſi
que M. Binet l'infinue pag . 426. Cependant
il y a une lieuë & demie de diftance de Mers
à Menars ; les Villages ou Bourgs de Suévre
& de Cours fe trouvent entre les deux,
fuivante 427 ,
page 427 , l'Auteur affûre
pofitivement que Montfaucon , où fut fondé
un Monaftere au VIIe fiécle par S. Balderic
ou Bandry , eft fitué au Diocèfe de Verdun ;
cependant il est très-certain , par la Defcription
du Diocèfe de Reims , que Montfaucon
y eft compris dans le Doyenné de
Dieu , tant la Paroiffe de S. Laurent de
Montfaucon , que la Collegiale de S. Germain
qui a fuccedé à l'Abbaye.
Dans la
M. Binet auroit fans doute fouhaité donner
une pofition claire & évidente aux Lieux
de la Normandie, qu'on appelle Algia, Oximenfis
Pagus , Uticum. Il en parle aux pages
184,435 , 460. Mais ce qu'il en dit,paroît
conduire à confondre tous ces Lieux. Si ces
noms Latins fe donnoient autrefois indifféremment
, les noms François indiquent aujourd'hui
des Cantons ou Contrées qui font
limités. J'aurois fouhaité qu'il eut jetté les
yeux fur la Carte de Normandie du fieur de
Lifle
AVRIL. 1744. 683
Lifle de 1716 , & cela n'auroit pas peu contribué
à le mettre au fait du Pays d'Auge
qu'il auroit vû être bien different de celui
d'Ouche ; par là il fe feroit abftenu , furtout
par rapport à celui d'Ouche , de la défignation
qu'il en fait en ces termes : Pays en
la Baffe Normandie entre la Mer & Séez :
car il femble que cela fignifie que l'Auge &
l'Ouche s'étendent jufqu'à la Mer , quoiqu'il
foit notoire que le Pays Lieuvin les
barre tous les deux du côté du Nord..
Avant d'en venir aux Remarques
que
Hiftoriques , je dirai un petit mot fur quelques
riviéres , à l'occafion defquelles il n'y
auroit point de mal que M. Binet fe fut exprimé
plus exactement ; faifant à la pag.
412 , la defcription du cours de la riviére
de Loid qu'on écrit Loir , il dit qu'elle coule
dans le Perche , le Blaifois , le Vendômois
& l'Anjou. Ne feroit-il pas plus vrai
de dire qu'elle paffe dans le Perche , la Beauſfe
, le Dunois , le Vendômois , le Maine &
l'Anjou ? Il eft certain qu'elle n'entre point
dans le Blaifois, mais elle traverſe quelques
parties des autres Pays. En parlant de la.
Ville d'Etampes , il dit qu'elle eft fituée fur
une riviére , appellée la Juine ou l'Yonne.
Pourquoi donner ainfi occafion à diftinguer
deux rivieres d'Yonne Jufqu'ici on n'a
connu que la riviére d'Yonne, qui vient de
Cij la
684 MERCURE DE FRANCE .
la Bourgogne & qui fe jette dans la Seine à
Montereau. Enfin , je ne fçais fi c'est que je
demande trop , & que je fuis trop fcrupuleux
; je ne fçaurois approuver le langage
dont notre Auteur fe fert pour marquer
l'endroit où l'Oife fe jette dans la Seine.
L'Oife , dit-il , pag . 246 , fe décharge dans
la Seine , entre Pontoife Poiffy. Si je ne ſçavois
pas ou Pontoife eft fitué , cette expreffion
me feroit croire qu'il eft placé fur le
bord de la Seine au rivage droit.
Quant à l'Historique du Livre de M. Binet
, j'ai paffé deffus fort légerement ; je me
fuis cependant apperçu encore qu'il n'eſt
pas fi véritable que cet Auteur le protefte ,
qu'il n'ait rien ajouté aux Légendes des Bréviaires.
De ce qu'il a lû dans le Bréviaire de
Paris , par exemple , que le corps de S. Thibaud
y fut dépofé, quand on le rapporta d'Italie
, il en conclut qu'il y eft encore , & il
fait imprimer pag. 252 , de fon Volume , en
parlant de Lagny : On y conferve le corps de
S. Thibaud Hermite. Il n'eft pas apparemment
informé des horribles dégats que les
Calviniftes ont fait en ce Lieu . C'eft à peu
près par un effet de l'ufage où il eft de conclure
du tems paffé au tems préfent , qu'il
parle pag. 412 , de la Collégiale de S. Léonard
de Bellême au Perche , comme fi le
Château & cette Eglife fubfiftoient encore.
Page
AVRIL 1744 685
Pag. 2,9 , & dans fa Chronologie p . 64 , il
n'ole par refpect , dire que S. Landry , Evê
que de Paris , fut inhumé dans la Bafilique
de S. Germain , au rivage droit de la
Seine ; il entretient l'erreur populaire ,
gliffée dans le Bréviaire , qui fait dire que
cette Eglife a porté le nom de S. Vincent
avant celui de S. Germain , ce que Sauval &
d'autres ont démontré être faux . En parlant
de l'Eglife de Notre-Dame de Paris , à la
page 420 , il l'a dit achevée fous le Régne
de Philippe-Augufte. Qu'il prenne , s'il lui
plaît , la peine de lire l'Infcription qui s'y
voit en relief , au Portail Méridional du
côté de l'Archevêché , il apprendra qu'on
travailloit encore fortement du tems de
S. Louis. Dans fa Chronologie à l'an 1194 ,
on lit ces mots : Etabliſſement de la vénération
des Saintes Reliques du Diocèse de Paris ,
célébrée le 8 Novembre , jour de l'Octave de la
Touffaint. Une perfonne qui n'auroit jamais
vû d'anciens Bréviaires de Paris , croiroit
que cette Fête auroit , dès l'an 1194 ,été fixée
au 8 Novembre , ce qui n'eft cependant
arrivé qu'en 1736 , puifqu'auparavant on la
célébroit le 4 Décembre ; & c'eft ce qu'il
falloit dire . Je ne vois pas qu'après toutes
ces obfervations , feulement ébauchées , il
foit néceffaire d'exhorter M. Binet à rectifier
ce qu'il a dit de l'Abbaye de S. Bertin à
C iij
y
S.
686 MERCURE DE FRANCE
S.Omer,fçavoir qu'elle appartient aux Bénédictins
de la Congrégation de Cluny . Il eft
bien vrai que les Cluniciens yont mis la Réforme
, vers le commencement du x11 fiécle ,
mais elle n'a jamais été pour cela foumife à
Cluny.
,
Je fens par avance que fur la plupart des
articles que je lui propofe de nouveau
comme dignes de Réforme , il va ſe récrier ,
& dire qu'il a vû telle chofe dans la Martiniere
, telle autre dans Baudrand , celle-là
dans le Dictionnaire de Trévoux , cette autre
dans Moreri, ou dans l'Ouvrage de Dom
Beaunier , telle circonftance Historique
dans le Pere Dubois cette autre dans
quelque Géographe ; en un mot , qu'il n'a
rien dit de lui-même. Si ces excuſes ne font
pas valables , elles prouveront au moins ,
que ce n'eft pas dans le Bréviaire même
qu'il a trouvé dequoi donner des Commentaires
à cet Ouvrage , ainfi qu'il paroiffoit
l'affurer , & qu'il a été obligé de recourir à
d'autres Livres & à des Cartes Géographi
ques , fouvent infidelles , ce qui a donné occafion
d'écrire , pour réfuter les méprifes
des fources où il a puifé.
Je fuis , Mr , & c.
A Saint Martin de *** , le 1 5 fanvier 1744.
POUR
AVRIL 1744. 687
POUR LE VENDREDI - SAINT.
O
STANCES fur la Ste Croix.
Croix ! figne nouveau de la fainte Alliance ,
Qui nous promets un heureux fort ,
Croix , Arche du falut , dans notre défaillance ,
Quand nous allons périr , tu nous conduits au Port.
Tu défarmes la main du vengeur redoutable ,
Du Juge irrité contre nous ;
Tu fçais lui préparer un regard favorable ,
Et dès que tu parois , il n'a plus de courroux.
Si du ferpent d'Enfer la fatale morfure
Porte dans nos coeurs fon poiſon ,
Nous n'avons qu'à le voir , & de notre bleffure
Nous trouvons auffi- tôt l'heureuſe guérifon.
Sur cet Autel facré la divine Victime
S'immole à la Divinité ;
Sur ce fiége le Fils , notre Avocat fublime ,
Appaiſe le courroux de fon Pere irrité.
O Croix ! ô fainte Croix ! des Fidéles chérie ,
Croix teinte du Sang du Sauveur ,
Ciiij
Fais
688 MERCURE DE FRANCE.
Fais qu'en trouvant dans toi la fource de la vie ,
Nous trouvions dans ce Sang la fource du bonheur !
D'un Dieu mourant pour nous confidente diſcrette ,
Apprens nous les vives douleurs ;
O Croix , raconte - nous de fa peine ſecrette
Les accens , les friffons , les foupirs , les langueurs,
Il attend le trépas ; dans cette trifte attente ,
Privé de tous fecours humains ,
En repofant fur toi fa tête languiffante ,
On le voit attaché par les pieds , par les mains.
Sur le point d'expirer , JESUS à l'Agonie ,
Pour accomplir tous les défirs ,
Dépofant dans ton fein une fi belle vie ,
Te donne & fon eſprit & fes derniers ſoupirs.
C'eſt en toi que ce Dieu nous enfante la grace ;
Il montre par toi fon amour ;
C'est par toi qu'il confond la criminelle audace ,
Et tu lui ferviras de Tribunal un jour.
D.D. Avocat du Forêt.
REAVRIL.
1744. 689
REPONSE à une Lettre écrite d'Avignon ,
inferée dans le premier Volume du Mercure
de Decembre 1743 , fur la Question propofee
dans celui du mois de fuin de la même année.
JA
'Avois réfolu , Monfieur , de garder le
filence fur la Queſtion dont il s'agit
perfuadé que la décifion n'en appartenoit
qu'aux Dames , mais puifque vous ne leur
en attribuez le jugement qu'après l'avoir
décidée , permettez -moi de vous propofer
mon fentiment fur cette Queftion.
Il faut fuppofer Celimene ornée des principales
qualités du corps & de l'efprit ; je
vois que la Nature l'a foumife aux loix de
l'Amour , qu'elle cherche à s'engager , mais
qu'elle fçait modérer fes defirs , & qu'elle
ne foupire qu'après un objet digne de fa
tendreffe. Damon & Licidas lui témoignent-
ils de l'amour ? Le fimple rapport
de fes yeux n'eft pas capable de fixer fon
coeur ; les differens agrémens du corps ne
lui fuffifent pas ; elle confulte les fentimens
, en fonde les motifs , étudie les caracteres
& leurs rapports avec le fien ;
tout eft fage dans fa conduite . Doit - elle décider
entre ces deux Bergers ? Eft - elle preffée
par eux de s'expliquer : Elle craint de ſe
C v rendre
690 MERCURE DE FRANCE.
rendre à leurs empreffemens ; fon choix eft
fait , mais peut-être n'eft -il pas digne d'elle?
elle prend du tems pour fe déterminer; telle
eft notre Bergere .
Par rapport aux Bergers , leur mérite ne
me paroît pas égal ; examinons- les au moment
critique qui doit décider de leur fort.
Damon marche au rendez -vous en vainqueur;
fier de fon mérite , il s'eft couronné
d'avance ; Celimene eft fa conquête ; Licidas
n'a pas la même confiance , il a ofé prétendre
au coeur de Celimene , mais il n'ofe
fe flater de l'obtenir , & il ne paroît devant
elle qu'avec un air humble & foumis. Les
caracteres de ces deux Bergers font donc abfolument
differens ; qu'on leur fuppofe un
mérite affés proportionné d'ailleurs , ils font
fous les yeux d'une Bergere , qui met à profit
toutes les circonstances, & qui ne laiffera
pas échapper dans fon examen la vanité de
Damon.
Enfin le fort eft jetté ; Celimene eft an
rendez- vous ; fur qui va tomber fon choix ?
Sa main eft l'interpréte de fon coeur ; elle fe
dépouille de fa couronne , & la met fur la
tête de Licidas ; il a fçû lui plaire, pourroitelle
lui refufer ce gage de fon amour ? Lui
en faut-il une preuve plus éclatante ? Elle
humilie fon Rival, lui prend fa couronne &
s'en couvre. Que Damon rougiffe du larcin
qu'elle
AVRIL. 1744. 691
qu'elle vient de lui faire ; ces fleurs qui flatoient
fa vanité , couvrent un front qui n'a
été découvert que pour couronner fon Rival
; qu'il le voye triomphant , paré d'une
couronne précieufe à Celimene ; qu'il juge
du prix de cette couronne par l'empreffement
qu'elle témoigne à la remplacer , &
s'il croit devoir encore s'applaudir , qu'il fe
vante d'avoir reçû de fa Bergere une leçon
d'humilité .
Je ne crois pas , M. qu'il foit befoin de
fe livrer à un long détail pour établir que
Licidas eft le Berger préferé; Celimene pouvoit-
elle être embarraffée fur le choix Le
caractere orgueilleux de Damon ne parloitil
pas affés en faveur de Licidas ? Mais je
veux prévenir toutes les objections , & je
fuppofe aux deux Bergers un mérite égal ,
qui les rende également chers à Celimene ;
clle arrive au rendez - vous , elle eſt déterminée
fur fon choix , elle a arrêté en ellemême
la maniere de manifefter fa réfolution
; quel eft fon premier mouvement ?
c'eft d'ôter fa couronne & d'en parer Licidas
; ne s'enfuit -il pas qu'il eft l'objet chéri ?
Celimene a-t'elle pû prévoir que Damon fe
couronneroit,pour écouter fon Arrêt ? a- t'elle
pû former le deffein de lui prendre ſa
couronne , pour lui témoigner fon amour ?
non , fans doute , puifqu'elle n'étoit pas
C vj inftruite
692 MERCURE DE FRANCE.
inftruite de ce nouveau trait de vanité; mais
elle couronne Licidas ; fon deffein étoit
donc de le favorifer ; toutes les actions
poftérieures ne peuvent être attribuées qu'à
fon caprice ou à l'occafion ; elle voit fur la
tête de Damon une couronne , l'image de
celle qu'elle vient d'abandonner , pour gage
de fon amour ; elle peut auffi- tôt defirer de
la poffeder ; l'occafion peut n'offrir à ſes
yeux Damon couronné , que comme un objet
de mépris qu'elle veut humilier ; en un
mot , cette action , de quelque côté qu'on
l'envifage , ne peut être regardée que comme
indifferente ; mais fi elle étoit capable
d'infpirer quelques foupçons à Licidas, pourroit-
il railonnablement les écouter > ne
vient-il pas de recevoir de Celimene , & fon
coeur , & les témoignages les moins fufpects
de fon amour ?
rai-
Qu'on confulte préfentement fa propre
fon, qu'on examine que l'action de donner,
tire toujours fa fource du coeur , & qu'au
contraire l'action d'ôter témoigne rarement
de l'eftime pour la perfonne qu'on dépouille ,
mais témoigne ordinairement l'envie qu'on
a de poffeder le bien dont on la prive , par
rapport au bien feul ; & qu'on rapproche
ces obfervations générales des circonftances
particulieres , on verra bien-tôt toutes les
difficultés de la Queftion s'évanouir .
DiraAVRIL.
1744. 693
}
Dira-t'on que Celimene , encore incertaine
, fe trouve au rendez -vous fans être
déterminée ? La queftion n'en fera pas plus
difficile à réfoudre , car enfin fi fon coeur
balance entre les deux Bergers , l'air audacieux
de Damon va la déterminer ; elle s'en
apperçoit, & bien-tôt elle prend fa couronne
, en couvre Licidas, & découvre Damon;
peut- elle mieux punir celui - ci , qu'en lui
enlevant une couronne qu'il croyoit avoir
méritée mais non contente de l'avoir humilié
, elle veut encore rendre complet le
triomphe de Licidas ; elle ne s'intereffe plus
pour un Berger qu'elle a crû indigne de fon
amour ; elle lui refufera jufqu'au fouvenir ;
toutes les actions fe rapporteront déformais
à Licidas ; fon coeur est tout à lui , mais eftelle
encore digne de lui ? Elle lui a donné
un ornement précieux , qui rehauffoit
être l'éclat de fa beauté; ( une Bergere peutelle
paroître trop belle aux yeux de celui
?
peutque
fon coeur a choifi ? ) Peut-être lui reftetil
quelque chofe à defirer ? elle fe couvre
de la couronne de Damon , dût-il s'en applaudir
? qu'importe ; tout doit contribuer
à la fatisfaction de Licidas; Celimene amoureufe
, fçait fe dépouiller de ce qu'elle a de
plus cher ,mais Ĉelimene ambitieuſe , ſaiſit
toutes les occafions de plaire à fon Berger .
Permettez- moi , M. encore une refléxion :
fi
694 MERCURE DE FRANCE ..
fiCélimene eût feulement pris la couronne de
Damon pour en parer Licidas , la queſtion
feroit trop fimple pour mériter une contef
tation , mais la double action ne lui ôte
rien de cette fimplicité ; Damon eft toujours
le Berger rejetté. Moins malheureux ,fi fa
couronne ne couvroit que le front de fon
Rival , au moins connoîtroit il fa mifere ;
mais plus l'abîme eft couvert , plus il eſt
dangereux ; Damon chérit une erreur qui
le flate ; il voit fa couronne fur la tête de
fa Bergere , quelle fatisfaction pour fon
coeur ! mais qu'il craigue .... fixez- là vos
regards orgueilleux , Damon ; quoi ! votre
vanité demande un examen plus exact ? eh
bien ! ouvrez les yeux ... la main qui vous
a ravi votre couronne , avoit déja couronné
Licidas. Le front qui en eft couvert , en
portoit une autre, gage précieux d'un amour
que vous n'avez pas fçû mériter ; l'ouvrage
de vos mains fert à augmenter la gloire de
votre Rival ; connoiffez votre erreur
Damon eft-il détrompé quel défefpoir !
Celimene , il faut vous rendre ;
Couronnez votre vainqueur ;
Damon vouloit vous furprendre ;
Il n'a pas fçû fe défendre ;
Prenez fa couronne & fon coeur.
Toi qui fçais nous donner des loix
Beau
AVRIL. 1744. 695
Beau Sexe ; un air foumis ne te féduit il pas è
Celimene à Damon préfere Licidas ;
Pourrois- tu faire un autre choix ?
J. B. F. GAUDIE' , de Rozelis..
A Paris ce 25 Janvier 1744.
ODE.
Sur la Mort de Mlle De. **
E- pris des attraits de Silvie ,
Dans la plus douce volupté
Je paffois les jours de la vie ,
Sans regretter ma liberté .
Ses graces , fa beauté naiffante ,
D'une paffion innocente
Nourriffoient en moi le poifon ;
Je fentois augmenter ma flâme ,
Sans que ce penchant dans mon ame
Fût combattu par la raison.
Jamais les chagrins & la peine
Ne venoient troubler mes plaifirs ;
Je ne trouvois rien dans ma chaîne ,
Qui ne fatisfît mes defirs :
Notre amour , formé dès l'enfance ,
N'avoit
696 MERCURE DE FRANCE.
N'avoit jamais vû l'innocence
Se bleffer d'aucuns de nos voeux ;
Jamais un inftant de foibleffe ,
En furprenant notre tendreffe ,
Ne nous vit rougir de nos feux .
Une jaloufe incertitude
茶
Ne troubloit point nos heureux jours ;
Une pure béatitude
Nous fuivoit dans tous les féjours.
Content d'être aimé , fûr de plaire ,
Je n'exigeois point un falaise ,
Qui pût alterer mon bonheur ,
Et ma tendreffe intimidée ,
Ecartoit loin de mon idée
L'appas d'un plaifir ſéducteur .
>
Si l'abfence livroit mon ame
Aux tendres foucis , aux tourmens ,
Que loin des objets de leur flâme
L'Amour fait fentir aux Amans ;
Ces ombres , ces legers nuages ,
N'étoient de foibles orages
que
Qui préparoient un plus beau jour .
Raffuré par notre conftance ,
Mon coeur triomphoit de l'abfence ,
Par l'efpérance du retour.
Non ;
AVRIL. 697
1744.
Non ; l'homme n'a rien qui reffemble ,
Dans les plaifirs dont il joüit ,
Aux douceurs que goûtent enſemble
Deux coeurs que l'Amour réiinit.
Auffi-tôt que l'on fe retrouve ,
Les mouvemens qu'un coeur éprouve
Sont au- deffus de tous plaifirs ;
L'ame dans ces inftans aimables ,
A des fentimens ineffables ,
Qui rempliffent tous les defirs.
Amans , votre erreur eſt extrême ,
Lorfque dans la poffeffion
Vous placez le bonheur fuprême ;
C'est l'écueil de la paſſion ,
L'Amour vous fait , pour l'ordinaire ,
Dans cet objet imaginaire
Contempler la félicité ;
Craignez cette trompeufe amorce ;
L'Amour n'a jamais plus de force
Que loin de la réalité.
****
Quand on voit l'Hymen , qui s'approche ,
Allumer fon brillant flambeau ,
L'Amour languit ; fa fin eft proche ;
L'Hymen lui creuſe ſon tombeau.
Beautés , l'Amant le plus fincere
N'eft
698 MERCURE DE FRANCE .
N'eft conftant qu'autant qu'il efpere ;
N'attend-il plus rien ? il vous fuit ;
C'eſt en vain qu'il jure & proteſte ;
S'il trouve le moment funefte ,
Sa tendreffe s'évanouit.
*3 **
Pour nous , qui d'un feu légitime
Sçavions connoître tout le prix ,
Par l'appas féduifant du crime
Nos coeurs n'étoient jamais furpris .
Et nous livrant à la tendreffe ,
Notre borne étoit la fageffe ,
Et notre guide la vertu .
Sans ceffe , quoique fans contrainte ,
Par une falutaire crainte
Notre amour étoit combattu.
炒菜
Tandis qu'en proye à tant de charmes ,
Sans foins , fans foucis , fans rivaux ,
Mes jours s'écouloient fans allarmes ,
Marqués par des plaiſirs nouveaux ;
Qui l'eût dit ? qu'un deſtin barbare ,
Par le revers le plus biſarre ,
Eût fini des momens fi doux ?
Coup terrible ! inftant déplorable !
Tu m'apprens qu'un bonheur durable
N'a jamais été fait pour nous.
Eh !
AVRIL. 699
1744.
Eh ! comment ai - je pû me feindre
Un malheur qu'annonçoient les Dieux ?
Tout fembloit me donner à craindre ,
Et fur la Terre & dans les Cieux.
Chaque jour , un nouveau préfage
Me faifoit redouter l'orage ,
Qui menaçoit des jours fi beaux ;
Et dans l'épaiffeur des tenebres ,
Mille preffentimens funebres
M'offroient l'image de mes maux.
Un jour qu'un fommeil ſalutaire
Calmoit mon agitation ,
Je crus dans un bois folitaire
Voir l'objet de ma paffion ;
Toûjours enchanté de fes graces ,
L'Amour me fait fuivre les
traces ;
J'atteins l'idole de mon coeur.
L'éclat de ſa beauté me touche ;
Sa main , que je porte à ma bouche,
Lui fait fentir ma vive ardeur.
***
La tendre & fenfible Silvie
Partageoit mes empreffemens ;
Nous n'avions jamais dans la vie
Goûté de plaifirs plus charmans.
Touchés d'une fi belle chaîne ,
Les
1
700 MERCURE DE FRANCE.
Les vents retenoient leur haleine
Les Oiseaux célebroient nos feux ;
Les Ruiffeaux joignoient leur murmure ;
Tout paroiffoit dans la Nature
Applaudir à nos coeurs heureux.
Mais tandis qu'à notre tendreffe
Nous donnons des momens fi doux ,
Le Ciel , jaloux de notre yvreſſe ,
Contre nous arme fon courroux ;
Bien- tôt fa brillante lumiere
Se dérobe à notre paupiere ;
La nuit fuccede au plus beau jour ,
Et l'horreur de fes voiles fombres
Nous fait voir le féjour des Ombres
Dans un Lieu formé pour l'Amour.
****
Cependant le Tonnerre gronde ,
Et roule à grand bruit dans les Airs ;
Les Nuages s'ouvrent , & l'Onde
Brille du feu de mille Eclairs .
Tout tremble ; on diroit que la Foudre
Se prépare à réduire en poudre
Tout ce que fa fureur pourſuit ,
Et que les Elémens en guerre
Sont prêts à replonger la Terre
Au fond de l'éternelle nuit ,
Pendant
AVRIL .
701 1744
Pendant ce défordre funeſte
Que fufcitoit un fort jaloux ,
Je veille au feul bien qui me refte
Je veux le fouftraire à fes coups .
Mais tandis que je me prépare
A fauver d'un deftin barbare
Ce cher objet de ma douleur ,
La Foudre tombe fur Silvie ,
Et ce coup qui finit ſa vie ,
M'éveille au comble du malheur.
Dans le trouble affreux qui me preffe ,
Le jour me frappe en vain les yeux ;
Mon coeur ferré par la trifteffe ,
Déplore la rigueur des Cieux,
Je la vois encore expirante ,
Me tendre une main chancelante ,
Pouffer vers moi des cris perçans ....
A peine conçois-je qu'un fonge
Eft l'Artifan de ce menfonge ,
Et du défordre de mes fens.
Enfin , le Soleil qui m'éclaire
Diffipe mon émotion ;
L'éclat de fa vive lumiere
Me fait voir mon illufion .
Mon efprit calme ſes allarmes ;
Mes
702 MERCURE DE FRANCE.
:
Mes yeux mettent fin à leurs larmes ,
Mon coeur s'ouvre au plus doux eſpoir ;
Mon ame enchantée & ravie , -
N'afpire plus qu'après Silvie ;
Mon feul defir eft de la voir,
Plein d'une flateuſe eſpérance ,
Je marche vers l'heureux féjour ,
Où fous les loix de l'innocence
Elle avoit fçû fixer l'Amour .
J'approche auffi-tôt auprès d'elle
Pour lui faire un récit fidéle
Des maux que m'a caufé fon fort ;
Je trouve ( ô Dieux ! puis - je le dire ? )
Que Silvie à peine refpire ,
Et touche aux portes de la mort.
Je vois cette Beauté charmante ,
Pâle , défaite , fans vigueur ;
Le mal cruel qui la tourmente
Lui donne une morne langueur.
Ces traits brillans , ce fein d'albâtre ,
Dont mon coeur étoit idolâtre ,
Ne font plus que des Lys flétris.
Mon oeil , en voyant fon tein blême ,
Semble méconnoître lui - même
Tant d'attraits qui l'avoient furpris.
Malgré
AVRIL. 1744.
703
Malgré la douleur qui l'oppreffe ,
Silvie ouvre fes yeux mourans.
Les pleurs qu'excitent ma tendreffe ,
Fixent fes regards expirans.
C'est vous qui vous faites entendre ,
Vous , dont le coeur fincére & tendre
A toujours fait mon feul plaifir ;
Digne objet de ma complaifance ,
Ne venez-vous en ma préſence
Que pour voir mon dernier foupir
Il n'eft plus tems de fe contraindre ;
La Parque a fixé mon trépas ;
Mon fort ne feroit point à plaindre ,
Si le vôtre ne l'étoit pas.
Gardez chérement ma mémoire ;
J'ai toujours recherché la gloire
D'affervir feule votre coeur ;
Les Cieux puniffent cette injure ;
fur la Créature
Et vengent
L'outrage fait au Créateur.
X3X茶
Pendant ce difcours plein de charmes ,
Mes yeux étoient baignés de pleurs ;
J'arrofois de toutes mes larmes
L'objet qui cauſoit mes douleurs ,
Mais tandis que mon coeur ſoupire
Survient
704 MERCURE DE FRANCE.
Survient un funefte délire ;
Je la vois réduite aux abois ;
C'eft vainement que je m'écrie ,
Silvie ... ah ! ma chere Silvie ....
La Mort lui fait fubir les loix .
Dieux ! quelle catastrophe horrible
Pour un coeur vraiment amoureux !
Accablé de ce coup terrible ,
Je pouffe des cris douloureux .
La parole expire en ma bouche ;
Mon oeil devient fombre & farouche ;
Je fens mon efprit ſe troubler ;
Mon corps tremble ; mon fang fe glace ;
J'attends du Ciel comme une grace ,
L'heureux coup qui doit m'accabler .
Tandis qu'interdit , immobile ,
Mon coeur fait des voeux impuiffans ,
Un espoir frivole , inutile ,
Vient encore exciter mes fens.
Plein du feu dont l'amour m'anime ,
Je prends cette triſte Victime ,
Je tiens fon corps entre mes bras ;
En lui communiquant ma flâme ,
Je tâche d'évoquer fon ame
Du fein funefte du trépas.
Mais
AVRIL.
705 1744 .
Mais hélas ! efpérance vaine ,
Que formoit mon coeur abufé ;
J'échauffe en vain de mon haleine
Ce corps que la mort a glacé ;
Le Deftin eft inexorable.
En vain pour fléchir l'implacable ,
J'offre l'échange de mes jours ;
Le Ciel de tous mes maux complice ,
Ne fait qu'aggraver mon fupplice ,
En prolongeant leur trifte cours.
Depuis ce tems fatal , j'appelle
L'injufte Mort à mon fecours ;
La Parque, infléxible & cruelle,
Se montre fourde à mes difcours .
Mais fi fon oreille fe ferme ,
Ma douleur hâtera le terme
Qu'elle donne à mon trifte fort.
J'ai trop long-tems aimé Silvie ,
Pour ne pas confacrer ma vie
Au plaifir de pleurer la mort .
Bruhier d'Ablaincourt.
D LET
706 MERCURE DE FRANCE.
525232325252525252:5252 52523252
LETTRE de M. D. L. R. écrite au R. P.
M. TEXTE , Dominicain , Sous- Prieur
du Noviciat général de Paris. Suite du Sujet
traité dans le Mercure du mois de Janvier
page 13 .
J
E réponds , mon Réverend Pere , à votre
louable empreſſement , & j'ai l'honneur
de vous envoyer ce que je viens de
recevoir de la part de M. l'Abbé Soumille ,
c'eft- à -dire , le Supplément qu'il m'avoit
promis , & qui manquoit à fa Defcription
Hiftorique de la Chartreufe de Villeneuve ,
que vous avez lûe avec tant de fatisfaction,
Comme ce digne Eccléfiaftique a plus d'un
efprit , & qu'il eft particuliérement verfé
dans les Méchaniques , celles , fur tout qui
regardent l'utilité publique , il m'a envoyé
en même-tems le Deffein d'une nouvelle
Machine , dont on fe fert à cette Chartreuſe ,
& qui peut fervir à plus d'un ufage dans les
grandes Communautés & ailleurs à la Campagne
vous verrez , M. R. P. ce qu'il en
dit lui-même dans fa Narration , à laquelle
- le Deffein dont je viens de vous parler , eft
joint , parfaitement bien exécuté.
