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1742, 11, 12, vol. 1-2
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23.30 Mo
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676
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Texte
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
NOVEMBRE . 1742.
R-COLLIGITIS
PARD
URI
apilles
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quai de Conty ,
à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
M. DCC. XLII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy &
THE NEW YORKİ
PUBLICLIBRARY
SS0266 AVIS.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN
FOUNDATIONS
LA
Mercure ,
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetes
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir,
On prie très-inftamment , quand on adreſſe
des Lettres on Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
Le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
L'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX.. 5 o 1 s,
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
NOVEMBRE 1742 .
PIECES FUGITIVES
en Vers et en Prose.
ODE ,
L'Empire de la Beauté. A Elife:
Imables Enfans de Cithere ,
Vous , à qui les foibles Mortels ;
Dans le Réduit le plus auftere ,
N'ofent refufer des Autels ;
Volez , venez , Troupe charmante ,
Accourez , c'est vous que je chante ;
Pardonnez ma témérité ,
A ij
ΕΙ
2342 MERCURE DE FRANCE
Et , touchés du feu qui m'infpire ,
Vous-mêmes , m'aidez à décrire
La puiffance de la Beauté.
*
De cette fiere Souveraine
Loin de fuir la douce rigueur ;
Des liens dont elle l'enchaîne
L'homme fait fon plus cher bonheur ;
Arbitres de nos deſtinées ,
Sans eux , les plus belles journées
N'offrent rien que de languiffant ;
Par eux le climât le plus rude
Et la plus trifte folitude
Frennent un vifage riant.
?
O vous , dont la vertu févere
N'a jamais déridé le front ;
Que votre conftance eſt légere !
Que votre changement eft prompt !
Malgré les leçons du Lycée ,
Votre prudence est terraflée ,
Au feul afpect de deux beaux yeux,
Que pouvoit l'orgueilleux Cinique , ☀
Si célebre dans le Portique
Contre leurs traits impérieux !
* Diogene. Your
NOVEMBRE. 1742
1742 2343
Vous , dont le courroux homicide
; Inſpire une jufte terreur
Chés qui l'innocence timide
Ne trouve jamais de vengeur ,
Tyrans , redoutez fon empire :
La Beauté va bien - tôt réduire
Ces coeurs de carnage affamés.
Se montre - t'elle ? votre rage
Ne préfente plus que l'ouvrage
Des traits qui vous ont défarmés.
**
En vain d'Holopherne en furie
Les redoutables Etendarts ,
De l'innocente Béthulie
Entourent les triftes remparts ;
Sans autre fecours que fes charmes ,
Une Belle arrête les armes
De cet inflexible Vainqueur ;
Et les tendres traits qu'elle lance ,
Lui font reſpecter ſa puiſſance ;
Elle triomphe de fon coeur.
A
*
Sous le fer du Grec redoutable
Le Troyen accablé de maux ,
Des cendres d'un objet aimable
En vain attend- il føn repos ;
A iij
Le
2344 MERCURE DE FRANCE
Le Sacrifice fe prépare ;
Déja même l'Autel barbare
S'éleve au gré de ſes fouhaits ;
Mais prêt d'immoler la Victime ,
Il n'enviſage que le crime
Qui feroit périr tant d'attraits.
*
;
Et vous , qui n'aimez que la Gloire
Cedez à des charmes fi doux
Au fein même de la Victoire ,
Elle fçait arrêter vos coups.
Celui que l'Univers admire ,
Le grand Alexandre , foupire
Pour cette aimable Déité :
Dans fa fureur opiniâtre ,
Par les charmes de Cleopatre
Augufte le vit arrêté.
*
Bien des Rois lui font redevables
De la gloire de leurs Etats .
Combien d'Empires immuables
Doivent leur luftre à fes apas !
Sous une faction puiffante
Jadis la France chancellante ,
Perdoit ſa premiere vigueur ;
Pour elle , une Beauté ( 4) s'empreffe ;
( a ) Agnès de Soreau , Maitreffe de Charles VII.
connue sous le nom de la Belle Agnès.
L'Ennemi
1
NOVEMBRE . 1742 . 1742 2345
L'Ennemi fuit ; le trouble ceffe ;
Le Trône reprend fa fplendeur..
*
C'est peu de régner fur la Terre ;
Et de s'affervir tous les coeurs ;
Au féjour même du Tonnerre
Elle porte fes traits vainqueurs ;
Et déja la Troupe immortelle
N'opofe plus un coeur rebelle
A fes impétueux efforts .
Venus paroît : Jupiter même ,
De cette puiffance fuprême
Reffent les aimables tranfports.
*
Quelquefois , quand je confidere
D'un beau tein la fragilité ,
Mon efprit traite de chimere
La puiffance de la Beauté :
Mais bien- tôt je la réaliſe ,
Lorfque fur vous , charmante Eliſe
Mes regards ofent s'arrêter ;
Et ne pouvant point m'en défendre ,
* Je conçois comme on peut s'y rendre ,
Non , comme on peut y
réfifter.
>
Par M. R ** &Aix:
A isij LET2
2346 MERCURE DE FRANCE
LETTRE d'un Religieux Bénédictin de la
Congrégation de Saint Maur , écrite à
M. D. L. R. au sujet de l'Avertiſſement
de M. l'Abbé Lenglet du Frefnoi , fur
l'excellence & l'Auteur du Livre de l'Imitation
de JESUS - CHRIS T.
V
Ous m'avez, Monfieur , extrêmement
furpris , lorfque dans notre dernier entretien
vous me fîtes l'honneur de me dire
qu'il avoit paru à Paris il y a 10. ou 12. ans
un Livre intitulé : Imitation de J.C. traduite
revûëfur l'ancien Original François , & qu'on
trouvoit à la tête de ce Livre un Avertiffement
dans lequel M. l'Abbé Lenglet , après
avoir raporté les témoignages de S. Charles
Borromée, de S.Philipe de Neri, de S.Ignace ,
& de plufieurs autres Perfonnages illuftres
qui ont marqué une eftime particuliere de
Imitation de I. C. après s'être éten du
fur l'excellence & fur l'utilité de ce Livre ,
& après avoir parlé de l'ordre géneral & naturel
qui fe trouve dans tout le corps de l'Ouvrage
, s'exprimoit ainfi au fujet de l'Auteur
de l'Imitation .
>
» On cherche depuis long- temps qui eft
l'Auteur de ce Livre. Les uns difent que
c'eſt
NOVEMBRE . 1742. 2347
» c'est Jean Gerfon , célebre Docteur , &
» Chancelier de l'Univerfité de Paris : les
» autres , un certain Abbé Geffen , de l'Or-
» dre de S. Benoît : d'autres enfin , qu'il eft
» de Thomas à Kempis , Chanoine Régulier
de l'Ordre de S. Auguftin , dans le Diocèfe
de Cologne , qui a fleuri au commen-
» ment du xv. fiécle , & qui a vécu & eſt
» mort en odeur de fainteté. Il y a cepen-
» dant des perſonnes habiles qui croyent que
» cet Ouvrage n'eft pas de cet Auteur. Jo
" dirai donc ce que j'ai examiné par moi-
»' même : Le hazard m'a fait rencontrer qua
» tre Editions Françoifes de cet excellent
» Ouvrage , imprimées toutes en caractéres
» gothiques , fous le titre de l'Internelle confolation
, c'est - à- dire , de la Confolation inntérieure.
Toutes ces Editions ont été faites-
» à Paris , l'une en 1531. la feconde en 155 4.
» la troifiéme & la quatriéme fans date, mais
beaucoup plus anciennes. Il ne paroît ni
» par le titre , ni par aucune autre marque ,
» que ce foit une traduction : circonftance
» néanmoins que nos ancêtres étoient fort
» jaloux de faire connoître , quand effective-
» ment ils avoient traduit un Ouvrage. Ce-
» lui ci même a l'air original dans ces an--
»-ciennes Editions : & tout ce qui , dans les ›
» Imitations ordinaires, eft reftraint aux Re-
» ligieux , fe trouve dans ces Editions apli-
A. v.
que
2348 MERCURE DE FRANCE
» qué aux Chrétiens en géneral. C'eft peut
» être ce qui pourroit faire penfer que le cé-
» lebre Gerfon auroit d'abord fait ce Livre en
» François , & que depuis il aura été traduit
» en Latin par Thomas à Kempis , mais avec
» quelques changemens , furtour aux endroits
» où il fait des aplications particuliéres aux Religieux
, ou aux perfonnes vivantes en Com.
>> munauté. C'eft de ces anciennes Editions
» que nous avons tiré le Chap. 16. du premier
» Livre , qui manque dans les Editions ordinaires
de l'Imitation de J. C. elles nous ont
» même fervi à déterminer le fens du Latin,
» quand il nous a paru y avoir quelque ambiguité.
La feule Edition de 1554. conte-
» noit le quatriéme Livre , qui manque dans
les trois autres , & c . »
Ainfi parle M. l'Abbé Lenglet dans for
Avertiffement ; fur quoi je m'acquitte , M.
de la promefle que je vous ai faite , en
vous envoyant mes obfervations fur ce
fujet.
La découverte qu'a faite ce fçavant Abbé,
& fur laquelle il s'explique de la maniere
qu'on vient de le voir , mérite affûrément
Pattention de tous les Gens de Lettres , & il
eft furprenant que depuis plus de dix ans
que cet Auteur a fait part au Public de
fon heure fe rencontre , il ne fe foit trouvé
perfonne qui ait voulu prendre la peine de
travailler
NOVEMBRE. 1742. 2349
travailler à éclaircir cette matiére , qui me
paroît en avoir befoin.
En effet , M. je vous avoue qu'après
avoir lû fort attentivement l'Avertiffement
en queſtion , je n'y ai rien trouvé qui pût
fatisfaire ma curiofité & contenter mon efprit
, comme je m'en étois d'abord flaté.
Toutes les réflexions que fait le nouveau
Traducteur , & les preuves qu'il aporte pour
foutenir que le texte François de l'Imitation
de J. C. eft le véritable Original , & que le
Latin n'eft qu'une traduction du François
ne m'ont pas paru fuffifantes pour me déterminer
à embraffer un fentiment fi nouveau .
La principale raifon fur laquelle fe fonde
M. l'Abbé L. & fur laquelle il ариус fa
conjecture , eft que le titre de ce Livre eft
different dans l'Edition Françoife : mais qui
ne voit que cette raifon eft foible & peu fo-
Jide ? Ne pourroit - il pas fe faire que celui
qui auroit traduit l'Imitation de J. C. de Latin
en François , eût changé lui - même le
titre Cette opinion eft d'autant plus vraifemblable
, que M. L. en attribuant au cé
lebre Gerfon le texte François qu'il reconnoît
pour l'Original , fupofe que Thomas à
Kempis , qu'il dit être le Traducteur de
cet Original , a changé le titre de ce Livre.
Je pourrois même rétorquer facilement
cet argument contre M. L. de cette
Avi fagon.
2350 MERCURE DE FRANCE
façon. Le titre de ce Livre , tel
que nous
l'avons en Latin , eft different de celui qui
fe trouve dans l'Edition Françoiſe ; par con-
'fequent il eft probable que le texte Latin eft
le véritable Original . Il n'y a perfonne affûrément
qui ne fente l'abfurdité de cette conféquence
, que je tire du propre principe &
de la raifon dont fe fert M. L. pour établir
fon fentiment.
Cette difference de titre eft en effet une
raifon d'autant moins fuffifante , que l'on
trouve dans un Catalogue des Livres d'environ
cent Bibliotheques d'Allemagne , ce titre:
De Internelle confolation , qui fe voit dans
P'Edition Françoiſe dont il eft ici queſtion;
on trouve , dis - je , ce titre joint indifferem
ment avec plufieurs autres dont on qualifie
le Livre de l'Imitation de J. C. Ce même Livre
eft intitulé : De interna converfatione ,
dans un ancien Manufcrit vû par Dom Martene
, & dont il parle dans fon premier
Voyage Litteraire , page 146. Quoi donc ,
ce titre paroît -il nouveau à M. l'Abbé L.
& prétend il nous faire illufion par fa prétendue
nouveauté ? N'eft- il pas aifé de remarquer
que celui qui a traduit l'Imitation
de J. C. en François , s'eft fervi du titre du
troifiéme Livre pour le mettre à la tête de
tout l'Ouvrage , ainſi qu'en a uſé le pieux &
le fçavant Louis de Grenade , qui en tradui-
,
fant
NOVEMBRE. 1741. 235
fant l'Imitation de J. C. de Latin en Efpagnol
, s'eft fervi du titre du premier Chapi
tre , pour intituler comme il a fait cet excellent
Livre ; Contemptus mundi , o Menos pred
sio del mundo ?
M. L. pour apuyer fon fentiment tout
nouveau , ajoute qu'il ne paroît par aucune
marque que les Editions Françoifes , dont
il eft parlé dans fon Avertiffement , foient :
une traduction ; circonstance néanmoins ,
continue-t'il , que nos ancêtres étoient fort
jaloux de faire connoître , quand effective-.
ment ils avoient traduit un Ouvrage . Mais
je lui demande à mon tour , s'il paroît par
quelque marque que le texte Latin foit une;
traduction ? Je le prie de me dire , fi Thomas ›
à Kempis , à qui il attribuë cette traduction ,
a fait connoître par quelque indice que le
Latin n'eft que la traduction du François ?
La demande que je lui fais ici , eft d'autant
plus fondée , que la raifon dont il fe fert.
pour prouver que l'Edition Françoife eft le
véritable Original , prouve également quele
texte Latin l'eft auffi. Car fi nos ancêtres
étoient fi jaloux de faire connoître quand
effectivement ils avoient traduit un Ouvrage ,
pourquoi donc Thomas à Kempis , qui s'eft
rendu fi recommandable par fa profonde
humilité , a t'il négligé de nous marquer
cette circonstance ? Pourquoi ne nous a - t'il
pas
2352 MERCURE DE FRANCE
donné à connoître qu'il n'avoit fait que tra
duire le François en Latin ?
tage
Je ne fçais fi M. L. en difant qu'il ne paroît
par aucune marque que le François foit
une traduction , n'a pas prétendu tirer avandu
xxvi . Chapitre du premier Livre qui
fe trouve uniquement dans les quatre Editions
Françoifes , dont il eſt queſtion dans
fon Avertiffement. Je ne crois pourtant pas
qu'on en puiffe rien conclure en fa faveur.
La raifon eft que ce Chapitre ne paroît pas
avoir été composé par l'Auteur de l'Imitation
, mais qu'il femble avoir été ajouté
après coup. La fimplicité que l'on remarque
dans tout cet excellent Livre , me fait
dourer avec raifon de l'autenticité de ce
Chapitre , dans lequel on voit en effet certains
tours qu'on n'aperçoit pas dans les autres
; il paroît au li plus travaillé & plus châtie
; on n'y fent pas enfin cette onction qu'on
admi e dans le reste de l'Ouvrage.
M. L. raporte encore dans fon Avertiffement
certaine chofes qui , au lieu de me
perfuader & de me raprocher de fon fentiment
, ne fervent qu'à m'en éloigner davantage.
Après avoir parlé de l'heureuſe rencontre
qu'il a taite de quatre Editions Françoifes
de cet excellent Ouvrage qui ont été faites à
Paris , Pun. en 1531. la feconde en 1554.
la troiiéme & la quatiréme fans date , mais
plus
NOVEMBRE. 1742. 2353
plus anciennes : il ajoute que la feule Edition
de 1554. contenoit le quatrième Livre , qui
manque dans les trois autres. Il eft aifé ' de
conclure de cet aveu de notre Traducteur
que la premiere, la troifiéme & la quatrième:
Éditions Françoifes ne fçauroient paffer pour
le véritable Original ; car on feroit par là
obligé de dire que le quatrième Livre de l'Imitation
ne fe trouve pas dans l'Original ,,
mais que Thomas à Kempis , qui a traduit
les trois premiers Livres de l'Original . Fran
çois en Latin , y a ajouté le quatriéme Livre
tel qu'il fe trouve dans les Editions Latines
de l'Imitation de J C.
Il ne rette donc plus que la feconde Edition
Françoife de 1554. qui puiffe fouffrir
quelque difficulté ; mais cette difficulté s'évanouit
d'elle même : car eft - il vrai- fembla
ble que Thomas à Kempis,qui a fleuri au commencement
du xv . fiècle , foit comme le
fupofe M. L. le Traducteur d'une Piéce qui
n'a paru qu'en 1554 c'est à dire , long- tems
après l'impreflion du texte Latin , puifque
l'imitation de J. C. telle que nous l'avons em
Latin , a été imprimée pour la premiere fois.
en 1485. Seroit- il donc polible que lo
François , qui eſt ſelon lui le véritable Original
, n'eût été imprimé que plus de 60 ans
après la traduction de cet Original ? L'Edition
faite à Breffe en 1485. détruit entierement
1354 MERCURE DE FRANCE.
ment cette idée chimérique ; car nous y
voyons que dès ce tems - là , qui n'étoit pas
tout à fait fi éloigné de celui auquel cet excellent
Ouvrage a été compofé , le texte Latin
étoit regardé comme le véritable Original
. Une autre Edition faite à Strasbourg l'an
1487. nous convainc pleinement de cette
vérité , qui fe trouve encore confirmée dans
deux Editions Latines faites en 1489. Pune
à Ingolftad , & l'autre à Lyon . De plus , dans
la premiere Edition Françoife de l'Imitation
faite à Paris chés Lambert l'an 1493. il eft
marqué que cette verfion a été faite fur l'O
riginal Latin.
"
Il eft donc clair & manifefte par les plus
anciennes Editions de ce Livre , foit Latines;
foit Françoifes , que le texte Latin en eſt le
véritable Original ; & je ne vois pas quelle
preuve peut fournir à M. L. l'Edition Françoife
de 1554. beaucoup plus récente que
celles dont je viens de parler , dans lesquel
les les Editeurs témoignent que le texte Latin
eft l'Original , & que le François n'en
eft que la traduction .
M. L. dans la Préface qui fe trouve à la
tête d'une nouvelle Edition qu'il nous a donnée
depuis du Livre de l'Imitation de J. C.
qui m'eft tombée depuis peu entre les mains,
parle encore de deux Editions Françoiſes de
eet Ouvrage qui font entierement femblables
aux
NOVEMBRE 1742 2359.
aux quatre autres. Mais comme le quatriéme
Livre ne fe trouve pas dans ces deux Editions
, la raison que j'ai aportée pour faire
voir que la premiere , la troifiéme & la quatriéme
Editions Françoiſes , dont il eſt fait
mention dans l'Avertiffement de M. L. ne
fçauroient paffer pour le véritable Original ;
cette raifon , dis- je , peut auffi fervr à prouver
que ces deux Editions ne doivent pas
être regardées comme l'Original.
Supofons cependant pour un moment que
non feulement les raifons que j'ai employées,'
pour combattre & pour rejetter les Editions
Françoiſes dans lesquelles on ne trouve pas
le quatriéme Livre , mais même celles dont
je me fuis fervi pour réfuter l'Edition de
1554. ne foient nullement concluantes : ce
ne font pas là les feules preuves que je puiffe
alléguer pour foutenir mon fentiment. Il eft
fortifié par un autre argument beaucoup plus
fort , & auquel il eft prefque impoffible de
répondre..
fes
La plus ancienne des fix Editions Françoi
que cite M. L. & qu'il veut faire paffer
pour l'Original , eft celle de 1500. Les cinq
autres Editions lui font de beaucoup poſtés
rieures , & lui font entierement femblables ,
foit pour le titre , foit pour le langage ; en
un mot , les fix Editions Françoiſes dont il
eft queſtion , font toutes uniformes.. Il eft
hors
2356 MERCURE DE FRANCE.
hors de doute que les cinq dernieres ont été
faites fur l'Edition de 1500.ou du moins fur
un Manufcrit tout à fait conforme à cette
Edition. Cela pofé, fi je démontre que l'Edition
Françoise de 1500. ne peut être regardée
comme l'Original, mais feulement comme
une traduction du texte Latin , il demeu
rera pour certain & conftant que les cinq
autres Editions Françoiſes , qui font en tout
conformes à celle - ci , & qui font moins anciennes
, ne font pas le véritable Original,
comme le prétend M. L. mais une fimple
traduction. Or, rien de plus facile & de plus
aifé que de prouver que l'Edi - ion Françoife
de 15oo. n'eft qu'une traduction du texte
Latin. Il fuffit de jeter les yeux fur cette Edition
, pour s'en convaincre : il y eft marqué
en termes exprès que ce Livre eft une traduction
du Latin en François , comme le
font voir les paroles fuivantes qui fe trouvent
dans cette Edition : Le Livre de ... attribué
à S. Bernard ou à Jean Gerfon , tranſlaté du
Latin en François. Il réfulte de ce dernier
argument qu'aucune des Editions Françoifes
que cite M. L. ne peut paffer pour le véritable
Original.
Je pourrois encore prouver cette vérité par
le témoignage des Auteurs contemporains ,
ou qui ont écrit & vécu immédiatement
ou du moins peu de tems après ceux , auxquels
NOVEMBRE. 1742 2337
quels on attribuë communément le Livre de
l'Imitation. de J. C. Je pourrois citer ici
Jean Bufch , Chanoine Régulier de Windefem
, qui a achevé d'écrire la Chronique de
fon Monaftere en 1464. Cet Auteur, parlant
dans le 21. Chapitre du fecond Livre , de
la mort de Jean de Huefden , Prieur du Mo
naftére de Windefem , dit expreffément
le Livre de l'Imitation de J. C. a été d'a
bord compofé en Latin . Voici fes propes paroles
: Contigit ante paucos dies fui obitus , ut
duo Fratres notabiles de Monte Sanita Agnetis,
prope Zuvollis Ordinis noftri, dictum Priorem
noftrum fuper certis rebus confulturi in
Windefem advenirent , quorum aus Frater
Thomas à Kempis , vir probata vita , qui plu
res devotos Libros compofuit , videlicet , Qui
fequitur me de Imitatione Chrifti , cum aliis
nocte infecutâfomnium vidit præfagium futu
rorum Pierre Scoth , Chanoine de Strasbourg,
qui vivoit en 1488. & Jean Kanne de Dudeftat
, confirment cette même opinion. Tri
theme dans fon Livre des Ecrivains Eccle
fiaftiques , achevé l'an 1494. apuye auffi ce
fentiment , qui a été fuivi géner lement de
tous ceux qui ont écrit après lui.
Les Manufcrits de l'Imitation de J. C.
le prouvent auffi d'une maniére convaincante.
Les plus anciens que nous ayons , font
seux d'Arone , de Bobio , & un autre de
l'Eglife
4358 MERCURE DE FRANCE .
l'Eglife de S. Jean de Parme
, que Dom
Mabillon & Dom Michel aporterent à Paris,
au retour de leur voyage d'Iralie en 1686 .
On peut auffi compter parmi les anciens ,
le Manufcrit de l'Abbaye de Ste Juftine de
Padouë de l'an 1436. celui du Monaſtere
de S. Ulric d'Aufbourg , écrit en l'an 1437.
du tems du Concile de Bafle , ainfi qu'il eft
marqué à la fin de ce Livre : Et eft finis hujus
Tractatus fcripti in Concilio Bafileenfi anno
Domini 1437. & un autre de Melice , daté
de 1421. Or , tous ces Manufcrits font en
Latin , & les Manuferits François de ce même
Livre , leur font de beaucoup poftérieurs ,
comme le témoigne un ( a ) Auteur célébre,
qui a fait une énumeration fidelle & exacte
de tous les plus anciens Manufcrits de l'I
mitation dont il a pu avoir quelque connoiffance
, après en avoir fait une diligente
recherche.
Quels avantages ne procurent pas encore
an otre caufe deux Manufcrits Latins de
l'Abbaye de Weingarten de l'Ordre de S.
Benoift Ces Manufcrits finiffent ainsi : Explicit
Liber interna confolationis finitus anno
L'un eft daté de 1433. & l'autre de
1434. Vainement voudroit -on infinuer que
ces Manufcrits ne fervent de rien pour établir
mon fentiment. Je fuis d'autant plus
(4) M. Dupia..
....
·
fondé
NOVEMBRE . 1742 2355
fondé à dire que le texte Latin eft l'Original ''
& que les Editions Françoifes dont parlo
M. L. ont été faites fur ces deux Manufcrits
Latins , que le titre fe trouve le même , que
les Livres font rangés dans le même ordre ,
ou , pour m'expliquer plus clairement , que
l'ordre naturel de cer Ouvrage y eft pareillement
changé , & que M. L. ne peut nous
fournir des Manufcrits François plus anciens
que les deux Latins dont je viens de parler,
La découverte de M. L. n'eft donc
pas
d'une auffi grande utilité qu'il fe l'imagine.
Il auroit beaucoup mieux prouvé fa theſe
s'il nous avoit démontré que ces Editions
Françoifes avoient été faites fur des Manufcrits
autentiques & beaucoup plus anciens.
que ceux dans lefquels fe trouve le texte Latin.
Il ne fait cependant mention d'aucun
Manufcrit. Il fe contente de dire qu'il a trouvé
fix Editions Françoifes imprimées à Paris,
Pune en 1530. une autre en 1531. la troifiéme
en 1537. la quatrième en 1554. la cinquiéme
fans date , mais plus ancienne ; la
fixiéme en 1500. ce qui ne prouve rien en
faveur de fon fentiment , d'autant plus que
nous avons des Editions Françoifes de cet
Ouvrage , beaucoup plus anciennes , qui
néanmoins n'ont jamais étté regardées , même
dans le tems qu'elles ont été faites , que
comme une traduction du Latin , & non
Comme le véritable Original,
On
330 MERCURE DE FRANCE
On fera peut- être furpris que M. L. ayant
parlé dans l'Avertiffement que j'ai raporté au
commencement , de deux Editions Françoifes
fans date, je ne faffe plus ici mention que
d'une feule ; mais cette contradiction vient
de M. l'Abbé Lenglet lui même , qui cite
deux Editions fans date dans fon Avertiffement
fur l'excellence & l'Auteur du Livre de
P'Imitation de J. C. quoique dans la Préface
qui fe trouve au commencement d'une nouvelle
Edition qu'il nous a donnée de ce Lia
vre , il affigne une date à toutes les Editions
Françoifes de cet Ouvrage , excepté à la cinquiéme
.
Je ne crois pas qu'il foit néceffaire de m'é
tendre davantage pour démontrer que le
fentiment de M. l'Abbé Lenglet eſt tout à
fait infoutenable. Les autorités & les preu .
ves que j'ai aportées , me paroiffent plus que
fuffifantes pour perfuader & pour convaincre
tout efprit raisonnable , éclairé & judi
cieux, que le texte François de l'Imitation de
JESUS - CHRIST ne peut jamais être regardé
comme le véritable Original de ces
excellent Ouvrage.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Paris le 23.Septembre 1742*
L'OMBRE
NOVEMBRE . 1742 2371
L'OMBRE DE BIBIS. *J
Six jours s'étoient paffés depuis qu'en l'Elysée
• Bibis goûtoit le fruit de fes rares vertus
Et que Julie en pleurs de regrets épuiſée
Fatiguoit les Echos par des cris fuperflus.
Tout lui devenoit infipide :
Pour les coeurs accablés il n'eſt plus de bonheus
La pâleur de fon teint & fa paupiere humide
Nous annonçoient l'excès de fa jufte douleur.
Bibis , à l'ame bienfaifante ,
En fut inftruit de fon heureux séjour ;
Pénétré jusqu'au vif des pleurs de fon Amante ,
Car fon coeur pour Julie eut toujours de l'amour,
Il s'éloigne de fa de meure ,
Va chés Minos briguer un paffeport.
Il le montre à Caron , il paffe , & dans une heure
Il revoit les endroits où l'on pleuroit ſa mort.
La nuit alors au milieu de fa courſe
Dans les bras du fommeil voïoit tous les humains &
La plaintive Julie infultant aux deftins
Veilloit & de fes pleurs éternifoit la fource.
Mourons , puifque Bibis eft mort ,
* Bibis étoit un Chat fort aimé de ſa Maîtreffe ; il
mourut , on l'enterra dans le Jardin de la Maifon ;
cinq ou fix jours après sa Maitreſſe crut l'apercevoir
das fa Chambre, voilà ce qui a donné occafion à cette
Riéce. Difoit
322 MERCURE DE FRANCE
Difoit- elle ; on perd tout quand on perd ce qu'on
aime ;
Je veux à l'Amour même
Reprocher fes faveurs en terminant 'mon fort,
Elle parloit encor , quand d'un gros de lumière
L'éclat inattendu vint à fraper les yeux;
Elle croïoit toucher à fon heure derniére ;
Elle jetta tremblante un coup d'oeil vers les cieux
Qui pourroit exprimer l'excès de fa ſurpriſe ,
Lorfqu'elle vit Bibis brillant & radieux
Ses
yeux
La regarder en face , & que fa couleur grife
Changée en incarnat ébloüiſſoit les yeux ?
Ses griffes étoient d'or artiftement taillées ,
Ses barbes du Soleil imitoient les rayons ,
étoient rubis , & fes dents émaillées ;
Mes paroles encor font de foibles crayons .
Il miaula trois fois de ce ton plein de graces
Dont le Matois jadis enforcelloit un coeur ,
Et trois fois s'agitant , il fit voir fur les traces
Dans des fillons de feu l'excès de fon bonheur.
Faites ceffer , Julie , un trouble qui m'offenfe ,
Dit l'Ombre avecque majesté ;
Scachez que ma préſence
Doit répandre la joye & la férénité .
Je fçais ce que je dois à vos tendres allarmes ;
Mon coeur dans l'Elyfée a pû le reffentir ;
Mais pleurer un bonheur pour moi fi plein d
charmes ,
Seule c'eft vous aimer , Julie , & me haïr, n
NOVEMBRE. 1742. 2363 .
Il dit : & regardant tendrement fon Amante
Il s'aproche , il la baife , & d'un air langoureux-
Il miaule un adieu qui la rendit contente ,
Et regagna foudain fon féjour bienheureux.
Par M..... d'Angers :
****************
• • · • EXTRAIT d'une Lettre de M.
tout ce qui regarde la Ville de Paris.
J
· Sur
'Ai eu , Monfieur , une extrême fatisfaction
du plaifir que vous m'avez parû
reffentir , en voyant la Collection que j'ai
faite des anciens Plans de notre Ville ;
j'ai encore à vous faire voir plufieurs Portefeuilles
contenant les Eglifes , Portails ,
Cérémonies , Entrées de Rois & Reines ,
Feux d'Artifices , Catafalques , Tombeaux ,
Fontaines, Hôrels , Maiſons Royales & particulieres
, Portes & Vûës de la Ville de Paris.
Le goût & le zèle que j'ai pour tout ce
qui la concerne , m'ont fait entreprendre
beaucoup d'autres recherches pour l'accompliffement
defquelles j'aurois befoin de votre
fecours & de celui des Sçavans avec qui vous
êtes en relation par votre Journal ; il s'agiroit
de les engager à vous communiquer ce qu'ils
découvriroient fur l'origine de notre Hôtel de
Ville , & fur les Magiftrats qui le compofent.
B Vous
2364 MERCURE DE FRANCE
Vous fentez bien qu'il n'eſt pas néceffaire
de répeter tout ce qui fe trouve dans la ſçavante
& curieufe Differtation de M. le Roy,
& ce qui a été ci devant traité par differens
Auteurs ; fçavoir , Gregoire de Tours , Rigord
, Guillaume de Nangis , Gilles Corrozet,
Bonefons, Dubreuil, Fauchet, Malingre,
Colletet , François Duchefne , Belleforest
Chénu , Drouart, Claude Moulinet, Martin
Lifber , Lemaire , la Mare , Germain Brice
Sauval , Felibien , Philibert , Bernard Moreau
de Mautour, Cézar Baudelot de Dairval,
Liger , Saugrain , Antonini , la Barre , Piganiol
de la Force ; & dans les Manufcrits
de Mrs Seguier , Colbert , d'Eftrées & Boquillon
.
S'ils pouvoient auffi vous indiquer des Plans
de cette Ville , dont nous n'cuffions pas de
connoiffance , c'est - à- dire , avant celui qui
a été levé avec tant de foin par M. Petit , &
qui parut fous le nom de Gombouft en 1652.
Toutes ces recherches, M. vous paroîtront
peut être de peu de conféquence , à vous
qui êtes occupé de chofes plus férieuſes.
'Mais vous ne devez pas blâmer la curiofité
d'un Citoyen , qui n'a rien tant à coeur que
l'honneur de fa Patrie , & qui craint que les
chofes qui paroiffent les plus indifferentes
ne tombent enfin dans l'oubli, faute d'atten
tion à les conferver.
Jc
NOVEMBRE . 1742 2365
M.
Je ne doute
pas , que vos foins ne pis
quent d'émulation ceux qui auroient gardé
fe filence fans votre Avertiffement , & qu'infenfiblement
nous ne foyons en état de res
cueillir jufqu'aux plus petites anecdotes,
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Paris le 15. Mars 1742
STANCES irrégulieres à la louange de
La Vie Champêtre de L....
C Harmant Défert , féjour délicieux ,
Dont la Paix a fait fon azile ;
Que ton fein heureux & tranquile
Préfente d'attraits à mes yeux !
Chés toi , je trouve l'allégreſſe ;
Seul , tu rends le calme à mon coeur ;
Je vais enfin de ma chete pareffe
Voluptueufement favourer la douceur.
Venez , Songes riants , inexplicables charmes ,
Tendres Jeux , Ris légers , occuper mes loisirs ;
C'est ici que , loin des allarmes ,
S'offrent les durables plaifirs.
Entre les fleurs & la verdure .
Bij
Je
2366 MERCURE DE FRANCE
Je vois avec tranſport s'écouler des Ruifleaux ;
Et de la plus vive peinture ,
Le Printems orner ces Côteaux.
Berceaux , que je me plais fous votre épais feuil
lage !
Qu'il m'eft doux d'y couler mes jours !
Vous fçavez , de mon coeur volage
Fixer les défirs , les amours.
Que la foule infenfible évite votre ombrage ;
On fçait qu'elle ignora toujours
Les vrais biens que connoît le Sage..
Que j'aime à voir , fous ces Ormeaux
Les Bergers aux pieds des Bergeres ,
Sur de ruftiques Chalumeaux
Soupirer des ardeurs finceres !
L'Amour , dans ces paifibles Bois ,
Ne connut jamais l'impofture ;
Ce Dieu n'y fait dicter fes loix
Que par la voix de la Nature.
Viens , Philomele , en ces beaux lieux ,
Viens , par tes fons , enfans d'une douleur plaintive
Charmer mon oreille attentive :
Eft-il des Bords plus gracieux ?
A vos apas bruyans , tumultucuſes Villes
NOVEMBRE. 1742 2367
Mes tranquilles efprits renonsent fans effort ;
Dans ces Valons fleuris , dans ces Plaines fertiles
Libre de foins fâcheux , j'attens l'arrêt du fort .
Fleuri Bordeaux , Tréforier de France!
$
のの
LETTRE écrite au R. P..... de l'Ordre
de S. Dominique , au fujet des Ouvrages
imprimés de Dom Barthelemi des Martyrs ;
Archevêque de Brague , en Portugal.
Ous vous avifez un peu tard, M. R. P.
de me demander ce que c'eft que cette
Edit on des Ouvrages de Dom Barthelemi
des Martyrs , Archevêque de Brague , dont
vous avez ou parler récemment , puiſqu'il y
a deja plufieurs années que le Public en eft
poffeffeur , & la regarde comme un des plus
riches préfens qu'on lui ait fait depuis longtems.
Mais comme elle n'a point encore pé
nétré dans votre Province , il faut ; puifque
vous l'ordonnez , vous mettre au fait , &
fatisfaire fur ce point votre curiofité .
C'eft à Dom Malachie d'Inguimbert , aujourd'hui
Evêque de Carpentras , dans le
Comtat , que nous fommies redevables de
cette Edition ; l'Ouvrage entier forme deux
volumes in folio, il eſt imprimé à Rome , &
dédié au Roy de Portugal ; la plupart des Trai
Bij tés ,
2368 MERCURE DE FRANCE
tés , qui compofent cette Collection ,
avoient été écrits en Portugais par le S. Archevêque
mais notre P. Quétif du Convent
de S. Honoré , fi connu par fon érudition
les avoit traduits en Latin ; il s'étoit même
propofé de les faire imprimer avec les autres
Ouvrages de Dom Barthelemi , & d'y joindre
une vie de ce grand Homme , beaucoup.
plus détaillée que toutes les précédentes , ce
que la mort l'empêcha de mettre à éxécu¬
tion .
M. de Carpentras , plein d'eftime & de
zèle pour l'illuftre Archevêque , a bien voulu ,
fe charger de ce foin & de ce travail : recueillant
, comme il le dit dans fa Préface , tout
ce qu'avoit mis en Latin ce célebre Dominicain
, & tout ce que nous avions déja en
la même Langue , il en a formé un corps
entier , dont nos Bibliothèques fe parent aujourd'hui
, & dont il faut vous rendre compte
conformément à vos defirs.
Le premier volume , outre les divers Eloges
que les Sçavans ont donné à Dom Barthelemi
des Martirs , & fa vie , une des plus
inftructives & des plus circonftanciées qui
ayent encore paru , divifé en quatre parties,
contient :
1º. ABREGE' des Maximes de la vie ſpiri
tuelle , recueilli des fentimens des Peres. Ce
Traité eft divifé en deux Parties , où l'on
trouve
NOVEMBRE . 1742. 2369
trouve tout ce qu'on peut défirer , pour s'animer
à l'extinction des viccs , & à la pratique
de la vertu ; pour fe former aux éxerci
ces de l'Oraifon , de la Méditation , de la Contemplation
, & pour devenir bientôt un parfait
Chrétien. Cet Ouvrage compofé d'abord
en Latin, a été depuis traduit en François , &
les perfonnes dévotes l'ont fouvent entre les
mains.
2º. LES DEVOIRS & les vertus des Evêques:
Ouvrage compofé en Latin , & divifé comme
le précédent , en deux Parties . Dans la
premiere , l'Auteur expofe ce que les Saints
Peres , fur tout S. Grégoire , Pape , ont dit de
plus beau au fujet de l'Epifcopat. Dans la
feconde il repréfente lui- même quelles doivent
être les occupations & les vertus des
Evêques , & il apuye encore fes propres
fentimens des paroles & de l'authorité de ces
mêmes Peres. Etant en Italie , il ne put fe
défendre de le communiquer à S. Charles
Borromée, fon ami particulier , qui ufant des
droits de l'amitié , le fit imprimer , & en envoya
une copie au P. Louis de Grenade ;
celui- ci fuivit l'exemple du S. Cardinal , &
en fit faire une Edition à Lisbonne ; ce qu'il
y a de fingulier , eft qu'ayant omis dans le
Titre du Livre parmi les qualités de l'Arche
vêque de Brague , celle de Primat des Efpa
gnes , Dom Barthelemi s'en plaignit au P. da
Biiij Gre2370
MERCURE DE FRANCE
Grenade , comme d'une espece d'injure faite
à fon Eglife ; & dans les Editions fuivantes
on a reparé cette faure . Nous avons une Traduction
Françoiſe de cet Ouvrage ; & l'Auteur
qui nous a donné la vie Françoife &
inimitable de notre P.elat , en cite des endroits
qui font d'un grand prix .
3 ° . ABREGE' de tous les Conciles , tant Généraux,
que Provinciaux . Dom Barthelemi n'avoit
fait cet Ouvrage que pour fon utilité
particulière & pour foulager fa mémoire ,
fans avoir jamais eu deffein d'en faire part au
Public . De là vient qu'il s'y rencontre quelques
endroits défectueux , c'eft à dire , non
entierement exempts de la fèvérité de la critique
, & péchant contre l'éxactitude de
l'Hiftoire . Mais ces défauts font plûtôt ceux
du Siècle que de l'efprit du S. Archevêque .
Le fecond volu ne renferme cinq autres ,
Ouvrages , qui ne méritent, pas une moindre
attention.
1.° REMARQUES fur tous les Pleaumes de
David , & fur le Cantique de Moyfe . Le but
de Dom Barthelemi , eft d'en expliquer les
endroits obfcurs , ou difficiles , qui peuvent
arrêter , & de chercher dans les Peres , furtout
dans S. Auguftin ; dequoi en faciliter
une parfaite intelligence. Ces Notes font
courtes , & par conféquent moins emba
raffées , & plus intelligibles,
NOVEMBRE . 1742
2371
1
2°.CATECHISME ou la Doctrine Chrétienne
divifée en deux Livres. Dans le premier , on
explique au long & en divers Traités , tous
les points de la Religion , le Simbole des
Apôtres , l'Oraifon Dominicale , les Commandemens
de Dieu , les Sept vices Capitaux
, les Quatre fins de l'homme , les Sacremens
&c. & on peut dire que notre S. Ar
chevêque n'oublie rien de ce qui peut affermir
la Foi & nourrir la Piété .
>
Dans le fecond Livre , il donne à fes Cu
rés & à fes Prêtres de petits Sermons ou de
courtes exhortations pour les Dimanches de
l'Avent & du. Carême , pour les Myſteres &
les principales Fêtes de l'Année , afin que les
ayant fous les yeux , ils foient plus à portée
d'inftruire les peuples qui leur font commis .
On y trouve par tout un grand fond de
Science, & d'érudition Eccléfiaftique, & dequoi
faire dans les ames de vives & de falu--
taires impreffions..
3. DEMANDES que devoit faire au Concile
de Trente Dom Barthelemi des Martyrs. Elles
roulent toutes fur la réformation que ce grand
Prélat avoit beaucoup à coeur. Il parcourt tous
les degrés Eccléfiaftiques, & marque avec une:
fainte liberté ce qu'il y trouve de repréhenfible
, ce qu'il y juge digne de correction. On¹
rouve à la fin les Articles . touchant la ré--
ornie , préfentés au Concile par les Grands :
B. v. Vicairess
2372 MERCURE DE FRANCE
Vicaires de Valence , en Eſpagne , le Siége
vacant ; ceux des Evêques d'Italie ; ceux des
Evêques d'Espagne : ceux qui furent préfentés
au nom de l'Empereur ; ceux qui le furent
par l'Ambaffadeur de Portugal , & tout cela.
eft curieux & intéreffant.
les
4°. RECUEIL de ce qui s'eft paffe de plus
confidérable durant la tenue du Concile de
Trente. Dom Barthelemi marque le jour de
chaque Seffion , la Matiére qu'on y a traitée ,
les difficultés qui s'y font rencontrées ,
divers fentimens des Evêques & des Théologiens
, les motifs qu'alléguoient les uns &
les autres , les demandes ou les remontrances
des Ambaffadeurs des Princes ; &
tout cela comme témoin oculaire , ce qui
donne à fa relation un poids & une authorité
particuliere.
5°. ITINERAIRE de Dom Barthelemi de
Brague à Trente , de Trente à Rome , de
Rome à Trente, & enfuite à Brague . Il décrit
exactement ce qui lui eft arrivé chaque jour,
le chemin qu'il a fait , les Convents où il a
logé , le plus fouvent de fon Ordre, où de ce◄
lui de S: François , les chofes rares & précicufes
qu'il a vûës & rencontrées fur fa
route , comme à Touloufe le corps de S.
Thomas d'Aquin , à Rome la Sainte Face ,
le Fer de la lance qui perça notre Sauveur
&c. A Affife les Reliques de S. François , à S
Maximin
NOVEMBRÉ. 1742 . 2373
Maximin , celles de la Magdeleine ; & il
marque quelque regret de n'avoir pû aller à
la Sainte Beaume , la bienféance ne lui permettant
pas de quitter l'Ambaffadeur de
Portugal , qui étoit preffé , & qui partoit
pour Avignon.Ce fut le 26. Fevrier de l'année
1563. après 64. jours de marche , depuis fon
départ du Concile , qu'il arriva à Brague ,
fur le déclin du jour , pour éviter , comme
il l'avoue lui même , les honneurs d'une réception
éclatante, qu'on n'auroit pas manqué
de lui rendre. Le lendemain , qui étoit un
Dimanche , il parut dans fon Eglife Cathé
drale , il prêcha felon fa coutume , fans fonger
à prendre du repos , & reçût enfuite:
dans fon Palais les complimens du Clergé &
du Peuple . C'eſt par là qu'il finit la relation
de fon voyage. Cependant un des Auteurs
de fa vie , raconte une circonftance qu'il n'a
pas jugé à propos de raporter , & qui marque
bien le caractére de ce Grand homme ;;
en entrant dans Tolede , & traverfant ce Diocèfe
, il fit toujours porter devant lui la
Croix Primatiale , pour ne déroger en rien
aux droits & aux prérogatives de fon Eglife ..
Voilà, mon R. P. tout ce que je puis vous
dire des Ouvrages imprimés de Dom Barthelemi
des Martirs. Cet Archevêque étoit
déja célébre par fes vertus ; il ne le fera pass
ioni
moins déformais par fon efprit & par.
B.vj. fga
-
2374 MERCURE DE FRANCE
fçavoir , & on conviendra fans peine que la
Piété & l'Erudition avoient fait en lui une
heureufe & agréable alliance . Nous ne fommes
pas peu obligés à l'illuftriffime Editeur ,
qui a mis au jour ces précieux tréfors : il ne
tient qu'à nous d'en tirer les richeffes anciennes
& nouvelles, puifqu'en lifant ces Ouvrages
, on y trouve autorifé par la plus pure
antiquité tout ce qu'enfeigne fur chaque
matière le S. Prélat dont je vous entretiens .
Je fouhaite qu'ils parviennent bien - tôt juſqu'à
vous ; que leur lecture vous foit agréable
, & que vous ne doutiez pas de l'eftime
fincere & du profond respect avec lesquels
je fuis , M. R. P. & c ..
A Paris le 12 Juin 1742.
REMERCIMENT à M. P.T.
Mufe , dont je chéris la douceur ineffable ,
Par des accords harmonieux
Vi ns célébrer ce our heureux
Où me fit affeoir à fa Table
Des Mortels le plus gracieux.
Chante des doux plaifirs la Troupe raviffante
Qui parmi nous répandit l'agrément.
Chante les Dieux de l'enjoûment
NOVEMBRE. 1742. 2375
Qui vinrent embellir cette Fête charmante ;
Bachus , dont les divins préfens
Verferent dans nos coeurs la plus vive allégreffe
Le jeune Dieu , Pere de la Tendreffe ,
Accompagné des Ris & des Jeux féduiſans .
Là , fur l'île de la faillie ,
Nos efprits enchantés folâtroient fans efforts ;
La délicate Raillerie
Nous livroit aux plus doux tranfports.
De mon Hôte charmant les maniéres polies
Mettoient le comble à mes fouhaits.
Arrête , Muſe ; il aime à verſer des bienfaits ,.
Mais il ne prétend pas qu'ici tu les publies.
Tel eft , d'un coeur vraiment Royal
L'ineftimable caractére ;.
Il veut bien être libéral ;
Mais l'en loüer , c'eſt lui déplaire.
Fleuri Bordeaux , Tréforier de Francë.
LETE
2376 MERCURE DE FRANCE
LETTRE de M...... au sujet d'une
Differtation inferée dans le 1. Vol. du Mercure
de Juin 1742. où l'on préfere la mé
thode de ne faire faire que des Verſions aux
Enfans qui commencent le Latin.
Dies Mercures , il eft jufte que j'y con-
Epuis le tems , Monfieur , que je vois
contribuë du moins d'un Article ; il ne fera
pas fort curieux ; pourvû qu'il y tienne la
place de quelque chofe qui vaille encore
moins , c'est tout ce que je puis fouhaiter..
Le titre que j'y ai mis vous en annonce le
fujet ; ce n'eft proprement ici , ni un Eloge,
ni une Critique , encore moins une Réponfe
dans les formes . En parcourant le Mercure,
je ne comptois pas feulement lire la Differtation
dont il s'agit : c'eft une matiére qui
n'eft point du tout de mon reffort : mais
enfin , je l'ai lûe ; elle m'a occafionné quelques
réflexions , & la fantaiſie m'a pris de
les écrire.
La Lettre qui précede cette Differtation ,
& qui eft d'un autre Auteur , me paroît:
écrite avec toute la confiance & la vivacité
d'un homme, qui prend d'abord fait & caufe
en main ; il prononce , il décide , il fait tout
de fuite le procès à ceux qui ne recevroient
pas
NOVEMBRE . 1742 2377
pas fes décifions. Il va jufqu'à douter s'ils
font encore capables de raifon . Je voudrois
bien fçavoir de quoi tout cela avance , & fi
ce n'eft pas là plutôt le moyen de nuire à
la bonté de fa caufe , que de la faire valoir..
S'il avoit voulu l'établir fur des principes .
folides , & l'apuyer par de bonnes raifons ,
peut- être auroit- il converti ces gens qu'il
regarde comme incorrigibles.
que
>
Quoiqu'il en foit , & , dût- il me mettre
de ce nombre , je ne puis ſouſcrire au principe
qu'il pofe : Que tout le travail des Claf-
Jes n'a pour but de lire facilement tout
Auteur Latin , de pouvoir parler Latin
au befoin. C'eft un principe trop borné &
qui iroit à convaincre d'extravagance & d'ineptie
les trois quarts de ceux qui employent
tant de foins & de dépenfes,& tant de tems,
plus précieux encore , pour faire aprendre.
à leurs enfans le Latin , dont l'intelligence ,
vrai-femblablement , ne leur fera jamais néceffaire.
J'avoue que l'usage , & le plus grand ufa
ge , eft l'unique mesure du progrès que l'on peut
faire dans une Langue ; mais je doute qu'il·
s'enfuive de là les Verfions aprennent
que
mieux le Latin que les Thêmes ; fi celles là
en font plus voir , ceux-ci l'inculquent davantage.
Quelques exemples particuliers ,
où les Verfions feules ont d'abord fait faire
1378 MERCURE DE FRANCE
à des Enfans des progrès plus rapides , fi on
s'en tenoit là , ne prouveroient pas non plus,
je crois , pour le général . Ecoutons M. Rollin
( Traité des Etudes , T. 1. Chap . 3. )
On doit bien inculquer aux Enfans les principes
& les regles.... Une méthode d'enfeigner
rapide & fuperficielle , bien loin de les avancer
, les retarde confidérablement.... Il vaut
mieux qu'ils fcachent peu de chofes , pourvûs
qu'ils les fçachent à fonds & pour toujours.
Ils aprendront affés vite , s'ils aprennent bien .
Je viens à la Differtation : Ouvrage d'un
homme qui a pratiqué long- tems , & profeſſe
toutes les Claffes. Ce n'eft pas mon fait de le
fuivre dans le détail des difficultés dont on
a furchargé les Rudimens , ni dans l'analyſe
qu'il fait du fatras dont il prétend qu'on a
farci les Méthodes des Particules . Les preu
ves qu'ilen aporte , font très -circonftanciées,
& m'ont l'air d'être de main de Maître
j'en laiffe le jugement aux Experts : je me
contente de penser qu'on doit lui être fort
obligé de fon zéle à démêler & rendre fenfibles
des abus , qui , quoique minuties en
aparence , ne font dans le fond. rien moins
qu'indifferens .
C'est le défaut de ceux qui s'apliquent à des
difcuffions épineufes ,de ne pas toujours affés
envifager les chofes en général , plus foigneux
d'entaller des régles ou des raifons , que de
pofer
;
NOVEMBRE . 1742 2377
pofer des principes , & d'en laiffer voir partout
la fuite & la connexion. Notre Auteur
reproche ce défaut aux faifeurs de Méthodes
; peut être que fa Differtion n'en eft pas
exempte ; il fe déclare en faveur des Ver
fions : les Thêmes font difgraciés & relegués
, on ne voit pas clairement jufqu'où ;
mais on voit , ou l'on croit voir , qu'il veut
prouver trop , & que trop de raifons fe nuifent
les unes aux autres.
"
Ses Preuves démonftratives , qu'il dévelope
, qu'il étend avec complaifance , lui
dérobent , ce me femble , la vûë des conféquences
qui en réfultent. On a , dit- il , mul
tiplié les Regles fans néc ſſué : on a défigu-:
ré la Syntaxe & la Grammaire de Port Koyal:
on les a ent elaffées , heriffées de mille difficultés
inutiles : fuivre les Rudimens & les
Particules dans l'état où ils font , c'est s'engager
prefque néceffa.rement à contredire les vrais
& uniquesfondemens de toute Méthode d'enfeigner
Donc , concluë t'il , laiffons les Regles
de la Syntaxe & de la Grammaire , pour ne
nous attacher qu'à l'explication des Auteurs,
& aux Verfions. N'auroit- il donc pas été
plus jufte de conclure , qu'il falloit débaraffer
la Grammaire & la Syntaxe de ce qui
leur eſt étranger , & débrouiller les Particules
? La Méthode , dit il , qui commence
l'étude du Latin par les Versions , eft plus
natu2388
MERCURE DE FRANCE
naturelle , plus facile & plus avantageufe
pour les Enfans. Donc , conclut- il , on doit
continuer cette Méthode pendant plufieurs années.
Donc on doit remettre la compofition
des Thêmes à un âge plus avancé.... & jufqu'à
ce que leur imagination formée par l'explication
des Auteurs , & remplie des bons modé-
Les de l'Antiquité , foit devenue comme un
moule correct , & incapable de donner aux
mariéres qu'on y jette , une forme qui ne ſoit
pas réguliere & elégante . Pourquoi porter les
chofes fi loin , tandis que M. Rollin , que
l'Auteur cite en preuve, dit expreffément que
les mêmes régles reviennent , quoique d'une
maniere plus aifée , dans les Verfions comme
dans les Thêmes , & qu'il ne propofe
que fix à neuf mois pour les Verfions feules ?
C'est dommage que la plûpart de ceux
qui font à portée de remarquer les défauts
des fyftêmes établis , fe laiffent enfuite tellement
préocuper par ceux qu'ils ont eux-.
mêmes conçûs , qu'ils les portent dans l'autre
extrême , & privent par là le Public du
fruit qu'il avoit droit d'attendre de leurs réflexions
& de leur expérience.
Plein de fes idées , & du défir de les perfuader
aux autres , l'Auteur attribue tous
les inconvéniens qui furviennent dans l'éducation
des Enfans , à la Méthode qui tient
la place de celle qu'il voudroit introduire.
Pour
NOVEMBRE. 1742 238 r
Pour moi, fi le dégagement de tout intérêt
particulier dans la caufe dont il s'agit , fuffifoit
feul pour en connoître , je croirois que
la manière dont on les inftruit , gâte infini
ment plus d'Enfans , que la Méthode qu'on
leur enfeigne ; & s'il y en a tant qui prennent
des travers , en qui l'émulation , la doci
lité , la curiofité , paroiffent éteintes , & qui
foient comme hebêtés , par l'infenfibilité
la lâcheté & le dégoût , je ferois plus porté
à l'imputer aux dégoûts que reflentent euxmêmes,
les Maîtres , à l'autorité dure , brufque
& impérieufe qu'ils exercent , & à leur
incapacité , ou à leur inaplication pour ce
qui conftituë , quant au Latin , leur premier
devoir, qui eft de faire goûter l'étude à leurs
Difciples , qu'à la difficulté des Thêmes , ou
à l'épouvantail des Rudimens.
J'aurois en effet beaucoup de peine à
croire que la Méthode des Thêmes , en foi
ne fût bonne qu'à contraindre & à amortir le
feu des uns & qu'à décourager & rebuter lcs
autres. L'efprit des enfans eft fouple , maniable,
prêt à recevoir toutes fortes d'impref
fions & de formes ; l'inftabilité , la mcbis
lité font de leur âge : mais en général les efprits
font bons, & la trempe en eft peut être
communément meilleure que dans la fuite :
une expérience journaliere nous étonne , en
nous montrant de quelle forte d'aplication
ils.
82 MERCURE DE FRANCE
ils font capables : & on remarque encore que
ceux qui fe démêlent le mieux de ce labyrinthe
de Regles , que l'Auteur éxagere ,
ne font point proprement des efprits plus
pénétrans que les autres , mais plus dociles ,
& mieux inftruits .
Souhaitons donc , voudrois - je conclure ,
que dans l'état où font les chofes , & dans
lequ là peu près on doit compter qu'elles
feront toujours , tant que ce feront des
hommes qui en inftruiront d'autres : fou
haitons qu'on n'aggrave point le joug impoté
aux Enfans : qu'on n'ajoute point à
des inconvéniens , pour ainfi dite fans
reméde , des difficultés trop fortes , ou
trop fréquentes , qu'il n'eft pas impo fibie de
leur épargner : fouhaitons que ceux qui
préfident à l'Education publique , veuillent
condefcendre à mettre la Méthode d'aprendre
le Latin , plus à la portée des fo.bles,
qui jufqu'ici ne font que trop le plus grand
nombre : fourniffons même des ouvertures ,
donnons nos idées là - deffus , fi nous avons
fujet de croire qu'elles peuvent fervir : rien
n'eſt mieux , rien n'eft plus louable ; mais
donnons les avec cette jufteffe , & cette
modération néceffaire , quand on veut être
utile n'épuifons pas la fagacité de notre
efprit à détailler les abus ; gardons- en pour y
apliquer les remédes les plus convenables
&
NOVEMBRE. 1742 2383
& ne cherchons pas à prolonger fans nécef-
Até l'ufage des Verfions , aux dépens de la
Grammaire & de la Syntaxe , & à l'excluſion
des Thêmes , qui font fi propres à fixer , &
à exercer Pefprit des Enfans , d'une maniére
qui n'eft point au deffus de leurs forces.
S'il ne s'agiffoit uniquement que de lever
les difficultés , que d'aplanir les voyes , que
d'affranchir l'Etude du Latin de toutes les
peines que les Enfans y trouvent , en un
mot , que de le leur aprendre ; notre Auteur
ne feroit encore guére avancé par la
Méthode qu'il prefcrit . Il y auroit fans doute
des moyens bien plus fimples & plus courts.
Qui empêcheroit , par exemple , qu'on ne
l'aprît , comme on aprend tant de Langues vis
vantes , l'Allemand, l'Italien , &c . ? Qui empêceroit
de mettre auprès de l'Enfant une per-
Tonne qui ne lui parlât jamais que cette Langue
: de le mettre dans des Penfions ,dans des
Colleges, de deftiner une année ou deux pendant
lefquelles l'Enfant n'entendroit & ne
parleroit queLatin, puiſqu'on veut abſolument
que les Garçons le fachent , fi on ne vouloit
que cela , feroit il fi impoffible de mettre en
ufage ces moyens , ou quelques - autres que
Loke propofe dans fon Traité de l'Education ,
& par lesquels une Mere pourroit aprendre
& a effectivement apris à fon Fils le Latin ,
qu'elle ne fçavoit pas elle même ?
Са
2384 MERCURE DE FRANCE
pas
Ce Philofophe habile prouve fort au long
f'utilité de ces moyens ; il ne peut revenir
de fon étonnement , en voyant qu'ils ne
font fuivis . Il s'éléve avec force contre
la Méthode vulgaire ; quelle tirannie ,
quelle abfurdité ! ce n'eft felon lui qu'imbécillité
, & que folie ; il prétend bannir de
l'éducation la peine & la contrainte , il
veut faire de l'Etude un jeu , mais , s'il eſt
permis de préférer le fentiment de tant de
fiécles & de peuples à celui de Loke , ce
fameux Philofophe a pris le change . Un
faifeur de fyftêmes s'imagine quelquefois
furprendre tous les hommes endormis.
& il ne s'aperçoit pas que c'eſt lui même
qui rêve.
Car que feroit ce qu'une éducation de liberté
, & de pur plaifir chimere , d'un côté
; erreur , abus , de Pautre . L'homme eſt né
pour le travail ; & ne cherche qu'à s'y foultraire
. Il ne peut parvenir à rien de grand ,
ni de bon , fans ſe vaincre , ni ſe vaincre fans
peine. Rien donc de plus important quede
le familiarifer avec cette peine , en l'accoûtumant
de bonne heure au travail. C'eſt là en
fait d'éducation , un principe , une loi , une
vérité primitive qui ont retenti dans tous les
fiécles : le Paganiſme eft, fur ce point , d'accord
avec la Religion , depuis la Cabanne
du Pauvre , juſqu'au Palais des Rois ; tout
reconnoît
NOVEMBRE. 1742 17420 2385
feconnoît fa force , le Sexe même , ce Sexe
qui demande tant de ménagemens , & qui
mérite tant d'indulgence , n'en eft pas
exempt. Engager , encourager , accoûtumer
au travail , c'eſt , quant à la forme , donner
une bonne éducation ; fçavoir furmonter fes
pentes , & fes répugnances , avoir l'habitude
de l'aplication , & le goût du travail , c'eſt
l'avoir reçûe : voilà ce que comprennent , ce
que fentent des parens , lors qu'avec tant
d'attirail & de bruit ils confument les plus
belles années de leurs Enfans dans l'étude
d'une Langue , qui ne doit pas leur être néceffaire
par la fuite ; & voilà , fi je ne me
trompe , ce qui juſtifie ſuffiſamment l'extra
vagance & l'abfurdité prétendues .
Il ne s'agit donc point d'ôter , ni même
de diminuer le travail & la peine de
P'étude du Latin ; mais de les proportion,
ner aux forces , & de les faire aimer. Quelle
étude fournit plus fpécialement tout ce qui
peut déveloper , cultiver , orner l'efprit de
la jeuneffe ; & en même tems plus abondamment
& plus éminemment tout ce qui
peut la former à toutes les vertus morales ,
en allumer le défir , & les graver dans leur
coeur ? Quand on s'accorderoit à retrancher
de cette étude l'affujétiſſement & le travail
qu'on y à joints , ne faudroit il pas les rem
placer par quelque autre endroit ? Et croyez
YOUS
2386 MERCURE DE FRANCE
vous , répondra
Loke qu'il n'en reftât
pas toujours affés dans l'éducation
? Ils fe
trouveroient
fans doute remplacés
& par
des endroits incomparablement
plus utiles.
Mais ceci me meneroit trop loin . Je reviens
, ou plutôt je finis. Qu'il me foit feulement
permis. d'ajouter que les plus belles
idées ne peuvent guére fervir de régles générales
; que les plus hautes fpéculations
ont fouvent befoin du concours
de mille circonftances
, dont le défaut d'une feule fuffit
pour les faire échouer dans la pratique ; &
que l'éducation
eft une chofe trop précieuf.
pour y hazarder d'auffi grandes expériences
,
Je ne fçais , M. fi par mes réflexions je ne
prête point aux Auteurs de l'article du
Mercure , un prétexte honnête de continuer
l'étalage de leur fcience ; ce n'eft pas aſſurément
mon intention ; l'envie m'a pris d'écrire
cette fois- ci : mais je puis bien répondre
qu'elle ne me reprendra pas , & je renonce
de la meilleure foi du monde à l'honneur
d'une diſpute Littéraire . Mais fi quel
que Génie fupérieur , laiffant là nos differends
, vouloit répandre la lumiére fur le ſujet
que je n'ai fait qu'effleurer ; & démontrer
la vérité , ou la faufferé de mes principes
, je m'imagine que je ne ferois pas le feul
qui le liroit avec plaifir. Et ce qui feroit plus
d'ufage , fi ces Auteurs dont j'ai parlé , ou
quelNOVEMBRE.
1742. 2387
quelqu'autre , joignant une Théorie éxacte
à l'expérience , que donne la Pratique , vouloit
rendre plaufibles les raifons & les
moyens d'écarter des premiers Elémens de
la Langue Latine les difficultés qui ne font
point néceffaires , & preparer peut être par
là un objet fixe à quelques délibérations de
la célebre Faculté des Arts : Quel objet feroit
plus digne d'elle , & plus intereffant
pour le Public Quelle gloire plus folide &
plus fa istaifante pour ces Auteurs Et quel
moyen de me repentir d'avoir écrit ?
Je fuis & c.
A Paris ce 18. Juillet 1742 .
出典: 出出
LA LIBERTE' ,
OD E.
Traduction d'une Chanfon Italienne]
GRaces à tes fauffes douceurs ,
Enfin donc , Nicé , je refpire ;
Les Dieux touchés de mes malheurs
Ont daigné calmer mon martyre,
Guéri d'un amour rebuté ,
Il n'eft plus rien qui m'y replonge ;
C Co
2388 MERCURE DE FRANCE
Ce changement n'eft point un fonge :
J'ai recouvré ma liberté .
Libre d'un feu qui me furprit ,
Le repos dont jouit mon ame
Ne peut fouffrir que le dépit
Cache même un refte de flâme.
Je ne change plus de couleur ,
Quand ton nom m'ofre ton image i
Et quand j'aperçois ton viſage ,
Il ne peut émouvoir mon coeur ,
*
Je dors ; ta vue à mon ſommeil
En fonge n'eft plus retracée ;
Tu ne fais plus à mon réveil
Naître ma premiere penſée ;
Tu n'es plus chére à mes deſirs ,
Lorfque j'éprouve ton abfence ;
Et quand je fais en ta préfence ,
Je n'ai ni peines ni plaifirs.
*
Si je parle de tes apas ,
Je ne m'y trouve plus fenfible ;
Tes rigueurs ne m'offenfent pas ;
Je m'en fouviens , & fuis paiſible ;
En vain tu t'aproches de moi ,
NOVEMBRE . 1742 2389
Mon trouble ne dit plus que j'aime ;
Je puis avec mon Rival même
Louer ce qui le charme en toi.
*
Que tes regards foient dédaigneur ,
Qe ta voix foit douce engageante ,
A ton air fier ou gracieux
Mon ame eft bien indifferente .
D'une impérieufe langueur
Ta bouche en moim'eft plus la fource ;
Tes yeux ont perdu fans reffource
La route de mon tendre coeur,
*
Que je me livre à la gaïté ,
Que je fuccombe à la trifteffe ,
Tes faveurs ou ta cruauté
Ne font plus agir ma foibleffe .
Les Prés les Côteaux , les Forêts ,
Sans toi , plaisent à mon envie ;
Avec toi - même je m'ennuye
Où la Nature eft fans attraits.
*
Vois quelle eft ma fincérité ;
Tu me parois encore belle ,
Mais tu n'es plus de la Beauté ,
A mes yeux , l'unique modéle ;
Cij
Et
2390 MERCURE DE FRANCE
Et , le vrai dût - il t'offenfer ,
Je vois fur ton charmant vifage
Des défauts qu'un aveugle hommage
S'apliquoit à me déguiſer .
*
J'en ai honte , il est vrai , Nicé ,
Lorfque j'ofai rompre ma chaîne
Je crus que mon coeur opreffé
Alloit expirer dans fa peine :
Mais pour éviter des rigueurs ,
Pour fortir d'un dur esclavage ,
Que ne met-on point en ufage !
Eft-il de trop vives douleurs ?
*
L'Oiseau qui fe voit arrêté ,
Cedant aux gluaux qui l'enchaînent ,
Pour le remettre en liberté
Perd les plumes qui le retiennent ;
Mais rétabli d'un mal léger ,
Bien-tôt l'utile expérience ,
Faifant naître la défiance ,
Le fauve d'un nouveau danger ,
A force de te repeter
*
Qu'il n'eft plus vrai que je t'adore ;
Je fais que tu veux te fater
Que
NOVEMBRE . 1742 .
2394
Que ma flâme eft la même encore ;
Crois plûtôt qu'on aime à parler ,
Nicé , des périls qu'on évite ;
Un instinct naturel excite
Souvent à fe les rapeller.
**
Le Guerrier aime à raconter
En quels dangers il vit fa tête ;
Des coups qu'il eut à fuporter
Il fait un titre de conquête ;
Libre d'un état rigoureux ,
L'Efclave s'aplaudit lui - même
Et reffent un plaifir extrême
A montrer fes fers odieux.
*
Je parle donc , mais c'eft pour moi
Je tâche de me fatisfaire ;
Crois- moi donc , i tu veux , ta foi
Ne peut me fächer ni me plaire ;
Je parle , mais fans m'informer
Si ton coeur s'eft rendu facile ,
S'il m'aprouve , s'il eft tranquile.
Quand tu veux encor me nommer
He
J'abandonne un coeur inconftant ;
Celui que tu perds eft fincére ;
to
Cij ...... Je
}
2392 MERCURE DE FRANCE
Je ne fçais à qui le tourment
Rendra cette perte plus chere ;
Mais je fçais qu'on ne peut trouver
Pour Nicé d'Amant fi fidéle ',
Et qu'une Amante auffi cruelle
Se fait tous les jours éprouver.
L'AMOUR ,
ODE.
Palinodie de l'Ode précedente de la Liberté.
GRace à ta charmante douceur ,
C'en eft fait , Nicé , je ſoupire ;
Les Dieux , chargés de mon bonheur ,
M'ont mis fous ton aimable Empire :
Dans un torrent de volupté
Je lens que mon amour me plonge' ;
Ce fentiment n'eft point un longe
Tu m'as ravi ma liberté.
܀
Que la crainte ou que le dépit
Porte ailleurs le tourment dans l'ame ,
Sous un air penfif , interdit
Dois-je encore cacher ma flâme ?
On me voit changer de couleur ,
Quand ton nom m'offre ton image ,
Et
NOVEMBRË. 17427- 2393
Et quand j'aperçois ton viſage ,
Auffi -tôt il émeut mon coeur.
He
La nuit , ta vûë à mon fommeil
En fonge eft fouvent retracée ;
Tu fais toujours à mon réveil
Naître ma premiere penſée :
Tu devicus chere à mes défirs ,
Lorique j'éprouve ton abſence ,
Mais , Nicé , fuis- je en ta prefence a
Mon coeur nâge dans les plaifirs ..
*
Si je parle de tes apas ,
On connoît que j'y fuis fenfibles:
Hélas ! fi je ne t'aimois pas ,
On me trouveroit plus paisible a
Lorfque tu t'aproches de moi ,
Mon trouble affûre que je t'aime ;
Souvent avec mon ombre même :
Je me plais à parler de toi,
Quand tes regards font gracieux ,
Quand ta voix eft tendre , engageante ,
Ma joye eft peinte dans mes yeux ;
Ma fâme en devient plus ardente :
Une impérieufe langueur
Cij
Fixe
2394 MERCURE DE FRANCE
Fixe mes regards fur ta bouche ;
Ah ! fi ma conquête te fouche ,
Retiens la route de mon coeur.
*
Que je me livre à la gaïté
Que je fuccombe à ma triſteffe ,
C'eft un hommage à ta beauté
Que chaque fois rend ma tendreffe :
Les Prés , les Côteaux , les Forêts ,
Rien fans toi ne m'eft agréable ,
Mais le lieu le plus effroyable
Avec toi m'offre mille attraits.
*
Dans la plus noire obſcurité
Mon amour te voit toujours belle ;
Le jour te rend de la Beauté
A mes yeux l'unique modéle ;
Si donc je voulois refufer
De rendre un légitime hommage
Aux attraits qu'offre ton vilage ,
Ne feroit- ce point t'offenfer ?
J'en ai honte , il eft vrai , Nicé ,
Quand je me foûmis à tes charmes
Mon coeur frémit d'être bleffé ;
Il en répandit quelques larmes ,
3..J
Mais
NOVEMBRE. 1742 2395.
Mais doit- on craindre des rigueurs
Quand on aime fon efclavage ?
Que ne met-on point en ufage ,
Pour n'y trouver que des douceurs
܀
L'Amant qui fe fent arrêté ,
S'il ne peut fuporter fes chaînes ,
Pour le remettre en liberté
Doit bien éprouver quelque peines j
Mais délivré d'un mal léger ,
Bien- tôt l'utile expérience
Faiſant naître fa défiance ,
Le fauve d'un nouveau danger..
A force de te repeter
A quel point , Nicé , je t'adore ,.
Peut-être voudras - tu douter
Que mon ardeur redouble encore ?
Crois plutôt qu'on gagne à parler
D'un feu que fon objet excite ;
Un inftinct naturel invite
Souvent à fe le rapeller .
*
J'aime , en intrépide Guerrier .
A poursuivre mon avanture ;
C'est changer un Myrthe en Laurier
) [
Co Quer
2396 MERCURE DE FRANCE
Que de faire voir fa bleffure :
D'être fous l'empire amoureux
Un Amant s'aplaudit lui-même ;
Dans fes fers à celle qu'il aime
Il fe montre tout glorieux .
Je parle donc , & c'est pour toi ;
Mon efprit s'empreffe à te plaire ;
Je cherche à mériter tá foi ;
Ce feul bien peut me fatisfaire ;
Je parle & voudrois m'informer
Si ton coeur s'est rendu facile
,9
S'il m'aprouve , & s'il eft tranquile
Lorfque tu daignes me nommer.
*
J'aime peut- être un coeur léger
Tandis que le mien eft fincére ;
Je ne fçais s'il peut t'engager ,
En prouvant combien tu m'es chere ;
Mais je fçais qu'on doit réſerver
Son coeur pour un Amant fidéle ,
Et qu'une Maîtreffe auffi belle
Devoit bien en moi le trouver.
'MO=
NOVEMBRE. 1742. 2397
MONUMENT ANTIQUE ,
nouvellement découvert . Extrait d'une Lettre?
de M.....écrite le 25. Septembre 1742 .."
M
R le Cardinal Quirini , ci devant Archevêque
de Corfou , aujourd'hui
Evêque de Breffe , & Bibliotéquaire du Vafican
, a dans fon Cabinet des Diptyques :
d'yvoire fort curieux , dont on a fait depuis
peu la découverte.
*
Sur le côte gauche eft repréſenté un jeune
homme nud ; car il faut compter pour rien
fa chauffure , qui font des brodequins , & la
naiffance d'un manteau , dont le bout feulement
paroît fur l'épaule gauche. Ce jeune
komme tient une Lance dans la main droite ,
& préfente de la gauche un papier à une
jeune Daine , habillée à la Romaine. Cette
Dame paroît goûter ce qui eft contenu
dans ce papier , & y répond en panchânt lat
tête , & en portant la main fur fon fein ens
figne d'acquiefcement Du piédéftal fur lequel!
eft le jeune homme part un chien qui éleve
fa tête ver la Dame , & femble vouloir lui
faire entendre quelque chofe. Au deffus on
Diptyca Gracis dowruna , Tabella plic aules, gemi--
nas fe pandentes ac porrigentes. Dù Cange ..
Cvj
voit
2398 MERCURE DE FRANCE
voit en l'air un enfant aîlé , qui retire de fa
main gauche un Arc dont il s'eft fervi , &
tient dans fa main droite un flambeau , avec
lequel il veut enflâmer le coeur de la jeune
Dame.
Le côté droît des Diptyques offre les
mêmes figures , mais dans une autre attitude
& avec des habits différens . Car , outre que
le jeune homme & la jeune Dame portent
une tunique entierement femblable , ils
femblent fortir tous deux de derriere un rideau.
En effet la jeune Dame , qui eft ici
revétuë d'une mante , prodigue fes careffes
au jeune homme , jufqu'à lui prendre fes
fevres du bout de fes doigts Un génie en
l'air , pofe une couronne de fleurs fur la tête.
de l'un & de l'autre. Ce qu'il y a de plus.
fingulier , c'eft que le jeune homme femble
faire fes adieux à la Dame , puifqu'il tient.
une Lance d'une main , & prend de l'autre.
fon bouclier ; il porte un bonnet Phrygien.
Mais que marque , dira-t'on , cette efpece
de bigarrure Quoi qu'il foit difficile de
hazarder fon fentiment fur un fujet auffi
problématique , il paroît que l'ouvrier a
voula repréfenter fur la premiere face des
Diptyques , un jeune homme qui n'eft venu
à bout de vaincre la refiftance d'une Dame
qu'en lui promettant de l'époufer , & de lui
être toujours fidele . La promeffe de Mariage
eft
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDSN
FOUNDATIONS
,

NOVEMBRE 1742 2399
eft affez clairement marquée par le papier
que le jeune homme remet entre les mains
de la Dame, & par le Dieu Hymen , qui non
feulement eft préfent aux fermens qu'il lui
fait , mais qui encore triomphe du coeur de:
la Dame , infpirant , en lui infpirant une ardeur réci
proque. Pour la fidélité , elle eft parfaitement
bien exprimée par le chien , puiſque :
cet animal eft le fymbole de cette vertu.
,
Dans la feconde face je crois voir le moment
qui a fuivi le Mariage. S'il étoit
permis de deviner de quel mariage il s'agit
ici , je dirois à la vérité en tremblant
, que c'eft celui de Titus & de:
Bérenice. Cette Princeffe eft reconnoiffable:
à fa mante & à fa tunique.. Suétone . fait
foi que Titus avoit promis à Berenice de
l'époufer & l'on n'a jamais douté qu il n'ait
vécu avec elle comme avec fa femme. J'avoue
que le bonnet Phrygien femble contrafter
avec Titus : mais il faut fe fouvenir
que toute cette Scéne s'eft paffée en Orient ,
& que Titus par complaifance pour fon
Amante peus fort bien avoir pris la premiére
nuit de fes Nôces un bonnet Phrygien , lui
qui n'avoit pas fait difficulté de violer les
Loix Romaines en fa faveur , en lui donnant
fa parole de n'époufer jamais qu'elle . Une
autre preuve que le trait d'Hiftoire , marqué
fur les Diptyques , s'eft paffé en Orient , c'eft:
qu'on
2400 MERCURE DE FRANCE
qu'on voit que Titus , immédiatement après
avoir confommé fon mariage , reprend fa
Lance & fon bouclier , c'eſt à dire part pour
l'Armée , qui formoit alors le Siége de Jérufalem
. Or c'eft en Orient que Titus a connu
Bérenice , c'est en Orient qu'il s'eft lié
à elle , c'eft de l'Orient qu'il l'a fait venir à
Rome , enfin c'est en Orient qu'il la renvoya ,
quand il fut parvenu à l'Empire .
*
Le Monument en queftion n'à que neuf
pouces & demi de hauteur ; & fa largeur
totale, qui contient enfemble les deux côtés
des Diptyques , eft de treize pouces. La
Gravûre qu'on en donne ici en perit , a été
faite d'après celle envoyée de Rome , qui
eft précisément de la grandeur de l'Original ..
PARAPHRASE fur le Pfeaume L..
Miferere mei , Deus , &c.
C'Eft mon iniquité , fous le nom de mifére ,
Que je viens expofer aux regards de mon Pere.
Pere , en qui tout eft grand , j'offre à votre douceur.
Pour objet de pitié le plus grand offenfeur.
Il faut pour me guérir pardonner une injure ,
Et pour la pardonner des bontés lans meſure .
AL
NOVEMBRE. 1742 2401
A vos pieds ... ( oferai -je encor les embraffer ? )
Je confeffe mon mal : vous pouvez l'effacer .
N'épargnez pas mon coeur : faites couler mes lar
mes :
Choififfez , Dieu d'amour , vos plus perçantes ar
mes .
Que par de faints progrès ma fincére douleur
Rende à ce coeur fouillé fa premiere candeur .
Mes yeux fe font ouverts fur l'horreur de ma vie ;
Par elle nuit & jour mon ame eft pourſuivie.
La honte fur le front , dans le fein le remord ,
Je ne vois que mon crime & l'ombre de la mort.
J'ai péché ſous vos yeux, feul avec mon complices.
Qui pourroit m'accufer ? Mais de votre juſtice-
Mon peuple accuferoit peut- être le courroux ;
J'ai péché , je le dis ; qu'on adore vos coups..
Triſte effet d'un poiſon , que donne la nature !
Le fang qui coule en moi vient d'une fource impure
,
Et le fein malheureux dont je fuis né mortel
D'un levain corrompu m'engendra criminel..
Mais fi je fus dès - lors l'objet de votre haine ,
Digne du poids honteux d'une éternelle chaîne ,
Un rayon qui vous plaît , qui part de votre amour,
Dans le fombre avenir me montre un heureux jour
2402 MERCURE DE FRANCE
Je vois tremper l'hyffope au fang d'une victime ;
J'en fuis teint .... à l'inftant , je me trouve fans
crime.
Ce n'eft plus moi qui vis, ce n'eft plus un pécheur ;
La neige a moins d'éclat que je n'ai de blancheur.
Qu'entends-je ? quelle voix intime & confolante
Ranime de mes ſens la force chancelante ?
Dieu m'apelle fon fils ! .. Je fuis donc pardonné ,,
Moi , qui ne méritois que d'être abandonné !
Dieu , qui fur le Demon remportez la victoire ,
David peut donc prétendre encore à votre gloire ?
Ah ! ne lui laiffez rien qui puiffe l'en bannir ,
Et de tous les péchés perdez le fouvenir.
A votre voix , Seigneur , le néast eft docile ;
D'un corps que vous formez vous animez l'argile ..
D'un limon aniiné purifiez l'amour :
Que mon coeur renaiffant vous cherche fans dé--
tour..
N'éloignez de vos yeux, Seigneur, que ma malice :
Regardez ma foibleffe & fauvez-moi du vice.
Que toûjours votre efprit foit mon guide & ma lois
Qu'il vous faffe régner fur mon peuple & fur moi..
Le péché dans mon coeur a porté la tristeſſe ;
Avec la fainteté rendez-moi l'allegreffe..
Un
NOVEMBR E. 1742 2403
Un amour criminel m'a conduit au trépas ;
Contre un penchant fatal affermiffez mes pas.
Qui pourra mieux que moi , Seigneur , dire à l'im
pie ,
Quel eft l'heureux fentier qui ramene à la vie ♪ —
Quand il verra David revenir en faveur ,
Bien-tôt il ofera vous offrir fa douleur.
O Dieu de mon falut , que votre amour ſe vange i
Qu'il prenne pour du fang mes larmes en échange
Et la joye à mes pleurs upira fes accens ;
Ma langue à votre amour offrira fon * encens
Délicz-la , Seigneur ; par un trop long filence.
Je paroîtrois ingrat envers votre clémence ;
Il faut que tout mon peuple aprenne par ma voin
A bénir l'équité du Souverain des Rois.
Déja pour honorer cette douce juſtice ,
Qui d'un amour jaloux fait un vengeur propice
J'aurois , fi vous l'aimiez , fait couler à ruifleaux
Sons le glaive facré le fang des animaux.
Mais vous ne l'auriez vû qu'avec indifference ;
Vous voulez de mon coeur une humble repentance?
C'eſt lui qui fit le mal , & qui doit l'expier ;
C'eft lui que la douleur doit vous facrifier .
⋆ L'Encens de la Ložange.
Depuie
2404 MERCURE DE FRANCE
Depuis long- tems , Seigneur , occupé de batailles
J'ai de Jérufalem négligé les murailles.
Vous m'avez protegé dans les plus grands hazards.
Si vous aimez Sion achevez fes remparts .
C'eft-là qu'à vos bontés rendant un jufte hom
mage
Ifraël chantera mes regrets d'âge en âge ,
Et qu'un fang légitime offert fur votre Autel
Servira de Symbole au fang d'un Eternel.
3
LETTRE à M. C. fur la Méchanique de
l'Esprit , par M. Boyer , le jeune.
JE
une
E ne fais fi je me trompe , M. mais j'ai
toûjours crû qu'il y a une analogie &´ un
raport parfait entre les opérations du corps
& celles de l'efprit. Quelqu'opofees qu'elles
foient dans leur nature , elles me paroiffent
les unes & les autres être l'effet d'une espéce
de Méchanique , dont elles font également
fufceptibles Une idée fi propre à humilier
l'efprit ne doit pas au refte vous effrayer ,
Vous ne crierez point au paradoxe , dès que
vous examinerez de près les réflexions dont
je vais vous faire part.
L'efprit pour être d'une effence plus noble,
&
NOVÉ M BRE.
1742 : 2405
>
& plus relevée que la matiére , n'en eft pas
moins uni au corps , dont il reffent toutes
les influences . Cette remarque toute fenfible
me fuffiroit pour établir un point d'autant
plus intéreffant , qu'on eft peu porté à y
réflechir. Mais je ne prétends pas l'examiner
en Phyficien , & je fuis encore plus éloigné
d'entamer une Differtation , qui pourroit
vous ennuyer. Je ne confulte & je ne prends
pour garant de mes idées , que l'experience ,
qui feule me fournira dequoi vous perfuader.
Qu'entendez -vous donc me direz vous
ici , M. par ce Méchanifme , que vous voulez
introduire jufques dans la portion de
nous-mêmes, la plus fpirituelle? Voulez vous,
nous parler de ces efforts matériels que font.
certains efprits , pour nous dommer lieu de
croire qu'ils réuffiffent dans ce qui n'eft nullement
à leur portée ? Mais vous ne l'igno
rez pas ; le célebre Mathanafius , dans fon
Chef- d'oeuvre d'un Inconnu , a déja finement.
dévelopé la Méchanique de ces faifeurs de
remarques mauffades , qui vous accablent
dans leurs commentaires , de tant de puéri
lités. Serez- vous l'écho de ces efprits fubtils,
ou pour mieux dire , de ces éplucheurs feveres
, qui prennent à tâche de relever dans
les Auteurs tout ce qu'il y a de commun &
de trivial ? D'ailleurs ne craignez - vous point
d'outrer la matiére , en confondant avec certains
2406 MERCURE DE FRANCE
tains efprits méchaniques ces génies fi diftin
gués par leurs talens ? Vous rifquez , prenezy
garde , d'irriter mal à propos une foule
d'Auteurs refpectables , qui fe croiront avilis
dans ce qui fait leur plus grande gloire.
Ces objections que vous pourriez me
faire , M. & que je dois prévenir , m'embarrafferoient
, fi je n'avois d'autre deffein
que de critiquer. Heureufement ce n'eſt pas
là mon goût , & vous ferez bien -tôt convaincu
que je ne me propofe rien moins
que de traiter de méchaniques toutes fortes ,
d'efprits . Les uns le font moins que les autres
, & parmi ceux qui le font également
de combien de diferentes efpeces n'y en at
il pas ? Il faut fçavoir les diftinguer pour
mieux aprécier leur mérite .
Je dois pour cela les divifer en trois claffes.
Ceux que je place dans la premiére
font ces génies heureux , qui ne penfent que
par eux mêmes & d'une maniere relevée ,
qu'ils doivent à leurs talens naturels . Il y a
d'autres efprits à qui la feule force des tatens
, s'ils en avoient autant que les premiers
, eût épargné bien du travail : mais ils
ont befoin de fupléer à ce qui leur manque.
C'eft en aidant & en fortifiant leur efprit
qu'ils peuvent fe Aater de réuffir conformément
au peu de talens qu'ils ont reçû de la
Nature. Je mets enfin dans la troifiéme claf-
Le
NOVEMBRE . 1742: 2407
,
Le ceux qu'on peut comparer à ces machines
automares , qui ne fe remuent que par
le fecours d'une main étrangere ; incapables
de rien produire par eux- mêmes
ils ne
penfent que par autrui , & leur efprit ne
pourroit , quand même ils le voudroient
prendre une autre tournure . Le Méchanifme
eft trop frapant dans ces derniers efprits
pour que je doive m'y arrêter . S'il l'eſt
moins dans les autres , & furtout dans ceux
de la premiére claffe , il eft toûjours certain ,
à mon avis , qu'on le découvre , pour peu
qu'on y faffle attention .
Nous voyons de tems en tems quelques
génies fupérieurs , que nous pouvons dire
être des Phénix dans la Nature . Maîtres de .
leurs talens , ils produifent , ils créent avec
une facilité qui leur eft propre & qui n'est
prefque jamais le fruit du travail. Ils difpofent
comme ils veulentde leurs penfées , &
ils fe fervent de leur efprit, fans qu'il leur en
coûte , bien differens de ces génies ordinajtes
, qui ne font redevables de leur mérite
qu'à des efforts réiterés & trop fouvent
empruntés.
Qu'ils ne fe le cachent pourtant pas à euxmêmes.
C'eft l'éducation qui a le plus contribué
à entretenir leurs talens naturels dans
cet éclat qui y eft attaché. Il en eft de l'efprit
le plus brillant & le plus pénétrant, comme
2408 MERCURE DE FRANCE
me de ces pierres précicufes dont on ne connoît
le prix que lorfqu'elles font taillées , ou ,
fi vous voulez , comme d'un bloc de marbe
qui n'eft eftimé qu'après que le Sculpteur l'a
dégroffi : & ne fommes nous pas témoins tous
les jours des talens les plus merveilleux qui
ne demandoient dans tant d'efprits incultes
que de geimer à la faveur de l'heureule Méchanique
qui les eût fait biller ?
› L'éducation n'eft en effet autre chofe , à
la bien conſidérer. N'en jugeons que par les
impreffions qu'elle fait fur les grands génies
comme fur les moindres efprits. S'ils per-
.nt recevoir dans l'âge tendre de bons
principes , ils ne font pas plus exempts les
uns & les autres des mauvais , dont ils rifquent
fi fouvent d'être la victime, Il n'eft
pas impoffible , à la vérité , à un génie fuperieur
de fe mettre au - deffus des impreffions
qu'il a reçues , quelles qu'elles foient. Mais
convenez avec moi , M. qu'il eft bien difficile
de fe mettre au - deflus de fes idées jufqu'à
leur faire oublier des traces profondément
gravées , & qui ont comme grandi
pas fans raifon que le
proverbe nous aprend que l'habitude eft une
feconde Nature.
avec nous. Ce n'eft
Je veux cependant vous accorder , qu'on
ne doit pas traiter de méchan que l'ufage que
l'éducation fait faire aux génies fupérieurs
de
NOVEMBRE. 1742. 2409
de leurs talens. Elle n'ajoûte rien , je le fu
pofe , à leur merite ; leurs efprits feront- ils
donc moins fujets à cette espéce de Méchanique
, qui paroît être notre principal
1 mobile ? C'est ce qu'il faut décider , en
examinant les differentes opérations qui leur
font communes avec tous les hommes. N'ar..
rive t'il jamais que leur mémoire , que je
crois très fidéle , foit ingrate dans quelque
occafion ? Mais perfonne n'ignore comment,
fans égard pour les plus beaux génies , elle
leur refufe affés fouvent fon fecours malgré
tous des efforts qu'ils font pour la fléchir &
pour fe la rendre favorable, 'eft un magaſin
qui offre au premier coup d'oeil toutes fortes
de marchandiſes , mais où l'on eft quelques
fois en peine de rencontrer celle qu'on fou,
haite. Eft- il rien de plus méchanique ?
L'imagination la plus vive & la plus fé
conde eft aufli journaliere , & par confé
quent auffi méchanique que la mémoire.
Demandez à ce génie qui eft né Poëte , s'il
peut la maîtriſer à fon gré ; il vous repondra
qu'il tâche de la connoître , & qu'il épie le
mom nt où elle fera moins en état de lui
réfifter. Trouve - til l'heure où elle peut être
exercée ? C'est alors que coulent fans effort
& comme de fource , ces Vers nobles & ma
jeftueux qui font l'effet de l'heureufe difpofition
où il s'eft trouvé , Combien de fois le
1
Prince
410 MERCURE DE FRANCE

Prince des Poëtes Latins n'en a-t'i pas fait
Pexpérience ? 11 faut en dire autant de ces
génies fupérieurs qui ont excellé en d'autres
genres. Les Cicerons , les Boffuets , les Fenelons
, les Bourdaloues & les Parrus étoient
venus au monde avec les talens les plus
propres à faire briller leur éloquence . Ces
Grands Hommes : avoient l'imagination lat
plus noble , la plus vive & la plus abondan
te ; ils n'en étoient pourtant pas toûjours les
maîtres , & ils fentoient fort bien qu'elle dépendoit
des difpofitions méchaniques où ils
étoient. Le P. Malebranche lui même , cet
'Auteur célebre , qui connoiſſoit ſi bien les
effets de l'imagination , n'étoit - il pas expofé
à fes caprices ?
Mais il eft une troifiéme opération qui ne
paroît pas fujette au méchanifme de la mémoire
& de l'imagination. C'eft le bon fens
qui nous dirige dans nos actions & qui nous
donne cette jufteffe de raifonnement , fi peu
commune. A envifager le jugement dans ce
point de vue , il femble , quelque naturel
qu'il foit , qu'il demande d'être entretenu &
cultivé , de forte qu'il ne me feroit pas diffieile
d'en tirer une conféquence favorable à
mon fyftême mais pour nous en former
une idée plus exacte , examinons un peu ce
mouvement naturel , ce fentiment intérieur ,
qui , fans avoir rien de méchanique , rend le
jugement sûr dans fes décifions ,
:
Ce
NOVEMBRE . 1742 2411
Ce fentiment n'eft autre chofe qu'une impreffion
fubite de l'ame , qui aperçoit &
connoît , comme d'un coup d'oeil , les plus
grandes beautés qui la frapent. Celles que
la difcuffion fait apercevoir, pour juger avec
réflexion , font fubordonnées aux premiéres
& ce n'eft qu'à la faveur d'un travail méchanique
qu'on vient à bout de les découvrir .
Si la difcuffion peut perfectionner le fentiment
, qu'on ne s'imagine pas qu'elle puiſſe
juger fainement fans lui : l'efprit refroidi &
comme apéfanti fous ce tas de regles qu'elle
lui préfente , ne fçauroit difcerner ce qui
rend un ouvrage fublime & merveilleux , s'il
ne confulte le fentiment. Mais y plai- je
bien ? Vous connoiffez mieux que moi
M. de quelle façon l'Abbé du Bos , ( a ) &
après lui le Chevalier d'Argens , ( b ) ont
traité un fujet fi délicat , fans effleurer davantage
quelques- unes de leurs idées que je
viens de me rapeller ; n'en puis - je pas cependant
prendre occafion de diftinguer ce
qui eft naturel aux grands génies & aux efprits
inférieurs de ce qui n'eft en cux queméchanique
? Que le fentiment foit plus délicat
dans les uns que dans les autres ; il n'en
( a ) Refl. critiques fur la Poësie & fur la Peinture
. T. Sect. 21. 2.
(b ) Difcours : Qu'on juge mieux des Ouvrages
d'esprit par fenument que par difcuffion .
D eft
2412 MERCURE DE FRANCE
eft
pas moins vrai qu'il doit être excepté de
la régle génerale. C'eft - là une opération de
l'efprit bien differente de celle de la difcuffion
ou de la critique. Celle - ci beaucoup
plus lente , quoique plus compaffée , fi je
puis m'exprimer de la forte , tire tout fon
mérite d'une certaine combinaifon d'idées
artiftement réunies , & qui ne font le plus
fouvent que méchaniques. La plupart des
efprits critiques font éclairés , mais de quelle
façon? Ils ne le font ordinairement que par le
malin plaifir de trouver des défauts dans les
ouvrages qu'ils creyent dignes de leur cenfure.
Je ne puis m'empêcher de rire , toutes
les fois que je fonge à la comparaifon d'un
Anglois qui difoit ( a ) qu'un Critique exerce
publiquement la Juftice comme un Bourreau.
Il a encore ajoûtoit- il , cette reflemblance
avec lui qu'il eft le plus fouvent auffi
digne du fuplice que ceux qui le fouffrent
par fes mains. Si la comparaifon n'eft ni délicate
ni jufte à bien des égards , il faut avouer
qu'elle eft bien expreffive dans la bouche
d'un Critique de profeffion , qui en comparant
fon métier à celui d'un Bourreau , devoit
en avoir une idée bien méchanique.
?
Le plus grand nombre des efprits que j'ai
mis à la feconde claffe , & fur lefquels je
devrois m'étendre , fi les bornes d'une Let-
( a) Le Pour & le Contre , T. 1. p . 89.
tre
NOVEMBRE.
1742. 2413
le
tre me le permettoient , ont un genre de
méchaniſme bien opofé à celui des grands
génies. Si l'éducation n'eft pas beaucoup
utile à ceux- ci , elle eft abfolument néceffaire
aux premiers , pour les aider à faire valoir.
peu de talens qu'ils ont , ou même , s'ils
n'en ont point , pour paroître en avoir reçû
quelqu'un de la nature . Ce n'eft fouvent qu'avec
bien des peines & après de grands efforts.
qu'ils acquierent d'une maniére toute artificielle
quelque ombre de mémoire, ou d'imagination.
Comme ils n'ont pas par eux - mêmes
cette fécondité , qui n'exige prefque pas
d'être cultivée ; Ils font forcés d'y fupléer
par une étude affidue & qui n'eft pas toû
jours auffi heureufe. Veulent ils faire un bon
ufage de leur efprit ? Il faut qu'ils fçachent
en diriger la méchanique. Rien ne fervira
plus , par exemple à perfectionner ce goût
qu'ils laiffent affadir faute d'entretien , que
la lecture des bons Auteurs , & l'exercice en
réformant leur ftyle ; ils pourront par- là fe
préferver de cette ignorance avec laquelle il
eft fi facile de fe familiarifer.
Je crains , M. que vous n'ignoriez encore
à quel deffein je vous entretiens aujourd'hui
d'un fujet fi particulier. Je vous avoüerai
même que je n'en fçais pas trop le résultat, &
que j'ai laiffé écrire à ma plume tout ce
qu'elle a voulu . M'en croirez- vous cepen-
D ji dant
2414 MERCURE DE FRANCE
,
dant fi je vous dis que mon but eft unique,
ment de m'éclaircir fur les moyens les plus
propres à tirer parti de ce méchanifme fpirituel
, que nous avons tous en partage , qui
plus qui moins ? Le mal eft en ceci que
l'efprit fe révolte facilement contre une idée.
qui ne lui fait concevoir rien que de materiel .
Cette idée de méchanique choque l'amour
propre , qui ne peut s'accommoder d'une expreffion
fi contraire aux notions communes.
Mais puifqu'une telle idée eft fi propre à
effrayer , pourquoi ne pas lui fubftituer celle
d'ordre , de méthode & de tout ce qu'il
vous plaira , qui revienne au même & qui
faffe moins rougir ?
Oui , M. rien ne me paroît plus important
, pour travailler avec goût ( & c'est ce
qu'il faut conclure de cet examen ) que de
donner à fon efprit le plus de clarté qu'il fe
puiffe . Ce fera l'arrangement & la méthode
qui le rendront clair dans fes idées , & autant
qu'il dépendra de nous , heureux dans
fes productions . Aura - t'il quelque matiére à
aprofondir Ily réuffira , pourvû qu'il ne
s'écarte pas des régles qu'il s'eft prefcrites.
S'il paroît quelquefois les négliger , ce n'eft
pas qu'il les ignore , mais il a acquis après
bien des peines le talent de paroître au- denus
des régles , lors même qu'il eft plus fcrupueux
à les fuivre . Un efprit de cette trempe
ng
NOVEMBRE. 1742 2415
ne montrera rien de pefant ni de matériel,
quoiqu'à la rigueur, tout ce qu'il fait ne foit
qu'un pur méchanifme. A- t'il un certain
goût 11 a foin de le cultiver , & il s'en
trouvé bien , ne fut- ce que pour difcerner le
vrai beau & le folide , de ce qui n'eſt
⚫ du clinquant , & qui n'a que de la fumée.
que
Il ne m'apartient pas de donner des régles
de ce goût que tous les efprits n'ont pas. Je
me contenterai feulement de remarquer qu'il
arrive fouvent que ceux qui poffedent d'autres
qualités en perfection , n'ont pas là
moindre teinture de celle - ci . Voici à ce fujet
un trait que je lûs l'autre jour dans le
Socrate moderne. Il est tout - à - fait plaifant.
Après que l'Auteur a beaucoup raifonné fur
le goût , il raporte ce que lui dit un célébre
Mathématicien , que le plus grand plaifir
qu'il eût en lifant Virgile , confiftoit à examiner
fur la Carte le Voyage d'Enée. » Je ne
» doute pas , remarque-t'il à ce propos, qu'il
» n'y ait bien de nos Compilateurs d'Hiftoire
» moderne, qui n'admireroient prefque autre
» chofe dans ce divin Auteur que les fimples
» faits. " N'est - ce pas là ce qui s'apelle goût
rafiné , ou pour parler plus jufte , n'eft- ce
pas le goût d'un efprit vraiment méchanique
? Je vous en laille le Juge , M. & je
"
fuis & c.
D'Aix en Provence le Août
4. 1742.
D iij EPI
2416 MERCURE DE FRANCE
味茶akakakakakakakakakakakak *
EPITAPHE¸du R. P. BRUMOY , Jésuite,
Auteur de l'excellent Ouvrage intitulé :
Le Théatre des Grecs,
J Ette fur ce Tombeau des fleurs à pleines mains,
Pallant ; cy gît BRUMOY ; les Vers que tu vas lire,
Seront en peu de mots ſuffiſans pour t'inftruire
Des moeurs & des talens du meilleur des Humains
Critique , Hiftorien , Poëte , Ami fincere ,
Sans relâche apliqué dans le champ Littéraire ,
Sous le poids des travaux il mourut abattu
Ayant fçû réunir l'amitié , la conftance ,
L'humilité , la fublime ſcience ,
De l'efprit & du coeur la plus haute vertu,
Des Forges Maillard.
****************
AVERTISSEMENT au fujet de
t'Ordre de S. Lazare.
R le Duc d'Orleans , Premier Prince
Mdu Sang, ayant ordonné qu'il feroit
fait une Lifte nouvelle de Mrs les Chevaliers
, Chapelains & Freres Servans de l'Or
dre de S. Lazare , dont il eſt Grand Maître ,
&
NOVEMBRE : 1942 2419
ces ,
>
& voulant que les noms , qualités & demeures
de tous les Chevaliers y foient mis , on
prie tous ces Mrs , tant ceux qui font à Paris
, à l'Armée , fur Mer , & dans les Provinde
vouloir bien les envoyer franches de
port àM.Dorat deChameulles , Chevalier,Com
mandeur, Greffier & Sécretaire Géneral del'Ordre
, Confeiller du Roy, Auditeur Ordinaire
en fa Chambre des Comptes, rue du Roy de
Sicile, ou à M. Pelletier, Contrôleur des Rentes
Commis au Greffe duditOrdre, rue des Foureurs
enſemble les noms des Chevliers , Chapelains
& Freres Servans , dont ils fçauront la
mort , afin de les rayer de deffus la Lifte.
Ceux qui ont fait l'honeur d'écrire à M. Dorat
lors de la convocation du dernier Chapitre
Général , tenu au Palais Royal le 17.Juillet
1742. ne fe donneront point la peine de
récrire, à moins qu'ils n'ayent quelque chofe
de nouveau à mander, çet Avertiffement n'étant
mis ici que pour ceux à qui on n'a pû
envoyer des Lettres circulaires , fignées du
rince ne fçachant point leurs demeures
ce qui eft arrivé à beaucoup de Mrs , qui
s'en font plaints depuis , dans les Provinces,
& même à plufieurs qui font leurs demeures
à Paris ; & afin que cela n'arrive plus , on
les prie de vouloir bien les envoyer au plus
jufte & au plûtôt ; & en cas de changement
de Grades ou de demeures dans la fuite ,
,
Diiij D iiij d'en
2418 MERCURE DE FRANCE
d'en avertir M. Pelletier , qui les enregiftrera
, ainfi que des Morts , dont les Pa-
Amis & Connoiffances font priés de
,
faire part , comme auffi de renvoyer les Croix
des Décedés à M. de Lorme , Chevalier ,
Commandeur & Tréforier Géneral de cet
Ordre , Sécretaire Ordinaire de M. le Duc
d'Orleans , & Subftitut de M. le Procureur
Géneral , demeurant au Palais Royal , au
lieu & place de M. de Breget , Chevalier ,
Comandeur du même Ordre , Confeiller au
Grand Confeil , maintenant Prevôt & Maî
tre des Céremonies.
BOUQUET envoyé par un Enfant de fept
ans , à M. L. M. D. S. P. le jour
de S. François.
Q Uel doux raviffement s'empare de mon coeur !
C'eft François que l'on folemnife ;
François de Sales ou d'Affife ,
Le Pontife ou le Fondateur ,
Me font auffi chers qu'à l'Eglife ;
J'y trouve également le nom d'un Bienfaiteur :
Que dis-je? Il me permet de l'speler mon Pere
Du nom de Fils il daigne m'apeler.
O noms remplis d'apas , & que mon coeur préfere
Aux titres les plus beaux , que l'on peut étaler
Aus
--
NOVEMBRE 1742 2419
a Aux yeux à qui la gloire eft chere !
De quel amour pour lui ne dois- je pas brûler ?
Pour mon bonheur , & pour fa gloire
Aux fentimens du coeur , fa , la main joint les effets ;
Et pour en mieux graver les traits dans ma mé→
moire
Il marque tous mes jours par de nouveaux bien,
faits.
In
EXPLICAT LO N du Proverbes
Pour un point Martin perdit fon Afne..
N
"
qui gagea
Icot dans fon Effai fur les Proverbes
au mot Afne , dit que pour un poil
Martin perdit fon Afne ,pili gratia Martinus
Afellifecit jacturam; que cela fe dit de quelqu'un
qui entre en grande conteſtation pour
peu de chofe , comme fit celui
que fon Afne avoit le poil entierement gris ,
& qu'on lui en montra un noir, au moyen de
quoi il perdit fa.Bête . D'autres difent, ajoute
Nicot que pour un point Martin perdit
fon Aine , propter unum punctum Martinus
perdidit Afellums mais il n'explique pas
rigine de cette derniere façon de parler , &
d'autres raportent encore ce Proverbe en
des termes, un peu differens , difant que faute
d'un pont , Martin perdit fon Afne ;; en
forte qu'on n'a pas encore bien éclairci fi ce
lo-
Dv futs
2420 MERCURE DE FRANCE
fut
pour pour un point de trop , ou pour un point
mal placé , ou enfin fi ce fut faute d'un point que Martin perdit fon Afne , & fi le mot
Afne & celui d'Afellus
, par lequel il eft rendu en Latin , doivent
être pris à la lettre, & fignifient
réellement
un Afne , ou quel- que autre chofe exprimée
d'une manière
allégorique
.
Il y a déja long - tems que l'on fe fert de
cette façon de parler , ab Afino delapfus ,
pour fignifier quelqu'un qui agit inconfide
rément , ou qui commet quelque impéritie .
Platon , 3. de
Gryllo , & Ariftophs
, Plutarque
, in
de en fa
Nubibus , fe fervent de cette expreffion dans
le fens que l'on vient de dire, ce qui a beaucoup
de raport avec le Vers Latin , par leon
rend communément le Proverbe
dont nous parlons,
C
Uno pro puncto cacidit Martinus Afello.
Mais on prétend que ce Vers a été alteré ;
qu'originairement , au lieu du mot cecidit ,
y avoit caruit qu'au lieu de Martinus
que l'on a mis pour faire allufion au mot
Afello , il y a oit Robertus , & qu'Afello ne
fignific point en cet endroit un Afne.
Alberic de Rofate , Jurifconfulte de Bergame
, dans le Milánois , qui vivoit au commencement
du XIV. fiécle , Can. de Judais ,
verbo
NOVEMBRE. 1742 2427
verbo Punctus , dit qu'un nommé Robert
Abbé d'Afello , ayant fait mettre fur la por
te de fon Abbaye ce Vers :
Porta patens efte nulli . Claudaris honefto,
où le point , au lieu d'être après efto , le
trouve après nulli, ce qui change totalement
le fens du Vers , & le rend abfurde. Cer
Abbé fut, dit- on, privé de ſon Abbaye d'Afello
, à caufe de fon ignorance , ce qui donna
lieu à cet autre Vers :
Uno pro puncto caruit Robertus Afello.
Ce fait & les deux Vers font raportés de
même par Everard , Jurifconfulte , dans la
Préface de fon Traité intitulé : Logi argu
mentorum legales , Edition de 1979-
Le Dictionaire de Trévoux , Edit. de 1704
v. Martin , raporte la même chofe d'après
Cardan , fi ce n'eft qu'il apelle l'Abbé Martin
, & il dit que le Pape paffant devant
l'Abbaye d'Afelle , fur indigné de l'incertitude
de cette ponctuation , & priva l'Abbé
de fon Abbaye ; que le fucceffeur fit réfor
mer ce point mal placé, & ajouter le fecond
Vers ; & qu'à caufe que le mot Italien
Afello fignifie en François un Afne , on a
traduit ainfi ce Vers : Pour un point Martin
perdit fon Afne , au lieu de dire ſon Ab
bay:.
Dv Mais
2422 MERCURE DE FRANCE
Mais ce Dictionaire ne cite point en
quel lieu des Ouvrages de Cardan cela eft
raporté , ce qui n'eft pas facile à découvrir ,
les Ouvrages de Cardan étant en. 10. Volumes
in-fol. On ne dit pas non plus où étoit
fituée l'Abbaye d'Afello ; on pourroit préſumer
qu'elle étoit dans le Milanez , parce
qu'Alberic de Rofate & Cardan , qui rapor
tent les Vers en queftion , étoient l'un &
l'autre du Milanez ; mais quelque recherche
que j'aye faite , je n'ai pû découvrir le Lieu
où étoit cette Abbaye ni quel fut le Pape
qui dépofa l'Abbé Martin.
M. Etienne Pafquier , Tome 2. dans fes
Lettres , Liv. 8. Lett . 12. à M. Tabourot ,
Procureur du Roy az Bailliage de Dijon ,
connu fous le nom du Sr des Accords , &
qui eft Auteur de l'Ouvrage intitulé : Les
Bigarures , raporte le même fait , & dit qu'il
croit l'avoir lû dans Alciat ; mais il ne dit
pas non plus en quel endroit , & je ne l'ai
point trouvé dans les Emblêmes de cet Auteur
, qui eft celui de tous ſes Ouvrages où
ce trait pourroit le mieux trouver place.
Nous avons en France beaucoup de Lieux
nommés Afnieres , dont le nom a beaucoup
de raport avec celui d'Afello ; ce qui vient
de ce qu'autrefois Afinaria fignifioit un Lieu
où on élevoit des Afnes. Il y a même une
Abbaye Réguliere de l'Ordre de S. Benoît ,
dans
NOVEMBRE. 1742 2423
dans le Diocèse d'Angers , nommée Afnieres
Belay , Beata Maria de Afineriis - Bellay ,
que l'on pourroit prendre pour l'Abbaye
d'Afello.
Peut être auffi que l'Abbé Martin étoit
de l'Ordre des Trinitaires ou Mathurins, que
l'on apelloit anciennement les Freres des
Afnes , parce que , fuivant leur inſtitution,
ils ne devoient,par principe d'humilité , monter
en voyage que fur des Afnes , & non fur
des Chevaux.
Quoiqu'il en foit, du fens dans lequel doit
être pris le mot Afello , il eft plus probable
que ce fut faute d'un point que Martin perdit
fon Abbaye , plûtôt que pour un point de
trop,non plus pour un point mal placé ; & que
le mot caruit ou cecidit , veut dire quee-faute
d'un point , il manqua d'être élû Abbé. En
effet , il a été long - tems d'ufage de marquer
les fuffrages par des points , au lieu de recueillir
les voix hautement , afin que les
Elections fuffent plus libres. C'eft ce qui furordonné
par Lucius Caffius Longinus , Tribun
du Peuple , vers l'an de Rome 653 .
dans la Loi apellée Tabellaria , qui fut
long- tems obfervée . On fçait qu'anciennement
les Abbayes étoient électives , ainfr
que font les Bénefices , & il pouvoit y avoir
alors quelques Endroits où les fuffrages fe
marquoient avec des points ; ce qui me fait
croire
2424 MERCURE DE FRANCE
Croire
que les deux Vers ci -devant raportés ,
nc font qu'un jeu de mots , & ne doivent
pas être pris à la lettre qu'ils doivent s'entendre
d'une élection manquée , & non pas
d'une mauvaiſe ponctuation.
*:***************
EPITRE
A Mad.... A …….. en lui renvoyant Les
L
Mémoires de S. Evremont.
Es coups qui partent d'une Belle ,
Sont toujours mis au nombre des faveurs ;
L'empire qu'elle a fur les coeurs ,
Doit à tout ce qui nous vient d'elle ,
Donner des apas enchanteurs :
Sa malice la plus cruelle
Demande des Adorateurs ,
Et je veux déſormais en être le modèle .
Aimable A.... dont les attraits puiffans
En traits de feu font gravés dans mon ame
J'ai vu du Pere du bon fens *
La tendre & malheureuſe flâme.
J'ai pleuré fes ennuis , fes revers ,
fes dangers :
Mais , dites moi , pourrois- je croire
Que vous ne prétendiez , en m'offrant fon Hiftoire
* S. Evrement.
Ne
NOVEMBRE . 1742 2228
Ne m'offrir feulement que des maux étrangers ?
Maîtreſſe de mon fort , Maîtreffe de ma vie ,
Etoit- ce peu pour vos rigueurs ,
D'avoir fçû du lien des plus vives ardeurs
Enchaîner ma Philoſophie ?
Pourquoi par ce cruel détour
Venir aprendre à mon Amour
De quels malheurs cuifans elle fera ſuivie .
Ah ! ne dûffai- je à vos genoux
Baifer jamais la * Menotte candide
Dont j'idolâtre jufqu'aux coups ;
Je viens , dans l'ardeur qui me guide ,
Sincérement fur vos Autels ,
Vous jurer des feux immortels
M'envierez-vous la douceur de le dire ?
Oui , malgré votre cruauté ,
A jamais , belle A… . . . foûmis à votre empire ;
Vous ferez la Divinité
Pour qui je veux monter ma Lyre. ·
Par M. B. D. C.
Expreffion de l'Abbé Chaulieu dans une de feo
Lettres à Madame la Ducheffe de B.
QUESTION
2426 MERCURE DE FRANCE
姫姫姫姫姫姫设
QUESTION IMPORTANTE
35
Jugée au Parlement de Paris.
Sfurvient, avant que l'acquéreur alt fait
Çavoir , fi la perte de l'Office qui
fceller fes Provifions , tombe fur lui , ou
» fi c'eft fur le Vendeur..
FAIT.
Le Se de la Combe , pourvû d'un Office
de Contrôlleur du Barrage & Entretenement
du Pavé de Paris , fe détermina en 1738. à
le vendre.Il fe préfenta plufieurs Acquereurs,.
entr'autres le Sr de Gourlade, qui fit fes premieres
propofitions dès le mois d'Octobre
de la même année ; mais les conditions
n'ayant pû être réglées dans les premieres.
entrevûës , l'affaire ne fut concluë qu'au
commencement de 1739 .
Le 12. Janvier , les Parties étant entiérement
d'accord, le Contrat de vente fut paffé
devant Notaires à Paris ; les 21009 liv . prix
de la vente , furent comptées & delivrées.
aux Sr & Dame de la Combe,Vendeurs, qui
reconnurent les avoir reçûës , & en donnerent
quittance par le Contrat . Ils remirent aus
Sr Gourlade l'Original en parchemin des
PION
NOVEMBRE. 1742 2427..
Proviſions, & tous leurs Titres de propriété ,
avec le Brevet , portant préſentation & nomination
de fa perfonne ,& géneralement tou
tes les Piéces qui concernoient la Charge , &
qui pouvoient lui être néceffaires pour s'y fai
re recevoir ; on en fit mention dans le Contrat
, & l'Acquéreur en donna décharge aux
Vendeurs ; & il fut ftipulé , fuivant l'ufage,
qu'au cas qu'il fe trouvât quelques opofitions
au Sceau, provenantes du fait des Ven
deurs , ceux - ci s'obligeoient folidairement
d'en fournir main-levée dans quinzaine de la
dénonciation qui leur en feroit faite , & que
les deniers du prix refteroient en dépôt chés
le Notaire , qui en donna fa reconnoiffance
aux Vendeurs , pour les leur remettre après
F'obtention des Provifions, fcellées fans opo+
fition , ou main-levée donnée des opofitions
s'il en furvenoit.
L'Acquéreur fit dreffer fes Provifions ; elles
furent préfentées au Sceau le 3. Janvier
1739. mais elles ne furent point fcellées , ce
qui furprit beaucoup le Sécretaire du Roy
qui les avoit dreflées & préfentées . Il en
écrivit au Sécretaire de M.le Chancelier , qui
lui répondit en ces termes le 3. Février fuivant.
La raison , M. qui a empêchê M. le Chan's
celier de fceller au dernier Sceau les Provifions
que vous y avez préſentées de Contrôlleur
du
2428 MERCURE DE FRANCE
du Barrage & Pavé de Paris, c'est que quatre
jours auparavant il avoit fcellé un Edit qui
Suprime ces fortes de Charges. Comme je ne
doute pas que préfentement cet Edit n'ait été
envoyé aux Cours pour être enregistré , je ne
crois pas être obligé de garder le fecret plus
long- tems. Je fuis fâché qu'on vous ait engagé
de faire des avances pour une Charge qui de
voit durer fi peu. J'ai l'honneur d'être , &c.
Suivant cette Lettre , l'Edit de fupreffion
avoit été fcellé le 26. Janvier , 14. jours
après le Contrat de vente , & 4. jours avant
le dernier Sceau , dont parle cette Lettre ,
qui avoit été tenu le 30. du même mois ;
mais cet Edit ne fut enregistré que le 13. Février
, plus d'un mois après la vente par
faite.
L'Acquéreur fe pourvût au Châtelet contre
fes Vendeurs , pour répeter le prix de
fon acquifition , prétendant que la perte de
l'Office étant furvenue avant que les Provifions
fuffent fcellées , elle devoit être fuportée
par les Vendeurs .
Les premiers Juges ordonnerent que le
Notaire , dépofitaire des deniers , les remettroit
à l'Acquéreur , ce qui feroit exécuté par
provifion , & nonobftant tout appel.
Les Vendeurs interjetterent apel de cette
Sentence ; mais comme elle étoit exécutoire
par provifion, le Notaire, au premier comman-
1
NOVEMBRE. 1742 2429
mandement que lui fit l'Acquéreur , lùi remit
les deniers.
L'Apel porté en la Grand '- Chambre , y
fut apointé , au Raport de M. Lambelin
Confeiller.
L'Acquéreur prétendoit tirer une fin de
non-recevoir contre les Vendeurs , de ce
qu'ils ne s'étoient pas opofés à la délivrance
des deniers ; mais les Vendeurs répondoient
que cet Acte fait par un tiers , & en leur abfence
, ne pouvoit leur préjudicier ; qu'il n'y
avoit par conféquent point de fin de nonrecevoir
à leur opofer. Il n'étoit donc queftion
que de fçavoir fur qui devoit tomber
perte de l'Office . la
De la part des Vendeurs, on difoit que le rifque
& perte de la chofe vendue regardent
l'Acheteur feul , auffi-tôt que le Contrat de
vente eft paffé. Periculum rei vendita ftatim ad
emptorem pertinet, difent les Inſtitutes, §. 3. de
empt. & vend. & la Loi ajoute : Tameifa
adhuc ea res emptori tradita non fit , quoique
chés les Romains la propriété des choſes ne
fût pas acquife par la feule convention , &
qu'il fallût que la tradition fût intervenuë.
La même Loi décide que fi les Parties
font feulement convenues du prix , fans
qu'il ait été payé au Vendeur , ni la chofe
délivrée à l'Acquéreur , lors de la paffation
du Contrat , celui - ci eft toujours tenu de
payer
4430 MERCURE DE FRANCI
payer le prix , encore que la chofe venduä
foit totalement périe dans l'intervalle . Cui
(emptori) neceffe eft , licet rem non fuerit nactus,
pretium folvere ; & la raifon qu'en rend la
Loi , eft que venditor eft debitor fpeciei , cujus
interitu liberatur : & que quidquid fine
dolo & culpâ venditoris accidit , in eo vendi
tor fecurus eft : ce qui eft d'autant plus jufte,
fi l'effet vendu recevoit des augmentations
, s'il devenoit d'un plus grand prix , le
Vendeur ne pourroit pas en profiter ; la Loi
décide que ces augmentations ad emptoris
commodum pertinent. Il faut donc dire avec
la Loi , que la perte qui furvient cft à fa
charge , emptoris damnum eft .
que
Le même principe eſt établi dans les Loix
8. au Digefte de pericul. & comm. rei vend
& la Loi 2. ff. de refcind. vendit.
La Loi 2. au Digeſte de eviction. & dupl.
Atipul. décide pareillement que la perte de
la chofe venduë , eft à la charge de l'Acquéreur
, dans le cas d'une perte arrivée
par le fait du Prince , furvenue depuis le
Contrat , & y ayant encore une partie du
prix non payée par l'Acquéreur. Godefroy
dans fa Note, dit que evictio que à Principis
pendet plenitudine & poteftate , venditori non
nocet.
Suivant la Loi 1. au Code de peric.
commod. rei vendita , le péril de la chofe
vendue
NOVEMBRE 1742 243
venduë tombe fur l'Acheteur ; le Vendeur
n'eft tenu de l'éviction que quand elle procede
de caufes antérieures au Contrat.
Toutes ces Loix fupofoient cependant que
l'Acheteur n'étoit pas encore Propriétaire
& qu'il n'avoit qu'une fimple action pour
exiger la délivrance de la chofe achetée ;
que n'auroient -elles pas dit , fi les Contrats
avoient été alors vraiment tranflatifs de propriété
, comme les nôtres ?
Ce n'eft pas feulement pour la vente des
chofes corporelles que ces principes font
faits ; les Loix décident la même chofe pour
la vente des droits incorporels . . 74. ff. de
evict. & dupl. ftipul . I. 2. ff. de hered . vel atf.
vendit.
Parmi nous , un fimple tranfport ne faifit
point , il faut qu'il foit fignifié , cependant il
n'eft pas
douteux que fi le débiteur fait faillite
entre le tranfport & la fignification , la
perte tombe fur le Ceffionnaire ou Acheteur
de la créance , parce que le Cédant n'a tranf
porté que tel droit qu'il avoit à la chofe ; il
fuffit qu'elle fubfiftât , lorfqu'il l'a cédée , l,
alienatio. de contrah. empt,
Le Droit , il eft vrai , ne décide pas la
queftion,nommément par raport aux Offices;
il n'en connoiffoit point le commerce & défendoit
même de les regarder comme venaux ;
mais nos moeurs en ayant fait un bien patrimonial
2432 MERCURE DE FRANCE
monial & de commerce , ce genre d'effets
a été néceffairement affujetti à tous les prin
cipes qui régiffent les autres biens .