Dans le tems qu'on nous préparoit à Villeneuve
ce que vous allez lire , l'Abbé
D.
AVRIL. 1744. 707
D. L. R. mon frere , continuoit fes foins
pour avoir tout ce que j'avois demandé au
fujet de la Chartreufe de Marſeille , illuftre
Fille de celle de Villeneuve , & ces foins
m'ont enfin procuré un ample Mémoire
que je mettrai inceffamment en oeuvre , pour
remplir l'engagement que je me fuis fait de
donner une connoiffance exacte de ces deux
Maifons . J'ai été édifié furtout de la Defcription
de la nouvelle Eglife de celle de
Marſeille , Defcription qui en donne une
grande idée , & faite de main de Maître . Le
refte , qui regarde les deux Cloîtres, & tout
l'intérieur de la Maiſon , à peu de chofe
près , eft fort bien détaillé .
Il me manque quelque chofe fur les Faits
hiftoriques , qui demandent de ma part un
nouveau Mémoire , que je vais préparer. Il
eft étonnant , M. R. P. que l'Auteur de la
premiere Edition de l'Hiftoire de Marſeille,
publiée en 1644, c'eſt- à-dire , environ dix ans
après l'arrivée des premiers Chartreux dans
le Territoire de cette Ville, il eft dis - je , étonnant
que
l'Auteur , qui avoit alors un certain
âge , & qui étoit , pour ainfi dire , témoin
oculaire , ne nous ait rien dit du Lieu
où les Chartreux fixerent leur premiere demeure.
Il faudra tâcher de l'apprendre d'ailleurs.
Vons fçavez que les premiers Chartreux
qui vinrent à . Paris n'occuperent pas
Dij d'abord
708 MERCURE DE FRANCE.
d'abord le Château de Vauvert & fes dépen
dances , ce qui fait aujourd'hui la Chartreufe
de Paris ; ils demeurerent un affés longtems
à Gentilly , comme je l'ai dit ailleurs.
Il est arrivé la même chofe aux Chartreux
de Villeneuve , qui vinrent les premiers à
Marſeille , pour exécuter cette Fondation ,
Mais il eft tems , M. R. P. de laiffer parler
M. l'Abbé Soumille , fur ce qui nous reſtoit
à fçavoir au fujet de la Chartreufe de Villeneuve.
SUITE de la Defcription de la Chartreufe
de Villeneuve- lez- Avignon.
Je ne connoiffois pas affés bien, Monſieur
,
les difficultés que j'aurois à vaincre , quand
je m'engageai à vous donner la Defcription
de la Boulangerie & de la Cave du Pape, &
fans le fecours d'un ftratagême , je doute
fort qu'il m'eût jamais été poffible d'y pénetrer
, encore moins d'en prendre les dimenfions.
La Boulangerie , dont le bas étoit autrefois
la Cuifine du Pape Fondateur , eft une
piéce de 10 toifes de long, fur trois & demi
de large , compofée de deux fortes voûtes
l'une fur l'autre , & d'un couvert ordinaire
à une feule pente. La voûte inférieure , de
deux toifes de hauteur fous clef, eft encore
en très-bon état , quoique fort enfumée, à
caufe
AVRIL. 1744. 709
caufe des deux fours qui font deffous , où
l'on cuit du pain frais tous les jours ouvriers .
On trouve à main gauche en entrant une
Fontaine avec un gros robinet, pour tous les
ufages néceffaires ; cette eau paffe par la
Cuifine dans des tuyaux de plomb , & vient
de la grande Fontaine du haut Cloître .
On pétrit dans un petit cabinet placé entre
les deux fours , où regne une chaleur uniforme
, capable de faire pouffer la pâte au
point qu'on veut , & la farine dont on a
befoin y coule par une manche qui vient du
premier étage. Auffi le premier pain de cette
Maifon eft-il d'une blancheur , d'une légereté
& d'un goût admirables.
Le deffus ou premier étage eft deftiné à
contenir la farine néceffaire pour une fi
nombreufe famille. La longueur & la largeur
font égales au rez - de- chauffée , & la
voûte peut avoir fous clef 10 à 11 pieds
de hauteur. Elle eft fi bien confervée, qu'on
diroit qu'elle fort de la main de l'Ouvrier,
Enfin le fecond étage , entre la feconde
voûte & le couvert, qui peut avoir 10 pieds
de hauteur moyenne , eft un grenier bien
éclairé , où l'on tient le bled néceffaire pour
les Religieux feulement , ( car le bled pour
les Domeftiques & les aumônes , eft dans
d'autres greniers , àà ccôôttéé ddee llaa porte d'entrée
; ) celui qu'on veut porter au moulin ,
D iij
coule
710 MERCURE DE FRANCE.
coule par une manche de bois , qui perce
les deux voûtes .
L'efcalier à vis , par où l'on monte aux
étages, eft dans une tour ronde exterieure &
attenante , laquelle s'éleve encore plus de
3 toifes au-deffus du grenier , & peut être
appellée un Belvedere.
La Cave du Pape , qu'on appelle encore
aujourd'hui de ce nom , pour la diftinguer
de deux autres , qui font dans la Chartreuse,
eft une piéce qui doit avoir coûté des fommes
confidérables. C'eft une excavation faite
dans le Rocher , de 7 toifes de long , fur
3 & demie de large , & 5 toifes de profondeur.
Il y a deux caves l'une fur l'autre , 3
voûtes & un jardin au - deffus .
Entre la plus baffe & la moyenne voûte ,
eft la cave fupérieure , où l'on entre par une
porte du côté du Nord , au moyen d'un glacis
de 4 à 5 pieds de pente . Il y a dans cette
cave fupérieure quatre rangs de tonneaux ,
où le vin fe conferve auffi long-tems qu'on
veut.
De- là , par un efcalier placé dans un coin,
on defcend à la cave baffe, dont voici la conftruction.
La voûte a 9 pieds de hauteur fous
clef ; elle eft foutenue au milieu par quatre
arceaux alligués , du Midi au Septentrion ,
te qui partage cette cave en deux portions
égales. De ces quatre arceaux , les deux extrêmes
AVRIL. 1744. 711
trêmes fervent de paffage pour faire le tour
de la cave , & les deux du milieu couvrent
chacun deux grands tonneaux. Il n'y a dans
chaque moitié de cette cave qu'un rang de
tonneaux à découvert , mais ils font d'une
groffeur extraordinaire pour le Pays , puifqu'ils
contiennent 35 à 40 Barals piéces
le Baral eft compofé de 48 Pichets , & le
Pichet pefe 3 livres , poids de Montpellier.
Tous ces tonneaux font cerclés de fer en fix
endroits , & on ne les ôte jamais de place.
Un homme peut entrer dedans par le moyen
d'une porte quarrée , faite exprès , dont les
extrêmités font maftiquées avec de la chaux
vive & du fang de Boeuf.
Outre les deux rangs de grands tonneaux ,
& les quatre qui font fous les arceaux ,
il y
en a encore to , placés dans des niches de
7 à 8 pieds de profondeur , creufés dans le
Roc , au- deffous des vouffoirs , 5 de chaque
côté, ce qui fait 5 rangs de gros tonneaux
fous une voûte qui n'a que trois toifes
& demie de large .
Le fond de la cave étant tout Rocher , on
a fait un petit canal en pente tout autour ,
lequel vient aboutir à un grand creux , capable
de contenir tout le vin d'un tonneau ,
enforte que de tout celui qui pourroit fe
répandre , tant en haut qu'en bas , il ne s'en
perdroit pas une goute , & ferviroit toujours
pour brûler. Diiij
Cette
712 MERCURE DE FRANCE.
Cette cave baffe étoit fi humide autrefois
qu'on ne pouvoit pas s'en fervir ; tout y
pourriffoit en très-peu de tems ; mais depuis
qu'on y a fait deux lucarnes fort longues &
inclinées , qui prennent jour du côté du
Nord , elle eft auffi feche qu'on peut le defirer.
Les lucarnes font vitrées , & le Frere
qui eft chargé de ce foin , donne toute fon
attention à ne les ouvrir qu'à propos. Il a
remarqué , par exemple , qu'en les ouvrant
par un vent de Nord ou par un grand froid,
le maftic des tonneaux fe fendoit en pulfieurs
endroits , & lui donnoit bien de la
befogne ; c'eft pour cela qu'il n'ouvre les lucarnes
que pendant les jours fereins , ou par
le vent de Midi..
Les deux lucarnes dont je viens de parler,
n'auroient pû fecher cette cave que médiocrement
, fi l'on n'eût fait une autre ouverture
du côté du Midi en forme de puits , laquelle
aboutit dans le haut Cloître , fous un
pavillon fait exprès. Cette ouverture eft à
trois ufages , 1 ° . Elle donne paffage à l'air
qui entre par les lucarnes , 2 ° . Elle fert journellement
à tirer , par le moyen d'un tour ,
les brocs de vin néceffaires pour la Maiſon ,
& l'on abrége par là un fort long circuit ,
qu'il faudroit faire en paffant par la porte.
3 °. On y a conftruit un petit eſcalier tournant,
fans oeil , par où l'on peut monter, quand
on
AVRIL. 1744.
713
on veut. Cette cave baffe eft exceffivement
fraiche en été , & affés chaude en hyver ,
mais toujours très-feche , & le vin s'y conferveroit
dix ans.
Au-deffus de la troifiéme voûte , qui n'eft
féparée de la feconde que par 3 ou 4 pieds
d'intervalle, il y a plus de fix pieds de terre,
fervant de jardin à un Religieux , enforte
que cette troifiéme voûte n'a été faite probablement
que pour conferver la feconde ,
que le terrein & les pluyes auroient pû endommager.
L'entre-deux eft fermé actuellement
, mais on apperçoit fous la clef de
la moyenne voûte,un trou fraîchement bouché
de 18 pouces en quarré , par où l'on
voyoit autrefois l'efpace dont je parle.
Comme il n'y a point de cuve à la Cave
du Pape , on eft obligé d'y tranfporter le
vin qu'on tire des cuves près l'Ecurie. On
ne le porte que jufqu'à la cave fupérieure ,
& de-là , par le moyen de deux petits trous,
qu'on afaits à la voûte, & de certains tuyaux
de fer blanc , le vin paffe de lui -même dans
tous les tonneaux d'en bas.
Outre la Cave du Pape , il y en a deux
autres le long de l'allée , dont une qui eft
pleine de tonneaux à deux rangs , eft de 25
toifes de long , fur 3 de large. Elle eft voûtée,
& reçoit l'air d'un bout par la porte da
côté des Ecuries , & de l'autre par une
D v
fenetre
714 MERCURE DE FRANCE.
tre , qui perce au - devant de l'Eglife . A côté
de celle-là il en eft une autre , voûtée de
même , mais fi humide , qu'on n'y met abfolument
rien que des bouteilles .
M.
Après vous avoir entretenu & peut-être
ennuyé par un détail , où vous ne pouvez
prendre un grand intérêt , permettez ,
que je vous faffe part d'une invention toute
récente , qui pourroit tourner à l'avantage
du Public.
2
Je vous ai dit dans ma premiere Lettre que
le R. P. Dom Michelon , Prieur de la Chartreufe
, faifoit préparer une grande quantité
de carreaux , d'une pierre auffi dure que le
marbre , pour paver le Choeur des Freres ,
la Sacriftie , le Chapitre & le devant de
P'Eglife . Le Choeur des Freres eft déja fait ,
& le refte fuivra de près , mais les carreaux ,
après avoir été fciés , donnoient tant de
peine à polir fur le grès , qu'un homme n'en
faifoit ordinairement qu'un par jour. C'étoit
une dépenſe confidérable & un retard
qui auroit fait traîner l'ouvrage en longueur ,
quand un Donné de la Maiſon , nommé Frere
Joachim , a trouvé le fecret de faire en un
quart d'heure , avec un cheval , ce qu'un
homme ne faifoit que dans un jour. Il eft
vrai que la Machine étoit prefque toute faite
, mais on n'avoit pas fongé à l'appliquer à
cette forte d'ouvrage. Le Moulin à huile ,
qui
AVRIL. 1744. TIS
qui eft dans la Maifon , a fait naître cette
idée , & fert actuellement à l'exécuter.
1
. Cette Machine confifte en une grande
rouë horizontale , qui porte 120 fufeaux
dans fa circonférence , en une lanterne de
27 dents ou fufeaux , dont l'arbre entraîne
la meule , & une roue moyenne de 60
dents , qui engraine dans l'une & dans l'autre ,
enforte que quand la grande rouë & le cheval
qui tourne deffous , ont fait un tour , la
meule a fait quatre tours & la cinquième
partie d'un autre. Voilà l'abregé de la Machine
qui étoit faite pour l'huile , & en
voici le changement.
la
On a ôté la meule de fa place ; on a garni
coupe d'une affife de pierres de grès , bien
unies & bien affemblées. Enfuite on a fait
un fort chaffis qui traverfe la coupe diamétralement
, & qui eft fixé folidement fur
l'arbre de la lanterne , à environ un pouce
au-deffus de l'affife de grès ; les carreaux
qu'on veut polir, ont 16 pouces en quarré,
& deux ou trois pouces d'épaiffeur. On en
met deux à la fois dans les deux parties oppofées
du chaffis , & le cheval faifant tournet
la Machine, les deux carreaux font tra
nés fur la coupe de grès avec vne vîteffe
quadruple de la marche du cheval. On y
jette de l'eau de tems en tems , avec un peu
de fable ; on les tourne deux ou trois fois
D vj
en
716 MERCURE DE FRANCE.
en differens fens , pour qu'ils fe poliffent
également de tous côtés , & dans une demie
heure , ou trois quarts d'heure au plus ,
les deux carreaux font fuffifamment polis.
A A , Grande rouë horisontale , qui porte
120 fufeaux ; le cheval eft deffous ,
attaché à une forte barre qui traverſe
l'arbre.
BB, Roue Б , moyenne de 60 dents.
CC, Petite rouë , ou lanterne , qui porte
27 fufeaux.C'eft contre l'arbre de cette
lanterne , qu'eft appuyée la meule à
écrafer les Olives , & c'eft contre le
même arbre qu'on a arrêté le chaffis
E E , après en avoir ôté la meule.
DDD , Circonférence de la coupe . C'est un
affemblage de pierres de taille bien
ajuftées & bien unies , où l'on met
les Olives pour être écrasées & réduites
en pâte. C'eft fur cette coupe
qu'on a mis une affife de pierre de
grès pour fervir à polir les carreaux .
E E , Chaffis qu'on a fixé fur l'arbre de la
lanterne , à un pouce au-deffus de la
coupe .
"
12 , Sont les deux endroits oppofés du
chaffis où l'on met les carreaux qu'on
veut polir. Les carreaux ont un peu de
jeu entre les bois du chaffis , afin qu'ils
foient traînés & non pas foutenus .
PLAN
A VRIL.
717 1744.
PLAN géométral de la Machine à polir
les Carreaux de Marbre.
E
D
D.....
B
24 E
Je
718 MERCURE DE FRANCE.
Je compte , M. qu'une pareille Machine
pourroit avoir fes avantages , furtout dans
les endroits ou l'eau & le vent pourroient
tenir lieu de cheval ; mais en tout cas la dépenfe
de ce cheval fera toujours bien moindre
que le profit de la prompte expédition.
Il feroit tems de finir ici ma lettre , mais
j'ai encore à vous parler de deux articles
qui pourront vous faire quelque plaiſir.
Il s'agit de Peinture , & ce fujet ne vous eſt
pas indifferent.
Le Frere Imbert , dont il eft parlé dans ma
premiere lettre , a fait en differens tems des
Eléves qui lui font honneur. Il en a un actuellement
dans la Maifon , nommé Frere
Benoit Borrely , natif d'Avignon , dont les
difpofitions pour la Peinture donnent de
grandes efpérances. Il s'eft furtout appliqué
au Paftel , & femble devoir porter un jour
ce genre de Peinture à fa perfection . Je ne
vous parlerai point de deux Païfages & d'une
Magdeleine , qui font eftimés ; beaucoup
d'autres perfonnes en ont fait avant lui
mais ce que je ne crois pas qu'on aye encore
vû , ce font deux Marines de 2 pieds 9
pouces de large , fur 18 pouces de hauqui
peuvent paffer pour des chefs
d'oeuvre , ce qui paroît furtout bien difficile
, c'eft une quantité de petites figures huteur
,
maines
A V RIL. 719 1744.
maines , occupées à differentes manoeuvres ,
dont la plupart n'ont pas fix lignes de hauteur.
Le fond eft parfaitement beau ; le
lointain eft exprimé avec la derniere fineſſe ;
on y voit des Tours , des Citadelles , & les
nuances y font auffi bien ménagées qu'on
pourroit le faire à l'huile. Tous les Connoiffeurs
avoient que ces deuxMarines font parfaites
, foit pour la vivacité & la force des
couleurs , foitpour la petiteffe des figures ,
foit pour la fraîcheur de tout l'Ouvrage.
J'ai fçû de bonne part que deux Peintres de
l'Académie de Paris , qui pafferent il y a un
an par Villeneuve , en allant à Rome , regarderent
ces deux Marines comme quelque
chofe de rare & d'exquis .
Voilà , M. le premier des deux articles.
dont j'avois à vous parler ; je n'entreprends
le fecond qu'en tremblant , parce que je
fens bien qu'il m'eft impoffible de bien exprimer
ce que j'ai vû , mais la chofe eſt ſi
belle par elle- même & fi généralement
applaudie , que vous feriez en droit de me
reprocher mon filence , fi vous l'appreniez
un jour par un autre canal .
"
C'eft un Tableau fans bordure, qu'on voit
dans le Cabinet du Frere Imbert , où toutes
les perfonnes du métier fe trompent pour
quelque chofe, les uns plus les autres moins,
Ce Tableau , qu'on affûre avoir été fait pour
pré720
MERCURE DE FRANCE.
préfenter à Louis XIV , & qui refta entre
les mains d'un Peintre d'Avignon , par la
mort funefte de fon Auteur , qui tomba d'un
échaffaut dans l'Eglife de S. Pierre de la même
Ville , fut acheté par les Chartreux il y a
environ 46 ans , & ils le confervent , avec
raiſon , comme un Ouvrage inimitable & fans
prix.
Ce Tableau , qui ne femble pas en être
un , repréſente un chevalet de Peintre avec
tout l'attirail de la profeffion . Il a 5 pieds
de hauteur , 3 pieds de largeur en bas , &
le haut finit prefqu'en pointe , comme c'eft
l'ordinaire des chevalets. On voit en haut
un deffein à la fanguine , de 22 pouces de
large fur 14 pouces de hauteur fans les marges
, repréfentant l'Empire de Flore d'après
le Pouffin. Le Deffein paroît volant , & ne
tient en haut que par la pointe d'un canif à
manche rouge. Ce Deffein , qui femble avoir
été plié par le milieu , froiffé en quelques
endroits , & même un peu déchiré par le
bas , s'applique fi inal en apparence fur le
chevalet , que prefque tous les fpectateurs
y portent la main , pour n'être pas féduits.
Cependant ce Deffein eft peint à l'huile fur
toile. Je dois encore vous faire obferver
qu'une partie de ce Deffein déborde le chevalet
des deux côtés , étant foutenue derriere
par un traverfier , ce qui fait encore
plus d'illuſion . AuAVRIL.
1744. 721
Au-deffous du Deffein , qui femble être
l'Original , on voit la copie peinte à l'huile ,
mais ne paroiffant qu'ébauchée , comme un
Ouvrage qui n'eft pas encore terminé. A
main gauche de cette Copie & au-deffous
du Deffein , on voit un cayer de Marine ,
acroché par le dos . Il eft fans couverture &
pend négligemment. La feiiille qui fe voit
repréfente un Moulin à vent & d'autres chofes
, imitant fi-bien la gravûre qu'il n'eft
perfonne qui ne s'y trompe.
Au-deffous de la Copie , on voit le bord
d'une petite tablette de bois , foutenuë par
deux chevilles aux deux extrémités , laquelle
femble fortir de deux pouces & fou,
tenir le chaffis de la Copie. Sur la même tablette,
on voit étendus fept à huit pinceaux,
les uns fur les autres , avec un couteau , fibien
imités , qu'on les croit réels , ainfi que
la tablette , jufqu'à ce que la main faffe convenir
du contraire .
A la cheville du côté gauche eft penduë
la Palette par le trou du pouce. Sur les petits
tas des differentes couleurs , on diftingue
les petites pointes que le pinceau fait
en prenant la couleur , & cela d'une maniere
fi naturelle , qu'après même qu'on eft
averti , on eft tenté de paffer la main deffus ,
pour fentir fi rien ne releve .
On voit à main droite , fur la tablette , un
petit
722 MERCURE DE FRANCE.
petit Tableau de Teniers , avec fa bordure ,
repréfentant un fumeur. Ce petit Tableau
femble fi-bien détaché du refte , & fi enfumé
, que bien des perfonnes effayent de le
prendre,, pour mieux diftinguer le fujet.
L'efpace au-deffous de la tablette juſqu'à
terre , eft occupé par un Tableau tourné ,
dont on ne voit que le chaffis & la toile.
Le chaffis eft de fapin ; les veines du bois
font parfaitement diftinetes & colorées d'après
nature ; il y a un traverfier du haut en
bas qui paroît cloué fur le chaffis , & les
clous , tout petits qu'ils font , ont fait éclater
le bois. La toile du Tableau paroît une
groffe toile d'Italie , approchante du canevas.
On diftingue les fils , on connoît par
la couleur de la toile , que le Tableau doit
être peint à l'huile ; ce qui le fait encore
mieux juger , eft une pièce de la même toile
, grande comme la paume de la main ,
qui paroît collée fur l'autre comme pour
boucher un trou ; fa couleur grife qui la
fait paroître neuve , en comparaifon de
l'autre , donne à connoître qu'elle a été mife
long-tems après. Au refte , il ne faudroit
pas croire que la toile qu'on voit fût la même
fur laquelle on a peint tout l'Ouvrage ,
car la toile apparente eft fort groffiere , & la
véritable eft fort fine , comme on le voit en
regardant le chevalet par derriere.
Entre
A VRI L. 1744. 723
Entre le traverfier & la toile du Tableau
tourné , cft une petite Eftampe de Perrelle
en Païlage , imitant la gravûre , auffi parfaitement
qu'il fe puiffe. Elle eft placée un peu
obliquement & fi négligemment , que jamais
perfonne , fans être averti , n'a pû s'imaginer
que ce foit une Peinture à l'huile.
Enfin , à deux pouces de diftance du chaffis
, dont je viens de parler , à main gauche &
à terre , on voit un des pieds du chevalet f
reffemblant au bois , & percé en apparence
de trois trous , fi bien imités , que tout le
monde s'y trompe. On n'a qu'à dire à la perfonne
que ces trous font plus petits qu'ils
ne paroiffent , & que le bout du doigt n'y
peut pas entrer ; c'en eft affés pour qu'elle
Le baiffe & qu'elle en faffe l'épreuve.
Voilà , M. un très-beau morceau de Peinture
, qui perd toute fa grace par l'expofi
tion que j'ai tâché de vous en faire. Il faudroit
le voir pour en juger. La meilleure
idée que je puiffe vous en donner , eft de
dire que tout le monde s'y trompe , les Peintres
comme les autres.
L'Auteur étoit Italien , & s'appelloit Antoine
Fort -Bras. Il a mis les lettres initiales
de fon nom au bas de la feuille de Marine ,
qui paroît à découvert , de cette forte.
A. F. B. pinxit , A. 1686 .
Je ne crois pas M. R. P. qu'on puiffe rien
१
exi724
MERCURE DE FRANCE.
exiger de plus , ni de mieux , du zéle & de
la fagacité de M. l'Abbé Soumille , an fujet
de la Chartreufe de Villeneuve , fi ce n'eft ,
peut-être , de voir dans les Archives de cette
Maifon , ce qui peut s'y trouver d'Hiftorique
, & d'inftructif , par rapport à la fondation
de la Chartreufe de Marfeille . Celleci
fera toute la matiere de ma premiere lettre
, & peut-être d'une feconde , fi le ſujet
le demande. En attendant , & par anticipa
tion , permettez-moi de finir par une nouvelleTraduction
de l'EpigrammeLatine : Non
lufit pictura manum , & c. faite fur le S. Bruno
du fameux Puget , qui eft imprimée dans
le Mercure d'Avril 1743 , fuivie d'une Traduction
qui a été univerfellement goûtée ,
Traduction que M. F. n'avoit pas vûë , &
qui l'auroit abfolument empêché de travailler
fur le même fujet , à ce qu'il m'a écrit depuis.
Voici cependant ſa Traduction , qui
n'eft pas fans mérite .
SUR le S. Bruno , de la Chartreuse de
Marfeille.
Il n'emprupte point fes attraits L
De la féduifante Peinture .
Il eft vivant , & tous fes traits
Sont l'Ouvrage de la Nature.
Oui, fans doute , il refpire , il voit réellement.
Si
AVRIL 1744. 725
Si fon
C'eft
corps , fi fes
que par
yeux n'ont aucun mouvement
modeftie il fe fait violence ;
On l'entendroit même parler ,
S'il craignoit moins de violer
L'étroite régle du filence.
Par M, Frigot,
Je fuis , M. R. P. avec beaucoup d'atta
chement & de refpect , votre , &c.
A Paris , le 21 Mars 1744.
LA COMETE.
ALLEGORIE.
UNE Etoile paroit , fous le nom de Cométe ;
Ses rayons en gerbe elle jette ;
On en jaze dans tout Paris ,
Et chacun quitte fon logis ,
Pour regarder ce Phénomene.
de peine !
Mortels , que vous prenez
Confiderez la Lune & le Soleil ,
Vous ne verrez jamais rien de pareil.
La Nouveauté , furtout en France ,
Sur
726 MERCURE DE FRANCE
Sur l'homme a beaucoup de puiffance .
On s'empreffe fouvent , pour admirer un rien ,
Une Brochure , une Piéce nouvelle ,
Avortons infenfés d'une creufe cervelle ,
De qui quelque fou dit du bien ,
Et l'on néglige la Fontaine ,
Boileau , la Bruyere , Chaulieu ,
Et trois Enfans de Melpomene ,
Dont le moindre eft un demi-Dieu.
OM ME rien de ce qui concerne les.
CoArts n'eft indifferent aux vrais Curieux
, nous avons crû devoir inferer ici
une lettre d'un Horloger de Paris , qui
nous eft tombée entre les mains , & qui
contient des faits intéreffans par rapport à
notre Horlogerie , dont l'Hiftoite devient
parmi nous un objet. important.
LETTRE de M, Pierre- le - Roy , Horloger
de la Société des Arts , à M.... Membre
de la même Société.
MONSIEUR,
f 1
LE Mémoire que j'ai eu l'honneur de
préAVRIL.
727
1744.
préfenter à l'Académie des Sciences , à l'occafion
de la Montre à répétition de Mylord.
dont le travail vous a plû, D....
a eu tout l'effet que je pouvois défirer.
Vous fçavez que les changemens pratiqués
dans cette Montre ont pour objet , 1º
D'en augmenter la jufteffe , & de rendre
cette jufteffe durable , autant qu'il eft poffible,
2 °. De rendre toutes les parties de la
Montre moins fujettes à l'ufure.
Avant que de rien entreprendre fur cette
matiere , j'ai remarqué que les changemens
qui arrivent indifpenfablement dans les
frotemens des roues & des autres parties
qui compofent les Montres ordinaires , font
les principales cauſes de leur irrégularité ;
parce que ces frotemens , qui ôtent toujours
une partie confidérable des forces mouvantcs
, venant à changer , changent néceffairement
les forces reftantes , & alterent parconféquent
la jufteffe de la Montre. Car ces
forces reftantes, ou plûtôt les forces , que le
mouvement tranfmet à la roue de rencontre,
changeant de quantité cette roüe, accelerent
plus ou moins les vibrations du Balancier
Laivant que fes forces font augmentées ou
diminuées , ce qui fait avancer ou retarder
la Montre. C'eft pourquoi on ne doit rien
négliger pour rendre les frotemens auffi
conftans, qu'il eft poffible, & le moyen d'y
par28
MERCURE DE FRANCE.
parvenir , eft de les réduire à la plus petite
quantité ,, ppaarrccee que leur changement eft
toujours fuivant le rapport de cette quantité.
eſt
L'ufure qui fe fait dans les Montres , eſt
encore une autre caufe de leur irrégularité ,
auffi grande que la premiere , car non-feulement
elle change les forces reftantes , mais
elle change auffi la fonction des roües & des
autres parties qui les compofent.
Pour remédier , autant qu'il eft poffible, à
ces caufes principales d'irrégularité , il eſt
néceffaire :
1. D'empêcher le plus qu'on peut , que
le changement des forces reftantes ne communique
fon irrégularité aux vibrations du
Balancier. 2 °. De mettre les parties , dont
l'ufure peut déranger la juſteſſe , à l'abri de
cette ufure , & de rendre leur frotement le
plus conftant qu'il eft poffible.
Suivant ces principes , les principaux
changemens que j'ai faits dans la Montre en
queftion , font dans l'échapement , & c'eſt
de lui que dépend prefque toute fa juſtelle.
Pour juger du fuccès de ces changemens,
il faut examiner d'abord quelle eft la
détermination propre du mouvement du Balancier
, c'est-à-dire , du mouvement qu'il
doit conferver , étant dégagé de la rouë de
renA
V RIL. 1744. 729
rencontre , & du reffort fpiral . Il faut confiderer
auffi quelle eft la détermination de
ce reffort dégagé réciproquement du Balancier
, & enfin lorfqu'ils font réunis enfemble
, ce qui doit réfulter dans les vibrations
du mêlange de leur action.
Pour cet effet , fuppofons un Balancier
dans le vuide fans frotement fur fes pivots,&
fans aucun obftacle à fon mouvement.Si l'on
fait tourner le Balancier , par la Loi générale
des corps mûs horisontalement , il confervera
la même viteffe qui lui aura été imprimée
, c'eſt-à- dire , une viteffe uniforme , &
parconféquent les differens efpaces qu'il
parcourera
feront comme les tems employés
à les parcourir , ou , ce qui eft la même
chofe , dans des tems égaux il parcourera
des efpaces égaux.
,
Ainfi comme le Balancier d'une Montre
eft déterminé par fon mouvement , propre à
rendre les tems des vibrations égaux à leur
grandeur , cette montre avanceroit , & retarderoit
, fuivant que les vibrations diminueroient
ou augmenteroient leur grandeur
, fi l'action du reffort fpiral , & l'acceleration
de la roue de rencontre ne détruifoient
point l'uniformité de fon mouvement.
Le reffort fpiral eft déterminé, par fon
mouvement propre , comme tous les autres
refforts,à faire fes vibrations petites & gran-
E des
' 730 MERCURE DE FRANCE.
des dans des tems égaux , ce qui fe prouve
par le ton égal & conftant des cordes d'inf
trument. Il pourroit donc parconféquent
rendre une Montre parfaitement réguliére ,
en l'appliquant fimplement à la Verge de
fon Balancier , c'eſt-à- dire , à une Verge dont
on auroit ôté le Balancier , fi ce reffort pouvoit
acquérir affés de mouvement pour n'être
pas fenfible à tous les changemens d'acceleration
de la roue de rencontre , & au
changement de refiftance du frotement des
pivots de cette Verge.