,
Du tems de Loyfeau , la patrimonialité des
Offices n'étoit pas encore affûrée ; il les
croyoit plus meubles qu'immeubles , il
les compare partout aux Bénéfices &
ne connoifloit point cette diftinction
aujourd'hui fi familiere entre le
corps
de l'Office & fon titre . L'article 95. de
la Coûtume ne leur donnoit une espéce
d'immobilisation que dans un certain cas
mais fuivant l'Edit de 1683. les Offices
font reputés de vrais immeubles à tous
égards , & il n'y a plus de difference entre
ces fortes d'immeubles & les autres biens
dans tout ce qui fait l'objet du commerce ;
il faut par conféquent y apliquer les mêmes
Loix qu'aux autres biens.
que
Au contraire , de la part de l'Acquereur ,
on difoit c'étoit faire parler un langage.
ridicule aux Loix que de fupofer qu'elles
chargent l'Acquereur de la perte de la chofe
vendue fans reconnoître en lui une proprieté
parfaite ; les Loix Romaines fupofoieng
toutes la tradition pour la perfection du
Contrat.
Au furplus , celles que
les
Vendeurs opofent
ne regardent que la vente des chofes
corporelles , & il faut raifonner autrement
en
NOVEMBRE. 1742 243
En matiére de vente de droits incorporels ,
tels que font les Offices. Les Loix Romaines
ne peuvent s'apliquer à ce genre de biens ,
qui leur étoit inconnu ,
L'art. 95 , de la Coutume ne les immobilifo
que par fiction dans un certain cas ; & Loy
feau qui en a fait un Traité les regarde comme
étant plus meubles qu'immeubles ; il ne
voit dans la vente d'un Office qu'une procu
ration pour réfigner , & dans l'Acquereur
qu'un Réfignataire , qui a bien un droit
pour fe procurer la chofe , mais non pas un
droit formé dans la chofe même,
Celui qui achete un Office n'entend pas
acheter un droit imaginaire ou un morceau
de parchemin ; il ne l'achete que dans l'ef
perance d'en jouir & de s'y faire pourvoir.
Comme les Offices font émanés du Prince ?
& que c'est lui qui en donne les provifions ,
la proprieté de l'Office ne s'acquerant que
par les provifions , l'Acheteur ne peut être
tenu de la perte de l'Office avant que d'en
être pourvû , puifqu'il n'eft point encore
proprietaire.
L'Acquereur convenoit néanmoins qu'il
auroit feul profité de l'augmentation qui feroit
furvenue à l'Office entre le contrat de
vente & les proviſions ; mais , difoit- il , c'eſt
parce que la vente d'un Office eft toûjours
conditionnelle , & qu'il faut y apliquer les
principes
2434 MERCURE DE FRANCE
cipes, qui conviennent à ces fortes de ventes
LeContrat de vente d'un Office ne peutjamais
être pur & fimple ; il emporte toûjours la
condition que l'Acheteur pourra fe faire
pourvoir & jouir de l'Office vendu : de forte
que la vente n'eft parfaite que lorſque l'Acquereur
est pourvû , & tant qu'il ne l'eft pas
la vente demeure en fufpens , faute d'une
condition effentielle , dont l'événement ſeul
peut donner à l'Office une véritable exiftence.
En effet , aux termes du Contrat , le prix
de la vente devoit refter en dépôt entre les
mains du Notaire jufqu'à ce que l'Acquereur
eût obtenu les provifions ; les Vendeurs devoient
jouir jufqu'à la reception de l'Acquereur
des gages & émolumens de l'Office ; ils
étoient tenus d'exercer l'Office jufqu'à la reception
de l'Acquereur : or les fruits apar
tiennent au Proprietaire.
que
L'Edit de fupreffion de l'Office ne nomme
le fieur de la Combe comme Titulaire ,
& non le fieur de Gourlade , enforte que le
premier a toûjours été regardé comme Proprietaire
, le Roy ne connoiffant point l'Acquereur
, jufqu'à ce qu'il ait obtenu des
vifions .
pro
Le fieur de Gourlade citoit plufieurs Ar
rêts qui ont jugé que l'Officier qui a vendu ,
peut être admis à exercer le Regrès , & à de
mander
2
NOVEMBRE . 1742. 2435
mander de rentrer dans fa charge , d'où il
concluoit que l'Acquereur n'eft pas Propriétaire
incommutable jufqu'à ce qu'il ait obtenu
des proviſions.
a
Les Vendeurs raportoient de leur part un
Arrêt du 19. Decembre 1669. dont Bafnage
fait mention fur l'article 5 14. de la Coûtume
de Normandie , qui á jugé précisément que
l'Acquereur qui ne peut pas obtenir de provifions
pourvû que l'empêchement ne
vienne pas du fait du Réfignant , doit toûjours
payer le prix du Traité .
Par l'Arrêt qui eft intervenu le 26. Mai
1742. la Cour a infirmé la Sentence dont
étoit apel, & ordonné que l'Acquereur feroit
tenu de payer le prix de l'Office aux Vendeurs
, ce qui juge que la perte de l'Office
furvenue entre le Contrat de vente & les
proviſions tombe fur l'Acquereur.
************* **** 茶茶茶
A URANI E.
ENVOI de la Piéce fuivante .
REçois , adorable Uranie ,
Ces Vers , où mon foible génie
De la fidéle Laure a dépeint les tranfports ;
Trop heureuſe fi , pour te plaire ,
E Et
2436 MERCURE DE FRANCE
Et célébrer les Loix du Maître de Cythére ,
Ma Mufe n'a pas fait, d'inutiles efforts !
Pour avoir le talent aimable
Qui donne l'immortalité ,
J'importune les Dieux , fans en être écouté ;
Mais , s'ils m'ont refufé cette Lyre admirable
Sur laquelle Pétrarque a chanté fes amours ,
J'ai reçû d'eux un coeur , fait pour aimer toujours ,
Un coeur qui t'admire & t'adore ,
Un coeur qui dans tes fers verra finir ſes jours ,
Un coeur qui t'aime enfin , mille fois plus encore
Que ce Poëte n'aima Laure.
S
LAURE , Cantate.
Ur les bords émaillés d'une Fontaine pure ,
Où l'on court admirer les jeux de la Nature :
Dans des lieux embellis par mille objets charmans ,
Laure toujours tendre & fidelle ,
Se plaignoit , par ces mots , de l'abfence cruelle
Du plus fenfible des Amans.
'Amour , amour , mon coeur t'implore ,
Entends ma voix & mes foupirs ;
Ramene l'objet que j'adore
Au gré de mes ardens defirs.
Și mon cher Amant m'aime encore ,
Qui peut helas ! le retenir
AF
NOVEMBRE. 1742 2437
A-t'il perdu le fouvenir
De la flâme qui me devore » -
·" Amour , amour mon coeur t'implore ;
Entends ma voix & mes foupirs ;
Ran ene l'objet que j'adore
Au gré de mes ardens defirs.
Mais tandis que dans ces aziles
Laure deplore fes malheurs ,
Quets concerts tout-à - coup out fufpendu fes pleurs!
Quels chants font retentir ces retraites tranquilles !
Tout annonce Pétrarque . il revient dans ces lieux ;
Que tout cede aux fons de fa Lyre' ;
C'eſt le tendre Amour qui l'infpire ;
Ciel ! quels accords harmonieux !
1
Jeune Beauté , le cie ! feconde
Les voeux ardens de ton amour ;
Que le plaifir dans ce beau jour
Succéde à ta douleur profonde ;
Et jouis de l'heureux retour
Du plus fidéle Amant du monde,
Jeune Beauté , le ciel feconde
Les voeux ardens de ton amour.
Déja fur cette rive , où fon coeur le rapelle ;
Et dont le fort jaloux l'éloigna fi long- tems ,
E ij L'heu2438
MERCURE DE FRANCE
L'heureux Pétrarque à cette Belle
Offre les Lauriers éclatans
Qu'il a reçûs dans Rome , & que la gloire donne
Aux Enfans d'Apollon , comme à ceux de Bellone .
Grands Dieux de ces Amants quelles font les
ardeurs !
Ils fe jurent tous deux un amour mutuelle ,
Et d'une conftance éternelle
Ils goûtent toutes les douceurs .
Amant , qu'un doux penchant engage
A fuivre l'empire amoureux ,
Bien loin de te rendre volage ,]
Que l'abfence anime tes feux.
Quand un deftin cruel fépare.
Deux coeurs fidéles à l'Amour
Par- là fouvent il leur prépare
Les plus doux plaifirs au retour.
'Amant , qu'un doux penchant engage
A fuivre l'empire amoureux ,
Bien loin de te rendre volage ,
Que l'abſence anime tes feux.
Par M. B ** d'Aix,
PIS:
NOVEMBRE. 1742 2439

DISCOURS SUR LA RELİGİON:
LA Religion eft,le fondement de toutes
les vertus , & pour ainfi parler ) là
ruine de tous les vices.
En effet , quelle entreprife plus inutile
que de vouloir trouver de véritables vertus
dans celui qui a fecoué lé joug de la Religion
? Un tel homme ( quelque diftingué
qu'il foit d'ailleurs ) ne peut fe fuffire à lui
même ; il manque de tout dès le moment
qu'il manque de Religion .
Toutes les excellentes qualités qui concourent
à former le véritable mérite,lors que
la Religion les mit en ufage , deviennent
fans elle , toujours fatales ; fouvent même
plus dangereufes que les défauts qui leur
font opoles , les héros du libertinage s'aprochent
de la Religion à mefure qu'ils s'aprochent
de la mort ; leur foi augmente à mefu
re que leur vie diminue ; quelquefois même
ils paffent de l'impiété à la fuperftition .
La Religion eft néceffaire pour foutenir &
perfectioner les qualités brillantes & folides
qui forment le mérite des hommes .
Les belles connoiffances de l'efprit , la
droiture du coeur , & la dénomination de
E iij l'hon2440
MERCURE DE FRANCE
l'honnête homme recherchée avec tant d'ardeur
, ne font dignes de notre eftime & de
nos éloges qu'autant que la Religion les
fourient.
Que! autre fondement les beaux talens
pourroient ils avoir ? feroit - ce la raison ?
foible apui ; car comment foutiendroit- elle
tant de vertus , elle qui toujours aveugle ,
incertaine , affiégée par tant d'ennemis , peut
à peine fe foutenir elle- même dans les affauts
qu'on lui livre ?
Comment pourroit - elle nous conduire
fûrement dans nos actions , elle qui fe laiffe
tromper tous les jours par les fens, après les
avoir éprouvés fi fouvent infidéles ?
Lors même qu'à la faveur des lumiéres de
la raifon l'efprit découvre le bon chemin , le
coeur refufe fouvent de le fuivre ; ce qui eft
bon ne nous paroît pas toujours beau; & nous
ne voudrions point féparer l'un de l'autre .
LaReligion feule, fçait rendre compatibles
le devoir & l'inclination ; elle feule nous
donne la force de faire ce que nous devons,
& même de le faire avec plaifir ; & l'efprit
ne fçauroit régler le coeur fans un fecours
fupérieur.
?
La Science eft par elle -même orgueilleufe
mais la Religion lui ôte ce défaut ,
& la rend douce , modefte , humble , toujours
prête a borner fes vies & à les fourmettre
à la foi. Ц
MOVEMBRE. 1742 2441
il n'eft
pas même juſqu'à la Valeur qui ne
doive fon mérite à la Religion , quoi qu'elle
lui femble opofée , car fi le prix des actions
éclatantes fe régle par le motif qui les fait
entreprendre
, quel avantage n'a pas un
Guerrier animé de la Religion , fur celui qui
n'en n'a point , ou qui s'en fait une fauſſe ?
Le premier agit par raifon , le fecond n'agit
que par caprice , & fouvent il doit fon courage
à une ftupidité naturelle , ou à la bienféance
humaine ; le Héros chrétien & religieux
au contraire , ne mépriſe le danger que
parce qu'il le connoît parfaitement
, & qu'il
eft convaincu qu'en expofant un corps mor
tel , il eſt fur du moins que fon ame ne
peut mourir.
On ne voit point en lui cette fureur impétueufe
qui aveugle ; une force de génie &
un motif de Religion lui font connoître le
péril & le lui font braver en même tems ; une
grandeur d'ame encore plus étendue lu fait
généreufement furmonter tous les obftacles,
& la vie lui devient indifferente , dès qu'il s'agit
des interêts de fon Dieu & de fon Souverain
.
Tels font les glorieux effets de la Religion
dans le coeur de l'homme ; la juftice humai
établie pour terminer les Guerres domef
tiques , ne fait fouvent que les entretenir &
même les augmenter ; par la multitude , l'obf
ne,
Eij
curité ,
2442 MERCURE DE FRANCE
curité & la contradiction aparente des loix.
il n'y a que la Religion qui puiffe donner
des régles sûres & infaillibles, foit à ceux qui
rendent la justice , foit à ceux qui la de
mandent ; elle condamne les airs infultans
du vainqueur , & les plaintes infolentes du
vaincu , en un mot elle enfeigne que les
procès doivent être commencés par la juftice
,
foutenus par la bonne foi , & terminés
par la charité .
Elle fait comprendre aux Juges la néceffité
de s'inftruire à fond de leur devoir , par
l'engagement où ils font de répondre du
deftin des hommes , dont ils ont le pouvoir
de décider.
Elle les rend inacceffibles aux piéges de
l'amitié , de la beauté & de la grandeur, qui
plaident , ou qui follicitent .
Comment rendre aux hommes cequi leur
apartient , fi l'on manque à ce qu'on doit à
Dieu ? Ces deux devoirs font inféparables ;
on ne s'acquitte point parfaitement de l'un ,
dès qu'on fe néglige für l'autre .
Sans la Religion , tout eft renverfé dans le
monde ; la confiance ceffe ; la fidélité difparoît
; l'ami eft tout prêt à trahir fon ami ; le
citoyen à livrer fa patrie , le fils à rougir fes
mains du fang de fon pere , le fujet à fomenter
une révolte contre fon Prince , enfin il
n'eſt point de défordres auxquels l'homme
impic
NOVEMBRE . 1742 2443
impie & irréligieux ne fe livre , point de malheurs
auxquels par un effet de la juſtice divine
il ne foit expofé dans cette vie ou dans
l'autre.
Le grand Conftantin, avant fa converfion ,
voulant éprouver la fidélité de fes Sujets , ordonna
à tous les Catholiques qui étoient de
fa Cour , de changer de Religion ; pluſieurs
obeïrent par ambition & par d'autres motifs
purement temporels ; quelques- uns réfilterent
par Religion Quel fut le Jugement de
l'Empereur ?
Il retint près de lui ceux qui avoient été
conftans dans leur foi , & chaffa les autres
honteufement , perfuadé que s'ils avoient été:
infidéles à leur Dieu , ils pourroient l'être .
encore plus facilement à leur Roy. Bel
éxemple , qui montre que l'amour de la Religion
eft univerfellement eftimé , & qu'il
trouve accès chés tous ceux qui ont quel
que difcernement & quelques lumiéres de
la raifon , quand même il ne feroient
dans la bonne voye.
pas
D.D. Auteur du Difcours fur la Juſtice:
E v
2444 MERCURE DE FRANCE
糖燒熱燒熱鰻
į į į į į į į į į s
A LA PARESSE
C'EA 'Eft pour vous , ma chere Pareffe ,
Que je prends en main le pinceau ;
Je veux faire un portrait nouveau
De la Fille de la Molleffe .
Nymphes , q i côtoyez les rives du Permeſſe
Mettez la main à mon Tableau ;
Conduifez- moi vîte au ruiffeau ,
?
Dont l'eau vive produit une agréable yvreffe ;
Ne perdez point de tems en difcours fuperflus ;
Infpirez moi d'abord , ou je n'y penfe plus .
PORTRAIT de Mlle
Q
nom de la Pareffe.
Lons
le
Velle eft cette Nymphe tranquille ;
Que j'aperçois ans un fauteuil ,
Indolente & prefque immobile ;
Comme une morte en fon cercueil ?
Vers un lit fort mo let & fait exprès pour elle
Le Dieu du fommeil la conduit ;
Entre les bras de cet Amant fidele
Elle fe couche & dort toute la nuit ;
Des affurs du Demon du bruit
Vingt-fonges gracieux défendent la ruelle.
On
NOVEMBRE . 1742. 2445
On ne peut pas dormir toujours ...
Morphée & fa troupe vermeille
Laiffent pour quelque tems l'objet de les amours
Sans avoir la puce à l'oreille ,
La Pareffe enfin fe réveille ,
Lorfque Phoebus a fait la moitié de fon cours.
Vers une table avec beaucoup de peine
Nonchalamment elle fe traîne ,
Sans penfer au préfent non plus qu'au lendemain
Ou plûtôt, rêvant à la Suiffe ,
Elle met à trois tems le couse fur fa cuiffe,
Et fon menton deffus fa main.
Elle demeure une heure entiére
Les yeux demi fermés , vis à vis d'un miroir
Pendant qu'elle cherche à s'y voir
Elle tire'fa tabatiere ,
L'ouvre , prend du tabac , & du fond d'un tirois ,
Tire gravement un mouchoir .
Elle éternue , elle fe mouche ,
Elle leve une main pour placer une mouche ,
Qu'elle met à côté de l'oeil ;
Immobile comme une fouche' ;
Sa main tombe auffi - tôt fur le bras du fauteuil
Elle apelle fon cher Morphée ;
Pour le trouver elle ferme les yeux ;
Les Songes cependant peignent fes beaux cheveux
Elle eft par eux bien- tôt négligemment coëffée.
Mais quel funefte contretems !
£ vj
Une
446 MERCURE DE FRANCE
Une Servante qui s'ennuye ,
Voyant fon dîner froid; part comme une furie ;
Vient lui dire en grondant que la foupe eft fervie
Et qu'on l'attend depuis long- tems.
Loin de l'efprit de la Pareffe
Les foucis , les foins dévorans ;
Morphée & fes pavots , les Songes , la Molleffe ;
Le plus affidu des Amans ,
Sa tendre Mere & fes plus chers Parens ,
De fon fauteuil les écartent fans ceffe.
Comme elle est toujours fans defirs
Les ennuis , les dégoûts font fes menus plaifirs
La langueur , & la nonchalance
Les bâillemens , l'infenfibilité ,
L'affoupiffement , le filence ,;
L'étonnement & l'ignorance ,
Vrais Enfans de l'oifiveté ,
Occupent du fauteuil l'un & l'autre côté.
Il en coûte pour être vaine ,
Il faut tout au moins s'arranger ;
La haine caufe de la peine ,
Pour peu qu'on veuille fe venger ;
Vous n'aprochez jamais du fauteuil immobile;
Ridicule attirail des folles vanités ,
Et la Pareffe eft trop tranquille
Pour avoir des defirs par la haine enfantés .
L'Amour a des attraits capable de féduire
La plus fcrupuleufe beauté ;
Mais
NOVEMBRE. 1742. 2447
Mais au fauteuil de ma Divinité
Quel mortel téméraire oferoit le conduire ?
Morphée eft fon Amant & n'a point de Rivaux ;
Souvent l'Amour prépare bien des maux ,
Au moment même qu'il careffe ;
C'eft ce qu'évite la Pareffe ;
Si l'on pouvoit aimer fans s'en apercevoir ,
Sans que le coeur tendre & fidele
Fût obligé de s'émouvoir ,
La Parefle aimeroit , j'en jurerois , pour elle ..
Mais l'amitié ne pourroit - elle pas
Aprocher du fauteuil où la Parefle regne ?.
Si tranquille & pleine d'apas ,
Que faudra- t'il donc qu'elle craigne !
Elle a trop de devoirs gênans ,
Qui n'accommodent point la Pareffe endormie
Si l'amitié n'eft pas fon ennemie ,
Elle eft au moins au rang des gens. indifferens .
Voilà , mon aimable Thémire ,
L'état tranquille où vous coulez vos jours
Vous ne connoiffez point de tyrannique Empire ;
Jamais votre coeur ne loupire
Que pour un Dieu , qui fût toujours
L'ennemi juré des amours.
Mais dans cet état d'indolence
Rien ne sçauroit vous égayer ;
Les plaifirs de l'indifference
Sont des plaifirs qui doivent ennuyer.
Morphée
2448 MERCURE DE FRANCE
Morphée est un Amant plein de délicateffe ;
Son abfence il eft vrai , peut cauſer de l'ennui
Mais il faut être la Pareffe
Pour ne foupirer que pour lui.
Souffrez qu'un autre Dieu vous guide
Donnez vous quelques petits foios ;
tems en tems ce fauteuil homicide ;
Ayez un peu d'amour , & dormez beaucoup moins.
Laiffez de
44:
LETTRE de M. Joyeuse , Médecin des
Hôpitaux des Galéres du Roy , à M.....
Docteur en Médecine.
N m'envoyant les deux derniers ( a )
Ouvrages de feu M. Hecquet , vous
éxigez , Monfieur , que je vous en marque
mon fentiment . Je les ai lus avec cet empreffement
, que vous m'avez connu pour
tous ceux qui avoient précédé. Dans ceux
ci , comme dans les autres , brille par tout
cette imagination vive & féconde , qui dévelope
fous les plus beaux jours , & d'une infinité
de manières , ce qu'il y a de plus caché
& de moins connu dans la Profeffion.
En vain eft il bien des Maladies qui ont
( a ) La Mélecine naturelle & la Médecine , la
Chirurgie & la Pharmacie des Pauvres.
toujours
NOVEMBRE. 1742 2449
toujours paffé pour incurables ; à meſure
qu'on lit cet Auteur , la Théorie lumineuse
qu'il nous préfente , dévoile les caufes de
leur réſiſtance aux remédes , & femble fournir
des voyes sûres pour en triompher . En
parcourant ces differens Ouvrages , on fent
qu'on y puiſe toujours des lumières , qu'on
n'aperçoit guéres ailleurs.
Mais puifque vous l'exigez de moi , M.
en convenant des Eloges qui leur font dûs
me permettrez- vous de vous avoüer ma furprife
CetAuteur , dont les talens feront longtems
vivre la memoire , femble n'avoir voulu
les employer bien fouvent , que pour foutenir
les Paradoxes les plus outrés. J'avoue
qu'il a fçu les défendre avec une érudition
fi vafte , que le nombre de ſes Partiſans n'a
rien qui furprenne . Mais quelque habileté
qu'il ait fçu répandre dans fes Ecrits , ontils
moins été une occafion de triomphe pour
les Andry , les Aftruc , les Silva ? Je fçais.
qu'à bien des égards la Faculté de Paris devra
le regarder comme un de fes ornemens
mais qu'elle auroit lieu de s'en aplaudir , fi ,
moins jaloux de tra er des routes nouvelles
il n'eut fouvent pris à tâche de combattre les
vérités les mieux reçues ? A Dieu ne plaife
que pour vous en faire convenir , je parcoure
tous fes Ouvrages & ceux que d'Illuftres
Adverfaires lui ont opofées. S'il ne s'agiffoit
que
2450 MERCURE DE FRANCE
que de Théorie , l'effor qu'il a fçu prendre
& qu'il a fi bien foûtenu , nous fourniroit
une haute idée , fans mélange d'aucun regret
de la grandeur de fon Génie : mais cette
Théorie finguliere qu'il a fçu fi bien manier ,
peu fidelle dans fes promeffes ,s'accorde rarement
avec l'expérience , & non contente
d'en impofer , elle conduiroit fouvent à une
pratique bien dangereufe tout Médecin
qui , novice dans l'Art de guérir , prendroit
cet Auteur pour modéle. Depuis plus de
vingt ans que je fais ma Profeſſion , l'uſage
que j'acquiers dans la lecture des Auteurs, meconvainc
tous les jours du difcernement
qu'il faut aporter , en étudiant leurs Ouvrages.
Que de preuves viennent en foule
Jefquelles je pourrois vous en faire convenir !
Mais fans m'écarter de mon fujet , quel
Auteur plus propre que M. H. pour nous en .
convaincre ?
>
par
Vous fçavez M. le bruit, que firent fes.
Obfervations fur la faignée: c'eft à cet Ouvrage
que nous devons celui de M. Silva .
Si chacun de ceux qu'a donnés M. H. eût
produit un effet femblable , le Public ne
fçauroit trop chérir fa mémoire . Mais ce
qu'avance cet Auteur dans cet Ouvrage &
dans la plupart des autres n'eft - il repréque
dans ce qu'il preferit fur le
choix des faignées ? L'ufage outré qu'il fait de
henfible
,
ca
NOVEMBRE. 1742 2458
ce reméde , offre - t'il un objet moins frapant
au Lecteur ? A Dieu ne plaife que nous ne
reconnoiffions avec M. H. que la faignée
eft un des plus puiflans fecours que la Mé
decine puiffe fournir ; mais ce fecours fut-il
encore plus grand , convient-il dans tous
les cas , & n'eft- il point de régles. à fuivre
pour le placer à propos ? Il eft peu de remé
des , je l'avoie , auffi univerfellement aprou
vés que la faignée , peu qui ayent eu de tout
tems un fi grand nombre de défenfeurs , peu
qui les ayent mieux mérités mais quelque
éloge qu'on en ait toujours fait , on n'avoit
jamais douté qu'il ne fût bien des cas
où ce remede feroit inutile , beaucoup où
il feroit dangereux , & un grand nombre où
il deviendroit funefte. Que ne prétend pour
tant point cet Auteur , quand il s'explique
fur cette matiere ? A l'entendre , c'eſt le re
mede de tous les maux ( a ) » le Calmant
» univerfel , la Panacée véritable de toutes les
» Maladies ; jettez les yeux fur les premiéres
pages de la Médecine naturelle . »Un enfant,
» dit-il, n'entre pas plutôt dans l'âge adulte ,
qu'il devient fujet à ſeigner du nez ; qu'en
» infere cet Auteur ? Saignée naturelle qui s'o
pere dans le corps vivant ,
corps vivant , & reméde de tek
»importance, ou obfervation fi utile pour la
» Médecine , que de ce point de vue partent
( a ) La Medesine naturelle. T. 1.p. 226 .
"
رد
»
» toutes
2452 MERCURE DE FRANCE
so toutes les attentions qu'unMédecin a à apor
» ter à la cure des Maladies qui ariveront
» dans tous les âges jufques dins la vieilleffe ,
" ou, ce qui revient au même , la faignée eft
démontrée aufli tôt Punique remède de
" toutes les Maladics ; l'obfervation là-deffus
eft à la portée de tout le monde ; la ré-
» Alexion toute fcule , les yeux & les fens ,
❞aprennent cette Médecine.
De bonne foi . l'auriez -vous cru , M. ?
Une preuve qui paffe par des mains habiles ,
acquiert une force bien finguliere . Mais
avant que d'aller plus loin , la Diarrhée étant
fans doute bien plus familière aux enfans
de tour âge que les faignemens du nez ,
m'avouerez vous pas qu'un partifan de la
purgation pourroit abufer de cette preuve ,
& s'en prévaloir à fon tour , pour établir ce
dernier reméde ? Il le pourroit , Monfieur
avec d'autant plus de juftice , que du propic
aveu de M. H. les faignemens du nez n'ont
Lieu qu'au commencement de l'âge adulte
tandis qu'une Diarrhée peut furvenir dès les
premiers jours qu'un enfant eft au monde .
Quel regret pour M. H. s'il eût crû que les
moïens qu'il mettoit fibien en oeuvre en faveur
de la faignée,fon reméde favori , pourrroient
également fervir à établir la purgation , celui
de tous les remédes qu'il a toujours le plus
combattu ! Oui ,M. un enfant , ne fit- il que
de
NOVEMBRE. 1742. 2453
de naître , effuye- t'il une Diarrhée des plus
légeres Purgation naturelle , ( pourra - t-on
dire ) qui s'opere dans le corps vivant , &
» reméde de telle importance , ou obſerva
» tion fi utile pour la Médecine , que de ce
"point de vue partent toutes les attentions
" qu'un Médecin a à aporter à la cure des
» maladies qui arriveront dans tous les âges ,
» jufques dans la viei leffe .... L'obſervation
» là- deffus eft à la portée de tout le monde ;
» la réflexion toute feule , les yeux & les
» ſens, aprennent cette Médecine
Je ne vous arrêterai point fur une fupofition
fauffe qu'on lit p . 13. au fujet de la
ftructure de l'Artere : c'eft un Cône , dit
» M. H. qui a fa bafe dans le coeur & fa
» pointe dans les Capillaires . Il y a deja bien
long tems qu'un fameux Médecin de Montpellier
( M. Montagne. ) auffi grand Anatomifte
que Praticien célebre , a démontré le
contraire. La fomme des calibres des differentes
ramifications d'un tronc artériel, eft
toujours beaucoup plus grande que le calibre
de ce tronc. Ainfi , c'eft à tort que pour
multiplier les réfiftances que le fang , artériel
ſouffre dans ſa route , M. H. prétend que ce
fang a à paffer de larges espaces en de p'us
étroits ; puifque c'eft précisément tout le
contraire. Mais parcourons les nouvelles
preuves de cet Auteur en faveur de la faiguée.
» Un
2454 MERCURE DE FRANCE

5
» Un enfant qui aura fouvent faigné du
» nez , avance t'il en âge ? Les Hémorroïdes
» le prennent .... Ne doutez point , M.
que cet Auteur autant jaloux de faire valoir
la faignée , qu'habile à l'apuyer par tout ce
qui fe préfente , ne trouve ici matiére à la
faire triompher. Difpenfez - moi de vous raporter
les fept à huit pages qu'il y confacre ;
vous pouvez les lire dans l'Ouvrage même ,
& l'art qu'elles renferment ne vous fera sûrement
pas regretter votre peine . Vous y
trouverez comme partout ailleurs , ce talent
fi de M. H. à embellir tout ce
propre
qu'il manie . Voici feulement comme il conclut
: On ne peut guéres concevoir rien
» de plus convainquant pour la néceffité de
" faigner les Malades , puifque la faignée ou
l'évacuation du fang eft le reméde capital
» entre les mains de la Nature , pour préve
» nir les maux ou pour les guérir. Le titre de
» fouveraineté en fait de reméde peut-il être
" plus mérité à la faignée ? Auffi l'ancienne
" Médecine le défignoit elle par le mot d'Egemonicum
, qui veut dire le reméde capital
ou le reméde par excellence.
»
Qu'il eft dommage , M. que tant de belles
chofes & tout ce qui les précede , dites
en faveur de la faignée , puiffent également
convenir à la purgation ! Il ne faut pour cela
qu'attribuer à une digeftion viciée , qui produira
NOVEMBRE. 1742. 2455
duira une Diarrhée , ce que M. H. raporte à
la Plethore qui caufe un Aux hémorroïdal.
·
Je n'aurois garde , M. de fuivre M. H.
dans tout ce qu'il ajoûte ; les bornes d'une
Lettre ne fçauroient le permettre : je ne
veux que vous faire bien remarquer le caractére
outré de cet . Auteur. Quand il a
pris parti fur quelque matiére , & je vous
prie d'obferver qu'il fe décide rarement
comme un autre , ) tout lui fert pour l'y
confirmer. Rapellez vous , M. les excellens
Ouvrages que d'illuftres Médecins ont
fait paroître , pour la défenfe de quelques
verités de la Médecine les mieux établies ,
auxquelles vous fçavez qu'il a voulu donner
atteinte ; l'avez - vous jamais vû revenir fur
fes pas ? Quelque frapans qu'ayent été les
Paradoxes contenus dans le Traité des Difpenfes
, la réfutation victorieufe qu'en fit
M. Andry dans fon Traité des alimens du
Carême , pour avoir été hors de toute replique
, fût-elle capable de le ramener ? Les excès
que cet illuftre Médecin releva d'une
manière fi triomphante dans fes Remarques
fur la faignée , ont- ils difparu dans les Ouvrages
poftérieurs de cet Auteur ? Trop
prévenu pour ce reméde il ne fe contente
pas de le décorer des plus beaux
titres , de fédatif des efprits , d'anodin des
nerfs de calmant du fang & des humeurs ;
>
2456 MERCURE DE FRANCE
il ne met point de bornes à la quantité du
fang qu'il faut laiffer couler. A l'en croire
» on eft certain que jamais on ne s'expofe à
» épuiſer ce trésor de la vie ; lesAnciens n'é-
»toient contens , que quand le Malade tom-
» boit en foibleffe . Il aplaudit à cet uſage ,
& nul moyen , felon lui , plus convenable
pour terminer heureuſement une maladie.
Mais les épuifemens , les boufiffures , les
hidropifies , la perte de la vûë & tant d'autres
fuites funeftes des faignées trop fortes ,
ou trop fouvent reitérées , nont i's pas été
de tout tems des raifons affés légitimes ,
pour prendre garde à ne point excéder dans
P'ufage de ce reméde ? N'eft il pas une infinité
d'exemples où l'on a vû les Malades
périr fous la lancette ? N'importe ; fi le fang
eft le tréfor de la vie , il eft auffi le tréfor
de la mort , c'est - à - dire , le fond des plus
cruelles Maladies. » C'eſt dans le fang que fe
» trouve la fource des humeurs , qui font ou
qui entretiennent les maux ; tout ce qui s'a
» perçoit de fluides par tout le corps, ne font
» que des ruiffeaux qui coulent de la fource
» originaire qui eft dans la maffe du fang .
» C'eſt donc de là qu'il faut les ôter , c'eſt là
» qu'il faut les tarir , & ainfi c'eft en vuidant
» du fang , que l'on guérit les Maladies. La
» Médecine des pauvres T. 1, p. 98,
Convenez , M. que les loix qu'obfervent
Les
NOVEMBRE. 1742 2457
1
Les Médecins prudens dans l'ufage de ce reméde
, font bien differentes de celles de M.
H. A la vérité ils accordent tous que c'eft
un des plus puiffans fecours , pour calmer
le mouvement du fang , pour peu qu'il foit
trop agité , ou pour en diminuer le volume ,
quand les vaiffeaux font trop remplis ; mais
les voit-on penfer de même , quand ce
mouvement eft ralenti , & quand les forces
font épuifées les Médecins Méthodiques
qui de l'aveu de M. H. ( Médecine naturelle
, T. I. p. 94. ) » ont tenu une fi belle
» place dans l'Antiquité , pratiquoient- ils
» d'une autre maniere ? Le Strictum & le
Laxum qui fervoient de fondement à la
Pratique de ces Médecins , ne leur préſentoient-
ils pas des indications entierement
opofees ? Et fi la faignée convenoit dans
l'un de ces cas , n'étoit- elle pas funefte dans
"
و ر
"
l'autre :
» Eft- ce fupofition fyftématique , dit M ,
»H. lui-même , inventée par une Phyfique
plus ancienne que réelle , que les fibres
» étant plus refférées font de cruelles mala-
» dies , & que les mêmes fibres étant rela-
و ر
chées en font d'auffi fâcheufes ? N'eût - il
donc pas été de l'équité de ce Médecin ,
qu'en déclarant les bons effets de la faignée
toutes les fois qu'il y a des raréfactions à
2 rabatre,des dilatations à amollir, & des ra-
» refcences
2458 MERCURE DE FRANCE
» refcences à éteindre , pour faire ceffer les
fpafmes & les ftrictures ou crifpations des
» fibres , il eût averti en même tems de
prendre une route opofée , quand les
fibres feroient relâchées ?
Vous le fçavez , Monfieurs les Ecrits des
Anciens font foi par tout des Crifes , qui
terminoient heureufement la plupart des
Maladies Hippocrate ne tarit point ladeffus
. Si ce Prince de la Médecine , dit
» M. le Clerc , ( Hift . de la Médecine. p.
196. ) avoit fait de bonnes faignées à
» fes Fébricitans , il n'auroit peut - être pas
eu occafion de voir tant de fièvres fe ter-
» miner par des Crifes .. Cet ancien Médecin
» comptoit d'une telle façon , pourfuit cep
» Auteur, fur le fecours de la Nature & fur le
régime , qui étoit fon reméde favori , qu'il
croyoit qu'en ayant foin de nourrir les Malades
felon le régles qu'il donne , on de-
»voit , pour le refte , les laiffer le plus fou
>>
» vent en repos .
ques
Eft -ce en faignant auffi fouvent que le
confeille M. H. & que le pratiquent quel
Médecins
, que la Nature aura la force
de dégager un Malade , comme elle le faifoit
du tems d'Hippocrate , & comme elle
le fait encore entre les mains de tous ceux
qui , jaloux de ne pas la troubler dans fes
opérations , fe contentent de l'étudier dans
Les
NOVEMBRE.
1742. 2459
fes marches , & de l'aider , s'il en eft befoin ,
en fuivant la route qu'elle leur indique ? *
N'est - ce pas fouvent par des fueurs abondantes
, quelquefois par un vomi ement ou
un cours de ventre , par un flux d'urine , ou
par quelque éruption qu'elle fe déclare , &
qu'une maladie fe termine ? Aura - t'elle le
tems & la force d'en venir là , fi l'on a déja
épuilé un Malade , & l'humeur qui devoit
fortir par une de ces routes , pourra t'elle
s'y porter , fi à force de faignées on la bride.
& on la détourne ? D'ailleurs fi , comme il
arrive dans lap lûpart des maladies aiguës , on
a lieu de foupçonner beaucoup d'impuretés
dans les premiéres voyes , fera- ce en infiftant
à faigner un Malade , qu'on peut efpérer
de le foulager ? Ne doit- on pas craindre
de les attirer dans le fang , à mesure qu'on
défemplit les vaiffeaux , & d'augmenter les
embarras qui menacent les differens vifceres,
& qui font tout le danger d'une maladie ?
Cette crainte eft-elle auffi peu fondée que le
prétend M. H. Si cela eft , les Médecins de
tous les fiécles fe font trompés bien lourdement
, en recourant aux purgatifs. Sans faire
ici un étalage d'autorités , il en eft une , M.
trop refpectable & trop connue , pour ne
* Qua ducere oportet quò maximè vergant , eò
ducenda per loca convenientia.. Hipp. Aphor.. 21 .
Lect. 1.
F m'e
2460 MERCURE DE FRANCE
m'en pas prévaloir en faveur de la vérité qu'attaque
ici cet Auteur.C'eft celle de M. le premier
Médecin , qui traite cette matiére dans
un de fes Ouvrages , * & la met dans un ſi
beau jour , qu'elle y eft portée juſqu'à l'évidence.
En vain M. H. fait-il tous fes efforts pour
s'affocier Hippocrate. A juger de la peine
qu'il prend de traduire fon Traité De Flatibus
, & de le commenter à fa maniére , on
croiroit que cet ancien Médecin penfoit
comme lui fur les purgatifs , & qu'il ne les
employoit prefque jamais . Il eft vrai ( & je
n'aurois garde de le diffimuler ) que ce
Prince de la Médecine prenoit bien de fages
mefures , pour ne les placer qu'à propos.
Elles étoient d'autant plus néceffaires
alors , que les Purgatifs connus de fon tems
étoient prefque tous d'une extrême violence.
Le Tymalea , par exemple , l'Ellebore blanc ,
& le Tytimale , font des corrofifs dignes
plûtôt du nom de poifons que de celui de
remédes. L'Elaterium , la Coloquinte , la
Scamonée , agiffent d'une maniére . fi forte
qu'il eft bien peu de cas où l'on ofe aujour
?
Quaftio Medica. An febribus, malignis five purpu
ratis , five non purpuratis , ftatim poft vena fectionem
in Malleolo , Emetica feu Cathartico - Emetica ,
etiam non expectata morbi remiffione fint prafcri-
Len. 4 ?
d'hui
NOVEMBRE . 1742. 2461
d'hui les mettre en ufage. C'étofent pourtant
les Purgatifs de ces premiers tems de la
Médecine , & on peut voir dans Hippocrate
combien ces remédes lui paroiffoient néceffaires.
Qu'eût-il penfé , s'il eût connu ceux
de nos jours , qui agiffent avec de fi heureux
fuccès & d'une manière fi douce ? Mais
je m'engage , fans le vouloir , dans les réflexions
que pourroit me fournir tout ce qu'on
lit d'outré dans les Ouvrages de M. H. fur
les Purgatifs . Qu'il y auroit lieu d'en faire
fur les Calmans , & que j'aurois à en ajoûter
fur la faignée ! C'eft affés , pour le coup ,
de les avoir ébauchées , prêt à les continuer ,
pour peu qu'elles foient de votre goût.
J'ai l'honneur d'être & c.
ELOGE DU THE Imitation de La
Troifiéme Elegie de M. Huet, qui commence
par ce Vers :
I Puer , I Theam confeftim in Pocula mifce.
D
E Thé , vîte fais- moi , Picard , une ample
Taffe ;
je ne fçais quel malheur
aujourd'hui
me menace
,
Mais je me fens atteint
d'une morne
langueur
,
Dont le poifon
mortel vient me glacer le coeur.
Malgré
moi , le fommeil
me ferme la paupière
..
Fij Ah
!
2462 MERCURE DE FRANCE
Ah ! Picard , bâte - toi d'emplir ma Caffetiére.
Par les foins empreffés , déja fur le fourneau
Dans l'airain échauffé , j'aperçois bouillir l'eau
' y jette de mon Thé la feuille aromatique ;
Sa vertu , qui bien -tôt à l'eau ſe communique
Me prépare un Nectar , vraiment digne des
Dieux.
?
Quelle agréable odeur ! Quel goût délicieux !
O Liqueur ! de mes maux efficace Reméde ,
Viens chaffer pour jamais le chagrin qui m'obléde
Viens rendre à mon efprit la premiére vigueur ,
Et ramene avec toi les plaifirs de mon coeur.
Mes voeux font accomplis : une ardeur inconnue.
Dans mes fens réveillés tout- à coup s'infinuë ;
Tu flates mon cerveau par tes douces vapeurs
Et tu livres ma verve à d'aimables fureurs .
C'eft Apollon lui-même aujourd'hui qui m'inf❤
pire ;
Je vais joindre ma voix aux accords de fa Lyre .
Ou fur mon Clavecin imiter les doux fons
Que Lully fçût donner à fes tendres Chanfons .
Des Mortels & des Dieux plante toujours
chérie ,
Thé précieux , qui fais la douceur de ma vie ,
Sous quel Aftre propice as- tu reçû le jour ?
En quel beareux Climat fixes-tu ton féjour ?
Sortant du fein des Mers , le Dieu de la Lumiére
Vient t'offrir fon hommage , en ouvrant fa Carrié.
e. SHR
NOVEMBRE. 1742 246
Sur les Rives du Gange on voit briller tes fleurs ,
Et l'Aurore en ces lieux , t'enfanta de fes pleurs.
Oui, ton nom, tes vertus , marquant ton originë
Prouvent à l'Univers ta naiffance divine .
Le Ciel , pour te produire , a fait d'heureux efforts,
Y
Et les Dieux , à l'envi t'ont ouvert leurs trésors.
C'eft peu, que ta liqueur ait au goût dequoi plaire,
Coronis l'a renduë à nos maux falutaire.
Comme la jeune Hébé , tu conſervés toujours
Dans fa plus belle fleur le printems de nos jours ;
Et Mercure , attentif à voler ſur les traces ,
Raffemble auprès de toi les Mufes & les Graces.
Jamais de l'Hélicon le fleuve fi vanté
*
Fit-il tant de Sçavans , qu'en a formés le Thé ?
Parmi les beaux Efprits, fi je tiens ✶ quelque place
C'eſt le Thé qui m'ouvrit les routes du Parnaſſe :
Si-tôt que ce Nectar fe gliffe dans mon coeur ,
Je céde , Dieu du Pinde , à ta céleste ardeur ;
Tu me dictes des Vers , où le goût , l'élégance ,
Sont avec la raison toujours d'intelligence :
Tout y plaît , tout charme ,
reux ,
y
&
par
un fort heu
On les verra paffer à nos derniers neveux ;
Pour les chanter en choeur aux plus beaux jours
de Fête >
'
De Myrthe & de Lauriers ils orneront leur tête ;
* On nefait ici quefuivre lapensée de M. Huet.
Fiij Les
464
MERCURE DE
FRANCE
Les
Nymphes , en danſant au ſon de leur Haurbois
,
En fuivront la cadence , & rediront cent fois
C'eft dans ces antres frais , que le divin Alcandre,
Chantoit ces airs fi doux , que nous venons d'entendre
;
c'eft lui qui fit couler au pied de cet Ormeau ,
sous mille tendres fleurs ce tranquille Ruiffeau.
Je me ris de tes coups ,
impitoyable Envie
Rien ne pourra teinir la gloire de ma vie ;
De tes noires, fureurs mes Ecrits préfervés ,
Seront par Apollon fur le Cedre gravés :
Je ne me flate point d'une efpérance vaine ,
La France adoptera les Enfans de ma veine ;
Et tant que dans Paris on aimera le Thé ,
Partout avec honneur mon nom fera chanté.
;
Par le R. P..... Chanoine Régulier de
Sainte Geneviève.
On a dû expliquer l'Enigme & les Logogryphes
du Mercure
d'Octobre par Epin
gle , Baluftre & Folie . On trouve dans le
premier
Logogryphe : Bal , Luftre , Alte ,
Aftre , Arbuste , Aube , Bât , Rable , Sable ,
Bar , Arles , Tarbes , Ablet , Table , Bafle ,
Ut , La , Re . Et dans le fecond : Fiole , Fi
Fil , Fiel , Leo , If, Oeil , Oie , Foie , Ile ,
& Lie.
ENIGME.
>
NOVEMBRE . 1742 2469
J
ENIGM E.
E fuis certain je ne ſçais quoi
Dont le beau fexe fait ufage.
A la Ville on fe fert de moi ;
Je parois à la Cour dans les Palais du Roy ,
Et je brille au Théatre en fuperbe équipage ;
Mais au Cloître j'ai peu d'emploi ,
Auffi- bien que dans le Village.
Souvent je puis cacher quelques légers défauts
( Et peut- être c'eft- là ce qui fait mon mérite : )
Je fuis noire , je fuis petite ,
" Et malgré le peu que je vaux
L'argent , l'agathe & l'or font des lieux que j'ha
bite.
Pour me placer avantageuſement ,
Avec la langue on me baiſe , on m'humecte ;
Je ſuis l'ouvrage d'un moment ;
Mon nom eft celui d'un Infecte :
Devinez moi préfentement.
Le Maire.
Fiiij LOGO
2466
MERCURE DE
FRANCE
**************************
LOGOGRY PHE.
Ans le coeur des Mortels , Lecteur , je prends
naiffance ; DA
Tout fléchit fous mes Loix , tout céde à ma puiſfance
;
Je fonde , je foutiens & détruis les Etats ;
J'anime les Guerriers , & livrant des combats
Toûjours de mon côré je fixe la victoire :
Pour mettre le comble à ma gloire ,
Je rétablis les Rois , je chaffe les Tyrans .
Alexandre , Cefar , illuftres Conquérans ,
Dans leurs chaînes fans moi n'auroient mis tant de
Princes ,
Ravagé des Pays , ſubjugué des Provinces ,
Par leurs exploits enfin , acquis un grand renom.
Sept lettres compoſent mon nom :
Je renferme en mon ſein un élément bizare ;
Métal favori de l'Avare ;
Des Rois le cortége
pompeux ;
Chés les Parthes jadis arme fort en uſage ;
Priſon qui d'un Oiſeau fait le doux esclavage.
En moi rien n'eft
myſterieux ;
Courage , cher Lecteur , je fuis devant tes yeux.
L'Abbé Gandet.
NOUNOVEMBRE.
1742 2467
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX - ARTS , & c.
L'ART DE GUERIR LES PLAYES , traduit
du Latin des Préleçons de Chirurgie
dictées dans l'Univerfité de Montpellier ,
par M. Guifar , Docteur en Médecine.
Nouvelle Edition , confidérablement augmentée
par l'Auteur , enrichie de quelques
Obfervations , & mife dans un plus bel ordre
que dans l'Edition Latine , qui parut en
1735. vol . in 12. de 450. pages. A Amfterdam,
& fe vend à Paris , chés Durand ,
Libraire , rue S. Jacques , à S. Landry , &
au Griffon. M. DCC . XLII .
L'Auteur commence par quelques généralités
, qui fervent d'introduction , & après
avoir donné une idée des différentes efpeces
de folution de continuité , & des cauſes qui
peuvent y donner lieu , il divife fon Traité
en quatres parties. Voici quel en eft le plan.
La premiére partie renferme tout ce qui
concerne les Playes , & comme cette Matiere
eft affés vafte on a jugé à propos.
pour éviter la confufion , de la diftribuer en
cinq Chapitres , dont nous allons donner le
précis.
,
Le fujet du premier Chapitre eft la def
Fy cription
2468 MERCURE DE FRANCE
cription des playes confidérées dans un état
géneral
Les principales differences , & les caufes
des playes font la Matiére du fecond , dans
l'ordre qui fuit. 1 °. Les playes différent entre
-elles par raport au lieu qu'elles occupent.
2º. Les playes font tantôt fimples , & tantôt
compofées. 3 ° . Il en eft qui fe trouvent compliquées
avec des corps étrangers . 4° . Les '
unes font dangereufes , & les autres ne menacent
d'aucun danger : il s'en préſente auffi
dont l'évenement eft douteux on en voit
qui font mortelles de leur nature , & on en
rencontre quelquefois , qui , paroiffant trèsfimples,
peuvent cependant devenir funeftes
par la mauvaiſe conduite du malade, par une
conftitution délabrée ou infectée de quelque
levain ; ou par l'impéri ie de celui qui eft
chargé de les panfer . 5. Les differentes cau →
fes , qui peuvent produire les playes , terminent
ce fecond Chapitre.
On expofe dans le Chapitre fuivant le diagnoftic
des playes ; au moyen duquel il eft
aifé de les diftinguer les unes des autres , avec
toure la précision qu'on peut efperer d'un
Auteur exact .
Le pronostic des playes eft détaillé fort au
long dans le quatriémeChapitre ; & comme
ceci regarde les raports qu'on eft quelquefois .
obligé de faire en Juftice , l'Auteur n'oublie
rien
NOVEMBRE. 1742 2469
>
rien pour établir des régles fûres , à l'abri
defquelles on puiffe fe conduire & porter
des jugemens convenables , dans les differens
cas qui fe préfentent.
Le cinquiéme Chapitre roule fur la maniére
de traiter les playes. On y diftingue exactėment
ce qui apartient à la Nature , d'avec ce
qu'on doit attendre des remédes , & de la main
du Chirurgien . Il ne faut , dit notre Auteur,
s'entêter jamais d'un reméde & quoiqu'il
y en ait fans doute qui ont leur prix , on prendroit
le change , fi on s'avifoit de croire que
c'eſt à la vertu des médicamens que la guerifon
d'une playe eſt dûë.
On comprend aifément que l'Auteur eft
praticien ; & l'attention avec laquelle il entre
dans les plus petits détails , lorfqu'il s'agit
de la conduite des playes , en eft une bonne
preuve . La Théorie n'eft jufte , dit-il ,
qu'autant quelle eft fondée fur une pratique
longue & férieufe dans les meilleurs Hôpi
taux .
כי
>'
La feconde partie eft une hiftoire des
playes des trois cavités , fçavoir de la tête
de la poitrine , & du bas ventre : ce qui
produit trois chapitres , dont chacun eft
fubdivifé en trois articles particuliers . Tel
eft l'arrangement qui regne dans tout le
refte de l'Ouvrage , & telle eft la diftribution
que l'Auteur oblerve par tout , où il eft quel-
F vj.
tion
2470 MERCURE DE FRANCE
tion des playes en particulier , ou des prin
cipaux fimptômes qu'il faut confiderer féparément.
sur ce plan , les fignes des playes , tant
de celles qui pénetrent dans les cavités , que
de celles qui ne penetrent point , font expofés
avec un ordre qui ne permet point de
s'i méprendre , ce qui forme un dignoftic
toujours affûré. Le pronoftic de chaque
playe , & de fes fuites n'eft pas moins clair ;
& les précautions qu'il faut prendre dans les
raports , fon marquées de façon qu'elles ne
laiffent rien à défirer. Le traitement eft enfin
réduit à la fimplicité que les Maîtres de l'Art
demandent ; & comme l'Auteur juge avec
raifon que c'eſt à la Nature qu'on doit tout
raporter dans la guérifon des playes , il s'attache
à faire voir par-tout , que l'habileté du
Chirurgien confifte uniquement à connoître
les cas où elle a befoin de fecours , & où
elle ne pourroit fe relever toute feule.
Il blâme généralement l'ufage des tentes ;
& fi on excepte le tems du premier appareil ,
ou le premier moment auquel on ſe trouve
oblige de tamponner une playe , dont il importe
de d couvrir le fond ; & la néceffité
où on eft qu lquefois d'empêcher que les
chairs n'avancent trop vête , comme dans le
cas du trépan , il preferit cette Méthode , comme
inutile& pernicicufe.Parmi les obfervations
que
NOVEMBRE . 1742 247
que l'Auteur a eu occafion de faire , il en eft
qui,quoique très fimples en aparence, ont cependant
cela de particulier qu'elles repréfentent
comme dans un miroir fidéle la maniére
dont la Nature fe conduit dans fes marches
les plus fecrettes , & qui prouvent que c'eft
effectivement la Nature qui fait tout . Il y en
a d'autres en même tems , qui font fort curieuſes
, & telles qu'on en voit peu d'exemples.
Quoiqu'il y ait plufieurs cas , fur lefquels if
n'eft pas po fible de donner du nouveau , les
caufes , les fignes & les accidens des playes
étant toujours les mêmes dans tous les tems
& dans tous les lieux , l'Ouvrage en queftion
ne laiffe pas d'avoir un air de nouveauté
, qui réunit avec art l'agréable &
l'utile. Il n'y a pas jufqu'aux chofes les plus
communes , que lAuteur n'a pû éviter de
raporter , qui n'ayent un certain agrément ,
qu'on ne trouve point ailleurs. On peut
même ajouter , que la féchereffe qui ne régne
que trop pour l'ordina re dans les livres.
de cette nature en eſt abſolument bannie ,
pour faire place à un ftyle fimple , amusant ,
& mis à la portée de ceux- là même , qui font
les moin initiés dans la profeflion .
/

La troifiéme Partie traire de quelques
plaves particulieres , qui font le fujet de dix
Chapitres.Ce font 1. les playes faites par
des
inftrumens
2472 MERCURE DE FRANCE
trumens tranchans. 2° . les playes contufes ;
3. les playes compliquées avec des corps.
étrangers. 4. les playes d'armes à feu ; 5 .
les brûlures ; 6°. les playes empoisonnées ;
7°. les morfures des animaux ; 8 °. les mor
fures des chiens enragés ; 9°. les playes des
nerfs ; 10°. les playes des tendons.
Comme l'ordre des Matiéres eft par tout
le même , chaque chapitre eſt toujours fubdivifé
en trois articles particuliers , dont le
premier eft destiné à donner une idée de
l'efpece de playe qui en fait le fujer ; le
fecond établit le jugement qu'on eft obligé
d'en porter ; & le troifiéme comprend les
régles qui doivent en diriger le traitement.
Ces régles font fort fimples & fort
courtes , puifqu'il n'eft queftion que d'écouter
la Nature , & de la laiffer agir. N'est- ce
pas la Nature , dit notre Auteur , qui réfour
ou qui tourne les humeurs en fupuration ?
C'est donc la Nature qui réunit les os , qui
régénere les chairs , & qui produit la cicatrice.
Mais que reftera- il donc à faire pour le
Chirurgien ? Demeurera t'il oifif ? Non fans.
doute , fon devoir eft d'éloigner les obitacles
qui s'opofent à la réunion des bords
d'une playe , de faire un jufte choix des redes
qui tendent au but de la Nature , d'entretenir
une certaine propreté dans les playes,.
fans pourtant le piquer de les panfer trop
fouvent ,
NOVEMBRE 1742. 2473
fouvent , ou de les nétoyer avec une attention
trop fcrupuleufe , & pour tout dire
en un mot , de démêler autant qu'il eft
poffible , ce que la Nature s'eft réservé à
elle-même , d'avec la part qu'elle veut bien.
laiffer prendre à fon Ouvrage , & de me jamais
empiéter mal à propos fur fes droits .
Cette troifiéme Partie eft fort étendue . II
fuffira d'avertir qu'il régne par tout la même
exactitude , & le même efprit de préciſion.
Toujours rempli de fon objet , l'Auteur ne
perd jamais de vue cette fage maxime , que
le raifonnement doir toujours naître de la
pratique , que celle - ci confifte à fuivre les
pas de la Nature , dont il n'eft abfolument
point permis de , s'écarter pour courir après.
les fyftêmes. &c.
La quatriéme Partie deftinée au détail des
principaux fimptômes , que les grandes
playes traînent à leur fuite , eft remarquablepar
le foin que l'Auteur a pris d'en faire
comme un Traité à part . Elle comprend huit
chapitres , dont ces mêmes fimptômes font
le fujet.
Ces fimptômes qu'on n'auroit pu traiter
fans confufion dans le corps de l'Ouvrage ,
font 1. l'hémorragie ; 2 ° . la douleur ; 3 °. les
veilles , le délire , les convulfions & les
mouvemens convulfifs ; 4°. la fiévre , & les
tumeurs differentes qui paroiffent quelque
fois
2474 MERCURE DE FRANCE
fois à la fuite des playes ; phlogofe , inflammation
, erefypele , phlegmon ; oëdeme,
& fchirre ; 5. la fyncope ; 6°. la demangeaifon
; 7°. la fuppuration ; 8 ° . la gangrene .
Quoique la pratique foit le but principal ;
que l'Auteur fe propofe toujours , il ne
laffe pas d'expliquer certains accidens , dont
la Nature eft fort cachée, & qu'il avouë qu'on
ne peut guere définir que par conjecture ,
Telle est la douleur en général , au fujet de
laquelle il entreprend de donner une idée
de l'union de l'ame avec le corps , tels font
les mouvemens convulsifs , dont l'explication
demande qu'on rende compte de ce
qu'on entend par les mouvemens fympathiques.
Telle est enfin la nature de la fièvre
en géneral , de fes principales efpéces , &
du raport que quelques-unes femblent avoir
avec l'inflammation .
L'Auteur de cet Ouvrage est déja connu
par un Effai qu'il a donné il y a deux ans
fur les Maladies Vénériennes , dans lequel il
expofe les lignes qui les caractérisent les
jugemens qu'on doit porter fur les differens
accidens qui fe préfent nt , & la maniére
dont on s'y prend à Montpellier pour les
guérir. C'est une Brochure in de 120 pag.
dont il a été parlé dans fon tems.
TRADUCTION EN VERS du Poëme Héroï-
CONOVEMBRE
. 1742 2475
comique de la Boucle de Cheveux enlevée
en cinq Chants , ainfi que M. Pope l'a don
né en Vers Anglois. A Paris , chés Thibouft,
Imprimeur du Roy , Place de Cambray ,
à la Renommée .
}
Ce Poëme , de l'aveu des Connoiffeurs
va de pair avec le Lutrin de M. Boileau , &
méritoit bien d'être rendu ainfi en françois ;
il eft rempli de faillies d'une grande vivacité.
Certe Traduction doit faire l'éloge du Tra
ducteur , qui a exactement pris l'efprit de
l'Auteur , en fuivant le texte à la lettre
ainfi que les Compatriotes de M. Pope le
reconnoiffent. Ce que la Langue Angloiſe a
de plus expreffif, s'y trouve rendu avec toute
la délicateffe de la nôtre ; ce Poëme contient
environ dix-fept cent Vers. Il fe trouve dans
la même Brochure une Hiftoire Perfanne
intitulée Balfora,où la Sultane pofthume , qui
forme un Poëme d'environ mille Vers , dont
le Poëte dit avoir trouvé un extrait dans le
Mentor moderne ou le Guardian Anglois
fous le titre d'Alnavefchim , Caliphe de Perfe.
Cette Brochure eft in 8° de 109. pages.
Prix 1. liv. 10. fols. Le Poëte Traducteur ne
fe défigne que fous la lettre D ** de l'Acadé
mic Royale d'Angers , de qui nous avons eu
de tems en tems quelques Piéces fugitives
& des Traductions d'Horace. On auroit
peine à raporter ici autant de traits qu'il fe
>
trouve
1476 MERCURE DE FRANCE *
trouve de pensées intéreffantes dans ce Poë
me de la Boucle ; il faut le lire pour être
convaincu du goût , & de la légereté du célébre
Pope , que le Traducteur n'a point démenti,
& qu'il a même rendu avec toutes les
graces de notre Langue .
Pour donner une idée de ce qui conftitue
ce Poëme , on dira qu'il contient le récit
d'une Avanture arrivée à une Dame Angloife,
à qui un aimable Cavalier , fort épris de fes
charmes , trouva moyen de couper une des
Boucles de fes cheveux , qui faifoit fa parure
ordinaire , & qu'après bien des événemens
fur cette catastrophe , M. Pope place cette
Boucle au rang des Conftellations .
. M. Pope fait intervenir dans ce Poëme les
Silphes & les Gnomes , habitans de l'Air &
de la Terre.
Il fait dans fon premier Chant , la Defcription
de tous les Peuples élémentaires
Silphes , Gnomes , Nymphes & Salamandres
, dont parle le Comte de Gabalis dans
fon Livre de la Cabale ; mais il n'employe
dans fon Poëme , que les Silphes pour protéger
Belinde , & les Gnomes pour la défoler ;
en parlant des Silphes , il fait dire par Ariel
leur Chef à la belle Belinde dans un fonge
qui l'agite , page 10.
Si ton efprit fut émû dès l'enfance
Par ces fçavans & profonds entretiens
Sur
NOVEMBRE . 1742 2477
Sur la Cabale & les Aëriens ,
Prête à ma voix un attentif filence ;
Connois d'abord quelle eft ton excellence ;
C'eft pour cela qu'auprès de toi je viens.
A des objets de célefte fubftance
Porte tes voeux , donne la préference ;
Tous les objets d'ici- bas font des riens ;
Mais pour Belinde il faut de plus grands biens
Il eſt chés nous des vérités ſecrettes
Qu'ont ignoré les orgueilleux Sçavans , &c.
Plus bas , page 1 , en parlant encore des
Silphes , qui font ces Efprits Aëriens , il dit ;
L'Antiquité de notre Hyerarchie
u- delà de toute Monarchie ;
Eft au-
Le Tout- Puiffant , dès la création ,
Fit de nous tous la deftination .
Aux premiers tems , les plus beaux corps des fem
mes
Nous renfermoient ; enfuite nous paffâmes
Des corps mortels aux corps aëriens ,
D'où nous ferons à jamais vos foutiens :
Enfuite le Silphe inftruit Belinde de la
nature de tous ces Peuples élémentaires , &
lui aprend , comme le dit le Comte de Gabalis
, que les femmes fiéres & hautaines
font métamorphofées en Salamandres , &
yont habiter la région du feu ¿ les complai
fantes
2478 MERCURE DE FRANCE
fantes & douces , en Nymphes qui habitent
les eaux ; les prudes, en Gnomes qui habitent
les entrailles de la terre ; & enfin les
légeres & coquettes , en Silphes qui habitent
l'efpace des airs ; en parlant de ces der
niers , il dit à la fin de la page 12.
Sçache à préfent quels font nos priviléges ;
Bien dégagés de nos liens mortels ,
Nous avons l'art de garantir des piégés
Qu'Amour groffier vous tend fous fes autels ;
A notre gré nous choififfons un fexe ,
Et le changeons de même à notre gré ;
De notre état c'eft le plus doux annexe ;
Aux Silphes feuls ce droit eft confacré.
Par ce moyen nous careffous les Belles ,
Chaftes furtout , qui défendent leurs jours,
De feux groffiers , de terreftres amours.
C

Nous les fauvons de l'ardeur dévorante
D'un emporté , d'un témeraire Amant ;
Nous avons l'art de rendre indifferente
Celle qui touche au féducteur inftant ;

Ainfi nos foins, attentifs , favorables,
Conduifent tout avec habileté ;
Nous employons pour les femmes aimables
Tout ce qui met l'honneur en sûreté.
Enfuite
NOVEMBRE. 1742. 2479
·
Enfuite pour prévenir Belin de fur l'acci
dent qui lui doit arriver de la perte de fa
Boucle de cheveux , il fait parler ainſi Ariel
page 16.
Mais faut-il donc helas ! que je t'aprenne ,
Qu'en parcourant des airs la vafte plaine
Ces jours paflés , ton Aftre dominanţ
Me découvrit qu'un funefte accident
Va t'arriver ? Juge quelle eft ma peine ;
Puifque je n'ai qu'une puiſſance vaine ,
Pour te fauver de ce fatal moment.
Vieille fur toi , fuis l'homme , fille fage ;
Garde-toi bien de fon trompeur hommage.
Belinde , en fe reveillant , eft troublée de
ce qu'elle vient d'entendre , elle reçoit une
lettre qui lui annonce la partie de plaifirs
qu'il faut faire au Château Royal d'Amptoncourt.
Cette partie de plaifir la flate , &
le fonge s'oublie. Elle fe leve , & va fe mettre
à fa toilerte ; dont Pope fait ainfi la deſ,
cription , page 17.
A demi nuë , elle fe leve enfin ;
Que de beautés pour le Silphe voiſin !
Ses premiers pas l'aprochent d'une table
Où le trouvoient dans une ordre admirable
Cent vafes d'or & d'argent cifelés ,
Du dernier goût , & des mieux travaillés .
2480 MERCURE DE FRANCE
Là s'arrêtant toute de blanc vétuë ,
Ses cheveux feuls paroient fa tête nuë ;
Son tendre coeur avec dévotion
Offre ſes voeux aux Puiffances du Monde
Mais quel objet fait fon attention ?
Une Venus fortant du fein de l'onde ,
Dans fon miroir le préfente à fes yeux ;
Unique objet de fes regards pieux ,
Sur elle il grave une empreinte profonde ;
Rien de plus beau ne .parut fous les cieux.
Une Prêtreffe inférieure arrive ,
*
Près de l'autel humblement attentive
A ce qui peut animer la beauté ;
Sur cet autel régne la vanité.
Ici l'on voit s'affembler à la hâte
Mouches , Pomade , Effence , poudre , pâte ;
Fables , Romans , Gafettes , Billets doux ,
Sur cet autel , font pêle mêle tous.
Déja l'on voit couverte de ſes armes
Briller partout l'orgueilleufe Beauté ;
A chaque inftant ce font de nouveaux charmes ,
Dont tout Mortel doit refter enchanté.
Pope fait mettre la main à toute fa parure
par les Silphes , qu'il fupofe autour d'elle¸
* Par Prêtreffe inférieure , il entend la femme de
Chambre.
pour
NOVEMBRE . 1742 2481
pour feconder fa femme de Chambre , &
ainfi finit le premier Chant.
Au fecond, M. Pope fait le Portrait de Bez
linde,lorfqu'elle fort de chés elle, pour s'em
barquer fur la Tamife , & aller à Ampton
court,lieu de la Cataſtrophe. Au commencement
de ce fecond Chant , page 20 , il dit :
L'Aftre du jour fuccédant à l'Aurore ,
Charme les yeux par l'éclat de ſes traits ;.
Belinde étoit plus éclatante encore ,
Lorsqu'on la vit fortir de ſon Palais ;
Tout Londres court aux bords de la Tamife
Elle s'embarque ; ô Dieux ! quelle ſurpriſe !
On voit près d'elle un effein de beautés ,
Que l'on eût pris pour des Divinités , &ç.
Et plus bas :
Elle portoit pour parure ordinaire ,
Négligemment, deux Boucles de cheveux ;
Fatals liens de plus de malheureux ,
Que n'en eût fait la Reine de Cythere .
Sur cette gorge , où la Rofe & les Lys
Formoient un Trône à l'enfant de Cypris ,
On voit tomber ces deux Boucles en onde , & c,
Un des Cavaliers de cette brillante Compagnie
forme le de ffein de lui ravir ces
Boucles de cheveux , & Pope dit , page 22.
l'Amour
2482 MERCURE DE FRANCE
L'Amour l'aveugle ; il roule dans fa tête
Tous les moyens de faire la conquête
De ces cheveux , dont fon coeur eft épris ;'
Par rule ou force , il n'importe à quel prix.

>
Ce Cavalier , dit Pope , invoque tous les
Dieux ; mais il prie furtout l'Amour de lui
être favorable. Il lui dreffe un Autel , fur lequel
il va facrifier en l'honneur de la Belle
premiérement , 12. Romans françois , in
folio , des Gands , des Mouchoirs , des Jaretiéres
, enfin tous les Bijoux qu'il peut avoir
eûs de fes Maîtreffes , & par l'ardeur des
foupirs qu'exale fon ame , il y porte le feu ;
en ce moment , il prie encore avec plus
d'ardeur pour être bientôt le maître
de fes beaux cheveux ; mais pour
faire entendre
qu'il n'en peut ravir qu'une Boucle ;
il dit , page 22 ,
L'Amour l'entend ; mais il n'obtient qu'à peine
Une moitié de fes ardens defirs ;
L'autre moitié s'envole avec l'haleine
Des inconftans & folâtres Zéphirs.
Ariel , Chef des Silphes , prévoyant les
dangers qu'elle alloit courir , fans en fçavoir
la nature , ordonne à tous les Silphes de la
bien garder. Il commet les uns à la garde de
fa belle Croix & de tous fes Diamans , les
autres , à fa Montre , à fa Coëffure , à fon >
Eventail,
NOVEMBRE. 1742. .2483
Eventail , à fes Boucles de cheveux , & ſe
réferve, quoique le Chef, la garde de fa peti
te Chienne , qu'il aimoit fort . Mais furtout
il recommande bien la garde de fes Jupes &
Jupons , & voici ce qu'il lui fait dire , page
30. fur cet article.
Mais fur le tout , de Silphes bien choisis
J'en veux cinquante ; ils feront tous commist
Pour bien garder ſon Jupon d'avanture ,
Car les Jupons ne femblent pas clôture
A réfifter aux affauts violens ;
Quoique couverts de Jupes refpectables
Dont tous les plis & falbalas galans
Semblent former des remparts redoutables ,
Soutiennent- ils l'effort des affaillans ?
Ariel , après leur avoir donné à tous fes
ordres , il les menace de punitions les plus
finguliéres & originales , s'ils ne s'en acquittent
pas comme ils le doivent, & ce burlefque
eft des plus ingénieux , & rendu avec toute
la légereté de notre Langue .
Au troifiéme Chant , Pope fait arriver
Belinde avec fa Compagnie a Amptoncourt,
Maiſon Royale auprès de Londres , dont il
peint très poëtiquement la fituation au
milieu d'une Plaine charmante arrofée par la
Tamife , dont le Canal fert de miroir , ditil
, à la Ville de Londres ; là cette brillante
Compagnie étant arrivée , commence par
G s'en
2484 MERCURE DE FRANCE
s'entretenir de ce qu'elle fçait de plus agréable
; furquoi Pope badine avec tout le goût
qu'il a fur le ton férieux & comique ; enfuite
il décrit une repriſe d'Ombre qu'il fait faire
à Belinde avec deux Cavaliers , de façon qu'on
la joüeroit , & qu'on en conçoit tous les incidens
, ce qui eft arrangé à merveilles en
Vers & fembloit très - difficile ; enfuite il
fait fervir le Caffé , qui occafionne à l'Amant
de Belinde le moment favorable de
faire fon coup : car , dit- il , le Baron armé de
Cifeaux qu'il avoit pris à une Dame de cefte
Compagnie , s'aproche de Belinde , à plufieurs
reprifes , & enfin , dans le moment
qu'elle baifle la tête pour refpirer la
de fon Caffé , l'inftant favorable pour le
raviffeur arrive ; & Pope dit à la fin de la
page 43 .
Le moment vient ; le Baron le découvre ;
Il le faifit , prend fes Cifeaux , les rouvre ;
Renferme entr'eux avec habileté
La belle Boucle , & fort précipité
En reflerrant les deux pointes fatales ,
Se voit enfin vainqueur de la Toifon .
Quel accident ! quelles douleurs égales !
Un Silphe en deux ; quelle eft fa guériſon ?
Le pauvre Silphe emporté par fon zéle
S'étoit jetté brusquement à travers ,
vapeur
Pour
NOVEMBR E. 1742. 2485.
Pour empêcher de refferrer ces fers ;
La Boucle faute , on le coupe avec elle .
Pope fait cette réflexion .
Coeur tendre helas ! ne vous affligez point ;
Au même inftant le Silphe fe rejoint ,
Etant formé des fubtiles parties
Du plus pur air ; elles font réunies
Dans le moment ; on n'en fçauroit douter.
Braves Guerriers , qui pourriez vous flater
Dans les Combats d'un pareil avantage
Que ne pourroit tenter votre Courage
On fe battroit fans être retranché ,
Et la valeur feroit à bon marché.
Ces cinq derniers Vers font une petite
addition du Traducteur , qui a quelquefois
pris la liberté d'étendre les penfées de Pope
fans y rien changer , & les a renduës avec
les mêmes exprellions badines. M. Pope con
tinue & parle ainfi de la défolation & de
l'emportement de Belinde , page 44.
Ces beaux cheveux ont donc quitté leur tête a
Ils en feront féparés pour jamais ?
Dieux , quels éclairs ! quelle horrible tempête ,
Sortent des yeux de Belinde quels traits ?
Quels cris affreux de tous côtés répondent ?
Le Ciel , la Terre & les Mers fe confondent ;
Gij Tout
2486 MERCURE DE FRANCE
Tout va périr , jamais de tels éclats
N'ont agité , ni troublé la Nature ,
Hors que ce foit dans la trifte tracture
D'un Pot chinois , tombant de haut en bas ;
D'un petit Chien ; d'un Epoux au trépas,
A la fin de ce Chant , il moralife fur la
deftruction de tous les plus folides Monumens
caufée par le fer.
>
Au quatriéme Chant , M. Pope fait intervenir
Ombriel Gnome mal- faifant , qui
pour augmenter les regrets & la douleur de
Belinde , fe précipite au centre de la terre ,
& va à la Caverne de l'Hypocondre , pour
l'engager à redoubler la rage de la pauvre
Belinde ; il fait ainfi la deſcription de cette
Caverne & de fa Deïté , page 47.
C'eft dans ces Lieux qu'une obfcure Caverne
Sur les confins de l'effroyable Averne ,
De l'Hypocondre a fixé le manoir ,
Idole au tein livide , jaune & noir ,
On ne connoît dans ce féjour funefte
Ni les Zéphirs , ni la faifon des fleurs ;
On n'entend là que foupirs & que pleurs ;
Vents d'Orient n'y foufflent que la peſte ;
Jamais rayon de l'Aftre qui nous luit
Ne penetra fon éternelle nuit ;
2
La
NOVEMBRE. 1742 2487
La Deïté de fes lieux de ténebres ,
A la lueur d'un brandon de Cyprès ·
Reçoit la Cour dans un lieu fait exprès
Pour l'entretien de fes foucis funébres.
Plus bas , page so . en parlant de ce que
ce Gnome obtient de l'Hypocondre , il dit :
Le Gnome , enfin , pour abréger l'Histoire ,
Ayant en main le rameau de falut ,
"
Eft introduit , comme vous pouvez croire
En sûreté ; voici fon beau début.
Je vous falue , & lunatique Reine ,
Grande Déeſſe , en qui tout plein pouvoir
Sur le beau Sexe en tous Lieux fe fait voir
Vous , qui fçivez le gouverner fans peine ,
Vous , dont il fuit les phanatiques Loix ,
Depuis l'inftant qu'il a la connoiffance
Jufqu'au moment qu'il retombe en enfance , & c.
"
Le Gnome , après avoir fait fa harangue à
l'Hypocondre , obtient d'elle un Outre tel
dit Pope, que celui qu'Uliffe avoit rempli de
vents ; cet Outre eft rempli de tout ce qui
peut irriter les paffions de fureur , de défèfpoir
& de rage ; & il décrit ainfi l'uſage
qu'Ombriel en fait contre Belinde . Page 53 .
Le Gnome alors , auffi content que prefte ,
Fuyant, chargé de ce préfent funefte ,
G iij Court
2488 MERCURE DE FRANCE
Court vers Belinde ; elle étoit dans les bras
De Taleftris , exalant cent helas ;
Les yeux baiffés , la chevelure éparſe ;
Maître Ombriel joue à l'inftant fa farce ,
Tenant en main fon Outre fufpendu
Sur elles deux , & vîte il le déchire
A belles dents ; voilà tout répandu ;
....
Le fcelerat qu'il eft , n'en fait que rire ,
Et craignant bien
que rien n'en foit perdu
L'Outre maudit eft mille fois tordu .
Les paffions de fureur & de rage
Dans le moment enflâment leurs efprits ;
Pour animer Belinde davantage ,
Que fait alors le fier Taleftris ?
Les mains au ciel la folle crie encore ,
Huit tons plus haut qu'elle n'avoit crié &c.
Pope fait faire à Taleftris les plus folles & les
plus originales imprécations du monde con-
> tre le Baron . Entr'autres chofes , voici ce
qu'elle dit , page 55. du Baron.
Sera -t'il donc de ce Rapt triomphant ?
Laifferons-nous fon audace impunie ?
Non ; que plûtôt l'Air , la Terre & les Mers ,
Que les Bichons , les Singes & les Hommes ,
Les Perroquets , deviennent des Atômes ,
Et que plûtôt périffe l'Univers !
Et
NOVEMBRE 1742. 2489
Et plus bas , page 57. il fait répondre par
Belinde à Taleftris .
O Taleftris , dit - elle , chere amie ,
Quel jour fatal ! quel moment détefté !
Voir Amptoncourt , ô ciel , quelle folie !
Plus bas , page 58. Belinde continuant
toujours d'exprimer fa douleur , dit :
Je me fouviens que trois fois ce matin ,
sur ma Pomade a chancelé ma main ;
J'ai vu trois fois trembler mes Porcelaines ,
Sans qu'on fentît une haleine de vent ;
Je, prenois tout pour des chimeres vaines .
Je te croirai , Silphe , dorénavant ,
Mirinne " encor j ma petite Mirinne
Seule avec mor s'eft montrée en fureur ;)
Mon Perroquet , toujours affés jafeur ,
N'a pas dit mot , & m'a fait grife mine ;
O Taleftris , tout marquoit mon malheur.
Vois , chere amie , en moi ces triftes reftes.
Vaine
parure , ornemens
trop funeftes
,
Cent fois encor , ô reftes malheureux !
Arrachons - les ces reftes de cheveux ;
" Que faire enfin de cette Boucle unique >
De fa Compagne attend- t'elle le fort
* La petite Chienne de Belinde.
Gij Viens
2490 MERCURE DE FRANCE
Viens , traître , viens , la gloire étoit publique
De ces Cheveux ; viens les ravir encor ,
Comble ton crime , en me donnant la mort .
Le cinquième & dernier Chant continue
d'exprimer la défolation de . Belinde , les
confeils que Clarice , une de fes amies , lui
donne pour la confoler , un combat entre
tous les Auditeurs , excité par la vivacité de
Taleftris , & enfin la Métamorphofe de la
Boucle de cheveu en Conftellation ,femblable
à la Chevelure de Berenice . Ce cinquiéme
Chant commence ainfi , page 60 .
Belinde ainfi de trifteffe accablée
Parçoit les coeurs de toute l'Affemblée .
Le Baron feul étoit fourd à fes cris ;
Clarice alors ; oui , la grave Clarice
Parle à fon tour , & fon air précieux ,
En pareil cas , peut être , fera mieux ;
Ecoutons- la , faifons ce facrifice.
Tout l'Auditoire a fur elle les yeux ;
Son Eventail avec art ſe compaſſe ,
S'ouvre & fe ferme avec précaution ;
A fon Difcours ce jeu fert de Préface :
Chacun l'écoute avec attention .
Voici comme Pope la fait moralifer , ce
qui ne plaît pas à d'autres , & occafionne
une
NOVEMBRE. 1742. 2491
une difpute & même un combat que Pope
décrit avec toute la plaifanterie qu'ait jamais
employé Scaron dans fon Roman Comique 5
page 61. Clarice dit :
A la Beauté que fervent ces honneurs ,
Ces doux encens , ces féduifans hommages ,
Dont le Vulgaire auffi- bien que les Sages ,
A chaque inftant viennent Aater nos coeurs
Dites -moi donc quels font les avantages
Qu'on peut tirer des terreftres Grandeurs ,
Tous les préfens de la Terre & de l'Onde ,
En nous rendant plus, vaines en ce monde ,
Peuvent-ils bien nous fauver des revers
Auxquels le fort a foumis l'Univers ?
A quoi nous fert de paroître brillantes ,
Aux Jeux , aux Bals , aux Feftins , aux Tournois ,
De captiver le coeur même des Rois ?
Que deviendront ces Beautés éclatantes ?
Du fier Deftin il faut fuivre les Loix &cs.
Plus bas , page 62.
Croyez moi donc , confolez - vous , ma chere;
Lorfque les pleurs & les foupirs font vains ,
Il faut fçavoir plaifanter la premiére
Des mauvais tours que nous font les Deftins.
Enfuite une difpute s'élevant , occafionne
Le combat , page 63. & commence ainfi :
Gy L
2492 MERCURE DE FRANCE
Lors d'Evantails le cliquetis terrible ,
Les frottemens de Jupes , de Paniers ,
En élevant une pouſſiére horrible ,
La font voler jufqu'aux plus hauts Greniers.
Pope , en cet endroit , fait une Defcrip
tion du Combat des Dieux , dont parle
Homere.
C'étoit ainfi que le divin Homere
De fes Héros peignoit l'humeur altiére ;
Il nous aprend que les céleftes coeurs ,
Tous enflâmés d'une colere humaine ,
Courent partout où fon feu les entraîne ,
Ne craignant pas la mort ni les horreurs ;
Jupiter tonne ; il fat trembler le Monde ;
Tout courroucé Neptune fort de l'Onde, ;.
Les fifflemens & des Vents & des Fots
Vont pénétrer jufqu'aux demeures fombres ;.
Pluton lui-même & fes craintives Ombres
Penfent qu'ils vont rentrer dans le Cahos.
Enfin Pope , pour finir fon Poëme par
une fiction merveilleufe ; après avoir bien
fait chercher dans toute l'Affen blée certe
Bouc e de cheveux coupée , annonce qu'elle
s'ett élevée au rang des Conftellations ,
qu'elle eft là bien placée & bien gardée par
des Silphes , & voici ce qu'il dit , page 70
&
71.
Ma
NOVEMBRE. 2493 . 1742
Ma Mufe eft vraye & vous la devez croire ;
Elle m'a dit qu'au Temple de Mémpire
La Boucle étoit conduite en sûreté & c.
Déja la Boucle à la voûte azurée
Eft fufpenduë , & fi bien affûrée ,
Qu'on la verra jufqu'à la fin des tems
A
Lancer ici fes rayons éclatans ?
Même plus viis que ceux de Berenice&c.
Il fait à la fin une Apoftrophe à la belle
Belinde , pour lui dire que la perte qu'elle a
faite de cette Boucle eft une jufte punition
pour venger tous les malheureux que fès yeux
ont bleffes; que leurs feux enfin s'éteindront,
mais que ceux que lancera éternellement fa
Boucle , l'immortaliſeront..
Le Poëme de Balfora , Sultanne Pofthumej
contient l'Hiftoire d'Alnarefchim , Caliphe
de Perfe , d'un de fes Fils , & de la Fille
d'Helim , fon premier Médecin , fon Cont
fident ; & Gouverneur du Palais Noir ,
magnifique Soûterrain , qui étoit le lieu
de la Sépulture de tous les Princes de
L'Empire.
Ainarcfchim eft dépeint comme un Tyram
fier & fanguinaire , qui faifoit mourir toutes
les Sultanes favorites , dès qu'il en étoit las 35
G.vj
2494 MERCURE DE FRANCE
1
& qui s'étoit défait de tous les premiers Fils,
pour le conferver le Trône .
Il paroît cependant enfin touché de remords
, & artendri fur le compte des deux
derniers Princes qui lui reſtoient en bas âge ;
mis pour fe délivier de fes foupçons , il les'
veut éloigner de la Cour & leur cacher leur
naiffance ; pour cela , il les donna à élever
à Helim qui n'avoit qu'une jeune fille de
même âge , nommée B lfora , qui promettoit
une grande beauté & l'efprit le plus parfait . Le
cadet de ces deux Princes ,nonimé Abdallab ,
devient amoureux de cette charmante fille .
Le Roy , après un certain tems , ayant entendu
parler des charmes de Balforá , prétexte
une vifite ches' Helim , pour voir ces
enfans ; il devient lui même épris d´s charmes
de la belle Balfora , & veut l'épouter ;-
il force Helim a la lui amener. Elle est troublée
, & tonbe évanouie à l'efpect du Trôned'où
defcerd Alwarefchim , pour ſe déclarer
à elle. Son état fait craindre fa mort : on:
l'enleve , & on la croit morte ; Helim le laiffe
croire au Roy , & trouve le moyen de la
fauver. Le jeune Abdallab , fon Amant , quicro
avoir perdu fa Maieffe , tombe dans
le même état , dont Helm & tout la Cour
f défefperent , & enfin bruit de fa mort fe:
répand , con ne de celle de Balfora.:
Alnarcíchun , par reconn oiffance & partenNOVEMBRE.
1742 2495
tendreſſe
pour Helim , veut qu'on rende les
derniers devoirs à fa fille comme à la Reine;
il ordonne qu'on la reconnoiſſe pour Sultane
, & qu'on la tranfporte au Palais Noir ;
elle y eft portée fans connoiffance Helim
lui ayant fait prendre une potion qui avoit la
vertu de jetter dans une léthargie pour un
tems affés confidérable , fans aucun dinger
dont il fe fervit auffi pour le Prince Abdallab.
Helim , qui avoit feul la permiffion
d'entrer dans ce Soûterrain , qui étoit cependant
gardé par fes ordres , trouve le moyen
de les faire fortir de cet endroit comme des
Bienheureux qui reffufcitent , pour aller au
Paradis de Mahomet.
D.x années fe pall nt fans qu'Alnareſchim ,
ni Ibrahim fon fils aîné non plus que toure
la Cour, découvriffent rien du fort d'Abdallab
& de Balfora . Alnareft him murt ; Ibrahim
lui fuccede , & enfin par les moyens
dont fe fert Helim , Ibrahim retrouve fon
frere & Balfora .
Ibrahim veut partager l'Empire avec
eux ; ils le refufent ; Ibrahim meurt à fon
tour fans heritiers ; Abdallab & la belle
Balfora lui furvivent ; mais c'est un Prince ,
leur fils , qui fuccéde au Trône de Perfe , &
qui fait de la Maifon d'Helim fur le Mont
Cacam un Palais fuperbe , qui eft devenu le
féjour ordinaire & le plus agréable des
Sophis
Os
2496 MERCURE DE FRANCE
On ne raportera ici de toute cette
Hiftoire , que la Defcription du Palais
Noir ; il y auroit trop à extraire s'il falloir
expofer tous les traits intéreffans.
Voici cette Defcription .
Ce Soûterrain , voûté fuperbement
N'étoit bâti que de Marbre d'élite ;
Dix mille Efclaves noirs gardoient ce Monument ;
Dès qu'Helim paroifloit pour faire ſa viſite
Leurs Chefs fe rendant à fa fuite ,
Se profternoient à fon commandement.
Ce Palais entouré de cent portes d'Ebeine,
Etoit fans ceffe illuminé ;
A ces Efclaves noirs il étoit ordonné
Sous la plus rigoureuſe peine ,
De ne jamais quitter le Pofte configné.
Le filence profond de ces lambris funebres ,
L.fpitoit une fainte horreur ;
Mille Lampes d'argent , diffipant les ténébres ,
En faifoit refpecter la brillante noirceur.
Et l'air qu'on refpiroit dans ce Palais lugubre ,
Embaumé par l'odeur de précieux Encens ,
Agréable autant que falubre ,
Sembloit ranimer tous les fenst
Là , repofoient les Corps de la Maifon Royale ,
Qui , par les foins d'Helim étoient tous embaumés .
Une richeffe fans égale
Paroit
NOVEMBRE . 1742 2497
Paroit tous les Tombeaux, où ces Corps inhumés.
Attendoient en paix du Prophete ,
Chacun felon fon rang , le fon de la Trompette
Qui devoit leur marquer leur deſtination .
Dans la fuite on verra quelle cérémonie
Doit les conduire à l'éternelle vie ;
Quelle est enfin leur réfurrection .
Cette Brochure fe vend chés Thibout
Place de Cambray ; Brunet , Grande Salle
du Palais , au Mercure Galant ; la Veuve Ma-
Zuel , au pied de l'Efcalier de la Sainte-
Chapelle , & chés Pouilly , à la Defcente du
Pont Neuf, au coin de la rue Guénégaud.-
>
DISSERTATION fu l'incertitude des fignes
de la mort , & l'abus des enterremens & embaumemens
précipités , par M. Jacques Benigne
Winflow , Docteur Régent de la Fa →
culté de Médecine de Paris , de l'Académie
Royale des Sciences , & c . traduite &
commentée par M. Jacques Jean Bruhier ,
Docteur en Médecine . A Paris , chés Claude
- François Simon fils , rue de la Parcheminerie
, Morel , le jeune , g ande Salle du
Palais , au Grand Cyrus , Prault pere , Quai
de Gêvres , au Paradis , & Prault , fils ,
à la Charité, Quai de Conty , 1742. Volu
me in- 12 de 360. pages , fans l'Epitre Dédicatoire
à Mrs de l'Académie Royale des
Sciences . II
2498 MERCURE DE FRANCE
Il n'y a guéres d'Ouvrage qui intéreffè le
Public plus que celui - ci , auffi croirionsnous
manquer à ce que nous lui devons , ſt
nous négligions de le lui faire connoître
dans le moment qu'il paroît . Le but des.
deux Auteurs eft de prouver que tous les
fignes qu'on regarde communément comme
caractéristiques de la mort , font éntierement
fautifs , non feulement pris en détail , mais
quand même ils concourent dans le même
fujet , d'où il fuit évidemment que la précipitation
avec laquelle on enterre en France
& dans bien d'autres Païs , ne peut manquer
d'être plus fouvent meurtriere , qu'on
ne le croit communément ; ou , pour parler
net , qu'on enterre , peut être très - fouvent ,
des perfonnes pleines de vie , & qui , pour
me fervir des termes de M. Winflow , tromvent
dans le tombeau une mort dont les horreurs
furpaffent de beaucoup celle de la corde,
de la rouë.
ن م
Cette frayant vérité eft prouvée dans la
Differtation par des exemples récents , atteftés:
à M.Winflow par des perfonnes au deffus du
foupçon , & par quelques autres plus anciens
, mais qui ne remontent pas au delà
du treizième fiècle . Commne M. Bruhier
n'étoit point obligé de fe reffe rer autant que
M. Wnflow , il s'eft donné carriere ; les
recherches remontent jufqu'au tems d'Empedocle
NOVEMBRE . 1742: 2499
'docle , qui vivoit quatre cent quarante ans
avant J. C. & il en résulte évidemment
qu'il n'y a prefque point de fiécle depuis
cette époque qui ne fourniffe des exemples
conftans , & averés , de perfonnes vivantes à
qui l'on a donné la fepulture ; nous ne
difons point que l'on a enterrées ; parce que
pour peu qu'on foit au fait de l'antiquité , on
fait que l'on brûloit très fouvent les corps.
Auffi M. Bruhier remarque t-il d'après Pline ;
& Valere Maxime , que Lucius Lamia qui
avoit été Preteur , & Acilius Aviola , qui
avoit été Conful , ont été brulés vifs , n'ayant
pû être fecourus à caufe des progrès que
la
Hamme avoit faits dans le bucher ; & cependant
les Romains , comme l'a l'obfervé M.
Bruhier d'après Kirchmann , & d'autres Auteurs
, confervoient les corps pendant fept
jours avant que de leur rendre les derniers
devoirs. C'eft un morceau très curieux à lire
dans le Commentaire de M Bruhi : r , qui eft
imprimé féparément de la Differtation , &
qu'on peut lire de fuite , que ce qu'il a ramaffé
fur les ufages des Romains au fujet
des fépultures , & fur les précautions que
prenoient ces peuples pour s'affûrer de la
mort de ceux à qui ils rendoient les derniers
devoirs . A voir l'éxactitude avec laquelle
l'Auteur a raffemblé tout ce qu'il y a de
plus intéreffant fur cette Matiére , fans s'écarter
2500 MERCURE DE FRANCE
carter de fon point de vue , il femble avoir
pris à tâche de faire contrafter la prudence.
de ces célebres Républicains avec la précipitation
cruelle , dont nous avons tous les
jours des exemples ; & l'on ne peut que lui
fçavoir gré de n'avoir rien épargné de ce qui
peut faire ouvrir les yeux tant à chaque
particulier , qu'à ceux qui font chargés de
veiller à la sûreté publique. Nous avons
même de bonne part qu'un des premiers
Magiftrats lui a témoigné la fatisfaction qu'il
avoit de voir cette vérité éclaircie par fes
foins.
Il n'auroit point été difficile à M. Bruhier
d'approfondir beaucoup de Queſtions phyfiques
qui ont raport à fon fujet. Mais il a eu
tous les hommes , en vue , & non pas fimplement
les Sçavans. C'eft ce qui a fait qu'il n'a
prefque traité que la partie hiftorique . La
feule Queftion phyfique qu'il difcute , eft de
fçavoir comment la vie d'un homme peut
fubfifter, fans être fenfible par aucun des
fignes extérieurs qui la caractérifent , &
cela pendant un affes grand nombre der
jours. En effet il raporte des exemples de ,
noïés , tirés de l'eau vivans , l'un après feize
jours, l'autre après quarante - deux au moins ;
& , ce qu'il y a de plus remarquable ,
c'eft que le plus incroïable de ces traits
d'Hiftoire eft le mieux conftaté ; c'eft ce
dont
NOVEMBRE . 1742 25or
'dont on fe convaincra par la lecture de
l'Ouvrage.
On y trouvera auffi une énumération fort
détaillée des cérémonies funébres de prefque
tous lesPeuples connus dans l'Antiquité,
& dans le tems préfent , en ce qui concerne
les fepultures. L'Auteur paffe ces cérémonies.
en revûë , non pour faire parade de beaucoup
de lecture , mais pour difcuter fi elle renferment
des marques que ces Peuples ont
connu la vérité qui fait l'objet de ſes recher
ches.
Le but de M. Winflow dans fa Differta
tion, eft de faire voir que les épreuves de Chirurgie
qu'on peut faire fur un corps reputé
mort pour tâcher de lui faire donner des
fignes de vie, épreuves dont les plus efficaces,
confiftent à couper, piquer , brûler, & qu'elles
peuvent être infuffifantes pour conftater la
mort. C'est ce qui eft prouvé avec évidence
dans la Differtation . Delà M.Bruhier conclud
qu'il eft inutile de les tenter. Mais fur quoi
il infifte beaucoup , c'eft qu'on ne doit pas
rifquer celles qui pourroient être funeftes au
fujer , au cas qu'il ne fût pas effectivement
mort.
Jufques à préfent , Mrs Winflow &
Bruhier n'ont rempli que les deux tiers du
titre de l'Ouvrage . A moins d'avoir apro
fondi la Matiére comme ce dernier, on croiroit
2502 MERCURE DE FRANCE
>
roit que les principes qui y font établis ne
s'étendent point à une certaine claffe de
perfonnes , c'est-à- dire à ceux qu'on embaume
puifqu'il eft évident qu'ils ne
courent point rifque d'être enterrés vivans.
C'est ce dont l'Auteur convient ; mais en
aprofondiffant l'accident arrivé à Vefale , il
fait voir démonftrativement , que fi l'on
procede à l'embaumement avant que la mort
foit prouvée inconteftablement , on met les
perfonnes qu'on embaume dans l'impoffibi.
lité de furvivre à l'opération avancée jufqu'à
un certain point. En effet Vefale ne s'apperçût
qu'une perfonne qu'il diffequoit vivoit ens
core, qu'après lui avoir mis le coeur à découvert.
Il faut voir dans l'Ouvrage l'Analyfe que
l'Auteur fait de cet évenement tragique . Nous
nous contenterons de raporter ici les conféquences
qu'il en tire , & qui nous paroif
fent extrêmement juftes . Il est donc dimontré
que l'embaumement est une opération qui peut
être inefficace pour faire donner des fignes de
vie affés à tems pour qu'il reste de l'espérance
au malade. Il est donc demontré dans le
cas même où l'on requiert le Chirurgien de proceder
à cette opération , il ne peut , fans s'ex➡
pofer à être homicide , la commencer avant
que d'être fûr de la mort. Il est donc auffi demontré
qu'on ne doit proceder à cette operation
que quand ily a desfignes de putrefaction, c'est
que
à-dire
NOVEMBRE . 1742. 2503
à- dire , quand le corps exhale une odeur cadaverenfe.
En effet Meffieurs Winflow &
Bruhier prouvent invinciblement que la putrefactioneft
le feul figne certain de la mort.
Nous en avons affés dit pour mettre le
Lecteur en goût . Nous ne parlerons point
du ftile de M. Bruhier. Il eft affés connu par
des Ouvrages de longue haleine compofés
dans notre Langue , & par d'autres répandus
dans notre Collection , & autres Ouvra
ges périodiques. Nous ne trouvons point
que celui- ci lui doive faire craindre davantage
la Cenfure du Public.
Nous obferverons en finiffant que l'Ouvrage
eft exécuté avec goût & propreté ,
& que le caractére même prouve que M.
Bruhier a eu deffein d'écrire pour tout le
monde , puifqu'il eft proportionné à toutes
fortes de vûës ; & nous fommes perfuadés ,
comme il le dit à la fin de l'Avertiffement
que tous ceux qui font fufceptibles de tendreffe
& d'amitié , lui fçauront gré du préfent qu'il
leurfait.
ETRENNES HISTORIQUES , ou Mélange curieux
pour l'année 1743. A Paris , chés Giffey , rue de
la Vieille Bouclerie , contenant plufieurs Remarques
de Chronologie & d'Hiftoire , enſemble les
Naiffances & Morts des Rois , Reines , Princes &
Princeffes de l'Europe , accompagnées d'Epoques
& de Remarques que l'on ne trouve pas dans les
autres
2504 MERCURE DE FRANCE
autres Calendriers , avec un Recueil de diverfes
matiéres variées , utiles , curieufes & amufantes ;
& un Almanach de la Fortune , pour la même
année.
Fapillon , Graveur en Bois , & de la Societé des
Arts , demeurant rue S. Jacques , au Papillon à
côté de l'Olivier , donne avis que fon petit Almanach
pour l'année 1743. eft actuellement en vente
& qu'il eft augmenté de plufieurs chofes curieufes
PROGRAMME.
'Académie des Belles Lettres Sciences &
L'Ars , crablie à Bordeaux , diftribue chaque
année un Prix de Phyfique , fondé par feu M. de
Duc DE LA FORCE. C'eft une Médaille d'or de la
valeur de trois cent livres.
Elle propofe chaque Sujet deux ans d'avance ,
afin que les Auteurs ayant plus de tems pour travailler
leurs Ouvrages.
Elle avoit propofé pour cette année 1742. la
matiére de l'Electricité. Le Prix a été remporté par
M. Defagulliers , Chapelain de M. le Prince de
Galles , & Membre de la Societé Royale de Londres
.
Elle a propofé deux Sujets pour l'année 1743 .
Le premier , la caufe de l'élévation des Vapeurs
des Exhalaifons dans l'Air : Et le fecond , l'Origine
la Formation des Pierres Figurées .
>
Elle propofe aujourd'hui pour fujet du Prix de
P'année 1744. les fonctions & l'utilité des Feuilles
foit par raport aux Plantes , foit par raport aux
Fruits
L'Académie a préféré ce Sujet à beaucoup d'autres
, parce qu'il eft fufceptible de plufieurs expériences
, & qu'étant une fois éclairci , on pourra
maieux fçavoir , s'il eft utile ou pernicieux , pour la
qualité
NOVEMBRE . 1742 2505
qualité & la quantité des fruits , d'éfeuiller les Arbres
fruitiers , les Vignes , & c. en quelle quantité,
dans quel cas , en quelle faiſon , &c.
Tous ces faits de pratique font auffi importans
qu'incertains , parmi ceux qui cultivent la Terre.
Les Differtations fur ce Sujet , ne feront reçûës
que jufqu'au premier Mai de l'année 1744. Elles
peuvent être en François , ou en Latin . On demande
qu'elles foient écrites en caractéres bien lifibles
. 1
Au bas des Differtations , il y aura une Sentence
& l'Auteur mettra dans un biller féparé & cacheté
la même Sentence , avec fon nom fon adreile &
Les qualités , d'une façon qui ne puiffe pas former
d'équivoque,