Si l'on confidere maintenant le Balancier :
& le reffort fpiral , réunis enſemble fans lat
roue de rencontre , il eft aifé de voir l'effer
que doit produire le mélange de leurs differentes
actions fur les vibrations.
Le Balancier & le reffort fpiral exercent
leur puiffance alternativement l'un fur l'autre
, pour le communiquer leur mouvement,
Le Balancier exerce d'abord la fienne fur le :
fpiral , pour lui communiquer toute l'uniformité
de fon mouvement , & parconféquent
l'irrégularité des tems de fes vibrations.
Le reffort fpiral exerce à ſon tour ſa
puiffance fur le Balancier , pour en corriger
l'inégalité en accelerant ſes vibrations , mais
la puiffance du Balancier étant confidérable
, cette acceleration du reffort fpiral n'eſt
rendre les tems des granfuffifante
pour pas
des
AVRIL. 1744. 731-
des vibrations égaux à ceux des petites ; elle
ne peut corriger leur inégalité , que comme
la puiffance de ce reffort eft à celle du Ba-,
lancier.
Il faut donc chercher une rouë de rencontre
, qui puiffe donner , par
, par le moyen d'un
échapement quelconque , le refte d'acceleration
qui manque aux vibrations , pour en
rendre les tems égaux.
La roue de rencontre ordinaire n'eft point
propre à cette opération , parce qu'elle s'oppofe
à la grandeur des vibrations du Balancier
, & le maîtriſe fi fort par cette oppofition
, qu'elle communique à fes vibrations
toutes les inégalités des forces qui lui font
tranfmifes par le mouvement de la Montre.
Car lorfque la force de cette roue augmen-,
te , ou , ce qui eft la même chofe, lorfqu'elle
accelere davantage les vibrations , au lieu
de les laiffer accroître dans le rapport de
cette acceleration , elle s'oppofe encore avec,
plus de force à leur accroiffement , qu'elle
ne les accelere. De-là vient que les Montres ,
ordinaires avancent & retardent , fuivant ,
que la force de leur mouvement augmente
ou diminuë.
Cette oppofition de la roue de rencontre
à la grandeur des vibrations du Balancier ,
eft caufe que les dents des roües , leurs pivots
, & les trous de ces pivots s'ufent da-
E ij vantage
732 MERCURE DE FRANCE.
vantage , parce que le Balancier à chaque
vibration force la roue de rencontre à reculer
, lorfqu'elle s'oppose à la grandeur de
fes vibrations , & parconféquent oblige
aufli toutes les autres roues à reculer , à proportion
de leurs révolutions or ce recul
imprime trop de mouvement aux roües ,
De plus , la preffion confidérable des aîles
des pignons fur les dents des roües , pour
les obliger à reculer , & l'augmentation de
la charge que reçoivent les pivots par cette
preffion ,, augmentent beaucoup le frotement
, & ces caufes fuffisent pour produire
beaucoup d'ufure .
La Montre en queſtion au contraire , eſt
exempte de ces défauts , par la conftruction
de l'échapement qui eft à repos. Car la roue
de rencontre après avoir acceleré les vibra→
tions du Balancier , n'eft point forcée de reculer
, & ne s'oppofe point à leur grandeur.
Elle les laiffe accroître librement , à la
réfiſtance près du petit frotement des pivots
du Balancier , & de celui de la roue de rencontre
, fur le repos de l'échapement. Cette
roiie ne s'oppofant point à la grandeur des
vibrations on peut en rendre les tems
égaux. Il ne s'agit pour cela , que de réduire
la puiffance du Balancier en telle forte , que
celle du reffort fpiral , & celle de la roue de
rencontre puiffent l'accelerer au point , que
>
A VRIL 1744 733
1
les grandes vibrations foient renduës ifochrones
aux petites .
Pour donner une idée de la diminution
de l'ufure dans la Montre en queſtion , il
faut diftinguer dans une Montre l'arc de
vibration qui eft ordinairement de 180 degrés
dans les Montres bien faites , de l'arc
d'échapement , c'est-à- dire , de l'arc que la
dent de la roue de rencontre fait parcourir
au Balancier , pour échaper de la palette ;
cet arc eft d'environ 45 degrés , & il divife
l'arc de vibration en deux parties égales ,
parconféquent l'excès du branle du Balancier
, au-deffus de cet arc , eft de chaque
côté de 67 degrés & demi ou environ
tellement qu'on peut fuppofer l'arc de vibration
compofé de trois arcs , fçavoir de
deux arcs de 67 degrés & demi chacun
& de l'arc d'échapement qui eft, comme j'ai
dit , de 45 degrés , le tout enfemble faifant
la fomme des 180 degrés , compris ordinaiment
dans l'arc de vibration . Voyons maintenant
le mouvement que la roue de rencontre
eft obligée de faire à chaque vibration.
Suppofons pour cet effet , que le Balancier
commence la première vibration à l'extrémité
de l'arc à droite , allant ainſi de la
droite à la gauche , la roue de rencontre le
pourſuivra dans toute l'étendue du premier
E iij
arc
734 MERCURE DE FRANCE.
arc ,
qui eft de 67 degrés & demi , &
dans tout l'arc d'échapement qui eft de 45
degrés , aprés quoi la dent de cette roüe venant
à échaper de la palette , le Balancier
fera retrograder cette même rouë , pendant
qu'il parcourera le dernier arc , où les 67
degrés & demi , qu'il faut pour achever
l'arc de vibration.
Or dans la Montre en queſtion , la roue
de rencontre n'agit point dans toute l'étenduë
de l'arc de 180 degrés , qui eft l'arc de
vibration , mais feulement dans l'arc d'échapement
, qui n'eſt
que d'environ 45 degrés.
Ainfi la diminution de l'ufure eft,comme
45 eft à 180 , fans compter qu'elle eſt
encore exempte de l'ufure , caufée par le
recul , que la roue de rencontre eft obligée
de faire dans les échapemens ordinaires.
à
x
Cette grande diminution d'ufure eft un
avantage confidérable , que , que les échapemens
repos ont fur ceux à roues de rencontre
car la fource principale de la régularité &
de la durée des Montres , vient de l'état
conftant de toutes les parties qui les compofent.
Quant à la quadrature de cette répétition
, je l'ai conſtruite, de façon qu'elle n'occupe
que les deux tiers de la hauteur de
celle des répétitions ordinaires ; j'ai donné
au rouage cette hauteur de plus , que j'ai '
reAVRIL.
739 1744.
retranchée de cette quadrature , au moyen
dequoi la roue de rencontre eft plus grande,
& parconféquent l'échapement meilleur, &
le grand barillet plus haut. De plus , cette
conftruction donne la facilité de démonter
le roüage , fans rien démonter de la quadrature
.
Je vous laiffe appliquer , M. à la Montre
que vous connoiffez , l'utilité de ces principes
, qui me paroît bien juſtifiée , tant par
le témoignage de l'Académie, que par le fuccès
de l'éxécution.
Extrait des Regiftres de l'Académie Royale
>>
des Sciences ,
M
du
17 Mars 1742.
>
R S Camus & de Fouchy , ayant été
nommés par l'Académie , pour exa-
» miner un Mémoire de M. Pierre- leRoy
Horloger , contenant la defcription de
» quelques changemens qu'il a faits à l'échapement
des Montres , pour parvenir à
» une plus grande régularité , & en ayant
» fait leur rapport , l'Académie a jugé que
» ce Mémoire étoit rempli de Remarques
» curieuſes & utiles , & que la maniere que
» l'Auteur y propoſe , & qu'il a déja miſe
» en pratique , pour perfectionner l'échapement
à repos , & les répétitions, étoit d'au-
» tant meilleure , qu'elle pouvoit être aiſé-
E iiij » ment
736 MERCURE DE FRANCE.
ور
» ment confirmée par l'expérience. En foi
dequoi j'ai figné le préfent Certificat. A
» Paris , le 18 Mars 1742. Signé , d'Or
>> tous de Mayran , Sécretaire perpétuel de
» l'Académie Royale des Sciences.
Permettez-moi de joindre à ce Certificat ,
une lettre de M. de *** . Vous fçavez qu'il
a expérimenté une Montre faite dans les
principes de mon échapement. Voici ce qu'il
m'écrit à cette occafion .
» Vous me demandez M. que je vous
» marque mon fentiment fur la Montre que
» je vous renvoye . Je vais tâcher de vous
»fatisfaire, & cela d'autant plus volontiers,
» que je n'ai affûrément que du bien à vous
en dire. Depuis quatre mois & demi , que
je l'ai entre les mains , je n'ai pû y remarquer
aucune inégalité , fenfible pour une
» Montre . Souvent après des femaines en-
» tieres de mauvais tems , je l'ai retrouvée
» dans la même minute avec le Soleil , & le
ود
»
و ر
plus grand dérangement que j'y aye ob.
»fervé , a été d'une minute ou deux en qua-
» tre ou cinq jours. Encore ce dérangement
» a- t'il toujours été dans le fens du retard ,
»auquel la Montre paroiffoit incliner. Ainſi
» je ne doute nullement que l'échapement
» que vous y avez employé , & fur lequel
» l'Académie a porté un jugement favora-
ور
ble ,
AVRIL. 1744. 737
» ble , ne procure à cette Montre une régu-
» larité auffi conftante qu'il eft permis de
» l'attendre d'une pièce d'Horlogerie.
Je fuis , &c. Le 8 Décembre 1742.
Voilà , comme vous voyez , une expérience
qui confirme celle de Mylord D.
***. Je vais en ajouter une , qui a précédé
ces deux dernieres .
A la fin de Novembre 1737 , je reçus
une lettre de M. de Villeneuve , Graveur du
Roi de Portugal & de l'Académie de Lisbonne.
Il me marquoit , qu'ayant eu une
difpute au fujet de l'Horlogerie avec des
Anglois , qui prétendoient qu'il n'y avoit
qu'à Londres où l'on fit de bonnes Montres
, & conféquemment que leurs Horlogers
étoient fort fupérieurs aux nôtres , piqué
de la mauvaife opinion qu'ils avoient
de notre Horlogerie , il avoit parié cent
monnoyes d'or, valant mille écus de France ,
qu'il fe faifoit d'auffi bonnes Montres à Paris.
Il ajoutoit que le pari ayant été accepté
par les Anglois , on étoit convenu fur le.
champ d'en faire faire de part & d'autre ,
aux conditions que celui qui fe trouveroit
avoir la meilleure Montre , gagneroit celle
de fon adverfaire , & les cent monnoyes
d'or qui furent dépofées ; que fes parieurs
en conféquence avoient écrit à Londres ,
Ev pour
738 MERCURE DE FRANCE.
pour faire faire une Montre , & qu'il s'a
dreffoit à moi pour lui en faire une de ma
main à boëte d'argent , la meilleure qu'il
me feroit poffible , marquant feulement les
heures & les minutes , fans répétition &
fans ornement ,parce que dans leur gageure,
il n'étoit queftion que de la jufteffe , qui eft
le plus grand objet de l'Horlogerie , & de
la perfection du travail. Le zéle de ce célébre
Graveur , pour l'honneur de la Nation ,
excita le mien, & je regardai fa gageure com
me mon affaire propre. Dans la Réponse que
je lui fis , après avoir loué ce coeur François ,
fi fenfible aux intérêts de fa Patrie , & l'avoir
remercié pour mon compte de l'honneur
d'un choix qui me flatoit beaucoup , je lui
mandai que je me regardois comme de moitié
dans cette affaire , & que pour répondre
à fa confiance , avant que de faire la Montre
en queſtion , j'avois deffein d'en faire un
modéle , fur lequel je puffe rectifier mes
idées , afin de n'y laiffer , s'il étoit poffible ,
aucun défaut , furtout dans le travail particulier
que je comptois faire pour augmenter
la jufteffe de cette Montre . J'ajoutois
que comme fes adverfaires ne manqueroient
pas de s'adreffer à M. Graham , dont tous
les Horlogers de l'Europe reconnoiffent le
fçavoir & l'habilité , fans me flater de l'emporter
fur lui , je comptois qu'au moins l'émulation
AVRIL. 1744. 739
mulation me feroit faire de nouveaux efforts
, qui tourneroient à l'avantage de notre
Horlogerie ; qu'au furplus , ce qui me
donnoit la hardieffe d'entrer en lice avec
un fi grand homme , étoit la confiance que
j'avois dans un échapement de mon invention
, dont le modéle avoit été préſenté à
l'Académie des Sciences , & dont l'exécu
tion me promettoit une plus grande régularité
dans les Montres; que j'employerois cet
échapement dans la fienne , & qu'enfin je
ne négligerois rien de tout ce qui dépendoit
de moi , pour rendre du moins la Balance
égale , fi je ne pouvois la faire pancher
en fa faveur.
En conféquence de cet engagement , je
me mis à travailler à fa Montre , avec toute
l'application poffible , & j'y pratiquai tous
les changemens que je crus pouvoir concourir
à fa jufteffe & à fa durée. Elle fut faite
au commencement de Mars 1739 , & je
l'envoyai le mois fuivant. J'y joignis peu de
tems après un Mémoire , contenant une explication
Phyfique & Méchanique de mon
travail. Au mois d'Octobre de la même année
, M. Morin , Contrôleur du Greffe du
Châtelet de Paris , frere de M. de Villeneuve
, me communiqua une lettre , où il
lui marquoit la décifion de la gageure, conçûë
expreffément en ces termes : » J'ai re-
E vj » çû ,
740 MERCURE DE FRANCE.
.99
ور
çû , mon frere , la Differtation Phyfique
» & Méchanique de M. le Roy, qui eft arri-
» vée
trop tard pour me faire gagner mon
»pari . Car le tems qui s'eft écoulé fans l'a-
»voir , & la crainte que l'Anglois a peut-
»être euë de perdre , l'a engagé à précipi-
» ter la décifion qui a été favorable à tous
» les deux par les éloges & les applaudiffe-
» mens qui ont été donnés aux deux Ouvra-
»ges , en préſence du Prince du Brefil ;
»ainfi les fommes dépofées ayant été ren-
» duës à l'un & à l'autre , les deux Montres
» ont été jugées également parfaites en leur
» genre..
Cet incident a donné lieu au même Prince
du Brefil , de faire examiner en mêmetems
une répétition qu'il a de M. Julien- le-
Roy , & qu'on a généralement applaudic.
Ce n'étoit pas la premiere fois que je m'étois
éprouvé contre les Anglois , & toutes
les circonftances qui peuvent contribuer à
la gloire de la Nation , me font trop précieufes
pour diffimuler un autre événement,
que je me garderois bien de vous rappor
ter , s'il n'avoit intéreflé que moi.
En 1719 , un célébre Horloger de Paris
me fit l'honneur de m'écrire à Tours , Lieu
de ma naiffance , où j'étois alors , qu'on venoit
d'établir à Versailles une Manufacture
d'Horlogerie , protegée par M. Law , & que.
les Directeurs , en préſentant au Roi & à
M.
AVRIL. 1744. 741
M. le Duc d'Orleans , les prémices de
cette Manufacture , qui confiftoient en une
petite Montre d'or pour le Roi , & une Répétition
à quarts & demi - quarts pour M. le
Régent , avoient eu foin d'exagerer la fupériorité
de leurs Ouvrages fur ceux de France
, & qu'ils avoient porté la confiance juf
qu'à faire inférer dans le Mercure un Difcours
où ils s'efforçoient d'établir cette fupériorité
d'une maniere peu honorable
pour nous. Il ajoutoit qu'il étoit queſtion
de convaincre M. le Régent par nos propres
Ouvrages , que nous n'étions point inférieurs
aux Anglois ; qu'il me jugeoit capablè
de cette entreprife , qu'il me prioit en
conféquence de lui faire une Répétition à
quarts & demi- quarts fur les principes d'une
certaine Montre qu'il avoit vue de ma façon,
& qu'il ne la payeroit tout ce que je voudrois
, parce qu'il étoit réfolu de ne rien
épargner ,
, pour pouvoir oppofer aux Anglois
un Ouvrage capable de difputer le
prix au leur. Je crus devoir feconder le zéle
de ce bon Citoyen ; j'entrai dans fes vûës ,
& je travaillai fans relâche à faire la Répétition
qu'il me demandoit. Un Livre d'Horlogerie
qui a paru depuis , & qui rapporte
le fait , marque que cette même Montre
fut faite fous les yeux de ce célébre
Horloger mais la vérité eft qu'elle
fut faite à Tours , & qu'il n'y eut d'autre
>
part
742 MERCURE DE FRANCE.
part que le choix qu'il voulut bien faire de
moi , pour exécuter fon deffein , quoiqu'il
eut pû s'en difpenfer plus aifément qu'un
autre , s'il avoit eu le loifir comme moi. En
effet , s'il n'eut été queftion que de diriger
un Ouvrier , on fent bien qu'il n'en manquoit
pas à Paris. Enfin la Montre fut préfentée
à M. le Régent qui l'acheta , & nonfeulement
ce Prince nous rendit Juftice , en
lui marquant fa fatisfaction , mais elle produifit
encore par la fuite l'effet qu'on en
avoit attendu.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
EPITRE ,
A Mlle de G · • • pour Réponse
à
quelques lettres , par lesquelles elle preffe
l'Auteur de lui envoyer ſon Portrait.
S Eroit- il vrai que ma
figure
Pût vous intéreffer affés 2
Pour être le motif des défirs empreffés
Qui m'en demandent la peinture ?
Hé bien , je vais fans répliquer ,
Obéir & vous fatisfaire ,
Car pour rien , je ne veux rifquer ,
De
AVRIL. 1744. 743
De vous aigrir , & vous déplaire.
Na comptez pourtant pas qu'ici
Je m'avife d'entrer en lice ,
Pour chercher à faire une Efquiffe ,
Selon les régles de Vinci ;
L'entrepriſe pour moi feroit infoutenable ;
Il faut qu'avec trop d'art un Portrait foit traité ,
Et le mien , plus qu'un autre , à moins d'être flaté ,
Vous paroîtroit inſupportable ,
Au point que votre coeur en feroit révolté ;
Mais , vous n'y perdrez rien , & je vais , en re
vanche ,
Profiter de la Carte blanche ,
Pour vous montrer le beau côté ,
Et vous donner , fans m'en deffendre ,
Au lieu d'un Bufte de couleur ,
Ce que la toile ne peut rendre ,
J'entends les qualités & de l'ame , & du coeur ;.
Ces traits , mieux que ceux du vifage-
Caracterifent les mortels ,
Et ne fçauroient être l'Ouvrage ,
Ni des Pinceaux , ni des Paſtels.
Mes couleurs , il eft vrai , ne feront
pas fi vives
Que celies , nommément, qu'employent les Rigauds,.
Mais plus fimples & plus naïves ,
Elles exprimeront jufques à mes défauts.
Se glorifier , par exemple ,
D'être aux pieds de Venus , à fa fuite , à la Cour ,
Et
744 MERCURE DE FRANCE.
Et même jufques dans fon Temple ,
Raifonnable , Difcret , fans rufe & fans détour ,
C'eſt un crime de léze- Amour ,
Dont jamais fat , ni petit Maître
Ne fçut accorder de pardon.
Quelques efprits auffi fe récriéront peut- être,
Que la Rime eft un pauvre don ,
Plus dangereux , que néceffaire ,
Plus difficile , que brillant ,
Et que le mérite de plaire-
Peut feul ériger en talent ;
Mais , fort peu jaloux du fuffrage
Et du petit Maître , & du fat ,
Je laiffe à d'autres le débat ,
Et je reviens à mon image ;
J'efpere que fur fon Croquis ,
Vous ne pourrez me méconnoître ,
Et me retrouverez , finon tel que je fuis ,
Du moins tel que je voudrois être .
Me voici donc , tant bien
Un caractere affés égal ,
que
mal ;
Un naturel uni , fimple , doux & paisible ,
Un coeur droit , élevé , délicat , & fenfible ,
Point encore infecté de la contagion
De l'air de Cour que je refpire ,
Qui ne connoît point , c'eft tout dire ,
La voix de l'adulation ;.
Ces traits font le plus vrai des hommes ,
ConAVRIL.
745 1744.
Conféquemment trop franc , pour le fiécle où nous
fommes ;
Mais ,fur le monde & fes erreurs
Je n'ai point le ton dogmatique ,
Et je déplore fes malheurs ,
En Platonicien beaucoup plus qu'en Cynique .
Idolâtre du fentiment ,
Du penchant pour la folitude ;
Avec quelque difcernement
Un goût décidé pour l'étude ;
Un peu de pénétration
Un défir inquiet de plaire ,
Et peut- être auffi de me faire
Un grain de réputation ;
Une ame du beau feul avide ,
Qui toujours au brillant préfére le folide ,
Au diffus la préciſion ,
A l'air avantageux celui de retenuë
Et la vérité toute nuë
Aux charmes de l'illufion
Un genre d'émulation ,
Tourné vers la Litterature ;
Voilà quelles faveurs je dois à la Nature ,
Ainfi qu'à l'éducation ;
Pylade en anitié , quand je trouve un Orefte ;
En amour , tendre , vif , femillant & le refte ,
Mais ennemi de la fadeur ;
Sans aveuglement , fans foibleffe ,
II
746 MERCURE DE FRANCE.
Il eft jufqu'à préfent entré dans ma tendreffe
Autant de raifon que d'ardeur
Du fage admirer la conduite ,
Refpecter les vertus , honorer le mérite ,
Et confiderer les talens ,
Sous la plus miférable étoffe
Voilà de ma morale & l'efprit , & le fens ;
Aifé dans le Commerce , & pourtant Philofophe ,
Mais Philofophe mitigé ,
Libre du joug du préjugé ,
J'aime que la délicateffe
Sçache quelquefois , fans rougir ,
Faire badiner la Sageffe ,
Et moralifer le plaifir.
Le Chev, de P.....
Explications des deux Enigmes du Mercure
de Février 1744 , par M. Du V ** .
Ne fuis ni grand ni petit Maître ,
Mais quand je rencontre Iſabeau ,
D'abord que je la vois paroître ,
Je lui donne un coup de Chapeau.
La feconde d'autre façon ,
Comment faire pour la connoître ?
De
AVRIL. 1744.
747
De l'Alphabet elle tient l'être ;
Ou je ne fçais pas ma leçon.
Explication du Logogryphe du même
M. C. Suicer , de Châlons.
Mercure , par
Par tout la Vieilleſſe fait peur ;
Chacun la méprife & s'en moque ;
Ami , n'en fais point le railleur ,
Tu n'auras pas peut- être le bonheur
De parvenir à cette époque.
Les mots des Enigmes & du Logogryphe
du Mercure de Mars , font le Chat , le Fer ,
& la Géographie. On trouve dans le Logo
gryphe , Gorge , George , Page , Rage , Orage
, Pie , Jo , Pere , Péage , Poire , Egra , Ire ,
Harpie , Aigre , Harpe , Or , Pari , Epire ,
Georgie , Orge , Agregé , & Rape.
2
ENIGM E.
UN Pays , que le Nil arrofe,
A vû ſes habitans trop fuperftitieux ,
Quoique je fois bien peu de chofe ,
Me placer au rang de leurs Dieux .
Ce tems n'eft plus ; depuis la mauvaife maxime
D'im
748 MERCURE DE FRANCE.
D'immoler tout à l'appétit.
On m'écorche , on me coupe , on me grille , on
me frit ,
Et la Divinité n'eft plus qu'une victime .
Mais d'abord que je fens le tranchant des couteaux,
Mes efprits envolés frappent l'Auteur du crime
Et de les yeux alors font couler deux ruiffeaux.
AUTRE.
Je fuis un animal mordant ;
Mon fexe eft féminin ; pour dilater ma rate ,
J'épluche fouvent , en grondant ,
Tout ce qui tombe ſous ma pate.
Si quelquefois ( rarement cependant )
Je fuis fage & judicieuſe ,
Alors je fuis officieuſe ,
Je découvre la vérité ;
Je purge l'impofteur de fa fauffe monnoye ,
Le trop hardi conteur de fa témérité ;
Je fçais réprimander celui qui fe fourvoye ;
Je rends fervice à la poſterité .
Quelqu'un me dit , fans doute , eh ! quel est donc
ton être ?
Un corps animé ? point ; un corps fans ame ? non ;
Jufques aux ignorans fe parent de mon nom .
En voilà bien affés , pour me faire connoître.
D. B. C. G. d'Entrevaux.
LOAVRIL.
1744. 749
LOGOGRYPHE.
Sous mes pas naiffent mille fleurs ,
Et la verdure me couronne ;
De l'Aurore , qui m'environne ,
C'est moi qui fais couler les pleurs ,
En deux fyllabes fe partage
Mon nom , pere des doux plaifirs ;
Les plus parfaits Amans me doivent leurs foupirs ,
Et les Oifeaux leur plus tendre ramage ;
Mais , fi je leur infpire un chant flateur & doux ,
( Chant que Rameau n'imite qu'avec peine )
Par un malheur , que mon devoir enchaîne ,
J'ouvre auffi le bec aux Coucous.
Ma tête offre un Acteur , chéri dans les Provinces
Qu'au Théatre François on vit faire les Princes ;
S'il revient jamais à Paris ,
Il me plaira comme jadis.
Ma derniere fyllabe épouvante les yeux ;
Elle fçait peindre un tyran furieux ;
Ah ! fi par fon fecours on touche une inhumaine ,
On brife auffi par fois la plus aimable chaîne ;
Il voit tout périr fous les Cieux.
Rien dans mon fein ſe voit encore.
Sem s'y trouve fort aifément ;
La
750 MERCURE DE FRANCE.
La Rime y brille affûrément ,
Et Tein , qui la beauté décore .
Sans doute que , fi je cherchois ,
Mes huit lettres feroient autre métamorphofe
Mais , cher lecteur , je me repoſe ;
Car , peut- être , je t'ennuirois .
Laffichard.
૩૯ ૨૯ ૩૨૯ ૨૯ ર૯૯ર૨૯૪રહ૩ે ર૮હે૨૨૮૬ ૨૯૫૮૨૮૬ ૨૦
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS , &c.
ERECUEIL DU PARNASSE , ou noudePiécesfugitives,
en Profe
& en Vers. A Paris , chés Briaſſon , ruë
S. Jacques , à la Science. Deux Vol . in- 12 ,.
divifés en quatre parties , 1743 .
Extrait du premier Volume.
On trouve dans ce Recueil , des morceaux
achevés en tout genre ; Poëfie , Eloquence ,
Hiftoire , Differtation , Médecine , tout y
tient fa place. A l'ouverture du premier Volume
, eft une lettre de Mde la P. F. à M.
l'Abbé R. Docteur de Sorbonne. La réputation
de Mde Dacier eft trop grande , pour
qu'on ne life point avec plaifir une lettre
dont
AVRIL. 1744. 751
dont elle eft l'objet . Elle n'y eft point peinte
du côté de fes talens pour les Sciences ; Mde
la P. F. ne s'attache qu'à décrire fes qualités
perfonnelles ; c'eft dans fon deshabillé qu'elle
la montre , ou , pour fe fervir de fes termes
, dans fon à tous lesjours.
Le langage de la paffion fe fait aisément
fentir dans une Piéce qu'on trouve quelques
pages après , & qui a pour titre : Les foupirs
d'Olimpe mourante, Ce font des Stances
irrégulières ; en voici quelques-unes .
» Ah ! quand tu me jurois une flâme éternelle ,
Je croyois tes fermens , & tu n'y penfois pas ,
» Car enfin quelle loi cruelle
T'oblige , en me quittant , à caufer mon trépas ?
» C'eſt toi qui m'arraches la vie ;
» Avide faim de l'or , déteftable manie ,
Ebloui de tes faux appas ,
» C'eſt à toi qu'il me facrifie.
Mais que dis -je , Daphnis ? Non , je connois ta foi ;
Excufe les fureurs d'une Amante éperduë.
J'ai vu ton ame combattuë
Balancer plus d'un an entre ton pere & moi.
Rebelle aux loix de la Nature ,
Tu ne reconnoiffois que celles de l'Amour ;
Quels affauts ton efprit foutenoit chaque jour !
Rien ne pouvoit détruire une flâme fi pure.
Après
752 MERCURE DE FRANCE .
Aprés tant de combats , accablé de langueur ,
Tu fus prefque expirant. Hélas ! Quelle douleur i
Quel défefpoir pour une ame amoureuſe ,
La mort dans cet inftant me paroiffoir affreuſe ,
Et quand je meurs pour toi , je la vois fans frayeur ,
& c.
Le fentiment & la paffion ne fe font pas
moins fentir dans quelques Elégies de M,
Cocquard , p. 34 & fuiv, Il femble que
l'Empire lui foit dévolu dans ce genre de
Poëfie. Peut- on mieux peindre les divers
mouvemens d'un coeur déchiré par l'Amour?
De mes plaifirs paffés mon ame poffedée ,
Du malheur , qui me fuit , éloigne fon idée ;
Et pour une inconftante , hélas ! trop prévenu ,
Je regrette les fers où j'étois retenu .
L'Amour combat pour elle , & quoique tout l'accufe
,
Dans le fond de mon coeur il lui trouve une excuſe.
Il me dit en fecret , qu'eſclave du devoir ,
Elle n'ofe à préfent s'expofer à me voir ,
Mais que fa paffion croiffant dans le filence ,
Lui peint de ma douleur toute la violence ,
Et la croyant en proïe à des maux fuperflus ,
J'aime affés pour vouloir qu'elle ne m'aime plus.
Dans quels égaremens te jette ta folie ?
Plus que tu ne voudrois la cruelle t'oublie , &c.
E:
AVRIL. 1744.
753 :
E plus bas.
Il me fouvient du jour qu'à ma perte entraîné ,
En efclave à fon char je me vis enchaîné .
Je crois la voir encore , avec grace à la danſe ,
D'un pas lent ou léger lent ou léger en marquer la cadence .
Quel modefte enjoûment ! Quel aimable fouris !
Que de naiffans appas s'offroient aux yeux furpris !
Elle feule ignoroit le pouvoir de fes charmes , & c.
Jamais peut- être préjugé n'a été mieux
établi que celui de l'avantage de la vie ruftique
fur la vie civile , & jamais préjugé n'a
été mieux attaqué que l'eft celui-ci , p. 51
& fuiv. dans un petit Difcours qui a pour
titre La Vie Civile eft- elle préférable à la
Vie Rustique ? L'Auteur ( M. Peffelier ) y décide
en faveur de la vie civile.
Le Style aifé & délicat , avec lequel eft
écrite une petite Differtation fur la politeffe
, p. 85 , fait fouhaiter d'en connoître
l'Auteur. Il s'agit de décider , fi la Politeffe
tient du vice ou de la vertu . L'Auteur la définit
d'abord ainfi :
Pour connoître , il faut définir.
La Politeffe eft fans caprice ,
Et c'eft un art fans artifice ;
Comment peut- elle donc tenir
Moins de la vertu que du vice ?
B Et
754 MERCURE DE FRANCE.
Et plus bas.
Pour la bien dévoiler , il nous faut convenir
Qu'elle doit s'ajuſter aux loix , aux bienſéances ,
A certains agrémens joints à des prévoyances
Pour la fociété qu'on veut entretenir ;
A l'eſprit attentif, à la prudence extrême
De fçavoir l'art d'unir ce qu'on doit au prochain ,
Et ce qu'on fe doit à ſoi -même ;
Ce raisonnement eft certain.
Enfuite il avertit de ne point confondre
la Politeffe avec la civilité & la flaterie , &
après avoir avoüé que la politeffe , étant corrompuë,
devient un inftrument des plus dangereux
de l'Amour déréglé , il finit ainſi :
>>Elle éprouve le fort de mille fleurs naifantes ,
» Dont un air venimeux vient infecter les plantes ;
» Elle eft comme l'efprit , le fçavoir , la beauté ,
Qui confervent toujours leur luftre & leur bonté ,
>>Quoiqu'ils foient corrompus par un mauvais
» uſage ;
» Elle eft comme une épée , entre les mains du ſage,
» Et d'un homme rebelle , ardent & furieux ;
ככ »L'uns'enfertpourlapaix,qu'ilaffûreentous
» Lieux ,
» Et l'autre en fon courroux , s'abandonnant aux
» crimes ,
» Porte par tout ſa rage & s'en fait des victimes.
On
AVRIL. 1744. 755
On trouve , pag. 101 , un Sonnet fait
par M. l'Abbé du Claux , fur un jeune Marquis
qui avoit fervi de Cocher à deux aimables
Dames. Ce Sonnet , où l'allufion eft
prefque la même que celle de celui de Voiture
, en a les graces , fans en avoir les défauts
; le voici .
" Les chevaux du Soleil fçavoient bien leur leçon ;
Attelés dès long-tems au char de la lumiere ,
» Ils ne quittoient jamais leur chemin ordinaire ;
Et quel fut cependant le fort de Phaeton ?
» Prenez donc garde à vous , trop hardi Céladon ;
»Ceux que vous conduifez ignorent leur carriere ;
» Quand le coeur vous dira de regarder derriere ,
» N'allez pas fuccomber à la démangeaifon,
Le péril en eft grand ; vous avez plus à faire
Que n'avoit autrefois ce Cocher téméraire ,
Dont partout l'imprudence alluma tant de feux.
" Son emploi demandoit moins de foin , moins de
» peine ,
Car , pour fon coup d'effai , ce beau fils de Cli
» mene
»Ne menoit qu'un Soleil , & vous en menez deux.
La noble fimplicité qui régne dans les
Poëfies de M. de la Lane , qui fe trouvent
Fij P.
756 MERCURE DE FRANCE .
p. 110 & fuiv. en font regreter le petit
nombre. Ses Stances fur la mort de fa temme
, peuvent être regardées comme le vrai
Tableau de l'Amour conjugal . Elles commencent
ainfi.
» Voici la folitude , où fur l'herbe couchés ,
» D'un inviſible trait également touchés ,
»Mon Amarante & moi prenions le frais à l'ombre
De cette Forêt fombre,
Nous goûterions encore en cet heureux séjour
» Les tranquilles douceurs d'une parfaite amour ,
>> Si la rigueur du fort ne me l'eût point ravie
» Au plus beau de fa vie, &c.
3
page
On verra ici avec plaisir le Portrait qui
fuit. C'est celui de M. de Fontenelle , par
feuë Mlle le Couvreur. Il fe trouve à la
169 , du Recueil .
» Les perfonnes ignorées font trop peu
» d'honneur à ceux dont elles parlent , pour
ofer mettre au grand jour ce que je pen-
» fe de M. de Fontenelle , mais je ne puis me
» refufer en fecret le plaifir de le peindre
» ici , tel qu'il me paroît.
ور
3
» Sa phyfionomie annonce d'abord fon cfprit;
un air du monde , répandu dans toute
» fa perfonne , le rend aimable dans toutes
» fes actions.
» Les
AVRIL. 1744. 757
و ر
""
> Les agrémens de l'efprit en excluent
»fouvent les parties effentielles . Unique en
fon
genre, il raffemble tout ce qui fait aimer
& refpecter ; la probité , la droiture ,
l'équité compofent fon caractere . Une
imagination vive , brillante ; tours fins &
» délicats ; expreffions nouvelles & toujours
» heureufes en font l'ornement . Le coeur
»pur , les procédés nets ; la conduite uni-
» forme , & par tout des principes ; éxigeant
» peu , juftifiant tout , faiſiſſant toujours le
» bon , abandonnant fi fort le mauvais, que
»l'on pourroit douter s'il l'a apperçû . Dif-
» ficile à acquérir , mais plus difficile à
» dre ; exact en amitié ; fcrupuleux en amour ;
» l'honnête-homme n'eft négligé nulle part ;
" propre aux Commerces les plus délicats ,
» quoique les délices des Sçavans ; modefte
» dans les difcours ; fimple dans fes actions ;
»la fupériorité de fon mérite fe montre ,
» mais il ne la fait jamais fentir.
"
per-
» De pareilles difpofitions perfuadent ai-
» fément du calme de fon ame ; auffi la pof-
» fede-t'il fi fort en paix , que toute la mali-
»gnité de l'envie n'a point eu encore le
»pouvoir de l'ébranler .
» Enfin , on pourroit dire de lui ce qui a
» été déja dit d'un autre illuftre ; qu'il fait
» honneur à l'homme , & que fi fes vertus
»ne le rendent pás immortel , elles le ren-
» dent au moins digne de l'être. F iij Oa
758 MERCURE DE FRANCE.
On remarque dans la lettre qui fuit ce
Portrait , & qui eft de M. Ricaud , une érudition
peu commune. Elle eft adreffée à M.
Dazinery del Cafcavo , de l'Académie de Gli
Infenfati de Péroufe , & a pour objet l'explication
d'un Phénomene de Médecine .
On trouve encore dans la premiere partie
de ce Recueil , plufieurs morceaux excellens
; entr'autres , une Paraphraſe du Cantique
d'Ezechias ; une Copie d'un Manuſcrit
du Maréchal de Rozen , ou Inftructions
à fon fils ; les Spectacles , Ode ; des Obfervations
nouvelles fur la vraie Eloquence ,
& plufieurs autres productions. L'idée du
Vuide, Ode Métaphyfique, ferme cette premiere
partie. Le but de cette Ode , eft de
prouver que l'Idée de l'Etendue, ou de l'Efpace
pur , n'eft venue que de la décompofition
purement intellectuelle de la matiere.
On ne peut citer aucune Strophe de cette
Piéce, parce qu'elles font trop enchaînées les
unes aux autres , & qu'il faudroit rapporter
l'Ouvrage en entier .
On voit au commencement de la feconde
partie , quelques Fables de M. Peffelier.
Tout ce qu'on en peut dire , c'est qu'on ne
fçauroit s'empêcher en les lifant , de fonger
au naturel toujours copié , mais toujours
inimitable de la Fontaine.
Il feroit à fouhaiter qu'on trouvât beaucoup
AVRIL. 1744. 759
coup de morceaux femblables à celui qui
fuit ces Fables. C'eft une lettre écrite à M.
Chapelas , Curé de S. Jacques de la Boucherie
, par un Philofophe. Elle roule fur la
Médecine. L'Auteur qui eft diamnétralement
oppofé aux principes de l'Ecole , traite d'abord
des Elémens & en reconnoit cinq ; la
Terre , l'Eau , le Sel , l'Esprit & le Soufre ;
le feu & l'air font exclus de leur Claffe ; il
regarde l'air comme rempliffant les interſtices
des mixtes , & non comme en étant une
fubftance ; peut-être que les raifons qu'il apporte
pour prouver contre l'air comme Elément
, font plus folides que celles qu'il
apporte contre le feu. Il paffe enfuite aux
quatre humeurs qu'il détruit entierement ,
& continue avec le même ordre & la même
méthode .
La Poëfie vengée , p. 327. Le feu qui régne
dans cette Piéce , n'en dément point le titre.
La Poëfie y deffend fa propre caufe. Tout
le monde ne pense pas de même que l'Auteur
fur certaines perfonnes qu'il louë &
qu'il blâme , mais tout le monde est forcé
de reconnoître l'élévation des penſées , la
beauté & la jufteffe d'expreffion, la hardieffe
de tours , qui font réunies dans ce morceau.
En voici une Efquiffe. Il s'agit de l'abus
de la Poëfie.
Fiiij » Faut760
MERCURE DE FRANCE.
>> Faut- il donc que toujours l'efprit le plus fublime
» Se dégrade , en cherchant à briller par le crime ?
» Hélas ! ignore- t'il que ce honteux honneur
» N'illuftre fon efprit qu'aux dépens de ſon coeur
Quelle Mufe en ce fiécle , où régne la molleffe ,
» Dans les Vers épurés nous chante la fageſſe ?
›› Tantôt pour vous féduire un Lucrece nouveau ,
» Peintre des voluptés dont il tient fon pinceau ,
» Sous le mafque impoſant de la Philoſophie ,
» Et couronné des fleurs qu'offre la Poëfie ,
» Viendra vous débiter , fur un Stoïque ton ,
» Ses principes puifés dans le fein d'Albion ,
37
Séjour où la raifon de tout joug affranchie ,
» Venge par fes excès la foi qu'elle a trahie , &c.
Le Difcours fur la fimplicité des moeurs ,
qu'on trouve pag. 345 , & qui d'ailleurs eft
fort beau , n'a peut-être point toute la méthode
qu'on pourroit défirer. On ne peut
point dire la même chofe des Stances d'une
Amante à un Amant , dont elle devoit fe
féparer , pag. 368. Elles font de M. Cocquard
; foit du côté des fentimens , foit de
celui de la Poëfie , il n'y manque rien , & fi
elles avoient quelque défaut , ce ne pourroit
être que de trop reffembler à l'Amarillis de
Mde de la Suze. En voici quelques - unes.
ל כ
Quelle épreuve pour ma vertu !
Amour , pourquoi la féduis-tu
» Contre
AVRIL. 761 1744.
Contre le choix qu'a fait mon Pere ?
Ou pourquoi mon pere , en ce jour ,
» Sur le choix qu'il avoit à faire
N'a- t'il pas confulté l'Amour ?
Que ce funefte hymen te va couter de larmes !
Cher Amant ! je frémis déja de tes allarmes ,
Et mon coeur,qui pour toi craint de fe démentir ,
» Succombant à regret à fon fort déplorable ,
» Sent bien moins le coup qui l'accable ,
Que celui que tu vas fentir.
On reconnoît pag. 404 , dans une Ode
qui a pour titre : Les inégalités du coeur bumain
, fixées par la Foi , le même feu qui régne
dans la Poefte vengée. Les idées y font
fortes, & les images y font vives. En voici
une.
"Je nâge dans l'incertitude ,
Et veux percer la nuit de ma fombre priſon ;
» Dans un Dédale obfcur ma vive inquiétude
» Ne fait qu'égarer ma raiſon ;
33 Impétueux , ardent , avide de lumieres
Je vois en frémiffant de jaloufes barrieres
» Borner mon effor criminel ;
En m'échapant du cercle où le Deſtin m'enferme ,
Je ne trouve au delà que mille erreurs pour terme,
» Et pour fruit qu'un trouble éternel , & c.
Fv
Z&-
762 MERCURE DE FRANCE.
Zephire & Flore , Hiftoire Allégorique ,
p. 377. Le Triomphe de la Charité, Poëme
P. 411. L'Hiftoire abregée de Jacques II. Roi
d'Angleterre , d'Ecoffe & d'Irlande , p. 46 ;.
& fuiv. Une Obfervation Litteraire fur une
Edition des Oeuvres de M. Rouffeau , p. 529,
ne font pas à méprifer , auffi bien que plufieurs
autres Morceaux , dont l'étendue de
ce Volume , ne permet point de parler.
On donnera inceffamment l'Extrait du fecond
Volume de ce Recueil.
CUISINES AMBULANTES & portatives
, on Machine de nouvelle invention ,
en forme de Poële , propre aux differentes opérations
de Cuifine , fur laquelle fe mettent Marmite
, Cafferole , Four , Poiffonniere , Poële à
frire , Broche , Caffetiere & Gril ; elle eft
commode , tant à la Ville qu'à la Campagne
à la Chaffe , à l'Armée & fur la Mer , pour
toutes fortes de repas & de Mets , fans ufer de
charbon & avec très- peu de bois . Cette Machine
fert auffi à échauffer les Chambres dans
PHyver.
Le Sr François Frefneau , ancien Chirurgien
des Vaiffeaux du Roi , & Chirurgien
Major des Hôpitaux de S. M. eft l'Auteur
de cette Machine. Après l'avoir préfentée à
Mrs de l'Académie Royale des Sciences ,
qui lui ont accordé un Certificat favorable,
daté
AVRIL. 1744. 763
daté du 10 Juillet 1739 , il a obtenu du
Roi des Lettres Parentes , données à Verfailles
le 26 Octobre 1742 , qui accordent
audit Sr Frefneau le Privilége exclufif de
faire vendre & débiter la Machine ou Poële
en queſtion , avec les défenſes , & fous les
peines ordinaires .
Ces Lettres portées au Parlement , la
Cour a ordonné par Arrêt du 11 Février
1743 , qu'avant faire droit fur l'Enregistrement
d'icelles , elles feront communiquées,
avec le Plan y attaché , au Lieutenant Général
de Police , & au Subftitut du Procureur
Général du Roi au Châtelet , aux Prévôt
des Marchands & Echevins , & au
Subftitut du Procureur Général du Roi au
Bureau de la Ville , enfemble à l'Académie
des Sciences , pour donner tous leurs avis
fur le contenu defdites Lettres Patentes ,
&c. pour le tout fait , rapporté & communiqué
au P. G. du Roi , &c. être par la Cour
ordonné ce qu'il appartiendra.
En conféquence , M. de Vatan , Prévôt
des Marchands , enſemble le Procureur du
Roi au Bureau de la Ville , après avoir vû
& examiné avec des yeux intelligens la
Machine en queſtion , ont donné leur avis
au bas d'un long Procès verbal , daté du
Mars 1743 , dont on ne donnera ici que
l'effentiel & la conclufion.
Favj
Sous
30
764 MERCURE DE FRANCE.
Sous ces Obfervations, nows eftimons, fous le
bon plaifir de laCour, que bien loin qu'il puiffey
avoir aucun inconvénient de proceder à l'Enregiftrement
des Lettres obtenues par l'Impétrant,
il n'en peut, au contraire, résulter que de trèsgrands
avantages ; que les Sujets du Roi recevront
cette nouveauté avec la fatisfaction , qui
fera une fuite de l'usage qu'ils feront de ce Poële
, & que l'Impétrant recueillera le fruit , que
La Cour autorife en de pareilles occafions , comme
le prix accordé à l'émulation , qui doit animer
tous ceux à qui les talens naturels , fecondés
par des Etudes auffi profondes que bien
dirigées , infpirent de perfectionner les Arts.
Le 12 Juillet fuivant , M. Feydeau de
Marville , Lieutenant Général de Police , &
M. le Procureur du Roi au Châtelet de Paris
, ont auffi donné leur avis en la même
forme. L'avis qui termine leur Procès verbal
, eft exprimé en ces termes.
Par ces confdérations , notre avis eft , fous le
bon plaifir de la Cour , que lesdites Lettres
Patentes peuvent être enregistrées , fans aucun
inconvénient , pour être exécutées felon leur
farme teneur.
A l'égard de l'Académie Royale des Sciences
, cette Compagnie , pour fatisfaire auffi
de fa part à l'Arrêt du Parlement , a donné
un nouveau Certificat , dont il ne fera
inutile d'inférer ici la teneur.
pas
Mrs
AVRIL. 1744. 765
Mrs d'Onfembray , de Reaumur & Hellot ,
ayant lû , par ordre de l'Académie , les Lettres
Patentes du 26 Octobre 1742 , par lesquelles
les Roi accorde au Sr François Frefneau , ancien
Chirurgien fur les Vaiffeaux de S. M. le
Privilege exclufif de faire conftruire , vendre
& débiter , pendant l'espace de trente années
un Poële par lui inventé , pour faire les differentes
opérations de la Cuiſine avec un ſeul &
même feu , ayant lû pareillement l'Arrêt de la
Cour de Parlement du 11 du préfent mois ,
qui ordonne qu'avant faire droit fur l'Enregiftrement
demandé defdites Lettres Patentes,
elles feront communiquées à l'Académie des
Sciences , pour par elle donner fon avis fur le
contenu d'icelles , ayant auffi reconnu que te
Deffein en profil , qui y eft attaché , fous le contrefcel
defdites Lettres , eft celui du Poële , dont
ils ont vu les opérations au mois de Juillet
1739.
Et en ayantfait leur rapport , l'Académie a
adheré au Jugement favorable qu'elle en rendit
alors , & déclaré de nouveau que ce Poële pent
être très utile , pourvû que l'Auteur n'en multiplie
pas trop les opérations.
En foi de quoi j'ai figné le préfent Cer
tificat. A Paris le 24 Fevrier 1743. Signé
DORTELS DE MAIRAN , Sécretaire perpétuel
de l'Académie des Sciences.
Sur tout ce que deffus , le Parlement a
rendu
766 MERCURE DE FRANCE.
rendu fon Arrêt diffinitif , dont voici le
Prononcé. LA COUR ordonne que lesdites Lettres
Patentes feront registrées au Greffe d'icelle,
pour jouir par ledit Impétrant, fes Hoirs, Cef
fionnaires , Affocies ayant caufe , de l'effet
& contenu en icelles , & être exécutées felon
leur forme & teneur. Fait en Parlement le 14
Août 1743. Collationné , Langele . Signé ,
DUF RANC.
Le Sr Freſneau a cédé depuis fon Privilége
au Sr Veddi , Serrurier des menus plaifirs
du Roi , rue Fromenteau , lequel a l'Attelier
de ces Poëles ou Cuifines portatives , à
la Barriére de Charenton.
EXTRAIT d'un Mémoire particulier ,
communiqué par M. Hellot , de l'Académie
Royale des Sciences.
Je me fouviens que nous avons vû
cuire au même feu , tant deffus que
deffous , & aux deux côtés de cette efpece
de Poële , en trois heures de tems , un Alloyau
de 16 livres , huit Poulets , douze
Pigeons , deux Lapreaux rotis , 24 petites
Tourtes de patifferie , 24 Cottelettes de
Mouton grillées , une Soupe pour 8 perfonnes
, & deux Ragoûts. On n'a confumé pour
tout ce que deffus , que les deux tiers d'une
falourde de bois blanc.
Nous avons obfervé que ces Cuifines
peuvent
AVRIL. 1744. 767
peuvent être utiles aux petites Communautés
& aux petits Ménages , en ce qu'elles
fervent de Poële en même tems , & qu'il
feroit bon d'ailleurs , d'en faire l'effai fur les
Vaiffeaux du Roi .
EPHEMERIDES des Mouvemens Céleftes
pour dix années , depuis 1745 , jufqu'en
1755 , & pour le Méridien de la
Ville de Paris , où l'on trouve les Longitudes
& les Latitudes des Planettes , leurs
paffages au Méridien , & leurs déclinaiſons,
leurs conjonctions entre elles & avec les
Etoiles , leurs occultations & celles des
principales , fixes par la Lune , les Eclipfes
des Satellites de Jupiter , & généralement
tous les Calculs qui font néceffaires pour
connoître l'état actuel du Ciel , & pour faciliter
les Obfervations Aftronomiques.
Avec un Difcours qui contient l'explica
tion de tous ces Calculs , & des pratiques
faciles pour en faire ufage. Pour fervir de
fuite aux Ephémérides de M. Defplaces . Par
M. DE LA CAILLE , de l'Académie Royale
des Sciences , Profeffeur de Mathématiques
au Collège Mazarin . Tome IV. in -4° . A
Paris , rue S. Jacques , des Caractéres & de
I'Imprimerie de la veuve Collombar & fils ,
premier Imprimeur ordinaire du Roi , du
Cabinet , Maiſon , Bâtimens , Académie des
Arts,
68 MERCURE DE FRANCE .
Arts , & Manufactures de Sa Majefté , 1744-
Ces Ephémérides , qui fervent de fuite à
celles de M. Defplaces , font beaucoup plus
amples & plus utiles que celles- ci, & même
qu'aucune de celles qui ont parû jufqu'ici ,
Prefque tous ceux qui en ont publié , paroiffent
avoir eu principalement en vûë de
faciliter les Opérations néceffaires pour les
prédictions Aftrologiques , car ils ont eu
grand foin d'y mettre jour par jour les mouvemens
des Planettes en Longitude feulement,
leurs aspects , les Eclipfes & les Phafes
de la Lune , les figures & Thêmes Célestes
à ces Inftans , le mouvement de la Lune ,
qu'ils appellent la Tète du Dragon, & furtout
tous les differens afpects de la Lune , avec
les principales Etoiles fixes & les Planettes .
M.Defplaces avoit cependant mis en faveur
des Aftronomes , le paffage de la Lune par
le Méridien , & les Eclipfes du premier Satellite
de Jupiter , & feu M. Manfredi , Profeffeur
d'Aftronomie à Bologne , y avoit
ajouté les paffages des Planettes par le Méridien
, leurs déclinaifons , les conjonctions
de la Lune avec les Etoiles & avec le Plahettes
& des figures générales des Eclipfes
de Soleil.
M. de la Caille a banni entierement tout ce
qui n'étoit qu'Aftrologique, & s'eft propofé
uniquement le progrès de l'Aftronomie , en
rapportant
AVRIL.
1744. 769
rapportant ,non-feulement toutes les circonftances
des mouvemens des Aftres , mais furtout
en annonçant & en préparant toutes
les Obfervations qu'il eft important de
faire.
Voici donc en abregé le plan de cet Ouvrage.
On y trouvera bien plus de choſes
que le titre n'en détaille , & qui font renfermées
dans ces mots , & généralement tous les
Calculs , &c.
A chaque ouverture du Livre, on trouve
dans les deux pages qui fe préfentent aux
yeux , les Calculs néceffaires pour un des
mois de l'année . La premiere contient les Fêtes
des Saints,fuivant le nouveau Bréviaire de
Paris ; l'Equation de l'Horloge pour chaque
jour ; le tems du paffage du premier point
de l'Ecliptique par le Méridien; la Longitude
& la déclinaifon du Soleil ; la Longitude
& la Latitude de la Lune ; fon paffage par
le Méridien & fa déclinaifon ; fes Phafes; fes
demi diametres & fes parallaxes ; de deux
jours en deux jours, & les demi diametres du
Soleil , de cinq jours en cinq jours.
La feconde page contient les Longitudes
& les Latitudes , les paffages par le Méridien
& la déclinaifon des cinq autres Planettes,
de trois jours en trois jours ; toutes les
éclipfes des quatre Satellites de Jupiter , &
un Journal de tous les Phénomenes remar
quables ,
770 MERCURE DE FRANCE.
quables , & qui méritent l'attention des Af
tronomes..
On trouve à la tête de ce Livre deux Dif
cours. Le premier eft une Introduction , où
on explique en détail les ufages de tous ces
Calculs , & on y apporte des regles , pour
s'en fervir , avec des exemples pour les
éclaircir & en faciliter l'application.
Le fecond Difcours contient differentes
manieres de faire exactement les principales
Obfervations Aftronomiques , indépendamment
des grands Inftrumens. M. de la
Caille s'eft propofé principalement de faire
voir à ceux qui font des voyages de long
cours , & qui féjournent dans des Ports ou
Villes , dont la pofition Géographique n'eft
connuë que par eftime , qu'ils pourroient
en déterminer la Longitude & la Latitude ,
fans avoir d'autre connoiffance de l'Aftronomie,
que celles qu'ont ordinairement les
gens de Mer. Il y enfeigne même differentes
manieres d'obferver les Phénomenes Céleftes
, qui échappent aux Aftronomes de
l'Europe , quand ils arrivent dans l'Hémifphere
Auftral. Ce Difcours eft terminé par
un Catalogue des pofitions de toutes les
Etoiles fixes de la premiere , feconde &
troifiéme grandeur, qui font dans le Ciel, &
qui font néceffaires pour pratiquer les Méthodes
qui yfont enfeignées. Quant à l'impreffion
AVRIL. 1744. 771
preffion de ce Livre , les Connoiffeurs en
jugeront très-avantageuſement.
L'HISTOIRE & la Defcription Générale de
la nouvelle France du R. P. de Charlevoix ,
commence à paroître en trois Vol . in-4°. &
en fix Vol . in- 12 . chés Giffart , Didot , Rollin,
Nyon , fils , & la veuve Ganean . Le troifiémeVolume
comprend leJOURNAL du Voyage
que l'Auteur a fait , par ordre du Roi , dans
l'Amérique Septemtrionale. Cet Ouvrage eft
enrichi de 28 Cartes Géographiques & d'un
grand nombre de Plantes gravées , accompagnées
de leur Deſcription.
Les deux Differtations qui ont remporté
les deux Prix adjugés par l'Académie de
Soiffons l'année derniere , paroiffent chés
Chaubert , Libraire , à la Providence , Quai
des Auguftins. La premiere eft fur la Conquête
de la Bourgogne par le Fils de Clovis 1 ,
fur les accroiffemens que reçût le Royaume
de Soiffons fous Clotaire I. & c. Par M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglife Métropolitaine
de Sens.
La feconde Differtation eft pour fervir
d'éclairciffement à plufieurs Points de l'Hiftoire
des Enfans de Clovis I. Par M. Gouye
de Longuemare , Greffier de la Prévôté de
l'Hôtel , in- 12. 1744.
E s72
MERCURE DE FRANCE.
ESSA1 fur les Hieroglyphes des Egyp
tiens , où l'on voit l'origine & le progrès
du Langage & de l'Ecriture , l'antiquité des
Sciences en Egypte , & l'origine du Culte
des Animaux , traduit de l'Anglois de M.
Warburthon ; avec des Obfervations fur
l'antiquité des Hieroglyphes Scientifiques ,
& des Remarques fur la Chronologie & fur
la premiere Ecriture des Chinois , avec plu
fieurs figures gravées , 2 Volumes in- 12. A
Paris , chés Hyppolyte-Louis Guerin , Imprimeur-
Libraire , ruë S. Jacques , à S. Tho
mas d'Aquin , 1744.
LETTRE écrite à M. N*** , fur une
nouvelle Edition de Lucrece,
J'ai , Monfieur , à vous annoncer une
nouvelle Edition de Lucrece . C'est une efpece
de Phénomene que l'impreffion d'un
Poëte Philofophe , dans un tems où
le goût pour les Romans femble donner le
ton à la Litterature . Le mérite de ce Poëme
vous eft connu , c'eft pourquoi je ne vous
en entretiendrai point, & je ne vous rendrai
compte que du matériel de l'Ouvrage . C'eſt
un petit in- 12 . du format des Elzeviers ; la
beauté du caractere ne s'y fait pas moins remarquer
que celle du papier , & que l'ordre
qui regne dans l'execution . On reconnoît
par tout la main habile qui en a pris
foin.
AVRIL . 1744.
773
tes ,
foin. Chaque Livre eft précédé d'un Argument
, & eft orné d'Estampes & de Vignet
elles font de Duflos , Eleve du fameux
Picart. Tous ces avantages , quoiqu'ils ne
foient point à méprifer , n'auroient après
tout que le premier coup d'oeil
pour eux ,
s'ils n'étoient foutenus par d'autres plus
réels , tels que font , 1º. L'exactitude du
Texte , qui eft auffi correct qu'on peut le
defirer , l'Editeur n'ayant adopté que les
leçons qui femblent décider le fens propre
du Poëte. 2 °. Des Variantes en petit nombre
, mais recueillies avec choix & difcernement
; on n'y trouve que celles qui font
abfolument néceffaires , comme pouvant
former un fens oppofé , foit par la difference
de la ponctuation , foit par celle des
mots ; ajoûtez à cela qu'elles font tirées des
meilleurs Commentateurs , comme Havercamp,
Preigius , Creech , Nardi , Marulle
Gifanius , Lambin , &c. 3 ° . Une Préface qui
eft à la tête de l'Ouvrage , & qui ne doit
pas être regardée comme un hors d'oeuvre ,
mais comme abfolument néceffaire . La Latinité
en eft exquife , auffi -bien que le ſtyle.
L'Editeur y fait parler les fcrupules d'une
confcience , qui , quoique delicate, ne s'allarme
point mal-à - propos. Après avoir annoncé
modeftement l'exactitude de fon Ouvrage
, il paffe au reproche qu'on pourroit
lui
774 MERCURE DE FRANCE.
lui faire , d'avoir pris foin de l'Edition d'un
Poëte tel que Lucrece , qui pour avoir orné
de tous les attraits de la Poëfie la Philofophie
impie d'Epicure , paffe avec quelque
raifon pour le moteur de l'impiété ; reproche
, dit-il , qui tombe de lui -même , fi l'on
confidere que la Philofophie de Lucrece ou
plûtôt d'Epicure , n'eft regardée que comme
une fable ingénieufe par ceux qui ont du
bon fens ; voici les termes : At cum Lucretii
aut potius Epicuri Philofophia à cordato quoque
viro delirantis ingenii commentis annumeretur
, non fuit quod vereremur ne magis in re
rum inanitate,quam in Poëfeos leporibus Lector
fana mentis immoraretur .
Il annonce enfuite , comme l'antidote du
mal que cette lecture pourroit produire ,
l'Antilucrece du Cardinal de Polignac , dont
il fait l'éloge, auffi -bien que de M. l'Abbé de
Rothelin , qui doit inceffamment le donner
au Public ; je me fervirai encore de fes termes
: Si quid tamen meticulofis hominibus fupereffe
videbitur , quod ab exquifitis illis Lucretii
carminibus timere Religio jure poffit ,
faciet profectò ne error latiùs graffetur , utque
fidem ,fi quam invenerit , amittat expetitus ille
tandiù Eminentiffimi Cardinalis ANTILUCRETIUS
mox in lucem emittendus , fingulari , nec
fatis prædicando , illuftriffimi ac eruditiffimi
Abbatis Beneficio.
Cette
AVRIL. 1744. 775
me ,
Cette Préface qui eft traitée avec la même
délicateffe depuis le commencement jufqu'à
la fin , feroit fouhaiter que la vie de
Lucrece qui fuit , fut fortie de la même plumais
, foit modeftie , foit refpect pour
l'Antiquité , l'Editeur s'eft contenté de nous
donner celle de Lambin ; voici ce qu'il nous
apprend de notre Poëte. « Lucrece étoit
" natif de Rome , comme on peut le prou-
» ver par plufieurs endroits de fes Ouvra-
" ges ; fa famille étoit illuftre & fort an-
» cienne ; il ne tint cependant que le rang
» de Chevalier , ce que Lambin établit contre
un paffage de Céfar , qui qualifie un
Lucrece du nom de Sénateur . Ses moeurs
» douces & infinuantes lui gagnerent l'ami-
» tié de tout le monde . Il étudia la Philofo-
» phie fous Zénon , ce Coriphée de la Secte
Epicurienne , & eut pour contemporains
Catulle , Ciceron , Pomponius , Atticus ,
» & plufieurs autres . Les éloges que tous les
Sçavans lui ont donnés à la fuite de l'Antiquité
, font des preuves de l'élévation &
» de la pénétration de fon génie , de la majefté
de ſon ſtyle & des graces de fa verfi-
» fication ; il eft étonnant que Quintilien en
" ait fait fi peu de cas .