Les Paquets feront affranchis de Port , & adreffés
à M. le Président BARBOT , Sécretaire de l'Académie
, fur les Foffés du Chapeau Rouge ; ou au Sr
BRUN , Imprimeur Aggrégé de l'Académie , ruë S,
James.
A Bordeaux , ce 25. Août 1742.
OUVERTURE du Collège Royal.
Les Profeffeurs du College Royal de France ,
fondé à Paris par le Roy FRANÇOIS I. le Pere & le
Reftaurateur des Lettres , reprirent leurs Exercices
interrompus par les vacances ordinaires , le Lundi
19. Novembre. Voici les noms des Sçavans qui
rempliffent aujourd'hui les Chaires de ce fameux
College , fous l'infpection de M. Vatry , de l'Académie
Royale des Infcriptions & Belles- Lettres , &
Profeffeur Royal en Langue Grecque .
Pour la Langue Hébraïque,
Mrs Sallier & Henri..
Pour
2506 MERCURE DE FRANCE
Pour la Langue Grecque.
Mrs Capperonnier & Vatry.
Pour les
Mathématiques.
Mrs de Cury & de Montca v lle.
Pour la Philofophie .
Mrs Terraffon & ....
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Souchay & Piat .
Pour la Médecine , la Chirurgie, la Pharmacie,
& la Botanique.
Mrs Burette , Aftrac , du Bois &
Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes , Sécretaire & premier Interprete
du Roy , & Fourmont .
Le premier expliquera un Manufcrit Arabe de la
Bibliothéque du Roy , dont le titre traduit en
Latin , eft , Hiftoriarum Fontes
Pour le Droit Canon.
Mrs Cappon & le Merre .
co
Pour la Langue Syriaque.
M. l'Abbé Fourmont.
ne ,
ESTAMPES NOUVELLES.
1
ex- LA POURVOYEUSE , Eftampe en hauteur ,
cellemment gravée par M. Lepicié , d'après le Tableau
Original de M. J. B. Simeon Chardin ; c'eft
une Cuifiniere qui arrive du Marché dans fa C ifi-
& qui aporte du pain & de la viande. Cette
Eftampe fe vend à Paris , chés l'Auteur , au coin
de l'Abreuvoir du Quai des Orfévres , & chés M.
Surugue , Graveur du Roy , rue des Noyers , vis- àvis
5. Yves. On lit ces Vers au bas , du même M.,
Lépicié.
A votre
NOVEMBRE . 1742.
2507
A votre air j'eftime & je penfe
Que vous prenez fur la dépense ,
Ma chere Enfant , fans calculer ,
Ce qu'il faut pour vous habiller.
Autre Eftampe , moins grande de moitié que la
précédente , des mêmes Auteurs , qui ſe vend aux
mêmes adreffes , elle eft intitulée le Toton . C'eſt
en effet un jeune garçon apliqué à faire tourner un
Toton , on lit ces Vers au bas :
Dans les mains du caprice ,auquel il s'abandonne ,
L'homme eft un vrai Toton qui tourne inceflamment
,
Et fouvent fon deſtin dépend du
mouvement
Qu'en le faisant tourner la Fortune lui donne.
Ces deux Eftampes font parfaitement au gré du
Public , & on ne peut pas douter que les Curieux'
me les recherchent avec empreffement.
La Suite des Portraits des Rois de France , des
Grands Hommes & des Perfonnes Iiluftres dans
les Arts & dans les Sciences , continuë de paroître
avec fuccès , chés Odieuvre , Marchand d'Eſtampes ,
ruë d'Anjou ; il vient de mettre en vente ceux de
>
PHILIPE V. DIT LE LONG , XLVII. Roy de
France , mort à Vincennes après 5. ans 6. mois
de Regne , deffiné par A. Boizot , & gravé par
Pinfio.
. mort
HENRI DE BOURBON , DUC DE MONTPENSIER ,
né à Mezieres, en Touraine , le 12.
Mai 1573.
à Paris le 27. Février 16c8 . peint par V. L. &
vé par A. L.
gra-
H En
2508 MERCURE DE FRANCE -
En raportant dans le Mercure du mois de Septembre
dernier , la fuite des Portraits des Perfonnes Il
luftres , qui continue de paroître chés le Sr Odieuvre
, &c. nous avons imprimé , d'après ce qui eft
gravé au bas du Portrait de D. BARTHELEMY DES
MARTYRS , Archevêque de Brague en l'ortugal, de
l'Ordre de S. Dominique , que ce Grand Homme
né à Lisbonne , &c . eft mort à Vienne. Sur quoi
nous fommes priés d'avertir qu'il falloit écrire &
graver Viane , Ville de Portugal , où mourut le
pieux Prélat , dans un Convent de fon Ordre, &c.
Les Tableaux imprimés , de nouvelle invention
continuent d'être goûtés du Public . Le Sr Gautier
feul Graveur privilegié du Roy dans ce genre , a
été obligé de graver une feconde fois le Diogene,
d'après Salvator Rofa , & le Démofthene ; ces deux
Morceaux ayant été enlevés en peu
de tems.
Pour la commodité du Public , outre fon Bureau
vis - à- vis les Prêtres de l'Oratoire , rue S. Honoré ,
où eft fon Enfeigne , & celui de Verſailles , rue Satory
, au Caffé Dauphin , chés Mlle Danville , il a
depuis établi un Bureau à Marſeille , chés le fieur
Gautier , fon frere , au Cours , proche l'Annonerie
, un à Rouen , chés M. Quefnet , Négociant , &
chés le fieur Defprés , dans la Cour des Quinze-
Vingt. On pourra néanmoins s'adreffer directement
à lui ; il fera tenir aux Particuliers les Eftampes
toutes collées fur toile , verniffées & roulées
dans une boete , avec peu d'embarras , & fe fera
un plaifir de les envoyer choifies & bien conditionnées
, en affranchiffant les lettres & en indiquant
l'endroit où il pourra en recevoir le payement .
Les frais de l'emballage & de la boëte ne montezont
qu'à deux fols pour livre , quand il y aura pour
plus de fix livres de Marchandiſes.
Tout
NOVEMBRE. 1742. 2509
Tout le monde connoît le Parnaffe en Bronze de
M. Titon du Tillet , & on en admire l'exécution .
M. Raux , le fils , Emaillifte , frapé de la beauté de
ce Parnaſſe , l'a depuis peu executé en Email . Ce
jeune Artifte eft déja connû par plusieurs Ouvrages
de goût & par les jolies Etrennes en Email , qu'il
vend toutes les années , mais l'idée & l'exécution
de ce dernier Ouvrage , prouve encore plus que
les autres , fon génie & fes talens , on trouve fur
fon Parnafle en Email toutes les figures du Parnaffe
en Bronze ; il repréfente de- meme une Montagne;
toutes les figures font placées fur des élevations
Apollon les Graces , les Poëtes , les Génies , ont
tous les attributs qui leur font propres ; les Graces
tiennent des guirlandes d'un travail fort délicat .
Les objets , en affés grand nombre , qui fe rencontrent
dans le Parnaffe , qui n'a guére qu'un pied de
hauteur , fur une largeur proportionnée , n'y caufent
point de confufion , & les differentes couleurs
des arbres & des draperies des figures , forment une
agréable varieté . M Raux ne refuſe point de montrer
fon Parnaffe aux Curieux ; il travaille en leur
préfence ; c'est un travail amufant & fingulier par
La fimplicité ; il fait actuellement les Etrennes , &
s'applique à les rendre dignes de l'aprobation des.
Connoilleurs. Il demeure rue du Petit Lion , proche
la rue S. Denis .
La belle Carte de Pople , publiée à Londres , en
vingt grandes feuilles , contenant toute l'Amérique
Septentrionale , vient d'être donnée à Paris , réduite
en une feuille , par le fieur le Rouge , Ingénieur-
Géographe du Roy , rue des Auguftins , vis - à - vis le
Panier feuri , avec tout le fuccès poffible , & on
peur dire que c'est une des meilleures & des plas
curieufes Piéces de fa compofition,
Hij Le
2510 MERCURE DE FRANCE
Le même Auteur vient de donner un nouveau
Plan de la Ville de Prague , beaucoup plus détaillé
que le premier , avec les attaques & les ouvrages
faits pour la défenfe de la Place , accompagné d'un
Journal exact du Siége , &c.
On trouve auffi chés lui une nouvelle Carte d'Allemagne
, divifée par Cercles , d'après la meilleure
qui ait été faite dans le Pays . L'Allemagne Eccléfiaftique
,par Ar.hevêchés, Evêchés, enluminée , & c .
& l'Allemagne divifée par Religions, où l'on diſtingue
par les differentes couleurs les Provinces Catholiques
, Luthérienes & Calviniſtes .
Enfin un Recueil des differens habillemens des
Troupes qui compofent l'Armée de la Reine de
Hongrie , fur les frontieres de ce Royaume , & c .
M. l'Abbé Madin , Prêtre , Chanoine de l'Eglife
Royale de Saint Quentin , & Maître de la Mufique
de la Chapelle du Roy , vient de donner au Public
un Traité du Contrepoint fimple ou du Chant fur le
Livre. Ce Traité eft très - utile à tous les Muficiens
de tous les Chapitres du Royaume, où l'on eft dans
l'afage de chanter fur le Livre. Le prix eft de 3. livres
12. fols , broché. On trouve cet Ouvrage à
Paris , chés Ballard , le fils , à fainte Cecille , ruë
S. Jean de Beauvais ; chés M. Boivin , ruë S. Honoré
, à la Regle d'or ; chés le fieur le Cler , ruë .
du Roule , à la Croix d'or , & chés le fieur le
Maire , au bas du Pont S. Michel , au coin de la
rue de la Huchette , chés M. Chauvin , Chirurgien .
Le même fieur le Maire , Maître de Mufique ,
doit donner au Public au commencement de Janvier
prochain , quatre Cantatilles nouvelles , fous
le titre, le jour, la nuit, la voix de Climene , Orphée,
le tout avec accompagnement de Flûte , Violon ,
&c. On trouve chés le même Auteur trente- neuf
autres
!
NOVEMBRE. 1742 2911
autres Cantatilles , dont trois pour les Baffes tailles ,
avec accompagnement & fans accompagnement .
Il donnera aufli dans le courant du mois de Mars
prochain , un Livre de nouvelles Fanfares pour les
Violons , Flutes , Hautbois , Trompettes , Timballes
, Ballons & Violoncelles , exécutées au Concert
Spirituel du Château des Tuilleries . Le prix fera de
3- livres 12. fols , Parties féparées , qu'on vendra à
Paris , chés l'Auteur & aux trois adreffes qu'on
vient d'indiquer ci - deffus .
M. Chycoineau , Confeiller d'Etat , Premier Médecin
du Roy , ayant vû la guérifon d'un grand
Prélat , des Rougeurs , Dartres & Boutons qu'il
avoit fur le vifage depuis plus de huit ans , lequel
a fait à la Dame de Leftrade une penfion fa vie durant
, & ayant apris d'ailleurs la guerifon de plufieurs
autres Perfonnes confidérables , & qu'elle
traitoit ces Maladies depuis plus de 40. ans avec
fuccès & aplaudiffement , a bien voulu donner fou
Aprobation pour débiter fes Remedes , pour l'utilité
& le foulagement du Public ; fçavoir , une Eau
qui guérit les Dartres vives & farineufes , Boutons,
Rougeurs , Taches de rouleur & autres Maladies
de la Peau ; & un Baume blanc , en confiftance de
Pomade , qui ôte les cavités & les rougeurs après
la petite vérole ; les taches jaunes & le hâle , unit &
blanchit le teint . Ces Remedes fe gardent tant que
l'on veut , & peuvent fe tranfporter partout.
Les Bouteilles de cette Eau font de 2.3.4. & 6. livres
& au- deffus , felon la grandeur . Les Pots de
Baume blanc font de 3. livres 10. fols , & les demi
Pots d'une livre 15. fols.
Mad. de Leftrade , demeure à Paris , ruë de la
Comédie Françoife , chés un Grain etier , au premior
Etage. Il y a une Affiche au- deffus de la porte.
H iij
ENIGME
2512
MERCURE DE FRANCE
ENIGME à mettre en Mufique.
J E fais les délices des filles ;
Je leur
prete de l'agrément ,
Et quelquefois je plais infiniment
Dans la bouche des moins gentilles ;
Et de l'Amant & du Búveur
J'exprime à mon gré la victoire ;
Mais aujourd'hui quelle fera ma gloire ,
Si je puis plaire à mon Lecteur !
Laffichard.
VAUDEVILLE.
ENN vain la fortune ennemie
Me préparoit un trifte fort ;
J'ai trouvé le bonheur au Port.
Tout eft caprice dans la vie .
*
L'Amour à mon ame attendrie
bisa
N'offroit qu'un rigoureux tourment :
Mais le fort change en un moment .
Tout eft caprice dans la vie .
*
bis.
A deux
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TIGHE
NOVEMBRE . 1742,2513
A deux beaux yeux l'un facrifie
Et la fortune & la grandeur :
L'autre en chérit l'éclat flateur.
Tout eft caprice dans la vie.
*
bis,
En aimant heureux qui s'oublie !
Pour moi ,je veux que les plaifire
Soient amenés par les défirs.
Tout eft caprice dans la vie.
bis.
*
L'amour n'eft point une folie ,
Mais il faut n'aimer qu'en courant s
Plaire à chacun , changer fouvent.
Tout eft caprice dans la vie.
*
Semble - t'on négliger Silvie ?
D'un pas léger elle vous fuit :
La fuit- on d'abord elle fuit .
Tout eft caprice dans la vie,

Vise
biss
Des coeurs autrefois l'harmonie
Formoit d'Hymen le noeud charmant
Ce n'eft aujourd'hui que l'argent ,
Tout eft caprice dans la vie.
*
bis.
Hij Quel
2514 MERCURE DE FRANCE
Quel charme ! quelle fimpathie
Que deux coeurs qu'Amour affortit ?
L'Hymen bien- tôt les défunit.
Tout eft caprice dans la vie .
*
Chés nous , une femme jolie
Donne fix mois à fon mari :
Il part furvient un Favori
Tout eft caprice dans la vie.
*
bis.
bis,
Je perds une femme aguerrie ;
Pour ma bourſe , c'eſt un malheur
Pour mon front peut- être un bonheur?
Tout eft caprice dans la vie.
*
L'Hymen eft une Loterie ;
bis.
Pour un bon Billet , cent mauvais :
Qu'y faire ? on en eft pour les frais.
Tout eft caprice dans la vie .
*
Suivant le befoin ou l'envie ,
On fait des Contrats à tout prix :
bis.
L'un prend l'argent , & l'autre eft pris.
Tout eft caprice dans la vie.
bis.
Puifque
NOVEMBRE. 1742. 2515
Puifque l'Amour me congédie ,
Je veux chercher dans le bon vin
Un prompt reméde à mon chagrin ,
Tout eft caprice dans la vie . bis.
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Comédie des Dieux
travestis , ou l'Exil d'Apollon
; Piéce en
Vers & en un Acte , par M. G. de Merville
, représentée
fur le Théatre
Italien
le
2. Août dernier
, annoncée
dans le Mercure
du même mois.
ACTEURS.
Apollon , en Berger
le Sieur Rochari
Minerve , en Dame de Cour , la Dlle Ricco-
Diane , en Amazone ,
boni:
la Dlle des Hayes.
Flore , en Habit très - galant , la Dlle Silvia.
Momus en Poëte & en Acteur , le Sieur
2
Riccoboni:
Comus , en Financier , le Sieur des Hayes.
Mercure , en Petit-Maître , le Sieur Balleti.
La Scéne eft à Paris , dans une Salle dis
Louvre,
Hv Cette
2516 MERCURE DE FRANCE
>
Ette Pièce a été très bien reçûë du
Public. L'Auteur s'y eft propofe pour
objet , ce qui doit Pêrre de la véritable Comédie
c'est à dire , la correction des
Moeurs , en les tournant en ridicule . Voici
quelle eft fa fiction. Il fopofe que Minerve
dans le deffein de réformer la Terre , croit
ne pouvoir s'y prendre micux qu'en commençant
par Paris , qu'elle regarde comme
la Capitale du monde. Les progrès qu'Apollon
a fait dans la Theffalie pendant fon exil ,
l'engagent à le choifir pour ce grand Ouvrage
; quelques autres Dicux , tels que Mercure
, Comus , Momus & Flore , ne trouvant
pas cette entreprife de leur goût, & craignant
que
les hommes ne deviennent des Lieux à
force d'être vertueux , fe liguent pour traverfer
ce projet , & mettent Jupiter même
dans une fi injufte confpiration ; c'est ce
qu'on a trouvé de repréhenfible dans cette
ingénicufe Fable ; on a encore reproché à
l'Auteur d'avoir choifi les Tuilleries pour
lieu de la Scéne , puifqu'elles n'ont exifté
qu'un nombre infini de fiècles après l'exil
d'Apollon. Paflons aux Scéncs dont cette
Com die eft compofée.
A nerve & Diare ouvrent le Théatre ;
Mirerve expofe le fujet en répondant à
Diane qui lui demande ce qui peut l'apeller
de la Cour à Paris. C'eft , lui dit la fage
Minerve , L'intérêt
NOVEMBRE. 1742 2517
A
L'interêt du Public, les moeurs & les talens ;
Ne croyez pas pourtant que l'ardeur d'être utile ;
Me faifant préférer , dans les foins que je prends ,,
Les Sujets au Monarque & les Petits aux Grands
Je laifle la Cour pour la Ville ;
Un autre que Minerve , un Dieu qu'ont éprouvé
Les rigueurs d'un deſtin contraire ,
Remplira cet emploi qui m'étoit réservé ,
Et j'ai jetté les yeux fur votre Frere :
Apollon vient ; Minerve l'engage à feconder
le deffein qu'elle a formé de corriger
les défauts qui regnent à Paris . Voici le portrait
qu'elle lui en fait..
L'humanité s'éteint ; la nature périt ;
Le vice eft dans le coeur , & l'erreur dans l'efprit..
La vertu méprifée , eft en butte à l'outrage ;
On détefte la vérité ;
On chérit le libertinage ,
Et le menfonge avec impunité
Regne jufques fur le viſage.
C'eft fur de tels efprits , c'eft fur de pareils coeurs
Qu'à travailler je vous engage ;,
Corriger à Paris les efprits & les cours 9-
Mon Frere , voilà votre ouvrage..
pas par
Apollon
n'eft
rebuté
la difficultés
il fe livre tout entier à un projet fi. digne de
Minerve..
H vj
Met
2518 MERCURE DE FRANCE
Mercure , travefti en Petit - Maître , com
mence la quatriéme Scenes Apollon ne le
reconnoît pas ; c'est un privilége que le
Deftin a accordé à tous les Dieux , qui doivent
devenir les interlocuteurs des differentes
Scénes dont cette Picce eft compofée .
Ce Meffager des Dieux & furtout de Jupiter,
lui vient annoncer une Belle qu'il a charmée ,
& lui dit , qu'elle l'attend aux Tuilleries ;
Apollon fe prête au rendez - vous & quitte
Mercure pour y aller :
Momus & Comus , l'un avec fes attributs
ordinaires , & l'autre en gros & gras
Financier , aprennent à Mercure , que de
tous les Dieux ligués contre Apollon , aucun
ne vierdra hors Flore & cux ; voici ce qui
en difpenfe les autres,
Ils font trop affairés . Alteré de carnage ,
Mars aux fanglans combats traîne tous les Vivans;
Neptune fr plus d'un rivage
Prête aux mêmes fureurs & les flot & les vents ;
Dans les gouffres d'Etna , Vulcain forge des armes ;
Bacchus de l'Aquilon tâche à parer les coups ;
Et Cupidon féche les larmes
De tant d'Epoufes dont les charmes
sont enterrés fi loin des yeux de leurs Epoux ;
Mais fur ces Dieux abfens foyez exempt d'allarmes ,
Comus & moi , nous les doublerons tous .
MerNOVEMBRE.
1742: 2519
Mercure dit à Comus & à Momus que
cela fuffit , & qu'il va faire raport de l'entreprife
à Jupiter.
Comus attend le retour d'Apollon , pour
aprendre le fuccès du rendez - vous où Mercure
la invité dans une des Scénes précédentes
; Apollon revient. Voici le portrait
qu'il fait à Comus de la Belle qu'il vient de
voir.
Comptez que fi le Ciel avoit à fes apas
Joint les vertus qu'elle n'a pas ,
Elle feroit une femme accomplie.
Le refte de cette Scéne roule fur la Poëfic
& fur la Mufique ; Comus donne la préférence
à la Mufique & fur-tout à la moderne ;
voici comme il en parle :
Ah! fi , Monfieur , fi ! paffe encor ,
Pour la Mufique elle me pique ,
Lorfque dans le gofier d'un moderne Medor ,
Ou d'une moderne Angélique ,
Et par fauts &
par bonds , on lui donne l'effor ;
Mais pour la Poëfie ....
Apollon fe faifant connoître à Comus
pour Pocte & pour Muficien , lui répond
au fujet de la Comédie :
Je vous affûre
Que depuis quelque tems qu'on y voit établi
Un
2520 MERCURE DE FRANCE
Un Enfant d'Apollon , un Acteur accompli ,
Qui joint, plein de nobleffe , ainfi que de droiture ,
Au ton du fentiment , la voix de la nature ,
Je vois le Théatre annobli ,
Et je m'y plairois , je vous jure.
Comus invite Apollon à fe faire Comédien.
Momus fuccéde à Comus & vient
travesti en Poëte . Cette Scéne a paru unedes
plus inftructives. On y blâme fur- tout
l'abus que quelques Auteurs font de l'efprit .
Voici comme Momus en parle.
Examinez la Comédie ,
Par qui , de notre tems le Théatre fleurit
Qu'y trouverez-vous ? de l'efprit.
Examinez la Tragédie ,
Ce Spectacle pompeux , que la France chérit ,
Que remarquerez -vous dans la plus aplaudie ?
De l'efprit , de l'efprit , de cet efprit charmant ,
Qui , de fons & de mots heureux.allortiment ,
Porte comme un éclair dans la tête engourdie
Et d'admiration & de ravilement ,
Une céleste mélodie ,
Que fans reflexion , on entend clairement , .
Et que l'on n'entend plus , fi- tôt qu'on l'étudie ;
Enfin de cet efprit fait pour Pen - hantement 3.
Dont le plus foible trait & la moindre peinture.
Remplacent libéralement ,
Sans
NOVEMBRE. 1742 2528
Sans le fecours de la nature ,
L'intrigue , l'intérêt , le noeud , le dénoûment.
Cette belle Scéne eft fuivie d'une autreque
de
qui n'eſt pas trop liée à l'objet que l'Auteur
s'eft propofé
, mais qui n'a
pas laiffé
faire beaucoup
de plaifir, par les Acteurs
qui l'ont jouée. Ces Acteurs
font le Sieur Ro- chard & la Dlle Silvia. Dans cette Scêne
Apollon
rend au beau Sexe l'honneur
qu'il lui a ôté dans la huitième
, & comme
Flore dont les charmes
lont extrêmément
touché
& dans le chant & dans la danfe , lui dit fiérement
en la quittant
:
Demain , je vous attends , Monfieur , à mes genoux
;
Oui ; demain dans la matinée ,
A mes genoux , entendez vous ?
Pour y languir tou e l'année .
Apollon répond, après que Flore eft fortie ,
Je brave la menace & je garantirai
Mon efprit & mon coeur d'une fatale yvreffe ,
Par le foin dont j'éviterai
D'un Sexe trop charmant i'aproche enchantereffe.""
Momus, travelti en Comédien, vient jouer
la quatorziéme Scéne. Apollon le voyant
marcher & gfticuler tragi- comiquement
devine qu'il eft Comédien ; Momus lui dit
qu'il l'eft en effet , & lui déclame quelques
Vers

2522 MERCURE DE FRANCE
Vers d'une maniére tout -à-fait contraire à
la belle Nature ; voici la réponſe d'Apollon :
Je vais vous parler franchement ;
Ecoutez ; que ceci dans votre efprit s'imprime ;
Ce n'eft que par un hurlement
Qu'en vous la nature s'exprime ,
Et vous braillez le ſentiment.
Apollon renonce à l'envie d'être Comédien.
Minerve vient avec Diane lui annoncer
que cette derniere le place à la ( . our dans
un Office de Chaffe , créé exprès pour lui.
Des Bergers que Pan lui envove , viennent
former un Divertiffement en fon honneur
mais Mercure vient lui annoncer fon rapel
au Ciel par ces Vers :
Alte là , s'il vous plaît , tous vos projets font vains ,
Décffes , Jupiter aprouve votre zéle ;
Quant à vous , Apollon , vous gâtez les Humains ,
Et for ordre aux Cieux vous rapelle.
Apollon eft ravi de cet heureux rapel ;
cepen
dant Minerve & Diane ne confentent.
à fon départ qu'après qu'il aura vû la Fête
qu'on a péparée pour lui . En voici un Air ,
& d.ux Couplets du Vaudeville.
Quand le coeur à l'efprit fe lie ,
Ils. peuvent combler nos defirs .
On
NOVEMBRE. 1742 2523
On doit au fentiment le bonheur de la vie ;
Les talens en font les plaifirs ,
Mais il faut que du coeur la Raifon foit maîtreffe
La nature à l'efprit doit impofer des Loix.
Ah ! quelle fage & douce yvreffe ,
Lorfque pour l'infpirer elles n'ont qu'une voix }
VAUDEVILLE.
On femble heureux aux yeux de tous ;
On fait grand nombre de jaloux
D'un bien qui fur rien ne fe fonde ,
Mais on fe fent ronger le coeur
Par les remords ou par la
peur ;
Voilà le Monde .
AU PARTERRE.
Notre derniére nouveauté ,
Quoiqu'elle ait plû , n'a pas été
En Spectateurs beaucoup féconde ;
A celle- ci , que votre voix
Nous faffe dire maintes fois :
Voilà du Monde.
Le 11. Novembre , l'Académie Royale de
Mufique donna la derniére repréſentation
d'Hippolite & Aricie. La Dlle Gondrée
jeune perfonne qui a la voix fort belle &
beaucoup de talens , avoit chanté le 6. le
Rôle de Diane , dans le même Opera , avee
beaucoup
2524 MERCURE DE FRANCE
beaucoup d'aplaudiffement. Cette nouvelle
Actrice eft niece de la Dlle Antier , dont les
fublimes talens fon connus à la Cour & à la
Ville . Il y a d'autant plus lieu d'efperer que
la jeune perfonne , qui donne lieu à cet Article
, fera de grands progrès , que fon Illuftre
Tante prend foin de fon éducation &
lui montre l'Art du chant & de la déclama .
tion .
Le 13. la même Académie remit au Théatre
l'Opera de Phaeton , qui n'avoit
pas été
repris depuis le mois de Decembre 1730 .
Cette Piece , qui vient d'être remife d'une .
maniere très - brillante, par des habits magnifiques
fort bien caractérisés , & par de fuperbes
Décorations , a été reçûë favorablement
du Public ; les Balets , compofés par le
fieur Dupré, font auffi ingénieux , que variés.
Tous les Rôles font parfairement bien remplis
; ceux du Prologue d'Aftrée & dé Saiurne
, le font par la Dile Fel , & par le fieur
Chaffé . Ceux de la Tragédie ,de Climene , de
Lybie, & de Theone, par les Dilles Erremens ,
Chevalier , & le Maure. Ceux de Merops, de
Phaeton, d'Epaphus , & du Soleil , par les Srs
le Page , Jelyot , Chaffé , & la Tour. Nous
avons parlé fort au long de cet Opera , quand
il fut remis au Théatre en Novembre 1721 .
du Poëme , de la Mufique , des Balets , des
habits & des Décorations de ce tems là, avec
Ene
1
NOVEMBRE . 1742 2525
ane Defcription particuliere de celle du
Palais du Soleil. On en a encore parlé dans la
derniere repriſe du mois de Decembre 1730.
que le Roy honora de fa préfence après la
troifiéme repréfentation , dont S. M. parut
très fatisfaite , ce qui difpenfe d'entrer dans
aucun détail là deffus. On peut voir ce qui
en a été dit dans le Mercure de Novembre
1721. & dans le fecond Volume de Decembre
1730. On parlera dans le prochain
Journal de ce qui peut avoir été omis à la
repriſe d'aujourd'hui.
Le 22. on reprit le Ballet des Elemens , qui
avoit été remis au Théatre au mois de Mai
dernier ; on doit le jouer tous les Jeudis.
Le 30. du mois dernier , les Comédiens
François remirent au Théatre , la Comédiedu
Médifant , en vers & en cinq Actes , de
M. Nericault Deftouches , de l'Académie
Françoife , que le Public a revûe avec beaucoup
de plaifir. Cette Piece a été donnée
dans fa nouveauté au mois de Fevrier 1715 .
& repriſe plufieurs fois ; elle n'avoit pas été
jouée depuis le mois de Septembre 1732 .
Le 28. de ce mois, les mêmes Comédiens
donnerent la premiére repréſentation d'une
Tragédie nouvelle, qui a pour titre ,le Comte de
Warvic, de la compofition de M. Cahuzat ,
Auteur de la Tragédie de Pharamond, repréfentée
2526 MERCURE DE FRANCE
fentée fur le même Théatre le 14.Août 1736 .
Cette nouvelle Tragédie a été retirée par
l'Auteur, après la premiere repréfentation.
On mande de Berlin du 16. Octobre
que le Roy de Pruffe avoit vû repréſenter
le foir fur le nouveau Théatre du Palais ,
la Seconde des Comédies Françoiſes , intitulée
la Surpriſe de l'Amour de M. de Marivaux
, & que la Sale que le Roy fait bâtir
pour les repréſentations de l'Opera , fera
achevée vers la fin de cette année , laquelle
fera un des plus magnifiques Bâtimens
qu'on ait encore vû en ce genre , de même
que les habits de Théatre , deftinés pour les
Acteurs & les Danfeurs , qui ont été choifis
entre les plus renommés de divers Pays de
L'Europe.
*********: *******
NOUVELLES ETRANGERES.
RUSSIE.
>
Na apris de Moskow du 14. du mois de
Septembre dernier , que le Colonel Stuart
Gendre du Feldt Maréchal Lefcy , y arriva de l'armée
, d'où ce Géneral l'a dépêché , pour aporter à
la Czarine les articles de la Convention fignée le
4. à Lille Hoplalis , près d'Helfingfors, par les Miniftres
Plénipotentiaires de S. M, Cz. & du Roy de
Suede.
NOVEMBRE. 1742. 2527
Il a été reglé par cette Convention que les
troupes Suedoifes fortiroient d'Helfingfors avec,
les honneurs de la guerre , & qu'en abadonnant
la Finlande elles emporteroient non - feulement
leurs armes & leurs bagages , mais encore une cer
taine quantité de munitions de guerre ; qu'elles
s'embarqueroient à bord des Vaiffeaux , des Galeres
& des autres Bâtimens qui étoient dans le Port
d'Hellingfors , & que celles qui ne trouveroient
point place fur ces Bâtimens , pourroient le retirer
par Terre , ou attendre qu'il vint d'autres Vaiffeaux
pour les tranfporter , à condition cependant.
que cela ne retardât point trop leur fortie de la
Province ; que l'armée Ruffienne ne les inquiéteroit
en aucune façon dans leur retraite , & qu'on
ne met roit point d'obſtacle au tranſport de leurs
bagages & de leurs provifions ; que toutes les
perfonnes qui étoient à la fuite de l'armée du Roy
de Suede & qui n'étoient point militaires , auroient ,
la liberté de retourner en Suede , ou de demeurer,
en Finlande ; que la même liberté feroit accordée
aux habitans d'Helsingfors , & que ceux qui prendroient
le dernier parti pouvoient compter fur la.
protection de la Czarine ; que les Suedois remettroient
au Feldt- Maréchal Leſcy tous les canons
les mortiers , les attirails de guerre , & les munitions
destinées pour l'artillerie, qui fe trouveroient
dans Helfingfors ; que les magafins de vivres &
de fourages , établis par les Suedois dans les environs
de cette Place , feroient auffi remis aux Commiffaires
Ruffiens ; qu'à l'égard des provifions &
des autres chofes que le General des troupes du
Roy de Suede avoit déja fait embarquer , elles demeureroient
à bord des Bâtimens pour l'ufage de
ces troupes , & pour leur fubfiftance pendant leur
mavigation ; que fi les Régimens Finlandois , qui
"
étoient
2528 MERCURE DE FRANCE
>
étoient dans l'armée Suedoife , témoignoient quelque
répugnance à paffer en Suede ", le Géneral
Suedois ne pourroit les retenir , & qu'il leur accorderoit
la permiffion de fe rendre au camp des
Ruffiens , le lendemain de la fignature de la préfente
Convention ; que dans ce cas le Feldt-
Maréchal Lefcy renverroit chés eux les Officiers
& les Soldats de ces Régimens avec leurs
chevaux , leurs équipages & leurs autres effets , &
qu'ils jouiroient des mêmes avantages qui avoient
été accordés à la garuifon de Nifchlot ; mais qu'ils
feroient obligés de laiffer leurs drapeaux & leurs
armes ; qu'on commenceroit à exécuter la Capitulation
, auffi -tôt qu'elle auroit été fignée par les
Miniftres Plénipotentiaires des deux Puiffances ,
que l'armée de la Czarine prendroit pofte fur les
hauteurs , ou les Suedois avoient établi leurs batteries
; mais que le Feldt- Maréchal Lefcy auroit attention
qu'on ne troubiât point leur embarquement
; que ce Géneral donneroit des Pafleports
tant pour la Flote entiére des Suedois , que pour
chacun de leurs Vaiffeaux en particulier , & que
fi quelques-uns de leurs Bâtimens venoient à être
jettés par la tempête fur une des Côtes de la Ruffie,
on leur y fourniroit toute l'affiſtance dont ils auroient
befoin , pour continuer leur route vers la
Suede.
&
La copie que le Feldt-Maréchal Lefcy a envoyée
de cette Convention à la Czarine , étoit
accompagnée d'une lettre par laquelle il mande à
S. M. Cz. qu'il l'avoit déja informée que l'armée
Ruffienne ayant enfermé les troupes Suedoifes dans
Hellingfors , & toute communication leur ayant
été coupée du côté de la Terre , il leur avoit fair
offrir une Capitulation honorable ; mais que le
Comte de Lewenhaupt , qui pour lors étoit encore
à
NOVEMBRE. 1742 2529
à la tête de fes troupes , avoit fait réponſe qu'il ne
pouvoit prendre aucune réfolution , fans fçavoir.
les intentions du Roy fon Maître , & que pour
en être inftruit , il alloit dépêcher un courier à S.
M. Sued. que le Comte de Lewenhaupt avoit de-,
mandé qu'en attendant le retour de ce courier , on,
convint d'une fufpenfion d'armes , mais que cela
lui avoit été refufé .
,
Le Feldt -Maréchal Lefcy ajoûte que le Comte,
de Lewenhaupt & le Baron de Boddenbrock s'étant
embarqués pour retourner à Stokolm , & le
Major General Boufquet ayant donné avis aux
Feldt-Maréchal Lefey , que depuis leur départ
il avoit pris le commandement de l'armée du Roy
de Suede le Feldt-Maréchal Lefcy lui avoit envoyé
M. de Beftuchef , Aide de Camp Géneral ,
pour lui faire la même propofition qu'il avoit faite
au Comte de Lewenhaupt ; que le Major Géneral
Boufquet avoit fait prier le Feldt - Maréchal Lefcy
de mettre par écrit les conditions qu'il vouloit accorder
aux troupes Suedoifes , & que ces conditions
ayant été portées au Géneral Suedois par le
même Adjudant Géneral , il avoit répondu que les
troupes du Roy , fon Maître , n'étoient point encore
réduites à fe foumettre à de pareilles conditions
, & qu'ainfi il ne pouvoit les accepter , mais
que le Feldt-Maréchal Lefcy P'ayant fait affûrer
qu'il ne changeroit rien aux conditions proposées ,
& que fi elles n'étoient prointement acceptées , il
alloit faire fes difpofitions pour une attaque génerale
, le Major Géneral Boufquet avoit envoyé
trois Officiers , avec lefquels le Feldt - Maréchal
Lefcy étoit convenu des articles de la Capitulation
qui avoit été figrée enfuite par le Major General
Boufquet , & en conféquence de laquelle les Miniftres
des deux Puiflances avoient dreffé la Convention
2530 MERCURE DE FRANCE
vention
rine .
que le Colonel Stuart a remife à la Cza-·
> Le Feldt-Maréchal Lefcy félicite dans fa lettre
S. M. Cz. fur les heureux fuccès de fes armes
qu'il affûre n'avoir prefque point coûté d'effuſion
de fang aux Mofcovites , & il promet d'envoyer à
la Czarine une lifte exacte des Drapeaux , des
Etendarts , des Armes & de l'Artillerie , des Munitions
de guerre & des vivres , dont les troupes de
S. M. Cz. ie font emparées .
>
Il ajoûte à la fin de fa lettre que la Capitulation.
a déja été exécutée; que l'Infanterie de l'Armée Suedoife
s'eft embarquée ; que la Cavalerie s'eft retirée
par Terre , & quelle eft efcortée par un Corps de
Huffards ; que lesRégimens Finlandois , qui étoient
dans cette armée & qui compofoient un Corps
de 7000. hommes , s'étant déterminés à ne point
fortir de la Finlande ils s'étoient foumis à la
Czarine , & qu'ils lui avoient prêté le ferment de
fidélité , après avoir remis leurs Drapeaux & leurs
armes , que le Feldt- Maréchal Leſcy a envoys à
S. M. Cz. lefquels furent portés le 30. Septembre
dernier au Palais de la Czarine , étant accompagnés
par une Compagnie de Grenadiers & par deux antres
Compagnies des Régimens des Gardes. Il y a
quarante Drapeaux & feize Etendarts , & on les a
mis dans une Sale du Palais ,
On a transporté de Mofcow à Jaroflaw une
grande quantité de meubles pour l'uage des
Comtes Erneft , Charles & Guftave Biron , & du
Géneral Bismarck.
ALLEMAGNE .
Na apris de Hambourg du 20. du mois
>
de Boheme , le Maréchal de Maillebois qui avoit
fait
NOVEMBRE. 1742. 2535
f
ait marcher le Comte de Saxe , pour s'emparer de
Saatz , & qui s'étoit avancé avec l'armée qu'il
commande , pour foutenir ce Lieutenant Géneral,
a rapellé le Comte de Saxe , & eft retourné du
côté d'Egra , ſur l'avis qu'il a reçû que Saatz avoit
été occupé par les Autrichiens .
Ces avis ajoutent , que le Comte de Kevenhuller
avoit été détaché par le Prince Charles de Loraine
avec un Corps confidérable d'Infanterie & de
Cavalerie , pour retourner en Baviere , & que le
Baron de Trençk devoit auffi fe rendre dans cet
Electorat avec un Corps de sooo . hommes.
On mande de Duffeldorp , que le 16 , les troupes
de la garnifon s'étant rangées en bataille dans
les poftes qui leur avoient été affignés , & la Bourgeoifie
étant fous les armes , le Marquis d'Ittre
en vertu de la procuration dont il avoit été chargé
par le Prince de Sultzbach avoit reçû au nom de
ce Prince le ferment de fidélité des Etats des
Duchés de Bergue & de Juliers , & celui des
Grands Officiers de ces deux Provinces . qu'enfuite
il étoit allé à l'Eglife des Jefuites , & qu'il y
avoit affifté au Te Deum , qui avoit éte chanté au
bruit d'une triple falve de la moufqueterie de la
garniſon & de la Bourgeoifie , & de toute l'artillerie
des remparts de la Ville .
On aprend de Vienne du 20. du mois dernier
que le grand
Duc a dépêché
un courier
à la Reine
de Hongrie
, pour l'informer
que les mouvemens
de l'armée
Françoife
commandée
par le Maréchal
de Maillebois
, ayant
donné
lieu de conjecturer
que le deffein
de ce Géneral
étoit de pénétrer
dans
le Cercle
de Saatz , pour
aller
joindre
le Maréchal
de Broglie
à Leutmeritz
ou dans
quelque
autre
pofte
fur l'Elbe
, un Corps
confidérable
des troupes
de S. M. H. étoit
allé occuper
les défilés
de
1
Carels
2532 MERCURE DE FRANCE
Carelsbad , de Vatezi , de Drahinitz & d'Andelskakora
, que l'armée Autrichienne avoit marché
en même tems à Saatz , où elle étoit poftée trèsavantageufement
, & à peu près à une égale diftauce
de Leutmeritz & d'Ellenbogen , & que quelques
jours après l'arrivée de l'armée à Saatz , le Baron
de S. Ignon , Lieutenant Feldt - Maréchal , avoit été
détaché avec deux Régimens d'Infanterie , deux de
Cuiraffiers & trois de Dragons , pour aller prendre
pofte à Raud itz fur l'Elbe , oùil fera en état de
s'opofer au paffage des Convois qui remontent
cette riviere pour aller à Prague.
4
Depuis que le Grand Duc eft entré dans le Cercle
de Saatz , le Comte de Saxe , qui après la priſe
d'Ellenbogen s'étoit avancé jufqu'à Harenftein &
à Klafteretz à la tête de l'avant - garde de l'armée
Françoile, s'eft replié vers Ellenbogen, & le Maré--
chal de Maillebois , qui a fuivi ce Lieutenant Gé
neral pour le foutenir , fit halte, le 14 , près de
Liechtenstadt.
La Reine a reçû un courier de Baviere par lequel
le Baron de Berenklaw lui a mandé qu'ayant
été obligé d'abandonner tous les poftes fitués entre
Munich & Schardingen , il s'étoit retranché fous
cette derniere Place , pour attendre les renforts que
le Grand Duc de Tofcane lui envoyoit.
Les mêmes avis portent que le Comte de Secken.
dorf continuoit de marcher vers Paſſaw avec les
troupes Impériales qui font fous fes ordres.
Un Corps de foo . Gentilshommes Hongrois
ayant quitté l'armée que commande le Grand Duc ,
après que le tems , pendant lequel ils s'étoient engagés
à fervir , é oit expiré , 400. de ces Gentilshommes
fe font rendus à Vienne , & les Gardes ,
qui étoient aux portes & aux ponts , leur ayant fermé
les paffages , lorsqu'ils ont voulu fortir , pour
retourner
NOVEMBRE. 1742. 45332
retourner en Hongrie , ces Gentilshommes ont
entreprisade fe faire jour le fabre à la main. Il y a
eu en cette occafion plufieurs perſonnes bieffées de
part & d'autre , & l'on a été obligé de fane marcher
le Régiment de Cuiraffiers de Palty , pour
faire ceffer le défordre . Quelques- uns des plus mutins
ont été arrêtés , mais la Reine , après leur
avoir fait témoigner fon mécontentement de leur
conduite , les a fait remettre en liberté , & comme
ils perfeverent dans la rélolution de ne point aller
rejoindre l'armée , on croit que S. M. leur permettra
de fe retirer chés cux .
Le Baron de Berenclaw a mandé à la Reine qu'il
avoit été joint par les troupes que le Grand Duc
de Tolcane lui avoit envoyées , & qu'il s'é oit pofté
fi avantageufement entre Schaldingen & Paflaw,
qu'il n'y avoit point d'aparence que l'armée Impériale
, commandée par le Comte de Seckendorf ,
entreprit de l'attaquer , avant que d'avoir été renforcée
par les troupes qu'artendoit ce General.
Les Commilaires nommés par la Reine , pour
féparer des Archives de la Maison d'Autriche celles
de l'Empire , y travaillent conjointement avec ceux
qui fe lont rendus à Vienne pour cet effet par ordre
de l'Electeur de Mayence.
FRANCFORT.
N mande de Francfort du 14. du mois dernier
qu'il y eft arrivé de Munich un courier
par lequel l'Empereur a apris que les ennemis.
avoient évacué cette Place , ainfi que tous les poftes
qu'ils occupoient dans les environs , & que les
dépêches de ce courier contiennent les particularites
fuivantes.
Le s . du mois dernier à midi ? le Baron de Be-
I ij renklaw
2534 MERCURE DE FRANCE
renklaw , Général des troupes Autrichiennes , qui
font restées en Baviere , fit affembler les Bourguemeftres
de la Ville de Munich , & leur donna ordie
de faire préparer une certaine quantité de cha--
riots . Il ordonna en même tems que tous les Charpentiers
& les Charrons de la Ville fe rendiffent au
principal Corps de Garde . Quelques heures après
il fit élever plufieurs potences dans la Place visà
-vis l'Eglife de Notre- Dame , & on publia une
défenſe aux Bourgeois; de fe trouver dans les ruës
fous peine de mort , après l'heure de la retraite ,

&
Cent trente chariots , qui avoient été commandés
pour le fervice des troupes Autrichiennes , furent
conduits à l'Arſenal ; on abattit toutes les clô❤
tures des Jardins fitués près de la porte de l'ifer ,
le foir le Baron de Berenklaw fit enlever tous les
chevaux qui fe trouverent dans la Ville. Le lendemain
au matin , les Autrichiens chargerent fur les
chariots leurs munitions de guerre & de bouche ,
& n'ayant point affés de voitures pour les emporter
toutes , ils vendirent soo . mefures de bled à un
prix fort modique . A midi , le Baron de Berenklaw
envoya arrêter chés eux le Baron d'Unertel
Chancelier de l'Electorat de Baviere ; le Baron de
Witman & M. de Meyer , & il les fit partir fous
une nombreuſe eſcorte , pour qu'ils lui ferviffent
d'ôtages jufqu'à l'entier payement des contributions
que le Comte de Kevenhuller a exigées de la
Baviere. Il fe fit livrer en même tems 33. autres
ôtages , du nombre defquels font un Jeſuite , un
Auguftin & un Carme.
Vers quatre heures du foir , les troupes Autrichiennes
firent fauter les mines que le Baron de
Berenklaw avoit fait pratiquer fous le Convent des
Capucins , & qui ont détruit la plus grande partie
de cette maifon ; ces troupes commencerent enfuita
NOVEMBRE . 1742. 2535
"
te à évacuer Munich , & elles fortirent dans l'ordre
fuivant.
460. Pandoures , fuivis de 120 hommes de
recrues ; les bagages eſcortés par 300. hommes de
Cavalerie , le Régiment Hongrois de Forgatſch ,
compofé de 718. hommes , avec quaere piéces de
campagne : onze chariots chargés de munitions de
guerre ; le Régiment de Traun de 634. hommes ,
ayant à fa tète quatre piéces de canon ; 7. autres
chariots fur lefquels il y avoit auffi des munitions ;
le Régiment d'Andreafi de 770. hommes ; celui de
Bareith de 639 les chariots qui portoient les vivies
; les beftiaux que le Baron de Berenklaw avoit
fait conduire à Munich de tous les endroits voisins,
les prifonniers de guerre fous la garde de 44. Dragons.
100. Huffards & Dragons , & 350. Pandoures
, formoient l'arriere - garde .
Le Baron de Berenklaw en fe retirant de Munich
, a promis qu'il renverroit tous les chevaux
qu'il a pris tant chés les habitans que dans les
Ecuries & dans les Harras de l'Empereur , lorique
les vivres & les munitions de guerre , qu'il étoit
obligé de faire tranfporter , feroient en lieu sûr,
Auffi tot que le Comte de Seckendorf , qui
commande les troupes de l'Empereur , fut averti de
la retraite des Autrichiens , il détacha 4000 hommes
des troupes Impériales , lefquels arriverent le
7. à Munich , & en reprirent poffeffion au nom de
l'Empereur.
Les habitans de la Ville , malgré l'extrême milére
à laquelle le long féjour des Autrichiens les a
réduits , out diftribué de leur propre mouvement
une grande quantité de viande , de bierre & d'autres
rafraîchiffemens aux troupes que le Comte de
Seckendorf y a envoyées.
Le Baron de Berenklaw ayant repaſſé l'Inn le 9 .
I iij avec
22536 MER CURE DE FRANCE
vec toutes les troupes qui font fous fes ordres , le
Géneral Minutzi , le fuivit avec un Corps de troupes
Impériales , pour tâcher de l'inquiéter dans fa
retraite .
M. de la Rofée , Major d'un Régiment de l'Em .
pereur , ayant marché du cô é de Dorften avec
150. Grenadiers à cheval , pour s'emparer d'un
Convoi des Autrichiens , il a non -feulement réuffi
dans cette expédition , mais il a fait auffi 120. prifonniers
entre le quels font quelques Officiers &
deux Commiffaires des Guerres.
Le 12 , on chanta à Munich le Te Deum , en
action de de ce que
graces lés troupes de I Reine
de Hongrie le font retirées de la Ville de Munich .
On mande de Francfort que le 13. du mois dernier
le College des Electeurs , celui des Princes &
celui des autres Etats de l'Empire , avoient remis
à la Diette le réfultat de leurs Déliberations fur le`
Décret de Commiffion , par lequel l'Empereur leur
a demandé un fubfide ; que le College Electoral ,
la plupart des Princes de l'Empire , & toutes les
Villes Impériales , avoient refolu d'accorder à
S. M. I. . mois Romains , mais que quelques
Princes & autres Etats de l'Empire avoient déclaré
qu'ils ne pouvoient fou nir que les trois cinquièmes
de cette fomme. Ce fubfide fera payé en deux termes
; le premier dans le courant du mois prochain ,
& le fecond au commencement du mois de Janvier
de l'année prochaine.
Le 16 , l'Empereur & l'Impératrice reçûrent les
complimens des Seigneurs & Dames de leur Cour ,
à l'occafion de la Fête de Sainte Therefe , dont la
Princeffe , leur feconde Fille , porte le nom Leurs
Majeftés Impériales dînerent en public , & il y eut
le foir un magnifique Bal dans l'apartement de
P'impératrice.
On
NOVEMBRE. 1742. 2837.
On a apris de Baviere que le 19. du mois dernier
, un détachement des troupes Impériales ,
commandé par le Comte Fabretti , étoit entré dans
la Ville de Braunau , qui avoit été abandonnée la
veille par les Autrichiens , & que les Impériaux y
avoient trouvé une grande quantité de munitions
de guerre & de bouche , que les Autrichiens n'avolent
pû emporter.
On mande de Hambourg du 3. de ce mois que
les lettres de Boheme marquent que le Maréchal de
Maillebois , en décampant des environs d'Egra ,
avoit laiffé un Corps de troupes pour la garde de
cette Place , fous les ordres du Marquis d'Herouville
; Maréchal de Camp.
Ces lettres ajoutent que l'armée Françoife devoit
arriver à Ratisbonne , & que depuis qu'elle avoit
quitté la Boheme , elle avoit en abondance toutes
les chofes néceffaires ; la Régence du Haut- Palatinat
a envoyé ordre dans tous les Baillages , ou
cette armée devoit paffer , de lui fournir les vivres
& les fourages dont elle auroit befoin .
Le Maréchal de Broglie , qui partit de Prague le
27. du mois dernier , pour aller prendre le commandement
de cette armée , paffa le 4. de ce mois
par Hubertzbourg , où il a été reçû par le Roy de
Pologne Electeur de Saxe , avec de très grandes
marques de diftinction.
On a apris que le Grand Duc de Tofcane , für la
Inouvelle de la marche du Maréchal de Maillebois
vers le Danube , s'étoit avancé le 27. du mois dernier
à Weidhaufen , pour tâcher de couper le paffage
aux François du côté de Paffaw.
Il eft resté un Corps de troupes Autrichiennes
dans le Cercle de Saatz , & deux autres Corps des
mêmes troupes , commandés par le Prince de Lobckowitz
& par le Géneral Feftetitz , le font rapro-
I iiij
chés
2538 MERCURE DE FRANCE
W
chés de Prague , pour empêcher qu'il n'entre de
nouveaux Convois dans cette Place , laquelle a été
abondamment pourvûë de vivres depuis la levée du
Siége.
SAVOYE.
Na apris de Chambery du 17. du mois derayant
fembler de l'autre côté des Alpes deux Corps de
troupes qui compofent enfemble 2c000, hommes ,
un de ces Corps , commandé par le Comte de
Schulembourg , entra le premier du même mois en
Savoye par le Mont-Cenis , & que l'autre à la tête
duquel étoit Sa Majefté , fe rendit le 4. dans ce
Duché par le Mont S Bernard .
Sur Pavis de la marche de ces troupes , l'armée
du Roy d'Espagne , laquelle s'étoit avancée à
Moustiers , fe replia fous S. Jean de Maurienne
& elle commença à s'y retrancher . Les mouvemens
que les troupes Piémontoifes firent les jours fuivans
, donnerent lieu aux Efpagnols de reconnoftre
qu'elles parviendroient également à éviter une
bataille & à leur rendre difficile la communication
avec le Dauphiné , & ils prirent le parti d'abandonner
S. Jean de Maurienne , & d'aller former
deux camps , l'un près de Chambery , & l'autre
à Montmélian . Le Roy de Sardaigne marcha alors
à Conflans ave le Corps de troupes qu'il commande
, pendant que le Comte de Schulembourg ,
avec celui qui eft fous les ordres , s'aprocha d'Aiguebelle
, & les Ffpagnols ne jugeant pas qu'ils
pû Tent s'affarer dans ce Duché les fubfiftances
nécellaires , prirent le parti de s'en retirer le ts .
On affûre que le Roy de Sardaigne a réfolu de
- tenir en Savoye , pendant l'hyver , jufqu'à 25000 .
hommes .
ITALIE
NOVEMBRE. 1742 2539
ITALIE.
N mande de Florence du 10.du mois der-
Dier,que le Théatre de Sienne , qui paffoit
pour être le plus beau de toute l'Italie , a été entierement
confumé par un incendie.
ESPAGNE.
Na apris de Madrid du 16. du mois dernier
que Its avis reçûs de Galice , portent que Don
Louis Olivier , Commandant le Vaiffeau la Notre
Dame de l'Esclavage , armé en courſe , avoit , conduit
à Vigo le Pacquebot Anglais le Pulteney , dont
il s'étoit emparé le 11. Septembre dernier .
L'Armateur Jofeph Torres a enlevé fous le canon
de Gibraltar le Vaiffeau Anglois la Marguerite , de
149. tonneaux, & après l'avoir conduit à Eftepona ,
il a fait voile vers la Baye de Tanger , où il s'eft
emparé d'un Bâtiment de la même Nation , avec
lequel il eft entré dans le Port de Cadix .
Le 7. du mois dernier , Don Jofeph Velez Moro
revint dans le même Port avec une autre prife Angloife
, qu'il a faite à 30. lieues de Lisbonne , &
dont la charge confifte en Moruë .
On mande de Galice , que Don Louis Olivier &
Don Juan Fernandez de Villar , en croifant fur les
Côtes de Portugal , s'étoient rendus maîtres des
Vaiffeaux la Nymphe & le Devoir , à bord defquels
il y avoir une grande quantité de grains , & qu'un
Vaileau Anglois , chargé de bois de Cédre , de
Godron , & de Toile, propre à faire de voiles de
Vaiffeaux , avoit été pris à la hauteur de Gijon par
PArmateur Don Pedre de Valparda.
Un Armateur de S. Sébastien y a conduit un Vaiffeau
Anglois, qui alloit de Corke à Lisbonne , & le
I v Vailleau
2540 MERCURE DE FRANCE
Vailleau la Notre Dame de la Garde a été pris par
un autre Armateur.
Les Armateurs François Birrera & Pierre Rubier
, entrerent , l'un le 6. du mois dernier dans le
Port de Bayone , & l'autre le 11 dans celui de Muros
, avec les Brigantins Anglo is la Concorde & le
Phénix , le premier de 120. tonneaux
& le fecond
de 70. chargés de bled & de poiffon falé , dont ils
fe font emparés fur la Côte de Portugal.
GENES ET ISLE DE CORSE.
ON aprend de Genes du 24. du mois dernier ,
guerre Anglois , à bord duque étoit un Commif
faire , envoyé par l'Amiral Matthews , pour s'affûrer
les Elpagnols n'ont aucun intérêt dans la
charge de quelques Bâtimens que des Vaif aux de
fon Elcadre ort arrêtés depuis peu daus le Goife de
Lyon & dont quelques uns apartiennent à des
Negocians de cette Ville.
On mande de Parme que les troupes de la Reine
de Hongrie , comman ées par le Comte de Traun ,
s' toient avancées à Imola , & que par differens
mouvemens qu'elles avoient faits , elles avoient
donné lieu de croire qu'elles étoient dans le deffein
d'aller à Kimini traquer l'armée du Roy d'Espagne ,
mais qu'à l'aproche de cette armée ees s'étoient
retirées avec précipitation , & qu'elles s'eroient
contentées d'enlever tous les fourages qu'elles
avoient trouvés dans le Bolonois.
On apr nd de Genes du 31 du mois dernier que
la épublique s'étant plainte au Roy de la Grande
Bretagne de ce que les Vaiffeaux de guerre Anglois
ne vouloient fe foum ttre à aucune quarantaine
dans les Ports où ils abordoient , & de ce que les
équipages
NOVEMBRE.
1742. 2541
équipages de quelques- uns de ces Vaiſſeaux , étant
defcendus à terre en differens endroits de la Côte
de cet Etat , avoient enlevé à main armée les provifions
amaffées dans plufieurs magasins , fous prétexte
qu'elles apartenoient aux Efpagnols , S. M.
Britannique a fait réponse à la lettre que la République
lui avoit écrite à ce fujet , & qu'elle a déclaré
qu'elle défaprouvoit fort la conduite des Officiers .
& des Equ pages de fes Vaiffeaux , & qu'ils avoient
agi contre les ordres , s'ils avoient commis quel
ques violences contre les Sujets de la République.
GRANDE BRETAGNI.
N mande de Londres du 18. du mois dernier
, qu'auffi - tôt après l'arrivée d'un courier
que le Roy reçût de la Haye le 12. on en dépêcha
un à Gravesend , pour faire débarquer les Equipages
de S M & que les Commiffaires de l'Amirauté envoyerent
ordre que tous les Vaifleaux de guerre qui
étoient en rade prêts à faire voile vers les Côtes
de Flandres , rentraffent dans leurs Ports.
Le 14. le vent fur fi violent , que la plupart des
Vaiffeaux qui étoient dans la Tamife chafferent fur
leurs ancres , & plufieurs s'étant heurtés les uns
contre les autres , ils furent confidérablement endommagés.
250. prifonniers Efpagnols , du nombre defquels
font Don Paul Auguftin d'Aguirra , Commandant
du Vaiffeau de guerre la Princeffe , & M. Ordan ,
Commandant du Vaifleau de guerre la Galice , doivent
être tranfportés par le Vaiffeau le Drake à
S. Sébastien , pour y être échangés contre un pareil
nombre de prifonniers Anglois.
1
On a apris qu'il regnoit beaucoup de maladies
parmi les troupes Angloifes qui ont paffé la Mer ,
I vi &2
1
2542 MERCURE DE FRANCE
& que des 4500. hommes qui étoient à Bruges , il
en etoit mort 900.
1
Les dernieres lettres de la Virginie , marquent
que les Espagnols , qui avoient fait une defcente
dans la nouvelle Géorgie , s'étoient rembarqués für
la nouvelle de l'arrivée de plufieurs Vaiffeaux Anglois
à la Barre de S. Simon .
Le Port Mahon , commandé par le Capitaine
Aylmer , s'eft emparé d'un Vaiffeau Portugais , qui
portoit des provifions à la Flotte Eſpagnole.
La nouvelle des prétendus avant ges , remportés
dans la nouvelle Georgie par le Géneral Oglethorpe
fur les Efpagno.s & dont la Famille de ce General
avoit fait ferer une Relation dans quelques Gazettes
, ne s'eft pas confirmée , & 1 on a apris au
cont aire , que les fpagnols avoient obligé le Géne
al Oglethorpe de fe retirer dans les bois où il
a demeuré jufqu'à ce qu'ils le foient tembarqués.
Avant qie de remettie à la voile , ils ont démoli
le Fort de S Simon , ruiné la plus grande parie deshabit.
ons , & caufe à la Colonie un dommage
difficile à réparer.
Le Baron de Hafl ng , Envoyé de l'Empereur , a
acheté dans le Royaume de la Grande Bretagne ,
pour S. M. I. un grand nombre de chevaux de
felle.
Ο
m
HOLLANDE ET PAYS - BAS.
Na apris de Bruxelles du 20. du mois der
ier que les troupes A gloifes font actue lecantonnées
dans les Bourgs & Villages le long
de a Lis & qu'elles demeureront dans leurs quartiers
, jufqu à -ce que les troupes tant Allemandes
que Nationales , & celles de Hanover & de Helſe,
foient entierement allemblées.
On
NOVEMBRE. 1742. 2543
!
On mande de la Haye du 26. du mois dernier
que le 2 le Comte de Chavannes, Envoyé Extraor
dinaire du Roy de Sardaigne , informa les Etats
Généraux , que ce Prince avoit paffé les Alpes avec
une armée de 20000. hommes , pour obliger les Ef
pagnols d'abandonner la Savoye , & qu'il étoit arrivé
le 10. à Conflans avec la plus grande partie de
Les troupes.
On aprend de Bruxelles du 27. du mois dernier ,
que toutes les troupes Hanovériennes font arrivées
dans les environs de cette Ville , qu'elles campent
de l'autre côté du Canal dans la Plaine de
Dighem entreVilvode & Lake , & qu'elles doivent
fe joindre aux troupes de Heffe , & continuer leur
marche.
Le 19 le Comte de Stairs fit la revûë des unes
& des autres , & le lendemain il fit conduire au
camp de celles de Hanover 6. canons de batterie
& un pareil nombre de piéces de campagne.
Les Régimens de la garnifon de Mons , qui font
deftinés à faire la campagne , fortirent le 26. de
cette Place , pour fe rendre fur la frontiere de la
Flandres .
3
Le Baron de Reiſchaeh , Envoyé Extraordinaire
de la Reine de Hongrie a reçû un courier de Boh
me par lequel il a apris que le Grand Duc de
Tolcane ayant fait occuper par les troupes Autrichiennes
tous les défilés qui conduisent du Cercle
d'Ellenbogen à celui de Saatz , l'armée Françoife ,
commandée par le Maréchal de Maillebois était
retournée fur trois colonnes vers Egra , où elle étoit
arrivée le 20, & que elle s'étoit remife en
marche , prenant la route d'Amberg .
le
242
On a été informé par d'autres lettres , venues
auffi de Boheme , que le Chevalier d'Apcher , à la
tête d'un detachement des troupes commandées.
par
2544 MERCURE DE FRANCE
par le Maréchal de Broglie , avoit enlevée aux Autrichiens
un convoi de 14. Chariots chargés de
grains.
On Mande de Bruxelles , que fuivant les derniers
avis reçûs de Flandres , 8000. hommes de troupes
réglées arriverent de Lille à Dunquerque le 2r.
du mois dernier , & que le Roy de France
avoit fait ajoûter plufieurs ouvrages aux fortifications
de Maubeuge.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
MORT DES PAYS ETRANGERS.
N mande de Bruxelles que la Comteffe
Douairiére de Chanclos , mourut en fon Château
de Leve le 19. Octobre dernier , âgée de 102 .
ans accomplis.
*:************* :**
FRANCE ,
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARIS , & c.
LE31.
du mois dernier , veille de la Fête
par les mains du Cardinal de Fleury , fon
Grand Aumônier.
Le même jour , le Roy & la Reine , accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin &
de Madame , affifterent dans la Chapelle du
Château de Verfailles aux premieres Vêpres.
de la Fête , qui furent chantées par la Mufique
NOVEMBRE. 1742 2548
que , & auxquelles l'Evêque d'Uzés officia
pontificalement.
Le 1. de ce mois , jour de la Fête , leurs
Majeftés accompagnées comme la veille ,
entendirent la grande Meffe , célébrée pontificalement
par le même Prélat.
L'après midi , le Roy & la Reine , accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin &
de Madame , affifterent au Sermon de l'Abbé
Adam , Curé de la Paroiffe de S. Barthelemi
& enfuite aux Vêpres auxquelles l'Evêque
d'Uzés officia . Leurs Majeſtés entendirent
enfuite les Vêpres des Morts.
Le 2. pendant la Meffe du Roy , le Cardinal
de Tencin , Archevêque de Lyon ,
prêta ferment de fidélité entre les mains de
S. M.
Le 6. le Bailly de Froulay , Ambaffadeur
de la République de Malte, cut une audience
particuliere du Roy , & il y fut conduit par
le Chevalier de Saintot Introducteur des
Ambaffadeurs.
>
Le 9. pendant la Meffe du Roy , l'Evêque
de Digne , qui avoit été facré le 21. du
mois dernier dans l'Eglife Cathédrale de
Meaux , prêta ferment de fidélité entre les
mains de S. M.
Le 12. l'ouverture du Parlement fe fit
avec les cérémonies accoutumées par une
Mefle Solemnelle , célébrée dans la Chapelle
de
2546 MERCURE DE FRANCE
de la grande Sale du Palais par l'Abbé de
Sailly , Chantre de la Sainte Chapelle & à
laquelle M. le Peletier , Premier Préfident ,
& les Chambres , affifterent .
Le Prince de Condé , le Comte de la
Marche , Princes du Sang , & Mademoiſelle
de Conty , Soeur du Prince de ce nom , ont
reçû le 29 de ce mois les Cérémonies du
Baptême dans la Chapelle du Château de
Verfailles ; le Prince de Condé , & le
Comte de la Marche , ont eû pour Parain
& Maraine le Roy & la Reine : le premier
a été nommé Louis - Jofeph , & le fecond
Louis - François- Jofeph. Mademoiſelle de
Conty a eu pour Parain & Maraine Monfeigneur
le Dauphin & Madame , & elle à
été nommée Louife- Henriete . Cette Cérémonie
a été faite après la Meffe du Roy par
P'Evêque de Soiffons , Premier Aumônier de
S. M. en préfence du Curé de la Paroiſſe du
Château.
BENEFICES DONNE'S.
Le Roy a nommé à l'Evêché de Clermont
, l'Abbé de la Garlaye , fon Aumônier.
S. M. a donné l'Abbaye Réguliere du
Ronceray , Ordre de S. Benoît , Diocèſe
d'Angers , à la Dame de Raffetot , Religieufe
de cette Abbaye ..
Le
NOVEMBRE. 1741 2547
Le premier Novembre , Fête de la Touffaint
, on exécuta au Concert fpirituel du
Château des Tuilleries, le De profundis, Motet
à grand Choeur de M. l'Abbé Blanchard ,'
Maître de Mufique de la Chapelle du Roy ,
lequel fut fuivi d'un Concerto fur la Flute
traverfiere , joué par le fieur Blavet , & d'un
autre fur le Violon , exécuté par le fieur de
Mondonville ; le Concert fut terminé par un
autre grand Motet de la compofition de
l'Auteur du premier Motet ; le fieur Poirier
de la Mufique du Roy , chanta differens recits
dans les deux Motets avec l'aplaudiflement
d'une très nombreuſe affemblée .
Le 29. Octobre & le 2. Novembre , il
y eut Concert chez la Reine ; M. , de Blâmont,
Sur- Intendant de la Mufique du Roy,
fit chanter deux Actes du Ballet des Fêtes
Vénitiennes , intitulés le Bal & l'Amour Saltinbanque.
Les principaux Rôles fûrent très
bien remplis par les Dlles Lalande & Romainville
, & par les fieurs Dubourg , Poirier
, Benoît , Jelyot & Richer.
Le 10. le 12. & le 14. la Reine entendit
l'Opera de Perfée , dont les Rôles furent
chantés par les mêmes fujets , & par les
fieurs d'Angerville & Tavernier.
Le 19. le 24 . & le 26. on concerta l'Opera
de Thésée ; les mêmes Acteurs & le
fieur Godonefche exécuterent les principaux
Rôles de la Piece,
asso MERCURE DE FRANCE
C
Mars 1720. & fille de feu François de Verthamon ,
Seigneur de la Ville aux Clercs , Comte de Villemenon
, Confeiller en la Grand - Chambre du Parlement
de Paris , & d'Anne de Goury , fa premiére
femme.
13
On nous a adreffé à l'occafion de cette mort un
Mémoire , qui porte que le défunt étoit d'une ancienne
& illuftre Famille , originaire de Tranfilvanie
, d'où elle fortit en 13 20. & que fon Bifaïeul
Gacho de Balthafard , ayant fuivi la fortune de Frederic
V. Roy de Boheme , Electeur , & Comté Palatin
du Rhin ; dont il étoit Capitaine des Gardes
du Corps, fut tué à la Bataille de Prague en 1620.
& qu'il laiffa de fon mariage avec Marguerite de
Rahire , Jean de Balthafard de Simeren , qui vint
en France au ſervice du Roy Louis XIII . après la
premiére Bataille de Nortlingue fous le Duc de
Weimar en 1634. y ayant été attiré par la réputat
tion que s'y étoit acquife le Colonel de Balthafard ,
fon grand oncle , qui etoit Maréchal de Camp tous
le Roy Henry IV. & qui fut tué en 1590.
Jean de Balthafard fe rendit fameux dans plufieurs
Combats dans la guerre de Guyenne fous le
Prince de Condé. Il fut envoyé en Catalogne pour
y fervir en qualité de Lieutenant Géneral fous le
Prince de Conti , & en Chef en fon abfence pendant
la Campagne de 1654. Il fut auffi Colonel
d'un Régiment d'Infanterie , à préfent Perche , &
d'un de Cavalerie , à préſent Royal Cravates .
Il fut Envoyé Extraordinaire du Roy dans les
Cours de Brunfwich & Lunebourg , pour y négocier
la paix , laquelle étant faite , Charles Louis ,
Electeur Comte Palatin du Rhin , l'engagea avec
la permiffion du Roy d'entrer à fon fervice & le fit
Généraliffime de fes troupes , & fon Miniftre d'Etat
, en 1657. Depuis il fe retira en Suiffe dans le
Canton /
NOVEMBRE. 1742. 2551
Canton de Bern , où il acheta des Terres. Il'laiffa
de fon mariage avecMarguerite de Brignac de Montamont
deux fils , dont l'aîné Genève de Balthafard ,
Vicomte d'Altzey , fut Colonel d'un Régiment de
Dragons au Service de Guillaume III . Roy d'Angleterre
, & laiffa deux fis , dont le cadet fut tué
à la Bataille de Malplaquet en 1709. & l'aîné qui
étoit Capitaine au Régiment Suifle de Diesbach , a
été tué à l'affaire de Claufen en Allemagne en
1735. Commandant les Grénadiers de ce Régiment.
Le fecond Armand de Balthafard , ne put conti
nuer le Service à cauſe de fa mauvaiſe fanté . Il
a eu de fon mariage avec Loüife de Rofet de S
Samuel quatre fils , qui font :
Le premier , Etienne Gacho de Balthafard , Capitaine
Commandant les Grenadiers du Régiment
de Hoffy , Suifle , tué à l'âge de vingt- quatre ans
en 1712. au Siége du Quefnoy , où il s'étoit jetté
par ordre du Maréchal de Villars , ayant paffé à
travers l'armée , qui en faifoit le Siége .
Le fecond , Marc-Louis Ifaach de Balthafard ,
qui a donné lieu à cet article.
+
Le troifiéme , Jean -Alexandre , Chevalier de
Baltafard , Lieutenant Colonel du Régiment
Suiffe de Wigier , dont la réputation eft connuë
.
>
Et le quatriéme , Armand- Louis de Balthafard
de Lorny , premier Capitaine & Commandant les
Carabiniers du Régiment Royal Allemand Cavalerie
, qui a été tué le 20. Septembre dernier
étant forti de Prague en détachement à la tête
de So. Maîtres , pour donner la chaffe à des Huffards
, qui commettoient des hoftilités aux environs
de la Ville de Prague. Il n'avoit que 36. ans . Il a
été généralement eftimé & regretté Il étoit marié
avec
2552 MERCURE DE FRANCE
avec Marie-Thérefe le Vayer. Il en laiffe deux fils ,
& une fille.
" Ces quatre freres ont donné en toute occaſion
des marques de leur valeur à l'exemple de leurs
ancêtres.
On donnera deux Volumes du Mercure le
mois prochain, pour pouvoir employer les Piéces
qui n'ont pù trouver place dans le courant de
L'année:
P
TABLE.
IECES FUGITIVES. Ode l'Empire de la
Beauté , 2341
2361
Lettre fur le Livre de l'Imit ation de J. C. 2346-
L'Ombre de Bibis ,'
Lettre fur tout ce qui regarde la Ville de Paris , 2363
Stances fur la Vie Champêtre , 2365
Lettre fur les Ouvrages de D. B. des Martyrs , 2367
Remerciment à M. P. T.
Lettre fur la préférence de ne faire que des Ver-
2374
fions aux Enfans qui commencent le Latin, 2376-
La Liberté , Ode', 2387
L'Amour , Ode , Palinodie de la précédente , 2392
Monument antique , découvert à Rome ,
Paraphrafe du Pleaume , Miferere mei, &c.
Lettre fur la Méchanique de l'Efprit ,
Epitaphe du R. P. Brumoy , Jéfuité ,
2397
2400
2404
2416
Avertiffement au ſujet de l'Ordre de S. Lazare , ibid,
Bouquet envoyé par un Enfant de 7. ans à M. 2418
Explication d'un ansien Proverbe 2419
Epite
Epitre à Mad. A. en lui envoyant les OEuvres de S.
Evremont ,
2424
Queſtion importante , jugée au Parl . de Paris , 2426
Envoi de la Piéce fuivante à Uranie ,
Laure , Cantate ,

Difcours fur la Religion
A la Pareffe , & Portrait de Mlle H ....
2435
2436
2439
2444
Lettre de M. Joyeuſe , Médecin , à M ... Docteur
en Médecine ,
Eloge du Thé ,
Enigme Logogryphe ,
2445
246【L
2465
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX ARTS , &c.
l'Art de guérir les Playes , 2467
Traduction en Vers de la Boucle de cheveux enlevée
,
2474
Differt, fur l'incertitude des fignes de la mort, 1497
pour
Etrennes Hiftoriques pour l'année 1743- 2503
Almanach la même année chés Papillon . 2 504
Programme de l'Académie de Bordeaux ,
Ouverture du College. Royal ,.
Eftampes, nouvelles , Portraits , &c.
ibid .
2505
2506
Tableaux imprimés , Cartes nouvelles , & c. 2508
Differens Ouvrages de Mufique , 2510
Guérifon de Dartres,&c . de Mad . de Leftrade, 25 11
Chanton notée
2512
2524
2525
Spectacles. Extrait des Dieux traveftis , Th . Ital.2415
Phaeton remis au Théatre ,
Théatre François , le Comte de Warvic , Tragédie
nouvelle ,
Nouvelles Etrangeres, Ruffie, Allemagne , & c 2126
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 2544
Ouverture du Parlement , 2545
Baptême du Prince de Condé , du Comte de la
Marche , & de Mademoiſelle de Conty , 2446
Bénéfices donnés ,
Concerts chés la Reine ,
ibid.
2447
Comédie
Comédies jouées à la Cour ,
Morts ,
P
Errata d'Octobre.
2458
2549
Age 2309. ligne 21. un ôtez ce mot . P. 2321 . II. des Ines d'Hieres , lifez , de la Ville
d'Hieres . P. 2328. 1. 21. du Troncy l . du Troncq .
Ibid. 1. 28. Avau , 1. Ruau .
P
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 2379. ligne 22. concluë-t'il , life , conclut-
il.
verte ,
P. 2397. l . 6. dont on a fait depuis peu la décou-
1. dour on a fait autrefois la découverte.
P. 2439. & 2440. de l'honnête homme , 1. d'honnête
homme
P. 2441.1 . 7. n'en n'a , l . n'en a .
P. 2445. 1. 11. à trois tems , l. en trois tems .
P. 2588. 1. 14. le fier , l. la fiere.
Neuviéme ligne de la Table ,faire, lifez fairefaire.
LaMédaillegravée doit regarder les pages 2398.23996
La Chanson notée, la page
25120
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
DECEMBRE. 1742 .
PREMIER VOLUME.
ora no hain
COLLIGIT
1704
2100
Spillow
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty
à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XLII.
Avec Aprobation & Privilege du
LA
AVIS.
' ADRESSE generale eft
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comédie Francoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreffe
des Lettres on Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
Les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , au les Particuliers qui fouhaiteront,
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
l'heure à la Pofte, on aux Mesageries qu'on
lui indiquera.
5. PRIX XXX. SOLS
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
DECEMBRE 1742 .
PIECES FUGITIVES,
en Vers et en Prose.
ODE A CLIMENE.
D
Es Myrthes que dans Cythere
Vénus vous a fait cueillir ,
D'une beauté paffagere
Pourquoi vous enorgueillir
Hélas ! c'eft un bien , Climene ,
Que le Tems , qui vous l'amene ,
Se plaît à vous enlever :
Voyez l'Amour qui s'envole
I. Vol.
+
A ij Prec
2556 MERCURE DE FRANCE
Prêt à détruire l'Idole
Qu'il a pris foin d'élever .
*
On voit les Graces éclofes
Sur ce teint femé ďapas
Parmi les Lys & les Roſes
Livrer d'aimables combats :
Mais , de ces couleurs fleuries ,
Bien-tôt pour toujours flétries
Paffera la nouveauté ,
Et fuccederont les rides
A des inftans trop rapides
D'une fragile beauté,
H
Connoiffez mieux la contrée
Des plaifirs & des beaux jours ;
Les uns font beaux , fans durée ,
Les autres doux , mais trop courts ,
Si dans cette verre ingrate
L'on goûte un plaifir qui flate ,
Les chagrins que la raiſon
Bien -tôt après y mo :ffonne ,
Du Printems & de l'Automne
Font une même ſaiſon .
*
Ainfi pour la récompenſe ,
La
DECEMBRE . 1742
2557
La Beauté fait les regrets
De qui met la confiance
En fes fragiles attraits :
Semblable à ces heureux fonges ,
Ou plutôt à ces menſonges
Formés au fein du fommeil ,
Dont l'agréable impoſture
Ne plaît, qu'autant qu'elle dure ;
Et ne déplaît qu'au reveil..
*
Vous me direz que les charmes ,
Du Tems fuperbes vainqueurs ,
Loin de lui rendre les armes
Attaquent encor les coeurs :
Que fes coups les plus funeftes
Sçavent respecter les reftes
De fon éclat triomphant ;
Qu'en attraits du moins fertile
Telle que le Parthe agile ,
La Beauté bleffe en fuyant.
*
Je fçais qu'à ces coups barbares ,
Dont le Tems les vient fraper ,
On voit des Beautés plus rares
Heureufement éhaper.
Au labyrinthe des Graces
A j
Elles
2558 MERCURE DE FRANCE
Elles confondent leurs traces
Sans fortir de fes détours ,
Et par une heureuſe adreffe
Elles s'y perdent fans ceffe ,
Et s'y retrouvent toujours.
*
Mais , fi d'un tel privilége
Le Tems fe fent outragé ,
Par la Mort , qui les affiége ,
Il n'est que trop tôt vengé.
Victimes infortunées ,
A fes traits abandonnées ,
La Mort leur vient arracher
Un bien belas ! trop nuiſible
Mais dont la perte infenfible
Les auroit pu détacher,
*
"
Ce n'eft pas qu'on vous défende
De jouir de vos attraits ,
Ni que le Ciel vous commande
De méprifer fes bienfaits :
Pour les dons qu'il nous diſpenſe ,
D'une fage joüiflance
Il exige les tributs :
Des biens , qu'il donne en partage ,
Il autorife l'ufage ;
H n'en défend que l'abus.
Mais
DECEMBRE. 2559 1742.
Mais , loin de vous ces maximes
Que dicte la volupté ,
Source féconde de crimes ,
Compagne
de la Beauté.
» Qu'il ne faut fonger qu'à plaire ›
Qu'on doit en tout fatisfaire
Ses penchans & fes defirs ;
» Et qu'exempte de fageffe ,
» La faifon de la jeuneſſe
» Eft la faifon des plaifirs.
A la vertu plus fidelle
Ecoutez plutôt fes cris ;
*
La Beauté, foible fans elle ,
Perd fon véritable prix ;
Qu'elle ait une deſtinée.
Ou plus longue ou plus bornée;
N'en cherchez point le fecret
Poffedez la fans attache
Alors le coup, qui l'arrache,
La fait perdre fans regret.
Le Miere.
A iiij
EX2560
MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre de M. le Sage ;
écrite de Genève le 3. Août 1742. Sur un
Article de la Bibliothèque de Bourgogne
& c.
' Ai lu , M. ce qui me regarde dans la Bibliothéque
des Auteurs de Bourgogne , à
Dijon , chés Philipe Marteret 1742. Cet
Article a befoin de quelques éclairciffemens.
Mon pere François le Sage de la Colombiere
, étoit le troifiéme fils de Jacques le
Sage , Seigneur de S. Martin de Comunes &
de Vilars. Nous avons eu dans notre Famille
plufieurs Confeillers au Préfidial d'Autun
; Madame Languet de Sivry , née le
Sage , eft fille d'un Avocat , & petite - fille
& niece de Confeillers d'Autun ; elle a
deux coufins germains le Sage de Fontenai
à Copenhague , qui font groffe figure . Un
coufin germain le Sage , au Service des Etats,
dont le pere, mort à Breda, étoit Colonel de
Dragons. Un neveu le Sage de la Creuse à
Magdebourg. J'ai auffi un coufin le Sage de
Vilars à Berlin .
Mon pere mourut le 15. Août 1687. dans
fa Métairie de la Moliere , & fut enterré
dans l'Eglife de Saint Berain fur la Dahune.
La Juftice de Mont Cenis , animée d'un zéle
outré
DECE MBRE. 1742. 2561
outré pour l'obfervation des Ordres du Roy
fe tranfporta en Corps fur les Lieux , condamna
le corps du défunt à être exhumé &
jetté à la voirie ; la Veuve aux dépens & à
600. livres d'amende . La Sentence fut prononcée
devant le lit de la Veuve , qui étoit
malade , laquelle par Apel fit caffer cette
Sentence au Parlement de Dijon , qui s'eft
toujours diftingué par fa droiture & par fa
modération , comme notre famille l'a fouvent
éprouvé, & tout récemment depuis cinq
ou fix femaines , dont nous conferverons toujours
les fentimens d'une reconnoiffance
refpectueufe..
Ma mere Anne d'Aubigné de Geneve, étoit
fille de Nathan d Aubigné de la Foffe , Médecin
& Mathématicien , Membre des deux
Cent, lequel ayant époufé la fille du Conſeiller
Crepin , fut gratifié de la Bourgeoifre..
Voyez les MemoiresdeTheodore Agripa d' Aubigné,
à Amfterdam, 173 1. p. 200. Les Defcendans
en ligne mafculine de Nathan d'Aubigné,
font un Major du Château de Sedan . Un
Major du Château de .. dans le Rouffillon ..
Un Capitaine & un Lieutenant dans le Ré--
giment de la Marine , du fils de M. le Comte?
d'Aubigné , Lieutenant Géneral & Infpecteur:
Géneral des Armées du Roy. Il y a auffi une:
Dame d'Aubigné dans l'Abbaye Royale de:
Terrafcon , & une autre à Paris dans le Con-
A. Vi VcJac
2562 MERCURE DE FRANCE
vent de la Présentation , Fauxbourg Saint
Marceau , rue des Poftes : J'ai la minute
du Teftament de Theodore Agripa d'Aubigné
, plufieurs lettres de M. de Vilette , fon
Gendre , adreffées à M. Nathan d'Aubigné ;
& plufieurs lettres de feu M. le Maréchal-
Duc de Noailles à M. George - Louis d'Aubigné
à Genêve. En 1737. je fatisfis pleinement
la curiofité de M. le Comte d'Aubigné
fur cette matiére .
Le premier Septembre 1721 , j'époufai
Marie- Anne Camp , fille de Chriftian Camp,
de Cologne,, admis à la Bourgeoifie de Genêve
, le 11. Decembre 1683. Le 13. Juin
1724. il me nâquit un fils, que je nommai,
George-Louis. Il eft affés avancé dans fes études,
& ne perd rien à être connu .
Comme le Monde eft à préfent inondé
de nouveaux ſyſtêmes de Phyſique , je n'oſerois
propoſer une nouvelle Edition de ma
Philofophie corrigée & augmentée. Mon fils
qui s'aplique plus à cette forte d'étude qu'il
ne convient à fon état , le fera peut - être un
jour. L'amour de lá Philofophie a beaucoup
nui à mon Etabliffement. Je fuis & c.
*
ELOGE
DECEMBRE. 1742 2563
ELOGE FUNEBRE de M. Bori ;
Curé de S. Pierre de Chemillé , décedé le
22. Avril 1741. par M. de la Soriniere
en Anjou.
Fidelé à fes devoirs , tranquile , pacifique ,.
Ilgouverna feize ans , & ſe fit regretter.
Vous , Veuves , Orphelins , que j'entends lamen
ter ,
Vous reclamez en pleurs ce zéle féraphique
Dont les tendres effets vous firent fubfifter.
Mais , pourquoi vainement au milieu des allarmes
Prodiguer vos fanglots & répandre des larmes :
Ge Pere , ce Paſteur, brûlant de charité
Libre de toute inquiétude ,
Habite avec fon Dieu la céleste Cité ;.
Il ne fera plus d'autre étude :
Que celle de la vérité..
Si , répandant partout les biens & l'allegreff ,,
Vous cûtes tant de part à fa vive tendreffe ;
Ne vous figurez pas, qu'amolliffant fon coeurr
Quelque motif humain engagea ce Páſteur..
L'ardente charité , cet amour ineffable ,
Sçût allumer pour vous fon zéle fecourable ;
Our ; vous en fûtes le fujet ::
Mais JESUS - CHRIST en für l'objet
A vj. DIE
2564 MERCURE DE FRANCE
****************
DISCOURS fur la Gloire.
NOus naiffons tous avec un penchant
fecret pour la Gloire ; ce penchant ,
fortifié par l'âge & par l'émulation , eft dans
les grands coeurs la fource féconde des
actions héroïques , & dans les ames vulgaires
la caufe principale de l'induftrie &
du travail .
La Gloire eft la récompenfe la plus ordinaire
& la plus précieufe du mérite dans
tous les états ; mais s'il n'eft rien de plus
naturel que de rechercher cette récompenfe
( qui eft une fin permife & loüable ) il n'eft
rien en même tems de plus ordinaire que
de fe tromper dans le choix des moyens .
Divers chemins s'offrent à nous pour
nous y conduire ; on y va même quelquefois
par le mépris que l'on en fait , témoins
les Philofophes orgueilleux qui affectoient
de s'abaiffer aux yeux des hommes , pour
s'élever plus sûrement dans leur efprit.
C'est particulierement à la valeur & aux
n bles travaux qu'elle infpire , qu'eft attachée
1 premiére & la plus éclatante idée de la
Gloire , cependant il faut convenir que dans
les bonnes regles , les exploits militaires
les plus brillants , ne produifent une véritable
DECEMBRE 1742. 2565
table Gloire , que quand ils font eux - mêmes
produits par la Juftice .
C'eft la Juftice qui annoblit & qui perfectionne
toutes les actions de la vie ; c'eft
de fes mains pures que les Rois doivent
tenir leur Couronne , les Conquerans leurs
Lauriers , tous les hommes leurs avantages
& leurs honneurs .

Si le plus digne emploi de la Juftice
eft de diftribuer ces honneurs refuferat
- elle d'en faire part à fes Miniftres , qui
tout dévoués à fon culte , écoutent religieufement
fes Oracles & les prononcent aux
peuples ? Cette aimable Fille du Ciel forme
dans leur efprit la vafte idée qu'ils doivent
avoir de leur miniftére , & met dans la bouche
de la renommée les Eloges que mérite
leur aplication à le remplir fidelement.
La Gloire que tous les hommes défirent
fans la connoître , que plufieurs ufurpent, au
lieu de l'acquérir , que peu poffedent faus
la perdre , fait avec juftice l'emprellement
& la perfection des Princes ; Grands par
la naiffance , ils ne font heureux que par
la Gloire ; c'eft - elle qui affermit leurs Etats ,
qui intimide leurs ennemis. , qui charme
leurs fujers.
S'ils font les images vivantes de la Divinité
& les facrés dépofitaires de fa Puiſſance ,
Ja Gloire perfectionne cette reffemblance &
ajoûte
1566 MERCURE DE FRANCE
ajoûte un nouvel éclat à cette authorité ;;
elle leur acquiert une espece d'immenſité
par leur nom qui fe répand par tout ; une
maniere d'immortalité par leurs actions qui
ne périffent point , un certain genre d'infi
nité par leur pouvoir que rien ne borne
elle leur communique même jufqu'au fouverain
domaine de Dieu , en leur gagnant
les efprits & les coeurs , dont le rang &
l'illuftration de la naiffance ne fçauroient les
rendre maîtres.
Sans la Gloire >, le Trône des Rois eft un
Sanctuaire fouillé , c'eft un Théatre qui les
expofe aux yeux de tout le monde , & qui
met leurs imperfections dans un plus grand
jour. De-là ce penchant naturel , cette
noble paffion des Princes pour la Gloire ..
Il est vrai que plufieurs fe trompent dans
l'idée qu'ils s'en forment ; tel s'imagine courir
à la Gloire , qui s'en éloigne fouvent par
autant d'actions , qu'il croît faire de pas
pour y arriver , & il eſt affés mal aiſé d'en :
découvrir les véritables routes ; heureux .
ceux qui peuvent y parvenir !
Tous les hommes défirent de s'élever , &:
cette malheureufe conformité de défirs les
divife ; ils agiflent en rivaux , qui ne peuvent
fe fatisfaire fans fe détruire , parcequ'ils
ne peuvent poffeder enfemble les mêmes.
avantages ; la criminelle révolte du premierhomme
DECEMBRE. 1742: 2567
homme eft la fource funefte de ce malheur.
Avant le peché les paffions étoient inconnuës
ou dociles ; la joye , l'union , la paix
formoient cette heureuſe innocence dont - on
aime encore le nom , & dont on
regrette
tous les jours la perte , quelque peu de:
foin que l'on prenne de la réparer.
Mais , depuis que l'homme a ofé s'élever
contre fon légitime Souverain , on a vû par
une jufte punition toutes les créatures s'armer
les unes contres les autres ; l'homme
ayant tout perdu , s'eft mis en état de tout
chercher, comme s'il pouvoit tout acquérir ;
l'éclat même du Diadême n'a pû mettre les
Souverains à couvert de cette corruption
générate ,& fouvent on les voit renoncer volontairement
au plaifir réel de poffeder ,
pour la vaine efpérance d'acquérir , & préférer
les avantages douteux de la guerre au
bonheur affuré de la paix.
L'élévation de leur rang ne sert fouvent
qu'à les faire gémir fous le poids de l'indigence
au milicu même de l'abondance &
de la grandeur ; en vain pour éloigner de
leur efprit cette idée trop humiliante , regardent-
ils toutes les créatures comme des
inftrumens de leur Gloire ? on peut toujours
dire qu'ils font foibles par cux- mêmes,
& qu'ils ne font puiffans que par les autres .
L'ambition qui regne en Souveraine dans
l'ame
2568 MERCURE DE FRANCE
l'ame des Grands femble étendre fon empire
fur eux , à mesure qu'ils étendent le leur
fur ceux qui leur font foumis ; jamais contente
de ce qu'elle poffede , elle afpire par
toutes fortes de voyes à ce quelle n'a pas
encore acquis ; elle arrête , elle chaſſe toutes
les autres paffions , & en triomphe fans
peine ; le tems qui diminue tout , lui donne
de nouvelles forces , & bien loin d'être découragée
par les obftacles qu'elle rencontre ,
ils ne font qu'irriter fon avidité pour une
fauffe gloire .
De cet orgueil injufte , mais naturel à
P'homme , naît une ardeur immodérée de
paroître avec éclat ; elle s'augmente de
jour en jour par le foin qu'il prend de la fatisfaire
, femblable au feu qui prend de nouvelles
forces à mesure qu'il s'éleve : ce fu
perbe s'imagine que la véritable Gloire confifte
en une fierté hautaine , & dans une
continuelle élévation , qui le fepare pour
ainfi dire du refte des hommes , ou qui ne
le porte à fe communiquer avec eux , que
pour recevoir leurs foumiffions & leurs honimages.
Mais , à juger des chofes felon les principes
d'une raifon éclairée , les plus fameufes
, les plus éclatantes actions font inutiles
pour la vraye Gloire , fi la clémence , la
modération , & la modeftie . ne les accompagnent
DECEMBRE . 1742 2969
pagnent pas ; tel eft le prix de ces vertus
raffemblées , qu'elles furpaflent le mérite de
toutes les autres : la puiffance , la grandeur ,
la force , le courage , font des qualités affés
brillantes , pour furprendre l'eftime des
hommes , mais trop peu folides pour fa
D. D. Segufianus.
mériter.
出典:::
A Madlle L ..... qui avoit brodé des
Manchettes pour l'Auteur.
OH! que je vais faire le brave ,
Et me promener d'un air grave
Les bras tendus , le nez en haut
Tout comme feroit un badaut !
Je les ai , mes belles Manchettes ,
Ce ne font pas là des fornettes ;
Un vieux barbon , porte lunettes ,
Les couferoit à fes gougettes.
J'en vais orner ma chemiſette ,
Et non les mettre en ma pochette.
Il me faut pour ce , faire emplette
D'un bout de toille bien finette ,
Car un ouvrage de Liſette
?
Vaut mieux qu'un préfent de Nonette.
Si par fois elle étoit coquette ,
Je
2570 MERCURE DE FRANCE
Je pourrois fur mon Epinette ,
Sur ma Vielle ou ma Mufette ,
La régaler d'une ariette ,
Ou bien de quelque Chanfonnette ;
Fût-elle même un peu folette ..
Mais non ; ne contez point fleurette ,
Mufe , foyez plutôt difcrette ,
Car reconnoiffance fecrette
Vaut bien mieux chez moi que Trompette ;
Ainfi demain dans ma chambrette ,
Que je tiendrai bien propre & nette ;
Si vous voulez venir feulette
Avec votre Soeur non cadette ,
Je vous envoirai ma Roulette ,
Auffi cloſe qu'une Caffette ,
Et moins rude qu'une Brouette.
N'attendez pas chere complette ;
Nous mangerons la Côtelette ,
Chacun aura fon Alouette ,
Sans oublier la Tartelette.
Puis tenant en main la pincette ,
Faifant du feu lever bluette ,
Nous conterons hiftoriette ,
Qui nous fervira d'amufette ,
Et vous n'y refterez muette ,
Si mieux n'aimez joüer , Siſette ,
Reverfi , Quadrille , ou Baffette;
Je
DECEMBRE . 1742 2571
Je vous attends , c'eft choſe faite ,
Ainfi vous dis , adieu , Brunette.
Par M. P ..... à Lille en Flandres:
II. LETTRE fur le Bureau Mufical.
J'aivû avec plaifir, Monfieur, dans la lettre que vous m'avez fait l'honneur de
m'écrire , les difpofitions favorables où font
MM. vos Maîtres de Mufique , touchant
l'ufage & la pratique du Bureau Muſical :
j'efpere qu'après y avoir bien penſé , ils ne
feront plus les mêmes difficultés qui ont été
faites inutilement par quelques critiques , prévenus
contre le Bureau Typographique.Vous
fçavez,M. que j'ai mis des gens , prefque fans
étude, au fait de laTypographie, & en état de
la montrer. Le coeur & l'efprit tiennent fouvent
lieu de fçavoir & de difpofition ; j'éprouve
cette vérité , même à l'égard du Bureau
Mufical , & je forme un fujet qui va
dans être au fait de ce Bureau
n'a befoin que de fçavoir lire & chanter les
intervales ; avec cela feul, il mettra dans peu
un enfant en état de paffer entre les mains
d'un vrai Muficien, quand les parens le juge
ront à propos.
peu
il
La
2572 MERCURE DE FRANCE
Le Bureau Typographique de la tringle en
pulpitre , qui n'a que les lettres & non les
fons compofés , précéde les Bureaux de 4. &
de 6. rangs , fans induire les enfans en erreur.
Dans les Ecoles ou dans les Colleges on
fait la feptiéme & la fixième claffes, fans fe mêler
de la Réthorique ; tous les Muficiens induifent-
ils en erreur, lorfqu'ils montrent une
feule clé , par exemple , celle de fol fur la
feconde ligne , & enfuite celle d'nt fur la
premiere ?
Le même figne fur la même ligne peut recevoir
fept noms par le moyen de fept pofitions
de clés . Eft- ce induire les enfans en erreur
? Le tems viendra qu'on leur fera voir
la marche des clés fur l'échelle dont les autres
font partie .
Dans la Mufique comme dans la lecture , on
doit fuivre un ordre ; il y a des notes indéterminées
& d'autres déterminées. Celles qui
n'ont point de clé fur les cartes ,font indéter
minées, & celles qui ont une clé fur la carte,
font déterminées . Dans le magazin du petit
& du grand Bureau , il y a des cartes contenant
une ou deux mefures de notés indéterminécs;
on les détermine enfuite par differentes
clés ; les cartes de ce magazin commencent
toutes dans la leçon du Dimanche par
ut , le Lundi par re , le Mardi par mi , le
Mercredi par fa , le Jeudi par fal , le Vendredi
DECEMBR E. 1742 25.73
dredi par la , le Samedi par ; ces notes initiales
remettent facilement les enfans dans la
de la lecture & de l'intonation .
voye
Quand je ne confeille qu'une clé & celle
d'ut , fur la premiere ligne avec l'ufage des
feules noires , je vous ai déja dit pourquoi ,
c'eft par l'a , b , c , mufical contenu dans la , b , c ,
cette clé que l'on doit commencer ; chaque
Muficien ne commence-t - il pas par une clé ?
Şeroit- on fondé à lui dire qu'il induit en erreur
? Il eft vrai que par ma fupofition l'indéterminée
fur la premiére ligne s'apelle ut ,
c'est-à- dire qu'elle doit être mife dans la logette
étiquetée ut , quoiqu'elle puifle être
nommée fol , ou de fept maniéres.
>*
Mais ces difficultés regardent les Muficiens
qui n'ont pas encore eu l'adrefle ou le bonheur
de réduire la Mufique à une feule marche
, à une feule clé , ou fur une même
ligne , comme Mrs Sauveur , Demos , &c.
l'avoient propofé . Dans le grand Bureau Mufical
& à la traverfe du milieu , au lieu de
mettre le nom déterminé de la note , on
pourroit y mettre la note indéterminée fans
nom & fans clé fur la portée des cinq
lignes , au lieu de l'étiquete ut , & l'enfant ,
d'un coup d'oeil , verroit le figne & la note ;
on pourroit auffi étiqueter felon la game tout
au long C , fol , ut , &c. Mais le plus fim
ple eft toûjours préférable ,
,
>
La
574 MERCURE DE FRANCE
Le Bureau Mufical de la premiére clafle
ne doit pas contenir le Bureau des autres
claffes ; vos Mrs n'ont pas bien faifi l'efprit
d'ordre & systématique ; ils font un peu dans
le préjugé , pourquoi commencent - ils pas
les rondes & par les blanches compofées de
plufieurs notes ou de plufieurs tems ? Pourquoi
ne font- ils battre la meſure le premier
jour ? Pourquoi n'aprend on pas à danfer
avant que d'aprendre à marcher ? Le BureauMufical
eft élémentaire, & pour les enfans
plûtôt que pour les hommes faits stant qu'on
ne partira pas de- là , on reftera dans le préjugé
des Méthodes vulgaires .
pas
Tout l'élémentaire eft dans le Bureau Mufical
, mais il ne s'enfuit pas que dès le
commencement , il faille montrer tout. Dans
Le BureauTypographique , la logete étiquetée
eau contient bien des combinaiſons differentes
: la lettre X de la même logete peut être
employée pour les cinq maniéres , s , z , cs,
gz , k , dans les mots Bruxelles , dixième ,
axe , exil , excès ; pourquoi le Bureau Mufical
n'auroit- il pas des logetcs à divers
ufages ?
Vous m'aprenez par votre lettre,M. ce que
je vous ai écrit il y a long- tems fur la variété
des Bureaux, foit pour étiqueter des logetes,
foit pour mettre l'Octave avec la même queue
ou avec une queue differente que le chant
détermine ,
DECEMBRE. 1742. 2575
determine , fur la même ou fur une differente
marge.
Si vous étiez un peu plus au fait de la Mufique
, vous verriez la vérité de ce que je
vous ai écrit touchant les differentes efpéces
de Bureau Muficak , dont l'une met la clé
après la note , & toutes les clés fervant d'étiquetes
à la carte fe cachent en compofant.
Je n'ai rien de fecret pour vous , M. J'ajoûte
qu'on peut montrer à lire la parole & la
Mufique en même tems .
J'ai l'honneur d'être , &c.
dikaikaka
SONNET.
A Mlle R..... qui , en tirant l'Horofcope
de l'Auteur , lui avoit prédit &c.
Souffrez qu'à vos genoux , Sybille incompa
J'abjure un fentiment , que l'incrédulité
Toujours du merveilleux Juge peu favorable ,
M'avoit , contre votre art , injuſtement dicté.
D'un avenir heureux , par votre organe aimable
,
L'amour flatoit en vain ma curiofité ;
Je traitois follement de chimere & de fable
Le principe certain de ma félicité.
Mais
376 MERCURE DE FRANCE

Mais tandis que ce Dieu prononçoit fon
-oracle ,
Vos charmes , de concert operant leur miracle ,
De mon efprit bien- tôt fe rendirent vainqueurs ,
Et j'éprouvai du Sort l'infaillible puiffance ;
Quand pour exécuter fes Arrêts fur les coeurs
Il femble avec vos yeux être d'intelligence.
L. M....
DISCOURS prononcés au Parlement
de Provence , par un de Meffieurs les
Avocats Generaux. TOME SECOND. I.
vol. in 8 °. de 575. pages . A, Paris , chés
Quillau , ruë Galande , à l'Annonciation.
M. DCC. XLI.
Nous avons déja fait connoître le mérite
de ce Recueil , à l'occafion du
premier Volume , dont nous avons renducompte
dans le tems : ainfi nous nous contenterons
de raporter en entier un de ces
Difcours , à caufe de la fingularité de la
Queftion qui en fait le fujet ; on le trouve
à la page 27. de ce II . Volume.
XVII . DISCOURS. Si l'Enfant né un an
& douze jours après l'embarquement de fon
Pere pour un voyage de long cours eft
légitime.
MESSIEURS
>
1
DECEMBRE.
1742. 2577
MESSIEURS , l'incontinence eft liée avec
tous les vices ils marchent prefque tous
devant- elle , ou viennent à fa fuite . La caufe
que vous avez à juger , en fournit un exemple.
Un homme fe livre à un amour déréglé
, cette folle paffion le rend infidele , le
rend injufte , lui fait oublier fon propre
fang , pour adopter un fang que toutes les
Loix reprouvent. Le défordre de fa complice
va plus loin. Pour elle , c'eft peu de
violer la Foi conjugale ; elle veut fe donner
deux maris à la fois. Elle change & fait
changer de domicile à celui qu'elle tient
dans fes fers ; elle forge de faux Actes , &
ne pouvant venir à fes fins , elle veut au
moins que tant de crimes ne foient
perdus. A force d'infinuations & de careſſes ,
pas
elle fait tant , qu'enfin elle fe trouve maîtreffe
d'une fucceffion confidérable.
Ce font les reproches que les héritiers du
fang font à Delphine Barriere , principale
Actrice dans ce procès. Mais les heritiers
du fang font- ils croyables ? Leur interêt
bleffé ne les aveugle - t-il point ? Qui eft en
droit de relever les
irrégularités d'une
femme dont le mari ne fe plaint pas ? Et qui
jamais s'eft avifé de contefter l'état d'un
Enfant né fous la foi du Mariage , que le
pere avoue & qu'il reconnoît ? Parce que les
parens de feu Chaulan fe trouvent dépouil-
I. Vol.
B lés
2578 MERCURE DE FRANCE
.
lés d'un héritage , qu'ils s'étoient déja partagé
dans la penſée , faut il que tous ceux
qui ont eû quelque part à fes libéralités
foient perdus d'honneur ? Ils feroient encore
fans reproche , fi le premier Teftament
avoit fubfifté ; parce qu'il a été changé
feront- ils noircis des plus grandes infamies ?
Vous démêlerez la vérité à travers les fauffes
couleurs dont on a tâché de l'obſcurcir
quand nous vous aurons mis à portée d'en
juger par le précis du fait & des défenfes
refpectives .
Charles Chaulan fit fon Teftament le 8 .
Mars 1726. I inftitue fon heritier Jofeph
Chaulan , fon neveu. Il légue à Delphine
Barriere , fa fervante , veuve ; c'eft ainfi
qu'il la qualifie , de Jean Baptifte Gras , en
recompenfe de fes fervices ; tous les meu-.
bles de fa maifon à Marfeille & à la Campagne
pour en difpofer à fa volonté . Il lui
légue de plus la jouiffance de ces deux
maifons pendant fa vie , à condition qu'elle
gardera viduité , fous le nom de Gras , fon
mari , & la prive de ce legs , fi elle fe remarie.
Deux ans après , Chaulan révoque ce tef
tament par un autre du 23. Fevrier 1728 .
où il inftitue fon heritier Charles Gras , fon
filleul , fils de Jean Baptifte Gras & de
Delphine Barriere à laquelle il légue
Cent
DECEMBRE.
1742. 2579
cent livres de penfion viagére : & pré--
voyant le cas où fon héritier ne pourra recueillir
fa Succeffion , il lui fubftitue l'Hô- :
pital Général de Marfeille.
Charles Chaulan ne furvéquit pas longtems
à cette difpofition. A peine ,fut- il
mort , que Jofeph Chaulan , fon neveu , fie
mettre le fcellé fur tous les effets de fon
oncle. Jean Baptifte Gras , en qualité de
pere & de légitime
adminiftrateur
de Charles
Gras , héritier inftitué , préfente requête
au
Lieutenant de Marfeille , pour être
maintenu en la poffeffion de l'héritage de
feu Chaulan , en vertu de fon Teftament de
1728. qu'il
communique , & en
conféquence
, il demande des dommages & intérêts
contre ceux qui avoient fait mettre le fcellé .
Jofeph Chaulan prend la même route ;
pourfuit devant le Lieutenant la caffation de
ce fecond
Teftament , & du Legs contenu
dans le premier , en faveur de Delphine
Barriere. Il fonde fa prétention fur Fincapa
cité de l'héritier & de la légataire , & fur .
plufieurs faits de fuggeftion .
il
L'Econôme de l'Hôpital intervient en
FInftance , pour réquerir que fi l'inftitution
de Charles Gras eft caffée , la fucceffion lui
foit adjugée , en conféquence de la ſubſti«
tution mife en fa faveur .
Toutes ces differentes queftions ayant été
Bij plai2580
MERCURE DE FRANCE

plaidées , le Lieutenant de Marſeille a rendu
fa Sentence , par laquelle l'inftitution d'héritier
de Charles Gras dans le Teftament de
1728. eft déclarée nulle , & le Jugement
des autres queftions eft fufpendu jufqu'après
l'examen des piéces du Procès , qui feront ,
remiſes à un Raporteur .
Jean-Baptifte Gras a relevé apel à la Cour
de cette Sentence , & l'a fait fignifier à l'Oeconome
de l'Hôtel-Dieu , & àJofeph Chaulan.
Celui - ci de fon côté apelle de la même
Sentence , au Chef qui fufpend le jugement .
des Queſtions concernant l'Hôpital & la Lé-.
gataire , & vous fuplie de les juger définitivement
en cette Andience . En même tems ,
il fait affifter à l'Inftance l'Oeconome de
l'Hôtel- Dieu , pour faire rejetter fa demande
en ouverture de Subſtitution , & Delphine'
Barriere , pour faire prononcer la caffation du
Legs à elle fait en 1726 , conformément aux
Conclufions, qu'il avoit déja prifes contr'elle
devant le Lieutenant .
Les Queſtions que vous avez à juger , fe
réduifent donc à trois ; à la caffation du
Teftament de 1728. à la fubftitution qu'il
contient en faveur de l'Hôpital , & à la caf
fation du Legs fait à Delphine Barriere dans
1 e Teftament de 1726.
1 Chaulan fonde la nullité du Teftament
ur deux moyens , & , felon lui , tous les
deux
DECEMBRE. 1747 258 %
deux également décififs , établiffent la nullité
du Teftament ; incapacité de l'héritier
écrit ; fuggeftion pratiquée par fa mere .
L'incapacité n'eft - elle pas manifefte ? Delphine
Barriere , mere de Charles Gras , héritier
inftitué , accouche de cet enfant dans
la maifon de feu Chaulan , dont elle étoit
fervante ; elle en accouche douze mois &
quelques jours après le dépar de fon mari
pour les Ifles de l'Amérique. Il eft donc illégitime
, adultérin ; il eft le malheureux fruic
de la debauche de Charles Chaulan , qui
voulut en être le Parrain , ne pouvant s'en
dire le pere ; il eft donc , fuivant toutes les
Loix , incapable de recueillir fes libéralités.
Pour conftater ce fait, qui forme tout le
noud de l'affaire , il n'y a qu'à rapeller quelques
dates. Delphine Barriére & Jean-Baptifte
Gras fe marient les . Janvier 1712. Deux
mois & 19. jours après , c'eft- à - dire le 24.
-Mars de la même année , le nouveau marié
s'embarque en qualité de matelot , fur les
Vaiffeaux du Roy. C'eft cé que nous trou
vons attefté par le Commiffaire de la Marine
de Toulon en ces termes : Nous Commiffaires
de la Marine , ayant la direction du Bureau
des Armemens de ce Port , certifions que le
nommé Jean-Baptiste Gras,de Marfeille,a fait
campagne fur le Vaiffeau le Téméraire , commandé
par M. de Bandeville , de l'Efcadre de
Buj M.
2582 MERCURE DE FRANCE
M. Caffard , à compter du 24. Mars 17127
jufques & compris le 6. Octobre 1713. qu'il
a été débarqué malade au Cap François , ainfi
qu'il apert par l'apostille marquée fur le rôle de
l'équipage dudit Vaiffeau , déposé en ce Bureau :
enfoi de quoi nous avons figné le préfent certificat.
Fait à Toulon le 1. Août 173.2.
Un an & douze jours après cet embarquement
de Jean-Baptiste Gras , Delphine Barziere
, fon épouse , accouche d'un Garçon le
5. Avril 1713. Son état peut- il être doureux
? Les Loix ne reconnoiffent point pour
légitime , l'enfant qui eft né après le dixiéme
mois de la mort de celui qu'on veut en faire
le pere. Ce n'eft donc ici que l'effet du libertinage
& de la débauche , à qui toute fucceffion
eft rigoureuſement refufée.
pas
Mais cette conféquence , dont les fuites
feroient fi funeftes à cet enfant , n'eſt - elle
trop légerement tirée ? On fçait que la nature
n'eft pas toujours réguliere dans fes opéra-
/ tions .
Elle fe plaît à fe mettre au deffus d'ellemême
, & à franchir fes propres loix . Pour
montrer , dit un Auteur , combien elle eft
libre & fouveraine dans fes actions , quelquefois
elle devance le terme ordinaire , &
prévient les voeux s quelquefois auffi , pour
irriter nos défirs , & réhauffer le prix de
fes dons , elle affecte plus de lenteur.
Mais
DECEMBRE. 1742 2583
Mais pourquoi recourir aux irrégularités
de la nature Il n'eft befoin que d'expofer
les ftratagêmes d'un amour innocent. Jean-
Baptifte Gras étoit encore dans les premieres
ardeurs du mariage . Quelques jours d'abfence
lui parurent des fiécles. Il s'échape ;
il- quitte le Navire qui étoit encore à la rade ,
& vient paffer près de deux mois auprès de
fon époufe . La fortune qui avoit favorifé fa
fuite , favorife auffi fon retour. A peine arrive-
t'il à Toulon , qu'une Barque Américaine
nommée la Marianne , fous le Commandement
d'un nommé Barban , le tranfporte
à la Martinique , ou ayant rencontré le
Capitaine qu'il avoit quitté au Port de Toulon
, il regagne fon bord, & avec lui va defcendre
au Cap François , où bientôt après
il eft laiffé malade le 6. Octobre 1713 .
De femblables avantures pourroient peutêtre
trouver place dans un Roman , où l'on
ne cherche que le merveilleux. Mais dans un
lieu , où la vérité feule eft en droit de fe faire
écouter , nous croirions la bleffer , & manquer
à la décence de ce Tribunal , de balancer
feulement des énonciations hazardées
fans preuve & fans autorité , avec un certificat
d'autant plus autentique , qu'il eft donné
par une perfonne publique , qui attefte ce
qu'elle a fous fes yeux , & qui dépend de
Les fonctions. Et véritablement il n'y auroit
Biiij plus
2584 MERCURE DE FRANCE
plus rien de certain ; tout iroit à l'avanture
fi on pouvoit par des fables ébranler les faits.
les mieux conftatés . Les bizarreries de la
nature , que l'on fe plaît à exagérer , ne
doivent pas faire plus d'impreffion. Quelquefois
plus prompte , fi on le veut ,
fi on le veut , & quel .
quefois plus tardive dans fes opérations , elle
a des bornes qu'elle n'outrepaffe jamais , &
dans fes lenteurs les plus pouffées , Delphine
Barriere ne peut trouver de reffource , ni
couvrir fous les defordres prétendus de la
nature , fes véritables defordres.
Mais qu'ils foient tels qu'on les répréfente ,
qui eft en droit de les relever ? La Loi ne
confie qu'au mari le foin de venger l'honneurde
fa couche fouillée , Jean - Baptifte Gras
ne fe plaint point de fon époufe ; fa foi ne
lui eft pas fufpecte ; il embraffe fon fils . Des
étrangers feront-ils reçûs à venir ſemer la
difcorde , à rompre des liens qui doivent
être indiffolubles , à couvrir la mere d'oprobre
, & à rendre le mari la fable & la rifée
duPublic Le mariage eft de l'ordre public ;
il eft fous la protection des Loix pour tout
ce qui le concerne au dehors , mais tout ce
qui s'y paffe dans le fécret , ne reléve que du
mari , qui en eft le chef. Et c'est une témérité
puniffable de troubler la paix domeftique
, fous quelque prétexte que ce foit ,
& d'ofer révéler des myftéres , qui devroient
être
DECEMBRE 1742 2585
être enfevelis dans l'oubli , quand même ils
feroient véritables .
Nous ne fommes pas furpris que Jean-
Baptifte Gras & fon époufe aplaudiffent à
ces judicieuſes réfléxions . Qu'est - ce que l'intérêt
ne couvre , n'adoucit & ne perfuade
pas ? Ce qui nous furprend , c'eft que férieufement
& devant des Juges fi fages , on
ofe débiter des principes fi contraires aux
bonnes moeurs. Puifque toutes nos Loix profcrivent
les difpofitions en faveur des enfans
adultérins il faut bien néceffairement qu'en
cas d'infraction , on puiffe leur opofer cet
état.
·
Sans doute que l'union conjugale mérite
toute forte d'égards , & que tout autre que
le mari n'eft recevable à pourfuivre une injue
qui ne regarde que lui. Mais , quand
cette union n'eft qu'une collufion honteufe
; quand le mari favorife la mauvaife
conduite de fa femme , qu'il en eft le´
voile & le protecteur , & que l'un & l'autre ,
foulant aux pieds toute confidération , &
toute bienféance , ne fongent qu'à afſouvir
une infame avarice par un moyen encore plus
infame , ceux qui fe trouvent lézés , ferontils
muets ? Non fans doute . Chacum pour
la confervation de fon droit a une action civile
Quoi donc ! Un fang étranger , un fang,
impur , viendra fe mêler dans les familleste
BY
2586 MERCURE DE FRANCE
le
ſe ſubſtituer au bon fang , au fang légitime ;
& il ne fera pas permis de le rejetter ? Des
parens verront l'héritage de leurs peres ,
prix de leurs travaux , devenir la proye d'un
vil fruit de la débauche , & il leur fera défendu
de fe plaindre ? Et ce défordre s'éta
blira à l'abri des Loix , & fous le voile ſacré
du mariage ?
Ce que les Loix fe propofent en profcrivant
toute difpofition en faveur des adultéres
, & de toutes ces malheureufes productions
de conjonctions illégitimes , c'eſt
d'empêcher que la corruption ne gagne ; c'eſt
d'opofer des digues au torrent du vice , en
éloignant tout ce qui peut lui fervir d'aliment
ou d'amorce ; c'eft auffi de conferver le
patrimoine des familles contre la féduction
des paffions. La fageffe des Loix , que feroitelle
qu'une belle idée, & l'incapacité des enfans
illégitimes qu'un vain nom , fi perfonne
n'avoit ni l'action , ni le droit d'attaquer leur
inftitution ? Ils trouveroient dans la qualité
d'héritier , dont toutefois ils font incapables ,
un moyen de l'êrre impunément. Rien fans
doute n'eft fi abfurde; donc il eft plus que certain
qu'on peut relever les vices de la naiffance
pour la confervation de fes droits , &
réclamer une fucceffion que la nature nous
défére , & qu'une collufion infame veut nous
enlever.
Mais
DECEMBRE. 1742. 2587
-
Mais , avec ce pouvoir d'attaquer l'état de
Charles Gras , Chaulan ne fait pas fa caufe
meilleure. Gras eft né fous la foi d'un légitime
mariage , juftifié par les titres les plus
autentiques , les plus folemnels , les moins
fufpects C'est là un mur d'airain contre lequel
tous les efforts de Chaulan ne font
que blanchir.
Car , comme dans l'ordre politique , le pere
eft toujours incertain , & qu'il n'eft pas en
la puiffance d'un enfant de prouver qui lui a
donné l'être , les Loix ne s'arrêtent qu'à ce
qui frape les fens ; elles déclarent que celuilà
eft tenu pour le vrai pere , qui paroît l'être
par fon mariage : Pater eft quem nuptia demonftrant.
Elles ne confiderent que la naif
fance , dont on ne peut douter , & jamais la
conception, dont on ne peut avoir de certitu
de. Liles préfument pour l'innocence d'une
femme légitime, & au lieu de combattre céqui
eft vifible , par ce qu'on ne peut voir ,
elles veulent que par ce qui eft vifible , on
explique ce qui eft impénétrable . Juftius occulta
de manifeftis præjudicare , quàm manifefta
de occultis pradamnare
Ces Loix , plus fortes que les plus violentes:
conjectures, font préfumer que Jean Baptiſte
Gras eft le véritable pere de celui qui porte
fon nom. Cette préfomption eft du nombre:
de celles , contre lesquelles nulle
B vj
preuve
&
nuli
2588 MERCURE DE FRANCE
nul raifonnement ne peuvent être propofés ."
C'est ce qui affûre le repos des familles ,
l'honneur des maris , & l'état des enfans...
,
?
Eh ! comment des enfans feroient- ils reçûs
à former des doutes fur ce point , puifque
les peres mêmes ne font pas écoutés Les⚫
enfans ne font pas feulement à ceux qui leur
donnent naiffance ; ils font à la République ;
c'eft elle qui les fait citoyens ; qui fait leur
état & leur fortune. Que le pere & la mere
concertent , pour rendre leurs enfans légitimes
& capables de leur fuccéder ; tout ce
qu'ils peuvent n'eft rien , s'ils ne les font naître
fous la foi du mariage. Mais auffi , les enfanst
font- ils nés fous ce fccau facré , rien ne les
peut dépouiller du droit d'enfans légitimes,
pas même ceux qui leur ont donné l'être .
Leur état eft de droit public & fous la protection
des Loix , & par conféquent auffi invariable
que les Loix mêmes. Aufli voyonsnous
que les Loix Romaines , qui permet
toient aux peres de deshériter leurs enfans
& même de les tuer , ne leur permettoient
pas de les rejetter comme étrangers . Ils étoient
maîtres de leur vic , mais non pas du titre de
leur naiflance.
D'où il fuit évidemment que quand même
Delphine Barriere auroit vécu dans un mauvais
commerce avec Chaulan , fon crime ne
pourroit pas nuire à fon fils , ni lui être opofé,
puifqu'elle
DECEMBRE . 1742.. 2589
>
Puifqu'elle pourroit être en même tems adul
tére , & fon fils être né de fon pere légitime .
Que les maris obfervent , dit un ancien Rétheur
; qu'ils difcutent les moeurs de leurs
femmes qu'ils exigent d'elles non - feulement
de la retenue & de la pudeur , mais
une chafteté févéres pour les enfans , c'en
eft affés qu'ils foient nés d'une femme légitime.
C'eft pour conftater leur naiffance ,
qu'un de nos plus fages Rois a introduit
l'ufage des Régiftres. Ce font des dépôts
facrés de la foi publique , & qui acquiérent
un droit public & irrévocable aux enfans.
Or , par l'autorité de ces Actes Charles
Gras le trouve légitime. Il n'eft perfonne
qui puiffe produire un témoignage plus fidéle
de fon état & de fon origine.
La fuite pour un autre Mercure.
១៣
COUPLETS adreffés à Mlle le Maure
repréſentant le rôle d' Aricie. Sur la feconde
Gavotte du Prologue.
CER' E n'eft point une Mortelle
Qui forme de fi doux chants :
C'eſt Venus ; elle rapelle
2590 MERCURE DE FRANCE
Et raffemble fes enfans .
Je les vois voler près d'elle ,
Pour mieux entendre fes chants.
De Rameau , belle le Maure ,
Vous partagez tout l'honneur .
On l'admire , on vous adore :
De l'efprit l'art eft vainqueur ;
Wu pouvoir plus doux encore
Vous fait triompher du coeur.
MADRIGAL
Sur le même Sujet.
J'Admirois Rameau par lui - même ;
Quandfon art ne m'offroit que lui :
Mais , belle le Maure , aujourd'hui
C'eft par toi feule que je l'aime.
先丸丸
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Genève
le premier Septembre 1741. au sujet d'une
Infcription Romaine.
CMeffieurs les Antiquaires , cft à Talvire ,
Ette Infcription , capable d'exercer
Bourg fitué fur le bord du Lac d'Anecy , en
Savoye , à deux lieuës environ de distance
de
DECEMBRE
. 1742 : 2595
de cette Ville . Il y a là un ancien Monaftére
deBénédictins
, fondé par Emengarde
, épouse
de Rodolphe
III . Roy de Bourgogne
.
L'Infcription
eft gravée fur une Pierre, enchaffée
dans le mur de l'Eglife de ce Monaftére,
immédiatement
au -deffus du Portail.
Guichenon la raporte dans fon Hiftoire de Savoye
, mais fi défigurée , qu'elle eft preſque
inintelligible
. L'Abbé , qu'on a prié de vouloir
l'examiner de nouveau , en a envoyé une copie
fort fidéle . C'eft un Religieux des plus
obligeans , & toujours prêt , fuivant l'efprit
de fon Ordre , à favorifer l'étude de l'Antiquité
& les Belles Lettres. Après ce témoignage
, qu'exigeoit
la reconnoiffance
, voici
l'Infcription
dont il s'agit , garantie parfai
tement conforme à l'original.
HOROLOGIUM CUM SUO
EDIFICIO. ET
SIGNIS OMNIBUS ET CLATRIS .
C. BLASIUS . C FIL. VOLTINIA
GRATUS EX , H - S. N
ET EO AMPLIUS AD ID .
HOROLOGIUM ADMINIS.
TRANDUM . SERAM . H- S . N IIII .
D. S. R.
Il me femble que cette Infcription nous
aprend que Caius Blafius Gratus , fils de
Caius, de la Tribu Voliinienne , a fait conftruire
2592 MERCURE DE FRANCE
ftruire à fes dépens , pour l'ufage du Public ;
un Edifice où il a mis une Horloge , & qu'il
l'a garantie par une grille , ou une baluftrade
(Clatris) ; qu'il a donné pour cela un
certain nombre de Sefterces , ( H. S.) ; qu'il
a établi un Efclave pour avoir foin de cette
Horloge , ( Serum pour Servum ) & qu'il
donne pour ce dernier article N. IIII . Nummos
quatuor. Les trois derniéres lettres D.S.R.
fignifient , fi je ne me trompe , de fua re
où de fuo reftituit.
L'Infcription paroît ancienne. J'ai oui dire
aux Experts que dès le III . Siécle , on ne
marquoit plus guéres la Tribu dont on étoit .
Ce Monument pourroit donc bien être d u
II. Siécle.
On voudroit encore fçavoir de quelle nature
pouvoit être cette Horloge . Si j'ofe hafarder
mes conjectures , il me fmble allés
vrai femable qu'il s'agit ici d'une Horloge.
d'Eau , ou d'une Clepfidre. On l'appelloit
improprement Horloge d'hyver , ou. Horloge
de nuit , par oppofition aux Cadrans folaires
qui n'étoient d'aucun ufage la nuit , & qui
fervoient très peu pendant le froid , parce
qu'alors les rayons du foleil font ordinairement
cachés par des nuages.
Pline nous apprend celui qui fut l'Inventeur
de cette efpéce d'Horloge. Scipio Nafica , ditil
, primus aquâ divifit horas aquè noctium ac
>
dierum .
DECEMBRE . 1742 2598
dierum. Idque Horologium fub tecto dicavit
anno urbis $ 95 . L. VII . C.60.
Nafica , l'Inventeur de ces Horloges d'Eau,
ou d'Hyver , plaça la fienne dans un Edifice
deftiné à cer ufage , fub tecto. Le Tetum
répond à l'edificium de Blafius. Il eft clair
que ce Bâtiment étoit deftiné à mettre l'Horloge
à couvert , & en même tems à loger
la perfonne qui devoit en avoir foin.
Une Machine de cette nature regardoit ordinairement
le Public , auffi - bien que la dépen .
fe que demandoit fon entretien . LE TEMPLUM
HOROLOGIARE de Gruter. P.VI.N.6 . femble
être de ce genre . Il étoit dédié Jovi . O. M.
& Junoni Regina. Apparemment ce Temple
avoit une femblable Machine fous fon cou
vert comme nous avons ordinairement
des Horloges aux Clochers de nos Eglifes.
Les mots de l'Infcription , qui me paroiffent
les plus difficiles à entendre , & fur quoi
en fouhaiteroit fur tout le fentiment des Habiles
en ce genre , font ceux- ci . Horologium
CUM SIGNIS OMNIBUS . Signa défigne quelquefois
chez les Romains les marques des
heures . D. Calmet dit dans fa Préface fur la
Genéfé ,, qquuee dès qu'on eût trouvé les Horloges
, les heures ne s'appellerent pas hora ;
mais figna. Cum fignis omnibus , pourroit
donc fignifier que Blafius a fait conftruire
une Horloge complette & qui marque toutes
les
1594 MERCURE DE FRANCE
les heures , c'eft à dire celles de la nuit com
me celles du jour , & c.
Il paroit, au refte , qu'une Horloge d'Eau,
fermée par une balustrade ou par une grille ,
qui lui fervoit de barriere , ne pouvoit que
geler en hyver dans le Pays des Allobroges.
Difficulté qu'on pourroit réfoudre , en répondant
, qu'il eft à fupofer que l'Esclave , qui
régloit cette Horloge , & qui la conduifoit ,
étoit attentif à entretenir la fluidité de l'eau
du feu , &c. par le
moyen
Il ne faut pas oublier d'avertir qu'on ne
fçait guére ce que c'étoit que Talvire, avant
la fondation du Monaftére en queſtion . La
Charte originale d'Ermengarde , femme du
Roy Raoul , en parle comme d'un fimple
Village.
Il eft affés furprenant de trouver dans un
femblable Lieu une Infcription pour conferver
la mémoire d'une Horloge publique.
On ne fait guéres cette dépenfe que dans
une Ville , du moins dans un bon Bourg ,
&c.
Ceux qui voudront lire toute la lettre
dont nous ne donnons ici qu'un extrait la
trouveront entière dans le Journal de Trevoux
du mois de Janvier dernier p . 149. furquoi
on ne fçauroit trop remercier au nom
du Public les fçavans Auteurs de ce Journal
de leur obligeante attention , &c.
EPI
DECEMBRE: 1747. 2598
**that*:
EPITRE
A Madame la Comteffe de M ****
D Ans l'inftant , votre Page arrive ,
Qui me rend la belle miffive
Dont il vous a plû m'honorer.
Je n'y fçaurois trop admirer
Le bon goût , la délinateffe ,
Le fentiment , la politeffe ,
Et je puis bien vous affûrer
Que jamais le joyeux Voiture
Ne puifa mieux dans la Nature
Ce qui peut chatouiller le coeur.
D'où vous vient ce charme vainqueur ,
Qui , répandu dans chaque Epitre ,
Que votre main traçe n courant "
Nous féduit à fi jufte titre ?
Vous n'écrivez qu'en badinant ;
Mais toujours la raifon vous guide ;
La jufteffe par tout préfide
Et vous fournit un tour galant ,
Vous évitez un air ſçavant ;
Et vous gardez dans l'Ecriture
Ce ton fimple de la Nature
Que vous prenez en converfant,
"
si
2598 MERCURE DE FRANCE
1
Si fur le fort de quelque Ouvrage
On confulte la vérité ,
On la trouve en votre fuffrage :3
Et, qui peut l'avoir mérité
S'affûre le précieux gage ,
Qui fonde l'Immortalité.
Oui , votre Critiqe , Belife ;
Délicate , folide , exquife ;
Prévaut fur celle d'un Rhéteur ,
Qui pédantefquement
Auteur ,
Efclave de fon Ariftote ,
Ne connut jamais d'autre note ,
D'autre guide , d'autre leçon ,
Que fon Longin ou fon Platon.
En vain dans fes Phrafes forcées .
ses expreffions compaffées ,
Il voudroit tyranniquement
Affervir notre entendement :
Le bon goûr , la fimple Nature ,
Dévoilent bien-tôt l'impofture ;
Ils revendiquent le vrai beau',
Qu'il immole & met au tombeau.
Malgré tout ce que l'art étale , -
Au fond du tortueux Dédale ,
Où s'enferme notre Pédant ,
Vous portez un oeil pénétrant .
Tel eft l'apanage du Sexe ;
29
Que tout ce que le goût annexe
De
4
DECEMBRE. 1742.2597
35
De plus fin , de plus délicat ,
Il le poffede par état .
Par M. de la Soriniere.
QUESTION IMPORTANTE
Jugée au Parlement de Paris les 27. Août
3. Septembre 1742 ,
Snouvelle Ordonnance des Teftamens ,
I un Teftament nuncupatif, fait depuis la
doit
être écrit de la main du Notaire qui le reçoit.
Le Fait & les Moyens de cette affaire ont
été raportés dans le Mercure du mois de
Février 1741 p . 226. à l'occafion d'un Arrêt
interlocutoire qui intervint à ce ſujet ; cẹ
Teftament avoit été fait à Condrieux le 16.
Février 1737. par Marie Bayard , veuve de
Louis Boucher ; elle avoit inftitué pour héritier
fon fils puîné ; l'aîné foutenoit que le
Teftament étoit nul ; n'étant pas écrit de la
main du Notaire ; mais de celle de fon Clerc,
contre l'article V. de l'Ordonnance des Teftamens
, qui porte que le Notaire écrira.
L'exécution de ce Teftament avoit été
ordonnée par Sentence, de la Sénéchauffée de
Lyon. Sur l'apel de cette Sentence, interjetté
- par
2598 MERCURE DE FRANCE
par Marc Boucher, fils aîné de la Teftatrice ,
il étoit d'abord intervenu un Arrêt interlocutoire
le 9. Decembre 1740. qui avoit or
donné la vérification de l'écriture ; ce qui
préjugeoit déja la nullité du Teftament. Depuis
, l'Intimé avoit déclaré qu'il convenoit
que le Teftament n'étoit pas écrit de la main
du Notaire , mais de celle de fon Clerc. Il
foutenoit néanmoins que le Teftament étoit
valable , & que le Notaire pouvoit faire
écrire par fon Clerc ; que le Teftament en
queftion étoit d'autant plus favorable , que
c'étoit un Teftament d'une mere entre fes
enfans ; qu'il contenoit la clauſe codicillaire ;
on faifoit encore valoir pluſieurs autres confidérations
de cette nature.
Mais par Arrêt du
Août 1742. rendu
en la Grand'Chambre , au raport de M. Severt
, Confeiller , le Teftament a été déclaré
nul. M. Boucher d'Argis avoit écrit pour
l'Apellant , & M. de Beaubois pour l'Intimé.
27.
La même chofe vient d'être jugée en la
troïfiéme Chambre des Enquêtes au raport
de M. l'Abbé Chauvelin le 3. Septembre
fuivant , entre les Sieur & Dame Maupetit ;
heritiers de la Dame de Leullion , & Me de
Leullion Procureur ès Cours deLyon,mari de
la défunte, au profit duquel elle avoit fait un
Teftament nuncupatif , écrit de la main du
Clerc du Notaire ; les premiers Juges avoient
déclaré
DECEMBRE. 1742. 2599
déclaré le Teftament valable & avoient déchargé
le Notaire de la demande en garantie'
formée contre lui par Me de Leullion ; fur
Papel , les Notaires de Lyon étoient d'abord
intervenus & avoient pris le fait & caufe de
leur Confrere ; depuis ils s'étoient défiftés de
leur intervention.
Par l'Arrêt la Sentence a été confirmée
avec amende & dépens , par raport au Notaire
affigné en garantie ; mais elle a été infir
mée à l'égard des heritiers de la Dame de
Leullion , & le Teftament a été déclaré nul
& faifant droit fur le réquifitoire du Procureur
Géneral du Roy , il a été enjoint aux
Notaires de Lyon de fe conformer à l'Or
donnanance des Teftamens & d'écrire de •
leur main des Teftamens qu'ils recevront , &
ordonné que l'Arrêt fera lû & publié en la
Sénéchauffée de Lyon.
M. Duchateau avoit écrit au Procès pour
les Sieur & Dame Maupetit ; M. Cailleau
pour Me de Leullion , & M. Graviere du
Rauloy pour Me Aubernon,Notaire à Lyon,
affigné en garentie .
Le 5. Mai , on plaida en la Chambre du
Domaine une Caufe finguliére , au fujet d'un
Diamant qu'un Pêcheur trouva il y a quelque
tems , en puiſant du Sable dans la Ri .
viére de S.ine entre le Pont- Neuf & le Pont
S. Mi2600
MERCURE DE FRANCE ,
S. Michel . Ce Diamant paroiffoit avoir été
monté , & a été eftimé environ 800 livres.
Le Pêcheur l'ayant préfenté pour le vendre
à un Jouaillier ; celui - ci a retenu le Diamant
& en a donné avis au Fermier du Domaine >
lequel a reclamé le Diamant , comme une
Epave apartenante au Roy ; la Communauté
des Orfévres étoit aufli intervenuë , fans
néanmoins expliquer fes prétentions fur le
Diamant.
Par Sentence contradictoire renduë en la
Chambre du Domaine le 5. Mai 1742. la
Chambre a adjugé au Fermier du Domaine
à titre d'Epave la moitié de la valeur du
Diamant dont étoit queftion, qui avoit été pêché
dans la Riviére en puifant du Sable
l'autre moitié adjugée à celui qui avoit trou
vé le Diamant ; la Communauté des Orfévres-
Jouailliers , qui en avoit donné avis au
Fermier du Domaine , & qui reclamoit le
tiers de cette Epave , prétendant en avoir le
droit , fuivant d'anciennes conceffions , a été
déboutée de fa demande & condamnée aux
dépens.
EXTRAIT
DECEMBRE. 1742 2601
EXTRAIT d'une Lettre fur le Style
Marotique.
JE
E m'attache , volontiers , M. & toujours
avec un agrément nouveau , à la lecture
des Piéces que vous inferez tous les mois.
dans le Mercure. Les Réflexions que je
viens de lire dans celui du mois de Juin
dernier , 1. volume , fur l'abus & le mauvais
uſage que l'on fait du Style Marotique , ont
rapellé dans ma mémoire quelques Vers que
je fis dans ce ftyle , il y a quelques années .
Quoique je n'aye lû que fort peu Marot ;
l'occafion me porta à en imiter l'élégant badinage
, pour me fervir des termes du célébre
Defpreaux Ce fut une espece de jeu , entre
un Cavalier , qui ſe déguiſa ſous le nom de
Berger & une Bergere
Le Berger commença par un envoi de
quelques vers dans ce ftyle Marotique, & la
Bergere répondit par le même nombre de
vers , & fur les mêmes rimes de l'envoi
qu'elle avoit reçû.
Q
Réponse de la Bergere.
Uitte Marot , & prens la Profe ,
Si tu veux , Damon , qu'on n'en gloſe
En Cité d'Aix.
I. Vol. C D'Amour
2602 MERCURE DE FRANCE
D'amour n'a pas fort grande doſe ,
Qui rimer de fa verve n'oſe ,
Et pille rime ailleurs enclofe ;
N'eft crû rimeur qui ne compofe
En cité d'Aix ;
Mais ta bouche auroit été cloſe ,
Car feroit grand métamorphofe
Si ton amour duroit plus que la rofe
En Cité d'Aix .
Second Envoi du Berger.
Mutine , qui toujours me gloſe ,
Qui critique vers retournés ,
Et qui fur deux rimes repoſe ,
Pour détruire ces nouveaux nés ;
C'est-à- dire tons paffionnés ,
Que gente femelle me cauſe ,
Qu'avec raiſon tous ont nommés
Mutine .
Me diriez-vous en vérité
Combien il vous en a coûté
Pour ce Rondelet ripofté ?
Je devine .... Vous promettez
Mutine.
Vous Docteur , qui fi bien trouvez
Dans Clement ma rimaille enclofe" ,
Seroit moulte métamorphofe ,
Sii
DECEMBRE.
1742. 2603
Si ne piquiez comme la refe ,
Dont l'odeur & couleur n'avez;
Croyez - moi , la dupe ferez
De Mutine .
Mutine , qui voulez me retrancher la doſe
De mon amour , Vénus me vengera ;
Traits enflâmés fon fils vous dardera :
Alors ne direz plus je n'ofe ;
Et très - long- tems vous en cuira ,
Mutine .
Réponse de la Bergere à cefecond Envoi.
Rimeur nouveau , d'humeur un peu badin ,
Ripofté par rime badine ,
Eft devenu d'abord Mutin ,
Et m'a traité , moi , de Mutine.
Pillant Marot, il eſt badin ,
Et moi , fans le piller , badine
Quittant Marot , il eft Mutin ;
Mais je ne veux être Mutine.
Style d'amour l'a fait badin ,
Et moi , fans le prendre , badine ;
Pourquoi changer & devenir Mutin ;
Afin de m'apeller Mutine ?
Point ne connois d'autre Docteur badin ;
Mais ma Mufe eft affés badine ;
Cij Qu'il
2604 MERCURE
DE FRANCE
Qu'il quitte ces airs de Mutin ,
Sinon je deviendrai Mutine .
Qu'un feint amour me paroiffe badin ,
J'en ris à mon tour & badine ;
Car point ne veux d'amour Mutin ,
Qui vient de m'apeller Mutine .
Ici finit le badinage. Si le ftyle & le goût
Marotique y font bien ou mal imités
vous en déciderez , Monfieur , & c.
A Aix le 31 .
De la Broderie.
Juillet 1742.
SEANCE tenue par Meffieurs les Maréchaux
de France , en leur Siége Général
de la Connétablie Maréchauffée de France
à la Table de Marbre du Palais , à Paris
le Lundi 25. Juin 1742.
E MM. de Noailles , de Mont-
Cmorency, de Brancas , d'Ifenghien , &
de Duras , Maréchaux de France , s'étant
rendus fur les dix heures du matin à l'Hôtel
de M. le Maréchal de Biron , Premier , en
partirent fur les dix heures un quart dans
l'ordre qui fuit .
Un Officier de la Compagnie de la Prévôté
DECEMBRE. 17427 2605

vôté Générale de la Connétablie & Maréchauffée
de France , Camps & Armées de
S. M. à cheval deux trompettes & un dé .
tachement des Gardes à cheval de la même
Compagnie .

Après , marchoit à pied fur deux lignes la
livrée de M. le Maréchal de Biron , Premier,
qui précédoit le caroffe dans lequel il étoit
avec M. le Maréchal de Noailles & fur le
devant M. Poullet de la Tour , Prevôt Général
de la Connétablie .

Suivoit le caroffe de M. le Maréchal de
Noailles , dans lequel étoient le Sécrétaire
Général du Point d'Honneur avec lesEcuyers
de MM . de Biron & de Noailles.
De fuite marchoit celui de M. le Maréchal
de Montmorency
, qui y étoit avec M. le
Maréchal de Brancas ; celui de ce dernier étoit
occupé par leurs Ecuyers.
Après , fuivoit celui de M. le Maréchal
d'Ifenghien
occupé par MM . d'Ifenghien
&
de Duras ; le carolfe de M. de Duras , dans
lequel étoient pareillement
leurs Ecuyers ,
fermoit la marche.
Aux côtés des caroffes , marchoit à pied la
Livrée de ces Meffieurs . La marche étoit terminée
par un pareil détachement des Gardes
à cheval de la Connétablie .
Ils arrivérent en cet ordre au Palais , où
ils defcendirent de leur caroffe à l'escalier
C iij de
2606 MERCURE DE FRANCE
de la fainte Chapelle ; il s'y trouva un dé
tachement des Gardes à pied de la même
Compagnie , ayant leurs cafaques & hocquetons
fur l'épaule , & les Trompettes à leur
tête. M. le Maréchal de Biron précédé de fa
livrée , & ces MM . marchant deux à deux
ayant devant eux le Prevôt de la Connéta
blie , traverférent les Salles du Palais , & fe
rendirent en cet ordre au Siége Général de
la Connétablie . Les portes étoient gardées par
des Gardes de la Connétablie , qui y avoient
été poftés avec un Officier, depuis neuf heures
du matin.
Comme ils aprochoient , MM . de Bauclas
, Lieutenant Général , Châtelain de Moronval
, Lieutenant Particulier Honoraire ,
& Dherain, Procureur du Roy , précédés du
Greffier en Chef & des Huiffiers du Siége ,
fe rendirent à la porte extérieure de la
Salle d'Audience , pour les recevoir.
+
A mesure que MM. les Maréchaux de
France entrerent , il leur fut préſenté un
bouquet de fleurs naturelles ainfi qu'à MM.
les Lieutenant General , Lieutenant Particulier
Honoraire , & Procureur du Roy.
De - là ils allerent prendre leur place fur le
banc ordinaire de l'Audience fuivant leur
rang d'ancienneté , & après eux fur le même
banc fe placerent MM . les Lieutenant Géneral
, Lieutenant Particulier Honoraire , &
le
DECEMBRE. 1742 2607
le Prevôt Géneral de la Connétablie
.
M. le Procureur du Roy s'affic pareillement
fur fon banc , à la droite de MM . les
ainfi le Greffier Maréchaux de France , que
en chef à fa place ordinaire.
3
Sur un banc deftiné pour les Prevôts , en
face de MM . les Maréchaux
de France
étoient le Prevôt Géneral de l'Ile de France
& après lui M. Jeannelle Douville
Prevôt General de la Géneralité de Paris .
>
Sur une banquette
placée devant ce banc pour les Lieutenans
, étoit M. Dumefnil
Lieutenant
de la Compagnie
du Prevôt Géneral
de la Connétablie
.
Entre le Siége de M. le Procureur
du Roy
& la place du Greffier en chef , étoit M.
le Prêtre,TréforierGéneral de l'Ordinaire
des
Guerres , fur un banc deftiné à cet effet.
Tout le monde ayant pris féance , & MM.
les Maréchaux
de France s'étant couverts ,
ainfi que MM . les Lieutenant Géneral , Lieu
tenant Particulier
Honoraire , & Procureur
du Roy , M. le Lieutenant
Géneral affis ,
prononça le Difcours qui fuit :
MESSIEURS ,
» Le jour fi cher à nos defirs , eft done
arrivé , & nous joüiffons
enfin du plaifir flateur de voir à notre tête les illuftres Chefs
C iiij.
» de
2608 MERCURE DE FRANCE
» de ce Siége. Vertu , gloire , fplendeur ;
» que d'objets divers préfente à mon efprit ,
» la vûë d'une Affemblée ſi auguſte ? Et dans
quel tems ? Jamais , la vérité eût - elle plus
» befcin du fecours de l'Eloquence ?
""
33
ג כ »Qui pourroit en effet décrire, comme il
» convient , les éminentes qualités qui vous
diftinguent , & ces faits mémorables , dont
» le haut rang que vous occupez eft moins
» la récompenfe , qu'une grade vers l'immor-
» talité , qui peut feule en être le juſte prix ?
Dignes dépofitaires des droits facrés de
l'honneur , la fageffe des oracles qui éma-
» nent de votre Tribunal , n'eft elle pas une
» fuite néceffaire de la pureté de vos maxi-
» mes ? Et quel éloge plus parfait feroit- il
poffible d'en faire , que de vous en annona
cer à la fois & la fource & l'exemple :
و د
"
ور
"
و ر
Raiſon , prudence ; tout me prefcrit
» donc de garder le filence fur des fujets fi
» relevés , dans la crainte que j'aurois que
foibleffe de mes expreffions , n'en dimi-
"
» nuât le mérite.

» Pour la reconnoiffance , comme fon vé-
» ritable luftre fe tire plus du naturel & de
» la fincerité, que des graces du Difcours ,
fi
» la premiére de ces deux qualités fait le
» fcul ornement de l'hommage que je me
difpofe aujourd'hui de vous en offrir , du
" moins , la feconde en étant le fondement,
و د
» j'ofe
DECEMBRE. 1742. 2609
» j'ofe me flater que vous voudrez bien l'agréer.
>>
» Votre préfence & l'état actuel de cette
» Jurifdiction , ornée de vos bienfaits , fra-
" pent trop maintenant les yeux du Public ,
» pour qu'il foit befoin de lui en aprendre le
» double motif.
"
>> Autant dans ces traits récens de munifi-
» cence , votre Grandeur y difpute à votre
» Nobleffe la gloire de fe fignaler , plus notre
reconnoiffance les furpaffe. Conftatés
qu'ils feront par nos Regiftres , notre am-
» bition feroit que nos Succeffeurs pûffent y
» trouver l'étendue de notre gratitude ; mais,'
» dans l'impoffibilité où nous fommes de le
faire , nous ne pouvons trop maintenant »
» vous en convaincre.
» Recevez - en donc en ce moment , MM.
» les affûrances publiques & les plus fincé-
» res , & fi ce monument de votre géné-
» rofité , nous eft un augure favorable de
» votre affection pour ce Siége , que cette
» partie fi précieufe de votre Domaine vous
» foit toujours chere , & daignez lui confer-
" ver ces fentimens , que notre attachement
refpectueux pour vos perfonnes , & notre
» zéle à concourir avec vous à fon foutien
» & à fa fplendeur , ne cefferont jamais de
» lui mériter.
"
Le Difcours fini, M. le Maréchal de Biron,
C v Pre2610
MERCURE DE FRANCE
Premier , y répondit au nom de MM . les
Maréchaux de France par un compliment
digne de fa politeffe ordinaire .
<
Enfuite fur les Conclufions de M. le
Procureur du Roy , & après qu'il eut fait
pareillement un Difcours à MM. les Maréchaux
de France , auquel M. le Maréchal de
Biron répondit auffi , on reçut un Lieutenant
du Prevôt Géneral du Département du
Soiffonnois à la réfidence de Soiffons , dont
le Jugement de reception fut prononcé au
nom de MM. les Maréchaux de France , par
M. le Lieutenant Géneral , affis & couvert
après le ferment prêté par le Récipiendaire , &
qu'il eut été interrogé par M. le Lieutenant
Particulier Honoraire , comme il l'avoit déja
été précédemment par M. le Lieutenant Géneral
, qui alla prendre les avis de MM , les
Maréchaux de France , qui le lui donnerent
affis en s'inclinant & découverts , ainfi que
ceux de M. le Lieutenant Particulier Honoraire
& du Prevôt Géneral de la Connétablie
, qui fe leverent pour le donner.
Il fut enfuite préfenté des Lettres de
grace obtenues par un Brigadier & deux Cavaliers
de Maréchauffée , lefquelles lûës &
après les Interpellations de l'Ordonnance
cux retirés , il fut apellé une Caufe fur Placet
entre les Sieur & Damoifelles Borthon &
le fieur Delaunay , Tréforier de l'Extraordinaire
des Guerres . Cette
د
DECEMBRE. 1742. 2611
Cette Caufe fut d'abord plaidée par Me
Regnard , Avocat des Damoifelles Borthon,
& enfuite par Me Brouffe , Avocat du fieur
Delaunay.
Ces deux Avocats firent préceder leur
Plaidoyer , chacun d'un compliment à MM.
les Maréchaux de France , dans lesquels le
Public n'a pû que reconnoître la Juftice des
aplaudiffemens journaliers , qu'il donne à
leurs talens , mais comme il étoit tard , &
qu'outre un troifiéme Avocat qui étoit dans
la Caufe , M. le Procureur du Roy avoit
encore à parler , MM . les Maréchaux de
France.fe leverent & étant venus aux
opinions avec MM . les Lieutenans Géneral
, Particulier Honoraire & le Prevôt
Géneral de la Connétablie
été recueillis par M. le Lieutenant Géneral ,
tout le monde qui étoit alors debout & découvert
s'affit , & M. le Lieutenant Géneral
affis & couvert , prononça au nom de
MM. les Maréchaux de France la remife de
la Caufe au premier jour.
,
,
,
les avis ayant
Enfuite , M. le Lieutenant General a fit
retirer l'Audience, & MM . les Maréchaux de
France s'étant levés , après avoir figné conjointement
avec MM. les Lieutenant Géneral
, Lieutenant Particulier Honoraire , & le
Prevôt General de la Connétablie le
Procès - verbal qui fut dreffé de cette Séan-
C vj
"
ce
>
2612 MERCURE DE FRANCE
ce par le Greffier en chef du Siége , fortirent
après avoir été reconduits par MM. les Officiers
de la Jurifdiction jufqu'à l'endroit où
ils avoient été les recevoir, & fe retirerent.
dans le même ordre qu'ils étoient venus.
EPITRE
A Rofalie pour le jour de ſa Fête.
Enfin , voici ce jour heureux
Que mon coeur attendoit avec impatience ;
Ce jour , où d'un trop long filence
Va finir le tems rigoureux :
Ce jour, où tu permets à ma reconnoiffance
De t'offrir des fleurs , & mes voeux ;
Daigne , en les acceptant , daigne écouter ma
Mufe ;
Elle veut te chanter ; pour un projet fi beau
Que n'a- t'elle la voix d'Horace , ou de Rouffeau !
Ah ! fifon orgueil ne m'abufe ,
Je vais de ta Vertu crayonner le Tableau ;
L'aimable Vérité guidera mon pinceau .
Mais tu lances fur moi des regards de colére ; .
Perd- on en te loüant la douceur de te plaire ?
Arrête tous ces mouvemens ,
Et
DECEMBRE. 1742 2613
Et pardonne à mon coeur , qui ne fçauroit le taire.
Il fent , en ces heureux momens ,
Les tranfports d'Apollon , inconnus au vulgaire ;
Je vais te dévoiler les fécrets fentimens.
Jeune & charmante Rofalie ,
J'abborre un mortel qui s'oublie ,
Et qui , loin du fentier de l'honneur , du bon fens,
Préfente à toute Idole un ennuyeux encens
Et dans une manie étrange ,
D'un ton toujours lâche & flateur ;
Ofe donner une loüange ,
Qu'il défavoue au fond du coeur.
Fatal ufage , odieux crime ,
Trop fuivi , trop peu combattu !
On profane l'encens , ce tribut légitime ,
Qui ne doit être offert qu'aux Dieux , qu'à la vertus
Ma Muſe , en te loüant ne le voit point livrée
A cette folle erreur qui féduit les Mortels.
Encenfer tes vertus , dignes du tems d'Aftrée ,
C'eft de Minerve même encenfer les Autels-
Que j'admire ton caractere !
La Sageffe regne en ton coeur.
Tu fçais allier l'art de plaire.
A la plus aimable douceur.
Des graces la Troupe enjoüée
Vole fans ceffe autour de toi .
La Beauté , dont tu fus doüée ,
Sea2614
MERCURE DE FRANCE
Soumet tous les coeurs à ta Loi .
Des dons , que te fit la Nature ,
Que les apas font féduifans !
Tu fçais charmer par la figure ,
Autant que par les fentimens ;
De ton ame égale & fincere ,
Ah ! que j'aime à voir la candeur !
De ta bonté , que rien n'altére ,
L'attrait n'eft- il pas enchanteur ?
Le Ciel , en te formant , fit un rare aflemblage
Et de Beautés & de Vertus .
Tu fçais , au printems de ton âge ,
Etre tout à la fois & Minerve & Venus.
Tes belles qualités , ton efprit , où fans ceffe
La raifon fait briller fon flambeau radicux ,
Nous montrent un coeur fans foibleffe ;;
Un coeur le chef- d'oeuvre des Dieux.
Qu'il m'eft doux de te rendre hommage !
Ce plaifir eft pour moi le plus grand des plaifirs.
Je fatisfais aux Loix où mon devoir m'engage ;.
Je contente mes voeux & mes plus chers defirs.
Reçois mes fleurs , mes vers , d'un regard favora
ble ;
Puiffe le Deftin équitable
Faire couler tes jours dans les Jeux , dans les Ris ;
Et jufqu'à ton vingtiéme Luftre ,
Du Mortel qu'Apollon , Themis , rendent illuftre ,
Du
DECEMBRE.
1742. 2615
Du tendre Epoux que tu chéris ,
Puiffe -tu n'être défunie !
Eh ! ne devroit- on pas vivre éternellement
Quand , de fon heureuſe Patrie
On eft , comme vous deux , les plaiſirs , l'orne
ment
Par M. B ** d Aix.
****************
LETTRE de M. C ..... à Meffieurs
Boyer , freres , en leur envoyant la Differtation
fuivante , écrite d'Aix le 4. Juile
Let 1742
.
CECam vous adreffant cette efpece de
'Eft à mon inclination que je fatisfais ,
MM . en vous
Differtation. Un pareil Ouvrage , propofſé dans
nos Conférences , & exécuté d'après une ex.
périence commune , vous apartient à jufte
titre. Tout Auteur peut trouver auprès de
vous des amis judicieux , des critiques polis ,
des cenfeurs impartiaux : il n'eft point auff
de jour , que je ne me glorifie en particulier
de l'amitié dont vous m'honorez . Je me
flate, MM. que ce petit Ouvrage pourra vous
délaffer un moment à la Campagne ; mais
je ne doute pas que , s'il eft examiné de
près , il ne rifque d'être réduit à quelques
lignes. Je n'hefite point auffi de vous dire
( ainfi
2616 MERCURE DE FRANCE
( ainsi que Voiture diſoit au Maréchal de
Schomberg , Lettre 163. en lui envoyant
des vers de la façon ) que fi vous aviez été ici,
vous en auriez retranché une partie , & vous
m'auriez fait corriger l'autre. J'ai l'honneur
d'être & c.
DISSERTATION fur ces deux Vers.
Où trouver un Cenfeur , dont le jufte fuffrage
Soit un garant certain du prix de votre Ouvrage ?
Pope , Effai fur la Critique , Traduction de M'
l'Abbé du Refael , Chant 4. Vers 105. & 106.
La difficulté de trouver un rel Cenfeur ;
eft géneralement reconnue par tous les
Auteurs. Il eft auffi rare de trouver un
homme , qui corrige folidement les Ouvrages
, qu'il l'eft
qu'il l'eft peu d'en trouver plufieurs ,
qui les critiquent amérement . On comprend
fans peine que ce n'eft pas de ceux - ci , dont
je veux parler ; leur genre de critique n'en
a que l'aparence , & ce n'eft au fond qu'une
fatyre , dont leur efprit veut fe faire honneur.
Un ami fçavant & judicieux eft un tréfor
pour tout homme qui compofe . Mais
qu'on le trouve difficilement ! Le goût de la
vraye difcuffion dans les Ouvrages d'efprit ,
du moins avant qu'ils foient rendus publics
, eft le goût le moins répandu. Les Citoyens
DECEMBRE . 1742. 2617
toyens de la République des Lettres , devroient
tous être freres ; ils travaillent tous
dans la même intention , ils courent la
même carriere ; d'où vient donc qu'ils ne s'y
donnent pas des fecours réciproques ?
Qu'on ne s'en étonne point. La queſtion
n'eft pas facile à réfoudre , & le dénoûment
dépend de tant d'objets differens , qu'il eft
toujours difficile de les réunir . Il ne faut
pas de moindres talens , de moindres qualités
au Cenfeur qu'a l'Auteur. Si les uns &
les autres ne leur font communs fi le
même efprit ne les anime , fi les mêmes
fentimens ne les uniffent , il n'eft pas poffible
qu'ils fe fréquentent , comment le
fera- t- il qu'ils fe corrigent?

Les qualités du coeur & les talens de
l'efprit font auffi néceffaires à l'un qu'à l'autre.
Ce n'est point affés qu'une amitié fincere
leur rende leurs Ouvrages communs ; il
faut encore de la docilité dans l'Auteur ,
de la politeffe dans le Cenfeur. Un fonds
égal de fcience ne leur fuffit point encore ,
& on exige autant de capacité & d'érudition
dans le premier , que de goût & de juſteſſe
dans le dernier.
C'eft à ce concours de talens & de qualités
, que je penfe qu'on doit raporter
la difficulté de trouver des Cenfeurs. Un
Auteur n'eft pas toujours embaraffé dans
fon
2618 MERCURE DE FRANCE
fon choix ; il diftingue aifément un homme
d'efprit ; un fçavant ne refte point inconnu :
mais fera- t-il acceffible , fi on s'adreffe à
lui ? Lira - t- il attentivement les Ouvrages ?
Voudra-t-il s'en donner la peine ? Vous
voulez que fon jugement décide de leur
fort , mais fera- t - il affés officieux , aflés vrai
pour le prononcer ?
L'amitié doit fervir de bafe à la confiance
réciproque de l'Auteur & du Cenfeur.
L'un & l'autre font les partifans des Lettres :
cependant que de devoirs à remplir , que
de difficultés à vaincre , avant que de pouvoir
former entre-eux cette union !
L'amitié n'eft pas un effet du hazard .
C'eft un bien qu'on n'acquiert qu'à force
de foins. Une conformité d'humeur & d'inclination
peut la produire parmi les hommes
en géneral ; mais entre Auteurs , il faut y
joindre celle des talens & des goûts . Cette
derniere qualité , excitée ordinairement par
l'envie ou l'amour propre , n'eft que trop
fouvent incompatible avec la prémiere ; &
c'eft de-là qu'on les rencontre plus difficilement.
D'ailleurs combien d'autres obftacles ?
Une difference d'état cu de condition , une
difproportion dans l'âge , un accès qu'on
fe plaît à rendre difficile , un tems qu'on
fe vante d'employer plus utilement , une
incapacité
DECEMBRE . 1742 2619
incapacité affectée , trop fouvent produite
par l'amour propre , qui recherche des
aplaudiffemens , font autant de raiſons ,
qui font rebuter un Auteur qui fe préfente ,
& auquel un Cenfeur refufe la juftice ,
qu'il vient demander à fon Tribunal .
Que tout fçavant refléchiffe fur ces excès.
Qu'il les évite ; l'esprit eft de tous les états.
La confiance du Pauvre d'Ithaque , mérite
celle du Roy de Lydie. L'amitié fe paye par
l'amitié celle des Cotins mérite celle des
Defpreaux . Le moindre Auteur doit être écou
té avec affection par celui qu'il confulte ; s'il
vient lui propofer fes doutes , c'eft un témoignage
qu'il rend à fa capacité , & la seule
reconnoiffance doit l'engager à les éclaircir:
Si l'amitié réünit une fois l'Auteur & le
Cenfeur entre eux , les autres qualités femblent
leur devenir naturelles . Rien ne coûte
quand le coeur agit . C'eft cette union , l'ame
de toutes les focietés , qui partage les plaifirs
& les peines ; c'eſt elle qui prévient nos befoins
; c'eft elle encore qui y fatisfait.
De là , le Cenfeur , dépouillé de cet air
de fupériorité qui impofe , ranime par fes
maniéres la confiance de l'Auteur. Sincére ,
fans partialité , févere, fans rigidité , exact ,
fans, pointillerie , véridique , fans flaterie , il
corrige avec politeffe , il reprend avec douceur
, il efface avec connoiffance , & les décifions
2610 MERCURE DE FRANCE
cifions qu'il porte , font autant d'Arrêts dont
le fceau de l'amitié garantit l'exécution .

De - là encore , l'Auteur lui - même , moins
prévenu de la bonté de fes Ouvrages , les foumet
volontiers à la cenfure. La gloire d'en être
l'Auteur , n'eft point ce qui l'amene ; avide
d'une louange recherchée , il cefferoit par
de la mériter. C'eſt un examen qu'il follicite,
& il ne peut que devenir fufpect , s'il l'obtient
par des foupleffes. Son Cenfeur devient
à la vérité fon Juge par fon choix ; mais il ne
doit plus l'être , il ne mérite plus de l'être ,
s'il ne le juge à la rigueur.
La docilité doit être la premiere preuve
de la confiance d'un Autcur. S'il en fait fa
qualité favorite , la critique la plus fevére
ceffe bien- tôt de l'affliger. S'il veut véritablement
fe corriger , il s'eftime encore heureux
de trouver qu'on lui en fournifle les moyens.
Il doit cet hommage à la vérité qu'il cherche ;
mais il a deux excès à éviter ; une déférence
trop fervile qui dégénere en aveuglement s
une prévention opiniâtre qui fe reffent de
l'entêtement & de l'obftination .
Si l'Auteur fonge encore qu'il s'adreffe à
un homme plus clair voyant que lui ; s'il reconnoît
que le Jugement qu'il follicite, doit
prévenir & fixer , pour ainfi - dire , celui du
Public,c'eft par là qu'il mettra heureuſement
à profit les leçons du premier & qu'il méritera
juftement les fuffrages du dernier.
DECEMBRE . 1742 2621
De nouvelies difficultés fe préfentent dans
le choix d'un Cenfeur . L'Auteur a befoin de
toute fa pénétration pour en diftinguer les
caractéres. Le Critique differe du Satyrique ,
l'ami du Flateur , le Sçavant du Pédant . Le
premier objet de l'Auteur , avant que de s'adreffer
à eux , doit être celui de les reconnoître
.
Autant jaloux de fa propre gloire , que de
celle de l'Auteur , les loix de la vérité & de
la pudeur dirigent les démarches du Critique.
Tout fens obfcur ou problématique ,
toute comparaifon hazardée , toute antithefe
éloignée , tout ornement déplacé , font autant
de défauts qu'il ne pardonne point. Une
penfée libre ou équivoque , eft une atteinte
à la pureté des moeurs , & porte avec elle le
titre de fa profcription. Le vrai & l'honnête
font les feuls Citoyens que le Critique admet
dans fa République .
-Plus févére en aparence , mais réellement
moins éxact , le Satyrique cherche moins à
corriger qu'à mordre. Attentif à faire des
aplications injurieufes , à groffir ou à diminuer
les objets , à trouver des perfonalités ,
ordinairement chimériques , l'envie de fatisfaire
au penchant auquel il facrifie , le met
hors d'état de juger fans paffion & fans prévention.
Il y a une difference encore plus grande
entre
622 MERCURE DE FRANCE
entre le fateur & l'ami. La candeur , l'affa
bilité , la fincerité , font les qualités qui forment
leurs caractéres ; mais elles font réelles
& naturelles dans l'un ; fauffes & affectées
dans l'autre. -
Rien n'échape à la pénetration de l'ami.
Il péfe tout au poid du fanctuaire ; également
intereflé pour l'Auteur & pour l'Ouvrage , il
lit & relit mille fois. Son travail porte avec
lui fa récompenfe ; il fatisfait au coeur & à
l'efprit. Auffi éloigné d'une fervile complai
fance , que d'une auftére févérité , il n'ajoûre
ou ne diminuë , il ne retranche ou ne
profcrit que ce qui s'écarte du point de perfection
auquel il fe fixe. Le fujet ,
l'ordre ,
les preuves , le ftyle , fondent la jufteffe de
fes décifions ; elles influent fur la bonté &
la beauté de l'Ouvrage . Combien d'Auteurs
doivent la plus grande partie de leur réputation
à leurs amis ! Mais qu'il eft rare d'en
trouver de véritables ! Tout Cicéron ne trouve
point un Atticus ; tout Defpreaux n'a pas
un Arnaud ou un Racine pour confeil .
Si l'ami n'examine que pour corriger , le
flateur ne femble lire que pour admirer. L'un
eft auffi utile que l'autre eft dangereux . L'amour
propre trouve un écueil chés l'ami , un
afile chés le flateur . Plus prompt à aplaudir
qu'à méditer , tout paroît également bon au
flateur. Que cela eft beau?que cela eft bien dit !
Ces
DECEMBRE. 1742. 2625
Ces mots font les fons qu'il articule à peine
dans fes extafes. Moins foucieux de la
bonté de l'Ouvrage ou de la gloire de
l'Auteur , qu'attentif à lui donner des éloges
ou à gagner fa bienveillance , les plus
grands défauts lui paroiffent de petites imperfections.
Peu s'en faut que des omiffions
ou des négligences impardonnables ne lui
fourniffent encore matiere à éxalter l'efprit
de l'Auteur, ne fut-ce que parce qu'il laiſſe à
penfer à fes Lecteurs, ou parce qu'il ne prend
que la fleur des chofes,
Qu'un Auteur doit fe méfier d'un homme
de ce caractére ! Tout occupé des moyens
de plaire , le flateur n'a rien à rabattre fur ce
qu'il lit. En vain je lui montre quelque endroit
foible ou négligé ; en vain je découvre
mes fautes ; rien ne mérite fa cenfure ; tous
fes jugemens me font favorables : ce n'eft ni
fon efprit , ni fon goût qui les forment , c'eft
la foibleffe qui les produit. Obftiné à ne pas
me contredire, le flateur ne mérite que mon
indignation , & fatigué moi même de fes
aplaudiffemens éternels , je lui dirois volontiers
avec un Romain , qu'il me contefte an
moins quelque chofe , ne fût - ce que pour faire
voir que nous sommes deux.
Le goût du Sçavant eft plus difficile à fatisfaire
; il veut fe retrouver & fe foûtenir
partout. Profond dans toutes les matiéres ,
une
2624 MERCURE DE FRANCE
pas ; ce n'eft
des
une diction noble ne lui fuffit
point par des figures hardies , c'eft par
raifons folides & éloquemment amenées
qu'il faut raporter fon fuffrage.
De grands mots , des phrafes emphatiques
& empoulées , quelques traits fubtils
ou alambiqués , deviennent auprès du Pédant
des garans certains de fon aprobation .
Peu fait au langage ordinaire , le ftyle précieux
& affecté , eft le ftyle qui enleve fa
détermination.
A confulter ces efpeces diverfes de´ Cenfeurs
, on diroit pourtant qu'ils vont tous au
même but. C'eft felon eux , la vérité qui
les dirige & qu'ils recherchent : mais les
routes qu'ils prennent , font fi differentes
& fi éloignées , qu'il eft rare quils ne s'égarent
, & que , guidés par l'Auteur , qui l'a
manquée , ils ne la laiffent dans le puits ,
d'où il n'a sçû la retirer.
Si les complaifances des Cenfeurs font tou
jours dangereufes pour les Auteurs , pourquoi
ceux- ci font- ils auffi avides de les rechercher
? On ne peut le diffimuler ; les Auteurs
ont de la prévention pour leurs Ouvrages.
On ne fçait , difoit Ronfard , ce qu'il en
coûte à un pere , obligé de couper les membres
à ſes enfans. Defpreaux lui- même difoit
à Racine , de n'avoir point pour lui la féverité
de Patru. Les Auteurs ne manquent ja
mais
DECEMBRE. 1742. 2625
mais d'excufes pour défarmer la rigueur des
Critiques.
Quelquefois , ils ne fe bornent point à demander
grace . Epris de leurs propres idées ,
entêtés dans leur façon de les exprimer , tout
changement leur paroît inutile . Bientôt
leur prétendue docilité s'évanouit , & femblables
au Triffotin de Moliere , l'Ouvrage
eft bon , parce qu'ils l'ont fait. Și le Cenfeur
étoit alors auffi jaloux de fa critique , que
P'Auteur eft infatué de la bonté de fon Ouvrage
, de vives difputes , des Satyres , des
brouilleries feroient le fruit de leur confiance
reciproque.
Si le choix d'un bon Cenfeur peut être
difficile à un Auteur , s'il eft rare qu'ils conviennent
toujours entre eux , ce même choix
n'en eft pas moins néceffaire. La néceffité
prévaut fur la difficulté , & les choſes qui
coûtent le plus de foins à acquérir , font ordinairement
les plus utiles.
On peut ici s'en raporter à l'expérience.
L'Auteur le plus fameux a beſoin d'un confeil.
De quelque efprit , de quelque érudition
dont il foit pourvû , quelque heureufes
, quelque étudiées que paroiffent fes
productions , il n'eft pas poffible qu'elles
foient partout égales. L'efprit eft tantôt prodigue
& tantôt avare. Ici, c'eft une Eau tran .
quille , qui fe cache fous l'herbe & dont le
I. Vol. D
murmure
2626 MERCURE DE FRANCE
murmure à peine fe fait entendre ; là , c'eft
un Torrent qui déborde & qui erre dans les
campagnes ; l'un eft auffi dangereux , que
l'autre paroît inutile . Si l'Auteur na pas fçû
en faire un bon uſage , c'eſt à ſon Cenfeur à
l'y ramener cette Eau ramaffée , peut lui faire
une belle repréſentation ; ce Torrent retenu
dans de juftes bornes , lui affûre un engrais
confidérable .
Le zèle d'un Cenfeur judicieux ne ſe borne
point à la perfection de l'Ouvrage ; il
tourne encore fes vûës fur l'Auteur, Loin de
le rebuter par des corrections ameres , il l'excite
par tous les attraits que les Belles - Lettres
procurent à leurs Partiſans . Il fçait par
une heureuſe invitation , l'animer au travail ;
il en adoucit les peines par des leçons auffi
polies que fçavantes ; il le dirige dans ſes recherches
, il le foûtient par fes inftructions ,
il l'engage par les fujets qu'il propofe , & dépofitaire
des Lauriers qu'Apollon donne à
fes Héros , il le couronne enfin toutes les
fois qu'il le mérite .
Le choix d'un Cenfeur n'eft pas avantageux
à l'Auteur feulement , il l'eft encore au
Public en géneral , & à la République des
Lettres en particulier. Combien de Livres
mûrement examinés , ne feroient point jugés
dignes de leur être préfentés ! Combien d'Ouvrages
, qui réduits à leur jufte valeur, pour-
>
roient
DECEMBRE . 1742. 2627
roient être bornés à quelques pages ! En verroit
on de licencieux ? Combien d'Hiftoriettes
, de Romans inutiles ou dangereux , feroient
profcrits ! On auroit , à la vérité, m ins
de Volumes , mais ils feroient meilleus . Si
la fureur d'écrire n'étoit point diminuée , au
moins la cenfure y mettroit -elle un frein ,
fouvent même n'épargneroit- elle pas
des regrets
ou des gémiffemens à l'Auteur , & le
Public , difpenfé de recevoir des excuſes , le
feroit encore de recevoir des rétractations.
Il n'eft point d'Auteur qui ne reconnoiffe
les avantages qu'il peut retirer des lumiéres
d'un Cenfeur judicieux ; mais le choix en eſt
moins difficile que l'acquifition . On ne manque
pas de connoiffeurs : un Auteur ne s'y
méprend point , mais il voit ordinairement
de trop loin ceux auxquels il voudroit donner
fa confiance . Souvent il tente en vain
de s'en aprocher , en vain il demande du fecours
, des éclairciffemens ; foit parcffe , foit
indifference , un Cenfeur les lui refuse injuftement
, & mépriſe ainfi un commerce Litteraire
, dont la correſpondance eft auffi instructive
qu'honorable.
Si la République des Lettres pouvoit fe
donner des loix , leur premier objet feroit ,
fans doute , de remédier à cet abus . Ce ne
feroit point affés pour elle de faire un Corps
& d'y affocier tous fes Membres ; elle de-
Dij vroit
2628 MERCURE DE FRANCE
vroit encore les engager , non feulement à
Le communiquer & à s'inftruire réciproquement
, máis encore à ſe ſoûtenir & à s'entre
aider dans les travaux Litteraires . Pareil reglement
ne feroit point nouveau , & on fçait
avec quelle exactitude il eft fuivi par les
Membres de l'Académie Royale des Sciences.
Au défaut d'un établiſſement auffi utile .
d'une loi de police auffi néceffaire , l'amitié ,
la politeffe , l'amour de la Litterature , ne devroient-
ils pas y fupléer ? Quel Cenfeur , au
mépris de ces qualités & de ces talens , pourra
donc deformais s'y refufer ? Quel Auteur,
( l'indocilité & la prévention mife à part , )
' embraffera point avec joye les moyens sûrs
de fe corriger , de fe perfectionner & de fatisfaire
au goût du Public par fes Ouvrages ?
LE
DECEMBRE. 1742. 2629
*******************
LE SERIN , LA LINOTE ,
L
ET LE MOINEAU ,
FABLE.
'Honneur dans tous les tems eut de puiffantes
armes ;
Nous fommes tous forcés de céder à fes charmes
Jeune Serin , dit- on , brûloit d'un tendre amour ;
Souvent à la Linote il vient faire la Cour .
"La Belle qui n'avoit le coeur guére moins tendre ,
De l'aimer à fon tour ne sçauroit ſe défendre ;
Enfin nos deux Amans épris de même ardeur ,
Sous les loix de l'Hymen goûtoient même dous
ceur ›
Lorfqu'un Moineau jaloux , par un excès de rage
Ne cherche qu'à troubler la paix de leur menage
Jour & nuit , comme on dit , par voye & par chemin
,
Son coeur n'eft occupé que de ce noir deſſein.
La Linote ne fat jamais d'humeur coquette ;
Ceffez , dit- elle un jour , d'avoir martel en tête ,
Fidelle à mon mari je me fais une loi ,
De mourir mille fois avant trahir ma foi.
Notre Moineau furpris d'une telle morale ,
De fa témérité fe reconnoît coupable ,
Dj Admire
2630 MERCURE DE FRANCE
Admire la vertu , reconnoît fon erreur ;
Ajoûte qu'il n'eft rien de fi beau que l'honneur.
L'Abbé de M ******
akik akakik jaki j kX*
' .... DISSERTATION de M. W..
Prieur de Moulins en Puifaye , fur la Pierre
gravée , Antique , dont il eft parlé dans le
Mercure du mois d'Août dernier , adreffée
à M. le C. D. L. R.
Depuis que j'ai lû , Monfieur , l'explica
tion de l'Antique,inferée dans le Mercure
du mois d'Août dernier , je hazarde
plus volontiers de vous marquer ce que je
penfe fur le fujet que la Pierre gravée repréfente
mais avant que d'entrer en matiére , il
eft néceffaire que je vous fafle obferver , que
le Graveur , tout habile qu'il me paroît être
n'a pas faifi exactement le fyftême de la
Gravûre Antique , ni fuivi par conféquent
en entier le Modéle en cire , qui lui a été
fourni.
39
Il a méconnu , 1º . le Cafque , qui coëffe
la Figure militaire , pendant qu'il en donne
un à la Divinité , qui ne paroît cependant
pas fi bien marqué que l'autre, & il lui fubtitue
une Chevelure ornée d'une Couronne.
DECEMBRE 1742 263 T
2. Il a pris pour ane guaîne à Coûteaux
timaires , l'extrémité de la ceinture ou de
l'agraffe , qui ferre l'habillement à la Romaine
de la même Figure.
3°. Il lui a fait la main droite élevée vers
les pieds de derriere de la Victime , comme
pour la décrocher , quoique cette main
auffi bien que l'autre , foit enfoncée directement
devant la Figure , prefque jufqu'au
poignet , dans le corps de la Victime.
4°. Il a omis de graver cinq grains d'Eneens
, qui tombent de la main gauche de la
Figure de Femme , ce qui a donné occafion
à l'Antiquaire , Auteur de l'Explication qui
eft dans le même Mercure , de penser qu'elle
montre fimplement de cette main le Feu
facré ; ce qui ne fignifieroit rien , à proprement
parler , dans une action où tout doit
être parlant. Deux de ces grains, qui font fur
la partie antérieure & à fleur
, pour ainfi
dire , des tourbillons de fumée , qui s'élevent
de deffus le petit Foyer de figure ronde ,
ont donné lieu d'un autre côté au Graveur
d'exprimer un feu brillant de flâmes
prenant pour la pointe , ou l'extrémité de
ces prétendues flâmes , ces deux grains.
,
5 °. Il met une Patere dans la main de la
Figure de Femme , au lieu d'un Rameau de
l'Arbriffeau portant Encens en grains ,
comme le Génévrier , d'où elle a arraché les
D iiij
,
grains
2632 MERCURE DE FRANCE
grains qui fe voyent diftinctement ( même
fans le fecours d'une loupe ) au nombre de
cinq , dont trois paroiffent fur l'étendue des
tourbillons , la plus proche de la Couronne ,
Toutes ces Obfervations , M. font requifes
, pour l'aplication exacte de ma Differtation
à l'Antique , & pour prouver démonftrativement
, qu'elle repréfente un Sacrifice
domeftique offert par un Maître & une Maîtreffe
de Maifon à un Dieu Lare , ou autre
Divinité révérée particulierement de l'un &
de l'autre.
J'ai encore interêt pour la même raifon de
prouver que le feu repréfenté fur la Cornaline
, n'eft point un feu compofé de matiéres
propres à produire les flâmes exprimées par
le Graveur ; mais un feu de charbons ardens,
contenu dans un Vafe , ou une efpéce de
chaufferette , uftencile propre à un Sacrifice
domeftique , offert dans un lieu de la Maifon
, confacré à une Divinité , à peu près
comme les Chapelles domeftiques le font
chés nous au vrai Dieu , fous l'invocation
de quelque Saint , feu produifant le même
effet que celui d'un Encenfoir , fans être fujet
aux inconvéniens d'une fumée incommo
de , ni à caufer d'incendie .
Ces Remarqués faites , M. je vois d'abord
fur la Cornaline Antique , une Femme
Maîtreffe de Maiſon , fans doute , qui fe
préfente
DECEMBRE. 1742. 2633
préfente refpectueufement devant une Divini
é , élevée fur une petite Colonne ou Cippe
; elle tient de la droite un Rameau de
l'Arbriffeau , portant l'Encens en grains , lequel
croît en Arabie , qu'Hemelarius , Chanoine
de la Cathédrale d'Anvers , dénomme
Virgultum Thuris , dans fon Explication Latine
d'une Médaille de Trajan ( de la quinziéme
Planche des Médailles de cet Empereur
, page 47. ) faifant partie de celles qui
compofent le Cabinet de Médailles d'or
qui ont apartenu au Duc d'Arfcot.
,
ce
2.
De la main gauche elle répand ces grains:
d'Encens fur un petit Vafe rond , fervant de
foyer , & rempli de charbons ardens
que trois tourbillons de fumée , qui s'élevent
au - deffus , fupofent néceffairement . Less
grains font exprimés au nombre de cinq ,
tombant immédiatement de la main de la
Figure de Femme , & fe remarquant für lai
furface des tourbillons ; j'apelle cette action
prémice du Sacrifice domeftique , qui va fe
continuer par le miniftére du Chef de las
Maifon ( action imitée dans le Chriftianif
me dans la célébration de nos auguftess
Myſtéres. ) Ileft en effet repréſenté vêtu à la
Romaine , un Cafque fimple en tête , c'eſtà-
dire, qui n'eft point furmonté de figures de:
Bêtes , ni d'Aigrettes ou Plumages , Cafque
d'ufage ordinaire aux Gens de Guerre . Il a less
Dv deux
2634 MERCURE DE FRANCE
deux mains enfoncées directement devant
lui prefque jufqu'au poignet , dans le corps .
d'une Victime , pour en retirer les entrailles-
& en faire l'emploi ufité dans les Sacrifices .
La Bête immolée eft fufpendue par les pieds
de derriere à un des crochets dont eft garni
un long pieu , fiché en terre derriere lat
Colonne.
L'Idole eft ornée d'une branche d'Arbre
qu'elle femble tenir à la main , comme on
le voit de nos jours pratiquer à l'égard des
Statuës des Saints , que l'Eglife Catholique
révere , & que
l'on pare
de Bouquets & de
Couronnes , principalement aux jours de
leurs Fêtes . Toutes circonftances qui me:
déterminent à avancer que l'action repréfentée
fur l'Antique , eft un Sacrifice à un Dieu.
Pénate , ou autre Divinité honorée fpécialement
par le couple d'Epoux qui facrific .
Deux difficultés m'empêchent , M. de
décider avec une forte de certitude à quelle
Divinité eft offert ce Sacrifice . 1 °. On ne
peut pas affés diftinguer l'efpéce d'Animal
qui y eft employé & qui eſt déja immo'é .
2º . On ne peut dénommer sûrement la
branche que tient la Divinité ; l'un & l'autre
font cependant fymboliques dans le fyftême
antique & bien connus ils défigneroient
clairement quelle eft la Divinité repréfentée
.
,
Le
DECEMBRE . 1742 2635
Le fentiment de l'Antiquaire à ces deux
égards , me paroît plaufible. Il penfe que la
Victime eft un petit Verat ou Cochon de
lait , & la branche un Laurier , & en confequence
que la Divinité repréſentée eft Mars ;
cela paroît d'autant plus vraisemblable , que
les têtes de l'Idole, & de la Figure Militaire ,,
furtout , paroiffent coëffées d'un Cafque. Je
tire en même tems une preuve en faveur de
mon idée de Sacrifice domeftique , de ce
qu'il dit qu'il ne peut être regardé que comme
un Sacrifice particulier de pieté. Mais il mefemble
infoutenable , que ce Sacrifice foit
offert par deux Femmes. La difference feulede
la Draperie des deux Figures , décide
au contraire que c'eft un Homme & une-
Femme qui facrifient , & la gravûre même
de l'Antique inferée dans le Mercure ' ,,
préfente une Figure d'Homme , à laquelle
on n'auroit pas dû fe méprendre. Il n'eft pas
moins infoutenable , ce me femble , que des:
Femmes offrent feules un Sacrifice , où il ул
a immolation de Victime , & je doute très--
fort que l'on puiffe en trouver quelque:
exemple fur aucune efpéce d'Antique .. En
effet , M. peut-il convenir, en aucune façon ,,
à l'une de ces Femmes que l'on fupofe:
Femmes diftinguées , d'être armée d'une:
Guaîne garnie de Couteaux victimaires , &
d'habiller & éventrer de fes propres mains une
D vj , Victime 2:
و
Je
2636 MERCURE DE FRANCE
Je penfe enfin ,, M. que la Figure virile
qui difpofe la Victime pour le Sacrifice
peut bien en avoir une autre à fon côté fans
aucune implication. Je vois en effet dans
l'Odyffée , que dans un Sacrifice offert par
Neftor , Roy de Pilos , les affiftáns les plus.
diftingués , prêtent leur miniftére à l'action :
un Thrafymene abat à fes pieds d'un coup
de hache la Geniffe, & Pififtrate tire fon poignard
& l'égorge , d'où je conclus qu'un
Chef de Maiſon facrifiant, quelque diſtingué
qu'il pût être , pouvoit fans indécence avoir
à fon côté un Etui à Couteaux victimaires ,
pour immoler la Victime , ce que je ne dirois
pas d'une femme , dont aucune ne paroît avoir
exercé un pareil miniftére dans les Sacrifices.
"
Je fouhaite , M. que quelque Sçavant
puiffe concilier les deux fyftêmes , & trouver
le dénoùment des difficultés . Pour
moi , je foumets avec plaifir ce que je viens
de dire au jugement des Experts . Je fuis & c.
Ce 26. Septembre 1742 .
E
PORTRAIT de Made D ……….
Lle a d'Hébé la brillante jeuneffe ,
Elle en a tout , la grace , l'enjoûment ;
Ce doux regard , plein de fineffe ,

DECEMBRE . 1742. 2637
Où fe niche fi joliment ,
Sous les traits de la gentilleffe ,
L'expreffion du fentiment .
Ce je ne fçais quoi qui nous touche ,.
Plus féduifant que la beauté ;
Le fourire enfantin , des lévres , une bouche-
Où réfide la volupté ;
Un teint que le Lys & la Rofe
Tour à tour ont foin d'embellir ;
Un fein qui jamais ne repoſe ,,
Doux labyrinthe du defir.
D'autres apas mais non ; il faut fe taire ,
Il n'apartient qu'au doux myſtére
De contempler des tréfors fi parfaits .
Mufe , contente- toi du Tableau que tu traces ;
S'il y manque encor quelques traits ,
L'aimable Iris a tant d'attraits ,
Que d'une feule de fes graces
On peut faire mille Portraits.
Par M. G. D. B
DIS2638
MERCURE DE FRANCE
DISSERTATION fur le Grand Pontificat
des Empereurs Romains , avec une
Lettre fur le même sujet , & fur quelques
autres concernant les Antiquités Romaines
, par M. Bouhier , Préfident à Mortier
au Parlement de Dijon , & de l'Académie
Françoife , 1742. in 4. de 39.
pages.
LE Louie fur la Queftion , Si avant Palbin
& Pupien quand il y a eû ensemble plufieurs
Empereurs Romains , il n'y en a cu
qu'un , qui ait été Grand Pontife.
E premier Article de cette Differtation
Piolin , Panvin , & Bulenger ont foutenu
l'affirmative , fans aucune exception , &
ont rendu que tout Empereur a été Grand
Pontif . Gu herius a foutenu au contraire
que quand il y avoit plufieurs Empereurs
enfemble , il n'y en avoit jamais qu'un qui
eût le Souverain Pontificat. Selden a crû que
cette réferve du Grand Pontificat , à un feul
Empereur n'a duré que jufqu'au Grand.
Conſtantin . Enfin Bofius , Noris , Pagi &
Tillemont font d'avis que le titre de Grand
Pontife n'a commencé à être pris par plufieurs
Empereurs enfemble , que fous Balbin.
& Pupien. Le fçavant Auteur de la Differ-
,
tation
DECEMBRE. 1742 2639
tation déclare que les deux premiers fentimens
ne font pas foutenables , après quoi il
expofe ce qu'on peut opofer contre le quatriéme
fentiment , & qui eft fourni par les:
Médailles , où l'on voit Tite également qua-.
lifié de Pontifex Maximus , comme Vefpafien
, fon pere , depuis qu'il lui fut affocié
à l'Empire , & il répond aux raifons que
Bofius avoit aportées pour infirmer l'autorité
de ces Médailles .
Il fait enfuite l'examen d'une Infcription
où Luce Vere eft qualifié pareillement de
Grand Pontife , depuis que Marc Aurele fe
le fut affocié ; Bofius a crû en éluder la force,,
en difant que c'eft par erreur que Luce Vere
a été qualifié de Pontifex Maximus. Bofius
n'a rien pû répondre à l'autorité d'une Infcription
de même genre , laquelle n'a été
trouvée à Narbonne qu'en 1729. Cette Inf
cription paroît décifive. C'eſt auffi depuis la
mort de Bofius qu'on a trouvé plufieurs Médailles
d'autres Empereurs , plus anciens que
Balbin & Pupien , où les lettres P. M. fe
trouvent , pour défigner leur Grand Pontificat
, même dans le tems qu'ils étoient affo
ciés à un autre Empereur.
L'Auteur de cette docte Differtation y fait
un détail des Conteftations Litteraires qu'il a
eues avec M. le Baron d la Batie , Corref
pondant Honoraire de l'Académie Royale.
des
2640 MERCURE DE FRANCE
des Belles Lettres , décedé depuis à Carpentras.
Nous ne le fuivrons point dans ce détail
, qui excederoit nos bornes ; nous nous
contenterons de remarquer que ce qui donna
lieu à ces Conteſtations , eft une Infcription
trouvée autrefois à Albigny , près de
Lyon ; & l'explication de ce Monument
que M. de la Batie dans une de fes Lettres à
M. le Marquis Maffei , foutint avoir été fupofé
par quelque Fauffaire , & à laquelle il
joignit plufieurs autres Infcriptions , qu'il
jugeoit également fauffes . On fent bien dans:
quelle foite de difcuffion ces deux Sçavans
ont dû entrer , pour combattre ou pour défendre
l'authenticité de ces Monumens . C'eftce
qui remplit une partie de la Lettre que
M. le Préfident Bouhier a adreflée au R. P.
Oudin , Jéfuite de Dijon , laquelle eft datée.
du 16. Mai 1742 .
DEP IT Misantropique , par M. L .....
Chanoine de l'Eglife de Tours.. •
JUfques à quand , Monde perfide ,
Abuferas- tu les Mortels ?
Ton faux - brillant , tes riens réels .
Rempliront- ils toûjours le vuide.
De
DECEMBRE . 1742 -2640
De leurs coeurs vains & criminels ?
Ah ! de tes attraits chimériques
Que je fçais bien fentir le faux !
Mille expériences critiques
M'ont déja dit ce que tu vaux.
En vain par de nouveaux preftiges
Tu prétends encor me charmer ,
Le vrai bonheur ne fuit point tes vertiges ,
Et ma raifon me défend de t'aimer.
Des refforts de ta politique
Qu'un autre paroiffe enchanté ;
Ton art p'eft que duplicité ,
Et la vertu chés toi n'eſt qu'un nom magnifique.
Vante- nous tes attachemens ,
Toûjours vains , toûjours éphémeres ;
Offufqucs-en des yeux vulgaires ,
Ou des ames fans fentimens :
Aveuglé par ton impudence ,
Exalte-nous tes plaifirs fuborneurs ;-
Préconise ton opulence ,
Tes droits , ton pouvoir , ton aifances
Que d'épines pour quelques fleurs !
Penfes- tu par cette fumée ,
Que tu nous nommes Renommée ,
Flater mon goût , ravir mes fens ?
Tu t'abuſes ; pendant la vie
Eft-on connu par les talens 2
1642 MERCURE DE FRANCE
On fert de plaftron à l'Envie ;
Après a - t'on beſoin d'encens ?
Heureux dont la Philofophie
Monde , ne tend qu'à te trahir ;
Si j'en crois ma Misantropie ,
C'est s'aimer que de ſé haïr.
***
OBSERVATIONS generales fur le
Sentiment & l'Interêt , qui doivent entrer
dans nos Tragédies . Par M. Tart.
>
Luvrages & le qui qui tous
E plus noble & le plus utile de tous les
Ouvrages de Poëfie ; celui qui fait le
plus d'honneur à l'efprit & au coeur de l'hom
me & qui eft le plus propre à infpirer des
fentimens aux Princes en leur préfentant
des exemples ,dignes d'eux , c'eft la Tragédie .
Il eſt à craindre cependant qu'après avoir été
portée à fa perfection par nos grands Poëtes ,
elle ne dégénere bien -têt & ne deviennet
plus qu'un Art brillant & frivole . Ce ne font
ni les grandes idées , ni les Vers harmonieux
qui manquent dans la plupart de nos Tragédics
, mais il me femble qu'il en eft peu où
F'on rencontre ces deux qualités effentielles,
le Sentiment & l'Interêt.
Nous n'allons point au Théatre , pour y
entendre:
DECEMBRE. 1742 2643
entendre des Poëtes , mais des hommes comme
nous , pour nous orner l'efprit de belles
penfées , mais pour nous attendrir fur les
malheurs de nos femblables ; pour admirer
de beaux Vers , mais pour verfer des larmes .
Le devoir des Poëtes eft de les faire répandre
au profit de la Vertu . Voilà la fin que fe font
propofées plufieurs Maifons Religieufes , & le
Public , en faifant repréfenter des Spectacles
facrés & profanes. Les grands Poëtes anciens
& modernes , n'ont point eû d'autre deffein ,
i vous en exceptez Séneque & quelques- uns
de nos Auteurs , pour n'avoir pas eû autant
de Sentimens qu'ils avoient d'idées.
Ce n'eft pas affés pour un Poëte Tragique ,
de connoître les paffions ; il doit les fentic
véritablement pour les bien exprimer. Je
veux dire que fon imagination doit fe les
peindre fi vivement , que fon coeur fente les
mêmes tranfports, que fi elles étoient réelles .
Ame de tous fes Héros , il doit prendre tour
à tour leurs paffions differentes. S'irriter , s'attendrir
, s'allarmer pour bien repréſenter la
colere , la tendreffe , la terreur ; il doit avoir:
au fonds de fon coeur tout ce qu'il fait dire
à fes Héros. Voila l'heureux don du Sentiment
; il eft plus néceffaire au Poëte Tragique
que l'efprit , parce que l'efprit, quelques
efforts qu'il faffe , ne peut imiter la Nature
que très-foiblement , & que le Sentiment ,
au
2844 MERCURE DE FRANCE
au contraire , eft la Nature même. Un efprit
élevé ,un génie fécond , le talent de verfifier
élégamment , peuvent fuffire aux autres Poëtes
, mais une ame fenfible eft particuliérement
néceffaire aux Poëtes Tragiques.
Il n'eft donné à perfonne d'être également
animé de tous les Sentimens qui peuvent entrer
dans les paffions tragiques ; les uns fe
laifferont aifément aller aux tranfports de la
colére & de la vengeance , d'autres s'attend
driront d'amour & de commifération ; celuici
aura dans l'ame la douceur & le courage
d'Efther , celui-là fe prêtera , pour ainfi dire
aux fureurs & à l'impieté d'Athalie . Heureux
ceux qui mettront fur la Scéne desSujets , où
ils pourront faire entrer les mouvemens naturels
de leurs ames ! Corneille étoit indépendant
& fier ; de - là ces Sentimens forts &
grands qui foûtiennent les expreffions de fes
Héros. Racine avoit un doux penchant pour
l'Amour : fes Vers en font le plus aimable &
le plus féduifant langage. Outre ces Sentimens
, qui leur étoient naturels , leur ame extremément
vive, les rendoit capables de tous
ceux que demandoient les differentes fituations
de leurs Héros . On les furprenoit quel
quefois dans la chaleur de la compofition
l'oeil égaré , l'air menaçant , le maintien terrible
, & un moment après ils adouciffoient
leurs regards , ils entroient dans une autre
émotion
DECEMBRE. 1742. 2645
émotion , & ils laiffoient échaper des foupirs.
Ils préparoient à leur Nation des tranfports
qui devoient être immortels , parce
qu'ils les avoient fentis les premiers.
Il faut imiter nos grands Maîtres dans le
foin qu'ils prennent de faire parler encore
plus le coeur que l'efprit dans leurs Ouvrages
, & dans l'art qu'ils ont d'exciter l'interêt.
Cet art eft bien fimple chés les Anciens
& les Modernes , qui ont eû un grand nom;
il confifte , à ce qu'il me femble , à faire
parler & agir leurs Héros comme leurs premiers
Concitoyens parloient & agiffoient ,
& à repréfenter auffi naturellement les paffions
de la Tragédie , que les Poëtes Comiques
repréfentent les moeurs, qui font l'objet
de la Comédie. La terreur & la pitié , triftes
effets des maux dont la tyrannie & la ſuperftition
affligerent long - tems les Athéniens
faifoient fur eux les impreffions les plus fortes
& les plus touchantes. Ils trouvoient , je
ne fçais quel plaifir , à fe rapeller le trifte fouvenir
de leurs malheurs publics & particuliers
, à s'effrayer & à verfer des larmes.
Voila pourquoi Efchile , Sophocle , Euripide,
pour intereffer leurs Compatriotes , fondoient
prefque toujours leurs Tragédies fur
ces deux pallions. Corneille a fuivi en partie
le goût de fa Nation , mais il l'a voulu auli
affujettir au fien . Il plût d'abord par l'Amour
&
2646 MERCURE DE FRANCE
& la Vengeance dont - il anima le Cid ; Paffions
naturelles qu'il exprima avec force. Il
fe foûtint encore par les maximes de politi-
-que dont fes Piéces font remplies ; les troubles
du Royaume tournoient affés alors les
efprits des François de ce côté-là . La variété
prefque infinie des Scénes , des inţiigues
, & des caractéres que ce Grand homme
fit voir fur le Théatre dont il étoit le
pere , l'élévation de fon Genie , l'énergie de
fes vers , tout cela étonna long tems les François
, mais on fe lafle aifément d'admirer.
Les Héros de Corneille étoient trop audeffus
des hommes . On laifla là Cornelie &
Sophoniſbe avec leurs grands fentimens &
leurs vertus prefque idéales . On fe raprocha de
la Nature , & on courut pleurer les malheurs
d'Andromaque , & les foibleffes de Phædre ;
Corneille , & plufieurs autres Sçavans avec
lui fe plaignirent de leur fiécle ; en apellerent
à la Poftérité de la meilleure foi du
monde , comme toute une Nation eût dû
néceffairement foumettre fon goût & fon
plaifir au génie d'un Poëte. N'étoit - il pas
plus naturel qu'un Poëte conforinât fon génie
à celui de fa Nation ? Les beaux Vers
de Racine qui expriment avec délicateffe les
douceurs & les peines de l'Amour , telles
que les François les fentent , lui gagnerent
jamais leurs fuffrages. Cependant fes Piéces
ont
à
DECEMBRE. 1742. 2647
ont un défaut que je ne puis diffimuler , c'eft
que tandis que celles de Corneille , repréfentent
les Anciens , tels qu'ils étoient ou
qu'ils pouvoient être , celles de Racine les
repréfentent toujours , à peu , près tels que
nous fommes. Ce défaut fait beaucoup de
peine à nos Sçavans , en faiſant beaucoup de
plaifir aux jeunes gens & aux femmes,
Seroit- il impoffible de contenter tout le
monde à cet égard , & de s'ouvrir après
Corneille & Racine une route nouvelle ? Ne
pourroit on point introduire fur nos Théatres
des caractéres , qui nous intereffaffent
par eux -mêmes , des paffions qui nous fiflent
fentir les nôtres , des exemples de Vertu que
nous puiffions imiter , en un mot , des François
comme nous ?
On nous représente tous les jours des
Grecs , des Romains , des Amériqu.ins &
des Turcs , dont les vertus & les malheurs
ont je ne fçais quoi d'étranger pour nous ,
bien plus propres à exciter notre curiofité dans
une Hiftoire , qu'à émouvoir notre ame dans
une Tragédie . Nous ne fommes point audeffous
des Italiens , des Eſpagnols , & mê
me des Anglois , qui tirent de leur Patrie
prefque tous les Héros de leurs Théatres.
Leur Hiftoire n'eft pas beaucoup plus feconde
que la nôtre en Evenemens tragiques ;
nous avons cû, comme eux, de Grands Hommes.
2648 MERCURE DE FRANCE
mes , des Révolutions & des Guerres de
toutes les efpeces ; en un mot, il y a eû dans
les vertus & dans les vices des François d'affés
grands contraftes pour en faire des
de Théatre.
coups
On en conviendra fi l'on remarque que
nos François n'oublient jamais les foiblefles
de l'Amour ; les defirs de la gloire qui s'acquiert
par les armes ; qu'ils ont paffé fouvent
d'une Religion vraye & folide à des fuperf
titions cruelles & barbares ; que tout diftingués
qu'ils font par leur attachement à leur
Roy , un grand nombre d'entre eux a manqué
à cette fidelité par de faux principes de
Religion. Voilà des contraſtes .
Ces vertus & ces paffions & plufieurs autres
qui nous font communes avec les autres
Peuples, portent un caractére particulier, qu'il
eft digne d'un François d'apercevoir , & que
nous reverrions fur le Théatre avec un plaifir
toujours nouveau . Qu'un Poëte , comme Mrs
Crebillon & Voltaire , life attentivement notre
Hiftoire , aprofondiffe le génie fingulier
de notre Nation , obferve l'objet précis de fa
haine & de fon amour , de fon mépris & de
fon admiration , il fera sûr de fe foûtenir fur
notre Théatre après ces quatre Poëtes.
Quoi de plus utile , de plus flateur & de
plus intereffant pour nous que de voir precifément
les vices que nous déteftons, punis,
les
DECEMBRE. 1742 2649
,
les vertus que nous eftimons , récompenfees ;
les maximes que nous aimons à fuivre , vantées
; les Rois qui nous ont fait du bien , renaître
; nos Héros & nos Héroïnes , nous fervir
d'exemples par leurs vertus & leurs foibleffes
, leur gloire & leurs malheurs ?
Charlemagne Saint Louis , Charles V.
& VII. Louis XII . François Premier , Henri
le Grand , Richelieu , Colbert , &c . pour ne
pas parler des Femmes Illuftres dont l'Hiftoire
de France eft remplie , nous feroient bien
plus de plaifir que ces Héros fabuleux de
l'Antiquité , que ceux qui vont aux Spectacles
connoiflent très - peu pour la plûpart.
J'avoue qu'il y aura de grandes difficultés à
furmonter pour marcher par ce nouveau chemin
à l'immortalité ; mais elles ne font point
au-deffus des François ; on a crû qu'il étoit
impoffible d'avoir un Poëme Epique ; la Henriade
a prouvé le contraire . L'admiration &
les aplaudiffemens d'un Peuple , tel
que le
nôtre , compofé de tant de perfonnes fi aimables
, fi fenfibles , fi raiſonnables , ne doivent-
ils point coûter quelques efforts à ceux
qui cherchent la gloire ? Pour moi , j'oſe préfumer
fur l'inconftance de notre Nation fur
le peu de goût qu'elle a pour fe guinder dans
des Sentimens héroïques , qu'elle ſe laffera
bien-tôt des Grecs , des Romains , des Amériquains
& des Turcs ; que les Comédies fé-
I. Vol. E rie ufes
2650 MERCURE DE FRANCE
rieufes , qui deviennent à la mode , lui tiendront
lieu des Tragédies , à moins qu'on ne
prenne ce moyen unique de fixer fon goût ;
on l'a déja tenté avec fuccès. Nous avons
plufieurs Tragédies de cette efpece , auxquelles
il ne manque que des Héros plus
intereffans , & des Vers affés élégans & naturels
, pour fe faire lire plufieurs fois dans les
Tragédies , & même après qu'on en a connû
l'intrigue,
LE SOUVERAIN BIEN ,
O DE.
AMbitieux defirs , flateufes eſpérances ,
De qui l'apas trompeur nous charme & nous féduit,
idolâtré vos fauffes aparences ;
J'ai trop
J'abhorre les fentiers où vous m'avez conduit.
Mon ame, qui recherche un bien plus eſtimable,
Ne veut plus s'attacher qu'au Monarque adorable,
Qui me donna le jour , & créa l'Univers ;
C'eft lui que je choisis pour Seigneur & pour Maître ,
Et comme il n'en eft point de plus digne de l'être ,
Je confacre à lui feul mon encens & mes Vers.
*
Enyv é des douceurs que le Monde préfente ,
Dans
DECEMBRE. 1742 2651
Dans fes rians fentiers je me croyois content ;
Je fuivois des plaifirs la dangereufe pente ;
Rien ne pouvoit fixer mon eſprit inconftant.
Etoient-ce de vrais biens qu'ils offroient à ma vûë z
Non , je n'y rencontrois qu'une funeſe iſſuë ,
Un précipice affreux qu'ils creufoient fous mes pas;
Toi feul, Seigneur, toi feul, par ta main fecourable,
Peus nous faire trouver ce bonheur véritable ,
Que le monde promet & qu'il ne donne pas .
*
Quand j'aurois de Créfus les tréfors , l'opulence,
Et les vaftes Etats qu'Alexandre conquit ,
La valeur de Céfar , fa gloire , ſa puiſſance ,
Les honneurs qu'il reçûr , les Peuples qu'il vainquit,
Quand j'aurois les Beautés au Serrail renfermées ,
Ces grandeurs , ces plaifirs font de vaines fumées;
Des biens qui font foûmis au caprice du fort ;
Mais fupofant encor qu'ils euffent de vrais charmes,
Que l'on pût les garder fans crainte ,fans allarmes,
De quoi nous fervent- ils à l'heure de la mort ?
*
Vous,qui, pour avoir place auTemple de Mémoire,
Ne cherchez qu'à cueillir de ftériles Lauriers ,
Héros ambitieux d'une fatale gloire ,
Vous raffafiez -vous de vos exploits guerriers ?
Plus ils coutent de fang, plus on verfe de larmes,
E ij Et
2652 MERCURE DE FRANCE
Et plus vous defirez de matiere à vos armes ;
Vous triomphez en vain des Peuples & des Rois ;
Vainqueurs de l'Univers fur la Terre & fur l'Onde,
Vous voudriez encor qu'il fût quelqu'autre Monde,
Que vous puffiez dompter & foumettre à vos loix.
*
Efclaves malheureux de ce métal funefte ,
Qui caufe tant de trouble & de confufion ;
Vous , qui par une erreur fenfible & manifefte ,
Attachez le vrai bien à fa poffeffion ;
Si vous voulez guérir vos ames infenfées
Elevez jufqu'au Ciel vos coeurs & vos penſées ;
Méditez fur la mort & fur l'Eternité ;
Renoncez à des biens fragiles , mépriſables ,
Et fongez qu'il n'eft point de tréſors véritables ,
Qu'au céleste féjour de l'Immortalité.
*
Et vous, pour qui le Ciel eft fans ombre & fans
voiles ,
Philofophes fameux , Aftronomes experts ,
Qui pénetrez le cours des Aftres , des Etoiles ,
Et tous les mouvemens de cę vafte Univers ,
Vous voulez vainement tout voir & tout connoître;
Si vous ne remontez juſqu'au fouverain Etre ,
Rien.ne pourra fixer votre Efprit agité ;
Le plus profond fçavoir, fans lui, n'eft qu'ignorance
DECEMBRE . 1742 2653.
S'il n'éclaire vos coeurs par fa toute- puiflance ,
Vous ne trouverez rien qu'erreur , qu'obfcurité .
*
Affervis fous les loix d'une jeune volage ,
Vous , qui lui confacrez vos jours , vos libertés ,
Amans, qui confumez le plus beau de votre âge ,
A préſenter des voeux fi fouvent rebutés ,
Şongez qu'un jour la Mort par fa faux redoutable
Détruifant votre Iris , doit la rendre femblable
A l'objet qui charma Ménelas & Pâris ;
A celle dont les yeux enchantoient Démofthénes;
Non , il ne refte rien de ces Beautés fi vaines ,
Que les frivoles noms d'Helene & de Lays.
*
Spectacles fi chéris, qu'on étale au Théatre ,
Od jadis Auguftin trouvoit tant de douceurs ;
Ris outrés & plaifans d'une Scéne folâtre ,
Récit ingénieux qui fait couler nos pleurs ;
Art trompeur & fatal , tu fçais charmer notre ame,
En nous peignant l'effet d'une funefte flâme ,
Qui ne fait fur nos fens que trop d'impreffion ;
Mais on reconnoît bien l'erreur où tu nous plonges,
Et l'on fuit avec foin tes dangereux menfonges ,
Lo.fque l'on refléchit fur fa Religion.
*
Oui, c'eſt en toi, Grand Dieu, que le vrai bien fe
Eij · Mais
trouve ;
2654 MERCURE DE FRANCE
Mais un bien immuable & rempli de douceur ;
C'est une vérité que reconnoît , qu'éprouve
Celui dont ton efprit daigne toucher le coeur.
Ne permets pas Seigneur, que mon ame troublée
Retourne ces erreurs qui l'avoient aveuglée ,
Et me faifant fentir ton amour paternel ,
A mes juftes défirs, Seigneur , rends-toi propice ,
Afin qu'après ma mort à jamais je jouiſſe
De ces plaifirs fi purs qu'on goûte dans le Ciel,
Le Maire.
****************
SUR LA QUESTION propofée dans
le Mercure du mois de Juin dernier , page
1395. fçavoir , s'il eft plus avantageux à
un homme d'être utile qu'agréable , en fupofant
que l'une de ces qualités donne l'exclus
fion à l'autre.
CE
Ette Question n'eft pas nouvelle. Si on
ne la
trouve pas expreffément traitée,
dans les Auteurs , il n'en eft point qui ne la
fupofe tacitement réfoluë. N'eſt - elle pas
même décidée par celle , qu'a propofé cette
année l'Académie des Belles Lettres de Marfeille
, dont le fujet eft , que les qualités du
coeur font préférables aux talens de l'efprit ?
N'y aura- t-il donc pas de la témérité ,
fi
en
DÉCEMBRE . 1742. 2655
en attendant que cette Académie donne au
Public les Difcours qui auront concouru , je
hazarde quelques réflexions fur cette Queftion
? Ma plus grande peine eft celle de les
réduire. Auffi ne ferai je qu'ébaucher les caractéres
de l'homme utile & de l'homme agréable
, pour conclure la préference de l'un far"
l'autre .
Un homme qui fe prête au befoin & qui
a la capacité d'y pourvoir , eft un homme
utile. Celui qui fçait plaire & qui plaît , eſt
un homme agréable. Donnons du jour à ces
définitions , pour en reconnoître les avan
tages.
>
L'homme utile doit réunir les qualités du
coeur aux talens de l'efprit : ceux- ci peuvent
fuffire à l'homme agréable. Un air aif ,
l'humeur joviale , de l'agrément dans li
perfonne , une converfation enjoüée , de la
politeffe , un heureux naturel rendent un
homme agréable . Il faut un plus grand concours
de qualités & de talens , pour faire un
homme utile.
,
,
,
>
Le zéle & la capacité ne font pas les feules
vertus qui le caractérisent . Le zèle fupoſe
dans l'homme utile l'affabilité la
bonté , la générofité , la patience : s'il n'étoit
laborieux , fçavant , difcret , jufte , fincére
, vertueux , il n'auroit point la capa
cité .
E iiij L'hom
2656 MERCURE DE FRANCE
D
une
L'homme agréable a quelque chofe de.
plus brillant & de plus recherché . Un Eſprit
vif & badin , enleve aifément les fuffrages
d'une Compagnie. Un ton railleur
complaifance habituelle , des maniéres douces
& polies , des foins officieux font les
cautions de l'homme qui fçait plaire . Elles
préviennent en leur faveur ; comment pourroient-
elles n'être pas reçûës ? On les admet
d'autant plus volontiers , qu'elles divertiffent
& qu'elles amufent.
Les vertus morales , les fciences n'ont
point cet éclat . La modeftie fait leur plus
bel ornement. L'homme utile , qui doit les
réunir , pour être tel , ne cherche point à le
paroître ? C'eft dans l'occafion qu'il fe montre.
Ce n'eft ni l'interêt , ni la reconnoiffance,
qu'il envifage dans les fervices qu'il rend.
Sa fatisfaction intérieure eft la premiére récompenfe
de fes bienfaits . Il n'eft jamais
plus heureux , qu'au moment où il ſe voit
en état de les prodiguer.
Peut -on méconnoître les avantages de
l'homme utile fur l'homme agréable , par
raport
à la focieté civile ? Des befoins réïtérés
demandent des fecours continuels . Eft il
du reffort de l'homme agréable , d'y pourvoir
? La ſcience de plaire n'eft pas la fcience
d'être utile. La premiére n'a qu'une apa- .
rence , qu'un dehors , qui furprend & qui
ICDECEMBRE.
1742 2657
réjouit ; la feconde eft fi réelle , fi néceſſaire,
qu'elle touche d'autant plus qu'elle profite.
>
T
On peut comparer l'homme utile &
l'homme agréable à deux champs , apartenans
au même maître , dont l'un eft deftiné
pour un Parterre & l'au re pour des
Plantations. Celui- ci ne préfente rien d'extraordinaire
à la vûë ; des vignobles , des
arbres , des riches moiffons en font tout
l'ornement. Un fpectacle plus charmant fixe
nos regards fur celui là : la proportion dans
les allées, la fymétrie dans les compartimens ,
l'arrangement des plantes & des fleurs differentes,
leur diverfité dans l'odeur, leur varieté
dans les couleurs , tout y flate plus agréa
blement les fens ; tout y concourt à nous
réjouir & à nous charmer.
>
Ce Maître n'eft autre que la focieté ;
de laquelle l'homme utile & l'homme agréable
font les membres. Lun , tel que le champ
mis en Parterre ne lui donne que des
amuſemens paffagers , des plaifirs accidentels
, des plantes qui ne vivent que peu de
tems , des fleurs qui fe fannent : tout y brille,
tout y plaît ; mais ce n'eft qu'un clinquant ,
que le tems efface : il ne fournit rien de foli
de ; c'eft à l'autre feul , à produire des biens
réels. L'homme utile , comme le champ bien
complanté , fournit à tous fes befoins : fes
fervices ne font point bornés à des promeffes
E v incer2653
MERCURE DE FRANCE
,
incertaines , à des efperances frivoles ; il ne
donne que des fruits falutaires ; tout eft
avantageux chés lui . Attentions , confeils
fecours , bienfairs ; tels font les avantages
que la focieté tire de l'homme utile . Ceuxci
peuvent- ils , fans injuftice , être mis en
parallele avec les agrémens de ceux - là Préférer
ces derniers aux autres , ce feroit
dre l'or de billon pour de l'or pur.
?
pren-
Plaçons l'homme utile & l'homme agréable
dans un confeil. Quelle difference de
P'un à l'autre ! L'un parle indifferemment &
fuperficiellement des matiéres qu'on y traite ;
l'autre les difcute avec aplication , & les
décide avec connoiffance : l'un eft auffi
prompt à réfoudre , que foible à exécuter ;
l'autre eft auffi retenu dans fes entreprifes ,
que ferme dans leur exécution. L'homme
utile fait toutes chofes avec poids & meſure ;
l'homme agréable n'en prend que la fleur.
Ce dernier eft brillant & fubtil , le premier
eft folide & profond . Un Politique a dit
que l'un étoit fait pour la beauté , & l'autre
pour l'ufage.
,
Placez ces hommes dans la converfation ;
ils y joüeront des rôles encore plus diffetens.
Si clle eft ferieufe , l'homme utile en
impofera à l'homme agréable : c'eft un Cenfeur
qui parle préceptes , & devant lequel
on n'oferoit avancer des fadeurs étrangères ,
он
DECEMBRE . 1742. 2659
?
ou des puérilités déplacées . Eft-elle badine
l'homme utile fçait encore la mettre à profit
; il tire d'un innocent badinage une naïve
moralité : ce n'eft pas qu'il banniffe la railletie
, c'eft qu'il veut la réduire dans fes juftes
bornes . Ecartez l'homme utile de l'homme
agréable ce dernier reprend fa premiére
forme ; fon efprit rentre dans fes faillies réïterées
fertile en bons mots , en hiftoriettes,
en minauderies , il reprend fon petit empire
fur les Spectateurs ; c'eft là , qu'il joue le
premier rôle . De petits foins , un certain
empreffement ; des fentimens affectueux
des équivoques , des menfonges ou des mé--
difances légères , tout jufqu'aux actions les
plus indifferentes , lui fert efficacement à le
remplir.
*
La politeffe feule peut rendre un homme
agréable. C'eft , dit la Bruyere , une certaine
attention à faire, qu: par nos paroles & par nos
maniéres , les autres foient contens de nous
d'eux-mêmes. Qu'un tel caractére eft aimable!
Qu'il eft à rechercher ! Il a tous les dehors
de celui d'un homme utile ; & fi des biens
réels des fecours certains , des bienfaits
journaliers ne m'attachoient à celui - ci , je
donnerois volontists la préférence à celui là :
mais l'homme agréable n'eft extérieurement ,
que ce que l'homme utile eft intérieurement.
E vj L'utile
2660 MERCURE DE FRANCE
L'utile & l'agréable dans l'homme , forment
fes deux plus belles qualités par raport
à fes femblables . Heureux celui qui les raffemble
! Si les Auteurs les ont de tout tems
recherchés dans leurs Ouvrages, c'eſt en confultant
en fuivant leur propre nature. Ils
ont diftingué l'homine fage de l'homme
badin , l'homme vertueux de l'homme enjoüé
; ils ont fait de généreux efforts pour
en réunir les caractéres . Si cette union leur a
paru difficile , s'ils ne l'ont point affortie ,
l'utile l'a toujours emporté fur l'agréable . Ils
auroient crû proftituer leurs talens
avoient tenté d'y mettre du doute .
,
s'ils
Le beau Sexe adoptera- t - il cette décifion
? Un homme agréable eft pour les
Dames , ce qu'eft pour la focieté un homme
utile. Quelle peut être la caufe de cette préférence
? Eft- ce le défaut de folidité dans
leurs caractéres ? Eft - ce qu'elles ne veulent
point fe donner la peine d'étudier les homines
? Eft ce enfin , qu'elles fe laiffent fur.
prendre par des dehors extérieurs , qui les
féduifent & ne les laiffent plus libres dans
leur choix ?
Par M. C ... d'Aix
PORDECEMBRE.
1742
1742 266 E
JustJiJists : titistJi Just
PORTRAIT DE CLORIS. Piéce
faite dans les Jardins de Versailles..
D
Ans des Jardins où l'Art , corrigeant la
Nature ,
Par le brillant éclat d'une riche parure ,
D'un défert écarté fit le féjour des Dieux
Dans ces Jardins délicieux ,
Le coeur percé des traits de celle qui m'engage ,
Je cherchois avec foin , entre cent Déïtés ,
Une jufte & parfaite image
>
Des Graces de Cloris , de fes rares Beautés
J'examinai partout , ma recherche fut vaine ;
L'objet le plus charmant l'aprochoit avec peine
Et mon coeur amoureux fentoit avec plaifir
Qu'entre ces Beautés immortelles ,
Chefs-d'oeuvres accomplis d'Apelles ,
Pour la repréſenter , il me falloit choifir
Tout ce que je voyois de plus parfait en elles.
Mais , cedons au tranfport dont je fuis agité
Confacrons fon Portrait à l'Immortalité .
L'Epouſe du Dieu du Tonnerre ,
A fa taille élevée , avec la majeſté :
Dans la Déeffe de la Guerre ,
On trouve fon air vif , & fa noble fierté :
Venus , de tous les traits nous montre la fineffe
L'&-
2662 MERCURE DE FRANCE
L'agrément , la délicateffe ,
Et la jufte proportion ;
Ce fouris enchanteur , cet air doux, cet air tendre ;
De graces & d'attraits cette aimable union ,
Qui force les coeurs à fe rendre.
Berger , juge & témoin des fecrettes Beautés
Des trois rivales Déïtés ;
Si cette difpute fameuſe ,
Que fit naître autrefois la Difcorde envieufe
Ou ton choix décida pour la Mere d'Amour ,
Se fût excitée en ce jour ;
Tu pouvois aifément terminer la querelle ;
Tu pouvois prévenir la Fortune cruelle ,
De tant de Princes & de Rois ;
En faisant pour la Pomme un choix plus équitable ,
La donnant à Cloris , comme la plus a mable ,
Tu la donnois à chacune des trois.
De M. B ******
Les mots de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure de Novembre , font une Mou-,
che , dont fe fervent les Dames , & Courage.
On trouve dans le Logegryphe , Ean , Or ,
Cour , Arc , & Cage.
On a dû expliquer l'Enigme en Mufique ,
par Chanson,
ENIGME.
DECEMBRE. 1742. 2663
M
ENIGM E.
Inerve prit naiffance au front de Jupiter
Je dois auffi la mienne à celui de mon pere ;
Cinq jumeaux dans mon fein , par un double myftére
,
Tiennent de moi leur être & me font exifter :
Je fais plus , je nourris en de nobles entraves
Un grand nombre d'Enfans & qui font mes Efcla
ves.
Amour , rage , pitié , chés moi , tout eft fureur
Je nage dans le fang , le carnage & l'horreur :
Si d'un fouffle malin la terrible influence ,
Quand je vomis mon feu , préfide à ma naiffance,
J'entre dans le néant : Lecteur, le croirois -tu
Dans mes égaremens , mon but eft la vertu .
A Rouen , par M. Gueroult de Fecamp.
**************************
D
LOGOGRYPHE.
Ans le déguiſement réfide ma puiffance ;
Dès le moment de ma naiffance ,
Pour vivre , on me contraint d'emprunter fon fecours
:
Je n'existe qu'autant qu'il exifte lui- même ,
Et
2664 MERCURE DE FRANCE
Et s'il vient à périr , dans ce malheur extrême ,
La Parque avec les fiens tranche auffi - tôt mes jours
Mon nom , fage Lecteur , eft facile à connoître ;
D'y rêver maintenant tu ne peux t'empêcher ,
Et lorsqu'avec grand foin je devrois me cacher ,
Sous dix piés je me vois obligé de paroître.
Je t'offre un grain, dont par néceffité
On tente quelquefois l'uſage ;
Ce qu'un Acteur aprend avec activité ;
Inftrument,d'Apollon l'ordinaire apanage ;
Petit vafe de verre où l'on met les liqueurs ;
Fleuve célebre dans la France ;
Métal , qui de tout tems fçût captiver les coeurs
Organe de grande aparence ;
Note , fruit , pronom fubftantif.
De combiner , pour toi feroit chofe inutile ;
A qui veut ine trouver , un moyen très- facile
Ekt de jetter , Lecteur , un coup d'oeil attentif.
L'Abbé Gaudet.
P
NOU-
1
DECEMBRE. 1742 2665
Man hat
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX - ARTS , & c.
>
ES AMUSEMENS DU COUR ET DE L'ESPRIT
. Ouvrage Périodique , Tome XIII.
1742. A Paris chés la Veuve PISSOT ,
Quai de Conty, à la defcente du Pont Neuf,
à la Croix d'or, au coin de la rue de Nevers ;
& chés Ant. Urbain COUSTELIER , Quai des
Auguftins , près la rue Gift- le- Coeur . In 12 .
d'environ 600. pages d'Impreffion. Le prix eft
de cinquante fols en blanc, & de 3. liv. relié.
Nous dirons , fans autre préambule , que
c'eſt toûjours à peu près le même goût de
compilation dans ce nouveau Tome , à l'exception
que le choix des Piéces paroît fait
avec difcernement , & que les nouveautés
de differens genres y abondent davantage .
Poëfies , Littérature , Critique , Amuſemens
du Coeur en particulier; l'Epigramme ſuivante
eft d'un fils à fon pere , qui avoit crû
peut être lui laiffer de grands biens , en lui
procurant une bonne éducation .
De mes jours malheureux Auteur trop refpectable,
Grace à ta vanité , qui me rend miferable ,
Inftruit chés L *** par des Maîtres fameux ,
Je
2666 MERCURE DE FRANCE
Je fçais parler le Grec & le Latin comme eux .
Mais n'ayant de ta part d'autres biens à prétendre,
De quoi me ferviront ces jargons étrangers ?
Dans l'école des Boulangers
Que n'ai-je étudié dès l'âge le plus tendre !
Helas ! j'aurois du pain. Il vaut bien mieux en
vendre
Que de n'en pouvoir acheter.
On a réimprimé dans ce Tome une Lettre
d'un Savoyard à un de fes Amis , au fujet de
la Tragédie de Pyrrhus & de fa Critique.
L'Aureur s'eft déguifé fous un nom plaifant ;
& fon écrit eft plein de fel . Le premier reproche
, dit- il page 21. celui fur lequel on
apuye le plus fréquemment eft l'obfcurué.
Je vous prie d'envoyer à M. de Crébillon
pour premiére Piece juftificative , le Certificat.
fuivant.
1
,
Je fouffigné , Martin Caboche , Savoyard
de Nation , certifie m'être fenti l'efprit élevé
& le coeur attendri à la lecture de Pyrrhus.
A *** ce ** Septembre 1726.
CABOCHE.
Et pour vali ler ce Certificat, j'y joins l'autre
ci inclus des Notables du Lieu , qui témoignent
que je fuis dans mon bon fens , afin qu'on ne i
me croye pas un fou capable de me récrier fur
les onzième & douzième Chapitres du Livre
de
Pantagruel
. Voici
DECEMBRE. 1742 2667
Voici une Elégie de M. Cocquard qui nous .
eftimable.
a paru
C'en eft fait , cher Ami , prens pitié de mà peine
C'en eft fait , je perds tout puifque je perds Ifmene.
Un Epoux dont le nom me fait frémir d'horreur
Oronte , dans fes bras jouit de ma fureur.
Sans ceffe je me peins le triomphe d'Oronte :
Od cacher déformais mon fuplice . & ma honte è
Importun à tout autre , à moi - même odieux , ઢે
La mort eft le feal bien que je demande aux Dieux.
Mais que dis je Ces Dieux peu touchés de mes
larmes ,
Semblent avec mes jours augmenter mes allarmes,
Et dans mon fort affreux défirer le trépas ,
C'en eft fans doute affés pour ne l'obtenir pas.
Du moins fi la douleur où mon ame eft plongée ,
Par un récit exact peut être foulagée ,
Aprends par quels refforts , de bizarres Parens
Sont d'Ifmene & de moi devenus les tyrans.
Les traîtres ! En un jour ils ont eû la foibleffe
De violer la foi d'une fainte promeffe ;
L'Amour affociant l'Hymen à mes plaiſirs ,
Devoit bien- tôt combler mes plus tendres defirs ,
Oronte , qui toujours en proye à fes caprices ,
Par aucune vertu ne rachette fes vices ,
Oronte, fur Ifmene ofe lever les yeux.
Indignée , elle fuit fan afpect odieux ;
Mais
2668 MERCURE DE FRANCE
Mais lui , fans s'étonner , fans chercher à lui plaire ;
Il pourſuit en fecret ſon deffein téméraire ;
Il s'explique aux Parens dont elle tient le jour ,
Ne croi pas que fon coeur leur vante fon amour ;
Hélas ! fi l'amour feul avoit pû les féduire ,
Qui jamais auprès d'eux, eût tenté de me nuire?
A de plus fûrs moyens fon adreffe a recours :
11 apelle d'abord Plutus à fon fecours.
Au feul éclat des biens ils fe laiffent furprendre ;
Avec mille tranfports ils l'acceptent pour gendre :
Ifmene en vain gémit & reclame mes droits ;
Il faut craindre leur haine ou foufcrire à leur choixi
Pour accomplir l'Arrêt du Deftin qui l'oprime ,
On entraîne à l'Autel cette trifte victime .
>
Tantôt levant au Ciel fes yeux mouillés de pleurs,
Elle croit l'attendrir fur fes vives douleurs ;
Tantôt baiffant la vûë & gardant le filence
Elle fuit d'un pas lent le Rival qui m'offenfe ,
Et craignant un Hymen qui doit nous séparer
Son coeur fidéle encor, cherche à le différer :
Ils arrivent au Temple au milieu des ténebres ;
Erynnis l'éclaira de fes torches funébres :
Déteftant ce lien , fource de mille maux ,
>
L'Hymen avoit lui- même éteint tous fes flambeaux.
Au miniftre du Temple Ifmene eft préſentée .
Grands Dieux , qu'à fon afpect elle est épouvantée !
Que
DECEMBRE. 2669 1742.
Que dit- elle? .
époux ,
Ecoutons Je vous prends pour
...
Oronte ... Jufte Ciel ! quel nom prononcez vous ,
Imene , cher objet qui m'aimez , que j'adore !
Vous époufer Oronte ! Oronte qu'on abhorre :
Non , je ne puis peafer qu'en ce triste moment
Votre perfide coeur parle fincérement :
Et vous , des Immortels redoutable Miniftre ,
Autoriferez - vous cette union finiſtre ?
Ifmene à mon Rival porte a regret fa foi ;
Ses véritables voeux font de n'être qu'à moi ;
Vous pouvez empêcher qu'aux miens on ne l'enleve ;
Arrêtez ... mais , hélas ! l'Hymen fatal s'acheve ,
Et je vois réunis , pour me confondre mieux ,
Prêtres , Parens , Oronte, Ifmene , tous les Dieux , &c.
Voici l'Extrait d'une Lettre écrite à l'Auteur
des Amuſemens : elle renferme un Fait
extrémement fingulier.
" Quand on obferve de près la Nature ,
» M. quand on la fuit dans fes opérations ,
» elle n'offre à chaque pas que prodiges : fes
»productions les plus fimples font des écueils ,
» où fe perd notre foible entendement. Cependant
nous en raifonnons bien ou mal ;
& à force d'en réitérer l'examen , nous nous
»familiarifons avec ce qu'elles ont de plus
" admirable , & nous n'en fommes plus
» étonnés. Mais arrive- t'il quelque évène-
39
» ment
2670 MERCURE DE FRANCE
» ment contre le cours ordinaire des chofes
que nous connoiffons ? Notre efprit eft
tenté de le révoquer en doute par la feule
» raifon qu'il ne quadre pas avec nos idées.
» La nouveauté eft regardée comme incroya
ble par ceux qui comptent fur leurs lu-
» miéres , & jette dans une admiration fu-
» perftitieuſe ceux qui ne fe piquent pas
d'aprofondir.
Pour remédier à ces deux excès,
également vicieux ,rien n'eft fi utile que de
» conferver la mémoire de certains Phéno-
» menes de tous les genres qui femblent
" contraires aux Loix de la Nature , & d'en
rechercher mûrement les caufes.
39
در
» On parviendra par- là au point d'y aċcoûtumer
les fçavans & les ignorans , &
"par conféquent de détruire l'admiration
» outrée de ceux- ci , & l'incrédulité des au-
» tres. D'ailleurs , un fecond effet de ce foin
»feroit d'enrichir l'Hiftoire naturelle & d'y
99