"
38
Pour ce qui regarde la mort de Lucrece ,
& l'âge auquel il mourut , Lambin ne dit
rien de pofitif , & ne décide point s'il mourut
976 MERCURE DE FRANCE.
rut de maladie , ou d'un philtre que lui
donna Lucile , ou fi , felon quelques-uns ,
il fe tua. La mort des grands hommes offre
prefque toujours quelque catastrophe ; il
femble , dit Lamothe le Vayer , qu'ils ne
puiffent entrer dans le Monde , ni en fortir
comme les hommes ordinaires. Voilà un
extrait en abregé , de la vie que Lambin a
donnée de Lucrece. La coûtume , plûtôt
peut-être que la néceffité , demandoit qu'on
y joignit les témoignages des Sçavans fur
ce Poëte ; l'Editeur les y a joints avec un Catalogue
des differentes Editions de ce Poëme.
Elles font au nombre de 56 , en comptant
cette derniere . Il auroit ſuffi pour vous
en faire l'éloge , de vous apprendre quel
eft l'Editeur. C'eft M. Philippe , qui , quoijeune
, eft fort connu par fa capacité
dus les Belles- Lettres , & furtout dans
dans
l'Hiftoire qu'il enfeigne à Paris avec fuccès.
Je ne vous parle point de celle qu'il a dans
la Géographie , me réfervant à vous en entretenir
, lorfque je vous rendrai compte
d'un Livre qu'il vient de donner au Public ,
& qui a pour titre : Effai de Géographie pour
Les Commençans.
Je fuis , & c.
›
A Paris , ce 10 Décembre 1743 .
ON
AVRIL. 1744. 777
ESTAMPES NOUVELLES.
AVIS au fujet d'un Recueil d'Estampes , qui
Je débite actuellement chés Pierre - Jean Mariette
, Libraire à Paris.
ON attendoit depuis long- tems , avec une juſte
impatience , le Recueil des Eftampes , gravées d'après
les Tableaux du Cabinet de M. BOYER D'AGUILLES
, Confeiller au Parlement de Provence.
Quoique ce Recueil n'ait pas encore été rendu pu-
* blic , il n'en eft pas moins connu ; l'éloge qu'en a
fait M. de Tournefort dans les premieres pages de
la Relation de fon Voyage du Levant , un très- petit
nombre d'Exemplaires qui fe font échappés , & que
M. d'Aguilles avoit fait imprimer pour quelques
amis , ont déja annoncé cet Ouvrage , & ont prévenu
favorablement les efprits en fa faveur. Il a
même tellement gagné auprès des Connoiffeurs ,
que toutes les fois qu'il en a été exposé en vente ,
le prix en a été porté très- haut .
Ce Recueil qui eft en deux grands Volumes infol.
compofés de 118 Planches , dont plufieurs occupent
la feuille entiere , préfente en effet un objet
auffi utile qu'agréable. C'eſt une fuite de Tableaux
de prefque tous les plus fameux Peintres ; c'eft un
affemblage de fujets extrêmement variés ; ce font
des Gravures exécutées au Burin avec beaucoup de
foin , & qui rendent la maniere de chaque Maître
avec fidelité . Le premier Volume contient les Ecoles
Italienne & Flamande , en 58 Planches , & le fecond
l'Ecole de France , en 60 Planches ; le tout
précédé d'une Defcription imprimée de chaque Tableau
, & de quelques refléxions , dans lesquelles
G on
778 MERCURE DE FRANCE.
on a tâché de tracer en peu de mots le caractere
de ceux qui les ont peint.
Ces Gravûres font prefque toutes l'ouvrage d'un
Graveur d'Anvers nommé Jacques Coelemans ,
Difciple de Corneille Vermeulen , auffi d'Anvers , &
Graveur de réputation . M. d'Aguilles l'avoit fait venir
à Aix pour être plus à portée de diriger fon travail;
& de l'aider de fes confeils . Et, qui pouvoit lui
en donner de plus utiles ? Quel eft , je ne dis pas le
Curieux , mais le véritable Connoiffeur , qui joignant
la pratique à la théorie , pouvoit , comme M.
d'Aguilles , non-feulement conduire le Graveur ,
mais mettre lui - même la main à l'oeuvre , & le Bu
rin à la main , retoucher les Planches , pour leur
donner l'entiere perfection , & en graver même
quelques-unes entierement ?
Voilà ce qu'il fera aiſé d'appercevoir dans le Recueil
d'Eftampes qui,reparoît, ou qui pour parler avec
plus de vérité , eft préfenté au Public pour la premiere
fois , puifque le peu d'Exemplaires , qui s'en
étoient répandus , ne peuvent être regardés que
comme des effais , & qu'ils font même preſque tous
imparfaits . Ceux que l'on propofe aujourd'hui, font
imprimés avec beaucoup plus de foin que les premiers
, & par de meilleurs Ouvriers ; le papier en eft
plus grand & plus beau . On s'eft déterminé pour
l'efpece de papier qui a été employé au Recueil
d'Eftampes publié par M. Crozat , parce que le Recueil
de M. d'Aguilles en eft naturellement la fuite,
& que ces deux Ouvrages étant de même genre , il
eft à préfumer que ceux qui ont pris le premier ,
voudront y joindre le ſecond. On en trouvera donc
d'imprimés fur le papier de Colombier , ou fur le
papier de grand Aigle , au choix des Acheteurs. Le
prix du premier fera moderé à 72 livres , & celui du
fecond a 80 livres. Ceux qui voudront en acquérir
dès.
AVRIL. 1744. 779
dès-à- préfent , peuvent s'adreffer à Pierre-Jean Ma-
Tiette , Libraire , rue S. Jacques , à Paris ; ils en trouveront
chés lui des Exemplaires tout prêts. Et pour
en faciliter l'acquifition aux autres qui voudroient
en retenir un ou plufieurs Exemplaires , le même Libraire
confent de partager le payement en deux
termes , fçavoit , 30 livres qui lui feront payées d'avance
, pour les Exemplaires imprimés fur le papier
de grand Aigle , ou 24 livres pour ceux imprimés
fur le papier de Colombier , dont il donnera fa Reconnoiffance
, & les so livres reftantes pour le papier
de grand Aigle , ou les 48 livres pour le papier
de Colombier , lorsqu'on retirera l'Exemplaire.
On ne recevra de ces Affurances que juſqu'au dernier
Août 1744, paffé lequel tems les Exemplaires
imprimés fur le papier de Colombier feront vendus
fans remife 96 livres , & ceux fur le grand Aigle ,
110 livres .
Ceux qui auront affuré des Exemplaires , feront
tenus de les faire retirer dans trois mois , à
compter
du jour de la date de la Reconnoiffance dont ils feront
porteurs , faute de quoi leurs avances feront
perdues pour eux , & ils ne feront plus admis à répeter
leurs Exemplaires.
6
On trouvera des Exemplaires de ce Recueil , &
on pourra auffi prendre des Affurances, à Paris, chés
Pierre-Jean Mariette , Imprimeur - Libraire , ruë
S. Jacques , aux Colonnes d'Hercule . A Londres,
chés Paul Vaillant. A la Haye , chés Neaulme . A
Amfterdam, chés Changuion . A Leyde, chés les Freres
Beck. A Bruxelles , chés George Friex. A Cologne ,
chés les Freres Metternich . A Nurembreg , chés Jean-
George Lochner. A Lille , chés Henri. A Lion , chés
les Freres Duplain. A Toulouse , chés Gafpard Henaud.
A Bordeaux , chés La Bottiere. A Aix , chés
David.
Gij Vás 4
780 MERCURE DE FRANCE.
VUE DES ENVIRONS DE BEAUVAIS . Eftampe en
large , gravée par J. P. le Bas , Graveur du Roi ,
d'après le Tableau original de F. Boucher , de l'Académie
Royale de Peinture , du Cabinet de M. le
Noir ; elle eft dédiée à M. le Febvre , Intendant &
Contrôleur Général des Affaires de la Chambre &
Menus Plaiſirs de S- M. Tréforier Général de la
Maifon de la Reine . Cette Eftampe fe vend chés
'P'Auteur , rue de la Harpe .
..
LES TOURS DE CARTES , autre Eftampe , gravée
par P. L. Surugue , le fils , d'après le Tableau
original de M. Chardin , Confeiller de l'Académie
Royale de Peinture , du Cabinet de M. Defpuechs .
Elle fe vend chés L. Surugue , Graveur du Roi , ruë
des Noyers , vis - à - vis S. Yves . On lit ces Vers au
bas.
On vous féduit , foible Jeuneffe ,
Par ces tours que vos yeux ne ceffent d'admirer ;
Dans le cours du bel âge , où vous allez entrer ,
Craignez pour votre coeur mille autres tours d'adreffe
.
LE SIFLEUR DE LINOTE , Eftampe en hauteur
gravée par J. P. le Bas , Graveur du Roi , d'après le
Tableau original de D. Teniers , du Cabinet de M.
Orry de Fulvy , Confeiller d'Etat , Intendant des
Finances. C'eft la 34 Eſtampe gravée par cet habile
Graveur , d'après cet illuftre Maître. Elle fe vend
chés l'Auteur , ruë de la Harpe. On lit ces Vers au
bas de M. Moraine.
Quand, fans avoir appris ni Mufique ni Note ,
Ton flexible gofier imite en tous leurs tons
Mes joyeux fiflemens , mes gaillardes Chansons
Je
A V RIL . 781 1744.
Je me fens tout ravi , ma petite Linote.
Ah ! je t'aime bien mieux que ma femme Aliſon ,
Qui jamais avec moi ne fut à l'uni-fon ,
Et qui ne manque point dans fon humeur bizarre ,
Si je chante en Bé- mol , de chanter en Béquarre.
Autre Eftampe , fous le titre de PETITE VûE DB
FLANDRES , gravée par le même Graveur , d'après
le même D. Teniers , de la Collection de M. Boitens.
C'eft la 33 Eftampe gravée d'après cet habile
Maître Elle fe vend chés l'Auteur. On lit ces Vers
au bas.
Le vrai m'a toujours plú. Tout groffier que puiffe
être
Le paifible entretien de ces deux Payfans ,
J'aimerois beaucoup moins celui d'un petit Maître,
Ou les difcours Alateurs des rufés Courtifans.
Le fieur Odieuvre , Marchand d'Eftampes , rue
d'Anjou , en entrant par la rue Dauphine , vient de
mettre en vente les Portraits de
S. JEAN NEPOMUCENE , Martyr , deffiné & gravé
par ..... Renn.
CHARLES , SURNOMME ' LE HARDI , ET LE
TEMERAIRE , DERNIER DUC DE BOURGOGNE "
& c. né le 10 Novembre 1433 , tué au Siége devant
Nancy , les Janvier 1474 , tiré du Cabinet de M.
d'Affry , Capitaine aux Gardes Suiffes .
DU- ANNE MADAME LOUISE D'ORLEANS
CHESSE DE MONTPENSIER , née le 29 Mai 1627 ,
morte à Paris les Avril 1593 , peinte par Hyacinte
Rigaud , & gravée par Filleul.
G iij Le
782 MERCURE DE FRANCE.
Le Sr Petit , Graveur , ruë S. Jacques , à la Cou
ronne d'Epines , près les Mathurins , qui continuë
de graver la Suite des Hommes Illuftres du feu
Sr Defrochers , Graveur du Roi , vient de mettre au
jour les Portraits fuivans .
P. CH. PORE' , Prêtre de la Compagnie de
Jefus , Régent de Rhétorique à Paris , mort en
1741 , âgé de 65 ans. On lit ces Vers au bas.
Avec ce Profeffeur habile,
Qui du Public charmé gagna toutes les voix ,
Horace , Ciceron , Démosthènes , Virgile ,
Sont morts une feconde fois.
LE PHILOSOPHE PLATON , furnommé le
Divin , né à Athènes la premiere année de la 88
Olimpiade , & mort la premiere de la 108 , âgé de
81 ans. On lit ces Vers au bas.
Chefde tant d'illuftres Sçavans ,
Tu fus , divin Platon , l'un de ces Phénoménes ,
Que la Nature enfante avec de telles peines ,
Que pour en reproduire il lui faut des mille ans.
M. Vion , Prêtre , Ordinaire de la Mufique de
l'Eglife de Paris , vient de donner une nouvelle Edition
de la Méthode de Mufique , qu'il a préfentée au
Public en 1742 , fous le titre de MUSIQUE PRATIQUE
Théorique , réduite à fes principes naturels ,
où nouvelle Méthode pour apprendre facilement & en
peu de tems l'Art de la Mufique , divisée en deux parties
, la premiere traitant de la Mufique Pratique , la
feconde , de la Mufique Théorique ; nouvelle Edition ,
augmentée d'un nouveau Chapitre , ou Maniere de connoitre
les Modes & les Tons , ainsi que leurs mutations,
Secours
A V RI L..
1744. 783
fecours très-nécessaire pour chanter toute forte de Mufique
à Livre ouvert & fans hésiter.
Le fuccès avec lequel ce premier Ouvrage a été
reçû , fait tout efperer de cette nouvelle Edition ,
dans laquelle l'Auteur n'a rien oublié de ce qui
peut faciliter l'avancement de ceux qui défirent apprendre
la Mufique.
On trouve à la fuite de cette Méthode beaucoup
d'Airs choifis à une & deux voix , avec & fans accompagnement
; un Vol. in-4° . de 80 pages , & 52
pages d'Exemples , en tout 132 pages. Prix en Brochure
4 livres, & fe vend à Paris , au Mont Parnaffe,
rue S. Jean de Beauvais ; à la Régle d'or , rue Saint
Honoré, & à la Croix d'or , rue du Roule.
Le Sr le Rouge , Ingénieur Géographe du Roi , rue
des grands Auguftins , vis - à - vis le Panier fleuri ,
vient de donner au Public une nouvelleCarte de toute
la Mofcovie , d'après Kirilow , Sécretaire du Conſeil
de Pétersbourg , contenant l'Empire de Ruffie , &
où on trouve les nouvelles Découvertes faites par
les Mofcovites , depuis environ quinze ans. Cette
Carte eft très-bien gravée , & eft fort au - deffus de
ce qui a parû jufqu'à préfent fur cette Partie.
Il a auffi publié une Mappe Monde nouvelle, dédiée
à M. le Comte de Maurepas , Miniftre & Sécretaire
d'Etat. Elle eft auffi parfaitement gravée , fort ornée
& accompagnée des inftructions convenables .
Nous avons parlé dans le Mercure du mois de
Janvier dernier , page 145 , d'une Carte, qui a pour
titre : Parités réciproques de la Livre Numéraire ou de
Compte , inftituée par l'Empereur Charlemagne , proportionnément
à l'augmentation du prix du Mare d'argent
, arrivée depuis fon Regne , jusqu'à celui de
LOUIS XV. à préfent regnant. Par le Sr Dernis
G iiij
Chef
784 MERCURE DE FRANCE.
Chef du Bureau des Archives de la Compagnie des
Indes Nous avertiffons ici le Public qu'on la trouve
chés l'Auteur , à l'Hôtel de cette Compagnie ,
& chés le Sr Baumont , fur le Pont Notre-Dame , au
Griffon d'or.
Cette Carte eft le fruit d'un plus grand Ouvrage,
qui traite non feulement des Monnoyes des François,
mais encore de celles des Hébreux , des Grecs,
des Romains, & enfin de toutes les Monnoyes des
quatre Parties du Monde , qui font venuës à la connoiffance
de l'Auteur , mais que , par des raiſons
qu'on détaillera quelque jour , & qui feroient ici
trop longues à déduire , l'Auteur n'a pu donner an
Public .
Elle eft divifée en 24 colonnes , fur 24 lignes. Ea
tête de chaque colonne on voit le nom de chaque
Roi, & le prix du Marc d'argent fous chaque Regne.
Les noms des Rois font auffi marqués à la marge,
avec les Epoques de la durée de leur Regne , enforte
que Charlemagne , fur la premiere ligne , répond
à lui-même , dans la premiere colonne , * &
enfuite à tous les Rois qui lui ont fuccedé. Louis
VII , deuxième ligne , répond à Charlemagne , premiere
colonne , à lui- même Louis VII , deuxième
colonne , & à tous fes Succeffeurs fur la même
deuxième ligne. Il en eft ainfi de tous les autres
Rois jufqu'à Louis XV , qui répond à lui - même ,
lignes & colonnes 23 & 24 , & à tous les autres
Rois qui l'ont précédé , en remontant juſqu'à Charlemagne
>
Il y a dans cette Carte une Diagonale , qui marque
les 20 fols dont la Livre étoit compofée fous
chaque Regne , en commençant par Charlemagne ,
*
Depuis Charlemagne jufques & compris Louis VI ,
la Livre a toujours été d'égale valeur."
jufqu'à
AVRIL. 785 1744.
jufqu'à Louis XV. C'eft de ces 20.fols que l'Auteur
a foulignés par un trait , qu'il faut partir , pour
trouver la valeur de la Livre de tel Roi qu'on voudra
choifir ,à volonté, en Monnoye des Rois qui l'ont
précédé , & de ceux qui lui ont fuccedé.
*
L'explication , qui eft au bas de cette Carte , fait
voir ce qu'étoit dans fon origine la Livre de Charlemagne
, & en quelle proportion elle étoit avec
la Livre des autres Rois ; enfuite la maniere avec
laquelle on peut trouver , d'un coup d'oeil , les l'arités
réciproques en Monnoye numéraire fous chaque
Regne.
>
Quelques- uns de Mrs des Académies de Paris ,
qui ont vu & examiné cette Carte , en ont fait un
rapport favorable à M le Chancelier , qui a bien.
voulu accorder à l'Auteur un Privilége pour neuf
années. Nous pouvons affurer que par fon exacte
précifion & fa fingularité , qui , dans 24 lignes
renferme un espace de près de mille ans , & dont ,
pour l'expliquer en difcours , il auroit fallu des
Volumes , cette Carte a mérité une place dans le
Cabinet de ce Magiftrat célebre , dans ceux des
Miniftres & Sécretaire d'Etat , & dans les trois fameufes
Académies.
Une perfonne croit devoir informer le Public
qu'elle vient d'être radicalement guérie d'un Cancer
ouvert au fein , pour lequel deux des plus habiles
Chirurgiens de Paris l'avoient condamnée à l'Opération
, fans efpérance d'autre Remede.
Le Sr Chonnet , Chirur. Privil . à Paris , a extirpé la
Glande de ce Cancer, par le moyen d'une Emplâtre
en exigeant feulement du Malade un régime très-
* Elle avoit trois qualités , de poids , réelle & numeraire,
GY facile
786
786 MERCURE DE FRANCE.
Facile à obferver , qui n'empêche point de voyager
ni de vaquer à fes affaires ; le même Remede opére
la guérifon de tous Ulcéres cancereux , même au
nez & aux levres .
Le Sr Chonnér eft en état de prouver par plufieurs
guérifons , la bonté de fon Remede. Il demeure ruë
de la Pelleterie , près le Palais , à Paris ; ceux qui
auront befoin de lui , auront la fatisfaction de voir
la guérifon de la perfonne qui donne cet Avertiffement
au Public .
LePublic eft auffi averti que laCompagnie desMattres
Apotiquaires de Paris , fait actuellement vendre
& diftribuer en leur Maiſon , ruë de l'Arbalêtre ,
Fauxbourg S. Marcel , & en leur Bureau , Cloître
S. Opportune , la Thériaque , qui a été composée
l'année derniere , en préfence de Mrs les Magiftrats
& de Mrs de la Faculté de Médecine. Les Boëttes
feront ficellées & fcelées du Sceau de la Compagnie
; on y joindra un Imprimé , contenant les vertus
& proprietés de ce Médicament , pour l'inf
truction de ceux qui voudront en faire uſage.
NOUVELLE Lettre au fujet du Spécifique
du Sieur Arnoult , écrite par M. D. Médecin
de Montpellier , à M. P. Médecin de
La Rochelle.
MONSIEUR ,
Une Lettre qui parut au mois d'Avril 1743 , contre
le Spécifique du Sieur Arnoult , & que je vous envoyai
alors , me donna des inquiétudes , au fujet des
rifques que couroient plufieurs perfonnes , à qui j'a
vois confeillé l'ufage de ce préfervatif. Je fuppofai
alors ,
AVRIL. 1744: 787
afors, comme un fait réel & inconteftable , que le
Sachet tant vanté ne garantifoit point d'attataque
d'apoplexie ceux qui le portent ; que M. du Cholet
en avoit eu deux en le portant , & qu'il étoit mort
fubitement de la derniere ; que c'étoit une charlatanerte
averée , qui méritoit au moins un fouverain mépris
. Telles font les paroles de l'Auteur de la Lettre .
Le point de la queftion , pour prononcer fur les
qualités d'un Remede , n'eft pas de fçavoir fi le débit
enrichit l'Inventeur ; il s'agit de la nature & de
l'efficacité du Remede , par rapport à la maladie. Si
ce Remede eft compofé d'ingrédiens inconnus &
impénétrables , n'eft - ce pas aux effets que l'on doit
s'en rapporter.
Pour combattre ceux du Remede du Sr Arnoult ,
' Auteur allegue certains faits , qui étant fuppofés
réels , tendent à renverfer les idées favorables du
Public fur la vertu du Spécifique . Ce font donc ces
faits que je vais examiner. Nous verrons enfuite les
conféquences qui en réfulteroient , dans la fuppofition
qu'ils feroienr véritables.
Je fçais que la Lettre de l'Anonyme eft peu connuë
; mais la moindre atteinte donnée à la vérité ,
même obfcurément , ne doit point être négligée
furtout quand il s'agit de la vie des Citoyens , &
qu'on s'efforce de décrier un Remede falutaire , qui
n'a pour ennemis que l'incrédulité ou la mauvaiſe
foi.
Pour m'inftruire de la vérité du fait fur lequel
roule la Lettre de l'Anonyme , j'allai ces jours paffés
trouver une perfonne de cette Ville , qui fait
ufage du Préfervatif du Sr Arnoult , & je la priai de
m'accompagner chés Mad. du Cholet , pour m'informer
des circonftances de la mort de M. fon mari..
M'étant donc rendu chés elle , j'appris les circonftances
de la mort de M. du Choler, telles à peu près
G vj qu'elles
788 MERCURE DE FRANCE.
qu'elles font expofées dans la Lettre de l'Anonyme,
mais on me dit qu'on s'étoit apperçû après la mort
de M. du Cholet , qu'il fortoit du fang purulent des
narines, & on ajoûta que les attaques de fa maladie
avoient toujours été fuivies de convulfions.
De-là je me tranfportai chés M , Mouton , Chirurgien
du défunt . Je le priai de diffiper mes doutes
fur la nature de la maladie de feu M.du Cholet , c'e
qu'il fit. M. du Cholet eft mort d'apoplexie , me
dit-il , je fus mandé dans le tems de fa dernière attaque
, & je le trouvai dans une grande agitation.
Il fut faigné du pied & mourut deux heures après.
Je priai alors ce Chirurgien de me dire quels Médecins
le voyoient ordinairement. Mrs Sylva & da
Moulin , me répondit il , furent mandés dans fa
premiere attaque , mais ils ne la jugerent point attaque
d'apoplexie , ils décidérent l'un & l'autre que
c'étoit une attaque d'Epilepfie .
Je demandai à M. Mouton la permiffion de faire
ufage de fa déclaration . Il m'affura qu'il étoit prêt
de la figner , mais que fon opinion particuliere étoit
que M. du Cholet étoit mort d'une apoplexie caracterifée.
Aprés cet éclairciffement , il reftoit à fçavoir fi
M. le Comte de Froullay , ci -devant Ambaſſadeur
du Roi à Venife , avoit été auſſi attentif à porter
le Sachet , qu'on le fuppofe dans la Lettre de l'Anonyme.
Le hazard ne m'a point éclairci fur ce
point. Trois perfonnes attachées à ce Seigneur depuis
10 30 & 40 ans , qui ne l'ont quitté qu'après
fa mort , m'ont certifié que M. le Comte de Froullay,
étant à Venife, eut deux attaques d'Apoplexie, il
y a deux ans & demi, qu'alors il ne faifoit point ufage
du Remede du Sr Arnoult ; que ce Seigneur écrivit
après ces deux accidens à M. Thiriot, Marchand
de Drap à Paris , qui lui envoya le Remede du Sr
9
Arnoult,
AVRIL. 1744. 789
Arnoult , dont il fit ufage dès qu'il l'eut reçû ; que
depuis qu'il eut commencé à le porter , il n'eut plus
aucunesrechutes d'Apoplexie. Voilà ce qu'ils me certifierent
. & peu de jours après j'apris qu'ils en avoient
délivré un Certificat dans les formes au Sr Arnoult.
Raifonnons maintenant fur ces deux faits , que l'Anonyme
a alterés dans fa Lettre.
Je vous demande à vous , M. qui connoiſſez fi
parfaitement le Diagnoftic des maladies ; avez - vous
jamais vû quelque Apoplectique qui eût des convulfions
dans le paroxyme de l'Apoplexie Cette
maladie n'eft- elle pas définie ftupor nervorum omnium
fenfus ce font cependant ces convulfions que
l'Anonyme repréfente comme une fuite de l'Apoplexie
dans la maladie de M. du Cholet , avouant
que ce Malade eft mort au milieu de ces convulfions.
Cependant Mrs Sylva & Dumoulin , au rapport
même du Chirurgien , n'y furent pas trompés;
ils regarderent M. du Cholet comme Epileptique ,
& vous fçavez , M. le peu de reffource que nous
avons dans la pratique contre l'Epilepfie qui fe ma
nifefte à so ans. Quoique le Chirurgien ait qualifié
d'Apoplexie ces accidens qui enleverent M.du Cholet
, je ne vous crois pas difpofé à trahir vos propres
lumiéres , & à méconnoître celles de ces deux
fçavans Médecins , pour adopter l'opinion folitaire
d'un Chirurgien , qui a d'ailleurs affés d'experience
& de réputation.
L'acquifition du Sachet antiapoplectique du Sr
Arnoult fut donc , de la part de M.du Cholet , une
précaution inutile & un préfervatif fuperflu ; c'eft
fur ceux qui lui confeillerent le vain ufage du préfervatif
en cette occafion , que l'Auteur devoit faire
* tomber fa cenfure , & non fur le Sr Arnoult , qui
denne à fon Remede les bornes que fes qualités exigent
; c'eft de l'Apoplexie qu'il préſerve & non
d'aucun
790 MERCURE DE FRANCE.
d'aucun autre mal ; il eſt abſolument inutile pour
l'Epilepfie.
or-
Pourriez-vous maintenant , M. ne vous pas ranger
du parti d'un Remede , que l'on attaque auffi
férieufement que s'il étoit démontré être inutile , ou
foupçonné d'être dangereux , quoique les faits allegués
dans la Lettre de l'Anonyme foient hazardés
& dépourvus de toutes preuves ? Quel fort auroient
eu , dans la pratique , l'Epixacuena , le Quinquina ,
le Mercure , le Kermès , & c . fi de vains Obfervateurs
euffent raffemblé les cas où ces Remedes ,
donnés à contre- tems , ont donné la mort aux Malades
, ou qui étant adminiftrés dans le cas d'un mak
violent & incurable , n'ont pû produire leurs effets
ordinaires Tout Remede qui n'eft point déplacé ,
& qui eft appliqué à une maladie fufceptible de gué
rifon , procure fon effet ; & celui du Sr Arnoult a ce
même avantage, il eft démontré par le Jugement de
Mrs Sylva & Dumoulin , que M. du Cholet étoit
Epileptique; donc le Sachet lui étoit inutile , fans cependant
le devenir pour l'Apoplexie .
Mais , dira- t'on , le Chirurgien que vous reconnoiffez
pour homme de pratique , n'a remarqué
dans tous les accidens de cette maladie , que ceux
qui caractérifent l'Apoplexie , donc M. du Cholet
eft mort Apopletique.
Cette opinion finguliere d'un Chirurgien , qui
tend à infirmer celle de deux Sçavans Médecins ,
vous féduiroit- elle , M. fi ce Chirurgien eût déclaré
Epilepfie une maladie que les deux Médecins euffent
qualifié d'Apoplexie ? Le Sr Arnoult feroit- il reçû à
oppofer à leur décifion celle d'un Chirurgien , dont
les maladies internes ne font pas l'objet? Un Chirurgien
peut quelquefois bien raifonner fur ces ma
ladies , mais fon raifonnement , lorfqu'il fe trouve
en contradiction avec deux célebres Médecins , qui
joignent
AVRIL. 1744. 79'
joignent à une pratique étendue une profonde théo
rie , n'éclaire pas plus qu'une bougie en plein Soleil
Je ne m'arrêterai point aux autres faits contenus
dans la Lettre,parce qu'ils ne prouvent rien . Que le
Curé de Romagny foit mort d'Apoplexie, quoiqu'ar
mé d'un Sachet , dois- je conclure que ce foit celui
du Sr Arnoult , lorfqu'on m'annonce que le frere du
défunt eft Apoticaire ? Ne fçait-on pas que ce Sachet
a été plufieurs fois contrefait par des gens de cette
Profeffion & autres , qui n'ont pas rougi de l'imiter
& de le diftribuer dans le monde fous le nom
d'Arnoult je pourrois tirer de la feule Ville de
Caën des preuves de ce que j'avance . Mais comme
ce feroit travailler pour l'avantage du Sr Arnoult
& que je ne me charge que de celui du Public , je
pafferai fous filence quantité de preuves qui dépofent
en faveur du Sr Arnoult , & je me borne à vous
rapporter les noms de quelques Particuliers conmus
, qui ont fait un aveu public des expériences
heureufes qu'ils avoient faites de ce Remede . Tels
font M. Garnier , Médecin de la Faculté de Paris ,
aujourd'hui premier Médecin du Roi à la Martinique
; M. Mauran, Médecin à Bergerac ; M. le Mercier
, Médecin de Rheims , & aujourd'hui Médecin
Confeiller ordinaire du Roi à l'Hôpital d'Huningue
; M. Desjours , Chirurgien Juré de cette Ville
& M. Février , auffi Chirurgien Juré , &c.
>
Mais il y a une voye plus fûre pour s'affurer des
effets certains d'un Remede c'eft le cri public
; or il eft certain que le Préfervatif du Sr Arnoult
a le fuffrage de la Cour & de la Ville , & il eft
démontré que ce Remede a operé plus de cures qu'il
n'en a manqué. Donc ce n'eft pas de la part du Se
Arnoult une charlatannerie avérée , comme le dit
témérairement l'Auteur Anonyme de la Lettre.
Cependant fuppofons pour un moment que les.
faits.
792 MERCURE DE FRANCE.
faits qu't allegue contre le Préfervatif du Sr Arnoult,
foient vrais & autentiques , qu'en réfulte- t'ib
autre chofe , finon que ce Remede n'a pas contre
l'Apoplexie plus de verta que le Quinquina contre
la fievre , & l'Epikacuena ou le Simarouba contre
la Diffenterie ? Il eft conftant qu'il n'y a point de
Remede abfolument & généralement infaillible . It
eft des maladies rebelles , qui ne cedent à aucun
Spécifique. Il fuffit pour l'honneur de ces Spécifiques
, qu'en général ils produifent tel effet , & que
rarement ils forent inéficaces . Ce feul raifonnement
met en poudre toute la Lettre de l'Anonyme. Ceffet'on
en Médecine d'ordonner le Quinquina , le Stibium
, le Kermés , l'Epixacuena , le Simarouba ,
parce que malgré l'adminiſtration de ces excellens
Remedes , le Malade ne laiffe pas quelquefois de
mourir ? S'il y avoit des Spécifiques abfolument infaillibles,
en tout tems , en tout lieu , & en toute
occafion , le Médecin n'auroit qu'à connoître le
genre de la maladie , dès- lors le Malade feroit fauvé
, & perfonne ne mourroit. Le raifonnement de
P'Anonyme eft donc peu fenfé , puifqu'en admettant
même les faits dont il triomphe , il n'en réfulte rien .
Que peut- on conclure de deux ou trois faits contraires
à l'efficacité du Préſervatif ( en les fuppofant
vrais ) contre une foule d'autres faits , & contre une
nuée de témoins , & de témoins de la plus haute
confidération & les plus dignes de foi , parmi lefquels
fe trouvent des perfonnes de l'Art , qui attef
tent mille guérifons opérées par le moyen de ce
Spécifique
Le Sr Arnoult n'eft point obligé de réfuter les faits
qu'on lui oppofe, & quand on pourroit lui en objecter
plufieurs autres pareils , la réputation de fon
Remede ne fouffriroit aucun déchet ; mais il s'en
faut bien qu'il convienne avec l'Anonyme , que les
faits
AVRIL. 1744. 793
faits allegués dans fa Lettre foient vrais & autentiques.
Par rapport à la maladie de feu M. le Comte
de Froullai , voici la preuve du contraire de ce que
l'Anonyme a ofé avancer. C'eſt le Certificat de trois
perfonnes , entre les mains defquelles ce Seigneur
eft mort. Je vous l'envoye , M. tel que je l'ai copié
fur l'original.
» Nous fouffignés , Guyard , Douillet & Bizel ,
» certifions à qui il appartiendra , que moi Guyard,
»ily a quarante ans que j'ai l'honneur d'être attaché
à Son Excellence M. le Comte de Froullai
» ci-devant Ambaffadeur du Roi à Venife ; que moi
Douillet, j'ai le même honneur depuis trente ans ,
» ainfi que moi Bizel depuis dix ans , que nous ne
» l'avons point quitté depuis ce tems , jufqu'à fa
" mort, & que nous avons une parfaite connoiffance
de deux accidens d'Apoplexie qui lui font arrivés
à Venife , il y a deux ans & demi , & qu'a-
» lors il ne faifoit point d'ufage du Sachet du Sr Ar-
" noult ; que dans le tems , & après ces deux acci-
"dens d'Apoplexie , S. E. écrivit à M. Thirior ;
" Marchand de Drap à Paris , & fon homme de con
ל כ
fiance , qui lui envoya auffi-tôt le Remede du Sr
" Arnoult ; que mondit Seigneur en a fait ufage de-
" puis , & qu'il est très conftant , que depuis l'ufage
qu'il a fait de ce Remede , il ne lui eft arrivé
aucun accident d'Apoplexie. Nous croyons
"devoir rendre ce témoignage en confcience & en
» honneur , d'autant plus que le reproche que l'on
» a fait au Sr Arnoult , dans le Journal des Sçavans
» du mois d'Août 1743 , page 1529 , par forme
» d'Extrait d'une Lettre anonyme , porte précifé-
> ment , que S. E. le Comte de Froullai a eu quatre
» atteintes d'Apoplexie , quoique depuis la premiere
il ait été bien attentif à porter le Sachet ; ce qui
» eſt une accuſation des ennemis du Sø Arnoult ,
» très794
MERCURE DE FRANCE.
» très-fauffe , & tout à fait contraire à la vérité ; en
» foi de quoi nous en donnons la préſente déclara-
" tion en notre ame & confcience , & tel que
" nous le ferions en Juftice , fi nous en étions requis.
Le tout pour fervir & valoir ce que de raifon.
A Paris le 17 Mars 1744. Signé , BIZEL ,
FRANÇOIS GUYARD , & DOUILLET .
ar
သ
Je finirai par une refléxion qui fervira de reponfe
à une frivole objection de l'Anonyme; le Remede
du Sr Arnoult , felon lui , eft pernicieux . Pourquoi ?
C'eft qu'il infpire une fauffe confiance , & empêche
ceux qui font menacés d'accidens d'Apoplexie , de
fe précautionner par les moyens ordinaires de la
Médecine. Je réponds que le Sr Arnoult ne prétend
point difpenfer ceux qu'il arme de fon Sachet , de
fe précautionner de la même maniere que s'ils ne le
portoient point. Au contraire il croit , avec raiſon ,
que fon Remede en fera plus efficace , fi on y joint
un fage régime prefcrit par un habile Médecin.
Le Sachet perd beaucoup de fa vertu , fi l'on s'abandonne
à des excès , & fi l'on mépriſe les utiles
précautions que la Médecine confeille. Arnoult
foumet fon Sachet à la prudence de la fçavante Faculté.
C'eft une arme qu'il lui fournit , pour joindre
à fes autres armes contre l'Apoplexic .
Je fuis , Monfieur , &c .
CHANSON
Avril
1744.
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
ASTOR
, LENOXAND
TILEEN
FOUNDATIONE
THE
NEW
YORK
PUBLICHERARY
.
AND
ROUNDATIONS
.
G
AVRIL. 1744. 795
CHANSON
E pouvante tes bords , gronde, Mer orageuſe ,
Jufqu'aux Cieux éleve tes flots ;
Et , pour nous étaler la richeffe trompeuſe ,
Ramene du Pérou nos orgueilleux Vaiffeaux.
Tranquile, heureux , aux bords d'une Onde pure ,
L'ambition n'entre point dans mon ſein ;
Je dois tous mes tréfors à la fimple Nature ;
Ma Bergere fe plaît à me verfer du vin.
Laffichard.
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Comédie des Mariages
Affortis , en Vers & en trois Acles , repréfentée
par les Comédiens Italiens le 10 Fe
vrier dernier.
ACTEURS.
Dorimon , pere de Damon & du Chevalier,
amon ,
Le Chevalier ,
le Sr Mario.
le Sr Riccoboni.
Le Sr Deshayes..
raminte, foeur de Lifimon , la Dlle Belmont.
Lifumon
796 MERCURE DE FRANCE.
Lifimon, pere d'Angélique , le Sr Sticotti
Angélique, fille de Lifimon , la Dlle Silvia.
Beauval , ami de Damon , le Sr Rochard.
Hortenfe , fille de Beauval, la Dlle Riccoboni.
Finette , Suivante d'Angélique & d'Araminte
,
Un Notaire.
L
la Dlle Deshayes.
le Sr Ciavarelli.
La Scine eft à Paris.
'Auteur de cette Piéce ne s'eft pas encore
nommé ; quel qu'il foit , nous ne
pouvons nous difpenfer de lui rendre, avec
tout le Public , la juftice qui lui eft dûë ; fa
verfification a été généralement applaudie ,
& fi le fond de fon fujet n'eſt pas également
approuvé par ce qu'on appelle vis Comica,
on ne peut difconvenir qu'il ne brille par
les beautés de détail. Ses traits , fes portraits,
fes maximes & fes définitions lui ont fait un
honneur infini. En voici l'Extrait.
Au premier Acte , Dorimon , pere de Damon
,
Héros de la Piéce , reproche à ce fils
vertueux une maniére de vivre, qui tient un
peu de la fingularité. Damon convient qu'il
n'eft pas tout-à-fait exempt du défaut dont
fon pere entreprend de le corriger , mais il
le fait d'une maniere à faire connoître à Dorimon
que ce défaut apparent eft une vertu
réelle . Voici commentil fe définit lui-même.
Oui,
AVRIL.
797 1744 .
Qui , je ſuis accufé de fingularité ,
Car tout homme à talens eft par moi respecté.
La plupart , il eft vrai, ne vont point dans le Monde
On s'y pique , à l'envi d'ignorance profonde ;
On déclare la guerre au feul titre d'eſprit ,
Et l'on paroît méchant lorsqu'on approfondit.
Dans le Monde faut- il qu'un Sçavant , ſe rép ande?
Quels difcours découfus voulez - vous qu'il entende
J'efperois rencontrer dans ce Monde charmant
Des vertus où l'efprit féme fon agrément ;
Dans ce qu'on nomme ici la bonne Compagnie ,
J'ai crû qu'on le formoit le coeur & le génie ,
Et que ce qui faifoit une bonne maifon ,
C'étoit l'art d'être aimable avec de la raiſon ;
Je l'ai connu ce Monde ; ah ! grands Dieux , quelle
Ecole !
C'eſt de nos jeunes gens une cohorte folle ,
Sans principes , fans goût , s'accrochant à des mots ,
Révoltans dans leurs airs , libres dans leurs propos
Dont l'efprit effrené, fans reſpect , fans prudence ,
Fait rire la folie , & rougir la décence ;
J'ai cru que je pouvois, fans me faire aucun tort ,
Laiffer ces Meffieurs- là , qui me déplaiſent fort , & c.
Dorimon n'a garde de contredire des
fentimens fi raifonnables , mais il fait
entendre à ſon fils qu'il y a un milieu
à prendre dans les portraits divers qu'il
vient de faire; ce qu'il explique par ces Vers .
Damon ,
798 MERCURE DE FRANCE.
Damon, on penſe bien quand on fçait fe conduire,
Et ce grand art confifte à fçavoir ſe produire.
Fréquentez ces maiſons , où , fans être foûmis ,
Dans l'éclat des honneurs, on fe fait des amis.
Tous les vôtres , mon fils , plus chagrins que fauvages
,
Au Dieu de la Fortune ont offert des hommages
;
Ces hommes rebutés , méprifent par dépit
Ceux dont le crime fut d'effacer leur crédit ;
Libres en apparence , ambitieux dans l'ame ,
C'est l'animofité qui fronde & qui déclame ;
Ils haïffent les Grands par pure paffion ,
Et leur mifantropie eft de l'ambition ;
Leur efprit dédaigneux que leur difgrace entraîne ,
Paroît brifer leurs fers , tandis qu'il les enchaîne ;
Ce qu'on nomme vertu , je le vois d'un autre oeil ;
On ne hait l'Univers que par efprit d'orgueil.
Ces deux Portraits , quoiqu'oppofés , ne
fe détruifent pas l'un l'autre , & juftifient le
jufte milieu dont nous venons de parler.
Dorimon ne laiffe pas d'être très-fatisfait
de l'efpece de mifantropie de Damon , mifantropie
à laquelle on pourroit à juſte titre
donner le nom de Philofophie ; il eft ravi
d'apprendre que fon fils n'a aucune répugnance
pour le mariage. Voici comment
Damon s'explique quand il lui en parle :
Non
AVRIL. 1744.
799
Non, je n'ai pour l'Hymen aucun éloignement ;
Je ne me fuis jamais lié d'aucun ferment ,
Et même mon plaifir feroit inexprimable
De faire le bonheur d'une perfonne aimable .
Voici où le noeud de la Piéce commence.
Dorimon a déja chargé le Chevalier , auffi
fuperficiel que fon frere eft folide , de trouver
un parti fortable à Damon ; il arrive ce
Chevalier étourdi ; il fait entendre à Dorimon,
fon pere , que la future est toute trouvée.
Voici le portrait qu'il en fait.
C'est une fille riche ; elle n'a plus de mere ;
C'est toujours une avance , & furtout point de frere;
Elle n'a qu'une four, qui fait choix du Convent ;
Le pere fera mort dans un an , même avant , & c.
• Oui ; fa face eft mourante ;
Cette fille a de plus une affés vieille tante ,
Décrépite & coquette , & dont le tein fané
Cache les paffions fous un front fillonné ;
Le tems chés elle encor n'a point éteint leur braife ;
Sa mine a foixante ans , fon coeur n'en a que feize ;
Elle a du bien vraiment ; il feroit dangereux
Qu'un jeune homme parût trop afmable à fes yeux ;
Il s'en empareroit par un bon mariage ,
Et c'eſt à quoi je veux pourvoir en homme fage,
Ce portrait fert à faire connoître le caractere
800 MERCURE DE FRANCE.
.
ractere des Interlocuteurs qui doivent entrer
dans la Piéce .
Damon n'eſt pas trop fatisfait du portrait
que le Chevalier lui fait d'Angélique , c'eſt
le nom de la femme qu'il lui propofe, quoiqu'il
ait deffein de l'époufer lui-même. Il
veut aller l'informer de ce qu'il a fait ; elle
lui en épargne la peine ; elle vient lui té,
moigner fa furpriſe par ces Vers,
Je viens vous faire part de ma furpriſe extrême;
Vous m'aimez, dites-vous,& malgré votre amour,
Vous voulez que Damon m'époufe dans ce jour !
La façon de penfer eſt tout- à- fait nouvelle ;
Je dois vous fçavoir gré d'un tel excès de zele ;
LeChevalier lui dit que la propofition qu'il
vient de faire à Dorimon & à Damon , n'eft
qu'un jeu , un badinage , une rufe dont il
efpere un fuccès infaillible. Voici fur quoi
il fe fonde , en parlant de Damon comme
d'un pédant.
C'est un homme à fouhait, pour fervir notre flâme ;
Car, fût- il au moment de vous prendre pour femme,
Il s'en défiftera fans aucun repentir ,
Si Monfieur votre pere y veut bien confentir.
Or, il ne faut qu'un point , afin qu'il y confente ,
C'eft de pouvoir jouir du bien de votre tante ;
Car cet article feul doit être notre objet.
1}
AVRIL. 1744.
801
Il faut donc vous prêter à fervir mon projet.
Jouez l'impertinence aifée & nonchalante
D'une femme à grands airs dont l'époux repréfente ;
Vous verrez auſſi tôt mon frere épouvanté.
Voilà tout votre rôle , & moi de mon côté ,
Je ferai l'Amoureux de la bonne Ariminte ;
Avec fuccès déja j'ai commencé la feinte ;
Son ame s'adoucit & ne doute de rien
Et quand j'aurai fon coeur , j'aurai bien- tôt fon bien.
Nous allons voir dans l'Acte fuivant
comment il s'y prendra pour avoir le fuccès
dont il fe flate dans fa fourberie,
Damon ouvre le fecond Acte, avec Beauval,
fon ami, perfonnage qui n'a point paru
dans le premier , & qui donne lieu à une
expofition , laquelle trouvera fa place dans
le dernier Acte , & fervira à remplir le titre
de la Piéce , puifqu'il fera un mariage bien
afforti . Ce Beauval n'approuve pas la facilité
avec laquelle Damon confent au mariage
fon pere ,ou plutôt fon frere le Chevalier
a projetté pour des vûës qui ne regardent
que lui-même. Voici comment ce fidéle
ami fait connoître qu'il eft digne de la
confiance de notre Philofophe , crû homme
fingulier :
que
Je fuis trop votre ami, pour n'être pas fincére ;
L'Hymen & le bonheur ne fe rencontrent guere;
H De
802 MERCURE DE FRANCE.
De l'Hymen aujourd'hui l'on ne ferre les noeuds ,
Que pour être opulent, & non pour être heureux;
Cette foi, qu'on fe donne , eft un voeu mercenaire,
Qu'on forme effrontément,fans amour & fans plaire.
C'eſt à la foif du bien qu'on cherche à l'immoler ;
Ce font des chaînes d'or dont on veut s'accabler ;
Ce lien , dépouillé de tendreffe & d'eftime ,
N'a point cette vertu, qui le rend légitime ,
Qui produit des Epoux le charme naturel ,
Et ce bonheur fe change en un malheur réel.
Beauval , par cette maxime fi fage , ne
prétend pas fronder le mariage mais
l'abus qu'on en fait ; il a été marié , & regrette
tous les jours la vertueuſe moitié que
la mort lui a enlevée , cependant les fuites
de ce mariage n'ont pas laiffé d'être fâcheufes
pour lui , par le malheur qu'il a eu de
perdre tous fes biens. Sa pauvreté l'a réduit
à confentir qu'un de fes parens fe chargeât
de fa fille , mais avec tant de dureté, qu'il ne
lui eft pas même permis de la voir,tant fa mifere
le rend méprifable à ce parent , qui lui
à prêté un azile , moins par générofité que
oftentation . Damon lui demande le nom
de ce cruel parent , mais le Chevalier , qui
arrive fubitement ,lui coupe la parole, & ce filence
étoitutile&même néceffaire à l'Auteur,
pour allonger fa Piéce.. Le Chevalier prend
Beauval pour un faifeur de harangues. 11 a
par
befoin
AVRIL. 1744. 803
befoin d'un compliment , & il voudroit
en acheter un qui fût bien tourné . Dans
cette croyance il dit à Beauval , le voyant
affés mal vétu :
Si j'en crois l'apparence ,
Monfieur ne paroît pas être dans l'opulence ;
Les Lettres, je le vois , ne font pas en crédit ;
J'en fuis , ma foi, fâché ; j'aime beaucoup l'esprit.
Beauval n'eft pas fi fort abbattu par la
mauvaiſe fortune , qu'il n'ait , malgré toutes
fes peines , confervé la noble audace de
repouffer une injure ; il répond dédaigneufement
au Chevalier :
Monfieur , on ne doit pas trouver la chofe étrange ;
Vous le fçavez affés , fur tout la mode change ;
C'eſt en votre faveur qu'elle regne en ce jour ;
Le Sage en fe taifant , doit attendre fon tour.
Beauval s'étant retiré après ce petit trait,
Damon fait connoître à fon frere , qu'il n'a
pas à s'en plaindre , puifqu'il fe l'eft attiré fi
mal à propos. Le Chevalier n'en devient
plus fage , & demande à fon frere qui eft
cet homme-là ; Damon lui répond qu'il eft
fon ami , & très-digne de l'être .
pas
Dorimon , leur pere , interrompt leur
conteftation, & annonce à Damon fa future
épouse & fon futur beau-pere. En effet, ils
Hij ne
804 MERCURE DE FRANCE.
ne fe font pas long-tems attendre ; ils font
fuivis d'une vieille tante & d'une prétenduë
foeur d'Angélique , dont nous apprendrons
le véritable fort au dernier Acte.
Cette Scéne entre les Parties contractantes
, eft du nombre de celles qu'on appelle
remplies de jeu comique. L'équivoque continuelle
qui en fait tout le prix, eft de convention
entre le Chevalier & Angélique.
La vieille tante , qui y eft jouée , fe croit
aimée du Chevalier , qui n'en veut qu'à
Angélique , pour Hortenfe , qui ne trempe
nullement dans la fourberie du Chevalier ,
la bonne Araminte lui donne ce conſeil :
Hortenfe, écoutez bien , & fentez cet honneur ;
D'Angélique , ma niéce , il faut vous dire foeur ;
Il faut enfévelir l'état de votre pere ;
De peur de vous tromper, ayez foin de vous taire.
Toutes ces mefures étant prifes , & bien
obfervées , il n'en peut réfulter qu'une Scéne
très-amufante. Lifimon , Pere d'Angé--
lique , paroît affés content de Damon , fon
gendre futur , ce qui l'oblige de dire à Dorimon
fon
pere :
Je ne vois pas en lui ce que j'avois penfé ;
Pour homme fingulier vous l'aviez annoncé.
Voici ce que Damon lui répond en vrai
Philofophe : Si
AVRIL. 1744. 805
Si j'ofois me charger d'un pareil perſonnage ,
Pour pouvoir m'approuver, je vous trouve trop fage;
Qui cherche à s'annoncer fous ce titre affecté ,
N'eſt fouvent dans le fond qu'un efprit avorté ,
Qui veut en impoſer , à la faveur d'un terme ,
Sur l'incapacité qu'en foi-même il renferme,
Mais celui qui s'applique à n'avoir jamais tort ,
Qui, malgré fes talens , paroît fimple à l'abord ,
Qui , pour faire plaifir , defire des richeffes ,
Qui connoît l'amitié , qui paffe les foibleffes ,
Qui des travers publics rit en particulier ,
Voilà ce que j'appelle un homme fingulier.
Dans tout le cours de cette Scéne voici
ce qu'il y a de plus folide , c'eſt que Damon
ne paroit touché que de la phyfionomie
d'Hortenfe ; elle feule lui paroît capable de
faire un mariage bien afforti , c'eft ce qui
l'oblige à l'entretenir en particulier. Sa
fageffe acheve de la rendre aimable à fes
yeux . Nous allons voir le projet de cette
paffion naiffante dans le troifiéme & dernier
Acte.
Il n'a pas été bien difficile à l'Auteur de
certe Comédie de parvenir au dénoûment
& de faire deux mariages bien affortis.
Commençons par celui du Chevalier avec
Angélique , dont les caractéres fe conviennent
parfaitement. Dès les premieres Scénes
de cet Acte , il a pris foin d'obtenir le con-
H iij fente806
MERCURE DE FRANCE
fentement de Lifimon , pere d'Angélique .
Voici comment ce bon père s'explique :
En faisant le bonheur d'une fille que j'aime ,
Dans cette affaire -là , mon plaifir eft extrême ,
De voir qu'avec adreſſe on attrape ma foeur ,
Et lorfque de fon bien vous ferez poffeffeur ,
De concert avec vous , je me moquerai d'elle.
4
Le Notaire que le Chevalier a mis dans
fes interêts , parle ainfi à Liſimon :
De la donation la forme fera telle ,
Qu'Araminte fera fruftrée entierement ,
Et ne touchera rien , que par votre agrément.
Je fçais , graces au Ciel , mon métier de Notaire.
Araminte vient confirmer ce que le Notaire
vient d'affûrer à Lifimon ; voici la forme
de la Donation qu'Araminte veut dicter
elle-même.
Ayant de tous les tems eu du goût pour l'épée ,
Aimant du Chevalier la perfonne & l'état ,
Ecrivez; pour donner force à cet Acte - là ,
Que , fi du mariage il ne fort pas lignée ,
Malheur, dont, grace au Ciel, je fuis bien éloignée ,
Je donne néanmoins mon bien au Chevalier ,
Sans qu'aucun autre puiffe en être l'héritier.
Voila Araminte aufli bien liée qu'on le
peur
AVRIL. 1744. 807
peut être dans un mariage de Comédie ; venons
à Damon ; fon mariage eft bien mieux
afforti & du moins les moeurs n'y font point
bleffées . Il cherche & trouve en Hortenfe
de la vertu ; c'eft la feule dot qui peut rendre
un honnête homme heureux . Cette vertu
éclate furtout dans ce qu'elle dit à Beauval,
qu'elle croit être fon vrai pere; le voici .
Mon pere, à votre aſpect , que mon amé eft ravie !
Ah ! ne prononcez pas le malheur de ma vie ;
Je ne voudrois jamais de Damon pour époux ,
S'il faut pour l'obtenir que je renonce à vous ;
Votre feule amitié pour mon coeur a des charmes ;
Nommez-moi votre fille & calmez mes allarmes.
Cette reconnoiffance fait un plaifir extrême
à Damon ; il le fait connoître pár cos
deux Vers :
Ciel ! qu'entends-je ? fa fille ! ô bonheur inoüi !
Quoi le pere d'Hortenfe eft mon meilleur ami !
Beauval , charmé de la joye que Damon
fait éclater , y répond par ces quatre Vers :
Comblé de vos bienfaits , j'étois dans l'impuiffance
De vous rendre certain de ma reconnoiffance ;
f
Trop heureux qu'aujourd'hui l'amour foit de moitié,
Et vienne à mon fecours pour payer l'amitié !
C'eft par-là que finit la Comédie des Ma-
Hiiij riages
808 MERCURE DE FRANCE.
riages affortis ; toutes les Parties contractantes
y font fatisfaites ; Araminte y eft facrifiée,
mais il y a apparence qu'elle prendra
fon parti ; du moins il le faudra bien , ne
pouvant mieux faire.
Le 13 , les mêmes Comédiens firent l'ouverture
de leur Théatre par la Comédie des
Fées , Piéce en Vers & en trois Actes , fuivic
d'un Divertiffement & d'un Vaudeville. On
donna enfuite la premiere repréſentation
d'une petite Piéce Italienne en un Acte ,
intitulée , la Joûte d'Arlequin & de Scapin
laquelle a été fort applaudie & parfaitement
bien joüée. On donna après le même Feu
d'artifice , intitulé le Bercean , qui avoit été
donné à la clôture du Théatre , avec un trèsgrand
concours.
On prononça le même jour , fuivant l'ufage
, à l'ouverture du Théatre , le Compliment
, qu'on donnera le mois prochain .
Le 23 , les mêmes Comédiens donnerent
la premiere repréſentation d'une Comédie
nouvelle en Profe & en trois Actes , intitulée
, les Combats de l'Amour & de l'Amitié,
de la compofition de M.... & fon premier
Ouvrage pour le Théatre Italien . Cette Piécft
, dont on parlera plus au long , eft ornée
d'un Divertiffement , & terminée par un
Vaudeville .
Le
AVRIL. 1744.
809
Le 13 Avril , les Comédiens François ouvrirent
leur Théatre par la Tragédie de Zaire
, de M. de Voltaire , laquelle fut ſuivie
de la petite Comédie du Port de Mer ; le
fieur Defchamps , qui avoit prononcé le
Compliment qu'on fait ordinairement à la
clôture du Théatre , prononça celui de l'ouverture.
Le 27 , les mêmes Comédiens donnerent
la premiere repréſentation d'une Comédie
nouvelle , en Vers & en cinq Actes , intitulée
l'Ecole des Meres , de la compofition
de M. de la Chauffée , de l'Académie Françoife.
On parlera plus au long de cette nouveauté
, qui a été généralement applaudie.
EPITRE à Mile Dumefnil , au fujet dn
Rôle de Mérope,Tragédie de M. de Voltaire.
AH! fans doute , c'eft Melpomene ,
Qui des Vers d'Apollon fait retentir la Scéne ;
Sa préfence embellit ces Lieux ;
Ses pas guidés par la nobleffe ,
Ses regards , tout enfin m'annonce une Déeffe ;
Le goût , le fentiment triomphent dans les yeux ;
Le tendre amour y prend les traits dont il me bleffe,
Dieu puiffant, offre -lui mes voeux & mon encens ;
Fais quelle accepte mon hommage ;
Lui préfenter ces Vers, ces tranfports que je fens ,
Hv C'eft
810 MERCURE DE FRANCE.
C'eſt lui préſenter ſon ouvrage ;
L'Amour , offrant le coeur d'un profane mortel ,
N'avilit point des Dieux le redoutable Autel.
Par toi , la jalouſe Roxane
Nous a fait trembler mille fois ;
A la fureur de Phédre , aux plaintes d'Ariane ,
Quelle autre eût mieux prêté la voix ?
Tes yeux fçavent verfer les pleurs de Cornelie ,
Et lancer ful Joas les regards d'Athalie.
Oui , chere Dumefn.l , c'eſt toi ,
Qui , fans fard & fans impofture ,
Sçais fibien peindre la Nature ;
Tu remplis tous nos fens de tendreffe & d'effroi ;
Par fes pleurs , par un fort ſi triſte ,
Mérope pour fon fils a fçû nous allarmer ;
Eh ! qui pourroit ne point aimer
La veuve de Crefphonte & la mere d'Egyfte a
Tu parles , & foudain l'efprit eſt enchanté
Le Spectateur épouvanté ,
D'un Tyran foupçonneux redoute la colere ;
L'inquiétude d'une mere
Intereffe mon coeur , tendrement agité.
Melpomene
, apprens- moi ce fecret fi vanté ,
Le talent féducteur d'émouvoir & de plaire ;
Sans tes divins talens , Apollon eût douté
Qu'on pût prêter encor des charmes à Voltaire.
LE CLERC , de
Montmercy.
Le .
AVRIL. 1744. 811
Le 14 Avril , l'Académie Royale de Muſique
fit l'ouverture du Théatre par l'Opera
de Roland , lequel a été continué jufques &
compris le 21 de ce mois .
Le 23 , on remit au Théatre la Tragédie
de Dardanus , qui avoit été donnée pour la
premiere fois le 19 Novembre 1739. Le
Poëme eft de M. la Bruere , mis en Mufique
par M. Rameau ; on peut voir l'Extrait qui
en a été donné dans le premier Vol . de Décembre
de la même année , pag. 2890 .
Le 18 Mars , le Roi , par Arrêt de fon
Confeil d'Etat , du même jour , a accordé
le Privilége de l'Académie Royale de Mufique
à M. Berger , qu'avoit ci-devant M. de
Thuret , qui s'eft retiré.
NOUVELLES ETRANGERES ,
TURQUI E.
Na appris deConftantinople , que le bruit y
couroit qu'il y avoit une négociation renouée
pour un accommodement entre le Grand Seigneur
& Thamas-Kouiikan , & que la ſignature du Traité
de Paix n'étoit retardée , que parce que ce dernier
demandoit que le Schach -Rade fut obligé de fortir
des Etats de Sa Hauteffe.
H vj SUEDE
812 MERCURE DE FRANCE.
SUEDE.
N mande de Stockolm du 2 du mois dernier ,
qu'un courier qui y eft arrivé de Coppenhague
le 29 du mois précédent , a apporté la Convention
qui y a été fignée le 24 au nom du Roi de
Suéde par le Comte de Teflin , Ambaffadeur Extraordinaire
de S. M. auprès du Roi de Dannemarck
, & au nom de S. M. Danoife par Mts de
Holften , de Berkentin & de Schulin , fes Miniftres
Plénipotentiaires.
On affûre qu'il a été ftipulé par un des articles
de cette Convention , que l'une & l'autre des Puiffances
Contractantes donneroient les ordres néceffaires
, pour que dans l'efpace de trois ſemaines
leurs troupes fe féparaffent ,& que leurs Flotes fuffent
défarmées. Le Roi a envoyé à la Czarine une copie
de cette Convention , afin de la faire approuver
par S. M. Cz.
*
On a appris le 9 du mois dernier , que la Ratification
de cette Convention a été fignée par le Roi
& envoyée au Comte de Teffin , pour être remife
par cet Ambaffadeur à S. M. Danoife.
RUSSIE.
ONmande de Pétersbourg du 26 Février dernier
, que la Czarine
a fait
remettre
au Réfident
de la Reine de Hongrie une Déclaration par
laquelle S. M. Cz . demande à cette Princeffe une
fatisfaction convenable au fujet des dépofitions faites
contre le Marquis de Botta .