répandre une clarté qu'elle n'a point euë
»jufqu'à préfent. C'eft ce loüable motif qui
» a engagé l'Auteur d'un Livre Italien, que je
» lis actuellement, à raporter un Fait très fingulier
qui me paroît mériter l'attention des
» Curieux ; & vû la profeffion que vous fai-
" tes , M. d'amufer utilemeut le Public , j'ai
" crû que vous ne feriez pas faché que je
" vous en fiffe
59
part.
» Un certain François Severino , Greffier
» du
DECEMBRE. 1742. 2671
"
"
ןק
» du Confeil de Naples , le plus fcélérat de
" tous les hommes , & qui , affectant avec
» art les dehors de la probité , fçavoit en im-
"pofer au Public , avoit une Soeur veuve , &
» de cette Soeur un neveu & une niéce. Le
» neveu fut mis de bonne heure dans un de
» ces lieux où l'on prend foin de l'éduca-
» tion de la jeuneffe : la niéce reftoit avec ſa
» mere dans la maifon de Severino. Cette
»femme jouifloit de beaucoup de bien , &
l'hypocrite defiroit paffionément fe l'aproprier.
Ne trouvant fas de moyens ordinai-
» res pour fatisfaire fon avidité , il eut re-
»cours au plus barbare expédient dont on
puiffe s'avifer : ce fut d'enfermer fa foeur
" & fa niéce dans un caveau où il ne leur
donnoit , pour toute nourriture , qu'un
peu de pain & d'eau ; & pour tout habille-
» ment , qu'une fimple couverture de laine.
» Il efpéroit par là s'en débaraffer , comptant
qu'elles ne fuporteroient pas long tems
» une vie fi dure , mais le Ciel en ordonna
» autrement : elles réfifterent à toute l'hor-
» reur de ce traitement , & y vécurent pen-
» dant ſeize ans entiers. Enfin, la Providence
» ne permettant pas que le crime triomphât
» plus long-tems , fit naître l'occafion de
» leur délivrance , dans le moment qu'elles
» n'ofoient plus l'efpérer. Le fils de cette
» femme , commençant à être en état de
وو
و د
>>
penier
2671 MERCURE DE FRANCE
»
penfer à fes affaires , demanda à ſon oncle
» des nouvelles de fa mere qu'il ne voyoit
point , & en même - tems compte de fon
» bien. L'oncle éluda le plus qu'il put la
difficulté , & paya fon neveu de mauvaiſes
raifons. Mais enfin celui - ci las d'être traité
en dupe , vint chez Severino au mois
» d'Août 1647. & lui parla d'un ton à lui faire
comprendre que pour cette fois il n'aban-
» donneroit pas prife , qu'on ne lui eût donné
» les éclairciffemens qu'il demandoit.
»
»
» Le fcélérat,ne fachant plus que répondre
» aux queſtions qui regardoient fa foeur , dit
» qu'elle étoit morte : le neveu lui demanda
» où elle étoit enterrée , & par cette queftion
l'embaraffa fi fort, que pour fe tirer d'affaire
>> il eut recours aux invectives . La querelle
» s'échauffa de part & d'autre , & on parla fi
>> haut que les pauvres prifonnieres l'enten-
» dirent. La mere reconnut la voix de fon
» fils: elles fe mirent toutes deux à crier autant
» que leurs forces le leur permirent . Le fils .
» étoit trop occupé de ce qui fe paffoit entre
» fon oncle & lui pour entendre leurs cris :
>> mais quelqu'un qui paffa dans ce moment
» auprès de la maifon du côté du fouterrain
» les entendit. Le peuple s'amaffa ; on fe
» douta de ce que ce pouvoit être , on démo-”
» lit le mur ; on fe fit entrée dans le caveau ,
>> & on y defcendit pour les fecourir. Figu-
» rezDECEMBRE
. 17427 2673
rez- vous, M. l'étonnement de ceux qui dé-
" couvrirent les premiers ces deux miferables
» femmes. A peine avoient elles ombre
» de figure humaine : jamais on n'a vû dé
>> fpectacle plus hideux : ce n'étoit plus que
des 1queletes
informes . Et
remarquez
>> ceci , s'il vous plaît , leur corps étoit cou-
» vert d'un bout à l'autre d'un poil rude &
» hériffé : elles avoient au menton une lon-
» gue barbe qui leur defcendoit juſques fur la
» poitrine , & leurs ongles , tant des pieds
» que des mains , étoient longs & recourbés,
» comme les ferres des Oifeaux de proye.
L'Allégorie fuivante , fous le titre d'Horof
cope , paroît fortir d'une plume ingénieufe.
Je n'avois garde , Iris , de ne vous aimer pas ;
Je ne m'étonne plus de ma perfévérance ;
Le Ciel avoit promis mon coeur à vos apas
Dès le moment de ma naiſſance.
Un Aftrologue , dont les yeux
Perçoient dans les chofes futures ,
Employa tout fon art à lire dans les Cieux
Quelles feroient mes avantures.
Des Planetes alors les afpects étoient doux ,
Et les conjonctions heureuſes ;
Mon petit corps étoit le rendez - vous
Des influences amoureuſes.
I. Vol. F Les
2674 MERCURE DE FRANCE
Les Aftres , qui jadis , en vivant ici - bas ,
(
Ont eu des intrigues galantes ,.
Car avant que d'avoir ces figures brillantes ,
Les Aftres, comme nous, ne coquettoient - ils pas ? )
Sur moi dans cet inftant on les voyoit répandre
De la quinteffence d'amour ,
De leurs impreffions pouvois- je me défendre ?
Helas ! je ne faifois que de venir au jour.
Qu'ils prennent bien leur tems pour nous faire un
coeur tendre !
Le fort , dans une Etoile a foin de figurer
Chaque Beauté, pour qui l'Enfant doit foupiter :
Elle eft , felon qu'il faut , plus ou moins éclatante ;
L'Etoile eft fixe ou bien errante
Selon que l'amour doit durer.
Elles étoient de la dernière eſpéce ,
Celles qu'à ma naiſſance on obferva d'abord ;
On les voyoit jetter un éclat affés fort ,
Et puis paffer avec vîteffe.
Elles ne gardoient pas long- tems
Ni mouvemens certains , ni courfes régulières ;
Celles qui furvenoient , effaçoient les premiéres ,
Et ne paroiffoient plus après quelques inftans .
Alors Aftrologue s'écrie ,
Lejoli garçon qui naît là !
Pas
DECEMBRE. 1742. 2673
Pas une Etoile fixe encore dans fa vie !
Je n'en vis jamais tant d'errantes qu'en voilà.
A la fin cependant une Etoile inconnuë
Parut s'avança jusqu'au point le plus haut ;
Elle s'enveloppoit d'une petite nuë
Que fon éclat perça bien - tôt &c.
Il a paru au commencement de cette année
chez la Veuve Piffot un Ouvrage fur la Cuifine
intitulé , Suite des Dons de Comus , en
3. Volumes in 12. L'Editeur des Amuſemens
nous donne , page 309. à l'occafion de ce
Livre , un Ecrit fous le Titre d'Entretien aux
Champs Elifées entre Louis Cornaro & le
Comte du B **. Louis Cornaro , étoit Noble
Vénitien , célébre par fa fobriété , & par
le régime extraordinaire qui le fit parvenir à
une extreme vieilleffe. On a de lui un Ouvrage
Italien fur les avantages de la vie fobre.
René . B **. Comte du B **. étoit un
homme de bonne chere , dont Broffette parle
dans fes Notes fur les Satyres de Boileau . Cet
entretien ingénieux eft égayé d'une Critique
fine & délicate des moeurs Françoifes , en ce
qui regarde la table , & nous a paru digne
d'être recherché . L'Auteur de la Lettre d'un
Perfan ( page 452. ) au sujet des nouveaux
Automates de M. de Vaucanfon , a beaucoup
d'efprit , mais il cherche peut- être à le faire
trop paroître.
Fij On
2676 MERCURE DE FRANCE
On a réimprimé , page 287. une belle Ode
de M. Faret , de l'Académie Françoife , imprimée
en 1635. dans le Sacrifice des Mufes
au Grand Cardinal de Richelieu.
Le Sonnet fuivant fur la mort de ce Car
dinal eft auffi fort beau & dans le même
goût.
Vous que le Ciel confacre aux plus Grands de la
Terre ,
Pour affranchir leurs noms du tems impérieux ,
Qui , par des Monumens fuperbes & pieux
Déclarez à la mort une immortelle guerre,
Puifque l'injufte fort détruit comme un tonnerre ,
En un feul demi Dieu cent chefs - d'oeuvres des
Cieux ,
Pour faire vivre encor ce Heros glorieux ,
Faites parler de lui le Métal & la Pierre.
Dans vos divers écrits tracez fes faits divers ;
Epuifez pour fa gloire & la Profe & les Vers ,
Jufte & dernier efpoir où l'honneur vous convie .
Moi , qui pour ce grand faix ne fuis point aflés
fort ,
Pendant que vous direz les actes de fa vie ,
J'acheverai la mienne en ſoupirant ſa mort. ,
Peu de gens ont quelque opinion avantageufe
DECEMBRE. 1742 2677
geufe de d'Affoucy. Ses Vers ne font pas recherchés.
Ceux qu'il compofa fur la Convalefcence
du Pape Alexandre & de la Reine
Mere , tous deux guéris en même tems , peuvent
être regardés comme affés bons.
Le Saint Pere & la Reine Mere ,
Tous deux très faints & très-pieux ,
Par l'Arrêt inique & fevere
De quatre Médecins d'Afniere ,
Devoient bien - tôt aller tous deux
Au Royaume des Bienheureux .
Déja tout couverts de lumiére ,
Pour ce voyage glorieux ,
Ces deux Malades précieux
S'en alloient monter en Litiere.
Cette Reine bonne & fincere
Avoit déja fait les adieux ,
Mais voyant que notre Saint Pere ,
Prince très- cérémonieux ,
Pour ne la pas laiffer derriere
S'eft difpenfé d'aller aux Cieux ,
Par un refpect dévotieux ,
Pour n'y pas aller la premiere ,
A fait quatre pas en arriere.
Dans ce contefte gracieux
Ils ne pouvoient pas faire mieux ,
Ni ne pourront jamais mieux faire
Fiij Que
2678 MERCURE DE FRANCE
Que de conteſter cette affaire ,
Encor cent ans en ces bas lieux.
Nous pourrions entretenir nos Lecteurs
de plufieurs morceaux intéreffans & bien
écrits . Nous indiquerons feulement une
Lettre au fujet de Melanide ; une autre de
Madame la Présidente de la B ** en Réponfe
à l'Auteur de l'Hiftoire des deux Soeurs
Rivales , dont on trouve , dans ce nouveau
Volume , une cinquième Suite qui eft dans le
même genre à peu près que les précédentes .
L'interêt y regnerà la vérité , mais la fingularité
de quelques expreffions qui ne font
pas encore reçûës dans le Public , donne de
tems en tems des diftractions .
>
La Rencontre imprévuë, Nouvelle, par Madame
A *** eft d'un ftyle plus fimple &
plus à la portée de tout le monde . Cette
Hiftoire , de 72. pages , eft extrémement
jolie , & plaira aux Amateurs des chofes
purement frivoles.
Les Bouquets aux Iris font décriés ; celui
qui eft adreffé à Made D *** Abbeſſe de …….
& qui a été récité par douze Penfionnaires ,
le jour de Sainte Clotilde , fa Fête , eft d'un
mérite particulier. En voici un Couplet :
Quoique votre vertu rigide,
A qui tout Eloge fait peur,
Nous
DECEMBRE . 1742. 2679
Nous arrête & nous intimide ,
Nous ferons parler notre coeur :
Il veut enfin fe fatisfaire
Même aux rifques de vous déplaire ,
Mais profitez de ce malheur :
Pour entrer au féjour des Anges ,
Il faut paffer par les tourmens ;
Ainfi , pendant quelques momens
Pour mériter le Ciel , écoutez vos louanges .
>
Par où finirions- nous mieux cet Extrait ,
que par quelques ftrophes d'une Ode excellente
fur le Jugement derniér , qu'un des plus
beaux Génies de ce fiécle a peint avec des
couleurs frapantes, & capables de toucher les
coeurs les plus endurcis
Loin de moi le Démon lyrique
Au vain menfonge accoûtumés
D'un feu prophane & chimérique !
Je ne me feas point animé.
La vérité brillante & claire
M'inſpire , me frape , m'éclaire .
Peuples , Rois , Terre , écoutez moi.
Que le jufte fe réjouiffe ;
Que l'impie étonné frémiffe ;
Je porte l'efpoir & l'effroi .
V. Strophe.
Que vois je ! La Mort interdite
Fiiij Ne
1680 MERCURE DE FRANCE
Ne retient plus rien dans fes fers .
Il a dit que tout reffuſcite ,
Et les fépulchres font ouverts !
Spectacle digne de la vûë
Des Anges affis fur la nuë :
D'un côté , tout le genre humain ,
De l'autre , un Dieu doux & terribie ,
Tendre Pere & Juge infléxible ,
Le Glaive & la Couronne en main.
VI.
Des rangs la vanité foulée
Voit confondre dans ce grand jour
La dépouille de Mauſolée ,
Et la pâture du Vautour.
Le Très- Haut ne voit de diſtance
Qu'entre le crinie &. l'innocence .
Enfin fa juftice a vaincu .
L'homme de tout rang , de tout âge ,
L'ame peinte fur le vifage ,
Montre à tous comme il a vécu.
XIII.
Pourquoi , malheureux Incrédule ,
Avant le jour vangeur qui luit ,
D'un aveuglement ridicule
N'avoir pas diffipé la nuit ?
Tu l'as pú ; mais par indolence ;
Contre une commode ignorance
Τα
DECEMBRE.
1742. 2681
Tu n'as jamais bien combattu ;
Des paffions folle victime ,
Qui , de peur de haïr le crime ,
N'ofoit connoître la vertu .
On nous affure que le quarorziéme volume
de la Compilation périodique dont il eft
ici queftion , s'imprime actuellement. Les
deux Libraires indiqués prient de continuer
de donner avis au Public qu'ils font une
diminution honnête pour leurs Confreres de
Province , & des Pays Etrangers . Ils n'ont
plus chés eux que deux cent Exemplaires
complets ; comme ils ne réimprimeront plus
le total des Amuſemens , à cauſe de la quantité
des Tomes , & de la fuite qu'ils donneront
exactement , il eft peut - être important.
pour les Curieux , qui ne font pas encore
pourvûs de cet Ouvrage , d'aprendre que
cette Compilation pourroit devenir rare , &
qu'elle mérite d'être recherchée .
CONTINUATION du Traité de la Police .
Tome IV. de la Voirie , & de tout ce qui
en dépend , ou qui y a quelque raport , par
M. Le Cler du Brillet , in-folio 1738. A
Paris. Ce Livre ne fe vend plus chez Heriffant
, mais chez de Bure l'aîné , à l'entrée du
Quai des Auguftins , à l'Image S. Paul ; les
Amateurs & les Libraires des Provinces peu-
F v veit
2682 MERCURE DE FRANCE
vent s'adreffer à lui. Il les traitera auffi favorablement
quil a toujours fait. On avertic
qu'il y a beaucoup d'exemplaires de cette
Edition, qui ont paffé en des mains étrangeres
par abus de confiance . Ces exemplaires font
pour la plupart dénués des véritables Plans
qui font partie de ce Volume . Le Sr de Bure,
eft le feul qui tient l'Ouvrage des mains de
l'Auteur , & qui puiffe le fournir complet.
NOUVEAU TRAITE DE PHYSIQUE,fur toute
la Nature , ou Méditations & Songes fur
tous les corps , dont la Médecine tire les
plus grands avantages , pour guérir le corps
humain , où l'on verra plufieurs curiofités
qui n'ont point parû, A Paris chés Didot
Quai des Auguftins , 1742. Deux Volumes
in 17.
DETAILS MILITAIRES , dont la connoiffance
eft néceffaire à tous les Officiers , &
principalement aux Commiffaires des Guerres,
par M. de Cheneviere , Commiffaire des
Guerres à Landau . A Paris , chés Pierre-
Jean Mariette , rue S. Jacques , aux Colonnes
d'Hercule , 1742. Deux Volumes in 12 .
Tome 1. de 405.pages , fans compter l'Epitre
Dédicatoire , la Préface & la Table des Articles
. Tome 2. de 396. pages , fans compser
la Table des Articles & la Table
générale
DECEMBRE 1742 , 2683
generale des Matieres pour les deux Volumes.
TRAITE' DES OPERATIONS DE CHIRURGIE
, avec les Figures , & la Defcription des
Inftrumens qu'on y employe , & une Introduction
fur la nature & le traitement dés
Playes , des Abfcès , & des Ulceres , traduit
en François fur la troifiéme Edition Angloife
de M. Sharp , Chirurgien de l'Hopital
de Guy à Londres , par M. A. F. Jault;,
Docteur en Médecine. A Paris , chés H. £..
Guerin, & Jacques Guerin , rue S: Jacques ,,
à S. Thomas d'Aquin , 1741. Volume in- 12 .
ESSAI fur l'Hiftoire Naturelle de la France:
Equinoctiale , ou Dénombrement dès Plantes,.
des Animaux & des Minéraux qui fe trouvent
dans l'Ile de Cayenne , les Ifles de:
Remire , fur les Côtes de la Mer & dans
le Continent de la Guyane , avec leurs noms
differens , Latins , François , & Indiens , &
quelques Obfervations fur leur ufage dans:
fa Médecine & dans les Arts , par Pierre:
Barrere , Correfpondant de FAcadémie:
Royale des Sciences , Docteur & Profeffeur
Royal en Médecine dans l'Univerfité de
Perpignan , & c. A Paris , chés Piger , Quaii
des Auguftins , 1741. Volume in- 12. der
214. pages.
F vj TRAITE?'
2684 MERCURE DE FRANCE
TRAITE' DES SENS , par M. le Cat , Do
&teur en Médecine & Maître Chirurgien
en Chef de l'Hôtel- Dieu de Roüen Démonftrateur
Royal en Anatomie & Chirurgie
, Correſpondant de l'Académie Royale
dès Sciences à Paris , Affocié de celle de
Chirurgie , Membre de la Société Royale
de Londres & de l'Académie Royale de
Madrid. A Rouen , & fe vend à Paris , chés
G. Cavelier , pere , rue S. Jacques au Lys
d'Or , 1742. Volume in- 8 ° . de 523. pages ,
avec quelques Planches Anatomiques , Phyfiques
, & deux Vignettes Allégoriques.
CONSTRUCTION de la Fortification réguliére
& irrégulière , ou maniére d'en tracer
toutes les Piéces fur le Papier en Plan &
en Profil , par M. Dupain l'aîné , Maître
de Mathématiques. A Paris , chés Mefnier ,
1742.in- 12 . de 275. pages.
HISTOIRE CRITIQUE de l'Etabliſſement
de la Monarchie Françoiſe dans les Gaules ,
par M. l'Abbé du Bos , l'un des Quarante &
Sécrétaire perpétuel de l'Académie Françoife.
Nouvelle Edition , revûë , corrigée
& augmentée . A Paris , chés Pierre - François
Giffart , rue S. Jacques , à Ste Thérefe .
Deux volumes in-4°.
Les changemens , les additions & les
corrections
DECEMBRE. 1742. 2685
corrections de cette nouvelle Edition , font
répandus dans tout l'ouvrage ; il y en a qui
regardent l'Hiftoire & les faits , qui y font
un peu plus dévelopés , & qui y reçoivent
quelques éclairciffemens les autres font pour
le Style , que l'Auteur a retouché en divers
endroits.
L'addition la plus confidérable , eft une
Lettre de M. l'Abbé du Bos à M. Jordan, au
fujet de deux Differtations de M. Hoffmann ,
Profeffeur dans l'Univerfité de Wittemberg,
qui avoit attaqué plufieurs endroits de l'Hif
toire Critique de l'Etabliffement de la Mo
narchie Françoife dans les Gaules.
TRAITE' des Maladies de la Peau , traduit
de l'Anglois . A Paris , chés Barois ,
Libraire , Quai des Auguſtins , à la Ville de
Nevers .
PAMELA , ou la Vertu récompensée , traduite
de l'Anglois . IV. Volumes in- 12 . Le
premier de 273 pages. Le fecond de 324.
Le troifiéme de 298. & le quatriéme de 302 .
fans les Préfaces & une lettre à l'Editeur. A
Londres , chés Jean Ofborne , à la Boule d'Or,
dans Pater -Nofter Row , près S. Paul, 1742 .
fe trouve à Paris , chés Prault , Fils , Quai
de Conty.
ANTIPAMELA , ou Mémoires de M. D ***.
traduit
2686 MERCURE DE FRANCE
traduit de l'Anglois , à Londres 1742. & à
Paris , chés Conftelier , Libraire , Quai des
Auguftins. Brochure de 152. pages .
Le fieur Durand , Libraire à Paris , ruë S.
Jacques à S. Landry & au Griffon , Poffef
feur du Privilege des Etrennes mignonnes ,
qu'avoit le feu fieur Jouenne , Libraire , fon
oncle avertit qu'outre fon nom & paraphe
qu'il a mis au bas des Etrennes migronnes
pour l'année prochaine 1743. il a
ajoûté une figure , qui repréfente le pa age
de Mercure fur le Difque du Soleil , afin que
le Public ne foit pas trompé par un faux titre
d'Etrennes mignonnes , qui n'auront précifément
que le Calendrier de femblable aux
fiennes & ne contiendront , par exemple ,
pour l'année 1743. que les Curiofités employées
dans les fiennes pour l'année 1742 .
comme il eſt déja arrivé.
و
L'Académie Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres tint fon Affemblée publique le 13. Novem-
Bre, à laquelle M. le Comte de Maurepas , Miniftre
& Secretaire d'Etat, préfida. M. de Boze, Sécrétaire.
perpétuel , ouvrit la Séance par la lecture du Programme
qui annonce le Sujet donné pour le con-
Cours au Prix que l'Académie diftribuera à Pâques
1744. Le Programme contient ce qui fuit.
PRIX
DECEMBRE. 1747. 2687
PRIX LITTERAIRE , fondé dans
l'Académie Royale des Infcriptions &
Belles-Lettres.
L'Lettres,défirant que les Auteurs qui compo.
'Académie Royale des Infcriptions & Bellesfent
pour le Prix , ayent tout le tems d'aprofondir
les matieres , & de travailler les Sujets qu'elle leur
donne à traiter , a réfolu de les publier beaucoup
plûtôt , & elle annonce dès à préient , que le Sujer:
qu'elle a arrêté pour le concours au Prix qu'elle
diftribuera à Pâques 1744. confifte à examiner & à
déterminer quels étoient dans la Grece les Sacerdoces
attachés à certaines Familles '; ce qui comprend fur
tout l'origine de ces Sacerdoces ; l'ordre dans lequel ils
étoient tranfmis ,leurs fonctions & leurs prérogatives .
Le Prix fera toûjours une Médaille d'or de la valeur
de quatre cent livres.
Toutes perfonnes , de quelque Pays & condition
qu'elles foient , excepté celles qui compofent l'Académie
, feront admifes à concourir pour ce Prix ,
& leurs Ouvrages pourront être écrits en François
ou en Latin , à leur choix. Il faudra feulement les
borner à une heure de lecture au plus.
Les Auteurs mettront fimplement une Devife à
leurs Ouvrages , mais pour le faire connoître , ils y
joindront , dans un papier cacheté & écrit de leur
propre main , leurs nom , demeure & qualités , &
ce papier ne fera ouvert qu'après l'adjudication du
Prix.
Les Piéces , affranchies de tous ports , feront remifes
entre les mains du Sécretaire de l'Académie ,
avant le premier Decembre 1743.
}
Après cette lecture , M. de Boze communiqua fes
reflexions fur une Médaille Grecque de grand Bronze
,
2688 MERCURE DE FRANCE
2
ze , frapée par les Habitans de la Ville & du Territoire
de Smyrne. Refléxions qui font la matiere
d'une belle & fçavante Differtation , mais fur laquelle
nous ne fçaurions nous étendre , fans exceder
nos bornes & fans bleffer la modeftie de l'Auteur
en lui rendant juftice . Contentons -nous de
la defcription de cette belle Médaille & d'ajoûter
quelques lignes fur ce qu'il y a de plus important
dans les reflexions auxquelles elle a donné lieu .
On y voit d'un côté le Bufte d'une Princeffe , qui
eft vrai-femblablement une Impératrice Romaine ,
repréfentée fous la figure & avec les attributs de
Cerès , tenant d'une main des Epics , & de l'autre
une Corne d'abondance . On lit autour de ce Portrait
: CΜΥΡΝΑΙΩΝ ΠΡΩΤΩΝ ACIAC .
Au Revers eft une femme debout , le pied droit
apuyé contre une Proue de Vaiffeau , la tête cou
ronnée de Tours , & les cheveux noüés & foûtenus
par derriere avec une espece de ruban . Son habillement,
qui eft relevé , & pliffé à la maniere de nos anciennes
Cottes d'Armes , finit de-même au - deffous
du genou elle tient de la main droite une Patere
& de la gauche cette forte de Bouclier contourné ,
qui étoit particulier aux. Amazones & qu'on nommoit
PELTA.
A ces differens fymboles il eft aifé , dit le fçavant
Académicien , de reconnoître l'Amazone à qui les
Habitans de Smyrne raportoient le nom , Porigine
& la fondation de leur Ville , felon Strabon , Liv.
XII . pag 550. & Etienne de Byzance , EMYPNA. La
Couronne de Tours auroit peut- être fuffi pour Pindiquer
, mais ces Habitans ont , fans doute ,
bien aifes d'exprimer encore par la Patere , que les
Céremonies Religieufes , les Sacrifices , fur tout ,
qu'on avoit coûtume de faire en ces occafions , n'avoient
pas été oubliées ; & quant à la Proue de
Vaiffeau , 7
été
DECEMBRE. 1742. 2689
Vaiffeau, qui eft l'attribut ordinaire des Villes Maritimes
, on fçait que Smyrne a toujours paffé pour
un des meilleurs Ports de l'ancienne Ionie , comme
il l'eft encore aujourd'hui de la Natolie ."
Autour de ce Type ingénieux regne une Infcription
, dont la plupart des mois font abregés . C'eft
ainfi qu'elle doit être lûë , III CreaTnYou Maрxor
AYPHÄION TEPTICY ACIAPXOT : & les deux Legendes
réunies, difent que la Médaille ou Monnoye
dont il s'agit , a été frapée par les Smyrnéens , qui
font les premiers de l'Afie , fous la Préture de Marcus
Aurelius Tertius Afiarque.
Les Romains & les Grecs , qui leur étoient foûmis
n'entendoient par le mot general d'Afie , que l'Afie
Mineure , qui étoit une Province Proconfulaire.
Quand les Villes de la Grece & de cette Afié Mineure
pafferent fous la domination des Romains ,
elles furent , ce femble , encore plus jalouſes
qu'auparavant des titres d'honneur dont elles joüiffoient,&
plus attentives à le maintenir dans les droits
qu'elles croyoient avoir acquis les unes fur les autres.
Les Hiftoriens ont négligé ce detail , mais les
Monumens antiques en ont confervé des preuves
fenfibles , & telle eft entre autres celle qui fe tire
du titre de premiere Ville de l'Afie , que Smyrne fe
donne fur la Médaille , dont on vient de voir la
defcription .
L'Auteur de la Differtation croit qu'elle a été
frapée dans l'intervalle du Regne de Septime Sévere
à celui de Gallien, furquoi il obferve que dans cet
intervalle , qui n'eft que d'environ foixante ans , il
y a eû au moins quinze Princeffes qui ont eû le titre
d'Auguftes , & pour lesquelles on a frapé des
Médailles . Le peu de reffemblance des Portraits
dans tous les Monumens de ce fiécle là
augmente
Ja difficulté du choix , & le rend fi arbitraire , que
j'ai
1690 MERCURE DE FRANCE
J'ai vû , dit- il , des Antiquaires , habiles d'ailleurs,
même refpectables fe décider pour ANNIA FAUSTINA
, troifiéme femme d'Elagabale , par la feule
envie de remplacer ainfi dans le Cabinet des Cu
rieux la tête d'une Impératrice , dont les Médailles
font extrêmement rares en tous Métaux . Il est cependant
vrai , ajoûte- r'il , qu'Elagabale eft peur
être celui de tous les Empereurs Romains pour qui
les Habitans de Smyrne ont moins frape de Médailles.
Nous n'en trouvons qu'une feule dans nos
Recueils , & point du tout pour aucune de fes trois
Femmes Julia Paula , Aquilia Severa , & Anniz
Fauftina .
C'eft fur un fondement plus folide, conclud l'Auteur
, que j'ofe affurer que la Médaille des Smyr
néens a été frapée en faveur de SABINIA TRANQUILLINA
, femme de Gordien Pie .
De fortes & folides raifons viennent encore apuyer
cette conclufion, & la Differtation finit par ce qu'on
peut dire de plus précis our plûtôt de plus décifif en
faveur du fentiment de M. D. B. c'eft que le Préteur
Marcus Aurelius Tertias Afiarque , fous qui a été
frapée cette Médaille de Smyrne , a de-même fait
fraper en l'honneur de Gordien Pie le Médaillon
décrit par l'Auteur , & où il prend auffi le titre d'Afiarque
, qui étoit une Dignité annuelle & unique ,
comme il e été déja expliqué dans les Reflexions
que nous fommes forcés d'abreger.
Ainfi la Princeffe en queftion ne peut être que
SABINIA TRANQUILLINA , puifqu'il n'y avoit dans
cette année- là , & même pendant tout le Regne de
Gordien,que cette feule Princeffe , qui eût le titre
'Auguſte , & qui peut être repréféntée fur les Monnoyes.
La feconde lecture qui fut faite à l'Affemblée publique
, eft celle d'une curieufe Differtation de M.
Freret
DECEMBRE. 1742 2691
Freret, dont voici le titre & l'objet en peu de mots.
De l'accroiffement , ou élevation du Sol de l'Egypte
, attribuée par la plupart des Anciens & des
Modernes , aux inondations annuelles du Nil , ou
Fon examine quelle eft la quantité du limon que le
Nil peut dépofer fur les Terres qu'il inonde & ou
l'on montre que le raport entre la quantité des
crues annuelles du Nil & la bonté des récoltes ,
ayant toujours été le même depuis le temps d'Hérodote
jufqu'au XVI . fiécle , pendant plus de deux
mille ans , il en faut conclure que dans les cruës
femblables , il y a une même quantité de terrain
arrofé, & que par conféquent la hauteur de ce terrain
au- deffus de celle du lit du Fleuve , eft encore
la même qu'elle étoit autrefois. On fit voir encore
que le Delta n'a reçû aucun accroiffement du côté
de la Mer ; que les Villes de Damiette & de Roffette
,font à la même diftance de l'embouchure des
deux bras qui portent leur nom ; on montra
enfin,par l'exemple de ce qui arrive aux Fleuves limoneux
, dont les débordemens produffent des atériflemens
fenfibles , que fi le Nil produifoit un
femblable effet, le fonds de fon lit fe feroit hauffé ,
que fes débordemens fetoient devenus plus fréquens
& plus conſidérables d'année en année, ce qui
eft précilément le contraire de ce que fupofe l'opi
nion de laquelle on examinoit la vérité.
&
M. Duclos termina la Séance par un Mémoire
fur les Jeux Scéniques , qui ont précedé en France
la naiffance du Poëme Dramatique.
L'objet de ce Mémoire , eſt de faire voir que nos
premiers Jeux Scéniques , n'ont point été une
imitation du Poëme Dramatique des Romains. La
premiere idée qui fe préfente , dit d'abord l'Au
teur , eft de penfer qu'une Nation a dû emprunter
fes ufages de celle à qui elle a fuccedé ; non
feulement
1692 MERCURE DE FRANCE
4
feulement par la pente naturelle que les hommes
ont à l'imitation , mais encore lorfqu'ils reconnoiffent
quelque fuperiorité dans leurs Prédecefleurs.
Cépendant les François ne tirerent pas le moindre
avantage des progrès que les Romains avoient fait
dans le genre Dramatique , pa ce qu'ils n'étoient
pas en état de les fentir . Les Arts qui font fondés
fur des Réflexions & des Obfervations fuivies , ne
font adoptés que par ceux qui ont déja l'efprit cultivé.
Les Peuples policés ne font guéres pris pour
modéles que par ceux qui ont déja commencé à fe
polir.
Les Sciences exactes & les Arts utiles s'établiffent
plus facilement ; un petit nombre d'hommes
qui s'y apliquent ayant plus befoin de travail que
de génie , guidés d'ailleurs par des Méthodes sûres
qu'ils trouvent établies , peuvent y reuffir , & en
tépandre les fruits fur toute une Nation , au lieu
que le Poëme Dramatique , quoique très inferieur
en utilité , exige un goût exercé dans ceux
même à l'amufement defquels on le deftine. La
Nature fe prête avec plus de facilité aux befoins
qu'elle nous donne , qu'à ceux que nous nous formons
nous -mêmes .
Bien loin que les François euffent pû imiter le
Drame des Romains , ils n'ont pas même été à
portée de le connoître. M. Duclos entre ici dans
le détail Hiftoriqué des Guerres fanglantes , dont
l'Occident fut long - tems le Théatre , & qui firent
ceffer des Jeux confacrés à la paix , qui fe donnoient
chés les Romains aux dépens de l'Empire & au
nom de l'Empereur. Rien ne marque plus , a oûtat'il
, finon le bonheur , du moins la puiffance d'une
Nation , que lorfque les plaifirs y font un des objets
du Gouvernement ; mais des Peuples comme les
Francs , toujours occupés du foin d'attaquer & de
fe
DECEMBRE. 1742, 2693
fe defendre, ne devoient guéres fonger à des amuſemens
frivoles , qui conviennent à une Nation puiffante
& affermie , qui font même juftifiés par fa
politique , & qui feroient la perte d'un Peuple
naiffint. Selon les Peuples , les tems & les circoùltances
, le luxe eft utile ou dangereux .
M. Duclos , après une exacte difcuffion des faits ,
examina les premiers Eflais du Poeme Dramatique
en France , & fit voir qu'ils ont commencé precifement
comme à Rome , ce qui prouve encore qu'ils
n'ont pas été une imitation de ceux qui fubfiftoient
alors
:
Il n'y a pas toujours , dit l'Auteur , de peuple à
peuple dans les Arts & dans les Sciences , la tradition
que l'on fupofe . Dès Nations inconnues les
unes des autres , ont des ulages pareils . La faculté
d'acquerir les connoiflances eft commune à tous les
hommes les mêmes befoins , les mêmes goûts ,
les mêmes caprices , font naître les mêmes idées
les mêmes idées fourniflent les mêmes moyens..
L'imitation n'eft peut être qu'un dévelopement
plus prompt de ce que les imitateurs auroient
imaginé lans fecours étranger , mais qu'ils n'au
roient perfectionné que dans un tems plus long.
Si les Francs adopterent quelques Jeux des Romains
, ce furent fans doute ceux du Cirque ; tout
ce qui naît de la force & de l'adreffe eft toujours du
goût d'un peuple naiffant , & par contéquent
guerrier ; mais plus le Poëme Dramatique eût été
perfectionné , plus il eût dû être étranger pour les
Francs.
:
M. Duclos fuivit les progrès des Jeux Scéniques
en France la licence étoit ce qui les diftinguoit
d'abord ; les Evêques déclamoient contre ces Jeux
avec autant de force que d'inutilité . On prêchot ,
& les Farceurs jouoient .
La
2694 MERCURE DE FRANCE
>
La veritable époque de notre Théatie , dit l'Au-,
teur feroit l'établiflement des Confreres de la
Paffion. L'Hiftoire du Poeme Dramatique eft d'autant
plus curieute que c'eft la partie la plus parfaite
de la Littérature Françoife. Tous les peuples de
l'Europe, du moins ceux qui me itent d'être jaloux ,
ne peuvent fe difpenfer de nous regarder comme
fuperieurs Les plus zelés Partifans de l'Antiquité ne
craignent point de nous égaler aux Grecs , & c'eft
autant qu'ils le peuvent,nous donner la fuperiorité.
L'Academie Royale des Sciences tint fon Affemblée
publique le lendemain 14 Novembre , à la
quelle M. le Comte de S. Elorentin Secretaire
d'Etat , préfida .
M. de Mairan ouvrit la Séance par la lecture de
l'Eloge de M. Halley , célebre Aftronome Anglois
Afocié Etranger de cette Académie , mort dans
l'année.Il lut enfuite l'Eloge de M Boulduc, Affocié
Chimiſte , mert auffi dans l'année.
Après ces Eloges, M. Bernard de Juffieu, Médecin
de la Faculté de Paris . Démonftrateur des Plantes
au Jardin du Roy , lût un Mémoire , qu'il donna
comme un Echantillon de l'utilité qu'il y auroit
à s'apliquer autant à la connoiffauce des Plantes Ma.
rines,qu'on a fait à l'érude des Plantes terreftres , dans
ce Mémoire , l'Auteur defabula le Public de l'idée
qu'on s'eft formée après les Botaniftes , même les
plus célebres , que diverfes Productions de Mer ,
qu'on a fait paffer jufqu'ici pour Plantes , en foient
effectivement , & il démontra qu'elles ne font que
des amas de tuyaux , ou cellules , rangées les unes
contre les autres & formées par de petits Animaux,
ou Infectes qu'elles contiennent , comme les Coquillages
renferment des Poiffons . M. Peytonel
Medecin de Marfcille , avoit déja propofé c fentiment
,
DECEMBRE. 1742. 2695
ment , & on douteroit encore de fon Obfervation ,
tant elle paroît extraordinaire , fi M. de Juffieu n'avoit
dans le cours de deux années fait exprès trois
voyages fur les Côtes de Normandie ,pour éclaircir
ce fait. Dans le détail qu'il a donné de ſes Obfervations
, il a furtout choifi quatre differentes de
ces Productions Marines reputées jufques ici
Plantes.
La premiere , nommée la Main de Mer , qui a
paffé pour un Alegionium , La feconde , un prétendu
Fucus , qu'on apelle, vermicule. La troifiéme , une
efpece d'Alga , que l'on nomme Porenfe ; & la
quatrième , celle à laquelle on donnoit le nom de
Millepore.
Quoique M, de Juffieu eût des Loupes & des
Miciofcopes , ce n'eft pas feulement de ces fecours.
dont il s'eft fervi pour faire fa découverte , mais
plutôt de les propres yeux. Il prenoit un tameau
de chacune de ces prétendues Plantes , le plongeoit
dans un bocal de verre , plein d'eau de la Mer ;
bien- tô après il voyoit clairement des Animaux
fortir de leurs loges , & y rentrer , felon
qu'on touchoit un peu une de ces Productions , ou
qu'on tiroit l'eau qui les enfermoit.
L'Auteur qualifie de Polype tous les Animaux
qu'il y a obfervés , à caufe de la quantité de cornes
, ou elpeces de pieds , dont ils font entourés
& il en donne exactement la figure & les dimenfons.
Il promet par un fecond Mémoire une plus
grande quantité de ces fortes de productions , qu'il
continuera de tirer de la claffe des Plantes , pour
les raporter à celle des Animaux .
M. de Reaumur termina la Séance par la lecture
de la Préface du VI . Volume de fon Hiftoire des
Infectes , qu'il va donner au Public .
Le 19 Novembre M. Cochu , Dafteur Régent
de
2696 MERCURE DE FRANCE
de la Faculté de Médecine , fit l'ouverture des
Ecoles par un fort beau Difcours dont le fujet
étoit les Préjugés du Public fur la Médecine. Il
parla devant une nombreuſe Affemblée , qui parût
fort contente de la maniere dont il traita ce fujet.
SEANCE PUBLIQUE de l' Académie
Royale de Chirurgie , établie fous la
protection du Roy , à laquelle préfida M de
Malaval , Directeur , en l'abfence de M. de
la Peyronie , Premier Médecin de S. M.
22. Mai 1742. le
M
fuivant.
?
R Herin , en l'abfence de M. Quefnay , Sé
cretaire , ouvrit la Séance par le Difcours
L'Académie avoit propofé pour Sujet du prix de
l'année 1740. de déterminer ce que c'est que Remedes
Répercuffifs d'expliquer leur manière d'agir,
de diftinguer leurs efpeces , de marquer leur ufage
dans les maladies Chirurgicales . Ce Sujet contenoitplufieurs
points intéreffans , mais difficiles à éclaireir
& à décider ; l'Académie pouvoit cependant efperer
que les efforts que l'on teroit pour répondre
aux Questions qu'elle propofoit , pourroient ouvrir
une voye qui auroit conduit à des connoiffances
très- avantageufes , par lefquelles on auroit pû réfoudre
beaucoup de difficultés . Elle reçût plufieurs
Mémoires , où la Matiere etoit expofée & détaillée
avec aflés d'étenduë , mais on s'y étoit fi peu attaché
à l'aprofondir & à y répandre de nouvelles lumiéres
, que l'Académie ne crut pas devoir adjuger,
le prix , elle fe détermina à propofer une feconde
fois le même Sujet , & elle a eu lieu cette année
Pêtre plus fatisfaite des Mémoires qu'elle a reçûs ;
néanmoins
DECEMBRE . 1742 2697
néanmoins elle n'a regardé les meilleurs , & même
ceux à qui elle a accordé le Prix , que comme des
Ebauches ou Eflais , qui méritent que leurs Auteurs
travaillent à les porter un plus haut degré de
perfection.
Les Anciens avoient découvert deux genres de
Remedes pour la guérifon des inflammations qui fe
terminent par réſolution , c'eſt- à- dire qui fe terminent
parfaitement , fans dégenerer en abfcès ou
en gangrene. Ces Remedes differoient beaucoup
entre eux ; les uns ne s'apliquoient que vers la fin de
la maladie ; ils ne combattoient point l'inflamma,
tion ;ils n'en arrêtoient point le progrès ; c'étoient
au contraire des Remedes chauds ou actifs , qui auroient
augmenté le mal , fi on les avoit employés
avant le déclin de l'inflammation ; tout l'ufage de
ces Remedes fe réduifoit à faciliter la terminaifon
que la maladie prenoit naturellement , lorsqu'elle
avoit paffé par tous fes degrés d'augmentation , &
qu'elle arrivoit à fa fin . On a donné à ces Remedes
le nom de Réfolutifs , parce qu'ils ne convenoient
que lorfque l'inflammation commençoit à fe diffi
per, & qu'ils terminoient la maladie.
L'autre genre de Remedes que les Anciens employoient
dans la Cure des inflammations , s'apliquoit
dès le commencement de la maladie , ces
Remedes attaquoient l'inflammation ; ils l'affoibliffoient
; ils en abregeoient la durée & ils étoient
les feuls Remedes topiques qu'on osât opofer directement
à ce genre de tumeur ; les Remedes purement
relâchans, que nous employons quelquefois
avec fuccès , étoient fufpects aux Anciens ; l'inflam
mation , felon eux , arrivoit par fluxion , & ils at
tribuoient la fluxion à deux caufes ; fçavoir , à la
force qui envoyoit le fang fur la partie malade , &
à la débilité de la faculté expultrice de cette partie
I. Vol.
G Ou
2698 MERCURE DE FRANCE
ou , pour parler le langage des Modernes , qui par
roît plus intelligible , mais qui n'eft pas plus jufte,
on pourroit dire que ce dont les Anciens faifoient
dépendre la fluxion , n'étoit autre chofe que la foibleffe
du reffort des vaiffeaux de la partie où le fang
s'arrête. Dans cette idée , les Anciens préféroient les
Remedes rafraîchiffans capables de fortifier la partie
malade , tels que font la plupart des aftringens ,
à ceux qui rafraîchiffent & qui relâchent ; les premiers
paroiffoient fatisfaire mieux à leurs inten
tions , qui étoient de modérer l'intempérie chaude
du fang & de chaffer l'humeur qui engorgeoir
la partie enflammée , & ces Praticiens avoient
donné le nom de Répercuffifs aux Remedes qui
réprimoient l'inflammation & qui fembloient res
pouffer l'humeur.
La proprieté que l'on attribuoit aux Répercuffifs ,
de repouffer le fang d'une partie enflammée fur les
parties voifines , fit étendre l'ufage de ces Remedes
à d'autres maladies qu'aux inflammations ; ils fembloient
convenir dans tous les cas où la foiblefle
des vaiffeaux paroiffoit être la cauſe du féjour de
quelque humeur dans une partie ; plufieurs genres
de Remedes très- differens des Répercuffifs , dont
nous venons de parler , parurent propres à produire
dans ces derniers cas un effet femblable à celui que
l'on attribue aux Répercuffifs froids & aftringens
& par cette raison tous ces Remedes ont été confondus
fous un même nom. Des Afringens & des
Defenfifs chauds & froids , des Réfolutifs , des Deffi
entifs , des Narcotiques , des Styptiques , des Nervins,
des Incraffans , des Rafraîchiffans , & même des Relachans
, ont été rangés dans la claffe des Réper
cuffifs . Tant de Remedes opofés , auxquels il femble
qu'on attribue une même vertu ou un même
effet , portent dans la pratique une confufion trèsem
baraflante
DECEMBRE. 1742 2699
embaraffante & très- pernicieufe. C'étoit ce cahos
fur tout qu'il falloit envifager & qu'il falloit débroüiller
avec précifion.
Mais l'entrepriſe étoit difficile ; elle exigeoit
beaucoup de connoiffances dans la matiere médicale
, de profondes recherches fur les caufes des
maladies contre lefquelles on preferit les Répercuffifs
, une grande attention à raffembler tout ce que
les Praticiens les plus recommandables ont remarqué
fur l'ulage de ces Remedes dans tous les differens
cas où ils les ont employés , beaucoup d'intelligence
& de difcernement pour ſaifir la véritable
caufe des fuccès que les Obfervateurs raportent , &
pour ne les pas attribuer dans beaucoup de cas à
des Remedes qui n'ont pû y contribuer.
Il falloit diftinguer dans les Auteurs les conjectures
, les opinions hazardées , & les autres productions
de l'imagination , d'avec les connoiffances
& d'avec les faits ; éviter particulierement toutes
théories ingénieufes & tous raisonnemens
ébloüiffans , fondés fur de pures fupofitions , fur
un Méchaniſme imaginaire , fur des comparaifons
féduifantes , & fur une expérience équivoque . Il
étoit furtout néceffaire , pour diftinguer les Réper
cuffifs d'avec les autres Remedes qu'on employe
dans la Cure des tumeurs que l'on veut diffiper,
de déterminer quelle eft l'action particuliere des
Répercuffifs , de remarquer en quoi la façon d'agir
de ces Remedes differe de celle des autres .
Les Anciens qui avoient reconnu que le princi
pal effet des Répercuffifs étoit de rafraîchir , avoient
borné ce genre de topiques aux Remedes froids,mais
comme il y a des Remedes, par exemple , une partie
des Narcotiques ou Stupefians , qu'ils ont regardé
comme froids & qui ne le font pas , ou qui ne le font
tout au plus que lorſqu'ils font employés avec ex-
Gij
cès
2790 MERCURE DE FRANCE
cès , & qu'ils tendent à éteindre le principe de l'ac
tion organique des parties , ils ont admis , fans le
fçavoir , des Remedes chauds au rang des Réper
cuffifs .
* Cet écart n'eft pas le feul défaut qu'on peut re
marquer dans la doctrine des Anciens fur les Répercuffifs.
Ils penfoient que ces Remedes , qui par
leur qualité rafraîchiffante , diminuoient la rarefac
tion des humeurs enflammées , & qui par conféquent
diminuoient auffi le volume de la tumeur , repouffoient
par leur température froide les fucs qui formoient
la maladie.
Leur préjugé ne fe bornoit pas à la caufe par laquelle
ils prétendoient que les Répercuffifs repouffoient
les humeurs , il s'étendoit jufqu'à l'effet mê,
me , car la découverte de la circulation ne permet
plus de croire que ces Remedes repouffent les humeurs
fur les parties mêmes qui les envoyent à la
partie malade.
Mais cette decouverte qui nous a fait apercevoir
l'erreur des Anciens, ne nous a point éclairé
fur l'opération des Répercuffifs : il femble qu'elle
n'ait fervi au contraire qu'à nous jetter dans de
nouvelles ténebres ; aufi tốt que nous avons été
convaincus que ces Remedes ne produifent point .
l'effet que les Anciens leur avoient attribué , nous
n'avons plus compté fur leur vertu répercuffive ,
& nous les avons prefqu'entiérement bannis de
la Cure des inflammations : non-feulement nous
les avons cru inutiles , ils nous ont même parû fort
fufpects : leur qualité rafraîchiffante ne nous les a
plus fait enviſager , que comme des Remedes capables
d'épaiffit ou de coaguler les humeurs , de
les fixer dans la partie malade , & de s'oppoſer
directement à la réfolution de la tumeur.
L'Expérience des plus grands Maîtres qui nous
out
DECEMBRE . 1742. 2701
1
ont devancé , n'a pû nous raffûrer fur l'ufage de
ces Remedes ; nous avons cru que les Anciens
trompés par leur théorie , devoient l'avoir été auffi
par leur Expérience : cependant quelques Auteurs
ont penfé que le fentiment des Anciens fur l'action
des Répercuffifs n'étoit pas abfolument incompatible
avec les loix de la circulation . Pour concilier
en quelque forte des idées qui paroiffent fi
opofées , ils ont recours à la vertu aftringente que
plufieurs de ces Remedes poffedent à un dégré éminent.
Par cette vertu les Répercuffifs refferrent
les vaiffeaux , ils repouffent de tous côtés le fang
qui y eft arrêté , ils l'obligent de remonter jufqu'aux
branches collatérales qui font libres , ou
qui peuvent lui fournir un paffage pour rentrer
dans les voyes de la circulation ; mais plufieurs
Expériences , qui femblent prouver que la force
avec laquelle le fang eft pouffé dans les vaiffeaux
où il peut pénétrer , " doit l'empêcher de rétrograder
, ne favorifent pas cette explication.
Les Répercuffifs , qui ne font que fimplement
tafraîchiflans , & qui ne font pas moins efficaces
que les Répercuffifs aftringens , préfentent d'autres
difficultés, ces deux genres de Répercuffifs paroiffent
produire les mêmes effets ; peut- on les employer
indifferemment dans tous les cas ? Leur vertu rafraîchiflante
ne doit - elle pas véritablement nous
inquiéter Ces Remedes qui diminuent l'action
des vaiffeaux , & qui condenfent le fang , peuvent-
ils procurer le déplacement de l'humeur
arrêtéé ? En effet , nous lifons dans les Auteurs
beaucoup d'Obfervations où nous voyons que
P'application des Répercuffifs a été fuivie d'un
mauvais fuccès : il eft vrai que nous y trouvons
auffi un très grand nombre de guérifons que l'on attribue
à ces Remédes ; or l'expérience qui varie,
Gii ne
2702 MERCURE DE FRANCE
; il faut
pour

ne peut pas nous conduire exactement
qu'une théorie folide concoure avec elle établir
des régles füres & précifes , & lorfque la
théorie ne peut pas éclairer les faits de pratique
on doit au moins s'appliquer à déterminer , autant
qu'il eft poffible , l'expérience par l'expérience
même , entrer dans le détail des faits , les examiner
rigoureufement , démêler les circonstances
difcerner les véritables cautes auxquelles les guérifons
doivent être attribuées , raffembler toutes
les obfervations qui peuvent concourir à établir
& à limiter chaque point de pratique . Les Anciens
, je l'avoue , ont marqué les cas où l'on
doit employer les Répercuffifs , & ceux où il
faut s'en abftenir ; mais lorique nous examinons
ces régles , nous appercevous qu'elles ne font pas
toutes établies fur une expérience bien appréciée ,
ni fur une théorie bornée à des connoiffances
folides . Il y en a beaucoup qui ne font que le produit
d'un Empyrifine fécuifant , ou d'idées fauffes
qui femblent fe concilier avec les vérités connuës ,
& former avec elles une doctrine fuivie . I eft
vifible que ces préceptes , quoique dictés par la
raifon & par l'expérience , doivent être pour la
plupart peu fideles , parce que des raiſonnemens
fondés fur l'erreur , & une expérience qui n'eft pas
affés déterminée , ou qui eft mal interpretée ,
ne peuvent conduire fûrement .
Il falloit donc examiner fur quelle efpece de
théorie & fur quel e efpece d'expérience , les Anciens
ont établi les régles qu'ils ont données
fur l'ufage des Répercuffifs . Il falloit encore confulter
les obfervations des Praticiens de nos jours
& profiter des lumiéres que les nouvelles découvertes
peuvent répandre fur la cure des maladies
que l'on doit combattre avec ces Remedes.
Ce
DECEMBRE. 1742: 2703
Će font toutes ces recherches , & tous ces éclairciffemens
que l'Académie a envifagés , lorsqu'elle a
propofé pour le fujet du Prix , de déterminer , ce
que c'est que Remedes Répercuffifs , d'expliquer
leur maniere d'agir , de diftinguer leurs efpeces ,
de marquer leur ufage dans les maladies chirurgicales.
Les Mémoires qui lui ont parû entrer le plus
dans fes vûës , & à qui elle a cru devoir partager le
Prix qui eft double , font le Mémoire N° 7. qui fe
termine par ces mots , Lex eft quodcumque notabis .
Ce Mémoire eft de M. Alaric Maître Chirurgien ,
& Chirurgien Major de l'Hôpital de la Charité de
Verfailles , & le Mémoire N° 2. qui a pour devife ,
Plus confpicua fit prudentia Chirurgi in operando
quam Medici in medendo . Celui - ci eft de M. J. A.
Kulbel , Docteur en l'une & l'autre Médecine , &
Médecin du Roy de Pologne en fon Château de
Konigstein près de Dresde en Saxe : & elle a trouvé
que de tous les autres Ouvrages qui ont merité
d'être admis au concours , le Mémoire N° 3. de
M.Hugon fils , Maître Chirurgien à Arles en Pro
vence , a le plus aproché de ceux qui ont remporté
le Prix .
M. Petit lut enfuite plufieurs réflexions fur les
playes & contufions qui n'affectent que les tégumens
de la tête . La premiere partie de fon Mémoire
parle des contufions nommées communément
boffes ; il les divife en deux efpeces , les unes
qui font dures , & qui peuvent pour l'ordinaire fe
guérir par la feule compreffion ; les autres qui font
molles , & qu'il faut néceffairement ouvrir , furtout
lorfqu'elles font groffes , pour donner iffue aufang
qui y eft épanché. M. Petit fait voir par divers
exemples qu'il raporte que l'on peut quelquefois fe
tromper dans le jugement que l'on porte de ces
Giiij bolles
2704 MERCURE DE FRANCE
boffes molles que l'on prendroit fouvent au tou
cher pour des enfoncemens du crâne ou pour des
écartemens de futures , parce que le centre de ces
boffes eft mol , qu'il femble obéir à la preffion des
doigts , que l'on y fent une pulfation qu'on croiroit
être le mouvement pulfatif de la dure- mere , &
parce que les bords en font fermes , & qu'ils réfiftent
comme feroient les bords d'une enfonçure du
crâne.
M. Petit détaille enfuite les cas où l'on peut fe
fervir de la fimple compreffion , & ceux où il eft
abfolument néceffaire d'ouvrir la tumeur : il démontre
clairement par plufieurs obfervations qu'il
ne faut cependant pas pouffer trop loin l'efperance
de réfoudre par la feule compreffion le fang épanché
dans les boffes , par raport au grand défordre
que caufe quelquefois le féjour trop long de ce
Auide, que l'on aura differé d'évacuer par une incihion
à la tumeur.
M. Petit fait en paffant quelques réflexions fur
la nature des chairs polypeufes qui fe rencontrent
quelquefois dans les anciennes contufions , dont
on a differé long- tems l'ouverture ; il ne penfe
pas que les chairs , qu'il croit formées par le caillot
du fang qui a fait la tumeur , foient differentes
des polypes que l'on trouve adhérens à l'intérieur
des ventricules du coeur , ni de la chair qui fe forme
au-dedans des anévrifmes vrais , nienfin des
caillots des anévrifmes faux . M. Petit avance plus ;
il dit que ces Corps polypeux peuvent prendre
nourriture accroître plus ou moins , & même fe
rendre adhérens à toute la furface du lieu qui les
renferme.
Dans la feconde partie de ce Mémoire , il eft
queftion des boffes ou contufions qui font accompagnées
de playes aux tégumens . Il y a , •
dit M.
Fetit ,
DECEMBRE . 1742. 2705
;
Petit , deux cas où il y a des boffes , quoiqu'il y ait
une grande folution de continuité à l'extérieur
le premier eft lorfque l'épanchement du fang fe
fait entre le péricrâne & le periofte , & le fecond ,
lorfqu'ii fe fait entre le periofe & l'os . M. Petit
propofe les mêmes moyens pour la cure de ces
playes contufes , que ceux qu'on employe pour la
cure des boffes , c'eft - à- dire, la compreffion , & l'ouverture
de la tumeur : il expofe en particulier les
cas qui n'exigent que la compreffion , & ceux qu;
indiquent néceflairement l'ouverture de la tumeur
ou la dilatation de la playe des tégumens. Les cas
dit il , ou la compreffion feule peut fuffire , fone
lorfque la contufion eft légere , & que les playe
arrivent au front ou au visage , parce qu'il faut évi
ter autant qu'on peut , la difformité .
;
M. Petit fait voir que les playes contufes même
où il y a un déchirement confidérable , peuvent
quelquefois fe guérir en raprochant les parties di
vifées , & en les contenant par la future mais
qu'il faut pour y réuffir que la contufion foit légere
; car , felon lui , ce n'eft pas le déchirement ,,
quelque grand qu'il foit , qui fait un obſtacle à la
réunion , c'eft la contufion . M. Petit raporte , pour
confirmer ce qu'il avance , plufieurs exemples de
bleffés qui avoient une grande partie de la calotte
enlevée , & prefqu'entierement feparée du crâne ,
& qui ont été guéris en vingt quatre heures , parce
que la contufion n'étoit pas confidérable . A la
vérité , la facilité avec laquelle les playes fe réuniffent
fait voir que le déchirement détruit moins
le tiffu des parties que la contufion , parce que
celle -ci les écrale , & les anéantit pour ainfi dire ,
au lieu que le déchirement ne fait qu'éloigner
leurs fibres plus ou moins les unes des autres .
M. Petit termine cette feconde partie de fon
G v Memoire
2706 MERCURE DE FRANCE
Mémoire par quelques exemples de ces mêmes
grandes playes à lambeaux qui n'ont cependant
pas été réunies fi aifément que les premiéres ; il ne
doute point , dit - il fans en aprofondir les raifons ,
que cela ne vienne de ce que dans celles - ci les tégumens
étoient déchirés & pouffés de bas en haut ,
& que dans celles - là au contraire ces mêmes tégumens
étoient pouffés de haut en bas , & dans ce
dernier cas , M. Petit propofe de faire une incifion
à l'endroit où le lambeau refte attaché faciliter
fans doute l'ifluë du fang qui peut être arrêté
fous le lambeau & qui s'opoferoit à la réunion de
ce même lambeau déchiré.
• pour
Le fecond Mémoire qui fut lû dans cette affemblée
fut de M. Simon. Ce Mémoire roule fur l'ex amen
des differens moyens dont on s'eft fervi depuis
Hippocrate jufqu'à préfent pour faire l'opération
de la Paracenthefe . M. Simon fait voir les inconvéniens
qu'il y a de fe fervir de la methode des
Anciens ; il donne la préférence à celle des Modernes
, & il prouve que la perfection de cette opération
eft entierement dûe aux Chirurgiens , &
principalement aux Chirurgiens de Paris.
M. Petit montra un Inftrument auquel on a
donné le nom de Tire- tête , parce qu'il eft deftiné
à dégager la tête d'un enfant arrêté au paffage .
L'invention de cet inftrument a été attribuée à plu
hieurs perfonnes ; mais M. Petit prouva évidemment
qu'il apartient à M. Gilles le Doux , Chirur
gien à Ipres.
Il eft formé par deux efpeces de cuilleres que
l'on introduit l'une après l'autre dans la matrice
aux deux côtés de la tête de l'enfant. M. Ledoux
en raprochoit les manches ; il les aflujettiffoit avec
un ruban pour en braffer la tête & tirer Penfant ..
Quoique cet inftrument eût d'abord beaucoup
,
de
DECEMBRE. 1742. 2707
de défauts , M. Ledoux s'en fervoit avec fuccès
M. Duffé , Chirurgien de Paris, y fit quelques corrections;
il redreffa un peu les manches des cuilleres
qui étoient trop courbes , il les croifa & les affujettit
enfemble par le moyen d'une entablure qui
permettoit qu'on pût les feparer quand il étoit néceffaire.
Il s'aperçut que l'extrémité des cuilleres
s'aprochoit trop , & que laiffant trop peu d'efpace
entr'elles , elles ferroient trop le col de l'enfant ; ce
qui l'engagea à donner à ces cuilleres moins de courbure
, & à terminer leurs extrémités en croiffant ,
afin qu'elles formaffent , en s'aprochant , une espece
de colier affés large pour ne pas gêner le col de '
l'enfant.
:
L'uſage fit voir dans la fuite que M. Duffé n'avoit
pas encore porté cet inftrument à fa perfection
on trouva que l'affemblage des deux cuilleres
étoit difficile ; car fouvent après l'introduction des
branches , leurs entablemens refpectifs ne fe rencontroient
pas exactement , parce que le clou qui
n'étoit pas rivé , n'affujettiffoit pas les branches
affés sûrement . Pour remédier au premier inconvénient
, on a fait plufieurs entablemens plus étendus
& percés de plufieurs trous pour paffer le clou dans
celui qui fe trouveroit le plus proche , & on crut
qu'il fuffifoit pour affujettir plus sûrement les branches
, de rendre le clou plus long , mais ce moyen
ne réuffit pas : on fe détermina à faire de ce clou
une vis que l'on attachoit à une des branches de
l'inftrument avec une petite chaîne : on a enfuite
abandonné cetre vis , parce que le tems qu'on em--
ployoit à la placer , allongecit l'operation , les uns
lui ont fubftitué un petit crochet , les autres ont:
trouvé le moyen d'affujettir les branches avee le
clou auffi folidement que s'il étoit rivé . Il restoi &
encore un autre inconvénient fort confidérable
vjj
2708 MERCURE DE FRANCE
2
on ne pouvoit mpêcher les cuilleres de trop ferrer
la tête de l'enfant , lorfqu'on fait effort pour la
tirer avec cet inftrument . M. Petit a pour remédier
à ce défaut , inventé une espece de cremaillere
qui ne permet à ces cuilleres de s'aprecher l'une de
l'autre,qu'autant qu'il eft néceffaire pour embraffer
sûrement la tête de l'enfant & le tirer.
M. Soumain termina la Séance par la lecture
d'un Mémoire fur l'extraction de l'arrierefaix après
l'accouchement. Il tâche dans ce Mémoire de détruire
plufieurs préjugés établis depuis long- tems
dans les accouchemens , & deux entr'autres qui
concernent l'extraction de l'arrierefaix ; le premier
eft qu'il faut délivrer les femmes de l'arrierefaix
dès l'enfant eft forti du ventre ,
que
l'autre que s'il
refte dans la matrice la plus petite portion de l'arrierefaix
, la femme court rifque de perdre la vie .
M. Soumain fait voir par plufieurs Obfervations
qu'il détaille , que ces regles font fauffes , & qu'elles
ne doivent pas être fuivies à la lettre dans tous
les cas.
Pour ce qui eft du premier préjugé , dit M.
Soumain , l'expérience a apris que l'extraction
des arrierefaix dans les differens termes de la
groffeffe , doit être pratiquée ou plutôt ou plus
tard , & quelquefois même abandonnée à la natu
re , aidée feulement des fecours de la Chirurgie
mé dicamenteufe M. Soumain pofe pour principe
qu'en general on ne doit jamais fe trop proffer de
faire l'extraction de l'arrierefaix , à moins qu'il
n'y eut une perte de fang confidérable . Il confirme
ces propofitions par plufieurs exemples qu'il rapor
te des accidens furvenus à des femmes que l'on
a voit voulu délivrer prématurément de leur arriere
faix , qui fe trouvant ou d'un gros volume , ou
fort adhérent aux parois de la matrice , étoit déchiré
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THE NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR , LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
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01
L.HEC D'DE
VILLARS
FRPAR
ET
DU
VIVIER
GENERALIS
PREMIUM
ACADEMIE
MASSILIENSIS ,
DECEMBRE. 1742 2769 .
chiré dans l'extraction , ou du moins féparé du
cordon ombilical , & quelquefois fuivie de la
chûte , ou même du renversement total de la
matrice .
M. Soumain établit la fauffeté du fecond préju
gé par plusieurs faits qui prouvent que des portions
très confidérables de l'arrierefaix qu'on n'avoit pû
tirer , ont été avec fuccès abandonnées aux foins
de la nature qui en a procuré la fortie aux unes
plutôt & aux autres plus tard. L'expulfion des faux
germes , & celle des petits arrierefaix aux fauffes
couches faites jufqu'au troifiéme mois de la groffeffe,
qu'on abandonne prudemment au fecours de la
nature , qui les chaffe pour l'ordinaire fans qu'il en.
arrive d'accidens , doit encore , fuivant M. Soumain
, confirmer la feconde propofition.
MEDAILLE du Maréchal Duc de
Villars , Gouverneur de Provence, Fondateur
du Prix de l'Académie de Marseille.
Extrait d'une Lettre de M. Dulard , de la
même Académie.
L'année même de l'Etabliffement de notre Académie
par Lettres Patentes , c'eft- à- dire en 1726.
M. le Maréchal Duc de Villars , fon Protecteur ,
forma la noble réfolution de donner la fomme de
trois cent livres , pour être employée à une Médaille
d'or qui feroit adjugée tous les ans alternativement
à un Ouvrage en Profe , & à une Piéce
de P efie , Ode , ou autre Poëme fur un Sujet propofé
par l'Académie . Cette Médaille , gravée d'abord
à Marseille , portoit d'un côté les Armes de
l'Illuftre Protecteur , & au Revers l'Emblême de
l'Académie,
2710 MERCURE DE FRANCE
l'Académie , fçavoir , un Phénix fur un Bucher, regardant
le Soleil , avec ces mots , PRIMIS RENASCOR
RADIIS
Ce fut en l'année 1733. qu'il fonda le Prix à
perpétuité , par un Acte folemnel , qui affigne à
l'Académie une rente annuelle de trois cent livres ,
à prendre fur la Principauté de Martigues , fur la
quelle cette rente eft particulierement affectée. Il·
eft dit dans cet Acte qu'à l'avenir la Medaille portera
d'un côté le Buſte de M. le Maréchal de Villars,
& au Revers cette Inſcription , PRÆMIUM ACADE--
MIE MASSILIENSIS . C'eft en l'année 1740. que la
Médaille a été frapée pour la premiere fois à ce
nouveau & magnifique Coin , qui la rend d'une
beauté fi parfaite & qui fait tant d'honneur à l'ha~ ´
bileté de M. du Vivier.
A Marseille le 7. Septembre 1742-
ESTAMPES NOUVELLES.
L'HEUREUX LOISIR. Eftampe en large , nouvellement
gravée d'après Watteau par le fieur B.
Audran , chés lequel elle fe vend , rue S. Jacques ,
à l'Enfeigne de la Ville de Paris , vis- à- vis S. Yves,
où il s'eft établi depuis peu avec fon frere Gabriel
Audran , tous deux fils de Jean Audran , Graveur -
du Roy & Penfionnaire de S. M. On trouve chés
eux toutes fortes d'eftampes , anciennes & modernes,
particulierement les Ouvrages de feus Gerard ,
& Benoît Audran , leurs oncles, & de Jean Audran,,
leur pere.
Deux Eftampes en large fur des Sujets galants &
& champêtres ; très - heureuſement gravés par le.
feur Laurens , d'après M. Boucher ; elles font intitulées
DECEMBRE. 1742. 2710
titulées le Pasteur Complaisant , & le Pafteur Ga
land Ces Eftampes fe vendent chés le fieur Huquier,
ruë S. Jacques.
Le même Graveur vient de donner au Public:
un Livre compofé de douze Cartouches , de l'invention
de F. Boucher , Peintre du Roy , ornés de
figures élégantes & allégoriques fur differens Sujets
, & deux jolis Sujets de Paftorales d'après les
Deffeins du même Peintre. Il a auffi mis au jour
un Livre de fix feuilles , de figures d'Enfans ,
qui fervira à la fuite des deux grands Livres d'Académies
d'hommes & de femmes , & du Livre
d'Anatomie , néceffaire à l'ufage du Deffein ; letout
d'après M. Bouchardon , Sculpteur du Roy, ce
qui rend ce Livre complet &intereffant pour tous
ceux qui veulent élever la jeuneffe dans les bons
principes du Deflein .
Il débite toûjours ave fuccès des Ecrans à main
& à Guéridon , remplis de jolis Sujets , il en a un
grand nombre , très- variés par leurs divers Def
-feins , pour fatisfaire les differens goûts.
On trouve auffi chés lui plufieurs Livres d'après
Jean de la Joue , Peintre du Roy , ornés de differentes
& belles formes de Rocailles , des petits fonds
d'Architectures , Vafes , &c . d'un goût nouveau .
La fuite des Portraits des Rois de France , des
Grands Hommes , & des Perfonnes Illuftres dans
les Arts & dans les Sciences , continuë de paroître
avec fuccès , chés Odieuvre , Marchand d'Eftampes ,.
ruë d'Anjou ; il vient de mettre en vente ceux de
CHARLES IV . DIT LE BEL , XLVIII. Roy de
France , mort à Vincennes , le premier Février
1328. definé par A. Boizot , & gravé par Pinffio.
ARMAND - JEAN LE BOUTHILLIER DE RANCE',
3712 MERCURE DE FRANCE
Abbé de la Trappe , né à Paris le 9. Janvier 1626.
mo a la Trappe le 26. Octobre 1700. peint par
H. Rigaud , & gravé par Filleul.
Le même fieur Odieuvre vient de donner féparément
de fa grande fuite , le Portrait de M. BB LA
FONTAINE , d'après M. Rigaud , en forme de petit
in- 12. pour être mis à la tête de toutes les Editions
in- 12. de ce fameux Poëte .
LIVRE NOUVEAU; Etrennes très - utiles . Le Sr Robinot
l'aîné , Libraire , Quai des Auguſtins , attenant
P'Eglife , vend préfentement un Livre qui contient ,
l'Abregé d'une Grammaire Françoife raisonnée , ou
l'Art d'aprendre à parler à écrire le François correctement,
précédé d'une Méthode pour aprendre à lire
le François le Latin , par un Systême ſi facile, qu'on
y fait plus de progrès en trois mois , qu'en trois ans par
l'ancienne Méthode , &c.
Tous les Sçavans & les Auteurs publics en ont
parlé avec beaucoup d'éloge , ce qui eft prouvé par
la Lettre de M. l'Abbé de la Serre , inferée dans le
Mercure de Janvier de cette année.
Ce Livre a été contrefait en plufieurs Provinces
mais comme il eft plein de fautes, l'Auteur ne reconnoît
pour fon Ouvrage que les Exemplaires fignés
de lui , qui fe vendent actuellement chés Robinot
l'aîné Nous croyons faire plaiúr au Public en lui
annonçant de nouveau un Livre qui eft extrêmement
utile , principalement aux petits Enfans
qui ont tant de peine & qui font fi long- tems à
aprendre à lire par la maniere ordinaire . C'est un
in-12 . qui fe vend 40. fols reliés 30. fols broché.
On trouve auffi chés le même Libraire la Méthode
pour aprendre à lire feulement , dont le prix eft de 10 .
fols reliée , 6. fols brochée.
Les Vins de Cerife , dont on a déja parlé avec
éloge ,
DECEMBRE: 17422713
!
loge , font meilleurs cette année qu'ils n'ont encore
été. Cette Liqueur , qui eft fort agréable , eft
à la mode , & on en fait un grand débit en gros &
en déitail , fur le pied de 24. fols la pinte , dans la
Cour Abbariale de S. Germain des Prés , chés le
fieur Deffarges.
Il paroît depuis peu deux Cattes fous le Privilége
de l'Académie Royale des Sciences. La
premiére contient la Partie Méridionale des Côtes
de l'Ile de Terre Neuve , dreifée par le Sieur
Philipe Buache fur la Carte Manufcrite du même
Auteur , préfentée à l'Académie le 28. Juillet 1736 .
& comparée avec le Plan de ces mêmes Côtes
de la Carte Angloiſe de M. Pople , de l'an 1733 .
C'eft une des premiéres Cartes que l'on connoifle ,
imprimées de deux couleuts.
L'Avertiffement eft conçû en ces termes : La
comparaison de ces deux Plans , qui font diſtingués
l'un de l'autre par deux couleurs differentes , montre
que la Carte Angloife publiée en 1733. met
entre ces Pays & les Côtes d'Europe , une difference
en longitude de beaucoup plus grande ,
que celle qui eft fupofée par toutes les autres Cartes,
fuivant la longitude de la Carte Angloife ; le Cap
de Raz , fitué à la pointe Orientale de la Partie
Méridionale de Terre-Neuve , fe trouve 120. lieues
à l'Ouest du Lieu où il eft placé fur les Cartes
Holandoifes , & feulement 60. lieuës à l'Ouëft ,
du Lieu où il eft placé , fur la Carte préfentée en
1736. à l'Académie des Sciences .
La feconde eft la Coupe ou Profil de la Ville de
Paris , prife depuis la Porte S. Martin jufqu'à
l'Obfervatoire , en paffant par l'lfle du Palais ,
avec le Plan des rues , comprifes dans la direction
de cette Coupe , le tout dreffé par le même Auteur
fur les nivellemens qu'il a pris les 25. &
29. Août 1741 . Pas
2714 MERCURE DE FRANCE
Par l'Avertiffement l'Auteur fait connoître qu'il a
entrepris un travail fur le Cours des Eaux de la
Seine dans Paris , dont il expofe une idée générale.
Le Plan de fon ouvrage contient 19. le Cours &
l'étendue de la Riviére , confidérée comme dans
trois points fixes , fçavoir , celui où elle fe renferme
dans fon lit ordinaire , le lit qu'elle a
Occupé dans les rues & places de la Ville , lors
de l'inondation de 1740. avec tout ce qui regarde
Je Commerce de la Riviére. 2 ° . Il comprend toutes
les Fontaines , Regards , & leurs conduites , & c.
3. Il donne une connoiffance très- circonftanciée
de l'écoulement des Eaux de cette Ville par les
ruiffeaux des rues , foit directement à la Riviere ,
foit par le moyen des Egouts . 4 Il comprend.
divers autres détails , differens de ceux qui font
renfermes dans les Coupes dont il eft ici queftion ,
lefquelles donnent la connoiflance de la hauteur de
l'ancien Sol de l'Ile duPalais comparé avec fon état
actuel , l'élévation de plufieurs Edifices publics , la
profondeur des Puits , laquelle par la feule inf
pection de la hauteur des Eaux , a fait conjecturer à
P'Auteur qu'il y a une Nape foûterraine, defcendant
des hauteurs pour fe rendre à la Riviére ; & enfin
la hauteur de l'inondation de 1740. comparée avec
la baffeffe des Eaux de 1741 .
Le Sieur Baradelle , Ingénieur pour les inftrumens
de Mathématique , donne avis au Public
qu'il vient de conftruire des Globes Célestes &
Terreftres de differentes grandeurs , dédiés à Monfeigneur
le Dauphin , dreffés fur les nouvelles
Obfervations de Mrs de l'Académie Royale des
Sciences.
Les Globes Céleftes font calculés jufqu'à
l'année 1750. Ils font augmentés de plufieurs
ConftelDECEMBRE.
2715 1742
Conftellations nouvelles ; on y a tracé les Poles
du Soleil , fon Equateur , & les Collures , ce qui
n'a point encore parû fur aucuns Globes ; ces nouveaux
Cercles font diftingués par des Lignes
ponctuées ; ils ne forment aucune confufion par
raport aux autres Cercles , qui font tracés , comme
fur les anciens. Les Etoiles ont été pofées par raport
à leurs diftances du Pole , & à leurs afcenfions
droites , avec tout le foin & toute la jufteffe
poffible. Le Sieur Roy a deffiné & gravé d'un
goût nouveau les figures des Conſtellations , avec
autant de propreté que de précision .
A l'égard des Globes Terreftres , la Géographie
en a été gravée par les meilleurs Graveurs , principalement
par le Sieur Aubin. Il y a des Globes de
Î'une & de l'autre efpéce de trois groffeurs differentes
, fçavoir de 9. pouces , de 6. pouces , & de
4. pouces & demi de diamètre il a auffi conftruit
des Spheres de pareille groffeur , fuivant les Syftêmes
de Ptolomée & de Copernic.
;
Le Sieur Baradelle s'eft apliqué à former un Ouvrier
, lequel ne travaillant uniquement qu'à ces
fortes d'ouvrages , les fait dans la derniére propreté
, ce qui eft de grande conféquence par raport à
l'exactitude que demande la forme & le collage des
Globes & pour la jufteffe des Sphères , il a fait
fabriquer des cartes à Rouen , qui font telles par
leurs égalités d'épaiffeur , que les Méridiens tourneront
librement dans les entailles des Horifons.
Sa demeure est toujours à Paris , Quai de l'Horloge
du Palais , vis à - vis le Grand Degré de la
Riviére, à l'enfeigne de l'Obfervatoire .
Le Public intereffé à connoître toutes les perfonnes
qui excellent dans les differens Arts , & particulierement
dans ceux qui contribuent au foulagement
2716 MERCURE DE FRANCE
ment des infirmités de la nature , & à leur parfaite
guérifon , ne fera pas fâché d'aprendre à cette occafion
que le Sieur Roy , Deffinateur & Graveur ,
duquel il vient d'être parlé ci -devant , a l'obliga
tion du recouvrement de fa vûë , dont il a été to :
talement privé pendant fix mois en 1735. à M.
l'Abbé Candide , diftingué par une étude particuliére
, & une grande expérience dans toutes les
Opérations qui régardent les yeux, & c. Il demeure
à Paris au College de Cluny , Place de Sorbonne .
Le Roy fur la nomination & préfentation de
M. Chycoineau , Confeiller d'Etat , fon Premier
Médecin , vient d'accorder des Lettres de Provifions
de fon Confeiller - Médecin Ordinaire de
S. M. & Intendant des Eaux Minérales & Médicinales
de Pougues , en Nivernois , à M. de la Ruë
Médecin de la Ville de Nevers .
Ge Médecin fçait fort bien fa Profeffion ; il
eft connu & eftimé de plufieurs des plus fameux
Médecins de Paris . Les Eaux Minérales de Pougues
font bien entre les mains , il fçaura leur faire ren
dre l'eftime qu'elles ont mérité dans tous les tems
& les rétablir dans la grande répuration qu'elles
ont eû , lorfque des Têtes couronnées & un nombre
infini de malades ont éprouvé leur efficacité
avec des fuccès inefperés . Ces Eaux opetent encore
tous les jours des Cures furprenantes , lorfqu'elles
font ordonnées à propos & prifes avec
méthode. Elles font , comme tous les autres Re
medes de la Médecine en géneral ; leur fuccès dépend
de la façon d'en ufer , des difpofitions de
la Maladie & du Malade , & enfin du Régime
convenable aux maux & au tempérament. M. de
la Rue eft en état de pourvoir à tout , & il ne les
confeillera qu'à ceux qui en ayant effentiellement
befoin
DECEMBRE . 1742. 2717
befoin , pourront efperer d'en être guéris , ou tout
au moins confidérablement foulagés . Ce Médecin
s'eft étudié depuis dix ou douze ans à bien dévéloper
la nature de ces Eaux , & à connoître leurs
effets ; il a trouvé par les recherches le moyen de
compofer un Sel analogue aux principes de ces
Eaux Minérales , qu'il fait à l'aide de ces mêmes
Eaux. Ce Sel étant diffous à la quantité de deux ou
trois gros fur chaque Bouteille de pinte d'Eau Minérale
de Pougues , donne à une feule Bouteille
de cette Eau l'efficacité de plufieurs Bouteilles
eau fimple de la Fontaine , & en favorife le tranf
port aux extrémités du Royaume , fans aucune
altération .
Une Bouteille de cette Eau , deyenuë ainfi plus
active par ces Sels Minéraux qui ne donnent aucun
goût défagréable à l'Eau , procure au Malade .
huit neuf felles , le fait uriner autant de fois , &
excite la fueur , quand , ayant befoin de fuer
on a la précaution de prendre dans fon lit ces
Eaux echauffées au bain mari , & après l'effet de
ces trois opérations , le Malade éprouve plus de
forces qu'auparavant. Il y a dans ces Eaux un Stiptique
, qui , en rafermiflant la fibre , lui donne
du reffort & de l'élasticité. 1
Les Eaux Minérales de Pougues font propres à .
combattre toutes les Maladies d'obftructions
les Leucophlegmaties , ou Hidropifies génerales ;
les Iterities on Jauniffes ; les Vapeurs Hifteriques
& Hipocondriaques ; les pâles couleurs ; les fuppreffions
de Regles ; les Fleurs blanches ; les Pertes,
la Stérilité des femmes , les Tumeurs fckirreuſes du
Foye , de la Ratte & du Méfentere ; les Coliques né-;
phrétiques , & toutes les Maladies des reins & de la
veflie,produites par le gravier,les fabies & les glaires
font prefque toujours radicalement guéries par
Pulage
2718 MERCURE DE FRANCE
l'ufage de ces Eaux ; elles font encore admirables
pour guérir les Gonorrhées invéterées , les pertes
de femence involontaires, trifte fuite des Maladies
véneriennes qui n'ont pû être parfaitement guéries,
&c.
Le Bourg de Pougues eft fitué entre la Ville de
Nevers & celle de la Charité , fur le grand che
min de Paris à Lyon ; c'eft un Lieu fort agréable
il y a de belles & de grandes Maifons très-commodes
pour les Bûveurs ; les habitans y font
polis & prévenans ; on y refpire un air fain ,
& les alimens Y font fort bons.
La Veuve Bailly renouvelle au Public fes affûrances
, qu'elle n'a point quitté fon commerce
& que les véritables Savonnettes de pure crême de
Savon , dont elle feule a le Secret , fe diftribuent
toujours chés elle , rue du petit Lion , à l'Image
S. Nicolas , proche la rue Françoife , Quartier de
la Comédie Italienne .
,
Le véritable Suc de Régliffe & de Guimauve
blanc fans fucre fi eftimé pour toutes les maladies
du Poulmon , inflammations , enrouëmens ,
toux , rhumes , afthme , pulmonie & pituite , continue
à fe débiter depuis plus de trente ans , de
l'aveu & approbation de M. le Premier Médecin
du Roy , chés la Demoiſelle Desmoulins , qui en
a le Sécret de défunte Mademoiſelle Guy , quoique
depuis quelques années des Particuliers ayent
voulu le contrefaire,
On peut s'en fervir en tout tems , le transporter
par tout & le garder fi long-tems que l'on veut
fans jamais fe gâter , ni rien perdre de fa qualité .
La Demoiſelle Defmoulins demeure ruë Guenegaud
Fauxbourg S. Germain , du côté de la rue
Mazarine , chez M. Guillaume Marchand de >
Vin ,
DECEMBRE. 1742 2719
Vin , aux Armes de France , au fecond appartement.
Le Sieur Jean-François Fache annonce au Public,
après plufieurs Expériences & guérifons faites depuis
plufieurs années fur differens Sujets attaqués
d'Humeurs- Froides , fous les yeux des Médecins
& Chirurgiens , tant de la Cour que de la Ville ,
fans qu'il ai : employé aucun Cauftique , ni faic
aucune Incifion ; que. ce Remede ayant été
examiné par la Commiffion le 13. Septembre
1742. il a obtenu de M. le Premier Médecin un
Brevet qui lui permet d'en faire le débit . L'ufage
de ce Reméde eft facile , & on peut l'appliquer
à toutes fortes de Tempéramens , puifque la baze
de ce Remede eft un Baume & une Emplâtre qui
s'appliquent facilement.
Il demeure rue S. Martin , à la Croix de Fer
On le trouve chez lui depuis fix heures du matin
jufqu'à deux heures. It va en Ville pour les perfonnes
qui le demandent .

&
Le Sieur Durand Expert pour la confervation
des Gencives & des Dents , les tire quand il
le faut , rafermit les plus chancelantes & fait
croître les Gencives rongées par le tartre ,
cela par les Opérations de fes mains & de fes
Remedes. Son Opiat raffermit les Dents chancelantes
, fait croître les Gencives , & les rend plus
charnues , nettoye & blanchit les Dents fans offenfer
le luftre de l'émail : les Pots de fon opiat
font de 2. livres ' , de 3. livres & de 6. livres .
L'Elixir eft pour les douleurs de Dents , &
pour tous les maux de bouche caufés par la corruption
; il corrige les humeurs âcres & détache
le tartre qui mange l'émail. C'est un excel ..
,
lent
2720 MERCURE DE FRANCE
lent préfervatif contre les maux de la bouche '
& pour ceux qui tiennent ou paroiffent tenir
de la nature du Scorbut dont l'ufage prévient ces
accidens. Les bouteilles font de 3. liy. 10. fols
& de 6. liv .
L'Eau d'or de Coclaria guérit les Fluxions ,
& les Gonflemens des Genfives les plus confidérables.
Les Bouteilles font de 2. liv. & de 4. liv.
Il donne des Imprimés pour fe fervir de chacun
de ces Remedes. Ils font cachetés de la même
empreinte qui eft en tête de ces Imprimés , il avertit
auffi que l'on trouve chés lui des Dents artificielles
, & des racines très-douces depuis 8. fols
jufqu'à 12. fols ; il va le matin où on le demande ,
& l'après-midi on le trouve chés lui . Sa demeure
eft , avec fon tableau , ruë S. Honoré , vis - à- vis la
Croix du Trahoir , entre la Coupe d'or & le Bas de
Chamois , au premier appartement fur le devant.
Le Sieur Claude Burtin avertit le Public qu'il ek
poffeffeur d'un Remede fpécifique pour l'Aftme ,
lequel eft compofé de Simples , de Cordiaux , de
Pectoraux , & de Purgatifs choifis ; fon ufage ne
gêne en aucune maniére , puifqu'il n'oblige point
à garder la chambre après l'avoir pris & on peut
le transporter par - tout fans qu'il perde de fa qualité
. Ce Sirop pectoral fottifie les organes de
la refpiration , il divife & difloud les phlegmes.
épais qui embaraffent leurs bouches ; il évacue doucement
par les voyes naturelles , il redonne enfin
à la poitrine & aux autres organes qui y ont raport
leur preiniére vigueur , leur élasticité , & leur
ofcillation naturelle . La maniére de s'en fervir eft
d'en prendre deux cuillerées le matin à jeun , & on
peut manger deux heures après ; la guérifon peut
être
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY,
ABTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS,"

THE
AL
* YORK
PUBLIC
LIBRARY
,
ANTOR
, LENOX
AND " TILLER
FOUNDATION
&
DECEMBRE . 1742. 2721
Etre plus ou moins prompte , felon que la maladie
fera plus ou moins invéterée ; on peut en
donner aux perfonnes de tout iexe & de tout âge ,
même aux enfans les plus foibles & les plus
délicats.
M. Chicoyneau , premier Médecin du Roy , a
permis au Sieur Buitin de compofer & d . diftribuer
ce Remède , par un écrit daté de Vertailles le
29. Septembre dernier.
Sa demeure eft à Paris , Quai de l'Ecole , à la
Fleur de Lys , auprès du Garde -Meuble de la Couronne
; fon tableau eft au- deffus de la Porte. Les
Perfonnes de Province qui fouhaiteront ſe ſervir
de ce Remede , peuvent écrire au Sieur Burtin ,
en affranchiffant leurs lettres lequel le leur
fera tenir par les voyes qu'on indiquera.
betstitut
CHANSON.
BOUQUET pour Madame ******
AImable Babet , en ce jour
Je viens vous rendre mon homage ;
Puiffent les Ris , les Jeux , l'Amour ,
Pour vous plaire , mettre en uſage
Tout ce qu'ils ont de plus charmant !
Puiffent tous vos jours fans orage
S'écouler agréablement.
I. Vol. H TEN
C
2722 MERCURE DE FRANCE
TENDRESSE
BACHIQUE.
ETT comment ne pas me rendre!
Comment fauver ma raiſon en ce jour !
Le Dieu du vin, pour la furprendre,
A fait ligue avec l'Amour.
*
Accordons dans cette Fête
Deux vainqueurs , m'engageant tour à tour
Au Dieu du vin livrons ma tête ,
Et mon coeur au tendre Amour.

Cher Bachus , fi je ſoupire ,
Si je néglige ton jus précieux ,
Pardonne- moi , c'eft pour Thémire ,
Mon excufe eft dans les yeux.
SPEC
DECEMBRE. 1742 2723
"
*********************
SPECTACLES.
L'Académie Royale de Mufique continue
toujours l'Opera de Phaeton ; le Public
ne fe laffe point d'en voir les repréſentations
exécutées dans la plus grande perfection.
Le 18. les Comédiens François remirent
au Théatre la Tragédie d'Athalie , de M. de
Racine , qu'on voit toujours avec plaiſir ;
cette Piéce avoit été repréſentée au mois de
Mars dernier à la clôture du Théatre .
Le 10. les Comédiens Italiens donnerent
une petite Piéce nouvelle Italienne, d'un Ac
te , qui a pour titre , Arlequin Baron Suiffe
laquelle fut goûtée ; le fieur Carlin joue le
principal perfonnage d'une manière trèscomique
& fort divertiflante .
患患患患患患患
NOUVELLES ETRANGERES,
ON
TURQUIE.
N mande de Conftantinople du 6.du mois d'Oc
tobre dernier , que Said Pacha Begler Beg de
Romelie , & ci devant Ambaffadeur Extraordinaire
-du Grand Seigneur à la Cour de France, arriva le 2 .
à Pontepiccolo , & que les deux Vaiffeaux de guerre
François , qui l'ont ramené , ayant été obligés de
s'y arrêter , à caufe des vents contraires , il ſe rendit
à cheval à Conftantinople. Les magnifiques pré-
Hij Leas
1724 MERCURE DE FRANCE
fens que S. M. T. C. envoye à Sa Hauteffe ont du
être expofés en public pendant quelques jours dans
le Palais du Comte de Caftellane , Ambaffadeur de
France, qui devoit les préfenter au Grand Seigneur,
Thamas Kouli - Kan renouvelle fes inftances auprès
de S. H. pour en obtenir la paix , & il
continue d'offrir qu'une ligne , qui fera tirée depuis
Ardebil jufqu'au Chufitan , ferve de Limites aux
Etats des deux Puiffances.
ALLEMAGNE,
ON aprend de Vienne du
N aprend de Vienne du 3. du mois dernier
que le 29. du précedent , la Reine reçût de
Boheme un courier , dont les dépêches portoient
que le Grand Duc de Tofcane fe difpofoit à
quitter le Camp de Weidhaufen , pour fuivre
l'armée Françoife , commandée par le Maréchal
de Maillebois , laquelle continuoit fa marche
vers le Danube.
On mande de Munich du 2. du mois dernier ,
qu'un train confidérable d'artillerie étoit parti
d'Ingolstadt , pour aller joindre l'armée Impériale
que commande le Comte de Seckendorf, & qui
eft toûjours campé fur le bord de l'Inn dans les
environs de Braunau.
Le Comte de Seckendorf ayant apris qu'un
Corps de 200. Huffards Autrichiens , étoit allé fe
pofter à Altheim , il détacha 2000. hommes avec
les Huffards Bavarois fous les ordres du Baron de
Preyfing , Lieutenant Feldt- Maréchal , pour tâcher
de les enveloper & ce Baron s'étant mis en
marche le 27. Octobre dernier , à minuit , il arriva
le 28. au matin à une demie lieuë de leur
camp avec fa Cavalerie légere , mais le refte des
troupes du détachement n'ayant pû faire affés
de diligence à caufe des mauvais chemins , les
Lennemiş
DECEMBRE. 1742 272 $
1
ennemis furent avertis de l'aproche du Baron de
Preyfing , & ils eurent le tems de fe retirer: On
les a pourfuivis , & on a fait prifonniers un Major,
un Lieutenant & 30. Huffards.
L'Empereur a fait publier dans l'Electorat de
Baviere ర dans le Haut Palatinat un Décret , par
lequel il eft ordonné aux Officiers de tous les
Baillages , de fournir une Lifte exacte des habitans
de leurs Diſtricts , qui font en état de porter les
armes . On en formera des Compagnies , dont une
partie fera employée à la garde de divers poftes
& le refte fera diftribué le long de quelques
rivieres , pour en défendre le paffage. Le Gouvernement
a levé auffi plufieurs Compagnies de
chaffeurs qui fe font enrollés volontairement.
On a apris de Ratisbonne du 8 , du mois dernier,
que l'armée Françoife , commandée par le Maréchal
de Maillebois , s'étant raffemblée le 27. & le
28. du mois précédent entre Neubourg , & Schwanendorff
, qu'ayant continué les jours fuivans
fa marche pour s'aprocher du Danube , la premiére
Colonne de cette armée arriva le 3. Novembre
fur le bord de ce Fleuve près de Stattumhoff , &
qu'elle fut jointe le 6. par la feconde Colonne , &
le 7. par la troifiéme , à la tête de laquelle eſt le
Comte de Saxe.
Le Marquis de Balincourt , Lieutenant Géneral
a déja paffé le Danube fur des Radeaux avec trois
Brigades d'Infanterie & deux Régimens de Cavalerie
, pour aller en Baviere renforcer les troupes
Impériales que commande le Comte de Seckendorf.
Le refte de l'armée Françoife fe préparoit auffi à
paffer ce Fleuve , & on travailloit avec toute la
diligence poffible à y jetter un Pont pour cet effet.
Le Maréchal de Maillebois a laiffé en arriere le
Marquis de Pontchartrain Maréchal de Camp
H iij avec
728 MERCURE DE FRANCE
?
avec un Corps de troupes , pour affûrer la marche
des Convois .
Le Maréchal de Broglie , qui eft forti de Prague
pour aller prendre le commandement de l'armée
Françoife dans le Haut Palatinat , étoit attendu le
12. à Nuremberg , & le Maréchal de Maillebois
en ayant reçû avis , il a envoyé ordre au Marquis
de Pontchartrain de détacher 600. chevaux pour
aller prendre le Maréchal de Broglie en cette Ville,
lorfqu'il y feroit arrivé , & pour l'efcorter jufqu'à
l'armée.
Le 17. Octobre dernier , les troupes de la Reine
de Hongrie , fous les ordres du Grand Duc de
Tofcane , décamperent de Weidhaufen , & le 30.
elles arriverent fur deux colonnes à Fietach & à
Windklarn . Elles continuerent le lendemain leur
marche , pour påffer la Schwarth , & depuis ce
tems elles ont prefque toujours côtoyé l'armée
Françoife.
Un détachement de Hongrois ayant fommé inu
tilement 200. François , qui étoient en garnifon à
Neubourg , de fe rendre , ce détachement a mis le
feu aux Fauxbourgs de la Ville,
Selon les lettres de Braunaw , le Comte de Sec-
"kendorf a envoyé plufieurs détachemens des troupes
Impériales dans la Haute Autriche , pour y lever
des contributions , & un grand nombre de
Payfans , auxquels il a fait donner des armes , font
auffi des courfes dans la même Province .
On a appris de Vienne du 1o. du mois dernier ,
qu'il s'y tint le 8. une nouvelle Conference entre
le Baron d'Erthal ,Miniftre de l'Electeur de Mayence,
& les Commiffaires nommés par la Reine de Hongrie,
pour travailler avec ceMiniftre à féparer desArchives
de la Maifon d'Autriche celles de l'Empire.
On a apris depuis que le Grand Duc de Tofcane
ayoit
DECEMBRE. 1742 2727
avoit envoyé ordre au Prince de Lobckowitz, qu'
a détaché avec un Corps confiderable de troupes ,
pour aller refferrer les troupes Françoifes qui font
dans Prague , de ne point encore s'éloigner de la
Frontiere du Royaume de Boheme , afin d'être à
portée de faire marcher , s'il étoit néceffaire , quelques
- uns des Régimens des troupes qu'il commanrenforcer
l'armée de la Reine , pour
la
& pour
mettre en état de s'opofer aux entrepriſes du Maréchal
de Maillebois.
de
,
Ces avis ajoutoient que par ordre du Grand Duc,
le Comte de Kevenhuller s'étoit mis en marche
avec quelques Régimens d'Infanterie & de Cavaletie
, afin de couvrir la Ville de Paffau , & de garantir
la Haute Autriche des courfes des troupes Impériales
.
La Reine a été informée de ce qui s'eft paffé à
l'occafion de la marche de l'armée Françoife depuis
Egra jufqu'à Naubourg & Schwarzendorff.
Les Payfans du Cercle de Leutmeritz ayant pris
les armes , pour empêcher le Corps de troupes ,
commandé par le Baron de S. Ignon , d'entrer dans
ce Cercle , ce Corps de troupes les a attaqués , &
les ayant bien- tôt difperfés , il a exigé de fortes
contributions de ce Cercle.
On mande de Ratisbonne du 15. du mois dernier
, que le pont que le Maréchal de Maillebois
avoit fait conftruire fur le Danube, ayant été achevé
le 9.l'avant- garde de l'armée Françoiſe commandée
par ce Géneral , commença le 7. à paffer ce
Fleuve , qu'elle fut fuivie le lendemain par plufieurs
Régimens, & que les jours fuivans le refte de l'armée
paffa ce Fleuve , à l'exception d'un Corps de
4000. hommes que le Maréchal de Maillebois
laiffé près de Ratisbonne fous les ordres du Marquis
de Pontchartrain , Maréchal de Camp , pour y
H. iiij
atten2728
MERCURE DE FRANCE
attendre le Maréchal de Broglie , qui arriva le 12
à Nuremberg , & qui étoit attendu à Ratisbonne
3
le 16.
Il y eut il y a quelque tems près de Donauftoff un
combat très-vif entre quelqués troupes de l'avantgarde
des troupes Françoifes & un détachement de
Huards de l'armée de la Reine de Hongrie , & la
perte a été à- peu-près égale de part & d'autre.
·
Un autre détachement de Huffards des troupes
Autrichiennes s'eft avancé près de Regentauf , mais.
il s'eft retiré avec précipitation , ayant eté averti
qu'un Régiment de Dragons de l'armée Françoiſe
marchoit pour l'attaquer , & ce Régiment , en le
pourfuivant, a fait un Officier & quelques Huffards
prifonniers..
Le Marquis de Crillon , Colonel du Régiment
de Bretagne dans les troupes du Roy de France,
étant allé prendre pofteà Landau , fur l'Ifer dans la
Baffe Baviere, avec quatre Compagnies de Grenadiers
, il y a été invefti par la plus grande partie
de l'armée Autrichienne que commande le Grand
Duc de Toſcane , & il a été obligé de ſe rendre
prifonnier de guerre avec le détachement qui étoit
fous fes ordres . Le Grand Duc lui a accordé , ainfi
qu'aux Capitaines des quatre Compagnies de Grenadiers
, la permiffion de retourner en France fur
leur parole .
L'armée de la Reine de Hongrie , commandée
par le Grand Duc , étant arivée le 6. du mois der-.
nier à Nieder Altaig , ce Prince a fait jetter un
pont fur le Danube , à quelque distance de Straubingen
, & le 9. une partie de l'armée paffa ce
Fleuve.
On mande de Hambourg du 20. du mois dernier
qu'on y a reçû avis de Stokolm, que le 1.de ce mois,
aous les Députés qui compofent la Diette génerale du
RoyauDECEMBRE.
1742. 2729
Royaume de Suede , ayant reçû ordre de fe trouver
à l'affemblée, on avoit commencé à y déliberer far
l'affaire de la fucceffion à la Couronne ; qu'on y
avoit fait la lecture d'un Mémoire préfenté le 27.
Octobre dernier par le Colonel Wrede , Commif
faire Géneral des Guerres , & dans lequel cet Offcier
s'étendoit beaucoup fur la néceffité de donner
au Roy pour fucceffeur, un Prince né & élevé dans
la Religion Lutherienne ; qu'il y avoit eu de grands
débats entre les Députés dans cette Séance ; que la
Diette avoit continué le 5. & le 6 fes déliberations
fur la même affaire , & que le 6. le Duc de Holstein-
Gottorp avoit été élû fucceffeur à la Couronne de
Suede.
Suivant des avis reçûs de Ratisbonne , le Maréchal
de Broglie s'y rendit de Nuremberg le 16. du
mois dernier, & il en partit le 18. pour joindre l'atmée
Françoife , dont le Maréchal de Maillebois de
voit lui remettre le Commandement..
Le 11. du mois dernier on aprit par un courrier
arrivé de l'armée commandée par le Grand Duc de
Tofcane , qu'une partie de cette armée avoit paffé
le Danube , & que le Comte de Kevenhuller , qui
avoit été détaché par le Grand Duc, pour aller cou
vrir la Ville de Paffaw, avoit reçû un.contre- ordre,
& qu'il avoit marché du côté de l'Ifer , pour tâcher
de s'affurer des bords de cette riviere .
On a apris depuis que le Comte de Kevenhuller
s'étant avancé à Landaw , il s'étoit emparé de ce
pofte , & que la garniſon avoit été faite prifonniere
de guerre.
La Reine à été informée par un autre courier
que le 4. du mois dernier, le Baron de Trenck s'étoit
rendu maître de Deckendorf ; que la garnifon
Bavaroife , qui gardoit ce pofte , & qui étoit compofée
de 400. hommes , avoit fait la même capi-
HY tulation
2730 MERCURE DE FRANCE

& tulation que les troupes qui étoient à Landaw ,
que le Commandant avoit obtenu , ainfi que les
principaux Officiers , qui étoient fous les ordres &
la liberté de fe retirer fur leur parole où ils juge-
Loient à propos.
On mande de Boheme que le Grand Duc de
Tofcane , qui avoit ordonné au Prince de
Lobckowitz de fe tenir à portée de pouvoir rejoindre
l'armée de la Reine , fi elle avoit befoin d'être
renforcée , pour s'opofer à la jonction des troupes
Françoifes avec celles de l'Empereur , a fait
fçavoir à ce Géneral , qu'il pouvoit s'aprocher de
Prague , afin de refferrer cette Place , & d'empê
cher , qu'il ne continuât d'y entrer des Convois
qu'en conféquence des nouveaux ordres du Grand
Duc , le Prince de Lobckowitz étoit entré dans le
Cercle de Rakonitz avec les troupes dont il a le
commandement , qu'il y avoit été joint par celles à
la tête defquelles font le Baron de S. Ignon & le
Géneral Feftetitz , & qu'il faifoit les difpofitions
néceflaires , pour obliger les François , qui occupent
encore divers poftes dans les environs de Prague
, d'abandonner ces poftes , & de fe retirer
dans la Place .
Le Prince de Lobckowitz a envoyé un Corps de
troupes , pour couvrir les travailleurs qui ajoûtent
de nouveaux ouvrages aux Fortifications de Pilfen .
Le Grand Duc de Tofcane décampa le 31. Octobre
dernier de Windklarn , pour s'aprocher de
Rietz ; les troupes s'étant repofées le premier du
mois dernier , elles fe remirent le lendemain en
marche , & elles s'avançerent à Rotink , le trois ,
elles allerent camper à Michel Neukirch , & le
jour fuivant , elles arriverent à Afcha , qui n'eft
qu'à une petite diftance de Straubingen , & ca
' elles font demeurées pendant trois jours tant
pour
DECEMBRE. 1742. 2731
pour fe remettre des fatigues qu'elles avoient ef
fuyées , & pour attendre les gros Bagages qui
n'avoient pu les fuivre , que pour obferver les
mouvemens de l'armée Françoife, dont la plus grande
partie étoit déja fur le bord du Danube . Le
Grand Duc continua le 8. fa marche , & l'armée
s'étant rendue à Loheim , ce Prince apuya l'aîle:
gauche à ce Bourg , & fit étendre l'aîle droite juf
qu'à Deckendorf.
On mande de Boheme , que fur l'avis de la mar
che des trois Corps de troupes Autrichiennes , com..
mandés par le Prince de Lobckowitz , par le Baron
de S. Ignon & par le Géneral Feftetitz , qui fe:
font réunis dans le Cercle de Rakonitz, le Maréchal
de Belle- Ifle avoit envoyé ordre aux divers
détachemens des troupes Françoifes , qui avoient:
été diftribués par le Maréchal de Broglie le long ;
de l'Elbe & de la Moldaw , d'abandonner les poftes
qu'ils occupoient , & de fe retirer dans Prague,,
où le Marquis de la Fare , Lieutenant Géneral eft:
entré le 6. avec les troupes qui étoient à Brandeiff ,,
à Melnik & à Liben . Tous les autres détachemens ,,
qui étoient poftés dans les environs . de Prague
font auffi retournés dans cette Place ..-
On a apris de Ratisbonne du 22. du mois dér--
nier qu'il y a paffé un courier qui a raporté que le
Comte de S. Germain , Colonel au fervice de
P'Empereur , ayant été détaché avec. quelques ,
troupes par le Comte de Seckendorf , pour s'em--
parer de Brameck , où il y avoit soo Huffards
Autrichiens , que commandoit le Colonel Barthol--
di , il en avoit taillé en piéces près de 300..qu'il !
en avoit fait 70. prifonniers , & qu'il avoit enlevé
prefque tous les chevaux de ce détachement. Less
Impériaux n'ont perdu que fept hommes en cette:
occafion , & ils n'ont cû qu'un très petit nombre
de bleffés...
H. vj LS:
2732 MERCURE DE FRANCE
Le même courier a raporté que le 12. du mois
dernier , le Comte de S. Germain s'étoit auffi rendu
maître d'Oberperg , de S. Martin & de Riedberg ,
& qu'il n'avoit trouvé dans le dernier de ces
trois poftes qu'environ 40. Huffards , dont douze
avoient été tués & dix huit faits prifonniers.
Il a ajoûté que le même jour , le Baron de Berenklaw
à la tête d'un Corps de 600. hommes
avoit attaqué le Comte de S. Germain à quelque
diſtance de Riedberg , mais qu'il avoit été repoullé
par les Bavarois avec une perte affés confidérable
& que le Comte de Saint Germain avoit fait quarante
prifonniers , cn pourfuivant les Autrichiens.
Selon les avis reçûs de Braunaw , le Marquis
Minntzi par ordre du Comte de Seckendorf
s'eſt avancé du côté d'Altheim avec 4000. hommes
des troupes Impériales , & il a fait occuper par
divers détachemens les poftes de Lied , de Katzemberg
, de Maurkirh , de Maltkoffen & de
Frisbourg , le long de la riviere de Mattich.
L'armée Impériale , commandée par le Comte de
Seckendorf , ne s'eft point repliée fous Wafferbourg
, comme le bruit en avoit couru , & elle eſt.
toujours restée campée dans lesenvirons deBraunaw .
Le Marquis de Balincourt , Lieutenant Géneral
des armées de S. M. T. C. arriva le 12. du mois
dernier à Dingelfing avec la Divifion des troupes
Françoifes , qui eft fous fes ordres , & qui eft conpofée
de 15. Bataillons & de 1000. hommes de
Cavalerie , & le 15 , il envoya un détachement
de cette Divifion prendre pofte à Tann , qui eft
fur la gauche de la riviere d'Inn , & qui n'eft
éloignée de Braunaw que de trois lieuës .
EXTRAIT de Lettre écrite du Camp de
Dingelfing le 15. Novembre.
Le Marquis de Balincourt partit duCamp deSunching
le
DECEMBRE. 1742 2733
le 11. de ce mois pour venit à celui de Mengkouen
avec les Brigades de Lyonois & de Montmorin , Infanterie
, & celles de la Reine, Dragons , comme il
s'agiffoit de s'emparer de Landau & de Dingelfing ,
2. poftes de l'autre côté de l'Ifer , pour nous affûrer
du paffage de cette riviere , M. de Balincourt détacha
M. de Beaupreau , Brigadier & Colonel de
Lyonois avec fix Compagnies de Dragons qui
marcherent à Menghouen , & prirent pofte le
même jour à Dingelfing , où ils trouverent le Pont
achevé. Le 15. au matin ,les campemens d'Infanterie
& de Dragons , qui étoient en marche à fept
heures , pour aller reconnoître le terrain pour un
camp pour la divifion du Comte de la Motte , & la
Brigade de Bretagne , avoient paffé le Pont de
Dingelfing lorfqu'ils ont fait avertir M. de Balincourt
à huit heures , que les ennemis qui avoient
marché toute la nuit paroiffoient à trois quarts de
lieuë de Dingelfing . Ce Géneral y courut fur le
champ & découvrit cinq à fix mille hommes en
bataille dans une Plaine de l'autre côté d'un
Ravin , qui partage les hauteurs de Dingelfing
avec la Plaine où étoient les ennemis. M. de
Balincourt fit occuper promptement le Ravin &
un Village fcis fur la droite dans le fonds , & fit
filer des Grenadiers fur un plateau où étoit une
redoute qui commandoit le terrain où nous étions
& pouvoit empêcher le débouché d'un bois qui '
étoit devant nous , & nous nafquoit un Corps.
d'ennemis qui étoit dedans . Nos Dragons fe mirent
en bataille par petites troupes à mi côte de la
hauteur que nous occupions , & prenoient beaucoup
de terrain pour paroître plus nombreux qu'ils n'étoient
effectivement n'y en ayant que quatre
cent.
2
>
Pendant ce mouvement , ce refte de notre divifion
2734 MERCURE DE FRANCE
>
fon a paffé le Pont & eft venu avec toute l'ardeur
& la légereté poffible fe former fur la hauteur:
pendant que la Brigade deBretagne eft allée occuper
un défilé par le bas des hauteurs , par où il paroiffoit
que les ennemis vouloient aller gagner le
Fauxbourg & s'emparer de notre Pont. Cet ordre
donné i promptement & exécuté avec tant de
vivacité, en a tellement impofé à l'ennemi qui nous
a crû plus forts qu'il s'eft arrêté tout court
& s'eft borné à nous faluer coup à coup de feize
piéces de canon pour nous faire compter ce qu'il
avoit d'artillerie , & nous leur en avons fi bien.
impofé , & par notre prompte & fage difpofition ,
& par la hardieffe de notre contenance , qu'après
avoir resté en préfence jufqu'à trois heures aprèsmidi
ils fe font mis en mouvement ont: filé par
leur gauche derriere le bois qui étoit devant
nous , & la plaine où ils étoient s'eft trouvée entierement
vuide fur les quatre heures. M. le Maréchal
de Maillebois qui eft venu le lendemain 16.
à Dingelfing a fort aplaudi à la belle manoeuvre de
M. de Balincourt.
On a apris que la nuit du 15 au 16 , le Comte
de Kevenhüller avoit abandonné le pofte de Landaw
fur l'lfer , & qu'ayant repaffé la Wils à
Euthendorf , il étoit retourné joindre le Grand Duc
de Tofcane à Allefpach ..
en
Le Maréchal de Broglie qui étoit arrivé à Ratifbonne
de Nuremberg le 16. du mois dernier
partit le 18 , pour fe rendre à. Dingelfing , d'où
l'on a apris qu'il y avoit pris le 21. le Commandement
de l'armée Françoiſe.
On a apris depuis de Boheme que le Prince de
Lobckowitz , après avoir fait rétablir le port de
Konigshall , y avoit paffé la Moldaw avec le
Corps de troupes qu'il commande , & qu'ayant
mar
DECEMBRE . 1742. 2735
marché à Alt Bunezlaw , où la riviere de Gifara
fe jette dans celle de l'Elbe , il avoit envoyé des
détachemens occuper les poftes de Kaftelétz , de
Brandeiff, de Bomifchtodt & de Melrok , qui ont
été abandonnés par les François.
Le Baron de S. Ignon s'eft avancé le 13. du
mois dernier à Budin , & il y a fait paffer l'Elbe
400. Cuiraffiers & à 150. Huffards.
On mande de l'armée commandée par le Grand
Duc de Tofcane , qu'elle étoit encore campée à.
Allerfpach ; & qu'elle avoit été rejointe par les
Comte de Keven huller , qui avoit été obligé d'a
bandonner les bords de l'ifer , & dè repailer la:
Wils.
On a apris de Vienne du 24. du mois dernier
que la Reine a été informée que fur l'avis des
mouvemens de l'armée Françoiſe , qui s'avançoit
für deux colonnes vers Braunaw , afin d'être à
portée d'agir conjointement avec les troupes Impériales
que commande le Comte de Seckendorf ,
les Autrichiens avoient abandonné divers poftes
qu'ils occupoient encore fur le Danube & fur l'Ifer ,
& que le Prince Charles de Loraine & le Comte
de Kevenhuller fe préparoient à faire replier toutes :
les troupes de S. M. fous Vilshoven & fous Paf--
faw , pour pouvoir fecourir le Baron de Beren
klaw s'il étoit attaqué .
Quelques jours avant que le Prince Charles de
Loraine & le Comte de Kevenhuller euffent pris la
réfolution de fe retirer vers les Frontieres de la
Haute- Autriche , le Corps de Huffards , qui gardoit
le porte de Deckendorf, l'a évacué à l'aproche
du Corps de troupes Françoiles , commandépar
le Comte de Saxe , & ce Lieutenant Géneral
des armées de S. M. T. C. a fait occuper ce pofte
par un détachement confiderable .
On
2737 MERCURE DE FRANCE
en
On mande de Hambourg du premier de ce
mois , que fuivant les derniers avis reçûs de l'armée
Françoife , qui eft en Baviere fous les ordres ›
du Maréchal de Broglie , les Autrichiens ,
abandonnant le pofte de Deckendorf , n'ont pas eû
le tems de retirer les provifions qu'ils y avoient
amaffées , & que le Comte de Saxe Y a trouvé
44000 rations de pain & une grande quantité de
facs de farine. Ces lettres ajoûtent que le Maréchal
de Broglie avoit paffé l'Ifer , pour fuivre les troupes
Autrichiennes qui fe replioient du côté de
Paffaw.
On a apris de Coppenhague , que le Roy de
Dannemarck avoit conclu un nouveau Traité de
Commerce avec S. M. T. C.
Les avis de Stockolm confirment que la Diette
génerale du Royaume de Suede demeurera affemblée
, jufqu'à ce qu'elle foit informée fi le Duc
de Holftein - Gottorp acceptera la difpofition faite
en fa faveur par les Etats & la Capitulation
qu'ils ont dreffée , pour la lui faire figner.
ITALIE.
·
N mande de Venife du 4. du mois dernier ,
qu'on a apris par l'équipage d'un Vaiffeau
venu d'Afrique , que le Dey d'Alger étant mort
fon fils , qui s'étoit refugié au Caire à caufe de
leur mefintelligence , s'étoit rendu à Tripoli avec
un Corps de troupes de 4000. hommes , pour
aller prendre poffeflion de la dignité de fon pere ,
efperan d'être aidé dans cette entrepriſe par un
puiffant Parti , qui devoit fe déclarer en fa faveur ,
mais que la Régence de Tripoli , après l'avoit reçû
d'abord avec beaucoup de marques de diftinction
lui avoit fait couper là tête , ainſi qu'aux principa -
les
DECEMBRE 1742 2737
>
les perfonnes de fa fuite , à la réquifition du nouveau
Dey d'Alger & qu'elle avoit fait faifir tous
les effets de ce jeune Prince , parmi lesquels s'étoit
trouvée, une caffette remplie de 200000. Sequins .
Le Comte de Spada , Miniftre du Grand Duc de
Tofcane à la Cour de Rome , follicite un Indult
en vertu duquel ce Prince puiffe lever une Taxe fur
les revenus des Eccléfiaftiques de fon Grand
Duché .
ESPAGNÉ.
ON aprend deMadrid du 6. du mois dernier ,
y
que Don Carlos Reggio , Capitaine de Frégate
étoit arrivé de la Havanne , d'où il avoit été
dépêché au Roy par le Gouverneur de cette Place ,
pour informer S. M. que les troupes Eſpagnoles
qui ont fait une defcente dans la Nouvelle Géorgie ,
avoient démoli les Forts , brûlé la principale Ville ,
& ruiné la plupart des habitations de cette Colonie
, & qu'elles s'étoient emparées de beaucoup
d'artillerie & de munitions de guerre que les An-,
glois avoient abandonnées .
On mande de Ceuta , que trois Armateurs y
avoient conduit le Vaiffeau Anglois l'Aigle , chargé
de 3000. quintaux de moruë , dont ils le font rendus
maîtres dans le Détroit de Gibraltar.
Les avis reçûs d'Andaloufie portent , que l'Armateur
Sebaſtien de Morales étoit rentré le 30 .
Octobre dernier dans le Port de Malaga avec le
Brigantin Anglois le Saint Jean & Sainte Luce ,
dont il s'eft emparé le 21. du même mois dans les
environs d'Alvacemas , après un Combat de trois
heures , dans lequel il n'a eû que fix Soldats de
bleffés & un Matelot de tué.
On mande de Galice , que deux autres Brigantins
de la même Nation , nommés la Nouvelle
Cayenne
1738 MERCURE DE FRANCE
Cayenne & les trois Freres , avoient été pris & conduits
à Vigo par les Armateurs Jean Fernandez &
Salvador de Barros .
On a apris de Madrid du zo . du mois dernier
qu'un courier arrivé de Lombardie a raporté que le
Comte de Gage ayant été informé qu'un détachement
de 500. hommes de Cavalerie des ennemis
avoit paffé le Panaro , & s'étoit avancé à Creſpolano
, il avoit fait marcher le Comte de Jauche ,
Maréchal de camp avec 600. Grenadiers & 250.
tant Carabiniers que Dragons , pour tâcher de les
furprendre & de les enveloper , mais que les Autri
chiens , fur l'avis de l'aproche de ce Corps de
troupes , s'étoient retirés précipitamment , & qu'en
les pourſuivant on leur avoit fait vingt prifonniers .
L'Armateur Don Santiago de Benito a pris fur
les Côtes de Portugal trois Bâtimens Anglois ,
bord defquels il y avoit une grande quantité de
grains & de cuirs .
Un autre Vaiffeau de la même Nation ', nommé
les deux Freres , & commandé par le Capitaine
Henri Scot , a été conduit à Malaga par l'Armateur
Nicolas, Rodriguez , qui s'en eft emparé dans
les environs d'Alhucemas.
D'autres Armateurs fe font rendus maîtres de
Vaiffeaux l'Expérience & la Marie - Marguerite
commandés par les Capitaines Johnſon & Boon
dont l'an revenoit de la Caroline Septentrionale
en Angleterre , & l'autre alloit de Falmouth à
Genes,
GENES ET ISLE DE CORSE .
Na apris de cette Ifle , que la plus grande
partie des habirans de la Balagna avoient pris
les armes , pour défendre l'entrée de leur Province
DECEMBRE. 1742 2739
vince au détachement que le Marquis Spinola ,
Commiffaire Général de la République de Genes
avoit réfolu d'y envoyer , & que même ils avoient
tué quelques foldats des troupes de la République
, qui emportés par l'ardeur de la chaffe , s'étoient
avancés fur le territoire d'une Piéve de cette
Province.
On foupçonne que les habitans de la Balagna
font d'intelligence avec ceux de quelques autres
Provinces , qui font prêtes à ſe joindre à eux au
premier fignal.
On a apris à Genes que le z. du mois dernier,un
Corps de 7. à 800.Autrichiens s'étant avancé à Cref
polano , il fut furpris par un détachement des Elpagnols
, qui tua beaucoup de monde aux Autrichiens
, & qui fit un grand nombre de prifonniers.
Une troupe de Huffards de l'armée de la Reine de
Hongrie eft auffi tombée dans une embuscade des
Elpagnols ; les premiers ont eû en cette occafion 3.
hommes de tués & 2. de bleffés, & on leur a fait 16 .
prifonniers.
On mande de Genes du 21. du mois dernier ,
que le nouveau Réglement qui a été publié le s .
du même mois dans l'Ifle de Corfe , eft à peu
près conforme à celui qui y fut publié en 1738.
fous la garantie du feu Empereur & du Roy de
France. On y a inferé feulement une Lifte des pri
viléges que la République a confenti d'accorder
aux Corfes ; on a ajoûté auffi des explications à
quelques articles , particulierement à ceux qui regardent
l'Amniftie générale en faveur des Rebelles ,
& les Loix contre les homicides & on a fait
imprimer à la fin un Tarif des droits que les
Officiers de la République pourront exiger. Il eft
dit par ce Réglement qu'on commencera le mois
prochain à lever ces droits , & on eft fort impa-
>
tient
2740 MERCURE DE FRANCE
tient de fçavoir fi leur perception ne fouffrira point
de difficulté .
L'Equipage d'un Vaiffeau Anglois arrivé à Genes
a affûré que l'Amiral Matthews avoit reçû de
Londres des dépêches , par lefquelles S. M. Br . lui
mandoit qu'elle le laiffoit maître de faire tout
ce qu'il jugeroit à propos , pour favoriſer la Reine
de Hongrie & le Roy de Sardaigne , & qu'auffi-tôt
cet Amiral avoit envoyé offrir au Gouverneur de
Ville-Franche un Corps de troupes de débarquement
avec de l'artillerie & des munitions de
guerre.
On a apris de Lombardie que le Comte de
Traun à la tête d'un Corps d'Infanterie & de Cavalerie
des troupes Autrichiennes & Piémontoiſes
avoit paffé le Panaro , & qu'il s'étoit avancé
jufqu'à une lieuë de Bologne , comme s'il avoit eû
deffein de faire quelqu'entrepriſe de cé côté- là , mais
depuis on a fçu que l'objet de ce mouvement
n'étoit que de favorifer la marche de 3000. hommes
de l'armée Autrichienne , qui font entrés dans
le Grand Duché de Tofcane , & d'empêcher le
Comte de Gage de s'y opofer , en l'obligeant de
tenir réunies toutes les troupes qui font fous fes.
ordres.
On a apris depuis , que les Efpagnols continuoient
de fe retrancher près de Bologne , & que.
les Autrichiens & les Piémontois fe difpofoient de
leurs côtés à prendre des quartiers le long du Panaro
. La Cavalerie de ces derniers a beaucoup
fouffert dans le mouvement qu'elle a fait pour favorifer
l'entrée d'un détachement des troupes de la
Reine de Hongrie dans le Grand Duché de Tofcane.
GRANDE
DECEMBRE. 1742 2741