Les Négocians , qui font venir des marchandifes
de Perfe , ont pris des mesures pour faire à l'avenir
transporter directement à Archangel toutes celles
qu'ils
AVRIL. 1744. 813
qu'ils tirent d'Ifpahan , & par ce moyen elles arriveront
beaucoup plûtôt que lorsqu'on étoit obligé
de leur faire paffer les Montagnes de Derbent , &
de les voiturer par le Volga , qui eft gelé pendant
plufieurs mois de l'année.
On a conduit fous une eſcorte jufqu'à la Frontiére
de la Curlande , les domeftiques Allemands , qui
étoient auprès du Prince & de la Princeffe de Brunfwick
Bevern , & on leur a défendu de rentrer en
Ruffie , fans une permiffion expreffe de la Czarine.
ALLEMAGNE.
Na appris de Vienne du 4 du mois dernier ,
que la Reine ayant réfolu d'avoir trois armées
pendant cette campagne , la premiere , qui fera la
plus confiderable , s'affemblera vers le Rhin , &
& qu'elle fera commandée par le Prince Charles de
Lorraine , & par le Comte de Traun ; que le Général
Bathyani aura le commandement de celle qui
doit s'affembler en Bavière , & qui fera compofée
de 30000 hommes , qu'il y aura en Moravie un
Corps de dix- fept Bataillons , auquel on joindra les
Régimens de Dragons de Ballagra & de Saxe Gotha
, 2000 Varadins , & les Milices de la Province ,
avec une partie de celles du Royaume de Bohême.
Les nouvelles inftances , faites par la Czarine
pour obtenir une fatisfaction fur les plaintes qu'elle
a portées contre le Marquis de Botta , ont déterminé
la Reine , à faire inftruire le procès de ce
Marquis , & à lui ordonner les arrêts , jufqu'à ce
qu'on ait examiné les preuves alleguées contre lui .
Les Commiffaires nommés pour le juger , font les
Comtes de Wurmbrand & de Hartig , dont le premier
a été Préſident du Confeil Aulique , & Mis
Pal814
MERCURE DE FRANCE.
Paltzer , Hutner & Jordan, Confeillers de la Chancellerie
.
Les eaux du Danube étant augmentées confiderablement
par la fonte des neiges , ce fleuve eft débordé
, & il a fubmergé deux Fauxbourgs de Vienne
& un grand nombre de Villages , dont les habitans
ont été obligés de fe fauver fur les toits de leurs maifons.
La Reine a ordonné qu'on ne négligeât aucun
moyen de les fecourir , & plus de cent barques ont
été employées à tranfporter dans cette Ville les uns ;
& à porter aux autres des vivres .
On mande de Francfort du 29 du mois dernier ,
que l'Empereur a fait remettre à la Diette de l'Empire
un Mémoire , portant qu'il y a actuellement
56 Bataillons & 19 Régimens de Cavalerie des
troupes de la Reine de Hongrie dans les Etats Héréditaires
de S. M. I. que rien n'eft plus touchant
que les Relations qu'on reçoit de la fituation déplorable
à laquelle la Baviére eft réduite ; que le Clergé
fuccombant fous le poids des impofitions , n'a
plus d'autre reffource que dans l'argenterie qui refte
aux Eglifes ; que la Nobleffe , épuifée par des vexations
continuelles , eft dans une défolation , dont
les fujets augmentent tous les jours ; qu'un grand
nombre de Bourgeois , dont les maiſons ont été
brûlées ou pillées , ont pris le parti d'aller mandier
avec leurs familles ; que la plupart des Payfans ont
abandonné leurs terres , & que les autres font
dans une fi grande indigence , qu'à peine ont ils de
quoi le préferver de la famine ; qu'il y a plus d'un
endroit où ce Fleau s'eft déja fait fentir , & où les
habitans ont éprouvé les extremités les plus fâcheufes
; que les Fondations pieufes n'ayant pas été à
P'abri de la perfécution & de l'avarice des ennemis ,
il n'y a plus d'afile ni de foulagement pour les pauvres
ni pour les malades , qui périffent faute des
LeAVRIL.
815
1744.
fecours les plus néceffaires ; qu'enfin il ſemble que
la Reine de Hongrie , par une conduite fi éloignée
de tout ménagement , fe propofe de mettre la Baviére
hors d'état de fe relever jamais des maux
qu'elle fouffre ; que c'est pour en arrêter le cours
ou du moins pour les faire diminuer , que l'Empereur
s'adreffe aux Etats de l'Empire , dans l'efpela
Diette prendra des mesures efficaces ,
pour faire ceffer cette oppreffion .
rance que
On a appris de Francfort du 6 de ce mois , qu'il
y paroît des copies d'une nouvelle lettre que l'Empereur
a écrite au Roi de la Grande Bretagne , &
qui porte que S. M. I. auroit fouhaité de pouvoir
être convaincue par les raifons alleguées dans les
réponſes de ce Prince , que la Dignité du Corps
Germanique n'étoit point compromife par les Actes
que la Reine de Hongrie a fait inferer dans les Archives
de la Diette de l'Empire ; que la décifion de
cette affaire ne dépend point de quelques queſtions
incidentes ; que le Roi de la Grande Bretagne ,
conjointement avec les autres Electeurs a élû l'Empereur
, qui a été reconnu en cette qualité , fans aucune
contradiction , non-feulement par les Etats de
l'Empire , mais encore par toutes les Puiffances
Etrangeres , que la Reine de Hongrie refufe feule
de fe conformer à l'exemple du refte de l'Allemagne
, & qu'elle attaque la validité de l'Election de
S. M. I. dans les Actes qu'elle a fait recevoir à la
Dictature ; que l'Empereur laiffe à juger à tout le
monde impartial , fi un Prince , qui occupe dans le
College Electoral & dans l'Empire un rang auffi
confiderable que le Roi de la Grande Bretagne ,
peut approuver & défendre des Ecrits , qui tendent
à détruire fon propre ouvrage & celui des autres
Electeurs ; que fi l'Election de l'Empereur eft valide
, comme le Roi de la Grande Bretagne en convient
,
1816 MERCURE DE FRANCE.
vient , S. M. Br. ne doit point donner four approbation
à des Actes , dans lefquels cette Election eft
traitée d'illégitime ; que fi le Roi de la Grande Bretagne
fe croit obligé de prendre ces Actes fous fa
protection , on demande comment il concilie cette
opinion avec ce qu'il doit en qualité d'Etat de l'Empire
au Chef Suprême du Corps Germanique , &
comment la réfolution d'admettre dans les Archives
de l'Empire les Actes dont il s'agit , s'accorde avec
les prérogatives du Collége Electoral , & avec les
Conftitutions de l'Allemagne ; qu'il en eft de la
Diette de l'Empire comme de l'Election de l'Empereur
; que le Koi de la Grande Bretagne regarde ,
& eft dans la néceffité de regarder cette Affemblée ,
comme légitime , & les réfolutions qui s'y prennent
, comme ayant force de Loix ; que cependant
la Reine de Hongrie ofe foutenir directement
le contraire , & qu'elle prétend que l'Empire reçoi
ve des Ecrits dans lefquels elle combat ouvertement
ces maximes ; qu'il eft difficile de concevoir comment
S. M. Br. peut adopter à la fois deux Systêmes
fi oppofés , reconnoître pour légitime ce qui eft reconnu
pour tel par l'Empire , & en même- tems favorifer
une prétention , doar l'objet eft de traiter
de nul ce que l'Empire regarde comme irrévocable
, qu'il n'y a point de diftinctions ni de fubterfuges
, capables de juftifier une contradiction fi
manifefte.
L'Empereur , après avoir rappellé au Roi de la
Grande Bretagne , que S. M. Br . elle- même a prétendu
, auffi bien que tous les autres Electeurs , que
la Proteftation préfentée par le Baron de Prandau ,
au fujet de la voix Electorale de Bohênìe , ne pouvoit
être admife dans les Actes de l'Empire , finit
fa lettre , en faifant obferver au Roi de la Grande
Bretagne , que les principes avancés par ce Prince
dans
AVRIL. 1744. 817
dans fes réponses à S. M. I. doivent paroître aux
Electeurs avoir des conféquences dangereufes , &
être préjudiciables à leurs droits , & S. M. I. ajoute
qu'elle efpere que les lumieres de S. M Br. lui feront
prévoir les fuites qui peuvent réfulter de fes
démarches.
ITALI E.
ON mande de Rome du 15 du mois dernier ,
que les diverfes lettres qu'on y a reçûës de
la Marche d'Ancone , portent que le Duc de Modéne
eft retourné à Fano joindre l'armée Espagno
le ; qu'il en a repris le commandement ; que ces,
troupes continuoient leur marche vers les Frontiéres
de l'Abbruzze , & que le 10 du mois dernier il y
avoit eu entre leur arriere- garde & les Huffards de
l'armée de la Reine de Hongrie une action affés vive
, dans laquelle chacune des deux armées avoit
perdu environ 120 hommes.
On a appris du 22 du mois dernier , que l'armée
Efpagnole , commandée par le Duc de Modéne
ayant continué fa marche vers l'Abbruzze , elle
paffa le 18 , la riviere de Tronto , qui ſépare l'Etat
Eccléfiaftique du Royaume de Naples , & qu'elle
étoit allée fe pofter fous le canon de Pefcara. Le
Prince de Lobekowitz a fuivi cette armée jufqu'à
Fermo , où il s'eft arrêté avec les troupes qui font
fous les ordres , & il devoit y attendre le retour
d'un courier qu'il avoit dépêché à la Reine de
Hongrie. Il y a eu plufieurs efcarmouches entre les
troupes du Roi d'Efpagne & celles de cette Princeffe
, & ces derniers ont fait 80 prifonniers.
Depuis que le Prince de Lobekowitz eft entré
dans la Marche d'Ancone , il a envoyé ordre de
rompre tous les fours qu'il avoit établis dans le
Bolonois.
Selon
818 MERCURE DE FRANCE.
-
Selon les avis reçus de Naples , le Roi des deux
Siciles , auffi tôt qu'il a été inftruit de l'approche de
l'armée de la Reine de Hongrie , a fait avancer du
côté de Pescara un Corps de troupes , compofé de
14 Bataillons & de 15 Eſcadrons , pour obſerver les
mouvemens de cette armée , & pour veiller à la
défenſe du Royaume de Naples.
GENES ET ISLE DE CORSE.
ON mande de Génes du premier du mois dernier
, qu'on a enfin reçû des lettres de l'ffle de
Corfe , les unes écrites de la Baſtie le 6 , & les autres
de Calvi le 11 , lefquelles marquent que la tranquil
lité n'eft pas encore auffi affermie dans cette Ifle
qu'on le fouhaiteroit , & que les habitans de la
Province de la Balagna font difficulté d'accepter le
Réglement figné par les Députés des autres Piéves.
On a appris depuis que les Députés de quelques
Piéves , qui s'étoient foumifes à ce Réglement
faifoient à préfent de nouvelles demandes , qui
donnoient lieu de craindre que le feu de la révolte
ne fut pas encore entierement éteint.
Un Matelot Génois , qui étoit fur un Vaiffeau de
guerre Anglois , de 70 piéces de canon , de l'Eſcadre
commandée par l'Amiral Mathews ; eft arrivé à
Gênes. Le Vaiffeau , à bord duquel étoit ce Matelot
, ayant été coulé à fond par les Elpagnols dans
le combat qui s'eft donné le 22 Février dernier en
tre les Efcadres combinées de France & d'Espagne ,
& celle d'Angleterre , ce Matelot a en le bonheur
de fe fauver & de gagner un Bâteau de Pêcheur dè
S. Tropez. Il a affûré les Inquifiteurs d'Etat , que
plufieurs Vaiffeaux de l'Efcadre Angloife ont été
confidérablement endommagés par l'artillerie des
Vaiffeaux François & Espagnols.
On
AVRIL. 1744. 819-
On mande de Génes du 28 du mois dernier ,
qu'il y eft arrivé un Bâtiment Anglois , dont l'équi
page a rapporté qu'il avoit laiffé à Port- Mahon
I'Elcadre commandée par PAmiral Mathews , &
que cet Amiral avoit fait defcendre à terre 700 de
fes Soldats & de fes Matelots , qui ont été bleffés
dans le combat du 22 Février dernier.
ESPAGNE.
Napprend de Madrid du ro du moisdernier ,
que felon les dernieres lettres que le Roi a re
çûës du Gouverneur d'Alicante , dattées du 4 , M.
de Court , Commandant de l'Efcadre Françoife ,
ayant appris par une Frégate , qu'il avoit détachée
pour avoir des nouvelles de l'Efcadre Eſpagnole ,
commandée par Don Juan Jofeph Navarro , que
cette Efcadre étoit arrivée à la hauteur du Cap de
Palos , il avoit remis auffi - tôt à la voile , pour aller
la joindre.
S'il n'eſt point furvenu de calme ou de vents con
traires , les deux Efcadres combinées doivent être
arrivées à Cartagene.
L'Intendant de Marine de S. Sebaftien a mandé
au Roi , que les Frégates l'Esperance & l'Extravagante
y ont conduit deux Vaiffeaux Anglois , nom
més l'un le S. Jean , l'autre le Jeanne Gibraltar
chargés de Vin & de diverfes autres marchan
difes.
•
S. M, a été informée par des dépêches du Commiffaire
de Marine de Santona , que le 22 du mois
dernier le Vaiffeau le Milner , de la même Nation ,
à bord duquel il y avoit une grande quantité de
Tabac de Virginie & de Vin de Madére , avoit été
pris par la Frégate la Notre-Dame de Begona , &
que cette Frégate s'étoit auffi emparée d'un autre
Bâti
820 MERCURE DE FRANCE.
Bâtiment , dont la charge confiftoit en goudron.
1 On mande de Madrid du 17 du mois dernier
qu'il y eft arrivé de Cartagene un courier , par lequel
on a appris que le 11 l'Efcadre qui eft fous
les ordres de Don Joſeph Navarro, étoit entrée dans
ce Port avec l'Eſcadre Françoife , commandée par
M. de Court , lequel a rejoint l'Eſcadre du Roi près ,
du Cap de Palos.
Le Vaiffeau le Neptune , qui avoit été obligé de
relâcher à Barcelonne , eft auffi arrivé à Cartagene,
& l'on travaille avec toute la diligence poffible à le
réparer , ainfi que les autres Vaifleaux de l'Efcadre ,
qui n'ont pû que beaucoup fouffrir , vû la fupériorité
du nombre des Vaiffeaux par lesquels ils ont
été attaqués.
Don Jofeph Navarro a envoyé au Roi , par le
Courier qui a apporté ces nouvelles , une Relation
circonftanciée de tout ce qui s'eft paffé par rapport
aux deux Efcadres combinées , depuis leur fortie de
Toulon jufqu'à leur arrivée à Cartagene. Cette
Relation confirme. que l'Eſcadre de S. M. a coulé à
fond un Vaiffeau de trois ponts de l'Eſcadre Angloife
, nommé le Marlborough , & un Brulot , qui
s'étoit approché du Vaiffeau le Real , pour y mettre
le feu ; qu'un autre Vaiffeau de guerre Anglois a
été entierement démâté , & plufieurs extrêmement
maltraités , entr'autres un de 90 canons ; que les
deux Efcadres Françoifes & d'Eſpagne ont mis deux
fois l'Amiral Mathews dans la néceffité de repren
dre le large , & que le lendemain du combat elles
demeurerent en ligne pendant tout le jour à la vûë
des Anglois , qui fe tinrent éloignés à une trèsgrande
diftance , quoiqu'ils euffent le deffus du
vent .
Depuis que le vent violent de Nord Eft , qui s'éleva
le 24 du mois dernier , a contraint les deux Ef.
cadres
AVRIL. 1744. 823
cadres de faire voile vers les Côtes de ce Royaume ,
elles n'ont découvert aucun Vaiffeau des ennemis
mais on a été informé que leur Efcadre a regagné
Port Mahon .
Le Roi a nommé Lieutenant Général de fes armées
Navales , Don Jofeph Navarro , qui s'eft conduit
avec une habileté & une valeur , aufquelles on
ne peut donner trop d'éloges.
On a appris d'Aviles dans la Principauté des Alturies
, que le 9 Février dernier l'Armateur Don
Juan Blond y a conduit le Vaiffeau Anglois la Ste
Anne , chargé de Tabac de Virginie , dont il s'eft
emparé entre le 48 & le 49 Degré de Latitude
Septentrionale.
L'Intendant de Marine du Ferol a mandé au Roi ,
que deux Vaiffeaux & un Brigantin de la même
Nation , à bord defquels on a trouvé une grande
quantité de bled & de riz , ont été pris par les Armateurs
Don Olivier Colan , Salvador de Barros
& Antonin de Juana , & que le dernier de ces Armateurs
a attaqué feul un autre Vaiffeau marchand ,
dont il s'eft rendu maître.
Selon les lettres écrites au Roi par l'Intendant de
Marine de S. Sebaftien , l'Armateur Don Julien
Defayes entra le 10 du mois dernier dans ce Port
avec le Vaiffeau Anglois la Princeffe , de 150 ton→
neaux , chargé de bled , dont il s'eft emparé le 26
Février dernier à 40 lieuës du Cap de Finisterre
& qui avoit fait voile de Pool pour Génes .
>
Le Vaiffeau le S. Jean , allant de Liverpool à Gibraltar
, a été pris par les Eſpagnols , ainfi que le
Vaiffeau le Dauphin , & une Chaloupe , qui avoient
fait voile de la Jamaïque.
GRANDE
822 MERCURE DE FRANCE.
GRANDE BRETAGNE.
Na apprisde Londres du 19 du mois dernier,
que le Koi d'Angleterre a réfolu de faire affembler
une armée dans le Royaume , & qu'elle
fera commandée par le Comte de Stairs , qui aura
fous fes ordres le Lord Marker , Général d'Infanterie
; le Duc de Montagu , le Chevalier Robert
Rich & M. Charles Churchill , Lieutenans Généraux
; le Lord Cadogan , M. Jean Folliot , le Duc
de Richmond & M. Jean Guife , Majors Généraux ;
le Duc de Marlborough , Mrs Oglethorpe , Blackeney,
Wolfe & Lowther , Brigadiers ..
On a détaché par ordre du Roi , pour les faire
paffer en Angleterre , cent huit hommes de chacun
des Régimens qui font en Irlande , & S. M. a envoyé
de nouveaux ordres à Dublin , pour qu'on détachât
de plus quatre hommes de chaque Compa
gnie de tous ces Régimens. Il a été réfolu de faire
revenir auffi , s'il eft néceffaire , 6000 hommes des
troupes Angloifes , qui font dans les Pays- Bas.
Les avis reçûs de la Jamaïque portent que le
Vaiffeau de guerre l'Oxford , commandé par le Capitaine
Henri- Maine , a enlevé un Vaiffeau Efpagnol
, à bord duquel on a trouvé 80000 piéces de
huit.
Le Roi a été informé par fon Réfident à Turin ,
du combat qui s'eft donné le 22 Février dernier entre
les Efcadres combinées de France & d'Espagne ,
& celle de la Grande Bretagne ; que les Amiraux
Mathews & Rowley ont été bleffés legerement par
quelques éclats de bois ; que le Lord Forbes l'a été
affés confiderablement au pied ; que M. Ruffel ,
Capitaine de Pavillon de l'Amiral , a eu le bras
droit emporté , & que le Capitaine Cornwall ,
ComAVRIL
. 823 1744.
Commandant d'un Vaiffeau de trois ponts , a été
tué.
L'équipage d'un Bâtiment , arrivé de l'Amérique,
a rapporté que deux Armateurs de S. Chriftophe
s'étoient rendus maîtres d'un Vaiffeau Eſpagnol
richement chargé.
>
Le 31 du mois dernier , les Commiffaires de l'Amirauté
reçûrent enfin le courier qu'ils attendoient
de l'Amiral Mathews , avec la Relation du combar
qui s'eft donné le 22 du mois de Février entre les
Élcadres combinées de France & d'Espagne, & celle
que commmande cet Amiral .
Il paroît par cette Relation , que le 21 , au matin ,
les Elcadres ennemies étant en préſence de celle de
la Grande Bretagne , l'Amiral Mathews fit le fignal
à tous les Vaiffeaux qui étoient fous les ordres , de
s'avancer en bataille , mais qu'il ne pût être joint
par le Vice- Amiral Leftock , qui ayant jetté l'ancre
à cinq milles au deffous du vent , le trouvoit à une
trop grande diftance ; que le Contre- Amiral Rovvley
, qui étoit à l'avantgarde , fit tous fes efforts ;
pour le mettre à portée d'attaquer l'Efcadre Françoife
, mais qu'il ne pût y réüffir ; que le 22 , à
onze heures & demie du matin , l'Amiral Mathews
s'approcha de l'Efcadre d'Efpagne , & qu'entre midi
& une heute il attaqua le Vaiffeau le Real , qui eft
le Vaiffeau Amiral de cette Efcadre ; que la plûpart
des Vaiffeaux de la divifion , que commandoit
l'Amiral Mathews , attaquerent en même-tems les
autres Vailleaux Espagnols , & que trois Vaiffeaux
de la même divifion s'attacherent au Vaiffeau Amniral
de l'Efcadre Françoiſe & aux deux Vaiffeaux qui
lui fervoient de Matelots , mais que M. de Court ,
qui commandoit les deux Efcadres ennemies , &
qui étoit à bord de ce Vaiffeau , obligea les trois
Vaiffeaux Anglois de fe retirer ; que peu de tems
après
24 MERCURE DE FRANCE.
après que l'action fut engagée , le Vaiffeau Anglois
le Marlborough fe trouva proche du Vaiffeau le
Real , que pour éviter d'en être abordé , il fut obligé
de déployer promptement toutes les voiles ; que
l'Amiral Mathews ne pût dans ce moment lui donner
du fecours , fon Vaiffeau n'étant pas en état de
manoeuvrer facilement , à caufe du dommage qu'il
avoit reçû dans fes agrez & dans fa mâture , & le
vent d'ailleurs n'ayant que très - peu de force, quoique
la Mer fut extrêmement agitée ; que le grand
mâts du Vaiffeau le Marlborough fut abbattu , pendant
que ce Vaiffeau fe retiroit ,
& que l'artillerie
des ennemis , laquelle étoit parfaitement bien fervie
, coupa le mâts de Beaupré & perça le grand
mâts du Vaiffeau que montoit l'Amiral Mathews ;
que cet Amiral fit avancer le Brulot l'Anne Galley ,
avec ordre de tâcher de mettre le feu au Vaiffeau le
Real , mais que le Capitaine du Brulot donna le
tems à quatre Vaiffeaux Efpagnols de s'approcher ,
& que le feu de leur canon le fit fauter en l'air ; que
l'Amiral Mathews , en revenant contre le Vaiffeau
le Real , fut attaqué par ces quatre Vaiffeaux ; que
pendant ce tems M. de Court fit fignal à l'avantgarde
de l'Efcadre Françoife de virer de bord , pour
fecourir les Efpagnols , & qu'il vint lui- même avec
fa divifion au fecours du Vaiffeau le Real ; qu'il tâcha
de prendre le deflus du vent , mais que le Contre
Amiral Rowley le prevint , & que l'avantgarde
de l'Eſcadre Françoife ne put joindre M. de Court ;
que le mouvement de M. de Court mit cependant
les Auglois dans la néceffité d'abandonner le Vaiffeau
Elpagnol le Poder , dont ils s'étoient emparés ,
& que la nuit qui furvint , fit ceffer le combat ; que
le lendemain 'Amiral Mathews , qui avoit paffé
fur le Vaiffeau le Ruffels , parce que le Vaiffeau
qu'il montoit , avoit perdu tous fes mâts , avoit fait
de
1
AVRIL. 1744. 825
de nouvelles difpofitions pour recommencer le
combat , mais qu'il s'étoit élevé un vent fi violent,
qu'il avoit été contraint de renoncer à ce deffein ;
qu'il ne lui avoit pas même été poffible de regagner
les parages des Inles d'Hyeres , & qu'il avoit été
pouffé vers le Port - Mahon , où il avoit relâché .
L'Amiral Mathews mande aux Commiffaires de
l'Amirauté , qu'il ne peut encore leur envoyer une
lifte exacte des Officiers , des Soldats & des Matelots
, qui ont été tués ou bleffés à bord des Vaiffeaux
de l'Elcadre qu'il commande ; qu'il n'a eu fur fon
bord que neuf hommes de tués & 40 de bleffés , &
que fon Capitaine de Pavillon a eu dès le commencement
du combat un bras emporté d'un coup de
Canon ; que le Capitaine Cornwall , qui commandoit
le Vaiffeau le Marlborough , a été tué ; qu'un
Vaiffeau a été entierement démâté , & qu'il y en a
outre cela , deux autres , qui ont befoin de fi grandes
réparations , qu'on ne croit pas qu'ils foient de
long- tems en état de remettre à la voile.
L'Amiral Mathews donne beaucoup d'éloges à
plufieurs des Officiers de l'Efcadre du Roi , furtout
au Contre- Amiral Rowley & au feu Capitaine
Cornwall , mais il fe plaint du Vice- Amiral Leftock
& de divers autres Officiers .
Le Roi apprit le 3 de ce mois par un courier de
M. Thompſon , chargé des affaires de S. M. à la
Cour de France , que le 30 du mois dernier le Roi
Très Chrétien avoit fait publier une Ordonnance ,
portant Déclaration de guerre contre le Roi de la
Grande Bretagne , Electeur de Hanover , & le même
jour S. M.tint à ce fujet un Confeil extraordinaire
au Palais de Saint James.
I HOL826
MERCURE DE FRANCE.
O
HOLLANDE ET PAYS BAS.
N mande de Bruxelles du 21 du mois dernier ,
qu'un courier arrivé de Londres le 15 , a apporté
au Général Honeywood , Commandant des
troupes Angloifes pendant l'abfence du Général
Wade , un ordre portant que douze Bataillons de
ces troupes fe tinffent prêts à fe rembarquer , en cas
que le Roi de la Grande Bretagne jugeât à propos
de les renvoyer en Angleterre ; qu'en conféquence
de cet ordre le Général Honeywood a fait partir
les trois Régimens des Gardes de S. M. Br. pour
Gand , afin qu'ils fuffent à portée d'Oftende , s'ils
font obligés de retourner à Londres .
Suivant les avis reçus de Liége , l'Evêque Prince
de Liége ayant reçû de Rome fes Bulles , la cérémonie
de l'Inauguration de ce Prince fe fit le 10
du mois dernier avec la folemnité accoûtumée ;
on chanta enfuite le Te Deum dans l'Eglife Cathédrale
, au bruit d'une triple décharge de l'artillerie
des remparts , & le Baron de Breidbach Buresheim
& le Comte d'Horion ont été nommés pour
prendre poffeffion de la Principauté de Liége au nom
de ce Prince.
Les Etats Généraux ayant décidé le 2 de ce mois ,
qu'ils continueroient de fournir à la Reine de Hongrie
un Corps de troupes auxiliaires de 20000 hommes
, ils firent le même jour donner part de cette
réfolution au Baron de Reifchach , Envoyé Extraor
dinaire de cette Princeffe .
Le Confeil d'Etat a réglé que les 3000 hommes
des troupes du Duc de Saxe Gotha , que la République
a pris à fon fervice , feroient la campagne
dans les Pays-Bas,
Le 2 de ce mois , l'Abbé de la Ville , chargé des
affaires
AVRIL. 827
1744 .
affaires du Roi de France auprès de la République
de Hollande , informa les Miniftres des Etats Gé
néraux , que S M. T. C. avoit déclaré la guerre au
Roi de la Grande Bretagne.
AYQYQUDU DU DU DU DU DU DU DU DU DUDUQU
RUPUNU
L
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 29 du mois dernier , Dimanche des
accoun
Rameaux , le Roi & la Reine accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin & de
Mefdames de France , affifterent dans la
Chapelle du Château de Verſailles à la bénédiction
des Palmes , qui fut faite par
l'Abbé Broffeau , Chapelain de la Chapelle
de Mufique , lequel en préfenta au Roi & à
la Reine. Leurs Majeftés affifterent à la Proceffion
, & adorerent la Croix . Le Roi &
la Reine entendirent enfuite la grande Meffe
, célébrée par le même Chapelain . L'aprèsmidi
, leurs Majeſtés , accompagnées comme
le matin , affifterent à la Prédication du
Pere Pons , de la Compagnie de Jefus , &
aux Vêpres qui furent chantées par la Mufique.
Le 30 , la Reine fe rendit à l'Eglife de la
Paroiffe du Château , & S. M. y communia-
I ij par
828 MERCURE DE FRANCE.
par les mains de l'Abbé de Fleury , fon Premier
Aumônier.
On a publié à Paris le 30 du mois dernier
l'Ordonnance du Roi , portant Déclaration
de guerre contre le Roi de la Grande Bretagne
, Electeur de Hanover.
Le premier de ce mois , Mercredi - Saint
le Roi & la Reine , accompagnés de Monfeigneur
le Dauphin & de Mefdames , entendirent
dans la Chapelle du Château l'Office
des Ténébres.
Le 2 , Jeudi- Saint , le Roi entendit le
Sermon de la Céne du Pere Hyacinte , Capucin
du Convent de la rue S. Honoré , &
l'Evêque de Lavaur fit l'Abfoute. Enfuite
le Roi lava les pieds à 12 Pauvres , & S. M.
les fervit à table . Le Comte de Charolois ,
faifant les fonctions de la Charge de Grand-
Maître de la Maiſon du Roi , étoit à la tête
des Maîtres d'Hôtel , & il précédoit le Service
, dont les plats étoient portés par Monfeigneur
le Dauphin , par le Duc de Chartres
, par le Comte de Clermont par le
Prince de Dombes , par le Comte d'Eu , par
le Duc de Penthiévre , &
par les principaux
Officiers de S. M. Après cette cérémonie
, le Roi & la Reine fe rendirent à la
Chapelle du Château , où leurs Majeftés en-
,
tenAVRIL.
1744. 829
tendirent la grande Meffe , & affifterent enfuite
à la Proceffion.
Le 2 de ce mois , après midi , la Reine entendit
le Sermon de la Céne , de l'Abbé de
S. Hilaire , Vicaire Général de l'Archevêque
de Rouen , & l'Evêque de Lavaur
ayant fait l'Abſoute , S. M. lava les pieds à
douze pauvres filles qu'elle fervit à table.
Le Marquis de Chalmazel , Premier Maître
d'Hôtel de la Reine , précédoit le Service ,
dont les plats furent portés par Madame ,
par Madame Adelaïde , par la Ducheffe de
Chartres , & par les Dames du Palais.
Le même jour , le Roi & la Reine affifterent
dans la Chapelle du Château à l'Office
des Ténébres .
Le 3 , Vendredi- Saint, le Roi & la Reine ,
accompagnés de Monfeigneur le Dauphin
& de Mefdames , entendirent le Sermon de
la Paffion du Pere Pons , de la Compagnie
de Jefus. Leurs Majeftés affifterent enfuite
à l'Office , & elles allerent à l'Adoration de
la Croix . L'après- midi , le Roi & la Reine
affifterent à l'Office des Ténébres .