Ο
GRANDE BRETAGNE.
N mande de Londres du 29. du mois der
nier que le 27. après midi , le Roy fe
rendit à la Chambre des Pairs ayec les cérémonies
accoûtumées , & que S. M. ayant mandé la
Chambre des Communes , fit le Difcours fuiyant
.
>
MYLORDS ET MESSIEURS , je fuis perfuadé que
L'importance de la conjoncture préfente des affaires fera
jugée une raison fuffifante , pour vous affembler de
fe bonne heure . Conformément aux avis réiterés de
mon Parlement , j'ai pris le parti qui m'a paru
devoir le plus contribuer à soutenir la Maison
d'Autriche , auffi - bien qu'à rétablir à affûrer la
·Balance du Pouvoir. Dans cette vûë , j'ai ordonne
qu'un Corps confidérable de troupes paffat d'ici en
Flandres , & à la fin de la derniére Séance du
Parlement , je vous infinuai que je pourrois être obligé
d'avoir encore recours à de nouveaux moyens , pour
parvenir à des objets fi défirables. L'augmentation
de mes forces dans les Pays-Bas eft devenue une
démarche nécessaire pour cet effet . J'y ai envoyé , de
concert avec mes Alliés , 1600s . hommes de mes
troupes Electorales , avec les Heffois qui font à la
folde de la Grande- Bretagne , afin de former aves
les Autrichiens un corps de troupes , affés fort pour
pouvoir dans tous les événemens fervir à la cauſe
commune je ne doute point que je n'aye votre
affiftance dans l'exécution des mesures néceſſaires que
j'ai prifes. La fermeté & la magnanimité que la
Reine de Hongrie a montrées , malgré tant de nom-
·breuses armées envoyées contr'elle ; la conduite tenue
par le Roy de Sardaigne & l'étroit attachement
qu'il conferve pour ses engagemens , quoiqu'il foit
Attaqué dans ses propres Etats ; l'obftacle que j'ai
,
mis
2742 MERCURE DE FRANCE
mis juſqu'à préſent aux deſſeins ambitieux de l'Eſpa
gne , par les opérations de ma Flote dans la Méditerranée
; le changement qui paroît dans les affaires
du Nord , par la demande que la Suéde a faite pu
bliquement de mes bons offices , pour procurer for
accommodement avec la Ruffie , & l'Alliance défenfive
que j'ai concluë non feulement avec la Czavine
, mais encore avec le Roy de Pruffe , font des
événemens qu'on n'auroit jamais pu attendre , fi la
Grande- Bretagne n'avoit témoigné la fermeté & l's
vigueur convenables pour la défense de fes anciens
Alliés, &, pour le maintien de la liberté de l'Europe
, auffi- bien que pour ses vrais folides intérêts
MESSIEURS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES ,
J'ai ordonné qu'en préparat & qu'on remit devant
vous les états des dépenfes néceffaires pour le ſervice
de l'année prochaine , & un état des fommes employées
pour les ufages particuliers dont j'ai fais
mention ; vous trouverez qu'elles ont été diſpenſées
avec autant d'oeconomie , que la nature des befoins
pouvoit lepermettre . Je fuis perfuadé que vous m'ac-
Gorderez promptement les fubfides qu'exigeront le bon
heur la sûreté du Royaume , & qui font néceſſai
res pour l'avantage de la caufe commune , & conenables
aux besoins préfens .
MYLORDS ET MESSIEURS , les objets fur lefquels
vous avez à délibérer , font d'une importance
fi évidente , que je ne m'arrêterai point à vous la
faire remarquer. L'honneur & l'intérêt de ma Conronne
de mes Royaumes , le fuccès de la guerre
dans laquelle je fuis engagé contre l'Espagne , &
le rétablissement de la Balance & de la tranquillité
de l'Europe , dépendront beaucoup de votre prudence
& de la vigueur de vos réfolutions . Ayez donc foin
d'éviter tout ce qui pourroit les retarder ou les affaiblir
, & de convaincre tout le monde › que vous
êtes
DECEMBRE . 1742. 2745
êtes déterminés à faire un bon ufage de l'occafion pré-
Lente.
Les Vaiffeaux la Fournaife & la Découverte , que
le Gouvernement avoit envoyés pour tâcher de
découvrir fi l'on pouvoit aller au Japon & à la
Chine par les Mers du Nord , font revenus en
Angleterre , après une navigation de dix- huit
mois . Ils n'ont point trouvé ce qu'ils cherchoient
& plufieurs perfonnes de leurs équipages ont
perdu l'ufage de leurs membres par le froid
exceffif , auquel elles ont été expolées .
>
Le 28. du mois dernier , les Seigneurs préſentérent
au Roy leur Adreffe , laquelle porte qu'ils
font fi convaincus de la néceffité de foûtenir la
Maifon d'Autriche , & de procurer le rétabliffement
& la fûreté de la Balance du pouvoir , &
qu'ils regardent ces deux objets comme étant
d'une telle importance , foit pour les véritables
intérêts de la Nation Angloife en particulier ,
foit pour la liberté de l'Europe en géneral , qu'ils
ne peuvent affés fe féliciter d'avoir fur le trône
un Prince , qui non-feulement montre les plus
grands égards pour les avis de fon Parlement fur
l'un & l'autre de ces articles , mais encore veut
bien ne négliger aucune occafion de le confulter
; qu'ils voyent avec la plus parfaite reconnoiffance
les mefures fages & efficaces que le
Roy a prifes pour l'accompliffement de ce grand
ouvrage , & que. S. M. ne pouvoit donner une
preuve plus éclatante de fa prudence , qu'en envoyant
un Corps confidérable de troupes Angloifes
dans les Pays Bas , & qu'en ayant l'at
tention de le renforcer par fes troupes Electorales
& par les troupes Helloifes qui font à la
folde de la Grande-Bretagne ; que par cette dés
marche , qui fait tant d'honneur au Roy , & qui
2744 MERCURE DE FRANCE
·
eft fi avantageuſe à fes Alliés , S. M. fait voir avec
évidence , qu'elle préfere la caufe commune à
toute autre confidération , ayant affemblé une
armée capable d'encourager & de défendre les
Puiffances bien intentionnées & de fecourir la
Reine de Hongrie ; qu'ils fuplient le Roy d'être
perfuadé , qu'ils concoureront avec plaifir & avec
zéle aux moyens de le feconder dans toutes les
démarches qu'il jugera néceffaires ; que la vigueur
avec laquelle la Grande Bretagne , fous l'autorité
& l'influence de S. M. a affifté fes anciens Alliés ,
& a travaillé à maintenir la liberté de l'Europe ,
a produit , tant par raport aux intérêts de la Reine
de Hongrie , que pour ce qui regarde la conduite
de diverfes Puiffances , des effets qui font
vifibles à tout l'Univers ; qu'ils les remarquent
avec une extrême fatisfaction , & qu'ils ne doutent
point que l'amour du Roy pour le bien public ,
& fes foins , fur lefquels ils fe repofent , ne procurent
la continuation de ces bons effets , & n'y
en ajoutent encore plufieurs autres ; qu'un
grand exemple , & la ferme, perfevérance du
Roy dans les réfolutions , leur donnent des efpérances
bien fondées , que les Puiffances , qui par
les Traités & par l'intérêt commun ont les
mêmes engagemens que S. M. feront animées du
même efprit , & fe détermineront enfin à entrer
dans les mêmes vûës ; que les réfléxions du Roy
au fujet de l'importance des affaires fur lefquelles
les deux Chambres ont à délibérer , font fi juftes ,
qu'elles doivent faire , dans tous les efprits
de ceux qui aiment véritablement leur Patrie ,
une impreffion proportionnée àla dignité d'objets
fi refpectables ; qu'ils demandent à S. M. la
permiffion de lui donner les plus fortes affûran-
Ces , qu'ils n'ont rien tant à coeur que l'honneur &
9
la
DECEMBRE .
1742 2745

1a fûreté de fa Perfonne , l'intérêt & la profpérité
de fes Royaumes , les progrès du Commerce
de la Nation , le fuccès de la guerre contre
1'Efpagne , & le rétabliflement de la Balance du
Pouvoir & de la tranquillité de l'Europe ;
qu'ils ne perdront point de vue ces objets dans
leurs délibérations qu'ils s'emprefferont toûjors
à foûtenir le Roy dans l'éxécution de toutes les réfolutions
qu'il jugera à propos de prendre, & qu'ils
affifteront & défendront S.M , & fon Gouvernement
contre quelques ennemis que ce puifle être .
Le Roy répondit à cette Adreſſe , MYLORDS , l'affection
& la foumiffion que vous témoignez pour ma
Perfonne pour mon Gouvernement , font accompagnées
de tant de zéle pour la cause commune &
pour le véritable intérét de mes Royaumes , que j'en
reffens la plus grande fatisfaction . Je vous en remercie
très fincérement , & je ne fais aucun doute
que l'unanimité qui régnera dans vos délibérations ,
ne produife , auffi -bien que l'ardeur la prompti
tude avec lesquelles vous m'affifterez , les meilleurs
effets tant au dedans qu'au dehors .
"
La Chambre des Communes, par l'Adreffe qu'elle
préfenta le 29. au Roy , a affûré S. M. qu'elle
étoit dans la réfolution de contribuer de tout fon
pouvoir à la mettre en état de foûtenir les mefures
qu'elle a prifes pour la défenfe de la Reine
de Hongrie , & pour le maintien de la liberté de
PEurope. Cette Chambre félicite le Roy dans la
même Adreffe fur les changemens heureux & inattendus
qui font arrivés dans les affaires du
Nord , & elle ajoûte qu'elle eft convaincue que
c'est l'ardeur que S. M. a montrée pour l'avantage
de la caufe commune , qui a le plus encou
ragé la Reine de Hongrie à furmonter d'extrêmes
dfficultés & à ne point céder à tant de nombreuſes
1. Vol. Ι armées
2746 MERCURE DE FRANCE
armées envoyées contr'elle , & qui a engagé l
Roy de Sardaigne à tenir une conduite fi util
aux intérêts de S. M. H. Elle promet en même
tems au Roy , qu'elle accordera avec la plus grande
joye & avec toute la diligence poffible les fubfides
qui feront néceffaires pour perfectionner le grand
ouvrage que 3. M. a commencé , ainfi que pour
continuer la guerre contre l'Espagne , & pour
maintenir Phonneur & la fûreté du Roy & de fes
Royaumes.
Le 26 , du mois dernier , il arriva à Londres
de Berlin un courier qui à aporté la Ratification du
nouveau Traité d'Alliance défenfive , que le Roy
a conclu avec le Roy de Pruffe, fignée par S. M. P.
& le 29. M. Andrić , Miniftre Plénipotentiaire du
Roy de Pruffe , ayant remis cette Ratification aux
Miniftres Plenipotentiaires du Roy , ils lui don
pérent la Ratification du même Traité , fignée
par S. M.
X:XXXXXXX ** XX* XX :XX
FRANCE
,
}
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARIS , &c ,
3
E 20. du mois dernier , le Prince Can:
timir , Ambaffadeur Extraordinaire de
la Czarine , eut une audience particuliere
du Roy, & il prit congé de S. M. Il eut auffi
audience de la Reine , de Monfeigneur le
Dauphin & de Mefdames.
, M. Cornaro , Ambafladeur ordinaire de la
République de Venife , lequel eft arrivé à
· Paris
DECEMBRE. 1742 2747
Paris depuis quelques jours , fe rendit à Ver
failles le 20. avec M. de Lezze , auquel il
fuccede , & il eut une audience particuliere
du Roy. Il eut enſuite audience de la Reine,
de Monfeigneur le Dauphin & de Mefdames.
Le même jour , M. de Lezze eut une audience
particuliere du Roy , dans laquelle il
prit congé de S. M. & il eut enfuite audience
de la Reine, de Monfeigneur le Dauphin
& de Mefdames .
Ces trois Ambaffadeurs furent conduits à
toutes ces audiences par le Chevalier de Sain
tot , Introducteur des Ambaffadeurs.
Le 2. de ce mois , premier Dimanche de
l'Avent , le Roy & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Versailles la
Meffe qui fut chantée par la Mufique , &
l'après -midi leurs Majeftés accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Madame ;
affifterent au Sermon de l'Abbé Adam , Cu
ré de la Paroiffe de S. Barthelemi .
La Statue Fqueftre en Bronze du Roy ;
par M. le Moine, Sculpteur ordinaire de S.M.
& Profeffeur de l'Académie Royale , laquelle
fait depuis quelque tems l'admiration d'une
foule de Spectateurs dans fon Attelier au
Fauxbourg du Roulle , vient d'être finie &
I ij
en
2748 MERCURE DE FRANCE
Entierement terminée au gré des plus grands
Connoiffeurs & des plus habiles Artiftes.
Le 4 de ce mois , le Roy alla voir pour
la troifiéme fois ce magnifique ouvrage.
S.M. en parut fort fatisfaite & l'examina avec
beaucoup d'attention ; elle en fit plufieurs
fois le tour , témoigna fon contentement à
P'Auteur avec beaucoup de bonté , & pour
l'en convaincre par quelque chofe de plus
folide , S. M. toujours prête à favorifer les
beaux Arts , & à encourager les talens des
kabiles Artiftes , lui accorda une penfion de
890. livres.
Le 4. Decembre , on célebra dans l'Eglife
de Sorbonne le Service anniverſaire du Cardinal
de Richelieu , Reftaurateur de la Maifon
& Societé de Sorbonne ; l'Office fut fait
avec plus de pompe & de folemnité qu'à
l'ordinaire , à caufe de la centiéme année de
fa mort , arrivée le 4. Décembre 1642 .
M. Bauyn , Evêque d'Uzès , de la Maifon &
Societé , célebra la Meffe pontificalement.
M. le Duc de Richelieu y affifta avec le Duc
de Fronfac fon fils , ainfi que Mad . la Ducheffe
d'Aiguillon , & Mad. la Ducheffe
d'Agenois. Le Duc de Richelieu & le Duc
deFronfac dînerent dans la Maifon avec tous
les Docteurs de la Societé, M. le Cardinal
de Tencin affifta auffi à l'Office avec Mrs les
1
EvêDECEMBRE21.
1742 2749
Évêques de S. Brieux , de Nitrie & de Meffene.
Le Cardinal de Tencin ne put re
fter au dîné , ayant été auparavant invité
par M. l'Ambaffadeur du Roy des deux Si
ciles . L'Office fut chanté les Balles- conpar
tres de la Mufique de Notre- Dame.
Le 8. Fête de la Conception de la Sainte
Vierge, le Roy & la Reine entendirent dans
la même Chapelle la Meffe chantée par la
Mufique .
L'après midi, leurs Majeftés accompagnées
de Madame , affifterent au Sermon de l'Abbé
Adam , Curé de S. Barthelemi , & enfuite
aux Vêpres.
Le même jour , la Reine communia par
les mains de l'Archevêque de Rouen , fon
Premier Aumônier.
2 Le 16. troifiéme Dimanche de l'Avent , le
Roy & la Reine entendirent dans la même
Chapelle la Meffe chantée par la Mufique ,
& l'après midi , leurs Majeftés accompa
gnées de Monfeigneur le Dauphin & de Madame
, affifterent au Sermon du même Prédicateur.
Le 19. M. Mirabaud , l'un des Quarante
de l'Académie Françoife , fut élû pour fuc
ceder au feu Abbé Houtteville, dans la place
de Sécretaire Perpétuel de cette Académie.
I iij
On
2750 MERCURE DE FRANCE
On a reçû avis de Stokolm , que le 6. du
mois dernier , le Duc de Holftein avoit été
élû & proclamé Succeffeur à la Couronne de
Suede.
Le 20, le Pere de Baudory , l'un des Pro
feffeurs de Rhéorique au College de Louis
le Grand , y prononça un Difcours Latin
très éloquent, en préfence du Cardinal d'Auvergne
, du Nonce du Pape , de plufieurs.
Archevêques & Evêques , & d'un grand
nombre de perfonnes de diftinction . Le fujet
de ce Difcours étoit : Les avantages que les
Provinces tirent de la Ville de Paris , & ceux
dont cette Ville eft redevable aux Provinces.
Le 24. veille de la Fête de la Nativité de
N. S. la Reine accompagnée de Monſeigneur
le Dauphin , entendit dans la Chapelle du
Château les premieres Vêpres chantées par la
Mufique , & auxquelles l'Evêque de Laon
officia.
Le jour de la Fête , le Roy & la Reine
qui avoient entendu trois Meffes à minuit ,
affifterent à la Grande Meffe célebrée pontificalement
par l'Evêque de Laon. Leurs Majeftés
étoient accompagnées de Monseigneur
le Dauphin,
L'après midi , le Roy & la Reine affifte
rent aux Vêpres , auxquelles le même Prélat
officia . La
DECEMBRE . 1742 275 *
La Reine entendit le Sermon de l'Abbé
Adam, Curé de la Paroiffe de S. Barthelemi .
BENEFICES DONNE'S..
Le Roy a nommé à l'Evêché du Puy,l'Abbé
de Pompignan , & à celui de Boulogne ,
l'Abbé de Preffy , Vicaire Géneral de cet
Evêché.
S. M. a donné l'Abbaye de Valloire ; Ordre
de Cîteaux , Diocèfe d'Amiens , à l'Evêque
d'Amiens.
Celle de Chafteliers , même Ordre , Dioz
cèfe de Poitiers , à l'Abbé de Chataigner de
Rouvres.
Celle de Marfillac , Ordre de S. Benoît ,
Diocèfe de Cahors , à l'Abbé Quefnel.
Celle de Bonnefonds , Ordre de Cîteaux ,
Diocèfé de Cominges , à l'Abbé de Roche
chouart Faudoas.
Celle de Sellieres , même Ordre , Diocèfo
de Troyes , à l'Abbé des Ruaux de Rouffiac.
Le premier , le 3. & le 10. Décembre , ill
y eut Concert chés la Reine . M. de Blamont,
Sur Intendant de la Mufique du Roy , fir
chanter l'Opera des Caractéres de l'Amour ,
dont les principaux Rôles furent remplis par
les Dlles de la Lande , Mathieu & Romainville
, & par les fieurs du Bourg , Jeliot &
Benoît ; le fieur Poirier chanta une Ariette
I iiij
du
1752 MERCURE DE FRANCE
du même Opera ; le tout fut très- aplaudi
Le 15. & le 17. on exécuta la Paftorale
Heroïque de Diane & d'Endimion ; les mêmes
perfonnes chanterent les premiers Rôles
de la Piece.
Le 22. & le 29. on concerta les Fêtes
Grecques & Romaines , lefquelles furent trèsgoûtées
& exécutées au mieux. Les Diles Lalande
& Defchamps , & les fieurs de la Garde
, Poirier , Benoît & Tavernier en remplirent
les principaux Rôles. Ces trois diffe ..
zens Opera font de la compofition de M. de
Blamont.
La Dlle Chappe , ancienne Muſicienne du
Roy , mourut vers la fin de ce mois , âgée
de 69. ans. Elle s'étoit renduë célebre par la
beauté de fa voix & la perfection de fon
chant. Elle laiffe un niéce , qui eft auffi de
la Mufique du Roy , & dont la voix eft fort
belle.
Le même jour , Fête de la Conception de
la Vierge , il y eut Concert Spirituel au Château
des Tuilleries , qui commença par un
Motet nouveau , Laudate nomen Domini , du
fieur de Mondonville , lequel fut fuivi d'un
Concerto du fieur le Clair , exécuté par le
fieur Mangean ; on chanta enfuite un petit
Motet à voix feule , Alma Dei genitrix , du
Geur le Maire. Le Concert fut terminé par
Le
DECEMBRE. 1742 2753
le Motet Venite exultemus, du fieur de Mon
donville , lequel fut précédé d'un autre Con.
certo joué par l'Auteur de ces deux Moters.
Le 25. Fête de Noël , on exécuta au même
Concert un Motet à grand Choeur mêlé de :
Noëls , du Sr de Boifmortier , lequel fut fuivi
d'un Concerta joué par le Sr Blavet , & d'un
autre Motet à grand Choeur de l'Abbé Blanchard
, Maître de Mufique de la Chapelle du
Roy. Le Sr de Mondonville exécuta enfuite .
un fecond Concerto fur le Viclon , qui fut
fuivi d'un dernier Motet de fa compofition ,,
pour la clôture du Concert ..
Le 4. Décembre les Comédiens François .
repréfenterent à la Cour la Comédie de :
l'Homme à bonnesfortunes , & colle d'Amour·
pour Amour.
Le 6. la Tragédie de Radamifte & Zenobie,
& l'Aveugle clair-voyant.
Le 11. le Préjugé à la mode , & la Pupille..
Le 13. la Tragédie de Cinna , & la Foires
S. Laurent.
Le 18. la Fête d'Auteuil , & les Bourgeoifes
de Qualité.
Le 20. Alzire , & Crispin bel Esprit..
Le s . Décembre , lès Comédiens Italiens
repréſenterent auffi à la Cour la Tragi - Comé--
die de la Vie eft un. Songe , & la petite Co
1.y médies
2754 MERCURE DE FRANCE .
médie Italienne d'Arlequin Baron Suiffe.
Le 12. la Comédie des Fées , & le Portrait
Le 19. l'Amant Auteur & Valet , le Baron
Suiffe , & Arlequin toujours Arlequin. La
Dlle Campioni , dont nous avons cu occafion
de parler avec éloge , danfa daus deux differens
Divertiffemens , deux Entrées qui firent
beaucoup de plaifir à la Reine , à Monfeigneur
le Dauphin , à Mefdames de France &
à toute la Cour .
Le Maréchal de Maillebois ayant été ine
formé le 7. du mois dernier au camp de
Thonauftauff l'armée commandée par
que
le Grand Duc de Tofcane , marchoit à grandes
journées , pour s'avancer fur le Bas-Danube
, il fit paffer ce fleuve à la plus grande
partie des troupes qu'il avoit fous fes ordres,
pour tâcher de prévenir les ennemis fur l'lfer .
Il partagea les troupes qu'il commande , en
plufieurs Divifions , lefquelles ont paffé le
Danube depuis le 8. jufqu'au 14. & il fit
marcher en même tems le Comte de Saxe,
avec le Corps de réferve , fur la rive gauche
de l'Ifer , que ce Lieutenan: Géneral nettoya
jufqu'à Pogen.
F
Le Marquis de Balincourt arriva le 12. à
Dingelfing avec la Divifion qui étoit fous fes
ordres , & les autres qui s'étoient portées
fur Straubingen, n'ayant pû gagner Landaw ,
dont
DECEMBRE . 1742. 2758
dont le Comte de Kevenhuller s'étoit emparé
, elles fe rejetterent fur Dingelfing. Le
Comte de Kevenhuller s'aprocha de ce poſte
le 15 au matin , mais il fut obligé de fe retirer
, & pendant la nuit il abandonna, Landaw
; il repaffa la Wils à Euthendorff , & il
alla rejoindre à Allerfpach l'armée comman
dée par le Grand Duc.

Le Maréchal de Broglie arriva le 21. à
Dingelfing , & le lendemain il fit avancer le
Marquis de Balincourt à Rufpach ; fur la
Wils . Le Comte de Seckendorf , qui étoit
campé à Raushoffen , près de Braunaw , fe
diſpoſoit à marcher fur Tann , pour ſe join
dre aux troupes Françoifes .
Dans l'audience que le Prince Cantimir
Ambaffadeur Extraordinaire de la Czarine a
cûë du Roy le 20. du mois dernier , & dans
laquelle il prit congé en qualité d'Ambalfadeur
, il préfenta les nouvelles Lettres de
Créance , par lesquelles la Czarine le nomme
fon Miniftre Plénipotentiaire auprès du
Roy.
Les dernieres nouvelles de l'armée com
mandée par le Maréchal de Broglie , portent
que le. 3. de ce mois il étoit parti de Dingelfing
, pour marcher à Frontenhauſen fur la
Wils ; que le Corps de troupes , lequel étoit
campé à Landaw fous les ordres du Marquis
de Montal , s'étoit réuni le même jour à ce-
I vj
Jui
2756 MERCURE DE FRANCE
lui du Marquis de Balincourt près de Reif
pack , & que toute l'armée étoit arrivée le
6. à Egenfelden ; que le Maréchal de Broglic
y ayant apris que le Prince Charles de Lorraine
avoit inveſti Braunaw , & qu'il fe difpofoit
à en faire le Siége , il avoit détaché le
Comte de Coigny , qui y avoit fait entrer
400. Dragons & les deux Compagnies Franches
que commande M. de la Croix ; qu'après
l'entrée de ce fecours , les Autrichiens
avoient repris leurs poftes autour de la Placesmais
que le 9. le Maréchal de Broglie s'étoit
avancé avec un Détachement confidérable
d'Infanterie , la Gendarmerie , une Brigade
de Cavalerie , & tous les Dragons, & que
que l'avant-garde de ces troupes avoit parû,
les Autrichiens qui étoient dans le Fauxbourg
de la Ville & dans le Village de Lindorf , s'étoient
retirés ; qu'ils avoient regagné leur
pont entre Ering & Braunaw , & qu'ils l'avoient
replié pendant la nuit. On a en même
tems reçû avis le 10.que le Prince Charles de
Lorraine étoit reourné du côté de Schar
dingen.
dès
'MORTS
DECEMBRE. 1742. 2757
સૂર
į į į į į į i̟ : į į į s j r r s j s g
MORTS ET MARIAGE.
L ',
+
E 9. Cobre , Jacques de Chabannes , Mar-
Baron .
d'Auriére ,de Madic, Seigneur de S. Angeau , du Palais
& c. Lieutenant Géneral des armées du Roy , monrut
de maladie à Prague , en Boheme dans la 59 ..
année de fon âge . Il étoit en 1701. Moufquetaire.
du Roy ; il fit la Campagne de 1702. & fe trouva à
laJournée de Nimegue en qualité d'Aide de Camp :
du Duc de Bourgogne ; il fe trouva en 1703. en la
même qualité au siége de Brifac ,après lequel le Duc
de Bourgogne lui donna une Compagnie deCavalerie
dans le Régiment de Vaillac. Hacheta depuis le
Régiment d'Anjou de Cavalerie dont il fut fait Meftre"
de Camp parCommiffion du 11.Mai1704 . L. fervit à .
la tête de ceRégiment en Italie , & le trouva aux Siéges
deVerceil, d'Iviey & deVerruë en 1705. Il obtine :
en 1707. le Régiment Royal Cravattes , qu'il commanda
au Combat d'Oudenarde en 1708. à la Bataille
de Malplaquet en 1709. à l'affaire de Denin
en 1712. & aux Siéges de Fribourg & de Landau en
1713. Il fut fait Brigadier le preniier Février 1719 ..
& fervit en cette qualité la même année en Rouf-.
fillon , ayant eû le Commandement de la Cavalerie
aux Siéges de Fontarabie & de S. Sebaftien . I
fut fait Maréchal de Camp le 20. Février 1734. &.
fot employé en cette qualité dans l'armée du Roy ,
en Allemagne pendant les Campagnes de 1734. &.
1735. Il fut fait enfin Lieutenant Géneral à la Promotion
du 24. Février 1738. & il avoit été nommé,
l'année derniere pour aller fervir en cette qualité
dans l'armée du Roy en Boheme. Il étoit fils aîné
2758 MERCURE DE FRANCE
de Henri de Chabannes , Marquis de Curton
Comte de Rochefort , Baron de Riom , d'Auriére
& de Madic , Seigneur de S. Angeau , mort le 16.
Mai 1714. âgé de 60. ans , & de Gabrielle de Monlezun
de Befmaux , fa premiére femme . Il avoit
époulé en 1705. Marie - Charlotte Glucq , veuve de-
Jacques de Vaflan , Seigneur de la Tournelle ,
Avocat Géneral en la Chambre des Comptes de
Paris , & fille de Jean - Baptifte Glucq de S. Port , &
de Boiffife- la - Bertrand , Confeiller - Sécretaire du
Koy & de fes Finances , & de Charlotte Julienne ;
elle mourut le 15. Janvier 1724. âgée de 46. ans ,
fans laiffer d'enfans. Le Marquis de Curton étoit,
l'aîné de la Maifon de Chabannes , qui eft affés
connue , pour que nous nous difpenfions d'en relever
l'ancieneté & les illuftrations . La Généalogie
en eft raportée dans l'Hiftoire des Grands Officiers.
de la Couronne .
2
Le 11. , Auguftin - Cefar d'Hervilly de Devife ,
( d'une Maifon noble de Picardie , dont l'ancien
nom étoit le Cat ) Evêque de Boulogne
& Abbé Commandataire de Valloire , Ordre de
Cîteaux , Diocèle d'Amiens , mourut à Diéval
près de Bethune , âgé d'environ 40. ans . Il avoit
été d'abord Chanoine , & Archidiacre de l'Eglife.
Métropolitaine de Cambrai , & enfuite nommé par
le Roy au mois de Juillet 1731. à la Dignité de
Prevôt de l'Eglife Collégiale de S. Pierre de Lille
ca Flandres Diocèle de Tourna . Il fut nommé
à l'Evêché de Boulogne le 4. Mars 1738. & facré
le 14. Septembre de la même année à Laon , par
l'Evêque du Lieu , affifté des Evêques de Noyon.
& d'Amiens. Le 12. Octobre fuivant il prêta le ferment
de fidélité accoûtumé entre les mains du,
Roy dans la Chapelle du Château de Fontainebleau
. L'Abbaye de Valloire lui fut donnée au mois
de Mars 1739.
"
DECEMBRE. 1742. 2759
Le 17. François Charles de Beringhen , Seigneur ,,
Comte d'Armainvilliers en Brie , Evêque , & Seigneur
du Puy , Comte du Velay , Abbé Commandataire
des Abbayes de Sainte Croix de Bourdeaux ,
& de S. Gilles , Diocèfe de Nilmes , mourut dans
for Diocèfe , dans la cinquante uniéme année de
fon âge. L'Abbaye de Sainte Croix de Bourdeaux ,
Ordre de S. Benoît lui avoit été conferée le 14º.
Mai 1712. & la Prevôté de l'Eglife Collégiale de
N. D. de Pignans , Diocèfe de Frejus , le 12. Mars.
1717. Il fut reçû Docteur en Théologie de la Faculté
de Paris , le 21. Juillet 1718. nommé Archidiacre
de Melun en l'Eglife Métropolitaine de
Sens , au mois d'Avril 1721. & fait en même tems
Vicaire Général de ce Diocèfe. Il affifta en qualité
de Député de la Province de Sens , à l'Affenblée
Générale du Clergé de France tenue à Paris en
1713. & il fut nommé le 31. Mars 1725. à l'Evêché
du Puy , Suffragant Immédiat de l'Eglife de Rome ,
qui fut préconifé & propofé pour lui les 11. Juin
1725. & 2c. Février 1726. Il fut facré le 24, Mars
fuivant dans l'Eglife des Théatins , à Paris , par
l'Archevêque de Sens , affifté des Evêques de,
Mende , & de Châlons fur Marne , & le 7. Avril,
de la même année , il prêta ferment de fidélité:
entre les mains du Roy dans la Chapelle du Château
de Verſailles. Etant Député de la Province de
Languedoc pour le Clergé , il harangua S. M. à
Verfailles à la tête des Députés de cette Province
le 4. Mai 1732. Il fut un des Députés du
premier ordre de la Province de Bourges à l'Affem- ,
blée Générale du Clergé de France de 1735. L'Abbaye
de S. Gilles , Ordre de S. Benoît , lui ayant
été donnée le 4. Mars 17 8 il fe démit de la Prévôté
de Pignans . Il étoit fecond fils de Jacques-
Louis de Beringhen , Chevalier des Ordres du Roy,
1760 MERCURE DE FRANCE
&fon premier Ecuyer , Gouverneur des Citadelles
& Fort de S. Jean de Marſeille , Marquis de Châteauneuf
, Comte du Pleffis Bertrand , & d'Armainvilliers
, Seigneur d'Affé , le Boifne , &c . mort le-
May 1723 , & de Dame Marie - Magdeleine - Elizabeth-
Eare d'Aumont , morte le 18 Octobre 1728 .
Le 2. Novembre , D. Marie Françoife- Charlotte :
de Benoife , époufe de Louis- Marie Caillebot, Marquis
de la Sale , Meftre de Camp de Cavalerie, Premier
Enfeigne de la Compagnie des Gendarmes de:
la Garde ordinaire du Roy , avec lequel elle avoit
été mariée le 3. Mars 1734. mourut à Paris , âgéede
30, ans & fept jours , étant née le 26 Octobre
1712. Elle ne laiffe qu'une fille. Elle étoit fille unique
de Charles Augufte de Benoiſe , Confeiller en
la Grand'- Chambre du Parlement de Paris , & de-
Marie- Anne Berthelot de Pleneuf.
Le 4. Jean-Jacques Chevalier d'Erlach , Lieutetenant
Général des armées du Roy , Colonel du
Régiment des Gardes Suiffes de S. M. & Grand
Croix de l'Ordre Royal & Militaire de S. Loüis
mourut à Paris , âgé d'environ 62. ans . Il avoit
été reçû Capitaine dans ce Régiment le 15. Novembre
1697. & en étant le Premier Capitaine
Commandant , il fut nommé Colonel le 16. Mars
1736. Il avoit été fait Brigadier le premier Fé-.
vrier 1719. Maréchal de Camp le 20. Février 1734.
& enfin Lieutenant Géneral lè 24. Février 1738 .
Il fut nommé les Février 1739. Commandeur de
l'Ordre de S. Loiiis avec 4000. livres de Penfion ,
dont il obtint depuis la Grand Croix. Il étoit
fils puiné de Jean -Jacques d'Erlach , Seigneur
Baron deSpiets , Premier Capitaine au Régiment des
Gardes Suifles , Colonel d'un Régiment de la même
Nation & Lieutenant Géneral des armées du
Roy , mort le 30. Octobre 1694. & de Marie-
>
Catherine
DECEMBRE. 1742. 276
.
Catherine Auzou - Salary , morte le 4. Mai 1692 .
Le 7. Jean- Charles Bournel de Namps , Marquis
de Monchy , Lieutenant Géneral des armées du
Roy , & Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis , mourut à Aire en Artois , âgé
d'environ 76. ans , étant né en 1666. Il avoit
été reçû Page du Roy en fa grande Ecurie au
mois de Janvier 1683. depuis étant Capitaine de
Grenadiers dans le Régiment de Solre , il fut fait
Colonel d'un Régiment d'Infanterie , de nouvelle
Création , au mois de Novembre 1695, Après la
Paix de Riswick , fon Régiment ayant été licencié ,
il obtint fa Réforme dans le Régiment d'Ifenghien.
I fervoit en Baviere , lorfque le Régiment
de Lorraine lui fut donné le 16. Décembre 1703 .
Il avoit été fait Chevalier de l'Ordre de S. Louis la
même année. Il fut fait Brigadier le 10.Février 1704-
Maréchal de Camp le 29. Mars 1710. Maître de
la Garderobe du Duc de Berry le 13. Janvier 1711.
Commandeur de l'Ordre Militaire de S. Louis ,
au mois de Mai 1716. & enfin Lieutenant Géneral
des armées du Roy à la Promotion du
20. Février 1734. Il étoit fils de Jean- Paul Bournel ,
Seigneur de Namps , Baron de Monchy-Cayeu ,
& de Marguerite Bochart de Champigny , morte
veuve le 19. Octobre 1724. âgée de 85. ans. I
avoit épousé au mois de Décembre 1712, Catherine
Forcadel, qui fut nommée Dame d'Atours de la Ducheffe
de Berry au mois d'Août 1717. & qui étoit
fille unique d'Euverte Forcadel, Controlleur Géneral
de la Maifon du Duc d'Orleans , & de Catherine
Tancrede , Sous-Gouvèrnante des Enfans du Duc
d'Orleans , Régent en France . Il ne paroît pas
qu'il y ait des enfans de ce Mariage.
Le 8. Claude- François Houtteville , Abbé Com
mandataire de l'Abbaye de S. Vincent du Bourg fur
Mer "
2762 MERCURE DE FRANCE
#
Mer , Diocèſe dé Bordeaux , depuis le 27. Octobre
1723. l'un des Quarante de l'Académie Françoife
, en laquelle il fut reçû le 25. Février 17231
& Sécretaire Perpétuel de cette Académie , mou
rut à Paris âgé d'environ 54. ans .
La nuit du 19. au to . D. Marguerite -Françoife
de Reims , époufe de Charles- Claude-Ange Du
pleix , Seigneur de Bacquencourt Confeiller-
Secretaire du Roy , Maiſon , Couronne de France
& de fes Finances , Ancien Directeur de la Compagnie
des Indes , & l'un des Fermiers Géneraux
des Fermes de S. M. avec lequel elle avoit été
mariée le 4. Juin 1739. mourut à Paris âgée de
43. ans , laiffant un enfant . Elle étoit fille d'Antoine
Bernard de Reims , Baron du S. Empire , Seigneur
de Lotry & de Barifey , Chambellan de feu Leopold
Duc de Lorraine & de Bar, & Lieutenant des
Chevau-Legers de fa Garde , & de D. Marther
Elizabeth- Charlotte de Lenoncourt.
Le 26 D. Marie- Marthe-Françoife- Marguerite
te Monnier , épouse de Jean- Baptifte Racine du
Jonquoy , Ecoyer , ci - devant Treforier Géneral des
Ponts & Chauffées de France , & Receveur Gene
tal des Finances de la Géneralité d'Alençon, & aus
paravant Maître d'Hôtel ordinaire du feu Duc de
Berri avec lequel elle avoit été mariée le Février
1724, mourut à Paris , âgée de 34. ans . Elle
$
و
étoit fille de Nicolas le Monnier , l'un des Fermiers
Géneraux du Roy , & de Françoife Martorey.
Le 2. Decembre , François de Loupiac de la
Devefe , Gentilhomme de la Province de Quercy
d'une ancienne Nobleffe , Maréchal des camps &
armées du Roy , Chevalier de l'Ordre Militaire de
Saint Louis & Lieutenant pour S. M. en la
Province de Quercy, mourut à Paris , âgé d'envi
ten 90. ans .
>
Le
DECEMBRE . 1742. 1742 2764
Le 7. Cleriadus de Pra de Balay -Saulx ( que l'on
écrit vulgairement Balaiffeau , ) apellé le Vicomte
de Pezeux , Lieutenant Géneral des armées du Roy ,
& Gouverneur de la Citadelle de Lille en Flandres ,
mourut à Paris âgé de 68. ans . Il avoit été d'abord
Capitaine de Dragons dans le Régiment de Grandmont
Comtois , & enfuite Colonel d'un des cinquante
nouveaux Régimens d'Infanterie , qui furent
mis fur pié en 1695. & qui furent réformés après
la Paix en 1697. Il leva au mois de Decembre
1701. un autre Régiment d'Infanterie dont il fe
défit , lorfqu'il fut fait par commiffion du 3. Octobre
1702. Meftre de camp d'um Régiment de Dra
gons qu'il leva à fes dépens . Il fut fait Brigadier le
10, Fevrier 1704. Maréchal de camp le 29. Mars
1709. Lieutenant Géneral le 8. Mars 1718. &
Gouverneur de la Citadelle de Lille au mois de
Mars 1724. Il étoit fils puîné de Charles- Emanuel
de Pra de Balay- Saulx , Seigneur de Pezeux , de
Geré, Argillieres, & c. & Gouverneur & Grand Bailli
de Langres , & de D. Gabrielle de Choifeul , four
de Claude de Choiſeul , Marquis de Francieres
Seigneur d'Irouer & de Fontainebeton , Maréchal
de France, Chevalier des Ordres du Roy , Gouver
neur deValenciennes , Gouverneur & Grand Bailli de
Langres, mort le 11.Mars 1711.Il avoit épousé une
veuve de laquelle il ne laiffe point d'enfans . Il
avois pris en fe mariant le titre de Vicomte , ayant
porté jufques-là celui de Chevalier de Pezeux."
2.
Le 17. François -Jofeph de Beaupoil , Marquis
de Saint Aulaire , Seigneur de Ternat , Manfat ,
la Grenerie , la Pourcherie , & c. ci - devant Lieu→
tenant Géneral au Gouvernement du Haut & Bas
I'mofin , l'un des Quarante de l'Académie Françoife
, en laquelle il fut reçû le 23. Septembre
1706. & dont il étoit Directeur en 1738. mourut
2764 MERCURE DE FRANCE
àParis , âgé au plus de 98. ans , Daniel de Beaupoil
Baron de Saint Aulaire , Seigneur de Ternat , la'
Grenerie , & c . & Guyonne dite Angelique de
Chovigny de Blot de S Agolin , fes pere & mere ,
n'ayant été mariés qu'au mois de Juillet 1643. Il
taiffe pour heritiers les enfans d'Anne - Pierre'
d'Harcourt de Beuvron , Seigneur de Tourneville ,
Lieutenant Géneral pour le Roy au Gouvernement
de Normandie , Gouverneur du vieux Palais de
Rouen , Brigadier des armées du Roy , & Meftre'
de Camp du Régiment Royal Cavalerie , & de
D. Therefe- Eulalie de Beaupoil de Saint Aulaire'
fa petite fille , morte à l'âge de 34. ans le 4.
Novembre 1739.
La nommée Claude Chaillot , veuve de Denis
Ridart , eft morte à Rozoy , Diocèse de Soiffons
dans la 112. année de ſon âge .

Le 27. Novembre , Louis Scorion , Ecuyer-Sei
gneur d'Haunevin & Bodelet , âgé d'envron 51. ans,
ci-devant Ecuyer du Comte de la Marck , Chevalier
des Ordres du Roy , & Ambaſſadeur Extraordinaire
en Efpagne, fils de défunts Pierre- Antoine Scorion
Seigneur d'Haunevin Treforier des troupes à
Douay , & de D. Catherine-Gabrielle-Anne de
Ponts , fut marié avec D Magdeleine - Marguetite.
Foreftier , veuve fans enfans depuis le 18 Février
1721. de Jean-Baptifte de Faverolles d'Arras , Confeiller
du Roy , Correcteur ordinaire en fa Cham-:
bre des Comptes de Paris , avec lequel elle avoit
été mariée au mois de Septembre 1685. Le marié
eft frere de Charlotte - Françoife Scorion deFortelle ,
époufe de Jean-Baptifte de Faucon de Ris de Charleval
, ci -devaut Officier au Régiment des Gardes
Françoifes.
TABLE
Le fecond Volume du Mercure eft actuelle
ment fons preffe , & paroîtra inceffamment .
APROBATION.
' Ai lû par ordre de Monseigneur le Chancelier ,
le premier Voiume du Mercure de France du mois
de Décembre , & j'ai cru qu'on pouvoit en permettre
l'impression . A Paris , le premier Decembre 1742 .
HARDIO N.
TABL E.
P.IECES FUGITIVES . Ode à Climene
2555
Extrait d'une Lettre fur la Bibliothéque de Bourgogne
,
2560
Eloge funebre de feu M. Bori , 2563
Difcours fur la Gloire , 2564
A Mile .... fur des Manchettes brodées ,
Lettre fur le Bureau Muſical ,
2569
2571
2575
Sonnet à Mlle R ... fur un Horoſcope ,
Difcours prononcé au Parlement de Provence
2576
Couplets de Chanfon , adreffés à la Dlle le Maure ,
2589
Lettre écrite de Geneve , fur une Infcription Romaine
,
...
2599
2595
Epitre à Mad . la Comtefle de M ..
Queftion Importante , jugée au Parlement de Pa-
2197
Extrait
Extrait d'une Lettre fur le Style Marotique ,
2601
Séance tenue par Mrs les Maréchaux de France ,
2604
Epitre à Rofalie , pour le jour de fa Fête ,
Lettre de M. C..... à Mrs Boyer , ſuivie
Differtation ,
Le Serin , la Linote & le Moineau , Fable ,
Diflertation fur une Pierre gravée ,
Portrait de Mad . D. ... .
2612
d'une
2615
2625
2630
2636
Differtation fur le Grand Pontificat des Empereurs
Romains ,
Dépit Milantropique ,
2638
2640
Obfervations generales fur le Sentiment & l'Interêt
des Tragédies 2642
Le Souverain Bien , Ode, 2650
Queſtion proposée fur l'urile ou l'agréable
2654
Portrait de Cloris , 2661
2662

Enigme , Logogryphe ,
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX ARTS, &C.
Les Amuſemens du Coeur & de l'Eſprit , 2665
Continuation du Traité de la Police , Tome IV .
Nouveau Traité de Phyſique ,
Détails Militaires
2681
2682
ibid.
Traité des Opérations de Chirurgie , avec figures ,
2683
Effai fur l'Histoire de la France Equinoxiale
Traité des Sens , par M. le Cat ,
ibid.
1684
ibid.
Conftruction de la Fortification réguliere & irréguliere
,
Hiftoire Critique de l'Etabliffement de la Monar
chie Françoife ,
Traité de la Maladie de la Peau
>
Pamela , ou la Vertu récompenfée ,
ibid.
2685
ibid.
AntiAntipamela
, Mémoires de M. D ***
Etrennes Mignonnes , chés. M. Durand ,
Hid
2686
Académie des Infcriptions & Belles - Lettres ,
ibid.
Affemblée de l'Académie des Sciences ,
2694
Séance publique de l'Académie de Chirurgie ,
2696
Médaille du Maréchal de Villars ,
Eftampes nouvelles , Portraits , &c.
Etrennes très - utiles , chés Robinot ,
Vins de Cerite des plus parfaits ,
Cartes nouvelles ,
2709
2711
2712
ibid.
2713
Globes Célestes & Terreftres , 2714
Eaux Minérales & Médicinales , 2716
Savonnettes chés la veuve Bailly , 2718
Véritable Suc de Régliffe , chés la Dlle Deſmoulins
,
Remede pour les Humeurs froides ,
Pour la confervation des Dents ,
Remede fpécifique pour l'Aftme ,
ibid.
2719
ibid.
2720
Chanfon notée , 272 L
Spectacles ,
2723
Nouvelles Etrangeres , Turquie , 2723
Allemagne , 2724
Italie , 2736
Eſpagne ,
2737
Gennes & Ile de Corſe , 2738
Grande Bretagne , 2744
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , & c. 2746
Service en Sorbonne pour le Cardinal de Richelieu ,
1
2748
Bénéfices donnés , 2751
Concerts chés la Reine ibid,
,
Concerts Spirituels aux Tuilleries ;
2752
Comédies à la Cour ,
2753
Armée d'Allemagne ,
2754
Morts & Mariage , 2757
Errata
Errata de Novembre.
P42367 Kunne de Buderſtat.
Age 2357. ligne 21. Jean Kunne de Dudeftat,
P. 2358. 1. 11. Melice , I. Melek .
P
Fantes à corriger dans ce Livre.
Age 2579. ligne 5. furvéquit , lifez , ſurvécut:
P. 2608. 1. 10. une , l . un.
P. 26 10.1 24. il fut enfuite préfenté, 1. on préſenta
enfuite .
Ibid . 1. 26. il fut apellé , 7..on apella .
P. 2611. l . 24. a , ôtez ce mot.
P. 2622. 1. 7. poid , 7. poids.
P. 2631. 1. 2. du bas , Encens , 1. de l'Encens.
P. 1713.1 4. déitail ,. détail.
La Médaille gravée doit regarder la page 2909
La Chanson notée , la page 2725
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
DECEMBRE. 1742 .
SECOND VOLUME.
COLLIGIT
SPARGITE
#pillow
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quai de Conty ,
à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC. XLII.
7
Avec Aprobation & Privilege du Ry
LA
A VIS.
2

'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comédie Françoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
Les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
P'heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XX X. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
DECEMBRE 1742 .
**************************
PIECES FUGITIVES;
en Vers et en Prose.
IMITATION de la VI. Epitre du I
Livre d'Horace : Nil admirari propè , &c.
D
E tout ce que l'on voit n'admirer
prefque rien ,
C'eft , cher Numicius , l'unique & suc
moyen
De goûter ici bas , malgré le fort perfide ,
Une félicité véritable & folide .
Si plufieurs des Mortels regardent froidement
II. Vol.
A ij
Ce
2768 MERCURE DE FRANCE
Ce Spectacle fi beau qu'offre le Firmament ,
Ces Aftres , ce Soleil , ces Planettes errantes
Ce Jeu fi varié des failons differentes
Que l'une à l'autre on voit reglément facceder ;
De quel geil , dites mei , devons- nous regarder
Les plus riches tréfors de la Terre & de l'Onde
Les Spectacles, les Jeux , le brillant train du Monde
Les aplaudiffemens , les éloges flateurs ,
Et du Peuple Romain l'amour & les faveurs ?
Celui , qui de ces biens redoute le contraire ,
Les admire à peu près de la même maniére
Que celui dont le coeur les fouhaite ardemment ;
L'un & l'autre d'effroi pâlit également ,
Et l'aspect imprévû de la moindre avanture
Les met en même- tems tous deux à la torture .
Eh ! qu'importe , après tout , qu'on éprouve en fon
coeur
La crainte ou le defir , la joye ou la douleur ,
Si le pis ou le mieux qu'en plus d'une occurrence
On a vû furvenir contre fon efpérance ,
Donnant occafion à d'inſenſés tranſports ,
Fait tomber en extafe & l'efprit & le corps ?
Le fage eft pris pour fou , le juste pour .inique
Si de la vertu même ils outrent la pratique.
Allez donc maintenant , plein d'admiration ,
Vous livrer aux excès de cette paffion .
Admirez cet Airain , ce Marbre , ces Images ,
Où l'art des Ouvriers anima leurs Ouvrages.
Admirez
DECEMBRE. 1742. 2769,
Admirez ces Métaux , ces Bijoux , ces Rubis ,
Ces faftueux Palais , ces fuperbes habits ;
Cette Pourpre dont Tyr fait un fi grand commerce'
Et ces rafinemens du Luxe de la Perfe.
Par un fecret plaifir laiffez-vous aveugler
En fongeant que tant d'yeux vous regardent parler .
Du matin jufqu'au foir exercez votre adreſſe ;
Mettez la main à l'oeuvre ; agitez - vous fans ceffe ,
De peur que Mucius , ce trop heureux Epoux ,
N'entafle en fes Grenier's plus de froment que vous,
Quand les Champs, qu'eut en dot fon Epouſe opu
lente
Auront quitté pour lui leur dépouille abondante.
Choſe indigne en effet , fi ce nouveau venu
Si cet homme forti d'un fang fort peu connu ,
Etoit , par fa richeffe , affés confiderable
Pour paroître à vos yeux beaucoup plus admirable
Que vous n'auriez le droit de le paroître aux
fiens
>
Quelque connus que foient vos Titres anciens !
Mais lorsqu'à ces excès votre erreur vous entraîne' ;
Pour qui , de bonne foi , voulez - vous qu'on vous
prenne
Le Tems découvrira ce qui prefentement
Sous la Terre eft caché le plus profondément ,
Et , fans aucun égard , couvrira de poufliére
Ce qui jette aujourd'hui la plus vive lumiére.
Après que , dans le Cirque & dans le Champ de
A j Vous
Mars ,
2770 MERCURE DE FRANCE
Vous vous ferez du Peuple attiré les regards ,
Et que , d'un fafte infigne employant l'impofture ,
Vous aurez fait dans Rome une groffe figure ;
Comblé de mille honneurs , vous irez toutefois
Où font allés Ancus , & ( a ) l'Auteur ( 6 ) de nos
Loix .
Si quelque mal de tête ou de reins vous obféde ,
Dans l'art des Médecins cherchez un prompt remede.
Voulez-vous vivre heureux ? Eh ! qui ne le veut
pas ?
Si la vertu , féconde en celeftes apas ,
Peut feule , felon vous , donner cet avantage ,
Renoncez aux plaifirs , & qu'un noble courage
Vous la faffe embraffer fans perdre un feul inſtant.
Loin de penſer ainfi , tenez- vous pour conſtant
Que la Vertu , ce nom ſi ſaint dans les Ecoles ,
N'eft , tout confideré , qu'un vain jeu de paroles ,
Et que les fombres (c) Bois confacrés à nos Dieux ,
Sont du bois fimplement , fans être rien de mieux.
Eh bien , n'en parlons plus. (d) S'il vous ſemble ,
au contraire ,
Que la richeffe feule ait le fecret de faire
(a) Ancus Marcius , quatrième Roy des Romains.
(b) Numa Pompilius , deuxième Roy des Romains .
( c ) Les Bois facrés faifoient une bonne partie du
culte des Payens .
( d ) Horace parle ironiquement dans le reste de
cette Epitre.
Le
DECEMBRE. 17427 277€
Le bonheur des Mortels , & de le maintenir ,
Hâtez-vous , n'allez pas vous laiffer prévenir .
Vîte , allerte avanceż : Prenez gardé qu'un autre
Ne faffe entrer au Port fa barque avant la vôtre .
Prenez garde de perdre : Affrontez les dangers .
Entretenez commerce avec les Etrangers .
Que par vous l'Orient foit tranfporté dans Rome.
D'un gain tirez un gain : Mettez fomme fur fomme.
Sçachez vous faire un fonds de mille talens d'or :
Augmentez- le de mille , & puis de mille encor.
Ne vous rebutez point ; il vous fera facile
Déquarrir le monceau par un quatrième mille .
Et ce fera bien fait ; car , l'Or eft un grand Roi ,
Qui difpenfe l'honneur , la naiffance , la foi ,
Les talens , le crédit , les Places refpectées ,
Les Amis complaifans , les Femmes bien dotées ;
Poffeder force écus , enfin c'eſt poffeder.
L'infaillible art de plaire & de perfuader.
Le Roy de Cappadoce en Efclaves abonde
Autant , ou même plus qu'aucun Prince du Monde
,
Mais il manque d'argent : C'eſt un fort mauvais
point.
Fi donc de ce Roy là ; ne lui reffemblez point .
Au fameux Lucullus il vaut mieux qu'on reffemble,
Et qu'on ait tant de biens accumulés enſemble ,
Qu'on ne puiffe en fçavoir le prix ni les compter.
A j
Va
2772 MERCURE DE FRANCE
Un jour que ce Romain fut requis de prêter
Cent ( a ) Chlamydes , dit on , pour fervir au
Théatre :
Quoi ! cent, répondit -il ! la demande eft folâtre !
» Vous vous mocquez ! comment pourrois- je en
fournir tant ?
» Pour vous faire plaifir , je chercherai pourtant ,
» Et je vous enverrai tout ce que j'en poffede .
A ce difcours bien- tôt la recherche fuccede ,
Et bien - tôt Lucullus écrivant qu'en effet
Il s'en étoit trouvé cinq mille , compte fait ,
Mande à l'Entrepreneur des Jeux que l'on projette
D'en enlever partie ou le tout , s'il fouhaite.
Il n'eft , comme on le voit , logis fi dépourvû,
Qui ne contienné encor beaucoup de fuperflû ,
Où fort tranquillement les Infectes fe gîtent ,
Que le Maître neglige , & dont les Rats ( 6 )
profitent.
Si donc ( j'en reviens là ) vous vous imaginez.
Que le bien rende feul les hommes fortunés ,
Afin d'en acquerir mettez tout en ufage ,
( a ) Habillemens militaires des principaux Officiers
Romains , lorsqu'ils étoient à la guerre .
(b ) J'ai pris la liberte de fubftituer muribus à
furibus que je trouve dans le Texte Latin . Il me
femble que la pensée en est plus jufte Toutes les Maifans
où il y a des meubles inutiles , n'effuyent point le
pillage des Voleurs , mais dans toutes il y a des Rats.
Après tout , l'un ne vaut que l'auire. Qui dit Rat , ·
dit Larron.
Et
DECEMBRE. 1742 2773
;
Et , fans vous dégoûter , pourſuivant cet Ouvrage ,
Trouvez -vous -y toujours au matin le premier ;.
Ne le quittez jamais , au foir , que le dernier.
Si , felon vous , le rang , fi la magnificence ,
Que des brillans emplois donne la joüiffance ,
peuvent rendre un Mortel pleinement fatisfait ,.
Hâtéz - vous d'acheter un intriguant valet , ( a .)
Qui fçache vous dicter le nom , le domicile
De chaque Citoyen qui peut vous être utile
Un Valet qui partout accompagne vos pas ,
Et qui prenne le foin de vous dire tout bas :.
» Man Maître , celui- ci vaut bien qu'on le faluë
» Il fait tout remuer dans telle ou telle ruë.
» Cet autre eft homme verd & fort confideré
» Qui donne les fai ſceaux . & les ôte à fon gré..
Puis nommez - les d'un ton civil & populaire , }
Chacun fuivant fon âge , ou mon Pere , ou mon
Frere.
Si celui-là vit bien , qui fçait ſe bien nourrir ;
Levons - nous , il eft jour , il est tems de courir
Qu des morceaux friands l'apétit nous invite..
Allons vîte pêcher : Allons encor plus vîte
Chaffer , comme autrefois fe plaifoit à chaffer
Le vain Gargilius , lorſqu'il faifoit paffer :
Ie matin au travers de nos Places publiques ,
Ses armes , fes filets , fes chiens , fes domeftiques ;
( a ) Ces fortes de Valets étoient apellés Nomenclatores.
Aly Affa
2774 MERCURE DE FRANCE
C Afin qu'un Sanglier qu'il avoit acheté ,
Sur un de fes Mulets en triomphe porté ,
Vers le foir , au retour de ce plaifant voyage ,
Parût aux yeux du Peuple un fruit de fon courage.
Courons , dis-je , aux ragoûts les plus delicieux ;
Donnons dans les excès les plus licencieux :
Etouffons nos remords , dédaignons la cenſure :
Ne gardons déformais ni régle ni meſure.
Dignes d'être bannis de la focieté ,
Allarmons la pudeur , bravons l'honnêteté.
Livrons-nous fans referve à l'empire du Vice ,
Lâches imitateurs des Compagnons d'Ulyffe ,
Qui préfererent tous des plaifirs criminels.
Au plaifir de revoir leurs foyers paternels..
Bref, fi , comme en fes Vers Mimnerme ( a ) le
publie ,
Sans Jeux & fans amour rien n'eſt doux dans la vie;
Eh bien , mon cher , il faut vivre au gré de vos
voeux ,
Parmi l'enchantement de l'Amour & des Jeux.
Adieu. Menagez-vous des jours longs & tranquilles;
Si vous avez apris des Dogmes plus utiles ,
Daignez avec candeur me les aprendre auffi ,
Sinon , faites ufage avec moi de ceux- ci.
( a ) Polte Grec , de la Secte d'Epicure.
F. M. F.
SUITE
DECEMBRE. 1742. 2775
33
SUITE du Difcours fur la Queftion , fi
l'Enfant né un an & douze jours après-
Pembarquement de fon Pere pour un Voyage
de long cours eft légitime ? La premiere Partie,
eft à lapage 2576.du Mercure précédent.
Q
U'on pouffe , fi l'on veut , ces préfomptions
encore plus loin , elles ont leursbornes
, & jamais on ne peut être obligé de
reconnoître pour légitime un enfant né plufieurs
mois au- delà du terme que la Loi
fur l'expérience de tous les tems , a marquépour
les accouchemens. La Novelle 39 ..
porte ce terme jufqu'à la fin du onzième
mois , & ajoûte qu'après ce tems , il n'eft pas .
poffible que l'enfant foit légitime . Le fenti
ment le plus commun des Phyſiciens fixe le
terme du plus court accouchement à 182 ..
jours & quelques heures , c'eft-à dire à ſept:
mois commencés , & celui du plus long à:
2.80. jours , c'eft à - dire à neuf mois & dix
jours.
7

Si , malgré des autorités fi expreffes , ont
fe donne la liberté d'étendre ce terme , chacun
en ufera fuivant fes befoins . Celui- ci le :
portera jufqu'au 13 mois , un autre juf
qu'au 14 , ainfi fans fin , & pour éviter uni
inconvénient chimérique , on donnera réel--
A.vj, lemen
:
2776 MERCURE DE FRANCE
,
lement dans le plus grand de tous les incon
véniens , qui eft de rendre les Loix indifferentes
& les Jugemens arbitraires. C'eſt
donc une neceffité de s'en tenir aux régles.
Elles admettent la préfomption du mariage
en faveur des enfans. Mais quelque favorable
que, foit cette présomption , elle ne doit ni
forcer nos lumiéres ni l'emporter fur la
verité. Ici elle ſe montre à plein , pour nous
conduire la Loi , Filium , fixiéme au Digefte
, de his qui fui vel alieni juris funt
après avoir établi que le fils eft celui qui
naît du mari & de fa femme , elle décide que
pofant le cas où le mari auroit été abfent
pendant l'efpace de dix années , l'enfant qui
feroit né pendant ce tems, ne feroit point à lui.
,
Elle ajoûte que , comme il ne faut point
écouter le mari , qui ayant toujours habité
avec fa femme , refufe de reconnoître l'enfant
qu'elle met au monde il faut l'écouter
avoir égard à fa plainte , & rejetter l'enfant
qu'on veut lui donner , s'il prouve que des
maladies ou d'autres caufes l'ont empêché
d'être pere. La difpofition de ces Loix ne
peut être plus fage. Portons la préfomption
en faveur des enfans auffi loin qu'on peut
aller , à la bonne heure. Mais préfumer ce
qui eft contraire à l'ordre de la Nature ' , ce
qui eft phyfiquement impoffible , ce n'eft ni
juftice ni pieté , c'eft pure fantailie.
C'eft
DECEMBRE. 1742. 2777.
2
>
C'est ici qu'on peut dire que pour vouloir
trop prouver
, on ne prouve rien. Eft- il donc
d'une entiére impoffibilité
que Charles
Gras
foit légitime
? Eft - ce une chofe abfolument
impoffible
que Jean- Baptifte
Gras fon pere ,
fe foit dérobé du Vailleau
, pendant
qu'il
étoit à la rade , qu'il ait paffé quelques
mois
furtivement
avec fa femme , & que de retour
à Toulon
, il ait été porté aux Ifles Françoifes
de l'Amerique
? L'amour
dans tous les
tems a fait de plus grands
prodiges
. Or ,
dès qu'il n'y a pas une impoffibilité
abfoluë
il faut faifir avec plaifir & avidement
tout ce
qui eft poffible
, pour foutenir
l'état des enfans
, qui eft fi favorable
. Il faut faire & fupofer
tout ce qui fe peut , pour les faire joüix
d'un bien fi precieux
. Eft - il même impoffi
ble que les Vaiffeaux
du Roy ayent refté
en rade pendant
deux mois , en attendant
le
vent favorable
, & que ce Matelot
ait profité
de ce retardement
, pour s'échaper
juſqu'à
Marſeille ? Eft-il abfolument
impoffible
qu'il
foit revenu à Toulon , qu'il ait regagné
fon
Navire , précisément
la veille de fon départ,
& au moment
qu'il s'eft éloigné
de nos
Côtes ?
Non , ces Faits confiderés en eux- mêmes
ne renferment aucune contradiction , aucune
impoffibilité ; mais la fautfeté de tous ces
Faits eft démontrée par les Regiftres publics
da
2778 MERCURE DE FRANCE
du Commiffaire des Claffes , qui attefte que
Jean- Baptiſte Gras a commencé la campagne
le 24. Mars 1712. qu'il l'a continuée tout
de fuite & ne l'a finie que le 6. Octobre
1713 .; qu'il a été payé de fes falaires depuis
le 24 Mars jufqu'au 6. Octobre , & que
par conféquent il a fervi tout ce tems - là fansinterruption.
Ce n'est pas tout ; pour prouver que le
Vaiffeau le Temeraire n'a pas été en rade pendant
deux mois , mais qu'au contraire il a
mis à la voile & eft parti cinq jours après.
l'embarquement de Jean- Baptifte Gras fur
ce Vaiffeau , on a produit le Certificat que
voici . Nous , Commis principal des Claffes
préposé au Bureau des Armemens de ce Portpar
ordre du Roy du 19. Septembre 1735.
certifions à tous qu'il apartiendra , que le
nommé Jean-Baptifte Gras , de Marſeille ,
Matelot , payé à douze livres par mois
fait campagne en ladite qualitéfur le Vaiffeau
du Roy le Temeraire , commandé par M. de
Bandeville de l'Efcadre de M. Caffard , dons
la folde a commencé le 24. Mars 1712. & a
fini le 6. Octobre 1713. qu'il eft resté malade
au Cap François ; que ce Vaiffeau le Temeraire
a mis à la voile de ce Port le 29. du
mois de Mars 1712 & qu'il eft arrivé cn:
cette rade le 27. Avril 1714. ainfi qu'il nous ·
appert par les apoftilles marquées fur le rôle.
?
d'équie

DECEMBRE. 1742. 2779
d'équipage dudit Vaiffeau , dépofe audit Bureau
des Armemens , en foi dequoi nous avons
figné le préfent Certificat , pour fervir & valoir
ainfi que de raison. Fait à Toulon , le
premier Mars 1736.
,
La fauffeté de tous les Faits que l'on a avan
cés , & de ceux que l'on pourroit imaginer
étant invinciblement démontrée , il
faut établir , pour conclure la légitimité de
Charles Gras , qu'un homme peut être pere ,
quoique féparé de fa femme par des efpaces.
immenfes de Mer ; qu'il peut être pere.
d'un enfant qui naît après plus de douze
mois d'éloignement & d'abfence
qui eft la même chofe , plus de douze mois
après fa mort , ce qui eft d'une abfurdité
fi palpable , que le propofer , c'eft le réfuter.
,
ou ce
Mais l'incapacité de l'héritier n'eft pas
le feul vice qui infecte le Teftament de
Charles Chaulan. A ce moyen fi victorieux
fe joint la fuggeftion la plus manifefte &
la plus évidente, pratiquée par Delphine Barriére.
Pour en être pleinement convaincu ,
il n'y a qu'à jetter les yeux fur le Certifi
cat du Curé de la Paroiffe des Accoules à
Marſeille , fur celui du Curé de S. Marcel ,
fur le faux Extrait mortuaire de fon mari
que cette honnête femme avoit fabriqué ,
pour porter Chaulan à l'époufer ; fur une
lettre
"
2780 MERCURE DE FRANCE
lettre de M. de S. Florentin , & voir tous
les autres refforts qu'elle a fait jouer pour
arriver à fes fins.

Voici la teneur des Certificats . Nous , Curé
Perpétuel de la Paroiffe de S. Marcel , déolarons
en faveur de la vérité , que depuis
environ huit ans , que nous avons en connoiffance
que le Sieur Chaulan de Marſeille ,
qui habite fouvent une maison de campagne
qu'il a dans notre Paroiffe , étoit depuis un
très-long- tems dans un commerce fcandaleux
avec la nommée Dauphine , dont le mari eft
apellé Gras , laquelle eft auprès dudit. Chaulan
depuis très long- tems , nous aurions mis
tout en ufage pour rompre ledit commerce ,
& éloigner ladite Dauphine d'auprès de Chauban
, qui témoignoit même être bien aife qu'elle
fe retirat , ce qu'elle n'a jamais voulufaire. ,
quoiqu'elle fignit le vouloir. Elle a publié
d'avoir un garçon de Chaulan , âgé aujourd'hui
d'environ 18. ans , qui eft toûjours auprès
de lui. Dans la fuite , ladite Dauphine
n'auroit rien oublié pour fe faire épouser par
Chaulan , abufant de la foibleffe de fon age
& de l'état de fa maladie , ayant elle-même
fait fabriquer un faux Extrait mortuaire de
Gras , fon mari , au Sieur Curé des Accoules
, dont nous , Curé de S. Marcel , aurions
découvert la fauffeté & empêché le ma.
riage. En effet ledit Gras , mari de Dauphine ;
revint
DECEMBRE. 1742 2781
revint il y a environ deux ans , après un long
voyage fur Mer , & parut à S. Marcel , auquel
nous aurions parlé , & l'aurions arrêté
un an à S. Marcel , s'étant depuis embarqué de
nouveau. De plus , ladite Dauphine auroit
mené Chaulan à Avignon , pour s'y faire épou
fer, & enfuite mené à Aix , pour faire légitimer
ledit Charles , à quoi elle n'auroit pû
parvenir. Ladite Dauphine a fouvent accablé
d'injures le Curé de S. Marcel , lorſqu'il lui
repréfentoit fon mauvais état , & le danger
auquel elle expofoit le falut de Chaulan , qui
ne fouhaitoit rien tant que l'éloignement de
cette créature ; en foi'de quoi avons figné à
S. Marcel le 18. Janvier 1732. Laurens ,
Curé de S. Marcel.
Le Curé de la Paroiffe des Accoules à
Marfeille , s'explique en ces termes. Nous
Vicaire perpétuel de l'Eglife Collégiale &
Paroiffiale de Notre-Dame des Accoules de
cette Ville de Marseille , certifions que tout
ce que dit ici deffus M. le Curé de S. Marcel
fur le fcandale caufe par le commerce infâme
entre le Sieur Charles Chaulan &' la nommée
Dauphine Barriére , eft véritable , ledit Chanlan
demeurant dans notre Paroiffe . Nous atteftons
outre cela , que ladite Dauphine a tout
employé pour nous produire de fauffes pièces ,
& qu'elle a même perverti le fens du Certificat
que je lui fis fur la publication du mariage
2782 MERCURE DE FRANCE
riage qu'elle a tenté de faire célébrer entre
elle & ledit Chaulan ; qu'elle n'a jamais voulu
Suivre le confeil que nous lui avons donné
très fouvent , de fe retirer d'auprès de Chau
lan, pour faire ceffer le crime & leſcandale s
en foi de quoi nous avons figné cette atteftation.
A Marfeille le 19. Janvier 1732 .
Signé d'Almas.
Voici la teneur de l'Extrait d'Infinuation
des Lettres de mariage de Chaulan avec
Delphine Barriére . Du 22.Août 1726. Infinué
les Lettres de mariage du Sieur Charles Chanlan
, fils de feu Charles & d'Anne Roubaud ,
de cette Ville , d'une part , & honnête femme
Delphine Barriére , veuve de Jean Baptifte
Gras fille de feu Guillaume & de fenë
Anne Bonnefoi , du Lieu de Redortier , Diocèfe
de Sifteron , refidente en cette Ville , d'antre
; difpenfe des deux bans . Signé Vintimille ,
Vicaire Géneral...
,
La lettre de M. de S. Florentin à M. de
Branças , eft conçûë en ces termes .
A Marly , le 31. Août 1731 .
Enfin , M. j'ai reçû des éclairciffemens an
fujet de la nommée Delphine & de fon fils , &
fur le compte que j'en ai rendu au Roy ,
S. M. me charge d'adreffer à M. de Muy un
ordre qui enjoint à cette femme de fe retirer
dans le Comtat , Lieu de fa naiffance ; &
pour
DECEMBRE . 1742. 2783
>
pour ce qui eft du fils , de dire aux parens
du Sieur Chaulan , de le mettre en aprentiffage
, & d'obliger ce pere à en faire les
frais. J'ai cru devoir vous en donner avis.
par raport à l'intérêt que vous y prenez ,
je vous prie de me croire toujours très-parfaitement
, M. votre très - humble & très obéiffant
Serviteur. Signé Saint Florentin.
Cet ordre ne pût être exécuté , parce que
peu de jours avant qu'il arrivât , Chaulan
mourut d'un accident d'apoplexie , & le
procès commença d'abord après.
Enfin , cette fuggeftion eft clairement
prouvée par les Teftamens même de Chaulan
, qui font un témoignage éclatant , combien
cet homme étoit fouple aux volontés
de cette petite femme. Dans celui de 1726 .
il y fait plufieurs legs confidérables à
Delphine Barriére , fa fervante , qu'il qua➡
lifie veuve de Jean- Baptifte Gras , à condition
toutefois qu'elle gardera viduité fous
le nom de fon mari prétendu mort , &
il révoque ce legs , fi elle fe remarie .
Quelle délicateffe de fentimens ! Un maî
tre jaloux de la continence de fa fervante ,;
jaloux de l'honneur du nom de fon mari , jufqu'à
révoquer fes libéralités ,fi fa veuve vient à
y renoncer , & à quitter l'état de viduité ?
Une femme fi tendrement aimée , unc
femme fi artificieufe & qui a un empire
1784 MERCURE DE FRANCE
fi abfolu fur l'efprit de fon maître , qu'elle
difpofe à fon gré de fon féjour & de fa
perfonne , lui aura t'elle laiffé la liberté de
choifir fon héritier ? Elle a fçû fabriquer des
actes , pour lui faire entendre que fon marr
étoit mort , en conféquence elle lui perfuade
de l'époufer. Cet homme qui n'eft
plus maître de lui rien rèfufer , met tout
en oeuvre pour la contenter fur ce point.
Heureufement ce projet inique trouve des
obftacles infurmontables dans la vigilance
des Curés . Mais aura- t- elle oublié de fe
dédommager de cette perte par tous les
avantages qu'elle aura pû fe
procurer à
elle & à fon fils ? On fçait combien les
crimes utiles coûtent peu au commun des
hommes . Delphine Barriére en a fait trafic
toute fa vie ; eft -il croyable qu'elle ait voulu
s'en épargner un , fans lequel tous les autres
lui étoient à charge ? Ce n'est donc
pas une témérité d'attribuer à fes fuggeftions
une difpofition fi contraire à l'hon
nêteté publique & à la juſtice .
Il n'en faudroit pas même tant pour tirer
cette conclufion. En ce cas une préfomption
génerale fuffiroit. La défenſe de recevoir aucune
difpofition prononcée par l'Ordonnance
contre les Adminiftrateurs, a été étendue
aux Confeffeurs aux Médecins , &
géneralement à tous ceux , qui fans avoir
une
DECEMBRE. 1742. 2785
une autorité légitime fur le Teftateur , acquierent
de l'afcendant , à raiſon des ſervices
qu'ils lui rendent. On a vû à quel point
Chaulan a porté toute fa vie la dépendance
& la fervitude . Sa fituation dans les derniers
tems avoit encore augmenté fa foibleffe.Re
préfentez - vous un homme dans la décrépitude
de l'âge , accablé d'infirmités , ne pouvant
prefque bouger de fon lit ,éloigné de tous fes
parens , livré aux folliciations , aux inftances ,
aux careffes perpétuelles d'une femme , & dans
un befoin continuel de fes fecours ; eft-il en
état de la contredire & de lui rien refuſer?Qui
peut douter que de telles perfonnes ne foient
comprifes dans Ordonnance contre les
Adminiftrateurs , & par- là incapables de recueillir
les difpofitions de ceux qui fontſoûmis
à leurs fervices ?
Si dans ces circonftances , les difpofitions
en faveur d'une fervante font nulles , elles ne
le font pas moins pour fon fils , qu'on doit
regarder comme une perfonne interpofée ,
& par conféquent auffi incapable que la
mere de recevoir aucune fucceffion.
Les mêmes motifs qui nous ont déterminé
contre leTeftament de 1728. nous déterminent
auffi contre le legs contenu dans leŢeftament
de 1726. en faveur de Delphine
Barriére. Il confifte en la joüiffance de deux
maifons meublées , dont l'une eft dans la
Ville
2786 MERCURE DE FRANCE :
Ville de Marfeille, & l'autre à la campagne
& en la propriété des meubles qui y font,
Qu'on ne dife point qu'il ne s'agit ici que
d'un fimple ufufruit par forme d'alimens. Si
tout cet apareil eft néceffaire à la ſubſiſtance
de Barriére , il va trop loin. Les gens de fa
profeffion n'ont pas befoin de cette abondance
, & s'il excede fon honnête entretien ,
par cela même il n'a plus de fondement.
D'ailleurs ce legs , tel qu'il fait , tel qu'il fait , n'eft - il pas
infecté du même vice que le Teftament de
1728 N'a- t'il pas été fuggeré ? La Juftice
ne peut permettre que cette femme profite
des liberalités prononcées par elle- même en
fa faveur. On ne fçauroit donc difconvenir
qu'encore à cet égard tout le droit ne recla
me contre ce legs .
? -
Chaulan viendra donc à bout de dépouiller
& Delphine Barriére , & fon fils , & toute la
race. Mais en fera-t'il plus riche , fi cette
proye qu'il vient d'arracher à d'injuftes raviſfeurs
, un concurrent mieux fondé la lui ravit
à lui-même ? N'eût - il pas mieux valu
fouffrir en paix l'injuftice de fon oncle , que
de venir Яétrir fa mémoire , & fe ruiner luimême
pour faire réparer ce tort à l'avantage
d'un autre ? Ce tiers quivient faifir l'héritage,
& fe placer entre ces contendans , pour leur
enlever la fucceffion qu'ils fe difputent, mérite
en effet tous nos égards ; c'eft l'Hôpital
Géne
DECEMBRE . 1742. 2787
General de Marſeille, à qui le Teftateur par
fon dernier Teftament de 1728. fubftituë fes
biens. Voici en quels termes : Et venant ledit
Charles Gras à ne pouvoir recueillir la fucceffion,
leTeftateur lui a fubftitué &fubftituë l'Ho.
tel-Dieu ,fous leTitre de l'Hôpital General S.Ef
prit,& S. Jacques de Galice de Marseille, qui
en fera & difpofera à fon plaifir & volonté.
Une partie par elle - même fi favorable , &
qui fe préfente avec un titre fi formel , peutelle
craindre de fuccomber? Charles Chaulan
prévoit le cas où fon héritier ne pourra recueillir
fon héritage ; le cas arrive , l'héritier
eft déclaré incapable ; que refte - t'il , qu'à déclarer
la fubftitution ouverte en faveur des
pauvres Le refpect qui eft dû à la mémoire
des morts , n'exige t'il pas que dans le cas
où les regles s'opofent à l'exécution de leurs
dernieres volontés , on en laiffe au moins
fubfifter tout ce qui peut compatir avec les
régles ? Qu'a voulu le Teftateur ? Deux chofes
; faire du bien à l'héritier écrit ; & à fon
défaut , faire paffer ce bien dans le fein des
pauvres. Il s'eft trompé dans le choix de fon
héritier. A la bonne heure qu'à cet égard
fa volonté foit fans effet ; mais les pauvres ,
les pauvres auront - ils auffi quelque incapacité
?
Nous n'avons garde de nous laiffer tou
cher par ce pathétique, La fubftitution dont'
if
L
2788 MERCURE DE FRANCE
il s'agit, ne peut avoir fon effet , parce qu'elle
eft faite dans un Teftament en faveur d'unincapable
, qui ne pouvant recueillir la ſucceſfion
, ne fçauroit la tranſmettre à ſes ſubſtitués.
C'est donc une maxime , qu'une fubfti;
tution , de quelque efpece qu'elle foit, contenue
dans un Teftament, nul par fuggeftion
ou par incapacité de l'heritier , participe au
meme vice , & eft cenfée venir de la même
cauſe , & n'avoir été fuggerée que comme
une précaution , pour fruftrer plus sûrement
les héritiers du fang. En effet , le deffein de
Chaulan , ou , pour parler plus vrai , le deffein
de Delphine Barriére n'a pas été de procurer
du bien aux pauvres ; ç'a été de faire du
mal aux héritiers légitimes , & de leur ôter
l'envie d'attaquer le Teftament qu'elle dictoit.'
Si ces fortes de fubftitutions étoient autorifées
, tous les captateurs , tous les incapables
auroient trouvé le fecret infaillible de
fermer la bouche aux héritiers naturels , &
d'échaper à la vigilance des Loix . Une ſub
ftitution inferée dans le Teftament , produiroit
cet effet. Les parens n'ayant plus d'interêt
, n'auroient plus d'action . D'ailleurs !
pourquoi s'aviferoient - ils de débattre un Tetament,
dont la caffation tourneroit toute au
profit des fubftitués ? Ce feroit donc trouver
dans le droit, contre le droit même, un moyen
pour autorifer & faire valoir les difpofitions
Les
DECEMBRE . 1742. 2789
les plus opofées aux bonnes régles. La Cour,
dont la fageffe attentive repouffe inceffamment
les abus les plus déguifés, eft bien éloigneé
de donner entrée à un abus fi palpable.
Elle détruira cet ouvrage d'iniquité . Elle
rétablira l'ordre que l'incontinence d'une
part , & de l'autie la fuggeftion la plus qutrée
, ont indignement violé . Chaulan rentrera
dans l'héritage qui lui eft dévolu par la
nature & les Loix , &* Delphine , l'ouvrière de
tant de crimes , rentrera dans fon néant. Si
les paffions fçavoient être modérées , au lieu
de s'engager dans un éclat où il n'y avoit
de l'infamie pour elle que à gagner , elle
pouvoir , à la faveur de la premiere difpofition
, fe ménager quelque reflource. Elle a
voulu tout envahir ; ce qu'on ne peut qu'attribuer
aux effets de cette juftice invifible qui
aveugle le crime , & l'amene à la peine qu'il
mérite, en permettant qu'il fe porte aux dernieres
extrémités de l'impudence.
Par ces confidérations , & dans ces circonftances
, nous eftimons qu'il y a lieu de mettre
l'apellation & ce dont eft apel , au néant ;
& par nouveau Jugement , ayant égard à
l'évocation , évoquant & retenant le fonds
& principal, & y faifant droit, le Teftament
fait par Charles Chaulan en 1728. fera déclaré
nul , & , comme tel , caffé ; & de mê-
11. Vol. B me
# 790 MERCURE DE FRANCEme
fuite , fans avoir égard à la fubftitution
qui y eft portée en faveur de l'Hôpital Géneral
de Marſeille , ni au legs fait à Delphine
Barriére dans le Teftament de 1726. qui fera
annulé en ce chef , les autres difpofitions
qu'il contient , feront confirmées & exécutées
felon leur forme & teneur , & Jofeph
Chaulan fera mis en poffeffion de cet héritage,
avec défenfes à Charles Gras & à tous aucres
, de l'y troubler , à peine de 3000. livres
d'amende , & en cas de contravention , d'en
être informé.
Le Jeudi 22 , Mars 1736. à l'Audience de
la Grand'- Chambre , l'Arrêt fut contraire à
cet avis.Le dernier Teftament de Chaulan en
faveur de Gras , fut confirmé avec dépens.
L'Arrêt paffa à la pluralité de fept Juges contre
cinq.
L
*:*
L'HEUREUX TROUPEAU,
FABLE
A M. L .... Curé de S. S.
E Métier de Pafteur n'eft pas mince tra
vail ;
Qui veut mener fes Moutons paître ,
Ou les ramener au Berçail ,
N'eft
DECEMBR E. 1742
2794
N'eft pas toujours bien sûr de s'en rendre le maître;
En vain on les apelle indociles & fourds;
I's fuivent leur caprice & s'égarent toujours.
Il eft dans les Troupeaux des Moutons difficiles ,
Qu'un Paſteur vigilant voulant rendre dociles ,
Traite avec trop de hauteur.
Qu'arrive-t-il ? Sa rigueur
Révolte la gent moutonniere ,
Qui fe roidit encor avec plus de vigueur.
Les Moutons font par fois mutins à leur maniére. **
Quelquefois on les voit préferer fottement
Une herbe empoifonnée au meilleur pâturage ;
Veut- on les guider fagement ?
Meffieurs les Moutons font la rage ;
On les harangue vainement ;
Les Harangueurs perdent courage,
Le Troupeau, dont ici je conte le bonheur ,
Paît dans un bon pacage , y bondit fans rumeur ,
Le Berger qu'a choifi le plus grand des Monarques
Eft de tous les Bergers le plus fait à plaifir ;
Car dès qu'il eut apris qu'on vouloit le choiſir ,
Il fe cacha ( c'eft bonne marque ; )
En Miniftre éclairé , loin d'agir en tyran
Il veut que la vertu faffe honneur à fon rang ,
Et non pas que fon rang lui ſerve de mérite ;
11 fçait que du pouvoir l'amour propre s'irrite ;
I fe conduit en pere & non pas en cenfeur :
Bij Aug
2792 MERCURE DE FRANCE
Aux éloquens difcours il unit l'éloquence
De l'exemple & de la douceur ,
Et laiffe à fon Troupeau tirer la conféquence .
Devant lui fans contrainte il fçauroit s'avancer ,
Il refpecteroit fa houlette ;
Mais dans le bon chemin qu'il aime à lui tracer ,
Il aime mieux le devancer ,
Et foudain fur fes pas , au fon de ſa Mufette ,
On voit les Brebis s'empreffer ;
Le nom de ce Paſteur , fçavant , pieux , affable,
Je n'oferois le prononcer ,
Car fi je l'avois mis en tête de ma Fable
L.... auroit voulu , je gage , l'effacer .
****************
REPONSE à une Question de Physique,
propofée dans le Mercure de Septembre
dernier , à M. l'Abbé Baillard du Pinet ,
par M. Taffel , Horloger à Avignon.
Es Expériences que vous avez faites ,
M. fur deux fils de laiton , expofès à la
chaleur d'un four , fans avoir augmenté en
longueur , vous ont donné lieu, dites- vous,
de douter fi le froid ou le chaud élémentaires
allongent & racourciffent les Métaux. D'ailleurs
vous croyez que fi l'air exerce quelque
action fur la verge d'un Pendule , clle doit
plûtôt
DECEMBRE . 1742; 2793
plûtôt la groffir que l'allonger ; vous effayez
même de le prouver , & vous concluez votre
Lettre par cet Article.
ود
"
" Je me flate donc , M. qu'en attendant
» que je fois convaincu par les expériences
» que vous aurez la bonté d'indiquer au Public
, vous me permettrez de croire que
» les parties des Métaux font trop dures &
" trop compactes, pour ceder aux impreffions
» de l'air , tandis que ce n'eft qu'avec beau-
» coup de peine que le feu lui -même
"" peut
les
féparer
, pour
s'y faire
un paffage
. Si les
» Horloges
ont des irrégularités
dont
on ne
» connoît
pas encore
bien
la cauſe
, il faut
» chercher
& ne pas fe laffer
, mais
rien
ne
» rend
le travail
plus
ingrat
, que
de mar-
» cher
dans
un chemin
qui nous
éloigne
du
» vrai
, bien
loin
de nous
y conduire
.
Si je comprends bien le fens de cet Article ,
vous penfez , M. que les moyens employés
pour rectifier les variations qu'apportent les
differentes temperatures de l'air à la longueur
d'un Pendule apliqué à une Horloge , font
plufqu'inutiles, & vous craignez même que
ce ne foient des remedes fort recherchés pour
guérir un mal imaginaire qui n'exifte nulle
part.
Toutes ces refléxions , M. vous ont porté
à demander à M. l'Abbé du Pinet , au nom
du Public , des éclairciffemens fur une dé-
B iij Couverte
2794 MERCURE DE FRANCE
couverte auffi finguliére , dites- vous , que
celle dont il s'agit ; vous fous - entendez le
Thermometre que j'ai apliqué aux Pendules ,
dont il a donné la defcription dans le Mercure
de Février dernier , & parlé affés avantageufement
pour exciter le chagrin d'un
Anonyme , qui a fait inferer dans celui d'Avril
une Lettre Hiftorique fur l'Horlogerie ,
à laquelle ce Sçavant n'a point fait de réponfe
; elle est en effet d'un ftyle peu équitable
& fera peut-être caufe qu'il s'obſtinera
à garder le filence .
Il n'en eft pas de même de la vôtre , M.
vous foutenez vos fentimens par des termics
obligeans , vous demandez des éclairciffemens
fur certains points de notre Art. Rien
de plus jufte que de répondre à vos vûës.
C'est ce que je me propofe de faire dans ce
Mémoire , que je diviferai en deux Parties.
Dans l'une , je raporterai mes expériences
& ce que divers Sçavans ont écrit fur la dilatation
des Métaux ; dans l'autre , j'examinerai
par occafion , fi la groffeur de la vergé
d'un Pendule eft nuifible à la jufteffe de
'Horloge à laquelle il eft apliqu?.
PREDECEMBRE.
1742. 2795
PREMIERE PARTIE .
EXTRAIT des expériences faites fur la
dilatation des Métaux , par M. Muffchenbroek,
inferées dans le premier Tome de for
Traité de Phyfique , imprimé à Leyde en
ן כ
"
1739.
,
» Tous les Corps folides fur lefquels j'ai
fait jufqu'à préfent des expériences , fo
rarefient dans toutes leurs dimenfions par
» le moyen du feu qui les pénetre , & cette
» rarefaction continue auffi long - tems que
» le feu refte dans ces Corps. C'est ce que
nous faifons voir à l'oeil d'une manière
» évidente , à l'aide de notre Pirometre , qui
fait voir fur le champ & fans peine , de
très - petites rarefactions des corps, & même
jufqu'à la 12500. partie d'un
pouce du
» Rhein , je donne à chacune de ces Parties
» le nom de degré. J'ai fait mes expérien-
» ces fur les Métaux , les demi - Metaux ;
plufieurs fortes de pierres , la craye & les
briques. Tous ces corps mis d'abord entre
» le Pirometre, lorfqu'ils font froids, & ren-
>> dus enfuite chauds par le moyen d'une lé-
» gere flâme d'eſprit de vin , deviennent plus
longs qu'ils n'étoient auparavant ; non-feu-
» lement ils deviennent plus longs,mais ils fe
» dilatent & s'étendent en tous fens . Cela fe
ود
»
B iiij » voit
2796 MERCURE DE FRANCE
» voit à l'aide d'un Cône de cuivre , qui étant
"froid , s'ajufte exactement dans un trou
» rond d'une plaque platte de métal , par
lequel on le fait pafler >> , au lieu que lorf-
و و
qu'on l'a rendu chaud , il déborde fort du
» trou & ne peut y paffer , parce qu'il eft
" gonflé. Si l'on fait chauffer la plaque où
» eft ce trou , & qu'on ait foin de tenir le
» cône froid , le trou fe trouve alors plus
» large & le cône y paffe fort facilement.
»
12
Quand on échauffe un corps dans un
» feu qui a un certain degré de chaleur , il
acquiert , en fe rarefiant , un volume dé-
»terminé ; mais plus le feu eft ardent , plus
» le corps en eft rarefié, quoique fon volume
»foit cependant encore d'une grandeur dé-
» terminée. C'est ce que j'ai trouvé , à l'aide
» de mon Pirometre , dont je fis brûler la
lampe,premierement avec une feule flâme,
» enfuite avec deux , puis 3. 4. juſqu'à cinq
» flâmes égales ; examinant en même- tems
jufqu'à quel point chaque flâme rarefioit
les lingots de métal dont je me fervois pour
» cet effet ; cela fe faifoit avec des Aâmes qui
» avoient une certaine grandeur , & quoique
و ر
je fiffe brûler chaque meche pendant plus
» ou moins de tems, la dilatation du métal ne
n laiffa pas de refter la même après qu'il fut
" revenu au point de fa plus grande rarefac
» tion. Pour abreger , j'ai expofé dans la Ta
» ble
DECEMBRE. 1742. 2797
» ble fuivante les differens Métaux que j'ai
employé, afin que l'on pût voir d'un coup
» d'oeil ce qui concerne cette matiere …
TABLE qui fait voir la rarefaction des
métaux longs de 5. - 8 . pouces du Rhein
échauffés par le moyen de l'efprit de vin
allumé , lequel formoit par deffous une flame
du diamétre d'un 23. centième de pouce .
vec une Fer [Cuivre Cuivre
lime au batu Acier rouge . jaune Argeni Etaim . Plom
milieu. 80 8 89 110 78 153 15
avec 2 .
flames
117 I 155 220
|
215
2.7
avec 3 .
flâmes 142 168 193 275 155
avec 4.
flames.
2601
99
avec s
Aâmes.
211 270 270 i 362
230 | 310 310 377 1 305
» On peut voir une plus ample defcription
» de ces Expériences dans les additions que
j'ai faites à celles des Philofophes de Flo-
» rence ; on y trouvera en effet toutes les
" circonftances qui concernent les Experien-
» ces que je viens d'indiquer , avec la defcription
& la figure du Pirométre. - 99
Tout le refte de ce Traité ou Mémoire fur
le feu , qui eft de fo . pages in- 4° . eft intereffant
, d'ailleurs il y en a cinq autres fur
B v Cette
2798 MERCURE DE FRANCE
cette matiere qui le font encore plus. Ces
Mémoires , imprimés au Louvre en 1739.
ont pour titre Piéces qui ont remporté le Prix
de l'Académie Royale des Sciences en 1738.
Comme ce feul titre eft un éloge auquel on
ne doit rien ajoûter,je me contenterai de dire
que les deux derniers qui font anonymes,
répandent tant de lumiéres fur la matiére en
queſtion , que nous n'avons pû nous diſpenfer
d'en donner ici quelques Extraits .
ici
11 eft dit précisément , page 90. dans le
premier de ces deux Mémoires , que l'effet
le plus univerfel du feu , c'eft d'augmenter
le volume de tous les corps dans toutes leurs
dimenfions. Et à la page 150. que plus un
corps reçoit difficilement le feu dans fes
pores & plus il s'y conferve long- tems , parce
que ce corps réfifte également par fa maffe
par la cohérence de fes parties à l'effort
que fait le feu pour pénetrer dans fa fubftance
& à celui qu'il fait pour l'abandonner ;
ainfi plus un corps eft folide , plus il fe
refroidi : lentement. Il eft dit encore , page
125. que le feu étend les corps , felon tou-
&
tes leurs dimenfions .
Dans le fecond Mémoire , p . 182. On
demande pourquoi tous les animaux font-
»> ils plus grands le jour que la nuit ? Pour-
» qui les maifons font - elles plus hautes à
» mi li qu'à minuit ? Pourquoi toute la Na-
» ture
DECEMBRE . 1742. 2799
מ
"
» ture eft-elle dans une agitation plus qu
» moins graude , felon que les Climats font
plus ou moins chauds ? Faudra - t il pour
expliquer ces phénomenes continuels re-
» courir à autre chofe qu'au feu ? Son ab-
» fence ne fait - elle pas fenfiblement le re-
» pos Sa préfence ne fait- elle pas fenfible-
» ment le mouvement ? Faudra-t - il , encore
» une fois , imaginer une autre matiére que les
feu, pour rendre raifon de la chaleur ?
?
Pour fentir toute la force de cet article ,.
il faut fçavoir que les Newtoniens n'admettent
aucune difference entre le feu &
la chaleur ; par exemple , ils difent que la
main qui touche la boule d'un Thermométre,
ne le fait monter que par le feu qu'elle:
contient dans fa fubftance .
Le même Auteur indique à la p. 200. les.
proportions dans lefquelles le feu embrafe
un corps quelconque. Il établit pour premiére
Loi , que le feu communique fen
mouvement aux corps homogénes à proportion
de leur groffeur.
Pour feconde. Qu'il agit en raifon inverfet
du quarré de fa diftance.
Pour troifiéme. Qu'il augmente le volume de
tous les corps avant que d'enlèver leurs
parties .
Pour quatrième. Que les corps retiennent
eur chaleur , d'autant plus long- tems, qu'il
Bvj
2
2800 MERCURE DE FRANCE
a failu plus de tems pour les échauffer.
Pour cinquième. Que tous les corps font
échauffés & raréfiés par un feu égal , plus
lentement d'abord, enfuite plus rapidement ,
puis avec plus, grande célérité , & de ce
point de plus grande célérité , il fe raréfie
d'autant plus lentement , qu'ils aprochent
plus du dernier terme de l'expenfion.
Pour fixieme. Que la raifon dans laquelle
le feu agit fur les corps , eft toujours moindre
que la raifon dans laquelle on augmente
le feu.
Pour feptième. Qu'un corps expofé au feu
fera d'autant plutôt échauffé qu'il contiendra
plus de foufre dans fa fubitance.
Pour buitiéme. Que tous corps homogénes
de dimenfions égales à feu égal , mais chacun
peint ou teint d'une couleur differente
s'échauffent fuivant les proportions des fept
couleurs primitives : le noir s'échauffe plus.
vîte , puis le violet , le pourpre , le vert , le
jaune , l'orangé , & enfin le blanc ; par la
même raifon , le corps blanc garde plus
long- tems fa chaleur , & le corps noir eft celui
qui la perd plus vîte.
Et pour neuvième Loi. Qu'il doit y avoir
des variations dans la plupart des loix précédentes
.
D'ailleurs , ce fçavant Auteur foupçonne
que le feu eft la caufe de l'élasticité & de
l'élec
DECEMBRE. 1742. 2801
l'électricité . C'est à regret que je refte en fi
beau chemin , M. mais ces citations me paroiffent
fuffifantes .
Que les métaux cedent aux impreffions de
l'air , cela eft évident par le Thermométre
que j'ai imaginé , & dont voici la même defcription
que je donnai à l'Académie Royale
des Sciences le 19. Juillet 1738. en lui
préfentant une Pendule d'obfervation que
j'ai faite pour M. Caffini , & à laquelle il eft
appliqué.
DESCRIPTION d'un Thermomètre , lequel
étant apliqué à une Pendule , a la propriéte
de rectifier les irrégularités que le froid & le
chaud y produiroient , en changeant la lon.
gueur de fon Pendule.
L'excès dont la dilatation ou la contraction
du laiton furpaffe celle de l'acier ,
produit le mouvement de ce Thermométre .
Il eft compofé de trois piéces principales ;
la premiére eft un tube de laiton de 42,
pouces de long & de 9. lignes de diamétre .
La feconde eft une verge d'acier qui a de
groffeur 3. lignes en quarré , & de longueur
43. pouces ; elle traverfe le tube en longueur
& s'apuye fur lui , au moyen d'un
écrou viffé à fa partie fupérieure .
La troifiéme eft un index qui a deux
branches à angles droits ; l'une de 10. pou
CCS
2802 MERCURE DE FRANCE
ces monte le long du tube , & marque les
degrés du chaud & du froid fur un limbe
gradué & fixé fur le corps du tube ; l'autre
qui n'a que 3. lignes , s'apuye toujours au
moyen d'un reffort fur une cheville attachés
au bas de la verge , laquelle fort en dehors
du tube par une ouverture parallele
faite à fa partie inférieare.. Au point de
concours des branches de l'index eft rivé
un canon qui entre fur une broche qui
lui fert d'axe , laquelle eft placée à la partie
inférieure du tube,vis - à - vis la cheville fixée à
la verge.
Il fuit de cette conftruction que la verge
ne peut recevoir aucun mouvement du
tube , fans le communiquer à la petite branche
de l'index , & fans faire mouvoir la grande
dont le raport étant comme 1. à 40. il fuit
de- là qu'elle parcourt une ligne fur le limbe ,
lorfque le tube s'allonge ou s'accourcit
d'un quarantiéme de ligne de plus que la:
verge.
A la partie fupérieure du tube eft fixé un
anneau pour l'accrocher contre un mur , &
à l'inférieure de la Verge eft percé un trou
pour y accrocher un poids de 7. à huic
livres . Dans cette pofition , le Thermométre
marque les degrés du chiud & du froid ,.
comme ceux à liqueurs : on a même éprou
vé que dans un air tempéré , fi l'on vient
à.
DECEMBRE . 1742. 2803
à l'empoigner , la chaleur de la main fait
tourner fon index vers le chaud .
A la Pendule d'obfervation que vous
voyez MM. eft attachée une plaque de cuivre
diftante du Cocq de 6. lignes ; un trou
quarré de la groffeur de la Verge y eft percé
vis à - vis de celle du Pendule : la piéce qui
porte les refforts de fufpenfion , a un tenon
qui déborde la partie fupérieure du Cocq :
ce tenon eft percé d'un trou rond de même
diamétre que celui qui eft à la partie in
férieure de la Verge.
Pour appliquer le Thermométre à la Pendule
, on le fait entrer dans l'anneau de fer
qui retient fa partie fupérieure. Enfuite on.
fait entrer le bout inférieur de la Verge
dans le trou quarré de la plaque , & de - là
dans le tenon ; alors le Tube s'apuyant fur
la plaque , fe trouve placé verticalement ::
une goupille à tête , que l'on paffe dans le
trou de la Verge & dans celui du tenon, met
le Thermométre au fervice de la Pendule , &
l'en ôte dès qu'on la retire de fa place ..
Le Cocq a deux lévres de l'epaiffeur d'une
cartes elles forment une ouverture parallele
de l'épaiffeur des refforts de fufpenfion , laquelle
étant perpendiculaire au plan de
vibration , détermine l'axe de vibration .
Par cette conſtruction il eſt évident que
ces refforts montans , & defcendans entre les
lévres
2804 MERCURE DE FRANCE
lévres du Cocq par le mouvement du
Thermométre , il en résulte qu'il y aura
toujours égale diſtance entre l'axe de vibration
& le centre d'ocilation , fupofé que
le Tube foit précisément de la longucur
néceffaire pour produire cet effet , ce que
je n'ofe affirmer avant que d'avoir fait les Expériences
que je médite pour m'en aſſûrer.
Voilà , M. précisément la defcription de
mon Thermométre à laquelle je vais joindre
les Expériences que j'ai faites fur un
femblable Thermométre en Février 1740.
elles furent précédées de celles - ci .
PREPARATION .
Comme la Table de M. Muffchenbroek
donne la dilatation de l'acier plus grande que
celle du fer , je commençai par me propofer
avant toutes chofes de vérifier ce fait , afin de
fçavoir lequel je devois choifir de ces deux
métaux ; tant pour faire les Verges de mes
Pendules que celles de mes Thermométres.
Pour cet effet, je fis forger 3. Verges de different
fer, de chacune 42. pouces de long fur 4 .
lignes en quarré , & une autre d'acier de
pareille mefure .
Premiére Expérience.
J'unis enſemble deux de ces Verges ;
l'une de fer de roche & l'autre de fer
callait,
DECEMBRE. 1742 2805
,
caffant
en paffant une goupille ronde à
travers des deux à l'extrémité de l'une de
leurs parties. Je mis auffi une goupille au
bout de l'une de ces Verges , & fis paffer à
frotement à côté de cette goupille le bout
de l'autre , que j'avois taillé en plan incliné ,
de maniére qu'en gliffant le bout de l'une
fur la cheville de l'autre , je fentois une
foible réſiſtance je répétois l'opération toutes
les fois que je les plaçois fur mes
chenets pour les faire chauffer, & les tournois
de tems en tems , afin qu'elles priffent une
chaleur égale ; enfuite je les tenois verticalement
, & remarquois fi celle ' dont le
bout étoit taillé en plan incliné , paffoit plus
ou moins librement fous la goupille : j'obfervai
par ce moyen , qui paroît fimple ;
que la Verge de fer de roche s'allongeoit
moins à la chaleur , que celle de fer callant :
je n'ai point recherché de quelle quantité,
n'en n'ayant pas beſoin .
Seconde Expérience .
J'unis de même la Verge de fer de
roche à celle d'acier , & les mis chauffer
enfemble elle s'allongea davantage à la
chaleur que celle d'acier , & en fe refroidiffant,
elle s'accourcit peu à peu , & revint à
fa premiére longueur.
Troi
2806 MERCURE DE FRANCE
Troifiéme Expérience.
J'unis auffi la Verge de fer de Berry à celle
d'acier ; il en fut de même qu'à l'Expérience
précédente. D'où je conclus que je devois
toujours faire d'acier les Verges du Pendule ,
ainfi que celles de mes Thermométres , &
que les Expériences fur la dilatation du
fer & de l'acier contenue dans la Table de
M. Muffchenbroek , font peut- être fujettes
à erreur , étant faites fur des lames de métal
trop courtes je fuis d'ailleurs fort
porté à croire que la difference des fers
& des aciers pourroit caufer cette variation.
Ces Expériences qui me confirmoient dans
l'ufage de préférer l'acier à tout autre métal
pour les Verges des Pendules , jointes
au grand froid qu'il faifoit alors , me déterminerent
à commencer celles que je mé-
'ditois , afin de trouver la longueur de mon
Thermométre. La face de la maifon que
j'occupe , eft bâtie de pierres de taille fort
dures une petite chambre qui eft à côté
de mon cabinet eft le lieu où je les ai faites.
Je détachai d'une Pendule d'obfervation
qui marchoit alors , un Thermométre pareil
à celui que j'ai décrit , excepté feulement
que le mouvement du bout de la
branche de l'index qui parcourt les dégrés
du
DECEMBRE. 1742 2807
eft
du limbe eft à celui des refforts de fufpenfion
entre les lévres du cocq comme 1 .
à 200. J'en conftruifis un autre tout pareil
fur une plaque de cuivre , & je l'attachai
au bas de la verge du Pendule , de façon que
le point où il devoit recevoir du mouve
fût vis - à-vis le centre d'ocilation de
cette verge, que je perçai à ce point d'un
trou quarré long.
ment ,
Enfuite je fis entrer dans le mur à 6. pou
ces de ma fenêtre une fourchette de fer,
pour foûtenir mon Thermométre , dont j'ar
rêtai avec des cordons la partie fupérieure.
Au bout de la verge qui débordoit la fourchette
par deffous , j'y attachai les refforts
de fufpenfion & le Pendule , le tout polé
contre le mur.
+
ر
Au travers du trou quarré long , dont je
viens de parler , je perçai avec un foret un
trou dans le mur , & j'y fis entrer à force
une cheville d'acier de 2. lignes de
diamétre , fur laquelle devoit toujours s'apuyer
la petite branche de l'index , lors des
Expériences un limbe gradué & attaché
fur le corps de la verge , étoit placé fous
le bout de la longue branche de l'index.
D'ailleurs , pour tenir le tout en état, j'avois
attaché la lentille à 3. pouces au deffous du
centre d'ocilation ; en ce cas elle ne faifoit
que l'office d'un poids...
A
2808 MERCURE DE FRANCE
A 3. pouces de diftance de mon Thermométre
, j'y en plaçai un à liqueur de 3. pieds
& demi de longueur , de maniére que le milieu
de l un répondoit au milieu de l'autre.
Enfuite j'échauffai le lieu jufqu'à - ce que ce
dernier marquât le temperé. Enfuite je fis
marquer zero aux index. Par cette difpofition
, il devoit arriver qu'en échauffant ou
refroidiflant le lieu , l'index du centre d'ocilation
devoit refter immobile, pendant que
l'autre parcouroit les degrés de fon limbe ,
ce qui n'arriva cependant pas , car ayant
échauffé le lieu jufqu'à ce que mon Ther
mométre à liqueur , dont je connoiffois la
marche, montât au quatre - vingtiéme degré ,
je m'aperçûs que l'index du centre d'ocilation
avoit parcouru un arc qui annonçoit
que ce centre étoit defcendu à la chaleur
, & que mon tube étoit trop court.
Afin de profiter du grand froid , j'en fis
fur le champ conftruire un autre de 2. pieds
de long & de moindre diamétre que le
premier. J'attachai à fon bout inférieur 2 .
lames d'acier de même longueur , qui
avoient chacune un talon à l'autre bout.
Je fis entrer librement le fecond tube dans
le premier fur lequel il s'apuyoit au moyen
des talons des lames latérales. Enfuite l'expérience
m'annonça que le fecond tube étoit
trop long ; je le rognai peu à peu , & je parvins
DECEMBRE. 1742 2809
vins par ce moyen à obferver , le 24. Février
1740. qu'en refroidiffant le lieu par
l'ouverture des fenêtres , ou en l'échauffant
j'obfervai , dis je , que l'index du centre
d'ocilation reftoit immobile , pendant que
l'autre parcouroit 29. lignes fur fon
limbe.
Cette Expérience répetée de la même ma
niére les jours fuivans , ne réuffit pas avec
la même préciſion : l'index du centre d'ocilation
prit 2. à 3. lignes de mouvement
tant d'un côté que d'autre du zero , &
m'annonça alternativement que mes tubes.
étoient trop longs , fuivant une Expérience ,
&trop courts fuivant l'autre . Alors croyant,
être parvenu à tout ce que je m'étois
pofé d'elles , j'en fis faire un deffein fur
le lieu ; ( je me propoſe de le faire graver
pour le donner au Public. )
Réfultat de l'Expérience.
pro-
Je mefurai mes tubes ; ils avoient 56.
pouces ; leurs verges & celles du Pendule
95. ce qui donneroit la dilatation de l'acier
à celle du cuivre jaune environ comme de
3. à 5.
J'ai dit que le mouvement des index
étoit à celui des refforts de fufpenfion entre
les lèvres du cocq comme 1.à 200.J'ai obfer
vé d'ailleurs que l'index du Thermométrè
avoit
2810 MERCURE DE FRANCE
avoit parcouru 29. lignes fur fon limbe
dans les Expériences ; d'où réfulte que le
mouvement des refforts de fufpenfion a été
d'environ un feptiéme de ligne pendant
celui de l'index. Ce mouvement des refforts
de fufpenfion prouve que la Pendule auroit
retardé dans mon appartemen ", fans le Ther-
-mométre , d'environ 7. fecondes par jour
pendant les grandes chaleurs , & avancé
d'autant par le grand froid.
" Avant que de finir cet article , je dois avertir
que fi je ne fuis point parvenu au dernier
degré de précifion dans tout ce que je viens
d'expofer , au moins puis - je affûrer que j'en
ai fort aproché.
Des perfonnes penferont qu'il eft comme
impoffible que cet inftrument produife
exactement ces petits mouvemens , comme
un quatorziéme de ligne du tempéré au
froid , & autant du tempéré au chaud ; je
penfois auffi comme eux , avant d'en avoir
imaginé la conftruction ; mais elle eft fi
avantageufe , fi folide , & elle produit fi réguliérement
fes effets depuis plufieurs années ,
qu'elle ne me laiffe rien à défirer.
Depuis mes Expériences , je me fuis
toujours fervi de deux tubes l'un dans
l'autre de chacun 2. pieds 4. à 5. pouces
de long.
D'ailleurs j'ai pensé que ceux qui vou
droient
DECEMBRE . 1742. 28гE
droient fe fervir d'un mur , & calibrer
pour ainfi dire , la verge de leur Pendule
du chaud au froid , pourroient attacher
l'index du centre d'ocilation au mur même ;
cette maniére feroit bonne , je crois pour
les contre - verges .
Voilà , M. ce que j'avois à vous expofer
dans na premiére Partie . Le feul & unique
objet de la feconde eft d'interroger les
Sçavans & d'aprendre d'eux , fi la groffeur
de la verge d'un Pendule feroit indifferente
à la jufteffe de l'Horloge à laquelle il feroit
apliqué .
SECONDE PARTIE.
J'ai démontré dans le Journal de Trevoux
du mois de Mars dernier, que le chaud ou
le froid feroient également retarder ou avancer
deux Horloges dont les Pendules differeroient
en longueur dans un raport pris
à volonté. Dans ma feconde Réponse du
Mémoire & fur le même fujet , j'ai dit même
qu'il nous manquoit la folution d'un Problême
dont je répete ici l'énoncé.
Une Horloge , bien faite à tous égards ;
étant donnée , quelle feroit la longueur du
Pendule qu'on y devroit apliquer , afin qu'elle
allât plus jufte avec celui la feul qu'avec tout
Autre ?
Depuis ce tems-là, j'ai pensé que la folution
2812 MERCURE DE FRANCE


tion de ce Problême dépendoit d'un autre ,
dont voici encore l'énoncé.
One Horloge , bien faite à tous égards étant
donnée , quelle feroit la forme du Pendule
qu'on y devroit apliquer , afin qu'elle allât
plus jufte avec celui - là feul qu'avec un autre
dont la forme feroit differente ?
Des deux chofes qui font à confiderer , dans
ce dernier Problême , l'une a été trouvée par
le célébre M. Clairau ; il a demontré dans
les Mémoires de l'Académie de 1738. pag..
159. que le centre d'ocilation d'un Pendule
ne varieroit pas , quoique ce Pendule ocilât
dans des milieux de differentes denfités .
L'autre qui reste à trouver , eft la forme du
Pendule qui varieroit le moins par les differentes
pefanteurs de l'air qui nous font indiquées
par les differentes hauteurs du Mercure.
On croira peut- être que cette recherche
eft inutile , parce qu'un Pendule qui vibre
dans une feconde & décrit de petits arcs, ne
peut éprouver que de petites variations , par
cette caufe. On ajoûtera que M. Trabau a
démontré cette vérité d'après M. Newton
dans fon Livre fur le mouvement & l'équi-
· libre p. 614. D'ailleurs , pour apuyer ces
raifons , l'on m'objecte ra que M. Caffini de
Tury, dans les Mémoires de la même année ,
p. 143. a obſervé dans , les Experiences ingénieufes
qu'il a faites fur la propagation du fon ,
>
que
DECEMBRE . 1742. 2813
que la vîteffe du fon étoit la même , quoi .
que le Mercure fût à differentes hauteurs .
Mais ne peut- on pas répondre à ces objections
, qu'il feroit avantageux de porter
les Pendules d'obfervation à toute la
précifion où l'art peut atteindre ? De lus ,
quand même il en feroit de leu mouvement
comme de la vîteffe du fon , ce qui
n'eft abfolument pas , il feroit toujours avantageux
aux Horlogers que la Géométrie voulût
achever de répandre fes lumiéres fur ce
fujet. En attendant fa déciſion , je vais hazarder
, M. de dire en abregé ce que je
penfe fur cette matiere .
Je fupofe deux Pendules dont la verge de
l'une pefe fix livres & fa lentille douze ; celle
de l'autre une livre & fa lentille dix- fept . Je
fupofe encore que les deux verges foient
d'acier & leur lentille de plomb , il eft certain
qu'ils tomberoient de hauteur égale en
tems égaux dans le vuide , mais il n'en feroit
pas de même dans les milieux de diffe
rentes denfités , comme l'eau ou l'air , puifque
la fuperficie de l'un feroit à celle de
l'autre comme le raport du poids du
plomb eft à celui de l'acier , d'où il s'enfuivroit
néceffairement ,
1°. Que quoique leurs poids fuffent égaux
dans le vuide , ils feroient cependant inégaux
dans le plain , que s'ils ociloient égale-
C ment 1 I. Vol.
2814 MERCURE DE FRANCE
ment dans le vuide , il n'en feroit pas de
même dans le plein ; que cette vérité ſeroit
aperçue fi l'on faifoit l'experience raportée
par M. Pafcal dans fes Hidrauliques , p. 229,
1 . 2. Que quoiqu'ils ocilaffent en tems
égaux pendant les hauteurs moyennes du
Mercure , celui à groffe verge retarderoit &
avanceroit plus que l'autre , pendant qu'il fetoit
dans fes extrêmes , tant par la densité
de l'air que par fa pefanteur augmentée ou
diminuée.
3°. Que les mêmes variations s'enfuivroient
, fi on les tranfportoit au-deffous du
niveau de la Mer ou fur les plus hautes
Montagnes ,
4°. Que quand on avouëroit que ces va
riations feroient encore plus petites qu'elles
ne paroiffent , il faudroit aufli avouer qu'il
n'en faut pas de grandes pour accelerer ou
retarder le mouvement d'un Pendule d'un
86400 , ou d'une feconde par jour.
5°. Que lorsqu'un Aftronome foupçonne
fa Pendule d'erreur , il ne rifqueroit rien de
confulter la marche antécédente de fon
Barométre .
6°. Qu'il n'y auroit nul inconvenient qu'il
eût une Horloge qui marquât les minutes
les heures, les jours du mois, & qui lui traçât
avec un crayon continuellement jour & nuit
fur des cartons de rechange de figure ronde
&
DECEMBRE. 1742. 2815
& d'un pied de diamètre ou plus , les hauteurs
du Mercure ; ces cartons gravés ou
publiés en Table chaque année , pourroient
être de quelque utilité aux Phyficiens.
D'ailleurs voici deux raifons de préferer les
Pendules qui ont de petites verges o peu
de fuperficie , l'un & l'autre étant le même.
Premiere raifon. On fçait par aproximation
que le centre de la lentille du Pendule à petite
verge, que j'ai fupofé ,ſe trouveroit à environ
37. pouces 3. à 4. lignes de fon axe de vibration;
mais il n'en feroit pas de même de l'au .
tre, dont le centre de la lentille fe trouveroit
à environ 40. pouces & plus de fon axe de
vibration ; donc , en ce cas le centre de fa
lentille parcoureroit le rayon d'un plus grand
cercle que l'autre, donc , plus de mouvement
& de réfiftance de la part de l'air , donc , en
conféquence de fa longueur , le centre d'ocilation
defcendroit davantage par la chaleur.
Seconde raiſon. La lentille d'un Pendule
eft faite de deux calotes de laiton foudées
l'une à l'autre, & remplies de plomb. L'écrou
qui eft au bas de la verge , la foutient ; ainfi
par conftruction fa dilatation l'éleve vers le
centre d'ocilation ; mais comme le laiton &
le plomb fe dilatent davantage à la chaleur
que l'acier , & que le diamètre de la groffe
lentille eft plus grand que celui de la petite ,'
il s'enfuivra qu'elle remontera davantage vers
Cij
le
2816 MERCURE DE FRANCE
le centre d'ocilation & retardera moins que
l'autre par la chaleur.
Je n'ignore pas qu'il eft raporté dans le
Traité de l'Horlogerie Méchanique , p . 274,
des chofes contraires à ce que je viens d'avancer
; qu'une Pendule d'obfervation à laquelle
on avoit apliqué une très - groffe verge d'acier
, n'a avancé que de deux fecondes par
un très- grand froid & retardé autant par un
très- grand chaud. On infinue même que
ces petites variations doivent être attribuées
plûtôt au mouvement qu'au changement des
dimenfions de la verge ; mais ne pourroiton
pas dire à ce fujet , que qui prouve trop
ne prouve rien , & que fi l'on admettoit
cette conféquence , il s'enfuivroit qu'à chaleur
égale une verge , quatre fois plus groffe
qu'une autre s'allongeroit quatre fois
moins , & ainfi des autres à proportion ? Ce
qui eft contraire aux fentimens des pluș
grands Phyficiens .
,
Voici , M. la fin de mon Mémoire ; j'ai
tâché d'y raffembler fous un feul point de
vûë & fort en abregé ,ce qui m'a paru de plus
intereffant fur les Pendules d'obſervations ;
depuis le retour de Meffieurs les Académiciens
, qui étoient allés au Nord . Car c'eſt
d'eux & du Livre de la figure de la Terre ,
par M. de Maupertuis , que l'on tient qu'ils
étoient obligés dans ces climats glacés , de
faire
DECEMBRE . 1742 28:7
faire entretenir un feu réglé fur le Thermométre
, afin que les verges de leurs Pendules
confervaflent leurs dimenfions . Ils
ont auffi infpiré l'émulation avec laquelle
on a recherché les moyens de remédier à cet
inconvenient, dont une partie eft décrite dans
le Traité de l'Horlogerie Méchanique . D'autres
n'y font point ; telles que quelques
contreverges de laiton conftruites d'une façon
particuliere,qu'on aplique le long de la verge
d'un Pendule, pour remonter fa lentille ou
la defcendre, fuivant le degré du froid ou du
chaud .
&
que
même
Ainfi , M. puifque tant de perfonnes admettent
la dilatation & la contraction des
métaux dans les apartemens ,
M. Graham , célebre Horloger de Londres ,
convient que fes Pendules à verges de laiton
, varient du froid au chaud de l'Angleterre
de 25 à 30. fecondes par jour , je vous
invite à vous rendre & à penfer comme eux .
J'ai l'honneur d'être , M. & c.
c iij
ODE
2818 MERCURE DE FRANCE
ODE SACRE'E
Récitée par M. D'Antoine , Rhetoricien du
Collegede BELSUNCE , de la Compagnie de
JESUS, lejour que M. l'Evêque de Marseille
confacra fon College à l'Immaculée Conception
de LA STE VIERGE , dont il a été parlé
dans le Mercure de Septembre 1742.
Q
Ue vois - je ! Quelle pompe ! Une flateuſe
yvrefle
Auroit- elle enchanté mes yeux ?
De quels auguftes noms la plus vive allégreffe
Fait- elle retentir ces Lieux ?
Pourquoi de tant de fleurs couronner votre tête ?
A qui deftinez -vous cette pompeufe fête ?
Et qu'annoncent ces cris qu'on entend dans les airsa
A vos tranfports tout eft ſenſible.
L'airain mêle fon bruit flexible
Aux fons harmonieux de vos facrés concerts.
*
Mais , quels charmes fecrets s'emparent de mon
ame !
Je vois BELSUNCE s'avancer.
L'Esprit Saint , qui toujours & le guide & l'enflâme
,
ya
DECEMBRE. 1742. 2819
Va
par fa bouche s'énoncer.
Fuis donc à ſon afpect , fuis , prophane vulgaire.
Plein de l'amour ſacré qui l'inſpire & l'éclaire ,
Il vient l'éternifer pour jamais dans ces Lieux.
Obonheur ! Il paroît : il avance :
Mortels , refpectez la préſence .
Il vient nous confacrer à la Reine des Cieux
*
Inflexible ennemi d'un monftre épouvantable ,
Que l'enfer vomit en fureur ,
Son bras fans ceffe armé du glaive redoutable ,
Le pourfuit fans ceffe en vainqueur.
Abbattue à ſes pieds l'Hydre en vain veut renaître,
C'en eft fait ; je la vois pour toujours difparoître.
Et que peut la fureur de ce monſtre fatal ?
Son haleine n'eft plus mortelle ;
BELSUNCE nous devouë à celle
Qui foule fous fes pieds le ferpent infernal.
*
Que l'erreur captieufe & la vile ignorance
Refpectent ces Lieux à jamais .
La Mere du vrai Dieu , qui départ la ſcience ,
Va nous infpirer déformais.
Quelles clartés ! Quels feux ! quelles vives lu
miéres !
Eloignez-vous d'ici , Dejtés menfongeres .
C'est elle qui jadis renferma dans fes flancs
Ciiij Un
2820 MERCURE DE FRANCE
Un Dieu , l'Eternelle fageffe ,
Qui feul , non le Dieu du Permeffe ,
Préfide à nos travaux , anime nos accens.
*
Mere , toujours fans tache , accepte ces prémices
Que nos coeurs t'offrent en ce jour.
Daigne du haut du Ciel jetter des yeux propices
Sur ce gage de notre amour.
Et toi , temps , deftructeur des plus fermes ouvrages
,
Fais toi -même paffer jufques aux derniers âges
Ce Monument fatal au Demon de l'erreur .
Qu'il foit à la Race future.
Une marque conftante & sûre
De la Foi du Troupeau , du zéle du Paſteur !
*** ****** the *
,
LETTRE de M. D. L. R. écrite an
R. P. M. TEXTE , Dominicain Sous-
Prieur du Noviciat Géneral de Paris , an
fujet des Chartreufes de Paris & de Mar-
Seille .
JE
E crois , M. R. P. qu'il feroit affés difficile
de déterminer qui de vous ou de
moi , a plus de vénération & d'attachement
pour le Saint Ordre des Chartreux . Nous
avons
DECEMBRE. 1742 2821
>
avons l'un & l'autre donné des preuves de
cette prédilection , qui ont été renduës publiques
, qui ont inftruit & édifié les Lecteurs.
C'eft fans doute M. R. P. dans cet
efprit , que vous femblez me reprocher d'avoir
difcontinué , ce que j'avois commencé
d'écrire fur ce fujet , & en particulier fur ce
qui concerne les deux célebres Chartreuſes.
de Paris & de Marfeille. Je conviens
M. R. P. de la difcontinuation , mais elle
ne prouve en aucune façon le rallentiffementde
mon zele , il faut plutôt l'attribuer au défaut
de certains Mémoires , qu'on m'a fait
efperer & dont je n'ai encore reçû qu'une:
petite partic. Je vais cependant tâcher de
profiter de ce peu d'inftructions , pour vous
faire plaifir , & pour m'en faire beaucoup en
même tems .
>
Commençons , M. R. P. par la Chartreufede
Paris , où vous aviez accoûtumé d'aller
de tems en tems , pour vous édifier , felon
l'expreffion d'une de vos Lettres , imprimée:
dans le Mercure , ce que vous faites moins
fréquemment depuis que vous êtes chargé
d'une partie du régime de votre Mɔnaftere
Occupé d'ailleurs à écrire pour les interêts, de:
la Religion , pour l'honneur de votre: Ordre:
en particulier , & pour éclaircir divers Points;
curieux de notre Hiftoire. Aufli nos , pieux:
folitaires s'aperçoivent bien de votre abſen
93
G V ce
2822 MERCURE DE FRANCE:
ce , & ils vous en feroient des reproches ,
s'ils pouvoient être bien fondés.
Pour moi , M. R. P. qui au milieu de
mes occupations , me fais un plaifir de les
vifiter fouvent , j'en tire toujours quelques
lumiéres , en forte que je ferois prefque en
état de faire une Hiftoire fuivie de leur fainte
Maiſon , fi je ne trouvois d'ailleurs des
obftacles , du moins une forte oppoſition
dans leur modeftie prefque invincible , qui
ne leur permet guéres d'écrire, ou de contribuer
à écrire fur quoique ce foit , qui puiffe.
les regarder.
Cependant voici un petit Mémoire , qui
m'eft heureufement tombé entre les mains ,
après la mort du faint Solitaire , qui l'avoit
composé pour fa fatisfaction particuliére , &
que je vous envoye, fans addition ni changement
quelconque . J'efpere , que vous ferez
content de fa fimplicité. Il eft intitulé, Chofes
remarquables arrivées dans la Chartreufe de
Paris , & commence ainſi :
» Ce fut S. Louis , qui pofa la premiére
» Pierre de notre Eglife en 1260 .
, » En la même année Dom Joceran
» Prieur, demanda aux Vifiteurs , & obtint fa
» démiffion. Il fût envoyé Prieur à la Chartreufe
du Liget, en Touraine, par la (a) Carte-
( a ) On apelle ainfi les. Décisions du Chapitre
General
du
DECEMBRE. 1742. 2823
du Chapitre Géneral de cette année. On ne
"voit pas , que fon exemple ait été fuivi par
>> aucun de fes Succeffeurs.
>>
Une Bourgeoise de Paris , nommée Ave-
" line de Baigneux , fut , après la fondation du
" S. Roy , la premiére Bienfaitrice de cette
" Maifon .. Elle donna des Vignes , fituées aux
"environs de Paris. Ces vins ne devoient pas
" flater le goût de nos Peres..
D
Dom Nicolas de l'Epine fut le premier
» Profez de cette Chartreufe le 27. Septembre:
>>
1280..
Dom Pons , ou Ponce de Sablieres , de
>> Chartreux de Paris , fut fait premier Prieur
» de la Chartreufe de Sainte Croix , en Forez ,.
» fondée l'an 1280. par N. de la Tour de
» Roffillon , ſa Parente. Il fut enfuite Evêque:
» de Graffe & en cette qualité il prêta fer-
»> ment de fidelité en 1482. à l'Archevêque:
» d'Embrun.
>>
,
L'an 1350. on peignit pour la premiére:
» fois l'Hiftoire de S. Bruno fur les murailles ;
» du petit Cloître .
10.
En 1418. onze Religieux de cette Maifon
» moururent de la pefte.
»
>>
Le 30. Septembre 1465. fix cent hommes :
» des troupes du Roy Louis XI. étant décampés
du Port à l'Anglois , vinrent loger dans;
»la Chartreufe pendant une nuit firent:
y. >
» mille extravagances , & cauferent beaucoup
» de dommages.. @vj, Lec
2824 MERCURE DE FRANCE
» Le 18 Juillet 1484. le Roy Charles VIII.
" vint dîner en cette Maiſon , & y trouva le
» vin du crû de Ville - Neuve le Roy , ſi bon
" & fi à fon goût , que fon premier Maître
" d'Hôtel eut ordre d'en prendre un muid de
» blanc , & un de clairet , qu'il paya neuf livres
douze fols parifis.
>>
" L'an 1503. Dom Gerard Patin , Prieur de
» cette Maiſon , fit commencer une Chartreu-
» fe à Maillard , en Brie. Le Chapitre Géneral
» avoit aprouvé fon deffein.
>>
En l'année 1510. l'Hiftoire de S. Bruno
" fût peinte pour la feconde fois fur toile dans
le petit Cloître , avec la même Hiftoire ent
» Vers Latins , nouvellement compofée par
» Dom Zacharie Benedicti , Chartreux de la
»Maifon de Vicence en 1508.
>> Dom Nicolas l'Huillier , Profez de Bourg-
» Fontaine , fut élu Prieur de Paris en 1508 .
» Déposé en 1518. C'eft le dernier Prieur (a).
» Etranger de la Maiſon de Paris .
>>
Les opofitions des Evêques de Meaux ;
»jointes à celles des Religieux de cette Maifon
, au deffein de bâtir celle de Maillard
» obligerent le Chapitre Géneral d'ordonner
» au Prieur d'abandonner ce deffein , & d'en
» donner les biens à ferme. La Chartreufe de
» paris les poffede aujourd'hui .
( a) C'eft dire qui n'étoit pas Profez de cette
Maison.
Dom
DECEMBRE. 1742. 2825
>>
>>
ע
>>
Dom Jean Hamelin , Profez de la Chartreufe
de la Rofe , (a) Hôte en celle de Paris,
fut renvoyé en fa Maiſon , & le Chapitre
Géneral ordonna , qu'à l'avenir on n'envoyât
plus de Religieux des autres Maifons , demeurer
en celle de Paris. Cette Ordonnance,
" eft de 15.33.
"
>>
>>
Le 17. Fevrier 1593. fe fit à Paris cette fa-
" meufe Proceffion de la Ligue , à laquelle
" n'affifterent point les Chartreux ; ils furenɛ
» cependant les derniers à prier pour Henri
» IV. en attendant les Ordres du R. P. Géne-
" ral , qu'ils reçûrent avec joye.
>>
>>
Le 22. Mars 1596. en figne d'une fin-
» cére & entiére réconciliation avec le Roy
» Henry IV . les Chartreux donnerent à dîner.
» aux Prevôt des Marchands & Echevins de.
>> Paris au retour de la Proceffion Génerale ,
» le jour de la Réduction de cette Ville
à laquelle affiftoit alors l'Evêque , à la tête .
» de fon Chapitre & depuis ils viennent.
» à la Chartreufe tous les ans à pareil jour ,
» & y dînent.
>>
,
5.
Dom Bruno Ruade , Docteur de la Sa-.
pience à Rome , puis Chartreux & Vicaire.
» de ( b ) Vauvert , fut tiré de fa folitude.
>>
( a ) Hôte , nom qu'on donne aux Religieux dea .
meurans dans une Chartreuse , dont ils ne font pas.
Profez.
(b ) Ancien nom de la Chartreuse de Paris.
a
2826 MER CURE DE FRANCE
93
>>
à l'inſtance du Roy Loüis XIII . & facré
" Evêque de Conferans dans notre Eglife le
10. Mars 1624. par Octave de Belle Garde ,
Archevêque de Sens , fon Prédeceffeur dans
"l'Evêché de Conferans . Ce Religieux Prélat
fut inhumé dans le Chapitre de la
» Chartreuse de Touloufe , & cut pour Suc-
» ceffeur l'illuftre Pierre de Marca en 1642 .
L'Hiftoire de la vie de S. Bruno fut pour
» la troifiéme fois peinte en 1648. par Eustache
" Le Sueur , fur bois , dans le petit Cloître de
cette Maiſon , conftruit à neuf par Dom
» Joyeulx , Prieur. Sous ces troifiémes Pein
"tures font confervés les reftes de la premiére.
» & de la feconde.
מ
>>
>>
par-
L'an 1688. la Province , dite de France, fut
" divifée par le Chapitre Géneral en deux
"ties , à caufe de fa trop grande étenduë ,
» & chaque partie a fon Vifiteur.
>> La feconde Porte d'entrée de cette Mai-
"fon fut conftruite & élevée en Arc de
» Triomphe . en mémoire de la Prife de la
>> Rochelle , Monument que l'on confacra à
» Dieu , en actions de graces de cet Evene-
» ment . On y lit l'Infcription fuivante ..
D. Q.M.
DECEMBRE. 1742 2827
>> D. O. M. SACRUM .
>> QUO DIE LUDOVICUS REX CHRISTIANIS-
>>
SIMUS
" SANCTI LUDOVICI HUJUSQUE CARTUSIA
» FUNDATORIS , QUANTUM PIETATE , QUAN
>>
TUM
» JUSTITIA REGNAT , UT HÆRES , RUPELLA
FELICITER RECUPERATA , LUTETIAM
TRIUMPHATOR INTRAVIT. AN . SAL..
M. DC. XXVII.
כ
>>
>>
Ler.Janvier 1716. entre Matines & Prime ,
» des voleurs entrerent par les fenêtres de l'E-
≫glife, & prirent fur le Maître Autel l'Image de
» vermeil de S.Loüis, & deux autres Reliquaires
» d'argent. Deux jours après on trouva le S ..
» Louis dans les Jardins du Palais dit le Luxembourg
, laquelle Image n'avoit plus fa.
" Couronne , qui étoit enrichie de petits dia-
» mants. Il manquoit aufli une Epine , de la
» Couronne de Ñ. S. que le Saint tenoit dans .
» fes mains , mais peu de tems après , on re-
» trouva le Sceptre..
>>
» Le 25 Juin 1717. comme on achevoit de
» fonner Vêpres , le tennerre tomba fur le
» Clocher de notre Eglife , en fondit le plomb ,
» détacha les ardoifes , & brûla les lattes du
» côté du Levant.
Le Dimanche , troisième jour de Novembre
1720. Loüis XV. honora la Maifon de
Paris
2828 MERCURE DE FRANCE
"" Paris de fa Vifite. Il y arriva vers les quatre
heures du foir , accompagné du Maréchal
« de Villeroy , Gouverneur de la Perfonne
»de Sa Majefté , de M. de Fleury , ancien
» Evêque de Frejus , fon Précepteur , & c.
" Le 19. Juin 1721. jour de l'Octave de
» la Fête-Dieu , S. M. fit le même honneur
» aux Chartreux de Paris. Elle arriva vers les.
cinq heures du foir , affifta au Salut , & à
» la Bénédiction du S. Sacrement.
و ر
On voit , M. R. P. par ce petit Mémoire
Hiftorique , deux Solitaires tirés de la Chartreufe
de Paris , pour être placés fur le
Siége Epifcopal de deux Eglifes de France.
Ils n'avoient pas plus recherché cette Elévation
, que plufieurs Solitaires de l'Orient
, dont les Chartreux repréfentent aujourd'hui
l'état , l'avoient recherchée , lorfqu'on
alloit les arracher de leur folitude
pour les élever à l'Epiſcopat , pour le plus.
grand bien de l'Eglife .
>
Au refte l'Ordre des Chartreux faifant unefi
grande & fi précicufe portion de l'Eglife
Gallicane , je crois , M. R. P. que les Auteurs
du grand & uile Ouvrage , Gallia.
Chriftiana , n'auroient pas mal fait de le faire.
entrer dans leur Syftême Hiftorique ; je
veux dire , de donner en peu de mots , à la
fuire des Abbayes , &c . de chaque Diocèfe
, quelque Inftrution fur la Fondation
DECEMBRE. 1742. 2829
tion , & fur l'Hiftoire des differentes Chartreufes
, fituées dans le même Diocèfe . L'Or
dre , dont je parle , mériteroit cette diftinction
par plus d'un endroit , & par celui principalement
que j'ai déja touché , S. Bruno ,
fon Fondateur , ayant été véritablement le
Reftauratcur de la Vie Solitaire en Occident
, & c.
Vous fçavez d'ailleurs , M. R. P. que ce
Saint Ordre eft actuellement étendu dans
toute la Chrétienté Catholique , & qu'on
en voyoit autrefois des Maifons floriffantes
dans les Ifles Britanniques , fçavoir l'Angleterre
, qui comprend l'Ecoffe & l'Irlande .
La plus confidérable étoit celle de Londres ,
dont on voit encore aujourd'hui tous les Bâtimens
dans une grande Enceinte , qu'on
apelle toujours la Chartreufe. Je me fouviens
fur ce fujet d'avoir vu une Carte Géographique
peinte fur un mur du Cloître de la
Chartreuse de Gaillon , dans le Diocèfe
d'Evreux , laquelle contenoit toutes les Mais
fons de l'Ordre , felon leur pofition To
pographique , dans les differens Pays où
elles exiftent. L'Ouvrage me parut bien
projetté , curieux & affés heureuſement
exécuté.
Mais, fans fortir de la Chartreuſe de Paris,
j'ai quelque chofe de mieux à vous dire fur
le même fujet. Comme nous étions
jour
2836 MERCURE DE FRANCE
jour quelques amis & moi dans la Cellule de
Dom A.L.M. un Religieux de la Maiſon m'af
fura , qu'on y voyoit autrefois une grande
Carte de tous les Pays du Monde Chrétien
, où il y a des Chartreufes , & que cette
Carte étoit intitulée avec autant de juftefle ,
que de raifon , Orbis Cartufianus ; mais
quelque recherche , qu'on en ait pû faire depuis
, on n'a jamais pû la retrouver .
Quelque tems après , ayant toujours cette
Carte en tête , j'aportai à la Chartreuse celle
qu'un Frere Bénédictin de l'Abbaye S. Germain
des Prés a faite , & qui a été gravée ,
de toutes les Abbayes & autres Maifons
de l'Ordre de Saint Benoît , qui font
dans le Royaume de France , ce qui fit
grand plaifir à nos bons Solitaires , qui
font prefque autant Bénédictins que
Chartreux.
,
Cette Carte eft véritablement fort belle
par fa jufteffe , par fes ornemens & par
fa grandeur. Un grand Cartouche hiftorié
en contient le Titre, qui eft tel, LA FRANCE
BENEDICTINE . Carte Générale des Abbayes &
Prieurés Conventuels de l'Ordre de S. Benoît
tant d'hommes , que de filles , dreffée par F. F.
Le Chevallier, Religieux Bénédictin de la Congrégation
de S. Maur . M. DCC . XXVI .
Deux grandes marges ,
de fix pouces
chacune , contiennent en plufieurs Colomnes.
DECEMBRE. 1742. 283x
nes des Tables & autres Inftructions néceffaires
, pour l'intelligence parfaite du
fujet.
&
Croiriez - vous , M. R. P. qu'un homme
de Lettres , qui a vû cette Carte , & qui
l'a mal vûë , la citant derniérement dans
une Compagnie , où j'étois , comme un
Monument , difoit-il , du fafte monacal
foûtint avec opiniâtreté , que les marges ,
dont je viens de parler , font toutes remplies
des noms des Seigneuries , Fermes ,
autresDomaines que poffedent les Abbayes &
les Maifons Bénédictines , marquées ſur cette
Carte ? Je voulus lui certifier & lai démontrer
le contraire ; ce fut inutilement , &
c'eft ainfi que le plaifir de glofer & de déclamer
en l'air , l'emporte fouvent fur l'a
mour de la vérité ,

>
Cette Carte au refte , que je laiffai à la
Chartreufe , n'eft pas ici une digreffion , car
elle m'a valu un préfent confidérable dans
le même genre , je veux dire , la Carte
génerale tant défirée , de l'Ordre des Chartreux
, fous un Titre different , à la vérité ,
de l'Orbis Cartufianus , mais la même choſe
au fonds . Nos Illuftres Solitaires l'ayant
enfin trouvée , eurent la bonté de me l'envoyer
, pour la garder en toute propriété
& en faire tel ufage , que bon me femblera
. Vous ne la croyez pas tombée en mauvaifes
mains.
Ella
2832 MERCURE DE FRANCE
Elle n'eft point gravée , mais elle eft toute
crites à la main & dans un ordre merveilleux ;
c'eft , en un mot , l'ouvrage d'un long travail
, & le fruit d'une patience & d'une
capacité peu communes : fa largeur eft d'environ
quatre pieds fur un peu plus de hauteur.
On y voit fans confufion toutes les
Régions où il y a des Chartreufes , c'eſtà
- dire prefque toute l'Europe , avec toutes
les inftructions & tous les accompagnemens
néceffaires à cette forte d'ouvrage. Le Titre
géneral eft NovA ET GENERALIS DESCRIP
TIO Domorum Sacri Ordinis Cartufienfis per
Provincias , &c. J'efpere que vous viendrez
la voir au premier jour dans mon Cabinet ,
que & vous en ferez content.
Mais revenons à notre Chartreufe , dont
vous voulez fçavoir l'état préfent.
Le R. P. Dom Pafcal le Tonnelier en eſt
toujours le digne Prieur; il eft en même tems
Vifiteur de la Province de France, fur Seine.
Dom Clement le Roy exerce depuis près de
20. années la Charge de Vicaire avec une fatisfaction
génerale.
La Coinmunauté eft compofée d'environ
trente Religieux de Choeur , dont quelquesuns
,font jeunes Profez , & n'ont pas encore
reçû l'Ordre de Prêtrife , fans compter les
Freres Converts
Que vous dirai je enfin , M. R. P. des
dignes
DECEMBRE. 1742. 2833
dignes Habitans de cette Solitude › que
Vous ne fçachiez avant moi ? Ils ont tous la
grace de leur Etat ; on a de la peine
à les quitter , à fortir enfin d'une Maiſon ,
où jufqu'aux Pierres & aux Peintures , tout
touche , tout édifie .
>
Et à propos de Peinture , le petit Cloître
eft toujours fréquenté par de jeunes Eleves
qui viennent étudier ce bel Art dans lesTableaux
de la vie de S. Bruno , Chefs - d'oeuvre
du Pinceau de l'inimitable Euftache le Sueur.
Mais Dom Sacriftain , qui connoît &
aime fort les Beaux Arts , n'admet à cette
Etude , qu'une Jeunelle fage & vertueufe.
>
Vous ne trouverez plus le Vénérable
Dom l'Ancien , ou Dom Jacques Denis ;
nous le perdîmes le 2. Septembre 1740 .
âgé d'environ 86. ans . Cette fainte joye ,
toujours répanduë fur fon vifage , qu'il infpiroit
aux autres , ne l'a jamais quitté , &
en entrant dans celle du Seigneur , il a
emporté tous les regrets de fes Confreres ,
& de fes Amis.
Dom H. a pris fa place du côté de
l'Ancienneté ; c'eft un vrai Imitateur du
célébre & parfait Solitaire , dont il porte
le nom.
Dom E. continue dans fes momens de récréation,
d'étudier la Nature dans la Botanique,
& de la tenter encore quelquefois, mais il
fait
2834 MERCURE DE FRANCE
A
fait là - deffus de grands facrifices , que je n'o
fe vous détailler , de crainte de bleffer fa
modeftie. J'en ai , felon lui , déja trop. dit
dans mes précédentes Lettres.
Je finis , M. R. P. en fatisfaiſant à la demande
que vous me faifiez il y a quelque
tems dans une de vos Lettres ; fçavoir , fi
j'ai affifté cette année au Motet que le Corps
de Mufique de Notre - Dame a accoûtumé
de venir chanter dans le Choeur de la Chartreufe
? Je commence par répondre négativement
, ce qui demande quelque explication.
,
Il eft vrai que par un ufage établi durant
plufieurs années , le Corps de Mufique de
l'Eglife Métropolitaine , & plufieurs autres
bons Muficiens & Symphoniſtes de
la Ville , fe rendent dans le Choeur de
l'Eglife des Chartreux , un certain jour de
l'Eté , & à l'iffuë des Vêpres des Religieux ,
ils chantent en leur préfence un Moret en
l'honneur du S. Fondateur & quelquefois un
Pleaume auffi en Mufique . En d'autres
jours de la même faifon , ils vont en d'autres
Eglifes éloignées chanter de pareils Motets.
C'eft , à ce qu'on m'a dit , une manière d'exercice
& de récréation pour les Enfans de
Choeur. Les Eglifes deftinées à cet Exercice,
font celles de S. Denis , des Chartreux , de
S. Victor , & de S. Martin des Champs, En
fortant
9
DECEMBRE. 1742. 2835
fortant de l'Eglife , tous ces Muficiens trouvent
une ample collation , préparée dans une
Sale de la Maifon.
J'affiftai , M. R. P. pour la derniére fois
au Motet des Chartreux le 16. Août 1736.
& je vous affûre que j'en fus fort fatisfait. On
chanta en contrepoint l'Antienne Laudandus
Bruno , & tout de fuite un Te Deum laudamus
à grand Choeur . Il y eut une grande
affluence de monde qui remplit toute l'Eglife
& une partie du Monaftére. Cette Mufique
fut exécutée par plus de 80. perfonnes
& avec grande Symphonie de toutes fortes
d'Inftrumens , Timbales, Trompettes, Hautbois
, &c.
Je me fouviens qu'étant placé dans une
des hautes Stales , du côté opoſé à celui du
R. P. Dom Prieur , j'avois l'honneur d'être
tout auprès d'un grand Religieux , qui me
parut plus occupé de quelques pieufes méditations
, que des charmes de cette Muſique.
Qui m'auroit dit , M. R. P. que bientôt
ce vénerable Pere feroit élû Prieur de
Chartreuse , c'est - à -dire Géneral de tout ce
faint Ordre? C'eſt ce qui arriva au mois d'Avril
1737. à la mort du Géneral D. Innocent
le Maffon. Or depuis cette Election les Motets
ont ceffé à la Chartreufé de Paris . Je ne
vous en dis pas davantage , parce que j'igno .
Le les motifs & les circonftances de cetta
cefiation.
2836 MERCURE DE FRANCE
ceffation. L'illuftre Géneral s'apelle D. Michel
Brunier de Larnage. Il étoit avant fon
Election , Prieur de la Chartreufe de S. Hugon,
peu éloignée de la grande Chartreufe.
Il est d'une des meilleures Maifons de Dauphiné
. M. fon Frere eft actuellement Intendant
Géneral de la Martinique .
J'ai l'honneur d'être avec refpect, M.R.P.
Votre , &c.
A Paris le 8. Décembre 1742 .
Q
ELOGE DU PETIT.
U'un autre , prenant le haut tọn ,
Du Grand foit le Panégyrifte ;
Du petit , du mignon
Je fuis l'Apologiſte.
Réfervons au ftyle pompeux
Les fons majestueux
De l'héroïque Lyre ;
Un Flageolet me doit fuffire;
.
Cyclopes & Géans ,
Coloffes & Titans ,
Vos figures énormes
font difformes,
A mes yeux
Malgré vos injuftes mépris ,
Je
DECEMBRE.
1742. 2837
1
Je donne aux Mirmidons le prix.
A ces mots un Géant farouche ,
Ouvrant la large bouche ,
Enflant , ainfi que des balons ,
Ses vaftes lobbes de poumons ,
Dira d'une voix mugiffante
Vil Embrion , race rampante ,
Mon fouffle va te terraffer ....
Calme toi , Monftre de la Terre ,
Vain Goliath , d'un coup de pierre
Je puis te renverfer.
C'est à tort que l'on raille
Une modique taille .
Dans les petits flacons
Bont les liqueurs délicieuſes ;
Et dans les corps mignons
Les ames précieuſes .
Le fage Efclave de XANTUS ,
Le fier vainqueur de Darius ,
Le délicat Horace ,
Chéri d'Augufte & du Parnaffe ;
Et l'enjoué Scarron ,
Ce Traducteur bouffon ,
Grands par la renommée ;
Avoient la taille d'un Pigmée.
Il est vrai , quelques Conquerants ,
Quelques Sages ont été grands ;
II. Vol. D Tel
2838 MERCURE DE FRANCE
Tel fut Bervick , dont la vaillance
Etonna l'Espagne & la France ;
Mais s'il n'eût eû qu'un petit corps ,
Bervick feroit - il chés les Morts ?
Grand Edifice , crains la foudre ;
On fut un fiécle à te bâtir ;
f
Crains le Mineur ; un peu de poudre
Va dans l'inftant t'anéantir.
A l'abri de l'orage ,
Vous , heureux Limaçons ,
Dans vos portatives maiſons ,
Des vents vous défiez la rage.
Que te ferviroit , vain Mortel ,
Si ton chef téméraire
Atteignoit jufqu'au Ciel ?
A tes pieds eft ton néceffaire,
Petits , ceffez de murmurer ;
Ceffez de défirer ,
Quoiqu'elle foit de Mode ,
Des Grands l'encolure incommode,
Au Jeu de Paulme un petit corps
Fait de fes agiles refforts
Admirer la fubtile adreffe.
Au Bal fes hardis entrechats
La legereté de fes pas
Font briller fa foupleffe,
Le
DECEMBRE. 1742 2839.
Le Taureau redoute un Lion ,
Qui céde au chétif Moucheron.
D'un faut une puce Lurpaffe
Soixante-dix fois fa hauteur.
Elephant , ta lente vigueur
Traîne à peine ta lourde maffe.
Un petit Livre a des apas
Que les in folio n'ont pas ;
De leur groffeur embaraffante
La lecture épouvante ;
Des tablettes poids fuperflus
Ils vieilliffent fans être lûs.
Paniers , dont l'immenſe étalage
A treize pieds de tour ,
Vous ferez plus honnis un jour
Que la coeffure à triple étage.
L'Amour , ce Dieu charmant ,
A la figure d'un enfant.
A fon Epoule , à fa Maîtreffe ,
Veut -on exprimer fa tendreffe ?
Mon petit chat , mon petit coeur ,
Sont les mots énergiques ,
Les douceurs patétiques
Qui prouvent notre vive ardeur.
Dis- moi , friand convive ,
Dij Le
2340 MERCURE DE FRANCE
Le Cerf, le Boeuf , dans tes repas ,
Sont - ils mers auffi délicats
Qu'ortolan , beccaffine ou grive ?
Dis - moi , préfere - t'on
La citrouille au petit melon ?
Des Dindons le chant ridicule
Vaut - il celui des Roffignols ?
Fleurifte , Amant de l'Auricule
Tu hais Pavots & Tourne-fols .
Enfin un long Ouvrage
Paroît faftidieux ;
Un laconique a l'avantage

De n'être jamais ennuyeux .
A Soiffons , par M. C.A
の方の
LETTRE de M. Tanevot , écrite de Versailles
à M. D. L. R. le 3 I. Décembre 1742.
J'A
''Ai l'honneur , Monfieur , de vous en
voyer une petite Piéce de Vers que j'adreffe
au célebre M. Rigaud,fur la perte d'un
ami commun. C'étoit M. Collin , ancien
Muficien du Roy , qui eft mort âgé de
89. ans , homme auffi refpectable par fes
moeurs & fa folide pieté , qu'eftimable par
differens talens , dont il n'a jamais fait qu'une
Гресе
DECEMBRE. 1742. 284#
efpece d'amufement , & que fa modeſtie a
laiffé ignorer , autant qu'il lui a été poffible .
Il a été , M. de ces perfonnes , qui fatisfaites
de s'occuper agréablement,ne tiennent comp
te de produire leurs Ouvrages , & pour qui
rien ne femble exifter au- delà de leur Cabinet.
C'eft, je crois, le devoir d'un ami de les
déceler. Je m'imagine qu'il eft comptable au
Public des heureux travaux qui font venus
à fa connoiflance , du moins lorfque la mort
de ces Artiſtes folitaires lui en donne une
entiere liberté. La Mufique fit une partie de
l'éducation de M. Collin. La Nature l'avoit
doüé d'une belle voix , qui l'ayant fait connoître
de Louis XIV. engagea ce Monarque
à fe l'attacher , en le plaçant à la Mufique
ds fa Chapelle. La tranquillité & même le
loifir que cette fituation lui procuroit , le
porterent à cultiver les difpofitions qu'il avoit
pour le Deffein. Il a laiffé entre autres
Morceaux , les Portraits de Louis le Grand
de Monfeigneur , de M. le Duc de Bourgogne
, du Roy d'Espagne , & de Madame de
Maintenon . Ces Portraits font deffinés à
l'Encre de la Chine , & on peut dire que ce
font des chefs doeuvres en ce genre. Les
quatre premiers font faits fur les Originaux
peints par M. Rigaud , & le cinquiéme d'a-
* Ces Portraits beaucoup d'autres Ouvrages four
actuellement dans le Cabinet de M. fon fils , à Paris.
D iij près
2842 MERCURE DE FRANCE
>
près M. Mignard. Il n'a pas moins réüffi dans
la Miniature , & je puis citer avec confiance
une Copie fur le Tableau d'un grand Maître,
repréfentant Adam & Eve & une autre
qu'il a faite de l'excellent Tableau de faint
Louis , de la main de Jouvenet , & placé
dans la Chapelle de Verfailles. Il s'eft encore
exercé avec le même fuccès dans le Paſtel &
dans la Gravûre , & j'ai été témoin plufieurs
fois des louanges que fes Ouvrages ont reçûs
par la bouche des plus grands Connnoiffeurs .
Je me flate,M. que plein de goût & de zéle ,
comme vous l'êtes pour les talens , vous me
fçaurez quelque gré de vous avoir fait connoître
ceux dont je vous entretiens ici , & que
poffedoit un homme dont vous estimez le Fils
depuis long-tems . C'eft M. de Blâmont
Sur Intendant de la Mufique de la Chambre
du Roy , mon ami intime , & à qui vous
avez donné fouvent de juftes éloges dans
votre Journal . Vous fçavez qu'il a un frere
Profeffeur de l'Académie de Peinture , &
très diftingué dans fon Art. Je ne puis
me difpenfer d'ajouter à leur occafion , que
les talens femblent être affectés à leur famille .
Ils ont eû deux oncles paternels , dont l'un
eft mort Lieutenant Colonel du Régiment
de Lenoncourt , qui ont excellé dans les Mathématiques
, le Génie , le Deffein & même
la Peinture. M. Collin a Jaiffé encore deux
filles.
DECEMBRE : 1742: 2843
Alles. L'aînée eft veuve d'un Officier du Roy,
La cadette a époufe M. Mouchot , Infpecteur
Géneral de la Manufacture du Tabac ;
au Havre. Que n'aurois-je point à vous dire
à leur fujet , fi je ne craignois de bleffer leur
modeftie ? Qu'il me foit permis du moins
pour fupléer à mon filence , de vous affûrer
que vous ne sçauriez penfer d'elles trop
avantageufement. Je fuis avec un très parfait
attachement M. votre , &c .
TANE VOT.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
A M. RIGAU D , Peintre ordinaire du
Roy , fur la mort de M. Collin
S Eche ,feche tes pleurs , & des yeux de l'efprit
Contemple dans le fein de la Béatitude
Ton ami , dégagé de notre fervitude ,
Poffeder le feul bien que ton ame chérit .
Vois ce fage Vieillard , profterné près du Trône ,
Qui brille avant les tems d'un éclat immortel ,,
Des Elus triomphans recevoir la Couronne ,
Et l'offrir en hommage aux pieds de l'Eternel .
Ta foi t'a révelé ces Myſteres Auguftes ;
Le Jufte faintement pleure la mort des Juftes ;
C'eft pour eux que le Ciel réſerve ſes trélors ,
Et le Dieu d'Abraham n'eft pas le Dieu des Morts,
D. iiij
Oni
2844 MERCURE DE FRANCE
Oui , tu le fçais , Rigaud ; j'ai vû ta douleur tendre
Lorfque de ton ami tu couronnois la cendre ,
Et que tu retraçois fes exemples pieux ,
D'un vol anticipé le fuivre dans les Cieux.
Je l'ai vû quel Spectacle aux yeux d'une famille ,
Aux yeux de ces enfans qui fembloient en ce jour,
Entre leur pere & toi partager leur amour !
J'ofe le dire ; en eux le même zéle brille ;
De ton ami fidéle ils te donnent les droits ;
Leur coeur reclâme auffi tout ce que tu leur dois ;
Mais quoi ? tu les préviens ; ton amitié fincere
Tient lieu d'adoption , & tu leur rends un Pere .
Jikak kakakakakakakakakai ***
LETTRE de M. Boyer le jeune , où l'on
examine s'il eft plus utile de fe fixer
à une Etude particuliére , que d'embrasfer
toutes fortes de connoiffances.
Votre derniére Lettre ,Monfieur , vient
de me troubler agréablement dans cette
dangereufe habitude où j'étois de lire beaucoup
& fans réflexion . Une fatale expérience
acheve de me convaincre , & je
me fens trop intereffé à faire uſage de
vos fages avis , pour n'y pas donner toute
l'attention qu'ils méritent. Ce n'eft pas que
je ne me fûffe déja aper û des fuites fâcheufes
que pouvoit avoir une coûtume où je trouvois
DE CEMBRE. 1742. 2845
vois tant de charmes ; mais je n'avois pas la
force de les furmonter & je ne pou- ,
vois me vaincre fur cette envie démesurée
qui m'étoit devenuë naturelle , de feuilleter
toutes fortes de Livres . C'eft à vous , M.
qu'étoit réservée la gloire d'une victoire
qui me paroît décifive , fi j'en dois juger
par les avantages que votre complaiſance a
Içû me ménager. Me voilà maintenant revenu
de mon erreur , & prêt à facrifier à la
folidité de vos raifons certains motifs d'amour
propre qu'un goût peu sûr pourroit
encore me fuggérer pour me défendre.
Que vos Leçons font charmantes , M.
Qu'elles font propres à réformer ce goût
dépravé ! Les Livres , comme vous remarquez
fort bien , nous préfentent en abondance les
moyens de nous inftruire ; mais il eſt néceffaire
de diftinguer ceux qui peuvent nous
être utiles à quelque égard , de ceux qui
ont l'unique avantage de délaffer ou de
diftraire. Heureux , ajoûtez- vous , qui fçait
fe borner dans ce vafte champ que les
Sciences & les Belles - Lettres nous offrent ,
& qui connoît l'art de s'occuper à autre
chofe qu'à ce qui ne peut qu'amufer !
Des réflexions fi judicieufes m'ont fait
réfléchir, à mon tour, fur la manie qu'ont la
plupart des nos jeunes gens , d'entrer dans
toutes fortes de connoiffances , fans fe fixer à
D v aucune !
2846 MERCURE DE FRANCE
aucune. Jaloux du titre d'efprits univerfels ,
qu'ils croyent avoir acquis ils veulent ab.
folument paroître ne rien ignorer de ce
qui s'apelle Science ou Belle Littérature .
Ils regardent comme indigne d'eux de s'apliquer
à une étude particuliére , qui leur paroît
bornée & trop au deffous de leur génie .
Je craindrois , M. de paffer dans votre elprit
pour téméraire , fi en me voyant élever
contre un préjugé fi commun , vous ne
fçaviez que j'en ai été moi- même la victime.
Cela feul ne me donne- t- il pas droit de
le combattre vivement ?
Je n'oublierai jamais le Proverbe que
vous m'avez fi fouvent répeté , & dont je
n'ai pas fçû profiter jufqu'à- préfent. Qui trop
embraffe,mal étreint : rien n'eſt ſi vrai, & rien
n'exprime en termes plus concis & plus naturels
tout ce que je prétends dire aujourd'hui.
Perfonne ne difconvient que cette
vafte connoiffance qui conftitue l'homme
fçavant , n'ait fes agrémens & fon utilité ;
mais une telle érudition paffe les bornes
des efprits ordinaires . Laiffons - la à ces Génies
fupérieurs , qui fans craindre de fuccomber
fous une multitude d'objets differens , leur
donne à tous en particulier une même attention.
Rien ne les étonne , & ils voyent ,
d'un coup d'oeil , ce qui feul occupe enérement
les autres. Les Langues & les
Sciences ,
DECEMBRE. 1742: 2847
Sciences , quelqu'étendues qu'elles foient
n'ont rien de difficile ni d'abftrait pour eux..
Ont-ils un Problême à réfoudre ? Ils le font
avec cet efprit pénétrant qui porte la clarté
dans tout ce qu'ils difent. Leur propofe - t - on
quelque nouveau Systême ? Ils le dévelopent
avec cette fagacité qui leur en fait connoître
le foible , en même tems qu'ils en fentent
toutes les beautés. Faut- il traiter quelque
point d'Hiftoire , de Géographie , ou de
Chronologie ? Ce n'eft- là pour eux qu'un
fimple amufement.
Des Génies fi rares ne peuvent être des
modéles pour le plus grand nombre d'efprits,
qui font hors d'état de poffeder tant de
richeffes . Leurs idées font bornées , & ils
ne peuvent , fans s'éblouir , embraſfer un fi
grand nombre de connoiffances. A quoi bom
après tout fe mettre inutilement en frais
pour ufer fon efprit , pour ainfi dire , à des.
chofes pour lesquelles il n'eft pas fait ? Et
pourquoi tenter d'aprofondir toutes les
Sciences fi nous ne pouvons efpérer de
les comprendre ? Devons - nous rougir de ne
nous appliquer qu'à un feul objet, dès qu'un
plus grand nombre furpafle nos forces
Mais non , femblables à ces enfans qui fe
battent contre un fardeau plus péfant qu'eux
après avoir fait d'inutiles efforts pour le
traîner , nous nous roidiffons contre ce que
D vjj
,
le
2848 MERCURE DE FRANCE
le fens commun nous dit être impoffible:
Nous nous plaifons uniquement à entretenir
ce faux goût qui nous perfuade que
nous fçavons tout ce que nous ignorons
réellement.
,
>
L'orgueil , qui nous domine , eft l'unique
cauſe d'une façon d'agir auffi bizarre . Notre
amour propre fe fentiroit bleffé , fi nous
croyions être redevables de quelque connoiffance
à tout autre qu'à nous-mêmes.
Mais voulons nous juger fainement du mérite
du prétendu Génie univerfel ? Ecoutonsle
au milieu de ce Cercle dont il fait l'admiration.
Quel torrent ! Tout le monde eft
furpris de l'entendre. Théologie , Poëfie
Philofophie Hiftoire Mathématiques ,
Belles Lettres , tout eft de fa compétence ,
& il n'eft rien dont il ne parle d'un ton
vraiment magiftral . Amateur de lui-même
& empreffé à s'attirer des éloges , il fait un
fi bel étalage de fa vafte érudition , qu'on
n'ofe plus lui difputer l'avantage d'être le
plus entendu de la compagnie. On n'eft
pas long- tems cependant à fe défabuſer fur
for compte , pour peu qu'on le connoiſſe .
La facilité qu'il a de s'exprimer , & fon
heureufe mémoire ne fçauroient empêcher
qu'on ne penfe de lui , comme ces voyageurs
, à qui la multitude des chofes qu'ils
ent vûës ou aprifes , donne la confiance de
parler
DECEMBRE. 1742 2349
parler de tout , quoiqu'ils ne puiffent juger
de rien.
,
Que conclure de - là fi ce n'est qu'il
vaut mieux s'attacher précisément à une
étude, que d'embraffer tout ce qui n'eft pas de
notre portée ? N'eft- on pas d'ailleurs plus flaté
de pofféder une feule fcience , que d'avoir
une idée légére & fuperficielle de toutes
en général ? On eft heureux , je l'avoüe ,
lorfqu'à quelque fcience particuliére on
joint plufieurs autres connoiffances . Mais
il n'eft pas donné à tout le monde d'avoir
l'efprit fi étendu , & comme dit le fameux
Pope ( Effai fur la Critique chap . 1 .
*. 71. )
Tous n'ont pas obtenu tous les dons en partage ,
Mais chacun a le fien ; qui le connoît eſt ſage .
Il n'eft perfonne , pour peu de talens
qu'il ait , qui ne puiffe fupléer à ce qui
lui manque , en s'appliquant à quelque étude
qui l'occupe utilement. Qu'il n'ait point de
talent décidé , je le fupofe , n'y aura- t- il
rien dans les Belles- Lettres qui lui plaife ,
& qui l'amufe noblement ? Il doit fuivre
fon goût , & fe déterminer pour ce qui le
fatisfera d'une maniére folide. Tel fe fent
de la difpofition pour l'Hiftoire ou pour
Poëfie , qui n'en a pas pour la Phyfique. La
connoiffance de la Nature occupera plus
férieufement
la
2850 MERCURE DE FRANCE
férieufement cet autre qui dédaigne tour
ce qui lui paroît frivole. Par- là chacun réüffira
dans l'étude particulière qu'il s'eft propofée
, & pourra fe rendre auffi utile qu'agréable
au Public .
,
en
Je me fuis trouvé fouvent dans des Affemblées
où j'étois furpris d'entendre raifonner
fur toutes fortes de matiéres tant
d'efprits fuperficiels , qui auroient pû
cultivant leurs talens , fe rendre capables de
fçavoir quelque chofe . Eh quoi ! me difoisje
en moi même , n'y auroit-il pas plus
d'agrément pour ces beaux Efprits , à s'entretenir
d'une maniére qui pût les inftruire
en les égayant ? Chacun ne pourroit- il pas
parler pertinemment du fujet qu'il auroit
le mieux examiné , & fe communiquer mutuellement
fes réflexions ? Ce feroit-là uneefpéce
d'Académie , où l'on entendroit tantôt
éclaircir un point curieux d'Hiftoire ou
de Littérature , & tantôt expliquer quelque
trait intéreffant qui regardât les Beaux Arts
ou les Sciences ? N'y auroit- il pas infiniment
plus à profiter dans une telle Aſſemblée
que dans ces Sociétés qui paroiffent brillantes
, & où cependant il ne faut que
de la hardieffe pour paffer de l'état d'ignorant
à celui d'homme fçavant & enendu
?
Que de Matiéres effl :urées , que de Syf
têmes
DECEMBRE. 1742. 285x
,
tèmes échancrés & que d'Auteurs indignement
écrasés par certains Génies univerfels
qui font l'ornement de ces Sociétés
! J'en ai vû quelquefois , qui plus fages
& plus réservés en aparence , fe font gloire
d'un goût exquis pour juger de tout , fans
diftinction & fans difcernement. Mais je
ferois trop long , fi j'entrois dans le ridicule
de ces prétendus beaux Efprits qui ,
malgré la raifon & le bon fens , veulent
paffer pour des Génies univerfels .
Je ne prétends pourtant pas m'élever ici
contre l'efprit de la Converſation , qui exige
dans les Affemblées ordinaires une connoiffance
générale de tout ce qui orne
l'efprit. Qu'il me foit feulement permis
de faire des fouhaits pour qu'on en fît un
meilleur ufage. J'avouerai même que le
perfonnage d'un Sçavant , qui s'eft borné à
une étude particuliére , n'eft fouvent rien
moins que ridicule en compagnie , s'il eft.
incapable de s'écarter de fon fujet & de
fe meſurer au génie des autres . Mais ne doiton
pas convenir avec moi , qu'un tel inconvénient
ne fçauroit balancer les avanrages
qui reviennent d'une étude particuliére
?
Verrions-nous tant de progrès dans les
'Arts & les Sciences , fi les Sçavans à qui
nous devons les plus belles Découvertes
s'étoient
2852 MERCURE DE FRANCE

s'étoient attachés à toutes les Sciences en gé
néral Leur auroit-il été auffi facile de les
connoître , que celle à laquelle ils fe font
heureuſement bornés ? Auroient- ils eû des.
idées affés préciſes & affés déterminées
pour embraffer fans confufion tant d'objets.
differens ou plutôt leur fçavoir n'auroit- il
pas été un vrai cahos où ils fe feroient perdus
eux-mêmes ? Chacun a fon talent , chaque
talent ſon objet, & il n'eft pas de plus sûr
moyen pour le remplir , que de s'y fixer.
Que de mortifications n'épargnerons - nous
pas par là à l'amour propre ? S'il n'a pas le
talent de fe taire fur ce qu'il ignore , ne
pourra- t-il pas afpirer à un autre talent plus
Aateur pour lui ? Voulons - nous en effet nous.
faire écouter & nous attirer une eftime générale
? Apliquons - nous à une étude pour
laquelle nous ayons quelque difpofition , &
qui puiffe nous rendre utiles . Ce fera en
nous en faifant des idées claires , que nous
viendrons à bout de l'aprofondir & de la.
connoître , autant qu'elle le mérite ..
Voici cependant un inconvénient qu'ont à
craindre les perfonnes affés fenfées pour ne
s'apliquer qu'à un feul objet. C'est cette
pédantefque érudition, que certains efprits.
étalent avec d'autant plus de confiance
qu'ils le flatent de ne pas fe méprendre. L'expérience
du monde ne fçauroit les diffuader
&
DECEMBRE. 1742 2853
& leur faire perdre l'habitude de ne rien dire
qui ne foit apuyé de plufieurs paffages le
plus fouvent mal affortis , & toujours
plus propres à embroüiller qu'à éclaircir les
idées .
la
Un fecond inconvénient , qui n'eft pas .
moins dangereux que le premier , c'eft de fe
trop prévenir pour fes propres idées , de ne
faire cas que de ce que l'on fçait , & d'y faire
pour ainfi dire tout revenir. S'eſt- on attaché
à la Poëfie ? On la met au deffus de toutes
les Sciences, fous prétexte qu'elle les renferme.
Etudie-t- on l'Hiftoire ? On l'aime bientêt
par paffion , & on ne veut entendre parler
d'autre chofe. S'aplique - t-on à la Phyſique
? On la regarde comme la feule Science
néceffaire , la feule qui foit importante &
utile ; mais jufqu'où ne pouffe- t- on pas
prévention ? Vous aurez peine , M. à vous
perfuader qu'un célebre Auteur de notre
tems puiffe croire d'auffi bonne foi qu il l'a
foutenu , que c'est l'ignorance de cette derniere
Science qui a donné lieu aux Héréfies
du fiécle paffé. Rien n'eft plus rifible. Je ne
puis m'empêcher de vous raporter en finiffant
, la réflexion que M. l'Abbé des Fontaines
fait à ce fujet ( Obferv . fur les Ecrits
modernes , Tom . 3. p. 278. ) » L'ignoran-
» ce de la Phyfique , dit-il , n'avoit point
» encore été donnée jufqu'ici comme une
» fource
2854 MERCURE DE FRANCE
»fource d'Héréfies. Ce trait me rapelle ce-
» lui du Maître à danfer de Moliere , qui
prétend que toutes les fautes qu'on com-
» met dans le monde font caufées par l'i-
"gnorance de l'art de la danfe.
33
Les efprits cultivés & ennemis de tout
préjugé , éviteront ces inconvéniens où l'on
peut tomber en s'apliquant à une feule
Science , ou à quelque étude moins relevée .
Quoiqu'il en foit , il n'eft pas moins vrai
que le plus fage parti eft de s'attacher uniquement
à un point dont on ne s'écarte pas,
bien loin de voltiger fans ceffe autour de
toutes fortes de connoiffances . J'efpere , M.
que vous ne défaprouverez pas ma façon de
penfer dans une matiére qui eft toute de
pratique , & qui par là me paroît plus digne
de votre attention . J'ai l'honneur d'être & c.
D'Aix en Provence , ce 28. Octobre 1742 .
ADDITION ( on Réponse ) à la Lettre
précédente , par M. Chaix.
Je tiens ma parole , M . je vous adreſſe les ré-
Aexions que j'ai faites fur votre Lettre ; heureux
, fi réunies aux vôtres elles pouvoient
rrouver quelque crédit !
La préférence d'une étude particuliére à
une étude génerale dépend des avantages &
des inconvéniens qui peuvent fuivre de
l'una
DECEMBRE. 1742 2855
F'une ou de l'autre . C'est par leur opofition
qu'on doit conclure fur laquelle des deux il
eft plus utile de fe fixer.
Inutilement , M. je parlerois des avantages
qu'on peut retirer d'une étude univerfelle
. La fucceffion des tems nous a démontré
qu'elle étoit impoffible dans l'exécution.
De tant de grands génies qui ont vécu , &
dont nous avons la mémoire en vénération ,
y en a -t'il qui l'ayent embraffée ? Y en a-t'il
qui ne l'ayent point crû au- deffus de leurs
forces ? Les inconvéniens même qui s'en enfuivent
, ne prouvent -ils pas démonftrativement
combien elle eft au- deffus de la péné
tration & des plus grands efforts de l'efprit
humain ?
Qui ignore que la moindre Science eſt encore
d'une trop grande étendue pour pouvoir
être poffedée à fonds ? Sans parler de l'étude
du Droit , de la Phyfique , des Mathématiques
, Sciences trop vaftes pour pouvoir être
entierement aprofondies par un feul homme ,
la feule Géographie ne l'abforberoit- elle pas
tout entier Quel nombre étonnant de
Royaumes, de Provinces, de Villes , d'Ifles ;
que de diverfité , que de variation dans leurs
noms ; que de difficultés à reconnoître la
fituation de celles qui font détruites ; leurs
confins , leur diſtance des unes aux autres ?
Y a-t'il moins de connoiffances
à réunir:
dans.
2856 MERCURE DE FRANCE
dans l'étude de l'Hiftoire & de la Chronolo
gie ? Dans celle- ci , que de differentes époques
! Quelle foule de Rois qui fe font fuccedés
! Quelle diverfité de fentimens dans
les Auteurs ! Que d'aplication pour les concilier
! Ce n'eft point affés pour celle- là d'acquerir
une connoillance exacte des Faits ; il
faut encore y joindre celle de la Religion ,
des moeurs , ufages , forces , maximes , politique
des Peuples qui en font l'objet.
Comparez , M. à cette étendue de fatigues
que demande de nous chaque Science , le
peu de tems que nous avons à vivre , les
devoirs que nous avons à remplir , les momens
néceffaires au foutien de notre vie ; &
vous jugerez fans peine , non feulement
qu'elle eft trop courte pour être employée à
l'étude de plufieurs , mais qu'une feule fuffit,
& au- delà pour en confumer la plus longue
durée.
-
Quel génie affés heureux , difons mieux ;
quel efprit affés téméraire pour embraffer
toutes les Sciences ! Il n'eft qu'une préſomption
aveugle qui pût fe complaire dans cette
idée. S'il faut des travaux immenfes pour
réuffir dans une feule , en faut- il moins pour
y joindre les idées legeres mais vraies des
autres qui y ont relation ? On ne peut le
defavoüer. Plufieurs Sciences femblent fe
donner la main. Quoique borné à une feule,
DECEMBRE . 1742
1742 2857
on ne doit point négliger les principes de
celles qui y ont quelque connexité ; mais ce
n'eft point à dire qu'on doive s'y apliquer
indéfiniment. Cette étude génerale ne doit
fervir qu'à fortifier la particuliére & concourir
à une plus juſte préciſion des ſyſtêmes
que l'on y forme.
Il eft au contraire autant d'avantages réels
dans l'aplication à une étude particuliére
qu'on y rencontre peu d'inconvéniens . La
Nature nous donne à tous nos talens . D'abord
que l'efprit les a reconnus il ne lui reſte
qu'à fe borner. C'eft alors que réduit à la
connoiffance de l'objet qui lui eft propre , il
l'examine de toutes les faces , il le manie ,
le difcute & l'aprofondit. Comme moins
d'obftacles s'opofent à ſes travaux , il les
furmonte plus facilement .
Qui ne fçait , M. que ceux qui ont
écrit fur diverfes Sciences ne les ont point
entierement aprofondies ? On ne lit point
Séneque & Montagne , fans s'apercevoir de
ce défaut. On ne reconnoît prefque plus
Plutarque , lorfqu'il quitte fon caractére
d'Hiftorien. Combien d'Auteurs bornés même
a une feule Science , n'ont pû encore en
poffeder toutes les parties ? On a reproché à
notre Gaffendy , un des plus fameux Mathématiciens
du Royaume , d'ignorer l'Algebre
& plufieurs fecrets de la Géometrie.
Un
2858 MERCURE DE FRANCE
Un autre avantage qui revient d'une étude
particuliére , confifte en ce que l'efprit
n'ayant qu'un objet à remplir , s'y aplique
avec plus de facilité , & n'eſt point diſtrait
par une foule de connoiffances étrangeres à
fon fujet , fouvent contraires entr'elles , &
qui loin de le ramener à ſon but , ne font au
contraire que l'en éloigner .
રે
L'expérience ne nous aprend - t'elle pas encore,
de quelle utilité font pour les Ecrivains
les Traités faits exprès , fur quelque Science
qu'ils puiffent rouler Pourquoi font-ils
plus recherchés Qu'elle eft la caufe de cette
préférence , fi ce n'eft que leurs Auteurs
s'étant apliqués à cette Science particuliére ,
on leur doit la juftice de croire qu'ils l'ont
parfaitement poffedée , & que les principes
qu'ils en ont donné , font & plus certains &
plus foutenus ? Aurions - nous des Systêmes
de Phyfique , de Géometrie , de Médecine ,
fi leurs Auteurs avoient embraffé d'autres
Sciences ? Et de tout tems n'a- t- on pas regardé
l'Enciclopedie comme une fource d'erreurs
, dont il n'étoit pas poffible qu'une
foule de connoiffances entaffées & mal digerées
, pût nous défendre ?
Les inconvéniens que vous relevez , M.
dans ceux qui s'apliquent à une feule
Science , ne font que trop fréquens , je l'avoue.
Mais qu'il eft difficile de fe garantir
des
1
DECEMBRE. 1742. 2859
des traits féducteurs de l'amour propre ! Un
air d'érudition qui veut fe montrer & fe faire
aplaudir par tout , a quelque chofe de trop
féduifant pour celui qui fe flate de le poffeder
; & je fçais que s'en dépouiller c'eft
fans doute , le dernier effort de la modeftie.'
Vous cuffiez pû encore , M. relever la
caufe de ces mêmes inconvéniens. On la
trouve raportée avec un autre exemple , dans
le quatrieme Tome du Traité de l'Opinion ,
page 475. » L'origine du Pédantiſme & de
» la prévention des Sçavans , fe trouve ( dit
cet Auteur , en citant le P. Malbranche )
dans les traces que les efprits animaux im-
» priment fortement dans le cerveau . Un
Auteur s'aplique à un genre d'étude ; les
traces du fujet de fon occupation , s'im
» priment fi profondément & rayonnent fi
» vivement dans tout fon cerveau , qu'el-
» les confondent & qu'elles effacent quelquefois
les, traces des chofes même
» fort differentes. Il y en a eû un , par
» exemple , qui a fait plufieurs volumes fur
» la Croix. Cela lui a fait voir des Croix par-
" tout , & c'eft avec raifon que le P. Morin
le raille de ce qu'il croyoit qu'une Médaille
» repréfentoit une Croix , quoiqu'elle repré-
» fentât toute autre chofe.
" ›
Au refte , je ne penſe point que la ſocieté
foit intereffée à ce qu'on s'aplique à une étu
de
2860 MERCURE DE FRANCE
de particuliere . Si on ne parloit dans un cer
cle que de ce qui a raport à elle , on feroit
réduit à des perfonnages muets , dès qu'il
n'en feroit point queftion . Il eft de l'interêt
d'une compagnie que chaque Acteur y joie
fon rôle ; & quoique je ne doute pas que qui
fçait un peu de tout , ne fçait pas grand cho
fe , comme c'eſt une converfation fuivie qui
en eft l'ame , il convient auffi qu'on foit en
état d'y parler de tout ce qui peut en faire
le fujet. La feule précaution qu'il y a à pren
dre , eft de connoître fes forces , & de ne
rien avancer & foûtenir dont nous ne foyons
certains , ou qui foit au - deffus de nos connoiffances.
Je trouve enfin , M. une double utilité
dans l'aplication à une Science particuliére ;
utilité par raport à foi- même ; on ne peut
l'acquérir & l'aprofondir que par ce moyen .
Utilité par raport auPublic ; on ne lui donne,
en lui communiquant fes connoiffances,
des principes & des décifions füres , qu'une
longue & férieuſe aplication fur le même
objet a dû fournir.
que
D'Aix en Provence , le 7. Novembre 1742
ODE
DECEMBRE. 1742. 2861
XXX
X:************* :**
ODE tirée du Pleaume V. Verba mea
auribus percipe , &c.
O
Souverain Dieu de mon ame ,
Prêtez Poreille à mes accens
Exaucez mes voeux innocens ;
Dès le matin je vous reclame ;
Je vous connois , Seigneur , pour un Dieu d'équité,
Implacable ennemi de toute impieté ,
Et dont le bras puiffant , aux yeux de la Nature ,
Enleve pour jamais l'infidéle opreffeur ,
Qui du venin de l'impoſture
Sur l'humble infortuné diſtile la noirceur,
*
Oui , sûr qu'à vos regards céleftes
La fraude eft un monftre odieux ,
Et qu'au menfonge audacieux
Vos jugemens feront funeftes ;
Contre l'oppreffion , les allarmes , l'ennui ,
Sur vos bontés , mon Dieu , je fonde mon apui
Et marchant avec zele à cette Maiſon ſainte ,
Où réfide avec vous mon fuport immortel ,
J'irai , faifi d'une humble crainte ,
Adorer vos grandeurs aux pieds de votre autel.
II. Vol. E Dang
2862 MERCURE DE FRANCE
Dans cette route de juſtice
Vous accompagnerez mes pas ,
Et loin des portes du trépas
Vous ferez mon guide propice ;
Par vous j'éviterai les abîmes profonds ,
Que mes lâches rivaux , en adreffe féconds ,
S'efforcent nuit & jour de creufer pour ma perte ;
Ainfi bravant la mort & la froide terreur
De leur malignité couverte
Le Jufte confondra l'homicide fureur.
*
Q Race infenfée & ſauvage !
Leur coeur ignore l'équité ,
Et le menfonge détesté
Eft pour eux le plus doux langage ;
>
On diroit que leur bouche eſt un ſépulchre affreux,
Toûjours prêt d'engloutir dans fon fein tenebreux
Celui dont la vertu fait la ferme affûrance ,
Et leur langue fur lui ne verfe un miel fateur
Que pour noircir fon innocence ,
Ele faire périr par ce piége impofteur.
*
Perdez cette troupe , ennemie
De vos célestes vérités ;
Que leurs projets déconcertés
Tournent à leur propre infamie ;
Qu'il
DECEMBRE. 1742. 2863
Qu'il s'ouvre fous leurs pas un abîme éternel ,
Ou de leurs noirs forfaits le tiflu criminel
Précipite avec eux leur orgueil fanguinaire ;
Orgueil dont ces méchans élevant juſqu'à vous
L'excès impie & téméraire ,
N'ont pas craint d'irriter votre juſte courroux.
*
Mais ceux de qui la confiance
En votre immortelle bonté ,
Leur a juſtement mérité
Les trésors de votre clémence ,
Grand Dieu , qu'ils foient comblés d'un tranquile
bonheur ;
Que leurs jours foient fereins , que leurs ames
Seigneur ,
S'enyvrent à jamais dans des flots d'allégrefle !
Que toûjours affiftés de vos foins bienfaifans ,
Et guidés par votre fageffe ,
De trouble & de péril ils foient toujours exempts !
*
Alors , le ferviteur fidéle ,
Témoin des dons de votre amour ,
Vous glorifiera chaque jour
D'avoir récompenfé leur zéle,
Et par des chants de gloire élevés dans les airs
sans ceffe il vous rendra mille hommages divers ;
E ij Quand
2864 MERCURE DE FRANCE
Quand il reconnoîtra que votre aide invincible
Leur eft contre les traits de leurs vains ennemis
Comme un bouclier invifible ,
En qui feul de leurs jours le falut eft remis .
C
OBSERVATIONS fur une Differtation
inferée dans le XV. Volume des
Cauſes Célebres ; des Peines qui étoient
en ufage chés les Romains.
L'
E ftyle de la Differtation de M. G. de P.
n'eft pas ce que je me propofe d'examiner.
Son zéle infatigable fuffiroit pour rendre
excufables les fautes de cette efpece.
Mais ce qui m'a parû mériter un éclairciſſement
, c'eft que cet Auteur, qui n'a pas affés
étudié l'efprit du Droit Public des Romains ,
s'eft trompé dans quelques endroits , & n'a
pas expliqué ceux qui devoient l'être davantage.
J'ai crû qu'il étoit d'autant plus important
de faire connoître ces petits défauts ,
que ce point de l'Hiftoire & de la Jurifprudence
Romaine eft très- intereffant , & cependant
prefque oublié parmi nous : tel eft
le feul motif qui m'a déterminé à donner
ces Obfervations , & je fuis bien éloigné de
penfer à détruire la réputation que M. de P.
s'eft acquis par le grand nombre de fes
Ouvrages I
DECEMBRE . 1742 2865
If eft néceffaire de faire quelques réflexions
préliminaires fur les principes de Droit Public
, qui étoient établis parmi les Romains.
Ces fiers Républicains extrêmement jaloux
de leur liberté, & qui ne refpiroient tant l'indépendance
que parce qu'ils étoient tous
remplis du defir de la domination , avoient
attaché à la qualité de Citoyen Romain des
prérogatives conformes à leurs fentimens.
On ne reconnoît pas moins l'efprit qui les
animoit dans l'autorité defpotique qu'ils
donnoient aux Peres de famille , que dans
la haine qu'ils avoient pour le Gouvernement
Monarchique. Chacun de ces fuperbes
Citoyens , Arbitre fouverain de la vie de
ceux qui lui étoient fubordonnés dans fa
maifon , pouvoit regarder non feulement fes
efelaves , mais fes enfans & fa femme mêmoins
comme des perfonnes que la
Nature avoit fait égales à lui - même , que
comme des chofes dont il pouvoit difpofer.
Le principe fondamental de l'ancien Droit
étoit en effet , que tout ce qui étoit foumis
au pouvoir du Pere de famille In manu
Patrisfamilias , étoit confideré tanquam res
mancipi non tanquam perfona. Vlpian.
Fragm. IX. I. Heineccius , Antiq. Roman . ad
tit.. lib. 1. Inftit. Les cérémonies de leurs
mariages , fi connues fous les noms de confarreatio
coemptio ; ou bien une espéce de
me
,
,
,
E iij Pref
2866 MERCURE DE FRANCE
Prefcription fort extraordinaire , qui s'acqueroit
par la poffeffion paifible d'un an , &
qu'une abfence de trois nuits pouvoit interrompre
, mettoient ainfi une femme dans la
même condition à l'égard du Pere de famille
que celle dans laquelle fes enfans étoient par
leur naiffance, in manu , in dominio Quiritario
, in numero fuorum. Aul. Gell. Not.
Attic. lib. 3. c. 2.
Le pouvoir fouverain de chaque Citoyen
dans fa maifon , pour difpofer de ce qui lut
apartenoit ; le pouvoir fouverain du Peuple
affemblé , pour décider des affaires de la
République ou fur l'état d'un Citoyen , voilà
en abregé ce qui faifoit les droits des Romain's
i l'on veut fçavoir le détail de tous
les avantages qu ils en retiroient , on peut
confulter Spanheim , de orbe Romano , Sigonius
, de antiquo jure Italia , Barn . Briffon ,
Select . Antiq. Romanar. & M. Heineccius
dans l'Ouvrage que j'ai déja cité.
,
Je remarquerai feulement ici deux régles
particuliéres qui s'obfervoient fcrupuleufement
dans l'ancien Droit . La premiére ,
qu'aucun Citoyen ne pourroit perdre cette
qualité que de fon confentement . Ciceron le
dit expreffément dans fon Oraifon , pro domo
fuâ ad Pontifices s hɔc juris à majoribus prodium
eft , ut nemo civis Romanus , aut civitatem
aut libertatem poffit amittere , nifi Autor
factus fit.
L'autre
DECEMBRE. 1742 2867.
L'autre , qu'aucun Citoyen ne pouvoit
joüir en même tems du Droit de Bourgeoifie
dans deux Villes , fans un privilége particulier.
C'est encore Ciceron qui nous l'aprend
dans fon Oraiſon,pro A. Cecinna,nam cum ex
jure noftro duarum Civitatum civis effe nemo
poffit , tunc amittitur Civitas , cum is qui profugit
, receptus eft in aliam Civitatem.
Si l'on examine préfentement la maniére
dont M. G. de P. a expliqué les peines qui
étoient en ufage parmi les Romains , il fera
facile de voir qu'il n'a pas affés fait attention
aux principes ci deffus , & qu'il ne pouvoit
cependant fe difpenfer de les raporter afin de
donner au Public des idées claires & certaines
fur cette matiére qui en dépend entiérement,
,
Il commence par donner la définition
du plus grand changement d'état qui pût
arriver à l'égard d'un Citoyen Romain &
qui eft apellé en Droit maxima capitis diminutio.
Il dit que ce changement fe fait lorfqu'un
homme perd le droit de Citoyen Romain,
avec la liberté, & que c'eft ce qui arrive
à ceux qui font faits efclaves de la peine . C'eſt
une Traduction littérale de la définition des
Inftituts mais qui ne peut certainement
paroître intelligible , fi l'on ne donne une
explication de ce que fignifie être fait esclave
de la peine. Il auroit été affés difficile à M.
de P. de la donner fuivant les principes du
E j Droit

2868 MERCURE DE FRANCE
Droit Romain , puifqu'il entendoit par ces
mots autre chofe que ce que ces Jurifconfultes
ont entendu , & qu'il a cru que cela
ne fignifioit que le genre du fuplice auquel
un Citoyen Romain pourroit être condamné
; lui ôtant l'exercice de la liberté , il devenoit
dès- lors efclave de la peine .
Voici en effet ce qu'il dit , p. 594. de ce
Volume , où il veut établir que ceux qui
font condamnés en France aux Galeres, font
faits efclaves de la peine , de même que ceux
qui étoient condamnés aux Mines chés les
Romains. » C'eft une fauffe fubtilité , dit
» M. de P. d'avancer que nous ne recon-
>> noiffons point en France d'Efclaves , &
» que le fuplice le plus rigoureux n'ôte point
» aux hommes la liberté avant la vie. .....
» N'est - ce pas être Efclave de la peine , que
» d'être obligé de la fouffrir dans toute fa
rigueur , fans aucun relâche & fans au-
» cune modération , & peut on foutenir
qu'il refte la moindre ombre de liberté à
» un criminel chargé de chaînes ...... qui ne
fait jamais fes volontés ?
"
رد
و ر
-
Mais ce terme de Servi pana a un autre
fens , & ce n'étoit , ainfi que l'ont ingénieuſement
obfervé MM . Gerard , Noodt &
Heineccius , qu'une fiction inventée par les
Romains , afin qu'il ne parût pas que des
Citoyens Romains fuffent condamnés à des
peines
DECEMBRE. 1742. 2869
peines capitales. On a vû que de tout tems
ils ont eu une attention extrême à faire en
forte que les têtes des moindres d'entre eux
fuffent regardées comme quelque chofe de
très-précieux & très -facré à toute la République
. Les Loix des Décemvirs contenoient
une difpofition , qui remettoit à la feule
affemblée du Peuple dans les Comices , le
pouvoir de juger de la vie d'un Citoyen Romain
, ne de capite Civis Romani nifi Centu
riatis Comitiis rogato .
-
Cette Loi fut renouvellée par celle que
C. Sempronius Gracchus fit rendre à-peuprès
dans les mêmes termes ; elle eft opofée
par Ciceron dans fon Oraifon pro C. Rabirio.
La Loi Valeria défendoit aux Magiftrats de
faire exécuter contre les Citoyens Romains:
aucune condamnation de peine capitale lorfqu'ils
apelloient de la Sentence à l'Affem-
Elée du Peuple : cette Loi qui d'abord avoit
été portée par L. Valerius , furnommé Publicola
, fut enfuite renouvellée deux fois par™
deux Confuls de la même famille , & Jules--
Cefar en infera la difpofition dans la Loi :
Julia de vi. Vid. Catalog. Leg. antiq . ab Ulri--
co Zafio & L.7 . ff. ad L.Juliam de vi publicas.
C'est pour affûrer encore davantage le privilége
de la qualité de Citoyen Romain , &
pour faire croire qu'un homme décoré d'un
titre fi glorieux ne pouvoit fouffrir l'igno..
E v minies
2870 MERCURE
DE FRANCE
ves ,
> que
minie d'une peine capitale , qu'ils feignirent
que ceux qui étoient condamnés à mort , ou
même aux Mines , de venoient auffi - tôt Eſclaen
forte que c'étoient des Efclaves &
non des Citoyens qui étoient punis ainſi ;
V. Noodt Probabil . lib. 3. c. 12. C'eſt ce qui
a fait apeller Servi pane ces Citoyens condamnés.
Servi pana , dit Juftinien , efficiuntur
atrocitate Sententia . Ce qui prouve fans
replique qu'ils n'étoient Efclaves que par
fiction c'eft de véritables Efclaves
apartiennent à quelqu'un , fervitute dominio
alieno fubjicimur. Mais ceux -là ne develes
Efclaves du Prince , par la noient pas
condamnation même aux métaux. Non Cafaris
fervi funt damnati in metallum, ſedſervi
poena. L. 17. ff. de poenis. C'étoit donc une
efpece de fervitude entiérement dûë à la
fubtilité des Jurifconfultes , mais ce n'étoit
pas la contrainte à laquelle ces Criminels
alloient être foumis pour toutes les actions de
leur vie , ce n'étoit pas le poids des chaînes
dont ils devoient être toujours accablés qui
leur faifoit donner ce nom : car non - feulement
ceux qui étoient condamnés aux
Mines devenoient eſclaves de la peine , mais
encore ceux qui étoient condamnés à mort ,
Qui ultimofupplicio damnantur ftatim libertatem
& Civitatem amittunt , L. 29. ff. de pænis.
De forte que M. G. de P. ne devroit pas
moins
DECEMBRE . 1742 2871

moins regarder comme efclaves de la peine
ceux qui en France font condamnés à être
pendus , que ceux qui font condamnés aux
Galeres fi cette qualité n'avoit pas fon
origine dans les principes que j'ai fait voir ,
qui ont un raport effentiel avec les moeurs
de ce Peuple , & qui nous font entièrement
étrangers. Au furplus , l'Empereur Juſtinien
voulant écarter de la Jurifprudence Romaine
tout ce qui dépendoit davantage de la
fubtilité que de l'équité naturelle , abolit cette
efpece de changement d'état, Novel. 22. c.8 .
y
M. G. de P. ayant enfuite donne la définition
du moyen changement d'état , parle
de l'interdiction du feu & de l'eau , &
dit que l'on étoit mort civilement autrefois
par l'interdiction du feu & de l'eau ,mais
il est important de prendre garde que ce n'étoit
point le Jugement d'interdiction du
feu & de l'eau qui operoit la mort civile ; il
donnoit feulement occafion. Il faut fe rapeller
ici ce que j'ai dit ci deffus , que les
Citoyens Romains ne pouvoient perdre cette
qualité fans leur confentement ; c'eſt par
une obfervation religieufe de cette maxime ,
que l'on avoit établi la peine de l'interdition
du feu & de l'eau , afin de contraindre le
Citoyen Romain condamné à fortir de
lui même ex agro Romano & à choisir une
autre Ville , dont le choix lui fit perdre la
E vj qualité
>
2872 MERCURE DE FRANCE
qualité de Citoyen Romain. Il lui étoit libre
cependant de ne pas faire ce choix , & il
pouvoit fe laiffer mourir à Rome , afin de
conferver l'honneur du Droit de Citoyen
Romain ; c'étoit par conféquent le renoncement
qu'il faifoit à cette qualité , & non
point la condamnation , qui le faifoit mourir
civilement. Qui Cives Romani capitalium
erant damnati , dit Ciceron , Orat. pro domo,
non prius hanc civitatem amittebant quam
erant in eam recepti quo vertendi , hoc eft mutandifoli
caufa venerant. Vid. Barn . Briffon.
S. antiq. lib. 2. cap . 5. On ne peut s'empêcher
d'admirer encore ici l'exactitude finguliére
que les Romains aportoient à ne point
violer les priviléges dont ils avoient accompagné
le nom de Citoyen Romain ; telle fut
cependant la peine que la Loi Pedia prononça
contre les complices du meurtre de Jules-
Cefar ; Suetone , dans la Vie de Neron , fait
mention de cette Loi , chap. 3 .
Il eft aifé de voir que cette peine qui
ne tendoit qu'à la privation des droits de
Citoyen Romain , ne donnoit aucune atteinte
à la liberté , quoiqu'un Jurifconfulte
l'ait miſe au nombre des peines qui la détruifoient
Calliftr. L. s . ff. de extraerd. cog.
Mais il faut diftinguer entre la liberté naturelle
, que cette condamnation ne pouvoit
ôter , puifqu'elle n'opéroit aucun esclavage
Ni
DECEMBRE. 1742. 2873
ni réel , ni feint , & la liberté qui étoit particulière
aux Citoyens Romains , & qui
n'étoit que l'effet & la joüiffance de toutes.
leurs prérogatives , qui fe perdoit avec le
droit de Cité . Cujac. ad Novell. 22 .
3
Le Préſident Briffon a penfé que la déportation
dans une Ifle avoit fucccdé à l'in-.
terdiction du feu & de l'eau ; fon fenti .
ment eft apuyé fur des Loix fort préciſes ,
& M. de P. n'eft pas blâmable de l'avoir dir
après de femblables autorités, qui ont pû l'y
déterminer . Cependant M.Heineccius ,fçavant
Jurifconfulte Pruffien , prétend après Huberus
, que la déportation a été ajoutée à l'interdiction
du feu & de l'eau , & ne la pas
fait abolir. Voici le paffage de Tacite qu'il
cite . Servilius & Cornelius qui perdito fcauro
famofi , quia pecuniam à Vario Ligure acceperant
delationis amittenda causâ in Infulas
interdicto igni & aqua demoti funt. Annal.
Lib. VI. Cap. 30. On voit par ce paffage que
Servilius & Cornelius auxquels on avoit interdit
le feu & l'eau , au lieu d'avoir la
liberté de fe retirer où ils voudroient ,
furent obligés de fe retirer dans des Ifles ,
qui leur furent affignées ; mais cet exemple
particulier ne m'empêche pas de croire avec
nos Jurifconfultes , qui devoient , fans doute
être inftruits de ces changemens , que la déportation
ayant été introduite , la peine de
,
>
Pinter
2874 MERCURE DE FRANCE
l'interdiction de l'eau & du feu , cefla bientôt
d'être en ufage .
M. G. de P. raporte differens genres de
fuplices qui étoient ufités dans le Droit
Romain , mais il a obmis ce qu'il y a de
plus curieux , en négligeant de parler des
peines prononcées par la Loi des
Tables.
,
I 2.
Cette Loi portoit la peine du Talion
contre ceux qui avoient bleffé quelqu'un ,
& ne vouloient point tranfiger avec lui . Si
membrum rupit ni pacit Talio efto. On
voit dans Aulugelle , Noct . Att . Lib . 20. Cap .
1. une difpute agitée au fujet de cette punition
entre le Jurifconfulte Sextus Cæcilius
, & le Philofophe Favorinus. Ce dernier
foûtient que cette Loi bleffe l'humanité,
& qu'elle eft inutile , parce qu'il eſt impoffible
de l'exécuter ; qu'en effet cette Loi
ne permettant de bleffer une perfonne que
fur un principe d'égalité , il falloit pour y
fatisfaire faire une bleffure entiérement
femblable à celle que l'on avoit reçû , mais
qu'il paroiffoit bien difficile de caffer un bras
par exemple , de la même maniére que le
fien avoit été caffé par hazard. Ces Objections
font réfutées par Sextus Cæcilius , qui
fait voir quil n'y a aucune injuſtice dans
cette Loi. Premiérement , par cette maxime
de Droit naturel , que l'on ne doit pas
,
faire
DECEMBRE. 1742 2879
faire à autrui ce que l'on ne voudroit Pas
fouffrir foi-même , & en fecond lieu , par
la condition dont cette Loi modere la condamnation
qu'elle porte , puifque ce n'eft
que contre ceux qui ne veulent pas tranfiger
, qu'elle doit être exécutée. Il répond
à l'impoffibilité de l'exécution qui lui eft
opofée , en difant qu'elle n'étoit pas telle
qu'on la fupofoit , puifque l'on demandoit
feulement eumdem animum eum demque
impetum in eadem parte corporis rumpendi. Il
ajoûte que rarement cette peine étoit exécutée
, parce que ceux qui ne vouloient pas
la fouffrir , en étoient quittes pour payer des
dommages & intérêts arbitrés par le Juge.
و
Une autre peine de la Loi des 12. Tables,
étoit celle de 25. fols contre celui qui avoit
infulté quelqu'un ; Si injuria alteri faxit, 25.
aris pæna funto. Le Jurifconfulte Labeo raportoit
à ce fujet, qu'un homme affés infolent,
nommé Veracius , faifant confifter fon plaifir
dans les infultes qu'il faifoit , avoit
coûtume de fortir fuivi d'un Esclave , qui
portoit une bourfe pleine de monnoye , afin
de pouvoir payer fur le champ les honnêtes
gens à qui il prenoit plaifir de donner des
fouflets.
C'eft auffi par la Loi des 12. Tables qu'avoit
été introduit le fuplice d'être précipité
de la Roche Tarpeyenne , dont parle M.
G.
2876 MERCURE DE FRANCE
G. de P. Il avoit été établi contre ceux qui
portoient un faux témoignage : Qui falfum
teftimonium dixerit è Saxo Tarpeio dejicitor.
Aul. Gell. ibid . Toutes ces peines furent depuis
abolies , & ne fubfiſtoient déja plus, lorſque
les Jurifconfultes nous ont donné les
décifions que nous avons dans le Digefte.
A l'égard de la peine du foüet , M. de P.
s'eft trompé , lorfqu'il a dit que cette peine
avoit été défendue à l'égard des Citoyens.
Romains par la Loi Valeria ; j'ai fait voir
ci-deffus que la Loi Valeria autorifoit feulemement
les Citoyens Romains à apeller à
l'Affemblée du Peuple des condamnations à
peine capitale , que les Magiftrats prononçoient
contre eux. Ce fut la Loi Porcia , que
Marcus Porcius Caton fit rendre , qui déchargea
pour toujours les Citoyens Romains
de ce fuplice ignominieux , & le réſerva aux
Efclaves. Porcia Lex , dit Ciceron , dans
POraifon pro C. Rabirio , virgas ab omnium
Civium corpore amovit : Porcia lex libertatem
Civium lictori eripuit . Vid. Catalog. leg. antiq:
ab Ulrico Zafio.
M. de P. a dit à ce fujet, que S. Paul s'étoit
plaint de ce qu'on lui avoit fait fouffrir la
peine du fouet , quoiqu'il fût Citoyen Ro-.
main ; il veut parler aparemment du chap .
16.des Actes des Apôtres, dans lequel S.Luc
raporte que Paul & Silas étant à Philippe
Ville
DECEMBRE. 1742 2877
Ville de Macedoine, furent battus de verges
par l'ordre des Magiftrats , qui ayant apris
le lendemain qu'ils étoient Citoyens Romains
, vinrent leur en faire des excuſes.
Mais S. Paul étant allé depuis à Jérufalem ,
& ayant été condamné à fubir le même fuplice
, fut mis en liberté , auffi-tôt qu'il eût
déclaré fa qualité , Act . Apoftol. Cap . 22 .
25. feq.
M. de P. n'auroit pas dû obmettre la peine
qui avoit été établie contre les parricides.
Komulus avoit crû qu'il étoit inutile de faire
une Loi
pour la punition de ce crime , parce
qu'il penfoit que les hommes ne pouvoient
pas être capables d'une cruauté femblable.
On fe vit obligé dans la fuite d'employer
la terreur du fuplice , & les Loix des
douzeTables ordonnent celui - ci : Qui parentem
necaffit caput ob nubito culeoque infutus ;
in profluentem mergitor. Jacob. Gothof. Leg.
XII. Tab. Tab. VII. Cneus Pompée ajoûta
encore quelque chofe à la rigueur de ce fuplice
, & fit rendre la Loi Pompeia de Parricidiis,
qui porte qu'un homme convaincu de parricide,
après avoir été foüetté jufqu'à effufion
de fang, feroit renfermé & coufu dans un fac
de cuir avec un Chien un Coq , un
Vipere & un Singe , & jetté enfuite
dans la Mer , genre de mort affreux , dans lequel
le defefpoir & la rage précedent néceffairement
,
, >
2878 MERCURE DE FRANCE
fairement la mort du coupable ; mais ce fus
plice n'étoit infligé qu'à ceux qui avoüoient
ce crime , par une diftinction affés bizare ,
puifqu'un homme qui nie un crime dont il
eft convaincu , eft encore plus coupable que
celui qui l'avoue . Augufte en profita pour
fauver un criminel de ce fuplice , dont la
rigueur l'effrayoit , & dans ce deffein il lui
demanda , quoiqu'il fût convaincu , Certè
patrem tuum non occidifti ? afin de l'engager à
nier. Sueton. in August . C. 33.
Je finirai, en remarquant que M. G. de P.
qui raporte la forme dans laquelle les Jugemens
fe rendoient , a obmis de dire que dans
le commencement le Peuple Romain donnoit
de vive voix fon fuffrage dans les Comi-
-ces , foit pour la nomination des Magiftrats ,
foit pour le Jugement des accufés , mais
comme cette maniére de s'expliquer occafionnoit
des inimitiés , on y aporta remede ,
par les Loix Gabinia &, Caffia. La premiere
regla que le Peuple , dans l'Election des Magiftrats
, donneroit fon fuffrage par bulletins.
La Loi Caffia établit le même ufage pour
les Jugemens qui fe faifoient dans ces Allemblées
; ce fut conformément à ces Loix , que
le Préteur ayant acquis l'autorité de juger ,
on fe fervit à fon Tribunal de bulletins pour
donner les fuffrages . Zafius , Catalog. Leg.
Antiq. G ... D. A.
AOrleans , le premier Décembre 1742.
1
DECEMBRE. 1742. 2879
PORTRAIT de Mile ... de la Ville de
Donnemarie , en Montois , près Provins.
J
STANCES
' Ai le vifage long , & la mine gentille .
Je fuis d'un affés bon accord .
Mon teint eft toujours frais , & je tiens de famille
Un maintien grave , un froid abord.
Quoique je ne fois pas une beauté parfaite ,
J'ai la douceur peinte en mes yeux ,
Le fon de voix charmant , la taille affés bien faite
Le gefte & le ris gracieux.
Je fuis , quoiqu'affés jeune , à mes parens utile ;
Je les gouverne avec raiſon.
Nous vivons en commun , & comme plus habile
J'ai tout le foin de la maison.
2
Je fuis propre , & l'on voit régner en ma parure
Une noble fimplicité.
Je fuis bonne oeconome , & j'ufe avec droiture
Des biens de ma Communauté .
Je fuis d'ailleurs timide , & mon indifference
A jufqu'ici gardé mon coeur.
Si
2886 MERCURE DE FRANCE
Si je le donne un jour , ce fera la prudence
Qui choifira le poffeffeur.
J'affifte volontiers le pauvre en fa mifere :
Les malheureux me font pitié.
J'aime la compagnie , & veux qu'on ſoit ſincere
Quand on m'offre fon amitié.
Souvent quand on me parle , ou quand'on m'envifage
,
Mon teint fe charge de couleur ;
N'en foyez pas furpris : j'eûs toujours en partage
La moleftie & la pudeur .
J'ai la fanté fort bonne , & ma tranquille vie
Peut en entretenir le cours .
Ma fortune eft honnête , & je puis fans envie-
Paffer heureufement mes jours :
Je tire ma naiffance , & mon fort favorable
D'un riche & fage Citoyen ;
Mais ma famille eft plus recommandable
Par fa vertu , que par fon bien .
PORDECEMBRE
. 1742 . 2881
PORTRAIT d'une autre aimable Dlle de
la même Ville.
STANCES.
J'ai le vifage ovale , & la bouche vermeille ;
L'oeil bleu , le teint tant foit peu brun.
Pour l'efprit & la taille , on voit peu ma pareille ;
Mon mérite n'eft pas commun .
Malgré ma complaiſance & mon humeur joyeuſe ,
La raison régle mes plaifirs.
Ma mémoire eft fidélle , & je fuis génereufe ;
J'ai peine à fixer mes défirs .
Sans ma démarche lente & ma tête panchée ,
Je captiverois tous les coeurs :
Mais ce font des défauts , dont je fuis peu fâchée
J'enchaîne mille adorateurs.
RE2882
MERCURE DE FRANCE
REPONSE à la Question propofée dans le
Mercure de France du mois d'Octobre dernier
, fçavoir , lequel des deux Amans doit
être le plus flaté, de celui qui fait la fortune
de fa Maîtreffe , en l'époufant , ou de
celui qui tient d'elle fa fortune , à M. B.
de la R...
S'ou de pure générosité , il feroit facile
' Il ne s'agiffoit , Monfieur , que d'amitié
de décider en faveur de celui qui partage fa
fortune avec quelqu'un , car quel eft l'hom
me , qui ayant un peu d'ame , ne fe ſente
infiniment plus flaté de donner , que de recevoir
? Se plaire à faire des heureux , ce
n'eft pas feulement un héroïsme c'eft un
attribut de la Divinité. Mais votre Queftion
regarde l'amour uniquement , & comme le
coeur , préocupé de cette paffion , agit par
des principes bien differens , je pense que
l'amour propre trouve mieux fon compte
chés l'Amant qui tient fa fortune de fa Maîtreffe
, que chés celui qui fait la fortune
de la fienne ; ( quoique je les fupofe tous
deux également aimables , également amoureux
& fe croyant également aimés . C'eſt ce
que je tâcherai de prouver par les raifons qui
me paroîtront les plus plaufibles.
Pour
DECEMBRE. 2881
1742.
Pour traiter cette Queſtion avec ordre ,.
j'établis quatre avantages , capables de flater.
mos Amans en devenant Epoux .
1. Pofféder la perfonne aimée.
2º. La rendre heureuſe .
°. Triompher de fes Rivaux,
Et 4°. Jouir d'une réputation fuivie d'a
plaudiffemens.
Ces deux Amans poffedent les objets de
leur amour , avec cette difference , que celui
qui fait la fortune de fa Maîtreffe , ne la
doit peut- être qu'à cette même fortune.
quelques témoignages de tendreffe qu'il en
reçoive , car le beau fexe pour l'ordinaire
jouë ce rôle avec tant de naturel , qu'on
prend ailement le change . L'autre au con◄
traire ne peut s'y tromper ; il tient certainement
fa Maîtreffe des mains feules de
l'amour , & la raifon qui doit l'empêcher
d'en douter , c'eft qu'on donne tous les
jours le coeur , fans que les biens en foient ;
mais le don des biens fupofe toujours celui
du coeur.
Chacun d'eux rend fa Maîtreffe heureuſe ;
le premier en lui confacrant fes richeſſes , &
le fecond en fe donnant à elle plein d'amour
& de reconnoiffance , ce qui eft d'un
prix ineftimable au goût d'une femme qui
çait aimer.
L'un triomphe de fes Rivaux probablement
2884 MERCURE DE FRANCE
ment , parce qu'il eft le plus riche , l'autre }
parce qu'on le juge le plus aimable & qu'il
eft le plus aimé .
Enfin la réputation qu'ils fe font tous deux
dans le monde , les complimens qu'ils reçoi ;
vent de tous côtés , flatent l'amant indigent
comme l'amant opulent . Celui - ci paffe pour
un galant homme , pour un homme à beaux
fentimens , & on le loüe du bon ufage qu'il
fait de fa fortune ; on regarde celui - là comme
un homme d'un mérite frapant , comme
un homme fait pour gagner les coeurs , &
chacun lui dit qu'il eft digne de fon boné
heur.
Pefez bien tous ces avantages , vous trouverez
que ceux de l'amant devenu riche par
la génerofité de fa maitreffe , l'emportent fur
ceux de l'amant qui fait la fortune de la
fienne . Or l'amant qui doit être le plus
flaté , eft incontestablement celui qui a les
plus grands avantages de fon côté ; donc celui
qui a obligation de ce qu'il eſt à ſa maitreffe
, doit être le plus flaté ; cela paroît démontré.
Voyons néanmoins quelles objections on
peut faire pour rehauffer les avantages de l'amant
qui fait la fortune de fa maitreffe , &
alterer ceux de l'autre Amant ; & comment
y répondre .
PreDECEMBRE.
1742. 2885
Premiere Objection
Quand un homme de mérite & opulent
obtient la main de fa maîtreffe , pourquoi en
donner toute la gloire à la fortune , & lui
ôter par-là l'honneur de la victoire qu'il a
ſur ſes Rivaux , à la vérité moins riches que
lui ? Supofé que cela foit ainfi , fon amour
propre lui perfuadera le contraire , & cette
erreur est toujours flateufe , d'ailleurs il a le
plaifir de poffeder une aimable femme , la
gloire de la rendre heureufe , & la fatisfaction
de la voir pénetrée de la plus vive reconnoiffance.
On a pour lui de l'eftime , de
la véneration même ; on le lui confirme par
des éloges , enfin le titre d'homme génereux
ne vaut-il pas bien celui de joli homme ?
Je réponds à cela que le malheur des riches,
eft de ne pouvoir compter fur le coeur
de leurs amis & de leurs maîtreffes , car
comment difcerner fi c'eft à la fortune ou à
la perfonne que ces hommages s'adreffent ?
Qu'un Amant dans ce cas fait peut - être une
ingrate en faifant une heureuſe , une jolic
femme ne trouvant jamais fes apas trop payés.
Que de poffeder les charmes fans le coeur ,
ce n'eft qu'une poffeffion imparfaite , peu fla
reuſe pour un homme délicat. Que pour tirer
vanité de la réputation & des louanges
que lui acquiert fa génerofité , il faudroit que
F cette II. Vol.
2886 MERCURE DE FRANCE
}
cette générosité fûr pure , c'est- à -dire qu'elle
n'eût pas la volupté pour principal objet , ce
qui eft impoflible dans cette conjecture - ci.
On aura beau dire quel'amant dont il eft queftion,
doit être excepté,je le veux, mais où eft la
preuve? Il n'en eft point, & l'objection tombe.
Seconde Objection .
Plus vous avez reçû , plus vous devez ; &
la moindre faute qui vous échape contre
cette obligation , vous expofe aux reproches
du Bienfaiteur ( qui la plupart du tems , par
caprice, après une peinture humiliante de l'état
d'où il vous a tiré & une longue énumération
de ce qu'il a fait pour vous , ) vous
traite d'ingrat & de mauvais coeur . C'eſt la
fâcheufe fituation où fe peut trouver l'amant
enrichi par fa maîtrefle ; joignez à cela le
chagrin d'être foupçonné de n'avoir donné
fa main que parce qu'on la lui a dorée , &
deffus tout cela , l'idée mortifiante , qu'il
pouvoit arriver qu'un autre homme, avec aufant
de mauvaiſes qualités que notre amant
en a de bonnes , lui eût été préferé , par la
raifon que la jufteffe du goût ne détermine
pas toujours le choix d'une femme .
par-
Je réponds à cette deuxième Objection ,
qu'un honnête homme ne craint jamais
de trop
devoir à la perfonne aimée , que fa
reconno flance furpafle , ou du moins égale
les
DECEMBRE. 1742: 2887
les bienfaits qu'il a reçûs . Que ces prétendus
reproches ci- deffus allegués n'étant qu'imaginaires
, ne font pas capables de faire
inpreffion fur l'efprit de cet Amant . Qu'à l'égard
des foupçons peu favorables qu'on pour
roit avoir contre la pureté de fes fentimens ,
la conduite qu'il fe propofe de tenir , peut
les détruire en peu de tems , & c'est ce qui
le confole. Je conviens qu'un autre homme
inférieur à lui en tout point , pouvoit avoir
le même bonheur , mais cela n'eft point
c'eft donc une fupofition chimérique & qui
fait tomber aufa cette derniere Objection.
Ces deux Objections totalement ruinées
par les réponfes qui les fuivent , loin d'énerver
la confequence de mon Argument , lui
donnent encore de nouvelles forces , de for
te qu'il eft indubitable, à ce que je crois , que
c'est l'Amant qui tient la fortune de ſa Maîtreffe
en Pépoufant , qui doit être de plus
flaté.
S'il reste encore quelque chofe à objector,
j'avoue de bonne foi que je ne l'ai pas prévû
, ainſi je ne poufferai pas plus loin la Differtation.
Je fuis , M. votre , &c.
De l'I ... Chev.
Ce 21. Novembre 1741.
Fij
ENIG
2888 MERCURE DE FRANCE
ENIGM E.
AH ! Qu'il eft aux Mortels diffici'e de plaire ↓
J'ai yû tout un Peuple en priere ;..
Pour m'obtenir , quand je ne venois pas ,
Et lorfque pour le fatisfaire ,
Chés lui j'arrêtois trop mes pas ,
me preffoit de finit ma carriere.
Lecteur , es -tu dans l'embarras
Laffichard,
HTE QUE JE JE H
LOGOGRYPHE.
·J.'Allois rampant dans ma jeuneffe ,
Mais à préfent , dans ma vieilleffe
Je voltige de fleurs en Aeurs,
Je fuis paré des plus vives couleurs ;
Je fuis , dit-on , un peu volage ;
En des comparaifons on me met en ufage.
Huit lettres compofent mon nom .
Je t'offre , cher Lecteur , une forte d'oignon ;
Un arbre fort commun en France ;
Le Fleuve qui procure une grande abondance ,
Ou de grandes calamités ;
Un animal qui par ses cruautés
Pafle
DECEMBRE. 1742 1889
Paffe partout pour redoutable ;
Le principal mets d'une table ;
Je t'offre encore , ami Lecteur ,
La plante aux Fileuſes utile ;
L'Inftrument avec quoi l'on pile ;
Ce qui du Jeu d'Echecs eft le plus foible Acteur,
Un certain Hôte des Garennes
Belle Ville en l'Etat de Gennes ;
La belle fille d'inachus ,
Dont la garde jadis au vigilant Argus
Caufa la mort la plus funefte.
Enfin , pour te dire le refte ,
Un des parens de Mahomet ,
Pour qui tous les Perfans ont un pieux refpect.
Le plus grand Royaume d'Afie ;
"
Une Riviere d'Italie ,
Et ce que donnent douze mois
Aux fimples Bergers comme aux Rois.
D. V. **.
****************
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX - ARTS , & c.
ISTOIRE ROMAINE , depuis la Fondatium
, c'eft - à dire jufqu'à la fin de la Républi-
Fiij que ,*
1890 MERCURE DE FRANCE
que , par M. Rollin , ancien Recteur de l'Univerfité
de Paris, Profeffeur d'Eloquence au
Collége Royal , & Affocié à l'Académie
Royale des Infcriptions & Belles - Lettres .
Tome VIII. revû depuis la mort de l'Auteur,
par M. Crevier , Profeffeur de Réthorique
au College de Beauvais. A Paris , chés la
veuve Etienne , Libraire , rue S. Jacques ,
vis-à-vis la rue du Plâtre , à la Vertu , 1742.
in- 12 . de 548. pages , fans un Avertiffement
de l'Editeur , l'Eloge de M. Rollin
, par M. de Boze , Sécretaire perpétuel de
l'Académie des Infcriptions & Belles- Lettres,
& une Table des Matiéres.
L'Eloge de M. Rollin par M. de Boze ,
dont il vient d'être parlé dans ce Titre ,
cft quelque chofe de fi intereffant , qu'on
nous fçaura gré fans doute d'en trouver
ici un Abregé , tiré du Journal des Sçavans
du mois d'Octobre dernier.
M. Rollin étoit le fecond fils d'un Maître
Coutelier de Paris. Il avoit été deſtiné à
fuivre la même Profeffion , & avoit même
obtenu des Lettres de Maîtrife. Un Bénédictin
desBlancs- Manteaux , dont il alloit fouvent
entendre ou fervir la Meffe , démêla
en lui de grandes difpofitions pour les Lettres
, mais fa mere , qui étoit reftée veuve
femme de mérite dans fon efpéce , étoit
hors d'état de feconder ces difpofitions.
Une
DECEMBRE. 1742: 2891
Une bourfe qu'on obtint pour lui dans le
College des Dix - huit , y fupléa. Le fort du
jeuné Rollin , dit M. de Boze , fut décidé
en conféquence , & dès lors il paruc tour
autre , même aux yeux de fa mere .
Les progrès qu'il fit , pafferent les eſpèrances
qu'on en avoit conçûës , ce qui ne
fait pas moins l'éloge de fon caractére que
de fon efprit . Les parens de fes compagnons
d'étude , les plus diftingués par leur nailfance,
ou par leur rang , envoyoient où alloient
eux- mêmes prier fa mere de trouver bon
que fon fils paffat avec leurs enfans fes
jours de congé , & fut affocié à leurs plai
firs , comme à leurs exercices.
A la tête dé ces Parens illuftres , dit M.
de Boze , étoit M. le Péletier , le Miniftre ,
dont les deux fils aînés avoient trouvé un
redoutable concurrent dans ce nouveau
venu. Leur pere , qui connoiffoit mieux
qu'un autre les avantages de l'émulation ,
ne chercha qu'à l'augmenter.
Quand le jeune Bourfier étoit Empereur,
ce qui lui arrivoit fouvent , il lui envoyoit
la même gratification qu'il avoit coûtume
de donner à fes fils , & ceux- ci l'aimoient .
quoique leur rival ; ils l'amenoient chés
eux dans leur caroffe ; ils le defcendoient
chés fa mere , quand il y avoit affaire , ils
l'y attendoient ; & un jour qu'elle remarqua
Fij qu'il
2892 MERCURE DE FRANCE
,
qu'il prenoit fans façon la premiére place, elle
voulut lui en faire une forte reprimande, comme
d'un manque de fçavoir vivre , mais le Précepteur
repondit humblement que M. le Péletier
avoit reglé qu'on fe rangeroit toujours
dans le caroffe , fuivant l'ordre de la Claffe.
M. Rollin n'avoit que 22. à 23. ans , lorfqu'il
eut la Chaire de Seconde au Pleffis.
Peu de tems après , il paffa à celle de Rhétorique
, où il avoit eû pour Maître l'Illuftre
M. Herfan , qui depuis fe démit encore
en fa faveur , avec l'agrément du Roy , de
la furvivance d'une Chaire d'Eloquence au
Collége Royal.
La néceffité de compofer des Tragédies
pour
la diftribution des Prix à la fin de chaque
année , étoit , dit M. de Boze , l'unique
chofe qui embaraffoit un peu M. Rollin.
Quelque fenfible qu'il fût d'ailleurs aux
beautés des anciens Poëtes Dramatiques , il
étoit trop perfuadé que ces fortes de repréfentations
ne convenoient point dans les
Colléges , où elles faifoient feulement perdre
un tems précieux aux Maîtres & aux
Ecoliers ; & on fe rappella à ce fujet que M. le
Péletier en ayant voulu faire repréfenter chés
lui par Meffieurs fes fils & les jeunes gens
qu'il avoit affociés à leurs études , M. Rollin
étoit le feul qu'on ne put jamais y charger
d'aucun Rôle . Un certain fonds d'ingenuité ,
attaché
DECEMBRE. 1742.
2893
attaché à toutes les parties de fon caractére,
l'empêchoit de fe révêtir un inftant du moindre
perfonnage étranger.
M. de Boze ajoûte qu'à cet article près ,
aucun Profeffeur n'exerçoit fes fonctions
d'une maniére plus brillante. Il faifoit fouvent
des Harangues latines où il célébroit
les Evenemens du tems les plus mémorables,
mais le Grec lui fembla toujours mériter une
forte de préférence. On commençoit à le
négliger dans les Ecoles de l'Univerfité ; il.
en ranima l'étude , & il en fut , pour ainfi dire,
le véritable Reftaurateur. Il regrettoit fort
qu'on eût abandonné l'ufage de foûtenir des
Théfes en Grec. M. Boivin , le cadet , & lui
en avoient donné le dernier exemple , &
n'ayant pas affés d'autorité pour rétablir cet
ufage , il en introduifit un autre encore plus
utile , celui des Exercices publics fur des anciens
Auteurs Grecs & Latins.
Les plus jeunes des fils de M. le Péletier
fe diftinguerent les premiers dans ces fortes
d'Exercices . M. Rollin en relevoit ordinairement
l'éclat par des Piéces de Vers qu'il
adreffoit, tantôt à ceux qui faifoient ces Exercices
, tantôt à leurs Parens. M. de Boze remarque
qu'il en compofa trois à l'occaſion
des Exercices de M. PAbbé de Louvois : la
troifiéme , dit- t'il , a cela de fingulier, qu'elle
explique avec urre netteté & des graces
F V
>
inimirables
2894 MERCURE DE FRANCE
fe
mitables l'Eftampe de cette Théfe fameuque
M. le Marquis de Louvois , fon pere ,
lui fit dédier au Roy, à fon retour de la prife
de Mons.
M. Rollin après avoir profeffé huit ou dix
ans au Pleffis , quitta fa Chaire de Rhétorique
, pour fe livrer à l'étude de l'Hiftoire
Ancienne , ne retenant de fes fonctions publiques
que celles de la Chaire d'Eloquence
au College Royal , qu'il n'exerçoit encore
que par furvivance.
A la fin de l'année 1694 , l'Univerfité le
nomma Recteur , & elle le continua deux
ans , ce qui étoit alors , dit M. de Boze , une
grande diftinction.
En cette qualité, il fit deux fois aux Ecoles
de Sorbonne le Panégyrique du Roy, que la
Ville venoit de fonder. On n'y vit jamais
un Auditoire plus nombreux & plus choifi.
Ces deux Difcours furent regardés comme
autant de chefs - d'oeuvre ; le dernier , furtout,
qui avoit pour objet l'établiſſement
des Invalides ; et cependant , comme cet objet
n'avoit pas rempli toute la fécondité du
génie de M. Rollin , il fit diftribuer le même
our dans l'Affemblée une Ode fur les autres
embelliffemens de Paris. La defcription de
fes portes en Arc de triomphe , fornoit feule
dans cette Ode un nouveau Panégyrique ,
Jencore plus digne de fon Héros.
Quelque
DECEMBRE . 1742. 2895
Quelque tems après , on engagea M. Rollin
à fe charger de la Principalité du Collége
de Beauvais. C'étoit alors une espece des
defert; il y avoit peu d'Ecoliers & point de
Difcipline ; c'eft à M. Rollin qu'il eft redevable
de l'état floriflant où il eft actuellement.
Voici un trait qui marque la confiance:
qu'on avoit en M. Rollin.
Un homme de Province, homme riche , &
qui ne le connoiffoit que de réputation , luj
amenafon fils pour être penfionnaire au Collége
de Beauvais , ne croyant pas que cela pût
fouffrir aucune difficulté. M.Rollin fe défendit
de le recevoir , fur ce qu'il n'avoit pas un
pouce de terrain qui ne fût occupé , & pour
l'en convaincre , il lui fit parcourir tous les
logemens. Ce pere au defefpoir , ne chercha
point à l'exprimer par de vaines exclamations.
Je fuis venu , lui dit - il , exprès à
Paris je partirai demain ; je vous enverrai
mon fils avec un lit ; je n'ai que lui ; vous le
mettrez dans la cour , à la cave ,
fi. vous.
voulez ; mais il fera dans vôtre Collége , &
dès ce moment- là je n'en aurai aucune inquiétude.
Il le fit , comme il l'avoit dit. M..
Rollin fut obligé de recueillir le jeune hom
me , & de l'établir dans fon propre
cabinet ,.
jufqu'à ce qu'il lui eût ménagé une place:
ordinaire.
En 1712 , M. Rollin quitta la Princi
E vj, palité.
2896 MERCURE DE FRANCE
palité de Beauvais . En 1715 , il donna
une Edition de Quintilien , duquel il retrancha
, dit M. de Boze , tout ce qu'il y
trouva d'inutile pour former des Orateurs
ou des gens de bien ; il orna le Texte de
petites notes choifies , mit des Sommaires
raifonnés à la tête des Chapitres , & une
élégante Préface à la tête de l'Ouvrage.
ད En 1719 , l'Univerfité chargea M. Rollin
d'une Harangue Solemnelle , en forme d'action
de graces pour l'Inftruction gratuite
que le Roi venoit d'y établir. Le fujet , dit
M. de Boze , étoit grand ; il l'égala par la
nobleffe & la magnificence des expreffions.
Il y parla en Maître confommé de l'ordre ,
du choix & du goût des études , & ce qu'il
en dit , fit naître le plus ardent defir d'avoir
quelque jour fur cette matiére un Traité
complet de fa façon.
Quelques années après , les defirs du Public
furent fatisfaits. M. Rollin donna fon
Traité de la maniére d'étudier & d'enſeigner
le Belles - Lettres. Il entreprit enfuite d'écrire
PHiftoire Ancienne des Egyptiens , des Carthaginois
, des Affyriens , des Babyloniens , des
Medes & des Perfes , des Macédoniens & des
Crecs. Les X 111. Volumes , qui la compofent
, parurent dans l'intervalle de 1730 à
1738. Le dernier Volume de l'Hiftoire Ancienne
fut fuivi de près du premier Volume
de
DECEMBRE . 1742. 2897
de l'Histoire Romaine , dont cinq ont parû
du vivant de l'Auteur , & le 6. & le 7 .
n'attendoient , pour voir le jour que les Cartes
Géographiques , qui devoient les accompagner.
Outre ces grands Ouvrages , M. Rollin
avoit , comme on a vû , compofé des Harangues
Latines , & un aflés grand nombre
de Piéces de Vers. Celles- ci ont été inferées
en 1727 , dans un Recueil de Piéces choifies
; à l'égard des Harangues , il eft à fouhaiter
qu'on les donne au Public ; il n'y en
a aucune , dit M. de Boze , d'imprimée , &
probablement aucune qui ne mérite de l'être.
M. de Boze ne parle point du fuccès .
qu'ont eû les Ouvrages de M. Rollin , parce
que , dit- il , tout en retentit encore dans les
Pays Etrangers , comme en France. On peut
voir dans l'Eloge même les fuffrages glorieux
qu'ils ont obtenus , & le commerce flateur
que M. Rollin a eû avec un Prince , qui en
l'honorant fe faifoit honneur à lui même.
M. Rollin avoit plus de 60. ans , quand.it
commença à écrire en François. L'élegance &
la pureté de fon ftyle , furent donc , dit M..
de Boze, un nouveau Spectacle auquel on ne
s'atttendoit point. Il fembloit les avoir acquifes
dans le moment par la feule envie
d'être plus utile. L'Académie Françoife ellemême
en a fouvent rendu témoignage .
1
Mais
2898 MERCURE DE FRANCE
Mais il penfoit fi modeftement de luimême
, qu'il ne ceffoit de s'étonner de cequ'il
étoit devenu Auteur , & loin d'avoir
jamais rien tiré de fes Ouvrages , dont le
prodigieux débit auroit fait la fortune de tout
autre , il ne s'étoit embarraffé , en les donnant
au Libraire , que de la manié re dont
il le dédommageròit , s'ils n'avoient pas.
affés de cours.
Le Roy avoit nommé M. Rollin à une
place d'Affocié dans l'Académie des Inf
criptions & Belles Lettres , lors du renouvellement
de 1701 ; mais quelque tems
aprés , les occupations de M. Rollin ne
lui permettant pas de remplir à fon gré les
fonctions d'Académicien , il avoit demandé
la vétérance & l'avoit obtenue avec toute
la diftinction qu'il méritoit.
M.Rollin eft mort le 14. Septembre 1741 ,,
âgé de 80. ans , fept mois & quelques.
jours .
MEMOIRES pour fervir de preuves à
THiftoire Eccléfiaftique & Civile de Bretagne
, tirés des Archives de cette Province ,
de celles de France & d'Angleterre , des
Recueils de plufieurs Sçavans Antiquaires
& mis en ordre par Dom Hyacinthe Morice ,
Prêtre Religieux Bénédictin de la Congré
gation de S.. Maur.. Premier Volu.ne , qui
fera
DECEMBRE. 1742 2899
fera fuivi de deux autres , auxquels le Libraire
travaille en diligence , & qui contient une
Préface fur les moeurs & les ufages des Bre
tons Armoriquains , la Table ou l'Inventairedes
Piéces contenues dans ce Volume , avec
une Table très ample pour les matiéres. Dom
Morice a jugé à propos de faire imprimer
les preuves avant l'Hiftoire , afin que dès
que celle- ci paroîtra , le Lecteur foit tout à
coup à portée de s'affûrer de la verité de la
narration , en la confrontant aux preuves.
A Paris , chés Charles Ofmont , Imprimeur-
Libraire , rue S. Jacques , à l'Olivier.
Prault , pere , Libraire
, Quai de Gêvres ,
publiera
inceffamment
une nouvelle
Edition
des Fables de la Fontaine
, avec un Commentaire.
Cette Edition a été revûë avec grand
foin fur celles qui avoient été données
par
l'Auteur
lui même . Elle est très-bien imprimée
, fur de bon papier & en très - beaux
caractéres .
LA CHRONOLOGIE & la Topographic du
nouveau Breviaire de Paris , où l'on trouve les
principaux points de la vie & de la mort des
Saints, qui font imprimés dans le Calendrier
& dans les Légendes , & la defcription des
Lieux qui fe rencontrent dans les mêmes:
Légendes & dans les Canons de Prime , avec
des I
2900 MERCURE DE FRANCE
des Tables très - commodes. On y a ajoûté un
Suplément à la Topographie pour les Diocèfes
de Blois , d'Evreux , de Sées & de Coutances
, par M. B..... Prêtre , 1742. in- 12 .
Cet Ouvrage fe trouve à Paris , chés Jean-
Baptifte Hériffant , Imprimeur , ruë Neuve
Notre- Dame , aux trois Vertus.
HISTOIRE DES EMPIRES ET DES REPUBLIQUES
, depuis le Déluge , juſqu'à J. C. &c.
par M. l'Abbé Guyon . Tome X. Lacédemone.
II. Partie , in - 12 . de 502. pages , 1741. A.
Paris , chés Hyppolite- Louis Guerin , ruë S.
Jacques , à S. Thomas d'Aquin ; Jean Villete
, à S. Bernard & à la Croix d'or , &
Charles-Jean Baptifte Delespine , à la Victoire
& au Palmier.