Le 4 , Samedi- Saint , la Reine, accompagnée
de Monfeigneur le Dauphin & de
Mefdames , affifta aux Complies & au Salut
, pendant lequel l'O Filii fut chanté
la Mufique .
par
Le 5 , Fête de Pâques , le Roi & la Reine ,
I iij
ac830
MERCURE DE FRANCE .
accompagnés de Monfeigneur le Dauphin
& de Mefdames , entendirent la grande
Meffe , célébrée pontificalement par l'Evêque
de Lavaur. L'après-midi , leurs Majeſtés
, accompagnées comme le matin , entendirent
la Prédication du Pere Pons , de la
Compagnie de Jefus , & enfuite les Vêpres ,
aufquelles le même Prélat officia .
Le 7 , après midi , le Roi , accompagné de
Monfeigneur le Dauphin , fit dans la Place
d'armes , qui eft devant le Château de Verfailles
, la revûë des deux Compagnies des
Moufquetaires de la Garde de S. M. Le Roi
paffa dans les rangs , & enfuite S. M. les
vit défiler.
Le Comte Arminius-Maurice de Saxe ,
Lieutenant Général des armées du Roi , du
premier Août 1734 , Colonel du Régiment
d'Infanterie Saxe Allemand , au fervice de
France depuis 1720 , & Chevalier de l'Ordre
de l'Aigle blanc , en Pologne , a été nommé
par le Roi , Maréchal de France. Il eft
né en 1691 .
Le Roi a accordé au Comte de la Marck ,
Maréchal de Camp & Colonel du Régiment
d'Infanterie Allemand de fon nom , le Gouvernement
de Cambray , dont le Comte de
la Mark , fon pere , s'eft démis.
Le
AVRIL. 1744. 831
Le Marquis de Caftries , Gouverneur de
Montpellier , & Lieutenant dans le Régiment
du Roi , Infanterie , a été nommé Meftre
de Camp , Lieutenant du Régiment de
Cavalerie du Roi , dont le Comte de Fournez
étoit Meſtre de Camp Lieutenant .
M. de Saint Perier , Lieutenant Général
des armées du Roi , & Lieutenant Général
d'Artillerie , a été nommé Commandeur
de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis.
Le 12 , Dimanche de Quafimodo , on célébra
dans l'Eglife des Révérends Peres Cordeliers
du grand Convent de Paris , la Cérémonie
ordinaire de la Confrerie des Che
valiers , Voyageurs & Palmiers du S. Sépulchre
de ferufalem. Les Confreres s'affemblerent à
huit heures du matin , & partirent avec
la Proceffion , pour ſe rendre à l'Eglife du
S. Sépulchre , ruë S. Denis , en paffant par
le grand Châtelet , où , fuivant le pieux ufage
de cette Confrerie , commencée en 1727,
& heureuſement continué jufqu'à préfent ,
ils délivrerent plufieurs prifonniers pour
dettes , lefquels accompagnerent la Proceffion.
Au retour de l'Eglife du S. Sépulchre à
celle des Cordeliers , la Meffe fut chantée
au grand Autel , en Grec , fuivant la coûtume.
Après l'Offertoire , il y eut un Sermon
I iiij pro832
MERCURE DE FRANCE .
prononcé en François par M. l'Abbé de la
Vergne. Toute cette Cérémonie , fut terminée
avec beaucoup de folemnité .
Le 16 , pendant la Meſſe du Roi , l'Archevêque
de Bordeaux prêta Serment de fidelité
entre les mains de S. M.
Le 18 , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Verſailles
la Meffe de Requiem , pendant laquelle le
De Profundis fut chanté par la Mufique
pour l'Anniverſaire de Monfeigneur le Dauphin
, Ayeul de S. M.
Le 20 , leurs Majeſtés entendirent dans la
même Chapelle la Meffe de Requiem , pendant
laquelle le De Profundis fut chanté
la Mufique , pour l'Anniverfaire de Madame
la Dauphine , Ayeule du Roi.
BENEFICES DONNES.
par
Le Roi a donné l'Abbaye de Valence , O.
de Cîteaux , D. de Poitiers , à l'Abbé de
Villevielle , Vicaire Général de l'Evêque de
S.Brieux .
Celle d'Hambie , O. de S. Benoît , D. de
Coutances , à l'Abbé de Scepeaux , Vicaire
Général de l'Evêque de Langres.
L'Abbaye Régulière d'Almeneches , même
O. D. de Séez , à la Dame de Chambray.
Celle
AVRIL. 1744.
833
Celle de la Régle à Limoges , O. de S.
Benoît , à la Dame de Cofnac .
Le Duc de Nivernois , Brigadier des armées
du Roi , ayant remis le Régiment
d'Infanterie de Limofin dont il étoit Colonel
, S. M. en a donné l'agrément au Comte
d'Efterre , fils du Prince de Robecque.
Le Maréchal Duc de Noailles , que le
Roi a nommé pour commander l'armée de
S. M. qui s'affemble en Flandres , prit congé
du Roi le 19 de ce mois , & il partit le 21 ,
pour fe rendre en Flandres .
Les Officiers Généraux , choifis par S. M.
pour fervir dans cette armée , font Mrs de
Ceberet , de Valliere , le Comte de la Mothe
-Houdancourt , le Comte de Clermont ,
le Marquis de Maubourg , de Cherifey , de
Bulkley , le Duc de Gramont , le Marquis
de Segur , le Marquis de Fenelon , le Chevalier
de S. André , de Varennes , le Duc de
Biron & le Comte de Loewandal , Lientenans
Généraux. Le Comte d'Aulnay , le
Marquis de Balleroy , le Comte de Chaban-
> le Duc de Richelieu , le Prince de
Pons , le Duc de Luxembourg , de Berchiny,
le Comte de Clare , le Marquis de Chiffreville
, le Marquis de Marignane , de Montgibaut
, le Marquis de S. Jal , le Marquis de
Pont-
Iv
834 MERCURE DE FRANCE.
Pontchartrain , le Marquis d'Hautefort , de
Monnin , le Comte de Courtomer , le Comte
de Trêmes , le Duc de Boufflers , de Contades
, le Marquis du Roure , le Duc de
Briffac , le Duc de Chevreuſe , le Marquis
de la Cofte , le Marquis de Beauveau , le
Duc d'Aumont , le Duc d'Ayen , le Prince
de Soubife , le Duc de Picquigny , le Duc
de Chartres , le Duc de Penthiévre , & M.
du Brocard , Maréchaux de Camp.
M. de Lutteaux , le Marquis du Chaila ,
& M. Desgranges , Lieutenans Généraux ;
le Comte de Beranger , le Marquis de Brezé,
le Comte d'Eftrées , le Chevalier d'Apcher ,
le Marquis de Langeron , le Marquis de
Rambures , le Comte de Graville , le Marquis
d'Armentieres & le Marquis de Souvré
, Maréchaux de Camp , ferviront dans
le Corps de troupes , commandé par le Maréchal
Comte de Saxe.
mon ,
Le Marquis de Creil , le Chevalier de
Belleifle & le Chevalier de la Roche-Ay-
Lieutenans Généraux ; M. de Bombelles
, le Marquis de Rennepont , le Comte
de Beuvron , le Comte d'Harcourt , & le
Comte d'Arros , Maréchaux de Camp , font
employés dans le Corps de troupes que le
Duc d'Harcourt , Lieutenant Général , commande
.
Les Officiers Généraux , nommés par le
Roi ,
AVRIL. 1744. 835
Roi , pour fervir dans l'armée de S. M.commandée
par le Maréchal de Coigny , font le
Marquis de Montal , le Marquis de Balincourt
, le Marquis de la Farre , le Comte de
Clermont Tonnerre , de Louvigny , le Marquis
d'Epinay , le Prince de Dombes , le
Comte d'Eu , de Genfac, Phelippes , le Marquis
de Clermont Gallerande , le Comte de
Bavière , le Marquis de Putanges , de Malezieux
, le Comte de Coigny , le Prince de
Montauban , Lieutenans Généraux ; le Marquis
de Brun , le Marquis de Reffuges , de
la Ravoye , le Duc de Boutteville , le Marquis
de Chazeron , le Marquis du Chatelet-
Lomont , le Comte de Rieux , de Salieres ,
le Marquis de Clermont d'Amboife , de
Quefneau , le Marquis de Maupeou , le
Comte de Maulevrier , le Marquis de Croiffy
, le Comte de la Marck , le Duc de Randan
, le Comte de Rupelmonde , le Chevalier
de la Luzerne , de Mauroy , le Marquis
de Mon-confeil , le Marquis du Chatelet ,
le Marquis de Rubempre , & le Prince des
Deux-Ponts , Maréchaux de Camp.
Les troupes Efpagnoles , commandées
par l'Infant Don Philippe , & celles du Roi ,
qui font fous les ordres du Prince de Conty ,
ont paffé le Var le premier de ce mois & le
Ivj len836
MERCURE DE FRANCE.
lendemain , & elles ont fait en cette occafion
80 prifonniers . Toutes ces troupes
ayant campé le 3 à Ste Marguerite , elles
s'avancerent les fur les hauteurs de la Vallée
de S. Jean. Elles fe font emparées fucceffivement
des Châteaux d'Apremont &
d'Utelle , de Nice , de Caftelnovo , de la
Scarenne , de Peglia , de Caſtillon & de la
Turbie , & le 12 elles environnoient les
retranchemens de Villefranche & de Montalban
.
L'Eſcadre des Vaiffeaux du Roi , qui étoit
fortie du Port de Toulon le 19 Février dernier
fous les ordres de M. de Court , Lieutenant
Général des armées navales de S. M.
& qui depuis le combat du 22 du même
mois s'étoit rendue à Cartagéne avec l'Efcadre
d'Espagne , eft revenue fur la Côte de
Provence ; elle a mouillé le 13 de ce mois
dans la grande Rade de Toulon , & elle
a amené quatre Bâtimens Marchands Anglois
, qu'elle a rencontrés dans ſa route.
Le premier Avril , on reprit les Concerts
fpirituels qui avoient été donnés au Château
des Tuilleries le mois dernier , depuis le
Dimanche de la Paffion jufqu'à la fin du même
mois , lefquels ont été continués pendant
AVRIL. 1744. 837
dant differens jours , à compter du premier
Avril , jufques & compris le Dimanche de
Quafimodo ; on y a chanté differens Motets
de Mrs de la Lande & Mondonville , & du
fieur Peliffier le fils ; on y a exécuté encore
un Motet à grand choeur Venite exultemus
de la compofition du fieur Cardonne ,jeune
homme âgé feulement de 13 ans , Page de
la Mufique de la Chambre du Roi , lequel a
été généralement applaudi ; ce dernier Motet
avoit déja été exécuté à la Chapelle du
Roi avec les mêmes applaudiffemens ; on a
aufli chanté au même Concert differens petits
Motets à voix feule des fieurs Mouret ,
Lemaire , Dubouffet , & Cordelet . On y
a donné differens morceaux de Symphonie
, exécutés , fçavoir , pour le Hautbois ,
par le fieur de Selle , ordinaire de la Mufique
du Roi ; pour le Violoncelle , par le
fieur Chrétien , âgé de 14 ans , & de la Mufique
du Roi. Le fieur Labbé, le fils , exécuta
très-bien dans la derniere femaine , un Concerto
, de la compofition de M., le Clair. Les
fieurs Blavet & Mondonville ont auffi donné
differens Concerto fur la Flute Traverfiere
& fur le deffus de Violon dans la plus grande
perfection. Le fieur Poirier , ordinaire
de la Mufique du Roi , s'eft fort diftingué ,
fa belle voix , dans les differens recits
par
qu'il
38 MERCURE DE FRANCE.
qu'il a chantés dans prefque tous les Motets.
Le 13 , le 15 & le 18 Avril , il y eut
Concert chés la Reine. M. Deftouches
Sur- Intendant de la Mufique de la Chambre
en femeftre , fit chanter l'Opera d'Omphale
, de fa compofition , dont les principaux
Rôles furent très-bien remplis par
les Dlles Mathieu , la Lande , & Romainville
, & par les fieurs Poirier , Jelyot &
Benoît.
Le 20 , le 22 & le 25 , on concerta devant
la Reine l'Opera de Telemaque , exécupar
les mêmes fujets. té
Le 27 & le 29 , on chanta l'Opera de
Callirhoé , dont les premiers Rôles furent
bien rendus par les mêmes fujets de
la Mufique du Roi. Ces deux dernieres
Piéces font auffi de la compofition de M.
Deftouches.
MORTS
AVRIL. 1744.
839
MORTS ET MARIAGE.
E 20 Janvier 1744 , D. Marie - Anne - Nicole
Y
>
-
Seigneur de Condé, en Brie , Préſident à Mortier au
Parlement de Metz , depuis le 22 Mai 1720, auparavantConfeiller
en laCour des Aides de Paris , mourut
fans laiffer d'enfans ; elle étoit foeur de François-
Michel Petit , Seigneur de Marivats , Commiſſaire
ordinaire des guerres , & Ordonnateur en Franche
Comté , & de Nicolas- Paſcal Petit , Seigneur du
Bois d'Aunay ,ancien Gentilhomme ordinaire de la
Maiſon du Roi , & fille de Nicolas Petit , Seigneur
de la Galenderie Secrétaire du Roi , Maiſon ,
Couronne de France & de fes Finances , reçû en
1688 , & Directeur de la Monnoye des Médailles
aux Galeries du Louvre , & de Marie Crancy. M.
de Condé , fon mari , eft fils de Claude Porcher ,
Seigneur de Condé , élû Conful des Marchands de
Ja Ville de Paris le 30 Janvier 1685 , puis Secrétaire
des Finances de S. A. R. Madame Ducheffe d'Or
leans, & de Catherine Yon. Voyez la Généalogie de
la Famille de la défunte dans le II.Vol.du 2 Regiftre
de l'Armorial général de France , par le Sr d'Hozier
, Généalogifte de la Maifon du Roi , & c.
C
Le 24, D. Jofephine- Louife Chevalier d'Amfernel,
Veuve depuis le vingt-deux Mars 1736 de François-
Louis le Conte de Nonant , Marquis de Nery ,
mourut à Paris , âgée de trente ans , laiffant
an fils unique , Jean-Jofeph le Conte de Nonaut ,
Marquis de Nery, né le 30 Octobre 1731 ; elle avoit
été mariée avec M. de Nery le 11 Mars 1731-
Elle étoit fille deJacques-Amable-Claude, Chevalier,
Baron
840 MERCURE DE FRANCE.
". Baron d'Amfernel Seigneur de Courtavan ,
Grand-Maître des Eaux & Forêts de Picardie , Artois
& Flandres , auparavant Confeiller en la Cour des
Aides de Paris , & de D. Louife Françoife d'Ailly
d'Ennery. Voyez ce qui eft dit de la Maifon de le
Conte Nonant dans le I. Volume du Mercure de
Décembre 1743 , fol . 2751 , en rapportant la mort
de M.de Pierrecourt , oncle de feu M le Marquis
de Nery.
Le 29 , Jacques de Thyard , Marquis de Bily ,
Lieutenant Général des Armées du Roi , depuis le
10 Février 1704 , & Gouverneur des Ville & Châ
teau d'Auxonne, mourut en fon Château de Pierre ,
en Bourgogne , âgé de 96 ans ;
il étoit frere aîné du
Cardinal de Biffy , mort à l'âge de 80 ans le 26 Juillet
1737 , & fils aîné de Claude de Thiard , Comte
de Biffy, Lieutenant Général des Armées du Roi,
Gouverneur des Ville & Château d'Auxonne , &
nommé Chevalier des Ordres de Sa Majesté dans le
Chapitre tenu le 2 Décembre 1688 , & reçû le premier
Janvier 1693 , mort le 3. Novembre 1701 , âgé
de 80 ans , & de D. Eleonor -Angelique de Nuchezes.
Il avoit épousé Bonne- Marguerite d Haraucourt
, Marquile d'Haraucourt , morte le 11 Mars
1682,héritiere en partie de la Maiſon d'Haraucourt ,
P'une des premiéres de Lorraine , & de ce mariage
eft forti Claude- Anne de Thyard, Marquis de B:ffy,
Lieut . Gen. des Armées du Roi , depuis le premier
Août 1734 , Gouverneur des Ville & Château d'Au•
xonne , marié le premier Mai 1712 , avec D. Angélique-
Henriette Thérele Chauvelin , foeur de M.
Chauvelin , ci- devant Garde des Sceaux de France ,
duquel mariage il a pour fils unique Anne -Lous
de Thyard , Marquis de Biffy , Maréchal de Camp
& Commiffaire Général de la Cavalerie. Voyez
pour la Généalogie de Thyard Billy , le Vol. IX
des
AVRIL. 1744. 841
des Grands Officiers de la Couronne , à l'article des
Chevaliers de l'Ordre du S. Efprit , & le II . Vol .
de l'Hiftoire in 4° . de la Ville de Meaux , dans laquelle
cette même Généalogie eft rapportée ei
entier.
La nuit du 22 au 23 Mars , fut marié à Paris
dans la Chapelle de l'Hôtel de Condé , par M. Poncet
de la Riviere , Evêque de Troyes , Jofeph- Gabriel
Tancrede de Felix, Chevalier Marquis du Mug,
Brigadier des armées du Roi , Capitaine - Lieutenant
des Chevau- Légers de Monfeignent le Dauphin ,
fils de Jean- Baptifte de Felix , Chevalier Marquis du
Muy , la Roquette , Marfan , Comte de Grignan &
de la Reynarde , Seigneur de Monfegur , Colomfelles
, Salles , Chantemerle , en Provence , & de
Cranfage & Chamaret , en Dauphiné , Commandant
pour S. M. en Provence, Confeiller d'Etat d'Epée
, & Sous Gouverneur de Monfeigneur le Dauphin
, & de D. Marie Thérefe d'Armand de Mizon,
Sous-Gouvernante des Enfans de France , avec Dile
Louife-Elizabeth-Jacqueline d'Alface d'HenninLietard
, Marquife de S, Fal , fille unique de Jean Louis
d'Alface d'Hennin Lietard , Chevalier Marquis de
S. Fal , Seigneur de Creffentine , Machy , Pomery ,
l'Etang , le Perchoy , Blaincourt , Vaubery , Epagne
, Capitaine de Gendarmerie , d'une ancienne
Nobleffe , établie depuis très long- tems en France
dans les Provinces de Bourgogne & de Champagne,
& de D. Marie Elizabeth d'Anglebermer , D` de
Lagny , d'Haution & de Beaurepere. Le nouveau
marié eft frere de Louis-Nicolas Victor de Felix du
Muy , Chevalier de l'Ordre de Malthe , auffi Brigadier
des Armées du Roi , Enfeigne de Gen.
darmerie. Trois des oncles Paternels du nouveau
marié étoient , Jofeph- Côme de Felix , Marquis
642 MERCURE DE FRANCE.
quis de la Reynarde , Capitaine de Cavalerie au
Régiment du Chevalier Duc . Le fecond Philippe de
Felix de la Reynarde , Chevalier de l'Ordre de Mal
the , Capitaine de Cavalerie du Régiment de Roquefpine;
& le troifiéme , Jean- Baptifte de Felix
de la Reynarde , auffi Chevalier de Malthe . Son
Ayeul étoit Jean - Baptifte de Felix , Marquis du
Muy & de la Reynarde , Capitaine de Galere , frere
d'Antoine de Felix de la Reynarde , auffi Capitaine
de Galére , & de Louis de Felix de la Reynarde , Baron
Seigneur d'Olliéres , qui forme une feconde
Branche. Son Bifayeul, Philippe de Felix , Seigneur
de la Reynarde , mourut Capitaine de Galere . Ses
grands oncles & arriere grands oncles paternels
étoient Pierre de Felix de la Reynarde,Commandeur
de Beaulieu , & de Raiffac, Bailli & Grand Croix de
l'Ordre de Malthe ; Scipion de Felix de la Reynarde
, Chevalier du même Ordre , Commandeur de
Baftic , & Jofeph de Felix de la Reynarde , Commandeur
de Ste Luce , Grand- Croix de l'Ordre
de Malthe, Grand Prieur de S. Gilles , Capitaine de
Galere . Il eft parlé de cette Famille , & de l'ancienneté
de fa Nobleffe dans des précédens Mercures.
Elle eſt établie depuis très- long-tems en Provence .
ORDONNANCE
Du 26 Avril , portant déclaration de guerre
contre la Reine de Hongrie , dont la
teneur fuit.
Orfque Sa Majefté s'eft trouvée dans l'obligation
, après que toutes les voies de conciliation
ont été épuisées , d'accorder à la Maiſon de Bavière
les
AVRIL. 1744. 843
les fecours qu'elle étoit engagée à lui fournir , pour
P'aider à foutenir fes droits fur quelques- uns des
Etats de la fucceffion du feu Empereur Charles VI ,
Elle n'avoit aucun deffein de fe rendre partie principale
dans la guerre. Si le Roi eût voulu profiter
des circonstances , pour étendre les frontieres de fon
Royaume , perfonne n'ignore combien il lui eût été
facile d'y parvenir , foit par la voie des armes , qui
n'auroient alors éprouvé qu'une foible réfiftance ,
foit en acceptant les offres avantageufes & réitérées
qui lui ont été faites par la Reine de Hongrie, pour
le détacher de fes Alliés , mais , bien loin que la
modération de S.M. ait produit les effets qu'on devoit
s'en promettre , les procedés de la Cour de
Vienne envers la France ont été portés à un tel point
d'aigreur & de violence , que S. M. ne peut differer
plus long-tems d'en faire éclater fon jufte reffentiment.
Les Ecrits fcandaleux dont cette Cour & fes
Miniftres ont inondé l'Europe , l'infraction de toutes
les capitulations , la dureté des traitemens qu'elle
a exercés envers les prifonniers François , qu'el
le retient contre les ftipulations expreffes du
cartel , enfin fes efforts pour pénetrer en Alface ,
précédés des déclarations auffi téméraires qu'indécentes,
qu'elle a fait répandre fur les frontieres ,pour
exciter les peuples à la révolte ; tant d'excès redoublés
forcent aujourd'hui S.M. pour la vengeance de
fa propre injure , la défenſe de ſes Etats & le foûtien
des droits de fes Alliés , de déclarer laguerre , comme
elle la déclare par la préſente , à la Reine de
Hongrie , tant pat terre que par mer , & d'attaquer
indiftinctement toutes les poffeffions . Ordonne
& enjoint Sa Majesté à tous les Sujets ,
Vaffaux & Serviteurs de courre fus aux Sujets
de la Reine de Hongrie ; leur fait trèsexpreffes
inhibitions & défenfes d'avoir ci - après
"
avec
844 MERCURE DE FRANCE.
avec eux aucune communication , commerce ni
intelligence , à peine de la vie ; & en conféquence ,
S. M. a dès-à- préfent révoqué & révoque toutes
permiffions, paffeports, fauvegardes & faufconduits
qui pourroient avoir été accordés par Elle ou par fes
Lieutenans Généraux & autres Officiers , contraires
à la préfente , & les a déclarés & déclare nuls & de
nul effet & valeur , défendant à qui que ce foit d'y
avoir aucun égard Mande & ordonne S. M. à M. le
Duc de Penthiévre , Amiral de France , aux Maréchaux
de France , Gouverneurs & Lieutenans Généraux
pour S M. en fes Provinces & armées , Maréchaux
de Camp , Colonels , Meftres de Camp ,
Capitaines , Chefs & Conducteurs de fes gens de
guerre , tant de cheval que de pied , François &
Etrangers , & tous autres fes Officiers qu'il appar
tiendra , que le contenu en la préfente ils faffent
exécuter , chacun à fon égard dans l'étenduë de
leurs pouvoirs & Jurifdictions ; car telle eft la volonté
de S. M. laquelle veut & entend que la préfente
foit publiée & affichée en toutes les Villes ,
tant maritimes qu'autres , & en tous fes Ports , Havres
& autres Lieux de fon Royaume & Terres de
fon obéiffance que befoin fera , à ce qu'aucun n'en
prétende caufe d'ignorance.
P
TABLE .
IECES FUGITIVES . Ode fur l'endurciflement
des Impies , 635
Lettre de M D.L.R. fur quelques Sujets de Littérature
,
Le fecond Job , Sonnet ,
638
651
Extrait de Lettres écrites des Indes Orientales , 65 %
Epit.o
Epitre en Vers à M. & Mad . D. S. A. 673
Suite de la Lettre fur la Topographie des Bréviaires
,
Stances fur la Sainte Croix ,
676
687
Réponse à une Lettre fur une Queftion , proposée
dans le Mercure de Juin dernier ,
Ode fur la mort de Mlle de * * *
689
695
Lettre de M. D. L. R. au P. Texte . Suite de la Decription
Hiftorique de la Chartreuse de Villeneuve-
les-Avignon ,
La Comete , Allégorie ,
706
725
Lettre de M. Pierre le Roy , fur l'Horlogerie , 726
Epitre à Mlle de G ..... 742
Explications des Enigmes & du Logogryphe de
Février ,
Celles des Enigmes & du Logogryphe de Mars, 747
Enigmes & Logogryphe ,
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS ,
Le Recueil du Parnafle , Extrait ,
Cuifines ambulantes & portatives , Extrait,
Ephemerides des mouvemens Céleftes pour 10
Hiftoire de la nouvelle France ,
746
ibid .
& c.
750
ibid.
762
ans
767
771
"
Differtations, qui ont remporte les deux Prix à l'Académie
de Soiffons ,
Lettre fur une nouvelle Edition de Lucrece ,
Eftampes nouvelles ,
Nouvelle Edition de la Mufique pratique ,
Nouvelle Carte de la Mofcovie ,
ibid.
772
777
782
783
Parités réciproques de la Livre numéraire ,
ibid.
Guérifon d'un Cancer , 785
Lettre fur le Spécifique du Sr Arnoult ,
Chanlon notée ,
Spectacles. Extrait de la Comédie des Mariages
786
795
affortis ,
ibid.
La
La Joute d'Arlequin & de Scapin , nouvelle Piéce ,
repréſentée à l'Hôtel de Bourgogne 808
Les Combats de l'Amour & de l'Amitié , autre nouvelle
Piéce ,repréſentée ſur le même Théatre, ibid.
L'Ecole des Meres , nouvelle Comédie , repréſentée
fur le Théatre François , 809
ibid.
Epitre à Mlle Dumefnil , au fujet du Rôle de Mérope
,
Le Privilege de l'Académie Royale de Muſique
accordé par le Roi à M. Berger ,
Nouvelles Etrangeres , Turquie ,
Suede , Ruffie ,
Allemagne ,
Italie ,
>
Génes & Ifle de Corfe ,
Eſpagne ,
Grande- Bretagne ,
Hollande & Pays - Bas ,
811
ibid.
812
813
817
818
819
822
826
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , & c. 827
Le Roi fait la Revue des deux Compagnies des
Moufquetaires à Versailles ,
830
Le Comte de Saxe fait Maréchal de France , ibid.
Le Gouvernement de Cambray donné au Comte de
la Mark le fils , ibid.
831
M. de S. Perier nommé Commandeur de l'Ordre
Royal & Militaire de S. Louis
Proceffion de la Confrerie du S. Sépulchre ,
Bénéfices donnés ,
ibid.
832
L'agrément du Régiment d'Infanterie de Limofin
donné par le Roi au Comte d'Efterre , 833
Officiers Généraux , choifis par S. M. pour fervir
dans les armées commandées par le Maréchal
Duc de Noailles , par le Comte de Saxe , par le
Duc d'Harcourt & par le Maréchal de Coigny ,
ibid.
Concert Spirituel au Château des Tuilleries , 836
Concerts
Concerts chés la Reine , 838
Morts & Mariage , 839
Ordonnance portant Déclaration de guerre contre
842 la Reine de Hongrie ,
Page
Errata de Mars.
Age 486 , ligne ro , par ce moyen là , lifez ,
par là. P. 564 , l . 13 , genet , l . gente. P. 566 , 1.
11 , ritraffi , 1. ritiraffi . P. 567 , 1.4 & 6 , Sparento , 1 .
Spavento. Lara , 1. L'ara.
P
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 639 , ligne 9, il ne faut qu'une virgule après
fuprême.
P. 657 , 1. s , Souverans , lifez , Souverains.
P. 659 , 1. 8 , impofe , l . impofent
Ibid. 1. 9 , pouroient , l. pourroient.
P. 656 , 1. derniére , Européen , l. Européens , & à
la reclame , fu , l, fur.
P. 668,1 8 , déchoiier , l . déchoir.
P. 669 , 1. 5 & 6 , ſubſiſtance , l . à leur fubfiftance,
Ibid. 1. 17 , donneroit , l. donneroient.
P.
671 , 1. 14 , par , ôtez ee mot.
P. 682 , 1. 17 , Dieu , l. Dun .
P. 685 , l . 12 , l'a , l. la.
P. 691 , l . 12 , foit befoin , l. foit néceffaire,
P. 709 , 1. 11 , pouffer , l . lever.
Ibid. 1. 18 , contenir , l. garder.
Ibid. 1. 27 , tient , l . garde.
P.710 , 1. 8. Belvedere , 1. Belveder.
Ibid. 1. 14 , de long , l . de profondeur.
Ibid. 1, derniere , extrêmes , l. les deux derniers.
P
.7111. 7 , pour le Pays , effacez ces mots.
Ibid. 1. 8 du bas , le trou , l . l'ouverture.
P. 713 , 1. 8 du bas , paffe de lui - même , l . coule.
Ibid. 1. 15 , un trou , &c. une ouverture nouvel
lement bouchée.
Ibid. 1. 20 , près l'Ecurie , l . qui font près l'Ecurie .
Ibid. 1. 27 , le long de l'allée , ôtez ces mots.
P. 714 , 1. 3 , il en eft , l . il y en a.
Ibid. 1. 4 & s , abſolument rien , ôtez ces mots.
P. 721,1. 3 , l'huile , 1. huile.
Ibid. 1. 11 , n'eft , n'y a .
Ibid. 1. 18 , étendus , ôtez ce mót.
P. 722 , 1. 19 , l'huile , 1. huile.
P. 725 , 1. 15 , jaze , l . jaſe.
P. 729 , l . 16 & 18 , parcourera , 1.
P. 742,1. 16 , pour , 1. en.
·P. 743 , 1. 2 , & , l. ni.
Ibid. 1. 6 , de Vinci , 1. du Vinci.
P. 758 , l. 16 , ferme , l , termine.
P. 764 , 1. 2 , fous , 1. fur.
parcourra.
Ibid. 1. 24 , ôtez la virgule après peuvent.
P. 767 , l. 15 , principales , ajoûtez , Etoiles.
P. 778 , 1. 9 , Et , l. Eh !
P. 781 , 1.4 , à l'uni -fon , l. à l'uniffon,
P. 786 , 1. 19 , fcelées , l. fcellées.
P. 787 , 1. 3 , d'attataque , 1. d'attaque,
Ibid. 1. 15 , mettez un point d'interrogance après ráp
porter?
P. 794 , 1. 4 , tel , l. telle . & 1. 6 , le , I la.
P. 797 , 1. 8 , ôtez la virgule après fçavant,
La Chanfon notée doit regarder lapage #792
Qualité de la reconnaissance optique de caractères