HISTOIRE UNIVERSELLE de Diodore de
Sicile , traduite en François , par M. l'Abbé
Terraffon , de l'Académie Françoife. Tomes
III. & IV . On fçait que ces deux Volumes
ont été précedés de deux autres , qui contiennent
l'Hiftoire véritable ou fabuleufe , ou
plûtôt mêlée de vrai & de faux , des principales
Nations connues dans l'Antiquité profane
.
RELATION de ce qui s'eft palé dans le
Royaume de Maroc depuis l'année 1737. A
Paris,
DECEMBRE. 1742: 2901
Paris , chés Chaubert , à l'entrée du Quai
des Auguftins , du côté du Pont S. Michel ,
à la Renommée & à la Prudence , & chés
Durand , rue S. Jacques , au Griffon, in - 12 .
1742 .
* OBSERVATIONS SUR LES PLANTES &
leur analogie avec les Infectes , précédées de
deux Difcours , l'un fur l'accroiffement du
corps humain , l'autre fur la caufe pour laquelle
les bêtes nâgent naturellement , & que
l'homme eft obligé d'en étudier les moyens.
A Strasbourg, chés Jean - Renaud Doulſeker ,
1741. & à Paris , chés la veuve Ganean
Libraire , aux Armes de Dombes. Volume
in 8 ° . de 134. pages , fans la Préface & l'Epitre
Dédicatoire à M. le Cardinal de Ro
han , Evêque & Prince de Straſbourg.
On a parlé fort au long dans le Mercure
du mois d'Octobre dernier , P. 2237. de
'HISTOIRE NOUVELLE de la Ville & Principauté
d'Orange , divifée en plufieurs Differtations
&c. imprimée l'année dernière à Avignon.
Une perfonne des plus intelligentes fur
ces matières , qui a lû l'Hiſtoire en queſtion,
& qui cherche moins à critiquer qu'à concourir
à la perfection des bons Ouvrages ,
s'exprime ainfi dans une de fes Lettres au
fujet de cette Hiftoire.
J'y
2952 MERCURE DE FRANCE

J'y ai trouvé , dit-il , quelques bons Mémoires
pour les derniers tems , mais en géneral
, j'y fouhaiterois plus d'ordre plus
d'exactitude , & plus de recherches . L'Aureur
a ignoré , par exemple , une Race entiere
des Comtes ou Princes d'Orange , Branche
de la Maiſon de Montpellier , dont le détail
& les preuves fe trouvent dans le fecond
Volume de l'Hiftoire de Languedoc , qu'il
pouvoit confulter.
,
CATALOGUE des Livres de la Bibliotheque
de MM. BossUET anciens Evêques de
Meaux & de Troyes , qui a dû fe vendre à l'able
le Lundi 3. Decembre 1742. dans une
des Sales du Couvent des RR . PP . Auguf
tins. Le prix étoit marqué fur chaque Livre.
Le Catalogue fe diftribue à Paris , Quai des
Auguftins , chês Gandouin , Piget & Barois ,
fils . M. DCC . XLII . Brochure in - 8°.
CATALOGUE des Livres de la Bibliotheque
de feu M. le Chevaler de Charoft . 1. vol.
in- 8 ° de soo. pages . A Paris , chés Jacques
Barois , Quai des Auguftins , à la Ville de
Nevers.
L'Auteur de ce Catalogue , fait préceder
un court Avertiffement qu'il eft important de
lire. Le goût pour les Livres , dit- il , a toujours
été la paffion dominante de M. le
Chevalier
DECEMBRE . 1742 2903
Chevalier de Charoft. L'Illuftre Défunt a
paffé la plus grande partie de fa vie à former
la Bibliotheque dont je préfente le Catalo
gue au Public ; les Gens de Lettres & les
Curieux qui prendront la peine de le lire
remarqueront du premier coup d'oeil quel's!
foins & quelle attention il a aportés , pour
ramaffer une fi belle collection de Livres
curieux & rares. On y trouvera un choix de
ce qui eft de plus fingulier dans chaque genre
, tant pour le fond des Ouvrages , que
pour les Éditions & c.
La vente s'en fera inceffamment en la
maniére accoûtumée , & on indiquera par
des Liftes ce qu'on doit vendre chaque jour.
Cette vente fera ouverte dans une Sale du
Couvent des Grands Auguftins , le 7. Jánvier
1743-
COMMENTAIRE fur les Enfeignes de Guer
re des principales Nations du Monde , &
particuliérement fur les Enfeignes de Guerre
des François . Par ETIENNE BENETON .
Ecuyer , ancien Gendarme de la Garde du
Roy. 1. vol. in 12. d'environ 400. pages A
Paris , chés Thibouft , Imprimeur du Roy ,
Place de Cambrai . M. DCC . XLII.
L'Auteur nous aprend , avant que d'entrer
en matiére que cet Ouvrage a commencé
à paroître il y a quelques années . Il étoit
>
fair
1904 MERCURE DE FRANCE
fait en ce tems - là pour être partagé en plu
fieurs Differtations , qui devoient traiter de
la Bannière de Saint Martin de Tours , de
l'Oriflame , de l'Etendart de France , & de
la Cornette blanche : ces quatre Enfeignes
ayant été , dit - il , fucceffivement les Enfeidominantes
de notre Nation , il y a eu
des portions de ces Differtations imprignes
mées dans le Mercure de France des mois de
Février & de Juin 1733. Mais comme ces
portions ne partagent point l'Ouvrage felon
la volonté de l'Auteur , que les Differtations
ne font point dans leur entier , & qu'il a
trouvé depuis de quoi les augmenter, il a jugé
propos de retoucher tout l'Ouvrage , & de à
le donner au Public fous un titre nouveau .
Ce titre de Commentaire le diftinguera
de deux autres Ouvrages dont il eft la fuite,
fçavoir l'Hiftoire de la Guerre & le Traité des
Marques Nationales du même Auteur . Il
s'eft prudemment abſtenu de la plûpart des
paffages Grecs & Latins qu'il avoit préparés ,
dans la penfée que la narration en feroit plus
coulante , & qu'en citant les Auteurs de ces
paffages , les preuves tirées par leur moyen
ne fouffriroient aucun affoibliffement . On
peut dire en dire en géneral que ce Livre renferme
beaucoup de chofes curieufes & intereffantes ;
& qu'il inftruit agréablement de plufieursFaits
amenés fans affectation par le fujet même
& choifis avec difcernement. AVIS
DECEMBRE . 1742 . 2905
AVIS au ſujet de l'Histoire deBourgogne.
L'Auteur de cet Ouvrage , qui comptoit
mettre inceffamment fon troifiéme volume
fous la Preffe , ayant enfin découvert un
tréfor qu'il avoit long- tems inutilement
cherché , fe croit obligé , loin de poursuivre
à préfent l'impreffion de ce volume , de le
retoucher tout entier , pour ne pas priver le
Public des richeffes que ce tréfor lui fournit
; c'est - à- dire , des Traités , Ordonnances ,
Lettres , Mandemens & autres Actes des
Ducs , des Ducheffes , même de nos Rois ,'
qu'on y trouve en grand nombre , & de ce
que ces titres , jufques à préfent inconnus
pour la plupart , nous aprennent de nos
Dues & des Ducheffes leurs Epouſes , de
leur Maifon & de leurs Officiers , de leurs
diverfes entreprifes , de leurs guerres , des
Seigneurs & des Gens d'armes qui les y ont
accompagnés , de leurs voyages , de leurs
largeffes , & de ce qui concerne le Gouver
ment de leurs Sujets , de leur Pays & même
du Royaume ; ce travail demande du tems ;
on s'y aplique fans relâche , & l'on efpere
que les perfonnes qui ont eû les deux premiers
volumes par foufcription ou autrement
, attendront le troifiéme fans inquiétude,
puifque l'on ne differe de le leur donner
, que pour le rendre plus riche & plus
digne de leur attention & de leur curiofité.
Nov2906
MERCURE DE FRANCE
NOUVEAU TRAITE ' DE PHYSIQUE fur
toute la Nature , ou Méditations & Songes
fur tous les Corps dont la Médecine tire les
plus grands avantages pour guérir le corps
humain , & où l'on verra plufieurs curiofités
qui n'ont point parû , à Paris , chés Didot ,
Quai des Auguftins , à la Bible d'or , 1742 .
Tome I. de 231 , pages , & le fecond de
172.
HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE
où l'on traite de l'origine & du progrès , de
Да Ja décadence, & du rétabliffement des Sciences
parmi les Gaulois & parmi les François ;
du goût & du génie des uns & des autres
pour les Lettres en chaque fiécle ; de leurs
anciennes Ecoles ; de l'Etabliffement des Univerfités
en France ; des principaux Colléges ;
des Académies des Sciences & des Belles-
Lettres ; des meilleures Bibliothèques anciennes
& modernes ; des plus célébres Imprimeries
, & de tout ce qui a un raport particulier
à la Littérature , avec les Eloges Hiftoriques
des Gaulois & des François qui s'y
font faits quelque réputation , le Catalogue &
la Chronologie de leurs Ecrits , des Remarques
Hiftoriques & Critiques fur les pincipaux
Ouvrages ; le dénombrement des principales
ditions , le tout juftifié par les citations des
Auteurs originaux , par des Religieux Bénédictins
DECEMBRE. " 1742 2907

dictins de la Congrégation de S. Maur . Tome
VI. qui comprend le dixiéme fiécle de
Eglife . A Paris , chés Chaubert , Quai des
Auguftins , du côté du Pont S. Michel , à la
Renommée & à la Prudence , & Compagnie
, 1742. Volume in 4° de 717. pages.
>
ETAT DE LA ME'DECINE ancienne & moż
dene , avec un Plan pour perfectionner celleci
, par M. Clifton , Docteur en Médecine
Médecin de S. A. R. le Prince de Galles
Membre du Collège des Médecins & de la
Faculté Royale de Londres , tradut de l'Anglois
par M. L. D. A Paris chés Quillan . Vol.
in 12. de 248. pages.
T
De Bure , l'aîné , Libraire , Quai des Auguftins
, à S. Paul , qui a acheté le Fonds du
Recueil des Attes , Titres & Mémoires , concernant
les Affaires du Clergé de France
vient de mettre le XII. Tome en vente . Ce
dernier Volume renferme deux Parties ; la
premiere contient les Remontrances & Harangues
faites aux Rois & aux Reines par le
Clergé de France , tant aux Etats Géneraux
qu'aux Affemblées Génerales & Particuliéres
du Clergé , depuis l'Affemblée Génerale convoquée
en la Ville de Melun en 1579. jufqu'à
celle de 1735. La feconde comprend les Cahiers
& Mémoires en forme de remontran-
Ces
2908 MERCURE DE FRANCE
ces préfentées à nos Rois par le Clergé de
France , avec plufieurs Edits , Déclarations ,
Arrêts donnés en conféquence pendant le
même efpace de tems . On a mis à la fin une
fuite des Harangues qui avoient été omiſes
dans la partie de ce Volume , qui les contient
, ou qui n'ont été faites que depuis que
cette partie a été imprimée. De Bure débite
féparément les Volumes qui compofent cette
grande Collection,
On trouve auffi chés lui le quatrième Vo
lume du Traité de la Police , imprimé en
1738. dont il a pareillement acheté le Fonds.
'AMOURS DE THE AGENE ET DE CHARICLE'E .
Nouvelle Traduction , très - bien imprimée
& enrichie de Vignettes & de Figures affor
ties au Sujet. A Paris , chés Coutelier , Quaj
des Auguftins , en deux petits Volumes.
On a reçû depuis peu d'Angleterre lë
Programme qui fuit. Le Sujet eft intéreſſant
pour la République des Lettres , qui ne peur
que gagner à de pareils évenemens.
OMNIBUS ubique Eruditis S. P. D. Thomas
Osborne , Bibliopola Londinenfis .
Cum Literariæ Reipublicæ Leges id a Bibliopolis
potiffimum exigant , ne quam celebiiorem
Bibliothecam prius divelli patiantur
quam
DECEMBRE. 1742 2909

quam præftituta venditionis dies fatis pervulgata
fit quo viri docti de librariâ fupelletile
fibi comparandâ confilium capere , &
Academiarum Præfecti fuos per orium Catalogos
excutere poffint , me meum munus
non melius explere poffe exiftimavi , quam fi
operam darem ut quam pauciffimis effet
ignotum ad me perveniffe Bibliothecam Harleianam
, Librorum quadrigena Millia complectentem
, quos , immenfis fere fumptibus,
multos per annos undique coëmerunt Comi
tes Oxonienfes Viri bonarum Literarum
amantiffimi , & , quod ex Catalogo patebit ,
rei librariæ peritiâ præftantiffimi. Nihil illis
prius in votis fuit quam ut quicquid prifci
emiferunt Typographi, a fe congereretur , quo
factum ut corum Bibliotheca Editiones Faufti
Moguntinas , Venetas Jenfonii & Spirenfium
, Romanafque Udalrici Galli , Sweyn
heimiique & Pannartzii frequentiffimas ostentet
; nec ibi alium locum obtineant Al
dus , Stephani , Elfevirius , quam qui auro
inter Gemmas pofito contingit.Neque illorum
Opera funt prætermiffa qui juverunt Literas
nafcentes , natas fuftulerunt ; neque Grammaticus
Campanum , Aretinum , aut Philelphum
abeffe queretur , neque Beffarionem
aut Ficinum defiderabit Philoſophus , neque
Germanis fuus deerit Maximilianus , neque
Gallis Froiffardus , neque Italis Dantes aut
11, Vol. G
Petrarcha
.....
2910 MERCURE DE FRANCE
,
Petrarcha . Si quis Theologiæ ftudiofus accefferit
, Sacrorum BIBLIORUM Editiones a
Faufti ævo ad noſtra tempora , per omnes
fere linguas continuatas fpectabit ; fi quis
Hiftorias fcrutari voluerit , apud nos Scriptores
inveniet qui cujufque fere Regis & Populi
res geftas memoriæ prodiderunt ; qui vero
carminibus magis capietur , illum omnium
temporum ad fe invitant Poeta. Id denique
mihi gratulor quod tantos Literarum thefauros
nullus unquam Bibliopola in publicum
protulerit. Utque honeftæ etiam Voluptati
litetur , Effigies virorum illuftrium ædificiorumque
celebriorum quinquagefies millenæ,
quas de optimis præftantiffimi cujufque Initoris
tabulis exprefferunt peritiffimi cælatoeodem
tempore vendentur.
res ,
PAUCIS diebus conficietur , quale publicis
commerciorum miniftris commode tradi poteft
, fpecimen Catalogi , cujus duo tomi
priores circiter Idus Febr. anni proxime infequentis
edentur. A XIV. Cal . Maias patebit
Bibliotheca cuivis idoneo Spectarori contemplanda.
IV. Non . Maias inftituetur Venditio.
VENALES apud me funt quas in alia qua
dam inveni Bibliotheca SUPREME ANGLORUM
CURIE EPHEMERIDES Anglice , The
Journals of the House of Lords , MSS. tomis
CV. in folio comprehenfæ , quæ cum exemplari
archetypo accurate funt collate,
DECEMBRE. 1742: 2911

On écrit de Marfeille , que le 26. & le
27. du mois de Novembre , les Penfionaires
du Collège de BELSUNCE de la Compagnie
de Jesus , dédierent à M. l'Evêque de cette
Ville , un Exercice Litteraire , dans mel
ces Mrs felon leur ufage , rendirent compte
des connoiffances particulieres qu'ils avoient
acquifes pendant les vacances. Ils mériterent
les aplaudiffemens d'une Affemblée nombreufe
& choifie , qui vit furtout avec plaifir , le
fuccès de plufieurs expériences fur la Nature
& les proprietés de l'Air , des couleurs , &
de l'aiman. Ces expériences furent expliquées
par Mrs les Philofophes. Les Rhétoriciens
firent le caractére des meilleurs Auteurs François.
Les Humaniſtes répondirent fur l'Hiftoire
de Provence, les Troifiémes , fur l'Hif
toire de l'Ordre de Malthe , les Quatrièmes
fur la fituation & les moeurs des differens
Etats de l'Europe ; les Cinquiémes , fur
PHiftoire des trois Guerres Puniques ; les
Sixièmes & les Septièmes , fur l'Hiftoire du
Regne des Rois de Juda & d'Ifraël , le nombre
confidérable des répondans qui paroif
foient fucceffivement , & furtout des Etran
gers , fixa encore l'attention de l'Aflemblée ;
& c'eft ce grand nombre qui nous empêche
de donner au Public les noms de tous ces
Meffieurs.
Gij LEÇONS
2912 MERCURE DE FRANCE
LEÇONS GRATUITES DE MATHEMATIQUES.
M. de Premontval fait avertir le
Public , que l'ouverture de fes Conférences
doit fe faire le 9. du préfent mois de Décem- .
bre de cette année 1742. à trois heures précifes
après midi.
Ce nouveau Cours aura pour objet la Méchanique
, la Sphere , & la Phyſique expérimentale
. Pour donner à ces matiéres differentes
l'étendue qu'elles demandent , on a
pris le parti de remettre à l'année prochaine;
le Traité d'Optique qu'on avoit promis d'y
joindre.
Les Conférences tiendront, comme à l'ordinaire,
les Dimanches & Fêtes matin & foir;
le matin , depuis neuf heures jufqu'à onze ,
& le foir , depuis trois heures jufqu'à cinq.
Les doutes qu'on affecte de répandre ;
malgré l'expérience de cinq années , obligent
à répéter qu'on ne demande abfolument d'au
tre reconnoiffance des foins qu'on fe propofe
de prendre , que l'attention & l'affiduité néceffaires
pour en profiter.
L'Adreffe eft rue des Noyers , la quatrième
porte cochere à droite , du côté de la ruëfaint
Jacques.
Ceux qui auront de ces Avis , font priés de
vouloir bien fe prêter au défir qu'on a de fervir
Le Public , en avertiffant les perfonnes de leur
sonnoiſſance.
On
DECEMBRÉ. 1742: 2913
He
On écrit d'Auxerre . que M. Martineau
des Chesnez , premier Avocat du Roy
au Bailliage & Siége Préfidial d'Auxerre
Subdelégué de M. l'Intendant de Paris , qui
dès l'âge de 24. ans , a fçu mériter la confiance
& l'eftime de MM. de Harlay ,
rault , & d'Argenfon , Intendans de cette
Généralité , à prononcé fuivant l'ufage , à la
rentrée du Préfidial , un fort beau Difcours
fur l'Amour du bien Public. Ce jeune Magiftrat
parla avec toute la dignité & toute l'éloquence
poffible devant un Auditoire nombreux
& rempli de Gens d'efprit de tous les
Etats qui ne purent s'empêcher d'avoüer
que les Talens de cet Orateur méritoient
d'être exercés fur un Théatre moins borné.
La Famille de Mrs Martineau eft des plus
diftinguées & des plus anciennes de la Robe
du Préfidial d'Auxerre.
,
L'Académie des Belles Lettres , Sciences
& Arts , établie à Bordeaux , diftribuë chaque
année un Prix de Phyfique , fondé par
feu M. le Duc de la Force . C'eft une Médaille
d'or de la valeur de 300.livres.
Elle propoſe chaque Sujet deux ans d'avance
, afin que les Auteurs ayent plus de
tems pour travailler leurs Ouvrages.
Elle avoit propofé pour cette année 1742 .
G iij
la
1914 MERCURE DE FRANCE
la matière de l'Electricité. Le Prix à été
remporté par M. Defagulliers , Chapelain
de M. le Prince de Galles , & Membre de la
Societé Royale de Londres .
Elle a propofé deux Sujets pour l'année
1743. Le premier , la caufe de l'élevation des
Vapeurs & des Exhalaifons dans l'Air ; -& le
fecond , l'Origine & la formation des Pierres
figurées. L'Académie a préferé ce Sujet à
beaucoup d'autres , parce qu'il eft fufceptible
de plufieurs expériences , & qu'étant une
fois éclairci , on pourra mieux fçavoir , s'il
eft utile ou pernicieux , pour la qualité & la
quantité des fruits , d'éfeuiller les Arbres
fruitiers , les Vignes , &c. en quelle quantité,
dans quel cas , en quelle faifon , &c.
Tous ces Faits de pratique font auffi importants
qu'incertains , pour ceux qui culti
vent la Terre.
Les Differtations fur ce fujet ne feront
reçûès que jufqu au 1. Mai de l'année 1744.
Elles peuvent être en François ou en Latin .
On demande qu'elles foient écrites en caractéres
bien lifibles.
Au bas des Differtations , il y aura une
Sentence , & l'Auteur mettra dans un billet
féparé & cacheté , la même Sentence , avec
fon nom , fon adreffe & fes qualités , d'une
façon qui ne puiffe pas former d'équivoque.
Les Paquets feront affranchis de port , &
adreffés
DECEMBRE 1742. 2919-
adreffés à M. le Préfident Barbot , Sécrétaire
de l'Académie , fur les Foffés du Chapeau
Rouge , ou au fieur Brun , Imprimeur Aggregé
de l'Académie , ruë S. James.
A Bordeaux ce 25. Août 1742.
ESTAMPES NOUVELLES.
La fuite des Portraits des Rois de France,
des Grands Hommes & des Perfonnes illuftres
dans les Arts & dans les Sciences
continue de paroître avec fuccès chés adien
ore , Marchand d'Eftampes , rue d'Anjou.
Il vient de mettre en vente ceux de
PHILIPE VI. DIT DE VALOIS , XLIX . Roy
de France , mort à Nogent- le- Roy le 28.
Août 1350. après 23. ans de Regne , deffiné
par A. Boizot & gravé par Pinffio .
CHARLES I. DE COSSE ',COMTE DE BRISSAC
Maréchal de France , Grand Maître de l'Artil
lerie , Colonel Géneral de l'Infanterie & de la
Cavalerie Légere , Grand Pannetier & Grand
Fauconier de France , Viceroy en Savoye ,
Piémont , Italie , Gouverneur de Paris , Ifle
de France & Picardie , mort à Paris le 31 .
Décembre 1563 âgé de 57. ans , peint par
A. L. & gravé par Pinffio .
THIMOLEON DE COSSE' COMTE DE BRISSAC
, Colonel Géneral de l'Infanterie Françoiſe
, Grand Pannetier & Grand Fauconier de
France, Gouverneur d'Anjou, de la Touraine
Gij
&
2916 MERCURE DE FRANCE
& du Maine , tué au Siége de Mucidan dans
le Perigord en 1569. âgé de 26. ans , peint
par A. L. & gravé par Pinffio :
MICHEL NOSTRADAMUS , Médecin , né à
S. Remy , en Provence le 14. Décembre
1503. mort le 2. Juillet 1566. peint par A.
L. & gravé par Boulanger.
JEAN DE LA FONTAINE , de l'Académie
Françoiſe , né à Château Thierry le 8. Juillet
1621. mort à Paris le 13. Mars 1695 .
peint par Hyacinte Rigaud & gravé par
Pinffio.
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Parodie Nouvelle de
l'Opera d'Hypolite & Aricie , représentée
fous le même Titre fur le Théatre Italien ,
le 11. d'Octobre dernier.
Théfée ,
Hypolite ,
Aricie >
Phédre ,
Oenone
Pluton ,
ACTEURS.
le fieur Rochard
.
la Dlle Deshayes
.
la Dlle Silvia.
la Dlle Sidoni.
la Dlle Sticotti.
le fieur Sticotti.
Mercure
,
DECEMBRE. 1742. 2917
Mercure ,
Diane ,
Tiſiphone
,
Les Parques
, &c.
le fieur Carlin
la Dlle Thomaffin.
le fieur Vincent.
Ette Parodie a été reçûë très-favorable-
Cent du public , & les repréſentations.
>
1
en ont été nombreuſes. Elle eft de la compofition
de M. Favatt , Auteur de la Cherabeufe
d Efprit & du Prix de Cythere , Piéces
repréſentées avec fuccès fur le Théatre de
l'Opera Comique en 1741. & 1742. La
Muſique de cette derniere Parodie , qui eſt
très- bien caracterifée , eft du fieur Blaife
& la compofition des Ballets , lefquels.
ont été aplaudis , eft du fieur des Hayes..
Tous les Rôles de la Parodie ont été parfai
tement bien remplis & exécutés au mieux
par tous les Acteurs , foit pour le chant foir
pour la danfe.
Le Théatre repréfente dans la prémiére
Scéne le Temple de Diane ; Aricie y paroît
feule , & chante fur l'Air Qui des deux
pourrons- nous choisir ?
7
L'Amour excite mon defir ,.
Et je m'offre à Diane ;
Qui des deux pourrai-je choifit:
Pour vivre avec plaisir ?
Cherchons. la: paix :
Now
Y
2918 MERCURE DE FRANCE
Non , le monde profane
N'a jamais
Que faux attraits
Mais fans amans
Perdrai-je ici mon tems
Dans les ennuis
C'eſt encor pis.
;
Hypolite vient joindre Aricie an Temple
de Diane , & chante fur l'Air : A l'ombre de
se verd bocage.
Vous immolez à la Déeffe
Des jours fi chers , fi précieux ¡.
On doit confacrer fa jeuneffe
Au Dieu qui brille dans vos yeux.
Le coeur eft fait pour la tendreffe
Heft oifif dans ce féjour ;
Notre hyver eft à la Sageffe ,
Notre Printems eft à l'Amour.
Aricie lui répond fur l'Air : Votre Beaute
foumet tout l'Univers.
Quel interêt y prenez-vous, Seigneur
1
Vous n'aimez rien , les Filles vous font peur.
Hypolite répond fur le même Air,
Je rends les armes ;.
J'ai pour vos charmes
DECEMBRE . 1742. 2919
Une pitié
Qui paffe l'amitié.
Aricie eft fort étonnée de trouver Hypolite
fenfible , & chante fur l'Air ; A l'Amour;
rendons les armes.
Bon , Monfieur , vous voulez rire :
HYPOLITE
Non , ma foi , c'eft en honneur;
Tepez , tour vers vous m'attire,
Je foupire ;
C'eft vous dire
Que je porte un tendre coeur.
ARICIE.
Que venez- vous de m'aprendre
HYPOLITE.
Ah ! calmez votre courroux ;
L'Amour ne peut vous ſurprendre
Je perds un efpoir fi doux ;
Vous n'avez pas le coeur tendres.
ARICIE
Abrégcons. Il eſt à vous.
Hypolite charmé de cet avèu , chante für
l'Air : Ah ! qui vous a, qui vous a' , qui vous:
G vj Ja
2920 MERCURE DE FRANCE
Je n'aurois jamais crû cela
De la fierté d'Aricte .
ARICIE.
Bon , but à but nous voilà ;
Trop de réfiftance ennuie ,
Banniffons , banniffons , banniffons la ,
Banniffons la cérémonie .
Hypolite & Aricie finiflent la Scéne par
un Duo , & chantent fur l'Air : Ah ! Therefe.
Ah ! Déeffe ,
Ta Sageffe
Devoit punir notre penchant,
Tout m'accufe ;
Mais excufe ;
Nous nous aimons innocemment
Tu vas jouer un rôle
Drôle ,
En fervant
Les feux d'un galant.
Ah ! Déeffe , & c.
,
Après ce Duo la Grande Prêtreffe de
Diane vient danſer une Entrée , exécutée
par le fieur Deshayes , en femme , laquelle
a été géneralement aplaudie , mais Aricie
apercevant Ph dre accompagnée de fa Nourrice
, trouve à propos de faire finir la danfe >
8 .
DECEMBRE . 2921 1742
& s'adreffant à Aricie , chante fur un Menuet
de l'Opera , fur l'Air : Agnès qu'auparavant..
Par des noeuds éternels ,
Ma chere Aricie ,
Vous allez être unie
Aux immortels :
Pouvez -vous faire mieux 2
Ah ! qu'il eft glorieux
D'aller , ma Mie ,
De pair avec les Dieux !
ARICIE.
C'eft trop d'honneur , helas !
Je ne m'en fiate pas :
Qui moi Divinité !
Je m'en tiens à l'humanité:
7
Phédre , qui n'eft pas trop contente de la
réponſe d'Aricie , chante fur l'air : Comment
donc , petite Effrontée.
Comment donc , petite Volage ,
Vous ofez avoir de tels fentimens ?
Je prétends & j'entends
Qu'avec Diane l'on s'engage ;
Dans ces lieux fi charmans ,
On eft à l'abri des Amans ;
Comment donc , &c.
Aricie
répond
Ob ;
2922 MERCURE DE FRANCE
Oh vraiment
Oh , vraiment

On réflechit à mon âge ,
Oh , vraiment ,
Oh , vraiment
A préfent
Mon coeur fe fent.
PHEDRI .
Un tel langage eft nouveau.
Songez combien il est beau
D'être fage.
ARICIE.
Que vient-elle nous conter →
Ah ! je dois me contentes
De vous imiter ;
Oh , vraiment , & c.
Phédre paroiffant fort déconcertée, adreffe
La parole à Hypolite, & chante fur l'Air : Ee
Bergere de nos Hameaux.
Vous voilà tout comme un nigaud ;
Vous fouffrez qu'elle me raiſonne !
Réprimandez là comme il faut.
HYPOLITE
Nous ne devons gêner perfonae ..
C'est trop de rigueur.,
DECEMBRE. 1742. 292 )
Et fi fon petit coeur
Prend goût pour le ménage ,
On doit fe reprocher
De vouloir l'empêcher
D'en faire un bon ufage.
Dans une des Scénes fuivantes , le Théa
tre repréfente les Enfers ; Thefée paroît accompagné
de Tifiphone , qui ne ceffe de le
tourmenter Thefée lui dit , fur l'Air :
Diablezot.
Eh ! quoi ne puis- je vous quitter a
Laiffez moi refpirer , Madame.
TISIPHON EL
Non , ne penfe pas éviter
L'ombre de ta premiére femme,
Je veux toujours te tourmenter ;
C'est moi qui double Tifiphone.
THESE'E.
Tu m'as tant tourmenté là haut:
TISIPHONE.
Crois-tu qu'ici je fois moins bonne a
Diablezot.
Dans la Scéne fuivante , l'Enfer s'ouvre
on voit Pluton fur fon Trône , les Parques à
Les
2924 MERCURE DE FRANCE
fes pieds. Thefée lui adreſſe la parole &
chante fur l'Air : Quand on parle de Lucifer.
Salut à Monfieur Lucifer ,
Souverain du fombre Empire ;
à part. Avec fa grand fourche de før ,
Sa gravité me fait rire .
haut. Je fuis fatigué d'être dans l'Enfer
Permettez que je me retire , &c.
M
Pluton , fatigué des importunités de
Thefée , fait affembler un Tribunal compofe
d'Avocats , de Procureurs , d'Huiffiers & de
Greffiers infernaux ; & chante fur L'Air :
Que devant vous tout s'abaiffe.
Or , écoutez honorable affiftance ;
Deux infolens font venus ici-bas ,
Pour me traiter comme un mari de France;
Jugez le fait , vous étiez dans le cas.
Que l'on opine ;
A Proferpine.
On fait affront ,
Auffi bien qu'à mon front.
Le Choeur des Démons répond fur l'Air :
Que le mal de dents.
Que le Phlégéton ,
Le Styx , le Tenare ;- -
Que tout le prépare.
DECEMBRE . 1742. 2925.
Avenger le front
De Monfieur Pluton ;
Qu'en ftyle barbare
L'on dreffe un Facton ;
L'honneur fe répare ,
Quand on y déclare
L'affront tout au long.
Thefée vient interrompre Pluton , & l'Affemblée
infernale , & lui dit fur l'Air : C'eft
ce qui vous enrhume.
Vainement j'apelle Pirithous ;
Ah ! mes cris aigus
Ne font plus entendus
Et ma voix fe confume ;
Je fais des efforts qui font fuperflus :
C'eſt ce qui m'enrhume .
Pluton lui répond fur l'Air : Amis , fans
regretter Paris.
Il n'eft qu'un moyen pour le voir ;
C'eft de perdre la vie ,
Et ces trois Soeurs ont le pouvoir
De remplir ton envie.
Mercure vient de la part de Neptune
demander Thefée à Pluton , & chante fur
l'Air Nous autres bons Villageois,
I}
5926. MERCURE DE FRANCE
Il n'a pas crû faire mal ;
Ayez pour lui quelque indulgence ;
S'il fervoit votre rival
Helas ! c'étoit par innocence.
Qu'il forte de votre manoir
Car Neptune veut le ravoir ;
>
Ne devons- nous pas , entre nous
Excufer les fots & les foux ?
Pluton fe rend enfin à la prière de Nep
tune , & chante ce couplet qu'il adreffe aux
Parques , fur l'Air : Le Gourdin,
Qu'il forte donc de ces Lieux ;
Mais il n'en fera pas mieux.
Parques , je vous en conjure
Avant qu'il fuive Mercure ,
Dites fa bonne avanture.
Les Parques exécutent l'ordre de Platon
& prédifent à Thefée qu'il va retrouver les
Enfers chés lui.
A là dixiéme Scéne , le Théatre repréſente
le Palais de Thefée ; on voit la Mer dans
le fonds.
Phédre accompagnée d'Oenone , chante
fur l'Air , A fa Voifine.
Galante Mere des Amours ,
En moi ton feu pétille ;
ComDECEMBRE.
1742. 2927
Combien as - tu joué de tours
A ma tendre famille ?
Chés nous ton goût paſſa toujours
De Mere en Fille.
Elle continue fur l'Air : Ah ! mon mal no
vient que d'aimer.
Fais qu'Hypolite m'aime bien
Et je ne te blâme de rien ;
C'est toi qui formas mon lien ;
Dans le fond j'en ai honte ;
Mais hélas mon crime eft le tien ;
Je mets tout fur ton compte.
Hypolite furvient & trouve Phédre , ils
s'entretiennent quelque tems fur la mort de
Thefee ; après quoi Phédre chante fur un
Air du Ballet des Sens de l'Amour tout fubia
les Loix.
C'est trop feindre ;
Connois mon fort ;
Qu'ai-je à craindre a
Ton Pere eft mort.
Il n'eft guéres
De Belles-Méres ,
Dont les Beaux- fils
Ne foient haïs ,
Mais je donne
Dans
2928 MERCURE DE FRANCE
Dans l'autre excès ;
Je ſuis bonne ,
Et tu me plais ;
Ma Couronne
Et ma perfonne ,
Tout eft à toi ,
Mon Roi,
Hypolite , qui aime toujours fa chére
Aticie , répond à Phédre ſur l'Air : Si le Roy
m'avoit donné Paris.

Croyez-vous que de ces biens
Moi , je me foucie.
Je fuis content fi j'obtiens
Ma chere Aricie :
Je l'aime avec loyauté ;
Gardez votre Royauté ,
Laiffez - moi ma Mie ,
O gué ,
Laiffez -moi ma Mie.
Phédre , piquée au vif de ce qu'elle vient
d'entendre , chante encore ce couplet fur
l'Air : Monfieur le Prevôt des Marchands.
Puifque tu ne peux me fouffrir ,
Earbare , fais - moi donc morir ;
Rends-toi digne fils de ton pere ;
Des Monftres il fut la terreur ,
U
DECEMBRE. 1742 2929
Un feul échape à fa colere ;
Frape ; ce Monftre eft dans mon coeur.
Phédre arrache en même tems l'épée
Hypolite , pour s'en fraper ; Thefée , qui
a parû un moment auparavant au fonds du
Théatre , & qui a été le témoin de ce défordre
, en demande la raifon à Phédre ,
qui paroît auffi embaraffée qu'Hypolite ;
elle répond à Thefée , & chante fur l'Air
Ah!j'ai tout vi.
N'aprochez point ; l'Amour eft outragé ;
Que l'Amour foit vengé ;
De vous je prens congé.
Phédre & Hypolite fe retirent ; Thefée
fetient Oenone , pour aprendre ce qui s'eft
paffé pendant fon abfence ; Oenone chante
fur l'Air : l'occafion fait le larron.
La Reine enfin....Ce fer armé contre elle....
THESE'E,
Que veux tu dire avec ton fer armé
Quel accident à brouillé leur cervelle ?
Ne puis-je mieux être informé a
Oenone repond fur l'Air : tu tueras ton
Pere & ta Mere
Sçaches donc qu'un Amour funefte....
THESE'L
2930 MERCURE DE FRANCE
THESEE .
Ah j'entens ; épargne le refte.
Oenone ſe retire , & Thefée continue fur
te même Air:
Qu'ai-je apris ! J'ai le coeur navré ,
Je céde à toute ma colere :
Méchant enfant dénaturé ,
Vous voulez honnir votre pere 1
Des Matelots & des Matelotes viennent
fur le rivage de la Mer , pour célebrer le retour
de Thefée , par des chants & des danfes.
Thefée , loin d'aprouver leur zéle , les
oblige de fe retirer.
Hyppolite furvient & chante feul ce Vers
fur l'Air de l'Opera .
Ab ! Faut- il en unjour perdre tout ce que j'aime ?
11 continue fur l'Air : le fameux Diogene
Mon pere , avec menace
De fes Etats me chaffe
Affés mal à propos :
Moi ,fi plein d'innocence ,
Je n'ai pour ma défenſe
Ofé dire deux mots.
Aricie vient joindre Hypolite , à qui ellè
fait des reproches de ce qu'il veut la quitter ,
Hypolite
DECEMBRE. 1742 2935
Hypolite la raffûre & chante fur l'Air : Ony
va deux , on revient trois.
Hé bien ! Faifons une chofe ;
Suivez -moi.
ARICIE.
Que dis-tu là
HYPPOLITE.
L'Hymen recouvrira cela.
ARICIE.
Tenez.... je n'ofe ;
Je le voudrois bien , mais oui- da ;
Le monde glofe !
Hypolite lui repond , fur l'Air : Allons
donc, Mademoiselle .
Allons donc , Mademoiſelle ;
Vous n'avez point de raifon ;
Quand l'occafion eſt belle ,
Vous feignez hors de faifon;
Allons donc , Mademoiselle ,
Vous n'avez point de raifon.
Il continue fur l'Air : Comme deux fceaux
dans un puits.
Reçois
ma foi.
ARICIE .
2932 MERCURE DE FRANCE
ARICIE.
Reçois auffi la mienne.
Enfemble.
Je fuis à toi ;
Quel heureux jour pour moi !
HYPOLITE.
Nous n'avons pas langui long- tems,
Tout d'un coup nous voilà contens ,
Pourvû que cela tienne !
Dans mes amours
Je vais droit à la fin.
ARICIE.
Pour moi je fais toujours
La moitié du chemin.
Hypolite & Aricie entendent des Cors de
Chafle & d'autres Inftrumens , qui annoncent
l'arrivée de Diane ; la Fête eft compofée
de Chaffeurs , de Chaffereffes & de Bucherons
, lefquels forment un Divertiſſement
agréable & des mieux exécutés. Diane
paroît & chante fur l'Air : L'occaſion fait le
larron.
Je viens aider à votre mariage.
ARICIE.
Auriez vous dû prendre cet emploi- là 3
DIANA
DECEMBRE. 1742. 2933
DIANE.
21
Comme Croiffant , je préfide au ménage , ...
Et comme Lune à l'Opera: Two 25 Shu A
Elle continue fur l'Air : Si ma Philis vient
en vendange.
D'avoir caufé tant de ravages l tea.
Phédre & Théfée enfin font las ; not A
On leur a fait jouer de fi fors perſonnages,
Qu'au dénoûment ils ne s'expofent pasio
Diane chante encore ce Couplet , qu'elle
adreffe à Hypolite , fur l'Air : Toujours va
qui danfe.
Argi.
à Hyp. Diane a pris tes intérêts ;
J'ai fait dédire Neptune :
Je te fais Roy de ces Forêts.
HYPOLITE ET ARICIE,
Pour nous , quelle fortune !
Diane ordonne de venir rendre hommage
au nouveau Roy , & de continuer le Diver
tiffement , qui eft terminé par deux Vaudevilles
, dont voici quelques Couplers..:
Premier Vaudeville.
Heureux qui flate votre goût !
On the de le fuivre en tout ;
IĮ. Vol.
H Mais
2934 MERCURE DE FRANCE
Mais fouvent on s'abuſe ;
Quand on ne fait pas ce qu'on veut
Meffieurs , on fait ce que l'on peut
ce

C'eſt une excufe. Sielofano :
De chérir ces Muguets coquets ,
Qui portent de petits colets , akk ,
A tort on nous accuſe
On reçoit les gens à rabats ; am¸HILA .
Quand les Guerriers fontiaux.combats
C'est une excufe.
On doit toujours fuir un Amant ;
Il ne faut pas , me dit Maman ,
Qu'à l'entendre on s'amufe ;
Je fuyois Colin , mais hélas !
En fuyant , je fis un faux pas ;
. C'eft ané.excuſe.
"
'Auteurs , Acteurs timpanifés ,
He foyez pas feandalifés
Des jeux de notre Mufe ;
Yous ne feriez pas critiqués .
Si yos talens n'étoient marqués s
C'eft une excufe.
1001 1991 19
Cene
**AM 21
DECEMBRE. 1742. 2935
Cette Piéce a beaucoup d'endroits
Qui doivent vous paroître froids ;
Meffieurs , on s'en accuſe
Mais nous avons bâti ceļa
Sur des paroles d'Opera ;
C'est une excufe.
Second Vandeville) 3
Tous nos Tendrons' font aux abois ;
Vla c'

que c'eft que d'aller aux bois .
Nos Bucherons font gens adroits ;
Quand on va feulette ,
རྒྱུ་ Cueillir la noifſette
Jamais l'amour ne perd fes droits,
Vla c' que c'eft que d'aller aux bois .
$
Jamais l'Amour ne perd fes droits ;
Vla c' que , & c.
Un jour ce petit Dieu fournois
Dormoit à l'ombrage ,
Sous un verd feuillage ;
Dorine aproche en tapinois .
Vla , &c .
*
Dorine aproche en tapinois,
Vla , & c,
Elle dérobe fon Carquois , '
Jsb
kit E
2936 MERCURE DE FRANCE
En tire une fleche
Propre à faire breche ,
Dont elle fe bleſſa , je crois ;
Vla , &c .
Dont elle fe bleffa , je crois ,
Vla , &c.
Depuis ce tems , je l'aperçois.
Qui pleure , qui rêvc ,
Morguenne alle endéve ;
L'imprudente s'en mord les doigts ,
Vla , &c.
Nous n'avons pas pû rendre cet Extrait
plus court , voulant d'ailleurs remplir nos
engagemens pour mettre le Lecteur en état
de juger des nouveautés qui paroiffent fur les
Théatres de Paris.
On trouve cette Parodie imprimée , chés.
la veuve Delormel , ruë du Foin , à fainte
Geneviève ; chés Briaffon , ruë S. Jacques , à
la Science , & chés David , le jeune , ruë du
Hurpoix , au S. Efprit. On trouve auffi les
Airs notés de la Parodie & des Vaudevilles
chés Mad. Boivin , à la Regle d'or , ruë fant
Honoré , & chés le Clair, rue du Roulé , à
la Croix d'or.
NOUDECEMBRE.
1742 2937
NOUVELLES ETRANGERES,
0
TURQUIE
3 N aprend de Conftantinople , que les affaires
entre le Grand Seigneur & Thamas Koul
Kan , étoient toujours dans la même fituation , &
que le peu d'empreffement du Grand Seigneur à
conclure un accommodement avec ce Prince , faifoit
juger que Sa Hauteffe n'étoit pas fort perfua
dée de la fincerité des offres du Roy de Perfe . On
croit que Thamas Kouli Kan cherche feulement
gagner du tems , jufqu'à ce qu'il ait trouvé le
moyen d'apaifer les troubles dont fes Etats font
agités , & cela eft d'autant plus vrai- femblable
qu'il a fait débiler plufieurs Corps de troupes vers
les frontieres de la Géorgie , depuis qu'il a obligé
les Lesghis de rentrer dans l'obéiflance.
RUSSIE
N mande de Pétersbourg du 20. du mois dere
Onier , que la Czarine a aptis par un courier
dépêché par M.de Wifniakow,fon Miniftre à Conftantinople
, que l'affaire du Reglement des Limitesentre
les Etats de S. M. Cz . & ceux du Grand Seigneur
étoit entierement terminée , & que les Com -
miffaires nommés par les deux Puiffances , étoient
convenus que la domination de la Czarine s'éten
droit jufqu'à la Mer d'Afoph , & que la féparation de
PEmpire Ottoman & de la Ruffie feroit fixée du
côte deKytikermen à dix - huitWerftes en- deçà de
Gette Place . Ce Miniftre affûre en même- tems la
Hij Czariac
2938 MERCURE DE FRANCE
Czarine , que la Porte eft fort fatisfaite de la maniére
dont les Limites ont été reglées , & qu'à en
juger par les difpofitions dans lefquelles le Grand
Seigneur paroît être , Sa Hauteffe eft dans le deffein
de continuer de vivre en bonne intelligence
avec S. M. Cz.
Depuis que les Fortifications d'Afoph font démolies
on a donné ordre de conftruire une
autre Fortereffe dans un Lieu très - avantageufement
fitué fur le bord du Tanais & en- deça de ce
Fleuve , à 60. Werftes au deffous de Fort Sainte
Anne , & l'on a déja commencé à y travailler ,
Le Comte Erneſt Biron & fes deux Freres font
fort indifpofés depuis quelque tems , & S. M. Cz .
leur a envoyé M. Smith , fon Médecin ordinaire
pour avoir foin d'eux.
Il eft faux que la Czarine art permis à quelques
unes des perfonnes exilées en Sibérie , de revenir à
Pétersbourg , & à d'autres de changer le lieu de
leur exil ; S. M. Cz. au contraire , a fait écrire aux
Gouverneurs des Villes de cette Province , de veil
Jer de plus près fur toutes les démarches des pri
fonniers dont la garde leur eft confiée , mais elle
leur a recommandé auffi de les traiter , non -feule
ment avec douceur , mais encore avec les égards
dûs à leur qualité.
On a apris de Moſcow du 19. du mois dernier
que le 18. la Czarine fit affembler au Palais les Sc
nateurs , les Miniftres d'Etat & les Géneraux , ainfi
que les Evêques & les autres perfonnes qui compofent
le Synode ,& qu'elle leur déclara qu'en vertu
du pouvoir que les Teftamens faits par le Czar Pierre
1. & par la Czarine Catherine , & auxquels les Etats
de Ruffie avoient juré de fe conformer, lui donnoient
de défigner fon Succefleur au Trône , elle nommoit
en cette qualité le Duc de Holftein ,fon ncaveu.Tous
DECEMBRE. 1742. 2939
les Ordres de l'Etat aplaudirent unanimement à la
difpofition que laCzarine faifoit en faveur de cePrin
ce, & s'étant engagés par ferment à fuivre cette difpofition
, ils reconnurent le Duc de Holſtein pour
Héritier Préfomptif du Trône de Ruffie . On fit en
même- têms une falve de cent piéces de canon ,
pour annoncer cet évenement au Peuple , & le mê
jour la Czarine fit publier un Edit , qui porte que
depuis qu'il a plû au Tout- Puiffant de la faire par
venir au Trône , elle n'a ceffé de donner des marques
de fon attention pour le répos & le bonheur
de fes Sujets, & qu'afin de rendre l'un & l'autre plus
durables, elle a jugé à propos d'affûrer la fucceffion
de la Couronne de Ruffie au Duc de Holftein , qui
outre qu'il lui eft plus proche par le fang , a toutes
les qualités que les Peuples doivent le plus defirer
dans un Souverain.
O
ALLEMAGNE.
Na apris de Vienne du 28. du mois dernier,
que le Prince Jofeph de Lobckowitz a été
dépêché à la Reine de Hongrie par le Prince de
Lobckowitz , pour informer S. M. de la priſe de
Leutmeritz dont ce Géneral s'eft emparé la nuit
du 25. au 26. du même mois.
Selon les dépêches par lesquelles le Prince de
Lobckowitz donne part de cette nouvelle à la
Keine , ce Géneral ayant feint de renoncer au
deffein d'affiéger Leutmeritz , & s'étant retiré
pour cet effet à quelque diftance de la Ville , le
Marquis d'Armentieres , qui y commandoit , en a
fait fortir un détachement , pour aller au.devant
d'un Convoi qu'il attendoit , & lorfque le Prince
de Lobckowitz a fçu que ce détachement n'étoit
plus à portée de feconfir Leutmeritz , il a marché
Hij avec
2940 MERCURE DE FRANCE
avec toute la diligence poffible ; pour le raprocher
de la Ville . Il l'a attaquée de plufieurs côtés en
même tems , & les François n'étant pas en aflés
grand nombre pour la défendre , elle a été emportée
d'affaut . Près de 160. hommes de la garnifon
ont été tués en cette occafion , & elle s'efti
sendue prifonniere de guerre.
Depuis l'arrivée du courier par lequel la Reine
a apris que le Prince Charles de Loraine fe difpo
foit à faire replier du côté de Schardingen & de
Paffaw l'armée qu'il commande en Bavière , on a
reçû avis que cette armée avoit marché le 17. às
Tummeldorf , le 19. à Hegerftatt , & le 21. à
Schardingen , & que le Comte de Kevenhuller de
fon côté s'étoit rendu le 21. à Vilshoven avec le
Corps de troupes qui éft fous fes ordres ; que le
même jour , le Prince Charles de Loraine avoir
vifité les retranchemens du camp de Schardingen ,
& qu'il avoit examiné les diverfes difpofitions faites
par le Baron de Berenklaw , de la conduite duquel
il a paru très-fatisfait ; qu'ayant été inftruit la
nuit du 21. au 22. par les efpions , que l'armée
Impériale commandée par le Comte de Seckendorf
avoit quitté les environs de Braunaw , &
qu'elle avoit paffé l'Inn pour aller à Tano , afin
de faciliter fa jonction avec l'armée Françoiſe , ils
avoit pris la réfolutión de tâcher de fe rendre
maître de la premiére de ces deux Villes , ou du
moins de refferrer le Corps de troupes que le
Comte de Seckendorf y avoit laiffé pour la garder
& de lui couper la communication avec l'armée
Impériale ; que dans ce deffein il avoit détaché le
Baron de Berenklaw , pour aller chercher une
partie de l'artillerie qui étoit à Oberhauff & à Paffaw
, & qu'ayant fait diftribuer du pain aux trou
pes & de l'avoine pour les chevaux , il s'étoit remis
1
le
DECEMBRE.
1742 294f
fe 23. en marche , pour s'avancer vers Braunauw
Ce Prince a côtoyé l'Inn jufqu'à Seufchperg , & il
eſt arrivé le 24. à Altheim .
Le bruit court que la plus grande partie de l'armée
Françoife a déja paffé 1 - Ifer , & que le Maréchalde
Broglie paroît déterminé à obliger toutes les
troupes de la Reine d'abandonner entierement le :
Pays qui eft entre cette riviere & celle d'Inn. D
Le Prince Charles de Lorrine eft attendu incef
famment de Bavière avec le Comte de Konigleg ,.
& il laiffera au Comte dc Kevenhuller le comman
dement géneral des troupes..
On continuë de travailler agec beaucoup d'affiduité
à feparer les Archives de l'Empire de celless
de la Maifon d'Autriche.
On a apris de Munich du 9. de ce mois , que
toute l'armée Françoife ayant paffé l'Ifer , & que
le Maréchal de Broglie , qui étoit allé à Straubingen
, étant retourné à cette armée , elle a conti
ué la marche vers l'Inn ; que le Comte de Sec--
kendorf, après avoir laiflé une forte garnifon dans
Braunaw & un Corps de troupes Impériales dans
le camp de Ranshoven près de cette Place , pour la :
garde du pont qu'il a fait conftruire fur l'Inn ; a
paffé cette derniere riviere avec le refte de l'armée
de l'Empereur , pour venir à la rencontre du Maréchal
de Broglie ; que dès que le Prince Charles :
de Lorraine a été averti que le Comte de Seckendorfs'étoit
éloigné de Braunaw , il a decampé de
Schardingen , & qu'il s'eft avancé vers la premiére
de ces deux Places , dans le deffein d'en former le
Stége , que fur l'avis du mouvement de ce Prince ;
le Maréchal de Broglie , a pretié la marche de l'ar
mée Françoife ; qu'il a fait entrer un fecours dans
Bkaunaw , & qu'il a obligé le Prince Charles de :
HAVA Lorainee
2942 MERCURE DE FRANCE
Lorraine de retourner à Schardingen.
M. de la Croix , Commandant de deux Compagnies
Franches des troupes Françoiſes , ayant été ,
détaché par le Marquis de Balincourt quelque tems
avant que d'être entré dans Braunaw avec le fecours
que le Maréchal de Broglie y a envoyé, il a rencon-,
tré un Corps de 800. Huffards Autrichiens,& quoiqu'il
n'eût alors avec lui qu'environ 300. hommes ,
ila attaqué ce détachement avec tant de valeur
qu'il l'a mis en deroute , les ennemis ayant cû dang
ce combat près de 200. Huffards tués ou bleflés .
Divers détachemens de l'armée Impériale ont,
remporté auffi plufieurs avantages fur les troupes
de la Reine de Hongrie . Un de ces détachemens
dans une rencontre a tué 40. Cuiraffiers & 60. Huffards
, & il a fait so prifonniers , du nombre defquels
on dit qu'eft le jeune Comte de Palfy.
On mande de Hambourg du 8. de ce mois , que
les derniers avis reçus de Boheme confirment que
le Prinee de Lobckowitz a reçû ordre de la Cour de
Vienne , de détacher une partie des troupes qu'il
commande , pour aller renforcer en Baviere l'armée
de la Reine de Hongrie .
Ces avis ajoutent que les Autrichiens, après s'être
rendus maîtres de Leutmeritz , ont marché au Châreau
de Tefchen , dont ils fe font emparés.
On a apris en même tems , qu'un Corps de Huf
fards des troupes de S. M. H. étant rentré dans
les environs d'Egra , depuis que l'armée de cette
Princeffe a pris la route de la Baviere , le Marquis
d'Herouville , Lientenant General des armées de
S. M. T. C. lequel commande dans la Place , a
détaché le 19. du mois dernier 30p. tant Cavaliers
que Dragons , lefquels ayant rencontré 100, de ces
Huffards dans un Village , les y attaquerent , en
taillerent une partie en piéces , & firent so . prifon-"
niers.
DECEMBRE. 1742 2943
Il y a eû auffi une action entre un autre détachement
de la garnifon d'Egra & 100. des Huflards
Autrichiens , & ces derniers ont pris la fuite . Depuis
se tems , il n'en a plus parû aucun dans les environs
d'Egra , & la garnifon peut faire venir librement
des Convois des Cercles d'Ellenbogen & de Pilfen ,
defquels elle a exigé plufieurs contributions .
On mande de Hambourg du 15. de ce mois
qu'un courier qui y a pallé a raporté que les Autrichiens
ayant levé le fiége de Braunaw la nuit du
9 au 10 , & qu'ayant fait defcendre à Cherberg le
pont qu'ils avoient près d'Ering , le Comte de Seckendorf
en avoit fait jetter un le 12. entre cette
derniere Ville & celle de Fraveftein ; que le 13 ,
une partie de lá Cavalerie des troupes Impériales
& Françoifes s'étoit remiſe en marche , & que Parmée
de la Reine de Hongrie s'étoit retirée du côté
de Schardingen.
Le 8 du mois dernier , Fête de la Conception de
la Ste Vierge , le nouveau Recteur de l'Univerfité
& les Doyens des quatre Facultés de Vienne , ju
rerent , fuivant la coûtume , de défendre l'Immaculée
Conception , 20
-On mande de Ratisbonne du 21. du mois dernier
, que le Prince Charles de Lorraine s'étoit re..
tiré entre Schardingen & Paffaw le 13. , après avoir
été obligé de lever le fiége de Braunaw ; que l'extrême
rigueur de la faifon empêchant de continuer
les operations militaires , le Maréchal de Broglie
avoit fait cantonner entre l'Ion & l'Ifer les troupes
qui font fous les ordres , & que le Comte de Seckendorf
avoit fait prendre des quartiers aux troupes
de l'Empereur. Une partie de ces troupes a été diftribuée
le long de l'Ifer , depuis le Danube jusqu'à
Munich , & une autre partie eft restée fur le bord
de l'Inn & vers les Frontiéres de la Haute- Autriche ,
H vj Celle
2944 MERCURE DE FRANCE
Celles que commande le Comte de Saxe , fon : de
Pautre côté du Danube , & elles font poftées de
telle forte qu'elles peuvent conferver la commu
nication avec l'armée du Maréchal de Broglie.
La veille du jour que ce Géneral s'avança pour
faire lever aux Autrichiens le fiége de Braunaw ,
le Baron de Berenklaw avoit donné ordre que
3500. hommes ſe tinffent prêts à donner la nuit
fuivante un affaut à la Ville , mais il revoqua cet
ordre fur l'avis de l'aproche du Maréchal de Broglie.
Le Major General Berenklaw fit auffitôt défiler
fon armée, & tous les équipages du Corps de trou
pes qu'il commandoit , & à peine fe fut- il mis en
marche , pour aller rejoindre le Prince Charles de
Lorraine , qu'on vit paroître les troupes Impériales
& Françoifes. Les premiers prirent pofte du côté
de Simbach entre Braunaw & l'armée commandée
par le Prince Charles de Lorraine , & les troupes .
Françoifes camperent du côté des montagnes . Les
Maréchal de Broglie détacha en même tems un
Gorps de 700. hommes de Cavalerie , pour donner
la chaffe à 8. ou 900. Huffards Autrichiens , qui
ayant repaffé le pont que le Prince Charles de Loravoit
fait jetter fur l'Inn , le replierent & le firene
defcendre vers Schardingen.
O
ITALIE
Na apris de Florence du f . de ce mois , que
les troupes du Grand Duché de Toſcane fe
font affemblées für la Frontiére du côté de l'Etat
Eccléfiaftique & du Duché de Maffa Carrera , mais
qu'elles n'agiront point contre les Efpagno's
à moins que ceux- ci ne forment quelque entreprifecontraire
à la neutralité dont on eft convenu pour
a
la
DECEMBRE 1742. 2941
la Tofcane . L'intention du Grand Duc eft qu'elle
foit obfervée de la part de cet Etat avec la plus
grande exactitude , & le Comte de Traun , qui
commande les troupes de la Reine de Hongrie en
Italie , ayant fait demander dans la Toscane une
certaine quantité de Fourage , la Régence a refufé
de lui en fournir , afin de ne pas violer les engage .
mens qu'elle a pris avec le Roi d'Eſpagne.
Suivant les derniers avis reçûs de Lombardie , la,
Reine de Hongrie ayant engagé le Roi de Sardaigne
à permettre que les troupes Piémontoifes
rentraffent dans le Belonois , ces troupes , ainfi
que celles de S. M. H ont repaflé le Panaro .
Quelques lettres de Savoye marquent qu'on y
avoit apris que le Roy d'Efpagne avoit nommé le ,
Marquis de la Mina , pour commander à la place
du Comte de Glimes , l'armée Espagnole qui eft
en Dauphiné..
On a apris de Chamberry du 23. du mois dernier
, que le 18. les Espagnols ayant fait une mar
che forcée , ils allerent fe pofter dans les environs
du Château d'Afpremont , & que le foir un de leurs
détachemens inveftit ce Château , où il y avoit 200 .
hommes , tant foldats que payfans armés , qui fefont
défendus avec beaucoup de valeur jufqu'au -
21 , qu'ils fe font rendus prifonniers de guerre.
N.
a
Le Roy de Sardaigne n'a pas jugé à propos de -
détacher un Corps de troupes pour aller au fecours
de ce pofte , parce que Sa Majefté a craint que les :
Efpagnols en attaquant le Château d'Afpremont ,
n'euffent d'autre objet que de l'engager à feparer
fes troupes , & de lui livrer bataille , lorsqu'il ne
feroit plus à portée de réunir les forces . S. M. a
quitté fon camp de Montmelian , pour s'avancer à
N. D. de Mians , & les deux armées qui ne font
l'unc & l'autre.qu'à trois lieues de cette Ville , &
quis:
2946 MERCURE DE FRANCE
qui font en prefence , font jour & nuit fous les
armes.
On mande de Florence du 15. de ce mois , que
la nuit du 9. au to , on fentit à Sienne une violente
fecouffe de tremblement de terre , & que le 17. il
y en eut une à Firizano dans la Lunegiana.
On a apris de Ville- Franche du 28 , de ce mois ,
que l'équipage d'un Vaiffeau revenant des Côtes
d'Afrique , & qui avoit été obligé par une tempête
de rélâcher en cette Ville , a aporté la nouvelle ,
que le Dey & la Régence de Tunis paroiffoient dif
pofés à accorder au Roy de France toutes les fatisfactions
convenables au fujet des differends ſurvenus
entre S. M. T. C. & cette Régence ; qu'ils
étoient convenus d'un armiſtice avec les Comman
dans des Vaifleaux du Roy de France , qui font à
la Côte , & qu'en confequence la liberté du Commerce
avoit été rétablie .
Suivant les derniers avis reçûs de l'armée du Roy
de Sardaigne , ce Prince ayant abandonné le camp:
dans lequel il s'étoit retranché près du Château des
Marches , s'eft retiré avec toutes fes troupes dans
les environs d'Aiguebelle , & l'Infant Don Philippe ·
ayant envoyé le Comte de Sada , Lieutenant General
des armées du Roy d'Espagne , avec un Corps
de troupes pour fommer les habitans de Chamberry
de fe rendre ; ils ont ouvert aux Eſpagnols les
portes de leur Ville .
O
PORTUGAL .
Na apris de Lisbonne du 4. de ce mois , que ·
les Bernardin's tinrent le 13. dans leur Convent
d'Alcohaça un Chapitre Géneral dans lequel
ils élurent pour General de leur Ordre dans le
Royaume de Portugal le Pere Guillaume de Va
concellos,
DECEMBRE. 2947 1742
concellos , Abbé de Ste Marie de Bouro , &
devant leur Procureur Géneral à Rome.
ESPAGNE,
N Armateur Espagnol s'eft emparé d'unVaiffeau
Anglois commandé par le Capitaine
Beach , qui revenoit de la Caroline , d'un Vaiffeau
de Darmouth , qui revenoit de Terre Neuve , &
d'un Brigantin, qui alloit à Venife.
On a apris de Madrid du 18. du mois dernier
qu'un Vaiffeau d'avis arriva le 27 Novembre à
Corcublon en Galice, & que les lettres que ce Bâtiment
a aportées de la Havane , d'où il eft parti -
le 3. Octobre, marquent que les Anglois , irrités des
dommages qui ont été caufés à la Nouvelle Géor
gie par les Efpagnols , avoient tâché de furprendre
les Ports de Mantanzas & de Baracoa , mais qu'ils
n'avoient point réuffi dans leur entreprife , & que ,
quelques-uns de leurs Bâtimens s'étant préfentés
devant le principal Port de la Floride , ils avoient
été vivement attaqués par fix Galiotes armées en
guerre , qui leur en avoient fermé l'entrée , & qui
les avoient obligés de fe retirer.
Les mêmes lettres portoient que le Gouverneur
de la Nouvelle Efpagne , fur l'avis qu'il avoit reçu
du deffein formé par l'Amiral Vernon de tenter
avant que de revenir en Europe , une defcente fur
quelqu'une des Côtes du Golfe du Mexique , avoit
pris les mesures néceffaires pour s'y opofer ; qu'il
s'étoit apliqué particulierement à mettre la Ville de
la Vera Cruz en état de défenſe , & que non feulement
il avoit pofté plufieurs Corps de troupes en
differens endroits fur les bords de la Mer, mais que
10000. habitans étoient prêts à monter à cheval au
premier fignal , pour fe porter où l'on auroit befoin
de leur fecours.
2498 MERCURE DE FRANCE
O
GRANDE - BRETAGNE.
Na apris de Londres du zo . de ce mois ,
que par la fupputation qu'on a faite , il paroît
que depuis le commencement de la guerre les
Efpagnols ont enlevé 452. Vaiffeaux Anglois.
****************
MORT DES PAYS ETRANGERS.
Laviere Falatin du Rhin, Grand-
E 31. Décembre , Charles Philipe de
Tréforier & Electeur du S. Empire Romain
Duc de Baviere , de Juliers , de Cleves , &
de Berg ; Prince de Meurs , Comte de Vel-,
dentz , de Spanheim ; de Marck , & de Ravensberg,
Seigneur de Ravenſtein &c.mourut
à Manheim âgé de 81. ans deux mois moins
quatre jours , étant né le 4. Novembre 1661 .
Il étoit fils de Philipe Guillaume de Baviere,
Comte Palatin du Rhin , Grand -Tréforier
& Electeur du S. Empire Romain , mort à
Vienne le 2. Septembre 1690. & d'Elizabeth-
Aurelie de Heffe - Darmstadt , morte
le 4. Août 1709. Il avoit d'abord embraffé
Etat Eccléfiaftique s'étant fait recevoir
Chevalier de l'Ordre de Malthe , mais il l'a-
Bandonna enfuite , & fut fait Gêneral Feldt
Maréchal des armées de l'Empereur. Il eut
en 1704. l'Ordre de la Toifon d'or , & le
Gouverne
,
,
DECEMBRE. 1742 2949
Gouvernement du Tyrol , & il fucceda dans
P'Electorat à Jean Guillaume fon frere, morr
fans enfans , le 8. Juin 1716. Il avoit été:
marié 1 ° . à Berlin , le 1. Août 1688 .
avec Louife- Charlotte Radzivil , veuve de
Louis Margrave de Brandebourg , morte le
25. Mars 1695. fille de Bogillas , Prince
de Radzivil . 2. le rs. Décembre 1701 .
avec Thérefe Lubomirski , morte à Infpruck
, le 6. Janvier 1712. fille de Joſeph
Charles Prince de Lubomirski. Il avoit cu.
de la premiere , outre plufieurs enfans morts
jeunes , Elizabeth Augufte de Baviere , néc :
le 17. Mars 1693. mariée le 2. Mai 1717.
avec Charles - Emanuel de Baviere , Comte
Palatin du Rhin , Prince héréditaire de
Sultzbach , morte avant lui , le 30. Janvier
1728. fans laiffer d'Enfans mâles , & de la:
feconde il avoit eu deux filles mortes jeunes
; ainfi par la mort de cet Electeur fans.
enfans mâles l'Electorat & fes autres Etats
héréditaires paffent à Charles- Philipe Duc
de Baviere , Comte Palatin du Rhin , Prince
de Sultzback , Marquis de Berg-op- zoom,
fon coufin du 5. au 3 dégré ; ce Prince eft:
né le 11. Décembre 1724 & fils unique de
feu Jean Chriftian Duc de Baviere , Comte:
Palatin , Prince de Sultzbach , mort le 20.
Juillet 1733. âgé de 34 ans , & de Henriette:
de la Tour d'Auvergne , Marquife de Bergop-
zoom,,
1950 MERCURE DE FRANCE
op-zoom , morte à l'âge de 28. ans le 28.
Juillet 1728 .
}
*******************
J
LE ROSSIGNOL REGENT ,
FABLE.
Adis un Roffignol , auffi jeune qu'aimable ,
Qui par les plus tendres accens ,
Dans la faifon défagréable ,
Sçavoit reffufciter les charmes du Printems ,
Fit bien loin de fon voisinage ,
Tant de bruit par fa belle voix ,
Qu'on vint lui propofer de quitter fon Bocage }
Pour fe faire Habitant des Bois.
Laiffez- là cette Solitude ,
Lui dit le Député , » veiież dans nos Forêts;
ג כ
Tranquille , & fans inquiétude ,
» Vous n'y connoîtrez de regrets ,
Que ceux d'avoir long- tems , dans ce bofquet
fauvage
,
35 De
Perdu vos charmantes leçons ;
» Chés nous , vous aurez l'avantage
nous voir accourir en foule à vos chanſons
» D'ailleurs , fi de notre jeuneſſe
Vous daignez prendre quelques foins ,
» Vous verrez qu'à l'envi , nous piquant de lar
20
- geffe`, » Nous
DECEMBRE 1742. 2951
Nous préviendrons tous vos befoins.
Séduit par ce difcours frivole ;
Avec le Député , fans faire fes adieux ,
Il part , & va tenir École
Loin du féjour de fes ayeux.
On l'attend : il arrive , & voit ſa claſſe pleine
De mille petits Oifillons ,
Qui jafant à perte d'haleine ,
Sont tous moins differens en habits qu'en façons ;
Le fecret des Métamorphofes ,
Que par malheur il n'avoit pas ,
Eût au pauvre Régent , pour bien régler les
chofes ,
Epargné bien de l'embarras ,
Car il fut toujours difficile
De prendre le milieu néceffaire en tel cas ;
Pour réveiller un imbécile ,
Qui fouvent ne vous entend pas ,
Et moderer l'ardeur d'un efprit né facile ,
Qui ne veut aller qu'à grands pas.
Après avoir pris fes meſures ,
Autant bien qu'il le put , pour faire que
Se ployant aux mêmes allures ,
Fit un profit fûr & commun ,
chacun ,
Il chante , & de fon Art , quoique jeune , en grand
Maître ,
Donnant les premieres Leçons ,
A chaque moment il voit croître
Le
2952 MERCURE DE FRANCE
Le nombre des Oifeaux qu'attirent fes Chanfons ,
D'abord , il en eut de la joie ,
Sur les
Mais voyant quelque tems après ,
pas du Butor , le Canard avec l'Oye s
Accourir du fonds des Matais ,
Il penfa fermer la Boutique..
Quoi ! des Oifons , dit- il ? Je doute qu'Apollon ,
» Tout Dieu qu'il eft de la Mufique ,
» Pût faire un Chantre d'un Oifon ,
Voyons pourtant , voyons ce qu'on en pourra
faire ;
S'ils font des progrès , j'y confens ;
S'ils n'en font point , c'eſt leur affaire ;,
> Qui pourra m'imputer la perte de leur tems ?
» Perfonne . Hélas ! le pauvre Here
Comptoit fans fon hôte en ce point ;
Car , ajoûtant en vain , au travail ordinaire ,
Le zéle avec le plus grand foin ,
Il vit bientôt plus d'une mere ,
Venir en glapiffant lui faire fon procès
f
L'une le trouve trop levere ,
Et peu contente des fuccès
De fon fils , qui pourtant en fait plus que fom
pere :
La voilà contre le Régent
A déclamer chés fa Conmere ;
» C'eſt un Capricieux , un Ruftre , un Négligent ;
Oh ! bien , dit l'autre , fa méthode,
22 S'il
DECEMBRE. 1742 2958
S'il faut vous parler franchement ,
Me déplaît en tout point . Vive l'ancienne mode ;
» Les chofes alloient uniment ;
"
F'en fuis pour les routes vulgaires ;
Et je foutiens qu'il faut s'en tenir bonnement
A fuivre pas à pas nos Peres,
» Qui venoient je ne fçais comment ,
I
Fraper tout droit au but ; mais lui , tout au contraire
,
» Veut toujours que le jugement ,
>> Comme une baze néceffaire ,i
Soit de tous les progrès le premier fondement ;
» Vraiment , fi nous le laiflons faire ,
» On verra tout communément ,
a Le fils chés vous , chés moi , ne reffembler am
pere
Que par les griffes feulement ;
Enfin l'une & l'autre Commere
Scûrent fi bien draper l'infortuné Régent ,
Que mille fots pour s'en défaire ,
Auroient donné tout leur argent.
Régens ? Eft-il un fort plus,trifte que le vôtre .
Ces baudets en dix fois dix ans ,
N'aprendroient pas leur Patenotre ;
Il faut pourtant en faire au plutôt des Sçavans.
Si dans un Eleve docile
Vous cultivez un beau talent ,
Vous
#954 MERCURE DE FRANCE
Vous ne faites , dit - on , rien qui ne ſoit facile ;
Il fuffit pour en faire autant
De n'être pas un imbécile.
Ainfi de tous les foins que le jour & la nuit
• Vous prenez pour le rendre habile
L'ingratitude est tout le fruit.
·De Bourges , par M. Luneau.
***** kkakakakakakakakak
FRANCE ,
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARIS , &c.
Na apris que le Maréchal de Belle-
Ifle fortit la nuit du 16. au 17. de ce
Maréchal ce
mois , avec l'armée du Roy , de la Ville de
Prague , où il n'a laiffé que 1800. hommes
par détachemens fous les ordres de M. Chevert
, Brigadier , avec les malades & les convalefcents
de l'armée.
Le 17. à cinq heures du foir , le Maréchal
de Belle- Ifle arriva à Tucklowitz , qui eft à
fept lieues de Prague , & il y furprit un quartier
de Cuiraffiers dont plufieurs furent
tués , & le refte fait prifonnier.
Le mauvais tems & la fatigue des chevaux
ayant empêché l'armée de continuer fa mar--
che le lendemain , le Maréchal de Belle - Iſle
la fit refter le 18. à Tucklowitz. Il en partit
à
DECEMBRE. 1742 2955
à l'entrée de la nuit , & il arriva le 21. à Ste .
ben , qui eft à la moitié du chemin de Prague
à Egra , fans que les ennemis , qui l'ont
fuivi & qui ont été repouffés toutes les fois
qu'ils ont voulu inquieter l'armée du Roy
dans fa marche , ayent pû s'y opofer.
ARRETS NOTABLES.
EDIT DU ROY , portant réunion
de la Jurifdiction de la Vicomté du
Havre au Bailliage de la même Ville. Donné
à Verfailles au mois de Septembre 1742 .
Regiftré au Parlement de Rouen le 13 .
Octobre fuivant , par lequel S. M. ordonne
Fexécution des huit Articles contenus dans
Edit.
> AUTRE concernant les Mariages ;
pour le reffort du Parlement de Flandres.
Donné à Versailles au mois de Septembré
1742. Regiftré au Parlement de Flandres le
15. Octobre fuiyant , par lequel il eft dit ce
qui fuit.
Louis , par la Grace de Dieu , & c. Nous
avons été informés que ni l'Edit du mois de
Février 1556 , par lequel les enfans qui fe
marieroien
72956 MERCURE DE FRANCE
#marieroient fans le confentement de leur
pere ou mere avant l'âge fixé par cette Loi ,
feroient fujets à la peine de l'exhérédation .
ni l'Ordonnance de Blois , ni les autres Ordonnances
, Edits ou Déclarations qui ong
été donnés en differens tems par les Rois
nos Prédéceffeurs , fur la matiére des Mariages
& fur les Rapts de violence ou de féduction
, n'ont pas encore été adreffés à notre
Cour de Parlement de Flandres , fi l'on en
excepte l'Edit de 1697. & la Déclaration du
15. Juin fuivant , qui ont été enregistrés
dans cette Cour , én forte que les difpofitions
importantes de ces Loix , dont le
grand objet a été de maintenir l'honneur &
la dignité du Mariage , de pourvoir à la
sûreté , à l'union & à la tranquillité des familles
, ne font point exécutées dans les
Provinces du reffort de ce Parlement , parce
qu'elles y font ignorées : d'où il arrive que
dans les cas qui n'ont point été réglés par
l'Edit du mois de Mars 1697. ou par la Déclaration
qui l'a fuivi , on ne peut avoir
recours qu'à quelques Ordonnances particu
liéres & infuffifantes , qui ont été faites pen-
¿dant que cesProvinces-étoient foumifes à une
autre domination. Et comme il ne peut réfulter
de ce défaut de Loix , qu'une Jurifprudence
non- feulement incertaine , mais
fouvent differente de celle qui est établie
dans
DECEMBRE. 1742. 2957
"
dans les autres Tribunaux de notreRoyaume.
Nous avons réfolu de réparer enfin une
omiffion qui peut fufpendre quelquefois les
fuffrages des Juges , ou en partager les tențimens,
faute de regles également reconnues
qui puiffent les réunir. C'eft pour faire cffer
cet état d'incertitude dans une matiére fi intereflante
pour le Public, que Nous avons jugé
à propos d'adreffer à notre Parlement de
Flandres le préfent Edit , dans lequel il trouvera
toutes les difpofitions des Ordonnances
fur les Mariages , qu'il ne connoît
pas encore non feulement inferées &
tranfcrites en leur entier , mais confirmées
de nouveau, en tant que de befoin, par notre
autorité. Ainfi , d'un côté , Nous mettrons
les Officiers de notre Parlement de Flandres
en état de fuivre conftamment les mêmes régles
qui s'obfervent dans les autres Tribunaux
, & de faire regner par - là une parfaite
uniformité dans leurs Jugemens , pendant
que d'un autre côté , Nous ferons auffi connoître
ces régles à des peuples fidéles , qui
ne méritent pas moins que nos autres fujets,
de recueillir les fruits de tant de difpofitions
falutaires qui ont été faites pour affermir
l'état des hommes , en affûrant la liberté , la
folemnité , la validité des Mariages , qui font
le lien & la fource des amilles , le principe
& le fondement de la fociété civile. A ces
11. Vol. I cauſes,
2958 MERCURE DE FRANCE
cauſes , & autres confidérations à ce Nous
mouvantes, de l'avis de notre Confeil , & de
notre certaine fcience , pleine puiffance &
autorité Royale :
Nous avons par ces préfentes fignées de
notre main , dit & ordonné , difons & ordonnons
, voulons & nous plaît , que l'Ordonnance
de Henry II. du mois de Février
1556. les articles XL. XLI. XLII . XLIII .
XLIV. & CCLXXXI . de l'Ordonnance de
Blois du mois de Mai 1576. L'Article XXV.
de l'Edit de Melun du mois de Février 1580.
L'Article XII. de l'Ordonnance du mois de
Décembre 1606. La Déclaration du 26.Novembre
1639. & notre Déclaration du 22 .
Novembre 1730. de toutes lefquelles Loix
les difpofitions fur ce qui regarde les Ma
riages , font tranfcrites en entier , pour ne
faire avec ces préfentes qu'une feule & même
Loi , foient obfervées & exécutées felon
leur forme & teneur , dans le reffort de
notre Cour de Parlement de Flandres , ainfi
qu'elles le font dans le reffort des autres Parlemens
de notre Royaume ,auxquels elles ont
été adreffées , & de la même maniére que fi
chacune defdites Ordonnances , ou defdits
Edits & Déclarations , avoit été adreſſée féparément
, & enregistrée audit Parlement de
Flandres, & c.
ARDECEMBRE.
1742. 2959
ARREST du 2. Septembre , portant
que les Capitaines de Navires &autres Bâti
mens qui , dans la quinzaine du jour de la
déclaration de leur arrivée dans les Ports de
Mer, ne repréſenteront pas aux Bureaux des
Fermes , les balles, ballots, tonneaux & caiffes
en même nombre contenu en la déclara
tion d'arrivée , feront cenfés & réputés avoir
introduit clandeftinement dans le Royaume,
des Marchandifes de contrebande , & com
me tels condamnés en la confifcation de la
Marchandiſe , laquelle fera évaluée à trois
mille livres , & en outre en une amende de
pareille fomme ; à moins qu'il ne foit juſtifié
d'un empêchement legitime , & conſtaté au
déchargement defdits Bâtimens , que lesdites
balles , ballots , tonneaux & caifles , n'ont
pû être repréſentés aux Bureaux defdites
Fermes dans la quinzaine de leur arrivée.
AUTRE du 4. qui ordonne l'exécution
des Lettres Patentes du mois d'Avril 1717.
portant Réglement pour le Commerce des
Ifles : Caffe trois Sentences de la Jurifdiction
des Traittes du Havre , des 25. Octobre
, 14. & 21. Novembre 1741. Et condamne
les fieurs Vauftable , le Bouis & de
la Haye, David Laîné & Jean Feray , àpayer
les droits d'Entrée des Marchandifes arri
vées de Marſeille & Dunkerque , au Havre
I ij &
1969 MERCURE DE FRANCE
& par eux déclarées à la deftination de l'enpôt
pour les Ifles & Colonies Françoiſes ,
conformément à l'Article X. des Lettres Patentes
de 1717,
AUTRE du 9. qui renvoye pardevant
M. Feydeau de Marville , Lieutenant Général
de Police , toutes les conteftations nées
& à naître dans la Communauté des Maîtres
Braffeurs à Paris , par raport à l'adminiſtration
& conduite des affaires de ladite Communauté
, pour être par lui jugées ſouverainement
& en dernier reffort.
ARREST du 2. Ooctobre , portant
Réglement
fur les Opofitions au Titre ou au
Sceau des Offices dépendans des Ordres du
Roy,
AUTRE du même jour , qui fixe à quatre
années l'entrepôt des Marchandiſes propres
·pour le Commerce de Guinée.
AUTRE du même jour , qui fuprime le
Droit de Péage prétendu , par le fieur Duc
de Luxembourg , au lieu de Migennes , Généralité
de Paris.
AUTRE du même jour , qui ordonne
qu'en payant par les Doyens ruraux , Curés
&
DECEMBRE. 1742 2961
& autres Bénéficiers des Prevôtés de Longwy
, Montmedy , Marville , Thionville
Sierck , Rodemack , Sarrelouis , & Duché
de Carignan , dépendans de l'Archevêché
de Treves , la fomme de deux mille cinq
cent livres par chacune année , tant que
l'impofition du Dixiéme aura lieu , à commencer
du premier Octobre 1741. ils demeureront
déchargés de l'exécution de la Déclaration
du Roy du 29. Août 1741 .
,
DECLARATION du Roy en faveur
des Receveurs particuliers des Finances de
Lorraine & Barrois. Donnée à Verſailles le
4. Octobre 1742. Regiftrée en la Chambre
des Comptes , le 7. Novembre fuivant.
ARREST du 16. Octobre , qui ordonne
que les Maîtres de Verreries de Verres à
Vitre , feront tenus d'établir inceffament un
Magafin de ladite Marchandife dans la Ville
de Paris , tant pour la confommation ordinaire
de ladite Ville , que pour fubvenir
aux befoins imprévus.
ORDONNANCE DU ROY du
30. pour mettre le Régiment d'Infanterie
Allemande , ci - devant commandé par le
fieur d'Appelgrehn , ainfi que la Brigade.
d'Officiers réformés fous le titre de Royal-
I iij Suedois,
1962 MERCURE DE FRANCE
Suédois , par laquelle S. M. ordonne que
ledit Régiment portera le nom de Royal-
Suédois , ainfi que la Brigade d'Officiers réformés
de ce Régiment , entretenus dans fes
places : S. M. voulant que les ordres pour
la marche dudit Régiment , les Commiffions
, Lettres de S. M. & Brévets pour remplir
les charges qui viendront à y vacquer ,
foient expediés à l'avenir fous le nom de
Royal- Suédois .
AUTRE du même jour portant augmentation
de trente mille hommes de Milice
, dont la levée doit être faite dans les
Villes Capitales & autres qui en ont été
exemptes par le paffé , & fubfidiairement
dans les autres Villes & Paroiffes du Plat-
Pays des Provinces & Généralités du Royaume
, par laquelle S. M. ordonne l'exécution
des 11. Articles contenus en ladite Ordonnance
, au bas de laquelle eft l'Etat contenant
la répartition defdits 30000. hommes
de Milice qui doivent être fournis les
par
Villes & Géneralités du Royaume , en exécution
de ladite Ordonnance .
AUTRE du 31. Octobre pour augmen
ter le Régiment de Huffards d'Efterhazy ,
de deuxCompagnies nouvelles de cinquante
chacune, en former deux Efcadrons de cent
cinDECEMBRÉ
. 1742. 2963
cinquante Maîtres ; & établir un Cornette en
chacune des Compagnies , tant anciennes
que nouvelles.
AUTRE du premier Novembre portant
réglement pour le payement des troupes
de S. M. pendant l'hyver prochain.
ARREST du 6. qui ordonne que le
recouvrement de la partie du Dixieme que
doivent fuporter les poffedans Fiefs de Provence
, fera fait par le Tréforier dudit Pays
de Provence , & que celui du Dixiéme des
Villes d'Arles , Marfeille & Terres adjacentes
, fera fait
par
les Receveurs Géneraux des
Finances de Provence , Tréforiers Géneraux
des Terres adjacentes.
AUTRE du 13. qui ordonne qu'en payant
par le Clergé du Diocéfe de Metz , dans le
courant de la préfente année , la fomme de
cinquante- cinq mille livres par forme de
don gratuit , fur les récépiffés du Garde du
Tréfor Royal , les biens Eccléfiaftiques de
ce Diocèfe feront difpenfés de l'exécution
de la Déclaration.du 29. Août 1741 .
SENTENCE de Police du 23. qui condamne
le nommé Latour , Marchand de
Vin , rue de la Vannerie , à l'Enſeigne du
I iiij Franc
2964 MERCURE DE FRANCE
Franc Pineau , en cinq cent livres d'amen
de , pour avoir reçû chés lui une Aſſemblée
de Peintres & Brocanteurs , qui y aportoient
& vendoient des Tableaux & autres
Marchandifes ; lui fait défenfes de récidiver
à peine de fermeture de fon Cabaret : Er défend
pareillement à tous Cabaretiers , Mar—
chands de Vin , Traiteurs , Limonadiers &
autres , de fouffrir chés eux de femblables
Affemblées.
ARREST du 27. qui modére à vingt
fols du cent pefant , les droits d'entrée ſur
les Beurres venant d'Angleterre , d'Ecoffe &
d'Irlande , & ce , pendant le tems feulement
porté par celui du 18. Septembre 1742. qui
a permis l'entrée defdits Beurres.
AUTRE du 30. concernant la réformation
des Chemins qui font dans l'étendue
de la Capitainerie de la Varenne des Tuilleries.
ORDONNANCE du Roy du premier
Décembre pour empêcher les Voituriers
de paffer dans les routes des forêts de
Sa Majeſtć.
ARREST du 11. qui proroge pour trois
années , à compter du premier Janvier 1743.
La
DECEMBRE . 1742. 2965
la perception du droit d'un demi pour cent,
ordonné par la Déclaration du ro Novembre
1727. être levé fur les Marchandiſes venant
des Ifles françoifes de l'Amérique.
ORDONNANCE de Police du même
jour, qui fait défenfes à toutes fortes de perfonnes
, mafquées ou non mafquées , qui
n'auront pas été invitées aux Repas , Feftins
de Nôces , Affemblées , qui fe feront chés
les Traiteuts , Marchands de Vin , ſoit de
jour ou de nuit , de s'y introduire avec viofence
, à peine d'être arrêtés & punis comme
perturbateurs du repos public.
ORDONNANCE du Roy du 16. portant
création de trente- fix Compagnies de Huf
Lards , de cinquante Maîtres chacune .
AUTRE du même jour pour augmenter
le Régiment de Huffards d'Efterhazy , de:
quatre efcadions de cent cinquante Maî
tres chacun.
AUTRE du même jourportant augment
tation de troupes de Cavalerie & de Dragons.
AUTRE du même jour , pour former
fept Bataillons d'Infanterie Allemande , de
huit Compagnies chacun, & les Compagnies
de quatre- vingt hommes chacune.
Iv APRO
APROBATION.
J
'Ai lû par ordre de Monseigneur le Chancelier,
le fecond Volume du Mercure de France du mois
de Décembre , & j'ai crû qu'on pouvoit en permettre
Pimpression. A Paris , le premier Janvier 1743.
HARDION.
TABLE.
PIECES
Epitre d'Horace ,
IECES FUGITIVES. Imitation de la VI
Suite du Difcours fur une Queftion ,
L'heureux Troupeau , Fable ,
2767
2775
2790
Réponse à une Queſtion de Phyfiquo à M. l'Abbé
Baillard du Pinet , 2792
Ode Sacrée , récitée au College de Belſunce à
Marſeille , 2818
Lettre écrite au fujet des Chartreufes de Paris &
de Marſeille ,
Vers , Eloge du Petit ,
Lettre de M. Tanevot à M. .
Mortt de M. Collin ,
2820
2836
2840
A M. Rigaud , Peintre ordinaire du Roy , fur la
3843
Lettre de M. Boyer le jeune , fur une Queftion ,
2844
Addition ou Réponse à la Lettre précedente , par
M. Chaix ,
2854
Ode tirée du Pleaume V. Verba auribus percipe ,
2861 & c.
Obfervations fur une Diſſertation des Caufes Celebres
,
2864
Portrai ,
Portrait de Mile ... 2879
Portrait d'une autre Dlle , 2881
Réponse à une Queſtion propofée dans le Mercure
d'Octobre dernier ,
Enigme , Logogryphe , &c .
2882
2888
2889
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS, & c .
Hiftoire Romaine , depuis la Fondation de Romè
, & c.
Mémoires pour fervir de preuves à l'Hiftoire Eccéfiaftique
& Civile de Bretagne ,
Fables de la Fontaine ,
2898
2899
ibid.
La Chronologie & la Topographie du nouveau
Breviaire de Paris ,
Hiftoire des Empires & des Républiques depuis
le Déluge jufqu'à J. C. & c.
Hiftoire Univerfelle de Diodore de Sicile , &c.
2900
ibid.
Relation de ce qui s'eft paflé dans le Royaume de
ibid.
2900
Maroc ,
Obfervations fur les Plantes , & leur analogie avec
les Infectes ,
Catalogue des Livres de la Bibliotheque des Evêques
de Meaux & de Troyes ,
2902
Catalogue de la Bibliotheque du feu Chevalier de
Charoft , ibid.
Commentaire fur les Enfeignes de Guerre des principales
Nations du Monde, 2903
Nouveau Traité de Phyfique , 2906
Hiftoire Littéraire de la France , ibid.
Etat de la Médecine ancienne & moderne >
2907
Recueil des Actes , Titres , &c. du
France ,
Clergé de
ibid.
Amours de Théagene & de Chariclée ,
Programme reçu d'Angleterre
2908
Omnibus &C
"
ibid.
Leçons
2912
Leçons gratuites de Phyfique ;
Difcours prononcé à Auxerre par M. Martineau ,
Académie des Belles- Lettres à Bordeaux ,
2713
ibid.
Estampes nouvelles , Portraits des Hommes Illuftres
, & c..
2925
Spectacles , Parodie d'Hypolite & Aricie , Extrait ,
Nouvelles Etrangeres, Turquie & Ruffie ,
3916
2937
Allemagne ,
2919
Italie ,
2944
Portugal ,
2946
Eſpagne , 2947
Grande Bretagne 2948
Morts des Pays Etrangers , ibid,
Le Roffignol Régent , Fable , 2950
Arrêts notables ,
Table du Volume
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 2954
Table Generale de toute l'année.
2958
Errata du premier Volume de Decembre.
PAge 2579. ligne 5. furvéquit , liſex , ſurvécut:
P. 2608. 1. 10. une , 1. un.
P. 2610.1 24. il fut enfuite préfenté , l . on préfen
ta enfuite.
Ibid. 1. 26. il fut apellé , l. on apella.
P. 2611. l. 24. a , ôtez ce mot.
P. 2622. 1. 7. poid , l. poids.
P. 2631. 1. 2. du bas , Encens l. de l'Encens
P. 2696 , l. 10. Premier Médecin , . Premier Chi
Furgien.
l. P. 2706.1. 15. fut , 1. eft.
P. 2,11. 1, 21. mari , l . marie.
P. 2713. 1. 4 déitail , l . détail.
P. 2749. 1. 9. même Chapelle , l. Chapelle du Châ
teau de Verſailles.
P.
P. 2750. 1. 18. Château , ajoutez , de Verſailles .
2752. 1. 21. Le même jour , l. Le 8. de ce mois..
P. 2757. l. 14. de , ôtez ce mot.
Fautes à corriger dans ce Livre.
P. 2772. 1. 2. du bas , dans une Note , l'un ne vaut
que l'autre , 1. l'un vaut l'autre.
P. 2805. 1. s. du bas , mis , l. fis.
P. 2837. 1. 5. de , l. des.
P. 2876. l. 12. & 13. feulemement , l. feulement.
P. 2877. 1. 4. du bas , un , 1. une .
P. 2884. 1. 13. & 14. boneheur , 1. bonheur.
P. 2886. 1. 3. conjecture , l . conjoncture .
P. 2916. 1. 3 du bas , Sidoni , 1. Sidonie.
(
雞絲
TABLE GENERALE
De l'Année 1742 .
Les chiffres précedés d'un Aftérique , font pour
le fecond Volume du mois de Juin.
A Bfalon , Tragédie ,
Académie Françoiſe ,
Des Sciences ,
Des Infcriptions ,
De Soiffons ,
Des Jeux Floraux ,
De Marſeille ,
-De Lyon ,
D'Arras ,
De la Rochelle ,
De Pau ,
De Montauban ,
De Bordeaux ,
A
334
466
754. 1180. 2694
754.2686
755
2015. 2208
2050. 2709
758
339
1396
-De Dijon ,
De Villefranche ,
De Chirurgie
Ajax , Opera ,
tentrionales ,
?
1836
2052
2504. 2913
2271
2262
$61. 2696
1859
Alexandrie , fon Commerce dans les Gaules Sep-
Ambaffade Ottomane
Amiante ,
Amour pour Amour , Comédie ,
149.1. 1529
*
845
So
366 , 1428
Andrezel
Amuſemens du Coeur & de l'Eſprit. $ 43.2038.266 €
TABLE
Andrezel ( Picon d' )
Andri ( Nicolas ) .
* 965
1671
Antiquités , 295. 1760. 1834. 1992. 2397. 2590.
2630. Eccléfiaftiques ,
Apophtegmes en Vers ,
Aramend ( Gabriel d' )
701
1092
* 866
Arrêts notables , 229. 659. 1789. 1892. 1907 .
Arierefaix ,
Arles ,
2426° 2597. 2955
2708
513
2723
2467
136
Arlequin Baron Suiffe , Comédie ,
Art de guérir les playes ( l' )
Artillerie ,
Aulaire ( François-Jofeph de Beaupoil de Saint )
Aurore Boreale ,
B.
B
Anlieuë de Paris ,
Barometre ,
Barthélemi des Martyrs ,
Bergeretta ,
Blancheur ,
Bonnac ( Uffon de )
Boffuet ( OEuvres de )
2763
1375
649
759
2367
1930
123
957
536
Bouquet , 1107. 1122. 1380. 1763. 1964. 2329
Breves François Savari de )
Brumoi ( le P. Pierre )
2418 2612
*
875
1609
Bureau Typographique , 18. Mufical , 224. 1099.
2571
C
C
Abeſtan , 761.766
Cabinet ( le ) Comédie
2281
Cainonis caftrum a
1128
Cameriera,
DES MATIERES.
Cantate ,
Capitulations renouvellées ,
Cameriera ( la ) Comédie ,
1448
*
2435
1033*
Cartes Géographiques , 353. 1191. 1416. 1614
2248. 2275. 2509. 2713
Caftellane ( de ) 975
Cenfeur , quel il doit être 2616
Cercle. Méthode de le divifer , 2176
Cefy ( Harlai de )
*
902
Chanfons ,>
2039.2589
Chanfons
2039.2589
Chartreufes ,
2820
Collège Royal , 2505
Collin
2840
Comte de Warvic ( le ) Tragédie , 2525
Conétablie , 2604
Contes , 1793. 1925. 1955
Contufions de la tête , 2703
Cora , 711. 1703, 1915 .
Cordato ( Conftantin Mauro ) 1506
Cours de Chimie
786
Critique des Conſeils à Racine ,
1088.1547
Curce ( Q )
1855
D
Depart du Guerrier Amant ( le ) Ballet , Diablintes ,
Dictionaire de la Bible ,
Dieux travestis ( les ) Comédie ,
797
2181
318
1858. 2515
Difcours , 2005. 2564. De l'état d'un Enfant né
plus d'un an après l'embarquement de fon pere ,
Differtation fur l'Euchariſtie ,
2576.2779
1832
TABLE
E
Eglogue ,
Gypte ,
Elegie ,
E
Embarras du choix ( l' ) Comédie ,
Enfans de Langues ,
637
2029
2667
568
1000
Enigmes , 131. 306. 521. 738. 1141. 1381. 1578 .
1794. 2013. 2234. 2465. 25 12. 2663.2888
Enfeignes de Guerre ,
Ephrem ( uvres de S. )
Epigrammes ,
· Epitaphe ,
Epithalame ,
2903
1168
339.2665
2044. 2416
670
Epitres en Vers , 228. 302 ; 443. sos . 1057. 1118 ,
1331. 1715. 1894. 1978. 2045 , 2174. 2179 .
2194. 2232. 2424 2595 Imitée d'Horace , 2767
Eftampes, 154 351. 563.780. 1182. 141 5. 1611.
1837. 2067 2272. 2506. 2710.1915
I. 57. 203. 268
Etrennes ร
Etude ,
Expériences de Phifique ,
F
2844
1744
FAbles , 152. 293. $ 10 . 543 , 1505 , 1991.
Fait fingulier ,

Fête d'Auteuil ( la ) Comédie ,
Fêtes , 622. Des Foux ,
Fiévies ,
G
G
2950. 2629. 2790
2670
1859
1801
765
434 Aules , fon ancien Gouvernement ,
Géographie , Méthode pour l'étudier , 1828
Guilleragues ( la Vergne de ) 956
H.
DES MATIERES.
H
HAye
(de la )
Harangues ,
Hecquet ( derniers Ouvrages de )
Hennuyer ( Jean )
*
902
367.461
2448
2129
Hypolite & Aricie , Opera , 2072. Parodie , 2281 ,
2916
Hiftoire de Loraine , 292. d'Eſpagne , 1143. des
Empires , 1154. D'Italie , 1168. De Languedoc ,
1585. D'Orange , 2237. 2901. De Bourgogne ,
2905. Des Hommes Illuftres de l'Ordre de S.Do
minique, 1811. De la Philofophie Hermetique,
311 ; Naturelle , 2249. Remarquable ,
Hommes Illuftres de France ,
Horlogerie ,
Houtteville ( Claude- François )
Ettons ,
J FerScéniques ,
If,
2009
535
254. 692 , 2801
2761
1.
156
Imitation de J. C. Auteur de ce Livre ,
269L
Imprimerie ,
Ingénieur François ( le parfait )
Isbé , Opéra ,
Hotta ,
Jublent ,
Juif baptifé ,
L
Ampe à Caffetiere ,
1406
2346-
769.2275
1814
796. 1200
1968
2182
2103
Langue vivante ne fe peut fixer , 466. G4u
loife , 6 37. 206. 424. Turque ,
Latin:( Méthode pour aprendre le )
Le Laboureur ( Jean - Baptifte )
Leonce , Evêque ,
Lettre ,
684
2376
1608
478
1718
Lion,
TABLE
Lion ( Deſcription de )
Lioriacum in Alneto ,
Logarithmes ,
1820
154
760
Logog yphes , 132. 307. 522. 739. 1140. 1342 .
1579. 1795. 2014. 2235 2466. 2663. 1288
Lune ( mouvement irrégulier de la )
*
M
Achines ,
Madrigal ,
Mahomet , Tragédie ,
Maifon de France ,
Marcheville ,
Marcouffis ,
M
Mari , garçon ( le ) Comédie ,
Méchanique de l'efprit ,
768
160.565
2045
1859
1981
* 901
1279
368.789
2404
Médailles , 563. 779. * 990 . 1610 . 1765. 2262 .
2687.2709
Mémoires de Monville , 321
Métaux , fi le froid & le chaud élémentaires les allongent
ou racourcilient , 1956. 2792
Méthode pour aprendre à lire ,
18
Molieres ( Jofeph Privat de ) 1671
Montaigu ( Jean de ) 1279
Montfaucon ( D Bernard de ) 58
Mort ( incertitude des fignes de la ) 1497
1165 Museo delleftatue veneziane ,
Il( le )
N
NNoailles
(François & Gilles de )
Nointel ( Olier dej
Notizie Letterarie oltramontane
2697
* 868
*
* 903
1831
0.
DES MATIERES;
O
Bſervations Aftronomiques
Odes . L'Hyver , 15. La véritable Sageffe , 34
L'Humear , 82. l'Ido âtrie , 216. Les Douceurs
de l'Hyver , 239. Le Coeur fixé par la Foi , 417 .
A la Vertu , 457. La Sageffe , 474. La Simpli
cité Chrétienne , 655. La . Mélancolie , 1059 .
A Voltaire , 1131. L'Hiftoire , 1409. La Vie
Champêtre , 1485. A l'Evêque de Graffe, 1525.
A M. de Vence , 1567. L'Eté , 1757. L'Ennui ,
1997. Les Avantages de la Vieilleſſe , 2016 , Le
Vrai Bonheur , 2267. La Beauté , 2341. La Liberté
, 2387. L'Amour , 2392. A Climene ,
2555. Le Souverain Bien, 2650. Anacréontique,
699- Sacrée , 2812. Tirées des Pfeaumes , 252 .
672. 1780. 2400. 2861. Imitées d'Horace , 349.
Oracles ( les ) Parodie ,
463.2004
161
Ordre de S. Lazare , 2416. De la Boiffon , 88 .
· Oriens Chriftianus ,
Os ( crue des )
Offervazioni Letterarie ,
2198
1817
1170
326
P
Aris ( Deſcription de ) 742. 1798. 236 3"
Peines en ufage chés les Romains , 2864
Pétrifications ( Traité des )
1815
Phéniciens , leur Commerce dans les Gaules Septentrionales
,
1491. 1529. 1927
Philofophe aimable , 1108
Plantes Marines , 2694
Poëmes , 1084.2020 . 2025. 2036. 2475
Poëfics du Roy de Navarre
1823
Pontificat des Empereurs Romains ,
2638
Poulic
TABLE
Poulie Conique ,
Préfens du Roy
Prieres des Agonifans
Prix de Cythere ( le ) Opera Comique ,
Proceffion de S. Denis ,
770
*
1023
1317
1618
1570
2419
Proverbe ,
Q
Q
Queſtions >
Uatre Arlequins ( les ) Comedie ,
Quatrain ,
1395. 2211. 2654. 2882
1444
1271
R
R Agonde
. Ballet
360
Réflexions de M. Aurele ,
Recueil Alphabétique de Queſtions de Droit ,
$35
1600
Religion , 2439. Des Gaulois , 79.442
Remedes Répercuffifs , 2696
Rollin ( Charles ) 2045.2890
Romans , 245. 732. Très- ancien , 1064
Rothe ( M. de )
1266.
Rouviere ( Arnaud de la ) 1609
$
·S Age (N. 1e ) 2560
Saïde Mehemet ,
Salignac ( Biron de )
Sanci ( Harlai de )
Sonets ,
*
880
*
900
( 87.2575.2676
*
849. * 976
Stances , 47.726. 1315. 2365
Style Epiftolaire , 271. 1123. Marotique :
Sulpice Severe ( OEuvres de ) 1835
T
DES MATIERES.

T
Ableaux , 2054. Imprimés ,
1839
Théatre Critique , 1602. 1818. Eſpagnok ,
Thêmes abus des )
Theodoret ,
Tire- tête ,
203'5
1300 1334
525
2706
Tragédie. Sentiment & interêt qui doivent y entrer
,
Traille ,
Tremblement de Terre ,
2642
758
384. 604
Trigonometrie d'Ozanan , 1137
V
V
Alet embaraffé (le ) Comédie , 1213. 1846
Vento ( Chriftophe de )
Verité ,
Ver e ardent ,
*
869
1362
2277
Vers à M. d'Argenfon , 123. A la Tour 153. Le
bon ufage de la Poëfie , 283. Sur le Tableau
d'Athalie , so. A la Chauffée , 580. A Mlle
Gauffin , 583. A ma Mufe , 631. Sur la mort
d'un Oileau , 644. Le laurier du Mont - Saint
Pere , 691. Le Séminaire d'Iffi , 706. Amuſe
ment Poëtique , 1294. Sur la Séchereffe , 13548
A la C. de M. R. 1361. Le Philofophe Chrétien,
1374. A Saïd Mehemet * 978. A Mlle D . ,...
1545. Plutus clairvoyant , 1699 A Deftouches ,
1743. Les douceurs de la Campagne , 1913. Sur
une abſence , 1928. A Joly , 2012. S'il eft plus
avantageux d'être utile qu'agréable , 2127. P’Ómbre
de Bibis , 2361. A M. P. T. 2374. La Pareffe
, 2444. le Thé , 2461. Eloge de Bori ,
Sur des Manchettes brodées , 2569. Marotiques
, 2601. Portraits , 2636. 2879. 2881 Dé-
2563 .
pic
TABLE DES MATIERES:
pit Milantropique , 2640. 2661 Horoſcope ;
2673. d'Affouci , 2677. Eloge du Petit , 2836.
Sur la mort de Collin ,
Vieillards intéreffés ( les ) Comédie ,
2843
1440
Vielleffe extraordinaire , 626. 778. 1660. 2323 .
2544. 2549. 2764
Villeneuve ( Louis Sauveur de ) * 968
Ulaftus ( Diamantes ) 1007
Voltaire ,
Voyage du Levant , 747. des Iſles de l'Amérique ,
Z
507
2243
Zodiaque,
781
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le